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François-Marie Bréon est chercheur climatologue au Laboratoire des sciences du climat
et de l’environnement et est président de l’Association française pour l’information scien-
tifique (Afis). Il a participé à la rédaction du cinquième rapport du GIEC publié en 2014.
Diplômé de l’École normale supérieure, il a travaillé dans plusieurs pays, en particulier en
France et aux États-Unis. Persuadé du risque du réchauffement climatique, il milite pour
un changement des comportements pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre,
mais aussi pour le développement de l’énergie nucléaire qui pourrait se substituer aux
énergies fossiles dans certains pays.
Gilles Luneau, grand reporter, puis rédacteur en chef, mène de front une carrière de jour-
naliste et d’auteur-réalisateur. Il fut collaborateur régulier du Nouvel Observateur pendant
plus de vingt ans, pour le service politique étrangère, avant de rejoindre GÉO. Il a été un
des co-fondateurs de l’Agence de presse Libération, puis a travaillé pour la plupart des
grands titres de la presse écrite française, de Libération à Paris-Match. Il est auteur-réali-
sateur de documentaires pour Arte et France Télévision et a écrit ou co-écrit de nombreux
ouvrages (essais, enquêtes, biographie, roman, beaux livres), dont L’Alimentation en otage
avec José Bové (Autrement, 2015), ou Le vent nous portera avec J.-Y. Grandidier
(Alternatives/Gallimard, 2017).
Préfacier
Jean Jouzel est climatologue et glaciologue. Il a consacré l’essentiel de sa carrière scien-
tifique à la reconstitution des climats passés. Diplômé de l’École supérieure de chimie
industrielle de Lyon, il est directeur de recherche émérite au CEA et a dirigé l’Institut Pierre-
Simon Laplace de 2001 à 2008. Il est aujourd’hui membre du Conseil stratégique de la
recherche. Il a reçu de nombreux prix récompensant ses travaux, dont la Médaille d’or du
CNRS en 2002 et le prix Vetlesen en 2012. Ancien vice-président du groupe scientifique du
GIEC, co-lauréat du prix Nobel de la Paix en 2007, Jean Jouzel est l’une des grandes
figures de la lutte contre le réchauffement climatique. Il a publié avec Anne Debroise Le défi
climatique (Dunod, 2014).
Cartographe
Hugues Piolet est un journaliste indépendant, spécialisé dans la communication par
l’image. Il a créé un grand nombre d’infographies et de cartes pour la presse et l’édition et
a notamment contribué à la réalisation de plusieurs atlas Autrement. Il est également le
co-auteur du livre SurNaturelles, les merveilles de notre planète (Larousse, 2020).
Maquette
Conception et réalisation : Agence Twapimoa
ISBN : 978-2-7467-6258-9
© Autrement, un département de Flammarion, 2021.
87, quai Panhard et Levassor, 75647 Paris Cedex 13
www.autrement.com
Troisième édition
Éditions Autrement
Collection Atlas/Monde
4
Atlas du climat
PRÉFACE
L
a première édition de cet ouvrage a été publiée en Les six dernières années n’ont pas seulement été les
2015 en amont de la 21e conférence des parties de plus chaudes que nous ayons connues depuis 150 ans,
la convention climat, la COP21, qui s’est traduite elles ont – dans le sillage de l’accord de Paris, de trois
par un accord international visant à limiter le réchauffement rapports spéciaux du GIEC et maintenant de son 6e rapport
climatique à long terme bien en deçà de 2 °C par rapport à qui sera finalisé en 2022 – été marquées par une montée
la période préindustrielle, si possible à 1,5 °C. en puissance du problème climatique. Au-delà des
Ce fut une année charnière dans la lutte contre le décideurs politiques, beaucoup d’autres personnes,
réchauffement climatique puisque cet « accord de Paris » chercheurs, enseignants, entreprises, collectivités, élus
a, dès 2016, été ratifié par quasiment l’ensemble des pays de tous horizons, médias, ONG et de plus en plus de
de notre planète. Le retrait des États-Unis, suite à l’élection citoyens, se sentent directement concernés et ont soif de
de Donald Trump, lui a fait perdre cette universalité qu’il a connaissances vis-à-vis de tout ce qui touche à l’évolution
heureusement retrouvée grâce à celle de Joe Biden. Mais de notre climat.
– et c’est le problème de cet accord – les engagements de L’ouvrage de François-Marie Bréon et de Gilles Luneau
réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par a été mis à jour, au regard des connaissances acquises
l’ensemble des pays sur les années 2020 sont très loin depuis 2015. Très pédagogique, dans son format double
d’être suffisants par rapport aux objectifs affichés. Pour pages, dans ses textes très clairs, et dans la très riche
garder des chances de limiter le réchauffement à 1,5 °C, cartographie réalisée par Hugues Piolet, il répond
il faudrait qu’ils soient cinq fois plus élevés et que l’effort pleinement à cette attente et, à tous les trois, j’adresse
de réduction se poursuive de façon à atteindre la neutralité mes félicitations. Tous les aspects sont abordés, depuis le
carbone à horizon 2050. C’est un véritable défi auquel il fonctionnement du système climatique, le rôle des activités
nous faut faire face pour que les jeunes d’aujourd’hui humaines, les impacts du réchauffement, jusqu’aux actions
puissent, sans trop de difficultés, s’adapter au climat qu’ils à mettre en œuvre. Une fois ce livre refermé, seule reste la
connaîtront d’ici la fin du siècle. limpidité du message et, nous l’espérons, l’envie d’agir ou
Tout comme en 2015, nous vivons aujourd’hui une période tout au moins de participer au mouvement qui devrait nous
clé pour l’avenir de notre climat à un moment où les entraîner vers une société bas carbone.
émissions repartent globalement à la hausse, à la sortie C’est avec un extrême plaisir que je préface cette nouvelle
de la crise économique liée à la pandémie, alors qu’il édition et que j’encourage le lecteur à s’y plonger. Je
faudrait qu’elles diminuent de façon rapide. Certes plus suis toujours très proche de François-Marie avec qui j’ai
de 130 pays affichent cet objectif de neutralité carbone beaucoup partagé depuis près d’une trentaine d’années.
d’ici le milieu du siècle, d’ici 2060 pour la Chine. Mais il Nous sommes d’accord sur tout ou presque lorsque nous
ne semble pas que, collectivement, nous en prenions parlons de climat mais nous avons quelques divergences
le chemin à un moment où les scientifiques du GIEC, le lorsque nous abordons les solutions à mettre en œuvre.
Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du Cela conduit à des débats enrichissants qui sont le reflet
climat, publient le premier volet de leur 6e rapport dont des ceux qui restent nécessaires pour choisir notre avenir
les conclusions – certitude quant à l’origine humaine du et celui de nos enfants.
réchauffement en cours, intensification, récente et future, Jean Jouzel
des événements extrêmes, irréversibilités… – nous redisent
l’urgence de l’action.
INTRODUCTION • 7
INTRODUCTION
Q
ui n’a pas levé les yeux vers le ciel pour voir le Le fait saillant de ce changement climatique est que
temps qu’il fait ? Le « temps », on en connaît nous en connaissons les causes – l’élévation des taux de
la variabilité saisonnière et quotidienne. On se concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère
souvient des jours particulièrement chauds, froids ou – et que nous sommes donc en mesure de trouver des
pluvieux. On ne ressent guère les variations annuelles ou solutions pour en réduire le rythme et la portée. L’objet de
décennales. C’est toute la différence entre la météo et ce livre est d’en faire la pédagogie.
le climat. Tous deux reposent sur des phénomènes phy-
siques, mesurables, relevant de la dynamique des fluides Temps géologique et historique
et des forces cosmiques enserrant la planète Terre dans le De Théophraste (vers 372-287 av. J.-C.) à Dobzhansky,
système solaire. Mais derrière ces mots, météo et climat, Mayr et Simpson – en passant par Linné, Buffon, Lamarck,
il y a deux exercices de la science. Le premier tente de Darwin, Mendel, Haeckel, de Vries, Watson et Crick –, les
prédire le lendemain. Le second s’attache à donner du savants questionnent depuis plus de 2 000 ans l’évolu-
sens à l’histoire du temps qu’il fait et d’en comprendre tion biologique, les multiples adaptations des organismes
les règles d’évolution. unicellulaires, des animaux, des végétaux à leur environ-
nement, climat compris. Grâce à la somme de leurs tra-
Depuis sa formation il y a 4,5 milliards d’années, la Terre n’a vaux, nous savons aujourd’hui que les espèces évoluent
cessé d’évoluer, permettant, à un tournant de son histoire, ou disparaissent à l’échelle de milliers ou de millions d’an-
l’apparition de la vie il y a 3,8 milliards d’années. Elle a suivi nées. Mais c’est désormais sur deux siècles que nous
une évolution marquée par une complexification continue, constatons un bouleversement des conditions du vivant,
dont l’apparition de l’homme est l’un des temps forts. Le conséquence de l’action des hommes. On comprend dès
genre humain n’a pas échappé à ce mouvement continu, lors que l’élévation moyenne de la température dont il est
comme le démontre la trajectoire des hominidés, dont la question dans ce livre ne se limite pas à l’approche de son
trace remonte à 7 millions d’années seulement. L’homme impact sur l’éventuel bien-être des sociétés sous un climat
a toujours cherché à explorer et à comprendre à la fois plus chaud, mais sonne l’alerte sur les menaces que fait
l’environnement qui l’entoure et la raison de son apparition. peser ce réchauffement sur la géographie, les ressources
La conquête intellectuelle est loin d’être terminée, mais naturelles et la biodiversité indispensables à l’homme.
l’accumulation de savoirs permet aujourd’hui d’affirmer Cette dimension temporelle introduit dans notre propos
que depuis deux siècles, les modes de vie de l’homme ont l’urgence d’agir, à la fois pour limiter cette élévation de tem-
modifié son environnement au point de perturber le fonc- pérature que nous savons inéluctable et pour s’y adapter
tionnement habituel du paramètre climatique. au mieux.
8
9
Le fonctionnement
du climat
Le climat – défini comme la statistique des conditions
météorologiques prévalant, dans la durée, dans les basses
couches de l’atmosphère – est depuis des millions d’années
un jeu d’équilibre dynamique entre le rayonnement solaire,
le rayonnement tellurique, la composition chimique et
la circulation de l’atmosphère, les courants marins, les vents,
la photosynthèse des végétaux, perturbés par la rotation
de la Terre, la dérive des continents, les éruptions volcaniques
et autres chutes de météorites.
Le tout s’orchestre, à des échelles de temps très différentes,
autour du cycle de l’eau et de celui du carbone s’échangeant
entre leurs quatre réservoirs naturels : la biosphère (ensemble
des végétaux, animaux et organismes vivants), la lithosphère
(les sols et sous-sols terrestres et marins), l’hydrosphère (mers,
océans, lacs et rivières) et l’atmosphère. La circulation des
masses d’air atmosphériques et des masses d’eau océaniques
assure le transport d’énergie des régions excédentaires
vers les régions déficitaires, plus particulièrement depuis
les régions tropicales vers les régions polaires.
10
Un réseau de mini sous-marins continu la température et la salinité des satellite avant de replonger et de répé-
Le rôle décisif de l’océan dans l’évo- masses d’eau du globe. Une fois jetée ter le même cycle. Chaque balise est
lution climatique est longtemps resté à la mer, la balise (2 mètres de hauteur, capable d’atteindre jusqu’à 150 cycles
de l’ordre de l’approximation, faute de antenne comprise) flotte pendant une de mesure sur quatre ans. Les données
moyens de mesures. En 2000, à l’initia- dizaine d’heures puis, tel un sous-marin recueillies sont en libre accès pour la
tive de l’Organisation météorologique miniature automatique, s’immerge pour communauté scientifique internationale,
mondiale (OMM) et de la Commission descendre à 1 000 mètres. À cette pro- en premier lieu les climatologues et les
océanographique intergouvernemen- fondeur, elle se stabilise et dérive au océanologues.
tale de l’Unesco (COI), 31 pays et gré des courants marins pendant huit Chaque année, 800 à 900 de ces
50 agences de recherche se sont asso- à dix jours. Ensuite, elle reprend sa robots sous-marins sont mis à l’eau
ciés dans le programme Argo consis- plongée jusqu’à 2 000 mètres avant de pour maintenir un réseau suffisant de
tant à concevoir et à lâcher des balises remonter progressivement à la surface. flotteurs actifs. L’Union européenne
autonomes (moteur hydraulique et bat- La remontée dure environ six heures, s’est engagée sur un rythme de
teries), dérivant librement en fonction pendant lesquelles les capteurs de la 250 balises/an et a développé une
des courants, pour observer en temps bouée collectent les données de tem- extension pour mesurer des paramètres
réel le comportement des océans. pérature et de salinité. Une fois émer- biogéochimiques relevés, en particulier
Aujourd’hui, 3 771 balises mesurent en gée, la balise transmet ses données par dans les grandes profondeurs et aux
L’équilibre énergétique
L’état thermique de notre planète est le fruit d’échanges entre l’énergie qu’elle reçoit du soleil
et celle qu’elle émet ou réfléchit. Les inégalités régionales d’exposition au rayonnement solaire
– dues à l’inclinaison de la Terre et à sa course autour du soleil – sont compensées par
les transports de chaleur par l’océan et l’atmosphère. Le bilan global des radiations émises
par la planète équilibre approximativement celles provenant du soleil et captées par la Terre.
Flux radiatif net* en W/m2, moyenne des mois de mars de 1985 à 1989
–150 –100 –50 0 50 100
Refroidissement Chauffage
*Différence entre le flux solaire entrant, d’une part, et le flux solaire réfléchi ainsi que le flux infrarouge émis par l’atmosphère, d’autre part. Les valeurs positives
indiquent qu’en moyenne, plus d’énergie entre qu’elle ne sort (chauffage). Les valeurs négatives indiquent que davantage d’énergie sort (refroidissement).
Source : NASA, mission ERBE.
La Terre, machine thermique évaporation, courants marins et vents inégalités d’insolation par échanges
Si on s’arrêtait à ce constat, les pôles qui transportent cette énergie vers les de chaleur établit un équilibre global
devraient devenir au fil des ans de plus pôles. Cette mise en mouvement de entre le rayonnement reçu par la Terre
en plus froids et les zones tropicales l’atmosphère et de l’océan fait de la et le rayonnement émis par elle. Quand
de plus en plus chaudes… Sauf que Terre une véritable machine thermique le bilan radiatif devient positif, la Terre
la chaleur absorbée par l’océan et dont la dynamique est une manifesta- se réchauffe, quand il est négatif, elle
l’atmosphère aux tropiques engendre tion du climat. Cette modulation des se refroidit.
14
L’effet parasol comme les cumulus, contiennent beau- l’effet de serre et contribuent à réchauf-
Chacun de nous a ressenti le besoin coup d’eau et réfléchissent une grosse fer la surface terrestre, même pendant
de se couvrir quand les nuages s’ins- partie du rayonnement solaire inci- la nuit. C’est pourquoi les matins sont
tallent et que la température ambiante dent. À l’inverse, les nuages de haute beaucoup plus frais après une nuit de
baisse de plusieurs degrés. Cette altitude, tels les cirrus, laissent passer ciel clair qu’après une nuit nuageuse.
chute du thermomètre est due au fait une plus grande partie du rayonnement Cependant, l’effet de serre des nuages
que les nuages réfléchissent une partie solaire. Les nuages à grande extension dépend de leur altitude. Il est beaucoup
du rayonnement solaire vers l’espace verticale, comme les cumulonimbus, plus efficace pour les nuages élevés
(effet albédo). En permanence, plus de sont les plus réfléchissants. – ou à grand développement vertical –
la moitié de la Terre est couverte par que pour les nuages bas.
des nuages, et cet effet parasol réduit L’effet de serre
d’environ 25 % l’énergie solaire absor- Les choses se compliquent quand on Bilan
bée par la Terre. regarde sous le parasol de nuages. Les Pour les nuages bas, qui représentent
La réflectivité des nuages est variable agriculteurs connaissent bien l’effet environ 40 % de la couverture nua-
et dépend essentiellement de la quan- gélif d’une nuit claire, sans nuage, au geuse, c’est généralement l’effet d’al-
tité d’eau qu’ils contiennent, mais aussi printemps. Lorsque des nuages sont bédo qui domine ; ils ont donc ten-
de leur distribution. Les nuages bas, présents, ils participent activement à dance à refroidir le climat. À l’inverse,
Rayonnement
solaire reçu
Nuages Rayonnement
de haute altitude solaire réfléchi
Rayonnement
émis par la Terre
Rayonnement (infrarouge)
solaire reçu
Rayonnement
solaire réfléchi
Nuages
de basse altitude
Rayonnement
émis par la Terre
(infrarouge)
2 000 m
Sc
Basse Cu Stratocumulus
altitude Cumulus
St
Stratus
Source : Organisation météorologique mondiale (OMM).
pour les nuages élevés, qui comptent formation, sont les principales causes assurent que l’humidité relative de l’at-
aussi pour 40 % de la couverture nua- d’incertitude quant à l’évolution du cli- mosphère va peu varier avec le chan-
geuse, l’effet de serre est plus impor- mat. Comment les nuages vont-ils évo- gement climatique. Par conséquent, il
tant que l’effet d’albédo ; ces nuages luer avec le changement climatique, la n’y a pas d’argument simple pour dire
ont donc un pouvoir réchauffant. En hausse des températures, les change- si le changement climatique conduira
définitive, l’observation de la Terre ments de circulation atmosphérique et à plus ou moins de nuages, ni si ces
par satellite montre que, en moyenne, d’humidité qui y seront associés ? nuages seront plus ou moins hauts.
c’est l’effet refroidissant des nuages On pourrait penser qu’un climat plus De plus, chaque type de nuages peut
qui prédomine. chaud entraîne plus d’évaporation et répondre différemment au changement
donc plus de nuages. Ou alors, on climatique. Bien malin qui peut dire
Incertitudes sur la rétroaction pourrait affirmer qu’un climat plus aujourd’hui si ce seront les rétroactions
Les nuages et leurs effets ambiva- chaud est nécessairement plus sec et positives (amplifiant le réchauffement)
lents, leur nature instable et l’incon- que l’on doit donc s’attendre à moins ou négatives (limitant le réchauffement)
nue de l’influence anthropique sur leur de nuages. En réalité, les spécialistes qui domineront.
16
m
00
25
d’années. La vie sur Terre, sous forme
m
00
des premières cellules, est apparue
20
m
00 0
il y a 3,8 à 3,5 milliards d’années. Ce
1 1 50
m
0
sont les premiers organismes vivants 1 000 m
capables de récupérer le carbone du
CO2 atmosphérique dissous dans l’eau
et d’enrichir progressivement l’atmos-
phère en oxygène (photosynthèse) qui Berlin Toundra
Toundra
ont mis en route la dynamique cycle de Niveau
marin : Paris
l’eau/climat. –120 m
Quand les premiers hominidés ont vu
Steppe Alpes
le jour, il y a environ 4 millions d’an- Steppe
nées, quel climat régnait-il à cette
époque ? Nous n’en connaissons pas Steppe
Steppe
les détails. En revanche, grâce aux et conifères et conifères
enregistrements dans les carottes de
glace, nous avons une bien meilleure
connaissance du climat sur le dernier
million d’années. Il a été marqué par
Glaciers
une alternance de périodes glaciaires 500 km
Terres émergées Source : Université de Zurich.
(80 000 ans environ) et chaudes (20 000
ans environ) selon une périodicité de
l’ordre de 100 000 ans. Depuis l’ap- d’années, échelle de période glaciaire selon les saisons. Chacun de ces para-
parition de l’homme, la température en dizaines de milliers d’années et mètres varie au cours du temps avec
moyenne à la surface de la Terre est échelle de temps humain, en années. des périodes indépendantes et leur
relativement constante, variant seule- conjonction rend plus ou moins favo-
ment de quelques degrés par rapport Les cycles de Milankovitch rable la construction, ou la disparition,
à une moyenne d’environ 15 °C. L’alternance régulière de périodes de calottes glaciaires dans l’hémis-
Cette courte mise en perspective his- chaudes et glaciaires s’explique par phère Nord ; calottes qui jouent un rôle
torique permet d’introduire les échelles l’astronomie. En 1924, le géophy- déterminant dans le climat.
de temps différentes qu’il est néces- sicien serbe Milutin Milankovitch Le premier paramètre est l’excen-
saire d’appréhender pour comprendre démontre que trois paramètres indé- tricité. Elle détermine la variation de
les variations naturelles du climat bali- pendants caractérisent l’orbite de la l’orbite terrestre et évolue selon des
sées par des glaciations. Échelle d’ère Terre autour du soleil et modulent la cycles de plusieurs périodes : un long
géologique en centaines de millions quantité d’énergie solaire qu’elle reçoit de 413 000 ans, à l’intérieur duquel
LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 17
s’inscrivent des cycles d’une centaine actuellement pour l’hémisphère Nord, UNE COMPARAISON
de milliers d’années. La distance Terre- la Terre peut être plus proche du soleil DE L’ÉTENDUE DES GLACES
soleil est en moyenne de 149 millions pendant l’hiver que pendant l’été, ce
Dernier maximum glaciaire
de kilomètres. Elle change au cours de qui atténue l’effet des saisons. Il y a
(–22 000 ans)
l’année, la Terre passant tous les ans 10 000 ans, la situation était inverse.
au périhélie (point le plus près du soleil)
et à l’aphélie (point le plus loin). L’écart Le rôle du carbone
entre ces deux distances est fixé par Au début du Paléozoïque, il y a 541
l’excentricité. Si celle-ci est nulle, millions d’années (Ma), le taux CO2
l’ellipse est un cercle. Actuellement, dans l’air était de 5 à 10 fois supérieur
l’excentricité étant proche de 0,015, à celui d’aujourd’hui. Depuis, il a sou-
Pôle
la distance Terre-soleil varie de 3 %. vent varié.
Nord
L’énergie solaire qui parvient à la Terre Par exemple, au début de l’Ordovi-
varie alors de 6 %, passant de 1 408 W/ cien (485 Ma) sa concentration était
m2 au point le plus proche à 1 326 W/ 20 fois celle d’aujourd’hui, provoquant
m2 au point le plus éloigné. une explosion de diversité végétale qui
Le second paramètre est l’obliquité, consomma une grande quantité du
2020
l’inclinaison de l’axe de rotation de la CO2 de l’atmosphère, ce qui enclen-
Terre sur elle-même par rapport au plan cha 20 millions d’années plus tard une
de rotation autour du soleil (actuellement baisse de température de 5 °C entraî-
proche de 23 °). Selon une périodicité nant une glaciation. Dans la seconde
de 41 000 ans, cette inclinaison varie partie du Carbonifère (300 Ma), la
de 22 ° à 24,5 ° et détermine l’intensité concentration de CO2 représentait 50 %
des saisons : plus l’axe est incliné, plus de la teneur actuelle, ce qui diminua
les étés sont chauds et inversement. l’effet de serre et généra une glaciation.
Tous les 20 000 ans environ, cette obli- Ces écarts de concentration de CO2
quité est responsable soit de la fusion expliquent les variations de tempé-
de calottes glaciaires de l’hémisphère ratures de l’atmosphère que ne pou-
Nord, soit de leur croissance. La fonte vaient soutenir les seules variations
des glaces augmente la part du rayon- d’ensoleillement dues aux mouve- Sources : Université des sciences appliquées de Zurich, NASA.
nement solaire absorbé, ce qui entraîne ments orbitaux. Le CO2 joue bien un
une fonte supplémentaire. rôle d’amplificateur des facteurs cli- relâche dans l’atmos-
Le troisième paramètre est la pré- matiques : quand il fait plus froid, il se phère, ce qui aug-
cession climatique, terme définis- dissout plus facilement dans l’eau, ce mente l’effet de serre,
sant les variations de l’axe de rotation qui diminue sa concentration dans l’at- donc la température, 416
de la Terre. Il en résulte une dérive mosphère, donc contribue à son refroi- qui elle-même chauffe
de la date de l’aphélie et du périhélie dissement. En revanche, quand il fait encore plus l’océan.
dans l’année, sur une période d’envi- plus chaud, le CO2 se dissout moins
ron 22 000 ans. Ainsi, et c’est le cas bien dans l’océan et ce dernier en
–53,3 280
–55,6 260
–57,8 240
–60,0 220
–62,2 200
–64,4 180
–300 000 ans –200 000 ans –100 000 ans 2021
Source : CNRS, Carottage de glace de Vostok (Antarctique).
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La circulation océanique
Animés en surface par les vents, en profondeur par les différences de température et de salinité,
les océans sont toujours en mouvement. Des masses d’eau colossales se déplacent, sillonnent
les mers en surface comme en profondeur. Ces courants sont de véritables fleuves sous-marins
qui dessinent à l’échelle du globe une circulation océanique avec ses reliefs, guidant les flots
de méandres en cataractes, insoupçonnée en surface.
Température et salinité de la chaleur, les molécules d’eau 3,5 %. Elle varie avec l’évaporation
Un rappel de physique-chimie per- s’éloignent les unes des autres : l’eau en surface, l’apport d’eau douce par
met de comprendre ce qui se passe se dilate. Cette dilatation touche la l’atmosphère, les fleuves et la fonte
sous les 70 % de la Terre couverte par couche océanique des 800 à 1 000 des glaces de mer.
l’océan : premiers mètres. • La baisse de température fait croître
• La température de l’air se commu- • L’eau froide est plus dense que l’eau la densité de l’eau de mer : une dimi-
nique à la surface de l’eau. La chaleur chaude et la densité s’accroît avec nution de température de 10 °C fait
se répartit sur une couche d’épais- la profondeur. croître sa densité autant qu’une aug-
seur variable, la thermocline, mais • Un litre d’eau très salée est plus lourd mentation de salinité de 2 g/l, ou
décroît rapidement avec la profon- qu’un litre d’eau moins salée. La qu’un enfoncement de 300 mètres
deur. Au-dessus de 4 °C, sous l’effet salinité moyenne de l’océan est de en profondeur.
La force de Coriolis
CIRCULATION OCÉANIQUE DANS L’ATLANTIQUE NORD
En surface comme en profondeur,
les courants marins sont déviés de
leur trajectoire par une force induite
par la rotation de la Terre : la force de
Coriolis. Elle a pour conséquence de
dévier un corps en mouvement vers sa
droite dans l’hémisphère Nord et vers
sa gauche dans l’hémisphère Sud,
la droite étant définie lorsqu’on
regarde vers l’avant du dépla-
cement. Elle est maximale aux
pôles et nulle à l’équateur.
Dérive La force de Coriolis contribue
Nord-Atlantique à la circulation du Gulf Stream
qui remonte le long des côtes
Courant du
de l’Amérique du Nord avant
Labrador
de traverser l’Atlantique et
M d’apporter des eaux chaudes
Golfe du REA
LF ST sur les côtes du nord de l’Eu-
Mexique GU
rope. Le phénomène s’in-
verse dans l’hémisphère Sud.
Océan C’est aussi l’explication du
Atlantique Courant
sens de rotation du vent dans
des Canaries
les dépressions (sens inverse
des aiguilles d’une montre)
et dans les anticyclones (sens
des aiguilles d’une montre) dans
Courant
teur l’hémisphère Nord.
Nord-Équatorial Équa
Océan
Atlantique
Équateur
Océan
Pacifique
Océan
Indien
Le « cycle du carbone »
Les quatre milieux fondamentaux de la vie sur Terre – l’air, l’eau, le sol, la biodiversité –
échangent en permanence du carbone selon des processus biologiques, chimiques
ou géologiques. Ces échanges, à somme globale nulle, définissent un « cycle du carbone »
dont l’équilibre est perturbé par des émissions additionnelles de carbone générées
par les activités humaines, notamment celles utilisant des combustibles fossiles.
Cycle lent, cycle rapide pendant les périodes interglaciaires. ou de méthane, tandis que l’autre par-
À l’échelle des temps géologiques, Ceci s’explique principalement par les tie est stockée dans le sol.
l’érosion chimique humide des roches modifications de la répartition de la L’équilibre de ces échanges de car-
pompe du CO2 dans l’atmosphère. Ce végétation et des zones humides à la bone entre réservoirs est aujourd’hui
carbone arrive à l’océan sous forme surface de la Terre, et par la modification sérieusement perturbé par l’homme.
dissoute par les fleuves. Il sédimente de la capacité d’absorption de carbone Depuis la révolution industrielle, l’utilisa-
au fond des mers et s’enfouit dans la par l’océan. tion de combustibles fossiles (charbon,
lithosphère. Il boucle son cycle via les À l’échelle séculaire ou saisonnière, pétrole, gaz), la déforestation, les chan-
éruptions volcaniques et les émissions le cycle lent du carbone ne repré- gements d’usage des sols, libèrent dans
des surfaces océaniques. Ce cycle très sente plus l’essentiel des échanges l’atmosphère de grandes quantités de
lent du carbone a permis la formation et un cycle rapide prend le relais carbone sous forme de CO2. Ce dioxyde
des réserves d’hydrocarbures après entre les quatre réservoirs. Il implique de carbone « additionnel » (par rapport
enfouissement de matières organiques les plantes qui absorbent du CO2 et à l’équilibre des échanges entre réser-
durant plus de 300 millions d’années. libèrent de l’oxygène lors de leur crois- voirs) augmente l’effet de serre, source
À l’échelle du dernier million d’an- sance (photosynthèse) et qui, comme de la hausse de la température moyenne
nées, les concentrations de CO2 et de les animaux, respirent et rejettent éga- de la planète. Cependant, l’océan et la
CH4 dans l’atmosphère ont varié natu- lement du CO2. À sa mort, la végéta- biosphère réagissent à cette augmen-
rellement : les teneurs sont plus basses tion relâche une partie de ce carbone tation du CO2 atmosphérique et en
pendant les périodes glaciaires que vers l’atmosphère, sous forme de CO2 absorbent une partie importante.
LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 21
Équateur
Minimum Maximum
Mers : Concentration en chlorophylle, en mg/m3
QUELLES SONT LES CAUSES DES VARIATIONS NATURELLES DU CLIMAT ? Les principales
causes
Sur le long terme… Différence de température, en °C Les variations
4 de l’orbite de la
L’orbite de la Terre Précession Terre induisent des
0 variations très
Excentricité lentes du climat.
–4 À l’opposé,
les éruptions
–8 volcaniques sont
Inclinaison soudaines et
–400 000 –300 000 –200 000 –100 000 ans 0 l’impactent sur
quelques années.
Le soleil, lui, montre
Sur le court terme… 1900 1920 1940 1960 1980 2000
des fluctuations à
Processus chaotiques 0,2 toutes les échelles de
0,1 temps, dominées sur
le dernier siècle par
Exemple : 0,0 un cycle de
El Niño –0,1 11 ans. Le climat
est un système
–0,2 chaotique ; la
température peut
L’activité volcanique varier d’une année sur
0,0
l’autre même sans
Nuages –0,1 cause externe
de cendres particulière.
–0,2 Au xxe siècle,
et gaz à effet
–0,3 l’augmentation des
de serre
gaz à effet de serre
L’activité solaire 0,2 et des aérosols
0,1 anthropiques
s’ajoute aux causes
Irradiance 0,0 naturelles.
solaire –0,1
–0,2
0,6
Les facteurs anthropiques
0,4
0,2
Gaz à effet
de serre et 0,0
aérosols
–0,2
0,5
Variation
actuelle 0,0
observée
–0,5
Source : GIEC.
l’Amérique du Sud. Ces eaux froides L’activité solaire solaire fluctue beaucoup plus ; elle
sont très favorables aux poissons, et L’énergie du soleil provient de la fusion n’a pas d’impact notable sur le cli-
donc à la pêche. À intervalles irrégu- nucléaire à l’œuvre en son cœur, où les mat mais agit en revanche sur l’ozone
liers, cette circulation se ralentit avec températures dépassent les 10 millions stratosphérique.
des conséquences importantes sur les de degrés (au centre) alors qu’elles sont Les observations historiques indiquent
températures de l’océan, les précipita- seulement de l’ordre des 6 000 °C à la que le soleil était plus calme aux xviie
tions sur l’ensemble du Pacifique tropi- surface de l’astre. L’activité solaire suit et xviiie siècles, et certains pensent que
cal (du Pérou à l’Indonésie), et les pos- un cycle de 11 ans qui se manifeste par c’est la cause du « petit âge glaciaire »
sibilités de pêche au large des côtes de la variation du nombre de taches à la que l’Europe a connu à cette époque.
l’Amérique du Sud. surface du soleil. Ces taches sont des
Les mécanismes qui conduisent aux zones où le champ magnétique solaire
alternances El Niño, et son opposé La est plus fort. Pourtant, le flux d’éner-
Niña, sont bien compris même si ce gie émis par le soleil ne varie que de
phénomène reste difficile à prévoir plus 0,1 % au cours de ce cycle. La contri-
de quelques mois à l’avance. bution en ultraviolet du rayonnement
24
EN CONCLUSION
Le fonctionnement
du climat
UNE COMPLEXITÉ DURABLE
Le climat est un système très complexe
qui fait intervenir des phénomènes
physiques, de la chimie et de la biologie.
Certains mécanismes se déroulent en
quelques minutes (croissance d’un
nuage, précipitation), tandis que d’autres
se passent sur des milliers d’années
(croissance et fonte des calottes polaires),
voire des millions d’années (dérives
des continents, création puis érosion
des chaînes de montagnes). Il est donc
difficile de prendre en compte l’ensemble
de ces effets lorsqu’on veut mettre
le climat en équation pour pouvoir prévoir
son évolution.
UNE CONNAISSANCE
QUI PROGRESSE
Malgré ces difficultés, la compréhension
du climat, de ses processus et de
son évolution a fait d’énormes progrès
ces trente dernières années. Ceux-ci
ont été rendus possibles grâce aux
efforts de la recherche, mais aussi par
le développement de nouveaux moyens
d’observation, tels que les satellites,
et par la puissance de calcul en constante
évolution des ordinateurs. Mais pouvons-
nous pour autant prévoir les rétroactions
climatiques induites par les activités
humaines émettrices de gaz à effet de
serre et d’aérosols ?
25
Quand l’homme
perturbe le climat
Depuis la première conférence internationale sur le climat
en 1979, les climatologues du monde entier sont mobilisés
sur la santé climatique de la planète. 1990, 1995, 2001, 2007,
2014, 2021 : les six rapports publiés par le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), auxquels
ont participé près de 3 000 scientifiques internationaux,
confirment et précisent toujours plus le constat : l’influence de
l’homme sur le climat est confirmée dans chaque rapport avec
un plus grand niveau de certitude, et ses impacts clairement
identifiés. Le sixième rapport, sorti pendant l’été 2021, confirme
tout ce qui avait été anticipé dans les rapports précédents.
Les climato-sceptiques arguant des oscillations et
des variations millénaires de toutes sortes peuvent remballer
leur discours ; le sixième rapport du GIEC démontre
le peu de poids des facteurs naturels dans l’augmentation
de l’énergie reçue et conservée par l’océan et l’atmosphère.
Cette modification de l’équilibre énergétique terrestre résulte
des activités humaines, principalement celles s’appuyant sur
les combustibles fossiles, productrices de dioxyde de carbone.
Nous avons atteint un niveau de savoir qui permet d’identifier
les causes et d’élaborer des solutions. Il reste à réunir
l’intelligence et la volonté de piloter l’incontournable transition
énergétique et écologique que la situation exige.
26
14,0
1850 1875 1900 1925 1950 1975 2000 2020
Source : Berkeley Earth Surface Temperature (BEST), 2021.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 27
Variation moyenne
des températures sur la
période 1950-2020, en °C
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5
Absence de données Source : Berkeley Earth, 2021.
Neige, glaciers
et banquises en recul
Au cours des deux dernières décennies, la masse des calottes glaciaires du Groenland
et de l’Antarctique a diminué, les glaciers de presque toutes les régions du globe ont continué
à se réduire et l’étendue de la banquise arctique comme celle du manteau neigeux de l’hémisphère
Nord au printemps a diminué. Quand bien même on arrêterait aujourd’hui toutes les émissions
anthropiques de GES (ce qui paraît impossible), la glace continuera de fondre et le niveau
de la mer de monter car l’inertie générale du système climatique est forte.
Vers la fin des neiges éternelles moyenne a perdu 2 millions de km2, compte qu’à étendue égale la glace
On distingue, d’une part, les glaces soit quatre fois la surface de la France. est de moins en moins épaisse. Parmi
qui reposent sur la terre ferme – Les glaciers des diverses régions du les cas les plus significatifs, la perte
glaciers, calottes polaires – et, d’autre monde (à l’exception de ceux qui sont de glace au Groenland est passée
part, celles qui se forment sur l’eau, situés à la périphérie des calottes gla- de 34 Gt/an au cours de la période
nommées banquises (qui sont toujours ciaires) ont perdu en moyenne 267 Gt 1992-2001 à 260 Gt/an en moyenne
d’eau douce car l’eau de mer expulse par an sur la période 2000-2019, qui sur la période 2003-2020, avec un
son sel en gelant). L’étendue de glace, contribue pour 20 % à la montée du maximum de 580 Gt en 2019. En
son épaisseur et sa masse sont obser- niveau des mers. Cette perte de glace Antarctique, la calotte glaciaire, qui
vées et mesurées pour déterminer le est clairement en phase d’accélération. perdait en moyenne 30 Gt/an de 1992
sens et l’amplitude des variations, qui Symboliquement – et même si en réa- à 2001, a réduit de 150 Gt/an entre
sont le plus souvent liées à une fonte. lité la banquise ne fond pas en hiver –, 2002 et 2020, affectant principalement
Depuis 1970, la surface de neige c’est comme si plus de 750 millions de le nord de la péninsule Antarctique
annuelle, mesurée sur la période tonnes de glace avaient fondu chaque et le secteur de la mer d’Amundsen.
janvier-avril, montre des variations jour en moyenne dans les montagnes Pour mémoire, 100 Gt de fonte de
inter-annuelles mais une tendance sur les deux dernières décennies. glace conduit à une élévation d’environ
très nette à la baisse. Ainsi, la surface Souvent, de visu, on ne se rend pas 0,28 mm du niveau moyen de la mer.
Antarctique Groenland
Pôle Sud
1000 km 500 km
l a i re
chercheurs expliquent cette disparité
Groenland
po
(DANEMARK) Svalbard d’évolution entre les banquises arc-
e
(NORVÈGE)
rcl
tiques et antarctiques par une évolution
Ce
NORVÈGE des vents induite par le changement
ISLANDE climatique mais aussi par l’évolution
Océan Atlantique de l’ozone stratosphérique.
très probablement à élever le niveau COMMENT MESURE-T-ON LE NIVEAU DES MERS ? Le rôle des satellites
moyen des mers de 1,4 à 4,3 mètres, Depuis 1992,
la calotte glaciaire de l’Antarctique le niveau moyen
Satellite Antenne GPS des mers est mesuré
ayant sans doute un impact addition- en orbite par satellites.
nel. Cette différence de niveau des polaire L’altimétrie permet
une couverture
mers s’est produite alors que l’orbite globale et homogène
de la Terre autour du soleil était légère- des océans avec
ment différente de celle d’aujourd’hui. Antenne DORIS une répétitivité
Radar et élevée. La mesure
De même, les températures de surface réflecteur laser intègre la hauteur
dans les hautes latitudes étaient d’au Altitude Distance moyenne des vagues,
du satellite altimétrique la vitesse du vent
moins 2 °C supérieures aux tempéra-
de surface, l’effet
tures actuelles, cela en moyenne sur Station terrestre stérique (effet de la
plusieurs millénaires. température et de la
salinité sur le niveau)
et les variations
L’érosion Géoïde de masses (apports
L’élévation du niveau de la mer accentue d’eau douce des
Niveau glaciers). Aujourd’hui,
la pression physique sur le trait de côte. de la mer Plancher on récolte plus de
Conjuguée aux tempêtes, cela provoque océanique données sur la
une érosion variable selon la nature géo- circulation océanique
Ellipsoïde en dix jours qu’il
logique de la côte. Les estuaires et les de référence n’en avait été
deltas, les marais côtiers, les plages et accumulé pendant
plusieurs siècles.
les falaises de roche tendre sont particu-
Source : www.cnes.fr, De l'altitude à la hauteur.
lièrement exposés.
L’érosion touche plus de 27 % des
côtes en France métropolitaine et Par exemple, sous la violence des huit d’érosion, contre seulement 10 % en
en Corse : d’abord les plages (dans tempêtes de l’hiver 2013-2014, la côte accrétion. L’érosion de la côte induit
41 % des cas selon les scientifiques aquitaine a subi des reculs variant de trois types de risques : la perte de ter-
du Bureau de recherches géologiques 5 à 20 mètres, au lieu des 1 à 3 mètres rains souvent anthropisés ; la fragili-
et minières), puis les côtes rocheuses habituels en moyenne sur la planète. sation des défenses naturelles (cor-
(23 %) et les littoraux vaseux (12 %). La Le retrait a même atteint 40 mètres à dons dunaires) ou artificielles (jetées et
part du littoral naturel en recul est très Soulac-sur-Mer, obligeant à évacuer un digues), pouvant entraîner une rupture
variable sur le littoral métropolitain. Elle immeuble menacé d’effondrement. La et une submersion marine irrégulière ou
est faible (inférieure à 10 %) en Corse et côte rocheuse basque ajoute à l’éro- permanente ; la dégradation des éco-
en Ille-et-Vilaine, mais très forte (supé- sion marine les problèmes géologiques systèmes marins et côtiers. Ce n’est pas
rieure à 70 %) dans le Pas-de-Calais, le de ses falaises constituées de roches sans conséquence sur la dynamique de
Calvados et le Gard. En Aquitaine, sur le friables, altérées et fragilisées par les développement de ces territoires.
littoral sableux, les zones en recul repré- infiltrations d’eau – ce phénomène étant
sentaient 51 % du linéaire côtier pour la aggravé par l’urbanisation importante. La disparition des mangroves
période 1825-1966, et 70 % du linéaire Certes, les vagues ramènent aussi du Liens entre la terre et la mer, les man-
entre 1966 et 1988. Les reculs les plus sable sur certaines plages et des sédi- groves sont des forêts de palétuviers
importants, constatés grâce aux rele- ments dans certains estuaires et litto- qui croissent en zone tropicale, dans les
vés de 1825, peuvent atteindre 100 à raux vaseux mais, au niveau mondial, estrans soumis aux variations de marées,
150 mètres en un peu plus de 150 ans ! 70 % des plages seraient en phase de courants, donc de flux sédimentaires.
Elles forment un rempart naturel contre
les tempêtes et les inondations, limitent
MONTÉE DU NIVEAU DES MERS SUR LES 200 DERNIÈRES ANNÉES À BREST
l’érosion côtière, séquestrent le carbone
Anomalie de niveau de la mer moyen annuel, en mm et servent de zone tampon face aux
cyclones et aux tsunamis.
250
Même si la montée du niveau des
200 océans n’est pas le facteur principal et
150 direct de la disparition inquiétante des
100 mangroves, elle contribue à les noyer
50 et à fragiliser la très riche biodiver-
sité qu’elles abritent. Les mangroves
0
peuvent naturellement reculer dans les
–50 terres au fur et à mesure de la montée
1807 1850 1900 1950 2019 du niveau de la mer… à condition que
Source : Permanent Service for Mean Sea Level, d’après Service hydrographique et océanographique de la Marine, 2020. celles-ci ne soient pas urbanisées.
32
L’effet de serre
L’atmosphère permet l’évolution et le maintien de la vie sur Terre telle que nous la
connaissons aujourd’hui. Elle est constituée de différents gaz et se comporte comme une
serre dont la température résulte des échanges énergétiques entre l’intérieur et l’extérieur.
Qu’est-ce qu’un gaz à effet a été profondément modifiée par les Par contre, une augmentation de la
de serre ? activités humaines (sauf H2O). température conduit à une augmen-
L’atmosphère est une fine couche de La vapeur d’eau. Le GES le plus tation des concentrations de vapeur
gaz et de nuages d’eau qui entoure la répandu dans l’atmosphère est la d’eau, et donc à un effet de serre addi-
Terre. En plus de permettre la vie en vapeur d’eau (H2O). Elle représente tionnel qui renforce la cause initiale. On
apportant l’oxygène et l’eau qui lui environ 2 ‰ de la masse de la tropos- dit que la vapeur d’eau apporte une
sont nécessaires, l’atmosphère per- phère (comprise entre 0 et 10 km d’alti- rétroaction positive sur le climat.
met de maintenir une température tude) mais est responsable d’environ Le dioxyde de carbone. Le dioxyde
acceptable sur Terre. En effet, sans 60 % de l’effet de serre naturel. On doit de carbone (CO2), appelé populaire-
atmosphère, la température de la pla- ensuite aux nuages, qui retiennent la ment gaz carbonique, est l’autre grand
nète serait beaucoup plus basse que chaleur de la surface terrestre, 17 % GES naturel. Atmosphère, océan et
ce qu’elle est réellement (de l’ordre de de l’effet de serre, le reste étant le fait végétation échangent chaque année
- 18 ° en moyenne). des autres GES. Une caractéristique de très grandes quantités de CO2, plu-
La température modérée que essentielle de la vapeur d’eau est que sieurs centaines de milliards de tonnes.
nous avons est le fruit de l’effet de sa concentration dépend de la tem- Le moteur principal de ces échanges
serre. L’atmosphère claire (sans nuage) pérature et peu des émissions. Toute est la photosynthèse, qui capte du CO2
est pratiquement transparente au quantité additionnelle de vapeur d’eau atmosphérique, et la décomposition de
rayonnement solaire qui réchauffe la va être éliminée via la condensation la matière végétale, qui libère du CO2
surface de la Terre. La surface terrestre et les précipitations. Les émissions vers l’atmosphère. Sur le dernier mil-
et les nuages renvoient une partie humaines de vapeur d’eau n’ont donc lion d’années, et avant la révolution
de ce rayonnement vers l’espace ; le aucun impact sensible sur ses concen- industrielle, les concentrations de CO2
reste est absorbé et réchauffe le sol trations et donc sur son effet de serre. ont varié entre 170 et 270 ppm (le ppm
et les océans. Le rayonnement infra-
rouge émis par la surface terrestre est LES PRINCIPAUX GAZ À EFFET DE SERRE ANTHROPIQUES
en partie absorbé par l’atmosphère et
cette dernière envoie du rayonnement Émissions anthropiques de gaz à effet de serre, en 2016, par type,
infrarouge vers le sol et vers l’espace. exprimées en pouvoir de réchauffement (%)
L’atmosphère joue donc le rôle d’une
CO2
couverture. 99 % de la masse de l’at-
combustibles
mosphère – constitué d’oxygène et fossiles
azote – ne participe pas à l’effet de 63,8
serre. C’est une toute petite fraction de
gaz, d’origine naturelle ou anthropique,
qui produit cet effet essentiel.
Autres 2,1
Les gaz à effet de serre
Les principaux gaz à effet de serre Protoxyde 6,2
(GES) naturels sont : la vapeur d’eau d’azote
(H2O), le dioxyde de carbone (CO2), le
10,7
méthane (CH4), le protoxyde d’azote CO2
(N2O) et l’ozone (O3). Ces GES exis- déforestation 17,3
taient avant l’apparition de l’homme
sur la Terre mais leur concentration Méthane Source : Climate Watch,
the Wolrd Resources Institute, 2020.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 33
5%
vers l’espace
Rayons 30% Rayonnement
solaires renvoyés infrarouge
vers l’espace 95%
20% émis par le retenus par
absorbés par sol chauffé l’atmosphère
l’atmosphère 50%
atteignent
le sol
exprime le nombre de molécules d’un d’absorption du rayonnement infrarouge L’ozone. Ce gaz ambivalent – utile
gaz donné pour un million de molé- 23 fois supérieur à celui du CO2 sur dans la stratosphère et polluant dans
cules d’air). Du fait des émissions cent ans, ce qui fait de lui un contribu- la troposphère – n’est pas pris en
humaines de CO2, sa concentration est teur significatif de la perturbation cli- compte dans les accords internatio-
aujourd’hui proche de 415 ppm. Cette matique. L’agriculture (rizières, bovins) naux de réduction des gaz à effet de
augmentation est la principale cause conduit à des émissions importantes serre. Il est le produit de réactions
de l’effet de serre additionnel lié aux de CO2, de même que les fuites lors chimiques déclenchées par le rayon-
activités humaines. Pour cette raison, de l’extraction des combustibles fos- nement solaire impliquant les oxydes
les scientifiques l’ont choisi comme siles. Du fait de ces émissions anthro- d’azote (NOx), le CO et les composés
étalon du « potentiel de réchauffement piques additionnelles, la concentration organiques volatils non-méthaniques
global » (PRG) d’un gaz à effet de serre. atmosphérique de méthane a presque (COVNM) – voir p. 36-37.
On dira ainsi que tel gaz à un PRG de x triplé en 200 ans.
fois celui du CO2. Ce PRG est fonction Le protoxyde d’azote. Le protoxyde L’effet de serre anthropique
de l’efficacité d’un gaz donné à absor- d’azote (N2O) est émis naturellement Comme expliqué plus haut, les activi-
ber le rayonnement infrarouge et de par les sols (60 %) et par les océans tés humaines ont conduit à une aug-
son temps de vie dans l’atmosphère, (35 %). Il est produit par les microbes, mentation considérable de la concen-
tous deux comparés à ceux du CO2. qui cassent les molécules d’azote tration des GES naturels (CO2, CH4,
Le méthane. Les zones marécageuses organique contenu dans les sols cou- N2O). Par ailleurs, elles ont aussi
sont la plus importante source naturelle verts de végétation. Dans l’océan, le créé des gaz de synthèse qui parti-
de méthane (78 %). Dans ces zones N2O vient de l’activité microbienne cipent à l’effet de serre. Au rang de
gorgées d’eau, la décomposition de s’exerçant à l’intérieur et autour des ces derniers, on trouve principale-
matières organiques favorise le déve- particules qui sombrent dans l’océan, ment des dérivés d’hydrocarbures :
loppement d’organismes anaérobies notamment les matières fécales. Il hydrochlorofluorocarbures (HCFC),
producteurs, ou consommateurs, de séjourne environ cent vingt ans dans chlorofluorocarbures (CFC), perfluo-
méthane. Les termites ne sont pas en l’atmosphère avec un PRG 310 fois carbures (PFC), tétrafluorométhane
reste avec leur digestion de la cellulose supérieur à celui du CO2. L’utilisation (CF4) et hexafluorure de soufre (SF6).
qui compte pour 12 % de la production d’engrais azotés provoque des émis- Les activités humaines au sens large
de méthane naturel ! Enfin, les couches sions supplémentaires de N2O, ce qui a ont donc conduit à une augmentation
sédimentaires profondes des zones conduit ses concentrations atmosphé- de la concentration atmosphérique de
côtières libèrent aussi du méthane. riques à augmenter de près de 30 %. nombreux gaz, conduisant à un ren-
Ce gaz reste environ une douzaine Pour mémoire, le protoxyde d’azote forcement de l’effet de serre. Un phé-
d’années avant de se transformer, est connu pour ses effets euphorisants nomène parfaitement naturel est donc
par réaction chimique dans l’atmos- (« gaz hilarant »), ses propriétés anes- renforcé par l’homme, ce qui conduit
phère… en CO2. Il a surtout un pouvoir thésiques et analgésiques. à une augmentation des températures.
34
Une augmentation record aujourd’hui : elle est passée de 280 ppm LES ÉMISSIONS DE CO2 PAR ACTIVITÉ
de CO2 en 1750 (début de la civilisation indus-
Répartition des activités humaines
Les combustibles fossiles contiennent trielle) à plus de 415 ppm en 2015, soit génératrices de gaz à effet de serre,
du carbone, provenant de l’accumulation plus de 50 % d’augmentation. Pour en %
de matière organique créée par la pho- mesurer la portée de cette élévation, les
tosynthèse pendant des centaines de experts du GIEC soulignent qu’il a fallu Habitat
millions d’années. Il est stocké dans les plus de 5 000 ans pour que la concen- Transports 6,4 Électricité
organismes vivants et la matière orga- tration en CO2 augmente de ces mêmes 14
nique du sol mais aussi dissous dans les 80 ppm à la fin du dernier âge glaciaire. 34,6
Total :
océans et bien sûr dans les gisements Avant l’ère industrielle, et sur le dernier 49 Gt
de combustibles fossiles. Lors de la million d’années, sa concentration était 21
CO2 -eq
combustion des ressources fossiles, ce inférieure ou égale à 270 ppm.
Industrie
carbone se transforme en CO2. 24
Grâce aux bulles d’air emprisonnées Une économie carbonée
Agriculture et
dans les glaces polaires, les scienti- Pétrole, gaz, charbon sont les mar- déforestation
fiques ont pu comparer la concentra- queurs de l’industrie « carbonée ».
Source : GIEC,
tion de CO2 dans l’air entre 1750 et Nous baignons dans le carbone à un Changements climatiques 2013 : rapport de synthèse.
Russie
1 678
États-Unis Chine
5 285 10 175 Japon
1 107
Inde
2 616
10 000
5 000
Émissions de CO2 2 000
par pays en 2019, 1 000
500
en millions de tonnes 100
Source : Global Carbon Atlas, 2021.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 35
point tel que nous ne nous en rendons LA HAUSSE DES ÉMISSIONS DE CO2 PAR COMBUSTIBLE
plus compte. Il n’y a que peu d’objets,
et peu d’activités qui ne dépendent Émissions de CO2 par combustible fossile, par an, en milliards de tonnes
pas, directement ou indirectement, des 35
énergies fossiles. 30
Torchères
L’énergie est de fait nécessaire partout. 25
Extraction, acheminement et transfor- Production
20 de ciment
mation des matières premières (pour
15 Gaz naturel
en faire des produits ou composer
de nouvelles matières) ; transport des 10
Pétrole
produits finis jusqu’aux magasins dont 5
la plupart, comme les usines, sont en 0 Charbon
béton – béton fait avec du ciment dont 1850 1875 1900 1925 1950 1975 2000 2019
Source : Global Carbon Project, 2021.
la fabrication est énergivore ; éclai-
rage et chauffage des infrastructures
publiques, des usines et des loge- États-Unis (5,2 Gt), l’Union européenne À la fin du xixe siècle, l’atmosphère
ments des particuliers… (4,6 Gt), l’Inde (2,4 Gt), la Russie (1,8 Gt) contenait environ 860 Gt de CO2. En
Les principales contributions aux et le Japon (1,2 Gt). Cependant, quand 1950, la combustion d’énergies fos-
émissions de CO2 sont dans l’ordre : on ramène les émissions au nombre siles émettait 5,5 Gt de CO2 par an,
la production d’électricité, l’industrie, d’habitants, en tonnes par habitant 16,5 Gt en 1970, 23,4 Gt en 1990 et
la déforestation, l’agriculture inten- donc, le Qatari a le bonnet d’âne avec plus de 34 Gt aujourd’hui. La moitié
sive (engrais de synthèse, pesticides, 40,4, et l’Américain (16,5) précède de environ des émissions de carbone est
machinisme, élevage), les transports et loin l’Européen (9,1) le Chinois (6,2), le absorbée par les puits naturels que
la consommation des ménages (chauf- Français (5,7), le Chilien (4,2), l’Afghan sont les océans (1/4), la végétation et
fage, cuisson…). (0,2) et l’habitant du Lesotho (0,01). les sols (1/4) ; l’autre moitié s’accu-
La première approche est celle qui mule dans l’atmosphère.
Les plus gros émetteurs : sert de base aux discussions interna- Il apparaît de nos jours indispensable
une question de comptabilité tionales de réduction des émissions de diminuer au moins de moitié ces
Quand on ventile les émissions anthro- de GES. La seconde souligne que l’on émissions, ce qui serait une première
piques de CO2 par pays, la Chine arrive parviendra à contenir le réchauffement étape vers une tendance zéro à la fin
en tête (avec environ 10 milliards de climatique qu’au prix d’un changement du siècle.
tonnes par an, abrégé Gt), suivie par les de mode de vie.
Émissions de CO2
par habitant en 2019,
en tonnes de CO2
> 10
5 à 10
1 à 4,9
<1
Source : Global Carbon Atlas, 2021.
36
Les problématiques
liées à l’ozone
L’ozone est un gaz rare et instable. Il est l’objet d’un malentendu relativement fréquent chez
le grand public, qui confond aisément le « trou de la couche d’ozone » et le « pic d’ozone ».
Pour le dissiper, il faut comprendre que selon l’altitude où il se trouve dans l’atmosphère,
l’ozone (O3) est un gaz bénéfique ou nocif à la vie humaine.
L’ozone stratosphérique la production d’un certain nombre de d’altitude. Cet ozone troposphérique
L’ozone stratosphérique est produit gaz jugés nocifs et responsables de ce naît de la transformation chimique
naturellement dans la stratosphère, phénomène. Vingt-six ans après, nous du dioxygène de l’air – sous l’effet du
à une altitude de 12 à 50 km, par le constatons les bienfaits de la réduc- rayonnement solaire ultraviolet et d’une
rayonnement solaire : celui-ci brise tion de ces gaz : la couche d’ozone se température élevée de l’air – au contact
les molécules de dioxygène (O2), libé- rétablit progressivement. On ne peut de l’oxyde de carbone (CO), des oxydes
rant un atome allant se greffer… sur pas encore parler de reconstitution d’azote (NOx) ou des composés orga-
une molécule de dioxygène. La plus complète, car tous les gaz ne sont pas niques volatils (COV) émis par les auto-
grande partie de cet ozone est pro- encore éliminés et leur émission est mobiles, les centrales thermiques et les
duite au-dessus des tropiques et est tolérée jusqu’à 2030-2040 selon les activités industrielles comme la fabrica-
distribuée aux quatre coins du monde pays. Les scientifiques estiment que tion d’engrais azotés ou celle de l’acide
par les vents. Son instabilité sous l’ac- la couche d’ozone sera revenue à un nitrique. Les incendies de forêt libèrent
tion des rayons solaires et des réac- état normal en 2050. aussi des oxydes d’azote qui alimentent
tions chimiques naturelles fait qu’il se la formation d’ozone troposphérique.
transforme en dioxygène normalement L’ozone troposphérique Cette pollution à l’ozone est recon-
en quantité égale à celle qui se forme. Les 10 % d’ozone restant dans l’at- naissable à l’air jaunâtre qui stagne
L’ozone stratosphérique représente mosphère sont produits indirectement au-dessus des grandes villes quand il
90 % de l’ozone dans l’atmosphère par certaines activités humaines et se fait très beau et plus de 25 °C. C’est
et forme une couche qui absorbe les trouvent dans la troposphère, c’est-à- ce que l’on appelle communément un
rayonnements solaires dangereux pour dire dans les dix premiers kilomètres « pic d’ozone ». En France, les pouvoirs
la vie humaine, en particulier les UV-C
et les UV-B. Sans elle, nous succom- L’OZONE DANS L’ATMOSPHÈRE
berions tous de cancers de la peau.
Altitude en km
Cette couche d’ozone est endomma-
gée par des gaz de synthèse conte- 35
nant du chlore ou du brome. Ces deux
atomes sont de puissants catalyseurs
permettant la transformation de l’ozone
30
en dioxygène. Chacun peut détruire Ozone
des dizaines de milliers de molécules 25 stratosphérique
d’ozone. Ces gaz de synthèse ont été COUCHE D’OZONE
abondamment utilisés dans la climati- 20
sation, la réfrigération, le gonflage des
mousses, le nettoyage de pièces élec-
troniques et les extincteurs d’incendie.
15
L’alerte sur leur dangerosité a été lan- La concentration
d’ozone augmente Ozone
cée en 1985 : c’est le fameux « trou 10 à cause de
dans la couche d’ozone » constaté par la pollution troposphérique
les scientifiques au-dessus de l’An- 5
tarctique et des régions avoisinantes.
Cette prise de conscience a conduit
0
au Protocole de Montréal, entré en Concentration en ozone
vigueur le 1er janvier 1989, qui interdit Source : Ajavon et al., 2007.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 37
publics lancent une alerte dès que le pic capacité d’absorption du CO2 – dont La problématique du changement cli-
d’ozone dépasse 180 microgrammes on connaît le rôle sur le climat – et une matique et celle de la couche d’ozone
par mètre cube (µg/m3), suivant en cela baisse sensible des rendements agri- sont distinctes, même si tous deux
les indications de l’Organisation mon- coles, et la formation de lésions des sont provoqués par les émissions de
diale de la santé qui fixe à 100 µg/m3 tissus de la feuille, qui déprécient les gaz anthropiques. La destruction de
le seuil normal. À partir de 240 µg/m3, légumes comme les salades, les épi- l’ozone est due aux émissions de gaz,
ils mettent en place des mesures d’ur- nards, les blettes ou encore les tabacs. qui sont aussi des gaz à effet de serre.
gence. En effet, cet ozone-là, très oxy- Une fois émis au niveau du sol, l’ozone Par ailleurs, les changements clima-
dant, peut être dangereux pour la santé s’élève dans l’air et atteint les couches tiques liés à l’augmentation de l’effet
et entraîner des irritations des yeux et de l’atmosphère où il devient pleine- de serre favorisent la destruction de
des muqueuses, des maux de tête et ment un gaz à effet de serre. l’ozone stratosphérique.
aussi des maladies respiratoires graves D’après le dernier rapport du GIEC, Grâce à une collaboration entre scien-
(asthme, œdème du poumon). l’ozone troposphérique génère 6 à tifiques, instances politiques et indus-
À partir de 110 µg/m3, il nuit également 17 % de l’effet de serre additionnel lié triels, la problématique du trou d’ozone
aux cultures agricoles et aux forêts : aux activités humaines. est en passe d’être réglée car des gaz
en empruntant le chemin respiratoire ont été trouvés pour se substituer à
des plantes, il perturbe les échanges Une question complexe ceux qui ont un impact néfaste sur
gazeux qui servent à la photosynthèse, Nous voilà en présence d’un gaz dont l’ozone. Il semble beaucoup plus dif-
c’est-à-dire à l’assimilation chlorophyl- il nous faudrait plus en haute altitude ficile de se passer des combustibles
lienne. Cela se traduit par deux formes et moins en bas. Hélas, l’ozone tro- fossiles et donc d’arriver à un accord
d’atteintes aux végétaux : un ralentis- posphérique ne s’élève pas pour rem- sur la réduction des émissions de CO2.
sement de leur croissance, ayant pour placer celui qui disparaît au niveau
conséquences une diminution de leur stratosphérique.
38
La déforestation
Une forêt « à l’équilibre » est autant un puits qu’une source de carbone : un puits au rythme
de la croissance des arbres, une source après leur mort. Depuis une vingtaine d’années, le monde
perd en moyenne 5,3 millions d’hectares de forêt par an, sous la pression principale des cultures
de rente (soja, maïs, canne à sucre, palmier à huile) et de l’urbanisation. Cette déforestation
et la modification de la couverture du sol qu’elle entraîne augmentent la concentration de CO2
dans l’atmosphère.
Une déforestation d’ampleur est l’extension des terres agricoles. Ce infrastructures routières, autoroutières,
Les forêts occupent 3,89 milliards phénomène n’est pas récent. Il a gran- ferrées, fluviales (canaux, barrages…),
d’hectares, soit 30 % des terres émer- dement contribué à donner au conti- concourent aussi à la déforestation. Ce
gées de la planète. Elles représentent nent européen ou aux États-Unis, un sont autant de réseaux qui, en plus, faci-
le socle des modes de vie des peuples peu plus tardivement, le visage qu’ils litent la desserte des forêts.
indigènes (60 millions de personnes) et ont aujourd’hui. Toutefois, la situation a Enfin, les catastrophes naturelles, les
l’on estime que 1,6 milliard d’individus considérablement changé. Actuellement, ouragans, les incendies, les épisodes
dépendent d’elles à des degrés divers. le déboisement n’a plus pour but d’ac- de sécheresse dus au changement cli-
Les plus importantes en surface sont quérir une autosuffisance alimentaire matique aggravent la déforestation.
les forêts tropicales (45 % du total) sui- mais de satisfaire les marchés financiers
vies des forêts boréales (31 %), tem- du soja (pour l’élevage industriel), de LA DÉFORESTATION AUX ÉTATS-UNIS
pérées (16 %) et subtropicales (8 %). l’huile de palme, de la canne à sucre et
Au cours de la période 1990-2010, la du maïs (pour les agrocarburants), des 1620
FAO (Organisation des Nations unies bois précieux (souvent exploités illégale-
pour l’alimentation et l’agriculture) a ment par le crime organisé), des métaux
relevé que la déforestation et les catas- et minéraux précieux (comme le nickel
trophes naturelles ont fait disparaître en Nouvelle-Calédonie)…
en moyenne 15,5 millions d’hectares L’extraction du pétrole, du gaz naturel,
par an de surfaces boisées. Cette dis- l’exploitation des sables bitumineux
parition est partiellement compensée et des gaz de schiste agressent aussi 1850
par des gains de surfaces forestières la forêt : forages, pipelines, routes de
obtenus par le reboisement et l’expan- desserte participent du grignotage des
sion des forêts naturelles, soit 10,2 mil- surfaces forestières. Sans compter les
lions d’hectares par an. La perte nette impacts des pollutions dues aux inévi-
annuelle est donc de 5,3 millions d’hec- tables fuites d’exploitation et aux rup-
tares de forêt par an sur cette période. tures d’installations.
Les causes de la déforestation. Le fac- En s’étendant sur des terres agri- 1920
teur de déforestation le plus important coles ou boisées, l’urbanisation et ses
Mékong -
Mékong - Laos 20 %
Amazonie - Afrique Myanmar
Venezuela/Guyana de l’Ouest - Afrique centrale -
Cameroun Mékong -
Liberia/ Cambodge
Amazonie -Brésil Côte d’Ivoire/ Afrique centrale -
Forêts Maya - 15 % Ghana RDC/RCA
Mexique/ 22 %
Guatemala Bornéo -
Amazonie - Colombie Indonésie/
Chocó-Darién – Malaisie
Colombie/Équateur Afrique centrale - Sumatra -Indonésie
Gabon/Cameroun/ 25 %
Amazonie - Pérou Guinée équatoriale Nouvelle Guinée -
Amazonie - Bolivie Indonésie/PNG
Cerrado - Brésil
33 % Afrique de l’Est - Australie
Madagascar orientale
La force des rayonnements comprendre le changement climatique, qui réchauffe le climat. Ils ont donc un
La tendance moyenne du climat à se il est nécessaire de prendre en compte forçage radiatif positif. En revanche, les
réchauffer ou à se refroidir est une et de comparer tous ces effets. Pour aérosols ont tendance à renvoyer les
affaire de rayonnements : ceux du cela, les climatologues utilisent la rayons solaires vers l’espace, provo-
soleil captés, absorbés ou réfléchis, notion de forçage radiatif qui mesure quant un refroidissement de la Terre.
et ceux qui sont émis par la Terre et l’impact des différents facteurs (les Dans ce cas, le forçage radiatif est
partent dans l’espace. Les émissions émissions de GES, l’albédo, les aéro- négatif.
de gaz à effet de serre diminuent le sols, etc.) sur le bilan énergétique de la La notion de forçage radiatif permet
rayonnement émis par la Terre qui Terre. Il se mesure en watt/m2. de comparer l’impact des activités
part vers l’espace et réchauffent donc Il y a des forçages positifs et des for- humaines sur le climat à celui des fac-
notre planète. Cependant, les activités çages négatifs. Un forçage positif tend teurs naturels comme les variations de
humaines entraînent d’autres modifica- à réchauffer la Terre ; un forçage néga- la puissance du soleil ou les éruptions
tions de l’équilibre subtil entre le rayon- tif pousse au refroidissement. On l’a volcaniques. Ces dernières ont parfois
nement solaire absorbé et le rayonne- vu, les gaz à effet de serre absorbent un effet refroidissant plus important que
ment infrarouge émis par la Terre. Pour et émettent les rayons infrarouges, ce l’effet réchauffant des gaz à effet de
ASIE
AM.
DU SUD
OCÉAN
PACIFIQUE Incendies OCÉAN
Incendies du bassin INDIEN
du Pantanal et du Congo
de l’Amazonie
variations du soleil
Irradiance solaire ont, sur cette période,
eu une tendance au
-1 0 1 2 3 refroidissement mais
Forçage radiatif, en W/m2 d’amplitude négligeable
Source : GIEC, 6e Rapport, Changements climatiques 2021, chap. 7, 2021. (0,02 watt/m2).
EN CONCLUSIONN
Quand l’homme
perturbe le climat
150 ANS DE POLLUTION
ATMOSPHÉRIQUE
Commencée avec le charbon et
la machine à vapeur, continuée avec
le pétrole, le moteur à explosion,
l’électrification et la synthèse chimique,
la révolution industrielle a carboné
l’économie et la vie en général. Elle a aussi
profondément changé le mode de vie
de l’homme, lui donnant l’image d’une
nature exploitable à plus d’un titre.
D’un point de vue climatologique, l’ère
industrielle est marquée par l’émission
croissante de gaz à effet de serre (GES),
parmi lesquels le dioxyde de carbone
et le méthane jouent un rôle primordial,
aujourd’hui bien identifié et quantifié.
UN RÉCHAUFFEMENT
INÉLUCTABLE
Par leurs propriétés physico-chimiques
et leur longue durée de vie, les GES ont
le pouvoir de réchauffer l’atmosphère
par « effet de serre ». Ce réchauffement
général de l’air a des conséquences
– fonte des glaces, événements
météorologiques extrêmes, montée
du niveau des mers, sécheresse, perte
de biodiversité végétale et animale –
qui alimentent, pour certaines populations
et dans certaines zones du globe,
une détérioration des conditions de vie.
Si l’on continue d’émettre au rythme actuel
les GES, l’élévation de la température
moyenne de l’atmosphère au niveau
du sol sera de l’ordre de + 4,8 °C à la fin
du xxie siècle. Il faudrait réduire d’ici 2050
de 40 à 70 % les émissions mondiales
de GES pour arriver à zéro émission
en 2100 si l’on ne veut pas dépasser
une élévation moyenne de + 2 °C.
43
Les impacts
du réchauffement
climatique
Deux, trois, quatre degrés…, les prévisions de hausse des
températures moyennes peuvent sembler modestes au quidam
qui les compare avec les trente ou quarante degrés d’écart
qu’il recherche quand il quitte l’hémisphère Nord en hiver pour
rejoindre l’été de l’hémisphère Sud. Pourtant, deux degrés
de plus en moyenne – l’estimation la plus optimiste de
ce qui attend l’humanité à la fin du siècle – auront un impact
considérable sur toutes les activités humaines. Le degré
supplémentaire déjà enregistré conduit à des événements
climatiques extrêmes, une fonte des glaces, une élévation
du niveau de la mer, des migrations de populations,
des extinctions végétales et animales, et la propagation
de maladies…
L’atmosphère se réchauffe et cela va continuer inéluctablement
pendant longtemps ; si une partie du CO2 émis (et que
nous continuons d’émettre de manière croissante) sera
absorbée relativement vite par l’océan, 25 % resteront dans
l’atmosphère pendant des milliers d’années. Il va falloir
apprendre à habiter une Terre qui se réchauffe et dont
les précipitations moyennes évoluent.
44
Inégalités géographiques entières. Lors de la dernière déglacia- pour des événements dits extrêmes.
Les tempêtes ou les sécheresses sont tion qui a commencé il y a 20 000 ans, Des températures qui se maintiennent à
des phénomènes naturels qui posent la température moyenne de la planète un niveau anormalement élevé peuvent
problème quand elles surviennent ou augmenta de 5 °C et le niveau des provoquer des hécatombes humaines.
se répètent dans un contexte de forte mers s’éleva de 120 m. Ce change- La canicule d’août 2003 a entraîné,
pression anthropique. ment climatique s’étala sur 10 000 ans. en France, la mort surnuméraire de
Les cernes de croissance des arbres Aujourd’hui, nous constatons une élé- 15 000 personnes en trois semaines,
et les sédiments (marins, glaciaires, vation moyenne de presque 1 °C depuis soit 55 % de plus que la mortalité
continentaux) nous apprennent que les le début du xxe siècle, principalement attendue. Le seuil thermique au-des-
intempéries d’aujourd’hui ne sont pas sur les 50 dernières années. C’est cette sus duquel la chaleur fait des victimes
plus violentes que celles d’hier : il y eut rupture dans l’échelle du temps qui est dépend de l’adaptation des personnes
maintes fois dans l’histoire de la Terre préoccupante. Nous allons vers un cli- au climat local. Ainsi, le nombre des
des Xynthia submergeant les littoraux et mat plus chaud, avec plus d’eau dans morts grimpe en flèche au-dessus de
des sécheresses affamant des régions l’atmosphère : cette eau est mobilisable P44-45
27,5 °C Les catastrophes
en Belgique naturell
alors que l’alerte se
Inondations
Nagoya Xiamen 9 mars-1er avr.
0,64 0,72 mai-juill.
Shenzhen Tornade
La Nouvelle- 3,1 17-31 mai
Orléans New York
2
Tianjin 2,2
1,8
Canton 13,2
Tampa Zhanjiang 0,89
0,85 Boston
Hô Chi Minh-Ville 1,9
Miami 0,79 Ourag
2,5 Calcutta 3,3 Doria
27 ao
Surat 0,92 9 sep
Guayaquil Jakarta
Bombay 6,4 1,7
3,1
Madras
0,93 Bangkok
0,73
QUEL CLIMAT POUR NOS VILLES EN 2050 ? raison d’une insuffisance de cohérence
Saint-Pétersbourg des modèles climatiques. De même,
Oslo
l’influence des émissions de GES sur
Riga l’accroissement de la fréquence des
Édimbourg
cyclones fait encore débat.
Copenhague
La compagnie de réassurance alle-
mande Munich Re, qui détient la base
Londres Lille de données la plus complète sur les
événements climatiques extrêmes et
Paris Bratislava
Zurich les catastrophes naturelles depuis
Vienne Budapest
1950, a dénombré 980 catastrophes
Lyon Milan naturelles en 2020, chiffre au-dessus
Marseille Sofia des 785 catastrophes naturelles par
Skopje 500 km
Madrid an en moyenne entre 2001 et 2011 et
Barcelone Position actuelle des 407 pour la décennie 1980-1989,
Position virtuelle en 2050 soit près de 2 fois plus en 30 ans. Les
Alger (Ex. : Londres connaîtra un climat similaire à celui conséquences sont lourdes, les coûts
de Barcelone avant le changement climatique)
financiers gigantesques et les pertes
Marrakech Source : J.-F. Bastin et al., ETH Zurich, 2019.
humaines dramatiquement élevées :
depuis 1980, 4 200 milliards de dollars
situe à 41 °C en Andalousie. Les tem- Les scientifiques attendent des cani- de pertes et un million de personnes
pératures minimales nocturnes restent cules record combinées à des pluies tuées.
décisives en ce qu’elles permettent ou torrentielles et des inondations, des Ces chiffres recouvrent autant une
non un repos réparateur. hivers qui n’en sont pas, une aug- réalité humaine que géophysique : la
mentation du nombre annuel de jours croissance de la population mondiale
Catastrophes et démographie chauds et de nuits chaudes, ainsi que s’accompagne d’une urbanisation qui
14 des 15 années les plus chaudes d’autres événements extrêmes comme concentre souvent les hommes dans
jamais mesurées appartiennent au les cyclones d’une intensité rare. Des des zones à risques climatiques, ce qui
les en 2019
xxie siècle et ce constat révèle une ten- incertitudes demeurent en revanche accroît de fait la part des êtres humains
dance qui n’est pas près de s’inverser. sur le comportement des moussons en qui y sont exposés.
Typhon Hagibis
12-13 oct. Typhon Faxai
9 sept.
Inondations,
glissements de terrain
juin-juill.
Inondations,
glissements de terrain
1er-26 août
Cyclone Idai
9-14 mai
Incendies de forêt
sept.-déc.
Source : Munich Re, Geo Risks Research, NatCatSERVICE, 2020.
46
Le pôle Nord, nouveau « point LES ROUTES MARITIMES RELIANT L’EUROPE À L’ASIE : LE DÉVELOPPEMENT
chaud » du globe DES VOIES POLAIRES
À l’été 2007, l’Agence spatiale euro- La banquise arctique
Passage Océan
péenne annonçait que le passage du
par Panama Pacifique en septembre 2012
Nord-Ouest était pour la première fois 25 000 km
« pleinement navigable ». Le Canada
revendique la qualité nationale de
ces eaux, tandis que les États-Unis et Passage du Shanghai
l’Union européenne considèrent l’en- Nord-Ouest CHINE
droit comme un détroit international. 16 000 km
Détroit de
Au-delà du passage à proprement par- ÉTATS- Futur passage Malacca
ler, ce type de discussions vaut en réa- UNIS Pôle transpolaire
lité pour tout l’espace maritime arctique,
Nord
13 000 km
mêlant, outre les intérêts déjà cités, Canal de
ceux de la Russie, du Danemark, de la Panama
INDE
Norvège, de l’Islande, de la Chine et du
Passage
Japon. Le régime juridique de l’Arctique
du Nord-Est
n’a jamais été clairement établi. Canada 15 000 km
et Russie abordent le sujet dans leurs
législations nationales. Les autres pays Océan Hambourg
mettent en avant l’extension, qui reste Atlantique ALLEMAGNE
à définir, des plateaux continentaux des
États riverains vers le pôle. Canal Passage
Note : Distances de Suez par Suez
La Zone économique exclusive (ZEE)
approximatives. 20 000 km
est un point d’affrontement entre les
Source : Centre for High North Logistics, base de données ARCTIS, 2010 (pour les distances).
États. En principe, elle ne dépasse pas
200 milles marins, mais ce plafond peut
être repoussé en fonction de l’impor- les siècles de glace arctique ont tou- xxie siècle, cette voie sera libre 120
tance du plateau continental, espace jours empêché. Ceci éclaire l’empres- jours par an. La distance entre Londres
sur lequel l’État côtier bénéficie de droits sement de la Russie à planter, en 2007, et Tokyo sera réduite de 3 000 à 5 000
souverains d’exploration et d’exploita- un drapeau en titane par 4 000 mètres milles marins par rapport aux routes
tion des ressources naturelles de tout de profondeur dans l’océan Arctique passant par le canal de Suez ou celui de
type (sauf de la pêche). L’imprécision au pôle Nord. En réponse à cette ten- Panama.
de certaines portions de frontières bila- tative d’appropriation, les autres États Idem pour le passage du Nord-Est,
térales entretient des litiges sévères : riverains ont depuis multiplié les expé- qui part de l’Atlantique Nord et longe
celui opposant le Canada et les États- ditions scientifiques et militaires pour la côte sibérienne jusqu’au Pacifique.
Unis en mer de Beaufort, la Norvège et affirmer leurs prétentions dans la région. L’emprunter réduira la liaison
la Russie aux îles Spitzberg, le Canada Rotterdam-Yokohama de 11 200 milles
et le Danemark sur l’île Hans. Les enjeux des nouvelles marins (via le canal de Suez) à 6 500
Enfin, pour corser le débat, le droit routes commerciales milles marins, soit un gain potentiel de
international dit que pour prétendre à la Le passage du Nord-Ouest relie le 40 % de temps. De plus, les navires
souveraineté sur un territoire, l’État doit détroit de Davis (Atlantique) à celui ne seront plus limités par leur taille,
y exercer une autorité effective, ce que de Béring (Pacifique). Avant la fin du qui oblige aujourd’hui les plus gros
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 47
l a i re
s’enfoncer dans le sol
Groenland
po
(DANEMARK) devenu meuble et
e
devenir impropres
rcl
à l’usage. Par ailleurs,
NORVÈGE Ce le sol gelé contient
d’importantes
ISLANDE quantités de carbone
qui risquent de
Pergélisol continu se retrouver dans
Pergélisol discontinu Océan l’atmosphère avec
Pergélisol sporadique Atlantique le dégel. À l’inverse,
les zones dégelées
Îlots de pergélisol sont favorables
Zones encore gelées à la croissance de
nouvelles forêts.
en 2100 (estimations) Source : Canadian Cryospheric Information Network, 2015.
Élévation du niveau de la mer marine (temporaire ou permanente) va particulièrement dans les zones où les
et surcote s’accentuer. profondeurs sont plus faibles. On voit
Plus de 60 % de la population mon- Le phénomène des surcotes. La alors apparaître des surcotes liées aux
diale – 3,8 milliards de personnes – vit conjonction d’une situation de pleine vagues dont la propagation dépend
dans les zones littorales, à moins de mer (ou marée haute) et d’une houle du niveau de la mer et qui déferlent à
150 kilomètres du rivage. Une éléva- de tempête produit un effet de sur- l’approche des côtes en fonction de la
tion du niveau de la mer de 1 mètre cote, calculé par rapport au niveau de géographie des fonds marins.
(élévation envisagée dans le rapport marée « normal » prédit. La variation Les impacts des submersions qui en
du GIEC pour 2100, même si les du niveau marin est en partie due aux découlent fragilisent les infrastructures
estimations les plus probables sont changements de pression atmosphé- portuaires, endommagent l’habitat
plus faibles) frapperait par exemple rique accompagnant le passage d’une côtier, les réseaux… et entraînent sou-
durement le sud de la Floride, la dépression et à l’action du vent à la vent un renchérissement des coûts de
Camargue, la côte hollandaise, ou surface de la mer (une baisse de pres- protection contre les risques côtiers.
encore le Vietnam et le Bangladesh. sion d’un hectopascal élève le niveau
Si l’on ajoute à cela l’évolution de la marin d’environ un centimètre). Digues et dunes
fréquence et de l’intensité des tem- Les surcotes générées par ces La pression conjuguée d’une érosion
pêtes, force est de constater que l’ex- « marées de tempête » peuvent entraî- accrue, de l’élévation du niveau de
position des zones littorales à l’éro- ner une variation du niveau de la mer la mer et de surcotes répétées peut
sion et aux risques de submersion atteignant jusqu’à 2 ou 3 mètres, amener à la rupture ou à la destruction
ÉTATS-UNIS CAROLINE
DU SUD
Zones inondées en cas
LOUISIANE MISSISSIPPI ALABAMA GÉORGIE d’élévation du niveau
TEXAS de la mer
de 1 m
de 5 m 200 km
FLORIDE
Océan
Atlantique
Golfe
du Mexique BAHAMAS
CUBA
RÉP.
HAÏTI DOM.
MEXIQUE
Source : Université du Kansas, CReSIS, 2015.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 49
DANEMARK
Mer
Mer Baltique
du Nord
Mer
d’Irlande
ROYAUME-UNI ALLEMAGNE
PAYS-
BAS
Zone urbaine potentiellement affectée par
une élévation d’1 m du niveau de la mer
BELGIQUE Surface inondée, en %
> 40 20 à 40 10 à 20
Manche
FRANCE 5 à 10 5
100 km
Source : Climate ADAPT, Agence européenne pour l’environement, 2021.
LES CONSÉQUENCES D’UNE ÉLÉVATION DU NIVEAU DE LA MER EN FRANCE imprègne les terrains au voisinage des
SUR LES INFRASTRUCTURES côtes ou qui pénètre les cours d’eau
au niveau des estuaires. L’intrusion de
Dans l’hypothèse d’une élévation de 1 mètre du niveau de la mer, les
infrastructures suivantes seraient submergées une ou plusieurs fois par siècle : l’eau salée souterraine a la forme d’un
biseau plongeant vers l’intérieur des
Routes Voies Routes Routes terres. De moindre densité, l’eau douce
nationales Autoroutes ferrées départementales communales « flotte » sur cette eau salée. La sub-
198 km 355 km 1 967 km 4 338 km 15 522 km mersion du littoral augmente le volume
de ce « biseau salé » dans les aqui-
fères et nuit à l’exploitation de l’eau
douce. Enfin, infiltration et submersion
temporaire salent directement les sols,
les rendant rapidement impropres à
l’usage agricole.
Source : Ministère de l'Écologie, Changement climatique : impacts en France, 2014, d'après données CLS.
Une chaîne d’impacts
L’ampleur des risques de surcote,
d’un cordon dunaire naturel ou d’ou- oblige à revoir le dimensionnement des d’érosion, de submersion et de sali-
vrages de protection (digues, dunes digues en fonction des niveaux d’eau nisation des sols et des aquifères est
artificielles), avec pour conséquence et de houle extrêmes. En France, les difficile à prévoir avec précision, car
la submersion permanente des zones fortes incertitudes sur les conditions ces différents phénomènes sont inter-
basses inférieures au niveau de la mer climatiques futures poussent le Bureau dépendants et leurs effets peuvent
et situées en arrière de ces défenses. de recherches géologiques et minières s’additionner. Par exemple, une élé-
Les conséquences sont évidentes : (BGRM) à recommander de rehausser vation moyenne du niveau marin se
disparition des plages, submersion les digues de deux mètres en prévision conjuguera un jour ou l’autre avec une
définitive des routes, des habitations, d’une élévation de 1 mètre du niveau tempête et une grande marée, donnant
voire des infrastructures économiques. de la mer. un caractère plus prononcé à la sub-
Dans les régions littorales exposées, il mersion, à l’érosion et à la salinisation.
faut dès à présent repenser l’occupa- La salinisation des sols Cette chaîne d’impacts directs n’est
tion des sols et prévoir le déplacement La zone littorale est le point de ren- pas sans conséquence sur les milieux
des activités et des zones d’habitation contre entre deux types d’eau souter- marins et littoraux, sur les ressources
en fonction de l’évolution du trait de raine : l’eau douce des nappes phréa- (eau, terres, biodiversité) et sur les acti-
côte. La hausse du niveau des mers tiques continentales et l’eau salée qui vités humaines qui en dépendent.
50
La biodiversité terrestre
en danger ?
Le changement climatique affecte les rythmes de vie, de reproduction, de croissance, les habitats
et les sources de nourriture de tous les êtres vivants. Certains vont y gagner, d’autres y perdre,
d’aucuns jusqu’à disparaître. Les prévisions sont difficiles tant les facultés d’adaptation rapide
des espèces sont inconnues.
Désordre général et accéléré de végétation est donc plus longue. pressions anthropiques subies par les
Le changement climatique n’est pas la Chez les insectes ou les oiseaux, les écosystèmes. Tout cela érode les capa-
cause principale de l’érosion rapide de éclosions sont plus avancées et les cités d’adaptation des espèces, qui
la biodiversité, mais nous savons que dates de migration s’en trouvent déca- reposent sur la diversité génétique et
ses impacts accentuent les contraintes lées, provoquant une désynchronisa- l’intensité des flux de gènes, deux fac-
anthropiques que subissent déjà les tion problématique pour les espèces teurs atteints par la fragmentation des
espèces et leurs habitats. interdépendantes. À cela s’ajoutent les habitats. On s’attend donc à une baisse
Sous l’effet des canicules, des séche-
resses plus longues et intenses et des L’ÉVOLUTION DE LA TEMPÉRATURE DU LAC LÉMAN
températures en hausse, les milieux Température moyenne annuelle mesurée dans les 10 premiers mètres, en °C
aquatiques vont être durement tou-
chés, notamment les espèces les moins 13
adaptées au déficit d’oxygène induit par
l’augmentation des températures. Cette
12
dernière modifie la phénologie des
espèces, c’est-à-dire que les variations
climatiques influencent certains des 11
phénomènes périodiques de la vie des
plantes ou des animaux. Chez les végé- 10
taux, les dates de débourrement et de 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
floraison sont plus précoces, la saison Source : Commission internationale pour la protection des eaux du Léman, Tableau de bord technique 2020.
Plantes
herbacées
Mammifères à
sabots fendus
Mammifères
carnivores
Rongeurs
Primates
Insectes
phytophages
Mollusques
d'eau douce
peuvent migrer au
même rythme, sinon,
elles risquent de
disparaître.
Source : GIEC, 5e Rapport, Changements climatiques 2014. Résumé à l'attention des décideurs, 2014.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 51
Les espèces marines face APPARITIONS ET EXTINCTIONS LOCALES DES ESPÈCES MARINES
au réchauffement : adaptation,
migration ou disparition
L’océan est le plus grand espace de vie
de la planète, celui où sont apparues
les premières cellules, il y a 3,5 milliards
d’années. Les modifications de tempé-
rature, d’acidification et de teneur en
oxygène des mers ont des effets sur le
métabolisme des organismes marins,
sur les cycles de vie des espèces, sur
les relations entre les proies et les préda-
teurs et sur les habitats. Par exemple, au
cours des cinquante dernières années,
les manifestations biologiques du prin-
Taux d’invasion des espèces Faible Moyen Élevé
temps – abondance maximale du phy- exotiques à l’horizon 2050
toplancton et du zooplancton, reproduc-
tion et migration des invertébrés, des
poissons et des oiseaux – sont deve-
nues plus précoces, avec une progres-
sion moyenne de 4,4 jours par décennie.
Certaines espèces s’adaptent, d’autres
migrent vers de nouvelles zones de
vie, d’autres encore disparaissent. En
général, poissons et invertébrés marins
réagissent au réchauffement de l’eau
par des migrations vers de plus hautes
latitudes ou des eaux plus profondes.
Pour l’ensemble des groupes taxono-
miques, avec une grande hétérogénéité,
la vitesse moyenne de déplacement en Taux d’extinction des espèces Faible Moyen Élevé
direction des pôles atteint 72 kilomètres
endémiques à l’horizon 2050
par décennie. Cela entraîne un accrois- Note : Étude concernant 1 066 espèces de poissons et d’invertébrés relativement à la situation de 2001-2005.
Source : W. W. L. Cheung et al., Projecting global marine biodiversity impacts under climate change scenario, Fish and Fisheries, 2009.
sement du nombre d’espèces d’eau
chaude dans la mer de Béring, la mer de à l’acidification de l’eau, elle nuit aux variations de température et à l’acidité
Barents et la mer du Nord, donc une aug- organismes marins possédant un sque- de l’eau qui perturbent la formation de
mentation de la biodiversité localement. lette ou une coque calcaire (phytoplanc- leur squelette et d’autres fonctions bio-
L’érosion générée par les événements ton, crustacés, mollusques). logiques comme la reproduction. On
climatiques extrêmes appauvrit les Coraux en danger. Les récifs coral- estime qu’environ 20 % des récifs ont
conditions de vie dans les habitats liens recouvrent une faible surface des disparu, que 25 % sont en danger de
côtiers, tels les mangroves et les her- océans (0,08 à 0,16 %) mais abritent nos jours et que 25 % supplémentaires
biers, propices à la reproduction des près d’un tiers des espèces marines seront menacés d’ici à 2050 si aucune
espèces et à la captation du CO2. Quant connues. Ils sont très sensibles aux action n’est menée pour les préserver.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 53
Océan
Indien AUSTRALIE
2030 CHINE
Océan
Pacifique
Océan
Indien AUSTRALIE
Source : World Resources
Institute, Reefs at Risk
Revisited, 2011.
Récifs de corail
>1 % Secteurs étudiés
18 % Proportion de récifs :
Secteur
Gr
Nord Mer
Totalement blanchis
an
de Corail
81 % Partiellement blanchis
de
10 % Encore intacts
ba
Port Douglas
rr
iè
Cairns e Secteur 33 %
r
d central
e
co 57 %
ra
il
Townsville 1%
Mackay Secteur 25 %
Sud
AUSTRALIE
QUEENSLAND 74 %
300 km
La pêche à l’épreuve
du réchauffement
42 millions de pêcheurs (maritimes et continentaux) et de pisciculteurs ainsi que des centaines de
millions de personnes participent aux activités du secteur. Si ce n’est pas le cas partout, dans certaines
zones du globe, la productivité de la pêche en mer est globalement vouée à diminuer sous l’effet du
changement climatique. Les économies les plus fragiles et les plus dépendantes seront menacées
(et, avec elles, la sécurité alimentaire de millions de personnes), les autres chercheront les moyens
de s’y adapter. La pêche en eau douce suit, elle, une autre logique.
Les impacts du réchauffement de plus en plus pêchés. Ces migrations Des pêcheurs en danger. Dans cer-
sur la pêche en mer ont pour conséquence l’ouverture de taines régions, pour faire face à ces bou-
Pour 2,8 milliards d’êtres humains, le nouvelles zones d’activités. leversements qui s’ajoutent parfois aux
poisson représente environ 20 % des Une réduction de la biomasse. Autre problèmes de surpêche, non seulement
apports en protéines animales. Ce effet complexe du climat : la diminution les pêcheurs vont devoir aller pêcher
chiffre peut atteindre 50 % dans les de la biomasse de certaines espèces, plus au large – d’où un coût en carbu-
régions les plus pauvres du monde et comme le cabillaud en mer du Nord et rant et un impact en émission de GES
grimper jusqu’à 90 % dans les petits en mer Baltique. Dans le premier cas, non négligeables –, mais ils risquent de
États insulaires et les zones côtières. cette baisse des stocks est causée voir leurs prises diminuer. Sans compter
Des migrations. Sous la pression du par les déplacements de populations que la reconstitution des stocks de cer-
changement climatique, des pois- de planctons dont se nourrissent les taines espèces imposera peut-être des
sons, des mollusques et des crustacés larves de cabillaud. Celles qui les rem- quotas de pêche plus restrictifs, dont
remontent vers les pôles à la recherche placent viennent du sud, sont moins les professionnels souffriront à coup sûr.
d’eaux plus froides, soit parce que leur abondantes et ne semblent pas conve- Ces contraintes affecteront surtout l’ac-
organisme en a besoin, soit parce qu’ils nir au stade larvaire du cabillaud. Dans tivité à l’économie fragile des pêcheurs
suivent la migration des végétaux, la Baltique, le problème est tout autre : artisanaux qui ont modernisé leurs outils
planctons et autres organismes marins la baisse de salinité ne maintient plus (bateaux, engins de pêche) et ont besoin
dont ils se nourrissent. Par exemple, le les œufs de cabillaud en suspension de rembourser leurs emprunts bancaires.
rouget de roche et le bar, que l’on ren- suffisamment longtemps. Ils coulent Pour beaucoup d’îles, notamment les
contrait peu au nord de la Manche il y a vers le fond, où le manque d’oxygène États insulaires du Pacifique, la ressource
quelques décennies, y sont aujourd’hui rend leur survie difficile. halieutique est essentielle pour la sécurité
LA VULNÉRABILITÉ DES ÉCONOMIES FACE AUX IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT SUR LA PÊCHE Une économie
en danger
La production
mondiale des pêches
de capture et de
l’aquaculture s’élève
à 171 millions t/an.
La proportion des stocks
de poissons marins
exploités durablement
est passée de 90 % en
1974 à 66,9 % en 2015.
Dans certaines régions
du Sud, l’économie de
la pêche, déjà fragile,
est à la merci de prises
de pêche en baisse
(notamment du fait
d’un manque d’oxygène
pour les poissons dans
la couche supérieure
de l’océan), d’une
éventuelle dégradation
Vulnérabilité des économies nationales aux impacts des écosystèmes
du changement climatique sur la pêche marins, et de
Absence la submersion de
de données Très faible Faible Modérée Forte ses installations.
Source : Allison et al., Vulnerability of national economies to the impacts of climate change on fisheries, Fish and Fisheries, 2009.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 55
Évolution des captures entre 2005 et 2055 Diminution (<–0,50 à –0,005) Augmentation (>0,005 à >0,50)
due au réchauffement climatique, en tonnes/km2 Source : W.W.L. Cheung et al., Global Change Biology, 2009.
alimentaire de leur population. Elle repré- – qui dépendent de ce secteur et sont alimentaire et l’emploi dans de nom-
sente également une rentrée de devises pour moitié exercés par des femmes. breux pays du Sud.
importante, grâce à la vente de droits de L’Afrique et l’Asie assurent 80 % des
pêche aux armateurs de pays riches. prises d’eau douce mondiales. Si le
réchauffement climatique influe favo- DES SPÉCIFICITÉS RÉGIONALES
La pêche en eau douce rablement sur la croissance des pois-
La pêche continentale est d’une impor- sons d’eau douce, il sera particulière-
Proportion des navires de pêche
en eaux continentales et en mer,
tance vitale pour l’alimentation et les ment marqué dans certaines régions de
par région
revenus des habitants des pays en ces deux continents. Cela se traduira
Eaux Haute mer
développement. Au total, rivières et par une diminution des précipitations, continentales
lacs fournissent 13 millions de tonnes l’assèchement temporaire (ou définitif)
de poissons annuellement, et ce seule- des cours d’eau, un abaissement du
ment si l’on tient compte des captures niveau des lacs, processus déjà entamé
déclarées, mais probablement plus du par l’augmentation des prélèvements
double en réalité. Cette activité génère en eau des populations. Si l’on ajoute
60 millions d’emplois : des pêcheurs à cela les impacts de la pollution et de
en grand nombre certes, mais aussi la surpêche, nul doute que les consé-
d’autres métiers – dont les marchands quences seront lourdes sur la sécurité
Asie
PRÉSENCE DE LA TRUITE FARIO EN FRANCE
Distribution prédite de la truite fario en France continentale
Période actuelle 2051-2080 Afrique
Amérique
latine et
Caraïbes
Amérique
du Nord
Proche-Orient
Europe
Pacifique
Source : Laëtitia Buisson, Poissons des rivières françaises et changement climatique :
impact sur la distribution des espèces et incertitudes des projections, INP Toulouse, 2009. Source : FAO, 2013. et Océanie
56
Un bouleversement agricole
L’agriculture est le premier secteur économique concerné par le changement climatique, tant celui-ci
impacte les ressources nécessaires à son exercice et les espèces cultivées. Si le réchauffement ouvrira
de nouvelles possibilités de cultures, notamment dans les pays de hautes latitudes, la raréfaction
de l’eau et l’appauvrissement des sols poseront d’immenses problèmes dans les basses latitudes.
Selon les Nations unies, d’ici à 2080, 600 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir
d’insécurité alimentaire sous l’effet du changement climatique. Avec à la clé, migrations et conflits.
La santé en question
Air pur, eau potable et nourriture en quantités suffisantes, sécurité des logements : le réchauffement
climatique influe directement ou indirectement sur nombre d’éléments déterminants pour la santé.
De plus, les scientifiques attendent dans les prochaines décennies une recrudescence des allergies,
des maladies infectieuses ou parasitaires… mais ignorent les formes précises d’adaptation
et de mutations des nouveaux pathogènes qui s’épanouiront alors.
Plus chaud, plus risqué IMPACTS DES CRUES DE 2010 AU PAKISTAN Un drame sanitaire
On se souvient des 70 000 morts Étendue de la crue (du De juillet à décembre
causés en Europe par la canicule de 2010, l’Indus et ses
8 août au 16 sept. 2010) affluents ont inondé
2003 (hyperthermie, coup de chaleur, Régions inondées un quart du Pakistan,
déshydratation aiguë des individus). (au 20 sept. 2010) faisant entre 1 800
La modification de la fréquence des Sévèrement et 3 000 morts selon
les estimations. La
vagues de chaleur, comme de tout touchées catastrophe a affecté
Moyennement Islamabad
autre événement extrême, a un effet 21 millions d’habitants
touchées (soit environ 12 % de
direct sur la santé humaine. Il en est
Zones la population) et
de même de la variabilité des précipita- intactes privé 10 millions de
tions, de l’élévation de la température personnes de leur
logement. L’inondation
moyenne et de l’exposition accrue aux Lahore a détruit 3,6 millions
rayons ultraviolets. d’hectares agricoles,
PAKISTAN les silos, les cheptels,
L’élévation de la température moyenne
les outils ; désorganisé
présente quelques avantages pour la les transports ; fermé
santé : elle fait notamment baisser la des milliers d’écoles ;
contraint une partie
mortalité en hiver dans les zones tem-
us des réfugiés à passer
pérées. Toutefois, lorsqu’elle dépasse Ind l’hiver dans des camps
25 °C, le risque de mortalité s’en trouve de toile ; causé des
problèmes sanitaires
accru, en particulier chez les popu- (maladies respiratoires
lations vulnérables que sont les per- Centres de traitement et diarrhéiques,
sonnes âgées, malades ou handica- des maladies diarrhéiques infections cutanées).
Les pertes sont
pées, les jeunes enfants et les individus (4 octobre 2010) estimées par le ministre
en situation précaire. Elle favorise égale- Établis pakistanais des
En cours d’établissement Affaires étrangères à
ment la recrudescence de maladies car- 43 milliards de dollars.
diovasculaires, cérébro-vasculaires, res- Karachi Pôles et groupes de
piratoires, métaboliques ou psychiques. 100 km responsabilité sectorielles
La hausse des températures, notam- Santé de l’OMS
ment au printemps, permet aussi des Source : Atlas de la santé et du climat, OMS, OMM, 2012.
floraisons abondantes, donc davan-
tage de pollens en suspension dans les personnes au risque de cancers potentielles transformations du pay-
l’air, avec leurs effets allergènes (rhi- cutanés : en France, ceux-ci ont aug- sage infectieux d’une région. L’humidité
nites, crises d’asthme, eczémas, menté de 45 % chez les hommes et et la chaleur sont des facteurs de déve-
œdèmes). Le déplacement vers le nord de 19 % chez les femmes entre 1990 loppement de nombreux champignons
des aires de répartition des plantes à et 2010. microscopiques et de bactéries. La
pollen abondant – bouleau, cyprès, multiplication des épisodes exception-
olivier, arganier… – n’arrange rien. Un Plus de microbes, nels de fortes précipitations devrait,
seul pied d’ambroisie (espèce inva- plus d’infections par exemple, entraîner une augmen-
sive), libère 2,5 milliards de grains de Selon le Haut Conseil de la santé tation des moisissures dans l’air exté-
pollen en une journée. publique, « les changements clima- rieur et à l’intérieur des habitations sous
Par ailleurs, l’augmentation du nombre tiques peuvent modifier et rendre nos latitudes. Celles-ci sont source de
annuel de journées estivales (quand la imprévisibles les évolutions des particules (glucanes, particules orga-
température dépasse les 25 °C) expose espèces microbiennes », entraînant de niques volatiles, mycotoxines, spores)
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 59
Réfugiés climatiques
et populations déplacées
Les réfugiés climatiques fuient des situations différentes et complexes : soit des événements
climatiques extrêmes et soudains (ouragans, tempêtes, inondations, etc.), soit des dégradations
progressives et lentes de leurs territoires et des écosystèmes (sécheresse, montée des eaux,
fonte des glaces…). La majorité des sinistrés émigre localement, sauf ceux qui n’ont aucun espoir
de retour, notamment les habitants des zones submergées ou en voie de submersion.
Des régions entières menacées grand comme la moitié de la France. Des déplacements
De 2008 à 2013, 27 millions de per- Les 152 millions de Bangladais vivent problématiques
sonnes par an en moyenne, de à moins de 12 mètres au-dessus du Migrations nationales. Les millions
119 pays, ont dû fuir leur domicile sous niveau de la mer, et environ 10 % du de personnes qui quittent leur habi-
la pression climatique. En Chine, le territoire est situé en dessous du niveau tation pour raisons climatiques se
désert de Gobi progresse de près de de la mer. Au rythme actuel, la surface dirigent le plus souvent vers les villes
10 000 km2 par an et se rapproche de hors d’eau du pays pourrait se réduire épargnées les plus proches. L’Asie est
Pékin. Dans la zone arctique, la fonte du de 17 % d’ici 2100. Dans le delta du le continent le plus touché et compte
pergélisol va contraindre à l’exode les Nil, les 24 000 km2 à moins de 2 mètres 87 % des migrants climatiques inté
peuples du Grand Nord. Les pays les au-dessus du niveau de la mer abritent rieurs recensés en 2014. L’Afrique tient
plus vulnérables au changement clima- 19,4 millions de personnes et regroupent la seconde place mais sa population
tique sont loin d’être ceux qui émettent 40 % de la production agricole égyp- étant appelée à doubler d’ici 2050, les
le plus de CO2. tienne. Si la mer monte de 1 mètre, un risques de déplacement vont y aug-
Les deltas. L’élévation du niveau de la quart du delta sera inondé et 10 % de la menter plus rapidement qu’ailleurs. La
mer impacte particulièrement les grands population du pays sera forcée à migrer ; pression démographique aux abords
deltas, souvent densément peuplés, tel sans compter que 60 % des territoires des mégalopoles du Sud va perturber
celui du Gange et du Brahmapoutre, à de la région seront touchés d’ici 2100 l’accès aux ressources et aux infra-
cheval sur l’Inde et le Bangladesh, et par la salinisation des eaux souterraines. structures de base, avec le risque
Honduras 5,9
1,1 Philippines
4,3
Somalie
Amériques Indonésie
3
0,6 Asie de l’Est
et Pacifique
Afrique
subsaharienne Asie du Sud
5,1 Les dix pays les plus affectés par les catastrophes naturelles*
4,4 4,4
3,9 en 2020, en millions de nouveaux déplacés
1,7
1,3 1 0,9 0,8 0,7
Chine Philippines Bangladesh Inde États-Unis Vietnam Somalie Honduras Pakistan Indonésie
*Y compris les événements géophysiques (éruptions, séismes, tsunamis). Source : NRC/IDMC, Internal Displacement in a Changing Climate, 2021.
Le coût du réchauffement
En 2006, Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, a secoué le monde
politique et financier avec un rapport de 700 pages sur le coût du réchauffement climatique. Les
scientifiques ne sont plus les seuls à tirer la sonnette d’alarme. Le rapport souligne clairement le défi :
les bénéfices d’une action forte et rapide dépassent considérablement les coûts de l’inaction et ne pas
tenir compte du changement climatique portera préjudice, tôt ou tard, à la croissance économique.
l’économiste indien Pavan Sukhdev LES COÛTS ANNUELS DE L’ADAPTATION PAR SECTEUR,
publie un rapport fruit de trois ans de DANS LES PAYS DÉVELOPPÉS
recherches (L’économie des écosys- En milliards de dollars américains (constants, base 2005)
tèmes et de la biodiversité) qui estime
la valeur économique des services ren- Infrastructures
dus par les écosystèmes à 29 000 mil-
Zones côtières
liards de dollars. Concrètement, la
disparition des récifs coralliens dont Adduction d’eau et
dépendent 30 millions de personnes, protection contre les crues
qui abritent 1 à 3 millions d’espèces et Agriculture, forêts
protègent les côtes pendant les tem- et pêche
UNFCC (2007)
pêtes, coûterait 120 milliards d’euros Santé humaine Banque mondiale
par an pour l’absence des services
Événements Marge d’incertitude
rendus, sans compter les impacts tou- climatiques extrêmes
ristiques. Ces types de coûts ne sont 0 10 20 30 40
jamais intégrés dans les analyses éco- Source : GIEC, 5e Rapport, Changements climatiques, 2014.
EN CONCLUSION
Les impacts
du réchauffement
climatique
DES BOULEVERSEMENTS
D’AMPLEUR
Fonte des glaces terrestres et marines,
événements extrêmes (tempêtes,
canicules…), hausse des températures
moyennes, migration des espèces
animales, modification des chaînes
trophiques et des écosystèmes,
altérations de la ressource en eau douce,
montée du niveau des mers… Les impacts
du changement climatique sont, on l’a vu,
nombreux et variés.
DES CONSÉQUENCES
POUR L’HOMME
Si le réchauffement nous ouvre de
nouvelles voies de communications et
de nouveaux territoires de prospections
minières, il induit aussi dans certaines
régions du monde des déplacements
de population et des risques sanitaires.
Les catastrophes naturelles, par exemple,
détruisent infrastructures et habitations ;
les zones littorales, souvent très peuplées,
subissent des submersions ; les cultures
ou les ressources halieutiques, ici ou là,
se trouvent altérées, menaçant la sécurité
alimentaire de populations entières.
L’ampleur de ces impacts varie selon
les régions, notamment dans les réponses
que les hommes sont en mesure de
lui apporter, mais globalement, le
changement climatique affecte notre
environnement, notre économie et nos
modes de vie.
65
Le temps
de l’action
Grâce à bientôt trente ans de travail scientifique
transdisciplinaire et international, nous disposons d’une
analyse précise du changement climatique. Derrière
ce changement se profile l’ombre de la révolution industrielle.
Elle a introduit les énergies fossiles dans l’ensemble des
activités humaines, nous obligeant aujourd’hui à revoir
nos modes de vie.
Cette mutation en cours suit deux axes principaux :
l’atténuation, voire la suppression, des émissions de gaz
à effet de serre et l’adaptation de nos sociétés aux
conséquences multiples d’une élévation de température
désormais inévitable.
Aucune activité n’échappe à une révision générale de son
mode de production et d’usage – logement, transport, industrie,
agriculture, BTP… Pour chaque cas, les solutions existent ou
a minima les chemins pour en trouver. Il faut encore travailler
à leur acceptation sociale et s’entendre sur les moyens de les
financer. L’argent reste le point sensible qui divise les pays du
Nord, historiquement émetteurs de GES, et les pays du Sud,
qui en subissent les conséquences sans avoir beaucoup émis
par le passé. Ces derniers doivent renoncer à une promesse
de développement carboné devenue obsolète.
66
Les travaux du GIEC stratégies d’adaptation aux nouvelles informatiques qui accouchaient de
Créé en novembre 1988 à l’initiative du situations climatiques. projections d’évolutions régionales ou
G7 par l’Organisation météorologique Virage méthodologique. Dans leurs globales du climat. On y simulait les
mondiale (OMM) et le Programme des quatre premiers rapports, les scien- impacts de chaque option sur les éco-
Nations unies pour l’environnement tifiques du GIEC avaient eu recours systèmes et leurs conséquences pour
(PNUE), le Groupe d’experts intergou- à des scénarios socio-économiques la société humaine (agriculture, santé,
vernemental sur l’évolution du climat basés sur un large éventail de critères, etc.). Ces scénarios linéaires et longs
(GIEC) a pour mission de passer en prenant en compte à la fois les choix à calculer, datant de la fin des années
revue les travaux scientifiques ayant énergétiques et économiques des 1990, ont été validés par les observa-
pour objet le changement climatique, pays, la démographie, l’offre techno- tions scientifiques mais ils ne prenaient
d’évaluer les conséquences de ce logique, ou encore les changements pas en compte le développement des
dernier et de se projeter dans l’ave- de comportements individuels. Les pays émergents ni les effets des pre-
nir de nos sociétés afin de mettre au résultats de ces scénarios étaient mières politiques de réduction des
point des stratégies d’atténuation des convertis en émissions de gaz à effet émissions de GES et les rétroactions
émissions de gaz à effet de serre et des de serre pour alimenter des modèles qui leur sont liées.
Émissions annuelles de CO2 issues des combustibles fossiles Nom de code du scénario,
selon les différents scénarios utilisés pour les simulations climatiques qui fait référence au forçage
(en milliards de tonnes de carbone/an) radiatif à l’échéance 2100
35 SSP5-85
Catégories de scénarios :
SSP1 : développement durable
30
SSP2 : poursuite des tendances
SSP3 : fragmentation
25
SSP4 : inégalités Niveau SSP3-70L
des émissions SSP2-70
SSP5 : développement conventionnel en 2019
20
(estimation)
15
10
SSP4-60
5
SSP2-4.5
0
SSP1-26
SSP1-19
–20
SSP4-34
SSP5-34-OS
1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020 2040 2060 2080 2100
Note : SSP = trajectoire socio-économique. Source : GIEC, 6e Rapport, Changements climatiques 2021, chap. 1, 2021.
LE TEMPS DE L’ACTION • 67
Pour leur cinquième rapport, paru trajectoires d’évolution des concentra- Tout dépend du mode de vie
en 2014, les membres du GIEC ont tions de GES dans l’atmosphère et de Si les climatologues ont conçu les pro-
changé de méthode. Ils ont demandé l’occupation des sols. jections climatiques correspondant à
à la communauté scientifique mon- ces SSP, parallèlement, les sociologues
diale de mettre au point trois types LES SCÉNARIOS SSP et les économistes ont mis au point des
de scénarios : scénarios climatiques SSP 1 - 2,6 est la première option sur
scénarios de développement socio-
(concentration de CO2 dans l’atmos- l’avenir. Elle prévoit un pic de forçage économique (urbanisation, consom-
phère, exprimée en ppm) ; scénarios radiatif à 3 W/m2 bien avant 2100, mation, transports, démographie…) et
de forçages radiatifs (changement du puis son déclin lié aux politiques de ont calculé les coûts d’adaptation et
bilan radiatif – rayonnement descen- réduction des émissions afin de limiter d’atténuation correspondant aux émis-
dant moins rayonnement montant – au le réchauffement planétaire à 2 °C. sions de GES de chaque SSP. Ces tra-
sommet de la troposphère, exprimé en SSP 2 - 4,5 annonce 4,5 W/m2 avec vaux ont fait apparaître cinq familles de
W/m2), scénarios socio-économiques. une stabilisation après 2100, donc une scénarios décrivant différentes combi-
élévation de température moyenne naisons d’évolution des sociétés pour
maximum de 2,6 °C.
Quatre options pour le futur chacun des modèles. Certains SSP sont
À partir de 300 scénarios publiés dans SSP 3 - 7 affiche 7 W/m2, également compatibles avec une partie des profils
la littérature, les scientifiques du GIEC avec une stabilisation après 2100, d’émission, d’autres non – c’est-à-dire
ont défini quatre profils d’évolution mais entre + 1,4 et 3,1 °C sur le que le mode de vie correspondant à tel
thermomètre.
des concentrations de gaz à effet de SSP ne permet pas de limiter les émis-
serre, d’ozone et de précurseurs des SSP 5 - 8,5 nous embarque au-dessus sions de GES au niveau requis. Les
aérosols pour le xxie siècle et jusqu’en de 8,5 W/m2 en 2100, avec une responsables politiques et autres déci-
2300, dits scénarios SSP (Shared trajectoire croissante annonçant un deurs économiques sont ainsi mieux à
réchauffement moyen de 3,3 à 5,7 °C.
Socioeconomic Pathways). Ces pro- même de prendre des décisions.
C’est bien sûr le pire des scénarios.
fils SSP correspondent chacun à des
68
La prise de conscience
du réchauffement
Il y a près de deux siècles, en 1827, à l’orée de la révolution industrielle, un physicien découvrait
l’effet de serre. Il y a un demi-siècle, en 1967, deux climatologues prouvaient le lien entre
concentration de CO2 et forçage radiatif. Depuis, le monde a pris conscience du phénomène
du réchauffement climatique et est entré dans une longue phase de négociation pour définir
les responsabilités et les décisions à prendre.
On peut dater l’intérêt scientifique pour scientifiques mondiaux afin d’aider à la PaysAUTEURS
LES d’origineDU
des6principaux
e RAPPORTauteurs
-Unis
rétention partielle des radiations solaires conscience de l’épuisement des res-
par l’atmosphère et nomma pour la pre- sources naturelles (chocs pétroliers Autres pays
États
mière fois l’« effet de serre ». de 1973 et 1979) et après un épisode ni
y.-U
de sécheresse meurtrier en Éthiopie Ro
La prise de conscience (1984-1985), le rapport de Gro Harlem
Australie
institutionnelle Brundtland, intitulé « Notre avenir Mex.
Rus.g. Chine
Il fallut attendre 1979 et la première à tous », paraît en 1987. Il définit le Ar p. All
Es utr. em
Conférence mondiale sur le climat « développement soutenable » et l’ar- A .-Z. -Bas ag
ne
N ays
Brésie S.
pour que l’ONU confie à l’Organisa- chitecture du Sommet de la Terre de
Afr uisse
P
e
Ital . du
Ja
Canada
Norvèg
po
France
tion météorologique mondiale (OMM), Rio en 1992, où sont adoptées par
S
il
Inde
n
au Programme des Nations unies pour la communauté internationale trois
l’environnement (PNUE) et au Conseil Conventions-cadres des Nations unies
international des unions scientifiques prenant en compte les enjeux écolo- Total :
(CIUS) la mission de construire un pro- giques de la planète. C’est dans le cadre plus de 730 auteurs
gramme de recherche climatologique de la CCNUCC, aujourd’hui ratifiée par venant de 87 pays
mondial. Il en découlera la création du 195 pays sur les 197 reconnus par Source : GIEC, 6e Rapport, 2021.
GIEC, en 1988, pour faire la recension, l’ONU, que se déroule chaque année
l’analyse et la synthèse des travaux une Conférence des parties signataires
(COP). En 1997, la COP3 a lancé le pro- LES GRANDES DATES DE LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
tocole de Kyoto sur la réduction des
émissions de GES, actuellement ratifié
Influences de la société civile 1970 Initiatives de l’ONU
par 184 pays à l’exception notable des
1971
États-Unis, un des plus gros émetteurs Principales associations 1972 Sommets de la Terre
de GES. environnementales
1973 Stockholm : Création du
Sierra Club (fondée 1974 Programme des Nations
Le pouvoir de la société civile en 1882) 1975 unies pour l’environnement
Oxfam (1942) 1976
Chaque rapport du GIEC met les res-
1977
ponsables politiques et économiques World Wide Fund 1978
devant leurs responsabilités. Dès la For Nature (WWF, 1961) 1979
publication du premier, les ONG écolo- Amis de la Terre (1969) 1980
gistes – telles Greenpeace ou WWF – se 1981
Greenpeace (1971) 1982 Nairobi
sont emparées des études scientifiques 1983
pour mobiliser l’opinion publique et par 1984
là presser le personnel politique d’agir. 1985
C’est ainsi que les COP et autres som- 1986
Les scientifiques Rio : Adoption de la Convention-
1987
mets onusiens admettent en leur sein
Création du Giec cadre des Nations unies sur les
1988
des organisations de la société civile. De changements climatiques
1989
leur côté, les lobbies industriels et agro- 1er rapport du Giec (CCNUCC), de l’Agenda 21, et
1990
déclaration sur le développement
industriels touchés par une réduction 1991
durable
des émissions de GES tentent de ralen- 2e rapport du Giec, 1992
qui affirme qu’« un faisceau 1993 Principales COP1
tir les décisions néfastes à leurs intérêts. d’éléments suggère une 1994 COP1 Berlin : Première
Le changement climatique augmente au influence perceptible de 1995 conférence des parties
quotidien la concurrence entre les per- l’homme sur le climat » 1996 de la CCNUCC
sonnes et, au-delà, la compétition entre 1997 COP3 Kyoto : Adoption
3e rapport du Giec, 1998 du Protocole de Kyoto
leurs gouvernements pour le contrôle
qui affirme que « certains 1999 1. Conférence des parties de la
des ressources naturelles. Il provoque aspects de l’évolution 2000 Convention-cadre des Nations unies
sur les changements climatiques
aussi des migrations, des crises huma- climatique sont imputables 2001
nitaires ou sanitaires, autant de causes aux activités humaines » 2002 Johannesburg
de paupérisation et d’insécurité. Les 2003
4 rapport du Giec,
e
2004
vieilles démocraties ne sont pas à l’abri qui juge « très probable » 2005 COP15 Copenhague :
de déstabilisations sous la pression de le rôle des activités humaines 2006 Engagement non contraignant
la raréfaction de l’eau, de la submersion dans l’augmentation des 2007 à limiter la hausse des tempéra-
des zones littorales, de mouvements températures moyennes 2008 tures à 2 °C d’ici 2050
2009
migratoires. COP17 Durban : Lancement
2010
5e rapport du Giec, qui 2011 du Fonds vert pour le climat
Inquiétudes juge « extrêmement probable » 2012 Rio + 20
Les états-majors militaires intègrent de le rôle des activités humaines 2013
dans l’augmentation des 2014 COP21 Paris : Objectif de signature
plus en plus dans leurs analyses géopo- d’un nouveau traité global de
températures moyennes et 2015
litiques le rôle du climat comme multi- détaille les impacts et les 2016 réduction des émissions de CO2
plicateur de risques et menaces dans le risques sur tous les continents 2017 Suite à l’élection de Donald
cocktail complexe des situations natio- 2018 Trump, les États-Unis se retirent
nales et des relations internationales où 2019 de l’accord de Paris
2020
s’entrechoquent un grand nombre de 6e rapport du Giec Élection de Joe Biden, les États-
2021
facteurs politiques, démographiques, Unis réintègrent l’accord de Paris
économiques, culturels, religieux. Les Source : Réseau Action Climat, Kit pédagogique sur les changements climatiques, 2015 (actualisé).
spécialistes des conflits redoutent
l’exploitation, par des agitateurs natio-
nalistes ou djihadistes, du désarroi de une crise économique et alimentaire leurs droits (de pêche, de prospection,
populations victimes du changement cli- propice aux exactions de la secte isla- d’aquaculture, de parcs naturels, etc.)
matique, de la surexploitation des res- miste et guerrière Boko Haram. sur la ZEE de leur pays englouti ? Où
sources naturelles, de la famine et du La hausse du niveau des mers va-t-elle iront s’installer ces populations dont
sous-développement. Pour mémoire, le remettre en cause la délimitation poli- le territoire sera devenu inhabitable?
conflit syrien a été précédé de plusieurs tique du trait de côte avec pour consé- Comment choisir le pays d’accueil ?
années de sécheresse qui ont provoqué quence une révision de la ZEE qui lui est Évoquées dans les couloirs des COP,
un énorme exode rural. Tout comme attachée par la Convention de Montego ces questions ne sont toujours pas, pour
l’assèchement du lac Tchad provoque Bay ? Les États insulaires garderont-ils le moment, à l’agenda des États.
72
Les difficultés de la
gouvernance mondiale
La lutte contre le réchauffement climatique n’est envisageable qu’à l’échelle planétaire.
Elle oblige de fait pays et sociétés à mettre en œuvre une coopération efficace. Elle est
par conséquent à l’origine d’une gouvernance mondiale, certes imparfaite, mais unique
en son genre, dans le dépassement des singularités voire des égoïsmes nationaux.
Tout cela prend du temps, alors qu’il est urgent d’agir.
La promesse de Paris a minima à +3° C. C’est donc aux COP Donald Trump ne voit dans l’accord de
L’accord de Paris (COP21) marque un suivantes de trouver les chemins pour Paris qu’une façon « d’autoriser des
bond en avant dans les efforts pour tenir l’objectif de Paris d’une limitation bureaucrates étrangers à contrôler la
appliquer une politique mondiale de du changement climatique. quantité d’énergie que nous utilisons ».
lutte contre le réchauffement clima- La COP22 (Marrakech, Maroc) se Les États-Unis étant le deuxième émet-
tique. Aboutissement de quatre ans remarque par l’entrée de l’Afrique dans teur mondial de GES après la Chine,
de négociations, cet accord signé la lutte climatique et la cohésion de la on a craint que la décision de Donald
le 12 décembre 2015, par 195 États communauté internationale face à l’élec- Trump de retirer son pays de l’accord
(aujourd’hui par la totalité sauf les tion de Donald Trump à la présidence de Paris porte un coup fatal à la dyna-
États-Unis), les accordent sur le des États-Unis. Les 54 États africains y mique amorcée vingt-cinq ans plus tôt.
constat scientifique, l’urgence à agir mettent en avant l’importance primor- C’est le contraire qui s’est passé. De
pour contenir le réchauffement de diale de leur adaptation au changement nombreux États ont immédiatement fait
la planète entre 1,5° C et 2° C à la fin climatique, les enjeux démographiques savoir leur volonté de poursuivre leurs
du siècle. Pour ce faire, ils s’engagent et alimentaires. En filigrane, pointe efforts de réduction d’émissions de
sur des objectifs nationaux de limita- l’idée de faire converger la lutte contre GES. La société civile mondiale a pris
tion des émissions de GES à mettre en le réchauffement climatique avec les conscience de son rôle décisif pour pres-
œuvre à partir de 2020. Cependant, la 17 Objectifs du développement durable ser les États à hausser leurs ambitions
somme de ces engagements n’est pas (ODD) définis en 2015 par l’ONU pour de transition climatique. Dans cet esprit,
à la hauteur des besoins : elle mène être atteints en 2030. le Partenariat de Marrakech pour l’action
Indonésie
Brésil
Afrique Australie
du Sud
LE TEMPS DE L’ACTION • 73
5e
23e 55e
Palier délicat 61e 50 e 45e
59e 33e
La COP23, sous présidence de la États-Unis 7 e
Comment trouver
des financements ?
Les pays industrialisés ont les capacités financières et technologiques de relever les défis
du changement climatique. Il leur incombe juste de choisir les politiques et les outils
pour y parvenir. Les pays en développement et les pays les moins avancés ne pourront
atténuer le changement climatique et s’y adapter qu’avec le soutien financier et technique
des États historiquement responsables du taux de CO2 dans l’atmosphère.
Mécanisme fédéral
canadien Norvège Suède Finlande
.
.-O
t . N un .
Sas . Terr.
Islande
Ma . du N
Dan. Estonie
Colombie T.-N. Lettonie
c
n.
Roy.-Uni
Alb
Brit.
ébe
et L. Ukraine
On Irlande
Qu
France Kazakhstan
RGGI1 Japon
Cal. Mass. U.E. Chine
Suisse
Slovénie Corée du Sud
Mexique
Thaïlande
Colombie
Singapour
Japon
Afrique Corée
Argentine du Sud Pékin du Sud Saitama
Chili Tianjin
Chine Nouvelle-
Système de quotas d’émission en place Hubei Tokyo Zélande
Taxe carbone en place Chongqing
Shanghai
Compensation carbone : des efforts très variables Guangdong
Taxation effective des émissions de CO2, par rapport au niveau
Shenzen
recommandé par la directive EUR30 (exemples de pays)
Suisse 73 %
France 59 %
Roy.-Uni 58 %
Allemagne 47 %
Japon 31 %
1
Initiative régionale contre les gaz à effet de serre,
États-Unis 25 % association regroupant le Connecticut, le Delaware,
Inde 14 % le Maine, le Maryland, le Massachusetts, le New
Hampshire, l’État de New York, le Rhode Island
Chine 10 %
et le Vermont.
Russie 0 %
Sources : Ministère de la transition écologique, 2021; OCDE, 2018.
Italie 0,2,25
22
Une technologie du xxe siècle du quart des émissions de CO2. Pour (qui se soigne généralement bien).
Le nucléaire permet d’utiliser l’énergie une partie de la communauté scien- Pour Fukushima, cette même agence
contenue dans le noyau des atomes. tifique et les grands acteurs écono- de l’ONU estime que, compte tenu
C’est une source d’énergie relative- miques du secteur, l’option nucléaire de la faiblesse des doses reçues par
ment récente puisque les premiers permet de lutter contre l’augmentation les populations et les travailleurs de la
réacteurs ont été développés dans les de l’effet de serre et le réchauffement centrale, il n’y aura aucune augmenta-
années 1950. Le nucléaire a le poten- climatique. Pour une autre partie de la tion observable des cancers et autres
tiel d’offrir une énergie électrique abon- communauté scientifique et d’autres maladies.
dante et pilotable, c’est-à-dire dispo- acteurs économiques, le nucléaire est Les opposants au nucléaire consi-
nible à la demande, et ce avec des un frein à la transition énergétique car dèrent, de leur côté, que les consé-
émissions de CO2 très faibles, com- son développement pourrait nuire à quences sanitaires de ces acci-
parables à celles des énergies renou- celui des énergies renouvelables (EnR). dents sont difficilement évaluables
velables. En effet, le fonctionnement (notamment dans l’augmentation du
d’un réacteur nucléaire n’émet pas Des accidents majeurs nombre de cancers ou des altérations
de CO2, mais sa construction néces- Les accidents des centrales nucléaires génétiques).
site de grandes quantités de béton et de Three-miles-Island (1979, États- Enfin, le volume de déchets prove-
d’acier, ce qui conduit à des émissionsUnis), Tchernobyl (1986, URSS) et nant des opérations de décontamina-
indirectes. De même, l’extraction du Fukushima (2011, Japon) ont montré tion post-catastrophe (28 à 55 millions
combustible et la gestion des déchets la vulnérabilité de cette technologie de m3 à Fukushima) pose un énorme
face à des erreurs humaines ou des
induisent une activité industrielle dont problème de logistique et de stockage.
les émissions de CO2 doivent être événements imprévus. La dispersion
de la radioactivité dans l’atmosphère,
imputées à la filière nucléaire. Au final, Une gestion des déchets
les émissions de CO2 induites par unitédans les sols et les végétaux, dans les discutée
d’électricité produite sont comparablesnappes phréatiques et dans l’eau de La gestion des déchets reste l’autre
à celles des meilleures énergies renou-mer peut atteindre des milliers de kilo- talon d’Achille de l’énergie nucléaire.
velables. En France, les trois quarts mètres. Par exemple, on considère que Cette industrie génère des déchets
de l’électricité produite proviennent Tchernobyl a contaminé 145 000 km2 d’un volume très limité mais extrême-
du nucléaire ce qui, ajouté à l’énergie(mais le Césium 137 est détectable ment dangereux, et qui le restent sur
hydraulique, permet à ce pays d’avoir dans le monde entier) et des rejets plusieurs dizaines de milliers d’an-
une faible empreinte carbone compte radioactifs de Fukushima ont été nées. Pour certains, la solution la plus
tenu de sa population et de son déve- détectés le long des côtes améri- sûre serait de les entreposer à grande
loppement économique. Grâce à cette caines soit à 4 000 km de la centrale. profondeur, dans des couches géolo-
part importante de l’énergie nucléaire À partir d’un certain seuil de conta- giques stables et étanches, empêchant
dans le mix électrique, la France est le
mination il faut évacuer les popula- la diffusion des éléments radioactifs
pays du G7 le moins émetteur de CO2, tions, parfois définitivement, ce qui vers la surface. Pour d’autres, il serait
mais le plus dépendant des approvi- impacte la vie économique et sociale. préférable de garder les déchets en
sionnements en uranium. L’UNSCEAR, une agence des Nations surface, ce qui permet une transmis-
unies qui analyse les effets des radia- sion de leur surveillance de génération
Une option controversée tions sur la santé, estime que, suite en génération. D’autres souhaiteraient
Comme les EnR, le nucléaire a le à l’accident de Tchernobyl, 29 per- simplement arrêter d’en produire.
potentiel de se substituer au charbon sonnes sont mortes rapidement du fait Sur les 31 pays producteurs d’éner-
qui reste la principale source d’élec- des radiations, et plus de 6 000 ont gie nucléaire, certains disposent déjà
tricité dans le monde et génère plus développé un cancer de la thyroïde d’installations souterraines accueillant
LE TEMPS DE L’ACTION • 77
Suède Rép.
8 tchèque
Allemagne 6 Finlande
8 4 Russie
Canada Pays-Bas
19 1 Slovaquie 35 Corée
4 Arménie du Sud
Roy.-Uni 24
15 Ukraine 1
États-Unis Belgique 15 Japon
99 42
7 Iran Chine
1 Pakistan 38
France Roumanie 5
Mexique 58 2 Inde Taïwan
2 22 6
Bulgarie
Espagne 2
7 Hongrie
Suisse Slovénie 4
Part de l’énergie 5 1
nucléaire dans la
production nationale Brésil
2
d’électricité en 2016
Plus de 70 %
50 à 55 % Afrique
29 à 40 % Nombre de réacteurs du Sud
Argentine en service : 448 2
13 à 22 % 3
Nombre de réacteurs
2à7% en construction : 57
Pas d’énergie nucléaire (1er octobre 2017)
Source : www.iaea.org/PRIS/, World Statistics, oct. 2017.
des déchets de faible et moyenne acti- sont nettement plus élevés que ceux contraintes de construction des maté-
vité, à vie longue ou à vie courte ; mais, des parcs solaires et éoliens ; que la riels et leur caractère intermittent dans
à ce jour, aucun n’a mis en service une multiplication des centrales nucléaires la production.
installation de stockage en formation accroît l’insécurité (trafic mafieux de Le nucléaire ne peut pas être la solution
géologique profonde pour accueil- matières radioactives, terrorisme, au changement climatique, mais pour
lir déchets de haute activité et à vie rapports de force géopolitiques entre limiter le réchauffement à 2 °C degrés,
longue. En France, il est prévu d’en- pays producteurs d’uranium et pays les centrales existantes peuvent être
fouir les déchets dans un site identifié consommateurs, réserves de minerai un des outils dans le mix de la tran-
à Bure (Marne) à 500 m de profondeur limitées). sition énergétique. Il sera très difficile
sous une couche géologique stable Le nucléaire n’apparaît donc pas de se passer des combustibles fos-
et étanche, mais les oppositions à ce comme la solution au changement siles émetteurs de CO2, sans un chan-
choix technique restent fortes. climatique mais, dans les pays où gement des modes de consomma-
il est implanté et compte tenu de la tion et donc de production. Ce serait
Sortir du charbon, du gaz capacité déjà installée, il est un des encore plus difficile de s’interdire dans
ET du nucléaire ? outils limitant les émissions de GES. le même temps l’énergie nucléaire, et
L’énergie nucléaire nécessite un haut Ayant déjà cette production de base sa sortie ne peut être que progressive.
niveau technique, une stabilité de la non carbonée, les pays nucléarisés
société et une autorité de contrôle peuvent investir massivement dans les NOMBRENombre de réacteurs
DE RÉACTEURS
indépendante. Ces exigences inter- EnR pour sortir des sources fossiles par classe
PAR CLASSE d‘âge,
D’ÂGE EN en 2021
FRANCE
disent le nucléaire à de nombreux d’énergie et ensuite réduire progressi- Moins de 30 ans
pays. Certains plaident pour son déve- vement leur dépendance au nucléaire.
loppement dans l’Union européenne, Le charbon et le pétrole sont des piliers
aux États-Unis, en Chine ou en Inde, culturels de la production d’éner-
Plus de 8
40 ans
ce qui permettrait de diminuer forte- gie. Pour les pays qui les utilisent, il 11
ment l’utilisation du charbon qui reste est très difficile de se passer de ces 31
dominante dans ces pays, et donc les combustibles fossiles émetteurs de Âge moyen à 35
émissions de CO2 associées. L’idée CO2. Leur transition énergétique est des 56 réacteurs ans
13
est séduisante mais les opposants à techniquement et financièrement plus 36,3 ans
cette solution avancent que la stabi- facile et plus rapide vers les EnR que 36 à
lité d’un régime politique est relative ; vers le poids lourd (technique, finan- 40 ans
que face à l’urgence de la transition cier, sécuritaire) nucléaire. Mais on 24
énergétique, le temps et le coût de peut également nuancer ce point de
construction des centrales nucléaires vue quand on prend en compte les Sources : EDF, RTE, 2020.
78
L’essor de la géo-ingénierie courant de la recherche scientifique : la pôles avec un film isotherme réfléchis-
Déverser des nanoparticules de fer dans géo-ingénierie. sant… Un vieux rêve de contrôler la
l’océan pour doper la croissance du phy- Elle prône l’intervention technologique météo pourrait être tenté en vaporisant
toplancton et sa capacité à absorber le à grande échelle sur ce qui influence le de l’iodure d’argent dans les nuages
CO2 afin de séquestrer davantage de climat (océan, atmosphère, carbone), pour changer leur albédo. La capture
carbone dans les fonds marins ; pulvéri- particulièrement dans deux domaines : du carbone, elle, va de la séquestration
ser des tonnes de soufre dans la stratos- la gestion du rayonnement solaire et mécanique en sous-sol – une des solu-
phère pour que les gouttelettes d’acide l’absorption et la séquestration du tions envisagées par le GIEC – à la « fer-
sulfurique qui en résultent réfléchissent CO2. Les technologies envisagées pour tilisation » des océans, en passant par la
une partie du rayonnement solaire ; réduire l’intensité des rayons du soleil modification génétique d’arbres en vue
capturer le CO2 de l’air pour l’envoyer, atteignant l’atmosphère terrestre sont d’augmenter leur potentiel de photosyn-
compressé, dans des puits de pétrole en à la démesure du problème : envoi de thèse et de faire du biochar (séquestra-
activité pour ainsi stocker le carbone et millions de vaisseaux spatiaux munis tion de CO2 + agrocarburants).
pousser les dernières gouttes de pétrole de miroirs-parasols, accroissement du
vers la surface. Ces options techno- pouvoir réfléchissant des nuages par Impossible à tester
logiques pour faire face au change- pulvérisation de particules, couverture Pensées d’emblée à l’échelle planétaire,
ment climatique sont l’expression d’un des déserts avec un film blanc et des la plupart de ces technologies sont
Russie
Suisse Moldavie
Union Ukraine
Canada Arménie
Européenne Kazakhstan
Azer. Mongolie
Croatie Ouzbékistan
Serbie Tur.
États-Unis Macéd. Syrie Tadjikistan Japon
Maroc Israël Irak Chine
Rép. Dom. Iran Pakistan
Cuba Porto Rico Mauritanie Libye Jord. E.A.U. Taïwan
Mexique Antigua Arabie S.
Mali Vietnam
Guatemala Sénégal Oman Thaïlande
Jamaïque Burkina Érythrée Cambodge Philippines
Honduras Venezuela Faso
Panama Malaisie
Côte d’Ivoire Ouganda Singapour
Équateur
Tanzanie Indonésie
Pérou Brésil
Zimbabwe Madagascar
Australie
Chili Afrique du Sud
Capture
Émissions du CO2,
Placer des réflecteurs de CO2 liquéfaction ou
en orbite congélation
Stockage en profondeur
Planter des arbres
ou des OGM absorbeurs
de carbone
Favoriser
l’érosion Stocker le CO2
sous terre ou Dans les Dans les Dans les
au fond des mers Ajouter du fer aquifères réservoirs mines de
dans les océans salins ou épuisés de charbon
au fond pétrole et désaffectées
des mers de gaz
Source : École polytechnique de Lausanne.
Source : News.bbc.co.uk.
impossibles à expérimenter. Comment stratégies de déploiement sans principe rien faire et se reposer sur le radicalisme
prévoir l’impact de l’altération de la de précaution, alors qu’ils entendent de solutions qui dureront bien le temps
composition chimique des océans sur modifier des pans entiers du fonction- d’un ou deux mandats ?
leur biodiversité ? Comment connaître nement planétaire. Ils imposent aussi À la génération suivante de se débrouil-
à l’avance les rétroactions climatiques aux générations futures de continuer à ler. Face au changement de paradigme
d’une intervention d’ampleur dans l’es- contrôler les perturbations climatiques sociétal que le bon sens impose –
pace ou la stratosphère ? Difficile éga- induites par leurs aînés. rompre avec le mythe de ressources
lement de modéliser les conséquences naturelles infinies et insensibles à la
de la panne d’un dispositif spatial mis Une démission politique ? pression anthropique –, la géo-ingénie-
en place. La géo-ingénierie a l’inquiétante vertu de rie propose de régénérer le vieux para-
L’efficacité, les effets secondaires et déculpabiliser l’ensemble des acteurs, digme de la révolution industrielle : il y
les risques d’irréversibilité de ces tech- que ce soit les responsables politiques a toujours une solution technique aux
nologies demeurent à ce jour incon- mais aussi les simples citoyens qui problèmes rencontrés. La technologie
nus. Hormis, peut-être, la séquestration profitent du mode de vie consomma- sauvera le monde. Ce type de réponse
souterraine du carbone – sous réserve teur et pollueur. Pourquoi se hâter de d’ordre technique met de côté les causes
d’études approfondies sur la sismicité prendre des décisions qui vont changer du problème posé et ne s’attaque qu’à
des lieux de stockage, essentielles les modes de vie et se mettre en porte ses effets. Cela mérite sans aucun doute
pour l’acceptation sociale du procédé à faux avec les électeurs et les poids d’être soumis au débat démocratique.
–, ces projets relèvent directement de lourds de l’économie quand on peut ne
82
Un changement
de modèle agricole
Même contenu, même atténué, le changement climatique oblige les agricultures du monde
à s’adapter pour produire à la hauteur des besoins alimentaires. Le modèle agronomique de
la « révolution verte », basé sur l’intensification de la production par les engrais de synthèse,
la concentration des exploitations et la mécanisation doit être révisé à l’aune des nouvelles contraintes
pédoclimatiques, des modifications de la biodiversité et de la réduction des émissions de GES.
00
0
00
00
00
0
10
10
Stockage
de carbone
Papayer
Protection
contre le soleil
Diversification et le vent
Maintien de
des productions Cacaoyer la biodiversité
Maïs
Bois d’œuvre
et énergie
Haricot
Lutte contre
l’érosion
Superficies en mode
Empreinte carbone, par type biologique en 2017
de viande consommée Finlande < 50 000 ha
Suède 50 000 -
CO2 Estonie
Lettonie
137 000 ha
189 000 -
269 000 ha
Danemark
Irlande Lituanie
1 kg 27 kg Royaume- Pays- 410 000 -
de bœuf équivalent Uni Bas 621 000 ha
carbone 1 373 000 -
Belgique Allemagne Pologne 2 082 000 ha
CO2 Lux.
Rép. tchèque
Part de la surface
Autriche Slovaquie
5,1 kg agricole utile (SAU)
1 kg équivalent Hongrie
en bio en 2017
de porc France Slovénie
carbone Roumanie Hors UE
Portugal Croatie 1-5%
Bulgarie 5 - 10 %
CO2
Espagne 10 - 15 %
3,7 kg Italie 15 - 20 %
1 kg équivalent Plus de 20 %
de poulet carbone Grèce
Source : Chiffres-carbone.fr, 2015. Malte Chypre
Source : Agence Bio, 2019.
en matière organique et font remonter (1 à 4 tonnes par hectare et par an). pesticides de synthèse, la consomma-
les nutriments vers les plantes culti- Ces deux méthodes sont moins méca- tion d’énergie fossile et les éructations
vées. Les mêmes racines interceptent nisées, ce qui permet une économie de méthane des ruminants.
les excès d’azote des cultures et pro- de carburant. Et l’agriculteur profite de Le menu occidental, démesurément
tègent ainsi la ressource en eau. Les deux revenus, agricole et forestier. riche en viande d’animaux nourris aux
rendements peuvent aller jusqu’à 60 % céréales pèse donc très lourd en GES.
de gain de biomasse par rapport aux Vers des régimes Variétés et races locales amènent le
cultures seules. Le maillage forestier et alimentaires locaux consommateur à redécouvrir la richesse
les haies attirent les pollinisateurs, fixent Le verdict est tombé des calculs scien- de l’agriculture de proximité. En s’éloi-
les insectes ravageurs et ceux qui, ram- tifiques : l’agriculture mondiale émet en gnant du modèle uniformisé de consom-
pants ou volant, les contrôlent, ce qui moyenne 14 % de GES dus aux activi- mation alimentaire, on gagne en bilan
limite, voire supprime, l’usage de pesti- tés humaines (30 % quand on prend en carbone (ne serait-ce qu’en termes de
cides. Côté climat, tant qu’ils poussent, compte la déforestation). Les principaux transport) et la part de gaspillage due au
les arbres séquestrent du carbone postes en accusation sont les engrais et circuit industriel diminue.
84
Vers la « mobilité durable » des besoins, us et coutumes. Elle s’ex- partie intégrante de l’urbanisme. Elle doit
Automobiles, autocars, motos, camions, prime en réseaux interconnectant les également compter dans les réflexions
cargos, trains, avions… tous les modes différents modes de transport (y com- d’aménagement du territoire pour
de transports se sont développés sur la pris l’interface transport individuel/ ce qui est des liaisons ville-banlieue
base de combustibles fossiles, propul- transport collectif) et est donc à ce titre et ville-campagne.
sant les transports individuels et collec-
tifs au rang des plus grands pollueurs : le
LA PRODUCTION MONDIALE DE BIOÉTHANOL
transport est devenu le premier émetteur
de CO2 de la planète. Dans ce contexte, Teneur énergétique, en exajoules Total monde 2019 : 4
l’effort de réduction des émissions de 4
CO2 passe par le développement des Huile végétale Biodiesel Éthanol
transports en commun. La « mobilité hydrogénée (HVO)
durable » est celle qui assure les besoins 3
en déplacement des personnes tout en
préservant l’intégrité de l’environnement 2
et en garantissant l’équité d’accès des
usagers aux services, aux commerces,
aux entreprises, à la santé publique… La 1
mobilité exige au préalable d’être pensée
de manière collective comme un maillage 0
de la géographie humaine et physique, ce 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Source : REN21, Renewables 2020, Global Status Report, 2014.
qui suppose une évaluation sociologique
Une ville respectueuse Une ville nourricière. L’urbanisme jardins partagés dans les écoquartiers et
de l’environnement écologique ne convoque pas la nature des façades et immeubles dédiés dans
On parle aujourd’hui d’urbanisme éco- en ville seulement comme élément de les projets les plus futuristes. Elle ouvre
logique, d’écoquartier, de ville durable, qualité de la vie ou en mission protec- aussi la porte à un retour de l’agriculture
autant de locutions qui expriment le souci trice de la biodiversité. Elle lui accorde périurbaine – maraîchage, petit élevage,
porté au rapport de l’urbain à la nature. une place nourricière avec l’agriculture vergers – qui ceinturait les villes jusqu’à
La ville veut respecter la qualité de l’air, urbaine, y compris dans les pays en la fin des années 1960 et reprend vigueur
de l’eau et du sol, produire de l’énergie développement. Dans les pays dévelop- avec l’engouement des consommateurs
renouvelable et s’intégrer à l’écosystème pés, après être partie à la conquête des pour les fruits et légumes frais livrés par
local. Les architectes et les profession- toits et terrasses, elle entre désormais les circuits courts de distribution créés
nels du bâtiment créent de nouveaux dans les plans d’urbanisme avec des par les agriculteurs.
matériaux de construction, inventent
des immeubles à énergie positive, orga- ÉCOQUARTIERS ET ÉCOCITÉS EN FRANCE
nisent une mixité savante des activités
et habitats (entreprises tertiaires, com-
merces, logements privés et publics) et Lille
des transports qui les desservent, veillent
à la pollution, au bruit, aux déchets. ÎLE-DE-FRANCE
Pays du Haut
Rouen Val d’Alzette
L’INDICE DES VILLES DURABLES Metz
Brest Strasbourg
Indice de développement durable,
en % Rennes
0 20 40 60 80
1 Londres
2 Stockholm Nantes-
3 Édimbourg Saint-Nazaire
4 Singapour
Clermont-
5 Vienne Ferrand
6 Zurich Écocités Lyon
7 Munich Écoquartiers
8 Oslo Grenoble
9 Hongkong Bordeaux
10 Francfort
11 Copenhague Nice
12 Amsterdam
13 Séoul Toulouse Montpellier
14 New York Marseille
Toulon
15 Paris
16 San Francisco
17 Hambourg
GUADELOUPE MARTINIQUE GUYANE LA RÉUNION MAYOTTE
18 Berlin
19 Seattle
20 Dublin
Individus Planète Profit
Source : ARCADIS, Index des villes durables, 2018. Source : Ministère de la Transition écologique, 2021.
LE TEMPS DE L’ACTION • 87
LES ACTEURS NON-ÉTATIQUES DANS LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE Société civile
en action
Depuis 2017, Climate
Chance rassemble
les acteurs non-étatiques
Göteborg (villes, collectivités
Canterbury Helsinki
territoriales, gouver-
Bristol Rhénanie du Nord-Westphalie Shimokawa nements locaux,
Los Angeles Mannheim Toyama entreprises, syndicats,
Pays basque Barcelone ONG…) engagés
Suwon Hamamatsu
New York Málaga contre le dérèglement
Province de Valence Deqing Kitakyushu
climatique, avec une
Taipei et attention particulière
Mexico Nouveau Taipei
Source : Cités et gouvernements locaux unis, 2021.
Vie quotidienne
Une vie sobre en carbone est à la fois une vie d’économie d’énergie et de recours à l’imagination
et à l’innovation. Elle nécessite de se préoccuper de son empreinte écologique, de faire des
choix dans ses déplacements, ses pratiques, tout comme dans l’équipement de son habitation.
C’est aussi une vie d’attention aux autres, à la biodiversité, à la démocratie locale.
Des choix citoyens La vie sans pétrole consommation sont issus de la pétro-
Si la première forme d’adaptation au La vie dé-carbonée suppose d’exi- chimie : matières plastiques, pesti-
changement climatique est de réduire ger de son fournisseur d’énergie qu’il cides, peintures, colles, encres, déter-
les émissions de GES, le temps de pas- garantisse la source de ses livraisons. gents, caoutchoucs synthétiques…
ser complètement aux énergies dites Une grande part de nos biens de La relève vient de la « chimie verte ».
« propres », la seconde réside dans la
mise en place de nouvelles pratiques, L’ÉTIQUETTE ÉNERGIE : UNE APPLICATION L’étiquette énergétique
de nouvelles habitudes. Dans nos pays DES RÉGLEMENTATIONS EUROPÉENNES Créée en 1992
développés, les grandes lignes en sont pour les appareils
électroménagers,
déjà tracées : isolation du logement obligatoire en Europe
pour tendre vers un chauffage le plus Référence de l’appareil : depuis 2010 sur
économe possible ; consommation fabricant et modèle tous les appareils
consommateurs
locale à privilégier ; choix des produits Classe énergétique : d’énergie (voitures
et services en fonction de leur « éner- une couleur associée comprises), l’étiquette
à une lettre de A à D énergétique renseigne
gie grise » (c’est-à-dire la somme des ou G (pour les appareils sur les performances
énergies mises en œuvre à chaque de froid) énergétiques et
étape de leur vie, de leur création à leur A : Appareil économe techniques du produit
G : Appareil gourmand dans le but d’orienter
recyclage en passant par leur transport en énergie le consommateur vers
et leur conditionnement) ; orientation les moins énergivores.
vers des objets fiables et durables ; Consommation annuelle L’augmentation du
d’énergie en kilowattheure nombre d’équipements,
lutte contre le gaspillage ; choix des de leur puissance
aliments en fonction du mode d’agri- et de leur durée
Pictogrammes pour d’utilisation participe
culture dont ils sont issus. Bref, la pre- de la croissance de
mière chose c’est apprendre à choisir,
informer le consommateur
la consommation
des caractéristiques d’électricité.
donc à décrypter les étiquettes et à et des performances d’un
comparer les origines, modes de fabri- appareil donné
Source : Ademe, 2015.
cation et de transport.
LES FUITES DE CHALEUR D’UNE HABITATION MAL ISOLÉE UNE MAISON PASSIVE
Ex-URSS
Europe Europe centrale
Amérique et orientale Asie
occidentale
du Nord (économies
planifiées)
Moyen-Orient et Asie
Afrique du Nord du Sud Autres pays
7 Consommation
6 finale d’énergie d’Asie/Pacifique
5 (PWh/an) Amérique latine
4 et Antilles Afrique
3 subsaharienne
2 Pacifique
1 (OCDE)
0
2010 2050 (prévisions) Source : GIEC, 5e rapport, Changements climatiques 2014, « Working Group III Contribution » ; d’après données IEA, 2013.
En plein essor dans de nombreux effets négligeables quand on les com- de consommateurs, à plus grande
secteurs (cosmétique, pharmacie, ali- pare avec les émissions de GES ou échelle, comme on l’a constaté récem-
mentaire…), elle minimise le nombre les pollutions industrielles, demeurent ment avec l’essor du bio, dans lequel
d’atomes et d’étapes de fabrication importantes. Elles participent de la ont fini par s’engouffrer les grands
d’un produit ; elle s’efforce de réduire conscience collective du problème distributeurs.
les risques de pollution dans l’élabora- du réchauffement et peuvent par-
tion d’un objet ; elle limite la dépense fois aboutir à de véritables choix
énergétique et s’assure de l’utilisation
d’énergies renouvelables. La chimie LES POSTES DE CONSOMMATION D’ÉNERGIE
végétale est aussi une bonne solu-
Consommation d’énergie finale Commercial
tion avec, pour réserve, la possible
par type de construction et par type
concurrence foncière avec la produc-
d’usage, dans le monde, en 2010
tion alimentaire.
32 % 33 %
Une empreinte écologique
au quotidien Total :
Au quotidien, le souci de la santé 8,42 PWh
de la planète peut prendre plusieurs Résidentiel
formes. On peut par exemple réduire 7%
12 %
sa consommation de viande rouge,
facteur d’émissions de méthane et 16 %
grande consommatrice d’eau. On
peut aussi surveiller sa consomma- Chauffage
29 % 32 %
tion personnelle d’eau, en préférant Eau chaude
l’eau du robinet à l’eau minérale et en Éclairage
délaissant les bains dévoreurs de 200 Climatisation
Total :
à 250 litres d’eau pour les douches 24,3 PWh Électroménager
avec des pommeaux labellisés pour
leur faible consommation d’eau (sinon Cuisine
une longue douche peut consommer Autres
autant qu’un petit bain). L’eau de pluie 9%
récupérée au débouché des gouttières
peut servir à arroser les plantes, aux 2%
heures les moins chaudes de la jour- 4% 24 %
née pour limiter l’évaporation.
Source : GIEC, 5e rapport, Changements climatiques 2014,
Ces pratiques, dont on peut penser les « Working Group III Contribution » ; d’après données IEA, 2013.
90
EN CONCLUSION
Le temps de l’action
UN ACCORD MONDIAL
L’accord de Paris en 2015 a été un vrai
succès diplomatiques. Pratiquement tous
les pays ont affiché qu’ils allaient mettre
en place des mesures afin de limiter leurs
émissions de gaz à effet de serre. Un
accord a été conclu qui prévoit une revisite
périodique des objectifs qui devront être
plus ambitieux. Il faut cependant noter que
les objectifs affichés sont très disparates,
en présentation comme en ambition. De
nombreux pays dits « en développement »
affichent des trajectoires d’émission à la
hausse, en indiquant que ces émissions
seront plus faibles que si aucune mesure
n’était prise. Les ambitions affichées
restent insuffisantes. Même si tous les
pays respectent leurs engagements, la
Terre n’échappera pas à une hausse des
températures de plus de 3 degrés.
En 2017, le président des États-Unis
nouvellement élu a décidé que son pays
se retirait des accords de Paris. On peut
craindre que d’autres pays feront de
même s’ ils ont des difficultés à respecter
leurs engagements, ou s’ils pensent que
la compétitivité de leur économie est mise
en danger.
UNE COURSE
CONTRE LA MONTRE
La lutte contre le réchauffement doit
beaucoup à la mobilisation de la société
civile dans tous les pays : elle s’est
emparée de l’enjeu climatique et tente
de peser sur le politique. La diminution
des émissions de GES s’impose aussi
car les coûts de l’inaction sont élevés
et nos capacités d’adaptation aux
dérèglements limitées. Il faut maintenant
accorder l’agenda politique au calendrier
de l’élévation de la température.
CONCLUSION GÉNÉRALE • 93
CONCLUSION GÉNÉRALE
L
e changement climatique est là. Vous venez d’en lire imposent d’abandonner progressivement les énergies fos-
les causes, les effets, la portée à l’échelle du siècle à siles. Les pays émergents – Chine, Brésil, Inde, Afrique
venir. Il touche toute la planète, avec cependant de du Sud – reconnaissent le réchauffement climatique mais
grandes différences d’impacts selon les régions du globe, veulent gagner du temps. Le temps pour eux de combler à
accentuant les inégalités sociales. coup de charbon et de pétrole le fossé qui les sépare des
économies occidentales.
Dans le règne du vivant, le genre humain est le seul être L’Europe se veut à la pointe de la lutte contre le changement
à avoir changé son environnement à une échelle telle que climatique. Elle affiche des objectifs ambitieux de réduction
ce changement pèse aujourd’hui sur ses conditions de des émissions de gaz. Il serait logique que les États-Unis,
vie. Nous avons la chance extraordinaire d’être dotés du historiquement responsables d’une part importante des
cerveau le plus puissant du règne animal. Intelligent au émissions de CO2, montre des objectifs similaires. Mais le
point de nous apercevoir de nos erreurs, d’être capables climat ne semble plus être une priorité du gouvernement
de prendre de la distance pour juger impartialement nos de ce pays. Il faut espérer que c’est là une position tempo-
actions. Pour la première fois dans l’histoire de l’huma- raire, et que les États-Unis chercheront eux aussi à limiter
nité, le climat fédère le travail de milliers de scientifiques les extractions de combustibles fossiles, à commencer par
par-delà les cultures, langues, religions, nationalités. Tous le charbon.
s’accordent sur l’urgence à réduire les émissions de gaz Enfin, on réfléchira aussi sur les solutions d’adaptation
à effet de serre. Dans de nombreux de pays, la société mises en avant sur la table des négociations, en particulier
civile se mobilise, prend des initiatives pour s’adapter au dans les pays en développement : elles reposent le plus
bouleversement climatique. De même, les collectivités ter- souvent sur l’intervention d’entreprises et de technologies
ritoriales – régions, grandes métropoles – du monde entier venues des pays industrialisés, qui trouvent là le moyen de
échangent leurs expériences de réduction d’émissions de financer leur développement international avec les « fonds
GES et d’adaptation de leur territoire à la nouvelle donne verts » destinés aux pays en développement. S’il y a néo-
climatique. Les industriels les plus clairvoyants ont com- colonialisme, il est ici. Quoi qu’il en soit, lors des derniers
pris l’opportunité de se reconvertir dans l’économie verte, sommets, les intérêts immédiats nationaux l’ont emporté sur
c’est-à-dire décarbonée… l’intérêt commun à préserver l’atmosphère et la biodiversité.
Toutefois, certaines initiatives infra-étatiques, comme cette
La politique internationale, indispensable pour un traitement coalition de 200 villes engagées dans la réduction de leurs
global du problème, doit encore se mettre au diapason du émissions de GES d’ici 2020, ainsi que de nombreuses
climat. Voilà plus de vingt ans que les sommets annuels de actions de la société civile sont aujourd’hui reconnues
l’ONU sur le climat se succèdent sans avancée décisive. dans les sommets internationaux. Preuve d’un change-
Relayé par les climatosceptiques, le lobbying des indus- ment d’ère dans la gouvernance, marquée par la montée
tries pétrolières et chimiques (qui ne veulent en rien perdre en puissance des pouvoirs locaux. Reste à convaincre et
leur rente financière) fonctionne à plein. Les élus nationaux mobiliser les édiles du sommet qui, pour ceux qui relèvent
classent le climat parmi les autres dossiers. Le grand jeu de démocraties, sont encore sensibles à leur réélection.
des nations, où se mêlent États, entreprises multinationales
et places boursières, révèle une géopolitique complexe. Le changement climatique entraîne avec lui une reconsi-
Par exemple, les pays en développement verraient comme dération de la politique qui dépasse les frontières et fait
une résurgence de colonialisme que les pays occidentaux, grandir en universalité.
historiquement responsables des émissions de GES, leur
94
Annexes
Bibliographie et sitographie
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http://missions-scientifiques.cnes.fr/PARASOL/Fr/dossier_presse_parasol.pdf
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20 ans de négociations internationales, Paris, Presses Olivier De Schutter, Conseil des droits de l’homme,
de Science Po, 2015. seizième session, point 3 de l’ordre du jour, Promotion et
protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques,
Sandrine Bélier, Gilles Luneau, La biodiversité une
économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au
chance. Nous avons un plan B !, Arles, Actes Sud,
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coll. « Domaine du possible », 2013.
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Jean-Yves Grandidier et Gilles Luneau, Le vent nous FAO, Agriculture, Forestry and Other Land Use Emissions
portera, le pari gagnant de la transition énergétique, préface by Sources and Removals by Sinks - 1990 – 2011 Analysis,
de Laurence TUBIANA, illustrations de Hugues PIOLET, Climate, Energy and Tenure Division, Rome, mars 2014 :
Alternatives/Gallimard, 2017.
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Paris, Odile Jacob, 2008.
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