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VIE ET MORT DE MOUAMAR AL-

KADHAFI
Quelles leçons pour l’Afrique ?

Par

Le Professeur Jean- Emmanuel PONDI

Institut des Relations Internationales du Cameroun


(IRIC)
Editions Afric’Eveil
Dédicace

Pour ma tendre et très digne épouse,

Liliane-Michèle.
Introduction

Mon intérêt de chercheur dans les problématiques liées à l’Organisation de


l’Unité Africaine (OUA), à l’Union Africaine (UA) ou à l’évolution de la
Jamahiriya libyenne, ne date sûrement pas d’aujourd’hui. Dans ce contexte,
la fin du régime dirigé par Mouamar Al-Kadhafi en Libye depuis quarante-
deux ans, au vu de l’impact des dirigeants de Tripoli sur l’UA, ne pouvait
que susciter un intérêt particulier pour tous les spécialistes des relations
internationales africaines. Mouamar Al-Kadhafi était-il un démon ou un
ange ? L’histoire des leaders de ce monde se rappellera-t-elle de lui par
rapport à son action sur l’Afrique ou à celle, plus controversée, menée dans
les pays de l’hémisphère Nord ? Le bouillant colonel a-t-il été le porte-
parole mondial des sans voix du Tiers-Monde ou au contraire un
insupportable « bouffon » des Sommets politiques internationaux ? Enfin, et
c’est peut-être le plus important, quelles leçons l’Afrique (des leaders et des
peuples) devrait-elle tirer de l’épisode de la crise libyenne ?
els sont certains des questionnements que la présente réflexion aborde avec
lucidité. Le premier chapitre retrace, de manière concise, l’histoire heurtée
et tumultueuse de la Libye, de 700 av.J.C à nos jours. Le second chapitre
met en lumière ce qu’auront été les périodes de jeunesse, de formation et
des débuts professionnels du colonel libyen. Le troisième chapitre, quant à
lui, passe en revue les aspects majeurs des relations entre la Libye
Kadhafienne et les pays occidentaux, caractérisées par des tensions et des
conflits récurrents, pendant de longues décennies. Le quatrième chapitre
présente les domaines de prédilection des investissements libyens, tout en
évaluant leur impact sur l’intégration et le développement de l’Afrique. Le
cinquième chapitre se focalise pour sa part, sur les circonstances de la mort
du leader de la Jamahiriya et scrute l’étendue des réactions mondiales
suscitées par cet évènement qui a été l’aboutissement de plusieurs
démarches initiées en Amérique (New York, Nations Unies), en Europe
(Bruxelles, Organisation du Traité Nord Atlantique-OTAN) et en Afrique
(Addis Abéba, Union Africaine).
Le dernier chapitre discute en profondeur des leçons à tirer par l’Afrique de
la vie et de la mort de l’ancien Raïs Libyen. Plus spécifiquement, la
réflexion est focalisée entre autre sur : la place de l’Afrique dans la
résolution des conflits qui surviennent sur son propre sol ; la capacité du
continent à faire entendre sa perception spécifique de la marche du monde
aux autres acteurs du système international. L’objectif du présent ouvrage
aura été atteint si les décideurs et les populations d’Afrique et du monde
parvenaient à acquérir une perception différente de la crise libyenne, à la
suite de sa lecture. Il semble important de réaffirmer ici, que la
mondialisation devrait s’accompagner d’un effort d’inclusion et
d’acceptation d’analyses pluridimensionnelles et poly centrées. Un seul
point de vue, édicté à partir d’une seule perspective, ne pourrait prétendre
rendre compte d’un sujet aussi complexe que l’impact de la vie et de la mort
de Mouamar Al-Kadhafi sur l’intégration et l’unité africaines.
La beauté de notre monde, comme celle d’un tissu bigarré, tient à la
diversité et à l’harmonie de ses couleurs. Cet ouvrage n’est par conséquent
rien d’autre qu’une contribution – parmi d’autres on l’espère – à l’analyse
du fonctionnement du système diplomatique africain et mondial.
Chapitre 1 : Une brève histoire de la Libye

Pays situé dans la partie Nord du continent africain, la Libye s’étend


sur 1759 540 km2, ce qui la place au quatrième rang des Etats les plus
vastes du continent sur le plan de la superficie et au dix-huitième rang
mondial de cette même classification. Il est bordé au Nord par la Mer
Méditerranée, à l’Ouest par l’Algérie et la Tunisie, au Sud par le Niger et le
Tchad, et à l’Est par le Soudan et l’Egypte. Cette profusion de frontières lui
confère d’évidence un certain attrait géostratégique.

Avec une population estimée à 7 ou 8 millions d’habitants dont 2


millions d’étrangers en 2010, la Libye, - qui tire son nom d’une tribu
berbère dénommée Libou, qui a décliné le mot grec Libye - est un pays
carrefour situé entre l’Afrique noire et l’Afrique Blanche.

Comme le souligne avec justesse Patrick Haimzadeh, un des


spécialistes de la Libye, ce pays est logé aux confluents « des axes de
communication est-ouest reliant le Machreq et le Maghreb*- la délimitation
entre ces deux régions étant traditionnellement fixée à une cinquantaine de
kilomètres à l’Est de Syrte ». De même, les axes sud-nord reliant l’Afrique
Sub-saharienne à la côte, passent par les grandes oasis du sud libyen,
Mouzouq, Zweila, Koufra{1}.

De manière générale, le peuple libyen a connu une histoire heurtée et


traumatisante, faite d’invasions successives, menées dans un contexte
caractérisé par le mépris généralisé que lui manifestaient aussi bien les
puissances conquérantes des différentes époques, que l’ensemble des autres
occupants historiques de la région.

De façon plus spécifique, il convient de retenir que le territoire


libyen (aujourd’hui divisé en régions Tripolitaine, de Cyrénaïque et du
Fezzan) a été successivement conquis de la manière suivante : pendant
l’antiquité c'est-à-dire aux alentours de 700 avant J.C par les Phéniciens qui
s’installèrent à Lebdah (l’actuelle Leptis Magna), Oéa (l’actuelle Tripoli la
capitale politique) et Sabratha{2}. Puis, ce fut le tour des envahisseurs grecs
qui débarquèrent en 640 avant J-C dans le golfe de Bomba, où la ville de
Cyrène, -l’un des comptoirs les plus importants de leur époque-, fut fondée
en 631.

Après sa conquête par Alexandre, nous relate l’historien Alexandre


Najjar, la Cyrénaïque subit l’hégémonie des Ptolémées d’Egypte{3}.Les
villes de Leptis Magna, Sabratha et Oea viendront aussi à subir des colonies
romaines sous un nouveau nom donné au lieu de leur implantation, la
province Tripolitaine (territoire des trois villes). La Libye devient ainsi l’un
des greniers de l’empire.

Dès le 1er siècle après J-C, le christianisme se propage en Cyrénaïque


et en Tripolitaine. La Libye romaine compte également une importante
colonie juive{4}.

En 641, un nouveau groupe d’envahisseurs, les Arabes, conduits par


Amr Ibn al Ass, s’empare de la Cyrénaïque qui est rattachée dès lors à
l’Egypte jusqu’en 1798. Dans la même logique, les nouveaux maitres de la
Libye rattachent la tripolitaine à la Tunisie. Ce nouvel ensemble a pour nom
Ifriqiya. En 1050, le pays est progressivement islamisé et arabisé à la faveur
de la forte immigration de populations sunnites issues de deux tribus de la
péninsule arabique, les Bani Hilal et les Bani Sulaim{5}

En 1510, la Tripolitaine qui était jusque-là soumise aux Almohades


puis aux Hafsides, est occupée par les Espagnols qui s’empressent d’en
confier la défense aux Chevaliers de Malte. En 1551, le corsaire Dragut
s’installe à Tripoli pour le compte des Ottomans. Dès cet instant, sous la
domination turque, Tripoli, comme Alger et Tunis se transforment en
véritables repères de pirates que les flottes européennes n’hésitent pas à
bombarder{6}.

De 1711 à 1855, une dynastie d’origine turco-albanaise, les Karamanlis,


s’empare de Tripoli. Son règne, ponctué de complots et d’assassinats, va
néanmoins favoriser le développement économique et l’unification de la
tripolitaine et de la Cyrénaïque.

La tripolitaine et la Cyrénaïque, contrairement aux autres provinces


d’Afrique du Nord, demeurent provinces ottomanes jusqu’en 1911, date de
la guerre italo-turque déclenchée par l’Italie, en rapport avec la
détermination de chaque protagoniste de conquérir cette contrée.{7}
Comme si toutes ces péripéties ne suffisaient guère pour perturber la
quiétude d’un peuple déjà meurtri par tant de vagues d’invasions
successives, le 24 janvier 1932, Benito Mussolini, le leader de l’Italie
fasciste, annonce l’occupation militaire de toute la Libye.

En 1943, neuf ans plus tard, tout le pays est de nouveau occupé par
les troupes alliées (U.S.A, Grande Bretagne, France principalement) à la
suite de leur victoire sur les pays de l’Axe.

A l’issue de la guerre, en 1945, la France et la Grande Bretagne


décident de se partager le pays : la province de Tripolitaine et celle de
Cyrénaïque sont placées sous contrôle britannique, alors que le Fezzan est
quant à lui, placé sous l’autorité de la France. Comme il est de coutume, les
populations locales n’ont pas été consultées. Le 21 novembre 1949,
l’Organisation des Nations Unies, vieille de quatre années seulement, se
prononce en faveur de la création d’un Etat indépendant. C’est ainsi que le
24 décembre 1951, la Libye – avec ses trois provinces- devient le tout
premier pays du Maghreb à obtenir son indépendance. Le Prince Al-
Senoussi est proclamé roi de Libye sous le nom d’Idriss 1er. Le pays intègre
la Ligue arabe le 28 mars 1953 et les nations unies, le 14 décembre 1955.

Cette brève revue de l’histoire très mouvementée de la Libye de


l’Antiquité à nos jours{8}, mène tout observateur attentif à une conclusion :
la réalité de l’extrême cruauté subie par les populations locales qui pendant
des siècles, ont vécu le cauchemar des invasions successives des peuples et
des cultures étrangères.

Alexandre Najjar résume bien ce sentiment :

Convoitée par des envahisseurs de tout poil,


Elle [La Libye] fut une contrée chrétienne et juive avant d’être
dominée par l’Islam.

A la fois aride et fertile, désertique et Méditerranéenne,


secouée par une violence endémique- la piraterie, les invasions
successives, les conversions forcées, la résistance, puis la
guerre du désert, opposant les Alliés aux forces de l’Axe-
tiraillée entre la tradition bédouine [caractérisée] par un
système tribal bien ancré et la modernité symbolisée par le
pétrole, …elle porte ces héritages et ces contradictions comme
des stigmates qui, marquent fatalement tout enfant du pays,
aussi sage -ou fou- soit-il{9}.

Le 31 octobre 1942, au terme d’une âpre bataille, le général anglais


Montgomery dévoile en quelques mots, tout le mépris, et toute la
condescendance avec laquelle la Libye est traitée par les occidentaux certes,
mais aussi par les autres arabes « les rivières de sang ruissèlent sur cette
misérable bande de terre dont l’arabe le plus pauvre ne voudrait pas{10} ».

A ces attitudes suffisantes sont ajoutés quelques autres faits


historiques bouleversants- tels que : les opérations militaires du Duce
Mussolinien en 1922 qui provoquèrent la faim, la maladie et des
déportations qui firent plus de 80 000 morts en causant la perte des 9/10e du
cheptel- l’on peut par ce biais commencer à comprendre (sans le justifier)
l’existence d’une certaine animosité entre la Libye et ce qui est perçu à tort
ou à raison par ses habitants comme les symboles de la suprématie
occidentale en général.

Un des enfants libyens qui naquit en 1942, aux heures les plus
chaudes de la confrontation entre les troupes de l’Axe conduites par Benito
Mussolini d’une part et la coalition des forces alliées dirigées par la Grande
Bretagne de l’autre, fut Mouamar Al-Kadhafi. Il importe de s’interroger sur
cet enfant bédouin qui, plus tard, se hissera au faîte du pouvoir.
Chapitre 2 : Mouamar Al-Kadhafi: jeunesse,
formation et débuts professionnels.

Que savons-nous réellement des périodes d’enfance, de formation et


des débuts dans la vie professionnelle du colonel Kadhafi ? En outre, ces
moments cruciaux de toute trajectoire personnelle, ont-ils influencé sa
perception du monde et modelé son attitude ou ses décisions publiques ?

C’est à l’ensemble de ces questions que ce chapitre s’efforcera de


trouver matière à réponse.

La jeunesse du futur leader libyen

Né le 7 juin 1942 à Qasr Abu Hadi, une région rurale à dix-huit


kilomètres au sud-ouest de Syrte, Mouamar Mohamed Abu Minyar Kadhafi
appartient à la famille bédouine des Ghous qui est affiliée à la tribu des
kadhafa.

Sa mère, Aicha (décédée en 1978), s’occupe de lui et de ses trois


sœurs{11} .Son père, Mohamed Abdel Salam Hamed ben Mohamed (ou «
Abou Meniar », mort en 1985 à plus de cent ans), garde les chèvres et les
chameaux{12}.

L’appartenance tribale, de l’avis même de celui qui deviendra le


premier responsable du pays, « est une école sociale dont les membres
assimilent, depuis l’enfance, les idéaux élevés qui donnent naissance à un
comportement social acquis pour la vie. »

Seul garçon de sa famille, le jeune Mouamar connut une enfance


tumultueuse, ponctuée par des bruits de canon et de bombardements
d’avions, circonstances que le bambin de l’époque ne pouvait saisir et
comprendre.

« Je gardais les troupeaux se souvient- t- il. Je semais je cultivais la


terre nous étions sous le feu de la mitraille de seconde guerre mondiale. Des
pays se battaient sur notre terre. Nous ne savions pas pourquoi. Des avions
survolaient notre pays. Nous recevions des bombes ; des mines explosaient
un peu partout. Nous n’en connaissions pas les raisons. Tels sont les
premiers souvenirs que j’ai conservés de mon enfance »{13}.

Dans l’esprit de l’enfant, la guerre, les canons, les déplacements, des


troupes, mais aussi la résistance, sont omniprésents. On est loin d’une
jeunesse dorée et romantique où grandir rimerait avec découverte de soi, de
son environnement et des autres.

La violence habite l’imaginaire du petit Mouamar qui, selon son père,


aime écouter les histoires des pirates… qui, à partir de la côte Libyenne,
rançonnaient les étrangers, terrorisaient les passagères et égorgeaient
impunément leurs otages »{14}. Mais curieusement, le jeune garçon
n’affectionne guère la mer méditerranée. « Nous les fils du désert, nous
étions terrifiés par la mer, avouera- t- il… Pour nos familles, c’eut été
honteux de vivre au bord de l’eau. Elles l’auraient ressenti comme une
atteinte à leur liberté sans frontières, comme une soumission à l’autorité
»{15}.

Il transparait de ce petit récit, que la perpétuation de la guerre en terre


bédouine pour des raisons totalement inconnues des principales victimes
que constituaient ces familles paupérisées (car ne pouvant mener leurs
activités pastorales ordinaires), était vécue comme une injustice majeure
ourdie par certaines « autorités ». D’où une attitude qui s’affirmera plus
tard, comme fondamentalement rebelle à toute autorité considérée comme
autocrate, dictatoriale et le plus souvent agissant contre le peuple.

Tardivement, vers l’âge de 9 ans, le jeune Kadhafi est admis à l’école


primaire de Syrte et écrit de ce fait une nouvelle page de l’histoire de sa
famille. En effet, depuis la nuit des temps, il est le tout premier rejeton de
son clan à fouler le sol d’une école ! « Je n’ai pas voulu qu’il partage notre
éducation, explique son père. Nous étions tous analphabètes. Il fallait qu’il
étudie, lui, mon fils unique. Nous étions si pauvres »{16}. C’est également à
cette période que Abou Meniar, le père du petit Kadhafi, décide de le
confier aux enseignements d’un cheikh sunnite qui réside dans la région du
Fezzan.
Formation dans le fezzan

A l’âge de 14 ans, l’adolescent et premier scolarisé de la famille des


Kadhafa s’inscrit donc à l’école préparatoire de Sebha dans le Fezzan, au
Sud-ouest du pays. Nous sommes en 1956. C’est la période Nassérienne
dans tout le moyen Orient et le monde Arabe. Mouamar Kadhafi voue au
leader Egyptien une admiration sans bornes pour sa triple défense du Pan-
Arabisme, de la culture et de la dignité arabes.

Le coup d’Etat écartant le Roi Farouk d’Egypte, la nationalisation du Canal


de Suez en 1956 et la résistance orchestrée par le Raïs égyptien face aux
attaques combinées des Américains, des britanniques et des Israéliens,
constituent aux yeux des peuples de la région, des faits d’armes qui érigent
Gamal Abdel Nasser en véritable héros arabe « anti-impérialiste »

Avec une envie non dissimulée d’émuler l’exemple de son héros


Egyptien, le jeune Kadhafi intègre la Royal Libyan Mlilitary Academy de
Benghazi en 1963.

Il y crée un groupe révolutionnaire secret dont l’appellation n’est pas


sans rappeler celle d’une structure similaire érigée quelques années plus tôt
sur les bords du Nil : « le Mouvement des officiers unionistes libres». Son
objectif est moins de s’imprégner de la science militaire que de se préparer
à renverser la monarchie libyenne jugée pro-occidentale par la plupart de
ses adhérents.

Voici ce qu’en dit le principal concerné : « quand nous avons décidé


d’entrer à l’académie militaire, ce n’était pas pour devenir des soldats de
métier, mais pour infiltrer cette institution et préparer la révolution. Notre
pays étant occupé par des forces étrangères. A cette époque, il y avait sur le
sol libyen, cinq bases militaires américaines et autant de bases et de
casernes britanniques. Tout cela s’ajoutait à la présence permanente de
l’armée italienne de colonisation. Notre devoir était de libérer notre terre de
cette occupation.{17}

Son diplôme obtenu en 1965, le jeune et fringuant officier est envoyé en


Grande Bretagne pour y suivre un entrainement supplémentaire à la Royal
School of Signals à Blandford, pour quatre mois.

Promu Capitaine à sa sortie, son avancement est retardé de trois mois


par le tribunal militaire, pour motif disciplinaire ». En réalité, il aurait
brutalisé un soldat de son unité.{18}

Les débuts professionnels par un coup d’éclat

Le passage à l’Académie militaire ayant servi, - de l’aveu même du


jeune officier Kadhafi – à préparer le renversement de la monarchie du Roi
Idriss 1er, les débuts professionnels allaient se focaliser sur la réalisation de
cet objectif.

Dans la nuit du 31 août au 1er septembre 1969, un groupe de 12


jeunes officiers affirmant appartenir à une instance dénommée Conseil de
Commandement de la Révolution (CCR), dépose le Roi Idriss 1er qui se
trouvait en Turquie pour sa cure annuelle de santé. Ce putsch, mené sans
effusion de sang, avait pourtant dû être reprogrammé pour cause de tenue
d’un concert de la grande chanteuse…égyptienne Oum Kaltoum qui se
produisait à Tripoli le soir même de la première date de l’opération baptisée
« Jérusalem », quelques jours plus tôt.

Bien que le rôle central de leader de Mouamar Al-Kadhafi ait


quelques fois été contesté par certains analystes{19}, dans la mise en œuvre
du putsch du 1er septembre 1969, l’histoire retiendra incontestablement que
le Communiqué N°1 de la Révolution Libyenne fut bel et bien lu par ce
dernier, sur les ondes de la radio, en ces termes :

Peuple de Lybie !

Répondant à ta libre volonté, exauçant tes vœux les


plus chers, accueillant tes appels incessants au
changement et à l’épuration, ainsi que ton désir d’agir
et d’entreprendre, écoutant tes incitations à la révolte,
tes forces armées ont entrepris de renverser le régime
réactionnaire et corrompu dont la puanteur nous
suffoquait et dont la vue nous horrifiait… La Libye est
à partir de ce moment une République libre et
souveraine, qui prend le nom de République arabe
libyenne… l’heure du travail est arrivée. Allons de
l’avant ! »{20}.

S’agissant du sort réservé aux étrangers, le communiqué se poursuit


ainsi qu’il suit :

« Il m’est agréable de dire à nos amis étrangers qu’ils


n’ont pas à s’inquiéter pour leurs biens ou pour leur
vie, qui sont placés sous la protection des forces
armées »{21}.

Le communiqué N°1 de la Révolution Libyenne se termine en


précisant que cette révolution du 1er septembre est dite du fateh, qui signifie
dans le Saint Coran, « qui ouvre » ou « qui conquiert ».

Bien qu’ayant été rédigé dans un style simple, non ampoulé et direct,
le parallèle entre l’action des jeunes officiers Libyens de 1969 et Egyptiens
de 1952, n’est que trop lisible pour ne pas être souligné.
Les douze membres du Conseil de Commandement de la révolution
(CCR) – jeunes et pratiquement inconnus du grand public – sont les
suivants : Mouamar Kadhafi, Abdessalam Jalloud, Mokhtar al-Karawi,
Bachir Hawadi, Abdel Menhem el-Honi, Moustapha Karroubi, Omar el-
Meheichi, Khouildi al-Hamidi, Mohamed Najm, Awad Hamza, Abou Bakr
Younes et Mohamed al Mgariaf.

Une semaine après le putsch, Mouamar kadhafi est proclamé Colonel


et, dès le mois de janvier 1970, Président du Conseil de Commandement de
la Révolution.

Bien que systématiquement discrédité par les nouveaux maîtres du


pays, le bilan du Roi Idriss 1er, de l’avis de certains observateurs avisés,
n’était pas aussi négatif que ces derniers voulaient le faire croire. Il sera
condamné à mort par contumace le 17 novembre 1971 et vivra en exil
jusqu’à l’année de son décès, en 1983.

Idriss 1er incarna le symbole de l’unité d’une nation culturellement et


traditionnellement marquée par des identités régionales fortes. Il symbolisa
aussi l’esprit national de résistance qui fit de son pays l’un des tous
premiers de l’Afrique du Nord à accéder à l’indépendance avec des
frontières territoriales bien définies. En outre, il favorisa l’essor de
l’enseignement, du secteur de la santé et la mise en œuvre des grands
chantiers.

Mais en fin de compte, le Roi Idriss 1er paya au prix fort les abus
perpétrés par certains membres de l’entourage royal, le poids excessif de la
présence (militaire) étrangère et par-dessus tout, sa froideur fort remarquée
vis-à-vis du Raïs Egyptien, pourtant vénéré par la très grande majorité du
peuple de Libye.
Irrémédiablement engagés en politique, dès cette année 1969,
Mouamar Al-Kadhafi et les onze autres membres du CCR vont devoir
directement gérer les relations chargées d’histoire(s) entre leur pays devenu
République indépendante et les Nations occidentales.
Chapitre 3 : Les relations conflictuelles entre « le
guide Libyen » et les pays occidentaux : Causes et
conséquences.

Comme indiqué à l’introduction de cette réflexion, le guide de la


révolution Libyenne a entretenu des rapports plutôt difficiles, voire
conflictuels avec la plupart des pays occidentaux. Sans aucune prétention à
l’exhaustivité, l’on pourrait réduire à au moins cinq problématiques les
grands motifs qui opposaient ces protagonistes concernés, jusqu’au 20
octobre 2011. Il s’agit des batailles autour du prix du pétrole ; des choix
des fournisseurs d’armements ; du soutien aux organisations terroristes ; des
actes de provocation du leader Libyen à l’encontre des pays du Nord et
enfin, de la posture résolument anti- coloniale et anti-impérialiste de
l’ancien maître de Tripoli. Ces terrains de confrontation seront tour à tour
examinés.
Les batailles autour du prix du pétrole et de ses dérivés

Quelques jours seulement après leur accession au pouvoir suprême à


Tripoli, les nouvelles autorités du pays exigent des compagnies pétrolières
occidentales (américaines et anglaises particulièrement), une augmentation
de la quote-part des revenus pétroliers du pays de 50 à 79 %. Ils obtiennent
gain de cause. En outre, elles ordonnent une réduction drastique de la
production de la compagnie américaine Occidental Pétroleum, de 800 000 à
500 000 barils pour l’année 1970.

En septembre 1973, le monde assiste, médusé, au quadruplement du


prix de l’or noir par l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole
(OPEP), sous la férule de l’Algérie, la Libye, le Nigéria et le Gabon.

Cette deuxième opération contribue à renforcer davantage le pouvoir


financier des autorités de Tripoli.

Quatrième producteur de pétrole en Afrique avec près de 1,8 millions


de barils par jour, la Libye possède des réserves évaluées à 42 milliards de
barils.{22}

Avec 92% de ses réserves provenant du pétrole, la Libye peut être de


ce fait considérée comme un Etat rentier. {23}

Dans un tel Etat, la fonction régalienne classique de taxation exercée


par la puissance publique est remplacée par celle de redistribution de la
manne pétrolière. L’Etat n’étant pas dépendant financièrement des impôts
du citoyen, un « pacte implicite » s’instaure entre le dirigeant et celui-ci :
passivité contre redistribution de la ressource économique.{24}

Les pays occidentaux, quant à eux, n’ont souvent eu d’autres choix que de
se résoudre à accepter « les caprices » du guide Libyen quant à sa
propension à être l’avocat des revendications menant à des augmentations
des prix du carburant (1969, 1973, 1975, 1978, 2009). En effet, la Libye
exporte 85% des 1,8 millions de barils par jour qu’elle produit, de la
manière suivante :

Irlande 23,3% ; Italie 22% ; Autriche 21,2% ; Suisse 18,7% ; France


15,7% ; Grèce 14,6% ; Espagne 12,1% ; Portugal 11,1% ; Royaume Uni
8,5% ; Allemagne 7,7% ; Chine 3% ; Autriche 2,3% ; Pays-Bas 2,3% ; et
Etats-Unis 0,5% .{25}

Grâce à ses énormes réserves de pétrole et de gaz naturel, la Libye


affiche en 2010 une balance commerciale en actif de 27 milliards de dollars
U.S et un revenu moyen par habitant de 12 000 dollars U.S .

Pour nombre de pays occidentaux, c’est l’existence de ce confortable


matelas financier qui permettait au leader Libyen de se montrer arrogant,
voire méprisant et irrévérencieux à leur égard. C’est également cette manne
pétrolière qui faisait de la Jamahiriya arabe Libyenne, {26}un pays très
convoité en occident sur la place du marché des armements.
Les choix des fournisseurs d’armement

Malgré les échanges vifs qui souvent caractérisaient les relations


entre le Leader Libyen et les responsables des pays occidentaux, force est
de reconnaître que le pouvoir d’achat de ce petit pays d’Afrique du Nord en
fait généralement un client très convoité des capitales occidentales.

De manière plus concrète, il importe de savoir que « quatorze des


vingt-sept pays membres de l’Union Européenne exportent des armes vers
la Libye, pour un montant de 844 millions de dollars ».{27} En outre, entre
2005 et 2009, c'est-à-dire juste après l’embargo supposé sur les livraisons
d’armes, l’Italie vend à la Libye des armes pour 276,7 millions de dollars
U.S, suivi en deuxième position par la France de 201,5 millions, en
troisième position le Royaume Uni, 119 millions de dollars. U.S, en
quatrième position, l’Allemagne, 83 millions de dollars et Malte, 79,7
millions de dollars. {28}

Entre 1980 et 1983, les achats d’armement effectués par les autorités
de Tripoli s’élèvent à 12 milliards de dollars U.S, ce qui représente 36% de
toutes les armes importées en Afrique.{29} En cette période où les deux super
puissances- l’Union Soviétique et les Etats-Unis – rivalisaient entre elles
pour la conquête ou la conservation « d’Etats-clients » sous leur férule, la
Libye de Kadhafi savait jouer sur ce registre pour opposer l’occident à
l’orient en achetant davantage d’armement chez l’un ou chez l’autre.

De toute évidence, une bonne partie des revenus de la Libye a été


affectée au soutien des activités terroristes pour certains, de libération
politique ou économique pour d’autres.

Soutien aux activités terroristes


Cette option du Leader de la Révolution Libyenne a peut-être été
celle qui a le plus contribué à le rendre réellement antipathique aux yeux
des dirigeants et des peuples occidentaux.

La liste est très longue d’institutions, de structures et d’individus


souvent en délicatesse avec la légalité nationale ou internationale – que
Mouamar Al-Kadhafi ne se lassait de soutenir.

En Europe, le Colonel entretient des relations très étroites avec l’Irish


Republican Army (IRA) qui combat avec violence les autorités
britanniques.

« Il ne faut pas oublier que les révolutionnaires de l’IRA sont en train


d’asséner des coups très durs à une puissance qui a humilié les arabes
pendant des siècles, affirme-t-il. Nous rendons à la grande Bretagne une
partie, fût-elle minime, du mal qu’elle a perpétré jadis et qu’elle continue
de perpétrer dans nos pays ».{30}

En 1975, des documents bancaires fiables ont attesté que Mouamar


Kadhafi a fait virer 3,5 millions de dollars sur les comptes de l’IRA dont
certains membres, comme Thomas Mc Mahon ont par la suite orchestré
l’attentat qui coûta la vie à Lord Mountbatten, le cousin de la reine
Elisabeth II de Grande Bretagne.

Le 05 avril 1986, une bombe explose dans la boîte de nuit « la belle » à


Berlin-Ouest, en Allemagne de l’Ouest. Essentiellement fréquentée par des
soldats américains, l’on dénombre trois morts et 229 blessés, dans ce lieu
supposé être hautement sécurisé. C’est un Président Ronald Reagan furieux
qui déclare sans ambages deux jours plus tard : « nos informations sont
claires, précises et irréfutables, en ce qui concerne l’implication de la Libye
dans cette attaque ».
En outre, le leader de la Jamahiriya est considéré comme le principal
responsable des attentats contre le vol 103 de la Pan Am au-dessus de
Lockerbie en Ecosse le 21 décembre 1988 et du vol 772 de la Compagnie
française UTA du 19 septembre 1989, qui coûtèrent la vie à 440 personnes.

Au Moyen Orient et en Afrique du Nord, le bouillant colonel s’illustre


également par des actes de soutien aux activités terroristes. Au lendemain
de l’assassinat, aux jeux Olympiques de Munich de 1972, de 11 athlètes
israéliens par exemple, il accueille les corps des cinq palestiniens tués dans
l’opération et leur organise des funérailles grandioses à Tripoli. En 1983, à
la question posée par un journaliste du quotidien français Le Monde de
savoir s’il continuait à soutenir les formations islamiques et progressistes du
Liban, il répond, « plus que jamais. Nous leur fournirons des moyens
illimités dans tous les domaines »{31}. En outre, il a été établi qu’entre 1975
et 1976, le guide Libyen aurait versé près de 700 millions de dollars aux
factions libanaises pro- palestiniennes. {32}. Ce n’est donc pas réellement un
hasard si la justice libanaise a lancé, le 24 avril 2008, un mandat d’arrêt
international contre l’ancien maître de Tripoli.

Au fil des années, nombre d’opposants au régime libyen ont connu des sorts
peu enviables. Ainsi, Izzat Youssouf al-Magharief fut kidnappé au Caire en
Egypte, le 12 mars 1990 par les services secrets de la Libye. Mansour
Khikhia, ancien ministre libyen des affaires étrangères dût subir le même
traitement au Caire en décembre 1993.{33}.

En Amérique, « Brother Leader » opta pour le soutien au très controversé


Black Panthers Party, inscrit sur la liste de surveillance rapprochée du
Federal Bureau of Investigation (FBI), et de la non moins problématique
Nation of Islam du prédicateur Louis Farrakhan. Ce dernier a ouvertement
reconnu, lors d’une conférence de presse donnée le 31 mars 2011 à
Chicago, avoir « emprunté » à M. Kadhafi la rondelette somme de 8
millions de dollars U.S dont trois millions pour acquérir le siège de
l’organisation dans le Windy city (surnom de Chicago, la ville balayée par
les vents forts de l’Illinois).

C’est en réaction aux « frasques » de celui qu’il a publiquement


qualifié de « chien fou » (mad dog), {34} que Ronald Reagan a ordonné
« l’opération El Dorado Canyon »destinée à éliminer le guide Libyen en
représailles aux attentats de la boîte de nuit « La Belle » de Berlin-Ouest.

Le 15 avril 1986, dans le cadre de l’opération sus évoquée, dix-huit


bombardiers stratégiques F-111 F du 48ème Tactical Fighter Wing basés en
Angleterre, appuyés par dix-neuf chasseurs décollèrent des porte-avions
USS Saratoga, USS America et USS Coral Sea stationnés dans le Golf de
Syrte, et frappèrent cinq cibles à 2 heures. L’attaque dura environ deux
minutes : les appareils larguent environ 60 tonnes de bombes sur Tripoli,
touchant un aérodrome, un camp d’entrainement à l’Académie navale et la
caserne Bab al Azizia où réside Kadhafi. {35}.

L’Opération « El Dorado Canyon » provoque la mort de 45 militaires et


fonctionnaires, ainsi que celle de 15 civils, dont Hannah, la fille adoptive du
colonel. Si ce dernier s’en sort indemne, c’est probablement – selon A.
Najjar- parce qu’il aurait été prévenu du raid par le président du Conseil
italien, Bettino Craxi. En outre, selon les mêmes sources, l’une des raisons
de l’échec de l’attaque serait le refus de la France et de l’Espagne de laisser
les Etats-Unis survoler leurs territoires, contraignant de fait l’U.S Air Force
de se ravitailler en vol au-dessus de Gibraltar.

Si le soutien inconditionnel de Mouamar Al-Kadhafi aux plus grandes


organisations terroristes concourre sans doute à alimenter le sentiment
d’animosité qu’il suscite dans la plupart des capitales occidentales, sa
conduite personnelle vis-à-vis des « grands de ce monde » ne contribua pas
davantage à en faire un homme de bonne compagnie, selon leurs critères
tout au moins.

La provocation érigée en règle de comportement

Nul ne peut estimer que le premier responsable libyen faisait recours


usuel aux formules diplomatiques quand il parlait d’autres Chefs d’Etat qui
ne sont pas du cercle de ses amis. C’est ainsi qu’il n’hésite pas à
transformer, dans ses discours publics, le nom de l’ancien Raïs égyptien
Hosni Moubarak « Al-Barek » qui signifie en arabe, « l’affalé ». {36}C’est
dans ce même esprit qu’il débaptise le nom du Caire, (la victorieuse en
arabe) la capitale politique de l’Egypte, qui devient sous son inscription
sarcastique, « Al-Maghoura », la vaincue.

Quand lui parvint l’information selon laquelle il figurait sur la liste


noire de la CIA (Central Intelligence Agency) des Etats-Unis, il déclara,
devant des dirigeants arabes éberlués : « je dis merde à Reagan ! ».

Pareils écarts de langage ont poussé certains observateurs de la scène


internationale à s’interroger sur la stabilité mentale du leader libyen.{37}.

Toujours sur ce registre de la provocation, l’ancien maître de Tripoli


organise une rencontre entre les jeunes femmes italiennes et lui, lors de son
passage à Rome en août 2010. « Cherche jolies jeunes femmes, minimum
1,70 mètres. Talons exigés. Mini-jupes et décolletés interdits. » Tel est le
communiqué de presse de l’agence de casting Hostessweb qui « recrute »
les invités pour 80 euros par présence effective. Les « invitées » qui se sont
laissées prendre à ce jeu ont entendu dire par Mouamar Kadhafi, les mots
suivants ; « l’Europe doit se convertir à l’Islam... Les femmes sont plus
respectées en Libye qu’en occident. Epousez des hommes libyens ! » En
guise de cadeau, en dehors des frais de présence mentionnés plus haut,
toutes rentrèrent avec un exemplaire du Saint Coran.
Peut-être, le clou du « Kadhafi Show » fût sa prestation surréaliste à la
tribune de l’Assemblée générale des Nations-Unis, en septembre 2009,
après de longues années d’absence à ce podium. Parmi les morceaux choisis
de son allocution qui dure une heure et trente-cinq minutes en lieu et place
des quinze autorisées par la règlementation de l’ONU, il se prononce entre
autres sur : le droit de véto ; la place de l’Afrique au Conseil de Sécurité et
la question d’Israël.

S’agissant du droit de véto, le colonel libyen pose des questions à un


auditoire ahuri : « Qui a donné à ces pays le droit de véto ? Il est dit dans la
charte que nous sommes égaux. Sommes-nous égaux ? Je voudrais savoir
comment ces pays ont obtenu ces sièges permanents dictatoriaux et
illégaux, et par conséquent nous ne reconnaissons pas cela. »{38}. Ce qui
constituait une sortie quelque peu inhabituelle en cette enceinte où régnaient
l’art et les conventions diplomatiques.

Par rapport à la place de l’Afrique au Conseil de Sécurité, voici les


positions iconoclastes du leader libyen : « Le Conseil de Sécurité, depuis sa
création, ne nous fournit pas la sécurité mais au contraire nous donne la
terreur et les sanctions… L’Afrique mérite un siège permanent au Conseil
de Sécurité des Nations-Unies (ainsi) qu’une indemnisation forfaitaire de
777 000 milliards de dollars (au titre des dommages causés par la
colonisation). » {39}.

Enfin, concernant la question d’Israël, un point de vue inattendu est servi à


l’auditoire ce jour-là : " c’est vous (les occidentaux) qui les avez brûlés.
C‘est vous qui êtes responsables de l’holocauste et qui avez construit les
fours crématoires et les chambres à gaz en Europe. Nous leur avons donné
refuge pendant l’ère romaine, lorsqu’ils ont été expulsés d’Andalousie, et à
l’époque de la guerre avec Hitler, des fours crématoires d’Hitler et des gaz
mortels. Nous les avons protégés. Vous les avez expulsés… Nous ne
sommes pas les ennemis des juifs. Ce sont nos cousins…C’est vous qui les
haïssez, qui haïssez les sémites"{40}. En réalité, en d’autres lieux, le Rais
libyen a tenu d’autres discours moins accommodants sur Israël.

L’audace et l’irrévérence de Mouamar Al-Kadhafi plaisent autant aux


citoyens des pays du Tiers-Monde, qu’elles irritent et exaspèrent les
dirigeants et les populations des pays occidentaux. Comme le souligne
Alexandre Najjar, " c’est précisément cette indépendance d’esprit qui
explique le succès du guide dans les pays du Tiers-Monde où les peuples,
habitués à la langue de bois et aux idées stéréotypées de leurs dirigeants,
apprécient son originalité (pour ne pas dire plus) et voient en lui
l’incarnation de la revanche du faible sur le fort ."{41}.

Intrépide porte flambeau des sans-voix pour les uns, dangereux et


irresponsable démagogue pour les autres. Telle est l’image contrastée d’un
homme dont les paroles, les actes et les options idéologiques n’ont laissé
personne indifférent pendant quatre décennies. Son constant apport à la lutte
anticoloniale a toujours été reconnu par ses « camarades de lutte ».

La posture anticoloniale et anti-impérialiste

Un des aspects qui révulse le plus l’occident dans la conduite de Mouamar


Kadhafi est son soutien quasi-inconditionnel aux causes et aux leaders anti-
impérialistes et anticolonialistes.

S’agissant du premier engagement, celui-ci s’est manifesté entre autres par


l’amitié qu’il voue à des leaders de la classe dirigeante des pays du Sud, tel
que le Président Hugo Chavez du Venezuela.{42} En septembre 2009, lors de
la tenue du deuxième sommet Afrique/Amérique du Sud organisé sur l’Ile
Margarita au Venezuela, les présidents du Venezuela et de la Libye
lancèrent un vibrant appel pour la création d’un front anti-impérialiste à
travers les deux continents, qui pourrait s’appeler l’organisation du Traité
Sud Atlantique (OTSA), avec comme objectif avoué, de contrer
l’organisation du Traité Nord Atlantique (OTAN) qui regroupe les Etats-
Unis et la plupart des pays occidentaux de taille économique respectable.

Pour illustrer le deuxième engagement fort de l’ancien maître de Tripoli,


c'est-à-dire le combat contre le colonialisme, il suffit d’évoquer la
sollicitude prononcée de la Libye au mouvement anti-apartheid de l’Afrique
du Sud de 1969 à 1994.

En conclusion de ce troisième chapitre, il importe de reconnaître que


l’action internationale de Mouamar Al-Kadhafi en occident a été
globalement perçue de façon très négative dans cette partie du monde. Elle
a contribué à peindre l’ancien leader libyen sous les traits d’un agent de
provocation systématique de l’occident. Ses prises de position, ses
investissements financiers dans des causes de déstabilisation et de défi aux
règles établies du droit international, ont souvent contribué à ternir l’image
de marque de la Libye et de son Chef auprès des leaders et des populations
européennes.

Pour le principal concerné, cependant, de telles attitudes de défiance et de


« rébellion » n’étaient que le juste retour de balancier de plusieurs siècles
d’asservissement et d’humiliation subis par les libyens au travers de
l’histoire des relations entre les deux peuples. Il semble également évident
que la liberté de ton que se permet d’adopter Mouamar Al-Kadhafi vis-à-vis
des plus grandes puissances du monde est fonction de la totale
indépendance économique et financière dont jouit la Libye de part la
disproportion entre le volume de ses avoirs et celui de sa population.

Paradoxalement, force est de reconnaitre que la popularité du guide


libyen en Afrique au Sud du Sahara a souvent été positivement reliée au
degré d’outrance de ses prises de position vis-à-vis de l’occident.
Chapitre 4 : L’investissement libyen dans la
réalisation du rêve d’une Afrique unie.

Même en Afrique, surtout au sein de la classe dirigeante de certains


pays, Mouamar Al-Kadhafi n’a pas toujours fait l’unanimité. Que la seule
fois où l’organisation de l’Unité Africaine (OUA) n’ait pas pu se réunir de
toute son histoire vieille de 39 ans ait été lors du Sommet de Tripoli à cause
de l’admission controversée du Sahara Occidental au sein de l’organisation,
devrait suffire à illustrer une telle considération.

Malgré cette réalité historique, il demeure vrai que les relations de la


Jamahiriya avec l’Afrique sub-saharienne ont été généralement plus
heureuses et plus fructueuses qu’avec celles entretenues entre Tripoli et la
plupart des capitales occidentales.

Le présent chapitre, par souci de concision, s’appesantira sur trois aspects


clés des rapports entre la Libye et le reste de l’Afrique : Dans un premier
temps seront examinés les revers subis par la Libye dans sa tentative
d’établissement de traités d’union avec d’autres pays d’Afrique du Nord. La
seconde articulation se penchera sur la nature des problèmes similaires
rencontrés en Afrique sub-saharienne. Enfin, le degré d’implication de la
Libye dans les processus d’intégration et de développement du continent
(surtout dans le contexte de la création des Etats-Unis d’Afrique) sera
évalué et discuté.

Les revers subis par la Libye en Afrique du Nord

Juste après son accession au pouvoir à Tripoli, le jeune dirigeant libyen en


proie à la fougue nationaliste s’est lancé à corps perdu dans l’établissement
des traités d’union avec plusieurs pays de sa sous-région, au nom de la mise
en œuvre de son idéal panarabique.
Comme l’indique le tableau ci-dessous, ces accords se signaient
pratiquement chaque année. Il y eut d’abord des traités d’union, mais aussi
quelques fois, des accords de coopération.

Source: René Lemarchand (sous la direction de), the Green and the
Black. Qadhafi’s policies in Africa, Bloomington, Ind., Indiana University
Press, 2008, P.

Devant une telle frénésie de négociations et de signatures d’accords


d’unions, les dirigeants d’Afrique du Nord ont commencé à se poser un
certain nombre de questions sur la finalité-voire même la rationalité- d’une
pareille approche de la part du jeune leader libyen.

Le discours de Zouara, bien que prononcé le 15 avril 1973 dans un cadre


purement national, donne des frissons aux autres responsables étatiques de
la sous-région. Il proclame le statut privilégié des masses populaires,
appelées à accomplir leur mission historique telle que prescrite dans le livre
vert rédigé par le leader Kadhafi ; s’organiser en comités populaires, en
congrès populaires dont les décisions exécutoires permettront enfin au
peuple de devenir maître de son destin. Il s’agit, en clair, d’un appel au
renversement de la bureaucratie étatique en cour, jusqu’à l’instauration
d’une " démocratie directe " par le peuple et pour le peuple » et d’une mise
entre parenthèses du rôle des institutions régaliennes de l’Etat dans le
fonctionnement de la Libye.

Le coup d’Etat institutionnel concocté par Mouamar Al-Kadhafi, survenu au


moment où la Libye signait des accords d’union avec plusieurs pays voisins,
avait d’autant plus de raison d’inquiéter tous les présidents signataires
qu’une clause spécifique insérée dans ces chartes indiquait que " le peuple
est la fondation de l’Unité des pays signataires."

Beaucoup de Chefs d’Etats, plus âgés et plus expérimentés dans l’art de


gouverner leurs nations (Anouar Al Sadate, Habib Bourguiba et Hafez Al
Hassad par exemple) avaient de quoi exprimer certaines réserves à l’endroit
du discours beaucoup trop révolutionnaire de Zouara. Tous ces accords
furent dénoncés les uns après les autres par les différents pays d’Afrique du
Nord partenaires de la Libye.

En outre, le comportement pour le moins imprévisible, quelques fois


injurieux, et très souvent irrespectueux du guide libyen vis-à-vis de ses pairs
et même de ses pères au sein de la ligue arabe, contribue à enterrer tous les
rêves juvéniles de panarabisme, nourris par le nouvel homme fort de Tripoli.

Ayant entamé son capital de sympathie auprès des plus hauts responsables
des pays de l’Afrique du Nord-mais pas auprès des peuples de ces pays-il ne
reste plus au « frère-guide » qu’à se tourner vers les leaders et les peuples
d’Afrique sub-saharienne, afin de leur proposer un projet d’émancipation de
l’Afrique sur la base d’une pensée panafricaniste telle qu’ébauchée au début
du XXème siècle par les penseurs tels que W.EB. Dubois des Etats-Unis
(1868-1963) Marcus Garvey de Jamaïque (1885-1940), Kwamé Nkrumah
du Ghana (1909-1972).

Les premiers déboires de la Libye en Afrique sub-saharienne

C’est d’abord par le conflit territorial entre la Libye et le Tchad, que


Tripoli signale réellement sa présence et son intérêt pour l’Afrique noire !
En effet, dénonçant le caractère arbitraire des tracés frontaliers coloniaux,
tout en faisant prévaloir l’appartenance historique de la Bande d’Aouzou à
l’Empire Ottoman dont la Libye serait l’héritière territoriale. Mouamar
Kadhafi lance une attaque militaire en 1973 sur la Bande d’Aouzou qui est
finalement annexée en 1976. Après des négociations infructueuses, ce
dossier est porté à la Cour Internationale de Justice (CIJ) de la Haye qui
statue en 1994 par une majorité de 16 juges contre un en faveur du Tchad.
Le 30 mai 1994, le retrait officiel de la Libye de la Bande d’Aouzou est
constaté.

En 1979, le régime du très controversé "Maréchal" Idi Amin Dada en


Ouganda, fortement soutenu par la Libye, est mis en déroute par l’armée
Tanzanienne{43}. Tripoli réclamait aussi 19,400 km² de territoire appartenant
au Nord de la République du Niger. Cette liste est loin d’être exhaustive.

Malgré ces débuts difficiles, l’horizon des relations entre la Libye et le reste
du continent noir s’éclaircit graduellement, grâce au projet de la création des
Etats-Unis d’Afrique dans lequel Tripoli s’implique très activement.

L’investissement libyen dans le projet de la création des Etats-Unis


d’Afrique
Il est de notoriété publique désormais que c’est la Libye du guide
Kadhafi qui, le 26 décembre 2007, offre à l’Afrique entière le tout premier
satellite de communication de son histoire. Comme le rappelle avec
pertinence et courage le politologue Jean-Paul Pougala, tout commence en
1992, quand 45 pays africains décident de créer le RASCOM (Regional
African Satellite Communication Organisation), {44} dans le but de réduire de
manière significative les coûts très élevés de la téléphonie, de la télévision,
la radio diffusion et de multiples autres applications telles que la
télémédecine et l’enseignement à distance{45}.

Avant cette date, téléphoner à partir ou en direction de l’Afrique équivalait à


accepter de payer le plus cher taux de communication au monde, parce qu’il
y avait un impôt de 500 millions de dollars US que l’Europe encaissait par
an sur les conversations téléphoniques qui allaient ou venaient du continent
par le relais des satellites européens comme Intelsat.

Au même moment, un satellite africain coûtait juste 400 millions de dollars


US, payables une seule fois en lieu et place de la location annuelle forcée à
laquelle étaient contraints les Etats du continent.

Devant les tergiversations de la Banque Mondiale, du Fond Monétaire


International (FMI), des Etats-Unis et de l’Union Européenne qui, quatorze
années durant, avaient fait croire aux africains qu’ils allaient trouver une
solution à la location du satellite européen, le colonel décida de taper du
poing sur la table et de déposer sur celle-ci 300 millions de dollars US pour
l’achat d’un satellite. La Banque Africaine de Développement (BAD) ajouta
à cette somme 50 millions de dollars et la Banque Ouest Africaine de
Développement, 27 millions de dollars US.4{46}. L’on attend pour 2020, la
mise en activité effective du tout premier satellite 100% africain, construit
sur le continent à partir de l’Algérie pour parfaire cette dynamique de
reprise en main technologique par les ingénieurs du continent.
Outre la mise en service du satellite RASCOM, qui eut pour effet
d’ouvrir enfin l’Afrique à elle-même sur le plan communicationnel et sur
celui d’une meilleure connaissance de soi- étape indispensable à une
intégration continentale réussie- Mouamar Al-Kadhafi œuvre sans relâche
pour la création d’un Fond Monétaire Africain (FMA), d’une Banque
Centrale Africaine et d’une Banque Africaine des investissements telles que
prévues par l’acte constitutif de l’Union Africaine présenté pour la première
fois à Lomé, au Togo, le 11 juillet 2000.

S’agissant plus précisément du FMA - et à titre d’illustration de la nouvelle


approche économico- financière africaine,- il était prévu un capital de 42
milliards de dollars US avec Yaoundé, la capitale du Cameroun, pour siège.
La Libye avait déjà versé 12 milliards de dollars US, l’Algérie 16 milliards,
le Nigeria 3 et l’Afrique du Sud, 3 milliards de dollars également.

En outre, le budget ordinaire de l’Union Africaine était alimenté


annuellement à 75% par cinq pays qui étaient : la Libye, l’Afrique du Sud,
l’Algérie, le Nigéria et l’Egypte.

De façon plus détaillée, lorsqu’on tente d’évaluer, même sommairement, la


contribution financière de la Libye de Mouamar Al-Kadhafi au
développement économique des différentes sous-régions d’Afrique, la
conclusion à laquelle l’on parvient est claire. Celle-ci a été colossale. A titre
d’exemple, quelques investissements libyens seront évoqués, pour illustrer
le vaste déploiement de Tripoli en Afrique (surtout sub-saharienne) au
courant de ces vingt dernières années.

Avant d’entamer ce tour d’Afrique illustratif des investissements libyens en


Afrique, il convient, à ce stade, de faire au préalable connaissance avec les
principales structures chargées de conduire de façon concrète les relations
entre la Libye et les autres pays africains. Parmi celles-ci, l’on compte aux
premiers rangs : la Libya Arab Africa Investment Compagny (LAAICO), qui
est présente dans 25 des 54 pays d’Afrique et dont les investissements sur le
continent sont passés de 25 millions de dollars US en 1991 à 1,5 milliards
de dollars en 2008.{47}.

Depuis 2007, la LAAICO dépend au plan structurel de la Libya Africa


Portofolio (LAP) qui disposait quant à elle d’un capital de 8 milliards de
dollars US dont 5 milliards devaient être consacrés exclusivement à
l’Afrique. C’est également La LAP qui, en tant que holding, couvre : la Oil
Libya Holding Compagny (qui compte 1200 stations d’essence dans 20
pays) ; la Compagnie aérienne Afriqiyah Airways, créée en 2001 avec un
capital de 70 millions de dollars US ; la Libyan Foreign Investment
Compagny (LAFICO) et la Banque Sahélo-Saharienne pour l’industrie et le
Commerce (BSIC).{48} ;

Comme l’indique clairement le catalogue non exhaustif des investissements


libyens en Afrique, ces derniers - contrairement à l’approche chinoise
essentiellement focalisée sur les industries extractives- s’intéressent
principalement aux secteurs tertiaires et primaires (hôtellerie,
télécommunication et agriculture) dans les cinq sous-régions du continent.

(a) En hôtellerie, par exemple, la Laico possède à l’Est du continent, le


Regency de Nairobi (Kenya), le Bahari Beach de Dar-es-Salam
(Tanzanie) et le Lake Victoria à Entebbe (Ouganda). A l’Ouest, les
fleurons du groupe se nomment le Ouaga 2000 (Burkina Faso),
l’Amitié et le El-Farouk à Bamako (Mali), l’Atlantic à Banjul
(Gambie), le 2 février à Lomé (Togo), le Bissau et le Tulip à Accra
(Ghana). Au Centre, le groupe Laico est implanté à Brazzaville au
Congo, le (Méridien) à Libreville au Gabon (Okoumé Palace), à
Kigali, au Rwanda (Umubane) et à Ndjamena, au Tchad (Kempinski).
(b) Enfin, au Sud du continent, la chaine est propriétaire du Michel
Angelo à Johannesburg en Afrique du Sud et du Rimbo à Harare au
Zimbabwe.{49}
Sources : compilation par l’auteur de plusieurs articles de journaux et de
magazines : Curter psy. op, (on line) 24/05/2012) ; Les Afriques, 11 et 12
octobre 2012 ; African Business, Mars-avril 2009, pp. 22-25. Ceci n’est
qu’un petit échantillon, à titre illustratif, des énormes investissements
libyens en Afrique.

Cette politique d’investissement de la Libye- dont une simple ébauche


en est faite dans le tableau ci-dessus - était portée par les grands stratèges
financiers du colonel tels que, entre autres : Khaled Kagigi, Directeur
général de la Libyan Arab Investment Port folio (LAIP), Taher Siala,
Directeur général de la Libyan Foreign Investment Compagny (LAFICO),
Abdulbaset Elazzabi, Directeur général de la Libyan Arab Green Port folio
(LAP) ;

Malgré tout le mal que pense en général Alexandre Najjar de Mouamar Al-
Kadhafi, ce dernier reconnait tout de même que « les statistiques indiquent
une présence massive de la Libye dans le secteur hôtelier avec 23 unités
hôtelières réparties sur 15 pays, à savoir la Tunisie, l’Afrique du Sud, la
Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda, le Gabon, la Centrafrique, le Ghana, la
Gambie, la Guinée, le Mali et le Togo »{50}. En outre, poursuit-il, « une
trentaine de pays africains (sur 54) ont bénéficié des investissements libyens
dont l’Egypte, le Sénégal, le Soudan, Madagascar, la Zambie, São Tomé et
Principe. La Libye avec Oil " Libya" est à la tête de 200 réseaux de stations
d’essence dans seize pays d’Afrique, dont 11 au Cameroun où elles se
substituèrent à la multinationale " Mobil" !{51}

De surcroît, en dépit de tous ces investissements colossaux en Afrique,


Mouamar Al-Kadhafi s’engagea à investir $ 97 milliards de dollars US en
Afrique si celle-ci se décidait enfin à se défaire de l’influence des pays
occidentaux{52}.

Contrairement à ce que tentent de faire valoir les détracteurs du guide de la


révolution libyenne, à l’exemple de cet article du quotidien américain Los
Angeles Times qui soutenait qu’ « en 42 ans de pouvoir, Kadhafi orientait
toute l’aide de l’investissement (du pays) vers sa propre famille et sa tribu,
refusant ainsi d’accorder ces mêmes avantages au reste du pays.»{53}. La
réalité des faits semble toute autre. Elle révèle un plan d’accompagnement
politique et financier de nombreux projets d’envergure sur le sol africain

Par ailleurs, Sans prétendre que la Libye de Kadhafi était un paradis sur
terre, il y a lieu de relever les faits suivants qui se rapportent à son
évolution :

En quarante ans de pouvoir Kadhafien, le taux d’alphabétisation du


pays (la proportion de la population qui est capable de lire, d’écrire et de
compter) est passée de 10% en 1969 à 88% en 2011. L’espérance de vie à la
naissance a progressé de 57 ans en 1969 à 74 ans et trois mois en 2010. En
outre, le taux de mortalité infantile est passé de 125 décès pour 1000
naissances- qui était la moyenne pour l’Afrique des années 1960- à 15 pour
1000 en 2010, octroyant à la Libye la meilleure performance dans ce
domaine dans toute l’Afrique.{54}

Au plan des statistiques économiques, en l’an 2010, la « détestable Libye de


Kadhafi » affichait un produit intérieur brut par habitant de $ 12 062. Plus
important encore, son index de développement humain (IDH), qui prend en
compte la qualité de la vie des habitants (dans des domaines tels que la
santé, les infrastructures, la formation scolaire, le logement etc…) le classait
au deuxième rang de toute l’Afrique avec 0,7 55. De surcroît les soins
médicaux et l’accès à l’éducation étaient systématiquement garantis à tous
les habitants, hommes et femmes. Tous les couples mariés qui le désiraient
avaient accès à un logement, celui-ci étant conçu comme un droit pour
chaque famille libyenne. Le litre d’essence se payait à 0,80 €. Enfin, il est
intéressant d’indiquer que la Libye n’était endettée auprès d’aucune
institution financière internationale. {55}

Pour conclure, il apparait clairement que l’investissement libyen en faveur


de la construction de l’intégration africaine (matérialisé par l’acquisition du
satellite RASCOM ainsi que par une très forte participation aux
financements de l’Union Africaine et de la Banque Africaine de
développement, où le pays détient une grande majorité du capital) se situe
bien au-delà des discours, pour se transformer en actions palpables et
visibles. Le rêve Kadhafien d’une Afrique politiquement libre et
économiquement debout{56} ne séduisait manifestement pas tous les
partenaires internationaux issus de la " Communauté internationale ".

Son élimination physique- option contraire à tous les canons du droit


international-a probablement été perçue par certains " grands de ce monde",
comme la meilleure option pour éviter des évènements et d’éventuels
"déballages" qui auraient pu déstabiliser certains régimes politiques à
travers le monde.

Au regard de tous ces enjeux, l’option de la mort du Raïs libyen ne pouvait


plus apparaître comme une surprise.
Chapitre 5 : La mort de Mouamar Al
Kadhafi

Le 20 Octobre 2011, à 12h30mn, heure de Tripoli, le Colonel Yunus


al Abdali, qui dirige les opérations militaires à l’Est de Syrte, annonce la
chute de la ville natale de Mouamar Al-Kadhafi, après trente jours de
combats acharnés.{57}

Peu de temps après, Mohamed Leith, un des responsables militaires


venu de Mis rata, affirme avoir vu l’ancien homme fort de Tripoli, non
seulement arrêté, mais dans un état très inquiétant, après avoir été brutalisé.

Vers 13h55, le même jour, Abdel Madjid Mlegta, le coordonateur des


opérations militaires au sein du Conseil National de Transition (CNT),
annonce que l’ancien dirigeant libyen « a succombé à ses blessures »{58}.

Les circonstances exactes du décès de Mouamar Al-Kadhafi


demeurent floues. La version la plus probable des faits est qu’un drone
« Predator » américain aurait identifié, aux toutes premières heures de la
journée, un convoi d’environ 75 véhicules s’apprêtant à quitter la ville de
Syrte. Le convoi aurait été stoppé dans sa progression par des tirs de missile
provenant du drone d’une part, et par un bombardement d’un Mirage 2000D
d’autre part. Ces attaques auraient été menées en toute ignorance de la
présence du guide libyen dans l’une des voitures du convoi.

Probablement touché vers 8h30 du matin par l’un des projectiles, ce


dernier tente de se réfugier dans un tunnel de drainage des eaux en
compagnie de certains de ses gardes du corps. C’est là qu’il aurait été
capturé et désarmé par les combattants du CNT puis rudoyé par ces
derniers. Agonisant, blessé à la tête et au ventre, il aurait été transporté à
l’hôpital de Mis rata ou il rendra l’âme{59}. Parmi ceux qui ont été tués le
même jour que le guide figurent : Mansour Dhaou, son cousin et
inséparable garde du corps, Chef de sa garde rapprochée ; Mootasem
Kadhafi l’un de ses fils, ainsi que Ahmed Ibrahim, l’idéologue-en-chef du
régime{60}.

Une fois confirmé, le décès de l’ancien homme fort de Tripoli fit


plusieurs fois le tour du monde et des mass media. Malgré quelques
exceptions observables ici et là dans chacun des camps, l’on notera, de
manière générale, une forme de joie accompagnée de soulagement exprimée
dans les pays de l’hémisphère Nord, et une tristesse teintée d’inquiétude
manifeste dans les nations appartenant à l’hémisphère Sud.
Jubilation et soulagement dans les pays occidentaux

Les réactions des principaux leaders et organismes occidentaux sont


sans équivoque : Barack Obama, le locataire de la Maison Blanche à
Washington, D.C, livre son sentiment : « pendant quatre décennies, le
régime de Kadhafi a dirigé le peuple libyen avec une main de fer…les
droits humains élémentaires n’étaient pas respectés … Voici un jour
historique pour la Libye. L’ombre noire de la tyrannie s’est retirée et avec
ce départ s’ouvre une ère pleine de promesses démocratiques pour le peuple
libyen »{61}.

Du haut du Palais de verre des Nations Unies à Manhattan à New


York, le Secrétaire Général Ban Ki-moon prône la carte de la réconciliation
nationale libyenne en ces termes : « Voici seulement la fin du début. La voie
à emprunter par les libyens sera difficile et semée de difficultés et de défis à
relever. Voici venu le moment pour tous les libyens de s’unir, de se
réconcilier et de reconstruire… ».

Pour le Secrétaire Général de l’OTAN (Organisation du Traité Nord


Atlantique), Anders Togh Rasmussen, c’est un message d’autosatisfaction
qui est délivré : « L’OTAN et ses partenaires ont rempli avec succès le
mandat que leur avait confié l’ONU, de protéger le peuple de Libye…
J’appelle tous les libyens à mettre de côté leurs différences et à construire
ensemble un futur plus reluisant ».

Quant à Nabil Al-Arabi, son homologue de la Ligue Arabe, il


« demande à tous les libyens de transcender leurs blessures du passé pour
envisager le futur sans sentiment de revanche pour ne pas porter atteinte à la
paix et à l’unité nationale ».
A partir du numéro dix de la Downing Street (adresse de la résidence
du Chef du Gouvernement), le Premier ministre britannique David
Cameron, fit la déclaration suivante : « Aujourd’hui est un jour pour se
souvenir de toutes les victimes du Colonel Kadhafi, que ce soit ceux du vol
Pan Am près de Lockerbie ou Yvonne Fletcher tuée dans une rue de
Londres… Je suis fier du rôle joué par la Grande Bretagne dans la chute de
Kadhafi et je rends hommage à la bravoure des libyens qui ont pris part à la
libération de leur pays… ».

Plus poétique, le Premier ministre italien, allié historique de Tripoli,


déclame sa pensée en ces quelques vers : « Sic transit gloria mundi (la
gloire du monde est évanescente) Maintenant la guerre est finie ».

Moins exubérant, le Président russe, Dimitri Medveded fit part plus


sobrement de son état d’esprit en disant : « Nous espérons qu’il y aura la
paix en Libye, et que tous les gouvernants du pays arriveront à trouver un
accord définitif sur la configuration du pouvoir dans ce pays qui devrait
devenir un Etat moderne et démocratique ». Moins nuancé que son
Président, le Ministre russe des Affaires Etrangères, Sergei Lavrov affirma
que le meurtre de Kadhafi constituait une violation des Conventions de
Genève qui interdisent les exécutions sommaires des prisonniers de guerre.
Et le Premier ministre Vladimir Poutine de se demander si l’exécution
sanglante, publique et sans procès d’un Président était conforme aux canons
de la démocratie.

En Israël, pays qui focalisait les attentions belliqueuses du Raïs


libyen déchu, des sources ayant requis l’anonymat au Ministère des Affaires
Etrangères déclarèrent qu’il « n’ya aucune raison pour Israël de s’attrister
de la nouvelle du décès de Kadhafi, qui soutenait le terrorisme et était un
fervent avocat de cette pratique contre les israéliens à travers le monde ».
Au Danemark, le Premier ministre Helle Thorning-Schmidt qualifia
d’historique la journée du 20 octobre 2011 pour la lutte du peuple libyen
pour sa liberté et sa démocratie. Elle affirma la disponibilité de son pays à
soutenir la Libye, tout en comprenant la joie de ses populations.

Le Président français Nicolas Sarkozy, qui avait paradoxalement reçu


le leader libyen quelques mois avant sa déchéance, décrivit la mort de celui-
ci comme « une étape importante dans la bataille du peuple Libyen pour se
libérer de la dictature et du régime violent qui leur fut imposé pendant plus
de 40 ans !

En Espagne, la Ministre des Affaires Etrangères, Trinidad Jimenez,


lança un appel à la réconciliation nationale assorti de l’offre d’assistance de
son pays dans le processus de paix qui pourrait bientôt s’instaurer.

L’une des rares voix discordantes dans ce concert occidental de


satisfaction devant la mort de Mouamar Al-Kadhafi fut celle de la Hollande,
dont le Premier ministre, Mark Rutte exprima son regret de n’avoir pas opté
pour le transfert de l’ex-leader libyen à la Haye, au Tribunal Pénal
International.

Comme l’on pouvait s’y attendre, au vu des enjeux souvent


divergents qui les opposent au sujet de la conduite de la diplomatie
mondiale, les attitudes et les appréciations des leaders et des populations
des pays d’Afrique et de l’hémisphère Sud furent, - à quelques exceptions
près – bien différentes de celles observées dans la partie Nord du globe.

Désolation et inquiétude en Afrique et dans la plupart des pays du Sud

Au Ghana, l’ancien Président John Agyekum Kufuor, déclara sans


ambages que « la mort de Kadhafi est une journée historique et triste pour
l’Afrique. Elle montre aussi que les peuples opprimés peuvent demander
des comptes à leurs leaders ».

Quant au Ministre namibien des Affaires Etrangères, Utoni Nujoma,


son indignation portait sur le fait que « nous avons été témoins de
l’assassinat extrajudiciaire de Kadhafi par le CNT sous le commandement
de l’OTAN ».

L’Afrique du Sud, bien qu’ayant auparavant voté la Résolution 1973


du Conseil de sécurité instaurant une zone interdisant le survol de la Libye,
condamna elle aussi la mort du leader libyen, par la voix de Jacob Zuma,
son Président : « Compte tenu de l’existence d’un mandat d’arrêt
international contre Kadhafi, ceux qui l’ont trouvé auraient dû l’arrêter pour
son transfert à la Cour Pénale Internationale (CPI)… ceci est surprenant.
L’Afrique du Sud espère que la Libye organisera ses premières élections
démocratiques dans un pays où la paix sera restaurée ».

Se référant à la culture africaine, le ministre tanzanien des Affaires


Etrangères rappela que « l’on ne se réjouit jamais de la mort, même de celle
de ses ennemis. La Tanzanie est choquée et attristée par la manière dont a
été tué Kadhafi. Malgré sa mort, notre position reste la même : porter la
guerre en Libye était une erreur et la restauration de la paix et de l’unité
sera un défi ».

Dans un style plus direct, Yoweri Museveni, le Président de


l’Ouganda qualifia la mort de Kadhafi d’acte perpétré par les leaders
peureux du CNT ».

Comme l’on pouvait s’y attendre, l’éloge et la condamnation de


Robert Mugabé, le Président du Zimbabwe, furent à la hauteur de l’amitié
qui liait les deux hommes : « Ceci est une triste journée pour l’Afrique…
Mouamar Kadhafi avait gagné des élections et était un vrai leader. Ce sont
les étrangers qui l’ont renversé et non les libyens. Kadhafi est mort pour
eux. Kadhafi est mort en se battant. C’est un vrai héros de l’Afrique ».
Robert Mugabé voit en la disparition du guide Libyen, « le début d’une
nouvelle recolonisation de l’Afrique ».

Quelques rares pays, comme l’Ethiopie, la Côte d’Ivoire et le Nigéria,


ne se sont pas lamentés sur la disparition du Raïs libyen, essentiellement
pour des raisons de mauvais rapports bilatéraux entre Tripoli et eux.

Cependant, hors d’Afrique, en Amérique Latine et en Asie, beaucoup


de voix se sont élevées pour condamner « la mise à mort » du guide libyen.

Au Nicaragua, le Président Daniel Ortega a condamné la mort de


Mouamar Kadhafi en précisant « qu’elle fait partie de la même vague
d’agression impérialiste menée contre Irak et l’Afghanistan, sous
l’instigation des Etats-Unis ».

Dans un registre similaire, Hugo Chavez, le Président du Vénézuela


déclare à l’Agence France Presse (AFP) : « Nous nous rappellerons toujours
de Kadhafi comme d’un grand combattant, un révolutionnaire et un
martyre. Ils l’ont assassiné. C’est une honte ! ».

Quant à l’Organisation non gouvernementale Human Rights Watch


basée à Londres, son analyse des films et des documents concernant la
capture, puis la mort de l’ex-leader libyen et de ses proches, révèle « qu’ils
ont dû être exécutés après avoir été arrêtés ». L’organisation a donc exigé
une enquête internationale menée par des acteurs neutres et crédibles.

A l’issue de cette litanie de jubilations d’une part et de


condamnations d’autre part, une question centrale s’impose.

Les acteurs occidentaux de la guerre contre Mouamar Al-


Kadhafi étaient-ils exempts de tout reproche dans la situation de la
Libye ?

Nul doute que les actes posés par le leader libyen à l’encontre des
responsables et des peuples de l’occident étaient répréhensibles du point de
vue moral et du point de vue juridique. Mais il reste une question
troublante, s’agissant de la provenance des outils de guerre utilisés par le
régime Kadhafien pour se maintenir au pouvoir en Libye et pour faire droit
à ses visées déstabilisatrices dans le monde entier.

Ces armes lourdes et légères, ces avions sophistiqués, ces matériaux


de pointe étaient manifestement acquis, au prix fort et sans hésitation
aucune dans les pays occidentaux qui ne ménageaient alors aucun effort
pour obtenir les commandes les plus élevées des autorités de Tripoli, la
Libye ne produisant aucune arme de technologie endogène.

Des sources fournies par l’Union Européenne elle-même, il est


aujourd’hui reconnu qu’entre 2005 et 2009, par exemple, les pays de ce
continent ont exporté des armes pour un total de 834.5 millions d’euros{62}.

Le tableau ci-dessous indique, quant à lui, l’essentiel des chiffres de


vente d’armes des principaux pays occidentaux à la Libye.

Vente d’armes par les pays de l’Union Européenne à la Libye de Mouamar


Al-Kadhafi (2005 – 2009) en millions d’euros ( )
Source : Europa, 2012.
Le total des ventes pour la période couverte ci-dessus s’élevait à un
peu plus de 718 millions d’euros.

Chaque pays a le droit d’exercer sa souveraineté en vendant ou en


achetant des armes selon ses propres besoins sécuritaires. Cependant, quand
on a contribué pendant plusieurs décennies comme les pays occidentaux
(Etats-Unis et Canada inclus) à vendre des armes dont on subodoraient
parfaitement l’utilisation potentielle par l’acheteur vis-à-vis de sa propre
population, il y’a quelque chose d’indécent à qualifier plus tard l’Etat-client
de dictatorial. En effet, au plan moral, la responsabilité de la militarisation
du régime de Tripoli face à sa population, semble équitablement partagée
entre les vendeurs et les acheteurs d’armes. Les premiers étant
manifestement mal placés pour entamer une opération de moralisation à
l’endroit des seconds à qui ils cédaient allègrement l’outil d’expression de
la contrainte à l’égard du peuple. Il n’en demeure pas moins que
l’expérience libyenne, par-delà son caractère dramatique, devrait susciter
quelques enseignements d’ordre fondamental sur le continent et pour le
continent.
Chapitre 6 : Quelles leçons pour l’Afrique ?

L’une des caractéristiques de l’Afrique (surtout dans sa composante sub-


saharienne), est de ne presque jamais procéder à des évaluations systémiques par
rapport aux succès et échecs enregistrés dans des domaines aussi diversifiés que
la culture, l’éducation, la science, l’agriculture, la communication, la sphère
socio- politique, etc.

Or, le décès de Mouamar Al-Kadhafi offre une occasion idoine aux


peuples, aux dirigeants et aux multiples acteurs de pointe et de base du continent,
de tirer des leçons permettant d’améliorer le présent et surtout le futur d’une aire
culturelle pourtant reconnue par tous comme étant le berceau de l’Humanité.

Sans aucune prétention à l’exhaustivité, les questions suivantes- d’où


seront tirées des leçons- feront l’objet d’un examen dans ce contexte et dans cet
esprit : la destinée des leaders panafricanistes ; la marginalisation diplomatico-
politique de l’Afrique pendant la crise libyenne ; la nécessité d’une nouvelle
stratégie de financement de l’intégration ; l’urgence d’une approche éducative
axée sur l’affermissement de l’unité africaine et enfin, l’incontournable passage
d’une sécurité militaire à une sécurité alimentaire, culturelle et
environnementale. Ces leçons à tirer de la vie et de la mort du Raïs libyen, seront
discutées les unes après les autres. L’idée étant, une fois de plus, qu’elles servent
surtout de base ou de support à des réflexions de nature plus approfondie.

La destinée des leaders panafricanistes d’Afrique

Bien que le guide libyen ait longtemps été fasciné par Gamal Abdel Nasser
d’Egypte dans les premières années de son pouvoir, il s’avère que la majorité des
africains Sub-sahariens, le rapprochement le plus pertinent serait plutôt avec
Kwamé Nkrumah du Ghana.

La similitude des parcours des deux leaders est frappante à plusieurs titres.

Premièrement, Mouamar Al-Kadhafi et Kwamé Nkrumah ont hérité d’un


pays économiquement riche et financièrement solvable en1969 et en 1957, au
moment de leurs arrivées respectives au pouvoir à Tripoli et à Accra. Dans un
ouvrage consacré au leader ghanéen, le Professeur d’histoire Lansiné Kaba écrit
à ce propos :

Tous les observateurs s’évertuent à dire que ce pays démarre d’un


pas très sûr en 1957. Il est le premier producteur de cacao, et l’un
des cinq majeurs producteurs de l’or. Et mieux, avec ses réserves en
devises de plus de 500 millions de dollars, il compte parmi les plus
riches. Ce sont là des conditions exceptionnelles pour un pays
nouvellement indépendant… Ceci revient à dire que Nkrumah
dispose des moyens de mener une politique étrangère…
indépendante. Il ne dépend d’aucune aide extérieure. {63}

Sous la férule des deux Chefs d’Etat, le Ghana et la Libye peuvent faire la
politique de leurs moyens car ils ont les moyens de leurs politiques.
Deuxièmement, comme Mouamar Al-Kadhafi plus tard, Kwamé Nkrumah
décide d’investir une partie du capital financier de son pays pour la cause de
l’unité du continent. Ainsi, entre 1957 et 1965,"Accra (devient) la capitale, ou
même la Mecque du mouvement de libération et du panafricanisme militant."{64}

Troisièmement, les deux leaders panafricanistes prônent un rapprochement entre


l’Afrique du Nord et l’Afrique Sub-saharienne. L’épouse de Nkrumah était de
nationalité égyptienne et l’un de ses fils se prénomme Gamal, du nom de Gamal
Abdel Nasser. De même à partir de 1998, l’ancien maître de Tripoli se consacre
de plus en plus à un soutien accru à la cause de l’unité Africaine. "Je n’ai plus de
temps à perdre avec les arabes" dit-il. " Je parle désormais du panafricanisme et
de l’unité Africaine… L’Afrique est un paradis… Qui est plein de ressources
naturelles. Le monde arabe est fini." {65} Le guide libyen ira jusqu’à dire : " je
voudrais que la Libye devienne un pays noir. Par conséquent, je recommande aux
hommes libyens, d’épouser uniquement des femmes noires et aux femmes
libyennes de faire de même avec des hommes noirs."{66}

Quatrièmement, il est loisible de constater que la très grande majorité des leaders
panafricanistes africains meurent de façon violente aux mains de commanditaires
non africains, ou à la suite d’opérations pilotées par des structures non africaines.
Tel aura été le cas de la mort de Mouamar Al-Kadhafi, celle de Patrice Emery
Lumumba du Congo Léopoldville en 1961, {67} ou encore de Thomas Noël
Sankara en 1987. {68} Il s’est agit à chaque fois, de morts violentes avec usage des
armes à feu.

Contrairement à Kwamé Nkrumah et à Thomas Sankara, les corps de Patrice


Lumumba et de Mouamar Kadhafi ont été traités de manière à ne pas reposer en
un endroit où ils pouvaient faire l’objet de visites. En clair, Patrice Lumumba a
été dilué dans de l’acide et Mouamar Al-Kadhafi aurait eu ses cendres jetés à la
mer par décision, semble-t-il, des autorités du CNT. L’objectif visé, dans les deux
cas étant de ne point créer les conditions futures d’un culte à des martyres.
Au regard de ce souci manifeste d’effacer de l’histoire africaine toute trace des
leaders qui se sont consacrés à l’avènement du panafricanisme et de l’unité
africaine, il importe pour les peuples et pour les responsables conscientisés de ce
continent, de perpétrer leurs mémoires et leurs œuvres à travers les constructions
de "Musées de l’histoire africaine" dans nos divers pays. Car, comme le dit le
vieil adage bien connu, " un peuple sans histoire est un peuple sans futur." C’est
là l’un des problèmes réels de l’Afrique d’aujourd’hui dont l’essentiel de la
population qui a moins de 20 ans (500 millions de personnes environ) ne sait pas
grand-chose sur son passé et ni sur les grands hommes qui l’ont façonné.

La marginalisation diplomatico-politique de l’Afrique pendant la crise


libyenne.

S’il est une évidence qui se sera dégagée pour tous les observateurs
perspicaces du déroulement de la crise libyenne, c’est le peu de cas fait par les
pays membres de l’OTAN (Organisation du Traité Nord Atlantique) des positions
ou des propositions élaborées par l’Union Africaine, la plus grande organisation
intergouvernemental en Afrique et au monde (en termes de pays adhérents).

Beaucoup d’analystes de cette crise ont prétendu, contre toute logique, que
l’Union Africaine serait restée muette ou sans action décisive durant tout le
conflit.{69}

La vérité pourrait être différente. Le communiqué de la 26ème réunion du Conseil


de Paix et de Sécurité de l’UA qui s’est tenue le 10 mars 2011 était on ne peut
plus clair. Il annonçait que :

Le Conseil exprime sa conviction que la situation actuelle en Libye


appelle une action africaine urgente pour : (1) la cessation
immédiate de toutes les hostilités ; (2) la coopération des autorités
libyennes… pour faciliter l’acheminement de l’assistance
humanitaire aux populations dans le besoin ; (3) la protection des
ressortissants étrangers ; (4) l’adoption des réformes nécessaires
pour l’élimination de la crise actuelle.{70}
En outre, lors de sa 291ème réunion tenue le 26 août 2011 à Addis Abéba au
niveau des Chefs d’Etats et de Gouvernements, le Conseil de Paix et de Sécurité
(CPS) de l’UA a réitéré son option pour une solution politique de la crise
libyenne, en conformité avec les résolutions prises à ce sujet par le sommet de
l’UA de Malabo, Guinée Equatoriale, réuni du 30 juin au 1er juillet 2011.

De façon plus claire, le Conseil en appelle à la mise sur pied d’un gouvernement
inclusif de transition dont l’objectif serait de conduire le pays vers l’organisation
d’élections libres et transparentes avec l’appui de la communauté internationale,
sans exclusive. Le 26 juin 2011, lors de la rencontre ad hoc de la commission de
l’UA chargée du dossier libyen à Pretoria en Afrique du Sud, le colonel Kadhafi
accepte de ne pas faire partie du processus de négociation d’une part, et de
participer à un dialogue qui inclurait le CNT, d’autre part.

Avec les actions et les positions répertoriées ci-dessus, comment peut-on


continuer à soutenir que l’Union Africaine, au travers de son Conseil de Paix et
de Sécurité s’est montrée passive ? Autant il est vrai de reconnaître que l’UA
était confrontée à un type de crise en Libye encore inconnu en son sein, autant il
semble évident que celle-ci a dû durcir sa position vis-à-vis de l’occident après
avoir compris que l’OTAN était déterminée à utiliser le mandat que lui octroyait
la résolution 1973 du 17 mars 2011 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies,
pour opérer un changement de régime par les armes à Tripoli, ce qui est
désormais contraire aux principes de l’organisation panafricaine.

En tout état de cause, le déroulement de la crise libyenne a étalé au grand


jour le manque de cohérence diplomatico-politique de l’Union Africaine. Plus
grave encore a été le fait que cette dernière n’affichait manifestement pas une
volonté ferme d’élaborer une politique de puissance assortie d’une vision
partagée par tous les Etats membres. L’on en a vu trois ou quatre de ceux-ci, se
rendre à la fameuse "conférence de soutien à la Libye nouvelle " organisée à
Paris par l’ex- Président français Nicolas Sarkozy, le 1er septembre 2011.
Si l’Afrique était un continent ayant en son sein des pays membres permanents
du Conseil de Sécurité des Nations-Unies avec droit de Veto, il est incertain
qu’un pareil attentisme eut été envisageable. Il faudra donc désormais plus que
par le passé, que les africains se battent de toutes leurs forces, de façon unie, pour
accéder au statut de membre permanent de cette structure avec droit de véto. Il
faudra surtout qu’au préalable, une véritable doctrine africaine de géopolitique et
de géostratégie puisse accompagner et conforter cette présence qui y symbolisera
la reconnaissance des positions politiques d’un milliard d’humains comme ayant
droit de cité dans la marche des affaires du monde.

De toute évidence, ces analyses resteraient des vœux pieux en l’absence d’un
mécanisme sérieux et fiable de financement de l’Union.

La nécessite d’une nouvelle stratégie de financement de l’Intégration

Point n’est besoin d’être un grand stratège économique ou de disposer


d’une formation de prospectiviste pour imaginer les difficultés financières et
économiques qui, attendent très bientôt l’Union Africaine et avec elle, de
nombreux pays du continent, au regard du seuil d’implication de la Libye de
Mouamar Al –Kadhafi dans les projets d’investissements actuellement en
instance en Afrique.

En dehors des 15% qui revenaient statutairement à la Libye de l’ex homme


fort de Tripoli en termes de contribution au budget ordinaire de l’Union
Africaine{71}, au moins trente pays éparpillés dans les cinq sous-régions du
continent, ont bénéficié d’investissements lourds venant de Tripoli{72}.

En outre, il importe de savoir que les trois projets phares inscrits dans
l’Acte constitutif de l’Union Africaine de juillet 2000 étaient en cours de
gestation sous la houlette de la Libye. Il s’agit, comme nous l’avons vu plus haut,
de la Banque Africaine d’Investissement dont le siège a été fixe à Syrte, en
Libye ; du Fonds Monétaire Africain avec un capital arrêté à 42 milliards de
Dollars US avec Yaoundé au Cameroun pour siège et de la Banque Centrale
Africaine avec siège à Abuja au Nigeria. L’entrée en fonction de ces instances
financières continentales était plutôt imminente pour certaines, telle que le FMA
qui devait ouvrir ses portes le 15 mars 2012 à Yaoundé. Les financements pour
cet organe étaient déjà mobilisés et disponibles.

Mais qui avait véritablement intérêt à soutenir l’idée d’une Afrique volant
graduellement vers son indépendance économique et financière ? Que
deviendraient alors la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International dans
cette perspective ?

Quelles que soient les réponses à apporter à ces questions cruciales, les
Africains d’aujourd’hui gagneraient à se souvenir du courroux que provoque
généralement auprès des organismes de Bretton Woods, (FMI, Banque
mondiale), l’inscription au statut de pays totalement non endettée(PTNE) de
certains Etats africains tels que l’Algérie, la Libye aujourd’hui ou le Ghana
d’hier.

En anticipation des problèmes financiers qui pourraient se faire jour


certainement dans les mois à venir au sein de l’Union Africaine ou de la trentaine
des pays ayant bénéficié de la présence d’importants capitaux libyens, il
conviendrait- à notre sens- de prendre les précautions suivantes :

Convoquer une réunion à Addis Abéba, au siège de l’UA, pour discuter de façon
institutionnelle des nouvelles mesures à prendre pour combler « le vide financier
Libyen ». Des pays riches, tels que l’Algérie, la Guinée Equatoriale, l’Angola
pourraient par conséquent réajuster à la hausse leurs diverses participation
financières au sein de l’organisation Panafricaine.

Remettre de façon urgente au gout du jour l’incontournable discussion sur les


moyens alternatifs de financement de l’Union Africaine .Dans ce contexte, il
serait important pour les Etats membres d’éviter de sombrer dans les courantes
querelles de souveraineté pour s’unir autour de l’idée de faire passer une
résolution autorisant les agences émettrices de billets d’avion ou tout autre titre
de transport en direction de l’Afrique( au premier port d’entrée)à prélever une
petite taxe{73} destinée aux caisses de l’Union Africaine.

Une pareille architecture financière aiderait à renflouer de manière


décisive, la trésorerie de l’Union en ayant l’avantage de ne rien coûter aux Etats
membres qui s’y refusent pourtant très souvent. De manière tout aussi
importante, l’approche financière prônée ouvrirait la voie de la dignité
économique du continent, tant il est vrai que dans la culture africaine, le statut de
mendiant pour quelqu’un de valide relève très certainement du registre de la
honte.

Puisse les plus hauts responsables africains accepter de faire entrer leur
continent, notre continent, dans le concert des nations mondiales, lavé de la
défaite d’une dépendance financière structurelle de leur organisation
intergouvernementale. Il suffit pour cela d’accepter que le mécanisme de
prélèvement des quotes-parts allouées à l’Union Africaine à partir d’un paiement
par les voyageurs en direction de l’Afrique, soit adopté sous forme d’une
résolution sans aucune incidence financière pour les Etats- membres.

L’urgence d’une approche éducative axée sur l’affermissement de l’Unité


Africaine.

Aucun changement profond de la société n’est envisageable sur les plans


économiques politiques, scientifiques technologiques ou culturels sans les
ajustements conséquents des systèmes éducatifs chargés d’amener à l’éclosion
ces mutations. Ces reformes partent du primaire au supérieur.

L’un des reproches que l’on aurait pu formuler au leader défunt de la


Jamahiriya Libyenne aurait été de ne s’être pas suffisamment appuyé sur les
systèmes éducatifs d’Afrique pour créer une dynamique convergente en faveur
de l’intégration du continent. L’immense fortune dépensée par Tripoli pour les
achats d’armes (en termes de tonnes), au fil des ans aurait pu valablement servir
à concevoir des ouvrages, à construire des écoles ou des universités panafricaines
dans chacune des sous-régions de l’Afrique.
Il reste vrai que quelques efforts ont été remarqués ces toutes dernières
années. Dans ce contexte, une Université Panafricaine a été créée par décision du
Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernement de l’Union Africaine
Ex.cl/579(XVII). Cette institution continentale se subdivise en cinq centres
thématiques appelés Instituts de l’Université Panafricaine » hébergé dans les
cinq sous-régions que compte le continent de la manière suivante :

Université Panafricaine pour les Sciences, la Technologie et l’Innovation


(Kenya, Afrique de l’Est) ;

Université panafricaine pour les Sciences de la Vie et de la Terre, incluant la


Sante et l’Agriculture (Nigeria, Afrique de l’Ouest ;

Université Panafricaine pour les Sciences de l’Eau et de l’Energie incluant


les changements climatiques (Algérie, Afrique du Nord)

Université Panafricaine pour les sciences de l’Espace (Afrique du Sud,


Afrique Australe)

Université panafricaine pour la Gouvernance et les Sciences Sociales


(Cameroun, Afrique Centrale).

Pour ce qui est de l’année académique 2012/2013, seuls les Instituts


Universitaires panafricaines situés au Kenya, au Nigéria et au Cameroun seront
en mesure d’ouvrir leurs portes. Les autres le feront au courant des années
suivantes.

Bien avant le stade du supérieur, il semble urgent de concevoir aujourd’hui –


surtout après la mort de Mouamar Al – Kadhafi qui s’en préoccupait sur le plan
politique – des programmes scolaires ayant pour objectif de stimuler la
conscience d’une intégration continentale. Dans ce même ordre d’idées, il
faudrait davantage de programmes d’échanges scolaires (surtout au niveau des
lycées et collèges) Intra – régionaux et inter-régionaux. La mise en place de ces
programmes de mobilité scolaire puis universitaire africaine induirait une
augmentation des coûts de scolarités dans les lycées et collèges identifiés comme
panafricains ».Mais c’est la condition pour une vraie intégration des jeunes
scolarisés, futures élites du continent.

A l’échelle des universités, comme le souligne Jean- Blaise Kenmegne et Kä


Mana dans leur ouvrage consacré à l’Université africaine, dans le cadre de la
renaissance du continent revêt des aspects spécifiques, {74}

L’université Africaine a des missions de contexte. Ils affirment :

« Nous ne concevons pas l’Université africaine

sans cette conscience radicale de notre place

dans le monde et de notre stature dans l’histoire…

Il est du devoir sacré de toute culture, de toute civilisation

de tout peuple et de tout pays d’être à la hauteur

de ses grands rêves et de ses ambitions de splendeur{75} ».

C’est précisément dans les écoles primaires , les collèges et les lycées
secondaires, tout comme les universités et les Centres de Recherche approfondies
et appliquées que doit d’abord se construire le grand rêve de l’Afrique intégrée,
et se concevoir le concept d’un continent uni dans sa diversité humaine et
géographique. Ce message n’a peut-être pas été bien compris par Mouamar Al –
Kadhafi qui, en réalité se méfiait plutôt des intellectuels et des chercheurs
africains. Il ne les a pas beaucoup encadrés financièrement.

Si l’ex- leader de la Jamahiriya s’était appuyé sur la pensée et les penseurs


africains pour bâtir une Afrique ouverte à elle –même et à ses propres valeurs de
civilisation, il aurait pu penser à créer un « Prix Kadhafi » comparable au prix
Nobel, qui aurait récompensé, à hauteur de 1 ou 2 millions de dollar US par
lauréat, les auteurs africains de recherches innovantes et originales dans divers
domaines.
L’on pourrait penser à des domaines tels que la résolution des sempiternels
conflits en Afrique ; les processus de modernisation de la médecine africaine
vieille de plus de 2000 ans sur le continent ; aux recherches sur les conceptions
nouvelles liées à l’agriculture, à l’habitat traditionnel, aux technologies
endogènes, aux arts et aux cultures de l’Afrique.

Beaucoup d’auteurs africains se sont penchés sur la problématique du rôle


central de l’université des savoirs, de la pensée ou de la culture dans le processus
de développement harmonieux de l’Afrique, à l’échelle continentale{76}. Hélas
très peu d’Africains se sont donnés la peine de lire et d’exploiter réellement ces
ouvrages qui, d’ailleurs, ne sont que très rarement commandés par les universités
ou les universitaires du continent. Force est de reconnaître que ces travaux sont
souvent plus lus et mieux connus hors du continent qu’à l’intérieur de celui-ci.

L’ignorance est peut-être la plus grande maladie dont souffrent nombre


d’Africains, car son existence conduit à l’aggravation de tous les maux connexes
qui minent ses populations (santé précaire, manque d’infrastructures, de
formation, etc…). Fort de ce constat troublant, il reviendra aux autres
personnalités emblématiques toujours vivantes du continent, de s’évertuer à ne
pas commettre la même erreur que l’homme du 1er septembre 1969, c'est-à-dire
de ne pas ignorer ou minimiser le rôle de la connaissance, de la culture, de la
recherche et de la technologie dans l’avènement d’une Afrique réellement unie,
forte, prospère et sûre d’elle-même, et de son destin dans le concert des nations
modernes. Mais tout développement dans la durée présuppose la présence d’une
variable décisive : la sécurité humaine.

L’incontournable passage d’une sécurité militaire à une sécurité alimentaire,


culturelle et environnementale

Tout Etat digne de ce nom a besoin d’une armée forte, disciplinée et


efficace. Cependant l’analyse de la crise libyenne qui s’est achevée par le départ
de Mouamar Al-Kadhafi suggère un autre constat : la nécessité d’élargir le
concept de sécurité militaire en Afrique pour englober ses autres dimensions
socio-économiques.

C’est de sécurité humaine qu’il faudrait d’abord parler.

En effet, comme cela a été démontré tout au long du chapitre 3 du présent


ouvrage, la notion de sécurité militaire, restreinte à l’acquisition ou à la
distribution des armes conventionnelles, n’a pas conduit à « sécuriser » le
pouvoir de l’ex-leader de la Libye par exemple.

Il semble important aujourd’hui de bien comprendre la nature réelle des


sources d’insécurité et de travailler à empêcher leur profusion en ce qu’elle
pourrait s’avérer fatale pour la paix en Afrique.

En réalité, il apparaît de plus en plus que sous nos latitudes, que c’est
l’insécurité socio-économique, alimentaire, culturelle et environnementale qui
génère l’insécurité militaire et non l’inverse.

Comme le souligne avec force Abdoulaye Bio-Tchané, ancien Président de


la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD), malgré l’existence de
millions d’hectares de terres arabes disponibles et un potentiel hydrique à nul
autre pareil, « l’Afrique importe encore pour 33 milliards de dollars U.S (23
milliards d’Euros) par an de produits alimentaires, tels que le blé, le riz et le
maïs »{77}.

Afin d’accroître la sécurité alimentaire de l’Afrique, qui dispose par


ailleurs d’une main d’œuvre jeune et abondante et d’un climat généralement
propice à l’agriculture, l’ancien Président de la BOAD suggère de suivre cinq
étapes qui sont :

1- Procéder à une réforme foncière dans les 54 Etats du continent afin


d’adopter une législation rurale permettant de recenser, d’immatriculer
et de sécuriser les terres pour déjouer les desseins des prédateurs
fonciers dont nous parlerons plus loin ;
2- Introduire un processus de modernisation de l’agriculture en la
motorisant et en utilisant les meilleurs semences, engrais et intrants,
tout en facilitant l’accès au crédit rural ;

3- Impulser une amélioration des infrastructures qui boostera la


productivité de 40%. Il s’agit, plus précisément, d’accroitre de façon
substantielle l’accès à l’eau, à l’électricité et aux énergies renouvelables
(géothermie, éolienne, biomasse) qui sont très abondantes et peu
exploitées sur le continent.

4- Décider d’un accroissement significatif des ressources budgétaires en


faveur du secteur agricole. La plupart des 54 Etats de l’Union Africaine
consacrent encore 5% de leur budget nationaux à ce secteur, alors
qu’une résolution de l’Organisation Panafricaine, votée au Sommet de
Maputo, au Mozambique en 2004 avait prescrit de porter ce
pourcentage à 10%.

5- Accepter de mettre en commun les efforts, les ressources, les recherches


et les savoirs, dans un cadre sous-régional d’abord, puis continental
ensuite{78}.

Cette véritable révolution agricole que prônent toutes les filles et tous les
fils d’Afrique, s’avère d’autant plus indispensable qu’en 2050, notre continent
comptera 2 milliards d’habitants qu’il faudra nourrir convenablement. Une
Afrique qui est incapable de nourrir ses populations ne peut jouir d’aucune
crédibilité internationale, ne peut mener aucune politique de puissance,
condamnée qu’elle sera à continuer à attendre sa pitance des autres continents de
la planète.

Les Africains doivent, par conséquent se résoudre à comprendre que la


nouvelle activité qui a pris pied sur leurs terres ancestrales, - la vente ou la
location massive des terres aux consortiums agricoles étrangers – est suicidaire
pour l’avenir de l’agriculture des populations locales et pour leur survie{79}.
Il semble évident que ces situations ne peuvent que conduire à une plus
grande insécurité alimentaire qui, à terme, mènera à des troubles socio-
économiques qui, à leur tour, attirerons les marchands d’armes. Le cercle vicieux
des conflits et des guerres pourra alors se réinstaller, obérant tous les efforts
économiques accomplis auparavant.

Le guide libyen défunt l’avait apparemment compris, sur le tard peut-être,


puisque la nouvelle approche de la Libye ces dernières années consistait en
l’établissement de joint-ventures agricoles en Afrique Sub-saharienne dans des
projets tels que Malybia (Mali/Libye) dont lil a été question au chapitre 4 du
présent ouvrage.

Enfin, par instauration d’une sécurité socio-économique et culturelle, il


faut comprendre la mise sur pied d’institutions sociétales en adéquation avec
l’idéal républicain d’un Etat équitable où les droits économiques (tels que le droit
à l’emploi), politiques (parmi lesquels le droit au vote et à l’expression des idées
politiques plurielles) et culturels (qui comportent l’acceptation de la diversité
culturelle) sont les mêmes pour tous les citoyens, sans discrimination aucune.
Une telle architecture sécuritaire est susceptible de prévenir le recours
systématique à la sécurité militaire qui ne devrait être envisagée qu’en dernier
ressort.

Sans faire de procès d’intention au CNT libyen, il ne semble pas exagéré


de penser, - au regard de l’attitude accusée envers les noirs sub-sahariens durant
la crise de février-octobre 2011 par les responsables de cet organisme -, que les
investissements en Afrique noire ne seront pas leur priorité. Pas plus que
l’accélération du processus de création des Etats-Unis d’Afrique. Puisse chaque
citoyen du continent, chaque responsable en Afrique, conscient de la nécessité
d’infléchir positivement la course de notre trajectoire dans le monde, intégrer
cette nouvelle donne et penser le futur du milliard d’habitants que nous sommes
en y introduisant les nouveaux paramètres qui feront naître des panafricanistes
encore plus fervents, plus dévoués et plus volontaires que Mouamar Al-Kadhafi,
Kwamé Nkrumah et Patrice Emery Lumumba réunis, dont il convient par-delà
leurs turpitudes individuelles, de saluer la vision et l’héritage nationalistes.
Conclusion

Si la crise libyenne de l’année 2011 a mis en lumière un dysfonctionnement,


c’est bien la difficulté pour l’Union Africaine de projeter la voix et la
posture de l’Afrique sur la scène mondiale en temps de crise. Comme le
rappelle une jeune chercheuse de l’Institut des Relations Internationales du
Cameroun (IRIC), «dans un contexte où l’espace médiatique est largement
dominé par les média occidentaux, le défaut de projection médiatique de
l’UA laisse place à la vision occidentale de la réalité africaine». Une
analyse géopolitique des média révèle sans l’ombre d’un doute que la
médiatisation des positions de l’Union Africaine est caractérisée par un
grand déséquilibre qualitatif et quantitatif de l’information entre l’Afrique
et l’Occident, car l’offre africaine est dérisoire par rapport au volume
d’informations occidentales.
Il serait donc hautement souhaitable que l’Union Africaine se résolve enfin
à accorder une plus grande importance, non pas à la seule information (qui
étymologiquement est un mot issu du latin informare, qui signifie donner
une forme, aviser, «mettre au courant», rapporter un évènement), mais aussi
et surtout à la communication (qui renvoie au terme latin communicare, qui
se comprend comme communion, partage, donc l’établissement d’une
relation spécifique conduisant à la formation d’une opinion basée sur des
informations reçues. Les chaînes de télévision ou de radio à audience
planétaire sont rarement neutres dans leur traitement de l’information. Il en
va ainsi de Voice of America (VOA), Channel News Network (CNN) pour
les Etats-Unis ; Russia Today pour la Russie, Al Jazeera du Qatar pour le
Proche et Moyen Orient ; Radio France Internationale (RFI) et France 24
pour la France ; British Broadcasting Corporation (BBC) Radio et
Télévision pour le Royaume Uni ; l’Agence de Presse Chine Nouvelle et
China Central Television (CCTV) pour la Chine ; TV Globo International
pour le Brésil et Télésur pour le Venezuela et l’Amérique du Sud. Elles
suivent toutes une ligne éditoriale qui promeuvent les intérêts de leurs pays
ou continents. Ce qui est tout à fait normal. L’Afrique, avec son milliard
d’habitants, ne dispose pas, comme les autres parties du monde listées plus
haut, d’organes de presse écrite, de radio diffusion ou de télévision pouvant
dispatcher ou relayer des nouvelles en provenance de tout le continent en
temps réel3. Cependant, depuis moins de dix ans, des chaînes de télévision
panafricaines ont vu le jour. Il s’agit, entre autres, de chaînes telles que Vox
Africa, Africa 24, South Africa Broadcasting Corporation (International)
SABC International, sans oublier la Chaîne de radio Africa N°1, qui émet
de Libreville au Gabon et de Paris en France. L’idéal, pour assurer une
bonne communication officielle du continent africain en direction à la fois
des populations du continent et du reste du monde, eût été pour l’Union
Africaine, de posséder une chaîne de radio, de télévision et un magazine
couvrant les 54 pays membres par voie de fibre optique. Grâce à une
nouvelle technologie venue de l’Inde, cela est d’ores et déjà faisable. Ainsi,
l’Afrique, de manière claire et audible4 pourrait se faire entendre sur les
problèmes qui la concerne au premier chef, comme ce fut le cas de la crise
libyenne, sans attendre le bon vouloir d’organes de presses extra-africains
pour porter ses positions à la connaissance du monde, mais à leur manière.
La disponibilité de l’outil technologique de relais des informations
permettrait au continent d’entreprendre une vraie communication
internationale, en faisant connaître au monde les changements que connait
l’Afrique. Mouamar Al-Kadhafi, à l’inverse de nombreux observateurs de
la scène continentale, savait parfaitement que «le taux de l’investissement
en Afrique était plus élevé que dans toute autre région en développement».
Dans ce même état d’esprit, une étude du cabinet Mc Kingsley Global
Institute basé aux Etats-Unis va même jusqu’à déclarer ce continent comme
prochaine nouvelle frontière économique mondiale.
En effet, pour la décennie 2000-2010, les échanges commerciaux entre
l’Afrique et le reste du monde ont augmenté de 200%, l’inflation annuelle a
été contenue à 8% en moyenne et la dette extérieure a diminué de plus de
25%. Pour la seule année 2011, l’investissement étranger direct (IED) a
connu une hausse de 27%. Le chemin pour atteindre une croissance forte et
pérenne reste encore long. Les pays à vocation touristique du continent ont
été frappés de plein fouet par les différentes crises socio-politiques qu’ils
ont connues (Egypte et Tunisie en particulier). En outre, plus à l’ouest, les
récents coups d’Etat survenus au Mali et en Guinée sont de nature à
perturber la croissance observée en Afrique de l’Ouest. Enfin, il reste
toujours vrai que près de la moitié du milliard d’habitants du continent
continue à vivre avec moins de 2 dollars US par jour, même si la classe
moyenne a connu une augmentation considérable ces deux dernières
décennies. Mouamar Al-Kadhafi, dont le pays disposait de moyens
financiers énormes, a bien pris la mesure de la nouvelle tendance positive
de l’évolution économique de l’Afrique Sub-saharienne. Cette prise de
conscience s’est traduite par une série d’investissements lourds dans
plusieurs domaines. Il ne reste plus qu’à souhaiter que cette tendance
nouvelle qui voit une augmentation substantielle d’investissements africains
en Afrique (MTN, Celltell, EcoBank, Union Bank of Africa, Oil Libya,
etc…), puisse se renforcer au fil du temps. Mais que chacun comprenne
bien que Mouamar Al-Kadhafi, qui a effectivement perpétré des actes
condamnables vis-à-vis de l’occident et des occidentaux, ne peut être jugé
en Afrique, que par rapport à son bilan global sur notre continent.
ANNEXE
Discours de Mouamar Kadhafi devant la
64e
Assemblée Générale des Nations Unies,
Le 23 septembre 2009

À cause de sa tonalité peu diplomatique, cette allocution a provoqué un


grand malaise dans la célèbre enceinte de l’ONU. Pour certains, ce fut le
leader de la Jamahiriya libyenne dans sa meilleure performance, pour
d’autres, l’on ne pouvait faire pire pour sa propre réputation et pour celle de
l’Afrique en délivrant de pareils propos. Il reviendra à chacun de se faire sa
propre idée après avoir pris connaissance du contenu du discours aux
termes quelquefois crus du colonel libyen, qui s’exprimait à New York en
qualité de Président en exercice de l’Union Africaine.
Discours de Mouammar Kadhafi à la
64e Assemblée générale de l’ONU
Par Mouammar Kadhafi
Le 23 septembre 2009

Au nom de l’Union Africaine, je voudrais saluer les membres de


l’Assemblée générale des Nations Unies, et j’espère que cette séance sera
l’une des plus historiques de l’Histoire du monde. Au nom de l’Assemblée
générale en sa soixante-quatrième session, présidée par la Libye, de l’Union
africaine, d’un millier de royaumes africains traditionnels et en mon propre
nom, je voudrais saisir cette occasion, en tant que Président de l’Union
africaine, pour féliciter notre fils M. Obama qui participe pour la première
fois à l’Assemblée générale en sa qualité de Président des États-Unis, et
pour le saluer étant donné que c’est son pays qui nous accueille pour cette
réunion. Cette séance a lieu alors que nous devons faire face à de nombreux
défis, et que le monde entier devrait s’unir et rassembler ses efforts pour
relever les défis qui constituent notre principal ennemi commun, à savoir les
changements climatiques et les crises internationales comme le déclin de
l’économie capitaliste, les crises de l’eau et de la nourriture, la
désertification, le terrorisme, l’immigration, la piraterie, les épidémies naturelles et
celles causées par l’homme, ainsi que la prolifération nucléaire. Sans doute le virus de la grippe
H1N1, originairement destiné à être utilisé comme
une arme militaire, a-t-il été créé en
laboratoire et s’est-il répandu accidentellement. Ces défis incluent
également l’hypocrisie, la pauvreté, la peur, le matérialisme et l’immoralité.
Comme on le sait, l’ONU a été créée par trois ou quatre pays, à l’époque
unis contre l’Allemagne. L’ONU s’est formé avec les pays qui s’étaient
réunis pour lutter contre l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ces pays ont constitué un organe appelé Conseil de sécurité, dont ils sont
devenus les membres permanents, et se sont octroyé le droit de veto. Nous
n’étions pas là à l’époque. L’ONU a été conçue selon les volontés de ces
trois pays, et nous a demandé de nous conformer à une vision
originellement destinée à lutter contre l’Allemagne. Voilà en substance ce
qu’était véritablement l’ONU lorsqu’elle fut fondée il y a plus de 60 ans.
Cela s’est produit en l’absence de quelque 165 pays, dans une proportion
d’un sur huit, c’est-à-dire qu’un pays était présent pour huit absents. Ils ont
créé la Charte, dont j’ai ici une copie. Si on lit la Charte des Nations Unies,
on trouve que le Préambule de la Charte diffère de ses Articles. Comment
cela se peut-il ? Tous ceux qui étaient présents à la Conférence de San
Francisco en 1945 ont participé à la rédaction du Préambule, mais ils ont
laissé les Articles et le Règlement intérieur du soi-disant Conseil de sécurité
à des experts, des spécialistes et aux pays intéressés, ceux-là mêmes qui
avaient créé le Conseil de sécurité et s’étaient unis contre l’Allemagne.
Le Préambule est très attrayant, et personne n’a rien à y redire, mais toutes
les dispositions qui viennent ensuite contredisent complètement le
Préambule. Nous rejetons ces dispositions, et nous ne les observerons
jamais ; elles sont révolues depuis la fin avec la Seconde Guerre mondiale.
Le Préambule dit que toutes les nations, grandes ou petites, sont égales.
Sommes-nous égaux s’agissant des sièges permanents ? Non, nous ne
sommes pas égaux. Le Préambule déclare noir sur blanc que toutes les
nations sont égales, qu’elles soient grandes ou petites. Avons-nous le droit
de veto ? Sommes-nous vraiment égaux ? Le Préambule dit que nous avons
les mêmes droits, que nous soyons une grande ou une petite nation. C’est ce
qui est dit dans le Préambule et ce sur quoi nous nous sommes mis
d’accord. Le droit de veto contredit donc la Charte. Les sièges permanents
contredisent la Charte. Nous n’acceptons ni ne reconnaissons le droit de
veto. Le Préambule de la Charte déclare qu’il ne sera pas fait usage de la
force des armes, sauf dans l’intérêt commun. C’est le Préambule que nous
avons adopté et signé, et nous avons rejoint l’ONU parce que nous voulions
que la Charte reflète ces idées. Il dit que la force des armes ne doit être
utilisée que dans l’intérêt commun de toutes les nations, mais que s’est-il
passé depuis ? Soixante-cinq guerres ont éclaté depuis la création de
l’Organisation des Nations Unies et du Conseil de sécurité – 65 depuis leur
création, faisant des millions de victimes de plus que la Deuxième guerre
mondiale. Ces guerres, ainsi que le recours à l’agression et à la force au
cours de ces 65 guerres, sont-elles dans l’intérêt commun de tous ? Non,
elles sont dans l’intérêt d’un ou trois ou quatre pays, mais certainement pas
de toutes les nations. Nous discutons pour savoir si ces guerres étaient dans
l’intérêt d’un pays ou de toutes les nations. Cela contredit de manière
flagrante la Charte des Nations Unies que nous avons signée et, à moins que
nous agissions conformément à la Charte des Nations Unies que nous avons
adoptée, nous la rejetons et nous n’avons pas peur de parler à quiconque de
façon peu diplomatique. Nous parlons à présent de l’avenir de l’ONU. Il ne
devrait y avoir ni hypocrisie ni diplomatie parce que cela concerne la
question importante et vitale de l’avenir du monde. C’est l’hypocrisie qui a
entraîné les 65 guerres depuis la création de l’ONU. Le Préambule déclare
également que s’il est fait usage de la force des armes, cela doit être une
force de l’ONU – par conséquent, une intervention militaire de l’ONU, avec
l’accord conjoint des Nations Unies, et non pas seulement d’un, deux ou trois pays qui recourent à la
force des armes. L’ensemble des Nations Unies doit décider d’entrer en guerre pour maintenir la paix
et la sécurité internationales. Depuis la création de l’ONU en 1945, si un pays commet un acte
d’agression envers un autre, l’ensemble des Nations Unies doit condamner et mettre fin à cet acte.
Par exemple, si la Libye attaque la France, l’Organisation des Nations Unies devra prendre des
mesures répressives contre l’ennemi libyen car la France est un État indépendant et souverain,
membre de l’Assemblée générale des Nations Unies. Nous avons l’obligation de défendre la
souveraineté des États de manière collective. Cependant, 65 guerres offensives ont été menées sans
que l’ONU prenne de mesures de répression. Huit d’entre elles étaient des guerres destructrices et de
grande ampleur ayant entraîné la mort d’environ deux millions de personnes. Ces guerres ont été
menées par les États disposant d’un siège permanent au Conseil de sécurité et du droit de veto. Les
États sur lesquels nous nous appuyons et comptons pour garantir la sécurité
et l’indépendance des peuples ont eux-mêmes porté atteinte à leur
indépendance et ont eu recours à la force oppressive. Nous pensions qu’ils
feraient reculer l’ennemi, protégeraient les populations et apporteraient la
paix dans le monde et nous nous apercevons que ces pays utilisent la force
brutale alors qu’ils bénéficient de sièges permanents au Conseil de sécurité
ainsi que du droit de veto, qu’ils se sont octroyés.
«Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à
intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence
nationale d’un État ». Cela signifie que le régime étatique relève des affaires
intérieures d’un pays et que personne ne peut intervenir dans ces affaires.
Le régime en place peut être dictatorial, démocratique, socialiste,
capitaliste, réactionnaire ou progressiste, cela concerne la société elle-même
car il s’agit d’affaires intérieures. À Rome, Jules César a été élu dictateur.
Le Sénat lui a donné pouvoir en ce sens car il considérait que la dictature
était à l’époque utile à Rome. C’est une question interne. Qui peut dire à
Rome : « Pourquoi avez-vous nommé Jules César dictateur ? ». Voilà le
point sur lequel nous sommes d’accord, le Préambule. La Charte ne
mentionne pas le droit de veto. Si on nous avait dit que le veto y serait
inscrit, pourquoi serions-nous devenus membres de l’Organisation des
Nations Unies ? Nous avons rejoint l’Organisation des Nations Unies car
nous y sommes égaux en droits et non pour que se présente ensuite un État
qui s’est arrogé le droit de s’opposer à toutes nos décisions et dispose d’un
siège permanent. Qui le lui a accordé ? Quatre États se sont octroyé leur
siège. Le seul pays qui dispose d’un siège permanent à l’issue d’un vote de
l’Assemblée générale est la Chine. Nous lui avons donné nos voix pour
qu’il y siège de manière permanente. La Chine est le seul État dont la
présence au Conseil est démocratique. S’agissant des quatre autres sièges,
leur présence relève de la dictature, nous a été imposée et nous ne la
reconnaissons pas ni ne devons l’accepter. La réforme du Conseil de
sécurité ne doit pas s’orienter vers une augmentation du nombre de sièges.
Une telle mesure reviendrait à « ajouter trop d’eau à l’argile », comme le dit
littéralement un proverbe arabe. J’ignore comment l’interprète a traduit
cette expression mais elle est l’équivalent de « retourner le couteau dans la
plaie ». Sa traduction n’est pas aisée mais elle signifie « empirer les choses
» ou « rajouter une couche ». De quelle façon ? Car d’autres grands pays
rejoindraient alors ces grandes puissances dont nous subissons les décisions
et dont l’emprise sera de plus en plus pesante. Nous nous opposons par
conséquent à une augmentation du nombre de sièges permanents. Cette
solution n’est pas la bonne et serait même risquée car elle renforcerait
davantage le rôle des grandes puissances. Les pays du Tiers-Monde seraient
alors écrasés ainsi que tous les petits pays qui composent désormais le
groupe des Cent, les cent petits pays qui forment le Forum des petits États.
La création de nouveaux sièges pour d’autres grandes puissances
entraînerait l’écrasement de ces pays. Nous rejetons cette idée qui doit être
abandonnée et à laquelle il faut s’opposer fermement. En outre, cela
entraînerait une pauvreté, des injustices et des tensions accrues à l’échelle
mondiale et entraînerait une compétition féroce entre de très nombreux pays
pour l’obtention de sièges au Conseil de sécurité. Seraient ainsi en
concurrence l’Italie, l’Allemagne, l’Indonésie, l’Inde, le Pakistan, les
Philippines, le Japon, le Brésil, le Nigéria, l’Argentine, l’Algérie, la Libye,
l’Égypte, la République démocratique du Congo, l’Afrique du Sud, la
Tanzanie, la Turquie, l’Iran, la Grèce et l’Ukraine. Tous ces pays
revendiqueront un siège au Conseil de sécurité jusqu’à ce que le nombre de
membres du Conseil atteigne presque celui de l’Assemblée, ce qui n’est pas
réaliste. Quelle est la solution ? La proposition requise est soumise
aujourd’hui à l’Assemblée générale, présidée par M. Ali Treki, qui devra se
prononcer par vote. Il s’agit de prendre en compte les décisions prises à la
majorité des voix de l’Assemblée générale sans tenir compte de tout autre
organe. Cette solution fermera la porte à l’animosité entre les pays et à une
augmentation du nombre de sièges au Conseil de sécurité. Cette proposition
est soumise à l’Assemblée générale, au Secrétaire général et à M. Treki.
Cela permettra de baser l’appartenance à l’Organisation grandes puissances
entraînerait l’écrasement de ces pays. Nous rejetons cette idée qui doit être
abandonnée et à laquelle il faut s’opposer fermement. En outre, cela
entraînerait une pauvreté, des injustices et des tensions accrues à l’échelle
mondiale et entraînerait une compétition féroce entre de très nombreux pays
pour l’obtention de sièges au Conseil de sécurité. Seraient ainsi en
concurrence l’Italie, l’Allemagne, l’Indonésie, l’Inde, le Pakistan, les
Philippines, le Japon, le Brésil, le Nigéria, l’Argentine, l’Algérie, la Libye,
l’Égypte, la République démocratique du Congo, l’Afrique du Sud, la
Tanzanie, la Turquie, l’Iran, la Grèce et l’Ukraine. Tous ces pays
revendiqueront un siège au Conseil de sécurité jusqu’à ce que le nombre de
membres du Conseil atteigne presque celui de l’Assemblée, ce qui n’est pas
réaliste. Quelle est la solution ? La proposition requise est soumise
aujourd’hui à l’Assemblée générale, présidée par M. Ali Treki, qui devra se
prononcer par vote. Il s’agit de prendre en compte les décisions prises à la
majorité des voix de l’Assemblée générale sans tenir compte de tout autre
organe. Cette solution fermera la porte à l’animosité entre les pays et à une
augmentation du nombre de sièges au Conseil de sécurité. Cette proposition
est soumise à l’Assemblée générale, au Secrétaire général et à M. Treki.
Cela permettra de baser l’appartenance à l’Organisation sur le fédéralisme,
d’instaurer un système démocratique fondé sur l’égalité de tous les États
Membres et de confier le mandat du Conseil de sécurité à l’Assemblée
générale. Les fédérations, plutôt que les États, en seront membres. En effet,
si nous ouvrons la voie à la réforme du Conseil telle qu’elle est
actuellement envisagée, tous les États voudront disposer d’un siège au
Conseil de sécurité, ce qui est leur droit puisque l’égalité entre les États est
inscrite dans le Préambule de la Charte. Comment les en empêcher ? Qui
peut le leur interdire ? Qui peut empêcher l’Italie de revendiquer un siège si
on en accorde un à l’Allemagne ? L’Italie est le premier pays à avoir rejoint
les Alliés et quitté l’Axe alors que l’Allemagne était l’agresseur et a été
vaincue. Pas l’Allemagne actuelle, l’Allemagne nazie. De même, si l’Inde
obtient un siège, ce à quoi elle peut légitimement prétendre, le Pakistan doit
en avoir un aussi. Ces deux États disposent de l’arme nucléaire et sont en
guerre. C’est une solution dangereuse. Si le Japon obtient un siège,
pourquoi en refuser un à l’Indonésie qui est le plus grand pays musulman au
monde ? Que répondrez-vous ensuite à la Turquie, à l’Iran, à l’Ukraine, au
Brésil, à l’Argentine ou à la Libye, qui a abandonné son programme
d’armement nucléaire et qui mérite donc le droit de siéger au Conseil de
sécurité car elle a contribué à la sécurité internationale ? L’Égypte, le
Nigéria, l’Algérie, le Congo, l’Afrique du Sud, la Tanzanie et l’Ukraine sont
également des États importants. Il faut abandonner cette idée.
L’élargissement du Conseil est un stratagème absurde. Comment procéder à
la réforme de l’ONU si d’autres grandes puissances viennent nous imposer
leur volonté ? La solution est donc l’instauration de la démocratie au sein
du Congrès du monde qu’est l’Assemblée générale. Il faut confier le mandat
du Conseil de sécurité à l’Assemblée générale, le Conseil devenant
simplement un organe exécutif pour la mise en œuvre des décisions de
l’Assemblée.
L’Assemblée est le Parlement du monde, le congrès mondial, le législateur.
Seules ses décisions ont un caractère obligatoire. C’est cela la démocratie.
Le Conseil de sécurité doit se soumettre aux décisions de l’Assemblée
générale et ne doit pas s’élever au-dessus d’elle. S’il le fait, nous devons le
rejeter dès à présent. Ce sont là les organes législatifs des Membres de
l’Organisation des Nations Unies et leurs résolutions devraient avoir force
de loi. On dit que l’Assemblée générale devrait faire tout ce que le Conseil
de sécurité recommande. Au contraire, le Conseil de sécurité devrait faire
tout ce que l’Assemblée décide. Il s’agit des Nations Unies, de l’Assemblée
qui compte 192 pays. Il ne s’agit pas du Conseil de sécurité qui ne compte
que 15 États Membres. Comment pouvons-nous être satisfaits de la paix et
de la sécurité mondiales lorsque le monde entier est contrôlé par seulement
cinq pays ? Nous sommes 192 nations et pays et nous sommes comme des
orateurs dans le Speakers’ Corner (coin des orateurs) de Hyde Park à
Londres. Nous ne faisons que parler et personne n’applique nos décisions.
Nous faisons de la figuration et n’avons pas notre mot à dire. Nous sommes
exactement comme les orateurs du Speakers’ Corner. Nous faisons
simplement un discours et, ensuite, nous disparaissons. C’est ce que vous
faites actuellement. Une fois que le Conseil de sécurité sera transformé en
pouvoir exécutif qui, seul, appliquera les résolutions adoptées par
l’Assemblée générale, il n’y aura plus de rivalité pour devenir membre du
Conseil. Une fois que le Conseil de sécurité sera transformé en outil pour
appliquer les résolutions de l’Assemblée générale, il n’y aura plus de
compétition. Le Conseil de sécurité devrait, tout simplement, représenter
toutes les nations. Conformément à la proposition présentée à l’Assemblée
générale, il devrait y avoir des sièges permanents au Conseil de sécurité
pour toutes les unions et tous les groupes de pays. Les 27 pays de l’Union
européenne devraient avoir un siège permanent au Conseil de sécurité. Les
pays de l’Union africaine devaient avoir un siège permanent au Conseil de
sécurité. Les pays d’Amérique latine et de l’Association des nations de
l’Asie du Sud-Est devraient avoir des sièges permanents. La Fédération de
Russie et les États-Unis d’Amérique sont déjà des membres permanents du
Conseil de sécurité. La Communauté de développement de l’Afrique
australe (SADC), une fois qu’elle est pleinement constituée, devrait avoir
un siège permanent. Les 22 pays de la Ligue des États arabes devraient
avoir un siège permanent. Les 57 pays de l’Organisation de la Conférence
islamique devraient avoir un siège permanent. Les 118 pays du Mouvement
des pays non alignés devraient avoir un siège permanent. Il y a également le
G-100 ; peut-être les petits pays devraient eux aussi avoir un siège
permanent. Les pays qui ne font pas partie de ces unions que j’ai
mentionnées pourraient peut-être avoir également un siège permanent qu’ils
occuperont à tour de rôle tous les six ou 12 mois. Je pense notamment aux
pays comme le Japon et l’Australie qui ne font pas partie de ces
organisations, telles que l’ASEAN, ou comme la Fédération de Russie qui
n’est pas membre des unions européenne, latino-américaine ou africaine.
Cela pourrait être une solution pour ces pays si l’Assemblée générale vote
pour cette proposition. Cette question est de la plus haute importance.
Comme je l’ai déjà dit, l’Assemblée générale est le Congrès et le Parlement
du monde, le dirigeant du monde. Nous sommes les nations qui la
composent et toute entité qui ne fait pas partie de cette Assemblée générale
ne sera pas reconnue. Le Président de l’Assemblée, M. Ali Abdussalam
Treki, et le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, rédigeront le texte du
projet et établiront les comités nécessaires pour présenter cette proposition
et la mettre aux voix. Notre proposition est donc que le Conseil de sécurité
sera composé d’unions de nations. Ainsi, nous consacrerons les principes de
justice et de démocratie et nous n’aurons désormais plus un Conseil de
sécurité composé de pays choisis parce qu’ils ont des armes nucléaires, de
grandes économies ou des technologies avancées. C’est ça le terrorisme.
Nous ne pouvons permettre que le Conseil de sécurité soit dirigé par des
superpuissances : c’est bien là le terrorisme en soi.
C’est ce que nous devrions faire si nous voulons un monde unifié, sûr et
pacifique. Si nous voulons continuer de vivre dans un monde en proie à la
guerre, c’est à vous de voir. Nous continuerons d’avoir des conflits et de
nous battre jusqu’au jour du jugement dernier ou de la fin du monde. Tous
les membres du Conseil de sécurité devraient avoir le droit d’user du veto,
ou alors, nous devrions nous débarrasser de l’idée même du veto avec cette
nouvelle formation du Conseil. Ce serait un véritable Conseil de sécurité.
Selon ces nouvelles propositions présentées à l’Assemblée générale, ce
serait un conseil exécutif contrôlé par l’Assemblée générale qui aura
réellement le pouvoir et pourra faire toutes les règles.

Ainsi, tous les pays seront sur un pied d’égalité au sein du Conseil de
sécurité, tout comme ils le sont au sein de l’Assemblée générale. Au sein de
l’Assemblée générale, nous sommes tous traités sur un pied d’égalité pour
ce qui est de devenir membre et de voter. Tel devrait également être le cas
au sein du Conseil de sécurité. Aujourd’hui, un pays a le droit de veto, un
autre pays n’a pas le droit de veto ; un pays à un siège permanent, un autre
pays n’a pas de siège permanent. Nous ne saurions accepter cela et nous ne
devrions accepter aucune résolution adoptée par le Conseil de sécurité dans
sa composition actuelle. Nous avons été placés sous tutelle, nous avons été
colonisés et maintenant nous sommes indépendants. Nous sommes ici
aujourd’hui pour décider de l’avenir du monde d’une manière démocratique
pour maintenir la paix et la sécurité de toutes les nations, grandes et petites,
sur un pied d’égalité. Sans cela, c’est du terrorisme, car le terrorisme n’est
pas seulement celui d’Al-Qaida, mais revêt également d’autres formes.
Nous devrions être guidés par la majorité qui se dégage des votes au sein de
l’Assemblée générale seulement. Si l’Assemblée générale prend une
décision en la mettant aux voix, ses ordres devraient être suivis et sa
décision devrait être appliquée. Nul n’est au-dessus de l’Assemblée
générale ; toute entité affirmant être au-dessus de l’Assemblée générale
devrait quitter l’ONU et être isolée. La démocratie n’est pas pour les riches
et les plus puissants ou pour ceux qui commettent des actes terroristes.
Toutes les nations devraient être et devraient apparaître sur un pied
d’égalité. Aujourd’hui, le Conseil de sécurité est le symbole du féodalisme
de la sécurité, du féodalisme politique exercé par les membres permanents
pour se protéger et pour s’en servir contre nous. On ne devrait pas l’appeler
Conseil de sécurité mais Conseil de terreur. Sur le plan politique, s’ils ont
besoin d’utiliser le Conseil de sécurité contre nous, ils s’adressent au
Conseil de sécurité. S’ils n’ont pas besoin de l’utiliser contre nous, ils
ignorent le Conseil de sécurité. S’ils ont un intérêt à défendre ou un but à
poursuivre, ils respectent et magnifient la Charte des Nations Unies ; ils ont
recours au Chapitre VII de la Charte et l’utilisent contre les nations pauvres.
Mais, s’ils souhaitent violer la Charte, ils l’ignorent comme si elle n’existait
pas du tout. Si l’on donne un droit de veto aux membres permanents du
Conseil de sécurité qui ont déjà le pouvoir, c’est de l’injustice et du
terrorisme et nous ne saurions le tolérer. Nous ne devrions pas vivre à
l’ombre de cette injustice et sous la terreur. Les superpuissances ont des
intérêts mondiaux complexes, et elles se servent du veto pour défendre ces
intérêts. Par exemple, au Conseil de sécurité, ils utilisent le pouvoir de
l’Organisation des Nations Unies pour défendre leurs intérêts et pour
terroriser et intimider le Tiers-Monde, amenant celui-ci à vivre dans la
terreur.
Depuis le début, depuis sa création en 1945, le Conseil de sécurité n’a pas
assuré la sécurité. Au contraire, il a produit la terreur et des sanctions. Il est
uniquement utilisé contre nous. Pour cette raison, nous ne nous engagerons
plus à mettre en application les résolutions du Conseil de sécurité après ce
discours, qui marque le quarantième anniversaire.
Soixante-cinq guerres ont éclaté : ou des combats entre petits pays, ou des
guerres d’agression menées contre nous par les superpuissances. Le Conseil
de sécurité, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies, n’a pris
aucune mesure pour mettre fin à ces guerres ou ces actes d’agression contre
des petits pays et peuples. L’Assemblée générale va voter un certain nombre
de propositions historiques. Ou bien nous agissons ensemble, ou bien nous
serons divisés. Si chaque nation avait sa propre version de l’Assemblée
générale, son Conseil de sécurité ainsi que les divers instruments, et si
toutes les nations étaient sur un même pied d’égalité, les puissances qui ont
maintenant des sièges permanents seraient obligées de se servir de leurs
organes souverain – qu’il y en ait trois ou quatre – et d’exercer leurs droits
contre elles-mêmes. Cela ne nous préoccupe pas du tout. Aucune
importance s’ils veulent garder leurs sièges permanents. Les sièges
permanents ne nous préoccupent pas du tout. Nous n’accepterons jamais
d’être sous leur contrôle ou celui du droit de veto qui leur a été accordé.
Nous ne sommes pas stupides au point de donner le droit de veto à des
superpuissances pour qu’elles s’en servent pour nous traiter comme des
citoyens de deuxième ordre ou des nations paria. Ce n’est pas nous qui
avons décidé que ces pays étaient des superpuissances et des nations
respectables qui ont le pouvoir d’agir au nom de 192 pays.
Vous devriez également comprendre que la raison pour laquelle nous ne
tenons pas compte des résolutions du Conseil de sécurité est que celles-ci
sont utilisées uniquement contre nous et pas contre les superpuissances qui
ont des sièges permanents et le droit de veto. Ces puissances n’utilisent
jamais de résolutions contre elles-mêmes.
Mais elles sont utilisées contre nous. Cela a réduit l’Organisation des
Nations Unies à un simulacre de ce qu’elle est censée être, a causé des
guerres et a violé la souveraineté des États indépendants. Cela a entraîné
des crimes de guerre et des génocides, et tout cela en violation de la Charte
des Nations Unies.
Puisque personne ne tient compte du Conseil de sécurité de l’Organisation
des Nations Unies, tous les pays et toutes les communautés ont créé leurs
propres Conseils de sécurité, et en conséquence, le Conseil de sécurité qui
siège ici se retrouve isolé.
L’Union africaine a déjà institué son propre Conseil de paix et sécurité,
l’Union européenne a créé un Conseil de sécurité et les pays asiatiques ont
déjà créé leur Conseil de sécurité. Bientôt, l’Amérique latine aura son
propre Conseil de sécurité, de même que les 120 pays non alignés.
Cela signifie que nous n’avons plus confiance au Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, qui ne nous a pas donné de sécurité, et
c’est
pour cette raison que nous sommes maintenant en train de créer de
nouveaux Conseils de sécurité régionaux.
Nous ne nous engageons pas à respecter les règles ou les résolutions du
Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies sous sa forme
actuelle parce qu’il n’est ni démocratique ni juste, mais dictatorial.
Personne ne peut nous forcer à nous joindre au Conseil de sécurité ou à
obéir ou respecter ses résolutions ou ses ordres, avec sa structure actuelle.
Par ailleurs, il n’existe ni respect à l’égard de l’Organisation des Nations
Unies ni considération pour l’Assemblée générale, qui constitue en fait la
vraie Organisation des Nations Unies, mais dont les résolutions n’ont pas
force obligatoire. Les décisions de la Cour internationale de Justice,
l’organe judiciaire international, sont uniquement rendues contre les petits
pays et les nations du Tiers-Monde.
Les pays puissants échappent à l’attention de la Cour. Ou alors, lorsque des
décisions judiciaires sont prises contres ces pays puissants, elles ne sont pas
mises en application.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est une agence
importante du système des Nations Unies. Cependant, les pays puissants ne
sont pas obligés de lui rendre des comptes et ne relèvent pas de sa
compétence. Nous avons découvert que l’AIEA est uniquement utilisée
contre nous. On nous dit qu’il s’agit d’une organisation internationale, mais
si tel est le cas, tous les pays du monde devraient relever de sa compétence.
Si elle n’est pas réellement internationale, nous ne devrions plus l’accepter
et nous devrions fermer ses portes, tout de suite après le prononcé de ce
discours.
M. Treki, en sa qualité de président de l’Assemblée générale, devrait parler
au Directeur général de l’AIEA, M. ElBaradei, et lui demander s’il est prêt
à contrôler les stocks d’énergie nucléaire dans tous les pays et à vérifier
toutes les éventuelles augmentations de stocks là où il existe des soupçons à
ce sujet. S’il répond par l’affirmative, alors nous accepterons que l’agence
est compétente. Si par contre il dit qu’il ne peut pas aller dans certains pays
qui ont des capacités nucléaires et qu’ils ne relèvent pas de sa compétence,
alors nous devrions fermer les portes de cette agence et rejeter sa
compétence. Pour votre information, j’ai appelé M. ElBaradei lorsque nous
avions ce problème de la bombe nucléaire libyenne. J’ai appelé M.
ElBaradei et je lui ai demandé si l’Agence contrôlait la mise en application
des accords conclus entre les superpuissances pour réduire leurs fournitures
nucléaires, et s’il savait s’il y avait une augmentation d’activité nucléaire
dans ces pays. Il m’a répondu qu’il n’était pas en mesure de demander aux
superpuissances de se laisser inspecter.
Alors cela veut-il dire que c’est nous uniquement que l’Agence inspecte ?
Si tel est le cas, cette agence n’est pas une organisation internationale,
puisqu’elle est sélective, tout à fait comme le Conseil de sécurité et la Cour
internationale de Justice. Ceci n’est pas équitable, c’est contraire à l’esprit
de l’Organisation des Nations Unies. Nous nous opposons catégoriquement
à cette situation. S’agissant de l’Afrique, qu’il y ait une réforme de
l’Organisation des Nations Unies ou non, et même avant qu’on procède au
vote sur des propositions historiques, on devrait accorder à l’Afrique un
siège permanent au Conseil de sécurité. Elle n’a que trop attendu.
Même en laissant de côté la réforme de l’Organisation des Nations Unies,
nous pouvons certainement dire que l’Afrique a été colonisée, isolée et
persécutée et qu’on lui a ravi ses droits. Ses habitants ont été réduits en
esclavage et traités comme des animaux, tandis que son territoire a été
colonisé et mis sous un régime de tutelle. Les pays de l’Union africaine
méritent un siège permanent. C’est une vieille dette qui doit être payée, et
cela n’a rien à voir avec la réforme de l’Organisation des Nations Unies.
C’est un sujet prioritaire et l’un des points les plus importants qui figurent à
l’ordre du jour de l’Assemblée générale. Personne ne peut dire que l’Union
africaine ne mérite pas un siège permanent. Qui pourrait s’opposer à cette
proposition ? Je défie quiconque de la contester. Où est la preuve que
l’Union Africaine ou le continent africain ne méritent pas un siège
permanent ? Personne ne peut raisonnablement le nier. Un autre point qui
devrait faire l’objet d’un vote à l’Assemblée générale est celui de
l’indemnisation des pays qui ont été colonisés, afin d’empêcher qu’à
l’avenir, un continent ne soit colonisé et ne voit ses droits usurpés ou ses
richesses pillées.
Pourquoi les Africains vont-ils en Europe ? Pourquoi les Asiatiques vont-ils
en Europe ? Pourquoi les Latino-Américains vont-ils en Europe ? C’est tout
simplement parce que l’Europe a colonisé l’Afrique et l’Asie. Elle a pillé et
exploité les ressources nationales de ces pays – le pétrole, les minéraux,
l’uranium, l’or et les diamants, les fruits et les légumes, le bétail et les
populations. Nous avons aujourd’hui une nouvelle génération en Asie, en
Afrique et en Amérique latine qui cherche à récupérer ces ressources
pillées, et c’est son droit. J’ai récemment arrêté à la frontière libyenne un
millier d’africains qui se dirigeaient vers l’Europe. Je leur ai demandé
pourquoi ils y allaient et ils m’ont répondu que c’était pour reprendre les
richesses qui leur avaient été volées ; sinon, ils n’auraient pas quitté leur
pays. Qui peut nous rendre ce qui nous a été volé ? Si vous décidez de
restituer toutes ces richesses, il n’y aura plus d’immigration des Philippines,
d’Amérique latine, de Maurice et d’Inde. Qu’on nous rende ce qui nous a
été volé. L’Afrique a droit à 777 000 milliards de dollars de réparations des
pays qui l’ont colonisée. Les africains exigeront cette somme, et si vous ne
la leur donnez pas, ils iront là où vous avez emmené ces milliers de
milliards de dollars. Ils ont le droit de le faire. Ils doivent suivre la trace de
cet argent et le ramener.
Pourquoi n’y a-t-il pas d’immigration libyenne vers l’Italie, alors même que
la Libye est si proche ? L’Italie devait une compensation au peuple libyen.
Elle a accepté ce fait et signé un accord avec la Libye, accord qui a été
approuvé par les Parlements libyen et italien. L’Italie a reconnu qu’elle
avait eu tort de coloniser la Libye et que c’était une chose à ne pas refaire ;
et elle s’est engagée à ne pas attaquer le peuple libyen par voie terrestre,
aérienne ou maritime. L’Italie a également accepté de verser à la Libye 250
millions de dollars de réparations chaque année pendant 20 ans et de
construire un hôpital pour les Libyens mutilés par les mines plantées sur le
territoire libyen pendant la Seconde Guerre mondiale. L’Italie a présenté des
excuses et promis qu’elle n’occuperait plus jamais le territoire d’un autre
pays. Il faut saluer ces mesures prises par l’Italie, qui était un royaume à
l’époque du régime fasciste et qui a beaucoup apporté à la civilisation, ainsi
que le Premier Ministre Berlusconi et son prédécesseur qui ont également
apporté leurs contributions en la matière. Pourquoi le Tiers-Monde exige-t-
il des réparations ? Afin qu’il n’y ait plus de colonisation afin que les pays
grands et puissants ne colonisent plus, sachant qu’ils auront à verser des
réparations. Il faut punir la colonisation. Les pays qui ont nui à d’autres
peuples à l’époque coloniale doivent verser des réparations pour les
dommages et les souffrances infligés sous leur domination.
Il y a une autre chose que je voudrais dire, mais avant cela – et la question
est assez délicate–je voudrais faire une petite digression. Nous, les africains,
sommes heureux et même fiers qu’un fils de l’Afrique soit aujourd’hui
Président des États-Unis d’Amérique. C’est un événement historique.
Aujourd’hui, dans un pays où autrefois les Noirs ne pouvaient pas côtoyer
les Blancs dans les cafés ou les restaurants, ou s’asseoir à côté d’eux dans
les autobus, le peuple américain a élu à la présidence un jeune homme noir
d’origine kenyane, M. Obama. C’est merveilleux, et nous en sommes fiers.
C’est le début d’un changement. Mais en ce qui me concerne, Obama est un
soulagement temporaire pour les quatre ou huit prochaines années. J’ai bien
peur que nous ne revenions au point de départ. Personne ne peut garantir
comment l’Amérique sera gouvernée après Obama. Nous serions heureux
qu’Obama puisse rester éternellement Président des États-Unis d’Amérique.
La déclaration qu’il vient de prononcer montre qu’il est totalement différent
de tous les présidents américains que nous avons vus. Les présidents
américains avaient pour habitude de nous menacer avec toutes sortes
d’armes, disant qu’ils allaient envoyer les opérations Tempête du désert,
Raisins de la colère, Rolling Thunder, et des roses empoisonnées pour les
enfants libyens. C’était leur façon de procéder. Les présidents américains
avaient pour habitude de nous menacer avec des opérations telles que
Rolling Thunder au Viet Nam ; Tempête du désert en Iraq ; Mousquetaire en
Égypte en 1956, alors que l’Amérique y était opposée ; et les roses
empoisonnées envoyées par Reagan aux enfants libyens. Vous vous rendez
compte ! On aurait pu croire que les présidents d’un grand pays ayant un
siège permanent au Conseil de sécurité et le droit de veto nous auraient
protégés et donné la paix. Et qu’avons-nous eu au contraire ? Des bombes
guidées au laser lancées par des F-111. C’était leur façon de procéder : nous
dirigerons le monde, que cela vous plaise ou non, et nous châtierons tous
ceux qui s’opposeront à nous.
Ce que notre fils Obama a dit aujourd’hui est complètement différent. Il a
appelé sincèrement au désarmement nucléaire, ce dont nous nous félicitons.
Il a également déclaré que l’Amérique ne pouvait pas, seule, régler les
problèmes auxquels nous sommes confrontés et que pour ce faire, le monde
entier doit œuvrer de concert. Il a dit que nous devons faire plus que ce que
nous faisons actuellement, à savoir des discours. Nous sommes d’accord et
nous nous en félicitons. Il a ajouté que nous étions venus à l’ONU pour
parler les uns contre les autres. Il est vrai que lorsque nous venons ici, nous
devrions communiquer sur un pied d’égalité. Et la démocratie, a-t-il dit, ne
saurait être imposée de l’extérieur. Tout récemment encore, les présidents
américains disaient que la démocratie devrait être imposée à l’Iraq et à
d’autres pays. Obama a dit que c’était une affaire intérieure, et il a dit vrai
lorsqu’il a déclaré que la démocratie ne pouvait être imposée de l’extérieur.
Restons attentifs avant d’aborder le point sensible. Considérez quelques
instants l’expression suivante : « un monde multipolaire ». Le monde doit-il
forcément être multipolaire ? Pourquoi les nations ne seraient-elles pas
toutes placées sur un pied d’égalité ? Donnez-nous la réponse. Quelqu’un
est-il en mesure de répondre et d’affirmer que la multipolarité est préférable
? Pourquoi n’y aurait-il pas d’égalité entre les nations, sans aucun pôle ?
Est-il important d’avoir un patriarche ? Est-il important d’avoir des papes ?
Doit-il y avoir des dieux ? Pourquoi vouloir un monde multipolaire ? Nous
rejetons l’idée d’un monde multipolaire. Nous voulons un monde sans pôles
dans lequel toutes les nations, petites et grandes, sont égales. Les pôles nous
écrasent.
Le point sensible que je souhaite aborder est l’emplacement du Siège de
l’Organisation des Nations Unies, le lieu où nous nous trouvons
actuellement. Je vous remercie de bien vouloir rester attentifs. Vous avez
tous traversé des océans et des continents – l’océan Atlantique, l’océan
Pacifique, l’Asie, l’Europe et l’Afrique – pour venir ici. Pourquoi ? Est-ce
Jérusalem ? Est-ce le Vatican ? Est-ce La Mecque ? Vous êtes tous éreintés,
endormis et souffrez du décalage horaire dont vous pâtissez sur le plan
physique. Une personne vient d’arriver après 20 heures de vol et vous lui
demandez de prononcer une allocution et de discuter de l’avenir du monde.
Il est clair que vous êtes tous assoupis et fatigués. Pour quelles raisons ?
Pourquoi cette fatigue ? Vous, par exemple, dans votre pays, les gens
dorment en ce moment, en pleine nuit, mais vous êtes réveillés alors que
vous devriez dormir en fonction de votre horloge biologique. Je me suis
réveillé ce matin à quatre heures, heure locale de New York, avant l’aube,
car en Libye cela correspond à 11 heures du matin. Je me suis levé tard si
on tient compte du fait qu’il est 11 heures en Libye. Je suis debout depuis 4
heures ce matin.
Réfléchissez et dites-moi ce qui justifie toute cette fatigue. Si cela a été
décidé en 1945, la situation doit-elle pour autant perdurer jusqu’à
aujourd’hui ? Pourquoi ne pas envisager un lieu intermédiaire et confortable
? C’est là le premier point. Le deuxième point important concerne les États-
Unis, le pays hôte chargé d’assurer la sécurité au Siège de l’ONU et de
veiller à la sécurité des délégations permanentes et des dizaines de chefs
d’État qui se rendent au Siège chaque année. Cela implique une sécurité
renforcée, des dépenses, des coûts et une tension extrême à New York et
dans tout le pays.
Je veux délester l’Amérique de ce poids. Soulagez-la de cette charge et
remerciez-la. Remerciez l’Amérique et dites-lui que vous voulez l’aider et
tranquilliser New York. Il faut rassurer l’Amérique. Elle n’aura plus à
assumer la responsabilité de dizaines de chefs d’État qui se rendent au
Siège. Imaginons que quelqu’un fasse exploser l’avion ou la voiture d’un
Président. Un terroriste peut aussi venir faire sauter ce bâtiment qui,
d’ailleurs, est la cible d’Al-Qaida. Oui, ces locaux. Pourquoi alors n’ont-ils
pas été frappés le 11 septembre ? C’est qu’ils n’ont pas eu le choix. Les
opérations avortées étaient peut-être dirigées contre ce lieu, qui est la
prochaine cible visée. Mes propos sont fondés. Des dizaines de membres
d’Al-Qaida sont en effet détenus dans nos prisons et leurs aveux sont très
troublants. L’Amérique vit ainsi sous très haute tension car le bâtiment de
l’Organisation des Nations Unies peut être la cible d’un détournement
d’avion ou d’un missile pouvant entraîner la mort de dizaines de chefs
d’État. Nous voulons soulager l’Amérique de ce poids. Nous la remercions,
ne demandons qu’à l’aider et à transférer le Siège dans un lieu non menacé.
Au bout de 50 ans, le Siège devrait être transféré vers une autre partie du
monde. Cinquante ans en Occident suffisent. Les 50 années suivantes, il
devrait se trouver au centre du globe ou en Orient et ainsi de suite tous les
50 ans : à l’Est, à l’Ouest, au centre. Le Siège se trouve ici depuis 64 ans,
soit 14 ans de plus que la période qu’il faudrait respecter. Il devrait être
transféré.
Cela n’a bien entendu rien à voir avec les États-Unis. C’est un service que
nous rendons à l’Amérique, une aide que nous lui apportons en la
remerciant. La situation en place était d’actualité en 1945 mais ne saurait
être maintenue aujourd’hui. Nous ne l’acceptons plus. Cette proposition est
bien entendue soumise à un vote de l’Assemblée générale et de l’Assemblée
générale seulement. Au titre de la section 23 de l’Accord de siège, le Siège
de l’Organisation des Nations Unies ne peut être transféré que si
l’Assemblée générale le décide à la majorité simple. Si 51 % des membres
de l’Assemblée générale approuvent le transfert du Siège, le Siège doit être
transféré. Nous n’avons pas à supporter tous ces tracas et à faire le voyage
jusqu’ici depuis l’Inde, les Philippines, l’Australie ou les Comores. Je suis
étonné que l’on demande à mon frère Ahmad, Président des Comores, de
venir prononcer une allocution à l’Organisation des Nations Unies après 14
heures de vol. Comment peut-il prononcer une allocution alors qu’il subit
les effets du décalage horaire ? Les personnes qui viennent ici subissent
d’autres tracas.
Les États-Unis ont le droit d’imposer des restrictions importantes car le
pays est la cible d’Al-Qaida, des terroristes. Il a le droit de prendre des
mesures de sécurité et nous ne remettons certainement pas cela en cause.
Cependant, sommes-nous obligés de passer par toutes ces mesures ? Cela
n’est pas obligatoire. Pourquoi ? Pour nous rendre à New York ? Notre
venue à New York et toutes ces mesures ne s’imposent pas. Un Président
m’a fait part de ses griefs et expliqué que son copilote attitré n’avait pas été
autorisé à entrer aux États-Unis en raison de restrictions. Il a alors demandé
comment il pouvait traverser l’océan Atlantique sans lui et on lui a répondu
de faire le voyage sans copilote ! Pourquoi ? Il n’a aucune obligation. Il
n’est pas tenu de venir. Un autre Président s’est également plaint à moi et
m’a dit que le chef de sa garde présidentielle n’avait pas obtenu de visa à
cause d’une confusion sur son nom. Il a protesté mais est venu sans lui. Un
autre Président m’a raconté que son médecin personnel n’avait pas pu
l’accompagner car l’octroi de son visa posait problème et qu’il ne pouvait
pas entrer aux États-Unis.
Vous constatez par vous-mêmes que les mesures sont ici extrêmement
strictes. Si un pays a des relations tendues avec les États-Unis, il se voit
imposer le choix de son représentant et de la composition de sa délégation.
Il faut faire 50 pas dans une direction, marcher 500 mètres dans telle autre
direction, comme si on se trouvait à Guantanamo. S’agit-il d’un membre de
l’Organisation des Nations Unies ou d’un détenu de Guantanamo ?
Voici ce qui est soumis au vote de l’Assemblée générale : le transfert du
Siège. Si 51 % de ses membres votent pour le transfert du Siège, il faudra
procéder à un autre vote pour décider de son nouvel emplacement : au
centre du globe ou en Orient ? Imaginons que l’Assemblée choisisse la
première option et que la candidature de deux villes, Syrte et Vienne, soit
soumise à un vote. Est-ce que, au centre du globe, vous souhaitez que le
Siège se trouve à Syrte ou à Vienne ? À Syrte. Vous pouvez avancer sur 1
000 kilomètres sans que personne ne vous en empêche. Vous pouvez venir
avec votre avion privé rempli de toutes les personnes qui vous entourent,
même si elles n’ont pas de visa ; du moment qu’elles accompagnent le
Président, elles le peuvent. C’est un pays sûr. Peut-on admettre de voir ses
mouvements limités à 500 mètres ? La Libye n’a d’animosité envers
personne et n’est pas menacée. De même, je ne pense pas que Vienne
impose non plus de telles restrictions. Si, à l’issue du vote, le choix se porte
sur l’Orient, il faudra opter pour la capitale indienne, Delhi, ou la capitale
chinoise, Beijing.
Cela est logique, mes frères, et ne peut pas soulever d’objections. Par la
suite, vous me remercierez d’avoir présenté cette proposition. Remerciez
alors ceux qui ont voté pour. Vous n’aurez ainsi plus à subir 14, 15 ou 20
heures de vol pour venir ici ; pourquoi supporter cela ? Personne ne dit que
la contribution des États-Unis à l’ONU sera réduite. Pourquoi avoir une
mauvaise opinion de l’Amérique ? Au contraire, les États-Unis honorent
leurs engagements envers cette Organisation et n’auront aucune raison de
s’indigner ou de protester, bien au contraire. L’Amérique vous remerciera
de l’avoir délestée d’un poids. L’Amérique devrait nous remercier d’avoir
pris sur nous ce fardeau et toutes les restrictions, même si cet endroit est la
cible de terroristes.
Nous en venons maintenant aux questions qui seront examinées par
l’Assemblée générale. Nous sommes sur le point de remettre l’ONU en
question ; la vieille Organisation va s’éteindre et une nouvelle va émerger.
Ce n’est pas un rassemblement ordinaire. M. Obama lui-même l’a dit : il
s’agit d’une réunion historique. Pourquoi les guerres qui ont eu lieu après la
création de l’ONU ont-elles éclaté ? Où était le Conseil de sécurité, où était
la Charte, où était l’ONU ? Il devrait y avoir des enquêtes et une
intervention judiciaire. Pourquoi y a-t-il eu des massacres ? Commençons
par la guerre de Corée, qui a eu lieu après la création de l’ONU. Comment
une guerre a-t-elle pu se déclarer et causer des millions de victimes ? Des
armes nucléaires auraient pu être utilisées au cours de cette guerre. Les
responsables de ce conflit devraient être jugés et devraient payer des
indemnités et des dommages.
Venons-en maintenant à la guerre du Canal de Suez en 1956. Ce dossier
devrait être grand ouvert. Trois pays ayant un siège permanent au Conseil
de sécurité et qui jouissent du droit de veto au Conseil de sécurité ont
attaqué un État Membre de l’Assemblée générale. Un État souverain –
l’Égypte – a été attaqué, son armée décimée, des milliers d’Égyptiens tués
et de nombreuses villes égyptiennes détruites, tout cela parce que l’Égypte
voulait nationaliser le Canal de Suez. Comment une telle chose a-t-elle pu
arriver à l’ère de l’Organisation des Nations Unies et de sa Charte ?
Comment est-il possible de garantir qu’une telle chose n’arrivera plus, à
moins de reconnaître ses torts passés ? C’était là de dangereux événements
et les dossiers des guerres de Corée et du Canal de Suez devraient être
rouverts.
Ensuite, passons à la guerre du Vietnam. Cette guerre a fait 3 millions de
victimes. Pendant 12 jours, plus de bombes ont été larguées que pendant les
quatre années qu’a duré la Seconde guerre mondiale. C’était un conflit plus
acharné, et il s’est produit après la création de l’ONU et après que nous
avions convenu qu’il n’y aurait plus de guerres. L’avenir de l’humanité est
en jeu. Nous ne pouvons rester silencieux. Comment pouvons-nous nous
sentir en sécurité ? Comment pouvons-nous être satisfaits ? Il s’agit de
l’avenir du monde, et nous qui sommes membres de l’Assemblée générale
des Nations Unies devons faire en sorte que de telles guerres ne se répètent
pas à l’avenir.
Puis ce fut au tour du Panama d’être attaqué, alors qu’il s’agissait d‘un État
Membre indépendant de l’Assemblée générale. Quatre mille personnes ont
été tuées, et le Président de ce pays a été arrêté et jeté en prison. Noriega
devrait être relâché, nous devrions rouvrir ce dossier. Comment pouvons-
nous autoriser un pays qui est un État Membre de l’ONU à faire la guerre à
un autre pays et à s’emparer de son Président, à le traiter comme un
criminel et à le mettre en prison ? Qui accepterait cela ? Cela peut survenir
de nouveau. Nous ne devons pas nous taire. Nous devons mener une
enquête. Chacun d’entre nous pourrait se retrouver dans la même situation,
surtout si une telle agression est perpétrée par un État Membre doté d’un
siège permanent au Conseil de sécurité et chargé de veiller au maintien de la
paix et de la sécurité dans le monde.
Ensuite, ce fut la guerre à Grenade. Ce pays a été envahi alors qu’il était un
État Membre. Il a été attaqué par 5 000 navires de guerre, 7 000 soldats et
des dizaines d’avions militaires, or c’est le plus petit pays du monde. Cela
s’est produit après la création de l’ONU et du Conseil de sécurité et de son
veto. Et le Président grenadien, M. Maurice Bishop, a été assassiné.
Comment cela a-t-il pu se produire en toute impunité ? C’est une tragédie.
Comment pouvons-nous déterminer que l’ONU est une bonne chose ou pas,
qu’un certain pays est bon ou ne l’est pas ? Pouvons-nous, oui ou non, être
en sécurité ou heureux au sujet de notre avenir ? Pouvons-nous, oui ou non,
faire confiance au Conseil de sécurité ? Pouvons-nous, oui ou non, faire
confiance à l’Organisation des Nations Unies ?
Nous devons jeter un coup d’œil sur les bombardements en Somalie, et
ouvrir une enquête.
La Somalie est un État Membre de l’ONU et un pays indépendant, dirigé
par M. Aidid. Nous exigeons une enquête. Pourquoi cela est-il arrivé ? Qui
a permis que cela arrive ? Qui a donné le feu vert pour que ce pays soit
attaqué ?
Nous avons ensuite l’ex-Yougoslavie. Aucun pays n’était aussi paisible que
la Yougoslavie, construite pas à pas et morceau par morceau après avoir été
détruite par Hitler. Nous l’avons nous aussi détruite, comme si nous
refaisions la même chose qu’Hitler. Tito avait progressivement construit ce
pays pierre par pierre, puis nous sommes arrivés et nous l’avons anéanti au
nom d’intérêts impérialistes personnels. Comment pouvons-nous nous en
satisfaire ? Pourquoi ne pouvons-nous pas en être contents ? Si un pays
pacifique tel que la Yougoslavie a connu une telle tragédie, l’Assemblée
générale doit faire une enquête et doit décider qui devrait être jugé devant la
Cour pénale internationale.
Puis, nous avons la guerre en Iraq – la mère de tous les maux. L’ONU
devrait également enquêter sur ce dossier. L’Assemblée générale, présidée
par Dr. Treki, devrait mener une enquête. L’invasion de l’Iraq était une
violation de la Charte des Nations Unies. Cela s’est fait sans justification
aucune par des superpuissances siégeant de façon permanente au Conseil de
sécurité. L’Iraq est un pays indépendant et un État membre de l’Assemblée
générale. Comment ces pays peuvent-ils attaquer l’Iraq ? Comme le stipule
la Charte, l’ONU aurait dû intervenir et stopper l’attaque.
Nous avons pris la parole à l’Assemblée générale et nous l’avons exhortée à
user de la Charte pour faire cesser cette attaque. Nous étions contre
l’invasion du Koweït, et les pays arabes ont combattu aux côtés de pays
étrangers au nom de la Charte des Nations Unies.
La première fois la Charte a été respectée. La deuxième fois que nous avons
voulu utiliser la Charte pour stopper la guerre contre l’Iraq, personne ne l’a
utilisée et ce document fut totalement ignoré. Pourquoi ? M. Treki et
l’Assemblée générale devrait enquêter pour déterminer s’il y avait la
moindre raison d’envahir l’Iraq. En effet, les raisons de cette attaque restent
mystérieuses et ambiguës, et nous pourrions nous trouver face à la même
situation.
Pourquoi l’Iraq a-t-il été envahi ? L’invasion elle-même était une grave
violation de la Charte des Nations Unies, et c’était en outre une erreur. Il y a
aussi eu un massacre total ou un génocide. Plus de 1,5 million d’Iraquiens
ont été tués. Nous voulons que la Cour pénale internationale (CPI) soit
saisie du dossier iraquien, et que ceux qui ont commis des meurtres de
masse contre le peuple iraquien soient jugés.
Il est facile de juger Charles Taylor, Bashir, ou Noriega. C’est une tâche
aisée. Entendu, mais qu’en est-il de ceux qui ont commis des meurtres de
masse contre les Iraquiens ? Ne peuvent-ils pas être jugés ? Ne peuvent-ils
pas comparaître devant la CPI ? Si la Cour n’est pas capable de faire ce que
nous lui demandons, alors nous ne devrions pas l’accepter. Ou bien elle est
conçue pour chacun d’entre nous, petits ou grands, ou bien nous devons la
rejeter.
Quiconque commet un crime de guerre peut être jugé, mais nous ne
sommes pas du bétail ou des animaux comme ceux que l’on massacre pour
l’Aid. Nous avons le droit de vivre, et nous sommes prêts à nous battre et à
nous défendre. Nous avons le droit de vivre dans la dignité, sous le soleil et
sur la terre ; on nous a déjà mis à l’épreuve et nous avons tenu bon.
Il y a également d’autres choses. Pourquoi les prisonniers de guerre
iraquiens peuvent-ils être condamnés à mort ? Lorsque l’Iraq a été envahi et
que le Président iraquien a été arrêté, il était prisonnier de guerre. Il n’aurait
pas dû être jugé, il n’aurait pas dû être pendu. Une fois la guerre terminée, il
aurait dû être libéré. Nous voulons savoir pourquoi un prisonnier de guerre
devait être jugé. Qui a condamné à mort le Président de l’Iraq ? Y a-t-il une
réponse à cette question ? Nous connaissons l’identité du juge qui a conduit
le procès. Mais quant à ceux qui ont serré le nœud autour du cou du
Président le jour du sacrifice et l’ont pendu, ces personnes portaient des
masques. Comment une telle chose a-t-elle pu se produire dans un monde
civilisé ? Il s’agissait de prisonniers de guerre de pays civilisés obéissant au
droit international.
Comment des ministres d’un gouvernement et un chef de l’État ont-ils pu
être condamnés à mort et pendus ? Ceux qui les ont jugés étaient-ils des
avocats ou des membres d’un système judiciaire ?
Savez-vous ce que les gens disent ? Ils disent que les visages derrière ces
masques étaient ceux du Président des États-Unis et du Premier Ministre du
Royaume-Uni et que ce sont eux qui ont exécuté le Président iraquien.
Pourquoi les bourreaux ne montrent-ils pas leur visage ? Pourquoi ne
connaissons-nous pas leur grade ? Pourquoi ne savons-nous pas s’il
s’agissait d’officiers, de juges, de soldats ou de docteurs ? Comment se fait-
il que le Président d’un État Membre de l’Organisation des Nations Unies
ait été condamné à mort et exécuté ? Nous ne connaissons pas l’identité de
ses bourreaux. L’ONU a le devoir de répondre à ces questions. Qui a
exécuté la sentence de mort ? Ces personnes doivent bien avoir un statut
juridique ou des responsabilités officielles. Nous devons connaître leur
identité et nous devons savoir si un docteur était présent et quelle a été la
nature de toutes les procédures judiciaires. Cela vaut pour tout citoyen
ordinaire et encore plus pour le Président d’un État Membre de l’ONU qui a
été exécuté de cette façon.
Mon troisième point concernant la guerre en Iraq porte sur Abu Ghraib, qui
a constitué une honte pour l’humanité. Je sais que les autorités américaines
vont enquêter sur ce scandale, mais l’ONU ne doit pas l’ignorer non plus.
L’Assemblée générale devrait elle aussi mener une enquête. Les prisonniers
de guerre détenus à la prison d’Abu Ghraib ont été torturés ; des chiens ont
été lâchés sur eux ; des hommes ont été violés. Ces faits sont sans précédent
dans l’histoire des guerres. Des actes de sodomie ont été commis, un péché
sans précédent, auquel aucun agresseur ou envahisseur ne s’était jamais
livré encore. Les prisonniers de guerre sont des soldats, mais ces prisonniers
– là ont été violés dans leur geôle par un État qui est membre permanent du
Conseil de sécurité. Cela va à l’encontre de la civilisation et de l’humanité.
Nous ne pouvons pas rester sans rien dire ; nous devons connaître les faits.
Aujourd’hui encore, il reste 250 000 prisonniers iraquiens, hommes et
femmes, à Abu Ghraib. Ils sont maltraités, persécutés et violés. Il faut
impérativement procéder à une enquête.
Passant à la guerre en Afghanistan, il faut là aussi qu’une enquête soit
menée. Pourquoi sommes-nous contre les Taliban ? Pourquoi sommes-nous
contre l’Afghanistan ? Qui sont les Taliban ? Si les Taliban souhaitent avoir
un État religieux, il n’y a pas de problème. Prenez par exemple le Vatican.
Est-ce que le Vatican représente une menace pour nous ? Non. Il s’agit d’un
État religieux, très pacifique. Si les Taliban veulent créer un émirat
islamique, qui dit que cela fait d’eux des ennemis ? Quelqu’un prétend-il
que Ben Laden est un Taliban ou qu’il est afghan ? Ben Laden est-il taliban
? Non, il n’est pas taliban et il n’est pas afghan. Les terroristes qui ont
frappé la ville de New York étaient-ils taliban ? Venaient-ils d’Afghanistan
? Ils n’étaient ni l’un, ni l’autre. Pour quelle raison a-t-on donc déclenché la
guerre en Iraq et en Afghanistan ?

Si je voulais vraiment tromper mes amis américains et britanniques, je les


encouragerais à envoyer davantage de troupes et à poursuivre ce bain de
sang. Mais jamais ils ne l’emporteront en Iraq ou en Afghanistan. Regardez
ce qui leur est arrivé en Iraq, qui est un désert. Les choses sont encore pires
dans les montagnes de l’Afghanistan. Si je voulais les tromper, je leur dirais
donc de continuer la guerre en Iraq et en Afghanistan. Mais non, je veux
sauver les citoyens des États-Unis, du Royaume-Uni et des autres pays qui
combattent en Iraq et en Afghanistan. C’est pourquoi je leur dis : laissez
l’Afghanistan aux Afghans ; laissez l’Iraq aux Iraquiens. S’ils veulent se
faire la guerre entre eux, ils sont libres de le faire.
L’Amérique a eu sa Guerre civile, et personne n’est intervenu. Il y a eu des
guerres civiles en Espagne, en Chine et dans d’autres pays partout dans le
monde, aucune zone de la planète n’a été épargnée par la guerre civile.
Qu’il y ait donc une guerre civile en Iraq. Si les Iraquiens veulent une
guerre civile et s’entretuer, laissons-les faire. Qui peut affirmer que si les
Taliban forment un gouvernement, ils posséderont alors des missiles
intercontinentaux ou des avions capables de frapper New York ? Les avions
qui ont attaqué New York ont-ils décollé d’Afghanistan ou d’Iraq ? Non, ils
ont décollé d’aéroports américains. Pourquoi donc s’en prendre à
l’Afghanistan ? Les terroristes n’étaient pas afghans, ni talibans, ni
iraquiens.
Pourquoi nous taisons-nous ? Nous ne devons jamais être des fauteurs de
guerre. Quiconque ne dit pas la vérité est un suppôt de Satan. Nous sommes
attachés à la paix et à la sécurité internationales. Notre intention n’est pas de
mépriser ou de ridiculiser le genre humain. Nous voulons sauver
l’humanité.
En tant que Président de l’Assemblée générale, M. Ali Treki devrait ouvrir
une enquête sur les assassinats, en plus d’une enquête sur les guerres. Qui a
tué Patrice Lumumba, et pourquoi ? Nous voulons simplement que cela
figure dans les annales de l’histoire africaine. Nous voulons savoir
comment un dirigeant africain, un libérateur, a pu être assassiné ? Qui l’a
tué ? Nous voulons que nos fils puissent lire l’histoire de l’assassinat de
Patrice Lumumba, le héros de la lutte pour la libération du Congo. Nous
voulons connaître les faits, même 50 ans plus tard. C’est l’un des dossiers
que nous devons rouvrir.
Qui a tué le Secrétaire général Hammarskjöld ? Qui a tiré sur son avion en
1961 et pourquoi ?
Il y a également l’assassinat du Président des États-Unis Kennedy en 1963.
Nous voulons savoir qui l’a tué et pourquoi. Quelqu’un du nom de Lee
Harvey Oswald, qui a ensuite été tué par un certain Jack Ruby. Pourquoi
l’a-t-il tué ? Jack Ruby, un Israélien, a tué Lee Harvey Oswald, qui a tué
Kennedy. Pourquoi cet Israélien a-t-il tué l’assassin de Kennedy ? Puis Jack
Ruby, l’assassin de l’assassin de Kennedy, est mort dans des circonstances
mystérieuses avant d’avoir pu être jugé. Nous devons ouvrir ces dossiers.
Le monde entier sait que Kennedy voulait enquêter sur le réacteur nucléaire
israélien Dimona. Cette affaire concerne la paix et la sécurité internationales
ainsi que la question des armes de destruction massive. C’est pourquoi nous
devons ouvrir ce dossier.
Et puis il y a le dossier Martin Luther King, révérend et militant noir des
droits de l’homme dont l’assassinat est le résultat d’un complot. Nous
devons ouvrir ce dossier et savoir qui sont les responsables et les traduire en
justice.
Ensuite, il y a l’assassinat du Palestinien Khalil al-Wazir, ou Abu Jihad, tué
dans l’attentat perpétré contre lui dans un État Membre souverain, la
Tunisie, où il vivait en toute quiétude. Quatre navires de guerre, deux sous-
marins et deux hélicoptères ont pris part à l’agression. La souveraineté de
cet État a été bafouée pour tuer Khalil al-Wazir. Comment se taire devant de
tels actes ? Devons-nous continuer d’être exposés chaque jour à des
attaques par des sous-marins et des navires de guerre qui débarquent sur nos
côtes pour prendre qui ils veulent sans avoir à rendre des comptes ? Nous
devons demander des comptes ? Nous devons ouvrir le dossier de
l’assassinat d’Abou Ayad et enquêter sur les circonstances troubles de sa
mort. Vient ensuite l’opération Ferdan, ou opération « Yanbu’ alchabab »
(Elixir de jeunesse), au cours de laquelle ont été tués Kamel Nasser, un
poète, Kamel Adwan et Abu Youssef al-Najjar, trois Palestiniens agressés
au Liban, un État souverain Membre de l’Assemblée générale des Nations
Unies alors qu’ils croyaient vivre en sécurité dans la capitale. Dans cette
affaire, nous devons découvrir l’auteur de ce crime pour qu’il soit jugé et
qu’un tel acte ne se reproduise pas. Nous avons déjà évoqué l’invasion de la
Grenade, membre de cette Assemblée, lors de laquelle le Président Bishop a
trouvé la mort. Sept mille soldats, 15 navires de guerre et des dizaines de
bombardiers ont participé à cette opération contre un État Membre. Il s’agit
de crimes qu’on ne peut taire. Autrement, nous donnerions l’impression
d’être des sacrifiés et chaque année viendrait le tour de l’un d’entre nous.
Nous ne sommes pas des animaux en laisse. Nous luttons pour notre
existence, pour nos enfants et nos petits-enfants. Nous n’avons pas peur car
nous avons le droit de vivre. La Terre n’a pas été créée pour les grandes
puissances. Dieu l’a créée pour nous tous. Est-ce que nous allons y vivre
dans la servilité ? Certainement pas.
Des enquêtes doivent être ouvertes sur d’horribles guerres, assassinats et
massacres. Le massacre de Sabra et Chatila a fait 3 000 morts. Cette zone
était sous la responsabilité de l’armée israélienne d’occupation. Un
massacre y a été perpétré contre des hommes, des femmes et des enfants
pour la plupart Palestiniens. Trois mille morts… Comment se taire devant
un tel crime alors que le Liban est un pays indépendant et membre de cette
Assemblée qui a été occupé, dont la région de Sabra et Chatila a été prise
sous contrôle et où 3 000 personnes ont été tuées ?
Ensuite, il y eu la tuerie de Gaza en 2008. Pour rappel, 1 000 femmes y ont
été tuées ou blessées ainsi que 2 200 enfants, soit 3 200 femmes et enfants.
Cinquante bâtiments des Nations Unies ont été détruits durant l’agression
ainsi que 30 autres appartenant à des organisations non gouvernementales.
Soixante centres de soins ont été détruits et 40 médecins et infirmiers ont
trouvé la mort alors qu’ils œuvraient dans le cadre de l’action humanitaire.
Il s’agit là du massacre de Gaza, perpétré en décembre 2008.
Les agresseurs sont connus et toujours en vie. Ils doivent être jugés par la
Cour pénale internationale. Seuls les petits États et les pays du Tiers-Monde
sont-ils traduits devant cette institution, à l’exclusion des protégés ? Si elle
n’est pas internationale, nous non plus ne la reconnaissons pas ; si elle est
internationale, alors tous les pays doivent être justiciables. Si les décisions
de la Cour ne sont pas respectées et appliquées, si l’Agence internationale
pour l’énergie atomique n’est pas au service de tous les pays, si
l’Assemblée générale n’a aucun poids et si le Conseil de sécurité est
monopolisé, alors à quoi sert l’Organisation des Nations Unies ? À rien.
Qu’est-ce que l’Organisation des Nations Unies ? Qui sommes-nous ? Il n’y
a pas de Nations Unies.
Venons-en maintenant à la piraterie. Il s’agit d’un phénomène qui peut se
propager à toutes les mers du monde et constituer un danger similaire au
terrorisme. S’agissant de la piraterie au large des côtes somaliennes,
j’affirme que les Somaliens ne sont pas des pirates. Nous sommes les
pirates. Nous avons mis la main sur leurs ressources, leurs moyens
d’existence, leurs zones économiques et leurs eaux territoriales. Tous nos
bateaux – libyens, indiens, américains, japonais et de tous les autres pays –
commettent des actes de piraterie, et nous sommes tous des pirates. Nous
avons violé les eaux somaliennes et une fois le pays submergé, nous
sommes venus le piller. Afin de protéger leurs ressources halieutiques qui
constituent leurs richesses et celles de leurs enfants, les Somaliens se sont
tournés vers la piraterie. Ce ne sont pas des pirates car ils protègent les
ressources destinées à leurs enfants. Vous voulez à présent régler le
problème de manière erronée en proposant d’envoyer des bateaux de guerre
contre les Somaliens. Ces bateaux doivent plutôt être dirigés contre les
pirates qui ont mis la main sur les richesses des Somaliens et les ressources
de leurs enfants. Ce sont les bateaux de pêche étrangers qu’il faut attaquer.
J’ai rencontré les pirates et leur ai dit que j’œuvrais à l’élaboration d’un
traité avec la communauté internationale stipulant que la zone économique
maritime de Somalie de 200 miles marins doit être respectée, conformément
au droit de la mer, et que toutes les ressources maritimes de cette zone
appartiennent aux Somaliens. Le monde doit respecter cette région, et tous
les pays doivent s’interdire de procéder à des rejets toxiques polluants dans
les eaux territoriales et près des côtes somaliennes. En contrepartie, les
somaliens doivent cesser d’attaquer les navires. Cet accord sera finalisé et
soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies. Voilà quelle doit être la
solution plutôt que d’envoyer d’autres navires pour attaquer les Somaliens.
Encore plus astucieux, des navires de guerre ont été envoyés pour empêcher
aux Somaliens de quitter les ports et donc de rapporter le fruit de leur pêche
à leurs enfants.
Nous n’abordons pas le problème de la piraterie de la bonne façon, de
même que nous n’adoptons pas la bonne approche pour lutter contre le
terrorisme et les maladies. Pourquoi la manière de faire face aux maladies
est-elle erronée ? Si les vaccins contre la grippe porcine – il y aura peut-être
à l’avenir la grippe du poisson car les entreprises liées aux services de
renseignement y travaillent –se vendent à des prix prohibitifs, c’est qu’il
s’agit de commerce. Un virus est créé et propagé à travers le monde pour
que les entreprises capitalistes fassent des profits grâce à la vente des
médicaments. Cela est inadmissible. Les vaccins et les médicaments ne
doivent pas se vendre mais doivent être offerts gratuitement. Lisez le Livre
Vert, il interdit de vendre les médicaments. Annoncez la gratuité des
médicaments et des vaccins et les virus ne se propageront plus car ils sont
créés pour que des vaccins soient mis au point et que les entreprises
capitalistes en tirent profit. C’est une mauvaise démarche. Proclamez la
gratuité des vaccins, même en cas de virus réels car ils doivent être fournis
gratuitement. Le monde doit s’évertuer à fabriquer ces vaccins pour sauver
des vies. Toutes ces questions, dossiers et affaires sont portés à l’attention
de l’Assemblée générale des Nations Unies qui doit s’y consacrer
pleinement.
Passons maintenant à la Convention d’Ottawa qui interdit la production, le
transfert et la vente des mines terrestres. Il s’agit-là d’une erreur. Les mines
sont une arme défensive et non pas offensive. Les mines ne se déplacent pas
et n’attaquent pas mais demeurent là où elles ont été placées. Pourquoi se
rendre là où elles se trouvent ? Je décide de placer des mines le long des
frontières de mon pays ; celui qui viole ces frontières se retrouve avec la
main et le bras coupés. Je demande aux pays qui ont ratifié la Convention
de revoir leur position. Pour plus de détails sur ce sujet, le site Web «
alqadafi.net » offre de plus amples explications concernant les
amendements à apporter. Cette Convention doit être soit amendée soit
abrogée. Ils veulent aussi nous dépouiller de nos mines antipersonnel. Je
veux utiliser des mines devant chez moi et devant mon exploitation. C’est
un moyen de défense et non une arme offensive. Éliminez plutôt les armes
nucléaires et les missiles qui traversent les frontières.
S’agissant de la question de Palestine, la solution à deux États est
irréalisable, et je vous exhorte à ne plus l’envisager. La solution est
l’instauration d’un seul État démocratique où cohabiteraient, entre autres,
juifs, musulmans, Palestiniens et chrétiens, comme au Liban. La solution à
deux États n’est pas réalisable. La partition du territoire est vouée à l’échec
car il ne s’agit pas de deux États voisins. Ils sont d’ores et déjà totalement
imbriqués. Ce sont deux pays où il y a des interactions de territoires et de
populations. Ils sont entremêlés. On ne peut pas établir de zone tampon
entre eux car il n’existe pas de zone de séparation. Il y a en effet un demi-
million de colons israéliens en Cisjordanie et 1 million de Palestiniens
colonisés dans le territoire appelé Israël. Comment en faire deux États ?
Le monde doit envisager l’instauration d’un seul État démocratique exempt
de fanatisme religieux et de sectarisme fondé sur la nationalité ou la langue.
Ces attitudes réactionnaires n’ont plus lieu d’être. Ce sont des idées
remontant à l’époque du rideau de fer, de la Seconde Guerre mondiale,
d’Arafat et de Sharon. Cette époque est révolue. La nouvelle génération
veut un seul État démocratique et nous devons déployer tous les efforts
possibles pour y parvenir. Il faut imposer un seul État dans lequel chacun
peut vivre en paix. Regardez les jeunes palestiniens et les jeunes israéliens.
Ils veulent vivre en paix dans un seul pays démocratique. Il faut en finir
avec ce problème qui embarrasse le monde entier.
Le Livre Blanc, que vous pourrez garder, M.Treki, propose la solution
intitulée « Isratine ». Il n’y a pas d’animosité entre nous. Les Arabes n’ont
pas d’animosité contre les Israéliens. Ils sont cousins et vivent ensemble, en
paix. Les réfugiés palestiniens devraient regagner leur pays pour vivre en
paix dans un État unique.
C’est vous qui les avez brûlés. C’est vous qui êtes responsables de
l’holocauste et qui avez construit les fours crématoires et les chambres à gaz
et en Europe. C’est vous qui haïssez les juifs, ce n’est pas nous. Nous leur
avons donné refuge pendant l’ère romaine, lorsqu’ils ont été expulsés
d’Andalousie, et à l’époque de la guerre avec Hitler, des fours crématoires
d’Hitler et des gaz mortels. Nous les avons protégés. Vous les avez
expulsés. Et vous leur avez dit d’aller combattre les Arabes.
Rétablissons la vérité. Nous ne sommes pas des ennemis des Juifs. Ce sont
nos cousins. Les Juifs vont un jour avoir besoin des Arabes, et les Arabes
vont les protéger dans l’avenir, comme ils l’ont fait dans le passé. Rappelez-
vous ce que Titus, Hadrien, Édouard Ier et Hitler ont fait aux Juifs. C’est
vous qui les haïssez, qui haïssez les Sémites.
En quelques mots, la question du Cachemire appelle une seule solution, à
savoir que le Cachemire devienne un État indépendant, ni indien ni
pakistanais, pour que ce conflit se termine.
S’agissant du Darfour, je souhaite que l’aide des organisations
internationales dont vous parlez soit affectée à des projets en faveur du
développement industriel, de l’irrigation et de l’agriculture,
l’industrialisation et l’irrigation. La paix règne désormais au Darfour, il n’y
a pas de guerre. C’est vous qui avez dramatisé la situation à des fins
d’ingérence, pour y asseoir votre influence, en raison du pétrole et au
détriment des habitants du Darfour.
L’affaire Hariri est devenue un problème de l’ONU parce que vous avez
demandé à l’ONU d’enquêter sur l’affaire Hariri, Dieu ait son âme. Vous
voulez sacrifier le sang de Hariri et tirer profit de sa dépouille pour régler
des comptes avec la Syrie. Sinon pour quelle autre raison ? Le Liban n’est-il
pas un État indépendant, avec un parquet, des lois, des tribunaux et une
force de police, capable de trouver les coupables ? En réalité, ce ne sont pas
les coupables que l’on recherche, mais on cherche plutôt à régler des
comptes avec la Syrie. L’affaire Hariri est sacrifiée et l’enquête ne donnera
aucun résultat. Partant, il faut que l’Organisation des Nations Unies soit
également saisie des affaires Abou Ayad, Khalil al-Wazir, Kennedy,
Lumumba et Hammarskjöld.
La Libye assure actuellement la présidence de l’Assemblée générale, et
c’est son droit. La Libye peut contribuer à aider le monde à passer d’une
époque à une autre ; à passer d’un monde malmené, affligeant, humilié,
terrifié, redoutable et menaçant à un monde où règnent l’humanisme et la
tolérance. J’assurerai le suivi de cette action avec l’Assemblée générale,
avec M. Treki et avec le Secrétaire général, car nous ne permettons aucune
complaisance ni concession s’agissant de la destinée de l’humanité, du
combat que mènent les hommes pour vivre en paix, de la lutte du Tiers-
Monde en particulier et des 100 petits pays pour vivre comme il se doit sous
le soleil et sur Terre. Ce combat sera poursuivi jusqu’au bout.

Mouamar Kadhafi
Remerciements

L’auteur exprime son immense gratitude à toutes celles et à tous ceux


qui, directement ou indirectement, se sont impliqués dans l’amélioration du
manuscrit du présent ouvrage.

Mais, comme à l’accoutumé, il assume seul les analyses et les


conclusions qui y sont contenues.

Pr Jean – Emmanuel Pondi


Qui est le professeur Jean-Emmanuel
PONDI ?

Le professeur Jean-Emmanuel PONDI est spécialiste de sciences politique


(relation internationales), ancien directeur de l’Institut des Relation
Internationales du Cameroun (IRIC) et actuel Secrétaire Général de
l’Université de Yaoundé I (avec rang de Vice-Recteur). Diplômé tour à tour
de l’Université de Pennsylvanie aux Etats-Unis, de la London School of
Economics et de l’Université de Cambridge en Grande-Bretagne, il est
auteur et directeur scientifique de nombreux ouvrages et articles
scientifiques.
Du même auteur

•L'OUA : Rétrospective et perspectives africaines, en collaboration


avec Maurice Kamto et Laurent Zang, préface de Boutros
Boutros-Ghali, Paris, Editions Economica, 1990.
• Relations internationales africaines : une bibliographie annotée
de vingt ans de recherche à l'IRIC, Berne (Suisse), Peter Lang,
pour l'Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales de
Genève,1993.
• Comprendre la crise algérienne, Yaoundé, Editions du CRAC
(Cercle de Réflexion et d'Action Culturelle), 1995.
• Le Secrétaire général de l'OUA dans le système international :
contribution à l'étude du mandat de William Eteki Mboumoua 1974
– 1978, en collaboration avec François-Hervé Moudourou, Yaoundé,
Editions CLE, 1996.
• Du Zaïre au Congo Démocratique : les fondements de la crise,
Yaoundé, Editions du CRAC, Collection «Comprendre », 1997.
• Une lecture africaine de la guerre en Irak, ouvrage collectif, (sous
la direction de), Paris, Maisonneuve et Larose / Afrédit, 2003.
• L'ONU vue d'Afrique, ouvrage collectif, (sous la direction de),
Paris, Maisonneuve et Larose / Afrédit, 2005.
• ReineAfrique ouRacines de l’UnionAfricaine.Queen Africa or Roots
of the African Union, (Théâtre/Play), Yaoundé, Editions CLE, 2007.
• Immigration et Diaspora, un regard africain, (sous la direction
de), Paris, Maisonneuve et Larose / Afrédit, 2007.
•Barack OBAMA. De l’interrogation à l’admiration. From question
to admiration, Yaoundé, Editions CLE, 2009.
•Harcèlement sexuel et déontologie en milieu universitaire.
Sexual Harassment and Deontology in the university milieu.
Yaoundé, Editions CLE, 2011.
•Repenser le développement à partir de l’Afrique, ouvrage
collectif, (sous la direction de), Yaoundé, Afrédit 2011.
•(Re) découvrir Yaoundé ! Une fresque historique et diplomatique
de la capitale camerounaise, Yaoundé, Editions Afric’Eveil, 2011
Bibliographie
• Amouzou, Essè, Mouammar Kadhafi et la
réalisation de l’Union Africaine, Paris, l’Harmattan,
2012.
• Boukongou, Didier, (sous la direction de), Université
et développement. Quel projet universitaire pour
l’Afrique ? Yaoundé, Presses Universitaires
Catholiques d’Afrique Centrale, 2000.
• Burgat, François et Laronde, André, La Libye,
Paris, Presses Universitaires de France, 2003.
• Cojean, Annick, Les proies. Dans le harem de
Kadhafi, Paris, éditions Grasset, 2012.
• De Witte, Ludo, L’assassinat de Lumumba, Paris,
Ed. Karthala, « collection les Afriques », 2000.
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Editions Afric’Eveil All rights reserved (© 2012)


Livre rétravaillé par @EpubsFR.
{1}
Voir Patrick Haimzadeh, Au cœur de la Libye de Kadhafi, Paris, Editions Jean Claude
Lattès, 2011, pp 33-34.. On entend généralement par Machreq, le « levant « par opposition
au « Maghreb » qui signifie le « couchant »en arabe. Le Machreq est donc la partie
orientale du monde arabe, y compris les états de la péninsule arabique, alors que la
Maghreb désigne l’espace géoculturel arabo-berbère qui se trouve dans le nord de
l’Afrique, C’est la partie occidentale du monde arabe.
{2}
Ibid., Pp.34-43. L’histoire ancienne de la Libye est tirée de cette source.
{3}
Voir Alexandre Najjar, Anatomie d’un tyran. Mouammar Kadhafi, Paris, Actes Sud, l’Orient
des livres, 2011, PP.16-19
{4}
Voir Alexandre Najjar, op.cit.,p16
{5}
Ibid., P.17
{6}
Ibid. Pour une histoire ancienne encore plus complète et détaillée de la Libye, voir Jean-
marie Blas Roblès, Libye grecque, romaine et byzantine, Aix- en – Provence, Edisud, 2005.
{7}
Ibid., P.19.
{8}
Patrick Haimzadeh propose un bon découpage historique des différentes phases de cette
histoire : L’Antiquité 700 avant Jc ; conquêtes arabes(1050) ; Libye ottomane (1551-1911) ;
colonisation italienne (1911-1940) ; seconde guerre mondiale et indépendance (1940-
1951) ; Libye monarchique (1951-1969) ; Libye sous Mouamar Al Kadhafi (1969-2011), voir
PP.33-50, op.cit. .
{9}
Voir Alexandre Najjar, op.cit, p23.
{10}
Cité dans Alexandre Najjar. C’est nous qui soulignons, op.cit., P21.
{11}
Cette histoire de la vie de famille du jeune Kadhafi est relatée par Alexandre Najjar in
Anatomie d’unTyran.Mouammar Kadhafi, Paris, Actes Sud, L’Orient des Livres, 2011,
PP.25-34.
{12}
Ibid, P.25.
{13}
Voir Edmond Jouve, Dans le concert des nations, paris, l’Archipel, 2004, P.105.
{14}
Alexandre Najjar, op.cit., P.31
{15}
Cité in Pierre Audibert, Libye, Paris éd. du Seuil, 1979, P.14. C’est nous qui soulignons.
{16}
Cité in Mirella Bianco, Kadhafi, messager du désert, Paris, Stock, 1974, P.29
{17}
Propos de Mouamar Kadhafi, cités in Edmond Jouve, op.cit, P106
{18}
Voir Abdel Menhem el-Honi, Al-Hayat, 25 fevrier 2011.
{19}
Voir par exemple René Naba, in Kadhafi : Portrait total, Villeurbanne Editions Golias,
2011, P.17, qui le qualifie de « piètre stratège et piètre tacticien ».
{20}
Cité in Alexandre Najjar, Anatomie d’un tyran, op.cit., PP.35-36.
{21}
Ibid.
{22}
Voir René Naba, Kadhafi, portrait total, op.cit, P. 57.
{23}
Il s’agit d’un Etat dont plus de 80% des revenus proviennent de l’exportation de ses ressources
naturelles (souvent pétrolières)
{24}
Voir l’analyse de Patrick Hainzadeh, Au cœur de la Libye de Kadhafi, op.cit. , p. 106

{25}
Ibid, op.cit, P. 57.
{26}
De République arabe Libyenne qu’elle est en 1969, le pays prend le nom de Jamahiriya arabe
Libyenne populaire socialiste le 12 mars 1977 à Sebha. Jamahiriya renvoie au concept « d’Etat des
masses » donc de démocratie directe. Plus précisément, le néologisme Jamahiriya est crée à partir de
joumhouria qui signifie « république » en arabe, et jamahir, qui signifie « masses ».
{27}
Voir René Naba, Kadhafi. Portrait total, op.cit., p. 53.
{28}
Ibid., p. 55.
{29}
Voir François Burgat et André Laronde, La Libye, Paris, Presses Universitaires de France (PUF)
« Que-sais ? » 2000, P. 105.
{30}
Cité in Daniel Kawczynski, seeking Gadhafi, Londres, Dialogue, 2010, P. 53.
{31}
Voir Le Monde, 21 juillet 1983.
{32}
Voir Alexandre Najjar, op. cit. p. 75.
{33}
Voir René Naba, Libye, la révolution comme alibi, Paris, Ed. du Cygne 2008, P. 99.
{34}
Voir l’introduction de René Le marchand dans le livre dirigé par ce dernier, The Green and the
Black. Qadhafi Policies in Africa, Bloomington, Ind. , 1988, PP 1-15.
{35}
Le récit de la conduite et des conséquences de l’opération « El Dorado Canyon » est tiré de
Alexandre Najjar, op.cit. , pp. 97-98. Voir aussi Brian Davis, Qadhafi, Terrorism and the origins of
the U.S attack on Libya, New York, Praeger, 1990.
{36}
Voir Alexandre Najjar, op.cit., p. 144.
{37}
Voir Luis Martinez, The libyan Paradox, Londres, Hurst and Compagny, 2007.
{38}
Le récit du détail des discours de Mouamar Kadhafi a été tiré de l’ouvrage de Alexandre Najjar,
op.cit. PP. 139-143. Des extraits additionnels du discours sont en annexe de cet ouvrage
{39}
Ibid, P. 140 ;
{40}
Ibid, p. 142.
{41}
Sur la trajectoire politique révolutionnaire, anti-impérialiste et « bolivarienne » de Hugo Chavez,
lire Jean- Jacques Seymour, Une obsession nommée Hugo, Paris, Editions MENAIBUC, 2007.
{42}

{43}
Pour un récit plus détaillé des réserves du régime libyen en Afrique sub-saharienne, voir Ronald
Bruce St John, « The Libyan Debacle in Sub-saharan Africa, 1969-1987 » in René Le marchand (ed),
The Green and The Black, op.cit., pp. 125-138 ;
{44}
Voir Jean-Paul Pougala, directeur de l’institut d’Etudes Géostratégiques et Professeur de
Sociologie à
{45}
Voir sur ces sujets, l’ouvrage de Jacques Bonjawo.
{46}
Tout ce récit concernant le RASCOM est tiré de J-P Pougala, op.cit. Université de la Diplomatie
de Genève, Suisse. Pougala @ gmail.com (28/03/2011).

{47}
Voir Les Afriques, 11 et 12 octobre 2012.
{48}
Ibid, créée en avril 1999 basée à Tripoli, avec un capital de 500 millions d’euros, dont 55% sont
détenus par la Libye et le reste par les autres Eats de la cen-Sad (Soudan, Mali, Benin, Tchad, Niger,
Burkina Faso, Gambie, Sénégal, Togo et Centrafrique).
{49}
Voir François Misser, « L’onde de choc atteint l’Afrique » in Afrique Asie, Année 2011, p. 25.
{50}
Voir Alexandre Najjar, op. cit. PP ; 217-218
{51}
Ibid, op.cit. , p. 218
{52}
L’auteur du présent ouvrage avait entendu de ses propres oreilles le guide Libyen
réitérer ces mêmes propos lors d’une allocution publique prononcée à Lomé, au Togo,
pendant le Sommet de l’OUA, le 11 juillet 2000 en fin de matinée. Ces fonds promis étaient
logés dans la Libyan Arab African Investment Company (LAAIC).
{53}
Voir Paul Richter, « As Libya Takes Stock, Muammar Gaddafi’s Hidden Riches
Astound » in Los Angeles Times, 23 octobre 2011.
{54}
Voir le Rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé de 2010.
{55}
Voir Jeune Afrique hors série, l’Etat en Afrique, N° 27. Toutes les statistiques
économiques de la Libye sont fournies par cette source, p. 52.
{56}
Au total, de 1973 à 1978 par exemple, l’aide la Libye, de l’Arabie Saoudite et du Koweit à
l’Afrique sub-saharienne s’éleva à US 3873 millions, dont 57% furent supportés par la seule
Libye. Voir Essè Amougou, Mouammar Kadhafi et la réalisation de l’Union Africaine, Paris,
l’Harmattan, 2012, P.46.
{57}
Voir « Libye : le CNT annonce la prise de Syrte » in Le Point, Octobre 2011.
{58}
Voir « Mort de Mouammar Kadhafi : le récit de la journée » Radio France International,
PP 15–16.
{59}
Le récit complet du déroulement de la chute de Mouamar Al Kadhafi, accompagné des
controverses sur l’interprétation juridique donnée par les pays de l’OTAN de la Résolution
1973 du Conseil de sécurité sont discutés dans François Soudan, « Libye : Kaddafin » in
Jeune Afrique N°2650, 23-29 octobre 2011, PP. 10-13.
{60}
Ibid, P.12.
{61}
Toutes les réactions cites dans ce chapitre sont tirées de la source suivante :
blocnews.com du 21 octobre 2011.
{62}
Voir Dan O’Huiggin, « EU arms exports to Libya: who armed Gaddafi ? March 2012.
{63}
Voir Lansiné Kaba, N’Krumah et le rêve de l’unité africaine, Paris, Editions Chaka, 1991,
p. 92. C’est nous qui soulignons.
{64}
Ibid,op. cit. P. 91.
{65}
Voir John Danis zewski, Time, 02 octobre 1998
{66}
Ibid, op. cit.
{67}
Voir Ludo De Witte, l’Assassinat de Lumumba, Paris, Editions Karthala, 2000.
{68}
Voir Bruno Jaffré, Biographie de Thomas Sankara. La patrie ou la mort. Paris, Editions
l’Hamartan, 1997.
{69}
Voir Philippe Perdrix, "l’Union Africaine à contretemps" in Jeune Afrique N° 2643 du 4 au
10 septembre 2011, P. 27 ; voir également la synthèse journalière (Daily briefings) de
l’Institut d’Etudes de sécurité de Prétoria, "Libya : The AU almost totally marginalised as
libyan crisis turns into near civil war" mardi, 8 mars 2011.
{70}
Voir Sadiki Koko et Martha Bkwesegha-Osula, "assessing the African Union’s response
to the libyen crisis" in Conflict trends. Voir aussi les communiqués suivants du Conseil de
Paix et Sécurité de l’Union Africaine : Communiqué de la 265ème réunion du CPS
(PSC/PR) ; Comm. 2 (cclxv) du 10 /03/2011 et communiqué de la 291ème réunion du CPS
(PSC/AHG/3 (ccxci) du 26/08/2011 ;
{71}
Le budget ordinaire de l’Union Africaine en 2011 s’élevait à environ 220 millions de
dollars US. Source : Union Africaine, AddisAbéba(2012).
{72}
Ces pays sont , dans leur intégralité « la Tunisie, la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée, la
Cote d’Ivoire, le Burkina Faso, le Ghana le Gabon, le Congo, la Centrafrique, le Tchad, le
Niger, l’Egypte, le Soudan, le Cameroun, l’Erythrée, le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie,
Madagascar, la Zambie, l’Afrique du Sud, , le Gambie, le Togo, le Benin, Sao Tomé et
Principe, la Guinée Equatoriale , le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée – Bissau, le Rwanda,
le Burundi, les Seychelles, et les Comores. Liste tirée de l’article de Gilles Moalla «
L’exemple libyen. 8 milliards de dollars investis en Afrique » in Continental, n°95, octobre
2010, PP.34-35.
{73}
L’on pourrait penser à un prélèvement de 01 dollar US pour l’achat d’un billet d’avion en
direction de l’Afrique, à verser aux caisses de l’Union Africaine de façon journalière
{74}
Voir Manifeste pour l’université de la renaissance africaine, Bandjoun, Cameroun,
presses de l’université Evangélique du Cameroun, 2010.
{75}
Ibid, P.2009.
{76}
Parmi les plus connus, l’on pourrait citer : Axelle Kabou, Et si l’Afrique refusait le
développement ?, Paris, l’Harmattan, 1991 ; Jean-Emmanuel Pondi (ouvrage collectif),
Repenser le développement partir de l’Afrique, Yaoundé, Ed. Afrédit, 2011 ; Kä Mana,
Philosophie africaine et culture, Kinshasa, Ed. Universitaires africaines, 2010 ; Daniel
Etounga-Manguelle, l’Afrique a-t-elle besoin d’un plan d’ajustement culturel ? Paris,
Nouvelles du Sud, 1991 ; Didier Boukongou (collectif) Université et développement. Quel
projet universitaire pour ‘Afrique ? Yaoundé, Presses Universitaires de l’Université d’Afrique
Centrale (UCAC), 2000 ; Paulin Hountondji J. (collectif) Les savoirs endogènes : pistes pour
une recherche, Dakar, CODESRIA, 1994 ; Maurice Kamto, L’Urgence de la pensée,
Yaoundé, Ed. Mandara, 1995, Thabo Mbeki, Africa. The time has come, Capetown,
Tafelberg, 1998 ; Gervais Mendo Zé (collectif) 20 défis pour le Millénaire, Paris, F-X, de
Guibert, 200, ; Alassane Ndaw, La pensée africaine, Dakar, Nouvelles Editons Africaines,
1983.
{77}
Voir Abdoulaye Bio-Tcharé, « Pour que l’Afrique puisse nourrir ses enfants » in Jeune
Afrique, N°2643 du 4 au 10 septembre 2011, P.38.
{78}
Ibid.
{79}
Pour la seule année 2009, les acquisitions massives des terres agricoles dans le monde
ont concerné 45 millions d’hectares, 70% se trouvaient en Afrique. Voir Stéphanie Jartman,
« Accaparement des terres. L’Afrique défavorisée » in Continental, N°95, Octobre 2010
pp.58-59.

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