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Kyle Harper

Comment l’Empire romain s’est


effondré
Le climat, les maladies
et la chute de Rome
Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Philippe Pignarre

Préface de Benoît Rossignol

2019
Présentation
Comment Rome est-elle passée d’un million d’habitants à 20 000 (à
peine de quoi remplir un angle du Colisée) ? Que s’est-il passé quand 350
000 habitants sur 500 000 sont morts de la peste bubonique à
Constantinople ?
On ne peut plus désormais raconter l’histoire de la chute de Rome en
faisant comme si l’environnement (climat, bacilles mortels) était resté
stable. L’Empire tardif a été le moment d’un changement décisif : la fin de
l’Optimum climatique romain qui, plus humide, avait été une bénédiction
pour toute la région méditerranéenne. Les changements climatiques ont
favorisé l’évolution des germes, comme Yersinia pestis, le bacille de la
peste bubonique. Mais « les Romains ont été aussi les complices de la
mise en place d’une écologie des maladies qui ont assuré leur perte ». Les
bains publics étaient des bouillons de culture ; les égouts stagnaient sous
les villes ; les greniers à blé étaient une bénédiction pour les rats ; les
routes commerciales qui reliaient tout l’Empire ont permis la propagation
des épidémies de la mer Caspienne au mur d’Hadrien avec une efficacité
jusque-là inconnue. Le temps des pandémies était arrivé. Face à ces
catastrophes, les habitants de l’Empire ont cru la fin du monde arrivée. Les
religions eschatologiques, le christianisme, puis l’islam, ont alors triomphé
des religions païennes.

Pour en savoir plus…


L’auteur
Kyle Harper est professeur d’histoire à l’université d’Oklahoma (États-
Unis).
Collection
Sciences humaines
Copyright
Ouvrage initialement publié sous le titre The Fate of Rome par
Princeton University Press en 2017.

Ouvrage publié sous la responsabilité de Philippe Pignarre.

L’éditeur remercie A. R. et Benoît Rossignol pour leur relecture


curieuse et informée.

© 2017, Princeton University Press.


Licensed by Princeton University Press, Princeton New Jersey, USA
in conjunction with their duly appointed agent, L’Autre agence. All
rights reserved. No part of this book may be reproduced or transmitted
in any form or by any means, electronic or mechanical, including
photocopying, recording or by any information storage and retrieval
system, without permission in writing from the Publishers.
© Éditions La Découverte, Paris, 2019, pour la traduction française.

En couverture : extrait du Chant XXXII de l’« Enfer » de La Divine


Comédie de Dante Alighieri. Amos Nattini, 1923 © Biblioteca del
Centro Studi Danteschi/Bridgeman Images.

ISBN numérique : 978-2-3480-4236-2


ISBN papier : 978-2-3480-3714-6

Composition numérique : Facompo (Lisieux), janvier 2019

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Pour Sylvie, August et Blaise
En mon commencement est ma fin.
Successivement
Les maisons s’élèvent et croulent, sont
agrandies,
Déplacées, détruites, restaurées, ou bien à
leur place
S’étend un champ ou une usine ou une
autoroute.
La vieille pierre se mue en bâtiments
neufs, le vieux bois en feux nouveaux,
Les vieux feux en cendres, et les cendres
en terre
Laquelle est déjà chair, fourrure et fèces,
Ossements d’hommes et de bêtes, tuyaux
de céréales et feuilles.

T. S. ELIOT, East Coker


(traduction Pierre Leyris)
Table
Chronologie
Préface - Une autre histoire
Prologue - Le triomphe de la nature

Chapitre 1 - L’environnement et l’Empire


Morphologie de l’Empire romain
Une planète instable
Une histoire humaine

Chapitre 2 - Les jours heureux


Un grand médecin et une grande cité
Les dimensions de l’Empire
Peuples et prospérité
L’Optimum climatique romain
Résilience. Tensions et endurance dans l’Empire romain
Un âge nouveau

Chapitre 3 - La vengeance d’Apollon


Vers une écologie des maladies dans l’Empire romain
Maladies, santé et mortalité dans l’Empire
Les Romains et les réseaux globaux
La grande pestilence
Résilience et nouvel équilibre

Chapitre 4 - Le vieillissement du monde


Le millénaire de l’Empire
La longue période antonine. L’Empire des Sévères
Le viellissement du monde. Le changement climatique au IIIe siècle
La peste de Cyprien. La pandémie oubliée
Comme une mer noircie de sang
Restauration et révolution
La voie du redressement

Chapitre 5 - La célérité de la roue de la fortune


Les limites de l’Empire
Le nouvel équilibre impérial
Le rôle de l’environnement
Une structure fragile
Une nouvelle géopolitique. Le monde méditerranéen versus l’Asie centrale
Orient et Occident : des fortunes différentes

Chapitre 6 - La vendange de la colère


Reconquête et renaissance
La fabrique d’un tueur. L’histoire naturelle de Yersinia pestis
Le contexte global : le monde de Cosmas
La race humaine près d’être annihilée
Deux siècles de mort : la pérennité de la peste
Vers la fin du monde

Chapitre 7 - Le jour du jugement dernier


Le monde de Grégoire le Grand
La comète de l’âge glaciaire
Trajectoires finales : zones en déclin, zones de vitalité
La faillite de l’Empire
L’heure était venue. Le monde de Mohammed
Épilogue - Le triomphe de l’humanité ?
Annexe A - Longueur des fémurs dans l’histoire de la population italienne
Annexe B - Recrudescence d’épisodes de la première pandémie (558-749 apr. J.-C.)
Remerciements
Notes
Bibliographie
CHRONOLOGIE
Préface
Une autre histoire

Une autre histoire. C’est au sens strict une autre histoire de la fin de
l’Empire romain qui nous est proposée ici. Aux deux sens du terme. D’une
part, le récit proposé est véritablement nouveau, sans équivalent à ce niveau
de synthèse. D’autre part, le champ d’investigation et les étapes de
l’enquête se démarquent de bien des idées reçues sur ce que devrait être un
livre d’histoire romaine. Certes, on retrouve Marc Aurèle et Constantin,
Alaric et Attila. Mais, aux Barbares franchissant les frontières pour
s’installer dans l’Empire, Kyle Harper ajoute de nombreux et bien étranges
habitants se moquant des délimitations habituelles de l’histoire et occupant
son territoire. Pour certains, ce n’est pas nouveau : le rat et la puce sont
depuis un certain temps des commensaux familiers du XIVe siècle au
moment de la peste noire. Les voilà désormais bien implantés en pays
romain. Le lecteur en croisera d’autres, plus exotiques, comme la petite
gerbille à soles plantaires nues et, minuscules, les multiples germes
unicellulaires, virus ou bactéries ; à l’autre extrémité de l’échelle, il
trouvera des géants : des volcans et des phénomènes météorologiques
connus le plus souvent sous un acronyme (ONA), à l’exception du fameux
El Niño. Ce dernier nom, on le sait, a été inventé en Amérique du Sud, par
les pêcheurs du Pacifique. Le monde romain se trouve ici aussi chamboulé
par son insertion dans un espace dilaté. Les Romains s’aventuraient plus
loin qu’on l’a longtemps pensé, et d’abord dans l’océan Indien. Ils
devinaient parfois l’existence d’autres empires comme celui de la Chine des
Han. Mais ils ignoraient sans doute complètement d’autres empires, comme
celui des Xiongnou, ou d’autres univers comme les eaux du Pacifique.
Aurions-nous affaire au livre d’un excentrique, à un essai dissident d’un
outsider secouant l’establishment endormi dans ses traditions ? Non,
assurément non ! Non seulement la formation, le parcours et l’expertise de
Kyle Harper sont tout à fait classiques au regard des standards de l’histoire
romaine, mais il faut souligner combien son livre s’appuie sans cesse sur les
acquis de la discipline, en particulier ceux du dernier demi-siècle, même s’il
est aussi l’aboutissement de mouvements et de débats historiographiques
remontant parfois au début du XXe siècle. Témoignant des changements
autant qu’il les entérine, ce livre revient aussi sur des questions posées en ce
premier quart du XXIe siècle. Comme l’auteur y revient à plusieurs reprises,
tout n’est pas dit : il nous reste beaucoup à découvrir et ce n’est pas le
moindre mérite de ce livre que de pointer les directions de recherches, de
fournir une base à partir de laquelle il sera possible d’interroger et
d’interpréter les nouvelles données, qu’elles surgissent de la bibliothèque
d’un philologue, des fouilles d’un archéologue ou dans le laboratoire d’un
généticien.

L’histoire de la chute de l’Empire romain est connue. Elle évoque des


images datant des peintres pompiers ou des peplum hollywoodiens. Sur un
arrière-fond de marbre et de toges immaculées, un tyran décadent ou un
Barbare hirsute, parfois les deux, font irruption. Il y avait un grand empire
mondial et civilisé. Il a cessé d’être. On ne trahira pas les attentes du lecteur
en le prévenant qu’il assistera encore une fois à ce grand accident de
l’histoire : la chute de Rome et de son empire. C’est donc toujours le récit
d’une chute. Mais plus question de se laisser abuser par des narrations et
des intrigues profondément enracinées dans nos imaginaires par la
puissance de leur simplicité, qu’il s’agisse d’un grand récit « décliniste » où
la fin inéluctable est annoncée depuis le début – à l’image du cycle
biologique des êtres vivants, de la naissance à leur mort programmée –, ou
d’une intrigue criminelle quand un protagoniste extérieur vient assassiner
un être prospère. Plus d’explication monocausale trompeuse, de possibilité
d’ouvrir toutes les portes avec une seule clé. Constater le crash d’un avion,
ce n’est pas l’expliquer ; une fois les boîtes noires ouvertes, la
reconstitution des faits peut surprendre le témoin extérieur. En ouvrant les
boîtes noires de l’Empire romain, en reconstituant sa trajectoire dans un
environnement mouvant, en considérant les actions de ses pilotes, Kyle
Harper nous éloigne des clichés. Mais, pour ce faire, il ne doit oublier
aucun des acquis dus à plusieurs générations d’historiens.
Ici, pas de Rome « décadente » ! La morale de ces siècles était, sous bien
des aspects, plus rigoureuse que celle en vigueur au moment de la naissance
ou de l’apogée de l’Empire : les orgies fastueuses et les empereurs
excentriques datent de la naissance de l’Empire, de ses premiers siècles. En
abandonnant cette idée de décadence, les historiens purent enfin
reconsidérer l’époque commençant avec Marc Aurèle. Il n’y a pas eu de
lente dégradation jusqu’à une fin programmée. Ce fut une conversion du
regard qui donna enfin à ces quelques siècles une existence positive. En
France, l’emblème de ce tournant fut la publication en 1977, à titre
posthume, d’un petit livre d’Henri-Irénée Marrou : Décadence romaine ou
Antiquité tardive ?1. Depuis déjà une dizaine d’années, la voix singulière
d’un jeune chercheur irlandais, Peter Brown, se faisait entendre dans le
monde anglo-saxon. Il mettait en lumière le monde de l’Antiquité tardive,
insistant sur la cohérence, la vitalité et l’inventivité. L’influence de cette
œuvre, toujours en cours de publication, a été considérable2. La fin de
l’Antiquité échappait au récit du déclin et devenait une période historique à
part, avec ses propres enjeux et héritages. À bien des égards, et d’abord par
le choix de la chronologie, l’ouvrage de Kyle Harper s’inscrit à part entière
dans cette lignée d’études sur l’Antiquité tardive. Il en interroge la capacité
de résilience, il souligne la vitalité et l’inventivité de ses acteurs, leur
capacité de réaction.
Ce travail d’historien a deux grandes qualités. Quand bien même il
connaît l’issue finale – et ne la cache évidemment pas au lecteur –, il
échappe à toute téléologie, considérant chaque moment pour lui-même,
comme dans le cas du règne de Philippe l’Arabe ; il en montre les
potentialités et les limites, met en valeur les tournants, les événements. Il
témoigne ensuite d’un immense respect pour ses sources : sa démarche
critique rigoureuse n’ampute pas la sympathie qu’il ressent pour les témoins
et leurs récits face à des événements qui souvent les dépassaient.
Mais tout cela n’épuise pas les progrès accomplis dans la connaissance
de cette période. Si l’Antiquité tardive a été construite en tant que période à
part entière, elle a aussi fait l’objet de découpages chronologiques internes
et d’une appréhension plus précise, plus nuancée. L’idée d’une crise
permanente de l’Empire à partir du règne de Marc Aurèle est récusée avec
les études mettant en valeur les mécanismes de résilience, les périodes de
récupérations, de consolidations, de transformations. Dans le même temps,
on a bénéficié d’une chronologie plus précise des crises et mieux apprécié
leur étendue. C’est particulièrement vrai pour le IIIe siècle où une scansion
chronologique plus exacte a pu être établie à partir des événements
politiques et militaires, comme l’ont montré, en France, les travaux de
Michel Christol sur les décennies 250 et 2603. On appréciera ainsi le portrait
de l’époque sévérienne brossé par Kyle Harper. Après les difficultés de la
fin de l’époque antonine, le début du IIIe siècle a renoué avec la puissance et
la confiance : l’héritage d’Auguste restait en place même si des inflexions
avaient déjà lieu. Quand, au IVe siècle, ce fut un moment de renouveau au
prix d’une mutation considérable. Ce sont ces pulsations du pouvoir romain
et de son emprise qui intéressent Kyle Harper. Il nous explique comment les
mécanismes de résilience et de transformations ont permis à l’Empire de
durer, tout en mettant en évidence les points de rupture qui pèseraient dans
les crises suivantes, jusqu’à la chute en Occident et l’impossibilité de toute
reconquête depuis Byzance. Rien n’était joué d’avance, aucun deus ex
machina n’explique l’ensemble du processus.
Cette attention à une périodisation toute en finesse, l’importance donnée
aux traits particuliers de chaque génération, doivent être soulignées car on a
reproché à la notion d’Antiquité tardive de couvrir une période trop
étendue. Dans un mouvement de balancier, habituel en historiographie,
l’idée d’Antiquité tardive a été l’objet de critiques dont Andrea Giardina se
fit, depuis l’Italie, le porte-parole4. On a reproché aux études sur l’Antiquité
tardive leur optimisme, leur attachement supposé à y déceler la naissance de
notre modernité, leur insistance à mettre en valeur les continuités dans une
époque marquée par la violence et une intolérance religieuse croissante,
l’effondrement des structures politiques et les ruptures brutales. Le récit de
Kyle Harper échappe à tous ces reproches. Il pointe les faillites de l’Empire,
le rôle des menaces barbares, il établit fermement l’ampleur des reculs
provoqués par chaque crise, chaque choc. Dans le même temps, il déplace
radicalement le propos et met en valeur les césures longtemps cachées ou
sous-estimées qu’impose la prise en compte des phénomènes naturels.
Avant d’aborder ce point, soulignons la façon dont Kyle Harper s’appuie
sur le renouvellement profond de l’histoire économique de l’Empire
romain. C’est un sujet qui a été débattu tout le long du XXe siècle, sous
l’influence de débats contemporains. Mais au grand clivage du XXe siècle –
suivre ou pas Marx – s’en est ajouté un autre propre à l’économie antique :
était-elle primitive ou annonçait-elle une certaine modernité ? La question
n’était pas sans lien avec la fin de l’Empire romain : avait-il connu une
situation économique le plaçant à part, le hissant au-dessus des économies
prémodernes ? Pourquoi avait-il failli ? Comment rendre compte de cette
« histoire brisée », selon les mots d’Aldo Schiavone5 ? Dans les
années 1920, le grand savant russe en exil Michel Rostovtseff avait
fortement plaidé en faveur de la modernité de l’économie romaine dont
l’élan aurait été brisé par l’action des empereurs et des soldats à partir des
Sévères6. Malgré le caractère novateur de son ouvrage et son érudition sans
égale, l’anachronisme saute aujourd’hui aux yeux : c’est la révolution russe
qu’il importait dans l’histoire romaine. Après la Seconde Guerre mondiale,
l’œuvre de Moses Finley a imposé l’idée d’une économie antique très
éloignée de la modernité et qui n’avait pas connu de grandes ruptures7. Une
fois la page de la guerre froide tournée, il était clair que ce débat devait être
dépassé8.
En lisant Kyle Harper le lecteur pourra constater le chemin parcouru :
l’accumulation de données archéologiques a imposé sans conteste l’idée de
ruptures majeures et mesurables dans l’histoire économique de l’Antiquité.
Pour autant, pas question de considérer l’économie romaine comme
moderne ou préfigurant le capitalisme industriel. Elle est un objet propre
entremêlant des traits modernes et des éléments « primitifs » tout en étant
marquée par sa nature esclavagiste. Les historiens actuels de l’économie
romaine ne se privent donc pas de comparaisons, ni des enseignements de
l’économie moderne. De nombreux travaux s’inspirent de la notion de coût
de transaction et de la nouvelle économie institutionnelle initiée par Ronald
Coase et Douglass North9. Les débats restent cependant vifs, en particulier
quant aux performances de cette économie. Kyle Harper défend l’existence
d’une croissance réelle à l’apogée de l’Empire. On appréciera la clarté et la
pédagogie de sa présentation du système impérial alors à son zénith. La
question des performances de l’économie romaine et de l’existence d’une
croissance réelle – par tête – est inséparable de la question de la
démographie. On a assisté à une multiplication des travaux sur le fond d’un
débat opposant partisans de chiffres bas et partisans de chiffres hauts. La
question des épidémies a été aussi posée à nouveaux frais, en particulier la
peste antonine. À défaut de certitudes, les problèmes sont désormais mieux
cernés. L’approche de Kyle Harper nous semble mesurée et prudente.
Kyle Harper est professeur dans le département de Classics à l’université
d’Oklahoma, et il est aussi Senior Vice President and Provost. C’est dans
cette université qu’il a commencé ses études avant de les poursuivre à
Harvard. Son doctorat, soutenu en 2007, lui permit de publier en 2011 son
premier livre déjà remarqué : Slavery in the Late Roman World, AD 275-
42510. C’est une démonstration vigoureuse de l’importance maintenue de
l’esclavage dans l’économie et la société de l’Antiquité tardive, en
particulier pendant tout le IVe siècle. Le lecteur en trouvera des échos ici.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, son deuxième livre, publié en 2013,
n’était pas sans lien avec le précédent, malgré un sujet en apparence très
différent, l’histoire de la morale sexuelle à la fin de l’Antiquité : From
Shame to Sin : The Christian Transformation of Sexual Morality in Late
Antiquity11. La sexualité des Romains du Haut-Empire était en effet
profondément liée à l’esclavage : le corps des esclaves était toujours
disponible. En décrivant la rupture provoquée par la christianisation de
l’Empire, un glissement de la honte au péché, un nouveau régime de rapport
au corps et au désir, Harper pouvait donc retrouver la question de
l’esclavage, du statut des esclaves et de leur rapport à leurs maîtres.
L’époque de Justinien est un moment de basculement, la consommation
d’une rupture après un « profond séisme dans la morale humaine ». Le
lecteur retrouvera ici le règne de Justinien, un moment pivot de l’histoire
occidentale. En explorant l’évolution des normes et des comportements
sexuels à la fin de l’Antiquité, Kyle Harper marchait sur les traces de Peter
Brown12. Notre modernité a-t-elle pour source les transformations de cette
Antiquité tardive, ce moment de christianisation du désir placé par Michel
Foucault au cœur de son livre posthume, Les Aveux de la chair, récemment
publié, plus de trente ans après avoir été écrit13 ? Un an avant la publication
de son second livre, Kyle Harper figurait parmi les douze signataires d’un
article publié par Michael McCormick dans le Journal of Interdisciplinary
History14, une contribution fondamentale à l’histoire des changements
climatiques à l’époque romaine ; en 2015, il publiait dans le Journal of
Roman Archaeology une étude détaillée sur la peste de Cyprien15.
On ne s’étonnera donc pas de voir ici les éléments naturels faire irruption
dans l’histoire romaine. Ils sont de deux ordres : le climat et les maladies. Il
s’agit d’abord des changements capricieux de l’étoile autour de laquelle
nous orbitons au cours d’un ballet complexe, les effets des volcans sur
l’atmosphère, les cycles complexes de cette dernière et les multiples
oscillations de ses courants. Quelles en sont les conséquences sur les
sociétés et sur l’ensemble du monde vivant ? Des récoltes qui varient,
parfois dramatiquement, les crues du Nil plus ou moins favorables, des
populations animales qui prospèrent ou se déplacent… Et puis, il y a ces
microscopiques compagnons, que ce soient les moustiques portant le
parasite du paludisme ou les rongeurs hébergeant des puces qui elles-
mêmes accueillent une bactérie terriblement pathogène. Accorder toute leur
place à ces phénomènes dans l’histoire des sociétés passées est un défi
difficile. C’est dans la seconde moitié du XXe siècle que s’est pleinement
manifestée, au sein de la discipline historique, avec des modalités diverses
selon la géographie des champs académiques, la prise en compte des
interactions des composantes naturelles avec l’histoire des sociétés
humaines. En s’affirmant, en particulier aux États-Unis, cette histoire
environnementale posait de nouvelles questions, plaçant la matérialité des
faits au cœur de l’enquête, mais soulevant aussi la question de la difficulté
de la narration historique16. Comme le dit l’un de ses contributeurs majeurs,
William Cronon, les histoires environnementales « trouvaient des intrigues
consistantes dans la nature, mais ces intrigues étaient toujours centrées
autour des gens17 ».
Ces questions étaient-elles si nouvelles ? Dans la première moitié du
XXe siècle, avec un succès public certain, le géographe américain Ellsworth
Huntington avait déjà installé le climat et ses variations, qu’il imaginait
cycliques, au cœur des changements historiques18. La nature déterminait le
devenir des sociétés et des races humaines, le climat distribuait l’énergie
humaine sur terre. Plus que son soubassement profondément raciste, le
simplisme d’un tel déterminisme et son manque de base empirique ne
manquèrent pas de le discréditer, entraînant dans sa chute toute
considération pouvant lui ressembler de près ou de loin. L’année de la mort
d’Huntington, en 1947, Fernand Braudel écrivait sa Méditerranée. Le
climat y tenait sa part, mais c’était celle de la longue durée, du quasi-
immobilisme, de l’évolution imperceptible, sans effet sur les cycles de
l’économie ou la houle des événements politiques. Braudel soulevait avec
prudence la question des changements possibles du climat, se heurtant à
« quelques discussions vives » comme il le reconnut dans une édition
ultérieure de son maître ouvrage19. Mais, dans les années 1970, l’idée d’une
variation significative du climat dans l’histoire était acceptée, avec la mise
en évidence du petit âge glaciaire entre la fin du Moyen Âge et l’époque
moderne. En France, Emmanuel Le Roy Ladurie fut l’artisan de cette
histoire du climat20, mais en sous-estimant, dans un premier temps, les
conséquences sur les sociétés, pour échapper à l’accusation de
déterminisme. L’histoire des rapports des historiens au climat est difficile21.
La question des maladies était moins controversée : les conséquences sur
les sociétés sont plus difficiles à nier, les sources plus explicites. En 1955,
Arthur E.R. Boak publia un ouvrage où la démographie était au cœur du
déclin antique : Manpower Shortage and the Fall of the Roman Empire in
the West22. Selon lui, le déclin démographique avait été si important à partir
du IIe siècle qu’il était devenu insurmontable. L’insuffisance des données
empiriques et la faiblesse de la démonstration firent que le livre ne
convainquit pas, en particulier quand l’idée d’un faible impact de la peste
antonine s’imposa.
Au regard de cet héritage, le présent ouvrage pourrait paraître
particulièrement audacieux, voire téméraire. Pourquoi faire entrer le climat
et les maladies dans l’histoire de l’Empire romain ? Ne risquons-nous pas
de faire comme Rostovtseff, de projeter notre époque et ses craintes sur le
passé ? Certes chaque époque regarde le passé à partir des défis auxquels
elle est confrontée, et notre époque est celle de l’épidémie mondiale de
SIDA – toujours active et mortelle – et le changement climatique est une
réalité désormais perceptible. Nous avons quitté le régime climatique du
XXe siècle. Comment cela n’influencerait-il pas notre regard ? Bien souvent
une avancée historiographique s’est faite par un déplacement du regard, par
la relecture de sources avec un nouveau problème en tête. Mais la situation
est différente. Le meilleur moyen de progresser en histoire est de découvrir
ou de bénéficier d’une nouvelle source. Un nouveau témoignage propose
une autre version d’un événement, un ensemble d’archives inédites
permettent d’accéder à des faits méconnus, de recouper de manière neuve
les témoignages antérieurs, d’aiguiser la critique, et de reconsidérer ce que
l’on croyait connu. Bref, du nouveau. C’est d’abord l’accumulation de
données archéologiques qui a changé notre perspective sur l’économie
romaine. Mais elle ne s’est pas contentée d’apporter des objets, de révéler
de nouvelles inscriptions ou de compter des amphores. La démarche
archéologique apporte son propre regard sur les sociétés du passé, sa propre
lecture des phénomènes humains en s’attachant à l’espace et au milieu.
Fouilles et prospections ont apporté un nombre considérable de données sur
l’évolution des milieux et des paysages antiques, sur l’occupation du sol,
l’exploitation des milieux, mobilisant des sciences qui à leur tour
apportaient leur lot d’enseignements : la palynologie qui révélait le couvert
végétal grâce aux pollens, la dendrochronologie qui permettait d’apprécier
l’effet du climat sur les arbres grâce à leurs cernes, la carpologie qui
analysait les restes végétaux. Les progrès de l’anthropologie physique ont
aussi permis aux sépultures de nous en apprendre plus sur l’état de santé des
populations. La somme des nouvelles informations disponibles est
considérable, leur précision croissante, mais leur dispersion rend parfois
leur exploitation difficile et les comparaisons risquées.
L’apport des sciences climatiques peut donner l’impression d’une
explosion plus brutale et plus récente. En vingt ans les progrès ont été
fulgurants. Jusqu’alors, passé le milieu du Moyen Âge, l’histoire du climat
semblait buter sur une limite : les sources écrites disparaissaient. On
pouvait cependant avoir recours aux archives naturelles dont les variations
étaient plus ou moins corrélées à celles du climat, ce que l’on appelle un
proxy : l’avancée des glaciers, les cernes des arbres, le dépôt des sédiments,
la répartition des isotopes dans la glace ou dans une concrétion calcaire.
Mais ces proxys soulevaient beaucoup de problèmes. D’abord parce qu’ils
étaient souvent rares, dispersés, empêchant toute généralisation. Enfin, leur
datation était mal calibrée, inscrite dans une fourchette trop large pour en
tirer le moindre enseignement historique pratique. Pour qui eut la chance de
s’y intéresser précocement, au cours des années 2000, il devint vite évident
que les choses changeaient à toute vitesse. Les sciences du climat ont
produit des proxys de plus en plus nombreux, de plus en plus divers et de
plus en plus précis. C’était comme si les chercheurs du
paléoenvironnement, les dendrochronologues et les glaciologues
notamment, nous ouvraient soudainement un immense magasin d’archives.
C’est en ce sens que ces avancées en histoire antique sont liées à la
perception de nos problèmes environnementaux et climatiques : les progrès
dans les sciences du climat s’expliquent par une importante demande
sociale, par un financement accru dont le but n’était pas bien sûr de mieux
connaître Rome mais de comprendre les changements actuels de notre
climat grâce à une meilleure connaissance du passé. Les résultats ont été
stupéfiants. Les sciences de l’Antiquité bénéficièrent de leur retombée
involontaire. Internet joua aussi son rôle : la numérisation des publications
et leur mise à disposition dans des portails de revues ou d’éditeurs ont
permis de consulter des ouvrages et des articles qui ne figurent pas
habituellement dans les bibliothèques des sciences de l’Antiquité ; la mise
en ligne de banques de données a livré l’accès à de nombreux résultats
bruts, au moment où les courriels facilitaient les contacts et les échanges.
Découvrir un nouveau stock d’archives ne suffit cependant pas. Il faut
pouvoir les lire, les critiquer et les interpréter. L’historien se heurte aux
difficultés de l’interdisciplinarité. Il lui faut d’abord comprendre comment
est construit un proxy et ce qu’il autorise : cela suppose un effort
d’information et, mieux encore, une discussion voire une collaboration avec
les scientifiques de ces domaines. Il faut faire dialoguer des cultures
scientifiques différentes mélangeant sciences humaines et sciences dites
« dures ». Il faut aussi compter avec les mécompréhensions. Chaque
discipline peut prendre dans l’autre des éléments qu’elle croit acquis ou
dont elle se représente mal l’importance, donnant ensuite sa propre autorité
à des interprétations plus fragiles que ce qu’on imaginait. Prenons un
exemple révélateur des difficultés rencontrées. Le calendrier des historiens
n’est pas différent de celui que nous utilisons quotidiennement. Son comput
annuel repose sur l’ère chrétienne, c’est-à-dire in fine sur les calculs de
Denys le Petit qui, approximativement à l’époque de Justinien, fixa le
premier l’année de naissance du Christ. À cette époque, il ignorait l’usage
du zéro, et le calendrier des historiens passe donc de l’année 1 avant Jésus-
Christ à l’année 1 de notre ère. Calculer une date à partir du décompte des
strates de glace dans des carottes, à partir de la corrélation des largeurs des
cernes de troncs d’arbre ou de la quantité disponible de carbone 14 dans un
échantillon suppose des calculs mathématiques élaborés et confronte parfois
à des échelles de temps où notre ère n’est qu’un moment parmi d’autres.
Les calendriers des laboratoires ont donc, à la différence de celui de Denys,
une année zéro. Lorsque le dendrochronologue répond à un archéologue sur
la date d’une structure en bois, et si celle-ci est antérieure à notre ère, il
effectue bien sûr la conversion au prix d’une petite opération, replaçant la
date dans le calendrier commun. En revanche, dans les fichiers de données
climatiques cette conversion n’est pas faite, et le problème rarement
signalé : un écart d’un an n’a pas de signification au regard de l’histoire du
climat. Mais, pour peu qu’on veuille le confronter à des événements
humains, le lecteur peut voir le risque de confusions si l’on ne s’aperçoit
pas que la date donnée n’est pas celle de nos récits historiques23…

La réalisation et l’exploitation des carottages dans les calottes glaciaires


du Groenland et de l’Antarctique fut une aventure scientifique collective
fascinante de la seconde partie du XXe siècle et du début du XXIe. La
possibilité d’avoir, sur de très longues périodes, une datation à l’année près,
voire à la demi-année, fut manifeste à partir du début des années 2000. Mais
il fallait pour cela des points de repère le long des carottes pour annuler
l’incertitude qui naît des erreurs de comptage des strates annuelles de glace.
Ces points de repère furent d’abord les traces laissées par les grandes
éruptions volcaniques. Identifiant une éruption relativement isolée à la fin
du Ier siècle de notre ère, les glaciologues crurent avoir un ancrage solide
pour les carottes : l’histoire antique ne mettait-elle pas en valeur l’éruption
du Vésuve en 79 et la dévastation de Pompéi et Herculanum ? Pourtant les
sources antiques signalaient une autre éruption importante en 44 avant notre
ère, et les carottes portaient un signal volcanique particulièrement net et
important vers – 50. L’éruption de 44 est cependant mal connue, et n’avait
pas beaucoup intéressé les historiens de l’Antiquité ; elle resta en
conséquence tout aussi mal connue des glaciologues et le rapprochement
n’eut pas lieu, introduisant une erreur d’environ sept ans dans la datation
des carottes. L’identification possible d’une poussière volcanique dans une
carotte comme provenant du Vésuve sembla confirmer au-delà de tout
doute les datations : mais en fait les téphrologues s’appuyaient sur les
glaciologues qui, en retour, pouvaient voir leurs certitudes confirmées.
Comme on le verra à propos des événements climatiques des années 530,
c’est au dendrochronologue Mike Baillie qu’il revient d’avoir pointé du
doigt le problème24, se heurtant d’abord à l’incrédulité des glaciologues
avant de provoquer une reconsidération des datations. Enfin, un article
publié en 2015 grâce au travail de Michaël Sigl démontra qu’il avait raison
et établit de nouveaux moyens de calibrer les carottes25. Tout autant que la
perspicacité de l’un ou l’autre chercheur, c’est la multiplication des
échantillons et des analyses et leur accessibilité qui permirent ces
corrections. Un aveu au lecteur : suivre la marche de la science, c’est-à-dire
voir une communauté de chercheurs reconnaître une erreur et la corriger en
se donnant les moyens renouvelés de tester ses hypothèses, fut une grande
satisfaction intellectuelle… même si cela rendait caduque une partie de ce
que j’avais pu écrire dans un article consacré à ce que ces archives
glaciaires nous apprenaient sur l’histoire de l’Empire romain.
Au milieu des années 2000, la découverte des proxys tirés des carottes
glaciaires m’avait enthousiasmé. D’une part, ils mettaient en évidence ce
que l’on avait commencé à appeler, à partir de l’analyse des glaciers alpins,
l’« Optimum romain », d’autre part, les dégradations climatiques
semblaient correspondre à plusieurs moments de difficultés pour Rome. En
quelques courbes, il apparaissait clairement que l’histoire du climat n’était
pas cantonnée à quelques tendances dans la longue durée, peu perceptibles
pour les sociétés antiques. Les proxys ne racontaient pas l’histoire d’un
déclin continu, mais celle, bien plus compliquée et passionnante, de
variations et d’inflexions sur des durées variables et parfois courtes. En
spécialiste de Marc Aurèle, j’avais été frappé par les changements qui se
manifestaient à partir de la seconde moitié du IIe siècle, une parenthèse
fraîche semblait avoir frappé l’Empire. Par la suite, il ne retrouva plus une
situation aussi favorable qu’à ses débuts. Il était difficile de ne pas poser
alors la question des épidémies : la peste antonine semblait coïncider avec
la fin du bel été de l’Empire.
Poser ces questions, il y a une décennie, c’était non pas se heurter à un
mur mais plutôt à une indifférence polie de la part des autres historiens de
l’Antiquité. M’inspirant d’un article pionnier de William S. Atwell consacré
à l’histoire du climat dans l’Asie médiévale26, je m’étais concentré sur la
question des forçages volcaniques. Afin de recouper les indications des
carottes glaciaires, j’avais sollicité un dendrochronologue, Sébastien
Durost, qui venait de finir une thèse sur les cernes du chêne et avait
contribué à une importante banque de données. Avec sept ans de décalage
(comme je le sais maintenant !), les carottes glaciaires semblaient pointer
aussi vers un épisode climatique particulier datant de la guerre des Gaules.
La dendrochronologie sembla confirmer l’enseignement des carottes
glaciaires : la situation météorologique avait bien été très particulière dans
la seconde moitié des années 50 avant notre ère. La redatation des carottes
glaciaires impose désormais de séparer les deux proxys, mais elle n’annule
pas le résultat de la dendrochronologie. L’explication des troubles
météorologiques – en particulier deux années de sécheresse importante –
qui frappèrent la Gaule à l’époque de sa conquête par César, n’est pas un
événement volcanique et reste donc à identifier. Si je m’attarde sur mes
propres recherches, c’est pour que le lecteur saisisse les formidables progrès
très récents mais aussi tous les tâtonnements inhérents aux travaux
interdisciplinaires, et lui faire mieux comprendre ce que la synthèse de Kyle
Harper a de nouveau et les difficultés qu’il a su résoudre. Sans oublier ces
moments de joie scientifique, lorsque l’on découvre que l’on peut en savoir
bien plus que tout ce dont on avait rêvé. Je me rappelle ma surprise et mon
incrédulité lorsque j’avais demandé à Sébastien Durost s’il pouvait me
fournir des données annuelles sur le climat à l’époque de César. Il m’avait
répondu qu’il devait tout à fait être possible de cartographier le stress
climatique… Et il le fit, dirigeant un article collectif où il exposait tous les
détails techniques de cette reconstitution passionnante de la météorologie de
la guerre des Gaules27. J’essayai pour ma part d’en tirer les conclusions
historiques : ce n’était pas rien de posséder une nouvelle source précise, de
pouvoir confronter le texte de César et la réalité de son époque. Si plusieurs
collègues témoignèrent de leur intérêt, nous nous heurtâmes chez la plupart
à la peur du déterminisme. Dix ans plus tard, notre article est désormais cité
dans les travaux sur la guerre des Gaules, sans que ses conclusions soient
véritablement entérinées. Malgré les progrès des dernières années, le travail
de Kyle Harper risque d’affronter une levée de boucliers, et d’être accusé
du péché de déterminisme, alors qu’il en est très loin. Le plus grand danger
serait qu’il soit ignoré par les spécialistes et que l’on continue à tenir les
oscillations atmosphériques, les volcans, les microbes et autres gerbilles
loin de l’histoire.
Mais les choses changent. L’année même où nous avons publié notre
article sur les forçages volcaniques à l’époque romaine, Michael
McCormick livrait avec Paul E. Dutton et Paul A. Mayewski un travail
similaire sur l’époque carolingienne28. C’était le premier résultat d’une
vaste enquête systématique sur le climat de l’Antiquité et du Moyen Âge.
Autorité reconnue en histoire byzantine, auteur de travaux remarquables sur
la peste, enseignant à Harvard, Michael McCormick a produit un travail
collectif et interdisciplinaire, multipliant les ateliers, croisant les chercheurs
et leurs proxys, créant des banques de données. La publication en 2012 d’un
article de synthèse en fut l’un des résultats majeurs, posant les bases solides
pour réfléchir sur le lien entre le climat et l’histoire romaine. La
communauté scientifique tire désormais les conséquences de ces différents
travaux. Comme l’a écrit Jean-Michel Carrié, dans la publication d’un
colloque sur les évolutions de l’Antiquité tardive, le climat y est sans doute
le facteur clé, tout en ayant été le plus négligé29. L’ouvrage de Kyle Harper
présente pour la première fois sous une forme synthétique et cohérente les
conclusions de cette multiplication de travaux, en général confinés dans des
revues spécialisées. Mais ce n’est pas seulement une histoire du climat et
son propos est plus général : il s’agit de faire l’histoire du rapport de
l’Empire romain aux contraintes naturelles mouvantes qui ont pesé sur son
devenir. C’est là que le monde microbien prend une importante toute
particulière.

Après le travail de Boak, la question démographique fut relativement


délaissée et les grandes épidémies de l’Empire romain attirèrent peu
l’intérêt des chercheurs. Pour la peste antonine, un article de Gilliam publié
en 196130 imposa largement l’idée d’un bilan modeste. Exhaustif, érudit et
intelligent, il contribua à convaincre que l’on pouvait étudier le règne de
Marc Aurèle en laissant les microbes à la porte. L’histoire pouvait continuer
à s’écrire entre humains, le vrai risque pour un habitant de l’Empire était la
menace des voisins germaniques. Mais la question fut brutalement rouverte
dans un article de Richard Duncan-Jones de 199631 : en multipliant les
séries statistiques tirées des sources archéologiques – encore elles – il
montrait que l’Empire avait été frappé par une crise brutale au moment de
l’épidémie. Les courbes étaient nombreuses, inégalement pertinentes ou
convaincantes, mais leur enseignement global était difficile à nier : autour
de 166, quelque chose de grave avait eu lieu. Ce retour de la question
épidémique sur le devant de la scène historiographique croisait un
renouveau des études démographiques, en particulier sur la question de la
taille de la population de l’Italie romaine, autour d’un débat entre Walter
Scheidel et Elio Lo Cascio. Ce dernier publia en 2012 les actes d’un
important colloque sur la peste antonine32. Ayant contribué à la discussion,
je dois approuver le tableau dressé par Kyle Harper de l’impact de
l’épidémie. Même si bien des données manquent encore, il me semble que
son évaluation mesurée d’un impact important, mais relatif et finalement
surmontable – mais non sans un coût important pour l’Empire – est
l’appréciation la plus juste et pertinente de l’épidémie. Si une grande partie
du livre de Kyle Harper relève de la synthèse, il faut néanmoins souligner
sa connaissance directe des sources et l’importance de ses contributions
personnelles, avec en tout premier lieu l’important article qu’il a consacré à
la peste de Cyprien, la sortant d’un angle mort de l’historiographie, lui
redonnant la place qu’elle mérite au cœur du IIIe siècle.
Comme pour le climat, il est devenu impossible de traiter la question
épidémique en négligeant les bouleversements apportés par les sciences de
laboratoire. Et c’est même peut-être encore plus vrai car, si nous
commençons à en avoir une image assez précise, les grandes découvertes
restent à venir. Le lecteur découvrira tout ce que l’étude de l’ADN des
microbes apporte à notre connaissance des épidémies, comment elle a pu
trancher sans appel des débats comme ceux qui concernaient l’agent
pathogène de la peste noire et de la peste de Justinien. Tout cela est
fondamental pour l’historien, en limitant les incertitudes, en restreignant le
champ des possibilités. Nous pouvons mieux imaginer la marche des
épidémies et aborder un peu plus sûrement leur bilan. L’enseignement
majeur est l’ampleur de notre ignorance : les microbes ont une histoire plus
compliquée, plus riche, plus surprenante que nous ne le pensions. Une
histoire plus récente aussi : les microbes ne sont pas tous de vieux
compagnons, les maladies émergentes ne sont pas spécifiques à notre
époque.
Le lecteur doit imaginer les dynamiques d’équipe et le travail collectif : il
lui faut se représenter les équipes d’archéologues qui fouillent
minutieusement les sépultures, les historiens en quête de sources écrites
pour reconstituer un contexte historique, les anthropologues analysant les
ossements, les généticiens dans leur salle blanche puis face à leur
séquenceur en quête de fragments anciens d’ADN, les biologistes et les
épidémiologistes cherchant à reconstruire l’histoire de l’évolution du virus
ou de la bactérie. Comme pour les carottes glaciaires, comme pour les
troncs d’arbre du dendrochronologue, ce n’est pas une analyse qui parle et
révèle la vérité, mais la comparaison scrupuleuse et laborieuse de nombreux
échantillons. La publicité, l’accessibilité et l’échange des données
scientifiques sont alors un enjeu fort. Il faut souligner néanmoins les
difficultés de l’entreprise, à commencer par son coût : la fouille d’une
sépulture collective est une longue entreprise délicate ; les prélèvements et
les analyses sont d’un coût élevé. Il faut coordonner des laboratoires de
plusieurs pays, dans plusieurs langues. Comme l’explique Kyle Harper, les
progrès récents sont notables : l’identification de sépultures collectives
éventuellement liées à des épidémies est un résultat important de ces
dernières années de recherches et un enjeu majeur pour les années à venir.
Ces découvertes sont fascinantes car elles nous font toucher du doigt la
violence terrifiante de ces situations historiques. Signalons le cas
remarquable des fouilles des catacombes Saint-Pierre-et-Marcellin à Rome
menées dans les années 2000, en particulier par Dominique Castex33. Il est
emblématique des enseignements et des difficultés de ces travaux : la
datation en reste imprécise, si bien qu’on ne peut être assuré du lien avec
l’une des grandes épidémies que le lecteur va croiser.

L’identification des pathogènes n’est pas seulement une réponse à la


curiosité des savants de l’Antiquité. Comme pour le climat, connaître ce
passé, c’est se donner les moyens de mieux comprendre notre présent et
notre avenir. La compréhension et donc la lutte contre les maladies
émergentes présentes et futures ne peuvent passer que par la bonne
compréhension des dynamiques d’évolution des maladies et de leurs
pathogènes et donc par cette histoire des germes et de leur relation à
l’humanité. Les germes responsables des pestes antonine et de Cyprien ne
sont pas encore apparus sous le microscope de nos laboratoires. Mieux
connaître ces tueurs de masse ne servira pas qu’à enrichir les notes de bas
de page des manuels d’histoire romaine, l’impact général en termes de
connaissance n’est pas négligeable. Si le germe responsable de la peste
antonine est bien celui de la variole, il serait précieux de pouvoir mieux
connaître son évolution, l’histoire de son génome et de ses mutations. Si
cette terrible meurtrière est aujourd’hui éradiquée grâce à la vaccination, la
famille de virus qui lui a donné naissance est toujours là. Les gerbilles à
soles plantaires nues continuent à parcourir l’Afrique transportant des
taterapox, tandis que les chameaux et dromadaires souffrent toujours, et
couramment, de camelpox. Rien ne peut nous garantir, on pourrait même
penser le contraire, que la mutation qui a conduit de taterapox et camelpox
à la variole humaine ne se reproduira plus. Mais on pourrait aussi songer à
Monkeypox qui fait régulièrement des victimes humaines, ou au plus bénin
et discret, mais courant, moins exotique et très humain molluscum
contagiosum34.

Bien souvent l’historien de l’Antiquité est habitué à travailler à peu de


frais et seul : il n’y a pas de raison d’exiger un budget conséquent s’il se
contente de lire Galien ou Cyprien. Progresser dans l’histoire
environnementale de l’Antiquité, concevoir des synthèses comme celle de
Kyle Harper suppose aussi un changement des habitudes académiques et
disciplinaires. Le travail en équipe est nécessaire et il importe de convaincre
les institutions de leur accorder des budgets importants. Cela n’empêche pas
ensuite, et le livre que le lecteur tient dans ses mains le prouve, une
ressaisie individuelle des données et des problèmes pour en tirer une
synthèse originale. Espérons qu’en France on puisse lancer et financer ce
type de programme : les compétences sont là, les sépultures de masse
antiques aussi ! Donner une visibilité et une accessibilité à ces problèmes
historiques est l’un des grands mérites du travail de Kyle Harper. S’il a
l’audience qu’il mérite, il permettra de pousser les investigations plus en
avant. Comme il en est conscient et le signale à plusieurs reprises, ses
conclusions ne sont que provisoires, demain ou après-demain une nouvelle
étude précisera, il faut l’espérer, telle image de la situation climatique de
l’Empire, ou tranchera sur l’identité d’un de ses microscopiques tueurs de
masse. Peut-être s’en trouvera-t-il contredit : il aura fait son travail, un
discours scientifique est aussi un discours réfutable. Insistons sur un autre
enjeu : l’identification des volcans responsables des éruptions du VIe siècle.
Leur localisation permettrait en effet de mieux comprendre la perturbation
climatique provoquée. L’identification récente du volcan Samalas, en
Indonésie, comme responsable d’une éruption à l’impact climatique
mondial puissant au XIIIe siècle montre qu’une telle découverte est du
domaine du possible. C’est aussi le courage du travail scientifique que
d’affronter son obsolescence programmée, mais la récompense du lecteur
est de se trouver plongé au cœur de la science en train de se faire.
Cette part d’inconnu, ces incertitudes dues à l’avancée continue des
travaux constituent donc une des limites assumées de l’ouvrage. Nul doute
aussi que sur tel ou tel point de détail l’avis entre spécialistes peut diverger,
de même sur l’appréciation relative de tel proxy, de telle situation
climatique, sur la chronologie fine de telle famine ou de telle source…
L’ampleur même des difficultés est susceptible d’appréciations plus ou
moins optimistes, tant il est vrai que les mêmes faits peuvent être interprétés
de manière très différente, en particulier lorsqu’il s’agit d’établir ou non une
rupture35. L’ouvrage bien sûr ne prétend pas dire le dernier mot sur son
sujet. Disons-le nettement : l’histoire environnementale n’est pas la seule
perspective de progrès dans la compréhension de la fin de l’Empire romain.
Comme le disait Ronald Syme, en histoire ancienne « on fait avec ce que
l’on a ; et il y a du travail à faire36 ». Nous sommes loin d’avoir épuisé ce
que peuvent nous apprendre les sources traditionnelles, et l’on gagne
toujours à les reconsidérer, comme l’a montré récemment l’ouvrage de
Christine Delaplace sur les Wisigoths. Il faut d’ailleurs entendre son appel :
même dans un domaine en apparence aussi traditionnel que l’histoire
événementielle nous avons encore à apprendre, y compris pour des dates
aussi rebattues que celle de la traversée du Rhin par les Barbares le
31 décembre 406 (en fait, peut-être plutôt 405…)37. Le sujet de Kyle Harper
lui impose parfois des survols rapides, le curieux saura approfondir. Reste
que l’on se trouve désormais avec une carte d’ensemble grâce à laquelle
nous pouvons nous orienter, et situer les différents moments des derniers
siècles de Rome. Nous avons désormais un récit auquel chaque spécialiste
pourra confronter le sien. Ce récit est aussi plus riche et plus large que ceux
habituellement proposés car il prend en compte la matérialité des faits
naturels et leur ballet complexe sans oublier les actions et les intentions
humaines.
En considérant l’histoire environnementale, il importe de reconnaître la
blessure narcissique qui nous est à nouveau infligée. Galilée nous avait
expulsés du centre du cosmos, Darwin du sommet de la création et Freud
avait jeté le trouble sur notre existence en tant que sujets, mais voilà que
désormais l’histoire échappe au monopole humain. Nous voilà remis à notre
place et de manière parfois très brutale : notre pandémie de peste n’est
qu’une conséquence secondaire de la vie propre de Yersinia pestis – la
remarque vaudrait aussi pour le choléra. L’histoire humaine a compté avec
les effets majeurs d’intervenants naturels que nous ne pouvons pas ignorer.
Faut-il les appeler des acteurs ? les germes ou les volcans n’avaient aucune
intention d’agir sur le destin de Rome. Ils le firent pourtant. Si l’on accorde
quelque importance aux Goths massacrant quelques milliers de soldats
romains à Andrinople, on ne peut la refuser aux famines et aux maladies
responsables de bien plus de pertes. Il importe alors de prendre du recul
épistémologique, de repenser nos catégories, nos habitudes. D’autres
disciplines s’y sont aussi engagées. Caractérisant la géographie comme
science de l’espace, Michel Lussault a mis en valeur le concept
d’« opérateur spatial » : les humains ne sont pas les seuls à avoir un rôle
dans l’espace et dans son agencement ; il a montré comment le loup dans
les Alpes ou le virus du SRAS ou le volcan Eyjafjallajökull avaient un
comportement spatial spécifique qui interagissait avec celui des humains38.
Il est temps peut-être de conceptualiser à notre tour des « opérateurs
historiques » pour intégrer les faits environnementaux ou plus simplement
non humains (une technique, une institution peuvent aussi être des
opérateurs) sans tomber dans le déterminisme ni dans le déni, mais en leur
donnant une place propre dans nos récits, dans la manière dont nous situons
et scandons le passage du temps39. Le lecteur croisera ici plusieurs de ces
opérateurs : ONA et El Niño, le rat et Yersinia pestis, les éruptions des
années 530 – j’ajouterai volontiers aussi celle, plus modérée il est vrai, de
169. La liste n’est pas limitative…
Dans ces nouveaux récits, les grands partages rassurants entre nature et
société, humains et environnement, sont appelés à s’effacer derrière la
considération plus précise de leur intrication et de leurs rétroactions. Depuis
son travail d’anthropologue, Philippe Descola a mis en valeur le terme de
« collectif »40, emprunté à Bruno Latour, pour mieux penser ces situations
sans succomber au point de vue de concepts construits depuis un temps et
un lieu précis, l’Europe moderne, et se donnant pourtant comme universels.
Pour le dire vite, un collectif, c’est une société avec son milieu mais aussi le
cortège de non-humains qui partagent son territoire et son destin ; il ne faut
pas compter uniquement les animaux et les plantes dans les non-humains, ni
même d’autres présences matérielles comme les rivières. Les collectifs
contiennent leurs lots d’esprits, d’ancêtres, de dieux, de fantômes, de
génies, quelques-uns même – paraît-il – hébergent des mains invisibles…
C’est bien le collectif romain que Kyle Harper embrasse et révèle tout
entier, mêlant les citoyens, les esclaves mais aussi Apollon et les rongeurs,
l’Apocalypse et les anophèles, les pluies et les sécheresses. Car c’est dans
cet ensemble qu’agissaient et pensaient ses membres humains. C’est
pourquoi, dans la partie la plus risquée de son travail, qu’on lui reprochera
peut-être, à tort je crois, il était nécessaire qu’il envisage les faits culturels
et religieux. Nécessaire, car tous les faits naturels étaient pour les Romains
médiatisés par des conceptions religieuses et culturelles. Rappelons que les
Romains ne pratiquaient pas le grand partage qui nous est si familier entre
nature et culture – une lecture de l’Histoire naturelle de Pline suffit à s’en
convaincre. En ce domaine leur position ressortait à ce que Philippe
Descola a qualifié d'« analogisme ». Le cosmos romain n’était pas organisé
par une grande coupure entre l’humanité et la nature. Il se caractérisait au
contraire par la présence d’une infinité de composants, tous très spécifiques
et soigneusement hiérarchisés, animés et parcourus de correspondances :
des minéraux impassibles jusqu’aux dieux irritables. Même si les Romains
considéraient qu’ils occupaient une place privilégiée dans cette hiérarchie :
eux seuls savaient bien pratiquer le culte des dieux, et eux seuls savaient
bien gouverner et vaincre. Affronter la question du culturel et du religieux
est indispensable car ces conceptions évoluent et ne sont pas insensibles aux
faits naturels. Il nous faut aussi rendre leur évolution intelligible à cet égard.
Bien sûr, il n’y a aucun rapport de détermination direct ni simple et c’est
pourquoi ce sont des récits risqués. Là, plus qu’ailleurs, le chercheur
s’expose aux fausses corrélations, à toutes sortes de biais. Rien ne serait
plus dangereux que de confondre « après la peste » et « à cause de la
peste », et le risque est là d’être victime d’une chronologie mal assurée. Le
cas de la peste noire l’illustre en histoire de l’art41. Le risque existe de
construire des récits sur nos lacunes, et ces dernières sont sur l’Antiquité
considérables. Mais il importe cependant d’affronter ce risque, et Kyle
Harper le fait avec prudence et justesse. Ses conclusions seront discutées,
elles ont le mérite d’exister et d’ouvrir largement le débat. Comme dans
bien d’autres domaines du savoir, nous pouvons dire ici avec le statisticien
George Box que « tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles 42 ».
De Rome, comme d’autres civilisations passées, nous pouvons tirer, pour
paraphraser Valéry, la connaissance de notre mortalité en tant que
civilisation43. Depuis au moins Gibbon, au XVIIIe siècle44, la question de la
chute de Rome et de ses causes a occupé les pensées des Occidentaux. Un
empire est nécessairement très fragile. L’histoire chinoise est remplie de ces
moments où les dynasties disparaissent, où l’union politique se fragmente,
où la cohésion territoriale vole en éclats. Un livre jumeau de celui de
Harper pourrait raconter les difficultés des Han puis des Jin, mais aussi leur
résilience et leur récupération puis leur chute. L’histoire environnementale
est nécessairement une histoire connectée, elle ouvre souvent sur l’histoire
globale, elle invite à la comparaison. « Quelle déchéance pour l’empereur
de la maison de Sui, / d’avoir bâti ceci, à présent décati et à l’abandon. /
N’aurait-il pas conduit son État à la perte, / comment les Grands Tang en
auraient pris possession45 ? » Si des poètes, comme Du Fu sous les Tang
(VIIIe siècle), ont pu déplorer la chute de telle ou telle dynastie passée, se
retrouvant eux-mêmes plongés dans les affres d’une dynastie en crise,
aucun Gibbon chinois n’a exploré la chute des Han ou des Jin pour en faire
un problème historique fondamental. Car, un mandat céleste succédant à un
autre, il s’est toujours trouvé une dynastie pour reconstruire l’unité
impériale, et au fil de ces reconstructions l’identité chinoise a pu se
reconnaître à travers les périodes d’unité et de cohésion avant de se voir
comme ininterrompue. Il y a donc, derrière le problème apparent soulevé
par Gibbon, deux autres problèmes fondamentaux, et peut-être liés :
comment l’Empire romain a-t-il fait pour durer si longtemps ? Pourquoi
aucun autre empire n’a par la suite su refaire l’unité de la Méditerranée ?
Pour la première de ces deux questions au moins, comme pour celle des
causes de sa chute, le lecteur verra que la nature a joué un rôle. À son
apogée, Rome bénéficia du dernier bel été de l’Holocène. Si elle sut se
relever des contraintes naturelles, ce fut au prix de transformations qui
préparèrent aussi un effondrement au moment où d’autres difficultés
surgirent.

En éclairant ainsi l’effondrement romain, le récit de Kyle Harper croise


d’autres questions propres à notre époque. Il éveillera nécessairement bien
des échos chez les lecteurs. L’effondrement est une question qui a surgi
dans les débats depuis quelques années ; songeons en particulier au succès
de l’ouvrage de Jared Diamond46. Peut-être n’est-ce là qu’un effet de notre
prospérité ? Lucrèce (II, 1) constatait combien il est doux depuis le rivage
de regarder la tempête. Mais, outre que notre prospérité n’est pas partagée
sur toute la planète, il faut reconnaître sa grande fragilité. Elle se heurte,
chaque jour un peu plus, aux limites de la planète et certains considèrent,
sans lubie ni fantaisie, que l’effondrement est une possibilité bien réelle qui
ne concerne pas seulement les civilisations passées ou lointaines47. Au
moment de laisser au lecteur le soin de découvrir cette autre histoire de la
chute de Rome, il me reste donc à souhaiter qu’il n’effectue pas seulement
une promenade exotique dans un lointain passé plein de bruit et de fureur.
On ne proposera pas d’en tirer des leçons, et nous serions bien en peine de
dire lesquelles ; les rapports des sociétés passées à leur environnement et à
leur identité doivent nous inviter à réfléchir aux nôtres, à reconsidérer nos
récits. Comme le disait William Cronon dans son article déjà cité, il y a là
« une place pour des histoires48 », des histoires pour penser notre monde et
le rapport que nous entretenons avec lui. Pour explorer ces histoires
possibles, Cronon prenait comme exemple l’un des événements au cœur de
l’histoire environnementale aux États-Unis : la Grande Plaine et
particulièrement les tempêtes de poussière, Dust Bowl, qui la ravagèrent
lors de la grande sécheresse des années 1930. « Sur les terres rouges et sur
une partie des terres grises de l’Oklahoma », le Dust Bowl frappa durement
les fermiers et nombreux furent les Okies à devoir migrer vers d’autres
États. Leur détresse fut illustrée par Les Raisins de la colère de Steinbeck49.
L’image a marqué la culture américaine. Kyle Harper la mobilise pour
concrétiser dans l’esprit de son lecteur la grande sécheresse qui frappa
l’Asie centrale de 350 à 370 environ. En le lisant, on se rappellera qu’il le
fait depuis Norman, siège de l’université d’Oklahoma. L’historien est bien
d’un lieu et d’un temps, mais cela n’enlève rien à la portée scientifique de
son travail. En écrivant, avec toute la rigueur nécessaire, une autre histoire
de l’Empire romain, Kyle Harper n’oublie pas la sienne et nous offre aussi
la possibilité d’interroger la nôtre. N’est-ce pas là l’un des effets de tout bon
livre d’histoire ?

Paris, le 27 août 2018


Benoît ROSSIGNOL
Université Paris-1-Panthéon-Sorbonne
UMR 8210 Anhima
Prologue
Le triomphe de la nature

Tout au début de l’année 400, l’empereur et son consul débarquèrent à


Rome. Personne ne se souvenait du temps où les empereurs vivaient encore
dans la vieille capitale. Depuis un siècle, les dirigeants de l’Empire
résidaient dans des villes sur la frontière nord, là où, du point de vue des
Romains, les légions protégeaient la ligne de partage entre civilisation et
monde barbare.
Du coup, cette visite officielle eut lieu en fanfare. Même sans empereur,
Rome et ses habitants restaient les symboles incontestés de l’Empire.
Environ 700 000 personnes y vivaient. Elles jouissaient de tous les
avantages d’une ville classique, à une échelle impériale. Selon un état des
lieux datant du IVe siècle, Rome disposait de 28 bibliothèques, 19 aqueducs,
2 cirques, 37 portes, 423 quartiers, 46 602 immeubles d’habitations, 1 790
grandes villas, 290 greniers, 856 bains, 1 352 citernes, 254 boulangeries, 46
bordels et 144 latrines publiques. C’était bien, de tous les points de vue, un
endroit extraordinaire1.
L’arrivée de l’empereur inaugura une série de cérémonies civiques
soigneusement organisées mettant en lumière la première place occupée par
la cité dans l’Empire et, simultanément, la première place occupée par
l’Empire parmi toutes les puissances du monde. Le peuple, gardien jaloux
de la tradition impériale, était le meilleur juge de ce type de cérémonies. Il
aimait qu’on lui rappelle le statut unique de Rome : « La céleste voûte
n’éclaire rien de plus grand sur la terre : son étendue, sa beauté, son éloge
fatiguent à la fois les yeux, l’esprit et la voix des mortels2. »
Une grande procession impériale se déroula jusqu’au forum. À l’endroit
même où Caton et Gracchus, Cicéron et César avaient triomphé. Les
fantômes de l’histoire étaient des compagnons de choix alors que la foule se
rassemblait pour écouter un discours rendant hommage au consul Stilicon.
Ce dernier était un personnage imposant, un generalissimo au sommet de sa
gloire. Son physique imposant était le signe que la paix et l’ordre régnaient
à nouveau dans l’Empire. Cette manifestation de confiance avait tout pour
rassurer. Seulement une génération plus tôt, en 378, à Andrinople, les
légions romaines avaient connu la pire défaite de leur orgueilleuse histoire.
Depuis, le monde avait semblé vaciller sur son axe. Les Goths – mélange
inextricable d’alliés et d’ennemis – étaient entrés en masse dans l’Empire.
En 395, la mort de l’empereur Théodose Ier avait révélé au grand jour que
les deux moitiés de l’Empire, l’Orient et l’Occident, avaient en silence
grandi séparément avec autant de conséquences que la dérive des
continents. La guerre civile avait semé le trouble dans les provinces
africaines et menacé le ravitaillement. Mais, pour l’instant, le consul avait
apaisé les eaux menaçantes : « [Il] tient les rênes de l’Empire et balance les
destinées de l’univers3. »
C’est le poète Claudien qui avait pris la parole en l’honneur du consul.
Égyptien de naissance, de langue maternelle grecque, Claudien est l’un des
derniers géants de la versification classique latine. Ses mots trahissent le
respect que la cité pouvait inspirer à un visiteur. Rome, « faible à son
aurore, [bientôt] a étendu son pouvoir sur les deux mondes, et imprimé à ses
guerriers, partis d’un humble berceau, la marche du soleil ». Elle ne
« respirait que les combats » et « soumit l’univers à son Empire ». Rome
seule avait su se montrer « mère bien plutôt que maîtresse, [et] accueill[ant]
dans son sein les vaincus, embrass[ant] sous un nom commun tous les
peuples, honor[ant] ses victimes du titre de citoyens4 ».
Ce n’était pas un songe creux. À l’époque de Claudien, on trouvait de
fiers Romains de la Syrie à l’Espagne, depuis les sables de la Haute-Égypte
jusqu’aux frontières glaciales du nord de la Bretagne5. Rares sont les
Empires dans l’histoire qui ont atteint soit la taille géographique, soit le
niveau d’intégration de la communauté romaine. Personne n’a réussi
comme les Romains à combiner une telle unité à une telle échelle – sans
mentionner la question de la longévité. Aucun autre Empire ne saurait se
tourner vers un tel passé fait de siècles d’une grandeur ininterrompue ; c’est
ce que l’on pouvait alors constater en contemplant l’étendue du forum.

Carte 1 L’Empire romain et ses plus grandes villes au IVe siècle

Pendant presque un millénaire, les Romains ont donné aux années le nom
des consuls : ainsi le nom de Stilicon a été inscrit dans le « mystérieux
sanctuaire du Temps ». En remerciement de cette promesse d’immortalité,
on attendait du consul qu’il fasse le bonheur du peuple à la manière romaine
traditionnelle, c’est-à-dire par des jeux sanglants et coûteux.
Par le biais du discours de Claudien, nous savons que l’on a offert au
peuple toute une ménagerie exotique qui reflétait bien les prétentions
globales de l’Empire. Des sangliers et des ours d’Europe ; des léopards et
des lions d’Afrique ; des défenses d’éléphants d’Inde, mais pas l’animal lui-
même. Claudien imagine les navires traversant les mers et les fleuves avec
leur cargaison sauvage. (Il y inclut un détail aussi merveilleux
qu’inattendu : la terreur des marins à l’idée de partager leur navire avec un
lion africain.) Quand l’heure fut venue, la « gloire des forêts » et les
« monstrueux enfants de l’Auster » seraient sportivement massacrés. La
mise à mort dans l’arène des bêtes les plus féroces de la nature manifestait
l’emprise de Rome sur la Terre et toutes les créatures. De tels spectacles
sanglants rattachant les habitants de Rome aux innombrables générations
qui avaient construit et maintenu l’Empire étaient à la fois familiers et
rassurants6.
Le discours de Claudien plut au public. Le sénat vota l’érection d’une
statue en son honneur. Mais la confiance qu’il avait manifestée fut vite
démentie d’abord par la brutalité d’un siège puis par la survenue de
l’impensable. Le 24 août 410, pour la première fois en huit siècles, la cité
éternelle fut mise à sac par une armée de Goths, dans ce qui est le moment
le plus spectaculaire de la longue suite d’événements connue sous le nom
de chute de l’Empire romain. « En une ville, c’est l’univers entier qui
périt7. »
Comment en était-on arrivé là ? Les différentes réponses à cette question
dépendent en grande partie de la focale choisie. À petite échelle, les
décisions humaines ont pesé de tout leur poids. Les décisions stratégiques
prises au cours des années précédant la catastrophe ont été l’objet de
commentaires sans fin de généraux en chambre. À une plus grande échelle,
on peut identifier des défauts structurels dans la machinerie impériale,
comme les guerres civiles épuisantes ou la pression insupportable de la
fiscalité. Si on zoome pour avoir une image encore plus large, on peut voir
dans l’essor et la chute de Rome l’inévitable destin réservé aux Empires.
C’est dans un tel cadre que le grand historien anglais de la chute de Rome,
Edward Gibbon, s’inscrivait.
Pour reprendre un passage célèbre, « la chute de Rome fut l’effet naturel
et inévitable de l’excès de sa grandeur. Sa prospérité mûrit, pour ainsi dire,
les principes de décadence qu’elle renfermait dans son sein ; les causes de
destruction se multiplièrent avec l’étendue de ses conquêtes ; et, dès que le
temps ou les événements eurent détruit les supports artificiels qui
soutenaient ce prodigieux édifice, il succomba sous son propre poids ». La
ruine de Rome est, ici, un exemple parmi d’autres du caractère éphémère de
toutes les créations humaines. Sic transit gloria mundi8.
Toutes ces réponses pourraient être simultanément vraies. Mais
l’argument que nous allons développer est que pour comprendre l’épisode
prolongé connu sous le nom de chute de l’Empire romain, il nous faut
prendre en compte plus soigneusement le grand exercice d’auto-
aveuglement qui constitue le cœur même des cérémonies d’un Empire en
pleine gloire : la confiance sans limite telle qu’elle se manifestait dans les
rituels sanglants mettant en scène des animaux sauvages capturés preuve de
la domestication des forces de la nature par les Romains. À des échelles que
les Romains n’auraient pas été capables de comprendre voire d’imaginer –
du microscopique au global – la chute de l’Empire a été le triomphe de la
nature sur les ambitions humaines. Le destin de Rome a eu pour acteurs les
empereurs et les Barbares, les sénateurs et les généraux, les soldats et les
esclaves. Mais il a été également décidé par les bactéries et les virus, les
volcans et les cycles solaires. C’est seulement depuis quelques années que
nous disposons des outils scientifiques qui permettent de saisir, même si
c’est souvent encore de manière fugitive, le grand drame des changements
environnementaux dont les Romains ignoraient l’œuvre.
Le grand récit des commencements de Rome, l’Énéide, se présente lui-
même comme un chant à propos « des armes et d’un homme ». L’histoire
de la fin de Rome est également une histoire humaine. Il y eut des moments
intenses où l’action humaine pouvait décider de la victoire ou de la défaite.
Mais il y avait aussi une dynamique matérielle plus profonde – la
production agricole, la collecte des impôts, les enjeux démographiques et
l’évolution sociale – qui a déterminé la portée et le succès de la puissance
romaine. Dès les premières scènes de l’Énéide, le héros, ballotté par les
vents malveillants au cours d’une violente tempête, est le jouet des forces
élémentaires de la nature. Ce que nous avons appris ces dernières années
rend plus visibles que jamais les forces élémentaires qui ont régulièrement
menacé l’Empire. Les Romains ont bâti un géant, un empire méditerranéen
à un moment particulier de l’histoire du climat connu sous le nom
d’Holocène – un moment suspendu entre de grands changements
climatiques. Et, ce qui aura encore plus de conséquences, les Romains ont
construit un empire urbanisé, interconnecté, allant jusqu’au tropique, avec
des ramifications s’étendant discrètement dans l’ensemble du monde connu.
En conspirant de manière involontaire avec la nature, les Romains ont créé
une écologie des maladies qui a permis le déchaînement de la puissance
latente de l’évolution des agents pathogènes. Les Romains furent bientôt
submergés par les forces de ce que l’on appelle aujourd’hui l’émergence des
maladies infectieuses. La fin de l’Empire romain est donc une histoire où on
ne peut pas séparer l’humanité de l’environnement. Ou, bien plus, c’est un
chapitre de la longue histoire de nos relations avec l’environnement. Le
destin de Rome doit servir à nous rappeler que la nature est rusée et
capricieuse. Il suffit d’un court instant pour que l’énorme puissance de
l’évolution change le monde. La surprise et le paradoxe sont au cœur du
progrès.
Voilà donc le récit de la manière dont une civilisation parmi les plus
remarquables de l’histoire a appris que sa domination sur la nature n’avait
rien à voir avec tout ce qu’elle imaginait.
Chapitre 1
L’environnement et l’Empire
Morphologie de l’Empire romain
L’histoire de l’essor de Rome reste un sujet de stupéfaction, en premier
lieu sans doute parce que les Romains sont arrivés assez tard sur la scène
politique méditerranéenne. On divise traditionnellement l’histoire de Rome
en trois périodes : la monarchie, la République et l’Empire. Les siècles de la
monarchie se perdent dans le brouillard d’un passé dont ne subsistent que
de fabuleux mythes d’origine qui apprenaient aux Romains des époques
plus tardives comment ils en étaient arrivés là. Les archéologues ont trouvé
les vestiges d’une présence humaine, au moins temporaire, dans la région
de Rome remontant à l’âge de bronze, au second millénaire av. J.-C. Les
Romains dataient, eux, la fondation de leur cité et le règne de Romulus, leur
premier roi, du milieu du VIIIe siècle av. J.-C. En fait, pas très loin de
l’endroit où Claudien avait pris place sur le forum, sous la brique et le
marbre, il n’y avait eu autrefois qu’un humble village de cabanes en bois.
Qui aurait pu alors imaginer que ce hameau soit appelé à une si grande
gloire1 ?
Pendant des siècles, Rome a vécu dans l’ombre de ses voisins, les
Étrusques. À leur tour, ces derniers furent dépassés par les expériences
politiques menées plus à l’est et au sud. La Méditerranée du début de
l’époque classique appartenait aux Grecs et aux Phéniciens. Tandis que
Rome restait un village de voleurs de bétail illettrés, les Grecs composaient
des épopées et de la poésie lyrique, expérimentaient la démocratie,
inventaient le théâtre, la philosophie et l’histoire dont nous avons hérité. Sur
des rivages voisins, à Carthage, le peuple punique construisait un empire
ambitieux avant même que les Romains n’eussent appris à naviguer. Dix
kilomètres à l’intérieur des terres, le long des rives détrempées du Tibre,
Rome était un coin perdu, simple spectatrice d’un premier monde classique
au sommet de sa créativité2.
Vers 509 av. J.-C., les fils de la louve se débarrassèrent de leurs rois et
instituèrent la République. Ils allaient alors peu à peu s’imposer dans
l’histoire. Dès l’époque qui nous est connue, les institutions politiques et
religieuses romaines présentaient un mixte de traits indigènes et adoptés.
Les Romains ont emprunté aux autres sans vergogne. Même le premier
code de loi romain, les Douze Tables, a été ouvertement plagié sur
l’équivalent d’Athènes. La République romaine est l’une des multiples
expériences politiques fondées sur la citoyenneté dans la Méditerranée
classique. Mais les Romains ont avant tout privilégié l’idée d’une politique
quasi égalitaire, une piété religieuse exceptionnelle, une idéologie radicale
du sacrifice civique, un militarisme fanatique et des mécanismes culturels et
juridiques destinés à transformer leurs anciens ennemis en alliés et en
citoyens. Et, même si les Romains en sont venus à croire que les Dieux leur
avaient promis un imperium sine fine, il n’y avait rien d’inéluctable dans le
destin de leur cité, aucun secret géographique ou technologique leur
assurant une quelconque supériorité. Une seule fois dans l’histoire, une cité
est devenue le siège d’un grand empire.
L’essor de Rome au cours des derniers siècles qui précèdent l’ère
chrétienne coïncide avec une période de troubles géopolitiques dans toute la
Méditerranée. Les institutions républicaines et les valeurs martiales ont
permis aux Romains d’exercer une violence d’État sans précédent à un
moment privilégié de l’histoire. Leurs légions vinrent à bout des rivaux de
Rome les uns après les autres. L’édification de l’Empire fut une affaire
sanglante. La machine de guerre se nourrissait de ses succès. Les soldats
s’installaient dans des colonies construites sur un plan quadrillé imposé par
la force brutale dans toute la Méditerranée. Au cours du dernier siècle de
cette époque de conquête en tout sens, d’imposants personnages
shakespeariens ont occupé le devant de la scène. Ce n’est pas par hasard si
la connaissance historique occidentale a autant privilégié les dernières
générations de la République. La constitution de l’Empire romain ne
ressemble à rien de précédent. Tout à coup, le niveau de richesse et de
développement a fait un bond en avant, surpassant tout ce dont notre espèce
avait précédemment eu l’expérience. La constitution chancelante de la
République a mérité des réflexions approfondies sur le sens de la liberté, de
la vertu, de la communauté. La mise en place du pouvoir impérial a été à
l’origine de débats sans fin sur la manière dont les choses avaient eu lieu.
La loi romaine a participé à l’invention de normes de gouvernance, devant
lesquelles même les maîtres de l’Empire restaient comptables. Mais
l’augmentation de la puissance brute a nourri également une violence civile
aux dimensions cataclysmiques qui a été le ferment d’un âge autocratique.
Pour reprendre les mots bien choisis de Mary Beard, « l’Empire a créé les
empereurs – et non pas l’inverse3 ».
Au moment où Auguste (qui a régné de 27 av. J.-C. à 14 apr. J.-C.) faisait
la conquête des dernières portions significatives des rivages méditerranéens,
ce n’était pas fanfaronner que de parler de mare nostrum, « notre mer ».
Pour prendre toute la mesure de la réussite romaine et pour comprendre les
mécanismes de l’ancien impérialisme, il faut se pencher sur le mode de vie
dans l’ancienne société, caractérisé par la lenteur, la dépendance à un
environnement fragile et grevé de contraintes. Le temps avançait au rythme
ennuyeux de la marche à pied ou du pas d’un cheval. Les voies d’eau
étaient le vrai système irriguant tout l’Empire, mais au cours des saisons
froides et venteuses les mers étaient interdites, et chaque ville devenait une
île. L’énergie était une ressource rare. La musculature des hommes et des
animaux était la seule force, le bois et les broussailles le seul carburant. On
vivait en contact avec la terre. Huit personnes sur dix habitaient en dehors
des villes qui elles-mêmes avaient un caractère plus rural que ce que l’on
suppose à l’ordinaire ; on évoluait dans un remugle permanent, au milieu
des bêlements et des braiments de leurs habitants à quatre pattes. Dans un
tel environnement précaire, la survie dépendait de l’arrivée des pluies. Les
céréales constituaient l’essentiel du régime alimentaire de la majorité des
habitants. « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien » pouvait être
pris au sens propre. La mort planait en permanence. L’espérance de vie à la
naissance était environ de vingt ans, peut-être vingt-cinq, dans un univers
où les maladies infectieuses profitaient de la promiscuité. Toutes ces
contraintes invisibles définissaient, comme les lois de la gravité, les
déplacements dans le monde connu des Romains4.
Ces limites soulignent l’ampleur de la réussite de l’Empire romain dans
l’espace. Sans système de télécommunications ni transports motorisés, se
construisait un empire connectant ensemble des parties totalement
différentes du monde. La domination de l’Empire s’étendait au nord au-delà
du 56e parallèle, et s’enfonçait au sud en dessous du 24e N. « De tous les
empires d’un seul tenant de l’histoire prémoderne, seuls ceux des Mongols,
des Incas et des tsars de Russie ont égalé ou dépassé l’amplitude nord-sud
de la puissance romaine. » Peu d’empires, et aucun de cette taille, n’ont
rassemblé des territoires allant des plus hautes latitudes tempérées jusqu’à
la limite des tropiques5.
Les parties occidentale et nordique de l’Empire étaient dans la zone
climatique atlantique, la Méditerranée son centre écologique. Le climat
méditerranéen, changeant, susceptible de fortes perturbations – avec des
étés chauds et secs et des hivers humides bien que relativement tempérés –,
est d’un type bien particulier. La dynamique d’une immense mer intérieure
combinée aux effets du relief des territoires intérieurs constitue un ensemble
d’une extrême diversité à une toute petite échelle. Sur les bords méridional
et oriental de l’Empire, les hautes pressions subtropicales dominent et sont
à l’origine de zones semi-désertiques et désertiques. Quant à l’Égypte,
grenier de l’Empire, elle connectait les Romains à d’autres zones
climatiques totalement différentes : les flots du Nil, source de vie, prennent
naissance dans les montagnes éthiopiennes arrosées par la mousson. Les
Romains dominaient tout cet espace mais ils ne pouvaient pas imposer leur
volonté sur un territoire aussi vaste par la seule coercition6.
Le maintien de l’Empire nécessitait une économie de moyens et des
négociations permanentes avec tous ceux qui vivaient à l’intérieur de ses
frontières mais aussi au-delà. Durant sa longue existence, la logique interne
du pouvoir impérial, son économie et ses échanges ont connu de multiples
bouleversements.
Le Haut-Empire a trouvé sa forme sous Auguste. Génie politique, dont la
longévité fut exceptionnelle, il présida à l’agonie de la constitution
républicaine. Sous son règne, les guerres de conquête caractéristiques de la
fin du régime républicain favorisées par la compétition pour le pouvoir au
sein des élites se firent plus rares. Son règne était célébré comme un temps
de paix. Les portes du temple de Janus, ouvertes en temps de guerre,
n’avaient été fermées que deux fois en sept siècles. À trois reprises,
Auguste mit en scène leur fermeture. Il démobilisa les légions citoyennes
permanentes et les remplaça par des armées professionnelles. La
République des dernières années avait été une époque de pillage sans
contrôle. Lentement mais sûrement, les normes de la gouvernance et de la
justice s’imposèrent dans les territoires conquis. Le pillage, métamorphosé
en impôts, devenait une simple routine. Toute tentative de résistance était
écrasée par une force surpuissante, comme ce fut le cas en Judée et en
Bretagne. Les habitants des provinces devinrent peu à peu, puis très vite,
des citoyens.
Carte 2 Les zones écologiques de l’Empire romain

Le régime impérial des deux premiers siècles avait pour fondement un


grand compromis d’une importance capitale défini par un accord implicite
entre l’Empire et les « cités ». Les Romains gouvernaient au travers des
cités et de leurs familles aristocratiques. Ils rallièrent à leur projet impérial
les aristocraties civiles du monde méditerranéen. En confiant la collecte des
impôts à la petite noblesse locale et en lui accordant sans chicaner la
citoyenneté, ils cooptèrent les élites sur tous les continents pour les
transformer en classe dominante ; ainsi réussirent-ils à diriger un vaste
empire avec seulement quelques centaines de fonctionnaires romains de
haut rang. Rétrospectivement, il est surprenant de voir la rapidité avec
laquelle l’Empire a cessé d’être un pur mécanisme d’extorsion pour devenir
une sorte de communauté7.
La durée de l’Empire dépendait de ce grand compromis. C’était une
opération politique et elle a donné les résultats attendus. Alors que régnait
la Pax Romana, que la prédation laissait la place à la gouvernance, l’Empire
et ses nombreux peuples se sont épanouis. Cela a commencé avec le
nombre d’habitants. Pour le dire simplement, ils se sont multipliés. Il n’y
avait jamais eu autant de monde. Les cités débordaient au-delà de leurs
limites d’origine. De plus en plus de territoires étaient occupés. De
nouvelles terres cultivables étaient gagnées sur les forêts. Les fermes se
multipliaient sur les coteaux. Tout ce qui était vivant semblait prospérer
sous le soleil de l’Empire romain. Au cours du Ier siècle de notre ère, Rome
elle-même a atteint un moment le million d’habitants, première cité à
franchir cette limite et la première du monde occidental, en attendant
Londres… dans les années 1800. À son apogée au milieu du IIe siècle,
environ 75 millions de personnes, un quart de la population mondiale,
étaient sous domination romaine8.
Dans une société évoluant lentement, une telle croissance ininterrompue
– à cette échelle géographique et temporelle – aurait pu signer son arrêt de
mort. La terre est le principal facteur de production et il est
irrémédiablement limité. Plus la population augmentait, plus l’on était
obligé de cultiver des terres toujours moins fertiles, et tenter d’en tirer
toujours davanatage. Thomas Malthus a bien compris les relations
intrinsèques et paradoxales entre les sociétés humaines et la production de
nourriture. « Le pouvoir multiplicateur de la population est tellement
supérieur au pouvoir qu’a la terre de produire la subsistance de l’homme
qu’une mort prématurée doit, sous une forme ou sous une autre, être le lot
de la race humaine. Les vices de l’humanité sont des ministres actifs et
efficaces de la dépopulation. Ils sont les avant-coureurs de la grande armée
destructrice, et achèvent souvent eux-mêmes le funeste ouvrage. Mais, s’ils
ne gagnent pas cette guerre d’extermination, les années malsaines
emportent leurs victimes par milliers et dizaines de milliers. Si la victoire
n’est pas encore totale, la famine monstrueuse, irrésistible, survient en
arrière-garde, et, de son seul souffle puissant, ramène la population au
niveau des subsistances dans le monde9. »
Mais… les Romains n’ont manifestement pas succombé à une famine à
large échelle. Il nous faut donc trouver la logique immanente aux succès de
l’Empire. Loin de tomber progressivement dans la misère, les Romains ont
connu une croissance économique par tête, en même temps qu’une
expansion démographique à donner le vertige. L’Empire a été capable de
défier ou, au moins, de différer la sinistre logique malthusienne.
Dans le monde moderne, nous sommes habitués à des taux de croissance
de 2 ou 3 % dont notre avenir et nos retraites dépendent. Ce n’était pas le
cas dans les temps anciens. Par leur nature, les économies préindustrielles
reposaient sur des ressources d’énergie limitées, avec des capacités
restreintes d’extraction et d’échange de l’énergie de manière efficace et
soutenable. Mais l’histoire pré-moderne n’a été ni un lent progrès vers la
modernité, ni la courbe en forme de crosse de hockey proverbiale – une
ligne plate de subsistance morne en attendant les percées énergétiques de la
révolution industrielle. Elle est plutôt marquée par des poussées
d’expansion et de désintégration. Jack Goldstone a proposé de parler
d'« efflorescence » pour les phases d’expansion, quand les conditions
structurelles sont à l’origine d’une véritable croissance pendant une longue
et heureuse période de temps. Cette croissance peut être extensive, les
habitants se multipliant et davantage de ressources étant utilisées de
manière productive, mais, comme Malthus l’a décrit, ce type de croissance
rencontre bientôt ses limites ; de façon plus prometteuse, la croissance
devient intensive quand le commerce et la technologie sont utilisés avec
plus d’efficacité pour extraire de l’énergie de l’environnement10.
L’Empire romain a créé les conditions d’une efflorescence à l’échelle
historique. Déjà, à la fin de la République, l’Italie a fait l’expérience de
bonds en avant précoces dans le développement social. Jusqu’à un certain
point, la prospérité de l’Italie peut être considérée comme le simple résultat
d’accaparements, de rentes purement politiques conséquences de la
politique de conquêtes. Mais, en dessous de ce vernis de richesse extorquée,
il y avait bien une réelle croissance. Elle ne s’est pas seulement poursuivie
après que l’expansion militaire eut atteint ses limites – elle s’est ensuite
propagée dans les territoires conquis. Les Romains ne se contentaient pas
de diriger des territoires, de transférer une partie du surplus de la périphérie
vers le centre. L’intégration de l’Empire était catalytique. Lentement mais
sûrement, la domination romaine a changé la face des sociétés. Le
commerce, les marchés, la technologie, l’urbanisation : l’Empire et ses
multiples peuples se sont saisis des leviers de développement. Pendant plus
d’un siècle et demi, à grande échelle, l’Empire dans sa totalité a bénéficié
d’une croissance à la fois extensive et intensive. Il a simultanément conjuré
les calculs malthusiens et gagné un capital politique sans en avoir eu le
projet11.
La prospérité était la condition et la conséquence de sa grandeur. C’était
un cercle vertueux. La stabilité de l’Empire était l’arrière-plan autorisant la
croissance démographique et économique ; la population et la prospérité
étaient à leur tour les conditions de la puissance de l’Empire. Nombreux
étaient les soldats. Modeste le taux d’imposition, mais la collecte
abondante. Les empereurs témoignaient d’une générosité sans égale. Le
grand compromis avec les élites civiles a été payant pour les deux parties.
Les richesses semblaient ne manquer nulle part. Sur tous les fronts, face à
leurs ennemis, les armées romaines bénéficiaient d’avantages tactiques,
stratégiques et logistiques. On avait obtenu une sorte d’équilibre favorable,
même s’il était plus fragile qu’ils ne le pensaient. Le grand livre de Gibbon,
Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain, commence avec les
jours ensoleillés du IIe siècle. Son verdict est passé à la postérité : « S’il
fallait déterminer dans quelle période de l’histoire du monde le genre
humain a joui du sort le plus heureux et le plus florissant, ce serait sans
hésiter qu’on s’arrêterait à cet espace de temps qui s’écoula depuis la mort
de Domitien [96 apr. J.-C.] jusqu’à l’avènement de Commode [180 apr. J.-
C.]12. »
Les Romains avaient été au-delà des limites de ce qui était possible dans
les conditions propres à la société prémoderne. Il n’est pas étonnant que la
chute d’un tel colosse, ce que Gibbon a appelé « cette affreuse révolution »,
ait été l’objet d’une fascination ininterrompue.
Une planète instable
En 650 apr. J.-C., l’Empire romain n’était plus que l’ombre de lui-même,
réduit à un vestige d’État byzantin à Constantinople en Anatolie et à
quelques possessions éparpillées au-delà des mers. L’Europe de l’Ouest
était morcelée en plusieurs royaumes germaniques. La moitié de l’Empire
avait été rapidement isolée par les armées de croyants venus d’Arabie. La
population du bassin méditerranéen qui avait autrefois atteint les
75 millions s’était stabilisée à environ la moitié. Rome n’était plus peuplée
que de 20 000 âmes. Et ses résidents n’étaient pas les plus riches. Au
VIIe siècle, une route maritime mal desservie continuait à relier l’Orient et
l’Occident. Les systèmes monétaires étaient fragmentés, à l’image de la
mosaïque politique des débuts du Moyen Âge. Toutes les institutions
financières, sauf les plus rudimentaires, avaient disparu. Une peur
apocalyptique régnait dans tout le royaume chrétien et l’Islam en formation.
La fin du monde semblait pour demain.
On a longtemps parlé de siècles obscurs. Abandonnons cette étiquette.
Elle a les mêmes défauts que celles de Renaissance ou de siècle des
Lumières. Elle sous-estime la vitalité culturelle impressionnante tout
comme l’héritage spirituel durable de toute cette période connue sous le
nom d'« Antiquité tardive ». En même temps, nous ne devons pas sous-
estimer les réalités de la désintégration impériale, de la catastrophe
économique et des retours en arrière sociétaux. Ce sont des faits bruts qui
doivent être analysés, aussi objectifs qu’une facture d’électricité – et qui
peuvent être mesurés aussi précautionneusement. En termes matériels, la
chute de l’Empire romain a vu le processus d’efflorescence s’inverser, et
atteindre les niveaux les plus bas en termes d’exploitation de l’énergie et
des échanges. Ce à quoi nous avons assisté est un épisode monumental de
faillite d’État et de stagnation. Dans la tentative méritoire de Ian Morris
pour créer une échelle universelle du développement social, la chute de
l’Empire romain constitue la plus grande régression de toute l’histoire
humaine13.
Les explications n’ont jamais manqué. Il y a même embouteillage de
théories. Un spécialiste allemand a compté 210 hypothèses sur le marché.
Certaines d’entre elles ont fait l’objet de plus d’attention que d’autres et les
deux qui occupent la place d’honneur des explications générales mettent
l’accent sur les mécanismes insoutenables inhérents au système impérial et
la pression extérieure de plus en plus importante aux frontières. On doit à
Auguste, le premier empereur, le premier cadre constitutionnel de la
monarchie ; les règles de succession étaient délibérément indéterminées et
les accidents de la fortune avaient une incidence considérable, parfois pour
le pire. Avec le temps, les luttes pour le pouvoir et la légitimité ont pris la
forme de guerres autodestructrices pour la conduite des armées.
Parallèlement, le corps en pleine expansion des administrateurs impériaux a
marginalisé le réseau des élites locales dans la gestion de l’Empire, créant
un État plus bureaucratique et plus fragile. La pression fiscale grandissante
a progressivement mis le système en surchauffe14.
Dans le même temps, les frontières de l’Empire s’étiraient dans le nord
de la Bretagne, le long du Rhin, du Danube et de l’Euphrate et au-delà des
limites du Sahara. Aux marches de l’Empire, des peuples ombrageux et
affamés rêvaient d’accomplir leur propre destin. Le temps jouait en leur
faveur ; le processus que nous appelons maintenant formation d’États
secondaires a vu les adversaires de Rome devenir plus redoutables et plus
complexes au fil des siècles. Ces menaces ont sans cesse mobilisé les
ressources des zones frontières mais aussi celles du cœur de l’Empire.
Ajoutées aux batailles de succession, elles lui ont été fatales.
Ces théories familières ont bien des arguments pour se défendre, et elles
font intégralement partie de l’histoire présentée dans ce livre. Mais, au
cours des dernières années, les chercheurs ont été de plus en plus confrontés
à ce que l’on pourrait appeler les archives naturelles. Elles se présentent
sous différentes formes. Les carottes de glace, les grottes, les dépôts au fond
des lacs et les sédiments marins ont conservé la mémoire des changements
climatiques dans le langage de la géochimie. Les cernes des arbres et les
glaciers sont les archives de l’histoire environnementale. Ces témoignages
matériels sont les dépositaires du passé de la Terre. De même, l’histoire de
l’évolution et l’histoire biologique sont une piste à suivre. Les ossements
humains, leur taille, leur forme et leurs cicatrices sont les témoins subtils de
la santé et des maladies. La chimie isotopique des ossements et des dents
peut raconter des histoires de famines et de migrations, constituer les
biographies biologiques de la majorité silencieuse. Et la plus grande archive
qui soit à notre disposition pourrait être les longs brins d’acides nucléiques,
les gènes. Les données génomiques peuvent éclairer l’histoire de notre
propre espèce comme celle de nos alliés ou de nos ennemis avec lequels
nous partageons la planète. L’ADN vivant est le souvenir biologique de
l’histoire de l’évolution. Et la possibilité d’extraire et de séquencer de
l’ADN très ancien prélevé au cours des fouilles archéologiques nous permet
de reconstruire l’arbre de la vie en remontant loin dans le passé. À
l’occasion, cela nous a permis de mettre en évidence des meurtres
historiques de masse microbiens à l’aide de preuves aussi spectaculaires et
définitives que devant un tribunal. La technologie révolutionne ce que nous
connaissons de l’histoire de l’évolution des microbes et des hommes15.
La plupart des histoires de la chute de Rome sont fondées sur l’idée
grandiose, mais jamais explicitée, qui considère l’environnement comme un
arrière-plan stable, inerte. En tant que sous-produit de notre besoin urgent
de comprendre l’histoire des systèmes de la Terre, et grâce aux progrès
vertigineux de notre capacité à extraire des données sur l’histoire paléo-
climatique et génomique, nous savons que cette idée est fausse. Elle n’est
pas seulement erronée – elle est, soit dit sans modestie, non seulement
fausse mais trompeuse. La Terre a été et est une plate-forme sur laquelle
reposent les affaires humaines aussi instable que le pont d’un navire pris
dans une violente tempête. Ses systèmes physiques et biologiques sont un
cadre en changement permanent et ils nous font faire ce que John Brooke
appelle « un voyage accidenté » depuis que nous sommes des humains16.
Notre prise de conscience du changement climatique est à l’évidence
marquée par le fait que les gaz à effet de serre transforment l’atmosphère de
la Terre à une vitesse alarmante qui est sans précédent. Mais le changement
climatique anthropogénique est un problème récent – et, pour le dire sans
détour, c’est seulement une partie du tableau d’ensemble. Longtemps avant
que les humains commencent à saturer l’atmosphère de rejets chimiques qui
capturent la chaleur, le système climatique a tangué et varié pour des
raisons naturelles. Au cours des deux cent mille ans environ d’histoire
humaine, nos ancêtres ont vécu dans le Pléistocène, un âge de variations
climatiques irrégulières. De faibles changements dans le chemin suivi par la
Terre, ainsi que des variations minuscules de son inclinaison et de son
mouvement de rotation autour de son axe, ont modifié sans cesse la quantité
et la répartition de l’énergie en provenance de notre étoile la plus proche.
Au cours du Pléistocène, ces mécanismes, connus sous le nom d’obliquité,
ont été à l’origine d’interludes glaciaires recouvrant plusieurs millénaires.
Puis, il y a environ douze mille ans, la glace fondit et le climat entra dans
cet âge interglaciaire chaud et stable auquel on a donné le nom d’Holocène.
Celui-ci a constitué la toile de fond de l’invention de l’agriculture et de la
croissance de systèmes politiques complexes. Mais on sait que l’Holocène a
été un moment de changements climatiques brutaux, particulièrement
importants à l’échelle des hommes17.
Tandis que les mécanismes orbitaux sont à la naissance de changements
profonds du climat de l’Holocène, l’énergie solaire varie en conséquence
sur des périodes de temps plus courtes. Le soleil lui-même est une étoile
inconstante. Le cycle des taches solaires de onze ans n’est que la plus
connue de tout un groupe de variations périodiques de la dynamo solaire ;
certaines ont d’importants effets sur le réchauffement de la Terre. De plus,
notre planète a joué elle-même un rôle dans les changements climatiques
naturels : les éruptions volcaniques rejettent des aérosols sulfurés haut dans
l’atmosphère, filtrant la chaleur du soleil. Même dans l’amical Holocène,
les événements orbitaux, solaires, volcaniques interagissent avec les
systèmes par définition variables de la Terre et rendent le climat beaucoup
plus volatil et précaire que ce que l’on pouvait penser18.
La découverte de changements climatiques brusques sous l’Holocène est
une surprise. On apprend que les Romains ont eu, dans une perspective
planétaire, de la chance. L’Empire a atteint sa taille et sa prospérité
maximum dans les plis de la fin d’une période climatique de l’Holocène à
laquelle on a donné le nom d’Optimum climatique romain (OCR). L’OCR a
été une phase de climat chaud, humide et invariable dans la plus grande
partie du cœur méditerranéen de l’Empire. C’était une période favorable
pour créer un empire agraire fondé sur une pyramide de compromis
politiques et économiques. Avec le commerce et la technologie, le régime
climatique a été une force de coopération silencieuse dans ce qui paraît être
le cercle vertueux liant l’Empire et la prospérité. Tandis que les Romains
étendaient leur empire dans tous les sens, ils n’avaient aucune idée des
fondements environnementaux contingents et précaires de ce qu’ils avaient
créé.

Tableau 1 Périodes climatiques romaines

Optimum climatique romain Environ 200 av. J.-C.-150 apr. J.-C.


Période romaine de transition Environ 150 apr. J.-C.-450 apr. J.-C.
Petit âge de glace de l’Antiquité tardive Environ 450 apr. J.-C.- 700 apr. J.-C.

À partir du milieu du IIe siècle, la chance a commencé à tourner. Les


siècles qui sont l’objet de notre enquête ont été les témoins d’une séquence
de changements climatiques les plus spectaculaires de tout l’Holocène.
D’abord, une période de désorganisation climatique couvrant trois siècles
(150-450 apr. J.-C.), la Période romaine de transition. À des moments
cruciaux, l’instabilité du climat a exercé une pression sur les forces de
l’Empire et a été un facteur de premier plan dans le cours des événements.
Puis, à partir de la fin du Ve siècle, nous sommes les témoins d’une période
de troubles provoquée par une réorganisation décisive dont le point
culminant est le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive. Une bouffée
d’activité volcanique dans les années 530 et 540 apr. J.-C. a été la cause de
la période de froid le plus intense de tout l’Holocène tardif. C’est à ce
moment-là que la quantité d’énergie arrivant du soleil a atteint son plus bas
niveau depuis plusieurs millénaires. Comme on le verra, la détérioration du
climat a coïncidé avec une catastrophe biologique sans précédent qui a
submergé les résidus de l’Empire.
L’argument développé dans ce livre est que l’influence du climat sur
l’histoire romaine a été tour à tour subtile et décisive, constructive et
destructive. Mais le changement climatique a toujours été un facteur
exogène, un véritable joker transcendant toutes les autres règles du jeu. De
l’extérieur, il redéfinit les fondements démographiques et agraires de la vie,
dont les structures plus élaborées de la société et de l’État dépendent. Les
Anciens avaient de bonnes raisons de vénérer l’effrayante déesse Fortuna,
en ce sens que les puissances souveraines de ce monde sont en fin de
compte capricieuses19.
La nature nourrit en son sein une autre arme terrible, capable de fondre
sur les sociétés humaines comme une armée nocturne : les maladies
infectieuses. Les changements biologiques ont joué un rôle encore plus
important que le climat dans le destin de Rome. Naturellement, les deux
n’étaient pas et ne sont pas sans connexions. Les changements climatiques
et les maladies infectieuses se sont chevauchés mais ce ne sont pas des
forces naturelles contiguës. Parfois, le climat change et les maladies
pandémiques cumulent leurs effets. À d’autres moments, il ne s’agit pas
d’une coïncidence : une perturbation climatique peut être à l’origine de
changements écologiques ou de processus d’évolution lourds de
conséquences sanitaires. Durant les siècles que nous allons étudier, ils ont
souvent avancé de concert pour peser sur le destin de l’Empire20.
Il y a une différence fondamentale entre le changement climatique et les
maladies infectieuses. Jusqu’à récemment, le système climatique
fonctionnait à ses propres rythmes et durées, indépendamment de toute
influence humaine. À l’opposé, l’histoire des maladies infectieuses est bien
plus dépendante des interférences avec les humains. Les sociétés humaines
créent en effet des écologies dans lesquelles des microbes mortels vivent, se
déplacent et se développent. De multiples manières, une conséquence
inattendue et paradoxale de l’ambitieux développement social romain a été
de favoriser un environnement microbien létal. Sans le vouloir, les Romains
ont été complices de la mise en place des écologies des maladies qui ont
hanté leur régime démographique.
Pour comprendre comment les Romains vivaient et mouraient, plus que
le destin de leur Empire, il importe de reconstruire le point de jonction
spécifique entre la civilisation humaine et l’histoire des maladies dont ils
ont souffert. Les agents pathogènes qui ont régulé la mortalité humaine ne
sont pas un ensemble d’ennemis indifférenciés. Les particularités
biologiques des germes sont des faits historiques décisifs et hors de
contrôle. L’histoire des germes a été dominée par le brillant modèle datant
des années 1970 particulièrement bien présenté par William McNeill dans
son classique Plagues and Peoples [« Pestes et Peuples »]. Pour McNeill, le
fil conducteur de l’histoire a été le surgissement puis la rencontre de
différents réservoirs de germes à l’époque néolithique. L’agriculture nous a
mis en contact étroit avec les animaux domestiques ; les villes ont été des
lieux de densité de population indispensables à la circulation des germes ; le
développement des réseaux de commerce a entraîné la « convergence des
réservoirs de maladies civilisées », les pathogènes endémiques dans une
société donnée se précipitant avec gloutonnerie sur les territoires vierges21.
Lors de ces dernières années, le modèle classique a commencé à perdre
de son autorité. Le sol a lentement mais sûrement commencé à se dérober.
Les années 1970 ont été un moment de triomphe de la médecine
occidentale. L’un après l’autre les fléaux du passé s’évanouissaient devant
les avancées de la science. On parlait avec confiance d’un avenir dans
lequel les maladies infectieuses appartiendraient au passé… Mais la liste
terrifiante des maladies infectieuses émergentes – HIV, Ebola, Lassa, virus
du Nil occidental, Nipah, SARS, MERS et maintenant Zika pour n’en
nommer que quelques-unes parmi des centaines – montre que la créativité
destructrice de la nature est loin d’être un fait du passé. Et toutes ces
maladies infectieuses émergentes ont en commun quelque chose
d’insidieux : elles arrivent du monde sauvage et non pas des espèces
domestiquées. L’évolution des agents pathogènes et les zoonoses venus du
monde sauvage pèsent d’un poids plus lourd que par le passé dans la
dynamique des maladies infectieuses émergentes22.
Il reste à utiliser ces connaissances de manière complète et consistante
pour étudier le passé, mais les implications dans la manière dont nous
pensons la place de la civilisation romaine dans l’histoire des maladies est
révolutionnaire. Nous allons essayer d’imaginer le monde romain, de part
en part, en tant que milieu écologique pour les micro-organismes. Pour
commencer, l’Empire romain a été précocement urbanisé. L’Empire était un
gigantesque standard téléphonique bourdonnant connectant les cités. La
ville romaine était une merveille d’ingénierie civile, et il ne fait pas de
doute que les latrines, les égouts et les systèmes d’adduction d’eau
réduisaient les effets les plus redoutables du traitement des déchets. Mais
ces contrôles de l’environnement affrontèrent des forces irrésistibles ; ils
constituaient un fragile barrage fissuré de toute part contre un océan de
germes. En ville les rats grouillaient, les mouches pullulaient, les petits
rongeurs couinaient dans les passages et les cours. Il n’y avait pas de
théorie microbienne, on se lavait peu ou pas les mains, et la nourriture ne
pouvait pas être protégée des contaminations. La cité ancienne était un lieu
d’insalubrité maximale. Les maladies banales se répandant par
contamination féco-orale, causes de diarrhées fatales, étaient sans doute la
première cause de mortalité dans l’Empire romain.
Hors des villes, la transformation du paysage a exposé les Romains à des
menaces tout aussi périlleuses. Les Romains n’ont pas seulement modifié
les paysages ; ils leur ont imposé leur volonté. Ils ont coupé ou brûlé les
forêts. Ils ont déplacé les rivières et asséché des lacs, construit des routes au
travers des marais les plus impénétrables. L’empiétement humain sur de
nouveaux environnements est un jeu dangereux. Il expose non seulement à
de nouveaux parasites inhabituels mais peut provoquer une cascade de
changements écologiques aux conséquences imprévisibles. Dans l’Empire
romain, la nature prit sa revanche dans une tonalité sinistre. Le premier
agent de représailles a été le paludisme. Répandu par les piqûres de
moustique, il s’est abattu comme un albatros sur la civilisation romaine. Les
collines tant vantées de Rome ne dominent rien moins qu’un marais. La
vallée du fleuve, sans parler des bassins et des fontaines dispersés dans
toute la ville, était un refuge pour les moustiques et faisait de l’urbs
impériale un réservoir de paludisme. Le paludisme était un tueur vicieux à
la ville comme à la campagne, partout où le moustique anophèle
prospérait23.
L’environnement des maladies romaines, c’était aussi l’ensemble des
connexions à travers tout l’Empire, qui avait créé une zone intérieure de
commerce et de migrations comme il n’en avait jamais existé auparavant.
Les routes terrestres et maritimes étaient empruntées non seulement par les
gens, les idées et les biens – mais aussi par les germes. Nous pouvons voir
ce système se dégrader à différents rythmes. Il est possible de suivre la
diffusion de tueurs lents, comme la tuberculose et la lèpre qui se sont
dissiminées à travers l’Empire dans une combustion lente, comme de la
lave. Quand les maladies capables de se répandre à un tel rythme sautèrent
sur la grande courroie de transmission des routes romaines, les
conséquences furent électriques.
Nous soulignerons les relations paradoxales entre le développement
social romain et l’écologie des maladies dans l’Empire. En dépit des
bénéfices procurés par la paix et la prospérité, les habitants de l’Empire
étaient en mauvaise santé, même en fonction des normes prémodernes. Un
signe de leur faible niveau de bien-être est leur petite taille. Quelqu’un
comme Jules César, dont on disait qu’il était grand, ne peut avoir été
considéré comme tel que dans une société où les hommes, en moyenne,
mesuraient un peu moins de 1,65 mètre. Le fardeau des maladies
infectieuses pesait visiblement sur la santé des Romains. C’est pourquoi
nous devons étudier plus attentivement les spécificités du réservoir de
maladies romaines. Si on observe avec soin les schémas de mortalité dans le
temps et l’espace, on remarque une absence révélatrice dans le monde
romain. Il n’y a pas eu d’épidémies interrégionales à grande échelle. La
plupart des épidémies étaient limitées géographiquement, relevant du
niveau local ou régional. Les raisons de cette absence se trouvent dans les
limites biologiques intrinsèques aux germes eux-mêmes. Seuls les microbes
qui dépendent d’un mode transmission féco-oral ou qui empruntent le
vecteur d’arthropodes peuvent se propager à toute allure. Mais, à partir du
IIe siècle, la combinaison de l’écologie impériale romaine et l’évolution des

pathogènes a créé un nouveau type de tempête, les pandémies24.


Les siècles de l’histoire de l’Empire romain tardif doivent être considérés
comme l’âge des maladies pandémiques. À trois reprises, l’Empire va être
frappé par une mortalité d’une ampleur géographique stupéfiante. En 165
apr. J.-C., un événement connu sous le nom de peste antonine,
probablement la variole, a éclaté. En 249 apr. J.-C., un agent pathogène
inconnu balaya les territoires sous domination romaine. Et, en 541 apr. J.-
C., la première grande pandémie de Yersinia pestis, l’agent responsable de
la peste bubonique, fit son arrivée et s’imposa pendant deux siècles. La
magnitude de ces catastrophes biologiques est presque inimaginable. La
moindre des trois pandémies, au regard du nombre de victimes, fut
probablement la peste antonine. Nous démontrerons qu’elle a pu faire
7 millions de victimes. C’est considérablement en dessous de certains
calculs. Mais le jour le plus sanglant d’une bataille dans l’histoire impériale
fut la déroute des Romains à Andrinople, quand une force désespérée
d’envahisseurs goths submergea le principal corps d’armée de l’Est. Vingt
mille vies romaines au maximum furent perdues en ce jour funeste, et
même s’il s’agissait uniquement de soldats, la leçon que l’on peut tirer de
cette comparaison est toujours la même : les germes ont été bien plus
mortels que les Germains.
Les grands ennemis de l’Empire romain étaient engendrés par la nature.
C’étaient des envahisseurs mortels, exotiques, venant d’au-delà des
frontières. Pour cette raison, faire une histoire trop étroite de l’Empire
romain, c’est regarder les choses dans un tunnel. L’histoire du déclin et de
la chute de Rome s’entremêle avec l’histoire environnementale globale. Au
cours de la période romaine, il y a eu un bond quantique en avant en
matière de connectivité globale. Les Romains recherchaient de la soie et des
épices, des esclaves et de l’ivoire, alimentant ainsi un mouvement
frénétique à travers les frontières. Les marchands franchissaient le Sahara le
long des routes de la soie, et traversaient l’océan Indien en passant par les
ports de la mer Rouge construits grâce à la puissance de l’Empire. Les
animaux exotiques destinés à être massacrés au cours des spectacles
romains sont comme des traceurs macroscopiques ; ils empruntaient les
routes par lesquelles les Romains se frottaient à de nouvelles maladies
encore inimaginables. Le fait le plus élémentaire de la biodiversité globale
est le gradient de latitude des espèces, la plus grande richesse de toutes les
formes de vie étant à proximité de l’équateur. Dans les régions tempérées et
polaires, les âges de glace récurrents ont périodiquement fait disparaître les
expériences tentées par l’évolution et il y a tout simplement moins
d’énergie et moins d’interactions biotiques dans les climats les plus froids.
Les tropiques sont un « musée » de la biodiversité et les hauts niveaux
d’énergie solaire ont conspiré à créer un entremêlement biologique
complexe et impondérable. Ce schéma vaut pour les micro-organismes, y
compris ceux qui sont pathogènes. Dans l’Empire romain, les réseaux de
connexion créés par les humains s’étendaient de manière insouciante au
travers de zones où la nature est particulièrement active. Les Romains ont
aidé à bâtir un monde où des étincelles pouvaient déclencher des
conflagrations à l’échelle intercontinentale. L’histoire romaine est un
chapitre crucial de l’immense histoire humaine25.
C’est une histoire de l’évolution des germes que nous commençons
seulement à pouvoir faire, mais ici on peut prendre un sérieux acompte en
essayant de voir l’histoire romaine comme un chapitre – peut-être
inhabituellement important – d’une histoire globale beaucoup plus longue
de l’évolution des agents pathogènes. Les Romains ont participé à créer
l’environnement microbien dans lequel le jeu de hasard des mutations
génétiques était modelé par la force submergeant tout des maladies
pandémiques, c’était un mélange étrange de structure et de hasard.
L’accélération qu’ont connue les sciences de la Terre et la révolution
génomique nous ont appris que le changement climatique et les maladies
infectieuses émergentes sont partie intégrante de toute l’histoire humaine.
La question difficile n’est désormais plus de savoir s’il faut tenir compte
des influences de l’environnement naturel dans la séquence des causes et
des effets, mais comment.
Une histoire humaine
Intégrer des connaissances issues de champs aussi disparates que les
sciences naturelles, sociales et humaines a reçu le nom de « consilience ».
L’intégration signifie que les historiens ne sont pas les récepteurs passifs de
nouvelles données scientifiques. En fait, l’interprétation proposée dans ce
livre s’appuie sur nos connaissances les plus avancées de ce qui relève
totalement de l’action propre des humains. Des siècles de recherches
historiques nous ont aidés à comprendre les contraintes et les déformations
– la vraie nature et les rouages internes – de l’Empire romain à un niveau de
détails qui aurait rendu jaloux Gibbon. Ce livre prend appui sur ces
connaissances qui sont aussi fraîches, ingénieuses et surprenantes que les
derniers travaux de génomique ou les archives paléo-climatiques26.
Ce qui reste à expliquer, c’est la longue séquence de changements de
première importance qui ont transformé un empire intégré, très peuplé,
prospère et complexe à un moment de l’histoire – à l’époque de Marc
Aurèle (161-180 apr. J.-C.) – en quelque chose de méconnaissable cinq
siècles plus tard. C’est l’histoire enchevêtrée de la faillite de l’État et de la
stagnation. L’Empire romain s’est construit dans un monde malthusien de
contraintes énergétiques, mais il a été également en mesure de dépasser ces
limites par une combinaison grisante de commerce et d’avancées
technologiques. La puissance de l’Empire était à la fois la prémisse et la
conséquence de l’expansion démographique et de la croissance
économique. L’État et la société se sont développés main dans la main. Les
forces du changement climatique sortant de leur torpeur et les maladies
infectieuses ont agi en permanence sur ce système complexe, et
réciproquement. Même en ce qui concerne l’environnement physique, où
des forces entièrement indépendantes de l’action humaine sont à l’œuvre,
les effets du changement climatique dépendaient des arrangements
particuliers entre une économie agraire et la machinerie de l’Empire. Et
l’histoire des maladies infectieuses est toujours profondément dépendante
des écologies créées par les civilisations.
Nous devons reconnaître l’immense importance causale des forces de la
nature, alors même que nous nous efforçons de ne pas aplatir la texture des
événements sur un mode réductionniste. Les relations entre
l’environnement et l’ordre social n’ont jamais été simples et linéaires.
Même en face des défis les plus importants, tous ceux que nous allons
rencontrer dans ces pages nous surprendront par la profondeur de leur
réaction devant l’adversité. La capacité d’absorber et de s’adapter aux
pressions s’évalue en termes de résilience. L’Empire pourrait peut-être être
vu comme un organisme possédant des batteries capables de stocker de
l’énergie et des niveaux de redondance qui lui permettaient de se maintenir
et de se rétablir après des chocs environnementaux. Mais la résilience n’est
pas sans borne, et l’observer dans des sociétés anciennes c’est aussi être
attentif aux signes de tension persistante et au seuil d’endurance au-delà
duquel on risque des changements en cascade et des réorganisations
systémiques27.
La fin de l’Empire romain, telle qu’elle est présentée ici, n’a pas été un
déclin continu débouchant sur une ruine inévitable, mais une histoire
longue, pleine de détours et dépendant des circonstances au cours de
laquelle une formation politique résiliente s’est maintenue et s’est
réorganisée avec ses propres moyens avant de s’effondrer, d’abord en
Occident puis en Orient. Les formes prises par le changement doivent
toujours être présentées sous la forme d’une interaction hautement
circonstancielle entre la nature, la démographie, l’économie, la politique et
même, selon nous, quelque chose d’aussi éthéré et chimérique que les
systèmes de croyance qui ont été sans cesse perturbés et redessinés au cours
de ces siècles. Le rôle de l’histoire est d’entrecroiser comme il faut ces fils,
avec un solide respect pour le royaume de la liberté et de la contingence et
une forte dose de sympathie pour les êtres humains qui ont vécu dans des
circonstances indépendantes de leur volonté.
Avant de commencer l’exploration de cet épisode historique d’une
grande magnitude, il convient de mettre en valeur les grandes étapes du
récit. Cette histoire a connu quatre tournants essentiels, au cours desquels le
cours des événements a subi une succession de changements momentanés et
désorganisateurs. À chacun de ces moments de transformation du cours des
événements entre le Haut-Empire et le début du Moyen Âge, nous tenterons
de distinguer les liens intriqués et spécifiques entre les systèmes naturels et
humains.
1. Le premier moment a été, à l’époque de Marc Aurèle, une crise
multidimensionnelle déclenchée par une pandémie qui a interrompu
l’expansion économique et démographique. L’Empire ne s’est pas effondré
ou désintégré, il a retrouvé son état antérieur mais sans le même système
autoritaire.
2. Puis, au milieu du IIIe siècle, une accumulation d’épisodes de
sécheresse, de peste et de difficultés politiques a provoqué la désintégration
soudaine de l’Empire. Au cours de ce que l’on a appelé la « première
chute » de l’Empire romain, la simple survie du système impérial intégré a
nécessité une reconstruction volontariste, et s’est faite de justesse. L’Empire
fut reconstruit mais sous une nouvelle forme – avec un nouveau genre
d’empereur, un nouveau type de gouvernement, une nouvelle monnaie,
bientôt suivis d’une nouvelle foi religieuse.
3. Ce nouvel Empire s’est imposé. Mais, au cours d’une période décisive
et dramatique de deux générations couvrant la fin du IVe siècle et le début
du Ve, la cohérence de l’Empire fut définitivement brisée. Tout le poids des
steppes eurasiennes a semblé peser d’une manière inédite et insoutenable
sur l’édifice du pouvoir et, comme c’était le plus probable, la partie
occidentale de l’Empire a cédé. Ce cataclysme, que Stilicon avait tout fait
pour éviter, constitue sans doute la version la plus familière de la chute de
Rome. Au cours du Ve siècle, l’Empire romain était démembré – en
Occident. Mais ce n’était pas encore le point final.
4. En Orient, on assista à la résurgence d’un Empire romain doté d’une
puissance et d’une prospérité renouvelées et d’une population en expansion.
L’une des pires catastrophes environnementales de toute l’histoire connue
brisa avec brutalité cette renaissance : le double choc de la peste bubonique
et du petit âge glaciaire. Le choc démographique s’accompagna d’un lent
mouvement de faillite de l’Empire, culminant avec des pertes territoriales
irrémédiables face aux armées de l’Islam. Non seulement les restes de
l’Empire se réduisaient à un État byzantin croupion mais les survivants de
l’Empire romain étaient condamnés à habiter un monde où il y avait
beaucoup moins d’habitants, moins de richesse et des dissensions sans fin
entre des religions apocalyptiques en concurrence, les principales étant le
christianisme et l’islam.
L’essor et la chute de Rome nous rappellent que l’histoire des
civilisations est encore et toujours le déroulement d’un drame
environnemental. L’épanouissement de l’Empire dans les jours heureux du
IIe siècle ; l’arrivée en tapinois d’un nouveau type de virus de bien au-delà
du monde romain ; la rupture du grand compromis impérial consécutif à la
pandémie ; la débâcle de l’Empire avec l’accumulation de désastres
sanitaires et climatiques au IIIe siècle ; la résurrection de l’Empire avec un
nouveau genre d’empereur ; l’essor des mouvements massifs de populations
dans toute l’Eurasie au IVe siècle ; la revitalisation des sociétés orientales
dans l’Antiquité tardive ; la peste bubonique, véritable bombe à neutrons ;
l’intrusion sournoise d’un nouvel âge glaciaire ; la chute finale de tout ce
qui pouvait rappeler l’Empire romain et les conquêtes éclairs des armées du
jihad. Si ce livre atteint ses objectifs, il sera désormais un peu plus difficile
de concevoir ces tournants historiques comme autre chose qu’un duo
contrapuntique entre l’humanité et l’environnement naturel, parfois
parallèles et parfois opposés, mais aussi inséparables que les lignes sonores
d’une fugue baroque28.
La vitesse à laquelle nos connaissances progressent est à la fois grisante
et décourageante. Pendant que l’encre de ces pages est en train de sécher,
les chercheurs continuent leur marche en avant. Mais si c’est un beau casse-
tête, il vaut la peine de commencer à en dessiner une carte provisoire
inévitablement destinée à être corrigée et complétée au fur et à mesure des
progrès. Il est temps de reconsidérer l’étrange et formidable puissance de la
nature dans le destin d’une civilisation qui continue à nous surprendre et à
nous captiver, et nous aurons encore besoin de patience autant que
d’imagination pour revenir en arrière en faisant comme si l’on ne
connaissait pas la fin… Il faut commencer avec le plus grand des médecins
romains, élevé dans un moment de paix et de prospérité, qui n’avait aucun
moyen d’imaginer que les cycles de notre étoile la plus proche ou que la
probabilité de mutation d’un virus dans quelque forêt lointaine pourraient
ébranler les fondations d’un empire trépidant qui dirigeait le monde et dans
lequel il allait tenter sa chance.
Chapitre 2
Les jours heureux
Un grand médecin et une grande cité
Le docteur Galien de Pergame est né en septembre 129 apr. J.-C., au
milieu du règne de l’empereur Hadrien. Si son père ne faisait pas partie de
l’élite, il appartenait néanmoins à la haute bourgeoisie pour qui l’Empire
signifiait prospérité et ouvertures. Sa ville de naissance, Pergame, dominant
la mer Egée depuis l’Asie mineure était un bon exemple des cités qui
s’étaient épanouies sous domination romaine ; elle constituait un terrain
fertile prometteur pour un prodige de la médecine comme Galien. Bastion
de la tradition grecque, c’est là qu’il put acquérir une connaissance sans
égale de la littérature médicale, en particulier l’immense corpus
hippocratique. Le célèbre temple du dieu de la médecine Asclépios
(Esculape, le fils d’Apollon dont le caducée, un bâton entouré de deux
serpents, est devenu le célèbre symbole de la discipline) était un lieu de
convalescence. À l’époque de Galien, le temple, déjà vieux de cinq siècles,
était à son acmé. « Toute l’Asie » affluait vers le sanctuaire et, juste cinq
ans avant sa naissance, la ville eut l’honneur de la visite d’Hadrien lui-
même1.
Les talents précoces de Galien lui valurent le poste prestigieux de
médecin des gladiateurs, à Pergame. Mais la paix impériale lui ouvrait de
nouveaux horizons. Il voyagea en Méditerranée orientale, avec des escales à
Chypre, en Syrie et en Palestine, à la recherche de savoirs locaux en matière
de médicaments et de remèdes. Il avait étudié à Alexandrie où la possibilité
de voir de vrais ossements humains l’avait impressionné : « Les médecins
de l’endroit peuvent inclure l’observation directe dans l’enseignement des
os qu’ils donnent à leurs élèves. S’il n’y en avait pas d’autres, cette raison
suffirait à elle seule pour que tu tâches d’aller à Alexandrie. » Il était
redevable à l’Empire romain de l’accumulation d’un vaste savoir médical.
Et, inévitablement, un homme d’un tel génie devait chercher fortune dans la
grande capitale2.
Galien est arrivé à Rome en 162 apr. J.-C., la première année du règne
commun des empereurs Marc Aurèle et Lucius Verus. Il aimait citer un
dicton disant que « Rome était le point d’équilibre de l’ensemble du
monde ». Des maladies rares qu’Hippocrate (fl. 400 av. J.-C.) n’avait jamais
vues étaient bien connues de Galien « à cause de l’importance de la
population de la cité romaine ». « Chaque jour, on peut trouver dix mille
personnes souffrant de la jaunisse et dix mille d’hydropisie. » La métropole
était un laboratoire des souffrances humaines et, pour un intellectuel en
formation comme Galien, un endroit idéal. Son ascension fut vertigineuse3.
Peu de temps après son arrivée, il sauva un philosophe atteint de fièvres
« malgré qu’on se soit moqué de lui » pour « avoir voulu guérir un vieil
homme » en plein hiver ; sa réputation grandit. Flavius Boethos (Béothus),
né en Syrie, qui occupait le poste le plus élevé, celui de consul, était
impatient de voir Galien « faire une démonstration sur la voix et la
respiration, en expliquant comment et grâce à quels organes elles se
produisent ». Devant un public captivé, avec un goût raffiné pour le
spectacle, Galien pratiqua la vivisection d’un porc, supprimant ses
hurlements en ligaturant les nerfs avec virtuosité. Galien soigna le fils puis
la femme de Boethos de graves maladies ; le puissant personnage lui donna
en récompense une petite fortune en or et, plus important, sa protection.
Galien évoluait dans les cercles les plus à la mode. Un succès sensationnel
en suivait un autre. L’esclave d’un célèbre écrivain avait été blessé et un
abcès mortel s’était formé sous son sternum. Galien excisa le tissu infecté
au cours d’une opération où les spectateurs purent voir le cœur qui battait ;
à l’encontre du pessimisme que lui-même partageait, l’esclave survécut4.
Alors qu’il était encore dans la trentaine, Galien était déjà une légende
vivante. « Le nom de Galien était grand5. »
Rien de tout cela n’avait préparé le médecin à l’événement mortifère que
nous connaissons sous le nom de peste antonine. En 166 apr. J.-C., durant la
quatrième année qu’il passa dans la capitale, une pestilence venue d’Orient
se répandit dans les villes. Les épidémies n’étaient pas rares à Rome. Au
premier abord, cette vague de fièvres et de vomissements pouvait apparaître
comme l’arrivée familière de la sinistre saison létale. On s’aperçut vite qu’il
s’agissait de bien autre chose6.
Dans son chef-d’œuvre – Méthode de traitement – Galien donne une
description vivante de la prise en charge d’un jeune homme frappé par la
maladie « au tout début ». La toux d’abord brève s’aggrava et le patient
cracha des pellicules découlant d’ulcérations de la gorge. Bientôt les
symptômes caractéristiques de la maladie apparurent : des pustules noires
sur tout le corps de la tête aux pieds. Galien pensait qu’il existait des
remèdes pour s’opposer aux progrès de la maladie… mais ils étaient un peu
désespérés : du lait de vaches de montagne, de la terre d’Arménie, de
l’urine de jeune garçon. Cette catastrophe sanitaire dont il a été
l’observateur n’est peut-être pas seulement la première pandémie de toute
l’histoire de l’humanité mais aussi une rupture dans celle de l’Empire
romain. La plupart des habitants se persuadaient que le dieu Apollon était à
l’origine de cette terrible punition. Pour le savant Galien, c’était simplement
la « grande pestilence7 ».
L’objet de ce chapitre est de présenter l’Empire dans lequel Galien a
grandi à la veille de la pandémie. C’est l’époque considérée par Gibbon
comme la « plus heureuse et prospère » de l’histoire de l’humanité.
Naturellement, derrière ce jugement il y avait une fascination pour les
maîtres du monde d’alors. Mais considérer le milieu du IIe siècle comme
l’apogée de la civilisation romaine n’a rien d’arbitraire ou d’un jugement
esthétique. En termes matériels, l’Empire avait créé les conditions d’une
stupéfiante efflorescence, une de ces périodes de l’histoire où croissances
extensive et intensive se combinent pour stimuler le développement social.
L’Empire lui-même était une précondition et une conséquence de cette
vague de développement. La situation politique de l’Empire et sa
mécanique sociale étaient interdépendantes.
Au même moment, il nous faut souligner que la Pax Romana n’a jamais
signifié une domination sans accrocs ; la force de l’Empire ne doit pas être
mesurée par l’absence d’épreuves ou de défis mais par la capacité à les
surmonter. Dans cette perspective, il devient alors absolument nécessaire de
chercher les raisons pour lesquelles l’époque antonine a si souvent semblé
constituer un tournant dans le cours de l’histoire. Les réponses
traditionnelles – comme la présence d’ennemis formidables aux frontières
et les tensions nées d’une politique fiscale plus exigeante – sont tout à fait
réelles mais ne répondent pas au problème. Nous insisterons quant à nous
sur le fait que l’efflorescence romaine avait pour fondement un alignement
transitoire et précaire de conditions climatiques favorables. Et, de manière
plus conjoncturelle, ce sont les structures mêmes de l’Empire qui ont créé
les conditions écologiques de l’arrivée d’une maladie infectieuse émergente
dont la violence serait sans précédent.

Carte 3 Le monde de Galien : provinces dans lesquelles


on est certain qu’il s’est rendu
Au sens précis du terme, la trajectoire prise par l’histoire de l’Empire a
été modifiée de l’extérieur, par les forces de la nature. Bien entendu, cela ne
veut pas dire que, s’il avait été épargné par ces crises, l’Empire était fait
pour se maintenir à perpétuité. Mais son destin singulier est si
profondément inséparable de la fin de l’Optimum climatique et du choc
d’une pandémie que, dans le récit du destin de Rome, ils méritent de
pleinement faire partie du paysage.
Les dimensions de l’Empire
Comme Galien parcourait les rues de la capitale impériale, peut-être a-t-il
remarqué, parmi les nombreux monuments et statues en pierre qui se
disputaient son attention de provincial, une colonne, toujours visible
aujourd’hui, qui livre les noms des trente légions romaines. La liste suit un
ordre géographique, commençant à l’extrémité nord-ouest de l’Empire
avant de se développer en spirale dans le sens des aiguilles d’une montre ;
elle donne une image rassurante de la puissance romaine. À l’Ouest, trois
légions veillaient sur la Bretagne, quatre sur le Rhin et dix sur les provinces
danubiennes entre les Alpes et la mer Noire. À l’Est, huit légions étaient en
garnison de la Cappadoce jusqu’à l’Arabie, gardant un œil aussi bien sur les
sujets que sur les ennemis de l’Empire. Deux autres défendaient les
positions romaines en Afrique, une en Égypte et une autre en Numidie.
Enfin, une en Espagne et deux dans les Alpes bouclaient la liste des trente
légions. Mais même en ce moment d’équilibre, avant que n’éclatent les
tempêtes de la guerre et de la pestilence, l’Empire n’était pas un projet
arrivé à son terme. Il a toujours été partagé entre la volonté primordiale de
conquérir de nouveaux peuples au-delà de ses frontières et le maintien de la
sécurité au centre. Il n’a jamais réussi à maintenir l’équilibre entre ces
ambitions contradictoires. Mais au cours du IIe siècle, dans les vastes zones
de cet empire tricontinental, une atmosphère de paix s’était répandue sur les
territoires protégés et parcourus par la force des armes romaines8.
Par essence, l’Empire était le cadre d’une hégémonie militaire dont la
structure était le résultat d’un mélange de données géographiques et de
technologies politiques. Il n’avait pas de frontières naturelles ou
prédestinées. Même l’idée de lignes clairement définies, comme les
frontières territoriales des États modernes avec un relevé cadastral précis,
aurait été hors de propos. En premier lieu, les Romains dirigeaient des
« peuples » et des « nations ». Appien, un historien grec qui servait comme
gouverneur sous Hadrien, commence son histoire de Rome en décrivant les
« frontières des nations sous domination romaine ». Il pouvait non sans
quelque raison souligner les principaux traits géographiques des limites de
l’Empire, comme le Rhin, le Danube et l’Euphrate, mais il faisait vite
remarquer que les Romains dominaient des peuples au-delà de ces
frontières. Les grandes bases de légionnaires étaient installées en deçà des
frontières et servaient de forces de réserve mais en pratique leur rôle
oscillait entre celui d’une police impériale et celui d’un corps d’ingénieurs.
La zone frontalière était constituée d’un réseau dense de fortins, de tours de
guet et de postes d’observation, parfois établis au plus profond d’une zone
inamicale. On disait que les Quades, un peuple au-delà du Danube, s’étaient
révoltés parce qu’ils « ne pouvaient pas supporter les forts construits pour
les surveiller9 ».
Les Romains du IIe siècle auraient refusé de prendre en considération
n’importe quel plan présenté comme le point final de leur expansion ne leur
laissant plus que le loisir de se reposer sur leurs lauriers. Avec Auguste,
l’expansion territoriale se ralentit mais jamais jusqu’à s’arrêter. L’Empire
continua à s’agrandir de manière sporadique soit par agression soit par la
diplomatie. Même une structure apparemment défensive comme le mur
d’Hadrien restait, un siècle après sa construction, un système de contrôle et
non pas la matérialité d’une frontière territoriale délimitant une zone de
souveraineté. Un siècle après son édification, des opérations militaires en
Écosse avaient toujours lieu de manière intermittente. Marc Aurèle avait
des projets sérieux pour annexer de vastes zones en Europe centrale. Et les
efforts déployés pour contrôler les régions au-delà de l’Euphrate ont été une
source permanente de conflits.
Les frictions provoquées par cette expansion permanente ont peu à peu
abouti à des lignes de séparation démarquant les territoires sous hégémonie
romaine. Elles dérivaient des caractéristiques du système créé par les
Romains pour assurer la coordination du pouvoir militaire depuis un centre
impérial dans les conditions de communication et de transport de l’âge du
fer. La coordination politique de la machine militaire était aussi importante
que sa coordination matérielle. L’empereur était le chef incarnant l’ordre
sénatorial, un petit groupe social qui gardait le contrôle des armées en
monopolisant les postes du haut commandement au profit de leurs parents.
À l’époque de Marc Aurèle, quelles que soient les années, il y avait environ
160 sénateurs en poste dans tout l’Empire, tous reliés au centre nerveux de
la capitale10.
Les empereurs romains avaient un sens aigu des « coûts marginaux de
l’impérialisme ». « Tenant le pouvoir sur terre comme sur mer, ils choisirent
d’assurer leur domination avec prudence plutôt que d’essayer d’emmener
l’Empire dans l’inconnu, pour dominer des Barbares misérables et inutiles,
dont j’ai vu les ambassades de certains d’entre eux à Rome proposer de
devenir des sujets mais se heurter au refus de l’empereur du fait de leur
inutilité à ses yeux. » Les Romains sont censés avoir pris toutes les terres
des Celtes, à l’exception de celles trop froides ou dont le sol était trop
pauvre : « Ce que les Celtes avaient de mieux appartient à Rome11. »
Les trente légions regroupaient environ 160 000 hommes. Elles
comprenaient une armée de citoyens recrutés en théorie exclusivement dans
les rangs des Romains, souvent en provenance de colonies de vétérans
dispersées dans tout l’Empire. Mais les légions formaient moins de la
moitié de l’ensemble de la force armée. Des unités auxiliaires les
appuyaient. Recrutées dans les provinces, elles étaient bien intégrées dans
la structure de commandement et le dispositif stratégique d’ensemble ; un
service de longue durée était un moyen privilégié pour obtenir la
citoyenneté. Quand on ajoute la marine et les unités irrégulières, la machine
de guerre impériale approchait le demi-million d’hommes : « C’était non
seulement l’armée la plus grande que le monde ait jamais connue, c’était
aussi la mieux entraînée et la mieux équipée12. »
L’entretien de la force militaire la plus puissante de l’histoire n’était pas
bon marché. Le budget de la défense était de loin la dépense la plus
importante de l’État. Un légionnaire ordinaire du IIe siècle recevait une
solde de 300 denarii, un revenu décent sans être princier ; les auxiliaires
touchaient sans doute les 5/6e de cette somme. Les cavaliers étaient mieux
payés, comme naturellement les officiers. Des primes de départ et des
avantages non prévus à l’avance représentaient un coût supplémentaire. En
tout, au IIe siècle, le budget représenté par les seules soldes militaires était
probablement de 150 millions de denarii, soit environ entre 2 et 3 % du PIB
de l’Empire (comparable au budget de la défense des États-Unis
aujourd’hui). Par leur taille, l’armée et son budget étaient historiquement
considérables13.
Au même moment, comme les contemporains l’admettaient, le dispositif
impérial établi par Auguste représentait un changement important effectué
en toute conscience par rapport aux formes de mobilisation militaire
extrêmes caractéristiques de la République romaine, qui était de fait une
société entière en armes. « Sous la République quand le sénat nommait des
commandants à leurs postes – écrivait un historien du IIIe siècle –, tous les
Italiens avaient l’habitude de porter les armes. » Au contraire, sous
l’Empire, l’armée s’était transformée en corps professionnel. Auguste
« entretenait des troupes mercenaires payées au forfait qui constituaient une
barrière de protection de l’Empire ». La paix romaine dépendait de la
discipline, de la valeur et de la loyauté d’une gigantesque armée rémunérée.
La machine fiscale sous-jacente à l’hégémonie militaire constituait le
système métabolique de base de l’Empire14.
Les dimensions de l’Empire romain étaient ainsi dépendantes des réalités
géophysiques qui dictaient la manière de coordonner une telle armée sur
trois continents, de maintenir un contrôle social sur les militaires et de
financer l’entretien d’une force d’une telle taille. Aux sommets de sa
réussite, la domination militaire romaine a permis de longues périodes de
paix, un cadeau dont bénéficiaient les citoyens comme les sujets. Au cœur
de l’Empire, les souffrances provoquées par la guerre restaient loin des
préoccupations immédiates. « Beaucoup de provinces ignorent où peut bien
se trouver leur garnison ; tous ont plus de plaisir à vous verser les impôts
que certains n’en auraient à les recevoir eux-mêmes d’autrui. » « Ainsi
donc, les cités resplendissent d’éclat et de grâce et la terre entière est parée
comme un jardin d’agrément. Les fumées montant des plaines et les torches
signalent l’ami ou l’ennemi. »
Ces louanges sans réserve sont extraites d’un célèbre discours prononcé
devant l’empereur Antonin le Pieux en 144 apr. J.-C. par un tout jeune
orateur grec exceptionnellement doué, Aelius Aristides. Quelles que soient
les flatteries dont était capable un aventurier venu de province, son éloge
éloquent de ce qu’il appelle « un très grand Empire et une puissance
supérieure » dicte une forte image de ce qu’était la vie sous domination
impériale. « Vous avez fait de la qualité de Romain un nom désignant non
pas une cité mais une sorte de race commune. » Le verdict positif porté sur
l’époque, en tous les cas pour Gibbon, s’enracine dans ce type de louanges.
Tous les empires n’ont pas été l’objet de telles louanges de la part de leurs
sujets et, comme on va le voir, il existe de nombreuses preuves matérielles
montrant que beaucoup étaient sous le charme. Il est certain que la loyauté
des membres des élites civiles, comme Aristide, a permis de garantir
l’intégrité de l’Empire15.
Aristide lui-même tomba gravement malade à Rome et il fut à deux
doigts de rendre l’âme. Il se rendit à Pergame pour se soigner dans le
sanctuaire d’Asclépios. Encore jeune homme, Galien aperçut le grand
orateur qui des années durant essaya les traitements excentriques que le
dieu lui suggérait. Nous croiserons à nouveau Aristide, la première victime
connue de la peste antonine.
Peuples et prospérité
Avec près d’un demi-million de soldats sur le pied de guerre, la main-
d’œuvre était le principal ingrédient de la puissance militaire de Rome.
Rassembler une armée de cette taille ne semble pas avoir représenté un
effort hors de portée au cours du Haut-Empire, en particulier en
comparaison avec ce qu’il adviendra plus tard. Selon les mots d’Aristide,
l’Empire « [demandait] à chaque peuple juste la quantité d’hommes qu’il
fallait si l’on ne voulait pas qu’ils constituent un fardeau pour ceux qui les
donnaient ni qu’ils soient assez nombreux pour former à eux seuls l’effectif
d’une armée nationale autonome ». Les incitations financières et les
privilèges étaient suffisamment attractifs mais, à un niveau plus
fondamental, la facilité à recruter des soldats était la conséquence des
importants progrès démographiques. Les Romains n’ignoraient pas ce type
de liens. Sur l’arc de triomphe de Trajan à Bénévent, par exemple, les
glorieuses victoires de l’armée sont directement la conséquence de
l’abondance naturelle – agricole et humaine – offerte par les dieux16.
Les contemporains s’émerveillaient de croiser partout des habitants. Dans
son éloge de Rome, Aristide se demandait « qui en effet, voyant tant de
cimes occupées, tant de pâturages urbanisés dans les plaines et un si vaste
territoire réuni sous le nom d’une seule cité, pourrait en avoir fait une
contemplation exacte ? ». On puise des preuves de l’expansion
démographique dans l’archéologie des provinces, de la Syrie à l’Espagne,
de la Bretagne à la Libye. Les vallées étaient surpeuplées et gagnaient les
flancs de colline. Les villes étaient bâties dans les plaines et les cultures
s’étendaient comme jamais auparavant. Tel un flot venu des profondeurs,
les populations des trois continents sous domination romaine connurent une
immense vague de croissance qui devait atteindre ses sommets à l’époque
des empereurs antonins17.
Il est difficile de reconstituer les niveaux de population du monde de
l’Antiquité. Il en a toujours été ainsi. Déjà, dans les années 1750, David
Hume et le pasteur écossais Robert Wallace échangeaient des arguments
contradictoires sur la « population des anciennes nations ». Le débat n’a pas
toujours été aussi génial (Hume a aidé à corriger le manuscrit final de son
adversaire !), mais les grandes lignes d’une controverse qui a continué
jusqu’à aujourd’hui entre les « optimistes » comme Wallace et les
« pessimistes » comme Hume étaient déjà présentes. Même récemment,
selon des propositions crédibles, la population de l’Empire a atteint un
maximum compris entre 44 et 100 millions18.
Ce sur quoi l’on s’accorde, c’est que les populations de l’intérieur de
l’Empire ont augmenté au cours des cent cinquante années qui suivirent la
mort d’Auguste (14 apr. J.-C.) et ont atteint leur maximum avant que la
peste antonine éclate. Mais les chiffres absolus sont nécessairement plus
spéculatifs. Même si les chercheurs modernes ont poursuivi le débat qui a
opposé Hume et Wallace, les arguments les plus solides nous poussent à
penser qu’il y avait environ 60 millions d’habitants dans l’Empire à la mort
d’Auguste et près de 75 millions un siècle et demi plus tard, au moment de
l’arrivée de Galien à Rome19.
La croissance de la population a été la conséquence inattendue de
nombreuses minuscules transformations dans les marges étroites qui
séparent la vie et la mort. Dans l’Antiquité, la population était prise en étau
entre de puissantes pressions contradictoires. La mortalité était très élevée.
La vie sous l’Empire romain était courte et incertaine. Comme on le verra
au prochain chapitre, même en fonction des normes basses des sociétés
sous-développées, les tables actuarielles du monde romain étaient sombres.
L’espérance de vie à la naissance variait entre vingt et trente ans. La force
brutale des maladies infectieuses était, de loin, le facteur principal du
régime de mortalité qui pesait de tout son poids sur la démographie, et quel
poids…
Dans un environnement de forte mortalité, la seule parade, c’est un taux
de fertilité élevé, ce qui repose lourdement sur le corps des femmes. Elles
font les frais biologiques du besoin de repeupler les rangs. La loi romaine
autorisait les filles à se marier dès l’âge de douze ans. La plupart des
femmes l’étaient au milieu de l’adolescence.

Tableau 2 Population de l’Empire romain vers 165 apr. J.-C.

Région Population (million) Densité (au km2)


Italie (et îles de l’Ouest) 14 45
Ibérie 9 15
Gaule et Germanie 12 18
Bretagne 2 13
Provinces danubiennes 6 9
Péninsule grecque 3 19
Anatolie 10 15
Levant 6 43
Égypte 5 167
Afrique du Nord 8 19
TOTAL 75 20

Le mariage était vraiment universel : il n’y avait pas de célibataire dans le


monde romain. Les Romains faisaient l’éloge des veuves qui ne se
remariaient pas – précisément parce qu’elles étaient une bizarrerie dans une
société où la mort rôdait sans trêve et le remariage était la chose la plus
courante. Le mariage était, d’abord et surtout, un engagement à procréer.
« Les femmes sont habituellement mariées pour les enfants et la succession,
et non pas d’abord pour le plaisir20. »
À partir d’Auguste l’État a favorisé une fertilité élevée en mettant en
place une politique nataliste, qui pénalisait les personnes sans enfant et
encourageait la fécondité. Les mères de famille nombreuse bénéficiaient de
privilèges légaux importants. La contraception était au mieux primitive. La
fertilité naturelle était une réalité dans le monde romain. Les femmes
survivant à la ménopause avaient en général eu en moyenne six enfants. La
totalité de la structure des âges dans les sociétés antiques était de type
pyramidal (base large et sommet étroit), dominée par les très jeunes. Les
rues des anciennes cités devaient résonner du brouhaha qui s’élève d’une
crèche dissipée. On peut faire l’hypothèse raisonnable, même si elle reste
grossière, que la principale source de la croissance démographique dans
l’Empire n’a pas été un déclin de la mortalité mais bien plutôt des taux
élevés de fertilité. Cette conclusion est globalement en accord avec la
théorie malthusienne qui prédit que de hauts niveaux de bien-être sont la
conséquence de hauts niveaux de fertilité : si davantage de gens vivent au-
dessus du niveau de subsistance, ils sont capables de convertir ces faibles
avantages économiques en succès démographique21.
D’emblée, il nous faut faire une réserve. Le régime démographique
romain n’était pas une machine bien réglée. S’il semble probable que la
population romaine ait connu un taux de croissance de 0,15 % par an entre
Auguste et Marc Aurèle (un taux qui en un siècle et demi aurait fait passer
la population de 60 à 75 millions), ce résultat n’était pas dû au progrès
régulier des taux de fertilité, régulé juste au-dessus du niveau de
remplacement. La biologie de la population était volatile. Là où les
maladies infectieuses décident du régime de mortalité, la mort est trop
menaçante et imprévisible, avec des accalmies précaires et des interruptions
subites. Il en a résulté une instabilité de la population de la Méditerranée
romaine à court et à long terme. Les populations faisaient bien plutôt
l’expérience d’une croissance régulière interrompue par des inversions
brutales et violentes. Les taux moyens de survie ont plus de sens dans de
grandes zones et sur de longues périodes, précisément parce que cela
relativise les oscillations brutales dues à la mortalité épidémique.
Les Romains vivaient et mouraient non pas dans un environnement
paisible, mais en affrontant des vagues incontrôlées de maladies
infectieuses. Aussi, la tendance à la croissance est seulement une vision
grossière de ce qu’a été réellement la somme des pulsations d’une
croissance régulière que brisèrent des spasmes intenses de mortalité. Les
Romains savaient que la vie était évanescente et que les vents de la mort
pouvaient en un instant balayer les gains difficilement obtenus.
À l’époque où Marc Aurèle et Lucius Verus avaient le titre d’empereurs,
ils dominaient un quart de l’humanité. Peu d’empires, dont aucun à l’âge de
fer ni sur une aussi longue période, ont atteint une telle taille. L’Empire
chinois Han était le contrepoids eurasien des Romains. Comme on le verra,
dans la période que nous étudions la différence entre les deux était en train
de se réduire : le traité de géographie de Ptolémée, rédigé au milieu du
IIe siècle, propose un point de vue définitif sur la distance à vol d’oiseau
jusqu’à la capitale de « Serica » et le grand astronome savait que des
navigateurs avaient atteint l’Orient lointain par mer. La Chine des Han est
sous bien des aspects un bon comparandum, mais même sa population
semble n’avoir jamais atteint le sommet impérial romain d’environ
75 millions (en Orient, il faudra attendre le plein développement de
l’économie du riz et la construction du grand système d’irrigation). Il y a un
contraste encore plus frappant. Un auteur chinois du milieu du IIe siècle se
plaignait de la pression exercée par la population dans les principales
régions de l’est de l’Empire. « Dans les provinces centrales et les
commanderies de l’intérieur, les terres cultivées occupent tout l’espace et
l’on n’est jamais seul. Il y a des millions d’habitants et la terre est cultivée
en totalité. Les habitants sont nombreux et la terre rare. » Dans le contexte
romain, il faut remarquer que l’on n’entend jamais ce type de plainte22.
Dans l’Empire romain, la croissance de la population semble avoir eu
lieu sans que la société ne soit prise dans une spirale descendante de
rendements décroissants. Les contemporains se réjouissaient de la
prospérité et ne se plaignaient pas d’un risque d’appauvrissement
catastrophique. Ce qu’il convient de noter (avec toute la prudence possible),
c’est que les classes sociales dans l’Empire romain craignaient plus une
décadence générale qu’une misère déstabilisante. Peut-être l’élite urbaine
était-elle totalement insensible à la vie quotidienne des pauvres. Mais il est
plus difficile d’évaluer les famines du passé et nous ne pouvons qu’être
frappés par l’absence totale de véritable crise de subsistances. La pénurie de
vivres était endémique dans le monde méditerranéen, ce qui est dû aux
caprices par nature de son écologie. À la différence du Moyen Âge lorsque
des secousses violentes de famine éprouvaient la population, les Romains
semblent ne pas avoir été hantés par la peur d’une famine massive.
L’absence de données n’équivaut pas à une preuve, mais elle est néanmoins
significative23.
Plus importants sont les différents indices montrant les hauts niveaux de
production, de consommation et de bien-être. En économie, on manque de
véritables statistiques comme celles dont on dispose pour les États
modernes. Aussi les historiens qui ont étudié la croissance romaine se sont-
ils souvent tournés vers les vestiges archéologiques de la performance
économique. Les épaves de navires, la métallurgie, les stocks de nourriture
dans les maisons, les bâtiments publics et même les opérations de salage du
poisson ont tous été pris en compte comme indicateurs de la productivité
romaine. Mis tous ensemble, ils permettent de penser que le développement
économique de la fin de la République et du Haut-Empire a été robuste. Et
les preuves importantes de consommation de viande, résultant de la
découverte de dizaines de milliers d’os de moutons, de cochons et de
vaches, sont difficilement compatibles avec l’image d’une société
dépourvue du nécessaire parce que le nombre d’habitants aurait été
largement supérieur aux ressources de base. Il est significatif que les
archéologues soient ceux qui croient le plus à la performance économique
romaine24.
On peut néanmoins objecter que ces indices sont trop élémentaires et que
l’on ne peut rien en conclure, en particulier si l’on privilégie les mesures
per capita. Comment être sûr que les données archéologiques témoignant
de plus de biens ne soient pas simplement l’effet de plus d’habitants ? Peut-
être que la réponse la plus probante se trouve dans l’abondante quantité de
rouleaux de papyrus conservés dans l’Égypte romaine. Le climat aride de la
vallée du Nil fait que pour cette seule province nous avons la chance de
posséder un nombre extraordinaire de documents publics et privés. Ils nous
fournissent, de fait, les seules séries chronologiques de prix, de salaires et
de loyers dans tout le monde romain. Précisément parce que l’Égypte était
une région exploitée par le centre impérial, on peut être certain que
l’ensemble des tendances à l’œuvre ne sont pas imputables à un pillage ou à
une rente politique. Les papyrus laissent penser que, loin de connaître des
rendements décroissants importants, l’économie romaine a fait plus que
réussir à absorber l’augmentation de population et a connu une véritable
croissance per capita. La croissance des revenus des travailleurs non
qualifiés – terrassiers, conducteurs d’ânes, transporteurs de fumier – a été
plus rapide que l’augmentation des prix et des loyers, qui stagnait juste
avant l’arrivée de la peste antonine25.
Les ruines monumentales dans de nombreuses cités romaines peuvent
également être considérées comme un indice de la vraie richesse de ces
sociétés. L’importance et la nature de l’urbanisme antique ont été l’objet de
désaccords profonds entre historiens modernes. Mais la conclusion qui
semble de moins en moins contestable est que l’Empire romain a bénéficié
d’un niveau exceptionnel d’urbanisation. L’Empire abritait toute une
galaxie de villes – plus d’un millier. Au sommet, la population de Rome
dépassait certainement le million. Cette taille était en partie due aux
instances politiques chargées de diriger l’Empire. C’était aussi le centre
nerveux de toute l’économie, une plaque tournante d’activités
indispensables. Bien plus, la hiérarchie des villes n’avait pas un sommet
surdimensionné. Alexandrie, Antioche, Carthage et d’autres métropoles
avaient certainement plusieurs centaines de milliers d’habitants chacune (y
compris, au-delà de l’Empire, les cités jumelles de Séleucie et Ctésiphon,
les joyaux de la Parthie situés sur les bords du Tigre et servant de plaques
tournantes pour les échanges dans le golfe Persique). Selon Galien,
Pergame comptait à son époque 120 000 habitants, et qui sait si plusieurs
dizaines de villes n’ont pas approché cette taille dans tout l’Empire ?
Figure 1 Index des prix jusqu’à la peste antonine

À l’Ouest, l’extension de l’Empire avait provoqué une envolée de la


construction allant jusqu’à la création de villes ex nihilo, ou, se substituant
parfois à d’anciennes cités plus modestes. En Orient, les choses étaient
différentes. De fières cités remontant loin dans le passé pouvaient intégrer
l’histoire de l’Empire ou l’ignorer, en fonction des circonstances ; les
empereurs avaient généralement à cœur de leur donner satisfaction, voire
même à encourager leur fierté civique. Les cités helléniques de l’Est
connurent leur apogée sous l’Empire romain, s’étendant au-delà de leurs
anciennes limites et profitant d’une explosion de l’urbanisme sans
équivalent jusque-là. On a beaucoup de raisons de penser que les villes de
l’Empire romain n’étaient pas peuplées de consommateurs parasites,
regorgeant de rentes et de privilèges ; c’était bien plutôt des centres de
création de valeur – avec une production artisanale, des services financiers,
des activités de marché et l’échange de savoirs. En tout, un citoyen sur cinq
devait vivre en ville – un ratio inconcevable s’il y avait eu absence d’un
niveau de développement économique significatif. Ici, un seul fait compte :
sur un long cycle, l’Empire romain a nourri la vie des cités à une échelle
incomparable avec tout ce qui avait existé dans le passé, et rien de
semblable ne se répéterait avant la période moderne26.
Nombreux ont donc été ceux qui ont tiré profit de la paix impériale. Mais
ce schéma n’implique pas que le fardeau ait été également supporté par
chacun. La répartition des richesses était terriblement inégale. La richesse et
le statut légal formaient la structure entremêlée d’une hiérarchie sociale
exacerbée. En bas, de manière légale, il y avait la vaste classe des personnes
totalement non libres. L’Empire romain a été l’un des systèmes
esclavagistes les plus importants et les plus complexes de l’histoire – dont
l’endurance exceptionnelle est, par ailleurs, un autre signe que la
surpopulation n’a pas suffisamment fait baisser le coût du travail libre pour
rendre inutile le travail servile.
Les humbles et les masses sans terre étaient les plus nombreux, mais en
ville comme à la campagne les marchés et les changements auraient été des
occasions pour le développement d’une classe « moyenne ». Tout au
sommet de la pyramide, les couches aristocratiques officielles, comme les
magistrats des cités, les chevaliers ou les sénateurs, se définissaient par leur
fortune. Même si la division des héritages était la norme, et que des
pressions institutionnelles militaient en faveur du partage des successions
les plus colossales, l’immensité des biens personnels aux débuts de
l’Empire était probablement la plus importante ayant jamais prospéré dans
l’histoire de l’humanité. Il n’y a aucune raison de douter que les riches et
les élites intermédiaires furent les premiers bénéficiaires de la croissance
romaine. Et si les élites profitaient d’une partie importante de la croissance
économique, alors les salaires élevés touchés par les travailleurs ordinaires
soulignent un peu plus la réussite tout à fait extraordinaire de l’économie
romaine27.
Il est donc inexact de dire que « la richesse de l’Empire romain était
simplement la conséquence de l’énorme taille de la population sous son
contrôle ». La plus grande réussite de l’économie romaine pourrait
simplement avoir été que les progrès de la productivité aient été suffisants
pour absorber 10 millions de nouveaux travailleurs sans souffrir de ce
surplus. Que l’économie ait culminé à un certain degré de croissance
intensive sur la base de l’énergie directe de davantage de bras est encore
plus remarquable. Ce type de croissance intensive est la conséquence de
deux mécanismes classiques : la technologie et le commerce. Le
développement technique suit ce qui justifie le nom de croissance
schumpéterienne, quand de nouveaux outils augmentent la productivité. Le
commerce suit, quant à lui, une croissance smithienne, où ce qui importe ce
sont la spécialisation et les avantages comparatifs, si importants dans
l’économie de la période classique. Les deux sont complémentaires,
permettant au travail humain d’extraire et d’exploiter l’énergie avec un
surcroît d’efficacité à des fins productives. Bien que les Romains n’aient
jamais été menacés de descendre en dessous du niveau de base des
économies préindustrielles, ils ont hérité d’une longue phase de
développement social fondé sur le commerce et la technologie, l’une des
rares périodes d’efflorescence de l’histoire de l’économie prémoderne28.
L’archéologie est le meilleur révélateur des progrès de la technologie et
du commerce. Elle nous permet de dire que, dans le monde romain,
l’innovation technique n’a jamais cessé même si elle n’a pas revêtu un
caractère révolutionnaire. À l’exception d’améliorations spectaculaires en
matière de travaux publics, il est juste de dire qu’il « n’y a jamais vraiment
eu un ensemble d’inventions méritant le nom de technologie romaine » –
pas de percée caractéristique ou d’ensemble d’innovations. C’est bien
plutôt la diffusion de progrès techniques dans tout l’Empire et une
accumulation à grande échelle de capitaux et d’investissements qui ont
amplifié les gains dus à ce long processus de progrès29.
L’agriculture restait la principale activité ; la généralisation des outils
métalliques, de meilleures charrues, de nouvelles herses et un nouveau type
de moissonneuse venu de Gaule ont constitué des progrès sans conteste,
d’où le bond en avant de l’agriculture avec, en premier lieu, de meilleures
presses à vis, des pompes et des cuves de salage. Les moulins à eau, comme
on le sait maintenant, étaient largement présents pour la première fois. « La
présence d’un grand nombre de moulins à eau dans des contextes civils
ordinaires – ruraux et urbains – dans tout l’Empire prouve qu’ils sont vite
devenus partie intégrante de la vie à la campagne y compris dans les régions
plus sèches de la Méditerranée. » Dans ce secteur où les progrès se
propagent avec lenteur, la somme de toutes les améliorations de la
technique était loin d’être négligeable30.
D’autres secteurs ont connu des transformations au même rythme. La
manufacture, en particulier la céramique, n’a pas connu de changements
techniques radicaux, mais des révolutions dans l’organisation est sortie la
production de masse de toute une série de biens domestiques ordinaires. Les
mines et la métallurgie semblent avoir été radicalement transformées sous la
domination romaine ; la disponibilité du métal a eu des répercussions qu’il
serait injuste de passer sous silence. Dire que les Romains étaient de savants
ingénieurs dans le domaine de la construction n’a rien qui déroute. La
technologie des transports a été considérablement améliorée. Sous le Haut-
Empire, les navires sont devenus plus grands et plus rapides que jamais
auparavant et il faudrait attendre longtemps avant que les choses ne
s’améliorent encore. « La taille des navires marchands romains n’a pas été
dépassée avant le XVe siècle et les navires transportant des céréales pas
avant le XIXe. » La voile latine est apparue en Méditerranée au début de
l’Empire, probablement inventée pour les opérations de commerce dans
l’océan Indien qui ont explosé à cette période. Et il est probable que les
grandes installations portuaires construites sur les côtes romaines ont
sécurisé plus que jamais les rives dangereuses de la Méditerranée. La
somme et la généralisation de ces avancées équivalent à une révolution
technique à bas bruit31.
Le commerce a peut-être été un facteur encore plus important de la
croissance. Il a explosé sous la Pax Romana. Le commerce depuis et vers la
capitale impériale était un ravissement pour les yeux, comme Aristide ne
manque pas de le remarquer dans son éloge de Rome : « Tel est le nombre
de cargos qui arrivent, apportant toutes les marchandises de toutes
provenances à chaque belle saison et à chaque retour de l’automne, que la
cité ressemble à un centre d’activité commun à toute la Terre. » L’auteur de
l’Apocalypse biblique, un auteur moins bien disposé, exprime la même
opinion, imaginant qu’au cours de la destruction de Rome « les marchands
de la Terre pleurent et sont dans le deuil à cause d’elle, parce que personne
n’achète plus leur cargaison, cargaison d’or, d’argent, de pierres précieuses,
de perles, de fin lin, de pourpre, de soie, d’écarlate, de toute espèce de bois
de senteur, de toute variété d’objets d’ivoire, ou en bois très précieux, en
airain, en fer et en marbre, de cinnamome, d’aromates, de parfums, de
myrrhe, d’encens, de vin, d’huile, de fine farine, de blé, de bœufs, de brebis,
de chevaux, de chars, de corps et d’âmes d’hommes32 ».
La ville de Rome était évidemment prise dans un tourbillon de
consommation, mais les réseaux de commerce, comme des toiles
d’araignées, ont gagné tous les recoins de l’Empire. La paix, la loi et
l’infrastructure des transports ont partout favorisé la pénétration par
capillarité des marchés. Les succès de la lutte contre la piraterie dans la
Méditerranée à la fin de la République pourraient avoir été la condition la
plus importante de l’explosion du commerce dont les Romains furent
témoins ; le risque d’attaques a été souvent l’obstacle le plus coûteux aux
échanges maritimes. Le parapluie de la loi romaine a réduit par ailleurs les
coûts de transaction. Le renforcement des droits de propriété et une
monnaie commune ont encouragé les entrepreneurs et les marchands. Ce
n’est que sur le tard que l’on a pu apprécier l’incroyable avance du système
de crédit romain. Les banques et les réseaux de crédit commercial offraient
des niveaux d’intermédiation financière qui ne seraient plus égalés avant le
XVIIIe siècle dans les pays les plus avancés de l’économie globale. Le crédit
lubrifie le commerce et, sous l’Empire romain, les moteurs du commerce
vrombissaient. Du fait même de sa nature, l’Empire a systématiquement
supprimé tous les obstacles au commerce33.
Le résultat fut un âge d’or commercial. Les villes étaient les centres des
réseaux régionaux et elles occupaient fièrement leur place dans le paysage
du négoce. La plus grande partie du commerce était locale. En dépit de la
qualité des routes romaines, le coût des transports était élevé et la voie
maritime ou fluviale beaucoup moins chère. Néanmoins, l’envergure du
commerce entre régions était importante. Grâce à la nature indestructible
des céramiques cuites utilisées pour transporter les liquides, on peut
reconstituer l’intrication et la taille d’une partie du commerce du vin au
début de l’Empire. Dans un monde où la bière n’avait pas les faveurs du
public, sans tabac et sans sucre, et sans aucun des stimulants qui nous sont
coutumiers, le vin était la boisson reine. On estime que la ville de Rome en
consommait 1,5 million d’hectolitres chaque année : c’est environ le
quinzième de la production annuelle actuelle de la Californie34.
Grâce au commerce et à la technologie, les Romains ont gardé une
longueur d’avance sur la crise démographique au cours d’un long cycle de
développement. Mais on n’a sous la main aucun d’indice qui pourrait nous
amener à penser que les Romains auraient été en mesure de procéder par
bonds de croissance accélérée comme cela a été le cas dans le monde
d’aujourd’hui. Les grands décollages ne surviennent que si la science se
mêle à la production économique et si les sources fossiles d’énergie, comme
le charbon, sont exploitées à grande échelle. Aussi, ce n’est pas sous-
estimer les Romains que de convenir qu’ils n’ont pas dépassé les
mécanismes de base des économies prémodernes. Ils étaient,
simultanément, en avance et profondément ancrés dans un monde
préindustriel. Nous ne devons pas voir le développement économique
prémoderne comme une ligne plate monotone de simple subsistance avant
que la croissance accélérée de la révolution industrielle ne s’impose. La
civilisation a fait l’expérience de vagues importantes d’essor et de déclin,
de consolidation et de dissolution, dont les répercussions se faisaient sentir
bien au-delà d’une minuscule élite extrayant une rente d’une classe
inférieure de paysans indistincts dont les conditions de vie auraient été plus
ou moins toujours misérables depuis des temps immémoriaux. L’Empire
romain a certainement été la plus puissante et la plus étendue de ces vagues
d’expansion, avant les expériences sans précédent qui caractérisent la
modernité35.
En bref, les Romains ont expérimenté une véritable croissance dans les
limites d’une économie traditionnelle organique et cette croissance était
bien visible du point de vue de la richesse de l’Empire et de ses habitants.
Mais des problèmes subsistent, peut-être plus visibles maintenant
qu’autrefois. Où sont les preuves qui montreraient que l’économie se
heurtait déjà à des limites infranchissables, dépendantes de son potentiel ?
Si le système économique romain ne se heurtait pas à ses limites
intrinsèques et ne se trouvait pas non plus sur la voie d’une croissance sans
fin, alors pourquoi tout cela a-t-il débouché si vite sur une terrible crise ? La
théorie qui soutient que la cause du changement soit venue de l’intérieur du
système lui-même, que la destruction de l’économie ait été inhérente à la
surpopulation, a quelque chose de trop bien huilé. Il est certain que des
obstacles étaient dissimulés en route. Mais c’est la nature qui a occupé le
premier rôle, sans qu’on ait besoin d’imaginer une société qui aurait poussé
jusqu’au-delà de ses limites.
L’histoire abonde en rythmes syncopés, en tournants brusques et
inexplicables qui semblent venir de nulle part et interrompent ce qui
semblait être une tendance sans recul. Longtemps nous avons tenté
d’expliquer les cycles d’essor et de déclin en des termes seulement
humains, comme si nous étions les seuls instrumentistes de l’orchestre.
Mais il apparaît de plus en plus qu’il y a eu un autre grand instrument
opérant pas très loin à l’arrière-fond, à l’origine de conditions soit propices
soit contraires dans lesquelles les humains accomplissent leur destinée. Le
climat a été une force favorisante aussi bien que déstabilisante ; acteur
indispensable de l’efflorescence romaine – puis, dans un second temps, de
sa surprenante interruption.
L’Optimum climatique romain
Alexandrie, sur les rives de la Méditerranée et le bord occidental du delta
du Nil, était l’une de ces villes à la vitalité irradiante qui se sont épanouies
sous la domination romaine. Capitale de la recherche scientifique (où
Galien eut toute latitude d’étudier de vrais ossements humains), c’était le
lieu de résidence et le quartier général du grand Ptolémée qui, avec Galien,
était le savant le plus illustre de l’Empire. Comme Galien, Ptolémée
combinait tous les savoirs accumulés de l’ancien monde et les progrès
gagnés de haute lutte par un empirisme rigoureux. Comme pour Galien, ses
théories allaient s’imposer pendant un millénaire. On doit à cet observateur
avisé de la voûte céleste toute une série de données sur le climat particulier
à Alexandrie qui ont surpris et embarrassé nombre de ses lecteurs ultérieurs.
Selon ses dires, il pleuvait sur l’Alexandrie romaine chaque mois de
l’année, à l’exception d’août. Aujourd’hui, il y a seulement, tout compris,
un jour de pluie environ entre mai et septembre. Un hasard ? Non pas. Les
observations de Ptolémée plaident en faveur de conditions atmosphériques
et hydrologiques différentes dans le Sud-Est méditerranéen. C’est un
témoignage parmi d’autres de l’éventualité que le climat du monde romain
ait été significativement différent de ce qu’il est aujourd’hui36.
Figure 2 Nombre de jours de pluie mensuels à Alexandrie

Le projet impérial a bénéficié d’un allié que les Romains étaient loin de
pouvoir imaginer : la période de l’Holocène à l’arrière-fond de leur
expansion. Les derniers siècles av. J.-C. et les premiers de notre ère ont été
favorisés par un régime climatique chaud, humide et stable connu sous le
nom bien choisi d’Optimum climatique romain. L’efflorescence simultanée
de l’Empire romain et de la Chine sous la dynastie Han est l’un des
nombreux « étranges parallèles » de l’histoire, des pulsions de croissance et
de rétraction synchrones à l’échelle de l’univers qui semblent s’expliquer
par un mécanisme causal du même ordre de magnitude. Même s’il n’a pas
reçu de définition précise et reste imparfaitement compris, les grandes
caractéristiques de l’Optimum climatique romain montrent que Rome s’est
épanouie dans des conditions environnementales favorables. Cela mérite
que l’on s’y attarde, non seulement parce que le climat peut être un puissant
agent positif pour l’économie agricole, mais aussi parce qu’il met l’accent
sur le fait que la phase de croissance impétueuse de Rome a eu lieu sur un
fond environnemental d’une durée limitée dans le temps37.
En 1837, Louis Agassiz a proposé le terme d’« âge glaciaire » pour
expliquer les empreintes laissées par un climat radicalement différent dont
les traces se sont inscrites dans la géologie des Alpes. Au cours de la
seconde partie du XXe siècle, ses intuitions ont été confirmées avec éclat par
les sédiments marins et les carottes de glace qui constituent les archives de
l’histoire climatique. Notre planète a été un lieu totalement instable, son
passé est plein de surprises. Le dernier âge glaciaire, loin d’être une période
de froid ininterrompu, a été empreint de brusques changements du système
climatique global. On a considéré le climat des derniers cent mille ans
comme « un commutateur instable ». Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont
survécu à un climat qui n’était pas seulement plus froid mais aussi plus
capricieux. Dans une phase connue sous le nom de Glaciation de Würm, qui
a débuté il y a 25 000 ans, le gel a poussé les humains vers le sud ; seules
des bandes de territoires de cette partie de l’Europe sont restées habitables.
La future Chicago était enfouie sous l’inlandsis laurentidien38.
Ces oscillations erratiques dépendaient pour l’essentiel du rythme de la
mécanique céleste, de toutes petites variations de la rotation et de l’orbite de
la Terre affectant la quantité d’énergie reçue du soleil. Sur un cycle de
41 000 ans, l’inclinaison de la Terre – cet angle qui rapproche
successivement chacun des pôles du soleil pendant la moitié de l’année et
est à l’origine des saisons – oscille de nos jours approximativement entre
22° et 24,5°. De plus, l’excentricité du chemin parcouru en un an par la
Terre autour du soleil – en forme d’ellipse – change, notre planète subissant
l’attraction de la force gravitationnelle des autres corps du système solaire.
L’une des conséquences les plus importantes en est que la vitesse de
rotation de la Terre autour de son axe oscille lentement, à l’image d’une
toupie. Tous les 26 000 ans, l’axe de la Terre décrit un cône dans l’espace,
un mouvement appelé précession des équinoxes. Tous ces paramètres
orbitaux se chevauchent, soit s’amplifiant les uns les autres, soit s’annulant
partiellement, bouleversant la quantité et la distribution spatiale de chaleur
entrant dans l’atmosphère de la Terre. Au cours du Pléistocène, le résultat
des balancements et des oscillations de notre planète a été une source de
chaos pour les humains39.
La civilisation humaine – l’agriculture, les grands États, l’écriture, etc. –
est le résultat d’une toute petite période exceptionnelle de l’histoire
climatique connue sous le nom d’Holocène. On a pu parler de « fin du
règne du chaos ». Il y a presque 12 000 ans, la glace s’est mise à fondre.
Une conjonction favorable des cycles orbitaux a provoqué un
réchauffement brutal dont l’importance a été décisive. Comme la glace
fondait, le niveau des mers a monté ; il y a seulement 8 000 ans, on
traversait à pied la distance séparant la Grande-Bretagne du continent si on
était d’humeur à le faire. En comparaison avec le Pléistocène, l’Holocène a
été chaud et stable. Mais cela n’a pas empêché les variations climatiques.
À l’échelle du millénaire, ce forçage orbital a provoqué des changements
brutaux mais de longue durée du climat de l’Holocène. Après un pic à son
début, le premier millénaire de l’Holocène a vu une diminution importante
de l’insolation estivale dans l’hémisphère nord et une tendance lente à un
refroidissement. L’Holocène moyen (de 6 250 av. J.-C. à 2 250 av. J.-C.,
environ) a connu un climat particulièrement propice. Le Sahara était vert.
La Méditerranée jouissait d’un climat agréable et était exceptionnellement
fertile. Il pleuvait toute l’année. Tout autour de cette mer, l’extension
humaine a connu une forte croissance, avec un habitat dispersé sans
puissants royaumes ni empires dominants. L’archéologue Cyprian
Broodbank a parlé de jours heureux « pour décrire ce qu’a dû être cette
période40 ».
Les débuts de l’Holocène tardif commencent en 2 250 av. J.-C. environ.
Alors, le climat global change. Il y a eu une dérive vers le sud de ce que
l’on appelle la zone de convergence intertropicale, là où les alizés de nord-
est convergent autour de l’équateur. La désertification du Sahara et du
Proche-Orient s’est accélérée et est devenue irréversible. Les moussons ont
perdu en intensité. La fréquence du phénomène El Niño et les gradients de
pression dans l’Atlantique nord ont baissé. Dans l’hémisphère nord les étés
sont devenus plus froids. Dans la Méditerranée, l’alternance habituelle des
périodes sèches et humides a été de plus en plus prononcée. Mais, ce qui est
décisif, c’est que le changement climatique a eu lieu sur plusieurs échelles,
de manière concurrente. Sur l’arrière-fond d’un climat saisi à l’échelle
millénaire, des moments de changements climatiques se sont succédé à
l’échelle des décennies ou des siècles. Ces changements climatiques de
courte durée ont, de manière diverse, inversé, bousculé ou accéléré les
tendances à long terme de l’Holocène. Le dernier changement climatique de
l’Holocène a été comme un carrousel, se déplaçant simultanément dans
différentes directions à des vitesses variables41.
Les changements climatiques à l’ère de l’Holocène se constatent sur des
échelles de temps beaucoup plus petites. Le forçage orbital, même s’il a lieu
petit à petit, peut être à l’origine de changements brutaux, à cause d’effets
en retour complexes et d’effets de seuil sur les systèmes de la Terre. Un
processus lent peut provoquer des effets saccadés sur le système climatique.
Bien plus, deux mécanismes de forçage supplémentaires ont eu une
influence toute particulière sur de courtes durées à l’ère de l’Holocène : le
volcanisme et les caprices du soleil. Les éruptions volcaniques envoient des
nuages de sulfate dans l’atmosphère, renvoyant les radiations dans l’espace.
Sous le Pléistocène, des méga-volcans ont laissé la trace de leur activité, en
particulier l’éruption du Toba, il y a environ 75 000 ans, cause d’un hiver
qui a duré un millénaire et est parfois accusé d’avoir provoqué la mort de
tous nos ancêtres, sauf 10 000. La variabilité solaire est aussi une source
d’instabilité climatique. Si, « du point de vue galactique, le soleil est une
étoile remarquablement constante », du point de vue de la Terre, notre naine
jaune n’est pas immuable. Dans les profondeurs du soleil se cache une
activité magnétique. Le cycle solaire de onze ans en est la manifestation la
plus familière. Même si la luminosité varie seulement de 0,1 % au cours de
ce cycle, les conséquences climatiques en sont perceptibles. D’autres cycles
plus profonds de variabilité solaire ont influé au premier chef les
changements climatiques de l’Holocène. Un cycle solaire d’une périodicité
d’environ 2 300 ans, connu sous le nom de cycle de Hallstatt, a, par
exemple, été à la base de profonds bouleversements climatiques42.
Ces mécanismes globaux de forçage sont évidemment très éloignés du
climat à petite échelle. Les quantités variables et la distribution d’énergie
atteignant la Terre sont à l’origine de modifications mais les changements
climatiques s’expriment et ne sont vraiment ressentis qu’avec les
différences de température et le niveau des pluies. En général, les
changements de température tendent à être plus cohérents dans l’espace
s’étendant simultanément sur de grandes zones. Les variations des
précipitations sont beaucoup plus régionales : un plus grand nombre de
mécanismes extrêmement sensibles déterminent le lieu et l’intensité des
pluies.
Dans les territoires dominés par Rome, les variations de chaleur et
d’humidité étaient également importantes et les conséquences du
changement climatique pouvaient n’être ressenties que localement.
L’Empire romain était un géant, plus complexe que tout ce que l’on avait
connu auparavant. Si son centre était la mer Méditerranée, il s’étendait sur
trois continents. La ville de Doura Europos, plaque tournante sur l’Euphrate
absorbée par l’Empire romain, se situe au-delà du 40e méridien Est ; les
possessions ibériques de l’Empire touchaient jusqu’au 9e méridien Ouest.
Le mur d’Hadrien avait été édifié au-delà du 55e parallèle tandis que des
cohortes romaines étaient stationnées à Assouan (24° N) et qu’un fort
romain avait été bâti à Qasr Ibrim au niveau du 22,6° N, dans les zones les
plus au sud de l’Empire. Récemment, on a eu l’attestation d’une présence
d’un détachement romain sur les îles Farasan, protégeant les intérêts
romains sur la mer Rouge, au niveau du 17° N ! Comme les équateurs
reçoivent plus de chaleur que les pôles, les gradients méridiens (nord-sud),
et non pas est-ouest, décident des différences climatiques. Du point de vue
de l’environnement, l’étendue nord-sud couverte par l’impérialisme romain
était d’une originalité absolue43.
Ce n’est pas seulement la superficie du territoire romain qui est
stupéfiante mais aussi les spécificités de sa région centrale. La mer
Méditerranée – une mer intérieure géante de 2,5 millions de km2 – était le
centre de l’Empire. Sa propre dynamique, en tandem avec les paysages en
relief qui l’entouraient, fait de cette zone l’un des cas les plus complexes
des différents régimes climatiques dans le monde. Des températures
extrêmes et des ressources en eau rares forment une combinaison
dangereuse. Des orages redoutables, capables d’entraîner des précipitations
extrêmes, prennent naissance dans les parties intérieures de la zone
méditerranéenne. Mais ce qui arrive sur les coteaux exposés au vent d’une
montagne est souvent très différent de ce qui se passe sur l’autre versant. La
région méditerranéenne présente une multiplicité de microclimats qui se
juxtaposent. L’inévitable imprévisibilité propre au monde méditerranéen
explique le mode d’habitat intriqué. Des stratégies destinées à minimiser les
risques et l’intégration par capillarité des différents paysages sont
essentielles pour survivre. Du fait de sa place sur le globe, et de son
caractère unique, la résilience y est devenue un mode de vie. Dans le même
temps, la prise en compte des caractéristiques locales des différents
environnements méditerranéens ne doit pas nous amener à croire que les
causes des microclimats seraient d’une quelconque manière sans rapport
avec les puissants mécanismes régionaux et globaux. La Méditerranée
occidentale est davantage sous l’influence directe des conditions de
circulation atmosphérique de l’Atlantique alors que la Méditerranée
orientale est le jouet de plusieurs mécanismes globaux et est à la merci de la
crête des hautes pressions subtropicales autour du 30° N qui étouffe les
précipitations en été. En bref, on fait toujours l’expérience du changement
climatique au milieu de dynamiques locales, avant d’être régionales et
globales44.
Carte 4 Mécanismes globaux du climat et Empire romain

Le problème des changements climatiques anthropogéniques a rendu plus


aiguë la nécessité de comprendre le paléoclimat. Les historiens sont les
grands bénéficiaires inattendus de la ruée en cours pour râteler la Terre à la
recherche d’archives naturelles, de vestiges matériels susceptibles de nous
fournir des indices sur l’histoire du climat. Les carottes de glace, les cernes
des arbres, les sédiments océaniques, les varves des lacs et les dépôts
minéraux dans les grottes, les concrétions (spéléothèmes), sont autant
d’indices du passé de la Terre. Ajoutés aux autres preuves indirectes,
comme la taille des glaciers et la distribution archéologique des pollens, ces
indices matériels nous aident à reconstruire le comportement du climat dans
ce lointain passé. Et, s’il est désormais possible de comprendre le climat
romain d’une manière qui était encore inconcevable il y a seulement dix ou
vingt ans, il est tout aussi passionnant de constater que nos connaissances
continuent à progresser à une vitesse qui dépasse tout ce que l’on peut
imaginer45.
Les indices climatiques s’expriment de manière cacophonique.
L’Optimum climatique romain (OCR, parfois appelé « Période chaude
romaine ») est à la fois largement reconnu et pauvrement documenté dans le
temps et dans ses principaux traits. Si les frontières chronologiques
proposées ici – 200 av. J.-C. à 150 apr. J.-C. environ – sont une délimitation
grossière issue de toute une série de données, elles n’ont rien d’arbitraire.
Elles nous permettent de décrire une phase tardive du climat de l’Holocène
définie par des schémas de forçage et toute une série d’indices cohérents
entre eux. Balisé par de hauts niveaux d’insolation et une activité
volcanique faible, l’OCR a été une période de climat chaud et humide dans
la plus vaste étendue de l’immense Empire romain46.
Tout commence avec le soleil. Il a été généreux avec les Romains. On est
capable d’explorer le comportement de l’astre dans l’histoire grâce à des
traceurs physiques, les radionucléides cosmogéniques. Les rayons
cosmiques – des courants de radiation de haute énergie – tourbillonnent au
travers de la galaxie. Ils pénètrent sans trêve dans l’atmosphère de la Terre
où ils produisent des isotopes comme le Béryllium 10 ou le Carbone 14.
Les atomes de Béryllium 10 se lient aux aérosols et tombent sur la surface
de la Terre en deux à trois ans. Néanmoins, le soleil interfère avec le
courant de rayons cosmiques se dirigeant vers la Terre ; une haute activité
solaire fait baisser la production de radionucléides cosmogéniques. En
conséquence, les niveaux de Béryllium 10 produits dans l’atmosphère – et
retombant sur la Terre sous forme de précipités laissant leur trace dans les
carottes de glace – varient au rythme de l’activité solaire. Les
radionucléides cosmogéniques dans les carottes de glace sont en relation
inverse à l’activité solaire et constituent un indice sensible des quantités
changeantes d’énergie radioactive ayant atteint la Terre47.
Ces archives nous racontent que l’OCR a correspondu à une phase
d’activité solaire importante et stable. Entre un grand minimum solaire
centré autour de l’année 360 av. J.-C. et un autre en 690 apr. J.-C., les
radiations solaires ont fluctué dans des limites faibles, atteignant le pic d’un
grand maximum autour de 305 apr. J.-C.48.
Au cours de cette période, l’activité volcanique a été de faible ampleur.
Des vingt plus grandes éruptions au cours des 2 500 dernières années,
aucune n’a eu lieu entre la mort de Jules César et l’année 169 apr. J.-
C. Entre les dernières années de la République et le règne de Justinien (les
années 530), il n’y a pas eu d’années d’extrême refroidissement
postvolcanique. Pendant l’OCR, tout a convergé pour garantir un régime
climatique stable49.
Le réchauffement en a été la conséquence. Les Romains eux-mêmes le
pensaient déjà, comme on l’apprend des plus anciennes observations
humaines des changements climatiques. Le naturaliste Pline l’Ancien, un
auteur du Ier siècle, notait que les hêtres qui ne poussaient auparavant qu’à
de basses altitudes étaient désormais montagnards. La culture du vin et des
olives s’est étendue vers le nord comme jamais auparavant. Et ces
migrations botaniques n’étaient pas seulement la résultante de l’activité
humaine. Les glaciers alpins racontent la même histoire. Les précipitations
en hiver et, par-dessus tout, les températures d’été contrôlent l’équilibre
entre croissance et dégel, et chaque glacier a ses propres caractéristiques. Là
où les contrôles sont possibles et où on peut dater la croissance ou le recul
des glaciers, ils constituent un indice du changement climatique. Le signal
du réchauffement au cours de la période romaine est sans ambiguïté. Après
qu’une avancée importante des glaciers eut pris fin dans les années 500
av. J.-C., la glace a reculé pendant des centaines d’années, jusqu’au Ier siècle
apr. J.-C. Au début de la période impériale, le grand glacier de l’Aletsch
pourrait avoir atteint ou régressé au-delà de ses limites du XXe siècle. La
Mer de Glace dans le massif du Mont-Blanc des Alpes françaises s’est
comportée de la même manière. Ce n’est qu’au IIIe siècle apr. J.-C. que les
choses s’inversent, avec un soudain mouvement en avant de la glace le long
des pentes. L’OCR a été une époque de fonte des glaces dans les Alpes50.

Figure 3 Irradiation solaire totale selon le 10Be (donnée


de Steinhilber et alli, 2009)

Les cernes des arbres témoignent également du réchauffement au cours


de l’OCR. La croissance des arbres dépend de la température, des
précipitations ou d’un mixte des deux. L’avantage de la dendrochronologie
est la finesse de sa résolution temporelle et son degré élevé de fiabilité
statistique. La croissance régionale continue, cumulative des arbres peut
être repérée des centaines d’années dans le passé, permettant une
reconstruction sûre et précise du paléoclimat. Malheureusement, quelle
difficulté de trouver au cœur du monde méditerranéen des restes de vieux
arbres, bien que l’on en dispose de toute une série en altitude dans les Alpes
remontant à 2 500 ans dans le passé ; ils montrent une corrélation forte avec
les températures méditerranéennes locales et à plus longue distance. Les
températures les plus élevées avant le début du réchauffement moderne ont
été atteintes au milieu du Ier siècle, après quoi il y a eu un déclin long et
inégal. Au Ier siècle, les températures étaient en fait plus élevées qu’au cours
des cent cinquante dernières années51.
Un dernier indice des températures se blottit dans les grottes. Année
après année, les minéraux contenus dans les gouttes d’eau forment des
concrétions, des stalagmites. Les calcites qu’elles recèlent sont des archives
minérales, l’équivalent lithologique des cernes d’arbre, nous ramenant des
milliers d’années en arrière. Parmi ces minéraux, on trouve un faible
mélange d’isotopes naturels stables comme le δ18O, une forme d’oxygène
lourde, ou le δ13C, un isotope lourd du carbone. La proportion des isotopes
les plus lourds dans un échantillon est déterminée par les propriétés de
l’environnement physique ; dans les concrétions, la proportion d’isotopes
lourds peut refléter la température régionale, l’origine, la quantité et la
saisonnalité des précipitations, mais aussi les modifications des processus
de formation des dépôts sur ce site dont on sait qu’ils varient en fonction
des sols et de la végétation. La finesse de la résolution est extrêmement
variable, pouvant être inférieure à une année ou s’étendre sur un siècle. La
topographie karstique du monde méditerranéen fournit une abondance
d’archives sous forme de concrétions et il existe un consensus presque
général en faveur d’un âge de réchauffement exceptionnel au début de
l’Empire52.
Il y a plus de mystère dans le niveau des précipitations. On est moins
certain que différentes régions aient connu des changements au même
moment, de même magnitude ou dans la même direction. Les dynamiques
sont plus stratifiées et plus subtiles. Il y a même, parfois, des inversions
flagrantes dans la distribution de la pluie entre les régions
méditerranéennes. Mais, au cours de l’OCR, on a la preuve qu’il y eut une
période de plus grande humidité uniforme et de grande ampleur. L’OCR a
été une période de pluies aussi bien dans les ceintures subtropicales que
dans les zones d’altitude moyenne (c’est-à-dire les moitiés sud et nord) de
l’Empire romain. Ce schéma d’un intérêt particulier mérite d’être examiné
de plus près. Un ensemble d’indices encore plus important peut nous
soutenir : il s’agit à la fois d’indices matériels et de témoignages humains
sous différentes formes. Ils concourent à reconstituer l’étrange puzzle du
monde aquatique du début de l’Empire romain.
Dans la Méditerranée du Nord-Ouest, une époque plus humide est si
évidente que dans la littérature spécialisée les siècles de l’OCR sont
désignés sous le vocable de « Période humide ibéro-romaine ». Dans le
nord et le centre de la Méditerranée, les indices matériels mettent aussi en
évidence une telle période. Des témoignages intéressants allant dans le
même sens proviennent des observations humaines faites à Rome, qui était
« un fabuleux paysage artificiel » taillé dans une zone de marécages
inondable. Le Tibre était l’âme de la cité et, malgré les tentatives
ingénieuses des Romains pour le maîtriser, le fleuve débordait et inondait la
ville régulièrement. Pline le Jeune relate une crue sous le règne de Trajan
qui, en dépit des déversoirs construits, joncha les rues des meubles de
l’aristocratie et des outils des paysans. Les crues du Tibre sont bien
documentées mais en discontinuité dans le temps. Nous sommes tributaires
des sources écrites, ce qui fait que le dénombrement des inondations dépend
en grande partie de la quantité de preuves dont nous disposons. Mais au
total le schéma n’est pas contestable53.
Carte 5 Grottes contenant les traces des températures
et de l’Optimum climatique romain

Les grandes caractéristiques en sont identifiables. Les inondations sont


un phénomène extrême et non pas un témoignage de l’humidité générale. Et
le problème des inondations catastrophiques dans l’Empire romain était
exacerbé par la déforestation en altitude. L’Empire était un consommateur
vorace de sources d’énergie et de matériaux ; il a dénudé les montagnes de
leur manteau sylvestre autrefois dense, qui ralentissait et absorbait les pluies
diluviennes. La distribution des inondations reste tout à fait frappante et
instructive si on la compare aux siècles chauds du réchauffement climatique
de l’an mil : les crues étaient communes à l’époque romaine, alors qu’elles
sont quasiment inexistantes au Moyen Âge54.

Figure 4 Inondations provoquées par le Tibre (source : Aldrete,


2006)

Le trait le plus étonnant des débordements du Tibre est leur saisonnalité.


Les inondations survenant en hiver, que ce soit à l’époque médiévale ou
moderne, sont aussi peu surprenantes que le lever du soleil. Mais le schéma
romain est plus qu’étonnant. La grande majorité des crues se produisaient
au printemps et en été. Il convient de mentionner que le poète romain Ovide
signale que l’Equirria, des courses de chevaux qui se déroulaient à la mi-
mars, était régulièrement inondée. Là-dessus aucun doute quant au Moyen
Âge et à l’époque moderne, le Tibre n’a pas débordé durant les étés alors
que cela avait été si souvent le cas à l’époque romaine. Cette constatation a
été confirmée par le calendrier du climat tenu au Ier siècle par un subtil
agronome romain, Columelle, qui évoque en outre davantage de
précipitations l’été que ce n’est le cas aujourd’hui. Comme l’Alexandrie de
Ptolémée, la Rome du début de l’Empire semble avoir joui d’un climat très
différent du nôtre. Certains des mécanismes qualitatifs du climat
méditerranéen étaient de façon subtile mais décisive variables au cours des
premiers siècles55.
L’arc sud de l’Empire romain est encore plus sur le fil du rasoir : le
risque d’aridité peut s’y révéler fatal. Mais, avant de nous intéresser à
l’Afrique du Nord romaine et au Levant, il importe de faire une pause et
souligner que le changement climatique et l’installation des humains ne
marchent pas du même pas. Le climat favorable était loin d’être la seule
raison de la croissance de la mise en culture de la terre à l’époque romaine.
L’augmentation de la population a poussé des personnes à s’installer dans
les marges. Mais, de plus, le réseau serré des échanges était un
encouragement pour les paysans à s’installer dans des zones où les risques
étaient plus importants. Les connexions limitaient les conséquences les plus
graves des années de sécheresse. Et la croissance des marchés nourrissait
l’expansion entrepreneuriale et les institutions romaines poussaient exprès
les paysans à occuper des terres situées aux marges. La circulation des
capitaux a favorisé une explosion des travaux d’irrigation dans les régions
semi-arides. L’essor économique de l’Afrique romaine a été favorisé par la
construction d’aqueducs, de puits, de citernes, de terrasses, de barrages, de
réservoirs et de foggaras (de longues canalisations souterraines permettant
le transport de l’eau des sommets aux zones cultivées). Les technologies
hydrauliques soit d’inspiration indigène soit de nature impériale se
retrouvaient dans les hautes terres comme dans les vallées. Grâce à ces
dispositifs l’eau était soigneusement collectée et exploitée dans les zones
semi-arides occupées comme jamais auparavant par de nouvelles
populations56.
Au même moment, nous ne devons pas négliger le rôle du climat que ce
soit comme allié ou comme ennemi. Pendant longtemps, sur la foi de
sources écrites, on a pensé que le sud de la Méditerranée était plus humide
qu’aujourd’hui. Pline l’Ancien rapporte que des éléphants habitaient les
forêts des montagnes de l’Atlas, à la frontière sud de l’Empire ; leur
extinction a probablement été le résultat combiné du commerce de l’ivoire
et du processus d’aridification à long terme. À l’époque romaine, la fertilité
exceptionnelle de l’Afrique du Nord en a fait le grenier à blé de Rome :
aujourd’hui, ces pays importent des céréales. Le désert a gagné des zones
qui étaient sans conteste cultivées pendant l’OCR. Les avis ont varié sur
l’importance du rôle du climat dans ces changements. À l’ancienne théorie,
plutôt déterministe, s’est substituée une approche plus subtile et plus
ouverte dans laquelle l’activité humaine détient la primauté. Mais les
données géophysiques sur le rôle joué par le climat dans l’aridification de
l’Holocène tardif s’accumulent, et un point d’inflexion de grande
importance semble pouvoir être daté de la fin de l’OCR, quand l’interlude
humide a pris fin et que l’avancée du désert a repris57.
Figure 5 Saisonnalité des crues du Tibre (en pourcentage annuel)
(source : Aldrete, 2006)

La mesure la plus sensible du changement des précipitations sur une


longue période en Afrique du Nord pourrait se trouver au-delà des
frontières romaines, chez leurs voisins au sud de l’Empire. De récents
travaux réalisés dans le Fezzan, une région du sud-ouest de la Libye, ont
créé la surprise : ne révélaient-ils pas l’étendue et la sophistication du
royaume des Garamantes ? Cette économie dépendait du commerce
transsaharien et de l’agriculture. Les techniques agricoles y avaient été
révolutionnées par les foggaras. Le vaste réseau de canalisations a permis à
cette civilisation de s’épanouir au cours des premiers siècles du
Ier millénaire. Le commerce avec Rome a explosé à partir du Ier siècle et
jusqu’au début du IVe. L’archéologie a montré l’essor puis la chute d’une
civilisation totalement oubliée58.
C’est à la fin de cette période que la rareté de l’eau est devenue un
immense défi qui était peut-être insurmontable. « Il est même possible de
retracer le déplacement vers le nord des réservoirs terminaux alors que la
nappe aquifère baissait et que les foggaras ont dû être creusées plus en
profondeur ; le résultat en a été le phénomène classique de migrations des
oasis liées aux foggaras, alors que les zones cultivées ou d’habitation
installées tout autour s’installèrent plus bas. » On ne peut pas non plus
écarter la possibilité que les Garamantes aient surexploité un aquifère
fossile de dimension limitée ; quoi qu’il en soit, le climat dont ils
dépendaient a changé. Les cernes des cyprès du Tassili laissent penser que
le processus d’aridification a été l’amorce d’une longue crise pendant
laquelle on a désespérément cherché de l’eau. C’est un exemple d’une
société écologiquement vulnérable avec relativement peu de perspectives de
résilience qui est un baromètre particulièrement sensible de la pression
environnementale. Les Garamantes ont toujours vécu à la lisière du manque
d’eau. Mais l’aridification progressive qui a fait suite à l’OCR a mis en
cause les fondements écologiques mêmes de leur mode de vie jusqu’à
mettre un terme à leur civilisation59.
Plus à l’est, au Levant, on a porté un grand intérêt à l’histoire de
l’équilibre régional en matière d’eau. Pendant des siècles, le Levant a connu
des oscillations brutales sur fond d’une aridification de long terme. Les
niveaux des bords de la mer Morte, identifiés par la datation radiocarbone
des sédiments, constituent un indice du niveau des précipitations régionales.
Entre 200 av. J.-C. et 200 apr. J.-C. environ, les eaux du lac sont restées à
un niveau élevé. À la fin de cette période, l’humidité a commencé à baisser.
Ces revers de fortune sont attestés dans le Talmud où de nombreux rabbis
des IIe et IIIe siècles se font l’écho d’un univers où la pluie était incertaine et
la sécheresse un problème terrible. « Said R. Eleazar b. Perata : Depuis le
jour de la destruction du Temple [70 apr. J.-C.] les pluies sont devenues
irrégulières dans le monde. » On pourrait être tenté de ne voir là qu’un
pessimisme de saison. Et si le rabbi s’était trompé ? Peut-être bien. Une
concrétion trouvée à proximité dans la grotte de Soreq laisse penser que le
niveau des précipitations a brutalement décliné à partir de l’an 100 apr. J.-C.
environ. Il est clair que le IIIe siècle a été une période de crise de l’eau et la
mer Morte a atteint son niveau le plus bas autour de l’an 300. L’OCR n’aura
été qu’une période humide en sursis60.
Tout autour de la Méditerranée, dans une vaste zone géographique très
diversifiée, la nature du réchauffement, le niveau des précipitations et la
stabilité du climat sont caractéristiques de l’OCR. L’OCR a été une période
où les effets à long terme du changement du forçage orbital ont été ajournés
pour un temps, peut-être à cause de hauts niveaux d’activité solaire. L’OCR
a été la manifestation tardive de conditions qui furent dominantes au cours
du millénaire précédent. On peut penser qu’il s’agit de la dernière
manifestation de l’Holocène tardif. Le modèle méditerranéen, avec son
profond déséquilibre saisonnier des précipitations, n’avait pas encore
exprimé tout son potentiel. Les climatologues se focalisent de plus en plus
sur les changements saisonniers pour expliquer les profonds
bouleversements du climat au cours de l’Holocène. L’OCR pourrait avoir
été la dernière phase du climat de l’Holocène quand les régions
subtropicales de cette partie du globe bénéficiaient de précipitations
abondantes. Finalement, la direction prise obstinément par l’Holocène
tardif, masquée pendant quelques siècles, a commencé à s’imposer à
nouveau, de manière imprévisible, comme si elle voulait prendre sa
revanche61.
C’est la nature qui est à l’origine de ce coup de théâtre. Mais, si le
tournant final vers des étés hyperarides a commencé au cours des dernières
phases de l’OCR, difficile d’écarter la possibilité que les Romains aient
joué un rôle, même modeste, dans l’accélération du changement climatique.
Les forçages orbital, solaire et volcanique sont indifférents aux affaires
humaines et les Romains ne polluaient pas suffisamment l’atmosphère pour
accélérer le rythme des changements climatiques. Mais ils ont coupé les
forêts à grande échelle, ils déboisaient pour développer l’agriculture et la
machine économique a consommé d’immenses forêts pour faire du feu et
comme source d’énergie. Les Romains ont été les témoins oculaires de cette
grande déforestation et considéraient même que cela faisait partie du
processus de civilisation. « De jour en jour, les hommes forçaient les forêts
à se retirer sur les montagnes et à céder les plaines à la culture. » Lucain, un
poète du Ier siècle, fait, par exemple, coïncider l’expansion de l’Empire en
Maurétanie avec l’usage de la hache. Hadrien était si concerné par la baisse
de l’approvisionnement en bois qu’il déclara certaines forêts syriennes
propriété impériale et plaça leur exploitation sous son contrôle62.
C’est seulement au cours des dernières années que l’on a commencé à
penser que la déforestation romaine a été d’envergure. Si cette question
importe, c’est avant tout parce qu’elle s’accorde avec l’hypothèse selon
laquelle les Romains se heurtaient à des limites écologiques. Mais elle a eu
aussi une influence sur le climat. La disparition des forêts n’a pu qu’inhiber
les précipitations. Elle augmente l’effet albedo (l’énergie renvoyée par la
surface de la Terre), si bien que davantage de chaleur est réverbérée. En
conséquence, il y a moins d’évaporation de l’humidité du sol dans la basse
atmosphère. Ce sont des effets très puissants. Selon certains modèles
climatiques, cette séquence a eu pour effet la baisse du niveau des
précipitations dans le monde méditerranéen, en particulier pendant l’été.
On peut penser que la déforestation romaine a interagi avec des traits
naturels du changement climatique de l’Holocène tardif pour faire basculer
le climat du monde méditerranéen vers un régime où les précipitations
s’espacent en été. Dans ce scénario, des causes naturelles et
anthropogéniques ont interagi au moment du glissement de l’OCR vers les
siècles de difficultés qui arrivaient63.
Le climat de Rome, sous les jours heureux de l’Empire, a été un puissant
incubateur de croissance. Il servait d’énergie au moteur agricole de
l’économie. Les récoltes dépendent dans le temps des niveaux de
température et de précipitations. Des changements soutenus des
températures de l’ordre de ceux connus sous l’OCR ont permis aux paysans
de cultiver des céréales sur de nouveaux espaces à des altitudes plus
élevées. Pline l’Ancien fait l’éloge de l’excellence du blé italien et prétend,
au passage, qu’il poussait dans les « montagnes » ; le fait que le blé
poussait en altitude est quelque chose de remarquable. On estime, non sans
prudence, qu’une augmentation de température de 1 °C dans les montagnes
d’Italie aurait pu procurer un surplus de 5 millions d’hectares de terres
arables ; c’est une superficie suffisante pour nourrir entre 3 et 4 millions de
personnes64.
L’OCR n’a pas seulement permis d’élargir les surfaces cultivées, il a
aussi augmenté la productivité. Le rendement de l’agriculture
méditerranéenne augmente avec les températures. Même si le
réchauffement est un cadeau pour les paysans, un hiver doux (pendant la
période de germination et de croissance des semis) y contribue davantage
qu’un été brûlant. Et l’eau est indispensable à la croissance des plantes.
Dans le monde méditerranéen, elle est rare, et les orages, pluies, grêles,
imprévisibles. Dans les anciens territoires de l’Empire romain, le rendement
du blé leur était étroitement soumis. En bref, ce que nous avons appris de
l’OCR confirme les auteurs romains spécialistes de l’agriculture. Ils
aimaient faire le récit de rendements extraordinaires, mais ce qu’ils
supposaient être des rendements ordinaires a souvent semblé trop favorable
en comparaison de ce que nous connaissons de la productivité agricole
italienne au Moyen Âge. L’OCR a été une bénédiction pour les rendements
de la culture du blé dans le monde méditerranéen65.
L’OCR pourrait avoir tempéré les risques agricoles majeurs par la
fréquence de pluies plus largement distribuées que dans les périodes
suivantes. Comme les vestiges des techniques d’irrigation que l’on compte
partout dans le monde romain le montrent, la gestion de l’eau était une
préoccupation primordiale pour les paysans. Le pire des risques était que le
niveau des pluies d’une année donnée tombe en dessous d’un seuil critique,
environ 200-250 mm pour l’orge et 300 mm pour le blé. Pas une année
n’échappait au terrible risque de faillite totale. Sur la base de données
modernes, Peter Garnsey a estimé que, dans certaines régions de la Grèce,
la récolte de blé peut être un fiasco une année sur quatre, celle de l’orge une
année sur vingt. Aussi, la diversification, l’intégration et d’autres formes de
réduction des risques sont-elles des pratiques envisagées dans toutes les
régions du monde méditerranéen en vue d’assurer le minimum vital. Mais
la régularité des pluies pendant l’OCR a dû être un puissant allié dans la
réduction des dangers d’une crise de subsistances liée au manque d’eau.
Étant donné l’importance des effets de seuil et des risques courus par
l’agriculture méditerranéenne, les conditions de l’OCR ont constitué un
formidable filet de sécurité pour tous les paysans vivant aux limites de la
subsistance66.
La quantité de pluie et la longueur de la saison de croissance des plantes
sont des facteurs limitant la culture d’autres produits agricoles. Les
Romains admettaient eux-mêmes la possibilité de cultiver des olives et du
raisin, sensibles au gel, dans des régions où la « longue rigueur de l’hiver »
en rendait autrefois la culture impossible. Les cartes actuelles qui
définissent la zone du climat méditerranéen par les limites des oliveraies
sont trompeuses si l’on ne garde pas à l’esprit qu’elles ont varié au fil du
temps. On trouve, par exemple, des vestiges de pressoirs à olives sur des
sites en Grèce romaine entre 500 et 700 mètres au-dessus du niveau de la
mer, bien au-dessus de la ligne actuelle de culture des oliviers : ou bien les
paysans faisaient l’effort de transporter leur récolte dans la montagne, ou
bien ce sont les ruines d’une agriculture en altitude qui a disparu avec le
changement climatique. En résumé, les conditions de l’OCR ont permis de
rendre cultivables des zones qui ne l’étaient pas auparavant et qui ne le
seraient plus ensuite67.
Le climat a été l’arrière-fond qui a permis le miracle. L’OCR a
transformé les territoires sous la domination de Rome en un gigantesque
jardin. Si on fait seulement le compte des terres marginales pouvant
désormais être cultivées en Italie grâce à des températures plus élevées,
même avec les estimations les plus prudentes, cela nous permet de rendre
compte de l’ensemble de la croissance qui se produisit entre le règne
d’Auguste et celui de Marc Aurèle. Dans une telle perspective, le labeur de
l’homme peut sembler jouer un rôle négligeable. C’est là que s’enracine le
fatalisme des paysans. L’emprise décisive du climat est une leçon
d’humilité.
Dans une perspective historique, on commence seulement à savoir
repérer les vagues de croissance et de contraction soumises à l’histoire du
climat. La « Nature » qui hantait les cauchemars de Malthus prend toute sa
réalité. Mais les choses n’ont jamais été fixes. L’environnement matériel de
la civilisation humaine a été bien plutôt un arrière-fond capricieux et
inconstant pour les entreprises humaines. Il ne faut pas hésiter à souligner la
toute-puissance de la nature dans les fortunes changeantes de la civilisation,
mais cette place n’exclut ni le pouvoir des humains ni le pur hasard. Le
commerce, la technologie et le climat ont agi à l’unisson pour favoriser
l’efflorescence romaine. Ils se sont mutuellement renforcés. Une production
agraire étendue, fiable et fertile a permis la spécialisation qui est au cœur du
commerce. La fertilité a généré des richesses à l’origine d’un capital
technologique.
L’OCR a catalysé une expérience de croissance sans précédent par son
échelle et par son ambition. Mais le miracle romain n’a été stable que sur la
base de cette conjonction sous-jacente qui dépendait étroitement de
puissances échappant à tout contrôle humain68.
Résilience. Tensions et endurance dans l’Empire romain
L’empereur Hadrien était un voyageur sans repos. Selon les mots de son
ancien biographe, « jamais peut-être aucun Prince ne parcourut autant de
régions avec autant de célérité ». En 128 apr. J.-C., ses voyages l’amenèrent
à traverser les provinces africaines. Il a laissé le souvenir d’un Prince
proche de tous, une réputation confirmée incidemment par une inscription
trouvée au quartier général des légionnaires d’Afrique, rapportant en détail
un discours que l’empereur avait prononcé en personne après avoir inspecté
la legio III Augusta. Cette visite devait rester longtemps dans les mémoires
même si c’est pour une autre raison69.
On pouvait croire que la présence de l’empereur apportait la fin tant
attendue d’une longue période de sécheresse. « Lorsqu’il vint en Afrique, il
y avait cinq ans qu’il n’était pas tombé de pluie : à son arrivée, il plut, et
cette circonstance le fit chérir des Africains. » Par ailleurs, cette même
sécheresse est rapportée sur deux inscriptions contemporaines, gravées à la
demande du commandant des légionnaires dont Hadrien fait l’éloge dans
son adresse aux troupes. Un écho distant de la sévérité de la sécheresse
pourrait se refléter dans le prix du blé en Égypte : sur dix prix connus du blé
de l’Égypte romaine avant la grande pestilence, le plus élevé datait de 128
apr. J.-C. (seulement quatre ans plus tôt, sur le même domaine, le blé était
vendu 25 % moins cher). Quoi que l’on pense des pouvoirs transcendants
de l’empereur sur les cieux, des enquêtes historiques fiables ont révélé que
ses efforts incluaient une mesure tout à fait pratique, la construction d’un
grand aqueduc acheminant l’eau jusqu’à Carthage. S’étirant sur plus de
120 km, il fait partie des plus grands équipements aquifères jamais
construits par les Romains70.
La grande sécheresse africaine des années 120 apr. J.-C. pourrait avoir
été la première manifestation d’une période d’aridité qui allait se poursuivre
dans toute la région au cours des siècles suivants. Cet épisode nous rappelle
aussi, s’il en était besoin, que l’âge d’or de l’Empire ne fut pas une période
de tranquillité et de calme. Une grande instabilité climatique est la marque
du monde méditerranéen et l’OCR a, tout au plus, modéré les excès d’une
imprévisibilité au jour le jour. Des crises épidémiques aiguës n’étaient pas
rares, au moins à l’échelle locale ou régionale. L’instabilité dynastique et les
conflits géographiques le long des frontières ont été des traits permanents
de l’entreprise impériale romaine. Sous le règne d’Antonin le Pieux, le
moment phare de la Pax Romana, le professeur de rhétorique du prince
héritier Marc Aurèle pensait que l’Empire ressemblait avant tout à une île
battue par les vents, menacée par les tempêtes, les pirates et les flottes
hostiles. L’adversité n’a jamais été absente du monde romain mais à son
apogée l’Empire a bénéficié d’une capacité hors du commun à maintenir
l’ordre au milieu de turbulences incessantes71.
La résilience est la mesure de la capacité d’une société à absorber les
chocs et à se remettre des traumatismes. Toutes les sécheresses ne se
terminaient pas par une famine et toutes les épidémies par un effondrement.
Mais cela pouvait être le cas et, comme les chemins empruntés par l’histoire
ne relèvent pas seulement du hasard, il est besoin de concepts adéquats pour
expliquer les liens entre de tels troubles et leurs conséquences. Le
paradigme de la résilience convient bien car il nous aide à concevoir
l’Empire romain sous la forme d’un organisme constitué de systèmes
(agricoles, démographiques) écologiques interdépendants. Ces systèmes
voient, à leur tour, leurs fonctions menacées par toute une série de risques
que les acteurs humains cherchaient à limiter par des stratégies apprises de
protection, de stockage et de création d’excédents. La réponse au risque
avait un coût élevé, ce qui faisait que la capacité à les gérer n’était pas sans
limite ; la tension était inhérente au système ; des menaces différentes ou de
nouveaux chocs risquaient encore d’ajouter une pression systémique
supplémentaire.
Le paradigme de la résilience nous permet de comprendre pourquoi la
réaction du système à une cause extérieure est non linéaire ; des
mécanismes de rétrocontrôle, des seuils critiques et des changements
opérationnels sur différentes échelles de temps faisaient qu’une sécheresse
pouvait avoir des effets invisibles, alors qu’une autre exactement de la
même ampleur peut sembler avoir fait basculer la société dans une
catastrophe irréversible72.
L’Empire romain avait intégré les innombrables petites stratégies de
résilience économique qui ont rendu possible la civilisation dans le monde
méditerranéen. Le climat requiert ici une capacité de réponse rapide et la
sagesse paysanne accumulée au cours du millénaire a permis de protéger les
cultivateurs des turbulences de la nature. Des stratégies de diversification,
de stockage et d’intégration ont évolué pour réduire le danger des années de
pénurie. On n’a pas de meilleur observateur de la vie rustique dans
l’Antiquité que Galien. Le médecin avait des raisons professionnelles de
s’intéresser au régime alimentaire des paysans. Il a dressé la liste des
céréales exotiques qui continuaient à être cultivées en priorité dans de
nombreux coins perdus de l’Empire. Son regard aigu remarque des
habitudes non grecques : « L’orge est employé pour fabriquer du pain dans
de nombreux endroits du monde. » Même autour de la Pergame de Galien,
les paysans faisaient leur pain avec moins de céréales, « non sans,
d’ailleurs, en avoir rapporté en ville une quantité assez considérable ». Dans
les périodes de grande pénurie, les paysans privilégiaient les graines de
millet ou d’autres cultures pour temps difficiles ; frustes, œuvres modestes
mais fiables, les récoltes de crise étaient une police d’assurance contre la
faim. Toutes les formes de stockage jouaient le même rôle et les écrits de
Galien nous fournissent une masse d’informations sur la constitution de
stocks de glands, et sur le séchage et la conservation des légumineuses, des
fruits et des végétaux73.
Le climat méditerranéen a également favorisé l’évolution de normes
culturelles protégeant contre les risques les plus graves. Les idéaux
traditionnels d’autosuffisance, de réciprocité et de clientélisme vont main
dans la main. Le rêve paysan d’autarcie n’est pas réaliste mais il a pour
conséquence un sentiment de fierté et d’indépendance. Dion de Pruse, un
philosophe et homme politique grec écrivant quelques générations avant
Galien, raconte la rencontre avec une famille paysanne dans son célèbre
Euboean Oration. La famille avait marié l’une de ses filles à un homme
riche d’un village voisin ; quand on leur demanda s’ils avaient reçu l’aide
de cet homme, la femme du paysan le nia avec aigreur et insista sur le fait
que c’était plutôt eux qui avaient donné du gibier, des fruits et des légumes
à leur fille et à son riche mari ; ils avaient emprunté du blé pour semer mais
l’avaient payé dès la récolte accomplie. Même arrangée, cette histoire
montre bien les « notions jumelles d’autosuffisance et de réciprocité74 ».
Et la réciprocité entre des inégaux à l’ombre d’un système de
clientélisme est une tradition profondément enracinée dans les sociétés
stratifiées de l’Empire. Dans les lettres de la même époque du riche
sénateur romain Pline le Jeune, on surprend par instants le patron
bienveillant au plus haut niveau accordant aides et faveurs à ses clients.
L’attente d’une générosité paternaliste pesait lourdement sur les riches,
garantissant aux membres moins haut placés de la société un secours en cas
d’urgence prélevé sur leurs richesses accumulées. Naturellement, les riches
exigeaient en retour respect et loyauté, et dans l’Empire romain il fallait en
permanence prendre garde à la frontière étroite entre clientélisme et
subordination75.
Ces stratégies de résilience poussées à l’extrême faisaient partie des
pratiques des anciennes cités. Diversification et stockage étaient adaptés à
l’échelle concernée. Le stockage de vivres au niveau urbain était la
première ligne d’assurance. Sous l’Empire, les dimensions monumentales
des entrepôts attestent que la sécurité alimentaire était la priorité politique.
Bien plus, les villes se développaient organiquement le long des cours d’eau
là où elles n’étaient pas totalement dépendantes de leur seul arrière-pays.
Les villes en pleine campagne étaient plus vulnérables face aux chocs
climatiques brutaux. « Car si les villes maritimes supportent sans difficulté
des disettes de ce genre, puisqu’elles livrent leurs produits et reçoivent ceux
qui leur viennent par mer, nous sur le continent, nous ne pouvons tirer profit
du superflu ni nous procurer le nécessaire, n’ayant pas les moyens de
vendre ce que nous avons ou d’importer ce que nous n’avons pas76. »
En cas de crise alimentaire, le gouvernement romain était prêt à
intervenir, parfois en fournissant directement des vivres ou, plus
simplement, en supprimant les profits inconvenants. En 92-93 apr. J.-C., un
hiver cruel provoqua une augmentation du prix des céréales en Pisidie ;
grâce à une inscription, nous savons que le gouverneur romain condamna
l’injustice consistant à profiter de la situation et bloqua le prix des céréales
à son niveau précédent, « pour que la masse des gens ordinaires aient les
moyens d’en acheter ». Souvent, l’intervention était de nature privée. Dans
les villes classiques, une idée enracinée voulait que les riches utilisent leurs
ressources pour des biens publics visibles ; cette culture d’évergétisme
civique, si caractéristique de l’économie morale de la cité classique, n’était
rien d’autre que le renforcement des normes de réciprocité et de
clientélisme qui protégeaient les individus contre les aléas de
l’environnement. On sait qu’un noble de la Macédoine romaine qui
occupait le poste de grand prêtre faisait réparer les routes à ses propres
frais, organisait des jeux et des concours pour le peuple et finançait des
combats avec des bêtes sauvages et des gladiateurs ; plus significatif, il
vendait des céréales en dessous du prix du marché « en cas d’urgente
nécessité »77.
Les empereurs pratiquaient la même stratégie à grande échelle.
L’empereur Trajan « détourna et dirigea les fruits de la terre un jour là, un
jour ailleurs, selon le moment et la nécessité. Il nourrit et protégea une
nation en danger au-delà des mers comme s’il s’agissait d’une partie du
peuple et de la plèbe romaine ». « Plus que tout autre empereur, Hadrien
avait visité de nombreuses cités et il « prit soin de toutes », c’est-à-dire
donnant de l’eau à certaines, des céréales à d’autres, des travaux publics ou
de l’argent ou des honneurs à d’autres encore78.
Le système de résilience le plus habituel était constitué par les entrepôts.
Les vestiges des greniers publics monumentaux où on stockait les vivres de
la métropole restent stupéfiants. On disait que l’empereur Septime Sévère
avait pris si assidûment soin du ravitaillement de Rome, qu’au moment de
sa mort il y avait assez de céréales en stock pour nourrir la cité pendant sept
ans. L’allocation de céréales était un droit politique du peuple impérial, sous
le patronage de l’empereur. Les habitants de Rome avaient un droit de
préemption sur la générosité de ce dernier. Une lettre impériale du IIe siècle
trouvée à Éphèse promet que la cité orientale pourra se procurer des
céréales égyptiennes à condition que la moisson soit suffisante pour Rome.
« Si, comme nous en prions les dieux, le Nil nous gratifie d’une crue
normale et si la moisson de blé en Égypte est abondante, alors vous serez
parmi les premiers servis après la patrie. » Au IIe siècle, quelque 200 000
citoyens de Rome recevaient 5 modii de blé chaque mois ; cela fait un total
de 80 000 tonnes annuellement, seulement pour l’allocation publique. Pour
nourrir le million de bouches de la capitale, une flottille de navires chargés
à ras bord de céréales parcourait les mers. L’arrivée des navires formant
l’avant-garde de la flotte alexandrine était toujours un événement,
provoquant l’arrivée de foules joyeuses de spectateurs bouche bée sur les
rives italiennes. Mais le plus remarquable, c’est que le transport de céréales
à Rome était confié à des entrepreneurs privés ; les marchands recevaient de
modestes subsides pour apporter les céréales dans la cité, mais le marché
bénéficiait d’une telle résilience que, sous le Haut-Empire, Rome pouvait
être nourrie sans qu’on ait besoin d’avoir recours à un système élaboré de
réquisition79.
Le système de ravitaillement était solidement établi pour empêcher les
chocs brutaux et de court terme. La résilience du système de ravitaillement
permet de mettre en lumière, par contraste, l’infrastructure relativement
légère qui était censée amoindrir l’impact des changements
démographiques. Au prochain chapitre, nous nous pencherons sur la
situation sanitaire de Rome, mais il faut dès maintenant souligner que les
Romains étaient quasiment impuissants face à la mortalité épidémique. Ils
disposaient de peu d’outils pour freiner les menaces des maladies
infectieuses ou pour se remettre vite de pertes importantes. L’ancienne
médecine était, pour le dire sans fard, certainement plus nuisible qu’utile.
Alors que les soins de base n’étaient d’aucun secours aux malades et aux
personnes souffrantes, la prescription de bains chauds ou d’eau glacée
comme la pratique très commune des saignées n’aboutissaient qu’à
augmenter le nombre de morts. Les gens ordinaires se tournaient vers
l’omniprésente magie. L’État romain connaissait la technologie des mises
en quarantaine qui s’est développée à la fin du Moyen Âge, mais la
conception religieuse de la maladie semble avoir dicté les réponses
publiques : les Grecs et les Romains réagissaient aux événements mortifères
par des sacrifices ésotériques, et l’érection de statues apotropaïques
d’Apollon censées repousser la maladie. Même les rudiments de santé
publique étaient totalement absents sous l’Empire romain.
Le taux de mortalité était en dents de scie et, en l’absence de tout moyen
efficace pour changer les choses, la réponse de l’Antiquité a été de stimuler
la fécondité. De plus, l’adoption était une habitude dans la vie en société ;
c’était une réponse adaptée à un taux de mortalité qui menaçait en
permanence la survie des familles. La pratique très répandue dans l’ancien
monde consistant à exposer les enfants avait souvent pour conséquence leur
mort ou leur réduction en esclavage, mais il faut la voir comme une valve
de sécurité dans un système fondé sur un taux élevé de fécondité.
Finalement, la facilité des migrations à l’intérieur de l’Empire permettait
une sorte de résilience démographique ; le mouvement vers les villes
écrémait les surplus de population dans certaines zones au profit de celles
qui en manquaient. Mais, in fine, la logique biologique s’imposait. Les
sociétés humaines de l’âge de fer tardif disposaient de peu de moyens pour
empêcher les effets d’une crise de mortalité aiguë. Quand ces accès de
mortalité n’ont plus été seulement des catastrophes locales, ce fut un choc
sans précédent qui fit tituber l’Empire80.
Tout comme les sociétés du monde romain étaient construites pour
résister aux pressions des turbulences écologiques, le système impérial avait
été conçu pour supporter les revers de fortune politique. Le régime mis en
place par le premier empereur, Auguste, s’est maintenu dans le temps.
Rome était dirigée par un monarque absolu, même s’il n’en avait pas le
nom, qui administrait un immense territoire avec l’aide presque exclusive
de l’aristocratie sénatoriale. C’était une aristocratie fondée sur la richesse et
les règles pour y être admis étaient précises ; c’était une aristocratie de
service dont les membres étaient en compétition les uns avec les autres. Les
taux très faibles de succession intergénérationnelle impliquaient que la
plupart des aristocrates « venaient de familles qui faisaient entrer un de
leurs membres en politique pour une seule génération81 ».
L’empereur était le commandant en chef, mais les sénateurs gardaient
avec un soin jaloux leur droit d’occuper de hauts postes à la tête des légions
ou les postes prestigieux de gouverneurs. L’aristocratie impériale contrôlait
tout l’Empire à travers un très faible nombre d’administrateurs. L’écheveau
du pouvoir ne réussissait à s’imposer que parce qu’il s’appuyait sur un
réseau d’aristocrates locaux où que ce fût dans tout l’Empire. On a dit des
villes qu’elles étaient les piliers de « soutènement » de l’Empire et leurs
élites recevaient des incitations spéciales comme la citoyenneté romaine et
des possibilités d’être intégrées au dessus du panier. Le faible taux de
taxation laissait beaucoup de place à la spéculation de la part de
l’aristocratie des cités. Le succès considérable du « grand compromis »
entre la monarchie militaire et les élites locales a permis à la société
impériale d’absorber des changements profonds mais graduels – comme la
provincialisation de l’aristocratie et de la bureaucratie – sans compromettre
l’ordre social82.
Au Ier siècle, un Empire fondé sur les conquêtes s’était transformé en un
Empire territorial symboliquement unifié avec des taux de taxation réguliers
et rationnels, même s’ils restaient hétérogènes. L’armée continuait, à
l’occasion, à mener des campagnes de conquête à grande échelle, mais la
plus grosse partie de son activité était de nature défensive et on la décrirait
sans la trahir comme un mélange d’ingénierie civile et de surveillance
locale. Grâce à une gestion prudente, la puissance politique de l’armée est
restée latente durant tout le Haut-Empire. La coordination des machines
fiscale et militaire sur trois continents avec des technologies de
communication et de déplacement de l’âge de fer est l’une des réussites
globales les plus importantes des temps préindustriels83.
La stabilité fondamentale de l’Empire augustéen masque le fait que le
régime était sous la menace constante de dangers intérieurs et extérieurs.
Alors que le fantôme de la République s’évanouissait dans le passé, la
possibilité d’un changement révolutionnaire du régime était aussi illusoire
qu’un rêve.
Mais la solution dynastique mise en place par Auguste était fragile et les
empereurs sains d’esprit ont eu beaucoup de mal à assurer leur succession
en douceur. La biologie était souvent, d’une manière ou d’une autre, mise
en échec et les crises de succession ont été une caractéristique permanente
du régime. Un système fondé sur le mariage monogame et un niveau élevé
de mortalité a laissé de nombreux empereurs sans descendant biologique. Si
l’on établit des comparaisons, les règnes incroyablement brefs des
empereurs romains multipliaient les incertitudes pesant sur le système
dynastique. Les longs règnes et la série de successions impériales par
adoption au cours des jours heureux de Gibbon ont été une anomalie – un
mélange de chance et de stabilité. Occasionnellement, comme en 69, 193 ou
entre 235 et 238 apr. J.-C., l’incertitude s’est transformée en guerre civile
ouverte. Mais, même en cas de changement dynastique, le nouveau patron
ressemblait beaucoup à l’ancien, en plus provincial souvent.
C’est un testament en faveur d’une profonde continuité que l’historien
Dion Cassius, au début du IIIe siècle, pouvait mettre dans la bouche de
Mécène pour décrire les fondamentaux d’un régime qui s’était maintenu
pendant toute la période le séparant d’Auguste. La stabilité du système
augustéen est due à la résilience de l’aristocratie, de l’administration, des
cités et de l’idéologie impériale qui soutenait le régime84.

Carte 6 Vestiges du pouvoir impérial romain (données issues


de <darmc. harvard.edu)

On attendait avant tout de celui-ci qu’il fût victorieux. Victoria était


vénérée comme la déesse de l’Empire, symbolisant les prouesses martiales
et la sécurité garantie par les armes. Le maintien de la légitimité impériale
et de l’hégémonie militaire avait un coût élevé. La totalité du budget de
l’État sous le Haut-Empire était de l’ordre de 250 millions de denarii, dont
environ les deux tiers étaient consommés par l’armée (les salaires des civils,
le ravitaillement en céréales, les infrastructures et le clientélisme étaient les
autres postes importants) ; si le PIB était d’environ 5 milliards de denarii,
alors la dépense d’État équivalait à 5 % du PIB environ. L’État tirait ses
revenus annuels d’une grande quantité de terres et de taxes individuelles, en
plus des tributs, des impôts sur les héritages, des affranchissements et des
recettes diverses des mines appartenant à l’État.
L’incidence de la taxation romaine était supportable. Comme le système
fiscal a évolué en zigzag au cours des opérations de conquête et de
diplomatie, les taux d’imposition sont restés hétérogènes jusqu’aux
réformes de la fin du IIIe siècle ; les moyennes sont trompeuses mais un taux
de 10 % sur la production agricole annuelle est certainement très proche de
la vérité. En équivalent blé, on a pu s’apercevoir que l’État romain
collectait davantage sur une base par tête que les gouvernements anglais ou
français au XVIIe siècle, même si le niveau atteint était bien en dessous des
taux révolutionnaires prélevés dans les États modernes du XVIIIe siècle85.
La machine fiscale ne disposait que d’une faible marge de manœuvre. En
théorie, les taux visés auraient permis au Trésor de collecter un modeste
surplus chaque année. En réalité, les collectes centrales étaient
probablement très en dessous des objectifs fixés. Le taux supportable était
un indice de la résistance des provinces et la réussite des levées dépendait
de la collusion entre les élites locales et les agents de recouvrement, comme
ces « publicains » qui sont les emblèmes du mal dans le Nouveau
Testament. Les empereurs avaient régulièrement besoin d’argent liquide. (À
Vespasien, la célébrité pour avoir taxé les latrines publiques et rassuré son
fils Titus, qu’il fallait convaincre, que l’argent n’a pas d’odeur : pecunia
non olet.) Domitien (qui a régné entre 81 et 96 apr. J.-C.) a augmenté d’un
tiers la solde annuelle des soldats – l’unique augmentation au cours des
deux siècles séparant Auguste de Septime Sévère ; sa générosité a épuisé
les finances de l’État. Au IIe siècle, Hadrien a dû abolir les dettes envers le
gouvernement et seulement deux générations plus tard, suite à la pandémie,
Marc Aurèle renouvelle la chose. Même si ces remises de dettes ont été
présentées comme des actes de générosité, elles signalent en fait que, fût-ce
à l’apogée de la prospérité impériale, financer un empire tricontinental
n’allait pas sans difficultés86.
La domination militaire de Rome peut amener à surestimer la réalité de la
« paix ». Le Grand Strategy of the Roman Empire (« La grande stratégie de
l’Empire romain »), d’Edward Luttwak, est instructif sous cet angle. Alors
que l’Empire était devenu territorial, l’hégémonie reposait sur une
économie de la violence. La priorité stratégique était le déplacement de
celle-ci sur les frontières extérieures des provinces ; mais, au fil du temps,
leur protection est devenue un objectif politique.
Le système des frontières romaines résume la résilience de l’Empire ;
elles devaient plier mais ne pas rompre, afin de gagner du temps au profit
de l’immense supériorité logistique de nature à submerger les ennemis.
Même le rival le plus développé dans l’orbite de Rome se débanderait
devant l’avance des colonnes de légionnaires. La paix romaine n’était donc
pas l’absence prolongée de guerre mais sa dispersion aux extrémités de
l’Empire. La paix, à supposer que cela n’ait jamais été un objectif concret
de l’État romain, est restée inaccessible, toujours repoussée au-delà de
l’horizon. Même au cours des supposés jours heureux, sous le règne
d’Antonin le Pieux, les conflits aux frontières et au-delà étaient courants.
Sous son règne, on sait qu’il y a eu une rébellion en Grèce, un soulèvement
des Juifs, de sérieuses opérations militaires en Bretagne, des désordres en
Dacie et en Afrique plus une révolte en Espagne. Il y a eu une importante
altération de la monnaie vers 155-157 apr. J.-C. Il est significatif qu’Aelius
Aristides, auquel on doit le grand éloge de l’Empire romain, soit
probablement aussi l’auteur d’une autre oraison dont on a longtemps cru
qu’elle avait été prononcée dans le chambardement du IIIe siècle ; en fait,
c’est probablement Antonin le Pieux qui y est décrit comme menant l’État à
bon port au milieu d’une violente tempête87.
Le navire en pleine mer, battu par les vents, était une métaphore
fréquente pour parler de l’Empire à son apogée. Elle nous rappelle aussi, de
surcroît, qu’un navire ne chavire pas sous le poids d’une seule vague
géante. Même si les catastrophes imminentes qui allaient bientôt faire
trembler l’Empire sur ses bases étaient d’un ordre de grandeur bien
supérieur à tout ce qu’il avait déjà connu, leurs effets ont été subtils et on
n’en a compris l’importance que beaucoup plus tard. Même face aux
conséquences des malheurs imminents, l’Empire était capable de puiser
dans ses capacités de résilience pour sauver le navire de l’État.
Ce schéma complique évidemment le récit de l’histoire romaine. Bien
des choses étaient près d’arriver simultanément, à la fois dans l’ordre
constitutionnel, dans les plaines du Danube et sur le plateau iranien. Mais
les effets de la crise antonine ont mis un terme à une certaine trajectoire,
celle d’un développement social exubérant qui autorisait la stabilité du futur
et la facilité de la direction de l’Empire, même confronté à de perpétuelles
tensions. Une fois que le sol s’est dérobé sous les pieds des Romains, avec
l’avènement d’un environnement naturel moins hospitalier et d’un nouvel
ennemi microscopique plus féroce que tous ceux que les Romains avaient
affrontés jusque-là, les nuages noirs apparaissant à l’horizon commencèrent
à se montrer plus menaçants que jamais.
Un âge nouveau
Quand Galien s’était rendu pour la première fois à Rome en 162 apr. J.-
C., il avait pu être le témoin d’un mouvement contraire sur les routes et les
voies maritimes, une mobilisation militaire massive en direction des
provinces orientales. La Parthie allait affronter de plein fouet le pouvoir
romain. Le roi Vologèse IV avait profité de l’accession au pouvoir de Marc
Aurèle et Lucius Verus pour tester la volonté des jeunes empereurs. Lucius
devait rejoindre Antioche qui servirait de quartier général à la plus grande
opération militaire qui se fût déroulée depuis un demi-siècle. Cette guerre
allait alimenter un profond sentiment de jubilation qui se transformerait en
effroi. Les Romains en sont venus à se persuader que la campagne parthe de
Lucius Verus était responsable de la pandémie qui s’était abattue sur
l’Empire. En fait, la guerre a été à la fois une démonstration de la puissance
romaine à son apogée et un retournement subtil de la vague88.
Lucius Verus et Marc Aurèle voulaient que l’Empire étale ses muscles.
Les Romains pouvaient perdre une bataille, mais ils possédaient sans
aucune discussion possible ce que Luttwak a appelé la « maîtrise de
l’escalade ». Ce ne fut nulle part ailleurs aussi évident que lors de la
campagne parthe. Antioche était le centre du commandement ; pour
renforcer les liaisons avec les lignes de ravitaillement au cœur de l’Empire,
les ingénieurs romains redessinèrent le paysage en construisant un canal qui
facilitait la navigation sur l’Oronte. Au moins trois légions furent envoyées
de l’Europe vers l’Asie, parcourant plus de 3 600 km sur les routes
romaines.
Une concentration tout aussi impressionnante d’expérience militaire fut
réunie pour mener campagne. À la différence de la plupart de leurs pairs
aristocrates, Marc Aurèle comme Lucius Verus n’avaient aucune expérience
personnelle du commandement sur le terrain. Mais l’assemblée des vétérans
a fait plus que compenser ce manque. Les commandants sénatoriaux les
plus décorés de tout l’Empire, y compris C. Avidius Cassius, un sénateur
d’origine syrienne (et descendant des rois séleucides) qui s’était distingué
sous le règne d’Hadrien, faisaient partie du conseil de guerre. Ce cabinet
reflétait l’ordre impérial : il était composé de l’élite sénatoriale désormais
ouverte aux talents provinciaux, entraînée à commander dans les zones
éloignées de l’Empire parfois récalcitrantes.
En ordre de combat, la machine impériale était sans pitié. La guerre
provoqua une déroute sanglante. Encore une fois, les Romains montrèrent
leur capacité à répandre la violence à une gigantesque échelle. Quand elles
étaient alignées sous un commandement unique, concentrées sur un théâtre
spécifique et sécurisées par des lignes de ravitaillement, les armées
romaines du IIe siècle étaient une force sans égale, même contre le rival le
plus formidable de l’Empire89.
Les nouvelles de la victoire furent acclamées dans la capitale. Quand
Lucius Verus retourna à Rome en 166 apr. J.-C., la cité connut le premier
triomphe officiel depuis un demi-siècle. Mais, rapidement, les nouvelles
venues d’Orient eurent la couleur du sang. L’un des héros de la campagne,
Avidius Cassius, avait autorisé ses troupes à mettre le siège devant Séleucie
sur le Tigre, une ville hellénistique en Babylonie. Au croisement des routes
commerciales, Séleucie était la « plus grande des cités », l’équivalent des
métropoles de l’Empire ; elle avait vite capitulé, mais les Romains mirent
néanmoins la ville à sac, accusant les habitants de trahison. Même en
fonction des normes romaines, le degré de violence atteint là-bas était
perturbant.
Pendant le pillage, un légionnaire romain tenta de renverser un trône dans
le temple. C’était le sanctuaire du dieu connu sous le nom d’Apollon à la
Longue Chevelure. Ce fut alors, selon les Romains, une vapeur
pestilentielle porteuse de l’« incurable germe de cette horrible peste qui,
sous le règne de Verus et de Marc Aurèle, porta de la Perse aux rives du
Rhin, et de là dans toute la Gaule, la contagion et la mort ». Cette histoire
est devenue le récit officiel de l’arrivée d’une pestilence inhabituelle dans
l’Empire romain. En vérité, la campagne parthe et le sac de Séleucie ont été
d’une importance tout à fait secondaire dans le déclenchement et le
cheminement de l’événement mortel destiné à être qualifié par le nom de
famille des empereurs : la peste antonine. Elle est la marque d’une nouvelle
époque à la fois pour les Romains et dans l’histoire naturelle90.
Alors que l’étrange maladie se frayait un chemin dans tout l’Empire,
Galien s’efforçait d’abréger sa carrière à Rome, d’où il s’échappa de
justesse « comme un déserteur ». Il se hâta de rejoindre Brindisi et de
« prendre le premier bateau qui se présentait ». Galien craignait d’être
retenu par les empereurs. Son appréhension se révéla justifiée. Lucius Verus
mourut mais Marc Aurèle convoqua Galien à Aquilée où il avait dressé son
camp d’hiver dans l’attente d’une campagne militaire vers le nord. Marc
Aurèle et Galien faisaient face à une mortalité qui ne ressemblait à rien de
ce qu’ils avaient connu. Le cours de leur vie allait être transformé par la
progression de la « grande peste ». En un sens, la peste antonine était le
fruit du hasard, la conséquence imprévisible de milliers d’années
d’expérimentation de l’évolution. Au même moment, l’Empire – ses
connexions globales et ses réseaux de communications rapides – avait créé
les conditions écologiques pour qu’éclate la première pandémie de
l’histoire91.
Chapitre 3
La vengeance d’Apollon

Quand, en 144 apr. J.-C., Aelius Aristides, le talentueux orateur que


nous avons rencontré au chapitre précédent, prononça devant l’empereur
Antonin le Pieux son discours « En l’honneur de Rome », il n’était pas au
mieux de sa forme.
Au moment de son arrivée à Rome – où il précédait Galien d’une
génération –, c’était encore un jeune provincial ambitieux venu tenter sa
chance dans la plus grande des villes. Son passé l’y avait bien préparé. Né
dans une famille aristocratique, Aristides avait eu dans sa jeunesse pour
tuteurs un choix de célèbres professeurs de rhétorique. À la mort de son
père, il avait remonté le Nil, alors le grand voyage par excellence. S’il ne
parvint pas à atteindre la partie supérieure du fleuve, la plus exotique, il
garda néanmoins en mémoire des expériences hautes en couleur qu’il
évoquerait tout le restant de sa vie. Un peu plus tard, il s’aventura dans la
capitale. Il prit la direction de l’ouest en suivant la Via Egnatia, la grande
voie qui traversait les Balkans. Sur le chemin, contracta un refroidissement
tenace qu’un sombre climat et un environnement marécageux aggravèrent.
Il avait du mal à respirer et devait se forcer à manger. « En ce qui concerne
les dents, j’étais dans tous mes états, en sorte que je mettais les mains sous
la mâchoire comme si, à chaque instant, je devais les recueillir. » Atteint de
fièvres, « il n[’y] avait plus le moindre espoir de salut » au moment où il
atteignit Rome. Quand il prononça son discours il sortait à peine de ce qu’il
avait cru être son lit de mort1.
Le récit de sa maladie à Rome n’est que le premier épisode de ce qui
constitue le journal médical le plus intime qui nous soit parvenu du monde
antique, les Discours sacrés. Il s’agit d’un hommage au dieu guérisseur
Asclépios qu’Aristides considérait comme son sauveur. Sa maladie romaine
fut le début d’une lente descente aux enfers qui le mettrait dans la
dépendance de cette divinité. Il souffrait de troubles intestinaux, de
migraines, de phtisie, de catarrhe, de tumeurs, d’épilepsie et de fièvres.
Aristides passa sa convalescence dans le temple d’Asclépios à Pergame
(qui, d’une certaine manière, était aussi chic qu’une clinique médicale de
Beverly Hills l’est aujourd’hui), et où Satyros, le maître de Galien, le
soigna. Des années plus tard, Galien a évoqué la constitution fragile de
l’orateur. Aujourd’hui, certains pensent parfois que les maladies dont
Aristides tenait la chronique relevaient de causes « psychosomatiques »,
d’une névrose ou d’une hypocondrie. Mais c’est injuste. Pour tout dire, les
traitements qui lui furent administrés auraient entraîné la perte de bien des
personnes en pleine santé. Déjà, à Rome, ce qu’il subit, épouvante. « À la
fin, les médecins me firent des scarifications en commençant par la poitrine,
partout successivement jusqu’à la vessie en bas. Mais quand on m’appliqua
les ventouses, il y eut interception totale du souffle, une torpeur
douloureuse m’envahit, impossible à supporter, toutes les matières étaient
mêlées de sang, je fus affaibli par ces purgations successives. » Ce n’était
que le début de toute une vie vouée à recevoir des soins. Pendant des
décennies, Aristides fut la victime de remèdes allant du sadique au
simplement bizarre. Mais on n’a aucun motif de douter de la réalité
physiologique de son misérable état de santé2.
Malgré tout, Aristides parvint à devenir l’orateur le plus célèbre de son
temps. Quand un tremblement de terre dévasta Smyrne, le plaidoyer
d’Aristides en faveur d’un secours immédiat arracha des larmes à Marc
Aurèle (et, tenant son rôle dans cette relation réciproque qui s’imposait
alors – le grand compromis entre les empereurs et les cités –, il offrit son
aide). Dans l’Antiquité, les Discours sacrés ont été immédiatement loués de
toute part et les Anciens ne voyaient pas, comme les Modernes, en leur
auteur un personnage excentrique. Les thérapies qu’il s’imposa sur les
conseils des dieux et des médecins s’intégraient parfaitement aux pratiques
médicales normales au IIe siècle. Aristides a pu souffrir beaucoup plus que
la moyenne mais, à une époque où la maladie était pour chacun une
virtualité toujours menaçante, sa détresse et sa recherche de secours
fascinaient parce qu’elles étaient un exemple de cette solidarité dans le
malheur qui réunissait tous les êtres humains3.
Dans les captivants Discours sacrés, un cas rapporté permet de
comprendre sans ambigüité de quoi souffrait Aristides. Loin d’être
exceptionnel, ce récit illustre, mieux que tout, qu’il était bien de son
époque. Alors qu’il séjournait dans les faubourgs de Smyrne au milieu de
l’été de l’an 165 apr. J.-C., une pestilence « s’était saisie de presque tous
[ses] voisins ». Ses esclaves tombèrent malades, puis Aristides lui-même
attrapa l’infection. « Tous ceux qui quelque part avaient été frappés gisaient
au hasard devant les portes […]. Ce n’était partout que découragement,
lamentation, gémissements, tristesse générale4. »
Ce constat fait en incidence n’est qu’une toute petite pièce d’un bien plus
grand puzzle, mais c’est la plus ancienne attestation venue du monde
méditerranéen de l’événement connu sous le nom de peste antonine.
Aristide, qui fut lui-même atteint d’une « lésion persistante » à la gorge, a
décrit la « violente inflammation de bile de toute espèce ». Il était à l’agonie
et néanmoins se rétablit : il pensait qu’un jeune garçon qui mourut au
moment précis où la fièvre le saisissait, avait joué le rôle d’une sorte de
lugubre substitut. On a suggéré que c’est cette guérison qui l’avait poussé –
le patient reconnaissant envers Asclépios et le dévot d’Apollon – à écrire
les Discours sacrés, une offrande solennelle faite à un Empire accablé par
le poids de la pandémie. Aristides peut être considéré comme le symbole
d’une société totalement démunie face à la maladie – et qui allait bientôt
être plongée dans le drame d’un événement biologique d’une magnitude
sans précédent dans un monde pourtant frappé sans répit par des vagues
d’épidémies mortelles5.
Dans les années 160 apr. J.-C., l’Empire romain se retrouva au carrefour
de l’évolution historique d’une maladie infectieuse émergente. La rencontre
catastrophique n’avait pourtant rien d’inéluctable. La peste n’était pas
l’effet boomerang prévisible d’une croissance exponentielle et l’Empire
romain n’a certainement pas été victime d’un choc malthusien, c’est-à-dire
d’une expansion démographique qui aurait outrepassé les capacités des
ressources de base indispensables. Mais la pestilence n’a pas non plus été
un phénomène purement fortuit. Les conditions écologiques propres à
l’Empire favorisaient ce type d’événements. Pour comprendre le rôle des
maladies dans le monde romain, il nous faut arriver à penser l’Empire en
tant qu’environnement pour d’invisibles hôtes. La densité de l’habitat
urbain, les transformations permanentes des paysages, le réseau dense des
connexions internes – mais aussi au-delà de ses frontières – ont contribué
tous ensemble à créer une écologie microbienne unique.
Je vais tenter dans ce chapitre de faire la synthèse de tout ce que l’on sait
sur la biologie de la mort dans l’Empire, en mettant l’accent sur les
microbes particuliers qui l’ont harcelé. Les Romains sont peut-être la
première civilisation où ce difficile exercice peut être tenté. On doit à tous
ceux qui ont exploré le passé romain la découverte de ressources
inattendues qui vont nous y aider. Car nous n’avons pas seulement le
témoignage d’un génie médical disert, comme Galien, pour nous guider,
mais aussi celui des pierres, des os et des génomes. Les inscriptions
funéraires, l’étude matérielle des squelettes et, de plus en plus, les
recherches moléculaires sur les agents pathogènes eux-mêmes contribuent à
dessiner un portrait plus global de la santé et de la biologie humaine dans
l’Empire romain. Ce que nous apprenons ainsi nous met souvent en appétit
sans toujours nous autoriser à conclure. Mais les Romains pourraient avoir
bâti leur empire à un moment particulièrement dangereux de l’histoire, et
l’on commence seulement à distinguer les grands traits encore flous d’une
plus fraîche étude de l’évolution des maladies infectieuses dans laquelle les
siècles de civilisation romaine constituent une étape particulièrement
importante.
Même si l’on prend comme référence les sociétés sous-développées, les
habitants de l’Empire étaient en mauvaise santé. On avancera, sans crainte
de démenti, qu’ils étaient, comme Aristides, riches mais malades. Les cités
fétides de l’Empire étaient des boîtes de Petri grouillantes de parasites
intestinaux. La violente transformation des paysages a favorisé les fléaux
comme le paludisme. Le réseau dense des routes a stimulé la propagation
des infections chroniques dans tout l’Empire. Mais le tournant a été le
surgissement de maladies infectieuses se transmettant directement d’humain
à humain. Il est probable que ce que Galien a baptisé « grande pestilence »
ait été, en vérité, la variole. C’était de toute évidence une maladie dotée de
l’exceptionnelle capacité de se répandre dans tout l’Empire, de se frayer
rapidement un chemin grâce aux routes sur terre et sur mer qui reliaient la
mosaïque de villes et de peuples sous domination romaine. La création de
nouvelles portes d’entrée assurant la migration des germes et la
construction de grandes voies quadrillant l’Empire en tous sens avaient
préparé le terrain pour la pandémie.
La peste antonine a été quelque chose sans comparaison avec ce que l’on
affrontait, attisant un réflexe primitif de terreur religieuse chez tous les
peuples de l’Empire. Il y a quelque chose de juste dans le blâme finalement
attribué à Apollon : c’était une divinité protéiforme, qui franchissait à l’aise
les frontières et était, depuis le règne d’Auguste, étroitement associée à
l’image même de l’Empire. L’irruption de la pandémie marqua le début
d’une nouvelle époque.
Vers une écologie des maladies dans l’Empire romain
Avant le triomphe de la santé publique et des antibiotiques, les maladies
infectieuses étaient l’ennemi public numéro un de l’humanité. Des
infections banales à staphylocoque jusqu’aux célèbres super-tueurs comme
la variole ou la peste bubonique, elles ont longtemps été la principale cause
de mortalité. Mais les germes mortels menaçant l’humanité ne constituent
pas un ensemble fixe ; ils changent au fil du temps et varient dans l’espace.
L’ensemble des maladies romaines étaient particulières à une époque et à un
lieu. Pour l’imaginer, il faut regarder le monde avec les yeux des germes et
accomplir le voyage au fil de l’évolution en compagnie de ces organismes
microscopiques avec lesquels nous partageons la planète. Que l’on résiste à
la tentation de voir la manière dont l’Empire romain a fait l’expérience
d’agents pathogènes comme une situation quelconque, des germes montant
sur scène ou disparaissant, comme cela aurait toujours été le cas. Ce serait
passer totalement à côté du moment critique qu’ont été le Ier millénaire dans
l’histoire jamais terminée des maladies infectieuses, et la rencontre à un
moment précis de l’Empire romain avec des agents pathogènes spécifiques6.
La révolution génomique a permis de comprendre l’histoire des maladies
humaines dans leur transformation incessante. La facilité grandissante avec
laquelle on procède au séquençage génomique comme les nouvelles
techniques pour récupérer de l’ADN au cours des fouilles archéologiques,
même en mauvais état de conservation, nous permettent de procéder à une
remontée dans le temps comme jamais auparavant. La génomique permet
de saisir les grandes étapes de l’évolution et de reconstruire ainsi le « grand
arbre de la vie » darwinien « dont les branches mortes et brisées sont
enfouies dans les couches de l’écorce terrestre pendant que ses magnifiques
ramifications, toujours vivantes et sans cesse renouvelées, en couvrent la
surface ». Les systèmes de relations génétiques – les arbres
phylogénétiques – nous délivrent les cartes du passé microbien, révélant les
relations établies au cours de l’évolution et nous aidant ainsi à localiser la
place d’un organisme dans le temps et l’espace. Quand des génomes
récupérés au cours de fouilles archéologiques peuvent être restaurés, ils
n’indiquent pas seulement l’existence d’espèces données à un moment
particulier du passé – ils nous aident aussi à étendre et enrichir les
phylogénies microbiennes et, du même coup, à comprendre l’évolution des
agents pathogènes7.
Ces archives biologiques commencent seulement à chambouler un récit
qui avait réussi à s’imposer jusqu’à la génération qui nous a précédés, avant
que ne triomphent les données moléculaires. Dans cette histoire
traditionnelle, depuis le Paléolithique les humains sont censés transporter
avec eux un « patrimoine familial » de germes de base et de parasites hérité
de nos ancêtres hominiens. Il s’agirait de vieux amis bien adaptés à la vie en
notre compagnie, même si beaucoup d’entre eux étaient de pures nuisances.
Au moment même où nos ancêtres chasseurs-cueilleurs se répandaient sur
toute la planète, ils auraient dans le même temps attrapé de nouveaux
parasites, « mémoire » de leurs périples. Mais le fardeau des agents
pathogènes aurait été, tout compte fait, léger. Puis la révolution néolithique
aurait constitué un big-bang de violentes maladies infectieuses. Des
microbes dépendant de la densité de population se seraient alors épanouis
pendant que nos ancêtres nomades créaient des villes ; les maladies auraient
alors pu glisser des animaux domestiqués aux humains vivant à leur contact
étroit. Selon McNeill, le maître incontesté de l’histoire des maladies avant
que nous ne disposions de données moléculaires – dans Plagues and
Peoples [« Pestes et peuples »] –, le développement de civilisations plus
raffinées aurait favorisé la « confluence de réservoirs des maladies
civilisées » en Eurasie. Les réservoirs discrets de tueurs endémiques du
début du Néolithique se seraient propagés avec d’effrayants effets
génocidaires alors que les sociétés entraient en relation les unes avec les
autres. La connectivité globale aurait été à l’origine d’une métamorphose,
d’abord dans le vieux monde puis, dans un second temps, en franchissant
les océans8.
Cette façon de raconter l’histoire était encore largement improvisée,
fabriquée artisanalement à partir de quelques fragments d’épidémiologie, de
géographie, de médecine animale et – un peu plus tard – de sources écrites
qui pouvaient être réunis en un récit cohérent. Une ingénieuse construction
en a résulté et il est remarquable que sa validité se soit maintenue si
longtemps dans ses grandes lignes. Il arrive que des données moléculaires
confirment directement les intuitions des anciennes générations
d’historiens. Ainsi, il est vrai que dans certains cas notre relation la plus
intime avec des espèces domestiquées a constitué un pont microbien
important : la rougeole, par exemple, est une maladie bovine qui nous a
contaminés (même si, de fait, c’est seulement à la fin de la période
romaine). Dans d’autres cas, la généalogie des germes – comme la
généalogie humaine – s’est révélée pleine de surprises. La tuberculose, par
exemple, est l’ancêtre de la maladie qui infecte les bovins : nous avons
rendu les vaches malades et non pas l’inverse. Mais la révolution
conceptuelle va plus loin et la découverte la plus surprenante est la mise au
jour d’une dynamique jamais terminée et d’une créativité sans frein de
l’évolution elle-même9.
Les premiers humains vivaient dans un environnement de germes très
différent du nôtre, mais affrontaient aussi des adversaires qui nous sont
familiers. Certaines familles de virus, comme celle des picornavirus – à
laquelle appartiennent les redoutables entérovirus et rhinovirus (à l’origine
du banal rhume) –, sont diverses, distribuées globalement et communes
chez un grand nombre de vertébrés, et ont donc été avec nous avant que
nous ne soyons ce que nous sommes. D’autres microbes qui peuvent vivre
dans l’environnement ou dans des hôtes animaux sans dépendre des
humains n’ont pas eu besoin de la civilisation pour nous infliger de terribles
coups. Le trypanosome africain, ou maladie du sommeil, est une maladie
vectorielle transmise par la mouche tsé-tsé – une calamité pour les humains
de la préhistoire à nos jours. Et un nombre limité d’humains ont pu survivre
aux maladies infectieuses chroniques. Le pian, une infection tropicale
causée par la bactérie à l’origine de la syphilis, est très ancien. Des études
génétiques en cours promettent de projeter une nouvelle lumière sur la
panoplie des maladies auxquelles nos ancêtres du Paléolithique se
confrontèrent10.
Il doit aussi y avoir des chapitres fugaces de cette histoire définitivement
effacés après une fin brutale. Aussi longtemps que les humains se sont
répandus dans le monde sous forme de bandes se déplaçant avec lenteur,
des maladies létales graves ont pu exploser ; l’agent pathogène a pu infecter
si rapidement un nombre important d’individus que la population touchée a
pu s’effondrer avant même que le germe ne parvienne à gagner d’autres
groupes humains. Aussi, en plus de transporter des microbes de faible
virulence, encore aujourd’hui causes de maladies, nos ancêtres cueilleurs-
chasseurs ont dû être assaillis par de nouveaux germes virulents issus de
l’évolution et hébergés par des animaux sauvages – dont l’extinction a été
rapide ou qui se sont repliés dans la nature. Mais, au total, les peuples du
Paléolithique ont bénéficié d’une écologie des maladies plus bienveillante11.
La révolution néolithique demeure une transition décisive. Elle est à
l’origine de modes de vie sédentaires, de régimes alimentaires plus
monotones, d’habitats plus denses, de transformation des paysages, et de
nouvelles technologies de déplacement et de communication. Tout cela a eu
des conséquences sur l’écologie microbienne comme sur la structure et la
distribution des populations humaines. Dans certains cas, les conséquences
ont dû être quasiment immédiates ; dans ces nouvelles circonstances des
maladies longtemps refoulées à l’arrière-plan se sont développées. L’état
sanitaire et la promiscuité étaient les problèmes fondamentaux de la vie
urbaine, aussi devons-nous prêter attention aux simples dysenteries dont
l’importance ne doit pas être sous-estimée, aux fièvres typhoïde et
paratyphoïde, aux rhinovirus et autres parasites cachés dans la nourriture ou
les matières fécales causes de mortalité dans les villes antiques depuis le
début de l’histoire de la civilisation. Les fléaux des premiers temps de la vie
urbaine n’ont pas été de grands tueurs fascinants mais de banales diarrhées
quotidiennes, des fièvres et des rhumes.
Indépendamment de son importance sur une longue période, la révolution
néolithique n’apparaît plus comme le big-bang de l’histoire des maladies
infectieuses. Le développement de l’agriculture a perdu sa place prioritaire
parce que nous n’avons plus besoin d’imaginer un moment singulier où
l’humanité serait entrée en contact fatal avec un arrière-plan plus ou moins
immuable de germes mortels en puissance. L’expérience du XXe siècle nous
a appris à notre détriment que les maladies infectieuses émergentes sont une
menace constante. Les animaux de ferme ne sont qu’une petite partie du
réservoir biologique d’où des agents pathogènes émergent. Le pouvoir
ininterrompu du monde sauvage de susciter de nouveaux adversaires a été
une nouvelle fois illustré par le récent surgissement de fléaux comme Zika,
Ebola et le SIDA. En bref, la nature est un réservoir rempli de germes et de
nouveaux adversaires en puissance, et les mutations génétiques sont
constamment à l’origine de dangereuses expériences moléculaires. Ces
expériences insidieuses de l’évolution ne sont pas réparties au hasard tout
autour du globe. Même aujourd’hui, le fardeau des maladies infectieuses
pèse lourdement sur les tropiques. Il en a toujours été ainsi. Le gradient
latitudinal des espèces est le modèle de biodiversité le plus largement
observé sur la planète, et il est loin de se limiter aux micro-organismes. Aux
latitudes les plus basses, épargnées par les anéantissements provoqués par
les âges glaciaires à répétition, l’horloge de l’évolution a simplement tourné
plus longtemps. Bien plus, davantage d’énergie arrive du soleil – et donc
plus de vie et une plus grande complexité. La biogéographie des maladies
infectieuses ne suit donc pas la distribution spatiale de la domestication des
plantes et des animaux ; elle obéit davantage aux principes essentiels de
l’écologie géographique. Comme on le verra, il apparaît que les trois
grandes pandémies romaines ont été importées des climats les plus au sud ;
la troisième – la peste bubonique – est selon toute vraisemblance une
créature des steppes, transportée par des rongeurs sauvages. Les maladies
infectieuses peuvent émerger presque partout, mais les dés sont pipés dans
certaines régions du globe12.
L’interface qui a occupé le rôle principal entre l’humanité et les nouvelles
maladies n’est pas la cour de ferme mais tout l’éventail des oiseaux, des
mammifères et des autres créatures qui sont les incubateurs de nouveaux
agents potentiellement pathogènes pour les humains. Aussi la croissance
manifeste du nombre d’humains et l’interconnexion entre des groupes
humains auparavant disparates ont été une occasion privilégiée pour les
germes. En colonisant presque tous les recoins de la planète, nous avons
agrandi l’interface entre nous-mêmes et les zones d’expérimentation de
l’évolution ; en nous multipliant de manière envahissante jusqu’à devenir
plusieurs milliards, nous avons favorisé les ambitions des microbes
cherchant à faire carrière en tant que germes de mort. Et les connexions que
nous avons progressivement créées entre les sociétés humaines ont relié
entre eux les réservoirs d’anciens germes et, plus en profondeur, transformé
les groupes autrefois isolés les uns des autres en une méta-population
destinée à être explorée par des tueurs en goguette. Le principal drame de
l’histoire des maladies a été l’émergence permanente de nouveaux germes
abrités par des hôtes sauvages, s’abattant sur des groupes humains liés
ensemble par des pactes toujours plus grands d’infection mutuelle
garantie13.
L’écologie et l’évolution sont le moteur de l’histoire des maladies
infectieuses. L’histoire souterraine des maladies infectieuses humaines n’a
pas d’abord été un effet secondaire de la domestication en tant que tel, mais
bien plutôt un effet de la croissance explosive en taille et en complexité des
populations qui adoptaient l’agriculture ou restaient nomades, et donc la
mise en relation de ces populations les unes avec les autres et avec des
parties du globe qui sont des zones de ferments d’évolution explosives.
Cette représentation reste encore en partie obscure bien que nos
connaissances progressent vite. Les données génomiques mettent de plus en
plus l’accent non pas sur les débuts du Néolithique mais bien plutôt sur les
millénaires récents comme théâtre où l’action a vraiment eu lieu. L’âge de
bronze, avec ses technologies métallurgiques et ses réseaux de connexion,
pourrait bien avoir été biologiquement plus volatil et intéressant que ce que
l’on imaginait il y a peu encore : la peste vient d’être récemment découverte
dans des vestiges archéologiques en Eurasie centrale. L’âge de fer, qui mène
tout droit à l’avènement du monde classique, semble avoir été l’une des
périodes majeures du cours de l’évolution des grandes maladies comme la
tuberculose14.
L’histoire des maladies et de la civilisation humaine est un récit plein de
paradoxes et de conséquences qui déroutent.
Maladies, santé et mortalité dans l’Empire
Rome, quelle merveille ! Un passage du Talmud traduit le sentiment de
primauté dans le grandiose que la capitale pouvait inspirer à ses visiteurs :
« La grande cité de Rome a 365 rues, et dans chaque rue il y a 365 palais.
Chaque palais a 365 étages, et chaque étage contient assez pour nourrir le
monde entier. » Tout l’Empire était objet d’admiration. « La puissance de
Rome est invincible dans tous les coins habités du monde. » Mais la
grandeur qui était celle de Rome a tout autant constitué une aubaine pour
ses habitants invisibles que pour ses créateurs humains15.
L’Empire romain a créé une écologie des maladies dont ses initiateurs ne
pouvaient pas même commencer à imaginer les ramifications. Il a été à
l’origine d’une concentration urbaine d’une densité jamais vue auparavant
et que l’on ne verrait plus avant des siècles. Il a facilité les déplacements et
les liens entre des régions géographiques exceptionnellement étendues et
diverses. L’échelle des transformations environnementales sous domination
romaine constitue le développement écologique le plus grand ayant jamais
eu lieu entre le Néolithique et la révolution industrielle. Les réseaux
commerciaux reliant les Romains à des peuples installés au-delà des
frontières, en particulier en Afrique et en Asie, étaient plus importants que
tout ce qu’on avait jamais vu jusque-là. Et, échappant à tout contrôle
humain, après une période de stabilité tout au long de l’Optimum
climatique romain, une ère de troubles climatiques spectaculaires a débuté à
la fin du IIe siècle.
Le passage du temps a rendu les intrus microscopiques qui se sont
répandus dans l’Empire romain presque aussi invisibles pour nous
aujourd’hui qu’ils l’étaient pour les Anciens, inconscients de l’existence des
germes jusqu’à la fin. C’est seulement par des moyens d’approche indirects
que l’on peut espérer saisir le régime des maladies et l’état de santé des
citoyens de l’Empire. L’image reste très lacunaire. Il est même inadapté de
parler de l’écologie des maladies romaines au singulier. Comme on s’en
apercevra, l’Empire lui-même a été une force d’unification microbienne et
la période romaine s’insère logiquement dans l’histoire des maladies, mais,
étant donné l’immensité de l’Empire abritant une quantité innombrable de
milieux microbiens singuliers, les nuances et les variations des écologies
propres à chaque contexte environnemental faisaient toute la différence à
petite échelle. Zoomer dans et hors de l’Empire ne permet pas de rendre
justice à un ensemble dont l’écosystème des germes ressemblait davantage
au paysage d’une zone humide extrêmement variée et totalement irrégulière
qu’à un seul marécage homogène.
Le moyen le plus sûr de mesurer la santé d’une société est l’espérance de
vie moyenne. Elle est le Saint-Graal de la démographie historique romaine
et, comme le Saint-Graal, la perspective de sa découverte a toujours reculé
à l’horizon. On ne connaît toujours pas avec certitude la durée de vie des
Romains. Notre ignorance commence avec la question cruciale de la
mortalité infantile. Il semble que les Romains prenaient le risque de sevrer
leurs enfants très tôt, les privant de l’immunité maternelle et les exposant
ainsi aux agents infectieux présents dans la nourriture et l’eau. Jusqu’à
30 % des enfants nés dans l’Empire pourraient ne pas avoir surmonté la
périlleuse première année, si bien que toute référence à une espérance de
vie « moyenne » est inévitablement déformée par l’incertitude prononcée de
pareils débuts16.
La voie la plus prometteuse consiste à s’intéresser aux traces de la
taxation impériale livrées par les données des recensements conservés dans
les papyrus d’une province, l’Égypte. Ces documents fournissent un profil
de la distribution par âge de la population enregistrée. Cette distribution
peut, à son tour, nous donner une représentation abstraite de la durée de vie
sous la forme d’une table type de mortalité. Grâce à cette approche, des
chercheurs ont émis l’hypothèse que l’espérance de vie à la naissance (e0)
était de 27,3 années pour les femmes et de 26,2 pour les hommes dans
l’Égypte romaine. On ne sait évidemment pas précisément si l’État romain
prenait en compte de manière précise toute la population et une sous-
estimation est presque certaine. Pis encore, les tables types de mortalité sont
fondées sur l’étude des populations récentes et n’intègrent pas avec
précision les conditions de vie dans le monde romain. Aussi, les
recensements conservés sur papyrus sont-ils plus utiles pour donner une
idée qu’une conclusion. Finalement, il semble plus prudent de dire que
l’espérance de vie à la naissance dans l’Empire romain se situait entre vingt
et trente ans, et était dans cette partie du territoire probablement dans la
moyenne des deux17.

Figure 6 Pièce d’or (aureus) célébrant la fertilité de l’impératrice :


Fecunditas Augustae (American Numismatic Society)

Dans l’une des sous-populations que l’on connaît le mieux – celle des
empereurs – on décédait à un rythme qui laisse penser que le taux de
mortalité était élevé. Cet échantillon, modeste mais révélateur, montre que
les dirigeants avaient une durée de vie aussi courte que les plus humbles de
leurs sujets. « Les bénéfices potentiels d’une alimentation largement
suffisante ont été plus que mis en cause par l’exposition constante à
l’ensemble des germes malveillants. » Les riches auraient été protégés par
une nourriture abondante, un habitat plus sain et, surtout, par la possibilité
de se retirer à la campagne pendant les mortels mois d’été. Mais ce type de
sauvegarde s’est révélé insuffisant, comme la vie privée de l’empereur
Marc Aurèle nous le rappelle de manière émouvante. Lui et sa femme
Faustine furent promis l’un à l’autre en 138 apr. J.-C., alors que cette
dernière avait huit ans et Marc Aurèle dix-sept. Quand elle atteignit ses
quinze ans en avril 145, ils se marièrent. Au cours des vingt-cinq années
suivantes, Faustine donna naissance à au moins quatorze enfants. Deux
seulement – une fille et un garçon – ont, que l’on sache avec certitude,
survécu à leurs parents. Dans ses lettres, Marc Aurèle évoque les fièvres et
les diarrhées qui terrassèrent tant de rejetons de la lignée impériale, et leur
père stoïcien fit preuve de malchance. Quoi d’étonnant à ce que Marc
Aurèle ait demandé à Galien dont la réputation grandissait de devenir le
médecin personnel de son fils, Commode18 ?
Nous savons beaucoup de choses grâce aux écrits venus jusqu’à nous. En
l’absence d’une telle documentation, les ossements viennent à notre
secours. Les squelettes racontent des histoires. Les colonnes vertébrales et
les articulations témoignent des maladies chroniques handicapantes ou des
conséquences implacables d’un dur labeur. La voûte crânienne et les orbites
sont capables de conserver la trace d’une maladie comme l’hyperostose
porotique, un marqueur de l’épuisement. L’analyse chimique des isotopes
stables révèle le régime alimentaire et les migrations. Les dents gardent la
trace de la manière de se nourrir et de l’état de santé. Elles sont corrodées à
jamais par les hydrates de carbone, et aux stries sur l’émail de témoigner de
difficultés au cours du développement. En bref, le fardeau biologique
supporté par les habitants de l’Empire romain est resté inscrit dans leurs
corps19.
Comme les textes conservés, les traces sur les squelettes recèlent des
incertitudes et des biais cachés. Mais, si on procède avec soin, il est
possible d’en limiter les risques et la grande promesse de la bio-archéologie
dépend de la quantité et de la distribution des vestiges ostéologiques dans
l’Empire. Par malheur, la science n’a pas encore totalement exploité le
potentiel des restes des squelettes trouvés par les archéologues. Des
méthodes mal standardisées, un partage inégal des données et de l’accès au
matériel et de fortes différences entre observateurs limitent les conclusions
que l’on peut en tirer. Mais des recherches de très grande qualité sont en
cours, en priorité dans la province insulaire de Bretagne20.
Le fait le plus pertinent dans les données recueillies sur les squelettes, ne
serait-ce pas, tout simplement, la longueur des os ? La taille est une donnée
fruste mais intéressante du bien-être biologique. Elle varie dans le temps et
l’espace. Les gènes influencent les variations de taille, mais c’est aussi le
cas des facteurs sociaux et environnementaux qui favorisent ou freinent la
croissance. La taille dépend sans conteste de l’alimentation nette : ce que
l’on reçoit comme nourriture moins la dépense métabolique due au travail
et aux maladies pendant la période de développement. La courbe de
croissance du corps est plastique mais seulement, en étant approximatif,
pendant les vingt premières années ; le corps peut en partie « rattraper son
retard » de croissance après des périodes de privation ou d’épreuves jusqu’à
la fin de la croissance. Les protéines sont les briques de construction idéales
de la croissance, si bien que la consommation de viande est un facteur
essentiel pour atteindre la bonne taille. Essentiel, donc, le régime
alimentaire. En même temps, les maladies infectieuses sont une dépense
coûteuse pesant sur l’équilibre de la balance nette de l’alimentation. Le
métabolisme du système immunitaire est vorace et de nombreuses maladies
bloquent l’absorption des nutriments. La santé de la mère a également des
conséquences d’importance en cascade et à long terme sur le bien-être des
nourrissons21.
Aujourd’hui, le développement économique a été à l’origine d’une
« accélération de croissance » globale. Vers 1580, la taille des Hollandais
variait en moyenne entre 1,64 m et 1,65 m ; aujourd’hui, ils atteignent
1,83 m – la plus élevée au monde. Dans certaines parties de l’Asie du Sud-
Est, le changement a été stupéfiant. En 1950, les hommes japonais
mesuraient 1,60 m ; aujourd’hui, ils font 1,73 m. Dans le monde développé,
on a désormais la taille permise par nos gènes et, grosso modo, la modernité
a permis à l’humanité de grandir d’environ 30 cm22.
En principe, les centaines de milliers ou plus de squelettes conservés
dans les cabinets muséographiques constituent une archive potentielle de
l’histoire de la taille. Mais déterminer la taille à partir d’ossements constitue
un défi décourageant, et nous manquons toujours d’une bonne étude
complète prenant en compte les différentes régions de l’Empire. Bien plus,
même si l’estimation de la taille est peut-être plus significative que la
longueur des os, convertir la mesure de ces derniers en une détermination
de la taille se heurte à des incertitudes contrariantes. L’une des façons de
résoudre ce défi méthodologique est de considérer à la fois l’estimation de
la taille et la mesure du fémur. Le fémur est moins sensible que d’autres os
au stress, il se conserve bien et il est facile à mesurer23.
En Bretagne, la conquête romaine a été une catastrophe sanitaire et la
chute de l’Empire une bénédiction biologique. Les habitants de la Bretagne
romaine ont vu leur taille diminuer pour atteindre probablement 1,64 m
environ en moyenne pour les hommes et 1,54 m pour les femmes. La
meilleure étude disponible montre que la longueur moyenne des fémurs
dans la Bretagne romaine était de 444 mm pour les hommes et de 413 mm
pour les femmes ; dans la Bretagne postromaine, elle était de 465 mm pour
les hommes et de 429 mm pour les femmes. Incontestablement, nos
ancêtres du début du Moyen Âge auraient pu regarder de haut les
Romains24.

Tableau 3 Longueur des fémurs trouvés en Bretagne (données de


Gowland et Walther, à paraître)

Fémurs romains Fémurs anglo-saxons


Longueur moyenne Quantité Longueur moyenne Quantité
Hommes 444 290 464,8 155
Femmes 412,9 231 429,22 130
En Italie, la totalité de la période romaine se présente sous la forme d’une
courbe plate entre les pics de l’âge du fer et du début du Moyen Âge. Une
méta-étude fait état d’une taille plutôt convenable pour les Romains, mais
sa qualité est problématique. Les échantillons examinés n’inspirent pas
confiance. Plus important, si on ajoute une dimension chronologique même
grossière à ces données et si on complète l’analyse avec des données plus
récentes, il devient évident que les Italiens de la période impériale romaine
étaient plus petits que leurs ancêtres de l’âge de fer et de la République25.
Aujourd’hui, une seule étude de la taille en Italie romaine dans le temps
est fiable et elle prouve que les peuples préromains d’Italie étaient plus
grands que les Romains. La longueur des fémurs masculins décroît, passant
de 454 mm à 446. Au Moyen Âge, la taille des hommes s’est à nouveau
accrue, dépassant les moyennes de l’âge de fer. Les fémurs masculins
mesuraient désormais en moyenne 456 mm et ceux des femmes 420 mm.
De plus, les os distaux des bras et des jambes – radius et tibias – traduisent
des pertes encore plus importantes à l’époque romaine, entre 3 et 4 %,
environ deux fois le pourcentage de régression des fémurs. Les chercheurs
considèrent que la taille italienne moyenne sous l’Empire romain était
d’environ 1,64 m pour les hommes et 1,52 m pour les femmes26.
Pourquoi les Romains étaient-ils petits ? La malnutrition est la réponse
habituelle et il serait présomptueux de l’écarter. Mais il faut résister à la
tentation d’établir un lien automatique entre la petite taille des Romains et
la pauvreté de l’alimentation et inclure aussi, au moins en partie, le poids
des maladies. Il existe des raisons de douter que le régime alimentaire soit
la principale raison. Longtemps, on s’est appuyé sur des sources écrites en
provenance des classes supérieures trop peu fiables pour constituer une
référence sérieuse au régime alimentaire romain ; désormais, on sait
analyser la signature chimique de ce que les Romains mangeaient,
conservée dans leur os. Les isotopes stables de carbone et d’hydrogène se
trouvent à l’état naturel dans l’environnement ; du fait du poids de leurs
neutrons supplémentaires, les isotopes lourds sont recyclés dans la nature de
manières légèrement différentes. Un exemple ? Les isotopes d’hydrogène
indiquent la place dévolue à un être dans la chaîne alimentaire. Le ratio
d’isotopes stables reflète ainsi les origines des nutriments à l’origine du
développement des os humains27.

Figure 7 Longueur moyenne des fémurs masculins en Italie


(mm) (voir annexe A)
Figure 8 Longueur moyenne des fémurs en Italie (mm) (données
de Giannecchini et Moggi-Cecchi, 2008)

À nouveau, la prudence s’impose, car les données sont limitées et l’on


sait déjà qu’il n’y a rien qui mériterait le nom de « régime alimentaire
romain » – seulement l’agrégation de différents régimes déterminés
socialement et régionalement. Mais il apparaît que de nombreux Romains,
même parmi les plus pauvres, ne se nourrissaient pas seulement de pain.
Les corps inhumés, si humble soit leur sépulture, ont eux aussi gardé les
traces d’un régime enrichi avec des protéines animales en particulier
d’origine marine. La plupart des études ont eu pour objet des populations
dans et autour de l’urbs de Rome, mais des données recueillies en Bretagne
suggèrent de la même manière que le régime alimentaire comprenait de la
viande et de petites quantités de produits de la mer. La composition
chimique des os humains confirme les grandes quantités d’ossements
animaux exhumés au cours des fouilles archéologiques et apporte la preuve
d’une consommation de viande. On ne peut pas douter que, dans une
société très stratifiée, de nombreux Romains étaient condamnés au
minimum pour leur subsistance. Il y a certainement encore beaucoup de
recherches à engager mais, pour ce que nous en savons, les ossements
n’impliquent pas une évidente malnutrition comme cause du rapetissement
des Romains28.
L’examen de la dentition nous amène à la même conclusion : les
maladies auraient joué un rôle primordial dans leur état sanitaire. Une étude
très importante a comparé les dents retrouvées sur deux sites impériaux
avec celles de la population du début du Moyen Âge. Aucune de ces
époques ne constitue un exemple en matière d’hygiène buccale, mais les
pathologies repérées étaient importantes tout en étant différentes. Les dents
du début du Moyen Âge ont des caries, des lésions causées par une
nourriture déséquilibrée en hydrates de carbone. Les dents romaines, quant
à elles, montrent une incidence plus grande d’un défaut de croissance
appelé hypoplasie linéaire de l’émail (HLE). L’HLE survient au cours de
l’enfance quand le corps est si malmené que la production d’émail est
stoppée. La malnutrition ou les maladies infectieuses – ou la combinaison
des deux – en sont responsables. Une autre étude portant sur 77 travailleurs
ruraux déterrés dans un cimetière datant de l’époque impériale dans la
banlieue de Rome atteste d’une très forte fréquence de défauts de croissance
de l’émail mais de peu d’autres pathologies orales. Le régime alimentaire
de cette population comprenait une part importante de viande et les hydrates
de carbone raffinés sont marginaux. De nouvelles études seront nécessaires
mais, en fonction de ce que l’on a déjà appris, nous estimons que les
vestiges dentaires montrent une population qui n’était pas soumise à un
stress physiologique au-delà du supportable, mais vivait dans un monde où
les maladies pesaient de tout leur poids29.
Il est intéressant de prendre en compte les conclusions semblables tirées
d’une séquence inhabituellement bien conservée de cadavres romains
inhumés dans le Dorset, soit le sud-ouest de l’Angleterre. Jusqu’au IIe siècle
environ, les Romains incinéraient leurs morts. Aussi est-on souvent
confronté à une carence de données précisément à la fin de la République et
au début de l’époque impériale. La séquence ininterrompue d’inhumations
dans le Dorset nous fournit donc la possibilité, rare, d’observer les
changements. L’arrivée de l’Empire a entraîné la construction précipitée de
la première ville de style romain avec bains et aqueducs, canalisations,
systèmes de chauffage et latrines. Malgré tous ces charmes, une réponse
raisonnable à la question « Qu’est-ce que les Romains ont fait pour nous ? »
n’aurait-elle pas été : « Nous rendre malades » ? Le taux de mortalité a
grimpé en flèche. Ce sont les jeunes et les personnes âgées qui ont le plus
souffert – précisément les segments de la population chez qui l’immunité
est la plus faible. Les hommes s’en sortaient moins bien que les femmes –
on doit se rappeler que les femmes disposent d’une immunité naturelle
meilleure que celle des hommes. L’urbanisation, la stratification sociale et
la mobilité ont rendu la population plus vulnérable aux maladies
infectieuses. Des schémas semblables ont été trouvés de l’autre côté de
l’Angleterre, à York, où l’établissement de l’Empire a rendu
l’environnement plus insalubre, à l’origine à la fois d’un rétrécissement du
spectre alimentaire et d’une plus grande exposition aux maladies
infectieuses. La civilisation romaine était dangereuse pour la santé dans les
provinces30.
Toutes ces données nous amènent à la conclusion, et ce ne sera pas la
dernière fois, qu’un bond en avant précoce dans le développement social
entraîne des retours de bâton biologiques. Alors que l’âge d’or hollandais
atteignait des sommets que le monde n’avait jamais connus en termes de
revenus, la taille moyenne des habitants stagnait. Le brusque mouvement en
avant de la révolution industrielle demeure célèbre pour l’aggravation des
conditions sanitaires et, en moyenne, le rapetissement des mensurations
sous la toise. Aux États-Unis, ce cruel retour de bâton de la modernisation
est désigné sous le vocable de paradoxe de l’Antebellum. Avant que les
revenus n’augmentent, et que la santé publique s’en vienne compenser la
surpopulation et les terribles conditions de travail, les hommes et les
femmes sont plus petits que leurs parents et grands-parents.
Dans la Grande-Bretagne en voie de modernisation, le rachitisme, les
fièvres rhumatismales, les maladies respiratoires et les diarrhées ont
tragiquement freiné la croissance de millions de personnes prises dans les
premières vagues violentes de l’industrialisation. Malthus évaluait de
manière brutale les effets de l’écologie urbaine des maladies. « Il paraît
qu’il y a dans les grandes villes, voire les villes moyennes, quelque chose
de défavorable au premier âge de la vie. La classe de personnes qu’affecte
le plus cette cause de mortalité semble indiquer qu’elle dépend plutôt de
l’action d’un air renfermé et corrompu sur les poumons délicats des jeunes
enfants […]31. »
Les Romains ont fait l’expérience de ce paradoxe, mais ni une percée
technologique ni une nouvelle institution de santé publique ne sont venues à
leur secours. Ils étaient désespérément pris dans le cercle vicieux de leur
marche en avant avec ses répercussions écologiques malheureuses. Tous les
indices pointent en direction d’un Empire où planait en permanance sur la
population un danger pathogène, malgré et d’une certaine manière à cause
des succès de l’économie.
Rien ne serait plus précieux qu’une statistique des « causes de décès »
comme on commence à en disposer pour la fin du Moyen Âge, afin de
donner toute sa consistance au lugubre de cette image de la santé romaine.
On ne possède aucune indication directe sur les agents microbiens qui
terrassaient les Romains et dans quelle proportion. Mais on peut tenter
d’imaginer certains traits spécifiques de leur environnement sanitaire et
chercher des moyens indirects pour essayer d’identifier les agents mortels
les plus actifs à cette époque.
Les Romains étaient au premier chef victimes de leur forte inclination
pour la vie urbaine. Les villes, avec leurs quartiers fermés, leurs systèmes
de ravitaillement, d’eaux usées et de sanitaires, bénéficiaient d’une écologie
des maladies toute particulière. Les villes romaines aimantaient les migrants
à la recherche de moyens d’existence, d’occasions ou de plaisirs liés à la vie
urbaine, sans compter tous ceux, et ce n’étaient pas les moins nombreux,
involontairement transportés et vendus sur les grands marchés aux esclaves,
la norme dans le monde romain. N’ayant jamais été auparavant au contact
des germes locaux, les migrants étaient vulnérables sur le plan
immunologique et mouraient certainement en quantité. Les Romains
habitant en ville étaient victimes des conséquences du non-renouvellement
des populations urbaines, le nombre de décès excédant le nombre de
naissances. Les progrès mêmes du développement ont encouragé la
croissance des villes, celle-ci devenant par là même une menace pour la
santé32.
Il faut néanmoins admettre que, même en ville, les Romains bénéficiaient
de technologies qui leur étaient favorables. Les ingénieurs civils romains
faisaient jaillir l’eau douce en ville. Dans de nombreuses parties de
l’Empire, les aqueducs qui connectaient les villes aux terres situées plus en
altitude fournissaient sans faiblir une eau potable, peut-être la plus
importante ressource sanitaire. L’eau arrivant régulièrement n’était pas
seulement destinée à être bue ou à alimenter les bains – elle aidait aussi à
nettoyer les égouts urbains. Et les latrines publiques de l’Empire romain
continuent à nous impressionner. Au début de l’Empire, les empereurs en
firent construire de magnifiques – on a dit qu’il s’agissait de la « marque de
fabrique » de la romanisation – avec plusieurs sièges, certaines pouvant
recevoir 50 ou 100 clients à la fois. On décrira un banc en marbre percé de
trous très rapprochés, sans rabat. La déesse Fortuna – un thème
contemplatif – y était le motif de décoration le plus répandu. Pris dans leur
ensemble, les vestiges impressionnants des aqueducs, des égouts et des
latrines ont poussé certains historiens modernes à penser que les Romains
avaient été épargnés des effets les plus débilitants de l’urbanisme
prémoderne33.
On a bien des raisons de tempérer un tel optimisme. Les égouts de Rome,
même les gigantesques, ne sont pas tenus en grande estime par les experts
modernes. Ils étaient davantage destinés à évacuer les eaux de pluie que les
déchets. Le système monumental de latrines publiques semble avoir
davantage eu pour justification la gloire impériale ou la vanité civique que
des raisons pratiques d’hygiène. La question beaucoup plus importante de
l’évacuation des déchets privés a été un incroyable ratage. Les latrines
privées n’étaient le plus souvent pas raccordées aux égouts : les remontées
de gaz, le risque de débordement et le développement de bêtes nuisibles
étaient pires que le bénéfice obtenu. Dans les riches demeures construites
sur des sommets, la situation était tolérable. Le reste des habitants était
cerné de toute part par les effluves. Des latrines intérieures connectées à une
fosse d’aisance étaient fréquentes dans les maisons romaines où les pots de
chambre n’ont d’ailleurs jamais disparu. Les latrines privées étaient souvent
à côté de la cuisine. Apparemment, les Romains employaient (et
réemployaient) des éponges comme nous utilisons du papier de toilette.
Selon les mots d’un spécialiste : « Les conséquences hygiéniques de l’usage
d’un tel objet sont au mieux douteuses. »
On estime que chaque jour la cité de Rome produisait environ 45 tonnes
d’excréments humains, collectés et évacués seulement en partie et dans de
mauvaises conditions, sans négliger l’apport d’une quantité d’animaux
résidents. Il y avait aussi un commerce florissant des déchets humains
utilisés comme fertilisants et pour traiter les peaux et cuirs. Au total,
comme on le tient d’une étude récente des restes fécaux romains, on ne sera
pas surpris d’apprendre que les habitants de la capitale impériale et au-delà
étaient malheureusement infectés de parasites caractéristiques d’une société
privée d’hygiène, en particulier de vers ronds et de vers solitaires. En fait,
l’expansion de l’Empire n’aboutit qu’à aggraver l’incidence des parasites
intestinaux. Les problèmes environnementaux posés par la vie urbaine
submergeaient les habitants de l’Empire, précisément dans les lieux où on
aurait pu espérer qu’ils réussiraient le mieux à repousser la vague
invisible34.
Figure 9 Mortalité saisonnière dans la Rome antique

La courbe saisonnière des décès est la trace inopinée laissée par


l’écologie romaine des maladies et en trahit la nature. Dans les sociétés
contemporaines où les maladies infectieuses ont été en grande partie
vaincues, la mort est indifférente aux saisons. Mais, là où les maladies
infectieuses sont l’une des principales causes de décès, la Grande
Faucheuse se manifeste selon des rythmes inégaux. Les microbes létaux
sont sensibles à l’environnement. C’est aussi le cas des vecteurs comme les
mouches et les moustiques qui transportent les agents infectieux. La courbe
de la mortalité annuelle montre l’empreinte de germes dépendants des
saisons. La mortalité saisonnière est une preuve médico-légale immédiate.
Dans le cas de l’Empire romain, on dispose de tout un ensemble de données
sur le rythme de la mortalité. Quand un païen mourait, c’était sa durée de
vie sur Terre que l’on inscrivait sur sa pierre tombale. Quand c’était un
chrétien, on inscrivait la date de son décès qui marquait le début d’une
nouvelle vie dans l’éternité. Conséquence imprévue, nous disposons d’une
trace du calendrier de la mort dans la Rome antique.
Grâce aux épigraphes chrétiennes de la Rome de l’Antiquité tardive
(250-550 apr. J.-C. environ), nous disposons d’environ 5 000 dates de
décès, un échantillon dont il faut savoir qu’il est biaisé en faveur de ceux
qui sont morts alors qu’ils avaient entre dix et quarante ans35.
La fin de l’été et le début de l’automne étaient des périodes de forte
mortalité. Les Romains savaient que les jours de canicule étaient périlleux.
L’amplitude importante de la variation est historiquement exceptionnelle,
amenant à penser à un ensemble de maladies anormalement létales dans la
Rome antique – une impression que le biais présenté par notre échantillon
constitué en majorité de jeunes adultes – plus résistants que le reste de la
population – inclinerait sans doute à sous-estimer. Il n’y a pas de différence
significative entre les hommes et les femmes dans cette répartition
saisonnière, seul l’âge est un facteur discriminant. Les enfants, les adultes et
les personnes âgées succombaient tous en grand nombre à la fin de l’été et
au début de l’automne ; les plus âgés étaient victimes d’un second pic de
mortalité lié à leur vulnérabilité aux infections respiratoires au cours de
l’hiver. Plus surprenant, c’est chez les adultes entre quinze et quarante-
neuf ans que l’on trouve le plus grand écart, avec un pic très élevé en
septembre. D’où l’hypothèse que la mort frappait en grand nombre les
immigrants, qui ne bénéficiaient d’aucune immunité acquise aux maladies
locales et pour lesquels la cité était un environnement plein d’ennemis
biologiques jamais rencontrés auparavant36.
On a déjà vu que les empereurs romains quittaient cette Terre aussi vite
que leurs sujets. Les données de mortalité saisonnière montrent que les
germes romains n’avaient aucun respect pour le statut des victimes. Si l’on
en juge par les inscriptions gravées sur les élégants sarcophages où reposent
les restes des gens riches et célèbres, l’été et l’automne étaient létaux pour
tous. Un échantillon constitué sur la base des inscriptions, bien moins
impressionnantes, gravées sur les murs des catacombes nous fournit un
schéma analogue pour les citoyens des classes moyenne et inférieure. Le
docteur Galien, plutôt au service des classes supérieures, avait déjà noté
cette courbe saisonnière qui faisait de l’automne une saison mortelle. Selon
lui, les changements brutaux quotidiens du climat automnal, avec ses pics
de chaleur et ses nuits froides, secouaient le corps et le déséquilibraient.
« Cette irrégularité de mélanges est le facteur qui fait de l’automne une
saison plus favorable aux maladies. » En somme, les avantages d’une
meilleure alimentation ou d’un habitat plus salubre ne suffisaient pas à
protéger les élites de l’écologie des germes de la cité. Elles partageaient le
sort commun37.

Figure 10 Mortalité saisonnière à Rome par classes d’âge

Le pic de mortalité commençant en été est le signe de maladies de


l’appareil digestif transmises par la nourriture et l’eau. Les maladies
diarrhéiques sévères devaient être hyperendémiques à Rome. Tout prouve la
responsabilité des dysenteries bacillaires et des fièvres typhoïdiques. Les
dysenteries bacillaires, en particulier à Shigollesis, se répandent par voie
féco-orale grâce aux aliments contaminés et à l’eau. Shigellosis survient
sans crier gare, provoquant une fièvre débilitante et des selles sanglantes.
Les fièvres typhoïdiques, comme Salmonella typhi, ont constitué une
menace certainement tout aussi importante. La bactérie Salmonella est
répandue dans la nature et utilise comme hôtes plusieurs espèces animales
même si S. typhi est spécifique de l’espèce humaine. Elle se répand aussi
par transmission féco-orale, en particulier dans l’eau. Son début est plus
insidieux que celui de Shigollesis mais ses conséquences sont mortelles
dans une société sans techniques thérapeutiques efficaces. Cette interaction
entre chaleurs d’été et risques sanitaires est à l’origine des pics de mortalité
au cours des mois les plus chauds. La puissante Rome était envahie par les
germes les plus humbles ; aussi incongru que cela puisse être, la diarrhée
était probablement la principale cause de mortalité dans l’Empire38.
La vague mortelle qui frappait la Rome antique se poursuivait en
automne. Sur ce point, on dispose d’un indice qui nous met sur la piste d’un
tueur dévastateur harcelant la Méditerranée romaine : le paludisme. Le
paludisme est causé par une invasion de protozoaires Plasmodia, un
parasite formé d’une seule cellule aux cycles de vie complexes, transmis
aux humains par les moustiques Anopheles. Différentes espèces de
protozoaires Plasmodia peuvent infecter les humains. P. malariae et
P. vivax étaient des menaces permanentes dans la ville aux sept collines,
mais l’histoire de la mortalité dans le monde romain a été particulièrement
influencée par le plus dangereux représentant de cette famille,
P. falciparum, un agent pathogène virulent provoquant ce que les Anciens
appelaient la « fièvre semi-tierce », une fièvre se développant selon une
courbe sinusoïdale marquée par une intensification quotidienne. Même
aujourd’hui, le taux de morbidité et de mortalité du paludisme est élevé,
frappant avec une violence particulière les jeunes et les adultes jamais
exposés auparavant à ses méfaits. Là où la maladie est endémique, elle est
« une puissance extraordinaire déterminant le destin démographique ». Son
ombre flottait sur la cité de Rome et sur des parties essentielles de son
Empire39.
Figure 11 Mortalité saisonnière à Rome, selon la classe sociale

Figure 12 Causes spécifiques de la mortalité, villes italiennes, 1881-


1882 (données de Ferrari et Livi Bacci, 1985)
L’autre nom du paludisme, malaria, signifie « mauvais air » et il est vrai
que c’est la maladie écologique par excellence. Le Plasmodium est un vieil
ennemi qui a ses origines sous les tropiques africains, mais les données
génomiques prouvent sans ambigüité que P. falciparum est un récent dérivé
d’un agent pathogène du gorille, il y a peut-être moins de 10 000 ans. À
l’époque où les présumés descendants de Romus et de Romulus bâtissaient
leur empire, le paludisme n’était pas inconnu. Mais c’est la configuration
particulière de l’écologie impériale romaine qui lui a permis de s’épanouir.
Son ADN a été récemment séquencé à partir d’échantillons archéologiques
prélevés sur deux des plus anciens sites impériaux, en Italie du Sud,
confirmant sans discussion la présence de l’agent pathogène. Le paludisme
est un problème dans les zones humides et était endémique dans le centre et
le sud de l’Italie et dans d’autres régions semblables. Et, au cœur même de
l’Empire, dans la cité de Rome, des preuves documentaires et écrites nous
permettent, d’une manière inhabituellement détaillée, de suivre le cours de
l’écologie et des effets de cet agent pathogène endémique spécifique40.
Grâce au travail de Robert Sallares, nous débouchons sur une histoire
détaillée du paludisme et de sa relation spéciale avec Rome. Les sources
médicales antiques sont un indice d’une valeur inestimable de la prévalence
du paludisme dans la capitale impériale. Le plus grand des témoins n’est
personne d’autre que Galien. Son étude par le menu des fièvres
intermittentes reflète la prééminence de cette maladie au IIe siècle. « Nous
n’avons plus besoin des écrits d’Hippocrate ou de n’importe qui d’autre
comme témoins du fait qu’il y a une chose comme la fièvre [semi-tierce],
puisqu’on la voit chaque jour, et spécialement à Rome. Tout comme
d’autres maladies sont typiques d’autres endroits, ce mal abonde dans la
cité. » Il survient « le plus souvent à Rome », où les habitants, observait
Galien, sont « intimement familiers » de cette fièvre maligne41.
Figure 13 Décès saisonniers dus au paludisme à Rome, 1874-1876
(données de Rey et Sormani, 1878)

Les dynamiques spatiales du paludisme sont définies par les lieux de


reproduction des moustiques. Les Romains eux-mêmes savaient que les
terres humides marécageuses étaient des lieux pestilentiels. Les auteurs de
traités agricoles comme les architectes proposaient des formules pleines de
sagesse sur où et comment construire des maisons pour éviter les
exhalaisons mortelles des marais. La ville même de Rome est signalée pour
son mauvais air. Ses eaux stagnantes étaient des frayères pour les œufs
Anapheles. L’incidence du paludisme est une question généralement locale,
quoi de surprenant donc à ce que les courbes de la mortalité saisonnière
dans d’autres parties de l’Empire – également déduites des anciennes
pierres tombales chrétiennes – varient de manière importante dans le temps
par rapport à celles de la capitale. Dans le nord de l’Italie, la mortalité
connaissait un pic en été mais sans suite en automne, alors que dans le sud
de l’Italie, où Anopheles pullule, le pic automnal atteste des ravages mortels
causés par P. falciparum42.
Par sa nature même, la civilisation romaine semble avoir libéré le
potentiel pestilentiel de l’environnement. L’expansion de l’agriculture l’a
apporté jusque dans des régions habitées où prospéraient les moustiques. La
déforestation a facilité les retenues d’eau et transformé les forêts austères en
champs où les moustiques se multipliaient à l’aise. Les routes romaines –
comme la Via Appia, pavée par Trajan et coupant directement à travers des
marais pontins où sévissait le paludisme – « ont joué un rôle significatif en
créant de nouveaux habitats favorables à la reproduction des moustiques
Anopheles ». Les jardins urbains et les systèmes hydrauliques faisaient que
les humains partageaient, à leurs risques et périls, les mêmes quartiers que
les moustiques. Les Romains étaient des ingénieurs qui ont chamboulé
l’environnement de manière extraordinaire et ils le savaient. « Si quelqu’un
veut faire le calcul de l’abondance d’eau pour le public, dans les bains, les
piscines, les canaux, les maisons urbaines, les jardins, les villas
suburbaines, et en suivant les arches construites, les montagnes découpées,
les vallées relevées, il devra admettre que rien de plus merveilleux n’existe
au monde. » L’Empire romain est devenu, sans le savoir, un endroit
d’excellence pour la reproduction des anophèles43.
Le paludisme n’est pas seulement une maladie parmi d’autres. Il fait
insidieusement équipe avec d’autres agents pathogènes, devenant ainsi une
source de dangers bien au-delà de l’infection primaire. La malnutrition
grave est l’un des effets du paludisme qui rend ses victimes vulnérables à
d’autres infections. Galien connaissait la forme mortelle la plus courante du
paludisme qui touchait en particulier les enfants ; pour ceux qui survivaient,
les effets pouvaient durer des décennies sous la forme de retards de
développement ou de baisse de l’immunité. Le paludisme trace la voie pour
les troubles de déficit vitaminique comme le rachitisme, et il peut
augmenter le risque d’infections respiratoires comme la tuberculose. Les
environnements paludiques semblent favoriser la corruption de toutes les
formes de vie. « Pourquoi les hommes vieillissent-ils lentement dans les
lieux où règne un air frais et pur, alors que ceux qui vivent dans des zones
basses et marécageuses vieillissent rapidement ? » Mais il pouvait aussi tuer
rapidement, et il est probable que les immigrants étaient des proies
particulièrement vulnérables. De nombreux voyageurs ont succombé au
paludisme à Rome. Des siècles après Galien, Monique, la mère de saint
Augustin, allait le contracter à Ostie, le port de Rome, et mourir après neuf
jours d’agonie44.
Les frontières du paludisme évoluent soit avec rapidité soit avec
nonchalance en fonction des changements climatiques. La température
ambiante influence la formation des spores du Plasmodium dans le
moustique, et les habitats où les Anopheles se reproduisent varient avec le
degré d’humidité. Les Anciens n’ignoraient pas ces influences
environnementales. Un texte de la période romaine observe qu’un
printemps humide suivi d’un été sec annonce un automne mortel.
L’humidité caractéristique du milieu de l’Holocène allait dans le sens des
préférences reproductrices des moustiques vecteurs de la maladie, et il est
plausible que ce soit en ce début du millénaire, alors que la civilisation
décollait, que le paludisme ait migré tout autour de la Méditerranée. Dans
les territoires dominés par Rome, à la frontière entre les latitudes tempérées
et subtropicales, l’épidémiologie du paludisme est extraordinairement
sensible aux fluctuations climatiques. Mais l’on ne saurait exclure une
éventualité plus sombre. Si l’Optimum climatique romain était de fait une
période particulièrement humide, il a été un accélérateur pour les
moustiques et les parasites qu’ils véhiculent45.
Le paludisme était endémique à Rome et dans d’autres endroits au cœur
même de l’Empire. Les changements environnementaux ont pu être le
facteur déclenchant permettant à la maladie d’atteindre des sommets
épidémiques. Galien connaissait la sagesse commune : « Quand l’année
entière devient humide ou très chaude, survient nécessairement une très
grande peste. » Au début de la période moderne, le paludisme se
transformait en épidémie tous les cinq à huit ans à Rome et dans ses
environs. Il était sûrement l’une des principales causes de mortalité
épidémique dans la Rome antique. La mort n’y suivait pas un cours
constant. Elle suivait les saisons, et se manifestait avec dureté les années
d’épidémie. Les oscillations pouvaient être considérables. Les Anciens
étaient intimement familiers avec le chaos de la mortalité épidémique et
observaient avec inquiétude les signes d’une pestilence naissante. « Si une
personne est malade, cela ne jette pas la panique dans la maisonnée, mais
quand la mort rampante montre qu’il y a une pestilence, le vacarme se
répand dans la cité et les gens fuient, et ils brandissent leur poing contre les
dieux eux-mêmes46. »
Les sources anciennes rapportent les va-et-vient des années homicides.
Les historiens modernes n’ont probablement pas suffisamment pris en
compte le fait que la plupart des anciennes épidémies venaient de l’intérieur
et restaient locales. Le catalogue de toutes les pestes répertoriées entre 50
av. J.-C., la peste antonine comprise, est lourd de signification. La liste n’est
pas longue, probablement parce que les pestes étaient des événements si
peu exceptionnels que, pour beaucoup d’entre elles, on s’est même abstenu
de les répertorier. La terminologie générique grecque et le vocabulaire latin
pour « pestes », loimoi et lues, montrent l’incompréhension des différents
agents pathogènes à l’origine du fléau. Les pestes étaient causées par des
miasmes, l’air pollué, un dieu en colère, ou une combinaison indéchiffrable
de courroux divin et de troubles environnementaux. Le paludisme est peut-
être en cause dans la majorité des cas mais c’est difficile à savoir ; même
les événements de plus vaste ampleur géographique pouvaient être favorisés
par des changements climatiques coordonnés entre eux47.
Dans la période précédant l’arrivée des pandémies, la plupart des pestes
de l’Antiquité étaient sans doute des développements de maladies
endémiques locales qui s’exacerbaient. Le paludisme et la dysenterie
bacillaire connaissent des variations suivant une courbe sinusoïdale selon
les années. Il est révélateur que le naturaliste Pline l’Ancien croie que les
personnes âgées étaient capables de repousser les assauts de la peste :
l’immunité acquise au cours des infections précédentes les protégeait
lorsque les maladies endémiques provoquaient une mortalité de masse. Le
lien étroit entre les années d’épidémies et les changements
environnementaux de courte durée, comme les inondations, traduit aussi la
responsabilité d’un foyer local d’infection activé par une fluctuation
climatique jusqu’à être à l’origine d’un pic de mortalité. Le monde romain
fut à répétition la victime du bouillon de culture microbien qu’il recelait. Il
n’était pas bombardé d’agents pathogènes exotiques mobiles venus de
l’extérieur48.

Tableau 4 Ensemble des épidémies connues, 50 av. J.-C.-165


apr. J.-C.

Année Source Événement


43 av. J.-C. Cassius Dion, 45.17.8 Mauvaise pestilence sur « presque
toute l’Italie » ; certainement une
année dramatique dans l’histoire
du climat à la suite de la grande
éruption volcanique de 44 av. J.-
C. ; Dion fait le lien avec la crue
du Tibre ; peut-être une épidémie
de paludisme après la crue.
23 av. J.-C. Cassius Dion, 53.33.4 Année malsaine à Rome ; crues
du Tibre.
22 av. J.-C. Cassius Dion, 54.1.3 Pestilence dans toute l’Italie
associée aux crues du Tibre : Dion
se livre à de vagues spéculations :
« Je suppose que la même chose
est arrivée dans des régions en
amont. » Dans ce contexte
d’événements terribles, le sénat
romain a cru avoir besoin de faire
appel à Auguste comme consul ou
dictateur.
65 apr. J.-C. Tacite, Ann., 16.13 Tempête en Italie ; à l’automne,
Suétone, Néron, 39 une terrible peste a emporté
Orose, 7.7.10-11 30 000 personnes.
77 apr. J.-C. Orose, 7.9 Peste à Rome au cours de la
9e année du règne de Vespasien.
79/80 apr. J.-C. Suétone, Titus, 8.3 Éruption du Vésuve accompagnée
Épît. de Caes., 10.13 de beaucoup de cendres à une
Saint Jérôme, Chronique,
année 65
Cassius Dion, 66.23.5 grande distance ; peste sans
précédent à Rome, 10 000 morts
par jour.
90 apr. J.-C. Cassius Dion, 67.11.6 Les gens meurent après avoir été
atteints par des aiguilles [ou des
broches], pas seulement à Rome
mais sans doute dans le monde
entier (cette note de Cassius Dion
est très obscure et il ne dit pas
précisément s’il y a eu une
épidémie).
117-138 apr. J.-C. Histoire d’Auguste-Vie Famines, peste, tremblement de
d’Hadrien, 21.5 terre sous Hadrien.
Environ 148 apr. J.-C. Galien, Anat. Admin., 1.2 Épidémie d’« anthrax », dans de
Galien, Ven. Art. Dissect., 7 « nombreuses villes d’Asie ».

Dépendantes de vecteurs locaux et d’un mode de transmission


environnemental, les épidémies de maladies comme le paludisme ou la
dysenterie étaient limitées à une zone géographique. Les réseaux de
communication reliant les régions disparates de l’Empire étaient tout
adaptés pour faciliter le transport et le transfert des microbes mais les
maladies transmissibles qui semblent en avoir tiré profit n’ont pas d’abord
été les infections aiguës. Ce sont plutôt les affections chroniques, comme la
tuberculose et la lèpre, qui ont profité des facilités fournies par le système
de circulation dans l’Empire. De fait, un ensemble de données écrites,
archéologiques et génomiques induisent à penser que l’Empire romain a
joué un rôle essentiel dans la biographie de la tuberculose comme de la
lèpre.
La tuberculose est une maladie respiratoire grave causée par le germe
Mycobacterium tuberculosis. Si l’on a longtemps cru qu’il s’agissait d’un
vieil ennemi, des données génomiques incitent désormais à penser qu’il
pourrait ne pas avoir plus de 5 000 ans. Transmis directement entre humains
par des gouttelettes aériennes, il aime les villes où la densité égale la saleté.
La maladie peut se développer pendant des semaines ou des années,
accablant ses victimes de toux et de fièvre. Jusqu’au XXe siècle, la
tuberculose a été l’une des grandes causes de mortalité et elle demeure
aujourd’hui encore un monstrueux tueur global. Comme le paludisme, sa
présence écrase n’importe quelle société où elle prend pied.
La tuberculose était connue des anciens médecins grecs et ce n’était
certainement pas un problème nouveau dans l’Empire. Mais on a
récemment appris qu’un moment clé de l’évolution de l’agent pathogène, à
l’origine des lignées modernes les plus dangereuses, a eu lieu entre 1 800 et
3 400 ans. Ce sont encore des données grossières qui devront être affinées
dans le futur. Mais, dans le même temps, nous avons d’autres indices grâce
aux restes de squelettes. À la différence de la plupart des maladies
infectieuses, la tuberculose laisse sa signature sur les os de ses victimes et
peut donc être repérée par les archéologues. Elle est exceptionnellement
présente sur les squelettes datant de la période préromaine. On n’a isolé
qu’un seul cas possible en Bretagne, par exemple. Puis, au cours des siècles
de domination romaine, la tuberculose est devenue bien plus visible sur les
restes des squelettes. On a dit que l’Empire avait été « un moment tournant
dans la propagation de la tuberculose en Europe ». L’histoire de l’évolution
de cette maladie et celle de l’Empire semblent s’être recoupées de manière
fatidique. Il est possible que l’intégration de villes reculées ait aidé à la
propagation d’un des plus grands tueurs de l’histoire49.
L’Empire romain a également facilité la propagation de la lèpre dans tout
le continent européen même si c’était à une vitesse d’escargot. La lèpre est
une infection chronique causée par les bactéries Mycobacterium leprae et
M. lepromatosis. Transmise directement d’humain à humain, c’est une
pathologie complexe mais sa principale caractéristique est de détruire les
nerfs et de ravager la peau et les os, défigurant et paralysant, en particulier
le visage. Elle agit lentement, douloureusement et de manière débilitante.
La lèpre pourrait être très ancienne, dater de plusieurs centaines de
milliers d’années, même si cela reste une question débattue. Jusqu’à présent
les cas les plus anciens connus datent du IIe millénaire av. J.-C., en Inde.
Elle a voyagé de l’Inde à l’Égypte au cours des siècles précédant la
domination romaine mais, à la fin du Ier siècle et au début du IIe siècle
apr. J.-C., Pline l’Ancien et Plutarque considéraient qu’il s’agissait d’une
nouveauté. Le médecin Rufus d’Éphèse était surpris que les grands
médecins du passé ne l’aient pas décrite. La lèpre commence clairement à
faire son apparition dans le contexte archéologique de l’Empire romain.
L’ADN de M. leprae montre que les deux des principaux brins de la
phylogénie de la lèpre sont apparus à peu près au moment des débuts de
l’Empire romain. Une fois encore, les données génomiques prouvent
l’importance du début du Ier millénaire dans l’expansion de la bactérie
mortelle50.
Nous devons essayer d’apprécier le caractère circonstanciel ou non du
régime de mortalité romain dont les courbes dans l’Empire étaient
déterminées par les besoins, les méthodes et les contraintes de chaque
organisme microbien particulier. Ces microbes avaient leurs propres armes
et leurs limites spécifiques. Le paludisme était grave et mortel mais
dépendait de la géographie et du cycle de vie des moustiques vecteurs.
Shigellosis prospérait dans les cités denses et sales mais dépendait des
modes de contamination locale féco-orale. La tuberculose et la lèpre, qui se
transmettent directement d’humain à humain, profitaient des perspectives
illimitées créées par le réseau des transports romains, mais migraient
lentement. Les limites de ces agents pathogènes – et d’autres, moins
visibles dans la documentation dont nous disposons – dépendaient de leurs
caractéristiques biologiques propres et non pas de l’écologie des maladies
dans l’Empire romain. Pour certains agents pathogènes, les conditions
créées par l’Empire ont pu constituer des occasions impossibles à rater.
Parmi les courtes saynettes morales du grand Plutarque – un auteur
célèbre pour ses biographies des Grecs et des Romains les plus illustres – il
y en a plusieurs dans lesquelles la question est posée de savoir s’il peut
apparaître de nouvelles maladies dans le monde. Ce genre de conversation
d’apparence scientifique était chose courante dans l’aristocratie lettrée. Un
personnage de Plutarque soutient la possibilité de leur surgissement. Mais
s’il pensait ainsi, c’est qu’il y avait encore des aliments inconnus ou de
nouvelles lubies qui pouvaient mettre le corps en danger de mille manières,
comme l’étonnante mode des bains bouillants ; son contradicteur lui
explique que c’est par principe à exclure. Le cosmos est clos et complet, et
la nature n’invente rien. Les grands médecins du passé n’avaient-ils pas
autorité en la matière ? Puis, au cours d’un de ces épisodes d’erreur lourds
de sens, quand le fondement même d’une ancienne croyance se manifeste,
pour un moment, dans toute son ampleur, il insiste sur le fait que « les
maladies n’ont pas de semences qui leur soient propres ». L’histoire est
pleine d’ironie et comment ne pas constater sans émotion que, alors même
que Plutarque composait cette dissertation à l’adresse de personnes
éduquées, la nature concoctait à distance les germes d’une nouvelle
maladie, un adversaire qui ne serait pas gêné par la plupart des obstacles qui
avaient inhibé les agents pathogènes traditionnels dans l’Empire51 ?
La notion classique de nature immuable allait être rudement mise à
l’épreuve. La nature sauvage préparait quelque chose d’inédit et d’une
violence qui ne se comparait à rien.
Les Romains et les réseaux globaux
La gerbille à soles plantaires nues, Gerbilliscus kempi, est un rongeur qui
vit à la limite des savanes ouvertes et des forêts sèches qui traversent
l’Afrique, dans les vallées entre le désert du Sahara et les tropiques
humides. Elle est originaire d’une zone tempérée qui va de la Guinée au sud
de l’Éthiopie. De nombreux rongeurs servent d’hôtes à une famille de virus
connue sous le nom d’Orthopoxvirus. Mais cette gerbille est la seule
connue pour transporter l’espèce Tatera poxvirus, et cette particularité en
fait un rongeur tout particulièrement intéressant. Le Taxera poxvirus est le
parent le plus proche de la variole du chameau. Tous les deux sont, à leur
tour, les parents connus les plus proches de l’espèce Variola major, le virus
de la variole.
Ces trois espèces de virus ont surgi presque simultanément, fruits d’un
géniteur commun au cours d’une différenciation génétique qui les a séparés
d’un ancêtre rongeur, Orthopoxvirus. Les humains, les chameaux et cette
race de gerbille sont les agents possibles de ces poxvirus. Les études de
biogéographie permettent de les situer dans le cours de l’évolution à un
moment de différenciation ayant eu lieu en Afrique. Le lieu de vie de la
gerbille, combiné à l’histoire de l’évolution encodée dans les génomes des
Orthopoxvirus, désigne l’Afrique comme le lieu de naissance le plus
probable de la variole52.
Au cours des siècles qui commencent avec le règne de Marc Aurèle,
l’Empire romain a été de multiples fois la victime d’événements
biologiques dont l’origine était située au-delà de ses frontières. Les liens
commerciaux qui exposaient Rome aux maladies infectieuses émergeant
dans le monde au-delà de ses frontières ont été les éléments constitutifs de
l’écologie romaine des maladies les plus fatales. Un commerce
transfrontalier actif a accompagné le développement économique
historiquement précoce de Rome. On commence à connaître l’étendue et la
vitalité des réseaux qui parcouraient le grand arc allant de la mer Rouge au
golfe du Bengale, liant le monde méditerranéen à l’Arabie et l’Éthiopie
jusqu’à l’Inde et l’Extrême-Orient. Alors que les chercheurs ont longtemps
mis en doute l’importance réelle de ce réseau commercial, les dernières
décennies ont vu le pendule pencher dans l’autre sens. Les fouilles
archéologiques, la découverte fortuite de nouveaux documents et une
appréciation renouvelée de la vigueur du commerce romain en général nous
ont ouvert les yeux sur le poids réel des échanges dans l’océan Indien.
Nous sommes habitués, rétrospectivement, à voir l’Atlantique comme
l’espace dont le destin a été de lier ensemble l’humanité globale et qui a été
à l’origine de l’avènement du capitalisme moderne. Au cours des Ier et
IIe siècles, alors que l’Atlantique était encore une barrière infranchissable,
l’océan Indien semblait destiné à devenir le centre d’un monde
interconnecté. L’extension de l’Empire a joué un rôle catalyseur. Quand les
Romains annexèrent l’Égypte, leurs frontières allaient jusqu’à la Nubie de
Méroé, à l’État embryonnaire axoumite d’Éthiopie et aux royaumes situés
sur la côte est de l’Arabie. Auguste avait envoyé une importante flotte dans
la mer Rouge. La politique romaine s’imposait tout le long de sa frontière
sud-est. La construction de routes et de canaux reliant le Nil à la mer Rouge
a favorisé le commerce. Les taxes lucratives perçues sur les marchandises
entrantes poussèrent les Romains à protéger et à développer ces liens
commerciaux. La percée de la puissance romaine dans la mer Rouge est
attestée par la découverte de deux inscriptions latines sur les îles Farasan,
face à la côte au niveau de la frontière actuelle entre l’Arabie saoudite et le
Yémen. On apprend qu’au moment où Aristides prononçait son discours de
Rome, un détachement de la legio II Traiana avait établi une préfecture et
construit un port sur une île située à une distance de 1 000 km de Bérénice,
le port romain égyptien le plus méridional53.
Carte 7 Territoire d’origine de la gerbille à soles plantaires nues
Carte 8 Les Romains et le monde de la mer Rouge

Le monde n’avait jamais été aussi petit. Le géographe Strabon écrit


qu’avec l’arrivée des Romains le nombre de navires levant l’ancre pour se
rendre de Myos Hormos jusqu’en Inde était passé de 20 à 120 chaque
année. Quand Ptolémée écrit sa Géographie à Alexandrie au milieu du
IIe siècle, l’essentiel de ses informations sur l’Est provient de « ceux qui
naviguent de l’Inde », et il fait état de ces témoins : « quelques marchands,
gens […] beaucoup plus occupés des intérêts de leur commerce que de
s’assurer de la vérité ; et qui souvent amplifient les distances par vanité ».
Dans son éloge de Rome, Aelius Aristides prétend que les cargos d’Inde et
du Yémen étaient particulièrement chargés et que les Romains avaient
certainement rapporté des arbres fruitiers de ces terres lointaines. Aristides
avait lui-même remonté le Nil jusqu’en « Éthiopie » à la recherche de la
source du fleuve, en toute sécurité à l’ombre de la puissance romaine. Ce
qui aurait été une aventure inconcevable quelques générations plus tôt était
devenu du banal tourisme54.
Le consumérisme romain et la mobilisation de capitaux ont stimulé le
commerce vers l’Est. « Les échanges commerciaux avec l’Inde n’ont pas
seulement ouvert de nouveaux marchés, ils l’ont fait de manière
explosive. » Le commerce a permis d’importer des biens de luxe comme la
soie, les épices, les carapaces de tortue, l’ivoire, les pierres précieuses et les
esclaves exotiques. La Circumnavigation de la mer Rouge, un texte écrit
par « un commerçant, pas un homme de lettres », est caractéristique de cette
période. Il témoigne de la sophistication des opérations de commerce dans
la région qui s’étend de l’Afrique de l’Est jusqu’au sous-continent indien.
Écrit vers 50 apr. J.-C. par un marchand grec qui connaissait les routes de la
mousson, c’est le point de vue plein de vie, et même familier, d’un capitaine
parcourant le réseau des routes maritimes commerciales reliant les ports de
Myos Hermos et Bérénice, sur les côtes de l’Égypte romaine, au lointain
océan Indien et au-delà55.
Souligner l’importance des marchandises de luxe dans ce commerce ne
signifie pas minimiser sa taille, sa diversité ou son importance. Une liste
tarifaire de 54 marchandises soumises aux taxes impériales à Alexandrie
nous permet d’imaginer la gamme d’objets précieux circulant dans les
réseaux commerciaux de l’Est. Pline l’Ancien estimait que le commerce
avec l’Est représentait pour l’Empire 100 millions de sesterces chaque
année. C’est plus de 10 tonnes d’or et environ le sixième du budget
militaire de l’Empire. Pline avait un penchant pour les sommes
spectaculaires (blâmant avec un zeste de misogynie les goûts frivoles des
Romaines), et ce chiffre paraissait exagéré jusqu’à ce que l’on eût déniché
un fragment de papyrus témoignant d’un contrat entre un banquier faisant
du commerce à Alexandrie et un marchand cheminant de l’Égypte à
Muziris, en Inde. On apprend qu’à son retour le navire (l’Hermapollon)
transportait de l’ivoire, du nard et d’autres biens précieux dont 544 tonnes
de poivre. Un chargement évalué à 7 millions de sesterces : à peu près la
valeur de 23 000 tonnes de farine ou de 20 000 ha de terres égyptiennes.
Les textes et les documents soulignent l’importance clé des épices dans le
commerce de l’océan Indien. Il ne fait aucun doute que le commerce était
justifié par le goût pour ces produits. Le livre de cuisine romain le plus
célèbre a été écrit à cette période et il illustre ce que l’on peut considérer
comme une sorte de dépendance au poivre noir. En 92 apr. J.-C., l’empereur
Domitien édifia en plein cœur de la cité, là où on trouve aujourd’hui les
ruines de la basilique de Maxence et de Constantin dominant le forum, un
quartier aux épices. Le poivre n’était pas seulement un bien de luxe
exotique. Même si une livre de poivre correspondait à plusieurs jours de
salaire, il figure sur une liste de commande pour des soldats stationnés sous
le mur d’Hadrien. Ce n’est pas la dernière fois que les goûts des
consommateurs devaient entraîner une transformation globale aux
rebondissements imprévus56.
Carte 9 Les Romains et l’océan Indien

Les informations en notre possession viennent pour l’essentiel de la


partie romaine, mais nous devons garder à l’esprit que les marins
autochtones étaient aussi des agents du commerce et que le flux de
marchandises était multidirectionnel. Des marchandises romaines et des
pièces de monnaie ont été retrouvées dans le sous-continent indien. La
poésie tamoule témoigne de l’admiration pour les « vins frais et parfumés »
venus de l’Ouest. Les poètes indiens décrivent les « beaux grands navires »
des Occidentaux mouillant à Muziris, cette même cité où l’Hermapollon
avait accosté ; là, ils apportaient de l’or et repartaient « chargés de poivre ».
Il y avait certainement une colonie marchande romaine en permanence. La
carte de Peutinger, la plus importante à être venue jusqu’à nous depuis le
monde romain, montre un temple d’Auguste à Muziris, construit par des
marchands occidentaux qui transportaient des marchandises et des divinités
vers l’Est à l’aller et au retour. Le commerce le long de la côte indienne les
amenait à pénétrer très en avant dans les terres, de l’Empire kouchan
jusqu’aux routes de la soie et au-delà, en Chine même. Pour les Romains,
les Chinois étaient le « peuple de la soie », une marchandise convoitée dont
le grand marché à l’Ouest raffolait ; au début de l’Empire, sa
commercialisation passait principalement par les routes océaniques
du Sud57.
Tout cela témoigne d’une reconnaissance mutuelle grandissante entre
Rome et la Chine. La Circumnavigation de la mer Rouge est le premier
texte occidental à faire référence à la dynastie Han. Au IIe siècle, les
archives chinoises témoignent de la connaissance de l’existence de Da Qin,
la « grande Chine » – autrement dit, Rome – loin à l’Ouest. À l’époque où
Ptolémée écrivait sa Géographie, les marchands romains étaient allés au-
delà de la Péninsule malaise. Les annales chinoises de l’histoire impériale
ont conservé le souvenir de l’arrivée d’une ambassade romaine envoyée par
« Antun », Marc Aurèle-Antonin. On suspecte à juste titre qu’il ne s’agissait
pas d’une ambassade officielle mais d’une opération de commerce
aventureuse qui avait erré dans le golfe de Thaïlande avant que ne s’en
emparent les forces de l’empereur de Chine. À cette époque, les
Occidentaux n’étaient absolument pas préparés à rencontrer la cour
impériale, les biens offerts aux Chinois, pour être précis des défenses
d’éléphant, de la corne de rhinocéros et des carapaces de tortue,
n’impressionnèrent personne. Mais « c’était la toute première fois qu’il y
avait communication ». Cette année-là Lucius Verus et son armée
revenaient de leur campagne parthe58.
L’Afrique de l’Est était partie intégrante de ce monde. L’auteur de la
Circumnavigation a décrit Adulis dans sa « baie profonde » d’où partaient
des routes jusqu’à la grande cité d’Axoum, déjà plaque tournante du
commerce de l’ivoire et destinée à remplir un rôle essentiel le long de la
frontière sud de Rome. L’Afrique de l’Est était une source de ravitaillement
en animaux exotiques qui excitaient l’imagination des Romains. Il semble
que l’empereur Domitien ait réussi à monter un trafic d’importation de
rhinocéros à Rome et il célébra sa réussite sur des pièces de monnaie. Au-
delà d’Axoum, la Corne de l’Afrique était sous la poigne d’un roi du nom
de Zoskales, « pointilleux sur ses possessions et cherchant toujours à en
obtenir d’autres, mais sous d’autres aspects une personne intelligente et
sachant parfaitement lire et écrire le grec ». Le marchand qui a écrit la
Circumnavigation avait des opinions appréciées à leur juste valeur sur ce
qu’il convenait d’acheter et de vendre tout le long de la côte africaine
jusqu’à Dar es Salaam59.
L’Empire romain a ouvert dans toute leur largeur les « portes du monde
habité ». L’orateur grec Dion remarquait que l’Alexandrie romaine « était
située à la jonction, pour ainsi dire, de l’ensemble du monde et des nations
éloignées, comme une place de marché d’une seule cité qui fait venir tout le
monde en un seul endroit ». Là, on pouvait voir, admirant le spectacle de la
cité, non seulement « les Éthiopiens et les Arabes, mais même les Bactriens,
les Scythes, les Perses et quelques Indiens ». Ce mélange était dans l’air du
temps. La découverte récente de graffitis dans une cave à Socotra, une île
située à 250 km de la pointe de la Corne de l’Afrique, est une merveilleuse
fenêtre que l’on espérait ouvrir sur cet univers. Environ 200 rayures datant
de la période romaine nous ont transmis le souvenir des frottements
d’épaules de marchands d’Arabie du Sud, d’Axoum, de Palmyre, de
Bactriane, de Grèce. L’île était alors, comme aujourd’hui, sous le contrôle
de l’Hadramaout yéménite, mais ces graffitis éclectiques sont un
témoignage de l’énergie cinétique produite par l’océan Indien. Par sa
situation géographique, Socotra était destinée à être une sorte de lieu
intermédiaire, et aux premiers siècles de notre ère c’était un site de
rencontres dans un coin du monde qui a été le lieu de naissance d’une
mondialisation avant la lettre60.
Les marchands longeant la côte africaine et naviguant sous les vents de la
mousson étaient aussi les agents d’un échange invisible. Là où les biens et
les divinités vont, les germes les accompagnent. La vraie signification
biologique du système de l’océan Indien n’était pas de fusionner les
« réservoirs de maladies civilisées d’Eurasie » mais bien plutôt de jouer le
rôle d’un super chef d’orchestre des maladies infectieuses émergentes. Les
tropiques sont la serre chaude où évoluent les maladies. L’Afrique centrale
est le plus riche foyer de biodiversité en matière d’espèces vertébrées et
microbiennes de toute la planète. En conséquence, elle a été et reste une
dangereuse zone d’expérimentation de l’évolution, le berceau d’un nombre
disproportionné d’agents pathogènes susceptibles de contaminer les
humains. Le drame de l’histoire des maladies est le résultat de la collusion
permanente entre l’évolution des agents pathogènes et les rencontres
humaines. Dans l’Empire romain, ces deux forces se sont rejointes avec des
conséquences toutes particulières61.
La grande pestilence
Il est remarquable que l’on en sache autant au sujet de l’événement létal
dénommé peste antonine. Dans le même temps, on voit nécessairement des
événements morbides survenus il y a presque deux mille ans au travers
d’une relative obscurité, d’un filtre. Et le mystère commence avec le point
d’entrée de la pandémie dans l’Empire des Césars.
Les Romains croyaient que la mortalité avait débuté avec la mise à sac de
Séleucie. On sait que cette ville servait d’entrepôt de première importance
dans le golfe Persique, et que les marchands perses empruntaient le réseau
de voies maritimes de l’océan Indien. Il est tout à fait possible que la
pandémie ait traversé le golfe pour atteindre Séleucie avant de se propager
avec les armées sur le chemin du retour. Mais le plus probable est que
l’épidémie n’ait pas commencé là.
La mise à sac sacrilège de Séleucie et l’apparition d’un nuage toxique
dans un temple d’Apollon n’étaient qu’une histoire inventée dans
l’intention malveillante de noircir la mémoire du co-empereur Lucius Verus
et de son général, Avidius Cassius. Le général syrien tenta par la suite de
renverser Marc Aurèle, et son nom a été déconsidéré dans les annales de
l’historiographie officielle. Le récit n’aurait jamais dû se voir accorder la
moindre crédibilité. Nous avons des preuves de l’existence de la maladie au
sein de l’Empire au moins un an avant la fin de la campagne parthe. Les
discours d’Aelius Aristides datent la pestilence en Asie mineure de
l’année 165. De plus, dans l’intérieur montagneux de l’Asie mineure, dans
l’arrière-pays de la ville antique de Hiérapolis en Phrygie, une statue a été
érigée en 165 apr. J.-C. du dieu Apollon Alexikakos, celui qui « éloigne le
mal ». Cet Apollon a un passé de gloire : il avait mis fin à la peste
d’Athènes, la plus célèbre épidémie de mémoire grecque. Prise seule, une
telle statue ne pourrait pas constituer une preuve solide mais il existe un
autre élément de preuve circonstancielle des progrès de la maladie dans
l’Empire avant le retour des armées romaines62.
Une fois que l’on s’est débarrassé de l’histoire de l’origine de la
pandémie inventée par les Romains, d’autres indices sur son itinéraire sont
en mesure d’intervenir. La maladie est certainement passée en contrebande
dans l’Empire en suivant l’axe de la mer Rouge. Dans la biographie de
l’empereur Antonin le Pieux (qui a régné de 138 à 161 apr. J.-C.), on
rapporte – chose inhabituelle – qu’une pestilence avait éclaté en Arabie
sous son règne. On pourrait y prêter peu d’attention mais une inscription
découverte dans la région de Qaran, au croisement des royaumes arabes du
Sud dans l’ancien Yémen, confirme avec précison précise l’événement
fatal. Inscrite en écriture sabéenne, vers 160 apr. J.-C., elle se réfère à une
pestilence qui a détruit la ville de Garw (Bayt al A raq) et infecté « tout le
territoire » quatre années plus tôt. La pestilence de 156 apr. J.-C., en Arabie,
ne peut pas être attribuée avec certitude comme le début de la peste
antonine. Mais la coïncidence est plus que troublante. Si, de fait, la
pestilence avait son origine en Afrique, il devient par là probable que la
maladie en Arabie, qui avait eu un écho à Rome, était un signe annonciateur
de la tempête encore à l’horizon. Un nouveau microbe s’était échappé de
l’intérieur du continent et s’était frayé un chemin jusqu’aux rives
prometteuses de l’océan Indien63.
Une fois dans l’Empire romain, un germe doté d’un tel potentiel et ne se
heurtant à aucun obstacle capable de limiter sa violence dans une
propagation sans entrave. On a le témoignage de l’avance de la peste vers
l’Ouest grâce aux voyages de Galien. Il quitta Rome au moment même où
sa renommée s’imposait à grande échelle. On possède deux récits de cette
fuite qui reste donc une énigme. Une première fois, il explique son retour à
Pergame par des circonstances politiques obscures et propres à sa ville
natale : une période de troubles civils s’achevait quand il arriva. Dans son
dernier travail, Sur ses propres livres, il admet que la « grande peste » a été
la raison de son départ. On ne sait pas s’il a fui le danger ou s’est précipité à
l’aide de sa terre natale. Malgré tout, on a peu remarqué combien il était
inhabituel d’être au courant de l’arrivée d’une pestilence en provenance de
l’extérieur et se répandant dans tout le monde méditerranéen. Galien
s’échappa avant ou juste au moment où la maladie atteignait Rome. Dans la
seconde moitié de l’année 166 apr. J.-C., elle avait gagné la capitale. La
métropole a dû jouer le rôle d’une sorte de bombe à fragmentation,
diffusant la maladie dans toute la Méditerranée occidentale. La pandémie a
fait rage parmi les troupes stationnées à Aquilée en 168 apr. J.-C., passant
d’un centre habité à un autre, se diffusant irrégulièrement en spirales
fractales dans tout l’Ouest. Selon la chronique de Jérôme, l’armée fut
ravagée par la maladie en 172 apr. J.-C.64.
La première vague traversa rapidement l’Empire d’est en ouest, laissant
derrière elle la trace de ses ravages dans des zones bien délimitées. Par
malchance, les attestations de la pestilence sont évidemment peu
rigoureuses. Quand même a-t-on la preuve grâce aux restes d’un document
carbonisé découvert dans la région qu’elle a semé la panique dans le delta
du Nil. Un texte médical de la même époque, attribué par erreur à Galien,
explique que la pestilence, « comme une bête, n’a pas seulement fait
quelques victimes mais s’est répandue sur des cités entières, les
détruisant ». La Gaule et la Germanie furent touchées. À Athènes, Marc
Aurèle dut assouplir les critères d’entrée dans le vénérable Aréopage, alors
le club le plus select de la ville, autorisant même des hommes d’ascendance
servile récente à en faire partie ; plus choquant encore, la cité fut incapable
de trouver un magistrat pour la diriger en 167, 169 et 171 ; quelques années
plus tard, un orateur athénien ne cachait pas son désespoir dans un discours
en présence de l’empereur : « Heureux ceux qui périrent de la peste ! » Une
inscription à Ostie, le port de Rome, rappelle qu’une association de
marchands d’Orient avait été sévèrement touchée et hors d’état, par
conséquent, de supporter le paiement des taxes. La peste gagna en
profondeur l’Asie mineure, l’Égypte, et le Nord au-delà du Danube.
Partout, des vestiges de la peste attendent certainement d’être mis au jour.
C’est le premier événement de ce type qui mérite véritablement le nom de
pandémie65.
Les dimensions prises par la peste antonine ont stupéfié les témoins de
l’époque, certainement habitués aux épidémies mais pas à un phénomène
d’une telle ampleur. La première réaction à la crise a été religieuse. Les
pestes suscitent toujours des sentiments de désespoir, d’effroi archaïque, et
la peste antonine a déclenché des reflexes religieux de peur bien enracinés.
Depuis le début des temps, le dieu Apollon a été associé à la pestilence ;
dans le poème épique d’Homère, il est l’archer dont les flèches sont
porteuses de la peste. Au moment où l’épidémie a éclaté, une rumeur s’est
répandue prétendant qu’une vapeur pestilentielle s’était échappée du temple
d’Apollon à la Longue Chevelure à Séleucie. Certains des témoignages les
plus remarquables sur son ampleur sont contenus dans les récits venus
jusqu’à nous rapportant les tentatives désespérées faites dans tout l’Empire
pour apaiser le dieu dont la colère était considérée comme la cause de la
catastrophe.
Le polythéisme de l’Antiquité était une religion décentralisée, ses
temples et ses prêtres étaient de plain-pied avec la vie quotidienne dans les
villes et les villages de l’Empire. C’était une époque de grande piété, ce qui
n’empêchait pas une grande créativité dans le culte des dieux ; l’Empire
avait ouvert la voie à ce que certains ont été jusqu’à juger comme une
« démocratisation » du pouvoir religieux. L’un des portraits les plus
mémorables dans les écrits de Lucien, un satiriste à l’humour redoutable,
éreinte un charlatan de son époque du nom d’Alexandre d’Abounoteichos
qui envoyait des oracles « à tous les peuples » pour les prévenir de la peste,
invoquant dans l’un d’entre eux Apollon à la Longue Chevelure. Alexandre
demandait à ce que des inscriptions sacrées soient fixées sur les portes
d’entrée en guise d’amulettes contre la peste mais, selon Lucien, ceux qui
suivirent ce conseil furent les premiers à en être victimes. On dispose de
multiples preuves de l’effroi suscité par la vengeance d’Apollon, et il est
probable que la plupart des habitants de l’Empire partageaient davantage les
peurs et la crédulité d’Alexandre que le froid détachement de Lucien66.
En fait, un nombre tout à fait remarquable d’inscriptions révèlent la
grande influence de ce type de réponse religieuse. Pas moins de onze pierres
portant des inscriptions (dix en latin et une en grec) ont été découvertes
dans les parties les plus éloignées de l’Empire avec la courte phrase : « Aux
dieux et aux déesses, selon l’interprétation d’Apollon de Claros. » C. P.
Jones a brillamment montré qu’il s’agissait en fait d’inscriptions
apotropaïques, toutes gravées sur des plaques insérées dans des murs censés
maintenir la pestilence à distance. D’autres preuves existent. Une amulette
en étain de la Londres romaine a fait tout récemment l’objet d’une
publication. Elle inclut une version plus longue du même charme
apotropaïque dérivé de l’oracle d’Apollon. En rétablissant correctement le
texte de l’amulette, Jones a montré que le dieu interdisait en réalité
d’embrasser ; embrasser était une forme importante d’accueil dans la
Méditerranée classique, et si la maladie était directement transmissible, le
conseil peut être considéré comme un médicalement justifié67.
Longtemps avant la peste, Apollon était devenu l’un des dieux
syncrétiques les plus importants de l’Empire. Ses temples, à Didyme et à
Claros, étaient des lieux privilégiés de communication religieuse, où se
mélangeaient les croyances et les pratiques de tout un ensemble disparate de
peuples idéologiquement hétérogènes et accourus de zones très reculées. À
l’époque de la peste, des villes du vaste monde grec envoyaient des
délégations à la recherche désespérée de réponses et, dans au moins sept
lieux différents, les réponses prolixes d’Apollon à ces malheureuses
ambassades sont restées gravées dans la pierre. « Hélas, hélas ! Un mal
puissant envahit la Terre, un fléau difficile à éviter, brandissant dans une
main une épée vengeresse, et soulevant de l’autre les visions terribles des
mortels récemment blessés. Par tous les moyens, il sème le désespoir là où
les nouveau-nés doivent équilibrer la Mort – et toutes les générations
périssent – et tête baissée, il tourmente les hommes qu’il ravage. » Apollon
commandait aux villes de purifier les maisons avec des lustrations rituelles
et de repousser la pestilence avec des fumigations. (Il y avait de solides
précédents : un demi-millénaire plus tôt, le célèbre médecin Hippocrate
avait déjà prescrit de procéder à des fumigations pour repousser la peste.)
Dans d’autres cas, l’oracle prescrivait des libations et des sacrifices pour
réduire l’intensité des souffrances. « Vous n’êtes pas seuls à être détruits par
les afflictions d’une calamité sans remède, mais de nombreuses cités et
peuples sont également affligés par le courroux des Dieux. » À plusieurs
reprises, Apollon ordonna que l’on dressât devant les portes de la ville sa
statue « armée de flèches qui détruisent les maladies, tel celui qui lance un
trait au loin contre une épidémie ingrate ».
Les manifestations de religion apollinienne provoquées par la peste
antonine diffèrent profondément de tout ce qu’on déchiffre habituellement
dans l’épigraphie antique. Ce qui a survécu est certainement le sommet
d’un iceberg d’effroi religieux dont l’essentiel nous est inconnu. Le culte
d’Apollon était très populaire dans ce moment de désespoir et, alors que les
inscriptions apotropaïques montrent sans équivoque la peur de la peste plus
que la peste elle-même, le nombre de pierres gravées peut être pris comme
une sorte d’index de l’ampleur de la portée de la pestilence antonine68.
On est inévitablement amené à se demander quel était l’agent pathogène
responsable d’une telle mortalité. La question ne relève pas d’une curiosité
mal placée. La biologie d’un agent pathogène détermine la dynamique et les
dimensions d’un événement morbide et, si l’on découvre l’identité du
germe à l’origine de la peste antonine, on peut espérer du même coup
reconstituer certaines pièces manquantes du puzzle. Le seul agent
pathogène sérieusement soupçonné est le virus de la variole, sur quoi un
consensus existe chez les historiens de Rome. Ici, nous défendrons l’idée
que la variole est bien la meilleure hypothèse pour des raisons d’une
solidité plus grande que ce qui a été généralement considéré. Il est pourtant
dangereux de tirer des conclusions sans une identification moléculaire
précise. Des incertitudes subsistent et méritent d’être examinées avec
rigueur. L’histoire de la variole racontée par les données génétiques est en
plein bouleversement. Et si, finalement, on allait apprendre dans le futur
que l’étiquette « variole » donnée à l’agent pathogène a davantage été une
simplification à laquelle il était difficile d’échapper dans un redit de
l’évolution bien plus intéressante et complexe ?

Carte 10 Lieux possibles de manifestation de la peste antonine

Tant que l’on n’a pas séquencé directement le génome du microbe grâce
aux restes archéologiques des victimes, l’identification d’un agent
pathogène du passé demeure suspendue à notre connaissance de la
pathologie et de l’épidémiologie – son comportement révélateur aussi bien
au niveau individuel que collectif. Toute identification, à son tour, doit au
moins être en lien avec ce que l’on connaît de la phylogénie suspectée,
l’histoire de la famille de l’agent pathogène. Pour trouver l’identité de la
peste antonine, nous bénéficions d’au moins d’une chance inhabituelle : le
plus grand médecin de l’Antiquité en a été le témoin. Galien a soigné
d'« innombrables » victimes de la grande pestilence et, bien qu’il n’ait pas
composé un traité spécifique sur la maladie, il est l’auteur d’observations
éparpillées mais qui peuvent être très détaillées dans l’ensemble de son
œuvre.
Des précautions s’imposent. Le diagnostic rétrospectif est une affaire
risquée, y compris avec un observateur comme Galien. Il faut garder en
mémoire que Galien n’écrivait pas pour nous et, en médecine, l’expérience
et l’observation se font toujours au travers du filtre des termes et des
attentes qui constituent le contexte culturel. Malgré toute sa pertinence, le
point de vue de Galien était limité par sa théorie des humeurs : la croyance
selon laquelle le corps était un mélange de quatre humeurs et que la santé
résultait de leur équilibre. Galien n’avait pas la moindre idée des germes
infectieux et, comme pour la plupart de ses contemporains, la possibilité
d’émergence de nouvelles maladies lui était étrangère. Pour Galien, la peste
antonine était toujours la « grande » peste ou celle « qui a duré le plus
longtemps », différente des autres épidémies par son échelle mais pas par sa
nature. Il vivait dans un monde où un fatras de maladies infectieuses se
superposaient sans répit, et il n’a pas tenté de cerner les symptômes causés
par un agent pathogène précis. Solliciter ses écrits pour établir un diagnostic
rétrospectif est donc toujours un peu comme tenter d’identifier les
ingrédients d’un ragoût à partir de ses parfums.
Même au travers des filtres de sa théorie humorale, Galien a malgré tout
laissé quelques remarques cliniques subtiles. À l’entendre, l’étiologie de la
maladie se caractérisait par un excès d’une humeur appelée bile noire,
littéralement « mélancolie », ce qui pouvait résulter d’une observation des
malaises ressentis par les victimes de la peste. Dans son esprit, les
symptômes correspondants étaient la fièvre, une irruption de pustules
noires, une conjonctivite, une ulcération profonde de la trachée et des selles
noires ou sanglantes. Ceux qui bénéficiaient d’une constitution « sèche »
avaient de meilleures chances de survivre à l’infection69.
Le cas le plus détaillé est rapporté dans le cinquième livre de son chef-
d’œuvre, Méthode de traitement. Il prend place au milieu d’un plus long
débat sur la bonne manière de guérir les blessures. En général, elles doivent
être asséchées. Galien rapporte le cas d’une victime de la peste qui avait
développé des ulcères en profondeur dans la trachée-artère et les bronches ;
il pensait avoir trouvé un moyen d’assécher les ulcères internes, ce qui
aurait sauvé le patient. La totalité de son corps était couverte de pustules,
mais le neuvième jour, « comme presque tous ceux des autres qui furent
aussi sauvés », il toussa, crachant des « pellicules ». Galien fit étendre le
patient sur le dos et appliquer de l’extérieur une préparation desséchante. Il
retrouva la santé. Le patient convalescent était désespéré de se trouver à
Rome « où précisément il avait été touché par la pestilence », mais il fut
incapable de se lever avant le douzième jour. Cette présentation entraîne
Galien à des réflexions plus générales sur la pathologie dont souffraient les
victimes. Si certains survivaient « c’[était], me semble-t-il, parce qu’ils
[avaient] eu auparavant leur corps tout entier desséché et purgé ». Les
vomissements étaient donc un signe positif. Parmi ceux qui survivaient, des
pustules extérieures apparaissaient à proximité les unes des autres sur
l’ensemble du corps ; dans la plupart des cas il s’agissait de « pellicules » et
chez tous les survivants on pouvait constater une « sécheresse »70.
Galien croyait également que la fièvre putréfiait le sang des victimes.
« En vérité, pour les pustules de cette sorte [exanthemata] il n’a pas fallu de
préparation pharmaceutique. En effet, elles se sont installées spontanément
de la façon suivante. Chez certains, chez qui précisément elles s’étaient
ulcérées, la surface en tomba, surface qu’on nomme précisément “croûte”.
Et, dès lors, pour le reste on n’était déjà plus loin de la bonne santé ; et
après un ou deux jours, il y avait cicatrisation. Chez d’autres, ce dont mon
développement précédent a montré, s’agissant de toutes les autres plaies,
que c’était le point de mire de la thérapeutique, eh bien cette caractéristique
existait déjà chez ceux qui avaient réchappé de la pestilence. En effet, toutes
[exanthem] sans exception étaient sèches et rêches, presque semblables
pour la plupart à la gale, mais pour certaines d’entre elles à la lèpre. » Dans
son traité Sur la bile noire, Galien décrit les pustules noires couvrant tout le
corps avant de sécher et de tomber comme des écailles, parfois plusieurs
jours après ce qu’il avait considéré comme le tournant de la maladie. Ces
observations cliniques décrivent le cours des lésions vésiculaires puis
pustuleuses qui forment des croûtes, laissant des marques après que le
derme a perdu tout caractère pathologique71.

Tableau 5 L’éruption pestilentielle de Galien

Exanthēma melana : éruption extrusive/pustuleuse noire. Le grec signifie littéralement « éclatant en


avant » (étymologiquement, « s’épanouissant » comme une fleur), pustule qui surgit à la surface de la
peau
Helkos : blessure, plaie. Pour Galien, cela implique une rupture dans la continuité de la chair (Galien
K10.232). Galien réitère que dans le cas des victimes de la pestilence « toutes » les plaies étaient
« sèches et rêches ».
Ephelkis : croûte. Dessèchement naturel d’une plaie ou d’une blessure.
Lemma : ce qui se détache, tombe. Le mot est utilisé pour les écailles de poisson. Selon Galien, pour
les victimes dont les éruptions ne se transformaient pas en plaies, elles tombaient comme des
écailles.
Epouloō : cicatriser. Fréquemment utilisé par Galien.

Cette infection variolique est la présentation la plus directe de la maladie


dressée par Galien. Il est intéressant de reprendre en détail le cours de
l’infection par le virus Variola major tel que les cliniciens modernes du
monde entier l’ont observé au cours de la décennie précédant son
éradication. La variole était une maladie directement transmissible à autrui.
Le virus se propageait par inhalation de gouttelettes aériennes expulsées par
une personne infectée. Une fois que les virions de la variole avaient investi
une nouvelle victime, le virus était particulièrement virulent : la plupart des
personnes infectées devenaient malades d’une manière ou d’une autre. Le
virus commençait par se multiplier dans les muqueuses, puis dans les
ganglions lymphatiques et de la rate à une vitesse grand V ; la variole
débordait la réponse immunitaire immédiate et le corps cherchait par tous
les moyens de résister. La phase d’incubation pouvait être relativement
longue, entre sept et dix-neuf jours, mais généralement n’excédait pas la
douzaine. Au cours de cette fausse accalmie, le patient n’était pas
contagieux. Mais il n’était pas encore incapable de se déplacer, si bien que
le virus pouvait voyager vite et loin.

Tableau 6 Progression de l’infection variolique

Jour Contagieux Pathologie


1 Non Asymptomatique
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Fièvre, malaise, etc.
13
14 Oui
15 Éruption maculaire
16 Éruption de papules
17
18
19 Éruption vésiculaire
20
21 Éruption pustuleuse
22
23
24
25 Formation de croûtes
26 Moyennement
27
28
29
30
31 Non Cicatrisation
32

Fièvre et indisposition étaient les premiers symptômes ; ils se


produisaient soudainement. La victime devenait vite contagieuse. Elle
souffrait de vomissements, de diarrhées et de douleurs dans le dos. Dans les
cas les plus fréquents d’évolution, la fièvre disparaissait au bout de
quelques jours, au moment où les premiers signes avant-coureurs de la
pathologie dermatologique apparaissaient : des lésions douloureuses dans la
gorge et la bouche. Une éruption maculaire se répandait sur le visage et tout
le corps, plus densément sur la face et les extrémités que sur le tronc. Après
l’apparition de l’érythème, le patient traversait deux semaines difficiles
alors que la maladie pustuleuse progressait à la surface de la peau sous
forme de vésicules. Puis les boutons devenaient pustuleux, avant, cinq jours
plus tard, de commencer à former des croûtes. Le malade était davantage
contagieux pendant la fièvre et le début de l’éruption mais le restait jusqu’à
ce que les croûtes tombent. Quand c’était le cas, elles laissaient des
cicatrices le défigurant. L’ensemble du processus durait environ trente-deux
jours72.
C’était le déroulement normal de la variole. Mais il pouvait y avoir des
variantes. Une minorité de cas pouvaient présenter des hémorragies. Dans
le cas d’une « hémorragie précoce », la victime était très vite mal en point,
peut-être au second jour de la fièvre. On pouvait constater des saignements
en divers endroits du corps tandis que la peau prenait une couleur plus
foncée ; le patient mourait avant l’éruption caractéristique. Dans le cas
d’une « hémorragie tardive », les saignements apparaissaient après le
développement des lésions pustuleuses, suintant au travers de la peau. Les
varioles hémorragiques des deux types touchaient plutôt les adultes et
étaient presque toujours fatales73.
La variole pouvait ressembler à d’autres maladies provoquant également
des éruptions pustuleuses, comme la varicelle ou la rougeole, en particulier
dans les premières phases ou dans les cas bénins. Dans les cas de rougeole,
une fièvre prodromique de deux à quatre jours accompagnée de toux et de
conjonctivite est suivie d’une éruption partant de la tête et gagnant tout le
corps en huit jours ; à la différence de la variole, la rougeole ne provoque
pas une éruption de boutons et n’abandonne pas derrière elle de cicatrices
de son attaque. Dans la varicelle, la fièvre et l’éruption sont simultanées ;
les lésions dermiques, plus superficielles que dans la variole, se répandent
en grande quantité sur tout le corps, avant de rapidement disparaître. Les
signes différentiels de la variole sont les pustules qui forment des boutons et
s’enfoncent en profondeur, surgissant simultanément sur tout le corps en
deux semaines, se concentrant davantage aux extrémités que sur le tronc,
couvrant parfois même les paumes et la plante des pieds.
Les observations de Galien correspondent aux symptômes de Variola
major. Au cours d’une infection par la variole, la mort survient dix jours
environ après leur apparition, comme le décrit Galien qui parle de neuf à
douze jours de période critique. La fièvre était systématique mais souvent
faible, ce qui est aussi vrai pour la variole. Galien laisse entendre que le fait
que les pustules étaient rapprochées était un signe favorable – ce qui n’est
pas l’opinion des cliniciens modernes pour qui ce type de lésions est plutôt
mauvais signe. Mais, dans ce cas, Galien prend en compte la partie de la
population qui a survécu. Les conclusions de l’étude de Littman et Littman
sont toujours valables : Galien a décrit la forme hémorragique de la variole.
Les signes en étaient pour lui des selles très noires laissant présager le pire.
Selon lui, l’excès de bile noire chez toutes les victimes de la peste pouvait
s’exprimer sous la forme du dessèchement noir de l’éruption ou du passage
de selles sanglantes. Dans ce dernier cas le patient avait des raisons
d’espérer alors que dans le précédent le sang avait été « complètement
cuit ». Galien ne dit pas précisément si les pustules survenaient
simultanément ou en grandes quantités, si elles étaient concentrées sur le
milieu du corps ou aux extrémités, si elles apparaissaient sur les paumes et
les plantes des pieds ; à partir de sa description, impossible de poser un
diagnostic définitif. Mais l’éruption qu’il décrit – des lésions de forme
protubérante jusqu’à la formation des croûtes et au processus de
cicatrisation –, va dans le sens de la variole comme agent de la peste
antonine, quel que soit le fossé culturel qui nous sépare des médecins de
l’Antiquité74.
La variole n’est pas un si vieil ennemi patenté, et les données génétiques
nous autorisent à penser que son existence a été brève mais mouvementée.
La méthode de datation grâce à l’horloge moléculaire permet d’estimer
quand a eu lieu un événement dans l’histoire de l’évolution : elle nous
renseigne avec une forte probabilité de vraisemblance quant au temps qu’il
a fallu pour qu’une variation génétique donnée se produise. Selon certains
travaux, la différenciation de la variole de son plus ancien ancêtre, Tatera
poxvirus, ne date que de deux mille à quatre mille ans. La variole ne résidait
pas dans des « réservoirs de maladies civilisées » d’Asie en des temps
préhistoriques très reculés. Et une nouvelle étude génomique suggère
qu’elle a sous-tendu un événement clé de l’évolution survenu à peu près au
XVIe siècle et qu’une forme plus virulente du virus s’est alors répandue à la
surface du globe dans ces temps d’exploration et de construction d’empires.
L’histoire de la maladie entre ses origines et sa carrière moderne ? Une
question ouverte75.
Les premières indications de la variole, dans la littérature, datent
seulement du Ier millénaire. À côté de la peste antonine, il y a de possibles
allusions à des épidémies de variole en Chine au IVe siècle ; un compte
rendu saisissant d’une pestilence à Édesse, à la fin du Ve siècle, semble
montrer qu’il s’agissait de cette maladie. On lit aussi des descriptions de la
variole dans des textes médicaux depuis le VIe siècle, en commençant par un
médecin d’Alexandrie du nom d’Aaron, jusqu’aux textes de la médecine
indienne médiévale comme le Madhava nidanam écrit au début du
VIIIe siècle. Entre la fin du IXe siècle et le début du Xe, le médecin perse
Rhazes a consacré un extraordinaire traité au diagnostic différentiel de la
variole et de la rougeole76.
Une image plus complète surgira probablement des nouvelles données
génétiques recueillies grâce aux échantillons prélevés lors des fouilles
archéologiques. Actuellement, une hypothèse est que Variola a évolué,
passant d’un orthopoxvirus de rongeur pour se muer en agent pathogène
propre aux humains, en Afrique, quelque temps avant la peste antonine.
L’agent biologique de la pestilence du IIe siècle pourrait appartenir à une
lignée particulièrement virulente de Variola aujourd’hui éteinte, ou avoir
pour ancêtre un virus qui aurait évolué pour donner une forme plus bénigne
de la variole au Moyen Âge. Et elle pourrait aussi avoir eu pour cause un
autre agent biologique, même si l’on n’a pas actuellement de candidat
crédible. Les données génétiques nous le révéleront un jour. Le point le plus
important est que l’histoire de l’évolution des agents pathogènes humains a
été particulièrement mouvementée au cours du dernier millénaire.
Rares sont les germes susceptibles d’accomplir ce que la pestilence a
réussi, en particulier un développement transcontinental en l’espace de
quelques années. La peste antonine présente tous les signes d’une maladie
infectieuse contagieuse à l’extrême et directement transmissible entre
humains. Alors que les Anciens s’imaginaient que la pestilence était un
miasme, une pollution gazeuse évoluant dans l’atmosphère comme un
nuage empoisonné, nous ne devons pas nous laisser induire en erreur en
imaginant que la diffusion de la maladie a pris la forme d’une série de
cercles concentriques de plus en plus larges. Procéder ainsi reviendrait à
renoncer à tout espoir de retracer les dynamiques de transmission et de
propagation de la peste antonine. La pandémie ressemble davantage à une
bombe à fragmentation se diffusant vers l’extérieur en créant des bandes
irradiantes à partir de chaque point de contact. L’expansion de la contagion
était chaotique mais structurée par les possibilités et les contraintes
inhérentes à l’Empire urbain, interconnecté construit par les Romains. La
pandémie s’est déplacée du Sud vers le Nord, mais de manière imprévisible,
suivant les mouvements humains et non pas les vents. Une flèche serait une
mauvaise représentation, sauf si on prend en compte la complexité fractale
dans toutes les directions possibles77.
La pleine mesure du défi auquel nous sommes confrontés, apparaît quand
on se rappelle que l’estimation de l’importance de la mortalité antonine due
aux historiens modernes va de 2 % à un tiers de la population impériale –
une différence de 1,5 à 25 millions de morts ! Ce sont des aléas
inéluctables quand on étudie une maladie qui a eu lieu il y a deux mille ans.
On ne détient pas de tables de la mortalité mais seulement des données
disparates sur les effets de la maladie dans des lieux et à des instants
particuliers. Elles sont de première importance mais nous obligent à
redoubler de prudence car l’impact total de la mortalité a dû être très
dépendant de facteurs sociaux et écologiques qui variaient fortement même
dans le seul espace de l’Empire romain. L’expérience de la pestilence dans
un village, dans une caserne militaire ou dans une métropole a dû être
totalement différente78.
In fine, le comportement d’un agent pathogène au niveau de la population
dépend, pour l’essentiel, de son mode et de son moyen de transmission. La
dynamique d’une épidémie peut être réduite à quelques paramètres
essentiels : le taux de contact total, le risque de transmission et le
pourcentage de cas mortels. Le nombre de victimes qui ont contracté la
maladie est déterminé par le total du taux de contact mesuré par le risque de
transmission – le nombre de personnes avec lesquelles un patient infecté
entrait en contact et le risque que ceux qui étaient exposés couraient. En
général, le risque de transmission est presque purement biologique. Un
virus comme celui de la variole était hautement contagieux, mais beaucoup
moins que des maladies exceptionnellement transmissibles comme la
rougeole ou le rhume. Une étude menée dans le Pakistan rural souligne que
70 % des personnes vivant dans une petite maison avec une personne
infectée contracteront la variole, un pourcentage qui fait consensus. Galien,
qui était intarissable sur sa propre histoire médicale (il avait souffert de
fièvres à quatre reprises dans sa jeunesse), ne donne aucune indication sur
le fait qu’il ait été lui-même infecté, alors qu’il a soigné des centaines de
victimes. Aussi la contagion était-elle probable mais non pas obligatoire,
même parmi ceux qui étaient exposés. Alors que peu de personnes
bénéficiaient d’une immunité passive ou innée à la variole, les survivants
jouissaient d’une résistance forte sur une longue période79.
La variable la plus intéressante est le taux de contact total. Les
mécanismes par lesquels un agent pathogène se transmet sont ce qui compte
le plus pendant une épidémie. La variole, par exemple, était due à un agent
pathogène aérien. La victime en contaminait une autre en toussant, par
éternuement ou par la salive et l’agent pathogène contaminait ses victimes
par le nez ou la bouche. Étant donné la période d’incubation, environ douze
jours, les victimes infectées pouvaient transporter le virus dans de nouveaux
lieux avant de ne plus être capables de bouger. Le patient était au dernier
degré contagieux pendant une durée d’environ douze jours ; la victime
restait une source potentielle de contamination pendant quelques jours de
plus, alors que les pustules s’incrustaient. Le virus était transmis par voie
aérienne mais jamais sur une longue distance – seulement entre 1 et
1,20 mètre. On ne devrait pas être surpris par les rapports, comme celui
d’Aelius Aristides qui décrit la pestilence touchant successivement les
différents membres de sa famille. Mais, le frein le plus puissant à la
généralisation de la variole est le périmètre de contamination de 1 à
1,2 mètre et le fait que les victimes soient incapables de se déplacer pendant
la phase infectieuse. Tout ce qui était en mesuer d’affecter matériellement le
nombre de personnes entrant dans le périmètre du danger influençait la
dynamique d’expansion de la maladie : les normes culturelles qui dictaient
la manière de s’occuper des malades jusqu’aux modes de transport à grande
échelle. Toute la question de la peste antonine dans l’Empire romain se
réduit à la question de la distance de 1 à 1,20 mètre… répétée des millions
de fois80.
Un ensemble de faits structurels ont joué un rôle en faveur d’un taux de
contact élevé dans l’Empire et créé un environnement propice à l’extension
d’un agent pathogène directement transmissible. Un réseau de transport
serré et très utilisé reliait tous les recoins de l’Empire sur terre et sur mer.
Mais l’Empire romain restait une société antique : le temps et le coût des
voyages étaient un frein à la diffusion de l’agent pathogène. L’urbanisation
avait favorisé un habitat dense, avec des maisons d’habitation souvent
surpeuplées. Mais la grande majorité du peuple vivait à la campagne. Les
traditions culturelles des sociétés sous domination romaine les ont rendues
particulièrement vulnérables à une maladie infectieuse aiguë. L’absence de
théorie des germes (même si on n’ignorait pas totalement la question de la
contagion) signifiait qu’il n’y avait aucune raison scientifique de craindre
d’être infecté, et l’appareil médical à grande échelle fondé sur les visites à
domicile favorisait la propagation de la maladie dans les villes. La nouvelle
maladie a trouvé dans l’Empire romain une population dénuée de tout
moyen ou savoir thérapeutiques pour se protéger contre l’ennemi qu’elle
devait maintenant affronter. Naturellement, les injonctions d’Apollon contre
les embrassades ou les précautions prises par un Marc Aurèle malade pour
protéger son fils Commode suggèrent une prise de conscience élémentaire
du caractère contagieux de la maladie.
Le taux de mortalité d’une maladie dépend de la combinaison entre la
virulence de l’agent pathogène et l’état biologique de la population. Même
un virus aussi mortel que celui qui fut à l’origine de l’épidémie de variole
induisait un taux de mortalité variant entre 30 et 40 % – si bien que la
plupart de ceux qui contractaient la maladie lui survivaient et devenaient
immunisés. La variole fondait sur les très jeunes (dont le système
immunitaire est en développement) et les très vieux (dont le système
immunitaire est affaibli). Le taux de mortalité total dépendait donc de la
structure d’âge de la population attaquée par le virus. De plus, la charge
préexistante de l’agent pathogène peut affecter ce que sera la mortalité.
Dans le Nouveau Monde, par exemple, « la charge de l’agent pathogène
dans les zones de basse altitude, humides et chaudes, était plus importante
qu’ailleurs, interagissant négativement avec les nouvelles maladies
importées d’Europe ». La peste antonine a agi en synergie avec d’autres
maladies, exacerbant le taux de mortalité81.

Tableau 7 Les facteurs épidémiologiques de la peste antonine

Taux de contact total Risque de transmission Taux de mortalité


+ réseaux de transports Peut-être 70 % pour Variola + structure d’âge
major
+ densité de la population + charge du pathogène
+ maisons hébergeant plusieurs – infrastructure médicale
familles
+ absence de théorie des germes – absence de troubles sociaux
+ infrastructure médicale +/ – amortissement du choc par
l’alimentation
+ manque d’apprentissage social

+ favorise la mortalité
– réduit la mortalité

D’autres facteurs pouvaient atténuer la force de la pestilence. L’appareil


médical organisé dans les villes permettait aux malades de recevoir des
soins ; alors que les saignées et les dits « agents desséchants » auxquels les
médecins comme Galien avaient recours pouvaient aggraver la situation, on
ne doit pas sous-estimer la valeur des soins de base qui consistaient d’abord
à fournir de quoi manger et boire aux malades. Cela faisait souvent la
différence entre la vie et la mort. Galien notait que les patients qui avaient
de quoi manger survivaient alors que les autres mouraient tous. Aucune des
sources littéraires dont nous disposons sur la peste antonine ne fait état d’un
quelconque chaos social en pleine pestilence ; l’ordre social semble avoir
été maintenu, à l’exception peut-être de la crise complexe qui a touché le
delta du Nil où les changements écologiques, la violence sociale, la dette
fiscale et la pestilence ont provoqué une grave désintégration. À Rome, on
disait que Marc Aurèle aurait financé sur les fonds publics l’inhumation des
pauvres ; on ne dispose pas d’informations sur les autres villes82.
Après une longue accalmie, la pestilence réapparut au cours d’au moins
un épisode secondaire majeur. Le schéma suivi est celui auquel on peut
s’attendre de la part d’un virus directement transmissible à l’origine d’une
bonne immunité chez les survivants. Si la population est suffisamment
importante, le virus peut tranquillement se réfugier dans des interstices
urbains et continuer à progresser par ricochets dans d’autres villes et
villages avant de faire retour. La première poussée de variole dans l’Empire
a été ressentie en 165, et elle a progressé à un rythme saccadé de région en
région jusqu’en 172 au moins. Sa diffusion était dépendante de la nature de
la géographie physique et des réseaux d’échanges humains, combinés aux
rythmes biologiques propres à l’agent pathogène.
Comme les tentacules de la pestilence s’étendaient sur tout l’Empire
romain, de multiples ramifications ont dû rapidement rencontrer leurs
limites. En ce sens, les métropoles comme Rome et Alexandrie n’étaient
pas seulement les moteurs de la circulation du germe au cours de la
première vague, mais la densité de leur population a permis au microbe de
se cacher chez un petit nombre de personnes, échappant à toute
identification. Puis, alors que les naissances et l’immigration venaient
repeupler les rangs des hôtes vulnérables, les grandes villes devenaient des
bombes à retardement prêtes à exploser à nouveau, dispersant l’agent
pathogène dans les coins les plus reculés de l’arrière-pays. Aussi n’est-il
pas surprenant de déceler des signes de la pestilence dans le Norique en
182-183 apr. J.-C., et, grâce à la conservation fortuite de papyrus et
d’inscriptions, en Égypte en 178-179 apr. J.-C. En Égypte, il est tentant de
faire l’hypothèse d’un rebond en provenance d’Alexandrie à cette même
époque. En Occident, une seconde éruption majeure est vivement attestée à
Rome en 191. Environ 2 000 personnes sont mortes chaque jour au cours de
cette recrudescence. Horrifié, le peuple a cru que le pire était arrivé83.
La plupart des témoignages littéraires dont nous disposons restituent le
paysage général de la pandémie mortelle. Dans quelques cas, nous avons la
possibilité de zoomer pour obtenir une perspective plus granulaire. Ainsi,
un rouleau de papyrus carbonisé trouvé dans le delta du Nil nous donne un
point de vue précis sur ce qu’on a appelé une « hémorragie
démographique » dans quelque vingt villages autour de la cité de Mendès.
La dépopulation qui les a touchés et les a rendus incapables de payer les
impôts pourrait avoir commencé au milieu du IIe siècle, sous la pression
d’un changement hydraulique complexe dans le delta. Un texte datant de
170 apr. J.-C. souligne la dépopulation totale des villages du delta. L’un
d’entre eux, Kerkenouphis, serait passé, en 168-169 apr. J.-C., à zéro
habitant à cause d’une attaque de bandits, une fuite devant les impôts et la
« situation pestilentielle ». Dans ce cas, la maladie a aidé à ce qu’un
environnement difficile provoque un effondrement total84.
On a des indications sur la mortalité insidieuse de la seconde vague dans
un village du Fayoum, en amont du delta, appelé Soknopaiou Nesos. Situé
sur la rive nord du lac Moéris juste à la frange du désert, le cœur de ce
village sacerdotal était consacré au culte du dieu crocodile et à ses temples ;
la pêche, l’agriculture et le commerce caravanier étaient aussi des sources
de revenus. Au cours de l’hiver de 178-179 apr. J.-C., le fléau s’abattit à
nouveau sur lui. Sur 244 adultes masculins vivant à la fin de l’année 178,
59 moururent en janvier et 19 autres en février 179. Le document nous
donne une image instantanée de la mortalité. Cela implique un taux de
mortalité de 32 % sur deux mois dans la partie la moins vulnérable de la
population pendant la seconde vague. Si le taux de mortalité avait été de
50 % – causant donc deux fois plus de victimes –, 156 hommes sur un total
de 244 pourraient avoir contracté la maladie. Ce que ce microcosme nous
apprend, c’est que le taux de contact effectif dans ce recoin densément
peuplé de l’Empire pouvait être catastrophiquement élevé. Un village
comme Soknopaiou Nesos était biologiquement connecté au monde, et une
fois parvenu dans cet endroit le virus était capable de sauter d’une victime à
l’autre85.
Ces deux modestes cas sont intéressants mais ce serait une erreur de les
assimiler à des échantillons représentatifs. Les villages du delta étaient des
lieux d’habitation à la marge, bénéficiant d’un environnement volatil, en
proie à une crise aux dimensions multiples. Le village du Fayoum se
caractérisait par une densité de population inhabituelle en Égypte et reliait
les lieux habités de la vallée. Ces deux villages ont sans doute connu une
situation beaucoup plus grave que les lieux de peuplement plus ordinaires.
L’armée fut durement touchée. En 172 apr. J.-C., selon les chroniques,
elle fut à deux doigts de disparaître. La biographie de Marc Aurèle rapporte
la conscription en urgence d’esclaves et de gladiateurs mais aussi de
brigands. La situation difficile de l’armée est documentée dans une
inscription d’une ville du centre de la Grèce, normalement exemptée du
recrutement de légionnaires, qui a dû envoyer plus de quatre-vingts
hommes vers 170 apr. J.-C., au moment de ce que l’on a appelé un « sérieux
manque de main-d’œuvre » dans l’armée. Mais l’indice le plus fort de
l’impact démographique de la peste sur les troupes découle d’une liste de
vétérans de la legio VII Claudia, libérés après leurs vingt-cinq ans de
service en 195 apr. J.-C. Étant donné les estimations raisonnables sur les
recrutements et les pertes d’une légion romaine, l’accroissement brutal du
nombre de vétérans au cours de cette année-là démontre que la légion avait
perdu entre 15 et 20 % de ses hommes, sinon un peu plus, au cours de la
première vague de la pandémie et avait eu du mal à les remplacer au cours
des années suivantes. Alors que le mode de vie dans les casernes pourrait
avoir accéléré la transmission de l’agent pathogène, les soldats dans la fleur
de l’âge, disposant d’un système de soins et de ravitaillement fiable, ont dû
mourir dans des proportions moindres que les autres. Encore une fois, cet
échantillon n’est pas représentatif ; il est seulement destiné à illustrer de
quoi l’agent pathogène était capable une fois lâché sur Terre dans certaines
conditions86.
Les historiens de Rome ont parfois expliqué que l’impact démographique
sévère de la pandémie s’est traduit par une interruption brutale de séries de
documents datés, y compris les papyrus égyptiens, les inscriptions sur les
bâtiments, les certificats de libération de l’armée, etc. C’est un type
d’enquête qui est plus suggestif que conclusif car, par définition même, de
telles absences dans les rapports indiquent la survenue d’une crise – mais
non sa cause. Une pestilence d’une magnitude aussi exceptionnelle est, de
loin, le meilleur candidat comme facteur de déclenchement, et les racines
démographiques particulières de ce qui a vite tourné à la crise systémique
sont confirmées de manière indépendante par les changements à long terme
dans le niveau des prix87.
Au milieu de la pestilence, la frappe de monnaie impériale semble avoir
soudainement disparu, provoquant une crise monétaire à court terme. En ce
qui concerne la monnaie provinciale, en Égypte, il y a eu une dépréciation
des pièces d’argent à partir de 164-165 apr. J.-C., qui s’est intensifiée en
167-168 apr. J.-C. Puis de 170-171 jusqu’à 179-180, la frappe de monnaie
d’argent a été totalement interrompue à Alexandrie, une rupture
exceptionnelle dans la production provinciale. Ce hiatus sans précédent
s’observe dans les mines d’État en Palestine (de 166-167 à 175-176) et en
Syrie (169 à 177) et suggère l’existence d’un problème beaucoup plus
vaste. La mobilisation militaire contre la Parthie et le coût de la machine de
guerre avaient déjà mis sous tension le système fiscal impérial, mais la
pestilence l’a poussé dans une zone critique dangereuse. De la fin des
années 160 jusque dans les années 170, l’infrastructure monétaire et fiscale
a vacillé sous le choc.
Figure 14 Prix du blé (drachmai/artaba)

Figure 15 Loyers en nature (hl de blé/hectare)


En Égypte, il est loisible de suivre les changements rapides du régime des
prix induits par les chocs démographique et monétaire. Les prix nominaux –
exprimés sur les pièces de monnaie, en l’occurence la drachme – ont
doublé. La monnaie a perdu la moitié de son pouvoir d’achat, manifesté
dans toute une série de prix de marchandises, y compris la plus importante,
le blé88.
La pestilence a eu un impact économique sérieux. Le prix de la terre –
traduit en une quantité donnée de blé – a chuté. Brutalement, elle a perdu
de la valeur, probablement parce que la demande s’est fortement contractée.
Alors que le travail était sans doute plus rare, et aurait dû bénéficier de
salaires plus élevés à cause des ravages de la mortalité, des dégâts dans
l’économie – pertes de productivité dues à la récession commerciale ou
baisse du capital technique – ont empêché tout gain visible pour les
travailleurs ordinaires. Cependant les loyers agricoles réels montrent un
changement profond dans le poids relatif de la terre et du travail. Le prix
que les métayers devaient payer pour louer des terres agricoles baissait de
manière chaotique et est resté au nouvel équilibre pendant des décennies89.
En somme, toutes les données – depuis les signes d’une réaction de
religiosité sans équivalent jusqu’aux rapports écrits mentionnant une
mortalité anormale dans tout l’Empire, en passant par les instantanés des
microcosmes de la violence de la peste et d’un point de vue plus général ses
effets économiques – sont cohérentes avec l’idée que la peste antonine a été
un phénomène létal à une échelle que l’Empire n’avait jamais connue
jusque-là.
Le besoin d’une comptabilisation du nombre total des morts, un résumé
macabre du bilan de la pandémie, est indispensable. Avec la peste antonine,
nous sommes confrontés à la profonde diversité à l’intérieur de l’espace
géographique sous domination romaine. Les régions côtières intégrées
auraient été les plus exposées à une épidémie répandue dans tout l’Empire
par une maladie directement transmissible. Les immenses zones de la
campagne étaient protégées par leur isolement ; les villageois égyptiens
s’en sont plus mal sortis que les habitants des provinces bénéficiant d’un
habitat plus dispersé, comme c’était caractéristique de la plus grande partie
des régions occidentales. La structure d’âge de l’Empire a certainement
signifié qu’un nombre inimaginable de nouveau-nés et de jeunes enfants ont
été emportés par la pestilence, une génération perdue. La charge
préexistante de l’agent pathogène a aussi certainement exacerbé les dégâts.
La plupart des tentatives pour évaluer le taux de décès provoqués par la
peste antonine ont abouti à un pourcentage situé entre 10 et 20 % pour
l’ensemble de l’Empire. On est fondé à estimer qu’il y a eu des taux de
contact et de mortalité très élevés dans les parties constituant le cœur de
l’Empire, et, simultanément, des zones tampon constituées par l’immense
arrière-pays et la périphérie du territoire impérial. Le taux de mortalité
évalué entre 15 et 20 % dans l’armée pourrait avoir atteint un maximum
dans les zones situées au cœur de l’Empire, en lien étroit tout autour de la
Méditerranée. Même si le taux le plus bas était appliqué à Rome, cela
impliquerait qu’au moins 300 000 habitants de la capitale auraient contracté
la maladie, dont la moitié auraient péri. Il est facile de comprendre le rôle
qu’a pu jouer une telle catastrophe dans le cri d’épouvante qui s’échappe de
toutes nos sources. Finalement, les zones sur lesquelles notre ignorance est
totale, en particulier les campagnes, n’ont rien pour nous consoler.
L’estimation la plus prudente, autour de 10 %, si l’on prend la population de
l’Empire dans sa totalité, pourrait avoir été deux fois plus importante dans
les zones les plus concernées par la pandémie. Si le virus a tué entre 7 et 8
des 75 millions d’âmes de l’Empire, cela a été, en termes absolus, un
événement sanitaire sans précédent90.
Dans le cours de l’histoire, des agents pathogènes sont comme des étoiles
filantes qui surgissent de la forêt ou des campagnes et deviennent capables
de s’annihiler eux-mêmes dans un paroxysme de violence, frappant tous les
hôtes potentiels appartenant à de petites tribus ou villages jusqu’à leur
extinction totale. Cette impasse de l’évolution pourrait avoir été le sort du
germe à l’origine de la peste antonine, s’il n’avait pas ricoché sur la scène à
ce moment précis de l’histoire où les réseaux connectant le monde s’étaient
développés comme jamais auparavant. En ce sens, le cours de l’histoire
romaine a pris une nouvelle direction par la conjonction de l’histoire de
l’évolution microbienne et de la société humaine91.
Résilience et nouvel équilibre
La peste antonine marque un tournant, la fin d’une certaine trajectoire de
développement de l’État et de la société. Mais nous devons résister à la
tentation de considérer cet événement comme un coup fatal, condamnant
inéluctablement le projet impérial à la ruine. Même si l’Empire a souffert
d’une mortalité agrégée qui a pu atteindre 20 %, cela aurait ramené la
population au niveau qui était le sien à la fin du règne d’Auguste. D’un
côté, le retour en arrière après un siècle et demi de croissance robuste, en un
clin d’œil, a fait l’effet d’un coup de massue. De l’autre, la population de
l’Empire augustinien n’était pas clairsemée. La peste antonine n’a pas brisé
la logique propre au régime démographique romain. C’est peut-être là la
différence la plus importante entre l’Empire et les populations du Nouveau
Monde ravagées par les maladies contagieuses, y compris la variole. Le
contexte de la colonisation, de l’esclavage et de l’exploitation des
ressources a réduit à néant ces sociétés chancelantes ; l’impact réel de
l’expansion microbienne a été ressenti sur le long terme. « L’impact des
nouvelles maladies est l’aspect le plus négatif, le plus “ravageur” à long
terme sur un système démographique ; il affaiblit ses capacités de rebond
après le choc92. »
Ce type précis de désintégration n’a justement pas eu lieu après la peste
antonine. Les survivants ont d’ailleurs fait preuve d’un taux de fertilité
maximum dans les décennies suivant l’épidémie. Après la seconde vague, il
n’y aura plus de grand épisode de ce genre avant la peste de Cyprien en 249
apr. J.-C. S’il s’agissait de la variole, rien ne prouve qu’elle a pris une
forme épidémique dans les plus grandes villes de l’Empire. La population a
de nouveau crû au cours des décennies suivant la pandémie. Même le
village de Soknopaiou Nesos semble avoir connu un rebond. La peste
antonine n’a pas précipité l’Empire dans une chute libre dont il eût été hors
d’état de se remettre.
Mais le choc de cet événement létal – d’une ampleur supérieure à tout ce
que l’Empire avait jamais connu – mit sous tension les capacités du système
impérial. Le test politique se présenta immédiatement. La crise fiscale a
confronté l’Empire à de graves défis ; en 168 apr. J.-C., Marc Aurèle puisait
dans les trésors du palais pour disposer de fonds. Les rythmes agraires de
base en sortirent désorganisés. Galien signale des « famines permanentes
qui ne durèrent pas seulement quelques années parmi de nombreuses
nations soumises à Rome ». Des citadins affamés partaient à la campagne
et, « conformément à cette pratique universelle consistant à ramasser une
quantité suffisante de blé pour tenir une année entière », dépouillaient les
champs, laissant les paysans survivre en se nourrissant de déchets,
d’écorces et d’herbe. Il faut souligner que les témoignages les plus
saisissants d’une famine à large échelle sous le Haut-Empire romain sont
dans le sillage de la pandémie. Mais, d’une manière plus générale, l’avenir
de l’Empire n’a pas été menacé93.
Les effets de la pandémie ont été généralement subtils. Si la population
est revenue à un niveau proche de celui qu’il était sous Auguste, la période
intermédiaire a vu des changements dans son économie politique et morale.
Le renforcement des responsabilités des gouvernants n’en a pas été
moindre. Un empire hégémonique fondé sur la conquête était devenu un
empire territorial, assimilant progressivement ses divers peuples dans un
ensemble politique commun qui exigeait la loyauté. En retour, les citoyens
et les sujets de l’Empire avaient des exigences de paix et d’ordre. Ils avaient
des attentes envers leur gouvernement ; on sait, par hasard, qu’un
gouverneur en Égypte, après la pestilence, a reçu 1 804 pétitions de ses
administrés, au cours de trois jours de débats. Sous le règne de Marc
Aurèle, le grand compromis entre l’Empire et les élites citadines a été une
réussite même s’il n’a jamais été totalement stable ; l’aristocratie
provinciale a infiltré les plus hauts rangs de la société impériale au moment
où l’Empire avait plus que jamais besoin de ses services pour occuper une
série de fonctions. Leur richesse et les services rendus exigeaient une
reconnaissance et une prééminence impensable du temps d’Auguste. Sous
le règne de Marc Aurèle, les exigences de la guerre et de la peste et
l’attitude tolérante de cet empereur philosophe ont ouvert la voie à des
provinciaux de talent comme jamais auparavant. La pandémie a accéléré la
provincialisation de l’Empire94.
Au-delà des frontières, des changements importants ont également eu
lieu. La proximité de l’Empire a favorisé la formation d’États secondaires
dans les zones barbares ; l’essor de formidables ennemis au-delà de la
limite du Danube a constitué un changement géopolitique profond. Le
déplacement de trois légions vers l’Est pour mener la campagne parthe était
un risque calculé. Le plan de Lucius Verus était de régler les problèmes à
l’Est avant de régler ceux du Nord. Tandis qu’il était à la tête des
opérations, Marc Aurèle, à Rome, recrutait déjà deux nouvelles légions
pour passer à l’action dans le Nord. Tout cela n’avait pas été très bien
calculé. Les armées victorieuses de Lucius Verus tentaient de regagner
Rome sous le nuage de la pestilence. Pendant ce temps, la tempête
pestilentielle éclata à l’Ouest. L’expédition du Nord fut retardée d’un an.
Les nouvelles du front étaient mauvaises : les Marcomans et les Quades
demandaient le droit de s’installer dans l’Empire ou menaçaient de partir en
guerre. Quand Marc Aurèle et Lucius Verus furent prêts pour une campagne
dans le Nord, l’armée fut ravagée par la pestilence dans le camp d’hiver
d’Aquilée. Galien, comme il l’avait craint, fut toutes affaires cessantes
convoqué par l’empereur. Lucius lui-même succomba95.
Les guerres nordiques de Marc Aurèle sont souvent considérées comme
un tournant dans l’histoire de l’Empire où tout était en train de changer.
Même la « maîtrise de l’escalade », un avantage incontestable des Romains,
semblait ne plus être de mise. La force de frappe des troupes d’envahisseurs
barbares leur permit de pénétrer très avant dans l’Empire, à la fois en
traversant les Alpes et plus bas dans les Balkans. Marc Aurèle passa
l’essentiel des dix dernières années de sa vie à batailler sans conclusion,
interrompu par la tentative d’usurpation d’Avidius Cassius. Le sénateur
syrien qui avait saccagé Séleucie fit preuve de déloyauté pour des motifs
qui restent obscurs. La rébellion fut vaincue mais cela représentait un
élément de distraction des opérations à la frontière. C’était aussi l’annonce
prémonitoire de futures rébellions.
L’empereur stoïcien passa ses dernières années sur le Danube, où il
proclama des victoires qui semblent avoir été sans envergure ni résultat. Le
simple fait de conserver l’Empire en état devenait épuisant et une marge de
résilience avait été perdue. L’expansion de l’Empire était fondée sur la
croissance de la population. La peste a été un ébranlement systémique. La
perte de population s’est aussitôt ressentie dans la crise du recrutement
militaire mais, à plus long terme, cela a entraîné des changements en
profondeur. Le recrutement est devenu plus difficile, en vertu de quoi les
incitations matérielles ont dû être plus importantes. Les provinciaux avaient
gagné leur prééminence en servant au nom de l’Empire, et ils allaient
bientôt en recueillir les fruits96.
Le sénateur et historien Dion Cassius, l’un de ces provinciaux qui
devaient occuper les postes de commandement les plus élevés au lendemain
de la crise, a médité sur l’héritage ambigu laissé par Marc Aurèle et son
époque : « Marc Aurèle n’a pas joui du bonheur qu’il méritait : [son corps],
en effet, était débile, et, pendant tout le temps de son règne, pour ainsi dire,
il éprouva de nombreux malheurs. À mes yeux, c’est là une raison de
l’admirer davantage, pour s’être tiré lui-même d’affaires difficiles et
embarrassantes et avoir maintenu l’intégrité de l’Empire. » Cela semble un
verdict juste et bien senti des réussites d’un homme dont le destin était de
s’opposer à une marée montante.
Malgré les bons offices de Marc Aurèle, la miraculeuse efflorescence de
la Pax Romana a été brisée en plein élan. Si l’Empire a survécu, le vent
glacé d’un nouvel âge se manifeste dans les réflexions stoïques de
l’empereur que nous lisons grâce à son remarquable journal. « Celui-ci
menant le deuil de celui-là, et bientôt enseveli lui-même par tel autre, qui
succombe à son tour ; et tout cela en quelques instants ! Pour le dire en un
mot, il faut toujours considérer les choses humaines comme éphémères et
de bien peu de prix […]. Se rendre ferme comme le roc que les vagues ne
cessent de battre. Il demeure immobile, et l’écume de l’onde tourbillonne à
ses pieds97. »
L’Empire romain était un survivant. Mais l’âge des pandémies déboulait
et, dans les futures rencontres avec de nouveaux germes, il ne se montrerait
pas entièrement à la hauteur des défis que la nature gardait en réserve.
Chapitre 4
Le vieillissement du monde
Le millénaire de l’Empire
Le 21 avril de l’an 248 apr. J.-C., la ville de Rome fêtait son millième
anniversaire. Pendant trois jours et trois nuits, les nuages de fumée des
offrandes et le son des hymnes sacrés envahirent les rues. Les créatures les
plus étranges capturées dans le monde entier – un véritable zoo – furent
offertes au peuple et massacrées sous ses yeux : trente-deux éléphants, dix
élans, dix tigres, soixante lions, trente léopards, six hippopotames, dix
girafes, un rhinocéros (difficile à transporter, mais le plus fascinant de tous),
et une quantité innombrable d’autres bêtes sauvages, sans oublier mille
couples de gladiateurs. Il s’agissait en l’espèce des ludi saeculares, les
traditionnels « Jeux séculaires » que Rome organisait pour marquer chaque
centenaire et rafraîchir le souvenir de temps archaïques : « Tout ce qui [les]
caractérisait contribuait merveilleusement à inspirer aux esprits
superstitieux une vénération profonde », a écrit Gibbon. La célébration était
porteuse de sombres associations avec les Enfers et l’épisode de la
pestilence. Malgré le primitivisme délibéré des rites, les Jeux séculaires
pouvaient être mis au crédit d’Auguste, comme beaucoup d’autres choses,
et étaient ainsi l’occasion de renouer de manière créative avec le père
fondateur. Sans interruption depuis des siècles, les Jeux séculaires étaient,
sous tous leurs aspects, une affaire impériale, une mise en scène de la
superpuissance de Rome. Rien ne pouvait laisser soupçonner aux
contemporains qu’ils étaient les spectateurs d’une sorte d’adieu : ils
assistaient aux derniers Jeux séculaires à Rome1.
Il est facile, avec le temps, d’imaginer qu’il y avait un peu de déni dans
une telle célébration à grands frais du millénaire – que les habitants de
Rome s’amusaient à la manière de ceux qui, un jour, siroteraient des
cocktails sur le pont du Titanic. Mais il ne faut pas s’aveugler par une
sagesse rétrospective. En 248 apr. J.-C., Rome inspirait des sentiments de
bonheur et de confiance dans l’avenir. Une génération plus tard seulement,
le « nombril de la ville », l’umbilicus urbis – un monument affirmant que
Rome était le centre du monde –, avait été rénové de fond en comble. Le
pomerium, la limite de la ville, restait une construction symbolique dans
une cité sans murs d’enceinte qui s’étendait dans la campagne vallonnée.
Les pièces de monnaie, y compris celles frappées spécialement en 248 apr.
J.-C. en l’honneur des Jeux, avaient conservé leur poids de véritable argent,
à tel point que si l’on en soupèse une aujourd’hui, on comprend d’un coup
la combinaison entre le précieux métal et la confiance du public qui avait
stabilisé la valeur de la monnaie impériale. Nous avons une idée des prières
pleines d’assurance patriotique que l’on chuchotait pendant les Jeux :
« Pour la sécurité et l’éternité de l’Empire, vous devez vous rendre, avec
toute l’adoration et la vénération due aux dieux immortels, dans les
sanctuaires les plus sacrés où vous remercierez et rendrez grâces, si bien
que les dieux immortels feront bénéficier les futures générations de ce que
nos ancêtres ont bâti. » Les Jeux séculaires étaient un acte total de piété
religieuse, mobilisant toutes les réserves d’énergies cultuelles archaïques de
la cité dans une effusion d’actions de grâces et de suppliques pour l’Empire
éternel2.
Philippe l’Arabe, Marcus Julius Philippus, présidait les spectacles donnés
à cette occasion en tant qu’empereur. Originaire des rives sud de la Syrie, ce
n’était pas un étranger au statut exceptionnel. L’intégration régulière des
provinces avait depuis longtemps effacé la distinction entre dirigeants et
sujets. Son règne avait commencé en pleine confusion, au milieu d’une
invasion ratée de Rome par ses voisins de l’Est qui avait coûté la vie à son
prédécesseur ; mais Philippe avait habilement dégagé l’armée romaine en
en payant le prix, et avait pris la direction de l’État, laissant les provinces de
l’Est en sécurité sous le protectorat de son frère. Son règne avait débuté par
une impressionnante démonstration de force : des réformes administratives
avaient été initiées en Égypte, et on a trouvé la trace d’une grande vague de
travaux d’amélioration des routes dans des lieux aussi éloignés que la
Maurétanie ou la Bretagne. Une victoire qui comblait d’aise était remportée
contre les Barbares du Nord et, en 248 apr. J.-C., il pouvait revenir à Rome
célébrer en paix l’anniversaire du millénaire. Comme il le reconnut sans
ambages, la cité exigeait obéissance en tant que centre du pouvoir, point de
convergence entre le peuple, l’armée et le sénat. À Rome, toujours, on
dressait les plans des campagne, les carrières se décidaient, les fortunes
s’accumulaient3.

Figure 16 Pièces d’argent (Antoninianus) de l’empereur Philippe


célébrant les Jeux du millénaire (American Numismatic Society)

Tant et si bien que la Rome de Philippe aurait semblé familière à


Auguste. Et puis, seulement une génération plus tard, nous nous trouvons
dans un monde totalement étranger. La sérénité et la confiance furent mises
en cause avec brutalité. Des fortifications massives en pierre – le mur
d’Aurélien – encerclaient une cité que la distance et la mystique semblaient
jusque-là suffire à protéger. L’argent avait disparu des pièces de monnaie
qui n’étaient désormais guère plus que de grossiers boutons désespérément
frappés à profusion. Un nouveau type d’homme – le soldat danubien qui
éprouvait peu d’intérêt ou de respect pour l’urbs en tant que telle – avait
sans appel arraché le contrôle de l’État à la riche aristocratie sénatoriale.
Les carrières se faisaient et se défaisaient dans les casernes des villes de
garnison du Nord, et non plus dans l’ancienne capitale. Sous la cité
impériale elle-même, dans le labyrinthe des cavernes servant de cimetière et
connues sous le nom de catacombes, on a trouvé les preuves que l’obscur
culte du Christ, pour la première fois, était en train de faire une avancée
troublante et devenait plus qu’une curiosité marginale. En bref, en l’espace
d’une seule génération, les caractéristiques d’un véritable nouvel âge, la
période que nous appelons désormais l’Antiquité tardive, avaient fait leur
apparition.
Cette génération témoin d’un changement vertigineux est restée cachée
dans l’obscurité. Le meurtre de Philippe en 249 apr. J.-C. a provoqué une
spirale de déclin qui allait absorber la totalité de l’ordre impérial. Les
historiens parlent pour cette époque de « crise du IIIe siècle ». L’Empire
semble être passé sous une mauvaise étoile. Dans le même temps, des
ennemis agressifs sur les frontières est et nord ont multiplié les incursions ;
le caractère vacillant du système dynastique ne pouvait plus être dissimulé,
tandis que des usurpateurs se succédaient en cadence au prix de bains de
sang pour s’emparer de la couronne. La crise fiscale était la conséquence
inévitable de la guerre et des intrigues.
Avec l’avantage du recul, les historiens n’ont pas eu de difficultés à isoler
les racines de cette crise. De l’ensemble de ces causes se dégage une
impression de fatalité ; elle semble surdéterminée. La dernière chose dont il
semble que l’on ait besoin est une autre cause à ajouter à l’embouteillage.
Pourtant, introduire la crise environnementale dans cette histoire, c’est
seulement se montrer fidèle aux données insistantes sur le rôle du
changement climatique et des maladies pandémiques. De quoi prendre
conscience des circonstances de la crise qui ne peut plus dès lors être
réduite à une conséquence inévitable d’une longue pression accumulée. La
concaténation de chocs soudains et spécifiques dans les années 240 et 250
amène le système au-delà de ses capacités de résilience. Une terrible
sécheresse et une maladie pandémique, rivalisant avec la peste antonine, ont
frappé l’Empire avec une force d’un ordre de grandeur bien supérieur à la
menace combinée des intrusions des Goths et des Perses. L’effondrement
des frontières, des dynasties et de l’ordre fiscal a été tout autant la
conséquence que la cause de la crise. L’édifice de l’Empire a cédé en
suivant ses fissures structurelles, mais les chocs extérieurs ont joué le rôle
de nouvelles forces destructrices4.
Le mot de « crise » est emprunté au vocabulaire médical grec. La crise
est l’acmé d’une maladie aiguë, quand le patient succombe ou guérit. C’est
une métaphore adaptée à l’Empire du milieu du IIIe siècle. Elle nous pousse
à nous rappeler qu’en 260 apr. J.-C. environ l’avenir de Rome n’était pas
garanti. Le réseau des frontières s’était complètement effondré ; de grandes
portions de l’Empire, à l’Est comme à l’Ouest, s’étaient séparées à
l’initiative de dirigeants dissidents ; les routines de base de la gouvernance
avaient disparu. Mais la force centrifuge pouvait néanmoins encore
l’emporter.
Le patient se remit. Sous la direction énergique d’une série d’officiers
danubiens, la plus grande partie de l’Empire était à nouveau rassemblée.
Mais la métaphore de la crise rencontre ici ses limites. Le patient guéri
n’était plus la même personne. L’Empire qui a refait surface était fondé sur
un nouvel équilibre, avec de nouvelles tensions et de nouvelles alliances
entre l’État et la société. Il fallut plus d’une génération d’essais et d’échecs
pour trouver un point d’équilibre mais ce qui a émergé des décombres a été
à juste titre décrit comme un « nouvel Empire ». Là où la crise antonine
avait sapé l’énergie accumulée de l’Empire mais laissé les fondations
intactes, la crise du IIIe siècle a provoqué une transformation. Il faudrait
parler d’une première chute de l’Empire romain, et même dans ce moment
obscur du passé on peut constater que l’environnement a été un protagoniste
du destin impérial5.
Si le but des ludi saeculares était d’invoquer la faveur divine et
d’éloigner la pestilence, les rites prouvèrent bientôt n’avoir été qu’une
stupéfiante faillite. Ce détail n’a sans doute pas échappé aux contemporains.
La longue période antonine. L’Empire des Sévères
Le mariage de Marc Aurèle avec Faustine fut, même en fonction des
normes romaines, prolifique. Mais, de leurs quatorze enfants, seul un
descendant de sexe masculin, Commode, placé sous la supervision de
Galien, a survécu à ses parents. C’était assez. L’époque des empereurs sans
héritier mâle touchait à sa fin, et immédiatement l’Empire fit retour au
principe de succession biologique. Le dix-septième empereur de Rome,
Commode, était le premier à être né dans la pourpre, élevé dès le berceau
comme un Prince.
Au cours de ses douze ans de règne, l’Empire trouva ses marques après le
traumatisme de la guerre et de la pestilence. Mais Commode manquait de la
courtoisie de son père et ses relations avec le sénat s’envenimèrent. En 190-
191 apr. J.-C., une maladie épidémique gagna la ville avec une ardeur
redoublée, à l’unisson d’une disette qui se propageait de l’Égypte à Rome.
Le flot des récriminations enfla. Le sénat rejeta la responsabilité des
malheurs sur les proches de l’empereur. Une conspiration fut
soigneusement tramée ; sous le nez de l’empereur, des hommes sûrs furent
nommés aux postes de commande ; la veille du nouvel an 193 apr. J.-C.,
Commode fut étranglé dans le palais. Fin de la dynastie6.
Le gagnant improbable de la loterie impériale était un médiocre sénateur
du nom de Septime Sévère, au physique peu impressionnant et qui n’avait
rien accompli d’exceptionnel à mettre à son actif. Son histoire était
typiquement romaine. Il était né en 145 apr. J.-C., au milieu du règne
d’Antonin le Pieux, seulement un an après qu’Aelius Aristides eut prononcé
son hymne à la grandeur de Rome. Sa ville d’origine, Leptis Magna, était
une cité punique sur la côte méditerranéenne, un modèle de romanisation.
La première inscription latine date de 8 av. J.-C. Un temple à la divinité
punique Milk’Ashtart fut reconsacré comme temple « de Rome et
d’Auguste ». Tous les ornements caractéristiques des villes gréco-romaines
furent construits en hâte : amphithéâtre, portiques, bains, aqueduc, arches.
À la fin du Ier siècle, Leptis reçut le statut de municipium, une ville dont les
magistrats élus devenaient automatiquement des citoyens romains. Sous
Trajan, Leptis a accédé au titre de colonia, ses citoyens devenant alors tous
des citoyens de Rome. Même dans une ville qui se vantait de sa richesse,
fondée sur sa production d’huile d’olive, les ancêtres de Septime Sévère
formaient le haut du panier de la société. Ils tracèrent la voie pour que
Septime suive une carrière sénatoriale, servant l’Empire de la Syrie à la
Gaule. Quand le coup d’État renversa Commode, Septime occupait le poste
de gouverneur de la province militarisée de Pannonie supérieure. La
situation à Rome échappait à tout contrôle, et Septime fut nommé empereur
par ses soldats7.
Alors même qu’il croyait dur comme fer à l’astrologie, rien ne le
prédestinait particulièrement à ce succès. Septime Sévère serait finalement
la source d’une des dynasties les plus influentes de Rome.
Cette dynastie allait durer plus de quatre décennies. Il est important de
l’examiner sous le bon angle. Septime se présenta bientôt comme
appartenant à la dynastie des Antonins. Alors que c’était une fiction
audacieuse, la mise en scène de l’héritage antonin était une manière
judicieuse de dire que son Empire était davantage dans la continuité de
l’époque précédente qu’une prémonition des temps sombres à venir. Les
historiens ont récemment cerné la crise du IIIe siècle en délimitant une
période allant du milieu des années 240 au milieu des années 270. La
réhabilitation de la dynastie des Sévère est un ajout inséparable à cette crise
courte et profonde. Le jugement négatif porté par les anciens historiens
contemporains de la dynastie a longtemps influencé l’opinion moderne.
Dion Cassius considérait la fin du règne de Marc Aurèle comme la fin d’un
âge d’or et le début d’un âge « de fer et de rouille ». Mais le pessimisme
était absolument de rigueur dans l’historiographie romaine (les choses
empiraient de plus en plus), et Dion reflète le dégoût raffiné de l’ordre
sénatorial envers les derniers représentants de la dynastie des Sévères,
quand les femmes s’adjugeaient un rôle de premier plan. Les racines
profondes de la misogynie et les relations tendues entre l’empereur et le
sénat ne doivent pas masquer les réussites exemplaires de cette dynastie8.
Septime Sévère était un riche sénateur d’une ville importante de la côte
méditerranéenne. Il n’avait rien d’un soldat. Ses succès à l’armée au
moment de son accession étaient au mieux modestes, bien moins importants
que ceux d’autres initiateurs de dynasties tels Auguste, Vespasien ou Trajan.
Septime a dû s’inventer en chemin un curriculum vitae militaire, effaçant le
souvenir détestable d’une guerre civile cruelle grâce à l’invasion rapide
mais victorieuse de la Parthie et une campagne massive pour finir la
conquête du nord de la Bretagne. Septime devait son pouvoir à l’armée, et il
ne s’illusionnait pas. Le conseil donné à ses fils, « aller de l’avant, enrichir
les troupes, et ne se soucier de rien d’autre », traduit bien son point de vue
pratique. Après la mort de Commode, le vrai « secret de l’Empire » avait
été révélé : l’armée pouvait être utilisée comme un instrument d’une force
sans appel pour s’emparer du pouvoir. Mais, dans le cas de Septime,
l’instrument était encore manié par un homme de rang sénatorial, un
commandant recruté dans les rangs des civils. Et le commandant, dans le
meilleur de la tradition romaine, saurait récompenser sa base loyale9.
Le triomphe de Septime était un succès non déguisé des provinciaux. Les
fils et petits-fils des colons romains disséminés dans tout l’ouest de la
Méditerranée avaient connu un essor irrésistible depuis le Ier siècle. Mais,
avec les Sévères, on a assisté à l’arrivée d’une élite totalement provinciale
au sénat et au palais. Les guerres sous Marc Aurèle, combinées avec le
bouleversement démographique dû à la pandémie, ont accéléré l’entrée de
provinciaux de talent au sommet de l’ordre impérial. Une brigade entière
d’Africains riches et doués « a pris d’assaut les sommets » sous les
Antonins. Septime a suivi leur chemin, et la dynastie qu’il a inaugurée a
permis à tout le potentiel des provinces de s’épanouir10.
Geste opportun, quand sa première épouse – une femme de sa ville
d’origine sur laquelle on sait très peu de choses – mourut, Septime, alors
gouverneur de la Gaule, proposa d’épouser une fille de l’aristocratie
syrienne du nom de Julia Domna. Cette proposition voyagea sur plus de
4 400 km de Lugdunum à Émèse ! Cette mise en relation des deux
extrémités de l’Empire a donné naissance à une dynastie syro-libyenne d’un
style particulier et a été le signe d’une ouverture de la culture impériale.
Septime a supervisé l’intégration totale de l’Égypte dans le grand courant
de la société – Alexandrie a été doté d’un conseil et des Égyptiens ont
accédé au sénat. Il n’avait pas honte de ses origines libyennes et ce fut un
âge d’or pour l’Afrique du Nord. Tôt dans sa vie, il avait fait un rêve dans
lequel, depuis le sommet d’une montagne, il regardait l’ensemble du monde
et l’entendait chanter avec harmonie. Septime était un grand rêveur mais ce
rêve-là révèle quelque chose de ce que sa dynastie accomplirait11.
Le point d’orgue eut lieu avec son fils, Caracalla. En 212 apr. J.-C., d’un
coup, il attribua la citoyenneté à tous les habitants libres de l’Empire. La
« Constitution antonine » supprimait les distinctions déjà ténues entre les
dirigeants impériaux et les sujets colonisés. Cette attribution universelle
tardive de la citoyenneté confirmait que l’Empire romain était devenu un
État territorial. Ce fut un tournant. Juste après sa mise en œuvre, on trouve
les résidents d’un village éloigné, caché dans les plis montagneux du sud de
la Macédoine, essayant de comprendre ce que leur nouveau statut avait
comme conséquence sur les relations coutumières entre maîtres et esclaves
libérés. Un peu plus tard, des femmes sur les franges du désert syrien
n’affirmaint-elles pas leurs droits de propriété… en invoquant la législation
de l’empereur Auguste ? Au cours du IIIe siècle, la loi romaine fit son
chemin dans tout l’Empire alors que les citoyens de fraîche date apprenaient
à adapter les lois romaines à leurs projets. À la fin du siècle, un manuel
traditionnel pour orateurs les décourageait d’essayer de flatter une cité en
faisant l’éloge de ses lois, « car les lois des Romains sont partout en
vigueur12 ».
Ce n’est pas par accident que la période du règne des Sévères correspond
à l’apogée de la loi romaine dans son classisme. La plus grande partie de la
compilation commandée par Justinien est constituée d’extraits de juristes de
l’époque de Septime Sévère. La plus conservatrice de toutes les disciplines
intellectuelles a recruté ses meilleurs porte-parole dans une série de
fonctionnaires à l’extrémité orientale de l’Empire. Les juristes Papinien et
Ulpien étaient tous les deux syriens et servaient l’administration sévérienne
aux postes les plus élevés. La généralisation de la citoyenneté a été
accompagnée d’un plus haut degré de professionnalisme dans l’exercice de
la loi et, dans le cas d’Ulpien, on peut dire que certains de ses écrits les plus
significatifs ont été suscités par le besoin de fournir aux gouverneurs les
moyens de relever le défi qui était de répondre aux nouveaux citoyens. Une
école de droit fut créée à Beyrouth, et se tranforma vite en épicentre de la
vie et de l’apprentissage juridique. Rien ne témoigne de manière plus
éloquente du décentrement de la culture impériale au temps des Sévères que
la contribution des provinces à la jurisprudence romaine13.
Le talent des provinces a trouvé un exutoire dans les rangs de
l’administration impériale. L’Empire romain initial était caractérisé par un
« déficit de fonctionnaires » ; l’administration centrale était un mince voile
jeté sur la robustesse des fondations de la vie publique. L’expansion des
administrations centrales impériales était un processus organique inévitable
qui se déployait en tandem avec la romanisation et la diffusion
d’institutions fondées sur le marché. Sous les Sévères le mouvement
s’accéléra. Le deuxième ordre aristocratique, l’ordre équestre, fut
grandement élargi ; au IIIe siècle, il y avait encore des gentilshommes
chevaliers, mais un nombre de plus en plus considérable de personnes à des
postes civils et militaires est venu gonfler les rangs des chevaliers
impériaux. Il n’y a pas de raison d’imaginer un conflit entre les ordres
équestre et sénatorial à l’époque des Sévères. Tout le long du règne de
Septime, les sénateurs « monopolisaient pratiquement les postes les plus
élevés de l’administration et du commandement militaire ». Dans la
conduite de l’Empire, les Sévères ont respectueusement réservé les places
les plus élevées du service impérial au sénat, mais les rangs professionnels
étaient désormais élargis et sont devenus plus représentatifs du vaste
territoire sous domination romaine14.
La transformation politique le plus importante, sous les Sévères, a été un
changement subtil dans l’exercice du pouvoir au sein de l’armée. Auguste
avait, avec succès, privé celle-ci de sa capacité à peser politiquement, mais
les événements qui placèrent Septime à la barre montrèrent vite leur
puissance. Les effets se firent sentir sur le porte-monnaie. Au début de son
règne, Septime accorda aux troupes une augmentation de 100 %. Le
légionnaire moyen a vu son salaire passer de 300 à 600 denarii par an. Cette
revalorisation comblait un retard. Les soldats n’avaient pas reçu
d’augmentation depuis 83-84 apr. J.-C., sous le règne de Domitien. Même si
les données égyptiennes sont en large part instructives, on a assisté au cours
des années qui ont suivi la peste antonine à un doublement des prix
nominaux, si bien que l’augmentation accordée par Septime n’a au bout du
compte été qu’un ajustement au coût de la vie15.
Mais cette augmentation pourrait aussi être le signe de quelque chose de
plus subtil et de plus profond. L’État romain avait toujours géré avec
prudence une armée de près d’un demi-million d’hommes. L’augmentation
des soldes est seulement l’un des signes que le recrutement de soldats allait
devenir au fil du temps une tâche de plus en plus difficile. Quoique ce ne fût
pas encore la crise : Septime réussit à enrôler trois nouvelles légions sans
encombre et le recrutement restait sur une base volontaire. Septime accorda
aux soldats d’active le droit de se marier, rompant avec une tradition vieille
de plusieurs siècles qui voulait que le célibat fasse partie de la discipline de
l’armée de métier. Le droit de se marier n’était sans doute pas une incitation
à s’engager sans importance car il a changé en douceur la nature de l’armée.
En somme, les concessions consenties par Septime aux soldats étaient
moitié de nature politique, moitié un ajustement, outre une stratégie de
recrutement16.
Les fruits des initiatives de Septime furent abondants. Une efflorescence
culturelle, plus largement partagée qu’auparavant, s’imposa. L’arrivée de
talents provinciaux infligea une secousse à la culture des Sévères.
L’ancienne capitale restait le lieu central du clientélisme impérial. Le
programme de constructions de Septime, à Rome, était ambitieux, rivalisant
avec celui de l’empereur Auguste. L’arche de Septime obligea à
reconstruire l’umbilicus urbis, adjacent au Milliaire d’or d’Auguste, où
toutes les routes convergeaient symboliquement. Le grand temple de la
Paix, détruit par un incendie catastrophique sous Commode (au grand regret
de Galien, qui perdit de précieux manuscrits et médicaments dans ce
désastre), fut rapidement reconstruit ; des colonnes géantes de granit
d’Assouan en imposaient aux spectateurs extérieurs, tandis qu’à l’intérieur
l’extraordinaire carte en marbre, connue sous le nom de Forma Urbis
Romae, de 18 mètres sur 12, reproduisait en détail le plan de la cité dans le
but de produire un effet écrasant. Septime fit ériger le Septizodium, une
façade massive en l’honneur des sept dieux planétaires, à l’endroit où la Via
Appia rencontrait le mont Palatin au cœur de la cité. Caracalla finança des
bains monumentaux, et le dernier des Sévères, Alexandre, construisit le
dernier aqueduc de Rome. De grands moulins à eau et des greniers
gigantesques s’élevèrent tout autour de la cité17.
À l’époque, qui eût soupçonné que c’était le dernier grand moment de
construction de monuments publics dans la Méditerranée classique ? Il y eut
ensuite un brutal hiatus, avant que le cycle d’édification d’églises,
caractéristique de l’Antiquité tardive, ne réinvente dans un autre style
l’esprit de monumentalité. L’explosion des constructions est l’un des signes
qui montrent que la période des Sévères a été un âge de rétablissement
économique et démographique.
C’est durant ces décennies que l’acerbe homme d’Église Tertullien ne se
retenait pas de déclarer : « Assurément, il suffit de jeter les yeux sur
l’univers pour reconnaître qu’il devient de jour en jour plus riche et plus
peuplé qu’autrefois. Tout est frayé ; tout est connu ; tout s’ouvre au
commerce. De riantes métairies ont effacé les déserts les plus fameux ; les
champs ont remplacé les forêts ; les troupeaux ont mis en fuite les animaux
sauvages ; les sables sont ensemencés ; l’arbre croît sur les pierres ; les
marais sont desséchés ; il s’élève plus de villes aujourd’hui qu’autrefois de
masures. Les îles ont cessé d’être un lieu d’horreur ; les rochers n’ont plus
rien qui épouvante ; partout des maisons, partout un peuple, partout une
république, partout la vie. » On pourrait mettre en doute cette vision tout en
rose si elle avait été colorisée dans le but de flatter. Tertullien avait un
objectif plus important : le talentueux polémiste cherchait une preuve en
mesure de contredire la conviction de la doctrine de transmigration des
âmes et la quantité sans précédent d’humains sur Terre semblait un obstacle
incontournable à la logique de la doctrine18 !
La récupération démographique a eu lieu sans être interrompue par de
grandes épidémies. Tandis que le virus de la variole pourrait être devenu
endémique dans les grandes villes de l’Empire, on n’a pas de signalement
de la maladie entre sa recrudescence à Rome en 190-191 apr. J.-C. et des
références disséminées au cours des siècles suivants. L’absence de données
ne permet jamais de conclure, mais, tout compte fait, ce silence autorise à
penser que la pandémie s’est éteinte d’elle-même ou s’est retirée dans des
recoins où son impact était limité. Cette retraite a préparé la voie à un
rebond démographique.
Les spécialistes des papyrus ont le sentiment que la population a
recommencé à croître en Égypte même si elle ne devait pas atteindre les
pics de la période préantonine. Le village dévasté par la pestilence,
Soknopaiou Nesos, à l’évidence a tenu bon sous les Sévères et l’on est bien
documenté à son sujet à partir de 239 apr. J.-C. Le village de Karanis renaît
au début du IIIe siècle avant de quasiment disparaître au milieu du même
siècle, avant de ressusciter à nouveau à la fin du siècle. D’autres cas suivent
le même parcours. On estime qu’Oxyrhynchus, l’une des villes de l’Égypte
romaine les mieux documentées par l’archéologie, avait 11 901 habitants en
199 apr. J.-C., et serait passée à 21 000 en 235 apr. J.-C. : même si le taux
de croissance indiqué ici est trop élevé, la direction prise est au moins
indicative. Plus largement, la littérature, les papyrus et les vestiges
confirment que le temps des Sévères a été une période de résurgence
démographique19.
Sous leur règne, l’Empire a retrouvé son équilibre. S’il y a eu une rupture
dans le nouvel ordre, ce pourrait être la prise de conscience du pouvoir de
l’armée, mais impossible de remettre le génie dans la bouteille. Le fils et
successeur de Septime, Caracalla, après avoir déposé son frère, s’est appuyé
sur les soldats. À son tour, il a augmenté de 50 % la paye des légionnaires
ordinaires, ce qui équivalait à 900 denarii par an. L’altération de la monnaie
par Septime dès le début de son règne avait eu peu de répercussions. Les
exigences fiscales – ou le péché d’orgueil de Caracalla – exigeaient un tour
de passe-passe plus efficace. Il créa une nouvelle pièce d’argent,
l’antoninianus, valant deux denarii, mais avec 20 % d’argent en moins.
L’introduction de la nouvelle monnaie ne semble pas avoir provoqué de
troubles. L’État imposait avec rigueur la valeur décidée par décret, et non
pas la valeur marchande correspondant au contenu en métal. Le fait que
cela a marché mérite d’être souligné. Le denarii, qui contenait plus
d’argent, ne disparut pas de la circulation et on n’a pas la preuve d’une
éventuelle inflation. Les pièces de monnaie prenaient de plus en plus la
forme d’une espèce fiduciaire. C’est seulement avec le recul que l’on ne se
défend pas de l’impression que les Romains marchaient au-dessus d’un
abîme20.
À l’exception d’un bref interlude à la mort de Caracalla, la dynastie des
Sévères a régné jusqu’en 235 apr. J.-C. Son dernier représentant, Alexandre
Sévère, fut assassiné par ses propres hommes en campagne le long du Rhin.
Maximin fut alors prétendant à la pourpre. Ce chevalier de la noblesse
militaire du Bas-Danube fut le premier vrai étranger à se jucher sur le trône
impérial. Il a laissé l’image d’une brute. Il semble être resté à l’écart des
combats pendant la campagne dans le Nord, alors même que le sénat l’avait
confirmé dans sa fonction. Il envoya des annonces de victoire dans la
capitale mais fit aussi représenter sur des fresques ses campagnes à
l’extérieur du sénat. Si l’on en juge par la quantité d’argent contenue dans
ses pièces de monnaie, il fut capable, malgré les coûts de ses manœuvres
militaires, de maintenir l’équilibre financier comme l’avaient fait les
derniers Sévères. Mais son mépris pour les institutions politiques de Rome
semble avoir été en avance sur son temps.
Au cours du printemps de 238 apr. J.-C., son régime s’effondra. C’était
une crise de légitimité classique. La révolte éclata dans la lointaine Afrique
du Nord où les habitants refusèrent de satisfaire la voracité croissante de ses
agents fiscaux. Une initiative sénatoriale maladroite aboutit à
l’effondrement de son régime. La carrière de Maximin montre comment le
premier acte de l’histoire peut se déguiser en farce. Maximin était un signe
avant-coureur, mais l’heure des empereurs-soldats n’avait pas encore
sonné21.
Le viellissement du monde.
Le changement climatique au IIIe siècle
Rétrospectivement, on ne peut pas s’empêcher de voir la carrière de
Maximin comme un prélude. Même si cela présume trop de ce qui allait se
passer. En 238 apr. J.-C., le sénat reprenait le contrôle des affaires ; à
treize ans Gordien III occupa seul le pouvoir. Il était bien conseillé par les
survivants de l’élite du temps des Sévères. Il partit en Orient pour repousser
l’attaque perse dans le nord de la Mésopotamie et, en 242 apr. J.-C.,
exactement quatre-vingts ans après Lucius Verus, il entra à la tête d’une
délégation imposante dans Antioche. Deux ans plus tard, après une
campagne bâclée, Gordien III mourut loin derrière les lignes ennemies.
Devenu empereur, Philippe se dépêcha de retirer l’armée en échange d’une
indemnité de 500 000 aurei (pièces d’or). La situation n’était pas
désespérée. Il prit « calmement » le chemin de Rome, faisant escale dans les
cités orientales, en Asie mineure, dans les Balkans, « comme le faisaient les
Princes qui avaient régné sur un empire plus tranquille ». De retour dans la
capitale il prit possession du palais. Très vite, Philippe se révéla un
administrateur efficace. Sous son règne, les habitants de la cité impériale
avaient toutes les raisons d’estimer que les choses avaient repris leur cours
normal. Mais, moins d’un an après la célébration festive du millénaire de
Rome, l’Empire commença à se disloquer22.
Il avait déjà connu une instabilité dynastique, souffert de pertes qui
étaient une leçon d’humilité et survécu à des années de pénurie. Mais ce qui
allait s’imposer progressivement, dès la fin des années 240 apr. J.-C., était
sans précédent : une rupture complète du système des frontières, un
écroulement total de l’ancien système monétaire, des empereurs en rivalité
pour une période qui n’était pas seulement transitoire. Au cours des années
suivantes, on allait assister à une cascade de changements qui détruiraient
toutes les institutions de contrôle centralisées. La crise fut « si extrême que
la survie de l’Empire est presque surprenante ». Il est vrai que la marge de
résilience avait été réduite par le temps et les circonstances. Mais les
contemporains avaient conscience des changements environnementaux
soudains et catastrophiques comme source de la crise. À la liste déjà bien
longue des motifs du désastre, on doit ajouter les secousses de la
perturbation climatique et des maladies pandémiques23.
Dans ces temps de troubles, les chrétiens allaient inventer l’idée que l’on
vivait dans l’« ancien âge du monde ». C’était une métaphore élaborée dans
la guerre des idées. Car, au mitan de la crise, une querelle publique baroque
s’imposa au sujet de la nature des dieux. Les empereurs imputèrent bientôt
la responsabilité de la situation au refus des chrétiens de les célébrer en
bonne et due forme. Ces derniers protestèrent, prétendant qu’en réalité la
Terre elle-même était simplement en phase de décrépitude. On a intérêt à
prendre au sérieux cette polémique, dans les termes précisément employés,
car elle était articulée dans une tonalité très particulière par des rhétoriciens
retors. Moins d’une génération après que Tertullien se fut délecté de la
vitalité bouillonnante de la civilisation dans l’Afrique romaine, un autre
Carthaginois, Cyprien, en était venu à croire « que le monde a maintenant
vieilli, qu’il n’est plus soutenu par les forces qui auparavant le soutenaient
[…]. En hiver, les pluies ne sont pas assez abondantes pour nourrir les
semences ; en été, il n’y a pas la chaleur habituelle permettant de mûrir les
moissons ; tant il est vrai que les printemps ne procurent plus l’agrément de
leurs températures ni les automnes la même abondance de fruits dans les
arbres24 ».
Les chercheurs ont fouillé les librairies de philosophie ancienne pour
chercher à qui Cyprien avait emprunté cette métaphore. Mais l’on n’a pas
pris au sérieux la source directe de cette puissante métaphore, les
hypothèses biologiques à propos de la sénescence. Pour les Anciens, vieillir
c’était devenir froid et sec, alors que les jeunes étaient chauds et humides,
débordants d’énergie. Ces concepts ont été clairement exposés dans les
débats anciens sur le régime alimentaire. Les jeunes, par exemple, devaient
être prudents avec la consommation de vin qui menaçait de surchauffer
leurs corps déjà ardents. L’excès de chaleur affaiblissait le contrôle de soi et
ses propriétés désinhibantes faisaient du vin, selon les mots d’un roman du
IIe siècle, une sorte de « carburant sexuel ». La consommation de vin était
réputée revigorer les vieillards. Il ralentissait la dessiccation du corps.
Galien parle souvent de la « nature sèche du corps des personnes âgées ».
La raison pour laquelle chaque partie du corps devient sèche est l’incapacité
à recevoir la même quantité de nourriture du fait de la faiblesse de la
chaleur. « Vieillir est une évaporation prolongée, menant, au stade ultime, à
une mort par refroidissement. » « Comme la mort est l’extinction de la
chaleur interne, le vieillissement est, en effet, un affaiblissement. »
Ce point de vue sur l’âge est précisément ce que Cyprien avait à l’esprit
quand il proclamait que le monde était devenu gris. « De même le soleil à
son déclin lance-t-il des rayons moins brillants et moins brûlants […]. Et la
source qui était autrefois abondamment alimentée et coulait largement
faiblit avec l’âge et distille péniblement un filet d’eau. » Pour Cyprien, le
monde lui-même était devenu froid et sec. Il n’était qu’un pâle vieillard, au
bord de la tombe25.
Les archives naturelles prouvent que notre témoin humain était
clairvoyant. Les jours souriants de l’Optimum climatique romain touchaient
à leur terme. La rupture ne fut pas brutale. L’OCR disparut doucement pour
être remplacé par une période d’incertitudes, de désorganisation et de
changements qui a duré quelque trois siècles : la transition de la fin de
l’Empire romain. Les changements ont eu lieu à une échelle globale. La
variabilité solaire a été le principal mécanisme du phénomène. Le soleil
brillait moins fort au-dessus de la tête des Romains. Les isotopes de
beryllium montrent une baisse précipitée de l’insolation dans les années 240
apr. J.-C. Le froid a suivi. Dans les Alpes, après des années de fonte, le
grand glacier d’Aletsch a commencé à progresser. Ce fut aussi le cas de la
Mer de Glace dans le bassin du Mont-Blanc. Des données recueillies dans
des endroits aussi éloignés que l’Espagne, l’Autriche et la Thrace signifient
une période de froid généralisé. Cyprien avait probablement raison
d’évoquer au milieu du IIIe siècle les vents glacials d’un âge de
refroidissement26.
L’aspect dominant de l’OCR a été une humidité anormale dans tout le
bassin méditerranéen. Pendant l’OCR, la longue marche de l’Holocène vers
une plus grande aridité a fait une pause. Mais, quand l’OCR s’acheva, les
effets d’un plus long cycle d’aridification repassèrent au premier plan.
À court terme, les années 240 apr. J.-C. apparaissent comme un moment
de sécheresse aiguë sur la rive sud de la Méditerranée. Assoiffant l’Afrique
du Nord de Cyprien. La défense publique du christianisme par l’évêque
s’adressait à une société qui venait juste de survivre à une période cruelle
d’aridité. Inévitablement, les chrétiens étaient tenus pour responsables « si
la pluie tombe trop rarement, si la terre est abandonnée à la poussière et à la
désolation, si la terre stérile ne laisse pousser avec difficulté que quelques
brins d’herbe frêles et assoiffés […]. Si la sécheresse fait se tarir les
sources ». La faillite des cieux laissait les villes sans nourriture, mais
Cyprien critique férocement les opérations de constitution de stocks par les
riches essayant de profiter de la crise. Toute la crise était un moment
évangélique, une invitation à rejoindre une foi protectrice qui promettait la
vie au-delà d’un présent accablant. « La vigne peut tromper, l’olivier
décevoir, l’herbe mourir de sécheresse dans des champs brûlants et arides,
quelle importance pour les chrétiens […] ? » Les paysages desséchés
constituaient l’arrière-fond de toute la démonstration de Cyprien, porte-
parole chrétien27.
Au même moment, la sécheresse frappait la Palestine. Contiguë au
désert, la ceinture agricole du Levant attendait toujours dans le
recueillement la venue des pluies. Dans les textes rabbiniques des IIe et
IIIe siècles, les précipitations sont pratiquement des miracles. La dureté de la
terre était profondément ancrée dans l’imaginaire de l’époque ; depuis la
destruction du Temple en 70 apr. J.-C., la sécheresse avait sévi. Les
monuments de la littérature rabbinique ne sont peut-être pas l’endroit le
plus sûr pour débusquer une trace climatologique fiable mais la mémoire de
la sécheresse dont témoignent les sages des années 230-240 apr. J.-C. se fait
insistante et on peut supposer l’existence d’un substrat aux légendes des
rabbins. Ḥanina Bar Ḥama était une grande figure du Talmud, un protégé du
grand Judah Ier, qui a joué un rôle de premier plan dans l’école de Sepphoris
et a vécu très vieux (il est mort en 250 apr. J.-C. environ). On racontait à
son propos des histoires où la sécheresse occupait le devant de la scène.
Ainsi, dans l’un de ces récits la pluie tombe-t-elle enfin à la fois sur la
Galilée et le sud de la Judée. Dans le Sud, un rabbin fit pleuvoir en
instituant un jeûne public tandis que la sécheresse continuait à Sepphoris
parce que « leurs cœurs sont endurcis ». Finalement, la pluie survint mais la
mémoire d’une époque de sécheresse, et l’attente d’un sort meilleur, sont
attachés au souvenir de ce grand rabbin28.
Dans des circonstances difficiles, l’Empire pouvait tabler sur l’Égypte.
Le ruban vert de la vallée du Nil ? Un miracle de fertilité. C’était
l’assurance vie de l’Empire. Le caractère unique de l’écologie de la vallée
protégeait l’Empire des sautes d’humeur du climat méditerranéen. Le Nil
est divisé en deux grandes sections. Ses flots d’origine, toujours égaux,
forment le Nil blanc dont les sources sont en Afrique équatoriale. La crue
annuelle – l’excès d’eau et de limon qui passait au-dessus de la ligne
normale – est l’œuvre du Nil bleu. Environ 90 % des eaux du fleuve ont
pour origine les pluies de mousson qui tombent en été sur l’Afrique de
l’Est ; le Nil bleu est le fruit des eaux de ruissellement des hautes terres
éthiopiennes transportées en aval, où elles se joignent au flux régulier du
Nil blanc à Khartoum. Il en résulte la plus grande pompe à irrigation du
monde, déjà exploitée avant le débarquement des Romains par une
civilisation millénaire. Les eaux source de vie et le limon rendaient
l’agriculture égyptienne fertile entre toutes : le grenier à blé de Rome, une
bénédiction pour une grande partie de l’Empire29.
La crue et la décrue annuelles étaient un rythme sacré, préparé par des
prières chargées d’espérance. Comme les Anciens ne le savaient que trop
bien, le cadeau divin du fleuve n’était pas constant. Dans le cours d’une vie,
n’importe quel prêtre ou paysan était témoin de bonnes et de mauvaises
années. Ce que même leurs yeux expérimentés n’auraient su discerner,
c’était le cycle de ralentissement imperceptible mais au total décisif derrière
les variations annuelles.
Sur le très long terme, après le millénaire de l’Holocène tardif, le niveau
du Nil a graduellement baissé, alors que la ceinture de mousson basculait
vers le sud, entraînant avec elle la Zone de convergence intertropicale. Sur
la toile de fond de ce grand basculement séculaire, à une échelle de temps
plus courte de l’ordre de décennies ou de siècles, les flots du Nil ont été
tantôt fiables tantôt imprévisibles. Comme les crêtes et les creux d’un cycle
économique, les flots du Nil ont manifesté des changements d’humeur
durables affectant le cours de la civilisation le long de la vallée et au-delà.
Pour la période qui suit l’an 641, ces phases peuvent être suivies grâce au
plus ancien instrument de mesure du climat : les données du nilomètre
conservées dans les chroniques arabes. Pour les périodes plus anciennes, les
données sont fragmentaires et indirectes. Mais celles dont nous disposons
montrent que les siècles de domination romaine ont été le témoin de
profonds changements dans le comportement du fleuve30.
Carte 11 Hydrologie du Nil et mécanismes du climat

De ces relevés se déduit que les bâtisseurs de l’Empire ont bénéficié d’un
timing parfait. Michael McCormick et moi-même avons créé une base de
données sur la qualité des crues au cours des siècles du début de l’Empire à
partir de relevés conservés sur des papyrus (souvent de manière indirecte et
avec un certain degré d’incertitude) témoignant des bonnes et des
mauvaises crues au cours de la période romaine. Les relevés se répartissent
en deux phases distinctes, l’une va de l’annexion par Auguste jusqu’en 155
apr. J.-C. environ, la seconde de 156 apr. J.-C. jusqu’à la fin du IIIe siècle. La
première période a été marquée par des inondations plus fiables et une plus
grande proportion de crues de qualité ; la seconde période a vu un nombre
disproportionné de mauvaises crues.
C’est précisément à la même époque, dans les années 150 apr. J.-C., que
l’on a assisté à un basculement lorsque, pour la première fois, un nouveau
type de document, la « déclaration des terres non inondées », apparaît sur
papyrus. Ses origines restent obscures mais ces déclarations pourraient bien
avoir été une réaction à l’arrivée d’un régime de crues du Nil plus
incertain31.
Les preuves matérielles de la variabilité du Nil sont, hélas, indirectes. Il y
a une forte connexion entre les crues du Nil et le mode de variabilité
climatique global connu sous le nom de ENSO (El Niño-Southern
Oscillation [oscillation australe]). Au cours des années El Niño, les eaux de
l’est du Pacifique sont chaudes, et les pluies de mousson loin à l’Ouest sont
supprimées ; un El Niño puissant est corrélé avec une crue du Nil faible.
Aujourd’hui El Niño survient tous les trois à cinq ans, mais la périodicité de
l’ENSO a varié au fil du temps.
Malheureusement, les indices précis datant du Ier millénaire restent rares
et incertains. Mais des sédiments trouvés en Équateur laissent penser qu’au
cours de l’Optimum climatique romain les événements ENSO étaient très
rares (un tous les vingt ans environ). Cet ENSO tranquille avait pour
contrepartie un régime de crues en Égypte actif et régulier et il signale
d’une autre manière que l’OCR avait des caractéristiques ressemblant à
celles du milieu de l’Holocène. Puis, au cours de la Période romaine de
transition, les événements ENSO sont devenus extrêmement communs –
tous les trois ans environ. La bonne fortune peu commune dont ont
bénéficié les Romains s’est envolée, alors même qu’ils étaient devenus
dépendants de niveaux de production en Égypte correspondant à des
conditions anormalement favorables32.
Ce qui ne fait aucun doute c’est que, juste au moment où les Romains
avaient le plus besoin d’être protégés contre le mauvais sort, le Nil les
abandonnait de manière spectaculaire.
En 244 apr. J.-C., les eaux ne montèrent pas. En 245 ou 246 apr. J.-C., la
crue faiblit d’intensité à nouveau. En mars 246 apr. J.-C., avant la moisson,
les fonctionnaires à Oxyrhynchus adoptaient des mesures d’urgence sans
précédent. On ordonnait d’enregistrer tous les stocks privés de céréales dans
les vingt-quatre heures, sous peine de lourdes pénalités. L’État procédait à
des achats obligatoires à des prix incroyablement élevés, 24 drachmai par
artaba. D’habitude, le gouvernement fixait des prix qui lui étaient
favorables, mais 24 drachmai c’était cher : environ deux fois ce qui était
attendu en cette période, ce qui implique la volonté désespérée d’acquérir
des céréales même au prix fort. Deux ans plus tard, en 248 apr. J.-C., la
pénurie était toujours un problème auquel on ne pouvait pas échapper. Un
papyrus de cette année-là fait référence à l’« urgence actuelle » et à un
difficile combat pour remplir les entrepôts abritant les réserves alimentaires
publiques. Dans un autre papyrus de la même année, un individu avait
refusé de déférer à ses obligations de livrer la quantité obligatoire dans un
entrepôt public, en cédant tous ses biens pour éviter de payer. Au même
instant, l’évêque d’Alexandrie déclarait que le lit du fleuve était aussi sec
que le désert – ce qui, à condition que ce ne soit pas seulement une formule
rhétorique, met le doigt sur la faillite simultanée du Nil blanc et du Nil bleu.
En tout, cela équivaut à la pire crise environnementale au cours des sept
siècles où l’Égypte a été romaine33.
Le changement climatique est survenu au pire moment. Beaucoup avait
été fait pour sécuriser le paiement de la retraite de l’armée romaine de
Perse : 500 000 aurei. C’était une rançon exorbitante. Mais on peut estimer
grossièrement l’impact d’une sécheresse à l’échelle provinciale en Égypte,
même si c’est seulement pour en comprendre les implications. La récolte de
blé sur un lopin de terre dépendait d’un certain nombre de facteurs, dont la
qualité de la terre. Mais la crue était le partenaire silencieux du travail
agricole. Dans une zone bien connue, au IIIe siècle, le rendement en blé sur
une série de lopins arables dans la même région était susceptible de varier
en l’espace de quelques années, de 7 à 16, 6 artabas (l’unité de mesure pour
les produits secs, équivalant à 38,8 litres) par aroura (l’unité de mesure de
la terre, équivalant à 0, 2 576 ha). Sur la base d’une moyenne de ~12
artabas par aroura, la production brute de l’Égypte a été estimée à
83 millions d’artabas. Si, une année de crue médiocre, le rendement était
réduit de seulement 10 %, ce qui semble une estimation prudente, le coût
économique total pour la province était de 8,3 millions d’artabas, ce qui, au
prix de l’époque, était égal à 1 million d’aurei, ou deux fois le paiement fait
à Shapur, le roi perse.

Figure 17 Incidence d’événements El Niño par siècle (source :


Moy et alii, 2002)

L’État romain obtenait chaque année au moins 4 à 8 millions d’artabas


de blé de l’Égypte ; si une sécheresse coûtait à l’État seulement 20 % de ses
revenus fiscaux en Égypte, cela représentait une somme de 96 000 à
192 000 aurei. En fait, le tort occasionné pourrait avoir été un multiple de
cette somme : quand, dans l’Égypte médiévale, le Nil n’avait pas de crue,
une terrible famine s’ensuivait en général. Une suite consécutive de crues
faibles pouvait avoir des résultats exponentiellement plus catastrophiques,
la marge de résilience se rétrécissant. Même si l’on ne peut pas être précis
ni affirmatif, on a toutes chances de conclure que la sécheresse a joué au
moins un rôle aussi important dans le début de la crise que le coût de
l’échec de l’invasion34.
Pour nous, le défi est de faire comme si l’on ne connaissait pas ce qui va
se passer ensuite. La période d’une génération qui mène à la crise n’était
pas un prélude ou quelque chose d’inévitable. Les Sévères et les empereurs
qui se sont succédé ont maintenu une sorte d’équilibre fragile, mais la
concaténation des chocs géopolitiques et environnementaux a représenté
une dangereuse menace pour le nouvel ordre. Les sécheresses des
années 240 apr. J.-C. n’auraient pas pu à elles seules pousser le système
impérial aux limites de ce qu’il était capable de supporter. C’est que la
nature avait un autre tour dans sa poche. Les spasmes du climat global
furent rapidement suivis par l’arrivée d’une maladie infectieuse inconnue.
Ce ne serait pas la dernière fois. La violence époustouflante de la nouvelle
pandémie a finalement dépassé tout ce que les structures de l’Empire
pouvaient supporter. Quelques années seulement après la joyeuse
célébration de l’éternité de Rome, l’existence même de l’Empire était
devenue incertaine.
La peste de Cyprien. La pandémie oubliée
Cyprien est né dans une famille de la classe moyenne en plein essor dans
la Carthage romaine, sous le règne de Septime Sévère. Il a reçu une
éducation libérale et est devenu professeur de rhétorique. C’est tout ce que
nous savons sur les premières années d’un homme destiné à devenir la
figure la plus importante de l’Église occidentale au IIIe siècle.
Les maigres détails biographiques à notre disposition ne nous aident pas
à comprendre pourquoi, vers 245-246 apr. J.-C., Cyprien prit la décision
particulièrement inattendue de se convertir au christianisme. Au début du
IIIe siècle, il n’y avait probablement pas plus d’une centaine de milliers de
chrétiens dispersés dans tout l’Empire. En conséquence, les dieux païens
continuaient à régner sans partage dans les foyers et les temples. On ne doit
pas sous-estimer la chance que cela a dû être pour les chrétiens de Carthage
de fidéliser un lettré sinon quelqu’un ayant bénéficié d’une haute éducation.
C’était une surprise. Sans perdre de temps, il se retrouva en 248 apr. J.-C.
évêque de Carthage. Les dix années que dura son sacerdoce, jusqu’à son
martyre en 258 apr. J.-C., seront parmi les plus lourdes de conséquences qui
fussent dans l’histoire de l’Église, en grande partie à cause de la pestilence
à laquelle l’histoire a attaché son nom35.
Ses textes constituent le document le plus fort au sujet de l’épidémie qui
soit parvenu jusqu’à nous, et son héritage a bientôt été associé avec
l’événement dans les chroniques chrétiennes. C’est de là que la peste est
restée, dans l’histoire, liée au nom de Cyprien. C’est un nom qui a souvent
induit en erreur. Le point de vue dominant, représenté dans les tomes
réputés de la Cambridge Ancient History, décrit la peste comme « ayant
affecté l’Afrique au milieu du IIIe siècle ». William McNeill mentionne la
peste de Cyprien dans son histoire des maladies infectieuses, comme il est
toujours de mise dans les histoires générales des maladies. En revanche, la
peste de Cyprien a été totalement escamotée par les historiens de
l’Antiquité. Dans la récente présentation qui fait autorité sur cette période,
elle n’est même pas citée36.
Cet oubli a plusieurs raisons, y compris les modes changeantes quant à la
manière de présenter la sévérité de la crise du IIIe siècle. Mais, de manière
plus subtile, cet oubli provient d’une incapacité à apprécier la nature
exceptionnelle de cet événement pandémique. Le simple fait de la mortalité
dont les contemporains ont témoigné jusqu’aux extrémités de l’Empire
mérite d’approfondir l’enquête. La peste de Cyprien n’a pas été une
parenthèse sans lendemain dans la Carthage du IIIe siècle ; ce fut une
maladie transcontinentale d’une rare magnitude.
Elle a frappé à une période de l’histoire dont les grands faits sont parfois
à peine connus, si ce n’est pas du tout. Un fait que pratiquement toutes nos
sources confirment, c’est qu’une grande pestilence a défini l’époque. Les
inscriptions, les papyrus, les vestiges archéologiques et les sources écrites
insistent à l’unanimité sur les conséquences considérables de cette
pandémie. Dans une étude récente, j’ai pu compter au moins sept témoins
visuels et six sources indépendantes les unes des autres qui remontent à
l’événement pestilentiel. Ce qui nous manque néanmoins cruellement c’est
un Galien. Le coup de chance d’avoir un grand médecin si prolixe ne s’est
pas répété. À la place, pour la première fois, nous avons un témoignage
chrétien. L’Église a connu une croissance accélérée au cours de la
génération qui a connu la peste, et la mortalité a laissé une impression
profonde dans la mémoire de la chrétienté. Les sources païennes et
chrétiennes coulent dans le même sens. On doit à leurs différents timbres et
tonalités une connaissance plus riche de la peste que si l’on ne disposait que
d’un seul son de cloche37.
La pestilence partit d’Éthiopie et a migré dans le Nord et l’Ouest en
traversant tout l’Empire. C’est ce que nous disent les chroniques et nous
pouvons suspecter une imitation servile du récit de la peste fait par
Thucydide, le modèle littéraire d’une description de la peste familière à tous
les Grecs cultivés. Mais deux indices significatifs viennent corroborer
l’hypothèse qu’une nouvelle fois un agent microbien avait envahi l’Empire
depuis le Sud-Est. D’abord les archéologues ont découvert un charnier
proche d’un lieu où l’on déposait les cadavres sur le site de l’ancienne
Thèbes, en Haute-Égypte. De la chaux était là mélangée pour être jetée sur
les cadavres avant leur incinération immédiate. Ce site qui remonte au
milieu du IIIe siècle et le caractère absolument unique de cette incinération
et de cette entreprise de traitement en masse des cadavres impliquent que
quelque chose en rapport avec la maladie avait précipité les habitants dans
l’adoption de mesures extrêmes. La preuve la plus décisive de l’origine
méridionale de la pandémie, nous la tenons de l’évêque d’Alexandrie, qui
date la maladie dans la métropole égyptienne de l’année 249 au plus tard.
La première preuve datable de la pandémie en Occident vient de Rome en
251. La chronologie confirme un point d’entrée oriental et va dans le même
sens que les chroniques38.
La peste de Cyprien fit rage pendant des années. Les chroniques
rapportent qu’elle a duré quinze ans, mais on ne sait pas avec certitude de
quelle période de quinze ans il s’agit. Il pourrait y avoir eu une deuxième
vague quelque part aux environs de 260 apr. J.-C. L’empereur Claude II en
aurait été victime en 270 apr. J.-C., mais savoir si sa mort a eu lieu lors de
cette même pandémie n’est pas clair. Les sources insistent sur un
événement qui s’est prolongé, alors que la mortalité cheminait dans
l’Empire, avec au moins deux vagues sur la ville de Rome. L’une des
dernières chroniques a noté ce détail significatif selon lequel les villes
furent frappées à deux reprises. Il est par malchance impossible d’être plus
précis. La peste de Cyprien est à l’arrière-fond de l’histoire impériale de
249 av. J.-C. environ à 262 apr. J.-C., avec des effets se prolongeant même
jusque vers 270 apr. J.-C.39.
Une immense zone a été touchée. « Il n’y eut presque aucune province
romaine, aucune cité, aucune demeure qui ne fût attaquée par cette
pestilence générale et désolée par elle. » Elle a « ruiné toute la face de la
Terre ». La peste de Cyprien est attestée partout où l’on dispose de sources.
Elle a ravagé les plus grandes cités comme Alexandrie, Antioche, Rome et
Carthage. Elle a attaqué les « cités grecques » mais aussi des villes plus
éloignées comme Néocésarée au Pont et Oxyrhynchus en Égypte. Selon un
témoignage, la peste de Cyprien a gagné les campagnes comme les villes ;
elle a « affligé les villes et les villages et détruit tout ce qui restait
d’humanité : aucune peste du passé n’a provoqué une telle destruction en
vies humaines ». À la lettre, la peste de Cyprien vida l’Empire40.
Le manque de témoignage médical, comme celui de Galien, est en partie
compensé par les comptes rendus vivants de la maladie dans les sermons de
Cyprien sur la mort. Le prêcheur cherchait à consoler un auditoire cerné de
toutes parts par des souffrances indescriptibles. Un ennemi qui se montrait
sans pitié pour les chrétiens.
« Mais qu’y a-t-il au monde qui ne nous soit commun avec tous, tant que
nous sommes revêtus d’une chair qui est commune à tous ? » Cyprien a
tenté d’anoblir les victimes, assimilant leur courage dans la douleur à
l’héroïsme sans faille des martyrs. Il évoquait les symptômes pour ceux qui
l’écoutaient. « Ces grandes évacuations qui nous abattent, ces cruelles
inflammations de gorge qui nous altèrent, ces fréquents vomissements, ces
yeux étincelants et pleins de feu, ces membres pourris qu’il faut couper, ce
venin froid de la maladie qui nous fait perdre l’usage des jambes, de l’ouïe
ou de la vue, tout cela ne sert qu’à exercer notre foi41. »
Le compte rendu de l’évêque occupe une place centrale dans notre
compréhension de la maladie. La fatigue, les selles sanglantes, la fièvre, les
lésions œsophagiennes, les vomissements, des hémorragies conjonctivites et
des infections graves des extrémités sont les symptômes de la maladie ; un
affaiblissement, une perte de l’audition et de la vue suivent. On peut
compléter ce compte rendu avec des indices plus isolés et incertains fournis
par d’autres témoins. Selon le biographe de Cyprien, la maladie se
caractérisait par un début aigu : « s’imposant jour après jour en attaquant
brutalement une quantité innombrable de personnes, chacun dans sa
maison ». À une plus grande distance des événements, une tradition
folklorique au sujet de la peste de Cyprien venue du nord de l’Asie mineure
insiste sur la rapidité de l’attaque. « La maladie s’abattait d’un coup sur les
gens, pénétrant beaucoup plus vite que tout ce que l’on pouvait penser, se
nourrissant de leur maison comme le feu si bien que les temples étaient
remplis de ceux qui, terrassés par la maladie, avaient fui dans l’espoir d’être
guéris. » La même tradition rappelle la soif inextinguible qui torturait les
victimes (copiant peut-être ici Thucydide). « Tous ceux qui brûlaient de soif
à cause de la faiblesse provoquée par la maladie, se pressaient aux sources,
aux cours d’eau et aux citernes. Mais l’eau ne parvenait pas à apaiser la
flamme de l’intérieur, laissant ceux qui étaient affectés par la maladie dans
le même état qu’avant42. »

Carte 12 Indices de la peste de Cyprien


Le cours de l’infection et de la maladie terrifiait. Cette impression est
confirmée par un autre témoin d’Afrique du Nord, un chrétien pas très
éloigné du cercle de Cyprien, qui a insisté sur la nouveauté de la maladie.
« Voit-on les rites de la mort chaque jour ? Ne sommes-nous pas les témoins
d’étranges formes de décès ? Contemplons-nous des désastres provoqués
par un type de peste inconnu apporté par des maladies acharnées et
prolongées ? Et le massacre de villes affaiblies ? » La pestilence,
argumentait-il, était un encouragement clair au martyre, puisque ceux qui
succombaient de cette mort glorieuse partageaient le « destin commun au
milieu de la destruction sanglante provoquée par des maladies
dévastatrices ». La peste de Cyprien n’était pas seulement un nouveau
tournant dans le cycle périodique de la mortalité épidémique. C’était
quelque chose de qualitativement inédit – et l’évocation de la destruction
« sanglante » ne se bornerait pas à être seulement une figure de rhétorique
si des symptômes hémorragiques étaient présents43.
La maladie d’origine exotique s’était déplacée du Sud-Est vers le Nord-
Ouest. Elle s’est répandue, en deux ou trois ans, d’Alexandrie aux autres
grandes villes côtières. La pandémie a frappé loin et largement, dans des
lieux habités petits et grands, profondément à l’intérieur de l’Empire. Elle
semblait « ne pas connaître de repos ». Elle a changé le cours ordinaire
saisonnier de la mort dans l’Empire romain, commençant en automne pour
diminuer l’été suivant. La pestilence frappait de manière indiscriminée, sans
considération d’âge, de sexe ou de condition. La maladie envahissait
« chaque demeure »44.
Comme c’était prévisible, un rapport accuse une « corruption de l’air »
répandu sur l’Empire. Mais une autre tradition rapportée dans une
chronique, remontant à un bon historien contemporain d’Athènes,
considérait que « la maladie se transmettait par les vêtements ou
simplement par le regard ». Cette observation mérite que l’on s’y arrête ;
dans une civilisation qui ignorait absolument tout des germes, le
commentaire trahit une conception préthéorique de la contagion. L’idée que
la maladie pouvait être transmise par les vêtements ou un regard
correspondait-elle à une vague conscience de son origine infectieuse ? Un
autre indice pourrait être que la maladie affectait les yeux. Les Anciens
partageaient beaucoup de notions excentriques sur le pouvoir du regard,
parmi elles l’idée qu’il était tactile, celui qui regardait projetant un flot de
particules. Les yeux sanglants des victimes de Cyprien pouvaient donner
une image terrifiante du visage dans une culture où les yeux avaient la
faculté d’atteindre l’extérieur et de toucher45.
Le bilan fut terrible. On dispose d’un rapport précis de l’évêque
d’Alexandrie se demandant pourquoi « la ville immense ne contient plus en
elle, en comptant depuis les enfants qui ne parlent pas encore jusqu’aux
vieillards qui sont sur le versant extrême de l’âge, autant d’habitants qu’elle
nourrissait autrefois de vieillards encore verts ainsi qu’on les désignait.
Mais ceux qui avaient de quarante à soixante-dix ans étaient alors tellement
plus nombreux, que leur chiffre n’est pas atteint maintenant par ceux qui
sont inscrits et immatriculés pour l’allocation publique de vivres et qui sont
âgés de quatorze à quatre-vingts ans ; ceux qui paraissaient les plus jeunes
sont devenus comme les camarades de ceux qui autrefois étaient les plus
âgés ». Un simple calcul implique que la population de la cité avait décliné
de 62 % (passant de quelque chose comme 500 000 à 190 000). Il n’est pas
nécessaire que tous soient morts de la peste. Certains peuvent avoir fui dans
le chaos. Et on peut toujours suspecter un effet de rhétorique grossissant le
malheur. Mais le nombre de citoyens recevant une allocation publique de
céréales est un détail particulièrement crédible et tous les autres témoins ont
dit la même chose sur l’ampleur de la mortalité. Un historien athénien
prétendait que 5 000 personnes mouraient chaque jour. Témoin après
témoin – de manière imprécise mais dramatique – on apprend que la
dépopulation était la conséquence de la pestilence. « Les épidémies […]
exercent leurs ravages46. »
Ces indices sont néanmoins trop peu rigoureux pour nous permettre
d’identifier l’agent pathogène responsable de la peste de Cyprien. Mais le
nombre de suspects capables de provoquer un désastre sanitaire de cette
importance est réduit, et s’impose d’en éliminer certains sans hésiter. La
peste bubonique ne correspond pas à la pathologie, à la saisonnalité ou à la
dynamique d’évolution de la population. Le choléra, le typhus et la
rougeole sont également peu probables ; chacun d’entre eux pose des
problèmes insolubles. La variole pourrait être un candidat sérieux. L’écart
de deux générations entre l’épisode survenu sous Commode et la peste de
Cyprien implique que la totalité de la population était susceptible de tomber
à nouveau malade. La forme hémorragique de la maladie correspondrait-
elle à certaines descriptions de Cyprien ?
Mais, au final, la possibilité que ce soit la variole reste faible. Un auteur
d’Afrique du Nord déclarait que c’était une maladie sans précédent (même
si la possibilité d’avoir gardé en mémoire la précédente épidémie de variole
est évidemment sujette à caution). Aucune de nos sources ne décrit
d’éruption sur tout le corps, un trait distinctif de la variole. Dans l’histoire
de l’Église par Eusèbe, écrite au début du IVe siècle, un épisode épidémique
s’apparentant davantage à la variole est rapporté en 312-313. Eusèbe parle
d’une « maladie différente » de la peste de Cyprien et décrit également avec
exactitude l’éruption pustuleuse. Les origines exotiques de l’événement du
IIIe siècle, venu encore une fois d’au-delà des frontières de l’Empire, ne
laissent pas penser qu’il s’agissait de l’éruption d’un nouveau pathogène
endémique. Finalement, les membres putrescents et l’affaiblissement
permanent provoqués par la peste de Cyprien n’inclinent pas vers la variole.
Aucune de ces hypothèses ne permet de conclure mais, mises toutes
ensemble, elles militent contre cette maladie47.
Toute tentative d’identification reste bien sûr hautement spéculative.
Deux candidats sont néanmoins possibles. Le premier est la grippe. Le virus
de la grippe a été responsable des pires pandémies de l’histoire humaine,
parmi elles la « grippe espagnole » qui a emporté environ 50 000 000
d’âmes à la fin de la Première Guerre mondiale. L’absence de preuves
claires en faveur de la grippe est troublante, car c’est une vieille maladie et,
sans conteste, elle n’était pas ignorée dans l’ancien monde. La grippe est
une maladie respiratoire contagieuse grave qui peut prendre plusieurs
formes, certaines relativement bénignes, à l’origine de symptômes
familiers. D’autres types plus rares sont plus menaçants. Celles transmises
par les animaux, en particulier les oiseaux aquatiques sauvages, peuvent
être pathogènes pour d’autres animaux, y compris les cochons, les volailles
domestiques et les humains ; quand ces agents ont la capacité de se
transmettre directement d’humain à humain, les conséquences aboutissent à
une catastrophe. Il y a eu globalement quatre épidémies au cours du dernier
siècle, et la grippe aviaire (qui comprend des éléments redoutables comme
le H5N1) demeure aujourd’hui encore une terrible menace48.
Les différentes formes de grippe issue de pathogènes animaux sont tout
particulièrement létales. Elles sont à l’origine d’une puissante réponse
immunitaire qui est, du coup, tout aussi dangereuse que la pneumonie virale
elle-même ; en conséquence de quoi, les jeunes et les personnes en bonne
santé sont, paradoxalement, menacés par la force de leurs défenses
immunitaires. L’absence de tout symptôme respiratoire dans les
témoignages sur la peste de Cyprien va contre cette possibilité. Mais il est
intéressant de relire certaines observations faites pendant la pandémie de
1918 : « Du sang coulait du nez, des oreilles, des orbites […]. Les
muqueuses du nez, du pharynx et la gorge étaient enflammées. La
conjonctive, cette membrane délicate qui tapisse l’intérieur des paupières,
était également enflammée. Les victimes souffraient de maux de tête, de
douleurs corporelles, de fièvre, auxquels s’ajoutaient souvent une immense
fatigue et une toux […]. Souvent des douleurs, des douleurs terribles […].
De la cyanose […]. Puis il y avait du sang, du sang sortant du corps. Voir du
sang couler, et dans certains cas gicler, avait quelque chose de terrifiant
[…]. Entre 5 et 15 % de tous les hommes hospitalisés souffraient
d’épistaxis – des saignements du nez. » Une grippe de nature pandémique
pourrait en fait correspondre à la terrible expérience de la peste de
Cyprien49.
La saisonnalité hivernale de la peste de Cyprien indique un germe qui
prospère grâce aux contacts interpersonnels rapprochés et par transmission
directe. L’Empire romain était situé à cheval sur de grandes voies aériennes
empruntées par les oiseaux migrateurs, et l’élevage intensif de porcs et de
volailles domestiques comme les poules et les canards plongeait les
Romains dans une situation à risques. Les perturbations climatiques
peuvent légèrement modifier les voies aériennes migratoires des gibiers
d’eau, et les fortes oscillations des années 240 pourraient aussi avoir été le
coup de pouce environnemental pour qu’un nouveau pathogène zoonotique
se taille un chemin dans de nouveaux territoires. La grippe est un agent
éventuel de la pestilence.
N’excluons pas une seconde possibilité : la fièvre hémorragique virale.
La pestilence a pris la forme d’une maladie survenant brutalement avec des
fièvres ardentes, des troubles gastro-intestinaux graves et d’autres
symptômes comme le saignement conjonctivite, les selles sanglantes, les
lésions œsophagiennes et une nécrose des extrémités. Ces signes sont le
signe d’une infection causée par un virus qui provoque une fièvre
hémorragique fulminante. Les fièvres hémorragiques virales sont des
maladies zoonotiques causées par différentes familles de virus à ARN. Les
flavivirus sont la cause de maladies comme la fièvre jaune et la dengue, qui
offrent des similitudes avec les symptômes décrits par Cyprien. Mais les
flavivirus sont transportés par des moustiques, et l’étendue géographique, la
vitesse de diffusion et la saisonnalité hivernale de la peste de Cyprien
écartent un virus transporté par ces insectes50.
D’autres familles de fièvres hémorragiques virales ont comme vecteurs
des rongeurs ou se transmettent directement entre humains. Les arenavirus,
telle la fièvre de Lassa, sont véhiculés par des léporidés. Des arenavirus du
vieux monde sont endémiques dans des réservoirs en Afrique et il est
plausible que la peste de Cyprien ait été causée par un tel agent.
Néanmoins, les grandes pandémies provoquées par des mammifères
placentaires ont probablement dû attendre la peste de Justinien. La biologie
particulière de la bactérie de la peste et sa dynamique interspécifique
intriquée rendent la peste bubonique capable de se propager en pandémie
continentale. La vitesse de propagation et l’échelle de la pandémie
observées avec la peste de Cyprien rendent très improbable la présence d’un
arenavirus.
La vitesse de propagation évoque une transmission directe d’humain à
humain. La croyance que les soins donnés aux malades et le transport des
cadavres étaient dangereux, plaide en faveur d’un tel mode de transmission.
Une seule famille de virus hémorragiques semble correspondre à la fois à la
pathologie et à l’épidémiologie de la peste de Cyprien : les filovirus, dont le
représentant le plus connu est celui d’Ebola51.
Les filovirus sont vieux de plusieurs millions d’années. Des fragments de
leur matériel génétique se retrouvent depuis très longtemps dans les
génomes des mammaliens ; pendant des millions d’années, ils ont infecté
des chauves-souris, des insectivores et des rongeurs. Les filovirus, comme
le virus d’Ebola et le virus Marburg, n’ont été identifiés que dans la seconde
moitié du XXe siècle au cours d’une série d’épidémies à petite échelle. Celle
d’Ebola, en 2014, a attiré l’attention sur cette famille. L’hôte naturel du
virus Ebola reste à identifier même si les chauves-souris sont suspectées. Le
virus Ebola a attiré l’attention publique à cause de son issue clinique atroce
et d’un taux record de mortalité.
Pour provoquer une épidémie, il doit d’abord passer d’une espèce hôte à
un humain ; cette possibilité se présente lorsque des individus entrent en
contact avec des chauves-souris ou des singes infectés. Une fois infectées,
après une brève période d’incubation (quatre à dix jours en moyenne,
parfois plus longtemps), les victimes souffrent d’une fièvre intense et la
maladie attaque simultanément sur plusieurs fronts, dont les systèmes
gastro-intestinal et vasculaire. Les troubles conjonctivites et les symptômes
hémorragiques sévères ressemblent aux observations faites par Cyprien. La
nécrose des tissus et la déformation des membres pourraient également
correspondre à ses descriptions : les extrémités devenaient putrides et
invalides de manière irréversible. Le taux de mortalité, même avec les
traitements modernes, est terriblement élevé : 50 à 70 %. La mort survient
généralement entre le sixième et le seizième jour ; on pense que les
survivants sont immunisés. Le virus Ebola est transmis par les fluides
corporels, mais pas par des gouttelettes aériennes ; il se propage facilement
dans les maisons. Les soignants courent un risque et les cadavres demeurent
une source potentielle d’infection. L’observance de rites funéraires
traditionnels constitue un facteur de risque problématique, y compris dans
les récentes épidémies52.
Un diagnostic rétrospectif établi d’après des rapports écrits par des non-
médecins saisis d’effroi à deux mille ans de distance ne pourra jamais être
posé avec beaucoup de confiance. Mais les symptômes hémorragiques, le
traumatisme et l’insistance mise sur la nouveauté de la maladie sont
cohérents avec un filovirus. Un agent comme le virus Ebola se propagerait
aussi vite que la peste de Cyprien mais, comme il se transmettrait par les
fluides corporels, il présenterait le lent développement, la dynamique
« inhabituellement implacable » qui a tant choqué les observateurs de
l’époque. Après la récente expérience avec le virus Ebola, l’obsession pour
les cadavres au cours de la pandémie du IIIe siècle ne peut que nous alerter.
L’incertitude est due à notre ignorance profonde de l’histoire souterraine
des pathogènes comme Ebola, qui ne sont jamais devenus endémiques dans
les populations humaines. En tant qu’historiens, notre carence face aux
suspects familiers est compréhensible. Mais notre connaissance de plus en
plus grande de la puissance permanente des maladies émergentes, à la
frontière entre la société humaine et la nature sauvage, nous permet de
pouvoir concevoir des événements sanitaires d’une telle importance dans le
passé, comme la peste de Cyprien, causés par des maladies zoonotiques qui
ont semé la panique avant de se retirer chez leurs hôtes animaux.
L’Empire était une nouvelle fois victime d’une peste en provenance de
l’extérieur et non pas des foyers endémiques de maladies locales. Les
troubles climatiques globaux des années 240, qui ont à l’évidence affecté le
système des moussons et suscité des changements écologiques, sont
susceptibles d’être à l’origine de la peste. Au cours d’une décennie, elle se
fraya un chemin à travers l’Empire, se propageant avec rapidité mais tuant
avec lenteur. La pandémie a frappé les soldats et les civils, les habitants des
villes et des villages sans faire de différence. Les auteurs païens et
chrétiens, obéissant à des intentions et des motivations très différentes,
écrivant dans des endroits reculés de l’Empire, sont à l’unanimité d’accord
pour dire que cette pestilence ne ressemblait à rien de ce que l’Empire avait
connu auparavant.

Tableau 8 La peste de Cyprien

Pathologie Épidémiologie
Commence par une fièvre sévère Origines exotiques, d’est en ouest
Faiblesse Gagne tout l’Empire en deux ans
Diarrhées sanglantes « Sans relâche », tenace, quinze ans
Hémorragie œsophagienne Dangereux pour les soignants
Vomissements permanents Cadavres contagieux
Saignements conjonctivites Directement transmissible, par le regard
Putrescence des membres Frappe les foyers
Invalidité définitive Ne fait pas de distinction
Perte de l’ouïe, de la vue Urbain et rural
Pic en hiver
Forte mortalité
Après des périodes de grave sécheresse

Pendant la peste antonine, les soubassements de la structure impériale


craquèrent mais se maintinrent. Au moment où apparut la peste de Cyprien,
en 249 apr. J.-C., la situation avait bien changé. Les réserves d’énergie
emmagasinées étaient épuisées. Cet ennemi microbien était-il plus
dangereux ? Dans ce cas, le centre ne pouvait pas tenir. Il y a beaucoup de
choses qui restent incertaines concernant la peste de Cyprien, mais l’une
d’elles est sûre : dans son sillage immédiat, l’anarchie s’est répandue dans
le monde.
Comme une mer noircie de sang
Pendant les Jeux séculaires, des chœurs de garçons et de filles chantaient
des hymnes à la gloire de la suprématie de l’Empire dont personne ne
doutait. En 248 av. J.-C., l’Empire était en marche. Il y avait un empereur à
Rome, la cité dont les citoyens habitaient le centre symbolique de l’Empire.
La légitimité de Philippe fut confirmée par le sénat et l’armée. Même dans
des années de pénurie, cette légitimité lui permettait de contrôler la
machinerie d’un territoire s’étendant de la Bretagne à l’Égypte, de la Syrie à
l’Espagne. Tous les ans, le cycle de la collecte des impôts rapportait assez
de céréales pour nourrir et le peuple et l’armée ; avec le fruit des impôts et
les revenus des mines d’argent d’Europe centrale, l’empereur pouvait payer
les soldats gardant les vastes frontières. La solde versée aux soldats avait
vraiment de la valeur ; le denarius n’avait rien perdu de sa valeur depuis les
Sévères. L’Empire obéissait à un seul homme. Mais la prodigieuse
machinerie était promise à des ratés. La dernière opération de frappe de
monnaie ordonnée par Philippe trahit des signes de tension sans précédent.
L’armée se révoltait à la frontière nord et, bientôt, Dèce, l’homme envoyé
pour mater la rébellion, s’emparerait du trône. C’était franchir un point de
non-retour pour l’Empire53.
La disparition de Philippe inaugurait deux décennies de chaos. Entre la
célébration du millénaire en 248 apr. J.-C. et l’accession au trône du soldat-
empereur Claude II en 268 apr. J.-C., l’histoire de Rome est un
enchevêtrement violent et confus de faillites successives. L’intégrité
structurelle de la machine du pouvoir a volé en éclats. Le système des
frontières s’est défait. L’effondrement de la légitimité a permis à un
usurpateur après l’autre d’accéder au trône. L’Empire s’est morcelé, et seul
le succès spectaculaire des derniers empereurs dans la remise en ordre des
différentes pièces du puzzle a pu faire que ce moment n’aboutisse pas à
l’acte final de l’histoire romaine. Une profonde crise fiscale a rendu
impossible la collecte des impôts et la sauvegarde de la monnaie. La faillite
violait ce que les Romains tenaient comme l’axiome fondamental de
l’Empire : « Un empire a besoin de soldats, et pour avoir des soldats, il faut
de l’argent. » Alors que le système monétaire se disloquait, les
infrastructures de l’économie privée romaine ont commencé à vaciller. Le
feu s’est alimenté tout seul. L’Empire est entré dans une spirale de troubles
de plus en plus accélérée54.
Par leur conception, les frontières romaines si elles étaient défendables
n’étaient cependant pas impénétrables. Presque simultanément, au début
des années 250 apr. J.-C., le réseau défensif a implosé sur tous les
principaux fronts. Un historien plus tardif a résumé l’ampleur de la faillite.
« Les Alamans ravagèrent les Gaules et pénétrèrent en Italie. La Dacie,
conquise par Trajan au-delà du Danube, fut perdue. La Grèce, la
Macédoine, le Pont, l’Asie furent dévastés par les Goths. Les Sarmates et
les Quades pillèrent et dépeuplèrent la Pannonie. Les Germains pénétrèrent
en Espagne et prirent d’assaut la noble ville de Tarragone. Les Parthes
[c’est-à-dire les Perses], maîtres de la Mésopotamie, commencèrent à
convoiter la Syrie. » La crise militaire se caractérisait par l’enchaînement
d’attaques sur de multiples théâtres et d’incursions barbares dans des parties
molles de l’Empire normalement à l’écart de la violence régnant à la
périphérie. Est-ce l’odeur du sang qui stimulait les attaques comme jamais
auparavant55 ?
Selon les mots d’un oracle, « l’univers tombera dans le chaos avec la
destruction de l’humanité par la pestilence et la guerre ». La relation entre
pestilence et insécurité aux limes était une évidence pour les contemporains.
Des sources sérieuses établissent un lien causal entre les conséquences
démographiques de la pandémie et les échecs militaires. Dans un cas,
l’avancée du roi perse Shapur Ier était directement motivée par la mortalité
qui ravageait l’armée romaine et dont il était informé. Les casernes étaient
des lieux propices à la propagation d’un virus transmis directement d’une
victime à la suivante. Les germes ont formé la première vague invisible des
grandes invasions56.
Les frontières ont cédé au début des années 250 apr. J.-C. Ce fut d’abord
du côté danubien, où les Carpes et les Goths envahirent l’Empire en 250 av.
J.-C. Au cours de l’été 251, l’empereur Dèce et son armée étaient anéantis à
la bataille d’Abritus par un roi goth intelligent, Cniva. Les Romains
perdaient le contrôle de toute la ligne de l’Est.
C’est ensuite la frontière sur l’Euphrate qui céda. En 252 apr. J.-C.,
Shapur Ier passa à l’offensive. C’était une campagne avec peu de moyens,
très différente de tout ce que les provinces orientales avaient déjà subi. La
Syrie fut occupée et les armées perses pillèrent l’Asie mineure. Au même
moment, de nouvelles tribus de Goths gagnaient la mer Égée à partir de la
mer Noire. Des cités sans défense, comme Éphèse, furent dévastées.
Au milieu des années 250, le système de défense du Rhin se désintégra à
son tour. Francs et Alamans mirent à sac les riches provinces de la Gaule
vers 256 apr. J.-C. ; pendant pratiquement une génération ce territoire fut
victime de pillages à grande échelle. Quand l’empereur Gallien essaya de
riposter avec une campagne dans le Nord, le cœur même de l’Empire était
menacé et, en 260 apr. J.-C., une invasion en provenance du Haut-Danube
atteignait la périphérie de Rome. Cette même année, Gallien apprenait que
son père et co-empereur, Valérien, avait été honteusement capturé vivant
par Shapur Ier. Le monument de la victoire sculpté dans la roche sur la
falaise de Naqš-i Rustam célèbre l’humiliation des Romains. Sur tous les
fronts – sans oublier des combats mal connus en Afrique et en Égypte –
l’Empire romain était gravement blessé57.
Une pression simultanée sur les deux frontières importantes était toujours
la garantie d’une catastrophe. De plus, maintenant, les ennemis étaient bien
plus formidables. Les Perses étaient habilement dirigés. La confédération
des Goths, la formation sociale la plus avancée au-delà de la frontière du
Nord, constituait une grave menace. Il y avait eu une lente « convergence
technologique » entre les Romains et leurs voisins germaniques.
L’évolution d’ennemis plus sophistiqués pesait sans que l’on s’en aperçoive
sur la totalité de l’édifice de l’Empire. Mais, une fois que la pestilence eut
vidé de sa substance le bouclier de la frontière romaine, la faiblesse
structurelle du système impérial fut exposée aux appétits et aux ambitions
des peuples de l’autre côté des frontières, à couteaux tirés avec un Empire
belligérant. On ne saurait nourrir de doute sur l’importance déterminante de
la pandémie sur la crise militaire. Elle a accéléré la menace latente et
permis au système des frontières de succomber à une violente marée58.
On a des échos de milices populaires formées en toute hâte pour défendre
des cités en profondeur dans l’Empire et de murailles tout aussi rapidement
élevées. Un autel à la déesse Victoire fut érigé en 260 apr. J.-C., à
Augsbourg, pour célébrer le succès de l’armée provinciale aux côtés du
« peuple ». Réunies, les milices de fortune mirent en déroute les
envahisseurs barbares et libérèrent « plusieurs milliers de prisonniers
italiens ». Même le « peuple de Rome », depuis toujours choyé et privilégié,
fut armé pour repousser les envahisseurs en 260 apr. J.-C.
Dans les années 260, il y avait de fait trois Empires romains, un dans les
Gaules, un à l’Est sous la direction de Palmyre, et le cœur central de l’État
contrôlé par Gallien. Ce dernier fut même réduit à la défense de l’Italie et
aux routes balkaniques menant à la Péninsule, et l’on sait qu’à la fin des
années 260 même les villes grecques comme Athènes ne dépendaient plus
que de forces militaires locales. Des lieux stratégiques comme la Dacie et la
totalité du territoire entre le Rhin, le Danube et le Main – connu sous le
nom de agri decumates – étaient évacués et perdus à jamais. L’Empire était
disloqué, et il n’est pas étonnant que l’empereur Gallien, qui devait réussir à
se maintenir dans la région centrale réduite à peau de chagrin jusqu’en 268
apr. J.-C., ait laissé dans la mémoire collective des Romains le souvenir
d’un personnage pathétique59.
Figure 18 Quantité d’argent (gr) contenu dans les antoniniani
(source : voir note 60)

Le reflux du pouvoir d’État se reflète dans la monnaie. Pour le meilleur


ou pour le pire, c’est le moyen le plus évident en notre possession pour
illustrer l’évolution du statut de l’Empire. Dans les années 250 et 260, l’aloi
(proportion d’argent fin) des pièces de monnaie a soudain chuté. Les
anciennes pièces, sesterces et denarii, furent fondues sans cérémonie ;
bientôt, ces augustes pièces auraient tout simplement cessé d’exister,
entièrement remplacées par les antoniniani ; c’était une révolution dont on a
une idée si on imagine la disparition du dollar. Puis, en l’espace de moins
de deux décennies, les antoniniani furent petit à petit avilis jusqu’à devenir
des billons, des simples jetons recouverts d’une imperceptible couche
d’argent. La crise de la monnaie s’accéléra, alors que les détenteurs privés
recherchaient le bon métal pour le thésauriser. De fait, aucun autre moment
de l’histoire romaine n’a été aussi favorable à la constitution de trésors en
pièces de monnaie.
Nous avons un aperçu de la crise de la collecte d’argent en Égypte. Les
pièces de monnaie ont gardé leur valeur fiduciaire pendant toute une
période. Mais dans un papyrus de 260 apr. J.-C. on signale un gouverneur
qui voulait obliger les banquiers à accepter la « divine monnaie des
Augustes ». On y apprend que les banquiers avaient tenté de la refuser mais
que le gouverneur pouvait les y contraindre. La génération de la pestilence
et de l’avilissement de la monnaie a subi des mouvements incontrôlés du
niveau des prix des biens et des services de presque 100 %. Instabilité
pourtant modeste si on la compare à ce qui allait suivre. À la fin de la crise,
sous le règne du restaurateur Aurélien, les efforts pour soutenir la monnaie
échouèrent. Sa valeur fiduciaire s’effondra. Les prix furent multipliés par
dix, et un siècle d’inflation galopante se dessinait à l’horizon. Disparue
l’époque, qui avait duré mille ans, où la monnaie était composée d’argent60.
Des pertes militaires humiliantes, la fragmentation de l’Empire, et
l’incapacité à payer les troupes avec une monnaie digne de ce nom, eurent
finalement raison de Gallien. Ce qui est surprenant, c’est la longueur de son
règne. Cela témoigne des profondes réserves de résilience et de la puissance
de la légitimité au cœur de l’Empire. Cela pourrait aussi refléter la simple
absence d’une quelconque alternative fondée sur la force dans le chaos
d’une pestilence sans fin. Mais en 268 apr. J.-C. Gallien était assassiné à
Milan. Le meurtrier ? Un officier danubien du nom de Claude. Claude II
n’était pas seulement un prétendant parmi les autres. Son ascension est le
signal de l’apparition d’un genre totalement nouveau d’empereur et ne
marque pas tant l’achèvement de la crise que le début d’un nouvel âge. Le
terrain avait été déblayé par l’entrechoc de la sécheresse et de la pestilence,
de la guerre et de la faillite fiscale. Le temps des empereurs-soldats était
advenu.
Restauration et révolution
La période entre la mort de Philippe et la prise du pouvoir par Claude II a
été une période de fin de règne. Lieux habités et villages ont
progressivement disparu du paysage. Les recensements de la population en
Égypte s’arrêtent dans les années 250. Évanoui, l’ancien évergétisme. Les
habitudes bien ancrées d’épigraphie publique furent abandonnées. La
grandeur des temples urbains appartenait au passé. On peut même suivre à
la trace la fermeture soudaine d’ateliers, ainsi que la désintégration de la vie
économique et la fin brutale des flux de capitaux et d’investissements. Ainsi
toutes les fibres qui constituaient auparavant, fût-ce imperceptiblement,
l’ordre classique se désintégrèrent, mettant fin à une époque.
Ce grand nettoyage était à la fois la précondition et la conséquence de la
révolution politique qui porta Claude II sur le trône. La lignée des
empereurs qui commence avec lui aimait présenter leur œuvre comme une
sorte de « restauration ». Mais le système impérial qui a pris forme à la
suite de la pestilence et de la crise obéissait à une nouvelle logique interne.
C’était une révolution fondée sur deux principes jumeaux définissant le
nouvel équilibre : la machine impériale serait contrôlée par les empereurs
militaires d’origine danubienne, et leurs soldats seraient récompensés avec
de l’or de bonne qualité. L’ordre du nouvel État reposait sur ces prémisses61.
Non sans ironie, le prince de sang bleu Gallien avait préparé la voie à la
montée en puissance des empereurs-soldats. Héritier d’une lignée de
sénateurs, les racines de sa riche famille étaient en Étrurie. Son père s’était
élevé au service du régime des Sévères et avait été promu consul.
Socialement et géographiquement, le règne d’un homme comme Gallien
trouvait ses sources dans des traditions remontant aux fondations mêmes de
la charge impériale. Mais, sous son règne, le contrôle des légions fut
arraché à la caste sénatoriale.
Selon une source plus tardive, Gallien, « par l’effet de la crainte que lui
inspirait son indolence, et pour que la puissance impériale ne pût être
transférée aux plus illustres des patriciens, leur avait interdit le service
militaire, et même l’approche de l’armée ». Quels qu’en aient été les motifs,
à partir de ce moment précis il était devenu, de fait, impossible de trouver
un sénateur à la tête de forces romaines. Le poste prestigieux de
commandant d’une légion, legatus legionis, avait été la pierre angulaire du
contrôle sénatorial sur l’armée. Le remplacement des sénateurs par des
soldats de métier aux postes de haut commandement détruisit un ethos
aristocratique propre à Rome et a brisé un ancien ordre sociopolitique
remontant des siècles en arrière, à la fin de la République. La peste et la
guerre ont bouleversé de fond en comble l’ordre des élites suivant un
schéma destiné à s’imposer dans le temps62.

Figure 19 Pièce d’or (Aureus) de Claude II célébrant la loyauté


de l’armée (American Numismatic Society)

Si l’empereur Gallien avait espéré empêcher l’usurpation du pouvoir, sa


politique obéissait à un mauvais calcul. Pendant des siècles, le
commandement des légions avait été le poste prédestiné pour les
prétendants au trône. Désormais, ce seraient des soldats professionnels et
non plus des généraux issus de bonnes familles qui allaient rallier les
troupes à leur cause. L’ascension de Claude II, qui avait commandé l’unité
de choc de la cavalerie impériale, traduisait dans l’immédiat cette
possibilité. Avec Gallien mourut un certain type d’empereur.
Mais, tout aussi révolutionnaire que soit l’origine sociale de Claude II,
son origine géographique était également lourde de conséquences. Il était
originaire de la Haute-Mésie ou de la Basse-Pannonie. Ce corridor dans la
plaine danubienne était depuis longtemps peuplé de colonies de vétérans.
Au cours des siècles, quand les légionnaires déposaient leurs armes, ils se
mélangeaient aux populations locales ; les fils des soldats épousaient le
patriotisme de leur père et s’engageaient dans l’armée ; la frontière
danubienne présentait sans exception tous les aspects d’une zone de guerre.
Une culture militaire dominait. La région produisait peu de sénateurs mais
beaucoup d’officiers décorés. Décennie après décennie, ces gradés servaient
loyalement leurs supérieurs détachés auprès d’eux mais, quand le désordre
se répandit dans l’Empire et que les territoires où ils vivaient furent envahis,
ils s’emparèrent de la fonction63.
La peste abrégea la vie de Claude II. Sa révolution lui survécut. Une fois
que les officiers danubiens se furent emparés des rouages de l’Empire, ils
refusèrent de les céder. Walter Scheidel a brillamment montré que, jusqu’au
règne de Phocas (610 apr. J.-C.), presque les trois quarts des empereurs
romains étaient nés dans une région qui ne constituait que 2 % du territoire
de l’Empire. La dynastie théodosienne est pratiquement la seule aberration ;
c’est l’exception qui confirme la règle. Cette dernière était le résultat d’un
« cocktail explosif » dans un moment de désespoir profond après le
massacre du corps des officiers à la bataille d’Andrinople (378 apr. J.-C.). À
partir de 268 apr. J.-C., la riche aristocratie de la Méditerranée fut
remplacée par un ensemble de soldats de métier en provenance d’une petite
région de la frontière nord qui était ce que Ronald Syme a appelé
une « zone d’énergie », soit la voie terrestre assurant la jonction entre les
parties est et ouest de l’Empire. Ce n’est pas seulement une élite militaire
de n’importe quelle frontière qui a pris possession de l’Empire romain, mais
une élite de cette région particulière64.
Les grands empires sont souvent balayés par leur propre périphérie. Ce
n’est pas ce qui est arrivé à l’Empire romain au IIIe siècle. Il a plutôt été
restauré par une zone intérieure frontalière. Les empereurs-soldats se
considéraient comme romains. Du vieux sang romain coulait dans leurs
veines. Ils étaient, par exemple, plutôt traditionalistes dans l’application de
la loi. L’ethos des empereurs danubiens les a amenés à protéger l’Empire
dans sa totalité ; Aurélien, le successeur de Claude II, a voué toute son
énergie à la reconquête des provinces du Nord et du Nord-Ouest. Il n’y a
pas eu d’insigne enrichissement de leurs terres d’origine sous leurs règnes.
Le peuple de Rome, et non celui de Sirmium ou de Naissus, a continué à
profiter de privilèges politiques exorbitants. Mais le travail de restauration
nécessitait beaucoup d’audace. La cité de Rome était respectée en tant que
centre symbolique de l’Empire, mais les empereurs-soldats ont, sans hésiter,
installé des garnisons dans les villes proches des théâtres d’action.
L’appareil administratif allait être bouleversé de la base au sommet ; les
subtilités constitutionnelles mises de côté au profit de la grande cause :
rassembler l’Empire65.
Carte 13 Les deux provinces dont sont originaires la plupart
des derniers empereurs

Là où les empereurs ont clairement manqué d’impartialité, c’est dans les


faveurs accordées à l’armée, en particulier au corps des officiers. Claude II
récompensait la loyauté des soldats à qui il devait son trône… par de l’or.
Avec la monnaie d’argent en pleine déroute, on ne pouvait pas faire
autrement. Mais c’était quelque chose qui s’imprimerait dans la mémoire.
Un grand spécialiste des monnaies anciennes a suggéré que c’est de ce
moment que date le début de l’Antiquité tardive.
Dorénavant, les empereurs paieraient en or les primes (donativa) de leur
accession au trône. Les implications étaient évidentes : l’empereur en
personne distribuait l’or et on lui jurait fidélité. Ces primes devinrent une
routine administrative et les soldats en reçurent une tous les cinq ans ;
apprenant de la sorte à regretter la longévité de certains empereurs ! Au fil
du temps, la solde régulière, fixée en pièces d’argent, perdit de sa valeur au
bénéfice des primes. Les grandes victoires continuaient à être également
l’occasion de versements exceptionnels. On a un aperçu des possibilités
ainsi offertes grâce à un trésor découvert à Arras, dans le nord de la France,
en 1922. Un pot en argile propriété d’un officier contenait de précieux
bijoux, des objets en argent et 475 pièces de monnaie, dont 25 médaillons
en or, gagnés au cours d’une carrière militaire qui semble avoir duré de 285
à 310 apr. J.-C. environ. L’un des médaillons, célébrant la reconquête de la
Bretagne par Constance Chlore, le père de Constantin, proclamé
« restaurateur de la lumière éternelle », pesait 83 grammes. Le zèle et la
loyauté n’étaient pas récompensés avec parcimonie66.

Figure 20 Médaillon de Constance Chlore, trésor d’Arras


(Bibliothèque nationale de France)

Cette politique allait refonder l’État et la société en inversant les choses.


Le temps des empereurs-soldats allait être aussi le temps de l’or.
Les répercussions spirituelles de la crise sont évidemment moins
apparentes, moins mécaniques, mais, sur le long terme, elles ont été
profondes. Les épisodes de forte mortalité provoquent d’imprévisibles
réponses religieuses. La ferveur et le désespoir changent l’ambiance de la
vie spirituelle. La peste antonine a suscité un retour aux cultes apolliniens
les plus archaïques. La peste de Justinien, comme on le verra, a propagé
dans les cultures méditerranéennes un profond esprit apocalyptique. Plus
tard, avec la peste noire, la persécution des juifs et le mouvement des
flagellants ont été des réactions directes à l’événement, avec une fascination
culturelle pour la mort qui semblait découler de l’expérience atroce de la
mortalité de masse inséparable de la fin du Moyen Âge.

Figure 21 Pièce d’argent (Antoninianus) de 251-253 apr. J.-C.,


montrant Apollon le Guérisseur (American Numismatic Society)

La crise du IIIe siècle a été une heure de vérité pour les religions civiques
traditionnelles de l’ancien monde. Elle a aussi ouvert la porte à la
croissance troublante d’un mouvement religieux encore marginal, le
christianisme. En l’espace d’une génération, l’archaïsme sûr de lui et
dominant au cours des Jeux du millénaire de Philippe céda la place à un
paysage religieux où les voix fortes de la dissidence s’imposaient plus que
jamais.
Déjà dans ses premières phases, la crise avait alimenté le conflit
religieux. Des prières et des sacrifices spontanés accompagnaient toujours
l’accession au pouvoir d’un nouveau dirigeant. Mais, vers la fin de
l’année 249 apr. J.-C., l’empereur Dèce a obligé tous les citoyens à prendre
part à un acte de sacrifice et a fait appel à la machine de l’Empire pour
consolider l’ordre. Ce n’est peut-être pas seulement une coïncidence si,
alors que la peste semblant venir de l’ouest ravageait Alexandrie,
l’empereur conçut une opération de repentance universelle. Dans l’esprit
des Anciens, le fléau sans remède était l’instrument de la vengeance divine.
La peste antonine avait provoqué de spectaculaires actes de repentance au
niveau civique, exigés par les grands temples oraculaires du dieu Apollon,
lequel fut vite également mis à contribution lors de la peste de Cyprien. Les
empereurs commencèrent par frapper des pièces avec une nouvelle image,
celle d’« Apollon le Guérisseur ». On cherchait désespérément à Rome des
solutions religieuses. « Pour apaiser les dieux, on consulta les livres
Sibyllins, et l’on fit, ainsi qu’ils l’ordonnaient, un sacrifice à Jupiter
Sauveur. » La peste déchaînait un mélange de peur et de piété. Que la
maladie se soit déclenchée avant ou après les ordres de Dèce de procéder à
un sacrifice, la peste de Cyprien fut rapidement impliquée dans le
bouleversement religieux de l’époque67.
Les chercheurs se méfient désormais du terme de « persécutions » pour
caractériser la politique religieuse de Dèce. Ce pourrait être un point de vue
trop unilatéral. Le désir d’extirper le christianisme n’était pas le seul motif
de sa politique. L’ordre de Dèce applicable dans tout l’Empire – procéder à
un sacrifice – peut être conçu comme une version à grande échelle des
réponses civiques apportées en leur temps à la peste antonine. Mais
désormais, dans une époque de citoyenneté universelle, la réponse à la crise
était globale, et ne se discutait pas. Rien de cela n’est incompatible avec
l’idée qu’éradiquer le christianisme était un objectif conscient de Dèce
depuis le début. Après tout, le refus des chrétiens de participer aux
sacrifices n’était pas seulement un acte de défiance ; il compromettait la
protection apportée par les dieux face au désastre en cours68.
Aussi les chrétiens allaient-ils devenir des boucs émissaires. Les
polémiques entre païens et chrétiens sont à l’origine des interventions de
Cyprien en défense de la foi ; son chef-d’œuvre apologétique, l’Ad
Demetrianum, est un plaidoyer pour exonérer les chrétiens de toute
responsabilité dans la sécheresse, la pestilence et la guerre. Nous ne
disposons pas du texte de l’accusation mais un écho assourdi nous en
parvient une génération plus tard, dans les propos amers du philosophe
païen Porphyre. Pour lui, l’insolence des chrétiens était responsable des
catastrophes sanitaires du moment : « On s’étonne, dit-il, que la ville soit
depuis tant d’années en proie à ce fléau, et qu’on n’éprouve plus
l’assistance d’Asclépios ni des autres dieux. Depuis que Jésus a commencé
à compter des sectateurs, personne n’a plus éprouvé les heureux effets de
l’intervention des dieux. » C’est un point de vue qui pourrait bien avoir
prévalu dans les années 250 apr. J.-C.69.
Dèce leur tendit un piège. Les citoyens devaient prouver leur loyauté en
procédant à un sacrifice païen. Une abondance de certificats individuels de
sacrifice sur des papyrus en Égypte est parvenue jusqu’à nous. Le refus des
chrétiens d’y participer a déchaîné une réponse encore plus vigoureuse du
gouvernement central, désormais explicitement dirigée contre l’Église en
plein développeemnt. Valérien prit des mesures destinées sans ambiguïté à
faire la chasse aux chrétiens. Avec le temps, l’Église a considéré qu’il
s’agissait d’un grand procès, le point culminant de siècles d’efforts
impériaux pour réprimer la foi. Mais ce point de vue laisse dans l’ombre les
circonstances de la persécution, et il néglige le caractère très minoritaire du
mouvement chrétien de l’époque.
On est condamné à une approche impressionniste de l’expansion du
christianisme. Avant 200 av. J.-C., les chrétiens sont pratiquement invisibles
dans nos sources. S’il n’y avait pas eu la suite, les chrétiens des deux
premiers siècles ne seraient même pas dignes d’une note en bas de page
dans les livres d’histoire. À la fin du IIe siècle, on estime que leur nombre
était de l’ordre de 100 000. Il faut attendre 300 apr. J.-C. pour assister à un
changement qui stupéfie. Le signe le plus clair en est l’adoption soudaine de
prénoms chrétiens. On a récemment estimé qu’un taux surprenant de 15 à
20 % de la population pouvait déjà être chrétien en Égypte. La précision
n’est qu’apparente mais, même sur la base des estimations les plus
prudentes, la conclusion inévitable est que le IIIe siècle a été le témoin d’une
transformation explosive du christianisme en un phénomène de masse70.
Le mouvement de Jésus a été dès le début favorisé par le zèle
missionnaire. Mais la dynamique de quelque chose d’aussi intime que la
« conversion » doit être replacée dans les conditions particulières à chaque
époque. La force d’attraction qui a poussé des petites bandes de marginaux
à se convertir au IIe siècle n’a rien à voir avec ce qui a catalysé un
mouvement de masse au IIIe siècle. Et même, au cours du IIIe siècle, le taux
de conversion n’a pas été constant. La combinaison de la pestilence et de la
persécution semble avoir accéléré la propagation du christianisme. C’est ce
qui est resté dans la mémoire d’une communauté chrétienne à Néocésarée
au Pont. Dans la légende populaire attachée au héros local, Grégoire le
Thaumaturge, la peste a joué un rôle primordial dans la conversion de la
communauté. La mortalité de masse montrait avec cruauté l’inefficacité des
dieux ancestraux et soulignait les vertus de la foi chrétienne. Quelle que soit
la stylistique du récit, il a préservé un noyau de souvenirs historiques à
propos du rôle de la peste dans la transformation religieuse de cette
communauté.
Le plus grand avantage du christianisme était sa capacité illimitée de
créer de nouveaux réseaux de type familial entre de parfaits étrangers sur la
base d’une éthique d’amour sacrificiel. L’Église se vantait d’être un
« nouvel ethos », une nouvelle nation, avec toutes les conséquences d’un
héritage partagé et d’obligations mutuelles. L’éthique chrétienne a
transformé le chaos de la pestilence en un champ de mission. La promesse
saisissante de la résurrection encourageait la foi contre la peur de la mort.
Dans l’effroi de la persécution et de la peste, Cyprien demandait à son
public d’aimer ses ennemis. La compassion était au premier plan, ce qui
n’était pas sans avoir de conséquences. Les soins de base apportés aux
malades pouvaient avoir des effets importants sur la mortalité ; dans le cas
d’Ebola, par exemple, l’approvisionnement en eau et en nourriture peut
considérablement réduire l’incidence des décès. La nouvelle éthique
chrétienne était une publicité retentissante pour la foi. Dans la tempête,
l’Église était un refuge sûr71.
Une fois le feu de la crise éteint, les cendres ont constitué un terreau pour
l’expansion chrétienne. L’empereur Gallien a appelé à la fin des
persécutions en 260 apr. J.-C. ; l’Église a profité d’une paix qui a duré
quarante ans. Le célèbre historien du christianisme Eusèbe décrit avec des
accents de triomphe ces jours de croissance sans entrave. « Comment,
d’autre part, décrirait-on ces innombrables rassemblements et les multitudes
de réunions dans chaque ville et les remarquables concours de gens dans les
maisons de prières ? À cause de cela, on ne se contentait plus désormais des
constructions d’autrefois, et dans chaque ville on faisait sortir du sol des
vastes et larges églises. »
Les chrétiens évoluaient avec confiance dans les cercles les plus élevés.
Ils étaient plus visibles que jamais. À Oxyrhynchus, la ville d’Égypte où on
a exhumé dans les décharges une grande quantité de papyrus, l’Église sort
de l’ombre dans ces mêmes années. Le premier papyrus donnant le nom
d’un chrétien date de 256 apr. J.-C. Peu de temps après, on en prend la
mesure grâce à un clerc, Papa Sotas, l’évêque le plus ancien connu et peut-
être même le premier. Sa carrière est rapportée sur pas moins de cinq
papyrus qui le décrivent multipliant les lettres de recommandation,
sollicitant des fonds et circulant sans inquiétude dans toute la Méditerranée
orientale – en bref, agissant comme un évêque de l’Antiquité tardive. À
Oxyrhynchus, l’Église a surgi brutalement, passant de l’invisibilité à une
pleine confiance en soi au grand jour72.
Dans le même temps, à Rome, les catacombes en nid d’abeilles se sont
développées de manière spectaculaire. Au IIe siècle ou au début du IIIe, les
chambres mortuaires sont rares ; elles deviennent ensuite un foyer de
rayonnement à grande échelle. Le troisième quart du IIIe siècle marque une
envolée quand, soudainement, la présence souterraine du christianisme ne
se limite plus à une poignée d’enterrements dans la discrétion. Désormais,
de modestes tombes s’alignent dans des encoches longeant les murs
ondulants des couloirs éclairés sur de longues distances. Les catacombes
n’étaient pas la cachette romantique d’un culte hors la loi, ni un projet de
papes ambitieux. Elles servaient à maintenir dans la mort des liens
communautaires qui vivifiaient l’Église. Le tout reposait sur des réseaux
étendus de clientélisme, sur un puissant mais complexe sentiment d’identité
et une croyance forte dans l’immortalité. Cette période rayonnait d’une
énergie palpitante. Cette communauté diverse, mélangée socialement,
n’incluait pas encore les super-riches. Les sanctuaires des martyrs n’étaient
pas encore parfaitement organisés. C’était une société fantôme qui survivait
au défi de la peste et des persécutions, avant de connaître une croissance
spectaculaire73.
Même si l’on ignorait tout du christianisme, on pourrait néanmoins
décrire le IIIe siècle comme un âge de rupture avec le polythéisme
traditionnel. Les anciennes religions battaient de l’aile. La grande tradition
de construction de temples s’arrêta totalement. Le IIe siècle avait été une
époque exubérante de constructions de ce genre. Hadrien avait terminé le
grand temple de Zeus olympien à Athènes, dont les travaux avaient été
interrompus au VIe siècle… avant Jésus-Christ. Les temples étaient les
joyaux d’une cité. Au milieu du IIIe siècle, ils s’écroulaient par manque
d’entretien. En Égypte, la dernière inscription sur un temple date du règne
de Dèce. Puis, un silence définitif s’installa. À la fin du siècle, les temples,
qui avaient récemment été les incubateurs des plus anciennes religions,
conservatoires des traditions de l’humanité, se transformaient en entrepôts
militaires. Les rites antiques s’évanouirent tout simplement. Les vieux
registres des personnels des temples et de leurs propriétés cessèrent
d’exister dès 259 apr. J.-C. L’effondrement sidère. Peut-être est-il plus
évident en Égypte où les institutions municipales étaient plus récentes que
dans d’autres parties de l’Empire, mais la vérité est que tous les efforts
assidus ont produit de maigres résultats pour redonner vie aux temples dans
d’autres endroits de l’Empire. Quelle que soit la manière dont on considère
les choses, la crise du IIIe siècle a été une catastrophe pour les cultes
civiques traditionnels dont ils ne se remirent jamais74.
On doit se demander pourquoi il en a été ainsi. Il n’y avait rien de
ressemblant à un « paganisme » cohérent ailleurs que dans l’esprit des
polémistes chrétiens. L’ancien polythéisme était diffus. C’était un ensemble
de religions connectées de manière lâche, immanentes à la nature et faisant
partie de la vie familiale et de celle de la cité. Le polythéisme qui s’est
épanoui dans l’Empire romain s’est construit à l’abri des hiérarchies
sociales de l’ancienne cité. Pour saisir le paganisme authentique du Haut-
Empire, il ne faut pas le chercher dans de grandes spéculations théologiques
mais dans la vie quotidienne des cités. Un exemple célèbre vient d’Éphèse
où un riche citoyen et un chevalier romain du nom de C. Vibius Salutaris
furent à l’origine d’un don en l’honneur de la déesse Artémis. L’intérêt d’un
tel don pour subvenir aux besoins du temple était qu’il facilitait
l’organisation de magnifiques spectacles célébrant la longue histoire des
Éphésiens ; des cadeaux somptueux en argent étaient réservés aux citoyens
appartenant aux lignages les plus anciens ; on procédait à des sacrifices
sanglants en l’honneur de la déesse. Ce type de dons disparut complètement
dans le chaos financier. Les vieux modèles du clientélisme civique furent
déstabilisés. La disparition des anciens dieux ne fut pas le résultat d’une
crise de la foi. Ils faisaient intimement partie d’un ordre dont les fondations
craquaient de toutes parts75. La superstructure s’effondra mais l’ancien
polythéisme fut à peine touché. Les particularités de la religion de la nature
étaient partout. Un voyageur marchant sur une route romaine s’en
apercevait : « Nulle rencontre en effet ne saurait à plus juste titre suspendre,
au nom de la piété, la marche d’un voyageur : ni autel ceint de guirlandes
de fleurs, ni grotte ombragée de feuillages, ni chêne chargé de cornes, ni
hêtre couronné de peaux, ni même tertre consacré par une enceinte, ni tronc
d’arbre auquel la doloire a fait prendre figure humaine, ni gazon imprégné
de la fumée des libations, ni encore pierre baignée de parfums. »
Aucune crise ne pouvait faire disparaître un polythéisme populaire
profondément enraciné. Au IIIe siècle, les chrétiens étaient toujours cernés
par les sons et les odeurs d’un polythéisme fourmillant. Mais, quand les
expressions les plus nobles de la vie religieuse publique vacillèrent, les
chrétiens saisirent leur chance. L’Église haussa de plus en plus le ton dans
les échanges publics, ce qui aurait été autrefois inimaginable, même au
temps des Sévères. L’Église était disposée à conclure un arrangement avec
l’Empire. Au tournant du IVe siècle, elle était devenue une force avec
laquelle il fallait compter. Les empereurs-soldats hésitaient entre
l’éradication et la cooptation jusqu’à ce que le plus couronné de succès de
tous ne s’engage lui-même pleinement, et d’une manière quelque peu
inattendue, à s’instituer le protecteur et le patron des croyants. L’époque
était propice aux coups de poker76.
La voie du redressement
L’empereur Aurélien (270-275 apr. J.-C.) fit la reconquête des territoires
sécessionnistes. Il éleva des murailles autour de la cité de Rome et entreprit
une profonde réforme de la monnaie. Il mit l’accent sur le culte de Sol
invictus, le dieu du soleil invaincu, un étranger au panthéon méditerranéen
mais facile à recruter. Il fit parader la reine de Palmyre, Zénobie, dans les
rues de Rome au cours d’un triomphe et se proclama lui-même le
« Restaurateur romain du monde ».
En réalité, son règne fut un mélange ahurissant d’ancien et de nouveau.
Le travail de restauration mené par les empereurs-soldats a eu lieu au nom
de la tradition. Leur réussite a amené les historiens modernes à interroger la
réalité même de la crise. Mais nous ne devons pas considérer comme allant
de soi le rassemblement de tout l’Empire en un État unitaire selon un
schéma géographique pan-méditerranéen. La Chine des Han n’a pas
survécu sans métamorphoses à une crise parallèle. L’Empire romain
bénéficiait d’une seconde vie, mais cela ne doit pas nous aveugler sur
l’aboutissement de cette restauration ni nous faire douter de la gravité de la
crise77.
Dans les années 260 apr. J.-C., la fortune de l’Empire était au plus bas. Il
avait aussi touché le fond en matière démographique. Sur ce point, la
restauration a été bien plus lente. La peste de Cyprien et l’intensité de la
crise avaient été des sources de désarroi. Des régions intérieures habituées à
la paix avaient été d’un coup envahies ; et que dire du bouleversement des
antiques hiérarchies sociales ? Dans tout l’Occident, le schéma
d’occupation des campagnes montre une rupture. La vie faisait son retour,
mais peu à peu, et à des rythmes différents, plus prudents. Les villes ne
furent plus jamais les mêmes, jusqu’aux cités les plus riches qui étaient plus
petites qu’autrefois et, au total, après le rétablissement elles ont tout
simplement été moins nombreuses. Les jours anciens, quand le recrutement
de soldats s’effectuait sans heurts, avaient disparu à jamais. L’art de
gouverner de l’Antiquité tardive serait par nécessité plus difficile. Mais le
projet de restauration préparait la voie pour un autre siècle et demi
d’intégration impériale et de rebond économique.
Le long IVe siècle fut, à sa façon, un nouvel âge d’or, moins fastueux que
l’efflorescence antonine en termes matériels, mais exceptionnel selon
d’autres critères. Quelque part dans le nouvel équilibre les germes de la
divergence entre les parties orientale et occidentale de l’Empire
commençaient à percer. Le projet de restauration aboutit, en définitive, à la
création d’une seconde Rome à Constantinople. La fondation de la nouvelle
capitale était un coup de génie qui allait faire basculer l’équilibre
géopolitique plus profondément que tout ce que l’on aurait envisagé. Quand
la puissance du changement climatique global provoqua une réaction en
chaîne avec des mouvements de population et l’afflux de réfugiés qui
allaient renouveler la pression sur les frontières, l’Empire se briserait en
fonction des lignes de tension qui s’étaient petit à petit mises en place. Une
seule moitié de l’Empire devait survivre à l’effondrement à venir78.
Chapitre 5
La célérité de la roue de la fortune
Les limites de l’Empire
Parmi les œuvres mineures de Claudien – que nous avons déjà rencontré
alors qu’il célébrait le consul Stilicon –, un beau poème, « Le vieillard de
Vérone », rend hommage à un paysan – on ignore son nom – dont la vie
lente et innocente n’a jamais connu de revers de fortune. Il vivait béatement
à l’écart du temps. Le vieil homme mourrait dans la modeste ferme où il
était né. Jamais comme voyageur il ne s’était désaltéré dans des fleuves
inconnus. « Ce n’est point par le nom d’un consul, mais par ses récoltes
périodiques » qu’il comptait ses années. « Ce robuste chêne, il se souvient
de l’avoir vu fragile arbrisseau. » Vivant aux portes de Vérone, « cette ville
lui paraît plus éloignée que l’Inde brûlante », « le Bénac [lac de Garde] est
pour lui la mer Rouge ». Mais l’horizon rapproché du paysan est le terreau
de son bonheur. « Allez maintenant courir jusqu’aux extrémités de l’Ibérie ;
vous aurez parcouru plus de chemin, ce vieillard aura plus vécu que vous1. »
C’est une charmante idylle. Mais il n’est pas impossible que Claudien,
traînant sa lassitude dans une vallée, ait vraiment rencontré un tel paysan,
vivant sans tracas dans l’ombre de la grande politique. Cela pourrait avoir
ému le poète. L’existence enracinée du vieil homme constituait un contraste
saisissant avec sa propre expérience. Claudien était un poète égyptien qui
s’était aventuré en Occident et avait fait sensation à la cour, devenant le
porte-parole du plus puissant personnage de l’État, le generalissimus
Stilicon. Si un tel paysan a existé pour de bon, le poème a alors quelque
chose de poignant. On a coutume de le dater de 400 apr. J.-C. Exactement
un an plus tard, une armée de Wisigoths, avec Alaric à sa tête, envahissait la
vallée du Pô. Stilicon les affronta dans une bataille sans pitié à Pollentia et
les repoussa vers l’est à travers les plaines du nord de l’Italie. La tranquillité
des campagnes avait volé en éclats. La confrontation décisive eut lieu à
Vérone où les troupes de Stilicon vinrent à bout des envahisseurs. C’était le
couronnement d’un chef de guerre2.
Puis, rapidement, les choses tournèrent mal. Le dernier jour de l’an 406
apr. J.-C., la frontière du Rhin s’effondra. Les événements s’enchaînèrent.
En 408, le régime de Stilicon fut renversé par un coup d’État, et le général
bientôt exécuté. L’ouest de l’Empire avait perdu même l’apparence d’un
commandement. Alaric, le chef goth habile à profiter des occasions,
encercla Rome et en août 410 ne se priva pas de la mettre à sac. La
violation de l’ancienne capitale était une catastrophe en soi, et plus graves
encore les répercussions symboliques. L’« ordre d’un monde fragile »
s’était effondré. Rome n’est pas tombée en un jour mais le ravage de la cité
constitue un moment clé pour une génération clé, quand le contrôle des
provinces occidentales a échappé au pouvoir impérial. Cette fois, les pertes
se révélèrent irréversibles. Tout au long du Ve siècle, l’Empire romain
d’Occident s’est brisé. Personne, dans les lieux les plus proches comme les
plus reculés, ne pouvait rester insensible à un événement de cette
magnitude3.
Pour les historiens, expliquer une désintégration si rapide a toujours été
un défi. « Dans l’histoire de l’Antiquité tardive, peu de choses sont plus
difficiles que de comprendre les raisons pour lesquelles, dans la moitié
occidentale de l’Empire, l’armée et le gouvernement ont échoué. »
L’ampleur du problème est seulement devenue plus redoutable ces dernières
années, alors que nous savons de mieux en mieux apprécier à sa juste valeur
le robuste redressement qui a suivi la crise du IIIe siècle. Le moteur de
l’Empire tournait à nouveau à plein régime, et il est plus difficile que jamais
de renvoyer son échec à un lent déclin interne, ou à une spirale irréversible
de déclin.
L’Empire romain de la fin du IVe siècle était l’État le plus puissant du
monde et l’un des plus forts qui ait jamais existé. L’empereur Théodose Ier
(379-395) a régné sur un empire plus grand que celui d’Auguste. Sa seule
capacité à lever l’impôt reste historiquement exceptionnelle – sur un pied
d’égalité avec les entités politiques les plus efficaces du XVIIe siècle. Dans
certains territoires, y compris dans la plupart des provinces orientales, le
rebond démographique et économique était quasiment miraculeux. Même
en Occident, la chute de l’Empire a été la cause du déclin et non l’inverse.
On connaît les faiblesses structurelles et les bévues humaines, qui ne
manquent jamais, mais on ne peut pas rendre compte sans peine de la
somme des faits qui sont la cause d’un phénomène aussi brutal que le
naufrage du centre du pouvoir impérial en Occident4.
Pour démêler la séquence des développements menant à la faillite, il faut
nous préoccuper des différents rythmes de changement dans cette période.
La restauration politique était un projet révolutionnaire permanent. Quand,
au milieu de la crise du IIIe siècle, le grand compromis entre la petite élite
sénatoriale et les cités fut remplacé par une autocratie militaire, une époque
d’expérimentations commençait. Il y a eu plus de changements structurels
dans l’administration de l’Empire au cours des cent ans séparant Dioclétien
(qui a régné de 284 à 305) et Théodose (qui occupa le trône de 379 à 395)
qu’il n’y en avait eu dans les trois premiers siècles de l’Empire. Le système
impérial a été radicalement centralisé. La preuve ? Il y avait moins d’un
millier de fonctionnaires salariés au début de l’Empire ; pendant l’Antiquité
tardive, on en dénombrait environ 35 000. Les conséquences de cette
expérience radicale étaient encore en cours quand les pressions extérieures
sont venues tester la solidité du régime5.
On en est venu aussi à considérer que l’Antiquité tardive avait été une
époque de contrastes, et aucun n’a eu autant d’importance que la tension
entre le dynamisme de la société et la rigidité de l’État. Les empereurs-
soldats ne manifestaient plus la même patience ou la subtilité autrefois
exigées des monarques – cette attitude de retenue et de respect que les
premiers empereurs appelaient civilitas. Il y avait peu de freins
constitutionnels. Les codes législatifs qui témoignent si bien de cette
période reflètent une vision ambitieuse du contrôle de l’État. Souvent, l’État
a espéré pouvoir lier des classes entières d’individus à leur statut ou à leur
occupation, gelant les relations sociales. Mais la politique de restauration a
été à l’origine d’un renouveau économique de grande qualité. La
stabilisation de la monnaie a, par exemple, permis aux marchés de se
régénérer avec rapidité. L’État tirait son énergie de la vitalité de la sphère
privée mais son rêve de contrôler cette énergie pour ses propres fins a eu du
mal à se réaliser.
Nous allons nous attarder sur le dynamisme de la société du IVe siècle
parce qu’il représente un contraste frappant avec ce qui se passera ensuite.
En Occident, les hiérarchies sophistiquées d’une société riche et bien
articulée implosèrent, et succéda un ordre plus simple et plus primitif. C’est
là que la représentation du paysan indépendant faite par Claudien se révèle
particulièrement intéressante. La chute de l’Empire n’a pas eu pour résultat
la substitution d’un pouvoir à un autre, décidé à distance ; ce fut la fin d’un
ancien ordre étatique et sociétal dont les effets ont atteint les coins les plus
reculés de l’Empire, partout où le mandat romain s’exerçait.
Les différents rythmes des changements environnementaux à l’arrière-
plan de ce drame se sont entremêlés. Comparé aux pandémies et aux
troubles climatiques que l’Empire avait supportés, le long IVe siècle fut un
interlude de paix. Le rôle de l’environnement a été insidieux, ce qui ne
signifie pas insignifiant. Le climat était plus chaud. Dans de nombreuses
régions, la croissance avait fait son retour sous un soleil torride. Évanouis à
jamais, les jours de l’Optimum climatique romain. Désormais un allié
moins fiable, le climat. Les différences d’humidité entre les régions étaient
plus fortes alors que le régime climatique dépendait du gradient de pression
de l’Atlantique.
L’histoire démographique de cette période est également plus compliquée
à narrer. Alors que l’Empire a pu s’épargner un événement sanitaire de
grande ampleur, les sociétés romaines tardives connurent de fréquents
spasmes de mortalité épidémique. Les super-germes ont fait une pause,
mais l’éventail terrible des agents pathogènes locaux a continué à faire de
l’Empire un environnement insalubre. Au cours de l’Empire romain tardif,
l’instabilité des cieux et le tumulte de la guerre ont provoqué sans
interruption des pics de mortalité dus à des agents pathogènes locaux.
Le véritable impact des changements environnementaux au IVe siècle
pourrait avoir été ressenti en Orient. Le régime atlantique qui a dominé le
climat de l’Empire au cours de cette période a simultanément été une cause
brutale d’aridité dans les steppes eurasiennes, déterminant une époque de
migrations depuis le cœur de l’Asie. On en sait beaucoup moins que l’on
voudrait sur le drame intérieur de l’État et de la société nomade de cette
époque. Néanmoins, ce qui est manifestement nouveau, c’est la soudaine
intrusion des peuples des steppes dans les affaires de l’Empire. L’arrivée
des Huns sur les bordures occidentales des steppes a bouleversé l’ordre goth
qui s’était imposé depuis plus d’un siècle. Soudain, les Goths franchirent les
frontières romaines et la pression exercée submergea sans qu’on l’eût prévu
les structures de l’Empire.
Nous devons nous méfier des explications monocausales. Le déferlement
des Huns n’a pas, seul, décidé de la chute de l’Empire d’Occident. Tout
compte fait, les conquêtes faites par les Huns furent minimes et les effets de
leur montée sur scène doivent être mesurés à la lumière des circonstances
particulières qu’ils ont rencontrées – le redressement en cours,
l’expérimentation politique permanente, et la coupure en sourdine entre
l’Orient et l’Occident. Mais les hordes nomades n’ont pas non plus été un
détail dans ce qui a entraîné l’Empire au-delà de ses capacités de résilience.
Pour la première fois dans l’histoire, la totalité des steppes d’Asie a pesé de
tout son poids, lançant ses formations étatiques les plus avancées contre
l’Occident. À peine une moitié de l’Empire devait-elle survivre à cette
épreuve.
L’observateur le plus aguerri du IVe siècle, l’historien Ammien Marcellin,
ouvre la dernière page de son histoire romaine et introduit son célèbre
compte rendu des Huns avec l’image de la « célérité de la roue de la
Fortune, qui fait alterner toujours les biens et les maux ». Sous l’Empire,
siècle après siècle, les Romains ont été victimes d’une quantité sans nombre
de calamités. Mais les défis qui s’accumulèrent à la fin du IVe siècle et au
début du Ve se révélèrent insurmontables. On peut considérer que leur
alignement, à la fois dans l’ordre humain et celui de la nature, a été plus
puissant que tout ce qu’Ammien Marcellin dans son pessimisme avait en
tête.
Le nouvel équilibre impérial
La première tâche des empereurs-soldats qui revêtaient la pourpre en
pleine crise était de sauvegarder l’Empire. Ils étaient prêts à changer de
capitale, de monnaie et même de dieux pourvu que la stabilité revînt. Mais,
progressivement, la nécessité d’institutionnaliser l’ordre nouveau s’imposa.
Dioclétien, un soldat danubien qui occupa le pouvoir suprême bien qu’il
n’eût aucun ancêtre de prestige dans sa lignée, prouva au cours des deux
décennies de son règne (284-305 apr. J.-C.) qu’il était un ardent
réformateur. Sa principale innovation fut la tétrarchie, la répartition du rôle
de l’empereur entre quatre premiers personnages. La tétrarchie était une
tentative ingénieuse d’en finir avec la guerre civile en répartissant la gestion
d’un empire d’une pareille étendue entre quatre dirigeants faisant équipe.
Dioclétien prépara la voie à un nouveau régime. Ses réformes ont stabilisé
et redéfini les mesures déjà prises dans la précipitation de la crise. Il avait
« très peu recours aux sénateurs », continuant à privilégier les talents sur la
naissance ou la richesse. Les provinces furent « coupées en tranches » afin
que les gouverneurs impériaux puissent exercer un contrôle plus direct sur
leur territoire. Dioclétien sépara les responsabilités civiles et militaires qui
avaient été indissociablement fusionnées. Au sommet, la cour impériale
augmenta en proportion et en pompe, avec l’empereur lui-même de plus en
plus enfermé dans un cérémonial majestueux. Les empereurs furent
désormais considérés comme « sacrés »6.
La tâche la plus importante de l’art de gouverner restait, comme toujours,
la rétribution de l’armée. Dioclétien se rendit la besogne plus ardue en
faisant grossir la bête qu’il fallait nourrir. D’où la consternation de ses
contemporains. On a prétendu qu’il en avait doublé la taille. En fait, l’armée
de Dioclétien, avec ses 400 000 à 500 000 hommes, n’était sans doute pas
beaucoup plus grosse que celle de ses prédécesseurs, mais le retour à ce
niveau après la profonde crise et après le manque de main-d’œuvre dû à la
peste de Cyprien était un bond considérable qui épuisait. Dioclétien a
activement renforcé la défense des frontières, déploya beaucoup d’énergie à
réparer les routes et les installations militaires où que ce fût. Sa carrière
militaire doit être considérée comme un succès retentissant. Il a pacifié le
Nord et consolidé la domination romaine sur la Perse, étendant la pouvoir
romain pour y inclure un archipel de villes entourées de murailles le long
d’une ligne s’étirant en Mésopotamie depuis l’Euphrate. Seul son génie a
permis de résoudre le problème du financement de toutes ces réalisations. Il
a supprimé sans hésiter l’archaïque patchwork d’impôts locaux pour le
remplacer par une machine fiscale unifiée qui se fondait sur des mesures
standardisées. Des fonctionnaires parcouraient l’Empire en vue d’un
nouveau grand recensement. Même l’Italie perdit sans cérémonie ses
privilèges et fut taxée comme n’importe quelle province7.
Il n’y avait pas d’autre choix que de continuer à accorder aux soldats des
donativa en or. Mais Dioclétien a campé avec fermeté sur son engagement
et la solde régulière a continué à être payée en monnaie traditionnelle. Sous
Dioclétien, le système monétaire reposait sur le denarius comme unité de
compte. Son pouvoir d’achat a continué de baisser même si l’empereur a
tenté de contenir la marée inflationniste. Il réforma la monnaie et imposa un
sévère contrôle des prix. Son célèbre édit du Maximum est un exemple du
style interventionniste propre au nouvel art de gouverner dans l’Empire
romain tardif. Le préambule de l’édit montre avec évidence que les soldats
étaient au cœur de ses préoccupations. « Qui ne sait avec quelle audace
l’esprit de pillage […] fait monter le prix des denrées, non pas au quadruple
ou à l’octuple, mais à un taux qui dépasse toutes les bornes ? Qui ne sait
que par l’accaparement de telle ou telle denrée, le soldat a quelquefois
perdu sa paye et le bénéfice de nos largesses, de sorte que l’effort commun
du monde entier pour le maintien de nos armées doit céder devant les
détestables gains de ces pillards ? » Dioclétien fixait le prix maximum
d’environ 1 200 marchandises (du prix des outils pour le paysan à ceux du
fret, des tissus aux esclaves, des sandales gauloises aux lions mâles). L’édit
du Maximum éclaire l’importance de la spécialisation économique, même
avec l’inflation. Mais, comme ses ennemis chrétiens le font remarquer en
jubilant, cette politique fut un échec total, ce que les documents conservés
confirment8.
Les réformes de Dioclétien ont ouvert la voie à Constantin. Né à Naissus
(l’actuelle Niš en Serbie), la ville où Claude II remporta une victoire
décisive sur les Goths, Constantin était le fils d’un officier. Il allait
s’inventer un lien dynastique avec Claude II dont le coup d’État avait porté
de manière permanente les empereurs danubiens au pouvoir. Mais son
premier travail fut de subvertir le système tétrarchique, en réclamant les
territoires de son père en 306 apr. J.-C., en remportant la victoire sur son
rival occidental, Maxence, en 312 apr. J.-C., et en supprimant tous les restes
du système de son prédécesseur en s’emparant de l’Orient en 324 apr. J.-C..
Constantin a été toute sa vie un personnage qui se discute. C’était un
réformateur dont les actions sont à l’origine des institutions de l’Antiquité
tardive. Son long règne (de 306 à 337 apr. J.-C.) lui a permis d’établir un
réseau d’alliés et de clients le soutenant et dépendant de lui. Mais il a aussi
été la source d’un ordre, d’une structure systémique de pouvoir qui lui a
survécu longtemps. La seule comparaison valable avec Constantin est le
premier empereur, Auguste lui-même, qui avait régné longtemps et dont le
régime était devenu le modèle pour un nouvel équilibre, après des
décennies de violente instabilité. Cette comparaison n’a pas échappé à
Dioclétien lui-même ni aux flatteurs de son temps9.
Au moment de l’ascension de Constantin, la classe militaire contrôlait
l’Empire d’une main de fer. Ce fut un temps de détente : le régime de
Constantin a réconcilié la nouvelle élite avec les héritiers de rang sénatorial.
Constantin a renoué avec les privilèges accordés à cet ordre, confiant à
nouveau aux sénateurs les postes qui comptaient, comme ceux de
gouverneurs de province. Mais il a également bouleversé cet ordre de
l’intérieur. Il a créé un second sénat dans la capitale qu’il s’était choisie,
Constantinople, dont le statut s’est peu à peu consolidé jusqu’à égaler celui
de Rome. Encore plus important, bien conscient des conséquences que cela
aurait, il a entamé le processus d’inflation du titre sénatorial, créant de
nouvelles manières d’y accéder. L’ordre sénatorial s’est étendu jusqu’au
délire aux dépens des aristocraties municipales. Le nouveau mouvement
ascendant de richesse, de prestige et de talent a augmenté la pression sur les
conseils des villes. En accordant le titre de sénateur en récompense pour le
service de l’État, Constantin a changé la dynamique fondamentale de
l’aristocratie lors de la dernière période de l’Empire. Il a réorganisé tout le
système des statuts et des charges, centralisant l’économie des honneurs
autour de sa personne10.
Comme Auguste avant lui, Constantin a renforcé ce nouvel ordre par une
politique sociale particulièrement conservatrice. Avec une autorité sans
faille, il a protégé les vétérans et les paysans qui constituaient la base solide
du pouvoir. Les gouverneurs ont reçu l’ordre de veiller « à ce que la
multitude des classes inférieures ne dépende pas des volontés et des
caprices des plus puissants ». Les lois de Constantin ont renforcé la
hiérarchie sociale. Il a tout fait pour maintenir les esclaves et les hommes
libres à leur place. Ses réformes révèlent une profonde horreur du mélange
des classes. Il a renforcé la célèbre législation d’Auguste sur l’adultère et
les interdictions de se marier qui maintenaient la séparation entre l’élite
honorable et les classes intouchables en bas de l’échelle sociale. Il a interdit
les transferts de propriété aux enfants illégitimes – des mœurs que les
Romains toléraient – et restreint la possibilité de divorcer (ce que les
Romains faisaient de manière assez libérale). Des siècles de tradition et de
subtilités légales n’étaient pas un obstacle à la volonté de l’empereur. Dans
une époque de soulèvements brusques et de changements de régime, les lois
de Constantin ont donné le ton de l’Antiquité tardive11.
Cette époque audacieuse était le bon moment pour que Constantin puisse
mener à bien ses réformes. Son coup le plus célèbre a été sa conversion. On
n’a aucune raison de douter de la sincérité de l’engagement religieux de
l’empereur. Le christianisme était un choix idiosyncratique et non pas
quelque chose de calculé. L’Église s’était développée en dépit du renouveau
des persécutions sous Dioclétien, mais les chrétiens demeuraient un groupe
en marge. En se convertissant, Constantin prouvait qu’il savait prendre ses
responsabilités.
Sa foi lui vaudra l’allégeance d’un bloc pieux et bien organisé ;
Constantin a fait de son patronage sur l’Église un avantage. Il n’a pas perdu
de temps à intervenir dans les querelles théologiques brûlantes ni cherché
sérieusement à établir une harmonie doctrinale. Il a sans lésiner récompensé
l’Église et, comme n’importe quel empereur, il a financé des projets de
monuments publics pour le dieu qu’il avait choisi. Il a arrêté de verser des
fonds pour les anciens dieux, dépouillé subrepticement les temples et
organisé l’extinction des sacrifices d’animaux. Au sommet de la pyramide
du pouvoir, les goûts de l’empereur donnaient le ton même dans des
matières aussi intimes et impénétrables que le culte divin. Constantin était
le patron en chef de l’Empire, et son favoritisme s’élargit de cercles en
cercles d’influence de plus en plus larges. Pour le christianisme, son choix
surprenant fut le grand tournant, un moment d’accélération irréversible12.
La fondation de la nouvelle Rome fut tout autant dépendante de ses choix
personnels. Pendant des décennies, les empereurs avaient circulé entre des
villes situées aux frontières, comme York et Trèves, Sirmium et Naissus,
Nicée et Antioche. Quand Dioclétien avait décidé de célébrer le vingtième
anniversaire de son règne à Rome, c’était sans doute la première fois qu’il
voyait la cité, qui restait la capitale sentimentale, symbolique et
protocolaire, mais l’idée que « Rome est là où l’empereur se trouve » était
depuis longtemps un truisme.
Créer en Orient un contrepoids formel à Rome était, néanmoins, une
innovation à risque. Le choix géographique était un coup d’éclat. Le centre
de gravité militaire de l’Empire se plaçait dans les provinces danubiennes.
Le long de la route reliant l’Occident et l’Orient, Constantinople avait un
accès facile aux territoires situé sur les marches. Fortifiée par Constantin et
ses successeurs, la cité allait montrer qu’elle était pratiquement imprenable.
En bord de mer, elle disposait d’un arrière-pays constitué par la totalité du
riche arc des provinces hellénisées allant de l’Asie mineure à l’Égypte.
Alors que des empereurs plus tardifs compliqueraient le plan original,
Constantin eu dès le début des ambitions considérables pour la ville qui
portait son nom. Là encore, il mit en mouvement des forces qui allaient
décider de ce que seraient les siècles à venir. Constantinople était promise à
un grand destin13.
Le règne de Constantin a modelé ce que serait l’Antiquité tardive. Il n’a
pas mis fin à un âge de réformes et d’expérimentations, mais désormais,
pour la première fois depuis que l’ordre datant d’Auguste s’était brisé au
milieu du IIIe siècle, les relations entre l’armée, l’aristocratie et
l’administration impériale se sont stabilisées. Dernière ressemblance avec le
premier fondateur de l’Empire romain, lorsque Constantin mourut, peu de
personnes pouvaient encore se remémorer l’ancien ordre des choses. Son
règne avait été le plus long qu’il y eût depuis Auguste. Après trois
décennies de règne, en mai 337 apr. J.-C., il rendit l’âme. Son corps fut
placé dans un cercueil d’or et emporté à Constantinople où ses funérailles
mêlèrent des traits appartenant à la tradition à d’autres qui étaient
chrétiens ; il devait reposer au milieu d’un mémorial consacré aux douze
apôtres. Son exorde fut prophétique : « Il ne se contente pas de l’avoir
maintenu sur le trône. Il donne à son Empire une durée qui n’a ni
diminution ni accroissement, parce qu’elle n’a ni commencement ni fin. »
La présence fantomatique de Constantin allait continuer à planer au-dessus
du nouvel ordre dans les siècles à venir14.
Le rôle de l’environnement
Le changement environnemental a joué un rôle positif dans la
reconstruction sous l’Empire romain tardif. Les conditions favorables de
l’Optimum climatique romain ne reviendraient jamais ; les dernières
manifestations du climat du milieu de l’Holocène, chaud et humide,
appartenaient définitivement au passé. La fin de cette époque fut
tumultueuse. L’instabilité régionale et globale a connu un sommet au milieu
du IIIe siècle, coïncidant avec des sécheresses extrêmes qui apparaissaient
comme le râle de la terre elle-même. Mais, si le IIIe siècle fut celui du
« viellissement du monde », le long IVe siècle fut, contre toute attente, la
promesse d’un regain de jeunesse.
Le climat se stabilisa. Après 266 apr. J.-C., il n’y a pas eu d’événement
volcanique majeur pendant plus d’un siècle et demi. L’activité solaire a
augmenté, atteignant un maximum dans tout l’Empire vers 300 apr. J.-C., se
maintenant à des niveaux élevés pendant tout le Ve siècle. Le IVe siècle a été
une période de réchauffement sans précédent. Les glaciers alpins ont connu
un retrait important au milieu du IVe siècle. Le glacier de la Mer de Glace
dans le massif du Mont-Blanc, dont on sait qu’il réagit rapidement, a fondu
pour atteindre les niveaux des années 1990. Le niveau des températures
moyennes ne semble pas avoir atteint les sommets du début de l’Empire,
mais le soleil n’a cessé de briller sur cette époque de restauration15.
L’OCR s’évanouissait au profit d’une phase de l’histoire du climat
caractéristique de l’Holocène tardif. Les tendances climatiques à grande
échelle étaient maintenant sous l’influence dominante de l’Atlantique nord.
Les gradients de pression atmosphérique ont une immense influence sur le
destin des sociétés depuis l’ouest de l’Europe jusqu’aux profondeurs de
l’Asie. Deux centres de circulation opposés dans l’Atlantique interagissent
pour décider des trajectoires des tempêtes accourues de l’ouest.
L’anticyclone des Açores est une zone de hautes pressions atmosphériques
dans l’ouest de la Méditerranée ; les hautes pressions déterminent une
circulation anticyclonique allant dans le sens des aiguilles d’une montre et
bloquant les précipitations. Au nord, la dépression d’Islande est une zone
résiduelle de basses pressions centrées sur le nord de l’Atlantique ; elle est à
l’origine de cyclones et de courants d’air se déplaçant en sens inverse des
aiguilles d’une montre. Les fluctuations des différences de pression entre
ces deux zones sont connues sous le nom d’Oscillation nord-atlantique
(ONA). L’ONA fait partie des grands mécanismes climatiques du globe16.

Figure 22 Total (en mm) des précipitations France/Allemagne


(données extraites de Büntgen et alii, 2011)
La force de l’ONA en hiver ne va pas sans dégâts. Quand les différences
de pression dans l’Atlantique sont prononcées – quand l’indice moyen de
l’ONA est positif –, cela provoque une puissante activité cyclonique en
direction du pôle ; la Grande-Bretagne et le nord de l’Europe subissent
d’intenses précipitations. Lorsque les différences de pression sont
relativement modestes, la Méditerranée occidentale bénéficie d’orages de
plus faible intensité, la balance hydrique penchant vers le sud. Par exemple,
l’ONA fréquemment positive des années 2015-2016 a contribué à un record
de précipitations en Grande-Bretagne et à des sécheresses anormales en
Méditerranée occidentale. Comme un arroseur de jardin de dimension
globale, l’ONA pivote et dirige le jet des orages sur les latitudes moyennes
de l’hémisphère nord17.
L’histoire de l’ONA peut être reconstruite à partir des archives naturelles.
Les îles Britanniques subissent de plein fouet les mécanismes climatiques
de l’Atlantique nord, et un témoin de l’ONA remontant à 3 000 ans a été
trouvé dans les grottes d’Écosse : des stalagmites dont la croissance
annuelle dépend de la phase de l’ONA. Une période positive de longue
durée a commencé à la fin du IIIe siècle. Le IVe siècle fait apparaître une
différence. Entre l’âge du bronze et aujourd’hui, le IVe siècle a vu des
niveaux qui n’ont été atteints que pendant l’Optimum climatique médiéval.
Différentes pièces du puzzle se mettent alors en place. Dans les données
enregistrées dans les lacs d’Espagne, on trouve des indices d’une période
d’aridité commençant au IVe siècle. À l’opposé, en Europe du Nord et
centrale les pluies ont été plus abondantes. L’étude des chênes français et
allemands atteste de hauts niveaux de précipitations au cours du IVe siècle et
du premier quart du Ve, alors que les orages gagnaient le centre et le nord de
l’Europe18.
En Méditerranée centrale, les effets d’une ONA positive sont
imprévisibles. De grandes dépressions dans la trajectoire des tempêtes sont
susceptibles d’apporter de la pluie sur l’Italie mais tout aussi bien l’éviter.
Les parties nord de la Péninsule peuvent avoir été arrosées par des
précipitations continentales alors même que le sud était asséché par le
déclin de l’activité orageuse en hiver. Le nord de l’Italie a connu un rebond
d’activité au IVe siècle, en partie à cause de l’installation de l’administration
impériale mais aussi, peut-être, à cause de précipitations régulières. A
contrario, dans le centre et le sud de ce pays on a peu récupéré de la crise
du IIIe siècle : les campagnes de la Campanie présentaient « un paysage
désolé, une agriculture ruinée, avec des petites maisons dispersées installées
dans les ruines de ce qui avait été autrefois des centres agricoles
florissants ». L’Italie pourrait avoir été scindée en deux zones, dans l’une
l’abondance, dans l’autre le malheur. Sous l’influence d’une ONA positive,
le climat humide de la Méditerranée dépendait d’un commutateur hésitant19.
Les mécanismes climatiques dans les territoires orientaux de l’Empire
étaient davantage dégradés. L’ONA exerçait toujours son influence mais le
climat de la Méditerranée orientale se situait à un croisement global, tiré par
le système des moussons propre aux tropiques, affecté par la pression
atmosphérique au-dessus de l’Asie, et modulé à distance par l’ENSO (le
mécanisme climatique reliant le phénomène El Niño et l’oscillation australe
de la pression atmosphérique). Et, bien que les schémas de température en
Méditerranée orientale puissent s’étendre sur de vastes zones, les
précipitations sont plus dépendantes de facteurs locaux, et sont par
conséquent plus capricieuses. Au cours de l’Antiquité tardive, les régions
de la Méditerranée orientale semblent avoir traversé des épisodes humides,
selon des modalités divergentes en Anatolie et au Levant. En Israël, le
IVe siècle a inauguré deux siècles d’une humidité propice à la vie, avant le
retour d’une période plus aride. En Asie mineure, ce fut presque l’opposé :
le IVe siècle fut modérément sec, avant que ne débute une période plus
humide20.
Le climat du IVe siècle était donc favorable mais inconstant. Le monde
méditerranéen a été dominé par l’incertitude, soumis à des changements
dépendant des trajectoires des orages. Des épisodes de sécheresse et de
famines majeures sont bien plus souvent rapportés dans les écrits datant de
la fin de l’Empire. Mais nous devons croiser cette observation avec d’autres
faits. Le renouveau de la population aurait signifié plus de bouches à
nourrir. Sécheresses et famines ont été très communément attestées. Mais,
grâce au triomphe du christianisme, le type et la portée des preuves que
nous avons sont totalement différents. Nous avons davantage de sermons,
de lettres et de vies de saints. Beaucoup proviennent d’endroits insolites, de
lieux restés dans l’ombre au cours de la période précédente. Et les
informateurs dont nous disposons sont tous plus loquaces quand il s’agit des
difficultés du quotidien. Les chefs chrétiens gagnaient leur vie en aidant les
pauvres. On ne peut pas forcément dire qu’il y avait plus de sécheresses et
de famines seulement parce qu’on possède davantage d’informations sur ce
type d’événements21.
Le principal exemple d’une crise provoquée par le climat lors de
l’Antiquité tardive est la pénurie alimentaire qui a ravagé la Cappadoce en
368-369 apr. J.-C. On ne connaît toute cette affaire que par le témoignage
direct de l’évêque Basile de Césarée, une figure d’avant-garde de l’Église.
Il a employé tout son génie rhétorique et administratif pour agir sur la
situation. Grâce à lui, on observe comment cette région intérieure s’est
endurcie contre la pénurie à venir. Elle était déjà présente à l’horizon,
avançant à pas de loup. Pour Basile, la crise alimentaire a été un moment
riche d’enseignements, révélant au grand jour les grands clivages sociaux
de la société romaine. Il nous emmène dans le taudis d’un pauvre père de
famille forcé de choisir lequel de ses enfants il vendra pour survivre. « De
quels termes me servirais-je pour vous faire sentir le malheur d’un homme
qui est dans la nécessité ? […] Il jette les yeux sur ses enfants, il espère en
les vendant trouver un remède contre la mort dont il est menacé […].
Lequel vendrai-je le premier ? dit à soi-même ce père affligé. Lequel
agréera davantage à celui qui me donnera du blé ? […] Enfin, baigné de
pleurs et déchiré par ces cruelles réflexions, il vient vous visiter dans le
dessein de vous vendre un de ses enfants22. »
Ce que l’on ignore, c’est le nombre de fois où cette scène s’est répétée
avant que Basile ne nous en fournisse les tristes détails. Une certaine
prudence s’impose à nous à la lecture des récits de ce genre, mais les
preuves matérielles d’aridité dans cette région doivent aussi nous retenir de
trop vite relativiser toute cette affaire, sous prétexte qu’elle ne serait qu’une
exagération artistique d’un évêque ambitieux. Les archives naturelles et le
régime atmosphérique général du IVe siècle constituent un contexte réaliste
précisément pour ce type de crises en Anatolie.
Cette famine était apparemment un phénomène local. Mais, si l’on étudie
de plus près les données pour les comparer avec ce que nous savons du
Haut-Empire, on s’aperçoit que de nombreux témoignages datant du
IVe siècle relatent des crises alimentaires à grande échelle qui sont d’un
genre complètement nouveau par rapport à ce que l’on avait éprouvé au
début de l’Empire. La plus connue d’entre elles a éclaté au milieu des
années 380. En 383 apr. J.-C., « les espoirs de toutes les provinces furent
trompés par une récolte catastrophique ». Au même moment, la crue du Nil
s’affaiblit. C’était l’urgence. Une « famine générale » s’ensuivit. Nous
sommes parfaitement informés sur cet événement, car il a été mis en scène
pour constituer un sujet de polémique religieuse dans les plus hauts cercles
du pouvoir. Cette famine a été le motif d’une controverse particulièrement
éloquente entre Symmaque et Ambroise, l’évêque de Milan, à propos du
retrait de l’autel de la Victoire du sénat romain, lequel était devenu l’enjeu
d’une lutte acharnée entre païens et chrétiens. Grâce aux échanges sans
complaisance entre le sénateur et l’évêque, nous disposons d’un des rares
points de vue aristocratiques sur une famine de grande ampleur23.
Pour le païen Symmaque, la gravité inhabituelle de la famine avait pour
cause la colère des dieux. De mauvaises récoltes faisaient partie du cours
normal de la vie et pouvaient être facilement surmontées parce que « les
provinces venaient au secours les unes des autres, de bonnes récoltes ici
compensant les déficiences des mauvaises là ». Mais la famine qui avait
lieu était bien différente des « vicissitudes » ordinaires « de la saison des
moissons », et la « pénurie générale » était le « signe évident du
mécontentement des dieux ». Les paysans pauvres « restaient en vie en
mangeant les racines des arbres de la forêt ». La ville de Rome prit des
mesures d’urgence, expulsa les étrangers (à l’exception des danseuses
orientales !) pour protéger ses précieux stocks. Pour l’évêque chrétien
Ambroise, on avait exagéré la crise. Les provinces du Nord avaient
bénéficié de bonnes récoltes. Et, insistait-il, « peut-on vraiment croire que
le Nil n’a pas débordé à la manière habituelle parce qu’il aurait voulu
venger les pertes des prêtres de la ville de Rome ? ». Ses efforts pour
empêcher la restauration de l’autel l’emportèrent24.
Comme avec la famine décrite par Basile, cet épisode est parvenu jusqu’à
nous dans des circonstances fortuites, et il est tout à fait possible que ce
type d’événements ait été plus habituel dans des temps plus anciens que ce
que nos sources peuvent laisser penser. Mais il ne faut pas perdre de vue les
facteurs climatiques derrière la crise frumentaire interrégionale des
années 380. Une abondance des récoltes dans le Nord, coïncidant avec une
sécheresse dans le Sud, est quelque chose de tout à fait plausible. Et la
défaillance du Nil survenue au mauvais moment est, fait inespéré,
confirmée dans un papyrus sur lequel un militaire recruté se plaint des
ravages de la famine en Haute-Égypte. On connaît d’autres crises
frumentaires d’égale intensité qui ont frappé tout l’Empire au début des
années 450 apr. J.-C., qui ont trop d’importance pour que l’on veuille tout
simplement considérer comme un artefact ce que nous avons la chance de
bien connaître. Il est parfaitement crédible que le contexte climatique de ces
années-là ait favorisé les crises de court terme à une plus grande échelle
qu’auparavant25.
Le climat au cours de la période de renaissance impériale a été favorable
mais inconstant. Cela se reflète dans l’histoire biologique du IVe siècle. La
société romaine de l’Empire romain tardif continuait à gémir sous le joug
d’une cruelle mortalité même entre deux pandémies. L’écologie des
maladies du début de l’Empire n’avait pas changé. L’Empire restait
densément urbanisé et bien connecté. Les données sanitaires sur l’Antiquité
tardive sont lugubres. Les Romains étaient toujours de petite taille.
Beaucoup des squelettes que les bioarchéologues ont datés de l’« Empire
romain » sont en réalité du IVe siècle, quand la pratique de l’inhumation a
remplacé de manière pratiquement universelle celle des crémations. Comme
auparavant, la lutte contre les maladies infectieuses épuisait les capacités
physiques des victimes et explique le lent racourcissement de taille des
Romains. Il n’y a pas eu de crise du IIIe siècle pour les microbes. Ils n’ont
pas laissé de répit aux hommes.
Les rythmes saisonniers de la mortalité sont une indication du poids des
maladies endémiques. Entre la conversion de Constantin et le saccage de
Rome en 410 apr. J.-C., nous disposons de milliers de tombes chrétiennes
dans la cité impériale gardant la date du jour où le croyant a quitté ce
monde (et la baisse brutale après 410 est également le signe des désordres
qui ont affligé la vénérable capitale). Une fois agrégées, ces données
constituent un dossier sans équivalent sur les rythmes saisonniers de la
Grande Faucheuse. Les canicules estivales étaient mortelles, une vague de
germes gastro-intestinaux submergeant la ville. La mortalité flambait en
juillet et atteignait un pic en août et septembre. Le pic automnal met en
évidence la prévalence durable du paludisme. Pour les personnes âgées,
l’hiver restait néanmoins de loin la saison la plus dangereuse ; les infections
respiratoires y frappaient les plus âgés26.
Des germes virulents infestaient Rome. Ce qui ressort pourtant du long
IVe siècle, c’est l’absence d’événement mortel à l’ampleur de désastre. Dans
sa recension exhaustive des sources disponibles, Dionysius Stathakopoulos
a repéré quatorze épidémies au IVe siècle et dix-huit au Ve. Ces chiffres sont
plus élevés que ceux des débuts de l’Empire. Ce que nous avons désormais
sous les yeux, c’est quelque chose d’un peu plus important que le contexte
épidémique habituel. Mais le fait le plus intriguant, c’est l’absence
d’événements mortels inter-régionaux. Une exception confirme la règle :
l’épidémie grave d’une maladie pustuleuse, peut-être la variole, dans des
zones orientales de l’Empire en 312-313 apr. J.-C. Une sécheresse fut suivie
d’une famine et d’une pestilence. Les corps des victimes étaient couverts
d’une éruption cutanée et beaucoup des malades sont devenus aveugles.
L’étendue géographique de cet événement sortait de la normale. La plupart
des autres épidémies ont été d’une ampleur géographique très limitée27.

Figure 23 Nombre d’inscriptions de dates de décès par année


Figure 24 Mortalité saisonnière à Rome en 410 apr. J.-C. : enfants,
adultes, personnes âgées

Les épidémies pouvaient s’abattre sur des villes ou des régions mais les
agents infectieux n’avaient pas la capacité de franchir facilement de longues
distances ; des troubles dus à la guerre ou à la famine faisaient
régulièrement irruption, augmentant le taux de mortalité au niveau local.
Les sièges et les armées en mouvement étaient toujours des dangers
biologiques ambulants. Le blocus d’une ville entraînait une promiscuité
sans nom. Il menaçait l’accès à la nourriture et compromettait
l’approvisionnement en eau potable. Les armées en marche plaçaient les
soldats au contact de germes inconnus. De manière répétée, au cours de
l’Antiquité tardive, des colonnes de troupes étrangères furent maintenues à
distance par le bouclier invisible des germes locaux. La guerre et la mort
marchaient main dans la main.
Le climat inconstant de l’Antiquité tardive entretient également une
relation intime avec les pulsations de mortalité épidémique. Les pénuries
alimentaires étaient un corollaire de l’arrivée des maladies. Des événements
climatiques anormaux peuvent être à l’origine d’un développement explosif
des vecteurs des maladies. Une famine dévastatrice en Italie vers 450-451
apr. J.-C. a, par exemple, coïncidé avec une vague de paludisme. Les crises
alimentaires attisaient les mouvements de migrants en quête de survie,
débordant de toute part les modes de contrôle habituels de l’environnement
urbain. Les pénuries alimentaires obligeaient les personnes à l’estomac
creux à consommer des aliments impropres, voire mortels, alors même que
leur système immunitaire affaibli était incapable de les protéger contre les
infections28.
Les anciennes sociétés de la Méditerranée se protégeaient comme elles le
pouvaient contre la pression des changements environnementaux. Pour la
fin de l’Empire, nous disposons de nombreuses sources grâce auxquelles
nous pouvons voir la manière dont les villes tentaient, sans garantie de
succès, d’amoindrir l’impact violent de la nature. Quand les systèmes de
contrôle étaient débordés, la catastrophe devenait possible.
Le compte rendu le plus pertinent d’une rupture au niveau local est le
récit de la famine et de la pestilence qui balayèrent Édesse et sa région. En
mars 500, un nuage de sauterelles détruisit les récoltes. En avril, le prix des
céréales s’envola pour atteindre huit fois le prix normal. Sans attendre, les
paysans saisis de panique semèrent du

Tableau 9 Des calamités jumelles : comment les événements


climatiques favorisent les épidémies

► Reproduction/déplacement du vecteur ou de l'hôte (par exemple, moustiques, rats)


► Migration de survie, promiscuité
► Perte du contrôle de l'environnement (déchets, cadavres)
► Malnutrition
► Consommation de poisons
► Résistance immunitaire amoindrie

millet, une céréale de secours. Ce fut un nouvel échec. Les gens


commencèrent à vendre leurs biens, mais le marché s’effondra. Des
migrants affamés envahirent la cité. Une pestilence – très probablement la
variole – suivit. Les secours impériaux parvinrent trop tard. Les pauvres
« erraient dans les rues, les colonnades et les places mendiant un morceau
de pain, mais personne n’en possédait plus ». Désespérés, les miséreux
commencèrent à faire bouillir pour les manger les restes des carcasses. Ils
mangèrent des vesces et des sarments de vigne. « Ils dormaient sous les
colonnades et dans les rues, les crampes d’estomac les faisant hurler nuit et
jour. » Quand le froid glacial de décembre arriva, le « sommeil de la mort »
gagna ceux qui étaient exposés aux éléments. L’Église dut prendre en
charge l’entassement des cadavres. Les migrants étaient les plus touchés,
mais au printemps personne ne fut épargné. « Beaucoup de riches qui
n’avaient pas éprouvé la faim moururent à leur tour. » La perte du contrôle
de l’environnement provoqua l’effondrement des dernières digues qui
gardaient encore les riches isolés des pires risques de la contagion29.
Peut-être Édesse était-elle trop éloignée sur la frontière orientale de
l’Empire pour que l’on puisse lui porter secours. Mais il ne fait aucun doute
que cet épisode, dans toute sa brutalité, est resté régional. Les bactéries et
les virus opportunistes profitaient de ce type de troubles et de ces moments
de faiblesse. Leur succès ne dépendait pas de leur capacité à se transmettre
et ils ne menaçaient pas de se transformer de manière explosive au-delà de
cette région. Jusqu’aux grands bouleversements climatiques des années 530
apr. J.-C., et à l’arrivée soudaine d’un nouvel agent pathogène
particulièrement féroce, le monde de l’Antiquité tardive a bénéficié d’une
période de rémission à l’écart des microbes les plus brutaux. Les hommes et
les femmes qui vivaient et mouraient en ces temps-là affrontaient les
vieilles affections habituelles. C’était comme nager en eaux troubles. Mais,
au moins le temps d’une saison, les Romains furent épargnés à l’échelle de
tout l’Empire. Comme on le verra, les peuples habitant loin derrière les
frontières n’ont pas eu autant de chance, et en retour les conséquences
ultimes en furent la destruction de l’Empire lui-même.
Une structure fragile
Jean est né sous le règne de Constantin à Lykopolis en Égypte, à
l’extrémité sud-est de l’Empire. Dans une ville construite sur la rive ouest
du Nil, le long d’un bras isolé du fleuve, à 650 km en amont d’Alexandrie.
C’était en endroit difficile à atteindre, à une semaine de navigation de la
Méditerranée. Un moine écrivain du nom de Palladius s’y est rendu à la fin
du IVe siècle, après un voyage de dix-huit jours « en partie à pied, en partie
en bateau sur le fleuve ». Mais c’était pendant la saison de la crue « quand
beaucoup tombent malades, ce qui a été mon sort ». Le but de son
expédition ? Rencontrer le moine Jean qui vivait à l’écart dans les
montagnes écrasées de chaleur dominant la ville. Jean était devenu une
célébrité religieuse et voir le saint homme avait quelque chose d’aussi
exotique et d’excitant que de rencontrer une créature sauvage30.
On ignore tout de l’ascendance de Jean. À environ vingt-cinq ans, il
s’était retiré du monde et était parti partager l’expérience des communautés
monastiques qui commençaient tout juste à faire leur apparition en Égypte.
De son plein gré, il se mura dans une grotte en altitude et resta trente ans
dans un isolement complet, acceptant seulement d’être ravitaillé. Il avait le
don de guérir et celui de clairvoyance (y compris la capacité extrêmement
pratique de prévoir le niveau de la crue du Nil). Au cours de ses dernières
années, Jean allait recevoir des visites – uniquement d’hommes, avec
lesquels il s’entretenait par la fenêtre de sa cellule, les samedis et
dimanches. Sa légende se répandit à la vitesse du vent dans tout l’Empire.
L’empereur Théodose Ier le considérait comme son « oracle personnel » et
envoya au moins à deux reprises un messager à Lykopolis juste avant une
campagne militaire pour recueillir les prophéties du moine31.
Les dons miraculeux de Jean ont excité l’imagination du IVe siècle. Mais
les sables arides égyptiens ont conservé de manière fortuite un petit
ensemble de lettres de la même époque qui nous permettent de saisir la
place de premier plan occupée par le reclus dans le monde d’alors. Dans
une lettre, Jean intervient à la requête d’un villageois du nom de Psois qui
demandait désespérément l’aide du moine pour rien d’autre que d’échapper
à la conscription. Le villageois, qui avait donné ses deux enfants en gage
pour emprunter huit pièces d’or, se tournait vers Jean pour qu’il use de son
pouvoir de conviction (on pourrait aussi parler de pot-de-vin !). Cette
tentative avait échoué. Psois s’était alors amputé d’un doigt, un moyen
habituel horrible pour être déchargé de tout service militaire. Ce n’était pas
sans risque. En 367 apr. J.-C., une loi ordonnait que tout conscrit qui se
coupait un doigt soit brûlé vif. Néanmoins, en 381 apr. J.-C., Théodose Ier
avait déclaré que « si un homme en s’amputant de manière honteuse de ses
doigts évitait l’usage des armes, il n’échapperait pas au service comme il en
avait l’intention mais serait de plus tatoué de manière infamante et
accomplirait son service militaire sous la forme d’un travail obligatoire,
puisqu’il avait décliné de le faire comme un honneur » ; notre tire-au-flanc,
Psois, semblait tout ignorer de cette loi de Théodose même si l’on fixe sa
dérobade immédiatement après sa promulgation en 381 apr. J.-C.32.
On ne saura sans doute jamais si Jean a finalement réussi à secourir le
malheureux Psois, mais cet épisode haut en couleur est un exemple
intéressant de la manière dont la machine étatique se mêlait des détails les
plus intimes de la vie de ses sujets jusque dans ce coin reculé de l’Empire.
On ne doit pas sous-estimer les différences de modes de vie au IVe siècle.
Les villageois déserteurs nous rappellent aussi – comme les nouvelles lois –
que le recrutement militaire restait un problème qui n’était pas seulement
démographique. La conscription démontrait la limite du pouvoir de l’État
impérial et de ses agents sur le terrain, contre tout un ensemble troublant de
résistances. Ce serait une erreur de tracer une ligne droite depuis l’apogée
démographique de la fin du IIIe siècle jusqu’à la crise militaire de la fin du
IVe. Il s’est passé trop de choses entre les deux et un dynamisme incontrôlé,
bien plus qu’un déclin ou qu’une décadence, a représenté un défi pour la
politique à la fin de l’Empire.
Les réformes stimulantes de Dioclétien et de Constantin et le contexte
environnemental constituent l’arrière-fond du renouveau du IVe siècle. Ce
renouveau a commencé avec le tournant démographique de la fin du
IIIe siècle. Mais la crise monétaire en cours a freiné de manière invisible le
nouvel envol. La monnaie d’argent a continué sa chute libre. Dioclétien a
tenté de sauver le vieux régime monétaire par le recours à la force : il a mis
en place un contrôle des prix et fixé la valeur de l’or. Il a réquisitionné le
précieux métal en procédant à de vastes expropriations qui ramenèrent des
stocks d’or dans les coffres à des prix artificiellement bas. Mais cette
politique monétaire fut un échec, et l’inflation de galoper pendant tout le
IVe siècle33.
L’instabilité monétaire a ébranlé le marché du crédit et étouffé les
échanges. Pourtant, sous le règne de Constantin, une solution a commencé à
prendre forme : faire reposer l’économie sur l’or. Constantin a laissé l’or
circuler librement au prix fixé par le marché. Il a parallèlement ramené la
taille de la pièce d’or, le solidus, à 1/72e de livre romaine. Ces réformes ont
préparé la voie à un système généralisé fondé sur l’or. La stabilisation a été
permise par la création de nouveaux impôts en monnaie d’or qui
garantissait le niveau des revenus impériaux dans le précieux métal. Le
règne de Constantin équivaut à un tournant économique. Sous l’empereur et
ses fils, le solidus d’or est devenu le fondement d’une nouvelle économie.
Dans les années 340, il y avait infiniment plus de solidi en circulation alors
que la fonte des métaux des trésors des vieux temples et de l’or d’une
nouvelle provenance ont ravitaillé les marchés. Dans les années 350, les
solidi ont même commencé à remplacer les vieux denarii comme unité de
compte dans les transactions ordinaires. Il ne faut pas sous-estimer le saut
que cela a représenté dans la perception des gens. Pendant mille ans,
l’argent avait été la monnaie. Désormais, la vie allait se remonétiser autour
de l’or34.
L’État collectait les impôts en or et payait ses fonctionnaires avec de l’or.
La machine fiscale était la pompe du système circulatoire de l’économie.
Mais, au cours de l’Antiquité tardive, l’économie de marché s’est
rapidement rétablie et l’histoire de cette époque est celle d’une « fusion
particulière entre les forces du marché et les forces fiscales ». Cette fusion
se reflète dans les carrières de parvenus qui ont tiré indifféremment
avantage des marchés privés ou de revenus publics. On connaît un homme,
Héliodore, qui s’est enrichi comme marchand de sauce de poisson. Il a
investi ses profits dans l’achat de terres et d’esclaves et s’est inscrit dans
une école de droit. Il a servi l’empereur et a reçu, en échange, des terres en
Macédoine et en Grèce, « de l’or, de l’argent, des esclaves en abondance,
des hordes de chevaux et du bétail ». Ce type de biographie jette une
lumière crue sur les réseaux entremêlés du capital et du clientélisme
impérial qui ont été la source d’une telle vitalité de la société au IVe siècle35.
Figure 25 Prix nominal du blé, 300-375 apr. J.-C., denarii/artaba
de blé

Figure 26 Pièces d’or (Solidi) de Constantin Ier (American


Numismatic Society)

La rénovation du système monétaire a redonné vigueur au secteur


financier. Les grandes banques de l’Empire romain s’étaient évaporées avec
la chute du régime monétaire fondé sur l’argent, pour ressusciter au
IVe siècle. Les preuves d’une activité bancaire et de crédit sont plus fortes à
cette époque qu’à toute autre période de l’histoire romaine. Rien datant de
l’Antiquité n’a la force du portrait des banquiers d’Antioche au travail
dressé par l’archevêque Jean Chrysostome. Les marchés du crédit
favorisaient l’investissement des capitaux et garantissaient les opérations
mercantiles. Ils faisaient tourner la roue du commerce. « Le marchand qui
veut s’enrichir équipe un navire, embauche des marins, recrute un capitaine
et fait tout ce qui est par ailleurs nécessaire pour prendre la mer, emprunte
de l’argent et teste les flots avant de gagner des terres étrangères. » La
renaissance de la monnaie et du crédit a réveillé les réseaux de commerce
en Méditerranée. Dans sa ville portuaire d’Hippone, saint Augustin fait
allusion au charme de la vie des marchands. « “Naviguer et faire du
commerce”, dit un autre, “c’est quelque chose ! Il est bon de connaître de
nombreuses provinces, de gagner partout de l’argent, de ne pas être
redevable en ville à un quelconque homme riche, de toujours voyager en
terres étrangères et de se nourrir l’esprit avec de multiples affaires et
nations, puis de revenir chez soi, enrichi par les profits !”36. »
Les réseaux de commerce de l’Antiquité tardive se sont établis sur le
souvenir des siècles de commerce plus anciens mais ils n’étaient pas
dépendants de ce passé. De nouveaux circuits régionaux d’échanges sont
apparus, moins dominés par la demande italienne. L’Égypte et la Palestine
sont sérieusement entrées dans le commerce du vin aux IIIe et IVe siècles. La
répartition archéologique d’un certain type de céramique – les sigillées
claires africaines – est vraiment surprenante : elle montre l’essor de
l’Afrique jusqu’à occuper une position dominante dans les réseaux
connectant l’Empire sur de longues distances. L’appât du gain unifiait le
monde romain, transformé en une immense zone de libre échange
parcourue par des marchands professionnels intelligents. « Comme les
marchands qui dirigent ses affaires et savent tirer du profit de ses affaires,
pas seulement sur un seul chemin ou d’une seule façon, mais qui observent
attentivement tout ce qui l’entoure avec vigilance et un esprit rapide : s’il
échoue à réaliser un gain, il se tourne vers une autre affaire – car son seul
but est de gagner de l’argent et de faire prospérer ses affaires. » Un texte
connu sous le nom de Description du monde entier et des peuples est la
contribution du IVe siècle au genre de géographie rudimentaire pour
marchands. Écrit par un commerçant oriental, c’est un « guide pratique pour
les meilleurs achats sur les différentes rives de l’Empire au IVe siècle ». Il
montre le niveau de de l’intégration commerciale37.
Le capitalisme maritime a lubrifié les rouages de la mobilité sociale dans
l’Antiquité tardive. Loin d’avoir été une époque de stagnation des relations
sociales, cette renaissance a multiplié les occasions à saisir. Il en était de
même partout.
La pierre tombale d’un paysan d’un humble coin perdu de Tunisie est
venue jusqu’à nous. Grâce à elle, nous avons un autoportrait décomplexé. Il
était « né d’un père pauvre dans un pauvre logis et ne possédait en propre ni
bien ni maison ». « Sous un soleil de plomb », il avait moissonné saison
après saison avant de se convertir « de faucheur en chef d’équipe ». « Cette
occupation et mon train de vie modeste ont porté leurs fruits et m’ont valu
une maison et de devenir maître d’un foyer dans lequel on ne manquait de
rien. » Il fut nommé au sénat de la ville malgré « ses débuts de petit garçon
de rien du tout ». Son cas illustre les possibilités d’ascension dans une
société ouverte, même loin des centres de pouvoir.
Plus près des centres de pouvoir et de richesse, les occasions étaient
encore plus grandes. Le nouveau sénat oriental à Constantinople avait
recruté afin de compenser le déséquilibre social. À la sidération de la vieille
garde, des fils de chaudronniers, de fabricants de saucisses, de fouleurs, de
propriétaires de bains revêtaient soudain la toge de sénateurs. Comme
d’habitude dans de telles circonstances, le marché des mariages a aidé à
faciliter les progressions rapides. La biographie de saint Augustin en est un
exemple. Son élévation météorique depuis l’arrière-pays poussiéreux
d’Afrique du Nord a été favorisée par son mariage avec une femme à
l’ascendance impeccable, mariage finalement non conclu après sa brutale
conversion38.
Carte 14 L’Empire romain vu par un marchand : l’Expositio

Grâce au rétablissement impérial, une société en bouillonnement se


déploya. L’ordre social dépendait des réseaux économiques et administratifs
entremêlés. L’Empire était toujours une société esclavagiste. Dans les faits,
le système de l’esclavage éclaire bien la véritable physionomie de la
société. Après la dislocation du IIIe siècle, le système esclavagiste a connu
un renouveau rapide avec la revitalisation de l’économie de marché
méditerranéenne. Les esclaves étaient partout. Sans leur sueur et leur peine,
pas de fabuleuses fortunes aristocratiques. Mélanie la Jeune, une aristocrate
descendante d’une lignée romaine des plus prestigieuses, possédait 8 000
esclaves. Sur une seule de ses propriétés dans le sud de l’Italie, on trouvait
2 400 travailleurs asservis. La pieuse Mélanie en affranchit des milliers
mais, même après avoir renoncé aux plaisirs du monde, elle restait entourée
de 75 jeunes filles serviles et d’eunuques ! C’est un cas exceptionnel mais
significatif. L’esclavage est une manifestation de la puissance cachée des
marchés – le marché des biens, le marché de l’honneur et le marché des
êtres humains – derrière la façade des relations sociales39.
Posséder autant d’esclaves que Mélanie était l’exception. Plus importants
sont les membres de l’élite, soit le 1 % de l’Antiquité tardive qui
possédaient des « multitudes », des « hordes », des « nuées », des
« armées » ou tout simplement un nombre « incalculable » d’esclaves à la
fois dans leur maison et dans les champs. On rencontre ces riches
propriétaires d’esclaves à chaque fois que l’on jette un coup d’œil sur le
mode de vie ou les fondements économiques des gens aisés au IVe siècle.
On peut ainsi observer les circuits publics et privés d’accumulation de
richesse par le biais du nombre d’esclaves possédés. Un discours faisant
l’éloge d’un officier à la retraite, vertueux mais « pas riche », explique :
« Longtemps, cet homme a commandé de nombreux soldats, mais il a eu à
peine de quoi s’acheter une ferme, et elle n’avait rien devant quoi s’extasier.
Il possédait onze esclaves, douze mules, trois chevaux, quatre chiens
laconiens, mais il faisait régner la terreur dans leurs cœurs barbares40. »
Le plus parlant est peut-être l’omniprésence de la propriété d’esclaves
dans toutes les classes de la société. « Même le foyer d’un homme pauvre
est comme une cité. L’homme, par exemple, a toute autorité sur sa femme,
celle-ci a toute autorité sur les esclaves, les esclaves sur leur femme et, de
plus, hommes et femmes ont toute autorité sur les enfants. » Posséder un
esclave était le minimum pour un homme respectable. Au IVe siècle, les
prêtres, les médecins, les peintres, les prostituées, les simples militaires, les
acteurs, les aubergistes et les vendeurs de figues possédaient tous des
esclaves. Même des esclaves possédaient des esclaves. Les assistants des
professeurs à Antioche en possédaient aussi. La même situation se retrouve
dans les campagnes où, dans tout l’Empire, on trouve des paysans servis
chez eux par des esclaves. Dans les papyrus de l’Égypte rurale de
l’Antiquité tardive, « le propriétaire d’un petit nombre d’esclaves – entre un
et quatre – n’était pas un cas exceptionnel. L’importance économique de
l’esclavagisme dans tous les foyers n’avait rien de marginal41 ».
L’ampleur de la stratification sociale était vertigineuse. Au sommet, les
familles sénatoriales de l’Antiquité tardive avaient accumulé de
gigantesques richesses. Si on en croit le rapport d’un observateur grec
stupéfait, chacune des grandes familles sénatoriales à Rome habitait dans
une maison qui était à elle seule comme une cité, avec des forums, des
temples, des fontaines, des bains et même un hippodrome. Les foyers les
plus riches avaient un revenu de 384 000 solidi annuel et ceux un rang en
dessous disposaient de 72 000 solidi. C’était l’équivalent de la production
annuelle de 80 000 familles paysannes ! La très sainte Mélanie avait reçu en
héritage de sa famille des propriétés s’étirant dans toute la Méditerranée
occidentale : en Italie, en Espagne, en Gaule, en Bretagne et en Afrique.
L’une de ses fermes en Afrique avait besoin de deux évêques. Quand ses
deux jeunes fils moururent, elle décida de liquider sa fortune familiale,
accumulée sur plusieurs générations. C’était une rupture scandaleuse avec
le devoir aristocratique. Cela provoqua aussi un krach du marché de la
terre : elle eut du mal à se débarrasser de sa demeure romaine. Selon les
mots de Chris Wickham, « l’élite sénatoriale romaine […] pouvait se vanter
et de ses ancêtres […] et d’une formidable richesse qui, dans le cas de ses
dirigeants, était peut-être en termes relatifs plus grande que celle de
n’importe quelle autre aristocratie42 ».
Il faudra attendre le temps du colonialisme transatlantique pour trouver
une élite économique réussissant à accumuler des fortunes privées d’une
telle ampleur et sur un tel espace géographique. Mais le processus social
dominant sous l’Empire romain tardif n’était pas la concentration
exceptionnelle de richesse entre quelques mains. Loin d’être déséquilibrée,
la société de l’Antiquité tardive était dominée par des personnes de la classe
moyenne, respectables mais toujours menacées, prisonnières des réseaux de
clientélisme. La ville de l’Antiquité tardive était un centre de production,
d’échanges et de services. Elle grouillait de professionnels, de marchands,
d’artisans dont les moyens restaient modestes. Beaucoup d’entre eux
s’accrochaient à de faibles patrimoines. Il est très rare d’avoir l’occasion
d’observer la place prise par une prospérité aussi peu spectaculaire à une
telle échelle. Les fragments des registres fonciers d’Égypte apportent la
preuve incontestable que les modestes propriétaires indépendants formaient
la majorité. La richesse était stratifiée et pas seulement concentrée entre
quelques mains43.
Le bloc social le plus important restait, comme toujours, celui formé par
la majorité silencieuse des paysans. Beaucoup d’entre eux étaient sans terre.
Exceptionnellement, les sources se font l’écho des plaintes de travailleurs
écrasés par d’implacables propriétaires ; mais, si leur condition était
précaire, elle n’était pas pour autant désespérée. L’État, loin de défendre
sans restriction les intérêts des grands propriétaires, cherchait à protéger sa
base fidèle qui payait ses impôts. Constantin, un œil toujours fixé sur la
« rentrée des impôts », a promulgué des lois pour protéger la « multitude
des classes inférieures », en matière de contrôle fiscal, de paiement des
dettes et même pour les contrats de location. Personne n’échappait à un
Empire tentaculaire. Malgré l’idylle rapportée par le poète Claudien, l’idée
d’une paysannerie primitive indifférente au passage du temps était une vue
de l’esprit. L’archéologie a montré le caractère mensonger d’une telle
représentation. Les paysans de l’Empire romain tardif mangeaient dans des
assiettes fabriquées dans des manufactures spécialisées et dormaient sous
des toits de tuiles produites industriellement ; on trouve régulièrement des
pièces de monnaie dans leurs fermes. Ils étaient parties prenantes des
circuits commerciaux et fiscaux. Quand Synesius, évêque d’une ville de
Cyrénaïque, voulait montrer l’isolement du « peuple des campagnes » dans
les montagnes d’Afrique du Nord, il prétendait qu’il y avait « des gens
parmi nous qui supposent qu’Agamemnon, le grand roi fils d’Atrée qui a
combattu à Troie, est toujours roi ». Mais, confessait-il, « les hommes
savent très bien qu’il y a toujours un empereur en vie, ceux qui collectent
les impôts tous les ans savent nous le rappeler44 ».
En dessous des paysans payant des impôts, écrasés entre les propriétaires
privés et les collecteurs de taxes, il y avait les vrais pauvres. Ils hantent les
bas-fonds de la société de l’Antiquité tardive. Ceux qui ne dépendaient que
de leur force de travail ployaient sous le poids de la misère. Dès que les
troubles climatiques et les maladies dépassaient leurs fragiles capacités de
résilience, ils étaient menacés par ce que les sociologues appellent la
« pauvreté conjoncturelle ». Au cours d’une famine qui ravagea la Syrie en
384-385 apr. J.-C., les rues d’Antioche se remplirent de réfugiés affamés,
qui ne trouvaient même plus de l’herbe à manger et s’étaient massés
soudainement dans les villes pour fouiller les poubelles. La « pauvreté
structurelle » était également permanente. Dans les campagnes, les pauvres
de cette catégorie survivaient au niveau de subsistance. Saint Martin, en
Gaule, a remarqué « un porcher, tremblant de froid et presque nu dans ses
peaux de bêtes ». En ville, ils se rassemblaient aux portes pour demander
l’aumône ou se pressaient près des bains pour profiter de la chaleur. On
entendait les gémissements des pauvres dans toutes les villes de l’Empire
romain tardif. Ils étaient nus et sans domicile. « Le ciel est leur toit. Ils
s’abritent sous les portiques, dans les allées et les coins déserts de la ville.
Ils se cachent dans les interstices des murs comme des chouettes. Ils sont
habillés de haillons. Leur survie dépend de la charité humaine45. »
Ceux qui n’avaient rien sont devenus plus visibles que jamais dans
l’Antiquité tardive. C’était le résultat direct de l’effort considérable
accompli par les chefs chrétiens pour mobiliser la sympathie en leur faveur.
Cela signifie que nous sommes brutalement en possession d’une version
non expurgée de ce à quoi l’ancienne société ressemblait – les aspects
désagréables sont désormais là pour être vus. Les évêques ont tout fait pour
que « les gémissements et les grincements de dents » des pauvres ne
puissent plus être ignorés. « Allons-nous les négliger ? Passer notre
chemin ? » Le résultat en a été un nouveau modèle de solidarité humaine,
drapé dans une magnifique rhétorique qui éclaire soudain les recoins
oubliés de l’ancienne cité. Les victimes de la pauvreté structurelle étaient
rongées par la maladie et les handicaps. « Vous voyez un homme qui est
transformé par ses affections sévères en une sorte d’animal. Ses mains
ressemblent à des sabots ou des griffes, laissant des empreintes dans les
rues faites de main d’homme. Qui peut reconnaître des empreintes d’un
homme qui passait par là ? » « Le malade qui est pauvre est doublement
pauvre. Car les pauvres en bonne santé vont de porte en porte, s’approchent
des demeures des riches ou s’installent aux croisements pour demander
l’aide des passants. Mais ceux tombés malades, enfermés dans une chambre
étroite ou blottis dans un renfoncement, ne peuvent, comme Daniel dans sa
citerne, que vous attendre vous, les croyants et les charitables46. »
On voit habituellement le monde de l’Antiquité tardive à travers le filtre
des villes. La vie urbaine a pu renaître à la fin du IIIe siècle, mais pas
exactement comme auparavant. Certaines zones urbaines n’ont jamais
connu de seconde vie mais d’autres ont été restaurées et transformées. Les
grands bâtiments ont disparu et seules des églises ont été élevées dans le
tissu de la vie urbaine. En général, en tant qu’acteurs politiques, les villes
ont perdu ce qu’elles avaient d’indépendance. Le gouvernement central
s’est emparé de leurs sources de revenus et a exercé une attirance
magnétique sur les trésors et les talents de leurs élites. Mais, dans un
Empire tentaculaire, les villes ont nécessairement continué à jouer un rôle
de coordination administrative et se sont épanouies comme centres
d’échanges et de production sous l’Empire romain tardif.
Cela a été aussi le cas, de manière spectaculaire comme toujours, de
Rome. En tant que ville, Rome a toujours eu un aspect un peu artificiel –
favorisé par les bénéfices politiques et les droits tirés de la direction d’un
empire. Au IVe siècle, après que les nuages de la crise se sont dispersés, la
vieille capitale a connu une sorte d’été indien. La ville avait depuis
longtemps perdu son influence politique. Dioclétien n’a visité la capitale
qu’une seule fois et dans des conditions difficiles. En trente ans, Constantin
s’y est rendu trois fois. Un siècle après les Jeux séculaires de Philippe
l’Arabe, en 348 apr. J.-C., la vie s’écoulait dans le calme « tant on se sentait
peu concerné au cours de cette année-là par Rome ». Pourtant la ville
n’avait pas perdu son lustre. Quand l’empereur Constance II était entré dans
la cité en 357 apr. J.-C., il avait été impressionné (« partout où ses yeux se
posaient il était ébloui par la quantité de choses merveilleuses »). Rome
restait le centre symbolique de l’Empire et un lieu exceptionnel de richesse.
La plebs continuait d’y bénéficier d’avantages sans pareils. Sous le règne
d’Aurélien (de 270 à 275 apr. J.-C.), le peuple recevait du pain plutôt que
des céréales. L’huile d’olive était distribuée tous les jours à la population
enregistrée. Une gigantesque chaîne logistique garantissait la fourniture de
vin bien en dessous du prix du marché. Le porc faisait également partie des
distributions gratuites, et pas moins de 120 000 personnes y avaient droit
dans l’Antiquité tardive. Les distributions gratuites de nourriture ont
entraîné un gonflement artificiel du nombre d’habitants de la cité éternelle.
Les estimations les plus sérieuses aboutissent à un chiffre de 700 000
habitants au IVe siècle47.
En Orient, la nouvelle Rome se développait à un rythme qui dépassait les
rêves les plus fous de ses bâtisseurs. La population de Constantinople a été
multipliée par dix en moins d’un siècle, passant de 30 000 à 300 000
habitants. Des céréales autrefois destinées à Rome étaient désormais livrées
dans la capitale orientale et il y avait tant de navires entre Alexandrie et
Constantinople que la voie maritime ressemblait à une longue bande de
« terre sèche ». Un magnifique système d’adduction d’eau fut construit,
approvisionnant la ville avec des installations rivalisant avec celles de
Rome. La ville débordait de toutes parts et on dut reconstruire les murs à
plusieurs reprises. Des projets d’ingénierie civile se sont succédé en
permanence jusqu’à Justinien. Constantinople était une création politique,
sa population avait atteint une taille qui témoignait de la grandeur de la
ville. Mais, comme pour la vieille Rome, il ne faut pas croire qu’il s’agissait
d’une simple éponge. La cité était un nœud commercial, financier et
industriel. Elle est vite devenue le véritable épicentre de la culture
grecque48.

Figure 27 Rome, représentée dans la Notitia Dignitatum


(exemplaire du XVIe siècle, University of Oklahoma History
of Science Collections)

D’autres grandes métropoles comme Antioche, Carthage et Alexandrie se


sont épanouies sans bénéficier du même soutien politique. Alexandrie
continuait à se considérer comme la « plus grande des cités du monde
habité ». Son inventaire a dressé la liste de 2 393 temples, 47 790 maisons,
1 561 établissements de bains et 935 tavernes. C’étaient de super-
métropoles mais juste en dessous d’elles on trouvait de grosses villes
peuplées de 50 000 à 100 000 habitants comme Éphèse, Jérusalem, Césarée,
Sardis, Thessalonique, Apamée, Trèves ou Milan. Un nombre encore plus
important de villes comme Hermopolis, Hippo, Scythopolis ou Bordeaux
avaient entre 25 000 et 50 000 habitants. Elles présentaient toutes, même les
plus petites, la texture familière des cités classiques avec leurs
établissements de bains publics, leurs colonnades, leur forum et d’autres
équipements. Désormais, des basiliques et des sanctuaires commençaient à
occuper les endroits les plus en vue. Même si les villes étaient devenues
plus dépendantes de l’État impérial centralisé, les vieilles habitudes de
clientélisme local persistaient49.
La vitalité urbaine était enracinée dans les campagnes avoisinantes. En
Orient, le IVe siècle a été le début d’une miraculeuse efflorescence de la vie
rurale. Nous y reviendrons plus en détail dans les prochains chapitres, mais
un cycle ininterrompu de croissance est évident jusqu’au VIe siècle. En
Occident, la renaissance rurale a été inégale. Des dépenses considérables
ont été effectuées pour les dernières fortifications impériales qui s’étiraient
le long du Rhin et du Danube. Mais la situation sécuritaire semble avoir
contrarié de manière permanente la vitalité des zones frontières. Des
régions mieux sécurisées en Bretagne, sur la côte espagnole, dans le nord de
l’Italie et le sud de la Gaule ont vu la création de solides implantations dans
les campagnes. On assiste à une « explosion du nombre de villae » dans de
grandes zones de l’Ouest durant l’Antiquité tardive. La plupart des sites
étaient relativement prospères et destinés à devenir le moteur, même
modeste, de la production agricole. Mais cette explosion n’a pas été
générale. Des parties intérieures de l’Espagne et de la Péninsule italienne
ont connu un faible développement, insuffisant pour combler le déficit
démographique. Le destin divers des zones rurales en Occident a été
déterminé par la relation entre le changement climatique, l’intégration au
marché et les perspectives locales de sécurité50.
La population a augmenté mais les marges de l’abondance s’étaient
rétrécies. Même une fois la crise passée, les anciens modes traditionnels de
recrutement militaire n’ont pas pu être rétablis. L’État de l’Antiquité tardive
était autoritaire. Dioclétien et Constantin exigeaient que les fils des
militaires et des vétérans suivent la même voie que leur père ; le service
militaire est pratiquement devenu un statut dont on héritait. Pour regarnir
les rangs, on a fait appel à un mélange de violence brutale et d’incitation
financière. Les normes furent discrètement abaissées : une taille minimum
de 1,50 mètre était exigée mais c’était très théorique. On a recruté des
unités entières de Barbares pour remplir les trous. Mais il serait simpliste de
réduire le défi du recrutement militaire à un simple « manque de main-
d’œuvre ». Au IVe siècle, l’État a été confronté à une nouvelle alternative
crédible au service militaire : l’importance de la vie religieuse pour des
hommes qui auraient pu être tentés par l’appel des armes. « L’immense
armée du clergé et des moines était pour l’essentiel composée d’inactifs. À
la fin du IVe siècle, leur nombre total atteignait peut-être la moitié de celui
de l’armée, ce qui pesait d’un poids non négligeable sur les réserves de
main-d’œuvre de l’Empire. » Le service civil était aussi une carrière
séduisante et sans risque. La question épineuse du recrutement militaire au
IVe siècle n’était pas directement un problème démographique51.

Carte 15 La logistique militaire impériale

Au IVe siècle, la puissance militaire de l’État romain était toujours


extraordinaire. Sa coordination reste un sujet de stupéfaction. L’armée
comprenait un demi-million d’hommes, dont 70 000 soldats spécialisés
recrutés et entraînés selon les anciennes normes. Elle était ravitaillée et
équipée par le système logistique le plus important que le monde eût jamais
connu. La fourniture d’armes, d’armures, d’uniformes, d’animaux et de
nourriture reposait sur la machinerie impériale que Dioclétien et Constantin
avaient construite. Le soldat portait des armes fabriquées dans trois
douzaines d’ateliers impériaux spécialisés répartis sur les trois continents52.
Les officiers portaient des armures en bronze, décorées d’or et d’argent,
fabriquées dans cinq endroits différents. Les archers utilisaient des arcs
fabriqués à Pavie et des flèches faites à Mâcon. Le soldat d’infanterie
portait un uniforme (chemise, tunique et cape) dont le tissu provenait des
filatures impériales avant d’être envoyé dans des teintureries séparées. Il
portait des bottes confectionnées dans des ateliers spécialisés. Quand un
cavalier romain de la fin du IVe siècle se lançait dans la bataille, il montait
une jument ou un hongre élevés dans des fermes à étalons de Cappadoce, de
Thrace ou d’Espagne. Les troupes étaient ravitaillées par de lents convois
qui traversaient les continents avec des chargements exceptionnels.
L’empereur Constance II ordonna que 3 millions de boisseaux de blé soient
stockés dans les entrepôts à la frontière gauloise et 3 autres millions dans
les Alpes avant qu’ils ne soient transportés plus à l’ouest. « Quand une
armée de Barbares venus du Nord partait en campagne, ses chefs ne
pensaient pas, eux, en termes de millions de boisseaux de blé53. »
Un observateur impartial de la fin du IVe siècle aurait remarqué la
supériorité de l’armée romaine en nombre, en tactique et en logistique sur
tous les fronts. Mais, en l’espace de quelques générations, l’armée impériale
occidentale allait tout simplement cesser d’exister. Les anciens territoires de
l’Ouest se diviseraient en plusieurs royaumes. La faillite de l’Empire
d’Occident n’a été en aucune manière la conséquence ultime de tensions
non résolues suite à la crise du IIIe siècle. La renaissance de la puissance
romaine a été brisée par des forces venues d’au-delà des frontières. La
séquence des événements qui mènent à l’effondrement commence loin à
l’Est, dans les grandes étendues d’Asie centrale. Les steppes allaient faire
irruption dans l’histoire de l’Occident en exerçant une pression croissante
sur les frontières nord de l’Empire.
Une nouvelle géopolitique.
Le monde méditerranéen versus l’Asie centrale
Les steppes eurasiennes dessinent une zone écologique gigantesque
s’étendant des plaines de la Hongrie jusqu’à la frontière est de la Mongolie.
Elles bénéficient d’un climat continental avec des étés très chauds et des
hivers glacés. La sécheresse est hostile à la pousse des arbres. Cependant,
l’humidité est suffisante pour qu’elles ne soient pas un désert. Cette zone
est couverte d’un vaste tapis d’herbe et de broussailles. Sa partie sud est
constituée d’une série de régions désertiques que les moussons ignorent.
Les déserts sont ponctués d’oasis, des relais bienvenus sur la route de la
soie. Au nord des steppes on trouve la ceinture froide de la taïga ; au-delà,
la ceinture encore plus froide de la toundra. L’approvisionnement en eau
dépend des vents d’ouest, les orages habituels provenant des latitudes
moyennes faisant le tour du globe au-dessus de la masse continentale entre
l’Atlantique et le Pacifique. Les steppes, cet immense ensemble écologique,
ramènent à sa juste dimension la zone climatique méditerranéenne54.
Carte 16 Les steppes eurasiennes

Pour les habitants du monde méditerranéen classique, les steppes étaient


en dehors du temps et de l’histoire. Tout ce qui était au-delà du Danube était
englobé dans les « immenses étendues de la Scythie », peuplées de nomades
insensibles aux cycles de développement et de déclin ; ces lieux communs
ethnographiques qui remontaient au père de l’histoire, Hérodote, s’étaient
transmis tel quels et sans correctifs. Au IVe siècle, Ammien Marcellin a
décrit les peuples des steppes dans des termes qui rechignent à leur attribuer
la qualité d’humains : ils « n’ont pas de huttes et ne se préoccupent pas de
labours, mais ils vivent en consommant de la viande et du lait en abondance
et se déplacent en chariots qu’ils couvrent avec des canopées d’écorces pour
parcourir des étendues sans limite. Et quand ils arrivent à un endroit riche
en herbe, ils forment un cercle avec leurs chariots et se nourrissent comme
des bêtes sauvages55 ».
L’écologie des steppes leur a permis d’ignorer la charrue et de rester une
zone d’itinérance pour des pasteurs nomades. Le maigre sol a empêché des
hiérarchies sociales de s’enraciner. C’est seulement au cours du dernier
millénaire av. J.-C. que des guerriers à cheval ont établi les premiers
empires. Le premier d’entre eux a été créé par Xiongnu vers 200 av. J.-C.
environ. L’État xiongnu a surgi en opposition à l’Empire chinois Han. Là,
comme dans la Méditerranée classique, le nomadisme formait le miroir
idéologique de la civilisation ; le grand historien chinois Sima Quian a
manifesté une grande empathie dans son récit bien informé sur le Xiongnu
du Ier siècle av. J.-C. « Les gens mangent la chair de leurs animaux, boivent
leur lait, et s’habillent avec leurs peaux ; les bêtes broutent l’herbe et
boivent de l’eau, et se déplacent donc en fonction des rythmes saisonniers
[…]. Les chevaux, les vaches, les moutons constituent la majorité de leurs
animaux domestiques mais ils possèdent aussi des bêtes plus rares comme
les chameaux, les mules, les bardots et autres équidés […]. Enfants, ils
montent des moutons et peuvent tuer avec leur arc et leurs flèches des
oiseaux et des souris. » « La guerre est la [principale] occupation des
Xiongnu. » Une vie de combats correspond à leur « nature innée ».
Hérodote aurait volontiers souscrit à ce propos56.
Pendant des siècles, en Orient, les nomades ont constitué une menace
existentielle. Les Xiongnu étaient une fédération multiethnique sous la
houlette d’une puissante élite capable de lancer sa cavalerie à l’assaut de
l’État chinois. Les frictions permanentes entre les Chinois Han et les
Xiongnu ont été une source de renouvellement et ont favorisé la formation
d’États des deux côtés. Les Chinois ont supporté le poids des steppes des
siècles durant. L’État nomade en formation penchait vers l’est, sa pression
s’exerçait tout le long des frontières entre les vallées fertiles de l’intérieur
de la Chine et les rudes montagnes d’Asie centrale. Mais, à partir du
IIe siècle apr. J.-C., celle-ci a été plongée dans une période obscure de
difficultés. C’est à la faveur de ces troubles que le monde des steppes devait
se tourner vers l’Ouest57.
Sur le chaos qui allait se réverbérer d’est en ouest, nous disposons de peu
d’informations – et le peu que nous détenons en a d’autant plus de valeur.
En 1907 à Dunhuang, Sir Aurel Stein a découvert, encore scellées, un
ensemble de lettres dissimulées dans une ancienne tour de garde Han le
long de la frontière ouest sous contrôle chinois. Elles avaient été écrites par
des marchands de Sogdie, un État de petite taille mais de grande importance
en Asie centrale dans la région de Samarcande, nœud essentiel du réseau de
la route de la soie. La lettre en question envoyée à Samarcande avait été
postée en Chine. Écrite vers 313 apr. J.-C., elle décrit d’apocalyptiques
scènes de famines, de destructions et de migrations au cœur de l’Empire
Han de l’Est. Sous la contrainte des troubles, l’empereur avait dû
abandonner sa capitale, Luoyang, la laissant à la merci des envahisseurs
nomades. Fait important, le marchand sogdien livre le nom des
responsables de cette violence sans limite : les Xwn, c’est-à-dire les Huns.
Les recherches philologiques d’Étienne de la Vaissière ont clairement établi
l’affiliation entre les Xiongnu ennemis des Chinois Han et les Huns qui ont
submergé l’Asie centrale au IVe siècle. Dans quelle mesure les Huns du
IVe siècle sont-ils les descendants génétiques directs des Xiongnu, ou ont-ils
repris un nom qui semait la terreur alors qu’ils prenaient le contrôle des
steppes ? Aucune réponse à ces questions, jusqu’ici. Les Xiongnu, les Xwn,
les Huns : les formations sociales les plus avancées des steppes
s’apprêtaient à violemment basculer en direction de l’ouest58.
Au IVe siècle, les événements dans l’est et l’ouest de l’Eurasie
convergeaient de manière irréversible. Ainsi, les événements dans les
steppes ont eu des conséquences considérables de ce côté-là du continent.
Selon Ammien, les guerriers nomades qui faisaient leur apparition sur les
frontières romaines étaient les instruments des caprices de la Fortune. C’est
un point de vue qui mérite d’être retenu. Après une période de doutes, de
nombreux historiens du Bas-Empire romain ont commencé à prendre au
sérieux le récit d’Ammien dans lequel les déplacements des peuples des
steppes furent un facteur essentiel dans la dynamique géopolitique du
IVe siècle. Les Barbares étaient de retour et les Huns tiennent une place
capitale et bien précise dans cette histoire. « L’intrusion de la puissance
militaire hun a renversé un ordre politique dominé par les Goths qui s’était
imposé dans le nord de la mer Noire depuis plusieurs générations
politiques. » Migrations et invasions ont fait vaciller la fortune du projet
impérial tout le long de sa frontière nord, abrégeant la fragile renaissance de
la puissance romaine59.
La migration des Huns est plongée dans une obscurité propre aux peuples
sans écriture. Mais aux archives naturelles d’apporter leur contribution car
la migration des Huns doit être prise en compte, entre autres choses, comme
un événement environnemental. Les pluies de mousson arrosent la moitié
sud de l’Asie, mais les territoires situés au nord du plateau tibétain sont secs
et continentaux. Le climat de l’intérieur de l’Asie centrale est tributaire des
vents d’ouest, de la trajectoire des tempêtes de latitude moyenne sous
l’influence des masses d’air venues de l’Atlantique.
Quand l’oscillation nord-atlantique est positive, le jet-stream de l’ouest
se dirige vers le nord et abandonne l’Asie centrale à son aridité. Quand
l’ONA est négative, la trajectoire des tempêtes s’oriente vers l’équateur et,
du coup, les pluies déferlent sur la steppe. L’Optimum climatique médiéval
(1000-1350 apr. J.-C.), une période dominée par une ONA positive, a
provoqué une sécheresse sévère en Asie centrale. Au IVe siècle, tout était en
place pour une période de sécheresse prolongée dans les steppes. L’un des
indices les plus précis du paléoclimat est une série de cernes de troncs de
genévriers du Dulan-Wulan sur le plateau tibétain. Ces arbres sont situés
suffisamment au sud pour que les influences de la mousson et du climat
continental se mêlent. Mais au IVe siècle quelque chose s’est enrayé.
Comme Ed Cook l’a démontré, on tient là le signe d’une méga-sécheresse.
Les années qui vont de 350 à 370 apr. J.-C. ont subi la sécheresse la plus
grave durant plusieurs décennies au cours des deux derniers millénaires.
Les nomades qui considéraient l’Asie centrale comme leur territoire ont dû
soudain affronter un voile de poussière, une crise aussi dramatique que le
Dust Bowl60.
Les Huns étaient des réfugiés climatiques en armes et à cheval. Leur
mode de vie leur a permis de chercher de nouvelles pâtures en se déplaçant
à une vitesse surprenante. On aimerait en savoir plus sur la logique interne
du développement social des Huns au IVe siècle. Il est clair que le désordre
climatique est venu perturber un peuple, ou un conglomérat de peuples,
dans une période importante de formation d’États. Le climat n’a pas agi
seul, déplaçant simplement une menace d’un versant des steppes à l’autre. Il
a agi de concert avec la montée ou le renouveau de confédérations
agressives et complexes parmi les nomades. Mais, précisément au milieu du
IVe siècle, le centre de gravité des steppes a basculé de la région de l’Altaï
(aux frontières des actuels Kazakhstan et Mongolie) vers l’ouest. En 370
apr. J.-C., les Huns commencèrent donc à franchir la Volga. L’arrivée de ces
peuples dans les steppes occidentales a été un événement décisif61.
Selon les mots d’Ammien : « La semence et l’origine de toute la ruine et
des différentes catastrophes que la colère de Mars a alimentées, semant le
désordre partout avec des incendies inédits, nous avons trouvé qu’elles
étaient les suivantes. Le peuple des Huns, peu connu des sources anciennes,
vivant au-delà de la mer Méotide [mer d’Azov] près de l’océan gelé,
dépasse toutes les limites de la sauvagerie […]. Même s’ils sont de forme
humaine, néanmoins hideux, ils ont un mode de vie si rude qu’ils n’ont pas
besoin de feu ou d’aliments assaisonnés, mais mangent les racines des
plantes sauvages et la chair à moitié crue de n’importe quelle sorte
d’animaux, qu’ils placent entre leurs cuisses et le dos de leur cheval, pour la
réchauffer un peu. Ils ne se protègent jamais avec des bâtiments, mais les
évitent plutôt comme des tombes […]. Ils ne sont pas du tout adaptés au
combat à pied mais ils sont presque collés à leurs chevaux, qui sont rudes,
c’est vrai, mais repoussants […]. Personne dans leur pays ne manie la
charrue dans les champs ou touche une bêche. Ils sont tous sans résidence
fixe, sans foyer, sans loi ou mode de vie sédentaire, et ne cessent d’aller
d’un endroit à un autre, comme des fugitifs escortés par les chariots dans
lesquels ils vivent62. »
La première vague de migration des Huns en Europe n’a pas pris la
forme d’un assaut coordonné. Ce fut plutôt l’assaut d’une « série
indépendante de bandes de guerriers huns ». Mais les tactiques employées
par leur cavalerie terrifièrent les habitants des plaines transdanubiennes.
Leurs chevaux étaient incroyablement performants. Un texte vétérinaire
romain en témoigne : « Pour la guerre, les chevaux des Huns sont de loin
les plus utiles, du fait de leur endurance à la fatigue, au froid et à la faim63. »
C’est leur arme de base, l’arc réflexe composite, qui explique leurs
succès. Voilà ce qu’en dit un chercheur moderne : « Très difficile à
fabriquer, l’arc réflexe composite est aussi très difficile à utiliser avec
efficacité parce que sa puissance a pour contrepartie sa résistance. » L’arc
des Huns pouvait tirer à une distance moyenne d’environ 150 mètres. « Les
arcs galbés et les flèches sont leur bonheur, sûres et terribles sont leurs
mains ; totalement confiants que leurs traits apporteront le trépas, et leur
frénésie les pousse à faire des choses illicites sans jamais en subir le
châtiment. » Les manœuvres rapides comme l’éclair et les positions
occupées à l’arrière du front par leurs archers à cheval avaient quelque
chose de déroutant même pour un homme qui avait vu couler beaucoup de
sang sur les champs de bataille comme Ammien : « Vous n’hésiteriez pas à
les appeler les plus terribles de tous les guerriers64. »
Les territoires s’étendant au nord du Danube avaient été dominés par des
alliances avec les Goths pendant un siècle. Jusqu’à la fin du IVe siècle, ils
« étaient tranquilles depuis longtemps ». Une sorte d’équilibre avait prévalu
le long du Danube, mais les Huns semèrent le désordre. En 376 apr. J.-C.,
fuyant devant eux, des Goths surgirent en masse à la recherche d’un asile
derrière les frontières romaines. Plus de 100 000 Goths – hommes, femmes
et enfants – pourraient avoir cherché de l’aide. Les Romains virent dans
cette vague humaine désespérée une occasion à saisir, une arrivée inespérée
de recrues militaires. La situation fut gérée de manière improvisée. On
accorda le passage à certains Goths, transportés sur le Danube sous
supervision romaine. Les réfugiés furent exploités sans vergogne. Aux
Goths qui criaient famine on donna des chiens à manger en échange de
leurs enfants. La rébellion couvait et bientôt ces derniers se révoltèrent
ouvertement. Ils réussirent même à recruter des mercenaires huns pour
combattre à leurs côtés. L’empereur d’Orient, Valens, se précipita sur les
lieux avec ses troupes d’élite. Le 9 août 378, près de la ville d’Adrinople, il
engagea la bataille sans attendre le renfort des réserves d’Occident et sans
bien connaître le terrain. Il en résulta la pire défaite militaire de toute
l’histoire romaine. Valens fut lui-même tué au cours de cette boucherie65.
Selon Ammien, les Romains perdirent les deux tiers de leurs hommes et
un bilan de 20 000 morts semble tout à fait réaliste. Et terribles furent les
conséquences à court terme. Le cœur de l’élite de l’armée orientale était
annihilé. La perte soudaine d’un nombre si important de soldats parmi les
meilleurs et des commandants les plus expérimentés était un crève-cœur. La
cour occidentale, en désespoir de cause, rappela le premier empereur non
danubien depuis l’époque de Gallien – Théodose Ier. L’armée eut du mal à
s’en remettre. Certains régiments ne furent jamais reconstitués. Les efforts
les plus désespérés de recrutement – comme les opérations de ratissage pour
attraper des villageois en Haute-Égypte – s’étendraient sur une génération
entière. En négociant dans un tel rapport de forces, les Romains
commencèrent à faire l’expérience d’un nouveau type de politique :
l’installation de groupes entiers sur leur sol en échange d’un service
militaire sous les ordres de commandants de même provenance. Pendant un
demi-millénaire, l’armée romaine avait été un moyen pour assimiler les
étrangers. Maintenant, sa « barbarisation » allait sérieusement commencer66.
Dans ces circonstances, le règne de Théodose doit être considéré comme
un succès. Mais, après sa mort en 395 apr. J.-C., plus personne ne réussira à
contrôler les deux moitiés de l’Empire. Le pouvoir sera divisé entre ses
deux jeunes fils et une période d’intrigues de cour entre Rome et
Constantinople minera la réponse de l’Empire à la situation d’urgence qui
se développait à ses frontières au pire des moments. Le « problème goth »
s’embrasa et, en 395 apr. J.-C., un roi compétent nommé Alaric unit les
Goths installés en 382 apr. J.-C. Il harcela l’Empire pour obtenir de plus
grandes concessions à l’instant même où les cours d’Orient et d’Occident se
disputaient pour savoir qui aurait la suprématie à la tête de l’État. La cour
occidentale se rallia à la régence du generalissimus (et gendre de Théodose)
Stilicon qui occupa de fait le pouvoir de l’an 395 jusqu’à son meurtre en
408 apr. J.-C. Pendant un bref intervalle, on a pu avoir l’impression qu’il
avait réussi à calmer les eaux agitées. En 400 apr. J.-C., il célébra
triomphalement son consulat à Rome. Son poète, Claudien, proclama qu’il
avait restauré l’« équilibre du monde ». Mais le calme était illusoire.
Soudain, la digue céda et la capacité à dominer la géopolitique de l’Europe
échappa à l’emprise de l’Empire d’Occident67.
Stilicon pourrait bien avoir joué aux échecs sans posséder toutes les
pièces et, au moment crucial, le jeu lui-même fut renversé par des forces
hors de contrôle. En tant qu’événement militaire, la « chute » de l’Empire
d’Occident doit être datée des années 405-410. Le travail précis de
l’historien Peter Heather a montré l’intérêt d’analyser à deux niveaux les
événements survenus au cours de ces années. En surface, l’Empire a
affronté une série d’invasions simultanées qui ont brisé sa capacité à
contrôler les frontières. En 405, les Goths venus d’au-delà des frontières
traversèrent le Norique et ravagèrent l’Italie. Stilicon étouffa la menace.
Mais, le 31 décembre 406, un autre conglomérat de Barbares – dont des
Vandales, des Alains et des Suèves – traversa le Rhin, pilla la Gaule et
avança en direction de l’Espagne. Ils ne seraient jamais expulsés. Dès lors
le contrôle des territoires situés au-delà des Alpes – en particulier la
Bretagne, l’Espagne et des parties du nord de la Gaule – est devenu fragile
ou inexistant68.
Mais, plus en profondeur, une force poussait les choses en avant. Ces
invasions n’étaient pas seulement des raids ; elles équivalaient à des
migrations de peuples entiers en mouvement avec femmes et enfants. Et ces
déplacements avaient pour cause un développement géopolitique que l’on
discerne mal dans nos sources : le déplacement du centre de gravité des
Huns vers l’ouest. Si l’arrivée déstabilisante de bandes indépendantes de
guerriers huns dans les années 370 avait nourri la première crise goth, le
chaos des années 405-408 avait pour raison la relocalisation de la puissance
hun à l’Ouest. Des masses de gens, qui n’avaient pas été assimilés par la vie
à proximité des Romains, à la différence des Goths, fuyaient maintenant le
Danube central et entraient dans l’Empire. Pour la première fois, on entend
parler des Huns opérant en grand nombre à l’Ouest jusque dans les plaines
hongroises. On commence à voir dans le personnage d’Uldin un roi hun qui
est un peu plus qu’un nom. L’Empire hun cherchait sa sauvegarde à l’Ouest
et les peuples qui lui faisaient face tombaient comme des dominos69.
La crise augmenta la pression au-delà de ce que pouvaient supporter les
colonnes soutenant un système frontalier qui n’avait pas été conçu pour
cela. Dans le brouillard de la crise le gouvernement romain persistait à
croire que les Goths sous la direction d’Alaric conservaient leur loyauté de
serviteurs. N’avait-il pas conclu avec eux des accords officiels qui les
engageaient à obéir à l’empereur ? Mais, à la fin de l’année 408, la donne
avait changé et Alaric à la tête de ses troupes traversait les Alpes et
encerclait Rome. Il coupa les voies de ravitaillement et tenta d’extorquer
une rançon qui passe l’entendement. Durant trois années consécutives,
Alaric tint l’ancienne capitale en otage et, finalement, le 24 août 410, ses
armées pénétrèrent dans Rome. Pour la première fois depuis la prise de la
cité par les tribus celtes, en 390 av. J.-C., la Ville éternelle tombait entre des
mains hostiles. Mêmes si les Goths chrétiens d’Alaric épargnèrent à la cité
la sauvagerie des pillages, les répercussions furent immenses sur le plan du
symbole. « La lumière la plus éclatante du monde entier s’était éteinte ou,
autrement dit, l’Empire romain était décapité, ou pour l’exprimer plus
crûment, à travers une cité la Terre elle-même périssait. » Le choc de
l’événement trouva un écho dans le chef-d’œuvre d’Augustin, La Cité de
Dieu ; la seule consolation était de se rappeler que tout passe70.
L’impossibilité d’empêcher l’impensable illustre le fait que l’Empire
avait de manière soudaine perdu ses capacités à coordonner ses forces
militaires. On allait assister, au Ve siècle, à la fracturation progressive de
cette puissance et à la perte d’hégémonie territoriale sur des fragments de
l’Occident. D’anciennes provinces, comme la Bretagne, se sont comme
évanouies, ne dépendant plus que de leurs ressources locales, tandis que
d’autres, comme l’Afrique, étaient sous les projecteurs. Certaines
implantations – les Goths en Aquitaine, les Burgondes en Savoie, les
Ostrogoths en Italie – s’administrèrent avec plus ou moins d’indépendance.
Mais l’Empire était dans une situation désespérée. Des décisions furent
prises en faveur du centre. Les provinciaux étaient en plein désarroi et leur
loyauté vacillait. Dans tous les cas, la population née à Rome surpassait les
nouveaux arrivants mais les Barbares s’emparèrent des superstructures de
l’État. Partout à l’exception de minces couloirs en Italie et en Gaule, la
machinerie du pouvoir en Occident cessait d’être romaine71.
Orient et Occident : des fortunes différentes
L’acte final le plus célèbre accompli par les Huns était plus une répétition
qu’un baisser de rideau. Alors que l’Empire romain titubait, leur roi le plus
célèbre, Attila, renforça les capacités de sa machine de guerre. Durant une
décennie, il constitua une menace existentielle pour l’Empire d’Orient
comme pour ce qui subsistait de l’Empire d’Occident. Au cours des
années 440, il pilla les Balkans et son cercle de proches accumula les
richesses. En 447, un puissant tremblement de terre abattait les murailles de
Constantinople (57 tours s’effondrèrent), laissant la capitale de l’Empire
d’Orient sans défense. Ce sont seulement les maladies endémiques qui
tinrent la menace à distance. « Sur la pierre de la maladie ils trébuchèrent et
les coursiers tombèrent […]. Lui qui était si adroit pour tirer à l’arc, la
maladie intestinale le vainquit – les cavaliers furent pris de torpeur et
s’endormirent et la cruelle armée fut réduite au silence. » La dernière ligne
de défense de l’Empire romain était la ceinture des germes qui guettaient,
en embuscade, les naïfs envahisseurs72.
Attila devait mener ses deux plus grandes campagnes en Gaule et en
Italie. À la tête d’une formidable armée de Huns et de Germains mélangés,
il avait franchi le Rhin en 451 ; ses forces affrontèrent à découvert le
général romain Aetius à la tête d’une armée mêlant Romains et Germains.
Le blocage ralentit l’avance de l’Empire hun désormais loin de son écozone
des steppes. Mais Attila n’était pas en bout de course. En 452, la horde se
répandit avec fracas en Italie. Les cavaliers pillèrent la vallée du Pô. Milan
tomba sans résister et Attila occupa le palais impérial. Rendu enragé par
une représentation de Huns morts sous le trône de l’empereur, le roi trouva
un artiste « pour peindre Attila sur un trône et les empereurs romains avec
des sacs sur leur dos versant de l’or à ses pieds ». Réalisant que rien ne
parviendrait plus à arrêter l’avance des Huns en Italie centrale, et incapables
d’opposer la moindre résistance militaire digne de ce nom, les Romains
envoyèrent une ambassade de la dernière chance sous la direction du pape
Léon lui-même73.
Par un de ces retournements qui surprennent dans l’histoire, les colonnes
de Huns retraversèrent les Alpes pour gagner la plaine hongroise. Attila
était avant tout un habile tacticien. « Derrière sa cruauté féroce il y avait un
homme intelligent. » Ce qui a vraiment repoussé le plus efficacement les
envahisseurs a été vu comme « une catastrophe envoyée par le Ciel : la
famine et toutes sortes de maladies ». La retraite a en réalité été la
conséquence biologique prévisible de la collusion entre les envahisseurs et
l’écologie locale des maladies. Le cœur de l’Empire étant un foyer de
germes, le sauveur non fêté de l’Italie dans cette affaire a peut-être même
été le paludisme. Faisant pâturer leurs chevaux dans les plaines
marécageuses où les moustiques pullulaient et transmettaient le protozoaire
mortel, les Huns étaient des proies toutes désignées pour la maladie. Tout
compte fait, il avait pu être intelligent de la part du roi des Huns de faire
reculer sa cavalerie jusque dans les hautes steppes froides et sèches au-delà
du Danube où les moustiques anophèles ne pouvaient pas le suivre74.
Tandis que les Huns tournaient bride, ils laissaient dans les nuages de
poussière de leur retraite un monde romain quasiment méconnaissable
comparé à celui qu’ils avaient rencontré dans les jours précédant la bataille
d’Andrinople. Coupées de l’administration centrale, les anciennes structures
de l’Empire s’étiolèrent vite à l’Ouest. Dans une séquence émouvante, on
apprend qu’un courageux régiment romain défendait sa position depuis des
décennies dans la province frontière du Norique. Quand leurs soldes
cessèrent d’arriver, ils envoyèrent un détachement en Italie réclamer leur
dû, « mais inconnus de tous […] ils furent assassinés en chemin par des
Barbares ». C’est au cours de ces années que « l’armée romaine d’Occident
cessa d’exister en tant qu’institution d’État ». Quelques années plus tard, en
476, plus d’empereur en Occident75.
Dans la plus grande partie de l’Ouest au Ve siècle, le renouveau impérial
fut brutalement inversé. L’efflorescence romaine s’étiola. Les villes
régressèrent. Après l’explosion des villae tout au long du IVe siècle, il est
presque impossible de déceler la construction d’une seule d’entre elles au
siècle suivant. Les bâtiments toujours occupés montrent un changement de
mode de vie. Les circuits de richesse avaient été sectionnés. L’économie
monétaire se maintenait certes avec ténacité mais les gens étaient, en
désespoir de cause, forcés d’employer de vieilles pièces, découpées,
remises en circulation et souvent copiées dans un environnement
économique en désordre. Le commerce de l’élite et les réseaux locaux n’ont
jamais complètement disparu. Mais, pris comme un tout, c’était un monde
plus simple avec des différences criantes entre les possédants et ceux qui
n’avaient rien. Après l’effondrement de toutes les grandes fortunes privées,
construites sur la fusion des marchés et le service impérial, l’Église s’est
retrouvée de manière inattendue la propriétaire de terres la plus riche de la
société – qui la dotaient d’une puissance sans limite76.
Le changement le plus débridé s’est produit dans la cité de Rome. Le
nombre d’habitants s’est effondré. Il était clair pour les observateurs du
début du VIe siècle que Rome n’était plus que l’ombre de sa gloire d’antan.
« Il est évident que la population de Rome était considérable quand on voit
qu’elle était ravitaillée par des régions très éloignées […]. La grandeur des
murailles est le témoin de la foule des citoyens comme la capacité des
bâtiments réservés aux divertissements, la merveilleuse proportion des
établissements de bains et le grand nombre de moulins à eau clairement
destinés au ravitaillement. » La dépopulation transforma radicalement
l’écologie des maladies dans la ville. Même la mortalité saisonnière
disparut, comme on peut le voir désormais à partir du faible nombre de
tombes chrétiennes. L’amplitude des variations saisonnières est tout
simplement devenue moins forte. Les jeunes restaient les plus vulnérables
aux ravages des maladies d’été et, comme toujours, les glaces de l’hiver
emportaient les plus fragiles. Mais, pour les adultes, un schéma moins
prononcé et désormais bimodal s’est imposé. Il est possible que Rome,
autrefois une ville de migrants qui affrontaient les maladies endémiques
sans disposer d’une immunité acquise pendant l’enfance, était réduite
maintenant à une population « locale » vulnérable comme toujours au
paludisme mais plus à même de résister à l’ensemble des agents pathogènes
locaux qui se manifestaient pendant les chaleurs. Rome était devenue une
ville comme les autres77.
Le même schéma s’observe avec les changements qui se sont produits
dans la plus grande partie des provinces nord-ouest de l’Empire. En
Afrique, le changement fut moins brutal et, en Orient, en grande partie par
la vertu du déterminisme aveugle de la géographie physique, l’Empire est
resté sain et sauf derrière ses barrières naturelles. On ne doit pas sous-
estimer les événements du Ve siècle. Mais il faut être également prudent et
ne pas prendre pour acquis que, dans les décennies qui ont immédiatement
suivi la chute de Rome, les provinces occidentales auraient été condamnées
à des siècles obscurs. Il est certain que la capitale occidentale n’a jamais
abandonné le rêve d’une unité impériale, même si c’était son propre sort qui
la préoccupait avant tout et si ses bonnes intentions ont régulièrement
abouti à rien. L’état des territoires occidentaux dans les décennies autour de
l’an 500 est difficile à définir, peut-être à cause même du déséquilibre
général. La logique d’un ordre postromain n’a jamais réussi à s’installer, et
son potentiel n’a jamais pu se réaliser avant que le monde soit à nouveau
mis sens dessus dessous par les ambitions irrédentistes de l’empereur
romain d’Orient, et le tournant de la nature qui est venu contrarier ses plans.
Si l’environnement s’était montré pour un temps moins prégnant, et avait
permis aux actions humaines de revenir au centre du jeu, la nature
s’apprêtait à reprendre de force sa prépotence.
Chapitre 6
La vendange de la colère

Au V e
siècle et au début du VIe tous les liens entre les provinces de
l’Empire d’Occident furent coupés ; les forces entropiques l’avaient
emporté. En revanche, en Orient, l’administration impériale gardait les
choses bien en main. Les forces centripètes mises en mouvement sous
Dioclétien et Constantin continuèrent à agir, aboutissant à une concentration
du pouvoir dans la capitale, entre les mains de la bureaucratie, de la cour –
et, au centre de tout, dans la figure de l’empereur, l’élu de Dieu. Le pouvoir
de l’aristocratie, de l’administration et de l’armée dépendait de son autorité
sacrale absolue. Pendant une longue période, ce modèle de pouvoir
aristocratique a eu quelque chose d’envoûtant dans l’Empire d’Orient. Au
VIe siècle, revigoré par la prospérité éclatante des provinces orientales,
l’horizon de l’Empire romain semblait à nouveau illimité. L’État, avec pour
centre Constantinople, continuait à partager les grands traits propres à
l’Empire romain tardif et c’est seulement rétrospectivement que l’on peut
apercevoir tout ce que l’avenir de la partie byzantine de l’Empire avait de
sombre.
Dioclétien avait mis fin à la devinette constitutionnelle qui prétendait que
l’empereur était le premier… entre les égaux, un citoyen… comme les
autres, seulement doté de la vertu de la civilitas. C’est lui qui a inventé,
pour la nouvelle figure de l’empereur, distance et majesté. Moyennant quoi,
ou en compensation, l’habileté politique est devenue avant tout une affaire
de protocole et de cérémonial. On peut, par exemple, en mesurer l’étendue
dans le génie de l’État à transformer en spectacle quelque chose d’aussi
bureaucratique que l’audit des greniers à céréales. Le jour du rituel,
l’empereur montait sur un char où l’attendait le préfet du prétoire –
l’homme le plus puissant après l’empereur – qui lui baisait les pieds. Il
longeait sans s’arrêter l’hippodrome et les bains publics, se frayait un
chemin jusqu’au marché bourdonnant et aux entrepôts publics
monumentaux sur la Corne d’or, où des navires accostaient dans les anciens
ports de la rive nord de la vieille cité. Le directeur des greniers se portait à
la rencontre de l’empereur pour lui brosser un état des lieux. L’empereur
inspectait, en personne, les celliers et, si tout allait bien, le directeur et son
adjoint recevaient chacun 10 livres d’or et une tunique « toute en soie ». Les
contenus des réserves vérifiés, l’empereur retournait en grande pompe dans
son palais1.
Les cérémonies de cette nature constituaient un moyen essentiel de
communication sous le Bas-Empire romain. L’inspection des greniers était
un prétexte à la mise ne scène du pouvoir de l’empereur dans
l’accomplissement de son principal devoir : nourrir son peuple. Dans une
ville dont la population atteignait 500 000 âmes, la sécurité alimentaire était
en permanence une préoccupation. Le système d’approvisionnement
mobilisait les ressources de tout l’Empire. Une vaste bureaucratie sous le
contrôle des fonctionnaires du palais coordonnait les livraisons dans la
capitale et à destination de l’armée. Depuis l’époque de Constantin, 80 000
sujets avaient été enregistrés dans la capitale orientale et recevaient du pain
gratuit ; la menace de soulèvements urbains impliquait qu’une quantité
suffisante de blé arrivât sans encombre sur les quais du Bosphore pour
nourrir un demi-million de bouches. Depuis longtemps, l’Égypte était le
grenier à blé pour tous. Au début du règne de Justinien (qui a duré de 527 à
565), on sait que les navires en provenance d’Alexandrie transportaient
chaque année 8 000 000 d’artabas – 310 000 000 de litres – de blé jusqu’à
la capitale.
On ignore si Justinien a été à l’origine du cérémonial de l’inspection des
entrepôts qui correspondait si bien à son style. « Nous considérons même
les plus petites choses comme relevant de notre responsabilité, proclame-t-il
dans une loi. Nous ne laissons rien d’important pour notre république sans y
prêter attention2. »
Ce rituel met en lumière le réseau global dont Constantinople était le
centre. Le ravitaillement en céréales connectait la capitale orientale aux
fermes et aux champs jusque dans les moindres recoins de la Haute-Égypte.
Au VIe siècle Constantinople était le vortex des peuples et des biens du
monde. « Il y abonde de toutes parts des étrangers qui y sont retenus ou par
la nécessité de leurs affaires, ou par l’espérance de quelque fortune, ou par
un pur effet du hasard. » Le latin demeurait la langue officielle de l’Empire,
mais dans les rues de la ville on entendait parler syriaque, araméen, copte et
éthiopien, gothique et hunnique, perse et arabe, et grec évidemment. On
n’exagère pas en disant que la capitale était une plaque tournante globale.
Elle attirait les marchandises de la totalité du monde exploré, comme la soie
qui servait à récompenser l’assiduité des serviteurs de l’empereur. Mais,
lorsque les hommes et les marchandises circulent librement, les germes en
profitent3.
La véritable leçon écologique de l’inspection cérémonielle des greniers à
blé se dérobe à notre regard, cachée dans les grands entrepôts disséminés
dans le paysage. À la fin de l’Empire romain, on comptait partout des
greniers à blé. Le stockage des céréales était profondément ancré dans la
psyché méditerranéenne. Le vaste réseau des villes, des navires et des
entrepôts de blé formait un véritable écosystème. Or, cet écosystème était
une invitation pour une espèce qui avait mystérieusement évolué pour
devenir notre commensale – au sens littéral du mot, « partager la même
table » –, Rattus rattus, le rat noir ou rat des bateaux.
On peut être sûr qu’au moment où Justinien et sa cour approchaient des
entrepôts, des milliers de rats se faufilaient dans l’obscurité. « Ils pillent
aussi calmement que des fantômes dans l’ombre des buildings, ou dans les
caniveaux, regardant attentivement leur chemin, flairant, frémissant,
conscients à tout instant de ce qui se passe autour d’eux. » Ce sont les mots
d’un New-Yorkais écrivant en plein XXe siècle avant que l’on ait enfin réussi
à contrôler ces bêtes nuisibles (dans la mesure du possible) dans cette ville
moderne. Dans les villes de l’Antiquité, la lutte contre l’infestation était
inutile, les rats noirs se reproduisant à grande vitesse. Seule la quantité de
nourriture disponible limite la taille de la population ; et ils adorent les
céréales. Avec leur longue queue, les rats sont d’habiles escaladeurs enclins
aux voyages. Ils montent par centaines à bord des navires. Du point de vue
d’un rat, l’Empire romain était une invraisemblable bénédiction. Le monde
romain était envahi par ces rongeurs4.

Figure 28 Constantinople représentée dans la Notitia Dignitatum


(gravure du XVIe siècle, University of Oklahoma History of Science
Collection)

La fusion du commerce global et de l’infestation par les murides a été la


précondition écologique du plus grand événement sanitaire que la
civilisation humaine ait jamais connu : la première pandémie de peste.
Norman Cantor a écrit à propos de la peste noire au Moyen Âge : « C’est
comme si une bombe à neutrons avait explosé. » La première peste noire de
l’Antiquité est moins célèbre. Elle ne mérite pas d’être relativisée. En 541,
elle apparut sur les rives de l’Égypte, avant de se répandre dans l’Empire et
au-delà. Pendant deux siècles, elle est restée avant de disparaître, par quel
mystère ? Le traumatisme de la pandémie du XIVe siècle marque de
multiples façons la limite entre les mondes médiéval et moderne ; la
puissance de désintégration de la première pandémie de peste mérite d’être
considérée comme marquant le passage de l’Antiquité au Moyen Âge. Dans
une perspective plus large, l’expérience de l’humanité au cours du dernier
millénaire et demi a été dominée de manière incalculable par la virulence
d’un agent microbien singulier à l’origine de la peste bubonique : la
bactérie appelée Yersinia pestis5.
La peste est un tueur exceptionnel et sans limite. Comparé aux germes de
la variole, de la grippe ou à un filovirus, Y. pestis est un très gros microbe,
disposant d’un arsenal très divers. Sa diffusion épidémique dépend d’une
combinaison délicate d’hôtes et de vecteurs. Une pandémie de peste est un
concert entremêlé, difficile à mettre en place, aussi inquiétant
qu’inoubliable par sa performance. Une fois installée, la peste est une force
biologique qui balaie tout sur son passage. Au VIe siècle, l’alignement entre
l’histoire de l’évolution et l’écologie humaine a précipité une catastrophe
naturelle qui a tout submergé à la fois par sa durée et par son intensité,
dépassant même les pestilences des IIe et IIIe siècles. La pandémie de peste a
été une catastrophe tout à fait comparable aux destructions d’un ouragan qui
arase un lotissement construit de manière précaire en surplomb de la mer.
Elle a été une conspiration non intentionnelle entre la nature sauvage et
l’écologie de l’Empire imputable aux humains.
L’étude détaillée de l’histoire des maladies romaines faite précédemment
mettra encore plus en évidence la nature exceptionnelle d’un tel événement,
capable de transformer toute une époque. Y. pestis est un ennemi
absolument extraordinaire, résultat d’une improbable évolution qui l’a
transformé en un tueur global. L’étude génétique de ce microbe nous a
appris très rapidement à connaître les grandes étapes de son histoire et de sa
biologie. La biologie de cette simple bactérie est l’un des faits les plus
importants de l’histoire du monde au cours du dernier millénaire et demi.
Mais, même cela connu, le cours de son déchaînement intercontinental a
dépendu d’un alignement parfait de réseaux humains, de populations de
rongeurs, du changement climatique et de l’évolution des agents
pathogènes. De notre point de vue, on ne saurait manquer de ressentir un
certain émerveillement face à la pure contingence qui a permis à ce microbe
létal de suivre son chemin de destruction depuis l’intérieur de l’Asie
jusqu’aux rives de l’Atlantique.
L’arrivée de la bactérie de la peste sur les rives romaines est le signe d’un
nouvel âge. Sa persistance pendant deux siècles est à l’origine d’une longue
période de stagnation démographique. Ajoutée à la détérioration du climat
dénommée le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive – sujet du prochain
chapitre –, la pandémie a balayé les dernières fondations de l’ordre ancien.
Reconquête et renaissance
Le règne de l’empereur Justinien a duré de 527 à 565. En moins d’une
décennie, il avait déjà accompli bien plus de choses que la plupart de ceux
qui l’avaient précédé sur le trône. On a assisté au cours de la première partie
de son règne à une frénésie de réformes sans précédent dans l’histoire
romaine. Entre son accession au trône en 527 et le surgissement de la peste
en 541, Justinien conclut la paix avec la Perse, plaça sous domination
romaine de vastes territoires en Occident, codifia l’ensemble du corpus des
lois romaines, réorganisa l’administration fiscale et organisa la plus grande
orgie de construction qui soit dans les annales de l’histoire romaine. Il
survécut à une dangereuse révolte urbaine et tenta de forger l’unité
orthodoxe d’une Église fragmentée grâce à ses propres travaux
théologiques. En 540, seule sa politique religieuse avait été mise en échec6.
Justin, l’oncle de Justinien, qui s’était emparé du trône en 517, différait
en tout de celui qui allait lui succéder. Il était d’une humble extraction. Ses
détracteurs aimaient rappeler qu’il était totalement illettré. Il avait soixante-
dix ans et était sans enfant quand il s’empara du pouvoir. Il avait convoqué
son neveu, Petrus Sabbatius, dans la capitale pour l’adopter sous le nom de
Justinien. Il fut formé pour devenir empereur et prit seul les commandes de
l’Empire en 527.
Déjà dans l’Antiquité, il était aimé et loué. Infatigable, Justinien
travaillait jour et nuit, était sans pitié et ne doutait de rien. Il trouva dans
Théodora, une femme indépendante et énergique, son égale. C’était une
actrice et une demi-mondaine (ce que même ses partisans reconnaissaient).
Inflexible, Justinien outrepassa les lois qui proscrivaient depuis des siècles
toute mésalliance avec une personne scandaleuse. Ces lois ne disparurent
pas pour autant. « Nous croyons que nous pouvons imiter, autant que
possible, la bienveillance et la grande clémence de Dieu pour la race
humaine qui condescend à pardonner les péchés de chaque jour des
hommes, en échange de notre repentance et de notre engagement à une
meilleure conduite. » C’est un peu comme si aujourd’hui un président des
États-Unis se mariait avec Kardashian. Aucun empereur n’a inspiré autant
de haine dans les écrits de son époque. Dans l’Histoire secrète de Procope,
une vive critique du régime de Justinien, le couple impérial est présenté
comme dépravé, peut-être même démoniaque. Mais, dans la tradition
orthodoxe, Justinien et Théodora sont des saints7.
Rapidement, l’opposition s’unit contre le pouvoir de Justinien. Pour
l’establishment, ses réformes administratives étaient insupportables. L’élite
riche et la bureaucratie centrale étaient d’accord. Elles étaient de mèche.
Les impôts étaient collectés, tout était bien huilé. Justinien fit appel à
l’intolérance d’un outsider pour combattre la corruption. L’architecte de ce
grand nettoyage était un personnage connu sous le nom de Jean de
Cappadoce. Les seules choses qui comptaient à ses yeux étaient l’efficacité,
la transparence et un contrôle direct sur les affaires. La vente des postes de
gouverneurs fut interdite, les provinces réorganisées, et le pouvoir des élites
locales réduit. Jean sema la rancœur chez les mandarins de Constantinople ;
on le représenta sous les traits d’un être violent, cupide et grossier.
L’opposition en germe explosa en 532 quand la célèbre sédition Nika
enflamma la capitale. C’était un putsch conduit par le désenchantement
d’une faction aristocratique. Des parties entières de la ville furent
incendiées dont l’antique Sainte-Sophie. Le régime survécut par le recours à
des mesures terribles : il y eut des milliers d’exécutions. Le régime de
Justinien ne s’était pas laissé intimider8.
Ces machinations illustrent bien la manière dont on peut voir la
trajectoire d’ensemble de Justinien. L’empereur a marginalisé et semé la
consternation chez ses contempteurs lettrés. Fait rare, l’histoire a été écrite
par les perdants. Ils ont tracé le portrait d’un régime hors de contrôle. Les
guerres et le programme de construction ont dépassé tout ce qu’on pouvait
imaginer, ruinant les provinces tout en étant voués à l’échec. Le bourreau
Jean a été l’instrument de l’hubris de l’empereur. Ce portait n’est pas
totalement crédible. Ses réformes ont impressionné jusqu’à A. H. M. Jones,
pourtant regardé comme l’un des meilleurs spécialistes de l’administration
de l’Empire romain tardif. Et, si on lit entre les lignes les écrits de ses
détracteurs, les qualités hors du commun des serviteurs de Justinien sont
sans équivoque. Le plus grand de tous les talents de Justinien n’aurait-il pas
été son art de repérer les personnalités les plus brillantes ? Jean, son préfet,
Tribonien, son juriste, Anthémius, son architecte, Bélisaire, son général, et
Théodora, son épouse – tous sont des personnages hors du commun qu’il a
lui-même recrutés. Il faut peut-être remonter à l’époque d’Auguste pour
constater une si soudaine émergence de purs talents9.
Il est facile de dresser la liste de ses œuvres. Au-dessus de tout, il y a le
Corpus iuris civilis, monument de codification de la loi romaine. Selon les
mots de Gibbon : « Le temps a réduit en poussière les vains trophées des
victoires de Justinien ; mais ce législateur a gravé son nom sur un autre
monument que les siècles ne sauraient anéantir. C’est sous son règne et par
ses soins que la jurisprudence civile fut réunie en un corps dans trois
ouvrages immortels : le Code, les Pandectes et les Institutes. » Justinien
était bien conscient de la grandeur de son œuvre. « La tâche nous est
apparue plus difficile, presque impossible. Néanmoins, les mains tendues
vers le ciel, implorant l’aide éternelle, nous avons consolidé cette tâche
dans notre esprit, nous appuyant sur Dieu qui, dans sa grande bonté, peut
approuver et réaliser des buts qui sont au-delà de tout espoir. » Sous la
direction de Tribonien, l’équipe réunie par Justinien a synthétisé mille ans
de lois et de jurisprudence pour aboutir à un ensemble systématique et
consistant. En 534, la tâche était accomplie avec succès10.
Le programme de construction de Justinien parle pour lui-même. Sainte-
Sophie était une merveille de technologie. Plus grand dôme jamais construit
dans l’Antiquité, « il s’élève à une hauteur qui concurrence le ciel ». Le
dôme du Panthéon à Rome pâlit en comparaison de la structure en voûte de
Sainte-Sophie, qui ajoute aux principes d’une basilique construite sur un
axe la symétrie d’un quadrilatère avec un dôme s’élevant à 56 mètres au-
dessus du sol. Il est possible que Justinien ait été le plus grand protecteur de
l’Église de toute son histoire. Il a construit trente églises autour de
Constantinople. L’Église Sainte-Marie-la-Neuve à Jérusalem, consacrée à la
mère de Dieu, émerveillait ; si elle était encore debout, elle rivaliserait avec
n’importe lequel des plus grands monuments de l’Antiquité. Il a édifié des
hôpitaux et des hospices dans tout l’Empire. Procope a dressé la liste de 600
sites militaires modernisés par Justinien dans les Balkans ; il a aussi
lourdement fortifié la frontière avec la Perse. Son programme d’urbanisme
traduit son grand sens pratique. Les navires chargés de blé en provenance
d’Alexandrie devaient souvent attendre les vents favorables pour traverser
l’étroit détroit de l’Hellespont. Justinien entreprit de construire des greniers
sur la proche île de Ténédos, au sud, suffisamment grands pour que toute la
flotte puisse y décharger sa cargaison ; elle était ensuite transportée dans la
capitale sur des barges. N’ayant plus à attendre les vents favorables en
direction du sud, c’était assurer deux ou trois rotations au cours d’une seule
saison11.
Justinien a été le dernier des grands ingénieurs environnementaux
romains. Le puissant État a plié la nature à ses désirs, à une échelle qui
aurait impressionné Trajan. Le contrôle des crues restait l’un des principaux
soucis dans toute la Grèce, en Anatolie et dans le nord de la Mésopotamie.
Après une crue catastrophique à Édesse, Justinien remodela tout le paysage
local en changeant le cours du Skirtus. De la même manière il fit creuser un
nouveau lit pour le Cydnus autour de Tarse. Les vestiges de son pont
Sangarius en Bithynie restent imposants. Le Drakon qui se jette dans la mer
de Marmara inondait régulièrement la vallée près de son embouchure ;
Justinien fit abattre une forêt et remodeler la plaine pour en contrôler le
débit des flots. Il fit réparer les aqueducs et en construire de nouveaux. À
Constantinople, on lui doit une gigantesque citerne pour stocker de l’eau
potable pour faire face aux étés secs12.
La campagne pour regagner les provinces occidentales fut la plus
audacieuse de toutes ses entreprises. Il était d’origine danubienne et sa
langue maternelle, le latin. Le rêve de reconquérir le cœur de l’Occident a
déterminé son programme revanchard. En 532, il signa le traité baptisé avec
optimisme « de la Paix éternelle » avec son ennemi perse, Khosroès Ier,
avant de se tourner vers l’Ouest. En 533, Bélisaire prit la tête d’une
expédition contre les Vandales. Une force combattante de 5 000 soldats
réguliers embarqua sur 500 navires et remporta vite la victoire. En 534,
Bélisaire était de retour à Constantinople, exhibant le roi vandale vaincu au
cours d’un triomphe. L’Afrique du Nord resta sous domination romaine
jusqu’à ce qu’elle lui soit arrachée par les conquêtes de l’Islam13.
L’éviction des Ostrogoths d’Italie fut plus indécise. En 536, Bélisaire fut
envoyé à l’Ouest ; il s’empara sans coup férir de la Sicile, de Naples et de
Rome. En 540, il repoussa une contre-attaque et s’empara de Ravenne ainsi
que du trésor royal et captura le roi, Vitigès, avant de retourner à
Constantinople couvert de gloire. Mais, alors que le contrôle de l’Italie
restait incertain, il avait été rappelé en urgence pour rétablir la situation à la
frontière avec la Perse. Des résistances sérieuses se manifestèrent jusqu’au
milieu des années 550. Puis une paix précaire et de courte durée fut
interrompue en 568 par l’invasion des Lombards. Dans les siècles à venir,
les Byzantins allaient contrôler les avant-postes de Rome et de Ravenne
mais aussi des territoires situés dans le sud de l’Italie. À la fin, « le rêve de
Justinien de restaurer l’Empire d’Occident n’avait apporté pas grand-chose
à l’Italie hormis la misère ». Mais on était bien loin du destin qui allait
s’imposer avec les événements de 54014.
Le renouveau du conflit avec la Perse a obligé l’Empire à diviser ses
forces. Au printemps 540, Khosroès Ier attaqua pas surprise ; c’était
l’invasion la plus sérieuse depuis Shapur Ier en pleine crise du IIIe siècle. Il
s’empara l’une après l’autre de villes privées de défense. Antioche fut pillée
– « une ville ancienne, de grande importance, et la première de toutes les
cités des Romains d’Orient en termes de richesse, de taille, de population,
de beauté et de prospérité dans tous les domaines ». Khosroès se baigna
dans la Méditerranée. Mais Bélisaire fut envoyé sur place, et au bout d’une
saison Khosroès était repoussé en Perse. Dans ce moment où le sort hésitait,
la bombe était désamorcée.
En 541, la peste gagna Péluse, au bord de la Méditerranée. Au printemps
suivant l’ennemi invisible s’introduisait dans la capitale. Ce fut une grande
fracture. La peste inaugurait ce qu’on a appelé l’« autre âge de Justinien ».
Au cours des vingt-trois années suivantes, son règne tomba
progressivement sous le voile de la pestilence. Vaille que vaille, l’État
s’efforça de maintenir ses forces armées. Les impôts s’élevèrent jusqu’à des
hauteurs vertigineuses. Les ténèbres planaient au-dessus de l’empereur qui
avait lui-même survécu à la peste bubonique. Un tel retour en arrière était
inimaginable. « Je ne comprends pas pourquoi ce serait la volonté de Dieu
d’exalter les fortunes d’un homme ou d’un lieu, puis de les abattre et les
détruire sans cause qui nous soit connue15. »
La fabrique d’un tueur.
L’histoire naturelle de Yersinia pestis
Les témoignages insistant sur les événements naturels à couleur de drame
au VIe siècle sous le règne de Justinien abondent. Les historiens modernes se
sont disputés pour savoir quoi faire exactement de comptes rendus qui
manquaient inévitablement de précision scientifique et reflétaient les
préjugés et les idées toutes faites propres à cette époque. On sait désormais
sans discussion que l’agent de la pandémie justinienne était la bactérie
Yersinia pestis. Les meilleurs laboratoires ont séquencé son génome à partir
des restes archéologiques de ses victimes. C’est un sérieux point d’attache
dans un océan d’incertitudes. Il met un terme à beaucoup de spéculations et
nous oblige à nous plonger plus profondément dans l’histoire de la collision
naturelle entre l’Empire romain et le bacille de la peste.
La bactérie connue sous le nom de Yersinia pestis est responsable de trois
pandémies historiques. La première a eu lieu sous le règne de Justinien. La
deuxième, la peste noire de 1346-1353, a duré près d’un demi-millénaire.
Une troisième pandémie a débuté en 1894 dans le Yunnan chinois avant de
se répandre à grande échelle. Ces trois épisodes sont en fait accidentels. Les
humains ne sont que les victimes collatérales de ce qui est à l’examen une
maladie des rongeurs. Du point de vue de la bactérie, nous sommes des
hôtes assez peu intéressants : nous mourons le plus souvent avant que sa
concentration dans notre sang soit suffisante pour permettre à des puces
d’infecter d’autres victimes. La plupart du temps, un humain infecté par la
peste est un terminus, pas un transmetteur. Aujourd’hui Y. pestis est
enzootique et continue d’infecter des colonies de rongeurs partout dans le
monde. Il est là, tapi dans l’ombre16.
L’évolution d’Y. pestis en a fait un tueur de premier ordre avec une
préférence affirmée pour un certain type d’hôtes. Pour comprendre
comment les humains sont devenus les victimes collatérales d’une
pandémie qui ne les concernait pas, il importe de revenir sur la biologie
d’Y. pestis. Son histoire génétique et microbiologique a été sans doute
l’objet de plus d’études que tout autre agent pathogène. Y. pestis est à la
source d’une maladie infectieuse susceptible de retours et est désormais
officiellement classé dans les menaces bio-terroristes. Y. pestis a précédé la
naissance de la paléo-microbiologie ; en 1998, un laboratoire français l’a
séquencé à partir des restes d’un charnier du XVIIIe siècle, inaugurant l’étude
des ADN anciens. Et, pour ajouter à l’embarras de richesse, le genre
Yersinia est désormais considéré comme un « modèle » de l’évolution des
agents pathogènes. Sa microbiologie a été l’objet d’une attention
scientifique toute particulière17.
Le genre Yersinia appartient à la famille des Enterobacteriaceae, un
groupe Gram négatif de forme allongée dite « en bâtonnet » dont font partie
des agents pathogènes intestinaux comme Salmonella, E. coli et Shigella.
Le genre Yersinia comprend dix-huit espèces. Quinze d’entre elles sont
inoffensives pour les humains – elles vivent dans le sol ou l’eau et ne
provoquent pas de maladie chez les mammifères. Au cours de leur
évolution, trois d’entre elles ont acquis la capacité d’infecter les hommes :
Y. enterocolitica, Y. pseudotuberculosis et Y. pestis. Elles sont devenues
capables d’affronter de puissants systèmes immunitaires. Mais cette
acquisition génétique s’est réalisée en dehors du chromosome, dans ce
qu’on appelle le plasmide. Les plasmides sont des porteurs de matériel
génétique qui encode des gènes spécialisés : il ne serait pas faux de se les
représenter comme des applications génétiques. La biographie d’Y. pestis
peut être rapportée à l’histoire de trois plasmides. Le premier, connu sous le
nom de yPV (élément clé de la virulence des Yersinia), est commun avec
Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis. yPV a créé une arme mortelle :
une aiguille qui injecte des protéines spécialisées dans les cellules hôtes
après contact, et joue un rôle essentiel en paralysant le système immunitaire
inné de l’hôte. La manœuvre a reçu le nom de « baiser de la mort de
Yersinia ». L’acquisition de cet outil a été la première étape dans l’évolution
de Yersinia dans son destin de plus en plus létal18.
Mais, en faisant l’acquisition d’yPV, Yersinia n’a pas encore produit son
monstre : pestis. Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis existent toujours
comme microbes pathogènes. Ils sont à l’origine de gastro-entérites
bénignes chez les humains : ils se répandent par voie féco-orale, se
multiplient dans les intestins et provoquent des diarrhées avant d’être
finalement vaincus par le système immunitaire. Y. pestis a évolué à partir
d’Y. Pseudotuberculosis. La différenciation intervint il y a environ
55 000 ans par ajout et soustraction génétiques. Y. pestis a perdu environ
10 % des gènes d’Y. Pseudotuberculosis. L’épisode le plus important de
l’évolution a été l’acquisition d’un second plasmide létal appelé pPCP1. Il a
donc transformé un agent entérique moyennement pathogène en tueur.
pPCP1 produit une enzyme (le pla, activateur du plasminogène) qui fait
d’Y. pestis une force de destruction capable de pénétrer profondément dans
les tissus19.
Avec l’acquisition de pPCP1, Y. pestis a gagné le pouvoir d’infecter les
humains par le biais de gouttelettes aériennes à l’origine de la peste
pneumonique. La pathologie causée par Y. pestis se caractérise par une
fièvre aiguë, elle submerge tous les mécanismes de défense de l’organisme
en deux ou trois jours, et le taux de mortalité est proche de 100 %. Depuis
près de 55 000 ans, Y. pestis a la capacité de déclencher cette maladie
respiratoire si souvent fatale. Il est également possible qu’Y. pestis ait eu
très tôt le pouvoir de se répandre par la voie des piqûres d’ectoparasites,
comme les puces ; mais la bactérie ne possédait pas encore les outils
génétiques qui lui assurent de survivre dans l’intestin des puces, aussi une
infection de ce type était-elle probablement le résultat d’une « transmission
mécanique », le passage des germes par la trompe infectée servant à sucer
le sang, sur le mode d’une seringue sale. Mais l’ADN archéologique
récemment mis au jour sur des squelettes de l’âge du bronze dans le nord de
l’Eurasie laisse penser que d’une façon ou d’une autre nous partageons une
longue histoire avec la peste20.

Figure 29 Yersinia pestis. La bactérie la plus létale de toutes


(microscope électronique, Science)

Il faut admettre que l’épidémiologie de l’ancestral Y. pestis reste en partie


inconnue. Pour devenir un agent de la peste pandémique, un troisième
plasmide, le pMT1, a été à l’origine d’une transformation du gène (ymt) qui
code une protéine : la toxine murine. Son apport est indispensable : elle
protège le bacille dans l’intestin de la puce. Maintenant, la bactérie a le
pouvoir de créer un bio-film dans l’intestin de la puce et de s’y multiplier à
toute vitesse ; la digestion bloquée, les puces affamées à la recherche de
sang piquent à tort et à travers, régurgitant des bactéries dans les nouvelles
victimes. Cette adaptation génétique permet à Y. pestis d’utiliser bien plus
facilement des vecteurs arthropodes en se déplaçant d’hôte en hôte. Elle fait
de la bactérie une voyageuse d’une efficacité à toute épreuve. Y. pestis était
devenu une maladie véhiculée par les puces. On sait depuis longtemps qu’il
était bien adapté à la puce du rat oriental, Xenopsylla cheopis, même si au
cours de ces dernières années on a appris que la bactérie de la peste pouvait
infecter et bloquer l’intestin de plusieurs variétés de puces. En s’arrimant à
l’intérieur des insectes, Y. pestis devient un tueur en série. La transmission
par piqûre joue un rôle essentiel dans la pathologie la plus caractéristique de
la peste bubonique : l’inflammation des ganglions, les bubons. La
pénétration au travers du derme, plus que l’inhalation de gouttelettes
infectées, provoque l’invasion des ganglions et le développement des
bubons21.
Le moderne Y. pestis a évolué très peu de temps avant 951 av. J.-C. On
l’apprend grâce à un génome recueilli dans les restes archéologiques d’une
victime de cette époque qui a révélé la présence des trois plasmides avec les
gènes indispensables à l’éclosion de la maladie. En tant que maladie des
rongeurs et des puces qui se répand occasionnellement chez les humains,
Y. pestis est un nouveau-né de l’évolution. Mais c’est certainement un
enfant terrible !
Les génomes de l’Y. Pestis moderne ont été étudiés en détail et la
distribution des variations génétiques dans l’espèce autour du globe nous
livre des indices sur son histoire. Les souches les plus basiques et diverses
d’Y. Pestis se trouvent en Asie centrale et il est quasiment certain que les
événements génétiques qui ont mené à l’Y. pestis moderne ont eu lieu dans
cette région. Sur la base des données génétiques en notre possession, le
plateau du Tibet-Qinghai en Chine pourrait être le foyer ancestral du bacille
de la peste. Pendant la plus grande partie de son histoire, Y. pestis s’est
confiné dans une phase dite de maintenance, ne subsistant dans la nature
qu’en se transmettant chez des hôtes sauvages. Y. pestis peut certainement
infecter n’importe quel mammifère mais les rongeurs sont sa cible
d’élection. Y. pestis prospère chez les rongeurs du type marmottes et
gerbilles locataires de terriers collectifs. Leur mode de vie favorise la
transmission par les puces. La grande gerbille d’Asie centrale et la
marmotte d’Asie semblent bénéficier d’une résistance partielle à la maladie,
ce qui aide Y. pestis à se maintenir sur de longues périodes. Grâce à ses
capacités d’adaptation, Y. pestis n’a jamais dépendu d’un seul hôte22.

Tableau 10 L’évolution d’un monstre

Yersinia ancestrale Y. pseudotuberculosis Y. pestis ancien Y. pestis moderne


Il y a environ 55 000 ans Il y a environ 3 000 ans
Non pathogène Entérites bénignes Pneumonique Pneumonique/bubonique
pPV (à l’origine de pPCP1 (à l’origine de pla)pMT1 (à l’origine de ymt)
T3SS)
Combat les défenses Envahit de manièreSurvit dans l’intestin des
immunitaires génériques agressive et détruit lespuces
tissus

Pendant trois mille ans, l’Y. pestis moderne a été une maladie enzootique
des rongeurs tapis dans des terriers en Asie centrale. Il a probablement eu
une vie plus tumultueuse que tout ce que nous ne saurons jamais. Sa faculté
de voyager grâce aux puces lui a permis de se répandre depuis ses hôtes de
maintenance dans les mondes accueillants et instables des rongeurs. Les
périodes de recrudescence s’expliquent sans doute par la découverte de
nouveaux hôtes où le germe peut brièvement exploser. Le rat noir, ou rat
des bateaux, Rattus rattus, semble pour des raisons inconnues bien adapté
pour faciliter les recrudescences. Ses habitudes, son caractère et son
immense population ont fait de lui à la fois une victime sans défense et un
agent involontaire de la propagation de la bactérie. Ce n’est pas un réservoir
permanent idéal pour la peste, mais il a eu une importance majeure pour
faciliter les pandémies de peste humaine. Le rat noir est inséparable de
l’histoire de la peste telle que nous la connaissons23.
Les rats noirs sont des commensaux ; ils aiment vivre à proximité des
humains avec une prédilection pour la nourriture et les logements que nous
leur fournissons à notre insu. Ils sont omnivores mais avec de fortes
préférences, par exemple pour les céréales. Leur longue queue en fait
d’habiles grimpeurs. Ils vivent souvent au-dessus du sol. Et Rattus rattus
aime voyager. Du coup, on l’appelle aussi le rat des bateaux car il colonise
de manière systématique les navires et s’engraisse sur le ravitaillement des
marins. Le rat noir ne franchit pas lui-même de longues distances ; il est
territorial. Prolifique, il s’accouple toute l’année et les femelles peuvent
donner naissance à cinq petits tous les ans ; la gestation dure entre trois et
quatre semaines et les nouveau-nés atteignent leur maturité sexuelle au bout
de trois à cinq mois. La nourriture disponible est généralement le facteur
limitant la taille de la population, qui a un potentiel de croissance
démographique explosif. Ses prédateurs – chats, chouettes et autres
animaux carnivores – sont un moyen de contrôle limité. Quand la nourriture
est abondante, les rats noirs prolifèrent24.
Leur vie est gâchée par de petites puces qui ont élu domicile dans leur
fourrure et se nourrissent de leur sang, Xenopsylla cheopis, la puce du rat
oriental. Lors d’une période de recrudescence de la peste, la puce est le
premier vecteur d’Y. pestis, que le parasite ingère à partir de rats infectés et
transmet aux autres. Le système immunitaire exceptionnel des rats noirs
entre en action, mais cela ne fait que donner libre cours à la bactérie pour se
concentrer dans le sang avant que sa victime ne succombe. Comme la
population de rats diminue, des puces affamées à la recherche désespérée de
sang consentent in fine à se nourrir sur les humains. Une épidémie de peste
humaine a donc lieu en deux étapes. Premièrement, Y. pestis doit passer de
son réservoir sauvage enzootique et adopter un hôte qui se déplace. Puis, il
passe des rongeurs commensaux aux humains. L’épidémie humaine est un
effet secondaire d’un événement épizootique qui concerne d’abord les
rongeurs25.
C’est, en tout cas, le modèle classique. Pendant des décennies, il a été
mis en cause de multiples façons. Au niveau le plus fondamental, l’identité
de l’agent pathogène de la peste noire a fait l’objet d’une controverse
passionnée. L’argument principal qui a semé le doute est que la pandémie
médiévale a été tout simplement trop importante et trop explosive pour être
une maladie dépendante des rongeurs et des puces. L’étude de l’ADN a mis
un terme au débat sur l’identité de l’agent pathogène mais des questions
épidémiologiques ne sont pas encore résolues. Il y a un débat en cours sur la
possibilité que la bactérie puisse emprunter d’autres chemins au cours d’une
pandémie. Certains d’entre eux – comme la transmission par d’autres
ectoparasites comme la puce de l’homme ou le pou – auraient dépassé les
rats ; cette hypothèse a gagné en plausibilité quand la diffusion de la peste a
franchi certaines limites initiales. La puce humaine, Pulex irritans, semble
de plus en plus un complice de choix, et ce mode de transmission pourrait
venir compléter le modèle « classique »26.

Figure 30 Modèle classique du cycle de la peste


D’autres routes de transmission – comme des niveaux significatifs de
contagion directe de la forme pneumonique entre humains – continuent
d’exciter l’intérêt pour expliquer les pouvoirs de propagation de la peste. La
bactérie de la peste est capable de piéger un large éventail de rongeurs et
d’autres mammifères. On n’exclura pas de la liste d’autres petits
mammifères, comme les lagomorphes (les lapins ou les lièvres, par
exemple) : ils ont peut-être été sous-estimés. Ils pourraient avoir été des
liens discrets dans la chaîne explosive de la pandémie de peste. Même si
nous devons souligner la centralité de Rattus rattus et de la puce du rat
oriental comme principaux vecteurs de transmission durant les pandémies,
Y. pestis n’aurait-il pas, en outre, tiré avantage de ses capacités d’adaptation
en se propageant grâce à d’autres mammifères et parasites humains au cours
des grandes explosions ? La pandémie était la supernova des germes27.
Avant que la peste ne puisse devenir pandémique, une plate-forme
écologique faite d’éléments entremêlés devait être en place. La colonisation
de l’Occident par le rat noir était un prérequis. Les rats n’ont pas vécu dans
les territoires dominés par Rome depuis des temps immémoriaux. Le rat
noir est natif de l’Asie du Sud-Est et il a gagné l’Occident dans un passé
récent. C’est un envahisseur et sa grande poussée finale vers l’Ouest a
grandement été accélérée sous l’Empire romain. Selon les mots de Michael
McCormick, « la diffusion du rat au travers de l’Europe semble de plus en
plus être partie intégrante de la conquête romaine ».
Les restes les plus anciens des rats noirs de la Méditerranée occidentale
datent du IIe siècle av. J.-C., donc de la fin de la République. On avait
tendance à douter que le petit mammifère ait assez proliféré à l’époque de
Justinien pour être responsable de la première pandémie, mais il y a déjà
cinquante ans McCormick a montré qu’il avait avancé d’une manière
jusque-là ignorée ; même si les ossements de rats passent facilement
inaperçus aux yeux des archéologues, les années qui ont suivi ont apporté
des éléments nouveaux concernant la carte d’implantation de ce rongeur
dans l’Empire. En Angleterre, le rat noir a, par exemple, suivi la conquête
romaine. Il a pénétré en profondeur dans les campagnes. La dépendance du
système impérial au transport et au stockage de céréales a fait du monde
romain un paradis pour lui. Du point de vue de leur alimentation, l’Empire
romain a été une aubaine pour les rats28.
L’Empire romain a préparé le paysage écologique pour la pandémie.
Nous devons remarquer un détail aussi petit qu’étrange. Les Grecs et les
Romains n’ont pas été totalement préservés de la peste bubonique avant son
éruption sous Justinien. Elle est absente du premier corpus des écrits
médicaux hippocratiques. Mais Rufus d’Éphèse, un auteur de la fin du
Ier siècle, connaissait les « bubons pestilentiels ». Il cite d’autres autorités
qui avaient, avant lui, observé des explosions de peste en Libye, Syrie et
Égypte. L’un de ses contemporains, Arétée de Cappadoce, signale aussi, en
passant, des bubons pestilentiels. Mais cela a dû rester au niveau local ou
être des expressions limitées de la maladie. Galien, avec son immense
expérience et sa connaissance clinique, n’a manifesté aucune familiarité
avec la peste bubonique. En revanche, Oribase, un médecin du IVe siècle
auteur d’une encyclopédie médicale tentaculaire, cite Rufus sur ce point.
Mais, dans son manuel plus succinct de pratique médicale, la peste n’est pas
évoquée. Ce n’était pas un savoir issu de la pratique29.
La peste aurait-elle frappé aux portes de l’Empire avant le règne de
Justinien, avant le temps des pandémies ? Avant le VIe siècle, les
circonstances n’étaient pas réunies pour le grand événement. Une
combinaison de facteurs génétiques et écologiques empêchait toute
explosion pandémique. Il vaut mieux envisager la possibilité qu’une toute
petite modification génétique ait été l’étincelle qui a mis le feu à la plaine.
L’ADN d’Y. pestis décelé sur les victimes de l’âge de bronze récent
disposait déjà de toutes les évolutions génétiques nécessaires. Mais un
facteur essentiel de virulence dans la protéine pla, dépendant du plasmide
pPCP1, ne possédait pas encore la minuscule option indispensable à
l’expression de tout son potentiel létal. Quelque temps avant l’explosion
justinienne, il y a eu une mutation de l’acide aminé 259. Dans les tests de
laboratoire, cette infime substitution transforme une bactérie dangereuse en
une bactérie effroyable. Cette mutation, ou une autre du même type,
pourrait expliquer le nouveau caractère explosif de la bactérie. Au VIe siècle,
les caractéristiques génétiques d’Y. pestis en ont fait l’agent virulent et le
vecteur des grandes pandémies30.
Au VIe siècle, toutes les conditions génétiques et écologiques étaient ainsi
réunies et de l’étincelle on irait à la conflagration. La diffusion du rat noir et
le système de connections dans l’Empire ont formé l’infrastructure de
l’extension létale d’Y. pestis à une échelle pandémique. Y. pestis ne
rencontrait plus qu’un obstacle : il allait voyager depuis l’Est. La souche
d’Y. pestis qui a été au départ de la première pandémie divergeait de l’un de
ses ancêtres des hautes terres de l’ouest de la Chine. Le parent le plus
proche de la lignée d’Y. pestis qui s’est répandu au VIe siècle a été trouvé
dans les marmottes grises et les sousliks de Parry (une variété d’écureuils)
de la région du Xinjiang. Y. pestis est une calamité venue de l’Est. Selon les
mots de Monica Green : « Tous les récits de l’histoire de la peste doivent
être connectés à cette origine31. »
Carte 17 Carte des rats sous l’Empire romain

La peste pourrait avoir gagné l’Ouest par de multiples chemins. Mais,


grâce aux données contemporaines, nous avons un indice sans ambiguïté
sur l’itinéraire choisi. La maladie est d’abord apparue à Péluse, sur les rives
sud de l’Empire, à l’extrémité nord-est du delta du Nil. C’est seulement en
combinant les témoignages moléculaires et humains que nous pouvons
retracer le chemin choisi par un agent pathogène émergent qui s’apprêtait à
provoquer une pandémie aux dimensions de catastrophe.
Le contexte global : le monde de Cosmas
Dans sa Topographie chrétienne, Cosmas Indocopleustès, un marchand
du VIe siècle, épouse la croyance des philosophes brahmanes d’Inde : si on
trace une ligne droite de la Chine jusqu’à Rome, elle traverse la Perse et
divise le monde. Du point de vue de Cosmas, le « pays de la soie » était à
l’autre extrémité de la Terre, « au-delà de la lointaine Inde ». La route la
plus courte était terrestre, au travers de la Perse. « C’est pourquoi on trouve
toujours de la soie en abondance en Perse. » Mais, pour Cosmas, le chemin
le plus familier vers l’Est passait clairement par la mer. La Chine était
« dans la direction gauche pour ceux qui pénétraient dans l’océan Indien »,
une fois passé le golfe Persique, au-delà de la « Taprobane », l’actuel Sri
Lanka. Cosmas savait que le commerce de la soie obligeait les hommes à
voyager jusqu’aux « confins de la Terre ». Au VIe siècle, les extrémités de la
Terre ne faisaient qu’un avec les fils de soie32.
« Cosmas Indocopleustès » signifie « Cosmas le Voyageur en Inde ». Ce
n’était pas son vrai nom. S’est-il jamais rendu en Inde ? Les copistes
médiévaux ont souvent attribué ce nom à un auteur qui se désignait
beaucoup plus simplement comme « un chrétien ». Plus important, l’Inde
dans l’Antiquité tardive était une notion bien plus large qu’aujourd’hui. Elle
faisait référence en bloc et en désordre aux territoires bordant l’océan
Indien de l’Éthiopie à l’Inde proprement dite. Tout ce que l’on sait sur
Cosmas provient de ses propres écrits. C’était un marchand d’Alexandrie
qui faisait du commerce dans la mer Rouge ; il avait voyagé au loin. Il
prétend avoir navigué sur trois mers – Méditerranée, mer Rouge et golfe
Persique. Il s’était certainement rendu en Éthiopie, où il a transcrit une
inscription pour nous historique et vu un rhinocéros sauvage. Cosmas était
scrupuleux, honnête, et il ne prétend en aucune façon avoir traversé le sous-
continent. Mais sa Topographie chrétienne est l’un des premiers
témoignages sur un océan Indien interconnecté au cours de l’Antiquité
tardive33.
Après son ralentissement au IIIe siècle, le commerce romain dans la mer
Rouge et l’océan Indien a connu un rebond sous l’Antiquité tardive.
Bérénice est resté un entrepôt florissant. Les ports jumeaux à l’extrémité
nord de la mer Rouge – Clysma (Suez) et Aila – auraient gagné en
importance. L’extrémité sud de la mer Rouge, des deux côtés du détroit à
Bab-el-Mandab, était une zone propice aux tensions géopolitiques. Le
puissant royaume axumite d’Éthiopie rivalisait avec les royaumes du sud de
l’Arabie. Le contraste entre, d’un côté, la demande romaine de
marchandises et, de l’autre, la faiblesse du pouvoir romain était une donnée
objective pour les marchands dans l’océan Indien. Les Romains pouvaient
difficilement contrôler la mer Rouge, leur arrière-cour maritime. La
projection de leur puissance plus loin dans l’océan n’était tout simplement
pas dans leurs moyens. Comme Cosmas le raconte avec candeur, le
commerce dans la mer Rouge connectait les Romains à une véritable mafia
faite de marchands aventuriers et de petits potentats. Les Romains étaient
certains de leur supériorité culturelle mais cela ne leur accordait aucune
prise sur la situation. Cosmas décrit une zone maritime d’échanges partagée
entre Grecs, Éthiopiens, Arabes, Perses et Indiens34.
La Topographie chrétienne rassemble des informations pratiques sur les
déplacements des personnes, des dieux et des idées. Le poivre et la soie
étaient des articles avant tout précieux. Le commerce des épices restait une
grosse affaire dans l’Antiquité tardive. Nous savons par accident que la
donation faite par Constantin à l’église Saint-Pierre de Rome incluait un
don annuel de 755 livres de poivre. Le remarquable onzième livre de La
Topographie chrétienne contient même des croquis approximatifs de l’arbre
à poivre35.
À côté du commerce des épices, la soie était devenue une grosse affaire
dans l’Antiquité tardive et synonyme de Chine, un pays qui protégeait
jalousement les secrets des lépidoptères qui la produisaient. Les Romains
ont importé ce tissu par voie de terre et par les mers du Sud. L’État était un
consommateur important mais la demande aristocratique et ecclésiastique a
également stimulé le marché privé. L’importance du commerce de la soie se
traduit dans son importance politique. Aucune autre marchandise n’a eu un
tel poids géopolitique dans l’histoire romaine. Durant l’Antiquité tardive,
son commerce en était globalisé. Les Perses l’ont utilisé comme un levier.
Justinien a activement cherché à le contrôler ou le circonscrire. À la fin de
son règne, des moines chrétiens d’Inde qui avaient « passé beaucoup de
temps dans un pays situé très loin au nord des nations d’Inde, du nom de
“Serinde” [c’est-à-dire Chine] » offrirent de trahir les secrets de sa
production et de passer en contrebande des œufs non éclos de vers à soie
depuis l’Est. Ils furent envoyés en Chine et revinrent, et « depuis ce temps-
là, la soie a été produite sur les territoires des Romains ». Une analyse
chimique de la soie byzantine serait opportune pour savoir si cette opération
d’espionnage industriel a vraiment été un succès36.
À la soie et au poivre, ajoutons tout un ensemble de marchandises qui
remplissaient les cargos dans leur traversée de l’océan. De l’ivoire et des
aromates, de l’aloès, des clous de girofle, du bois de santal, de l’or et des
esclaves faisaient aussi partie des échanges commerciaux dont parle
Cosmas. Les esclaves n’étaient pas une marchandise négligeable. Le
projecteur a rarement été porté sur ce commerce dans les histoires modernes
des échanges, mais Cosmas assume simplement que la « plupart des
esclaves » importés dans l’Empire romain venaient d’Éthiopie. Et, de
manière plus éthérée, ce sont aussi les idées qui voyageaient sur mer. Les
chrétiens – beaucoup étaient originaires de Perse – s’acquittaient avec
succès de missions dans tout l’Est. Les formes indiennes de philosophie et
d’ascétisme continuaient à fasciner. La légende d’une Inde peuplée de sages
d’un autre monde se répandait en Occident37.
Figure 31 Arbres à poivre : croquis inséré dans les écrits
de Cosmas Indocopleustès (Florence, Biblioteca Medicea
Laurenziana, ms. Plut., 9.28, f. 269r. Reproduit avec l’autorisation
du MiBACT. Toute autre reproduction par n’importe quel procédé
est interdite)

L’envergure réelle de ce commerce nous échappe. Les Romains se sont


battus pour contrôler une île dans la mer Rouge où l’État avait installé un
péage sur les importations venues d’Inde. Les revenus qu’il en tirait
auraient été « massifs ». On a découvert des pièces de monnaie datant de
l’Empire romain tardif, entre le IVe siècle et le règne de Justinien, dispersées
un peu partout dans le sous-continent. Peut-être encore plus significative est
l’importance soudaine prise par le théâtre de la mer Rouge dans l’alternance
d’épisodes de guerre froide et d’affrontements directs entre les Romains et
la Perse. Au début du IVe siècle, le royaume axumite d’Éthiopie était
florissant. Le royaume himyarite du sud de l’Arabie s’était converti au
judaïsme – d’un type militant inhabituel. L’animosité religieuse revigorait
de vieilles rivalités et, en 525, les Axumites envahirent le royaume
himyarite avec le concours des Romains. Les grandes puissances furent
entraînées dans le conflit. Il ne s’écoula pas deux décennies sans que les
Éthiopiens et les Himyarites ne devinssent, respectivement, les clients des
Romains et des Perses. Une génération plus tard, Mohammed naissait dans
un monde que l’on juge aujourd’hui comme le « creuset de l’islam ».
Religion, politique et commerce s’entremêlaient pour rendre cette région
stratégiquement décisive. Les Romains voulaient à tout prix maintenir une
tête de pont stable au-delà de ces eaux38.
La demande de soie et d’épices rapprochait l’Est et l’Ouest. Les idées, les
animaux, la monnaie et les métaux franchissaient les mers avec les germes
dans leur sillage. En 541, un passager clandestin indésirable passait en
contrebande dans l’Empire. Aucun de ceux qui ont étudié soigneusement
les sources ne peut nier que la peste justinienne se manifesta d’abord en
Égypte. Notre principal témoin, Procope, souligne que Péluse a été son port
d’entrée. Jean d’Éphèse qui était à Alexandrie au même moment prétend
qu’elle venait « des régions au sud-est de l’Inde, de Koush, des Himyarites
et d’autres ». La propagation depuis Péluse – qui vient s’ajouter aux
données génétiques prouvant ses origines orientales – est la preuve d’une
traversée de l’océan Indien par la première pandémie de peste. Péluse, au
nord du port de Clysma, était le premier terminus du commerce de la mer
Rouge. Les navires en provenance d’Inde jetaient l’ancre dans le port de
cette ville, à faible distance de Clysma, que l’on atteignait soit en quelques
jours de voyage sur terre soit par une courte navigation le long du vieux
canal des Pharaons, recreusé par Trajan, connectant la cité au Nil juste au-
dessus de Péluse. La première pandémie débuta à cet endroit stratégique
précis entre l’Empire et le monde de l’océan Indien39.
Il fallut encore un coup du sort pour que la bactérie fasse sa grande entrée
dans le monde romain. Avec Y. pestis, les hautes terres asiatiques avaient
accouché d’un monstre. L’écologie de l’Empire reposait sur une
infrastructure propice aux pandémies. Le commerce de la soie était prêt à
assurer le transport du passager mortifère. Mais c’est le brutal changement
climatique qui a été le facteur final provoquant la déflagration. L’année 536
est connue sous le nom d’« année sans été ». C’était l’effrayant premier
spasme de ce que l’on sait aujourd’hui avoir été une série d’explosions
volcaniques inégalée au cours des trois derniers millénaires. À nouveau en
540-541, il y eut un hiver volcanique. Comme on le verra au prochain
chapitre, les années 530 et 540 ne furent pas seulement glaciales. Elles
furent les décennies les plus froides de la fin de l’Holocène. Le règne de
Justinien a été de la sorte pris en étau dans une vague de froid globale d’une
ampleur épique, telle qu’il ne s’en produit qu’une fois tous les mille ans40.

Carte 18 L’itinéraire d’Y. Pestis : de la Chine à Péluse

Le désordre climatique dans la période précédant la peste de Justinien est


comme un éclair aveuglant dont on imagine d’instinct qu’il doit être lié aux
événements qui se sont comme inexorablement succédé ensuite. On ne sait
pas exactement comment l’un a été la cause de l’autre. Une épidémie de
peste est une réaction en chaîne impliquant au moins cinq espèces
différentes. C’est un grand événement biologique avec un effet domino,
mobilisant la bactérie, l’hôte vivant dans la forêt (par exemple, les
marmottes), l’hôte assurant la recrudescence (le rat noir), le vecteur
arthropode (la puce du rat oriental), et nous-mêmes. Des changements
brutaux de température et des précipitations peuvent affecter les habitats,
les comportements et la physiologie de chaque organisme en cause. Encore
aujourd’hui, de légers changements climatiques laissent des traces visibles
sur les cycles de la peste dans les populations de rongeurs. Même en tenant
compte des petites variations annuelles, le climat a dicté l’ampleur de la
peste enzootique41.
Une chose est certaine : la relation entre climat et peste n’est pas simple
et linéaire. Comme avec de nombreux systèmes biologiques, elle est
marquée par des changements brutaux, des effets de seuil et un
opportunisme de tous les instants. Les années pluvieuses favorisent la
croissance de la végétation qui, à son tour, facilite l’expansion des
populations de rongeurs, dont un excès d’eau peut aussi noyer les terriers et
les obliger à chercher des lieux plus accueillants. L’explosion des
populations de rongeurs favorise la recherche de nouveaux habitats.
Aujourd’hui, il existe un lien étroit entre El Niño et l’explosion de peste en
Chine. Il est tout à fait probable que ce type de relations existait aussi dans
le passé de l’Holocène. Étant donné la forte corrélation entre le volcanisme
et El Niño, les éruptions des années 530, qui sait si elles n’ont pas poussé
les marmottes chinoises ou les gerbilles porteuses d’Y. pestis à se détourner
de leurs habitats souterrains habituels, déclenchant une épizootie qui se
communiqua aux rongeurs sur les routes maritimes vers l’Ouest. Somme
toute, le scénario le plus vraisemblable est que les nouvelles règles
climatiques du début du VIe siècle – alors dominé, comme on le verra au
prochain chapitre, par un régime négatif d’oscillation de l’Atlantique nord –
ont déversé davantage de pluies sur les pays où vivaient les espèces servant
de réservoirs ; la croissance de la végétation aurait provoqué une explosion
démographique des rongeurs habitant des terriers, et Y. pestis infecté de
nouvelles populations hôtes42.
Le climat régule aussi la peste en agissant sur les puces qui transportent
la bactérie d’un hôte à un autre. La sensibilité des puces à la température
ambiante est à l’origine du modèle saisonnier caractéristique de la peste. La
puce ne se reproduit que dans certaines limites de température. Et le
blocage fatal de sa digestion, qui l’amène à régurgiter du sang infecté, est
tout particulièrement affecté par des températures trop hautes ou trop
basses. Le résultat habituel est un cycle saisonnier spécifique à la peste.
L’épidémie se renforce momentanément au cours du printemps. Mais les
pics de chaleur en été peuvent soudainement étouffer l’épidémie. Dans
l’Inde du début du XXe siècle, la chaleur oppressante de la fin de l’été
réduisait l’incidence de la peste bubonique à presque rien. Le froid brutal
des années 530 et 540 pourrait avoir fourni à Y. pestis des occasions
géographiques inespérées. Des étés modérés auraient-ils ouvert les portes
d’un passage vers le Sud ? Les températures moyennes le long de la Côte
des épices chutent précisément dans l’intervalle favorable au cycle de la
peste43.
La séquence précise des événements qui a permis à la peste de s’évader
de ses repaires montagneux et d’explorer de nouvelles routes en traversant
les eaux du Sud, ne nous sera sans doute jamais totalement connue. Dans la
pénombre où nous sommes confinés, nous saisissons l’incroyable
contingence de ce moment crucial. L’alignement de l’histoire naturelle et de
l’histoire humaine pour aboutir à ce moment désarçonne l’habituelle
distinction entre hasard et structure. Ce qu’on peut dire, c’est que le germe
létal a trouvé sa voie, peut-être à un poil près, pour parasiter les rats de
l’Empire romain.
La race humaine près d’être annihilée
Procope et Jean appartenaient par toutes les fibres de leur être à l’époque
justinienne. Mais ils étaient aussi représentatifs de mondes culturels
totalement opposés contraints de coexister, non sans difficultés. Procope de
Césarée était traditionaliste jusqu’à la moelle. Juriste de formation, il était
entré dans le service impérial comme conseiller du fameux général
Bélisaire ; il a gravité dans son orbite pendant la première moitié du règne
de Justinien. Procope est l’auteur de la plus importante histoire du VIe siècle,
un classique qui rend compte de la haute politique. Il est également célèbre
pour sa très lubrique Histoire secrète, l’une des plus grandes provocations
dans toutes les annales de la littérature. La religion n’était pas de son goût.
Les querelles théologiques de son temps l’insupportaient. « Je considère
comme une sorte de stupidité folle de chercher la nature de Dieu, de
s’interroger sur ce qu’il est. Car je pense que les hommes ne peuvent pas
même comprendre correctement les affaires des hommes, et donc encore
moins la nature de Dieu. » Procope préférait se cantonner dans la sphère de
la culture grecque classique qui de propos délibéré se tenait à l’écart de ce
type de débats44.
On a du mal à croire qu’il était le contemporain de Jean d’Éphèse. Ce
sont précisément les conflits ecclésiaux que Procope au fond méprisait qui
l’ont passionné toute sa vie. Né en Amida, dans les zones frontalières, il
était de langue syriaque, et passa son enfance dans un monastère. Il devint
l’un des chefs du monophysisme, se livrant aux controverses théologiques
sans fin à propos de la nature du Christ qui tourmentaient l’Orient depuis
l’adoption des canons doctrinaux par le concile de Chalcédoine (451 apr. J.-
C.). Jean était arrivé à Constantinople en qualité d’exilé politique. L’homme
d’Église est surtout réputé comme l’auteur de l’Histoire ecclésiastique et
d’une riche collection de récits sur les saints orientaux, tels qu’il les avait
recueillis en syriaque, sa langue maternelle. Son univers était façonné par la
configuration de l’histoire biblique. Il n’avait aucun doute : tous les
événements qui affligeraient l’époque avaient été annoncés par les
Écritures45.
Procope et Jean sont un duo improbable. Ils sont liés à jamais par un
hasard : tous les deux ont été les spectateurs de la première vague de peste
bubonique qu’ils ont décrite dans leurs textes respectifs. Nous pouvons
donc voir le même événement sous deux perspectives différentes. Pour
Procope, cette peste « qui a presque balayé l’ensemble du genre humain »
était tout simplement indescriptible. Son compte rendu semble, comme
l’avait été celui de Thucydide avant lui, dépourvu de toute émotion devant
la pathologie de la maladie et le traumatisme social provoqué par la
mortalité de masse. Pour Jean, la peste était un châtiment. La colère de Dieu
s’est abattue sur la cité comme un « pressoir et a sans pitié foulé aux pieds
et pressé tous les habitants comme du bon raisin ». Les péchés du peuple,
surtout sa cupidité, avaient provoqué le massacre venu des cieux, « comme
un moissonneur récoltant le blé » qui « fauchait et jetait au sol un nombre
incalculable de personnes de tous les âges et de tous les rangs, toutes
ensemble »46.
Quand nous lisons ces anciens récits, à nous de faire preuve d’un
mélange de respect et de prudence. Notre connaissance de la biologie
d’Y. pestis est un avantage considérable et nous sommes en droit d’y
recourir. La biologie de la souche d’Y. pestis à l’origine de la pandémie était
très proche de celle de l’agent de la peste noire. Cette réalité impose
certaines attentes et certaines limites. Dans le même temps, la taille d’un
événement létal, en particulier à l’échelle d’une pandémie, est influencée
par les circonstances écologiques et sociales à l’arrière-fond de sa
propagation. Nous devons être attentifs à ces particularités et ouverts à
l’éventualité que nos témoins aient pu avoir une vision irréductible et
unique du comportement de l’agent pathogène dans un contexte historique
particulier. La peste justinienne n’est arrivée qu’une seule fois, et ils étaient
là.
Ne pas oublier qu’Y. pestis est un tueur versatile peut nous aider.
Beaucoup dépend des moyens de l’infection. Il y a deux voies principales :
l’inoculation par l’intermédiaire d’une piqûre de puce ou l’inhalation de
gouttelettes sous forme d’aérosol. La manifestation qui signe la maladie est
la peste bubonique, ainsi appelée à cause du gonflement douloureux des
ganglions, boubones en grec. Cette forme de la maladie est typique de la
piqûre de puce. La bactérie de la peste est injectée dans le derme où elle se
multiplie et noircit les tissus locaux. Le système lymphatique draine la
bactérie dans le ganglion le plus proche. Là, elle contourne la réaction
immunitaire et se reproduit de manière explosive. Les ganglions enflent. Le
lieu de la piqûre de puce détermine où les bubons se forment ; le cou, les
aisselles et tout particulièrement l’aine sont des sites de choix. Après trois à
cinq jours d’incubation, la victime présente les premiers symptômes. Le
cours de la maladie prend de trois à cinq autres jours. Fièvre, frissons, maux
de tête, malaise et délire surviennent rapidement. Les bubons grossissent
comme des oranges renflées ou ressemblent à des grappes pendant sur le
corps. Y. pestis submerge la réponse immunitaire de la victime et une
septicémie s’ensuit. Dans un monde sans infrastructures sanitaires
publiques ni antibiotiques, comment s’étonner d’un taux de mortalité
d’environ 80 %47 ?
Il y a des variations sur ce thème de l’infection par piqûre de puce. Dans
certains cas, la bactérie quitte la voie lymphatique et gagne directement le
système sanguin. Le patient développe alors une peste septicémique
primaire et le système immunitaire a très peu de temps pour esquisser
seulement la défense. C’est une situation terrifiante. Les victimes meurent
d’une septicémie généralisée avant même que les signes extérieurs de la
maladie deviennent visibles. On peut y succomber dans les heures qui
suivent l’infection initiale. Il est également possible qu’une infection qui
commence dans le système lymphatique passe dans le système circulatoire.
Quand la bactérie entre dans le flux sanguin à partir d’un ganglion infecté,
la victime développe une peste septicémique secondaire, ainsi appelée
parce qu’elle est la conséquence de l’infection primaire du système
lymphatique. Dans ce cas, la bactérie provoque une coagulation des
vaisseaux capillaires et de petites hémorragies prennent la forme de
pétéchies, des points de décoloration. Des vomissements de sang et une
diarrhée s’ensuivent. Dans cette phase de la maladie, la septicémie est
également étonnamment rapide et toujours fatale. Y a-t-il présence de
taches sur tout le corps ? Le décès se produit dans la journée48.
Il y a encore une autre évolution possible de la maladie après une piqûre
de puce. Dans le cas de la peste bubonique, la bactérie peut migrer du
système lymphatique vers les poumons. Cette pathologie, baptisée peste
pneumonique secondaire, se manifeste par un syndrome respiratoire.
Rapidement, le patient est secoué par une toux qui s’accompagne de
crachats de sang. La réponse hyperinflammatoire de l’organisme inonde les
poumons de liquide, bloquant la fonction respiratoire. La peste
pneumonique aurait été invariablement létale au cours de l’ancienne
pandémie49.
Y. pestis peut aussi voyager sous forme d’aérosols de gouttelettes. Si le
microbe s’installe dans la partie supérieure de l’appareil respiratoire, il est
libre de pénétrer dans le système lymphatique et d’entraîner une infection
bubonique. S’il est inhalé, on aura une peste pulmonaire primaire. La courte
phase d’incubation, deux à trois jours, est suivie d’une bronchopneumonie
avec fièvre, douleur dans le dos, et crachats sanglants. Le taux de mortalité
approche les 100 %. Les aérosols de gouttelettes infectées peuvent entraîner
chez les patients une peste pneumonique primaire ou secondaire.
L’importance de la contagion directe dans les différentes pandémies de
l’histoire n’est pas totalement claire. Ce n’était pas un mode de
contamination particulièrement efficient. L’infection pneumonique primaire
était selon toute probabilité plus complémentaire qu’originale50.
La bactérie peut frapper ses victimes par d’autres moyens. Elle peut être
ingérée (une bonne raison de ne pas manger de rongeurs dans les lieux où la
maladie est enzootique). Mais c’est à la piqûre de puce que revient le
principal mode de contamination dans les grandes pandémies.

Modes de contamination Chemin emprunté Expression de la maladie


Piqûre de puce Lymphe ► Ganglions Peste bubonique
Circulation sanguine Peste septicémique primaire
Lymphe ► Circulation sanguine Peste septicémique secondaire
Lymphe ► Poumons Peste pneumonique secondaire
Aérosol de gouttelettes Partie supérieure de l’appareil Peste bubonique
respiratoire Peste pneumonique primaire
Poumons

En 541, le branle-bas de la guerre entre les grandes puissances a soudain


semblé relégué au second plan devant l’arrivée d’une étrange nouvelle
mortalité. Cela a commencé au milieu de l’été, à Péluse. Même avant les
preuves scientifiques que fournit l’ADN, les empreintes d’Y. pestis étaient
partout. Selon Procope, le début de la maladie était marqué par une fièvre
moyenne mais persistante. Puis « un œdème des ganglions apparaissait ».
Le gonflement avait lieu principalement au niveau de l’aine, parfois des
aisselles, des oreilles ou des cuisses. Procope a noté que « dans certains cas
où les bubons devenaient particulièrement gros et libéraient du pus, les
patients guérissaient ». C’est une remarque clinique subtile. Dans la
dernière étape, les bubons peuvent suppurer et les patients peuvent survivre.
Procope a également observé un état de faiblesse permanent chez les
survivants, la nécrose des tissus sans doute à l’origine d’un handicap sans
remède. Pour Jean, le gonflement au niveau de l’aine était l’étrange
signature de cette peste. Il a remarqué que des animaux – y compris des
animaux sauvages – étaient frappés par la maladie. Il y avait « même des
rats avec des tumeurs protubérantes, frappés et condamnés51 ».
Quand les malades de la peste ne mouraient pas sur le coup, des
« vésicules noires » de la taille d’une lentille parsemaient tout le corps et la
mort suivait le même jour. Jean a également remarqué des taches sur les
mains. « Chez tous ceux chez qui elles sont apparues, au moment même où
c’était le cas, la mort survenait seulement au bout d’une heure ou deux,
même s’il peut aussi se produire que la victime ait un jour de délai. » Il
estimait que cela faisait partie du cours habituel de la maladie. De la même
manière, Procope remarque que lorsque les patients vomissaient du sang,
c’était un autre signe de mort imminente52.
La rapidité effroyable de l’infection septicémique primaire – au cours de
laquelle les bactéries se mêlent directement à la circulation sanguine – est
bien rapportée dans les écrits contemporains qui concluent à une mort quasi
instantanée. « Alors qu’ils se regardaient les uns les autres et se parlaient, ils
commencèrent à chanceler et à tomber n’importe où, dans les rues, chez
eux, sur les quais, sur les bateaux, dans les églises. Il peut arriver qu’une
personne assise à son travail d’artisan, tenant ses outils à la main et en
pleine besogne, se mette à chanceler sur le côté et que son âme s’envole53. »
Rien dans les témoignages qui ont surnagé ne suggère que la forme
pneumonique de la peste était dominante dans la première pandémie. Trop
faibles, les symptômes respiratoires, pour attirer l’attention ? Mais nos deux
spectateurs ont soigneusement chroniqué d’autres symptômes comme la
fièvre et le malaise, si bien que cette absence est significative. Et une
pathologie respiratoire grave n’aurait pu passer inaperçue en plein été.
D’autres indices vont dans le sens du choix du vecteur de la puce dans la
première pandémie. Selon Procope, les médecins et les soigneurs ne
couraient pas un plus grand risque que les autres. Ce sont les pauvres qui
décédaient les premiers. Comme on le verra plus loin, le cours
géographique et temporel de la propagation est en phase avec la
prédominance d’une contamination par piqûre de puce dans la diffusion
générale de la première vague. En bref, tout amène à conclure que la
pandémie de peste justinienne a été causée par une épizootie invisible
catastrophique, une apparition concernant d’abord les animaux dont les
humains ont été accidentellement victimes54.
Depuis Péluse, la contagion a emprunté deux voies, dont une vers l’ouest
jusqu’à Alexandrie. Toujours d’après Procope, c’est seulement ensuite que
l’ensemble de l’Égypte a été touché – une observation décisive excluant le
Nil comme véhicule de propagation de la peste dans l’Empire. La peste a
aussi pris le chemin de l’est jusqu’en Palestine. Par chance, Jean voyageait
alors vers l’est le long d’un arc d’Alexandrie à la Palestine, passant par la
Mésopotamie et l’Asie mineure. À la frontière de l’Égypte, il a visité une
ville dont les habitants avaient péri « en totalité, ne laissant [seulement] que
sept hommes et un petit garçon de dix ans ». Dans « toute la Palestine », les
villages comme les villes « étaient totalement dépeuplés ». La peste avait
gagné la Syrie et la Mésopotamie. Comme Jean traversait le cœur de l’Asie
mineure en route vers Constantinople, celle-ci suivait son convoi. « Jour
après jour nous aussi – comme tout le monde – frappons à la porte du
tombeau. » « Nous voyons des villages désolés et gémissants avec des corps
jonchant le sol, et personne pour les [inhumer]55. »
La peste s’est déplacée à deux vitesses : rapidement par la mer et plus
lentement par voie de terre. Aussi, la simple vue d’un bateau semait-elle la
terreur. Jean rapporte le spectacle horrible de « navires en plein milieu de la
mer dont les marins étaient soudain frappés par la colère de Dieu, ils
devenaient une tombe pour leur capitaine alors qu’ils continuaient à dériver
au gré des vagues transportant les corps de leurs occupants ». Les eaux
étaient hantées. « Beaucoup de gens ont aperçu des navires de bronze
fantomatiques occupés par des personnes à qui on semblait avoir coupé la
tête […] des personnes noires sans tête assises dans un bateau brillant et
avançant rapidement sur la mer, si bien que cette vision pouvait presque à
elle seule entraîner la mort de ceux qui l’avaient partagée. » Dans une
remarque plus clinique, Procope note que « la maladie se propage toujours
depuis les côtes et fait son chemin vers l’intérieur56 ».
Une fois infectés, les rats gagnaient la terre et la diffusion de la maladie
était favorisée par les voies de communication. Charrettes et chariots
transportaient des rongeurs en passagers clandestins le long des routes.
McCormick a montré l’importance des rivières comme voies efficaces de
propagation dans la Gaule du VIe siècle. Y. pestis se répand de manière
insidieuse : son mode de transmission dépend également des humains. Il
pouvait se répandre partout où les rats pouvaient aller. Procope remarque la
lenteur de la contamination dans chaque région atteinte. Elle « avançait
toujours par bonds. Ainsi semblait-elle progresser selon un plan défini à
l’avance : elle s’attardait pendant un certain temps à chaque endroit, juste le
temps nécessaire à ce que personne ne puisse balayer d’un revers de main
une chose qui aurait été sans importance, et, de là, elle se propageait dans
différentes directions jusqu’aux extrémités du monde habité, comme si elle
craignait qu’un coin caché de la Terre puisse lui échapper. Elle n’ignorait
aucune île, aucune grotte ou pic montagneux où quelqu’un vivait ». La
maladie se répandait dans les profondeurs des recoins des campagnes de
l’ancien monde57.
Le rythme des métastases était lié de manière indémêlable à la
progression de l’épizootie animale sous-jacente. Partout où il se répandait,
Y. pestis se diffusait d’abord en toute tranquillité dans les colonies de rats.
Quand une population de rats périssait, les puces luttaient désespérément
pour s’abreuver de sang. L’historien de la peste noire Ole Benedictow
estime que le cycle durait en moyenne deux semaines. Puis, les puces
affamées faisaient moins la fine bouche et se tournaient vers les humains,
parmi lesquels l’épidémie commençait. Quand la maladie a éclaté à
Marseille, l’évêque gaulois Grégoire de Tours a rapporté l’arrivée
d’Espagne d’un navire porteur de la peste qui tua aussitôt une famille de
huit personnes. Puis, il y eut un temps mort, que l’on peut identifier comme
le temps épizootique de mise à feu de la bombe, après quoi la peste
humaine a explosé. « Comme un champ de blé incendié, la ville fut soudain
enflammée par la pestilence. » Deux mois plus tard, la peste s’éteignit,
peut-être à cause des températures estivales plus élevées. Croyant que tout
allait bien, les habitants revinrent. Mais le fléau n’avait pas dit son dernier
mot58.
Inévitablement, les conditions de vie précaires des pauvres les mettaient
au contact rapproché des rongeurs. Au cours de la peste noire, ils furent en
première ligne, mais finalement les riches furent aussi touchés. Au cours de
la peste de Justinien, la maladie s’empressa d’« assaillir la classe des
mendiants, qui vivaient dans les rues ». Le carnage fut, en fin de compte,
sans frontière sociale. La maladie s’abattit « sur les maisons grandes ou
petites, belles et désirables, qui devenaient en un rien de temps des tombes
pour leurs habitants, les serviteurs et les maîtres tombaient morts au même
moment, pourrissaient ensemble ». « Les gens diffèrent entre eux selon les
endroits où ils vivent, les coutumes qui gouvernent leur vie, leur
personnalité, leur profession et bien d’autres choses, mais rien ne fait la
moindre différence quand il s’agit de cette maladie – et seulement de cette
maladie59. »
Depuis Alexandrie, Y. pestis a avancé sans désemparer. Si le commerce
des céréales était la circulation sanguine de l’Empire, Alexandrie était son
cœur vivant. Une fois la pestilence en ville, les prophéties de fin du monde
gagnèrent au-delà les mers. On a eu peur de la peste à Constantinople avant
même qu’elle ne pointe. « Son arrivée était connue par les rumeurs venues
de toutes parts depuis un ou deux ans ; c’est seulement alors qu’elle a
atteint la cité. » Il semble probable qu’un navire d’État ait bravé la tempête
hivernale pour apporter jusque dans la capitale la nouvelle de sa présence
qui se manifesta à Constantinople fin février 542. La plus ancienne
notification proprement dite que nous possédions est un édit promulgué par
Justinien. La guilde des banquiers réclamait des mesures d’urgence pour
sécuriser les dettes devant une mortalité de masse. « Le danger de la mort a
gagné tous les lieux, et il n’est pas nécessaire pour chacun d’entendre les
témoignages des uns ou des autres […] quand tant de choses inattendues
sont arrivées, comme jamais il n’y en a eu dans le passé. » C’était le
1er mars 542. Et le pire était encore à venir60.
La première apparition de la peste à Constantinople a duré quatre mois.
Procope comme Jean étaient sur le terrain. Leurs témoignages, depuis des
univers mentaux opposés, sont incroyablement convergents. Les premiers à
succomber furent les sans-domicile fixe. Le taux de mortalité commença à
augmenter. « Au début, seulement quelques personnes en plus moururent
par rapport au taux habituel mais bientôt ce taux atteignit les cinq mille par
jour, puis dix mille et plus encore. » Les décomptes faits par Jean sont
semblables. Le pic atteignit 5 000, puis 7 000, 12 000 et 16 000 morts
quotidiens. Au début, un semblant d’ordre public s’est maintenu. « Des
hommes se tenaient sur le port, aux intersections et aux portes pour compter
les morts. » Selon Jean, le décompte tragique continua jusqu’à 230 000. « À
partir de ce chiffre, les corps étaient emportés sans être comptés. » Jean
reconnaît que 300 000 morts représente une estimation basse. Un total
d’environ 250 000 ou 300 000 morts sur une population estimée à un demi-
million juste avant la catastrophe cadrerait bien avec les estimations les plus
prudentes de 50-60 % pour la peste noire61.
L’ordre social a chancelé puis s’est effondré. Tous les travaux se sont
arrêtés. Les marchés de détail furent fermés, et une étrange pénurie
alimentaire s’ensuivit. « Une véritable famine s’installa dans une cité qui
regorgeait néanmoins de richesses. » « Toute la ville se figea comme si elle
avait péri, si bien que l’arrivée de nourriture s’arrêta […] Elle disparut des
marchés. » On ne pouvait plus changer d’argent. Les ordures submergeaient
les rues. « Personne ne s’aventurait à l’extérieur sans avoir écrit son nom
sur une étiquette accrochée au cou ou au bras. » Le palais sombra. Son
armée de ministres fut réduite à quelques serviteurs. Justinien lui-même
contracta le mal. Il a eu la chance de faire partie des 20 % environ qui
survécurent à l’infection. Où était l’appareil d’État ? Invisible. « Toute cette
expérience peut être résumée en disant qu’il était devenu impossible de voir
quelqu’un dans [Constantinople] porter la chlamyde », le costume par
excellence de ceux qui symbolisaient l’ordre impérial62.
La ville fut bientôt submergée de cadavres. Dans un premier temps, les
familles s’entêtèrent à vouloir enterrer leurs défunts. Puis ce fut comme
tenter de se tenir debout dans un marécage. « La confusion a commencé à
se répandre partout et de toutes les manières. » Les rituels solennels et
même le contrôle de base de l’environnement furent oubliés. L’empereur
essayait au moins de faire évacuer les corps dans les rues. Procope comme
Jean expliquent en détail que l’empereur avait nommé son secrétaire
personnel, un homme du nom de Théodoros, pour affronter l’urgence. On
creusa des fosses dans les champs qui entouraient la cité. Puis, on les
remplissait. Les cadavres étaient amenés jusqu’aux quais sur des bâches
pour être transportés au travers du détroit. Selon Procope, les tours de
défense de Sykai débordaient de « tas » de cadavres. On doit à Jean une
description encore plus réaliste. Les cadavres étaient en quinconce, comme
« du foin empilé ». Les victimes « étaient piétinées et foulées aux pieds
comme des grappes de raisin […]. Le cadavre qui était foulé aux pieds
coulait immergé dans le pus de ceux du dessous ». Ce n’était pas du
voyeurisme mal placé. Quasiment au sens littéral, Jean pensait qu’il
assistait à la « vendange dans la grande cuve de la colère de Dieu », qui
était un signe de la fin des temps63.
Le témoignage sensible et sur le vif de l’explosion de peste à
Constantinople contraste avec le silence assourdissant qui a régné sur le
reste de l’Empire. Pourtant, nos informateurs insistent : la pandémie a
ravagé le « monde entier », redoublant de rage dans tout l’Empire et au-
delà, y compris chez les Perses et d’« autres Barbares ». Elle a balayé tout
l’Orient, dont « Koush » et le sud de l’Arabie ; elle a submergé la Palestine,
la Syrie, la Mésopotamie et l’Asie mineure. D’autres chroniques assurent
qu’elle a atteint les provinces danubiennes, l’Italie, l’Afrique du Nord, la
Gaule, l’Espagne et les îles Britanniques. Ces rapports sont privés de détails
comme une image décolorée. Impossible pourtant de les ignorer64.
Notre carte de la première pandémie est pleine de trous, malgré des
éclairs de lumière. Seul un regard bien entraîné peut trouver des indices
dispersés de l’épidémiologie de la première pandémie. Il faut se poser deux
questions qui ont leur importance. Premièrement, où la première pandémie
s’est-elle répandue, en termes de géographie physique et humaine ?
Deuxièmement, que s’est-il passé dans les zones gagnées par la peste ? La
biologie d’Y. pestis était sans conteste le facteur dominant mais pas
l’unique. Dans une certaine mesure, le cours de la maladie était sensible à
des facteurs humains, au contexte social et économique. En posant les
bonnes questions, on peut définir plus clairement les frontières entre ce que
nous savons et ce qui relève du risque spéculatif.
Les villes de la Méditerranée orientale ont été durement touchées.
Alexandrie fut « ruinée et désertée ». Les noms d’autres villes touchées
apparaissent dans les comptes rendus disparates, dont Jérusalem, Émèse
(70 km à l’intérieur des terres à vol d’oiseau), Antioche, Apamée, Myra et
Aphrodisias, liste relativement courte. Il n’y a pas de règle générale. La
plupart des cités d’Orient ont probablement été touchées mais la prudence
nous impose d’avouer notre ignorance. Serait-ce que la mortalité elle-même
a englouti la plupart des témoignages qui ont pu exister65 ?
Avant la peste de Justinien, le facteur limitant l’ampleur des anciennes
maladies était le mode de déplacement de l’agent pathogène. La plupart des
gens étaient protégés par la lenteur des anciens modes de voyage et de
communication. Même dans l’Empire romain interconnecté, la vie avançait
au rythme de moyens de transport non mécanisés. Si les villes étaient plus
vulnérables aux agents pathogènes transmissibles directement entre
humains comme le virus de la variole, le caractère dominant de la
démographie des campagnes atténuait l’impact de toute crise létale. Dans
les écrits des historiens modernes sur la peste de Justinien, on prétend un
peu vite que les dommages les plus graves se sont produits en ville. Mais
rien n’est plus susceptible de nous faire passer à côté de la violence secrète
de la bactérie responsable66.
Carte 19 L’itinéraire d’Y. Pestis : de Péluse à la pandémie

La peste était différente. Y. pestis ne dépendait pas d’une transmission


directe entre les victimes humaines. Elle ne se répandait pas non plus par
contamination environnementale. La densité de la population humaine est
en grande partie hors sujet, sauf quand elle est liée à la concentration de
rats. Les rongeurs vecteurs de la maladie pullulaient dans les campagnes
cultivées comme dans celles restées sauvages. Le réseau de commerce et de
communication a joué un rôle d’accélérateur, augmentant la vitesse de
propagation de la bactérie entre des colonies de rats éloignées. Y. pestis s’est
propagé sans repos dans le réseau serré et omniprésent des rongeurs.
Comme la pandémie pouvait aussi passer par d’autres petits mammifères et
parasites humains devenus vecteurs de transmission, sa capacité
d’adaptation a favorisé sa diffusion.
Lors de la première pandémie, Y. pestis s’est répandu sans rencontrer
d’obstacle dans les campagnes. Sa propagation implacable a défié tous les
pronostics. Plus de moissons ; et les grappes de raisins ont pourri sur pied.
En Méditerranée orientale, les tentacules de la pandémie ont atteint les
villages reculés. Le saint homme Théodore de Sykéon a contracté la peste
bubonique à l’âge de douze ans. La peste avait frappé son village situé sur
la route romaine traversant l’Anatolie centrale, à quelque 18 km de la
grande ville la plus proche. Un anachorète qui vivait au sommet d’une
colonne près d’Antioche a vu la pestilence balayer « tout le pays […]
chaque endroit du pays ». Elle a attaqué l’arrière-pays de Jérusalem. Une
inscription fait état de la peste bubonique à Zoraua, un village de
Transjordanie. Et en Égypte, à 40 km d’Alexandrie en amont sur le Nil, un
autre anachorète dans une cellule du « désert de Mendis » fut emporté à son
tour67.
En Occident, les preuves sont encore plus disparates. La peste a touché
l’Afrique du Nord, l’Espagne, l’Italie, la Gaule, la Germanie et la Bretagne.
Mais les routes de la propagation et la profondeur de la pénétration sont mal
connues. La maladie a « mis le feu » en Afrique. « La peste a commencé à
détruire les hommes et les femmes et le monde chancelant autour d’eux. »
Dans la péninsule Ibérique, « presque toute l’Espagne » a été gagnée par la
pestilence au cours de la première apparition. En Italie, un silence
angoissant s’est répandu sur tout le pays. Un seul rapport affirme que la
peste a éclaté dans la Péninsule. Pour la Gaule, et seulement pour elle, nous
sommes mieux informés. Le prolixe évêque Grégoire de Tours nous donne
des aperçus d’un monde qui n’a pas été épargné. Ce qu’il nous dit a une
valeur inestimable. Des rats infectés ont atteint les rives à Arles en 543. La
peste s’est propagée vers le nord, favorisée par le réseau de transports
fluviaux. La première apparition a épargné Clermont, en Auvergne, où
Grégoire était un jeune garçon. Mais elle a gagné le Nord jusqu’à Trèves et
Reims, paraissant même avoir traversé la Manche et atteint les limites ouest
de l’Europe en 544. Elle a gagné l’Irlande en 576 où elle est restée dans les
annales, mais la gravité du mal dans les îles est mal documentée avant
l’épisode majeur des années 66068.
La dégradation du système de communication en Occident pourrait avoir
paradoxalement ralenti la propagation du bacille. Mais ce type d’argument
n’est pas très convaincant. Le fait est que la peste est attestée partout où on
pouvait s’y attendre. Et la preuve la plus manifeste vient d’un lieu dont on
aurait pu penser qu’il était hors d’atteinte de la pandémie. Deux cimetières à
l’extérieur de Munich dans le sud de la Germanie, à Aschheim et
Alternerding, renferment les preuves paléo-moléculaires de la présence
d’Y. pestis. Le cimetière d’Aschheim a été utilisé entre les VIe et VIIe siècles.
Il servait à un village modeste de moins de cent habitants. La fréquence
inhabituelle des inhumations collectives, que l’on peut dater des décennies
du milieu du VIe siècle, fait peser une suspicion de crise létale. L’ADN
extrait des squelettes a prouvé sans équivoque que les victimes étaient
mortes après avoir été infectées par Y. pestis. La bête était là. Il est difficile
de surestimer les ramifications d’un fléau capable de parvenir jusqu’à un
village reculé niché à l’avant-poste en Occident. Si la peste a frappé ici, il
doit y avoir bien d’autres endroits qui ont été frappés dans les zones qui
restent à éclairer69.
Les miracles de l’analyse moléculaire pourraient continuer à nous libérer
de notre ignorance. D’autres fragments de matériel génétique sont
disponibles. On a trop longtemps répété que la peste justinienne n’avait pas
laissé de traces archéologiques sous la forme de fosses communes.
L’extraordinaire travail de McCormick atteste désormais que le contraire est
vrai. Dans une liste de quelque quatre-vingt-cinq fouilles archéologiques, il
a fait apparaître une émergence soudaine des fosses communes de nature à
être mise en relation avec la peste bubonique. La violence et d’autres
catastrophes naturelles ont sûrement joué un rôle dans les inhumations
multiples de l’Antiquité tardive. Mais la confirmation sans ambiguïté,
trouvée en Bavière, dicte la conclusion : Y. pestis a changé quelque chose
dans ce qu’il y a de plus intime et de plus immuable depuis les îles
Britanniques jusqu’aux frontières de la Palestine, à savoir la solennité des
enterrements. L’orbite suivie par la peste justinienne a été de grande
ampleur70.
Pour les contemporains de cette première pandémie, c’était une
incroyable nouvelle que d’apprendre qu’un peuple avait été épargné des
destructions de la peste. Les Maures, les Turcs et les Arabes habitant le
désert auraient été exemptés de la catastrophe globale. Un compte rendu
poétique de la peste en Afrique soulignait qu’elle avait annihilé les Romains
mais pas « affecté les dangereuses tribus ». Les Turcs eux-mêmes se
vantaient « que depuis le début des temps ils n’avaient jamais été témoins
d’une épidémie de peste ». Et le sens commun le mieux partagé a toujours
voulu que la peste évite le cœur de l’Arabie. « Ni La Mecque ni Médine
n’ont été touchées par les épidémies de peste qui ont éclaté partout ailleurs
au Proche-Orient. » Au VIIe siècle, Anastase du Sinaï, l’abbé du célèbre
monastère de Sainte-Catherine, s’avisait que les lieux « désertiques et
secs » habités par des non-croyants « n’ont jamais fait l’expérience de la
peste ». Les Maures, les Turcs et les habitants du centre de l’Arabie
partageaient tous un mode de vie nomade. L’explication écologique est
évidente : les formations sociales non sédentaires étaient protégées contre la
collusion létale rat-puce-peste71.
Carte 20 Géographie de la mortalité de masse (d’après
McCormick, 2015 et 2016)

La peste était un bandit de grand chemin opérant de nuit. En un instant,


elle mettait à bas les difficiles efforts collectifs de deux siècles de
croissance démographique. Le bilan des morts est hors d’atteinte. Jean
prétend que moins d’une personne sur mille a survécu. Cela dépasse toute
crédibilité. Dans son Histoire secrète, Procope prétend qu’environ la moitié
de la population est morte de la peste. « La peste a éclaté […] et emporté la
moitié » de la population totale et la « majorité des paysans ». « Au moins
autant de gens ont survécu que ceux qui ont péri, soit parce qu’ils n’ont pas
été infectés soit parce qu’ils ont guéri de leur infection. » Une pierre
tombale palestinienne prétend qu’un tiers de l’humanité a été éliminé au
cours d’une apparition plus tardive de la peste. Ce sont les seuls
témoignages explicites que l’on détient au sujet du taux de mortalité de la
première pandémie72.

Figure 32 Fosses communes par siècle (d’après McCormick, 2015


et 2016)

Les sociétés antiques étaient en majorité campagnardes. Environ 85 à


90 % de la population vivaient en dehors des villes. Ce qui distingue la
peste des pandémies précédentes, ce fut sa capacité à s’infiltrer dans les
zones rurales. La pandémie a du même coup été infiniment plus létale que
toutes les précédentes. Une fois la maladie devenue épidémique, la biologie
exceptionnelle du tueur Y. pestis a déterminé tout le reste. La peste n’établit
pas de discrimination, comme les auteurs anciens l’ont bien souligné.
Jeunes et vieux, femmes et hommes, riches et pauvres, tous succombaient.
Mais la mort a spécialement touché les plus fragiles. Même contre un
ennemi aussi formidable qu’Y. pestis, le statut biologique des uns et des
autres ne comptait pas pour rien. Les anomalies climatiques de grande
ampleur au cours des années précédant l’arrivée de la peste justinienne
avaient diminué les réserves alimentaires disponibles. L’environnement
insalubre du monde romain avait affaibli les habitants et amoindri leur
système immunitaire. Tous ces éléments convergent pour expliquer la
fragilité de la population romaine sur le point d’accueillir la première
pandémie. Elle a frappé un peuple affamé, et déjà en état de faiblesse73.
Carte 21 Écologie de la peste au Proche-Orient

Les estimations épouvantables et de plus en plus précises du taux de


mortalité provoqué par la peste noire au Moyen Âge n’ont pas été mises en
cause, sinon pour être réévaluées à la hausse. Quant à la documentation sur
la fin du Moyen Âge, elle est infiniment plus riche que celle dont nous
disposons pour l’Antiquité tardive et on peut tirer des leçons du taux de
mortalité reconstruit à partir d’une grande masse de données. En gros, les
historiens tiennent pour certain que « la peste noire a tué entre 40 et 60 %
de la population en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord au
milieu du XIVe siècle ». La mortalité n’a varié entre les différentes nations
que dans de faibles proportions. Les chiffres prudemment calculés par
Benedictow sont révélateurs74.

Région Taux de mortalité


Angleterre 62,5
France 60
Savoie 60
Languedoc/Forez 60
Provence 60
Italie 50-60
Piémont 52,5
Toscane 50-60
Espagne 60

Tout ce que nous savons à propos de la peste justinienne est en totale


cohérence avec l’hypothèse d’un inimaginable taux de mortalité de 50 %.
La peste a en un éclair bouleversé les rythmes immuables de la vie. Les
récoltes ont pourri sur pied. La nourriture est devenue rare. Puis, comme il
y avait moins de bouches à nourrir, elle est devenue plus abondante qu’à
l’accoutumée. Le prix du blé s’est effondré. Les salaires ont, au contraire,
augmenté. En 544, Justinien a décrété : « il est venu à notre connaissance
qu’après les corrections apportées par l’amour de Dieu pour l’humanité
[c’est-à-dire la peste], des hommes manipulateurs et intrigants et ceux qui
pratiquent différents métiers et ceux qui travaillent la terre, et même les
marins, qui auraient dû devenir meilleurs, font preuve de cupidité et exigent
le doublement ou le triplement des prix et des salaires contre l’ancienne
coutume ». Le système d’héritage était en pleine anarchie et, dans une
économie dépendante de réseaux développés de crédit, les banques se
désespéraient de recouvrir les prêts auprès des éventuels héritiers. À
l’exception des églises, toute activité de construction a cessé75.
L’État titubait. Justinien fit circuler des pièces de monnaie en or ne
respectant pas l’objectif sacré de 1/72e de livre. Ce fut la première
manipulation de la monnaie d’or depuis Constantin et elle a scandalisé les
mandarins. L’armée était déjà dangereusement surmenée et ses rangs étaient
maintenant clairsemés. La peste a marqué le début d’une crise fiscale et
militaire sans précédent. Au cours des générations suivantes, l’État romain
dut lutter pour mobiliser des troupes et, plus encore, pour les payer.
Justinien refusa de passer l’éponge sur les arriérés d’impôts dans les années
qui suivirent la catastrophe démographique, et il faudrait attendre 553 pour
qu’il y consente enfin. Il refusa d’alléger le poids des impôts, de sorte que
les survivants furent écrasés par la pression du fisc. Au milieu de son règne,
l’Empire avait sans doute le taux d’imposition le plus élevé qu’il y eût dans
toute l’histoire romaine. La critique du régime par Procope est fondée sur
cette rapacité fiscale. Dans le même temps, le programme de réformes
s’arrêta. Peter Sarris fait état de 142 édits et constitutions pris entre 533 et
542 (14,2 par an). Comme on le verra au prochain chapitre, il y a un lien
assez simple qui relie l’effondrement démographique à la faillite de
l’Empire d’Orient76.
Mais le choc de la première pandémie n’était qu’un début.
Deux siècles de mort : la pérennité de la peste
Une fois la première poussée de la maladie épuisée, Y. pestis déploya des
manœuvres de contournement. Alors qu’un virus comme celui de la variole
laisse sa marque dans le système immunitaire induisant une protection forte
et durable chez les survivants, la bactérie de la peste ne provoque
probablement qu’une immunité partielle et temporaire. La question n’est
pas entièrement résolue, en particulier dans le cas des pandémies
historiques. Au cours de la première, Évagre le Scolastique a rapporté que
certains de ceux qui avaient été infectés une fois ou même deux fois
mouraient lors de l’attaque suivante. On a des exemples semblables datant
de la peste noire. Le système immunitaire évolutif du corps humain devrait
conserver la mémoire – les lymphocytes B et T reconnaîtraient la bactérie
déjà combattue – et des études réalisées dans la Chine moderne ont montré
que les survivants de la peste possèdent bien une immunité acquise qui les
aide en cas de réinfection. Mais ce n’est pas une garantie d’invincibilité.
L’immunité acquise est davantage une arme supplémentaire dans une guerre
sans pitié et sur plusieurs fronts, qu’un bouclier impénétrable77.
La peste fait appel à un autre stratagème encore plus insidieux sur le long
terme. Un germe parasitant les humains comme celui de la variole manque
d’un réservoir animal où il pourrait se cacher entre deux épidémies. La
peste était plus patiente. Dans un paysage ravagé, la première vague
abandonnait derrière elle de petits réservoirs de bactéries. La peste se tapit
dans un grand nombre d’espèces de rongeurs. Les armes biologiques de la
peste – le fait qu’elle ne confère pas une forte immunité et qu’elle peut
trouver refuge dans des réservoirs animaux – ont permis à la première
pandémie de s’étirer sur deux siècles et de provoquer des recrudescences de
mortalité massive. Pour en prendre toute la mesure, il faut garder en tête
que la première pandémie n’a pas été un big-bang mais une série
d’explosions en chaîne étalées sur deux siècles.
Dans l’Europe médiévale, la pandémie de peste noire a duré quatre
siècles. On comprend mieux, depuis peu de temps, les raisons d’une si
longue persistance. Y. pestis est devenu enzootique en Occident : la peste
était capable de se maintenir dans des espèces commensales ou vivant à
l’écart des humains. La résurgence périodique de la peste n’était pas la
conséquence d’une réintroduction répétée d’un bacille depuis son foyer
d’origine en Asie centrale. Ici, les données les plus traditionnelles et les
plus récentes convergent. Ann Carmichael est l’auteur d’une remarquable
présentation d’un cas de peste enzootique dont le foyer d’origine est situé
sur les sommets alpins : la marmotte y est un hôte de choix. De nouvelles
données génétiques recueillies sur des victimes de la peste ont prouvé que
les agents bactériens des épidémies suivantes étaient les descendants en
ligne directe de ceux de la peste noire. Une fois introduit en Occident, ce
visiteur était là pour longtemps, avant de mystérieusement disparaître78.
La première pandémie a duré de 541 – date de l’arrivée d’Y. pestis – à
749, date de sa dernière funeste manifestation. Durant deux siècles, à
intervalles irréguliers, la peste a jailli de ses réservoirs, provoquant des
épidémies aussi violentes que soudaines. On considère traditionnellement
ces épidémies comme une série de « vagues ». Nous avons appris à nous
méfier de cette présentation. La recherche sur la première pandémie est
devenue prisonnière de cette métaphore. La première apparition a bien été
comme une vague, pénétrant de l’extérieur dans l’Empire et se déployant
selon un arc de plus en plus large, infestant les populations super-
abondantes de rongeurs jusqu’à atteindre l’océan tout à l’ouest. Puis, le
schéma s’est révélé plus complexe et asymétrique. Si l’on veut comprendre
l’écologie de sa persistance, il nous faut abandonner les vieilles
métaphores79.
Après sa première apparition, la peste n’avait plus besoin d’arriver de
l’extérieur. Le premier épisode avait laissé les semences d’une nouvelle
catastrophe sous les destructions. Pour les deux siècles suivants on doit
tenter de reconstituer les épisodes de recrudescence d’amplitudes variables
venant de cet intérieur même. On trouvera dans l’annexe A la liste des
trente-huit événements de ce type, dont certains sont certainement
interconnectés. Certains cas de recrudescence semblent être restés locaux et
transitoires, d’autres ont pris une grande ampleur. On ne sera sans doute
jamais capable de tracer la carte exhaustive du chemin emprunté par la
peste au cours de ces deux siècles. En revanche, il est aisé d’étudier
l’interaction entre la nature et la société pendant ces deux siècles de
tourmente. L’écologie de la persistance de la peste – sa vie cachée parmi les
animaux – détermine quand et où un nouvel épisode peut commencer.
Indépendamment de toute volonté, les configurations humaines changeantes
et la connectivité dictent de manière subtile la force explosive de chaque
nouvel épisode.
Constantinople a dominé la première période qui a succédé à la peste,
jusqu’en 620. De fortes recrudescences y ont été fréquentes. Les
connexions maritimes ont amplifié la force des épidémies. Le lieu du
réservoir de la peste reste dans l’obscurité. Les colonies de rats de
Constantinople pourraient avoir été les réceptacles d’incubation d’une
nouvelle épidémie même pendant les périodes de répit. Mais le plus
probable est que la peste ait été introduite depuis les provinces. Tout au long
du VIe siècle, Constantinople demeura le centre nerveux de la Méditerranée
orientale, allongeant des tentacules loin vers l’ouest. Un des résultats des
opérations de reconquête entrepris par Justinien a été que la Méditerranée
occidentale est restée liée au système de maladies propre à l’Orient. Les
recrudescences pourraient avoir eu pour origine n’importe quel lieu avant
de trouver le chemin de Constantinople ; la capitale était un relais où
convergeaient tous les germes de l’Empire ; elle était le moteur de la
propagation des métastases80.

Épidémies de peste à Constantinople (années)


542
558
573
586
599
619 ?
698
747

La première recrudescence se manifeste seize ans après la première


apparition qui avait ravagé la capitale. On a néanmoins le sentiment qu’elle
n’avait alors pas complètement disparu. « Elle ne s’est jamais vraiment
arrêtée, mais s’était simplement déplacée d’un endroit à l’autre, accordant
de cette manière comme un répit à ceux qui avaient survécu à ses ravages. »
Certains « tombèrent raides morts alors qu’ils vaquaient normalement à
leurs affaires chez eux, dans la rue, dans n’importe quel endroit où ils
étaient ». L’historien Agathias remarque que les hommes étaient plus
touchés que les femmes, peut-être parce que les populations de rongeurs
avaient pris leurs quartiers dans les zones commerciales et industrielles de
la capitale. Trois ans après cette attaque, la peste faisait une recrudescence
dans une région allant de l’est de l’Anatolie jusqu’au royaume perse, en
passant par la Syrie et la Mésopotamie. On ne sait pas s’il s’est agi d’une
extension de l’épidémie de la capitale ou d’une recrudescence dont le départ
serait un réservoir situé à l’Est. À nouveau, quinze ans plus tard, en 573-
574, une recrudescence interrégionale balaya l’Empire romain d’Orient.
Pour la troisième fois, la capitale fut frappée. Le nombre de morts quotidien
atteignit les 3 000. En 586, on prétendit qu’une pestilence avait tué
(hyperboliquement) 400 000 personnes dans la seule capitale, mais
l’épidémie n’est pas confirmée au-delà de Constantinople et pourrait donc
être restée un phénomène local81.
Vers 597, une épidémie éclata à Thessalonique et dans la campagne
avoisinante. On peut la suivre dans tous ses détails. La mortalité était si
considérable que les Avars – les Barbares ennemis qui s’étaient déplacés en
Europe de l’Est – décidèrent d’en tirer profit. L’année suivante, alors qu’ils
occupaient la Thrace, la peste fondit sur eux ; on dit que leur chef aurait
perdu sept fils en une seule journée ! Au cours de la saison suivante, en 600,
l’épidémie gagna Constantinople. La mortalité a atteint des niveaux
ubuesques. Un chroniqueur syriaque parle de 380 000 morts dans la
capitale. Une fois dans les murs, elle a semblé être partout. Elle a gagné la
Bithynie, l’Asie mineure et la Syrie par voie de terre. Elle s’est aussi
étendue vers l’ouest, affectant l’Adriatique, gagnant l’Afrique du Nord puis
la côte ouest de l’Italie avec à Rome les conséquences que l’on devine. Une
recrudescence qui pourrait avoir eu pour cause un réservoir sauvage
quelque part dans les montagnes des Balkans, et poursuivit son chemin
jusqu’à la cité impériale, embarquant à bord des navires jusqu’aux ports
situés de l’autre côté de la Méditerranée.
Mais cette épidémie était le dernier acte joué par Constantinople en tant
que moteur de dispersion. Entre 542 et 619, la peste a frappé la capitale en
moyenne toutes les 15,4 années. Ensuite, elle frappa deux fois en 128 ans,
ou une fois toutes les 64 années. Cette chute brutale a suivi l’effacement
grandissant de Constantinople en Méditerranée orientale. À partir du milieu
du VIIe siècle, la cité n’a plus joué qu’un rôle marginal et passif dans
l’épidémiologie de la pandémie82.
En Occident, les données restent encore aujourd’hui plus rares. Le début
du Moyen Âge a jeté un voile sur cette partie du monde. Il faut attendre que
la situation s’éclaircisse pour que nous puissions suivre le cours de la
pandémie dans ses grandes lignes. Ne pas exclure l’hypothèse que nous
soyons victimes de la maigreur de notre documentation. Pourtant, si les
rares données dont nous disposons sont fiables, alors, sur deux générations,
l’Occident est resté sous l’influence de Constantinople. La peste venue de
l’Est a été réintroduite de manière répétée par voie maritime. En foi de quoi,
on constate une accalmie dans la première partie du VIIe siècle. Finalement,
le dernier siècle de peste en Occident pourrait avoir eu pour origine un
foyer situé en Ibérie ou dans le monde islamique d’Al-Andalus.
Périodes de peste en Occident
Période byzantine : 542-600
Accalmie du VIIe siècle : 600-660
Période ibérique : 660-749

Le premier épisode de la peste justinienne a parcouru le monde jusqu’aux


rives de l’Atlantique. Ensuite, la peste est restée silencieuse en Occident
pendant plus de deux décennies. Puis des réintroductions répétées par voie
maritime ont été à l’origine d’une série de recrudescences. La première
résurgence a eu lieu entre 565 et 571 en Ligurie, une bande côtière sous le
contrôle des forces byzantines. Elle s’est ensuite propagée en Italie du
Nord, a franchi les Alpes et s’est étendue jusqu’aux anciennes frontières de
l’Empire romain. La description faite par l’historien Paul Diacre, quelque
deux siècles après les faits, ressemble à un témoignage sur le vif. « Alors
commençait à apparaître sur l’aine des hommes et dans d’autres endroits
fragiles un gonflement des glandes, comme une noix ou une date, suivi
d’une fièvre insupportable, si bien qu’après trois jours l’homme mourait. »
Les effets furent catastrophiques. « Il faut voir le monde ramené à son
antique silence ; pas de voix dans les champs ; pas de sifflements de bergers
[…]. La récolte, ayant dépassé la date de la moisson, attendait, intacte, le
faucheur […]. Les habitations s’étaient muées en refuges de bêtes
sauvages83. »
La recrudescence en Italie du Nord était liée à une résurgence de la
maladie en Gaule où elle sévit durement, au grand dam des régions comme
l’Auvergne qui avaient auparavant été épargnées. Lyon, Bourges, Chalon-
sur-Saône et Dijon eurent leur part. Du chemin emprunté se déduit
l’importance des moyens de communication fluviaux dans la propagation.
Les recrudescences pourraient ne pas avoir pénétré en profondeur au-delà
des rives des fleuves. Mais la pandémie continua à gronder en Gaule. Des
épisodes mineurs ont touché le Sud-Ouest en 582-584. En 588, l’épidémie
fut la contribution d’un navire venu d’Espagne qui accosta à Marseille. La
peste se répandit à la vitesse d’un feu de broussaille pendant deux mois.
Elle se propagea également à la vitesse de l’éclair le long du Rhône. Mais
rien ne dit qu’elle fut plus qu’un événement confiné dans le corridor du
Rhône84.

Carte 22 Recrudescences de la peste en Orient, 550-620

Deux fois durant la dernière décennie du VIe siècle, la peste connut un


regain en Occident. En 590-591, une épidémie – célèbre pour avoir eu lieu
sous le pontificat de Grégoire le Grand – frappa Rome. Selon le pape, une
grande partie de la population mourut. Ce n’était pas un événement local.
La peste atteignit au moins Narni, et par voie de terre ou de mer elle gagna
la côte est de l’Italie. Elle voyagea jusqu’en Gaule où, là encore, le réseau
de transports fluvial lui permit de remonter jusqu’à Avignon et Viviers.
Mais ensuite on n’a pas d’écho du mal dans la Gaule qui, dès la fin du
VIe siècle, était plutôt tournée vers le nord et non plus le sud. Son centre de
gravité s’était éloigné de la Méditerranée en direction d’un futur européen
plus continental. À court terme, cet isolement a joué le rôle d’une digue
biologique85.
La recrudescence de 599-600 a été la dernière en provenance de
Constantinople. Ce fut une catastrophe de grande ampleur en Occident,
dont ne furent exemptées ni l’Adriatique ni l’Afrique du Nord ni la rive
ouest de l’Italie, y compris Rome. Le pape Grégoire savait que la peste
venait de l’Est. Mais ce qu’il était incapable d’imaginer, c’est que la paix
était à portée de main. À partir de ce moment, la peste céda du terrain en
Occident, du moins si l’on en croit nos sources disparates. Une épitaphe en
latin gravée en 609, et trouvée à Cordoue, commémore une victime de la
maladie au début du VIIe siècle. C’est un témoignage isolé, auquel se réduit
le peu que nous connaissons. Il suggère aussi l’éventualité d’un foyer de
peste en Ibérie. C’est aussi le cas d’un thesaurus de sermons chrétiens de
Tolède, rédigé au VIIe siècle, à savoir un receuil d’homélies prêtes à servir
traitant du dilemme moral devant une épidémie de peste bubonique. Et
quand, à partir de la fin du VIe siècle, la peste pointa à nouveau son nez en
Occident, l’Ibérie était toujours au premier plan. L’Espagne est la seule
région d’Occident où l’on a assisté à des recrudescences de la peste sans
une introduction venue de l’extérieur par voie maritime86.
Si la peste a trouvé un réservoir enzootique en Ibérie, cela aurait
constitué un bon point de départ pour les deux recrudescences successives
dans les îles Britanniques en 664-666 et 684-687. La première, à l’époque
de Justinien, a atteint l’Atlantique, mais nous manquons d’informations
fiables sur sa traversée de la Manche. Des archéologues ont constaté que les
os de rat, après un pic à l’époque romaine, ont quasiment disparu aux VIe et
VIIe siècles. Cette absence est significative. Les normes des pratiques
archéologiques en Grande-Bretagne nous laissent supposer que l’absence de
données traduit un effondrement de la population de rats. La lenteur du
rétablissement des colonies commensales de rats, ici comme ailleurs, était
un obstacle à la propagation de la peste bubonique après la première
apparition. Quand vers 664 la peste bubonique a fait son retour en Bretagne
– d’abord dans le Kent –, elle pouvait provenir d’Ibérie. Une zone
d’échanges atlantique au début du Moyen Âge, mise en lumière par des
sources à la fois écrites et archéologiques, connectait l’Angleterre au
continent. Des germes auraient pu être la conséquence inattendue de ces
échanges à l’extrémité ouest du monde médiéval87.
On a toute raison de penser que la première pandémie a commencé en
Syrie. Du début à la fin des deux siècles qu’a duré la pandémie, ce pays a
été un foyer actif permanent de peste. Mais on prend le risque de ressembler
à celui qui cherche ses clés à la lumière d’un lampadaire… sous prétexte
que c’est le seul endroit éclairé ! La tradition des chroniques est une
ressource inestimable.

Recrudescences de la peste en Occident (années)

Italie Gaule Ibérie Bretagne


543 543 543 543
571 571
582-584
588
590 590
599
609
644-666
680
684-687
693
707-709
745

Mais les annales de Constantinople gardent également, comme aucun autre


document, la mémoire des événements qui ont eu pour théâtre la capitale.
La prééminence de la peste au Levant n’est pas un mirage. La Syrie a gagné
la réputation d’être un réservoir de la peste au cours de ces siècles. Les
données épigraphiques le confirment de leur côté. Et l’écologie y est
plausible. Le nord de la Syrie est apparu avec régularité comme une source
de recrudescence. Les colonies chrétiennes parsemaient la plaine et les
flancs des montagnes sur un arc allant de la vallée de l’Oronte jusqu’à la
Haute-Mésopotamie. La peste a souvent trouvé refuge chez les rongeurs qui
vivent en altitude dans des régions semi-arides. La magnifique étude de
Nükhet Varlık sur la peste noire dans l’Empire ottoman a bien montré
comment la maladie s’est focalisée sur des populations de rongeurs
précisément dans ces régions. Les hautes terres sèches de l’est de l’Anatolie
pourraient bien avoir été le point zéro de la perpétuation de la peste au
cours de la première pandémie88.
La peste a pu chercher des endroits où se cacher immédiatement en
Orient. En 561-562, la première récurrence a frappé la Cilicie, la Syrie, la
Mésopotamie et la Perse. On ignore si cette recrudescence était une
extension de l’épidémie qui avait affligé Constantinople en 558 ou un
événement indépendant. Une chronique mentionne une mortalité élevée en
Cilicie. L’épidémie pourrait avoir eu comme point de départ les monts
Taurus. Il y a certainement eu une recrudescence en 592 en Orient sans
rapport avec l’épidémie dans la capitale. Les grands événements de 599-600
ont été synchronisés dans toutes les régions, avant que le Levant et l’Empire
byzantin ne deviennent des zones distinctes. Les épidémies de peste ont été
récurrentes en Syrie, ne négligeant pas toujours la Palestine et la
Mésopotamie. Deux recrudescences – en 626-628 (la « peste de
Shirawayh ») et 638-639 (la « peste d’‘Amwas ») – ont laissé des traces
dans les sources des débuts de l’islam. La dernière a, en effet, été la
première rencontre musulmane avec le fléau. Après une génération, il a
connu des récurrences à une fréquence encore plus élevée en Syrie et en
Mésopotamie, jusqu’à la toute fin de la pandémie89.

Recrudescences de la peste en Orient (années)

Égypte Palestine Syrie Mésopotamie


543 543 543 543
561-562 561-562
573-574 573-574
592 592
599-600
626-628 626-628
638-639 638-639 638-639
670-671
672-673 672-673 672-673
687-689 687-689
689-690
698-700 698-700
704-706 704-706
713
714-715
718-719 718-719
725-726 725-726
729
732-735 732-735 732-735 732-735
743-749 743-749 743-749 743-749

De grande ampleur, certaines récurrences : les inscriptions de l’année 592


font référence à une mortalité qui aurait touché un tiers de l’univers.
D’autres épidémies ont été plus limitées ou plus locales. Clairement, le
Levant – un nœud de communications et une zone à la vitalité
impressionnante sur les frontières politiques et culturelles au cours de
l’Antiquité tardive – a multiplié les risques de généralisation de la peste à
proximité du cœur du monde musulman. La grande fréquence des
épidémies de peste pourrait avoir en partie masqué la gravité des derniers
épisodes. Le rétablissement des colonies de rongeurs pourrait avoir été
partiel et inégal. Mais la réalité de la maladie a été l’arrière-fond de l’essor
puis de la chute du califat des Omeyyades90.
Carte 23 Recrudescences de la peste en Orient, 620-750 apr. J.-C.

La première pandémie s’est terminée sur un final endiablé. La dernière


recrudescence, dans les années 740, a connu une expansion géographique
supérieure à toutes les épidémies consécutives à la première apparition. Elle
a commencé dans le califat et ses tentacules se sont étirées loin vers le sud.
D’Ifriqiya, elle a bondi en direction du nord, peut-être transportée par les
navires chargés d’esclaves qui naviguaient entre Carthage, la Sicile et
l’Italie, là où autrefois les flottes romaines aux cargaisons de blé
accostaient. La recrudescence de la peste à Rome, une première fois en
soixante-cinq ans, fut féroce. De là, elle prit la direction de l’est en suivant
la rive gauche de la Méditerranée. Elle atteignit Constantinople en 747. La
mort frappa à une telle échelle qu’une fois encore il fut impossible
d’enterrer toutes les victimes. L’empereur dut repeupler la cité en ayant
recours à une immigration forcée91.
Ce dernier épisode de la première pandémie suivait les contours d’une
nouvelle Méditerranée, celle du Moyen Âge. Avec l’itinéraire suivi par le
germe on prend la mesure de la distance parcourue depuis l’époque de
Justinien. Au milieu du VIIIe siècle, le rebond médiéval avait commencé. Un
ordre nouveau était en train de naître en Occident autour des rois
carolingiens ; ils allaient construire un nouvel empire – chrétien, celui-là.
Encore romain de nom, mais totalement européen de par sa genèse et ses
dimensions. On a assisté à d’étranges et difficiles connexions entre l’est et
l’ouest de la Méditerranée. L’histoire biologique n’est pas toujours bien
ordonnée. Pourtant, dans ce cas, il est très symbolique que la recrudescence
des années 740 ait été le point culminant de cette première pandémie. La
peste n’était pas destinée à être un acteur de la nouvelle Méditerranée
médiévale. Elle a disparu pendant des siècles, sagement camouflée dans les
lointaines montagnes d’Asie centrale92.
Le rejeton d’Y. pestis qui a migré dans l’Empire romain en 541 et causé
une telle catastrophe sur deux siècles était le point final d’un processus
évolutif. L’agent pathogène de la peste justinienne est le dernier rejeton
d’une branche éteinte. Sa disparition est aussi mystérieuse que son
apparition, elle-même peut-être encore plus insaisissable. Les dynamiques
cachées des populations de rongeurs et la force gigantesque du changement
climatique ont été à l’origine de la disparition de la peste. Il ne faut pas
sous-estimer le fait que le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive ait laissé
la place à un réchauffement au Haut-Moyen Âge quand la première
pandémie s’arrêta, même si l’on ignore le pourquoi et le comment. La
première ère de la peste a pris aussi soudainement et mystérieusement fin
qu’elle avait commencé93.
Vers la fin du monde
Comprendre des événements biologiques d’une pareille ampleur suppose
un effort qui ne cessera jamais. L’expansion d’Y. pestis a été un tournant
dans l’histoire de l’espèce humaine. On peut penser que jamais auparavant
l’humanité n’avait eu à affronter un ennemi aussi létal et diabolique. Les
deux grandes pandémies de peste qui ont ouvert et marqué la fin du Moyen
Âge ont été, relativement, les catastrophes biologiques les plus graves de
l’histoire. La violence de la vague initiale a mis fin en un clin d’œil à deux
siècles d’expansion démographique. Puis, la persistance de la peste pendant
deux siècles a étranglé tout espoir de rétablissement. Si l’on imagine, par
exemple, un taux de croissance normal de 0,1 % par an au moment où
déferle la première vague, un taux de mortalité de 50 % dans une
population orientale de 30 000 000, suivi d’un taux de récupération rapide
(0,2 % par an) et des facteurs à l’origine d’une mortalité plus basse (un taux
de mortalité de 10 % tous les quinze ans qui semble caractéristique de
l’époque de la pandémie à Constantinople), il est évident que les
recrudescences ultérieures ont maintenu la population à un bas niveau.
C’était comme si la masse de l’atmosphère s’était mise soudain à peser avec
une force décuplée, et que les sociétés humaines craquaient sous ce poids
invisible94.
Figure 33 Modèle théorique d’évolution de la population romaine
de 500 à 600

L’introduction d’un nouveau germe létal n’est pas un simple caprice de la


nature. Si le choc de la peste a transformé le vieux rêve de Justinien –
réunifier le vieil Empire – en un cauchemar, et un cataclysme, l’étape finale
de la dissolution de l’Empire romain n’est pas due au seul triomphe de la
bactérie. On ne peut pas mesurer l’impact de celle-ci sans tenir compte de
l’histoire du climat. La chute de l’Empire romain a été causée à parts égales
par l’arrivée malvenue d’un nouveau régime climatique – qui est de plus en
plus appelé par les historiens le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive. La
combinaison de la peste et du changement climatique a sapé la puissance de
l’État. Le chagrin et la peur ont laissé les survivants bouleversés et dans la
crainte que les temps eux-mêmes approchaient de leur fin. « La fin du
monde n’est pas seulement une prédiction, elle est en train d’arriver95. »
Chapitre 7
Le jour du jugement dernier
Le monde de Grégoire le Grand
Le pape Grégoire le Grand a vécu dans l’univers façonné par Justinien. Il
est né dans une Rome en guerre, peu de temps après que l’armée de
Bélisaire eut reconquis la cité. La peste suivit presque aussitôt. Sous son
pontificat se sont abattues sur la ville une série de maladies et de guerres,
mais l’antique capitale où il poursuivait ses études n’avait néanmoins pas
perdu son lustre. Elle était une possession impériale et Grégoire était un
homme de l’Empire, l’un des derniers représentants de la vieille noblesse
romaine, le descendant de plusieurs générations de patriciens remontant à
l’ancienne aristocratie. Il continuait à se déplacer sans crainte dans toute la
Méditerranée. Sa famille possédait des propriétés disséminées dans la
prospère Sicile. Ses alliances en Afrique étaient une source de puissance.
Grégoire avait passé sept ans à Constantinople au service diplomatique de
son prédécesseur sur le trône de Pierre. Sa mission était d’arracher à
l’empereur Maurice le maintien de l’aide militaire. Il avait échoué. Mais sa
piété de bon aloi avait impressionné les dames de la capitale orientale, et il
y avait gagné un sens aigu des réalités géopolitiques qui lui fut bien utile
une fois devenu pontife. Il était aussi le parrain du fils de l’empereur.
Grégoire était le dernier brillant représentant d’une génération vouée à
s’éteindre1.
On l’a souvent jugé comme une sentinelle veillant à la frontière entre
l’Antiquité tardive et le Moyen Âge. Au cours de sa vie, les traits les plus
caractéristiques de l’ancien paysage commençaient à s’effacer. Grégoire a
vu le sénat romain – une institution qui avait siégé pendant plus d’un
millénaire – se dissoudre sans bruit. Ce n’était plus déjà qu’un organisme
fantomatique à son époque. Nous renseignent à cet égard ses lettres où on le
voit s’efforcer de défendre un semblant d’ordre public. Il serait néanmoins
faux de lui attribuer la tentative de mettre en place une papauté médiévale,
incapable qu’il eût été d’une telle conception. Il exerçait ses fonctions dans
le contexte mental de l’Empire romain, la « République sacrée ». Mais,
encore plus important, il vivait avec la ferme conviction que les temps eux-
mêmes étaient à deux doigts de leur fin2.

Figure 34 Chronique de Nuremberg : Grégoire le Grand (Gravure


du XVe siècle, University of Oklahoma History of Science
Collections)

L’eschatologie est le fil rouge qui permet de suivre sa pensée mais aussi
sa carrière. Si on veut saisir sa vision du monde, il faut prendre en compte
sa profonde conviction : la fin du monde était proche. Ce sentiment était
une réaction directe à son expérience de l’environnement naturel. Même la
nature s’altérait dans une anticipation de la fin. Le pontificat de Grégoire a
commencé dans un moment d’urgence naturelle. En 589 apr. J.-C., des
pluies torrentielles se sont abattues sur l’Italie. L’Agide a débordé. La crue
du Tibre a submergé les murailles de Rome, noyant des quartiers entiers.
Des églises se sont effondrées et les greniers à blé du pape ont été détruits.
Personne ne se souvenait d’une crue aussi catastrophique. Puis, en 590, la
peste est arrivée. Elle venait d’Orient et emporta le pape Pélage II. La ville
se tourna vers Grégoire. Au milieu d’une nature déchaînée, il fut désigné
pour occuper le trône de Pierre3.
L’épisode de peste appelait une réponse liturgique à la hauteur. Grégoire
a institué un rituel sophistiqué de processions – les rogations, des prières de
deuil – pour arrêter les ravages de la pestilence. S’il y a eu un effet, il ne
dura guère. En 599, l’Occident était à nouveau la proie d’une pestilence,
cadeau de l’Orient. « On souffre sans répit de la peste. » L’évêque dans son
inquiétude était impuissant face à la fin des temps. « Je cherche avec
désespoir un remède à la mort. Tant de membres du clergé et de gens de
cette cité ont été atteints de fièvres que pratiquement aucun homme libre,
aucun esclave n’est disponible pour un quelconque travail ou service. Tous
les jours nous recevons en provenance des villes voisines, des nouvelles des
dévastations provoquées par la mort […]. Les gens qui arrivent d’Orient
décrivent des scènes de désolation pires encore. À cause de tout cela, dans
ce moment où la fin du monde se rapproche, l’affliction est générale4. »
L’eschatologie de Grégoire est une réaction à la violence permanente et
aux caprices de l’environnement physique. Le pape se figurait être le
spectateur « de nouveautés dans l’atmosphère, de terreur dans le ciel et de
tempêtes en dehors des saisons habituelles […] ». Nous devons veiller à ne
pas prendre ce ressenti comme une divagation générale. Il est trop facile,
depuis notre position privilégiée, d’écarter d’un revers de main la crédulité
et la naïveté d’un homme d’Église de l’Antiquité et de considérer ses
angoisses comme une partie inséparable de son fonds de commerce. On
pense parfois que les pestes, les tremblements de terre et les tempêtes
étaient après tout permanents dans la Méditerranée de l’Antiquité. Mais les
archives de la nature exigent que l’on s’arrête un instant pour faire preuve
de compassion face à ces hantises. La peste de Justinien a été l’événement
le plus funeste de toute l’histoire de l’humanité jusqu’à aujourd’hui. Ce
moment de l’histoire a été, quel que soit l’angle sous lequel on le prenne,
balayé par une violente série de secousses sismiques. Et le petit âge
glaciaire de l’Antiquité tardive a été une période aussi inhospitalière pour
les projets de l’Empire romain que l’Optimum climatique romain avait été
favorable aux aventures des proches ancêtres du grand pape dont la vie s’est
déroulée à une époque de détérioration climatique à laquelle rien de
semblable au cours de l’Holocène tardif ne peut être comparé5.
Le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive marque la ligne de partage
entre l’Antiquité et le début du Moyen Âge, événement naturel de première
importance. Ses origines sont totalement indépendantes d’une quelconque
intervention humaine mais ses conséquences sur la société ont été
considérables, et elles sont inséparables des suites de la première pandémie.
Pris ensemble, le changement climatique et les maladies sont venus à bout
de ce qui subsistait de l’ordre impérial d’antan. Les effets ont d’abord été
démographiques. Entre 10 000 à 20 000 âmes vivaient derrière les remparts
de la Rome de Grégoire ; à peine auraient-elles rempli un angle du Colisée.
Dans la plus grande partie du vieux monde romain, les anciens paysages
habités se raréfiaient. L’État était privé de son énergie métabolique et une
atrophie douloureuse dominait tout.
Exactement un siècle s’était écoulé entre l’occupation de Rome par
Bélisaire et la retraite des armées impériales face à la conquête islamique
dans sa marche irrépressible. Au cours de ce laps de temps, l’État romain a
fait tout ce qui était en son pouvoir pour s’opposer à cette inexorable vague.
Il ne voulait pas disparaître sans bruit. On ne trahit pas l’importance des
actions humaines en essayant de comprendre les forces qui ont dépassé
celles de ceux qui vivaient dans ce moment chaotique de l’Antiquité. Tenter
de comprendre ce qu’ils ont vécu et pourquoi ils pensaient vivre à
l’approche de l’Apocalypse, c’est même leur témoigner notre profond
respect. Cet état d’esprit eschatologique, loin de plonger ces dernières
générations dans la passivité face au cours des événements, a été à la source
des actions les plus surprenantes et les plus lourdes de conséquences. Le
sentiment d’un destin final n’était pas une pierre accrochée à leur cou ;
c’était bien plus une dernière carte, un moyen de s’orienter dans des temps
de confusion. Pour la première fois dans l’histoire, un état d’esprit
apocalyptique a gagné une grande société complexe. Le sentiment de fin du
monde partagé par Grégoire n’avait rien d’exceptionnel. La dimension
apocalyptique a transcendé les traditions, les langues et les frontières
politiques lors de l’Antiquité tardive. En y prêtant toute l’attention
nécessaire, on peut réunir comme un tout les parties apparemment si
disparates de l’ancien monde et, du même coup, redonner un peu de vigueur
aux scènes finales de l’Antiquité6.
Chaque grande convulsion environnementale a été à l’origine de
réverbérations spirituelles imprévisibles dans tout l’Empire. La peste
antonine a déterminé la résurection de l’archaïque culte d’Apollon à une
échelle de plus en plus universelle. La peste de Cyprien a ébranlé les
fondements du polythéisme civique et permis aux chrétiens de se manifester
à visage découvert. Aux VIe et VIIe siècles, la concaténation de la peste et des
troubles climatiques a donné toute sa force au sentiment eschatologique au
sein du christianisme, du judaïsme et du dernier né de l’Antiquité tardive,
l’islam. C’est la conjonction précise entre les ravages environnementaux, la
désintégration politique et le ferment religieux qui a baissé le rideau sur la
chute de Rome. Au VIIe siècle, tout ce qui restait indispensable à la survie de
l’Empire s’est trouvé englouti par les forces périphériques, par une
puissance en pleine expansion qui n’avait jamais été totalement intérieure
ou extérieure à la Méditerranée classique. Sur le plan matériel et celui de
l’imaginaire, l’essor de l’islam aurait été inconcevable sans le soulèvement
de la nature.
C’était la fin du monde.
La comète de l’âge glaciaire
Deux anciennes conceptions opposées de la nature se sont affrontées avec
une acuité renouvelée et insistante dans la vie intellectuelle du VIe siècle.
Pour la première, la nature était un modèle d’ordre et de régularité. Sa
perfection en tout était une source de raison morale, et le mieux pour les
humains était de vivre en harmonie avec le cosmos. La philosophie
néoplatonicienne a fourni une perspective métaphysique sophistiquée à
cette conception bienveillante, et, parmi les mandarins qui détenaient la
plupart des postes de la bureaucratie impériale, c’était l’idéologie
dominante. L’Empire dont ils avaient la charge était un miroir de l’ordre du
cosmos. Dans une conception tout à l’opposé, la nature était une source de
flux, de changements et de violence. Aux yeux de ses partisans, elle était
une ennemie déchaînée et sauvage. On était loin d’une banale controverse
de salon. C’était un débat sur la manière dont il fallait diriger l’Empire :
grâce à la raison ou la volonté, la tradition ou la réforme. Cette opposition
entre deux points de vue a pris une importance toute particulière à la
lumière des signes manifestes de désordre qui bousculaient l’environnement
naturel7.
Sous Justinien, les bouleversements environnementaux ont inauguré une
période de l’Holocène auquel on a désormais donné le nom de petit âge
glaciaire de l’Antiquité tardive. Cette période a été la résultante d’une
convergence d’événements naturels. Au cours de ce petit âge glaciaire, des
changements à différentes échelles du temps ont donné naissance à l’une
des phases les plus singulières de l’histoire du climat des derniers
millénaires8.
La fin de l’Holocène a été une période de refroidissement. Depuis les
pics de chaleur marquant son début jusqu’au récent réchauffement d’origine
humaine, l’immense influence des mécanismes orbitaux explique un
refroidissement graduel de la planète à l’échelle millénaire. Au cours de ce
refroidissement général, le climat a néanmoins oscillé et tangué, la tendance
de long terme se trouvant bloquée par périodes ou même inversée par des
époques plus chaudes comme l’a été l’Optimum climatique romain (OCR).
Des épisodes de refroidissement brutal, dont le bien connu petit âge
glaciaire du VIIe siècle, sont également venus percuter l’Holocène. Ce fut
l’un de ces moments de refroidissement au cours desquels les forces
poussant l’Holocène vers son destin inexorable ont accéléré. Si l’OCR était
lié au passé du mitan de l’Holocène, le petit âge glaciaire de l’Antiquité
tardive était tourné vers le futur, la prochaine glaciation.
L’OCR s’acheva vers 150 apr. J.-C., et fut suivi par trois siècles
d’instabilité et de chaos. De 300 à 450 apr. J.-C., la phase positive de
l’Oscillation nord-atlantique a constitué le déterminant principal du climat.
J’ai déjà insisté sur les indices attestant une sécheresse sévère aux latitudes
moyennes basses, avec une ceinture d’aridité allant de l’Espagne jusqu’en
Asie centrale. À partir de 450 apr. J.-C., cette cohérence se brisa et le
régime climatique global entra dans une période de réorganisation
incertaine. Le plus notable a été le retournement de phase de l’Oscillation
nord-atlantique. À partir de la fin de la seconde moitié du Ve siècle, elle fut
obstinément négative, poussant les orages d’hiver vers le sud. En Sicile, une
période de plus grande humidité a commencé vers 450 apr. J.-C. Dans la
plus grande partie de l’Anatolie, on est passé rapidement et de manière
visible d’une période d’aridité à une période d’humidité. Il n’y avait pas
encore de signes avant-coureurs de ce long refroidissement qui allait bientôt
s’imposer mais il est important de constater que le climat était déjà en
transition avant les grands événements à l’horizon. Aussi doit-on considérer
la période qui va de 450 à 530 apr. J.-C. comme un prélude au petit âge
glaciaire de l’Antiquité tardive9.
Le changement subtil du climat a alors pris la forme d’événements
planétaires. D’étranges événements observés dans le ciel se retrouvent dans
des témoignages que l’on connait depuis belle lurette. En 536 apr. J.-C.,
partout à la surface du globe les contemporains ont vécu dans l’effroi d’une
« année sans été ». En Italie, Procope, en campagne avec Bélisaire, a décrit
le « présage redoutable » de l’obscurcissement du soleil. « Pendant toute
l’année le soleil projeta une lumière sans éclat, comme celle de la lune, et
on avait vraiment l’impression d’une éclipse solaire, car les rayons qu’il
envoyait n’avaient pas leur luminosité habituelle. Depuis ce moment-là, les
hommes n’en finirent jamais ni avec la guerre ni avec la pestilence ni avec
tout ce qui est porteur de mort. » On est redevable à Jean d’Éphèse d’un
témoignage semblable en Orient. « Le soleil s’est assombri et est resté dans
l’obscurité pendant un an et demi, c’est-à-dire dix-huit mois. Alors que les
rayons étaient visibles pendant deux ou trois heures (par jour), ils étaient
maladifs, avec pour résultat que les fruits ne parvenaient pas à maturité.
Tout le vin avait le goût de grappes manquant de maturité. » Une autre
chronologie, précise, associe les troubles de mauvais augure avec la visite
du pape Agapet (un prédécesseur de Grégoire le Grand) à Constantinople –
du 24 mars 536 au 24 juin 53710.
Quelles que soient les circonstances, la disparition du soleil était de
mauvais augure ; il se trouve qu’elle touchait une des lignes de fracture
idéologique les plus sensibles dans la Constantinople de ce temps-là. Pour
un homme comme le bureaucrate mécontent de sa carrière Jean le Lydien,
c’était plus qu’une étrange anomalie. Le possible début d’un déchirement
du monde. Dans son traité De ostentis (« Des prodiges »), il tente
vaillamment d’isoler une explication naturaliste. Il attribue l’anomalie
solaire à des causes physiques dépendantes de l’atmosphère. « Le soleil est
devenu pâle parce que l’humidité a rendu l’air plus dense – comme cela est
arrivé au cours de la récente quatorzième indiction [imposition en nature de
535-536] pendant presque une année. » C’était une tentative louable pour
sauver les apparences et l’idée de régularité de la nature11.
Mais le rapport le plus détaillé est certainement dû à un homme d’État
italien, Cassiodore. Il est contenu dans l’une des dernières lettres faisant
partie de sa collection de documents publics connus sous le nom de Variae.
En 536, Cassiodore était préfet du prétoire en Italie sous le roi ostrogoth.
Mais, par chance, au moment où il compilait ses Variae, les événements
l’avaient amené à Constantinople. Grâce au travail soigneux de Shane
Bjornle, on sait que les Variae sont tout sauf un récit neutre du temps de
service accompli par Cassiodore. Ils constituent bien plutôt un document
polémique en filigrane destiné à impressionner précisément des hommes
comme Jean le Lydien ou Procope, les dissidents lettrés du règne de
Justinien. Au sein de l’appareil bureaucratique de Constantinople, dont les
sympathies allaient souvent au subversif néoplatonisme, le cosmos était
l’image d’une perfection immuable et une source d’ordre moral. Justinien,
qui avait survécu à une tentative de coup d’État au prix, de sa part, d’une
véritable boucherie, faisait preuve d’un monstrueux fanatisme religieux.
Cassiodore n’était pas insensible à ces tendances et son rapport policé sur
l’affaiblissement du soleil appartient au débat politique sous contrainte à
Constantinople12.
« Rien n’arrive sans raison, et le monde ne connaît pas de hasard », écrit
Cassiodore. Les écarts délibérés par rapport à la tradition étaient
suffisamment douloureux. « Les hommes sont anxieux [littéralement,
torturés] quand les rois changent les coutumes établies, s’ils avancent d’une
manière autre que ne le veut la tradition la plus ancienne. » Gardons
cependant à l’esprit que Justinien est la vraie cible de ces commentaires
sans nuances. « Mais qui ne serait pas troublé, et rempli d’effroi religieux
par de tels événements, si quelque chose de sombre et contraire à la
coutume semble venir des étoiles ? Combien est-il étrange, je vous le
demande, de voir le soleil mais sans son éclat habituel ; d’observer la lune,
gloire de la nuit, alors qu’elle est pleine, mais privée de sa splendeur
naturelle ? Nous observons tous encore un ciel aussi bleu que la mer. Nous
nous étonnons que les corps n’aient pas d’ombre à midi et que la force de la
plus grosse chaleur ait été réduite à l’impuissance d’une douceur extrême.
Et ce n’est pas la brève absence liée à une éclipse mais quelque chose qui
s’est poursuivi pendant pas moins d’une année […]. On a eu un hiver sans
tempête, un printemps sans douceur, un été sans chaleur. »
Puis, les récoltes tournèrent à la catastrophe. Mais, en tant que préfet du
prétoire, Cassiodore avait prudemment ordonné à ses subordonnés d’alléger
la pénurie grâce aux abondantes récoltes des années précédentes. Dans sa
lettre, il revenait sur le problème philosophique posé par la disparition du
soleil, et dans un long excursus proposait une explication purement
scientifique : un hiver froid avait été à l’origine d’un air dense persistant,
remplissant le vaste espace entre la Terre et les cieux, voilant le soleil. « Ce
qui semble mystérieux aux yeux des masses stupéfaites doit être
raisonnable aux vôtres13. »
C’était une performance rhétorique d’une grande virtuosité, en défense
d’une vision conservatrice d’une gestion sage et constante face à
l’instabilité prévisible de la nature, entremêlée de critiques subtiles
adressées à Justinien. Le contexte polémique ne fait que souligner la valeur
de ce témoignage et apporte la preuve que l’obscurcissement du soleil avait
profondément troublé les contemporains. L’année sans été a été universelle.
Les annales irlandaises témoignent de famines. Les chroniques chinoises
rapportent la disparition de Canopus, la deuxième plus brillante étoile dans
les ciels d’été, et de chutes de neige à Shandong – à la même latitude que la
Sicile – en juillet. L’événement se manifestait à une échelle globale14.
Il a fallu attendre 1983 pour que l’on fasse vraiment état de l’ensemble
des témoignages. Deux chercheurs de la NASA se sont alors intéressés à
l’année sans été et ont établi un lien entre les sources écrites et les preuves
matérielles : les traces d’une activité volcanique dans les carottes de glace.
Ce qui était seulement au départ une intuition s’est révélé exact. Toutefois,
les témoignages écrits n’impliquent pas obligatoirement un événement
d’origine volcanique et les petites incohérences persistantes dans les
données issues des carottes de glace sont un obstacle à une réponse
définitive. Les carottes de glace ne nous parviennent pas avec le cachet de
la poste faisant foi et il est difficile de déterminer l’âge des traces laissées
sur les prélèvements. Du fait de cette incertitude, d’autres hypothèses ont
été évoquées, dont l’impact d’un astéroïde. Alors que les données
matérielles recueillies ne permettaient pas de conclure définitivement, une
première analyse fouillée des sources écrites a finalement été réalisée en
2005, ce qui a permis d’avancer une hypothèse minimaliste : s’est-il produit
une explosion volcanique ? La question n’a pas encore été tranchée15.
Un pas décisif a été franchi grâce à Michael Baillie, spécialiste de
dendrochronologie qui, s’appuyant sur la base de données fournies par les
cernes des arbres, a pu recalibrer la datation issue des carottes de glace.
L’accumulation de nouvelles études et l’amélioration des procédés de
datation ont montré qu’il avait eu raison et la communauté paléo-climatique
a réussi à aligner de manière tout à fait satisfaisante les dates laissées par les
traces matérielles. On est désormais quasiment sûr de la date et de la
magnitude des événements qui ont tant troublé les contemporains : une suite
d’éruptions volcaniques sans équivalent au cours de l’Holocène. Les
années 530 et 540 apr. J.-C. apparaissent comme un moment exceptionnel
d’activité volcanique sans équivalent pendant toute la dernière période de
l’Holocène16.
Au début de l’année 536 apr. J.-C., une gigantesque éruption volcanique
dans l’hémisphère nord a rejeté des mégatonnes d’aérosols de sulfates dans
la stratosphère. L’identité précise du volcan demeure inconnue, mais les
effets en étaient visibles à Constantinople fin mars. Il reste qu’on ne peut
pas exclure que l’impact d’une météorite à ce moment précis ait également
contribué au chambardement. Mais les preuves obtenues de manière
indirecte ont permis de comprendre qu’il y a eu une seconde explosion
encore plus catastrophique en 539 ou 540. Cette seconde éruption qui se
produisit sous les tropiques a laissé son empreinte aux deux pôles. Deux
fois en l’espace de quatre ans, la Terre a rejeté des nuages de sulfates d’une
taille exceptionnelle dans la stratosphère, faisant obstacle à l’énergie
émanant du soleil17.
Si on ne disposait que des données obtenues par l’étude des carottes de
glace, on observerait une séquence impressionnante d’éruptions
volcaniques. Mais les arbres montrent sans équivoque les ramifications
dramatiques de ces événements. L’examen des séries dans tout l’hémisphère
nord prouve que l’année 536 a été la plus froide sur deux millénaires. Les
températures moyennes d’été en Europe ont instantanément chuté de 2,5°,
une baisse vraiment stupéfiante. À la suite de l’éruption, dans les
années 539-540, les températures ont chuté dans le monde entier. En
Europe, les températures moyennes estivales ont encore baissé de 2,7°. On
sait, par déduction, que tout autour du globe les années 530 et 540 ont été
des périodes de froid intense. La décennie 536-545 a été la plus froide des
2 000 dernières années. Elle a été plus froide que la dépression la plus
profonde du petit âge glaciaire. De fait, sa rigueur est supérieure à ce que
l’on pourrait attendre d’une seule éruption volcanique. D’une manière ou
d’une autre, les conditions liées au contexte climatique ou la synergie d’un
ensemble d’événements ont rendu l’impact de cette explosion volcanique
plus catastrophique que la simple somme de ses différentes parties. L’heure
du petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive était arrivée18.
Les conséquences n’ont pas été immédiatement catastrophiques. Les
récoltes étaient mauvaises mais, grâce au ciel, celles de l’année précédente
avaient été abondantes et la capacité de résilience, propre aux sociétés
méditerranéennes, a empêché la famine. S’il y a eu un effet immédiat de ce
désordre climatique aigu, cela pourrait être le changement écologique caché
qui a permis à la bactérie de la peste de se propager au cours des années
suivant immédiatement le spasme volcanique. On ne sait pas avec certitude
si le froid a été à l’origine des migrations humaines de cette époque en Asie
centrale : les épisodes de sécheresse sont plus lourds de conséquences que
les températures anormales. En bref, le froid des années 530 et 540 n’a pas
entraîné un effondrement social immédiat ou une faillite de l’État dans le
monde romain. Ces années pénibles ont plutôt ajouté de l’angoisse à un
ordre impérial déjà sous la pression d’une grande guerre de masse et à la
veille d’être victime d’Y. pestis.
Le refroidissement des années 530 et 540 pourrait avoir été violent mais
de courte durée. La fureur volcanique a pu être masquée par un déclin plus
long et plus profond des émissions solaires. L’inconstante dynamo solaire a
produit ses plus bas niveaux d’énergie. À la suite d’un modeste pic
d’activité solaire datant environ de l’an 500, un déclin brutal a commencé,
atteignant un record à la fin du VIIe siècle. L’étude des relevés des isotopes
de béryllium permet de mesurer la production d’énergie solaire,
indépendamment de tout effet volcanique. Ils nous indiquent qu’au moment
précis où les rejets d’aérosols volcaniques aux effets réfléchissants
envahissaient la stratosphère, le soleil commençait à envoyer moins de
chaleur vers la Terre19.
Le déclin du réchauffement a été plus profond et sur une plus longue
période que les effets volcaniques. Un grand minimum solaire, centré sur la
fin du VIIe siècle, a constitué la perte d’énergie solaire la plus importante sur
2 000 ans. Elle a même dépassé le célèbre minimum de Maunder du
XVIIe siècle. On en a la mesure en étudiant l’avance des glaciers alpins. Ils
ont gagné les vallées. Au début du VIIe siècle, ils ont atteint leur premier
maximum du millénaire. La baisse du réchauffement solaire a fait de cette
période froide non pas un choc momentané mais un contexte permanent
jusqu’au moment final de l’ancien monde. La conjonction d’une instabilité
naturelle, d’une activité volcanique et d’une diminution de l’irradiation
solaire a métamorphosé le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive en une
phase distincte du climat de l’Holocène20.
La période la plus froide a duré un siècle et demi, du milieu des
années 530 aux années 680. Mais même un épisode climatique global aussi
distinct que le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive a eu des impacts
locaux diversifiés. Alors que les changements de température tendent à être
cohérents sur le plan géographique – il a fait plus froid quasiment partout –,
les régimes d’humidité dépendent des mécanismes climatiques régionaux et
locaux. Le tournant vers un régime négatif de l’index de l’Oscillation nord-
atlantique, qui a débuté avant les manifestations volcaniques et un niveau
plus faible d’insolation, a été permanent et s’est même peut-être accentué
au cours de la phase la plus froide du petit âge glaciaire. Les tempêtes ont
traversé l’Europe en direction du sud. Les températures globalement plus
glaciales se sont superposées à un gradient de basse pression dans
l’Atlantique nord, avec des conséquences intriquées dans tout l’hémisphère
nord21.
Ici, les archives humaines et naturelles se recoupent. La description du
climat rapportée par Grégoire le Grand en perd de son abstraction. En
Sicile, où les propriétaires se cramponnaient à l’ancien régime de propriété
de la terre, on peut presque parler de boom agricole. Grâce aux pluies
abondantes, les derniers aristocrates de l’ordre romain ont joui d’un
renouveau de prospérité dû à la culture du blé. Dans le même temps, le
régime climatique était lourd de la menace de pluies trop abondantes. Les
inondations fréquentes en Italie au VIe siècle en sont un signe. En 589,
quand elles se produisirent en hiver dans toute la Péninsule, elles
correspondaient à une intensification brutale du régime climatique qui était
à l’origine des précipitations sur le monde méditerranéen22.
Figure 35 Évolution de l’irradiation solaire totale versus 1986
(données extraites de Steinhilber et alii, 2009)

En Anatolie, les changements et les subtilités du petit âge glaciaire de


l’Antiquité tardive ont laissé des traces dans un sous-continent
écologiquement divers. Dans la plupart des régions, la période d’ONA
positive – vers 300-450 apr. J.-C. – avait été une cause d’aridité. Mais, au
cours du Ve siècle, les journées de sécheresse appartenaient au passé. Les
hivers étaient plus intenses avec d’importantes chutes de neige en altitude.
Les inondations sont devenues une préoccupation majeure dans toute
l’Anatolie et le nord de la Mésopotamie. Justinien fit réparer les
installations destinées à contenir les crues depuis les plaines de l’ouest en
Bithynie jusqu’aux régions en altitude dans les monts Taurus. Des villes
comme Édesse et Dara furent dévastées par les inondations. Tarse en
Cilicie, où saint Paul est né, fut submergée par de la neige fondue et des
pluies de printemps. La rivière Cydnus « a complètement débordé dans les
faubourgs […], avant de gagner le centre de la ville, détruisant les ponts,
inondant les places de marché, les rues et dévastant les maisons jusqu’aux
étages supérieurs ». Ce cycle humide fut une bénédiction pour la production
de blé en Anatolie mais le gel condamnait les fragiles oliviers. L’étude des
restes de pollen montre que cette plante caractéristique de la Méditerranée a
dû reculer dans toutes les régions sauf dans les basses terres et près des
côtes, à une échelle sans précédent depuis son implantation sur ces
rivages23.
Dans le Sud, l’histoire du petit âge glaciaire est plus obscure et ambiguë.
Les progrès de l’aridification se sont poursuivis en Afrique du Nord mais la
chronologie est imprécise. Les rôles respectifs de la nature et des humains
sont difficiles à distinguer. Au sud de l’Empire, les nappes phréatiques ont
baissé de manière inexorable dans le sous-sol saharien. Les Garamantes du
Fezzan ont eu recours à des moyens désespérés pour en tirer de l’eau. La
montée des conflits entre les Romains et les « Maures » à la fin du Ve siècle
pourrait être le signe de l’arrivée de nouveaux peuples, fuyant un Sud sec
pour les zones plus verdoyantes d’Afrique du Nord24.
Dans cette même région, des changements dans les quantités d’eau
disponibles auraient-ils décidé du sort de sociétés entières ? L’archéologie
témoigne d’une époque de troubles à la fin du Ve siècle et au début du VIe, à
un rythme qui ne coïncide pas vraiment avec l’invasion des Vandales ou les
guerres de Byzance. Procope rapporte les effets cumulatifs flagrants du
changement climatique en Afrique du Nord. Ptolémaïs, une cité de
Cyrénaïque, « était prospère et peuplée autrefois, mais avec les temps qui
viennent elle a quasiment été désertée à cause de l’extrême pénurie d’eau ».
Doit-on le suspecter de vouloir vanter dans ce passage les travaux
d’adduction d’eau commandés par Justinien ? Plus loin à l’Est, la grande
cité de Leptis Magna, où Septime Sévère avait vécu, « qui dans l’ancien
temps était grande et peuplée » avait été vidée de sa population et « en
grande partie recouverte de sable ». Ici, tout ce que l’on peut dire est que
Justinien avait reconstruit une muraille et plusieurs églises. Même présentée
sous un jour favorable, la ville n’avait rien d’impressionnant. Les dunes
recouvraient inexorablement les fiers avant-postes de la civilisation25.
Au Levant, l’histoire de l’eau est chargée de multiples sens. L’histoire
orageuse de cette région est due en partie aux contraintes climatiques. Les
frontières entre les lieux de peuplement – humides et alimentés en pluies –
et ceux éparpillés dans les déserts arides s’interprètent politiquement.
L’Antiquité tardive occupe une place particulière dans l’histoire climatique
de cette région, les bouleversements culturels survenus au VIIe siècle ne
comptant pas pour rien. La Syrie et la Palestine étaient le cœur de l’Orient
de l’Antiquité tardive. Elles ont été une source ininterrompue de vitalité
religieuse et de développement économique. Les colonies agricoles, source
considérable d’une richesse qui culmina à des sommets inégalés jusque-là.
Mais il est arrivé un moment où le désert a commencé à s’étendre. Les
« villages morts » de Syrie et de l’ancienne Gaza productrice de vin ne
pouvaient même pas recourir à l’irrigation. Ils restent des témoignages
éloquents de ce changement même si ses causes et sa chronologie restent
incertaines26.
On ferait bien de prendre les choses avec prudence et de traiter cette
question pour elle-même. Il faut souligner l’importance du gradient nord-
sud entre les latitudes ~30°N et 40°N. Entre ces deux latitudes se situe le
Proche-Orient et nulle part ailleurs la distance séparant l’équateur du pôle
n’a autant de conséquences. Pendant l’Antiquité tardive, il apparaît que les
régimes de précipitations en Anatolie et au Levant, loin de se développer
simultanément, sont inversement corrélés. Alors que l’Anatolie était aride,
la Palestine était humide (vers 300-450 apr. J.-C.). Quand la Palestine a
commencé à devenir plus sèche (vers 500 apr. J.-C.), l’Anatolie était
détrempée. Cette divergence pourrait la relier à une téléconnexion dans la
haute atmosphère appelée Oscillation mer du Nord-Caspienne. En hiver, les
différences entre les niveaux de hautes pressions dictent le mode de
circulation de l’air en Méditerranée orientale. Lorsque des masses d’air se
dirigent du sud-ouest vers le nord-ouest, Israël est sec mais la Turquie
humide. Le flux d’air dominant n’aurait-il pas vacillé au cours de
l’Antiquité tardive avant de basculer vers 500 apr. J.-C. ? Quoi qu’il en soit,
il ne faut pas perdre de vue que, dans toute la Méditerranée orientale, les
sorts des différentes sociétés ne sont pas liés les uns aux autres27.
Si l’on étudie le climat sans se soucier des réactions humaines aux
changements environnementaux, les indices naturels suggèrent que l’aridité
s’est imposée au Levant à une date située entre 500 et 600 apr. J.-C.
environ. Même s’ils sont subjectifs, on se gardera d’écarter les témoignages
humains pour comprendre le cours des choses. Au début du VIe siècle, un
certain Procope de Gaza a décrit une sécheresse à l’extrême qui affecta
Elusa en Palestine. Le vent emportait le sable, dénudant la vigne jusqu’aux
racines ; les sources se sont taries et sont devenues salées ; Zeus a cessé de
faire pleuvoir. L’empereur Anastase (qui a régné de 491 à 518 apr. J.-C.) a
ordonné d’importantes réparations et fait l’éloge des aqueducs de
Jérusalem. Une nouvelle période de sécheresse en Palestine a commencé en
517 apr. J.-C. Une chronique syriaque, faisant peut-être référence à la même
sécheresse, prétend qu’elle a duré quinze ans et qu’il n’y avait plus d’eau
dans le bassin de Siloé à Jérusalem (où Jésus avait envoyé un aveugle pour
qu’il guérisse). Plus avant dans le siècle, un saint de passage a trouvé
Jérusalem en pleine sécheresse, toutes les citernes de la ville étaient vides.
Il est significatif que les crues colorent l’arrière-fond de toutes les scènes
littéraires au VIe siècle en Anatolie, au moment même où les histoires de
Palestine regorgent de sinistres épisodes d’aridité. Mais le lent assèchement
de la région ne semble pas avoir immédiatement menacé les progrès de la
civilisation ; la tension entre les actions des humains et celles de la nature
allait brutalement se manifester mais ce temps n’était pas encore venu28.

Carte 24 Le Proche-Orient sous l’Empire romain tardif


L’apparition du petit âge glaciaire jette une lumière différente sur les
grands travaux de Justinien. L’empereur a construit des citernes et des
aqueducs, des greniers et des entrepôts ; il a changé le cours des rivières et
réhabilité les zones inondables. L’explosion de travaux en rapport avec
l’environnement n’était pas une démonstration d’orgueil. Il a utilisé la
puissance de l’État pour tenter de contrôler les flux de la nature – à un
moment où ils bouleversaient tout. Justinien « a joint les forêts et les
vallées », « la mer à la montagne ». Mais, même dans cet éloge de son
programme de construction, l’historien Procope compare habilement
l’empereur à l’ancien roi de Perse Xerxès. Cela ne passait pas pour être un
parallèle flatteur. L’hubris de Xerxès l’a amené à croire qu’il était en
mesure de dominer la nature comme un docile sujet. Justinien devait
apprendre qu’elle n’était pas facile à dompter29.
Les ennemis de Justinien se trompaient quand ils voulaient que l’ordre
naturel ne fût qu’harmonie et régularité. Justinien qui croyait que la nature
recelait un flux incessant et violent était plus près de la vérité. Mais la
victoire intellectuelle de l’empereur était incapable de protéger son Empire
de la puissance du changement climatique.
Trajectoires finales : zones en déclin, zones de vitalité
Jean l’Aumônier est né à Chypre, au mitan du règne de Justinien. Il se
maria et eut une « généreuse récolte » d’enfants. Tous trépassèrent de
manière prématurée, « à la fleur de l’âge », avant que leur père ne choisisse
d’entrer en religion. Habile en politique ecclésiastique, il devint patriarche
d’Alexandrie en 606 apr. J.-C. Il allait passer toute une décennie lourde en
événements à ce poste. Si l’on en croit sa biographie haute en couleur, il est
clair qu’Alexandrie restait, encore à cette date tardive, un lieu
incontournable de la vie commerciale et culturelle. Les réseaux marchands
en Méditerranée orientale étaient animés. L’habillement dans la cité
classique continuait à caractériser la vie urbaine. Même au début du
VIIe siècle, Alexandrie continuait à briller malgré l’affaiblissement du

monde classique tardif30.


En marchant dans les pas de Jean à Alexandrie, on s’expose à une
impression de distorsion temporelle. Cela pourrait avoir été l’intention
délibérée de ses biographes. Ils ont vécu plus tard. Mais les marques
subtiles des bouleversements déjà présentes à l’horizon restent perceptibles.
En lisant l’histoire de sa vie, on est à juste titre frappé par l’omniprésence
de l’Église dans les réseaux commerciaux maritimes. Quand une famine
s’abattait sur la ville, c’était Jean qui volait à son secours par l’envoi de
« deux ou trois navires rapides de l’Église » jusqu’en Sicile à la recherche
de céréales. (Avoir besoin d’importer du blé en Égypte, c’est quasiment la
même chose qu’avoir besoin d’envoyer du charbon à Newcastle !) Les
capitaines et les marins – dont certains au service direct de l’Église –
peuplent le monde de Jean. L’Église possédait treize gros navires, un détail
que nous apprenons quand les marins sont obligés de larguer leur imposant
chargement – un cargo chargé de céréales, d’argent et de tissus – sous la
contrainte d’une tempête dans l’Adriatique. La célèbre aumône de Jean a
été en grande partie rendue possible par un audacieux capitalisme
ecclésiastique31.
Le monde de Jean était déjà un cercle éclairé qui allait se restreignant
dans une obscurité qui s’étendait partout. Alexandrie et sa flotte pourraient
avoir été les tout derniers vestiges, pour Rome, de sa vieille domination de
la mer. Au début du VIIe siècle, la céramique continuait à parvenir d’Afrique
du Nord, d’Asie mineure et de Chypre. La cité était encore une plaque
tournante du commerce méditerranéen. Mais, à la fin de ce même siècle, ces
dernières connexions avaient été sectionnées et la cité dépendait de son
arrière-pays pour satisfaire des besoins considérablement diminués. Jean
lui-même a vécu assez longtemps pour assister au moment décisif de
l’effondrement du monde de l’Empire romain tardif contraint de se replier
sur lui-même. Alors que les Perses balayaient la ville en 616 apr. J.-C., les
navires de céréales commandés par l’État pour approvisionner
Constantinople disparaissaient à jamais. La colonne vertébrale de la
connectivité impériale était brisée32.
Un changement historique n’est jamais soudain ou comme une vague. La
double catastrophe de la peste et de l’âge glaciaire n’a pas entraîné
l’effondrement de but en blanc de l’Empire. Elle n’a même pas renversé le
régime de Justinien qui a conservé les leviers de l’Empire jusqu’à sa fin
amère. Mais la dégradation de l’environnement a sapé la vitalité de
l’Empire. Sur le long terme, les forces de dissolution ont prévalu. Quelque
part pendant la vie de Jean l’Aumônier, soit dans la seconde moitié du
VIe siècle et le début du VIIe, l’Empire a atteint un point de non-retour. Les
différentes régions ont réagi aux chocs de mortalité et au changement
climatique à leur rythme. Certaines se sont effondrées sans attendre,
d’autres ont survécu au dépérissement général. Comme le système impérial
était lui-même un réseau, un système connectant de vastes territoires
écologiquement et économiquement variés, il a pu s’appuyer sur les zones
où la vitalité se maintenait. Comme un gigantesque chêne tirant sa
nourriture d’un système de racines en décomposition, l’Empire est mort à
petit feu, de l’intérieur. C’est seulement alors qu’il fut emporté par un choc
rapide venu de l’extérieur.
Comme très souvent, les changements historiques qui comptent sont par
ailleurs silencieux. Les pulsations de la démographie qui régentent le sort
des empires peuvent rester imperceptibles avant le fracas de la bataille. Là-
dessus, on ne s’étonnera pas si les spécialistes de l’Antiquité se tournent si
souvent vers l’archéologie pour ressuciter un passé effacé en silence. Seul le
travail des archéologues peut permettre de retrouver les vestiges des
réseaux de commerce qui liaient ensemble le monde méditerranéen. Il peut
mettre au jour les mutations des implantations humaines et faire l’histoire
des villes dont l’essor et la chute sont ceux de civilisations. L’impact des
changements environnementaux doit être cherché dans l’intrication des
vestiges du commerce, des implantations humaines et de l’urbanisme mis
au jour par l’archéologie. La chute de l’Empire romain a dans la plupart des
régions profondément transformé les modes élémentaires de la vie de
chaque jour. Ce qu’il faut chercher dans les vestiges archéologiques, ce sont
des données brutes sur les peuples et leur prospérité, mais aussi des indices
plus qualitatifs et complexes. Les peuples n’ont jamais disparu des vieux
territoires de l’Empire romain, mais leur style de vie s’est localisé et
simplifié. Le déclin des villes et la récession du commerce d’un bout à
l’autre de l’Empire sont les indices manifestes du drame qui était en train de
se jouer33.
C’est en Occident que la chute a été la plus violente. Lorsque le pape
Grégoire le Grand, voyant le jour du jugement dernier approcher à grands
pas, envoya en toute urgence des missionnaires convertir les païens dans les
îles Britanniques, ses délégués débarquèrent dans un pays que les Romains
d’hier auraient eu du mal à reconnaître. Le paysage du IVe siècle peuplé par
les Romains de villes et de fermes prospères avait été brutalement éliminé.
À la fin du Ve siècle, « il n’y avait plus de villes, plus de villas et plus de
monnaie ». Dans les campagnes romaines, les paysans mangeaient dans de
la vaisselle produite en série ; maintenant même les privilégiés étaient
revenus à l’époque de la céramique fabriquée par des artisans. On
s’abstiendra de sous-estimer une régression aussi élémentaire ; c’est un peu
comme si l’on abandonnait aujourd’hui les réfrigérateurs pour revenir aux
glacières. Sous bien des aspects, le mode de vie des élites du début du
Moyen Âge ne se compare pas à leur avantage à celui des membres de la
classe moyenne sous le Bas-Empire. Les villes n’étaient plus que l’ombre
d’elles-mêmes. La Bretagne était un bras mort, quand bien même les ponts
n’avaient jamais été complètement coupés : dans ses lettres, Grégoire en
est, du coup, à protester contre l’émergence d’un nouveau marché aux
esclaves : des Occidentaux dirigés vers les marchés d’un Orient encore
riche34.
Dans la péninsule Ibérique, l’ordre romain ne s’effaça pas facilement,
même sous la domination des Wisigoths. Au IVe siècle, les villes et les villae
d’une aristocratie dont la richesse provenait de la commercialisation des
produits agricoles prédominaient dans le paysage. L’archéologie des Ve et
VIe siècles révèle, avant tout, un processus de fragmentation – triomphe de
la diversité. Au cours du Ve siècle, le nombre de nouvelles constructions en
ville comme à la campagne a diminué, mais les villes et les villae existantes
sont restées opérationnelles. Des signes de recul démographique, en
particulier sur les côtes d’Espagne, apparaissent néanmoins. L’importation
de céramiques a progressivement pris fin. « La côte méditerranéenne
espagnole s’est de plus en plus marginalisée à partir des années 550 quand
la politique s’est organisée autour des centres de l’intérieur (Tolède, puis
Cordoue), et le commerce maritime a constamment reculé. » Les villes
n’ont pas disparu en un jour mais, à partir de 600 apr. J.-C. environ, la
plupart des grandes villes existant encore sont entrées en phase de déclin
terminal. En Espagne, la dislocation de l’ordre romain a été ininterrompue
au cours des Ve et VIe siècles ; la dernière étape – autour des années 550
et 600 – pourrait avoir été accélérée par la soudaine arrivée de la peste
bubonique35.
En Gaule, le monde postromain était divisé en deux entre le Nord et le
Sud, suivant le cours de la Loire. Au Nord, l’ordre romain s’est rapidement
transformé, et la vieille machine s’est effondrée. Les pièces de monnaie ont
presque disparu de l’économie pendant plusieurs générations à la fin du
Ve siècle et au début du VIe. Dans le Sud, a contrario, la vie a continué à
s’organiser autour de la Méditerranée. La fabrique urbaine a résisté tout le
long du VIe siècle ; les villae étaient toujours habitées, même si on a cessé
d’en construire de nouvelles ; les marchands et les marchandises venus de
l’Est ont continué à arriver sur les rivages de la Gaule. Puis, au milieu du
VIe siècle, la première vague de peste balaya tout l’espace entre la
Méditerranée et l’Atlantique. Certains des derniers bastions d’urbanisme,
comme Arles, disparurent complètement. Les recrudescences répétées de la
peste pourraient avoir affecté le sud de la Gaule alors même que l’isolement
du nord le protégeait des épidémies ultérieures. Dans le Nord des Francs,
les semences d’un ordre médiéval avaient été plantées, et elles germaient.
C’est là qu’une nouvelle civilisation commença à s’imposer, une
civilisation hantée par l’incube de la peste36.
En Italie, l’avenir n’était qu’incertitude lorsque les troupes de Bélisaire
débarquèrent pour leur opération de reconquête. Déjà, les marchés urbains
périclitaient et l’économie des villae approchait de la ruine. Selon des
temporalités différentes, les villes rapetissèrent, les églises les plus
prééminentes, les vieux monuments étaient reconvertis, et l’espace public
privatisé ; les fortifications diminuèrent, ne protégeant plus que quelques
quartiers des vieilles cités ; les villes devenaient de plus en plus rurales, et
les animaux broutaient dans les rues. Toutefois, vers 500 apr. J.-C., la
Péninsule continuait à garder un vernis romain. L’économie monétaire
restait prédominante. Les céramiques venues de tout le tour de la
Méditerranée trouvaient leur chemin non seulement jusqu’à la vieille
capitale mais aussi dans les autres villes de la Péninsule. La hiérarchie des
installations humaines restait organisée par le réseau dispersé des villae et
des fermes dans les plaines. Dans le Sud, en particulier, la vie suivait son
chemin. L’ordre ancien n’avait pas été renversé37.
Durant les décennies de domination des Ostrogoths, un optimisme
prudent a dominé en Italie. Le dossier du ministre Cassiodore montre une
tentative de restauration de la prospérité italienne, en suivant les anciens
schémas. « Notre soin est pour toute la République, dans laquelle, par la
puissance de Dieu, nous nous battons pour faire revenir toutes les choses en
leur état ancien. » Des aqueducs, des routes et d’autres infrastructures
publiques étaient remis en état. Le Colisée fut restauré et des jeux étaient
encore organisés dans les années 520. Mais, en 536, les forces militaires
romaines orientales arrivèrent vite, suivies, en 543, des germes tueurs. La
combinaison de la guerre, de la peste et du changement climatique
représente un tournant pour la plus grande partie de l’Italie. Une reprise
hésitante fut étouffée dans l’œuf. La rupture est visible à la fois dans les
villes et les campagnes. La plupart des cités ont partagé un sort situé
quelque part entre un déclin important et une annihilation totale. Rome
n’est que l’exemple le plus célèbre et le plus dramatique de cette spirale de
la mort urbaine. Procope prétendait qu’en 547 apr. J.-C. il n’y avait plus que
500 habitants dans la cité ; ce chiffre n’est pas totalement crédible mais la
tendance est donnée. Le silence s’est abattu sur le Colisée. Il fut mis au
service de l’Église qui en fit un lieu de distribution du pain sous Grégoire le
Grand. À fin du VIe siècle, les pratiques épigraphiques cessèrent38.
Le changement climatique du VIe siècle a inversé les efforts des siècles de
labeur humain en Italie. Les vieilles cités et les champs ordonnés avaient été
sculptés dans la nature, en tenant prudemment compte de la puissance de
ses caprices. Mais la dépopulation et le pouvoir chancelant de l’État ont
sapé les systèmes de contrôle de l’environnement dont les miracles de la
civilisation dépendaient. Au VIe siècle, un cercle vicieux s’installait. Des
conditions environnementales plus difficiles – un climat plus froid et plus
humide – sont venues heurter de front la reprise démographique alors que la
pénurie de main-d’œuvre mettait les sociétés dans une posture difficile face
à l’environnement naturel. Les inondations rapportées dans les chroniques
n’illustrent pas tant la brutalité de la puissance de la nature, que la
conjonction inopportune de la pression environnementale et de la paralysie
sociale. Les cultures en terrasses s’effondrèrent. Les ports s’envasèrent. Les
alluvions submergèrent les vallées où les Romains avaient installé leurs
fermes et cultivaient leurs champs. La nature sauvage reprenait le dessus,
alors que les marais et les forêts gagnaient du terrain sur des terres cultivées
depuis des siècles39.
Même si, par hypothèse, la peste justinienne a tué la moitié de la
population, il y avait, dans ce cas encore, des humains dispersés dans le
paysage. Mais la vérité est que, dans certaines parties de l’Empire, il était
de plus en plus difficile de les dénicher. Dans toute l’Italie des populations
ont bizarrement disparu sans laisser de traces. « Les villages et les fermes
qui pendant mille ans avaient fait preuve d’un niveau exceptionnel de
civilisation semblaient s’en être allés. » « Aux VIIe et VIIIe siècles, il est très
difficile sur la base d’études de terrain et même de fouilles de trouver un
quelconque vestige de lieux de peuplements humains. » « Les gens dont
devenus beaucoup plus difficiles à repérer après 550 apr. J.-C. » On sait que
réaliser des estimations démographiques à partir des découvertes
archéologiques est extrêmement risqué, mais un chercheur audacieux a
émis l’hypothèse d’une réduction d’entre un quart et la moitié de la
population italienne en comparaison avec l’époque romaine40.
Ce qui est advenu en Italie n’était pas un simple déclin mais un véritable
effondrement et une réorganisation complète. Les pièces de monnaie,
autrefois multiples, ont disparu, ne circulant plus que dans quelques avant-
postes byzantins. Les produits d’usage courant venus d’au-delà des mers se
sont d’abord raréfiés avant de disparaître. Les hiérarchies bien distinctes
caractéristiques de la structure sociale romaine se sont embrouillées, cédant
la place à une opposition drastiquement simplifiée entre les possédants et
ceux qui n’avaient rien. L’immense richesse de l’aristocratie s’est évaporée,
les éléments intermédiaires furent dans l’incapacité de se renouveler et
l’Église chrétienne s’est trouvée, pour notre suprise, l’héritière la plus riche
dans un monde moins prospère. Une logique totalement inédite s’est
imposée dans le paysage : les vallées fertiles – exposées aux pressions
environnementales et aux pillages des Barbares – ont été abandonnées au
profit de villages en altitude. Comme Brian Ward-Perkins l’a noté, l’Italie a
été rejetée en arrière à des niveaux de technologie et de culture matérielle
antérieurs aux Étrusques. L’alliance de la guerre, de la peste et du
changement climatique a conspiré pour mettre fin à un millénaire de
progrès matériel, transformant l’Italie en un pays médiéval arriéré,
comptant plus pour ses reliques de saints que pour ses prouesses
économiques ou politiques41.
L’Afrique du Nord a occupé une position intermédiaire entre le déclin
brutal de l’Occident et le dynamisme maintenu en Orient. La conquête
vandale n’a pas entraîné une grande césure. Dans de nombreuses régions
d’Afrique du Nord, les IVe et Ve siècles ont été les témoins d’un pic de
peuplement. Dans les parties est, en Libye, cette vitalité avait déjà pris fin
au Ve siècle. La digue protégeant la civilisation romaine avait cédé et de
nouveaux peuples, venus du Sahara, empiétaient sur les territoires aux
franges des colonies romaines. Bien que sur l’axe central tunisien la
prospérité ait perduré. Les sigillées claires d’Afrique ont gardé leur grosse
part de marché dans toute la Méditerranée. Carthage est restée une plaque
tournante connectant les terres intérieures fertiles au monde extérieur et sa
prospérité a duré jusqu’au VIe siècle. Mais, ce siècle se terminant, on assiste
manifestement à une récession qui touche l’ensemble des territoires
africains. La dislocation des réseaux de commerce maritime aurait bloqué la
circulation de marchandises dans les provinces africaines, mais la peste doit
aussi être considérée comme une coupable possible de la violente crise
démographique. À nouveau, dans ce cas, la dissolution multidimensionnelle
et de long terme du vieux système s’est trouvée accélérée par les chocs de
la crise de la mortalité et du changement climatique42.
On sait que le rythme du changement en Méditerranée orientale a été
totalement différent. Les territoires ayant gardé des liens avec
Constantinople ont prospéré sous l’Antiquité tardive. Jamais auparavant les
sociétés bordant la mer, et formant un grand arc du nord de la mer Égée
jusqu’aux rivages égyptiens, n’avaient été si proches les unes des autres ni
si prospères. Le seul tissu mort dont l’Empire justinien avait hérité était, en
fait, le territoire formé par les provinces danubiennes d’où l’empereur était
originaire. Battues par les invasions répétées, les marches du Nord luttaient
pour reconquérir leur vitalité économique perdue. Justinien tenta par la
force de protéger les terres de ses ancêtres, y consacrant des sommes
faramineuses. Mais ces projets coûteux ne réussirent pas à inverser la lame
de fond ; les villes reconstruites finirent en majestueux Fliehburgen
(châteaux forts), des sortes de bunkers géants où les paysans se réfugiaient
en cas d’urgence. Le choc de la peste bubonique a fait de ces territoires des
cibles faciles pour les infiltrations des Slaves et des Avars. Au cours de la
seconde moitié du VIe siècle, ils s’affranchirent peu à peu de la domination
romaine43.
Au sud, le cœur de la Grèce traversait une période de transition avec une
croissance accélérée. Les anciennes cités s’épanouissaient à nouveau, dans
« une continuité sans rupture au moins jusqu’en 550 (avec un pic sous le
règne de Justinien) ». Aux Ve et VIe siècles, on construisit des églises
spectaculaires. Les campagnes connurent une explosion démographique. Le
commerce des marchandises venues de l’intérieur montagneux suivit. Mais,
au milieu du VIe siècle, cette efflorescence prit brutalement fin. À partir des
années 550, sur les côtes occidentales du monde grec, la cité de Butrint,
l’une des plus soigneusement fouillées de tout le monde méditerranéen,
était en plein déclin. Corinthe commença également son déclin avant 600.
Le recul des villes a marché du même pas que le déclin des campagnes. En
Macédoine, il y a eu « une profonde mais “silencieuse” révolution sous la
dernière partie du règne de Justinien. Le dynamisme des lieux de
peuplement à la campagne caractérisé par l’utilisation de la monnaie, par la
construction d’églises décorées par des professionnels et un certain degré de
hiérarchisation a pris fin ». Dans le Sud, la période qui commence avec la
seconde moitié du Ve siècle a été décrite comme celle d’une « totale
désolation ». En fait, l’effondrement a été si brutal et total qu’il « a
consterné les chercheurs voulant comprendre où tous ces gens étaient
allés44 ».
Le cas grec a une grande valeur comme diagnostic. Cités et vallées
grecques ont été passées au peigne fin. Et, dans ce cas, la déperdition due à
la guerre et au chamboulement politique n’est pas une explication qui va de
soi. Le mal a atteint les coins les plus reculés de la péninsule grecque. Le
point d’inflexion du milieu du VIe siècle se retrouve partout d’un site à
l’autre. Il est possible de trouver de maigres vestiges d’habitations, et il est
à peu près certain que des humains, ayant laissé moins de traces détectables
qu’auparavant dans les fouilles archéologiques, ont continué à vivre et
travailler jusqu’au début du Moyen Âge. On tombe même sur des vestiges
de céramiques importées en franchissant la Méditerranée au début du
VIIe siècle. Mais cela ne prouve qu’une chose : l’effondrement
démographique a précédé la fin des circuits commerciaux. Les causes sont,
ici, plus aisément identifiables qu’ailleurs. La peste et le changement
climatique ont provoqué une convulsion simultanée au milieu du
VIe siècle45.
Ce siècle a aussi été un tournant en Anatolie. Les derniers siècles romains
ont été une période de développement et de croissance de la population.
Dans de nombreuses régions, les villes et les villages ont connu un apogée
au Ve siècle et au début du suivant. La trame des cités faisant face à la mer
Égée constituait l’un des corridors les plus urbanisés sous tout le Bas-
Empire. Cet essor a été brutalement interrompu, précisément au milieu du
VIe siècle. Le système qui liait ensemble villes et campagnes est partout et
simultanément entré en déclin. Sur le site urbain et campagnard de
Sagalossos, soigneusement étudié, la rupture a été dramatique. « Le plus
probablement à la suite d’une peste récurrente, Sagalossos s’est trouvée
totalement transformée. » Ici, une économie cohérente a semblé soudain
être à bout de souffle46.
Dans certaines régions anatoliennes, il y eut deux étapes dans le
changement, la première vers 550 et la seconde vers 620. La croissance a
d’abord calé mais sans que le système de peuplement ne s’en trouve
bouleversé. Même face aux recrudescences répétées de la peste, les
survivants se sont battus pour préserver leur ancien mode de vie. Le climat
plus humide et plus froid a réduit la surface des terres cultivées et la
diversité des cultures s’est fortement réduite. Plusieurs générations ont
continué à aller de l’avant dans des conditions toujours plus difficiles
jusqu’au coup de grâce porté à une société titubante par les invasions
perses. Au milieu du VIIe siècle, plus de trace de la moindre intervention
humaine sur le paysage. Ce qui avait été le cœur de la civilisation classique
était rejeté en arrière dans un état primitif et fragmenté tel qu’on ne l’avait
pas vu depuis un millénaire47.
Le sort de l’Égypte dans ce moment de crise reste un mystère. L’écologie
si particulière de la vallée du Nil a continué à dicter la marche des
événements. La dynamique du changement, on la décèle en miniature dans
un récit de Procope. Seulement quelques années après la première vague de
peste, la crue du Nil a atteint une hauteur de 18 coudées, ce qui, en temps
normal, eût été loué comme un don du ciel. En amont, tout semblait normal.
En aval, les événements prirent un tour imprévu. « Comme pour le pays
plus en amont, après que l’eau eut d’abord recouvert la surface, elle ne
s’écoula pas mais stagna de cette manière le temps des semailles, une chose
qui n’était jamais arrivée en aucun temps. » Cette crue excessive avait des
causes naturelles et humaines. La vallée du Nil était la zone écologique la
plus aménagée de l’ancien monde. Chaque année, au moment de la crue, les
eaux sacrées étaient distribuées grâce à un gigantesque réseau de canaux
d’irrigation. La machinerie entremêlée de digues, de canaux, de pompes et
de roues était une merveille d’intelligence et de durs efforts. La disparition
soudaine de main-d’œuvre dans la campagne en amont du fleuve entraîna le
délabrement du réseau de contrôle des eaux. Cette interruption a fait que les
habitants en aval du fleuve dans le fertile delta furent submergés. Il faut
remarquer que ce type d’événements s’est répété presque de la même
manière après la peste noire médiévale48.
L’économie égyptienne reposait sur cette énorme machinerie de gestion
de l’eau. La dynamique technologique et le mode de propriété pourraient
avoir joué un rôle décisif après la vague de peste justinienne dans la vallée
du Nil. Selon les mots de Procope : « L’inondation des terres par le Nil est
devenue la cause d’un grand malheur dans le moment présent. » Pour
aggraver encore les choses, l’Égypte était une économie marchande. Les
Égyptiens étaient hyperspécialisés dans la culture du blé. À la fin du
VIe siècle, avec moins de bouches à nourrir dans le pays et au-delà, le
marché du blé s’effondra. La quantité de blé disponible était plus que
suffisante pour saturer le marché. Les loyers stagnèrent. L’augmentation des
salaires fut, au mieux, modeste. Comme dans l’Égypte des Mamelouks
d’après la peste noire, la pandémie n’a pas été un cadeau pour les paysans.
Le faible niveau d’intégration du marché a diminué les revenus tirés du
commerce, touchant tout le monde, et la détérioration de la technologie a
réduit la productivité du travail. De plus, en utilisant tous les moyens, les
riches propriétaires terriens ont gardé le contrôle de la force de travail49.
Le domaine aristocratique d’Apion – le mieux connu de toute l’histoire
de l’Égypte ancienne – atteignit son apogée au cours des cinquante ans qui
ont suivi la première vague de peste. Le domaine s’est agrandi à un rythme
vertigineux sous les générations successives après la pandémie. Sa taille,
déjà considérable, n’aurait-elle pas doublé en pleine crise ? Les raisons de
cette croissance n’ont pas été totalement déchiffrées. Faut-il l’expliquer par
les affres d’un effondrement d’une population privée de ses points de
repère, ce qui aurait favorisé la concentration des propriétés terriennes ?
Mais, suite à la peste, le domaine d’Apion a réalisé des profits qui semblent
absolument anormaux. On pourrait y voir, en mode ralenti, l’érosion des
fondements sur lesquels reposait l’économie de la classe aristocratique. Les
gestionnaires du domaine ont été décrits comme « obsédés » par le manque
de main-d’œuvre, et ils auraient tenté d’assujettir les paysans à la terre à
chaque fois que c’était possible. Si l’on en juge par ce seul domaine, les
élites égyptiennes, profitant de leur contrôle des capitaux, de la technologie
et du système fiscal, ont acquis de vastes territoires, tout en se battant pour
réaliser des profits même modestes. D’un autre côté, la continuité familiale
dans la propriété de ce domaine tout au long du VIIe siècle suggère un
certain niveau de stabilité. Les élites n’étaient peut-être pas prospères mais
elles résistaient50.

Figure 36 Prix du blé en or (carats/hl)

Au VIIe siècle, Alexandrie s’en est mieux sortie que les anciennes autres
métropoles. La réussite insolente de Jean l’Aumônier comme patriarche est
incompréhensible hors d’un contexte de dynamisme. La vitalité
d’Alexandrie doit beaucoup à la mer. Elle liait la prospérité de la métropole
à celle des rives levantines derrière lesquelles se développait la plus grande
zone de vitalité au cours de l’Antiquité tardive. La Syrie et la Palestine ont
été le cœur spirituel et économique des Ve et VIe siècles. L’arc reliant le sud
de la Palestine aux monts Taurus a bénéficié d’une croissance
exceptionnelle. De 350 à 520 environ, la population a continué à grandir.
Les cités se sont développées à un rythme exceptionnel avec, en tête,
Antioche et Jérusalem que suivaient des dizaines de villes secondaires,
participant des réseaux méditerranéens. Les marchands levantins
dominaient le commerce de la mer Rouge à la Méditerranée occidentale.
Les vins de Gaza rencontraient un succès international, fournissant les
grands crus de l’Antiquité tardive (le patriarche Jean l’Aumônier s’étonnait
de la grande qualité du vin servi pour l’eucharistie et s’emporta quand il
apprit qu’il était importé de Gaza !)51.
Les cités du Levant ont maintenu leur ordre classique. Bains, jeux et
théâtres étaient le signe d’une vie trépidante. La nouvelle foi était de plus en
plus intégrée à la vie urbaine. La « terre sainte » était profondément
christianisée et aucune région n’a connu une explosion de constructions
d’églises et de monastères aussi forte au cours de l’Antiquité tardive. Cette
prospérité dérivait de celle des campagnes et rejaillissait sur elles en retour.
Des villages pleins de vie couvraient la plaine côtière, l’intérieur
montagneux et le ruban sec et semi-désertique se déroulant du nord de la
Mésopotamie jusqu’au Néguev. Beaucoup étaient situés au-delà des zones
sous contrôle des principales villes. Les villages aujourd’hui fantomatiques
construits en pierre sur le massif limoneux syrien n’appartenaient pas aux
élites côtières, mais à des notables paysans52.
La vague démographique atteignit son sommet au milieu du VIe siècle.
Ensuite, le nombre de nouvelles constructions diminua ou devint plus
intermittent. Dans le Nord, la crise fut sévère. Comment aurait-on surmonté
la combinaison de la peste, des destructions perses et d’une série de
tremblements de terre ? Les tremblements de terre ont été un fléau
permanent dans cette zone d’activité sismique de la Méditerranée et cela
jusqu’au début VIe siècle ; on a toujours reconstruit. Mais, à partir de la fin
du VIe siècle, les sociétés luttaient pour se remettre des catastrophes
naturelles. Antioche entra en déclin dans la seconde partie du VIe siècle. Les
villages situés dans sa zone d’influence souffrirent. Les villes mortes du
nord de la Syrie se contractèrent et se simplifièrent – mais sans disparaître
totalement – à partir de la seconde moitié du VIe siècle53.
Dans le sud du Levant, le milieu du VIe siècle fut plus un moment d’arrêt
que de retour en arrière. L’apparence des villes commença à changer,
parfois de manière drastique, perdant l’organisation politique allant du
sommet vers la base propre aux cités classiques pour un style de vie
organique plus mouvementé. Les régions côtières pourraient avoir
davantage souffert que celles de l’intérieur. La crise ralentit le rythme de
l’explosion de constructions sans y mettre fin. La prudence s’impose quand
on prend la construction comme un indice de prospérité économique. Ce
n’est pas un bon indice du produit intérieur brut. À partir de 550 environ,
l’érection d’églises est devenue pratiquement la seule forme de construction
publique. Ce n’était pas le cas dans les villages. Comme on le verra, une
grande partie de ces églises – dont beaucoup décorées de magnifiques
mosaïques – ont été construites dans un temps de peur religieuse. Les
humains qui en auraient eu besoin avaient peu de moyens pour demander
l’aide de puissants protecteurs dans un monde chaotique. Elles sont tout
autant un baromètre de l’atmosphère d’apocalypse qu’un index de la vitalité
économique. Mais, dans l’ensemble, le sud du Levant a été la partie la plus
résiliente de tout l’ancien monde méditerranéen54.
Le rôle du changement climatique dans le décrochage de l’économie du
Levant reste mal connu. Les vestiges de pierre en Syrie ou les pressoirs à
vin abandonnés dans le désert incultivable au-delà de Gaza pourraient être
comme des instantanés autorisant à se représenter le bouleversement
climatique de la fin de l’Holocène. Les déserts, à l’Est et au Sud, sont
systématiquement situés entre les fines bandes habitées semi-arides le long
de la côte. Mais des lieux de peuplement humain et d’exploitation des terres
se sont imposés dans des régions semi-arides toujours menacées de
sécheresse. L’influx de capitaux et l’intégration des marchés ont favorisé la
colonisation d’environnements risqués. Un entretien scrupuleux des sols et
le développement à grande échelle des technologies d’irrigation ont permis
l’expansion de l’agriculture, malgré des circonstances écologiques
difficiles. Ce qui a été accompli dans le Néguev n’est rien moins qu’« une
des transformations du paysage les plus réussies en Méditerranée quelle que
soit l’époque ». Mais les facteurs humains et climatiques n’avancent pas
d’un même pas. La tension entre les deux devient visible au VIe siècle.
L’agriculture s’est intensifiée alors même que l’aridification progressait, les
deux mouvements étant contradictoires. Les paysans ont fait preuve
d’ingéniosité pour tenter de retenir le désert et bloquer l’inéluctabilité de
son avance55.
Les esprits étaient alors hantés par la peste. Mais les pics répétés de
mortalité n’ont pas éliminé les humains de ce territoire, pas plus qu’ils n’en
ont inversé la logique. Ce que la peste en Méditerranée orientale a réussi à
faire, c’est de déplacer les centres de vitalité les plus remarquables de la
côte vers l’intérieur des terres. Les terres austères du prédésert, à l’est du
Jourdain, ont bénéficié de conditions agréables jusqu’au plus profond de la
crise. Au cœur de la zone s’étendant de Pétra à Damas, tout un méli-mélo
de sociétés arabo-chrétiennes s’est épanoui. Elles étaient connectées de
manière étroite à l’Empire romain, même si c’était seulement à ses
frontières. Là, des fermes irriguées, une agriculture d’oasis, le nomadisme
et le commerce des caravanes se mêlaient et vivaient côte à côte. À la fin du
VIe siècle, ces sociétés se sont tournées vers l’Ouest, vers l’Empire romain.
Mais ce dernier allait vite les décevoir. Elles allaient entrer
« tranquillement, presque de bon gré et sans la moindre plainte dans un
nouvel âge dont le sens n’était ni connu ni apprécié à l’époque56 ».
D’un bout de la Méditerranée à l’autre, le travail patient des archéologues
a permis de mettre au jour ces histoires silencieuses d’expansion et de
déclin. Chaque paysage passé au crible, chaque ville fouillée raconte une
histoire légèrement différente, colorée d’événements du cru. Mais sous cette
superbe complexité on perçoit les grandes tendances de changements plus
profonds. Récemment, des synthèses magistrales ont recomposé le
kaléidoscope des traits liant ensemble l’État impérial, les réseaux
d’échanges, les aristocraties régionales et la vie agraire. Mais
l’environnement physique n’est jamais un arrière-fond inerte devant lequel
se déroulerait notre histoire ; les fondements terriens, biologiques de la
production et de la reproduction jouent toujours un rôle non négligeable.
Sans les mouvements de fond de la démographie, les modèles d’État et
d’ordre social se transforment en abstractions inutiles. L’environnement
naturel et la démographie humaine ont été le résultat d’un État, d’une
économie et d’un ordre social, mais ils ont, à leur tour, agi et réagi sur eux,
avec leurs motifs propres, ce qui a eu des conséquences au plus haut niveau
de l’organisation politique – comme les événements vont bientôt le montrer.
Le climat, plus difficile, et le germe tueur se sont donné la main pour
provoquer de profonds changements dans tous les territoires de l’Empire.
Quand Jean l’Aumônier abandonna Alexandrie pour retourner dans sa
Chypre natale, il pouvait voir l’échafaudage de l’ancien ordre romain en
Méditerranée au bord de s’écrouler tout autour de lui. Il a connu la violence
épuisante de la guerre totale entre Rome et la Perse au début du VIIe siècle ;
elle a été catastrophique pour les deux parties. L’absence de ravitaillement
de Constantinople en céréales subventionnées marque la fin d’une époque.
Mais les armées perses n’étaient que le prélude à des événements bien plus
importants qui allaient avoir des conséquences considérables à long terme
pour toute la Méditerranée mais aussi pour le cours de l’histoire dans sa
totalité. Seulement quatre ans après la mort de Jean, un prophète d’humeur
apocalyptique emmenait ses disciples de La Mecque à Yathrib : c’était
l’hégire. Bientôt, ils atteindraient les frontières de l’Arabie romaine. L’ami
et le biographe de Jean, Sophrone, patriarche de Jérusalem, allait vivre
assez longtemps pour voir la dernière grande zone de vitalité du monde
romain tomber comme un fruit mûr de l’arbre d’un Empire à bout de
souffle. Peut-être son centre de gravité s’était-il déjà de manière subtile
déplacé vers l’intérieur sec et rude. Les événements qui pointaient à
l’horizon allaient, pour la première fois en mille ans, faire que le Levant
allait se tourner en direction de l’Est.
La faillite de l’Empire
En 559, dans la trente-troisième année de son règne, Justinien convoqua
son général Bélisaire alors en repos forcé. Au printemps, le Danube avait
gelé, « comme d’habitude […] sur une grande profondeur » (une remarque
inattendue sur la vie sous le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive, de nos
jours le Danube ne gelant plus qu’une fois par génération). Des milliers de
Koutrigoures, des cavaliers nomades d’au-delà de la mer Noire, avaient
traversé le fleuve gelé et se préparaient à lancer une attaque éclair contre
Constantinople. Bélisaire accepta la nouvelle mission. Le grand
commandant « revêtit encore une fois son armure, son casque et l’uniforme
de ses jeunes années ». Avec les principales armées engagées sur des
frontières lointaines, Bélisaire ne pouvait pas espérer disposer de plus de
300 soldats et d’une bande de paysans mal préparés à se battre. Mais, grâce
à un mélange de discipline et de promesses, Bélisaire fit rebrousser chemin
à la colonne des envahisseurs et évita à la capitale l’humiliation d’une
défaite. Encore une fois, Bélisaire était un héros57.
On doit ce récit bien construit à Agathias, l’historien qui a continué
l’histoire de Procope. Il nous éclaire sur un point précis. L’Empire autrefois
majestueux était réduit à l’état d’un spectre pitoyable battant en retraite
devant une petite troupe de cavaliers ; c’était une illustration de l’état de la
situation. « La fortune de l’Empire romain était tombée si bas que dans la
périphérie de la Cité impériale de telles atrocités pouvaient être commises
par une poignée de Barbares. » Au cours de l’année qui avait précédé le
retour de Bélisaire, la seconde épidémie de peste bubonique avait été un
choc pour un Empire qui s’obstinait désespérément à tenir ses positions.
Pour Agathias, la spirale du déclin entre les forces militaires et les
ressources fiscales était le problème central sous le règne de Justinien. Il
livre au lecteur des chiffres qui continuent à fasciner – et à intoxiquer – les
chercheurs par leur redoutable précision. Une armée autrefois composée de
645 000 hommes était désormais réduite à 150 000. Le premier chiffre est
incroyablement haut, le second même s’il n’est pas certain pourrait être
vrai. Cela ne change rien au problème : « Les armées romaines n’avaient
pas conservé le niveau désiré atteint par les premiers empereurs mais étaient
réduites à une fraction de ce qu’elles avaient été et ne correspondaient plus
aux besoins d’un vaste empire58. »
En démographie humaine, plus n’est pas toujours mieux. La pression de
population peut submerger des campagnes aux capacités limitées et
déclencher une pénurie de ressources. En revanche, l’abondance
démographique est presque toujours une bénédiction pour l’État. L’État s’en
nourrit. Jusqu’à la première pandémie, l’Empire romain d’Orient a été le
grand bénéficiaire de la croissance à long terme de la population. Au début
du VIe siècle, l’armée romaine était en mesure de repeupler ses rangs, une
fois encore sans trop d’efforts. Le service héréditaire et l’engagement
volontaire fournissaient une main-d’œuvre suffisante. « Il y avait un grand
réservoir d’hommes sans emploi ou sous-employés, en particulier des
paysans sans terre, dans lequel on pouvait puiser. » Mais l’hémorragie
démographique des temps de peste a ouvert une nouvelle ère dans la
gouvernance romaine. Avec la peste, l’Empire romain a fait face à un
dilemme qui se révélerait finalement insoluble. Il ne pouvait pas regarnir les
rangs de l’armée comme la géographie de l’Empire l’exigeait, et il ne
pouvait pas non plus payer une telle armée. La séquence exacte des
événements de ce drame, dans les années désespérées entre le règne de
Justinien et les malheurs terminaux sous Héraclius, a été dictée par la
contingence. Mais le mécanisme structurel a en fin de compte été décisif59.
Les croisades impériales de Justinien dépassaient les capacités fiscales et
militaires de l’Empire. La campagne africaine lancée dans les jours de
gloire d’avant la peste a été une source d’anxiété pour les responsables
financiers. La réouverture du conflit sur le front perse était coûteuse mais
Justinien fut capable de redresser la situation à la fois sur ses flancs est et
ouest en 544. Étant donné leurs rangs déjà clairsemés, on ne pouvait pas
prélever des troupes pour les envoyer à l’Est, ce qui força Bélisaire à lancer
une campagne de recrutement en Thrace pour rassembler environ
4 000 hommes. Le problème le plus grave était de trouver le moyen de
payer les soldats. Bélisaire implora l’empereur de lui fournir de l’argent et
des troupes. « Même les quelques soldats qu’il avait refusaient de se battre,
prétendant que l’État leur devait beaucoup d’argent. » Ils étaient « sans
serviteurs, sans chevaux, sans armes ni argent et aucun soldat, à mon avis,
n’accepterait jamais de faire la guerre sans toutes ces choses en quantité ».
C’était seulement le début inquiétant d’une nouvelle crise politique60.
Jusqu’au VIIe siècle, la puissance politique de l’Empire romain a toujours
été sous contrainte : l’État n’avait pas les moyens d’emprunter de l’argent à
grande échelle. L’un des obstacles était l’absence de monde financier
capable de prendre en charge la dette. À l’époque de la monnaie d’argent,
les empereurs pouvaient faire baisser sa valeur. Mais, au VIe siècle, les
soldats étaient payés en nature et en or. La pratique désespérée de
l’altération de la monnaie n’était plus envisageable. En cas de difficultés
financières, l’Empire n’avait que deux options : ne pas payer ses soldats, ou
écraser les contribuables. Les années 540 sont le début d’une ère au cours
de laquelle l’Empire a souvent combiné les deux. On nous dit que Justinien
« payait toujours ses soldats avec retard et, généralement, les traitait avec
désinvolture ». Il « commença à duper ouvertement les soldats sur une
partie de leur solde et ne paya pas le reste avant un temps extrêmement
long ». On dit que Justinien avait annulé le bonus en or que les soldats
recevaient tous les cinq ans, base de leur loyauté réciproque depuis les tout
premiers empereurs-soldats. Il aurait aussi pu priver les unités disposées
tout le long des frontières de leur commission. Rien de semblable n’avait
jamais existé dans les longues annales de l’histoire romaine. Justinien a été
le premier empereur doublé d’un mauvais payeur61.
Les troupes étaient fatiguées. Les contribuables aussi. Justinien
commença par refuser d’effacer les retards d’impôts ; on espérait que les
empereurs procèdent de temps en temps à des jubilés, mais Justinien était
inflexible. Finalement, en 553, il accepta à contrecœur d’effacer les impôts
dus depuis la fin de la première épidémie de peste. Même sa conduite en
public manquait d’empathie. « Alors que maintenant, comme jamais, de
nombreuses dépenses sont nécessaires pour la République, qui s’est
considérablement étendue grâce à la grandeur de Dieu, et qui implique des
guerres avec les Barbares qui nous entourent, néanmoins nous […]
remettons à nos sujets tous les impôts non payés. » C’était une maigre
concession62.
L’évaluation des impôts était de la responsabilité des districts et, même si
le nombre de travailleurs avait grandement diminué, les charges agrégées ne
furent pas ajustées, si bien que le taux réel d’imposition des survivants
s’envola. « Quand la peste éclata […] et balaya la majorité des paysans,
cela provoqua la désertion de nombreux domaines, comme vous pouvez
l’imaginer. Mais il ne fit preuve d’aucune mansuétude envers leurs
propriétaires. Il ne renonça jamais à l’impôt annuel, réclamant non
seulement la somme que chacun d’eux devait mais aussi ce qui était dû par
leurs voisins décédés. » Dans le village d’Aphrodito en Haute-Égypte, l’une
des sources en papyrus les plus riches sur cette période, on peut voir
concrètement la hausse des impôts. Ils ont atteint un pic vertigineux de
66 % des revenus. Le taux était beaucoup plus élevé à la fin du VIe siècle
qu’à n’importe quel moment de l’histoire de l’Empire romain63.
Il est surprenant que Justinien n’ait pas été renversé. Mais il avait déjà
survécu à un coup d’État au cours de son règne et il avait douché tout
enthousiasme pour une nouvelle révolte. La manière dont il avait traité
Bélisaire – le général victorieux et fidèle – avait choqué. Mais Justinien ne
prit pas le risque de mécontenter ses sujets en donnant trop d’importance au
candidat le plus naturel à sa succession ; de plus, le général se montrait
aussi fidèle qu’un chien. Les extraordinaires talents de l’empereur lui ont
permis de garder fermement le contrôle de l’État jusqu’à sa fin difficile.
L’opposition échoua à trouver un champion. Un règne qui avait commencé
avec de si grands espoirs – la réforme de la loi romaine, la refonte de
l’administration, un programme de construction, et, par-dessus tout, la
restauration de l’État dans toute la Méditerranée – se termina avec un
Empire blessé à mort. Quand Justinien mourut enfin, l’État était épuisé. Son
successeur, Justin II, hérita d’un Trésor tributaire de dettes impossibles à
récupérer. Il renonça immédiatement aux arriérés. Il prenait le contrôle
d’une armée qui, admettait-il publiquement, « allait à la ruine, manquant de
tout le nécessaire, si bien que la République était menacée par une quantité
innombrable d’invasions et d’incursions barbares64 ».
Les empereurs qui succédèrent à Justinien ont tenté de colmater les trous
dans la digue mais ils ne purent rien faire pour repousser les eaux qui
montaient. Justin II (qui régna de 565 à 574) mit fin à la diplomatie
consistant à payer les Barbares mais cela ne fit que redoubler la violence
diffuse aux frontières. Chaque nouvel épisode de peste étranglait l’État.
Suite à l’épidémie de 573, Tibère II (qui régna de 574 à 582) procéda à des
tentatives désespérées de recrutement à l’Est et à l’Ouest. Le contrôle des
Balkans vacilla et les possessions en Italie se réduisirent. Maurice (qui
régna de 582 à 602), aussi compétent que tous ceux qui revêtirent la
pourpre, continua une politique agressive de recrutement. Même dans les
affres de cette période désespérée, l’Empire pouvait réunir des armées de
taille respectable et le manuel militaire écrit par Maurice prétend pouvoir
rassembler 15 000 soldats en formation. Mais l’appareil militaire était
fiscalement intenable. Maurice en fut réduit à prendre une mesure
fatidique : réduire les soldes. Dans des temps plus anciens, les empereurs
romains auraient pu obtenir le même résultat en altérant la monnaie,
dissimulant ainsi la réduction. Aucun empereur n’avait jamais tenté une
coupe brutale. Ce qui était hautement prévisible arriva. Maurice fut
renversé et ce fut vite le tour de son usurpateur. Le vieux fléau des
dissensions internes était de retour. C’était la goutte d’eau de trop.
L’empereur Héraclius (qui régna de 610 à 641) allait présider à la faillite de
l’Empire65.
Pour ceux qui vécurent à cette époque, c’était la fin du monde.
L’heure était venue. Le monde de Mohammed
Le moine et écrivain Jean Moschos est né au milieu du règne de
Justinien, probablement en Cilicie. Il entendit l’appel du désert de Judée
alors qu’il était un jeune homme. Moschos était l’exact contemporain de
Jean l’Aumônier ; avec son ami et compagnon de voyage Sophrone, il est
l’auteur d’une biographie du patriarche d’Alexandrie. Ils appartenaient tous
les trois à la dernière génération qui pouvait se déplacer dans tout le monde
méditerranéen intégré à l’Empire. La facilité de voyager est le contexte
indispensable à la collection d’histoires édifiantes grâce à laquelle Moschos
est connu, le Pré spirituel. La contribution la plus marquante de Jean à la
littérature monastique de l’Antiquité tardive est cet ensemble de courtes
vignettes truculentes qui nous font traverser l’Empire romain des derniers
jours, dans un paysage déjà crépusculaire66.
Dans l’une de ces histoires, on rencontre un juriste de Palestine du nom
de Procope. Il se trouvait justement à Jérusalem quand la peste éclata à
Césarée, une ville côtière. Il fut saisi de terreur à l’idée de la mort de ses
enfants. « Devrais-je les ramener à la maison ? Personne ne peut échapper à
la colère de Dieu. Devrais-je les avoir près de moi ? Ils pourraient mourir
avant même que je ne les voie. » Finalement, il prit conseil auprès d’un
saint homme renommé, Abba Zachaios. Procope le trouva en train de prier
dans l’église Sainte-Marie-Mère-de-Dieu. Abba Zachaios se tourna vers
l’est et « leva les bras au ciel pendant deux heures sans dire un mot ». Puis
le saint homme se tourna vers Procope, lui promettant que ses enfants
vivraient et que la peste disparaîtrait dans les deux jours ; c’est ce qui se
passa67.
C’est une histoire émouvante et, en même temps, une parabole divine. Le
juriste avait trouvé Abba Zachaios en train de prier dans l’église Sainte-
Marie-Mère-de-Dieu. Les contemporains l’appelaient plus simplement Nea
Ekklesia ou « Nouvelle Église ». Elle avait été construite par Justinien et
terminée seulement un an après la première arrivée de la peste. C’était la
dernière contribution de Justinien à l’architecture de Jérusalem. Il avait
remodelé tout le cœur de la cité afin d’aligner son église avec le Saint-
Sépulcre de Constantin. L’église de Justinien faisait volontairement deux
fois la taille du temple de Salomon. Ses formidables pierres et ses piliers
imposants rouge feu proclamaient la puissance de l’Empire. C’était la
réalisation la plus spectaculaire du génie humain sous le ciel de Jérusalem
et elle est restée, tout au long du VIIe siècle, le majestueux témoin de la
présence de l’Empire dans la Ville sainte. Le juriste était venu demander
conseil dans un lieu saint consacré de l’Empire68.
Là, le juriste trouva Abba Zachaios en prière, les bras levés vers le ciel. Il
faisait certainement ses dévotions à Marie, la mère de Dieu. Dans un tel
lieu, l’influence de l’Empire se faisait sentir de manière subtile. La
Palestine était le berceau de la dévotion mariale. Mais, au Ve siècle, le culte
de Marie fut favorisé par l’Empire, et au VIe siècle le culte marial avait pour
centre Constantinople. Les décennies de peste avaient fait de
Constantinople la cité de Marie. L’Empire avait été placé sous sa protection.
Pour bien se représenter la figure de Marie, qui a obtenu une telle
prééminence sous l’Antiquité tardive, il faut chasser de notre esprit ses
images plus tardives, médiévales. Ce n’était alors pas la douce Mater
dolorosa, dont les souffrances étaient le merveilleux lot partagé de toute
l’humanité. La figure de Marie qui a capturé l’Empire était bien plutôt la
reine des Cieux. Elle était une force redoutable bien occupée dans ce
moment de grande transformation du monde. Le jour du jugement dernier,
elle intercéderait au nom de l’humanité devant un Dieu en colère. Le juriste,
désespéré de revoir un jour ses enfants, ne cherchait pas un miracle
personnel ou une compassion particulière. Par l’intermédiaire d’Abba
Zachaios, il bénéficia d’un bref mais satisfaisant coup d’œil sur les
événements cosmiques qui se déroulaient autour de lui69.
Le juriste profane qui cherchait de l’aide dans la Nouvelle Église
confessa qu’« aucun homme ne peut fuir la vengeance de Dieu ». Ce n’était
pas un fatalisme résigné propre à un individu pieux, mais la sensibilité
partagée de toute une époque. Les habitants des VIe et VIIe siècles ont eu
l’impression de vivre dans une époque encore sur le fil du couteau, au bord
de l’effondrement. Dans un tel contexte, l’impossibilité d’échapper à la
peste était un fait existentiel. Un chrétien à Antioche prétendait que tous
ceux qui fuiraient une ville menacée par la peste seraient pourchassés par
une force implacable. Un père du Désert est l’auteur d’une réflexion
approfondie sur la question de savoir si on pouvait fuir la peste. Une
tradition didactique islamique considérable traite de l’impossibilité
d’échapper au fléau. Même s’ils sont en arabe, certains des arguments
semblent littéralement empruntés aux textes contemporains écrits en latin,
grec ou syriaque. Les similarités ne sont pas superficielles. Derrière elles,
on trouve un océan de sentiments eschatologiques partagés70.
La réponse humaine à la crise environnementale toujours plus grave des
VIe et VIIe siècles a mis en valeur le potentiel apocalyptique du contexte
religieux. Le christianisme est une religion apocalyptique. L’apocalypse
constitue la petite musique à l’arrière-fond de toute l’histoire de l’Église.
Mais cela n’a pas toujours été avec la même intensité. Une fois dissipée la
ferveur de la première génération de chrétiens, l’attente d’un jugement
dernier imminent s’est faite plus discrète. La conversion de l’Empire au
christianisme a aggravé l’anxiété liée à l’attente de la fin des temps. Des
événements comme ceux de l’année 500 ont pu aggraver une spéculation
millénariste transitoire, mais, lorsque cette date fut franchie sans encombre,
un sentiment de triomphe s’est répandu pour un temps face au pessimisme
ambiant71.
Puis, la nature est entrée en scène. Les catastrophes naturelles du
VIe siècle ont été à l’origine d’un des plus grands changements d’état
d’esprit de toute l’histoire humaine. L’occlusion du soleil, les tremblements
de terre et l’épidémie mondiale de peste ont mis le feu aux attentes
eschatologiques dans tout le monde chrétien et au-delà. On retrouve des
signes d’un profond désespoir collectif dans des lieux très éloignés les uns
des autres, comme dans la mythologie nordique ou le bouddhisme chinois.
Mais on ne peut saisir avec précision le sentiment tourbillonnant d’un
désastre que dans l’Empire romain. Déjà, alors que la première vague de
peste approchait, des rumeurs catastrophistes se répandaient. La veille de
l’épidémie à Constantinople, une femme « tomba en extase » et fut
emportée dans une église ; elle annonçait « que dans trois jours, la mer allait
monter et emporter le monde entier ». La mortalité suscita un sentiment
d’effroi ineffable, dont les racines pouvaient être plus anciennes que le
christianisme. « Selon les anciens oracles des Égyptiens et les principaux
astrologues de la Perse actuelle, il arrive dans le cours d’un temps éternel
une succession de cycles heureux et malheureux. Ces personnes éclairées
voudraient que nous croyions que nous passons actuellement au travers
d’un de ces cycles les plus désastreux et les plus difficiles : d’où la
prévalence universelle de la guerre, des dissensions internes et des
fréquentes et persistantes épidémies de peste72. »
La principale réaction chrétienne à l’âge de la peste avait déjà été
ébauchée par Jean d’Éphèse qui avait tenté de faire face aux horreurs de la
première pandémie. Face à une violence aussi indicible, on ne pouvait
qu’en conclure que la fin des temps approchait. La peste était le signe de la
fureur de Dieu. Pour expliquer la peste, Jean fit appel aux traditions
prophétiques et apocalyptiques. C’était la vendange de la colère divine
promise dans l’Apocalypse biblique. La soif de justice divine garantissait
que « le peuple devait rester surpris et stupéfait à propos de Son jugement
juste qui ne peut pas être compris, ni conçu par les êtres humains, car
comme il est écrit “Tes jugements sont comme le grand abîme” ». Les
souffrances infligées par la peste devaient être comprises comme « un
châtiment ». C’est là un mot d’une profondeur toute particulière dans une
société familière avec les extrémités les plus sombres propres aux relations
maître-esclave ; le châtiment évoquait la dernière et la plus désespérée des
punitions corporelles pour remettre sur la bonne voie un esclave
récalcitrant. Justinien avait dit publiquement de la peste qu’elle était un
signe de la philanthropie de Dieu, de son « amour pour l’humanité ». La
mortalité de masse était un appel au réveil des survivants, une dernière mise
en garde avant le jugement dernier73.
Aux peurs du VIe siècle correspondit une réponse ecclésiale sous la forme
de rogations liturgiques, de grands rituels collectifs propriatoires. Ils avaient
été initiés avant la pandémie, dès le Ve siècle. Ils avaient d’abord été conçus
comme une façon d’expier les péchés d’une communauté. C’était une
liturgie du dernier ressort et, à l’époque de Justinien, ce type de rituels avait
encore l’apparence de quelque chose de nouveau. En 543, l’évêque de
Clermont (l’oncle du chroniqueur Grégoire de Tours) avait repoussé la peste
en prenant en plein carême la tête d’une procession regroupant toute la
communauté vers un sanctuaire rural éloigné, en chantant des psaumes. Ils
furent épargnés. Ces liturgies se sont répandues aussi facilement et
anonymement qu’un virus informatique. L’Église d’Orient en Syrie, à
l’autre extrémité du monde – par rapport à Clermont –, procéda à des rituels
de supplication quasiment identiques74.
La plupart de ces réponses désespérées n’ont laissé aucune trace
historique. Ce n’est pas le cas des exercices spirituels sophistiqués conduits
sous la direction de Grégoire le Grand dont on a conservé un portrait plein
de vie. Il a organisé des processions suivant des chemins de piété qui
épousaient les vieilles coordonnées civiques de Rome. Pendant trois jours,
la cité a retenti de prières, alors que les chœurs entonnaient les psaumes et
le Kyrie Eleison. Un mercredi, tout le peuple se rassembla dans sept églises.
Des processions se répandirent dans la cité, convergeant… à la basilique
dédiée à la Vierge, Sainte-Marie-Majeure. « Là, nous pouvons tout à loisir
supplier Dieu avec des larmes et des gémissements. » Un diacre rapporte
avoir vu de ses propres yeux quatre-vingts personnes s’effondrer mortes au
cours des prières. « Le pape ne s’arrêta pas de prêcher ni le peuple de
prier75. »
Ces rogations ne sont qu’un des éléments apparents d’une vaste koinè
mystique, réaction à la peste par des rituels d’intercession collectifs
empreints de terreur apocalyptique. Le jugement dernier était un appel à la
repentance. La peste était la dernière chance de renoncer au péché. Et aucun
péché ne pesait plus lourdement sur le cœur de l’Antiquité tardive que la
cupidité. Comme Peter Brown l’a montré, l’angoisse au sujet de la richesse
a été à l’origine d’une crise morale permanente dans l’ancienne chrétienté.
Les possessions terrestres étaient une épreuve pour la foi. Ici, la peste
touchait un nerf sensible. Les vignettes les plus mémorables sur l’histoire
de la peste, imputables à Jean d’Éphèse, s’attardent sur des individus ciblés
par la punition à cause de leur cupidité. D’une certaine manière, la peste
était la dernière terrible tentative de Dieu pour desserrer notre solide
dépendance aux choses matérielles76.
Dans certains cas, cela donna des résultats. Dans un lointain village de
Haute-Égypte, la peste a provoqué une effusion instantanée d’offrandes
pieuses. Ailleurs, la gratitude des survivants s’est traduite à grande échelle.
On a élevé de magnifiques bâtiments pour satisfaire aux promesses
inspirées par la peur. Ce n’est pas par hasard si l’érection d’églises a été la
forme publique de construction la plus active. Les crises naturelles sont à
l’arrière-fond de cette vague de constructions. À Pétra, sur le mur d’une
église datant du VIe siècle on admire une illustration du 91e psaume :
« Armure et bouclier, sa vérité. Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, ni
la flèche qui vole de jour, ni la peste qui marche en la ténèbre, ni le fléau
qui dévaste à midi. » Beaucoup de ces nouvelles constructions étaient
dédiées à Marie ou à l’archange Michel. À Nitzana, dans le Néguev, par
exemple, une nouvelle église (connue comme l’église du Sud) était dédiée à
Sainte Marie-Mère-de-Dieu, juste après l’épidémie de peste. L’inscription
dédicatoire est typique : elle l’implore, « Aide-nous et aie pitié ». Ce
schéma se reproduisit aussi en Occident. En 545, à Ravenne, une petite
église a été bâtie par deux hommes et dédiée à l’archange Michel, en
remerciement pour les « bienfaits » qu’il leur avait accordés, c’est-à-dire sa
grâce au milieu des ravages de la peste. Sur les mosaïques de l’abside, le
Christ est flanqué par les archanges Michel et Gabriel. Des anges soufflent
dans les trompettes de l’Apocalypse. C’était le remerciement d’un survivant
laissé debout après les premières annonces du jugement dernier77.
Le sentiment de gratitude envers l’archange Michel n’était pas une
singularité. Un sermon copte anonyme prétend qu’une copie du Nouveau
Testament, remise au nom de l’archange Michel, avait les pouvoirs d’un
talisman pour les églises et les maisons : « Jamais de maladie, jamais de
pestilence ni de malchance n’entreront dans la maison où il est pour
toujours. » La ferveur eschatologique a propulsé l’archange Michel à
l’avant-poste de la dévotion religieuse. Au plus fort de l’épidémie, on
apercevait l’« ange de Dieu, avec ses cheveux blancs comme la neige »,
parmi les humains, occupé à la rédaction des jugements. La place de
l’archange, déjà ascendante avant la peste, régna dans le paysage culturel
comme jamais auparavant. Mais n’était-il pas l’instrument du jugement de
Dieu dont l’heure approchait78 ?
La mère de Dieu a été la plus grande bénéficiaire de la crise. Sa
prééminence dans la vie religieuse, en particulier à Constantinople, date de
la fin du VIe siècle. « La Vierge est venue pour occuper une place dominante
– peut-être la principale – dans la vie religieuse de la cité. » La fête de
l’Hypapante fut célébrée pour la première fois à Constantinople alors que la
maladie multipliait ses ravages. Équivalente orientale de la Chandeleur, elle
commémore la purification de Marie au Temple. L’Hypapante fut célébrée
le 2 février, à l’apogée de l’épidémie, et l’idée de purification pourrait avoir
suscité un regain d’une foi élémentaire. Justinien ordonna qu’il en fût
procédé de même dans tout l’Empire. La dévotion mariale s’est étendue et a
gagné toute la société. Des images de Marie, souvent dans un but
apotropaïque, sont devenues plus communes que n’importe quel objet
domestique. Un magnifique pectoral de la fin du VIe siècle invoque l’aide de
Marie : « Protège celle qui le porte. » Un brassard implore : « Mère de
Dieu, viens à l’aide d’Anna. » La prééminence de Marie et la prolifération
de ses images témoignent que les idées religieuses présentes dans les textes
reflétaient un sentiment culturel beaucoup plus large, toujours dans une
tonalité apocalyptique. Dans la dernière strophe du grand Akathistos, hymne
à Marie, l’une des pièces maîtresses de la piété byzantine des premiers
temps, on la supplie : « Garde-nous de tout malheur et de toute menace,
nous qui te chantons d’un même cœur : Alleluia79 ! »
C’est aussi à l’âge de la peste et de la crise climatique que le culte des
icônes a acquis une place intime dans la pratique religieuse de l’Église.
Récemment, Mischa Meier a proposé, sur la suggestion d’Averil Cameron,
que l’agonie stupéfiante qui accompagnait la pandémie avait encouragé le
culte des icônes. C’est une proposition convaincante. Il se pourrait que
l’artefact spirituel le plus poignant de l’époque soit la grande icône
byzantine de Marie connue sous le nom de Salus populi Romani – « la
Délivrance (ou la Santé) du peuple romain » –, accrochée dans Santa Maria
Maggiore à Rome. C’est probablement un original datant du VIe siècle.
C’est un symbole de dévotion mariale et d’une incessante relation entre
l’Orient et l’Occident au VIe siècle. Pour ce qu’elle vaut, la Légende dorée
de la fin du Moyen Âge donne un portrait du pape Grégoire le Grand
transportant une icône de la Vierge durant les Rogations. L’archange Michel
apparaît au sommet du Château Saint-Ange, brandissant son épée et
terrassant la peste. C’est peut-être une légende avec des ajouts médiévaux.
Mais l’esprit est entièrement cohérent avec l’ambiance de la fin du
VIe siècle80.
On ne doit jamais oublier que Grégoire a vécu de longues années dans la
capitale orientale. Il était à Constantinople pendant au moins l’une des
recrudescences majeures de la peste. Là, il aurait été le témoin des grandes
litanies publiques propres à ces temps de désespoir. La sensibilité
eschatologique de Grégoire le Grand était colorée par son expérience du
christianisme oriental. Pour Grégoire, de même que pour un personnage
comme Jean d’Éphèse, les malheurs dus à la peste et à la guerre étaient un
appel à la repentance. « Il convient, mes très chers frères, que nous
craignions, du moins quand ils arrivent et que nous les éprouvons, les
fléaux de Dieu, que nous aurions dû redouter d’avance. Que la douleur
donne en nous entrée à la conversion […]. Voilà que tout ce peuple est
frappé de l’épée de la colère céleste, qui abat d’un coup subit chacun de nos
citoyens. » L’imminence du Jugement pressait d’agir. Il inspira à Grégoire
l’idée d’évangéliser les païens en Bretagne pour leur apporter le salut alors
que le temps était compté. Les miracles des saints signifiaient que cet âge
n’était pas encore « totalement abandonné à son sort ». Mais les
catastrophes naturelles étaient un signe sans équivoque que tout l’édifice de
l’époque était en train de rapidement s’effondrer81.
Les croyances des chrétiens ayant autorité comme Jean d’Éphèse ou
Grégoire le Grand se situaient dans le cadre des Écritures. Le canon
biblique n’est pas avare de prédictions apocalyptiques, tout un ensemble
d’images et de symboles en renfort. La tradition est par nature
kaléidoscopique. Ses symboles fragmentaires et souvent étranges pouvaient
être utilisés à l’infini dans des configurations inédites jusque-là. Cette
tradition installait aussi un cordon invisible autour de ce qui pouvait être dit
et pensé. « Alors que la théologie patristique ne concède aucune place à des
prophéties singulières, elle laisse une large part aux interprétations créatives
à partir des textes bibliques importants. » On se doit de souligner que les
commentaires sur la Révélation ont débuté au VIe siècle. Ce livre a toujours
été un peu en marge de la tradition chrétienne majoritaire mais, à l’époque
de la peste, il fut réexaminé dans l’urgence. Les frontières de la pensée
apocalyptique allaient être testées82.
Le temps des proclamations prophétiques, au sens propre, avait depuis
longtemps pris fin dans le judaïsme et le christianisme, si des expériences
extatiques et des visions religieuses ont toujours rôdé aux limites de
l’orthodoxie. Un saint homme comme Nicholas de Sion était
personnellement visité par l’archange Michel, et recevait des mises en garde
contre la peste. Abba Zachaios avait une relation de faveur avec le divin
dans l’enceinte autorisée de la Nouvelle Église. Mais le don de clairvoyance
n’était pas toujours bien encadré. À la fin du VIe siècle et au VIIe siècle, la
puissance incontrôlée des attentes apocalyptiques a commencé à submerger
les rives des vieilles traditions textuelles83.
Cela vaut aussi bien pour le judaïsme que pour le christianisme. Au plus
fort de la crise, une nouvelle ère très féconde en écrits juifs de teinte
apocalyptique s’est ouverte. Les catastrophes naturelles permanentes
combinées aux confrontations épiques entre Rome et la Perse ont nourri un
nouveau sentiment de mysticisme et d’attente parmi les juifs de la
Méditerranée et du Proche-Orient. « Le Saint, béni soit-il, fera venir sur le
monde une chaleur, du genre de celle du soleil, avec flamme et braise, et de
nombreuses maladies mauvaises, et un fléau, et une épidémie. Les nations
du monde mourront par milliers de milliers chaque jour. Et tous les impies
d’Israël mourront. » L’antagonisme grandissant entre l’État romain et ses
sujets juifs, qui devait atteindre un sommet avec les baptêmes forcés vers
630, enflamma une ferveur messianique. Sous la pression, les juifs
cherchaient les « traces du Messie ». Les formes d’attente des juifs leur
étaient particulières mais ils partageaient clairement la même atmosphère
apocalyptique que tout leur environnement84.
Au début du VIIe siècle, la dynamique des événements politiques a donné
un nouvel élan turbulent aux idées apocalyptiques. La guerre interminable
entre Rome et la Perse alimentait le feu. Le choc des grands Empires
connus comme les « deux yeux du monde » semblait être la dernière
confrontation. Le conflit eut l’allure d’une guerre sainte. Déjà sous
Maurice, le mot d’ordre de l’armée romaine était « Vierge, mère de Dieu ».
Entre 602 et 628, la violence éclata dans les zones habituelles. Ce fut une
guerre totale. Les armées perses pénétrèrent très avant dans l’Empire. Elles
envahirent la Terre sainte. La Syrie fut occupée en 610 et la Palestine en
614. La chute de Jérusalem provoqua un choc moral et donna lieu à un
gigantesque massacre. Les reliques de la Vraie Croix tombèrent entre les
mains des Perses. L’« impact psychologique » de la chute de Jérusalem fut
« peut-être comparable au traumatisme ressenti par les Romains quand
Rome fut mise à sac en 410 ». Le temps apocalyptique s’accéléra. L’Égypte
puis l’Anatolie tombèrent à leur tour. Dans beaucoup d’endroits, comme en
Asie mineure, on ne s’en remit jamais85.
Les destructions furent considérables mais le pire restait encore à venir.
En 626, les Perses étaient sous les murs de Constantinople. Une armée
d’Avars avait simultanément avancé vers la capitale. Aux heures les plus
sombres, le peuple se tourna vers la Vierge. Son icône fut promenée dans
les rues et sur les grandes murailles. La ville semble avoir été sauvée de
manière surnaturelle. L’empereur, Héraclius, lança une violente contre-
attaque. Avec des icônes du Christ et de la Vierge dans ses fourgons (et
l’aide de grande importance de ses alliés turcs), il récupéra en 628 les restes
encore fumants des provinces orientales. Même brièvement, le vieil
équilibre politique fut restauré. La Vraie Croix fut triomphalement ramenée
à Jérusalem. Les événements politiques étaient baignés de significations
apocalyptiques, d’une manière qu’on n’avait pas vue depuis les prophéties
du Livre de Daniel. Et, maintenant, le monde entier regardait les
événements politiques avec l’impatience d’une attente eschatologique86.
L’empereur Héraclius fut acclamé comme un personnage de dimension
cosmique. Mais sa restauration fut brève. La rapidité avec laquelle s’est
déroulé l’acte suivant a toujours été un sujet d’étonnement. Alors que Rome
et la Perse étaient en proie à une sanglante confrontation, quelque chose se
tramait au sud. En l’espace de seulement quelques années, les envahisseurs
arabes détachèrent sans difficulté les territoires si importants de l’Orient
romain de leur centre nerveux – Constantinople. Faisant des marges du
désert qui enveloppait le Levant une zone de conquête et de contrôle,
l’armée des croyants d’Arabie démembra l’Empire romain. Rapide et sans
pitié, la conquête provoqua des destructions mémorables gratuites. Après la
défaite de Yarmouk (en 636), l’empereur Héraclius sonna la retraite. C’est
un signe que la concaténation de la peste, du changement climatique et des
guerres sans fin avait épuisé les forces de l’Empire. La Syrie, la Palestine et
l’Égypte succombèrent devant l’envahisseur en l’espace d’une décennie. De
nouvelles frontières furent tracées plus vite que ce que les contemporains
étaient capables de saisir de ces changements dramatiques87.
Plus tard, les propagandistes de la cour des Abbassides attribueraient la
grande victoire aux seuls robustes fils d’Arabie. C’est un récit séduisant et
ingénieux. Mais détrompons-nous : les Arabes n’étaient pas des étrangers.
Les travaux de Glen Bowersock nous procurent une remarquable vue à 360°
sur le cœur de l'Arabie à l’aube de l’islam, et il est entouré de tous côtés par
les différentes civilisations. Les réseaux de la mer Rouge qui entouraient les
Arabes étaient partie intégrante de la géopolitique des grandes puissances
depuis des siècles. Les Arabes avaient servi comme soldats fédérés les
Romains et les Perses et ils connaissaient intimement les réseaux
commerciaux du Proche-Orient. Il y avait des Arabes chrétiens dans tout le
désert romain ; des missionnaires du Christ parcouraient l’Arabie. Il y eut
même, un temps, un royaume juif dans le sud de cette région. Même le
Hedjaz n’était pas un désert exotique connu uniquement par les nomades.
Ce n’était pas des zones interdites. Bédouins, marchands et agriculteurs
sédentarisés considéraient tous que c’était leur terre natale. Au VIIe siècle, le
monde arabe fut entraîné dans une confrontation épique entre les grandes
puissances. Certains pensent même que l’hégire de Mohammed fut conçue,
par l’intermédiaire de canaux et de clients régionaux, par la cour de
Constantinople88.
L’étincelle qui mit le feu à l’Arabie a été l’essor d’une nouvelle idéologie
religieuse monothéiste qui allait créer une communauté de croyants au
travers d’anciennes divisions tribales. La mission religieuse de Mohammed
n’a pas été simplement précipitée par les sentiments apocalyptiques dans
tout le monde proche-oriental. Il n’était pas non plus étranger à la koinè
religieuse de l’Antiquité tardive. C’était une excroissance particulière de la
panique apocalyptique générale qui avait triomphé avec la pandémie de
peste et le petit âge glaciaire. Les germes de la peur eschatologique avaient
été emportés par le vent au-delà des frontières de Rome, et s’étaient
enracinés en terre étrangère. Ce qui range cette religion à part, ce ne fut pas
tant ses composants d’origine arabe que son champ d’expansion. Là où
l’eschatologie des juifs et des chrétiens était enfermée dans la tradition de la
révélation, un nouveau prophète arabe prétendait avoir reçu la révélation
finale de Dieu par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Le message en lui-
même n’aurait pas paru totalement étranger à Jean d’Éphèse ou à Grégoire
le Grand. La révélation était dans l’urgence : adorez le Dieu unique, car
l’Heure est proche89.
Carte 25 Le monde des débuts de l’islam
L’étude critique de l’islam, débarrassée des couches apposées sur elle
tout au long des siècles, a souligné que le monothéisme et la mise en garde
eschatologique étaient au centre du message religieux du prophète
Mohammed. « Le jugement dernier est en fait le second thème en
importance dans le Coran, seulement précédé par la référence au
monothéisme. » Le Coran prétend être « un avertisseur analogue aux
avertisseurs anciens : l’Imminente (l’heure du Jugement) s’approche ».
Dieu est la connaissance de la réalité cachée des cieux : « C’est à Allah
qu’appartient l’inconnaissable des cieux et de la Terre. Et l’ordre
[concernant] l’Heure ne sera que comme un clin d’œil ou plus bref
encore ! » L’islam a sa source dans un mouvement eschatologique urgent,
avec la volonté de répandre la révélation par l’épée, proclamant que l’Heure
va sonner. Ici, l’énergie eschatologique du VIIe siècle a trouvé son
développement le moins contraint. Cela avait quelque chose d’électrifiant.
Le message était le dernier élément d’un cocktail explosif. La frontière sud-
est de l’Empire disparut quasiment en une nuit. Les lignes politiques qui
dataient de milliers d’années furent instantanément et définitivement
redessinées90.
La Nouvelle Église, à Jérusalem, où nous avons croisé le juriste et Abba
Zachaios témoignait de l’appartenance géographique et politique de la Terre
sainte à l’Empire romain. L’église apparaît une dernière fois dans l’histoire
à Noël 634 comme le lieu du sermon prononcé par le patriarche Sophrone,
ami de Jean Moschos et biographe de Jean l’Aumônier. Sophrone avait
vécu suffisamment plus longtemps que ses amis pour assister à la conquête
de Jérusalem par l’Islam. Pour lui, les Arabes étaient l’« abomination de la
désolation clairement annoncée par les prophètes ». Ils représentaient un
châtiment et seule la volonté de Dieu avait voulu qu’ils « ajoutent la
victoire à la victoire ». Pourtant, il gardait espoir. « Si nous nous repentons
de nos péchés, nous rirons à la défaite de nos ennemis les Sarrasins et sous
peu de temps nous verrons leur complète destruction et ruine. Car leurs
épées sanglantes transperceront leurs propres cœurs, leurs arcs se briseront,
leurs flèches se colleront à eux et ils nous ouvriront le chemin de
Bethléem. » Mais Sophrone était le porte-parole d’une cause perdue. La
Nouvelle Église a disparu de l’histoire. Il est possible que l’immense bâtisse
de pierre, autrefois symbole de la puissance de Rome, ait été abattue et
incorporée dans le Dôme du Rocher, les vieilles pierres servant à la
nouvelle construction91.

Carte 26 La Méditerranée au début du Moyen Âge

La conquête des provinces orientales dans les années 630 et 640 par un
mouvement prophétique eschatologique peut être considérée comme l’acte
final de la chute de l’Empire romain. Avec le détachement des possessions
orientales, la zone d’énergie la plus vivace de l’Empire était perdue, le
monde méditerranéen coupé en deux. L’Empire romain était réduit à l’État
croupion byzantin dont les dernières possessions étaient maigres et
appauvries. Le califat islamique couvrait désormais ce qui avait été et
resterait le cœur vibrant de l’entreprise culturelle, spirituelle et scientifique,
le Croissant fertile qui, une fois encore, vérifiait qu’il était bien le cœur et le
carrefour de la civilisation. Les territoires émiettés de l’Occident latin
n’étaient plus que le bras mort de l’Eurasie, destinés, pendant tout un cycle,
à rester en dehors de l’orbite de la civilisation. Jamais plus il n’y aurait
d’empire pan-méditerranéen, liant les énergies des continents du vieux
monde par un pouvoir qui l’unifiait. Un nouvel âge commençait.
L’empire de Rome a toujours reposé sur un équilibre instable entre
fragilité et résilience mais, in fine, les forces de dissolution l’ont emporté.
Cependant l’influence sans égale du climat et des maladies dans cette
histoire atténue quelque peu la tentation de trouver les causes cachées ou les
choix fatals qui ont dicté la chute de Rome. La chute de l’Empire n’a pas
été la conséquence inexorable de quelque faute intrinsèque qui permettrait
de tout expliquer. Elle n’a pas non plus été l’issue superflue de quelque faux
pas qu’une démarche plus judicieuse aurait permis de circonscrire. La
longue réflexion d’Edward Gibbon sur le sort de Rome l’a conduit à
s’émerveiller, non pas de la chute de l’Empire, mais du fait « qu’il ait duré
si longtemps ». Tout ce que nous avons appris sur Rome depuis ce moment,
le moins n’étant pas les découvertes excitantes des dernières années, ne fait
que confirmer et même donner plus de poids à une telle conviction. Face à
une adversité sans trêve, l’Empire a tenu bon. Au milieu de difficultés
indescriptibles, son peuple a survécu. Tout au moins jusqu’à ce que le cadre
mortel de l’Empire soit à bout de souffle et que de fières nouvelles
civilisations surgissent de ses cendres.
Épilogue
Le triomphe de l’humanité ?

En 1798, un pasteur anglican de province publiait anonymement la


première de nombreuses versions de son scandaleux et brillant Essai sur le
principe de population. Dans les éditions suivantes, Thomas Robert
Malthus a ajouté un long chapitre sur Rome – « Population des anciennes
nations » –, sa contribution au débat opposant David Hume et Robert
Wallace. Ce débat d’apparence ésotérique signalait un tournant discret. Le
point de vue négatif de Hume faisait tomber de leur piédestal les
civilisations classiques et, d’une certaine manière, consolidait la confiance
des Modernes dans leur supériorité. Dans son brillant Essai, Malthus inscrit
Rome dans la liste des civilisations où « la population semble s’être
rarement réglée avec précision sur le taux moyen et permanent des
subsistances. En général, on la voit exécuter des oscillations entre deux
points extrêmes ». La position de Malthus n’est ni particulièrement
originale ni spécialement profonde. Mais si l’Essai a eu une telle influence
et s’est révélé si pertinent au fil du temps, c’est à cause de sa thèse centrale :
les sociétés humaines dépendent de leurs fondements écologiques. C’est
encore aujourd’hui une source d’inspiration pour penser la condition
humaine – et notre relation à une civilisation aussi éloignée dans le temps
que celle des Romains92.
À l’époque où Malthus publiait la première édition de son livre, quelque
part sur Terre un enfant naissait avec une caractéristique très particulière.
Pour la première fois dans l’histoire de notre espèce, il y avait désormais un
milliard d’hommes sur Terre. Le chemin a été long. La croissance du
nombre d’êtres humains a commencé avec la grande dispersion hors
d’Afrique et la capacité remarquable de notre espèce à coloniser presque
n’importe quel environnement de la planète. Il n’y avait encore que
5 millions d’êtres humains au total, éparpillés à travers des continents
habitables, lorsque nos ingénieux ancêtres de l’âge de pierre découvrirent la
possibilité de la domestication. L’essor de l’agriculture a été une révolution
énergétique, un moyen de convertir les radiations solaires en calories
consommables avec une efficacité qui changeait tout. Le potentiel explosif
de cette révolution s’est réalisé avec l’augmentation vertigineuse du nombre
d’humains93.
Les premières civilisations pratiquant l’agriculture n’étaient pas si
différentes, du point de vue de leur fondement énergétique, du monde dans
lequel vivait Malthus en 1800. Dans l’Angleterre où Malthus est né, le
revenu par tête était un peu plus haut que ce qu’il avait été à l’aube de
l’agriculture, mais pas de manière radicale. En fait, le revenu moyen dans
l’Angleterre du XVIIIe siècle était bien plus proche du niveau romain que de
celui dont nous profitons dans le monde développé d’aujourd’hui. Il était
loin d’être évident, comme l’écrit Malthus, que l’humanité ait échappé au
piège énergétique propre aux économies préindustrielles. Et ce n’était de
toute façon pas le cas de toutes les sociétés. À l’aube de la révolution
industrielle, par exemple, les salaires et le bien-être humain dans les centres
de la civilisation chinoise étaient à peu de chose près semblables à ceux de
la plupart des sociétés européennes. Mais, au cours des XVIIIe et XIXe siècles,
la population chinoise a été multipliée et a dépassé ses capacités
écologiques, provoquant précisément le type de cercle vicieux où
s’enchaînent famines et catastrophes sociales que la doctrine fondamentale
de Malthus avait prévues94.
Ironiquement, Malthus, en tant que prophète, a manifestement eu tort
dans le cas de son propre pays. Avec les Anglais à l’avant-garde, l’humanité
a inventé une autre révolution énergétique d’une envergure encore plus
considérable. L’énergie solaire figée dans le sous-sol sous forme fossile a
été pompée et exploitée pour que tournent les machines ; l’entreprise
scientifique a été mise au service des arts appliqués. La combinaison entre
plus d’énergie, plus de nourriture, la réforme sanitaire et (plus tard) la
théorie des germes et les antibiotiques a contribué à une explosion de la
population sans précédent dans l’histoire de la vie sur la planète. En
seulement deux siècles, 6 milliards de nouveaux individus se sont ajoutés
aux anciens. Alors même que cette révolution se déroulait sous ses yeux, le
révérend Malthus n’a pas saisi la manière dont les innovations techniques
allaient libérer la société humaine des effroyables conséquences du piège
énergétique. La plus grande partie des 7 milliards d’êtres humains
bénéficient aujourd’hui d’un niveau matériel de bien-être et d’une
espérance de vie au-delà de tout ce que les Romains auraient pu imaginer.
Peut-on donc dire que nous, les habitants du monde moderne, sommes du
bon côté de l’abîme nous séparant des Anciens grâce aux ressources
apparemment sans limite de notre régime énergétique ? D’une certaine
manière, oui. Les périls les plus graves qui nous menacent sont bien plus la
conséquence de notre abondance que du risque d’être victimes de la rareté.
Mais ce livre a montré comment, malgré le fossé de la modernité, nous
sommes liés de manière inattendue au passé. Et, là encore, on peut tirer des
leçons essentielles d’un des grands enseignements de Malthus, même si,
volens nolens, on doit admettre que la position que nous occupons nous
permet d’y voir plus clair. L’un des arguments centraux de cet ouvrage est
que l’essor de l’Empire romain a été le catalyseur – mais aussi la
conséquence – d’une efflorescence économique. Les jours « heureux » de
Gibbon ont été l’une de ces périodes de l’histoire où le commerce et la
technologie ont distancié le boomerang de retours décroissants. Pendant
tout un cycle long, les Romains ont bénéficié d’une véritable croissance
intensive. La conséquence la plus générale est que les économies
préindustrielles étaient élastiques et les « oscillations » de la théorie
malthusienne pouvaient se poursuivre sur de très longues périodes. La
modernité s’est construite sur une rupture énergétique particulière, mais il y
a eu des périodes prémonitoires, et l’Empire romain en fut une.
On a également vu que la nature, qui crée les « moyens de subsistance »
grâce auxquels les sociétés prémodernes se nourrissaient, est tout sauf un
arrière-fond statique. Avec ses raisons propres et sa temporalité qui l’est
aussi, la nature modifie les conditions dans lesquelles les sociétés humaines
cherchent à garantir la pérennite de leur mode de vie. Même dans l’ère
relativement calme de l’Holocène, le soleil a agi comme un variateur
capricieux, modulant la quantité d’énergie qu’il émet ; les volcans et les
imprévisibles systèmes internes de la Terre sont venus encore brouiller
davantage les perspectives des sociétés humaines. Les structures politiques
et les sociétés reposent sur des fondements économique et démographique
qui, en retour, se développent ou se rétractent sous l’influence des
changements fantasques de la nature.
Les limites énergétiques des sociétés préindustrielles étaient changeantes
et évolutives. Ces petites différences n’inversent pas les lois de Malthus
mais en repoussent les limites. Ce livre a suggéré l’existence d’une autre
logique interne, plus fondamentale, à l’œuvre bien au-delà de tout ce que
Malthus pouvait supposer. Le régime malthusien rend compte des
contraintes écologiques liées à la source d’énergie constituée par les
végétaux. (La viande est de ce point de vue une source d’énergie
transformée de manière inefficace, même si elle est délicieuse.) À chaque
fois que l’énergie se raréfie, la population humaine a vu sa taille réduite par
un ensemble de fléaux mortels génériques et interchangeables, comme les
maladies épidémiques. En réalité, la mortalité a été une force bien plus
grande, indépendante et imprévisible que ce que les strictes lois des limites
énergétiques pouvaient prévoir. Une des raisons en est que les maladies
épidémiques dépendent profondément de la biologie des agents pathogènes
dont le destin est de réguler la population humaine. La pénurie alimentaire
peut engendrer ou favoriser certains agents infectieux pendant que d’autres
sont tout à fait indifférents au statut nutritionnel des sociétés sur lesquelles
ils s’abattent. Un coup d’œil rapide sur la trajectoire de la croissance de la
population humaine, depuis l’invention de l’agriculture jusqu’au premier
milliard, montre combien a été impondérable mais décisif un tout petit
nombre d’ennemis microbiens dans le destin des sociétés humaines95.
Vues sous cet angle, les lois malthusiennes sont finalement trop limitées
pour s’imposer. Elles sont centrées sur les humains et les plantes. Mais les
microbes ne sont pas simplement un inconvénient passager, une simple
perturbation dans un schéma général. Ils appartiennent aux évolutions de
long terme, à une écologie totale de la Terre au sein de laquelle notre espèce
est en compétition ou coopère avec d’autres, y compris des êtres invisibles.
Bactéries, virus et autres parasites ne sont pas une partie inerte de la
machinerie ; ce sont bien plutôt des agents ne connaissant que leur propre
intérêt, saisissant toutes les occasions qui se présentent. Dans cette
perspective, les triomphes de l’humanité apparaissent plus modestes et
peut-être plus incertains.

Figure 37 Estimation de la croissance de la population globale

L’Anthropocène est le nom qui fait de plus en plus consensus pour


désigner l’actuelle ère de l’histoire de la Terre, tenant compte des effets
indélébiles de la civilisation humaine sur les systèmes physique et
biologique de la planète. En plus d’être responsables d’une accélération du
changement climatique et des traces radioactives permanentes que vont
laisser nos technologies nucléaires, nous avons réorganisé le contexte de la
compétition et de la coopération entre presque toutes les espèces sur Terre.
Selon les mots de John McNeill, « pour toutes les espèces, sur terre comme
sur mer, l’Anthropocène a changé les règles de l’évolution. La capacité
biologique adaptative – définie comme le succès de l’effort pour survivre et
se reproduire – dépend de plus en plus de sa compatibilité avec l’entreprise
humaine. Les espèces qui conviennent parfaitement à une planète
humanisée, comme les pigeons, les écureuils, les rats, les bovins, les
chèvres, les mauvaises herbes, le riz et le maïs, prospèrent ». Mais nous
sommes confrontés ici à un paradoxe plus dérangeant. La croissance du
nombre des humains a également changé les règles du jeu pour les microbes
qui se partagent la planète Terre96.
Il y a peut-être 1 000 milliards d’espèces microbiennes au total, l’être
humain moyen ayant affaire à quelque 40 milliards de cellules
microbiennes. Elles sont là depuis trois milliards et demi d’années. La plus
grosse partie de cet extraordinaire ensemble nous est indifférente. On ne
connaît qu’environ 1 400 microbes pathogènes pour les humains. Ils ont
connu une évolution de leurs outils moléculaires – facteurs de virulence –
pour nous menacer malgré les remarquables défenses de notre système
immunitaire. L’essor d’une planète pleine d’agents pathogènes est en
grande partie le résultat de l’évolution microbienne qui, à son tour, a été la
conséquence en profondeur de l’explosion du nombre d’humains et des
transformations impitoyables que nous avons infligées aux paysages partout
autour du globe. L’évolution a pour moteur la force aveugle de mutations
aléatoires, mais nous avons créé le contexte dans lequel l’évolution bricole
et expérimente97.
Nous en sommes toujours au début d’une nouvelle compréhension, nous
battant pour mettre de l’ordre dans les nouvelles données surprenantes qui
arrivent de plus en plus vite. L’extrême jeunesse de l’histoire des agents
pathogènes est une donnée qui apparaît dans les travaux de laboratoire où
qu’ils se développent. Les futures avancées en génomique microbienne vont
probablement mettre en évidence le drame de l’évolution au cours des
derniers millénaires – et aujourd’hui. La prise de conscience dans l’urgence
des « maladies infectieuses émergentes » est la reconnaissance que la
création destructrice de l’évolution continue – et accélère même peut-être.
Mais, pour l’instant, la liste des maladies infectieuses ne remonte qu’à
environ un siècle. La profondeur du temps est arbitraire et peut nous induire
en erreur. Le dernier millénaire a été une plate-forme pour un nouvel âge où
le ferment tourbillonnant de l’évolution pourrait favoriser les microbes
pathogènes. L’Empire romain a été prisonnier des turbulences provoquées
par cette grande accélération.
Les Anciens révéraient la force effroyable de la déesse Fortuna,
conscients, à leur manière, qu’un mélange indiscernable d’ordre et de
hasard, de lois de la nature et de pure chance présidait à la puissance de
l’histoire. Les Romains ont vécu à un moment catastrophique de l’histoire
humaine, et la civilisation qu’ils ont construite a été à la fois la victime de
ses succès et des caprices de l’environnement d’une manière qu’ils étaient
incapables d’imaginer. La capacité sur la longue durée des Romains à nous
enchanter résulte, au moins en partie, du caractère poignant de ce que nous
savons désormais : ils étaient en équilibre sur le fil du rasoir invisible d’un
changement dont ils ignoraient tout. La longue histoire entremêlée des
humains et de la nature est remplie de paradoxes, de surprises et de coups
du destin aveugles. C’est pourquoi la singularité de l’histoire importe. La
nature, comme l’humanité, est rusée, mais contrainte par les circonstances
du passé. Notre histoire et l’histoire de la planète sont inséparables.
Que l’environnement ait joué un tel rôle dans ce qui a fait et défait
l’histoire de l’une des civilisations les plus remarquables doit être une
source d’inspiration. Rome est presque inévitablement un miroir et un
instrument de mesure. Mais il ne faut pas faire de son cas l’illustration
d’une civilisation morte. L’expérience romaine est bien plus importante en
tant qu’épisode d’une histoire en cours. Loin d’être le point final d’un
ancien monde irrémédiablement perdu, la rencontre romaine avec la nature
pourrait constituer le premier acte d’un nouveau drame qui n’est pas
terminé. Un monde précocement global, où la revanche de la nature
commence à se faire sentir malgré l’illusion persistante de la maîtrise… tout
cela pourrait bien avoir un air familier. La primauté de l’environnement
naturel dans le destin des civilisations nous rapproche des Romains, nous
qui sommes blottis les uns contre les autres pour admirer le spectacle du
passé sans nous soucier du nouveau chapitre qui s’ouvre et prend des
chemins que l’on reste incapable d’imaginer.
Annexe A
Longueur des fémurs dans l’histoire
de la population italienne
Annexe B
Recrudescence d’épisodes de la première
pandémie (558-749 apr. J.-C.)

Dans cette liste de d’épisodes de recrudescence, quand je pense qu’une


connexion existe avec une précédente entrée je le signale au début de
l’item.
1.
Date : 558
Région touchée : Constantinople
Remarques : On doit à Agathias une bonne description des symptômes de
la peste bubonique et septicémique. Selon Agapios, elle a aussi touché les
régions voisines.
Sources :
Agathias, Hist., 5.10
Jean Malalas, Chron., 18.127 (489)
Théophane, Chron., AM 6050
Agapios, Kitab al-ʼUnwan
Voir aussi : Stathakopoulos, no 134
2. Peut-être une recrudescence de 1
Dates : 561-562
Régions touchées : Cilicie, Syrie, Mésopotamie, Perse.
Remarques : En 561, selon Théophane, il y a eu une grande mortalité
(non spécifiée comme peste bubonique) en Cilicie et en Anazarbe (au
contraire de Stathakoupolos et Conrad, je pense qu’il n’inclut pas Antioche
en 561 apr. J.-C.). Mais Stathakoupolos donne de bonnes raisons de penser
que l’apparition de l’épidémie à Antioche décrite dans la Vita de Siméon le
Jeune aux paragraphes 126-129 date de 561 apr. J.-C. environ. Une
chronique syriaque écrite par un prêtre mésopotamien du nom de Thomas
décrit une peste commençant en avril 562 apr. J.-C., probablement dans
l’ouest de la Syrie. Cette apparition de l’épidémie est la meilleure candidate
aux événements de la peste bubonique en Syrie et dans le royaume
sassanide au moment où Joseph occupait le poste de katholikos, dont le
souvenir a été obscurci par son association avec cet épisode. Il pourrait
aussi être le deuxième (d’une série de quatre) mentionné par Évagre, mais
je suis d’accord avec Stathakopoulos sur le fait qu’Évagre ne nous donne
pas d’indications pour le dater de 558 apr. J.-C. Ainsi, les données vont dans
le sens d’une seconde recrudescence d’un épisode de peste bubonique
commençant en Cilicie et se répandant à l’Est en 561-562 apr. J.-C. Il est
possible que cette amplification ait été connectée avec la reprise de la peste
à Constantinople, trois ans plus tôt, ou qu’elle ait eu pour origine un
réservoir dans l’est de l’Anatolie.
Sources :
Théophane : Chron., AM 6053
Vita, Siméon Stylite le Jeune, 126-129
Chron. ad a. 640
Barhadsabba, PO 4, p. 388-389.
Chron. Seert., PO 7, p. 185-186
Amr ibn Matta, éd. Gismondi, p. 42-43
Voir aussi : Stathakopoulos, no 136
3.
Dates : entre 565 et 571
Régions touchées : Ligurie, Italie du Nord
Remarques : C’est peut-être le compte rendu occidental d’un épisode de
peste le plus parlant, Paul Diacre décrit une flambée commençant en
Ligurie et se répandant avec des effets dévastateurs dans le Nord, s’arrêtant
à la frontière avec les Bavariens et les Alamans et ne touchant que les
Romains. Chronologiquement, l’événement a eu lieu au moment où
l’activité des Narses en Italie se terminait et aux environs des premières
années du règne de Justin II. Aussi, comme Stathakoupolos, il est tentant de
situer cette amplification de la peste vers 570-571 et de faire un lien avec
l’épisode suivant.
Sources :
Paul Diacre, Hist. Langobardrum, 2.4.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 139
4. Recrudescence possible de 3
Date : 571
Régions touchées : Italie, Gaule
Remarques : Marius fait la chronique d’une peste qui aurait tué un grand
nombre de personnes en Italie et en Gaule. À la différence du premier
épisode, la peste a atteint cette fois la ville de Grégoire, Clermont en
Auvergne. Elle a aussi touché Lyon, Bourges, Chalon-sur-Saône et Dijon. Il
est donc tentant d’y voir une recrudescence en relation avec l’épisode 3, la
peste suivant la Riviera italienne avant de pénétrer à l’intérieur des terres et
d’arriver dans le sud de la Gaule pour remonter le Rhône.
Sources :
Marius d’Avenches, année 571
Grégoire de Tours : Lib. hist., 4.31-32
Voir aussi : Stathakopoulos, no 144
5.
Dates : 573-574
Régions touchées : Constantinople, Égypte, l’Orient
Remarques : La peste bubonique a à nouveau ravagé Constantinople
comme le compte rendu fait par le témoin Jean de Biclair le souligne ;
Michel le Syrien parle de 3 000 morts par jour dans la capitale. Toutes les
sources confirment la sévérité de la peste dans la capitale. Jean de Nikiou,
d’Egypte, dit qu’elle a touché « toutes les régions ». Agapios et Michel le
Syrien disent aussi qu’elle fut générale. C’est certainement la troisième de
quatre résurgences rapportées par Évagre.
Sources :
Jean de Biclair, année 573 (MGH AA 11, p. 213)
Agapios, Kitab al-ʼUnwan
Jean de Nikiou, 94.18
Chron., année 846
Michel le Syrien, 10.8 (346)
Voir aussi : Stathakopoulos, no 145
6.
Dates : 582-584
Régions touchées : sud-ouest de la Gaule
Remarques : Grégoire avait entendu dire qu’en 582 la peste bubonique
faisait rage à Narbonne. En 584, il fait à nouveau état d’une pestilence qui
s’est répandue dans différents endroits mais tout particulièrement à
Narbonne où les habitants revenaient trois ans après le premier épisode ;
croyant à tort être en sécurité, ils moururent. La ville d’Albi fut également
atteinte. Narbonne est sur la côte, ce qui suggère une nouvelle fois que la
peste serait venue de la mer avant de pénétrer à l’intérieur des terres, bien
que, si le compte rendu de Grégoire est exhaustif, la recrudescence ait été
limitée et inégale.
Sources :
Grégoire de Tours, Lib. hist., 6.14 et 6.33.
7.
Date : 586
Régions touchées : Constantinople
Remarques : On n’a pas d’informations spécifiques qui prouveraient qu’il
s’agissait de la peste bubonique, mais Agapios fait état de 400 000 morts
dans la capitale au cours de la quatrième année du règne de Maurice. Même
si ce nombre doit être pris avec prudence, signifiant « un très grand nombre
de gens », la croyance dans des « vagues » de peste a probablement sous-
estimé la possibilité qu’il se soit s’agit d’une recrudescence de la peste
bubonique à Constantinople, même si ce n’est pas prouvé.
8.
Date : 588
Régions touchées : Gaule
Remarques : On doit à Grégoire un compte rendu particulièrement vivant
et plausible sur le plan épidémiologique d’une recrudescence qui a
commencé quand un navire venu d’Espagne mouilla à Marseille. Une
famille fut immédiatement touchée, puis, après un répit, ce fut le cas de la
totalité de la ville pendant deux mois ; la peste s’arrêta avant de redémarrer,
ce qui pourrait avoir un lien avec une baisse de chaleur au cours de cet été-
là. La peste de Marseille a rapidement remonté le Rhône jusqu’à un village
proche de Lyon.
Sources :
Grégoire de Tours : Lib. hist., 9.21-22.
9.
Dates : 590-591
Régions touchées : Rome, Narni, vallée du Rhône
Remarques : À la suite d’une crue sévère, un épisode grave de peste s’est
abattu sur Rome. Pélage II mourut et Grégoire le Grand a été élu pape.
Grégoire fait également état d’un épisode de peste bubonique à Avignon et
Viviers, ce qui souligne à nouveau l’importance du réseau de transport
fluvial dans l’introduction de la peste bubonique en Gaule. Dans Ep., 2.2,
Grégoire fait référence à une épidémie survenue en 591 à Narni, suggérant
une pénétration en Italie par voie terrestre.
Sources :
Grégoire de Tours : Lib. hist., 10.1 et 10.23
Grégoire le Grand, Dial., 4.18, 4.26, 4.37 ; Ep., 2.2
Paul Diacre, Hist. Langobardorum, 3.24
10. En lien possible avec 9
Date : 591
Régions touchées : Ravenne, Grado, Istrie
Remarques : Paul Diacre fait état d’un épisode de peste en trois endroits
sur l’Adriatique.
Sources :
Paul Diacre, Hist. Langobardorum, 4.4
Voir aussi : Stathakopoulos, no 154
11.
Date : 592
Régions touchées : Syrie, Palestine
Remarques : Pour la quatrième fois, la peste bubonique a frappé
Antioche, tuant la sœur et le petit-fils d’Évagre. L’inscription funéraire de
Feinan prétend qu’un tiers de l’univers a disparu. Et cette recrudescence est
probablement celle qui est évoquée dans la poésie de Hassan ibn Thabit,
même si on n’en a pas la preuve.
Sources :
Évagre, Hist. eccl., 4.29
Inscriptions from Palaestina Tertia, Ib, no 68-70
Hassan ibn Thabit (Conrad 1984)
Voir aussi : Stathakopoulos, no 155
12.
Date : 597
Régions touchées : Thessalonique et la campagne
Remarques : L’auteur des Miracles de Démétrius prétend que Dieu a
envoyé la peste bubonique pas seulement dans la ville mais également dans
la campagne avoisinante et a provoqué une mortalité massive. Les Avars
eurent écho de la dépopulation et attaquèrent la cité. Stathakopoulos donne
des raisons très convaincantes pour dater cet épisode de 597.
Sources :
Mir. Demetr., 3 et 14
Voir aussi : Stathakopoulos, no 156
13. En lien possible avec 12
Date : 598
Régions touchées : Thrace
Remarques : Les envahisseurs avars furent frappés par la peste
bubonique et les Chagan auraient perdu sept fils en une seule journée.
Sources :
Theophylact Simocatta, 7.15.2
Voir aussi : Stathakopoulos, no 159
14. En lien possible avec 12 et 13
Dates : 599-600
Régions touchées : Constantinople, Asie mineure, Syrie, Afrique du
Nord, Italie
Remarques : La chronique de Michel fait état d’incroyables chiffres de
mortalité à Constantinople (3 180 000) et prétend que la Bithynie et toute
l’« Asie » furent ravagées. La Chronique de 1234 fait état de 380 000
victimes à Constantinople. Dans Ep., 9.232, Grégoire parle d’une mortalité
dévastatrice balayant Rome, d’autres villes de la région, d’Afrique et
d’Orient. Il prétend explicitement que la maladie a commencé en Orient où
on a fait état d’une grande désolation. Sans donner de précision
chronologique, Paul parle d’épisodes survenus à Ravenne puis Vérone. Élie
et Thomas confirment l’épisode également en Syrie.
Sources :
Michel le Syrien, 10.23 (387)
Chronicon ad an., 1234
Grégoire le Grand, Ep., 9.232, 10.20
Élie de Nisibe, an. 911
Thomas de Marga, Livre des supérieurs, 11.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 160
15.
Date : 609
Remarques : Une épitaphe en latin de Cordoue parle d’une victime morte
de la peste bubonique sans qu’on ait connaissance d’une quelconque
recrudescence.
Sources :
CIL II-7, 677
16.
Date : 610
Régions touchées : Chine
Sources :
Voir Twichett, 1979
17.
Dates : 610-641
Région touchée : Constantinople
Remarques : Une peste mortelle a éclaté dans la capitale sous le règne
d’Héraclius. Aucun autre épisode n’est connu. Stathakopoulos fait le lien
entre cet épisode et la pestilence rapportée par Jean l’Aumônier à
Alexandrie.
Sources :
Mirac. sanct. Artemii, 34
Voir aussi : Stathakopoulos, no 173
18.
Dates : 626-628
Régions touchées : Palestine, Mésopotamie
Remarques : Michel fait état d’une peste grave en Palestine. Eutychius la
situe également dans le royaume perse, comme al-Tabari et de nombreuses
autres sources arabes. Al-Tabari prétend que la plus grande partie des Perses
ont péri.
Sources :
Michel le Syrien, 11.3 (409)
Eutychius, Annales
al-Tabari, 1061
Sources arabes in Conrad, p. 159ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 177, 178
19.
Dates : 627-628
Régions touchées : Hami (Xinjiang)
Remarques : Cette peste chez les Turks rapportés par des sources
chinoises reste incertaine.
Sources :
Julien, 1864, p. 231
20.
Dates : 638-639
Régions touchées : Palestine, Syrie, Mésopotamie
Remarques : La peste a frappé la Palestine, la Syrie et la Mésopotamie.
Connue sous le nom de peste d’‘Amwas, elle est restée dans la mémoire de
tradition arabe.
Sources :
Michel le Syrien, 11.8 (423)
Élie de Nisibe, (AH 18)
Chronique de 1234, 76 (AH 18)
Sources arabes in Conrad, p. 167ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 180
21.
Dates : 664-666
Régions touchées : Bède parle d’une peste qui a commencé dans le sud
de l’Angleterre est s’est répandue dans toute l’île et en Irlande. Adamnan
parle du premier de deux épisodes de dimension globale. La description des
bubons, et la manière dont l’épidémie s’est répandue, rendent vraisemblable
un épisode de peste bubonique.
Sources :
Adamnan, Vita Columbae, 47
Bède, Hist. eccl., 3.23, 27.30 ; 4.1, 7, 8
Bède, Vit. Cuthb., 8 (Les Deux Vies de saint Cuthbert, 180-185)
Voir aussi : Maddicott, 2007
22.
Dates : 670-671
Régions touchées : Koufa (Mésopotamie)
Remarques : Épisode de peste bubonique à Koufa, mais pas attestée
ailleurs.
Sources :
Sources arabes in Conrad, p. 250-253
Voir aussi : Stathakopoulos, no 185
23.
Dates : 672-673
Régions touchées : Égypte, Palestine, Mésopotamie
Remarques : Théophane rapporte une mortalité (sans faire référence à la
peste bubonique dans son compte rendu laconique) en Égypte. Agapios
prétend que la peste bubonique a frappé l’Égypte et la Palestine. En
Mésopotamie, elle est attestée de manière spécifique à Koufa et Al-Najaf.
Sources :
Théophane, Chron., AM 6164
Agapios, Kitab al-ʼUnwan
Sources arabes in Conrad, p. 253ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 186
24.
Date : 680
Régions touchées : Rome, Pavie
Remarques : Paul fait état d’une grave épidémie qui a duré trois mois
(juillet-septembre) à Rome et Pavie. Stathakopoulos prétend de manière
argumentée qu’il s’agissait de la peste bubonique.
Sources :
Paul Diacre, Hist. Langobardorum, 6.5
Liber pontificalis, 81
Voir aussi : Stathakopoulos, no 192
25.
Dates : 684-687
Régions touchées : Angleterre et Irlande
Remarques : Bède fait état d’une peste qui a ravagé « beaucoup de
provinces ». Adamnan considère qu’il s’agit du second de deux épisodes de
pestilence de dimension globale.
Sources :
Adamnan, Vita Columbae, 47
Bède, Hist. eccl., 47.14
Voir aussi : Maddicott, 2007
26.
Dates : 687-689
Régions touchées : Syrie, Mésopotamie
Remarques : Dans une tradition apocalyptique, Jean bar Penkayé fait état
d’un épisode dévastateur de peste bubonique. Une famine simultanée est
décrite en détail. Les sources arabes détaillent le prix payé pour cette
recrudescence, connue sous le nom de « peste du torrent ». Comme
l’argumente Conrad, on ne sait pas s’il faut considérer cet épisode comme
une simple recrudescence ou une série d’épisodes au cours d’une période
dans les années 680.
Sources :
Jean bar Penkayé, Rish melle
Sources arabes in Conrad, p. 263ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 194, 195
27. En lien possible avec 26
Dates : 689-690
Région touchée : Égypte
Remarques : Un épisode de peste bubonique est rapporté en Égypte.
Conrad, p. 272, ne pense pas que les indices soient suffisants pour faire un
lien avec 26.
Sources :
Sources arabes in Conrad, p. 271ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 196
28.
Date : 693
Régions touchées : Espagne, sud-ouest de la Gaule
Remarques : La Chronique mozarabe de 754 fait état d’un épisode de
peste bubonique sous le règne du roi Égica, probablement associée à une
mortalité causée par la maladie rapportée dans une loi proclamant les actes
du seizième concile de Tolède ; dans les actes royaux du dix-septième
concile, on fait état d’une dépopulation du Narbonnais.
Sources :
Chronique mozarabe de 754, 41
Voir aussi : Kulilowski, 2007, p. 153-154
29.
Dates : 698-700
Régions touchées : Constantinople, Syrie, Mésopotamie
Remarques : La peste est apparue la même année à Constantinople et en
Syrie. L’empereur Léonce fit draguer le port de Néorion, suggérant que l’on
pensait qu’il jouait un rôle dans l’étiologie de la peste. La Chronique ad an.
819 la situe « dans toutes les régions de la Syrie ». De là, elle s’est répandue
à l’Est. Comme Stathakopoulos le fait remarquer, on ne dispose pas
d’informations suffisamment détaillées pour savoir si la peste a voyagé de
Syrie jusqu’à Constantinople ou vice versa, même si l’idée d’une
recrudescence initiée en Syrie et s’étendant dans les deux directions,
comme Conrad en fait l’hypothèse, est intéressante.
Sources :
Élie de Nisibe, AH 79 et 80
Chron. ad an. 819, AG 1011
Sources arabes in Conrad, p. 274ff.
Théophane, AM 6190 et 6192
Nicéphore, Brev., 41
Voir aussi : Grammaticus, Chron., éd. Bekker, p. 167
Voir aussi : Stathakopoulos, no 198 et 199
30.
Dates : 704-706
Régions touchées : Syrie et Mésopotamie
Remarques : La chronique de Michel prétend qu’une grande pestilence a
tué un tiers de la population, peut-être en Syrie. À partir de 706, elle a
gagné l’Iraq, frappant Bassorah et Koufa. Connue sous le nom de peste des
jeunes filles.
Sources :
Michel le Syrien, 11.17 (449)
Chron. Zuqnin (AG 1016)
Sources arabes in Conrad, p. 278ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 201, 203
31.
Dates : 707-709
Région touchée : Espagne
Remarques : En 707, 708 et 709, une épidémie de peste a tué la moitié de
la population d’Al-Andalus, ouvrant la voie à la conquête.
Sources :
Akhbar majmu’a, 7.BkS
Voir aussi : Kulikowski, 2007
32.
Date : 713
Région touchée : Syrie
Remarques : Parmi une série d’autres catastrophes, on dit que Dieu aurait
envoyé la peste bubonique, frappant Antioche.
Sources :
Chronique de catastrophes (AG 1024)
Michel le Syrien, 11.17 (452)
Chron. ad an. 819 & ad an. 846 (AG 1024)
Voir aussi : Stathakopoulos, no 205
33.
Dates : 714-715
Région touchée : Égypte
Remarques : Selon Sévère, la peste réapparut au cours des années
successives, provoquant une mortalité massive, au temps du patriarche
Alexandre II. L’identification de l’agent pathogène est circonstancielle mais
aussi bien Stathakopoulos que Conrad associent cet épisode à la peste
bubonique.
Sources :
Sévère, Histoire des patriarches, 17
Voir aussi : Stathakopoulos, no 207
34.
Dates : 718-719
Régions touchées : Syrie, Mésopotamie
Remarques : Alors que cet épisode de peste pourrait être mis en relation
avec la pestilence qui a ravagé les troupes arabes faisant le siège de
Constantinople, les épidémies touchant les armées sont si habituelles qu’il
est dangereux de conclure à un lien entre ces deux événements et l’épisode
certain de peste bubonique en Syrie et Mésopotamie. On peut penser avec
certitude qu’une peste survenue en Syrie s’est à nouveau répandue en Iraq.
Sources :
Sources arabes in Conrad, p. 286ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 209
35.
Dates : 725-726
Régions touchées : Syrie, Mésopotamie
Remarques : Plusieurs sources parlent d’un grave épisode de peste
bubonique en Syrie, y compris le pèlerin occidental Willibald, voyageant en
Terre sainte. Michel le Syrien signale que la Mésopotamie a été également
touchée. Une épizootie est également à signaler.
Sources :
Théophane, Chron., AM 6218
Vita Willibaldi, 4
Michel le Syrien, 11.19 (436)
Agapios, Kitab al-ʼUnwan
Élie de Nisibe (AD 107)
Chron. ad an. 819, (AD 1036)
Voir aussi : Stathakopoulos, no 213
36.
Date : 729
Région touchée : Syrie
Remarques : Michel fait état d’un épisode de peste bubonique en Syrie.
Sources :
Michel le Syrien, 11.21 (463)
37.
Dates : 732-735
Régions touchées : Égypte, Palestine, Syrie, Mésopotamie
Remarques : Un épisode s’est répandu en Égypte et en Palestine
(Agapios) jusqu’en Syrie (Théophane) et en Mésopotamie (sources arabes).
Sources :
Théophane, Chron., AM 6225
Agapios, Kitab al-ʼUnwan
Sources arabes in Conrad, p. 291ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 214
38.
Dates : 743-749
Régions touchées : Égypte, Afrique du Nord, Syrie, Mésopotamie, Sicile,
Italie, Grèce, Constantinople, Arménie
Remarques : La dernière résurgence de la première pandémie a été l’une
des plus géographiquement étendues depuis le premier épisode. Les sources
arabes situent son origine dans le nord de la Mésopotamie même si elle a
fait aussi précocement rage en Égypte où elle a duré plusieurs années. Alors
qu’elle se répandait à l’Ouest, elle a gagné l’Afrique du Nord et la Sicile et,
de là, a infecté l’intérieur de l’Italie, y compris probablement Rome, avant
de faire rapidement retour sur Constantinople où elle a provoqué une
mortalité catastrophique sur plusieurs années.
Sources :
Sévère, Histoire des patriarches, 18
Michel le Syrien, 11.22 (455-466)
Chron. Zuqnin, an. 1055-1056 ; an. 1061-1062
Chron. ad an 1234
Théophane, Chron., AM 6238
Nicéphore, Brev., 67
Nicéphore, Antirhetikos, 3
Théodore Studite, Laud. Platonis (PG 99 : col. 805)
Glycas, Annales, p. 257
Jean Zonaras, Epit. hist., 15.6
Jean de Naples, Gesta episcoporum neapolitanorum, 42 (avec
McCormick, 2007, p ; 292)
Sources arabes in Conrad, p. 293ff.
Voir aussi : Stathakopoulos, no 218-222
Remerciements

Au cours de ce projet, j’ai accumulé plus de dettes que je peux


reconnaître et ma gratitude envers les collègues, les institutions, les amis et
les membres de ma famille qui m’ont soutenu dans l’écriture de ce livre
dépasse largement ma capacité à en rendre compte. Le projet a été très tôt
généreusement soutenu par la fondation Guggenheim. Au cours des
dernières années, j’ai bénéficié de la possibilité de partager différentes
versions de mon raisonnement avec un public attentionné à Berkeley,
Columbia, Yale, Princeton, Indiana, l’University of Oklahoma History of
Science Colloquium and President’s Associates, Stanford (où j’ai eu la
chance de passer un bref moment comme professeur invité) et Harvard (à
de multiples occasions).
J’ai des dettes envers plusieurs collègues qui ont partagé leurs données
avec moi, en particulier Rebecca Gowland et Kristina Killgrove qui sont
non seulement des chercheuses exceptionnelles mais aussi des modèles de
générosité et d’ouverture. Je remercie également les nombreux collègues
qui ont partagé avec moi leurs travaux en cours ou m’ont généreusement
fait connaître leur point de vue, dont Cam Grey, Colin Eliott, Gilles
Bransbourg, Laetitia Ciccolini, Clifford Ando, Peter Temin, Joseph Bryant,
Adam Izdebski, Brent Shaw, Marcel Keller, Henry Gruber et John Mulhall.
Je remercie Maja Kiminko pour son soutien dans le pistage de la peste ;
Joseph Hinnebush pour avoir répondu à mes questions sur les mouches ;
Hendrick Poinar et Ana Duggan pour nos échanges instructifs sur la variole.
L’université d’Oklahoma, sous la présidence de David Boren, est un
endroit exceptionnel. Je lui dois de multiples occasions qui se sont
présentées au cours de ma carrière et toute ma reconnaissance va à mes
amis, mes professeurs et mes collègues. J’ai eu la chance d’avoir des
assistants efficaces comme Skyler Anderson et Steven Thorn pour m’aider
dans ce projet. Todd Fagin est un cartographe de talent qui a eu la
responsabilité de toutes les cartes. L’équipe dédiée de la bibliothèque
universitaire mérite une mention spéciale. J’ai bénéficié de l’expertise de
Kerry Magruder et JoAnn Palmeri. L’équipe responsable de la circulation
des livres et des prêts interbibliothèques m’a été d’une grande aide. Le
Department of Classics and Letters m’a accueilli avec bonheur pendant de
longues années et je dois aussi reconnaître ma dette envers la remarquable
équipe du bureau du doyen avec laquelle j’ai eu l’honneur de travailler. Les
collègues de nombreux départements, dont ceux de météorologie,
d’anthropologie, de biologie et d’histoire, ont patiemment répondu à mes
demandes sans fin et m’ont beaucoup appris. Je suis reconnaissant à tous
mes collègues, amis et étudiants. Je remercie tout spécialement Bill, David,
Luis, Scott et Andrew. Enfin, pour finir, c’est un livre de l’OU (université
d’Oklahoma) : Boomer Soonea.
J’ai eu la chance de travailler avec Princeton University Press. Jay
Boggis s’est révélé un assistant éditeur hors pair. Matt Rohal et Karen
Carter m’ont apporté leur soutien et leur aide. Et mon éditeur, Rob Tempio,
a, de multiples manières, du début à la fin, guidé ce travail jusqu’à sa
publication ; son appréciation a permis bien des améliorations petites ou
considérables qui ont largement amélioré ce livre.
J’ai eu la chance d’avoir Walter Scheidel, John McNeill et William Harris
comme critiques. Leurs conseils généreux et francs m’ont évité d’énormes
erreurs et m’ont permis de mieux défendre mon argumentation. Je suis
reconnaissant à Ann Carmichael d’avoir lu des parties du manuscrit et
d’avoir discuté avec moi sur l’histoire des maladies. De la même manière,
Michelle Ziegler a gentiment accepté de lire le chapitre sur la peste et m’a
suggéré de multiples améliorations. Daniel Sargent a lu l’ensemble du texte
et m’a donné les meilleurs conseils possibles. Je suis reconnaissant à Chris
May d’avoir également lu tout le manuscrit avec beaucoup de soin et de
perspicacité ; son expérience médicale a enrichi ma pensée et son
expression. Scott Johnson est lui aussi un ami passionnant et un collègue
généreux et il a commenté presque chaque page de ce livre.
Ma grande chance a été d’avoir de remarquables professeurs toute ma
vie, depuis la Edmond Public School jusqu’à l’université d’Oklahoma et
Harvard, et j’espère que ce livre sera un modeste hommage à leur influence
et à leur inspiration. Le regretté J. Rufus Fears m’a introduit à la « chute de
l’Empire romain » au cours de mes premières années d’étude à l’université
d’Oklahoma et j’ai beaucoup pensé à lui pendant que j’écrivais ce livre.
Mon directeur de thèse, Christopher Jones, m’a convaincu qu’il y avait
encore beaucoup à apprendre à propos des Romains ; son exemple en tant
qu’enseignant et sa fidèle amitié ont été un encouragement au fil des ans.
Enfin, ce livre porte la marque indélébile de Michael McCormick. Grâce à
son esprit d’initiative et à sa créativité, j’ai bénéficié comme étudiant de la
possibilité extraordinaire de faire appel aux sciences naturelles pour éclairer
le passé humain. Le soutien de Mike au fil des ans a été au-delà de tout ce
qu’on peut espérer. L’Initiative for the Science and the Human Past est un
modèle d’interdisciplinarité entre sciences exactes et humaines et je suis
reconnaissant à Mike pour tout ce qu’il a fait pour que j’en sois partie
prenante. Ce livre aurait été impensable sans lui.
Finalement, je remercie ma mère et toute ma famille pour leur amour,
leurs sacrifices et leur soutien. Michelle, ma compagne et ma partenaire
dans tout ce que je fais, ce livre est ton livre. Sylvie, August et Blaise –
vous êtes mes meilleurs amis et il est aussi pour vous.

a. NdT : Boomer Sooner est le nom de l’hymne de l’université d’Oklahoma.


Notes
Préface
1. H.-I MARROU, Décadence romaine ou Antiquité tardive ?, Paris, 1977.
2. P. BROWN, La Vie de Saint-Augustin, Paris, 2001 [1967] ; Idem, Le Monde de l’Antiquité
tardive de Marc Aurèle à Mahomet, Bruxelles, 2011 [1971] ; Idem, Genèse de l’Antiquité
tardive ?, Paris, 1983 [1978].
3. M. CHRISTOL, L’Empire romain du IIIe siècle. Histoire politique (de 192, mort de
Commode à 325, Concile de Nicée), Paris, 1997.
4. A. G IARDINA, « Esplosione di tardoantico » in G. MAZZOLI et F. GASTI (dir.), Prospettive
sul tardoantico (convegno di Pavia 27-28 nov. 1997), Côme, 1999, p. 9-30. Le débat portait
aussi sur la question de la périodisation. Pour un bilan historiographique recent et pénétrant : J.-
M. CARRIÉ, « The Historical Path of “Late Antiquity” : From Transformation to Rupture », in
R. LIZZI TESTA (dir.), Late Antiquity in Contemporary Debate. XXIIe congrès du Comité
international des sciences historiques, université de Jinan (province du Shandong, Chine), 23-
29 août 2015, traduction L. STRINGER, Cambridge, 2016, p. 174-214.
5. A. S CHIAVONE, L’Histoire brisée. La Rome antique et l’Occident moderne, Paris, 2003
[1996].
6. M. ROSTOVTSEFF, Histoire économique et sociale de l’Empire romain, Paris, 1988 [1926].
7. M. FINLEY, L’Économie antique, Paris, 1975 [1972].
8. J. ANDREAU, « Présentation. Vingt ans après l’Économie antique de Moses I. Finley »,
Annales, 1995, p. 947-960.
9. P. F. BANG, « The Ancient Economy and New Institutional Economics », JRS, 99, 2009,
p. 194-206.
10. K. HARPER, Slavery in the Late Roman World, AD 275-425, Cambridge, New York,
2011.
11. K. HARPER, From Shame to Sin : The Christian Transformation of Sexual Morality in
Late Antiquity, Cambridge, Mass., 2013.
12. P. BROWN, Le Renoncement à la chair. Virginité, célibat et continence dans le
christianisme primitif, Paris, 1995 [1987].
13. M. FOUCAULT, Histoire de la sexualité, t. 4, Les aveux de la chair, Paris, 2018.
14. M. MCCORMICK, et alii, « Climate Change During and After the Roman Empire :
Reconstructing The Past from Scientific and Historical Evidence », Journal of Interdisciplinary
History, 43, 2012, p. 169-220.
15. K. HARPER, « Pandemics and Passages to Late Antiquity : Rethinking the Plague of
c. 249-270 Described by Cyprian », Journal of Roman Archaeology, 28, 2015, p. 223-260 (voir
la bibliographie en fin de volume pour d’autres articles récents de K. Harper).
16. G. QUENET, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Seyssel, 2014.
17. W. CRONON, « A Place for Stories : Nature, History, and Narrative », The Journal of
American History, March 1992, p. 1347-1376, p. 1369 pour la citation. Cet article a été traduit
en français parmi une sélection d’articles de William Cronon : W. CRONON, Nature et récits.
Essais d’histoire environnementale, Paris, 2016.
18. E. HUNTINGTON, Civilization and Climate, Yale, 1915.
19. F. BRAUDEL, La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, t.1,
La part du milieu, Paris, 2010 [1949, 1967, 1976, 1990], p. 331-335.
20. E. LE ROY LADURIE, Histoire du climat depuis l’an mil, Paris, 1967.
21. J.-F. MOUHOT, « Du climat au changement climatique : chantiers, leçons et défis pour
l’histoire », Cultures & Conflits, 88, 2012, p. 19-42.
22. A. E. R. B OAK, Manpower Shortage and the Fall of the Roman Empire in the West, Ann
Arbor, 1955.
23. Sur ces questions de « consilience » voir A. Izdebski et alii, 2015 (cf. bibliographie
générale).
24. M. G. L. BAILLIE, « Proposed Re-Dating of the European Ice Core Chronology by Seven
Years Prior to the Seventh Century AD », Geophysical Research Letters, 35-15, 2008, L15813,
1-5 ; idem, « Volcanoes, Ice-Cores and Tree-Rings : One Story or Two ? », Antiquity, 84-323,
2010, p. 202-215.
25. M. SIGL et alii, « Timing and Climate Forcing of Volcanic Eruptions for the Past 2,500
years », Nature, 523 (7562), p. 543–549.
26. W. S. ATWELL, « Volcanism and Short-Term Climate Change in East Asian and World
History c. 1200-1699 », Journal of World History, 12, 2001, p. 29-98.
27. S. DUROST, B. ROSSIGNOL, G.-N. LAMBERT et V. BERNARD, « Climat, guerre des Gaules
et dendrochronologie du chêne (Quercus sp.) du Ier siècle av. J.-C. », ArchéoSciences, 30, 2008,
p. 31-50.
28. M. MCCORMICK, P. E. DUTTON et P. A. MAYEWSKI, « Volcanoes and the Climate Forcing
of Carolingian Europe, A.D. 750-950 », Speculum, 82, 2007, p. 865-895.
29. J.-M. CARRIÉ, « The Historical Path of “Late Antiquity” », loc. cit., p. 204.
30. J. F. GILLIAM, 1961 (cf. bibliographie générale).
31. R. P. DUNCAN-JONES, 1996 (cf. bibliographie générale).
32. E. LO CASCIO, 2012 (cf. bibliographie générale).
33. D. CASTEX, Ph. BLANCHARD, S. KACKI, H. RÉVEILLAS et R. GIULIANI, « Le secteur
central de la catacombe des saints Pierre-et-Marcellin (Rome, Ier-IIIe siècle). Indices
archéologiques d’une crise brutale de mortalité », Mélanges de l’École française de Rome –
Antiquité, 123-1, 2011, p. 276-282.
34. A. M ORAND, S. DELAIGUE, J. J. MORAND, « Panorama des poxvirus. Émergence du
monkeypox », Médecine et santé tropicale, 2017, 27, 29-39.
35. B. WARD-PERKINS, « Catastrophists, and the Towns of Post-Roman Northern Italy »,
PBSR, 65, 1997, p. 157-176.
36. G. W. BOWERSOCK, « Ronald Syme (March 11, 1903-September 4, 1989) », Proceedings
of the American Philosophical Society, 135-1, 1991, p. 118-122, ici p. 121.
37. C. DELAPLACE, La Fin de l’Empire romain d’Occident. Rome et les Wisigoths de 382 à
531, Rennes, 2015, p. 130-131.
38. M. LUSSAULT, De la lutte des classes à la lutte des places, Paris, 2009, p. 52 ; idem,
L’Homme spatial. La construction sociale de l’espace humain, Paris, 2007, p. 155-161 ; idem,
L’Avènement du monde. Essai sur l’habitation humaine de la Terre, Paris, 2013, p. 229-233.
39. Le lecteur nous pardonnera de reprendre ici des considérations abordées dans
B. ROSSIGNOL, « En guise de conclusion… », in C. LORENZI, L. TEIXEIRA (dir.), Hypothèses
2014. Travaux de l’école doctorale d’histoire, Université Paris 1 – Panthéon – Sorbonne,
Séminaire nature et société, 2015, p. 79-91.
40. Ph. DESCOLA, Par-delà nature et culture, Paris, 2005.
41. G. DIDI-HUBERMANN, « Feux d’images. Un malaise dans la représentation au
e
XIV siècle », préface à M. MEISS, La Peinture à Florence et à Sienne après la Peste Noire. Les
arts, la religion, la société au milieu du XIVe siècle, Paris, 1994, p. I-IL.
42 G. E. P. BOX, « Robustness in the Strategy of Scientific Model Building », in R. L.
LAUNER. ; G. N. WILKINSON, Robustness in Statistics, New York, 1979, p. 201–236.
43. P. VALÉRY, « La Crise de l’esprit », NRF, XIII, 1919, p. 321-337, Rome n’occupe, au
demeurant, pas une place importante dans les références de ce célèbre article de Valéry.
44. GIBBON, 2010 (cf. bibliographie générale).
45. DU FU, « Le Palais de Jiucheng », 142, v. 13-16, in idem, Œuvre poétique II. La guerre
civile (755-759), Paris, 2018, p. 468-469.
46. J. DIAMOND, Effondrement, Paris, 2006 [2005].
47. P. SERVIGNE, R. STEVENS, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie
à l’usage des générations présentes, Paris, 2015.
48. W. CRONON, Nature et récit, op. cit.
49. J. STEINBECK, Les Raisins de la colère [Grapes of Wrath], Paris, 2012 [1939], la citation
ouvre le livre.
Prologue. Le triomphe de la nature
1. Sur les cérémonies ayant eu lieu à cette occasion et dans d’autres semblables, McCormick,
1986, p. 123-124. Sur la population de Rome dans l’Antiquité tardive, voir Van Dam, 2010 ; les
contributions in Harris, 1999b ; Sirks, 1991 ; Durliat, 1990. L’inventaire est conservé dans deux
documents connus sous le nom de Curiosum et Notitia, édités in Nordh, 1949. Le lecteur doit
être prévenu qu’ils ressemblent davantage à la brochure d’une chambre de commerce qu’à un
inventaire rigoureux. Voir Arce, 1999 ; Reynolds, 1996, p. 209-250 ; Hermansen, 1978.
2. « La céleste voûte » Claudien, Cons. Stil, 3.130-134. Œuvres complètes, trad. M. Nisard,
Paris, Librairie de Firmin Didot, 1871, p. 617-644.
3. « Il tient les rênes », ibid., 3.10.
4. Sur Claudien en général, voir Ware, 2012 ; Cameron, 1970 ; sur les origines du poète, voir
Mulligan, 2007. « Faible à son aurore », Claudien, Cons. Stil, 3.136-154.
5. NdT : La Bretagne dans tout ce livre désigne ce que nous appelons aujourd’hui la Grande-
Bretagne.
6. « Mystérieux sanctuaire du Temps », Ibid., 2.475-476. « Gloire des forêts », Ibid., 3.317.
« Monstrueux enfants », Ibid., 3.345-346. Sur les animaux importés pour les jeux romains, voir
Toner, 2014 ; Van Dam, 2010, p. 23-24 ; Guasti, 2007 ; MacKinnon, 2006 ; Jennison, 1937.
(NdT : L’Auster est dans la mythologie romaine le dieu des vents du sud.)
7. Sur la statue de Claudien : CIL 6.1710 ; Ware, 2012, 1 ; « En une ville », Jérôme, Comm.
In Ezech. Sur le sac de Rome, voir chapitre 5.
8. Gibbon [trad. M. F. Guizot, 2 vol., Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1983, chapitre 38,
« Observations générales sur la chute de l’Empire romain dans l’Occident »]. Sur ce passage,
Bowersock, 2009, p. 28.
Chapitre 1. L’environnement et l’Empire
1. Sur l’archéologie de la Rome ancienne, Hollaway, 1994. Voir Carandini, 2011, pour une
lecture provocante des données archéologiques. Pour la manière d’aborder l’essor de Rome,
dans une perspective longue, voir la brillante synthèse de Broodbank, 2013.
2. Sur l’essor de la Grèce, voir le tout récent Ober, 2018. Carthage : Ameling, 1993.
3. Sur la constitution républicaine romaine, voir Mouritsen, 2013, et une littérature plus
ancienne, Lintott, 1999. Harris, 1995, reste la meilleure approche du militarisme romain. Voir
aussi Eckstein, 2006, sur le contexte géographique plus large. En général, Beard, 2015, ici
p. 257.
4. Braudel, 1993, pour le magnifique panorama de la Méditerranée prémoderne.
5. « De tous les empires d’un seul tenant », Scheidel, 2014, p. 7.
6. Sur la Méditerranée en général, Broodbank, 2013 ; Abulafia, 2011, Grove et Rackham,
2001 ; Horden et Purcell, 2000 ; Sallares, 1991.
7. Sur le concept de « grand compromis », voir Scheidel, 2015a et 2015b. Pour les relations
entre Rome et les provinces, Noreña, 2011 ; Mattingly, 2006 ; Ando, 2000 ; Woolf, 1998. Pour
le cas de la Judée, Isaac, 1992. Sur l’extension de la citoyenneté, voir maintenant Lavan, 2016.
8. Voir chapitre 2.
9. Malthus, 2017, chapitre 7 (édition de 1798, traduite par Éric Vilquin, Ined éditions). Sur
les salaires, Harper, 2016a. Voir plus loin chapitre 2.
10. Goldstone, 2009 [« Efflorescence et croissance économique en histoire globale », in
Philippe BEAUJARD, Laurent BERGER et Philippe NOREL (dir.), Histoire globale, mondialisation
et capitalisme, La Découverte, Paris, 2009].
11. Pour le cadre conceptuel de la croissance, voir Temin, 2013. Le concept d’ « économie
organique » : Malanima, 2013 ; à l’origine du à Wrigley, 1988. Le commerce et la technologie
sont étudiés plus en détails au chapitre 2.
12. Gibbon, chapitre 3. Sur le monde intellectuel de Gibbon, voir Matthews, 2010 ;
Bowersock, 2009.
13. Brown, 1983, est à l’origine de l’idée de la notion d’« Antiquité tardive » en tant que
période particulière de plein droit. La chronologie qu’il propose – de Marc Aurèle à
Mohammed – a été adoptée dans ce livre. Pour l’indice de développement social, voir Morris,
2010 et 2013.
14. Sur le catalogue des hypothèses, voir Demandt, 1984, et la seconde édition de 2014. Pour
un tableau en profondeur des dynamiques des Empires prémodernes, voir la contribution de
Goldstone et Haldon, 2009. Pour une synthèse complète et actualisée de la séquence des crises
impériales, voir maintenant, en particulier, Kulikowski, 2016.
15. Sur ces nouvelles approches, Izdebski et alii (privilégiant le climat) ; McCormick, 2011.
Voir aussi Scheidel, à paraître ; Harper, 2016b ; Harris, 2013a. Une revue de la littérature
intéressante des études paléo-climatiques méditerranéennes se trouve dans Lionello, 2012. Sur
la bio-archéologie, Larsen, 2015 ; Killgrove, 2014 ; MacKinnon, 2007. Sur l’archéo-génétique :
Krause et Pääbo, 2016.
16. Il est évident que je dois beaucoup aux travaux pionniers des historiens spécialistes de
l’environnement, en particulier ceux qui ont travaillé sur la Méditerranée, qui depuis de
nombreuses décennies ont prêté une grande attention aux questions environnementales. En plus
des travaux cités à la note 6, nous devons brièvement signaler, par exemple, Meiggs, 1982 ;
Hugues, 1994 ; Shaw, 1995. La nature de mon raisonnement doit beaucoup aux récents travaux
d’historiens qui ont souligné le rôle des changements environnementaux dans l’histoire
humaine, en particulier Campbell, 2016 ; Knapp et Manning, 2016 ; Brooke, 2014 ; Cline,
2015 ; Broodbank, 2013 ; Parker, 2013 ; White, 2011 ; Lieberman, 2003. Finalement, il
convient de noter que l’on doit à des voix isolées, souvent de non-spécialistes, la mise en avant
du rôle des grands changements environnementaux dans le déclin de Rome, par exemple,
Huntington, 1917, Hyams, 1952. Voir Demandt, 2014, p. 347-368, pour une présentation
exhaustive.
17. Sur le Pléistocène : Brooke, 2014 ; Ruddiman, 2001. Sur la variabilité solaire : Beer et
alii., 2006.
18. Sur la variabilité de l’Holocène : Mayewski et alii., 2004 ; Bond et alii., 2001. Voir
Ruddiman, 2005, pour l’idée que les humains ont commencé à avoir un impact sur le système
climatique avec l’agriculture plus qu’avec la révolution industrielle.
19. Ces différentes périodes sont décrites en détail dans l’ensemble de ce livre. Par souci de
clarté, précisons que l’Optimum climatique romain est une notion largement acceptée même s’il
n’existe pas de consensus sur sa datation. Je propose 200 av. J.-C. à 150 apr. J.-C. La Période
transitionnelle romaine a été peu étudiée. Le terme est de moi. Comme le montreront les
prochains chapitres, je pense qu’elle doit être divisée en une première période sèche (150 à 300
apr. J.-C.) et une période plus tardive dominée par une Oscillation nord-atlantique (ONA)
positive (300 à 450 apr. J.-C.). Le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive est une notion
désormais largement acceptée. Je date ses débuts à un moment un peu plus tardif (vers 450 apr.
J.-C.) que d’autres chercheurs mais je partage l’idée que ses phases les plus évidentes ont eu
lieu vers 530-680 apr. J.-C. Pour une vue d’ensemble, Harper et McCormick, à paraître ; Mc
Cormick et alii., 2012 ; Manning, 2013 ; Luterbacher et alii., 2013.
20. Dans Harper, à paraître, je reviens plus en détail sur les différentes manières dont
l’histoire du climat et des maladies s’entremêle.
21. McNeill, 1976. Wolfe, Dunavan et Diamand, 2007 ; Diamand, 1997 ; Crosby, 1986 ; Le
Roy Ladurie, 1973. Voir Carmichael, 2006, pour un point de vue d’ensemble. Il faut rendre
hommage au génie de McNeill pour la longévité de ses propositions élaborées à une époque où
on ne disposait pas de données paléo-moléculaires. Pour l’écologie historique des maladies
infectieuses, je me suis inspiré de Landers, 1993, et pour le rôle déterminant de la mortalité sur
Hatcher, 2003.
22. Voir tout particulièrement Shah, 2016 ; Harkins et Stone, 2015 ; Barrett et Armelagos,
2013 ; Harper et Armelagos, 2013 ; Quammen, 2012 ; Jones et alii., 2008 ; Garrett, 1994.
23. Voir tout particulièrement Sallares, 2002, et plus loin dans le chapitre 3.
24. Sur l’écologie des maladies dans l’Empire romain et leurs implications démographiques,
voir Scheidel, 2001a et 2001b.
25. Les contributions publiées dans Green, 2014b, nous donnent une vue d’ensemble
passionnante des possibilités ouvertes par cette perspective dans le contexte du monde
médiéval, et voir aussi maintenant Green, 2017. Pour l’importance de la période romaine dans
la mondialisation, dans une perspective plus large, Belich, Darwin et Wickham, 2016, p. 9. Voir
aussi Pitts et Versluys, 2015, sur la « mondialisation » et les Romains.
26. Wilson, 1998, pour l’idée de consilience. McCormick, 2011, pour son application à
l’histoire prémoderne.
27. Butzer, 2012 ; Scheffer, 2009 ; Folke, 2006. Les contributions publiées dans McAnany et
Yoffee, 2010, montrent comment le paradigme peut être appliqué dans des contextes historiques
et archéologiques. Carmichael, 2006, en particulier p. 10. Campbell, 2016, en particulier p. 23,
en fait un usage très convaincant dans l’histoire environnementale de l’Europe médiévale.
28. Cf. dans un contexte différent Cronon, 1983, p. 13 : « L’environnement peut initialement
déterminer le type de choix possibles pour un peuple à un moment donné, mais la culture
refaçonne l’histoire environnementale en fonction de ces choix. L’environnement refaçonné
offre un nouvel ensemble de possibilités pour la production culturelle, initiant ainsi un nouveau
cycle de détermination mutuelle. »
Chapitre 2. Les jours heureux
1. Ceux qui s’intéressent à Galien ont la chance de disposer de deux ouvrages récents :
Mattern, 2013 ; Schlange-Schöningen, 2003. Nutton, 1973, est indispensable. Bowersock, 1969,
p. 59-75, replace Galien dans son contexte culturel. « Toute l’Asie » : Philostrate, Vita Apoll.
4.34. Hadrien et Pergame : Birley, 1997, p. 166-168 ; Halfmann, 1986, p. 191. Sur les aspects
culturels du culte en général, Steger, 2016.
2. Jones, 2012a, sur les voyages de Galien. Alexandrie : Galien, Anat. Admin., 1.2, Galien de
Pergame. Souvenirs d’un médecin, textes traduits et présentés par Paul Moraux, Les Belles
Lettres, Paris, 1985.
3. Rome comme épitomé et l’« importance de la population » : Galien, Hipp. Artic, 1.22,
citant le rhéteur Polémon. Sur Rome comme épitomé, voir aussi Athen., 1.20b. « Chaque jour,
on peut trouver dix mille personnes » : Galien, Purg. Med. Fac., 2. Sur ces passages, Mattern,
2013, p. 126.
4. « Malgré qu’on se soit moqué de lui » : Galien, Praecog., 3.19. Boéthos : Praecog., 2.25.
Porc : Galien, Anat. Admin., 8.3. L’esclave : Galien, Anat. Admin., 7.13. Voir Mattern, 2013,
p. 183-186.
5. « Le nom de Galien était grand », Galien, Praecog.
6. Pour une bibliographie de la peste antonine, voir chapitre 3.
7. La description clinique la plus longue se trouve dans Meth. Med., 5.12. Il y discute du lait
de vache de montagne. Terre d’Arménie : Simp. Med., 9.1.4 (12.191K). Urine : Simp. Med.,
10.1.15 (12.285K). Sur le rôle d’Apollon, voir chapitre 3.
8. ILS 2288.
9. « Frontières » : Appien, Hist. Rom., pr. 1. Voir en général Luttwak, 2016 ; Millar, 2004, en
particulier p. 188 ; Mattern, 1999 ; Whittaker, 1994 ; Isaac, 1992. Quades : Dion Cassius, Hist.
Rom., 71.20.2.
10. Sur les frictions dans l’espace et les défis de la coordination, Scheidel, 2014, est
particulièrement original ; sur l’Empire tardif, Kelly, 1998, p. 157. Pour le nombre de 160
sénateurs : Eck, 2000a, p. 227.
11. « Coûts marginaux » : Whittaker, 1994, p. 86. « Tenant le pouvoir » : Appien, Hist. Rom.,
pr. 26. « Ce que les Celtes » : Pausanias, 1.9.6.
12. « C’était non seulement » : Hassall, 2000, p. 321, et plus généralement sur la taille et la
nature de l’armée romaine : Le Bohec, 1994. Sur l’origine des soldats, voir désormais Roselaar,
2016 ; Ivleva, 2016.
13. Sur les salaires des soldats, voir récemment Speidel, 2014, en désaccord avec Alston sur
plusieurs détails. Campbell, 2005a, p. 20-21. Pourcentage du PIB : Scheidel, 2015b ; Hopkins,
1980, p. 214-125.
14. « Sous la République » : Hérodien, 2.11.4-5. Sur les faibles niveaux de mobilisation :
Bang, 2013, p. 421-423 ; Hopkins, 2009a, p. 196 ; Mattern, 1999, p. 82-84.
15. Aelius Aristides, Or., 26.58, 63, 67, 99, « En l’honneur de Rome » in Éloges grecs de
Rome, trad. Laurent Pernot, Les Belles Lettres, Paris, 1997, p. 57-120. Nous partageons
l’opinion de Birley, 1987, p. 86, contre des approches plus sceptiques : « L’hommage reste
remarquable, une fois toutes les réserves prises en compte. »
16. Aelius Aristides, Or., 26.76.
17. Ibid., 26.6.
18. Sur Hume, Mossner, 1980, p. 266-268.
19. Les tentatives des spécialistes pour évaluer la taille de la population romaine
commencent avec Beloch, 1886 (sur Hume, p. 34-36). Brunit, 1987 ; Lo Cascio, 1994 et 2009 ;
Fier, 2000 ; sur l’état du débat jusqu’en 2001, voir tout particulièrement la contribution de
Scheidel, 2001b. Parmi les contributions les plus récentes, Launaro, 2011 ; De Ligt, 2012 ; Hin,
2013. Tout chiffre global de la population impériale est composé à partir d’estimations
régionales et, au cours du dernier siècle, les chercheurs ont travaillé à partir des fondations
solides posées par Beloch pour proposer des estimations plus fines et plus plausibles dans les
différentes parties du monde romain. Si donner un chiffre précis est spécieux, le maximum de
75 millions découle de la distribution du tableau 1.1, chaque donnée tendant à être la plus
raisonnable et la plus probable (en suivant largement Scheidel, 2001b, p. 48). Les agrégats
régionaux les plus fiables concernent l’Italie et l’Égypte. En Italie, on dépend dans une large
mesure d’une série de recensements datant du règne d’Auguste. On doit à Hin, 2013, une
véritable avancée avec la proposition d’un chiffre variant entre 11 et 12 millions. Les
populations prémodernes pouvaient augmenter à un taux moyen de 0,1 à 0,5 % annuel sur de
longues périodes (Scheidel, 2007, p. 42) en l’absence d’épisode brutal de mortalité, si bien que
la meilleure estimation pour l’Italie en 166 apr. J.-C. est d’environ 14 millions. Ce chiffre
présente aussi l’avantage d’être légèrement au-dessus du maximum médiéval et juste en dessous
de l’augmentation de la population de l’Italie des débuts du XVIIIe siècle. Pour l’Égypte, nous
disposons d’un séduisant rapport de l’historien juif Joseph selon qui la population, sans compter
la grande métropole d’Alexandrie, était de 7,5 millions. Une série de données montrent que
c’est globalement improbable et que l’on était certainement plus proche d’environ 5 millions, à
l’apogée du IIe siècle. Voir Bowman, 2011, et la littérature plus ancienne, en particulier
Rathbone, 1990. En général, les estimations pour les autres régions ont des marges d’erreur plus
importantes mais grâce aux patientes recherches et à la réflexion prudente de nombreux
chercheurs au cours de ces dernières années, le chiffre de 70-75 millions d’habitants peut être
pris en considération, même si c’est avec prudence. Voir Bonsall, 2013, p. 17-18 ; Mattingly,
2006, sur la Bretagne.
20. Sur la fertilité dans le monde romain en général, voir Hin, 2013 ; les contributions in
Holleran et Pudsey, 2011 ; Scheidel, 2001b, p. 35-39, en particulier ; et Bagnall et Frier, 1994.
L’âge du mariage : Scheidel, 2007 ; Saller, 1994 ; Shaw, 1987. Veuves : Krause, 1994. Mariage
romain : Treggiari, 1991. « Les femmes sont habituellement mariées » : Soranos, Gyn., 1.9.34.
21. Harper, 2013a, sur l’importance du statut social pour la culture de la reproduction.
Contraception : Frier, 1994, mais aussi Cadwell, 2004.
22. Maddison, 2001, p. 28, estime la population globale au début du Ier millénaire à environ
230 000 000. Voir aussi Livi-Bacci, 2012, p. 25 ; McEvedy et Jones, 1978. Ptolémée, Geogr.,
1.11, 1.17, 6.16. Population chinoise : Marks, 2012, p. 106 ; Deng, 2004 ; Sadao, 1986. « Dans
les provinces » : cité in Lewis, 2007, p. 256-257.
23. L’idée qu’il y avait « trop » de Romains : Scheidel, 2012 ; Lo Cascio, 2009 ; Frier, 2001.
Famines : Garnsey, 1988.
24. Aussi tentants que soient les indices intermédiaires (voir De Callataÿ pour un exemple et
Wilson, 2009, pour une défense argumentée), les objections méthodologiques de Scheidel,
2009, semblent sans appel de mon point de vue. Néanmoins, les données sur les ossements
animaux (par exemple, Jongman, 2007) sont tout particulièrement peu compatibles avec toute
idée d’une « surpopulation » romaine. Les découvertes d’ossements de cochons, de bovins et de
moutons sont de l’ordre de dizaines de milliers. La principale limite est que la consommation
d’animaux est une affaire de goût ; devenir romain impliquait aimer la viande de porc.
Néanmoins, l’attrait pour ce type de données est irrésistible car la consommation de viande est
une réfutation directe de l’idée d’une paupérisation malthusienne. Et même si on prend en
compte la romanisation des goûts et l’imprécision des datations (en particulier la tendance à
faire référence au « IIe siècle » plutôt qu’à un avant et un après la peste comme référence
chronologique), l’augmentation de la consommation de viande à une échelle de masse s’oppose
à l’idée d’une crise de subsistances.
25. Les contributions dans Bowman et Wilson, 2009, sont stimulantes. Les données sur les
salaires sont discutées dans Harper 2016a et le fichier des données est disponible sur <darmc.
harvard.edu> sous l’intitulé « Data Availability ». Il me semble que c’est la meilleure manière
possible de montrer la croissance intensive à cette époque.
26. On dispose enfin d’une étude détaillée de l’urbanisme romain dans la remarquable
nouvelle synthèse de Hanson, 2016.
27. Sur la taille des propriétés de l’élite romaine, Scheidel, 2017 ; Harper, 2015b ; Duncan-
Jones, 1990, p. 121-142 ; idem., 1982. Sur la répartition des richesses, Scheidel et Friesen,
2009.
28. « La richesse de l’Empire romain » : Frier, 2001, p. 158. Types de croissance : Temin,
2013, p. 159-219. Sur le concept d’efflorescence, Goldstone, 2009.
29. « Il n’y a jamais » : Greene, 2000, p. 754.
30. « Le grand nombre » : Wilson, 2002, p. 11. En général, Schneider, 2007.
31. « La taille », Greene, 2000, p. 756. Latine : Whitewright, 2009.
32. « Tel est le nombre de cargos » : Aelius Aristides, Or., 26.11. « Les marchands de la
Terre » : Apoc., 18 : 11-13. Pour une synthèse, voir Harris, 2000.
33. Le rôle des institutions pour faciliter les échanges : Frier et Kehoe, 2007. Voir aussi
Kehoe, 2007. Le crédit dans l’économie romaine : Rathbone et Temin, 2008 ; Harris, 2006 ;
Temin, 2004 ; Andreau, 1999 ; Bogaert, 1994.
34. Harris, 2000, p. 717 (céréales) et 720 (vin). Le commerce du vin : Morley, 2007 ;
Tchernia, 1986 ; Purcell, 1985. Pour la période plus tardive, Pieri, 2005. Les statistiques sur la
production de vin aux États-Unis sont disponibles sur <wineinstitute.org>. (NdT : La France
produit annuellement un peu plus de 36 millions d’hectolitres de vin.)
35. Voir en particulier Morris, 2010 et 2013 pour le caractère insatisfaisant de la courbe en
forme de « crosse de hockey » pour rendre compte du développement social. Goldstone, 2009,
est également intéressant. Pour un point de vue tenant compte de la question environnementale
semblable à celui adopté ici, voit Campbell, 2016.
36. Voir Lehoux, 2007, p. 119-120, pour une réflexion subtile sur les observations de
Ptolémée ; Sallares, 2007a, p. 24-25.
37. Les « étranges parallèles » en Asie médiévale : Lieberman, 2003. Voir aussi Lee, Fok et
Zhang, 2008, sur la croissance de la population chinoise et le climat. Dans l’Europe du Moyen
Âge, Campbell, 2016 et 2010, ont démontré sans contestation possible l’importance du climat
sur les rythmes de la croissance et des récessions. L’Optimum climatique romain est exploré
dans Hin, 2013 ; Manning, 2013 ; McCormick et alii., 2012.
38. Voir, en particulier, Burroughs, 2005 ; Taylor et alii., 19923, pour l’image du
« commutateur instable ».
39. Burroughs, 2005 ; Ruddiman, 2001. Impact humain : Brooke, 2014.
40. « Ce qu’a pu être » : Broodbak, 2013, p. 202-248.
41. Sur les sous-divisions de l’Holocène : voir Walter et alii., 2012. Du milieu à la fin de
l’Holocène : Finné et alii., 21011 ; Wanner, 2008. Saisonnalité : voir, en particulier, Magny et
alii., 2012a.
42. Le changement climatique à l’Holocène : Mayewski et alii., 2004. « D’un point de vue
galactique », <science. nasa.gov/science-news/science – at-nasa/2013/08jan_sunclimate>.
Hallstatt : Usokin, 2016.
43. Les rives sud de la puissance romaine : Alston, 1995, p. 34-35 ; Strabon, Geogr., 17.1.12.
Voir Scheidel, 2014.
44. Voir, en particulier, Horden et Purcell, 2000, et Sallers, 1991, sur les dynamiques du
monde méditerranéen et leurs impacts sur la société humaine. Sur le climat méditerranéen en
général : Lionello, 2012 ; Xoplaki, 2002.
45. Pour une synthèse, Harper et McCormick, à paraître ; Manning, 2013 ; Lionello, 2012 ;
McCormick et alii., 2012. Lamb, 1982, a déjà reconstitué de nombreux traits de la situation
avec beaucoup moins de données.
46. Les dates proposées pour le début de l’OCR sont variables : 550 av. J.-C., 450 av. J.-C.,
400 av. J.-C., 200 av. J.-C., et 1 av. J.-C. ; pour la fin, on a proposé : 50 av. J.-C., 50 apr. J.-C.,
250 apr. J.-C., 300 apr. J.-C., et 350 apr. J.-C. Ces divergences ne doivent pas nous amener à
désespérer, elles illustrent la complexité du problème et le besoin d’un effort approfondi de
synthèse qui aille au-delà des propositions individuelles en relation avec des conditions locales.
47. Voir Usokin, 2016 ; Steinhilber et alii., 2012 ; Gray et alii., 2010 ; Beer et alii. ; Usokin
et Kromer, 2005 ; Shindell et alii., 2003 ; Shindell, 2001 ; Bond et alii., 2001 ; Beer, Mende et
Stellmacher, 2000.
48. Source des données de la figure 3 :
<ftp://ftp.ncdc.noaa.gov/pub/data/paleo/climate_frocing/solar_variability/steinhilber2009tsi.txt>
.
49. Pour la temporalité et l’échelle de l’activité volcanique, Sigl et alii., 2015, est désormais
incontournable.
50. Les preuves écrites et botaniques ont déjà été brillamment exploitées par Mab, 1982.
Glaciers : Le Roy et alii., 2015 ; Six et Vincent, 2014 ; Holzhauser et alii., 2005 ; Hoelzle et
alii., 2003 ; Haberli et alii., 1999.
51. En général, Maning, 2013. Les traces alpines : Büntgen et alii., 2011.
52. Spéléothèmes en général : McDermott et alii., 2011 ; Göktürk, 2011 ; McDermott, 2004.
Spannagel : Vollweiler et alii., 2006 ; Mangini, Spötl et Verdes, 2005. Ibérique : Martín-
Chivelet et alii., 2011. Kocain : Götkürk, 2011. Uzunturla : Götkürk, 2011. Grotte Savi : Frisia
et alii., 2005.
53. Période humide romaine ibérique : Pérez-Sanzet alii., 2013 ; Currás et alii., 2012 ;
Martín-Puertas et alii., 2009. La grotte de Klapferloch dans le sud de l’Autriche fournit les
indices d’une phase d’humidité entre 300 av. J.-C. et 400 apr. J.-C. : Boch et Spötl, 2011. Une
série de lacs italiens avaient un niveau élevé à la fin de la République : Magny et alii., 2007 ;
Dragoni, 1998. « Un fabuleux paysage artificiel » : Aldrete, 2006, p. 4. Voir, en général, l’étude
intéressante d’Aldrete, 2006, pour les crues du Tibre ; Wilson, 2013, p. 269-271 ; Camuffo et
Enzi, 1996. Pline, Ep., 8.17.
54. Déforestation : Harris, 2013b et 2011 ; Hughes, 2011 ; Sallares, 2007a, p. 22-23. Voir
plus loin dans ce livre. Les données des crues des figures 4 et 5 sont tirées d’Aldrete, 2006.
55. L’échantillon est petit (n = 11), et un hasard ne peut pas être exclu. Néanmoins, la plupart
des témoignages datant de l’Empire romain dont nous disposons sont spécifiques et crédibles.
Ovide, Fasti, 3.519-520 : les courses ont été déplacées du Champ de Mars vers le Caelius. Les
données hydrologiques concernant Rome permettent de mettre le rapport sur le climat de
l’Alexandrie côtière de Ptolémée dans une autre perspective. En plus de la preuve constituée par
les crues du Tibre, l’affirmation répétée de pluies régulières pendant l’été est quelque chose
d’inconcevable avec le climat d’aujourd’hui. Ces deux points montrent les profonds
changements du système hydrologique à la fin de l’Holocène dans le monde méditerranéen.
Columelle : voir Hin, 2013, p. 80. En général, voir aussi Heide, 1997, en particulier p. 117.
56. Irrigation : Leone, 2012. Institutions : par exemple, Kehoe, 1988, p. 81-88.
57. Éléphants : Pline l’Ancien, Hist. Nat., 8.1. Voir, en particulier, Leveau, 2014. Wilson,
2013, p. 263 : les « avis ont varié » et le débat n’est pas clos, mais l’accumulation de preuves est
désormais assez convaincante. Jaouadi et alii., 2016 ; Essefi et alii., 2013 ; Detriche et alii.,
2008 ; Marquer et alii., 2008 ; Bkhairi et Karray, 2008 ; Faust et alii., 2004 ; Slim et alii., 2004 ;
Ballais, 2004 ; Stevenson et alii., 1993 ; Brun, 1992. Gilbertson, 1996, pour une bonne
discussion de la littérature plus ancienne.
58. Mattingly, 2003-2013.
59. « Il est même possible » : Wilson, 2012. Cremaschi et Zerboni, 2010 ; Cremaschi et alii.,
2006 ; Burroughs, 2005, p. 231 : « La survenue des conditions actuelles de super-aridité n’est
pas apparue avant environ 1 500 ans. »
60. Talmud : Bavli Ta’anit, 19b. Mer Noire : Bookman, 2004 ; cf. Migowski et alii., 2006.
Voir Hadas, 2006, pour des preuves archéologiques. McCormick et alii., 2012, pour la
discussion. Hirschfeld, 2006, met l’accent sur la période plus tardive mais avec un point de vue
moins intéressant. Soreq : Orland, 2009.
61. Voir, en particulier, Magny et alii., 2012a pour le canevas des saisons plus anciennes,
proposant une moindre formation de cellules Hadley dans la période plus ancienne.
62. « Jour après jour » : Lucrèce, De Re. Nat., 5, vers 1370-1371. Lucain, Pharrsalia, 9.
Hadrien : Harris, 2013b, p. 182-183. Ando, à paraître, sur ces modèles culturels de
déforestation.
63. Modèles climatiques des effets des changements sur le sol de la région méditerranéenne :
Gates et Ließ, 2001 ; Garetner et alii., 2001 ; Reale et Shukla, 2000 ; Reale et Dirmeyer, 2000.
Contra., Dermody, 2011. Déforestation : Ando, à paraître ; Harris, 2013b ; Hugues, 2011 ;
Harris, 2011 ; Sallares, 2007 ; Chabal, 2001. Harris, 2013, est tout particulièrement nuancé,
insistant sur les différences dans le temps et selon les régions, en faisant, par exemple, appel aux
données archéologiques et palynologiques pour montrer que les troncs longs, spécialement dans
les zones faciles à connecter au réseau de transport maritime, ont été les plus exploités sous
l’Empire romain. Bretagne : Dark, 2000, p. 115-119.
64. Hin, 2013, 85ff, est la meilleure tentative jusqu’à aujourd’hui pour lier l’expansion et le
climat. Dans les montagnes : Pline, Nat. Hist., 18.12.63. 5 millions d’ha : Lo Cascio et
Malanima, 2005, p. 219. Voir aussi Spurr, 1986, p. 17 : « Le conseil contre les “zones
escarpées” est certainement la reconnaissance du fait que l’on cultivait des céréales dans
certaines régions de ce type. »
65. Réponse à la température : Dermody et alii., 2014 ; Spurr, 1986, p. 21. Réponse aux
précipitations : Touchan et alii., 2016. Rendement : Spurr, 1986, p ; 82-88.
66. Viabilité : voir Garnsey, 1988, p. 10-12. Cf. Leveau, 2014 ; Mattingly, 1994, p. 9-11 :
« les variations erratiques étaient la norme ».
67. « Longue rigueur » : Columelle, De Re Rust., 1.1.4-5. Presses à olives éloignées : par
exemple, Foxhall, 1990, p. 109. Voir aussi Waelkens et alii., 1999.
68. Sur la notion d’« arrière-fond », voir Campbell, 2016. Voir aussi idem., 2010 ; Galloway,
1986.
69. Itinéraire d’Hadrien : Halfmann, 1986, p. 192. Inscription : ILS, 2487. « Jamais aucun
Prince », Hist. Aug., Vita Hadr., 13.5.
70. « Lorsqu’il vint », Hist. Aug., Vita Hadr., 22.14. Inscriptions : CIL, 8.2609-2610. Prix de
la farine : voir Harper, 2016a. Approvisionnement en eau de Carthage : Leveau, 2014 ; Di
Stefano, 2009 ; Wilson, 1998.
71. Adversité : Ep., 3.8.1. Sur cette image, voir Jones, 1972, p. 143-144.
72. Butzer, 2012 ; McAnany et Yoffee, 2010 ; Scheffer, 2009 ; Folke, 2006.
73. En général, Horden et Purcell, 2000 ; Sallares, 1991 ; Garnsey, 1988 ; « Orge », Galien,
De Subt. Diaeta, 6. « Non sans d’ailleurs », Galien, Alim. Fac., (p. 93). Périodes de pénurie :
Galien, Alim. Fac., (p. 95). Stockage : Garnsey, 1988, p. 52-54.
74. Discours : Dion Chrysostome, Or., 7. « Notions jumelles » : Garnsey, 1988, p. 57.
75. Sur Pline comme patron, voir, en particulier, Saller, 1982.
76. « Car si les villes maritimes » : Grégoire de Nazianze, Fun. Or. In Laud. Bas., 34.3.
77. Intervention romaine : par exemple, à Antioche en Pisidie en 92-93 apr. J.-C. : AE, 1925,
trad. Levick, 2000b, p. 120. Intervention privée : voir Garnsey, 1988, p. 14. Par exemple, SEG,
2.366 (Austin, 113) ; Syll-3, 495 (Austin, 97) ; I. Prienne, 108 ; I ; Erythrai-Klazomenai, 28 ;
IGR, 3.796 ; IGR, 4.785 ; IG, 4.944 ; 5.2.515. Macédoine : SEG, 17.315 = Freis, 1994, no 91.
78. Trajan, Pline, Pan., 32. Hadrien : Dion Cassius, Hist. Rom., 69.5.3.
79. Septime Sévère : Hist. Aug., Vita Sev., 23.6. « Si, comme nous en prions les dieux »,
I. Ephesos, 2.211. Voir aussi Boatwright, 2000, p. 93-94. Navires formant l’avant-garde :
Sénèque, Ep., 77. Sur l’approvisionnement en céréales en général, Erdkamp, 2005 ; Garnsey,
1988, en particulier p. 218-270 ; Rickman, 1980.
80. Exposition : Harper, 2011, p. 81-83 ; Corbier, 2001 ; Bagnall, 1997 ; Harris, 1994 ;
Boswell, 1988. Migration : Hin, 2013, p. 210-259. Voir chapitre 3.
81. Sénat : Eck, 2000a et 2000b ; « venaient de familles » : Hopkins, 2009a, p. 188-189.
82. « De soutènement » : Shaw, 2000, p. 362. Grand compromis : Scheidel, 2015a et
2015b. Très faible nombre : Hopkins, 2009a, p. 184.
83. Luttwak, 2016, sur la transition vers un Empire territorial.
84. Ce point au sujet de Dion Cassius est fait par Saller, 2000, p. 818.
85. Cette discussion doit beaucoup à Hopkins, 2009a. Voir aussi la contribution importante
de Scheidel, 52015a et 2015b.
86. Vespasien : Suétone, Vesp., 23 et Dion Cassius, Hist. Rom., 65.14.5. Domitien : Dion
Cassius, Hist. Rom., 67.4. Griffin, 2000, p. 79-80. Hadrien et Marc : Birley, 2000, p. 182.
87. Luttwak, 2016. Voir aussi Mattern, 1999 ; Whittaker, 1994 ; Le Bohec, 1994, p. 147-
178 ; Ferrill, 1986. Troubles sous Antonin : Hist. Aug., Vita Anton., 5.4-5 ; De Ste. Croix, 1981,
p. 475 ; Hist. Aug., Vita Marc., 5.4 ; CIL, 3.1412 = ILS 7155. Le discours : Aelius Aristides,
Or., 35.14, en accord avec les arguments de Jones, 1972. Voir désormais, Jones, 2013.
Altération : Butcher et ponting, 2012, p. 74.
88. Sur la première arrivée de Galien à Rome, voir Schlange-Schöningen, 2003, p. 140-142 ;
L’itinéraire de Lucius : Halfmann, 1986, p. 210-211. Sur les campagnes : Ritterling, 1904.
89. Sur le cours et la direction des campagnes, voir Birley, 2000, p. 161-165 ; idem., 1987.
Sur le commandement militaire sénatorial en général : Goldsworthy, 2003, p. 60-63.
90. Sur la Séleucie : voir Hopkins, 1972. « L’incurable germe » : Ammien Marcellin, Res
gest., 23.6.24.
91. « Esclave en fuite » et « embarqua sur le premier navire » : Galien, Praecog., 9.3
(14.649K).
Chapitre 3. La revanche d’Apollon
1. Nil : Aelius Aristides, Or., 36. Maladies : 48.62-63. Idem, Discours sacrés, trad. A. J.
Festugière, Macula, Paris, 1986. Sur Aristides en général : Downie, 2013 ; Israelowich, 2012 ;
les contributions in Harris et Holmes, 2008 ; Bowersock, 1969 ; Behr, 1968.
2. Sur ses maladies, voir en particulier Israelowich, 2012. Galien : Jones, 2008, p. 253 ;
Bowersock, 1969, p. 62. « À la fin, les médecins » : Aelius Aristides, Or., 48.63.
Hypocondriaque : par exemple, Marcone, 2002, p. 806, « un sophiste hypocondriaque ». Beard,
2015, p. 500 : « hypocondriaque ».
3. Smyrne : Aelius Aristides, Or., 19 ; Philostrate, Vita. Soph., 2.9. La « normalité »
d’Aristides est mise en avant par Israelowich, 2012, et Jones, 2008.
4. L’épisode de la peste est décrit par Aelius Aristides, Or., 48.38.
5. L’idée que les Discours sacrés étaient intimement liés à l’expérience de la peste :
Israelowich, 2012. La peste antonine a pu être considérée comme un événement fondamental de
l’histoire romaine (par exemple, Barthold Niebuhr, un des fondateurs de l’historiographie
moderne) et reste au premier plan au travers de la théorie du manque de main-d’œuvre défendue
par Boak, 1955. Elle a perdu son importance pour plusieurs raisons, dont le mépris manifesté
par Moses Finley pour les chiffres et la démographie. Gilliam, 1961, a, parmi d’autres, défendu
un point de vue minimisant les choses. Mais Duncan-Jones, 1996, a attiré à nouveau notre
attention sur la peste, et un débat passionnant a eu lieu ces dernières vingt années, avec les
contributions in Lo Cascio, 2012 ; Bruun, 2007 ; Jones, 2006, 2005 ; Gourevitch, 2005 ; Bruun,
2003 ; Greenberg, 2003 ; Zelener, 2003 ; Marcone, 2002 ; Bagnall, 2002 ; Scheidel, 2002 ; van
Minnen, 2001 ; Duncan-Jones, 1996 ; Littman et Littman, 1973.
6. Parmi les introductions de qualité au rôle des maladies infectieuses dans l’histoire
humaine, Barrett et Armelagos, 2013 ; Oldstone, 2010 ; Crawford, 2007 ; Goudsmit, 2004 ;
Hays, 1998 ; Karlen, 1995 ; McKeown, 1988 ; McNeill, 1976.
7. « Grand arbre » : Darwin, 1859, p. 130.
8. McNeill, 1976 ; déjà Le Roy Ladurie, 1973.Voir Armelagos et alii, 2005.
9. L’histoire des maladies du point de vue génétique : Harkins et Stone, 2015 ; Trueba,
2014 ; Harper et Armelagos, 2013 ; Perace-Duvet, 2006 ; Brosch et alli, 2002. Rougeole, voir
Newfield, 2015, en particulier sa suggestion intéressante qu’un proche ancêtre de la rougeole
était présent en Europe pendant l’Antiquité tardive. Tuberculose : voir plus bas.
10. Picornavirus : Lewis-Rogers et Crandall, 2010. Maladie du sommeil, pian : Harkins et
Stone, 2015.
11. Paléolithique sain : Brooke, 2014, p. 213-220.
12. Gradient latitudinal des espèces : Jablonski et alii, 2017 ; Fine, 2015 ; Davies et alii,
2011. Pour les pathogènes : Stephens et alii, 2016 ; Hanson et alii, 2012 ; Dunn et alii, 2010 ;
Martiny et alii, 2006 ; Guernier et alii, 2004.
13. Le tournant du Néolithique : Brooke, 2014, p. 220-242. Harkins et Stone, 2015, est une
des meilleures synthèses pour comprendre les nouvelles données génétiques.
14. Peste : Rasmussen, 2015 ; Valtuena, à paraître ; voir chapitre 6 de ce livre. Tuberculose :
voir plus bas.
15. « La grande cité » : Talmud Bavli, Pesahim, 118b, à partir d’Hopkins, 2009a, p. 192.
« La puissance de Rome » : Josèphe, Bell. Jud., 2.16.4 (362). La Rome impériale est esquissée
de manière vivante par Purcell, 2000.
16. Les taux de mortalité des sociétés romaines ont été largement étudiés sans conclusion
définitive. Le juriste romain le plus célèbre, Ulpien, est l’auteur d’une table de mortalité qui
donne une image lugubre de la mortalité romaine (voir Frier, 1982). Mais sa fidélité à la réalité
a été débattue sans que l’on puisse conclure. Les âges de décès relevés sur une quantité
innombrable de tombes anciennes sont malheureusement faussés par l’habitude romaine des
commémorations. Ce sont des impasses décevantes. Je partage le point de vue de Walter
Scheidel au sujet du rôle de la mortalité épidémique et son influence sur la valeur de modèle des
tables de vie : Scheidel, 2001c, comme sur la prise en compte des cimetières urbains, Scheidel,
2003. Voir Hin, 2013, p. 101-171 ; Bagnall et Frier, 1994, p. 75-110 ; Frier, 1983, 1982.
Espérance de vie : Scheidel, 2012b, p. 39. Sevrage romain : Prowse et alii, 2008. Population de
Rome : Morley, 1996, p. 33-39.
17. Bagnall et Frier, 1993 ; Scheidel, 2001c.
18. Empereurs : Scheidel, 1999. Faustina et Marc : Lewick, 2014, p. 62-63 ; Birley, 1987.
19. Pour une introduction, Larsen, 2015. Pour une application holistique à des échantillons
romains, Killgrove, 2010a. Pour l’état de la bio-archéologie dans les études romaines,
Killgrove, 2014.
20. L’hyperostose porotique est souvent considérée comme un indicateur du stress
biologique causé par une infection pathogène, la malnutrition ou une anémie congénitale dans
une population mais les données sur l’Empire romain manquent d’une suffisante standardisation
pour que des conclusions puissent être tirées.
21. Pour une synthèse sur la taille comme index du bien-être, Steckel, 2013 ; Floud et alii,
2011.
22. Steckel, 2013, p. 407.
23. Il existe différentes méthodologies pour déterminer la taille à partir d’un squelette entier,
mais la plupart des anthropologues ont utilisé des formules mathématiques pour évaluer la taille
à partir de la mesure des os longs, l’humérus, le radius, le tibia ou, plus particulièrement, le
fémur. Mais les formules employées pour passer de la longueur des os à la taille ont été
élaborées à partir de différentes populations modernes (avec un poids trop important donné aux
Blancs et aux Afro-Américains des États-Unis au milieu du XXe siècle), source d’incertitude, en
particulier si on tient compte du fait que des parties distales comme le tibia et le radius peuvent
être plus élastiques dans des populations soumises à un stress. Le plus embêtant est qu’au cours
des décennies les anthropologues ont employé de multiples formules qui aboutissent à des
résultats différents. Bonsall, 2013, p. 228-229. Roberts et Cox, 2003, reste une méta-étude
intéressante.
24. Bretagne : Gowland et Walther, à paraître. Bonsall, 2013, p. 228-229. Roberts et Cox,
2005, reste une méta-étude valable.
25. Il s’agit de ma propre méta-analyse, une tentative pour reproduire en la mettant à jour
l’étude de Kron, 2005. Voir l’annexe A pour les données brutes. J’ajoute immédiatement que je
crois que l’intérêt de cette analyse est gravement compromis par les limites des études initiales,
pour l’essentiel issues de la vieille tradition bio-anthropologique italienne. Ces études font
parfois état des longueurs brutes de fémurs et parfois des tailles moyennes, sur la base de
formules de régression. Quand les longueurs brutes sont données, je les ai utilisées ; quand seule
la taille est donnée, j’ai extrapolé la longueur du fémur en utilisant une équation de régression
comme si cette taille avait été trouvée à partir de la longueur du fémur, ce qui n’était pas
toujours le cas ; aussi, je distingue entre les données brutes et reconstruites dans la figure 3.2.
Les études originales n’incluent presque jamais les écarts standards, et je n’ai pas évalué les
analyses sur la base du nombre d’observations : on ne trouve pas dans la figure 3.2 d’évaluation
de la validité statistique. La variable temporelle est le milieu de la série rapportée. Bref, j’ai plus
confiance dans la seule grande étude de Giannecchini et Moggi-Cecchi, 2008, soigneusement
contrôlée et sans le risque de différences inter-observateurs, que dans toutes les méta-études, y
compris la mienne.
26. L’étude la plus importante est celle de Giannecchini et Moggi-Cecchi, 2008. Ses auteurs
ont eu accès à une grande variété de collections italiennes et ont analysé et rapporté les vraies
longueurs des ossements. Parmi les études plus anciennes, on retiendra Koepke et Baten, 2005,
et Kron, 2005.
27. Voir en particulier le travail de Garnsey, 1999, 1998 et 1988.
28. Le régime romain : Killgrove, 2010 ; Cummings, 2009 ; Rutgers et alii, 2009 ; Craig et
alii, 2009 ; Prowse et alii, 2004. Archéologie des ossements d’animaux : Jongman, 2007 ; King,
1999. Bretagne : Bonsall, 2013, p. 28 : « on pense maintenant que la viande constituait une
partie plus importante du régime alimentaire individuel moyen que ce que l’on pensait
autrefois ». Cummings, 2009 ; Muldner et Richards, 2007.
29. Cucina et alii, 2006 ; Bonfiglioli et alii, 2003 ; Manzi, 1999.
30. Dorset : Redfern et alii, 2015 ; Redfern et DeWitte, 2011a ; Idem, 2011b. York : Peck,
2009. (NdT : citation des Monty Pytons, La Vie de Bryan.)
31. Hollande : Maat, 2005. Le paradoxe de l’Antebellum : Treme et Craig, 2013 ; Sharpe,
2012 ; Zehetmayer, 2011 ; Komlos, 2012 (il soutient un autre point de vue, défendant
l’importance de la baisse des salaires) ; Alter, 2004 ; Haines, Craig et Weiss, 2003. « Il paraît » :
Malthus, 1992, livre II, chapitre 8. (NdT : L’Antebellum, « avant la guerre », fait référence dans
l’historiographie américaine à la période de montée du séparatisme qui mène à la guerre civile.)
32. Taux d’urbanisation : Hanson, 2017 ; Morley, 2011 ; Wilson, 2011 ; Lo Cascio, 2009 ;
Scheidel, 2001b, p. 74-85 ; Morley, 1996, p. 182-183. Les écologies des maladies régionales :
Scheidel, 2011a et 1996. La Pergame de Galien : Galien, Anim. Affect. Dign., 9. Sur l’effet
« mouroir urbain », voir récemment Tacoma, 2016, p. 144-152 ; les contributions in de Ligt et
Tacoma, 2016, en particulier Lo Cascio, 2016 ; Hin, 2013. L’importance de l’effet cimetière à
Rome reste débattue. Mais il me semble que la preuve de niveaux extrêmement élevés de
mortalité urbaine prend appui sur de bonnes données : 1. Les preuves bio-archéologiques de
plus en plus nombreuses de hauts niveaux d’immigration (voir Prowse, 2016 ; Bruun, 2016 ;
Killgrove, 2010a ; idem, 2010b ; Prowse et alii, 2007) au début de l’Empire ; 2. Les preuves
convergentes du paludisme endémique ; 3. Les données concernant la taille ; 4. Les données
archéologiques montrant que les systèmes d’assainissement atténuaient peu les mauvaises
conditions hygiéniques de la ville (Mitchell, 2017 ; Koloski-Ostrow, 2015). Néanmoins,
j’accepte les arguments, par exemple de Lo Cascio, 2016, selon lesquels la population de Rome
pourrait avoir grossi entre Auguste et Marc Aurèle. Je dirai aussi qu’en de nombreux endroits
les taux de mortalité dans les campagnes étaient également élevés, si bien que la différence
ville-campagne pourrait ne pas avoir été aussi importante que cela. Comme Hin, 2013, le
remarque, les taux de mortalité en ville et à la campagne ont chuté.
33. Pour une argumentation opposée à l’effet « mouroir urbain » à Rome, voir Lo Cascio,
2016 ; Kron, 2012 ; Lo Cascio, 2006. Sur les latrines et les égouts romains, voir en particulier
maintenant Koloski-Ostrow, 2015, « marque de fabrique », p. 3. Van Tilburg, 2015 ; Hobson,
2009.
34. Voir Koloski-Ostrow, 2015, p. 88-89 sur les pots de chambre. « Les conséquences
hygiéniques » : Scobie, 1986, p. 411, et sur le volume des déchets, p. 413. Mitchell, 2017, p. 48,
présente une importante synthèse archéologique concluant que « les mesures sanitaires
publiques étaient insuffisantes pour protéger la population des parasites d’origine fécale ».
35. Toutes les données sur la mortalité saisonnière sont fondées sur ma propre base de
données, compilées à partir du corpus des inscriptions chrétiennes relevées à Rome. Harper,
2015c ; Scheidel, 2001a et 1996 ; Shaw, 1996. La représentation graphique est traduite sous la
forme d’un indice normalisé en fonction du nombre variable de jours de chaque mois (s’il y
avait une mortalité égale toute l’année, on aurait une ligne droite à l’indice 100). Sur les causes
des variations saisonnières, voir Grassly et Fraser, 2006.
36. Harper, 2015c.
37. « Cette irrégularité », Galien, Temp., 1.4.5828.
38. Sur les diarrhées aiguës, voir DuPont, 1993, p 676-680. En général, Scheidel,
2001a. L’indice saisonnier de cause de mortalité spécifique dans les villes italiennes en 1881-
1882 est tiré de Ferrari et Livi Bacci, 1985, p. 281, qui fournissent les données pour les
« malattie respiratorie » et les « enterite e diarrea ».
39. « Puissance extraordinaire » : Sallares, 2002, p. 2. Sur le rôle du paludisme dans le passé
et aujourd’hui, Shah, 2010. Sur la diversité génétique globale du Plasmodium, Faust et Dobson,
2015. Les données sur la mortalité saisonnière due au paludisme à Rome en 1874-1876
proviennent de Rey et Sormani, 1878, qui font appel à la notion de « fièvres pernicieuses
intermittentes ».
40. Histoire de l’ancienneté et de la génétique du paludisme : voir Loy et alii, 2017 ; Pearce-
Duvet, 2006, p. 376-377 ; Sallares, 2004. En Italie, plus tard, Percoco, 2013. ADN : Marciniak,
2016.
41. Sallares, 2002, est fondamental. La prise conscience du médecin du Ier siècle Celsus (par
exemple, De medicinia, 3.32) est un témoignage important. « Nous n’avons plus besoin » :
Galien, Morb. Temp., 7.435K. « Le plus souvent » : Galien, Hipp. Epid., 2.25.17.A.121-
2K. Voir Sollares, 2002, p. 222.
42. Courbes saisonnières, Shaw, 1996, p. 127.
43. See O’Sullivan et alii, 2008 ; plus haut, Sallares, 2002, p. 95. « Si quelqu’un » : Pline,
Hist. Nat., 36.24.123.
44. « Pourquoi les hommes », Ps.-Aristote, Prob., 14.7.909. Monica : Sallares, 2002, p. 86.
Synergie du paludisme : Scheidel, 2003.
45. Agronome : Palladius, Op. Ag., 1.7.4. Printemps humide : Ps.-Aristote, Prob., 1.19.861.
Pour une analyse du rapport entre le climat et le paludisme au XVIIIe siècle en France, Roucaute
et alii, 2014.
46. « Quand l’année entière » : Galien, Temp., 1.4.531. Epidémies tous les 5 à 8 ans :
Sallares, 2002, p. 229. « Si une personne », Sénèque, De Clem., 1.25.4.
47. Si on remonte davantage dans le temps, l’historien Tite-Live fait état d’épidémies à
Rome ou parmi l’armée. Il convient de mentionner également la peste d’Athènes. Un certain
nombre d’épidémies attestées dans les années 420-360 av. J.-C., peuvent être citées mais leur
périodicité et leur épidémiologie n’impliquent pas de liens entre elles.
48. Pline l’Ancien, Nat. Hist., 7.51 (170). On ne peut pas complètement exclure la possibilité
d’agents pathogènes invasifs se répandant dans l’Empire. Des virus transportés par des
arthropodes, comme la dengue et la fièvre jaune, ont atteint le monde méditerranéen au cours
des siècles suivants ; cela aurait pu être le cas dans l’Antiquité et ils se seraient mélangés avec
d’autres épidémies paludiques et gastroentériques. Les épidémies de grippe sont une meilleure
probabilité dans l’abstrait, bien que, curieusement, les preuves manquent. Un passage captivant
de Rufus d’Éphèse, un médecin écrivant sous le règne de Trajan, montre une familiarité précise
avec les « bubons pestilentiels » qui ne peuvent être rien d’autre qu’une forme ancienne de
Yersinia pestis, la vraie peste bubonique. C’est un problème sur lequel nous reviendrons plus
loin. Il est clair que la peste bubonique n’a jamais pris une forme pandémique à cette époque, et
le corpus de Galien ne montre aucune sensibilisation à cette maladie. Pour Rufus, une pestilence
était la concaténation de « toutes les choses terribles possibles » : diarrhées, fièvres,
vomissements, délire, douleur, spasmes, etc., mais pas de bubons. Les épidémies dans l’Empire,
selon toutes les apparences, étaient des conflagrations venues de l’intérieur.
49. Propagation des parasites intestinaux et conquêtes romaines : Mitchell, 2017. Génome de
l’agent pathogène de la tuberculose : Achtman, 2016 ; Bos et alii, 2014 ; Comas et alii, 2013 ;
Stone et alii, 2009. Signification historique de la tuberculose : Roberts, 2015 ; Müller et alii,
2014 ; Holloway et alii, 2011 ; Stone et alii, 2009 ; Roberts et Buikstra, 2003. Bretagne : Taylor,
Young et Mays, 2005. « Le moment tournant » : Eddy, 2015.
50. L’état de la question est bien résumé dans Green, 2017, p. 502-505. Histoire génétique de
la lèpre : Singh et alii, 2015. Histoire de la lèpre : Donoghue et alii, 2015 ; Monot et alii, 2005 ;
Mark, 2002 (tout particulièrement pour la propagation de l’Inde à l’Égypte, avec une discussion
des anciennes théories) ; les contributions in Roberts, Lewis et Manchester, 2002, en particulier
celui de Lechat, 2002, p. 158. Pline l’Ancien, Nat. Hist., 26.5 ; Plutarque, Mor., 731b-
34c. Rufus aoud Oribasius, Coll. Med., 4.63. Cas romains : Inskip et alii, 2015 (subromain) ;
Stone et alii, 2009 ; Mariotti et alii, 2005 ; Roberts, 2002. Squelettes d’enfants : Rubini et alii,
2014. Phylogénie : Schuenemann et alii, 2013.
51. Plutarque, Mor., 731b-734c, « semences » à 731d.
52. Sur la phylogénie, voir Duggan et alii, 2016 ; Babkin et Babkina, 2015 ; idem, 2012.
Shchelkunov mis à jour, 2009 ; Li et alii, 2007. L’histoire de la gerbille et du chameau fait
fortement penser à une origine africaine du Variola humain. Indépendamment, le fait que
l’origine africaine de Variola révèle la plus grande diversité génétique témoigne aussi du début
de l’histoire de l’évolution de la variole en Afrique. Sur l’introduction des chameaux en
Afrique, voir Farah et alii, 2004.
53. En général, voir la collection de grande valeur des sources in FHN, vol. 3. Auguste :
Srabon, Geogr., 16.4.22-27. Purcell, 2016 ; Seland, 2014 ; Tomber, 2012 ; Cherian, 2011 ;
Tomber, 2008 ; Cappers, 2006 ; De Romanis et Tchernia, 1997 ; Casson, 1989 ; Rascke, 1978.
Farasan : Phillips, Villeneuve et Facey, 2004, avec Nappo, 2015, p. 75-78 ; Speidel, 2007. Sur le
rôle de l’État romain, voir en particulier Wilson, 2015. Un point de vue plus sceptique de
l’importance du commerce dans l’océan Indien, en particulier représenté par Raschke, 1978,
existe depuis longtemps, mais l’obsolescence du primitivisme dogmatique wébérien sur lequel
il est fondé, tout comme la découverte du papyrus de Muziris et l’accumulation de données
archéologiques (dans les ports romains de la mer Rouge et plus généralement sur les rives de
l’océan Indien qui sont l’objet d’une synthèse prudente dans le travail de Tomber), m’ont
semblé mettre en cause le point de vue minimisant les choses.
54. Croissance de Myos Hormos : Strabon, Geog., 2.5.12. Bérénice : Sidebotham, 2011.
Difficulté de trouver des informations : Strabon, Geog., 15.1.4. Pline l’Ancien, Hist. Nat.,
6.101. Sénèque le Jeune a dédié un livre, perdu, à l’Inde, et il fait preuve d’une conscience très
peu romaine de la possibilité que de grands Empires équivalents existent aux quatre coins du
monde : Pline l’Ancien, Hist. Nat., 6.600. Voir Parker, 2008, p. 70. Poète : Stace, Silv., 5.1.603.
« Ceux qui ont l’habitude » : Ptolémée, Geogr., 1.9. « Ceux qui ont l’habitude », Ibid., 1.9.
« Les cargos » : Aelius Aristides, Or., 26.11-12. Nil : Ibid., 36.1.
55. « Échanges commerciaux », Frankopan, 2015, p. 16. Périple : Casson, 1989, p. 10. Pline
l’Ancien, Hist. Nat., 12.84. Papyrus Muziris : De Romanis, 2015 ; Rathbone, 2000, sur la
signification économique ; Casson, 1990.
56. Taxes alexandrines : Dig., 39.4.16.7. Sur les épices dans le livre de cuisine d’Apicius,
Parker, 2008, p. 151-152. Quartier des épices : Parker, 2008, p. 153. Prix des épices : Pline
l’Ancien, Hist. Nat., 12.28. Mur d’Hadrien : tablette Vindolanda, p. 184. Tomber, 2008,
présente un aperçu inestimable sur les preuves archéologiques du commerce dans la mer Rouge
et l’océan Indien.
57. Sur les routes connectant l’océan Indien et la Chine, Marks, 2012, p. 83.
58. Sur les pièces romaines, voir désormais en particulier, Darley, 2013. Poésie tamoule :
Power, 2012, p. 56 ; Parker, 2008, p. 173 ; Seland, 2007, sur la dernière datation de ces poèmes.
Colonie : Casson, 1999, p. 19ff. Chine, McLaughlin, 2010, p. 133-134. Les visiteurs en Chine et
la conscience chinoise, en général, Hou Hanshu, 23.
59. Adulis : Periplus Mar. Eryth., 4. Rhinocéros : Buttrey, 2007. Zoskales : Periplus Mar.
Eryth., 5.
60. « Les portes » : Aristides, Or., 26.102. Dion, Or., 32.36 et 39. Socotra : Strauch, 2012.
L’océan Indien dans une perspective de long terme, voir Banaji, 2016.
61. Jenkins et alii, 2013. Signalons une toute nouvelle étude montrant la surprenante étendue
géographique des maladies d’origine zoonotique : Han et alii, 2016.
62. Rossignol, 2012 ; Marino, 2012. Voir en particulier Bowersock, 2001, sur la mise en
cause de la réputation de Lucius. Alexikakos : Ritti Şimşek, Yıldız, 2000, p. 7-8 ; MAMA,
IV.275a. Aelius Aristides, Or., 48.38. Pour les preuves littéraires, voir Marino, 2012 ; Marcone,
2002. Peste d’Athènes : Pausanias, 1.3.4.
63. Pestilence en Arabie : Hist. Aug., Vita Ant., 9.4. Inscriptions sabéennes : Robin, 1992.
Connexion avec la peste antonine par Rossignol, 2012 ; Robin, 1992, p 234, sud de l’Arabie,
« le foyer initial de la contagion ».
64. Sur le comportement de Galien au moment du déclenchement de la peste, voir tout
récemment, Mattern, 2013, p. 187-189.
65. « Comme une bête » : Pseudo-Galien, Ther. Pis., 16 (14.280-1K). Gaule, Germanie :
Amien Marcellin, Res. Gest., 23.6.24. Athènes : Philostrate, Vit. Soph., 2.561. Jones, 2012b,
p. 82-83 ; idem, 1971. SEG, 29.127, p. 60-63 ; SEG, 31.131. Ostie : OGIS, 595. Au-delà du
Danube : ILS, 7215a.
66. Temple d’Apollon : Ammien Marcellin, Res. Gest., 23.6.24 ; HA, Vit. Luc., 8.
Démocratisation : Brown, 2016. Satire : Lucien, Alex., 36.
67. Londres : Tomlin, 2014. Inscriptions : Jones, 2006 et 2005. Leurs localisations
géographiques sont indiquées sur la carte 10. Embrassade : Jones, 2016.
68. Les inscriptions proviennent de Callipolis (I. Sestos, IGSK, 19, no 11) ; Pergame (IGRR,
4.360) ; Didyme (I. Didyme, 217) ; Caesarea Troketta (Merkelbach et Stauber, I. Klaros, no 8) ;
Odessos (Merkelbach et Stauber, I. Klaros no 18) ; Sardis/Éphèse (Graf, 1992 = SEG, 41,
p. 481) ; Hierapolis (Merkelbach et Stauber I. Klaros, no 12) ; Pisidia (Anat. St., 2003, p. 151-
155). Même en l’absence de datation précise, des raisons convergentes permettent de penser
qu’elles datent toutes du début de la pestilence sous Marc Aurèle. L’ensemble est examiné in
Oersterheld, 2008, p. 43-231 ; Faraone, 1992, p. 61-64 ; Parke, 185. « Hélas, hélas ! » :
Callipolis, Parke, 1985, p. 153. Fumigations : Pinault, 1992, p. 54-55. « Vous n’êtes pas seuls » :
Hierapolis, Parke, 1985, p. 153. « Qui détruisent » : Hierapolis, Parke, 1985, p. 154. (NdT :
pour la traduction de ces oracles, j’ai utilisé Aude Busine, Paroles d’Apollon, Brill, Leiden,
2005.) Il y a des pièces de monnaie provinciales d’Asie mineure datant d’avant le règne de
Commode représentant APOLLO PROPULAEUS : Weinreich, 1913. Voir aussi une inscription
d’Antioche, Perdrizet, 1903.
69. La peste bubonique est au-delà de toute prise en compte sur le terrain clinique et
épidémiologique. Il en est de même du typhus exanthématique, mentionné de manière
occasionnelle mais objet d’une description insatisfaisante sur les plans clinique (par exemple,
forte fièvre, absence de lésions pustuleuses), épidémiologique (c’est une fièvre répandue par les
poux) et historique (authentifié des siècles plus tard). La rougeole n’est pas totalement hors de
propos car elle est particulièrement contagieuse – plus que la variole. Mais les pustules
desséchées qui tombent comme des écailles correspondent à une éruption variolique, et les
principales complications de la rougeole sont respiratoires, absentes de tous les comptes rendus.
Sur la rougeole, voir Perry et Hasley, 2004. Une analyse moléculaire récente laisse penser que
la rougeole a probablement émergé quelques siècles après la peste antonine, mais voir Wertheim
et Pond, 2011, pour un point de vue à juste titre sceptique sur la précision de telles datations.
Sur Galien et la peste en général, voir Marino, 2012 ; Gourevitch, 2005 ; Boudon, 2011.
Innombrable : Galien, Praes. Puls., 3.4 (9.357K). Bile noire : idem, Atra Bile, 4 (5.115K).
Fièvre : idem, Hipp. Epid., 3.57 (17a709K) et Simp. Med., 9.1.4 (12.191K). Éruption et
ulcération : idem, Meth. Med., 5.12 (10.367K) et Atra Bile, 4 (5.115K). Selles : idem, K17a741
et Hipp. Epid., 3.57 (17a709K). Desséché : idem, Meth. Med., 5.12 (10.367K). Grande peste qui
a duré très longtemps : voir, par exemple, idem, Praes. Puls., 3.3 (9.341-342 et 357-8K) ;
17a.741K ; 17a885K, 17a709K ; 17a.710K ; 17b683K ; 12.191K ; 19.15, 17-8K.
70. Galien, Meth. Med. 5.12 (10.367K). (NdT : j’ai repris la traduction française : Galien,
Méthode de traitement, Folio, trad. Jacques Boulogne, Paris, 2009, p. 313-318.)
71. « Il n’a pas fallu » : Galien, Meth. Med., 5.12 (10.367K). Idem, Atra Bile, 4 (5.115K).
72. Voir, en particulier, Fenner, 1988. Fenn, 2001, fournit une synthèse accessible.
73. Hémorragique : Fenner, 1988, p. 32, 63.
74. Irritation conjonctivale : Galien, De Substantia Facultatum Naturalium, 5 (4.788K).
Fièvre : idem, Hipp. Epid., 3.57 (17a709K) et Simp. Med., 9.1.4 (12.191K). Simultanées : idem,
Atra Bile, 4 (5.115K).
75. Génomique et datation de la variole : Duggan et alii, 2016 ; Babkin et Babkina, 2015 ;
idem, 2012.
76. J’ai proposé un catalogue à peu près complet des données historiques sur le virus de la
variole ou les virus apparentés jusqu’en 1000 apr. J.-C., environ,
<kyleharper.net/uncategorized/smallpox-resources-and-thoughts/. Il faut souligner la preuve
importante que l’on trouve dans l’Aṣṭāṅgahṛdayasaṃhitā de Vagbhata du VIIe siècle et en
particulier dans le Madhava nidanam écrit par Madhava-Kara au début du VIIIe siècle. La
preuve chinoise la plus ancienne est de Ge Hong (aka Ko Hung), Chou hou pei chi fang,
« Thérapies pratiques pour urgences ». Voir Needham et alii, 2000, p. 125-127. La Chronique
du Pseudo-Joshua le Stylite, sections 26 et 28, décrit ce qui pourrait bien avoir été une épidémie
de variole à la fin du Ve siècle à Édesse : voir Harper, à paraître. Enfin, une série d’auteurs
médecins de l’Alexandrie du VIIe siècle à l’Irak du Xe, avec comme auteur le plus remarquable
le médecin al Rhazes, font preuve d’une grande familiarité avec la variole (ainsi qu’avec la
varicelle et la rougeole). Pour ces dernières sources, voir Carmichael et Silverstein, 1987.
77. Sur l’ancienne notion de miasme, voir les contributions in Bazin-Tacchela et alii, 2001.
78. Le monde entier : Hist. Aug., Vit. Ver., 7.3 ; « L’armée entière », Eutropius, Brev., 8.12.2.
Propagation : Jérôme, Chron., année 172. « Pollué toute chose », Ammien Marcellin, Res.
Gest., 23.6.24. « À travers les provinces » : Orose, Hist. Adv. Pag., 7.15.5-6. Taux de mortalité
estimés : Zelener, 2012 (20-25 %) ; Scheidel, 2002 (25 %) ; Rathbone, 1990 (20-30 %) ;
Littman et Littman, 1973 (7-10 %) ; Gilliam, 1961 (1-2 %).
79. L’étude épidémiologique la plus sophistiquée (dit franchement, la seule) de la peste
antonine est celle de Zelener, 2003, dont on trouve les conclusions dans Zelener, 2012. Riley,
2010, et Livi Bacci, 2006, sont d’une grande aide.
80. Riley, 2010p. 455. Cf. Brooks, 1993, p. 12-13 : « Malgré tous les termes employés
décrivant une épidémie fouettant de bas en haut le continent, se répandant comme un feu de
forêt, ou se déchaînant, dans le monde réel la variole n’infecte le plus souvent que les personnes
qui sont dans la même maison ou le même hôpital. »
81. La charge du pathogène : Livi Bacci, 2006, p. 225.
82. Galien, Hipp. Epid., 3.57 (17a710K). Sur la crise dans le delta, voir Elliott, 2016, et
Blouin, 2014.
83. Voir, en particulier, Zelener, 2003. Noricum : AE 1194, p. 1334. Égypte : voir plus bas.
Rome : Cassius Dion, Hist. Rom., 73.14.
84. P. Thmouis 1. Voir Elliott, 2016 ; Blouin, 2014, p. 255 ; Marcone, 2002, p. 811 ;
Rathbone, 1990. Bandits : Alstone, 2009.
85. SB XVI.12816. Hobson, 1984. Voir, en particulier, Keenan, 2003 ; van Minnen, 1995 ;
Rathbone, 1990.
86. Recrutement de Grecs : Jones, 2012b. Armée : en particulier, Eck, 2012.
87. Les spécialistes constateront que j’ai écarté certains éléments du débat tel qu’il s’est
imposé à la suite de l’article fondamental de Duncan-Jones, 1996, et de la contribution de
première importance de Scheidel, 2002. Je pense que l’approche sceptique de Bruun, 2012,
2007 et 2003, par exemple, a été constructive et a aidé à fixer les limites de certaines données,
mais à l’heure actuelle le débat est dans une impasse. Ducan-Jones, 1996, a construit un schéma
dans lequel beaucoup d’interruptions (par exemple, dans les inscriptions sur les bâtiments) au
cours de cette période font penser à une grave crise sanitaire. Certaines preuves sont solides
mais ce type d’analyse ne peut que rester hypothétique car il ne circonscrit pas les causes de la
crise. Néanmoins, il a rempli son office en relançant le débat. Le cas présenté ici commence
avec ce qui a le plus manqué : une perception claire de l’arrière-fond et de l’échelle des
« épidémies » ainsi que des possibilités épidémiologiques de ce qui était clairement un nouvel
agent pathogène. Selon moi, ce cas donne de la crédibilité aux preuves écrites, et quand on y
ajoute les données épigraphiques, il devient de plus en plus difficile de minimiser l’impact de la
pestilence. De plus, mon étude des papyrus confirme largement Scheidel, 2002 (de manière
certaine dans le cas des loyers et du prix de la terre, même si la question des salaires est plus
complexe). Mon interprétation est cohérente avec Elliott, 2016 : le changement climatique était
une partie de la crise, mais il ne faut pas diminuer l’importance du facteur maladies.
88. Mines : Wilson, 2007. Frappe de monnaie égyptienne : Howgego, Butcher et Ponting,
2010. Ateliers de frappes public : Gitler, 1990-1991, et Butcher, 2004. Prix : Harper, 2016a
(blé) ; Rathbone et von Reden, 2015 ; Rathbone, 1997 et 1996.
89. Harper, 2016a. Voir aussi Scheidel, 2002 et Bagnall, 2002.
90. 22-24 % : Zelener, 2012.
91. Phase d’incubation : Fenner, 1988, p. 5, et plus bas. La variole, en général, Hopkins,
2002.
92. « L’impact à long terme » : Livi Bacci, 2006, p. 205. Voir aussi Cameron, Kelton et
Swedlund, 2015 ; Jones, 2003.
93. Marcus : Hist. Aug., Vita Marc., 17.5. Galien, Bon. Mal. Succ., 1 (6.749K). Cf. Orose,
Hist. Adv. Pag., 7.15.5-6. Les « famines permanentes » que Galien décrit in Bon. Mal. Succ., 1,
appartiennent plus probablement à la période qui a suivi la peste. Une grave crise de
subsistances est documentée vers 165-171 : Kirbihler, 2006, en particulier p. 621 ; Ieraci Bio,
1981, p. 115. De Ste. Croix, 1981, p. 13-14.
94. 1 804 pétitions : P. Yale, 61.
95. Birley, 1987.
96. Lo Cascio, 1991.
97. « Marc n’a pas joui », Cassius Dion, 72.26.3. « Celui-ci menant », Marc Aurèle, Med.,
4.48.
Chapitre 4. Le vieillissement du monde
1. En général sur ces jeux, Körner, 2002, p. 248-259. Les animaux : Hist. Aug., Tres Gord.,
33.1-3. Sur les Jeux séculaires en général, Ando, 2012, p. 119 ; Pighi, 1967. Gibbon, 1176,
vol. 1, chapitre 7. Sur l’abandon des Jeux séculaires, voir chapitre 5. Le lecteur pourra noter
quelques problèmes de calcul car le règne de Philippe ne tombe pas sur un anniversaire du
centenaire du règne d’Auguste. Depuis l’empereur Claude, les Romains avaient un désaccord
pratique sur la manière de calculer un cycle séculaire et, en conséquence, célébraient les Jeux du
siècle sur deux cycles différents.
2. Sur l’umbilicus, voir Swain, 2007, p. 17 et suivantes. La prière : Lane Fox, p. 464, d’une
célébration plus ancienne. Pièces : RIC Philip, p. 12-25.
3. Sur Philippe, Ando, 2012, p. 115-121 ; Körner, 2002.
4. Ce chapitre s’appuie sur Harper, 2016b, 2016a et 2015a. La « crise » du IIIe siècle a fait
l’objet d’une immense bibliographie, mais les plus importants sont Ando, 2012, Drinkwater,
2005 ; Potter, 2004 ; les contributions de Kleijn et Slootjes in Hekster, 2007 ; les contributions
in Swain et Edwards, 2004, en particulier, Duncan-Jones, 2004 ; Carrié et Rousselle, 1999 ;
Witschel, 1999 ; Strobel, 1993 ; Bleckmann, 1992 ; MacMullen, 1976, Alföldy, 1974.
5. « Nouvel Empire » : par exemple, Harries, 2012 ; Barnes, 1982 ; une formule qui va dans
le sens de Edward Gibbon. « Première chute » : Scheidel, 2013.
6. Marc et Faustine : Levick, 2014, p. 62-63.
7. Pour l’arrière-plan et l’ascension de Septime, Campbell, 2005a, p. 1-4 ; Birley, 1988.
8. « Or et rouille » : Dion Cassius, Hist. Rom., 72.36. Les Sévères « plus dans la suite des
Antonins que précurseurs de Dioclétien », Carrié, 2005, p. 270.
9. Septime « n’était pas un “empereur-soldat” » : Campbell, 2005a, p. 10. « Aller de
l’avant » : Dion Cassius, Hist. Rom., 77.15.2.
10. « Prit d’assaut les sommets » : Birley, 1988, p. 24.
11. Proposition faite à Julia Domna : Birley, 1988, p. 75-76.
12. Constitution d’Antonin : P. Giss 40 ; Dig. 1.5.17 ; Buraselis, 1989, p. 189-198. Le récit
hostile de Dion Cassius impute des motifs matériels à cette décision : il élargissait les rangs de
ceux qui payaient certaines taxes. Les vrais motifs auraient pu être religieux, les nouveaux
citoyens élargissant le cercle de ceux concernés par le culte civique. Diffusion de la loi
romaine : Garnsey, 2004 ; Modrzejewski, 1970. Macédoine : ISMDA no 63. Levant : Cotton,
1993. « Car les lois » : Ménandre le Rhéteur, Epid., 1.364.10.
13. Ibbetson, 2005. Pour la carrière du grand juriste sévérien Ulpien, Honoré, 2002.
14. Sur l’administration sévérienne, Lo Cascio, 2005b, « déficit », p. 132. Campbell, 2005a,
p. 12-13. Il est vrai que Septime a nommé des chevaliers à des postes qui étaient réservés de
droit aux sénateurs, les plus importants étant ceux des légats de trois nouvelles légions, Parthica
I, II et III. Mais dans chaque cas, il y avait des circonstances particulières et il a évité l’erreur de
placer des légats sénateurs sous les ordres de chevaliers.
15. Domitien : Griffin, 2000, p. 71-72. Ascension de l’armée : Hérodien, 3.8.4 ; Campbell,
2005a, p. 9.
16. Soldats mariés : Birley, 1988, p. 128.
17. La culture savante sous les Sévères était dans la droite ligne de celle de l’époque des
Antonins, mais avec sa propre spécificité. La carrière de Galien est exemplaire : il est mort en
216/217 apr. J.-C., et a passé l’essentiel de sa carrière sous les règnes de Septime et Marc. De
nouveaux philosophes comme Alexandre d’Aphrodisias, un des plus grands aristotéliciens après
le maître lui-même, se sont imposés. Il est indubitable que l’époque des Sévères a été le témoin
d’un développement du platonisme aux dépens des écoles stoïcienne et épicurienne jusque-là
dominantes. La fiction en prose grecque était très vivante. Le continent de la culture syriaque,
autrefois caché, est soudain apparu pour la première fois publiquement. Cette période est pleine
de surprises, comme le poète merveilleusement bien nommé Septime Nestor dont la
lipogrammatique Iliade (où chaque livre du poème est refondu sans utiliser la lettre qui désigne
le livre en question) était un exercice virtuose dont la célébrité a gagné l’Orient et l’Occident.
Philostrate d’Athènes, auteur de la biographie du merveilleux sage Apollonius de Tyane, a
rencontré le succès, imposant le mouvement dit de la « seconde sophistique ». Voir, en général,
les contributions in Swain, Harrison et Elsner, 2007. Sur la Rome des Sévère, Lusnia, 2014 ;
Wilson, 2007 ; Reynolds, 1996. Moulins à eau et céréales : Lo Cascio, 2005c, p. 163.
18. La construction de bâtiments monumentaux a pris fin avec les derniers Sévères : Wilson,
2007, p. 291. Tertullien, De anima, 30.
19. Voir Bowman, 2011, p. 328 ; Keenan, 2003 ; Alston, 2002 et 2001 ; van Minnen, 1995 ;
Rathbone, 1990.
20. Salaire, Southern, 2006, p. 108-109. Septime semble avoir procédé à un important
avilissement de la monnaie en 194 apr. J.-C. (moins 45 % d’argent) sans conséquences
majeures. Butcher et Ponting, 2012 ; Corbier, 2005a et 2005b ; Lo Cascio, 1986. Valeur
fiduciaire/niveaux des prix : Haklai-Rotenberg, 2011 ; Rathbone, 1997 et 1996.
21. Sur Maximin, Syme, 1971, p. 179-193. Plus récemment, Campbell, 2005a, p. 26-27. Son
renversement : Drinkwater, 2005, p. 31-33 ; Kolb, 1977, en détail.
22. Pour le récit des événements de ces années-là, voir Drinkwater, 2005, p. 33-38.
« Calmement », Peachin, 1991.
23. « Si extrême » : Ducan-Jones, 2004, p. 21.
24. Cyprien, Ad Demetr., 3.
25. Voir, en particulier, Zocca, 1995 et Fredouille, 2003, p. 21-38, sur la métaphore.
« Carburant sexuel », Ach. Tat., 2.3.3. « Nature sèche », Galien, Temp., 2.580-581. « Comme la
mort » : Galien, Temp., 2.582. « Voyez le soleil », Cyprien, Ad Demetr., 3.
26. À la lumière des perspectives ouvertes par de nouvelles études sur le climat romain (par
exemple, Elliott, 2016 et Rossignol et Durost, 2007), je mettrai peut-être moins l’accent sur les
événements volcaniques de la fin de l’OCR. Une éruption volcanique en 169 apr. J.-C. pourrait
avoir été à l’origine d’un refroidissement et une autre de plus grande taille en 266 apr. J.-C.
aurait avoir eu les mêmes effets. Voir maintenant Sigl, 2015, pour une étude de qualité sur la
temporalité et la magnitude des événements volcaniques. Insolation : Steinhilber et alii, 2012.
Glaciers : Le Roy et alii, 2015 ; Holzhauser et alii, 2005. Relevés des températures espagnoles :
Martín-Chivelet et alii, 2011. Spéléothème autrichien : Vollweiler et alii, 2006 ; Mangini, Spötl
et Verdes, 2005. Spéléothèmes thraces : Göktürk, 2011.
27. Cyprien, De Mort., 2. Idem, Ad. Demetr., 7. Riches : Cyprien, Ad. Demetr., 10. « Que ses
vignes » : Cyprien, Ad. Demetr., 20.
28. Tiré de Sperber, 1974. Sur Ḥanina bar Ḥama, voir Miller, 1992. Preuves climatiques :
voir Issar et Zohar, 2004, p. 210, en particulier concernant une villa à `Ein Fasjkha près de
Qumran.
29. Marriner et alii, 2013 ; idem et alii, 2012 ; Abtew et alii, 2009 ; Jiang et alii, 2002 ;
Krom, 2002 ; Eltahir, 1996.
30. Les anciens et le Nil : Bonneau, 1971 ; idem, 1964. Nilomètre : Popper, 1951. Variabilité
du Nil : Macklin et alii, 2015 ; Hassan, 2007. Sur l’hydrologie du Nil en général, Said, 1993.
31. Données brutes : McCormick, Harper, More et Gibson, 2012. Applications : Izdebski et
alii, 2016 ; McCormick, 2013b.
32. Marriner et alii, 2013 ; idem et alii, 2012 ; Abtew et alii, 2009 ; Hassan, 2007 ; De Putter
et alii, 1998 ; Eltahir, 1996. L’ENSO est, de plus, un des plus puissants mécanismes climatiques
globaux, et son influence s’étend à la Méditerranée et au Proche-Orient. Il a des effets
complexes sur les régions qui vont de l’Afrique du Nord au Levant, se déplaçant souvent en
opposition aux situations prédominant dans la vallée du Nil : les années d’ENSO peuvent
apporter de la pluie dans le sud semi-aride de la Méditerranée. Néanmoins, dans la phase finale
de l’ENSO, il y a corrélation avec une forte aridité. Dans tous les cas, s’il y avait un lien entre
les sécheresses en Afrique du Nord, en Palestine et en Égypte, cela impliquerait un mécanisme
global comme l’ENSO, et on peut faire l’hypothèse qu’une des grandes ruptures de la Période
romaine de transition a été une plus grande fréquence des événements El Niño. Le grenier à blé
de l’Empire romain dépendait à une grande échelle des schémas climatiques propres à
l’hémisphère sud : Alpert et alii, 2006 ; Nicholson et Kim, 1997. Ici, la fréquence d’El Niño est
reconstruite à partir de relevés de sédimentation en Équateur par Moy et alii, avec les données
disponibles sur
<ftp://ftp.ncdc.noaa.gov/pub/data/paleo/paleolimnology/ecuador/pallcacocha_red_intensity.txt>.
33. P. Erl., 18(BL III 52) ; P. Oxy. XLII 3048 ; P. Oxy. 38.2854. Voir Rathbone et von Reden,
2015, p. 184 : « Ce fut la plus grave pénurie de céréales répertoriée dans l’Égypte romaine. »
Tacoma, 2006, p. 265 ; Casanova, 1984. Evêque : Eusèbe, Hist. Eccl., 7.21. L’écho des
réverbérations de cette crise à Alexandrie dans le treizième oracle sibyllin : Orac. Sibyll., 13.50-
51.
34. Lopin de terre : Rathbone, 2007, p. 703 ; Rowlandson, 1996, p. 247-252 ; Rathbone,
1991, p. 185, 242-244. Produit intérieur : Rathbone, 2007, p. 243-244. 4-8 millions artabai :
Minimum, d’après Scheidel et Freisen, 2009. Maximum de l’Édit de Justinien, 13. Calcul basés
sur 1 artaba = 12 drachmai = 3 denarii = 3/25 aureus. Famines : Borsch, 2005 ; Hassan, 2007.
35. Brent, 2010 ; Sage, 1975. Nombre de chrétiens : voir plus loin.
36. McNeill, 1976, p. 136-137. Voir, par exemple, Brooke, 2014, p. 343. « Ayant affecté » :
Corbier, 2005b, p. 398.
37. Pour une étude complète, Harper, 2015a et 2016c. Il nous faut ajouter maintenant un
vingt-quatrième témoignage, même s’il est indirect, dans la prophétie ex eventu conservée dans
le Martyrdom of Marian and James, 12. Je remercie Joseph Bryant pour avoir attiré mon
attention sur cette référence.
38. Thèbes : Tiradritti, 2014. Chronologie : Harper, 2015a.
39. Quinze ans : ce rapport remonte à un historien d’Athènes du XIIIe siècle du nom de
Philostrate sur lequel on lira Jones, 2011. Évagre le Scolastique, Hist. Eccl., 4.29 ; Excerpta
Salmasiana II (éd. Roberto = FHG 4.151, 598) ; Syméon Métaphraste (Wahlgren, 2006, p. 77) ;
George Kedrenos, Chron. Brev., vol. 2, p. 465-466 ; John Zonaras, Epit. Hist., 12.21.
40. « Il n’y a quasiment » : Orose, Hist. Adv. Pag., 7.21.5-6. « Ruiné », Jordanès, Get.,
19.104. « Affligé les villes et les villages » : Zosime, Hist. Nov., 1.26.2.
41. « Mais qu’y a-t-il », Cyprien, De Mortalitate, 8. « Ces grandes évacuations », ibid., 14.
Voir aussi Grout-Gerletti, 1995, p. 235-236.
42. « S’imposant » : Pontius, Vit. Cypr., 9. « La maladie s’abattait », Grégoire de Naziance,
Vit. Greg. Thaum., 956-957. Sur ce texte, Van Dam, 1982.
43. Voir Harper, 2016c. Ps.-Cyprien, De Laud. Mort., 8.1.
44. « Ne pas connaître de repos » : Orose, Hist. Adv. Pag., 7.21.1.
45. « Air », Orose, Hist. Adv. Pag., « La maladie se transmettait » : Excerpta Salmasiana II
(éd. Roberto = FHG, 4.151, p. 598). Cette source remonte à Philostrate d’Athènes. Idée d’un
effet oculaire projeté : Bartsch, 2006.
46. « La ville immense » : Eusèbe, Hist. Eccl., 7.21. 62 % : Parkin, 1992, p. 63-64.
5 000/jour : Hist. Aug., Vit. Gall., 5.5 ; « Des maladies contagieuses », Cyprien, Ad Demetr., 2.
47. Eusèbe, Hist. Eccl., 9.8. Typhus exanthématique : Grout-Gerletti, 1995, p. 236.
48. Barry, 2004.
49. Idem., p. 224-237. Je remercie ma collègue Tassie Hirschfeld pour m’avoir encouragé à
réfléchir plus attentivement au sujet de la grippe.
50. Sur le virus de la fièvre hémorragique en général, voir Marty et alii, 2006. Sur la fièvre
jaune et son impact dans le Nouveau Monde, voir McNeill, 2010 ; Cooper et Kiple, 1993.
51. Harper, 2015a, envisage la possibilité d’un arenovirus, et même si c’est possible, la
dynamique de la transmission me semble suggérer une transmission directe entre humains.
52. Génétique des filovirus : Aiewsakun et Katzourakis, 2015 ; Taylor et alii, 2010 ; Belyi et
alii, 2010. Ebola en général : Quammen, 2014 ; Feldmann et Geisbert, 2011. Cas mortels : voir
l’importante somme de données sur <http://epidemic.bio.ed.ac.uk/ebolavirus_fatality_rate>.
53. Drinkwater, 2005, p. 38-39. NdT : « The Blood-Dimmed Tide » [Comme une mer noircie
de sang] : il s’agit d’un extrait d’un poème de W. B. Yeats, « La seconde venue », j’ai repris la
traduction de Yves Bonnefoy, Anthologie bilingue de la poésie anglaise, La Pléiade, Paris,
2005.
54. « Un empire a besoin » : Dion Cassius, Hist. Rom., 52.28-29.
55. « Les Alamans » : Eutrope, Brev., 9.8. Sur la séquence d’événements : Drinkwater, 2005,
p. 28-66 ; Wilkes, 2005a ; Potter, 2004, p. 310-314. Todd, 2005, en particulier p. 442.
56. Orac. Sibyll., 13.106-108, 147-148, avec Potter, 1990. Zosime dépend pour l’essentiel
d’une source contemporaine fiable, Dexippe d’Athènes, pour ces sections de sa Nouvelle
Histoire, la relation directe entre la peste et l’insécurité était un fait établi dans les
représentations de l’époque. Shapur, Excerpta Salmasiana, II (ed. Roberto = FHG, 4.151,
p. 598).
57. Les Goths : voir Todd, 2005. Les Perses : Frye, 2005.
58. « Convergence technologique » : Todd, 2005, p. 451.
59. « Peuple de Rome » : Zosime, Hist. Nov., 1.37.2. Autel de la Victoire : voir Ando, 2012,
p. 161. Empire gaulois : Drinkwater, 1987. En général, idem, 2005, p. 44-48.
60. En général, Corbier, 2005a et 2005b. Argent : Estiot, 1996 ; Walker, 1976. Prix : Harper,
2016a. Banquiers : P. Oxy, 12.1411. Trésors : De Greef, 2002 ; Duncan-Jones, 2004, p. 45-46 ;
Bland, 1997. Fiduciaire : Haklai-Rotenberg, 2011. L’argent dans les données de la figure 4.3
suivent les propositions de Pannekeet, 2008 [disponibles en anglais sur academia.edu], avec
Gitler et Ponting, 2003 ; Walker, 1976.
61. Villages : Keenan, 2003 ; Alston, 2001 ; van Minnen, 1995. Recension : Bagnall et Frier,
1994, p. 9. Dotations : Corbier, 2005b, p. 413. Épigraphie : MacMullen, 1982. Temples :
Bagnall, 1998, et plus loin dans ce livre. Ateliers : par exemple, Corbier, 2005b, p. 419.
62. Sur le contexte de Gallien : Syme, 1983, p. 197 ; Drinkwater, 2005, p. 41. « Par l’effet de
la crainte », : Aurelius Victor, Caes., 33.33-34. Sur les réformes de Gallien, voir Piso, 2014 ;
Cosme, 2007 ; Lo Cascio, 2005c, p. 159-160 ; Christol, 1986, 1982 ; Pflaum, 1976, de Blois,
1976.
63. Scheidel, 2013. Sur les régions, Wilkes, 2005b ; idem, 1996. Manque de sénateurs :
Syme, 1971, p. 180.
64. Scheidel, 2013. « Zone d’énergie » : Syme, 1984, p. 897.
65. Application de la loi : Johnston, 2005 ; Corcoran, 2000. Pour les réformes
administratives, voir le chapitre 5. Ce qui ne veut pas dire que la région n’avait pas obtenu des
privilèges (par exemple, palais de Dioclétien).
66. « De ce moment que date » : Bastien, 1988. Voir aussi Callu, 1969. Distributions aux
personnes : Lee, 2007, p. 57-58. Arras, alias le trésor de Beaurains : Bastien et Metzger, 1977.
67. Pièces d’Apollon Salutaris : RIC IV.3 : Trebonianus Gallus, no 5, 19, 32, 103 et 104a-b ;
RIC IV.3 : Volusianus, no 188, 247, 248a-b ; RIC IV.3 : Aemilianus, no 27 ; RIC V.1 :
Valerianus, no 76 Manders, 2012, p. 132. « La paix des dieux » : Hist. Aug., Vit. Gall. 5.5. Sur la
réaction religieuse à la peste, en général, voir Reff, 2005.
68. Sur la question de la « persécution », voir Ando, 2012, p. 134-141 ; Manders, 2011 ;
Luijendijk, 2008 ; Blackmann, 2006 ; Selinger, 2002 ; Rives, 1999.
69. Porphyre : in Eusèbe, Praep. Ev., 5.1.9.
70. Vitesse de la propagation du christianisme : voir Schor, 2009 ; Harris, 2005 ; Hopkins,
1998 ; Stark, 1996 ; Lane Fox, 1987 ; MacMullen, 1984 ; Barnes, 1982. Onomastiques :
Frankfurter, 2014 ; Depauw et Clarysse, 2013 ; Bagnall, 1987b ; Wipszycka, 1988 et 1986 ;
Bagnall, 1982. Il devrait être évident que j’accepte comme une donné de base l’essor décrit par
Depauw et Clarysse, à la suite de Bagnall.
71. « Monde plein de dieux » : Hopkins, 2009b. Nouvel ethnos : Buell, 2005. Réseaux :
Schor, 2011 ; Brown, 2012. Voir Stark, 1996, qui a été trop imprudemment rejeté.
72. « Comment décrire », Eusèbe, Hist. Eccl., 8.1.5. La première église connue construite à
Oxyrhynchus date de 304 apr. J.-C. : Luijendijk, 2008, p. 9. Premier chrétien identifié : P. Oxy.,
42.3035. Sotas : Luijendijk, 2008, 94ff.
73. En général, Rebillard, 2009 ; Bodel, 2008 ; Spera, 2003 ; Pergola, 1998. Premières
inhumations : Fiocchi Nicolai et Guyon, 2006 ; Ferrua, 1978 ; catacombes de Priscilla, ICUR,
IX, 24828ff. Calixte : ICUR, IV, 10558.
74. Zeus Olympien : Pausanias, 1.8.6 ; Levick, 2000a, p. 623. « Yeux » : Libanius, Or., 30.9 ;
voir Fowden, 2005, p. 538. Bagnall, 1998, reste l’approche la plus stimulante de la pulvérisation
du paganisme civique à la fin du IIIe siècle, p. 286 : « Après cela, le silence tombe sur les
temples d’Égypte ». Bagnall, 1993, p. 261-268. Contre une stagnation totale : voir Lane Fox,
1987, p. 572-585, fondé sur le travail de Louis Robert.
75. Sur le paganisme tardif, voir en particulier, maintenant pour une approche mesurée,
Jones, 2014. Ephèse : Rogers, 1991.
76. « Un autel » : Apulée, Flor., 1. Voir la vivante évocation in Watts, 2015, p. 17-36. Sur la
conversion de Constantin, voir chapitre 5.
77. Aurélien : Drinkwater, 2005, p. 51-53.
78. Nadir : Duncan-Jones, 2004, nous donne un résumé utile.
Chapitre 5. La célérité de la roue de la fortune
1. Claudien, Carm, 20. Pour les antécédents et les parallèles, voir Røstvig, 1972, p. 71. NdT :
Œuvre complètes de Claudien, traduction modifiée de Héguin de Guerle et Alph. Trognon,
Paris, Panckoucke, 1833.
2. Date : Cameron, 1970, p. 391.
3. « L’ordre » : Prosper d’Aquitaine, Carm. Ad Uxorem, 7-8, voir Santelia, 2009 ; Roberts,
1992, p. 99-100.
4. « Dans l’histoire » : Harris, 2016, p. 220.
5. Fonctionnaires : Kelly, 1998, p. 163.
6. « Très peu recours » : Jones, 1964, p. 48. « Coupées en tranches » : Lactantius, De Mort.
Pers., 7.4. Pour les traitements, Lo Cascio, 2005a ; Corcoran, 2000 ; Barnes, 1982 ; Jones,
1964, p. 36-76, en particulier p. 45-52.
7. On a un chiffre particulièrement précis et tout à fait plausible donné par un bureaucrate du
e
VI siècle d’une armée de 435 266 soldats sous Dioclétien : John le Lydien, Mens., 1.27.
Campbell, 2005b, p. 123-124 ; Whitby, 2004, p. 159-160 ; Lee, 1998, p. 219-220 ; Treadgold,
1995, p. 43-64 ; Ferrill, 1986, p. 42 ; Jones, 1964, p. 679-686, en particulier p. 679-680.
Politique fiscale : Bransbourg, 2015 ; Carrié, 1994 ; Certai, 1975 ; Jones, 1957. En général,
Bowman, 2005.
8. Edictum De Pretiis Rerum Vernalium, pr., éd. Lauffer. Sur l’édit, Corcoran, 2000, p. 205-
233. Sur le contexte économique, voir les contributions in Camilli et Sorda, 1993, et Bagnall,
1985.
9. Pour des évaluations, voir en particulier maintenant Lenski, 2016, avec un point de vue
général sur les différents Constantin des historiens modernes qui constitue un véritable tour de
force. Sur seulement la dernière décennie, parmi les contributions les plus importantes Potter,
2013 ; Barnes, 2011 ; Van Dam, 2007 ; les contributions in Lenski, 2006 ; Cameron, 2005.
Constantin en tant qu’Auguste : Harper, 2013b ; Matthew, 2010, p. 41-56 ; Van Dam, 2007.
10. Administration/sénat : Harper, 2013b ; Kelly, 2006 ; Heather, 1998b ; Jones, 1964,
p. 525-528. Constantinople : Dagron, 1984. L’ordre équestre a disparu avec un seul grade
maintenu en l’état, alors que ceux qui avaient été promus grâce à leur talent et leurs états de
service pouvaient maintenant espérer obtenir les honneurs les plus grands. Constantin a
institutionnalisé le statut des courtisans de l’empereur, les comites, pour en faire un système
officiel avec trois grades, chacun ayant des privilèges propres. Il a fait preuve d’audace en
redonnant vie au titre archaïque de patricius, patricien, désormais réservé non pas à ceux qui en
héritaient par le sang, mais en faisant un titre seulement accordé par l’empereur. Et, sous
Constantin, le nom même de l’empereur, Flavius, était décerné comme quelque chose
d’intermédiaire entre un nom et un titre pour certains fonctionnaires du gouvernement.
Désormais le corps des serviteurs impériaux partageait même le nom de l’empereur. L’usage de
Flavius allait se poursuivre au cours de l’Antiquité tardive, reflétant le succès de Constantin
dans la fondation d’un nouvel ordre : Keenan, 1973 et 1974.
11. McGinn, 1999, est tout à fait stimulant, tout comme Evans Grubbs, 1995. « À ce que la
multitude » : CT, 11.16.3. Esclavage : Harper, 2013b, inspiré de Harper, 2011, partie 3. Enfants
illégitimes : Harper, 2011, p. 424-462. Divorce : Harper, 2012 ; Memmer, 2000 ; Arjava, 1988 ;
Bagnall, 1987a.
12. Barnes, 2011, pour une synthèse sur la politique religieuse de l’empereur.
13. Hérodien, 1.6.5. Voir en particulier maintenant la merveilleuse série de contributions in
Grig et Kelly, 2012 ; Mango, 1986 ; Dagron, 1984.
14. Prodigalité : Zosime, Historia nova, 2.38-3. « De manière répétée et permanente […] »,
Eusèbe, Vit. Const., 4.1-2. « Le lot » : Ibid., 4.71.
15. Volcanisme : Sigl et alii, 2015. Ensoleillement : Steinhilber, Beer et Fröhlich, 2009.
Glaciers : Le Roy et alii, 2015.
16. ONA : Burroghs, 2005, p. 170-175 ; Hurrell et alii, 2003 ; Marshall et alii, 2001 ;
Visbeck et alii, 2001.
17. Comparaison en particulier des effets de long terme d’un ONA positif dans l’anomalie
climatique médiévale (autrement dit la « période médiévale chaude ») : Trouet et alii, 2009.
Manning, 2013, p. 107-108.
18. Baker et alii, 2015 ; un autre indice précis du paléoclimat dû à l’ONA a été tiré des
sédiments d’un lac du Groenland : Olsen et alii, 2012. Espagne : Martín-Puertas et alii, 2009 ;
Currás et alii, 2012. Chênes : Büntgen et alii, 2011.
19. Il faut souligner que la fréquence des crues du Tibre a considérablement diminué aux IVe
et Ve siècles, mais seulement en comparaison avec les niveaux exceptionnels atteints pendant
l’OCR. « Un paysage désolé » : Brown, 2012, p. 100. La plus grande humidité dans la grotte
Kaspia en Grèce : Finné et alii, 2014. Et dans le lac Shkodra de l’est de l’Albanie : Zanchetta et
alii, 2012.
20. Pour des vues d’ensemble sur les mécanismes du climat de l’est de la Méditerranée :
Finné et alii, 2011 ; Xoplaki, 2002. Anatolie aride : Haldon et alii, 2014. Sofular : Göktürk,
2011 ; Fleitman et alii, 2009. Bassin de Bereket : Kaniewski et alii, 2007. Nar Gölü : Dean et
alii, 2013 ; Woodbridge et Roberts, 2011. Lac Tecer : Kuzucuoğlu et alii, 2011. Israël :
Migowski et alii, 2006 ; Bookman et alii, 2004. Il existe des incertitudes quant à la datation de
l’arrivée et de la fin d’une période plus humide. Voir McCormick et alii, 2012 pour une
discussion. Voir aussi le chapitre 7.
21. Stathakopoulos, 2007, est le plus complet ; Telelēs, 2004, met l’accent sur les
événements climatiques ; Patlagean, 1977, a gardé toute sa valeur. Brown, 2002, et Holman,
2001, nous aident à apprécier le nouveau type de perspectives que nous avons sur l’Antiquité
tardive.
22. Voir Holman, 2001 ; Garnsey, 1988, p. 22-23. Basile de Césarée, Dest. Horr., 4. Harper,
2011, p. 410-411.
23. « Les espoirs de toutes les provinces » : Symmachus, Rel., 3.15.
24. Stathakopoulos, 2004, no29, p. 207. « Provinces venaient au secours » : Symmachus,
Rel., 3.17. « Vicissitudes » : et « restaient en vie » : Symmachus, Rel., 3.16. Ambroise, Ep.,
73.19. La famine est également mentionnée par l’auteur de la même époque connu sous le nom
d’Ambrosiaster et Prudence y fait allusion.
25. Problèmes en Égypte : P. Lo, d, 3.982. Voir Rea, 1997 ; Zuckerman, 1995, p. 187.
L’année suivante a vu une grande famine à Antioche. Stathakopoulos, 2004, no 30, p. 209. Les
terribles événements climatiques de 451 ont, de la même manière, ricoché dans toute la
Méditerranée. Voir, plus bas, pour le croisement avec l’invasion d’Attila.
26. Voir chapitre 3.
27. Statathakopoulos, 2004. Eusèbe, Hist. Eccl., 9.8. Ambroise de Milan prétend que la
guerre qui opposait les Barbares entre eux vers 378 avait été une source d’horreurs – et de
famine et de pestilence – dans le monde entier. En 442, le chroniqueur Hydace signale
l’apparition d’une comète suivie d’une pestilence qui s’est propagée dans l’ensemble du monde.
Ce n’est pas confirmé par des témoignages de contemporains ; ces deux auteurs utilisent ces
prédictions dans des buts rhétoriques. Il ne faut pas leur apporter trop d’importance.
28. Sur cette épidémie de paludisme, voir plus loin.
29. L’épisode fait l’objet d’un récit plein de vie par Ps.-José le Stylite, 38-46.
Stathakopoulos, 2004, no 80, p. 250-255. Garnsey, 1988, p. 1-7 et 20-36. Voir aussi Harper, à
paraître.
30. Pour un voyage d’une semaine, voir <orbis. stanford.edu>. Pour le voyage de Palladius,
Hist. Laus., 35.
31. « Oracle personnel » : Zuckerman, 1993, p. 193. Nil : Hist. Monach. in Egypt., 11.
32. Voir, tout récemment, sur Jean, Sheridan, 2015, et van der Vliet, 2015, p. 165-167.
L’identification dans ces papyrus d’Apa Jean avec Jean de Lycopolis est faite par Zuckerman,
1995. Tout le monde n’est pas convaincu : voir Choat, 2007. Cela ne change pas mon
raisonnement. Conscription et automutilation : CT 7.13.4 (367 apr. J.-C.) ; CT 7.13.10 (381 apr.
J.-C.). Les provinces ne recevaient que la moitié de leur crédit dans le cas de recrues mutilées :
deux comptaient pour un dans leurs objectifs à atteindre.
33. Lo Cascio, 1993 ; l’État a procédé à des réquisitions forcées des précieux métaux,
remboursés en billons surévalués, ce qui a commencé sous Dioclétien et a été considéré comme
« le trait le plus original de la fiscalité de Dioclétien », Carrié, 2003 ; idem, 2007, p. 156. L’édit
sur les prix semble avoir « sous-évalué » l’or, et l’État allait continuer à sous-évaluer l’or, une
politique poursuivie pendant tout le IVe siècle. Sur l’inflation, voir, en particulier, Bagnall, 1985.
Les prix du blé sont empruntés à Harper, 2016a.
34. « Libéralisation » de l’or par Constantin : Lo Cascio, 1998 et 1995. Impôts : la collatio
lustralis ou chyrsargyron était une taxe en or sur le commerce, levée tous les cinq ans,
clairement destinée à sous-estimer le coût des donativa quinquennaux aux soldats. Il a
également institué le collatio glebalis, une taxe annuelle sur la propriété sénatoriale payée en or.
Ces deux impôts auraient été progressifs, frappant de manière non proportionnelle les classes
les plus riches ; et même s’ils étaient tous les deux très impopulaires, ils ont été maintenus dans
le temps. La nouvelle économie fondée sur l’or : Carrié, 2007 ; Banaji, 2007 ; Corbier, 2005a,
p. 346 ; Brenot et Loriot, 1992 ; Callu et Loriot, 1990 ; Morrisson et alii, 1985, p. 92-95. Les
découvertes archéologiques de solidi montrent une brutale augmentation sous le règne de
Constantin : Bland, 1997, p. 32-33.
35. « Une fusion particulière » : Banaji, 2007, p. 55. Héliodore : Libanios, Or., 62.46-48.
36. Disparition des banques : Andreau, 1998 ; idem, 1986. CJ, 5.37.22 (329 apr. J.-C.) est
tout à fait révélateur. Le redémarrage des banques n’a pas été totalement traité, mais voir
Barnish, 1985 ; Petrucci, 1998 ; Bogaert, 1973. Jean Chrysostome, In. Pr. Act., 4.2 (PG 51 : 99).
Voir Bogaert, 1973, p. 244, 257-258, pour qui il s’agit de la définition la plus explicite d’une
banque dans toute la littérature grecque. « Le marchand », Jean Chrisostome, Hom. In. Io., 1.3
(PG 59 : 28). Voir aussi son Hom. In 1 Cor., 14.3 (PG 61 : 117) ; De Laz., 1.3 (PG 48 : 966).
« Naviguer et faire du commerce » : Augustin, Enarr. In Ps., 136.3.
37. La bibliographie sur les sigillées claires africaines est considérable. Voir Fentress et alii,
2004. « Comme les marchands » : Ps.-Macarius, Serm., 29.2.1. La Description comme « guide
pratique » : McCormick, 2001, p. 85.
38. Sur le moissonneur de Maltar : ILS, 7457, traduction en anglais in Parkin et Pomeroy,
2007, p. 39. Voir Shaw, 2015 ; Brown, 2012, p. 4-6. Chaudronniers, marchands de saucisses :
Libanius, Or., 42, avec Petit, 1957. Augustin, Conf., 6.13 et 6.15. Voir Shanzer, 2002, p. 170.
39. En général, Harper, 2011, avec d’autres références. Mélanie : Libanius, Laus. Hist., 61 ;
Gerontius, Vit. Mel., 10-12. Avec Harper, 2011, p. 192 ; Clark, 1984.
40. Harper, 2011, p. 46-49. « Cet homme » : Libanius, Or., 47.28. Une loi de 383 apr. J.-
C. permettait aux conseils des villes de Thrace de recruter chez les gens ordinaires « qui
possédaient beaucoup d’esclaves », qui n’avaient pas pu être membres de la curie du fait de
« l’obscurité de leur nom » : CT, 12.1.96.
41. « Même le foyer » : Jean Chrysostome, In Ephes., 22.2 (PG 62 : 158). Prêtres, etc. :
Harper, 2011, p. 49-56. Linenworker : CIL, 15.7184 ; CIL, 15.7175. Avec Thurmond, 1994,
p. 468-469. Assistants des professeurs : Libanius, Or., 31.11. « Le propriétaire d’un petit
nombre » : Bagnall, 1993, p. 125.
42. « L’élite sénatoriale romaine » : Wickham, 2005, p. 156. Voir aussi Jones, 1964, p. 778-
784. Olympiodore : Frag., 41. Harper, 2015b. Matthews, 1975. Mélanie : voir au-dessus note
34.
43. Voir, en particulier, Bagnall, 1992, et Bowman, 1985, sur les registres fonciers
d’Hermopolis. Replacé dans leur contexte in Harper, 2015b.
44. Pour le schéma institutionnel, voir, en particulier, Kehoe, 2007. Constantin : CT, 11.16.3.
Synesius, Ep., 148.
45. Sur la pauvreté sous l’Antiquité tardive, voir les contributions in Holma, 2008 ; les
contributions in Atkins et Osborne, 2006 ; Brown, 2002 ; Holma, 2001 ; Neri, 1998 ; Patlagean,
1977. Antioche : Libanus, Or., 27 ; Stathakopoulos, 2004, no 30, p. 209. Martin : Sulpice-
Sévère, Dial., 2.10. « Le ciel est leur toit » : Grégoire de Nysse, De Benef., 453.
46. « Allons-nous » : Grégoire de Nazianze, De pauperum amore, 15. « Vous voyez » :
Grégoire de Nysse, In illud : Quantenus uni ex his fecistis mihi fecistis, éd. Van heck, p. 114.
« Le malade » : Grégoire de Nysse, De Benef., 453.
47. Sur Rome au cours de l’Antiquité tardive, en générale, Grig et Kelly, 2012 ; Van Dam,
2010 ; Harris, 1996b. « Tant on se sentait » : : Aurelius Victor, Caes., 28.2. Également Zosime,
Hist. Nov., 2.7. « Partout » : Amien Marcellin, Res. Gest., 16.10.13. Sur les distributions : Sirks,
1991 (pain, p. 308 ; huile, p. 389-390 ; vin, p. 392-393 ; porc, p. 361ff).
48. Population : Van Dam, 2010, p. 55 ; Zuckerman, 2004. « Terre sèche » : Van Dam, 2010,
p. 55. Sur Constantinople en général : Dragon, 1984.
49. Alexandrie : Fraser, 1951, en en général, Haas, 1997. L’urbanisme sous l’Antiquité
tardive est sujet vaste et controversé. Voir, en général, Liebescheutz, 2001, pour une approche
détaillée et qui fait autorité qui sera reprise ici et dans le chapitre 7.
50. Wickham, 2005, pour un exposé magistral sur l’archéologie et ses implications
économiques. Voir aussi Brogiolo et Chavarría Arnau, 2005 ; Chavarría et Lewit, 2004 ;
Bowden, Lavan et Machado, 2003 ; Brogiolo, Gauthier et Christie, 2000. Christie, 2011, p. 20,
sur les régions frontalières comme désormais « meurtries et donc inhospitalières ». Sur le
dynamisme à l’Est, voir, en particulier, Decker, 2009. Voir aussi le chapitre 7.
51. Héritage : Jones, 1964, p. 615. « L’immense armée » : idem, p. 933. La moitié de la
taille : Van Dam, 2010, p. 27. Sur le recrutement en général : Campbell, 2005b, p. 126-127 ;
Lee, 1998, p. 221-222.
52. Voir, en particulier, Ferrill, 1986.
53. En général, voir Christie, 2011, p. 70-73. Ferrill, 1986, p. 78-82 ; Jones, 1964. « Quand
une armée » : Thompson, 1958, p. 18.
54. Di Cosmo, 2002, p. 13-43.
55. « Immenses étendues » : Ammien Marcellin, Res. Gest., 31.2.13. « Ils n’ont pas » : ibid.,
31.2.17.
56. Voir, en particulier, Di Cosmo, 2002, p. 269-277.
57. Ying-Shih, 1986, p. 383-405. Sur le cours de la dynastie Han, Mansvelt Beck, 1986,
p. 357-376.
58. De la Vaissière, 2015, 2005a et 2003. Traduit in Juliano et Lerner, 2001, no 8, p. 47-49.
La meilleure approche des Huns en général, sans datations, reste celle de Maenchen-Helfen,
1973 (qui met en doute des considérations acceptées dans ce livre). Voir aussi Thompson, 1996.
59. Ammien Marcellin, Res. Gest., 31.1.1. « L’intrusion » : Heather, 2015, p. 212. Ce fut
dans les steppes un tournant destiné à durer. Maas, 2015, p. 9 : « Les portes resteraient ouvertes
aux peuples venues de plus loin à l’est, et de manière immédiate aux Avars et aux Turcs […]. »
60. Dulan-Wulan : Cook, 2013, qui revient en détail sur le contexte climatique. J’insisterai,
quant à moi, sur le rôle de l’ONA par rapport à celui de l’ENSO que Cook laisse à l’arrière-
fond. Aridité de l’Asie centrale : voir Campbell, 2016, p. 48-49 ; Oberhänsli et alii, 2011 ;
Chen, 2010 ; Oberhänsli et alii, 2007 ; Sorrel et alii, 2007. NdT : Dust Bowl : nom donné à une
région des États-Unis touchée dans les années 1930 par une sécheresse et une tempête de
poussière catastrophiques.
61. Heather, 1995. Frankopan, 2015, p. 46 : « Entre 350 et 360, on assiste à une énorme
vague migratoire alors que les tribus étaient déplacées de leurs terres et poussées vers l’ouest.
Le plus probable est un changement climatique qui a rendu la vie dans les steppes
exceptionnellement difficile et provoqué une concurrence intense pour l’accès aux ressources. »
62. Ammien Marcellin, Res. Gest., 31.2.1, 3, 6 et 10.
63. « Une série indépendante » : Heather, 2015, p. 214 ; voir aussi idem, 1998a, p. 502.
Chevaux huns : Végèce, Mul., 3.6.2 et 5. Leur apparition laissait une impression indélébile.
« Les chevaux huns ont une grosse tête, des yeux protubérants, des narines étroites, des joues
larges, un cou solide, une crinière descendant jusqu’aux genoux, des côtes plus grandes que la
normale, un dos incurvé, une queue hirsute […]. »
64. « Très difficile à fabriquer » : Luttwak, 2009, p. 25. Contre l’idée qu’il s’agisse d’une
nouveauté totale, Elton, 2015, p. 127. Maenchen-Helfen, 1973, p. 221-228. « Les arcs galbés et
les flèches » : Sidoine Apollinaire, Carm., 2.266-269. « Vous n’hésiteriez pas » : Ammien
Marcellin, Res. Gest., 31.2.9.
65. « Étaient restés tranquilles » : Ammien Marcellin, Res. Gest., 31.5.17. Chiffres : Heather,
2015, p. 213. Maenchen-Helfen, 1973, p. 26-30. La bataille : Ferrill, 1986, p. 56-63.
66. Adrinople : Hoffman, 1969-1970, p. 440-458. Barbarisation : Whitby, 2004, p. 164-170,
pour une interprétation très prudente, avec des références à la littérature existante ; Curran,
1998, p. 101-103 ; Lee, 1998, p. 222-224 ; Elton, 1996, p. 136-152 ; Ferrill, 1986, p. 68-70, 83-
85.
67. « Équilibre » : Claudien, Stil., 3.10.
68. Reconstruction de Heather : Heather, 2015, 2010 ; 2006 ; 1995.
69. Alors que les Huns avaient en 395 apr. J.-C. lancé un grand assaut dans le Caucase à l’est
de la mer Noire, c’est à l’ouest de la mer Noire qu’ils franchirent le Danube en 408/409 apr. J.-
C. C’est au cours de ces mêmes années que furent construites les murailles théodosiennes de
Constantinople, un impressionnant système de double mur qui allait protéger la ville pendant
mille ans. Uldin : Maenchen-Helfen, 1973, p. 59-72.
70. « La lumière » : Jérôme, Comm. In Ezech., pr.
71. Ve siècle : Kulikowski, 2012, est un survol d’ensemble utile et à jour sur ces questions.
72. « Sur la pierre de la maladie », Isaac d’Antioche, Homily on the Royal City, traduit en
anglais par Moss, p. 61, 69. Sur les opérations d’Attila dans les années 440, voir Kelly, 2015,
p. 200-201 ; Maenchen-Helfen, 1973, p. 108-125.
73. « Pour peindre Attila » : Priscus de Panium, traduit en anglais par Kelly, 2008, p. 260.
74. « Derrière sa cruauté féroce » : Jordanès, Get., 186. « Une catastrophe envoyée par le
ciel » : Hydace, Chron., 29. Maenchen-Helfen, 1973, p. 129-142. Une des découvertes les plus
effrayantes dans toutes les annales de l’archéologie romaine est le cimetière d’enfants à
Lugnano : Soren et Soren, 1999, p. 461-649. À quelque 100 km au nord de Rome, sur le site
d’une villa romaine, au moins 47 fœtus et nouveau-nés ont été inhumés en plein milieu du
e
V siècle. Il est évident qu’ils avaient été enterrés dans un laps de temps très court, de quelques
semaines ou mois, illustrant les ravages de la mortalité épidémique. Les fouilles ont mis au jour
les vestiges de rituels de magie noire qui se pratiquaient encore dans la profondeur des
campagnes. Deux méthodes scientifiques indépendantes – le séquençage de l’ADN et la mise en
évidence d’un sous-produit chimique, l’hémozoïne, qui joue le rôle d’une signature – ont
prouvé que le paludisme était la cause des morts. Même si ce lieu est situé plus au sud que la
limité atteinte par les Huns, les archéologues ont de manière plausible fait le lien entre ce
cimetière et les circonstances précises qui ont justifié la retraite d’Attila. Une épidémie de
paludisme dépend du cycle reproductif des moustiques, qui est, à son tour, dépendant des
variations climatiques et peut concerner de grandes régions : Roucaute et alii, 2014.
Hémozoïne : Shelton, 2015. ADN : Sallares et alii, 2003 ; Abbott, 2001. En général : Bianucci
et alii, 2015.
75. Dernières soldes : Eugippe, Vita Severin., 20. Sur l’archéologie de la région, voir
Christie, 2011, p. 218. « L’armée romaine d’Occident » : Whitby, 2000b, p. 288. Cf. Ferrill,
1986, p. 22.
76. Pièces de monnaie : McCormick, 2013a. Eglise : Brown, 2012.
77. « Il est évident » : Cassiodore, Var., 11.39.1 et 2. Saisonnalité : Harper, 2015c.
Chapitre 6. La vendange de la colère
1. De cerem., 2.51. Cette ouverture s’appuie sur McCormick, 1998, où l’étude de l’écologie
de la première pandémie est vraiment initiée.
2. Niveaux de blé et « Nous considérons » : Justinien, Edictum, 13. Jones, 1964, p. 698.
3. « Il y abonde » : Procope, De aedific., 1.11.24. Langues : Croke, 2005, p. 74-76, pour une
description pleine de vie de la cité « grouillante et bruyante ». Feissel, 1995, sur les immigrants
attestés par des épitaphes.
4. « Ils pillent » : Mitchell, 1992, p. 491 [1944].
5. « Bombe à neutrons » : Cantor, 2001, p. 25. Le bel ensemble de contributions in Little,
2007a, fait le point de l’état des connaissances. Parmi les références les plus importantes :
Meier, 2016 ; Mitchell, 2010, p. 409-413, 479-491 ; Horden, 2005 ; Meier, 2005 ; Meier, 2003 ;
Stathakopoulos, 2000 ; Conrad, 1981 ; Durliat, 1989 ; Allen, 1979 ; Biraben, 1975, p. 22-48 ;
Biraben et Le Goff, 1969. Pour les études plus grand public mais proposant des perspectives
intéressantes, Rosen, 2007, et Keys, 2000.
6. Maas, 2005, donne un bon point de vue général sur le règne de Justinien. Pour un
jugement très négatif, voir O’Donnell, 2008. Meier, 2003, met en valeur de manière
convaincante le rôle des catastrophes naturelles dans la mise en cause des projets de Justinien et
montre comment elles ont influencé toute l’époque.
7. CJ, 5.4.23. Voir Daube, 1966-1967.
8. Opposition : voir Bjornlie, 2013 ; Kaldellis, 2004 ; Maas, 1992 ; Cameron, 1985, p. 23-24.
Haldon, 2005, trace une utile esquisse de la structure administrative de l’Empire sous Justinien.
Une synthèse sur la révolte Nika : Cameron, 2000a, p. 71-72. Liebeschuetz, 2000, p. 208
et 220 : les « notables » contrôlaient le système des impôts.
9. Jones, 1964, p. 278-285. Voir aussi Stein, 1968, t. II, p. 419-483. Théodora : voir,
récemment, la biographie percutante de Potter, 2015, parmi toute une abondante littérature.
Tribonien : Honoré, 1978.
10. Gibbon, 1788, livre 4, chapitre 44. Les premiers jours de son règne, Justinien mit en
place un groupe de travail sous la direction de Jean de Cappadoce pour rassembler et
harmoniser les lois impériales depuis l’époque d’Hadrien. Une première édition fut promulguée
en 529 apr. J.-C. Mais l’exercice, déjà ambitieux, montrait le caractère disparate et complexe du
corpus des lois romaines. Le projet de codification fut étendu en vue d’inclure toute la
législation et la jurisprudence romaines. Voir Honoré, 2010, p. 28 ; Humfress, 2005. « La
tâche » : Justinien, Deo Auctore, 2. Trois millions de lignes : Cameron, 2000a, p. 67.
11. « Il s’élève » : Procope, De aedefic., 1.1.27.Pour une vue d’ensemble des opérations
patronnées par Justinien, Alchermes, 2005, p. 355-366 ; Cameron, 1985, p. 86-87. Ténédos :
Procope, De aedefic., 5.1.7-17.
12. Édesse : Procope, De aedefic., 2.7.4. Voir aussi ibid, 2.8.18 sur l’Euphrate et 2.10.6 sur
l’Oronte. Tarse : ibid., 5.5.15-20. Sangarius : ibid., 5.3.6. Voir Whitby, 1985. Drakon, Procope,
De aedefic., 5.2.6-13. Aqueducs : ibid., 3.7.1 (Trébizonde) ; ibid., 4.9.14 (Périnthe) ; ibid.,
4.11.11-13 (Anastasiopolis) ; ibid., 5.2.4 (Hélénopolis) ; 5.3.1 (Nicée). Citerne : ibid., 1.11.10.
Crow, 2012, p. 127-129.
13. Cameron, 2000a, p. 73-74.
14. Humphries, 2000, p. 533-535, à 535.
15. « Une ville », Procope, Bell., 2.8.23. Des dizaines de milliers de captifs furent emmenés
en Perse et installés dans une nouvelle ville : « Khusro’s Better Than Antioch ». L’autre âge :
Meier, 2003. « Je ne comprends pas » : Procope, Bell., 2.10.4.
16. Slack, 2012 ; Eisen et Gage, 2009 ; Gage et Kosoy, 2005.
17. Le premier à séquencer : Raoult et alii, 2000 ; Dracourt et alii, 1998. Modèle : McNally
et alii, 2016.
18. McNally et alii, 2016 ; Hinnebusch, Chouikha et Sun, 2016 ; Pechous, 2016 ; Gage et
Kosoy, 2005 ; Cornelis et Wolf-Watz, 1997.
19. Zimbler et alii, 2015 ; Chain et alii, 2004.
20. Transmission : Hinnebusch et alii, 2002. Âge du bronze : Rasmussen et alii, 2015.
21. Ymt : Hinnebusch et alii, 2002. Variétés de puces : Eisen, Dennis et Gage, 2015.
Miarinjara et alii, 2016.
22. Cui et alii, 2013. Voir Varlık, 2015, p. 19-20.
23. En général : McCormick, 2003.
24. Varlık, 2015, p. 20-28.
25. Ibid., p. 28-38.
26. Pulex irritans : par exemple, Ratovonjato et alii, 2014. On a récemment eu confirmation
qu’Y. pestis peut bloquer la digestion d’autres types de puces en plus de X. cheopis
(Hinnebusch, 2017). Une question importante toujours posée consiste à savoir si le mécanisme
de blocage qui facilite la transmission est possible avec P. irritans. Je remercie le Dr.
Hinnebusch pour la discussion sur ce point.
27. Puces humaines/ectoparasites : Campbell, 2016, en particulier p. 232-233. Eisen, Dennis
et Gage, 2015 ; Eisen et Gage, 2012 ; Audoin-Rouzeau, 2003, p. 115-156, pour une revue de la
littérature ancienne. D’autres routes de transmission : Varlık, 2015, p. 19-20 ; Green, 2014a,
p. 32-33 ; Carmixchael, 2014, p. 159 ; Anisimov, Lindler et Pier, 2004.
28. McCormick, 2003, p. 1. Les données de la carte 17 à partir de la base de McCormick
sont disponibles sur <darmc. harvard.edu>, avec des mises à jour (sans prétendre fournir des
explications) découvertes dans l’intervalle que j’ai réussi à localiser. Précédemment, Audoin-
Rouzeau, 2003, p. 161-168.
29. Rufus avec Oribase, Coll. Med., 44.41, et en particulier p. 44.14. Rufus cite comme
références Dionysius le Hunchback, Posidonios et Dioscoride. En dépit des spéculations
modernes, ces personnages restent totalement inidentifiables. Arétée : De Causis et Signis
Acutorum Morborum, 2.3.2. Je remercie John Mulhall pour nos échanges très riches ; son
travail à paraître promet de clarifier l’histoire de la peste bubonique dans la littérature médicale
ancienne. Manuel plus succinct : Oribase, Syn. Ad Eust. Fil. Voir aussi Sallares, 2007, p. 251.
30. Rasmussen et alii, 2015 ; Zilmbler et alii, sur l’importance de ce facteur de virulence.
D’autres évolutions de moindre importance sont également possibles. Voir Feldman et alii,
2016, pour d’autres traits génomiques de la première pandémie associés aux gènes de virulence.
31. Green, 2014a, p. 37. Il est significatif que la nouvelle reconstruction d’Altenerding
(Feldman et alii, 2016) confirme la « localisation de la branche menant à la souche justinienne
sur la Branche 0 entre deux souches modernes isolées sur des rongeurs chinois (0.ANT1 et
0.ANT2 ».
32. Cosmas Indocopleustès, Top. Christ., 2.46.
33. Sur Cosmas, voir Darley, 2013 ; Kominko, 2013 ; Bowersock, 2013, p. 22-43 ; Wolska-
Conus, 1968 ; idem, 1962. Sur la mer Rouge dans l’Antiquité tardive, Power, 2012.
34. Voir, par exemple, Cosmas Indocopleustès, Top. Christ., 11.15. Banaji, 2016, p. 131,
montre bien cette dynamique.
35. Cosmas Indocopleustès, Top. Christ., 11.10, voir Wolska-Conus, 1973, p. 335. Dans le
Martyrdom of St. Arethas grec, un récit des martyrs de Najran, l’Inde est le pays d’où viennent
les « plantes aromatiques, le poivre, la soie et les perles précieuses » : Marth. Areth., 2. Voir
aussi ibid., 29 pour une allusion aux ports les plus actifs au VIe siècle. Ports : Wilson, 2015,
p. 29-30 ; Power, 2012, p. 28-41, tout particulièrement p. 41 sur Bérénice. Constantin : Seland,
2012.
36. « Passé beaucoup de temps » : Procope, Bell., 8.17.1-6. Sur Rome et la Chine en général,
Ferguson et Keynes, 1978.
37. Esclaves : Harper, 2011, p. 89-90. « La plupart des esclaves » : Cosmas Indocopleustès,
Top. Christ., 2.64. Ivoire : Cutler, 1985, p. 22-24. Une Inde imaginaire : voir l’histoire du juriste
égyptien qui a voyagé loin vers l’est jusqu’au golfe du Bengale avant de revenir, rapportant des
histoires de brahmanes collectées dans Ps. Palladius, De Gent. Ind. et de Brag., traduit pas
Desantis. Sur le concept d’Inde dans l’Antiquité tardive, voir Johnson, 2016, p. 133-137 ;
Mayerson, 1993.
38. « Massifs » : Choricios de Gaza, Or., 3.67. Voir Mayerson, 1993, p. 173. Pièces de
monnaie : voir, en particulier, le travail prudent de Darley, 2015 et 2013 ; Walburg, 2008 ;
Krishnamurthy, 2007 ; Turner, 1989. Géopolitique : Bowersock, 2013, en particulier p. 106-
119 ; idem, 2012 ; Power, 2012, p. 68-75 ; Geatrex, 2005, p. 501.
39. Procope, Bell., 2.22.6. Jean d’Éphèse, in Michel le Syrien, Chron., 9.28.305, p. 235. Les
sources syriaques situent l’origine lointaine de la peste à Koush, terme biblique désignant les
terres exotiques du Sud qui, comme la Topographie chrétienne le dit clairement, pouvait
signifier les territoires du sud de l’Arabie. Clysma : Tsiamis et alii, 2009. Green, 2014a, p. 47 ;
McCormick, 2007, p. 303, suggère également de manière convaincante un passage par le sud
après la traversée de l’océan Indien. Sur l’archéologie de Péluse, Jaritz et Carrez-Maratray,
1996 : une activité détectable jusqu’à sa disparition au milieu du VIe siècle.
40. Voir la discussion approfondie dans le chapitre 7. Comparer avec Varlık, 2015, p. 50-53,
pour une réflexion intéressante sur la peste noire. Également, McMichael, 2010.
41. Sur la relation entre événements climatiques extrêmes et maladies infectieuses en
général, McMichael, 2015 ; Altizer, 2006.
42. Voir Ari et alii, 2011 ; Kausrud et alii, 2010, Gage et alii, 2008, sur le réseau de relations
complexes entre peste et climat. La quantité de nourriture disponible régule les populations de
rongeurs, expliquant que le climat peut déclencher des tournants brusques ; voir, par exemple,
White, 2008, p. 230. La dynamique des populations de rongeurs en général, et l’émigration en
particulier : Krebs, 2013. El Niño : Zhang et alii, 2007 ; Xu et alii, 2015 ; Xu et alii, 2014 ;
Enscore et alii, 2002. Sur la peste noire, voir maintenant Campbell, 2016.
43. Ari et alii, 2011, p. 2 ; Audoin-Rouzeau, 2003, p. 67-70 ; Cavanaugh et Marshall, 1972 ;
Cavanaugh, 1971 ; Verjbitski, Bannerman et Kápadiâ, 1908.
44. Sur Procope, voir Kaldellis, 2004 ; Cameron, 1985, en particulier p. 42-43, sous la peste
comme une digression dans les Guerres. « Je considère », Procope, Bell., 5.3.6-7.
45. Sur Jean, voir Monory, 2007 ; Kaldelis, 2007 ; Ginkel, 1995 ; Harvey, 1990.
46. Le récit de Procope est dans Bell., 2.22-23. Le récit de Jean est présent dans les
chroniques plus tardives, et plus en détail dans le travail connu comme la Chronique de Zuqnîn.
Voir, en général, Kaldellis, 2007 (en particulier p. 14), sur la sophistication (plutôt que la
servilité) de la prise de Thucydide comme modèle par Procope.
47. Benedictow, 2004, p. 26 ; Audoin-Rouzeau, 2003, p. 50-55.
48. Sebbane et alii, 2006. Benedictow, 2004.
49. Idem. ; Pechous, 2016.
50. Ingestion : Butler et alii, 1982.
51. Procope : fièvre : Bell., 2.22.15-16 ; gonflements : Bell., 2.22.17 ; « Dans certains cas » :
Bell., 2.22.37 ; faiblesse : Bell., 2.22.38-39. Jean d’Éphèse, in Chronique de Zuqnîn.
52. Vésicules noires : Procope, Bell., 2.22.30. « Chez tous ceux » : Jean d’Éphèse, in
Chronique de Zuqnîn. Vomissement de sang : Procope, Bell., 2.22.31.
53. Jean d’Éphèse, in Chronique de Zuqnîn. Voir aussi Agathias, Hist., 5.10.4. Sallares,
2007b, p. 235.
54. Au cours d’une épidémie plus tardive, Evagre, Hist. Eccl., 4.29 (178) décrit l’affection de
la gorge. Médecins non exposés à un risque spécial (en contradiction directe avec son modèle,
Thucydide, cela doit être noté) : Procope, Bell., 2.22.23. Principalement des symptômes
buboniques : voir aussi Allen, 1979, p. 8. Sallares, 2007b, p. 244, souligne que la peste
bubonique pourrait avoir été plus importante que ce que nos sources (non médicales) suggèrent.
55. Deux voies : Procope, Bell., 2.22.6. « Périt en totalité » : Jean d’Éphèse in Chronique de
Zuqnîn. « Jour après jour » : ibid.
56. « Navires en plein milieu » : ibid. « Beaucoup de gens » : ibid. « La maladie » : Procope,
Bell., 2.22.9.
57. Rivières : McCormick, 1998, en particulier p. 59-61. « Avançait toujours » : Procope,
Bell., 2.22.6-8. Cf. aussi Jean d’Éphèse, in Chronique de Zuqnîn. « Des nouvelles partaient en
avance dans chaque lieu, puis le fléau arrivait dans une ville ou un village et s’abattait comme
une faucheuse, à toute vitesse, comme sur d’autres groupes d’habitants du voisinage jusqu’à un,
deux ou trois kilomètres de là. »
58. Voir, en particulier, Benedictow, 2004. « Comme un champ de blé » : Grégoire de Tours,
Hist. Franc., 9.22.
59. Les pauvres au moment de la peste noire : Benedictow, 2004. « À assaillir » : Jean
d’Éphèse in Michel le Syrien, Chronique, p. 235-236. « Sur les maisons » : Jean d’Éphèse in
Chronique de Zuqnîn. « Les gens diffèrent » : Procope, Bell., 2.22.4.
60. Prophéties : Jean Malalas, Chron., 18.90 ; voir le chapitre 7. « Son arrivée » : Jean
d’Éphèse in Chronique de Zuqnîn. « Le danger » : Justinien, Edictum, 9.3. Voir aussi Édit 7 et
Décret 117. Pour la chronologie, voir Stathakopoulos, 2004 ; McCormick, 1998, p. 52-53. Je
n’ai pas trouvé de datation convaincante dans Meier, 2003, p. 92-93, alors qu’il s’appuie sur des
sources plus tardives, dévalorise Procope, et ne prend pas en compte McCormick, 1998. Que les
Hypapantes aient été déplacés en février 542 (voir prochain chapitre) pourrait avoir été une
mesure apotropaïque avant l’arrivée de la peste.
61. « Au but » : Procope, Bell., 2.23.2. « Des hommes se tenaient » : Jean d’Éphèse in
Chronique de Zuqnîn. Estimations de la peste noire : voir plus loin.
62. « Une véritable famine » : Procope, Bell., 2.23.19. « Toute la ville » : Jean d’Éphèse in
Chronique de Zuqnîn. « Toute cette expérience » : Procope, Bell., 2.23.20.
63. « La confusion a commencé » : ibid., 2.23.3. « Mis en tas » : ibid., 2.23.10. « Étaient
piétinées » : Jean d’Ephèse in Chronique de Zuqnîn. « La vendange » : Jean d’Éphèse in
Chronique de Zuqnîn. Cf. Apoc., 14:19.
64. « Le monde entier » : Procope, bell., 2.21.1 et Jean d’Éphèse in Chronique de Zuqnîn.
Perses : Procope, Bell., 2.23.21. Autres Barbares : Procope, Bell., 2.23.21 et 2.24.5. Koush, sud
de l’Arabie et l’Ouest : Michel le Syrien, Chron., 9.28, p. 235 et 240. Sur l’Ouest, voir Little,
2007b.
65. Alexandrie : Jean d’Éphèse in Chronique de Zuqnîn. Michel le Syrien, Chron., 9.28,
p. 236. Jérusalem : Michel le Syrien, Chron., 9.28, p. 238 ; Cyril de Scythopolis, Vit. Kyr., 10
(229). Émèse : Léontios de Néapolis, Vit. Sym.,151. Antioche : Evagre, Hist. Eccl., 4.29 (179).
Apamée : ibid., 4.29 (177). Myra : Vita Nich. Sion., 52. Aphrodisias : Roueché et Reynolds,
1989, no 86 (une référence loin d’être certaine à la grande pestilence).
66. Sollares, 2007b, p. 271.
67. Campagnes cultivées : Jean d’Éphèse, in Michel le Syrien, Chron., 240. Théodore : Vita
Theod. Syk., 8. Antioche : Vita Sym Styl. lun., 69. Jérusalem : Cyril de Scythopolis, Vita Kyriac.,
10 (229). Zoraua : (sur la carte 21) : Benovitz, 2014, p. 491 ; Feissel, 2006, p. 267 ; Koder,
1995. Égypte : Jean d’Éphèse, Vie des bienheureux orientaux, 13, t. 1. Voir Harvey, 1990, p. 79,
pour la localisation.
68. Afrique : Corippe, Ioh., 3.343-389. Victor de Tunnuna, Chron., an. 542. Espagne :
Consularia Caesaraugustana, voir Kulikowski, 2007. Italie : Marcellinus Comes, Chron., an.
542. Gaule : Grégoire de Tours, Hist. Franc., 4.5 ; idem, Glor. Mart., 50 ; idem, Glor. Conf., 78
(certainement pas la première vague) ; idem, Vit. Patr., 6.6 et 17.4 (probablement la première
épidémie). Îles britanniques : Maddicott, 2007, p. 174.
69. Aschheim : Wagner et alii, 2014 ; Harbeck et alii, 2013 ; Wiechmann et Grupe, 2005.
Sur le cimetière : Gutsmiedl-Schümann, 2010 ; Staskiewicz, 2007 ; Gutsmiedl, 2005.
Alternerding : Feldman et alii, 2016. Le génome de la pandémie médiévale a également été
séquencé : Bos et alii, 2011 ; Schuenemann et alii, 2011 ; Haensch et alii, 2010.
70. McCormick, 2016 et 2015.
71. Maures : Corippe, Ioh., 3. Turcs : Théophylacte Simocatta, 7.8.11. « Ni La Mecque ni
Médine » : Conrad, 1981, p. 151. Voir aussi Little, 2007b, p. 8. Anastase du Sinaï, Ques. Resp.,
28.9 et 66.
72. Pas un sur mille : Jean d’Ephèse, in Michel le Syrien, Chron., 9.28. « La peste a éclaté » :
Procope, Anek., 6.22. Pierre tombale : I. Palaestina Tertia, Ib, no 68. Voir aussi no 69-70 et
Benovitz, 2014, p. 491-492.
73. DeWitte et Hugues-Morey, 2012.
74. « La peste noire » : Green, 2014a, p. 9. Benedictow, 2014, p. 383, tableau 38. Campbell,
2016, p. 14 : dans les années 1380 la baisse de la population européenne a atteint 50 % ; voir
aussi p. 310 avec la figure donnant entre 40 et 45 % pour la première vague en Angleterre.
Borsch, 2014, sur l’Égypte et la peste noire. Toubert, 2016, p. 27 ; Dewitte, 2014, p. 101.
75. « Il est venu à votre connaissance », Justinien, Novella, 122 (544 apr. J.-C.).
Prix/salaires : Harper, 2016a. Activité de construction : Di Segni, 1999, mais voir aussi les
remarques importantes sur la continuité des constructions religieuses. Voir, plus loin au
chapitre 7. La plupart des chercheurs qui ont travaillé sur la première pandémie ont conclu qu’il
s’agissait d’un événement important à l’échelle de toute l’époque. Durliat, 1989, est le seul qui
considère que la pandémie a été relativement insignifiante, même si Horden, 2005, se montre
prudent et Stathakopoulos mesuré. Plus généralement, les chercheurs qui ont travaillé sur cette
période balaient d’un revers de main ou minimisent la peste (par exemple, Wickham, 2016,
p. 43-44 ; idem, 2005). Durliat prend en compte la rareté des preuves dans les inscriptions et les
papyrus, entre autres, mais cela ne constitue pas une preuve. Il pourrait être utile de souligner
brièvement pourquoi une position minimaliste est devenue intenable. 1. L’identité biologique de
l’agent de la peste, Y. pestis, est désormais confirmée. À moins que l’on trouve des différences
génétiques médicalement significatives entre la souche justinienne et la souche qui a causé la
peste noire – alors que c’est le contraire qui semble vrai –, cela met un point final à l’affaire. 2.
Une approche épidémiologique suggère un impact étendu de la pandémie. En particulier, la
capacité de la pandémie à se répandre dans les zones rurales est un point important. La
découverte de la bactérie de la peste dans deux cimetières isolés à l’extérieur de Munich est la
preuve la plus importante apportée depuis la découverte du texte de Jean d’Éphèse. Les données
moléculaires confirment les sources écrites. Et si la peste était arrivée là, c’est qu’elle était
partout. 3. La plausibilité écologique permet une interprétation maximaliste : cette plausibilité a
été soigneusement étudiée pour une pandémie. 4. Un point de vue minimaliste contredit
totalement les preuves écrites. Il faut faire un acte de foi audacieux pour dire que les auteurs
ayant des points de vue différents sur le monde, dans des parties tout aussi différentes de
l’Empire, ont décidé simultanément d’exagérer cet événement létal. La parfaite cohérence entre
les sources écrites est remarquable. La qualité des observations est tout à fait convaincante. On
peut espérer que pour donner une image plus générale, ce livre ait aidé à éclaircir les raisons
pour lesquelles les sources anciennes ne rapportent pas, bon gré mal gré, de pandémies
massives. Trois pandémies sont bien documentées dans l’Antiquité romaine : les pestes
antonine, cyprienne et justinienne. Chacune d’entre elles a eu lieu sur fond de maladies
épidémiques locales, ordinaires. De plus, la consilience des sources écrites avec les données
matérielles est évidente. Les anciennes autorités sont devenues plus crédibles aujourd’hui. 5.
L’accumulation continue de preuves – par exemple, pour la peste, dans des squelettes de
victimes très éloignées du centre de l’Empire, dans les inscriptions qui suggèrent une mortalité à
grande échelle, et dans le grand nombre de fosses communes maintenant découvertes – va à
l’encontre de la position minimaliste. 6. Le prochain chapitre fait le point sur l’impact à long
terme de la contraction démographique. Je crois que cette analyse fournit un modèle plausible
pour une brutale catastrophe démographique sur 2 à 3 générations avec toutes ses conséquences
en termes de faillite d’État. 7. Le prochain chapitre revient sur la réponse culturelle à la
pandémie. Comme Meier, 2016, l’a montré de manière convaincante le changement culturel
brutal suggère une crise sous-jacente profonde, indépendamment de toutes les autres données.
76. Procope pensait que la faillite de la fabrication de monnaie d’or « était une chose qui ne
s’était jamais produite dans le passé » : Anek., 22.38. Morrison et Sodini, 2002, p. 218. Hahn,
2000. Voir le chapitre 7 pour la crise militaire et fiscale. Lois : Sarris, 2006, p. 219 ; idem, 2002,
p. 174-175.
77. Evagre, Hist. Eccl., 4.29 (178). Peste noire : Benedictow, 1992, p. 126-145. Chine : Li et
alii., 2012. En général : Bi, 2016.
78. Carmichael, 2014 ; Varlık, 2014. Génétique : et alii., 2016 ; Seifert et alii., 2016.
79. Pour la chronologie de sa fin, voir McCormick, 2007, p. 292.
80. Comparer avec Varlık, 2015, pour le rôle d’Istanbul, en particulier p. 24 sur l’écologie de
la persistance.
81. « Elle ne s’est jamais vraiment » : Agathias, Hist., 5.10.1-2. « Tombèrent raides morts » :
Ibid., 5.10.4. Plus les hommes que les femmes : Ibid., 5.10.4. Voir annexe B, événement 2 ;
Stathakopoulos, no 134, p. 304-306. Anatolie, Syrie, Mésopotamie, voir annexe B, événement
2 ; Stathakopoulos, no 136, p. 307-309. Recrudescence de 573-574 apr. J.-C. : annexe B,
événement 3 ; Stathakopoulos, no 145, p. 315-316. Recrudescence de 586 apr. J.-C. : annexe B,
événement 7 ; Stathakopoulos, no 150, p. 319-320.
82. Événement de 597-600 : annexe B, événement 12-14 ; Stathakopoulos N° 156, 159-164,
324-334.
83. Annexe B, événement 3 ; Stathakopoulos, n o 139, p. 310-311. « Alors commençaient à
apparaître » : Paul Diacre, Hist. Langob., 2.4.
84. Événement en Gaule de 571 apr. J.-C. : annexe B, événement 4. Grégoire de Tours, Hist.
Franc., 4.31-32. Marius d’Avenches, année 571. Événement de 582-584 apr. J.-C. : annexe B,
événement 6. Grégoire de Tours, Hist. Franc., 9.21-22.
85. Annexe B, événement 9-10.
86. Annexe B, événement 14. Inscription de Cordoue : CIL II-7, 677. Homélies :
Kulikowski, 2007.
87. Annexe B, événement 21 et 25. Voir Maddicott, 2007. Rats : Reilly, 2010. Zone
atlantique : Loveluck, 2013, en particulier p. 2002-204.
88. Voir en premier lieu l’exposé de grande valeur, Conrad, 1981. Pour la localisation en
altitude : Green, 2014a, p. 18 ; Varlık, 2014, en particulier p. 208 ; Panzac, 1985. Pour les
installations dans cette région : voir Eger, 2015, p. 202-206.
89. Événement de 561-562 apr. J.-C., en Orient : annexe B, événement 2 ; Stathakopoulos,
o
n 136, p. 307-309. Evénement de 592 apr. J.-C. : annexe B ; événement 11 ; Stathakopoulos,
no 155, p. 323-324. Conrad, 1994. Voir avant tout Conrad, 1981, pour ces événements. Sur la
localisation de la peste dans ces régions au cours de la seconde pandémie : voir Panzac, 1985,
p. 105-108.
90. Un tiers : I. Palestina Tertia, Ib, no 68. Voir aussi no 69-70 et Benovitz, 2014, p. 491-492.
Voir aussi les importantes sources arabes présentées par Conrad, 1994. Michel le Syrien prétend
qu’un tiers du monde est mort suite à la recrudescence de 704-705 apr. J.-C. : Chron., 11.17
(449).
91. Annxe B, événement 38.
92. Ce rebond médiéval est évidemment le sujet de McCormick, 2001.
93. Branche éteinte : Wagner et alii, 2014.
94. Pour des exemples de taux de mortalité au cours des recrudescences plus tardives de la
peste, Alfani, 2013, donne beaucoup d’informations. Haldon, 2016, p. 232, sur les estimations
des populations méditerranéennes orientales avec des taux semblables à ceux rapportés dans la
figure 2.
95. Grégoire le Grand, Dial., 3.38.3.
Chapitre 7. Le jour du jugement dernier
1. Markus, 1997.
2. Sénat : Grégoire le Grand, Hom. Ezech., 2.6.22, avec la prudence de Humphries, 2007,
p. 23-24. Grégoire et l’Empire : Dal Santo, 2013. Sur la pensée de Grégoire en général,
Demacopoulos, 2015, p. 87-88 sur son identification à l’Empire ; Straw, 1988.
3. Sur l’eschatologie de Grégoire : Demacopoulos, 2015, en particulier p. 92-93 ; Kisić,
2011 ; Markus, 1997, p. 51-67 ; Dagens, 1970. L’épidémie de 589-590 : Annexe B, événement
9. Grégoire de Tours, Hist. Franc., 10.1, 10.23 ; Grégoire le Grand, Dial., 4.18, 4.26, 4.37 ;
Reg., 2.2 ; Paul Diacre, Hist. Langob., 3.24 ; Liber pontificalis, 65. Voir plus loin sur les preuves
matérielles.
4. « On souffre » : Grégoire le Grand, Hom. In Ev., 1.1.1. « Je cherche avec désespoir » :
Grégoire le Grand, Reg., 9.232. Sur le « vide » de la cité : Demacopoulos, 2015, p. 92-93.
5. « Nouveautés » : Grégoire le Grand, Reg., 9.232. Ensemble de tremblements de terre :
Stiros, 2001. Effets psychologiques des tremblements de terre : Magdalino, 1993, p. 6 ; Croke,
1981.
6. Pour une revue générale de l’immense quantité de textes apocalyptiques à la fin du
e e
VI siècle et au VII , voir Meier, 21016 ; Meier, 2003 ; Reeves, 2005 ; Reinink, 2002 ; Cook,
2002 ; Hoyland, 1997, p. 257-225 ; Magdalino, 1993 ; Alexander, 1985. Le rôle subtil de la
pensée apocalyptique dans le contexte de maladies infectieuses est toujours actuel : voir
Carmichael, 2006.
7. Bjornlie, 2013, p. 254-282.
8. Parmi les autres termes employés (à mauvais escient), « Minimum vandale » ou « Période
obscure froide ».
9. ONA : Baker et alii, 2015 ; Olsen et alii, 2012. Voir aussi Brooke, 2016, et 2014, p. 341-
342, 352-353. Sicile : Sadori et alii, 2016. Anatolie : voir Izdebski et alii, 2016 ; Haldon et alii,
2014 ; Izdebski, 2013.
10. Procope, Bell., 4.14.5-6. Jean d’Éphèse, in Chronique de Zuqnîn. Quatre heures par jour :
Michael le Syrien, Chron., 9.26 (296) et la Chronique de 1234. Un compte rendu conservé dans
la chronique d’Agapios mesurait la durée de l’événement à quatorze mois : Agapios, Kitab
al-‘Unvan, fol. 72v. Pape Agapet : Pseudo-Zacharias de Mitylène, Chron., 9.19. Sur cette
source, Brock, 1979-1980, p. 4-5. Sur les preuves écrites de l’événement de 536 apr. J.-C., voir
le plus exhaustif, Arjava, 2005.
11. John Le Lydien, De portentis, 9c, Arjava, 2005. C’était le présage du mal en Europe mais
pas dans les terres arides au sud et à l’est, comme en Inde et en Perse, depuis que seulement en
Europe « l’humidité en question s’était évaporée et avait formé des nuages filtrant la lumière du
soleil à tel point qu’on ne la percevait plus, incapable de traverser cette substance épaisse ».
12. Bjornlie, 2013.
13. Cassiodore, Var., 12.25 (MGH AA, 12, p. 381-382).
14. Pour le contexte global, voir les contributions dans Gunn, 2000.
15. Newfield, 2016, donne un aperçu très utile. NASA : Stothers et Rampino, 1993. Impact :
Keys, 1999 ; Baillie et McAnenay, 2015 ; Baillie, 2008.
16. Sigl et alii, 2015 ; Baillie et McAnenay, 2015 ; Baillie, 2008.
17. Abbott et alii, 2014, pour l’hypothèse d’une comète qui aurait contribué à
l’assombrissement contemporain.
18. Toohey et alii, 2016 ; Kostick et Ludlow, 2016 ; Büntgen et alii, 2016 ; Sigl et alii, 2015.
19. Usoskin et alii, 2016 ; Steinhilber et alii, 2012.
20. Origine des données pour la figure 7.2 :
<ftp.ncdc.noaa.gov/pub/data/paleo/climate_forcing/solar_variability/steinhilber2009tsi.txt>.
Glaciers : Le Roy et alii, 2015, en particulier figure 7 et p. 14 ; Holzhauser et alii, 2005,
figure 6. Un prélèvement de sédiment marin de haute résolution du golfe de Tarente montre une
période plus froide en 500-700 apr. J.-C. : Grauel et alii, 2013.
21. Période plus froide : Büntgen, 2016.
22. Sicile : Sadori et alii, 2016. Pour les inondations, voir Squatriti, 2010, pour une prise en
compte exhaustive de la littérature existante. Même si nous partageons l’idée que la mémoire de
ces inondations a en grande partie survécu à cause de leur association avec Grégoire, et alors
que la signification d’une seule inondation survenue en 589 peut certainement être surestimée, il
n’en reste pas moins que les preuves matérielles d’une plus grande humidité et d’inondations en
Italie intérieure de la fin du Ve siècle au milieu du VIIe sont convaincantes. Cremonini, Labate et
Curina, 2013 ; Christie, 2006, p. 487 ; Squatriti, 1998, p. 68 ; Cremaschi, Marchetti et ravazzi,
1994. Par ailleurs, et c’est tout aussi important, les preuves laissées dans les paysages italiens
sont cohérentes avec notre reconstruction proposée pour la période qui va de 450 à 650 apr. J.-
C., environ, comme étant sous l’influence d’un régime négatif d’ONA. Il n’y a pas de mystère à
propos de la forte connexion entre un ONA négatif et des inondations en Italie ; voir Benito et
alii, 2015a ; Benito et alii, 2015b ; Zanchettin, Traverso et Tomasino, 2008 ; Brunetti, 2002.
Alors que les inondations sont toujours locales, elles ne sont pas systématiquement un
phénomène microclimatique. Des modèles s’imposant à grande échelle, en particulier l’ONA,
ont une influence absolument déterminante.
23. Haldon et alii, 2014 ; p. 137 ; Izdebski, 2013, p. 133-143. Bassin de Bereker : Kaniewski
et alii, 2007. Nar Gölü : Dean et alii, 2013 ; Woodbridge et Roberts, 2011. Lac Tecer :
Kuzucuoğlu et alii, 2011. Justinien : Procope, De aedific., 5.5.15-20. Dans l’extrémité sud-est
de la Turquie, le modèle d’érosion des sols suggère l’importance de précipitations abondantes à
la fin de la période romaine tardive : Casana, 2008. Synthèses sur l’Anatolie : Izdebski et alii,
2016 ; Haldon, 2016 ; Haldon et alii, 2014 ; Izdebski, 2013.
24. Fentress et Wilson, 2016.
25. Ptolémaïs : Procope, De aedific., 7.2.9. Lepcis : Ibid., 6.4.1. Cf., Mattingly, 1994, p. 2.
Changements climatiques et épisodes de sécheresse : Fareh, 2007.
26. En général, voir Avni, 2014.
27. Sur le mécanisme mer du Nord-Caspienne, voir Kutiel et Türkeş, 2005 ; Kutien et
Benaroch, 2002. Plus généralement, Black, 2012 ; Manning, 2013, p. 111-112 ; Roberts et alii,
2012.
28. Indices naturels : Haldon et alii, 2014, p. 123 ; Rambeau et Black, 2011 ; Neumann et
alii, 2010 ; Leroy, 2010 (tournant climatique en 550 apr. J.-C., environ) ; Migowski et alii,
2006 ; Bookman et alii, 2004. Issar et Zohar, 2004, en particulier p. 211, sur les preuves
dendrochronologiques de sécheresse à un moment situé entre le Ve s. et le VIe s. Gaza :
Choricius, Ep., 81. Sécheresse en Palestine : Stathakopoulos, 2004, no 85, p. 259-261.
Syriaque : Pseudo-Zacharias, Chron., 8.4. Visiter les saints : Vita Theod. Syk., 50. Aqueducs :
Jones, 2007. Réparation des aqueducs de Bostra par Justininen (IGLS, 13.9134). En général,
Decker, 2009, p. 8-11.
29. Procope, De aedific, 4.12.12. Pour d’autres comparaisons de Justinien à Xerxès, voir
Kaldellis, 2004, p. 35.
30. « Généreuse récolte » : Vit. Joh. Eleem., I.3. Bains : Vit. Joh. Eleem., II.1. Alexandrie :
Holum, 2005, p. 99. Connexions politiques de Jean à un haut niveau : Booth, 2013, p. 51.
31. « Deux ou trois navires » : Vit. Joh. Eleem., II.13. Tempête sur l’Adriatique : Vit. Joh.
Eleem., II.28. NdT : Newcastle était le grand port d’exportation du charbon de Grande-
Bretagne.
32. Céramique : Haas, 1997, p. 343-344. Fin de l’annone : McCormick, 2001, p. 110-111.
33. Pour les grandes synthèses, Christie, 2011 ; Ward-Perkins, 2005a et 2005b ; Wickham,
2005 ; Morrison et Sodini, 2002. Sur le destin des villes : Krause et Witshel, 2006 ; Holum,
2005 ; Lavan et Bowden, 2001 ; Liebeschuetz, 2001 ; Rich, 1992. Mitchell, 2015, p. 479-491,
est la tentative la plus convaincante et la plus à jour pour mettre l’archéologie dans le contexte
de la contraction due à la peste.
34. « Il n’y avait plus de villes » : Ward-Perkins, 200a, p. 350. Ne se compare pas : Ward-
Perkins, 2000b. Marchés aux esclaves : Grégoire le Grand, Reg., 3.16 ; 6.10 ; 6.29 ; 9.105 ;
9.124. Voir Harper, 2011, p. 498.
35. En général, Kulikowski, 2004 et 2006. « La côte méditerranéenne » : Wickham, 2005,
p. 491.
36. Voir Wickham, 2005, en particulier p. 666.
37. Arnold, 2014, a dressé un portrait vivant de ce moment de la fin de l’Empire romain en
Italie. Voir aussi O’Donnell, 2008. Pour l’archéologie, voir Christie, 2011.
38. « Notre soin » : Cassiodore, Var., 3.31. Colisée : Christie, 2006, p. 147. Retournement :
Christie, 2006, p. 459-460 : « Dans de nombreuses zones rurales, la période des guerres
opposant Byzantins et Goths marque un point de non-retour visible dans la séquence connue des
installations de peuplement. » Et p. 185 et 250 : « Après les années 550 apr. J.-C., les villes
donnent l’impression de posséder des complexes religieux grands et petits, d’anciens bâtiments
publics en déshérence ou démolis, des maisons éparpillées ou regroupées, ainsi qu’un ensemble
de zones abandonnées et d’espaces ouverts. » 500 habitants : voir le commentaire dans Christie,
2006, p. 61. Déclin des inscriptions : voir figure 5.2 au chapitre 5. Population : Morrison et
Sodini, 2002.
39. Perte de contrôle sur l’environnement, etc., Christie, 2006, p. 200 et 487-489.
40. « Les villages et les fermes » : Barker, Hodges et Clark, 1995, p. 253. « Aux VIIe et
e
VIII siècles » : Ward-Perkins, 2000a, p. 355, cf., p. 325. « “Les gens sont devenus” : Christie,
2006, p. 560. Entre un quart et la moitié : Ward-Perkins, 2005, p. 138. Sur les incertitudes
méthodologiques en général, voir Witcher, 2011.
41. Pièces : Ward-Perkins, 2005, p. 113. Céramiques : Ward-Perkins, 2005, p. 106. En
altitude : voir Grégoire le Grand, Reg., 2.17, 6.27, 10.13. Christie, 2006, p. 461. Avant les
Erusques : Ward-Perkins, 2005, p. 88, 120.
42. Pic urbain sur 4 s. : Lepelley, 2006. Fentress et Wilson, 2016, p. 17. Enquête Kasserine :
Hitchner, 1988 ; Hitchner, 1989 ; Hitchner, 1990. Cameron, 2000b, p. 558.
43. Decker, 2016, p. 9-11, 17 ; Whitby, 2000, p. 97-98a.
44. « Continuité sans rupture » : Wickham, 2005, p ; 627. Butrint : Hansen et alii, 2013 ;
Bowden, Hodges et Cerova, 2011 ; Decker, 2009, p. 93. Corinthe : Scranton, 1957 ; Brandes,
1999. Macédoine : Dunn, 2004, p. 579. « Consterné les chercheurs » : Decker, 2009, p. 131.
45. Decker, 2016, p. 130-134 ; Pettegrew, 2007 ; Mee et Forbes, 1997.
46. Vue d’ensemble dans Haldon, 2016, et Izdebski, 2013. « Le plus probablement »,
Waelkens et alii, 2006, p. 231.
47. J’ai été convaincu par les arguments prudents de Liebeschuetz, 2001, en particulier p. 43,
48-53, 408. Waelkens, 2006 ; Wickham, 2005, p. 627. Fragmentation : Haldon, 2016.
Occupation rurale poursuivie à un plus faible niveau : Vanhaverbeke et alii, 2009 (un paysage
« décapité ») ; Vionis et alii, 2009.
48. Flot du Nil : Procope, Bell., 7.29.6-7. Canaux, etc. : Bagnall, 1993, p. 17-18. La peste
noire en Égypte : Borsch, 2014 ; Borsch, 2005, p. 46-47 ; « Le fonctionnement harmonieux de
ce réseau dépendait non seulement de l’exactitude de cette datation mais également d’une
importante quantité de travail et de matières premières pour assurer son entretien annuel. »
49. « L’inondation des terres » : Procope, Bell., 7.29.19. Il est également important de
remarquer que la grande digue Ma’rib dans le sud de l’Arabie déborda trois fois au VIe siècle
avant de s’effondrer, laissant penser que de grosses moussons pourraient avoir été une
caractéristique du milieu du VIe s. Voir Morony, 2007, p. 63. Blé et loyers : Harper : 2016a. On
aurait pu penser que les paysans, désormais plus rares, paieraient des loyers plus faibles. Mais il
est possible que les loyers étaient fondés sur la tradition et donc difficiles à changer, ou que l’on
cultivait désormais, en moyenne, des terres de meilleure qualité et que les fermiers et les
paysans avaient réduit le niveau des loyers sur ces terres-là. C’est un casse-tête insoluble. Les
loyers ont baissé, même si ce ne fut pas immédiatement, ce qui pourrait être l’indice d’une
baisse du prix des marchandises et d’une augmentation du coût du travail.
50. Voir Hickey, 2012 ; Sarris, 2012 ; Mazza, 2001. « Obsédés » : Hickey, 2012, p. 88.
51. En général, Decker, 2009. Les grands crus : Vit. Ioh. Eleem., I.10.
52. Villes : Liebeschuetz, 2001.
53. Witakowski, 2010 ; Kennedy, 2007a ; Foss, 1997 ; Tate, 1992 ; Sodini et alii, 1980 ;
Tchalenko, 1953-1958. Voir, en particulier, Casana, 2014, p. 214, pour des données
archéologiques montrant de manière convaincante que la continuité a été moins prononcée dans
le nord du Levant que dans le sud.
54. Izdebski, 2016 ; Hirschfeld, 2006, Kennedy, 2000. Sur la construction des églises comme
préparation au jour du jugement dernier : Magdalino, 1993, p. 12.
55. Hirschfeld, 2006, 2004, sur l’impact du changement climatique. Mais voir néanmoins
désormais aussi Avni, 2014. « Une des transformations » : Decker, 2009, p. 196. Irrigation :
Kamash, 2012. Kouki, 2013, souligne que les installations humaines et les changements
climatiques au sud du Jourdain ne sont pas parralèles, et considère que l’aridité a progressé aux
e e
VI et VII siècles. En général, voir Mikhail, 2013, sur l’importance de saisir dialectiquement les
humains et leur environnement dans cette région. Izdebski, 2016, en particulier p. 2002, sur le
fait que certaines opérations de peuplement sont tout simplement trop à l’est dans ce qui est
aujourd’hui le désert pour ne pas avoir bénéficié de précipitations plus importantes. Rubin,
1989, pour un point de vue sceptique plus ancien.
56. Liebeschuetz, 2001, p. 57 ; Walmsey, 2007, p. 41. Neguev : Avni et alii, 2006 : l’activité
humaine « s’est surimposée aux tendances naturelles de long terme de désertification ». Wady
Faynan : Barker, Gilbertson et Mattingly, 2007. « Tranquillement » : Walmsey, 2007, p. 47.
Liebeshetz : 2001, p. 303.
57. Agathias, Hist., 5.12.7.
58. « La fortune » : Agathias, Hist., 5.15.7. « Les armées romaines » : Agathias, Hist.,
5.13.7. Sur Agathias et la peste, Kaldellis, 2007, p. 15-16. Lee, 2007, p. 117-118.
59. « Il y avait un grand réservoir » : Jones, 1964, p. 670. Mais pour des traces de la
conscription, voir Whitby, 2000b, p. 302-303. Haldon, 2002, montre de manière convaincante
que les transformations du VIIe siècle ont pour origine la pression de la fin du VIe siècle.
60. Procope, Bell., P, 166, 399, 404 (7.10.1-2.).
61. Sur l’essor des institutions de crédit public, voir Edling, 2003. « Payait toujours » :
Procope, Anek. « Commença à duper » : Agathias, Hist., 5.14.2. Voir aussi Jean Malalas,
Chron., 18.132. Malalas présente en général un point de vue positif sur le règne de Justinien, ce
qui fait que son passage concernant la lutte pour payer les soldats de manière appropriée est
totalement crédible. Unités sur la frontière : Tradgold, 1995, p. 150. En général, Tradgold, 1995,
p. 159-166.
62. Justinien, Novellae, 147.
63. « Quand la peste » : Procope, Anek., 23.20-21. Aphrodito : Zuckerman, 2004, p. 120 et
en particulier p. 215. Comme Barnish, Lee et Whitby, 2000, p. 185, le remarquent très
justement, « les preuves sont complexes et contestées ». Une étude plus détaillée de la fiscalité
au VIe siècle prenant en compte l’hypothèse d’une contraction démographique de grande
importance serait la bienvenue. Je partage le point de vue de Van Minnen, 2006, p. 165-166, sur
l’augmentation des impôts au cours de l’Antiquité tardive.
64. Justin II, Novellae, 148. Sur ces rémissions, Haldon, 2016, p. 182.
65. Recrutement sous Tibère II : Evagre, Hist. Eccl., 5.14 ; Théophilacte Simocatta, Hist.,
3.12.3-4. Maurice : Michel le Syrien, Chron., 11.21 ; Jean d’Ephèse, Hist. Eccl., III.6.14. Avec
Whitby, 1995, p. 81. Disposait encore de grandes armées : Whitby, 1995, p. 100. Mais « les
finances ont été la question clé sous le règne de Maurice » : Whitby, 2000a, p. 99. Réduction du
salaire : Théophilacte Simocatta, Hist., 3.1.2 et 7.1.2-9 ; Evagre, Hist. Eccl., 6.4. Pour reprendre
les mots de H. M. Jones, « on a fait des économies dangereuses » : Jones, 1964, p. 678. La
meilleure contribution sur le recrutement militaire au cours de cette période est celle de Whitby,
1995, même si je souligne, quant à moi, l’importance de la crise et ses dimensions fiscales et
démographiques simultanées.
66. Booth, 2013, p. 44-45.
67. Jean Moschos, Prat. Spir.
68. La Nouvelle Église : Procope, De Aedif., 5.6.1. Voir en particulier Graham, 2008 ;
Tsafrir, 2000.
69. Cameron, 1978. Sur l’approche de Marie au cours de l’Antiquité tardive, Pentcheva,
2006, est indispensable.
70. Antioche : Evagre le Scholastique, Hist. Eccl., 4.29. Sinaï : Anastase du Sinaï, Ques.
Resp., 28.9 et 66. Exemples islamiques : Conrad, 1992, p. 92-95.
71. Année 500 : Magdalino, 1993, p. 4-5.
72. Voir en particulier Meier, 2003. « Tomba en extase » : John Malalas, Chron., 18.90.
« Selon les anciens oracles » : Agathias, Hist., 5.10.5. Sur les réponses communales à la peste
noire, voir Dols, 1974. « Mythologie nordique » : Gräslund et Price, 2012, remarquent le déclin
exceptionnel des foyers de peuplement au VIe siècle. Chine : Barrett, 2007.
73. « Le peuple » : Jean d’Éphèse, in Chronique de Zuqnîn. « Amour pour l’humanité » :
Justinien, Novellae, 122 (544 apr. J.-C.). Voir Demacopoulos, 2015, p. 93 ; Kaldellis, 2007, p. 7.
74. Clermont : Grégoire de Tours, Hist. Franc., 4.5. Est : Ebied et Young, 1972, no XXX.
Little, 2007b, p. 26-27.
75. Grégoire de Tours, Hist. Franc., 10.1.
76. Brown, 2016a. Voir Kaldellis, 2007, p. 9.
77. Égypte : MacCoull, 2004-2005. Bâtiments : Di Segni, 2009 et 1999. Voir aussi Gatier,
2011. Pétra : Frösén et alii, 2002, p. 181-187 ; avec Benovitz, 2014, p. 498. Ravenne : voir
l’éclairante discussion de Deliyannis, 2010, p. 252-253. Marie : par exemple, une église à Al-
Rouhhweyb dans le Jabal Hass : Trombley, 2004, p. 77 ; Mouterde et Poidebard, no 17.
Piccirillo, 1981, p. 58, pour une inscription votive dédiée à l’archange Michel à Um el-Jimal.
Piccirillo, 1981, p. 84, à Rihab, une église dédiée à Marie, suppliant « ayez pitié du monde et
aidez-nous nous qui donnons ». Ovadiah, 1970, no 238 ; voir TIR, 77). Ovadiah, 1970, p. 28-29
à Beit Sha’ar pour saint Zachariah, fin du VIe s., fasaint référence à la délivrance (SEG 8,
no 238, voir TIR, 77). Ovadiah, 1970, p. 54-55, à ‘Ein el-Jadida, une église de la fin du
e
VI s. « en remerciement pour nous avoir délivrés ». Ovadiah, 1970, p. 172-173, inscriptions
demandant le secours pour les donneurs (SEG 8, no 21). À Nessana, voir Colt, 1962, no 92
(601/602 apr. J.-C.), dédié à sainte Marie Mère de Dieu, demandant « aide et pitié ». Voir aussi
no 72 (un bâtiment inconnu, une dédicace datant de 605 apr. J.-C. pour le salut de certains
donataires) et no 94 (601 apr. J.-C., pour le salut de certains bienfaiteurs) et no 95. Donceel-
Voûte, 1998, p. 275, une église construite à Resafe en 559, « pour la pitié de Dieu ». Donceel-
Voûte, 1988, p. 139, à Houad, une mosaïque financée en 568 apr. J.-C., pour obtenir l’aide de
saint Georges. Voir aussi Donceel-Voûte, 1988, p. 356 (à Jiye) et 416 (Qabr Hiram). D’autres
exemples dans Madden, 2014.
78. Copie du Nouveau Testament : « Discourse on Saint Michael the Archangel by Timothy,
Archbishop of Alexandria », in Budge, 2015, p ; 1028 ; je remercie Michael Beshay pour les
indices qui m’ont mis sur les traces de cette superbe référence. « Ange de Dieu » : Grégoire de
Tours, Hist. Franc., 4.5. Sur la propagation de la vénération pour Michel (en cours bien avant la
grande pestilence), voir Arnold, 2013 ; Rohland, 1977.
79. Cameron, 1978, p. 80 et 87 (influence puissante de la liturgie sur la société). Hypapante :
ODB, 961. Allen, 2011, p. 78. Il est important de noter qu’avant d’être installé comme empereur
en 565 apr. J.-C., Justin II est allé prier dans le sanctuaire de l’Archange Michel, tandis que sa
femme se rendait à l’église de la Vierge Mère : Corippus, In Laud. Just., 2, avec Cameron,
1976, p. 149-150. Liturgie eschatologique : Magdalino, 1993, p. 15. Objets domestiques :
Maguire, 2005. Hymne Akathistos : Pentcheva, 2006.
80. Cameron, 1978. Voir aussi Meier, 2005. Latham, 2015 ; Wolf, 1990, en particulier
p. 131-135 sur le contexte médiéval de cette légende.
81. Par exemple, le type de litanies à Constantinople qui datent précisément du lendemain du
tremblement de terre de 554 apr. J.-C. : Théophane le Confesseur, Chron., s.a. 6046 ; Kaldellis,
2007, p. 7-8. « Il convient » : dans Grégoire de Tours, Hist. Franc., 10.1. « Totalement
abandonné » : voir Markus, 1997, p. 63.
82. Sur le statut de l’Apocalypse voir maintenant Shoemaker, 2016. Commentaires sur
Apoc. : Hoskier, 1928 (Oecumenius) ; Schmid, 1955-1956 (André de Césarée) ; Primasius,
Comm. In Apoc. Voir Meier, 2013, p. 21 ; voir aussi Podskalski, 1972, pour des précédents,
p. 79-80. « Alors que la théologie patristique » : Magdalino, 1993, p. 9.
83. Nicholas : Vit-. Nich. Sion., 50-52.
84. « Le Saint » : Reeves, 2005, p. 123. En général, Himmelfarb, 2017 ; Reeves, 2005 ; van
Bekkum, 2002 ; Dragon et Déroche, 1991. Sur les positions politiques des juifs, voir maintenant
en particulier Bowersock, 2017.
85. « Les deux yeux » : Théophylacte Simocatta, Hist., 5.10.4. « Impact psychologique » :
Drijvers, 2002, p. 175.
86. Retour de la Vraie Croix : récemment, Zuckerman, 2013, sur un événement extrêmement
complexe dans ses détails, avec une littérature ancienne citée. Héraclius : voir l’ensemble des
très bonnes contributions dans Reinink et Stolte, 2002 ; Magdalino, 1993, p. 19.
87. Conquêtes islamiques : Kennedy, 2007b ; Kaegi, 1992.
88. Bowersock, 2017 ; Robin, 2012 ; Conrad, 2000 ; Donner, 1989. Sud juif de l’Arabie :
Bowersock, 2013, p. 78-91.
89. Hoyland, 2012 ; Donner, 2010 ; Cook, 2002 ; Bashear, 1993. Casanova, 1911, souligne
déjà la plupart des idées apocalyptiques clés aux origines de l’islam. Voir aussi Al-Azmeh,
2014, sur l’influence du monothéisme impérial de l’Antiquité tardive sur l’émergence de
l’islam, sous-estimant l’importance des éléments apocalyptiques.
90. « Le jugement » : Shoemaker, 2012, p. 120. « Un avertisseur » : Coran, 53 : 57. « C’est à
Allah qu’appartient » : Coran, 16 : 77.
91. Sophrone, Sermon sur l’Épiphanie. Sur l’idée que des morceaux de la Nouvelle Église
(qui était gigantesque et a disparu si complètement que l’on n’en a retrouvé des vestiges que
dans les années 1970) ont été réutilisés, voir Nees, 2016, p ; 108.
92. Malthus, p. 250 (édition G.F.-Flammarion). Sur le contexte intellectuel de l’Essai,
mettant en valeur sa perspective globale, voir maintenant Bashford et Chaplin, 2016.
93. McNeill, 2015 ; Livi-Bacci, 2012 ; Klein Goldewijk, beusen et Janssen, 2010 ;
Maddison, 2001 ; McEvedy et Jones, 1978.
94. Pomeranz, 2000, est à l’origine d’une analyse comparative contemporaine à grande
échelle du développement économique qui souligne l’égalité de l’Angleterre et de la Chine tard
dans les années 1800. Des travaux plus récents tendent à penser que la « grande divergence » a
eu lieu plus tôt. Voir Broadberry, Guan et Li, 2014 ; Chen et Kung, 2016, sur le régime
malthusien dans la Chine moderne.
95. Il faut ajouter que Malthus pensait qu’il existait deux types de bilan, préventif et positif.
Le bilan préventif permettait de contrôler la population avant la catastrophe grâce à des
mécanismes modérant la fertilité. Le bilan positif contrôle la population par la mortalité. Les
données sont issues des sources citées dans la note 2 au-dessus, les estimations de la mortalité
étant celles présentées dans ce livre.
96. McNeill, 2015, p. 77 ; Russell, 2011. D’un point de vue technique, la Commission
internationale de stratigraphie de l’Union internationale des sciences géologiques contrôle la
nomenclature des ères géologiques, mais le terme a un sens plus large et reste l’objet d’un
intense débat. Voir Finney et Edwards, 2016, pour une récente vue d’ensemble.
97. Mille milliards d’espèces : Locey et Lennon, 2016. 40 milliards de cellules : Sender,
Fuchs et Milo, 2016. 1 400 agents pathogènes : Woolhouse et Gaunt, 2007. En général, voir
désormais la vue d’ensemble de l’écologie microbienne par Yong, 2016.
Bibliographie
Sources primaires

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Index

Activité volcanique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13


Adrinople 1, 2
Adulis 1
AELIUS ARISTIDES 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28
Afrique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27, 28, 29, 30
AGASSIZ, Louis 1
AGATHIAS 1, 2, 3
Âge du bronze 1, 2, 3, 4, 5, 6
Alains 1
Alamans 1, 2, 3
ALARIC 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Alexandrie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21,
22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44,
45, 46
AMBROISE DE MILAN 1, 2
AMMIEN MARCELLIN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
ANASTASE 1, 2
Anophèles (moustiques) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Anthropocène 1, 2
Antioche 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
ANTONIN LE PIEUX 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Apocalypse, idée apocalyptique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18
APOLLON 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23
APPIEN 1
Arabie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17
ARÉTÉE DE CAPPADOCE 1
Armée 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,
47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69,
70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77
Asie mineure 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Athènes 1, 2, 3, 4, 5, 6
Atlantique (océan) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Atlas (montagnes de) 1
ATTILA 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
AUGUSTE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40
AUGUSTIN 1, 2
AURÉLIEN 1, 2, 3, 4, 5
Avars 1, 2, 3
AVIDIUS CASSIUS 1, 2, 3, 4
Axum/Axumite (royaume) 1, 2, 3
Bains 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Banques 1, 2, 3
BASILE DE CÉSARÉE 1, 2, 3, 4
BÉLISAIRE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19
BÉRÉNICE 1, 2, 3
Blé 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24,
25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47,
48
Bretagne 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28
Butrint 1
Cappadoce 1, 2, 3
CARACALLA 1, 2, 3, 4, 5
Carolingiens 1
Carottes de glace 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22
Carthage 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
CASSIODORE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Catacombes 1, 2, 3, 4, 5
Cernes d’arbres 1
Chine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20
Christianisme 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21,
22, 23
Cilicie 1, 2, 3, 4
CLAUDE II 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
CLAUDIEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Colisée 1, 2, 3
COLUMELLE 1
COMMODE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
CONSTANCE I 1, 2
CONSTANCE II 1, 2
CONSTANTIN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21,
22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41
Constantinople 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43,
44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63
Consul 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Contraception 1
COSMAS INDOCOPLEUSTÈS 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Crue 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19
Cycles solaires 1
CYPRIEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
Cyrénaïque 1, 2
Dacie 1, 2, 3
Damas 1
Danube 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20
DÈCE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Déforestation 1, 2, 3, 4, 5
Dengue 1
Diarrhée 1, 2
DIOCLÉTIEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22
DION CASSIUS 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
DION DE PRUSE 1, 2
Dôme du Rocher 1
DOMITIEN 1, 2, 3, 4, 5
Ebola (virus) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Édesse 1, 2, 3
Égypte 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,
47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57
Éléphants 1, 2, 3, 4
El Niño (ENSO) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Émèse 1
Éphèse 1, 2, 3, 4
Épices 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Esclaves, esclavage 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34
ESCULAPE 1
Espagne 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
Espérance de vie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Euphrate 1, 2, 3, 4, 5, 6
EUSÈBE 1, 2, 3
Famine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26
Farasan (îles) 1, 2
FAUSTINE 1, 2, 3, 4
Fièvre jaune 1
Filovirus 1, 2, 3, 4, 5
Flavivirus 1, 2
Forçage orbital 1, 2, 3
Francs 1, 2
Frontière 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29
GALIEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,
47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69,
70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91
GALLIEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Garamantes 1, 2, 3, 4
Gaule 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27
Gaza 1, 2, 3, 4, 5
Gerbilliscus kempi 1
GIBBON, Edward 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Glaciers 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Golfe Persique 1, 2, 3, 4
GORDIEN III 1, 2
Goths 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
Grèce 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
GRÉGOIRE DE TOURS 1, 2, 3, 4
GRÉGOIRE LE GRAND 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29
Grippe 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Grottes 1
Voir Spéléothèmes, Stalagmites
HADRIEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
ḤANINA BAR ḤAMA 1
HÉRACLIUS 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
HIPPOCRATE 1, 2, 3
Holocène 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45,
46, 47, 48
HUME, David 1, 2, 3, 4, 5, 6
Huns 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27, 28, 29
Hyperostose porotique 1
Hypoplasie linéaire de l’émail 1
Impôts (collecte) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Inde 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
Indien (Océan) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19
Irrigation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Islam 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Italie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,
47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64
Ivoire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
JEAN CHRYSOSTOME 1
JEAN DE CAPPADOCE 1
JEAN D’ÉPHÈSE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
JEAN L’AUMÔNIER 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
JEAN LE LYDIEN 1, 2
JEAN MOSCHOS 1, 2, 3, 4
Jérusalem 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17
Judée 1, 2, 3
Juifs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
JULIA DOMNA 1
JUSTIN I 1
JUSTINIEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45,
46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68,
69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91,
92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103
JUSTIN II 1, 2
KHOSROÈS 1, 2, 3, 4
Koutrigoures 1
La Mecque 1, 2
Lassa (fièvre) 1, 2
Latrines 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Lèpre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Libye 1, 2, 3, 4
Lombards 1
LUCIEN 1, 2, 3
LUCIUS VERUS 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
MALTHUS, Thomas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17
Marbourg (virus) 1
MARC AURÈLE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43,
44, 45
Marcomans 1
MARIE (dévotion mariale) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Maures 1, 2, 3
MAURICE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Maurétanie 1, 2
MAXENCE 1, 2
MAXIMIN LE THRACE 1, 2, 3, 4
Médine 1
MÉLANIE LA JEUNE 1, 2, 3, 4
Mer Adriatique 1, 2, 3
Mer d’Égée 1
Mer Morte 1, 2
Méroé 1
Mer Rouge 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21
Mésie supérieure 1
Mésopotamie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
MICHEL (archange) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
MOHAMMED 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Mortalité infantile 1
Mousson 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Moustique 1, 2
Muziris 1, 2, 3
Myos Hermos 1, 2
Naissus 1, 2, 3
Nicée 1
Nil 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24,
25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40
Norique 1, 2, 3
Olives (huile) 1, 2, 3
Omeyyades 1
Optimum climatique romain 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Or 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24,
25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40
Orge 1, 2, 3
ORIBASE 1
Oscillation nord-atlantique (ONA) 1, 2, 3, 4, 5, 6
Ostie 1, 2
Oxyrhynchus 1, 2, 3, 4, 5
Palestine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23
Palmyre 1, 2, 3
Paludisme 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37
Pannonie 1
PAPINIEN 1
PAUL DIACRE 1
Péluse 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Pergame 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Période romaine de transition 1, 2, 3
Perse 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21
Peste antonine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43,
44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53
Peste bubonique 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27
Peste de Cyprien 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38
Peste justinienne 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Peste noire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20
Petit âge de glace de l’Antiquité tardive 1
Pétra 1, 2
PHILIPPE L’ARABE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
PHOCAS 1
Picornavirus (famille) 1
Pisidie 1
Pléistocène 1, 2, 3, 4, 5
PLINE L’ANCIEN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
PLINE LE JEUNE 1, 2
PLUTARQUE 1, 2, 3, 4
Poivre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Pont 1, 2, 3
PROCOPE DE CÉSARÉE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35
PTOLÉMÉE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Pulex irritans 1
Quades 1, 2, 3
Rachitisme 1, 2
Rats 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24,
25, 26, 27, 28, 29
Rattus rattus 1, 2, 3, 4
Ravenne 1, 2, 3
Résilience 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31
Révolution industrielle 1, 2, 3, 4, 5
RHAZES 1
Rhin 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Rhinocéros 1, 2, 3, 4
Rome (cité) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21,
22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44,
45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67,
68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90,
91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109,
110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126,
127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143,
144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160,
161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177,
178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194,
195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 211,
212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228,
229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245
Rougeole 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Routes de la soie 1, 2
RUFUS D’ÉPHÈSE 1, 2, 3
Sainte Sophie 1, 2, 3
Salmonella 1, 2
Sécheresse 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44
Séleucie (sur le Tigre) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Sénat (sénateurs) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19
SEPTIME SÉVÈRE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35
SÉVÈRE, Alexandre 1, 2, 3
SHAPUR 1, 2, 3, 4, 5
Shigellosis 1, 2, 3
Sicile 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Sirmium 1, 2
Smyrne 1, 2
Socotra 1, 2
Soie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19
SOPHRONE 1, 2, 3, 4, 5
Spéléothèmes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Sri Lanka 1
Steppes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26
STILICHON 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
STRABON 1
Suèves 1
SYMMAQUE 1, 2
Syrie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31
Taille humaine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34
TERTULLIEN 1, 2, 3
THÉODORE 1
THÉODOSE Ier 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Thrace 1, 2, 3, 4
THUCYDIDE 1, 2, 3
TIBÈRE II 1
Tibet 1
Tibre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
TITUS 1
TRAJAN 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Tremblement de terre 1, 2, 3
Trèves 1, 2, 3
Tropiques 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Tuberculose 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
ULPIEN 1, 2
VALENS 1, 2
VALÉRIEN 1, 2
Vandales 1, 2, 3
Varicelle 1, 2
Variole 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,
47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55
Vers 1, 2, 3
VESPASIEN 1, 2, 3
Vésuve 1, 2, 3
Vigne 1, 2, 3
Vin 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Xenopsylla cheopis 1, 2
Xiongnu 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Yarmouk (bataille) 1, 2
Yémen 1, 2, 3
York 1, 2
Zone de convergence intertropicale 1, 2

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