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Hors-série Le Monde diplomatique L’Atlas

Afrique CFA 9600 F CFA • Algérie 980 DA • Allemagne 15 € • Antilles-Guyane 16 € • Autriche 15 € • Belgique 15 € • Canada 25 $C • Espagne 15 € • états-Unis 24 $ US • Grande-Bretagne 14,5 £ • Grèce 15 € • Irlande 15 € • Israël 95 ILS • Italie 15 € • Japon 2900 ¥ • Liban 35000 LBP • Luxembourg 15 € • Maroc 140 DH • Pays-Bas 15 € • Portugal cont. 15 € • Réunion 16 € • Suisse 24 FS • TOM avion 2500 XPF • Tunisie 19,5 DT

14 euros France métropolitaine

Une Atlas2009.indd 1
Hors-série

Un monde
L’Atlas

à l’envers

4/02/09 12:18:31
Voici qu’une marge avance, qu’un centre recule.
L’Orient n’est pas absolument Orient,
ni l’Occident, Occident.
Car l’identité est plurielle,
elle n’est pas citadelle ou tranchées.

Mahmoud Darwich (1941-2008)


Comme des fleurs d’amandier ou plus loin
Actes Sud (2007)

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Sommaire
A long terme tout devient clair… par Serge Halimi ........................................................................................................ 6

De nouveaux rapports de forces


internationaux
De l’hégémonie occidentale au polycentrisme ...........................10
Le capitalisme, de crise en crise ...................................................12
Croissance de la population et nouveaux équilibres ...................14
Les migrations, chance ou menace ?............................................16
Révolution dans les grands flux du commerce mondial .............18
Coma profond pour le cycle de négociations de Doha............... 20
La souveraineté alimentaire pour supprimer la faim ..................22
Sur les matières premières, la spéculation tue ...........................24
Bataille pour l’eau .........................................................................26
Financiarisation rime avec mondialisation ..................................28
Mythes et réalité des fonds souverains .......................................30
Extinction ou replâtrage du consensus de Washington ...............32
Quand l’euro disputera sa suprématie au dollar .........................34
L’Internationale des très riches ....................................................36
Laborieuse reconversion de l’Alliance atlantique ........................38 Le monde vu de…
Armes : une prolifération peut en cacher une autre .................. 40
Ravalement de façade pour la maison Amérique ? ................... 42 Grande puissance militaire, premier débiteur mondial .............. 62
Internet, outil de liberté et d’assujettissement ...........................44 La Chine s’invite au banquet des grands ..................................... 64
Cyberterrorisme, la guerre de l’information ................................46 Tokyo mise sur les mangas pour faire rêver la planète .............. 66
Une instrumentalisation des religions et des intégrismes..........48 L’Inde rattrape son retard ............................................................. 68
Superpuissances, hyperpuissance, multipolarité…......................50 Le régime iranien joue sur la fibre nationaliste........................... 70
Chine et Inde, ces géants qui bousculent la géopolitique ..........52
La Russie veut être un pôle entre Europe et Asie ....................... 72
L’Amérique latine se libère de la tutelle des Etats-Unis .............54
L’Union européenne refuse de se penser comme acteur ........... 74
Si l’Union européenne jouait son rôle dans le monde ................56
L’Allemagne ne sera bientôt plus un « nain politique » ............. 76
Ces groupes armés qui font peur à l’Occident .............................58
Le tropisme américanophile de la nouvelle Pologne.................. 78
Le Caire en quête de stabilité et de prestige............................... 80
Le Monde diplomatique Pretoria se voit en champion de la renaissance africaine .......... 82
Edité par la SA Le Monde diplomatique Mise en pages et photogravure :
Société anonyme avec directoire Jérôme GRILLIÈRE, Didier ROY L’Arctique, ultime frontière de la mondialisation ........................ 84
et conseil de surveillance Correction : Pascal BEDOS,
Actionnaires : SA Le Monde, Xavier MONTHÉARD
Association Gunter Holzmann, Diffusion numérique : Vincent CARON
Association Les Amis du Monde diplomatique Contrôle de gestion : zaïa SAHALI
Secrétariat général : Anne CHAVANEL, Les défis de l’énergie
Directoire : Serge HALIMI président, Sophie DURAND, Joseline FLEURY,
directeur de la publication, Monique SALOMÉ
Alain GRESH, directeur adjoint, Le tournant de l’anthropocène ..................................................... 88
Bruno LOMBARD, directeur de la gestion Fondateur : Hubert BEUVE-MÉRY
Anciens directeurs : François HONTI
Responsable des éditions internationales (1954-1972), Claude JULIEN (1973-1990), S’en prendre à la logique énergivore du capitalisme ................. 90
et du développement : Dominique VIDAL Ignacio RAMONET (1990-2008)
Le charbon reste d’actualité malgré sa nocivité.......................... 92
Rédaction Publicité : Nedjma LIASSINE
1, avenue Stephen-Pichon, 75013 Paris et Amélie LEBOUCHER L’adieu aux hydrocarbures abondants et bon marché ................ 94
Tél. : 01-53-94-96-01 Secrétariat : Dominique AYMARD
Télécopieur : 01-53-94-96-26
Courriel : secretariat@monde-diplomatique.fr Diffusion, mercatique : Brigitte BILLIARD, Même cher, le pétrole n’est pas bon pour l’écologie.................. 96
Site Internet : www.monde-diplomatique.fr Sabine GUDE-TALBOT, Pascale LATOUR,
Marie-Dominique RENAUD Le nucléaire en débat.................................................................... 98
Directeur de la rédaction : Serge HALIMI Relations marchands de journaux
Rédacteur en chef : Maurice LEMOINE (numéros verts) :
Rédacteurs en chef adjoints : Diffuseurs Paris : 0805 050 147
Après la bulle Internet, la « bulle verte » ? ............................... 100
Martine BULARD, Dépositaires banlieue/province : 0805 050 146
Philippe RIVIÈRE (Internet), Service relation abonnés Controverses éoliennes ............................................................... 102
Anne-Cécile ROBERT Depuis la France : 0825 800 174 (0,15 €/min)
Depuis l’étranger : (33) 3 44 62 52 74 Caspienne, une mer fermée, un « grand jeu » ouvert .............. 104
Rédaction : Laurent BONELLI,
Mona CHOLLET (Internet), Alain GRESH, Reproduction interdite de tous articles,
Pierre RIMBERT, Dominique VIDAL sauf accord avec l’administration
Le pétrole a fait le malheur du monde arabe ........................... 106
Cartographie : Philippe REkACEwICz
Site Internet : Guillaume BAROU Impression :
Ruée mondiale sur l’or noir de l’Afrique.................................... 108
Conception artistique : Imprimerie
Alice BARzILAY, Maria IERARDI du Monde (Ivry) Le solaire et l’éolien percent en Allemagne .............................. 110
Rédacteur documentaliste : Olivier PIRONET
Europe et Russie : la bataille des gazoducs ............................... 112

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Ces conflits qui persistent
Les guerres du XXIe siècle tuent surtout des civils .................... 116
Aux réfugiés s’ajoutent les déplacés, forçats de l’exil .............. 118
Les pouvoirs maghrébins ont toujours peur des libertés .......... 120
Vers l’autonomie du Sahara occidental ? ................................... 122
Le retour de la Syrie sur la scène proche-orientale................... 124
L’Irak en mal d’Etat ou la politique du vide ............................... 126
Retour à la Cisjordanie ................................................................ 128
Au Liban, un calme précaire ....................................................... 130
Turquie, Irak, Iran et Syrie redoutent le rêve kurde .................. 132 Malgré le sida, la croissance démographique se poursuit ........ 174
L’Afghanistan, cause perdue pour l’OTAN .................................. 134 Migrations, entre forteresse Europe et mirage austral.............. 176
Détente compromise entre l’Inde et le Pakistan ....................... 136 Villes et bidonvilles, une bombe à retardement ....................... 178

Au Sri Lanka, série de revers pour les Tigres tamouls............... 138 L’Asie taille des croupières à l’Europe en Afrique ..................... 180
Une dette qu’il faut annuler, pas « alléger » ............................. 182
La Chine parle d’autonomie mais réprime ses minorités ......... 140
De grèves en manifestations, un essor des luttes sociales ...... 184
Difficile normalisation entre Washington et Pyongyang........... 142
Un continent entre croissance et inégalités............................... 186
Véritable tchétchénisation, fausse normalisation ..................... 144
Conflits ethniques ou lutte pour le pouvoir ? ............................. 188
Caucase du Sud, le réveil des volcans ........................................ 146
Rivalités interreligieuses et percée du pentecôtisme ............... 190
L’indépendance du Kosovo divise les diplomaties .................... 148
Ces Andes qui symbolisent les querelles du sous-continent ........ 150
Bibliographie................................................................................ 192
L’Afrique au tournant Table des auteurs ........................................................................ 194
Grandes lignes de fracture du continent noir ............................ 154
Reconstruire des sociétés déchirées par la guerre .................... 156
Clés locales et régionales du génocide au Darfour ................... 158 L’Atlas du Monde diplomatique

La démocratie balbutie au Congo-Kinshasa ............................... 160 Dirigé par Alain Gresh, Jean Radvanyi, Philippe Rekacewicz,
Catherine Samary et Dominique Vidal
Incendies en série dans la Corne ................................................ 162 Cartographie : Philippe Rekacewicz,
L’influence de l’Afrique du Sud est contestée ........................... 164 Cécile Marin et Emmanuelle Bournay
Avec le concours de Laura Margueritte, Agnès Stienne,
Déploiement contrarié pour les forces américaines .................. 166 Riccardo Pravettoni et Nieves López Izquierdo
L’action de la communauté internationale en question ........... 168 Correction : Xavier Monthéard et Tatiana Weimer
La démocratisation n’est pas un long fleuve tranquille ............ 170 Conception graphique et couverture : Boris Séméniako
Mort et résurrection de la « Françafrique » ............................... 172 Documentation : Olivier Pironet et Allan Popelard
Nous remercions chaleureusement pour leur contribution cartographique :
Sara Anifowose, Julien Bousac, Giulio Frigieri,
Maria Luisa Giordano et Béatrice Métaireau
Les textes et les cartes du troisième chapitre doivent beaucoup au Centre
international de cartographie que Le Monde diplomatique a créé avec
l’université de Bologne avec le soutien de la Fondation del Monte
Commission paritaire des journaux et publications : n° 0509 I 86051
ISSN : 1779-0689
Imprimé en France/Printed in France
Cet atlas a été fabriqué par l’imprimerie
Imaye sur du papier 100 % recyclé et
sans chlore pour l’intérieur. La couverture
a été imprimée sur un papier certifié
PEFC, issu de forêts gérées durablement.
L’imprimerie Imaye a le label
Imprim’vert et la certification ISO 14001.

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A long terme
tout devient clair…
e 1er janvier 2008, nul n’aurait misé gros sur l’élection
d’un jeune sénateur noir de l’Illinois à la présidence
des Etats-Unis. Mais nul n’aurait soupçonné non
plus que cet événement, aussi inattendu que considé-
rable, ne constituerait pas le fait marquant de l’année. Car, en
2008, le destin de Barack Obama et celui de son pays ont été
très largement modelés par une force qui les dépassait – et
qui les a dépassés pour chambarder la planète entière : « la
crise ». Dévastatrice, elle reflète et met en cause un modèle
économique, social, écologique. L’Atlas du Monde diploma-
tique en présente les ramifications en même temps qu’il en
dessine les lignes de fracture. Celles que des secousses tellu-
riques viennent d’ouvrir et rendent chaque jour plus béantes.
Au début de l’année 2008, la flambée des cours de
l’énergie parut précipiter le basculement du monde.
Cette hausse profitait en effet à la Russie, au Venezuela, à
l’Iran, adversaires stratégiques des Etats-Unis. A la fin de
l’année 2008, le pétrole, qui atteignit 147,5 dollars le baril en
juillet, est retombé en dessous de 40 dollars – soit son niveau
de 2003. Entre-temps, la crise financière née à New York a
provoqué une contraction du crédit en Occident, le recul de
la demande globale et l’éboulement des cours de l’énergie.
La peur de l’inflation et de l’endettement s’est en partie
dissoute – celle de l’« insécurité », associée au terrorisme,
aussi – dans l’effroi de la déflation et du chômage de masse.
Et l’énergie verte, rentable avec un or noir à 150 dollars
le baril, menace de devenir la prochaine bulle spéculative.
Après les tulipes (au XVIIe siècle), Internet, l’immobilier…
Pourtant, 2008 devait être l’année du « découplage ». La
chute de l’empire américain libérait la voie, disait-on, aux
puissances renaissantes (la Russie) et aux nouveaux géants
(Brésil, Inde, Chine). En quelques mois, ce pronostic-là
aussi a été remis en question : alors que les Etats-Unis figu-
rèrent l’épicentre du krach financier, le Dow Jones a moins

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Paul Kennedy, je n’ai jamais vu les données évoluer aussi
souvent et dans de telles proportions 2. »
C’est paradoxalement sur le temps long que le décryptage
cesse d’être aussi aléatoire. Car, quand on porte le regard cinq
ou trois siècles en arrière, ajoute Kennedy, « la dépendance
américaine par rapport à des investisseurs étrangers ne
cesse de se rapprocher du niveau d’endettement extérieur
que nous autres historiens associons à Philippe II d’Espagne
et à Louis XIV ». Beaucoup plus près de nous, par-delà les
oscillations quotidiennes des prix de l’énergie, les urgences
en matière d’environnement ont confirmé les alarmes d’il y a
trente ans ; le flot des réfugiés climatiques va enfler ; la forêt
amazonienne perdre 10 000 kilomètres carrés chaque année.
Des prévisions aussi assurées, même le FMI pourrait s’y ris-
quer sans se fourvoyer !
On ne se trompera pas davantage en annonçant que
nombre d’options proscrites par la doxa libérale vont resurgir
– et ont d’ailleurs déjà commencé. La relocalisation des pro-
ductions comme remède à ce libre-échange « énergivore »
qui a alimenté une déflation salariale, elle-même facteur
déclencheur de la tempête financière ; la nationalisation des
banques pour s’assurer que les milliards d’aides publiques
irriguent l’industrie de crédits plutôt que les actionnaires de
dividendes ; le relèvement de la fiscalité
baissé (33,8 %) que les cours des autres Dorénavant, la question sur les hauts revenus dès lors que même
Bourses mondiales ; le dollar a même… n’est pas seulement un des conseillers du président Sarkozy
regagné 8,6 % par rapport à un panier « sent poindre partout une révolte des
de savoir si le système
représentatif de grandes monnaies. classes populaires et des classes moyen­
Quant au découplage idéologique, on est susceptible de se nes contre des inégalités de rémunéra­
l’attend encore : réuni à Washington en corriger, mais pour combien tion qui ont atteint des niveaux jamais
novembre 2008, le sommet du G20 con- de temps, à quel prix vus depuis le XIXe siècle 3 » ; l’inflation,
firma que le libre-échange demeurait le – et qui le paiera ? enfin, pour dégonfler les montagnes
credo général, y compris celui de régimes de créances souscrites par les Etats.
présumés de gauche (Brésil, Argentine). Dorénavant, la question n’est pas seule-
Ce qui n’empêche pas les uns et les autres, et d’abord les ment de savoir si le système est susceptible de se corriger,
Etats-Unis, d’en violer les prescriptions sitôt que leur urgence mais pour combien de temps, à quel prix – et qui le paiera ?
nationale l’impose. Comme si la réitération machinale de la Toutefois, si la plus gigantesque crise économique depuis
prière résistait vaille que vaille à l’évanouissement de la foi. 1929 révolutionne, elle n’explique pas tout. Les guerres du
Les hérésies se multiplient néanmoins. La crise de la dette Proche-Orient, la mise au ban de l’Iran, les tensions entre
– ces fameux crédits subprime déversés sur des consomma- Inde et Chine, par exemple, en demeurent largement indé-
teurs incapables de les rembourser – a entraîné une panne pendantes. Or elles aussi possèdent un fort pouvoir déstabili-
mondiale de la demande solvable. Comment prétend-on y sateur dans une planète qui ignore encore si les failles qui se
remédier ? Par… une flambée de l’endettement. Les libéraux creusent dessinent le trou noir du chaos ou le chantier d’un
redécouvrent John Maynard Keynes, mais leur désarroi monde nouveau.
idéologique est tel que l’hebdomadaire Newsweek célèbre Cet Atlas est à la fois assez téméraire pour poser la ques-
déjà Karl Marx ! Le magazine américain a même choisi ce tion et assez sage pour savoir qu’aucune carte ne contient
passage du Manifeste du Parti communiste comme exergue (toute) la réponse.
d’un de ses articles de fond sur la crise : « La société bour­
Serge Halimi
geoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de
production et d’échange, ressemble au magicien qui ne sait
plus dominer les puissances infernales qu’il a évoquées 1. » 1. Peter Gumbel, « Rethinking Marx », Newsweek, New York, 2 février 2009.
Ce texte, qui date de 1848, a somme toute mieux vieilli 2. Paul Kennedy, « American power is on the wane », The Wall Street
que les analyses du Fonds monétaire international (FMI) de Journal, New York, 14 janvier 2009.
3. Henri Guaino, entretien paru dans Le Figaro, Paris, 24-25 janvier 2009.
l’an dernier… En novembre 2008, l’organisation présidée
par Dominique Strauss-Kahn annonçait en effet une crois-
sance mondiale de 2,2 % en 2009 ; deux mois plus tard, la
prévision était « corrigée » : ce ne serait que 0,5 %. Quatre
fois moins ! Ainsi, ceux qui modestement se proclament
« les meilleurs économistes du monde », architectes incor-
rigibles des politiques néolibérales en déroute, se montrent
par surcroît incapables de prévoir ce qui adviendra l’année
même de leur oracle. « Depuis quarante ans que je travaille
sur l’économie des grandes puissances, signale l’historien

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I - De nouveaux rapports
de forces internationaux
Après la guerre froide et l’empire américain,
voici venu le temps d’un monde multipolaire.
Des rapports de forces inédits imprègnent
et modifient l’ensemble des géopolitiques
et des problématiques internationales.

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De nouveaux rapports de forces internationaux

De l’hégémonie occidentale
a renaissance de l’Asie et le Depuis le début composantes subalternes d’un système
développement rapide d’autres de la révolution industrielle de production et d’échange mondialisé,
régions mondiales au cours des organisé de façon coercitive autour des
dernières décennies constituent au XIXe siècle, le système besoins des métropoles.
une des plus importantes mutations des international a été centré Alors que les niveaux de vie des
relations internationales depuis la révo- sur les pays occidentaux, sociétés asiatiques, ottomane et euro-
lution industrielle. Longtemps confinées péennes étaient globalement compara-
aux marges des centres historiques du dont l’expansion bles jusqu’en 1800, ceux-ci ont ensuite
capitalisme, ces « zones émergentes » a engendré les hiérarchies considérablement divergé, l’expansion
sont (re)devenues – ou sont en voie de du monde moderne. occidentale s’accompagnant d’une
(re)devenir – ce que François Perroux régression puis d’une stagnation des
appelait des « unités actives » « dont Nous assistons aujourd’hui niveaux de vie dans les régions dépen-
le programme n’est pas simplement à une transformation dantes (le Japon étant une exception
adapté à [leur] environnement, mais de structure : l’émergence notable en Asie ; l’Argentine et l’Uru-
qui [adaptent] l’environnement à [leur] guay, en Amérique latine). Ainsi, le pro-
programme ». d’un système polycentrique. duit national brut moyen par habitant des
En dépit de situations variées et « tiers-mondes » était à peine plus élevé
d’écarts importants – reflet de condi- en 1950 qu’en 1750 (+ 0,6 %). L’inéga-
tions initiales et de trajectoires histori- lité Nord-Sud diminue de façon variable
ques différentes –, l’étendue, l’intensité avec la décolonisation, l’autonomie poli-
et la persistance de cette transformation tique voilant souvent la persistance des
ne laissent aucun doute sur son carac- dont 45 % pour l’Asie. Le développe- situations de dépendance.
tère structurel. L’évolution est particu- ment économique se traduira nécessai- La mutation contemporaine met
lièrement marquée en Asie, foyer des rement par une plus grande autonomie donc fin à une structure historique qui
deux tiers de la population mondiale : politique. a duré. Le polycentrisme implique non
la part de la Chine et de l’Inde dans le Le système international du XXIe siè- seulement une distribution internatio-
produit intérieur brut (PIB) mondial, cal- cle sera donc décentré et doté d’une nale plus équitable des richesses, mais
culé en parité de pouvoir d’achat (PPA), multiplicité de pôles de décision. Ce aussi un bouleversement des rapports
est passée de 3,2 % et 3,3 % en 1980 rééquilibrage est, sur le plan historique, politiques : les institutions internatio-
à 13,9 % et 6,17 % en 2006 ; en dol- une véritable révolution, qui clôt le cycle nales établies après la seconde guerre
lars de 2007 constants, leur PIB (PPA) long de deux siècles de la prépondérance mondiale (Organisation des Nations
par habitant a été multiplié par 16 pour occidentale. Il marque le retour, dans des unies, Fonds monétaire internatio-
la Chine (passant de 419 à 6 800 dol- conditions nouvelles, à la configuration nal, Banque mondiale, sans parler du
lars) et par cinq pour l’Inde (de 643 à mondiale polycentrique qui a précédé la G7-G8, qui n’a plus de véritable légi-
3 490 dollars). Mais elle est manifeste « grande divergence » entre l’Europe et timité aujourd’hui) devront inévitable-
aussi au Brésil, où le PIB par habitant a le monde extraeuropéen. ment évoluer pour refléter les nouvelles
presque triplé (de 3 744 à 9 080 dollars), De nombreuses recherches récentes réalités. Etant donné la multiplicité et
ainsi qu’en Russie, où, après la dépres- démontrent en effet que ce n’est qu’à l’ampleur des défis mondiaux, la muta-
sion des années 1990, le PIB par habitant partir du début du XIXe siècle, puis au tion pose à nouveau de façon urgente la
a atteint 13 173 dollars en 2006. cours de la révolution industrielle et de question de la coopération. ●
la « première mondialisation », que se
UN RÉÉQUILIBRAGE HISTORIQUE sont instituées les hiérarchies qui ont
Ce mouvement ascendant s’accompagne durablement divisé le monde entre Sur la Toile
d’une forte tendance vers la régionali- centres dominants (pays développés) et g Cartographier le présent :
sation en Asie orientale – les échanges « périphéries » coloniales dépendantes www.cartografareilpresente.org/?lang=fr
intrarégionaux ont crû de 40 % du total (les « tiers-mondes »). g Documents du Groupe d’études
de leurs échanges en 1980 à 50 % en A la fois cause et conséquence de la et de recherches
1995 et à près de 60 % aujourd’hui – et divergence économique et technologique sur les mondialisations :
d’un début de régionalisation en Améri- croissante entre l’Europe et le reste de www.mondialisations.org
que du Sud (Marché commun du Sud). la planète au cours du XIXe siècle, l’ex- g Groupement d’intérêt scientifique
En supposant que l’actuelle crise écono- pansion internationale de l’Occident a pour l’étude de la mondialisation
mique mondiale ne remette pas fonda- engendré un monde dual. Intégrées dans et du développement : www.gemdev.org
mentalement en cause cette dynamique, les disciplines formelles ou informel-
g International Institute for Strategic
leur part totale du PIB mondial devrait les des centres impériaux, les « péri- Studies (ISSS) : www.iiss.org/
atteindre près de 60 % en 2020-2025, phéries » nouvelles sont devenues des

10 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 10 5/02/09 17:21:57


au polycentrisme

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 11

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 11 5/02/09 17:22:11


De nouveaux rapports de forces internationaux
De l'économie de production à l'économie financière, le grand écart
Milliards de dollars par jour
Moyenne pour 2007
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000

Marchés boursiers Marchés des changes

Produit intérieur brut mondial (valeur de la production des biens et des services)

Le capitalisme,
Commerce mondial
Sources : OMC ; Banque mondiale ; Cnuced ;
World Federation of Exchange, 2009.

La « régulation fordiste »
Déjà au XIXe siècle, des crises à répétition
fut après 1945 une réponse
Indice des prix des marchandises (base 100 en 1900-1910)
à l’instabilité organique 220
Folie spéculative sur les mines Faillite des banques de crédit, Crise économique
du système. La chute latino-américaines baisse de la production industrielle en Amérique latine,
1825 1857 révolution argentine
des taux de profit a entraîné 180 Faillite des compagnies 1890-1893
Crise des chemins de fer, de chemin de fer
la destruction de ce modèle, dépression économique 1866
1847 Krach de l’Union générale,
1815-1818 crise boursière à Lyon et à Paris
avec mondialisation, 140 Spéculation excessive, 1882-1884
crise du crédit
surendettement, 1835-1839
1873
Faillite des chemins de fer,
100 Spéculation sur les chemins de fer crises boursières
bulle et crise financières. et les mines de charbon
1800 1810 1820 1830 1840 1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910
Source : Philippe Gilles, Histoire des crises et des cycles économiques, 2004.

epuis qu’il existe comme sys- taux de profit élevés alors constatés, Le fordisme fut accepté par les capi-
tème, le capitalisme a toujours taux d’une phase de rattrapage après talistes tant que les taux de profit étaient
connu les crises. Mais, pendant les destructions de capital fixe (Europe) élevés. Or ils atteignirent leur plus bas
longtemps, il a baigné dans un ou les retards dans son renouvellement niveau au début des années 1980. La
environnement de petite production (Etats-Unis) enregistrés de 1914 à 1945. réduction des salaires devint l’objec-
(paysannerie, artisanat, etc.) qui frei- Mais, l’effet de rattrapage épuisé, et les tif, et le fordisme fut démantelé. Nous
nait la propagation des fluctuations. La résistances sociales augmentant, les taux sommes alors entrés dans une nouvelle
grande crise américaine de 1929 fut de profit entamèrent leur chute à partir ère de mondialisation. Celle du sala-
celle d’un bond en avant de l’instabi- de la seconde moitié des années 1960. riat, d’abord – et c’est une différence
lité, dû au passage brutal d’un monde avec la première mondialisation capi-
de petits producteurs à la prépondérance
du salariat. Avec la régulation fordiste
Sur la Toile taliste du dernier tiers du XIXe siècle,
portant sur les échanges. Une deuxième
(instaurée après 1945) il s’agissait pré- g Association Recherche différence concerne non pas l’ampleur
cisément de combattre la chute de l’ac- et régulation : http://webu2.upmf- mais le contenu de la financiarisation :
tivité lors des récessions, et, pour cela, grenoble.fr/lepii/regulation/ au XIXe siècle, les abondants flux
de soutenir temporairement la demande g Ressources en économie critique : mondiaux de capitaux étaient surtout
globale, notamment par le soutien des http://hussonet.free.fr/ecocriti.htm constitués de prêts à des Etats alors
salaires. g Ressources sur l’économie qu’ils concernent actuellement surtout
La longue expansion des « trente de la mondialisation : des actionnaires, des fonds d’investisse-
glorieuses » (1946-1974) fut alimen- http://hussonet.free.fr/mondiali.htm ment et l’interpénétration entre finance
tée en Europe et aux Etats-Unis par les et économie réelle.

Comment la dérégulation a dopé le Dow Jones...


1903
Panique de
l’« homme riche » 1917 1929
1907 Entrée en guerre Grande Dépression 1941 EISEN
Panique de 1907 des Etats-Unis HARDING Pearl Harbor 1953
MCKINLEY HOOVER
1897-1901 1921-1923
COOLIDGE 1929-1933 TRUMAN
TAFT WILSON 1923-1929 F. D. ROOSEVELT
T. ROOSEVELT 1909-1913 1945-1953
1901-1909 1913-1921 1933-1945

1900 1905 1910 1915 1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955

12 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 12 5/02/09 17:22:38


3 000 3 500 4 000 4 500 5 000 5 500 6 000

Produits dérivés Economie financière

de crise en crise
2008
Séisme boursier

2007
Début de la crise
des « subprime »
2001
Attentats du Indice
boursier
Les taux de profit se sont redressés, sur n’importe quel actif. Dès lors, l’éco- 11-Septembre 15 000
mais l’instabilité a augmenté. En effet, nomie des Etats-Unis navigue de bulle en G. W. BUSH
2001-2009
le capitalisme navigue entre deux gouf- bulle, passant d’Internet à l’immobilier,
fres : l’effondrement, s’il n’est pas assez puis aux matières premières, transmet- 14 000
encadré, ou l’étouffement, s’il l’est trop. tant au monde ses propres fragilités.
Mais la destruction du fordisme n’a L’éclatement de la bulle immobilière 1997
Crise financière
pas supprimé la réalité qui lui a donné a des effets particulièrement graves, asiatique 13 000
naissance – l’extension du salariat. La car deux crises s’entretiennent l’une
révolution conservatrice s’opposant l’autre. L’une, qui touche l’économie
CLINTON
farouchement à l’augmentation des réelle et peut durer longtemps, concerne 1993-2001 12 000
salaires, comment assurer le maintien la construction. L’autre, financière, est
d’une demande globale en cas de réces- redoutable parce qu’elle atteint les plus
sion débutante ? Le modèle appliqué importantes banques du monde. L’ef- 11 000
aux Etats-Unis a consisté à miser sur fet principal de la crise financière est
l’épargne des ménages (de plus en plus la restriction de crédits, qui frappe les
réduite) et leur endettement pour soute- entreprises américaines mais surtout 10 000
nir leur dépense. les ménages, qu’il s’agisse des crédits Bulle
Ce nouveau modèle est explosif : la hypothécaires ou de ceux destinés à la immobilière
chute du taux d’épargne des ménages consommation. N’oublions pas l’effet Bulle 9 000
a pour contrepartie le financement de richesse, qui postule un impact négatif Internet
l’économie américaine par l’étranger ; sur la consommation de la baisse
la hausse continue de leur taux d’en- de la valeur du logement possédé. 8 000
dettement n’a été qu’une fuite en avant Or la consommation occupe une
débouchant sur une crise de surendet- place exceptionnelle aux Etats-
tement. Les montages financiers visant Unis : sa défaillance pourrait 7 000
à transmettre les créances douteuses transformer une récession
circulent à l’échelle planétaire. Les en dépression, améri-
échéances sont repoussées, mais au prix caine d’abord, puis 6 000
de l’aggravation des déséquilibres. Ce mondiale. l 1991
Première guerre
modèle donne l’illusion que les banques du Golfe
centrales peuvent gouverner et sauver 5 000
l’économie par le maniement des taux G. H. BUSH
d’intérêt et les crédits faciles. Mais il 1987 1989-1993
pousse à la spéculation visant à Krach boursier 4 000
faire des plus-values REAGAN
1971 1981-1989
1961 Fin de la convertibilité
Bras de fer avec du dollar en or 1979 3 000
l’industrie 1966 1973 Deuxième choc
de l'acier Bombardements Premier choc pétrolier
américains sur Hanoï pétrolier
FORD 2 000
KENNEDY
1961-1963 JOHNSON NIXON 1974-1977 CARTER
EISENHOWER 1969-1974 1977-1981
1963-1969 Le Dow Jones Industrial Average, dit Dow Jones, est un
1953-1961 indice boursier calculé pour rendre compte de l’évolution
des cours de 30 grandes entreprises cotées au New York 1 000
Stock Exchange (Bourse de New York, située dans Wall
Street), par exemple Wal-Mart, Walt Disney, McDonald’s
Source : Dow Jones and Company, 2009. ou Coca-Cola.
0
1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 février2009

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 13

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 13 5/02/09 17:22:44


De nouveaux rapports de forces internationaux

Croissance de la population
La population de la Terre a prise de conscience de l’embal- population ralentissent. Cette deuxième
lement démographique date des phase s’achève lorsque les deux taux
ne cesse de croître depuis
lendemains de la seconde guerre sont proches et que la population se
le XVe siècle, mais cette mondiale, l’« explosion démo- stabilise.
croissance s’est emballée graphique » apparaissant alors comme
une menace d’autant plus inquiétante LE SIÈCLE DU VIEILLISSEMENT
au cours des deux derniers
que l’on n’en voyait pas les limites. Un Actuellement, la transition démogra-
siècles. Evalué à 1 milliard demi-siècle plus tard, ses mécanismes phique, achevée ou en cours, peut être
au début du XIXe siècle, sont mieux connus. L’étude des trajec- observée dans presque tous les pays du
toires démographiques des pays euro- monde, du moins à l’échelle des Etats.
le nombre d’êtres humains
péens, les premiers à avoir entamé ce La durée de chacune des phases et l’am-
approche des 7 milliards, processus, a permis de construire un pleur de l’écart entre les taux aboutis-
cap qui devrait modèle dit « de la transition démogra- sent ou aboutiront à des croissances plus
phique », c’est-à-dire du passage d’une ou moins importantes. Une transition
être atteint avant 2015.
mortalité et d’une natalité élevées à une précoce et lente a permis en France la
Cette accélération cache mortalité et une natalité réduites. multiplication par 2 des populations en
de multiples inégalités. La transition commence par une deux siècles, en Suède de 3,5 en cent
période plus ou moins longue de réduc- cinquante ans. Les transitions en cours,
tion des taux de mortalité, tandis que facilitées par les progrès techniques dans
les taux de natalité restent élevés. Pen- des contextes socioculturels très diffé-
dant cette première phase, la population rents du modèle européen initial, seront
augmente à mesure que l’écart entre les plus rapides et entraîneront des croissan-
deux taux se creuse. Puis les taux de ces plus fortes (multiplication par 7 ou 8
natalité et le rythme de croissance de la au Mexique, par 13 à 15 au Kenya).

Quand le Nord vieillit

Age médian en 2006


de 15 à 19 ans
de 19 à 24 ans
de 24 à 30 ans
de 30 à 38 ans
de 38 à 46 ans
Source : Nations unies, World Population Prospects : The 2006 Revision,
département des affaires économiques et sociales, division de la population. Données non disponibles

14 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 14 5/02/09 17:54:40


et nouveaux équilibres
Le rythme de croissance d’une leur histoire, mais ont amorcé la décélé-
population influence directement la ration à la fin du XXe siècle. La jeunesse Poids relatif de la population
structure par âge des habitants. Premiers de leur population reflète cette histoire mondiale par grande région
à avoir entamé le processus, les pays récente, avec des âges médians compris
européens ou peuplés majoritairement entre 16 et 18 ans. Mais un processus Pourcentage
de descendants d’Européens (Amérique de vieillissement est en cours dans ces 20
du Nord, Australie et Nouvelle-Zélande) pays « jeunes ». Europe
ont une population vieillissante : l’âge Le XXIe siècle devrait connaître la 10
médian se situe entre 35 et 41 ans. En fin de la transition démographique, avec 0
Asie orientale, le processus de transi- une stabilisation du nombre d’habitants 1800 1850 1900 1950 2000 2050 2150

tion, entamé dans les années 1970, se de la planète à un niveau que l’on peut 10 Amérique du Nord
termine, et l’âge médian, qui tourne prévoir avec vraisemblance entre 10 5
0
autour de 35 ans, augmente rapidement. et 11 milliards. Ce sera aussi le siècle 1800 1850 1900 1950 2000 2050 2150
Dans le reste de l’Asie, dans la plupart de l’accélération du vieillissement. En 10 Amérique latine
des pays d’Amérique latine, du Proche- dépit de différences internes, l’Améri- 5
Orient, dans le Maghreb, régions où la que du Nord et l’Europe n’assurent plus 0
1800 1850 1900 1950 2000 2050 2150
seconde phase de la transition est en le renouvellement de leur population
20 Afrique
cours, les âges médians évoluent entre et doivent faire de plus en plus appel à
23 et 28 ans. l’immigration. 10
La plupart des pays d’Afrique sub-
0
saharienne, enfin, se trouvent encore au POUSSÉE DE L’AFRIQUE 1800 1850 1900 1950 2000 2050 2150
seuil de la seconde phase de la transi- Les décalages chronologiques du dérou- 5 Océanie
tion. Ils ont vécu au cours des dernières lement de la transition ont entraîné, tout 0
1800 1850 1900 1950 2000 2050 2150
décennies la croissance la plus rapide de au long du XXe siècle, des variations de
la distribution spatiale de la population. 60 Asie
En 1950, 29 % des habitants de la Terre 50
vivaient en Europe et dans les « pays
Croissance de l’âge médian neufs » (Etats-Unis, Canada, Australie, 40
Nouvelle-Zélande), qui avaient attiré de 30
Années
60
nombreux Européens.
Cette proportion a chuté à 17 % 20
Japon actuellement et continuera à diminuer 10
– jusqu’à 12 % en 2050, selon les prévi-
Corée
sions des démographes de l’Organisation 0
50 1800 1850 1900 1950 2000 2050 2150
du Sud des Nations unies, qui ne s’aventurent
France pas à prendre en compte les migrations. Sources : « The world at six billion » (octobre 1999),
Nations unies, New York ; Indicateurs du développement
En revanche, l’Afrique, qui n’abritait africain 2007, Banque mondiale, Washington, DC.

Moyenne que 9 % de la population du monde en


40 mondiale
1950, « pèse » aujourd’hui 14 % et,
toujours hors migrations, devrait tota-
liser 22 % des habitants de la planète
Sur la Toile
Pakistan
Pakistan en 2050. g Division de la population de l’ONU,
30 deux bases de données : « World
Sur tous les continents, une part
Population Prospects : The 2006
croissante de la population habite dans
Mali Revision » ; « World Urbanization
les villes. Globalement, le nombre des Prospects : The 2007 Revision » :
urbains devrait dépasser celui des ruraux http://esa.un.org/unpp
20
à la fin de la décennie 2000-2010. Plus de
2,2 milliards de citadins, soit 7 urbains g Fonds des Nations unies
pour la population :
sur 10, vivent désormais dans un pays
www.unfpa.org/sitemap-fra.htm
en voie de développement. Il s’agit
0 d’un renversement total de situation : en g Population Reference Bureau :
1950 60 70 80 90 2000 10 20 30 40 50
1950, seuls 4 urbains sur 10 y habitaient. www.prb.org/FrenchContents.aspx

Source : Nations unies, World Population Prospects : Parmi les 20 premières agglomérations g Institut national d’études
The 2006 Revision, département des affaires écono-
miques et sociales, division de la population. mondiales, 13 appartiennent à l’Asie et démographiques : www.ined.fr
à l’Amérique latine. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 15

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 15 9/02/09 11:05:21


De nouveaux rapports de forces internationaux

Les migrations,
chance ou menace ?
Les migrations internationales e départ et/ou l’arrivée et/ou tants des pays pauvres, comme le font
le transit de migrants touchent les biens rapportés de vacances par les
font partie des phénomènes
désormais tous les pays du migrants ou les transferts de fonds que
majeurs en ce début monde alors que, par le passé, ces derniers envoient à leurs familles au
de XXIe siècle. Elles se sont ils ne concernaient que quelques régions pays (au total, 300 milliards de dollars
de départ et d’accueil. Cette révolution en 2006, une somme qui dépasse large-
rapidement mondialisées,
des migrations, qui remet en question ment les montants de l’aide publique au
atteignant 200 millions la capacité de l’Etat à maîtriser les développement).
de migrants dans le monde, frontières et à définir les modalités
du « vivre ensemble », découle de la LA FRONTIÈRE COMME RESSOURCE
contre quelque 120 millions
conjonction de plusieurs facteurs. L’économie du voyage constitue une
en 1995 et 77 millions La persistance d’écarts de richesse autre nouveauté. Désormais, dans les
en 1965 – soit très importants entre le Nord et le Sud, pays de départ, des agences proposent
alliée aux déséquilibres démographi- des circuits d’immigration clandestine,
une multiplication
ques, oppose des pays riches et vieillis- de faux papiers et parfois un travail non
par 2,5 en quarante ans. sants (pays européens, Japon) à des pays déclaré une fois arrivé à bon port, tout
pauvres ou émergents connaissant un cela moyennant des sommes élevées. La
grand dynamisme (pays asiatiques, afri- frontière est considérée dès lors comme
cains ou latino-américains). une ressource, d’autant que son pas-
Autre grand facteur de mobilité : sage est de plus en plus contrôlé pour
l’information. Les télévisions des pays les ressortissants du tiers-monde, sauf
riches montrent des modes de vie et de pour une poignée de migrants fortu-
consommation qui font rêver les habi- nés ou appartenant à l’élite (cerveaux,
sportifs, créateurs, commerçants, entre-
preneurs…).
Des transferts vitaux pour les pays pauvres La chute du système soviétique a
développé des migrations transfronta-
lières et des migrations ethniques. La
déception de la population, qui, dans
beaucoup de pays, rêvait de lendemains
meilleurs après les indépendances ou
des révolutions, représente aussi un fac-
teur de mobilité pour ceux qui veulent
réaliser leur projet de vie. On assiste
aussi à des migrations d’allers et retours,
se traduisant par des formes de copré-
sence dans les pays de départ et d’ac-
cueil, quand le statut le permet (visas
de long séjour ou à entrées multiples,
Milliards de dollars
350 double nationalité).
Monde La multiplication des crises politi-
Envois de fonds 300 Pays
des travailleurs immigrés en 2007 développés ques (Grands Lacs en Afrique, ex-You-
250 PVD¹
Pourcentage du revenu goslavie, Proche-Orient, régions kur-
national brut (RNB) 200 Autres pays
des) ainsi que l’émergence de nouveaux
de 0 à 1 % 150 facteurs d’exil (nettoyages ethniques,
Pays à revenus
de 1 à 5 % intermédiaires affrontements religieux, réchauffement
100
de 5 à 10 % climatique) jettent sur les routes des
50 Pays à faibles
de 10 à 35 % revenus millions de réfugiés, dont le statut n’est
0
Données non disponibles 1990 1995 2000 2005 07 pas toujours reconnu comme tel (voir
Source : base de données en ligne de la Banque mondiale. 1. Pays en voie de développement. p. 118). Que dire, enfin, des déplace-
ments touristiques (900 millions d’ar-

16 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 16 5/02/09 17:55:01


Une planète en mouvement
Vers les
Etats-Unis
AMÉRIQUE JAPON
DU NORD Extrême-
Orient
russe
MEXIQUE
Corée
du Sud
Russie

Vers le Philippines
Japon Chine
Amérique
centrale Asie Asie du
et Caraïbes centrale Sud-Est
Venezuela EUROPE
DE L’OUEST
Pérou et Turquie AUSTRALIE
Afrique
Colombie du Nord Sous-continent
indien
Bolivie ÉTATS
Afrique DU GOLFE
Paraguay de l’Ouest
Afrique
de l’Est
Argentine
Pays ayant accueilli un fort effectif
Afrique de migrants économiques
australe
Principales régions de départ
Flux de migrants peu ou pas qualifiés
Sources : Dilip Raths et Zhimei Xu, Recueil de statistiques 2008
sur les migrations et les envois de fonds, Groupe d’étude des Flux de migrants qualifiés
perspectives de développement, équipe chargée des migrations Afrique
et des envois de fonds, Banque mondiale ; Migrinter (migrations du Sud Migrations économiques à l’intérieur de la zone
internationales, espaces et sociétés), Centre national de la recherche
scientifique et université de Poitiers. Voir aussi les cartes p. 75 et 118.

rivées en 2007, dont 650 millions en des repères et fait craindre aux Etats
Europe et en Amérique du Nord), une d’accueil la perte de leur identité et la Sur la Toile
autre forme de migration, plus choisie remise en question de leurs modèles g Organisation internationale
et lourde de conséquences pour l’éco- d’intégration (assimilationnistes ou des migrations : www.iom.int
nomie et l’environnement. multiculturels), au profit d’une coha- g Laboratoire Migrinter :
Les réponses à cette nouvelle donne bitation où les migrants conserveraient www.mshs.univ-poitiers.fr/migrinter
semblent des plus contradictoires. Les leurs appartenances à des allégeances g Revue « Hommes et migrations » :
économies libérales valorisent la mobi- multiples. Diverses organisations plai- www.hommes-et-migrations.fr
lité des êtres humains, la comparant à la dent en faveur d’une meilleure gestion g Refugee Studies Centre, université
circulation des capitaux, des marchan- des migrations : associer des partenaires d’Oxford : www.rsc.ox.ac.uk
dises et des expressions culturelles. Une multiples pour accompagner la mobilité g Programme « Travaux, études et
compétition s’instaure même pour attirer au lieu de feindre de l’empêcher, provo- recherches sur les réfugiés et l’asile » :
des élites. Les pays aux démographies en quant des morts – le tout dans le mépris http://terra.rezo.net
crise reconnaissent cette mobilité comme des droits de la personne. ●
une richesse, un facteur de créativité et
de dynamisme économique et social.
Mais ils assurent y voir aussi une aubaine Le boom du tourisme mondial
pour les pays de départ, la manne des Amérique
transferts de fonds apportant un mieux- du Nord 64 % du tourisme mondial
95,3
15 % de la population
être aux familles restées sur place.

MÉPRIS DU DROIT
Pourtant, les dirigeants et l’opinion Amérique du Sud Europe Asie
et Caraïbes 484,4 184,3
publique des pays d’accueil vivent sou-
47,1
vent l’immigration comme une menace.
47,6 Pays du Golfe
Ils dénoncent une « invasion silen- Afrique et Proche-Orient
du Nord 16,3
cieuse » et déploient des politiques de Millions de personnes
contrôle, de dissuasion et de répression 28,2 1 600
à l’encontre des sans-papiers, nouveaux Afrique 1 200 903 millions
parias de l’humanité qui défieraient subsaharienne en 2007
800
l’ordre étatique. NB : les sphères sont proportionnelles
Le transnationalisme des flux, des au nombre d’arrivées touristiques en 2007 400
(en millions de personnes).
échanges marchands, des relations fami- 0
1950 2000 2020
Source : Organisation mondiale du tourisme, 2008.
liales et culturelles ajoute à ce brouillage

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 17

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 17 9/02/09 11:50:11


De nouveaux rapports de forces internationaux

Révolution dans les grands


Entre 1997 et 2007, epuis la création de l’Organi-
la croissance du commerce sation mondiale du commerce L’Asie, nouveau pôle
(OMC), en 1995, on observe des échanges
mondial a été de 6 % par des changements fondamentaux
dans les flux du commerce international. Pourcentage du commerce mondial
an, contre 3,4 % pour celle 50
du produit intérieur brut Ceux-ci se traduisent par une nouvelle
Europe
configuration des échanges, que relati-
planétaire. Cette dimension 40
visent cependant la crise économique et
de la mondialisation celle de l’OMC.
30 Asie
est inséparable d’autres La Chine, dont la part dans les
exportations mondiales était de 2,5 %
mutations majeures qui 20 Etats-Unis
en 1993, représentait 8,2 % en 2006
associent commerce, (celle de l’Inde à ces deux dates était
10
investissement et stratégies respectivement de 0,6 % et de 1 %). BRIC 1
Elle représente l’élément le plus dyna- Afrique
des sociétés transnationales. mique de la zone Asie, dont la part des 0
1948 1963 1973 1983 1993 2006
exportations dans le commerce mon- 1. Brésil, Russie, Inde, Chine.
dial a crû de 26,1 % à 27,8 % au cours Source : statistiques du commerce international 2007
de l’Organisation mondiale du commerce, 2008.
de la même période. Cette montée en
force de la Chine contraste avec le recul
des Etats-Unis dans les échanges mon- les Etats-Unis mais devant la France et le
diaux : non seulement le pourcentage Royaume-Uni. Le pétrole fournit 85 %
de leurs exportations est passé entre de ses importations en provenance du
ces dates de 12,6 % à 8,8 %, mais le continent noir.
déficit de leurs échanges commerciaux Les pays capitalistes développés
menace la stabilité du système finan- demeurent l’axe central du commerce
cier international et de l’économie international, le commerce Nord-Nord
mondiale. restant majoritaire (72,3 % du com-
Le commerce Sud-Sud progresse, merce mondial en 1993 et 69 % actuel-
quoique à un rythme modéré : il repré- lement), malgré l’accélération récente
sente 6 % du commerce mondial, contre des échanges Nord-Sud – principale-
3 % en 1985, et concerne, pour l’essen- ment ceux de l’Amérique du Nord et de
tiel, une minorité de pays émergents. La l’Union européenne avec l’Asie.
Chine est devenue le deuxième parte- On constate une remise en question
naire commercial de l’Afrique, derrière de la division internationale du travail
fondée sur le commerce « tradition-
nel » de produits manufacturés (en pro-
venance du Nord) en contrepartie de
Spécialisation régionale des exportations
produits primaires (en provenance du
Pays de Sud) : les flux d’échanges de produits
l’ex-URSS
Amérique intermédiaires progressent. Ils résultent
du Nord
Asie-
de la délocalisation des activités de pro-
Europe Pacifique duction et de conception – par le truche-
ment d’investissements directs étran-
gers (IDE) des sociétés transnationales
Afrique Pays du Golfe (STN) des pays développés. Ces biens
Montant total et Proche-Orient
du commerce font ensuite l’objet d’une réexportation
de marchandises Amérique et d’une intégration dans les produits et
Milliards de dollars latine systèmes complexes assemblés dans les
4 800 pays du Nord.
1 600
Les évolutions des flux de commerce
600 de biens et de services sont étroitement
Part des échanges réalisés pour les secteurs... liées aux modifications fondamentales
agricole minier et énergétique manufacturier
de l’organisation de la production. D’où
Source : Organisation mondiale du commerce, 2008 (chiffres de 2007).
l’importance des échanges entre STN,

18 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 18 5/02/09 17:55:15


flux du commerce mondial
forces motrices du commerce mondial.
La part des produits réexportés entre Qui domine ?
Amérique
filiales d’un même groupe en pro- du Nord
portion de leurs exportations 1 678
totales s’élève à 20 % pour
les groupes japonais, 60 % Pays de
pour ceux des Etats-Unis l’ex-URSS
425 Asie-Pacifique
et même 70 % pour les 3 277
groupes suédois.
Ces flux dessinent
Europe
une nouvelle carto- 4 963
graphie des échan-
ges internationaux.
Les technologies de
l’information et de 642
Pays du Golfe
la communication Amérique et Proche-Orient
(TIC) en fournis- latine
429
sent un exemple. La
Chine affiche des Afrique
excédents commer- 363
ciaux avec les Etats- Montant total Flux commerciaux
du commerce de marchandises interrégionaux
Unis et l’Union euro- Milliards de dollars
péenne, mais aussi des 5 000 700
déficits commerciaux avec la 450
plupart des grands pays d’Asie 2 000
Part des échanges 100
orientale (Taïwan, Corée du Sud, commerciaux réalisés... 1 000
500 50
Japon, Malaisie, Thaïlande). à l’intérieur de la zone 300 25
En 2006, l’échange des marchandises vers les autres régions moins de 25
représentait 81 % du commerce mondial, Source : Organisation mondiale du commerce, 2008 (chiffres de 2007).
et celui des services 19 %. Les combus-
tibles étaient à cette date le produit le La croissance en valeur des échanges
plus échangé (15 % du commerce mon- englobe aujourd’hui différents mouve- Surtout des marchandises...
dial des biens), devant les équipements ments sur les volumes et sur les prix.
de bureau et de télécommunication, qui La hausse des prix des combustibles a Pourcentage
100
constituaient la plus grande partie du gonflé les chiffres des échanges dans ce
80
commerce des TIC (12,3 %). Suivaient domaine. En revanche, la croissance en
60
les produits chimiques (10,3 %), les valeur du commerce des technologies de
composants automobiles (8,6 %), les l’information, encouragée dès sa créa- 40

produits agricoles (8 %) et les textiles tion par l’OMC, est survenue malgré une 20

et vêtements (4,5 %). baisse massive de leur prix : cette der- 0


Marchandises Services
nière avait atteint 6 % par an en moyenne
Sur la Toile aux Etats-Unis entre 1996 et 2005, alors
que les prix de tous les autres produits ... qui s’échangent
g Organisation mondiale du commerce : manufacturés augmentaient de près de principalement au Nord
www.wto.org/indexfr.htm 1 % par an. Pourcentage
100
g Conférence des Nations unies sur En 2006, les exportations de services
le commerce et le développement : ont principalement concerné les pres- 80
www.unctad.org tations commerciales – comptabilité, 60

g Centre d’études prospectives et publicité, communication – (50 % du 40

d’informations internationales : total), ensuite les voyages (27,1 %), puis 20


www.cepii.fr/francgraph/doctravail/ le transport (22,9 %). 0
Commerce Commerce Commerce
docw2002.htm Le monde n’est pas pour autant Nord-Nord Sud-Sud Nord-Sud
g Global Policy : www.globalpolicy.org/ devenu un espace sans frontières au et Sud-Nord
ngos/int/wto/index.htm sein duquel les marchandises circulent
Source : Organisation mondiale du commerce, 2008.
librement… ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 19

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 19 5/02/09 17:55:24


De nouveaux rapports de forces internationaux

Coma profond pour le cycle


L’Organisation mondiale Dans le maquis des alliances commerciales
du commerce a élargi
la libéralisation des échanges,
mais la paralysie du cycle
de Doha montre que
le dogme associant
développement Islande

et libre-échange Russie
Norvège
bute sur les faits.
Royaume-
Uni Pays- Mongolie
Bas Allemagne Corée
Suisse du Sud
France Liechtenstein
Bulgarie
Italie Turquie Chine Japon
Espagne Afghanistan
’Accord général Népal Bhoutan
Israël
sur les tarifs Pakistan Taïwan
douaniers et Egypte Arabie Inde
le commerce saoudite Philippines
(GATT, en anglais) de Mali
Esse
Tchad Thaïlande déve
1947 devait tenir lieu Burkina
Papousie-
Nouvelle-Guinée nets
de chapitre IV de la Faso
Nigeria Maldives
Bangladesh
Birmanie
alim
Côte gén
charte de La Havane d’Ivoire Ouganda Laos Indonésie nive
Bénin Kenya Cambodge
de mars 1948, qui pré- Congo Maurice Vietnam Timor- agri
voyait la création d’une Tanzanie Malaisie Leste dou
plaf
Organisation internationale du Zambie prod
Mozambique Australie
commerce (OIC). Mais le Congrès des Maurice
Zimbabwe
Etats-Unis refusa de ratifier cette charte, Botswana
Madagascar
Nouvelle- Gro
écartant l’OIC au profit d’une forme Zélande les p
Afrique
moins contraignante de négociations, du Sud
plan
plus
le GATT. Les services en furent exclus, Groupe coton (G4) dom
et l’agriculture échappa largement aux G90 Alliance des pays africains com
producteurs de coton pour lutter allia
règles de libéralisation. Alliance de trois groupes de pays contre le coton subventionné puis
Mais, en 1985, les intérêts des Etats- parmi les plus pauvres – les pays les nord-américain. dan
moins avancés (PMA), les pays G33
l'OM
Unis – dont les déficits commerciaux africains et les pays ACP (Afrique, G20
PVD défendant l’idée d’une forte à la
protection à l’importation des
avaient été creusés par un dollar fort – et Caraïbes, Pacifique) – plus proches du
G33 que du G20 et qui craignent Pays exportateurs nets de produits «,produits spéciaux,» essentiels
Doh
de la Communauté économique euro- qu’une baisse trop forte des tarifs alimentaires qui proposent de à la sécurité alimentaire et d’un
G
agricoles des pays développés n’érode plafonner les droits de douane «,mécanisme de sauvegarde
péenne – devenue Union européenne en leur accès préférentiel à ces marchés. maximaux pour les produits agricoles spéciale,» en cas de forte hausse Pays
1992 – convergent pour lancer le cycle Tous ne sont pas membres de «,normaux,», et pour les produits des importations ou de forte baisse la b
des prix à l’exportation. prod
de l’Uruguay : ils souhaitent conquérir l’Organisation mondiale du commerce. «,sensibles,».
de nouveaux marchés, et pour ce faire
intégrer au GATT l’agriculture, pour baisse du taux de croissance moyen On compte 162 millions d’ultrapau-
laquelle ils disposent tous deux d’ex- des pays en voie de développement vres, qui ne mangent pas à leur faim et
cédents lourdement subventionnés, et (PVD) – hors Chine et Inde – comme vivent avec moins d’un demi-dollar par
les services exportables, où les deux des pays occidentaux ; et la forte crois- jour. Les quatre cinquièmes se recrutent
puissances dominantes concentrent des sance de la Chine et de l’Inde s’expli- parmi les ruraux des PVD incités à payer
« avantages comparatifs » majeurs. que par leur politique interventionniste, leurs dettes en réduisant les subventions
Depuis le début des années 1980, et non par le libre-échange. De fait, et protections à l’importation et en pri-
les grandes institutions de la mondia- le taux d’ouverture des Etats les plus vilégiant leurs firmes agricoles exporta-
lisation rabâchent aux pays endettés développés en 2006 – 13,5 % pour les trices... Telle a été l’orientation promue
le dogme selon lequel les barrières Etats-Unis et le Japon, et 14,3 % pour par le Fonds monétaire international
freinant les échanges freinent aussi l’Union à 27 – est largement inférieur (FMI) et la Banque mondiale, relayés à
la croissance. Or la libéralisation des à celui (proche de 30 %) des pays les partir du 1er janvier 1995 par l’Organi-
échanges s’est accompagnée d’une moins avancés. sation mondiale du commerce (OMC).

20 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 20 5/02/09 18:06:43


de négociations de Doha
européenne et les Etats-Unis veulent Planète OMC
exporter plus de produits industriels et
de services vers les PVD en acceptant,
comme monnaie d’échange, des baisses
des droits de douane agricoles – mais
très peu sur leurs produits alimentaires
« sensibles » – et des subventions « dis-
Canada torsives des échanges », hypocritement
remplacées par d’autres censées sans Membre de l’OMC
effets sur les exportations. Pays observateur
Source : Organisation mondiale du commerce, 2008.
A mi-parcours de ce cycle, la confé-
Etats-Unis rence de Cancún (Mexique) de septem-
bre 2003 s’est conclue par un échec face
au regroupement des PVD. Les Occi- Insertion dans le marché
dentaux ont alors cherché à affaiblir la
Mexique résistance de ceux-ci en associant au lea- Importations et exportations de biens
et services en % du PIB
Caraïbes dership informel de l’OMC le Bré-
100
Venezuela
sil et l’Inde, qui défendent les
Guatemala Afrique
Belize intérêts de leurs grandes subsaharienne
Guyana
G10
Honduras
Salvador Surinam firmes exportatrices 80 Pays en voie
Essentiellement pays Nicaragua Guyane
française
– de produits agricoles de développement
à faible revenu
Chine
développés importateurs Panamá
nets de produits Pérou
érou
Brésil pour le Brésil et de ser-
60
alimentaires, ayant Bolivie vices pour l’Inde… Amérique
généralement de hauts Mais les négocia- latine
niveaux de subventions Union Inde
Paraguay européenne
agricoles et de droits de tions sont restées blo- 40
douane. Lutte contre tout quées depuis 2006, les Etats- Japon
plafond tarifaire pour tout Uruguay
Uru Unis
produit agricole. li
Chili
Argentin
Argentine
PVD, notamment les plus
pauvres, n’étant pas prêts à 20
G8 et pays invités sacrifier le développement de
Groupement informel dont
les prétentions de direction leurs industries et services en
0
planétaire globale sont bien échange d’un peu plus d’expor- Source : Banque mondiale, 2008.
plus larges que le seul Groupe de Cairns
domaine des politiques tations agricoles. Ils dénoncent en
Pays exportateurs de produits
commerciales. Cette agricoles voulant briser le outre les engagements hypocrites de
alliance des grandes
puissances n’intervient pas
protectionnisme américain et l’Union et des Etats-Unis : la première vers lequel la majorité de ses exporta-
européen, mais freinant aussi
dans les débats internes de une trop forte protection des n’a dépensé que 2,5 milliards d’euros tions agricoles est déjà dirigée. Les pays
l'OMC, même si elle pousse
orte à la conclusion du cycle de
PVD. de subventions à l’exportation en 2006, les plus pauvres veulent conserver un
es
els
Doha. mais les subventions internes aux pro- minimum de souveraineté alimentaire,
’un
G11
Sources : Organisation mondiale duits exportés approcheraient des 6 mil- notamment par l’adoption d’un méca-
du commerce ; International
usse Pays qui résistent le plus à Centre for Trade and Sustainable liards d’euros ; les Américains, quant à nisme de sauvegarde spéciale. Grâce à la
Development ; The Economist ;
baisse la baisse des tarifs sur les Les Echos ; Focus on the Global eux, condamnés à éliminer leurs subven- fermeté de l’Inde, celui-ci a été la pierre
produits industriels. South, Genève ; Cnuced.
tions formelles à l’exportation du coton d’achoppement de la « mini-ministé-
(253 millions de dollars en 2005), ont rielle » de l’OMC en juillet 2008, avec
Plus coercitive que le GATT, auquel néanmoins pu maintenir la même année le blocage par les Etats-Unis de la dis-
elle succède, cette dernière comporte 3,3 milliards de dollars de subventions cussion sur la réduction des subventions
un Organe de règlement des différends internes au coton exporté, permettant internes au coton, au grand dam des pays
(ORD), source de droit supranational d’en abaisser fortement le prix intérieur africains. ●
qui instruit les plaintes entre Etats mem- qui, en ajoutant les frais jusqu’à la fron-
bres (153 en décembre 2008). Mais elle tière, fait aussi le prix mondial.
peut être aussi paralysée par le principe Les dissensions se sont accrues au
Sur la Toile
du consensus : un accord requiert l’agré- sein des PVD, notamment avec la flam- g Via Campesina :
ment de tous. bée des prix alimentaires, qui a grande- www.viacampesina.org
C’est en proclamant lutter pour le ment profité au Brésil. Ce dernier, per- g International Centre for Trade and
développement que, sous le feu des criti- dant de sa crédibilité comme leader des Sustainable Development :
ques altermondialistes, le cycle de Doha PVD, entend limiter leurs possibilités de www.ictsd.net
a pu être lancé à la fin de 2001. L’Union protéger leur marché agricole intérieur,

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 21

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 21 5/02/09 18:06:51


De nouveaux rapports de forces internationaux

La souveraineté alimentaire
Alors que l’agriculture pèse très peu dans l’économie lors que les céréales restent
des pays développés, elle conditionne la vie dans les pays en voie l’aliment de base des pauvres,
la croissance de leur produc-
de développement, où les deux tiers des malnutris chroniques tion n’a été que de 6,3 % de
de la planète sont des paysans. Le « tout exportation » s’avère 1997 à 2005, contre une augmentation
incapable de les nourrir. Ils doivent affirmer leur souveraineté de 10,5 % de la population. Les rende-
ments plafonnent dans les pays dévelop-
alimentaire en relevant leur protection à l’importation. pés, et leur hausse ralentit dans les pays
en voie de développement (PVD). La
part de l’alimentation dans les budgets
familiaux atteint 45 % dans les pays à
bas revenu (avec des pointes à 80 %),
contre 12 % dans les pays riches. Et
��������������������������������������������������
c’est parmi les 2,5 milliards de membres
������������������������������� des familles agricoles des PVD que se
trouvent les deux tiers des 963 millions
de malnutris chroniques, ainsi que la
majorité des pauvres vivant avec moins
de 1 dollar par jour. D’où cette question
brûlante : comment nourrir la planète ?
Sûrement pas en laissant les multi-
nationales comme Monsanto promou-
voir dans les PVD les exploitations
d’agrobusiness exigentes en capital et
en OGM, y compris sur d’immenses
superficies achetées ou louées pour la
réexportation à long terme par les PVD
déficitaires comme la Chine et la Corée
du Sud. Cela ne peut qu’accroître un
��������������������������������������� chômage massif des paysans et la des-
������� ����������������������������� �
truction d’un environnement fragilisé
������������������ � ����������������
����������������������������� par le changement climatique. Sûrement
������������������� ������������������ ������������� pas davantage pour les pays du Sud en
���������������������������
����������������������� ����������������� ����������������������� poursuivant le développement des cultu-
res d’exportation tout en important les
denrées de base à prix cassés par les
subventions massives du Nord ou de cer-
tains pays semi-périphériques comme le
Brésil. Car, si l’on exclut le Brésil, l’Ar-
gentine et la Thaïlande, cette politique
s’est traduite par un déficit alimentaire
accru des PVD depuis 1973, qui a atteint
29 milliards de dollars en 2004.

DUMPING MASSIF DU NORD


La conférence de l’Organisation des
Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO) de juin 2008 sur
���������������������������������� la crise alimentaire n’a rien trouvé de
������������������ �������������� mieux que de demander une libéralisa-
���������� ��������� tion accrue des échanges, en minimi-
���������� �������� sant les causes réelles de la flambée des
�������������������������� ���������� ����������������������� prix : la réduction des productions
vivrières du Sud et le boom des agro-
�������������������������������������������������������� �������������������������� carburants qui, sous couvert de pro-

22 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 22 5/02/09 18:07:01


pour supprimer la faim
Travailleurs agricoles pour 100 hectares cultivés
��������������������������������
Union Asie
Amérique
du Nord européenne
���������������� 5,5
1 200 Japon, Australie,
���
������� 96 Nouvelle-Zélande
�������������� 22 5
Amérique latine Afrique
��� subsaharienne

��� �������� Tracteurs pour 1 000 hectares cultivés


��������������
Amérique Union Japon, Australie,
��� ����������������� du Nord européenne Nouvelle-Zélande
������������ 76
24
9
1 133
10 Asie
��� Afrique
Amérique latine subsaharienne
������������
������������
��
�������������������
������������������ Kilos d’engrais par hectare cultivé
��������� � Amérique Union
��
du Nord européenne Japon, Australie,
250 Nouvelle-Zélande
99
150
�� ���������������
������������ 9 240
Amérique 89 Asie
����������������������������������������� Afrique
latine
� subsaharienne
���� ���� ���� ���� ���� ����
Données de 2002 à 2005.
Sources : Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, division de la statistique ;
��������������������������������������������������������������������� Earthtrends, World Ressources Institute.

tection de l’environnement, a réduit blesse de leur protection à l’importation taire face à l’extrême volatilité de ces
les stocks mondiaux d’oléagineux et comparée à celle des Etats-Unis et de prix. D’ailleurs, ceux du coton et du
de céréales et ouvert un boulevard de l’Union européenne sur ces produits. café ont beaucoup moins augmenté et
profits spéculatifs aux fonds sur indi- Le discours libre-échangiste du Nord se sont aussi effondrés davantage depuis
ces et aux entreprises agroalimentaires et des institutions internationales est à l’été 2008 que ceux des aliments de base
tant du Nord que du Brésil. Après la usage externe... Il faut lui opposer une massivement importés par les PVD,
crise de l’immobilier (subprime) et des régulation des échanges subordonnée pesant lourdement sur les budgets des
marchés d’actions, les capitaux spé- à des critères de souveraineté alimen- familles les plus pauvres.
culatifs se sont rués sur les matières taire : droit de protéger le marché inté- Pourtant, seule la refondation des
premières, dont les produits agricoles, rieur pour y garantir un développement politiques agricoles et de la régulation
avant de se sauver dès que le prix du agricole économiquement, socialement multilatérale des échanges agricoles
pétrole s’est effondré. et environnementalement durable ; fondée sur cette souveraineté permet-
Mais, au-delà du dumping massif mais avec des accords d’accès préfé- trait de nourrir les 9,3 milliards d’hu-
du Nord, la dépendance alimentaire rentiel à des PVD défavorisés chaque mains de 2050, malgré le réchauffement
accrue des PVD tient d’abord à la fai- fois qu’il est démontré que des expor- climatique. Il conviendrait aussi de pros-
tations accrues sont bénéfiques pour la crire les agrocarburants et la spéculation
petite paysannerie et ne pénalisent pas sur les marchés à terme des produits
Sur la Toile les consommateurs défavorisés. alimentaires, et d’encourager les pays
g FAO, l’état de l’insécurité L’ensemble de cette démarche à constituer des stocks céréaliers mini-
alimentaire dans le monde 2008 : impose pour le moins d’ôter l’agricul- maux. Sans éluder la nécessité pour le
ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/ ture des dossiers gérés par l’Organisa- Nord de réduire nettement sa consom-
011/i0291f/i0291f00.pdf
tion mondiale du commerce. mation de produits animaux d’autant
g FAO, la situation mondiale Les « émeutes de la faim » ont fina- que son modèle alimentaire est copié
de l’alimentation et
de l’agriculture 2008 : lement ouvert les yeux des PVD, qui ont dans le Sud, notamment en Chine, car
www.fao.org/docrep/ refusé de conclure les négociations du l’on n’a qu’une planète et pas les trois
011/i0100f/i0100f00.htm cycle de Doha et ont compris la néces- nécessaires à la généralisation de ce
sité de réduire leur dépendance alimen- modèle en 2050. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 23

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 23 9/02/09 11:09:04


De nouveaux rapports de forces internationaux

Sur les matières premières,


Les pays du Sud sont les grands exportant de plus en plus, ils se sont fait vés à court de liquidités et ont déserté les
concurrence alors que la demande bais- Bourses de matières premières. Accès au
perdants des mouvements
sait au Nord après la crise de 1973-1975. crédit devenu très difficile, débouchés
de prix des matières premières, A la fin des années 1970, les prix des réduits sur les marchés au Nord, retrait
qu’ils baissent – comme sur la matières premières ont alors amorcé des fonds spéculatifs, tout a convergé
une baisse importante – quoique irrégu- pour contracter la demande en matières
période 1980-2000, et depuis
lière – jusqu’au début des années 2000. premières. Les cours se sont alors effon-
l’été 2008 – ou qu’ils montent, D’où une dégradation des termes de drés : par exemple, en novembre 2008, le
avec un pic au premier l’échange qui a contribué à creuser la baril de pétrole retombait sous la barre
dette des pays du tiers-monde. des 50 dollars après un pic à 146 dollars
semestre 2008 ayant produit
Au second trimestre 2001 s’est opé- en juillet…
des « émeutes de la faim ». rée une première inversion de tendance. Globalement, la grande volatilité
Les politiques de libéralisation D’abord rebond concernant les métaux des cours a été rendue possible par la
et l’énergie, elle a touché ensuite les libéralisation imposée par le Fonds
et une spéculation débridée
produits agricoles et les denrées ali- monétaire international et la Banque
ont accentué de désastreux mentaires, dont le prix a augmenté en mondiale depuis 1980 : suppression des
déséquilibres. moyenne de 75 % entre 2000 et 2008. barrières douanières, fin des systèmes
Entre mars 2007 et mars 2008, les prix de stabilisation des prix, abandon de
du riz et du blé ont doublé, celui du maïs l’autosuffisance en céréales, réduction
a progressé de plus d’un tiers. Les popu-
lations pauvres ont subi de plein fouet
u cours des années 1960-70, cette envolée. Manifestations, « émeutes La faim, toujours un fardeau
les pays du Sud, principaux de la faim » et grèves générales se sont
pourvoyeurs en produits agri- multipliées dans plusieurs dizaines de
coles et en minerais, ont été pays en voie de développement.
fortement incités à s’endetter. Le but
officiel était de financer leur dévelop- VOLATILITÉ DES COURS
pement, mais les créanciers cherchaient Parmi les causes figurent la hausse des
surtout à reprendre la main après les coûts (celle du prix du pétrole a entraîné
indépendances en Asie et en Afrique et une hausse du prix des transports, réper-
le début de l’industrialisation par subs- cutée sur les marchandises) et la hausse
titution d’importations en Amérique de la demande (croissance importante
latine. En prêtant, ils faisaient de juteux en Chine et en Inde). Dans le même
profits et obtenaient un droit de regard temps, le développement catastrophique M
sur les choix économiques et politi- des agrocarburants a exclu en 2007 plus Mexique
Haïti Ma
ques des pays du tiers-monde, laissant de 100 millions de tonnes de céréales du
les dirigeants de ces pays prélever leur secteur alimentaire et, depuis plusieurs Sénéga
commission au passage. décennies, sous la pression des insti- Salvador
Pour rembourser, ces pays ont été tutions financières internationales, les Guin
poussés à se spécialiser dans un ou deux surfaces destinées aux cultures vivriè-
produits d’exportation, dont ils sont res ont été réduites pour privilégier les
devenus fortement dépendants. Mais, en exportations qui permettent le rembour-
sement de la dette.
Mais la hausse des prix constatée en
Sur la Toile 2007-2008 s’explique d’abord par une
g Organisation des Nations unies spéculation intense de la part de fonds
pour l’alimentation et l’agriculture qui se sont rabattus sur les marchés déri- Argentine
(FAO) : www.fao.org/index_fr.htm vés des matières premières après l’écla-
g Cnuced : www.unctad.org/infocomm/ tement de la bulle de l’immobilier aux
g CADTM : www.cadtm.org Etats-Unis en 2007.
Quand la crise financière a plongé Pays les plus durement
g Société d’étude des cycles les pays les plus industrialisés dans la
touchés par les pénuries
et orientations des produits de denrées alimentaires en 2008
et des échanges : récession, les investisseurs institution-
Principales « émeutes
www.cercle-cyclope.com nels (fonds de pension, banques, assu- de la faim » en 2008 -
rances) et les hedge funds se sont retrou-

24 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 24 5/02/09 18:07:17


la spéculation tue
des budgets sociaux, suppression des ������������������������������������������������������������
subventions aux produits de base, mise
en concurrence déloyale des producteurs ��������
locaux avec des transnationales…
Ainsi, les pays du Sud, dépen-
�����
dants tant de leurs exportations que de ��������
leurs importations, incités à produire
pour exporter et non pour satisfaire la �����������
demande intérieure, sont durement tou- ��� �������
chés. Il est urgent de mettre en place ��� �����
un mécanisme de stabilisation des prix ������
��� ������
des matières premières qui assure des ��������

revenus satisfaisants aux producteurs. ������� ����������
��� ������������������
Pour cela, il faut d’une part limiter radi-
calement la spéculation, d’autre part ���

garantir le droit à la souveraineté ali- ���


�������
mentaire et donc permettre aux peuples ���
�������������������
de se protéger face aux ravages du libre- ����� ������������������������� ������ �����������������������������������������������������������
échange. l ����� ������������������� ������������������������������������������������������������

Evolution du nombre
de personnes sous-alimentées
entre 1990-1992 et 2003-2005
Afrique centrale Millions
Inde
40
Proche-Orient
Afrique de l’Est
30
Asie du Sud
(hors Inde)
20
Afrique australe
Maroc Asie de l’Est 10
Egypte (hors Chine)
Mauritanie 0
Mali Niger Yémen Bangladesh
Sénégal Amérique -10
Philippines
Burkina Faso latine
Guinée Nigeria -20
Kenya Asie du
Côte Cameroun Sud-Est
d’Ivoire -30

-40
Mozambique Indonésie
-50
Zimbabwe
Chine -60

Evolution du nombre
de personnes sous-alimentées
entre 1990-1992 et 2003-2005
Pourcentage
Voir aussi carte p. 22.
Données non disponibles Sources : L’Etat de l’insécurité alimentaire dans le monde 2008, Organisation des Nations unies
-100 -30 -1 0 2 50 100 277 pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), décembre 2008 ; Jean Ziegler, septembre 2008.

L’Atlas du Monde diplomatique 25

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 25 5/02/09 18:07:34


De nouveaux rapports de forces internationaux
km 3 par an

Bataille pour l’eau


2 500

2 250

2 000

Prélèvements 1 750
Consommation
Le grand gâchis 1 500
Le changement climatique 1 250
Amérique
affecte déjà de manière du Nord 1 000
Europe Asie
significative le cycle
750
hydrologique global,
500
Afrique
et cette situation parfois
250
critique va empirer. Sans Amérique
latine 0
révolution planétaire en Australie
et Océanie
matière de gestion de l’eau, Sources : Igor A. Shiklomanov, Institut hydrologique d’Etat (Saint-Pétersbourg) et Unesco (Paris), 1999 ; World Resources
2000-2001, People and Ecosystems : The Fraying Web of Life, World Resources Institute, Washington, DC, 2000 ; Paul
les inégalités – qui vont Harrison et Fred Pearce, AAAS Atlas of Population 2001, American Association for the Advancement of Science,
université de Californie, Berkeley.
croissant – entraîneraient
de lourdes conséquences
e réchauffement climatique bou- dans les pays développés que dans les
sanitaires, sociales, leverse les modèles météorolo- pays en voie de développement (PVD).
environnementales et giques et le cycle hydrologique, Pour nourrir la planète, la producti-
modifiant la disponibilité des vité agricole doit augmenter. L’irrigation
géopolitiques.
eaux de surface, l’humidité des sols et devrait s’intensifier de 17 % au cours
l’alimentation des nappes souterraines. des vingt prochaines années. Or elle
En témoignent l’ampleur et la fréquence absorbe actuellement 70 % des prélè-
des catastrophes naturelles liées aux pré- vements mondiaux, une consommation
cipitations : inondations, sécheresses, déjà excessive. Le facteur déterminant
glissements de terrain, cyclones… Le de la disponibilité en eau douce sera
rendement des cultures sera menacé, tant donc le taux d’expansion de l’irrigation
et la promotion de techniques permettant
de réduire les volumes d’eau qui lui sont
Eau potable et équipements sanitaires dans le monde rural consacrés.
Cinq cents millions de personnes
vivent dans 31 pays qui sont en état
de stress ou de pénurie hydrique. Or
l’Organisation des Nations unies pré-
voit que, en 2050, 1,8 milliard d’êtres
humains (sur 9,3) vivront dans des
régions privées totalement d’eau et
quelque 5 autres milliards dans des pays
où il sera difficile de répondre à tous
les besoins. L’équilibre entre la quantité
disponible d’eau douce et une demande
qui ne cesse de croître est déjà précaire.
Entre 1950 et 1990, l’augmentation des
prélèvements en eau a été plus de deux
fois plus rapide que celle de la popula-
tion. Le gaspillage d’eau domestique
En moyenne, 25 % de la population rurale dans le Meilleures conditions sanitaires,
monde n’a pas accès à l’eau potable, et 40 % ne peut mais accès à l’eau potable toujours augmente avec l’amélioration du niveau
profiter d’aucune infrastructure sanitaire décente. problématiques pour 25 à 40 % de la
de vie, les nouveaux équipements faci-
population
Plus de la moitié de la population litant l’usage de l’eau : les Européens
sans accès à l’eau potable Bonne couverture du réseau d’eau potable,
ou à des infrastructures d’assainissement et infrastructures sanitaires acceptables consomment pour leur usage quotidien
(au-dessus de la moyenne mondiale) malgré huit fois plus d’eau douce que leurs
Très mauvaises conditions sanitaires, quelques problèmes ponctuels
mais légère amélioration de l’accès à l’eau grands-parents.
potable pour 50 à 70 % de la population Eau potable et équipements sanitaires
Conditions sanitaires toujours mauvaises,
accessibles à plus de 95 % de la population Les gaspillages qui pourraient être
rurale
mais très nette amélioration de l’accès à l’eau évités sont très importants : seuls 55 %
potable pour 75 à 90 % de la population Données non disponibles
des prélèvements en eau sont réellement
Source : Organisation mondiale de la santé et Unicef, Meeting consommés, contre 45 % perdus par
the MDG Drinking Water and Sanitation Target, 2006.
drainage, fuite et évaporation lors de

26 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 26 9/02/09 11:09:20


De vastes zones de pénurie

Indicateur de stress
hydrique (WSI)
Exploitation
faible modérée forte intense
0 0,3 0,5 0,7 1 et plus Source : Smakhtin, Revenga et Döll, 2004.

l’irrigation ou par faute d’étanchéité des sement de la croissance démographique jamais autant parlé de l’eau, les pays
réseaux de distribution d’eau potable. atténuerait aussi la pression exercée sur pauvres subissent une diminution de
En outre, plus la consommation les ressources en eau. Autant d’actions l’aide publique au développement dans
d’eau augmente, plus les rejets d’eaux qui demandent des investissements ce secteur. En l’espace de quelques
usées et d’effluents urbains sont impor- financiers, techniques et humains bien années, les grands pays donateurs n’ont
tants. Or, selon les évaluations de l’Or- supérieurs à ceux qui sont actuellement cessé de réduire leurs engagements.
ganisation mondiale de la santé, dans réalisés. Laisser les PVD s’empêtrer dans leurs
les PVD, 90 % des eaux résiduaires et problèmes de pollution avec leur forte
70 % des déchets industriels sont rejetés CLIVAGE PLANÉTAIRE croissance démographique et en raison
sans traitement préalable dans les eaux A l’orée du XXIe siècle, l’inégalité face de la multiplication des mégapoles, c’est
de surface, où ils polluent la réserve à l’accès à l’eau débouche sur un nou- risquer de voir à terme une majorité de
d’eau utilisable. veau clivage planétaire. Affectés, eux la population mondiale vivre dans des
Les solutions existent pour diminuer aussi, par le changement climatique, les cloaques.
la consommation en eau et limiter les pays industrialisés, loin de remettre en Un pays qui manque d’eau ne peut
pertes : rétablir les schémas naturels question leur modèle de développement, ni nourrir sa population ni se déve-
d’écoulement vers les bassins fluviaux, optent pour une fuite en avant qui se lopper. L’accès à l’eau pourrait ainsi
généraliser l’usage des techniques d’irri- traduit par le recours à des technologies devenir l’une des premières causes
gation plus performantes, améliorer les de plus en plus sophistiquées : dessale- de tensions internationales. Si rien ne
structures de production et de distribu- ment de l’eau de mer, réutilisation des change, le nombre des réfugiés environ-
tion d’eau potable, lutter contre la pol- eaux usées pour des usages agricoles, nementaux pourrait être multiplié par
lution en assainissant les eaux usées, les loisirs, voire pour l’alimentation cinq d’ici à 2050. Les pays développés
instituer des politiques de tarification à domestique. ne pourront plus longtemps éluder une
la fois efficaces et soutenables par les Alors que s’opère un tel mode de véritable vision renouvelée de la ques-
populations concernées... Un ralentis- gestion de la ressource, et que l’on n’a tion de l’eau. ●

Inondations ici, assèchement là... Sur la Toile


g Portail eau de l’Unesco :
www.unesco.org/water/index_fr.shtml

g PNUD. Rapport sur le


développement humain 2006.
Pouvoir, pauvreté et crise globale
de l’eau : http://hdr.org/hdr2006/
pdfs/report/HDR06-complete.pdf
g International Rivers Network :
Plus de 20 % www.irn.org/basics/ard

De 0 à 20 % g PNUE. Annuaire 2008. Tour


d’horizon d’un environnement
De 0 à – 20 % en pleine mutation : www.unep.
– 20 % et moins Différence d’écoulement à la surface des sols org/geo/yearbook/yb2008/report/
entre 1961-1990 (moyenne) et 2050, selon le scénario moyen UNEP_YearBook2008_Full_FR.pdf
Source : Arnell, 2004. du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 27

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 27 5/02/09 18:12:42


De nouveaux rapports de forces internationaux

Financiarisation rime avec


La mondialisation des échanges, a mondialisation des échanges des capitaux. Elle concerne aussi bien
mais plus encore celle se traduit par une croissance du les investissements productifs (inves-
commerce international plus tissements directs à l’étranger, IDE) que
des capitaux, conduit à rapide que celle du produit inté- les placements financiers. En 2006, les
l’intégration de l’économie rieur brut (PIB) mondial. Entre 1983 et flux d’IDE se sont montés à 1 216 mil-
planétaire et s’accompagne 2006, le commerce en volume a pro- liards de dollars, soit environ 3 % du
gressé de 4,9 % par an, contre 2,7 % pour PIB mondial. Si leur grande majorité
d’une financiarisation croissante le PIB mondial. Sur cette même période, (84 %) provient des pays développés, la
qui en accentue les fragilités, la part des exportations chinoises est part des pays en voie de développement
comme le montre l’actuelle crise. passée de 1,2 % à 7,5 % des exporta- croît régulièrement (de 10 % entre 1995
tions mondiales. Cette intensification et 2000 à 14 % en 2006), ce qui traduit
des échanges commerciaux s’accom- une inversion des flux nets (du Sud vers
pagne d’une internationalisation accrue le Nord) et une intégration régionale
accrue, notamment en Asie.
Les flux d’IDE restent majoritaire-
Quels sont les pays les plus attractifs pour les investisseurs ? ment orientés vers les pays développés.
En 2006, les investissements croisés
Nord-Nord représentent environ 55 %
1980 du total. L’Union européenne semble
beaucoup plus intégrée dans le mar-
ché mondial que les Etats-Unis. Sur la
période 2000-2006, les entrées d’IDE y
représentent en moyenne 22 % de l’in-
vestissement privé intérieur, contre 8 %
aux Etats-Unis. Les deux puissances
sont exportatrices nettes de capitaux,
mais ces flux sortants représentent une
faible proportion de l’investissement
privé – respectivement 3 % et 1 %.

EFFET BOOMERANG
Phénomène plus récent, la croissance
rapide des flux d’investissements en
direction des pays émergents s’explique
grâce à une étude du cabinet Ernst &
2007 Young. En 2007, 221 entreprises des pays
Suède
Royaume- Pays- Russie émergents – dont 117 implantées dans les
Uni Bas
Canada Allemagne pays du « BRIC » (Brésil, Russie, Inde,
Belgique
Irlande Chine) – figurent parmi les 1 000 premiè-
France Suisse res entreprises mondiales et représen-
Etats-Unis Espagne Italie Chine
tent 19 % de leur capitalisation boursière
Hongkong cumulée, contre 5 % en 2000. Le chiffre
d’affaires des entreprises des pays émer-
gents augmente plus vite, leur marge
Brésil Singapour opérationnelle moyenne est supérieure
(25 %, contre 14 % en Occident) et leur
Australie
cours en Bourse a progressé deux fois
plus vite entre 2001 et 2007. On assiste
Stocks d’IDE entrants ici à l’effet boomerang de la mondialisa-
Milliards de dollars
2 000
tion, qui remet en question la suprématie
1 000
des multinationales du Nord.
300
Une partie réduite des mouvements
100 d’investissements internationaux prend
Source : Conférence des Nations unies sur le commerce 1 et moins
et le développement, 2008. la forme de délocalisations au sens strict
(déplacement d’une production déjà

28 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 28 5/02/09 18:12:48


mondialisation
Déficits et excédents commerciaux les plus spectaculaires Emploi et restructurations
en Europe
Balance des échanges de biens en milliards de dollars
Milliers d’emplois perdus d’ici à 2010 1
Déficit Excédent
0
– 900 – 800 – 700 – 600 – 500 – 400 – 300 – 200 – 100 0 100 200
Par type de
Etats-Unis restructuration

Royaume-Uni
Union européenne
Source : Commodity Trade Statistics Database (UN Comtrade), Espagne
division statistiques des Nations unies, 2008 (données pour 2006). 72 % Restructurations
internes :
Turquie une entreprise réorganise
500 sa propre activité
France indépendamment d’un
autre type de restructuration.
Inde
existante) : selon l’European Restruc-
turing Monitor, ces dernières expliquent Grèce
moins de 6 % des suppressions de pos- Brésil 1. Du fait des restructurations
annoncées entre janvier 2002
tes engendrées par les restructurations. Norvège et janvier 2009 (un chiffre en
constante augmentation pour
Pour l’Insee, le nombre de personnes cause de crise financière).
Japon
concernées par ces pertes d’emplois 2. L’entreprise déplace une
serait compris entre 15 000 et 34 000 Arabie saoudite 1 000 partie de ses activités vers
un autre établissement mais
par an dans le cas français, alors que Russie à l’intérieur d’un même pays
l’économie française a créé environ (le même terme sert parfois
Chine à désigner le rapatriement
200 000 emplois marchands par an d’unités de production
durant la dernière décennie. Allemagne préalablement délocalisées).

Des études plus détaillées font 3. Une partie de l’activité est


confiée à une entreprise
cependant apparaître une extension aux sous-traitante à l’intérieur
secteurs de la haute technologie et des de financiarisation. La finance remplit du même pays.
1 500
services, qui ne concerne d’ailleurs pas en effet une double fonction : recycler
seulement les pays à bas salaires. On le profit non investi et assurer l’équili-
évalue difficilement les effets globaux bre des balances des paiements. Mais Sources : European
de la mondialisation sur l’emploi, car c’est aussi la source d’une instabilité Restructuring Monitor ;
Michel Husson, 2008.
ils se manifestent surtout indirectement, chronique : elle conduit aux secousses
à travers la « non-localisation », qui financières successives, qui ont ébranlé
consiste à réaliser les nouveaux inves- une série de pays depuis quinze ans et
tissements à l’étranger. viennent de déboucher sur une crise
2 000
La mondialisation se traduit par généralisée des secteurs bancaire, ali-
une mise en concurrence des salariés mentaire, énergétique et social. ●
à l’échelle mondiale, qui contribue
– comme viennent de le montrer le Fonds
monétaire international et la Commission Sur la Toile
européenne – à une baisse quasi univer- 15 % Faillites
g Rapport de l’European Restructuring et fermetures :
selle de la part du PIB consacrée à la Monitor : www.eurofound.europa.eu une unité de production est
supprimée, ou l’entreprise fait faillite,
rémunération des salariés. Elle apparaît
g ONG Focus on the Global South : 2 500 indépendamment de
d’autant plus déséquilibrée que les flux www.focusweb.org
mouvements de délocalisations.

nets de capitaux (investissements et pla-


cements) se sont inversés, comme on l’a g Banque centrale des Etats-Unis :
www.federalreserve.gov Délocalisations :
vu, et que ce sont les pays émergents qui 5% une partie de l’activité de l’entreprise
financent l’essentiel du déficit commer- g International Financial Services est déplacée vers un autre pays.
London : www.ifsl.org.uk
cial des Etats-Unis. 4%
Fusions-acquisitions :
deux entreprises fusionnent ou une
Ces deux facteurs – captation de la g Conférence des Nations unies sur entreprise est absorbée par une autre.
richesse produite par les revenus finan- le commerce et le développement : Relocalisations internes 2
http://tinyurl.com/cnuced 3 000 Sous-traitance 3
ciers et déséquilibres extérieurs structu- Autres
rels – sont le fondement du phénomène

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 29

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 29 9/02/09 11:55:34


De nouveaux rapports de forces internationaux

Mythes et réalité des fonds


Quoique les fonds souverains epuis 2007, les fonds souverains trialisés a initialement suscité certaines
aient volé la vedette aux – majoritairement publics, et à craintes du côté des Etats occidentaux :
base nationale – font la « une » des gouvernements des pays émergents
investisseurs institutionnels des chroniques financières, car n’allaient-ils pas prendre le contrôle de
privés, ils pèsent beaucoup ils ont apporté plus de 90 milliards de piliers stratégiques de l’activité écono-
moins que ces derniers. Si leur dollars en un an au capital de grands mique ? L’Allemagne a ainsi adopté un
organismes financiers privés (Merrill certain nombre de restrictions concer-
action suscite tant d’intérêt, Lynch, Citigroup, Morgan Stanley, nant ces fonds.
c’est qu’ils appartiennent Blackstone, KKR, UBS), très affaiblis De manière pragmatique, patrons et
à des pays émergents par leurs investissements hasardeux sur chefs d’Etat occidentaux se sont félicités
le marché des crédits hypothécaires de cette aide, et les grandes sociétés pri-
ou exportateurs de pétrole. (subprime) aux Etats-Unis. Cette entrée vées plongées dans la crise des subprime
des fonds souverains dans le capital de ont même démarché les fonds souve-
grands groupes des pays les plus indus- rains pour recevoir leur secours. Pour

Une nouvelle stratégie économique alimentée par la rente

Norvège
Russie

Irlande Kazakhstan
Fonds issus des revenus...
France ... du pétrole ou du gaz
Corée ... de minerais, de produits
Azerbaïdjan du Sud manufacturés ou de réserves
Iran Chine Japon de devises étrangères
Algérie Libye Koweït Milliards de dollars
Emirats Taïwan 1 000
arabes
Arabie unis Inde
Mauritanie saoudite 500
Thaïlande Hongkong
Nigeria Vietnam 100
Oman
Bahreïn Qatar Malaisie
Brunei Pays où la création d’un fonds
souverain est prévue ou en débat
Singapour

Angola Kiribati
Timor-Leste

Botswana Australie

Nouvelle-Zélande

Milliards de dollars
Dépenses publiques d’éducation en 2005
Capital des fonds souverains en 2008
Dépenses de santé en 2005
Revenu national brut en 2007 S
fo
Capitalisation boursière fin 2007 La
m
2
0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000 d

30 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 30 5/02/09 18:28:14


souverains
devenir actionnaires des grandes socié- de la part de Temasek, Merrill Lynch
tés financières, certains fonds souverains s’est engagé à lui verser 2,5 milliards Fourmis au Sud,
ont consenti des efforts importants. Par de dollars en dédommagement pour la cigales au Nord
exemple, le fonds singapourien Temasek perte de valeur de ses actions.
a vu partir en fumée plus de la moitié Les premiers fonds souverains ont Réserves de change des banques centrales
de la somme fournie à Merrill Lynch en été créés, dans la seconde moitié du Nombre de mois d’importations
décembre 2007, après une chute de la XXe siècle, par des gouvernements qui 8
Pays en voie de développement 1
valeur de l’action de 55 % en sept mois. souhaitaient mettre de côté une partie 7
1. A l’exclusion des pays pétroliers ;
Echaudé par cette expérience, il a refusé de leurs recettes d’exportation (hydro- les réserves en devises accumulées
6
de soutenir la société Bear Stearns, qui carbures, produits manufacturés). Les couvrent en 2004 huit mois
de leurs importations.
a finalement été rachetée par la banque plus importants proviennent de pays 5
JP Morgan avec l’aide de la Réserve exportateurs de pétrole (pays du Golfe,
4
fédérale américaine. Fin juillet 2008, Norvège) et de Singapour. Depuis peu,
pour obtenir un nouvel apport en capital la Chine les talonne. D’autres entrent 3
discrètement en scène : la Russie, la
2
Libye, le Venezuela. L’Algérie, l’Arabie Pays industrialisés
saoudite, le Brésil et la France sont en 1
train de le faire. Au total, ces nouveaux 0
fonds souverains disposent de près de 1950 1960 1970 1980 1990 2000 04
3 000 milliards de dollars. Source : Dani Rodrik, « How to save globalization
from its cheerleaders », université Harvard, 2006.
Néanmoins, ce montant reste bien
inférieur aux sommes détenues par les
« zinzins », les investisseurs institution- dettes liées au crédit hypothécaire afin de
Canada nels privés (fonds de pension, fonds spéculer activement dans les domaines
communs de placement, assurances et de l’agriculture et du pétrole. Leur part
banques d’affaires), qui détiennent, eux, de responsabilité dans la crise alimen-
près de 70 000 milliards de dollars. Trois taire qui a éclaté en 2008 est avérée.
Etats-Unis décennies de politiques néolibérales Après le boom pétrolier de 1973, les
ont largement renforcé ces « zinzins », gouvernements des pays exportateurs
entrés dans les conseils d’administration avaient recyclé leurs pétrodollars en les
de la plupart des grandes entreprises de plaçant dans les banques privées du Nord
l’industrie et des services. Ils représen- avant de s’endetter auprès d’elles. Actuel-
tent 80 % des opérations sur les marchés lement, la politique des gouvernements
Trinité- financiers. Ils ont eu un rôle central dans dont les fonds souverains entrent dans le
et-Tobago l’échafaudage de dettes privées inté- capital des grandes entreprises semble
Venezuela
grées dans d’opaques portefeuilles de plus solide, mais elle ne rompt pas avec la
at titres, qui s’est effondré aux Etats-Unis logique capitaliste. L’argent public dont
en 2007 quand la bulle immobilière a disposent ces fonds pourrait être investi
Brésil éclaté. au Sud pour soutenir une politique de
Certains ont vu leurs actifs baisser développement endogène, socialement
fortement au cours de la crise, d’autres juste et respectueuse de l’environnement,
ont sombré. Alors qu’ils ne cessent de une politique de gratuité dans la santé et
Chili dénigrer le rôle de l’Etat, ils ont fait l’éducation, appuyant également l’éco-
appel aux pouvoirs publics des pays du nomie solidaire. Ce projet de remplace-
Nord et aux fonds souverains du Sud ment reste pour l’instant... un projet. ●
pour éponger leurs pertes. Socialiser les
pertes pour maintenir les profits privés,
telle est leur devise.
Sur la Toile
Par ailleurs, il ne faut pas oublier les g Sovereign Wealth Fund Institute :
hedge funds et les private equity funds, www.swfinstitute.org
fonds spéculatifs qui détiennent ensemble g « Financial Times » : www.ft.com/swf
Sources : Sovereign Wealth Fund Institute, janvier 2009 ;
fonds-souverains.over-blog.com, janvier 2009 ; Akram Belkaïd, environ 1 500 milliards de dollars, soit la
fin 2007 La Tribune, 19 février 2008 ; Eric Toussaint, 2008 ; Organisation g Blog consacré aux fonds souverains
mondiale de la santé, 2008 ; World Federation of Exchanges, moitié des avoirs des fonds souverains. dans le monde :
2008 ; World Development Indicators ; base de données en ligne
de la Banque mondiale.
Les « zinzins » et les hedge funds http://fonds-souverains.over-blog.com/
se retirent depuis 2007 du marché des

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 31

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 31 5/02/09 18:28:20


De nouveaux rapports de forces internationaux

Extinction ou replâtrage du
Ne pouvant nier leurs n 2007, la démission forcée du D’autres développements attestent
président de la Banque mon- l’affaiblissement de ces créanciers tra-
échecs, la Banque mondiale
diale Paul Wolfowitz et le départ ditionnels :
et le Fonds monétaire précipité du directeur général – en Asie de l’Est, les principales éco-
international prétendent avoir du Fonds monétaire international (FMI) nomies ont signé les accords de Chiang
Rodrigo de Rato ont accéléré la perte Mai, permettant une collaboration entre
abandonné le « consensus
de crédit de ces deux organismes. Leurs banques centrales pour affronter ensem-
de Washington ». Fragilisées recettes consignées dans le « consensus ble une éventuelle crise. C’est ce type
par l’émergence de nouveaux de Washington » (privatisations, déré- d’accord que Washington avait réussi
glementations, abandon des protec- à empêcher au milieu de la crise de
acteurs et d’initiatives
tions douanières, réduction des budgets 1997-1998 ;
novatrices en Asie de l’Est sociaux...) sont partout critiquées. – les fonds souverains constituent une
et en Amérique latine, Depuis 2004, l’augmentation nouvelle source publique d’apport de
importante du prix des produits de base capital à des entreprises privées du Sud
ces institutions dominées
a provoqué un net accroissement des et concurrencent la Société financière
par les pays du G7 voudraient réserves de change des pays en voie de internationale, l’agence de la Banque
profiter de la crise pour développement (PVD). Ces dernières mondiale spécialisée dans ce secteur ;
atteignaient en 2008 trois fois celles – en Amérique latine, plusieurs initia-
revenir sur le devant
du Japon, de l’Europe occidentale et tives régionales gênent les grandes puis-
de la scène. de l’Amérique du Nord réunis. Nombre sances. Avec Petrocaribe, le Venezuela
de pays du Sud les ont utilisées pour vend son pétrole à une quinzaine de
rembourser de manière anticipée la pays de la région à un prix inférieur à
Banque mondiale, le FMI et le Club de celui du marché mondial et améliore
Paris, réduisant ainsi leur dépendance. leurs capacités de raffinage. L’Alterna-
Les prêts du FMI, qui s’élevaient encore tive bolivarienne pour les Amériques
à 107 milliards de dollars en 2003, sont (ALBA), accord signé conjointement par
tombés à 16 milliards en 2007. Les fonds le Venezuela, Cuba, la Bolivie et le Nica-
prêtés par la Chine constituent une solu- ragua, fonctionne en partie sous forme
tion moins coûteuse et dépourvue des de troc : par exemple, 20 000 médecins
conditionnalités imposées par les insti- cubains fournissent des services de santé
tutions de Bretton Woods. gratuits à la population vénézuélienne,

Qui détient les bons du Trésor des Etats-Unis ?


Milliards
de dollars,
en 2008
700
Chine

Japon Royaume-Uni 600


Pays-Bas
Belgique 500
Luxembourg
Suisse
400
Suède
Russie Norvège
300
Canada Irlande Allemagne
Corée Bermudes Pologne
du Sud 200
Iles Vierges France Italie
Hongkong britanniques Espagne Turquie
Inde Taïwan Autres paradis Egypte 100
Mexique
Thaïlande Philippines fiscaux caraïbes Pays du Golfe
et Proche-Orient
Singapour Brésil 0
Malaisie
Indonésie

Reste Chili
du monde

Source : United States Treasury Department Office of Public Affairs.

32 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 32 5/02/09 18:13:53


consensus de Washington
Dettes et financements alternatifs
Milliards de dollars
Part Dépôts des riches des pays
privée Dette
Part extérieure en voie de développement
PECO 1 et Turquie publique totale dans les banques du Nord
Asie centrale
1. Pays d’Europe centrale et orientale.
Voir aussi carte p. 182.

ALBA, Banque du Sud, 980 Asie de l’Est


décembre décembre 2007.
2004. Accord Banque internationale 660
de coopération de prêt et d’entraide Afrique
économique, sociale alternative aux Amérique 460
latine du Nord et
et scientifique institutions traditionnelles Proche-Orient
fonctionnant en telles que la Banque 290
partie sous forme mondiale ou le FMI. 450
de troc. 260
400 40 360
Accords de Petrocaribe, juin 2005. Asie
Chiang Mai, Alliance entre le 110
Afrique du Sud
février 2003. Permet Venezuela et les Caraïbes 490 80
une collaboration permettant l’achat de 60 190
230
financière entre les pétrole à des prix 400 130 160
banques centrales en inférieurs au marché
cas de crise monétaire mondial.
ou financière. Voir carte p. 30.
Sources : Fonds monétaire international, Banque mondiale, bureaux statistiques nationaux ; Eric Toussaint et Damien Millet, 60 questions 60 réponses sur la dette, le FMI
et la Banque mondiale, Syllepse (Paris), 2008 (calcul des auteurs d'après les chiffres de la Banque mondiale et de la Banque des réglements internationaux).

et 50 000 opérations de la vue ont été de recourir à de nouveaux emprunts. Et,


pratiquées à Cuba sans frais pour les même si certains pays du Sud ont réduit Que prête le FMI ?
patients vénézuéliens en échange de leur dette extérieure publique, leur dette
Milliards de dollars
pétrole. En 2007, sept Etats d’Amérique interne a fortement augmenté, ce qui les 120
latine (Argentine, Bolivie, Brésil, Equa- oblige à consacrer entre 20 % et 30 % 100
teur, Paraguay, Uruguay et Venezuela) de leur budget au remboursement de 80
ont créé la Banque du Sud, même si des celle-ci. 60
divergences entre gouvernements ont Si un nombre suffisant de gouverne- 40
ralenti son entrée en activité. ments ne mettent pas en place une nou- 20
D’autres signes similaires sont la velle architecture internationale basée 0
1998 2000 2002 2004 2006 2008
reprise de contrôle par le Venezuela, la sur le pacte international sur les droits
Bolivie et l’Equateur sur certaines de économiques, sociaux et culturels de Dette record au Nord
leurs ressources naturelles, la sortie de 1966 et sur la déclaration des Nations
la Bolivie du Centre international de unies sur le droit au développement Milliards de dollars
règlement des différends (Cirdi, tribunal (1986), la Banque mondiale et le FMI 50 000
Dette totale, publique
de la Banque mondiale en matière d’in- seront en mesure de surmonter leur crise et privée, des Etats-Unis
(Etat, ménages, entreprises)
vestissements) et le début de discussions en mettant à profit une rechute possible 40 000
pour la création d’un Cirdi du Sud, sans des prix des produits de base combinée à
Dette publique
oublier l’expulsion par l’Equateur du une augmentation des taux d’intérêt. ● de la Triade
Pertes de
capitalisation
représentant permanent de la Banque 30 000 boursière
Dette publique en 2008
mondiale et la réalisation d’un audit
Sur la Toile
des Etats-Unis
Dette publique
intégral de sa dette publique. 20 000 de tous les pays
en voie de
Bien qu’encourageantes, ces initia- g Bretton Woods Project : développement,
tives ne changent cependant pas les www.brettonwoodsproject.org qui a pris fin
en 2007
10 000
règles du jeu. Les accords signés par la Dette
g Centre tricontinental (Cetri) : publique de
Chine font la part belle aux intérêts de www.cetri.be l’Allemagne
Pékin dans l’exploitation des ressources 0
naturelles. Les banques centrales des g Nueva Televisora del Sur
Sources : Washington Post, 24 mai 2008 ; Fonds
(Telesur) : www.telesurtv.net monétaire international ; Banque mondiale ; Ré-
PVD poursuivent l’achat massif de bons serve fédérale des Etats-Unis et Banque de
du Trésor des Etats-Unis. Elles feraient g Comité pour l’annulation France. Cité par Eric Toussaint et Damien Millet,
de la dette du tiers-monde : 60 questions 60 réponses sur la dette, le FMI
mieux d’utiliser leurs réserves de change www.cadtm.org et la Banque mondiale, CADTM (Liège) et Syl-
lepse (Paris), 2008.
pour financer leurs besoins et ainsi éviter

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 33

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 33 5/02/09 18:14:07


De nouveaux rapports de forces internationaux

Quand l’euro disputera sa


a nouvelle devise adoptée en La levée de la convertibilité leurs politiques de change, et certains
1999 par 11 des 15 Etats de du dollar en or, en 1971, puis choix pourraient avoir un impact décisif
l’Union européenne – aujour- sur l’évolution des monnaies. La Rus-
d’hui par 15 des 27 pays mem- la suppression des parités fixes sie a déjà annoncé une réallocation de
bres – se présentait comme un concurrent entre le dollar et les autres ses réserves de change vers l’euro, au
de taille pour le billet vert. D’une part, la monnaies, en 1973, mirent détriment du dollar ; des pays du golfe
valeur de l’euro devait, en théorie, refléter Arabo-Persique (principalement l’Ara-
les « fondamentaux » d’un bloc économi- fin au système monétaire bie saoudite), qui avaient arrimé leur
que comparable au géant américain. Les international établi à Bretton monnaie au dollar, disent envisager, à
dirigeants européens semblaient acquis Woods, en 1944. L’avènement l’instar du Koweït, de la baser sur diffé-
au principe de l’euro fort, qui, selon la rents paniers de devises. De nombreux
célèbre formule de Wim Duisenberg, de l’euro, en 1999, ouvre Etats ont décidé de consacrer une part
premier président de la Banque centrale la voie à une refonte de tous importante de leurs réserves de change à
européenne (BCE), « est un atout pour les mécanismes. la création de fonds souverains.
une Europe forte ». D’autre part, les ins-
titutions monétaires européennes, créées NOUVEAUX ALIGNEMENTS MONÉTAIRES
en pleine vague néolibérale, avaient tout Les conséquences de ces décisions appa-
pour séduire les marchés. La BCE, qui raissent déjà. Entre 2003 et 2007, la part
avait pour principal objectif de combat- à elle seule coûter quelque 3 000 mil- des euros détenus par les banques centra-
tre l’inflation, était plus indépendante liards de dollars. Il faut y ajouter, moins les passait de 18 % à 26 %, au détriment
encore des gouvernements du Vieux quantifiable, la perte de prestige et de du dollar, dont la part reculait de 73 % à
Continent que la Réserve fédérale vis- crédit de l’Amérique de George W. Bush 66 %. Dans les dix à quinze ans à venir,
à-vis du gouvernement américain. sur la scène internationale ; le dollar pourrait avoir perdu sa place de
Contredisant tant les proclamations – les inquiétudes liées à l’accumu- principale monnaie de réserve au profit
des responsables politiques que les pré- lation d’excédents commerciaux de la de l’euro, tout comme autrefois le dollar
dictions des experts, la valeur de la mon- Chine à l’égard des Etats-Unis, un trésor avait supplanté la livre sterling.
naie unique européenne connut, au cours de guerre de 1 800 milliards de dollars Les nouveaux alignements monétai-
de ses premières années d’existence, une que certains dirigeants chinois qualifient res créent de nouvelles possibilités et
forte détérioration face à un dollar en d’« arme nucléaire financière » : si les engendrent d’autres problèmes auxquels
plein essor. Mais, à partir de 2002, l’euro tensions entre les deux pays s’aggra- répondent de manière souvent impré-
enregistra une lente remontée, qui s’ac- vaient, la Chine pourrait décider d’inon- vue les opérateurs financiers et les spé-
céléra dès 2004 avec un pic à 1,60 dollar, der le marché de billets verts ; culateurs. Du point de vue de l’Union
le 22 avril 2008. – la volatibilité des coûts de l’énergie européenne, un euro trop fort peut avoir
Quatre facteurs expliquent la baisse et des matières premières, qui affaiblit des conséquences désastreuses sur les
persistante du billet vert : l’économie américaine et produit une exportations et aggraver les tendances
– le coût des engagements mili taires hausse des prix des contrats en dollars ;
Mettre à jour l'article avec le nouveau MAX du 15 juillet 2008 (s'il n'a pas été detrôné)
récessives de l’économie. Par ailleurs,
des Etats-Unis après
Courbe à mettre à jour en janvier 2009
les attentats du – la crise bancaire dite « des sub- le dollar n’a peut-être pas dit son der-
11-Septembre.
depuis ce site : La guerre d’Irak pourrait prime » (crédits hypothécaires à haut nier mot. M. Bush avait toujours affirmé
http://www.ecb.int/stats/exchange/eurofxref/html/eurofxref-graph-usd.en.html
risque) et ses multiples rebondisse- poursuivre une politique de « dollar
ments, qui débouche sur une récession fort ». Barack Obama a annoncé des
Taux de change euro/dollar économique aux Etats-Unis et aggrave initiatives dans ce sens, qui, sans être
Valeur de l’euro 15 juillet 2008 :
la défiance envers le dollar. bien accueillies par les marchés, pour-
en dollar 1 euro = 1,60 dollar En dépit des discours officiels sur la raient du moins bénéficier d’un état de
1,6
politique de « dollar fort », certains diri- grâce plus favorable au dollar. ●
Crise des subprime
1,5 geants n’étaient sans doute pas mécon-
Lancement de l’euro
tents de voir le dollar s’effondrer, une
1,4 1 euro = 1,17 dollar
1,3 monnaie faible étant un atout tant pour Sur la Toile
Mise en
1,2
circulation les exportations que pour le rembourse- g Banque de France :
des pièces
et billets ment d’une dette considérable. www.banque-france.fr
1,1
11-Sept. Le billet vert a également décroché
1,0
face à des devises comme le yen, la g Site de l’économiste Brad DeLong :
26 octobre 2000 : http://delong.typepad.com
0,9
1 euro = 0,83 dollar livre sterling, le franc suisse ou le dol-
0,8 lar canadien. Les interventions concer- g Groupe d’analyse RGE Monitor :
1999 2001 2003 2005 2007 2009 www.rgemonitor.com
tées des banques centrales n’ayant pas
Source : Banque centrale européenne, 2009.
enrayé cette chute, celles-ci revoient

34 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 34 9/02/09 11:12:59


suprématie au dollar
Pologne Réserves
L’Asie, premier créancier Norvège
Danemark de devises étrangères
Allemagne République tchèque Milliards de dollars
Pays-Bas Suède 1 800
Belgique Japon
Canada Russie 1 000
Roumanie Chine
Royaume-Uni Ukraine
Corée 500
Espagne du Sud
Etats-Unis Italie Turquie
150
Maroc Suisse Jordanie Hongkong Taïwan 30
Slovaquie Israël Inde
Croatie Philippines
Bulgarie
Colombie Thaïlande Malaisie
Brésil Singapour
Pérou Indonésie
Afrique
du Sud Australie
Uruguay Réserves par types de devise
Argentine Base 100 en 1999
Nouvelle-
Chili 600
Autres monnaies Zélande
500 Composition des réserves de change
des 64 pays déclarant la composition de leurs réserves au FMI.
400 Si les réserves en dollars restent majoritaires, l’évolution depuis
300 1999 montre que d’autres monnaies lui font désormais concurrence
Dollars Euros (notamment l’euro).
200
100 Sources : Fonds monétaire international, base de données sur les réserves de change
et base de données Currency Composition of Official Foreign Exchange Reserves,
1999 2000 2002 2004 2006 2008 2008 ; Banque centrale de Chine, 2008 ; Banque centrale de Taïwan, 2008.

Zones d’influence monétaire

Yen
Japon
Dollar
américain

Rouble Dollar
Russie hongkongais

Euro Yuan
Chine

Roupie
Inde

Franc CFA Monnaie d’envergure internationale


Real
Brésil Dollar américain, monnaie officielle
Monnaie officielle arrimée au dollar
Dollar utilisé en complément de la monnaie locale 1
Zone euro
Futur membre de la zone euro
Pays hors zone euro où les échanges
s’effectuent en euros
Principaux groupes Monnaie officielle arrimée à l’euro
d’intérêts économiques convergents en dehors des zones Euro utilisé en complément de la monnaie locale
d’influence du dollar ou de l’euro (ambition d’une Rand
Afrique du Sud Monnaie commune (l’ECO) prévue fin 2009
monnaie commune)
Mercosur : Marché commun du Sud Pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine),
Cedeao : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest à forte croissance économique
Comesa : Marché commun d’Afrique orientale et australe 1. Données non exhaustives.
Anase : Association des nations de l’Asie du Sud-Est Source : Banque centrale européenne, 2008.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 35

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 35 5/02/09 18:14:22


De nouveaux rapports de forces internationaux

Salaires et profits américains


Décomposition de la valeur ajoutée nette
des sociétés non financières
L’Internationale Salaires et profits français
Décomposition de la valeur ajoutée nette
des sociétés non financières
Années Années Années Années
1970 1 2000 2 1970 1 2000 2
100 % 100 %
Voir les sources Apparu au début ans les premières décennies de
Voir la légende
sur la page
des années 1980, l’après-guerre, le traumatisme
et les notes
90 de droite 90 sur le graphique
page dede la crise de 1929 et de la
gauche
le néolibéralisme se présente guerre, la montée en puissance
80 comme un nouvel ordre 80 social, de l’URSS et d’importantes luttes socia-
Salaires Rémunération qui aboutit à la maximisation 64 % 63 %
les ont créé les conditions de compromis
Salaires
70
64 % 57 % de 90 %
70
plus favorables aux classes populaires
des salariés des revenus des classes dans les principaux pays capitalistes. Il
les plus favorisées, en a résulté une augmentation des pou-
60 60 voirs d’achat et de la protection sociale,
« contenus » depuis
des avancées en matière d’enseigne-
50
la seconde guerre mondiale.
50 ment, etc. On peut parler de « progrès
Revenus
salariaux Il s’est traduit, aux Etats-Unis, social » en dépit des dégâts causés à la
incluant des
par une concentration planète par le productivisme et de l’in-
40 accrue
« profits »
40
cidence des dernières guerres coloniales
des revenus du capital (Algérie, Indochine…).
Rémunération
30 des 10 % et une augmentation 30 La crise structurelle des années 1970
30 % de salariés
23 % des plus hauts salaires. 24 % 22 %
et la défaite des luttes populaires ont
les mieux payés
20 20 ouvert la voie au néolibéralisme au
début des années 1980 : discipline
1% 3 % imposée aux travailleurs et aux ges-
10 2% Profit non distribué
5% 10
tionnaires – tournée vers la rentabilité
Profit Profit redistribué 11 % 12 % Profit
8% 11 % aux actionnaires et la « création de valeur » pour les
et créanciers
0 0 actionnaires (le « nouveau gouverne-
1. Moyennes calculées sur la période 1970-1979. ment
Sources : France : Institut national d’entreprise ») –, déréglemen-
de la statistique
et des études économiques, comptes nationaux, 2007 ;
2. Moyennes calculées sur la période 1998-2007
pour les Etats-Unis, 1997-2006 pour la France. tation,
Etats-Unis : US Bureau of Economic
Income and Product Account, 2008.
Analysis,ouverture
National commerciale (le
libre-échange) et libre mobilité des
capitaux (la mondialisation néolibé-
rale). Le compromis social-démocrate
de l’après-guerre a été plus marqué en
On ne donne qu’aux riches Europe, en France notamment, qu’aux
Part des revenus déclarés par le 1 % des ménages aux revenus les plus élevés Etats-Unis ; corrélativement, les carac-
Pourcentage du revenu total des ménages
25 25 tères du néolibéralisme sont plus accen-
Les données pour la France ont
été corrigées pour la sous- tués au Etats-Unis.
20 20 déclaration des revenus financiers
suivant la méthode proposée
par Thomas Piketty. UN RÉTABLISSEMENT SPECTACULAIRE
15 15
Ces transformations se manifestent dans
10 10
la répartition des revenus. La part du
5 5 profit dans la valeur ajoutée, avant ou
ÉTATS-UNIS FRANCE après impôts des sociétés non financiè-
0 0
1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 05 1950 1960 1970 1980 1990 2000 05 res françaises, connaît une tendance à la
Part des dividendes nets dans la valeur ajoutée
Pourcentage de la valeur ajoutée nette
hausse, interrompue par une forte baisse
Part salariale
des sociétés non financières françaises Pourcentage du PIB français de 9 points entre 1974 et 1982 – période
10 70
Dividendes nets = dividendes versés Part salariale = part allouée de crise structurelle et de baisse de la
pour rémunérer les actionnaires à la rémunération des salariés
8 moins les dividendes reçus (cotisations sociales rentabilité du capital –, suivie par une
comprises). remontée de plus de 12 points. Cette
65 Le reste constitue
6 le profit (qui finance part enregistre un gain de 2,7 points
l’investissement
et rémunère dans les années 1990, par rapport aux
4 les actionnaires).
60 années 1970, avant le néolibéralisme.
2 La comparaison, sur ces décennies
0 55
1970 et 1990, de la structure des revenus
1960 1970 1980 1990 2000 2006 1960 1970 1980 1990 2000 2006 issus des sociétés non financières aux
Sources : Thomas Piketty et Emmanuel Saez, « Income : Inequality in the United States, 1913-1998 », Quarterly Journal of Economics,
2003 (données mises à jour en 2008) ; Thomas Piketty, Les Hauts Revenus en France au XX e siècle. Inégalités et redistributions, Etats-Unis et en France est également
1901-1998, 2001 ; Camille Landais, « Les hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ? », 2007.
éclairante. Si l’on distingue quatre com-

36 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 36 6/02/09 15:49:54


des très riches Salaires et profits américains
Décomposition de la valeur ajoutée nette
des sociétés non financières
Salaires et profits français
Décomposition de la valeur ajoutée nette
des sociétés non financières
Années Années Années Années
1970 1 2000 2 1970 1 2000 2
100 % 100 %
Voir les sources Voir la légende
Baisse de la part des salaires sur la page et les notes
90 de droite 90 sur le graphique
Le total des salaires page de gauche
Japon Italie Etats-Unis correspond au total des
rémunérations perçues
80 par les salariés et les 80
travailleurs indépendants
Salaires Rémunération 64 % 63 %
60 % (sur la base du taux de Salaires
40 % 64 % 57 % de39
90%% 61 %
70 47 % 53 % des salariés rémunération des 70
salariés). Il est exprimé
en proportion du produit
– 18 % – 15 % –3% intérieur brut.
60 60

Pourcentage de la valeur ajoutée du secteur marchand 1 1. Le secteur marchand


inclut les entreprises non
Salaires Part de50
salaire perdue entre 1976 et 2006
Revenus financières et financières.
50
salariaux
incluant desindépendants et des sociétés
Amortissements, impôts, intérêts, loyers et profits des travailleurs
« profits »
40 40
Source : Organisation de coopération et de développement économiques, « Croissance et inégalités.
Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE », 2008.
Rémunération
30 des 10 % 30
30 % de salariés
posantes – salaires (et cotisations socia-
23 %
duelle de cescours entre la crise des 24 % 22 %
les mieux payés
les), à l’exception de ceux20des 10 % des années 1970 et l’année 1995, puis une 20
salariés les mieux payés, rémunérations explosion jusqu’en 2000. Entre le milieu
de ces 10 %, intérêts et dividendes ver- 2 % desProfit années 1970 et l’année 2000, les
non distribué 1% 3%
10 5 % –, 10
sés, profits conservés par les sociétés cours (corrigés des prix) ont été multi-
Profit Profit redistribué 11 % 12 % Profit
on observe aux Etats-Unis un accrois- 8 % 11 % pliés auxpar six. Depuis, les crises de 2001
actionnaires
et créanciers
sement des intérêts et dividendes,
0 qui et 2007 ont chahuté le profil. 0
passent de 7,5 % à 10,5 %.1.Sur la même
Moyennes Le 1970-1979.
calculées sur la période renforcement des hauts revenus Sources : France : Institut national de la statistique
et des études économiques, comptes nationaux, 2007 ;
2. Moyennes calculées sur la période 1998-2007
période, les sociétés retiennent
pourdeux fois 1997-2006
les Etats-Unis, apparaît pour laavec
France. une acuité particulière
Etats-Unis : US Bureau of Economic Analysis, National
Income and Product Account, 2008.
moins de profits en vue de l’investisse- dans les statistiques fiscales des Etats-
ment. Mais cette nouvelle répartition Unis. La part totale des revenus déclarés
apparaît aussi au niveau des inégalités par le 1 % des ménages aux revenus les Sur la Toile
salariales. Les 10 % des salariés les plus plus élevés chute de 17 % avant guerre g Observatoire des inégalités :
favorisés percevaient 23 % des salaires à 9 % en 1975, dans la dernière phase www.inegalites.fr
dans les années 1970, contre 30 % dans du compromis social-démocrate, baisse g Page personnelle des économistes
les années 1990. accentuée par la crise des années 1970. Gérard Duménil et Dominique Lévy :
L’envolée est spectaculaire pour les Le redressement néolibéral est fulgurant, www.jourdan.ens.fr/levy
plus hautes rémunérations, en particulier et cette part dépasse les 20 % au milieu g Page de Thomas Piketty à l’Ecole
celles des présidents-directeurs géné- des années 2000. On peut identifier une d’économie de Paris :
raux (PDG). En 2007, les 500 PDG les tendance analogue en France, quoique http://jourdan.ens.fr/piketty
mieux payés aux Etats-Unis recevaient plus limitée. ●
chacun, en moyenne, 16 millions de
dollars par an, dont plus de 7 millions
de stock-options réalisées. En France, Voracité des PDG américains
on constate une hausse plus modérée Rémunération moyenne d’un PDG américain
des profits (retenus et distribués) et une Millions de dollars (de 2007)
baisse simultanée de la part des salaires 16
Primes et avantages divers
pour les 10 % de salariés les mieux payés 14
Salaires
et pour les autres. Si la croissance du 12
Plus-value (stock-options)
pouvoir d’achat s’est ralentie en France 10
avec le néolibéralisme, aux Etats-Unis, 8
celle des 90 % du salariat les moins bien 6
lotis a stagné depuis 1970. 4
Une évolution majeure a été la mon- 2
tée des cours de la Bourse. Corrigés de 0
1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
l’indice des prix du produit intérieur
Sources : « Forbes annual executive compensation reports », 2008 ; US Bureau of Labor Statistics, 2008.
brut (PIB), on observe la hausse gra-

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 37

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 37 9/02/09 9:53:16


De nouveaux rapports de forces internationaux

Laborieuse reconversion de
Alliance militaire défensive epuis vingt ans, l’Organisation L’élargissement en Europe de l’Est,
du traité de l’Atlantique nord Les
fondée en 1949 sous l’égide source de tensions nat
(OTAN), en quête d’une raison en
de la puissance américaine, d’être, parle de « nouvelle stra- Pays membres et partenaires
l’Organisation du traité tégie ». Pour autant, aucun choix clair Pays membres de l’OTAN
n’a été fait sur la redéfinition de ses mis- Candidats à l’adhésion :
de l’Atlantique nord Reconnus Controversés
sions. Révisé dans l’urgence, à Rome
aurait pu disparaître en 1991, le « concept stratégique pour Pays du partenariat pour la paix
avec son adversaire, la défense de la zone de l’Atlantique Pays du dialogue méditerranéen
Beale
(Californie)
nord », datant de 1950, a été de nou- Initiative de coopération d’Istanbul
le pacte de Varsovie,
veau modifié en 1999, après un grand
après l’écroulement du mur flottement. Présence militaire des troupes de l’OTAN : Eta

de Berlin. Pourtant, aux Il réaffirme l’indivisibilité de la sécu- Déploiement actuel Opérations terminées
rité transatlantique, concède une place à Zones d’opération des flottes de l’OTAN
12 membres fondateurs
l’identité européenne de sécurité et de Principales bases de l’OTAN en Europe
se sont ajoutés 14 pays, (existantes, en projet)
défense (IESD) et étend les missions de
et l’influence des Etats-Unis l’OTAN au désarmement et à la non- Bombes nucléaires américaines en Europe 1
prolifération, induisant une possibilité Bases dédiées au bouclier antimissile
sur l’Alliance n’a jamais américain (existantes, en projet)
d’action loin du territoire européen. En
été aussi prégnante. Contre-projet russe (bases existantes, en projet)
creux, c’est surtout l’élargissement sans
frein et la fonction de relais de la poli- Etats ayant été considérés, depuis le début
des années 1990, comme menaçants ou hostiles
tique étrangère américaine qui tiennent pendant des périodes plus ou moins longues
lieu de feuille de route, même si une
troisième mise à jour du concept straté- 12 pays signent le traité de l’Atlantique nord :
les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Belgique,
gique s’annonce en 2009. le Danemark, la France, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg,
la Norvège, les Pays-Bas et le Portugal.
PRURIT INTERVENTIONNISTE
1949 1952 1955 L’ÉLARGISSEMENT
L’élargissement lui-même a été fulgurant.
En 1994, le lancement du partenariat pour 12 14 Allemagne de l’Ouest 15
la paix, structure souple d’arrimage des
Grèce et Turquie
pays les plus divers, étend l’ombre portée Sources : Organisation du traité de l’Atlantique nord, 2008 ;
de l’OTAN. En 1995, les futurs adhérents « L’OTAN après la guerre froide », La Documentation
française, 2008 ; Sipri Yearbook 2008. Armaments,
se voient définir des objectifs à attein- Disarmament and International Security, Stockholm
dre : démocratie effective, économie de International Peace Research Institute, 2008.

marché, protection des minorités, règle-


Budget de l’OTAN en 2007 ment des conflits avec les Etats voisins plans d’action individuels pour le par-
et contribution aux moyens militaires de tenariat concernent la Géorgie, l’Azer-
Millions d’euros
90 % l’Alliance. Ces préliminaires permettent baïdjan, l’Arménie, le Kazakhstan et
1 900 de ce budget
est consacré
l’adhésion des Etats d’Europe de l’Est, la Moldavie. Le 4 avril 2008, enfin, le
1 700 aux dépenses à la recherche d’une garantie de sécu- sommet de Bucarest accorde le statut
militaires
rité que seul Washington incarne à leurs de candidat à la Croatie et à l’Albanie
1 500 Autres pays yeux. La République tchèque, la Hongrie – mais pas à la Macédoine, en raison du
1 300 8% France
et la Pologne adhèrent le 12 mars 1999, veto grec sur son nom. Autre revers :
8% Italie
suivies, en mars 2004, de l’Estonie, de la les réticences d’une Russie redevenue
1 100
Lettonie, de la Lituanie, de la Roumanie, puissante, soutenue par la France et
11 % Royaume-Uni de la Bulgarie, de la Slovaquie et de la l’Allemagne, remettent à plus tard l’in-
900
Slovénie. tégration de l’Ukraine et de la Géorgie
700
19 % Allemagne Dans la logique de ces adhésions, au plan d’action pour l’adhésion.
500 l’Alliance donne la priorité aux critères Entre-temps, dans la foulée du pru-
politiques sur les critères militaires et rit interventionniste et « antiterroriste »
300
26 % Etats-Unis socio-économiques. En à peine dix ans, américain, l’OTAN est devenue une
100 l’ensemble du glacis occidental sovié- organisation polymorphe, colonne ver-
0 tique s’est transformé en avant-poste de tébrale d’opérations en coalition dans les
Source : site de la représentation permanente de la France
au Conseil de l’Atlantique nord (www.rpfrance-otan.org).
l’influence américaine dans l’« étranger Balkans et en Afghanistan (où sa crédibi-
proche » de Moscou. Depuis 2004, des lité est soumise à rude épreuve), voire en

38 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 38 6/02/09 15:50:08


l’Alliance atlantique
Ile de Japon installation forcée du bouclier antimis-
Shemya
Les 10 budgets militaires sile ou encore dédain irresponsable pour
nationaux les plus élevés
en 2007 : Corée les inquiétudes de Moscou.
Une brique Alaska
du Nord La crise géorgienne de 2008 apparaît
représente ainsi comme la sanction d’une exten-
20 milliards
de dollars Chine sion orientale débridée qui a comblé la
Pologne, les pays baltes et certains think
Russie 2 tanks néoconservateurs à Washington,
Beale
(Californie)
Thulé
Birmanie
mais que dénonce en privé la « vieille
(Danemark)
Europe », au nom d’un partenariat plus
Vardø
(Norvège) équilibré avec des Russes travaillés par
Etats-Unis Inde un complexe obsidional.
Kozelsk
Biélorussie Pakistan L’Alliance connaît aussi de grandes
Enclave de Afghanistan difficultés à coordonner et financer ses
Kaliningrad Ukraine 3
Pologne Géorgie
Rép. tchèque Région actuellement moyens militaires. Son budget atteint à
Iran
Fylingdales la plus préoccupante peine 1,9 milliard d’euros en 2007, et les
Irak pour les Etats-Unis
(Royaume-Uni) lacunes de capacités s’accumulent. Vues
Syrie de Washington, qui souhaiterait davan-
Croatie
Cuba Arabie saoudite tage impliquer ses alliés, les baisses de
OCÉAN Albanie Macédoine crédits de défense européens entament
ATLANTIQUE Libye Soudan
la crédibilité de l’OTAN.
1. Estimations : 150 à 240 bombes tactiques
B61 de puissance variable (0,3 à 170 KT).
2. Un Conseil OTAN-Russie se réunit depuis NOUVELLES MISSIONS
Venezuela
2002. Malgré tout, entraînée par son propre
3. Une Commission OTAN-Ukraine existe
depuis 1997. poids, une « OTAN globale » continue
de s’esquisser. L’initiative de coopé-
Zimbabwe ration d’Istanbul (2004) associe les
1982 1990 1994 1999 2004
petits émirats du golfe Arabo-Persique
(Koweït, Bahreïn, Emirats arabes unis,
15 16 Ex-RDA 16 19 Qatar), tandis que le dialogue médi-
Espagne 1re intervention
26
militaire en Serbie ; Hongrie,
Pologne,
Pays baltes,
Slovaquie, Bulgarie,
terranéen (1994) cible le Maghreb et
la Russie signe un
programme de Rép. tchèque Roumanie, le Proche-Orient. L’actuel secrétaire
coopération Slovénie
militaire. Nombre de pays membres
général de l’Alliance n’exclut pas des
Mer de
Norvège élargissements à toutes les « démocra-
ties » (Japon, Nouvelle-Zélande, Corée
NORVÈGE
et une légitimité discutable du Sud, Australie, etc.), avec de nou-
Bombardements (viol du droit internatio- velles missions (reconstruction civile,
ROYAUME- PAYS-BAS RÉP. TCHÈQUE
sur la Serbie (1999) nal lors de la vague de surveillance du trafic maritime, cyber-
UNI BELGIQUE bombardements contre défense, sécurité énergétique). Manière
ALLEMAGNE
POLOGNE
la Serbie en 1999). habile de rogner les marges de manœu-
UKRAINE Le zèle des « nou- vre de cet éternel concurrent potentiel
Bruxelles CROATIE
HONGRIE
veaux convertis » d’Eu- qu’est l’Europe de la défense, encore
(siège de l’OTAN) FRANCE
Mer
rope de l’Est a renforcé la dans les limbes. ●
ITALIE
Kosovo Noire position américaine dans
MACÉDOINE
PORTUGAL
ESPAGNE
GRÈCE
TURQUIE l’OTAN, et la réintégration
complète de la France au sein
Sur la Toile
ALBANIE
du commandement militaire g OTAN : www.nato.int/home-fr.htm
Mer Méditerranée
Irak intégré, programmée pour 2009 g Opérations de l’OTAN en
et en Afri- par le président Nicolas Sarkozy, est Afghanistan, rapport du Congressional
Research Service : http://fpc.state.gov/
que, dans des censée apaiser les tensions d’hier avec
documents/organization/105183.pdf
fonctions de soutien. Ces engagements, Paris. Mais, malgré une unité de façade,
marqués par un suivisme envers les prio- les critiques internes pointent la désin- g Evolutions de l’OTAN après
la guerre froide :
rités américaines, négligent la question volture de Washington : refus hautain de www.ladocumentationfrancaise.fr/
préalable des finalités politiques de l’ac- faire jouer l’article 5 et donc l’assistance dossiers/otan/index.shtml
tion. D’où une planification défaillante de l’OTAN à la suite du 11-Septembre,

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 39

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 39 6/02/09 15:50:16


De nouveaux rapports de forces internationaux

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Armes : une prolifération


peut en cacher une autre
Le discours sur la prolifération a prolifération des armes dans qu’en vingt ans les stocks stratégiques
des armes de destruction le monde constitue désormais ont diminué. Cette baisse a été compen-
un sujet de préoccupation per- sée, pour les principales puissances, par
massive vient à point manent, centré sur les armes une modernisation de leur arsenal.
nommé justifier les nouvelles de destruction massive. La lutte contre Pourtant, la prolifération des armes
croisades impériales. Il occulte celles-ci a servi de prétexte à l’invasion classiques n’en semble pas moins pré-
de l’Irak en 2003 et aux sanctions impo- occupante. Le développement des socié-
cependant la réalité de la sées à l’Iran par le Conseil de sécurité tés d’armement témoigne de la rapide
prolifération – indiscutable, de l’Organisation des Nations unies croissance des capacités productives :
elle – des armes classiques. (ONU). les 100 premières sociétés mondiales
L’enjeu paraît pourtant ambigu ont vendu pour 315 milliards de dollars
puisqu’il mêle des armes totalement d’armes en 2006, soit une augmentation
interdites (chimiques, biologiques) et de 52 % par rapport à 1996 (208 mil-
d’autres dont la possession est limitée liards en dollars constants de 2006).
(nucléaire) mais que l’on place dans Cette augmentation est parallèle à
la même catégorie que les vecteurs celle, qui se chiffre à 46 % en termes
(missiles) et les armes conventionnel- réels depuis 1996, des dépenses mili-
les. Si deux pays (Inde et Pakistan) se taires mondiales, atteignant en 2007
sont joints en 1996 aux cinq membres 1 339 milliards de dollars. Elle s’expli-
du Conseil de sécurité possesseurs de que en partie par la progression de 59 %
l’arme atomique et à Israël, on constate des dépenses aux Etats-Unis, contre une

40 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 40 6/02/09 15:50:22


croissance de 9,7 % pour l’Europe occi-
dentale (la part de l’Amérique du Nord ������������������������������������������������������������
au cours de cette période est passée de ������������������������������������������
41 % à 45 % des dépenses mondiales, � ����� ����� ����� �����
avec 596 milliards de dollars, contre ����������
296 milliards pour l’Europe occiden- ������
tale). A côté du budget russe en rattra- ������������������ ��������
page, les budgets en Asie du Sud et au ��������������������� �������
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Proche-Orient ont également augmenté �����������
fortement (respectivement de 65 % et �����
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70 % en dix ans). �������������� ���������������������������������������
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Le budget militaire des Etats-
Unis pèse à lui seul autant que le total
cumulé des 23 pays suivants les plus che-Orient (Arabie saoudite, Israël,
dépensiers. Cette suprématie explique Egypte et Emirats arabes unis cumulent Les dix premiers marchands
à son tour l’importance des entrepri- 570 appareils). d’armes mondiaux
ses américaines dans la production et On relève une même tendance pour
la diffusion des armements : sur les ces engins particulièrement terrifiants
Milliards de dollars en 2006 Ventes
100 premières compagnies mondiales, que sont les missiles : de 1991 à 2006, d’armes
Boeing (Etats-Unis)
41 firmes américaines classées réali- suivant les publications du Congrès 30 Lockheed Martin (Etats-Unis)
sent 200 milliards de dollars de ventes américain, les principaux producteurs BAE Systems
(Royaume-Uni)
d’armement en 2007 (63,5 % du total), mondiaux ont vendu aux pays en voie Northrop Grumman
25 (Etats-Unis)
contre 92 milliards pour 33 firmes euro- de développement plus de 26 000 engins Raytheon
péennes. Même si l’on note le retour de sol-air, 500 missiles sol-sol et plus de (Etats-Unis)
General Dynamics
la Russie (6,6 milliards de dollars) et la 2 700 missiles antinavires. Si les Etats- 20 (Etats-Unis)
progression de nouveaux producteurs Unis et la Russie occupent une place EADS (Europe)
(Japon, Israël, Inde, Corée du Sud, Sin- majeure dans la liste des fournisseurs, 15 L-3 Communications
(Etats-Unis)
gapour), on observe une concentration les pays européens ont joué également Finmeccanica
frappante des capacités dans les pays un rôle non négligeable. (Italie)
10 Thales
membres de l’Alliance atlantique. (France)
Cette concentration s’observe encore UN PROCESSUS À PLUSIEURS PARTENAIRES
plus précisément dans le domaine des L’analyse des données montre finalement 5
avions de combat : de 1992 à 2006, que la prolifération la plus inquiétante
2 822 avions de combat ont été impor- n’est sans doute pas celle que l’on met 0
tés dans le monde. Sur ce total, selon les en avant sur un mode apocalyptique, Source : Sipri Yearbook 2008.
déclarations au registre de l’ONU sur avec les armes dites « de destruction
les transferts d’armes classiques, plus massive », mais plutôt celle des armes
de la moitié (1 518) ont été exportés classiques, des armes légères et de petit Sur la Toile
par les Etats-Unis, 678 par la Russie et calibre dont on sait qu’elles tuent le plus, g Sur les armes légères :
www.smallarmssurvey.org
l’Ukraine et 626 par les pays européens y inclus les mines antipersonnel en dépit
(France, Royaume-Uni, Allemagne, de propositions visant à les interdire. g Nations unies et désarmement :
http://disarmament.un.org
Italie, Suède). Ces ventes concernent Cette analyse rappelle également qu’il
notamment les zones de tension, 9 pays n’y a pas de pays « proliférant » (s’équi- g Institut des Nations unies pour
la recherche sur le désarmement :
réalisant plus de la moitié des achats : pant en armement) sans pays vendeurs et www.unidir.org
le « couple » Turquie-Grèce (382 appa- que la diffusion, loin d’être une activité
reils), l’Extrême-Orient (Inde, Chine, solitaire, est le plus souvent un processus g International Action Network on Small
Arms : www.iansa.org
Taïwan avec 465 appareils) et le Pro- commercial à plusieurs partenaires. ●

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L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 41

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 41 6/02/09 18:02:20


De nouveaux rapports de forces internationaux

Ravalement de façade pour


Etudier aux Etats-Unis
Etudier aux Etats-Unis en Irak et en Afghanistan –, mais aussi
Etudier aux Etats-Unis le déclin précipité du rayonnement
Etudier aux Etats-Unis à l’étranger du « tempérament amé-
Royaume-Uni Corée
Canada Royaume-Uni Corée du Sud
ricain ». Au terme du second mandat
Canada de M. Bush, le prestige des Etats-Unis
Royaume-Uni Turquie du Sud
FranceTurquie Corée Japon
CanadaÉTATS-UNIS est tombé tellement bas que même son
France Royaume-Uni Népal Corée Chine du Sud Japon
CanadaÉTATS-UNIS
TurquieNépal Chine du Sud Taïwan
ministre de la défense, Robert Gates,
France Japon
ÉTATS-UNIS
Mexique Turquie
Arabie
Chine TaïwanHongkong doit concéder l’émergence d’un « monde
France Arabiesaoudite Népal Inde
Hongkong Japon
Mexique
ÉTATS-UNIS saoudite Chine
Vietnam Taïwan multipolaire ». Comment faire autre-
Mexique ArabieNépal Inde Vietnam Hongkong ment quand, en novembre 2008, défilent
Colombie Nigeria saoudite Taïwan
Arabie Inde Thaïlande
Colombie
Mexique Brésil Nigeria saoudite
Vietnam
Hongkong
Thaïlande à Washington les pays du G20 (dont le
Colombie Brésil Inde Vietnam
Indonésie Brésil, la Russie, l’Inde et
Nigeria Thaïlande Mathématiques
Indonésie et informatique la Chine), venus remé-
Colombie Brésil Nigeria
Seuls les principaux Thaïlande
pays d’origineBrésil
Seuls les principaux des
Indonésie
8%
dier au typhon finan-
95
étudiants
pays d’origine des ont Nombre d’étudiants inscrits
95 Indonésie 8% cier né à Wall Street qui
étudiantsSeuls
été les principaux
ontreprésentés. Nombre dansd’étudiants
une université américaine 50
inscrits
pays d’origine des
été représentés. dans une université américaine 50
Par pays d’origine, 9530 8 % chamboula l’économie
Seuls les principaux Nombre d’étudiants inscrits
étudiants ont
pays d’origine des dans une Paruniversité
pays d’origine, en 9530
milliers 5010
américaine 8%
mondiale ? Le labora-
Etudier aux
étudiants ont Etats-Unis Nombre d’étudiantsen
été représentés.
inscrits
milliers 10 30 toire de l’avenir pouvait imposer sa loi
été représentés. dans une université américainePar pays d’origine,
50
Nombre d’étudiants étrangers en milliers 10 aux autres sans tirer une cartou-
Nombredans les universités
d’étudiants étrangers américainesPar pays d’origine, 30 Santé
5%
dans les Centaines
universités deaméricaines
milliers en milliers 10 che. Soudain il ressembla à un
Nombre d’étudiants étrangers
Centaines 7 deles
dans milliers
universités américaines Royaume-Uni Domaines d’études Corée choisis malade fort contagieux.
Canada
Nombre
7 d’étudiants étrangers 5% 5%
6
Centaines de milliers Domaines pard’études
les étudiants
choisisétrangers en 2007-2008
du Sud Imaginons que tout ce que
dans les universités3% américaines 5%
6 Turquie par les étudiants étrangers
Business etd’études
management en 2007-2008
7
Centaines 5de 3%milliers France Domaines choisis Japon
Ingénierie les Etats-Unis comptent (et 5 %
ÉTATS-UNIS Businesspar
et management
les étudiants étrangers en 2007-2008
75 64 Chine
Népald’études choisis
Domaines Ingénierie exportent) de publicitaires,5de
3% 2% %
Business etétrangers
management
64 5 32% par les étudiants en 2007-2008
Taïwan
Ingénierie conseillers en communication,
Arabie 20 % Hongkong Biologie
3 Mexique3% ... du nombre total
saoudite Business et management 17 %
5 42
2% ... du nombred’étudiants
total aux 20 % Inde Ingénierie
17 %
et sciences de titulaires de MBA se soient
Vietnam physiques
42 31 d’étudiants Etats-Unis
aux 9 % alors réunis pour réfléchir aux
2% ... du nombre total 20 % 17 %
Colombie
31 20 Etats-Unis 9%
1955 1960 1970
Nigeria
1980
d’étudiants
1990
aux
2000 2007 20 %
Thaïlande moyens de rétablir le soft power
0 1 Brésil ... du nombre total
Etats-Unis 17 % 9% 6%
2 1955 1960 1970 1980d’étudiants
1990 aux 2000 2007
Indonésie
américain. Et qu’au lieu de 6%
Arts et
0 9%
1 1955 1960 1970
Etats-Unis
1980 1990 2000 2007 trancher à9 %la manière de architecture
0 Source : « Open doors 2008 », Institute of International Education (année scolaire 2007-2008). 6%
Seuls les principaux
1955 1960: « Open
Source 1970doors1980 1990
2008 », Institute 2000
of 2007
International Education (année scolaire 2007-2008).
M. Bush
9 % après le 11 sep-
pays d’origine des 8 % tembre 2001 6 %
étudiants ont Source : « Open doorsNombre d’étudiants
2008 », Institute
95
inscrits Education (année scolaire 2007-2008).
of International
9 % – « Pourquoi
été représentés. dans une université américaine 50 nous détestent-ils
9% ? Ils détestent
Source : « Open doors 2008 », Institute of International Education 30 (année scolaire 2007-2008).
Par pays d’origine, notre liberté » – ces experts aient
en milliers 10
Le « soft power » est souvent n président américain a plaidé analysé l’évolution de la « mar-
Nombre d’étudiants étrangers la cause de ce type d’influence que Amérique ». Qu’auraient-ils 3% 5%
défini comme
dans les universités américaines le pouvoir « douce » lors de sa campa- remarqué ? Une image dégradée, 3%
Centaines de milliers
7
d’attraction d’un Etat ou d’un gne présidentielle. Il défendit compromise. Qu’auraient-ils pro- Education 3 %
Domaines d’études choisis
6 régime politique qui s’exerce par les étudiants étrangers en étrangère
une politique 2007-2008 « humble », qui posé ?… M. Obama. 5 % 3%
5
3% « reflète
Business et management le tempérament américain, la L’image dégradée : au prin-
sans recours à l’intimidation Ingénierie
modestie de la puissance véritable, l’hu- temps 2008, seuls le Niger et l’Inde
4
2%
3
ou à la force… milité de la vraie grandeur » ; il préco- jugeaient que les Etats-Unis jouaient
... du nombre total 20 % nisa de rompre 17avec
% une « arrogance », un rôle bénéfique. Dans des pays pour-
2 d’étudiants aux
1 Etats-Unis celle de son prédécesseur, qui
9% avait tant membres de l’OTAN
Sciences
0 « affaibli les alliances de l’Amérique, sociales comme l’Allemagne, le
1955 1960 1970 1980 1990 2000 2007
aliéné ses amis et encouragé ses adver- Royaume-Uni et la France, 6%
saires ». L’auteur de ce propos ? Barack 70 % au moins des person-
9%
Source : « Open doors 2008 », Institute of International Education (année scolaire Obama ? Non, George W. Bush… qui,
2007-2008). nes interrogées estimaient
en 2000, taxait d’arrogance, d’incompé- l’inverse. Entre 60 % et
tence, d’intelligence (involontaire) avec 80 % des Pakistanais, des
l’ennemi… William J. Clinton. Turcs et des Libanais percevaient même
La suite, c’est non seulement l’échec les Etats-Unis comme un « ennemi »…
du hard power – la puissance mécani- De tels résultats inspirèrent cette réaction
3%
que ébranlée par la crise financière et benoîte au département d’Etat (BBC,
la suprématie militaire tenue en échec 2 avril 2008) : « Tout le monde préfère

42 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 42 6/02/09 15:50:34


la maison Amérique ?
être aimé. Mais nous sommes une super- Mais la cote de popularité est une
puissance, nous avons des responsabi- chose, passagère, l’influence en est « Soft power » audiovisuel
lités énormes, (...) ce qui explique que une autre. Y compris quand il se veut
le reste du monde nous examine avec « doux », le pouvoir réclame, au mini- Chiffre d’affaires en 2007
Milliards de dollars
plus d’attention que n’importe quel autre mum, une économie solide et une nation
pays. » Ronald Reagan avait coutume de à nouveau confiante que son projet col- Disney Etats-Unis
Time Warner Autre pays
dire « Nous ne voulons pas être aimés, lectif vaut au moins autant que celui des Sony (Japon)
nous voulons être respectés. » Mais la autres. Le chantier du nouveau président 25 News Corp.
diplomatie et les affaires comptent tout est donc immense… ● DirectTV Group Inc.
de même nombre de moments où il est Nintendo (Japon)
20 NBC Universal
utile de n’être pas trop détesté.
Surtout lorsqu’on a cessé d’être
Sur la Toile Vivendi
Universal (France)
CBS Corp.
redouté. Car dorénavant l’idée s’est g Office of Global Communication : 15
Bertelsmann
installée que dans vingt ans les Etats- www.whitehouse.gov/ogc (Allemagne)
Unis ne seront plus la principale puis- g World Public Opinion : 10
sance de la planète, que le siècle www.worldpublicopinion.org
Anglais intensif
de l’Asie va s’imposer avec autant g Pew Research Center :
5% de majesté que, au lendemain de http://pewresearch.org 5

la première guerre mondiale, le g « Foreign Policy », The Think Tank


« siècle américain ». A l’issue de Index : www.foreignpolicy.com/story/ 0
la double présidence Bush, le « respect » cms.php?story_id=4598&page=4
Source : Observatoire européen de l’audiovisuel, 2008.
est en lambeaux, lui aussi. Statue de la
5%
Liberté, désir d’« étendre la démocra-
2%
tie » dans le monde ? Comment concilier
de telles références avec Abou Ghraib, « Hard power » des années Bush : très mauvais pour l’image
Guantánamo, la torture, l’arrêt de la Cour
5% Afghanistan Opinions favorables envers les Etats-Unis
suprême stipulant, en mars
2%
2008, que les Crise Pourcentage des sondés
6%
juridictions américaines n’étaient pas financière Irak 90
assujetties à la convention de Vienne ?
Chômage
Palestine 80
Quelques mois plus tard, juste- Agriculture Guantánamo 70
ment, le3 %New York Times signala 2 % Parachutes dorés Abou Ghraib Iran Japon
60
le recul d’un élément significatif Emissions Bouclier
antimissile Patriot Act 50 Royaume-Uni
Lettres et langues du soft power : pour les de CO2
étrangères France
juristes étrangers, la référence aux « Axe du Mal » « Armes de
destruction
40

3% arrêts américains avait reculé for- Changement massive » 30 Allemagne


3% tement au profit des décisions de climatique Consommation 20
Argentine
6% la Cour européenne de justice. Or
Agrocarburants Protocole 10
comme, au même moment, le libéralisme de Kyoto Turquie
– économique « Emeutes 0
3 % – de l’école de Chicago OGM
de la faim » 2000 2002 2004 2006 2008
n’a pas non plus le vent en poupe…
Trop libéraux, trop répressifs, trop Opinions favorables envers les Etats-Unis
Nigeria
unilatéraux, les Etats-Unis réclamaient Evolution 2000-2008, en pourcentage Liban 2
un ravalement de façade audacieux. AMÉLIORATION Tanzanie
Corée
2

+ 20
3% Avec l’élection d’un président jeune, du Sud
+ 10 Russie
métis de surcroît, la « marque Améri-
que » paraît instantanément réhabilitée 0
Inde 1
par l’annonce d’un certain retour à la – 10
Brésil 1 Afrique du Sud
2

Espagne Jordanie
2
compétence, au « pragmatisme », par – 20
Opinions favorables
Pologne
la fin de l’arrogance, par l’ouverture à – 30 Japon France en 2008, pourcentage :
cette « diversité » qui devient la nou- – 40 Argentine Mexique Plus de 50
Turquie Royaume-Uni
velle idéologie dominante. « Depuis – 50 Allemagne Indonésie De 30 à 50
qu’Obama a été élu président, le style – 60 Moins de 30

USA a de nouveau une cote folle ! », a DÉGRADATION 1. Sondés majoritairement citadins. 2. Evolution 2002-2008.
signalé, enthousiaste, le magazine Elle Sources : « Pew global attitudes project : Spring 2008 survey » et « Global public opinion in the Bush
years (2001-2008) », Pew Research Center, décembre 2008 ; Le Monde diplomatique.
du 1er décembre 2008.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 43

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 43 6/02/09 15:51:39


De nouveaux rapports de forces internationaux

Internet, outil de liberté et


La diffusion mondiale es réseaux d’information et de 74 % en Amérique du Nord, de 48 %
des réseaux de communication communication sont en train en Europe et de 15 % en Asie. Dans
de se fondre dans Internet. La les pays riches, l’accès à l’information
ouvre un fort potentiel convergence entre les médias, se partage dorénavant en parts égales
de développement et la téléphonie et l’informatique s’étend entre la télévision et la Toile. Le succès
de démocratie, mais produit rapidement à l’échelle de la planète. des blogs dissidents rappelle le potentiel
Présents partout, les réseaux ne sont démocratique du Web. Le marché des
simultanément plus un luxe occidental. Ils jouent déjà produits matériels destinés à l’informa-
un renouvellement un rôle majeur d’intégration du marché tion, à la communication et au calcul
des dominations. L’accès au mondial et de production de nouveaux constitue un moteur économique majeur,
biens consommables. tant au niveau privé – avec les baladeurs
réseau reste déterminant pour Avec la chute des coûts, la télépho- MP3 ou les mobiles – que sur le plan
l’Afrique. Au-delà, nie mobile est devenue un outil essentiel industriel – avec les centres serveurs.
l’indépendance culturelle et pour maintenir des relations à l’intérieur Tous les secteurs de la production sont
des pays, tandis que le réseau Internet touchés par l’informatique connectée.
linguistique devient irrigue toutes les relations, familiales,
une question géostratégique professionnelles ou associatives, par- LE CHINOIS TALONNE L’ANGLAIS

majeure pour l’éducation delà les distances et les migrations. La Avec 5,3 % de sa population ayant
cybercriminalité prend une importance accès à Internet, l’Afrique représente
et l’information. croissante, qui pourrait menacer la flui- le parent pauvre, ce qui renforce les
dité du système et appelle des réponses difficultés que connaît ce continent.
coordonnées contre les « paradis infor- Au sein même de l’Asie, les disparités
mationnels ». s’accentuent. Les populations japonaise
Le nombre de serveurs Internet est ou sud-coréenne se connectent très lar-
passé en quinze ans d’une poignée à gement, y compris en haut débit (à plus
près de 6 millions dans le monde. Mais de 70 %). La Chine, avec 19 % d’inter-
cette pénétration reproduit les inégalités nautes, est devenue depuis juin 2008 le
internationales. Si la moyenne mondiale premier pays en nombre d’utilisateurs.
est de 22 % d’accès à Inter- L’Inde, avec une croissance compara-
Internet : un réseau puissant... net, la pénétration ble, n’a qu’une pénétration de 5,2 %,
du réseau malgré une forte industrie de service
Etudiants
Chercheurs est de informatique. La comparaison avec la
Militants Russie (23 %), le Brésil (24 %), l’Afri-
Grand public que du Sud (10 %) ou le Nigeria (20 %)
Voyageurs Artistes
souligne les différenciations entre pays
Individus Journalistes Médias
Musique émergents.
Travailleurs Secteur culturel Cinéma Tandis que les pays occidentaux
à distance Edition connaissent la connexion perma-
Travailleurs Jeux vidéo nente à haut débit et utilisent Inter-
en déplacement Banques
Assurances net pour regarder la télévision ou
Secteur financier Fonds d’investissement des vidéos, la messagerie instan-
Entreprises commerciales tanée et l’accès au Web de base
Entreprises Agents
Publicitaires (blogs) forment le cœur des acti-
immobiliers
Instituts de sondage vités à l’échelle du monde. Les
Recruteurs
californiens Google et Yahoo
Organisations Santé détiennent un quasi-monopole
Utilisateurs non gouvernementales Education
sur les moteurs de recherche,
Nations unies aux exceptions remarquables
Bénéficient surtout : Aides sociales
de la réactivité d’Internet (vite) Services administratifs Impôts de la Chine (Baidu : 61 % des
de sa relative ubiquité (partout) recherches), de la Corée du Sud
de sa capacité de diffusion Institutions et Services de police (Naver : 73 %) et de la Russie
de la mutualisation des informations (croisements)
gouvernements Renseignement (Yandex : 44 %).
Les quelques liens entre « utilisateurs » et Armées Cette distribution reproduit la
« usages » sont figurés à titre d’exemple.
concentration des langues utilisées
sur la Toile. Si 29,4 % des internautes

44 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 44 6/02/09 15:52:11


d’assujettissement
écrivent en anglais, le chinois fait ... pour le meilleur et pour la pub
une montée rapide, comme dans Recueillir de
tous les secteurs, avec 18,9 %. l’information Médias en ligne Mettre en commun
Le poids démographique reste Moteurs de recherche Statistiques en ligne des connaissances Usages
l’élément majeur, mais cha- Images, publications en ligne Réseaux d’entraide d’Internet
Baidu Google Yahoo
Forums de discussion technologique (logiciel libre)
que année la domination de Portails Web (sélection de
Copyleft 2
Ouvrages collaboratifs 1
l’anglais ainsi que l’usage liens pointant divers sites)
Wikipédia Creative commons
des serveurs installés en
Amérique du Nord dimi- Blogs Se divertir
nuent. Ce qui n’est pas Coordonner le travail Courrier électronique (sites
au sein d’un groupe Sites FTP 3
personnels)
Films et vidéos
sans poser de nouvelles Sites Intranet
Blogger
Musique
questions géostratégiques, Jeux en réseau
Coordonner des campagnes, Messagerie instantanée MySpace
alors même qu’une large des actions communes Téléphonie en ligne « Réseaux
Télévision
Radio
partie du flux ne passe plus sociaux » Sites de
Facebook rencontres
par les Etats-Unis. Ce pays Communiquer YouTube
Meetic
avait pourtant fait du suivi rapidement
Faire de la et moins cher
des communications (réseau publicité, diffuser Gérer le quotidien
Echelon ou Patriot Act) et de Envois en nombre Administratif
l’intelligence stratégique un (mailings, pourriels) Se faire connaître
Acheter
Recherche d’emploi,
élément majeur de sa domina- Publicités ciblées Trouver des clients de logement
intégrées aux sites Trouver un public Transactions Annuaires, météo
tion militaire. bancaires
Amazon Voyages...
Les usages ne sont pas aisé- en ligne

ment chiffrables. On se focalise sou- Vendre eBay

vent sur les possibilités d’expression – des biens Analyser


– des services le comportement
pour se féliciter de l’accroissement du – des emplacements publicitaires des internautes
nombre de blogs et de médias sur le Web. ciblés sur Internet
(sites visités, clics effectués,
Cependant, les applications innovantes achats en ligne...)
dans les diverses chaînes industrielles l e u r
percent plus lentement. Les entreprises phase de Constituer des bases de données
n’ont pas encore intégré les nouveaux décollage,
Localiser les utilisateurs du réseau
modes de production (gestion des pro- conservent une
cessus de communication et de la logisti- chance de devenir de futurs Possibilité d’indépendance vis-à-vis
que), de coordination (travail coopératif acteurs majeurs. La Chine avance ses du secteur marchand (informatique, culturel)
Diffusion possible d’idées ou d’œuvres
à distance) et de transaction (commerce pions en lançant une norme spécifique restées jusque-là sans audience
électronique). La facilité de circulation pour la 3G. Il nous faut suivre avec atten- 1. Discutés, augmentés par de multiples contributeurs.
2. Droits cédés par un auteur de copier, d’utiliser,
des innovations logicielles permet néan- tion ce défi industriel car la téléphonie de modifier ou de distribuer son œuvre.
moins de penser que les pays émergents, mobile est le plus puissant moteur des 3. Sites destinés à l’échange de fichiers lourds.
en accentuant les nouveaux usages dans applications Internet à venir. ● En rose : exemples de sites Internet très fréquentés.

« Branchés » et « pas branchés » Sur la Toile


g Données statistiques sur Internet :
www.internetworldstats.com/stats.htm

g Union internationale
des télécommunications : www.itu.int
1. Dix heures pleines
et dix heures creuses, g Internet Governance Forum :
au tarif le plus avan- www.intgovforum.org
tageux du marché.
g Institut de l’audiovisuel et
des télécommunications en Europe :
Prix pour vingt heures http://idate.org
de connexion Internet 1
Dollars g Rapports de l’OCDE sur les
Coût moyen Plus de 50 technologies de l’information et de la
mondial : communication : www.oecd.org/topic
Sources : Union internationale des de 30 à 50
22 dollars /0,3373,fr_2649_37441_1_1_1_1_374
pour vingt télécommunications, 2008 ; Banque de 15 à 30
mondiale, 2008 (données 2007 ou Données non 41,0.html
heures dernière année disponible). Moins de 15 disponibles

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 45

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 45 6/02/09 15:52:16


De nouveaux rapports de forces internationaux

Cyberterrorisme, la guerre
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A ce jour, en dehors ����������������
d’attaques ponctuelles ��������� ����� �����
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de quelques hackers, ������

le cyberterrorisme reste ������ ������


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virtuel. Cependant,
les armées �����
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de nombreux pays
se préparent
à la cyberguerre. ������� �������
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n 1993,
le grand ����� ���������� ��� ����
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public ������ �����
ignorait �����
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tout d’Internet, mais
le futurologue Alvin
Toffler prédisait déjà que ������ �����
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des terroristes chercheraient
à s’attaquer aux infrastructures
informatiques et de télécommunica- ������
tion des Etats-Unis. Depuis lors, après �������� �������
plusieurs dizaines de milliers d’études, « consa-
la notion de cyberterrorisme ne cesse c re r q u e l q u e
de diviser les experts. Les uns, va-t-en- 200 millions de dollars et dis-
guerre, alertent régulièrement les médias poser de cinq ans pour mener à bien plus ou moins virtuels, via Internet. De
sur le risque que ferait courir un « Pearl l’offensive », mais qu’elle n’entraîne- l’avis de nombreux experts, le problème
Harbor électronique ». Les autres, dans rait « pas de pertes humaines ou autres est moins celui du cyberterrorisme que
des travaux universitaires souvent plus conséquences catastrophiques ». de la cyberguerre, et donc du devenir
fouillés, leur rappellent tout aussi régu- Si les terroristes se servent d’Internet, des armées régulières. Ainsi, les auteurs
lièrement qu’aucun acte de cyberterro- c’est pour y véhiculer leur propagande, de l’attaque des serveurs bancaires et
risme n’a encore été recensé. au travers de sites Web, de forums et de gouvernementaux estoniens – qui avait
Dans un mémoire intitulé Cyberter- vidéos qui visent avant tout à recruter de défrayé la chronique en 2007 – ne furent
rorisme, mythe ou réalité ?, publié en nouveaux adeptes, et à asseoir leur noto- jamais identifiés, même si l’on soup-
2006 sous l’égide du Centre d’études riété. L’histoire d’Internet comporte déjà çonne la Russie d’avoir couvert ces faits,
scientifiques de défense de l’université nombre de « défigurations » à des fins sinon d’en être à l’origine. En revanche,
de Marne-la-Vallée, Cédric Thévenet politiques de pages d’accueil de sites l’Estonie a exploité cette attaque pour
résume ainsi la situation : si « l’art du Web (notamment militaires ou gouver- se placer sous l’égide de l’Organisation
piratage est enseigné dans les écoles nementaux) et, plus rarement, d’attaques du traité de l’Atlantique nord. Celle-ci
d’ingénieurs, les universités, discuté informatiques visant à saturer les ser- a créé, depuis, deux centres de cyber-
lors de symposiums rassemblant les veurs afin d’en bloquer l’accès. défense, l’un à Bruxelles et l’autre dans
experts nationaux et internationaux, de Mais celles-ci émanent essentielle- la capitale estonienne.
la défense, de l’intérieur et du secteur ment d’adolescents ou de petits groupes En 1991, la première guerre du Golfe
privé (…), le cyberterrorisme n’existe d’exaltés, et elles n’ont jamais entraîné avait montré à quel point la maîtrise de
pas stricto sensu à ce jour ». d’importants dégâts matériels, financiers l’information, et de ses technologies,
Virginie Vacca, de la Compagnie et encore moins humains. Quatorze ans contribue à asseoir la suprématie d’une
européenne d’intelligence stratégique, après l’« explosion » de la Toile, les ter- armée. Comme le rappelle Daniel Ventre
rappelle que l’exercice « Digital Pearl roristes privilégient toujours le fait de dans son ouvrage La Guerre de l’infor-
Harbor », organisé en 2002 par le Naval tuer de vraies personnes avec de vraies mation, le Pentagone a dû abandonner
War College des Etats-Unis, a démon- bombes, afin d’effrayer la population par son plan d’attaque des systèmes finan-
tré que, pour simuler une cyberatta- médias interposés, plutôt que de s’es- ciers irakiens : ceux-ci étant reliés à la
que d’envergure, les pirates devraient sayer à créer d’hypothétiques dommages, France, l’opération aurait pu interrompre

46 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 46 6/02/09 15:52:39


de l’information
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les distributeurs bancaires européens. Il
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n’en demeure pas moins que d’autres ���������������������������������������������������������������������������
�� armées (Chine, Russie, les deux Corées,
���
Inde, etc.) cherchent, actuellement, à se
préparer à la cyberguerre.
Les Etats-Unis, qui avaient lancé le
plus vaste réseau d’espionnage des télé- ��������������������������������������
communications (surnommé « Eche-
lon ») au temps de la guerre froide, vien- ����
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nent ainsi d’annoncer qu’ils lançaient un �����������������
plan visant à leur assurer le leadership �����������������
dans le cyberespace. Ce dernier s’inspire ����� ���
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du projet Manhattan, qui avait permis de ������������������
réaliser la première bombe atomique, �������
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et se fixe plusieurs objectifs : surveiller �������������� ����������
le trafic Internet mondial ainsi que les
requêtes des moteurs de recherche ; créer
des chevaux de Troie informatiques pour
prendre le contrôle de n’importe quel
ordinateur ; mais aussi inventer un simu-
lateur d’Internet (et de ses utilisateurs) �����������������������
afin de tester les scénarios d’attaque et ��������
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de défense, et d’entraîner les cyberunités �����������������������
militaires.
Que les cyberterroristes n’aient
encore pas frappé ne prouve en effet
nullement qu’ils ne le feront jamais. ●

Sur la Toile
g Ministère de la défense, synthèse
« Infoguerre et cyberterrorisme » :
www.defense.gouv.fr/das/dossiers/ ������������ ���������������� ���������������� �����������������
������������ ������������ ������������ ��������������
infoguerre_et_cyberterrorisme
������� ������� ���������� �������������
g Mémoire de Cédric Thévenet ������ ���������������������� ����������� ���������������
« Cyberterrorisme, mythe ou ������������ ��������� ��������������� �����������������
réalité ? » : www.terrorisme.net/ ������������� ������������� �������������
pdf/2006_Thevenet.pdf
g Réseau Echelon :
www.echelon-online.fr.st/
������������������������������������������������������������������������������������������

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 47

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 47 6/02/09 15:52:45


De nouveaux rapports de forces internationaux

Une instrumentalisation des


Dans les graves événements ucun observateur de la vie œuvre la loi divine et de veiller à la pureté
militaires et politiques politique des sociétés et des ethnico-religieuse de la société. Ce fut le
rapports géopolitiques dans cas de la fondation, dans les années 1920,
de l’après-guerre froide ainsi le monde ne peut manquer du royaume d’Arabie saoudite sur la base
que dans la multiplication de remarquer l’instrumentalisation de l’idéologie wahhabite, qui représentait
des violences terroristes, des idéologies religieuses militantes, alors une forme tout à fait marginale d’is-
que l’on regroupe sous le terme « inté- lam puritain. Il en alla de même avec la
acteurs et commentateurs grisme ». Ces idéologies ne constituent fondation du Pakistan (« pays des purs »)
ont beaucoup vu pas le cœur des grandes religions ; elles par la scission, dans un bain de sang, des
le facteur religieux. ne reflètent pas non plus leurs visions du musulmans de l’Inde en 1947, puis avec
monde, qu’il s’agisse des trois mono- celle de l’Etat d’Israël, en 1948, Etat des
Il est d’autant plus nécessaire théismes ou des religions cosmiques du Juifs qui s’installe sur la plus grande par-
d’identifier les conditions sous-continent indien et de l’Extrême- tie du territoire palestinien, au détriment
qui ont permis Orient. Elles constituent toujours des de la population locale. Enfin, la révolu-
simplifications abusives, exprimées en tion de 1979 a changé la nature de l’Etat
une telle utilisation. slogans mobilisateurs, tendant à afficher iranien et son régime politique, à travers
des altérités radicales.
Ce genre de raccourcis manichéens
a toujours existé, mais de façon relative-
ment marginale dans la vie des sociétés Ils voient des terroristes partout
ou dans les relations internationales.
La coexistence des grandes religions
intern
au Proche-Orient, voire leur interpé- je
nétration en Asie, rendait l’intégrisme
militant peu dangereux.
Toutefois, l’essor de ce dernier et
son utilisation, à laquelle nous assistons
depuis quelques décennies, notamment
« Choc des civilisations » depuis la dernière période de la guerre Co
Repu
ou conflits d’intérêts ? froide, trouvent leurs racines dans dif- Moudj
férents contextes historiques favorables Pays b
Selon vous, les tensions entre l’Occident à la poussée des intégrismes radicaux, Fondation de la Terre sainte pour
et l’islam proviennent principalement de...
tels que nous les voyons fonctionner le secours et le développement
différences culturelles et religieuses ?
Moyenne aujourd’hui.
conflits d’intérêts et de pouvoir politique ?
Moyenne DÉSIR D’ÉVANGÉLISATION
Pourcentage Le premier contexte est la période pos-
80 60 40 20 0 20 40 60 80 térieure à la colonisation européenne
Niger du Proche-Orient et de l’Asie, avec son Armée de libération nationale
Kenya héritage de souvenirs. Cette colonisation Paramilitaires, ex-Autodéfenses unies de Colombie
Etats-Unis a été accomplie par l’union des mission-
Forces armées révolutionnaires
Philippines naires, des militaires et des marchands. de Colombie (FARC)
Allemagne Le désir d’évangélisation du monde n’a Sentier lumineux
Pologne jamais quitté l’Eglise dominante occi-
France dentale, même après la scission des
Royaume-Uni Eglises protestantes. Pasteurs ou mis-
Inde sionnaires catholiques ont accompagné
Italie avec zèle les conquérants européens, et
Chine
cette alliance n’a pas été entamée par la
Mexique
séparation de l’Eglise et de l’Etat dans
la plupart des Etats coloniaux. Voir aussi carte p. 59.
Liban Or
Le deuxième a été la création d’Etats Sources : département d’Etat des Etats-Unis,
Source : sondage réalisé par GlobeScan pour
BBC World Service du 3 novembre 2006
modernes sur la base exclusive d’une 30 avril 2008 (www.state.gov), Journal officiel
de l’Union européenne, décision du Conseil
au 16 janvier 2007. 28 389 personnes interrogées identité religieuse et d’une idéologie du 28 juin 2007 (http://eur-lex.europa.eu).
dans 27 pays (www.worldpublicopinion.org).
militante. Il s’agit pour eux de mettre en

48 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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religions et des intégrismes
la mise en place du velayat-e-faqih, qui islamiste dénommée Al-Qaida devient le dans le monde arabo-musulman, qui
fait du clergé chiite le contrôleur obligé seul ennemi public de la « communauté voit sa religion assiégée et moquée. Le
du fonctionnement des institutions. internationale ». L’Afghanistan puis religieux devient une explication facile
Le troisième est la réaction des Etats- l’Irak sont envahis lors d’une nouvelle de toutes les violences dans le monde ;
Unis aux attentats du 11-Septembre. « croisade ». A l’« empire du Mal », son détournement progresse partout et
Les djihadistes, à qui ces attentats sont incarné par l’URSS et que les Etats- justifie les rêves les plus fous de puis-
attribués, avaient été recrutés, entraînés, Unis ont réussi à vaincre, succède dans sance et de contre-puissance. ●
armés et financés dans différents pays ara- le discours politique américain l’« axe du
bes et musulmans, dont l’Arabie saoudite Mal », composé de la Corée du Nord, de Sur la Toile
et le Pakistan, pour aller mener la guerre l’Iran et de l’Irak, pays accusés de soute-
g New York University Center for
en Afghanistan contre l’armée soviéti- nir le terrorisme transnational d’inspira- Dialogue : http://centerfordialogues.org/
que, avec la bénédiction de Washington. tion islamiste qu’Al-Qaida va désormais events_Islam_and_the_West/Doha/
Ils avaient ensuite été se battre dans les incarner. Doha-report.html
Balkans ou en Tchétchénie, sans que leur Dès lors, les imaginaires s’enflam- g oumma.com :
présence soulève d’objections majeu- ment dans le monde occidental, qui se http://oumma.com
res. Après le 11-Septembre, la nébuleuse définit comme « judéo-chrétien », et

ut 1. Mouvement indépendantiste sikh créé en 1984


au Royaume-Uni après l’assaut du Temple d’or par
l’armée indienne au Pendjab.
2. Institution d’aide sociale islamique dont l’un des
Fédération principaux objectifs serait de remédier aux situa-
internationale de la Stichting Al-Aqsa²
jeunesse sikhe¹ tions d’urgence humanitaire en Cisjordanie et dans
Hofstadgroep³ la bande de Gaza. Elle soutiendrait financièrement
le Hamas.
Parti révolutionnaire 3. Organisation composée de jeunes Néerlandais
Real Irish de libération du peuple
Republican musulmans. L’auteur du meurtre du cinéaste Theo
Front islamique des combattants du Grand Orient Van Gogh, Mohammed Bouyeri, a été suspecté
Army
Faucons du Kurdistan libre d’appartenir à cette organisation mais n’a pas été
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) inculpé pour cette accusation, faute de preuves suf-
Continuity Irish Parti pour une Vie Libre au Kurdistan (PJAK) fisantes.
Republican Army Mouvement islamique d’Ouzbékistan 4. Organisation iranienne née dans les années 1960
Moudjahidins du peuple 4 Djihad Islamique dont l’idéologie est basée sur une combinaison
17 Novembre
Pays basque et liberté (ETA) d’islamisme chiite et de principes marxistes. Elle a
Al-Qaida 5 pris part à la révolution de 1979, mais aspire à ren-
Groupe islamique Hizbul Mujahideen Aum verser le régime actuellement au pouvoir en Iran et
combattant marocain Nuclei Jaish-e-Mohammad à fonder une république démocratique, socialiste et
Jamaa Islamiya Babbar Khalsa
islamique. Situé à l’origine à la frontière entre l’Irak
Al-Jihad Force Khalistan Zindabad
et l’Iran, le siège de cette organisation est depuis le
Al-Qaida début des années 1980 à Paris.
au Maghreb Al-Takfir Harakat-ul-Mujahadin
Al-Qaida Lashkar- 5. Organisation-réseau composée d’islamistes sun-
en Irak Parti communiste
e-Taiba des Philippines nites associés à Oussama Ben Laden. Al-Qaida fut
Lashkar- créée en Afghanistan en 1988 par Ben Laden pour
e-Jhangvi combattre l’occupation soviétique. Cette organisa-
Ansar tion est supposée ne plus être en Afghanistan
Al-Islam Tigres de libération Abou Sayyaf depuis la chute des talibans en 2001. Elle a
de l’Eelam Tamoul aujourd’hui des ramifications au Proche-Orient, en
Combattants Afrique, en Asie centrale et en Amérique du Nord.
de l’islam Jemaah
es Islamiya 6. Organisation palestinienne issue d’une scission
Front populaire de libération
de la Palestine - Commandement du FPLP en 1968. Le siège de ce mouvement est
général (FPLP-CG) 6 aujourd’hui situé à Damas.
7. Mouvement palestinien né en 1968 d’une scis-
sion du FPLP. Basés à Bagdad de 1990 à la chute de
Abou Nidal 8 Saddam Hussein, en 2003, les membres de ce mou-
Asbat Al-Ansar vement seraient aujourd’hui au Liban ou en Syrie.
Hezbollah Front de libération
de la Palestine (FLP) 7 8. Organisation palestinienne considérée comme
inactive depuis la mort à Bagdad de son chef, Sabri
Brigades des Khalil Al-Banna alias Abou Nidal. Certains de ses
martyrs d’Al-Aqsa membres seraient toutefois toujours au Liban voire
Kahane Chai 9
en Irak.
Front populaire de libération
Djihad islamique de la Palestine (FPLP)
palestinien 9. Parti israélien nationaliste-religieux dirigé par le
Organisations terroristes Hamas rabbin américain Meir Kahane. Ce mouvement
prône le transfert des Arabes et la création d’un
Selon les Etats-Unis et l’Union européenne Etat juif fondé sur la loi religieuse et sur l’ensemble
Selon les Etats-Unis d’« Eretz Israel » (Israël dans ses frontières bibli-
Selon l’Union européenne ques).

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 49

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De nouveaux rapports de forces internationaux

Superpuissances,
hyperpuissance,
multipolarité…
Vingt ans après la chute ésultat de la seconde guerre
Accord de libre-échange
du mur de Berlin, mondiale et de la nouvelle nord-américain (Alena)
distribution des forces enté- Communauté
le système international est rinée à Yalta (1945), l’ordre des Caraïbes (Caricom)
en mutation : si les Etats-Unis bipolaire américano-soviétique a duré Marché commun
centre-américain (MCCA)
dominent toujours la structure près d’un demi-siècle (1946-1991). Il
Communauté andine
se caractérisait sur le plan stratégique des nations (CAN)
de sécurité, la diffusion par l’équilibre de la terreur nucléaire (la Marché commun du Sud
de la puissance économique « dissuasion »), la course aux armements (Mercosur) et membres associés
(Bolivie, Chili, Colombie, Equateur
et l’émergence de nouveaux et la constitution de blocs rivaux. Quoi- et Pérou. L’adhésion du Venezuela n’a
que la « destruction mutuelle assurée » pas été ratifiée par les Parlements)
acteurs sont en train interdît la guerre générale, la compéti- Espace économique européen (EEE)
de faire évoluer l’architecture tion bipolaire a favorisé les guerres par Communauté des Etats
issue de la seconde procuration dans les pays anciennement indépendants (CEI)
colonisés. La guerre, dite « froide », Organisation pour la démocratie
guerre mondiale. Mais la crise s’est ainsi soldée dans les tiers-mon- et le développement (GUAM)
aggrave les incertitudes. des par des millions de morts (Vietnam,
1946-1975 ; Corée, 1950-1953 ; Indoné- connurent aucune rupture ou destruction
sie, 1965-1975 ; Cambodge, 1971-1979 ; de leurs capacités productives : ils furent
Angola, 1975-2002 ; Afghanistan, même le seul belligérant à s’enrichir au
1979-1989…). cours de la seconde guerre mondiale,
L’équilibre stratégique masquait en avec une croissance de 50 % du produit
fait de profondes asymétries. Première intérieur brut (PIB). Au lendemain du
économie manufacturière mondiale conflit, ils se retrouvèrent ainsi dans
et centre financier international dès le une position économique dominante,
début du XXe siècle, les Etats-Unis ne jouissant d’avantages comparatifs
décisifs, tant dans les secteurs de haute
technologie que dans ceux des biens
��������������������������������������� de consommation ou dans le domaine
de l’agriculture. Malgré l’industrialisa-
tion à marche forcée de l’URSS, le PIB
������ ������ ����� par habitant des Etats-Unis fut quatre
�����
fois supérieur au sien tout au long de la
������ guerre froide.
����
����� �����������
���������
���� ����������� ��������� L’UNILATÉRALISME EN ÉCHEC
�������
������ Cœur d’une économie mondiale capi-
��������� taliste en expansion, les Etats-Unis tis-
����
sèrent des liens d’interdépendance forts
������� ����� ������
����� avec l’Europe de l’Ouest et l’Asie du
����� ���� ������
������ �������������������������������� Nord-Est. Premiers investisseurs mon-
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������������������������������� diaux, ils s’internationalisèrent sur le
��������������� plan économique. Ils le firent aussi sur
��������������� ������ ����������������� le plan militaire, grâce à l’archipel pla-
������������������������� ���������� ����������������������������������
������������������������ ���������������������������������� nétaire de bases acquises dès 1945, qui a
������������������������������ ���������������������������������� formé l’ossature des alliances sécuritai-
���������������������������������������� ���������������������
res régionales de la guerre froide : Orga-

50 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 50 9/02/09 11:44:03


De la mondialisation comme régionalisation

Sur la Toile
g Informations sur la guerre froide,
le Davis Center for Russian
and Eurasian Studies :
www.fas.harvard.edu/~hpcws

g Réforme de l’ONU : www.un.org/reform


g Center for UN Reform Education :
www.centerforumreform.org

mière puissance militaire, leurs dépenses


en la matière représentent près de la moi-
tié du total mondial. Cette concentration
inédite du pouvoir de coercition (hard
power) a stimulé l’unilatéralisme, plus
ou moins marqué selon les administra-
tions, le mépris des institutions interna-
Accord commercial entre
tionales et les interventions militaires
Conseil de coopération l’Australie et la Nouvelle- (guerre d’Irak en 2003).
du Golfe (CCG) Zélande (Anzcerta) Cependant, si la structure de sécu-
Association des nations
Union du Maghreb arabe (UMA) de l’Asie du Sud-Est (Anase) rité reste unipolaire (pour l’instant), le
Communauté économique des Etats membres observateurs : Timor-Leste système international tend de plus en
de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et Papouasie-Nouvelle-Guinée Compte tenu de l’échelle, plus vers le polycentrisme : montée en
Communauté de développement Organisation de coopération les départements et territoires
de l’Afrique australe (SADC) de Shanghaï (OCS) d’outre-mer français (DOM- puissance de la Chine ; rétablissement
TOM), membres, à ce titre, de
Communauté économique des Etats membres observateurs : Inde, l’Union européenne, ne sont d’un Etat russe « fort », qui conteste
de l’Afrique centrale (CEEAC) Iran, Mongolie et Pakistan. pas représentés sur la carte. l’unipolarité américaine ; résistances de
diverses ampleurs en Amérique latine ;
nisation des Nations unies, Organisation mique (rupture sino-soviétique, invasion enlisement des guerres d’Afghanistan
du traité de l’Asie du Sud-Est (Otase), de la Tchécoslovaquie, déclin industriel et d’Irak ; crise financière mondiale ;
Traité d’organisation du Moyen-Orient apparent dès les années 1970), déboucha affaiblissement du rôle du dollar en tant
(pacte de Bagdad), pacte militaire entre sur les réformes inabouties de Mikhaïl que monnaie de réserve internationale ;
l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les Gorbatchev au cours des années 1980. rôle croissant d’autres organisations
Etats-Unis (Anzus). Comme le montrent La dissolution du pacte de Varsovie régionales (Mercosur, Anase + 3…).
bien les travaux d’auteurs critiques tels et la disparition de l’URSS (1989-1991), Cette recomposition récente du système
que Bruce Cumings ou Robert Cox, ces accompagnées des politiques ultralibéra- international autour de nouveaux pôles
deux dimensions de la Pax americana les sous Boris Eltsine, firent basculer les régionaux relativise la puissance améri-
étaient étroitement liées. Les Etats-Unis équilibres stratégiques dans un sens uni- caine sans pour l’instant la remettre en
encouragèrent la réindustrialisation de polaire : sans rival, les Etats-Unis domi- question. En somme, l’ordre internatio-
l’Europe de l’Ouest et du Japon, et l’in- nent encore sans conteste la structure de nal de l’après-guerre froide est toujours
tégration économique de la première. sécurité internationale. De très loin pre- en transition. ●
Ces « ceintures » de sécurité et de
prospérité visaient à la fois à contenir
l’expansion du « camp soviétique » et L’ascension de la production
à assurer l’ascendant des Etats-Unis sur Produit intérieur brut (PIB)
leurs principaux alliés, anciens (France, Milliards de dollars PIB mondial
Royaume-Uni) et nouveaux (République 60 000 54 300 milliards
Crise asiatique, 1997-1998 La crise qui de dollars
fédérale d’Allemagne, Japon). 50 000 débute en juillet en Thaïlande entraîne avec
elle la plupart des autres places financières Autres pays
En dépit de la crise de l’économie asiatiques, puis la Russie et l’Amérique latine.
mondiale capitaliste des années 1970 40 000
Ralentissement économique,1980-1985
(inflation, anarchie monétaire), de la dif- 30 000 Deuxième choc pétrolier en 1979,
fusion du pouvoir économique à l’Eu- doublement du prix du baril, crise de la Ensemble
dette des pays en voie de développement des pays riches
rope et au Japon, de la montée en puis- 20 000 et première vague de déréglementation.
sance des pays non alignés contestant 10 000
l’ordre de l’après-guerre et de la défaite Brésil, Russie,
au Vietnam, les Etats-Unis conservèrent 0 Inde, Chine (BRIC)
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2007
leur primauté. La crise simultanée du
Source : Banque mondiale, 2008.
système soviétique, politique et écono-

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 51

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 51 6/02/09 15:53:27


De nouveaux acteurs sur l’échiquier mondial

Chine et Inde, ces géants qui


tion complètement obsolète et dévelop-
Exportations
Le plus grand atelier du monde Milliards de dollars
per les exportations. Mais ce modèle a du
3 800 plomb dans l’aile et la croissance chute.
Toutefois, Pékin a gardé la haute main
Europe 1 900
sur son système bancaire et accumulé
750 d’énormes réserves : 1 800 milliards de
Amérique
du Nord
100 dollars en 2008 ; ce qui lui donne des
Proche- marges de manœuvre.
Orient Communauté des
Etats indépendants Ces sommes, dont une partie se
Afrique Amérique du Sud
et Amérique centrale concentre dans des fonds d’investisse-
ASIE 1 ment détenus par l’Etat – appelés « fonds
Balance
commerciale
souverains » –, servent à prendre des par-
Milliards de dollars ticipations dans les entreprises étrangères
400
Exportations
(1,6 % de Total en 2007, par exemple) ou
Milliards de dollars à acheter des bons du Trésor américains
200 12 000 – même si, depuis la fin 2008, Pékin
Excédent
9 000 se montre plus réticent –, ou encore à
Monde 6 000
0 financer les plans de relance interne.
Déficit 3 000
1. Le cercle représente le montant des échanges intra-asiatiques.
Asie Dans les années 1990, l’Asie subis-
0
200 Source : Organisation mondiale du commerce, 2008. 1998 2008 sait les dérèglements financiers nés en
Occident. Actuellement, elle contribue
à limiter les effets de ce nouvel accès de
Classées hier encore n trente ans, une nouvelle géo- fièvre spéculative. Tout aussi significa-
parmi les pays en voie de graphie de la production mon- tive est la décision prise par les dix pays
diale des richesses s’est dessinée membres de l’Association des nations
développement, la Chine et avec la montée de la Chine, puis de l’Asie du Sud-Est (Anase, ou Asean
l’Inde ont gagné en puissance de l’Inde. Si l’on accepte la comparaison en anglais), plus la Chine, le Japon et
au point de rejoindre le Japon, en parité de pouvoir d’achat établie par la la Corée du Sud – ce que l’on appelle
Banque mondiale en 2008, l’empire du « Anase + 3 » –, de créer un fonds com-
qui jusqu’alors dominait Milieu atteint le deuxième rang mondial, mun des réserves en devises pour faire
seul la planète asiatique. avec 9,70 % du produit intérieur brut total. face à une éventuelle crise financière.
Jamais ces trois nations ne Il demeure loin derrière les Etats-Unis Certains voient dans ce fonds le pré-
(22,51 %), mais devance le Japon, rétro- lude à une future union monétaire asia-
se sont retrouvées fortes en gradé au troisième rang avec 7,07 %, et tique (sur le modèle européen), ce qui
même temps, même si la l’Allemagne au quatrième. Même l’Inde paraît prématuré. Sa création témoigne
crise financière les affecte (avec 4,26 %) passe devant le Royaume- néanmoins de la méfiance des Etats vis-
Uni (3,4 %) et la France (3,39 %). à-vis des organismes financiers inter-
lourdement. Ce mouvement Naturellement, ce classement est nationaux et souligne le dynamisme
tectonique bouleverse chamboulé dès que l’on tient compte de politique de l’Anase.
l’économie mondiale et la population : le dragon chinois passe
alors à la 86e place, et l’éléphant indien RAPPROCHEMENTS
l’ensemble des rapports à la 108e. Il ne faut pas oublier que, si La reconfiguration mondiale ne s’opère
géopolitiques. ces géants n’ont jamais compté autant pas dans le seul domaine économique.
de milliardaires (53 en Inde, 49 en Chine Elle se déploie aussi sur les plans diplo-
en 2007), 47 % des Chinois et 80 % des matique et militaire, éléments majeurs
Indiens vivent avec moins de 2 dollars des nouvelles rhétoriques nationalistes
par jour… Ces inégalités représentent asiatiques. Alors que le Japon resta
d’ailleurs leur talon d’Achille. longtemps un « nain politique », la
Le tsunami financier et économique Chine et l’Inde pèsent fortement dans les
qui secoue la planète ne les a pas épar- affaires de la région et du monde. Mem-
gnés. Certes, tirant la leçon de la crise bre permanent du Conseil de sécurité
qui ébranla le Japon et les « dragons » des Nations unies, la première assume
asiatiques en 1997-1998, la Chine a de nouvelles responsabilités internatio-
d’abord attiré des capitaux étrangers nales, comme on le voit dans ses rap-
pour moderniser un appareil de produc- ports avec la Corée du Nord ou l’Iran. La

52 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 52 9/02/09 11:42:21


bousculent la géopolitique
seconde aspire à une responsabilité simi- que les dépenses militaires explosent.
laire, avec l’appui de l’administration La Chine y consacre quelque 58,3 mil- Sur la Toile
américaine, laquelle cherche à contenir liards de dollars – ce qui la situe au g Association des nations de l’Asie
l’envol chinois. Espérant voir New Delhi troisième rang mondial, derrière les du Sud-Est : www.aseansec.org
jouer un rôle de contrepoids, Washington Etats-Unis (547 milliards de dollars) et g Coopération économique Asie-
lui a offert un statut de puissance nuclé- le Royaume-Uni (59,7 milliards). Elle Pacifique : www.apecsec.org.sg
aire respectable, alors que l’Inde n’a est suivie, à la cinquième place, par le g Stockholm International Peace
pas signé le traité de non-prolifération. Japon (43,7 milliards), à la dixième par Research Institute : www.sipri.org
L’opération n’a pas entièrement réussi, et l’Inde (24,2 milliards) et à la onzième
l’année 2008 a surtout vu un rapproche- par la Corée du Sud (22,6 milliards), g Strategic Foresight Group :
http://strategicforesight.com
ment entre les deux géants, ainsi qu’entre sans oublier le Pakistan, qui possède
le Japon et chacun d’entre eux. aussi la bombe nucléaire. Un arsenal g Hebdomadaire « Far Eastern Economic
Review » (Hongkong) : www.feer.com
L’importance de ces dialogues, militaire régional aussi impressionnant
multilatéral et bilatéral, tient au fait que dangereux. ●

RUSSIE Sakhaline Iles


(Russie)
Tensions asiatiques RUSSIE Kouriles

Oulan-Bator
KAZAKHSTAN MONGOLIE
En provenance Cet espace maritime est appelé
En provenance de Sibérie « mer du Japon » par Tokyo et
de la mer occidentale
CORÉE « mer de l’Est » par Séoul.
Caspienne Pékin DU NORD
Xinjiang Iles Dokdo
Qingdao (Takeshima)
KIRGHIZSTAN
OUZBÉKISTAN JAPON Océan
TADJIKISTAN CORÉE Pacifique
Glacier DU SUD
TURKMÉNISTAN du Siachen
CHINE
Aksai Shanghaï

AFGHANISTAN Cachemire Chin Tibet Iles


Senkaku
(Diaoyu)
PAKISTAN
NÉPAL BHOUTAN Kunming Iles Quemoy Okinawa
IRAN et Amoy (Japon)
BANGLADESH TAÏWAN
Chittagong VIETNAM Passage Mariannes du Nord
Gwadar de Bashi (Etat autonome associé
LAOS Hainan aux Etats-Unis)
En BIRMANIE
INDE Sittwe Vientiane Mer de Chine
provenance méridionale Guam
du Golfe Rangoun Paracels (Etats-Unis)
Manille
Iles THAÏLANDE (Xisha)
Mer Golfe du Cocos VIIe flotte américaine
d’Oman CAMBODGE Pacifique ouest
Bengale PHILIPPINES
Bangkok ÉTATS FÉDÉRÉS
Récif Spratleys DE MICRONÉSIE
SRI Isthme Fiery Cross (Nansha) Mindanao
LANKA de Kra
En
provenance Hambantota Bachok
d’Afrique Yan BRUNEI
MALDIVES MALAISIE PALAU
Malé
Marao SINGAPOUR MALAISIE
Océan Détroit En provenance
Indien de d’Amérique
latine
Ve flotte américaine Malacca
Diego Garcia océan Indien, Golfe
(Royaume-Uni) et mer Rouge
0 1 000 km
PAPOUASIE-
Domaines maritimes revendiqués I N D O N É S I E NOUVELLE-
Zones de conflits et de tensions
TIMOR-LESTE GUINÉE
Chine Conflits majeurs
Japon Tensions et violences politiques
Forces militaires en présence Voir aussi cartes p. 64, 69, 136.
Inde Différends territoriaux
Possibilité d’extension Approvisionnement en énergie Etats-Unis Chine
de la souveraineté indienne Voies traditionnelles Voies alternatives Pays alliés des Etats-Unis « Collier de perles » : bases ou facilités
sur le plateau continental Principales bases ou militaires chinoises existantes ou en
(au-delà des 200 milles marins) Projets alternatifs de « corridors énergétiques »
facilités militaires projet, et accords avec des pays alliés
Développement de projets alternatifs
Zones maritimes contestées d’oléoducs et de gazoducs terrestres Marine de guerre Flotte militaire chinoise
Sources : Atlas de la République populaire de Chine ; Wayne Bert, The United States, China and Southeast Asian Security : A Changing of the Guard ?, 2003 ; Asia Times,
7 avril 2006 ; Didier Ortolland et Jean-Pierre Pirat, Atlas géopolitique des espaces maritimes, 2008 ; United States Department of Defence.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 53

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 53 6/02/09 15:53:40


De nouveaux acteurs sur l’échiquier mondial

L’Amérique latine se libère


Champ de bataille Est-Ouest depuis les années 1950, sous la coupe e 20 avril 2008, au Paraguay,
de dictatures jusqu’au milieu des années 1980, tombé entre après soixante et une années de
pouvoir du Parti colorado – dont
les mains des institutions financières internationales au retour des trente-cinq sous la botte du dic-
démocraties, le sous-continent américain n’est pourtant pas dompté. tateur Alfredo Stroessner (1954-1989) –,
la victoire de l’ancien « évêque des pau-
vres », Fernando Lugo, constitue une
rupture historique. Elle marque aussi
�������������������������������� un nouveau pas en avant de la gauche
et du centre gauche sur l’ensemble de
����������
l’échiquier latino-américain.
Qui eût pu imaginer, au début des
����� années 1990, que les présidents de
���������� tant de pays – Argentine, Bolivie, Bré-
����� sil, Cuba, Chili, Equateur, Nicaragua,
�������� ������� Paraguay, Uruguay, Venezuela – fussent
�������
vraiment le fruit du choix de leur propre
���� ���������� peuple, et non de celui de l’ambassade
������� ������
����� ����������� des Etats-Unis ? L’échec patent de vingt
�������� ��������� ans de néolibéralisme se mesure ici.
���������
����� ��������� �������
Washington n’apprécie guère la nou-
��������
��������� ���������� �
���������� velle donne. Pourtant, ces gouverne-
���������� ���������� ments ne détruisent pas l’Etat
������ ��������� ������ ����
������ �������� ��������� « bourgeois ». Dans l’en-
��������
������ ������� semble, ils respectent la
����
���������������������� ������ propriété privée des
��������
��������������������������������� ����� moyens de pro-
���������������������������������������
�������� duction et les
����������������������������������������� règles de la
� � � � � � � �
���������������� démocratie.
�������������������������������� �����
S’ils pro-
��������������������
gressent en
����������������������������������� ����
��������
matière de
������������������������������������������������������� ������� défense des
�������������������������������������������� ������ ������ droits humains
��������������������������� et saupoudrent
��������
��������� leurs politiques
���������������������������������������� ��������������
de mesures socia-
�������������������������������� ��������
��������������
����� les, les pays de l’axe
���������
social-libéral – Chili,
�������������������������������� Brésil, Uruguay, etc. –
�������
���������������������������������������������������� �������� ������ freinent les revendications
�����������������������������������������������������
����� ���������� des mouvements populaires
���������������
et les excluent du centre de la
���������������������������������
scène politique. Ils n’en constituent
����������������������� pas moins des remparts face à la droite
������������������������������������������ conservatrice.
�������������������������������
Plus à gauche, à la fois nationalistes
����
(mais le Brésil ne l’est-il pas ?) et inter-
�����������������������������������
��������� nationalistes, les « radicaux » évoquent
���� �������������������������������������������������� �������
le « socialisme du XXIe siècle ». En
�������������������������������������������������������������� nationalisant partiellement les hydrocar-
������������������������������������������������� bures, les gouvernements vénézuélien et
���������������������������������������������������
���������������������������������������������� � ����� �������� bolivien ont acquis les moyens de met-
���������������������������������
tre en œuvre d’importants programmes

54 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 54 6/02/09 15:53:47


de la tutelle des Etats-Unis
sociaux. Cuba, la Bolivie, le Nicara-
gua, le Venezuela puis le Honduras ont ��������������������
ouvert un nouvel espace géopolitique :
l’Alternative bolivarienne pour les Amé-
riques (ALBA).
Alliances énergétiques régionales,
chaîne de télévision destinée à contrecar-
rer le monopole des médias privés (Tele-
sur), Banque du Sud desserrant l’étau de
la Banque mondiale et du Fonds moné-
taire international (FMI) voient le jour, ���������������
parfois en alliance avec les « modérés ». �����������������
�����������������
�������
Coopération, complémentarité, solida- �������
��������������������������
��������������������
rité, respect des souverainetés natio- �����������������������
nales : un nouvel état d’esprit apparaît. ����������������
��� ����������������
DANS LE COLLIMATEUR ����������������
�����������������
En 2003, le Chili, le Mexique (pourtant �� �� ��� ��� ������������������
très conservateur) et les représentants ��������������������������������� ���������������������������������
sud-américains au Conseil de sécurité ���������������������� ����������������������

des Nations unies s’opposaient à la réso-


lution approuvant l’invasion de l’Irak.
Le secrétaire général de l’Organisation
des Etats américains (OEA), le Chilien
José Miguel Insulza, n’a pas, lors de
son élection, été soutenu par les Etats- �

Unis. Le grand projet de Washington – la


création d’une Zone de libre-échange �����������
des Amériques (ZLEA, ALCA en espa- ������������
�����������������
gnol), immense marché de 800 millions �������
d’habitants – a fait long feu. ����������
En dépit des différences, voire des ������������������
��������������� ��������������������
désaccords, existant entre « radicaux » ��������������������� ���
�������������������������
et « modérés » – comme celui qui
���������������� ��
concerne le développement des agro- ����������������������
��
carburants, dont Brasília se veut le plus ������������������������� �
ardent défenseur, avec Washington –, ���� �

les Etats-Unis, enlisés en Irak, ne par- ����� �����������������������


��������������������������������������������� ����������������������������������
viennent pas à enfoncer un véritable
coin entre leurs gouvernements. La
présidente chilienne, Michelle Bache- le cadre de l’OEA, où elle dispose de de ses régions les plus riches. En Colom-
let, a accepté la présidence de l’Union l’appui inconditionnel des Etats-Unis. bie, la permanence au pouvoir d’Alvaro
des nations sud-américaines (Unasur), Washington tente en effet de repren- Uribe ou d’un de ses proches pourrait
regroupement politique et économique dre la main. Avec la réactivation, le servir de tremplin à cette volonté de
autonome dont l’acte de naissance a été 25 avril 2008, de la IVe flotte, dotée de reprise en main. ●
signé le 23 mai 2008, à Brasília. combattants entraînés pour les opéra-
Plus difficiles s’annoncent les négo-
ciations sur la création d’un Conseil sud-
tions spéciales, les Etats-Unis enten-
dent diriger et coordonner les marines
Sur la Toile
américain de la défense, idée lancée en d’Amérique centrale et du Sud – contre g Mercosur : www.mercosur.int/msweb
2003 par le Vénézuélien Hugo Chávez et le « trafic de drogue et le terrorisme ». g BBC Mundo Noticias :
reprise par le Brésilien Luiz Inácio Lula Cuba demeure dans le collimateur ; une http://news.bbc.co.uk/hi/spanish/news
da Silva. Mécanisme multilatéral des- violente campagne tente de discréditer le
g Agencia latinoamericana
tiné à prévenir et à résoudre les conflits Venezuela et l’Equateur et de déstabili- de información :
plus qu’alliance militaire, le projet a été ser la Bolivie, à travers la revendication www.alainet.org
rejeté par la Colombie, qui lui préfère d’autonomie (une quasi-souveraineté)

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 55

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 55 6/02/09 15:53:55


De nouveaux acteurs sur l’échiquier mondial

Si l’Union européenne jouait


son rôle dans le monde
Quand l’Union européenne ’Europe instituée comme Union afin de fixer des objectifs d’amélioration
européenne n’est ni un Etat ni de la compétitivité sous la forme de la
évite d’imiter l’allié américain,
une nation, même si elle pré- « stratégie de Lisbonne ». Elle a inspiré
et quand son organisation sente des éléments de gestion aussi un projet de Constitution que ses
fondée sur le droit et fédérale – la monnaie – et suscite un promoteurs voyaient comme une répli-
sentiment d’identité politique et d’appar- que de celle des Etats-Unis, dessinée
le compromis lui permet
tenance culturelle. La considérer comme lors de la convention de Philadelphie
de mieux faire comprendre un « nain politique » est à la mode. Sur (1787). Idem pour évoquer le profil du
ses intérêts, alors elle peut quoi repose cette appréciation ? futur président stable de l’Union, qui
D’abord sur une comparaison impli- devra être un George Washington.
peser sur les rapports de forces
cite ou explicite avec les Etats-Unis. Cette L’expansion spatiale de l’Union
internationaux. référence obligée à l’allié américain est européenne obéit à une vision stratégi-
une constante de l’attitude européenne que élaborée à Washington : achever le
travail de stabilisation et de démocrati-
����������������������������������������� sation entamé après la seconde guerre
��������� ���� mondiale et continué après 1989-1991
pour intégrer dans la future Union tout
le continent, Turquie et Caucase inclus,
� � �� � � � � �� � � sans la Russie. L’Union se construit à
l’ombre portée d’un grand allié exerçant
une pression permanente ; chaque nou-
velle mission (stabiliser les Balkans ou
le Caucase, assurer la sécurité énergéti-
que, intégrer la Turquie et l’Ukraine…)
est présentée comme un test de la cré-
�������� ��������
dibilité européenne.

LE PREMIER MARCHÉ
������ ������
��� �
Et, si l’Union n’agit pas assez vite, les
������������������������������������ ����������������������������������� ������������������ velléités d’extension de l’Organisation
������������������������������� ��������������������������������� �������������������� du traité de l’Atlantique nord (OTAN)
sur les confins de la Russie servent à rap-
���������������������������� peler les priorités. Il faudrait donc que
��������������������������������������������������������� ��������������������
les Européens se décident à penser par
������������������� ����������������������
������������������������ eux-mêmes l’avenir de leur continent
�������������������������
�������������������� et de ses marges. D’autant que le bilan
du messianisme hégémonique améri-
��������������� cain et de ses actions de force n’a rien
������ �������� ����� ������ ������� ������
������� �������� �������� �������� ������� ������
d’enviable ni de concluant. La mission
����� ������ �������� européenne d’observation en Géorgie
������� ���������
��������� �������� ������� ������
de l’automne 2008 relève d’une autre
��������� ���������� ����������� ������� logique, en continuité des 17 opérations
������������� �������
����� �������� ��������
�������� ������
extérieures, dont cinq militaires, dix ans
�������� ������������
������� ������� ����������� ������� seulement après l’initiative franco-bri-
������� ������� ������� tannique de Saint-Malo, qui a lancé la
����� ����������� �������� ���������
���������� �������� ���������� défense européenne et fait de l’Union
������������������ européenne un acteur-clé dans la stabi-
�������
lisation des crises extérieures.
����������� ����������
Une seconde contrainte dans l’af-
������� ���������� ������
����������� ����������� firmation politique des Européens tient
����������� ������������
à la configuration singulière et hétéro-

56 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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L’Europe en « accords » avec le monde

Canada

Etats-Unis
Mexique

Russie
Chine
Caraïbes

Europe
Géorgie Afghanistan
Inde Indonésie
Irak Iran Atjeh

Territoires Pays
palestiniens du Golfe
Yémen
Guinée- Tchad Darfour
Brésil Bissau Corne de Voir aussi carte p. 75.
Soudan l’Afrique
Partenariat stratégique : accord sur le commerce,
Rép. le développement et la coopération
dém. du
Union européenne Congo Partenariat transatlantique
Espace économique européen Accord de partenariat et de coopération
Espace Schengen Accord euro-méditerranéens d’association
Accord de coopération Union européenne-
Elargissement Conseil de coopération du Golfe
Pays candidat bénéficiant Accord de coopération pour la sécurité
d’un partenariat pour l’adhésion
Afrique Partenariat oriental
Pays candidat bénéficiant d’un accord du Sud
de stabilisation et d’association Accord de Cotonou
Statut avancé Missions civiles ou militaires de l’Union européenne
(en cours ou terminées)
NB : l’Union européenne est aussi engagée dans des missions civiles et militaires Accord de coopération bilatéral
dans les Balkans occidentaux (Kosovo, Bosnie-Herzégovine et Macédoine).
Elle a engagé un dialogue avec Cuba et « rehaussé » son accord avec Israël. Elle a Plan d’action Paix et sécurité (Union africaine)
aussi lancé l’initiative Union pour la Méditerranée, qui regroupe les Etats riverains Dialogue Asie-Europe
plus la Mauritanie et la Jordanie. Corridor Traceca (Transport Corridor
Sources : Union européenne, Commission européenne, Transport Corridor Europe-Caucasus-Asia. Europe-Caucasus-Asia)

gène de l’Union dans le paysage géopoli- défense ou de l’Organisation des Nations Manque encore l’explicitation et la
tique contemporain, qui reste proche du unies (ONU). Mais, surtout, son mode promotion d’intérêts européens com-
concert concurrentiel des nations de la fin privilégié d’action est celui de la norme : muns. Le concept, cité deux fois seule-
du XIXe siècle. Le monde tel qu’il est en elle agit en puissance normative. ment dans le premier document de stra-
2008 n’est en rien organisé comme l’est C’est le cas avec l’environnement, tégie publié en 2003, commence à faire
l’Union : d’un côté, un système mondial dont les objectifs décidés par les 27 Etats son chemin. Dans un monde caractérisé
fondé sur le jeu classique des intérêts membres sont ensuite négociés avec les par la « puissance relative », selon Pierre
nationaux, qui s’expriment tantôt dans autres Etats, mais aussi la régulation de la Hassner, l’Union a toutes les chances
la rivalité, tantôt dans la négociation, de compétition avec la capacité de la Com- de pouvoir contribuer à façonner les
sorte que les grands acteurs interdépen- mission à sanctionner le monopole de indispensables règles internationales, ne
dants (Etats-Unis, Chine, Inde, Russie) Microsoft et les règles de gouvernance, serait-ce que parce que c’est le premier
sont en même temps partenaires et adver- notamment dans le choix des normes marché du monde, ainsi que l’expérience
saires ; de l’autre, une organisation régio- comptables, ou encore lors des négo- la plus achevée d’intégration politique
nale sui generis fondée sur le droit et la ciations à l’Organisation mondiale du régionale sur une base démocratique. ●
pratique du compromis entre les Etats- commerce, ou enfin avec l’esquisse d’un
nations membres, peinant à expliciter et
à promouvoir des intérêts communs.
modèle européen de sécurité énergétique.
L’expression de positions communes
Sur la Toile
Ces deux facteurs expliquent que dans les enceintes internationales se g Union européenne : http://europa.eu
l’Union se pense d’abord comme une confirme, notamment sur les questions g Conseil de l’Europe : www.coe.int
puissance civile, même si elle n’a jamais relatives aux droits de l’homme traitées g Fondation Robert Schuman :
www.robert-schuman.eu
eu autant de forces engagées dans des à l’ONU : unie, l’Union dispose d’une
opérations militaires extérieures, que capacité d’entraînement réelle au sein de g Rubrique Europe de la Fondation
Copernic : www.fondation-copernic.org/
ce soit sous mandat de l’OTAN, de la ces instances, notamment avec les Etats spip.php?article169
politique européenne de sécurité et de d’Amérique latine.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 57

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 57 9/02/09 11:14:46


De nouveaux acteurs sur l’échiquier mondial

Ces groupes armés qui font


Sept ans de « guerre contre l y a dix ans, l’Europe était l’épicen- du traité de l’Atlantique nord (OTAN)
le terrorisme » ont entraîné tre de la politique étrangère améri- s’enlisent dans le pays. L’Irak résiste
caine. Désormais, tout a changé. Le à une occupation étrangère et endure
la région dite du « Grand Proche-Orient occupe pour le prési- dans le même temps des affrontements
Moyen-Orient » dans dent George W. Bush, pour la secrétaire interconfessionnels et interethniques.
le chaos et la fragmentation. d’Etat Condoleezza Rice, et il occupera Le Liban a connu, à l’été 2006, une
pour leurs successeurs, la place que guerre destructrice menée par Israël. En
La nouvelle administration tenait l’Europe auprès des différentes Palestine, la colonisation et la répres-
américaine a affirmé sa volonté administrations durant le XXe siècle. » sion ont accéléré le fractionnement du
de changer de cap. Cette appréciation de l’ancien sous- territoire ainsi que le délitement de la
secrétaire d’Etat américain Nicholas société ; la guerre contre Gaza aussi.
Burns résume le point de vue qui a Et l’on pourrait évoquer la Somalie,
dominé à Washington depuis le 11-Sep- le Darfour, les tensions et les attentats
tembre : le « Grand Moyen-Orient », qui récents au Pakistan, la « menace terro-
s’étend du Pakistan au Maroc, en passant riste » au Maghreb, etc.
par la Corne de l’Afrique, est devenu le
terrain principal de déploiement de la DES ÉTATS DISPARAISSENT
puissance américaine. En raison de ses Si les guerres sont multiples, mille et
ressources pétrolières, de sa place stra- un liens se tissent désormais entre elles.
tégique, de la présence d’Israël, la zone Armes, hommes, techniques traversent
a toujours figuré parmi les priorités des des frontières de plus en plus poreuses,
Etats-Unis. Désormais, elle a remplacé parfois dans le sillage des centaines de
l’Amérique latine comme « arrière-cour milliers de réfugiés poussés à l’exil
immédiate » des Etats-Unis (Philippe par la férocité des combats. Ainsi, en
Droz-Vincent). Afghanistan, se répandent depuis deux
Le « Grand Moyen-Orient » s’est ans des formes de lutte qui ont vu le jour
transformé en une « zone de guerres en Irak, notamment les attentats-sui-
à outrance », marquée par le nombre cides (inconnus pendant l’occupation
de ses conflits sanglants et par leur soviétique) – on retrouve ces mêmes
simultanéité – mais également par la méthodes en Algérie –, ou l’usage des
participation directe des armées occi- bombes IED (improvised explosive devi-
dentales. L’Afghanistan s’enfonce ces, ou « engins explosifs improvisés »)
dans le chaos tandis que les troupes contre les transports de troupes. Des
américaines et celles de l’Organisation milliers de combattants arabes, paki-
stanais ou originaires d’Asie centrale,
formés en Irak, essaiment désormais,
En provenance du
Royaume-Uni, Tchétchénie
OUZBÉKISTAN
de l’Algérie à l’Afghanistan, en passant
de France, d’Espagne KIRGHIZSTAN par le Liban.
et d’Allemagne
TURQUIE Dans ce contexte, les Etats de la
TUNISIE LIBAN SYRIE région, déjà affaiblis par des décennies
IRAK
MAROC PALESTINE
IRAN
de dictature et de corruption, voient
ALGÉRIE
AFGHANISTAN leur rôle amoindri. Dans certains cas,
LIBYE PAKISTAN
SAHARA ÉGYPTE ÉMIRATS ils ont purement et simplement disparu,
OCCIDENTAL ARABES UNIS
comme en Afghanistan. En Irak, la désa-
ARABIE OMAN
MAURITANIE SAOUDITE grégation actuelle n’est pas seulement le
résultat de la guerre, mais aussi de près
YÉMEN
SOUDAN ÉRYTHRÉE de treize ans d’embargo (1990-2003)
qui ont vidé l’Etat de sa substance.
SOMALIE
ÉTHIOPIE Au Liban, la situation reste fragile. En
Fronts de la « guerre
Palestine, l’Autorité survit grâce à une
contre le terrorisme » aide militaire et économique étrangère
Autoroute de et à l’appui du gouvernement israélien.
l’« Internationale insurgée »
Circulation des combattants, Des territoires entiers, du Kurdistan ira-
Autoroute des résistances des idées et des techniques kien à Gaza, s’autonomisent, avivant
militaires
d’autres aspirations indépendantistes,

58 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 58 6/02/09 15:54:12


peur à l’Occident
ROUMANIE RUSSIE Mer d’Aral
SERBIE Novorossiisk Tchétchénie Almaty
Mer Aktaou KAZAKHSTAN
BULGARIE Noire Abkhazie
Ossétie du Sud Bichkek
MACÉDOINE GÉORGIE
AZERBAÏDJAN
OUZBÉKISTAN Tachkent
ARMÉNIE Tbilissi
Haut-Karabakh KIRGHIZSTAN
Istanbul Erevan
GRÈCE Ankara Kurdistan Bakou
turc Mer
TURKMÉNISTAN Douchanbé CHINE
TURQUIE Tabriz Caspienne TADJIKISTAN
Ceyhan Achkhabad
Mazar-e-Charif Glacier du
Mossoul Téhéran Machhad Territoires Siachen
Nicosie tribaux
CHYPRE
SYRIE Kirkouk Kurdistan Herat Kaboul
LIBAN iranien Peshawar
Mer Beyrouth Damas Baiji Qom AFGHANISTAN Cachemire
Bagdad
Méditerranée Tel-Aviv IRAK Islamabad
PALESTINE Amman Kerbala IRAN Kandahar
Jérusalem Lahore
Nadjaf
Le Caire ISRAËL Quetta Waziristan
Sinaï JORDANIE Koweït
KOWEÏT Chiraz PAKISTAN
Golfe
ARABIE Bandar-e-Abbas Baloutchistan
LIBYE SAOUDITE Manama
BAHREÏN INDE
ÉGYPTE QATAR Gwadar
Riyad Doha Karachi
Médine Mascate Mer
Abou
ÉMIRATS Dhabi d’Oman
ARABES
Mer UNIS Océan
Rouge La Mecque
Indien

OMAN
Najran
TCHAD
ÉRYTHRÉE Sanaa
Khartoum Asmara YÉMEN
Darfour Socotra
SOUDAN Aden Golfe (Yémen)
d’Aden
Sanaag Voir aussi cartes p. 124 à 135, et p. 48.
DJIBOUTI
Djibouti Berbera Foyers d’instabilité
ÉTHIOPIE Hargeisa SomalilandSool
Conflit majeur ouvert Conflit majeur gelé
Addis-Abeba Puntland
Sud-Soudan Etats désignés par les Etats-Unis comme ennemis
CENTRAFRIQUE Etats ou territoires en guerre, en voie de
fragmentation, dont l’essentiel échappe au contrôle du
gouvernement actuel. Actions violentes quotidiennes
SOMALIE Risque d’extension du chaos
Mogadiscio
Territoires échappant plus ou moins à l’autorité
RÉPUBLIQUE OUGANDA centrale ou ayant des velléités autonomistes
DÉMOCRATIQUE KENYA
DU CONGO Présence militaire Etats ayant accepté de collaborer avec les Etats-Unis
dans la « guerre contre le terrorisme »
américaine et britannique
Zone de haute fréquence de piraterie maritime
Bases et facilités
TANZANIE Réserves énergétiques
Navires d’assaut
et porte-avions Exploitation de pétrole ou de gaz
Géographie du « chaos » 0 500 1 000 km Passages et verrous maritimes stratégiques

des Kurdes de Turquie aux Baloutches


d’Iran et du Pakistan.
militaire israélienne. L’impasse politique
en Palestine, la dislocation des Etats,
Sur la Toile
Jamais le rôle des groupes armés les interventions militaires successives g Sur le « Grand Moyen-Orient »
n’a été si important, rendant plus com- des Etats-Unis favorisent un désespoir américain (Middle East Partnership
Initiative) :
plexe toute négociation. En Afghani- suicidaire et apportent des arguments à
http://mepi.state.gov/mepi
stan, comme en Irak ou en Somalie, ce la surenchère d’Al-Qaida. Que des grou-
sont eux qui mènent la danse. Au Liban, pes se réclamant d’Al-Qaida puissent se g Just World News (Helena Cobban) :
www.justworldnews.com
c’est le Hezbollah ; à Gaza, le Hamas est développer en Irak et en Afghanistan,
désormais maître du terrain. Ces orga- essaimer dans les camps palestiniens g The Middle East Research and
Information Project :
nisations font preuve d’une efficacité du Liban, s’implanter au Maghreb ou www.merip.org
redoutable. En Irak, elles mettent en en Somalie confirme la pression d’une
échec la principale armée occidentale ; idéologie extrémiste à l’heure où les g Gulfnews.com :
www.gulfnews.com
en Afghanistan, l’OTAN est incapable frontières régionales se fissurent, où
de les réduire ; au Liban, le Hezbollah les « minorités » s’affirment avec plus
g Mideast Monitor :
www.mideastmonitor.org
a démontré les limites de la puissance de force. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 59

-1-Nouveaux rapports de forces.indd 59 6/02/09 15:54:17


Boutique-Atlas:Mise en page 1 6/02/09 10:35 Page 1

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II - Le monde vu de…
La mondialisation, dans un cadre polycentrique,
implique l’affrontement de puissances
aux intérêts contradictoires. La représentation
que chacune se fait du monde détermine
l’orientation de sa politique.

07

.
.
.
.
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e,

Pages annexes09.indd 61 6/02/09 15:57:14


Le monde vu de…

Grande puissance militaire,

Les Etats-Unis, seule grande œur de l’économie libérale Dans la vision américaine de l’après-
mondiale et puissance mili- guerre froide, la suprématie militaire
puissance militaire, sont
taire dominante depuis 1945, assure la sécurité globale, garantit les
devenus le premier débiteur les Etats-Unis connaissent équilibres régionaux, protège les sources
et ils dépendent de flux aujourd’hui une crise multidimension- et les flux énergétiques, et sert d’outil dis-
nelle. L’implosion du secteur finan- ciplinaire contre les Etats dits « voyous »,
financiers externes. Ils sont
cier américain en 2007-2008 a révélé très peu nombreux, qui représenteraient
à l’origine de la crise actuelle. les failles du régime postkeynésien de une éventuelle menace pour l’ordre
croissance et d’accumulation reposant américano-centré. Dans une optique
sur l’endettement. En même temps, si critique, la position de « Léviathan mili-
les Etats-Unis dominent sans conteste taire » sert à perpétuer sinon à étendre
Pourquoi des esquisses ? la structure de sécurité internationale, l’hégémonie mondiale des Etats-Unis
Produit de la rencontre entre
les difficultés rencontrées en Irak et (Irak), les « Etats voyous » jouant, dans
une science et un art, la carte en Afghanistan ont mis en lumière les l’après-guerre froide, le rôle fonctionnel
est d’abord une esquisse limites de la puissance de coercition autrefois occupé par l’Union soviétique
qui souligne la dimension (hard power) comme moyen de régula- en tant que facteur de mobilisation. Les
subjective de la cartographie. tion des conflits. Il s’ensuit une fragili- alliances sécuritaires conclues contre eux
En voici douze exemples. sation de la position des Etats-Unis dans sont censées inhiber les mouvements
le système mondial. centrifuges tant en Europe qu’en Asie.

62 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-2-Le monde vu de.indd 62 6/02/09 15:58:10


premier débiteur mondial

rencontrées dans ces deux pays. De principale monnaie de réserve interna-


façon plus fondamentale, dans l’histoire tionale, les Etats-Unis n’en paient pas
contemporaine, aucune grande puissance les coûts d’ajustement. De plus, tirée
n’a conservé sa prédominance par le seul par les exportations, la croissance de la
exercice de la force. Au cours des trente plupart des pays émergents dépend de la
dernières années, les Etats-Unis sont santé de l’économie américaine. Cette
devenus le premier débiteur mondial, configuration de codépendance limite
le volume de leur dette nette externe les possibilités de transformation. A
(écart entre les créances internationales plus long terme cependant, la position
publiques et privées détenues par les débitrice des Etats-Unis, si elle n’est pas
Etats-Unis et celles qui sont détenues corrigée, réduira leur autonomie. Signa-
sur des actifs américains par des acteurs lons enfin cette difficulté américaine
étrangers) passant de 250 milliards de supplémentaire, leur dépendance externe
dollars en 1982 à 360 milliards en 1997 énergétique croissante (23 % en 1970,
(5% du PIB) et à 3700 milliards en 2007 60 % aujourd’hui) dans un contexte
(27% du PIB). d’augmentation rapide de la demande
globale, de raréfaction des ressources et
VERS UN MONDE POSTAMÉRICAIN ? de hausse tendancielle des prix.
En augmentation constante depuis Cette explosion de la dette a été finan- La crise de 2008 a remis en question
2001, les dépenses militaires américaines cée par des flux financiers provenant la pérennité de la puissance et accentué
représentent aujourd’hui près de 50 % des principalement du Japon et des pays l’émergence d’un monde pluriel post-
dépenses mondiales – 711 milliards de émergents (les déficits américains cor- américain. Habituées à être au centre
dollars, sur un total estimé à 1 472,7 mil- respondent aux surplus de ces derniers : depuis fort longtemps, les élites améri-
liards (2008). En y ajoutant, comme il se 3 000 milliards de dollars pour les seuls caines vont sans doute devoir à l’avenir
doit, les dépenses des alliés des Etats- pays émergents, Russie incluse). Près réduire leurs ambitions. ●
Unis, le total atteint 1 150 milliards de de 45 % des bons du Trésor américains
dollars, soit 81 % des dépenses mon-
diales. De plus, les Etats-Unis disposent
sont ainsi détenus par des investisseurs
publics et privés étrangers, contre 20 %
Sur la Toile
d’un réseau global d’au moins 725 bases en 1994. La Chine en détient 10 %. Para- g IRIS : www.iris-france.org
dans plus de 130 pays sur cinq conti- doxalement, cette dernière et les autres g CIA : www.cia.gov/library/
nents. A l’heure actuelle, 288 627 mem- créanciers des Etats-Unis ont ainsi publications/the-world-factbook/
bres des forces armées américaines sont financé l’expansion militaire américaine g New Economics Foundation :
stationnés hors des Etats-Unis, auxquels et contribué à la formation de la bulle www.neweconomics.org
il faut ajouter les 221 700 déployés en financière qui vient d’éclater. g Economic Policy Institute :
Irak et en Afghanistan. Notons que, pour le moment, le poids www.epi.org
Or l’utilité de cette vaste machine de la dette externe n’est pas insuppor- g RGE Monitor : www.rgemonitor.com
militaire est relativisée par les impasses table : libellée en dollars, qui reste la

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 63

-2-Le monde vu de.indd 63 6/02/09 18:27:02


Le monde vu de…

La Chine s’invite
au banquet
des grands
Les excédents sont chinois,
les déficits, américains
et européens : cette formule
a le mérite de pointer
du doigt les changements
intervenus dans le commerce
mondial. Les flux financiers
ont suivi le même chemin.
Ces performances économiques
donnent à la Chine un statut
politique inédit mais encore
fragile, comme le prouve
la crise financière.

ékin joue dans la cour des des ventes chinoises à l’étranger. Pour est, à certains égards, une vaste plate-
grands, créant une interdépen- moderniser un appareil de production forme d’assemblage de produits fabri-
dance économique inédite. Les obsolète et pour s’insérer dans le grand qués ailleurs, ses importations se sont
Etats-Unis importent de Chine marché globalisé, Pékin a, dès 1979, également contractées et ses excédents
cinq fois plus qu’ils n’y exportent (le facilité l’arrivée massive de capitaux restent importants.
trou était de 175,43 milliards d’euros étrangers. En 2007, les investissements
en 2007) ; pour l’Union européenne, directs étrangers (IDE) en Chine ont DIPLOMATIE PÉTROLIÈRE
le rapport est de un à trois (159 mil- dépassé les 80 milliards de dollars (por- Le gouvernement a multiplié les
liards d’euros de déficit). Le Japon, qui tant le stock à 760 milliards de dollars). mesures d’envergure pour dynamiser
a détrôné l’Amérique en devenant le Historiquement, Pékin est allé chercher la demande intérieure. Avec d’autant
premier partenaire de la Chine, a des les fonds dans son arrière-cour, Hong- plus de vigueur qu’il craint des explo-
échanges excédentaires. kong, réintégrée depuis dans son giron sions sociales – 10 millions de salariés
Si l’investissement intérieur absorbe (en 1997). Les sources se diversifient au (sur une population active de près de
40 % des richesses produites, les expor- fil du temps, même si Hongkong repré- 800 millions) ont été licenciés en 2008.
tations restent le moteur le plus actif sente encore plus du quart des IDE. Il redoute également la montée de mesu-
de l’économie. L’« atelier du monde », Les flux arrivent également du Japon res protectionnistes qui se profilent dans
selon l’image consacrée, ne se contente (3e investisseur), de la Corée du Sud (4e) les pays occidentaux. Non sans raison.
pas de fabriquer des produits bas de et même de Taïwan (8e), qui se situe der- Ses réserves financières lui don-
gamme : il marque des points dans la rière les Etats-Unis (6e). nent des marges de manœuvre. A l’in-
production high-tech. La Chine réalise La dépendance de la Chine vis-à-vis térieur comme à l’extérieur. En 2007,
près de 20 % des exportations mondiales de l’extérieur s’est révélée dangereuse les investissements chinois à l’étranger
de produits électroniques. après le typhon qui s’est abattu sur l’éco- s’élevaient à 93,7 milliards de dollars. Le
Toutefois, made in China ne signifie nomie mondiale. Ses exportations ont montant reste modeste, mais il a plus que
pas made by China : des entreprises non chuté de 6 % au cours des trois derniers doublé en quatre ans. Une partie de ces
chinoises effectuent plus de la moitié mois de 2008. Certes, comme la Chine fonds a servi à racheter des entreprises

64 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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(l’américain IBM par Lenovo, par exem- début des années 1980 au président Hu
ple), et à prendre des parts dans des gran- Jintao actuellement – ont à la fois joué
des banques d’affaires (voir p. 52). Les la carte des organisations internationales
grandes sociétés et les fonds souverains et les relations bilatérales. Pour retrouver
chinois ont surtout privilégié les inves- un poids régional, Pékin a patiemment
tissements dans les entreprises minières tissé des liens au sein de l’Association
(en Afrique, en Amérique latine), dans des nations de l’Asie du Sud-Est (Anase),
le secteur pétrolier (en Iran, Angola, au alors que cette organisation née de la
Nigeria, Soudan…) – on a d’ailleurs guerre froide n’avait aucune sympathie
parlé de « diplomatie pétrolière ». De pour ce « dragon » communiste.
plus en plus, il faut y adjoindre l’achat ou En 2004, une zone de libre-échange
la location de terres pour des productions a même été créée. Les relations bilaté- Sur la Toile
agricoles. La ruée vers l’Afrique a été la rales ont permis de consolider l’édifice.
plus spectaculaire (voir p. 180). La Chine a réussi à régler les conten- g Site officiel sur les investissements
étrangers : www.fdi.gov.cn
Soucieux d’assurer la sécurité de tieux frontaliers avec 13 de ses voisins
son approvisionnement énergétique, (dont la Russie, l’Afghanistan, la Mon- g Agence d’informations Chine
Pékin n’en oublie pas pour autant ses golie, etc.). nouvelle : www.xinhuanet.com
objectifs politiques : la Chine exige, Sa puissance régionale reconnue, g Centre d’études Asie :
non sans succès, que les pays avec les- elle s’affirme sur la scène internatio- www.centrasia.org
quels elle commerce renoncent à leurs nale. En mars 2008, elle comptait près g Labour Bulletin, Hongkong :
liens diplomatiques ouverts avec Taïwan de 2 000 soldats participant aux mis- www.china-labour.org.hk
(23 représentations en 2008, contre 32 sions des Nations unies (Liban, Républi-
dix ans plus tôt). que démocratique du Congo, Liberia…), g Revue « Perspectives chinoises » :
http://perspectiveschinoises.revues.org
Avec une certaine habileté, les auto- et elle se situait au 12e rang des pays
rités chinoises – de Deng Xiaoping au contributeurs, devant la France. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 65

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Le monde vu de…

Tokyo mise sur les mangas


Coincé entre ses obligations epuis que ses ambitions hégé- officielles du chef du gouvernement
moniques en Asie ont été rédui- japonais en Asie du Sud-Est donnent
de fidèle allié des Etats-Unis
tes à néant en 1945, le Japon souvent lieu à des émeutes. En Chine,
et une situation économique a tenté à plusieurs reprises de malgré la normalisation des relations en
dégradée, le Japon cherche retrouver une place au sein de la commu- 1972, on a recours à la fibre patriotique
nauté internationale et de faire entendre dès que Tokyo tente de donner de la voix
à se doter d’une arme
sa voix pour défendre certains de ses sur certaines questions régionales ou
de distraction massive : intérêts. Au cours de sa phase de recons- internationales.
sa culture populaire. truction, le pays du Soleil-Levant entra Le poids économique et financier du
dans le jeu de la stratégie étrangère amé- pays du Soleil-Levant, qui s’est affirmé
Une stratégie qui semble
ricaine, devenant une pièce essentielle au début des années 1980, apparaissait
porter ses fruits. de la politique d’endiguement du com- alors comme un atout pour les responsa-
munisme décrétée par Harry Truman en bles politiques nippons. Pour la première
1947. Cela se traduisit notamment par fois depuis la fin de la guerre, le Japon
la révision du traité de sécurité nippo- se trouvait en position de force vis-à-
américain en 1960, adoptée malgré une vis des Etats-Unis, et Tokyo chercha à
mobilisation populaire sans précédent. prendre l’initiative.
Le passé impérialiste du Japon et Lors de
son engagement derrière les Etats-Unis
empêchent encore le pays d’ob-
tenir le respect sur la scène
internationale, notam-
ment dans la zone
asiatique. Les
visites

66 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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pour faire rêver la planète
la réunion annuelle du G7, à Toronto en revoir progressivement à la baisse ses Au sein du ministère de l’économie et
juin 1988, le premier ministre Takeshita aides au développement, d’autant que de de l’industrie se crée un département
Noboru annonçait que son pays entendait nombreuses voix s’élevaient pour criti- chargé de la promotion de l’industrie du
devenir le principal fournisseur d’aide quer leur mode d’attribution et les projets contenu (kontentsu sangyo), et le minis-
publique au développement (APD) du soutenus dans certains pays. L’image du tère des affaires étrangères organise un
monde. L’objectif était clair. Grâce à Japon se détériorait. Le gouvernement Grand Prix international du manga.
l’APD, Tokyo se dotait d’un instrument dut inverser la tendance alors même qu’il Le résultat est étonnant. Si l’on en
d’influence diplomatique puissant, qui choisissait de soutenir les Etats-Unis croit le sondage international effectué
lui permettait d’obtenir une place au dans leur croisade contre le terrorisme chaque année par la British Broadcasting
sein de plusieurs instances internatio- et leur campagne en Irak. Tout comme Corporation (BBC) sur la perception des
nales : l’Organisation mondiale de la en 1960, l’opinion publique s’opposa à Etats dans le monde, le Japon, ces trois
santé, l’Unesco, le Haut-Commissariat cet alignement sur Washington. dernières années, a les meilleurs résul-
des Nations unies pour les réfugiés. Faute de moyens financiers, les auto- tats. Désormais, partout dans le monde,
Cependant, la mauvaise santé des rités japonaises utilisent désormais une les personnages de manga ou de dessins
finances publiques au tournant des autre arme : la culture populaire (manga, animés deviennent les ambassadeurs de
années 1990 a obligé le gouvernement films d’animation, jeux vidéo, cuisine, l’Archipel.
japonais à littérature, etc.). En février 2002, le pre-
mier ministre Junichiro Koizumi lance OUBLIER LE PASSÉ MILITAIRE
ce nouveau projet. Il veut renforcer le Malgré les tensions récurrentes entre
rayonnement culturel nippon leur pays et le Japon, les jeunes Chinois
dans le monde dans le perçoivent plutôt bien ce dernier, s’inté-
but d’assurer une ressant davantage aux produits made in
image posi- Japan qu’à son passé militaire. En Irak, où
tive du Tokyo a déployé des soldats responsables
pays. de la logistique, les camions ravitailleurs
arborent les visages de héros de manga.
Ils n’ont jamais servi de cible à des atta-
ques. Qui oserait s’en prendre à Captain
Tsubasa, ce champion de football qui
fait rêver les jeunes Irakiens ?
Bien sûr, les responsables politi-
ques ne sont pas dupes : ils savent
que cela ne suffira pas. Mais, à
l’instar d’un Taro Aso, premier
ministre contesté pour sa politi-
que économique mais farouche
défenseur de cette politique de
promotion culturelle, ils se sou-
viennent que les Etats-Unis firent
longtemps rêver le monde avec
leurs films et leurs chewing-gums.
Pourquoi le Japon ne s’inspirerait-il
pas de cet exemple ? ●

Sur la Toile
g Ministère des affaires étrangères
japonais : www.mofa.go.jp

g Ministère de l’économie,
du commerce et de l’industrie :
www.meti.go.jp/policy/media_contents

g Ministère de la défense :
www.mod.go.jp/j/library/
images/pickles

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 67

-2-Le monde vu de.indd 67 9/02/09 12:25:38


Le monde vu de…

L’Inde rattrape
son retard
Partie avec retard, l’Inde a réussi son décollage économique
en s’appuyant sur les vieilles familles industrielles
et sur les nouveaux venus de l’informatique. Elle a acquis
le rang de puissance nucléaire respectable, et escompte
ainsi jouer un rôle politique à l’échelle de la planète.

e nucléaire et l’informatique. ciaux indiens, ce sont, dans l’ordre, les


Il serait sans doute injuste de Etats-Unis et la Chine qui tiennent le
réduire l’émergence de l’Inde à haut du pavé – avec les pays du Golfe
ces deux domaines. Ils n’en sont dont l’Inde est fort dépendante pour son
pas moins symboliques de la puissance approvisionnement énergétique.
retrouvée à côté du grand voisin chinois. C’est dans les technologies de
La détention de l’arme atomique et l’ac- l’information que cette dernière a fait
cord stratégique signé avec les Etats- une percée spectaculaire, devenant le
Unis lui confèrent une respectabilité et « bureau du monde », selon l’expression
ont propulsé le géant asiatique dans le habituellement employée pour souligner
club très fermé des puissances nucléaires la différence avec le voisin chinois. Les
de plein droit. Mais si Washington espère services représentent plus de la moitié
ainsi faire de l’Inde un des acteurs de de la valeur ajoutée créée et un quart de
l’encerclement stratégique de la Chine, l’emploi ; et le secteur informatique, fer
il n’est pas sûr que New Delhi cède aux de lance de la croissance, réalise les qua-
pressions, préférant s’en tenir aux prin- tre cinquièmes de son chiffre d’affaires
cipes du non-alignement, choisissant les à l’étranger. La récession dans les pays
uns ou les autres, au gré de ses intérêts. riches a naturellement des conséquences
Du reste, si l’Union européenne sur ces ventes. La croissance du pays est
arrive en tête des échanges commer- passée au-dessous de la barre des 5 %
au dernier trimestre 2008.
Pour diversifier ses sources énergéti-
ques et ses clients, l’Inde a mis le cap sur
l’Afrique, s’appuyant sur une diaspora
ancienne. A la suite de Pékin, elle a orga-
nisé en avril 2008 un sommet africain à
grand renfort de publicité (voir p.180).
demeure majoritairement agricole (57 %
FRONT COMMUN de la population active).
New Delhi développe aussi ses échanges L’essentiel du commerce et des inves-
avec les pays d’Amérique latine, singu- tissements est porté par des entreprises
lièrement le Brésil. Ces relations écono- privées. Le succès de Wipro, l’une des
miques plus étroites ont contribué au ren- plus importantes sociétés de services du
forcement des liens politiques. Lors des monde, est connu. Celui d’Infosys l’est
négociations du cycle de Doha en 2008, presque autant. Mais les plus grandes
malgré des différences d’appréciations fortunes indiennes viennent de l’indus-
et d’intérêts, les dirigeants de ceux que trie, avec un grand dynamisme exté-
l’on appelle les Brics (Brésil, Russie, rieur : Lakshmi Mittal, quatrième for-
Inde, Chine et Afrique du Sud) ont réussi tune mondiale en 2008 selon le magazine
à présenter un front commun contre les Forbes, est à la tête du groupe du même
exigences unilatérales des Occiden- nom (sidérurgie) ; Mukesh Ambani, cin-
taux de libéralisation de l’agriculture. quième rang mondial, possède Reliance
C’est d’autant plus important que l’Inde Industries (pétrochimie) ; son frère

68 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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Anil Amabani, sixième rang mondial, marginales. L’Asie du Sud (Bangladesh,
s’occupe de télécommunications… On Sri Lanka, Népal…) ne représente que
Sur la Toile
connaît l’appétit de Mittal, qui a racheté 5,5 % des exportations indiennes. Cela g Ministère du commerce indien :
www.commerce.nic.in
Arcelor en France, avant d’investir au tient autant à la faiblesse des marchés
Brésil, au Mexique… Avec l’effondre- dans ces pays pauvres dévastés par les g Observer Research Foundation :
ment des marchés, tous ces groupes ris- conflits internes qu’à l’attitude des pou- www.observerindia.com
quent d’être déclassés en 2009. voirs indiens successifs : New Delhi se g Boston consulting group : www.bcg.fr
Selon le Boston Consulting Group, comporte toujours en « Mother India »
parmi les « 100 challengers des pays un peu condescendante vis-à-vis de ses g Article de Jean-Luc Racine dans la
revue « Hérodote », « L’Inde et l’ordre
émergents » qui compteront au cours des petits voisins. La création en 1985 de du monde » : www.herodote.org/
prochaines années, 20 sont des entre- l’Association de l’Asie du Sud pour rubrique.php3?id_rubrique=12
prises indiennes qui entendent affirmer la coopération régionale (Saarc) réunit
leurs ambitions hors des frontières de certes les deux frères ennemis Inde et g « The Times of India » :
www.timesofindia.indiatimes.com
leur pays. Pakistan et cinq autres pays (Bangladesh,
En revanche, les relations économi- Bhoutan, Maldives, Népal et Sri Lanka), g « Frontline » : www.frontlineonnet.com
ques avec les proches voisins demeurent mais ses résultats demeurent timides. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 69

-2-Le monde vu de.indd 69 10/02/09 10:25:02


Le monde vu de…

Le régime iranien joue sur


Quand on évoque la politique ’histoire a profondément mar- de la monarchie iranienne. La révolution
étrangère de la République qué ce pays. La dynastie Pahlavi, islamique n’a jamais renié ce passé. Au-
imposée par un coup d’Etat dans delà des dirigeants, un sentiment national
islamique d’Iran, qui vient les années 1920, se considérait puissant unit une population très diverse
de fêter ses trente ans comme l’héritière d’une longue tradition, ethniquement. Religion d’Etat depuis
d’existence, on oublie souvent dont témoignaient les somptueuses festi- l’instauration de la dynastie des Safa-
vités organisées en 1971 par le chah Reza vides au XVIe siècle, le chiisme est une
que celle-ci est plus Pahlavi à Persepolis pour les 2 500 ans composante notable de cette identité.
caractérisée par les continuités
que par les ruptures.

70 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-2-Le monde vu de.indd 70 10/02/09 10:25:31


la fibre nationaliste
L’histoire encore, ponctuée par les des relations entre Washington et Téhé-
rivalités avec les empires arabes et avec ran, tous deux unis dans leur détestation Sur la Toile
l’Empire ottoman. L’histoire enfin, avec des talibans et de Saddam Hussein. Au g Agence de presse officielle iranienne :
les interventions étrangères : invasion printemps 2003, par l’entremise de leur www5.irna.ir/En/
du pays en 1941 par les troupes sovié- ambassadeur à Genève, les dirigeants default.aspx?IdLanguage=3
tiques et britanniques pour entraîner iraniens transmettaient à la Maison Blan- g Encyclopaedia Iranica :
l’Iran dans la guerre contre Hitler ; che une proposition de dialogue global www.iranica.com
coup d’Etat organisé par la CIA en 1953 sur tous les sujets d’intérêts communs : g Atlas de l’Iran : www.mgm.fr/PUB/Iran
pour renverser le gouvernement légal Irak, Afghanistan, conflit israélo-arabe, g Iranian Studies Group : www.isg-mit.org
de Mohammad Mossadegh, coupable nucléaire, etc. Enivré par la chute facile
g « Tehran Times » :
d’avoir nationalisé le pétrole ; guerre de Saddam Hussein, convaincu que les www.tehrantimes.com
avec l’Irak (1980-1988), provoquée par régimes syrien et iranien allaient rapi-
g National Iranian-American Council :
Saddam Hussein, qui coûtera à l’Iran dement tomber, l’ancien président Bush www.niacouncil.org/
1 million de morts. rejetait cette ouverture.
On comprend mieux ainsi le senti- Une escalade s’ensuivit sur tous les
ment de menace et d’encerclement qui fronts. L’élection du président Mah- laire à l’intérieur, mais qui a su souder
distingue la République islamique, ses moud Ahmadinejad, sans constituer la population autour de son programme
dirigeants, son peuple, une insécurité un revirement majeur, intensifia la nucléaire. Le pays dispose d’alliés
qui nourrit un nationalisme intransi- rhétorique provocatrice, notamment à puissants en Irak, en Syrie, au Liban
geant. Comme le chah, les dirigeants l’égard d’Israël. Simultanément, l’Iran, et en Palestine. Son objectif n’est plus
de Téhéran défendent la dénomination ignorant les résolutions du Conseil de d’exporter la révolution, mais d’être
de « golfe Persique » – rejetant l’adjectif sécurité de l’ONU et s’appuyant sur le reconnu comme puissance régionale par
« Arabo-Persique » – et la souveraineté droit qui lui était reconnu par le traité les Etats-Unis, perspective qui inquiète
sur trois îlots stratégiques dans le détroit de non-prolifération nucléaire, poursui- les monarchies du Golfe. Dès sa prise de
d’Hormuz – Petite et Grande Tomb et vait son programme d’enrichissement fonctions, le président Barack Obama a
Abou Moussa –, occupés en 1971 et de l’uranium. affirmé sa disposition à négocier avec
revendiqués par les Emirats arabes Téhéran est désormais en position Téhéran ; les premières réactions ira-
unis. Cette ligne a amené la Républi- de force, même si la chute des cours niennes ont été positives, mais il reste à
que islamique à maintenir jusque dans pétroliers affaiblit un régime impopu- surmonter bien des obstacles… ●
les années 1985-1986, des relations avec
Israël – le fameux scandale de l’« Iran-
gate » – dans sa guerre contre l’Irak.
Enfin, dans le domaine nucléaire, Téhé-
ran a repris la politique de construction
de centrales inaugurée par le chah.

POSITION DE FORCE
Bien sûr, il existe aussi des éléments de
rupture dans la politique étrangère de
la République islamique. Elle a, dans
ses premières années, développé une
stratégie d’exportation de la révolution
– aide à la création du Hezbollah liba-
nais, par exemple –, néanmoins limitée
par le caractère minoritaire du chiisme.
La prise d’otages à l’ambassade améri-
caine de Téhéran a aussi profondément
marqué les relations avec le « grand
Satan ». L’alliance avec le régime syrien,
d’abord contre Saddam Hussein puis
contre les Etats-Unis, a donné à Téhéran
un point d’appui important et stable dans
le monde arabe.
Les années 2002 et 2003 auraient
pu marquer un tournant dans l’histoire

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 71

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Le monde vu de…

La Russie veut être un pôle

72 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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entre Europe et Asie
ontrairement à ses prédéces- Ayant reconstruit son Etat, que nord – repoussée lors du conseil de
seurs, le président russe Dmitri la Russie n’entend plus se l’Alliance en avril 2008, puis à nouveau
Medvedev, élu en mars 2008, en décembre...
n’a pas choisi l’Ukraine ou l’un laisser imposer de concessions
des pays européens pour sa première unilatérales. Lors de la crise MÉFIANCES OCCIDENTALES
visite à l’étranger, mais le Kazakhstan géorgienne, le Kremlin a La tentative géorgienne de reprendre
et la Chine. Décision symbolique à plus par la force le contrôle de l’Ossétie du
d’un titre. La Russie a toujours été et réaffirmé son rôle dans sa zone Sud, le 7 août 2008, a bouleversé cet
reste profondément européenne. C’est d’influence. Mais il lui faudra équilibre instable. En intervenant mas-
avec l’Union européenne que Moscou compter sur les effets sivement le 8, la Russie a non seule-
entretient les relations économiques, ment conforté son emprise sur les deux
politiques et culturelles les plus den- de la crise financière. régions sécessionnistes d’Ossétie du Sud
ses. Mais, si le statut de principal four- et d’Abkhazie (dont elle a reconnu l’in-
nisseur de gaz à l’Union crée des liens dépendance le 26 août 2008), mais en a
de codépendance (celle-ci dépend des profité pour réduire le potentiel militaire
approvisionnements russes ; la Russie géorgien, adressant un message clair aux
dépend de ces ventes pour assurer sa Occidentaux : ne faites pas près de nos
croissance et ne dispose pas pour l’ins- Ce choix asiatique souligne aussi les frontières ce que vous ne supporteriez
tant d’autre voie d’exportation pour son problèmes rencontrés par la Russie avec pas qu’on fasse près des vôtres. Mais
gaz), le Kremlin tenait certainement à ce qu’on nomme à Moscou l’« étranger cette démonstration armée a son envers :
montrer ainsi que la Russie reste une proche ». Les « révolutions colorées » en Moscou a encore renforcé la méfiance
puissance eurasienne et que le vecteur Géorgie (2003) puis en Ukraine (2004) de ses voisins, facilitant la mobilisation
asiatique peut devenir un axe majeur de ont montré à quel point le Kremlin per- pro-occidentale d’une partie de leurs
son développement. dait de son influence au sein d’une Com- populations.
Sans doute Moscou ne dispose-t-il munauté des Etats indépendants (CEI) Face à ceux qui, au sein de l’Union ou
pas en Asie d’alliés naturels faciles. Les moribonde, où les Etats-Unis n’hésitent à Washington, évoquent des sanctions,
observateurs décrivent prudemment les plus à intervenir directement. le Kremlin affirme ne pas craindre l’iso-
relations avec la Chine : les deux pays Entre 1991 et 1999, la Russie fut très lement. Or, si l’économie de la Russie
apparaissent tout autant concurrents que affaiblie, minée par la crise économique demeure fragile, trop dépendante des
complémentaires, et les Russes ont peur et les convulsions politiques. Certains, en exportations d’hydrocarbures, sa société
des migrants chinois. Mais le Kremlin Occident, purent penser que cette période n’a jamais été plus ouverte sur le monde.
peut développer une alliance de raison allait durer et qu’on pouvait la mettre à D’autres issues que la « nouvelle guerre
avec Pékin dans le cadre de l’Organi- profit pour imposer à Moscou une série froide » sont possibles entre Moscou
sation de coopération de Shanghaï, qui de concessions majeures. Pourtant, dès et l’Occident si l’on veut instaurer de
par ailleurs inclut comme observateurs 1998, le pays reprit le chemin de la vraies coopérations tout en respectant
l’Inde, l’Iran et le Pakistan. Durant son croissance, rapidement renforcée par la les intérêts de tous. Mais seront-elles
double mandat, l’ex-président Vladimir hausse des cours des matières premières. explorées ? ●
Poutine a agi efficacement pour faire Sous la houlette autoritaire de M. Pou-
admettre son pays dans les organismes tine, il retrouva stabilité et confiance en
de coopération du Pacifique et améliorer soi, non sans avoir réprimé la rébellion
ses relations avec le Japon – en dépit du tchétchène dans le sang.
différend sur les îles Kouriles. Le président russe avertit très tôt ses
partenaires occidentaux du fait que son
Sur la Toile pays n’accepterait plus sans réagir des
mesures considérées comme hostiles. Or,
g Centre franco-russe de recherche non seulement les Etats-Unis ne tinrent
en sciences humaines et sociales
pas compte de ces mises en garde, mais
de Moscou : www.centre-fr.net
ils accentuèrent les pressions sur leurs
g « Moscow Times » : alliés pour imposer leurs décisions dans
www.moscowtimes.ru/index.htm
plusieurs dossiers sensibles : le projet
g « Novaya Gazeta » (version anglaise) : de déploiement de missiles et de radars
http://en.novayagazeta.ru en Pologne et en République tchèque,
g Human Rights Center Memorial : l’indépendance accordée au Kosovo ou
www.memo.ru/eng/memhrc/index.shtml l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine
à l’Organisation du traité de l’Atlanti-

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 73

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Le monde vu de…

L’Union européenne refuse


de se penser comme acteur
Les rapports de l’Union e l’explosion de la Yougoslavie voisin les relations pacifiées que sa géo-
européenne avec aux conflits de frontières dans graphie et ses intérêts nécessiteraient.
les Balkans, chaque grande crise D’un côté, l’Union européenne éla-
les pays tiers la confrontent internationale (guerre d’Irak, bore des procédures et des techniques
aux contradictions nées indépendance du Kosovo, conflit russo- sophistiquées, comme la politique étran-
de son histoire et de sa géorgien, etc.) offre une nouvelle occa- gère de sécurité commune lors du traité de
sion pour les pays européens d’afficher Maastricht en 1992 et la politique euro-
difficulté à construire leur absence de vision commune. péenne de sécurité et de défense lors du
une vision des relations Seuls les Etats-Unis semblent déve- traité de Nice en 2000, dotée de moyens
internationales. Pourtant, lopper une pensée géostratégique pour opérationnels (avions, soldats, chars). De
le continent. L’idée d’une Europe puis- l’autre, elle semble incapable de dégager
les tensions inhérentes sance politique susceptible de rivaliser des orientations importantes et procède
à l’après-guerre froide avec Washington – longtemps défendue finalement au coup par coup.
l’incitent à prendre position. par la France – s’en trouve diluée au
profit d’une vaste zone de libre-échange COMMERCE ET SÉCURITÉ
Si elle se dote d’instruments accompagnant le déploiement de l’Or- La politique européenne de voisinage
diplomatiques et militaires, ganisation du traité de l’Atlantique nord oscille entre discours lénifiant sur les
sa vision du monde (OTAN) en Europe de l’Est. Une gestion valeurs communes et pragmatisme sécu-
euro-atlantiste du continent perdure sous ritaire, tout en prônant des politiques
demeure floue. parapluie américain. Pour Washington, de libre-échange, de dumping fiscal et
l’Union européenne, comme l’OTAN, a social destinées à attirer les investisseurs
vocation pour englober l’ensemble des étrangers. L’élargissement aux dix pays
pays membres du Conseil de l’Europe, d’Europe centrale et orientale (outre
à l’exception de la Russie. Malte et Chypre) en 2004 et 2007 n’a
Mais cette nouvelle politique de pas été accompagné d’une « énoncia-
l’endiguement, expression des préoc- tion politique intelligible » (Michel Fou-
cupations américaines, ne permet pas cher). Cela rend peu lisibles les mises
à l’Union de tisser avec son puissant en attente opposées à d’autres candidats
(Turquie) et les promesses faites aux
pays des Balkans de l’Ouest.
Dans les rapports avec les pays du
Sud, compétition économique et logique
sécuritaire surdéterminent les choix
effectués par l’Union. Les accords poli-
ciers avec les pays tiers (contrôle des
frontières, rétention des clandestins) sont
privilégiés, comme en témoigne la mise
sur pied d’une organisation – Frontex –
qui gère les « frontières extérieures de
l’Europe » grâce à de lourds moyens
militaires. Parallèlement, par l’accord
de Cotonou (2000) et les accords de
partenariat économique avec les pays
ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique),
l’Union a abandonné l’esprit constructi-
viste des conventions de Lomé au profit
d’une vision commerciale suscitant une
opposition des populations locales et de
certains dirigeants africains : l’Union y
applique, derrière un discours de coopé-
ration, une logique de libre-échange entre

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inégaux, démantelant les protections des Les Etats membres, lorsque leurs en déroute. Ce « retour de l’Etat » reste
pays les plus fragiles, les privant des res- intérêts sont en jeu, poursuivent leurs marqué par la défense d’une politique de
sources douanières correspondantes. propres politiques nationales, comme le régression sociale à l’échelle nationale
Une nouvelle répartition des tâches montre la concurrence qu’ils se livrent comme européenne.
semble se dessiner à l’échelle de la vis-à-vis des puissances émergentes Les Vingt-Sept pensent dépasser
planète. A Washington reviennent les d’Asie ou d’Amérique latine. La subor- leurs contradictions internes en réfor-
grands projets militaires et stratégiques ; dination des politiques économiques aux mant leurs procédures de décision. Mais
à l’Union, les opérations humanitaires priorités monétaristes de la Banque cen- cela ne fait pas émerger une vision com-
et la gestion des crises sous parapluie trale européenne maintiennent l’Union mune mobilisatrice, tant sur le plan d’un
américain (appellée les « missions de à l’écart du « retour de l’Etat » dans le modèle social que sur celui d’une poli-
Petersberg ») – c’est le cas au Tchad champ économique, au contraire de ce tique internationale. ●
ou en République démocratique du que laissent entrevoir les politiques des
Congo – ainsi que le financement de
la reconstruction des territoires détruits
pays émergents, voire, sur d’autres bases,
de la Russie ou des Etats-Unis. De même
Sur la Toile
par les conflits. Une vingtaine d’opéra- les Etats membres ont-ils abordé la crise g Actualité des politiques
européennes : www.euractiv.fr
tions ont ainsi été lancées depuis 2003. financière en ordre dispersé, ne trouvant
Cette politique tend à donner à l’Union un semblant de coordination que dans g Ecole nationale d’administration :
un rôle de supplétif dans des politiques www.ena.lu
la mise entre parenthèses de facto des
largement décidées par d’autres, comme critères de Maastricht et du pacte de g Site de la députée européenne
en Palestine, voire à diluer ses missions stabilité, sous le regard circonspect de Françoise Castex (PSE) :
dans celles de l’OTAN, comme en Irak la Commission, et dans le soutien par www.francoisecastex.org/v2/default.htm
ou en Afghanistan. les Etats membres du système bancaire

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 75

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Le monde vu de…

L’Allemagne ne sera bientôt


de l’Allemagne se jouait aussi sur les
bords de l’Hindou Kouch en Afghani-
stan. Pour souligner que la protection
de l’Etat d’Israël relevait des principes
fondamentaux de la politique étrangère
allemande, Berlin a participé, en 2007,
à la Force intérimaire des Nations unies
au Liban, avec des forces navales.
Vu de Berlin, le vaste monde reste
cependant une terra incognita. L’Alle-
magne, premier exportateur mondial,
incarne la puissance commerciale par
excellence, mais elle a éliminé de sa
pensée politique, après 1945, une vraie
culture stratégique. Elle poursuit
une politique dans le cadre euro-
péen, et en fonction de ce cadre
en raisonnant à l’échelle
mondiale. Seule l’Union
européenne continue
de répondre au besoin
obsédant de sécu-
rité, au même titre
que l’OTAN. Sur
Unifiée et souveraine, forte ’unification de l’Allemagne, en fond de crise du
de plus de 82 millions 1990, a élargi sa liberté d’ac- capitalisme rhé-
tion en politique étrangère. Et la nan et de déclin
d’habitants, l’Allemagne a chancelière Angela Merkel, dans démographique,
élargi sa marge de manœuvre la ligne de son prédécesseur Gerhard les Allemands
diplomatique, mais elle n’a Schröder, entend assumer ce nouveau souhaitent
statut de « puissance » : à preuve, d’un avant tout pré-
pas encore défini une vision côté l’opposition à la guerre des Etats- server un mul-
stratégique globale. Berlin Unis en Irak, en 2003, et de l’autre ti latéralisme
mise en priorité sur l’Europe l’envoi de près de 9 000 soldats de la européen et
Bundeswehr hors zone de l’Organisation atlantique qui
(et l’Alliance atlantique), du traité de l’Atlantique nord (OTAN) les sécurise et au
cadre rassurant pour endiguer – en Afrique, en Afghanistan ou dans sein duquel ils
les crises et propice les Balkans. peuvent peser.
L’Allemagne s’émancipe : si, jusqu’à L’ E u r o p e
à renforcer son influence la fin de la guerre froide, elle avait dû constitue, depuis
dans le monde. renoncer à « penser le monde » par elle- les années 1950,
même, tant son destin (comme Républi- la structure qui
que fédérale d’Allemagne, RFA) restait modèle la vision que
lié à celui des Etats-Unis et (pour la se font les dirigeants
République démocratique allemande, allemands du devenir
RDA) à celui de l’Union soviétique, de leur pays dans un envi-
elle n’hésite plus à afficher ses intérêts ronnement stable. Depuis
nationaux. Les dirigeants développent l’unification, l’Allemagne a
une culture de la coresponsabilité dans réappris à vivre avec sa géogra-
la gestion des crises, articulant marge phie, la construction européenne
de manœuvre nationale et obligations ayant pris une dimension centre-
mondiales. européenne marquée, et le champ de
Face aux défis du terrorisme inter- vision allemand s’étant élargi à l’en-
national, le ministre de la défense Peter semble de l’Europe orientale jusqu’en
Struck déclara, en 2004, que la défense Asie centrale.

76 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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plus un « nain politique »
La carte mentale des acteurs poli- désormais à 80 kilomètres de la ligne Balkans, par le développement d’une
tiques et économiques représente un pays Oder-Neisse), elle l’est de manière dif- nouvelle Ostpolitik en direction de la
physiquement (re)positionné au milieu férente, moins « franco-allemande ». Russie et d’une stratégie pour l’Asie
du continent. Liée à une nouvelle géo- Un changement de perception des centrale (en raison de l’importance des
politique, l’Allemagne n’apparaît pas intérêts allemands – qui s’inscrivent ressources énergétiques). Vu de Berlin,
moins européenne mais, avec ses nou- toujours dans une dimension commu- il s’agit d’organiser l’aire de copros-
velles frontières (la capitale se trouve nautaire – semble donc inévitable : il se périté européenne (d’où l’attachement
traduit, après la promotion de l’élar- au processus constitutionnel européen),
gissement de l’Union vers car la « base » Europe forme le point
l’est et la perspective d’ancrage sur lequel doivent pouvoir
européenne s’appuyer les acteurs économiques
o c t r oy é e nationaux pour prospérer et ensuite se
aux projeter sur les marchés extérieurs.
Avec la revendication d’un siège
permanent au Conseil de sécurité des
Nations unies, le débat sur la place de
l’Allemagne dans le monde prend une
nouvelle dimension. L’attribution de
ce siège ainsi que la mise en place
d’une politique européenne de
sécurité et de défense mettraient
fin, en principe, à la diplomatie
économique comme expres-
sion presque exclusive de
la politique étrangère alle-
mande.
Reste que le gigan-
tesque chantier de l’uni-
fication intérieure n’est
toujours pas achevé.
Par ailleurs, depuis la
fin de la guerre froide,
la part du budget fédéral
consacrée à l’action exté-
rieure (affaires étrangè-
res, défense et aide au
développement) a pres-
que diminué de moitié,
passant de 22 % à 12 %.
Ces deux facteurs incitent
à douter sérieusement de
la capacité de l’Allemagne
de jouer dans la « cour des
grands ». ●

Sur la Toile
g Ministère des affaires étrangères
allemand : www.auswaertiges-amt.de
g Société allemande pour la politique
étrangère (en allemand) :
www.swp-berlin.org
g Institut de recherche pour la politique
internationale et de sécurité
(en allemand) : www.dgap.org

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 77

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Le monde vu de…

Le tropisme américanophile

Depuis 1989, la vision du monde des autorités polonaises a Pologne devient, dans cette
se concentre sur le triangle Washington-Bruxelles-Moscou. région, aussi importante pour
les Etats-Unis que le Pakistan
Mais seule la première de ces capitales jouit de la sympathie en Asie du Sud ou l’Egypte au
constante des gouvernements de Varsovie. Quant à la majorité Proche-Orient. Nous voulons être trai-
de la population, elle voit l’étranger sous l’angle des expéditions tés de manière similaire », déclarait le
ministre polonais de la défense Bogdan
militaires auxquelles son pays participe. Sans oublier Klich, le 25 mai 2008.
l’émigration de masse des Polonais vers l’Ouest. Bien que l’attitude de Washington
envers Varsovie reste réservée (les visas
pour les Polonais n’ont pas été suppri-
més, par exemple), le gouvernement
polonais n’a pas lésiné sur son soutien
à la politique des Etats-Unis : en Irak

78 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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de la nouvelle Pologne
comme en Afghanistan ou face à l’Iran, au succès, la garantie du dynamisme et
dans l’affaire des « prisons secrètes de la Sur la Toile la disposition à travailler plus durement,
CIA », et, malgré une âpre négociation, g Bureau central des statistiques plus longtemps et pour moins d’argent »,»
pour l’installation sur son territoire du polonaises : www.stat.gov.pl a déclaré cyniquement l’ancien premier
bouclier antimissile… Mais l’engage- g Chancellerie du premier ministre : ministre social-démocrate Marek Belka
ment de l’armée dans les expéditions www.kprm.gov.pl en avril 2004...
militaires lancées par les Etats-Unis, de g Quotidien en polonais « Gazeta Environ 2 millions de personnes ont
même que le soutien zélé à la création Wyborcza » : www.gazeta.pl quitté la Pologne au cours des dernières
en Pologne d’une base militaire améri- g Agence de presse polonaise : années, en majorité des travailleurs spé-
caine, est très critiqué par la majorité www.pap.pl cialisés, surtout des jeunes. L’Irlande,
de la société. g Les luttes sociales et la gauche où le nombre de travailleurs polonais
en Pologne : www.lewica.pl a été multiplié par 50 entre 2002 et
CHÔMAGE ET ÉMIGRATION 2006, atteignant 120 000 personnes, a
Le comportement des autorités polonai- ainsi rejoint les pays traditionnels de
ses envers Bruxelles est radicalement l’émigration polonaise (Allemagne,
différent. La prise de distances domine, fois son marché pour certains produits Royaume-Uni, Italie). Mais le début
ainsi que la critique de certaines initiati- polonais (par exemple la viande) ou de la crise économique dans les pays
ves de l’Union européenne (par exemple menaçant d’orienter ses missiles vers accueillant les émigrés polonais et sur-
de la « soumission » de Bruxelles à Mos- la Pologne du fait de l’implantation sur tout l’appréciation du zloty (qui rend le
cou), bien que le gouvernement libéral- son territoire d’éléments du bouclier travail en Occident moins attractif pour
conservateur de Donald Tusk soit plus antimissile. les Polonais) ont freiné l’émigration
proeuropéen que ne l’était le précédent Mais c’est surtout via l’émigration, massive en 2008 – on observe même
gouvernement de la droite conservatrice. massive, que la majorité de la société de plus en plus de retours d’émigrés
L’entrée dans l’Union européenne béné- polonaise s’intéresse à ce qui se passe au- dans le pays.
ficie d’ailleurs toujours d’un fort sou- delà des frontières. Le chômage en a été On estime que les transferts finan-
tien populaire, du fait de l’ouverture du le principal moteur (l’émigration a per- ciers des émigrés participent pour 1,5 %
marché du travail, de la participation à mis sa réduction de 20 % en 2004 à 11 % à la croissance économique en Pologne.
l’espace Schengen et surtout de l’aide actuellement) ; mais y contribuent égale- Mais cette émigration massive a un autre
de l’Union, dont la Pologne est un des ment la quête d’autonomie des jeunes et effet : les salariés acceptent de moins
principaux pays bénéficiaires. surtout les très bas salaires polonais (le en moins les bas salaires qui leur sont
Les relations entre Varsovie et Mos- salaire minimum brut est de 350 euros), offerts en Pologne. C’est là une des
cou restent beaucoup plus fraîches. La alors que les prix grimpent à des niveaux raisons de l’intensification des conflits
diplomatie polonaise se fait le porte- proches de ceux de la « vieille Europe ». salariaux depuis le dernier trimestre
parole de tous les Etats de l’ex-Union « Nous apportons à l’Union l’aspiration de 2007. ●
soviétique qui se trouvent en conflit avec
Moscou – en particulier l’Ukraine et la
Géorgie : le président Lech Kaczynski
s’est prononcé en faveur de l’inviolabi-
lité territoriale de la Géorgie en Abkha-
zie et en Ossétie du Sud. Ce qui n’a
pas empêché le gouvernement polonais
d’être l’un des premiers à reconnaître
l’indépendance du Kosovo en 2008…
La volonté d’affaiblir l’influence
russe en Europe de l’Est s’est mani-
festée de multiples façons : du soutien
à la « révolution orange » en Ukraine
jusqu’à la critique continuelle du régime
biélorusse (depuis 2007, la chaîne de
télévision Belsat TV, hostile au prési-
dent Alexandre Loukachenko, émet du
territoire polonais), en passant par la
tentative de rendre l’approvisionnement
en énergie indépendant de Moscou. La
Russie n’est pas en reste, fermant par-

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 79

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Le monde vu de…

Le Caire en quête
de stabilité
et de prestige
L’Egypte est incertaine ux yeux du Caire, la présence
sur son avenir économique et américaine en Irak et dans la
région paraît un mal néces-
politique. Elle cherche avant saire pour parer à la montée
tout à préserver la stabilité en puissance de l’Iran et de ses alliés.
de son environnement La volonté et la capacité de la nouvelle
administration américaine à s’engager
immédiat. Et celle-ci repose dans le sens d’un règlement rapide du
d’abord sur l’alliance dossier israélo-palestinien constituent
stratégique avec un sujet de préoccupation vital. Les
relations avec l’Etat hébreu restent une
les Etats-Unis. pomme de discorde entre le pouvoir et
l’opinion, et l’exportation de gaz égyp-
tien vers Israël a été interdite par le Parle-
ment sous la pression populaire. Depuis
le traité de paix de 1979, l’état de « paix
froide » avec Israël reste inchangé.
L’Egypte a fermé sans états d’âme
sa frontière avec Gaza, complétant ainsi
le blocus israélien pour contraindre le
Hamas à résipiscence, et pour éviter rité humanitaire tentées par des groupes
de devoir accueillir sur son sol un flot militants (pas seulement islamistes),
durable de réfugiés palestiniens. Et, lors envers la population de Gaza, ont été
de l’offensive israélienne de décem- jugulées par les forces de sécurité, même
bre 2008, les manifestations de solida- si les tunnels transfrontaliers sont pour
la plupart restés ouverts.
La médiation égyptienne entre le
gouvernement israélien et l’Autorité
palestinienne, comme entre les mou-
vements palestiniens rivaux, a été dis-
créditée par l’absence réelle de volonté
d’aboutir de la part d’Israël et par la par-
tialité égyptienne en faveur du Fatah.
L’Egypte abrite le siège de la Ligue
arabe, mais cette prééminence se voit
désormais ouvertement contestée. Plus
déterminant, l’axe Le Caire-Riyad tente
de contrer l’axe Damas-Téhéran et le
soutien que celui-ci apporte au Hezbol-
lah et au Hamas. Mais les relations des
capitales du Golfe avec Le Caire sont
plus empreintes de condescendance
que de considération : l’Egypte n’a plus
guère de leviers pour assumer un rôle
diplomatique propre. Elle dépend des
8 milliards de dollars envoyés annuel-
lement par ses émigrés (2 millions

80 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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d’Egyptiens travaillent en Arabie saou- et du gaz, des remises des émigrés et des Tchad et le Sahel, constituant à moyen
dite), des investissements et des recettes investissements étrangers. De 7,2 % en terme une menace pour ses intérêts.
touristiques des pays du Golfe. 2007, la croissance s’est repliée à 5,2 % Présente au Darfour au sein de la
Les initiatives diplomatiques auto- en 2008. Mission des Nations unies et de l’Union
nomes de nouveaux venus sur la scène Phénomène nouveau, 80 % des jeu- africaine au Darfour (Minuad), l’Egypte
internationale, comme le Qatar ou la nes rêvent de quitter le pays, quitte à y ne peut qu’afficher une solidarité
Turquie, sont vécues comme des humi- risquer leur vie. Les traversées clandes- contrainte avec le président Omar Al-
liations. L’Union pour la Méditerranée tines de la Méditerranée sont désormais Bachir, menacé d’être traîné devant la
a été l’occasion de rassurer l’Egypte, au premier plan des discussions entre Cour pénale internationale (CPI) pour
érigée en partenaire privilégié de Paris l’Union européenne et l’Egypte. crimes contre l’humanité. Toujours sou-
quand la France occupait la présidence Celle-ci, membre de l’Union afri- cieuse de stabilité régionale et de son
de l’Union européenne. Elle y a gagné caine comme de l’Organisation inter- approvisionnement en eau, elle soutient
quelques perspectives d’investissements nationale de la francophonie, espère que le maintien de l’unité du Soudan à tra-
étrangers dans les infrastructures et la son aura internationale sera suffisante vers l’accord égypto-soudanais, pour-
modernisation de son système économi- pour assurer l’élection de son ministre tant bien malmené, de Naivasha. ●
que et administratif, aussi qu’un soutien de la culture, Farouk Hosni, au siège
à sa reconnaissance comme seul pays
émergent d’Afrique et du monde arabe
de directeur général de l’Unesco, en
novembre 2009, malgré l’opposition
Sur la Toile
au sein du G20. israélienne. g Centre d’études et de documentation
Mais son économie n’est pas com- En Afrique, elle concentre son atten- économiques juridiques et sociales
parable à celle des autres pays retenus, tion sur la vallée du Nil, mais n’est pas en (Le Caire) : www.cedej.org.eg
comme le Brésil, l’Inde ou la Chine. Elle mesure de s’opposer aux projets d’amé- g The Egyptian Center for Economic
est très vulnérable : terrorisme djiha- nagements hydrauliques au Soudan et en Studies : www.eces.org.eg
diste et crise financière pour le tourisme, Ethiopie. Ces deux voisins s’affirment
crise économique mondiale et piraterie sur la scène régionale, l’Ethiopie vers g Egypt Human Development
Report 2008 : www.undp.org
au large des côtes somaliennes pour le l’océan Indien, avec le soutien améri-
canal de Suez, chute des cours du pétrole cain, le Soudan vers le bassin du lac

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 81

-2-Le monde vu de.indd 81 10/02/09 10:29:14


Le monde vu de…

Pretoria se voit en champion


Bien qu’excentrée, l’Afrique ort de l’aura de sa nation « arc- secteur privé. Son pays a obtenu d’or-
en-ciel », le président Thabo ganiser en 2010 la Coupe du monde de
du Sud constitue un pôle
Mbeki, successeur de Nelson football, ce qui a dopé l’investissement
de croissance et de stabilité : Mandela, s’est posé durant ses dans les infrastructures et le tourisme.
première puissance deux mandats – il a démissionné fin Après avoir dégagé son armée des
septembre 2008 – en champion d’une pesanteurs de l’apartheid, Pretoria pra-
économique africaine,
renaissance africaine qui affranchirait tique, depuis une dizaine d’années, une
elle ambitionne d’assurer le continent de ses tutelles européenne intense diplomatie de la médiation et
le leadership diplomatique et proche-orientale. de l’interposition : au sein de sa zone
Cofondateur de l’Union africaine, qui d’influence naturelle (Mozambique,
et idéologique du continent
reconnaît un droit d’ingérence dans les Comores, Lesotho, Zimbabwe), mais
noir, même si des violences pays membres au titre de la prévention également en Afrique centrale (Républi-
xénophobes, en mai 2008, des conflits – contrairement à l’ancienne que démocratique du Congo, Burundi),
Organisation de l’Union africaine, fidèle et jusqu’en Afrique orientale (Soudan,
ont écorné son image.
aux principes de souveraineté et d’in- Ethiopie, Erythrée) ou de l’Ouest (Côte
tangibilité des frontières –, il milita d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone). Cet
pour des « Etats unis d’Afrique ». Il fut entregent politique se double, notam-
aussi le principal promoteur du Nouveau ment dans le secteur minier, d’une tenta-
partenariat pour le développement de tive d’expansion économique à l’échelle
l’Afrique, dont les principes directeurs du continent.
s’inspirent du « modèle » sud-africain : Reconnue comme un interlocuteur
la région comme espace de développe- privilégié par l’Union européenne, et
ment ; une « bonne gouvernance » contre proche partenaire de la Chine (désor-
l’aide internationale ; le rôle moteur du mais son premier client et premier

82 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-2-Le monde vu de.indd 82 10/02/09 11:21:34


de la renaissance africaine
fournisseur), l’Afrique du Sud se ver- secteurs de pointe comme le nucléaire ou
rait bien obtenir l’un des deux sièges l’armement, de riches et actives commu-
permanents au Conseil de sécurité qui nautés d’origine européenne ou asiatique –
seraient réservés au continent africain cache sa faiblesse, héritée de l’apartheid :
en cas de réforme de l’Organisation des les deux tiers des Noirs vivent en dessous
Nations unies. du seuil de pauvreté, un sixième ont accès
Avec un produit intérieur brut de à des services médicaux, moins d’un tiers
254 milliards de dollars en 2007, l’Afri- bénéficient de l’électricité ou de l’eau
que du Sud surclasse les autres Etats du potable. La violence reste endémique,
continent : elle pèse deux fois plus que avec une cinquantaine de milliers de
l’Algérie, le Nigeria et l’Egypte – les morts chaque année.
autres « poids lourds ». Pourtant, si l’on
se rappelle qu’elle compte 47,6 millions UNE DETTE HISTORIQUE
d’habitants, elle fait moins bien que les Grâce à sa politique de Black Economic
autres « champions » de l’économie afri- Empowerment, le gouvernement de Pre-
caine (Seychelles, Guinée-Equatoriale, toria se targue de l’émergence d’une bour-
Libye, Botswana ou Maurice). Les neuf geoisie noire. Il affirme avoir fait reculer
dixièmes des internautes du continent de 10 % la pauvreté en dix ans (électrifi-
se trouvent en Afrique du Sud, où l’on cation de 3 millions de foyers, construc-
recense 76 ordinateurs pour 1 000 habi- tion de 2 millions de logements, etc.).
tants (contre 12 en moyenne en Afrique, Mais, dans son rapport 2007, l’Institut
et 1,5 en Ethiopie). sud-africain des relations entre les races
La force de l’Afrique du Sud – les estime que le nombre de pauvres a plus
mines, l’industrialisation jusque dans des que doublé durant la même période.
Alors que l’Afrique du Sud exporte
son électricité dans toute la zone australe,
sa population et son industrie subissent
des délestages depuis 2007. L’accès à la
terre et le statut des immigrés représentent
des enjeux majeurs : des violences xéno-
phobes, dans plusieurs townships, visant
notamment les réfugiés zimbabwéens, ont
fait une soixantaine de morts en mai 2008.
Le président Mbeki a payé ainsi la com-
plaisance dont il a fait preuve à l’égard
du régime de Robert Mugabe, au nom
d’une « dette historique » remontant à la
lutte antiapartheid. La crédibilité morale
du pays – phare de la « renaissance afri-
caine » – en a été gravement ternie.
Une lutte féroce a opposé, au sein
même de l’African National Congress
(ANC), parti quasi unique, le président
sortant Mbeki, tenant d’une ligne « ges-
tionnaire », à Jacob Zuma, élu à la tête du
parti en décembre 2007. Très populaire Sur la Toile
en raison de son enracinement régio- g Coupe du monde de football 2010 :
nal et de son passé militant, ce dernier http://fr.fifa.com/worldcup
pourrait voir son accession à la tête de
g Mail and Guardian : www.mg.co.za
l’Etat en 2009 entravée par la procédure
judiciaire pour corruption dont il a été g South African Institute of Race
Relations : www.sairr.org.za
l’objet. En attendant, c’est son adjoint
à la tête de l’ANC, Kgalema Motlan- g South African Institute of International
the, qui est devenu président par intérim Affairs : www.saiia.org.za
après la démission de M. Mbeki. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 83

-2-Le monde vu de.indd 83 10/02/09 11:21:45


Le monde vu de…

L’Arctique, ultime frontière


de la mondialisation
ntamée au début du XXe siècle, A l’écart du monde démantèlement des sous-marins nucléai-
la « conquête » de l’Arctique et préservé par les rigueurs res soviétiques et des déchets nucléaires
se poursuit avec l’ambition situés dans la péninsule de Kola ;
des Etats riverains d’étendre du climat, l’Arctique constitue – c’est aussi le but de l’Arctic Military
leur contrôle au-delà de 200 milles un enjeu décisif en raison Environmental Cooperation (AMEC),
nautiques. La Russie, le Canada et le de son potentiel énergétique créée en 1996 par les Etats-Unis, la Nor-
Danemark se disputent notamment la vège, la Russie et le Royaume-Uni pour
dorsale de Lomonossov, qui permettrait et des nouvelles perspectives encadrer la coopération en matière de
d’exercer une juridiction sur les fonds de navigation. Les populations prévention des contaminations radioac-
marins du pôle Nord. Ces revendications indigènes ressentent cette tives et des pollutions non radioactives
seront soumises, aux Nations unies, à générées par des activités militaires.
la Commission des limites du plateau intrusion du monde extérieur L’AMEC a ainsi développé un système
continental, qui décidera des possibilités comme une menace pour de stockage et de retraitement pour les
d’extension des zones concernées mais leur mode de vie et pour combustibles nucléaires ;
pas de leur délimitation. – la même année a vu naître le
Dans le même temps, le réchauffe- l’écosystème de la région. Conseil de l’Arctique, destiné à pro-
ment climatique rend de plus en plus mouvoir la coopération, la coordina-
vraisemblable l’utilisation pérenne des tion et l’interaction de tous les Etats
deux voies utilisables actuellement de l’Arctique, avec la participation de
quelques semaines par an (du 1er août certaines communautés indigènes sur
au 15 septembre) : le passage du Nord- des problèmes communs, notamment le
Ouest, qui traverse l’archipel arctique développement durable et la protection
canadien, et le passage du Nord-Est, qui de l’environnement.
longe les côtes de la Sibérie. Cela per- avec d’autres espaces maritimes, même Contrairement au continent antarc-
mettrait une nette réduction des distan- si les revendications rivales – entre Nor- tique, sur lequel les revendications ter-
ces et des coûts. Le trajet reliant Tokyo vège et Russie pour la mer de Barents, ritoriales et l’exploitation ont été gelées,
à Amsterdam est de 23 000 kilomètres entre Etats-Unis et Canada pour la mer les Etats riverains de l’Arctique exercent
si l’on passe par le canal de Panamá de Beaufort – retardent l’exploration du effectivement leur souveraineté sur les
et de 21 000 kilomètres par le canal de plateau continental. terres et aspirent à le faire sur les espa-
Suez, mais de seulement 15 500 kilomè- Mais certaines régions protégées, ces maritimes. L’intérêt général suppose
tres par le passage du Nord-Ouest et de comme l’Arctic National Wildlife une concertation et le respect du droit
13 500 en longeant les côtes russes. Refuge, située dans le nord-est de international. C’est ce à quoi semblent
l’Alaska, interdisent en principe l’ex- s’être engagés les Etats arctiques lors de
FRAGILE PROTECTION ploitation de gisements connus. Au la conférence d’Ilulissat (Groenland), en
Le Canada considère que le passage du Canada, l’opposition des populations mai 2008. Mais les pressions pour l’ex-
Nord-Ouest se trouve sous son entière indigènes reporte depuis trente ans l’ex- ploitation des gisements, y compris en
souveraineté, tandis que les Etats-Unis ploitation des gisements de gaz du delta zones protégées, demeurent fortes. ●
et l’Union européenne estiment que ces de Mackenzie. Mais cette politique de
eaux relèvent du régime international protection reste fragile. La disparition
des détroits, qui autorise le transit à tout de l’Union soviétique a permis une Sur la Toile
navire, quel que soit son pavillon. La évolution vers de nouvelles formes de g Conseil de l’Arctique :
voie longeant la Russie traverse plusieurs coopération, mais les relations entre www.arctic-council.org
mers reliées par des détroits considérés certains pays demeurent complexes, et
g Barents Euro-Arctic Council :
par la Russie comme appartenant à ses les cadres internationaux mis en place www.beac.st
eaux intérieures. sont fragmentés :
Ces querelles devraient rebondir alors – l’année 1993 a vu la création du g Institut polaire :
http://institut-polaire.fr
que commence l’exploitation de la zone : Conseil euro-arctique de Barents, des-
l’Arctique recélerait 25 % des réserves en tiné à favoriser le développement durable g Fondation Bellona : www.bellona.no
hydrocarbures de la planète. On exploite et la coopération transfrontalière dans g Conférence circumpolaire inuit :
déjà certains gisements en Alaska ou en la région de la mer de Barents. Il s’est www.inuitcircumpolar.com
Sibérie. Et on se prépare à faire de même particulièrement intéressé à la gestion du

84 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-2-Le monde vu de.indd 84 10/02/09 10:46:40


A l’assaut du Pôle

Population des agglomérations


400 000
Routes maritimes utilisables en 100 000 200 000
permanence à échéance de dix 50 000
ou quinze ans si le réchauffement
climatique persiste et si la calotte
glaciaire continue de reculer Ressources énergétiques et minières Espaces maritimes revendiqués par Différends territoriaux en cours
actuellement en exploitation ou en
exploration la Russie 1 Délimitation de la frontière entre
Membres du Conseil de l’Arctique la Russie et la Norvège en mer de
Gisement de pétrole ou de gaz le Danemark Barents
Canada, Danemark, Etats-Unis, Finlande,
Islande, Norvège, Russie, Suède Extraction minière les Etats-Unis 2 Souveraineté sur l’îlot de Hans entre
Principaux oléoducs et gazoducs le Groenland (Danemark) et le Canada
le Canada
Participants permanents existants, en construction ou en 3 Contrôle et gestion du passage
au Conseil de l’Arctique projet la Norvège du Nord-Ouest (entre les Etats-Unis
la Norvège et la Russie et le Canada)
Conférence circumpolaire inuit Principales marées noires ou
ruptures d’oléoducs (plus de (« zone grise ») 4 Délimitation de la frontière entre
Conseil de l’Arctique athabaskan 50 000 tonnes de pétrole) Aire maritime couverte par le l’Alaska (Etats-Unis) et le Canada
traité de Svalbard (1920) en mer de Beaufort
Conseil international gwich’in Ligne de partage revendiquée par :
la Russie la Norvège Présence ou base militaire Différends territoriaux réglés
Association internationale
aléoutienne Partage de la mer Ancienne ligne stratégique de
surveillance (Northern Warning 5 Délimitation de la frontière entre
Association russe des peuples Limites des juridictions maritimes : Line - Strategic Air Defense l’Alaska (Etats-Unis) et la Russie
autochtones du Nord accords bilatéraux, lignes Radar System) dans la mer de Béring (traité de 1990)
d’équidistance ou lignes
Conseil saami des 200 milles nautiques
0 400 800 km
NB : le « loop » hole et le « banana » hole sont des zones de haute mer (zones internationales).
Sources : Conseil de l’Arctique ; Institut polaire norvégien, Permanent Participants of the Arctic Council, carte établie par Winfried Dallmann ; ministère canadien des affaires
étrangères et du commerce international ; International Boundaries Research Unit Database, University of Durham (IBRU) ; Bureaux statistiques nationaux ; United States
Energy Information Administration (EIA) ; National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) ; Impacts of a Warming Arctic, Arctic Climate Impact Assessment
(ACIA) Overview Report, Cambridge University Press, 2004 ; Division for Oceans Affairs and Law of the Sea, Commission on the Limits of the Continental Shelf (CLCS) ;
ministère norvégien des pêches et de l'énergie (Oslo, Norvège) ; Alaska Science Forum, Geophysical Institute, université d'Alaska Fairbanks.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 85

-2-Le monde vu de.indd 85 10/02/09 10:46:55


Ce?de?rom/Atlas.qxp:Mise en page 1 4/02/09 11:11 Page 1

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e
)

III - Les défis de l’énergie


E
) Le réchauffement climatique menace la planète.
La transition des énergies fossiles aux énergies
renouvelables s’impose. Mais le capitalisme
est-il compatible avec un mode
de développement propre et juste ?

CD04
.....

.....

.....

.....

.....

.....

Pages annexes09.indd 87 10/02/09 10:49:58


de ces bulles et les disperser sur la double page
(mises à l'échelle bien sûr)

Les défis de l’énergie Pêcher 275


1 tonne de thon
en zone intertropicale Fabriquer

Le tournant
un ordinateur
3 230 et un écran

de l’anthropocène
Couper une forêt
de 100 m2
(séquestration annuelle
de CO2 retranchée)
3 500

Puisant sans relâche dans epuis le début de l’ère indus- du fait que les sociétés industrielles ont
les matières premières trielle, l’activité humaine a émis brûlé des stocks gigantesques de char-
dans l’atmosphère un excédent bon et de pétrole, énergies fossiles qui
offertes par la nature, l’être de 200 milliards de tonnes de ont mis cinq cents millions d’années à se
humain est devenu une dioxyde de carbone. La concentration constituer. Pendant la seule année 2004,
puissance capable d’interférer mondiale de CO2 approche désormais
Propositionles; sélectionner
activités humaines ont émis
quelques 49 mil-
unes
des 385 parties par million (ppm), liards de tonnes de gaz
de ces bulles et les disperser sur la double à effet de serre,
page
dans les grands cycles niveau jamais atteint depuis huit cent dont 26 milliards d’origine fossile.
de la planète, de bouleverser (mises à l'échelle
mille ans. Durant l’ère préindustrielle, bien sûr)
Le système climatique s’en trouve
l’ordonnancement de la son niveau se situait autour de perturbé, abordant une phase
280 ppm, et ce jusqu’en 1850. nouvelle. Depuis le début
biosphère, de provoquer un Depuis 2000, l’accrois- de l’ère industrielle, nous
Faire fonctionner
réchauffement global sement annuel de CO2 une centrale électrique au sommes entrés dans
qui menace la civilisation. dépasse souvent 2 ppm/ charbon d’une puissance l’ère de l’anthropo-
de 1 000 mégawatts
an, contre 1,5 ppm/an pendant une minute cène, caractérisée par
dans les années 1980 et une intervention mas-
9 665
Emissions issues moins de 1 ppm/an dans sive de l’humanité sur
de 1 tonne de déchets
papier mis en décharge la décennie 1960. les écosystèmes. Selon
1 470
sans être recyclés L’atmosphère contient le dernier rapport du
1 060 désormais près de 800 mil- Groupe intergouvernemen-
liards de tonnes de dioxyde de tal sur l’évolution du climat
carbone, soit deux fois plus de carbone (GIEC), si le réchauffement allait au-
135 Emissions issues
de 1 tonne de
qu’elle n’en recelait au cours de la der- delà d’une hausse de 2,5 à 3 °C,
Eclairer une maison déchets alimentaires nière grande glaciation, et un tiers de les puits de carbone végétaux
pendant un an mis en décharge plus que lors des précédentes ères inter- deviendraient des sources 490
dans les pays riches
glaciaires. Cet excédent de CO2 ne pro- nettes d’émissions de CO2, et
vient pas des cycles naturels : il résulte l’Amazonie se transformerait
Produire
1 tonne
Les combustibles fossiles, principale source d’émission de CO2 de farine
de blé

Royaume-
Uni Allemagne

Corée
Chine du Sud
Etats-Unis France
Japon
Italie
Espagne
Hongkong
Inde
Taïwan

La convention-cadre des Nations unies


sur les changements climatiques (CCNUCC)
adoptée en 1992 partage les pays signataires
en deux groupes : les pays cités dans l’annexe I
(industrialisés ou en transition) et les pays
non-annexe I, en voie de développement. Les progrès Singapour
nécessaires négociés tiennent compte de cette distinction.
La plupart des pays se sont engagés à réduire leurs
émissions de gaz à effet de serre en signant Afrique La surface des pays
le protocole de Kyoto (1997). du Sud est proportionnelle
aux émissions
Pays industrialisés nationales en 2004.

Pays en voie de développement Non signataires de la CCNUCC


Sources : Gregg Marland, Carbon Dioxide Information Analysis Center ;
SASI Group, université de Sheffield ; Mark Newman, université du Michigan, 2008 ; www.worldmapper.org

88 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-3-Défis de l'énergie.indd 88 10/02/09 10:51:32


Proposition ;Proposition
sélectionner; sélectionner
quelques unesquelques unes
de ces bullesde
et ces
les disperser surdisperser
bulles et les la doublesur
page
la double pa
sélectionner quelques unes (mises à l'échelle bien sûr)
(mises à l'échelle bien sûr)
et les disperser sur la double page
elle bien sûr) Proposition ; sélectionner quelques unes
Emissions
annuelles de ces bulles et les disperser surExemples
Emissions annuelles
moyennes d’une
la doublechoisis
page d’émissions
Un an de régime
moyennes
d’un individu
(mises à l'échelle bien
voiture américaine
570 sûr) de gaz à effet de serre
Proposition ; sélectionner quelques unes
diététique 4 082 Les valeurs sont exprimées
« ultracarnivore »
4 082 de ces bulles et les disperser
en kilogrammes de CO2 – équivalent.
sur la double pag
Un an de régime 6 700 Extraire et raffiner le pétrole (mises à l'échelle bien sûr)
brut nécessaire à la fabrication Sources : Kick the Habit, a UN guide to climate neutrality, programme
végétarien Environnement des Nations unies, 2008 ; Ademe, Bilan Carbone®
de 1 tonne d’essence
1 220 Entreprises et Collectivités, Guide des facteurs d’émissions, 2007 ;
Un an de régime
américain moyen US Environmental Protection Agency ; ESU-Services Consulting ;
Produire en Australie :
Fonds mondial pour la nature ; Jean-Marc Manicore ; Jean-Pierre Bour-
190 2 190 1 kg d’acier
dier ; fatknowledge.blogspot.com ; www.actu-environnement.com ;
1 kg de cuivre
www.cleanair-coolplanet.org, 2008.
1 kg d’aluminium
Un an 1 kg de nickel
de régime Emissions annuelles
végétalien de méthane ... d’un
Pêcher 1 tonne d’une vache cochon
position ; sélectionner
Proposition ;en quelques
sélectionner
savane, ce qui unes unes de crevettes
quelques
entraîne- leurs émissions que de 2,8 % ... d’un bœuf
3 505
... d’une
230

es bulles
de cesetbulles
les disperser
rait
et les sur la double
un disperser
réchauffement
sur sup-page page
la double 5 500 par rapport à leur niveau de 1 740
chèvre
Proposition ; sélectionner q
370
plémentaire du climat de 1990. Cette baisse Proposition
découle ; sélectionner quelques unes ... d’un
es à(mises
l'échelle bien sûr)
à l'échelle bien sûr) de ces bulles et les disperse
mouton
plus de 1°C. Ce constat est de ces
en partie de la chute de 35bulles
% et les disperser sur la double page 320
lourd de menaces. des émissions des pays de l’Eu- (mises à l'échelle bien sûr)
Le 23 Proposition
juin 2008, devant; sélectionner
une quelques unesen pleine (mises
rope de l’Est,
à l'échelle bien sûr)
désindustria- 100 kWh d’électricité
commissiondeduces bullesaméricain,
et les disperser sur ladepuis
doublela finpage Faire pousser issue d’une centrale
Congrès le lisation du bloc soviétique, 1 hectare de blé à charbon. Estimation
climatologue (mises à l'échelle
de la NASA bien sûr) alors que les émissions des autres pays
James Hansen
3 020
haute
105
a lancé une mise en garde aux politiques, industrialisés ont augmenté de 11 % sur
sur le risque de voir la machine clima- cette même période. 80
Estimation basse
tique parvenue à un « dangereux Une course contre la montre est
730 point de bascule ». Selon lui, « les désormais engagée. Des mesures
éléments d’un cataclysme global » bien plus rigoureuses s’impo- Produire 1 tonne
de carton (non imprimé) Brûler
se réunissent : acidification des sent : recours massif aux éner- et la gérer comme déchet 1 tonne
Produire
1 tonne océans, fonte accélérée des pôles et des gies renouvelables, révision; et
Proposition 1 990
sélectionner quelques unes de pétrole brut
3 065
de sucre glaciers, risque d’extinction de plus de relocalisation des circuits de
de ces bulles et les disperserFaire
la moitié des espèces naturelles. Compte production, économies d’éner-
surfonctionner
la double page
un congélateur
tenu de l’inertie du carbone accu- (mises
gie fondée sur laà sobriété
l'échelledesbien
com-sûr) américainpendant un an
mulé dans l’atmosphère, les portements de consommation, Emissions par passager
Effectuer un vol
émissions anthropiques doi- Propositiontaxation
aller-retour ; sélectionner
du carbone,quelques
mise aux unes Faire fonctionner sur un vol longue distance
vent impérativement être pla- Paris-New York
de ces bullesenchères des quotassur
et les disperser de laCO ,
double
2 page
un congélateur Parcourir
(émissions moyennes européen 1 000 km
fonnées à 350 ppm. intégrité environnementale
(mises à l'échelle bien sûr)de Kyoto. Les en 1 classere
par passager) pendant un an ... en classe
C’est à ce prix-là qu’on 3 670 des mécanismes aérienne
770
affaires
510
peut envisager la stabilisa- prochaines négociations clima- ... en classe
220
tion des glaces arctiques et évi- tiques, à Copenhague (Danemark) économique
ter l’élévation de 2 mètres du niveau en 2009, auront pour mission de don-
des mers à la fin de ce siècle. Reste à ner au régime de Kyoto un souffle Traiter 1 m d’eaux
3

usées issues Construire un hangar


infléchir concrètement les trajectoi- beaucoup plus ambitieux afin de de l’industrie sucrière avec une structure en acier
res d’émission : d’après les scénarios faire basculer le monde dans un 565
(émissions par m ) 2

actualisés du GIEC, la stabilisation du nouveau modèle énergétique et 275


climat requiert au minimum une réduc- de sauver les écosystèmes – dont 59
Traiter 1 m d’eaux
3 435
usées issues
uelques unes tion de 85 % des émissions mondiales dépendent toutes les civilisations d’une brasserie ... ou une maison avec
sur la double page de CO 2
d’ici à 2050 par rapport à leur humaines. ● une structure en béton
niveau préindustriel. Si cette trajectoire
est équitablement répartie, ce sont les
pays industrialisés qui devront assumer
Sur la Toile Utiliser un ordinateur
Produire 100 kWh
pendant cent heures
d’électricité
la majorité de l’effort. g Rapport de synthèse du GIEC, aux Etats-Unis
En moyenne, d’ici à « Changements climatiques 2007 » : Produire pour la consommation au Japon
www.ipcc.ch moyenne annuelle
Produire 1 tonne 2050, chaque habitant de hamburgers d’un Américain en Europe
de film plastique
polyéthylène et la gérer des pays industriali- g Page du climatologue James Hansen : Estimation 305 Estimation
comme déchet sés devrait émettre www.giss.nasa.gov/staff/jhansen.html haute 180 basse

6 480 20 fois moins


g Rapport Stern sur le coût
qu’aujourd’hui. du changement climatique :
Plus vite chacun y www.hmtreasury.gov.uk/independent_
Utiliser un téléphone portable
pendant un an
parviendra, moins il y reviews/stern_review_economics_clima- 112
aura de carbone qui s’ac- te_change/sternreview_index.cfm
Emissions globales
cumulera dans l’atmosphère. Il va de de 1 tonne de pétrole,
soi que le bilan actuel du protocole de g Scénario Négawatt 2006 pour un de l’extraction à la
avenir énergétique sobre, efficace et consommation Utiliser une télévision
Kyoto est insuffisant, voire décalé au vu renouvelable : www.negawatt.org 3 760 pendant un an
de la gravité de la crise climatique. En
2005, les pays industrialisés n’ont réduit

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 89

-3-Défis de l'énergie.indd 89 10/02/09 10:51:45


Les défis de l’énergie

S’en prendre à la logique


énergivore du capitalisme
Le développement a demande annuelle mondiale 13,2 % à 13,7 % et celle du nucléaire
économique se heurte d’énergie primaire s’élève à de 6,4 % à 5 %.
près de 12 milliards de tonnes Le « pic de Hubbert », ou pic de
à deux contraintes de plus équivalent pétrole, qui se répar- la production de pétrole, serait franchi
en plus fortes : l’épuisement tissent ainsi : 35 % pour le pétrole, 25 % entre 2015 et 2025, et de même pour la
des principales ressources pour le charbon, 21 % pour le gaz natu- production de gaz entre 2025 et 2035.
rel, 13 % pour les énergies renouvela- Les réserves de charbon couvriraient
énergétiques fossiles bles et 6 % pour le nucléaire. Les pays une durée plus longue, entre un siècle et
et le réchauffement de l’Organisation de coopération et de demi et deux siècles, et celles d’uranium
climatique, lié à développement économiques (OCDE) une soixantaine d’années. L’épuisement
consomment la moitié de ce total, mais de ces ressources non renouvelables se
l’accroissement des émissions leur part diminue du fait de la croissance produira donc à plus ou moins brève
de gaz à effet de serre. très forte de celle des pays d’Asie, dont échéance et ne pourra pas être stoppé
La logique productiviste la Chine et l’Inde. par l’augmentation du prix de ces res-
L’Agence internationale de l’éner- sources, pourtant inéluctable.
du capitalisme empêche que gie prévoit une augmentation de plus A cette contrainte engendrée par
des solutions durables soient de moitié de la demande d’énergie pri- la raréfaction s’ajoute dorénavant la
mises en œuvre. maire de 2004 à 2030, puis un double- certitude du réchauffement climatique
ment en 2050. Les évolutions prévues provoqué par les émissions de gaz à
jusqu’en 2030 ne modifient que très effet de serre, principalement le dioxyde
peu les parts de chaque source d’éner- de carbone (CO2) et le méthane. Les
gie : les combustibles fossiles ver- émissions de CO2 augmenteront encore
raient leur part légèrement augmenter plus rapidement que la consommation
de 80,5 % à 81,2 % du total, celle des d’énergie primaire, car la structure de
énergies renouvelables passerait de celle-ci va comporter une part croissante

L’Asie, très dépendante de l’énergie primaire Besoins en Quand les pays pauvres
énergie primaire
rattraperont les pays riches
Milliards de tonnes
équivalent pétrole Emissions de CO
4 ²
Chine Milliards de tonnes
et Inde 20

3
16
Amérique Pays
du Nord de l’OCDE 1
2030 2
12
2005
1
Europe Economies 8 Pays en voie
de l’Ouest en transition Autres pays
d'Asie de développement
Proche- 0
Orient 4
Japon,
Australie et
Nouvelle-Zélande
0
Amérique 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030
Afrique
latine
1. Organisation de coopération et de développe-
ment économiques.
Source : Agence internationale de l’énergie, 2007. Source : Agence internationale de l’énergie, 2007.

90 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-3-Défis de l'énergie.indd 90 10/02/09 10:52:02


Répartition régionale des émissions de CO² en 2004 Quand les pays de l’OCDE
font des économies
Tonnes équivalent pétrole par habitant Consommation
30 Milliards de tonnes équivalent pétrole
Amérique du Nord 6
25
5 Biomasse
Japon, Australie et Nouvelle-Zélande Chaleur
20 Négajoules1
Economies en transition 4
moyenne des pays développés
15
Europe de l’Ouest 3 Electricité
Proche-Orient
10 Gaz
Amérique latine et Caraïbes moyenne 2
des pays en voie
Asie de l’Est Afrique Asie du Sud de développement Produits
5
1 pétroliers

0 0 Charbon
0 1 2 3 4 5 6 7 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004
Cumul de la population, en milliards 1. Economies d’énergie
Source : « Développement, énergie, environnement :
Source : Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, quatrième rapport de synthèse sur les changements changer de paradigme », Cahiers de Global Chance,
climatiques, résumé à l’intention des décideurs du troisième groupe de travail, 2007. n° 21, mai 2006.

d’énergie dégageant plus de carbone Les procédures du protocole de


(charbon, schistes bitumineux). Alors Kyoto pour limiter les émissions de gaz Développement économique
que le protocole de Kyoto envisage une à effet de serre se sont révélées insuf- et efficacité énergétique
réduction minimaliste de 5,2 % des fisantes. En Europe, avec des quotas
émissions dans les pays industrialisés distribués gratuitement et en l’absence Base 100 en 1970
en 2012 par rapport à 1990, il faudrait, d’une régulation publique forte, le prix 300
selon le Groupe intergouvernemental de la tonne de carbone ne peut être que
sur l’évolution du climat, une division volatil et faire l’objet de la spéculation. 280
par deux en 2050 pour le monde entier L’Union européenne à Quinze s’était
260
et par quatre pour les pays riches, afin engagée à réduire de 8 % ses émissions
de limiter à 2 °C la hausse de la tempé- en 2012 par rapport à 1990. Or, en 2005, 240
rature moyenne. elle n’avait pas réussi à faire mieux que
2 % de baisse. 220
RAVAGES DU PRODUCTIVISME Il est possible de réduire d’un fac- 200
Bien qu’en matière d’émissions la teur 4 la consommation finale d’énergie
trajectoire de pays émergents de très en combinant énergies renouvelables, 180
grande taille, comme la Chine et l’Inde, cogénération (production simultanée
160
les amène à rattraper, à terme, les pays d’électricité et de chaleur à partir d’un
industrialisés, les responsabilités appa- combustible), amélioration de l’effica- 140
raissent très inégales quand on les évalue cité énergétique, relocalisation des pro-
par habitant : un Nord-Américain émet ductions et transformation de l’habitat et 120
cinq à six fois plus de carbone qu’un des transports. Mais, au-delà des aspects 100
Chinois et dix fois plus qu’un Indien ; techniques, cela suppose de ne plus sou-
un Européen, respectivement de quatre mettre les choix de société au critère 80
à six fois et demi plus. de la rentabilité capitaliste. ●
60
L’habitat et les transports représentent
les plus grosses parts de la consommation
d’énergie finale. En France, par exemple,
Sur la Toile 40
1970 1980 1990 2000 04
l’habitat et le tertiaire en absorbent 42 %, g WorldWatch Institute :
www.worldwatch.org Revenu national brut (RNB)
les transports 32 %, l’industrie 24 % et en parité de pouvoir d’achat (PPA)
l’agriculture 2 %. Ces secteurs dépen- g Institut d’études économiques et Fourniture d’énergie primaire (FEP)
sociales pour la décroissance soutenable :
dent largement des modes de production www.decroissance.org Emissions de CO
²
en amont : la division internationale du g « Cahiers de Global Chance », n° 21, Population
travail et les délocalisations obligent à mai 2006 : www.agora21.org/ Intensité en carbone de fourniture
d’énergie : émissions de CO rapportées
transporter les marchandises d’un bout global-chance/GC-N-21.pdf à la FEP ²
à l’autre du globe pour les fabriquer, les g Article de Ph. Viguier, « Un modèle du Intensité énergétique : FEP
assembler, les conditionner et, à la fin, monde au prisme du développement rapportée au RNB en PPA
les consommer. Le capitalisme contem- durable : le “vortex planétaire” » : Intensité des émissions des processus
www.aixmrs.iufm.fr/formations/filieres/ de production économique : émissions
porain, du fait de son libre-échange de CO rapportées au RNB en PPA
hge/gd/gdgeographie/conference/ ²
généralisé, est énergivore et constitue mondechange/mondevudevdurable.pdf Source : Groupe intergouvernemental sur l’évolution
du climat, quatrième rapport de synthèse sur les
la principale cause de l’explosion des changements climatiques, résumé à l’intention des
émissions de carbone. décideurs du troisième groupe de travail, 2007.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 91

-3-Défis de l'énergie.indd 91 10/02/09 11:52:49


Les défis de l’énergie

Le charbon reste d’actualité


En 1900, le charbon nitialement utilisé pour une com- Les réserves mondiales exploitables
fournissait environ 95 % bustion localisée à petite échelle, le représentent actuellement 900 Gt, dont
charbon devint la plus grande source 480 Gt de charbons bitumineux, près de
de l’énergie primaire d’énergie grâce au remplacement du 30 % de gisements subbitumineux et le
commerciale (hors bois de charbon de bois par le coke (produit par reste en lignite. Les réserves de charbon
chauffage). L’utilisation du la carbonisation de charbons bitumineux se distribuent de façon plus inégale que
à faible teneur en cendres et en soufre les réserves de pétrole brut : cinq pays
pétrole et du gaz a ramené en l’absence d’oxygène) et à la diffusion possèdent 76 % du charbon mondial et
cette part à 25 % à la fin du des machines à vapeur. 73 % du charbon bitumineux.
XXe siècle. Mais la production A la fin du XIXe siècle, la plupart Les Etats-Unis arrivent en tête, avec
des pays d’Europe et d’Amérique du environ 250 Gt (et approximativement
n’a cessé d’augmenter. Vu Nord avaient accompli la transition du 110 Gt de charbon bitumineux), suivis
les énormes réserves de ce bois au charbon. Au cours du XXe siècle, par la Russie (respectivement 160 et
combustible et la demande les hydrocarbures se substituèrent au 50 Gt), la Chine (environ 120 et 60 Gt),
charbon dans le chauffage domestique,
croissante en énergie, l’usage les moyens de transport et la production Producteurs et consommateurs
du charbon pourrait croître, industrielle, et l’exploitation du charbon de charbon
malgré ses effets négatifs sur déclina ou disparut dans bon nombre de
pays européens. Seules les consommations supérieures
l’environnement. Mais la Chine, les Etats-Unis et à 150 millions de tonnes de charbon
sont représentées par une colonne.
l’Inde ont connu une croissance régulière
de leur production. La Chine occupe, et
de loin, la première place, avec près de Amérique
ÉTATS-UNIS
1 113
2,5 milliards de tonnes (Gt) en 2006. du Nord
Les Etats-Unis produisent chaque année
environ 1 Gt, et l’Inde, 500 millions de
tonnes (Mt). Au total, la planète, dont on
extrayait 800 Mt de houille en 1900, en E
produit environ 5,4 Gt en 2006, auxquels e
s’ajoutent 900 Mt de lignite.

A quoi fonctionnent Une énergie d’avenir?


les centrales américaines?
Consommation mondiale de charbon
Production d’électricité par source Milliards de tonnes équivalent pétrole
Milliards de kilowattheures Dans les Appalaches se
5,0 pratique le mountaintop
3 000 removal mining, qui consiste
Projections Projections
4,5 à faire exploser les sommets
pour en extraire le charbon.
2 500 4,0

3,5 OCÉAN
2 000 Charbon ATLANTIQUE
3,0 Autres pays
2,5
1 500 (Explosion des
demandes chinoise
2,0
et indienne
Nucléaire en électricité) Amérique centrale
1 000 Gaz naturel 1,5 et latine
1,0 Pays de
500 Energies 0,5 l’OCDE 1
renouvelables 1. Organisation de coopération
Pétrole 0,0 et de développement économiques.
0
1980 1990 2000 2010 2020 2030 Sources : BP, « Statistical review of world energy 2008 »; US Energy
1980 1990 2000 2010 2020 2030
Information Administration, « System for the analysis of global energy
Source : US Energy Information Administration, Source : US Energy Information Administration, markets », 2007 ; World Energy Council, « Survey of energy resources 2004 » ;
Annual Energy Outlook 2008. International Energy Outlook 2008. Coaltrans World Coal Map 2005 ; Agence internationale de l'énergie, 2008.

92 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-3-Défis de l'énergie.indd 92 10/02/09 10:56:49


malgré sa nocivité
l’Inde et l’Australie. En 2006, le ratio charbon constitue la plus grande source la Russie, l’Afrique du Sud, la Chine et
réserves/production se chiffrait à cent à l’échelle mondiale : il en alimente la Colombie figurent en tête des pays
cinquante ans pour le monde. Quant aux 40 % (20 % reposant sur le gaz naturel exportateurs. Le Japon, la Corée du Sud,
ratios pour les pays disposant des plus et 15 % sur le nucléaire). Sa part dans Taïwan et les deux anciens premiers pro-
grandes réserves et affichant la produc- les pays où elle est la plus élevée va de ducteurs de charbon en Europe, l’Alle-
tion la plus importante, ils atteignaient 50 % aux Etats-Unis à 70 % en Inde, magne et le Royaume-Uni, arrivent en
plus de cinq cents ans pour la Russie, près de 80 % en Chine, plus de 90 % en tête des acheteurs.
deux cent quarante-cinq ans pour les Afrique du Sud et en Pologne. Si l’on considère les énormes réser-
Etats-Unis, deux cent trente ans pour Quant à l’industrie de l’acier, elle ves de ce combustible, l’utilisation du
l’Inde, deux cent quinze ans pour l’Aus- consomme environ 13 % de la houille charbon pourrait croître, freinée cepen-
tralie et soixante ans pour la Chine. produite, transformée en coke. Quel- dant par les impératifs de protection de
Le charbon nourrit essentiellement que 15 % de la houille extraite (plus de l’environnement. La combustion du char-
deux activités : la production d’électri- 800 Mt par an) sont désormais négociés bon libère dioxyde de carbone (CO2), eau
cité et la sidérurgie. Pour la première, le dans le monde. L’Australie, l’Indonésie, (H2O), dioxyde de soufre (SO2) et oxydes
nitreux. Mais la désulfurisation peut éli-
CHINE miner en grande partie les émissions de
2 584 SO2, qui provoquent les pluies acides. Et
des techniques plus onéreuses peuvent
OCÉAN
réduire la quantité d’oxydes nitreux.
PACIFIQUE Reste que la combustion du charbon
Asie et Pacifique produit plus de CO2 par unité d’énergie
JAPON
– environ 900 grammes par mégajoule
(g/MJ) – que celle du pétrole raffiné
– moins de 800 g/MJ – ou du gaz natu-
rel – environ 560 g/MJ. Il n’existe pas
pour l’instant de processus commercial
AUSTRALIE
RUSSIE
à grande échelle capable de séquestrer
Europe le CO2, dans le sol ou la mer. L’avenir
et Eurasie du charbon dépendra donc de l’interac-
tion des développements économiques,
environnementaux et techniques. ●
ALLEMAGNE INDE Consommations nationales
POLOGNE
de charbon en 2006
OCÉAN Millions de tonnes Les prix du charbon en hausse
INDIEN 2 500
Afrique et Dollars par tonne
Moyen-Orient 100 Zones de Europe du Nord
En marron : part de la lignite production et de l’Ouest
80
et du charbon subbitumineux
(formes les plus polluantes) Japon
2 000 60

40

20 Etats-Unis
(Appalaches)
1 500 0
E
Réserves de charbon fin 2007 1987 1990 1995 2000 2007
Milliards de tonnes Sources : BP, « Statistical review of world energy 2008 » ;
McCloskey Coal Information Service ; Platts.
300
1 000
AFRIQUE
200 Sur la Toile
DU SUD
100
g World Coal Institute :
www.worldcoal.org
500
Principaux bassins de production g « Statistical Review
Lignite et charbon subbitumineux 20 of World Energy 2008 » :
y www.bp.com/productlanding.do?categ
Anthracite et charbon bitumineux
rgy oryId=6848&contentId=7033471
es 2004 » ; (coke, steam coal) 0
e, 2008.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 93

-3-Défis de l'énergie.indd 93 10/02/09 10:56:57


Les défis de l’énergie
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L’adieu aux hydrocarbures


Contrairement aux e prix du brut avait presque qua- complètement inattendu des besoins de
druplé au cours des cinq derniè- consommation. Après une augmentation
précédents « chocs », les
res années. Revenu en décembre moyenne de 1,54 % par an au cours de
bouleversements qui affectent 2008 aux alentours de 40 dollars la période 1992-2002, la demande pétro-
l’industrie pétrolière depuis le baril ($/b), il avait flirté avec les 150 $/b lière mondiale annuelle a progressé de
en juillet 2008, ce qui représentait une 9,4 % entre 2003 et 2007 et fait un bond
l’invasion de l’Irak en 2003
surcharge considérable dans l’économie de 48,5 % en Chine.
ne se limitent plus à de nombreux pays et qui relançait avec Cette brusque progression de la
des fluctuations force le débat prioritaire sur le choix des demande a nécessité un accroissement
ressources énergétiques. tout aussi rapide de la production, tant et
de prix ou à des problèmes
Peut-on espérer un nouvel équilibre si bien que presque tous les pays expor-
d’approvisionnement. entre la demande et l’offre ? Les perspec- tateurs atteignent les limites de leurs
La question fondamentale tives de nouvelles découvertes et d’un capacités. D’où, de surcroît, une satu-
développement adéquat des capacités de ration des capacités de transport et de
qui se pose désormais consiste
production sont-elles crédibles ? raffinage – surtout aux Etats-Unis – qui
à savoir jusqu’à quand l’offre Comme un géologue pétrolier l’a a tout naturellement alimenté la spirale
pétrolière couvrira des besoins joliment dit, « l’exploration pétrolière ascendante des prix.
ressemble de plus en plus à une partie
toujours croissants.
de chasse dans laquelle le chasseur a
considérablement amélioré la perfor- Sur la Toile
mance de son fusil, mais où le gibier g Institut français du pétrole : www.ifp.fr
se fait de plus en plus rare et de plus en g Arab Petroleum Research Center :
plus petit ». Le défi résulte à la fois de www.arab-oil-gas.com
l’accroissement plus rapide que prévu g Un dossier de La Documentation
des besoins énergétiques et du ralen- française sur le pétrole :
tissement dans le rythme des nouvelles www.ladocumentationfrancaise.fr/
découvertes. dossiers/petrole/index.shtml
La première donnée de base du bou- g Association française du gaz :
leversement des perspectives pétrolières www.afgaz.fr
mondiales fut en effet l’accroissement

94 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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abondants et bon marché


Pour l’avenir plus ou moins prévi- rapide que prévu de la production, sur-
sible, les estimations disponibles indi- tout pour le gisement de Cantarell, qui ��������������������
quent que la demande pétrolière mon- représente près de 60 % du total. En ������������������������
diale passerait à quelque 105 millions mer du Nord enfin, l’AIE prévoit la pour-
de barils par jour (mbj) en 2020 et à suite de la diminution de la production de
118 mbj en 2030, soit une augmentation ����������������
6,6 mbj en 2002 à 4,8 mbj en 2010 et à
���
de 33,5 mbj. Mais il semble de plus en moins de 2,2 mbj à l’horizon 2030.
plus incertain que l’offre puisse dépasser Dans ce contexte énergétique mon- ��������
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un pic de 95-100 mbj. dial marqué par des besoins de plus en
��� ��������
Sur le papier, les estimations avan- plus grands pour une ressource naturelle ����������
cées jusqu’alors par l’Agence interna- qui se raréfie, le spectre du pic de la pro-
tionale de l’énergie (AIE) aboutissaient duction pétrolière mondiale se dessine
���
à des équilibres rassurants à l’horizon déjà à l’horizon. Dans les années à venir, ����
2020-2030. Mais la réalité paraît bien une insuffisance physique de l’offre pro-
plus contrastée. S’il est clair que, mal- voquerait un terrible « choc » des prix, ���
gré la récession mondiale, les besoins aux effets sans précédent sur l’économie
continueront à augmenter, deux raisons mondiale, les relations internationales et �����������������
incitent à penser qu’il n’en ira pas autant notre mode de vie. �������������
���
de l’offre : l’incertitude concernant les A moins que, d’ici là, des efforts
réserves dites « prouvées » et la rareté et des investissements colossaux soient �������
des nouvelles. consentis pour développer d’autres for- ���
A cause de la baisse de leur pro- mes d’énergie. Pour les « pessimistes », �����
duction et de l’accroissement de leurs ce « pic pétrolier » se situerait aux alen- ����������
besoins nationaux, plusieurs pays, hier tours de 2015. Pour les « optimistes », il ��� �����
encore exportateurs nets de pétrole, pourrait être repoussé à 2025 ou 2030, ����������
sont devenus importateurs nets (Indo- c’est-à-dire, demain ou après-demain. ������
nésie, Egypte) ou risquent de le devenir En conclusion, le vrai problème qui �
(Gabon, Tunisie, Oman et Syrie). Au se pose désormais ne concerne pas tant ���� ���� ���� ����
Mexique, une étude entreprise en 2007 la fin du pétrole que celle du pétrole �����������������������������������
�����������������������������������������
par la Pemex fait craindre un déclin plus abondant, facile et bon marché. l

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 95

-3-Défis de l'énergie.indd 95 10/02/09 10:57:19


Les défis de l’énergie

Même cher, le pétrole n’est


Le baril de pétrole est entré lors que le monde consommait somme, lorsque l’ancien président
moins de 1 million de barils George W. Bush, que l’on savait proche
dans une ère de fluctuations.
par jour en 1900, la demande des milieux pétroliers, et le président
En quelques mois, il est passé atteint actuellement les 85 mil- d’ExxonMobil se refusaient à reconnaître
de son plus haut niveau, lions de barils par jour. Trop influencés la réalité du réchauffement climatique, ils
par les lobbies « fossiles », la plupart en profitaient les premiers.
quelque 150 dollars,
des responsables politiques et de leurs Et notamment en Amérique du
à moins de 50 dollars. conseillers sont incapables de prendre le Nord, où une nouvelle ruée vers l’or
Malheureusement, virage de la sobriété énergétique et des noir se développe dans le nord-est de
énergies « propres ». En conséquence, l’Alberta. Grâce aux sables bitumineux
un baril onéreux, allié
l’exploration pétrolière et gazière va bon de la région de l’Athabasca, cet Etat
à de nouvelles techniques train, car pour certains, à l’horizon 2010, canadien se retrouve à la tête d’un tré-
d’exploitation, pousse aussi 40 % du pétrole consommé proviendra sor énergétique qui pourrait l’élever au
de puits non encore exploités ou incon- rang de deuxième puissance pétrolière
les pétroliers à chercher l’or
nus à ce jour. mondiale, après l’Arabie saoudite. On
noir dans des zones difficiles La hausse du prix du baril aussi bien y trouverait des réserves équivalant à
d’accès et sensibles pour que l’élévation mondiale des moyennes 175 milliards de barils – alors que l’Ara-
de température font le jeu des pétro- bie saoudite en posséderait 260 –, une
l’environnement.
liers. D’un côté, un baril cher leur offre source d’approvisionnement particuliè-
les moyens financiers pour aller puiser rement intéressante pour les Etats-Unis
dans des champs pétrolifères et gaziers voisins.
jusque-là coûteux à exploiter ; de l’autre, Ces sables correspondent en fait à du
le réchauffement rend l’accès plus facile à pétrole qui a perdu sa volatilité au point
des zones auparavant inhospitalières. En de se tranformer en une terre saturée en
bitume. Ici, il ne s’agit pas de pomper le
précieux liquide, mais, à l’aide de gigan-
Un « grand jeu » arctique ? tesques pelles mécaniques, de déplacer
des tonnes d’une masse sablonneuse
Extension maximale de la banquise
OCÉAN PACIFIQUE vers des installations qui la chauf-
EXXON
au début des années 2000 VALDEZ fent afin de séparer la terre du
(situation moyenne ARCTIC NATIONAL bitume et d’en extraire le
en septembre) WILDLIFE REFUGE Alaska
Route du Nord
Réserves connues de
(Etats-Unis) pétrole. Ce travail, très exi-
ALASKA
pétrole et de gaz, voir zoom ci-contre DU NORD geant en énergie, laisse
zones en cours ALBERTA derrière lui de vastes
de prospection WESTERN
Grandes zones
ARCTIC RESERVE étendues polluées que
BEAUFORT
protégées MACKENZIE les compagnies tardent
CANADA à nettoyer. Malgré
Extraction Iles Reine- OCÉAN RUSSIE
de pétrole et de gaz Elizabeth ARCTIQUE leurs engagements,
Sables Churchill BASSIN DE seulement 0,2 % des
bitumineux SVERDRUP PÔLE
Pétrole et gaz Passage du NORD GREAT ARCTIC SIBÉRIE 470 km 2 de forêts
Nord-Ouest ZAPOVEDNIK OCCIDENTALE
conventionnels boréales exploitées
Principaux Thulé depuis quarante et un
oléoducs et gazoducs Svalbard
(Norvège) OUSSINSK
ans ont été dépolluées
existants et reboisées correc-
MER DE
BARENTS Petchora
en projet tement.
TIMAN
ou en construction PETCHORA
Groenland HAMMERFEST
SVALIS
Les pétroliers ont
d’autres préoccupations.
Principales marées noires
ou ruptures d’oléoducs
Reykjavík
Vers l’Europe Le Canada doit multi-
ODYSSEY ISLANDE
(plus de 50 000 tonnes OCÉAN de l’Ouest plier par cinq sa production
de pétrole) ATLANTIQUE Route de NORVÈGE Saint-Pétersbourg
l’Atlantique nord
pétrolière d’ici à 2015 et, dans
Routes maritimes utilisables OTHELLO
en permanence à échéance BRAER ce but, construire de nouvelles
de dix ou quinze ans raffineries et installer de nouveaux
oléoducs. En conséquence, les acteurs
Sources : US Geological Survey ; US Energy Information traditionnels du monde fossile s’acti-
Administration ; World Conservation Monitoring Centre ; World Database on Protected Areas ;
National Oceanic and Atmospheric Administration ; www.cedre.fr vent : le géant pétrolier Total a racheté

96 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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pas bon pour l’écologie
des parts de diverses entreprises instal-
lées sur place, et la compagnie Energy
�����������������������
Alberta envisage la construction d’une
centrale nucléaire afin de produire une
électricité « bon marché » pour l’ex- ������������������������������
��
ploitation de ces sables. On assiste à
des pratiques similaires en Sibérie et ����������� ����������
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dans divers deltas du monde, comme si �������
actuellement les freins à l’exploitation
pétrolière relevaient uniquement de la �� ���������� ���������
politique et non de la technique. ������
��
SOUS LA BANQUISE
L’Alaska représente une des dernières ��
vastes zones sauvages du monde.
La Western Arctic Reserve abrite ��
450 000 caribous, et 3 500 baleines
bélugas apprécient ses côtes. Malgré la

pression d’influentes associations envi-
���� ���� ���� ���� ���� ���� ���� ���� ���� ���� ���� ���� ����
ronnementales et plusieurs naufrages
de pétroliers (dont, en 1989, celui de ������������������������������������������������������������������������������������������������������������

l’Exxon Valdez, qui a déversé 40 mil-


lions de litres de pétrole sur les côtes sont importantes tout autour du cercle
fragiles de cet Etat américain), le prési- polaire.
Sur la Toile
dent Bush entendait ouvrir des conces- Pour certains experts, un quart des g Deux sites de l’association
sions sur plus de la moitié de ce terri- réserves énergétiques non explorées de environnementale canadienne Institute
toire et sur d’autres réserves naturelles. la planète se trouvent sous la banquise. Pembina : www.pembina.org
La direction de ConocoPhillips, la pre- Les écologistes ne sont donc pas au bout www.oilsandswatch.org
mière compagnie pétrolière d’Alaska de leurs peines. Si le prix du baril devait g Association for the Study of the
et la troisième des Etats-Unis, abon- remonter, ne serait-ce pas aussi la fin Peak Oil and Gas :
dait dans son sens en déclarant récem- d’une exploration pétrolière à peu près www.peakoil.net
ment que les possibilités d’exploration « propre » ? ●

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L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 97

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Les défis de l’énergie

Le nucléaire en débat
L’énergie nucléaire civile ’histoire de l’énergie nucléaire nouveau favorables au développement
a connu son grand essor est l’histoire d’un boom, puis du nucléaire : après plus de vingt ans
d’une crise profonde. Il avait d’accalmie, les indicateurs sur le pétrole
au lendemain du choc fallu auparavant vingt ans pour sont au rouge, notamment avec un baril
pétrolier de 1973-1974. construire les premiers pilotes indus- qui a frisé les 150 dollars en juillet 2008,
Ce développement fut triels, et la hausse des prix du pétrole même si depuis ce prix a considérable-
des années 1970 semblait confirmer les ment reflué.
interrompu dans la plupart sombres prédictions du Club de Rome Mais, surtout, les perspectives du
des pays, à la suite sur la raréfaction des énergies fossiles. nucléaire ont été modifiées en profon-
des accidents de Three Mile C’est dans ce contexte d’anticipa- deur, au fur et à mesure que se précisait
tion de la pénurie de pétrole que furent le danger du changement climatique : si
Island en 1979, puis de déclenchés les grands programmes l’on souhaite vraiment limiter la hausse
Tchernobyl en 1986. Mais qui permettent au nucléaire de repré- de la température moyenne à 2 °C par
cette pause n’est-elle pas senter, en 2008, 20 % de l’électricité rapport à la période préindustrielle, alors
produite dans le monde, mais 30 % au il faut viser une division par deux des
en train de prendre fin ? Japon, 54 % en Belgique et 76,9 % en émissions mondiales de gaz à effet de
France. Les conditions semblent de serre d’ici à 2050.
Sous ces contraintes, même avec des
��������������������������������������� hypothèses extrêmement optimistes sur
les technologies dites « de capture et de
stockage du CO2 » (CSC), la consom-
mation acceptable d’énergies fossiles
du monde en 2050 sera très limitée. Et
les calculs sont rapidement faits : sup-
posons qu’en 2050 le taux de CSC attei-
gne 50 % des consommations totales
de fossiles, alors la division par deux
des émissions impliquera que l’on ne
pourra pas consommer plus de fossiles
qu’en 1990. Or on sait que la demande
mondiale d’énergie devrait entre-temps
�������������������������� au moins doubler : il y a donc un écart
������������������������������������ considérable entre la demande poten-
�������������������������� ����������� ��������������� tielle et l’offre acceptable en termes
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��������������������������� ������� d’environnement global…
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DES DANGERS BIEN IDENTIFIÉS
���������������������
Pour résoudre cette difficile équation, les
solutions, outre la capture et le stockage
du CO2 déjà cités, ne sont pas légion :
il y a d’abord l’efficacité énergétique,
qui jouera sans doute le premier rôle,
puis les énergies renouvelables, et enfin
le nucléaire. Tout porte à penser qu’un
avenir énergétique durable supposera la
mise en œuvre de ces options.
Dans quelles proportions ? C’est
toute la question. Si les renouvelables
ont leurs limites, le nucléaire ne consti-
tue certainement pas une solution mira-
�������������������������������������������������� cle, et ses dangers sont bien identifiés :
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irradiation des travailleurs ou des popu-
���������������������� ������������ �������������� lations voisines en cas de fonctionne-
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������������������������ �������������� ����������������������������������������� ment anormal des installations ; acci-
dents entraînant des fuites importantes

98 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-3-Défis de l'énergie.indd 98 9/02/09 20:40:05


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de matières radioactives ; difficulté de Une relance à l’échelle de la pla-


la gestion des déchets à durée de vie nète, donc étendue à d’autres pays que �������������
longue. Sans oublier le danger associé les détenteurs historiques de nucléaire ����������������������
à la prolifération des armes nucléaires, civil, suppose que ces questions soient ������������������������������������
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que l’existence d’une industrie nucléaire clairement posées et qu’elles trouvent
civile peut favoriser. des réponses dans un cadre international ��� ����������
������
Les trois premières catégories de multilatéral. ���
risques, que l’on peut qualifier d’indus- Parallèlement aux négociations sur
triels, doivent être prises très au sérieux, les suites du processus de Kyoto, il s’agit ���������
��� ����������
mais on peut identifier des solutions elles de l’un des domaines dans lesquels le ������
aussi industrielles. Les risques en cas de besoin d’un accord international se fera
fonctionnement normal pourront être le plus sentir dans les années à venir. ���
limités, à condition que ne soit tolérée La mise en place d’un régime nucléaire
aucune violation des règles de sécurité. international sera sans doute la condi-
Les menaces d’accidents supposent aussi tion d’une contribution importante de �
���� ���� ���� ���� ���� ����
que la culture de la vigilance soit main- cette énergie à la solution des problèmes
������������������
tenue là où elle existe, et instaurée là où climatiques. ● ����������������������������������
elle est défaillante. ���������
La question des déchets est plus Sur la Toile ����
délicate, car elle renvoie à des choix
structurants pour la gestion à long terme g Agence internationale de l’énergie ��
atomique : www.iaea.org
des ressources globales en combustibles ��
nucléaires et pour les filières à mettre g Rapport en anglais du MIT
sur l’avenir de l’énergie nucléaire :
��
en place. Faut-il stocker les déchets http://web.mit.edu/nuclearpower
de manière irréversible ou de manière ��
g Cahiers de l’association Global
réversible ? Faut-il plutôt traiter ces Chance : www.global-chance.org

déchets afin de produire d’autres maté-
g Commission de recherche et
riaux fissiles, dont le plutonium, qui, d’information indépendante sur la �
recyclé dans des filières surgénératrices radioactivité (Criirad) : www.criirad.com
���
(de quatrième génération), permettrait g Sortir du nucléaire : ���� ���� ���� ���� ���� ����
d’augmenter considérablement la res- www.sortirdunucléaire.org �����������������������������������
���������������������������
source mondiale de combustibles ?

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 99

-3-Défis de l'énergie.indd 99 9/02/09 18:38:55


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Les défis de l’énergie ��������

Après la bulle Internet, la ��������

Entre 2006 et 2007, es principaux groupes énergé- tent qu’une petite partie de l’activité
tiques et financiers mondiaux des multinationales. Pour des raisons
l’investissement mondial dans
s’emparent progressivement du de stratégie globale, celles-ci peuvent
les énergies renouvelables secteur des énergies renouvela- décider de diminuer les investissements
est passé de 100 bles (ER). Ces acteurs, attirés par un taux dans une filière et de les augmenter dans
de rentabilité élevé, sont d’autant mieux une autre. Qui peut prédire quelle place
à 148 milliards de dollars.
accueillis que les ER deviennent très ces entreprises accorderont à ces éner-
gourmandes en capitaux. A titre d’exem- gies dans un marché entièrement ouvert
��������
ple, il faut 30 millions d’euros en 2008 à la ������� concurrence ou lorsque les tarifs�������
pour construire une centrale éolienne de d’achat �������réglementés auront pris fin ?
20 mégawatts. Mais cette concentration Tout ���������������
dépendra alors de la demande en
�������� n’a pas que des avantages.
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électricité
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« verte
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Elle entraîne tout d’abord l’applica-
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renouvelables.
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��������������� ���� �����
tion de la loi du plus fort. Les fabricants���������������� L’arrivée des ���������������
multinationales de
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d’éoliennes préfèrent vendre 100 machi-���������������
l’énergie
�������� pose
��������� ���������� problème.
un troisième
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������� �������qu’au
nes à un gros fournisseur d’électricité,
����������������� Il n’est pas rare ����� sein�����
d’un même
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par le biais d’un contrat cadre, que groupe se
������� côtoient �����des ER, réputées
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dix machines à dix clients moyens. ��������� « propres », et
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������� des activités
��������� probléma-
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Ces derniers, confrontés à la pénurie tiques d’un point de vue environnemen-
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d’éoliennes en 2007 et 2008, devront�����������������tal, comme le nucléaire (Alstom,
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��������� Areva,
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patienter quelques mois de plus… D’où General Electric, Suez
������������� ont tous investi
des retards de construction, sources dans les renouvelables) ou les hydrocar-
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����������������������� d’inégalités, dans certaines régions ou bures (Total ou ENI, par exemple). �����
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����������������������� dans certains pays. Quatrièmement, les filières ER
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������������������������� Deuxièmement, deviennent dépendantes des logiques
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������������� les ER ne financières pures. Ainsi, quand l’éner-
����������������������� ������� représen- géticien ��������allemand RWE annonce la créa- ����������������
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100 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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« bulle verte » ? ��������


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tion de sa filiale ��������


RWE Innogy, au début tés qui réduisent les émissions de gaz ����
de 2008, il précise qu’elle « sera sou- à effet de serre dans les pays en voie
mise aux mêmes exigences de rentabilité de développement. Cependant, les
que les autres activités du groupe ». Les investisseurs sont attirés par des
projets ne sont pas choisis pour leurs retours sur investissement les plus
avantages écologiques, mais en fonction élevés possible, par un faible ris-
du taux de rentabilité escompté. que financier et par un minimum
Cette tendance s’exacerbe lorsque de barrières commerciales. Les
les entreprises sont cotées. C’est le projets MDP s’orientent ainsi vers
cas de la plupart des multinationales quelques pays comme l’Inde, le
de l’énergie, mais aussi de dizaines Brésil et la Chine.
de sociétés de taille moyenne, L’Afrique en
centrées sur les ER, qui ont bénéficie beau-
procédé à des introductions
���������������� coup moins.
en Bourse pour trouver V u l n é - ����������������������������������������������������
des capitaux. Certains r a b l e s ��������������������������������������������������������

économistes prédisent face à la
un risque « post-bulle Bourse ����������������������������������������������������
verte » : Wall Street, ou aux Sur la Toile
��������������������������������������������������������

dopée pendant quel- action-


�� g Observatoire des énergies
���� ques années encore naires
renouvelables :
par le secteur des ER, f inan- http://energies-renouvelables.org
����� finirait un jour par s’ef-
�������� ciers, dé-
�� fondrer. La conjonction pendantes g Energies renouvelables
dans le monde : www.unep.fr/
de tous ces des stratégies
energy/Index.htm
facteurs des multinatio-
aggrave nales, créatrices g Energies renouvelables dans
������� l’Union européenne :
les inégalités d’inégalités entre pays,
http://ec.europa.eu/energy/res/
e n t r e l e s les entreprises des énergies renouve-
index_en.htm
pays qui lables ont bel et bien intégré l’écono-
d i s p o - mie���� néolibérale. Ce qui ne les empêche g Energies renouvelables en France :
www.industrie.gouv.fr/energie/
sent de pas de continuer à se développer, en
sommaire.htm
moyens grande partie grâce au soutien actif des
p o u r gouvernements… ●
dévelop-
per les ER ����������������������������������������
chez eux, ����������������������������������
et les autres.
�����
Il suffit que ����������
les Etats-Unis
����������
prolongent les inci- ����
tations fiscales en faveur
���� ����
des parcs éoliens et que les groupes ���
étatiques chinois investissent à leur ����
��� �����
����������������
tour dans cette énergie pour que toutes �������
les entreprises se précipitent pour faire
������
de même. En revanche, personne ne va

construire de parcs éoliens en Afrique ����������������������������������������������������
centrale. ��������������������������������������������������������
Certains outils mis en place dans le
������������� ������ ����
cadre du protocole de Kyoto pourraient ���������������� ������� ������ ���
renverser le processus, tel le mécanisme ����������������������� ������ � ����
de développement propre (MDP). Ce ���������������������������������������������������������������
dernier incite les entreprises des pays ���������������������������������������������������������������
����������������������������������������������������������������������������
industrialisés à investir dans des activi-

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 101

-3-Défis de l'énergie.indd 101 9/02/09 18:40:20


Les défis de l’énergie
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Controverses
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éoliennes
L’énergie éolienne connaît ’électricité représente environ différents : énergéticiens, acteurs écono-
un développement soutenu 16 % de l’énergie mondiale, et miques dans le premier cas, riverains de
c’est dans ce secteur largement parcs éoliens actifs ou en projet, natura-
– entre 20 % et 30 % dominé par le charbon et le gaz listes, protecteurs du patrimoine, chas-
de croissance annuelle – que l’énergie éolienne, une des sources seurs dans l’autre.
que bien des secteurs d’énergie renouvelable, trouve sa place. On considère souvent l’éolien, à
L’évolution des marchés et la maturité de l’instar de la plupart des énergies renou-
économiques lui envient. Mais cette filière jouent en faveur d’un déve- velables, comme irrémédiablement mar-
ces moulins à vent modernes loppement majeur de l’éolien pouvant ginal. Or son potentiel technique appa-
alimentent également atteindre – hypothèse haute – près de raît au contraire très élevé, de l’ordre de
30 % de l’approvisionnement électrique 39 000 térawattheures (TWh), soit plus
beaucoup de polémiques. mondial dès 2030, contre seulement 1 % du double de la consommation mondiale
Des nuisances sonores au aujourd’hui. d’électricité actuelle. D’après l’évalua-
surcoût représenté par cette Bien que largement plébiscité par tion des industriels, son potentiel réel-
l’opinion publique, l’éolien déclenche lement mobilisable, quant à lui, va de
filière, les arguments de ses deux types de polémiques à propos des 1 500 à 8 000 TWh, selon le rythme de
opposants sont pourtant peu aspects technico-économiques (poten- développement. La part de l’éolien dans
convaincants. tiel réel, efficacité économique, utilité le bilan énergétique dépendra aussi du
énergétique) d’une part, et des questions niveau de consommation atteint. L’hy-
d’environnement de l’autre. Elles sont pothèse médiane de 5 000 TWh d’élec-
généralement formulées par des acteurs tricité éolienne en 2050 représenterait

102 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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plus de 30 % de l’approvisionnement �������������������������� ���������������������������������
si la consommation se stabilise, 15 %
seulement si elle double. �������������������������� ������������������� ������������������
L’une des controverses les plus viva- �������������������������� �������������������������� ���������
ces concerne le caractère irrégulier de �� �� �����
la production éolienne, qui impliquerait
la construction de centrales classiques �� �����
��
pour pallier les périodes sans vent. Or
��������
l’expérience des régions les plus équi- ����� ��
pées, comme le Danemark, montre que, ��
jusqu’à un taux de 20 % d’électricité �� �����
éolienne, aucun aménagement particu- �������
�� ������� �
lier n’a été nécessaire.
On pose souvent aussi la question des � �����
coûts de production de l’éolien. Ceux-ci ��
dépassent effectivement – légèrement – �
ceux des filières traditionnelles. Mais ��
� ���
ils connaissent une baisse constante
(– 35 % dans la décennie 1990) alors ����������
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que le prix de l’électricité non renou- ���� ���� ���� ���� ���� ���� ����
velable augmente. Et l’impact d’un sur-
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coût de production pour le client final �������������������������������������������������� ������������������������������������������������������
paraît assez limité puisque le transport, ������������������ ������������������������������������

la distribution, la commercialisation et
les taxes représentent plus de 70 % de électriques). Les associations de pro- son développement, d’autres trouvent
la facture réelle. tection des oiseaux ont d’ailleurs, dans leur source dans la manière de le mettre
Une des principales critiques émises leur majorité, développé des stratégies en œuvre. Si la multiplication des fer-
par les riverains porte sur le bruit : une d’accompagnement – plutôt que d’op- mes éoliennes paraît incontournable et
ferme éolienne n’est effectivement pas position – à l’installation de fermes nécessaire, nous avons tout à gagner
silencieuse. Cependant, à une distance éoliennes. à ce qu’elle se réalise dans des condi-
de 300 mètres, le niveau sonore atteint De surcroît, la question complexe tions optimales de respect des territoires
45 décibels, soit l’équivalent d’une de l’impact sur les paysages varie d’une et d’appropriation des projets par les
ambiance de bureau ordinaire. Les pre- région à l’autre. En dépit de quelques citoyens. ●
mières habitations se situant générale- aménagements techniques (couleur des
ment à plus de 500 mètres du fait des pylônes, disposition des machines en �����������������
réglementations, la pollution sonore fonction du terrain), la multiplication
apparaît toute relative, mais reste un des parcs éoliens doit être précédée de �����������������������
������ �
paramètre à ne pas négliger lors des débats publics utilisant des simulations ��� ����������������
implantations. De même, en dépit des visuelles.
craintes concernant la perturbation de En conclusion, si certaines contro- ��� ����������������
�������
l’habitat ou des trajectoires de migra- verses fondées sur une mécon-
tion des oiseaux, les études scientifiques naissance des réalités de ��� ����������������
�����������
concluent à une mortalité relativement l’éolien tendent à
faible en comparaison d’autres infras- disparaître �� ������
tructures (autoroutes, immeubles, lignes avec �������������
��

Sur la Toile ��� �����


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�� ���������������
���������������
����������������������������������������������� ������������
g The Danish Wind Industry ������������������������������������������� ��
Association : www.windpower.dk ����������������
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��������������������������������������������� �����
�����������������
g Conseil mondial de l’éolien : ������ ������ ��������� ���� ���������� ��� ����� �������� � �� ���������������
www.gwec.net ���������������������������������������������
����� ���� �������� ��� ������ ��� ����������� ���
���������������������������� ��
g Recueil de cartes et atlas sur
les ressources éoliennes : �������� ��������������
���������������������������������������������� ����� ���������
www.windatlas.dk/index.htm ����������������������������� �� �������������
��� ��������� ���� ������� ���������� ����� ��
g Données et cartes sur les ressources ��������������� ������� ���� ������������
��
�������������
éoliennes et solaires : ����������������
������
http://swera.unep.net/index.php?id=7
��
g Vent de colère, réseau contre ��������� ����������������������������������������
l’éolien industriel : ���������������, �������������������;
« ����������������������������������������������, � ������������������
www.ventdecolere.org/index.php ��������������������������������������������� � � � � � �� ��
���������������������������������������� �����������

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 103

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Les défis de l’énergie

Caspienne, une mer fermée,


Depuis 1991, les hydrocarbures de la mer Caspienne suscitent es majors pétrolières occiden-
tales redécouvrent la région à
un engouement exceptionnel. Au-delà des querelles juridiques
la fin de 1993, quand le nou-
entre Etats riverains, leur contrôle oppose les Russes, maîtres veau président de l’Azerbaïdjan,
de ce territoire depuis le début du XIXe siècle, et les Américains. Gueïdar Aliev, négocie le « contrat du
siècle » : la concession des gisements
Ceux-ci ont fait de cette zone jouxtant le « Grand Moyen-Orient »
déjà connus ou à explorer. Très criti-
une de leurs régions d’intérêt stratégique, bien que les réserves que envers la politique russe au Haut-
soient inférieures aux annonces. C’est le nouveau « grand jeu ». Karabakh, il choisit alors une politique
pro-occidentale comme garante de l’in-
dépendance de son pays. En quelques

DANEMARK SUÈDE Helsinki FINLANDE Vyborg Sourgout


CONTOURNEMENT DES PAYS Tallinn
BALTES ET DE LA POLOGNE : Primorsk
ESTONIE
GAZODUC NORD STREAM
PAYS- Saint-Pétersbourg
BAS Rostock
LETTONIE RUSSIE
Greifswald
Iaroslav Perm Tioumen
Berlin Gdansk RUSSIE LITUANIE
ALLEMAGNE
DROUJBA IAMAL Nijni-Novgorod Omsk
Moscou
EXPANSION EUROPE
Varsovie Kazan
Prague Minsk Oufa
RÉP. BIÉLORUSSIE
POLOGNE
TCHÈQUE Astana
Samara
Karag
AUTRICHE SLOVAQUIE Brody Orenbourg
ITALIE Saratov
Trieste Budapest Kiev KAZAKHSTAN Atassou
SLOVÉNIE RUSSIE
ADRIA REVERSAL Alexandrov
Omisalj HONGRIE Gay OLÉODUC
NABUCCO KAZAKHSTAN-CHINE
CROATIE UKRAINE Volgograd Kandiyak
SOUTH MOLDAVIE
Karakoya Kol
BOSNIE- STREAM Chisinau Youjny CASPIAN LAC
HERZÉGOVINE PIPELINE 1
ROUMANIE Odessa Rostov Atyraou BALKH
Belgrade Kherson CONSORTIUM TENGIZ
SERBIE Bucarest MER CPC Vers la
MONTÉNÉGRO Constanta Crimée D’AZOV KACHAGAN
Kosovo Krasnodar Beyneu
MER
BULGARIE Novorossiisk MER D’ARAL
Tirana MACÉDOINE Burgas BAP CASPIENNE
Touapse GAZODUC
Vlorë Aktaou TURKMÉNISTAN-CHINE Tachken
ALBANIE AMBO
Bosphore MER NOIRE Abkhazie
azie Tchétchénie Kuryk GAZODUC OUZBÉKISTAN
Alexandroupolis GAZODUC GÉORGIE TCGP ASIE CENTRALE
Istanbul BLUE STREAM Soupsa CENTRE (CAC-4)
GRÈCE Tbilissi
MER MER TADJIK
ÉGÉE
Ankara
MÉDITERRANÉE AZERBAÏDJAN KCTS Doucha
ARMÉNIE Turkmenbachi
Athènes TURQUIE
Erevan TURKMÉNISTAN
Erzurum Bakou
OLÉODUC Nakhitchevan Achkhabad
BTC GAZODUC CORRIDOR
BTE TRANS-
CASPIEN
Ceyhan Tabriz
Kabou
Neka Machhad
CHYPRE Herat
Téhéran
Sources : Kazinform ; World Press Review ; Pravda ; Ria SYRIE AFGHANISTA
Novosti ; Agence France-Presse ; United States Department of Bagdad
Energy, Energy Information Administration ; Radio Free LIBAN
IRAN GAZODUC TAPI
Europe-Radio Liberty ; Asian Development Bank ; Eurasianet ;
Interstate Oil and Gas Transport to Europe ; Transport Corridor
Europe-Caucasus-Asia, Union européenne, programme Tacis, ISRAËL IRAK Ispahan
2005 ; Energy Map of the Middle East and Caspian Sea Areas,
Petroleum Economist, Londres, 2006 ; International Energy PALESTINE
Agency ; Jean Radvanyi et Nicolas Beroushashvili, Atlas du Kerman PAKI
Caucase, Institut national des langues et civilisations
orientales, à paraître en mai 2009 ; Saltanat Berdikeeva et Erin JORDANIE Abadan
Mark, « Russian energy politics », Eurasia21, 2006 ; Nabucco, ARABIE Chiraz GAZODUC IPI
conférence des ministres de l’énergie, « Security of gas SAOUDITE KOWEÏT Vers l’
supplies in Europe », Vienne, juin 2006.

104 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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un « grand jeu » ouvert
années, des milliards de dollars d’inves- mer ou un lac), pendant que les Amé- L’afflux de pétrodollars dans la
tissements étrangers affluent vers Bakou. ricains choisissent Bakou comme pivot région n’est pas univoque. Les clans
Des rumeurs démesurées circulent sur de leur stratégie d’exportation. au pouvoir et les capitales, vitrines du
ce « nouveau Koweït ». Or les forages Dès 1994, une bataille s’engage capitalisme pétrolier, accaparent l’es-
offshore dans le secteur azerbaïdjanais entre Américains et Russes pour le sentiel de cette manne. Plusieurs Etats,
s’avèrent décevants. Le pétrole se trouve contrôle de l’évacuation du pétrole et dont l’Arménie, demeurent à l’écart de
au Kazakhstan ; l’essentiel des réser- du gaz caspiens. Face aux voies russes ce développement. Le jeu d’alliances
ves de gaz, au Turkménistan. Les Etats – celle de Bakou-Novorossiisk (pas- induit par les choix américains a eu un
riverains se disputent sur la façon de sant par la Tchétchénie) et celles qui rôle majeur dans le blocage du conflit
partager les ressources de la Caspienne relient les gisements kazakhs et turk- du Haut-Karabakh et l’apparition d’un
(selon qu’on la définisse comme une mènes au réseau russe –, le président axe nord-sud Moscou-Erevan-Téhéran,
William Clinton lui-même s’engage s’opposant à l’axe ouest-est Washing-
pour développer une route alternative ton-Ankara-Tbilissi-Bakou.
gout méridionale. Dès les années 1993-1995, il parais-
La guerre des tubes Washington rejette évidemment tout sait clair que, au-delà du contrôle des
trajet passant par l’Iran, pourtant de hydrocarbures, le classement de cette
loin le moins coûteux. Et, alors que les zone parmi les régions d’intérêt stra-
Alliances politiques et économiques Russes (avec Chevron et les Kazakhs) tégique pour les Etats-Unis visait à
Pays membres construisent rapidement un nouvel oléo- couper les pays du Sud de l’influence
du GUAM : Géorgie, Ukraine, duc entre Tengiz et Novorossiisk (ouvert moscovite. En constituant un corridor
Omsk Azerbaïdjan, Moldavie (organisation dès 2001), les Américains persuadent BP d’alliés fidèles ou de nouveaux clients,
pro-occidentale)
et les gouvernements azerbaïdjanais et entre la Turquie et le Kirghizstan,
de l’Union européenne
géorgien de construire l’oléoduc Bakou- Washington enfonce un coin stratégi-
de l’Organisation de coopération Tbilissi-Ceyhan : l’arrivée dans ce port que entre la Russie au nord, l’Iran et le
Astana de Shanghaï turc sur la Méditerranée permet d’éviter Proche-Orient au sud, en direction du
Karaganda
le passage, écologiquement risqué, par Xinjiang chinois.
de l’Union Russie-Biélorussie
AN Atassou le Bosphore. Il ouvre en mai 2006. Obnubilés par les projets occiden-
taux, les observateurs européens ne
« Guerre » des gazoducs et des oléoducs VITRINES DU CAPITALISME doivent pas oublier que cette région
Principaux gisements de pétrole Les Etats-Unis ont ainsi atteint l’un de est proche d’un autre centre majeur de
a Kol ou de gaz leurs objectifs stratégiques : la Rus-
LAC développement : l’ensemble asiatique,
BALKHACH
Grands projets de gazoducs ou d’oléoducs sie a définitivement perdu le mono- avec la Chine et l’Inde. Déjà, plusieurs
Vers la Chine
Existants pole du contrôle sur l’évacuation des oléoducs permettent aux Kazakhs de
ou en cours Envisagés Soutenus par hydrocarbures caspiens. Azerbaïdjan et vendre leur brut à leur grand voisin de
de construction
la Chine
Kazakhstan peuvent désormais choisir l’Est. L’ouverture de la région caspienne
CHINE la Russie entre plusieurs offres de transit : par pourrait bien être à l’avenir beaucoup
Tachkent
les Etats-Unis le nord et les réseaux russes bientôt plus large que ne l’escomptaient à l’ori-
l’Union prolongés par une voie bulgare vers la gine ses promoteurs américains. ●
européenne
TADJIKISTAN
l’Iran Grèce ; ou par le sud, la Géorgie et la
Turquie. Mais, si elle n’a pu empêcher
Douchanbé Principaux réseaux de gazoducs et
d’oléoducs des pays de l’ex-Union
soviétiques
la construction de voies alternatives, la Sur la Toile
Russie entend bien conserver son rôle. g Caspian Environment Program :
Gazoducs locaux iraniens
Après la mort du « Turkmenbachi » www.caspianenvironment.org

Par où passer ? – le président turkmène –, à la fin de g Coordination Committee on


Kaboul Géostratégie des « contournements » 2006, Moscou semble l’emporter en Hydrometeorology and Pollution
Pays dans lesquels la majeure partie du concluant un accord sur l’exportation de Monitoring of the Caspian Sea :
Herat territoire échappe au contrôle de l’Etat www.caspcom.com
AFGHANISTAN et où la sécurité des gazoducs et des l’essentiel du gaz et du pétrole kazakh,
oléoducs ne peut être assurée ouzbek et turkmène. Mais Américains et g Informations sur
I les oléoducs et gazoducs :
Territoires à « éviter » – selon les acteurs Européens ne s’avouent pas vaincus et www.caspiandevelopmentandexport.com
du « grand jeu » – pour l’évacuation du gaz continuent à faire pression pour capter
et des hydrocarbures des zones
une partie de ce flux vers la Turquie, g Dossier de La Documentation
d’extraction vers les marchés (Etats-Unis, française sur les enjeux pétroliers
PAKISTAN Europe, Chine et Japon) condition indispensable au lancement de la mer Caspienne :
NB : l’oléoduc Caspian Pipeline Consortium est du projet Nabucco d’approvisionnement www.ladocumentationfrancaise.fr/
soutenu par la Russie mais son actionnariat
Vers l’Inde
inclut d’importants intérêts américains, kazakhs de l’Europe en gaz par un réseau évitant dossiers/mer-caspienne/index.shtml
et omanais. la Russie.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 105

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Les défis de l’énergie

Le pétrole a fait le malheur


Le Proche-Orient arabe
est une des zones les plus Centralisation des richesses, du travail... et du pouvoir
Italie
convoitées depuis l’Antiquité.
Espagne
Portugal Grèce
Carrefour stratégique et
creuset religieux reliant trois
des cinq continents, Océan
Atlantique Mer
il renferme le plus Méditerranée
grand réservoir mondial Tunisie
d’hydrocarbures, ce qui a Maroc

entraîné des bouleversements


majeurs dans la vie Algérie
Libye
des sociétés de la région, Egypte
qu’elles soient ou non dotées Sahara
occidental Mauritanie
de ces ressources.
Production de pétrole...
Millions de tonnes
475 Mali
Niger
remier effet majeur, le pétrole 195 Tchad
provoque un renversement des
75
équilibres entre sociétés arabes Nombre de migrants économiques
vers les pays du Golfe
des pays du Machrek et à l’in- 5
térieur de chacune d’elles. La richesse 900 000 140 000
... et de gaz Soud
des royautés et des petits émirats de la Millions de m³ 100 000
péninsule arabique explose littéralement 83 000 260 000 50 000
à partir du début des années 1970, sous
44 000 Région de destination des travailleurs Congo
l’effet du quadruplement du prix du employés dans le secteur du pétrole
pétrole. Concentrée jusqu’ici dans des 10 000 (pays du Conseil de coopération du Golfe)
pays de vieille civilisation urbaine, tels 4 900
que l’Egypte, l’Irak ou la Syrie, la puis- Régimes autoritaires
sance politique, économique et cultu- Moyenne annuelle de 1997 à 2007.
relle passe de la sorte aux Etats à base
bédouine nouvellement constitués dans
la péninsule au cours du XXe siècle. mière moitié du XXe siècle (Nahda). entrée dans le monde de la modernité
Ces derniers acquièrent avec leur S’effacent en partie ainsi les éléments productive, celle-ci retombe dans une
nouvelle fortune des moyens d’influence de laïcité qui se développaient dans la nouvelle forme d’économie rentière,
considérables : politiques, économiques, région – mais aussi les diverses formes fondée exclusivement sur l’échange
sociaux, culturels et religieux. Désor- de nationalisme, de libéralisme ou de des matières premières contre des pro-
mais, richesses matérielles et carrières socialisme – pour céder la place à un duits industrialisés et le prélèvement
politiques dans les pays du Machrek se conformisme islamique, dont le wahha- d’une forte rente sur les exportations
font à partir des relations qui se nouent bisme chez les sunnites. d’énergie, distribuée de façon injuste
avec les dirigeants des pays pétroliers de Il s’agit d’une mutation spectacu- et improductive. Il s’ensuit une paresse
la péninsule. L’itinéraire de l’ex-premier laire du paysage du monde arabe, mais technologique majeure que permet
ministre libanais assassiné, Rafic Hariri, aussi musulman, qui commence à partir la nouvelle richesse financière. Le
en offre l’exemple le plus criant. du début des années 1970. La révolution contraste est saisissant avec les pays
Deuxièmement, on assiste à l’ex- iranienne en 1979 entraînera une suren- du Sud-Est asiatique, sans ressources
portation massive d’un islam puritain, chère entre islam sunnite sous influence énergétiques ou sans matières premiè-
en provenance principalement de l’Ara- saoudienne et islam chiite sous influence res de base, obligés, pour survivre, de
bie saoudite, qui vient submerger les iranienne. s’inspirer du modèle japonais en entrant
différentes tendances du réformisme Troisième phénomène négatif dans le monde de l’innovation et de la
musulman sunnite du XIXe et de la pre- pour le devenir de la région : à peine compétitivité industrielle.

106 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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du monde arabe
Russie Ouzbékistan
Mer Noire Géorgie La richesse pétrolière
Azerbaïdjan
n’est pas pour tous
Arménie Produit intérieur brut par personne active
Turkménistan
e Mer (base 100 en 1980)
Turquie
Caspienne 120 120
Algérie Irak
100 100

Iran 80 80
Syrie Irak
Liban 60 60
Afghanistan
Israël
40 40
Palestine
20 20
Jordanie Koweït
Golfe 0 0
Pakistan 1980 1995 2005 1980 1995 2005
Bahreïn
120 120
Egypte Koweït Qatar
Emirats
100 100
Qatar arabes
unis 80 80
Arabie
saoudite 60 60
Mer
40 40
Rouge Oman
20 20

Mer 0 0
d’Oman 1980 1995 2005 1980 1995 2005
Erythrée
Yémen 120 120
Arabie Emirats
saoudite arabes unis
Djibouti 100 100
Soudan
Somaliland Puntland 80 80
Ethiopie
60 60
0 500 1 000 km
go 40 40

20 20
Somalie NB : l’Iran n’est pas un Etat arabe
mais joue un rôle prépondérant dans la région. 0 0
Sources : BP Statistical Review, 2008 ; département économique 1980 1995 2005 1980 1995 2005
et social de l’organisation des Nations unies, 2005-2008. Source : Banque mondiale, 2008.

La multiplication du nombre d’émi- Il est affligeant de constater que les Incontestablement, le pétrole aura
grés arabes attirés dans les pays de la pays arabes dotés de ressources pétro- contribué au malheur arabe et, vraisem-
péninsule, du travailleur non qualifié au lières – à l’exception de la péninsule, blablement, iranien. La combinaison
cadre de banque ou de haute administra- à faible démographie – se retrouvent de ces facteurs historiques, anciens et
tion, facilite cette évolution. Ils échap- aussi pauvres, sinon plus pauvres, récents, caractéristiques de la région, a
pent à la misère et au chômage de leur qu’au début des années 1970 : ainsi, fermé les portes d’un devenir évoluant
pays, mais, une fois rentrés chez eux, ils l’Algérie, la Libye, l’Irak, mais aussi vers l’apaisement et la normalité des
reproduisent les habitudes de consom- l’Egypte, le Soudan, le Yémen et la sociétés arabes dans leur environnement
mation et la culture puritaine religieuse Syrie, pays dotés de ressources éner- direct, occidental et oriental. ●
acquises au cours de leur séjour. Pour gétiques en quantités modérées. Les
certains pays exportateurs de main-
d’œuvre, mais surtout de cerveaux ou de
autres grands exportateurs de pétrole
de la péninsule se regroupent dans un
Sur la Toile
techniciens qualifiés, on assiste à la dis- « club de riches », le Conseil de coo- g Organisation des pays arabes
exportateurs de pétrole (Oapec) :
parition de larges pans des élites locales pération du Golfe (CCG), qui prospère www.oapecorg.org
et de la classe moyenne. Cela constitue à l’ombre de la présence militaire amé-
une perte économique importante et faci- ricaine et n’empêche pas les conflits g The Gulf 2000 Project (Columbia
University) : http://gulf2000.
lite le maintien des formes autoritaires et interarabes, nombreux depuis l’avène- columbia.edu/maps.shtml
autocratiques de pouvoir. ment du pétrole.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 107

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Les défis de l’énergie

Ruée mondiale sur l’or noir


Cataloguée comme la Cendrillon de la globalisation, l’Afrique Dans la toile
subsaharienne se trouve au centre d’une forte compétition des compagnies pétrolières
entre vieilles et nouvelles puissances, concernant les droits
d’exploitation des ressources énergétiques, notamment le pétrole.
Mais, comme dans d’autres régions productrices, rien n’indique
que ce boom profitera aux populations.

première vue, le poids de augmenter les exportations de la Gui-


l’Afrique ne semble pas née-Equatoriale (passées de 17 000
déterminant dans la produc- en 1996 à 363 000 barils par jour en
tion pétrolière internationale. 2007), et il devrait en aller de même
AMÉRIQUE
Selon la BP Statistical Review of World avec São-Tomé-et-Príncipe. Actuelle-
DU NORD
Energy, la production africaine – envi- ment, tous les regards convergent vers
ron 10,3 millions de barils par jour – le golfe de Guinée et son pétrole de très
ne représentait en 2007 que 12,5 % de bonne qualité. De surcroît, la majorité
la production mondiale. De plus, les des nouveaux gisements se trouve en
réserves africaines ne se montent qu’à mer, ce qui diminue le coût du transport
117 milliards de barils, soit 9,5 % des vers les Etats-Unis et surtout améliore
réserves mondiales. Pourquoi, dès lors, relativement la sécurisation des sites
cette ruée internationale ? d’extraction, plus faciles à protéger.
Trois raisons fondamentales l’ex-
pliquent. Tout d’abord, grâce à la UNE DÉPENDANCE ACCRUE
découverte de nouveaux gisements et En troisième lieu, les chiffres globaux
à l’exploitation intensive des existants, de la production africaine actuelle ne
l’Afrique représente le continent où la sont pas représentatifs de l’importance
production pétrolière augmente le plus de cette dernière pour des pays tels que AMÉRIQUE
(3,2 % entre 2006 et 2007). Les attentes les Etats-Unis ou la Chine. Le pétrole LATINE
des gouvernements et des compagnies d’Afrique représente 20 % des impor-
tiennent aussi à l’autre record : il s’agit tations américaines – 25 % en 2015. Au
de la région du monde où la consom- cours des dix dernières années, la Chine
mation de produits pétroliers est la plus aussi est devenue plus dépendante de
basse (3,5 % du total mondial). l’Afrique : en 2007, Pékin en a importé
Deuxièmement, la production afri- 53 millions de tonnes de pétrole, l’An-
caine se concentre sur la côte de la Médi- gola étant désormais son principal four-
terranée (notamment en Algérie et en nisseur étranger, avant l’Arabie saoudite,
Libye) et dans le golfe de Guinée. Ici, à tandis que les exportations du Soudan
côté des exportateurs traditionnels tels représentent 6 % de ses importations
que le Nigeria, le Cameroun, le Gabon et pétrolières. Les sociétés chinoises d’Etat
Investissements étrangers
l’Angola, les dix dernières années ont vu ont acquis des droits de prospection et
d’exploitation pour le pétrole (et le Flux de capitaux des grandes
Sur la Toile gaz) en Angola, au Nigeria, au Soudan,
au Gabon, au Congo-Brazzaville, en
multinationales pétrolières

g Forum sur la coopération sino- Guinée-Equatoriale, en Mauritanie, au


africaine : www.fmprc.gov.cn/zflt/eng Niger, au Kenya, en Algérie, en Libye ments chinois et américain manifestent
g Site gouvernemental et en Somalie. l’un et l’autre une volonté de conso-
des Etats-Unis Energy Information La ruée mondiale sur les matières lider les régimes en place plutôt que
Administration : www.eia.doe.gov premières africaines pose deux problè- d’assumer les risques (et les coûts) d’un
g Oil Watch, réseau international mes : celui des relations entre ressources processus de réelle démocratisation en
de résistance aux activités naturelles et démocratie et celui de la Afrique. Les Etats-Unis ont d’ailleurs
pétrolières : www.oilwatch.org nature de l’intégration des pays africains renforcé leur présence militaire (voir
dans la mondialisation. Les gouverne- p. 166). En même temps, la flambée

108 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

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de l’Afrique

RUSSIE ET
ASIE CENTRALE

EUROPE

PAYS DU GOLFE ET
PROCHE-ORIENT

ASIE
UE

AUSTRALIE

Sources : UN Statistical Yearbook 2006 ;


US Department of Energy, International
Energy Agency ; rapports annuels les plus
récents des principales compagnies pétrolières.
Flux des exportations d’hydrocarbures
Carte dressée et réalisée par Maria Luisa
Milliards de dollars Giordano et Sara Anifowose, du laboratoire de
cartographie de l’université de Bologne (Italie).
1 3 6 13

du prix du pétrole risquait – jusqu’à à annoncer des coupes claires dans les place d’autres politiques que les pro-
l’été 2008 – d’augmenter la dépen- secteurs sociaux : elle a aussi poussé grammes de libéralisation économique
dance des pays africains à l’égard des des entreprises multinationales à révéler adoptés jusqu’à maintenant, afin de pro-
marchés volatils de matières premières. le gel de certains investissements déjà mouvoir la diversification des produc-
La baisse du prix du pétrole intervenue annoncés pour la prospection et le raffi- tions africaines et de permettre ainsi à
dans les derniers mois de 2008 n’a pas nage des ressources pétrolières en Afri- la richesse pétrolière d’enclencher une
seulement contraint des gouvernements que. Pour ne pas reproduire les erreurs dynamique de développement réel dans
comme ceux du Nigeria et de l’Angola du passé, il serait urgent de mettre en chaque pays producteur. l

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 109

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Les défis de l’énergie

Le solaire et l’éolien percent


En Allemagne, l’objectif, a poignée de pays qui ont misé communes, et créé quantité d’emplois.
sur les énergies renouvelables Les chefs d’entreprise précurseurs dans
fixé pour 2010, de 12,5 %
sans se soucier du cours des la production de techniques d’énergies
d’énergies renouvelables négociations mondiales ont renouvelables sont en général des débu-
dans la production électrique davantage fait bouger les choses que tants. En effet, les relations d’affaires
toutes les initiatives prises au niveau entre les groupes traditionnels de techno-
nationale a été atteint
international : leurs choix autonomes logie énergétique et leurs clients attitrés
dès la mi-2007. Le succès ne se heurtent pas, sur le plan national, n’autorisent guère, à l’évidence, à faire
des programmes visant à à la difficulté de concilier trop d’inté- cavalier seul ou à jouer l’originalité.
rêts divergents. L’autonomie de décision Il en va de même avec les exploitants
la promotion de ce mode
dont disposent les villes qui ont lancé les d’installations d’énergies renouvelables
d’énergie tient pour beaucoup premières initiatives explique également depuis l’entrée en vigueur en Allemagne
à l’initiative autonome des ce succès : les municipalités dépendent de la loi sur les énergies renouvelables
moins du « complexe politico-énergéti- (Erneuerbare-Energien-Gesetz, EEG),
villes et des régions, relayée
que » que les gouvernements. dont le bilan, en 2006, paraît positif sur
ensuite par une loi fédérale. De nombreux cantons et petites plusieurs plans : l’EEG a permis d’éco-
villes – spécialement en Allemagne nomiser 45 millions de tonnes de gaz
ou en Autriche – se fixent un objectif carbonique – soit 8 millions de tonnes
d’autonomie énergétique communale à de plus qu’en 2005 –, apportant ainsi
100 %, voire l’ont déjà atteint. La mise une contribution notable à la protection
en réseau de l’électricité solaire a été climatique. Au total, les énergies renou-
amorcée dans les années 1990 dans velables ont évité l’émission en 2006 de
plus de 90 villes allemandes. Ce succès plus de 100 millions de tonnes de CO2.
n’aurait pas été possible sans la « rému- L’EEG constitue aussi un moteur en
nération à l’investissement » de la base matière d’emplois (on lui doit 125 000
industrielle nécessaire au programme des quelque 214 000 emplois créés dans
des « 100 000 toits solaires », lancé par le secteur des énergies renouvelables),
le gouvernement allemand en 1999. mais aussi d’investissements et d’ex-
A défaut de toujours aboutir à un portations : non seulement, en 2006,
succès financier, les projets communaux 9 milliards d’euros ont été investis en
n’en ont pas moins amélioré la qualité Allemagne dans des installations béné-
de vie et l’atmosphère sociale dans les ficiant de l’EEG, mais plus de 70 % des

Une très forte croissance ����������������


des énergies renouvelables ���������������������������������������������
Taux de croissance annuel moyen ���������������������
de la production d’électricité 1996-2006 � �
Pourcentage ��������� ����������
70 � �
Solaire
EUROPE � �
60 DE L’OUEST
ALLEMAGNE � �
50 � �

40 � �
���� ���� ���� ���� ���� ����
Eolien
� �
30 Biomasse ������� �����
� �
20 Géothermie � �
Déchets
10 Fossile � �
Nucléaire
Hydraulique � �
0
� �
-5 ���� ���� ���� ���� ���� ����
Source : « La production d’électricité d’origine renouvelable dans le monde »,
neuvième inventaire, Observ’Er-EDF, 2008. ������������������������������������������������������������������������������

110 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-3-Défis de l'énergie.indd 110 9/02/09 20:46:35


en Allemagne
éoliennes produites ont été exportées.
Un mouvement analogue se dessine dans Dix des 30 usines de production d’électricité
la filière photovoltaïque.
les plus polluantes sont allemandes
L’EEG prévoit que l’exploitant du
réseau rémunère le courant provenant Emissions absolues
d’énergies renouvelables. La différence des 30 usines qui émettent
entre le taux de rémunération et les prix le plus de CO2, en 2006
Millions de tonnes de CO2
du marché des autres sortes de courant
De 7,5 à 9,5
est répartie, au titre de l’EEG, sur la fac-
De 10 à 14,5
ture des usagers. La garantie d’accès au
réseau, les taux de rémunération fixes, De 15 à 19,5
l’absence de plafonnement ont permis De 20 à 30,1
à des exploitants indépendants d’acqué-
rir une autonomie d’investissement. De Emissions relatives
Grammes de CO2
nouveaux acteurs apparaissent ainsi, qui par kilowattheure
ne sont plus contraints de quémander De 1 150 à 1 350
l’accès au réseau auprès des fournisseurs De 1 000 à 1 150 LONGANNET MER
MER BALTIQUE
d’énergie en place. De 850 à 1 000 DU NORD
De 620 à 850
FERRYBRIDGE EGGBOROUGH
DÉCENTRALISATION FIDDLERS FERRY DRAX
L’ensemble de ces succès explique que WEST BURTON
RATCLIFFE COTTAM SCHWARZE PUMPE
JÄNSCHWALDE
plus de 40 pays à travers le monde aient DIDCOT
KINGSNORTH SCHOLVEN BOXBERG KOZIENICE
copié cette loi – même le Parlement du FRIMMERSDORF
NEURATH
OCÉAN
Michigan, aux Etats-Unis, débat de son ATLANTIQUE
WEISWEILER LIPPENDORF TUROW BELCHATOW
NIEDERAUßEM RYBNIK
introduction. Depuis 2000, plus de 95 % PRUNEROV
MANNHEIM
des investissements proviennent d’exploi-
tants privés ou d’entreprises énergétiques AS PONTES

communales. Sur les capacités éoliennes


installées en 2004 dans le monde, seuls
23 % (9 750 sur 42 400 mégawatts) se
trouvent aux mains de grandes entrepri- SINES
ses de fourniture de courant.
BRINDISI
L’exemple de l’Allemagne indique MER AGIOS
KARDIA

les axes principaux d’une percée des MÉDITERRANÉE DIMITRIOS

énergies renouvelables :
– un accès au courant indépendant et
décentralisé (plutôt qu’une concentra- Union européenne en 2006
tion sur les sites internationaux réputés Toutes ces usines de production d’électricité fonctionnent au charbon.
« économiques », comme la « ceinture
de soleil » du globe terrestre) ; Source : Fonds mondial pour la nature, 0 300 km
« Dirty thirty ranking of the most polluting power stations in Europe », mai 2007.
– la décentralisation politique, préfé-
rée aux institutions internationales et à
l’ « harmonisation du marché » ;
– des investissements autonomes ����������������������������������
(plutôt qu’étatiques), orientés par l’ob- ��������������� ����������������� ���������
jectif strict d’économie énergétique. ● ����������
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Sur la Toile ������ ��������
������ ��������������
g World Council for Renewable Energy : ������ ������ �������
www.wcre.org
���������
g The European Association for ������
Renewable Energy : www.eurosolar.org ��������
������������ ��������
g Ministère de l’environnement �����������������
allemand en anglais : ������������������������������������������������������������������������������
www.bmu.de/english �����������������������������������������

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 111

-3-Défis de l'énergie.indd 111 9/02/09 19:45:14


Les défis de l’énergie

Europe et Russie : la bataille


En plein boom, près l’ère du pétrole et avant aimeraient diversifier leurs exportations.
la consommation et celle des énergies renouve- Une dépendance mutuelle dont tous les
lables, verrait-on poindre acteurs souhaiteraient sortir…
la production de gaz l’ère du gaz ? Le gaz naturel Du point de vue de l’Union euro-
dans le monde suscitent est l’hydrocarbure qui connaît le taux péenne, la situation paraît simple :
de nombreuses rivalités de croissance mondial le plus impor- 83,4 % du gaz qu’elle importe provient
tant en termes de consommation et de de seulement trois pays – la Russie,
géopolitiques. Théâtre et production. On en estime les réserves l’Algérie et la Norvège – et transite
acteur privilégié de ces prouvées mondiales à soixante années. essentiellement par gazoduc. Symé-
tensions, l’Union européenne En Europe, alors que la demande a for- triquement, la plupart des pays qui lui
tement augmenté au cours des quinze fournissent du gaz lui vendent la quasi-
peine à affirmer une position dernières années, celle du pétrole a eu totalité de leurs exportations. Plus de
commune sur la sécurité tendance à stagner et celle du charbon à 80 % du méthane sortant de Russie ou
de l’approvisionnement baisser. Avec une extraction gazière qui d’Algérie achève sa course dans les ter-
diminue depuis 1996, son importation minaux européens, comme l’essentiel
énergétique du continent. n’en est que plus importante… du gaz norvégien. Si bien que l’Union
L’appétence pour le gaz tient en n’est pas loin d’occuper une position de
partie à une meilleure utilisation de la consommateur unique face à plusieurs
ressource pour produire de l’électricité producteurs : on parle de monopsone.
(moins coûteuse en termes d’investisse- Cette situation découle d’un marché du
ment que le nucléaire, et plus écologique gaz fortement régionalisé (Amérique,
en termes d’émission de gaz à effet de Europe, Asie de l’Est). En effet, les
serre que le pétrole et le charbon). En réserves sont plus dispersées que cel-
construisant de nombreuses centrales à les du pétrole, impliquant des échanges
cycles combinés au gaz, les électriciens concentrés géographiquement quand le
européens dépendent de plus en plus transport est assuré par tube.
du gaz importé, notamment de Russie.
Inquiétude partagée : les fournisseurs NABUCCO CONCURRENCÉ
Pour sécuriser leurs débouchés, certains
producteurs russes tentent de réorienter
����������������������������� une part de leurs exportations et de s’im-
planter sur le marché européen en aval
���������������� pour devenir également distributeurs
�� � �������
������������������������ finaux. Aidée par une diplomatie éner-
�����������������������
�������� gétique aussi active qu’efficace, la com-
�������������������
��

�������������� pagnie Gazprom, qui fournit à l’Union


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européenne le quart de ses approvision-
�� �������
�� ����������� nements gaziers, construit, en partena-
�������� ��������
�� �������
��������
riat avec de grands groupes européens,
� �������� ������ des gazoducs qui concurrencent… ceux
��������� ���
������������ ������� créés par des pays de l’Union.
�������������� ����������� �� Le gazoduc Nord Stream par exem-
������������������������� ����������
������������ ������������ ple, reliant la Russie à l’Allemagne par
���������� ������
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��������� le nord de l’Europe et qui devrait être
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achevé en 2010, se bâtit avec la parti-
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����������� ������ cipation des énergéticiens germaniques
���������������
��������������� �������� ���� E.ON et BASF et de la société néer-
������������� ��������
���������� landaise de transport de gaz Gasunie.
������� �������������� Prévu pour alimenter le sud-est de l’Eu-
�� ��������������
����� rope depuis la Russie, le gazoduc South
��

��� ���������
����

��� Stream, assemblé avec l’aide de l’ita-


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�������
������
lien ENI, devrait voir le jour en 2013. Il
concurrencerait sévèrement le gazoduc
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������� ����������������������������� Nabucco, prévu pour acheminer le gaz
���������������������������������������������������������� ����� ����������������
de l’Iran jusqu’à l’Autriche, via la Tur-

112 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-3-Défis de l'énergie.indd 112 9/02/09 19:45:20


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des gazoducs
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quie. Fournisseur mais aussi distribu- se révèlent aussi flexibles qu’économi-


teur, Gazprom souhaiterait concurrencer ques. Un puissant stimulant pour les �����������������
GDF-Suez sur le marché français. contrats à court terme et pour la mon- ���������������������
De 1985 à 2000, la baisse des prix du dialisation du marché du gaz naturel. En �������� ������������
gaz avait favorisé la signature de contrats 2007, 29 % des échanges gaziers mon- ������� ����������
�������
de distribution à long terme (vingt ou diaux s’effectuaient déjà par GNL. Si ���
trente ans), impliquant la construction ce « court-termisme » satisfait l’obses-
de nombreux gazoducs. Cette for- sion concurrentielle de la Commission ���
mule garantissait les prix de vente aux européenne, il expose les opérateurs, et
consommateurs finaux, mais enchaînait donc les usagers, aux variations brutales
���
les pays importateurs aux pays expor- des prix des hydrocarbures. La route est ��� �������
tateurs. Afin d’encourager l’arrivée encore longue : en Europe, seulement
de nouveaux entrants sur les marchés, 15 % des livraisons de gaz se font par ���

l’Union européenne a incité les opéra- méthanier… ●


teurs à multiplier les contrats à court ���
terme. Il s’agissait non pas de réduire sa
dépendance énergétique à l’égard de ses
Sur la Toile
���
importations – phénomène inéluctable g Le portail de l’énergie en Europe :
www.energy.eu
en l’absence de capacités domestiques –, ���
mais de diversifier les fournisseurs. g Programme de coopération
internationale Inogate : www.inogate.org
Un procédé technique sert cette doc- �
trine : le gaz naturel liquéfié à – 161° g Rapport de Claude Mandil « Sécurité ���� ���� ���� ���� ���� ����
énergétique et Union européenne » :
(GNL) est 600 fois moins volumineux www.ladocumentationfrancaise.fr/
�����������������������������
�����������������������������������������������
qu’à l’état gazeux. Son expédition rapports-publics/084000245/ ����������
– via des méthaniers – et son stockage

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 113

-3-Défis de l'énergie.indd 113 9/02/09 20:57:25


– © Denys Vinson – Retouche

IV - Ces conflits qui persistent


Loin d’annoncer la « fin de l’histoire »,
l’intégration du monde n’apaise pas
naturellement les conflits. Au contraire,
elle les exacerbe. Plus que jamais,
la paix suppose une organisation internationale
respectant l’égalité des Etats.

Pages annexes09.indd 115 9/02/09 19:51:05


Ces conflits qui persistent

Les guerres du XXIe siècle


Pour un territoire ou pour un pouvoir L’année 2009 marquera le vingtième
anniversaire de la chute du mur
de Berlin. Ces deux décennies ont
bouleversé le paysage mondial.
����� Si le sang coule aussi
���������
abondamment qu’avant,
����������
�������� ����������� les conflits sont moins
�������������
����������� nombreux et la nature même
������
des guerres a profondément
��������� changé. Avec pour premières
�����������
victimes les civils.
�����������������
��������
����
����������������
����� ���������
����� ssu du participe passé du verbe
���������
������
�������� latin confligere (« combattre »),
�����������
le mot « conflit » est moins clair
����� ������������� �������
qu’il n’y paraît. On l’utilise tant
�������� �������� ������
pour désigner des tensions au sein
������� �������� ���������� d’une famille que pour qualifier…
������� ����
�������� ����� ������� un affrontement thermonucléaire !
������� ������ ������� ��������
��������� ����������� ������� Cette polysémie pose problème.
������������ ����������������������
������� �������������������� La difficulté linguistique reflète
������ ������������ ������������
���������
un casse-tête géopolitique : la nature
������� même des conflits a beaucoup évo-
������� ������� lué. Durant la guerre froide, sous
l’épée de Damoclès de l’équilibre
�������������
atomique, Américains et Soviétiques
����� ������� « géraient » leur bras de fer ainsi que
������
���������� ���������� les affrontements entre leurs alliés,
dont ils surveillaient les dérapages.
Contrairement à une idée reçue, la fin
du monde bipolaire n’a pas débouché
sur une explosion de violences : le
nombre de conflits meurtriers, selon le
�������� Stockholm International Peace Research
������
Institute (Sipri, http://first.sipri.org), a
diminué de moitié depuis 1989. C’est leur
�������� caractère qui a changé : les guerres civi-
les, souvent ethnico-religieuses, l’emportent
����� désormais sur les conflits interétatiques.
�������� ���������
������� Ainsi, le Sipri ne recensait plus de « conflits
internationalisés » en 2007, les derniers remon-
tant à 2003. En revanche, il relevait 14 « conflits
���������������� armés majeurs » avec pour enjeu le renversement du
������������������������� gouvernement en place ou le contrôle de territoires.
��������������� Parmi ces derniers, quatre ont coûté plus de 1 000 vies
par an : en Irak, en Afghanistan, au Sri Lanka et en Somalie.
Et, selon le Sipri, « 99 % de la violence unilatérale – c’est-
à-dire qui cible directement et intentionnellement des civils – se
produit dans des pays où un conflit armé est actif ».

116 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 116 9/02/09 19:52:09


tuent surtout des civils
Cette fragmentation et cette diversification de la Morts au combat
violence armée se mesurent par leur coût humain.
Si, dans la lutte pour le pouvoir, la responsabilité Victimes des conflits armés depuis la seconde guerre mondiale
de nombreux morts incombe aux Etats, ce sont Milliers
les groupes non étatiques qui, dans la bataille Asie et Proche-Orient
700
pour un territoire, en font le plus. D’où la mul- Afrique 600
tiplication des victimes civiles, directes et Amérique centrale et Caraïbes
Europe 500
indirectes, y compris les déplacés et réfugiés.
Ces querelles intestines voient proliférer les 400

groupes armés, qui abolissent les frontières 300


entre les différentes formes de violence, 200
terrorisme inclus. L’Etat, par sa faiblesse,
100
alimente souvent ce glissement vers le
pire en s’appuyant sur des milices triba- 0
1946 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2006
les ou des groupes de sécurité privés.
Bref, les civils constituaient 5 % des
tués et blessés des guerres au début du
XXe siècle, mais 90 % au commence- Nombre de conflits par type
ment du XXIe… 60
Guerre civile
Cette nouvelle nomenclature de la Guerre civile internationalisée
belligérance bouscule la donne. Ainsi 50 Conflit de décolonisation
la « communauté internationale » se Conflit interétatique
préoccupe-t-elle beaucoup de l’élar-
gissement du club des puissances 40

nucléaires : si l’Inde et le Pakistan


ont rejoint ce dernier sans provoquer 30
de tempête, il n’en va pas de même de
l’Iran. Pourtant, jusqu’à présent, ce 20
n’est pas la prolifération nucléaire qui
tue, mais celle des armes classiques, 10
et singulièrement des armes légères.
Selon le Small Arms Survey 2008,
0
107 pays en produisent directement, 1946 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2006
sous licence ou illégalement. Les
premiers exportateurs sont les Etats-
Unis, l’Italie, l’Allemagne, la Belgi- Nombre de morts causés par les guerres au XX e siècle
que, l’Autriche, le Brésil, la Russie et la Milliers
Chine – pour un total annuel officiel d’au 5 000
moins 100 millions de dollars chacun. 4 500
Parmi les victimes des « nouveaux » 4 000
conflits figurent en masse les enfants : tués,
3 500
blessés, violés, mutilés, etc. Si 200 mil-
3 000
lions d’entre eux subissent la guerre comme
civils, d’autres en font les frais au titre de 2 500
belligérants. Selon le dernier rapport de la 2 000
Coalition pour arrêter le recours aux enfants- 1 500
soldats, entre 2004 et 2007, au moins 63 pays 1 000
ont autorisé le recrutement de mineurs de moins
500
de 18 ans dans leurs forces armées, et 21 en ont
utilisé sur le champ de bataille, parfois dès 8 ans. A en 1900 0
1915 1930 1945 1960 1975 1990 2005
croire Plan International, ils seraient au total 300 000,
dont un tiers de filles. Cette pratique viole la Convention
internationale des droits de l’enfant de 1989 et spécifique- Source : Halvard Buhaug, Scott Gates, Håvard Hegre et Håvard Strand,
« Global trends in armed conflict », Centre for the Study of Civil War,
ment son protocole additionnel (facultatif) de mai 2000, que International Peace Research Institute, Oslo, 2008.
120 pays ont pourtant ratifié… l

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 117

-4-Conflits.indd 117 9/02/09 19:52:40


Ces conflits qui persistent

Revenu national brut


Les réfugiés en parité de pouvoir
d’achat
Canada Plus de 10 000 dollars

Etats-Unis Moins de 10 000 dollars


Japon
Nombre de personnes
2 500 000

Mexique 1 250 000


Chine Papouasie-
Suède 500 000
Russie Nouvelle-Guinée
100 000
Norvège Finlande 5 000
Costa Rica
Panamá Arménie Népal Thaïlande
Royaume-Uni
Allemagne
Equateur Serbie Afghanistan Australie
France Bangladesh
Venezuela Malaisie
Syrie Iran Pakistan
Italie Chypre Irak Inde
Egypte Liban
Algérie Palestine Arabie
Mali saoudite
Jordanie voir aussi cartes p. 16 et 17.
Sénégal Yémen
Brésil Tchad Soudan Djibouti Situation à la fin de l’année 2007
Chili Guinée Cameroun
Sierra Leone Ethiopie Populations réfugiées : personnes ayant traversé une frontière,
Liberia Côte Ouganda Somalie
Argentine Rép.dém. reconnues comme réfugiées au sens des conventions des Nations
d’Ivoire Kenya unies (1951) et de l’Organisation de l’unité africaine (1969). Sont
du Congo
Congo Tanzanie aussi comptabilisées dans cette catégorie les personnes à qui l’on
Rwanda accorde un statut humanitaire ou une protection temporaire.
Angola Burundi
Sources : Annuaire statistique 2006 et unité d’enregistrement Zambie Populations rapatriées : réfugiés revenus sur leur lieu d’origine.
et des statistiques du Haut-Commissariat des Nations unies Ils sont placés sous la protection du Haut-Commissariat des
pour les réfugiés, pour les estimations 2007 (Irak, Kenya, Tchad, Mozambique Nations unies pour les réfugiés, qui les assiste pour une période
Soudan) ; World Refugee Survey 2007, Comité des Etats-Unis maximale de deux ans.
pour les réfugiés et les migrants ; Agence de secours et de tra-
vaux des Nations unies ; base de données en ligne de la Banque Afrique du Sud Demandeurs d’asile : personnes dont la demande d’asile est
mondiale. toujours en cours de traitement à quelque étape que ce soit.

Aux réfugiés s’ajoutent les


Compter les réfugiés e scénario ne change guère. Au sations non gouvernementales (ONG).
et les déplacés est une science Rwanda en juillet 1973 comme L’action humanitaire commence par une
au Sri Lanka en janvier 2009, course contre la montre : sauver, soigner,
incertaine. Selon les modes lorsque les groupes armés arri- nourrir et abriter.
de calcul, ils sont entre vent, la population doit choisir : rester Les besoins urgents satisfaits et l’aide
10 et 200 millions ! Avec et risquer sa vie, ou partir et tout perdre. acheminée, commence un long parcours
D’où ces déplacements humains, qui pour protéger les réfugiés. Ayant traversé
la multiplication des causes requièrent une aide d’urgence dans les la frontière, ils ont perdu leur citoyen-
de déplacement, les Nations premières heures, durant lesquelles les neté d’origine. C’est alors au HCR de
unies doivent entièrement civils se trouvent le plus en danger. leur apporter la protection physique et
Mandaté par l’Organisation des juridique. Encore faut-il identifier cette
repenser leur approche pour Nations unies (ONU) pour répondre aux population, dont une partie juge inutile
redéfinir le mandat qui leur crises humanitaires, le Haut-Commissa- ou dangereux de se déclarer : des centai-
permettrait de protéger cette riat des Nations unies pour les réfugiés nes de milliers de personnes relevant du
(HCR) a les moyens de porter secours à statut international de réfugié échappent
population sans domicile fixe. 500 000 personnes en moins de quarante- aux statistiques.
huit heures : 300 logisticiens et person- Comment faire confiance aux chif-
nels de santé sur les cinq continents ; fres ? A la fin de 2007, le HCR recen-
des centaines de milliers de bâches en sait 11,4 millions de réfugiés ; le Comité
plastique, tentes, couvertures, mais des Etats-Unis pour les réfugiés et les
aussi camions, entrepôts préfabriqués et migrants (Uscri) en compte plus de
générateurs prêts à être embarqués dans 14 millions. D’ailleurs, le HCR et les
une armada de gros-porteurs. Le HCR ONG avouent sous-estimer le nombre
compte aussi sur l’appui du Programme des réfugiés. Comme en Thaïlande, où le
alimentaire mondial pour les transferts gouvernement décide à qui il accordera
massifs de nourriture, et, sur le terrain, ou non le statut… De même, les réfugiés
reçoit le soutien d’innombrables organi- afghans dispersés en Iran et au Pakistan

118 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 118 9/02/09 20:49:58


Nombre de personnes
Les déplacés 5 000 000

Iles du Corée 2 500 000


Pacifique du Nord
Etats-Unis
1 500 000
Mexique 1 000 000
500 000
250 000
Chine 100 000
Guatemala Russie 30 000

Asie Philippines
centrale
Bangladesh Laos
Népal
Timor-Leste
Birmanie
Colombie Géorgie Afghanistan
Ex-Yougoslavie Turquie Azerb.
Indonésie
Chypre Syrie Inde
Pakistan Séquelles du
Liban Irak tsunami de 2004
Algérie Sri Lanka
Région Israël-Palestine
Pérou amazonienne
Sahel Soudan Yémen Situation à la fin de l’année 2007
Erythrée
Nombre inconnu de personnes déplacées à la suite de
Guinée Tchad Somalie catastrophes naturelles, du dérèglement climatique ou en
Ethiopie raison du développement de grands projets hydrauliques,
Liberia Côte industriels ou agricoles
Sources : Annuaire statistique 2006 d’Ivoire Nigeria Centrafrique
et unité d’enregistrement et des Ouganda
Nombre de déplacés inconnu mais significatif,
statistiques du Haut-Commissariat Rwanda Kenya entre quelques milliers et plusieurs millions
des Nations unies pour les réfugiés ; Revenu national brut
Internal Displacement Monitoring en parité de pouvoir d’achat Rép. dém. Burundi Nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
Centre, Norwegian Refugee Council ; du Congo pays à la suite de conflits. La moitié bénéficie de la protec-
base de données en ligne de la Banque Supérieur à 10 000 dollars tion et de l’assistance du Haut-Commissariat des Nations
mondiale ; United States Human Angola Zimbabwe unies pour les réfugiés, agissant dans ce cas à la demande
Rights Network. Inférieur à 10 000 dollars de l’Organisation des Nations unies

déplacés, forçats de l’exil


seraient de 4 à 5 millions – et non de 2 à ces ou violations des droits humains, subventionnés, combien de centaines
3 millions. Au total, les pays en voie de ignorant les autres causes. Or les grands de milliers de paysans mexicains ont dû
développement accueillent plus de 80 % projets (barrages, centres industriels, quitter leur terre et gagner… les Etats-
des réfugiés. Les plus pauvres reçoi- plantations) déplacent de 10 à 15 mil- Unis, le plus souvent clandestinement ?
vent les contingents les plus importants, lions de personnes par an. Sans oublier Quels critères permettront de distinguer
comme la République démocratique du les problèmes environnementaux : en un migrant économique d’un réfugié
Congo (1,7 million, déplacés compris). 2007, selon le Centre de recherche sur fuyant guerres et persécutions ? Les
Aucun de ces Etats ne pourrait assumer l’épidémiologie des désastres, ils ont mouvements migratoires mixtes obli-
seul cette responsabilité sans l’aide des affecté 150 millions de personnes. Tou- gent déjà l’ONU à repenser sa concep-
Etats du Nord. tes causes confondues, les déplacements tion de la protection juridique, de l’accès
On connaît bien mieux la situation « forcés » concerneraient entre 100 et au territoire et du droit d’asile.
des réfugiés que celle des déplacés. For- 200 millions de personnes. Hier, il a fallu intégrer au mandat du
cés de quitter leur foyer, les seconds Une définition large devrait enfin HCR certains déplacements forcés, les
partagent le sort des premiers, mais sans mesurer les conséquences de la libéra- rapatriés et les populations apatrides.
pouvoir prétendre à leur statut : ils sont lisation des échanges. Face à la concur- Verra-t-on l’ONU parler de « réfugiés
« exilés dans leur propre pays ». Des rence sauvage de produits américains économiques » ? ●
Etats s’insurgent contre l’ingérence dans
leurs affaires et bloquent l’accès à cette
population vulnérable. Des millions de Un mandat élargi pour le HCR Sur la Toile
Millions
déplacés restent hors de portée du « sau- 32 g Forced Migration Online, base de
vetage » humanitaire. 30 Réfugiés données sur les déplacements forcés de
Autres personnes sous la responsabilité populations : www.forcedmigration.org
L’Observatoire des déplacements 20 du HCR
internes du Conseil norvégien pour g Forced Migration Review :
www.fmreview.org/links.htm
les réfugiés et le HCR estiment les 10
g Global Internally Displaced Person
déplacés à 26 millions. Mais ce chiffre 0 Project, Norwegian Refugee Council,
ne recouvre que des déplacements de 1983 1990 2000 2007 Genève : www.idpproject.org
populations liés à des conflits, violen- Source : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 119

-4-Conflits.indd 119 9/02/09 19:53:00


Ces conflits qui persistent

Les pouvoirs maghrébins ont


et maintiennent les partis d’opposition
Quelques indicateurs sociaux sous haute surveillance, quand ils ne
les interdisent pas, à l’image de la mou-
Education Education Education vance issue de l’ex-Front islamique du
ALGÉRIE MAROC TUNISIE
salut, dissous en 1992.
Santé Eau Santé Eau Santé Eau En Tunisie, en dehors de quelques
partis d’opposition qui n’ont guère
d’autre choix que de soutenir le prési-
dent Zine El-Abidine Ben Ali, les isla-
mistes représentent la principale force
Corruption Emploi Corruption Emploi Corruption Emploi
de contestation, même si leur principal
Education Education : alphabétisation Pourcentage parti, Ennahda (interdit), semble moins
FRANCE 100 influent et organisé qu’il ne le fut dans
Eau : accès à l’eau potable
80 les années 1980 et 1990. Au Maroc, le
Santé Eau Emploi : population active 60
(hors chômeurs) 40 Parti pour la justice et le développement
20 (islamiste modéré) constitue, depuis sep-
Corruption : corruption perçue 0
(0 : niveau le plus élevé) tembre 2007, la deuxième force en nom-
Santé : dépenses de santé bre de sièges au Parlement (46, contre
Corruption Emploi (base 100 = 15 % du PIB ) 52 pour l’Istiqlal) ; mais il paraît évident
Sources : Organisation mondiale de la santé, 2007 ; Nations unies, 2008 ; Transparency International, 2007.
que cette formation limite ses ambitions
pour ne pas heurter de front le pouvoir
royal et sa clientèle – le makhzen –, ce
Malgré une apparente n 2008, les trois Etats du qui l’exposerait à des représailles, voire
ouverture démocratique, Maghreb central, aux politiques à une interdiction.
socio-économiques pourtant
les droits politiques divergentes, ont partagé une LE PRÉTEXTE TERRORISTE
et syndicaux au Maghreb caractéristique commune : l’aggravation Les revendications identitaires des mino-
restent limités, dans un des tensions sociales face à une aug- rités berbérophones font, elles aussi, l’ob-
mentation brutale du coût de la vie et à jet de l’hostilité des pouvoirs algérien et
contexte de tension sociale un appauvrissement continu des classes marocain. Ces derniers ont certes donné
et de persistance de l’action moyennes contrastant avec l’enrichisse- l’impression de jeter du lest au cours
de groupes terroristes ment ostentatoire des minorités détenant des dix dernières années, en permettant
le pouvoir. Grèves à répétition dans les notamment l’usage du tamazight dans les
islamistes. L’émigration secteurs publics et privés, revendications médias nationaux. Mais son enseigne-
clandestine à destination salariales régulièrement exprimées et ment à grande échelle ainsi que son statut
de l’Europe témoigne du parfois même émeutes émaillent l’ac- par rapport à la langue arabe continuent
tualité tunisienne, algérienne et maro- d’entretenir des tensions. En Algérie,
découragement croissant caine, provoquant la réaction musclée la problématique berbériste se com-
d’une partie de la jeunesse. des autorités. plique aussi du fait du prosélytisme de
Depuis le début des années 2000, missionnaires évangéliques en Kabylie,
ces dernières ont d’ailleurs systémati- zone frondeuse qui n’a pas retrouvé une
quement empêché le développement situation normale depuis les émeutes san-
de syndicats indépendants et tentent, glantes du « printemps noir » de 2001.
de manière plus ou moins déguisée, de Pour justifier le statu quo et contrôler
criminaliser les organisations de tra- à la fois l’opposition démocratique – dont
vailleurs qui veulent échapper à leurs font partie les défenseurs de l’identité
tutelles. C’est particulièrement vrai en berbère – et les islamistes, les pouvoirs
Algérie et en Tunisie, où les syndica- maghrébins font état de la nécessité de
listes autonomes sont très exposés. lutter contre un terrorisme récurrent.
Cette restriction des droits des tra- Malgré le déploiement de forces de
vailleurs exacerbe une situation politique sécurité importantes et le démantèle-
qui n’évolue guère vers plus d’ouver- ment de plusieurs filières, les attentats
ture, pour ne pas parler de démocratie. terroristes ne cessent ni en Algérie ni au
Dans les trois pays, les pouvoirs qua- Maroc – la Tunisie a été la cible de deux
drillent le champ des libertés publiques tentatives majeures depuis l’attentat de

120 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 120 9/02/09 19:53:10


toujours peur des libertés
Djerba, en avril 2002. Désormais, le dis- tout en refusant d’endosser le label de
cours officiel tend à présenter la violence Ben Laden : leur existence démontre que Sur la Toile
terroriste comme le fait d’une branche le pouvoir algérien, comme ses homo- g Sur l’Algérie :
maghrébine d’Al-Qaida, les radicaux logues tunisien et marocain, s’avère www.algeria-watch.org
algériens, marocains et tunisiens étant incapable de détourner une partie de
réputés avoir fait allégeance à Oussama la jeunesse désœuvrée de la tentation g Sur la Tunisie :
http://tunisiawatch.rsfblog.org/
Ben Laden. extrémiste. De même, les trois gouver- maghreb
Pour autant, plusieurs experts de la nements maghrébins n’arrivent pas à
région contestent fortement la thèse de endiguer l’inquiétant mouvement des g Revue « Telquel » :
www.telquel-online.com
l’unification de tous les groupes ter- harragas, ces clandestins, souvent de
roristes au Maghreb sous la bannière jeunes chômeurs, qui tentent de traver- g Union du Maghreb
arabe : www.maghrebarabe.org
d’Al-Qaida. En Algérie, par exemple, ser la Méditerranée vers l’Union euro-
certains groupes armés demeurent actifs péenne, au péril de leur vie. ●

Des sols qui se dégradent, un sous-sol qui rapporte


FRANCE
ITALIE

Iles Baléares
ESPAGNE
(Espagne) Mer
Méditerranée
Océan PORTUGAL
Atlantique
Bizerte Tunis
Alger Annaba
Constantine
Sousse
Tanger Tétouan Oran Sétif
Rabat Oujda Batna Monastir
Kénitra Blida
Sfax
Casablanca Kairouan
Fès
Médenine
Meknès
Safi TUNISIE
Marrakech
Agadir
MAROC
Iles Canaries
ALGÉRIE
(Espagne)

LIBYE
0 200 400 600 km

Zones désertiques
Zones très vulnérables
à la désertification MALI
Zones modérément vulnérables
à la désertification
Conditions pédologiques normales Agglomérations NIGER
Population des villes de plus
de 250 000 habitants
Territoires berbérophones
3 500 000
Attaques terroristes attribuées à Population immigrée dans les années 2000
Al-Qaida depuis 2001
1 000 000 725 000 Marocains
Zones d’extraction pétrolière ou gazière 250 000 250 000 Algériens
Principaux oléoducs ou gazoducs 15 000 Tunisien
Sources : Udesa, « International migration in the Arab region : Trends and policies », 2006 ; Euro-Mediterranean Consortium for Applied Research on International Migration,
base de données en ligne, 2007 ; Plan bleu, Environnement et développement durable en Méditerranée, 2008.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 121

-4-Conflits.indd 121 9/02/09 19:53:20


Ces conflits qui persistent

Vers l’autonomie
De multiples définitions pour un seul territoire

MAROC
MARO
ROCC
Tan-Tan ALGÉRIE
Iles Mur et point de passage
Tindouf
Canaries
Territoire marocain
(Espagne) El-Ayoun Haouza Farciya
selon les Nations unies
Smara
Territoire occupé
Boujdour Boukraa Tifariti par le Maroc
Territoire administré
Y a-t-il une ligne, dans le sable, qui
par le Maroc
Gueltat Zemmour sépare le Maroc du Sahara occidental ?

SAHARA OUI ! ... « Il y a bien une ligne que les Sahraouis Territoire annexé
ne peuvent pas traverser à moins qu’ils par le Maroc
OCCIDENTAL n’acceptent de devenir marocains ! »
Kamel Fadel, représentant du Front Polisario Ex-Sahara espagnol
Dakhla Baggari
Mijek en Australie.
Imilili
NON ! ... « La meilleure cartographie du monde Territoire récemment rattaché
ne peut pas nier d’un trait, même tireté, au royaume du Maroc
Aousserd
la lutte légitime du peuple marocain
pour le parachèvement de son unité territoriale ! » Territoire en attente du
Un professeur de l’université de Casablanca référendum d'autodétermination
Techla Zoug depuis 1975
Mohammed VI, roi du Maroc, tranche dans un
Bou Lanouar entretien accordé au Figaro en septembre 2001 : Territoire toujours inscrit sur la
Nouadhibou « J’ai réglé la question du Sahara occidental, qui liste des territoires colonisés
MAURITANIE nous empoisonne depuis vingt-cinq ans. » publiée par les Nations unies

0 100 200 km Source : Le Monde diplomatique.

La recherche d’une solution lger et Rabat continuent de Washington, pour sa part, perçoit la
au conflit saharien, vieux nourrir le projet de dominer bande sahélo-saharienne, mal contrôlée
la région en s’affaiblissant par les Etats de la région, comme une
de trente-trois ans, prend mutuellement, mais aucun possible base arrière pour Al-Qaida,
un tour nouveau avec l’appui des deux protagonistes n’est en mesure allié depuis janvier 2007 à l’ex-Groupe
du représentant du secrétaire d’imposer sa solution. Si l’autonomie salafiste pour la prédication et le combat,
du Sahara (appuyée par les Etats-Unis, renommé Al-Qaida au Maghreb islami-
général de l’Organisation la France et l’ONU) semble constituer que (AQMI). Ce sentiment, les classes
des Nations unies au projet la sortie de crise la plus probable, elle dirigeantes du Maghreb le partagent :
d’autonomie proposé par confronterait le Maroc à une révision de elles mettent en avant les connexions
sa Constitution. entre Sahraouis du Front Polisario, Toua-
Rabat depuis le début Plus décentralisée, la nouvelle archi- regs et éléments de l’AQMI.
des années 2000. Le Front tecture institutionnelle affecterait une Mais, au-delà des programmes de
Polisario et son tuteur algérien monarchie qui « s’est construit une fonc- lutte contre le terrorisme mis en place
tion de gardienne de l’unité nationale et dès 2002 par les Etats-Unis, chacun des
continuent de revendiquer de l’islam marocain tout en centralisant Etats concernés pourrait être tenté d’uti-
l’autodétermination, assimilée son pouvoir » (Malika Zeghal, politolo- liser l’opacité ambiante, la porosité des
à l’indépendance gue). Un nouveau pacte serait établi avec frontières et le manque de cloisonnement
les Sahraouis, dotés d’une Assemblée entre trafiquants, commerçants et plus
des Sahraouis. dont la composition devrait être suffi- récemment salafistes, pour se débarras-
samment légitime et représentative pour ser de ses ennemis – l’AQMI pour Alger
négocier avec Rabat les limites du pou- ou le Front Polisario pour Rabat.
voir régional. Cette autonomie pourrait Les observateurs s’inquiètent aussi
susciter des revendications de la part des manifestations de jeunes Sahraouis,
d’autres régions, produisant une frag- qui se sont multipliées depuis 2005 dans
mentation du pouvoir central. les principales villes du Sahara occiden-

122 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 122 9/02/09 22:32:43


du Sahara occidental ?
tal, en particulier à El-Ayoun. La demande Intégrés dans un contexte marocain Leurs revendications ont un caractère
d’indépendance s’explique d’abord par en mouvement, les jeunes Sahraouis citoyen, même s’ils agitent le spectre de
l’attitude de la monarchie vis-à-vis des redéfinissent leur identité et s’approprient l’autodétermination : ils puisent en fait
élites sahraouies depuis l’avènement de leur histoire tout en se positionnant politi- dans un nouveau registre référentiel, celui
Mohammed VI. Hassan II avait en effet quement par rapport aux premières géné- des droits de l’homme et de la légalité
réussi à coopter une élite qui lui servait rations d’élites cooptées et aux Maro- internationale. Par leurs manifestations,
d’appui et de vitrine pour intégrer le cains, avec lesquels ils sont appelés à se ils interpellent de fait la « communauté
Sahara au Maroc : associée aux activités confondre dans le cadre d’une autono- internationale » en lui donnant le senti-
économiques les plus dynamiques de la mie du Sahara. S’ils font mine de ne pas ment que le territoire sur lequel l’ONU
région, celle-ci bénéficia de nombreux reconnaître le pouvoir de Rabat, ils ne se n’a pas encore statué n’est pas complè-
privilèges et de postes de fonctionnaires rallient pas non plus au Front Polisario. tement maîtrisé par le Maroc. ●
ou de « conseillers de Sa Majesté ». Le
temps et l’accession au trône du nou-
veau monarque ont distendu ces liens Perceptions territoriales
Ceuta
clientélistes. Les jeunes Sahraouis sont Tangier (ESP.) Meli
de plus en plus considérés comme des Océan Océan Océan
(ESP
Marocains. Atlantique Atlantique Atlantique

REVENDICATIONS CITOYENNES
D’autres changements ont stimulé leur Rabat
mobilisation : l’ouverture relative du Algérie Algérie Algérie
Casablanca
système politique a permis, dans les
Sahara
années 1990, l’émergence de la société occidental
civile et des revendications en matière
Mauritanie Mauritanie Mauritanie Er Rachida
de droits de la personne ; la presse dite
« indépendante », sans être proche du Marrakech
Front Polisario, a publié notamment Le Maroc Le Maroc Le Maroc ALG
une interview de son leader, Mohamed selon selon selon une
le Maroc l’Organisation non-représentation
Abdelaziz : ce traitement nouveau d’une des Nations unies Agadir
question exclusivement gérée jusque-là
par le roi et son ministre de l’intérieur a Tiznit
provoqué un débat public et une volonté Sidi Ifni
de comprendre les enjeux de ce conflit. Recolonisation
Reco
olonisation d’u
d’une
une ancienne
n colonie MAROC
Enfin et surtout, le pouvoir marocain,
Tan Tan ALGÉRIE
en voulant bâtir une cause nationale fon- Tan-Tan
Zag
dée sur la réparation matérielle et morale Tarfaya
Iles
Il Tindouf
Tindouf
de l’injustice causée lors des « années Canaries
Canaaries Haoouzza
Haouza Farciya
Farci
Fa ciyaa
de plomb », a heurté les Sahraouis : (Espagne)
(Espaggne) El-Ayoun
El-Ayou
l-Ayoun
ceux-ci furent sous-représentés dans Smara
Sm
marra
les auditions des victimes des différents Boukraa
Booukkraa
Boujdour Tifariti
épisodes de violence, dont ils ne consti-
tuèrent que 2 % alors que plus de 23 % Océan Bases militaires du Front Polisario
de l’ensemble des demandes provenaient Atlantique Gueltat
eltatt Zemmour
Guel Zem
mmoourr Présence de l’Organisation des Nations unies
des trois régions du Sahara occidental. SA
SAHARA
AHARRA
Bases militaires de l’armée marocaine
OCC
OCCIDENTAL
CID
DENT
ENTALL
Camps de réfugiés sahraouis
Sur la Toile Dakhla Baggari
Bagggaari Territoires contrôlés par le Maroc
Imilili Mijek Présence de mines
g Mission des Nations unies pour
l’organisation d’un référendum Histoire de l’édification des murs
au Sahara occidental (Minurso) : Aousserd
Aoussseerd
Aousse
A e
1980-1982 1984-1985
www.un.org/french/peace/peace/cu_ M
1983-1984 1985
mission/minurso/body_minursof.htm Techla
TTecchlaa
Zoug 1984 1987
g Sahara Press Service (presse sahraouie) : Sources : El País
País,
í , 2006 et 2007 ; Organisation
www.spsrasd.info/fr/main3.php Bou Lanouar des Nations unies, 2006 ; Haut-Commissariat
0 100 200 km des Nations unies pour les réfugiés, 2007.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 123

-4-Conflits.indd 123 9/02/09 22:32:58


Ces conflits qui persistent

Le retour de la Syrie sur la


L’attaque israélienne n 2004-2005, le sort du régime sident Abdelhalim Khaddam, quittent
de décembre 2008 contre Gaza syrien semble scellé. Réconci- un navire qui semble couler. Seul l’Iran
liés après la rupture provoquée intensifie ses relations avec la Syrie, à
a permis à Damas de prendre par l’opposition de Paris à la laquelle elle apporte un soutien diplo-
la tête dans le monde arabe guerre d’Irak en 2003, les présidents matique, politique et financier.
de la solidarité avec Jacques Chirac et George W. Bush tra-
vaillent ensemble pour isoler Damas. La NORMALISATION
les Palestiniens, affaiblissant résolution 1559 du Conseil de sécurité La guerre de juillet-août 2006 va redistri-
ainsi les régimes « modérés ». des Nations unies du 2 septembre 2004 buer les cartes. L’armée israélienne, mal-
La Syrie a ainsi confirmé exige le retrait syrien du Liban et le gré la destruction massive des infrastruc-
désarmement de toutes les milices dans tures libanaises, n’atteint pas ses objectifs,
son retour sur la scène ce pays. et le Hezbollah gagne, par sa résistance,
régionale et espère devenir Le 14 février 2005, l’ancien pre- de larges sympathies dans le monde
un interlocuteur indispensable mier ministre libanais Rafic Hariri est arabe et musulman. La crise interne au
assassiné. Fortement soupçonné, le Liban débouche sur une « guerre civile
pour l’administration gouvernement syrien retire précipitam- silencieuse » qui met face à face l’op-
du président Obama. ment ses troupes du Liban. Une enquête position – menée par le Hezbollah et le
internationale sur ce crime commence Courant patriotique libre, principal parti
sous l’égide de l’ONU. Des élections de la communauté maronite mené par le
législatives sont organisées au Liban et général Michel Aoun –, alliée à Damas,
aboutissent à l’installation d’un gouver- et le gouvernement de M. Siniora, sou-
nement dirigé par Fouad Siniora, hostile tenu par Paris et Washington.
à Damas. En mai 2008, l’opposition s’empare
Parallèlement, Washington – qui brièvement de Beyrouth-Ouest. Une
classe la Syrie dans « l’axe du Mal » – et négociation s’engage sous l’égide du
Paris multiplient pressions et sanctions Qatar et aboutit aux accords de Doha
contre le régime baasiste que son alliance signés le 21 mai par toutes les factions
avec Téhéran isole dans le monde arabe. libanaises. Un gouvernement d’union
Certains dignitaires, comme le vice-pré- nationale voit le jour, avec la participa-

L’émigration syrienne dans le monde La partition de l’Empire ottoman


SERBI
Mer Noire
UNION
Canada MACÉDOI
SOVIÉTIQUE
Etats-Unis Amérique Ankara TURQUIE TURKMÉNISTAN
du Nord GRÈC

Ach

CHYPRE SYRIE
(1960) LIBAN (1943)
France Irak (1943)
Liban Koweït Mer
Venezuela Europe Turquie Beyrouth Damas Bagdad
Méditerranée IRAN
ALGE- Chypre Syrie Bahreïn Tel-Aviv IRAK
Emirats Amman
arabes unis ISRAËL (1930)
Amérique Egypte ÉGYPTE (1922) (1948) TRANSJORDANIE
latine Arabie
Jordanie saoudite Mandat voté Koweït
Argentine par la Société Golfe
ARABIE KOWEÏT
LIBYE des nations (1961)
Puissances mandataires Mer SAOUDITE
L’émigration syrienne en 2005 QATAR
Rouge (1932)
(les données comprennent France Riyad (1971)
les migrations saisonnières) Royaume-Uni Possessions britanniques Ma
2 000 000
Autres territoires Sandjak d’Alexandrette,
de l’ex-Empire ottoman cédé à la Turquie en 1939
500 000 Principales destinations Territoire turc Royaume indépendant
100 000 de l’émigration syrienne Acquisitions turques selon le d’Abdelaziz Ibn Saoud
15 000 (en dehors du monde arabe) traité de Lausanne en 1923 (1942) Date d’indépendance
Source : The Euro-Mediterranean Consortium for Applied Research on TCHAD Source : Alain Gresh et Dominique Vidal,
International Migration, 2007. Les Cent Clés du Proche-Orient, 2006. 0 500 km

Sanaa
Darfour Socotra
124 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE SOUDAN
Sanaag (Yémen
DJIBOUT
Djibouti Berber
ÉTHIOPIE Hargeis Somaliland
Sool
-4-Conflits.indd 124 Addis-Abeba 9/02/09 22:33:09
Sud-Soudan
scène proche-orientale
tion du Hezbollah, et le général Michel Dans la foulée, l’Union européenne nor-
Sleimane, le chef de l’armée, est élu à malise ses relations avec la Syrie. Sur la Toile
la tête de l’Etat. Parallèlement, l’ouverture de négo- g Agence de presse arabe syrienne :
La direction syrienne ne cherche pas, ciations indirectes israélo-syriennes, www.sana.sy
contrairement à ce que veut faire croire sous l’égide de la Turquie, confirme g Guide de Syrie-sur-Web : www.mom.fr/
une propagande simpliste, à occuper de l’importance de Damas dans toute paix guides/syrie/syrie_c.htm
nouveau le Liban. La page ouverte par régionale. Ni les réserves de l’adminis-
l’entrée des troupes syriennes en 1976 tration finissante du président Bush ni le
g Centre for Syrian Studies (University
of St Andrews) : www.st-andrews.
est tournée. En revanche, le président raid israélien visant des « installations ac.uk/~wwwir/syrian/
Bachar Al-Assad ne peut accepter l’in- nucléaires » en Syrie en septembre 2007
clusion du Liban dans un « front » pro- ne mettent fin aux pourparlers, suspen- g Blog de Joshua Landis :
www.ou.edu/mideast/country/syria.htm
américain qui ferait de ce pays une base dus après l’offensive contre Gaza.
de déstabilisation pour son régime. Et il Ce « retour de la Syrie » sur la scène
veut éviter la signature d’une paix sépa- régionale demeure toutefois fragile. Les
rée entre Israël et le Liban qui le priverait dirigeants israéliens sont divisés sur leur début de 2009, et nul ne sait ce qui se
d’un atout important. approche des négociations avec Damas passerait s’il inculpait des dirigeants
L’accord de Doha brise l’isolement et notamment de leur obligation de se baasistes. Enfin, beaucoup dépendra de
syrien. Nicolas Sarkozy invite son homo- retirer sur les frontières du 4 juin 1967 et l’avenir des relations entre l’Iran et les
logue syrien à Paris au sommet sur la donc d’abandonner le Golan. Par ailleurs, Etats-Unis et donc du succès des ten-
Méditerranée le 13 juillet 2008. Quelques le tribunal international sur l’assassinat tatives de Barack Obama d’ouvrir un
semaines plus tard, il se rend à Damas. de Rafic Hariri doit se mettre en place au dialogue avec Téhéran. ●

OUMANIE Aire de projection syrienne Mer d’Aral


RUSSIE au Proche-Orient (culture,
La Syrie dans son environnement
Novorossiisk régional langue, identité)
Aktaou
GARIE Abkhazie Relations diplomatiques
Mer
Mer Noire détériorées avec les principaux
Caspienne
rivaux régionaux
GÉORGIE Tbilissi OUZBÉKISTA
ARMÉNIE Coopération politique,
Bakou économique et militaire
Erevan AZERBAÏDJAN
Ankara
Axe d’échanges économiques,
TURKMÉNISTAN
TURQUIE sociaux et politiques
Kurdistan Liban : Etat considéré par la
turc Achkhabad
Syrie comme un continuum
Kurdistan territorial, politique et
iranien économique
CHYPRE Kurdistan Téhéran Groupes combattants considérés
Mer irakien
SYRIE comme « terroristes » par les Herat
Méditerranée Etats-Unis et l’Union européenne
LIBAN
Beyrouth et soutenus par la Syrie
Hezbollah Damas Bagdad
ALGÉRIE
PALESTINE IRAK IRAN BasesBaloutchistan
et facilités militaires
Tel-Aviv américaines et britanniques
Hamas Amman Insurgés
irakiens Pays hostiles à la création
ISRAËL d’un Etat kurde
Le Caire JORDANIE
KOWEÏT
Zone de peuplement kurde
Koweït
Golfe Distribution ethno-religieuse

ARABIE Alaouites (minorité chiite)


SAOUDITE BAHREÏN Druzes
Manama
Mer QATAR Chrétiens
ÉGYPTE
Rouge Doha
Riyad Aita, 2008 ; AlainMascate
Sources : Samir Abou Gresh Mer
et Dominique Vidal, Les Cent Clés du d’Oman
Proche-Orient, Dhabi
2006 ; International Crisis
0 500 1 000 km
Group, 2008 ; M. Izady, 2008.

L’ATLAS DU MONDEOMAN
DIPLOMATIQUE 125

-4-Conflits.indd 125 Najran 9/02/09 22:33:22


Ces conflits qui persistent

L’Irak en mal d’Etat


ou la politique du vide
En six ans de mutations, e conflit irakien s’organise avant régime, les pillages systématiques tolé-
le conflit irakien a vu tout autour du vide créé par la rés par la coalition, le démantèlement de
destruction d’un Etat, boîte de l’armée irakienne et l’introduction d’un
se multiplier les formes Pandore dont l’ouverture engen- système de répartition confessionnelle
de violence. George W. Bush dra l’exacerbation de lignes de fracture des fonctions étatiques finirent d’éviscé-
aura légué à Barack Obama jusqu’alors latentes. S’y ajoute une lutte rer ce qui restait de l’Etat, déjà ébranlé
aussi bien interne qu’internationale pour par treize années de sévères sanctions
un conflit moins meurtrier la redéfinition d’une forme étatique. internationales.
qu’auparavant, sans que rien L’occupation américaine de l’Irak Le soutien obstiné de l’adminis-
n’ait été durablement réglé… s’est traduite par le prolongement d’une tration des Etats-Unis à un processus
dynamique de « déconstruction natio- politique artificiel, consacrant une élite
nale » engagée par Saddam Hussein, d’anciens exilés largement dépourvus
dont le pouvoir personnel s’était formé de base sociale, induit l’exclusion de
à l’encontre d’une identité irakienne larges pans de la société irakienne.
cohérente et au détriment des C’est notamment le cas du mouvement
institutions censées populaire chiite, dit « sadriste », et de
De la « Liberté immuable » la préserver. En l’essentiel de la population sunnite. Leur
à l’occupation territoriale Turquie 2003, au len- résistance à l’occupation sera longtemps
demain du combattue aveuglément, redoublant les
Dohouk renverse- sentiments d’aliénation sur lesquels elle
ment repose.
Mossoul du Washington a privilégié l’alliance
Erbil avec les partis kurdes, favorables à un
Erbil
Kurdistan indépendant, et l’Assemblée
Ninive Kirkouk Souleimaniyé suprême de la révolution islamique en
Syrie Irak, milice chiite soutenue par l’Iran
Salaheddine – une politique débouchant en 2005 sur
Baiji
le passage en force d’une Constitution,
Samarra Diyala
Iran qui, loin de servir de référence pour la
Bakouba résolution des contentieux, est au cœur
Ramadi des tensions divisant la scène politique.
BAGDAD
Des enjeux critiques doivent encore être
Babil Wasit tranchés : la forme fédérale
Kerbala
Anbar Hilla Kout de l’Etat irakien, la place
Jordanie Koufa Maysan de la religion dans le sys-
Diwaniya
Nadjaf Amara tème juridique, la distri-
Contrôle transféré aux Samawa
forces de sécurité irakiennes... Dhi Qar bution du pouvoir dans
... avant septembre 2008 Nadjaf Nassiriya l’exécutif, les modali-
Bassora
tés d’exploitation des
... depuis septembre 2008
ressources naturelles
Gouvernorats encore occupés par ainsi que le statut des
les forces de la coalition Mouthamma
Warba zones disputées (au
Zones d’action des insurgés Oléoducs Koweït premier rang des-
Gazoducs Boubiyan
Zone contrôlée par le Parti des quelles Kirkouk).
travailleurs du Kurdistan (PKK) Forte concentration d’infrastructures
pétrolières et gazières La guerre ci-
Frontière entièrement contrôlée Golfe
par le PKK (raffineries, terminaux et pompes) vi le s’intensifia
Arabie
Bases militaires de la coalition 0 100 200 300 400 km
en 2006, moins en
saoudite
(principalement américaines) raison d’une haine
Opérations militaires principales en 2008 Sources : Washington Institute for Near East Policy, 2008 ; Institute for the Study intemporelle entre
on War, 2008 ; ABC : « British hand over Basra to Iraqi control », 16 décembre
Villes saintes chiites 2007 ; www.globalsecurity.org ; US National Imagery and Map Agency, 2003.
sunnites et chiites que
de la politique profon-

126 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 126 9/02/09 19:56:54


Mer d Azov

GÉORGIE
Mer Noire
Azerbaidjan
Arménie

Des réfugiés par millions... ... et des morts par milliers


Turquie
Turquie
Khataniya MerCaspienneMossoul
Sinjar Erbil
Liban IRAK Tal Afar
Syrie
Makhmour Touz Khourmatou
PALESTINE Liban Chirqat
Syrie Syrie Kirkouk
Irak Iran Iran
Mer Baiji
Mediterranée
Cisjordanie Tikrit
Al-Qaim Samarra Khanakin
Jordanie Khalis
Hit Bakouba
Gaza Jordanie Khalidiya Balad Rouz
Ramadi
Fallouja Bagdad
GolfeArabo-Persique Moussayeb
Kerbala Kout
Egypte Pays du Hilla
Golfe Nadjaf
Koufa
Réfugiés et personnes déplacées Nombre de tués
Irak 2 770 000 dans les attentats-suicides Nassiriya
(avril 2003 - octobre 2008)
Mer Palestine 2 000 000 QATAR
750 Bassora
Rouge
750 000 250
0 100 200 km 100 0 100 200 km Koweït
20
Sources : Haut-Commissariat des
150 000 Sources : revue de presse de Reuters, Le Monde, Agence France-Presse, The
Nations unies pour les réfugiés ; UNRWA. Washington Post, The New York Times ; www.cnn.com ; www.france24.com

Sources : UNHCR ; UNRWA.

Mois par mois, les morts oubliés


4 000
Irakiens
3 000

2 000

1 000
500
0
500 Américains
1 000
2003 2004 2005 2006 2007 2008
Sources : Iraq Body Count ; GlobalSecurity.

dément déstructurante poursuivie par – d’où une réorientation de la posture à profit l’affaiblissement de l’opposi-
les Etats-Unis, combinée aux efforts syrienne, combinant une distanciation tion armée (sunnite et sadriste) pour
de déstabilisation d’Al-Qaida en Irak. relative vis-à-vis de l’opposition armée négocier leurs revendications les plus
Elle transforma le conflit de multiples et un rapprochement prudent avec le légitimes, les forces américaines les
manières : la violence confessionnelle gouvernement irakien. Elle déclencha pourchassent jusque dans leurs derniers
a modifié en profondeur la structure de surtout une révision tardive de la poli- retranchements. Or ces adversaires ont
la société. La capitale et ses alentours tique des Etats-Unis, en faveur d’un prouvé à maintes reprises leur capacité
sont largement organisés, désormais, en déploiement de troupes supplémen- de survie et pourraient refaire surface
enclaves homogènes parfois séparées par taires pour protéger la population. La à mesure que la réduction programmée
des murs. Les civils des quartiers mixtes mise en œuvre de tactiques classiques de l’effort de guerre de Washington le
(souvent bourgeois), les fonctionnaires de contre-insurrection – en lieu et place permettra. ●
non partisans, les professionnels qua- des efforts de destruction de toute oppo-
lifiés et les familles hybrides ayant été sition – permit à son tour de rallier des
particulièrement ciblés, le pays en géné- groupes armés et des tribus sunnites Sur la Toile
ral et l’appareil étatique en particulier excédés par les pratiques hégémoniques g Crisis Group : www.crisisgroup.org/
ont été purgés des ressources humaines d’Al-Qaida. home/index.cfm?id=2436&l=1
indispensables à la reconstruction d’un Conçu pour restaurer le calme néces- g Institute for War and Peace Reporting :
Irak qui ne se réduirait pas à un ordre saire à la résolution des désaccords de www.iwpr.net/iraq_index1.html
milicien. fond, le renforcement du dispositif mili-
g United States Institute of Peace :
La guerre civile précipita aussi, taire de Washington a néanmoins failli www.usip.org/iraq
cependant, des évolutions positives. Elle à cet égard. En l’absence de progrès
encouragea une certaine convergence significatifs sur cet objectif politique, g The NGO Coordination Committee
in Iraq : www.ncciraq.org
de vues, au niveau régional, autour des les Etats-Unis ont favorisé des solutions
risques d’une désintégration de l’Irak d’ordre militaire. Plutôt que de mettre

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 127

-4-Conflits.indd 127 9/02/09 19:57:02


Ces conflits qui persistent

Retour à la Cisjordanie
’offensive israélienne de l’hi- Le nouveau premier ministre ont gagné – plus ou moins aisément –
ver 2008 contre la bande de toutes les guerres. La première Intifada,
israélien acceptera-t-il
Gaza ressemble beaucoup à la à partir de 1988, a marqué une première
guerre du Liban de l’été 2006, le dialogue avec les Palestiniens rupture, qui a d’ailleurs conduit à la ten-
dont elle confirme les cinq leçons. La et le monde arabe ? Encore tative d’Oslo. Les offensives contre le
première, c’est la puissance de destruc- Liban et la bande de Gaza confirment
faudrait-il que Tel-Aviv tire
tion de l’armée d’Israël : sous couvert de que cette stratégie militaire a atteint ses
répondre aux tirs de Qassam, qui avaient vraiment les leçons limites. D’autant que le monde change
coûté la vie à 11 Israéliens en trois ans, de son offensive à Gaza. et que l’impunité n’aura peut-être qu’un
elle a tué 1 314 Palestiniens, dont plus temps…
de deux tiers de civils, en a blessé plus de Cinquième leçon, donc : pour garan-
5 000, a détruit 4 000 immeubles et en a tir son insertion dans un Proche-Orient
gravement endommagé 20 000… arabe, Israël devra passer de la politique
La deuxième, c’est l’incapacité voient ces terribles images (…) qui s’im- de la force à la force de la politique,
d’Israël, malgré des semaines de bom- priment dans leur esprit pour toujours : c’est-à-dire faire la paix avec ses voisins
bardements et le recours massif à des horrible Israël, abominable Israël, inhu- syriens, libanais, mais d’abord palesti-
armes interdites, à venir à bout de main Israël. Toute une génération qui va niens. Pour ces derniers, Hamas compris,
guérillas munies de roquettes. Affaibli nous haïr. C’est un prix considérable que les bases en sont connues : six décennies
militairement, le Hamas, comme hier nous serons contraints de payer bien de résolutions des Nations unies, les
le Hezbollah, reconstruira son arsenal. après que les résultats de cette guerre « paramètres » de William Clinton et les
D’autant qu’il ressort politiquement auront été oubliés. » On ne l’a pas assez quasi-accords de Taba de janvier 2001
grandi de l’épreuve, auréolé par sa résis- souligné : Washington, pour la première en dessinent les contours. La politique
tance. Au jour du cessez-le-feu, les deux fois depuis longtemps, n’a pas mis son proche-orientale prêtée à Barack Obama
mouvements parvenaient encore à tirer veto à une résolution du Conseil de sécu- pourrait offrir une chance.
des roquettes. rité qu’Israël redoutait… Retour à la rive occidentale du Jour-
La troisième, c’est la dégradation La quatrième, c’est le tournant qu’a dain, transformée en « archipel » par
sans précédent de la perception d’Israël pris l’histoire de ce conflit. Les diri- quarante-deux ans de colonisation et de
dans l’opinion mondiale. L’aîné des geants du mouvement sioniste puis de « processus de paix ». Seule une Cis-
pacifistes israéliens, Uri Avnery, l’a écrit l’Etat juif ont toujours misé sur la force jordanie d’un seul tenant, sans mur, ni
sans ambages : « Des millions de gens militaire pour imposer leur projet. Et ils colonie, ni route de contournement, avec
Jérusalem-Est pour capitale, pourra for-
mer, avec la bande de Gaza, un Etat pales-
Sur la Toile « Plomb fondu » tinien. Plus tard, il sera trop tard : bien
g « Haaretz » : que rejeté, actuellement, par la majorité
http://haaretz.com Gaza des deux peuples, l’Etat binational s’im-
posera alors comme solution, avec une
g B’Tselem : www.btselem.org La ville de Gaza et le
bascule démographique en vue…
nord de la bande ont
g Gush Shalom : www.gush-shalom.org été coupés du reste
des territoires. FENÊTRE D’OPPORTUNITÉ
Israël
Deir
Al-Balah Est-ce ce qu’Ehoud Olmert avait en tête,
Villes principales
Des Palestiniens, le 29 septembre 2008, lorsqu’il décla-
Camps de réfugiés
essentiellement Khan Younis rait : « Nous avons une fenêtre d’op-
Principales zones
Nombre de tués bombardées par portunité – un petit peu de temps avant
400 l’armée israélienne d’entrer dans une situation extrêmement
Rafah
200 Israéliens 5 km dangereuse – pour franchir une étape
Les victimes du conflit historique dans nos relations avec les
0
Palestiniens (…). Nous devons conclure
200 1 314 tués
un accord fondé sur notre retrait pres-
400
Egypte dont 904 civils que total, sinon total, des territoires. Un
600 certain pourcentage resterait dans nos
Israéliens
800 Palestiniens dont mains, mais nous devons donner aux
Palestiniens 410 enfants
1 000 13 tués, Palestiniens le même pourcentage – sans
2000 2002 2004 2006 2008
dont 10 soldats quoi il n’y aura pas de paix. [Et cela vaut
Offensive contre Gaza
Sources : B’Tselem ; ministère de l’intérieur israélien ; pour] Jérusalem. » Il y a, hélas, loin, des
Source : Palestinian Center for Human Rights, 2009.
Physicians for Human Rights ; Haaretz ; Maariv. paroles aux actes… ●

128 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 128 10/02/09 12:41:21


L’archipel de Palestine orientale Iles de Galilée Cap Zububa

Pointe Arabbouna
Al-Yamoun

Iles de Baqaa Jénine


Yabad

Qabatiya
Calanque
Arraba de Ganim Iles Ghor du Nord
Canal de Raba
Homesh
Deir Ile de
Al-Ghusun Grande Palestine
Ile
du Nord Silat Ad-Dahr Tubas
Tulkarem Anabta
Burqa
Asira Ash- Tammun
Cap Ibarah Shamaliya Cap Tammoun
Ile au Miel
Kafr Qaddoum
Qaddum Baie
Jayyous Naplouse d’Elon
Tell Iles du Jourdain
Kalkiliya Beit
Azzun Dajan Ile Fourik
Baie de Beita
Shomron Huwwara Canal d’Itamar
Archipel Deir Jamma’in Ile Aqraba
des Kalkiliya Istiya
Biddiya Ile
Île
Canal d’Ariel
Pointe Qabalan
Bruqin Salfit
Deir Ballout Qousra
Iles du Versant
Ile aux
Oliviers Canal d’Eli
Mer d’Israël Beit Rima Sinjil

IleÎleTourmous
Turmus
Deir Abou Ayya
Qibiya Mashaal Kobar Silwad
Cap Auja
Canal Ile Bir Zeit
Île
de Capitale
Talmon Jalazon At-Tayba Al-Auja
Ile
Autonomies palestiniennes partielles Bili’in Tayba
RAMALLAH
Autonomies palestiniennes totales Beitouniya Cap Dibwan
Ile
Réserves naturelles Iles ramalliotes de l’Est
occidentales Jéricho
Zones urbaines Ar-Ram
Qattana
Colonies israéliennes
Archipel Anata Cap Aqabat
Liaisons maritimes ramalliote Jaber
Aéroport Canal de Jérusalem Cap Elzariya
Abou Dis
Site historique
Iles
Côte protégée Battir Beit Sahour
Bethléem
Station balnéaire
Ile
Sainte
Plage Golfe Zaatara
d’Etzion Ile
Base nautique Sourif
Touqu’ Badiya
du Nord Océan Jordanique
Port de plaisance Beit Oummar Al-Arroub
Ile du Golfe de
Ile sous
Île-sous- Teqoa
Zone sous surveillance le Mur
le-Mur Camp
Tarqumiya
Tarqoumiya Halhul
Camping Sa’ir
Idna Arab
Ar-Rashayda Cap Rashayda

Ile Hébron Ile Badiya


Beit d’Hébron Bani Naim du Sud
Awwa Dura
Iles hébronites
occidentales Canal
Imreish de
Yatta Kiryat
Arba
Ile aux Moutons
Al-Bourj Al-Karmil
Ad-Dahariya
Source : carte imaginée et produite par Julien Bousac à partir de
As-Samou documents fournis par le Bureau de coordination pour les affaires
humanitaires dans les territoires palestiniens occupés et B’Tselem.
Cap Ramadin Cap Masafer Yatta
Toutes les zones de Cisjordanie aux mains d’Israël ont été transfor-
10 km mées en mer.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 129

-4-Conflits.indd 129 9/02/09 19:57:18


Ces conflits qui persistent

Au Liban, un calme précaire


Depuis septembre 2004, emandant le retrait des troupes opposant l’Iran et la Syrie aux Etats-
date de l’adoption par syriennes du Liban et le désar- Unis et à l’Arabie saoudite. Principale
mement de toutes les milices, en ligne de mire du « 14 mars » : l’arsenal
le Conseil de sécurité premier lieu le Hezbollah chiite, du Hezbollah.
de l’Organisation des Nations la résolution 1559 du Conseil de sécurité Depuis le retrait israélien du Liban
unies de la résolution 1559, des Nations unies (2 septembre 2004) sud de mai 2000 et la victoire de la
portait en germe un conflit politique formation de Hassan Nasrallah contre
le Liban est en proie qui, depuis, mêle tout à la fois questions les troupes israéliennes à l’été 2006,
à une série d’affrontements régionales et communautaires. le Hezbollah bénéficie d’une popula-
internes et externes qui ne Les élections consécutives à l’as- rité nationale et régionale allant bien
sassinat de l’ancien premier ministre au-delà des seuls rangs confessionnels
semblent pas avoir de fin. Rafic Hariri en février 2005 et au retrait chiites. Il s’appuie notamment, depuis
syrien survenu trois mois plus tard ont février 2006 et la signature du document
donné la majorité au Parlement à la d’entente avec le Courant patriotique
coalition dite du « 14 mars », soutenue libre du général Michel Aoun, sur le
par les Etats-Unis, la France et l’Ara- soutien d’une partie importante de la
bie saoudite. Le conflit politique avec communauté chrétienne maronite.
l’opposition, emmenée par le Hezbol-
lah, traduit une série d’antagonismes ACCORD À DOHA
politiques plus larges, notamment ceux Deux logiques s’opposent : le « 14 mars »,
avec l’appui des Etats-Unis, demande au
Hezbollah de rendre ses armes à l’Etat ;
l’opposition soutient que ces mêmes
12 juillet - 14 août 2006 :
armes ne peuvent être rendues qu’à la
la « guerre de trente-trois jours » suite du retrait israélien des fermes de
Chebaa et des collines de Kfar Chouba,
Tripoli
encore occupées, et de la libération des
Hermel
derniers prisonniers libanais en Israël.
Les deux parties s’accordent cependant
sur la nécessité d’un dialogue national
quant au devenir de cet arsenal.
Mais ce dialogue national échoue
en novembre 2006, avec la démission
LIBAN
du gouvernement libanais des ministres
chiites du mouvement Amal et du Hez-
SYRIE
Beyrouth bollah. Une situation de vide institution-
Zahlé
nel s’installe, culminant avec la fin du
Villes libanaises bombardées par Israël... mandat présidentiel d’Emile Lahoud,
Mer ... dont utilisation prouvée de bombes
Méditerranée à sous-munitions proche du Hezbollah, le 23 novem-
Villes israéliennes frappées par bre 2007. Il faudra attendre la courte
les roquettes du Hezbollah guerre civile de mai 2008, et la prise de
Saïda Incursions militaires israéliennes
Camps de réfugiés palestiniens Beyrouth par les forces de l’opposition,
Contingent de l’Organisation des pour que le « 14 mars » et l’opposition
Nations unies (ONU) bombardé
par l’aviation israélienne
Routes principales fermées
pendant la guerre Sur la Toile
Tyr
Zone d’invasion terrestre israélienne g « Al-Akhbar », quotidien libanais
Pollution aux hydrocarbures (à la suite proche de l’opposition (en arabe) :
du bombardement par les Israéliens www.al-akhbar.com
d’une centrale électrique et de ses
réserves de pétrole) g Digital Documentation Center,
Nahariya Réserves naturelles Université américaine de Beyrouth :
Golan
Territoire annexé par Israël en 1981 http://ddc.aub.edu.lb
occupé
Saint-Jean
d’Acre
Zone placée sous la surveillance de l’ONU g Site de l’économiste et historien
Sources : Nations unies, 2006 ; www.samidoun.org ; libanais Georges Corm :
Haïfa UNRWA, 2006 ; revue de presse de The New York www.georgescorm.com
ISRAËL 10 km Times, 2006 ; PNUE, 2007.

130 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 130 9/02/09 19:57:29


Le Liban écartelé Les morts, au jour le jour
Tripoli
Mer 80
Méditerranée
Liban
LIBAN SYRIE
Beyrouth 60

Damas 40
Occupation
israélienne de 20
Golan 1967 à 1985
Territoire conquis par 0
Israël en 1967, qui l’a Israël
annexé en1981 20
Tel-Aviv
Cisjordanie Contrôle militaire
syrien de 1976 à 2005 40
Civils libanais
Jérusalem Territoires
60 Hezbollah
palestiniens occupés Cessez-le-feu
Civils israéliens
Gaza Zone contrôlée par Soldats israéliens 13 août
Israël depuis 1985 80
ISRAËL
Zone placée sous la 12 19 7 13 24
50 km surveillance de l’ONU Juillet 2006 Août 2006
Sources : Nations unies, 2004 ; Alain Gresh et Dominique Sources : www.ariel-sharon-life-story.com ;
Vidal, Les Cent Clés du Proche-Orient, 2006. Human Rights Watch, 2007 ; www.reliefweb.com

signent un accord à Doha, sous l’égide Font également partie de l’opposition de Liban, les territoires palestiniens et l’Irak
du Qatar. Ce compromis rendra possible petites formations laïques et nationalistes constituent les épicentres –, la guerre
l’élection à la présidence de l’ancien arabes, comme le Mouvement du peuple froide entre les forces libanaises prend
chef de l’armée Michel Sleimane, ainsi de l’ancien député Najah Wakim ou le logiquement un tour religieux : le confes-
que de nouvelles négociations sur la for- Parti social national syrien (PSNS). sionnalisme politique a été institutionna-
mation d’un gouvernement d’union et la Même si certains courants sunnites lisé sous le mandat colonial français de
réforme de la loi électorale. soutiennent l’opposition, comme l’Or- 1920, et consacré lors de l’indépendance
Le « 14 mars » s’appuie pour l’es- ganisation populaire nassérienne du par le pacte national de 1943.
sentiel sur le Courant du futur sunnite député Oussama Saad à Saïda, l’émer- C’est ainsi que les conflits politi-
de Saad Hariri, sur le Parti socialiste gence d’un processus de guerre civile ques se traduisent par l’affron-
progressiste, druze, de Walid Joumblatt, confessionnelle, dont les chii- tement de blocs politico-
ainsi que sur deux formations chrétien- tes et les sunnites, comme communautaires.
nes maronites – les Phalanges de l’an- en Irak, seraient les Fermes Comme lors de la
de Chebaa
cien président Amine Gemayel et les principaux protago- Liban
Ram
guerre civile de
Mazraat
Forces libanaises de Samir Geagea. nistes, demeure un la Qafwah 1975, le Liban
L’opposition prend avant tout appui réel danger. Car, Al- Faskhul Mazraat se retrouve à la
Khajar Khallat Al- Zabdir
sur la communauté chiite (avec le Hez- si la lutte entre Maysat Gazalah croisée de plu-
An- Mughr
bollah et le mouvement Amal de Nabih le « 14 mars » et Nukhaylah Chebaa sieurs logiques
Berri) et, on l’a vu, sur une partie de la l’opposition reflète Yuval Banyas conflictuelles
Dan
communauté chrétienne maronite, par un conflit régional Mayan
prêtes à le faire
Dafna
l’entremise du mouvement aouniste. plus large – dont le Barukh Syrie éclater. l
Shehar
iryat Yashuv Zaura
Le nœud gordien des fermes de Chebaa emona
Station Israël
d’écoute
israélienne o
n

m
de
Fermes
Chebaa Her
Litani ts Territoire conquis en juin 1967
Al-Khajar on et annexé par Israël en 1981
Tyr n M
Kafer Kela D a Baniyas
Mer Majdal Shams Zone démilitarisée en mai 1974 et placée
Ed Aadeise sous le contrôle des Nations unies (Unidof)
Méditerranée Liban Markabe Metulla Ein Kinya
Hula Ramin Colonies israéliennes
Masada
Kyriat Buqata Villages syriens
Nakoura Alma Ash Mays Al-Jabah Shmoneh
Ayta Ash Frontière de 1923
Chab Yann Shab Aytarun
Yarun Yiftan Kuneitra Zone démilitarisée en juillet 1949
Hanita Zarit Rumaysh
Adamit Avivin Ligne du 4 juin 1967
Shetula Yiron
Dovev Baram Lac Houla Plateau Ligne de retrait des forces israéliennes au Liban
(marais)
du selon les propositions de l’envoyé spécial de l’ONU
Israël
Golan Syrie Terje Rød-Larsen au Conseil de sécurité (mai 2000)
Jourdain

Kazrin Sources : Middle East Insight, novembre-décembre 1999 ; carte au


Butmiyé 1:50 000 du tracé de la ligne de retrait des forces israéliennes au Liban,
20 km département de cartographie, Nations unies, New York, 2000.

Kyriat
Ata Lac de L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 131
Tibériade Tibériade
Afiq
KafrAreb
-4-Conflits.indd 131 9/02/09 19:57:36
Ces conflits qui persistent

Turquie, Irak, Iran et Syrie


Les frontières de la région, roclamée en Iran à la fin de la Le pire reste certes toujours possi-
tracées au début du XXe siècle, seconde guerre mondiale, la ble : « En Irak, les chiites sont trauma-
République de Mahabad – seul tisés par leur passé, les sunnites par
les avaient condamnés Etat kurde de l’histoire, partiel leur avenir et les Kurdes par les deux »,
à rester un peuple sans patrie et provisoire – n’exista que dix mois. résume Massoud Barzani (Al-Arabiya,
de plus de trente millions Elle fut écrasée en 1946, et ses dirigeants 6 avril 2007). Mais le retour de la région
pendus. Le général Moustapha Barzani, kurde à la case départ, sous la domina-
de personnes, éclaté entre ministre de la défense se réfugia en Union tion de Bagdad, est peu probable.
l’Iran, l’Irak, la Turquie soviétique avec ses combattants. Le Parlement kurde d’Erbil vote
et la Syrie. A la tête De retour en Irak en 1956, il reprit, désormais ses propres lois. La région
en 1970, la lutte pour l’autonomie kurde connaît un développement déconnecté du
du Kurdistan irakien depuis contre Bagdad, avec l’appui de l’Iran et reste de l’Irak, un « turbo-capitalisme »
1991, les Kurdes ont des Etats-Unis, avant d’être abandonné enjolivé de restes d’économie dirigée, qui
probablement tourné par ses alliés à la suite de l’accord conclu profite d’abord aux riches, aux familles
en 1975 à Alger entre Téhéran et Bag- des membres des deux partis kurdes
une page de leur histoire. dad, avec l’aval de Washington. Durant dominants, le Parti démocratique du Kur-
les trois décennies suivantes, les Kurdes distan (PDK) de M. Barzani à Erbil, et
d’Irak, d’Iran et de Turquie ne cesseront l’Union patriotique du Kurdistan (UPK)
de lutter politiquement et militairement de Jalal Talabani à Souleimaniyé. La lan-
pour la reconnaissance de leurs droits. gue kurde est la langue d’enseignement.
La guerre du Golfe (1991) permettra Les libertés de presse et d’opposition,
enfin la création d’une région réellement relatives, existent néanmoins. La région
autonome du Kurdistan irakien. possède ses propres forces militaires.

Quelles frontières pour un Kurdistan indépendant ?


KAZAKHSTAN
RUSSIE
ABKHAZIE
Mer
Noire OSSÉTIE DU SUD
GÉORGIE
Ankara Tbilissi

Kars ARMÉNIE
Sivas Erevan AZERBAÏDJAN Bakou
Erzurum Haut-Karabakh TURKMÉNISTAN
TURQUIE Agri
Bingöl NAKHITCHEVAN
Malatya
Van (AZER.)
Diyarbakır Mer
Siirt Tabriz Caspienne
Mardin
Urfa
Yumurtalık

Alep
Sinjar Mossoul Erbil Mahabad
CHYPRE Koisinjaq

Mer SYRIE Souleimaniyé


Kirkouk
Méditerranée Sanandaj
Halabja Téhéran
LIBAN
Damas
IRAK Kermanchah

Bagdad
IRAN

0 200 km

Limite proposée par la délégation kurde Les expériences d’autonomie


Zone de peuplement kurde
lors de la conférence de la paix à Paris en 1919 Kurdistan irakien
Limite proposée lors du traité de Sèvres en 1920 République kurde de Mahabad (1946-1947) Sources : Institut kurde de Paris ;
Limite proposée lors de la 1re conférence Mehrad R. Izady, université Columbia,
des Nations unies à San Francisco en 1945 « Kurdistan rouge » d’Azerbaïdjan (1923-1929) New York, 1998.

132 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 132 10/02/09 19:03:34


redoutent le rêve kurde
Les Kurdes des pays voisins vivent Une « minorité » de plus de trente millions de personnes
en partie l’expérience des Kurdes d’Irak
comme la leur, et les mouvements rebel-
Etats-Unis
les kurdes de Turquie trouvent refuge au Canada
Kurdistan irakien avec l’appui tacite du
gouvernement d’Erbil. Suède
De leur côté, la Turquie, la Syrie et Norvège Kazakhstan 1

l’Iran redoutent que la stabilisation de Royaume-Uni


Allemagne
Kirghizstan 1
la région autonome inspire les Kurdes Pays-Bas
Années 1960
Belgique Turkménistan 1
vivant dans leurs frontières. Mais l’avenir France
Suisse
de celle-ci constitue un défi pour les deux Autriche Afghanistan
partis à sa tête en Irak. Le PDK et l’UPK Principaux
mouvements 10 000
restent marqués par leur expérience de de population
la guérilla. Leur structure quasi étatique Populations kurdes
Déportations
repose sur des réseaux de familles et de Exode politique Années 1980 et 1990 : Yémen Milliers
clans qui renouvellent peu leurs cadres et persécutions en Turquie et en
Erythrée 2 000
Immigration Iran ; guerre Iran-Irak ;
repoussent une partie des jeunes généra- économique génocide en Irak sous Saddam Somalie
tions vers l’exil ou l’opposition. Hussein (« Anfal », 1988)...
100
1. Déportations durant la période stalinienne (1937, puis 1944). Données 2000
EN QUÊTE DE SOLUTION
0 200 km MER
Dans un environnement régional hostile, MER NOIRE
RUSSIE D’ARAL
KAZAKHSTAN
les Kurdes sont régulièrement invités Samsun MER OUZBÉKISTAN
à modérer leurs exigences quant au GÉORGIE
Tbilissi CASPIENNE
Ankara
contrôle des richesses de leur sol, au Sivas ARMÉNIE AZERBAÏDJAN
partage proportionnel des revenus de Erevan Bakou TURKMÉNISTAN
TURQUIE Malatya Erzurum
l’Irak, et à renoncer au rattachement Nakhitchévan
(19 millions) (Azerbaïdjan)
de Kirkouk, ville au passé kurde, à Van Tabriz Achkhabad
Diyarbakır
leur région. Pourtant, leurs supposés Yumurtalık
adversaires arabes, chiites et sunnites, Alep Erbil
CHYPRE Mahabad Machhad
Mossoul
sont d’abord confrontés à leurs propres MER
MÉDITERRANÉE
SYRIE Kirkouk Sanandaj Téhéran
divisions. Les Kurdes ont dépassé cette LIBAN
Damas Kermanchah
phase au lendemain de la guerre inter- Bagdad IRAN
ISRAËL
kurdes de 1994-1997 et peuvent jouer IRAK (8,4 millions)
PALESTINE
(5,6 millions)
un rôle tampon entre les communautés JORDANIE ARABIE
et les partis irakiens. SAOUDITE
Zone de peuplement kurde
L’UPK, en particulier, a noué dans
Sources : Institut kurde de Paris, 2008 ; Philippe Rekacewicz, 2003 ; Mehrad R. Izady, The Kurds,1992 ;
la résistance contre Saddam Hussein Sandrine Alexie (www.kurdistanname.com).
une alliance avec des forces politiques
et religieuses qui structurent en partie
la communauté chiite. L’élection de en quête d’une solution politique. L’af- Syrie, la situation des Kurdes, minorité
M. Talabani à la présidence de l’Irak frontement entre les combattants du niée, s’est encore dégradée depuis l’arri-
depuis 2005 n’y est pas étrangère. Ses PKK et une armée turque qui n’a pas les vée au pouvoir de Bachar Al-Assad. ●
liens avec la République islamique moyens de les défaire a conduit à l’im-
d’Iran sont anciens. passe. Mais, dès son retour en Turquie,
Les Etats-Unis ont mis fin à leur cette dernière a été la cible, après son
Sur la Toile
alliance privilégiée avec les partis kur- offensive de l’hiver 2008 dans le nord de g Revue indépendante, Erbil,
des irakiens, nouée lors de l’invasion l’Irak, d’une critique sans précédent. en anglais : http://kurdishglobe.net
de l’Irak en 2003, en donnant, au cours Sur le plan politique, les partis kur- g Agence de presse du Kurdistan
de l’hiver 2008, leur feu vert aux trou- des restent privés, en cas de victoire aux irakien, en anglais : www.peyamner.com
pes turques, pour qu’elles pénètrent au élections municipales et législatives, des g Site multilingue, centré sur
Kurdistan irakien afin d’en chasser les moyens institutionnels et financiers qui le Kurdistan de Turquie,
rebelles du Parti des travailleurs du Kur- leur seraient nécessaires pour concrétiser proche du PKK : www.kurdish-info.net
distan (PKK). Sans grand succès. les vœux de leur électorat. En Iran, le g Institut kurde de Paris :
En Turquie, après plus de deux décen- Parti pour une vie libre au Kurdistan, pro- www.institutkurde.org
nies de guérilla, les Kurdes sont toujours che du PKK, a renforcé son influence. En

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 133

-4-Conflits.indd 133 10/02/09 19:03:45


Ces conflits qui persistent
Les fronts de l’insurrection

L’Afghanistan, En provenance d’Asie centrale


(Ouzbékistan, Turkménistan)
et Tchétchénie
OUZ
Bouk

cause perdue Achkhabad TURKMÉNISTAN Py


and
z h

pour l’OTAN IRAN May


C

FARYAB

Une profonde divergence nationale » à nouer des relations avec lui. BADGHIS
Après le 11-Septembre, sous la pression Qala-e-Nao AFGH
stratégique entre les membres
de Washington, Islamabad mit trois bases Herat Chakcha
de l’Organisation du traité à disposition pour bombarder l’Afghani-
de l’Atlantique nord stan, mais n’entra véritablement en scène HERAT GHOR

et leurs alliés régionaux qu’à la fin de 2001, après la défaite des


talibans, dont la direction se réfugia dans
a conduit à un échec les zones tribales pakistanaises. La gué- Tar
FARAH
de la guerre en Afghanistan. rilla pouvait désormais s’y entraîner, pas- Farah
O
1 - BAGHLAN
ser la frontière, infliger de lourdes pertes 2 - KOUNDOUZ
3 - TAKHAR
aux troupes de l’OTAN, puis retourner 4 - PARWAN NIMROZ
5 - KAPISSA Lachkargah K
au Pakistan. Cela obligea Islamabad à 6 - LAGHMAN
7 - NANGARHAR
près les attentats du 11-Sep- mener, entre 2003 et 2005, des opéra- 8 - KABOUL Zarandj
9 - LOGAR
tembre, le Conseil de sécurité tions militaires dans le Waziristan sud, au 10 - WARDAK
des Nations unies avait man- cours desquelles 3 000 soldats périrent
H el
daté la Force internationale – plus que le nombre d’Américains tom- ma n d KAN

d’assistance à la sécurité (FIAS) pour bés en sept ans en Afghanistan.


sécuriser l’Afghanistan. L’intervention, Le Pakistan finit par annoncer, en HELMAND
déclenchée le 7 octobre 2001, fut conduite avril 2006, un cessez-le-feu avec les tali- Shamsi
par les Etats-Unis et le Royaume-Uni bans et Al-Qaida, suivi, le 5 septembre, Dalbandin
avec le concours de 20 pays membres de d’un accord de paix, évidemment contra-
l’Organisation du traité de l’Atlantique dictoire avec la stratégie des Etats-Unis :
nord (OTAN) et de 14 non membres. non seulement il n’entendait plus faire En provenance
La stratégie est définie par la réso- la guerre jusqu’à la défaite des insurgés, des pays arabes
et de la Turquie
lution 1378, adoptée par le Conseil de mais il négociait avec eux.
sécurité le 14 novembre 2001, résolution La contradiction s’est accentuée avec
« condamnant les talibans pour avoir la nouvelle approche des responsables BALOU
permis que l’Afghanistan soit utilisé britanniques opérant dans la province du
comme base d’exportation du terrorisme Helmand, dans le sud-ouest de l’Afgha-
par le réseau Al-Qaida et autres groupes nistan. Seuls responsables de cette zone
Pasni
terroristes et pour avoir accordé l’asile à partir de 2006, ceux-ci découvrirent
à Oussama Ben Laden (…) et appuyant que l’appellation générique « taliban » Gwadar
dans ce contexte les efforts que fait le désignait moins un mouvement idéolo- MER D’O
peuple afghan pour remplacer le régime gique pratiquant le terrorisme que des 0 250 500 km
des talibans ». Le traité de Bonn de tribus pachtounes traditionnelles qui
décembre 2001, codifiant cette orien- s’étaient toujours opposées aux occu-
tation, prévoyait l’instauration d’une pations militaires étrangères. Ils distin- Semple et Mervyn Patterson, fonction-
autorité provisoire et la mise en place guèrent dès lors talibans « irréconcilia- naires respectivement de l’Union euro-
d’institutions démocratiques, écartant bles » et « conciliables », concluant de péenne et de l’Organisation des Nations
explicitement les talibans et Al-Qaida. nouveaux cessez-le-feu dans le Helmand unies (ONU) : mandatés par leur organi-
C’était compter sans le Pakistan, allié avec ces derniers, allant même jusqu’à sation, ils dialoguaient avec les talibans
de Washington dans la « guerre contre le leur accorder le contrôle de certains dis- du Helmand. Au début de 2008, le gou-
terrorisme », transformé en acteur cen- tricts, comme celui de Musa Qala. vernement afghan récusa la nomination
tral du conflit. Or le président Pervez Washington continue d’opposer un de lord Paddy Ashdown au poste de
Moucharraf avait favorisé l’accession refus catégorique à tout pourparler avec représentant spécial de l’ONU, de peur
des talibans au pouvoir, soutenu leur quelque taliban que ce soit. En 2007, qu’il ne favorise des négociations avec
régime et invité la « communauté inter- sous sa pression, Kaboul arrêta Michael les talibans. L’année 2008 vit toutefois

134 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 134 10/02/09 19:15:08


Boukhara Samarcande
KIRGHIZSTAN
CHINE
OUZBÉKISTAN
Front nord :
TADJIKISTAN Hezb-e-Islami Gulbuddin Hekmatyar,
Douchanbé Hezb-e-Islami Khalis,
Tehrik-e-Taliban,
TAN Py Al-Qaida
and
z h

Territoire cédé
Termez par le Pakistan à la Chine,
Faizabad
DJAOZDJAN BALKH mais toujours revendiqué par l'Inde
2 Taluqan
Koundouz
Territoire administré
Cheberghan Mazar-e- 3 BADAKHCHAN TERRITOIRES par la Chine
Charif DU NORD et revendiqué par l’Inde
Maymana VALLÉE DE
En provenance LA SHAKSGAM
SAMAGAN Baghlan du Cachemire
FARYAB Glacier
SARI PUL 1
PROVINCE du Siachen
BADGHIS
NOURISTAN CA
la-e-Nao AFGHANISTAN BAMYAN Charikar
5
KOUNAR DE LA FRONTIÈRE
DU NORD-OUEST CH AKSAI CHIN
Bamyan 4 6 Asadabad
Bajuar
EM
Chakcharan Kaboul Jalalabad
IR
8 Passe E
9 de Khyber AZAD
DAY KUNDI Maydan Baraki 7 CACHEMIRE
GHOR 10
GHAZNI PAKTYA Khyber Peshawar Islamabad
Ghazni
Gardez Zones
KHOST tribales Rawalpindi INDE
(FATA)
Tarinkot Miran
Charana Shah
OUROUZGAN Waziristan nord
PAKTIKA
Front central :
ZABOUL Waziristan sud réseau Haqqani,
Tehrik-e-Taliban,
us
In d

Wana Al-Qaida
Qalat
chkargah Kandahar
Faisalabad Lahore
Zhob Présence militaire des Etats-Unis et
de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN)
PENDJAB
Chaman Bases et facilités américaines hors Afghanistan
Présence militaire des Etats-Unis
KANDAHAR et de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS)
tlej
Quetta Su
Multan Routes d’approvisionnement des forces de l’OTAN
MAND Portions dangereuses (attaques fréquentes des talibans)
PAKISTAN Route d’approvisionnement alternative pour le matériel non
militaire, depuis la mer Noire (accord de la Russie avec l’OTAN)
Dalbandin
Zones et villes « sécurisées » par la FIAS

Insurrection armée
Jacobabad
Principales zones d’action des combattants talibans
Front sud :
talibans, Production d’opium Les trois fronts de l’opposition armée
Al-Qaida (en 2007) Bases arrière des talibans
Tonnes (regroupement des combattants et camps d’entraînement)
BALOUTCHISTAN 5 000 Principaux attentats au Pakistan depuis juin 2007
SIND attribués à Al-Qaida et aux groupes radicaux
Principaux flux de combattants étrangers

500 Territoires administrés par le Pakistan


Hyderabad mais revendiqués par l’Inde
100
Routes principales
us
In d

MER D’OMAN Sources : Organisation du traité de l’Atlantique nord, Force internationale d’assistance à la sécurité, septembre 2008 ;
Karachi Afghanistan Opium Survey 2008, MCN-UNODC ; The Senlis Council ; « Troops in contact, airstrikes and civilian deaths
km in Afghanistan », Human Rights Watch, septembre 2008 ; Anthony H. Cordesman, « Losing the Afghan-Pakistan war.
The rising threat », Center for Strategic and International Studies, septembre 2008.

une évolution importante, avec le départ L’arrivée d’une nouvelle adminis-


du président Moucharraf, l’arrivée d’un tration à Washington, les succès mili- Sur la Toile
gouvernement civil au pouvoir et les ten- taires remportés par les talibans (et g L’OTAN en Afghanistan :
tatives d’ouverture en direction des tali- l’extension de leur présence sur tout le www.nato.int/issues/afghanistan/
bans du président Hamid Karzaï, soutenu territoire), la réticence des alliés euro- index-fr.html
par des pays de l’Union européenne, dont péens à s’engager plus avant – malgré g « Dawn » :
la France et le Royaume-Uni. Différentes l’envoi de quelques centaines de soldats www.dawn.com/2006/09/06/top2.htm
informations font état d’une médiation par la France – créent de nombreuses
g Institute for Afghan
entamée par l’Arabie saoudite, un des incertitudes pour 2009. Une chose est Studies (IAS) :
pays qui avaient, dans les années 1990, cependant claire : la guerre semble mal www.institute-for-afghan-studies.org
reconnu le régime des talibans. partie pour l’OTAN. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 135

-4-Conflits.indd 135 10/02/09 19:15:33


Ces conflits qui persistent
Route du Karakorum
XINJIANG
Deux puissances nucléaires face à face Vallée de
la Shaksgam CHINE
TURKMÉNISTAN CA
Swat CH Aksai
Chin Axe
IRAN Bus trans-Cachemire EM Xinjiang-Tibet
Kaboul I
Kargil
Peshawar

R
AFGHANISTAN Srinagar

E
FATA
Islamabad
Waziristan
TIBET

us
Ras Kambaran Lahore Su
Amritsar

Ind
tlej
(District de Chaigai) Simla
Cinq essais le 28 mai 1998
« Bus de l’amitié » Chandigarh
Désert de Kharan Quetta
Un essai le 30 mai 1998
N É PA L
New Delhi
an

G
us
Pokhran ge Lucknow
PAKISTAN Un essai, « Smiling Buddha »,
Ind

le 18 mai 1974
Trois essais le 11 mai 1998
Voir aussi les cartes p. 53 et 69. Deux essais le 18 mai 1998

Voie ferrée
Karachi
Site d’essai nucléaire Inde-Pakistan INDE
Missile positionné le long de la frontière Bhopal ada
Sir Creek Gandhinagar Narm
Exploitation de pétrole ou de gaz
Oléoduc ou gazoduc
Grand projet de gazoduc Sources : Jean-Luc Racine ; Geological Survey of
(en provenance de l’Iran et du Turkménistan) Pakistan, ministère du pétrole et des ressources
naturelles ; Energy Information Administration, US
Mouvements insurgés Attentats terroristes majeurs Department of Energy ; Joseph Cirincione, Jon
Wolfsthal et Miriam Rajkumar, Deadly Arsenals :
Territoires contestés Ligne de cessez-le-feu de 1949 Nuclear, Biological, and Chemical Threats, Carnegie
Endowment for International Peace, 2005 ; Asia Pacific
Liaison transfrontalière récente Energy Map et Energy Map of India, Petroleum
0 250 500 km Economist Ltd, 2002 ; ministère indien du pétrole et
Autre liaison importante Bombay du gaz naturel ; Nuclear Threat Initiative, 2006.

Détente compromise
entre l’Inde et le Pakistan
Après soixante ans de tensions uvert dès 1947, le premier Pour New Delhi, l’Azad Cachemire et les
et quatre guerres, l’Inde conflit indo-pakistanais partage Territoires du Nord sont « occupés par
de facto le Cachemire, ce que le Pakistan », lequel, pour sa part, définit
monte en puissance alors que confirme une deuxième guerre, l’Etat du Jammu-et-Cachemire comme
le Pakistan doit faire face aux en 1965. Une troisième guerre aboutit « occupé par l’Inde ». Enfin, pour New
forces de déstabilisation qu’il à la sécession du Bangladesh en 1971, Delhi, les terres transhimalayennes, un
mais ne résout rien au Cachemire, où la temps rattachées au royaume – l’Aksai
a encouragées. Les attentats population sous contrôle indien est de Chin et la vallée de la Shaksgam –, sont
de Bombay de novembre 2008 10 millions de personnes (recensement « occupées par la Chine ».
ont cherché à compromettre de 2001) dont 67 % sont musulmanes. A la fin de 1989 éclate au Cachemire
Pour le Pakistan, ce territoire aurait dû indien une insurrection, vite soutenue
le dialogue engagé entre lui revenir à l’heure de la partition et par Islamabad, qui préfère au Front de
les deux pays depuis 2004 reste « territoire contesté ». libération du Jammu-et-Cachemire le
pour calmer le jeu régional. L’Inde, en revanche, considère le rat- Hizbul Mujahideen, plus proche de ses
tachement du royaume, décidé par son positions. Face à la lourde répression
maharaja en 1947 et entériné par les élus indienne, le Pakistan infiltre au Cache-
du Cachemire en 1954, comme définitif. mire, après 1993, des combattants du

136 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 136 10/02/09 19:18:52


Un siècle et demi d’histoire du sous-continent indien

Birmanie,
sortie de
l’Empire
des Indes
en 1937

1948-1971
Inde
Pakistan depuis 1971
1858-1947 Birmanie Bangladesh
Sri Lanka
Empire des Indes (Inde britannique) Ceylan (nom adopté en mai 1972 )

djihad. La sale guerre s’intensifie côté


indien, tandis que les groupes islamistes
user de sanctuaires dans les zones tri-
bales pakistanaises. Au Cachemire, il
Sur la Toile
se radicalisent, avec le Lashkar-e-Taiba et calme le jeu, mais sans démanteler les g Ministère indien des affaires
étrangères : www.meaindia.nic.in
le Jaish-e-Mohammad. Le Pakistan parle réseaux combattants, en particulier ceux
de « combattants de la liberté », l’Inde du Lashkar-e-Taiba. g Ministère pakistanais des affaires
étrangères : www.mofa.gov.pk
de « terrorisme transfrontalier ». Les groupes les plus radicaux se
En 1998, les essais nucléaires indiens retournent finalement contre le pouvoir g Association de l’Asie du Sud pour
la coopération régionale :
puis pakistanais inquiètent la commu- de M. Moucharraf et de son successeur www.saarc-sec.org
nauté internationale. Un an plus tard, Asif Ali Zardari. Les attentats de Bom- g South Asia Resource Access
Washington condamne la pénétration bay, en novembre 2008, prennent dans on the Internet : www.columbia.edu/
de troupes pakistanaises côté indien (la ce contexte un double sens. Ils frappent cu/lweb/indiv/southasia/cuvl
guerre de Kargil). Le premier ministre certes une ville emblématique de l’Inde,
Nawaz Sharif cède, avant d’être ren- mais ils compromettent aussi l’améliora-
versé par le général Pervez Moucharraf. tion des relations entre New Delhi et Isla- En décembre 2008, les élections au
Nouvelle alerte, avec l’attentat contre mabad, qui, aux yeux de l’Inde, refuse Cachemire indien ont été marquées par
le Parlement indien en décembre 2001. d’en tirer toutes les conséquences en une forte participation, malgré l’appel
Pendant dix mois, l’Inde mobilise ses liquidant pour de bon ces terroristes. En au boycott des séparatistes. Mais la mon-
troupes près de la frontière pakista- outre, les talibans pakistanais, désormais tée en puissance des groupes islamistes
naise, mais sans passer à l’action. Dans insurgés dans les zones tribales, espèrent armés pakistanais, djihadistes d’un
les deux cas, l’hypothèse d’une guerre que l’armée, qui les combat plus réso- côté, talibans de l’autre, affaiblissent un
limitée sous parapluie nucléaire paraît lument qu’avant, lèvera le pied pour se régime qui affichait sa volonté d’amé-
trop risquée. retourner vers la frontière indienne. liorer les relations avec l’Inde. ●
Alors revient le temps du dialogue :
secret en 2003 – mais le président Mou-
charraf « met de côté » ouvertement les ������������� ������������������
vieilles résolutions de l’Organisation des ����� �����
Nations unies, qui préconisaient un réfé- ������� �������
rendum au Cachemire ; ouvert et très ���������� ����������� ����������
�������� �������
structuré à compter de 2004, aussi bien �������� ����� ��������
sur le Cachemire que sur la totalité des ������ ���� ��������

contentieux indo-pakistanais. ������������


�������� ������ ������������ ������
�������� �������� ���� ��������
������������ ��������� ������������������
STRATÉGIE PÉRILLEUSE ��������� ���������
Pour éviter d’être pris en tenailles entre
�������� ��������
New Delhi et Kaboul, le Pakistan a, de
longue date, cherché à déstabiliser le ���������� ����������
������ ������
Cachemire et à faire entendre sa voix ���� ����
en Afghanistan, en appuyant les mou- � ������

djahidins contre les Soviétiques, puis


����������������
les talibans à compter de 1994. Cette ��������������� ��������� ���������

stratégie devient périlleuse après le ����������������������� � ������


11-Septembre. Ambigu, M. Moucharraf ���������������������������������
se rallie à la « guerre contre le terro- �������������������������������� ���������������������������
risme » visant Al-Qaida et condamne le ������������������������������������ ������������������������������������
djihad, mais il laisse les talibans afghans

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 137

-4-Conflits.indd 137 10/02/09 19:06:10


Ces conflits qui persistent

Au Sri Lanka, série de revers


L’armée sri-lankaise a détruit près la prise par l’armée sri- capsule de cyanure que porte en collier
lankaise, en janvier 2009, des chaque combattant, et par le recours
l’Etat parallèle que les Tigres
villes de Kilinochchi et Mul- massif aux attentats-suicides… Sans
de libération de l’Eelam laitivu, les Tigres de libéra- règlement politique de fond, la violence
tamoul (LTTE) avaient instauré tion de l’Eelam tamoul (LTTE) étaient risque donc de perdurer.
acculés dans les jungles du nord de l’île. Les LTTE veulent un Etat séparé
dans le nord de l’île. Le succès
Lourde défaite pour cette puissante gué- dans le nord et l’est de l’île, région peu-
militaire s’est cependant rilla, qui dans son bastion s’était taillé plée de Tamouls. L’ex-Ceylan compte
effectué au détriment de l’Etat un « Etat », avec « ministères » et « poli- 20 millions d’habitants, 73 % de Cingha-
ciers », et disposait même d’une flotte lais (bouddhistes) et 15 % de Tamouls
de droit, pourtant le meilleur
de guerre et de petits avions ! Financés (hindouistes et chrétiens), auxquels
garant d’une paix durable. par le racket de la diaspora tamoule s’ajoutent 8 % de musulmans (de langue
(750 000 réfugiés, notamment tamoule, mais non irrédentistes) et 4 %
en Europe et au Canada), les de « Tamouls des plantations » (descen-
LTTE ont cependant par dants de travailleurs indiens venus au
Vingt-cinq ans de guerre Kankesanturai
le passé démontré XIXe siècle). Choyée par le colonisateur
et un tsunami Muhamalai leur aptitude à se britannique, la minorité tamoule subit,
Elephant Pass régénérer. Tota- avec l’indépendance en 1948, la rancœur
Jaffna litaires, ils des Cinghalais. Ceux-ci se sentent dépo-
INDE
se singu- sitaires d’un héritage culturel bouddhiste
Pooneryn larisent isolé face au monde indien auquel ils
Population en majorité Kilinochchi par associent les Tamouls, perçus comme
tamoulophone hindouiste JANVIER 2009 Mullaitivu
la une minorité vivant aux côtés de la nation
Population en majorité Kokavil
cinghalaise bouddhiste JUILLET 2008 Alampil cinghalaise.
Vidattaltivu Mankulam Oddusuddan
Tamouls immigrés Olumadu Discriminés par une politique de
des plantations Mannar quotas, les Tamouls ont tenté la voie
Musulmans W A N N I légale. Dès 1976, certains prennent les
Chrétiens Vavuniya
armes, soutenus au départ par l’Etat
Trincomalee indien du Tamil Nadu. En 1983, de
« Zones de haute sécurité » : Medawacchiya Horowupotana sanglants pogroms achèvent de
forte présence de l’armée,
Anuradhapura
faire basculer la jeunesse tamoule,
nombreux checkpoints,
(zones de non-droit selon privée de perspectives, dans la
Amnesty International et lutte armée. Les LTTE pren-
Human Rights Watch)
Puttalam nent le contrôle du nord
Bases militaires Habarane
gouvernementales Kalkudah
de l’île, où ils annihilent
Polonnaruwa toute opposition interne
Zones à forte densité de
mines antipersonnel
Batticaloa et vouent un culte à leur
chef Vellupillai Prabha-
Zones particulièrement affectées Chilaw
par le tsunami de décembre 2004 karan (né en 1953). En
(plus de 35 000 morts et disparus) Kurunegala 2002, un cessez-le-feu
Les Tigres encerclés par l’armée est signé sous média-
Kandy
Offensives de l’armée Negombo tion norvégienne.
Kegalla
Dernier bastion des Tigres Gampaha Mais, lors des négocia-
de libération de l’Eelam Colombo Badulla tions, les belligérants
tamoul (LTTE) Monaragala
Kotte
Nuwara Eliya n’ont pas su dégager de
Anciennes zones LTTE passées
sous le contrôle de l’armée depuis Pottuvil compromis fédéral : les
Moratuwa Ratnapura
le début de l’offensive en 2008
Wellawaya
Tigres ne renoncent à un
Positions récemment perdues par Kalutara Etat séparé que pour pro-
les LTTE (d’après l'armée) poser un Etat de facto où
Colombo n’aurait nul droit
Sources : carte originale de Philippe Rekacewicz d’après
Chris Smith, « In the shadow of a cease-fire : The impacts de regard – inacceptable pour
of small arms availability and misuse in Sri Lanka », Small
Arms Survey 2003 ; www.mapaction.org ; Department of Hambantota les Cinghalais. En avril 2004,
Census and Statistics Sri Lanka. Galle une coalition nationaliste remporte
Mise à jour en janvier 2009 d’après Reuters ; BBC ; ministère
de la défense du Sri Lanka ; Cédric Gouverneur ; Unocha, 2009 ; Matara les élections législatives et écarte la
0 50 km
UN Mine Action 2007 ; Tsunami Evaluation Coalition, 2007.
Norvège, jugée partiale.

138 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 138 11/02/09 11:16:06


pour les Tigres tamouls
Personnes déplacées depuis la rupture du cessez-le-feu Indicateurs de développement
Milliers de personnes déplacées comparés
à l’intérieur du Sri Lanka
350 Espérance de vie
Années
300 75

250 70

200
65

150
60
100
55
50 A ces chiffres s’ajoutent les 23 000 personnes réfugiées Pakistan Inde Népal Bangladesh
en Inde entre janvier 2006 et septembre 2008. Maldives Sri Lanka Bhoutan
0
AVRIL M J J A S O N D JAN. F M A M J J A S O N D JAN. F M A M J J A
2006 2007 2008
Source : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés , 2008. Indice de fécondité
Nombre d’enfants par femme

Loin de susciter des solidarités, le tsu- donc que par l’établissement d’un Etat
nami de décembre 2004 (35 000 morts, de droit, respectueux de la diversité. Or 3

1 million de sinistrés) engendre des le pays n’en prend guère le chemin : dans
conflits autour du partage de l’aide. Fin l’Est, le président Rajapakse a installé 2

2005, le belliciste Mahinda Rajapakse est au pouvoir le colonel « Karuna », ancien


élu président. En appelant les Tamouls au chef des Tigres de l’Est, qui s’est retourné 1

boycottage du scrutin, les LTTE contri- contre M. Prabhakaran en mars 2004.


buent à son élection. Trop confiants, En mai 2008, Colombo a organisé un 0
Pakistan Inde Népal Bangladesh
les Tigres ont joué la carte militaire, scrutin régional, entaché d’irrégularités Maldives Sri Lanka Bhoutan
et perdu, face à une armée sri-lankaise et de violences, « remporté » par le parti
discrètement soutenue par la Chine et de « Karuna ». Depuis, les paramilitai-
l’Inde. A partir d’avril 2006, les combats res font la chasse aux opposants. C’est
se généralisent. En trois décennies, le ce type de normalisation que M. Raja- Indice de développement humain (IDH)
conflit aura fait 70 000 morts, des milliers pakse voudrait dupliquer dans le nord
BHOUTAN
de disparus et un million de réfugiés. de l’île. L’ironie veut que le président NÉPAL CHINE
PAKISTAN
Pendant trente ans, les belligérants soit lui-même un ancien défenseur des
BANGLADESH
ont rivalisé d’exactions : enfants-soldats, droits de la personne. ● BIRMANIE
VIETNAM
INDE
attentats aveugles, boucliers humains… LAOS

Impunie, la violence est devenue un


mode commun de résolution des diffé-
Sur la Toile THAÏLANDE
CAMBODGE

rends ; opposants et témoins sont jugés g Centre pour les alternatives SRI
indésirables. En 2008, les Nations unies politiques : www.cpalanka.org LANKA
0,743
et les organisations non gouvernemen- g Données sur l’économie, MALDIVES MALAISIE

tales – parfois prises pour cible – ont dû la culture et l’histoire de l’île :


quitter les zones de combat. Les journa- www.lankalibrary.com L’IDH mondial
listes trop critiques sont assassinés. Et g Principaux journaux cinghalais : est aussi de 0,743. INDONÉSIE

des centaines de personnes (dont des www.lanka.net


prêtres, des journalistes et des universi- Plus de 0,8 De 0,6 à 0,7
g Sites proches des Tigres
taires) ont « disparu » après leur arresta- de libération de l’Eelam tamoul : De 0,7 à 0,8 Moins de 0,6
tion, le pays détenant avec la Colombie www.tamilnet.com En 2005, l’indice de développement humain
varie de 0,968 (Islande) à 0,336 (Sierra Leone).
et l’Irak le sinistre record des dispari- www.eelam.com
tions forcées. g « My Daughter the Terrorist », Sources : « World Population Prospects : The 2006
Revision », Organisation des Nations unies, mars 2007 ;
Au Sri Lanka, la démocratie a long- documentaire sur les kamikazes World Development Indicators, Banque mondiale, 2007 ;
temps été interprétée comme la loi de du LTTE : www.snitt.no « Rapport sur Ie développement humain 2006 »,
Programme des Nations unies pour le développement.
la majorité ethnique : la paix ne passera

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 139

-4-Conflits.indd 139 11/02/09 10:10:52


Ces conflits qui persistent

La Chine parle d’autonomie


mais réprime ses minorités
Attentats au Xinjiang, a Chine se définit comme une Ainsi, les musulmans huis du Ningxia
république multiethnique et ont pignon sur rue (selon le gouverne-
émeutes au Tibet…
compte 56 « nationalités ». Les ment, 1 400 mosquées ont été ouvertes
Les minorités ethniques Hans constituent la majorité de depuis le début des années 1990). En
ont profité des Jeux la population (90,6 % au recensement revanche, la méfiance règne à l’égard
de 2005). Les 55 autres « nationalités » des musulmans du Xinjiang (Ouïgours
olympiques de 2008 pour
représentent donc 9,4 % de la popula- majoritairement, mais aussi Kazakhs,
donner de l’éclat tion. Cinq régions autonomes ont été Huis, Kirghizes), qui occupent rarement
à leurs combats quotidiens. créées : Mongolie-Intérieure, Nin- des emplois publics de haut niveau et
gxia (où vivent notamment les Huis), sont réprimés dès qu’ils sortent du cadre
Avec les Coréens (dans
Guangxi (patrie des Zhuang, largement strictement religieux pour entrer dans
le Nord-Est), Ouïgours et « sinisés »), Tibet, Xinjiang. des revendications identitaires. L’idée
Tibétains sont les plus actifs. En l’an 2000, les autorités chinoises d’un Turkestan oriental demeure d’autant
ont lancé leur « projet de développe- plus vivace que, rattaché à l’empire du
Ces deux dernières minorités
ment de l’Ouest », notamment au Tibet Milieu au XVIIIe siècle, le Xinjiang a
revendiquent une autonomie et au Xinjiang, avec un double objectif : connu deux épisodes d’indépendance,
poussée, voire l’indépendance. dynamiser chaque région et intégrer les éphémères (1933-1934, 1944-1949)
populations. Toutefois, le raisonnement mais symboliques. La force d’attrac-
selon lequel la croissance entraînerait un tion des républiques centre-asiatiques
recul des identités nationales s’est révélé devenues indépendantes après l’implo-
erroné. L’arasement culturel et la répres- sion de l’URSS a ranimé les aspirations
sion conduisent en fait à une nouvelle séparatistes.
ethnicité, plus affirmée et plus étendue.
Actuellement, les discriminations AU NOM DE L’ANTITERRORISME
ne se font pas essentiellement sur des Les dirigeants chinois craignent tout ce
bases religieuses, mais sur le rapport qui peut remettre en question l’intégrité
de ces minorités au pouvoir central. territoriale. D’autant que le Xinjiang
couvre un sixième du territoire national
et qu’il est riche en matières premières
La manne énergétique des régions autonomes (30 % des ressources pétrolières terres-
KAZAKHSTAN LAC
RUSSIE tres de la Chine, 34 % du gaz et 40 %
BAÏKAL du charbon). Le pouvoir renforce son
LAC attitude centralisatrice.
BALKHACH
La répression s’est accentuée après le
MONGOLIE
KIRGHIZSTAN 11-Septembre, au nom de la lutte contre
MONGOLIE-
XINJIANG INTÉRIEURE le terrorisme. Pékin la mène de concert
CORÉE
avec les dirigeants des républiques
Pékin
PAKISTAN
NINGXIA DU NORD centre-asiatiques, peu regardants sur les
CORÉE droits de la personne. C’est d’ailleurs
DU SUD
avec cet objectif qu’a été créée l’Or-
TIBET MER
(XIZANG) JAUNE ganisation de coopération de Shanghaï
(OCS), qui comprend la Chine, la Russie
Shanghaï
NÉPAL
et quatre des cinq Etats d’Asie centrale,
INDE
BHOUTAN
MER l’Inde, l’Iran, la Mongolie et le Pakistan
DE CHINE
ORIENTALE ayant le statut d’observateur.
Pétrole Certes, des groupes terroristes exis-
BANGLADESH
Gaz TAÏWAN
GUANGXI
tent – et certains ont des liens avec les
Charbon BIRMANIE
Limites des régions autonomes
Hongkong talibans afghans. Mais Pékin traite de la
Sources : « Map of coal field of China », www.coalportal.com ;
même façon tous les mouvements, qu’ils
USGS Central Region Energy Resources Team, « Maps showing geology, 0 500 1 000 km soient culturels, religieux, autonomistes
oil and gas fields, and geologic provinces of the Asia Pacific Region », www.pubs.usgs.gov
ou séparatistes, au risque de provoquer

140 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 140 10/02/09 19:06:40


Un Etat, des nationalités
LAC RUSSIE
KAZAKHSTAN BAÏKAL

LAC
BALKHACH Qiqihar
Harbin
Urumqi MONGOLIE
KIRGHIZSTAN
MONGOLIE-
Kashi INTÉRIEURE Fushun
Shenyang
XINJIANG CORÉE
(TURKESTAN ORIENTAL) Pékin DU NORD
PAKISTAN
Tianjin
Taiyuan CORÉE
NINGXIA
DU SUD
Jinan
Qingdao
TIBET Lanzhou MER JAPON
(XIZANG) Xian Zhengzhou JAUNE

Nankin
Hefei
Shanghaï
NÉPAL Lhassa Chengdu Wuhan
Hangzhou MER DE CHINE
Chongqing ORIENTALE
BHOUTAN
Nanchang
Changsha ÎLES DIAOYU
INDE
Fuzhou (SENKAKU)
BANGLADESH
Kunming
GUANGXI TAÏWAN
Guangzhou
Canton
BIRMANIE Hongkong
VIETNAM Macao

LAOS 0 500 1 000 km


THAÏLANDE

Familles ethno-linguistiques
Sino-tibétaine Altaïque Austro-asiatique Zones très peu peuplées
Hans (Chinois) Mongols Môns et khmers
Violences politiques et luttes indépendantistes
Huis (Chinois musulmans) Toungouzes Indo-européenne
Tadjiks Migrations de populations hans et huis
Tibétains Ouïgours
Coréenne Limites du Tibet historique
Kadaïs (dont Thaïs et Zhuang) Kazakhs
Coréens
Miaos-Yaos Kirghizes Limites des régions autonomes

NB : familles ethno-linguistiques telles que reconnues et recensées par le gouvernement chinois. Voir aussi les cartes p. 53, 64 et 65 .
Source : Philippe Rekacewicz, « Une mosaïque d’ethnies », carte publiée dans Manière de voir, n° 85, « Jusqu’où ira la Chine? », février-mars 2006.

leur réunion – les militants pouvant se à brandir dans les meetings. Du côté du aucune allusion à l’indépendance du
retrouver dans l’opposition au pouvoir dalaï-lama et d’une partie des militants, territoire. Et que ces trois textes n’ont
central, qui ne respecte même pas ses l’affirmation de l’autonomie n’est que pas été votés par la Chine communiste,
propres textes sur l’autonomie. l’affichage policé d’une revendication comme on l’entend souvent, mais par
Même attitude au Tibet, où la lutte, d’indépendance qui n’ose pas dire son celle de Tchang Kaï-chek, autrement
relayée à l’extérieur par le dalaï-lama, nom, et qui porterait sur le Tibet histo- dit Taïwan. ●
est plus connue en Occident. Après une rique (deux fois plus important que la
période d’ouverture religieuse (de réou- région autonome du Tibet), soit envi- Sur la Toile
verture des temples) et de développe- ron 40 % de la superficie actuelle de
g Bureau national des statistiques
ment économique, les autorités chinoi- la Chine. de la République populaire de Chine :
ses ont agi dans une triple direction : Pour l’heure, les Nations unies ont www.stats.gov.cn
implantation de non-Tibétains (Hans, reconnu la République populaire de
Huis…), folklorisation de la culture, Chine dans ses frontières actuelles – et g Gouvernement tibétain en exil :
www.tibet.com
surveillance plus tatillonne des mou- ne considèrent ni le Xinjiang ni le Tibet
vements autonomistes. Sans parler de comme des territoires à décoloniser. A g East Turkestan Information Center :
www.uygur.org
la répression, notamment depuis les noter que les trois résolutions concer-
émeutes de mars 2008. nant le Tibet, en 1959, 1961 (seule g Southern Mongolian Human Rights
Du côté du pouvoir, le statut d’auto- fois où il est fait mention du droit à Information Center : www.smhric.org
nomie n’est qu’un papier tout juste bon l’autodétermination) et 1965, ne font

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 141

-4-Conflits.indd 141 10/02/09 19:06:47


Ces conflits qui persistent

Difficile normalisation entre


Source intarissable e 9 octobre 2006, la République l’administration Bush, en proie à des
de tensions avec populaire démocratique de tensions persistantes sur la politique
Corée (RPDC) a testé avec nord-coréenne, imposa des procédures
les Etats-Unis, la question succès une bombe nucléaire à de contrôle et d’inspection avant de sup-
du nucléaire en Corée du Nord base de plutonium, provoquant un revi- primer la RPDC de sa liste noire.
pourrait trouver une voie rement dans l’attitude intransigeante Pour la RPDC, ce retrait était une
de l’administration Bush à son égard. condition sine qua non pour bénéficier
d’apaisement diplomatique. Des négociations directes ont abouti à la des aides de la Banque mondiale et de
A condition que l’influence signature d’une série d’accords, la Corée la Banque asiatique de développement.
grandissante des militaires du Nord s’engageant à abandonner pro- Mais le droit pour les inspecteurs, exigé
gressivement son programme nucléaire par Washington, de visiter les installa-
à Pyongyang ne vienne pas en échange d’une aide énergétique et de tions militaires était une pilule trop dure
compromettre cette fragile démarches américaines en faveur d’une à avaler. L’administration américaine
normalisation… normalisation des relations. finit par renoncer à ce projet. Un proto-
Au terme de négociations à six cole de contrôle secret fut adopté et, le
(RPDC, Etats-Unis, Chine, Russie, Corée 11 octobre 2008, George W. Bush retira
du Sud et Japon), et selon l’accord fonda- la RPDC de la liste des « Etats voyous »
mental signé le 3 octobre 2007, Washing- ainsi que du Trading with the Enemy
ton acceptait de retirer la Corée du Nord Act, la loi américaine sur le commerce
de la liste noire des Etats terroristes à avec l’ennemi, levant ainsi des sanctions
deux conditions : que la RPDC déman- commerciales et des barrières financiè-
tèle son programme de production de res datant de la guerre de Corée…
plutonium et qu’elle fournisse une liste
officielle détaillée de toutes ses installa- COUP D’ÉTAT PACIFIQUE
tions nucléaires ainsi que de la quantité Pour les partenaires de la RPDC, des
de plutonium retraité à des fins militaires. procédures d’inspection sont essen-
Pyongyang démontra sa bonne volonté tielles, vu les doutes qui planent encore
en détruisant la tour de refroidissement sur l’exactitude de ses déclarations.
de son site nucléaire de Yongbyon. Mais L’administration Bush a en effet accusé
le régime de Kim Jong-il de dévelop-
per clandestinement une usine d’enri-
��������������������� ������������������������������������������������������������
����������������������������������������������������������������
chissement d’uranium, en violation de
l’accord bilatéral de 1994, que M. Bush
������������������������������������������ ������������������������
abrogea en conséquence.
������������ ���������������������
������������� En novembre 2002, la Central Intelli-
� ����� ������
gence Agency expliqua aux membres du
�����������������
������ Congrès que l’usine d’enrichissement
������� ������� �������������
���������
d’uranium en construction pourrait per-
��������� �����������������
������
mettre de produire des armes nucléai-
������� �����
res à base d’uranium au « milieu de la
�������
��������������� ������
décennie ». Elle revint par la suite sur
������������������ ces estimations, mais affirma détenir des
������� �������
������� preuves de l’importation par la Corée du
������
����� Nord d’équipements suspects, dont une
��������� ���������������� ������ quantité importante de tubes d’alumi-
���������������� �������������� ������
��������������� ����� nium. Pyongyang ayant démontré que
������
��������� ��������������� �������
ceux-ci étaient destinés à l’industrie
������
����� civile, le débat fut clos.
���������������
Jusqu’à ce jour, on rappelle, aux
��������� ������
��������������������������� Etats-Unis, ce qu’a écrit l’ex-président
�����������������������
���������������������� pakistanais Pervez Moucharraf dans
���������������������� ����� ses mémoires In the Line of Fire (New
��������� ��������������������������
����������������������� York, 2006) : son pays aurait transféré
� à la RPDC, à l’époque du « père » de
��������� �������������� ������������
la bombe atomique pakistanaise, Abdul

142 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 142 10/02/09 19:06:53


Washington et Pyongyang
Qadeer Khan, « près d’une vingtaine »
de centrifugeuses pour l’enrichissement Le parallèle de la discorde RUSSIE
d’uranium. Toutefois, Washington n’a
Sources : Unocha ; Reliefweb (www.reliefweb.int/w/rwb.nsf) ;
pu fournir aucune preuve de l’existence The Military Balance 2008, The International Institute for
Strategic Studies, Oxford University Press ; Rodney W. Jones et
de ces dernières. Assigné à résidence, Mark G. McDonough, Tracking Nuclear Proliferation : A Guide Musan
Najin
M. Khan ne peut rencontrer des repré- in Maps and Charts, Carnegie Endowment for International
Peace, 1998 ; « Korean train crossing seen as sign of progress »,
sentants américains ou des inspecteurs Choe Sang-hun, The New York Times, 17 mai 2007. HAMGYONG
DU NORD
de l’Agence internationale de l’éner- Chongjin
gie atomique : au Pakistan, il est adulé 0 100 km NANAM
pour son rôle dans le développement Hyesan
RYANGGANG
des capacités nucléaires de son pays, et Jian Manpo
le gouvernement le protège au nom de CHINE
la souveraineté nationale. CHAGANG
KANGGYE

Cette épineuse question des centri- PYONGAN


Kimchaek
HAMGYONG
fugeuses risque de bloquer les négocia- DU NORD CORÉE DU SUD
Dandong KUMCHANGNI
tions. En l’absence de preuves corro- DU NORD
Sinuiju TAECHON Hongwon
borant les propos de M. Moucharraf, la YONGBYON SIMPO
Hamhung
RDPC n’est pas contrainte de coopérer KUSONG
1. La Corée du Sud entrevoit une
PAKCHON Hungnam
avec des inspecteurs. Mais, si le transfert Chongju ouverture permanente du trafic
Anju SUNCHON ferroviaire vers la Russie, la Chine et
de centrifugeuses était prouvé, la légis- PYONGAN
l’Union européenne, lui permettant
d’exporter à moindre coût. En
lation américaine exigerait d’imposer DU SUD
Wonsan contrepartie de cette ouverture, la
des sanctions. Pyongyang
Corée du Sud s’engagerait à rénover
le réseau ferré, en ruine, de la Corée
Les développements internes à KANGWON du Nord.
Pyongyang pourraient également com- Nampo
Sariwon HWANGHAE Pyonggang
DU NORD
promettre les pourparlers à six. Le HWANGHAE
régime n’est plus ce monolithe dirigé DU SUD PYONGSAN
Changyon Chorwon
par un « grand leader » tout-puissant. Un KYONGGI
Haeju
coup d’Etat pacifique a eu lieu après le Kaesong
Chunchon Kangnung
décès de Kim Il-sung : numéro un, Kim Uijongbu KANGWON
Jong-il doit partager le pouvoir avec un Population ULJIN
Inchon Séoul
groupe de chefs militaires. La nouvelle des agglomérations
Wonju
INCHON
Constitution, promulguée en 1998, a 11 000 000 Suwon CORÉE
Osan
fait de la Commission de la défense 4 000 000 Pyontaek DU SUD
2 500 000
nationale l’« organe militaire directeur 1 000 000 Chonan
CHUNGCHONG
DU NORD
suprême de la souveraineté nationale » 500 000 CHUNGCHONG
DU SUD
Chongju Andong
à la place du parti. Infrastuctures Taejon KYONGSANG
DU NORD WOLSONG
Or les problèmes de santé de Kim Ports principaux Kumi
Jong-il, révélés en août 2008, pourraient Axes majeurs
Pohang
de communication
avoir renforcé l’influence de Jo Myong- Kunsan Iri Chonju Taegu
Korean Train Express
rok, Ri Yong-mu et Kim Yong-chun, des Ouverture symbolique, CHOLLA DU NORD
généraux réputés intraitables sur la ques- en mai 2007, de deux YONGGWANG KYONGSANG
Ulsan
lignes ferroviaires entre DU SUD
tion nucléaire, ce qui risquerait d’affecter Séoul et Pyongyang 1 Kwangju KORI
la position de la RPDC dans les négocia- Zones sous contrôle Kwangyang Masan
Pusan
tions. Pour autant, la stabilité du pouvoir Routes secondaires CHOLLA
Mokpo DU SUD Yosu
nord-coréen ne semble pas ébranlée. ● Passages fermés
Passages « ouverts »
sous contrôle
Sur la Toile Ligne de démarcation
(zone démilitarisée, DMZ)
Voir aussi la carte p. 62.
Régions fortement inondées en août 2007
g Site officiel de la Corée du Nord : Présence massive de
Grandes régions
www.korea-dpr.com l’armée nord-coréenne Zones franches
CHEJU industrielles
Présence militaire des Etats-Unis
g Site d’information sur la Corée Base de l’armée de terre Installations nucléaires
du Nord : www.kimsoft.com Base aérienne Réacteur, centre de recherche militaire
et civil ou transformation de l’uranium
g Asia Times Online : Effectifs des bases américaines
www.atimes.com (un carré représente 1 000 personnes) Installation partiellement démantelée

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 143

-4-Conflits.indd 143 10/02/09 19:20:34


Ces conflits qui persistent

Véritable tchétchénisation,
La Tchétchénie a retrouvé lors que s’amorce la pere- fond que les indépendantistes se fédè-
stroïka, la réforme impulsée rent au sein d’un Congrès du peuple
un semblant de stabilité.
par le numéro un soviétique tchétchène, qui élit à sa tête, en 1990,
La résistance – dont Mikhaïl Gorbatchev en 1986, le général Djokhar Doudaev. En octo-
les slogans sont presque un lourd passif pèse sur les relations bre 1991, ce dernier proclame l’indépen-
russo-tchétchènes. Au XIXe siècle, les dance. Les réactions russes – état d’ur-
exclusivement islamistes
Tchétchènes ont farouchement résisté à gence, blocus économique, soutien à une
depuis l’automne 2007 – la colonisation et en ont payé le prix fort : opposition tchétchène anti-Doudaev –
est très affaiblie la population est passée de 200 000 per- se transforment, en décembre 1994, en
sonnes en 1818 à 98 000 en 1859, date action armée.
et la reconstruction va bon
de la reddition de l’imam Chamil, qui
train. Mais l’« ordre » mis dirigeait la résistance. RÉGIME DE TERREUR
en place, au nom de Moscou, Si le Caucase est déclaré conquis Ce qu’on appelle maintenant la « pre-
en 1864, des révoltes éclatent réguliè- mière guerre », opposant 100 000 mili-
par Ramzan Kadyrov repose
rement ; la soviétisation, en 1921, de la taires russes à quelques milliers de
sur la terreur, sur fond République autoproclamée des Monta- combattants, dure de décembre 1994
d’impunité quasi totale. gnards ne pacifie pas la région. En 1944, à août 1996 et se solde par une victoire
Joseph Staline déporte l’ensemble de la militaire tchétchène, vite retournée en
population tchétchène vers l’Asie cen- défaite politique. Bilan : des pertes
n trale, au prétexte fallacieux de collabora- civiles considérables (entre 50 000 et
tion massive avec l’envahisseur nazi. La 80 000 morts, selon les estimationsKAZA les
Do

Wehrmacht n’a pourtant jamais atteint Vo


plus sérieuses, soit presque un dixième
Grozny, et des dizaines de milliers de de la population), la Tchétchénie dévas-

lga
Tchétchènes ont combattu dans tée, et une pénétration de l’islamisme
l’armée soviétique. qualifié de « wahhabite
Astrakhan», qui reste tou-
Une mosaïque explosive C’est avec
Elistacette tefois minoritaire.
mémoire en Les accords de paix de Khassaviourt,
trame de en août 1996, ne résolvent pas la ques-
tion du statut. Validées par l’Organisa-
KALMOUKIE
tion pour la sécurité et la coopération en
Europe, les élections de janvier 1997
Krasnodar
Stavropol portent Aslan Maskhadov,
indépendantiste laïque
Maïkop
R U S S I E et modéré, à la pré-
sidence de la
Tcherkessk
MER RÉPUBLIQUE
NOIRE
DES ADYGHÉS
Caucasiens
KARATCHAEVO-
Adyghés Piatigorsk
TCHERKESSIE
Kabardes Naltchik
Tcherkesses KABARDINO- INGOUCHIE Grozny
Khassaviourt
Abazes
BALKARIE Nazran
Beslan Makhatchkala
Tchétchènes Vladikavkaz TCHÉTCHÉNIE
Ingouches OSSÉTIE DU Kaspiisk
Turcophones NORD MER
Andis (ouralo-altaïques) CASPIENNE
Avars Nogaïs DAGHESTAN
Laks Koumyks GÉORGIE
Darghines Karatchaïs
Tabassaranes Balkars Indo-Européens Tbilissi
Principaux attentats
Lesghines Azéris Russes depuis 1991
Agouls Turkmènes Arméniens Conflits et zones de tensions
Routouls Kalmouks Ossètes Foyers islamistes
AZERBAÏDJAN
Sources : d’après une carte établie par Cécile Marin, dans Yves Plassereau (dir.), ARMÉNIE
Atlas des minorités, 2005 ; Institut d’ethnographie de Moscou, 1995 ; agences de presse. 100 km

144 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 144 10/02/09 19:07:10


fausse normalisation
Voie ferrée
Une République pacifiée dans le sang Mer Autoroute
Moscou 2002 Caspienne Rostov-Makhatchkala
Boudiennovsk Autres routes
juin 1995
Contournement Principaux « checkpoints »
tchétchène
Gazoducs
DAGHESTAN en fonctionnement
RUSSIE Kizliar fermé
janvier 1996 Kizliar
TCHÉTCHÉNIE Villes et villages détruits
Mozdok entre 1994 et 2001
aujourd’hui reconstruits
Naourski
Territoires rattachés à l’Ossétie
du Nord en 1944
District de Prigorodny
Malgobek Khassaviourt
Grozny District et couloir de Mozdok
INGOUCHIE été 1999
ArgounGoudermes
Khassaviourt
Khasav-iourt Ancien district d’Aoukh
Beslan Nazran au Daghestan, peuplé
Chali de Tchétchènes Akkines
2004 Kourtchaloï
Ourous- Districts rattachés à la
Vladikavkaz Martan Tchétchénie en 1957
et récemment vidés de leur
Makhatchkala population russe (Cosaques)
OSSÉTIE Chatoï Vedeno
Prigorodny
Prigorodnyi Limite administrative
DU NORD
non définie
District de Botlykh Principales attaques
Charoï et zone de Kadar
tchétchènes à l’extérieur
été 1999
Itum Kale
Forte concentration
25 km de personnes déplacées
GÉORGIE et de réfugiés
OSSÉTIE Pankisi 1999
Sources : Unocha, 2005 ; Memorial (Moscou). Camps de réfugiés
DU SUD et 2002

Tchétchénie. Mais l’activité de bandes la décimation du peuple tchétchène. En 2007, demeure précaire. S’il a acquis
armées dirigées par les anciens chefs de juin 2000, la nomination par Moscou une certaine popularité liée aux recons-
guerre, recyclés dans les prises d’otages, d’un Tchétchène, Akhmad Kadyrov, tructions, à ses accents nationalistes, au
et l’absence de soutien de Moscou à ancien mufti, à la tête de l’administra- contrôle qu’il exerce sur l’islam, ainsi
Maskhadov se conjuguent pour mettre tion provisoire préfigure la politique de qu’à sa capacité à négocier l’octroi de
en échec la construction d’un Etat. « tchétchénisation » du conflit. « Elu » fonds de Moscou, son régime de terreur
Trois ans de chaos ont raison du président de Tchétchénie en octo- alimente le flux continu de Tchétchè-
projet indépendantiste. En septem- bre 2003, après l’adoption d’une nou- nes qui fuient menaces et représailles,
bre 1999, la guerre reprend, à la suite velle Constitution qui consacre le retour rejoignant les quelque 70 000 réfugiés
d’une incursion d’islamistes tchétchènes de la République dans le giron russe, il présents en Europe. ●
et daghestanais au Daghestan. L’explo- sera assassiné en mai 2004, ce qui atteste
sion d’immeubles en Russie – attribuée
aux « terroristes tchétchènes », mais
pour le moins le caractère factice de la
« normalisation ».
Sur la Toile
sans enquête ni revendications explici- A la tête de sa propre milice, son fils g Informations sur la situation
tes – soude la population russe contre Ramzan reprend le flambeau. Soutenu en Tchétchénie : www.watchdog.cz
un commode ennemi de l’intérieur. activement par M. Poutine, il renforce son g Comité Tchétchénie (mobilisations,
Avec la « seconde guerre » tchétchène, pouvoir en jouant sur plusieurs tableaux : chronologie, bibliographie) :
Vladimir Poutine assure son élection recrutement des anciens indépendantis- www.comite-tchetchenie.org
en jouant sur l’honneur d’une nation tes qui acceptent de cesser la lutte, éli-
g Institute for War and Peace
humiliée par l’éclatement de l’Union mination des autres (Maskhadov est tué Reporting (Londres-Washington) :
soviétique, par une crise économique en mars 2005, et le sanguinaire Chamil www.iwpr.net/caucasus_index1.html
sans précédent et par la « défaite » de Bassaev, à la tête de la fraction extré-
1996 en Tchétchénie. miste de la résistance, en juillet 2006)
g Memorial, informations
sur les violations des droits
Bombardements massifs, opérations et reconstruction active de la République de l’homme en Tchétchénie :
de nettoyage – rafles de civils rachetés avec l’aide de Moscou. www.memo.ru/eng.index.htm
ensuite, morts ou vivants, par leurs pro- Mais l’ordre que fait régner
ches –, disparitions forcées poursuivent M. Kadyrov fils, devenu président en

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 145

-4-Conflits.indd 145 10/02/09 19:07:24


Ces conflits qui persistent

Caucase du Sud,
le réveil des volcans
Les combats en Géorgie, n mai 2006, le pétrole atteint lents sur le front du Karabakh, qui font
en août 2008, ont réveillé pour la première fois la Médi- des dizaines de victimes, témoignent
terranée, après avoir franchi les des tensions et des risques courus.
la peur d’une nouvelle 1 700 kilomètres de l’oléoduc En Géorgie, bien que la « révolution
guerre froide entre la Russie Bakou-Tbilissi-Ceyhan. Avec la flambée des roses », fin 2003, ait mit en avant
et l’Occident. Nombre de des prix du brut, les dépenses militaires la démocratie et des élections libres, le
de l’Azerbaïdjan passent de 175 mil- président Mikheïl Saakachvili, une fois
diplomates européens lions de dollars en 2004 à 2 milliards au pouvoir, introduit des changements
demandent toutefois une de dollars en 2008. Les dirigeants du contradictoires. Sa construction d’un
enquête pour déterminer pays y puisent une nouvelle confiance Etat fort va de pair avec une montée en
en eux et durcissent leurs positions pour puissance du secteur militaire – le bud-
qui porte la responsabilité la résolution du conflit dans le Haut- get de la défense passera de 50 millions
du déclenchement de cette Karabakh. de dollars en 2003 à plus de 570 mil-
guerre. Mais il est clair que les Les diplomates azerbaïdjanais criti- lions en 2007 – et se double d’un dis-
quent ouvertement le groupe de Minsk cours plus radical envers les régions
évolutions géopolitiques ont de l’Organisation pour la sécurité et la séparatistes.
modifié les rapports de forces coopération en Europe, l’organisme
international qui joue le rôle de média- LE PRÉCÉDENT DU KOSOVO
sur lesquels se fondaient les
teur dans le conflit du Haut-Karabakh, et Les tentatives de la Géorgie pour
dispositions des cessez-le-feu s’efforcent de le faire remplacer par les annexer l’Ossétie du Sud provoquent
du début des années 1990. Nations unies. Pour les dirigeants armé- des affrontements violents qui se soldent
niens, un tel changement paraît inaccep- par des dizaines de victimes au cours de
table, car il réduirait à néant plus d’une l’été 2004. Alors que les tensions per-
décennie de négociations qui ont permis sistent en Ossétie du Sud, l’Abkhazie
de parvenir à des accords sur les princi- connaît des heurts plus violents depuis
pes devant s’appliquer à une résolution que des forces armées géorgiennes ont
du conflit. En mars 2008, des heurts vio- pénétré dans la haute vallée de Kodori.

RUSSIE
Une République russifiée Piste Col de Mamison L’Ossétie du Sud
2 820 m
Krasnaïa Poliana
Haute vallée de Kodori
Ce territoire est resté sous le contrôle de Tbilissi
militaire
d’Ossétie
Col de Rokski
2 995 m
en 2009
depuis 1993. En 2006, les Abkhazes ont accusé (fermée)
Sotchi RUSSIE la Géorgie d’y construire des bases militaires. OSSÉTIE
A la faveur des événements d’Ossétie du Sud DU NORD Tunnel
en août 2008, ils en ont expulsé toute la de Rokski
Lac Ritsa population (essentiellement des Svanes)
Adler
Route militaire
Route militaire de Géorgie
Dombaï de Soukhoumi OSSÉTIE
Gagra ABKHAZIE
Peuplement DU SUD
majoritaire Frontière Vanati
fermée Didi Gupta Satsheneti
Abkhazes Pitsunda
1. Tamaracheni. 4 Beloti
Arméniens Goudauta Amzara 3
Omarishara 2. Kurta. 2
Géorgiens 1 Charebi
3. Kekhvi. Ksuisi
Soukhoumi 4. Kemerti. Tskhinvali
Villages géorgiens vidés ri Avnevi
de leurs habitants en 1993 Tkvarcheli Nuli
u

Mer Noire Tobari


Ingo

Zone montagneuse 0 20 km
Marché Akhalgori
Ancienne zone démilitarisée selon Mine de d’Ergneti
les accords de cessez-le-feu de 1993 charbon GÉORGIE
Otchamtchire
Routes Points de blocus District de Gali Gali Khashuri
Voies ferrées Les Géorgiens
de ce district Gori Igoeti
ouverte Station touristique ont été autorisés Zougdidi Villages géorgiens
fermée Site olympique à regagner leurs Ingouri
villages et Territoires ayant subi une épuration ethnique
Aéroport Barrage hydroélectrique GÉORGIE
à y vivre Villages ossètes Infrastructure routière
0 50 km après 1993. Route « de la vie » Gazoduc Vladikavkaz-Tskhinvali
Koulévi Tbilissi
Sources : Nations unies ; Arthur Tsutsiev, Atlas ethnopolitique NB : la région autonome d’Ossétie du Sud a été dissoute en décembre 1990.
du Caucase, 1774-2004, Evropa, Moscou, 2006 ; OSCE. Sources : Unosat ; Ieva Rucevska, observations de terrain, mission OSCE-PNUE.

146 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 146 10/02/09 19:08:44


Guerres et tensions dans le Caucase
Rejet des migrants
caucasiens par « Daghestanisation »
les Cosaques RUSSIE des districts russes
du kraï de Stavropol

Novorossiisk Krasnodar
Maïkop Stavropol
Chapsougs Karatchaïs
Adyghés et Tcherkesses

Tcherkessk
Mer
Noire Piémont
Sotchi Naltchik Tchétchénie daghestanais
Kabardino-
Ingouchie
Abkhazie Kodori Balkarie
Nazran
Grozny Khassaviourt
Conflits majeurs non résolus Vladikavkaz Makhatchkala
Soukhoumi Ossétie
Normalisation sous contrainte du Nord Mer
Mingrélie
Tensions ethniques latentes Ossétie
Caspienne
Zougdidi
du Sud
Sénaki Tskhinvali
Mouvements autonomistes Daghestan Derbent
dans les années 1990 Poti
GÉORGIE
Gori
Territoires ayant adopté Batoumi
Borjomi
la charia en 1997-1999 Adjarie Tbilissi Lesghistan
Territoires hors du contrôle Kvemo-
Djavakhétie Kartli
des autorités centrales
Radar
Frontières fermées (blocus) de Gabala
Frontières « ouvertes » Soumgaït
Lignes de cessez-le-feu ou de contrôle (blocus) ARMÉNIE AZERBAÏDJAN Bakou

Présence militaire russe hors Russie Erevan Haut-


Présence militaire américaine Karabakh
TURQUIE Stepanakert
Sites bombardés pendant la guerre
osséto-géorgienne en août 2008
Nakhitchevan
NB : l’Ossétie du Sud et le Haut-Karabakh ont été dissous Nakhitchevan
par les autorités géorgienne et azerbaïdjanaise. (Azerb.) IRAN Talechis
0 100 km
Sources : Jean Radvanyi ; base de données de l’observatoire des Etats postsoviétiques (Inalco, Paris). Voir aussi la carte p. 104.

Administrativement rattachée hypothèse. Elles estiment que les Etats L’aventure militaire géorgienne
à l’Abkhazie, cette vallée compte occidentaux et les organisations interna- d’août 2008 en Ossétie a confirmé le
4 000 Svanes, un peuple apparenté aux tionales se montrent partiales en faveur danger que représentent de petites guer-
Géorgiens. Après la guerre d’Abkhazie de la Géorgie, appuyant le principe de res locales oubliées lorsqu’elles devien-
(1992-1993), l’accord conclu stipulait l’intégrité territoriale tout en rejetant nent un enjeu du bras de fer entre gran-
que les forces abkhazes n’entreraient pas celui de l’autodétermination, pourtant des puissances. La Russie n’a pas laissé
dans cette région, tandis que Tbilissi pro- appliqué par ces mêmes organisations passer l’occasion de punir l’insolente
mettait de ne pas y envoyer l’armée régu- au Kosovo. Géorgie, répondant ainsi à la reconnais-
lière (bien qu’un nombre limité de forces sance de l’indépendance du Kosovo par
de police soit autorisé à y stationner). DE NOUVELLES FRAGMENTATIONS ? l’Occident. Mais celle de l’Abkhazie et
Mais l’intervention de troupes Fait inquiétant, les forces armées ser- de l’Ossétie du Sud en tant qu’Etat par
géorgiennes en juillet 2006 suscite de vent non seulement à la normalisation le Kremlin mettra-t-elle fin à la logique
nouvelles tensions entre Soukhoumi et des relations à un niveau régional, mais de révision de l’architecture politi-
Tbilissi. Au début de 2008, alors que aussi, de plus en plus, à la répression que de l’après-guerre froide, ou bien
la Géorgie accélère son rapprochement de l’opposition interne. En Géorgie, en ouvrira-t-elle la porte à de nouvelles
avec l’Organisation du traité de l’Atlan- novembre 2007, une manifestation de fragmentations ? ●
tique nord, qu’elle espère rejoindre avec masse, menée par une coalition de partis
l’appui de Washington, les déclarations d’opposition, a déclenché une répression Sur la Toile
grandiloquentes à Moscou comme à qui a fait plus de 500 blessés, fragilisant
Tbilissi ainsi que la concentration de le président Saakachvili, réélu cepen- g « Le Courrier du Caucase » :
http://caucase.courriers.info
troupes dans la zone de conflit abkhaze dant début 2008.
font craindre une nouvelle guerre. Dans l’Arménie voisine, après une g « Regard sur l’Est » :
www.regard-est.com
Les dirigeants géorgiens se disent élection présidentielle contestée, le pou-
également mécontents de la façon dont voir a réprimé violemment des mani- g Armenian News Network :
www.groong.org
sont menées les négociations sur l’Os- festations similaires, faisant dix morts
sétie du Sud et l’Abkhazie. Tbilissi juge et des centaines de blessés, mais plon- g Armenia Now :
www.armenianow.com
que la Russie, trop proche des sécession- geant aussi le pays dans une profonde
nistes, ne peut pas servir de médiatrice et crise politique, de laquelle il ressort g Civil Georgia : www.civil.ge
doit être remplacée par des organismes qu’il n’est pas garanti que les objectifs g Cimera :
européens ou américains. Mais l’Abkha- d’unité territoriale et de réformes démo- www.cimera.org/en/publications
zie et l’Ossétie du Sud rejettent cette cratiques soient compatibles…

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 147

-4-Conflits.indd 147 10/02/09 19:08:52


Ces conflits qui persistent

L’indépendance du Kosovo
La crainte d’un effet domino
Transnistrie Abkhazie
Ossétie du Sud

KOSOVO Tchétchénie
Haut-Karabakh

République serbe de
Bosnie-Herzégovine

Pays basque
Vallée de Presevo
République turque Tibet
de Chypre du Nord

Sahara occidental

Kurdistan
irakien
Casamance Somaliland
Puntland
Nord-est
du Sri Lanka
(Eelam tamoul)

Positionnement des Etats


vis-à-vis du Kosovo fin 2008

Etats ayant reconnu le Kosovo

Etats en voie de le reconnaître


Principaux territoires de facto indépendants ou à fortes velléités séparatistes
Etats n’ayant pas exprimé de position

Etats hésitants

Etats opposés

Source : « The Kosovo conundrum : Nations around the world ponder whether to recognize Kosovo », The International Herald Tribune, 22 février 2008.

La realpolitik des grandes roclamé en février 2008, le et croate de 1991, a suscité la crainte
nouvel Etat du Kosovo (peu- d’un effet domino. Au-delà de la provo-
puissances, à géométrie
plé à 90 % d’Albanais) a été cation du président géorgien, le réveil
variable, au Kosovo et reconnu par une quarantaine de des « conflits gelés » d’Ossétie du Sud et
ailleurs, n’a aucun effet pays (dont les Etats-Unis), mais pas par d’Abkhazie a constitué le premier contre-
l’Union européenne : l’opposition d’une coup de l’indépendance kosovare…
stabilisateur – et divise
dizaine des membres de celle-ci, comme Face aux divergences entre Etats du
donc les gouvernements. celle de la Russie ou de la Chine, s’ap- Conseil européen, la Commission euro-
puie sur le refus de la Serbie de perdre péenne a pris le relais sur le plan diplo-
son « berceau historique ». La rupture matique, avec l’espoir que la signature
du principe d’inviolabilité des frontières, d’accords d’association et de stabilisa-
appliqué depuis les sécessions slovène tion (ASA) avec la Serbie et la Bosnie-

148 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 148 10/02/09 19:09:23


divise les diplomaties
Herzégovine, comme avec les autres
Etats, stabiliserait la région. Les ASA Les réfugiés, dix ans après Sur la Toile
posent des conditions au rapprochement la guerre g Courrier des Balkans :
avec l’Union européenne : une coopéra- Millions de réfugiés, déplacés, demandeurs http://balkans.courrier.info
tion régionale fondée sur des accords de d’asile et rapatriés 1
d 1,6 g Dossier de La Documentation
libre-échange, le respect des droits des 1. Par pays française : www.ladocumentationfrancaise.
1,4 d’origine.
minorités et la livraison des crimi- 1,2
Serbie et fr/dossiers/europe-balkans/index.shtml
nels de guerre au Tribunal pénal Monténégro
international pour l’ex-You-
1,0 g The Balkans Pages :
0,8 www.balkansnet.org/index2.html
kh goslavie (TPIY). 0,6
Mais la « carotte euro- 0,4
Bosnie- g Tribunal pénal international
Herzégovine pour l’ex-Yougoslavie : www.un.org/icty
péenne » vise aussi à « com- 0,2
Croatie
penser » l’amertume de la 0
1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
g Osservatorio sui Balcani :
Serbie à propos du Kosovo, à Source : Haut-Commissariat des Nations unies www.osservatoriobalcani.org/
2007
pour les réfugiés, 2008.
contenir les tentations sépara-
tistes albanaises en Macédoine
et celles des Bosno-Serbes et un Etat unifié, sur le plan de la police coupures d’électricité et bien des trafics.
Bosno-Croates en Bosnie- comme sur celui de la Constitution. Or Sa monnaie est… l’euro, géré par la
Herzégovine. Bruxelles a cepen- cette dernière peine à évoluer, l’avancée Banque centrale allemande. A l’instar de
dant assoupli quelques critères se réduisant à une loi qui subordonne la Bosnie, le Kosovo apparaît comme un
des ASA, en permettant, le la mise en place d’une future direction pseudo-Etat « souverain » sous tutelle
29 avril 2008, la signature commune des polices à l’adoption d’une étrangère, rongé par la corruption et la
avec les autorités serbes nouvelle Constitution. Différé à de mul- pauvreté, et qui voit la majeure partie
t d’un accord dont l’ap- tiples reprises, le départ du haut repré- des « aides » extérieures retourner à leur
a plication dépendra sentant de l’Union, qui agit comme un source, notamment via les salaires inter-
) de la coopéra- proconsul, devrait avoir lieu en 2009… nationaux versés.
tion avec le mais sans aucune stabilisation. Si Radovan Karadzic a été arrêté, son
TPIY. Cette En Serbie et au Kosovo prévaut un complice Ratko Mladic court toujours ;
signature a imbroglio politique, institutionnel et les mères de Srebrenica réclament aussi
facilité la vic- juridique croissant. Le Parti socialiste de justice auprès des autorités néerlandaises
toire du parti Serbie de feu Slobodan Milosevic s’est et des Nations unies. Mais le TPIY sera
proeuropéen allié au Parti démocratique de M. Tadic, plus que jamais confronté à ce que fut la
de Boris Tadic proeuropéen, alors que le vainqueur de realpolitik des grandes puissances sous-
aux élections Milosevic en octobre 2000, Vojislav jacente aux accords et à la Constitution
législatives de Kostunica, s’est au contraire rapproché issue des accords de Dayton en 1995. ●
mai 2008. Le du Parti radical serbe, ancien allié de
16 juin, la Bos- Milosevic… Mais tous rejettent l’in-
nie-Herzégo- dépendance du Kosovo : ils s’appuient L’Union européenne
vine était le der- sur la résolution 1244 du Conseil de s’ouvre aux Balkans
nier Etat à signer à sécurité des Nations unies, acceptée par Ex-Yougoslavie
son tour un ASA. Belgrade à la fin de la guerre de l’Orga- (1943-1991)
Mais le statut de « pré- nisation du traité de l’Atlantique nord, SLOVÉNIE
candidat » n’ouvre guère de pers- en juin 1999, parce qu’elle maintenait
pectives. L’Union ne se dote ni du budget les frontières existantes. CROATIE
SERBIE
ni des critères de fonctionnement capa- Les Serbes ne reconnaissent aucun BOSNIE-
bles d’apporter une cohésion sociale à changement au Kosovo et rejettent donc HERZÉGOVINE MACÉDOINE
MONTÉNÉGRO
ses membres actuels ou futurs. Et, bien l’Eulex, mission envoyée par l’Union (2006)
ALBANIE
qu’elle exerce une sorte de protectorat depuis l’indépendance et à laquelle ils KOSOVO
régional, elle n’y empêche pas la persis- opposent la Mission des Nations unies (2008)

tance de conflits. Le veto de la Grèce sur au Kosovo (Minuk). Ils mobilisent le


le nom de la Macédoine bloque l’ouver- droit international pour faire valoir leurs
ture des négociations avec cette républi- « droits de propriété » sur l’ex-province. 200 km

que déjà fragilisée économiquement. Il faut dire que les capacités de produc- Union européenne Accord de stabilisation
et d’association (ASA)
Quant à l’ASA signé avec la Bosnie, tion du Kosovo demeurent inexploitées, Pays candidats Nouveaux Etats
il était supposé dépendre de progrès vers pendant que le pays connaît toujours des (après 2006)

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 149

-4-Conflits.indd 149 11/02/09 10:11:53


Ces conflits qui persistent

Fractures andines
MER
Ces Andes
qui symbolisent
DES CARAÏBES
Caracas

PANAMÁ
VENEZUELA
Medellin

les querelles
OCÉAN A
GUYANA
PACIFIQUE COLOMBIE
Cali Bogotá

du sous-continent
Quito
ÉQUATEUR

BRÉSIL

C’est dans la région andine


PÉROU
que les lignes de fracture qui
Voir aussi cartes Lima
p. 54 et 55 divisent l’Amérique latine ont
Lignes
de fracture BOLIVIE débouché sur la situation
Grands axes de La Paz
communication et la plus conflictuelle.
d’intégration régionale Accès à la mer
Conflits gelés réclamé au Chili Tant économiquement
et contestations par la Bolivie
frontalières
que politiquement,
PARAGUAY
Trafic d’armes
CHILI le Venezuela, l’Equateur
Trafic de drogue
et la Bolivie entretiennent
Présence de
réfugiés colombiens ARGENTINE des relations tendues avec
Zone de forêts
les protégés de Washington,
Altitude supérieure 0 1 000 km
à 1 500 m la Colombie et le Pérou.
Sources : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ; Agence France-Presse
et Associated Press ; Institut géographique De Agostini, Novare ; Nieves Lopez et
Riccardo Pravettoni, Atlas géopolitique de l’Amérique du Sud, université de Bologne.

olombie, Equateur, Venezuela : mais limite l’intégration aux questions tionnaires de Colombie (FARC) et l’Ar-
trois pays et, à certains moments économiques et commerciales. mée de libération nationale – placées
de l’histoire, un destin commun. Elu pour un premier mandat, en sur la liste des organisations terroristes
Sous domination espagnole, ils 1998, le Vénézuélien Hugo Chávez par Bogotá, les Etats-Unis et l’Union
font partie, avec l’actuel Panamá, durant reprend à son compte le rêve boliva- européenne –, il l’est beaucoup moins
les périodes 1717-1724, 1740-1810 et rien, en inscrivant sa révolution sous les avec les groupes paramilitaires, qu’il
1815-1819, de la Nouvelle-Grenade. auspices du « socialisme du XXIe siè- « démobilisera » dans des conditions
Celle-ci, arrachant son indépendance cle ». Il prône activement une intégra- très controversées. Bénéficiant d’un
après la victoire de Simón Bolívar, en tion latino-américaine, accordant une appui sans faille de Washington, ses
1819, à Boyacá, devient la Grande- importance capitale aux questions poli- relations seront émaillées d’incidents
Colombie. En faisant sécession, en tiques et sociales. Se joindront à ce cou- avec ses voisins.
1830, le Venezuela et l’Equateur met- rant radical Evo Morales, élu en Bolivie Au sein de la CAN, le Pérou et la
tent à bas le rêve cher au Libertador (décembre 2005), et l’Equatorien Rafael Colombie jouent ouvertement la carte
d’une Fédération des Etats unis d’Amé- Correa (novembre 2006). des Etats-Unis. Ils signent avec Washing-
rique du Sud. Déchirée par une lutte armée interne ton des traités de libre commerce, servant
Ces trois nations se retrouveront plus née dans les années 1950-1960 sur fond avant tout les intérêts des multinationales
d’un siècle après au sein du Pacte andin de violence sociale, la Colombie a vu américaines, aiguisant ainsi les contra-
(créé en 1969) – le Venezuela n’y adhère arriver au pouvoir, en 2002, Alvaro dictions. Le 22 avril 2006, le Venezuela
qu’en 1973 –, avec le Pérou, la Bolivie Uribe Vélez, partisan de la manière quitte l’organisation avec fracas, lais-
et le Chili (qui s’en retirera en 1976). forte, qu’il mettra en œuvre sous le nom sant face à face deux sous-ensembles :
L’association devient Communauté de « sécurité démocratique ». Intransi- la Bolivie et l’Equateur d’une part, la
andine des nations (CAN) en 1997, geant avec les Forces armées révolu- Colombie et le Pérou d’autre part.

150 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-4-Conflits.indd 150 11/02/09 17:23:15


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L’action, à Bogotá, du président bienne contre un campement des Accords économiques


Uribe marque le début d’une période FARC en Equateur qui portera entrecroisés
très agitée dans les relations avec le la crise régionale à son
Venezuela voisin – devenu la bête noire paroxysme. Le numéro Georgetown
de Washington. Conspiration d’oppo- deux de la guérilla Caracas Paramaribo
Guyane
sants au président Chávez en lien avec marxiste, Raúl VENEZUELA
(France)
Bogotá
le Département administratif de sécu- Reyes, s’y trou- SURINAM
COLOMBIE GUYANA
rité, la police politique colombienne ; vait pour négocier,
incursion de paramilitaires venus du entre autres, avec Quito
ÉQUATEUR
pays voisin dans la banlieue de Caracas des émissaires
(mai 2004) ; contacts du ministre de la européens la libé-
PÉROU
défense colombien Juan Manuel San- ration des otages BRÉSIL
tos avec l’opposition et des militaires (dont la Franco- Lima
Brasília
vénézuéliens en retraite… provoquent Colombienne
BOLIVIE
une succession de conflits (et de récon- Ingrid Betancourt). La Paz
ciliations). En janvier 2008, les ten- Le viol délibéré du
sions s’amplifient, Bogotá voyant avec territoire équatorien PARAGUAY
déplaisir l’intrusion – et les succès – de provoque l’indignation de Asunción
M. Chávez, qui a endossé le rôle risqué Quito. Tandis que l’Equateur CHILI

de médiateur dans le dossier des « ota- et le Venezuela rompent leurs ARGENTINE


ges politiques » des FARC (son action relations diplomatiques avec la Santiago
URUGUAY
Montevideo Marché commun
permet la libération de six personnes). Colombie, M. Chávez envoie Buenos Aires du Sud
Toutefois, c’est, le 1er mars 2008, des troupes sur la frontière pour Communauté andine
l’attaque lancée par l’armée colom- signifier qu’il ne tolérera pas des nations (CAN)
d’incursions dans son pays. Il Anciens membres
de la CAN
est accusé, comme M. Correa,
Sur la Toile de relations coupables et de Banque du Sud

g Asemblea Popular complicité avec les « terroris- Alternative


bolivarienne pour
Revolucionaria de Venezuela : tes » des FARC. Côté colombien, les Amériques
www.aporrea.org les liens du courant politique de Pays ayant signé un
M. Uribe avec le paramilitarisme traité de libre-échange
avec les Etats-Unis
g Cercle bolivarien de Paris : l’affaiblissent considérablement.
http://cbparis.over-blog.com
Si, depuis, les trois pays ont pro- 0 1 000 km
g Indymedia Bolivia : gressivement restauré leurs relations,
http://bolivia.indymedia.org les facteurs de tension et de défiance Sources : www.mercosur.org ;
www.comunidadandina.org ; www.alternativabolivariana.org
perdurent. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 151

-4-Conflits.indd 151 10/02/09 19:22:03


S

V - L’Afrique au tournant
Périphérie du monde, l’Afrique est au cœur
des grandes manœuvres politiques,
économiques et militaires des plus puissants.
Alors qu’il faudrait répartir le pouvoir
et les richesses entre les continents

e
comme au sein des pays.

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Pages annexes09.indd 153 10/02/09 19:23:24


L’Afrique au tournant

Grandes lignes de fracture


La noria du pillage

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Musiciens - Travailleurs qualifiés

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*Documents de stratégie de réduction de la pauvreté

Une période de transition urant la décennie charnière Sud a scellé la fin symbolique des régi-
s’achève en Afrique. Ouverte 1989-1999, la plupart des mes coloniaux ; le multipartisme s’est
modèles politiques et éco- répandu, parfois avec des tensions, de la
avec la démocratisation, nomiques qui structuraient République démocratique du Congo au
en 1989, elle s’est refermée l’Afrique ont été remis en question. Cap-Vert, en passant par le Kenya ou la
avec l’échec des plans La fin de l’affrontement Est-Ouest a Centrafrique…
éteint des conflits attisés de l’extérieur Plusieurs lignes de fracture apparais-
d’ajustement structurel au (Angola, Mozambique…) ; les régimes sent. L’échec des thérapies néolibérales
début des années 2000. cryptocommunistes ont disparu ou se a, dans la plupart des pays, fait éclater
Le continent en tirera-t-il profit ? sont convertis à l’économie de marché le contrat social issu des indépendances
(Bénin, Ethiopie, par exemple) ; le ren- (en Afrique subsaharienne, l’espérance
versement de l’apartheid en Afrique du de vie à la naissance est retombée à son

154 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 154 10/02/09 20:02:52


du continent noir
niveau de 1970, inférieure à 50 ans). Les neurs, etc. – ou des syndicats qui s’im-
dégâts sociaux ont poussé la Banque posent dans le débat public. Mais c’est Le grand perdant
mondiale et le Fonds monétaire inter- l’irruption des jeunes sur la scène sociale
national (FMI) à parrainer de nouveaux qui taraude le plus les démocraties afri- Indice de développement humain
1
programmes économiques, tels les docu- caines : entre 40 % et 49 % de la popula- Pays riches
ments de stratégie pour la réduction de tion a moins de 15 ans au sud du Sahara. de l’OCDE
0,9
la pauvreté (DSRP). Des remises ou Touchés de plein fouet par la dégradation
annulations de dette sont aussi annon- de l’éducation et par les grandes pandé- Amérique latine
cées, notamment par le G8, telle l’initia- mies, comme le sida, ces jeunes oscillent 0,8 et Caraïbes
tive pays pauvres très endettés. Mais il entre manifestations de colère – comme
s’agit d’actions prisonnières des a priori le montre l’agitation permanente qui 0,7
Asie de l’Est
idéologiques néolibéraux, qui se gardent règne à Abidjan – et dérives en ban- et Pacifique
d’aborder le « débat interdit » sur des des plus ou moins mafieuses – comme 0,6
politiques alternatives. l’illustrent les sabotages criminels dans Asie du Sud

les zones pétrolières du Nigeria. 0,5


DES ÉLITES EN LÉVITATION A ces phénomènes s’ajoute la ten- Afrique
subsaharienne
Les dommages affectant les sociétés sont tation de l’émigration, un phénomène 0,4
considérables : fragilisation du secteur paradoxal puisqu’il prive les Etats de 1975 1980 1985 1990 1995 2004
agricole, paupérisation et exode vers les leurs « forces vives » tout en rapportant
villes. Des conflits sociaux éclatent : au continent 17 milliards d’euros par Mortalité juvénile
mouvement contre la privatisation du an, davantage que les investissements Taux de mortalité des moins de 5 ans
rail au Mali, luttes contre les coupures directs étrangers… pour 1 000 enfants
d’électricité dans les bidonvilles en Afri- Enfin, l’émergence de nouvelles puis- 275
ina Faso
Burkina
que du Sud, « émeutes de la faim », etc. sances africaines ou étrangères dessine 250
Les classes moyennes, laminées durant une autre géopolitique du continent. Les 225 Valeur pour les 20 %
les années 1980, se reconstituent, mais anciennes dépendances sont remises en 200 les plus pauvres
semblent incapables de proposer un Moyenne nationale
question, notamment le néocolonialisme 175 Valeur pour les 20 %
schéma de développement. français. Des puissances mondiales se 150 les plus riches
L’Etat se trouve privé des moyens de positionnent, comme la Chine ou les
125
redistribuer les revenus… La paupérisa- Etats-Unis. Des liens Sud-Sud se déve-
100 Afrique du Sud
tion favorise le malaise dans les armées loppent avec le Brésil ou le Venezuela.
mal dotées, créant des contextes favo- Des parrains régionaux émergent, tels 75
rables aux coups d’Etat, d’autant plus l’Afrique du Sud ou le Nigeria. 50
qu’il n’existe plus d’autorité légitime Le potentiel libérateur de l’actuelle 25
capable de fixer un cap à la société. Des période historique demeure incertain, 0
discours de substitution se développent, mais il plane sur le continent le rêve
ethnicistes (« congolité », « togolité », d’une « seconde indépendance », qui Taux de scolarisation
« ivoirité ») ou religieux (Eglises évan- serait aussi synonyme de progrès éco-
géliques venues des Etats-Unis, islam nomique et social. ● 100 %
Primaire et secondaire
radical). 90 Garçons
La démocratisation a élargi l’espace
politique, mais de manière incomplète. Sur la Toile 80 Filles

70
Les élites africaines vivent en lévitation g Habari, portail des études
africaines (université de Bordeaux) : Afrique
au-dessus des sociétés. La concomitance 60
du Sud
www.africa.u-bordeaux.fr/links.asp Burkina Faso
de la démocratisation et de l’expansion 50
de la mondialisation a en effet créé un g Site d’information Africatime : 40
www.africatime.com
nouveau type de régime politique : les
30
« démocraties FMI ». La sélection des g Sur l’histoire de l’Afrique
de l’Ouest : www.histoire-afrique.org 20
élites y est le produit d’une double dyna-
mique : élections multipartites et adou- g Conseil pour le développement 10
de la recherche en sciences sociales
bement par les institutions financières en Afrique : www.codesria.org/ 0
internationales. French/default.htm Source : Davidson Gwatkin, Shea Rutstein, Kiersten
Johnson, Eldaw Abdalla Suliman, Adam Wagstaff et
De nouveaux acteurs émergent g Actualité culturelle de l’Afrique : Agbessi Amouzou, « Socioeconomic differences in
pourtant, comme les associations – de www.africultures.com health, nutrition, and population », deuxième édition,
2005, Banque mondiale.
femmes, d’artisans, de petits entrepre-

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 155

-5-Afrique.indd 155 10/02/09 20:02:59


L’Afrique au tournant

Reconstruire des sociétés


déchirées par la guerre
’opération la plus spectaculaire Seize des programmes relance du plan DDR. Une trentaine de
concerne la République démo- de désarmement, milliers d’ex-rebelles du Nord ainsi que
cratique du Congo (RDC), qui a 12 000 miliciens du camp présidentiel
connu dix ans de guerre régio- démobilisation et réinsertion bénéficient d’une aide au retour à la vie
nale et d’instabilité après le renverse- des ex-combattants, dits « DDR » civile s’ils ne sont pas intégrés dans les
ment du maréchal Joseph Mobutu par – sur les vingt-deux mis en route « brigades mixtes » de l’armée. Mais la
Laurent-Désiré Kabila (1997). Le pro- lenteur des opérations de désarmement
gramme désarmement, démobilisation sous la tutelle de l’Organisation a fait reporter à plusieurs reprises les
et réinsertion (DDR), complété par un des Nations unies depuis échéances électorales.
programme stratégique national d’inté- le début des années 1990 –, A l’exemple de l’Afrique du Sud,
gration des forces armées, a été lancé la Sierra Leone a créé une Commis-
avec le soutien de la Mission d’obser- concernent des pays africains sion vérité et réconciliation. En outre,
vation des Nations unies au Congo – la sortis de conflits. le Tribunal spécial pour la Sierra Leone,
plus importante opération d’assistance fonctionnant avec l’appui des instances
des Nations unies – avec la formation internationales, a été chargé de juger
de 18 brigades intégrées. les grands criminels, instigateurs de
Sur 190 000 soldats des ex-Forces la guerre civile, comme l’ex-président
armées congolaises et miliciens des rable : le pays, deuxième producteur de libérien Charles Taylor.
divers groupes armés, quelque 100 000 pétrole du continent, est devenu un vaste Le Rwanda a préféré utiliser sa pro-
ont déjà été démobilisés à la fin de 2007, chantier. La réinstallation des ex-com- pre justice pénale et mettre en place des
et 15 000 combattants étrangers rapa- battants, avec leurs familles, concerne tribunaux populaires (gacaca) concer-
triés. Mais des dizaines de milliers de cas près de 1 million de personnes, plus nant localement les « petits » géno-
restent à régler. Et, dans le Nord-Kivu, 3 millions de déplacés. Un demi-mil- cidaires, tandis que le Tribunal pénal
les troupes du général dissident Lau- lion d’Angolais réfugiés à l’extérieur ont international pour le Rwanda, installé
rent Nkunda avaient refusé en 2008 leur regagné le pays ; une centaine de milliers à Arusha, faisait comparaître quelques
intégration au sein des Forces armées résident encore en RDC et en Zambie. Le responsables du génocide, mais avec un
de la RDC (FARDC) : elles exigeaient déminage reste une priorité, notamment moindre effet réconciliateur.
le démantèlement préalable des Forces sur les axes routiers et ferroviaires. Au Congo-Brazzaville, comme
démocratiques de libération du Rwanda Un programme DDR a égale- au Soudan ou en Ethiopie, les procès
(FDLR), héritières de l’ex-armée rwan- ment été lancé au Burundi en 2005 ont été instrumentalisés. L’Ouganda a
daise, qui menaceraient les communau- (55 000 ex-combattants, gardiens de recouru à la formule de l’amnistie. En
tés tutsies de l’Est congolais. la paix, et miliciens), en Centrafrique RDC comme en Côte d’Ivoire, on s’en
(confrontée à des problèmes ethniques), tient à des « dialogues », sans chercher
VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION en Erythrée (200 000 ex-combattants), à situer les responsabilités ni à régler les
Deux missions de l’Union européenne où la guerre larvée avec l’Ethiopie a comptes. Le Liberia a préféré oublier le
appuient ce vaste chantier : l’Eusec, pour entraîné plusieurs interruptions, et enfin passé, redoutant l’extradition de l’an-
la refonte de l’armée (avec notamment au Congo-Brazzaville (30 000 anciens cien président Taylor. Et l’Angola se
la séparation de son commandement et combattants), avec une mise en œuvre limite à l’inauguration de monuments
des finances), et l’Eupol, pour la réforme particulièrement lente. en hommage aux vainqueurs d’une des
de la police. Au Liberia, après une guerre civile plus longues guerres qu’ait connues le
Après une guerre de presque trente de quatorze ans (1989-2003) qui a coûté continent. ●
ans, le programme DDR en Angola a la vie à 250 000 habitants, une centaine
permis, à partir de 2002, la démobilisa-
tion des 80 000 combattants de l’Union
de milliers d’ex-combattants ont été
désarmés et démobilisés, dont 30 000
Sur la Toile
nationale pour l’indépendance de l’An- ont bénéficié d’une formation et tou- g Integrated Regional Information
Networks : www.irinnews.org/fr/pays.
gola (mouvement armé vaincu de Jonas ché une aide à la réintégration. Mais aspx?Region=AFR&Service=FRE
Savimbi, transformé en parti politique), une partie d’entre eux sont devenus des
g Désarmement, démobilisation
dont une fraction a été intégrée à la mercenaires en Sierra Leone, en Guinée- et réinsertion : www.unddr.org
police. Le « dégraissage » des Forces Bissau ou en Côte d’Ivoire. g Club du Sahel et de l’Afrique
armées angolaises, l’armée régulière, a Dans ce dernier pays, un accord poli- de l’Ouest : www.westafricaclub.org
suivi, dans un contexte économique favo- tique, conclu à la fin de 2007, a permis la

156 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 156 10/02/09 20:03:08


La Haye
(PAYS-BAS)
Quelques pas Cour pénale internationale (CPI)
��������������������������������
vers la paix Procès de Charles Taylor ��������������������������
(Liberia) à la CPI
Procès de Jean-Pierre Bemba ������� �����������
(Rép. dém. du Congo) à la CPI ����� �������������������������������������������������������������
�����������������������������������������������������������
Commission �����������������������������������
d’arbitrage �����
Erythrée-Ethiopie
Tribunal spécial ��������������
pour la Sierra Leone ����� �����������������
ÉRYTHRÉE
NIGER
SOUDAN
ÉTHIOPIE
CÔTE ���������������
LIBERIA D’IVOIRE SOMALIE �����������������
CENTRAFRIQUE �����
OUGANDA
CONGO RWANDA
Arusha �����������������
RÉPUBLIQUE BURUNDI (TANZANIE) �����������������
DÉMOCRATIQUE Tribunal pénal ��������������������������
Programmes DU CONGO international
de désarmement, ����� ���������������������������
pour le Rwanda
démobilisation et réinsertion ����� �����������������������������
des anciens combattants, ANGOLA ��������������������
en cours ou terminés MOZAMBIQUE

Processus juridique de soutien ZIMBABWE


NAMIBIE
pour la sortie des conflits
Coût total
Système judiciaire national ou des programmes �����
justice transitionnelle ��� �������������������������
AFRIQUE Millions de dollars
DU SUD ������������������������
Tribunal international Rép. dém. 200
����������������������������
du Congo ������������������������������
Commission vérité et réconciliation
Côte d’Ivoire �������
Processus politique de dialogue national ��� ���
« Amnésie » politique Sierra Leone
Amnistie politique Burundi 100 ���������������������������������
Liberia ��������������������������������
Commission d’arbitrage Soudan ������������������������������
�����������������������
Ouganda �
Source : Centre d’information des Nations ���������� ����� ��������� ���������
unies sur les programmes de désarmement,
démobilisation et réinsertion (UNDDR). ������� ��������� ����������� ����������
0

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L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 157

-5-Afrique.indd 157 10/02/09 20:08:06


L’Afrique au tournant

Clés locales et régionales du


Dans la province occidentale e Soudan a connu deux guerres bes) et la minorité noire africaine chré-
civiles depuis l’indépendance tienne du Sud. Ce diagnostic a volé en
du Darfour, depuis
(1956-1972 puis 1983-2002). éclats lorsque les Noirs musulmans du
février 2003, le gouvernement Toutes deux s’expliquaient par Darfour se sont à leur tour révoltés.
central soudanais répond la volonté de la minorité arabe de la Province périphérique pauvre et éloi-
vallée du Nil d’imposer par la force sa gnée de Khartoum où vit une mosaïque
à une insurrection populaire
domination, afin de conserver des privi- complexe d’ethnies musulmanes noires
par une répression massive lèges sociaux et économiques hérités des africaines ou arabes, le Darfour a été
à caractère génocidaire. périodes de la colonisation égyptienne constamment négligé par tous les régi-
(1821-1885) et britannique (1898-1956). mes, qu’il s’agisse des pouvoirs colo-
Ces deux guerres avaient enraciné l’idée niaux ou plus tard des gouvernements du
selon laquelle le problème du Soudan Soudan indépendant. Il n’en allait guère
venait de la coexistence entre le groupe autrement dans le reste du pays, dont
nordiste islamisé (Noirs africains et Ara- 80 % du territoire restait complètement
sous-développé : jusqu’à l’apparition
de l’économie pétrolière en 1999, les
Conflits au Soudan ÉGYPTE Halaïb faibles investissements se sont tou-
jours concentrés dans le périmètre
Kosti-Atbara-Gedaref-Damazin,
LIBYE le « Soudan utile » où habitent
Port-
majoritairement les trois tribus
Soudan arabes des Chaiqiya, Dana-
gla et Jaaliyin, qui se nom-
l
Ni

Agig
Al-Khandaq ment eux-mêmes avec
fierté awlad al-beled
MER (« enfants du pays »).
ROUGE D’où une citoyenneté
TCHAD de seconde classe
DARFOUR Khartoum
DU NORD pour les autres
ÉRYTHRÉE Soudanais.
KORDOFAN

Al-Fashir
Al-Obeid Kousti ÉTHIOPIE
Al-Jounaynah
Al-Nouhoud
Etats du Darfour en guerre
DARFOUR Nyala depuis 2003
DE L’OUEST Intensification des combats
depuis l’été 2008
DARFOUR DU SUD
Ancienne zone d’action
Abyei de la guérilla du Sud-Soudan
Limite Nord-Sud
Malakal Destruction de la ville par l’armée
BAHR-AL- soudanaise, risque de reprise
GHAZAL du conflit au Sud-Soudan
Nil

Wau Conflits extérieurs au Soudan,


et leurs marges à l’intérieur du Soudan
Concession
CENTRAFRIQUE Total Camps de réfugiés,
Bor de personnes déplacées
Déplacement de populations
fuyant des combats
Yambio Retour de réfugiés
Juba
RÉPUBLIQUE Exploitation
DÉMOCRATIQUE KENYA pétrolière Raffinerie
DU CONGO Oléoduc
0 250 500 km OUGANDA Concessions pétrolières
Sources : ministère soudanais de l’énergie ; European Coalition on Oil in Sudan ; Concessions pétrolières accordées
Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ; Unocha ; Usaid. à la Chine (seule ou en coopération)

158 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 158 11/02/09 10:51:40


génocide au Darfour
Le déclencheur de la révolte tient
au rôle du Darfour en tant que char- Puzzle des tribus du Darfour
nière stratégique avec le Tchad. Dans D é s e r t
les années 1980, alors qu’il cherchait à l i b y e n
r NORD
renverser le régime tchadien de Hissène iH
owa
ad
Habré, le colonel Mouammar Kadhafi Massif W
parvint à mettre dans son jeu le poli- Ennedi
ticien soudanais Sadiq Al-Mahdi : il
aida ce dernier à gagner les élections DARFOUR
TCHAD
de 1986, en échange de bases militai- Z DU NORD
A G SOUDAN
res au Darfour pour attaquer le Tchad. H A W
A KORDOFAN
Mais M. Kadhafi ne se contenta pas d’y Massif M E I D O B Umm Bayada
NORD
envoyer ses soldats, il contribua égale- du Kapka Miski
E R T Sodini
ment à l’armement des tribus arabes, B I
Y A
Z I
qui adhérèrent à la Légion islamique SALIT
E Y A D
que Tripoli venait de créer.
Abéché
MA
Al-Jounaynah Tawila Al-Fashir
T Djebel Marra
500 000 MORTS ? A M A Zalingei 3 088 m
Or les leaders arabes du Darfour – en RIZEIG

majorité des nomades – avaient créé F O AT


DARFOUR U R Al-Nouhoud
une Union islamique qui militait pour DE L’OUEST
Nyala
la domination régionale des tribus ara- BENI HALBA
bes. Les armes et l’argent du numéro un
libyen leur servirent, non à rejoindre sa G G A R A
A Tullus KORDOFAN
lutte antitchadienne, mais à armer leurs B SUD
Buram
compatriotes et à les lancer contre les DARFOUR DU SUD
tribus noires sédentaires. Ainsi débuta CENTRAFRIQUE
CENT
CE
C NTRA
RAFR
FR
FRIQ
RIIQ
QUE
E
A
le conflit du Darfour, qui fit sans doute Radom Bahr- l-Arab

plus de 10 000 morts en seize ans. Principales tribus BAHR-AL- Abyei


MEIDOB Tribu nomade GHAZAL
Dans le même temps, l’élite de la OUEST BAHR-AL-GHAZAL
BERTI Tribu sédentaire
province centrale recruta les habitants NORD
Source : d’après Marc Lavergne, « Darfour : impacts ethniques et territoriaux
du Darfour – Arabes et Noirs confon- d'une guerre civile en Afrique », Géoconfluences, 2006 (http://geoconfluences.ens-lsh.fr).
0 100 km
dus – pour aller combattre les sudis-
tes chrétiens, au nom de l’islam et de
l’arabité. Mais les soldats darfouris se nale » ne réagisse et n’envoie de l’aide che à renverser le président Idriss Déby,
sentirent plus de points communs avec humanitaire et des observateurs, près de a démultiplié les violences transfronta-
leurs « ennemis » sudistes qu’avec leurs 300 000 personnes moururent ainsi, en lières, les deux guérillas s’affrontant sans
maîtres de Khartoum. Les désertions se grande majorité des civils. Les survi- épargner les civils. Face à cette montée
multiplièrent et la guérilla s’organisa au vants refluèrent vers les villes, où l’Or- paroxystique de la violence, qui affecte
Darfour, avec l’aide des rebelles sudis- ganisation des Nations unies (ONU) éta- plus de trois millions de personnes, la
tes, qui y virent l’occasion de gagner des blit avec retard des camps de déplacés « communauté internationale » apparaît
alliés musulmans. pour près de 1,5 million de personnes impuissante. ●
En février 2003, l’insurrection éclata. (sur une population totale d’environ
Les élites arabes de la province centrale 6 millions).
ne pouvaient plus exploiter l’argument Pour sa part, l’Union africaine Sur la Toile
religieux. Elles se replièrent donc sur déploya 7 000 soldats, dont la présence g Human Rights Watch : www.hrw.org
l’utilisation de l’arabité et recrutèrent ralentit les violences sans toutefois y
des auxiliaires arabes pour combattre mettre fin. Depuis un an, l’ONU tente g Physicians for Human Rights :
www.phrusa.org
les Noirs. Mais il était plus facile de de déployer 23 000 hommes supplémen-
frapper les civils que les guérilleros, et taires, mais elle se heurte à l’obstruction g Site d’un mouvement
de guérilla du Darfour :
ces miliciens arabes – les janjawids – du régime de Khartoum. Si bien que le
www.sudanjem.com
se livrèrent à des atrocités à caractère nombre de victimes a sans doute dépassé
génocidaire. le demi-million. g Quotidien anglophone soudanais :
De février 2003 à septembre 2004, En outre, l’implication croissante du www.sudantribune.com
avant que la « communauté internatio- régime soudanais au Tchad, où il cher-

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 159

-5-Afrique.indd 159 10/02/09 20:03:37


L’Afrique au tournant
Richesses et conflits

La démocratie
Nigeria Cameroun
Yaoundé Bangui
Zongo
Malabo
Gem

balbutie au Guinée-
Equatoriale Basan

Congo-Kinshasa
Libreville Mbandaka
Bo
Gabon Congo

Inongo
Bolobo

Bandundu BANDU

Après trente-deux ans de pouvoir du dictateur Joseph Mobutu Brazzaville Kinshasa

et deux guerres (1996-1997 et 1998-2002) qui ont fait 4 millions Pointe-Noire Madimba
BAS-
Cabinda Kenge
CONGO Kikwit
de morts, les élections de 2006 en République démocratique (Angola) Boma Mbanza-
Ngungu
Matadi
du Congo, remportées par Joseph Kabila avec 58 % des voix, Thi

ont été un succès à la fois logistique et politique.


L’aide occidentale se faisant attendre, la Chine est bien accueillie. OCÉAN
ATLANTIQUE
Luanda

Angola
argement financées par l’Union éducation, santé, accès à l’eau potable.
européenne, les élections de Ayant choisi l’ouverture à l’Occident Camacupa
Lobito
2006 ont donné la majorité par- et mené à terme le processus électo-
Benguela Kuito
lementaire à l’Alliance pour une ral, il croyait pouvoir compter sur une Huambo
majorité présidentielle, coalition de plu- contribution européenne substantielle.
sieurs formations ayant soutenu Joseph Mais, deux années après les élections, 0 500 1 000 km
Kabila. Antoine Gizenga, 82 ans, a été moins du quart des montants promis
nommé premier ministre. Ancien vice- a été déboursé, et le Fonds monétaire
premier ministre de Patrice Lumumba, international (FMI) reporte toujours Corridor chinois : construction et réhabilitation des
assassiné en janvier 1961, il dirige le davantage le « point d’achèvement » infrastructures routières et ferroviaires par les compagnies
d’Etat chinoises China Railway Engineering Corporation et
Parti lumumbiste unifié (PALU) et qui permettrait une remise substantielle Synohydro d’après l’accord passé avec la Gécamines
cohabite au sein du gouvernement avec de la dette de 15 milliards de dollars (société d’Etat congolaise)
François Nzanga Mobutu, fils de l’an- (contractée du temps de Mobutu), dont Meurtres de masse : territoires dans lesquels entre 4 et
cien dictateur, vice-premier ministre le remboursement absorbe un tiers du 4,6 millions de personnes sont mortes à la suite des
chargé de l’agriculture. Aux yeux des budget de l’Etat. guerres de l’est du Congo entre 1998 et 2008
Congolais, il s’agissait là d’un symbole Nord-Kivu : zone de guerre où depuis août 2008
Source
de réconciliation réunissant plusieurs CONTRAT DU SIÈCLE s’affrontent les Forces nationales de la République du juin 20
Congo, les Forces démocratiques de libération du IPIS R
pans de l’histoire troublée du pays. Or Ce désenchantement explique le contrat Rwanda et les Maï-Maï (milices locales) contre les BBC «
M. Gizenga a démissionné le 25 sep- signé en septembre 2007 avec la Chine : forces du Congrès national pour la défense du peuple juillet

tembre 2008. moyennant l’accès à des gisements recé-


Jean-Pierre Bemba, leader du Mou- lant 10 millions de tonnes de cuivre,
vement pour la libération du Congo 200 000 tonnes de cobalt et 372 tonnes a suscité dépit et critiques en Occident,
(MLC), qui a perdu l’élection présiden- d’or, deux entreprises d’Etat chinoises tandis que le FMI s’inquiétait des ris-
tielle, n’a pas pu occuper son poste de – China Railway Engineering Corpora- ques d’un nouvel endettement.
sénateur et de leader de l’opposition : il tion et Synohydro – se sont engagées Parallèlement à ces espoirs de
a dû quitter Kinshasa après la neutrali- à construire, entre autres, 3 000 kilo- reconstruction et à la mise en place pro-
sation de sa milice, qui, en mars 2007, a mètres de routes et voies de chemin de gressive des institutions démocratiques,
fait plus de 600 morts. En mai 2008, la fer, 31 hôpitaux de 150 lits, 145 cen- la situation demeure critique dans l’est
Cour pénale internationale (CPI) l’a tenu tres de santé et quatre universités. Cette du pays. Officiellement, les efforts de la
pour responsable de crimes de guerre, opération s’accompagne d’un prêt de Mission des Nations unies en Républi-
dont des viols massifs, commis par ses la China Exim Bank, pour un montant que démocratique du Congo (Monuc),
troupes lors de leur intervention en Cen- de 8,5 milliards de dollars, qui pourrait qui déploie toujours 17 000 hommes sur
trafrique en 2002. encore augmenter. Ce « contrat du siè- le terrain, ont contribué à pacifier le
M. Kabila a détaillé les chantiers cle » a ravivé les espoirs d’une popula- district de l’Ituri ; quatre chefs de ban-
de la reconstruction : restauration du tion qui désespérait de toucher un jour des armées ont été arrêtés et transférés
réseau routier et des chemins de fer, les dividendes de la démocratie, mais il auprès de la CPI à La Haye.

160 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 160 10/02/09 20:04:12


Centrafrique Soudan Transports et
Obo infrastructures
Bangassou Yambio Ethiopie Voies ferrées interrégionales
angui
Zongo Ango
Bondo
Gbadolite LAC Voies ferrées en construction
Gemena Dungu TURKANA
Moto Routes goudronnées
Nebbi
Lisala Aketi Buta Mungbere
Bumba Pistes
PROVINCE ORIENTALE ITURI Bunia LAC
Basankusu ALBERT
Autres routes
ÉQUATEUR Ouganda
Kisangani Kilo Kenya
Mbandaka NORD- LAC Kampala Régions dans lesquelles
ÉDOUARD les routes sont souvent
Boende KIVU impraticables
Ubundu Kanyabayonga
République Rutshuru
LAC
VICTORIA Aéroports
Goma Nairobi
démocratique Punia Rwanda
Inongo
olobo du Congo KASAÏ MANIEMA LAC Kigali
Bukavu KIVU
dundu BANDUNDU Kindu SUD- Burundi
ORIENTAL
KIVU Uvira
Ressources énergétiques
Ilebo
Bujumbura Tanzanie et minières
sa
KASAÏ
Lusambo Kasongo Ujiji Tabora Diamant
Kenge Luebo
Kikwit Itigi
Kananga Mbuji Mayi Kalemie Coltan
Dodoma
Kabinda Kabalo Or
Thikapa Morogoro
Mpanda Dar es-Salaam
OCCIDENTAL Manono
Moba Plomb et zinc
LAC
Pweto OCÉAN
TANGANYIKA Manganèse
SHABA Kamina Mbeya Ifakara INDIEN
(KATANGA) LAC Nakonde Kibau U Uranium
Luena MWERU Tukuyu

Kisenge Région stannifère


Dilolo
Luau LLikasi
Kolwezi
Région cuprifère
U
Malawi (réserves prouvées :
U LLubumbashi 70 millions de tonnes)
acupa
Kasumbalesa Mpika LAC
MALAWI
Kuito Chingola Pétrole
o Ndola Mozambique
Zambie Serenje Lilongwe Charbon
Petauke
km Kapiri Mposhi
Kabwe Barrages hydroélectriques
Lusaka Zimbabwe

ion des Zone de combats entre l’Armée de résistance du Seigneur Quartiers généraux de la Monuc : en novembre 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies
pagnies et les forces régulières congolaises, ougandaises et a décidé de faire passer le nombre des casques bleus à 20 000 en 2009
ation et soudanaises
camines Tous les groupes armés – y compris les forces régulières – commettent de très graves violations des
Principaux flux de personnes déplacées depuis août 2008
droits fondamentaux (pillages, viols, meurtres, recrutements d’enfants-soldats). Ils sont aussi
souvent impliqués dans les trafics de matières premières, d’armes et de drogue.
4 et Zone de forte concentration de personnes déplacées
des (environ 1,5 million dans l’ensemble du Congo
oriental, dont 1 million dans le Nord-Kivu)

2008
Sources : Mission des Nations unies en République démocratique du Congo ; Monuc-DPKO Gis Unit ; Unocha ; Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ; carte UNJLC_RDC_02,
e du juin 2006, Centre logistique commun des Nations unies ; Steven Spittaels et Filip Hilgert, « Mapping Conflict Motives : Eastern DRC », marche 2008, International Peace Information Service ;
n du IPIS Research Web Map Eastern DR Congo ; « Mortality in the Democratic Republic of Congo. An ongoing crisis », International Rescue Committee, janvier 2008 ; Tim Whewell,
e les BBC « Newsnight » ; Colette Braeckmann, Le Soir ; African Development Bank Group ; Africa Research Bulletin ; « Natural Resource Exploitation and Human Security in the DRC », Pole Institute,
ple juillet 2004 ; Railway Gazette International ; Ushahidi Project ; Energy Information Administration.

Cependant, dans le Sud-Kivu, les


femmes restent victimes de violences
très lourd : près de 1 300 000 déplacés
internes ; quatre enfants sur cinq privés
Sur la Toile
sexuelles, principalement commises par d’éducation ; et surtout un record tra- g Mission des Nations unies en
République démocratique du Congo :
des bandes armées composées de Hutus gique, celui des viols, dont le nombre
www.monuc.org
rwandais, réfractaires au retour dans leur s’élève, rien qu’au Nord-Kivu, à 50 cas
pays. Dans le Nord-Kivu, des groupes par jour. g Site d’information congolais :
www.digitalcongo.net
de Hutus et de combattants congolais L’état de guerre persistant dans les
affrontent régulièrement les troupes provinces de l’Est, bastion électoral du g Radio Okapi : www.radiookapi.net
du général Laurent Nkunda, arrêté le président Kabila, demeure la princi- g Observatoire de l’Afrique centrale :
www.obsac.com
22 janvier 2009 au Rwanda. pale hypothèque pour un régime que la
En pleine restructuration, l’armée diversification de ses relations économi- g Le fouineur de RDC :
congolaise a essuyé plusieurs défaites ques et la révision des contrats miniers http://rd-congoinfo.blogspot.com
face aux rebelles, ce qui a amené la léonins conclus avant les élections ont g Global Witness :
« communauté internationale » à prô- brouillé avec certains « protecteurs » www.globalwitness.org
ner la négociation. Le bilan demeure occidentaux, dont la Belgique. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 161

-5-Afrique.indd 161 10/02/09 20:04:23


L’Afrique au tournant

Trois décennies
de famines et
de conflits
ÉRYTHRÉE
Akordat
Keren
MER
ROUGE

Massaoua
Iles
Dahlak
Sanaa
Incendies
Asmara
YÉMEN Moukalla
Badme
Aksoum Adwa
Détroit de Ahvar
Mekele Bab Al-Mandeb
SOUDAN Assab
Sekotar Aden
Gondar Ras Doumeira
Ras-Doumeira GOLFE
Lac D’ADEN Alula
Tana Djibouti Bosaso
Zeila
Dese
Lac Bulhar Hafun
Debre Abbé Berbera (Dante)
ÉTHIOPIE Markos Hargeisha
Hargeisa
Dire Dawa Somaliland
Asosa Ankober Gardo
Bender-
Burao
Addis-Abeba Harer Puntland Beila
Las Anod

Metu Garoe Eyl OCÉAN


Asela
Ginir Uardere
El Hamurre INDIEN
Jima
Dalle
Galcaio
Goba Ogaden
Lac SOMALIE
Abaya
Nagele Hobyo
El Goran
Harardhere
Oromo Dolo Oddur Belet
Kakuma Uen El Dere
Mega
Ganane Bulo Burti
Moyale
Baidoa
Baïdoa
OUGANDA Lac Gioha
Turkana
Lac Mogadiscio
Kyoga Soroti Marsabit Bardera
Wajir
Merca
Mbale Eldoret
KENYA
KENYA Brava
Jinja Nanyuki
Kakamega Giamama 0 250 km
Kisumu Embu Garissa
Lac Nakuru Kisimaio
Victoria Conflits et zones de tension
Piraterie maritime Conflit ouvert, violence permanente
Nairobi Ras Kamboni
Tentative d’attaque de navire (haute intensité)
Sécurité alimentaire Attaque de navire réussie Conflit ouvert, nombreux actes
Nourriture disponible Principaux ports d’attache des pirates de banditisme, combats sporadiques,
Territoires fonctionnant Navires de guerre américains, territoires dont le contrôle échappe
Parfois manquante de manière autonome européens, russes et indiens luttant au pouvoir central (basse intensité)
Route stratégique d’approvi- contre la piraterie Pas de combats actifs, mais très fortes
Très souvent manquante sionnement pour l’Ethiopie
Présence américaine tensions et instabilité, accrochages
Situation de quasi-famine Autres routes importantes sporadiques
Base Facilités
Sources : The Economist ; Programme alimentaire mondial ; Unocha ; Unosat ; Intervention de l’armée éthiopienne (qui
Radio France Internationale ; Reuters ; Agence France-Presse. Attentats antiaméricains s’est retirée de Somalie en janvier 2009)

Guerres de frontières, ’Erythrée, indépendante depuis attribuant la cité à l’Erythrée. Un homme


conflits régionaux, terrorisme, 1993, est le pays le plus belli- sur cinq porte un uniforme dans ce pays,
ciste de la région : la résurgence où les partis et les médias indépen-
armées et flottes étrangères, d’un vieux conflit territorial dants restent interdits. Asmara appuie
pirates, crise alimentaire… : avec Djibouti – sur quelques centaines également les rébellions éthiopiennes
la Corne de l’Afrique de mètres, mais au bord du détroit stra- (Ogaden, Oromo) et arme l’opposition
tégique de Bab Al-Mandeb – a dégé- islamiste somalienne.
est à nouveau en feu. néré en miniconflit armé en mai 2008. Addis-Abeba se trouve engagé sur
Le contentieux avec l’Ethiopie pour le plusieurs fronts : en Somalie, d’où ses
contrôle de la zone-frontière de Badme troupes ont commencé à se retirer en
n’est pas éteint, en dépit d’une guerre janvier 2009 sans avoir pu stabiliser
qui avait fait une centaine de milliers de le régime de transition du président
morts entre 1998 et 2000, et d’une déci- Youssouf Abdullahi ; le long de la fron-
sion de la Cour de justice internationale tière érythréenne, où il déploie plus de

162 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 162 10/02/09 20:04:33


en série dans la Corne
100 000 soldats ; dans le pays oromo, à 14 millions le nombre de personnes
où il a lancé depuis 2007 une vaste opé- menacées de famine dans les pays de la Sur la Toile
ration de ratissage contre la rébellion Corne (Kenya inclus). g Site d’information en français
séparatiste, qui avait revendiqué plu- Les Etats-Unis, qui ont installé à Les nouvelles d’Addis :
www.lesnouvelles.org
sieurs attaques contre l’armée et contre Djbouti leur seule base militaire sur le
une installation pétrolière chinoise. La continent africain (1 900 hommes), sont g Centre culturel indépendant
répression s’est poursuivie en 2008 dans partie prenante dans les conflits régio- Espace Reine de Saba :
www.espacereinedesaba.org
l’Ogaden, limitrophe de la Somalie. naux : après avoir tenté de l’empêcher
Faute d’accès à la mer, l’Ethiopie en 2006, ils ont discrètement appuyé g Site d’information africaine :
http://fr.allafrica.com
– poids lourd de la région, avec 80 mil- l’entrée des troupes éthiopiennes en
lions d’habitants – se repose sur le petit Somalie et pratiquent eux-mêmes des
Djibouti et son port, auquel la relie cha- assassinats ciblés dans ce pays, au nom
que jour une noria de 300 camions : une de la « guerre contre le terrorisme » cée après 2001 –, pour tenter de sécuri-
artère vitale qui fait le bonheur du petit (cinq opérations en 2007-2008). Ils ont ser une des principales routes maritimes
Etat, sécurisé par des bases militaires inscrit sur leur liste des organisations du globe, dans la hantise d’un « djihad
française et américaine. terroristes la milice Shahab, bras armé maritime » : 45 navires de gros tonnage
La Somalie, « éclatée » depuis la des ex-Tribunaux islamiques, qui a pris franchissent chaque jour le détroit de
chute du régime de Siad Barré, en 1991, le contrôle en janvier 2009 de la ville de Bab Al-Mandeb (plus de 16 000 par an).
reste le principal cancer de la Corne. Baidoa, siège du parlement. Cette forte concentration de navires de
L’ancien président Youssouf, qui a fini Les Américains représentent égale- guerre, amplifiée à partir de 2009, n’a
par démissionner en décembre 2008, ne ment les principaux contributeurs de la pas empêché le développement de la
contrôlait qu’une partie de la capitale, Task Force 150, une escadre occiden- piraterie au large des côtes somaliennes
où les violences n’ont pas cessé depuis tale constituée sous le label « Enduring – devenu un des secteurs maritimes les
la débâcle des Tribunaux islamiques, Freedom » (« Liberté immuable ») lan- plus dangereux du monde. ●
qui avaient perdu, en décembre 2006,
les régions sous leur contrôle dans le
centre et le sud du pays. Le Somali-
land au nord et le Puntland au nord- Réfugiés, déplacés, migrants par millions
est se comportent comme des nations MER
ROUGE
indépendantes, bien qu’elles ne soient ÉRYTHRÉE Iles
YÉMEN
Keren Dahlak
reconnues par aucun Etat. Akordat Massaoua
Sanaa
195 000
Asmara Moukalla
TERRORISME OU PIRATERIE Badme
Taiz Ahvar
Depuis le début des années 1990, une Aksoum
Assab GOLFE
D’ADEN
dizaine de tentatives pour ramener la SOUDAN Ras Doumeira Aden
Lac 8 000
paix en Somalie ont échoué. Une des Tana Djibouti
dernières, en mai 2008, à Djibouti, avait Lac
Zeila Bosaso
Abbé Bulhar Berbera Puntland
débouché sur une trêve aussitôt contes- ÉTHIOPIE
Somaliland
Dire Dawa
tée par l’aile islamiste la plus dure, qui Asosa Addis-Abeba Hargeisa
Burao Gardo
Harer
exigeait une évacuation préalable des
Metu
soldats éthiopiens, « ennemis d’Allah ». Las Anod Garoe
L’Union africaine, avec les contingents Uardere
400 000
ougandais et burundais de l’Amisom, a Lac
Abaya
Galcaio

été impuissante à prendre leur relève, de SOMALIE OCÉAN


même que l’ONU, qui n’a pas envoyé les INDIEN
casques bleus promis. Belet 1 100 000
Lac Uen
Cette imbrication des conflits et des Turkana Bulo Burti

intérêts bloque toute évolution vers une OUGANDA Gioha


Wajir
gouvernance de type démocratique : les Mogadiscio
0 250 km
1 100 000
présidents sont inamovibles (Erythrée, 750 000
Ethiopie, Djibouti) ou inexistants (Soma- Principaux camps de réfugiés
lie) ; les oppositions partout réprimées. KENYA Points d’arrivée sur la côte yéménite
Garissa Principales routes migratoires
L’Organisation des Nations unies pour Lac
l’alimentation et l’agriculture et le Pro- Victoria Nairobi Nombre de réfugiés et déplacés
Sources : HCR ; IDMC ; Uscri ; Danish Refugee Council.
gramme alimentaire mondial estimaient

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 163

-5-Afrique.indd 163 10/02/09 20:04:42


L’Afrique au tournant

L’influence de l’Afrique du
Plusieurs grands pays étrole, gaz, diaspora et média- vres maritimes historiques que le pays a
tion régionale pour le premier ; organisées avec New Delhi et Brasília.
affirment leur rôle sur
services, infrastructures et bons L’Afrique du Sud dispose d’indéniables
le continent. Le duel à offices pour le second : le Nige- atouts économiques : son produit inté-
distance entre Abuja et ria et l’Afrique du Sud restent les deux rieur brut représente un quart de celui de
grands rivaux en matière de leadership l’Afrique noire, et 92 % des compagnies
Pretoria tourne à l’avantage
diplomatique et économique de l’Afrique inscrites à la Bourse de Johannesburg
de l’Afrique du Sud. Accusée subsaharienne. La compétition s’inten- travaillent sur l’ensemble du continent.
d’impérialisme économique sifiera en raison des positionnements A quoi s’ajoutent des atouts politiques :
différents des deux Etats. La campagne le chantre d’une renaissance africaine
par ses voisins, celle-ci voit
de séduction que mènent ces deux géants cherche à promouvoir de nouvelles
monter la concurrence auprès des nouvelles puissances du Sud conditions de développement, présen-
de l’Angola et de l’Ouganda. (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, mais tées comme plus adaptées au continent.
aussi Russie, Iran et pays du Golfe) porte Cependant, nombre de pays s’affirment
sur l’accès au cash-flow de ces nations déçus par l’arrogance économique de
émergentes. Mais elle concerne aussi, à Pretoria et sa façon parfois cynique de
plus long terme, la place à prendre dans défendre ses intérêts.
le cas d’une réforme des Nations unies La « nation arc-en-ciel » surveille
qui porterait le nombre des membres du tout concurrent marchant sur ses pla-
Conseil de sécurité à 25 ; le nombre de tes-bandes, qui sont loin d’être limitées
sièges permanents serait porté à 11, et à l’Afrique australe. Ainsi de l’Angola,
deux autres seraient attribués au conti- devenue en 2008 la première puissance
nent africain. pétrolière de l’Afrique subsaharienne, et
Les rôles pourraient être ainsi répar- qui a renoué avec la croissance depuis la
tis : au Nigeria, celui de missi dominici fin de la guerre civile en 2002. Luanda
des Etats-Unis – et depuis peu de la continue de considérer le Congo, et ses
Russie et de l’Iran – sur le continent ; à richesses minières, comme son arrière-
l’Afrique du Sud, celui de tête de pont cour, alors que l’Afrique du Sud souhaite
de l’Union européenne et aujourd’hui plus que jamais y investir.
de l’Inde et du Brésil. Cependant, dans Depuis ce début de siècle, on assiste
cette lutte d’influences, Pretoria creuse plus globalement à un glissement des
l’écart, comme le montrent les manœu- axes de pouvoir vers l’Est africain,

Mortalité des enfants de moins de 5 ans Espérance de vie


Sahara Sahara
occidental occidental

Mauritanie Mauritanie
Mali Niger Mali Niger
Sénégal Tchad Erythrée Erythrée
Sénégal Tchad
Gambie Burkina Soudan Djibouti Gambie Burkina Soudan
Guinée- Guinée Faso Guinée- Guinée Djibouti
Faso
Bissau Bénin Nigeria Somalie Bissau Bénin Somalie
Sierra Côte Ghana Ethiopie Sierra Côte Ghana Nigeria Ethiopie
Leone d’Ivoire Centrafrique Leone d’Ivoire Centrafrique
Liberia Cameroun Liberia Cameroun
Togo Togo
Guinée- Ouganda
Guinée- République OugandaKenya
Equatoriale Gabon Kenya Equatoriale Gabon démocratique
République Rwanda du Congo Rwanda
Congo démocratique Burundi Congo Burundi
du Congo Seychelles
Tanzanie Seychelles Tanzanie
Comores Comores
Jusqu’à 40 ‰ Angola Moins de 42 ans Angola
Malawi Malawi
De 41 à 119 ‰ Zambie De 42 à 46 ans Zambie
Mozambique Mozambique
De 120 à 139 ‰ De 46 à 53 ans Zimbabwe
Namibie Zimbabwe Madagascar Namibie Madagascar
De 140 à 199 ‰ Botswana De 53 à 60 ans Botswana
Plus de 200 ‰ Maurice Plus de 60 ans Maurice
Swaziland
Données non disponibles Swaziland Données non disponibles
Afrique Lesotho Afrique
du Sud du Sud
Source : Africa Development Source : Africa Development
Indicators 2007, Banque mondiale. 1 000 km Indicators 2007, Banque mondiale. Lesotho 1 000 km

164 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 164 11/02/09 17:21:57


Sud est contestée
incarné par une génération de dirigeants
– éthiopiens, ougandais, rwandais – sou- Trois puissances émergentes en concurrence
vent légitimés par la lutte armée de libé-
ration contre une occupation étrangère
ou contre des pouvoirs honnis. Ces chefs
d’Etat, qui combinent la plupart du temps
économie libérale et force de frappe d’un
ancien parti unique, savent utiliser les
arguments pragmatiques qu’il faut pour Mali Niger
Tchad Erythrée
engager l’Occident à leurs côtés.
Casamance Burkina Soudan
Faso Djibouti
Guinée Bénin
RIVAL OUGANDAIS Nigeria Somalie
Sierra Leone Côte Togo Ethiopie
Tel est le cas du Soudan. Malgré les cri- Liberia d’Ivoire Ghana Centrafrique
tiques internationales, légitimes, adres- Cameroun
sées à Khartoum, son régime reste un Ouganda
Kenya
élément-clé de l’équilibre d’une sous- Congo Rép. dém.Rwanda
région sahélienne couvrant le Tchad, du Congo Burundi
mais aussi la Centrafrique, toujours au Tanzanie
bord de l’embrasement. C’est le cas Comores
aussi d’Addis-Abeba dans la Corne
Angola Zambie Malawi
de l’Afrique. L’Ethiopie s’est rendue
incontournable auprès de l’administra- Mozambique

tion Bush en jouant les supplétifs dans Puissance régionale Namibie Zimbabwe Madagascar
majeure, et zone d’influence Maurice
le dossier somalien. Le règlement de la économique et politique
Botswana
situation au Soudan et l’amélioration de Puissance régionale Swaziland
la gouvernance éthiopienne devraient secondaire, et zone
être deux priorités africaines pour le d’influence et d’action Afrique Lesotho
Liens économiques ou politiques
du Sud
nouveau gouvernement américain. forts (exploitation de matières
D’autres pays entrent en jeu, pro- premières, force de maintien
de la paix, effort de médiation
fitant des crises de leurs voisins. Il en dans les conflits internes)
est ainsi de l’Ouganda. Bien qu’af- Interventions militaires 1 000 km
fecté durement par le chaos qui s’est Sources : Philippe Leymarie et Philippe Rekacewicz ; The Economist ;
emparé du Kenya – nœud commercial Agence France-Presse ; Reuters ; International Herald Tribune ; Associated Press. Voir aussi la carte p. 82.

de l’Afrique de l’Est – au début de 2008,


le régime de Yoweri Museveni compte
tirer profit de sa propre stabilité politi-
que. Il souhaite poursuivre des réformes Trois pays, trois indicateurs
libérales pour mieux séduire les milieux
d’affaires échaudés par la crise kényane. Espérance de vie PIB par habitant Exportations de biens et services
Années Milliers de dollars Pourcentage du PIB
Une étude menée au printemps de 2008 70 6 100
par le Steadman Group, spécialisé dans
l’information stratégique, estime ainsi 5 80
que l’Ouganda « pourrait tirer profit de 60
la situation pour attirer des investisseurs 4
de son côté de la frontière et donner un 60
coup de fouet à son économie ». ● 50 3
40

Sur la Toile 40
2

20
g Union africaine : 1
www.africa-union.org

g South African Institute of 30 0 0


1960 1970 1980 1990 2000 07 1960 1970 1980 1990 2000 08 1960 1970 1980 1990 2000 08
International Affairs : www.saiia.org.za
Afrique du Sud Soudan Nigeria Source : Banque mondiale, 2008.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 165

-5-Afrique.indd 165 11/02/09 17:22:07


L’Afrique au tournant

L’Afrique, courtisée par ÉTATS-UNIS


les militaires étrangers EUCOM

Présence militaire CHINE

Américaine Centre de commandement de Siège provisoire


Commandement des forces américaines en l’armée américaine pour l’Europe de l’Africom
Afrique (Africom) : programmes et activités
militaires pour une Afrique « stable et sûre » Stuttgart CENTCOM
FRANCE
Centre de commandement régional
Ancienne zone de commandement en Afrique
Zone actuelle de commandement hors Afrique AFRICOM VIe flotte
Centre de commandement
de l’armée américaine
Coopération militaire : formation, Maroc Tunisie pour la région du Golfe
fourniture de matériel et soutien technique
Base militaire Algérie Libye Bahreïn
Egypte Ve flotte
Présence militaire en 2008 Mauritanie
Présence navale Sénégal
Mali Erythrée
Niger Djibouti
Française Guinée- Tchad Soudan
Bissau Guinée PACOM
Coopération militaire Bénin Ethiopie
Programme Recamp1 Liberia Nigeria
Centrafrique Somalie
Base de stationnement d’effectifs Côte d’Ivoire Cameroun
et de moyens permanents Togo Kenya
Ghana Guinée- Ouganda Seychelles
Présence navale Equ. Gabon Rwanda
IIe flotte Rép. dém. Burundi
Chinoise du Congo Tanzanie Mayotte
Coopération militaire : formation,
fourniture de matériel et soutien technique Malawi Madagascar Maurice
Angola
Contact militaire officiel Zambie Mozambique Réunion
1. Le programme Recamp est une initiative de la France, dont l’objectif Zimbabwe
est d’entraîner et d’équiper des bataillons de maintien de la paix à Namibie
l’échelle régionale. Depuis 2008, il est transféré à l’échelle de l’Union Botswana
européenne, sous le titre d’Euro-Recamp.
Sources : rapport du Congrès américain « Africa command : US strategic interests and the role of the US Afrique
military in Africa », Lauren Ploch, août 2008 ; www.state.gov ; compilation de données des différents ministères du Sud
de la défense et des affaires étrangères, 2008 ; The Military Balance, Institut international d’études stratégiques
(Londres) ; Africa-Asia Confidential, volume 1, n° 13, novembre 2008. Voir aussi les cartes p. 62 et 172.

Déploiement contrarié
pour les forces américaines
Le 6 juin 2008, Washington nnoncée le 6 février 2007 par ciers et d’aide à la « gouvernance » –
renonçait provisoirement l’ancien président des Etats- culminant en juillet 2003 avec la visite
Unis George W. Bush, la mise de M. Bush dans des Etats jusqu’alors
à transférer sur place en place du commandement chasse gardée des anciennes puissances
le quartier général des forces américaines en Afrique (Afri- (à l’exception notable de l’Afrique du
du commandement des forces com) répondait à plusieurs objectifs stra- Sud, déjà liée aux Etats-Unis) : Angola,
tégiques : contrer la menace islamiste, Gabon, Sénégal, Nigeria, São-Tomé-
américaines en Afrique. protéger les sources d’approvisionne- et-Príncipe, Mali, Niger et Tunisie.
Un échec sans doute, mais qui ment en matières premières en ces temps L’apparition, en 2003, de l’islamisme
n’arrêtera pas les ambitions de crise énergétique et, enfin, faire face radical du Groupe salafiste pour la pré-
à la Chine, qui déploie de nombreux dication et le combat, rebaptisé depuis
américaines sur le continent. moyens politiques, financiers, voire Al-Qaida au Maghreb islamique, a
humains, pour s’approprier une zone donné aux Etats-Unis une justification
vitale pour son économie. supplémentaire à leur stratégie militaire
Depuis le 11‑Septembre, Washing- en Afrique, notamment par le dévelop-
ton a lancé une offensive diplomatique pement de divers programmes d’aide
– non sans promesses de moyens finan- militaire.

166 L’Atlas du Monde diplomatique

-5-Afrique.indd 166 11/02/09 15:33:50


Ces programmes ont pour objectif en Côte d’Ivoire, indiquait l’objectif
de « standardiser » les moyens militaires d’un changement radical. Pourtant, la Sur la Toile
africains selon les normes américaines : tradition « françafricaine » demeure. g Article sur la présence militaire
française en Afrique : www.cfr.org/
instruction des forces spéciales, équipe- En témoigne le soutien massif apporté publication/12578/french_military_in_
ments et moyens matériels, etc. Il s’agit au gouvernement tchadien contre des africa.html
aussi de former à ces normes les élites rebelles appuyés par le Soudan voisin, g Africom : www.africom.mil
militaires et administratives encore lar- sans compter l’apport français à l’Eufor
g Article sur la présence militaire
gement influencées par les anciennes Tchad-Centrafrique. Créée comme une des Etats-Unis en Afrique :
puissances coloniales. Tous les pays force européenne d’interposition, celle- www.cfr.org/publication/13255
d’Afrique entrent dans le champ d’ap- ci, du fait des réticences de l’Allemagne g The Global Peace Operations Initiative.
Background and Issues for Congress :
plication de ces programmes qui, sans et du Royaume-Uni, a reposé essentiel- www.fas.org/sgp/crs/misc/RL32773.pdf
aboutir à la création de bases militaires lement sur la France, qui a fourni 2 100
permanentes (à l’exception de celle de de ses 3 500 soldats entre mars 2008 et
Djibouti), ont permis de mettre en place mars 2009.
des missions militaires et des antennes Depuis mai 2008, une Ecole interna- soutien de la paix, par le réseau des
autorisant une intervention venue de tionale des forces de sécurité (Eiforces), attachés de défense en poste en Afrique
l’extérieur. opérationnelle en 2009, a été créée au et des équipes permanentes d’instruc-
Mais le commandement américain Cameroun, avec encadrement par des tion militaire peu nombreuses (moins
pour l’Afrique était divisé en deux zones : conseillers militaires français : elle vise de 200 hommes), positionnées notam-
sept pays (Egypte, Soudan, Erythrée, à la formation d’un millier de policiers ment en Sierra Leone. L’International
Djibouti, Somalie, Ethiopie, Kenya) et gendarmes africains par an pour les Military Assistance and Training Team
dépendant du Centcom (Proche-Orient opérations de sortie de crise et de main- (Imatt), basée au Kenya, conduit dans la
et Asie centrale), le reste de l’Afrique tien de la paix. région des formations de « prédéploie-
dépendant de l’Eucom (Europe) – ano- Le Royaume-Uni, enfin, apporte, ment » pour des contingents se prépa-
malie que corrige la création récente de dans une vingtaine de pays, une assis- rant à rejoindre des missions de paix de
l’Africom. tance à la formation aux opérations de l’Union africaine. ●
A défaut d’obtenir l’accord d’un
pays africain, l’Africom a établi son
siège à son ancien quartier général de
Stuttgart (Allemagne). Il bénéficie pour
Aide au développement Tunisie

Maroc
2009 d’un budget de 392 millions de Algérie
dollars (75,5 en 2008). Et les Etats-Unis Sahara Libye Egypte
multiplient les gestes envers les autres occidental
pays militairement représentés en Afri-
que. C’est le cas depuis 2004 dans le Mauritanie
Mali
Cap-Vert Niger
cadre de l’Africa Clearing House – un Sénégal Tchad Erythrée
programme d’échange de renseigne- Gambie Casamance
Burkina Soudan
Djibouti
Guinée-
ments en matière de sécurité avec les Bissau Guinée Faso
Bénin Somalie
Côte
Européens. Sierra
Leone d’Ivoire Nigeria Ethiopie
Ghana Centrafrique
Liberia Togo Cameroun
9 000 SOLDATS FRANÇAIS São-Tomé-et-Príncipe
Ouganda
Guinée-Equatoriale
A la différence des Etats-Unis, la France Gabon
Congo Kenya
République Rwanda
dispose en Afrique de nombreuses bases démocratique Burundi Seychelles
militaires dans le cadre d’accords de du Congo
Aide publique au développement Tanzanie
défense : 9 000 soldats étaient déployés Dollars par habitant en 2005
en 2008 au Sénégal, au Gabon, en Côte Moins de 25 Angola
Comores
d’Ivoire, au Tchad, en Centrafrique et à Malawi
De 25 à 40 Zambie
Djibouti, avant une réduction d’effectifs Mozambique

de 2 000 hommes prévue en 2009. De 40 à 50 Zimbabwe


Namibie Madagascar
« La France n’a pas vocation à main- De 50 à 100 Botswana
tenir indéfiniment des forces armées en Plus de 100 Maurice
Afrique. » Cette déclaration du président Swaziland
Données non disponibles
Nicolas Sarkozy devant le Parlement Afrique Lesotho
du Sud
sud-africain, le 28 février 2008, suivie Source : Programme des Nations unies
1 000 km
pour le développement, 2005.
d’une réduction de la force Licorne

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 167

-5-Afrique.indd 167 11/02/09 15:33:58


L’Afrique au tournant

L’action de la communauté
Missions de paix et tribunaux l’exception de trois missions taire américaine, la deuxième mission de
internationaux accompagnent au Congo et en Egypte dans l’ONU en Somalie va payer le prix du
les années 1960 et 1970, les retrait des marines, au lendemain de la
les guerres africaines missions de paix de l’Organi- mort, à la fin de 1993, de 18 d’entre eux,
des deux dernières décennies. sation des Nations unies (ONU) furent tués et mutilés dans les rues de Mogadis-
Mais le projet d’endiguer par absentes d’Afrique pendant la guerre cio par les hommes de Mohamed Farrah
froide. En 1989, le lancement de l’opé- Aidid. En 1994, la mission au Rwanda
ces instruments la vague ration en Namibie marqua le début d’un assiste impuissante à un drame bien
de conflits que connaît grand déploiement. Depuis, 23 des pire : le génocide des Tutsis, qui dure
le continent tarde à faire 44 missions créées par l’ONU ont été trois longs mois.
mises en place sur le continent noir. Confrontées à la multiplication des
la preuve de son efficacité, De taille et de durée variables, elles guerres pendant la décennie 1990, deve-
tant sont lourds les enjeux comptent de quelques dizaines d’obser- nues médiateur et pacificateur privilé-
politiques. vateurs à des milliers de casques bleus gié des sociétés en conflit, les Nations
et durent entre à peine un mois et plus unies peinent à satisfaire les attentes.
d’une dizaine d’années. Elles se dis- Le développement des missions souf-
tinguent aussi par leurs objectifs, pou- fre de graves problèmes de gestion, et
vant aller de la simple observation d’un c’est l’attitude politique des Etats les
cessez-le-feu à la reconstruction. plus puissants à leur égard qui déter-
Le pic des missions de paix de l’ONU mine le plus souvent leurs succès ou
en Afrique s’est produit entre 1989 et la leurs échecs. Il en fut ainsi précisément
fin de la décennie 1990. Cette période à propos du Rwanda en 1994.
a vu le déploiement de quatorze « mis-
sions africaines », contre sept depuis ABSENCE DE VOLONTÉ
l’an 2000. Certaines des missions de A la fin des années 1990, le déploie-
la première génération ont connu des ment des missions de l’ONU en Afrique
succès : en Namibie, au Mozambique et, baisse de moitié, mais leur durée et leur
�������������������������� dans une moindre mesure, en Sierra importance augmentent nettement, sans
Leone et au Liberia. On leur aboutir pour autant nécessairement à
reconnaît un bon accompa- une issue positive. En Côte d’Ivoire, en
gnement de la transition République démocratique du Congo, à
de la guerre à la paix, la frontière entre l’Erythrée et l’Ethio-
moment crucial pen- pie de même que dans le Sud-Soudan,
dant lequel il s’agit après de longues années de présence
de superviser onusienne, les situations demeurent, au
����� le respect mieux, instables et volatiles.
d’accords Avec le conflit au Darfour, le refus
������
de pacifi- des autorités soudanaises d’accepter
cation, des soldats de la paix non africains
��������
d’encadrer sur leur territoire favorise la mise en
������� ����� le retour œuvre d’une solution africaine, par le
des réfugiés, déploiement d’une mission de l’Union
�������������������� ��������� de veiller au africaine (UA). Mais, faute de moyens,
���������� ��������� ��������
������������������� �������� désarmement cette solution s’avère inefficace et ouvre
�� et à la démo- la piste à une formule conjointe ONU-
bilisation des UA, qui souffre, quant à elle, des défauts
combattants ainsi communs aux initiatives de ces deux
�� qu’à l’organisa- organisations : absence de moyens et de
� tion d’élections. volonté politique.
Le bilan paraît A travers le Tribunal pénal inter-
��������������� ���������������
moins flatteur pour national pour le Rwanda et le Tribunal
��������������������������������������
les missions menées spécial pour la Sierra Leone, les Nations
������������������ en Somalie et au Rwanda unies sont très présentes dans l’autre
����������������������������������������������
������������������������������������������
pendant la même période. grand espace de pacification des sociétés
Dépendante de la présence mili- africaines victimes de conflits. Ces deux

168 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 168 11/02/09 15:34:17


internationale en question
Les Nations unies omniprésentes 1. Ce chiffre comprend les militaires,
le personnel civil international et
local, ainsi que les volontaires de
l’ONU.
Missions en cours : effectif présent
au 30 septembre 2008.
SAHARA OCCIDENTAL Missions terminées : effectif au plus
Minurso (1991) LIBYE ÉGYPTE fort de l’opération.
Budget 2 : 48 2. Budget prévu pour l’année 2008-
2009, en millions de dollars.

LIBERIA SOUDAN
Minul (2003) AFRIQUE
TCHAD-CENTRAFRIQUE Minus (2005)
Budget 2 : 631,7 Budget 2 : 859
SÉNÉGAL MALI at (2007)
Minurcat
Budget 2 : 315 ÉRYTHRÉE
BURKINA
GUINÉE-BISSAU FASO SOUDAN-DARFOUR
BÉNIN Unamid (2007)
SIERRA NIGERIA Budget 2 : 1 569
CÔTE D’IVOIRE ÉTHIOPIE
LEONE Onuci (2004)
Missions de maintien
Budget 2 : 497,46 CAMEROUN
de la paix de l’Organisation
des Nations unies
En cours Terminées (voir liste ci-dessous) OUGANDA
RÉP. DÉM. SOMALIE
CONGO DU CONGO
Cour internationale Initiative de paix RWANDA
Monuc (1999)
de justice Budget 2 : 1 243
Mission politique spéciale
Procédures contentieuses BURUNDI
mise en place par l’ONU
Différend frontalier Tribunal pénal international pour le Rwanda
Tribunal spécial pour la Sierra Leone
Intrusion armée Commission vérité et réconciliation
ANGOLA
Effectif 1 des missions de maintien de la paix de l’ONU MOZAMBIQUE
En cours Terminées
22 000 20 000

10 000 NAMIBIE
BOTSWANA

500 Sources : Organisation des Nations unies,


AFRIQUE programme Peacekeeping, 2008 ;
DU SUD Cour internationale de justice, 2008.

Coût des missions de maintien de la paix terminées : SIERRA LEONE


Monusil (1998-1999)
ÉGYPTE ANGOLA SOMALIE LIBERIA 13 millions de dollars
FUNU I ET II Unavem I, II et III Onusom I et II (1993-1995) Monul (1993-1997) Minusil (1999-2005)
(1956-1967 et 1973-1979) (1988-1997) 1,6 milliard de dollars 104 millions de dollars 2,7 milliards de dollars
660 millions de dollars 1 milliard de dollars RWANDA-OUGANDA TCHAD-LIBYE ÉTHIOPIE-ÉRYTHRÉE
CONGO Monua (1997-1999)
ONUC (1960-1964) Monuor (1993-1994) Gonuba (1994) Minuee (2000-2008)
294 millions de dollars 2 millions de dollars 60 000 dollars 113 millions de dollars
400 millions de dollars
NAMIBIE MOZAMBIQUE RWANDA CENTRAFRIQUE BURUNDI
Ganupt (1989-1990) Onumoz (1992-1994) Minuar (1993-1996) Minurca (1998-2000) ONUB (2004-2006)
369 millions de dollars 493 millions de dollars 454 millions de dollars 101 millions de dollars 678 millions de dollars

institutions – tout comme la Cour pénale tations. Pendant ce temps, les victimes
internationale, dont l’Afrique reste le des crimes sur lesquels elles enquêtent Sur la Toile
principal terrain d’enquêtes – s’inscri- s’interrogent sur le bien-fondé d’une g Tribunal pénal international pour
le Rwanda : www.ictr.org
vent dans une longue histoire institution- justice qui leur semble s’opposer à la
nelle, qui commence avec les tribunaux paix. Pour autant, l’existence même de g Tribunal spécial pour la Sierra
Leone : www.sc-sl.org
de Nuremberg et de Tokyo. ces tribunaux a favorisé l’inclusion de g Centre for Humanitarian Dialogue :
En terres africaines, entre chantages procédures de justice dans la plupart des www.hdcentre.org
et instrumentalisation, ces institutions négociations et accords de paix qui ont g Opérations de paix de l’ONU :
se heurtent aux enjeux politiques qui contribué à la fin des conflits africains www.un.org/french/peace/reports/
peace_operations
pèsent d’un poids décisif sur leurs orien- depuis le milieu des années 1990. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 169

-5-Afrique.indd 169 11/02/09 15:34:25


L’Afrique au tournant

La démocratisation n’est pas


Derrière une normalité sorties négociées de l’autoritarisme, en recensement truqués. Les difficultés
garantissant souvent, il est vrai, à l’an- de l’alternance demeurent structurelles
apparente – séparation des
cienne classe dirigeante de conserver ses tant que l’armée n’est pas neutre, qu’il
pouvoirs, pluralisme syndical positions et ses habitudes. n’existe pas de pression en amont visant
et médiatique, organisation Ces espoirs se heurtent toutefois à des à la transparence des élections et que per-
obstacles, car la démocratisation a été siste le tripatouillage constitutionnel.
d’élections pacifiques –,
adoptée sans modèle théorique ni tradi- Depuis 2006, quelque 59 millions
la démocratisation en Afrique tion de réflexion critique et autonome sur d’Africains ont participé à des élections
présente bien des l’Etat de droit, les formes de la citoyen- présidentielles dans 12 pays, avec un
neté et les institutions démocratiques. taux de participation de 67,3 %. Dans
singularités et n’exclut pas la
Ainsi, la dénonciation prend le neuf cas, le sortant a été réélu, avec une
persistance de manipulations dessus sur les satisfecit, et l’instabilité marge allant de 67 % en Gambie à 42 %
constitutionnelles, coups d’Etat, postélectorale supplante l’application en Zambie. En Mauritanie, le scrutin
des programmes de gouvernement. La présidentiel de 2007 a mis fin à la transi-
élections truquées
libéralisation politique n’a pas débouché tion amorcée en août 2005 par le putsch
et contestées… sur la responsabilisation des régimes ; du colonel Ely Ould Mohamed Vall. Le
d’où la contestation permanente de la président Sidi Mohamed Ould Cheikh
1975 197
régularité des élections. Les campagnes Abdallahi, a été investi le 19 avril 2007,
électorales suscitent aussi une réappa- mais renversé à son tour en août 2008.
rition des clivages et conflits commu- Au Maroc, la possibilité de voir
ès 1990, des systèmes politiques nautaires dans l’espace public, dans les islamistes entrer au 1974
pluralistes s’implantent dans un contexte de construction d’identités gouvernement a été 1968 1969 1970 1971 1972 1973
plusieurs pays et réussissent à nationales plurielles encore fragiles. Les écartée avec la
s’ancrer grâce à l’émergence élections oscillent ainsi entre rejet et défaite rela- 1966 1967

de sociétés civiles dynamiques, pour institutionnalisation. tive du 1965


déboucher ensuite sur des alternances Le résultat des urnes exprime davan- Parti 1964

politiques pacifiques. tage la volonté du prince que celle du de


Certes, la médiocrité des change- peuple, dont les dirigeants deviennent, au 1963
ments de la vie quotidienne et le cynisme fil du temps, de moins en moins enclins 1962
de certains nouveaux élus ont renforcé le à accepter le contrôle. On observe ainsi
scepticisme dans certains pays et amorcé de nouvelles formes de dictatures, qui
une nouvelle vague de troubles ; mais passent pour des démocraties, mais 1961 Idi Am
toutes les transitions n’ont pas connu dont les ressources stratégiques uti- 1960

une telle dérive. La pacification de cer- lisées sont identiques : violation des
tains pays est passée par la transforma- libertés publiques, arrestation des
tion de mouvements de guérilla en partis adversaires politiques, confisca- Jean-Bédel Bokassa
politiques acceptant le débat électoral et tion des médias et des finances
le choix des électeurs. Dans d’autres cas, publiques pour une campagne
le retour au multipartisme a permis des personnelle, référendum et

Sur la Toile Régimes politiques depuis l’indépendance


g Gouvernance démocratique Dictature, régime totalitaire, parti
en Afrique : www.undp.org/ unique ou démocratie de façade
Démocratie émergente
africa/french/governance.shtml
Démocratie, multipartisme 1958 1959
g African Centre for Democracy and et élections libres
1957
Human Rights Studies : www.acdhrs.org 1941 Date d’indépendance,
1956
si antérieure à 1950
g African Elections Database : Principaux coups d’Etat
http://africanelections.tripod.com/index.html 1951 1952 1953 1954 1955

g Pambazuka News : 1941


1950

www.pambazuka.org 1922

g Freedom House : 1910


1847
www.freedomhouse.org
1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975 197

170 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 170 11/02/09 15:44:28


un long fleuve tranquille
la justice et du développement aux irrégularités. Après le chaos, le pays s’en Moroni et autorités de l’île d’Anjouan,
législatives du 7 septembre 2007 – du est remis. Au Kenya, le chef de l’opposi- sur laquelle les forces armées de l’Union
fait du découpage électoral et du mode tion Raila Odinga a été nommé premier africaine ont rétabli l’ordre constitution-
de scrutin. ministre le 13 avril 2008, contribuant à nel le 25 mars 2008.
Au sud du Sahara, la dégradation faire retomber la violence postélecto- De toute évidence, l’Afrique semble
de la situation de certains pays a anni- rale. Au Zimbabwe, le président Robert souffrir d’une démocratie qui se heurte
hilé les améliorations enregistrées dans Mugabe résiste, avec le soutien de l’ar- aux équilibres ethniques. Minorités et
d’autres. Le durcissement observé a mée, aux résultats des urnes, même s’il majorités se substituent au réel enjeu de
été provoqué soit par le déclenchement a dû accepter la formation d’un gouver- la compétition démocratique. Et même
de nouveaux conflits (Tchad), soit par nement d’union nationale. l’opposition, faiblement institution-
une sortie de crise qui s’éternise (Côte Dans l’océan Indien, seule l’Union nalisée, agit au gré d’une multiplicité
d’Ivoire). Au Nigeria, Umaru Yar’Adua des Comores a connu des remous dus d’arrangements, zigzaguant au gré des
a été élu le 21 avril 2007, malgré des au contentieux entre pouvoir central de circonstances. l
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
1990 1991 1992 Erythrée
1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 Namibie
1977 1978 1979 Robert Mugabe Zimbabwe
1975 1976 Djibouti
Mozambique
São-Tomé-et-Prínc.
Cap-Vert
Comores
1974 Angola
973 Guinée-Bissau
Swaziland
Teodoro Obiang Guinée-Equatoriale
Botswana
Lesotho
Gambie
Zambie
Malawi
Tanzanie
Kenya
Burundi
Algérie
Rwanda
Idi Amin Dada Yoweri Museveni Ouganda
Sierra Leone
Bénin
Madagascar
Mali
sa Centrafrique
Niger
Sénégal
Nigeria
Burkina Faso
Denis Sassou Nguesso Denis Sassou Nguesso Congo
Joseph Mobutu Rép. dém. du Congo
Mauritanie
Gnassingbé Eyadema Togo
Hissène Habré Tchad
Côte d’Ivoire
Paul Biya Cameroun
Omar Bongo Gabon
Siad Barré Somalie
Lansana Conté Guinée
Ghana
Soudan
Zine El-Abidine Ben Ali Tunisie
Hassan II Maroc
Mouammar Kadhafi Libye
Mengistu Hailé Mariam Ethiopie
Egypte
Afrique du Sud
Charles Taylor Liberia
973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Sources : African Elections Database ; Freedom House, Map of Freedom in the World 2008 ; The Found for Peace, Failed States Index 2008 ; Transparency International.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 171

-5-Afrique.indd 171 11/02/09 15:44:35


L’Afrique au tournant

Mort et résurrection de la
Près de cinquante ans après a France demeure un acteur l’immigration et de l’identité nationale,
politique, militaire et économi- Brice Hortefeux, accroît le ressentiment
les indépendances, la France
que majeur du continent afri- et les frustrations des jeunes populations
n’a plus de projet affirmé en cain, mais elle fait face à une africaines. Des manifestations de pro-
Afrique. Incapable de rompre concurrence nouvelle, tant commerciale testation accueillent parfois les avions
(chinoise) que militaro-diplomatique qui, en provenance de Paris, raccom-
vraiment avec la tradition
(américaine). Loin de clarifier la stratégie pagnent, avec la complicité des polices
« françafricaine », elle voit française, l’arrivée au pouvoir de Nico- locales, les clandestins expulsés (comme
son influence contestée las Sarkozy a encore brouillé les cartes. à Libreville, Dakar, Bamako).
Après son discours très paternaliste et En Afrique, on accuse la France d’hy-
jusque dans son pré carré,
méprisant, en juillet 2007, à Dakar, les pocrisie lorsqu’elle proclame son attache-
notamment par les Etats-Unis ambassadeurs français, consultés par le ment au continent. Si bien que certains
et la Chine. Quai d’Orsay, ont confirmé une nette responsables politiques de l’ancien pré
dégradation de l’image de la carré français n’hésitent plus à
France en Afrique. afficher de nouvelles ami-
Le durcissement tiés, avec Washington
de la politique par exemple. C’est
d’immigration le cas du président
����������������
sous la direc- �������������� ��������������� sénégalais Abdou-
tion de l’ex- ����� laye Wade. D’au-
���������� ���� ����������������
����� ��������
ministre de ����������� ���������
tres prennent
�������
���� ��������� ��������� leurs distances,
������������
�����
����� comme le pré-
���� ��������� �������������� sident ivoirien
��������������������� �����������
�����
�������� ������
�����������
������
���� Laurent Gbagbo,
������������� �������
�������
��������������������� ���������� qui cultive un
����� ���� ����������
�������
�����������
cer tain nationa-
������ �������������
�������
�����
lisme que ses par-
����������
������� tisans traduisent par
des propos antifrançais.
����������
����� Secrétaire d’Etat à la coopé-
���� ������
��������
ration, l’ex-socialiste Jean-Marie
����� ������ ��������
�������
������� ������� ������ Bockel avait affirmé vouloir « signer
�������������
������
���� ��������� �����
l’acte de décès de la “Françafrique” ».
��������
���� ���� �����
������������ ��������
������������ Il visait explicitement les liens publics et
�������� �����
����� �������� �������� �������� privés, souvent opaques, qui attachent la
������� France à nombre de régimes francopho-
������� ����� ��������
����� ����� ����������� nes depuis les indépendances. S’y mêlent
������� ��������� ����� ��������������
����������
����
soutien à des régimes autoritaires, intérêts
�����
�����������������������������
�������� �������
���������� économiques et géopolitiques, réseaux
�����
������������������ personnels d’« amitiés ».
������������������ �������
���������������������� DE JUTEUX BÉNÉFICES
��������������������� �������
����������������������������� �������� Durant sa campagne électorale en
����������������������� 2007, M. Sarkozy avait lui-même laissé
�������������� ���������� �������
������������������������ �������� entendre qu’il mettrait en œuvre cette
���������������������������� ������� « rupture » dans les relations avec l’Afri-
��������������������������
que. Mais la « Françafrique » se révèle
��������������������������� ������� � �������� résistante, et M. Bockel a été « démis-
��������������������������
������ sionné », sous la pression, semble-t-il,
���������������������������
������������������������������������
du président Omar Bongo. Le chef de
��������������������������������
������������������������������������� ������� ���������������������������� l’Etat gabonais représente un des plus
������������������������������������������������������������� anciens piliers de la « Françafrique », et
���������������������������������� �������������������������������������������������������������
����������������������������������� ��������������������������������������������������������� la France détient, dans son pays, d’im-
portants intérêts pétroliers.

172 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 172 11/02/09 15:34:50


« Françafrique »
Le successeur de M. Bockel, Alain
Joyandet, a vite mis les choses au point. ������������������������
Son premier déplacement en Afrique a
été pour le président Bongo, à Libreville. �������
Le nouveau secrétaire d’Etat affirme
�����
sans détour que son objectif principal �����
est la défense des intérêts économiques
������� ������
hexagonaux en Afrique. Il est vrai que
les performances dans ce domaine se ���������� ����
dégradent. La Chine est devenue le pre- ���� ������� �����
�����
mier fournisseur de l’Afrique noire ; les ���� ������� ������
��������
������ ���� ����
entreprises françaises se trouvent de ������� ������ ����� ��������
������ ����
plus en plus sur la défensive, à tel point �������� ��������
��������
������ ������� ������������
qu’elles ne prennent même plus la peine �����
�������
de répondre à certains appels d’offres, ������� ����� �������
����� �������
�����������
convaincues d’être distancées par leurs ��������� �����
concurrentes asiatiques. ����������� ���� ������
����� ��������
Cependant, si la situation se dété- ����� �������
riore, le continent demeure une terre ����������� ��������
de juteux bénéfices pour les grands ����������������� ������ �������
groupes comme Bolloré, Rou- ������������ ������ ������
gier, Areva. Les dirigeants ��������������� ����������������
français, tous bords confon- ����������������� ����������������������� �������� ����������
��������������������� �������
������� �������� ����������
dus, n’hésitent pas à met- ������������������� ������������
tre leurs réseaux d’amitié ����� ���������������������
au service de la conquête ���������������������������� ���������
������� ������� �������
des parts de marché. ��� ������������������������������ ������
�������������������������� � ��������
Sur le terrain diplo-
���
matique et militaire, la �����������������������������������������������������������������������������������������
France semble se chercher. �� ���������������������
� ������������������������������������������������������������������������������������������������
« Ni ingérence ni indiffé- ������������������������������������������������������
rence », avait proclamé le pre-
mier ministre Lionel Jospin après le
putsch de Noël 1999 en Côte d’Ivoire. après un silence lourd d’hésitation, Paris
�����������������������
Mais, si Paris affirme ne plus vouloir a apporté un soutien politique et logis-
jouer le rôle de « gendarme » du conti- tique remarqué au régime chancelant
nent, les habitudes paraissent difficiles d’Idriss Déby. Il est vrai qu’on vient de
à modifier. Durant l’hiver 2007-2008, découvrir du pétrole au Tchad.
A Pretoria, à la fin de février 2008,
Sur la Toile M. Sarkozy a annoncé une renégocia-
tion de tous les accords militaires de la
g Organisation internationale France sur le continent noir : il s’agirait
de la francophonie : de purger les accords de défense passés
www.francophonie.org avec huit Etats d’Afrique francophone ����
����
g Groupe de recherche et de tout ce qui pourrait concerner la
d’initiative pour la libération sécurité intérieure de ces pays. Cette
de l’Afrique : www.grila.org annonce a suscité des réactions contras-
tées (inquiétudes à Dakar, soulagement
g Association Survie : à Abidjan). ���������
http://survie.org ��������������
Paris souhaite « européaniser » ses �����������������
g Magazine « Continent premier » :
interventions sur le continent, comme le ������ �������
www.continentpremier.info
montre la force Eufor Tchad-Centrafri- ������
g Site sur Thomas Sankara : que. Mais les réticences de certains par- �����
�����
www.thomassankara.net/ tenaires européens de la France laissent
�������������������������������������������������
présager que le chemin sera long. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 173

-5-Afrique.indd 173 11/02/09 15:34:59


L’Afrique au tournant

Malgré le sida, la croissance


Sur le continent africain, près quatre siècles de dépeu-
le sida n’aura pas les effets plement et de stagnation, Pyramides des âges Age
90 90
la population de l’Afrique comparées en années
80
démographiques dévastateurs subsaharienne est passée 70
annoncés. La fécondité reste de 95 millions d’habitants en 1900 à Niger 60
Les Nigériennes ont 50
élevée et baisse de manière 830 millions en 2008. Et, malgré des 7 enfants en moyenne 40
systèmes de santé déficients, la morta- au cours de leur vie
(moins de 2 en Tunisie) 30
inégale. Les jeunes n’ont lité y a reculé, l’espérance de vie à la 20
HOMMES 10
jamais été aussi nombreux. naissance passant de 38 ans vers 1950
0 0
Et l’Afrique subsaharienne à 50 ans dans les années 1980. 400 300 200 100 0 0
L’extension de l’épidémie du VIH- Milliers de personnes
pourrait compter entre sida, les guerres et la détérioration des Age
90 90
en années
80
1,5 et 2 milliards d’habitants systèmes de santé ont donné un coup 70
en 2050, ce qui pose d’arrêt à ces progrès, voire entraîné ici Tunisie 60
et là une régression. Mais, vingt ans 53 % des Tunisiennes 50
des défis nombreux. utilisent une 40
après, la mortalité recule de nouveau. méthode moderne de
contraception 30
Grâce à de meilleures estimations et au HOMMES 20
(5 % au Niger)
succès des campagnes de prévention, 10
les statistiques révisent à la baisse le 0 0
400 300 200 100 0 0
pourcentage de personnes infectées par Milliers de personnes
le VIH-sida : 5 % pour l’ensemble de
l’Afrique subsaharienne, avec cependant
Sida : l’Afrique subsaharienne de fortes variations selon les pays. d’Afrique australe, les plus touchés. En
meurtrie mais mieux soignée On ne prévoit donc plus de décrois- Afrique de l’Ouest, région moins affec-
sance de population, même dans les pays tée, l’impact de l’épidémie sur la crois-
Porteurs du sida sance démographique semble négligea-
Près de 33 millions Europe de l’Est ble. Toutefois, le sida reste un problème
Europe de l’Ouest
de personnes
et Europe centrale
et Asie centrale majeur de santé publique pour l’Afrique
1 500 000
Amérique 730 000 subsaharienne, où plus de 22 millions de
du Nord personnes sont infectées.
1 200 000 Asie de l’Est
Afrique du Nord
740 000 Au début des années 2000, les fem-
et Proche-Orient
Caraïbes 380 000
230 000
Asie du Sud mes d’Afrique subsaharienne donnaient
et du Sud-Est
Amérique 4 200 000 en moyenne naissance à 5,5 enfants,
latine contre 2,5 en Asie et en Amérique latine.
1 700 000
Afrique subsaharienne Océanie
Les baisses de fécondité y apparaissent
22 000 000 74 000 récentes, lentes et inégales. Cela s’ex-
plique largement par la faible utilisa-
tion de la contraception, conséquence
du peu d’engagement des autorités et de
2002 Fin 2006 la société civile – contrairement à ce qui
s’est passé en Asie, en Amérique latine
et en Afrique du Nord. Actuellement,
plus de 60 % des femmes asiatiques et
latino-américaines et plus de 50 % des
Nord-Africaines utilisent une méthode
Afrique
subsaharienne moderne de contraception, contre 15 %
en Afrique subsaharienne.
L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique
Personnes ayant accès centrale affichent les pourcentages les
aux trithérapies plus faibles, souvent inférieurs à 10 %.
Pourcentage des malades Elles se caractérisent aussi par la plus
Plus de 75 % De 50 à 75 De 25 à 50 De 10 à 25 Moins de 10 lente progression annuelle de l’utili-
Sources : Onusida, « Rapport sur l’épidémie mondiale de sida 2008 » ; Atlas mondial de la santé, Autrement, 2008
sation de la contraception : au mieux
(cartes : Cécile Marin) ; « Progress on global access to HIV antiretroviral therapy », Organisation mondiale + 0,5 % par an. A ce rythme, il faudra
de la santé (OMS), Onusida, 2006 ; librairie cartographique de l'OMS, 2007.
cent ans pour que le niveau d’utilisation

174 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 174 11/02/09 15:35:07


démographique se poursuit
90 90 Age
Tunisie Sur la Toile Evolution des classes
en années g Bureau régional de l’OMS en Afrique :
80
www.who.int/about/regions/afro/fr/ d’âge en Afrique
70
60
Niger
g African Population Database Millions de personnes
50 Documentation (PNUE - Columbia
1 000
40 University) : http://na.unep.net/ Projections 1
30 globalpop/africa/
20 900
10
FEMMES g Réseau Sida Afrique :
www.reseausida.org de 0 à 24 ans
0 0
0 0 100 200 300 400 800

90 90 Age Sources : Atlas de la 1. Hypothèse


en années population en ligne, les actifs, plus nombreux, plus instruits, de fécondité
80 Institut national des études 700 moyenne.
70 démographiques, 2008 ayant moins d’enfants à charge, peuvent
60 (données 2007) ; « World
contraceptive use 2007 »,
investir davantage en faveur de la crois-
600
50 division de la population sance économique de leur pays.
40 des Nations unies, 2008
(données 2004). L’un des enjeux auxquels devront
30 500
20 FEMMES
faire face la plupart des pays d’Afrique
10 subsaharienne concerne la démographie.
Base rétrécie
0 0 La comparaison des pyramides des âges 400
0 0 100 200 300 400
prévues en 2050 pour la République de 25 à 60 ans
démocratique du Congo, selon deux 300
hypothèses de fécondité, l’illustre bien :
de la contraception moderne passe de avec 3,5 enfants par femme en 2050, 200
10 % à 60 %. la pyramide des âges continue à s’élar- de 60 à 80 ans
Ainsi, au début des années 2000, gir ; en passant de 6,5 à 2,5 enfants par 100
quatre Subsahariennes sur cinq vivaient femme, la base de la pyramide se stabi- 80 ans
et plus
dans des pays où la transition de la lise. Mais, pour nombre de pays, une telle 0
fécondité était lente, voire n’avait pas évolution paraît improbable, sauf enga- 1950 1970 1990 2010 2030 2050
1960 1980 2000 2020 2040
commencé, où moins de 20 % des fem- gement des autorités, des populations et
Source : World Population Prospects : The 2006 Revision
mes utilisaient une méthode moderne des partenaires au développement. ● Database, division de la population des Nations unies.
de contraception, et où la progression de
son utilisation était faible. La baisse de
la fécondité, et la révolution contracep-
tive qui l’accompagne, paraît donc en Maternités adolescentes
panne en Afrique subsaharienne.
A titre d’exemple, la comparaison,
en 2005, des pyramides des âges de deux
pays – le Niger, où la transition de fécon-
dité s’amorce à peine, et la Tunisie, qui
l’a menée à son terme – est saisissante.
Le Niger a vu sa population multipliée
par 6 entre 1950 et 2005, avec un élargis-
sement continu de la base de sa pyramide
– il est vrai qu’il a fait des efforts consi-
Moyenne
dérables pour soigner mères et enfants et Afrique
pour accroître la scolarisation primaire subsaharienne :
121 ‰
(sans atteindre pour autant la scolarisa-
tion pour tous). En Tunisie, la population
a triplé, mais avec une pyramide stabi-
lisée. Dans un tel contexte, le pays peut
consacrer l’ensemble de ses budgets à Données Nombre de naissances
non disponibles Pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans
la scolarisation primaire universelle et à
l’augmentation de la scolarisation dans Moins de 15 De 15 à 30 De 30 à 53 De 53 à 100 Plus de 100
le secondaire et le supérieur. De plus,
Source : World Development Indicators 2008, base de données en ligne de la Banque mondiale (données 2006).
avec l’évolution de la pyramide des âges,

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 175

-5-Afrique.indd 175 11/02/09 15:35:15


L’Afrique au tournant

Migrations, entre forteresse


Les migrants africains ontinent le plus concerné par les Dans les années 1990, ces flux
sont pris entre le marteau migrations – 2,3 % de la popu- migratoires étaient principalement for-
lation, soit quelque 14 millions cés, sous l’effet de conflits armés (Sierra
et l’enclume : alors que de personnes, résident hors de Leone, Liberia, Côte d’Ivoire, Républi-
l’Europe durcit les conditions leur pays d’origine –, l’Afrique voit que démocratique du Congo) : l’Afrique
d’accès à l’espace Schengen, chaque année 4 millions de ses habi- abrite toujours le quart des réfugiés rele-
tants prendre les routes de l’immigration vant du mandat du Haut-Commissariat
on assiste à la montée légale comme illégale. Ces chemins, des Nations unies pour les réfugiés, soit
de la xénophobie qui mènent en partie hors du continent, 2,4 millions de personnes. Les départs
en Afrique du Sud. ont comme principaux viviers l’Ouest s’expliquent désormais majoritairement
(4,7 % de sa population) et la région des par des raisons économiques.
Grands Lacs (4,2 % de la population). Les drames de l’émigration clan-
destine vers l’Europe – hier via Ceuta
et Melilla, aujourd’hui en transitant
Les chemins de croix par les îles Canaries – tueraient
chaque année en mer plus
de 2 000 personnes. De
EUROPE 65 000 à 120 000
Subsahariens
CANADA
rallieraient
ÉTATS-UNIS 6 500 morts chaque
500 morts
année
600
morts
600 morts
1 500
morts
ALGÉRIE

SAHARA
OCCIDENTAL

1 500
morts YÉMEN
SÉNÉGAL Population réfugiée
Situation en juin 2008
ÉRYTHRÉE

CÔTE D’IVOIRE SOMALIE 350 000


SOUDAN
TOGO NIGERIA ÉTHIOPIE
LIBERIA
De 250 000
CENTRAFRIQUE à 200 000
CAMEROUN
OUGANDA De 150 000
RWANDA à 100 000
GABON De 70 000
CONGO à 50 000
RÉP. DÉM.
DU CONGO TANZANIE 20 000
Barrières de protection des territoires et moins
600
« sanctuarisés », destinées à empêcher le passage morts
des migrants clandestins : grillages, murs, contrôles ANGOLA Population déplacée
militaires et policiers, surveillance électronique et à l’intérieur du pays
thermique.
6 000 000
Mayotte
Zone de contrôle avancée : accords politiques et (Fr.)
policiers entre l’Union européenne et les pays de ZIMBABWE
ZIMBABWÉ
transit.

Migrants décédés par noyade, hypothermie ou


épuisement. La taille des carrés est proportionnelle
au nombre de morts (hypothèse a minima) entre 1 000 000
1993 et 2009.
700 000
AFRIQUE
Voir aussi les cartes p. 17, 75, 118 et 119. DU SUD 200 000
Sources : HCR, IDMC, Uscri, Agence suédoise de développement,
gouvernement du Nigeria ; Migrinter, Migreurop, United Against Racism.

176 L’Atlas du Monde diplomatique

-5-Afrique.indd 176 11/02/09 15:35:26


Europe et mirage austral
le Maghreb, dont 70 % en direction de
la Libye et le restant vers l’Algérie et Les médecins qui manquent à l’Afrique
le Maroc. Au moins 100 000 migrants
subsahariens vivraient en Mauritanie et Effectifs de médecins
par pays dans les années 2000
en Algérie, plus de 1 million en Libye 150 000
et près de 3 millions, principalement
soudanais, en Egypte.
La fuite des cerveaux, elle, pousse- 36 000
rait 20 000 Africains hautement qualifiés 10 000
à s’expatrier chaque année. Si bien que
2 000
20 % de la population subsaharienne et moins
titulaire d’un diplôme de l’enseignement Part des médecins travaillant
supérieur travaillerait dans un pays de dans leur pays d'origine
l’Organisation de coopération et de Part des médecins ayant migré pour travailler
à l’étranger (France, Royaume-Uni, Etats-Unis,
développement économiques. Canada, Australie, Portugal, Espagne et Belgique)
A ces facteurs économiques s’ajoute
désormais une tendance notée avec 44 700 2 140
Australie
inquiétude par l’Espagnol Javier Solana, Europe
haut représentant de l’Union européenne Nombre de
pour la politique étrangère : l’immigra- médecins migrants
tion due aux conséquences du réchauf- Nombre d’habitants
pour 1 médecin
fement climatique.
De 500 à 3 500
FLAMBÉE RACISTE 16 200 De 3 500 à 9 000 Sources : Michael Clemens et
Amérique Gunilla Pettersson, « Medical
Sur la ligne de front de l’Europe, l’Espa- du Nord De 9 000 à 20 000 leave : A new database of
gne avait lancé, en mai 2006, un « plan De 20 000 à 62 000
health professional emigration
from Africa », CGD Center for
1 460
Afrique » destiné à faire face à l’afflux Afrique Données non disponibles Global Development ; Organi-
du Sud sation mondiale de la santé.
d’immigrés clandestins africains en mul-
tipliant les accords de réadmission avec
les pays considérés comme prioritaires.
Alors qu’on assiste à une droitisation huit mois leur réclusion dans l’un de ses Or une autre menace guette ces
des gouvernements de l’Union, le Vieux 224 camps de rétention administrative. migrants descendus vers le sud : la
Continent durcit l’accès aux frontières Pour faire passer ces mesures répres- xénophobie, attisée par le chômage qui
de l’espace Schengen par le biais de sives, les pouvoirs en place les présen- touche 40 % des Noirs sud-africains.
son système de surveillance Eurosur tent comme le pendant d’une politique On l’a vu en mai 2008, avec la flambée
et ses Rabits – équipes d’intervention dite « de codéveloppement », à l’image d’agressions à caractère raciste contre
rapide aux frontières –, dont elle élargit de l’action de Brice Hortefeux, ex- les immigrés. ●
le rayon d’action. ministre français responsable à la fois
Les interventions du Frontex de l’immigration, de l’intégration, de
– l’agence européenne pour la gestion l’identité nationale et du développement Sur la Toile
de la coopération opérationnelle au-delà solidaire. g The Africa Migration Project
des frontières des Etats membres – A l’instar des premiers accords pas- (disponible sur le site de la Banque
attestent que la « forteresse Europe » sés avec le Bénin, la France appelle ses mondiale) : http://econ.worldbank.org
cherche désormais à sanctuariser ces partenaires européens à soutenir le pacte
g International Migration and
migrations sur le territoire de ses voisins sur l’immigration qu’elle entend signer Multicultural Policies (Unesco) :
du Maghreb. avec 20 pays africains dans le courant www.unesco.org/most/migration/
Sur fond d’ouverture euro-médi- de 2009. Face à ce nouveau rideau de network_africa.htm
terranéenne, des discussions ont com- fer, l’Africain se tourne de plus en plus g Agence européenne Frontex :
mencé dans ce sens avec la Tunisie, le vers un autre mirage : la relative pros- www.frontex.europa.eu
Maroc, la Libye et l’Egypte. Autre signe périté de l’Afrique du Sud, qui, selon g Dossier sur l’Europe
de durcissement : le vote au Parlement son ministère de l’intérieur, accueillerait et ses étrangers (Ligue des droits
européen d’une directive, ayant fait désormais près de 7 millions d’Africains de l’homme, Toulon) :
polémique, qui harmonise les règles de sans papiers (en plus du million entré www.ldh-toulon.net/
reconduite aux frontières des illégaux légalement), dont près de 3 millions de spip.php?rubrique144
et qui permet de prolonger jusqu’à dix- Zimbabwéens.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 177

-5-Afrique.indd 177 11/02/09 17:55:21


L’Afrique au tournant

Villes et bidonvilles,
une bombe à retardement
Les campagnes du continent ur fond de dérèglement climati- L’augmentation de la population
le plus rural de la planète que et de conflits, le plus rural des urbaine, depuis 2000, est l’une des plus
continents (plus de 400 millions rapides du monde, avec en moyenne
(50 % de la population) de personnes sur 965 millions 4,3 % par an, contre 1,2 % en Europe.
se vident dans des mégapoles d’habitants en 2007) vit, depuis le début D’ici à 2010, l’Afrique devrait abriter
qui débordent. L’explosion du siècle, l’un des plus brutaux et intenses 33 villes de plus de 1 million d’habi-
exodes des campagnes vers les villes. Ces tants, contre seulement quatre dans les
sociale guette les ceintures dernières se situent majoritairement sur années 1970 : Le Cap, Johannesburg,
de feu de leurs bidonvilles. les côtes (littoral du golfe de Guinée et Kinshasa et Lagos. Depuis le début du
de l’océan Indien), les vallées des grands siècle, cette dernière, capitale écono-
fleuves (Niger, Congo, Sénégal) et les mique du Nigeria – plus de 14 millions
hautes terres de l’Afrique orientale et d’habitants vivant sur 345 km2 –, attire
australe (de Johannesburg à Nairobi). 600 000 nouveaux migrants par an, soit
une croissance annuelle de 4,8 %. Et
l’on estime qu’en 2020 son agglomé-
Transition urbaine... ... inégalement achevée ration (10 % de la population du pays
répartie sur 0,4 % du territoire national)
pourrait s’insérer dans une conurbation
Part de la population Population
Population urbaine urbaine vivant des bidonvilles de 25 millions de résidents, devenant
Millions dans des bidonvilles Millions ainsi l’une des trois les plus peuplées
22 45 de la planète.
Moins de 50 %
20 Projections
Bidonvilles 40
De 50 à 75 %
18
comptant plus SLUMS, SHACKS ET MULEQUE
de 3 millions 35
De 75 à 90 %
16 de personnes Or cette pression démographique
uniquement 30
14
Plus de 90 % s’exerce sur des villes qui manquent
Lagos Données non disponibles 25 de logements – 2 millions d’unités font
12
10 20 par exemple défaut en Tanzanie –, et
Kinshasa plus généralement de perspectives de
8 Nigeria 15
Khartoum croissance économique permettant aux
6 10 migrants de se faire une place au soleil.
4 Le taux de pauvreté en milieu rural
Abidjan 5
2
0
est certes passé de 47 % à 45 % entre
Egypte
0 1995 et 2000 ; mais, dans les zones
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 Maroc
urbaines africaines, il a augmenté de
2025 Soudan
Sénégal
33 % à 37 % pendant la même période.
22
Mali Tanzanie D’après une étude de l’International
20 Rép. dém.
du Congo Kenya
Journal for Equity in Health, 15 pays
18 d’Afrique subsaharienne compteraient
New York Ouganda
16 désormais un taux de malnutrition
Côte Ghana Cameroun
14 d’Ivoire infantile plus important en ville qu’en
12 Zambie milieu rural.
Mexico Moscou
10 Angola Les plus démunis – fonctionnaires
8 Madagascar licenciés, migrants ayant raté leur inté-
6
gration économique, mais aussi familles
Afrique du Sud
Djakarta Mozambique affaiblies par une épidémie – doivent
4
s’entasser dans des bidonvilles qui, des
2
slums de Nairobi aux shacks de Johan-
0 Sources : « Slums of the world : The face nesburg en passant par les muleque de
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 of urban poverty in the new millennium »,
2025
ONU-Habitat, 2003 (estimations de 2001) ; Luanda, ne cessent de gonfler : 72 % de
base de données Earthtrends du World
Source : World Urbanization Prospects 2007, Resources Institute (http://earthtrends.wri.org). l’Afrique urbaine – près de 300 millions
division de la population des Nations unies.
de personnes – y survivent déjà ; et l’on

178 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 178 11/02/09 16:22:31


Métropolisation du continent
Nombre d’habitants
Millions
15
Rabat TUNISIE Mer Méditerranée
Alger 10
Casablanca
MAROC Tripoli 5
Alexandrie 3
ALGÉRIE
SAHARA LIBYE
OCCIDENTAL
Le Caire
ÉGYPTE
Prévision
2007 pour 2025

MAURITANIE Mer
MALI Rouge
NIGER Khartoum
Dakar
SÉNÉGAL
Bamako Niamey ÉRYTHRÉE
GAMBIE Ouagadougou Kano TCHAD

GUINÉE- Kaduna DJIBOUTI


BISSAU GUINÉE BURKINA N’Djamena
FASO GHANA BÉNIN NIGERIA SOUDAN
Conakry Addis- SOMALILAND
Kumasi TOGO Abuja Abeba PUNTLAND
CÔTE
SIERRA LEONE
D’IVOIRE Ibadan
CAMEROUN
Monrovia CENTRAFRIQUE
ÉTHIOPIE
LIBERIA Yaoundé
Accra Lomé KENYA SOMALIE
Abidjan Lagos RÉPUBLIQUE
Douala OUGANDA
DÉMOCRATIQUE
CONGO DU CONGO Nairobi Mogadiscio
estime qu’elles Future conurbation GABON Kampala
du golfe de Guinée
seront plus de (23 millions d’habitants RWANDA
Brazzaville
500 millions d’ici à estimés pour 2015) BURUNDI
Mbuji Mayi
2015. En moyenne, seule- TANZANIE
ment 19 % des ménages y ont Kinshasa
accès à l’eau, 7 % bénéficient d’une Lubumbashi
Dar es-Salaam
connexion à un système d’évacuation Luanda
des eaux usées et 20 % à l’électricité. ANGOLA MOZAMBIQUE
ZAMBIE
Quand elles se trouvent près du
Lusaka
centre, ces zones informelles de loge- MALAWI
MADAGASCAR
ments, aux statuts d’occupation très
divers (du droit coutumier à la location Harare
NAMIBIE ZIMBABWE
directe du terrain par des marchands de BOTSWANA Antananarivo
sommeil), se voient désormais menacées Maputo
par la pression foncière et les expulsions terrain
qui s’abattent sur les habitants des villes africain Johannesburg
SWAZILAND
Ekurhuleni
touchées tant par la spéculation immo- n’ont pas LESOTHO 0 1 000 km
bilière que par la bunkérisation de leurs encore com- AFRIQUE Durban
centres datant de l’époque coloniale. pris l’urgence DU SUD Sources : World Urbanization Prospects : The 2007 Revision
Database, division de la population des Nations unies ; Mike
Une étude de l’organisation non de la question Davis, Le Pire des mondes possibles. De l’explosion urbaine
gouvernementale (ONG) Cohre estime urbaine, relé- Le Cap au bidonville global, 2007 ; Jean-Marie Cour et Serge Snrech
(sous la dir. de), « Pour préparer l’avenir de l’Afrique de
qu’à Abuja, capitale fédérale du Nigeria, guant le sou- l’Ouest : une vision à l’horizon 2020 », Organisation de
coopération et de développement économiques, 1998.
la politique musclée d’expulsion lancée tien aux popula-
par les autorités de la ville depuis 2003 tions concernées à
aurait concerné 800 000 personnes ins- la charité des orga-
tallées dans les friches du centre-ville nisations confessionnelles. « Jusqu’à
et ses collines environnantes. maintenant, l’aide publique prend
Sur la Toile
Dans son rapport annuel 2007, majoritairement pour cible les besoins g ONU-Habitat, Nairobi :
l’ONU-Habitat alerte l’opinion. C’est et la demande du monde rural, estime www.unhabitat.org
dans de telles zones d’habitation infor- Anna Tibaijuka, directrice exécutive g Centre on Housing Rights and
melles, écrit-elle, que « se préparent de l’ONU-Habitat. Beaucoup de gou- Evictions : www.cohre.org
les conflits du futur ». L’incendie social vernements, niant la réalité, conti- g Centre de documentation
– à l’image des « émeutes de la faim » nuent à penser que la pauvreté est suisse Alliance Sud :
de 2008 – lèche déjà les enceintes des surtout un phénomène rural. » Pour- www.alliancesud.ch
condominiums retranchés derrière leur tant, l’armée des citadins pauvres ne g Etudes de cas sur les bidonvilles
architecture sécuritaire. Malheureuse- cesse de gonfler sous la pression des dans le monde (ONU - University of
ment, les « pompiers » se mobilisent 18-25 ans en quête d’avenir qui com- London) : www.ucl.ac.uk/dpu-projects/
sur un autre front. Pour l’ONU-Habitat, posent la majorité de la population Global_Report
l’essentiel des ONG impliquées sur le africaine. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 179

-5-Afrique.indd 179 11/02/09 16:22:40


L’Afrique au tournant
Des rapports privilégiés avec l’Europe, concurrencée par l’Asie
Exportations
Importations
L’épaisseur des flèches
est proportionnelle
à la valeur des échanges
Amérique en milliards de dollars.
du Nord

Europe
ex-URSS Asie
168 148
Proche-
11 Orient

Amérique
du Sud 81 91 Balance des échanges
92
et centrale de biens 1 en 2006
27
Afrique Excédentaire
Déficitaire

Données non disponibles

Sources : statistiques du commerce international de l’Organisation


mondiale du commerce, 2008 ; base de données UN Commodity 1. Sauf pour la Libye, l’Angola, le Tchad et la République démocratique du Congo,
Trade Statistics, Nations unies, 2008. pour lesquels les échanges de services sont également pris en compte.

L’Asie taille des croupières


Au moment où les plans ’est en 2000 que la Chine a publiques dans le cadre des program-
organisé son premier Forum de mes de coopération (surtout pour les
d’ajustement structurel
coopération avec l’Afrique, dis- infrastructures) – les deux s’épaulant le
du Fonds monétaire crètement. Six ans plus tard, en plus souvent ; et l’arrivée de migrants
international conduisaient novembre 2006, le monde entier s’ébahit attirés par des conditions de vie moins
de voir 48 chefs d’Etats ou de gouverne- difficiles (petits commerçants…), qui
plusieurs Etats africains
ments africains réunis à Pékin pour un entrent en concurrence directe avec les
à la catastrophe, la Chine, sommet d’une ampleur inégalée sur le populations locales.
de la façon la plus visible, continent asiatique. Entre les deux, les Le pétrole compte pour beaucoup
échanges sont passés de quelque 10 mil- dans cet engouement africain. Il repré-
mais aussi l’Inde
liards de dollars en 2000 à 55 milliards sente un peu plus de 20 % des approvi-
et le Japon prenaient pied sur en 2006. De janvier à août 2008 (derniers sionnements de la Chine, notamment
le continent avec des objectifs chiffres connus), ils ont atteint près de au Congo, en Angola. Les matières
74 milliards. Une croissance rapide que premières également : fer, nickel, ura-
et moyens divers.
la crise économique va sans doute frei- nium, bois… De leur côté, les indus-
ner, mais sûrement pas bloquer. Quant triels chinois y vendent leurs produits
aux investissements directs chinois en bon marché : textile, chaussures – au
Afrique, ils ont suivi la même courbe ; grand désespoir des producteurs locaux,
le stock atteint 4,46 milliards d’euros à souvent balayés –, acier, voitures, télé-
la mi-2008. communications…
L’implantation chinoise dans la Si Pékin est fortement motivé par la
plupart des pays africains prend trois recherche d’une sécurité énergétique et
formes : les investissements directs des des objectifs commerciaux, elle cher-
sociétés chinoises, publiques ou privées che aussi à faire émerger un « véritable
(notamment pour les matières premiè- modèle chinois », note Valérie Niquet,
res) ; ceux menés par des entreprises directrice du Centre Asie de l’Institut

180 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 180 11/02/09 15:35:43


Portions congrues Echange minerai contre produits manufacturés

Pourcentage des pays africains... Combustible et minerai Produits manufacturés Produits agricoles Autres

8
Structure des exportations africaines
7 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 %

... dans le PIB 1 mondial


6 Vers l’Asie

5
... dans le total des Vers l’Europe
exportations mondiales
4

3 Structure des exportations vers l’Afrique


0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 %
2
En provenance
1 de la Chine
... dans les flux d’IDE 2
mondiaux En provenance
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005
des « tigres »1
2006
1. Produit intérieur brut. 1. Hongkong, Corée du Sud, Taïwan, Singapour.
2. Investissements directs étrangers.
Source : World Investment Report 2008,
Données de 2006 pour la Chine, de 2007 pour les « tigres ».
Conférence des Nations unies sur le commerce Source : statistiques du commerce international 2007 de l’Organisation mondiale du commerce.
et le développement.

à l’Europe en Afrique
français des relations internationales. une Afrique cantonnée jusqu’alors aux Enfin, la plus grande puissance de
Un modèle guidé par deux principes : FMI’s boys et aux « costumes-cravates » la région, le Japon, qui avait plutôt pri-
« confiance mutuelle et non-ingérence qui ont démantelé les services publics et vilégié les aides classiques au dévelop-
sur le plan politique » et « coopération écrasé les cultures nationales, cette arri- pement (1,2 milliard de dollars prévus
dans un esprit gagnant-gagnant sur le vée change singulièrement le paysage. entre 2007 et 2012), prend conscience
plan économique », selon le Livre blanc Cela explique le succès de ce que l’on de l’intérêt économique du continent.
sur la politique de la Chine en Afrique, a appelé le soft power chinois. Le gouvernement a ainsi créé un fonds
publié par le gouvernement en 2006. Cette percée sur les terres africaines doté de 5 milliards de dollars pour aider
Cherchant à conquérir les esprits, sinon a poussé l’Inde à mettre les bouchées les entreprises nipponnes à s’implanter.
les cœurs, il se présente en opposition doubles. L’autre géant asiatique a, lui Et, en 2008, du 28 au 30 mai, Tokyo a
ouverte avec les pratiques des Occiden- aussi, organisé son sommet africain, aussi organisé un sommet africain (le
taux. Les prêts sont souvent à intérêts à New Delhi, et incité ses entreprises quatrième du nom), en cherchant à lui
réduits, les infrastructures réellement à investir. En quatre ans (de 2003 à donner un peu d’éclat… L’Asie est prise
construites, les aides ne comportent 2007), ses échanges commerciaux avec d’une sorte de fièvre africaine. ●
aucune clause particulière autre que le continent noir ont été multipliés par
commerciale. près de quatre, atteignant 25 milliards Sur la Toile
Bien sûr, le pillage des ressources, de dollars par an. Cela reste deux fois
le mépris pour l’environnement n’ont moins important que le commerce sino- g China Security :
www.chinasecurity.us/index.asp
rien à envier aux pays développés, les africain, mais la courbe est impression-
conditions de travail dans les mines, nante. D’autant que l’Inde, comme la g Tokyo International Conference
on African Development :
les usines ou sur les chantiers y sont Chine, concentre ses relations écono- www.mofa.go.jp/region/africa/ticad
certainement plus dures qu’en Chine, miques sur cinq pays : l’Afrique du Sud,
g Africa-India Forum Summit :
et le rachat de terres, comme en Ethio- l’Angola, le Mozambique, la Zambie, le www.africa-union.org/root/au/
pie, inquiète. Bien sûr, Pékin exige – et Zimbabwe. La concurrence peut s’avé- Conferences/2008/april/India-Africa/
obtient – souvent la rupture d’éventuel- rer rude, notamment pour les matières India-Africa.html
les relations avec Taïwan. Mais, pour premières.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 181

-5-Afrique.indd 181 11/02/09 15:35:50


L’Afrique au tournant

Une dette qu’il faut annuler,


Selon la Conférence des Nations
L’impossible remboursement unies sur le commerce et le dévelop-
pement (Cnuced), entre 1970 et 2002
CAP-VERT MER
l’Afrique a remboursé sa dette, estimée
MAROC
TUNISIE MÉDITERRANÉE à 540 milliards de dollars, pour… s’en-
detter à nouveau, cette fois à hauteur
de 300 milliards de dollars. Il faudrait
LIBYE ÉGYPTE
SAHARA
OCCIDENTAL
ALGÉRIE
que la majeure partie de cette dette illé-
Lac
Nasser
gitime et « odieuse » soit annulée sans
conditions.
MAURITANIE
MALI Sous la pression des mouvements
NIGER
SÉNÉGAL
TCHAD ÉRYTHRÉE sociaux du Sud, appuyés par l’opinion
BURKINA
Lac
Tchad
publique du Nord, les pays du G8 ont
SOUDAN DJIBOUTI
GUINÉE FASO
BÉNIN
proposé des « allégements » de dettes.
SOMALIE
CÔTE NIGERIA Mais ils assortissent toujours ceux-ci de
D’IVOIRE ÉTHIOPIE
GHANA CENTRAFRIQUE conditions qui contribuent à aggraver
CAMEROUN
LIBERIA TOGO la situation des pays « bénéficiaires ».
OUGANDA
SÃO-TOMÉ-
KENYA
L’échec de l’initiative en faveur des pays
ET-PRÍNCIPE
SIERRA LEONE GABON RWANDA Lac OCÉAN pauvres très endettés, lancée en 1996
Victoria
RÉPUBLIQUE INDIEN
GUINÉE-BISSAU OCÉAN CONGO DÉMOCRATIQUE BURUNDI et « renforcée » en 1999 par la Banque
GAMBIE Lac
ATLANTIQUE DU CONGO
Tanganyika mondiale et le Fonds monétaire interna-
GUINÉE- SEYCHELLES
ÉQUATORIALE
TANZANIE
Lac
tional (FMI), a conduit les dirigeants du
Dette extérieure Malawi G8 à lancer l’initiative d’allégement de
Pourcentage du ANGOLA
produit national brut
MALAWI
COMORES
la dette multilatérale.
ZAMBIE

Plus de 100 %
L’APPORT DES FONDS SOUVERAINS
ZIMBABWE

De 50 à 100 %
NAMIBIE
BOTSWANA
MOZAMBIQUE Cette dernière prévoit, pour la première
fois, l’annulation de la totalité de la dette
De 20 à 50 % SWAZILAND
envers la Banque mondiale, le FMI et
MADAGASCAR
Moins de 20 % LESOTHO la Banque africaine de développement.
AFRIQUE
Données non disponibles DU SUD Mais cette initiative, assortie des condi-
tions habituelles, exclut de nombreux
Source : Global Development Finance, base de données 0 1 000 km
pays dont la dette est tout aussi insoute-
en ligne de la Banque mondiale (données de 2006). Voir aussi la carte p. 33. nable que celle des pays choisis.
Face à l’échec de l’aide publique au
développement et à la crise de la dette
L’échec de l’aide publique elon un rapport d’Action extérieure, le FMI et la Banque mon-
au développement et Aid en 2005, seul un tiers de diale poussent désormais les pays afri-
l’« aide » fournie en 2003 par cains à une course effrénée pour attirer
de la gestion de la dette les pays de l’Organisation de des investissements directs étrangers
n’a pas été compensé par coopération et de développement éco- (IDE). Mais le volume moyen annuel
les investissements directs nomiques (OCDE) correspond à une de ces derniers à destination de l’Afri-
aide véritable. Le reste, qualifié d’« aide que reste faible, en dépit de leur coût
étrangers, qui restent faibles fictive », revient aux pays donateurs – le en termes de dumping fiscal et social :
et devraient diminuer avec pourcentage atteindrait même 90 % même le chiffre record de 36 milliards
la crise. D’autres ressources s’agissant des Etats-Unis. S’ajoutent les de dollars, atteint en 2006, ne représen-
conditions liées à l’aide, qui augmentent tait qu’environ 3 % des IDE mondiaux
permettraient pourtant aux le coût de sa mise en œuvre. et 9 % des flux destinés aux pays en voie
pays concernés de regagner Le sommet du G8 qui a eu lieu en de développement.
de l’autonomie. juillet 2005 avait promis de doubler De surcroît, selon la Cnuced, la fuite
l’aide à l’Afrique en 2010, en la portant des capitaux fait de l’Afrique une créan-
à 50 milliards de dollars. Mais l’objec- cière nette des pays développés, alors
tif ne sera pas atteint, et les problèmes que le rapatriement des fonds illégale-
structurels qui expliquent cet échec ment déposés à l’étranger lui aurait per-
demeurent. mis d’avoir moins besoin d’IDE, qu’elle

182 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 182 11/02/09 15:35:58


pas « alléger »
cherche à attirer au prix du bradage de
ses entreprises publiques et de ses res- Des concessions infimes…
sources naturelles.
Toujours selon la Cnuced, l’épargne Allégements ou réductions de la dette accordés
Milliards de dollars
transférée en Afrique par la diaspora 1971 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2006
représente en moyenne 2,5 % du revenu 0
brut du continent et continue de croître -10 Pays d’Afrique subsaharienne
(les envois informels restent au moins Autres pays
aussi importants que ceux qui transitent -20
par les circuits officiels). Dans plusieurs -30
pays à forte émigration, ils dépassent
-40
l’aide publique au développement et
Bénéficiaires de l’allégement
les IDE. -50
Pays pauvres très endettés (PPTE)
Cependant, ces fonds servent
-60 Pays admissibles au titre de PPTE
essentiellement à la consommation
Pays dont la dette envers la Banque
des familles. Des politiques fiscales -70 interaméricaine de développement
et monétaires plus avisées pourraient devrait être allégée

contribuer à orienter une part de ces Sources : Banque mondiale, Fonds monétaire international,
ressources vers des activités producti- Banque interaméricaine de développement, 2008.
ves. Le rapport 2007 de la Cnuced sur
l’Afrique incite celle-ci à rechercher
des ressources intérieures pour gagner
en autonomie. La Cnuced insiste en ... et des intérêts colossaux
outre sur le potentiel de l’« économie
créative » (arts traditionnels, artisanat, Service de la dette Remboursements
nouveaux médias, etc.). Millions de dollars Intérêts
De 1995 à 2005, le commerce Sud- 1 600 Côte d’Ivoire
Sud a triplé, passant de 577 à 1 700 mil- 1 400
liards de dollars. Provenant des pays 1 200
du Golfe, de la Chine, de l’Inde, du 1 000
Pour 2007,
seul le montant
Venezuela et d’autres pays d’Amérique des intérêts
800 est connu.
latine, les apports de nouveaux fonds
600
souverains ouvrent une plus grande
400
marge de manœuvre aux pays africains.
Car ils ne sont pas assortis des condi- 200 ?
tions onéreuses et surtout des critères 0
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
politiques ou idéologiques qui accom-
pagnent les prêts octroyés par les pays 1 000 Zimbabwe
occidentaux, le FMI et la Banque mon-
800
diale. Ils pourraient renforcer l’autono-
600
mie nécessaire à l’Afrique pour élaborer
400
et conduire ses propres politiques de
développement. ● 200 ?
0

Sur la Toile
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

g Conseil pour le développement 1 000 République démocratique du Congo


de la recherche en sciences sociales 800
en Afrique : www.codesria.org 600
g Organisation intergouvernementale 400 ?
South Centre : www.southcentre.org 200

g Comité pour l’annulation 0


de la dette du tiers-monde : 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
www.cadtm.org
Source : Global Development Finance, base de données en ligne de la Banque mondiale.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 183

-5-Afrique.indd 183 11/02/09 15:36:09


L’Afrique au tournant

De grèves en manifestations,
Les mouvements sociaux
africains se sont développés « What’s the plan ? »
en réaction aux politiques Calendrier des réformes liées à un plan d’ajustement structurel
selon la Banque mondiale (morceaux choisis)
dévastatrices prônées par
Année de la réforme 1 2 3 4 ...
les organisations
COMMERCE Supprimer les quotas Diminuer
internationales et l’Union aux importations les droits de douane
européenne. En outre,
MARCHÉ DU TRAVAIL Déréglementer embauches Libéraliser les
les récentes hausses massives et licenciements négociations salariales
du coût de la vie et le blocage
« Evaluer » les ... avant de les privatiser
de la démocratisation grandes entreprises...
provoquent régulièrement des
PRIX Libéraliser les prix... ... y compris ceux des
grèves et des manifestations, biens de première nécessité
souvent durement réprimées.
Sources : Philippe Hugon (sous la dir. de), Ajustement structurel, emploi et rôle des partenaires sociaux en Afrique
francophone, ILO, Cahiers de l’emploi et de la formation n° 28, 1998 ; Banque mondiale, 2008.

u nom des « avantages com- tions paysannes et des producteurs de cette dernière, en septembre 2003,
paratifs », la Banque mon- de l’Afrique de l’Ouest, revendiquent au Mexique : en mettant en évidence les
diale, le Fonds monétaire une politique de souveraineté alimen- enjeux de ces assises et en soulignant
international (FMI) et l’Orga- taire. Exigeant le droit de défendre les l’injustice des subventions agricoles
nisation mondiale du commerce (OMC) intérêts des populations, ils ont obtenu des pays du Nord, ils ont convaincu les
ont forcé les pays africains à libéraliser des mesures de protection de certai- délégués africains de faire bloc avec
le commerce des produits agricoles. Ils nes filières, comme au Burkina, en ceux des autres pays du Sud, sapant les
ont mis l’accent sur les cultures d’ex- Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger ou ententes que les Etats-Unis et l’Union
portation pour rembourser la dette, au au Sénégal. européenne nouaient dans leur dos.
détriment des cultures vivrières. D’où Les mouvements sociaux africains, La résistance aux politiques néo-
l’invasion des marchés nationaux par notamment le Réseau africain sur le libérales a pris parfois la forme de
des produits subventionnés venant des commerce, ont participé, en collabo- grèves générales : en 2005, le mou-
pays développés. ration avec le Réseau tiers-monde de vement social nigérien a décrété des
Contre cette soumission et la pau- Martin Khor, basé en Malaisie, à toutes journées « villes mortes », obligeant
périsation qu’elle engendre, les orga- les mobilisations contre l’OMC depuis le gouvernement à annuler la TVA de
nisations de producteurs agricoles, 1999. Ils ont joué un grand rôle dans 18 %. Celle-ci avait été adoptée sur l’in-
notamment le Réseau des organisa- l’échec de la conférence ministérielle jonction du FMI afin de compenser les

L’Afrique « structurellement ajustée » (chronologie)


Dates d’entrée en vigueur des premiers programmes d’ajustement structurel. De nombreux pays en ont suivi plusieurs.
1979 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

Soudan 1980 Mali Guinée Mauritanie Cameroun 1990 Tchad Djibouti


Somalie Ghana, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Zimbabwe, Rwanda
Niger, Togo Burundi, Congo, Gabon, Bénin
Ile Maurice, Kenya, Gambie, Nigeria, Guinée-Bissau, Comores
Les politiques d’ajustement structurel,
Malawi, Sénégal, Sierra Leone, Mozambique, a priori conçues pour permettre
Tunisie, Tanzanie, Zambie, Ouganda, Centrafrique, aux pays pauvres de redresser
République démocratique du Congo, leur économie, ont surtout privilégié
Sources : Rolph Van der Hoeven (sous la dir. de), L’Ajustement structurel et São-Tomé-et-Príncipe le paiement de la dette au détriment
au-delà en Afrique subsaharienne, 1995 ; Structural Adjustment Participatory des dépenses de santé, d’éducation
Review International Network, « The policy roots of economic crisis and et de développement en général.
poverty », 2002 ; Fonds monétaire international ; Banque mondiale, 2008.

184 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 184 11/02/09 15:36:20


un essor des luttes sociales
pertes de recettes douanières liées à la
libéralisation du commerce extérieur Sur la Toile Que planter pour atteindre
et aux avantages fiscaux accordés aux g Forum social africain : la souveraineté alimentaire ?
multinationales pour attirer les inves- www.forumsocialafricain.org
tissements.
g Jubilé Sud : www.jubileesouth.org Manioc
Des soulèvements et grèves, impul-
sés par les syndicats, ont également eu g Alternative Information and
Development Centre :
lieu en 2007 en Afrique du Sud et en
www.aidc.org.za
Guinée (avec des dizaines de morts et
des milliers d’arrestations). Entre février
et mai 2008, la flambée des prix des pro-
duits alimentaires a entraîné des « émeu- Blé
tes de la faim » et des grèves générales Manger ou exporter Maïs
au Cameroun, en Egypte, au Sénégal,
durement réprimées. Ces mouvements Production africaine
Tonnes
de protestation obtiennent parfois des Index 100 en 1961 Sorgho Riz Igname
victoires. Ainsi, en 2008, les premiers Productions surtout réservées à l’export
450
ministres de Guinée et de Centrafrique Canne à sucre
Oranges
ont dû démissionner. 400
Cultures typiquement réservées Banane
350 à la consommation locale
plantain Pomme
FORUMS SOCIAUX Racines et tubercules de terre
300 Tomate
Les accords de partenariat économique Sorgho Millet
avec l’Union, derrière une façade de 250 Patate douce
« partenariat égalitaire », veulent impo- 200
ser un « libre-échange » entre inégaux : Millions de tonnes
150 Légumineuses
50
le revenu moyen des Vingt-Sept se mon-
tait, en 2006, à plus de vingt-sept fois 100 25
1961 1970 1980 1990 2000 2007
celui de l’Afrique… Dans ces condi- 10
tions, l’ouverture des marchés signifie- 5
Les productions de maïs, de blé et de riz ne
rait la destruction à grande échelle des sont pas de bons indicateurs puisqu’elles sont
également exportées. Source : Les carrés sont proportionnels
économies africaines, dont la situation Source : division statistique de la FAO, 2008.
division statistique aux cultures les plus consom-
de la FAO, 2008. mées en Afrique en 2003.
est déjà grave.
D’où la levée de boucliers contre
ces accords, de la part de l’ensemble du Les mouvements sociaux africains
mouvement social africain, coordonné (au sens large) ont vite compris d’ex- Ajustés, affamés
par le Réseau africain sur le commerce périence la nature de la mondialisa-
basé à Accra (Ghana). Elle a poussé les tion néolibérale et se sont joints, dès
dirigeants africains à une ferme prise de janvier 2001, au premier Forum social
position le 8 décembre 2007 à Lisbonne, mondial (FSM). Un an plus tard, le
lors du sommet Europe-Afrique. Forum social africain naissait à Bamako
Entre autres conséquences, ces (Mali), permettant de coordonner les
politiques imposées par l’Occident ont luttes. Il regroupe des forums nationaux
amené de nombreux Africains à émi- désormais établis dans quelque 25 pays
grer – légalement ou clandestinement –, africains. Pour leur part, depuis 2004, le
notamment des jeunes sans emploi. Le Forum social ouest-africain et le Forum
Forum pour un autre Mali, dirigé par social de l’Afrique australe ont tenu plu- Voir aussi
la carte p. 25.
l’ancienne ministre de la culture Ami- sieurs réunions.
nata Traoré, a organisé deux forums En janvier 2006, un des trois forums Pays africains ayant suivi un programme
sur cette question en 2006 et 2007. polycentriques a été organisé à Bamako d'ajustement structurel
« Pays à faible revenu et à déficit vivrier 1 »
En revanche, le « codéveloppement » (Mali) et, en janvier 2007, la septième selon la FAO
prôné par le président français Nicolas édition du FSM se tenait à Nairobi Principales « émeutes de la faim » en 2008
Sarkozy lors de son fameux discours de (Kenya) : ces deux événements consti- 1. Ce classement prend en compte trois critères :
le revenu par habitant, la balance du commerce de biens
Dakar, en juillet 2007, élude la question tuent une reconnaissance des luttes alimentaires, le volume des échanges de produits de base
(céréales, huiles, etc.) selon leur qualité nutritionnelle.
de la responsabilité des politiques qui sociales africaines et de leur contribu-
Source : FAO, 2008.
causent l’émigration. tion au mouvement social mondial. ●

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 185

-5-Afrique.indd 185 11/02/09 17:44:32


L’Afrique au tournant

On investit peu en Afrique


Part des régions du monde
dans le stock d’IDE entrants
Un continent
entre croissance
50 %
Europe « riche » 1
40
1. Sans les Balkans ni la CEI.
30

et inégalités
Amérique du Nord

20 Asie et
Océanie
« pauvre » 2 Amérique latine
10 et Caraïbes
AFRIQUE
0
1980 1985 1990 1995 2000 2007
2. Sans le Japon ni l’Australie. La baisse soudaine des cours en rien à l’amélioration du niveau de
Maroc Tunisie Stock d’IDE
du pétrole a stoppé l’élan vie. Quant aux pays non producteurs de
entrant en
Egypte Afrique
pétrole, ils se voient pénalisés : ils subis-
Algérie de la croissance économique sent les contrecoups de la hausse du prix
Soudan de l’Afrique et révélé du baril, notamment une contraction de
Nigeria une très grande dépendance leurs économies et une augmentation
des prix des denrées alimentaires.
à l’égard de l’exportation Les capitaux investis dans les pays
Cameroun
de ses matières premières. africains proviennent essentiellement
Milliards Angola des pays émergents d’Asie : Hongkong,
de dollars Corée du Sud, Chine, Inde et Malai-
100 sie. Au total, la région a bénéficié de
50 Afrique
du Sud
38 milliards de dollars d’investissements
10 directs étrangers (IDE) en 2007, contre
Source : World Investment Report 2008, Cnuced. 1,2 milliard de dollars durant la période
2002-2004. Mais ces IDE se concentrent
vec une croissance de 5 % dans les industries extractives et ne béné-
en 2004, de 4,9 % en 2005, ficient qu’à un nombre limité de pays tels
Un continent régionalisé
de 5,8 % en 2006 et de 6 % que le Nigeria, l’Angola, le Mozambi-
UMA en 2007, l’Afrique subsaha- que, le Soudan, le Congo-Brazzaville,
rienne traverse, selon l’Organisation de la Guinée-Equatoriale ou la République
coopération et de développement éco- démocratique du Congo.
Uemoa nomiques, sa meilleure situation éco-
nomique depuis une trentaine d’années. IMPORTATION DE PRODUITS DE LUXE
Cemac En 2008, jusqu’au krach de Wall Street, Pis : consacrés pour la plupart à l’ex-
Cedeao
Echanges Comesa la croissance devait atteindre environ ploitation des ressources naturelles, par-
Ceeac
Milliards de dollars 6,5 %, selon la Banque africaine de ticulièrement le pétrole et les minerais,
140 développement. Cette augmentation du ces IDE perpétuent la dépendance de la
produit intérieur brut moyen africain région et son appauvrissement. Car ils
120
s’explique par trois facteurs : les revenus contribuent à une exploitation systéma-
100 SADC SADC d’exportation – particulièrement ceux tique de ses richesses, sans la contre-
du pétrole –, les investissements et la partie d’investissements productifs, de
80 Exportations
Cedeao
consommation. créations d’emplois et d’exportations de
Importations
Les revenus générés par la flambée biens manufacturés.
60
du prix du brut ont donné un coup de Les flux commerciaux entre les
40 fouet aux économies pétrolières de la pays de la région et ceux du reste du
région, mais n’ont, malheureusement, monde se réduisent à l’importation de
20 Cemac pas entraîné une diversification des produits manufacturés et à l’exportation
économies des pays producteurs, qu’il de produits de base, ce qui freine tout
0
1996 1998 2000 2002 2004 2007 s’agisse de l’amélioration des infrastruc- développement industriel autonome.
UMA : Union du Maghreb arabe ; Cedeao : Communauté tures ou du développement humain. La concurrence des produits asiatiques
économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ; Uemoa :
Union économique et monétaire ouest-africaine ; Cemac : Ils ont, en réalité, renforcé les menace en particulier la survie de cer-
Communauté économique et monétaire de l’Afrique
centrale ; Ceeac : Communauté économique des Etats de enclaves logistiques et économiques taines industries : ainsi le textile, menacé
l’Afrique centrale ; Comesa : Marché commun des Etats
d’Afrique orientale et du Sud ; SADC : Communauté de
que les compagnies étrangères créent de faillite au Nigeria, au Cameroun, en
développement de l’Afrique australe. dans les pays producteurs et d’où sont Afrique du Sud et en Zambie, victime de
Sources : Banque africaine de développement, 2007 ;
statistiques du commerce international 2007, exclues les populations locales. Les la concurrence des exportations et des
Organisation mondiale du commerce. revenus tirés de l’or noir ne contribuent investissements chinois dans le secteur.

186 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 186 11/02/09 16:04:56


Ce que les grandes puissances convoitent Carte originale de Philippe Rekacewicz (2000)
mise à jour en 2009 d’après : « Mineral
facilities of Africa and the Middle East »,
United States Geological Survey, 2006 ; USGS
Minerals information (http://minerals.usgs.
gov/minerals) ; cartes et atlas du Monde
diplomatique, Philippe Rekacewicz et Cécile
MER MÉDITERRANÉE Marin, 2000 à 2006 ; Atlas de l’Afrique,
MAROC éditions du Jaguar, 2000 ; Google Earth ;
TUNISIE
couverture forestière : Millennium Ecosystem
Assessment, 2005.

ALGÉRIE
SAHARA
LIBYE
OCCIDENTAL ÉGYPTE

MER

MAURITANIE
MALI
NIGER ROUGE
SÉNÉGAL SOUDAN ÉRYTHRÉE
TCHAD
GAMBIE
BURKINA
FASO DJIBOUTI
GUINÉE- BÉNIN
GUINÉE NIGERIA
BISSAU SOMALILAND
CÔTE D’IVOIRE TOGO
SIERRA GHANA
LEONE CENTRAFRIQUE
ÉTHIOPIE

LIBERIA
CAMEROUN SOMALIE
GUINÉE- OUGANDA
ÉQUATORIALE KENYA
OCÉAN RÉPUBLIQUE
GABON DÉMOCRATIQUE
ATLANTIQUE
DU CONGO
RWANDA
CONGO
Les territoires de l’Afrique « utile » BURUNDI OCÉAN
(captant l’essentiel des IDE) TANZANIE
INDIEN

Pour la production de pétrole et de gaz


Pour la production minière
Pour l’exploitation de la forêt MALAWI
ANGOLA

Principales ressources énergétiques ZAMBIE


MOZAMBIQUE
Pétrole Gaz naturel
Uranium Charbon
ZIMBABWE

Principales ressources minières


BOTSWANA
Or Nickel Bauxite
Argent Etain Chrome et chromite NAMIBIE
SWAZILAND
Fer Plomb Platine MADAGASCAR
Cuivre Zinc Diamant LESOTHO
Cobalt Manganèse Autres pierres
AFRIQUE
précieuses DU SUD
0 1 000 km
Forêt tropicale

Cette propension des gouverne- gence de ces entrepreneurs représente, fuite des capitaux. Dans un tel contexte,
ments africains à consommer des biens certes, une avancée, mais leur bouli- il est logique que la croissance n’ait pas
importés est exacerbée par une classe mie de consommation de produits de réduit la pauvreté ni, a fortiori, accru le
moyenne émergente issue de la nouvelle luxe fabriqués à l’étranger accentue la niveau de vie des populations. ●
embellie et des politiques de discrimi- sortie massive de devises. Or celles-ci
nation positive en matière d’emplois et auraient pu servir au renouvellement de Sur la Toile
d’actionnariat. Ainsi avec les politiques l’épargne nationale, au réinvestissement
mises en application en Afrique du Sud et au financement d’autres activités, g Banque africaine de développement :
www.afdb.org
ou résultant des programmes de privati- créatrices de plus-values et d’emplois.
sation qui assignent des quotas d’actions Ainsi, les investissements, le com- g Africa Economic Analysis :
à des nationaux. merce et la consommation, qui devraient www.africaeconomicanalysis.org
Cette élite opère dans la finance, les constituer les facteurs d’une croissance g Blog de Sanou Mbaye :
mines, le transport, la construction, la saine et durable, génèrent, tout au http://sanoumbaye.free.fr
petite industrie, l’import-export. L’émer- contraire, déficits, pertes d’emplois et

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 187

-5-Afrique.indd 187 11/02/09 16:05:05


L’Afrique au tournant

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Conflits ethniques
ou lutte pour le pouvoir ?
L’africanisme a longtemps e but ultime de la violence poli- concocté par les acteurs politiques locaux
professé que l’ethnicité tique, mode récurrent de régu- en fonction des rapports des forces en
lation sociale, consiste dans la présence (pouvoir-opposition), face à
constituait l’alpha et l’omega conquête du pouvoir d’Etat ou, une alternance politique bloquée et/ou à
des conflits sur le continent. à défaut, dans sa déstabilisation. Elle est la confiscation des ressources de l’Etat.
A supposer qu’il soit fondé dite « de haute intensité » lorsqu’elle Les exemples abondent : instrumentali-
s’exprime par des rébellions armées ou sation ethnique (rébellions touarègues),
d’admettre l’existence des guerres civiles : Angola avant 2003, religieuse (Armée de résistance du Sei-
du nationalisme ethnique, Burundi, Soudan (Darfour), Mali, Niger, gneur en Ouganda, Bundu Dia Kongo
aucune preuve n’est jamais Centrafrique, Ouganda, Somalie. Elle en République démocratique du Congo),
est dite « de basse intensité » lorsqu’elle frontalière (Ethiopie-Erythrée), voire
venue corroborer cette thèse. est utilisée pour exprimer le méconten- linguistique (l’arabe et le berbère).
La conflictualité africaine est tement résultant des demandes sociales En Afrique noire, l’ethnie représente
une violence politique dont non satisfaites : villes mortes, boycot- une institution sociale et un concept
tage fiscal ou électoral, échauffourées équivalent à celui de nation ou de
l’enjeu est le pouvoir d’Etat. ou émeutes (grève des chauffeurs de taxi peuple. Qu’elle ait subi les affres de la
au Cameroun, émeutes postélectorales traite négrière, de la colonisation et de la
au Kenya). postcolonisation n’a nullement changé
A la lumière des expériences récentes, sa nature.
la langue, la frontière, l’ethnie ne consti- Sa précarité autant que son errance
tuent que des variables intégrées dans obéissent à une double cause. C’est,
un jeu complexe d’instrumentalisation d’une part, la perte brutale, à la suite

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du « choc des civilisations » avec l’Oc- Poreuse par sa définition, la frontière
cident et l’Orient, de son champ d’action ne forme pas, comme dans l’histoire
Sur la Toile
historique et de son projet de société européenne, la ligne de démarcation g Internet African History Sourcebook :
articulé autour d’un facteur structu- des souverainetés, dont le franchisse- www.fordham.edu/halsall/africa/
rant, le modèle précolonial de l’Etat ment inopiné peut entraîner l’usage de africasbook.html
multinational ou plurinational (empi- la force. C’est le charcutage colonial g Afrique subsaharienne,
res d’Ethiopie, du Mali, du Ghana, du qui a dispersé à l’infini les peuples, les territoires et conflits,
Kongo, du Bénin). C’est, d’autre part, territoires, les cultures, les identités. (Ecole normale supérieure de Lyon) :
l’imposition du modèle occidental de Dès lors, toute approche mécanique http://geoconfluences.ens-lsh.fr/doc/
l’Etat-nation, dont le postulat d’unifi- de la frontière n’illustre que la myo- etpays/Afsubsah/AfsubsahVoc.htm
cation ethnique, culturelle et identitaire pie intellectuelle et politique générée g International Conflict Research :
constitue en soi un facteur de conflit. par le placage sur l’Afrique du modèle www.incore.ulst.ac.uk/services/cds/
Le contexte de dépendances postcolo- westphalien, inventé jadis en Europe et countries/index.html
niales externes souvent clientélistes et désormais démythifié par les accords de g Les langues en Afrique (African
de politiques économiques démantelant Schengen. L’Afrique n’a rien à gagner, Studies, Columbia University) :
les fonctions sociales des Etats accentue à l’ère de la globalisation, à épouser www.columbia.edu/cu/lweb/indiv/
ce phénomène. passivement les idées passéistes de africa/cuvl/langs.html
l’Occident. ●
CHARCUTAGE COLONIAL
La violence religieuse résulte, quant ����������������������������������
à elle, de l’introduction par la force
des religions du Livre nées au Proche- �����������������������������������
Orient, soit par les cavaliers arabes, ����������������������������
soit par les chevaliers européens de la �����
mission civilisatrice (la pénétration �����
de l’islam, aujourd’hui, se faisant �����
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largement par le prosélytisme �����
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non armé). Néanmoins, la ��������
bataille sur fond de vio- �����
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lence pour l’« ajustement ���������� ������
structurel du religieux » ������
(Ouganda, Somalie, ����������
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Soudan, République ����������
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démocratique du ����� �����
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Congo, Nigeria) ������� ����� ������
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n’est qu’un leurre ������ ������� ������ ���� ���������
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destiné à masquer ������ ������ ����������� �������� ��������
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la revendication �������� �������� ���� ����� ����� ��������
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politique des pro- ������������ ����� ������


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tagonistes échau- ������� �����
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dés par tant de ren- ���������������
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dez-vous manqués ������ ����� ������� ����������
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avec l’histoire des �������� ����� ������
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indépendances. ������������������������������������� ����������� �������� ���� ������� ������
Exception faite �������������������������������� ������� ��������
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de la « guerre des ����������������������� ��������� ��������
cailloux » opposant ���������������������� ������

l’Ethiopie à l’Erythrée �������


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(deux pays gouvernés ���������������������� ������
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par les anciennes rébel- ������
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lions revendiquant l’iden-

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tité tigréenne), la frontière �������
ne représente pas la cause pri- �������������������� ����������
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mordiale de la conflictualité afri- ������������������������ �������� �������������������������������������
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caine. Et ce d’autant plus que, dans ���������������������������� ������� �����������������������������
l’histoire et la culture politique préco- �� ��������� ����������������������������������
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loniales, elle trace un espace, voire une ���������������������� �������
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ligne de paix. C’est sur la frontière que ������������������������������������������
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se déroulent les rencontres, les mariages, ��������������������������������������������
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les échanges de biens, etc.

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 189

-5-Afrique.indd 189 11/02/09 16:05:19


L’Afrique au tournant

Rivalités interreligieuses et
Avec presque autant n 2005, l’Afrique subsaharienne de 2000, dans 12 Etats du nord de la
de chrétiens que comptait plus de 371 millions République fédérale du Nigeria ainsi
de musulmans (45 % de la que la présence de groupuscules sala-
de musulmans, l’Afrique population continentale), fistes dans le Sahara suscitent la crainte
noire est le théâtre d’un 304 millions de chrétiens et 137 millions d’une radicalisation du Sahel par le fon-
essor des nouvelles églises de pratiquants de religions traditionnel- damentalisme.
les – qu’il s’agisse du vaudou pour le Le Nigeria connaît, depuis le début
pentecôtistes et évangéliques. golfe de Guinée, de traditions africaines de ce siècle, des affrontements interreli-
Après les indépendances, syncrétiques ou de cultes prophétiques, gieux qui ont causé la mort de plusieurs
la compétition entre religions comme le mouvement armé congolais milliers de personnes. Dans ces conflits,
Bundu Dia Kongo. la charia sert surtout d’arme politique
opère sur le terrain social Depuis le 11 septembre 2001, les contre le pouvoir central d’Abuja. La
et jusque dans les cercles variantes de l’islam (à l’instar de la communauté du renseignement amé-
politiques. tidjaniya) pratiquées sur le continent ricain estime toutefois que, parmi les
retiennent particulièrement l’attention menaces les plus importantes qui pour-
occidentale. Majoritairement sunnites, raient peser dans les quinze années à
ces dernières s’enracinent en Afrique venir sur la planète, figure une implosion
de l’Ouest ainsi que sur les côtes orien- religieuse du Nigeria, également partagé
Coexistence
C
Coe
oexiististenc
tencee des des re reli
religions
ligi
gion
ion
ons
ns TTunis
Tuni
Tun
unis
is
tales. L’instauration de entre musulmans et chrétiens.
Alger
la charia, à Or ce géant africain pourrait abriter
Rabat TUNISIE la fin près de 300 millions d’habitants d’ici à
MAROC Tripoli 2050. « Suivant l’évolution des conflits
Le Caire religieux en cours, analyse l’historien
ALGÉRIE des religions Philippe Jenkins, soit
LIBYE
SAHARA
OCCIDENTAL
ÉGYPTE il pourrait devenir un super-Etat
musulman, soit il pourrait se
MAURITANIE
scinder en deux ou trois plus
Nouakchott SOUDAN
petites entités axées autour
CAP-
VERT MALI NIGER de la question religieuse
Dakar SÉNÉGAL TCHAD ÉRYTHRÉE
Banjul GAMBIE Niamey Khartoum Asmara a et ethnique ». Et
Praia Bamako Ouagadougou
GUINÉE-
Bissau N’Djamena DJIBOUTI d’en conclure :
GUINÉE BURKINA
BISSAU
Conakry FASO BÉNIN NIGERIA Djibouti « Le sort reli-
TOGO Abuja Addis-Abeba
Freetown Yamoussoukro Porto gieux du Nige-
SIERRA LEONE Monrovia GHANA Novo CENTRAFRIQUE ÉTHIOPIE
CAMEROUN Bangui ria pourrait être
LIBERIA CÔTE Accra Lomé
D’IVOIRE Yaoundé SOMALIE un fait politique
GUINÉE- OUGANDA
ÉQUATORIALE RÉPUBLIQUE Kampala KENYA Mogadiscio d’une immense
Libreville DÉMOCRATIQUE
DU CONGO Nairobi importance durant
Pays à religion dominante SÃO-TOMÉ- GABONCONGO RWANDA
ET-PRÍNCIPE Kigali ce nouveau siècle. »
Pays d’unité religieuse Brazzaville
Kinshasa
BURUNDI
Bujumbura Au-delà du
Islam Christianisme Dodoma
Nigeria, l’Afrique
Pays à une religion principale TANZANIE
Luanda connaît, face à l’is-
Islam Christianisme COMORES lam, un véritable
ANGOLA MALAWI réveil biblique.
Pays de pluralisme religieux ZAMBIE Lilongwe
Pays à deux religions principales Lusaka En témoigne la
Islam et christianisme Harare
MOZAMBIQUE croissance expo-
Religions traditionnelles et islam NAMIBIE ZIMBABWE
Antananarivoo nentielle du chris-
Windhoek BOTSWANA MADAGASCAR R tianisme, dont le
Religions traditionnelles
et christianisme Gaborone nombre de prati-
Pretoria Maputo
Pays à trois religions principales quants ne se chif-
Mbabane
Islam, christianisme SWAZILAND frait qu’à 10 millions
et religions traditionnelles Maseru en 1900. Les menaces
AFRIQUE LESOTHO
DU SUD de dissidence de l’Eglise
Sources : Brigitte Dumortier, Atlas des religions, Autrement, 2002, anglicane africaine par rap-
d’après J.-C. Barbier et E. Dorier-Apprill, Annales de géographie, n° 588, 0 1 000 km port à celle de Canterbury – sur
mars-avril 1996 ; World Perspective, université de Sherbrooke, Canada, 2009.
fond d’ordination contestée de prê-

190 L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE

-5-Afrique.indd 190 11/02/09 17:58:27


percée du pentecôtisme
tres homosexuels et d’une lecture bien
plus littérale qu’en Occident – attestent Ethnies et confessions au Nigeria NIGER Lac Tchad
le vent de moralisation qui souffle sur
l’Eglise africaine. Celle-ci répond à la SOKOTO
Sokoto
Nguru TCHAD
concurrence des Eglises charismatiques, Katsina
JIGAWA
YOBE
Maiduguri
KATSINA
qui s’appuient sur une version scriptu- Kano
ZAMFARA
rale de la Bible : près de 100 millions KEBBI KANO
BAUCHI BORNO
d’Africains pratiqueraient actuellement
KADUNA
le pentecôtisme évangélique. Kaduna Bauchi
GOMBE CAMEROUN
BÉNIN
NIGER Kumo
ADAMAWA
L’OREILLE DES CHEFS D’ÉTAT Minna
Jos
Yola
« Le réveil religieux en Afrique doit être Ni Abuja PLATEAU
ger
considéré comme une manière de mettre Ilorin TERRITOIRE ué Ethnies
KWARA FÉDÉRAL no
fin à la confusion spirituelle qui s’est Ogbomosho NASSARAWA Bé
Lokoja Haoussas-Fulanis
Oshogbo
développée avec les indépendances » ou OYO EKITI Makurdi
TARABA
Ibadan OSUN KOGI Yoroubas
de « créer de nouveaux modèles de sta- Abeokuta Ado-Ekiti
BÉNOUÉ Ibos
ONDO
bilité et de nouvelles formes de compor- OGUN EDO ENUGU
LAGOS Benin Population Ijaws
tement renouant avec la tradition de la City Onitsha EnuguEBONYI
Ville de plus
Lagos
vie en communauté, mais cette fois-ci au Warri
ANAMBRA
IMO
CROSS de 1 million Autres ethnies
ABIA RIVER d’habitants
sein des villes », estiment les chercheurs GOLFE DELTA
Calabar Part de musulmans 1
DE GUINÉE Aba
Stephen Ellis et Gerrie ter Haar. Pour ces BAYELSA RIVERS AKWA Pourcentage
derniers, « la plupart des ONG les plus 0 200 km
IBOM
Plus de 75 De 25 à 50
Port
impliquées sur le terrain ont une base Harcourt
De 50 à 75 Moins de 25
religieuse explicite, qu’il s’agisse d’éta- 1. Estimation basée sur les dernières données GUINÉE-
ÉQUATORIALE
de recensement disponibles, qui datent de 1991.
blissements scolaires gérés par les Egli- Sources : Encyclopædia Universalis 2008 ;
Etats ayant instauré la charia
ses, des associations musulmanes ou des dépêches Agence France-Presse ; Guy Nicolas, « Géopolitique Affrontements interreligieux
et religions au Nigeria », Hérodote, n° 106, La Découverte, 2002. fréquents depuis 1980
mouvements d’autodéfense soutenus par
des sociétés néotraditionnelles. Ce qui
nous laisse penser que, à l’avenir, l’Etat ���������������������������������������
et les organisations religieuses seront
amenés à renforcer leur complémentarité
dans le domaine de la gouvernance ».
En Afrique subsaharienne, des ONG
confessionnelles assurent d’ores et déjà
de 30 à 70 % des soins de santé. Du
Bénin à l’Ouganda, en passant par la
Côte d’Ivoire ou Madagascar, les mou- ����������� �����������
vements évangéliques ont l’oreille de
plusieurs chefs d’Etat, tandis que les
confréries musulmanes, à l’instar des
mourides au Sénégal ou de la Qadiriya
dans le nord du Nigeria, constituent des
alliés de poids au moment des grands
rendez-vous électoraux. ●

Sur la Toile
g Center for Studies on New Religions : ���������� ����������������
www.cesnur.org/2007/bord_damome.htm ��������������
g Site d’information mouride : ��������������
www.htcom.sn �������

g Africa Inland Mission, exemple du rôle �������������������������������������


des missions évangéliques protestantes ��������������������������� � �� �� �� ����
américaines : www.aimint.org/usa �������������������������� ������������
������������� ��������������������������

L’ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 191

-5-Afrique.indd 191 11/02/09 17:58:40


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de rêves. Cent cinquante ans d’histoire des idées reçues, Belin, 2007. Christendom. The Coming of Global
d’une famille algérienne, Amadou Hampâté Bâ, Oui mon Christianity, Pennsylvania State
Albin Michel, 2007. commandant !, Actes Sud, 1994. University, 2003.

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Les auteurs de L’Atlas du Monde diplomatique

Pierre Abramovici (p. 166), journaliste. Auteur de « Con- Selig S. Harrison (p. 142), directeur du National Security Gérard Prunier (p. 158), chercheur au Centre national
sidération sur l’origine des Forces spéciales », dans Les Project au Center for International Policy, Washington. de la recherche scientifique (CNRS), spécialiste de
Forces spéciales : concept et histoire, Centre d’études Auteur de Korean Endgame. A Strategy for Reunifi- l’Afrique centrale et orientale. Auteur de From Geno-
d’histoire de la défense, 2007. cation and US Disengagement, Princeton University cide to Continental War. The « Congolese » Conflict
Press, Princeton, New Jersey, 2003. and the Crisis of Contemporary Africa, Hurst and Co,
Akram Belkaïd (p. 120), journaliste indépendant, Paris. Londres, 2009.
Auteur d’Un regard calme sur l’Algérie, Seuil, Paris, Jean-Paul Hébert (p. 40), directeur du Centre interdisci-
2005. plinaire de recherches sur la paix et d’études stratégiques Jean-Luc Racine (p. 136), directeur de recherche au
(Cirpes). Auteur de Le Débat stratégique sur l’armement Centre national de la recherche scientifique (CNRS),
Jacques Berthelot (p. 20 et 22), économiste et membre 1992-2005, Cahier d’études stratégiques, n° 38-39, Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud, Ecole
du conseil scientifique d’Attac. Paris, 2006. des hautes études en sciences sociales (EHESS). Au-
Emmanuelle Bournay, géographe et cartographe. Co- teur de Cachemire. Au péril de la guerre, Autrement,
Michel Husson (p. 28), économiste à l’Institut de recher- Paris, 2002.
auteure du Vital Waste Graphics, Programme des Na- ches économiques et sociales (IRES). Auteur d’Un pur
tions unies pour l’environnement - convention de Bâle, capitalisme, Page deux, Lausanne, 2008. Jean Radvanyi (p. 72 et 104), directeur du Centre franco-
2004. russe de recherche en sciences humaines et sociales à
Isaac Johsua (p. 12), économiste, membre du conseil Moscou. Auteur de La Nouvelle Russie, Armand Colin,
Philippe Bovet (p. 96), journaliste indépendant. Auteur scientifique d’Attac. Auteur d’Une trajectoire du capi- Paris, 2007.
de Les Ecoquartiers, Terre vivante, mai 2009. tal. De la crise de 1929 à celle de la nouvelle économie,
Syllepse, Paris, 2006. Carole Rap (p. 100), journaliste.
Colette Braeckman (p. 160), journaliste chargée de
l’actualité africaine au quotidien Le Soir, Bruxelles. Au- Léon Koungou (p. 170), docteur en science politique, Philippe Rekacewicz (p. 118), géographe. Coauteur de
teure de Les Nouveaux Prédateurs, Fayard, Paris, 2002. chargé d’enseignement à l’université François-Rabelais, l’exposition « Frontières, migrants et réfugiés », 2007.
Martine Bulard (p. 52, 64, 68, 140 et 180), rédactrice Tours. Mathias Reymond (p. 112), maître de conférences en
en chef adjointe au Monde diplomatique. Auteure de Marc Laimé (p. 26), journaliste. Auteur de Les Batailles sciences économiques à l’université d’Evry.
Chine-Inde. La course du dragon et de l’éléphant, de l’eau, Terre bleue, Paris, 2008. Anne-Cécile Robert (p. 74, 154 et 172), rédactrice en
Fayard, Paris, 2008.
Marc Lavergne (p. 80), directeur de recherche au Centre chef adjointe au Monde diplomatique. Coauteure avec
Vicken Cheterian (p. 146), responsable de recherche au national de la recherche scientifique (CNRS), directeur Jean-Christophe Servant d’Afriques, années zéro, L’Ata­
Cimera, Genève. Auteur de War and Peace in the Cau- du Centre d’études et de documentation économique, lante, Nantes, 2008.
casus, Russia’s Troubled Frontier, Hurst - Columbia juridique et sociale (Cedej, Le Caire). Syed Saleem Shahzad (p. 134), directeur du bureau au
University Press, New York, 2008. Pakistan d’Asia Times Online, Hongkong.
Hervé Le Crosnier (p. 44), maître de conférences à
Georges Corm (p. 48 et 106), professeur d’université. l’université de Caen. Auteur de « Tentative de définition Catherine Samary (p. 148), maître de conférences en
Auteur d’Histoire du Moyen-Orient. De l’Antiquité à du vectorialisme », dans Traitements et pratiques docu- économie à l’université Paris-Dauphine, associée à
nos jours, La Découverte, Paris, 2007. mentaires : vers un changement de paradigme ?, Actes l’Institut d’études européennes, Paris-VIII. Auteure de
de la deuxième conférence « Document numérique et Yougoslavie, de la décomposition aux enjeux européens,
Patrick Criqui (p. 98), économiste et directeur du Labo- société », 2008.
ratoire d’économie de la production et de l’intégration Editions du Cygne, Paris, 2008
internationale, CNRS - université de Grenoble. Concep- Maurice Lemoine (p. 54 et 150), rédacteur en chef Nicolas Sarkis (p. 94), directeur du bimensuel Le Pétrole
teur du modèle énergétique mondial POLES. au Monde diplomatique. Auteur de Le Venezuela de et le Gaz arabes, Paris.
Chávez, Editions Alternatives, Paris, 2006.
Demba Moussa Dembélé (p. 182 et 184), économiste et Hermann Scheer (p. 110), président du World Council
directeur du Forum africain des alternatives. Coauteur Dominique Lévy (p. 36), économiste, directeur de re- for Renewable Energy (WCRE) et de l’Association eu-
de L’Afrique répond à Sarkozy. Contre le discours de cherche au Centre national de la recherche scientifique ropéenne pour les énergies renouvelables (Eurosolar).
Dakar, Philippe Rey, Paris, 2008. (CNRS). Coauteur avec Gérard Duménil de Crise et Auteur de L’Autonomie énergétique. Une nouvelle poli-
sortie de crise. Ordre et désordres néolibéraux, Presses tique pour les énergies renouvelables, Actes Sud, Arles,
Nicolas Dot-Pouillard (p. 130), doctorant en études poli- universitaires de France, Paris, 2000. 2007.
tiques à l’Ecole des hautes études en sciences sociales
(EHESS), Paris, et à l’Université libanaise, Beyrouth. Philippe Leymarie (p. 82, 156 et 162), journaliste à Ra- Claude Serfati (p. 18), enseignant-chercheur en écono­
dio France Internationale. Coauteur avec Thierry Perret mie à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines. A
Gérard Duménil (p. 36), économiste. Coauteur avec de Les Cent Clés de l’Afrique, Hachette Littératures, dirigé Une économie politique de la sécurité, Karthala,
Jacques Bidet d’Altermarxisme. Un autre marxisme Paris, 2006. Paris, 2008.
pour un autre monde, Presses universitaires de France,
Paris, 2007. Nieves López Izquierdo, géographe et architecte. Coau- Jean-Christophe Servant (p. 164, 176, 178 et 190), jour-
teure avec Riccardo Pravettoni de L’Atlas géopolitique naliste au magazine Géo Histoire, collaborateur Afri-
André-Michel Essoungou (p. 168), journaliste, Genève. de l’Amérique du Sud. Energie et conflits, à paraître en que pour Le Monde diplomatique. Coauteur avec Anne-
Auteur de Justice à Arusha. Un tribunal international 2009. Cécile Robert d’Afriques, années zéro, L’Atalante,
politiquement encadré face au génocide rwandais, Nantes, 2008.
L’Harmattan, Paris, 2006. Jean-Marc Manach (p. 46), journaliste. Coauteur de Les
Surveillants surveillés. Une anthologie des Big Brother Agnès Sinaï (p. 88), journaliste, maître de conférences à
Michel Foucher (p. 56), professeur de géographie à Awards, Zones, Paris, 2008. l’Institut d’études politiques de Paris.
l’Ecole normale supérieure, Paris. Auteur de L’Obsession
des frontières, Perrin, Paris, 2007. Laura Margueritte, géographe et cartographe. Vaclav Smil (p. 92), professeur à l’université de Mani-
toba, Canada, et membre de la Royal Society of Canada.
Hélène Gassin (p. 102), consultante indépendante sur les Cécile Marin, géographe et cartographe. Coauteure avec Auteur de Global Catastrophes and Trends. The Next
questions d’énergie et d’environnement. Coauteure avec Gérard Salem et Zoé Vaillant de l’Atlas mondial de la Fifty Years, MIT-Press, Cambridge, 2008.
Benjamin Dessus de So watt ? L’énergie, une affaire de santé, Autrement, Paris, 2008.
citoyens, Editions de l’Aube, La Tour-d’Aigues, 2005. Agnès Stienne, graphiste. Créations (affiches et bro-
Stephan Martens (p. 76), professeur de civilisation chures) pour les Carrefours de la pensée (2005-2008).
Philip S. Golub (p. 10, 50 et 62), professeur associé en re- ­allemande contemporaine à l’université Bordeaux-III.
lations internationales à l’Institut d’études européennes, A dirigé L’Allemagne, vingt ans après la chute du mur Eric Toussaint (p. 30 et 32), président du Comité pour
université Paris-VIII. Auteur de Losing Control : Ameri- de Berlin, Presses universitaires de Bordeaux, Pessac, à l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM-
can Imperial Politics and the Question of World Order, à paraître fin 2009. Belgique). Auteur de Banque mondiale : le coup d’Etat
paraître chez Pluto Press, Londres, 2009. permanent. L’agenda caché du Consensus de Washing-
Sanou Mbaye (p. 186), économiste, ancien haut fonc- ton, CADTM-Syllepse, Liège-Paris, 2006.
Cédric Gouverneur (p. 138), journaliste et enseignant à tionnaire de la Banque africaine de développement
l’école de journalisme du Celsa Paris-IV. Coauteur de (BAD). Auteur de L’Afrique au secours de l’Afrique, Mwayila Tshiyembe (p. 188), directeur de l’Institut pan-
L’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2009. africain de géopolitique, Nancy. Auteur de Refondation
Produire de la richesse autrement, Centre Europe - tiers-
de la nation et nationalité en République démocratique
monde (Cetim), Genève, 2008. Aude Merlin (p. 144), chargée de cours à l’Université du Congo, L’Harmattan, Paris, 2007.
Alain Gresh (p. 58, 70 et 124), directeur adjoint au libre de Bruxelles, membre du Centre d’étude de la vie
politique (Cevipol). A dirigé Où va la Russie ?, Editions Michel Verrier (p. 132), journaliste indépendant, Berlin.
Monde diplomatique et spécialiste du Proche-Orient.
Coauteur avec Dominique Vidal de Les Cent Clés du universitaires de Bruxelles, 2007. Dominique Vidal (p. 116 et 128), journaliste au Monde
Proche-Orient, Hachette Littératures, Paris, 2006. Damien Millet (p. 24), porte-parole du Comité pour diplomatique, responsable des éditions internationales et
l’annulation de la dette du tiers-monde France (CADTM). du développement. Auteur avec Sébastien Boussois de
Jean-Pierre Guengant (p. 174), directeur de recherche et Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949),
représentant de l’Institut de recherche pour le dévelop- Coauteur avec Frédéric Chauvreau de la bande dessinée
Le Système Dette, CADTM-Syllepse, Paris, 2009. L’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2007.
pement (IRD) au Burkina Faso. Auteur de La Jachère
en Afrique tropicale. L’apport en sciences sociales, Khadija Mohsen-Finan (p. 122), chercheuse, respon- Ibrahim Warde (p. 34), professeur associé à la Fletcher
L’Harmattan, Paris, 2006. sable du programme Maghreb à l’Institut français des School of Law and Diplomacy, Tufts University, Med-
relations internationales (IFRI), enseignante à l’Institut ford, Massachusetts. Auteur de Propagande impériale
Michèle Guillon (p.14), professeure émérite de géogra- et guerre financière contre le terrorisme, Agone - Le
d’études politiques de Paris. A dirigé L’Image de la
phie à l’université de Poitiers. Coauteure avec Nicole Monde diplomatique, Marseille-Paris, 2007.
femme au Maghreb, Actes Sud, Arles, 2008.
Sztokman de Géographie mondiale de la population,
Ellipses, Paris, 2008. Odaira Namihei (p. 66), journaliste. Catherine Wihtol de Wenden (p.16), directrice de re-
cherche au Centre national de la recherche scientifique
Serge Halimi (p. 6 et 42), directeur du Monde diplo- Didier Ortolland (p. 84), conseiller des affaires étran­ (Centre d’études et de recherches internationales), en-
matique. Auteur de Le Grand Bond en arrière, Fayard, gères. A dirigé L’Atlas géopolitique des espaces mari- seignante à l’Institut d’études politiques de Paris. Au-
Paris, 2004. times, Technip, Paris, 2008. teure de l’Atlas des migrations dans le monde, Autre-
ment, Paris, 2009 (seconde édition).
Peter Harling (p. 126), directeur pour l’Irak, la Syrie et Arrigo Pallotti (p. 108), chercheur en histoire et institu-
le Liban au sein de l’International Crisis Group. tions africaines à l’université de Bologne, membre du Olivier Zajec (p. 38), chargé d’études à la Compagnie
comité de rédaction de la revue Afriche e Orienti. européenne d’intelligence stratégique (CEIS), Paris.
Jean-Marie Harribey (p. 90), maître de conférences en
économie à l’université Bordeaux-IV. Coauteur avec Riccardo Pravettoni, géographe et cartographe. Coauteur Dariusz Zalega (p. 78), politologue et rédacteur en
Eric Berr de Le Développement en question(s), Presses avec Nieves López Izquierdo de L’Atlas géopolitique de chef de l’hebdomadaire Trybuna Robotnicza (Tribune
universitaires de Bordeaux, Pessac, 2006. l’Amérique du Sud. Energie et conflits, à paraître en 2009. ouvrière), Varsovie.

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