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ISBN 978-2-7071-5454-5
Cet ouvrage est publié sous licence Creative Commons, selon les modalités indi-
quées à la page suivante : <http//creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/>.
1 Cf. par exemple l’interview de Roger Hanin dans Le Figaro du 17 mars 2007 (supplé-
ment TV), qui parle encore de « fraternité » à propos de l’Algérie coloniale mais recon-
naît aussi le « racisme ».
tout autant s’il lui avait été enjoint d’enseigner le « rôle négatif de la
présence française outre-mer » : ni l’enseignant ni le chercheur n’ont à
se soumettre à une injonction normative, d’où qu’elle vienne.
Alerté par les vagues suscitées par cet article 4, le pouvoir politique
français a décidé de l’abroger. Cette décision d’apaisement, cepen-
dant, dit bien la particularité du contexte français : ce n’est pas tant
le pouvoir politique qui pèse directement sur les historiens que les
groupes organisés défendant telle ou telle mémoire contre telle autre,
et qu’il laisse agir. Rejouant la guerre, ces groupes somment les histo-
riens d’adhérer à leur vision du passé, vision qu’ils n’acceptent pas de
voir soumise à la critique, relativisée, voire démentie. De son côté, le
pouvoir d’État algérien tend à monopoliser l’écriture et l’enseigne-
ment de l’histoire. Les Archives nationales algériennes dépendent de la
présidence. Les chercheurs n’y accèdent que sur autorisation spéciale.
Et le ministère algérien de l’Éducation s’accommode encore de l’utili-
sation de manuels d’histoire conçus dans les années 1970 et 1980,
qui continuent à abreuver les élèves algériens de contre-vérités et
d’héroïsme de commande. Légèrement toilettés depuis peu, ils n’en
restent pas moins trop souvent encore une caricature d’histoire.
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Le colloque de Lyon :
pour une histoire franco-algérienne
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3 Il entend par « crise » la fragilisation durable du régime républicain qui doit répondre
de ses contradictions (entre principes libéraux et domination coloniale) face à l’indi-
gnation suscitée par les « scandales algériens » de 1891 à 1903.
4 Il entend par « affaire » un cas d’abus de pouvoir documenté impliquant un fonction-
naire, un auxiliaire de l’État ou un candidat aux fonctions publiques. Cela ne présup-
pose aucunement du bruit donné à l’événement dans la presse locale ou nationale. La
seule condition est la réalité des faits, établis par l’enquête parlementaire, financière,
administrative ou judiciaire.
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5 Note de juillet 1906, Centre des archives nationales d’Algérie (CANA), fonds « Intérieur
et Beaux-Arts » (IBA) du gouvernement général, carton nº 36.
6 CANA, IBA, nº 1856.
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7 Emmanuel CHADEAU, Les Inspecteurs des finances au XIXe siècle (1850-1914). Profil social et
rôle économique, Economica, Paris, 1986.
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13 Fatima-Zohra GUECHI, Qaçantina, fî ‘ahdi Salâh Bay, bay al bayat, Média-Plus, Constan-
tine, 2005 ; Fatiha LOUALICH, Al haiyyât al ijtimâ ‘iyya wa fi baylik al gharb, magister,
Alger, 1994.
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14 Expression latine signifiant que rien n’échappe à cette classification qui recouvre
l’ensemble des biens : l’un des deux termes, domaine public ou domaine privé,
s’applique nécessairement à tous les biens publics.
15 Journal officiel, 30 avril 1943, p. 303.
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16 Sur ces méthodes, cf. Charles-Robert AGERON, Histoire de l’Algérie contemporaine, PUF,
Paris, 1974, p. 23 ; Youcef D JEBARI , « L’accaparement des terres par les pouvoirs
publics », in La France et l’Algérie : bilan et controverses, OPU, Alger, 1995, p. 84.
17 Ahmed RAHMANI, Les Biens publics en droit algérien, Éditions internationales, Alger,
1996, p. 31.
18 Youcef DJEBARI, « L’accaparement des terres par les pouvoirs publics », loc. cit., p. 83.
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S’ils veulent acheter des grains, le prix a augmenté d’une façon telle
qu’ils n’ont pas les ressources pour en acheter.
La dislocation de l’économie va encore plus loin quand l’adminis-
tration impose une nouvelle législation foncière à partir de 1844, dont
l’objectif essentiel est d’enlever les meilleures terres aux fellahs pour
les distribuer aux colons ou aux grandes sociétés (Société genevoise,
Société algérienne) : dans le Constantinois, plusieurs dizaines de
milliers d’hectares leur ont été ainsi pris. Les fellahs ont dû refluer sur
des sols moins riches et moins arrosés, donc plus sensibles à la
sécheresse.
La crise semble avoir peu, voire pas du tout, touché les Européens,
car leur nombre continue d’augmenter entre 1866 et 1872
(+ 27 127) 19 ; mais cette croissance est liée aux migrations (+ 31 050),
tandis que le mouvement naturel enregistre une perte de 3 923 habi-
tants sur une population de 227 000 habitants en 1866, soit donc
– 1,7 %. Nous sommes loin des – 20 % de la population algérienne/
musulmane : évaluée à 2 652 000 personnes en 1866, celle-ci fut
estimée à 2 125 000 en 1872. Mutilée dans ces proportions considé-
rables, qui ont pu atteindre 25 % dans certaines régions, celle-ci est
incapable de résister à la répression de l’insurrection lancée par
Mohammed el Moqrani au printemps 1871. Or l’analyse des causes
de cette révolte indique qu’elle a des liens avec la crise des
années 1866-1870. Plus grave encore, elle a montré les contradictions
d’un système économique et social qui a détruit les bases d’une
économie et d’une société traditionnelles sans les remplacer sérieuse-
ment. Le Royaume arabe n’est alors plus qu’une utopie.
Avec la contribution d’Hubert Bonin, ce constat des effets rava-
geurs du capitalisme cède la place à un questionnement symétrique.
En quoi les banques d’origine métropolitaine ont-elles contribué ou
non au processus de « développement » du pays ? S’agit-il d’une « mise
en valeur » impériale ou d’une « exploitation impérialiste » inhérente à
un colonialisme exploiteur ? L’auteur semble nettement pencher pour
la première formulation.
D’emblée, certes, il précise que si le mouvement long de croissance
de l’économie algérienne était compatible avec cet enracinement de la
banque moderne pendant la colonisation, les pesanteurs du système
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20 Cf. Victor PIQUET, Les Réformes en Algérie et le statut des indigènes, E. Larose, Paris, 1919.
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la France avait des droits sur l’Algérie, dont le droit d’y rester en raison
de l’œuvre accomplie. L’échiquier des forces du début de la guerre
comportait peut-être des intérêts économiques envisageant un avenir
avec les jeunes nationalistes, mais l’aile dynamique du néocolonia-
lisme demeurait très faible, tandis que la grande propriété terrienne ne
pouvait pas envisager un tel accord.
Cependant, de larges fractions de l’opinion française admettaient
que des réformes étaient nécessaires en Algérie : 47 % des personnes
interrogées par l’IFOP en 1956 considéraient que le rétablissement de
l’ordre devait s’accompagner de réformes, 30 % qu’il fallait d’abord
rétablir l’ordre 21. C’est parmi les industriels et les commerçants que le
préalable du rétablissement de l’ordre trouva le plus de soutien, et
parmi les ouvriers (26 %), les employés (30 %) et les paysans (26 %)
qu’il était le plus repoussé. Parmi les camps politiques du « centre »
(Section française de l’Internationale ouvrière-SFIO, radicaux, Mouve-
ment républicain populaire-MRP), le parallélisme entre ordre et
réformes avait une nette majorité, tandis que les partis de droite
étaient partagés (moitié pour l’ordre, moitié pour les réformes). Cette
répartition correspondait au vote récent à l’Assemblée nationale, où
les partis du « centre » avaient milité pour des réformes dans le cadre
français en Algérie.
Il existait donc une base politique en faveur des réformes, mais
pas au point de soutenir l’indépendance ou un processus menant
éventuellement à l’indépendance. On peut donc considérer que, en
août 1957, la grande majorité des Français, à l’exception des partisans
du Parti communiste français (PCF), était convaincue que la France
avait rempli sa mission civilisatrice dans les territoires d’outre-mer et
qu’elle avait acquis le droit d’y rester.
Les événements de mai 1958 ne changèrent pas définitivement
cette orientation en faveur d’une solution intermédiaire. En
août 1958, on demanda aux Français leur opinion sur l’intégration,
soit « que 9 millions de musulmans d’Algérie aient les mêmes droits
et les mêmes devoirs que les Français de la métropole 22 ». 52 % des
personnes interrogées trouvèrent que c’était une bonne chose, 21 %
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Cet idéal n’est pas très différent de celui des « bureaux arabes » de
la conquête de l’Agérie et il bénéficie sans doute de moyens matériels
supérieurs. Mais il s’impose dans une forme de guerre très différente.
Il existe en effet une nette distinction entre les deux conflits. En 1840,
l’enjeu essentiel était le pouvoir. Il s’agissait non pas de détruire la
société algérienne, mais, bien au contraire, de forcer les notabilités
rurales à accepter la domination française. En 1960, l’enjeu essentiel
est l’ensemble du peuple algérien. Dans ces conditions, le modèle du
bureau arabe, adapté à un dialogue avec les notables, structure de plus
en plus vétuste de la société algérienne, se trouve largement dépassé. Il
faut ajouter à cela que les SAS n’ont pas, à l’inverse des bureaux arabes,
l’oreille du commandement.
L’armée française s’est ainsi trouvée par deux fois confrontée à des
problèmes qui la dépassaient, face à des États dépourvus de véritable
politique. Aussi bien en 1840 qu’en 1954, le gouvernement n’a pas de
politique algérienne. Sa seule réponse, dans les deux cas, est de trans-
férer l’affaire à l’armée. Celle-ci, très logiquement, réagit selon une
logique de force et subordonne la politique à l’usage de celle-ci. Ce
transfert brutal du pouvoir à l’armée a été critiqué, en son temps, par
Lyautey. Il en résultait un outil peu adapté à ses missions.
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200 000 à 250 000 musulmans entre 1943 et 1945, dont 120 000 à
150 000 pour la seule Algérie.
Les évaluations des pertes de l’armée française depuis la campagne
de Tunisie jusqu’à la capitulation allemande le 8 mai 1945 varient
entre 97 000 et 110 000 tués, blessés et disparus. Si on se fonde sur les
chiffres communiqués par le Service historique de l’armée de terre
(SHAT) 30, qui font apparaître un total de 97 715 tués et blessés pour
l’ensemble de l’armée française, dont 11 193 tués et 39 645 blessés
pour les musulmans, la proportion est de 52 %.
Ce fut en France, lors la Libération, que le moral du soldat
musulman fut durement atteint (malgré les sollicitations du comman-
dement), affecté par l’âpreté des combats, la fatigue et les conditions
climatiques. Après la bataille de Belfort du 14 au 28 novembre 1944,
on peut parler d’une véritable crise du moral parmi une partie des
combattants de la 1 re armée française. Les pertes très élevées, le
manque de renforts, que l’Outre-mer ne pouvait plus fournir et que les
Forces françaises de l’intérieur (FFI) ne fournissaient pas encore, eurent
raison des tirailleurs. Le général de Lattre lui-même s’en inquiétait en
novembre 1944 auprès du commissaire à la Guerre André Diethelm
en relevant que « ces hommes ont l’impression naissante qu’ils sont
abusivement exploités par la métropole, sentiment terriblement
dangereux 31 ». Un rapport de décembre 1944 relevait « une acrimonie
certaine avec les unités FFI qu’il [le tirailleur] rencontre au front. Des
réflexions désobligeantes sont faites 32 ». Européens comme indigènes
lors de la Libération se plaignaient de ne pas voir de soldats métropo-
litains à leurs côtés.
Ces discriminations et la méfiance du commandement étaient
amèrement ressenties. Déjà en 1915, le lieutenant Boukabouya, déser-
teur de l’armée française, avait publié depuis l’Allemagne un livre,
L’Islam dans l’armée française, dans lequel il dénonçait ces inégalités.
Ce malaise fut à l’origine de certaines mutineries pendant la Seconde
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39 Des négociations entre les dirigeants des six wilâya(s), afin de trouver une solution à la
crise, se poursuivaient encore dans la région de Chélif (wilâya 4).
40 Résolution et proclamation du bureau politique du FLN du 22 juillet 1962 (cf. Ali
HAROUN, L’Été de la discorde, Algérie 1962, Casbah, Alger, 2000, p. 227-230).
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appareil colonial n’avait guère tenu compte, lui non plus, des diver-
sités ethniques des sociétés colonisées, sauf dans les cas où il parais-
sait utile de les faire jouer les unes contre les autres. Cet « État » qu’ils
avaient connu n’avait été rien d’autre qu’une imposition étrangère
ayant pour but leur dépossession et leur exploitation.
En Algérie indépendante, la prise « réelle » du pouvoir n’a pas été
opérée par toutes les forces du mouvement national mais par un de ses
éléments, l’armée des frontières régie par l’EMG, et par la mise en place
d’un système de parti unique, dominé de fait par l’ALN. Cette prise
du pouvoir par une fraction du mouvement national a eu pour consé-
quence la création partisane d’une histoire 41 qui devait servir la légiti-
mation du groupe au pouvoir et qui devait, en même temps, produire
une image unitaire et monolithique présentant un peuple algérien
serrant les rangs derrière son leadership.
Cette production d’une histoire ne tenait pas compte notamment
de l’histoire complexe et du multiculturalisme de l’Algérie, des
séquelles des contradictions du colonialisme français, des forces et
courants différents qui ont formé le FLN, des groupes et forces sociales
qui n’ont pas fait partie du « front » national, de leurs motifs, de leurs
intérêts, de leurs buts politiques.
C’est à l’aune de ces prémices qu’apparaissent les déficits du
système algérien actuel. Ainsi, l’antagonisme qui existe entre l’État et
le peuple provient du fait que ce n’est pas du peuple que vient, dans
un débat libre, la production identitaire de la nation algérienne, mais
d’un régime autoritaire qui non seulement occupe le pouvoir et a pris
possession administrativement des moyens de production 42, mais
aussi produit une mémoire en discordance, voire en flagrante contra-
diction avec la réalité (et le passé) vécue par les Algériens eux-mêmes.
Entre justice et mémoire existe un lien intime. En Algérie, la
mémoire collective populaire n’a connu que l’arbitraire, l’exploitation
et l’absence de justice au sens formel autant qu’au sens moral du
41 Pour ne donner qu’un exemple, la résistance de ‘Abd el Kader, sujet central de l’histo-
riographie officielle, est sans doute un élément important dans l’histoire de l’Algérie,
mais ce n’est pas, tout court, l’histoire de l’Algérie.
42 Cf. Jacques RAFFINOT et Pierre JACQUEMONT, Le Capitalisme d’État algérien, François
Maspero, Paris, 1977.
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43 Cf. les contributions au volume La Justice en Algérie, 1830-1962, édité par l’Association
française pour l’histoire de la justice, Paris, 2005.
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Le clivage fondamental
entre « citoyens » et « sujets »
2 Traités entre les États européens et l’Empire ottoman ayant, à partir de 1536, accordé
un statut privilégié aux étrangers dans l’Empire.
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3 Laure Blévis a justement signalé que ce couple se substituait, sur le territoire colonial,
au couple Français-étranger de métropole. Cf. Laure BLÉVIS, « La citoyenneté française
au miroir de la colonisation : étude des demandes de naturalisation des “sujets
français” en Algérie coloniale », Genèses, nº 53, décembre 2003, p. 25-47.
4 Cf. Isabelle MERLE, « De la “légalisation” de la violence en contexte colonial : le régime
de l’indigénat en question », Politix, décembre 2004 (L’État colonial).
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5 Pierre BOURDIEU, Sociologie de l’Algérie, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2001.
6 Pierre NORA, Les Français d’Algérie, Julliard, Paris, 1961.
7 Jacques BERQUE, Le Maghreb entre deux guerres, Seuil, Paris, 1961.
8 Germaine TILLION, Les Ennemis complémentaires, Minuit, Paris, 1960.
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12 Benjamin STORA, Les Trois Exils : Juifs d’Algérie, Stock, Paris, 2006.
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13 Pour aller plus loin, signalons encore la thèse de Geneviève DERMENJIAN, La Crise anti-
juive oranaise (1895-1905), l’antisémitisme dans l’Algérie coloniale, L’Harmattan, Paris,
1987 ; et le travail exhaustif de Jacques CANTIER consacré à L’Algérie sous le régime de
Vichy (Odile Jacob, Paris, 2002), qui étudie au plus près la si douloureuse traversée par
les Juifs algériens du moment vichyssois, d’autant plus humiliante pour eux que l’État
français leur retire la nationalité française acquise par le décret Crémieux.
14 Lucette VALENSI et Avram UDOVITCH, Juifs en terre d’islam. Les communautés de Djerba,
Éditions des Archives contemporaines, Paris, 1984.
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15 Cette crise, au Maghreb, constitue une césure enregistrée par tous les historiens. S’agis-
sant du religieux, elle se traduit par les grands mouvements maraboutiques levés
contre la Reconquista au XVe siècle. Le style religieux des Maghrébins se reformule à
cette époque et perdure jusqu’au XIXe siècle.
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sur les anciens élèves des médersas en tant que corps professionnel
engendrant une culture d’établissement et une pratique profession-
nelle propre. Plus on creuse la question, plus on découvre qu’ils
n’étaient ni des clercs formés au rabais ni des relais dociles de l’admi-
nistration des cultes. Abderrahim Sekfali s’attache surtout à montrer
les passerelles qui existent entre les médersiens de la filière coloniale
et les oulémas (‘ulamâ’) réformistes. Des médersiens participent à des
cercles montés par les oulémistes et en assurent même la présidence,
comme c’est le cas pour « La vie de la jeunesse » à Mila ou la « médersa
El-Hayet » à Djidjelli.
La communication de Mostefa Haddad est un vibrant plaidoyer
pour exploiter le filon de la tradition orale porteuse de la mémoire
collective en s’appuyant sur le cas des Aurès. À lire de près les chants
de résistance cités, on pourrait en déduire qu’on est passé d’une repré-
sentation du monde purement religieuse à une vision profane de celui-
ci : du sacral à l’historique pour paraphraser Jacques Berque. Un poème
exaltant la résistance des Aith Sultan en 1844, où se réfugia le bey
Ahmed après la prise de Constantine, décline une vision théologique
de la conquête : « Les kuffâr défoncent la montagne. » On est dans le
face-à-face qui s’est noué depuis le XVe siècle : infidèles contre vrais
croyants. Après 1945, la cantilène se rapproche du chant nationaliste :
« Ô délégué ! Ô délégué ! Hammou Oussaïd est fait prisonnier ! Messali
Hadj vous adresse le salut, vous recommande de voter nationaliste. »
Mais, en réalité, la lutte nationaliste dans les Aurès procède du combat
sacré et la poésie berbère se rapproche du chant religieux national, le
nashîd.
L’intervention de Gilbert Grandguillaume porte sur l’arabisation
en Algérie des ‘ulamâ’ à nos jours. On ne retiendra pas ici l’historique
de l’arabisation de l’enseignement public et de l’administration pour-
suivie par rebonds saccadés depuis 1962, que l’auteur opère en bottes
de sept lieues, avec, pour toile de fond, au sein du FLN, le conflit récur-
rent entre « francophones » et « arabophones » et branches antago-
nistes de l’appareil d’État. On retiendra les notations sur la renaissance
de la langue arabe opérée au temps des oulémas réformistes.
L’audience des médersas réformistes qui enseignent la langue de la
nahda venue du Moyen-Orient est immense. L’impact de cette conver-
sion linguistique est considérable en milieu citadin. Il y a comme une
inversion de la légitimité au sein des familles. Désormais, ce sont les
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16 Ali MERAD, Le Réformisme musulman en Algérie de 1925 à 1940. Essai d’histoire religieuse
et sociale, Mouton, Paris/La Haye, 1967 ; cf. aussi la thèse inédite d’Ahmed NADIR, Le
Mouvement réformiste algérien. Son rôle dans la formation de l’idéologie nationale, thèse de
3e cycle (dactylographiée), Paris, 1968.
17 Fanny COLONNA, Les Versets de l’invincibilité. Permanence et changements religieux dans
l’Algérie contemporaine, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Paris,
1995.
18 Jacques BERQUE, L’Intérieur du Maghreb, Gallimard, Paris, 1978.
19 Houari TOUATI, Entre Dieu et les hommes. Lettrés, saints et sorciers au Maghreb central
(XVIIIe siècle), Éditions de l’EHESS, Paris, 1994.
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20 Sur cette révolution non silencieuse qui propage le feu de la polémique au sein des
foyers et fait tournoyer les bâtons autour des édifices maraboutiques honnis, on
consultera également l’article topique de Mohamed Hocine BENKHEÏRA, « La pensée
divise : Bachir Ibrahimi et la cassure dans l’Islam », Revue maghrébine d’études politiques
et religieuses, octobre 1988, p. 22-59.
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22 Signalons le bel article d’Omar Carlier se livrant à une radioscopie des traminots
algérois des années 1930 en tant que groupe social médiateur et novateur (Omar
CARLIER, Le Mouvement social, nº 146, janvier-mars 1989, p. 61-89).
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De l’acculturation de l’image…
Rappelant à quel point le monde musulman — et l’Empire
ottoman en particulier — avait manqué le tournant de l’imprimerie,
Omar Carlier inscrit sa réflexion dans la longue durée. Il montre au
contraire combien la reproduction de la figure humaine s’est progressi-
vement imposée dans les paysages urbains et les pratiques culturelles
algériennes, malgré l’interdit religieux qui pèse sur elle, strictement
respecté jusqu’à la fin du XIX e siècle dans la tradition islamique
maghrébine. L’article de Djamel Boulebier évoque, sur un temps plus
court, l’apparition de « sportsmen musulmans » à Constantine, dès
avant la Première Guerre mondiale. À travers le sport, il déroule tout le
parcours qui va des politiques et des pratiques assimilationnistes des
années 1870 à l’associationnisme du début du XXe siècle, mettant en
évidence les ressorts des constructions identitaires.
Et c’est bien là le paradoxe de ces deux communications, qui,
partant d’objets différents, semblent pourtant se répondre : d’un côté,
avec l’iconographie du vivant, une pratique théoriquement illégitime,
dont la diffusion semble aller de soi et s’opérer sans heurt, même si
les rythmes en sont variés d’une région à l’autre du Dâr al-islâm ; de
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28 En grec : savoir.
29 Jean-Robert HENRY, « L’héritage du rapport avec la France », in COLLECTIF CONTRE LA
VIOLENCE EN ALGÉRIE, La Crise algérienne : enjeux et évolution, Mario Mella, Villeurbanne,
1998, p. 90.
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54 Smaïl GOUMEZIANE, Le Mal algérien. Économie politique d’une transition inachevée, Fayard,
Paris, 1994, p. 23.
55 Ahmed DAHMANI, L’Algérie à l’épreuve, op. cit., p. 218.
56 Lahouari ADDI, « Forme néopatrimoniale de l’État et secteur public en Algérie »,
Annuaire de l’Afrique du Nord, tome XXVI, 1987.
57 Thierry MICHALON, « L’Algérie des cousins », Le Monde diplomatique, novembre 1994,
p. 16-17.
58 Gilles MANCERON, « Aux extrêmes de l’Afrique », in Algérie : comprendre la crise, op. cit.,
p. 24.
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Enjeux algériens
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ovnis politiques, mais pour des raisons très différentes des curés
rouges. En Algérie, les identités politiques s’additionnent souvent dans
les trajectoires personnelles, sans que les anciennes soient soustraites
aux plus récentes. Cette superposition résulte des formes de la politi-
sation des Algériens qui s’effectua, par strates rapprochées et succes-
sives, entre 1919 et 1954. C’est ce qui produit parfois un millefeuille
assez baroque et étrange pour celui qui étudie les appartenances poli-
tiques algériennes avec les yeux du politiste européen.
La période des années 1930 fut capitale dans l’histoire politique
algérienne. Dans Le Maghreb entre deux guerres, Jacques Berque la
qualifia de « seuil » ou de « nouaison ». Se posèrent alors d’un côté les
questions de l’assimilation et des droits politiques des Algériens et de
l’autre côté celle d’un avenir séparé de la France. La Fédération des
élus du département de Constantine fut créée et présidée par
Mohammed Salah Bendjelloul le 29 juin 1930. Elle fut souvent réduite
au courant assimilationniste algérien. Le projet Blum-Viollette suscita,
il est vrai, auprès des libéraux algériens appartenant à une élite algé-
rienne francisée, l’espoir que l’heure était enfin arrivée de l’obtention
de la citoyenneté sans renoncement au statut personnel. Or, comme
on le sait, le projet Blum-Viollette fut abandonné 2.
On reste souvent sur cet échec du projet réformateur et assimilation-
niste qu’incarnait la Fédération des élus. L’organisation de Mohammed
Salah Bendjelloul fut cependant capitale dans l’histoire politique algé-
rienne. Elle joua en effet un rôle essentiel dans l’apprentissage des codes
de l’action politique, en particulier dans le domaine électoral et, par
conséquent, dans la politisation des Algériens. La communication de
Julien Fromage montre que cette organisation de notables francisés,
appartenant au monde des professions libérales (médecins, avocats…),
dominée par la figure de Bendjelloul, familiarisa les Algériens avec la
politique en créant le débat, des formes de socialisation et en contri-
buant à l’émergence d’une opinion algérienne. Un mouvement struc-
turé mettait en réseau plus d’un millier d’élus. Omar Carlier avait
montré comment les lieux de sociabilité (cafés, associations) furent des
2 En 1936, le Front populaire eut pour projet de donner la citoyenneté française à une
vingtaine de milliers d’Algériens. Le projet de loi, devant les rodomontades hostiles du
lobby colonial, ne fut jamais présenté à la Chambre des députés.
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3 Omar CARLIER, Entre nation et Jihâd. Histoire sociale des radicalismes algériens, Presses de
Fondation nationale des sciences politiques, Paris, 1995.
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allégeances et, dans une moindre mesure, les liens confrériques, lui
permettant de distribuer des prébendes et de contrôler en partie la
police, le ravitaillement, le débouché des productions céréalières et
l’accès au crédit des Algériens dans la région de Guelma. Aussi
étaient-ils en position d’entretenir avec les pouvoirs publics algériens
et métropolitains un commerce politique instable, utilisant la dramati-
sation et le chantage, mais durable et fondé sur un échange d’intérêts.
Comme le montre Jean-Charles Jauffret, le trucage des urnes ne ruina
pas les espoirs des nationalistes de participer aux élections. Il faut recon-
naître que les élections avaient bien des attraits quand la grâce adminis-
trative se posait sur un prétendant. Même le PPA-MTLD ne renonça pas à
se prêter aux comédies électorales du second collège 4. Entre deux vagues
répressives, les élus apprécièrent les attraits de leurs mandats. Il fut donc
difficile de les faire renoncer à la profession d’élu du peuple. Les nationa-
listes du MTLD profitèrent de la bienveillance d’un maire éclairé comme
le très libéral Jacques Chevalier, à Alger. D’ailleurs, ils prirent suffisam-
ment goût à leurs mandats électifs pour dégager au sein du comité
central du MTLD une majorité s’opposant à Messali Hadj sur la ques-
tion, justement, des moyens d’accéder au pouvoir. Ils privilégièrent la
voie légaliste et électorale jusqu’à leur arrestation par la police, après le
1er novembre 1954, qui les conduisit, puisque la France ne voulait pas de
ces hommes de compromis, à embrasser le FLN.
4 À toutes les élections locales ou nationales, les Musulmans d’Algérie votaient dans un
collège séparé des Français d’Algérie et des Musulmans ayant acquis la citoyenneté
française par naturalisation ou par application de l’ordonnance du 8 mars 1944
octroyant la citoyenneté pleine et entière à une élite musulmane sans renoncer au
statut personnel.
95
5 Jean-Charles JAUFFRET, La Guerre d’Algérie par les documents, t. 2, Les Portes de la guerre,
1946-1954, Service historique de l’armée de terre, Vincennes, 1988.
96
octobre 1954, l’Algérie se trouvait non pas dans les portes de fer mais
dans celles de la guerre d’indépendance. En effet, le nombre
d’attentats — sans qu’ils soient suivis de mort d’hommes — s’éleva à
cinquante-trois entre octobre 1953 et octobre 1954 (dont onze contre
des représentants des forces de l’ordre et neuf contre des civils français
ou algériens), commis en particulier sur la frontière algéro-tunisienne
et dans les Aurès.
C’étaient certainement des « signes avant-coureurs » du
1er novembre 1954. Ces chiffres n’en demeurent pas moins bien infé-
rieurs à ceux que l’on trouve, pour une période récente, en une année
en Corse 6, sans que l’on puisse en conclure que l’île de Beauté est en
guerre. Mais il est vrai que bien des violences ne parvenaient pas à la
connaissance des services de police en Algérie, en particulier dans les
régions de l’intérieur qui échappaient à l’administration française.
Cette corrélation entre les pics de violence et les événements interna-
tionaux apparaît davantage pendant la guerre.
C’est ce que montre un événement aussi capital et méconnu que
l’insurrection du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois, menée par
des paysans encadrés par l’ALN de la wilâya 2. À la suite d’Yves Cour-
rière, de Charles-Robert Ageron et de Gilbert Meynier, Claire Mauss-
Copeaux connecte la violence des insurgés à l’anniversaire de la
déposition du sultan du Maroc, Mohammed V. Les solidarités inter-
maghrébines et arabes jouèrent un rôle essentiel après la Seconde
Guerre mondiale dans la mobilisation nationaliste en Algérie, avant
que l’on assiste à l’élargissement des soutiens aux autres continents
ou bien dans le cadre de l’ONU pendant la guerre d’indépendance.
Elles permirent une expression plus forte de la revendication natio-
nale. Dans l’île du Couchant au temps de la décolonisation, comme
dans la Grande-Bretagne et l’Europe du poète et prédicateur anglais
du XVIIe siècle John Donne, « no man is an island, entire of itself. Every
man is a piece of the continent » (« personne n’est une île isolée, chaque
homme est un fragment du continent »). L’Algérie suivit tardivement
le mouvement de décolonisation. Elle renonça à voir le monde à
97
travers les yeux de la France le 1er novembre 1954. « And therefore never
send to know for whom the bell tolls, it tolls for thee 7 » (« aussi ne
demande pas pour qui sonne le glas, il sonne pour toi »).
98
8 Elle s’inscrit dans le cadre d’une recherche plus large : Jean-Pierre PEYROULOU, Guelma,
8 mai 1945. Une subversion européenne dans le département de Constantine, Algérie fran-
çaise. Le système colonial à l’épreuve des réformes politiques et du nationalisme, 3 vol., thèse
de doctorat, EHESS, 2007.
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11 Tramor QUEMENEUR, Une guerre sans « non » ? Insoumissions, refus d’obéissance et déser-
tions de soldats français pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), thèse de doctorat,
université de Paris-VIII, 2007, vol. 4, p. 1038 (un ouvrage tiré de cette thèse est à
paraître à l’automne 2008, à La Découverte).
12 Dans le cadre de l’IHTP, enquête conduite sous la direction de Raphaëlle Branche et
Sylvie Thénault.
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3 Une étude comparée des six wilâya(s) a été présentée par Gilbert Meynier dans sa
communication au colloque Militaires et guérillas dans la guerre d’Algérie (Jean-Charles
JAUFFRET et Maurice VAÏSSE (dir.), Complexe, Bruxelles, 2001, p. 151-173) et dans son
livre Histoire intérieure du FLN, op. cit., 2002, p. 383-390.
116
Et des Algériens furent aussi mus par des logiques autres que coloniales
ou anticoloniales, qui ressortissent à la longue durée (troisième partie).
Enfin, la guerre n’exista, post bellum, que dans les représentations qui en
furent construites (quatrième partie).
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9 Alain DEWERPE, Charonne, 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État,
Gallimard, Paris, 2006.
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10 Sylvie THÉNAULT, « Préface », in Michel ROCARD, Rapport sur les camps de regroupement et
autres textes sur la guerre d’Algérie, Mille et une nuits, Paris, 2003, p. 110. Le rapport
Rocard de 1959 avait été reproduit dans : Pierre VIDAL-NAQUET, La Raison d’État, Minuit,
Paris, 1962.
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mais aussi employés aux tâches les plus diverses. L’engagement dans
les harkis dispensait les jeunes du service militaire. Des hommes âgés,
recrutés « pour services rendus », avaient des fonctions de garde
(« harkis territoriaux »). Dans les commandos, unités d’élite créés en
1957, au total 6 000 harkis (10 % du total) renforçaient des unités
régulières en 1960. Les supplétifs étaient des ruraux peu instruits.
Jusqu’à fin 1956 (nomination du général Salan), leur organisation fut
assez improvisée. Puis leur nombre fut accru. Les harkis, puis les GMPR
passèrent sous contrôle militaire. Le commandement de Challe (fin
1958-avril 1960) voit l’apogée des effectifs. Ils s’amenuisèrent ensuite
dès lors que la solution politique se profila et que la question de leur
devenir se posa.
Les chiffrages globaux sont difficiles à établir. Le chiffre reven-
diqué par l’armée française pour début 1960 est de 120 000 supplétifs
— il doit plutôt être de 100 000. Pour toute la guerre, deux notes
parlent, l’une de 200 000, l’autre de 400 000 hommes : chiffres figés
invérifiables, correspondant à une conception classique de la guerre :
un homme engagé est définitivement marqué par cet engagement. Or,
de 1954 à 1962, des harkis ou des GAD peuvent fort bien entretenir
des relations avec le FLN. Un homme peut être harki en 1957 et ne
plus l’être en 1962.
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21 Djamila Danièle AMRANE MINNE, Les Femmes algériennes dans la guerre, Plon, Paris, 1991 ;
Des femmes dans la guerre, Karthala, Paris, 1994, rééd. ; La Guerre d’Algérie (1954-1962).
Femmes au combat, Rahma, Alger, 1993.
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algériens d’octobre 1961 sont adressées aux États, tant algérien que
français, sur le rôle de la FF du FLN. Jusque-là, il y avait eu peur d’en
parler, peur de n’être pas écouté : il n’existait aucune prise en charge
mémorielle, y compris par l’officielle Amicale des Algériens en Europe,
qui ignorait l’événement. Peu d’Algériens avaient témoigné sur la
guerre dans l’émigration/immigration. Et dire la souffrance dépend
aussi du contexte politique, économique et social.
Malgré les obstacles, le recours à l’histoire orale s’est imposé, faci-
lité par les enquêtes orales militantes entreprises par Jean-Luc Einaudi
et par des originaires d’Algérie. Aujourd’hui, le déni d’octobre 1961 est
moins patent. Le rôle des témoignages s’est élargi, leur statut a changé.
Il y a désormais médiatisation et socialisation dans l’espace politique
français, et même quelques avancées sur la place des femmes, long-
temps oubliées. Et les descendants veulent savoir. La différence entre
générations a aussi joué. Les jeunes sont tributaires de la « mémoire
empruntée » (Maurice Halbwachs) à leurs aînés : ce sont eux qui sont
les moteurs de la demande mémorielle, mais ils ont besoin des acteurs.
Ce militantisme mémoriel pose la question de la transmission, du
risque de décontextualisation, et des débordements en victimisation et
ethnicisation, avec le risque de « mémoire manipulée » (Paul Ricœur).
À l’historien de traquer les manipulations, de situer les Algériens
comme acteurs autant que comme victimes, d’interroger l’espace entre
passé et présent, d’expliquer pourquoi les représentations d’un événe-
ment le constituent comme important, pour qui et pour quels
groupes. Il doit s’interroger sur le postcolonial, sur les retours mémo-
riels au colonial, en questionnant aussi les mal-être actuels qui les acti-
vent. Sur le 17 octobre, il n’y eut pas de passage direct de la mémoire
à l’histoire, mais démultiplication et complexification du travail de
mémoire. Le champ historien doit voir large. Il lui faut analyser sur la
longue durée et sur un plan général les pratiques répressives et leurs
traces — en littérature, en peinture, dans l’opéra, d’Une journée d’Ivan
Denissovitch de Soljenitsyne à la Tosca de Puccini, en passant par le
Tres de Mayo de Goya… Mais le regard historien doit respecter, tout en
tentant de l’expliquer, la part d’inexplicabilité et d’incommunicabilité
propre à toute violence.
Quant aux harkis, François-Xavier Hautreux rappelle que, pour le
bachagha Boualem, ils furent « français par le sang versé ». Là, le natio-
nalisme algérien est nié, vu comme inspiré à une majorité par un FLN
143
25 Maurice FAIVRE, Les Combattants musulmans de la guerre d’Algérie. Des soldats sacrifiés,
L’Harmattan, Paris, 1995.
26 D’où est tiré : Mohand HAMOUMOU, Et ils sont devenus harkis, Fayard, Paris, 1993.
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du FLN avait formé en France non des militants, mais des guerriers,
guère à même de concevoir une politique en dehors d’une stratégie
d’affrontement et d’expédients. La déclaration de Benyoucef Ben
Khedda aurait donc été un appel à renouer une négociation dont il
pouvait craindre que les initiatives activistes de la FF les aient compro-
mises, dans un contexte où, de surcroît, l’EMG œuvrait à discréditer le
GPRA comme bradeur et capitulard. De son côté, la FF n’était pas un
bloc homogène : ce qui était décidé par les uns pouvait être ignoré par
d’autres.
L’exposé de Karim Rouina, résumant les principaux apports de sa
thèse inédite sur la guerre de libération nationale à Oran et Sidi Bel-
Abbès, soutenue à Montpellier en 1980 27, est particulièrement riche et
dépourvu de langue de bois. On peut néanmoins regretter l’absence
de toute périodisation, qui pourrait laisser croire que le FLN-ALN a
mené son action d’une manière continue de 1954 à 1962. Au
contraire, les informations publiées dans Le Monde et les archives du
Service historique de l’armée de terre (SHAT) de Vincennes (dossier
1H 3130) permettent de la périodiser en quatre étapes très différentes.
Après une lente ascension du début 1956 au début 1957, le terrorisme
a décliné irrégulièrement jusqu’en septembre 1958 (mois marqué par
une nette reprise). Puis il est resté presque nul pendant deux ans, avant
de reprendre dans le dernier trimestre 1960 (surtout en décembre). Il
a ensuite fortement augmenté en 1961, mais les statistiques officielles
françaises distinguent alors le terrorisme du FLN et le « contre-terro-
risme » de l’OAS. Contrairement à bien des idées reçues, si l’OAS a été
dès mai 1961 responsable du plus grand nombre d’attentats (la plupart
au plastic), le terrorisme FLN a été responsable d’un plus grand
nombre de victimes, aussi bien européennes qu’algériennes, jusqu’en
janvier 1962, et c’est seulement à partir de février 1962 que le terro-
risme OAS en a fait davantage que son adversaire.
La communication d’Abdelhafid Hammouche a fait débat entre les
auteurs de ce chapitre. Pour l’un, c’est le travail d’un sociologue direc-
tement engagé dans la vie des immigrés algériens et des Français
147
d’origine algérienne qu’il étudie à Lyon, et qui veut pratiquer une sorte
d’histoire immédiate des faits par rapport auxquels il prend position.
C’est pourquoi elle porte les marques de la situation dans laquelle il
est impliqué. L’analyse du conflit mémoriel déclenché depuis le
20 juin 2000 par les articles de Florence Beaugé dans Le Monde est
bien documentée, mais à partir de sources unilatérales 28, et elle passe
sous silence le contexte lié au terrorisme. Pour l’autre, quelque horrible
qu’il ait pu être, les raisons historiques du terrorisme sont faciles à
analyser : il fut bien l’arme extrême des opprimés désespérés.
La deuxième partie de son texte fait rebondir le débat. Si la
démarche consistant à « participer à l’espace public pour articuler
passé et présent » est nuancée, elle reprend néanmoins certaines idées
martelées depuis des années en Algérie par la Fondation du 8 mai 1945
et par la propagande officielle. L’exigence de « repentance » est au
cœur de ce débat : pour ceux qui y sont hostiles, des formules telles
que la « condamnation globale de la colonisation et de la torture qui
l’incarne », ou bien « une demande de réparation dans l’enceinte judi-
ciaire pour établir un statut digne et établir une nouvelle relation avec
la société française », ou encore « une cristallisation sur l’armée mise
en accusation et l’État dont on attend la repentance avant une ouver-
ture sur l’ensemble de la société française », supposent que les accords
d’Évian, qui étaient fondés sur l’amnistie réciproque des deux adver-
saires devenus partenaires, ne sont plus valables.
Or, désavouer ces accords, c’est logiquement revenir à l’état de
guerre antérieur. L’argument reste léger pour ceux qui seraient favo-
rables, non pas à une quelconque « repentance », le terme relevant de
la sphère religieuse, mais à une reconnaissance de responsabilité de la
puissance publique française. Celle-ci concernerait bien sûr au premier
chef les Algériens pour les traumatismes provoqués par le système
colonial et tous ceux qui ont soutenu leur combat, mais elle devrait
aussi englober les Français embrigadés dans les guerres coloniales, les
souffrances des pieds-noirs — agents et, in fine, fusibles de ce
système — et des harkis, enrôlés dans un guêpier qu’ils ne maîtrisaient
pas.
28 Pour un point de vue plus large, cf. notamment l’article de Guy PERVILLÉ, « La revendi-
cation algérienne de repentance unilatérale de la France » (Némésis. Revue d’analyse juri-
dique et politique, nº 5, 2004, p. 103-140) et sa communication au présent colloque.
148
29 Guy PERVILLÉ, « La guerre d’Algérie revisitée : zones d’ombre, points aveugles », in Anny
DAYAN-ROSENMAN et Lucette VALENSI (dir.), La Guerre d’Algérie dans la mémoire et l’imagi-
naire, Bouchene, Saint-Denis, 2004, p. 225-233 (et sur le site de Guy Pervillé,
<guy.perville.free.fr>).
151
1 Sur l’ensemble de ce thème, on consultera avec profit le dossier réalisé sous la direction
de Robert FRANK dans Matériaux pour l’histoire de notre temps, nº 85, 2007. On pourra
aussi consulter le dossier établi par François DOSSE (dir.), Enseigner l’histoire de l’immigra-
tion, Centre de ressources ville-école-intégration, Montrouge, 2007.
2 Christian DELACROIX, François DOSSE et Patrick GARCIA, Les Courants historiques en France,
XIXe-XXe siècles, Armand Colin, Paris, 2005.
152
3 Ibid. ; François DOSSE, L’Histoire en miettes, des Annales à la nouvelle histoire, La Décou-
verte, Paris, 2005 ; Michel DE CERTEAU, L’Écriture de l’histoire, Gallimard, Paris, 1975 ;
Gérard NOIRIEL, Sur la crise de l’histoire, Gallimard, coll. « Folio-Histoire », Paris, 2005 ;
François BÉDARIDA (dir.), L’Histoire et le métier d’historien en France, 1945-1995, Éditions
de la MSH, Paris, 1995 ; Roger CHARTIER, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et
inquiétudes, Albin Michel, coll. « Histoire », Paris, 1998 ; Emmanuel LE ROY LADURIE, Le
Territoire de l’historien, Gallimard, Paris, 1973 ; François BÉDARIDA, Histoire, critique et
responsabilité, Complexe, Paris, 2003 ; Marc FERRO, L’Histoire sous surveillance, Galli-
mard, coll. « Folio-Histoire », Paris, 1987 ; Paul VEYNE, Comment on écrit l’histoire, Seuil,
coll. « Points-Histoire », Paris, 1979 ; Krzysztof P OMIAN , Sur l’histoire, Gallimard,
coll. « Folio-Histoire », Paris, 1999.
4 Olivier LE COUR GRANDMAISON, Coloniser, Exterminer, Fayard, Paris, 2005 ; critique parue
dans Esprit, décembre 2005.
153
154
7 À la suite de ceux qui avaient déjà formulé cette idée à défaut de l’exprimer explici-
tement ainsi, notamment les combattants de la Première Guerre mondiale.
8 Philippe JOUTARD, tribune de la revue L’Histoire, « La tyrannie de la mémoire », nº 221,
mai 1998, p. 98 ; Philippe JOUTARD, « Mémoire, une passion française : l’histoire », in
André BURGUIÈRE et Jacques REVEL (dir.), Histoire de la France, vol. 3, Choix culturels et
mémoire, Seuil, coll. « Points-Histoire », Paris, 2000, p. 301-394. Dans le même ordre
d’idées, citons la création d’une « Délégation à la mémoire et à l’information » au sein
du ministère des Anciens Combattants ; mais aussi Marie-Claire LAVABRE, « Usages et
mésusages de la mémoire », Critique internationale, nº 7, avril 2000, p. 37-48.
155
9 Un des ouvrages pionniers est la thèse de Philippe JOUTARD, La Légende des camisards.
Une sensibilité au passé, Gallimard, Paris, 1977 ; et Ces voix qui nous viennent du passé,
Hachette, Paris, 1983.
10 Cf. entre autres, dans une bibliographie très nourrie sur la période (résistance et dépor-
tation), les travaux de Pierre Laborie, Henry Rousso, Annette Wieviorka, Robert Frank,
Jean-Marie Guillon, H. R. Kedward, Raul Hilberg ; et, pour une synthèse sur la Résis-
tance, Laurent D OUZOU , La Résistance française : une histoire périlleuse, Seuil,
coll. « Points-Histoire », série « Histoire en débats », Paris, 2005.
11 Benjamin STORA, La Gangrène et l’Oubli, la mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte,
Paris, 1991 ; Benjamin STORA, Le Transfert d’une mémoire. De l’Algérie française au racisme
anti-arabe, La Découverte, Paris, 1999 ; Raphaëlle BRANCHE, La Torture et l’armée pendant
la guerre d’Algérie, 1954-1962, Gallimard, Paris, 2001.
12 Cf. par exemple les diatribes les plus virulentes de Pierre Goubert dans Historiens et
Géographes, 1978.
13 Pierre NORA (dir.), Les Lieux de mémoire, 3 vol., Gallimard, Paris, 1986-1999.
14 Paul RICŒUR, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, Seuil, Paris, 2000.
15 Cf. en particulier Tzvetan TODOROV, Les Abus de la mémoire, Arléa, Paris, 1998. Cf. aussi
les mises au point de Guy Pervillé (voir supra, chapitre 4).
156
16 Pierre LABORIE, « L’historien sous surveillance », Esprit, janvier 1994, p. 36-49 ; Laurent
DOUZOU, « Appel à témoin, témoins en appel », in Anne-Marie GRANET-ABISSET et Bruno
BENOÎT (dir.), Imaginaire et représentations en histoire, Bulletin du centre Pierre-Léon, nº 1-2,
1997.
157
17 Sur une autre thématique, cf. aussi Anne-Marie GRANET-ABISSET, Fabriquer une histoire des
sociétés alpines. Récit, patrimoine, territoire, PUG, Grenoble, 2008.
18 S’agissant de la période de la Seconde Guerre mondiale, cf. aussi Anne-Marie GRANET-
ABISSET, « Les usages de la mémoire en territoire délicat : quand l’histoire s’en mêle »,
actes de la journée d’études, CHRD, Lyon, 2007.
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160
19 Yvette KATAN, « Les colons de 1848 en Algérie », Revue d’histoire moderne et contempo-
raine, vol. XXXI, avril-juin 1984.
161
20 Cf. en particulier les enquêtes réalisées pour l’exposition « D’Isère et d’Algérie », Musée
dauphinois de Grenoble, 2004 ; Michèle BAUSSANT, Pieds-noirs, mémoires d’exils, Stock,
Paris, 2002 ; Éric SAVARÈSE, L’Invention des pieds-noirs, Séguier, Biarritz, 2002 ; et Algérie,
la guerre des mémoires, Non Lieu, Paris, 2007.
21 Même si l’on aimerait mieux savoir le contexte et le cadre précis de leur rédaction.
162
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165
insistant depuis les années 1990 sur les victimes a été utilisé et
alimenté par les rapatriés demandant une relecture de l’histoire par
une prise en compte de leur mémoire. Pour ce faire, ils se sont appuyés
sur des groupes de pression actifs, un certain nombre de groupes et
d’hommes politiques et sur la législation qui a placé depuis les
années 1990 la mémoire comme base du droit et de l’histoire, engen-
drant une concurrence mémorielle que tous les intervenants à cette
session ont jugé malsaine. « Si l’on parvient à établir de façon convain-
cante que tel groupe a été victime d’injustice dans le passé, cela lui
ouvre dans le présent une ligne de crédit inépuisable 23… »
Sur cette question de la concurrence des mémoires, la communi-
cation de Guy Pervillé a procédé à une relecture attentive des poli-
tiques mémorielles de la France et de l’Algérie. Il montre comment
elles ont joué respectivement à l’intérieur de chaque pays, dans la
construction des regards réciproques, et ont pesé sur les relations entre
les deux États comme entre leurs populations. Plus encore que les dits
ou les trop-pleins mémoriels, ce sont surtout les autismes et les
amnésies respectifs qui doivent être étudiés dans leurs manifestations
en creux comme dans les conséquences qu’ils peuvent engendrer. On
le sait, les silences sont une forme de récit 24 qui peut produire des
malentendus difficiles à gérer.
Toujours selon Guy Pervillé, après avoir suivi des politiques mémo-
rielles antagonistes — silence sur la guerre d’Algérie en France et
hypercommémoration de la « guerre de libération nationale » en
Algérie —, les deux pays se sont rapprochés à partir des années 1990.
Chez les Algériens émerge une revendication forte de faire reconnaître
par les autorités françaises la répression de la révolte de mai 1945
comme « crime contre l’humanité » ; une revendication de repen-
tance qui s’inscrit dans un contexte où l’État français se livre à une
série d’actes de reconnaissance, notamment vis-à-vis de la commu-
nauté juive (cf. la reconnaissance de la responsabilité de l’État français
de Vichy dans la traque et l’arrestation des Juifs durant la Seconde
Guerre mondiale avec la déclaration de Jacques Chirac en 1995). De
manière très précise, en décortiquant l’ensemble du contexte législatif,
166
25 Rappelons les séries de pétitions : celle lancée dès 2005 contre la loi de février 2005 à
l’instigation entre autres de Claude Liauzu et Gilbert Meynier, et celle lancée en 2006,
167
officielle, il n’en demeure pas moins qu’il leur faut également réfléchir à
leurs propres présupposés pour ne pas écrire une histoire idéologique,
même si elle n’est pas officielle. C’est là que l’on retrouve le contexte
législatif récent qui, directement ou indirectement, pose également ces
questions.
168
pour la justice 28. Bon nombre d’entre eux ont alors rappelé le statut et
la fonction de la connaissance selon le cadre de son énonciation. On a
aussi rappelé à cette occasion le statut de l’historien qui ne doit être
ni juge ni politique, ni porte-parole 29. Guy Pervillé relit dans cette
perspective l’ensemble des lois qui, depuis les années 1990, ont amené
progressivement à une dépossession de la manière de dire le passé par
les historiens, concurrencés qu’ils sont par le législateur. Au nom de
communautés et des groupes de pression respectifs, ce dernier fait
adopter des lois mémorielles qui n’ont pas seulement un effet incanta-
toire mais, pour certaines, un effet prescripteur.
La lecture croisée du texte du juriste Thierry Le Bars avec celui de
Guy Pervillé est stimulante et éclairante pour comprendre les enjeux
qui ont présidé à leur mise en place. Le regard et l’analyse du juriste
sont fondamentaux pour comprendre l’incidence d’une loi au sens
juridique du terme ; pour savoir si une loi correspond réellement à ce
pour quoi elle est faite, c’est-à-dire fixer un cadre normatif, ou si elle
se contente d’adopter des postures incantatoires, avec les dangers
d’une réelle instrumentalisation par ceux pour qui elle est établie. Les
deux auteurs soulignent comment toutes ces lois, qui s’expliquent
chacune par un contexte précis et légitime 30, entrent en résonance
les unes avec les autres dans un effet d’entraînement, où intervien-
nent très fortement la concurrence des mémoires qui devient celle des
victimes et la prégnance mémorielle déjà soulignée : une prégnance
d’autant plus affichée et revendicative qu’elle a longtemps été passée
sous silence ou qu’elle trouve une justification pour d’autres usages et
d’autres enjeux. Ils en décrivent les effets induits, pour ne pas dire
pervers, pour l’écriture de l’histoire. En prenant les exemples des
attaques portées contre Edgar Morin, Bernard Lewis et Olivier Pétré-
Grenouillau, Guy Pervillé explique comment cette législation autorise
169
170
oblige à réaffirmer avec force nos positionnements 32. Dans tous les
cas, l’historien doit toujours rester modeste dans ses conclusions.
Il reste que, sur la question des rapports entre mémoire, histoire et
justice, et plus spécifiquement à propos des rapports franco-algériens,
on peut se demander, comme le fait Raphaëlle Branche, si l’on est
enfin entré dans une lecture apaisée de cette histoire à la fois longue et
récente 33.
Recourir à la comparaison est un moyen salutaire pour mettre à
distance, montrer l’importance de la contextualisation et éviter les
anachronismes 34 ; elle permet également de relativiser et ouvre parfois
l’analyse sur un sens nouveau. Ces comparaisons, qu’elles soient dans
l’espace ou dans le temps, suscitent des questions très mobilisatrices,
essentielles pour éviter de penser qu’il s’agit à chaque fois d’un phéno-
mène exceptionnel ou au contraire normalisé. On a tout à gagner,
avec les précautions nécessaires, à interroger son sujet à partir
d’autres 35.
Dans une perspective comparatiste, s’agissant de ces mémoires
douloureuses, les expériences conduites par les comités « justice,
équité et réconciliation » en Afrique du Sud et au Maroc 36 sont
passionnantes par leur déroulement, les éléments obtenus et les ques-
tions qu’elles posent. Lors des commissions ont été recueillies les
paroles des acteurs victimes ou, en leur absence, celles de leurs
proches. Les historiens ont eu pour tâche de redonner du contexte,
d’expliquer, d’éclairer et d’analyser ces paroles, bref de donner du
171
Or renouer, c’est mettre des mots pour le dire ; c’est donc nommer.
La façon de nommer, de classer, est un des moyens utilisés par les
hommes pour dire le réel, évaluer ce qui vaut et ce qui ne vaut pas,
établir ce qu’il faut traiter comme ceci ou comme cela. Construire des
catégories repose sur une nomenclature, des procédures, des objets ;
c’est un processus historique et social. L’usage de ces catégories contri-
buant à stabiliser le social est bien souvent hétérogène. C’est à décrire
ce processus et son sens que se sont attachés Gérard Noiriel et Thierry
Le Bars dans leurs communications. Dans le domaine de l’immigration
pour le premier, dans celui des lois mémorielles pour le second.
L’objet d’étude n’est pas nouveau, ni pour l’un ni pour l’autre, et
il a donné lieu à d’autres travaux de la part d’autres historiens ou
sociologues (Omar Carlier, Jacqueline Costa-Lascoux, Gilbert Meynier,
Abdelmalek Sayad, Émile Témime, etc.). Tous s’accordent sur le fait
que la construction de catégories mobilise des acteurs dans diverses
sphères de la société (politique, administrative, juridique, scientifique,
sociale…), s’ancre dans le processus historique, donne forme au social.
Les catégories sont aussi des ressources pour l’action.
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37 Gérard NOIRIEL, État, nation et immigration. Vers une histoire du pouvoir, Gallimard, Paris,
2005.
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ces lois soulignent le fait que l’approche juridique ne peut être seule
convoquée pour donner sens à l’usage que fait le législateur de son
pouvoir, mais elle permet de mieux saisir les enjeux de normativité des
lois votées par la représentation nationale. Une étude, à peine évoquée
par Thierry Le Bars, de la fabrication de ces lois serait utile pour mieux
saisir les forces sociales et politiques en jeu, leurs argumentaires, les
compromis auxquels ces lois ont donné lieu.
Ainsi, le travail de catégorisation dont le droit participe, bien que sa
contribution ait longtemps été sous-estimée par les historiens, est révé-
lateur de la façon dont des discours, des actes, des objets construisent
un réel, le stabilisent, à travers des controverses dont l’étude permet de
saisir les dynamiques sociales, politiques, mémorielles en jeu. Ces
mêmes processus se retrouvent dans le domaine de la transmission
scolaire, les ressources produites dans la sphère politico-juridique et
savante pouvant être mobilisées dans celles de l’enseignement.
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181
manuels peuvent être critiqués sur leur manière de présenter les causes
et le déroulement de la guerre ainsi que les responsabilités de la France
dans celle-ci. On remarque une tendance assez nette au fatalisme
historique (pour expliquer la guerre et son aboutissement, on part de
ce qui est advenu et on remonte la chaîne des causes, donnant ainsi
l’impression que l’on veut faire oublier certains faits). On n’échappe
que rarement à la tentation du manichéisme, à la tendance à penser la
guerre sur le modèle de la Seconde Guerre mondiale avec d’un côté
les résistants, de l’autre les collaborateurs. Ainsi, les « gros colons »,
les « pieds-noirs » ou l’OAS tiennent le mauvais rôle de cette histoire,
où ils font figure de boucs émissaires. Il n’y a pourtant aucune raison,
remarque Guy Pervillé, pour que tous les conflits de notre siècle soient
pensés à partir d’un modèle unique. On observe aussi un certain
« européocentrisme » qui conduit à sous-estimer le problème culturel
— des langues et des religions — ou à escamoter l’histoire du FLN.
Hubert Tison, un des responsables de l’Association des professeurs
d’histoire-géographie (APHG), propose une explication à ces
tendances : peut-être a-t-on pensé que ces programmes étaient faits
pour des élèves français et que l’Algérie ne devait guère les intéresser.
Mais il ajoute qu’« il ne faut pas oublier les besoins des élèves algériens
qui ne sont pas en nombre négligeable dans nos lycées, ni ceux des
“Français musulmans” qui, autant que les Algériens nés en France, ont
besoin de se situer, par rapport aux deux nations 42 ».
Lors du colloque de Lyon, trois communications ont rendu compte
avec plus de précision encore de l’histoire enseignée, celles de Lydia
Aït Saadi et de Françoise Lantheaume autour des programmes et
manuels scolaires algériens et français, et celle de Gilles Boyer et Véro-
nique Stacchetti, plus ancrée dans les questions des pratiques de classe.
42 Ibid.
43 Suzanne CITRON, Le Mythe national, Éditions ouvrières, Paris, 1987.
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pluripartisme, l’État produit des manuels scolaires (le secteur privé n’a
pas sa place alors dans l’édition scolaire) qui intègrent des figures
historiques du mouvement nationaliste. Ferhat Abbas, Messali Hadj
ou encore les docteurs Belkacem Bentami et Mohammed Salah Bend-
jelloul sont présents, même si, pour ces derniers, comme pour Abbas,
le terme « assimilationniste » est connoté péjorativement. De manière
générale, Lydia Aït Saadi insiste sur ce qu’avait déjà bien perçu
Mohammed Harbi 46 dans ses réflexions sur l’idéologie du régime algé-
rien, à savoir la présence et la persistance, dans l’édition scolaire, des
trois mythes de l’État, repérables concrètement par les figures et les
documents proposés aux élèves : le fait que 1945 correspond à un
moment de table rase, avec Sétif comme pivot explicatif ; le fait que
le peuple est pensé comme homogène ; et enfin le fait que la révolu-
tion a été faite par les paysans. Cette histoire enseignée, écrite dans
les ouvrages scolaires destinés à la jeunesse algérienne, fait, selon Lydia
Aït Saadi, que les élèves sont engagés dans un « système affectif
immense », faisant d’eux les porteurs de l’idéal national.
Cette écriture scolaire d’État, la France l’a connue jusqu’aux
années 1960, si l’on suit la communication de Françoise Lantheaume.
En effet, elle montre dans ses travaux 47 comment les manuels scolaires
et les programmes passent, en France, d’une tradition patrimoniale de
la transmission des œuvres des ancêtres, y compris l’œuvre coloniale,
à la définition d’une transmission patrimoniale articulée au projet de
développement de l’esprit critique. Cette évolution s’est opérée autour
des années 1960-1980, sous l’effet de plusieurs facteurs qu’évoque avec
précision Françoise Lantheaume dans sa communication.
Jusqu’aux années 1960, la colonisation et la subordination de
l’Algérie par la France étaient justifiées par l’histoire scolaire.
Programmes, manuels scolaires et pratiques effectives de classe étaient
alors, massivement, à l’unisson, au nom du progrès de l’humanité,
pour exalter la « plus grande France » dans ses territoires coloniaux.
L’adéquation entre la colonisation et la République allait de soi, à
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favorables 49. Ainsi, le fait que les élèves n’aient plus de parents en âge
d’avoir été appelés en Algérie semble limiter les hésitations des ensei-
gnants à traiter ces questions. On pouvait voir dans ce constat fait lors
du colloque « Apprendre et enseigner la guerre d’Algérie et le Maghreb
contemporain » (2001) l’indice que les mémoires jouent un rôle essen-
tiel, mais jamais réellement explicite, dans l’enseignement. Et il ne
fait pas de doute que les enseignants en ont appelé et continuent d’en
appeler à leur propre mémoire, à la mémoire de la société et des diffé-
rents groupes sociaux pour les partager avec leurs élèves : faisant de
l’histoire, ils utilisent la mémoire de leurs élèves, celle transmise par
leur famille ainsi que leur propre mémoire.
Pourtant, la distance que le temps a établie depuis avec ce passé n’a
pas, loin de là, éliminé la présence des mémoires parfois conflictuelles
et antagonistes : lors du colloque de 2001, on constate encore que la
guerre d’Algérie peut être un sujet difficile à étudier avec certains
élèves, notamment les élèves français d’origine maghrébine 50. Voici
les conclusions tenues à ce sujet dans un atelier de ce colloque : « Il
faut d’abord éviter qu’un “eux” et “nous” s’installe dès que se mani-
feste un décalage entre le discours de l’enseignant et les propos tenus
dans les familles. Le “eux” serait le monde enseignant, éloigné des
réalités, qui raconterait l’histoire de la guerre d’Algérie avec une vision
coloniale, “nous” serait les élèves, persuadés a priori que le discours
familial est une vérité immuable. Accepter cet écartèlement en classe
équivaut à une démission 51. »
Chez les élèves, la diversité de mémoires de la guerre existe et
soulève également un certain nombre de questions. Benjamin Stora,
qui a travaillé à la restitution des mémoires plurielles dans le cadre de
sa recherche d’historien, a analysé les différentes étapes que ces
mémoires ont traversées. Ses analyses relatives à la mémoire véhi-
culée par les enfants issus de l’immigration maghrébine permettent de
mieux comprendre leurs réactions. « Face à la communauté pied-noir
recréée dans l’exil, se présente une autre mémoire qui affleure dans
les années 1980. […] Quels rapports les jeunes issus de l’immigration
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Pierre Sorlin
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documentation écrite dont une grande partie n’est pas encore acces-
sible et ils obligent à prendre en considération l’action ou le point de
vue d’acteurs qui n’ont d’autre instrument que leur parole pour se
manifester, qu’il s’agisse de militaires des deux camps, de civils, de
personnes déplacées et regroupées dans des camps, de rapatriés, de
femmes impliquées dans la lutte et ensuite renvoyées à leurs tâches
domestiques. Un grand nombre de communications, en l’absence
d’autres sources, se sont fondées sur des témoignages oraux.
Les mémoires ont leur chronologie propre. Certains, fortement
engagés dans le combat, se sont exprimés très tôt pour faire
comprendre leurs motivations, révéler leurs initiatives quand elles
étaient restées secrètes, rectifier des erreurs. Les témoignages qu’on
recueille maintenant ne sont pas aussi spontanés, ils interviennent en
réponse à des enquêtes, ce sont les historiens qui les cherchent et les
mettent en forme. On évoque à leur propos la « libération de la
parole » provoquée par un film comme La Guerre sans nom, réalisé en
1992 par Bertrand Tavernier, ou par des récits tels que celui de Loui-
sette Ighilahriz, mais on ne saurait ignorer les effets de mode, l’achar-
nement des chaînes de télévision à récolter des déclarations qui ne
coûtent rien et remplissent les programmes, la multiplication des sites
Web où se mêlent données incontestables et fantasmes. Le colloque a
bien mis en relief les précautions dont le chercheur doit s’entourer :
— se rappeler que toute mémoire se fabrique. Le cas des pieds-
noirs est à cet égard significatif. Plusieurs générations de Français
d’Algérie s’étaient constitué une mémoire de la conquête et de la mise
en valeur auxquelles elles n’avaient pas participé, mais dont elles se
sentaient héritières. Lors du rapatriement, ces souvenirs induits ont
servi aux médias et aux responsables politiques pour faire accepter
l’arrivée de personnes qui ne se sentaient pas de lien avec la métro-
pole et, relayés par des voix officielles, ils ont pris une consistance plus
forte, ils sont devenus indiscutables ;
— se souvenir que toute mémoire tend à se fixer sur des événe-
ments précis, faciles à évoquer, aux dépens de ce qui fait la complexité
des situations historiques. Ainsi le drame du 20 août 1955 à Constan-
tine est-il raconté comme quelque chose de totalement inattendu,
rupture radicale avec un passé de cohabitation harmonieuse, fin d’une
symbiose, alors que de nombreux indices montrent comment l’inquié-
tude s’était développée, était devenue quasi permanente durant les
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Les effets d’une loi dont il a déjà été question, celle du 18 juin
1851, montrent comment un simple texte, entré en vigueur de part et
d’autre de la Méditerranée, y entraîna des conséquences différentes
mais également profondes. La loi, à l’origine, concernait la seule
Algérie, mais elle était applicable en France où l’on avait volontaire-
ment laissé dans le vague les questions relatives à la propriété du sous-
sol ; ainsi, par le biais de la colonie, les mines et les rivières
entrèrent-elles dans le domaine de l’État. Le souci des métropolitains
de faciliter au maximum la circulation des biens avait conduit à distin-
guer le domaine public, inaliénable, du domaine national, dont l’État
n’était que le gérant provisoire. Dans la colonie, les biens de droit
collectif, habûs ou ‘arch, ne pouvaient être publics ; ils entraient par
définition dans le domaine national, ce qui les rendit vendables.
Si les effets produits par la réglementation sont faciles à mesurer,
ceux liés à l’évolution des mœurs ne sont pas aussi évidents, bien que
certains indices les laissent entrevoir. La IIIe République était, à ses
débuts, un régime peu corrompu, non par vertu mais parce qu’une
sévère opposition entre droite et gauche entraînait une surveillance
réciproque. En Algérie, au contraire, avec un corps électoral très étroit,
peu sensible aux questions de principe, échanges de faveurs et trafics
de voix n’étaient pas rares, les mêmes familles accaparaient les fonc-
tions électives, leur permanence leur assurait une influence durable et
la multiplication des « affaires » depuis les dernières décennies du
XIXe siècle révèle une « algérisation » de la vie parlementaire française.
Pour les Algériens comme pour les Européens, la définition de soi
comportait une référence à l’autre. Les Algériens ne pouvaient ignorer
des modes de pensée et des coutumes qui leur étaient étrangers mais
qui, imposés par les dominants, faisaient figure de modèles. Deux
aperçus d’une cohabitation ambiguë ont été proposés au sujet, l’un,
des pratiques corporelles — vêtement, distraction, activités spor-
tives —, l’autre, de l’engagement militaire. Dans les milieux algériens
aisés, l’imitation a joué à la fois comme manifestation de bonne
volonté, destinée à se faire accepter par les colons, et comme voie
d’accès à une modernité qui permettrait de défier les Européens sur
leur propre terrain, voire aussi ces ancêtres dont Yacine Kateb a dit
qu’ils « redoubl[ai]ent de férocité ».
Le détournement des modes européennes a été un défi aux Français
(vêtement mixte, costume croisé et chéchia) et un moyen de rendre
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Pistes à suivre…
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206
Index 239
* Toutes les communications au colloque de juin 2006 ont été publiées par l’ENS-LSH de
Lyon sur le site qui lui est consacré : <http://colloque-algerie.ens-lsh.fr>.
211
212
3. De la construction Colonialisme
d’une identité nationale et anticolonialisme français
à la guerre d’indépendance, L’affaire Audin, par Pierre Vidal-
1930-1962 Naquet.
La résistance française à la guerre
d’Algérie, par Martin Evans.
Résistances anticoloniales Guerre d’Algérie et vie politique fran-
et nationalisme : l’avant-1954 çaise (1954-2005), par Frank
Renken.
La Fédération des élus des
Politiques, militaires, intellectuels
musulmans du département de
français. De la guerre d’Indo-
Constantine : à l’Est se lève la
chine à la guerre d’Algérie :
notabilité ? (1930-1943), par
continuités et ruptures, par Alain
Julien Fromage.
Ruscio.
Messali Hadj : le retour d’une figure,
Un cas : militants anticolonialistes
par Benjamin Stora.
dans le Gard (1954-1962), par
Pourquoi le 1er novembre 1954 ?, par
Bernard Deschamps.
Gilbert Meynier.
213
Résistances anticoloniales
Les traces de la guerre
et nationalisme : 1954-1962
Pour une contestation de la scéno-
Histoire d’une infiltration de la DST graphie binaire de la théorie
dans le FLN : l’affaire Mourad, postcoloniale par une prise en
par Mohammed Harbi. compte de l’ambiguïté tragique
Bilan du 17 octobre 1961, par Jim pour l’approche des littératures
House et Neil MacMaster. francophones du Maghreb, par
Les femmes dans l’Armée de libéra- Charles Bonn.
tion nationale : le mariage et/ou Les femmes et leurs corps dans la
l’action ?, par Ryme Seferdjeli. guerre : refus de mémoire et
traces littéraires, par Zineb
Ali-Benali.
La guerre d’indépendance Le débat sur la torture durant la
algérienne (1954-1962) guerre d’Algérie et l’engagement
associatif comme indices d’une
L’Armée de libération nationale face régénération de l’espace public
à l’armée française, par Dalila Aït (2000-2005), par Abdelhafid
El Djoudi. Hammouche.
Les dirigeants de l’Aurès-Nemencha
(1954-1957), par Ouanassa Siari-
Tengour.
5. Migrations, cultures
Radioscopie du Front de libération
et représentations :
nationale à Oran durant la guerre
de libération nationale, par Karim la pérennité des liens
Miloud Rouina.
Migrations croisées
214
Histoire officielle,
histoire idéologique Quels savoirs transmettre ?
Les comités
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218
219
2 L’état de santé de Pierre Vidal-Naquet ne lui a pas permis de se déplacer à Lyon pour le
colloque. Il a tenu cependant à être présent par l’image : une équipe de l’École normale
supérieure, conduite par Frédéric Abécassis, est venue enregistrer sa communication à
son domicile parisien. La vidéo fut projetée dans l’amphithéâtre le 21 juin 2006.
220
223
224
Richard AYOUN, Les Juifs d’Algérie. 2 000 ans d’histoire, Lattès, Paris, 1982.
—, Un grand rabbin français au XIXe siècle, Mahir Charleville (1814-1888), Éditions
du Cerf, Paris, 1999.
Raëd BADER, Une Algérie noire ? Traite et esclaves noirs en Algérie coloniale :
1830-1906, thèse de doctorat d’histoire dirigée par Raoul Ilbert, université
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Djamel Masri BOULEBIER, Urbanisation et développement ? Essai d’analyse de
l’espace urbain à Constantine, thèse dirigée par François Chazel, université
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çaise sous le regard des combattants algériens, Autrement, Paris, 2007.
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islâhiyy : promoteur de l’islâh, réfor- sûq (plur. aswâq) : marché, bazar, foire,
mateur, « islahiste ». « souk ».
jihâd : combat sacré, guerre sainte, tasawwuf (cf. sûfiyy) : mysticisme,
djihad. « soufisme ».
jirâh (plur. de jurh) : blessures, plaies. thawra : coup de colère, insurrection,
jundiyy (plur. junûd) : soldat, guerrier. révolution.
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Annexes 209
Annexe 1. Sommaire des actes du colloque 211
Annexe 2. Les comités du colloque et les intervenants 217
Annexe 3. Bibliographie abrégée des intervenants 223
Annexe 4. Glossaires 235
Glossaire des termes arabes 235
Glossaire des principaux sigles 236
Index 239