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« Par quels moyens les Romains ont-ils pu se rendre

maîtres de presque tout le monde habité ? » Polybe

Atlas de
l’Empire romain
Construction et apogée : 300 av. J.-C. – 200 apr. J.-C.

Christophe Badel
Plus de 100 cartes, plans et schémas pour comprendre les origines
et les implications de l’impérialisme romain.

• Par quels moyens politiques, économiques et culturels les Romains


sont-ils parvenus à étendre leur territoire sur les pourtours
de la Méditerranée et au-delà ?
• Comment les Romains ont-ils construit et administré cet empire,
d’Alexandrie jusqu’à l’Angleterre actuelle ?
• En quoi les conquêtes ont-elles porté en germe la destruction

Atlas de l’Empire romain


de la République ?

Dans cette nouvelle édition, l’auteur valorise les apports les plus récents
de l’historiographie et interroge la notion d’empire pour présenter une histoire
totalement renouvelée. Il invite à s’interroger sur les formes et les rythmes Christophe Badel
de la construction impériale romaine : les conquêtes puis la paix romaine,

Atlas de
le système provincial, le développement des communications et de l’économie,
la romanisation.

l’Empire romain
Christophe Badel est professeur d’histoire romaine à l’université Rennes II. Vice-
président du jury du CAPES d’histoire-géographie de 2006 à 2012, il est également
l’auteur de La Noblesse de l’Empire romain. Les Masques et la vertu (Champ
Vallon, 2005), Lire l’Antiquité (La Documentation française, 2009) et, avec Christian
Settipani, Les Stratégies familiales dans l’Antiquité tardive (De Boccard, 2012).
Claire Levasseur a conçu et réalisé les cartes de cet atlas. Construction et apogée : 300 av. J.-C. – 200 apr. J.-C.

Illustration de couverture :
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) /
Hervé Lewandowski.
Imprimé et broché en France –
Retrouvez toute notre actualité sur
24 € – ISSN : 1272-0151 www.autrement.com
ISBN : 978-2-7467-4534-6 et rejoignez-nous sur Facebook Deuxième édition

9782746745346_AtlasEmpireRomain.indd Toutes les pages 26/10/2016 09:15


Atlas de l’Empire romain
Construction et apogée
300 av. J.-C. – 200 apr. J.-C.

Christophe Badel
Cartographie : Claire Levasseur

Deuxième édition

Éditions Autrement
Collection Atlas/Mémoires

01-03-ATLAS EMPIRE-ROMAIN-Debut-BAT1.indd 3 12/01/2017 11:32


ATLAS
de l’Empire MACÉDOINE
Pella
Thessalonique
Reims

romain Beroea
Pydna
GAULE
CHEVELUE
Lyon
GAULE GAULE

ée
Golfe TRANSALPINE CISALPINE Ravenne

Elp
Thermaïque
Narbonne ILLYRIE
Dion Marseille
Capitale
(49) Salone
Lérida ITALIE
Manque image de fond worldPA.tif Mont ESPAGNE
OlympeULTÉRIEURE
(49) Batailles
CORSE Rome
Corfinium (49)
MACÉ
TarragoneSièges Dyrrha
Offensive
Cordoue SARDAIGNE
de Persée Tarente
née Mer
ESPAGNE
Cadix Pé Vallée de
CITÉRIEURE 171 Pharsale (48)
Égée Lilybée
MundaTempé
(45) 169
Athè
Callinicos Utique SICILE
Larissa Offensive ACHA
Atrax de Rome
AFRICA AFRIQUE
MAURÉTANIE 171
NOVA
170
Mer Méditerranée
THESSALIE Thapsus (46)
169
Pharsale 30 km 168 Cyrène

11 25 CYRÉ

6 INTRODUCTION
Le père des empires d’Occident 25 LA RÉPUBLIQUE IMPÉRIALE
8 L’empire en cartes : IIIe-Ier SIÈCLE AV. J.-C.
perception romaine et regard moderne 26 Une République sénatoriale
28 Une armée de citoyens
30 Provinces et royaumes vassaux
11 VERS L’EMPIRE UNIVERSEL 32 Les deux visages de la colonisation
IIIe-Ier SIÈCLE AV. J.-C. 34 La gloire menaçante des imperatores
12 L’équilibre des puissances en Méditerranée 36 Les guerres civiles embrasent la Méditerranée (49-30)
(vers 280 av. J.-C.)
14 Les guerres puniques (264-201) : Rome maîtresse
de l’Occident
16 La conquête de la Méditerranée (IIe siècle) 39 LE PRINCIPAT ET LA PAIX ROMAINE
18 Un Empire de l’Euphrate à la Manche (Ier siècle) Ier ET IIe SIÈCLES APR. J.-C.
20 L’aventure orientale de Pompée (66-62) 40 Auguste : l’illusion de la domination universelle
22 La guerre des Gaules (58-51) 42 Les paradoxes du régime impérial
44 La Paix extérieure : la fin des conquêtes ?
46 La paix intérieure : le pain et le glaive
48 Les légions et l’espace impérial
50 Le limes : du chemin à la frontière
52 Les révoltes provinciales : des faits de résistance ?

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“P72-73Diffusion”

York
Deva
Lincoln
Gloucester Colchester
Isca Londres
Cologne
Boulogne
Rouen Bavay Mayence
PHÉNICIE Lutèce
Orléans
Reims
Strasbourg

GAULANITIDE Nantes
Bourges Autun
Lauriacum Carnuntum
Augsbourg Aquincum

Ptolémaïs Saintes Porolissum


Conquêtes
Besançon Virunum
Lyon Apulum

en 67 Titus Gischala Brigantium Bordeaux Milan


Aquilée Sirmium Ulpia Traiana

e BATANÉE León Toulouse Nîmes


Gênes
Rimini Viminacium
Tomis

Mouvements XV Apollinaris GALILÉE


Braga
Pampelune Narbonne
Ilerda
Marseille
Florence
Firmum
Salone
Narona
Naissus Odessus
Philippopolis
Trapézonte
Saragosse Serdica
romains
Lisbonne Barcelone Byzance Nicomédie
Gabara Gamala Mérida
Tolède Tarragone Aléria Rome
Capoue Brindes
Thessalonique Ancyre Mélitène

en 67 Jotapata Cordoue
Sagonte
Valence Tarente Apollonie Ilium
Pergame
Césarée

Villes prises Césarée Sepphoris


Italica
Cadix Carthagène Cagliari
Messine
Nicopolis
Patras
Athènes
Sardes
Laodicée
Zeugma

Vespasien Tanger Césarée Hippo Lilybée


Regius Carthage
Rhegium
Corinthe Éphèse Attaleia
Tarse Antioche

en 67 Xe Fretensis Sala
Rusaddir Cirta Syracuse Ville ayant une
Paphos
Palmyre

Gadara
55
Sitifis
Volubilis Gortyne communauté chrétienne Damas

Ve Macedonica
Théveste
Conquêtes
Lambèse Tyr Bostra
Césarée
Gabès
en 68 Sabratha
Cyrène VillePéluse
ayant livré des
Jérusalem

documents Aqaba
Alexandrie
isiaques
Pétra
Mouvements
romains DÉCAPOLE
Memphis

en 68 600 km Cologne
Gerasa Londres
Villes prises SAMARIE
en 68 Corea
Camp des Antipatris Lyon
légions Joppé Sinope
romaines Byzance
JUDÉE Gadara
Rome
Bastions juifs Lydda Cypros
à la fin de 68 Jamnia Pergame
Jéricho Séville Athènes
Jérusalem Carthage Antioche
Azotus Emmaüs
Mer Hérodion Syracuse
Lambèse
iterranée IDUMÉE Mer Jérusalem
Hébron Morte
Ve Macedonica en 68 Massada Alexandrie
39
600 km
71
m Nabatéens

55 LA GESTION DE L’EMPIRE 87 CONCLUSION


Ier ET IIe SIÈCLES APR. J.-C. Bilan de l’intégration impériale
56 Rome, ville du prince ou du peuple-roi ?
58 L’inventaire du monde 88 ANNEXES
60 Le triomphe du système provincial 88 GLOSSAIRE
62 Des routes et des lettres 90 DYNASTIES IMPÉRIALES
64 Un réseau de cités 92 ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
66 Un empereur réactif : libellés et rescrits
68 Le Sénat, creuset de l’intégration des élites

71 L ES VISAGES DE LA ROMANISATION
Ier ET IIe SIÈCLES APR. J.-C.
72 Le décloisonnement du monde
74 La romanisation de l’Occident
76 La romanisation impossible de l’Orient
78 Les Gaules : question d’identité
80 L’Égypte : le choc des communautés
82 Les métropoles impériales : l’idéal d’une civilisation
84 La domus : un cadre de vie pour les élites romanisées

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VERS L’EMPIRE UNIVERSEL (IIIe-Ier SIÈCLE AV. J.-C.)

L’équilibre des puissances en


Méditerranée(vers 280 av. J.-C.)
Au début du IIIe siècle av. J.-C., le bassin méditerranéen est profondément divisé. En Orient, le démembrement
de l’empire d’Alexandre a laissé place à trois grands royaumes – antigonide, séleucide, lagide – qui se livrent
à des guerres continuelles sur leurs confins. En Occident, seules Carthage en Afrique et Rome en Italie font
figure de grandes puissances. Rome achève la conquête de l’Italie en 272 par la prise de Tarente. Plutôt que
l’annexion directe, elle préfère établir sa domination par un système de traités d’alliance inégaux qui laissent
leur autonomie aux vaincus mais les intègrent dans le système militaire et diplomatique romain.

P12-13 Rome et les colonies latines


LA PLACE DE ROME “P12-13RomeColonies”
puis que ses lieutenants se sont disputé Précaire, l’équilibre des puissances est
AU DÉBUT DU IIIe SIÈCLE son héritage. Lorsque s’apaise la fureur des sans cesse troublé par des conflits por-
La légende raconte qu’à la veille de sa mort combats à l’orée du siècle, trois royaumes tant sur les confins des royaumes. La Ma-
(323 av. J.-C.), Alexandre le Grand projetait de puissance équivalente émergent : au cédoine domine la Grèce, mais les autres
de partir à la conquête de l’Occident, mais Nord, le royaume de Macédoine gouverné États n’ont pas renoncé à lui disputer ce
le destin déjoua ses plans. Quoi qu’il en par les Antigonides ; au centre, le royaume foyer de la culture hellénique. Profitant
soit, le bassin méditerranéen n’a jamais été des Séleucides, englobant un vaste espace de la prospérité économique de l’Égypte,
aussi divisé qu’au début du IIIe siècle. L’uni- allant de la côte égéenne à la frontière de les Lagides mènent une politique expan-
fication de l’Orient par le grand conquérant l’Inde ; au Sud, le royaume lagide dominé sionniste et s’emparent de la Syrie méri-
macédonien n’est plus qu’un souvenir de- par l’Égypte. dionale et des points d’appui sur la côte

LA DOMINATION ROMAINE EN ITALIE (DÉBUT DU IIIe SIÈCLE)


Rimini

Sena Gallica

Firmum
Étrusques
Castrum
Novum

Narnia Hadria
Cosa
Nepet Mer Adriatique
Sutrium Carseoli Fre

i nta
Rome Alba g n iens ni
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Labici Fucens Sa m
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Ostie Sora
Cora Signia ni
Ardea Norba Frégelles Apu
te

Satricum Aesernia
s

Antium Setia Interamna Lir. Luceria


Pometia Anxur Suessa Aurunca
Circeii Minturnes Calès
Mer Tyrrhénienne Sinuessa Bénévent Peu
Capoue Saticula cét
ns

i Venusia ien
Île de Pontia Hirp s

Territoire romain iens Sal


Paestum can len
Colonie romaine Lu
tin
s

Colonie latine
Alliés
100 km

12

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LA MÉDITERRANÉE VERS 280-270 AV. J.-C.

Scythes
Germains
Belges

GAULE
Celtes Daces
Aqu

Dardaniens
aeci Mer Noire
Gall
itains

Thraces BITHYNIE
Lusitaniens Rome
Celtibères es
BOSPHORE
èr

Tarente GALATIE
Ib

Celtici Delphes Pergame


ÉPIRE ÉTOLIENS
Lilybée Éphèse
ACHÉENS Athènes Antioche
Sparte Millet
Carthage Syracuse Damas
Maures Numides
Italie romaine vers 280 Mer Méditerranée
Possessions carthaginoises
Alexandrie
Royaume lagide
Royaume séleucide
Royaume antigonide
Zones de conflits
Invasions gauloises (280-275)
300 km

d’Asie Mineure. Dans cette entreprise, ils L’HÉGÉMONIE ROMAINE EN ITALIE dernière invasion celtique en Méditerranée
se heurtent aux Séleucides, à l’origine En 272, les Romains parachèvent leur main- épargne l’Italie et se polarise sur la Grèce
maîtres de ces régions. Mais s’il est le plus mise sur l’Italie par la prise de Tarente, im- (sac de Delphes, 279).
vaste, l’État séleucide est aussi le plus fra- portante colonie grecque. Par Italie, il faut ...
gile. Outre ses rivaux antigonide et lagide, alors entendre la péninsule, car la plaine
il doit faire face à la sécession de petits du Pô, occupée par les Gaulois, n’en fait pas
royaumes en Asie Mineure (Bithynie, Gala- partie ; on la nomme Gaule cisalpine. À la UNE PLURALITÉ DE STATUTS
tie…) et à la menace de nomades iraniens, suite du sac de leur ville par les Gaulois (vers La domination romaine se caractérise par la
les Parthes, sur la Perse. 390), les Romains ont en effet entamé une pluralité de statut des territoires. Certaines
L’Occident ne connaît que deux puissances lente conquête de la région, occupée par cités vaincues sont annexées directement
comparables à ces grands royaumes, deux des cités-États sur le modèle grec (colonies par Rome, surtout en Italie centrale (Cam-
républiques : Carthage et Rome. Ancienne grecques d’Italie du Sud, cités étrusques panie, Sabine) et deviennent des muni-
colonie phénicienne, Carthage a édifié un de Toscane) ou des confédérations tribales cipes romains. Mais la majorité des cités
« empire » sous la forme d’un chapelet de (Samnites des Apennins). gardent leur autonomie et passent seule-
comptoirs sur la côte africaine. Rome, de À partir de 282, le dernier acte les oppose ment un traité d’alliance avec Rome. Ces
son côté, a étendu son hégémonie sur l’en- à Tarente, bastion de l’hellénisme en Italie. alliés (socii en latin) s’engagent à fournir
semble de l’Italie par un double jeu d’an- En dépit de l’aide du roi d’Épire Pyrrhus, des contingents à l’armée romaine et sui-
nexions et de traités d’alliance. Bien que dont les éléphants effrayent un moment vent ses choix diplomatiques. Pour renfor-
la Méditerranée ne constitue pas à cette les légions, Tarente doit finalement capitu- cer son emprise, Rome fonde à des lieux
époque un espace diplomatique unifié, des ler. Cette tâche est facilitée par le fait que la stratégiques des colonies, nouvelles cités
relations existent entre ses deux moitiés, en créées par l’installation de vétérans ou de
raison de la présence de colonies grecques Romains pauvres. Plutôt que des colonies
en Occident. Au nom de la solidarité hel-
lénique, des souverains et généraux grecs
Verbatim romaines, encore rares, elle préfère organi-
ser des colonies latines, dont les habitants
« Qui serait […] assez
y interviennent régulièrement, soit pour indifférent pour ne pas partagent les droits civils de la citoyenneté
aider les Grecs de Sicile contre les tentatives s’intéresser à la solution de romaine mais non les droits politiques. Au
de conquête des Carthaginois, soit pour ce problème : par quels sens strict, on ne peut parler de confédéra-
contrer, vainement, l’expansion romaine moyens les Romains ont-ils pu tion car Rome s’est contentée de signer des
en Italie (aide du roi Pyrrhus d’Épire à la cité […] se rendre maîtres en traités bilatéraux avec chacun des alliés afin
de Tarente dans les années 280). Enjeu des moins de 53 ans de presque de conserver sa suprématie. Grâce à un tel
ambitions puniques, grecques et romaines, tout le monde habité ? » système, la cité romaine peut dominer une
la Sicile s’impose comme une zone de ten- Polybe, Histoires, I, 1. région entière, résultat qu’aucune cité grec-
sion majeure. que n’avait pu atteindre. En ce sens, l’Italie
... romaine est déjà un petit empire.
13

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VERS L’EMPIRE UNIVERSEL (IIIe-Ier SIÈCLE AV. J.-C.)

Les guerres puniques (264-201):


Rome maîtresse de l’Occident
Les deux guerres contre Carthage, dites « guerres puniques » (punique étant un synonyme
de carthaginois) permettent à Rome de s’ériger en puissance mondiale. La première (264-241),
centrée sur la Sicile, lui livre cette île, ainsi que la Sardaigne et la Corse. La deuxième (218-201)
menace sa survie car le général carthaginois Hannibal porte la guerre en Italie. Mais Rome
réussit à paralyser Hannibal et remporte la victoire finale sur le sol africain. Outre l’acquisition
du Sud-est de l’Espagne, cette victoire entraîne l’abaissement définitif de Carthage.

UNE PUISSANCE MARITIME CONTRE en Espagne, il est contraint de franchir les du Nord et impose sa domination au sud-
UNE PUISSANCE TERRESTRE ? Pyrénées et les Alpes pour venir en Italie est de l’Espagne, riche en mines. Plus que
Puissance régionale au début du IIIe siècle, frapper Rome au cœur. Par la suite, le blocus celle de la cité, cette conquête de l’Espa-
Rome devient une puissance mondiale à la romain interdit l’arrivée de renforts par mer gne est d’ailleurs l’œuvre d’une famille de
suite de la victoire des deux guerres puniques et contribue à son échec final en Italie. À condottieres, les Barcides. Dans les mains
(264-241, 218-201). Les affaires siciliennes sont l’inverse, Carthage connaît un phénomène de leur héritier, Hannibal, l’armée cartha-
à l’origine du conflit qui s’élargit peu à peu en d’enracinement territorial, particulièrement ginoise va se révéler longtemps meilleure
véritable lutte pour la maîtrise de l’Occident. dans la période séparant les deux conflits manœuvrière que les légions romaines.
A priori, les deux adversaires présentent des (241-218). Elle élargit son assise en Afrique ...
profils antithétiques. Maîtresse de l’Afrique
du Nord, mais aussi de la Corse et de la Sar-
daigne, la cité phénicienne de Carthage est
LA PREMIÈRE GUERRE PUNIQUE LA GUERRE
gouvernée par une oligarchie marchande, DE SICILE
surtout attentive à ses intérêts commerciaux. ET SES LENDEMAINS Pour les Anciens, la
Elle s’appuie sur une flotte puissante, se Aléria 259 première guerre punique
Rome s’est d’abord appelée
contente de points d’appuis côtiers et recrute CORSE
des mercenaires pour les combats terrestres. « la Grande guerre
de Sicile », ce qui révèle
Depuis le Ve siècle, elle occupe la pointe orien- Mer Tyrrhénienne bien son enjeu stratégique.
tale de la Sicile et affronte régulièrement les Depuis plusieurs siècles,
cités grecques situées à l’est de l’île. Puissance SARDAIGNE
Panorme 254 les Carthaginois
terrestre, Rome tire sa force de son armée de Eryx dominaient l’ouest du pays
soldats-citoyens et quadrille en profondeur le Sulcis 258 249-244 Mylae
autour de la forteresse de
territoire italien. La conquête de l’Italie méri- Drépane 249 Heirkte 260 Lilybée. Après le ralliement
dionale, l’Italie des colonies grecques, termi- Îles Égates 241 248-244 du royaume de Syracuse,
née en 272, la porte sur le détroit de Messine, les Romains étaient
Lilybée 248-241 SICILE solidement implantés
en vue des côtes siciliennes. D’une certaine Ecnome 256
Aspis/Clupea 256 à l’est. Sur l’île, la guerre
façon, elle va prendre le relais des Grecs dans
Carthage 255 se réduisit longtemps
la lutte contre Carthage. Syracuse 263 à une série de sièges, tandis
Tunis 256
Cependant, au cours du conflit, le visage que les batailles navales
Adys 256
des deux adversaires va évoluer sensible- décisives se déroulaient
Kerkouane Malte
ment. Pour affronter Carthage lors de la
255
près des côtes et des îlots
première guerre punique, Rome va être alentour. Lorsque les
obligée de se doter rapidement d’une flot- Mer Méditerranée Romains mirent le siège
te efficace. Après quelques déboires, elle
200 km devant Lilybée (250), ils
réussit à surpasser son ennemi et remporte purent fixer les opérations
Domaine carthaginois Victoires romaines dans la zone punique, mais
une série de brillantes victoires navales qui
Territoire romain Victoires carthaginoises ils n’enregistrèrent pas de
lui assurent le triomphe final. Cette domi- succès décisif avant la
Conquêtes romaines Sièges
nation romaine sur la mer ne faiblit pas lors victoire des îles Égates.
de la deuxième guerre punique et explique Offensive de Regulus Camps d’hiver
(256-255)
la stratégie aventureuse d’Hannibal. Basé
14

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L’ESCALADE DU CONFLIT est l’émule des grands stratèges hellénis- tie de l’Italie méridionale rejette la tutelle
Engagée pour la maîtrise de la Sicile, la tiques et son père lui a fait jurer une haine romaine et se rallie au vainqueur, qui attend
première guerre punique (264-241) se éternelle envers Rome. Il décide de com- logiquement la reddition de Rome. Han-
concentre pour l’essentiel en Sicile et ses battre Rome chez elle et passe par la voie nibal refuse donc de marcher sur la ville,
grandes batailles sont de nature navale. de terre, faisant escalader les Pyrénées s’attirant cette remarque de son général
Des combats plus mineurs ont lieu aussi puis les Alpes à son armée. Il y perd un Maharbal : « Tu sais vaincre, mais tu ne sais
en Corse et en Sardaigne. À Mylae, pour œil et presque tous ses éléphants, mais pas exploiter ta victoire ». De fait, Rome re-
la première fois, Rome remporte une vic- arrive sans crier gare dans la plaine du Pô, fuse de capituler et choisit, sous l’impulsion
toire navale grâce à l’invention des « cor- où il rallie les Gaulois. Trois victoires (Le du dictateur Fabius Cunctator, une tactique
beaux », des sortes de ponts permettant Tessin, La Trébie, Trasimène) lui ouvrent la d’asphyxie de l’adversaire, multipliant les
l’abordage des bateaux ennemis (260). route de l’Italie. harcèlements et refusant les batailles ran-
Seul le raid du consul Régulus sur Cartha- Descendu dans le Sud, il remporte son plus gées. En Espagne, le jeune général romain
ge échappe à cette règle, mais le siège de grand triomphe à Cannes, à la suite d’une Scipion élimine les armées carthaginoises
la ville aboutit à un échec et à la capture manœuvre d’enveloppement par les ailes : et coupe Hannibal de ses bases. Après la
du consul (255). Finalement, une ultime il dégarnit volontairement son centre qui bataille du Métaure, qui voit l’écrasement
victoire navale aux îles Égates contraint recule devant les soldats romains, ce qui d’une armée de secours punique, Hannibal
Carthage à capituler : elle doit évacuer permet à ses ailes de les encercler ensuite ; est totalement bloqué en Italie du Sud, où
Sicile, Sardaigne et Corse et payer une 45 000 soldats romains et un consul restent ses soutiens s’effritent (207).
lourde indemnité de guerre (241). Les sur le terrain (2 août 216). Une grande par- À l’initiative de Scipion, Rome porte alors la
années suivantes, ces îles deviennent les guerre en Afrique et Carthage doit rappeler
premières provinces romaines. Hannibal (203). Scipion réussit à faire allian-
L’« entre-deux guerres » permet à Carthage
de refaire ses forces en occupant le sud-
Verbatim ce avec le roi des Numides, Massinissa, qui
gouverne un royaume berbère à l’ouest
« Preuves de notre
est de l’Espagne grâce au talent de son désastre : l’Aufide pendant du territoire punique. À Zama, grâce à l’ap-
général Hamilcar Barca. Rome, de son quelque temps rempli de port de la cavalerie numide, Scipion anni-
côté, entreprend la conquête de la Gaule sang, un pont construit avec hile les éléphants d’Hannibal et remporte
cisalpine (Italie du Nord). Ces succès ré- des cadavres, par ordre une victoire complète (29 octobre 202).
ciproques ont dû nourrir une méfiance du général (Hannibal) sur Carthage doit à nouveau capituler, recon-
tout aussi réciproque. Un incident obscur, le torrent du Vergelles. » naître la perte de l’Espagne, céder l’ouest
le siège de la cité espagnole de Sagonte Florus, Abrégé d’histoire de son domaine africain à Massinissa,
par Hannibal, fils et successeur d’Hamil- romaine, I, 22. limiter sa flotte à dix vaisseaux (201). Rome
car, rallume la guerre entre les deux puis- ne compte plus de rivale en Méditerranée
sances (218). Esprit audacieux, Hannibal occidentale.

LA DEUXIÈME GUERRE PUNIQUE (218-210 AV. J.-C.)


Le Tessin 218

Turin La Trébie 218


Toulouse 218 Gênes
Agde
Métaure 207
Marseille
Narbonne Trasimène
217 Gereonium
Emporion Rome 217
Tarragone Cannes
209-207 216
Dertosa Capoue Tarente 209
Sagonte 219
214 215
Mer
216-211
Beacula 217 Thourioi
Ilipa 208 Tyrrhénienne Crotone
206 Cosenza 216 216
Ilici 212 Mer Méditerranée
Lilybée 218 Locres 216
Cadix Carthagène Syracuse
206 214 Utique 212
209
03

Carthage Cossura 2
Zama 202 218-217
Hadrumète Malte
Domaine carthaginois Actions militaires carthaginoises
Alliés de Carthage Actions militaires romaines
Possessions d’Hannibal en Italie Victoires carthaginoises
Territoire romain Victoires romaines
Alliés des romains Sièges
Territoire gaulois perdu en 218 Camps d’hiver d’Hannibal 300 km

15

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LA RÉPUBLIQUE IMPÉRIALE (IIIe-Ier SIÈCLE AV. J.-C.)

Une République sénatoriale


P26-27 Plan du forum du forum romain
Cité à l’organisation censitaire, Rome module les droits des à la mort
citoyens de César
en fonction de leur capital de fortune.
“P26-27Forum”
Comme toute cité antique, elle présente trois types d’institutions – les assemblées, les magistrats,
le conseil – au pouvoir théoriquement équilibré. Parmi les assemblées, les comices centuriates, structurés
selon la fortune, assurent la prépondérance des plus riches. Annuels et collégiaux, les magistrats travaillent
en étroite symbiose avec le Sénat, le conseil, qui exerce une tutelle de fait sur le régime. La vie civique
se concentre sur le Forum, place centrale de la ville, embellie selon le modèle de l’agora grecque.

LA CLASSIFICATION CENSITAIRE : LE FORUM ROMAIN À LA MORT DE CÉSAR


UN PRINCIPE FONDATEUR
Rome présente l’exemple le plus célèbre, 1. Rostres*(époque de César)
mais non unique, d’un empire conquis 2. Rostres*(époque républicaine)
3. Lapis Niger
par une cité et non par un monarque. 4.Curie Julia
La cité – civitas en latin – suppose l’exis- Forum * Tribune aux harangues
tence d’un corps de citoyens participant de César
à la gestion de la « chose publique », la res
publica. Mais il ne s’ensuit pas que tous Curie
Hostilia
les citoyens soient égaux, car un principe
censitaire préside à l’organisation civique.
Grâce à des recensements quinquen- Basilique
Porcia
naux, la cité établit le capital de chaque Tabularium 4
citoyen et le range ainsi dans l’une des Comitium 3 Basilique Aemilia
cinq classes, la première regroupant les 2
plus aisés. Les plus riches monopolisent 1
certains droits comme celui d’être magis- Marsyas
trat, le jus honorum.
Lacus Curtius
Aux yeux des Anciens, une cité se définit Temple de Saturne
aussi par la présence de trois institutions : Regia
Basilique
une assemblée, un conseil et des magis- Julia
trats. La république romaine présentant ces
trois rouages, les Romains estiment avec Temple des Castors
Détruit en 46
fierté qu’un véritable équilibre règle leurs
Détruit en 80 50 m
rapports. Rome possède en fait trois assem-
blées, appelées comices, que tous les ci-
toyens fréquentent également, mais selon cienne structuration du corps civique, n’ont LE SÉNAT : UN CONSEIL
des organisations différentes. Les comices plus qu’un rôle honorifique, l’investiture des TOUT-PUISSANT
curiates, organisés en curies, la plus an- magistrats. À certains égards, les comices Régies par les principes de l’annualité et de la
centuriates ont une position centrale car ils collégialité, les magistratures sont peu à peu
élisent les magistrats supérieurs et votent la organisées en hiérarchie, le cursus honorum,
Verbatim guerre. C’est l’assemblée censitaire par ex-
cellence, car les citoyens y sont regroupés
allant de la questure à la censure. Les magis-
trats sont élus par les comices, mais les as-
« Toutes choses avaient en 193 centuries, subdivisions des classes. semblées ne peuvent se réunir sans leur
été organisées et étaient La première classe représente 97 centuries, convocation et eux seuls peuvent faire des
menées d’une manière
presque la moitié, ce qui assure la préémi- propositions de loi. Le conseil – le Sénat –
si équitable que personne
n’aurait pu dire avec certitude nence des riches. Toutefois, les comices tri- entretient des liens étroits avec le milieu des
si l’ensemble du régime était butes jouent un rôle grandissant en raison magistrats en raison de son recrutement. De
aristocratique, démocratique de leur fonction législative. Ils représentent fait, lors du recensement, les censeurs font la
ou monarchique. » l’assemblée la plus démocratique, puisque liste des sénateurs – l’album – et remplacent
Polybe, Histoires, les citoyens y sont répartis selon leur tribu, les disparus ou les expulsés par les nouveaux
circonscription territoriale. magistrats du quinquennat écoulé. Les sé-
...
VI, 11, 11.
nateurs sont donc d’anciens magistrats infé-

26

24-37-ATLAS EMPIRE-ROMAIN-Part2-BAT1.indd 26 12/01/2017 11:39


rieurs et ils fournissent ensuite les candidats Sénat domine donc la République romaine, de nouveaux monuments, les basiliques.
aux magistratures supérieures. En général, la qu’on peut qualifier de « sénatoriale ». Inspirés des salles d’audience des palais hel-
fonction est viagère, mais un sénateur peut ... lénistiques, ces bâtiments rectangulaires à
être expulsé pour immoralité. P26-27 ORGANIGRAMME trois nefs abritent les travaux des magistrats
A priori, le Sénat dispose de compétences mais ont des fonctions polyvalentes.
précises : la gestion des finances, de la guerre
Fichier : “P26-27Organi”
LE FORUM, AU CŒUR Le Ier siècle enregistre les bouleversements
et de la diplomatie. Mais il assume aussi un DE L’ACTIVITÉ CIVIQUE apportés par les imperatores. Après la des-
rôle de direction générale des affaires, car les Le cadre de l’activité civique est concentré sur truction du comitium, devenu trop petit,
magistrats discutent toujours de leurs pro- le Forum, dépression s’étendant entre les col- par Sylla (vers 80), la construction du fo-
jets de loi dans son enceinte et les abandon- lines du Capitole et du Palatin. Là se trouvent rum de César mord sur le côté nord du
nent en général s’il manifeste son hostilité. la curie Hostilia, salle des séances du Sénat, les vieux Forum. La curie Hostilia et les Ros-
Cette procédure n’a rien d’obligatoire, mais Rostres, tribune aux harangues des magis- tres sont démolis et déplacés vers le sud,
aucun magistrat ne saurait déroger à cette trats, le comitium, lieu de réunion des comices la curie prenant le nom de Julia en l’hon-
coutume. De cette façon, le Sénat contrôle tributes. Au cours du IIe siècle, les dirigeants neur du dictateur. Sur le flanc méridional,
aussi l’action des comices, puisque les pro- romains ont à cœur de l’embellir, sur le mo- la basilique Sempronia est reconstruite et
jets ainsi écartés ne leur sont pas soumis. Le dèle des agoras grecques, par la construction prend aussi le nom de Julia. l

LES INSTITUTIONS DE LA RÉPUBLIQUE

COLLÈGES DE MAGISTRATS UN CONSEIL : TROIS


SÉNAT ASSEMBLÉES

Tribuns de la plèbe (32 ou 37 ans) Sénateurs Comices


10 300 puis 600 (81) curiates
• Peuvent bloquer la décision puis 900 (45-44) 30 curies
du Sénat ou du magistrat • Supervisent les finances
(intercessio) • Gèrent la guerre et la diplomatie • Votent l’investiture
• Aident les citoyens (auxilium) • Discutent des projets de lois des magistrats
• Proposent des lois des magistrats (consultatif )

Censeurs (44 ans) Comices


M

2 centuriates
• Recensent les citoyens 193 centuries
• Recrutent les sénateurs
U

• Jugent les
accusations
R

Consuls (42 ans)


2 capitales
• Votent l’investiture
O

• Gèrent les affaires générales


• Après 80 ils sont cantonnés à Rome des censeurs
• Proposent des lois • Votent la guerre
N

• Élisent les
magistrats
Préteurs (39 ans) supérieurs
O

4 puis 7 au IIe s., (censeur, consul,


puis 8 vers 80
préteur)
H

10, 14 et 16 sous César


• Compétence juridique,
militaire et provinciale (avant 80)
• Compétence uniquement
Comices
S

juridique (après 80)


tributes
35 tribus
U

Édiles (36 ans)


4 puis 6 sous César • Jugent les procès
S

• Surveillent les marchés et la voirie avant instauration


• Organisent les jeux des tribunaux
(fin IIe s.)
R

• Élisent les
Questeurs (30 ans) magistrats inférieurs
U

10 puis 20 en 80 (questeurs, édiles,


puis 40 sous César tribuns)
C

• Gèrent le trésor et les archives • Votent les lois

27

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LE PRINCIPAT ET LA PAIX ROMAINE (Ier ET IIe SIÈCLES APR. J.-C.)

Auguste : l’illusion
de la domination universelle
Croyant avoir conquis l’essentiel de la terre habitée, les Romains, à l’époque d’Auguste (27 av. J.-C. – 14 apr. J.-C.),
pensent atteindre bientôt les bornes de l’univers. Le premier empereur conçoit donc un plan ambitieux
d’expansion, appliqué par les princes de la famille impériale. Réduisant les zones montagneuses enclavées,
il soumet les Alpes et le nord-ouest de l’Espagne. Progressant dans le nord des Balkans, il atteint le Danube.
Mais la grande pensée du règne, la conquête de la Germanie, s’effondre après le désastre de Varus
à Teutoburg en 9 apr. J.-C. En Orient, Auguste se contente de succès diplomatiques sur les Parthes.

L’EXPANSION : demande autant de temps, mais les opé- complétée par la vassalisation du royaume
VERS LES BORNES DE L’UNIVERS rations présentent un caractère discontinu de Thrace. Pannonie et Mésie accèdent au
« Je leur ai accordé un empire sans fin », en raison du caractère fragmenté du relief. rang de province mais le fait majeur réside
clame Jupiter dans l’Énéide de Virgile. Commencé en 25 av. J.-C. par une guerre évidemment dans la dilatation du territoire
Ce vers témoigne de la vision du monde contre les Salasses, dans la région du Grand- romain jusqu’au Danube. Une telle progres-
partagée par l’entourage d’Auguste, nou- Saint-Bernard, le quadrillage des Alpes oc- sion est comparable à l’établissement des
veau surnom pris par Octave en 27 av. J.-C. cidentales n’est terminé qu’en 7-6, lorsque Romains sur le Rhin à l’époque de César,
À la suite des conquêtes de Pompée et de Auguste érige un trophée de victoire à La même si les deux fleuves ne constituent en
César, les Romains ont l’impression de tou- Turbie. Du côté oriental, la conquête de rien une frontière dans l’esprit d’Auguste.
cher aux bornes du monde et la conquête la Rhétie et du Norique est menée plus D’un point de vue formel, l’annexion de
de toute la terre habitée ne semble plus rondement par Drusus et Tibère (16-15). royaumes vassaux, comme la Galatie et la
qu’une question de temps. Cette analyse Si les Asturies sont rattachées à la province Judée, peut être aussi considérée comme
est confirmée par les connaissances géo- d’Espagne citérieure, les communautés une extension de l’empire. En réalité, ces
graphiques de l’époque qui minimisent alpines – cités, peuples ou royaumes – États étaient déjà soumis aux Romains et
la profondeur des continents bordant conservent un statut de client pour faciliter leur provincialisation indique plutôt que
la Méditerranée. Le premier empereur leur intégration en douceur. l’empereur commence à s’interroger sur les
romain peut donc envisager, de manière La pacification des Alpes orientales s’arti- failles du système des royaumes clients.
« réaliste 
», de conférer une dimension cule d’un point de vue stratégique avec les ...
universelle à la domination romaine. De opérations menées dans le secteur danu-
constitution chétive, piètre général, il ne bien, de la Pannonie à la Mésie. En Illyrie et
va toutefois pas s’investir personnelle- en Pannonie, Octave a tâté le terrain dès LE TEMPS DES DÉSILLUSIONS
ment dans les opérations militaires (à part avant Actium, en 35, mais la victoire déci- Pour Auguste, la pacification de la zone
en Espagne) et en confie le commande- sive n’est acquise que par les dures cam- alpino-danubienne s’intègre dans un projet
ment à des parents de la famille impériale pagnes menées par Tibère (13-9). Sur le bas plus vaste et plus ambitieux, la conquête
réputés pour leurs qualités militaires : son Danube, ce sont les initiatives de plusieurs de la Germanie, qu’elle prépare et facilite.
gendre Agrippa, puis ses beaux-fils Drusus gouverneurs de Macédoine qui entraînent Si jamais il réussit à atteindre l’Elbe, il aura
et Tibère. la soumission de la Mésie à partir de 29, atteint les limites septentrionales de l’uni-
Une première tâche consiste à réduire les vers, au-delà desquelles s’étend l’Océan.
zones montagneuses enclavées au milieu
des territoires romains et gênant les axes Verbatim En trois années (12-9), son beau-fils Drusus
quadrille le nord de la Germanie jusqu’à
de communication  : les monts Canta- « À l’empereur César l’Elbe, délimitant ainsi le cadre de l’action
briques et les Alpes. La conquête du nord- Auguste, […] parce que sous romaine. Avant de mourir malencontreu-
ouest de l’Espagne requiert dix années de sa conduite et ses auspices, sement d’une chute de cheval, Drusus a le
lutte (29-19) car les Astures et les Cantabres
tous les peuples alpins qui temps de planter une borne symbolique au
s’étendaient de la mer Supérieure
se révèlent des adversaires très coriaces. À à mer Inférieure ont été soumis bord de l’Elbe, mais la véritable soumission
la tête de l’armée au début du conflit, Au- à l’empire du peuple romain. » de la région reste à faire. Son frère Tibère s’y
guste tombe malade et doit céder le com- emploie et finit par remporter des succès a
Pline l’Ancien, Histoire
mandement à Agrippa, qui finit par pacifier naturelle, III, priori décisifs en 4-5 apr. J.-C. Il prépare alors
la région. La soumission de l’arc alpin au 136-137. une campagne pour réduire la Germanie
sens large, de la Méditerranée au Danube, méridionale, occupée par le royaume des

40

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Elb
FRISE
-12/-9
e L’EXPANSION DU MONDE ROMAIN SOUS AUGUSTE
BRETAGNE GERMANIE
-12/+9

Rhin
GAULES Dan ROYAUME
RHÉTIE ub e Olbia
NORIQUE DU BOSPHORE
-16/-15 Tyras
ASTURIE ALPES PANNONIE
CANTABRIE -25/-7 -35/+9
-29/-19 Mer Noire
NARBONNAISE ILLYRIE
ITALIE MÉSIE -29/+4/6
ARMÉNIE
THRACE PONT ET -20
CORSE BITHYNIE
ESPAGNES
Tig
CAPPADOCE re
SARDAIGNE MACÉDOINE GALATIE
ASIE -25
SICILE ACHAÏE CILICIE
SYRIE Euph
rat
MAURÉTANIE LYCIE e
CRÈTE
Territoire romain en 31 CHYPRE
Mer M é d it e rran é e
États vassaux en 31 JUDÉE +6
Conquêtes annexées directement par Auguste AFRIQUE
Transformation en royaumes vassaux ARABIE
CYRÉNAÏQUE
Royaumes vassaux transformés en province
ÉGYPTE
Conquêtes avortées -30 N
-25/-7 Dates des campagnes il
300 km

Marcomans, lorsqu’une violente révolte de montagne et les marais. Incapables de se Carrhae (53 av. J.-C.). Profitant d’une querelle
l’Illyrie-Pannonie la fait avorter (6). déployer, les légions romaines sont massa- de succession, il se contente de récupérer
À peine cette révolte est-elle jugulée qu’un crées pendant trois jours par les Germains les enseignes perdues à Carrhae, vengeant
désastre pire encore frappe l’armée romaine
P40-41 la bataille de Teutobourg en 9 après
postés sur les hauteurs. À la suite de cette ainsi la fierté romaine, et donne un grand
J.-C.
en Germanie (9). Alors qu’il revient sur le “P40-41Bataille”
défaite, les Romains se replient sur le Rhin écho à ce succès diplomatique (20). Plus
Rhin pour prendre ses quartiers d’hiver, le et Auguste erre la nuit dans son palais en concrètement, il réussit à restaurer la suze-
gouverneur Varus est surpris par un guet- criant : « Varus, rends-moi mes légions ! » raineté romaine sur l’Arménie et obtient des
apens dans la forêt de Teutoburg et dispa- ... Parthes la reconnaissance de ce statut. Tout
raît avec ses trois légions. Il a été trahi par en proclamant dominer l’univers, l’Empire
Arminius, un chef chérusque apparemment romain reconnaît implicitement l’existence
rallié à Rome. Pensant la région pacifiée, UN RÊVE UTOPIQUE d’un autre grand État. Cependant, il semble
Varus n’a pris aucune précaution, soucieux Si l’expansion piétine au Nord, elle marque bien qu’Auguste ait compris, à la fin de son
surtout de rendre la justice et de lever l’im- le pas aussi à l’Est, mais Rome ne veut pas règne, que son rêve était utopique : dans
pôt. Des fouilles archéologiques récentes se l’avouer. Prudent, Auguste se garde bien son testament, il conseille à son succes-
ont permis de repérer le site, la passe de d’attaquer le royaume des Parthes, seul État seur de ne pas dépasser les limites qu’il a
Kalkriese, un long corridor coincé entre la comparable à Rome, qui a écrasé Crassus à atteintes.

LE DÉSASTRE DE TEUTOBURG (9 APR. J.-C.)


Remparts germains
Mer du Nord Anciennes routes
Elb MARAIS ou chemins
e
Ems

W
ese
r
Itinéraire
Alle
présumé de
Kalkriese r
KALKRIESERBERG l’armée romaine
Meppen
Monnaies romaines
Minden découvertes
Osnabrück aux XVIIIe et XIXe s.
Itinéraire de 1 à 10 pièces
Lein

présumé de Detmold de 11 à 20 pièces


e

Rh l’armée romaine et plus


in Haltern
30 km
Découvertes datant Camp de
de 1987 marche romain
Vetera Source : R. M. Sheldon, Renseignement et espionnage
dans la Rome antique, Les Belles Lettres, Paris, 2009.

41

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LA GESTION DE L’EMPIRE (IER ET IIE SIÈCLES APR. J.-C.) NOUVELLE ADMINISTRATION,
NOUVEAUX PÔLES URBAINS
À la suite du processus impérial, au début de
l’empire, Rome émerge comme le centre du
monde méditerranéen. Sa population avoi-
sine le million d’habitants à l’époque de Tra-

Rome, ville du prince


jan. L’administration d’une telle mégapole
entraîne des problèmes particuliers, ce qui
pousse Auguste à la réformer progressive-
P56-57 L’empreinte des empereurs

ou du peuple-roi ?
ment. Pour en assurer le ravitaillement, il crée
“P56-57Empereurs” la préfecture de l’annone et la préfecture des
vigiles pour lutter contre les incendies. Le
territoire urbain est divisé en quatorze ré-
gions afin d’en faciliter la gestion et un préfet
de la Ville, sénateur de rang consulaire, en
Mégapole d’un million d’habitants, Rome est dotée par les empereurs coiffe l’administration générale. Les souve-
d’une administration spécifique. De grands projets d’urbanisme multiplient rains se montrent très attentifs au bien-être
les forums et aménagent le champ de Mars. Mais la qualité des immeubles d’une population toujours susceptible de se
reste médiocre, ce qui entraîne de grands incendies, comme celui de 64, sous révolter. Dans la tradition des imperatores, les
Néron. Parti du Circus Maximus, il ravage dix des quatorze régions empereurs vont largement remodeler l’ur-
de la ville. L’empereur en profite pour édifier un immense palais au cœur de banisme romain afin de proclamer leur gloi-
Rome, ce qui le fait soupçonner d’être l’auteur de l’incendie. Cette « Maison re, mais aussi de procurer au peuple romain
dorée » apparaît comme la demeure d’un empereur assimilé au dieu solaire. un cadre luxueux digne de son statut de
peuple-roi de l’univers. L’œuvre la plus mar-
quante consiste dans la construction d’une
série de forums impériaux, sur le modèle
L’EMPREINTE DES EMPEREURS du forum de César, au nord du vieux forum :
forum d’Auguste, temple de la Paix et forum
de Trajan. Plaine à moitié vide sous la Répu-
blique, le champ de Mars s’impose comme
Naumachie vaticane Mausolée un nouveau pôle urbain,
ou Naumachie de Trajan d’Auguste marqué par le complexe
VII
VIA LATA augustéen édifié autour
Mausolée de son mausolée, ou
d’Hadrien Horologium d’Auguste
Autel de la Paix VI le Panthéon, temple
Vers le cirque Panthéon ALTA SEMITA construit par Auguste mais
de Caligula Thermes totalement remodelé par
et de Néron de Néron Colonne du divin Antonin le Pieux
(Julio- Colonne de Marc Aurèle Hadrien. Outre les monu-
IX CIRCUS Temple de Matidie ments de spectacles –
Claudien) IV
FLAMINIUS et temple du divin Hadrien
Stade de Domitien TEMPLUM théâtre de Marcellus,
Saepta Iulia Colisée, naumachies
Odéon de Domitien Porticus Divorum Portique PACIS
Thermes d’Agrippa Forum de Livie pour les combats
VIII de Trajan V ESQUILIAE
FORUM Forum d’Auguste III ISIS ET navals –, le pou-
ChampForum de César
de Mars Temple de SERAPIS
Forum de Nerva la paix Thermes de Trajan
Temple de Domus Aurea (Maison dorée)
Théâtre de Marcellus Vénus et de Rome Thermes de Titus
Naumachie Amphithéâtre Flavien
d’Auguste Domus Tiberiana
XI Ludus Magnus et Ludus Matutinus
CIRCUS Portique et temple de Claude
XIV MAXIMUS
TRANSTEVERE X PALATIN II CAELOMONTIUM
Temple d’Apollon
Domus Flavia et Domus Augustana VII Noms des régions
VIA LATA de Rome
XIII Limite des régions
AVENTIN Limite administrative
de la ville
XII PISCINA Muraille de Servius Tullius
PUBLICA Monuments créés sous
I PORTE Auguste
CAPÈNE Julio-Claudiens
Flaviens
Antonins
1 km Monuments antérieurs

56

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voir élève des thermes somptueux propo-
sant des bains mais aussi d’autres loisirs pour
L’ŒUVRE DE NÉRON : L’INCENDIE DE ROME (64 APR. J.-C.)
un prix modique, dont les thermes d’Agrippa
fixent le plan canonique. Limite
... administrative
de la ville VII
VIA LATA
Muraille
de Servius VI
Tullius ALTA SEMITA
DES CONDITIONS DE VIE
PRÉCAIRES : L’INCENDIE DE 64 IX CIRCUS
FLAMINIUS IV
Cependant, l’essentiel des habitations TEMPLUM
PACIS
consiste en « immeubles » de six ou sept VIII
Champ FORUM V ESQUILIAE
étages, les insulae, indispensables pour lo- de Mars III ISIS ET
ger une telle population. Or l’usage du bois SERAPIS
dans leur construction les rend facilement
inflammables d’autant plus que les pauvres Propagation XIV XI X PALATIN
de l’incendie TRANSTEVERE CIRCUS
se chauffent avec des braseros. Les incen- MAXIMUS
dies se révèlent donc fréquents mais aucun 1er jour
e II CAELOMONTIUM
n’a eu autant d’ampleur et de répercussion 4 jour
e jour XIII
que celui de 64 apr. J.-C. sous le règne de 5 AVENTIN
6e jour XII PISCINA
Néron. Il débute le 18 juillet dans la zone du PUBLICA
7e jour I PORTE
cirque Maxime (Circus Maximus) à partir de CAPÈNE
e
8 jour
ballots de marchandises et remonte ensui-
te vers les hauteurs avoisinantes. Pendant 9e jour
1 km
six jours et sept nuits, il sévit sans disconti-
nuer et les vigiles n’ont d’autre moyen, pour
LA MAISON DORÉE : LE PALAIS
l’arrêter, que de détruire les immeubles à la
hache afin d’organiser des coupe-feu. Faute Verbatim D’UN EMPEREUR-SOLEIL
d’aliments, l’incendie finit par mourir sur les « Le plafond […] était […] S’il est peu probable que l’incendie ait été
pentes de l’Esquilin, laissant trois régions to- percé de trous afin qu’on volontaire, il est certain que l’empereur
talement détruites (la IIe sur l’Oppius, la IXe , pût répandre sur les convives en profite pour reconstruire Rome selon
celle du cirque, et la Xe sur le Palatin) et sept des fleurs ou des parfums. son goût et surtout édifier un nouveau
P56-57 La maison doréeLade
autres très endommagées.
Néron
principale salle était ronde palais, la Domus Aurea, la Maison dorée.
et tournait continuellement sur
En apparence,“P56-57MaisonDoree”
Néron montre une conduite elle-même, alternant jour Elle est aménagée dans un vaste parc,
irréprochable lors de l’événement : résidant et nuit comme l’univers. » situé dans la dépression entre les monts
à Antium au début de l’incendie, il rentre Palatin, Esquilin et Caelius. L’entrée du
Suétone, Néron, 31.
précipitamment à Rome et ouvre les mo- domaine est constituée d’un vaste vesti-
numents du champ de Mars aux victimes bule occupé par une statue colossale de
du sinistre. Mais des rumeurs très dures l’empereur en dieu Soleil, et d’un vaste
courent sur lui au sein du peuple. Il aurait lac entouré d’un portique. Installée sur
déclamé des vers sur la chute de Troie en que. Désireux de désarmer cette accusa- le Quirinal, la résidence proprement
contemplant l’incendie et se serait associé tion, Néron implique les chrétiens, secte dite, riche de 200 pièces, est décorée de
à des individus suspects qui auraient em- religieuse récente, rapidement exécutés. stuc doré, origine de son nom. Son plan
pêché d’éteindre les flammes. Selon ces Afin d’éviter les incendies futurs, il édicte s’inspire des villas maritimes mais son ar-
rumeurs, il aurait provoqué l’incendie pour des règlements augmentant la largeur des chitecture présente également de nom-
détruire Rome, jugée trop laide, et bâtir une rues et généralisant l’usage de la pierre. breuses innovations. Premier monument
nouvelle ville conforme à son idéal esthéti- ... romain à utiliser la coupole, sa salle prin-
cipale, ronde, tourne continuellement
sur elle-même selon un mécanisme qui
nous reste mystérieux.
LA MAISON DORÉE DE NÉRON CISPIUS
La dimension symbolique de la Domus
OPPIUS apparaît évidente : elle est la résidence
Quartier de la préfecture d’un empereur-soleil dominant le
Forum du prétoire monde, que le parc restitue tel un micro-
Bains cosme. Peu sensibles à ce message, les
Salles à manger
Romains sont choqués par l’ampleur de
l’occupation et certaines plaisanteries
Stagnum
Vestibule
(Lac) conseillent à la population de déména-
Jardins ger hors de la ville. À l’avènement des
Portiques Flaviens, la maison est rendue au public.
PALATIN Vespasien bâtit le Colisée à la place du lac
Temple de Claude et Titus puis Trajan arasent le palais pour
Nymphée
y installer des thermes. Dès lors, les salles
300 km CAELIUS servent de fondation aux thermes, ce qui
leur permet de traverser les siècles !
57

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