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D. Blanchon
dans le monde.
—
David Blanchon est géographe. Il enseigne à l’université Paris-Ouest Nanterre après avoir
passé deux ans au sein de l’IRL iGlobes (CNRS-université d’Arizona) à Tucson, Arizona.
Aurélie Boissière est cartographe indépendante.
www.autrement.com
Illustration de couverture :
© Justinreznick / iStock
9:HSMHOG=\[XUVW: QUATRIÈME ÉDITION
Cartographe
Aurélie Boissière est géographe-cartographe indépendante (http://
boiteacartes.fr/). Elle a réalisé de nombreux atlas dans la collection
« Atlas Autrement », notamment l’Atlas de l’Amérique précolombienne
(2022). Elle a également collaboré à plusieurs collections sur l’histoire de
France et l’histoire ancienne chez d’autres éditeurs.
Maquette : Twapimoa
Coordination éditoriale : Marion Chatizel, Anne Lacambre pour cette édition
Fabrication : Margot Jourdan
ISBN : 978-2-0802-7468-7
Tous droits réservés. Aucun élément de cet ouvrage ne peut être reproduit,
sous quelque forme que ce soit, sans l’autorisation expresse de l’éditeur et
du propriétaire, les Éditions Autrement.
David Blanchon
Quatrième édition
Autrement
Collection Atlas Monde
Atlas mondial
de l’eau
Introduction
L
e problème de l’eau se pose en termes simples : actuellement les États n’est pas tant leur ressource brute
plus de 600 millions d’habitants n’ont pas accès à calculée par habitant que leur capacité à mobiliser cette
l’eau potable dans le monde ; 40 % de la production ressource. Au niveau mondial, l’agriculture reste le principal
agricole mondiale dépend de l’agriculture irriguée ; les poste de prélèvement et de consommation d’eau, utilisant
écosystèmes aquatiques jouent un rôle indispensable près de trois quarts des ressources, mais la consommation
dans les processus naturels, mais sont aussi parmi les des villes, surtout dans les pays du Sud, croît rapidement.
plus fragiles. Au cours des prochaines décennies, il faudra La concurrence entre régions et entre villes et campagnes
donc à la fois apporter de l’eau potable à tous et accroître s’exacerbe partout dans le monde. Avec la multiplication
la production agricole en zones irriguées pour répondre à des grands barrages et des transferts d’eau à grande
la double augmentation de la population et du niveau de distance, l’eau semble « couler » désormais vers l’argent
vie, tout en préservant les milieux naturels. C’est ce triple et le pouvoir.
défi économique, social et environnemental qui devra être
relevé, avec une urgence particulière dans les pays du Sud Une ressource menacée
et faire face à la perspective de changements climatiques. Les prouesses techniques pour apporter l’eau là où on
en a besoin, quand on en a besoin, ne suffisent pas, les
Une ressource irremplaçable activités humaines entraînant souvent des désastres
L’eau est l’élément le plus précieux, le « signe distinctif » environnementaux. Ce ne sont pas la pénurie et le
de notre planète : façonnant le relief terrestre et régulant manque d’eau qui posent le plus grand défi en ce début
le climat (la vapeur d’eau est le principal gaz à effet de de xxie siècle, mais plutôt la dégradation incontrôlée de la
serre), elle a permis le développement de la vie. Elle y est qualité de la ressource, au Nord comme au Sud. Partout, les
abondante : il n’y a pas de pénurie d’eau douce au niveau ressources en eau sont menacées. Sans atteindre le niveau
mondial. Les problèmes liés à cette ressource viennent de la catastrophe de la mer d’Aral, de nombreux périmètres
de son inégale répartition spatiale et temporelle. La irrigués connaissent des problèmes de salinité inquiétants,
variabilité climatique crée une succession de sécheresses ce qui réduit fortement leur production. Au Sud, les rejets
et d’inondations, révélant le manque d’adaptation des des grandes villes ne sont que sommairement traités,
sociétés à ces phénomènes. Mais il n’existe pas de tout comme les effluents industriels. Au Nord, même si
problèmes d’accès à l’eau qui ne soient potentiellement des investissements lourds ont été effectués pour traiter
solubles techniquement aujourd’hui, même si cela les pollutions industrielles et urbaines, les écosystèmes
occasionne un coût environnemental et social important. aquatiques souffrent à la fois de pollutions diffuses liées à
l’agriculture intensive (nitrates, phosphates et pesticides)
Des capacités différentes à mobiliser et de pollutions héritées, comme les PCB dans le Rhône
la ressource et dans les autres fleuves européens. Et, en retour, ces
Les techniques, après des millénaires d’amélioration, pollutions menacent la santé de millions d’êtres humains.
permettent aujourd’hui de construire d’immenses barrages
pour réguler les fleuves, de transférer l’eau sur des De l’eau pour tous ?
centaines de kilomètres, de dessaler l’eau de mer à un coût Les aménagements hydrauliques, construits pour produire,
désormais plus abordable. C’est pourquoi ce qui distingue distribuer et traiter les eaux, demandent généralement
des investissements importants. Ces coûts accroissent persistance d’une « pauvreté hydraulique » dans les pays
fortement les inégalités liées à l’eau entre villes et du Sud, l’incapacité à atteindre les Objectifs du millénaire,
campagnes, et dans les villes. Celles-ci soulignent les pourtant limités. L’optimiste montre les constantes
différences sociales (les centaines de millions d’habitants innovations techniques dans l’irrigation, le traitement et le
qui n’ont pas un accès minimal à l’eau potable et/ou à recyclage des eaux usées, les nouveaux modes de gestion
l’assainissement sont aussi les plus pauvres) ainsi que les plus efficaces, reposant sur la réduction de la demande
inégalités de genre (ce sont généralement les femmes et les et permettant de réduire aussi les impacts écologiques.
filles qui doivent passer de longues heures à aller chercher Tout dépendra des choix politiques, fondés sur la solidarité
l’eau) et les aggravent. Ainsi, dans les grandes métropoles nationale et internationale : 100 milliards de dollars par
du Sud, les pauvres paient l’eau bien plus cher que les plus an, soit l’équivalent de 10 % des dépenses militaires
aisés, qui ont accès au réseau de type européen. mondiales, seraient nécessaires pour apporter l’eau à
Ces inégalités ne sont pas liées à la quantité d’eau tous. Mais ces financements ne donneront les résultats
disponible (l’usage de l’eau domestique est très faible escomptés que s’ils sont associés à une nouvelle culture
par rapport aux besoins agricoles), mais au manque de l’eau, plus économe, plus égalitaire et plus adaptée aux
d’investissement et à la non-prise en compte des besoins besoins réels des populations concernées. La résolution
des populations défavorisées. Le problème du financement des crises régionales de l’eau, qui ont chacune une
de l’eau pour tous est crucial pour les quelques années à histoire différente, viendra sans doute principalement de
venir : qui doit financer les coûts des nouveaux réseaux l’émergence de solutions innovantes locales, aidées et non
(États, municipalités, entreprises privées, consommateurs imposées : c’est la clé pour que l’eau pour tous devienne
finaux) ? Et quel prix doit-on faire payer ? Des solutions réalité au xxie siècle.
innovantes ont été mises en place dans certains pays
comme l’Afrique du Sud pour fournir un minimum d’eau
gratuitement à toute la population et pour que le droit
proclamé dans la Constitution d’un accès à l’eau universel
devienne réalité. Mais la question de la marchandisation
d’un bien à nul autre pareil, comme le montre sa valeur
symbolique et culturelle à travers le monde, reste posée.
Quelles perspectives ?
Le géographe et hydrologue A. Allan écrivant de façon
paradoxale que « les hydrologues pessimistes ont tort,
mais leur pessimisme est un outil politique puissant qui
permet d’avoir des financements et promouvoir des
innovations ; les optimistes ont raison, mais ils sont
dangereux car ils permettent aux politiques de traiter l’eau
comme un domaine secondaire ». Le pessimiste souligne
la dégradation continue de la qualité de la ressource, la
Une ressource
irremplaçable
L’eau est plus qu’abondante sur notre planète. Même si
97,5 % de l’eau présente sur Terre est salée, les stocks d’eau
douce restent considérables : plus de 40 millions de km3.
Cependant, seuls les flux, beaucoup plus restreints,
déterminent la ressource en eau renouvelable réellement
disponible à la fois pour le fonctionnement des écosystèmes
et les besoins humains. Ils sont très inégalement répartis
sur la surface du globe et très variables à toutes les échelles
de temps. Tous les cours d’eau sont ainsi affectés par la
variabilité climatique à des degrés divers, entre saisons
sèches et humides, et d’une année à l’autre. Mais c’est dans
les régions tropicales que les différences sont généralement
les plus marquées. Sur une plus longue durée s’y dessinent
des cycles de longues périodes sèches et humides,
dont les causes et le rythme restent mal connus.
La variabilité temporelle et spatiale des précipitations
et des débits explique la diversité, la richesse mais aussi
la fragilité des milieux aquatiques.
artificiels situés derrière des barrages comparés au Groenland et à l’An- ainsi que dans le sud de l’océan Indien,
de plus de 15 mètres et un nombre tarctique, ceux des Alpes occupent la mer Rouge et le golfe Persique.
bien plus important de plans d’eau 3 000 km2 et soutiennent le débit estival Les régions continentales « bénéfi-
artificiels plus petits qui ont un impact de fleuves majeurs comme le Rhône, le ciaires » se situent principalement dans
important sur le cycle de l’eau. Rhin ou le Pô. les régions équatoriales, puis entre
Enfin, dans les régions sèches, sans La neige, qui couvre 20 % des conti- 20° et 40° de latitude sur la façade
exutoire, les eaux chargées en sels nents pendant près de six mois, et un est des continents (Chine, États-Unis)
minéraux, sous l’effet de l’évaporation, tiers pendant trois mois (essentielle- et plus au nord (entre 40° et 60°) sur
forment des lacs salés comme la mer ment tout le nord de l’Eurasie et une leur façade ouest (Europe occidentale,
Morte, le grand lac salé de l’Utah ou grande partie de l’Amérique du Nord), Canada).
encore les chotts du Sahara. joue également un rôle majeur dans le Les régions les plus arrosées du globe
cycle de l’eau. se trouvent sans surprise là où des flux
Neiges et glaces Enfin, dernier élément de la cryosphère, venant des océans « sources » ren-
La cryosphère joue un rôle essentiel une partie importante de l’eau souter- contrent des obstacles montagneux.
dans le cycle de l’eau. Son extension raine est stockée sous forme glacée C’est le cas par exemple de Cherrapunji
est variable au cours des ères géolo- dans le sous-sol des régions arctiques, (en Inde), où l’air chaud et humide de
giques et influe sur le niveau des mers. notamment en Sibérie, au Canada et l’océan Indien bute sur les contreforts
Vers la fin de la dernière glaciation, il y également sous les hauts plateaux de l’Himalaya. Cette station reçoit ainsi
a environ 18 000 ans, deux immenses tibétains. Ce pergélisol est présent sur 12 mètres de précipitations par an.
inlandsis, centrés respectivement sur le 20 % de la surface des continents, sur À l’inverse, les régions arides, où il
Canada et la Scandinavie, stockaient une épaisseur pouvant aller jusqu’à tombe moins de 200 millimètres de
entre 30 et 34 millions de km3 d’eau, 500 mètres. précipitations, se situent soit dans
ce qui a abaissé le niveau des mers des régions situées à l’intérieur des
de 120 mètres. Leur fonte a provoqué Géographie du cycle de l’eau continents (déserts d’Asie centrale),
un relèvement rapide du niveau des La répartition géographique des préci- soit dans des zones qui sont toujours
mers en quelques milliers d’années. pitations est liée à la circulation géné- soumises à des anticyclones (déserts
Aujourd’hui, la fonte du seul inlandsis rale de l’atmosphère. À l’échelle du du Sahara et d’Australie). Les régions
du Groenland provoquerait une hausse globe, les grands espaces exportateurs les plus sèches du globe se trouvent le
de 7 m du niveau des mers. d’eau, où l’évaporation est bien plus long des côtes longées par des cou-
À plus petite échelle, les glaciers forte que les précipitations, s’étendent rants marins froids, comme le désert
de montagne jouent également un autour de 20° de latitude nord et sud d’Atacama au Chili, où il ne pleut
rôle régulateur. S’ils sont modestes sur les océans Pacifique et Atlantique, presque jamais.
Le cycle hydrologique
de la planète
Deux données sont essentielles pour comprendre les étapes du cycle de l’eau : l’intensité des flux
et le temps de résidence. Dans les glaces de l’Antarctique, l’eau, sous forme de glace, peut être
stockée des centaines de milliers d’années, alors que, sur les océans, le cycle évaporation
précipitation peut ne prendre que quelques heures. L’intensité des flux, en chaque point du cycle,
varie à toutes les échelles de temps considérées.
Un cycle vital environ sont transférés sous forme de Cette eau « verte » est indispensable
L’énergie solaire est le moteur du vapeur d’eau sur les continents, où, à au fonctionnement d’écosystèmes
cycle de l’eau. L’évaporation sur les des conditions de température et de aussi divers que les zones humides
océans, le transport dans l’atmos- pression données, ils se condensent ou les forêts. Elle est également utili-
phère, puis les précipitations et et précipitent (pluie ou neige). sée in situ par l’agriculture pluviale et
l’écoulement sur les continents en Environ 60 % de ces précipitations pour l’élevage.
sont les éléments essentiels. retournent rapidement dans l’atmos- Les 40 % d’eau précipitée restants
Chaque année, 502 800 km3 d’eau phère, par l’effet de l’évaporation sur rejoignent rapidement les rivières
s’évaporent sur les océans sous l’ef- les nappes d’eau libre (fleuves et lacs) avec un temps de résidence de
fet de l’énergie solaire. La plus grande ou de la transpiration des plantes et quelques jours. Seule une faible par-
partie retombe sous forme de préci- des animaux – d’où l’importance de tie s’infiltre plus profondément et
pitations sur les océans, mais 10 % cycles secondaires sur les continents. atteint les nappes souterraines, mais
Précipitations
Précipitations 110 000 km3 Précipitations
9 000 km3
458 000 km3
Évapotranspiration
65 200 km3 Évaporation
Évaporation
Absorption 502 800 km3
9 000 km3
par la
tion végétation
l t ra
Infi
Ruissellement de surface
Zones 42 600 km3
endoréiques
MERS ET OCÉANS
Circulation souterraine
12 000 km3
Précipitations* Évaporation*
Eau de 1 semaine
le temps de résidence étant beau- l’évapotranspiration. la biosphère
coup plus long, le volume stocké Le couple sol/végétation forme des
est bien plus important. On désigne « terroirs hydrologiques », fondés sur Eau
atmosphérique 1,5 semaine
sous le nom d’eaux « bleues » les des systèmes d’interactions com-
eaux précipitées qui ne s’évaporent plexes. Ils sont souvent en équilibre
pas, ruissellent et rejoignent les cours fragile. On comprend dès lors que les Canaux fluviaux 2 semaines
d’eau ou s’infiltrent dans les nappes modifications sur le couvert végétal
souterraines. (défrichement des forêts, change- Humidité des sols
2 semaines
ment du type de cultures…) peuvent à 1 an
Le rôle de la végétation modifier fortement le cycle de l’eau de
et des sols régions entières. Marécages 1 à 10 ans
La vision globale ne donne qu’un
L’eau façonne la terre Quelques
aperçu trop simplifié du cycle de Lacs et réservoirs semaines
l’eau, car celui-ci est en réalité com- L’eau tient un rôle majeur dans la à 15 ans
posé d’une multitude de circuits formation du relief terrestre, comme
Glaciers
100 à
locaux, qui dépendent des particula- agent d’érosion, de transport et de 1 000 ans
rités de chaque bassin versant. sédimentation. Tous les paysages ter-
Comme le montre la figure ci-dessus, restres sont marqués par son action.
Mers et océans 2 500 ans
la végétation et les sols jouent un rôle Le gel et l’érosion fluvio-glaciaire
majeur au niveau local. La végétation façonnent les hautes montagnes. Les
intercepte d’abord les précipitations fleuves transportent chaque année de Eaux souterraines
2 semaines
à 10 000 ans
et ralentit le ruissellement, en favori- 15 à 30 milliards de tonnes de sédi-
sant l’infiltration dans les sols. L’eau ments vers la mer. Là où l’érosion est 1 000 à
Calottes polaires
stockée est ensuite captée par les la plus forte, la charge solide en sus- 700 000 ans
racines et renvoyée dans l’atmos- pension peut atteindre des valeurs
phère, c’est ce que l’on appelle très importantes : 26 000 mg/l pour le Sources : Shiklomanov et Rodda, 2003 ; Vigneau, 1996.
Le bassin versant : celles des écoulements superficiels. connaître les ressources en eau dis-
unité de base pour comprendre On distingue généralement les bassins ponibles. Les diverses combinaisons
le cycle de l’eau endoréiques, sans écoulement vers la possibles font qu’il y a autant de « ter-
On définit généralement le bassin ver- mer, qui couvrent 11 % des terres roirs hydrologiques » que de bassins
sant comme la surface topographique émergées, des bassins exoréiques. versants. Chaque BV (et sous bassin
(impluvium) où les précipitations La forme du bassin versant, sa posi- même) est donc unique.
s’écoulent vers un exutoire commun. tion par rapport aux flux de précipi-
Le BV est limité par la ligne de par- tations, sa couverture végétale et Les principaux bassins
tage des eaux. Il comprend également sa géologie, qui détermine la pré- versants dans le monde
les écoulements souterrains dont les sence de nappes phréatiques, sont Trois critères sont généralement
limites peuvent parfois différer de autant d’éléments déterminants pour utilisés pour comparer les bassins
Bassin versant
Débit spécifique moyen Débit moyen à l’embouchure
(litre/seconde/km 2) (m 3/seconde)
200 000 1. Èbre
De 25 à 42 2. Loire
40 000 3. Rhône
De 15 à 24,9 4. Rhin-Meuse
10 000
De 8 à 14,9 4 000 5. Elbe
1 000 6. Danube
De 5 à 7,9 7. Neva
Sources : UNEP, 1995 ; Shiklomanov et Rodda, Les cercles proportionnels sont situés 8. Dniepr
2003 ; WRI, Earth Trends.
De 0 à 4,9 à l’embouchure des fleuves concernés. 9. Brahmapoutre
versants : le débit brut ou module, La charge sédimentaire. Les bassins la Seine à Paris a une charge sédi-
exprimé en km 3/an ou en m 3/ versants se différencient également mentaire en suspension inférieure à
seconde ; la superficie ; et enfin le en fonction de la charge sédimentaire 0,2 kg par mètre cube. L’Amazone
débit spécifique (DS), obtenu en transportée par les cours d’eau, en transporte entre 0,5 (période d’étiage)
divisant le débit par la superficie et solution, en suspension (c’est cette et 1,5 kg (période de crue) par mètre
exprimé en l/s/km2. charge composée de sables et de cube.
Le débit spécifique. Ce dernier limons qui est le plus souvent respon- Le bassin versant : une unité de
paramètre permet de comparer des sable de la turbidité des eaux), ou en gestion commode. Ces flux d’eau et
fleuves dont les bassins versants ont roulement pour les matériaux les plus de matière dans les bassins versants
des tailles différentes. Ainsi, le Nil grossiers (galets ou graviers). Ainsi le expliquent l’importance de la conti-
a un bassin versant immense mais, Huang He (appelé aussi fleuve Jaune) nuité écologique pour le maintien de
traversant des régions peu arrosées, en Chine doit sa très forte turbidité la biodiversité des bassins versants.
un débit à l’embouchure relativement au lœss qu’il arrache aux plateaux Cela explique également pourquoi le
faible (2 830 m3/s à l’entrée du delta) de son cours moyen. Avec 34 kg bassin versant est aujourd’hui consi-
et un débit spécifique peu important. de charge en suspension par mètre déré comme l’unité « naturelle » la
Les fleuves géants sont ceux qui com- cube d’eau, sa charge sédimentaire plus adaptée pour la gestion des
binent bassin versant étendu et débit représente trois fois celle du Colorado cours d’eau. Les organismes de
spécifique important, comme l’Ama- et plus de vingt fois celle du Nil. De bassin, sur le modèle des Agences
zone (209 000 m3/s à l’embouchure), façon générale, les cours d’eau en de l’eau en France (créées en 1964)
le Congo (42 000), le Yangzi Jiang région aride et semi-aride ont une se sont multipliés depuis une ving-
(34 000) ou encore le Gange (16 000). charge sédimentaire en suspension taine d’années, y compris pour les
Ces deux derniers sont des artères très importante, alors qu’elle est très grands fleuves transfrontaliers. Le
vitales pour des centaines de millions faible dans les régions équatoriales Réseau international des organismes
d’habitants, alors que les deux pre- et dans les régions tempérées, sauf de bassin (Riob) compte à ce jour
miers sont des « fleuves du vide ». dans les zones de montagne. Ainsi 134 membres venant de 51 pays.
De l’eau des sols une autre peut s’infiltrer plus pro- perméable est en contact avec la sur-
aux grands aquifères fondément et rejoindre les nappes face, et captive lorsque des couches
Les précipitations ne ruisselant pas phréatiques. imperméables recouvrent la roche per-
transitent d’abord dans le sol. On Dans ces dernières, l’eau est conte- méable. La contenance d’une nappe
appelle capacité au champ le volume nue dans les pores de la roche dite dépend de la porosité de la roche
maximal d’eau que peut retenir le sol. perméable. L’infiltration se poursuit et de l’étendue des couches géolo-
Ce stock est utilisé par le système verticalement jusqu’à ce que l’eau giques. Elle peut aller de quelques
racinaire des végétaux (réserve utile) : rencontre une roche imperméable, mètres cubes à plusieurs milliers de
une partie rejoint donc l’atmosphère qui constitue le plancher de la nappe. kilomètres cubes : en Amérique du
par la transpiration des plantes, mais La nappe est dite libre quand la roche Sud, l’aquifère du Guarani s’étend
Océan
Atlantique
Océan
Pacifique
Océan
Indien
Océan
Pacifique
le
Fai l
fondes : on y boit ainsi l’eau de pluie s
aire
tombée sur le Périgord il y a plusieurs Calc nes
r
milliers d’années et qui a circulé dans Ma
les aquifères pour atteindre la Gironde. Cascade
souterraine
En revanche, l’exploitation des aqui-
fères complexes ou à recharge faible
peut se révéler vite problématique. Rivière
souterraine
Conception et réalisation : T. Auly.
3 3 3
2 2 2
1 1 1
0 0 0
J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D
* CMD : coefficient mensuel de débit : correspond au rapport entre le débit mensuel et le débit moyen annuel.
Me
25 Nil Bleu qui fournit
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Ni Rumela et l’essentiel de la crue du
r R
20 Kajbar
Burdana Nil. Le Nil Blanc, dont le
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régime est beaucoup
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15
At plus pondéré, soutient
10 Méroé b e le débit du fleuve
Sources : Mutin, 2000 ; Initiative du bassin du Nil ; FAONile ; Hydropower along the Nile, Geneva Water Hub.
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J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D
Sources : SHI et Unesco, 1999 ; WRI, Earth Trends.
Sécheresses et inondations
Plus encore que la différence entre hautes et basses eaux, l’alternance entre sécheresses et crues
est le facteur déterminant pour l’aménagement des cours d’eau, et généralement, plus la ressource
est faible, plus elle est variable. C’est pour lutter contre la variabilité qu’on a construit des grands
barrages, capables de stocker assez d’eau pour faire face à plusieurs années déficitaires
ou capables d’arrêter des crues centennales.
vers zéro. Les grands barrages, digues précipitations dans la région sahé- de rendre compte de la cause de ces
et autres aménagements hydrauliques lienne. Un épisode particulièrement fluctuations. Cela rend difficile l’inter-
sont généralement conçus pour résis- sec d’une trentaine d’années, de 1968 prétation des évolutions actuelles du
ter à des épisodes qui ont une période à 1994, a été précédé par une période lac, où les facteurs anthropiques et
de retour de quelques décennies. Ils plus humide, de durée équivalente. Il naturels sont mêlés.
sont souvent pris en défaut par des est encore trop tôt pour savoir si la Mais cette incertitude doit égale-
épisodes qui ont une période de retour reprise récente des précipitations ment nous inciter à la plus grande
supérieure. depuis quelques années marque le prudence dans l’aménagement des
retour d’une nouvelle période humide. cours d’eau. L’exemple du Colorado,
Des cycles plus complexes De façon générale, nos connaissances aux États-Unis, le montre : les eaux
que d’autres sur les cycles d’hydraulicité restent du fleuve ont été partagées entre les
Les grands cours d’eau, notam- encore parcellaires. Par exemple, s’il États du sud-ouest en 1922, après
ment dans les régions tropicales, a été possible de reconstituer l’évo- une période particulièrement humide,
connaissent des fluctuations bien lution du lac Tchad, avec l’alternance en se basant sur des estimations trop
marquées, dont les causes et le de phases d’expansion et de périodes optimistes. Aujourd’hui, alors que le
rythme restent mal connus. Le cycle où le lac avait presque complètement débit est bien plus faible, cela génère
du Niger reflète ainsi les cycles de disparu, aucune explication ne permet de nombreux conflits.
Un fort endémisme, le Rhône et le Rhin), mais le retour de ainsi le lac Tonlé Sap (Cambodge),
une ressource importante certaines espèces emblématiques qui sert de déversoir au Mékong,
La séparation naturelle entre les dif- comme le saumon est un bon mar- fournit jusqu’à 200 000 tonnes de
férents bassins versants favorise queur de l’amélioration de la qualité poisson par an, soit 80 % de l’ap-
l’endémisme. L’Amazone comporte des eaux. port en protéines, aux 14 millions de
plus de 3 000 espèces de poissons, La pêche dans les lacs et les cours Cambodgiens.
dont 1 800 endémiques ; le Congo, d’eau constitue une ressource de
700 espèces dont 500 endémiques. protéines vitale pour les populations L’hydrosystème
Les rivières européennes sont compa- riveraines dans les pays du Sud. La Les cours d’eau forment un milieu
rativement moins riches (43 espèces productivité des eaux continentales complexe où des éléments (plantes,
pour la Loire et une soixantaine pour en poisson peut s’y révéler forte : poissons, animaux aquatiques,
Amour
Danube
Mississippi Huang He
Colorado
Indus
Chang Jiang
Gange
Rio Grande Sénégal
Mékong
Niger
Orénoque
Brahmapoutre
Magdalena Amazone
Volta
Congo
Zambèze
La Plata
Sous-bassin
versant C o u r s d ’ eau t r ibu
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Sous-bassin Zones
versant
agricoles Sous-bassin
versant
Lac
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p r i nc
Zone ripisylve Ville
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Infiltrations
Co
Nappe
phréatique
Source
Infiltrations
Zone
humide
Mer
Nappe
phréatique
22-23_BassinVersant
roches et eau) de différentes tailles parties de l’hydrosystème. La diver- fonctionnent comme les « reins » du
sont étroitement reliés par des pro- sité des milieux et leurs interactions cycle hydrologique, ralentit la conta-
cessus physiques, chimiques et bio- forment une « mosaïque fluviale » qui mination des milieux et leur permet
logiques. Ces éléments s’emboîtent explique la forte biodiversité. de « récupérer » après une pollution.
à différentes échelles, du microha- Au contraire, dans les zones arides
bitat de quelques mètres carrés (un Vulnérabilité, endoréiques, la résistance et la rési-
système racinaire) au secteur de plu- résistance, résilience lience sont faibles : la dilution des
sieurs milliers de kilomètres carrés Les hydrosystèmes sont à la fois polluants est difficile et les perturba-
(une plaine à méandre). vulnérables, résistants et résilients. tions s’accumulent dans l’exutoire où
Le terme d’hydrosystème désigne Leur vulnérabilité est due à leur com- ils ne sont pas dispersés, processus
cet ensemble d’interactions qui se plexité : une modification d’un élément qui expliquent en partie la tragédie
déploient dans quatre dimensions. La entraîne des perturbations en cascade, de la mer d’Aral. Mais, dans tous les
première, la plus évidente, est le lien avec des effets en retour pour tous les cas, lorsque des seuils sont franchis
entre l’amont et l’aval, avec un rapport autres, que l’on appelle boucles de (trop de barrages, trop de pollutions),
de dépendance marqué. La seconde rétroaction. La résistance et la rési- les capacités de résistance et de rési-
est transversale, avec le passage pro- lience sont liées à la fois à leur taille et lience peuvent être annihilées : le fonc-
gressif entre les milieux secs et les à leur capacité d’auto-épuration. tionnement des hydrosystèmes, dans
milieux humides. La troisième renvoie Ainsi un grand lac ou des nappes toutes ses dimensions, est alors altéré,
à la superposition verticale des éco- profondes seront moins rapidement avec des conséquences néfastes sou-
systèmes de surface et souterrains. atteints par des polluants qu’un petit vent imprévues (le fonctionnement
Et enfin, la dimension temporelle cours d’eau superficiel. De même, des boucles de rétroaction reste peu
rappelle l’évolution différenciée des la présence de zones humides, qui connu) et irréversibles.
EN
ENCONCLUSION
CONCLUSION
Une
Uneressource
ressource
irremplaçable
irremplaçable
Une ressource unique
Une ressource
Principal constituant unique
des êtres vivants (le
corps humainconstituant
Principal est composé desaux deux
êtres tiers (le
vivants
d’eau),
corps l’eau,
humain ressource
est composé fragileaux et deux
vitaletiers
pourd’eau),
les écosystèmes
l’eau, ressource terrestres, possède
fragile et vitale
des pour caractéristiques
les écosystèmes remarquables. Ses
terrestres, possède
propriétés chimiques en font
des caractéristiques un support Ses
remarquables.
indispensable
propriétésàchimiquesla vie. Son rôle en fontmajeurun dans
support
les processus
indispensable d’érosion,
à la vie chimique et méca-
et, couplées à son
nique, lui donnent
action mécanique, un rôle prééminent
lui donnent un dans
rôle pré-
le façonnement
éminent dans des le paysages
façonnement terrestres.
des paysages
terrestres.
Une ressource à protéger
Il estUne ressource
possible à protéger
de substituer le charbon par le
pétrole,
Il estlepossible
pétrole de parsubstituer
le gaz oulel’électricité,
charbon par le
maispétrole,
rien nelepeut remplacer
pétrole par le l’eau.
gaz ouSil’électricité,
la res-
sourcemais estrien ne peut
polluée, remplacer
rendue impropre l’eau.
pourSi les
la res-
usagessource humains
est polluée,
ou toxiques
rendue pourimpropre
les éco-
pour les
systèmes,
usagesil humains
faut investir ou des sommes
toxiques pourconsi-
les éco-
dérables
systèmes,et attendre parfoisdes
il faut investir dessommes
décennies consi-
pourdérables
en profiter à nouveau,
et attendre sans des
parfois être décennies
même
sûr d’y
pour parvenir.
en profiter Même si les hydrosystèmes
à nouveau, sans être même
ont une
sûr d’ycapacité
parvenir.d’auto-épuration et de rési-
Même si les hydrosystèmes
lienceontquiuneleur permetd’auto-épuration
capacité de résister jusqu’à et deunrési-
certain
liencepointqui aux
leur pollutions,
permet de leur protection
résister jusqu’à un
est devenue
certain point un enjeu majeur desleur
aux pollutions, politiques
protection
publiques
est devenuealors que les pressions
un enjeu majeur des sur lapolitiques
res-
source s’accentuent.
publiques alors que les pressions sur la res-
source s’accentuent.
Mobiliser
et utiliser l’eau
Il est relativement aisé de calculer le volume d’eau disponible
par habitant pour tous les pays du globe. Mais il est
beaucoup plus difficile de mesurer la capacité des États
à mobiliser la ressource. Pour amener l’eau là où on
en a besoin, quand on en a besoin, il faut posséder des
savoir-faire techniques et des capacités financières
suffisantes, mais aussi faire preuve d’une réelle volonté
politique. C’est cette capacité à mobiliser la ressource
qui est déterminante pour comprendre les grands enjeux
actuels liés à l’eau. Certains pays très « pauvres en eau »,
comme Israël, Malte ou Singapour, réussissent à pourvoir
aux besoins en eau potable de toute leur population et
connaissent un développement économique rapide. D’autres,
qui possèdent pourtant des ressources très abondantes, sont
dans des situations difficiles. Au Mozambique par exemple,
où les ressources par habitant sont trois fois supérieures à
celles de la France, à peine plus de la moitié de la population
dispose d’un accès minimal à l’eau potable.
Un indice parlant, Maldives (58) ou Malte (115). d’autres où la situation est plus difficile
mais discutable Une ceinture de la pénurie se des- (Danemark 1 043 ; République tchèque
Au niveau mondial, quelques États sine du Maroc au Pakistan, avec une 1 232).
disposent de ressources extrêmement extension qui descend le long de la Certaines situations peuvent paraître
abondantes : le Brésil (41 300 m3/hab./ façade orientale du continent africain. paradoxales. Elles s’expliquent souvent
an), la Russie (31 000) et le Canada En revanche, les Amériques appa- par la maille spatiale. Ainsi, la Namibie,
(78 000). À l’inverse, certains pays ont raissent relativement bien dotées, tout largement désertique, a une disponi-
des ressources quasi nulles : c’est le comme les États qui bordent le golfe bilité élevée (16 300) grâce à l’impor-
cas du Koweït (5) et, plus largement, de Guinée. En Europe, la situation est tance des fleuves frontaliers que sont
de tous les États de la péninsule ara- contrastée entre des États richement l’Orange, la Cunene et l’Okavango,
bique, de certaines îles comme les dotés (Norvège 73 600 m3/hab./an) et qui coulent respectivement sur ses
frontières sud, nord et est. De même, la rive nord ont globalement des res-
L’indice de Falkenmark en Afrique
l’Australie présente officiellement des sources abondantes (18 400 m3/hab./
ressources abondantes (19 760 m3/ an pour la Serbie, plus de 6 500 pour
hab./an), mais celles-ci sont concen- la Grèce), alors que les pays de la rive
trées essentiellement dans l’extrême sud sont tous en dessous du seuil de
nord et la frange orientale de l’île-conti- stress, avec des situations critiques en
nent. Les mêmes disparités internes Libye (104), Algérie (276) ou Tunisie
affectent les États-Unis, la Chine et (399). Il n’est dès lors pas étonnant
même le Brésil. La ressource en France que les projets de coopération entre
est estimée à environ 3 250 m3/hab./ les deux rives insistent sur l’impor-
an, mais atteint 5 400 dans le bassin tance de la gestion des ressources en
versant du Rhône contre 1 400 dans eau. Mais, comme partout, ces chiffres
celui du Rhin. bruts peuvent cacher des situations
Enfin, il n’y a aucun lien entre le niveau très différentes et doivent être inter-
de développement et la disponibilité en prétés avec précaution. Indice de Falkenmark
eau : on trouve des pays développés et Il en est ainsi pour l’Afrique, où les + 1 Plus de 10 000 m3/hab./an :
des pays pauvres dans les situations situations les plus difficiles ne se ressources insuffisantes
potentielles de pénurie (Singapour situent pas forcément là où le laisse 2 De 1 700 à 10 000 m3/hab./an :
présence de problèmes
et le Burkina Faso) comme dans les entendre la simple vision de l’indice en saison sèche
situations d’abondance (la Nouvelle- proposé par Malin Falkenmark. Ainsi
3 De 1 000 à 1 700 m3/hab./an :
Zélande et le Laos). les pays du Sahel apparaissent selon Situation de stress hydrique
cet indice en relativement bonne posi-
4 De 500 à 1 000 m3/hab./an :
La situation en Méditerranée tion, alors que les ressources sont très état de déficit absolu
et en Afrique inégalement réparties sur le territoire et
– 5 Moins de 500 m3/hab./an :
Autour de la Méditerranée, l’opposition qu’elles sont marquées par une forte « Water Barrier », aucune
nord/sud est très marquée : les pays de variabilité. possibilité de développement
Source : FAO Aquastat, 2012.
CROATIE
FRANCE SLOVÉNIE BOSNIE-
HERZÉGOVINE
N o i r e
e r
M Limite du bassin
SERBIE
méditerranéen
ESPAGNE ITALIE
TURQUIE
GRÈCE
ALBANIE
SYRIE
CHYPRE LIBAN
MALTE ISRAËL
r r a n é e
MAROC r M é d i t e Territoires
ALGÉRIE TUNISIE M e palestiniens
LIBYE
Source : FAO, Aquastat, 2020.
Ressource en eau douce par État en 2018 Stock d’eau par État en 2018
ÉGYPTE
(m 3/habitant/an) (km 3)
211
100
1 000 1 700 4 000 15 000 24 000 50
10
Pénurie Stress Absence de données 1 300 km
L’indice de pauvreté en eau (IPE) (Royaume-Uni) ont proposé un nouvel notamment pour les usages domes-
Il est difficile d’estimer la capacité indicateur en 2002 : le Water Poverty tiques, mais aussi pour les possibilités
des États à construire des ouvrages Index (indice de pauvreté en eau, IPE), d’irrigation ou d’accès à l’eau « vir-
hydrauliques ou à fournir une eau qu’ils ont affiné les années suivantes. tuelle » ; l’utilisation, sa répartition par
de qualité à toute leur population. Certes imparfait, il permet cependant domaine et son efficacité ; la capacité
Cela dépend de la richesse du pays, de mettre en lumière la diversité des d’adaptation, comprenant la dépense
mais aussi de l’état de la ressource, situations lorsque l’on parle de pénu- des ménages, le PIB par habitant, la
des choix politiques, des structures rie d’eau. mortalité infantile, les investissements
sociales. La Banque mondiale utilise L’IPE varie de 0 à 100, prenant en dans le domaine de l’eau ou encore
en première approximation le PIB. considération cinq facteurs : l’état l’existence de lois et d’institutions
Les chercheurs du Centre for Ecology de toutes les ressources, en tenant appropriées ; l’environnement, les
and Hydrology de Wallingford compte de la variabilité ; l’accessibilité, besoins en eau pour la sauvegarde des
10
Ac c e
nem
similaire. Seule
d’en Qualit é
l’indigence des
ssib
Finlande
viron
20
20
ressources d’Israël
ilit é
5
15
15
explique que son IPE
10
10
se situe bien en deçà de
Israël
celui des autres pays
5
5
développés ;
5 l’accessibilité et la
5 Niger
capacité d’adaptation
y sont du même ordre.
10 En revanche, les
10 Cameroun
ressources du Cameroun
sont relativement
15
15 élevées, mais la capacité
de ce pays à les
20 mobiliser est faible.
Ut 20
ilis cit é n Deux autres cas de
ati pa tio
on Ca ap t a figure se présentent.
d Sources : Center for Ecology and Hydrology, Le premier est celui
d’a Natural Environment Research Council. de la Finlande, où tous
les indicateurs sont
L’IPE en Afrique du Sud positifs et qui a donc
R l’IPE le plus élevé (78).
20 À l’opposé, le Niger
cumule à la fois des
ressources faibles et
15 des difficultés techniques
et financières pour
10 Wembezi Quartier formel urbain les mobiliser.
IPE : 63,2 L’IPE peut aussi être
E A calculé à des échelles
5
plus fines. Ainsi, comme
Wembezi Quartier informel urbain
le montre l’exemple
IPE : 40,1 sud-africain, il peut varier
fortement, dans une
Ethembedi Village rural même région, entre
IPE : 43,1 zones urbaines et
rurales, et également
selon le niveau de
KwaLatha Village rural développement, entre
IPE : 26,5 quartiers formels et
informels.
U C Source : Sullivan et Meigh, 2007.
habitats, la pollution de l’eau, l’érosion compensent par une capacité d’adap- la volonté politique de produire de
des sols et le risque de crue. Chaque tation forte. l’eau, au prix parfois de désastres
critère se voit attribuer une note de 0 Ainsi l’ouest des États-Unis est la environnementaux.
à 20. Le total est donné sur 100. Plus preuve qu’avec des ressources très En revanche, l’IPE fait ressortir la
l’indice est bas, plus la situation est faibles, mais des investissements situation difficile des pays africains,
critique. financiers importants et l’utilisation qui est liée tout autant au manque
Certes imparfait, l’IPE permet cepen- des techniques les plus modernes, de ressource qu’à la difficulté à la
dant de mettre en lumière la diversité la pénurie d’eau peut être artificielle- mobiliser. Seuls les pays du Sud où
des situations lorsque l’on parle de ment « résolue ». Les pelouses de Los les ressources sont particulièrement
pénurie d’eau. Angeles ou les fontaines de Las Vegas importantes, notamment en Amérique
en sont le symbole le plus marquant. latine, parviennent à avoir un IPE élevé.
Des inégalités marquées De même, les pistes de ski construites Cela ne signifie pas pour autant qu’ils
Sur le planisphère de l’IPE, les pays dans les émirats du Golfe, où la res- ne connaissent pas de problèmes liés
développés apparaissent dans une source est presque nulle, illustrent à à l’eau, mais plutôt qu’avec des inves-
situation plus favorable que selon l’extrême que la pénurie d’eau ne se tissements suffisants et des politiques
l’indice de Falkenmark. Même ceux conçoit que relativement à la capa- adaptées, leurs problèmes sont poten-
qui ont des ressources brutes limitées cité technique et économique et à tiellement résolubles.
La diffusion des innovations de conquêtes militaires, et enfin l’ap- Chine est toujours utilisé, les aque-
Les grandes civilisations de l’Anti- propriation et l’amélioration dans des ducs romains encore partiellement
quité, de l’Égypte à la Chine, jusqu’à foyers secondaires, avec parfois un debout, la continuité de l’irrigation
la Rome antique, se fondaient sou- retour au point d’origine. dans la vallée du Nil, même si les
vent sur une maîtrise poussée des Dans l’Antiquité, la technique de techniques ont changé, s’étend sur
ressources en eau, pour l’agriculture, l’aqueduc, très ancienne et perfec- plus de cinq mille ans. Cet exemple de
le creusement de canaux à voca- tionnée dans les cités grecques, se développement durable sera-t-il égalé
tion commerciale (le Grand Canal diffuse ainsi au rythme des armées par les ouvrages contemporains ?
en Chine) ou la construction d’aque- romaines ; conservée dans l’est de
ducs pour alimenter les populations la Méditerranéenne, elle est reve- Les qanats
urbaines (les aqueducs romains). nue en Espagne avec la conquête La technique des qanats (ou galeries
Il existe au moins sept grands foyers musulmane. À la Renaissance, les drainantes, appelées aussi karez en
d’innovation – le bassin méditer- barrages modernes, à partir des Asie centrale, khettara ou foggara au
ranéen, l’Asie centrale, la foyers ibériques et perses, se sont Maghreb) est probablement née dans
Mésopotamie, l’Inde et le Sri Lanka, répandus d’abord dans tout le bassin l’Empire perse il y a au moins 3 000 ans.
la Chine, les Andes et l’Amérique méditerranéen, puis dans les grands Le système repose sur un tunnel qui
centrale – qui ont ensuite diffusé empires coloniaux. Les ingénieurs capte les eaux d’une nappe phréa-
leurs techniques. Toutes les grandes hydrauliciens britanniques faisaient tique en amont (dans les sédiments
découvertes hydrauliques ont connu ainsi le tour de l’Empire, appliquant meubles des piémonts des chaînes
trois phases : l’invention proprement en Afrique du Sud ou en Australie de montagne) et les conduit jusqu’aux
dite, l’adoption par une « grande ce qu’ils avaient vu en Égypte ou en oasis situées dans les zones déser-
civilisation » qui la diffuse dans son Inde. tiques de plaine. La pente du tunnel
aire de rayonnement, à la faveur Ces constructions anciennes sont d’un diamètre d’environ un mètre est
d’échanges commerciaux mais aussi remarquables : le Grand Canal en calculée pour que les eaux s’écoulent
suffisamment rapidement, mais sans
Les qanats, galeries drainantes fragiliser les parois. Des regards sont
placés à intervalles réguliers pour
Coupe transversale
accéder au tunnel : c’est la seule
Puits Puits secondaires marque visible en surface du qanat.
principal pour l’excavation
et la maintenance Village Depuis l’Iran (où il en existe encore
Champs 21 000), la technique s’est diffusée
Débouché
du canal dans toute l’Asie centrale, l’Arabie et
en Afrique du Nord. Les plus grands
mesurent 50 km et sont profonds de
Canal
Toit de Terrains alluviaux près de 300 m. Ces ouvrages sont
la nappe
p hré atique conçus pour ne pas surexploiter la
Socle rocheux nappe phréatique et ils ont permis
le développement d’oasis, notam-
Vue de haut ment le long de la route de la Soie,
pendant des millénaires. Ils sont
aujourd’hui remplacés par des pom-
pages qui pourraient épuiser très vite
la ressource.
Source : La documentation photographique, n°8078.
Océan
Me
A t l a n t i qu e
Arménie
rC
Mer Noire
Ier-Ve
asp
Constantinople
i en
Rome Ier s. IIIe-VIe Hittites
ne
XIIIe av. J.-C. Ourartou
VIIIe-VIIe av. J-C
Mycènes
XIIIe av. J.-C.
Assyrie
VIIIe-VIIe av. J-C
Mérida
Ier-IIIe IIe s.
Mer Méditerranée
Babyloniens Suse
XXIe-VIe av. J.-C.
Nabatéens
IIIe av. J.-C.-Ier s.
Foyers technologiques
Technologie de la dérivation Nabatéens et Juifs
Me
Hydraulique grecque Foyer sassanide Hydraulique romaine
rR
oug
Barrages Pré-romain Romain Sassanide
e
500 km
Diffusion Romaine Nabatéenne et juive Byzantine
Angleterre
XVIIe-XIXe
Harz
XVIe-XVIIIe
Slovaquie
Ouzbékistan
Océan XIXe XVIIIe XVIe-XVIIIe
Atlantique Roumanie XVIIIe
XVe
Me
XVIIe XVIIe-XVIIIe
Mer Noire
rC
asp
i en
ne
XIIIe
Levant
XIVe-XVIIIe
Technologie
islamique
Mer Méditerranée VIIe-XIIIe
Delta du Nil
Foyers technologiques
Technologie islamique Foyer hispanique chrétien Foyer nord-méditerranéen Foyers proto-industriels européens
Barrages XIII e
- XIX siècles
e
XVI e
- XIX siècles
e
Diffusion
Technologie islamique Technologie européenne Influences intra-européennes Source : Bravard, 2002.
Les techniques
Caniapiscau
Jenpeg
Bennett
La Grande
modernes Kenney
Mica
Fort Peck
Garrison
Ear Falls
Lake Oahe
Italie
Serra da Mesa
Três Marias Kariba
Furnas Cahora Bassa
Porto Primavera
Itaipu
erita Castro Alves,
a 14 De Julho Capacité de stockage Les très grands barrages :
des barrages par habitant volume de retenue
En m3/hab. En km3
169
Plus de 5 000 100
De 1 000 à 5 000 50
20
De 500 à 999
Seuls les barrages dont la capacité
Moins de 500 Pas de données est supérieure à 10 km3 sont représentés
aménagement complet d’une grande résoudrait définitivement tous les pro- construction de grands barrages ; la
rivière, avec 29 grands barrages, la blèmes de pénurie. disponibilité est illimitée ; et cela per-
TVA symbolise la volonté de maîtriser Développées depuis une quarantaine met de réserver les eaux douces conti-
un fleuve réputé indomptable, mais d’années, des techniques économi- nentales à l’agriculture. Cependant, le
aussi de promouvoir le bien-être des quement abordables sont utilisées problème principal est le coût éner-
populations riveraines, voire de façon- aujourd’hui pour alimenter plusieurs gétique, même s’il a baissé de 12 à
ner un « homme nouveau ». grandes villes du monde et à grande 2 kWh/m3 entre 1970 et 2015.
Le modèle de la TVA sera repris dans échelle dans la péninsule Arabique : Le prix total de l’eau dessalée,
de nombreux pays, notamment en on compte 18 500 usines dans le indexé sur celui de l’énergie, reste
URSS (aménagement de la Volga puis monde réparties dans 120 pays, qui au moins deux à trois fois plus cher
des fleuves sibériens), et dans tous les apportent de l’eau à 300 millions de que celui des ressources classiques.
pays du Sud après leur indépendance. personnes. Deux techniques existent : Ce n’est pas un problème dans les
Le but est de modifier profondément la distillation et l’osmose inverse. La États pétroliers, mais le dessalement
la géographie de régions entières, de distillation consiste à porter l’eau de demeure inabordable pour la plupart
détourner des fleuves sur des cen- mer à ébullition pour évaporer l’eau des ménages des villes africaines et
taines de kilomètres, de faire « fleurir douce qui y est contenue. Celle-ci est sud-américaines. Cela reste donc une
le désert ». On assiste alors à une véri- ensuite condensée puis reminéralisée. solution limitée aux villes riches et, en
table « mystique des grands travaux Avec l’osmose inverse, on applique à tout état de cause, qui ne peut subve-
» qui se poursuit dans les pays émer- de l’eau de mer préalablement traitée nir aux besoins de l’agriculture.
gents, comme le montre la construction une pression suffisante pour la faire Un autre enjeu actuel est de « décar-
du barrage des Trois Gorges en Chine. passer à travers une membrane que boner » le dessalement, notamment
seules les molécules d’eau peuvent en le couplant à des centrales solaires.
Le dessalement : traverser. Mais cela reste difficile et limité.
solution miracle ou utopie ? Le dessalement est présenté comme
97,5 % de l’eau sur terre sont salés : une solution alternative, notam-
rendre douce cette masse d’eau ment pour les villes du Sud. Il évite la
Des prélèvements utilisation (égouts non ou mal traités population mondiale, mais aussi l’ur-
à la consommation : des villes, pollutions agricoles, modifi- banisation et la hausse du niveau de
quantité et qualité cation de la température de l’eau pour vie, notamment dans les pays du Sud.
Une distinction très importante doit les centrales nucléaires) .C’est pour- Ces chiffres globaux masquent
être faite entre prélèvements et quoi les deux données sont étudiées. une grande diversité régionale.
consommation. Les prélèvements L’agriculture représente plus de
désignent le volume d’eau captée Le poids des 80 % des prélèvements en Asie et en
dans les cours d’eau ou les nappes prélèvements agricoles Afrique, et près de 71 % en Amérique
phréatiques pour un usage agricole, Le volume total prélevé au niveau latine. Pour la consommation, le
industriel ou domestique. L’eau de mondial est, en 2021 de 4 300 km3 poids de l’agriculture y est tout aussi
pluie utilisée directement par les selon la FAO, soit 535 m3/hab./an, ou
cultures n’est pas comptabilisée. Une 10 % des ressources renouvelables.
partie de l’eau prélevée est rendue au L’essentiel des prélèvements est des- Les prélèvements par pays
milieu. Cette proportion peut aller de tiné à l’agriculture (69 %), le reste se
97 % pour l’eau utilisée pour le refroi- partageant entre les usages indus-
dissement des centrales nucléaires à triels (19 %) et domestiques (12 %).
quelques pour cent seulement dans Historiquement, les prélèvements
l’agriculture irriguée moderne, où ont été multipliés par 8 depuis 1900,
presque toute l’eau est utilisée par avec une forte accélération après la
les plantes. Seconde Guerre mondiale. Mais ils
Seule l’eau non rapidement restituée ont tendance à se stabiliser depuis
(le plus souvent évaporée ou incluse 30 ans, avec une augmentation moins
dans le produit final) est considérée rapide que celle de la population mon- États-Unis
comme consommée. Il est donc ten- diale. Depuis les années 2000, ce sont
tant de ne considérer que la consom- les prélèvements pour la consom-
mation. Mais l’eau prélevée et rendue mation domestique qui augmentent
au milieu y retourne parfois avec une le plus rapidement, ce qui reflète
qualité très dégradée à cause de son non seulement la croissance de la
Guyana
Suriname
Consommation et prélèvements du secteur
5 000 en km3 Prélèvements
Agricoles
Shiklomanov et Rodda, 2003 ; FAO, Aquastat, 2008.
Agricole
1 000
Industrielle
0 Domestique
1900 1925 1950 1975 2000 2025
Prélèvements d’eau
par pays en 2018
(en m3 par personne et par an)
De 1 000 à 5 000
De 600 à 999
Estonie Turkménistan
Ouzbékistan De 300 à 599
Azerbaïdjan Kazakhstan
De 100 à 299
Kirghizstan Moins de 100
Tadjikistan
Iran Pas de données
100
50
10
5
Seuls les prélèvements supérieurs
à 1 km3 sont représentés.
uay
Nouvelle-
Zélande
Le développement apparus au xxe siècle : l’Ouest amé- quelques grands fleuves au Moyen-
de l’irrigation ricain, l’Australie ou encore l’Afrique Orient et en Afrique du Nord (Tigre,
Sur le planisphère de l’irrigation du Sud. Euphrate, Nil).
par États, quelques régions res- Une carte plus détaillée montrerait Autrefois concentrée dans quelques
sortent clairement. Certains sont très que l’essentiel des zones irriguées régions et limitée à quelques cultures
anciens : l’Asie orientale et le monde ne concerne en fait que des espaces spécifiques (riz en Asie, agrumes au
indien et ses espaces de riziculture très restreints : les plaines de l’Indus bord de la Méditerranée), l’agriculture
irriguée ; l’Asie centrale et ses oasis ; et du Gange, l’Asie du Sud-Est et de irriguée se répand aujourd’hui hors de
les grands périmètres irrigués du l’Est, avec une concentration particu- ses zones traditionnelles : la superficie
bassin méditerranéen. D’autres sont lière dans les grands deltas, le long de équipée pour l’irrigation au Danemark
aux marchés de
Salines l’Europe du Nord.
L’eau est pompée
Almerimar dans les aquifères pour
alimenter près de
al ns
ée
u s tio
20 000 hectares de
ea ra
M e r serres où travaille
d’ filt
M é d i t e
r r a une nombreuse
In
n é main-d’œuvre
e
immigrée.
Superficie couverte Irrigation Aujourd’hui, cette
par les serres Canal ou drain Usine de désalinisation région souffre
(en construction) de problèmes
En 1985 Conduite environnementaux
En 2006 Bassin de rétention Zone urbanisée et de la concurrence
des pays du Maghreb.
Une tomate 13 l
Une orange 50 l
Une pomme 70 l
Une tartine
Un verre de vin beurrée
120 l 90 l
Un café
140 l Un œuf
Un jus de fruit sur le plat
170 l 135 l Source : FAO, Aquastat, 2020.
0 10 30 70
Des situations variées l’eau qui s’évapore dans les circuits adéquat n’est pas effectué.
Dans le secteur industriel, le rapport de refroidissement, soit moins de 5 % Avec les progrès techniques, il est
entre prélèvements et consomma- de l’eau prélevée. possible de réduire les prélèvements
tion peut très fortement varier. Dans En revanche, dans certaines indus- et la consommation, tout en amélio-
la production d’électricité, les prélè- tries comme les papeteries, le volume rant la qualité de l’eau rejetée : ainsi,
vements sont très importants, mais d’eau consommé par rapport au pré- selon le procédé de fabrication mis en
la consommation reste généralement lèvement peut être plus important, œuvre, le volume d’eau nécessaire à
faible : la seule partie consommée et la qualité de l’eau restituée au la fabrication de certains objets peut
dans les centrales nucléaires est milieu très dégradée si un traitement varier de 1 à 10.
L’hydroélectricité au Québec
Une volonté politique
À partir de 1950,
300 km
Hydro-Québec se lança
dans la construction de
grands projets sur les
affluents du Saint-
Laurent. Ces projets
avaient un but
économique − répondre
à l’explosion de la
TERRE-NEUVE- demande en énergie
ET-L ABRADOR électrique d’une
Shefferville économie en forte
Riv. Churchill croissance −, mais aussi
hydroélectriques du Québec : le renouveau des grands projets”, Géocarrefour, vol. 84/1-2, 2009.
Il comprend la
Riv. des Outaouais Trois-Rivière Labrador Corp.* construction de huit
centrales, le
Montréal Privé détournement de
ONTARIO
Riv. Gatineau * La production électrique est achetée plusieurs cours d’eau,
à prix avantageux par Hydro-Québec sur un territoire de près
Ottawa ÉTATS-UNIS et distribuée au Québec. de 350 000 km2.
C’est donc un secteur où des éco- Les prélèvements industriels et la production hydroélectrique
nomies d’eau importantes peuvent
LES PRÉLÈVEMENTS INDUSTRIELS (2018)
être réalisées rapidement à un coût
acceptable : dans les pays du Nord, à
production constante, l’eau prélevée
et consommée par l’industrie a dimi-
nué depuis 1970.
Un contraste
Nord/Sud marqué
Au niveau mondial, les prélèvements
industriels représentent 768 km3/an,
soit 19 % des prélèvements totaux.
60 % des prélèvements industriels
sont concentrés en Europe et en
Amérique du Nord – les États-Unis
Source : FAO, Aquastat, 2020.
Un kilo de papier
tion de nouvelles centrales. 95 l 324 l
Sources : Waterwise, 2007 ; ONU, 2006.
Un kilo de plastique
185 l
10 l 10 900 l
Produits
Une
Une puce électronique voiture
Une paire de chaussures 400 000 l
(2g) 32 l en cuir 8000 l
Un accès inégal qu’à partir de 100 litres par personne l’eau potable, les pays du Nord dis-
L’eau domestique ne représente et par jour. Tous les pays dévelop- posent d’un accès universel, géné-
qu’un dixième des prélèvements pés se situent au-dessus de cette ralement garanti par la loi, avec un
au niveau mondial. Ce taux varie de limite. Les plus sobres n’utilisent en service continu et de bonne qualité.
quelques pour cent dans les pays les moyenne qu’à peine plus (Belgique : À l’opposé, les taux d’accès sont très
plus pauvres à généralement 10-20 % 112), les plus dispendieux allant faibles dans les pays les plus pauvres,
dans les pays développés. jusqu’à plus de 200 (Canada : 326 ; avec un service souvent discontinu
Les besoins quotidiens minimaux, États-Unis : 295 ; Japon : 278). (l’eau n’est disponible qu’à certaines
pour la cuisine et l’hygiène, sont esti- La carte mondiale de l’accès à heures et peut être coupée pendant
més à 25 litres par jour et par per- l’eau reflète assez fidèlement les plusieurs jours) et de qualité variable,
sonne. Un réel confort n’est atteint niveaux de développement. Pour le plus souvent non potable.
Dérivation de la Dhuis
se
Sei
Évreux
ne
Aubergenville
ar
M
Meaux
Dérivation de l’Avre Saint-Germain Les Lilas Sources
de la Dhuis
PARIS
Sources Versailles Ménilmontant Grand Morin
du Breuil Montsouris
Vert-en- Saint-Cloud
Drouais
Avre Montreuil- Joinville
sur-Eure L'Haÿ-les-Roses Aube
Orly tin
Dreux
Eu Rambouillet Se Sources du Dragon Sources du Durteint
Sources
re
ine
Vals d’Yonne
Source
ne
Sources du
Lunain Sens
Zone de captage Sources
du Loing Dérivation Sources
Réservoir Sources
Loing
de la Vanne
Yonn
basses hautes
Usine de traitement
e
Les eaux de Paris L’accès à l’eau potable et l’utilisation domestique dans le monde
Paris est dans une situation relati-
ACCÈS À L’EAU POTABLE (2018)
vement favorable, puisque la région
dispose de cours d’eau importants et
de ressources souterraines. Pourtant,
jusqu’au xixe siècle, l’adduction d’eau
fut un problème majeur, tant pour la
quantité que pour la qualité. Avec
l’augmentation de la population,
les systèmes traditionnels (porteurs
d’eau, fontaines publiques) ne furent
plus en mesure de maintenir une
hygiène minimale dans la capitale. Ce
sont d’ailleurs les épidémies de cho-
léra qui vont convaincre les pouvoirs
publics d’apporter une solution à ce
Source : FAO, Aquastat, 2020.
problème récurrent.
Du milieu du xixe siècle aux années
1920, les efforts sont centrés sur Population ayant accès à l’eau potable (en %)
l’adduction d’eau, avec la captation
des eaux sources lointaines (Avre, 22 50 75 90 99 100
Vanne, Loing et Dhuis notamment),
acheminées par de longs aqueducs
jusqu’aux principaux réservoirs. UTILISATION DOMESTIQUE (2018)
Ces sources représentent encore
près de la moitié de l’eau consom-
mée aujourd’hui à Paris intra-muros.
L’autre moitié provient d’usines de
traitement situées juste en amont, à
Ivry sur la Seine et à Joinville sur la
Marne, construites respectivement
en 1890 et 1893. L’usine d’Orly,
mise en service en 1969, complète le
dispositif.
À partir de 1930, l’investissement
s’est concentré sur le traitement des
eaux usées, avec la construction de
l’usine d’assainissement d’Achères
(1940), une des plus grandes du
Sources : FAO, Aquastat, 2020.
Lavage de voiture
Lave-vaisselle 100 à 300 l
Entretien de
la maison
20 à 50 l
Lave-linge Arrosage du jardin
60 à 120 l 150 à 200 l par m2
EN CONCLUSION
Mobiliser
et utiliser l’eau
Des progrès techniques considérables
Inventées depuis la plus Haute Antiquité,
les grandes techniques de maîtrise de
l’eau – l’agriculture irriguée, les barrages,
la construction d’aqueducs – ont été sans
cesse perfectionnées. Depuis la révolution
industrielle, elles ont changé d’échelle :
actuellement, les seules limites imposées aux
prouesses techniques des ingénieurs sont
les coûts financiers et les impacts négatifs
sur l’environnement. Ces grands barrages et
gigantesques transferts d’eau permettent de
répondre à une demande sans cesse crois-
sante au niveau mondial.
Consommer et prélever
Les progrès techniques ont permis un déve-
loppement rapide des prélèvements d’eau
dans les fleuves et nappes phréatiques.
Aujourd’hui, si l’utilisation directe d’eau
représente en moyenne une centaine de litres
par jour dans les pays développés, on estime
qu’il faut prélever près de 5 000 litres d’eau
pour produire notre ration alimentaire quo-
tidienne, sans compter l’eau prélevée pour
la production d’objets de consommation
courante, le refroidissement des centrales
nucléaires ou la production hydroélectrique.
La majeure partie de cette eau prélevée est
certes rendue aux cours d’eau, mais avec
une qualité souvent dégradée qui demande
des traitements coûteux.
Une ressource
menacée
Des catastrophes, comme l’incendie de l’usine Sandoz
à Bâle en 1986, qui provoqua une pollution sans précédent
du Rhin jusqu’à la frontière néerlandaise, ont accéléré la mise
en place de mesures de protection des ressources face
aux risques industriels et aux pollutions urbaines dans les
pays du Nord depuis une trentaine d’années.
À l’opposé, les pays les moins développés subissent des
formes de pollution « classiques » causées par le manque
d’assainissement, source des maladies. Les pays émergents
comme la Chine ou l’Inde connaissent pour leur part toutes
les formes de dégradation : pollutions organiques liées
aux rejets directs d’égouts dans les cours d’eau, pollutions
industrielles localisées déversées par les mines ou les usines,
pollutions agricoles diffuses avec l’augmentation de
l’utilisation d’engrais et de pesticides, destruction des zones
humides pour la construction d’infrastructures de transport
et l’urbanisation.
« Small is beautiful » ? barrages : peu coûteux, ils sécurisent Des flux hydriques
Si les grands barrages sont les ressources en eau, permettent bouleversés
aujourd’hui très critiqués, il ne faut l’extension de l’agriculture irriguée et Les cours d’eau subissent deux types
cependant pas négliger les effets des créent des zones humides favorables de perturbations liées aux grands
petits ouvrages qui ont été construits à l’installation d’une faune et d’une barrages. D’une part, ils réduisent,
en très grand nombre depuis les flore variées. Ils facilitent également par l’évaporation sur le réservoir, le
années 1970 pour créer des petits la recharge des nappes phréatiques. volume d’eau total disponible. D’autre
lacs artificiels dans les dépressions et Mais les effets à long terme de leur part, ils modifient le rythme hydrolo-
les bas-fonds, surtout dans les zones multiplication restent encore peu gique, en « lissant » le débit pour que
tropicales ou méditerranéennes. Ils connus ; ces petits lacs peuvent par de l’eau soit disponible en perma-
sont présentés comme une alternative exemple devenir des foyers de mala- nence pour les utilisateurs en aval.
efficace à la construction de grands dies liées à l’eau. Or, la plupart des espèces vivantes
Yukon
Ienissei
Nelson Volga Ob
Amour
Columbia St-Laurent
Danube Amou-
Darya
Colorado Mississippi
Indus
Tigre et Gange
Euphrate
Niger Mékong
Sénégal
Nil Irrawady
Orénoque
Volta Congo
Amazone
Zambèze
La Plata
1 000
1921-1963
800
Canal 600
de Suez
1964-2015
400
200
Côte Lagune, étang côtier
0
J F M A M J J A S O N D
Si le niveau de la mer 3,8 millions de personnes touchées Source : A. Tecle, «Downstream Effects of Damming
1 800 km2 de terres arables submergées the Colorado River », International Journal
s’élève de 50 cm of Lakes and Rivers, 2017.
Rosette
Damiette
Port-Saïd pas à rétablir la continuité des éco-
Alexandrie systèmes : ainsi les très grands
barrages sont souvent un obstacle
insurmontable à la migration des
poissons. À l’exception notable de
l’Amazone, la plupart des cours d’eau
au niveau mondial sont aujourd’hui
« fragmentés » en plusieurs unités
hydrologiques qui ne communiquent
plus entre elles.
Si le niveau de la mer 6,1 millions de personnes touchées
s’élève de 1 mètre 4 500 km2 de terres arables submergées La perturbation des flux
sédimentaires : le cas du Nil
Rosette Les cours d’eau, en plus de leur
Damiette
Port-Saïd charge liquide, transportent des sédi-
Alexandrie
ments : plus de 900 millions de tonnes
par an pour les plus chargés comme
le Huang He (fleuve Jaune) en Chine.
Les grands barrages arrêtent ces
flux sédimentaires qui contribuent à
30 km
les combler progressivement. Ceci
explique d’ailleurs la durée de vie
limitée des barrages, de quelques
Sources : Google-Imagerie Côte Zone submergée
et TerraMetrics, 2008 et UNEP, 2006. années, pour ceux qui sont dans des
zones où l’érosion est très active, à
plusieurs siècles.
sont adaptées au rythme naturel du gestionnaires des barrages mettent C’est dans le bassin du Nil que ces
cours d’eau. Pour les zones humides en place plusieurs stratégies. La perturbations sont les plus visibles : le
notamment, seule la montée et la des- plupart des cours d’eau bénéficient barrage d’Assouan arrête les fameux
cente des eaux permettent un bon aujourd’hui d’un « débit réservé » limons du Nil, arrachés aux hautes
fonctionnement des écosystèmes, en aval des barrages, permettant un terres d’Éthiopie, qui fertilisaient
qui ne supportent pas une inondation maintien minimal des écosystèmes. naturellement les champs. Plus en
ou un assèchement permanent. Ces Certains vont même plus loin : sur le aval, le manque d’apports sédimen-
modifications ont donc des impacts Colorado, des lâchers d’eau excep- taires contribue au recul du delta du
très importants sur la faune et la flore tionnels, sous haute surveillance, Nil. Combiné à la hausse du niveau
des cours d’eau. « miment » les crues qui avaient lieu marin, ce phénomène pourrait affec-
Pour pallier les inconvénients liés avant la construction de grands bar- ter à terme plus de six millions de
à la régularisation du débit, les rages. Mais ces actions ne suffisent personnes.
00
05
10
15
20
8
20
20
19
19
19
19
19
20
20
20
Source :
Nombre de désignations par an Nombre de désignations totales étaient intégrées aux systèmes
Ramsar, 2021.
agropastoraux, l’époque moderne
a été caractérisée, pour des rai-
Un patrimoine inestimable végétale associée. Elle apparaît là où sons hygiénistes et économiques,
Une zone humide est une région où la nappe phréatique arrive près de la par leur disparition rapide puisque,
l’eau est le principal facteur qui contrôle surface ou affleure, ou bien là où des une fois drainées, elles offrent des
le milieu naturel et la vie animale et eaux peu profondes recouvrent les terrains plats, proches des axes de
ue
DANEMARK ville d’Iran), rassemble
ltiq
Mer du Nord LITUANIE 163 pays signataires et
Ba
protège actuellement
er
M 197 millions d’hectares
PAYS-BAS
IRLANDE BIÉLO. de zones humides
(répartis sur 2 065
ROYAUME- sites). En France,
POLOGNE on trouve 42 zones
UNI
Ramsar pour une
BEL. ALLEMAGNE UKRAINE superficie de
RÉP. 3,5 millions d’hectares.
LUX. TCHÈQUE Peu contraignante,
Océan
SLO. la convention Ramsar
Atlantique AUTRICHE ne prône qu’une
HONGRIE ROUMANIE « utilisation rationnelle
SUISSE
des zones humides »,
SLOVÉNIE définie ainsi en
FRANCE
des termes flous :
CROATIE B.-H. SERBIE « le maintien de leurs
caractéristiques
ITALIE BULG.
MO. écologiques obtenu
PORTUGAL
MAC. par la mise en œuvre
ALBANIE d’approches par
ESPAGNE écosystème dans le
contexte du
développement
GRÈCE
durable ».
Mer Méditerranée C’est pourquoi la simple
inscription dans le cadre
de la convention
Ramsar doit être
complétée par d’autres
MAROC mesures. En Europe par
exemple, la protection
ALGÉRIE des zones humides se
TUNISIE fait essentiellement à
travers le programme
Sites Ramsar Natura 2000, dont une
(zones humides grande partie concerne
500 km les zones humides.
Source : Ramsar, 2021. d’importance internationale)
communication majeurs. Dans les en grande partie la baisse générali- actions est de restaurer certains pro-
pays développés notamment, une sée du nombre d’espèces piscicoles cessus qui améliorent le fonctionne-
grande partie des zones humides a et avicoles dans les écosystèmes ment d’un cours d’eau – notamment
disparu, par effet direct (drainage, aquatiques. ses capacités d’autoépuration –, per-
construction d’infrastructures de mettent le retour d’espèces animales
transport) ou indirect (régulation des La restauration écologique disparues et augmentent sa valeur
cours d’eau). des milieux aquatiques esthétique.
En France, près de la moitié des zones Dès les années 1970, la prise de Mais la « restauration écologique » ne
humides ont disparu entre 1950 et conscience de la dégradation des va pas sans poser de problèmes. La
1990. Les marais sont parfois détruits milieux aquatiques a conduit la plupart destruction des aménagements anté-
volontairement lors d’entreprises de des pays européens à se doter de lois rieurs, parfois très anciens, fait naître
bonification, par endiguement ou et de réglementations pour les proté- chez les riverains la crainte du retour
encore par l’extraction de matériaux ger. Depuis une vingtaine d’années, des inondations et cause des pertes
de construction (sable, granulats, gra- lorsque cela est possible, des pro- financières qu’il faut compenser. De
viers en bord de rivière). grammes de restauration des milieux plus, il est souvent difficile de définir
Mais les zones humides souffrent aquatiques sont mis en place. Il s’agit l’état naturel du cours d’eau, tant il a
également d’impacts plus distants : la alors de recréer artificiellement des été modifié. Toute action de restau-
régulation des cours d’eau et le déver- zones humides ou encore de redes- ration doit donc être menée avec la
sement de polluants en amont. Ces siner le tracé des cours d’eau en res- plus extrême prudence pour que le
dégradations expliquent à leur tour taurant des méandres. Le but de ces remède ne soit pas pire que le mal.
La surexploitation des
ressources souterraines
Les ressources souterraines sont encore peu connues et semblaient inépuisables, d’où leur
exploitation intensive. Celle-ci peut être durable lorsque le pompage n’excède pas le
renouvellement annuel. Mais, souvent, il s’agit d’usages non durables, épuisant la ressource,
notamment dans les nouveaux périmètres irrigués des zones arides, où l’on parle parfois, comme
en Arabie saoudite, d’exploitation « minière » des ressources en eau.
Une ressource surexploitée mètres en cinquante ans, déstabili- d’Afrique du Nord et d’Asie occiden-
Si une nappe souterraine ne s’as- sant de nombreux bâtiments. Dans la tale qui dépendent le plus de cette
sèche pas comme un cours d’eau, grande nappe aquifère de l’Ogallala ressource. Localement, comme dans
partout dans le monde, les signes (aux États-Unis), l’abaissement atteint la plaine de Chine du Nord, l’épuise-
d’une surexploitation des nappes se près de 30 mètres par endroits. ment est si rapide que tous les usages
multiplient : leur « toit » baisse et il Lorsqu’une nappe s’épuise, les de l’eau, notamment pour l’agriculture
faut pomper de plus en plus profon- sources qui en dépendent tarissent et, traditionnelle, sont remis en cause.
dément. Les conséquences en sont en bord de mer, un « coin salé » s’in- En outre, la surexploitation des
parfois désastreuses : à Mexico, la filtre, rendant les forages impropres à nappes s’accompagne souvent de
nappe s’est abaissée de plusieurs la consommation. Ce sont les États pollution. Ce lent phénomène est
un problème majeur qui sera diffi-
cile, long et coûteux à régler pour les
Le système d’irrigation en Arabie saoudite générations futures.
L’eau du Sahara :
une solution durable ?
Pivot d’irrigation
désaffecté La zone désertique qui s’étend de
l’Algérie à l’Arabie saoudite a connu
un développement agricole specta-
Pivot d’irrigation culaire depuis la découverte d’abon-
Ferme en activité dantes ressources souterraines
fossiles. Partout ont fleuri des péri-
mètres irrigués modernes, reconnais-
sables à leur forme de disque. Ces
Rampe d’arrosage
pivotante ressources, créées à un moment où
le Sahara était bien plus arrosé, se
Forage
renouvellent pratiquement pas. C’est
Pivot d’irrigation
en préparation le cas du système aquifère du Sahara
septentrional qui s’étend sur plus
d’un million de kilomètres carrés et
contient plus de 30 000 milliards de
m3 d’eau
Là où les ressources sont moins
Serres ARABIE SAOUDITE importantes, comme en Arabie saou-
dite, il semble que l’exploitation des
eaux fossiles pour l’agriculture ait
atteint ses limites, à cause de l’épui-
Verger sement physique de la ressource et
du coût économique croissant : plus il
faut pomper profondément, plus cela
est cher.
2 km Cette agriculture « minière » crée
Source : 2008, DigitalGlobe.
de graves problèmes sociaux là où
Russie
Turquie
États-Unis
Iran Chine
Mexique Pakistan
Arabie
saoudite Inde
Bangladesh
Brésil
Indonésie
Argentine
Prélèvements
dans les nappes 250
souterraines
en 2018
Source : Aquastat, 2021.
100
(km 3 par an)
50
10
1
Moins de 0,05 0,1
APPROVISIONNEMENT REJET S
Toit de la nappe
A Q U I F È R E
Les pollutions
d’origine agricole
Le développement de l’agriculture intensive entraîne de nombreuses pollutions. Nitrates et
phosphates sont à l’origine du phénomène d’eutrophisation qui induit la croissance incontrôlée
d’algues vertes par exemple ; les pesticides peuvent contaminer l’ensemble de la chaîne
alimentaire. Ces pollutions diffuses, issues de milliers de points de contamination, sont massives
dans les pays du Nord et en forte augmentation dans les pays du Sud.
ARTOIS-PICARDIE
SEINE-
NORMANDIE
RHIN-MEUSE
Seine
ne
ô
L o i re Sa
LOIRE-
BRETAGNE
Rhône
Ga
RHÔNE-
nn ADOUR-
ro
Concentration
en pesticides par
point de mesure
en 2013
En microgrammes
par litre
Plus de 20
De 10 à 20
De 6 à 9
De 3 à 5
Moins de 3
Sources : Agences et offices de l’eau, SOeS.
Trop de sel et, généralement, dans les régions de Les sources de pollution en Europe
La salinisation est le fléau de l’agricul- grande culture.
ture irriguée. Lorsque l’apport d’eau est Les pesticides. Les effets des pes- Herbicides
trop important et mal maîtrisé ou que le ticides utilisés pour traiter les orga- Utilisation 1 000 km
moyenne
système de drainage est mal conçu, le nismes nuisibles sont encore mal en kg/ha
bilan hydrique des sols est altéré et les connus, étant donné leur grande diver-
sels minéraux s’accumulent. Dans les sité et le manque d’études épidémio-
régions arides et semi-arides, où l’éva- logiques à long terme. On utilise en
poration est particulièrement forte, ce France environ 300 substances actives
processus entraîne une baisse rapide (molécules) qui entrent dans la compo-
des rendements et rend à terme les sition de plus de 8 000 produits. Ces
terres impropres à toute culture. pesticides se retrouvent dans 91 %
On pense que la salinisation a été à des captages de surface et 55 % des
l’origine du déclin des premières civi- points de mesure des nappes souter-
lisations agricoles de Mésopotamie. raines. On retrouve également, plu- 0 0,5 1 1,5
Elle touche encore aujourd’hui près sieurs années après leur épandage,
de 8 % des superficies irriguées au des composés « dégradés » appelés
niveau mondial, et près du quart des « métabolites ». Pour 10 % des cap- Insecticides
Utilisation
terres irriguées au Pakistan et dans les tages superficiels, la teneur est telle moyenne
républiques d’Asie centrale. Il existe que l’eau est impropre à la production en kg/ha
des techniques onéreuses pour pré- d’eau potable, et 26 % ont une qua-
venir ou corriger la salinisation, par lité moyenne ou médiocre. Les deux
l’amélioration des systèmes d’irriga- composants responsables du déclas-
tion ou par la construction d’un sys- sement des captages sont le glypho-
tème de drainage efficace. Seuls les sate (substance active du désherbant
moyens manquent. Roundup de Monsanto), l’atrazine (un
herbicide), le diuron (interdit depuis
Trop d’engrais, 2007) ou encore le chlordécone (insec-
trop de pesticides ticide utilisé pour traiter les bananes 0 0,2 0,4 0,8
Deux principaux types de substance dans les Antilles, interdit en 1993 en
sont à l’origine des pollutions agri- France et dès 1975 aux États-Unis). Fongicides
coles : les engrais (nitrates, composés Les principales zones touchées sont Utilisation
d’azote, et phosphates, composés de les régions de grande culture (Bassin moyenne
phosphore), sources du phénomène parisien et Bassin aquitain), mais aussi en kg/ha
d’eutrophisation, et les pesticides (fon- les cultures spécialisées de la vallée
gicides, herbicides et insecticides). du Rhône et du Languedoc (fruits et
Les nitrates et les phosphates sont vignoble) ou encore les Antilles. Seuls
des éléments nutritifs essentiels à la les massifs montagneux semblent
croissance des plantes : leur absence exempts de contamination.
limite fortement les rendements agri- La lutte contre les pollutions diffuses
coles. Utilisés en trop fortes doses, ils demande un travail de longue haleine,
contaminent les nappes phréatiques car les polluants que l’on retrouve
0 1 2 3
et se retrouvent dans les cours d’eau, actuellement ont parfois été dispersés
où cet excès de nutriments favorise il y a plusieurs dizaines d’années. Il faut
la prolifération de la végétation aqua- agir à la fois sur les pratiques agricoles Nitrates
tique. La respiration des plantes et leur (avec une meilleure utilisation des fer- Surplus dans
les rivières
décomposition entraînent une baisse tilisants et des pesticides), la restau-
Source : Agence européenne de l'environnement, 2012.
en kg/ha
de l’oxygène dissous et la mort d’es- ration des zones humides (qui jouent
pèces animales. Des « zones mortes » le rôle de filtres naturels), la plantation
peuvent ainsi se former, empêchant de haies… Ces actions peu spectacu-
toute activité piscicole ou touris- laires s’inscrivent sur le temps long et
tique comme dans le cas du golfe du ne commencent à porter leurs fruits
Mexique. De nombreux captages que plusieurs années après leur mise
souterrains en France présentent des en œuvre, comme c’est le cas actuel-
taux de nitrates supérieurs à la norme lement en Europe. Leur traitement
de 50 mg/l, notamment en Bretagne nécessite des investissements coû-
(du fait des effluents des élevages teux, voire des changements radicaux 0 20 40
industriels de volailles et de porcs) des modes de production.
Les pollutions
industrielles et urbaines
Les pollutions dites industrielles sont anciennes : l’eau qui sortait des tanneries était d’une qualité
exécrable, et les orfèvreries ont occasionné de nombreuses intoxications au mercure. Ces
contaminations ont pris une nouvelle dimension avec la révolution industrielle, causant parfois
de graves accidents. Dans les pays du Nord cependant, des mesures ont été prises pour traiter
d’abord les rejets industriels localisés puis les effluents urbains.
Des catastrophes meurtrières surtout comme un révélateur de dys- Ainsi, les inondations meurtrières
L’Afrique est un des continents où, fonctionnements antérieurs. De mau- en ville sont l’effet du développe-
proportionnellement à la population, vais choix en termes d’aménagement ment urbain anarchique et de la
les sécheresses et les inondations des cours d’eau ou de stratégie agri- construction dans les bas-fonds.
sont les plus meurtrières. Les évé- cole aggravent ainsi considérable- Dans les zones rurales, comme au
nements météorologiques liés à la ment inondations et sécheresses ; et Mozambique, des études ont montré
variabilité climatique sont évidem- les pollutions agricoles, industrielles que les barrages construits à l’époque
ment l’événement déclencheur de ces et urbaines accroissent la prévalence coloniale ont donné un faux sentiment
catastrophes, mais ils apparaissent des maladies liées à l’eau. de sécurité en arrêtant les petites
Fédération de Russie
Ukraine
Afghanistan Chine
Irak
Népal
Maroc Iran
Algérie Bangladesh
Mexique
Haïti Mauritanie Pakistan Myanmar
Mali Soudan Laos
1 Rép. dominicaine Sénégal Niger Tchad
Guatemala Cap-Vert Yémen Inde Thaïlande Vietnam
4 11
Guinée-Bissau 3 6 5 Nigeria 10 Cambodge
Salvador 2 12 Somalie Philippines
Panamá Venezuela Sierra Leone 7 Cameroun Sri Lanka Malaisie
Colombie Liberia 13
8 9 14
Équateur Côte d’Ivoire Kenya
Congo RDC 15
Tanzanie
Brésil Comores Indonésie
Pérou Angola 16
17 Mozambique Papouasie-
Bolivie Zimbabwe Nlle-Guinée
Madagascar
Namibie
Swaziland
1. Honduras Afrique du Sud
2. Nicaragua Argentine
3. Guinée
4. Burkina Faso
5. Bénin Nombre de cas de choléra par pays Date du pic épidémique
6. Ghana de 1990 à 2015 1990 à 1994
7. Togo
750 000
8. Guinée équatoriale 500 000 1995 à 1999
9. São Tomé-et-Príncipe
10. Soudan du Sud 200 000 2000 à 2004
11. Érythrée 100 000
50 000 2005 à 2009
Source : OMS, 2016.
ARABIE SAOUDITE
OMAN
TCHAD
DJIBOUTI
Dégré d’insécurité
alimentaire par région
en 2017
RÉP. CENTRAFRICAINE SOUDAN 5 : Famine
ÉTHIOPIE
DU SUD 4 : Urgence
3 : Crise
SOMALIE 2 : Stress
1 : Minime
RÉPUBLIQUE OUGANDA KENYA
DÉMOCRATIQUE Nombre de personnes en situation
DU CONGO d’insécurité alimentaire
sévère (niveau 3)
5 millions
RWANDA 3 millions
BURUNDI 1 million
500 km
TANZANIE Source : OCHA, 2017.
crues et conduit les populations à Le choléra est également apparu au dans le cas d’une crue équivalente à
s’installer dans des zones dange- début des années 2000 en Afrique du celle de 1910.
reuses. Quant aux famines liées aux Sud (100 000 malades), chez les popu- Une crue centennale est donc tou-
sécheresses, elles surviennent lorsque lations pauvres des grandes métro- jours possible avec des conditions
les pénuries alimentaires, souvent pré- poles qui n’avaient plus les moyens de hydrologiques identiques. Le bilan
visibles, n’ont pas été correctement se raccorder au réseau d’eau potable humain serait sans doute faible mais
gérées, ou ont même été instrumen- et qui s’approvisionnaient dans les les dommages conséquents : plus de
talisées à des fins politiques. cours d’eau recevant les eaux usées. 850 000 personnes seraient expo-
Le même lien entre vulnérabilité aux sées au risque d’inondation, 2 millions
Les maladies liées à l’eau maladies et pauvreté se retrouve dans seraient affectées par des coupures
Parmi les maladies liées à l’eau, le cho- les autres maladies liées à l’eau : la d’électricité et 2,7 millions par les
léra est sans doute la plus connue. S’il typhoïde (17 millions de personnes coupures d’eau potable. La crue
est aujourd’hui éradiqué dans les pays infectées chaque année), le trachome occasionnerait près de 12 milliards
du Nord, c’est loin d’être le cas au Sud, et l’onchocercose (cécités causées par d’euros de dommages, avec l’inter-
où il sévit de façon endémique, avec de une bactérie et un parasite, respecti- ruption du trafic RER et RATP, l’arrêt
temps à autre des épidémies localisées vement 6 et 18 millions de personnes de très nombreuses entreprises…
pouvant infecter des centaines de mil- infectées), la schistosomiase ou bilhar- Seules des actions de prévention ont
liers de personnes. ziose (200 millions de personnes infec- été effectuées pour limiter la vulnéra-
Ce fut le cas en 1991 au Pérou, avec tées) ou encore les nombreuses formes bilité des réseaux et organiser l’éva-
un million de malades et 10 000 décès, de diarrhées, de parasites intestinaux cuation des sites les plus sensibles,
à cause de la contamination de l’eau et autres hépatites. avec la mise en place de plans de pré-
par des matières fécales, les autori- vention du risque inondation (PPRI).
tés ayant décidé d’arrêter la chlora- Et si la crue de 1910 Mais le Paris des années 2010, plus
tion (désinfection) de l’eau. Les pertes se reproduisait à Paris ? riche et plus sophistiqué que celui de
économiques occasionnées par l’épi- Le risque d’inondation n’est pas 1910, résisterait sans doute beau-
démie ont représenté trois fois le coût écarté dans le bassin de la Seine. coup plus difficilement à la privation,
des investissements effectués dans les Les quatre lacs-réservoirs construits pendant un mois de janvier entier,
dix années précédentes dans l’amélio- entre 1950 et 1990 n’abaisseraient d’électricité, de chauffage et de trans-
ration des réseaux d’eau potable. que de 70 cm la hauteur d’eau à Paris port, et au rationnement en eau.
La mer d’Aral rapidement baissé : de 1960 à 20015, sanitaire. La région entière, balayée
La catastrophe de la mer d’Aral est la mer d’Aral a perdu 92 % de son par des vents qui transportent les sels
un cas exemplaire de convergence volume, et sa salinité est passée de laissés à découvert par le retrait de
de multiples crises de l’eau. Exutoire 1 à 100 g/l (l’eau de mer contient la mer, connaît un des plus forts taux
naturel de deux grands fleuves, 35 g/l). En amont, le bilan est tout de cancer au monde et une très forte
l’Amou-Daria et le Syr-Daria, la mer aussi catastrophique, car l’irrigation a mortalité infantile.
d’Aral a été victime de la volonté des été très mal maîtrisée : l’accumulation Les efforts réalisés pour sauver l’Aral
autorités soviétiques de faire de l’Asie de sels stérilise les terres agricoles et restent très insuffisants. Seule la
centrale la principale région coton- le taux de pesticides dans les eaux « petite Aral » au nord, alimentée par
nière de l’URSS. résiduelles est extrêmement élevé. le Syr-Daria et barrée par une digue,
À cause de l’augmentation des pré- La catastrophe écologique (toutes pourra peut-être échapper à la trans-
lèvements pour l’agriculture irriguée, les espèces de poisson endémiques formation en désert salé et toxique
les apports des deux fleuves ont ont disparu) se double d’un désastre qu’est devenue la « grande Aral ».
La mer d’Aral
1960 2014
Mer d’Aral
Barrage Kok-Aral du Nord Aral
Aralsk (2006)
KAZAKHSTAN KAZAKHSTAN
Novokazalinsk Zhangaqazaly
Djousaly Mer d’Aral Zhosaly
du Sud
Kazalinsk Qazaly
Centre d’essai MER Syr-Daria
d’armes biologiques
– 67 Syr-Daria – 45
D ’A R A L MER Extension de la mer d’Aral
en 1998
D’ARAL
Extension de la mer d’Aral
en 1960
U R S S Muinak
Mouynak
Source : Diercke Weltatlas, 2008.
Koungrad Qongirot
OUZBÉKISTAN
Noukous OUZBÉKISTAN Noukous
Amou-Daria Amou-Daria
– 45 Tachaouz – 24 Dachogouz
Lac Sarykamych Ourguentch Ourguentch
Lac Sarykamych
TURKMÉNISTAN 100 km 100 km
TURKMÉNISTAN
Ea
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ÉTATS-UNIS
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C o l C o lo ra
périmètres irrigués de l’Imperial Im
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ARIZONA
Valley, à l’extrême sud de la Californie. CALIFORNIE
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CALIFORNIE
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chure du Colorado dans le golfe de
Ma M
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Brawley
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Californie, a signé en 1944 un traité
Ca C
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avec les États-Unis qui lui réservait Brawley
1
l
Central Canal All American
l
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35 m3/s d’eau, sans en préciser la Canal
l
1
e le
qualité qui allait en se dégradant : Central Canal All American
y y
El Centro Canal 2
la salinité atteignait ainsi 1 500 ppm,
El Centro
Calexico 2
contre seulement 50 « naturelle-
Yuma
ment ». L’eau était impropre à l’irriga- Calexico Alamo Canal 3
Mexicali Yuma
a d o ra d o
tion et à la consommation humaine, Alam
et transformait le delta du Colorado, M E X I Q U E o Canal
Mexicali 3
lo
20 km
Co
porteur d’une riche biodiversité, en MEXIQUE
lor
20 km Co
vaste marécage saumâtre. Un effort
a cependant été réalisé afin d’amé- Le raccordement aux stations d’épuration en Europe
Le Colorado est un des
liorer les méthodes d’irrigation et de Imperial Dam (1)
CanalCanal
sont pas résolus pour autant : la divi- sillonnant son bassin versant.
réseau de transferts d’eau
COLORADO
sion des eaux entre les États fédérés GILA sillonnant son bassin versant.
américains parlent à son
COLORADO
américains, réglée par un arbitrage en RIVER À tel point que les auteurs
All American
Alamo
Morelos Canal
Dam (3) Canal ou dérivation
visoirement et localement la situation. ÉTATS-UNIS (principal et secondaire)
Canal de retour
East Main
EN CONCLUSION
Une ressource
menacée
Une ressource mise en danger
Même lorsque les prélèvements sont faibles
par rapport à des ressources qui semblent
abondantes, ils peuvent entraîner des modi-
fications importantes de la qualité des eaux.
Souvent, les dégradations les plus dan-
gereuses, tant pour les écosystèmes que
pour la santé humaine, ne sont pas les plus
spectaculaires. Ainsi, les effets négatifs des
grands barrages qui détruisent des écosys-
tèmes entiers et modifient l’hydrologie et les
flux sédimentaires des fleuves sur des cen-
taines de kilomètres sont très médiatisés.
Mais la multiplication de petites digues, la
destruction de zones humides, l’utilisation
d’intrants agricoles par des milliers de pay-
sans, et par endroits, le pompage excessif
des ressources souterraines qui entraîne un
abaissement rapide des nappes phréatiques,
peuvent tout aussi bien provoquer des dom-
mages irréparables aux ressources en eau.
De l’eau
pour tous ?
Ce n’est que le 28 juillet 2010 que l’Assemblée générale
des Nations unies a reconnu « le droit à une eau potable
salubre et propre comme un droit fondamental, essentiel
au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits
de l’homme », par 122 voix pour, 0 contre et 41 abstentions,
dont les États-Unis, le Canada et la Turquie.
On ne peut que s’étonner de la date tardive de cette
reconnaissance et des réticences manifestées à l’égard
de cette résolution pourtant non contraignante.
Mais c’est oublier que l’eau est l’objet de nombreux conflits
dans le monde, de l’échelle locale au niveau mondial.
Le droit à l’eau « pour tous » est loin d’être effectif,
notamment pour les plus démunis.
L’eau est en effet un excellent révélateur des inégalités
sociales : plus on est pauvre, moins on a accès à
l’assainissement, plus on la paye cher et plus on est exposé
à des maladies liées à l’eau. Le rapport sur le développement
humain 2006 du Programme des Nations unies pour
le développement (PNUD) souligne ainsi que « la crise
de l’eau trouve son origine dans la pauvreté, l’inégalité
et des relations de forces inéquitables ».
mosquées.
Ga
o
coc
attractions touristiques de la ville et le
Te x
poumon vert de cette agglomération
de près de 20 millions d’habitants.
Lac
En Europe, Bruges, Amsterdam,
Stockholm et, plus au nord, Saint-
Lac
Pétersbourg, avec leur lacis de ponts CUEPOPÁN TEOPÁN
Te x
et de canaux, prétendent au titre de
coc
« Venise du Nord ».
o
Ce rapport esthétique entre la ville et
l’eau, après la révolution industrielle
qui a vu l’installation d’infrastructures Chaussée
Tacuba ENCEINTE
polluantes sur les rives des fleuves et SACRÉE
canaux, a été réactivé récemment. ATZAC ALCO
Les friches industrielles ont été recon-
quises et les fronts de rivière et de MOYOTL ÁN
lac, les abords des canaux qu’il était
autrefois question de recouvrir pour Teotihuacán
y faire passer des autoroutes, ont
été réhabilités. L’exemple est venu
d’Angleterre (East End à Londres) et Lac
Texcoco
d’Amérique du Nord, mais cette mode
s’est rapidement répandue dans le Tenochtitlán
monde : Shanghai et son Bund réha- Chaussée Iztapalapa
bilité, la gentrification des canaux
Source : http://www.ancientmexico.com
Amsterdam
à Paris, le Waterfront du Cap sont
autant d’exemples de la reconquête
de leurs espaces aquatiques par les
villes.
Ha
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L’eau et les paysages
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t a at C’est probablement en Chine que
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Westerkerk QUARTIER
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k ad sens de « peinture de paysage » et
Palais Dam Waag e
Royal stra sera désormais utilisé comme tel dans
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JORDAAN VIEILLE la littérature chinoise puis japonaise.
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bu Les peintures de paysages classiques
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représentent toujours un cours d’eau.
Ca Hôtel de ville En Europe, l’apparition du paysage
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ld REMBRANTPLEIN nta
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Mid comme sujet pictural est plus tardive,
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ld Seign ra c h t ) den mais l’eau y tient un rôle tout aussi
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LEIDESEPLEIN ereur c ht) important : que l’on pense aux vedute
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(Pr insen G Sar p urbains, aux Nymphéas de Monet, ou
OOST encore aux innombrables peintures
Weteringscha marines de la période moderne (ce
Rijksmuseum ns
K a de s t ad h o u 500 m genre étant curieusement totalement
PIIP d e rs
absent de la tradition chinoise).
La question des guerres est beaucoup moins cher et moins Les difficiles relations
de l’eau risqué politiquement), il n’empêche amont-aval
Les prévisions catastrophiques sur que la question de l’eau peut être Dans les régions où l’eau est rare,
les futures guerres de l’eau sont utilisée dans les négociations inter- les conflits entre États partageant un
contestées. L’eau est plus un révé- nationales, généralement comme bassin versant peuvent s’exacerber.
lateur de tensions qu’un facteur moyen d’échange contre d’autres Lorsque l’amont montagneux où ces
déclenchant : elle envenime les avantages. De fait, les conflits les fleuves prennent leur source et l’aval
conflits préexistants et peut par- plus difficiles à résoudre autour de plus sec n’appartiennent pas au
fois au contraire accélérer, par la l’eau n’auront pas lieu militairement même pays, des situations de dépen-
construction de projets communs, entre États mais sur les plans poli- dance apparaissent.
les réconciliations. tique et économique entre régions Le cas exemplaire est celui de
S’il semble exclu que des guerres (comme en Espagne), entre villes et l’Égypte (taux de dépendance de
« classiques » aient lieu pour l’eau campagnes, et entre groupes sociaux 97 %, l’essentiel des eaux du Nil
(mobiliser des ressources alternatives autour de l’accès et du prix de l’eau. venant d’Éthiopie et d’Ouganda).
De 60 à 89,9
De 30 à 59,9
De 10 à 29,9
Donnée
De 0,1 à 9,9 indisponible
0
Le système du Jourdain
2 et s’écoulaient
ite
naturellement vers la
éd
5 artificiellement pour
Triangle alimenter les grandes
du Yarmouk villes côtières
3 israéliennes, dont
Bassin du Tel-Aviv. Construit
4 à partir de la fin des
IRBID Yarmouk
années 1950, le
1,1 million d’hab. National Water Carrier
Ghor (3), ou conduite
nationale d’eau, long
de 130 km, est la
Jourdain
colonne vertébrale
ISRAËL de tout le réseau
d’adduction d’eau
CISJORDANIE en Israël.
Le Jourdain inférieur
J O R DA N I E (4) n’est plus alimenté
Débit annuel (millions de m3) actuellement que par
son affluent le Yarmouk
850 (5), qui marque la
450 Ghor frontière entre la Syrie
AMMAN-ZARQA
300 et la Jordanie. Comme
2,7 millions d’hab. ses eaux sont
200 6 également détournées
150 JÉRUSALEM vers Amman et les
100 périmètres irrigués
Source : Molle et al., IWMI, 2007. jordaniens, le volume
50 d’eau qui atteint la mer
20 Morte (6) ne cesse de
10 décroître, ce qui
Mer explique la baisse de
Circulation de l’eau Morte son niveau, de -390 m
sous le niveau de la
Périmètre irrigué 20 km mer en 1960 à -430 m
Principales agglomérations aujourd’hui...
X Les numéros font référence au commentaire
L’Irak (dépendance de 53 %), qui est l’Éthiopie). Si l’État d’amont est en Utilisation de l’eau en Israël
à la merci de la Turquie où se trouvent mesure de le faire, il pourra utiliser et en Palestine
les sources du Tigre et de l’Euphrate, l’eau comme moyen de pression sur Millions de m3
ou encore le Pakistan (dépendance les États d’aval (la Turquie face à la 800
de 76 %, les sources de l’Indus se Syrie et à l’Irak). Les « risques hydro- 700
trouvant dans la région disputée du politiques » dans les grands bassins 600
Cachemire indien) sont dans des envi- internationaux se « cristallisent » le
500
Source : Alatout, 2000.
Des villes du Sud assoiffées La valeur ajoutée de l’eau par secteur d’activité
La croissance urbaine et le développe-
Valeur ajoutée pour un million de m3 d’eau consommés (euros)
ment économique dans les pays émer- 45 000
gents ont fait croître exponentiellement 40 000
une demande industrielle et urbaine 35 000
CHINE 3 Nanjing
avec trois « routes » :
Shanghai à l’est, le long de
Barrage des
g
Ji
an
l’ancien « Grand Canal »
Trois-Gorges zi
ng (2), au centre à partir
Ya
du barrage des
Trois-Gorges (3) et
Chongqing à l’ouest (4). Mais ces
1 travaux et les nombreux
300 km
lacs de barrages
n’empêchent pas le
Risques d’inondation Gestion de l’eau
Huang He (5), le grand
Zone où l’eau manque Canal
Plaine inondable X Les numéros fleuve du Nord, de
du fait des actions humaines Transfert font référence s’assécher régulièrement
Rivière endiguée Barrage-réservoir d’eau au commentaire avant de rejoindre la mer.
entre les différents acteurs et les rivali- construits par l’État fédéral, l’État de un jeu complexe, avec une multitude
tés entre villes et entre régions. Californie et les services des eaux d’acteurs et autant d’arguments (envi-
L’Espagne : l’eau de la nation ou locaux. Ce système correspond à des ronnementaux, économiques, poli-
des régions ? L’histoire de l’eau en priorités parfois contradictoires : pour tiques), des luttes parfois très violentes
Espagne est liée aux évolutions poli- l’État de Californie, l’irrigation de la impliquant des personnages devenus
tiques du pays. Ainsi, la première Grande Vallée ; pour la municipalité mythiques, comme W. Mulholland,
vague de construction de barrages et de Los Angeles, l’approvisionnement ingénieur des eaux de la ville de
la planification des transferts massifs a d’une ville en forte croissance ; pour Los Angeles : comment s’en éton-
été impulsée par de jeunes ingénieurs l’État fédéral, la fourniture en eau de ner lorsqu’il s’agit d’apporter l’eau à
traumatisés par la défaite de 1898 l’une des principales implantations Hollywood, qui, sans ces aqueducs, ne
face aux États-Unis, dans la perspec- du complexe militaro-industriel. C’est serait qu’une bourgade poussiéreuse ?
tive du Regeneracionismo. Mais la
grande impulsion « hydraulique » est La Turquie et le GAP
venue sous Franco (surnommé « Paco
Barrage 75 km
Rana » ou « Franco la grenouille », tant
Aire couverte
il inaugura de barrages), avec notam- par le GAP TURQUIE
ment les transferts du Tage vers la Irrigation (en service Keban
Méditerranée. Le lien entre les grands ou en construction)
Elazig
projets hydrauliques et le régime fran- Principaux canaux
Tunnel d’Urfa Lac
quiste explique pourquoi le plan hydro- de Van
logique national, visant notamment à
te
Diyarbakir
ph
L’accès à l’eau,
un enjeu mondial
Le 6e Objectif de développement durable (ODD), défini en 2015 pour l’horizon 2030, vise à
« garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des
ressources en eau ». Mais en 2022, 600 millions de personnes n’ont pas un accès minimal à l’eau
potable et plus de 1,2 milliard à l’assainissement. C’est un objectif très ambitieux, sachant que les
pays du Nord ont mis près d’un siècle pour fournir l’accès universel à l’eau à leurs populations.
La diversité des modes d’accès que l’on retrouve dans les quartiers Qui fournit l’eau la moins chère ?
dans les villes du Sud aisés des grandes villes) et ceux
Prix par m3 d’eau, en dollars
Dans les pays du Sud, il existe un gra- qui n’ont pas du tout accès à l’eau 5
dient entre les « branchés », ceux qui potable.
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Se
Ca
3
3 Kigali lorsque leur réseau est trop lâche, les
Kigali
habitants doivent faire appel à des col- Données concernant 47 pays
porteurs d’eau, petits entrepreneurs et 93 lieux géographiques.
4 Dakar
4 Dakar privés, utilisant des camions-citernes
pour la vente en gros, puis d’autres l’accès est universel, et les autres,
5 Lusaka moyens de transport pour les petits où le taux n’est que de 80 % pour
5 Lusaka
volumes (âne, vélo, charrette à bras). l’eau potable et seulement 50 % pour
Enfin, les plus mal lotis se contentent l’assainissement.
0 0,5 1 1,5 2
0 0,5 1 1,5 2 de sources non sécurisées (rivières, En Afrique subsaharienne, ces taux
Dollars par m33
Dollars par m
puits rudimentaires peu profonds ne sont respectivement que de 68 %
Fournisseur
Fournisseur officiel
officiel souvent contaminés par les eaux et 30 %. La différence Nord-Sud est
Fournisseur
Fournisseur informel
informel usées), sans garantie sur la quantité encore plus marquée lorsqu’on exa-
ou la qualité. Contrairement à d’autres mine les connexions à l’eau potable
produits, il n’y a pas de lien entre la à domicile : les taux sont proches de
qualité du service et le prix payé : au 100 % dans les pays du Nord, mais
contraire, plus le service est irrégulier tombent à 44 % dans les PVD et 16 %
SÉNÉGAL
et plus il y a d’intermédiaires, plus le seulement en Afrique subsaharienne.
4 SÉNÉGAL
4 1 BURKINA prix est élevé. En outre, si entre 1990 et 2004 le taux
BURKINA
1 FASO
FASO 2 d’accès à l’eau améliorée a progressé
2
ÉTHIOPIE
ÉTHIOPIE Un contraste Nord-Sud (de 71 à 83 %) dans les pays du Sud,
3
3 RWANDA
RWANDA
toujours marqué le taux de raccordement à domicile
ZAMBIE
Selon l’OMS et l’Unicef, 91 % de évolue moins vite. En Afrique sub-
ZAMBIE
5 la population mondiale utilise des saharienne, il a stagné à 16 % tout
5
sources d’eau de boisson de bonne comme en Asie du Sud. Seule la Chine
qualité. Pour l’assainissement, cette a vu une progression rapide du taux
proportion tombe à 68 %. Cette de raccordement à domicile (passant
moyenne couvre une forte dispa- de 48 à 95 %).
Source : Banque mondiale.
Source : Banque mondiale.
rité entre les pays développés, où Partout ailleurs, l’accès à l’eau se fait
Haïti Yémen
2 BF Bangladesh
Guatemala Rép. Nigeria Éthiopie
dom. 3
Nicaragua
Venezuela Inde Laos
Ouganda
Sierra Philippines
un
Leone 4 Cambodge
ero
Équateur
Liberia
Cam
Myanmar
Rwanda Kenya
Pérou Brésil Rép. dém.
Burundi Sri Indonésie PNG
Ghana du Congo Somalie
Tanzanie Lanka
Togo
Bénin Angola
Ma
Zambie Océanie
law
i
Zimbabwe Madagascar
Afrique du Sud
Le retard des zones rurales l’assainissement, les taux sont res- sembler à l’écart, il faut nuancer ce
Les moyennes mondiales des taux pectivement de 73 % et 33 %. constat par la résistance des solu-
d’accès à l’eau potable et à l’assainis- La majorité des ruraux sont dépen- tions traditionnelles, qui permettent
sement cachent de fortes différences dants de sanitaires collectifs : 25 % parfois un accès à l’eau correct, et,
entre les mondes rural et urbain : de connexions à domicile seule- inversement, l’inadaptation des solu-
dans les pays du Sud, en moyenne, ment en moyenne, 4 % en Afrique tions copiées sur le modèle occiden-
le taux d’accès à l’eau potable est de subsaharienne. Si, par rapport aux tal. On ne peut envisager, à court
82 % pour les zones urbaines, contre grandes villes concentrant les inves- terme, de construire dans les cam-
70 % pour les régions rurales ; pour tissements, les zones rurales peuvent pagnes africaines des réseaux sem-
blables à ceux des pays européens.
De même, toute solution trop « tech-
Les différences rural-urbain en Afrique nique » et coûteuse risque de ne pas
être durable faute de moyens finan-
ACCÈS À DES INSTALLATIONS ciers pour l’entretenir.
ACCÈS À L’EAU POTABLE D’ASSAINISSEMENT De grandes disparités peuvent exis-
ter aussi à l’intérieur d’une même
région : un village au puits bétonné
AFRIQUE URBAINE
AF R I Q UE
AF R I Q UE
Niger
Somalie
Togo
Lesotho
Mali
São Tomé-et-Princípe
Bénin
Zimbabwe
Gambie
Kenya
Ghana
Cameroun
Côte d’Ivoire
Nigeria
Mauritanie
Sénégal
Swaziland
Namibie
Djibouti
Népal
Myanmar
Tadjikistan
Timor-Leste
Inde
Vanuatu
A SIE
A SIE
Afghanistan
Laos
Mongolie
Ouzbékistan
Indonésie
Kazakhstan
Pérou
AMÉRIQUE Honduras AMÉRIQUE
LATINE Jamaïque LATINE
Cuba
Yémen
MOYEN-ORIENT Syrie MOYEN-ORIENT
Azerbaïdjan
Moldavie
EUROPE Géorgie EUROPE
Albanie
100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
* Dans les pays où au moins 1 foyer sur 10 n’a pas de point d’eau à domicile. Sources : OMS ; UNICEF.
anciens bantoustans du Transkei et populations noires et métisses, les Soudan, a montré que la consomma-
du Kwazulu sur la côte orientale, vic- raccordements non individuels sont tion de l’eau ne descend pas, même
times d’un sous-investissement chro- encore très importants. Les cartes de si le prix augmente, et que les plus
nique : parfois moins de la moitié de l’accès à l’eau reflètent encore assez pauvres dépensent parfois plus de la
la population, majoritairement rurale, fidèlement les découpages spa- moitié de leur faible revenu pour l’eau.
a accès à l’eau potable, contre près tiaux imposés par le régime raciste On comprend dès lors pourquoi l’ac-
de 80 % dans les grandes métro- d’apartheid. cès à l’eau des plus pauvres, qui est
poles. Mais, là encore, il y a de très L’inégalité dans l’accès se double de un des Objectifs de développement
fortes différences : dans les quartiers celle du prix payé : si aucune tarifi- durable, est au cœur des probléma-
riches autrefois réservés aux Blancs cation ou aide spéciale n’est mise en tiques de justice sociale dans les pays
(Sandton ou les Northern Suburbs), place, les pauvres paient l’eau plus du Sud et pourquoi cette question est
le taux de raccordement à domicile cher que les personnes aisées. La aussi sensible politiquement.
est proche de 100 % et la consom- consommation d’eau n’est pas « élas- Seul l’accès universel à l’eau et à l’as-
mation d’eau par foyer peut atteindre tique » : tout le monde est obligé de sainissement, qui ne sera pas atteint
400 litres par jour ; en revanche, dans consommer un minimum d’eau pour la avant au moins le milieu de ce siècle,
les townships pauvres (Soweto ou boisson et la toilette. Une étude menée permettra de combler les injustices
Alexandra), autrefois réservées aux dans les faubourgs de Khartoum, au liées à ce bien irremplaçable.
Les partenariats public-privé de délégation de service, de durée entreprises privées ont le capital et les
Ce que l’on peut appeler le « marché variable : de la privatisation com- savoir-faire nécessaires pour atteindre
mondial » de l’eau est d’un type parti- plète des réseaux au Chili à la simple les objectifs ambitieux fixés par les
culier : il ne s’agit pas d’échanger de aide technique pour la facturation pouvoirs publics. Si ceux-ci sont en
l’eau entre pays ou régions, mais de ou le repérage des fuites. Dans le effet atteints dans des grandes villes
répondre aux appels d’offres interna- monde, les PPP se multiplient mais du Sud, comme Tanger, les PPP ren-
tionaux de municipalités créant des restent très minoritaires : 90 % de la contrent parfois de fortes résistances
partenariats public-privé (PPP) pour gestion de l’eau demeure publique. populaires (critiques de la hausse du
la gestion de l’eau. Pour les secteurs délégués, les lea- prix de l’eau, de l’opacité de certains
Un PPP est un contrat signé entre ders mondiaux sont Veolia Eau, Suez contrats), qui participent au retrait
une autorité publique et une entre- Environnement, RWE Thames Water d’entreprises privées de villes du Sud,
prise privée pour différents services et la Saur. comme à Cochabamba (en Bolivie) ou
liés à l’eau (construction du réseau, La délégation de service public, à Buenos Aires (en Argentine). Si tous
entretien, facturation, etc.). Il existe appuyée par les bailleurs de fonds, reconnaissent le savoir-faire tech-
de fait de très nombreuses formes repose sur l’idée que seules les nique de ces dernières, le principe
Moyen-Orient
Amérique
35 millions
Afrique
30 millions
25 millions
20 millions
Fourniture
15 millions d’eau
Présence des opérateurs
Nombre de personnes 10 millions Assainissement
Pays où Suez Environnement est présent
desservies par zone Fournisseur : Suez
Pays où Veolia Eau est présent
géographique 5 millions Environnement
Pays où les deux opérateurs sont présents et par opérateur 0 Fournisseur : Veolia Eau
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Al
Le prix de l’eau en France de la moyenne européenne. Les varia- de l’eau, la tendance actuelle est d’es-
Les factures d’eau comportent trois tions s’expliquent principalement par sayer de s’approcher le plus possible
grands éléments : la distribution de l’origine de la ressource (1,20 euro du recouvrement des coûts par les
l’eau (45 %), la collecte et le traitement en moyenne pour l’eau souterraine ; consommateurs finaux. La pratique
des eaux usées (39 %) et les taxes et 1,60 euro pour l’eau de surface), sa du ring-fencing (séparation entre le
redevances (16 %). Le prix de l’eau qualité (mauvaise en Bretagne par service d’eau et le reste du budget
potable comme de l’assainissement exemple) et la configuration du réseau municipal) interdit de fait la subvention
comprend une partie fixe (l’abonne- (répartition et densité de la population). de l’eau par l’impôt.
ment) et une partie variable calculée S’y ajoutent des disparités entre villes Que faire alors pour que le prix de l’eau
en fonction des volumes consommés, et campagnes, et dans le mode de ne pèse pas de façon disproportion-
à laquelle il faut ajouter les redevances gestion. née sur les plus pauvres ? Plusieurs
perçues par les agences de l’eau (au Selon l’Ifen, les prix sont plus élevés systèmes sont testés, s’articulant
titre du prélèvement de l’eau dans le quand l’organisation se fait au niveau généralement autour d’une tarification
milieu naturel et au titre de la pollution), des groupements de communes, ce progressive : les premiers litres sont
celles des voies navigables de France, qui est souvent le cas lorsque la ges- peu chers, puis le tarif par mètre cube
ainsi que les taxes locales et la TVA sur tion est déléguée − mais selon une consommé augmente graduellement,
l’eau potable et sur l’assainissement. étude du Boston Consulting Group, ce qui est censé favoriser les écono-
D’après l’Institut français de l’environ- le retour en régie n’entraîne que rare- mies d’eau. Le prix, au-delà d’un cer-
nement (Ifen), les prix moyens dépar- ment la baisse du prix de l’eau. Entre tain seuil fixé généralement entre 30 et
tementaux payés en 2014 varient 1994 et 2014, les tarifs de l’eau ont 40 m3 par mois et par foyer, doit être
du simple au double : de 3,02 euros augmenté en moyenne de 50 %, assez élevé pour décourager la sur-
le mètre cube (Hautes-Alpes) à avec une progression très forte dans consommation. L’Afrique du Sud est
5,55 (Lot-et-Garonne), la moyenne les années 1990, liée à la mise aux allée plus loin en rendant gratuits les
nationale s’établissant à 3,92 euros normes des services d’assainisse- six premiers mètres cubes consom-
le mètre cube, soit 10 % en dessous ment. Depuis 1999, la hausse suit le més, soit l’équivalent d’une consom-
rythme de l’inflation générale. La fac- mation de 50 l/j/hab. pour une famille
La tarification sociale de l’eau ture d’eau représente en moyenne de quatre personnes.
à Johannesburg 0,8 % du budget des ménages L’idée est que les plus riches consom-
(contre 2,4 % par exemple pour les mateurs paient pour les plus pauvres.
Prix du m3 d’eau 49,66 télécommunications). Malgré les contreparties (introduction
50 en rands en 2020 46,62
un rand = 0,067 euros de compteurs prépayés, restrictions
De l’eau pour tous : et pénalités plus fortes en cas de
40
36,51 à quel prix ? consommation impayée), cette mesure
32,95
L’accès à l’eau pour les plus pauvres permet une gestion sociale de l’eau
30 est un but officiel de tous les opéra- qui corrige les effets du recouvrement
23,99 teurs en charge de la distribution de total des coûts. Cela rejoint et dépasse
20 l’eau, qu’ils soient publics ou privés. La même les recommandations du Panel
16,49
difficulté est de mettre en pratique ces mondial sur le financement des infras-
10 9,66 déclarations d’intention tout en main- tructures de l’eau (rapport Camdessus)
Quantité d’eau tenant la viabilité financière du service. qui indique « qu’un prix abordable de
consommée par mois
0 (en milliers de litres) Dans le cadre général de la conver- l’eau devra être assuré à chacun en
0
gence entre pratiques « déléguées » mettant en place des structures tari-
0 6 10 15 20 30 40 50
Source : City of Johannesburg, 2020. et « publiques » en matière de gestion faires appropriées ».
Guadeloupe
Martinique
Guyane
Réunion
Mayotte
Prix moyen du m3 d’eau
par département en 2016
(euros)
4,50 à 5,60
4,00 à 4,50
3,50 à 4,00
2,25 à 3,50
EN CONCLUSION
De l’eau
pour tous ?
Une question de moyens
Apporter de l’eau à tous demandera un très
important effort financier. Pour faire face à
ces besoins, plusieurs modes de finance-
ment existent. On évoque souvent le rôle
des organisations internationales comme
la Banque mondiale et les actions de soli-
darité au niveau mondial ; mais celles-ci ne
représentent que 18 % des investissements,
contre 60 % de financements publics locaux,
le reste se partageant entre les acteurs privés
locaux (15 %) dont la part augmente, et les
entreprises multinationales, comme Suez ou
Veolia.
Du risque hydrologique bassins versants entre États et l’oppo- « Petite Aral » située sur son territoire,
au risque « hydropolitique » sition marquée entre un ou plusieurs ce qui condamne d’autant plus rapide-
Un risque hydrologique est souvent acteurs. Les bassins les plus sujets ment la « Grande Aral » située majori-
défini par la combinaison d’un aléa au risque hydropolitique sont le Nil, le tairement en Ouzbékistan.
climatique naturel (crue, sécheresse) Jourdain, le Tigre et l’Euphrate, ainsi
et de la vulnérabilité des populations. que le Syr-Daria et l’Amou-Daria, qui Le barrage des
En combinant ces deux facteurs, on se jettent dans la mer d’Aral. Même si Trois-Gorges en Chine
peut identifier les régions potentiel- les guerres de l’eau sont improbables, ou la maîtrise totale des eaux
lement soumises aux risques hydro- les tensions hydropolitiques réduisent Mis en service en 2009, le barrage des
logiques et hydropolitiques. La carte considérablement les perspectives de Trois-Gorges en Chine est la pièce
ci-contre montre les principaux défis traitement des risques hydrologiques. maîtresse d’une politique nationale
selon les régions considérées dans les Ainsi, dans le bassin de la mer d’Aral, de contrôle total des ressources en
prochaines décennies, certains pays le Kazakhstan a entrepris de sauver la eau. Haut de 150 m, avec un réservoir
comme la Chine et l’Inde devant faire
face à plusieurs types de menaces.
Les situations les plus tendues sont La situation hydrique en 2050
encore largement déterminées par les
facteurs climatiques : les régions arides
et semi-arides, où la variabilité des
précipitations est la plus forte. Mais
les sécheresses et les inondations ne
prendront un caractère catastrophique Océan
que là où la capacité d’adaptation des Pacifique
populations est limitée. La vulnérabi-
lité est ainsi plus forte dans les pays
pauvres : la bande soudano-sahé- Océan
B A S H A N
D A
C H I N E Dachang
Kaixian Jiangkou
Dachang Gorge de Wu Xingshan
Xiakou
Kaixian Fengjie Wushan Transfert d’eau
Fengjie Temple Wushan Badong vers Pékin
Baidicheng Zigui Temple
Yunyang Yunyang Ya n g z i J i a n g Badong de Qu Yuan
Wanxian
Tiancheng Temple de Zhang Fei
Temple de Zhang Fei Gorge de Qutang Zigui
Wuqiao Gorge Sandouping
A N de Xiling
H
Wanxian S
U Jianshi Yichang
O Langping
D P r o v i n c e
G Barrage des Trois-Gorges
N d u H U B E I 18 000 MW
A
F
Enshi
Barrage de Gezhouba
2 700 MW
La vallée du Danube
150 km
POLOGNE
UKRAINE
RÉPUBLIQUE
TCHÈQUE
SLOVAQUIE
ALLEMAGNE MOLDAVIE
Dunaj
Bratislava Tis
e za
n u b Munich
Da Vienne Gabcikovo HONGRIE
Donau Donau
Budapest
AUTRICHE Duna
ROUMANIE
SUISSE
Ljubljana
Zagreb
SLOVÉNIE CROATIE Bucarest
Sa Portes de Fer
ve Belgrade
ITALIE
ire
Dunarea
Mer No
BOSNIE-
Dunav
HERZÉGOVINE Danube
SERBIE
Sofia BULGARIE
LA POLLUTION DU DANUBE
AU CYANURE (2000) MONTÉNÉGRO
KOSOVO
za
18,00 à 19,60
SERBIE
7,80 à 13,50
ub
2,20 à 3,90
0,080 à 1,50 Dunav Nom du Danube dans les différents
Belgrade pays qu’il traverse
100 km 0,029 à 0,035
Des principes d’Helsinki 103 voix pour, 27 abstentions (dont générale de coopération (art. 8). Elle
aux organismes de coopération l’Inde, le Pakistan, la France et l’Éthio- reprend les principes énoncés dès
internationale pie) et 3 contre (la Chine, la Turquie 1966 à Helsinki. Mais, davantage
Pour résoudre pacifiquement les et le Burundi). Cette convention réaf- que les déclarations faites à l’ONU,
conflits liés à l’eau, l’Assemblée firme le concept d’utilisation équitable la multiplication de grands orga-
générale de l’ONU a adopté en 1997 et raisonnable de la ressource (art. 5), nismes de bassins internationaux est
une convention sur le droit relatif aux l’obligation de ne pas causer de dom- le signe le plus évident de la coopé-
usages des cours d’eau internationaux mages significatifs aux autres États ration entre États. Aujourd’hui, la plu-
à des fins autres que la navigation, par riverains (art. 7) et enfin une obligation part des grands bassins mondiaux ont
Acc
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étant liés à des conflits dépassant lar-
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mili
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mili
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Hos
ions
nom
iq ue
ions
giq
if iqu
Act
Hos
éco
,
sant de 800 000 km2 et partagé entre
ue,
Act
indu
ions
s tr ie
fleuve international pour la navigation
l
par le congrès de Vienne en 1815. Source : Transboundary Freshwater Dispute Database.
Vers la gestion
de la demande ?
Dans les années 1970, la combinaison de l’échec économique
des grands aménagements, des crises écologiques qui leur
sont liées et de la faillite financière de nombreux opérateurs
municipaux dans les pays du Sud ont conduit les spécialistes
de la gestion de l’eau à proposer de nouvelles politiques.
La conférence de l’ONU sur l’eau à Mar del Plata, en 1977, fut
la première d’une longue série qui se poursuit actuellement. 2006 Mexico
4e forum mondial de l’eau
Gouvernance - financement
les
1992 Dublin
Conférence sur l’eau
Eau indispensable à la vie - gestion associée -
rôle essentiel des femmes - eau bien économique
1972 Stockholm
Conférence des Nations unies sur l’environnement
2015 Daegu-Gyeongbuk
1995 Copenhague 7e forum mondial de l’eau
Sommet mondial pour le développement
2003 Kyoto
3e forum mondial de l’eau
2009 Istanbul Gouvernance - financement
5e forum mondial
de l’eau
1990 New Delhi
1997 Marrakech Consultation mondiale sur
Premier forum l’approvisionnement et l’assainissement
mondial de l’eau «Un peu pour tous vaut mieux que beaucoup
Utilisation efficace 1994 Le Caire pour peu»
de l’eau Conférence des
Nations unies
sur la population
2022 Dakar et le développement
9e forum mondial de l’eau 1994 Noordwijk
Conférence sur l’eau
2000 La Haye potable et l’assainissement
2e forum mondial de l’eau
L’eau affaire de tous
1998 Paris 2001 Bonn
Conférence sur l’eau et Conférence internationale
2002 Johannesburg le développement durable sur l’eau douce
Sommet mondial sur le Améliorer les connaissances Gouvernance - finances - connaissances
développement durable
Élimination de la pauvreté -
assainissement - accès 2012 Marseille
6e forum mondial de l’eau
Le temps des solutions
1996 Rome
Sommet mondial
de l’alimentation
Le quatrième principe a donné lieu à SDAGE et loi sur l’eau de 2006) s’en On entre alors dans une nouvelle
de plus amples discussions. Il affirme inspirent largement, tout comme la ère, celle de l’intervention de l’État,
ainsi que « Pour tous ses différents directive-cadre européenne, adoptée des ingénieurs tout-puissants et de
usages, souvent concurrents, l’eau a en 2000. Celle-ci vise à atteindre en la mystique des grands travaux. Des
une valeur économique et, à ce titre, 2015 un « bon état écologique des travaux considérables et très coûteux,
devrait être reconnue comme un bien eaux » européennes, fixant des objec- gérés le plus souvent au niveau natio-
économique », ce qui va à l’encontre tifs précis et un calendrier contrai- nal, sont réalisés pour domestiquer
de traditions religieuses (l’eau comme gnant, en utilisant des instruments les eaux. La gestion de l’offre permet,
don de Dieu) ou philosophiques qui économiques comme outils d’aide à grâce à la construction de grands bar-
considèrent l’eau comme un bien la décision. rages, de répondre à l’augmentation
avant tout social. rapide des prélèvements.
La traduction de ces principes De la gestion de l’offre La rupture qui met fin à cette période,
dans les législations nationales a été à la gestion de la demande parfois liée à un changement poli-
relativement rapide, car elle était la Développé à partir des cas particuliers tique, est dans la plupart des cas dou-
condition de financement de projets de Johannesburg et d’Israël, le modèle loureuse et correspond souvent à des
hydrauliques. Elle s’est faite dans d’Anthony Turton montre l’évolution à catastrophes écologiques majeures.
des pays aussi variés que l’Afrique la fois des ressources disponibles et On entre alors dans une phase de
du Sud ou la République islamique des politiques de gestion. La situation gestion de la demande et d’une dif-
d’Iran. En effet, comme le concept de initiale est celle de ressources abon- ficile réallocation des ressources dis-
développement durable, les principes dantes par rapport à la demande. ponibles. Ce processus ne peut se
de Dublin restaient assez vagues L’eau est disponible sans efforts. faire que grâce à des mécanismes
pour pouvoir être admis par tous les Cette phase perdure jusqu’à ce que transparents de gestion de l’eau et
gouvernements. Les instruments de les ressources disponibles « naturelle- à la participation des populations
gestion de l’eau en France (SAGE, ment » deviennent insuffisantes. concernées.
La révolution bleue
L’agriculture étant la principale consommatrice d’eau au niveau mondial, il est normal que des
efforts très importants aient été tentés pour améliorer les rendements dans les périmètres irrigués
et résoudre les problèmes écologiques qui s’y posent. Depuis une trentaine d’années, les avancées
sont réelles et vont en s’accélérant : de nouvelles techniques toujours moins coûteuses se
diffusent, au point qu’on peut parler d’une véritable « révolution bleue ».
More crop per drop : types de techniques permettent de amélioration rapide des rendements
le développement réduire ces pertes : la première est pour les agriculteurs. Mais les béné-
de nouvelles techniques l’aspersion, qui reproduit artificiel- fices sont plus difficiles à mesurer
L’introduction de nouvelles tech- lement la pluie ; la seconde est la quand on considère un bassin versant
niques a deux buts principaux : micro-irrigation, qui apporte l’eau au dans son ensemble, car l’eau qui était
augmenter le rendement à quantité pied de la plante, grâce à des tuyaux considérée comme « perdue » sur une
d’eau égale (more crop per drop) et en plastique. Ces améliorations sont parcelle se retrouvait de fait dans les
permettre de résoudre les problèmes accompagnées d’actions en amont nappes phréatiques.
environnementaux liés à l’irriga- (bétonnage des canaux d’adduction,
tion. Avec la méthode traditionnelle pour éviter les pertes par infiltration) De la révolution verte
d’inondation par gravité d’un champ, et en aval (amélioration du système de à la révolution bleue
une grande partie de l’eau est perdue drainage pour empêcher la salinisa- L’Inde est célèbre pour sa « révolu-
par évaporation ou infiltration. Deux tion des terres). Elles permettent une tion verte » qui a permis une hausse
rapide des rendements agricoles.
Un des piliers de cette révolution a
été le développement de l’irrigation,
Comment fonctionne l’irrigation moderne ?
les variétés à haut rendement ne
STATION DE FILTRATION montrant toutes leurs potentialités
Filtre hydrocyclone qu’avec un apport d’eau adéquat. Or
Filtre à sable Débimètre ce développement s’est accompagné
venturi Régulateur de pression de gaspillages (45 % de l’eau perdue
par infiltration), de surutilisation des
nappes phréatiques et de problèmes
Pompe écologiques graves : les systèmes
de drainage parfois mal entretenus
Filtre à tamis
ont causé salinisation et engorge-
Puits / Source ment des terres. Si l’on ajoute l’accu-
Régulateur mulation de pesticides et la fin de la
de pression hausse des rendements, la révolu-
Goutteur
tion verte a donc atteint ses limites.
Depuis les années 1990, les appels à
une « révolution doublement verte »
(économiquement rentable, socia-
lement équitable et écologiquement
durable) se multiplient, révolution qui
pourrait devenir dans le domaine de
l’eau une « révolution bleue ». Toutes
les techniques modernes sont utili-
sées et on a réhabilité les systèmes
Porte-rampe
Rampe en Dispositif locaux de gestion, les réservoirs tra-
polyéthylène de purge ditionnels (tanks), notamment en Inde
du Sud.
Source : http://www.jains.com
Finlande
Estonie
Lituanie
Biélorussie
Allemagne
France Serbie
Espagne
Slovénie
Jordanie
Israël
Seychelles
Malawi
Maurice
Zimbabwe
Afrique du Sud
Botswana
Source : FAO, Aquastat, 2020.
More cash per drop : introduire de nouvelles cultures. On entraîne en retour de fortes différen-
une transformation coûteuse remplace ainsi le blé ou les céréales ciations sociales entre les agriculteurs
L’introduction de nouveaux systèmes par les agrumes ou d’autres produits pouvant s’adapter et ceux qui sont
d’irrigation induit une augmentation plus inhabituels dans les périmètres contraints de revenir à l’agriculture
des coûts de production, même s’il y a irrigués, mais à forte valeur ajoutée : sèche ou de migrer vers les villes, ce
des subventions. Pour rentabiliser les raisin de table ou noix de pécan en qui modifie profondément les struc-
investissements consentis (accom- Afrique du Sud, bananes au Maroc… tures agraires des pays concernés et
pagnés parfois d’une hausse du prix Il s’agit d’avoir plus de revenus pour la met en cause les équilibres sociaux
de l’eau), les agriculteurs doivent même quantité d’eau. Ce phénomène et économiques de régions entières.
Pomme de terre
Sucre de canne
Patate douce
Tomate
L’eau virtuelle
Si l’eau a une valeur économique, elle peut potentiellement prendre part à la mondialisation
des échanges. Mais un marché d’eau « réelle » global serait très difficile techniquement à mettre
en œuvre et se heurterait à des résistances culturelles très fortes. En revanche, des volumes
très importants d’eau sont échangés chaque jour sous forme « virtuelle », incorporés
dans des biens de consommation.
CANADA
FRANCE
ÉTATS-UNIS TURQUIE
Chine
IRAN
Égypte
Importateur
d’eau virtuelle
SÉNÉGAL Thaïlande
NIGERIA Exportateur d’eau virtuelle
MALAISIE
INDONÉSIE
AUSTRALIE
ARGENTINE
Autres Autres
(12 577)
Flux d’eau virtuelle liés aux produits agricoles Types de flux
(km3/an) Importations
Exportations
Source : A.K. Chapagain, A.Y. Hoekstra, H. H. G. Savenije,
3 500 2 000 1 000 500 100 Hydrology and Earth System Sciences, 2006.
Une solution d’avenir : mis en place. Mais les eaux usées trai- de réutilisation pour combler ses
la réutilisation des eaux usées tées sont de plus en plus employées, ressources déficientes, évitant ainsi
Techniquement, l’eau sortant des hors de leur usage traditionnel qu’est d’autres solutions coûteuses comme
usines d’assainissement les plus l’irrigation. le dessalement ou le transfert d’eau à
modernes pourrait être utilisée pour À Berlin, après un parcours en rivière, longue distance, avec un impact éco-
les usages domestiques : une ville elles sont réinfiltrées dans les nappes logique bien moindre. Les nouveaux
pourrait ainsi fonctionner presque en phréatiques où la ville puise l’essentiel « écoquartiers », en Chine ou en
circuit fermé. À notre connaissance, de son eau potable. Barcelone envi- Europe, utilisent largement ces sys-
de tels systèmes n’ont pas encore été sage de développer les techniques tèmes de recyclage des eaux usées,
associés à la récupération des eaux
de pluie. À l’intérieur des bâtiments,
Évolution de la consommation d’eau en Allemagne et à Paris
les eaux « grises » (issues des lava-
PRONOSTICS ET ÉVOLUTION EFFECTIVE DE LA CONSOMMATION EN ALLEMAGNE bos, douches et baignoires), mélan-
PRONOSTICS ET ÉVOLUTION EFFECTIVE DE LA CONSOMMATION EN ALLEMAGNE
gées à l’eau de pluie, pourraient aussi
Consommation des ménages
220 Consommation desetménages être remployées.
220 (litres par habitant par jour)
(litres par habitant et par jour) Prévisions en1972 À l’échelle des États, l’eau recyclée
200 Prévisions en1972
200 peut être une solution pour les pays
Prévisions en 1976 soumis au stress hydrique : Israël réu-
180 Prévisions en 1976
180 tilise 80 % de ses eaux usées, ce qui
160 Prévisions en 1980 couvre déjà 25 % de ses besoins ;
160 Prévisions en 1980
l’Espagne et l’Australie ont lancé de
140 Données annuelles vastes programmes pour atteindre un
140 Données
de la BDEW annuelles
120 de la BDEW
(association des taux de recyclage de 50 %.
120 (association des
industries allemandes
industries allemandes
de l’énergie et de l’eau) La réduction
100 de l’énergie et de l’eau)
100
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 de la consommation
1975 1980 1985 1990 Source1995 2000 2005
: Bundesverband der Energie und Wasserwirtschaft, 2008.
Source : Bundesverband der Energie und Wasserwirtschaft, 2008. Contrairement aux idées reçues, la
ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION D’EAU À PARIS consommation par habitant se stabi-
ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION D’EAU À PARIS
240 Millions de m33 lise, voire diminue dans la plupart des
240 Millions de m
villes des pays du Nord. La réduction
230 est de 10 % à Barcelone en dix ans,
230
de 15 % à Los Angeles ou à Berlin et
220
220 atteint 50 % à Budapest entre 1990
et 2010. Cette évolution vient des
210
210 progrès techniques et de l’éducation
200 des consommateurs. Cette « décrois-
200 sance » rapide, si elle se poursuit,
190 pourrait mettre en danger la stabi-
190
lité financière des opérateurs publics
180 comme privés (leur revenu reposant
180
1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 sur la consommation), alors même
1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
Source : Eau de Paris, Rapports annuels, 2011 et 2020.
Source : Eau de Paris, Rapports annuels, 2011 et 2020. qu’ils introduisent des techniques
Évaporation
Ruissellement
MODÈLE « GRIS »
Pluie
Augmentation
du ruissellement
(volume et fréquence)
Surface imperméable
Source : Y. Depietri, T. McPhearson « Integrating the Grey, Green, and Blue in Cities: Nature-Based Solutions for Climate Change Adaptation and Risk Reduction », 2017.
Les différents scénarios L’eau : un droit pour tous ? pression sur l’environnement n’aug-
Marchandise, bien public, bien collec- menteraient alors que très peu. On
SCENARIO 1 BUSINESS AS USUAL
tif, bien premier : les théories sont nom- aurait un accès quasi universel à l’eau
5SCENARIO
000 km 3 1 BUSINESS AS USUAL breuses pour définir le statut de l’eau. et une production agricole suffisante
5 000 km 3 1 BUSINESS AS USUAL
4SCENARIO En effet, si l’on peut estimer le prix de grâce à l’agriculture irriguée.
ux
ota la distribution d’eau potable et de l’as- Enfin, on ne peut bien sûr écarter une
5
3 000
000 km 3 ts t
4 en x sainissement, si l’on peut valoriser les « crise de l’eau » qui combinerait, faute
e m au
lèv ts tot services environnementaux rendus par d’investissements, une augmentation
4
2 000
3 000 Pré e n x
em tau les zones humides, l’eau possède aussi des pollutions et une baisse de ren-
lèv ts to
3 Pré e n
1 000
2 000 em une valeur patrimoniale et symbolique dement d’une agriculture irriguée mal
lèv
2 Pré incommensurable. gérée. Les conséquences seraient glo-
1 000
0
000
La vision de l’eau comme un bien vital a bales, avec une déstabilisation durable
1945 1995 2010 2025
1 000
0 conduit à l’inscription d’un droit à l’eau, du marché agricole, la multiplication
SCENARIO
1945 2 SCENARIO
1995« 2010
ROSE2025
» patrimoine commun de la nation, dans des famines et le développement de
0
5SCENARIO
000 1945
km 3 2 SCENARIO
1995« 2010 de nombreuses Constitutions (Afrique troubles sociaux dans les villes.
ROSE2025
»
du Sud, Éthiopie ou Équateur). Mais À l’horizon 2030, il est encore difficile
5 000 km 3 2 SCENARIO « ROSE »
4SCENARIO
x u il reste un gouffre entre le droit et sa de trancher entre ces scénarios, mais
ota
5
3 000
4 000 km 3 n ts t mise en application. Et, même quand les principales évolutions seront sans
eme au
x
c’est le cas (Afrique du Sud), la ten- doute très différentes selon les pays.
lèv ts tot
4
2 000
3 000 Pré e n x dance actuelle est de considérer l’eau, Dans les pays du Nord, qui ont fixé
em tau
ré lèv ts to au-delà du minimum nécessaire à la des objectifs ambitieux de dépollu-
3
1 000
2 000 P en
em survie des populations, comme une tion, se posera surtout la question du
ré lèv
2
1 000
0
000
P ressource économique à valoriser au traitement coûteux des pollutions agri-
1945 1995 2010 2025 mieux. Les débats sur le statut de l’eau coles diffuses et industrielles héritées.
1 000
0
SCENARIO sont donc loin d’être éteints. Les pays émergents mettront en place
1945 3 SCENARIO
1995« 2010
CRISE2025
»
0 des solutions techniques pour faire
km 3
5SCENARIO
000 1945 3 SCENARIO
1995« 2010
CRISE2025
» Les scénarios possibles face aux pénuries, apporter de l’eau à
km 3 3 SCENARIO « CRISE » Au niveau global, plusieurs instituts se tous et augmenter leur production agri-
4SCENARIO
5 000
x
au sont risqués à établir des prévisions cole, mais probablement au prix d’une
5 000
km 3
t s tot
4
3 000 e n x pour 2030, retenant généralement trois dégradation de la qualité des eaux.
em
lèv tau o
Pré ts t hypothèses. Enfin, dans les pays les plus pauvres,
4
2 000
3 000 en x
em au La première poursuit les tendances où la capacité à maîtriser l’eau reste
lèv ts tot
3 Pré en
1 000
2 000 em actuelles, avec pour conséquence une insuffisante, on peut craindre la persis-
lèv
2 Pré aggravation des problèmes dans les tance des problèmes actuels, et même
1 000
0
000
pays du Sud et une situation particu- leur aggravation car la pression sur la
1945 1995 2010 2025
1 000
0 lièrement difficile dans certains bassins ressource augmentera parallèlement à
Consommations
1945 1995 Industrielle
2010 2025 versants (Nil, Niger ou Indus). la croissance de la population.
0 Agricole
Consommations
Domestique Un autre scénario serait la mise en
1945 1995 Totale
2010 2025
Agricole Industrielle
Source : Rosengrant, Cai et Cline, 2002. œuvre réussie des techniques inno- La question du
Consommations
Domestique Totale vantes, tant dans l’agriculture irriguée réchauffement climatique
Agricole Industrielle
Source : Rosengrant, Cai et Cline, 2002.
Domestique Totale que dans les villes du Nord et du Sud. Les effets du réchauffement climatique
Source : Rosengrant, Cai et Cline, 2002. Consommation en eau globale et sur le cycle de l’eau sont mieux connus,
mais la modélisation de la vapeur d’eau pluies plus abondantes, alors que le Si les conséquences du réchauffement
reste très partielle. Le sixième rapport bassin méditerranéen connaîtrait des climatique restent peu prévisibles dans
du GIEC indique que l’on verra pro- sécheresses plus longues. Il y a de l’état actuel des connaissances, on
bablement, au niveau mondial, une plus une divergence d’échelle entre peut regretter que l’attention portée
« accélération » du cycle de l’eau, avec les mailles des modèles, encore très à cette question masque parfois des
des pluies encore plus abondantes larges, et la réalité très locale de la ges- problèmes réels et bien documentés
dans les régions déjà fortement arro- tion de l’eau, déterminée par la forme qui affectent le cycle de l’eau : érosion
sées. Dans les zones semi-arides, les des bassins versants, la présence de des sols, disparition de nombreux éco-
situations seraient contrastées : les nappes souterraines ou de lacs, les systèmes fragiles, pollution des nappes
pays sahéliens verront peut-être des types d’usages… phréatiques.
EN CONCLUSION
Quels défis pour
le xxie siècle ?
Des progrès techniques, facteurs d’espoir
Les progrès techniques ont permis d’amé-
liorer le traitement des eaux usées et de
considérablement baisser le coût énergé-
tique (donc le prix) de l’eau potable issue du
dessalement d’eau de mer. De même, le sys-
tème du goutte à goutte a réduit le volume
d’eau nécessaire pour la production agricole
irriguée.
Conclusion générale
L
es Nations unies soulignent depuis plus de 40 ans Progressivité
l’importance de l’eau, « essentielle pour le dévelop- Les nouveaux modes de gestion, comme les infrastruc-
pement durable, l’intégrité de l’environnement et tures, doivent être introduits progressivement. L’échec
l’élimination de la pauvreté et de la faim, est indispensable relatif de la « Décennie internationale de l’eau potable et
à la santé et au bien-être des hommes». de l’assainissement (1980-1990) » lancée par les Nations
Quelles que soient les évolutions futures, des solutions ne unies a montré que la construction « clé en main » d’un
seront apportées aux problèmes de l’eau qu’à travers la réseau semblable à celui des pays développés n’est pas
mise en place de politiques innovantes fondées sur trois une solution viable à long terme. En revanche, l’avancée
principes : la diversité, la progressivité et la solidarité. progressive des réseaux peut permettre une amélioration
durable de l’accès à l’eau. La « transition hydraulique » vers
Diversité l’accès universel se fait alors par étapes, en passant par les
La prise en compte de la diversité des situations, à la bornes-fontaines, les micro-réseaux puis le raccordement
fois des ressources – quantité et qualité de l’eau dispo- au réseau principal, avec chaque fois la participation des
nible –, mais aussi de l’histoire et des configurations socio- populations concernées.
spatiales est indispensable. Il n’y aura pas un modèle
unique pour tous, calqué sur l’expérience des pays déve- Solidarité
loppés. Il faut ainsi adapter le service aux besoins réels des Enfin, la solution à la « crise de l’eau » ne pourra se faire
citadins, et penser en termes de gradient de service, de sans reposer sur des formes de solidarité. Cela concerne
la borne-fontaine à l’accès complet (robinet dans le foyer évidemment la solidarité internationale, tant les besoins
et système d’assainissement), en adoptant des modes de de financements sont importants. Mais cela implique sur-
gestion adaptés aux configurations territoriales des villes tout des formes d’entraide qui existent très souvent dans
et à leur histoire institutionnelle pour obtenir des systèmes de multiples pays. Dans les pays de tradition musulmane,
de régulation efficaces. Il en va de même pour les modes tout comme chez de nombreuses populations d’Amérique
de gestion : le principe de délégation de service public latine ou d’Asie, il reste impensable de ne pas partager son
rencontre de fortes résistances dans des États d’Amé- eau avec ceux qui en sont privés. Ces formes tradition-
rique latine comme la Bolivie, alors qu’il peut être mieux nelles de solidarité peuvent être intégrées dans les sys-
accepté ailleurs. Il serait d’ailleurs paradoxal d’instituer tèmes de tarification actuels. Aujourd’hui, près de soixante
un modèle unique mondial, alors qu’en Europe même les pays ont adopté ce genre d’aide au paiement de la facture
situations sont extrêmement diverses, entre les Pays-Bas d’eau pour les populations défavorisées, avec des formules
où la gestion est publique à 100 %, l’Angleterre où elle est diverses, soit en délivrant un quota d’eau gratuit, soit en
déléguée à 100 %, et la France qui est dans une situation fournissant des aides financières directes aux ménages ne
intermédiaire. pouvant payer leur facture.
Là encore, solidarité, progressivité et diversité, combinées,
peuvent apporter des solutions durables.
Annexes
GLOSSAIRE
Anastomose Débit Lit mineur
Forme d’un cours d’eau où les différents Volume d’eau écoulé pendant une période Chenal le plus bas au sein d’une vallée
chenaux dessinent un réseau complexe qui, vu donnée, exprimé généralement en litres contenant l’écoulement permanent
en plan, peut faire penser à une tresse. par seconde, en mètres cubes par seconde, des eaux d’un cours d’eau.
ou encore en kilomètres cubes par an.
Aquifère Module
Formation perméable d’un point de vue Débit réservé Débit moyen d’un cours d’eau calculé
lithologique où s’accumule l’eau et qui peut Débit minimal qui doit être maintenu sur une longue période (généralement
contenir celle-ci en quantité exploitable. pour la sauvegarde des écosystèmes, trente ans).
généralement défini pour les cours d’eau
Aréique en aval de grands barrages. Nappe phréatique
Se dit d’une région aride où l’on n’observe Nappe d’eau imprégnant les roches,
aucune trace d’écoulement superficiel. Endémisme formée par l’infiltration des eaux de pluie
Caractéristique des espèces dont l’aire de et alimentant les sources et les puits.
Bassin versant répartition est limitée à un seul espace donné.
Espace géographique alimentant un cours Percolation
d’eau et drainé par lui. Le bassin versant a pour Endoréique • exoréique Passage lent d’un liquide se glissant
axe le cours d’eau et pour limites la ligne de On appelle endoréique une région où à travers les interstices du sol.
partage des eaux le séparant des bassins l’écoulement s’effectue vers des dépressions
versants adjacents. Synonyme : bassin fermées intérieures, sans lien avec les océans. Pergélisol
hydrographique. Les bassins versants débouchant dans l’océan
Sol ou couche rocheuse des régions
sont dits au contraire exoréiques.
polaires gelé en permanence.
Capacité au champ,
Synonyme : permafrost.
capacité de rétention Évapotranspiration
Quantité d’eau contenue dans la microporosité Ensemble de phénomènes comprenant à la fois
Réserve utile
d’un sol. l’évaporation sur les surfaces d’eau libre
Quantité d’eau du sol dont la végétation
(par exemple, les lacs) et la transpiration
Charge solide biologique, essentiellement des végétaux. peut disposer pour assurer sa croissance.
Quantité de matériaux solides transportés en
solution, en suspension ou en charge de fond Exsurgence Résurgence
par un cours d’eau. Apparition à l’air libre, sous forme de source, Réapparition à l’air libre d’une rivière
d’un écoulement souterrain. souterraine.
Coefficient mensuel de débit
Correspond au rapport entre le débit mensuel Inlandsis Rétroaction
et le débit moyen annuel. Calottes de glace des régions polaires, qui (boucles de rétroaction)
recouvrent le Groenland et l’Antarctique. On appelle rétroaction l’action en retour
Crue de l’effet sur la cause qui lui a donné
Augmentation aléatoire et brutale du débit Karst naissance. Les boucles de rétroaction sont
d’un cours d’eau, qui se traduit par une Formes de relief développées dans des roches dites positives quand l’effet renforce la
augmentation de son niveau et, par solubles (calcaire, gypse, dolomie, etc.) par cause et négatives quand il la ralentit.
conséquent, des débordements dissolution, précipitation et érosion.
dans le lit majeur. Ripisylve
Lit majeur ou lit d’inondation Bordure boisée d’un cours d’eau.
Cryosphère Partie d’une vallée occupée lors des crues.
Zone caractérisée par la présence de neige, La limite externe du lit majeur correspond Résilience
de glace ou de sols gelés en raison de basses au niveau de la plus grande crue Capacité d’un écosystème à revenir
températures en haute latitude ou altitude. historique enregistrée. à un état antérieur après une perturbation.
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Atlas des frontières Atlas historique Atlas des premières Atlas de la Shoah
Retour des fronts, des États-Unis colonisations La mise à mort
essor des murs Lauric Henneton XVe-début XIXe siècle : des Juifs d’Europe,
des conquistadores 1939-1945
Hugo Billard
Frédéric Encel aux libérateurs Georges Bensoussan
Marcel Dorigny
D. Blanchon
dans le monde.
—
David Blanchon est géographe. Il enseigne à l’université Paris-Ouest Nanterre après avoir
passé deux ans au sein de l’IRL iGlobes (CNRS-université d’Arizona) à Tucson, Arizona.
Aurélie Boissière est cartographe indépendante.
ISSN : 1272-0151
Illustration de couverture :
www.autrement.com © Justinreznick / iStock QUATRIÈME ÉDITION