Vous êtes sur la page 1sur 98

Atlas du climat

Biographies
Auteurs
François-Marie Bréon est chercheur climatologue au Laboratoire des sciences du climat
et de l’environnement et est président de l’Association française pour l’information scien-
tifique (Afis). Il a participé à la rédaction du cinquième rapport du GIEC publié en 2014.
Diplômé de l’École normale supérieure, il a travaillé dans plusieurs pays, en particulier en
France et aux États-Unis. Persuadé du risque du réchauffement climatique, il milite pour
un changement des comportements pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre,
mais aussi pour le développement de l’énergie nucléaire qui pourrait se substituer aux
énergies fossiles dans certains pays.
Gilles Luneau, grand reporter, puis rédacteur en chef, mène de front une carrière de jour-
naliste et d’auteur-réalisateur. Il fut collaborateur régulier du Nouvel Observateur pendant
plus de vingt ans, pour le service politique étrangère, avant de rejoindre GÉO. Il a été un
des co-fondateurs de l’Agence de presse Libération, puis a travaillé pour la plupart des
grands titres de la presse écrite française, de Libération à Paris-Match. Il est auteur-réali-
sateur de documentaires pour Arte et France Télévision et a écrit ou co-écrit de nombreux
ouvrages (essais, enquêtes, biographie, roman, beaux livres), dont L’Alimentation en otage
avec José Bové (Autrement, 2015), ou Le vent nous portera avec J.-Y. Grandidier
(Alternatives/Gallimard, 2017).

Préfacier
Jean Jouzel est climatologue et glaciologue. Il a consacré l’essentiel de sa carrière scien-
tifique à la reconstitution des climats passés. Diplômé de l’École supérieure de chimie
industrielle de Lyon, il est directeur de recherche émérite au CEA et a dirigé l’Institut Pierre-
Simon Laplace de 2001 à 2008. Il est aujourd’hui membre du Conseil stratégique de la
recherche. Il a reçu de nombreux prix récompensant ses travaux, dont la Médaille d’or du
CNRS en 2002 et le prix Vetlesen en 2012. Ancien vice-président du groupe scientifique du
GIEC, co-lauréat du prix Nobel de la Paix en 2007, Jean Jouzel est l’une des grandes
figures de la lutte contre le réchauffement climatique. Il a publié avec Anne Debroise Le défi
climatique (Dunod, 2014).

Cartographe
Hugues Piolet est un journaliste indépendant, spécialisé dans la communication par
l’image. Il a créé un grand nombre d’infographies et de cartes pour la presse et l’édition et
a notamment contribué à la réalisation de plusieurs atlas Autrement. Il est également le
co-auteur du livre SurNaturelles, les merveilles de notre planète (Larousse, 2020).

Maquette
Conception et réalisation : Agence Twapimoa

Coordination éditoriale : Marion Chatizel pour la 1re édition ;


Anne Lacambre pour cette édition
Fabrication : Margot Jourdan

ISBN : 978-2-7467-6258-9
© Autrement, un département de Flammarion, 2021.
87, quai Panhard et Levassor, 75647 Paris Cedex 13
www.autrement.com

Dépôt légal : octobre 2021


Dépôt légal des éditions précédentes : © Éditions Autrement, 2018.
Imprimé et relié en septembre 2021 par l’imprimerie Pollina, France.

Tous droits réservés. Aucun élément de cet ouvrage


ne peut être reproduit, sous quelque forme que ce soit, sans l’autorisation
expresse de l’éditeur et du propriétaire, les Éditions Autrement.
Atlas du climat
Face aux défis du réchauffement

François-Marie Bréon et Gilles Luneau


Préface de Jean Jouzel
Cartographie de Hugues Piolet

Troisième édition

Éditions Autrement
Collection Atlas/Monde
4

Atlas du climat

6 Préface de Jean Jouzel 25 Quand l’homme perturbe le climat


7 Introduction 26 Hausse des températures
Le temps qu’il fait 28 Neige, glaciers et banquises en recul
30 La montée du niveau des mers
32 L’effet de serre
9 Le fonctionnement du climat
34 Les émissions de CO2 issues
10 Les différents systèmes d’observation des énergies fossiles
du climat
36 Les problématiques liées à l’ozone
12 L’équilibre énergétique
38 La déforestation
14 L’effet des nuages
40 Aérosols et autres forçages
16  Périodes glaciaires et périodes chaudes,
les climats du passé
18 La circulation océanique
43 Les impacts du réchauffement
20 Le « cycle du carbone » climatique
22 Les perturbations naturelles 44 Tempêtes, vagues de chaleur
sur le climat et autres événements extrêmes
46 Fonte ou extension des glaces :
de nouveaux territoires exploitables ?
48 Des terres submergées
SOMMAIRE • 5

50 La biodiversité terrestre en danger ? 76 Le nucléaire peut-il sauver le climat ?


52 La biodiversité marine en péril ? 78 Les choix énergétiques
54 La pêche à l’épreuve du réchauffement 80 Les pistes de géo-ingénierie
56 Un bouleversement agricole 82 Un changement de modèle agricole
58 La santé en question 84 Des transports à réinventer
60 Réfugiés climatiques 86 Villes durables, écoquartiers :
et populations déplacées la solution ?
62 Le coût du réchauffement 88 Vie quotidienne
90 La révolution des modes de vie
est-elle possible ?
65 Le temps de l’action
66 L’étude des scénarios du futur
68 Les conséquences des scénarios 93 Conclusion
les plus optimistes et pessimistes Quels choix pour demain ?
70 La prise de conscience
du réchauffement 94 Annexes
72 Les difficultés de la 94 Bibliographie et sitographie
gouvernance mondiale
74 Comment trouver des financements ?
6

PRÉFACE

L
a première édition de cet ouvrage a été publiée en Les six dernières années n’ont pas seulement été les
2015 en amont de la 21e conférence des parties de plus chaudes que nous ayons connues depuis 150 ans,
la convention climat, la COP21, qui s’est traduite elles ont –  dans le sillage de l’accord de Paris, de trois
par un accord international visant à limiter le réchauffement rapports spéciaux du GIEC et maintenant de son 6e rapport
climatique à long terme bien en deçà de 2 °C par rapport à qui sera finalisé en 2022 – été marquées par une montée
la période préindustrielle, si possible à 1,5 °C. en puissance du problème climatique. Au-delà des
Ce fut une année charnière dans la lutte contre le décideurs politiques, beaucoup d’autres personnes,
réchauffement climatique puisque cet « accord de Paris » chercheurs, enseignants, entreprises, collectivités, élus
a, dès 2016, été ratifié par quasiment l’ensemble des pays de tous horizons, médias, ONG et de plus en plus de
de notre planète. Le retrait des États-Unis, suite à l’élection citoyens, se sentent directement concernés et ont soif de
de Donald Trump, lui a fait perdre cette universalité qu’il a connaissances vis-à-vis de tout ce qui touche à l’évolution
heureusement retrouvée grâce à celle de Joe Biden. Mais de notre climat.
– et c’est le problème de cet accord – les engagements de L’ouvrage de François-Marie Bréon et de Gilles Luneau
réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par a été mis à jour, au regard des connaissances acquises
l’ensemble des pays sur les années 2020 sont très loin depuis 2015. Très pédagogique, dans son format double
d’être suffisants par rapport aux objectifs affichés. Pour pages, dans ses textes très clairs, et dans la très riche
garder des chances de limiter le réchauffement à 1,5 °C, cartographie réalisée par Hugues Piolet, il répond
il faudrait qu’ils soient cinq fois plus élevés et que l’effort pleinement à cette attente et, à tous les trois, j’adresse
de réduction se poursuive de façon à atteindre la neutralité mes félicitations. Tous les aspects sont abordés, depuis le
carbone à horizon 2050. C’est un véritable défi auquel il fonctionnement du système climatique, le rôle des activités
nous faut faire face pour que les jeunes d’aujourd’hui humaines, les impacts du réchauffement, jusqu’aux actions
puissent, sans trop de difficultés, s’adapter au climat qu’ils à mettre en œuvre. Une fois ce livre refermé, seule reste la
connaîtront d’ici la fin du siècle. limpidité du message et, nous l’espérons, l’envie d’agir ou
Tout comme en 2015, nous vivons aujourd’hui une période tout au moins de participer au mouvement qui devrait nous
clé pour l’avenir de notre climat à un moment où les entraîner vers une société bas carbone.
émissions repartent globalement à la hausse, à la sortie C’est avec un extrême plaisir que je préface cette nouvelle
de la crise économique liée à la pandémie, alors qu’il édition et que j’encourage le lecteur à s’y plonger. Je
faudrait qu’elles diminuent de façon rapide. Certes plus suis toujours très proche de François-Marie avec qui j’ai
de 130 pays affichent cet objectif de neutralité carbone beaucoup partagé depuis près d’une trentaine d’années.
d’ici le milieu du siècle, d’ici 2060 pour la Chine. Mais il Nous sommes d’accord sur tout ou presque lorsque nous
ne semble pas que, collectivement, nous en prenions parlons de climat mais nous avons quelques divergences
le chemin à un moment où les scientifiques du GIEC, le lorsque nous abordons les solutions à mettre en œuvre.
Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du Cela conduit à des débats enrichissants qui sont le reflet
climat, publient le premier volet de leur 6e  rapport dont des ceux qui restent nécessaires pour choisir notre avenir
les conclusions – certitude quant à l’origine humaine du et celui de nos enfants.
réchauffement en cours, intensification, récente et future, Jean Jouzel
des événements extrêmes, irréversibilités… – nous redisent
l’urgence de l’action.
INTRODUCTION • 7

INTRODUCTION

Le temps qu’il fait

Q
ui n’a pas levé les yeux vers le ciel pour voir le Le fait saillant de ce changement climatique est que
temps qu’il fait  ? Le «  temps  », on en connaît nous en connaissons les causes – l’élévation des taux de
la variabilité saisonnière et quotidienne. On se concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère
souvient des jours particulièrement chauds, froids ou – et que nous sommes donc en mesure de trouver des
pluvieux. On ne ressent guère les variations annuelles ou solutions pour en réduire le rythme et la portée. L’objet de
décennales. C’est toute la différence entre la météo et ce livre est d’en faire la pédagogie.
le climat. Tous deux reposent sur des phénomènes phy-
siques, mesurables, relevant de la dynamique des fluides Temps géologique et historique
et des forces cosmiques enserrant la planète Terre dans le De Théophraste (vers 372-287 av. J.-C.) à Dobzhansky,
système solaire. Mais derrière ces mots, météo et climat, Mayr et Simpson – en passant par Linné, Buffon, Lamarck,
il y a deux exercices de la science. Le premier tente de Darwin, Mendel, Haeckel, de Vries, Watson et Crick –, les
prédire le lendemain. Le second s’attache à donner du savants questionnent depuis plus de 2  000 ans l’évolu-
sens à l’histoire du temps qu’il fait et d’en comprendre tion biologique, les multiples adaptations des organismes
les règles d’évolution. unicellulaires, des animaux, des végétaux à leur environ-
nement, climat compris. Grâce à la somme de leurs tra-
Depuis sa formation il y a 4,5 milliards d’années, la Terre n’a vaux, nous savons aujourd’hui que les espèces évoluent
cessé d’évoluer, permettant, à un tournant de son histoire, ou disparaissent à l’échelle de milliers ou de millions d’an-
l’apparition de la vie il y a 3,8 milliards d’années. Elle a suivi nées. Mais c’est désormais sur deux siècles que nous
une évolution marquée par une complexification continue, constatons un bouleversement des conditions du vivant,
dont l’apparition de l’homme est l’un des temps forts. Le conséquence de l’action des hommes. On comprend dès
genre humain n’a pas échappé à ce mouvement continu, lors que l’élévation moyenne de la température dont il est
comme le démontre la trajectoire des hominidés, dont la question dans ce livre ne se limite pas à l’approche de son
trace remonte à 7 millions d’années seulement. L’homme impact sur l’éventuel bien-être des sociétés sous un climat
a toujours cherché à explorer et à comprendre à la fois plus chaud, mais sonne l’alerte sur les menaces que fait
l’environnement qui l’entoure et la raison de son apparition. peser ce réchauffement sur la géographie, les ressources
La conquête intellectuelle est loin d’être terminée, mais naturelles et la biodiversité indispensables à l’homme.
l’accumulation de savoirs permet aujourd’hui d’affirmer Cette dimension temporelle introduit dans notre propos
que depuis deux siècles, les modes de vie de l’homme ont l’urgence d’agir, à la fois pour limiter cette élévation de tem-
modifié son environnement au point de perturber le fonc- pérature que nous savons inéluctable et pour s’y adapter
tionnement habituel du paramètre climatique. au mieux.
8
9

Le fonctionnement
du climat
Le climat – défini comme la statistique des conditions
météorologiques prévalant, dans la durée, dans les basses
couches de l’atmosphère – est depuis des millions d’années
un jeu d’équilibre dynamique entre le rayonnement solaire,
le rayonnement tellurique, la composition chimique et
la circulation de l’atmosphère, les courants marins, les vents,
la photosynthèse des végétaux, perturbés par la rotation
de la Terre, la dérive des continents, les éruptions volcaniques
et autres chutes de météorites.
Le tout s’orchestre, à des échelles de temps très différentes,
autour du cycle de l’eau et de celui du carbone s’échangeant
entre leurs quatre réservoirs naturels : la biosphère (ensemble
des végétaux, animaux et organismes vivants), la lithosphère
(les sols et sous-sols terrestres et marins), l’hydrosphère (mers,
océans, lacs et rivières) et l’atmosphère. La circulation des
masses d’air atmosphériques et des masses d’eau océaniques
assure le transport d’énergie des régions excédentaires
vers les régions déficitaires, plus particulièrement depuis
les régions tropicales vers les régions polaires.
10

Les différents systèmes


d’observation du climat
Pour comprendre les mécanismes qui déterminent le climat, il faut mesurer les différents
paramètres qui le régissent sur terre, en mer et dans l’atmosphère. Les variables climatiques
peuvent être affectées par des changements infimes, comme une élévation du niveau moyen de
l’océan de quelques millimètres par an. Les mesures doivent donc être d’une précision absolue
pour être utiles à la modélisation du climat. La collecte des données et leur partage entre
scientifiques du monde entier s’organisent autour de protocoles communs.

Un réseau de mini sous-marins continu la température et la salinité des satellite avant de replonger et de répé-
Le rôle décisif de l’océan dans l’évo- masses d’eau du globe. Une fois jetée ter le même cycle. Chaque balise est
lution climatique est longtemps resté à la mer, la balise (2 mètres de hauteur, capable d’atteindre jusqu’à 150 cycles
de l’ordre de l’approximation, faute de antenne comprise) flotte pendant une de mesure sur quatre ans. Les données
moyens de mesures. En 2000, à l’initia- dizaine d’heures puis, tel un sous-marin recueillies sont en libre accès pour la
tive de l’Organisation météorologique miniature automatique, s’immerge pour communauté scientifique internationale,
mondiale (OMM) et de la Commission descendre à 1 000 mètres. À cette pro- en premier lieu les climatologues et les
océanographique intergouvernemen- fondeur, elle se stabilise et dérive au océanologues.
tale de l’Unesco (COI), 31 pays et gré des courants marins pendant huit Chaque année, 800 à 900 de ces
50 agences de recherche se sont asso- à dix jours. Ensuite, elle reprend sa robots sous-marins sont mis à l’eau
ciés dans le programme Argo consis- plongée jusqu’à 2 000 mètres avant de pour maintenir un réseau suffisant de
tant à concevoir et à lâcher des balises remonter progressivement à la surface. flotteurs actifs. L’Union européenne
autonomes (moteur hydraulique et bat- La remontée dure environ six heures, s’est engagée sur un rythme de
teries), dérivant librement en fonction pendant lesquelles les capteurs de la 250  balises/an et a développé une
des courants, pour observer en temps bouée collectent les données de tem- extension pour mesurer des paramètres
réel le comportement des océans. pérature et de salinité. Une fois émer- biogéochimiques relevés, en particulier
Aujourd’hui, 3 771 balises mesurent en gée, la balise transmet ses données par dans les grandes profondeurs et aux

LE SYSTÈME MONDIAL D’OBSERVATION DU CLIMAT Améliorer


l’observation
de la Terre
Satellite Satellite L’Organisation
sur orbite sur orbite météorologique
polaire géostationnaire mondiale,
la Commission
océanographique
intergouverne-
Ballon- Images mentale de l’Unesco,
sonde prises par le Programme des
satellite Nations unies pour
Aéronef l’environnement et le
Conseil international
Sondages pour la science ont
par satellite décidé, en 1992,
d’une démarche
d’intégration des
différents systèmes
d’observation de
Bouée la Terre. Ce Système
océanographique mondial d’observation
du climat (SMOC) a
Antenne Radar notamment défini
réceptrice météo des « principes pour
Centre
d’analyse et la surveillance du
climat » et un jeu
Navire de prévisions de 50 « variables
météo climatiques
Station Station essentielles »
d’observation automatique nécessaires pour
soutenir le travail
Source : Union internationale des télécommunications, d'après données de l'Organisation météorologique mondiale, 2015. du GIEC.
LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 11

LE RÉSEAU DES BOUÉES POUR L’OBSERVATION DE L’OCÉAN

Bouée Argo, par pays d’origine


Allemagne Australie Canada États-Unis France Japon Royaume-Uni Autres
Source : Argo Project Office, 2015.

LE RÉSEAU DE RADIO-SONDAGE MESURANT L’ATMOSPHÈRE miniaturisés transmettent en continu


les données recueillies depuis le niveau
du sol jusqu’à une altitude pouvant
dépasser 35  000 mètres. Au sol, une
station de réception capte le signal de
l’émetteur et décode les informations
transmises. La radiosonde est sui-
vie au radar, ce qui permet de calcu-
ler sa vitesse de déplacement, donc
d’en déduire la direction et la force des
vents qu’elle rencontre. Très haut dans
l’atmosphère, le ballon éclate et l’ins-
trumentation revient au sol, amortie par
un parachute. Il existe aussi des cata-
sondes, lâchées par avion, notamment
utilisées pour étudier la structure des
Radiosonde cyclones tropicaux.
Source : Organisation météorologique mondiale (OMM), 2015. Il y existe plus de 850 sites dans le
monde entier d’où sont lancés des
zones polaires. Depuis 2012, le Deep- la planète – tel le grand Sud océanique –, radiosondages, au moins deux fois par
Arvor, une balise mise au point par l’Ifre- ils mettent à l’eau des balises Argo. Pour jour et 365 jours par an. La répartition
mer, repousse les limites à 3 500 mètres le plus grand bien de la science. des centres de radiosondages n’est
de profondeur… Tous les flotteurs pas régulière sur la surface du globe et
restent géolocalisés en permanence. Plus d’un millier de les pays développés de l’hémisphère
Cela permet d’identifier les «  trous  » radiosondages quotidiens Nord (82 % des lieux de radiosondage)
dans la collecte d’informations, notam- Une radiosonde est un appareil conte- sont mieux couverts que les déserts et
ment les zones peu profondes et celles nant des instruments de mesures, océans de l’hémisphère Sud (18  %).
dont les courants chassent les balises. envoyé dans l’atmosphère sous un 820  de ces sondages sont effectués
C’est là que les marins des courses au ballon, gonflé à l’hélium ou à l’hydro- par des stations fixes et une trentaine
large viennent à la rescousse. Quand gène (moins coûteux). À bord de l’en- à partir de bateaux sur des lignes régu-
leur navigation les porte dans les zones gin pesant 100 à 300 grammes, ther- lières. Le coût d’un radiosondage est
les plus inhospitalières et inexplorées de momètre, baromètre et hygromètre de l’ordre de 300 euros.
12

L’équilibre énergétique
L’état thermique de notre planète est le fruit d’échanges entre l’énergie qu’elle reçoit du soleil
et celle qu’elle émet ou réfléchit. Les inégalités régionales d’exposition au rayonnement solaire
– dues à l’inclinaison de la Terre et à sa course autour du soleil – sont compensées par
les transports de chaleur par l’océan et l’atmosphère. Le bilan global des radiations émises
par la planète équilibre approximativement celles provenant du soleil et captées par la Terre.

Le soleil, « carburant » LE BILAN ÉNERGÉTIQUE DE LA PLANÈTE


du climat
Le soleil éclaire la Terre sous forme
Énergie
d’ondes électromagnétiques à courte
émise par la Terre
longueur d’onde (< 4 µm) dont la puis-
sance moyenne est de 342 W/m2, très
inégalement répartie (jour/nuit, sai-
Énergie
sons…). L’atmosphère et les surfaces
solaire incidente
réfléchissent environ un tiers de ces
ondes qui ne réchauffent donc pas
la Terre (effet d’albédo). Le reste est
absorbé par l’atmosphère (67 W/m2) et
les surfaces (168 W/m2) en transformant
l’éclairement en chaleur. Simultanément,
surfaces et atmosphère se refroidissent
en émettant des ondes électromagné- Énergie
tiques de grandes longueurs d’onde réfléchie par la Terre
(> 4 µm) nommées infrarouge thermique. Source : NASA.
En moyenne annuelle sur l’ensemble
du globe, le bilan est presque équili-
bré et le rayonnement infrarouge qui Inégalité d’insolation, les surfaces terrestres elles-mêmes, en
sort de l’atmosphère est pratiquement régulation terrestre particulier par la présence de neige qui
égal au rayonnement solaire qui est La Terre est un globe aplati aux pôles a un effet similaire à celui des nuages.
absorbé. Il y a cependant d’importantes et dont l’axe de rotation est incliné par À l’inverse, même pendant la nuit, l’at-
disparités régionales et temporelles. rapport au plan de sa rotation autour mosphère et les surfaces perdent de
L’intérieur de la Terre est aussi une du soleil selon une trajectoire ellip- l’énergie en émettant des ondes infra-
source d’énergie via la décomposition tique. L’inclinaison de l’axe de rotation rouges. L’effet réfléchissant de la neige
radioactive de certains éléments. Cette est la cause des saisons. En été, l’hé- fait que, toute l’année, les régions
production de chaleur interne est res- misphère Nord est incliné en direction polaires perdent davantage d’énergie
ponsable de l’activité volcanique qui du soleil ; c’est le contraire en hiver. qu’elles n’en reçoivent.
peut avoir un impact sur le climat. En La quantité de chaleur provenant À l’équateur, la durée des jours et des
revanche, l’apport de chaleur en sur- du soleil dépend des saisons mais nuits est égale toute l’année, mais
face est minime par rapport à celui du aussi de la latitude. En se dirigeant l’énergie reçue du soleil varie néan-
soleil. de l’équateur vers les pôles, l’éner- moins. Aux tropiques, l’inclination de
Une grosse part de la chaleur en pro- gie reçue du soleil se répartit sur une la Terre sur son axe conduit à une sai-
venance du soleil est absorbée par surface qui augmente  : elle devient sonnalité marquée, qui peut alterner
les surfaces terrestres. Cette cha- donc moins intense. C’est pourquoi, saisons sèches et humides suivant les
leur est ensuite transmise à l’atmos- par mètre carré, l’énergie reçue du régions. Les régions tropicales et équa-
phère par évaporation et convection. soleil est plus importante à l’équateur toriales reçoivent plus d’énergie du
L’atmosphère émet l’infrarouge ther- qu’aux pôles. Cette tendance géné- soleil qu’elles n’en perdent. Le Sahara
mique dont une partie part vers l’es- rale est cependant modulée par la est une exception du fait de son albédo
pace, et une partie arrive à la surface, présence de nuages, qui renvoient les élevé et d’un effet de serre réduit, car
contribuant ainsi à l’effet de serre. ondes du soleil vers l’espace, ou par l’atmosphère y est très sèche.
LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 13

ÉCHANGES ÉNERGÉTIQUES DANS L’ATMOSPHÈRE Rayonnements


solaires et
infrarouges
Rayonnement solaire Rayonnement solaire Rayonnement infrarouge Une grosse partie
réfléchi : 107 W/m2 incident : 342 W/m2 sortant : 235 W/m2 de l’énergie reçue
du soleil est absorbée
107 en surface. Dans
342 les basses couches
235 de l’atmosphère,
Réfléchi par les le transport vertical de
Émis par chaleur se fait
nuages, les aérosols par convection (l’air
et l’atmosphère l’atmosphère
chaud et humide
67 165 30 s’élève et est
Absorbé par 40 Fenêtre
remplacé par de
77 l’atmosphère atmosphérique l’air plus froid et sec).
Plus haut dans
Gaz à effet l’atmosphère, les
de serre échanges se font
24 78 par les ondes
infrarouges.
Chaleur C’est dans la haute
atmosphère que
latente
168 350 40 324 le processus d’effet
30 de serre est le
plus important.
390
Réfléchi par Absorbé par Chaleur Évapo- Rayonnement Absorbé par
la surface la surface sensible transpiration de la surface la surface
Source : GIEC, d'après Kiehl et Trenberth (1997).

LE BILAN ÉNERGÉTIQUE AU SOMMET DE L’ATMOSPHÈRE

Flux radiatif net* en W/m2, moyenne des mois de mars de 1985 à 1989
–150 –100 –50 0 50 100
Refroidissement Chauffage
*Différence entre le flux solaire entrant, d’une part, et le flux solaire réfléchi ainsi que le flux infrarouge émis par l’atmosphère, d’autre part. Les valeurs positives
indiquent qu’en moyenne, plus d’énergie entre qu’elle ne sort (chauffage). Les valeurs négatives indiquent que davantage d’énergie sort (refroidissement).
Source : NASA, mission ERBE.

La Terre, machine thermique évaporation, courants marins et vents inégalités d’insolation par échanges
Si on s’arrêtait à ce constat, les pôles qui transportent cette énergie vers les de chaleur établit un équilibre global
devraient devenir au fil des ans de plus pôles. Cette mise en mouvement de entre le rayonnement reçu par la Terre
en plus froids et les zones tropicales l’atmosphère et de l’océan fait de la et le rayonnement émis par elle. Quand
de plus en plus chaudes… Sauf que Terre une véritable machine thermique le bilan radiatif devient positif, la Terre
la chaleur absorbée par l’océan et dont la dynamique est une manifesta- se réchauffe, quand il est négatif, elle
l’atmosphère aux tropiques engendre tion du climat. Cette modulation des se refroidit.
14

L’effet des nuages


Les nuages jouent un rôle clé dans le fonctionnement du climat. D’une part, ils sont une étape durant
la formation des précipitations ; d’autre part, ils influent de manière déterminante sur le rayonnement
solaire et sur le rayonnement infrarouge thermique émis par la Terre. Les nuages ont donc un pouvoir
réchauffant et un pouvoir refroidissant dont les évolutions respectives représentent une cause
d’incertitude importante pour l’ampleur du changement climatique annoncé.

L’effet parasol comme les cumulus, contiennent beau- l’effet de serre et contribuent à réchauf-
Chacun de nous a ressenti le besoin coup d’eau et réfléchissent une grosse fer la surface terrestre, même pendant
de se couvrir quand les nuages s’ins- partie du rayonnement solaire inci- la nuit. C’est pourquoi les matins sont
tallent et que la température ambiante dent. À l’inverse, les nuages de haute beaucoup plus frais après une nuit de
baisse de plusieurs degrés. Cette altitude, tels les cirrus, laissent passer ciel clair qu’après une nuit nuageuse.
chute du thermomètre est due au fait une plus grande partie du rayonnement Cependant, l’effet de serre des nuages
que les nuages réfléchissent une partie solaire. Les nuages à grande extension dépend de leur altitude. Il est beaucoup
du rayonnement solaire vers l’espace verticale, comme les cumulonimbus, plus efficace pour les nuages élevés
(effet albédo). En permanence, plus de sont les plus réfléchissants. – ou à grand développement vertical –
la moitié de la Terre est couverte par que pour les nuages bas.
des nuages, et cet effet parasol réduit L’effet de serre
d’environ 25 % l’énergie solaire absor- Les choses se compliquent quand on Bilan
bée par la Terre. regarde sous le parasol de nuages. Les Pour les nuages bas, qui représentent
La réflectivité des nuages est variable agriculteurs connaissent bien l’effet environ 40  % de la couverture nua-
et dépend essentiellement de la quan- gélif d’une nuit claire, sans nuage, au geuse, c’est généralement l’effet d’al-
tité d’eau qu’ils contiennent, mais aussi printemps. Lorsque des nuages sont bédo qui domine  ; ils ont donc ten-
de leur distribution. Les nuages bas, présents, ils participent activement à dance à refroidir le climat. À l’inverse,

LES NUAGES : EFFET DE SERRE ET EFFET PARASOL

Rayonnement
solaire reçu

Nuages Rayonnement
de haute altitude solaire réfléchi

Rayonnement
émis par la Terre
Rayonnement (infrarouge)
solaire reçu
Rayonnement
solaire réfléchi

Nuages
de basse altitude

Rayonnement
émis par la Terre
(infrarouge)

Surface terrestre Source : NASA.


LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 15

LA DISTRIBUTION DES NUAGES Une distribution


hétérogène
La distribution
des nuages est
très hétérogène
sur Terre. Certaines
zones, comme
l’Est du Sahara
ou le continent
antarctique, sont très
claires, tandis que
d’autres,
comme une partie de
l’Atlantique
Nord, montrent
une couverture
nuageuse supérieure
à 90 %. Cette carte
représente une
moyenne annuelle.
Gardons à l’esprit que
certaines régions du
globe montrent des
variations
Couverture nuageuse moyenne annuelle, en % saisonnières
très marquées.
0 20 40 60 80 100

Source : D. Bice, Earth Radiation Budget Experiment, NASA.

LES DIFFÉRENTS TYPES DE NUAGES Nuages bas


et nuages hauts
12 000 m Les météorologues
ont classifié les
Cb Cs nuages en fonction
Cumulonimbus Cirrostratus de leur altitude et
Haute de leur forme.
altitude Les nuages élevés
Cc Ci sont formés de
Cirrocumulus Cirrus cristaux de glace
7 000 m alors que les nuages
bas sont constitués
de gouttelettes
d’eau liquide.
Ac As
Moyenne Altostratus Ns
altitude Altocumulus
Nimbostratus

2 000 m
Sc
Basse Cu Stratocumulus
altitude Cumulus
St
Stratus
Source : Organisation météorologique mondiale (OMM).

pour les nuages élevés, qui comptent formation, sont les principales causes assurent que l’humidité relative de l’at-
aussi pour 40 % de la couverture nua- d’incertitude quant à l’évolution du cli- mosphère va peu varier avec le chan-
geuse, l’effet de serre est plus impor- mat. Comment les nuages vont-ils évo- gement climatique. Par conséquent, il
tant que l’effet d’albédo ; ces nuages luer avec le changement climatique, la n’y a pas d’argument simple pour dire
ont donc un pouvoir réchauffant. En hausse des températures, les change- si le changement climatique conduira
définitive, l’observation de la Terre ments de circulation atmosphérique et à plus ou moins de nuages, ni si ces
par satellite montre que, en moyenne, d’humidité qui y seront associés ? nuages seront plus ou moins hauts.
c’est l’effet refroidissant des nuages On pourrait penser qu’un climat plus De plus, chaque type de nuages peut
qui prédomine. chaud entraîne plus d’évaporation et répondre différemment au changement
donc plus de nuages. Ou alors, on climatique. Bien malin qui peut dire
Incertitudes sur la rétroaction pourrait affirmer qu’un climat plus aujourd’hui si ce seront les rétroactions
Les nuages et leurs effets ambiva- chaud est nécessairement plus sec et positives (amplifiant le réchauffement)
lents, leur nature instable et l’incon- que l’on doit donc s’attendre à moins ou négatives (limitant le réchauffement)
nue de l’influence anthropique sur leur de nuages. En réalité, les spécialistes qui domineront.
16

Périodes glaciaires et périodes


chaudes, les climats du passé
L’alternance des époques glaciaires et interglaciaires depuis 2 millions d’années est due à un
forçage orbital du climat, jouant sur la répartition du rayonnement solaire atteignant la Terre.
D’autres facteurs naturels modifient le climat de la planète à très long terme, et des rétroactions
peuvent renforcer ou atténuer les changements. Chaque facteur évolue dans des unités de temps
différentes, allant d’une décennie à plusieurs centaines de millions d’années.

Les paléoclimats L’EUROPE SOUS LA GLACE IL Y A 20 000 ANS


La datation par la radioactivité permet
d’affirmer que la Terre – dans l’accep-
tion du terme définissant la fin de l’ac-
Glace
crétion primitive de roches en fusion de mer
et l’apparition d’une croûte refroidie à
leur surface – est âgée de 4,55 milliards
d’années. Le soleil de 4,57 milliards

m
00
25
d’années. La vie sur Terre, sous forme

m
00
des premières cellules, est apparue

20

m
00 0
il y a 3,8 à 3,5 milliards d’années. Ce

1 1 50
m
0
sont les premiers organismes vivants 1 000 m
capables de récupérer le carbone du
CO2 atmosphérique dissous dans l’eau
et d’enrichir progressivement l’atmos-
phère en oxygène (photosynthèse) qui Berlin Toundra
Toundra
ont mis en route la dynamique cycle de Niveau
marin : Paris
l’eau/climat. –120 m
Quand les premiers hominidés ont vu
Steppe Alpes
le jour, il y a environ 4 millions d’an- Steppe
nées, quel climat régnait-il à cette
époque ? Nous n’en connaissons pas Steppe
Steppe
les détails. En revanche, grâce aux et conifères et conifères
enregistrements dans les carottes de
glace, nous avons une bien meilleure
connaissance du climat sur le dernier
million d’années. Il a été marqué par
Glaciers
une alternance de périodes glaciaires 500 km
Terres émergées Source : Université de Zurich.
(80 000 ans environ) et chaudes (20 000
ans environ) selon une périodicité de
l’ordre de 100 000 ans. Depuis l’ap- d’années, échelle de période glaciaire selon les saisons. Chacun de ces para-
parition de l’homme, la température en dizaines de milliers d’années et mètres varie au cours du temps avec
moyenne à la surface de la Terre est échelle de temps humain, en années. des périodes indépendantes et leur
relativement constante, variant seule- conjonction rend plus ou moins favo-
ment de quelques degrés par rapport Les cycles de Milankovitch rable la construction, ou la disparition,
à une moyenne d’environ 15 °C. L’alternance régulière de périodes de calottes glaciaires dans l’hémis-
Cette courte mise en perspective his- chaudes et glaciaires s’explique par phère Nord ; calottes qui jouent un rôle
torique permet d’introduire les échelles l’astronomie. En 1924, le géophy- déterminant dans le climat.
de temps différentes qu’il est néces- sicien serbe Milutin Milankovitch Le premier paramètre est l’excen-
saire d’appréhender pour comprendre démontre que trois paramètres indé- tricité. Elle détermine la variation de
les variations naturelles du climat bali- pendants caractérisent l’orbite de la l’orbite terrestre et évolue selon des
sées par des glaciations. Échelle d’ère Terre autour du soleil et modulent la cycles de plusieurs périodes : un long
géologique en centaines de millions quantité d’énergie solaire qu’elle reçoit de 413  000 ans, à l’intérieur duquel
LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 17

s’inscrivent des cycles d’une centaine actuellement pour l’hémisphère Nord, UNE COMPARAISON
de milliers d’années. La distance Terre- la Terre peut être plus proche du soleil DE L’ÉTENDUE DES GLACES
soleil est en moyenne de 149 millions pendant l’hiver que pendant l’été, ce
Dernier maximum glaciaire
de kilomètres. Elle change au cours de qui atténue l’effet des saisons. Il y a
(–22 000 ans)
l’année, la Terre passant tous les ans 10 000 ans, la situation était inverse.
au périhélie (point le plus près du soleil)
et à l’aphélie (point le plus loin). L’écart Le rôle du carbone
entre ces deux distances est fixé par Au début du Paléozoïque, il y a 541
l’excentricité. Si celle-ci est nulle, millions d’années (Ma), le taux CO2
l’ellipse est un cercle. Actuellement, dans l’air était de 5 à 10 fois supérieur
l’excentricité étant proche de 0,015, à celui d’aujourd’hui. Depuis, il a sou-
Pôle
la distance Terre-soleil varie de 3 %. vent varié.
Nord
L’énergie solaire qui parvient à la Terre Par exemple, au début de l’Ordovi-
varie alors de 6 %, passant de 1 408 W/ cien (485  Ma) sa concentration était
m2 au point le plus proche à 1 326 W/ 20 fois celle d’aujourd’hui, provoquant
m2 au point le plus éloigné. une explosion de diversité végétale qui
Le second paramètre est l’obliquité, consomma une grande quantité du
2020
l’inclinaison de l’axe de rotation de la CO2 de l’atmosphère, ce qui enclen-
Terre sur elle-même par rapport au plan cha 20 millions d’années plus tard une
de rotation autour du soleil (actuellement baisse de température de 5 °C entraî-
proche de 23 °). Selon une périodicité nant une glaciation. Dans la seconde
de 41 000 ans, cette inclinaison varie partie du Carbonifère (300  Ma), la
de 22 ° à 24,5 ° et détermine l’intensité concentration de CO2 représentait 50 %
des saisons : plus l’axe est incliné, plus de la teneur actuelle, ce qui diminua
les étés sont chauds et inversement. l’effet de serre et généra une glaciation.
Tous les 20 000 ans environ, cette obli- Ces écarts de concentration de CO2
quité est responsable soit de la fusion expliquent les variations de tempé-
de calottes glaciaires de l’hémisphère ratures de l’atmosphère que ne pou-
Nord, soit de leur croissance. La fonte vaient soutenir les seules variations
des glaces augmente la part du rayon- d’ensoleillement dues aux mouve- Sources : Université des sciences appliquées de Zurich, NASA.
nement solaire absorbé, ce qui entraîne ments orbitaux. Le CO2 joue bien un
une fonte supplémentaire. rôle d’amplificateur des facteurs cli- relâche dans l’atmos-
Le troisième paramètre est la pré- matiques : quand il fait plus froid, il se phère, ce qui aug-
cession climatique, terme définis- dissout plus facilement dans l’eau, ce mente l’effet de serre,
sant les variations de l’axe de rotation qui diminue sa concentration dans l’at- donc la température, 416
de la Terre. Il en résulte une dérive mosphère, donc contribue à son refroi- qui elle-même chauffe
de la date de l’aphélie et du périhélie dissement. En revanche, quand il fait encore plus l’océan.
dans l’année, sur une période d’envi- plus chaud, le CO2 se dissout moins
ron 22 000  ans. Ainsi, et c’est le cas bien dans l’océan et ce dernier en

LES VARIATIONS DE TEMPÉRATURE ET DE CO2 DEPUIS 400 000 ANS

Températures moyennes Concentration de CO2,


dans l’Antarctique, en °C en parties par million
–51,1 300

–53,3 280

–55,6 260

–57,8 240

–60,0 220

–62,2 200

–64,4 180
–300 000 ans –200 000 ans –100 000 ans 2021
Source : CNRS, Carottage de glace de Vostok (Antarctique).
18

La circulation océanique
Animés en surface par les vents, en profondeur par les différences de température et de salinité,
les océans sont toujours en mouvement. Des masses d’eau colossales se déplacent, sillonnent
les mers en surface comme en profondeur. Ces courants sont de véritables fleuves sous-marins
qui dessinent à l’échelle du globe une circulation océanique avec ses reliefs, guidant les flots
de méandres en cataractes, insoupçonnée en surface.

Température et salinité de la chaleur, les molécules d’eau 3,5 %. Elle varie avec l’évaporation
Un rappel de physique-chimie per- s’éloignent les unes des autres : l’eau en surface, l’apport d’eau douce par
met de comprendre ce qui se passe se dilate. Cette dilatation touche la l’atmosphère, les fleuves et la fonte
sous les 70 % de la Terre couverte par couche océanique des 800 à 1 000 des glaces de mer.
l’océan : premiers mètres. • La baisse de température fait croître
• La température de l’air se commu- • L’eau froide est plus dense que l’eau la densité de l’eau de mer : une dimi-
nique à la surface de l’eau. La chaleur chaude et la densité s’accroît avec nution de température de 10 °C fait
se répartit sur une couche d’épais- la profondeur. croître sa densité autant qu’une aug-
seur variable, la thermocline, mais • Un litre d’eau très salée est plus lourd mentation de salinité de 2  g/l, ou
décroît rapidement avec la profon- qu’un litre d’eau moins salée. La qu’un enfoncement de 300 mètres
deur. Au-dessus de 4 °C, sous l’effet salinité moyenne de l’océan est de en profondeur.

La force de Coriolis
CIRCULATION OCÉANIQUE DANS L’ATLANTIQUE NORD
En surface comme en profondeur,
les courants marins sont déviés de
leur trajectoire par une force induite
par la rotation de la Terre : la force de
Coriolis. Elle a pour conséquence de
dévier un corps en mouvement vers sa
droite dans l’hémisphère Nord et vers
sa gauche dans l’hémisphère Sud,
la droite étant définie lorsqu’on
regarde vers l’avant du dépla-
cement. Elle est maximale aux
pôles et nulle à l’équateur.
Dérive La force de Coriolis contribue
Nord-Atlantique à la circulation du Gulf Stream
qui remonte le long des côtes
Courant du
de l’Amérique du Nord avant
Labrador
de traverser l’Atlantique et
M d’apporter des eaux chaudes
Golfe du REA
LF ST sur les côtes du nord de l’Eu-
Mexique GU
rope. Le phénomène s’in-
verse dans l’hémisphère Sud.
Océan C’est aussi l’explication du
Atlantique Courant
sens de rotation du vent dans
des Canaries
les dépressions (sens inverse
des aiguilles d’une montre)
et dans les anticyclones (sens
des aiguilles d’une montre) dans
Courant
teur l’hémisphère Nord.
Nord-Équatorial Équa

Source : D. Heinrich et M. Hergt, Atlas de l’écologie, La Pochothèque, 1993.


LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 19

LA CIRCULATION OCÉANIQUE GLOBALE

Chaleur libérée dans l’atmosphère ou


chaleur restituée à l’atmosphère

Océan
Atlantique

Équateur
Océan
Pacifique

Océan
Indien

Mer Océan Antarctique


de Wedell

Courant chaud de surface


Courant froid profond (plus salé)
Source : WMO/UNEP.

Le « tapis roulant océanique » OCÉAN ET TRANSPORT D’ÉNERGIE Énergie, tropiques


L’océan est naturellement stratifié en et pôles
Transport d’énergie vers les pôles, en pétawatts La Terre reçoit plus
température, avec des eaux chaudes
Par l’atmosphère Par l’océan d’énergie dans les
en surface, séparées des eaux froides 0 2 4 6 4 2 0 tropiques que dans
profondes par une zone de variation les régions polaires.
80° 80° La chaleur est
thermique rapide. Le double mouve-
Vers le Nord donc transportée
ment descente de l’eau froide/remon- 60° 60° depuis l’équateur vers
tée de l’eau chaude entretient des les deux pôles par les
40° 40° océans et par
courants semblables à d’immenses
l’atmosphère.
fleuves, larges de dizaines voire de La contribution de
20° 20°
centaines de kilomètres, qui épousent l’océan est faible
Équateur aux moyennes et
le relief sous-marin. Ces courants 0° 0° hautes latitudes, mais
serpentent entre les chaînes de mon- essentielle dans les
tagnes, dévalent leurs pentes en cas- 20° 20° régions tropicales.
Les énergies
cades invisibles, butent sur des cirques 40° 40° associées sont
ou s’échappent par des détroits dans gigantesques :
60° 60° 1 pétawatt =
la mer voisine. Ils forment un réseau
Vers le Sud 1 million de milliards
complexe et encore mal connu qui de watts (soit un
80° 80° million de centrales
relie les couches superficielles et pro-
Latitudes Source : NCEP/NCAR. nucléaires).
fondes des mers et les grands bassins
océaniques.
Ce «  tapis roulant océanique  » est
appelé circulation thermohaline. L’eau par la formation de la banquise… Et remonte se réchauffer en surface, et
de surface chaude provenant de elle reprend, en profondeur, le chemin reprend son chemin vers le nord où elle
l’équateur circule vers le nord où elle vers l’équateur, puis elle continue dans bute sur la cuvette arctique avant de
se refroidit et plonge d’autant plus vite l’hémisphère Sud, bifurque en deux redescendre. Le voyage complet d’une
et profond – jusqu’à 2 000 mètres  – branches, l’une vers l’océan Indien, masse d’eau sur ce tapis roulant dure
qu’elle s’est densifiée avec le sel libéré l’autre vers l’océan Pacifique où elle environ mille ans.
20

Le « cycle du carbone »
Les quatre milieux fondamentaux de la vie sur Terre – l’air, l’eau, le sol, la biodiversité –
échangent en permanence du carbone selon des processus biologiques, chimiques
ou géologiques. Ces échanges, à somme globale nulle, définissent un « cycle du carbone »
dont l’équilibre est perturbé par des émissions additionnelles de carbone générées
par les activités humaines, notamment celles utilisant des combustibles fossiles.

Les réservoirs de carbone LE CYCLE DU CARBONE SUR TERRE


Le carbone est un des éléments princi- Bilan simplifié du cycle du carbone Atmosphère
paux de la vie sur Terre. On le retrouve en gigatonnes de CO2 par an 34,4 + 5,7 – 12,5 – 9,2 =
dans toute la biosphère, dans la litho­ sur la période 2010-2019 18,6
sphère, l’hydrosphère et l’atmosphère.
Ces quatre milieux sont considérés
comme des réservoirs de carbone qui
entretiennent entre eux des échanges
continus de carbone, tendant à l’équi-
libre. Si la quantité globale de carbone
reste stable sur notre planète, sa réparti-
tion entre ces quatre sphères varie au fil 5,7
12,5
d’échanges et de réactions biologiques, 34,4
chimiques ou géologiques. Les proces-
sus qui régissent ces échanges de relâ-
chement/fixation du carbone dépendent
du climat : une variation de ce dernier Émissions de CO2 Capture de CO2 9,2
entraîne une modification de la concen- par la déforestation par la végétation
tration de CO2. Les paléo-mesures et les sols
issues des carottes de glace montrent Émissions de CO2 Absorption de
que les variations de concentration de par les activités CO2 par les
industrielles et océans
CO2 avec la température moyenne du
globe sont d’environ 20 ppm/°C. domestiques
Source : Global Carbon Project, 2020.

Cycle lent, cycle rapide pendant les périodes interglaciaires. ou de méthane, tandis que l’autre par-
À l’échelle des temps géologiques, Ceci s’explique principalement par les tie est stockée dans le sol.
l’érosion chimique humide des roches modifications de la répartition de la L’équilibre de ces échanges de car-
pompe du CO2 dans l’atmosphère. Ce végétation et des zones humides à la bone entre réservoirs est aujourd’hui
carbone arrive à l’océan sous forme surface de la Terre, et par la modification sérieusement perturbé par l’homme.
dissoute par les fleuves. Il sédimente de la capacité d’absorption de carbone Depuis la révolution industrielle, l’utilisa-
au fond des mers et s’enfouit dans la par l’océan. tion de combustibles fossiles (charbon,
lithosphère. Il boucle son cycle via les À l’échelle séculaire ou saisonnière, pétrole, gaz), la déforestation, les chan-
éruptions volcaniques et les émissions le cycle lent du carbone ne repré- gements d’usage des sols, libèrent dans
des surfaces océaniques. Ce cycle très sente plus l’essentiel des échanges l’atmosphère de grandes quantités de
lent du carbone a permis la formation et un cycle rapide prend le relais carbone sous forme de CO2. Ce dioxyde
des réserves d’hydrocarbures après entre les quatre réservoirs. Il implique de carbone « additionnel » (par rapport
enfouissement de matières organiques les plantes qui absorbent du CO2 et à l’équilibre des échanges entre réser-
durant plus de 300 millions d’années. libèrent de l’oxygène lors de leur crois- voirs) augmente l’effet de serre, source
À l’échelle du dernier million d’an- sance (photosynthèse) et qui, comme de la hausse de la température moyenne
nées, les concentrations de CO2 et de les animaux, respirent et rejettent éga- de la planète. Cependant, l’océan et la
CH4 dans l’atmosphère ont varié natu- lement du CO2. À sa mort, la végéta- biosphère réagissent à cette augmen-
rellement : les teneurs sont plus basses tion relâche une partie de ce carbone tation du CO2 atmosphérique et en
pendant les périodes glaciaires que vers l’atmosphère, sous forme de CO2 absorbent une partie importante.
LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 21

LES ÉCOSYSTÈMES SUR TERRE

Équateur

Inlandsis et désert polaire Forêt sempervirente méditerranéenne Savane


Toundra Forêt de mousson Savane et forêt claire
Taïga Désert aride Forêt tropicale caducifoliée
Forêt feuillue caducifoliée tempérée Désert et broussailles xérophytes Forêt sempervirente tropicale
Prairie Steppe aride Toundra alpine
Forêt sempervirente subtropicale Désert semi-aride Forêt de montagne
Source : International Geosphere Biosphere Project.

CAPTATION DE CARBONE PAR LA PHOTOSYNTHÈSE

Terres : Indice de présence de végétation

Minimum Maximum
Mers : Concentration en chlorophylle, en mg/m3

>0,01 0,02 0,03 0,05 0,1 0,2 0,3 0,5 1 2 3 5 10 15 20 30 50


Source : NASA, mission SeaWifs.
22

Les perturbations naturelles


sur le climat
Le climat est la traduction d’un équilibre en perpétuel mouvement entre les différents facteurs
qui le caractérisent : échanges de carbone, variations de rayonnement, albédo, circulation
atmosphérique, concentration de gaz à effet de serre (GES), vents, éruptions volcaniques,
météorites, activité solaire et courants marins.

Des perturbations d’altitude ont provoqué un refroidisse- alimentaires plantes-herbivores-carni-


soudaines et violentes ment général moyen de l’atmosphère vores, suivi par la disparition de nom-
Le climat varie au fil des millénaires, de 0,6 °C durant près de deux ans. breuses espèces. Les traces d’impact
particulièrement en fonction des La chute d’une météorite de grande d’un astéroïde géant les plus récentes
concentrations de gaz à effet de serre dimension, événement infiniment plus (Chicxulub, Mexique, 180 km de dia-
dans l’atmosphère (avec leurs consé- rare que les éruptions volcaniques mètre) remontent à 65  millions d’an-
quences sur l’équilibre énergétique de significatives, peut bouleverser le cli- nées  : l’effet produit fut si dévasta-
la planète) et des changements d’al- mat pendant suffisamment longtemps teur sur la biosphère qu’il a été – c’est
bédo de certaines parties de la sur- pour causer de graves dommages maintenant admis – à l’origine de
face de la Terre. Il fluctue aussi sous à la biosphère, qui en retour ne joue l’extinction massive du Crétacé qui vit
l’impact d’autres causes naturelles que plus son rôle dans les cycles du car- disparaître 50  % des espèces vivant
nous avons déjà évoquées : la circu- bone et de l’eau. Au-delà de l’onde sur Terre, dinosaures compris.
lation atmosphérique, la rotation de la de choc provoquée par un astéroïde
Terre, les courants marins et le mouve- de plusieurs dizaines de kilomètres de El Niño 
ment des continents. Au rang des per- diamètre et des incendies induits par El Niño résulte des interactions entre
turbateurs imprévisibles, difficilement la grande libération d’énergie, la diffu- l’atmosphère et l’océan Pacifique.
modélisables, on trouve deux facteurs sion de poussières dans l’atmosphère En temps normal, les alizés poussent
qui nous relient aux origines mêmes de fait écran aux rayons du soleil pendant l’océan d’est en ouest et celui-ci se
la Terre : les volcans et les météorites. de longs mois, provoquant un hiver réchauffe progressivement. Cette cir-
Les éruptions volcaniques injectent d’impact : la fin de la photosynthèse culation conduit à une remontée des
dans l’atmosphère des gaz, principale- cause l’effondrement des chaînes eaux profondes le long des côtes de
ment du dioxyde de soufre, ainsi que
d’importantes quantités de cendres qui
peuvent être projetées à des dizaines LES CONCENTRATIONS DE POUSSIÈRES VOLCANIQUES
DU PINATUBO DES PHILIPPINES
de kilomètres d’altitude. Les particules
issues du volcan se dispersent ensuite
sur l’ensemble de la Terre en quelques
mois, du fait de la circulation atmosphé-
rique. Puis, elles retombent progressi-
vement, en quelques années. Ces par-
ticules restent ainsi dans l’atmosphère
beaucoup plus longtemps que celles
émises par les activités humaines car
elles sont plus hautes, situées au-des-
sus des précipitations qui nettoient
l’atmosphère. Leur impact principal est
de réfléchir une partie du rayonnement
solaire vers l’espace, ce qui refroidit le
climat d’une température qui dépend
Pinatubo
de l’ampleur de l’éruption. Ainsi, lors de
Distribution des particules stratosphériques émises par le volcan Pinatubo
l’éruption du Pinatubo, aux Philippines, en juin et juillet 1991
en 1991, les 20 millions de tonnes de Faible concentration Forte concentration
dioxyde de soufre projetés à 20  km Source : NASA/SAGE-2.
LE FONCTIONNEMENT DU CLIMAT • 23

QUELLES SONT LES CAUSES DES VARIATIONS NATURELLES DU CLIMAT ? Les principales
causes
Sur le long terme… Différence de température, en °C Les variations
4 de l’orbite de la
L’orbite de la Terre Précession Terre induisent des
0 variations très
Excentricité lentes du climat.
–4 À l’opposé,
les éruptions
–8 volcaniques sont
Inclinaison soudaines et
–400 000 –300 000 –200 000 –100 000 ans 0 l’impactent sur
quelques années.
Le soleil, lui, montre
Sur le court terme… 1900 1920 1940 1960 1980 2000
des fluctuations à
Processus chaotiques 0,2 toutes les échelles de
0,1 temps, dominées sur
le dernier siècle par
Exemple : 0,0 un cycle de
El Niño –0,1 11 ans. Le climat
est un système
–0,2 chaotique ; la
température peut
L’activité volcanique varier d’une année sur
0,0
l’autre même sans
Nuages –0,1 cause externe
de cendres particulière.
–0,2 Au xxe siècle,
et gaz à effet
–0,3 l’augmentation des
de serre
gaz à effet de serre
L’activité solaire 0,2 et des aérosols
0,1 anthropiques
s’ajoute aux causes
Irradiance 0,0 naturelles.
solaire –0,1
–0,2
0,6
Les facteurs anthropiques
0,4
0,2
Gaz à effet
de serre et 0,0
aérosols
–0,2

0,5
Variation
actuelle 0,0
observée
–0,5
Source : GIEC.

l’Amérique du Sud. Ces eaux froides L’activité solaire solaire fluctue beaucoup plus  ; elle
sont très favorables aux poissons, et L’énergie du soleil provient de la fusion n’a pas d’impact notable sur le cli-
donc à la pêche. À intervalles irrégu- nucléaire à l’œuvre en son cœur, où les mat mais agit en revanche sur l’ozone
liers, cette circulation se ralentit avec températures dépassent les 10 millions stratosphérique.
des conséquences importantes sur les de degrés (au centre) alors qu’elles sont Les observations historiques indiquent
températures de l’océan, les précipita- seulement de l’ordre des 6 000 °C à la que le soleil était plus calme aux xviie
tions sur l’ensemble du Pacifique tropi- surface de l’astre. L’activité solaire suit et xviiie siècles, et certains pensent que
cal (du Pérou à l’Indonésie), et les pos- un cycle de 11 ans qui se manifeste par c’est la cause du « petit âge glaciaire »
sibilités de pêche au large des côtes de la variation du nombre de taches à la que l’Europe a connu à cette époque.
l’Amérique du Sud. surface du soleil. Ces taches sont des
Les mécanismes qui conduisent aux zones où le champ magnétique solaire
alternances El Niño, et son opposé La est plus fort. Pourtant, le flux d’éner-
Niña, sont bien compris même si ce gie émis par le soleil ne varie que de
phénomène reste difficile à prévoir plus 0,1 % au cours de ce cycle. La contri-
de quelques mois à l’avance. bution en ultraviolet du rayonnement
24

EN CONCLUSION
Le fonctionnement
du climat
UNE COMPLEXITÉ DURABLE
Le climat est un système très complexe
qui fait intervenir des phénomènes
physiques, de la chimie et de la biologie.
Certains mécanismes se déroulent en
quelques minutes (croissance d’un
nuage, précipitation), tandis que d’autres
se passent sur des milliers d’années
(croissance et fonte des calottes polaires),
voire des millions d’années (dérives
des continents, création puis érosion
des chaînes de montagnes). Il est donc
difficile de prendre en compte l’ensemble
de ces effets lorsqu’on veut mettre
le climat en équation pour pouvoir prévoir
son évolution.

UNE CONNAISSANCE
QUI PROGRESSE
Malgré ces difficultés, la compréhension
du climat, de ses processus et de
son évolution a fait d’énormes progrès
ces trente dernières années. Ceux-ci
ont été rendus possibles grâce aux
efforts de la recherche, mais aussi par
le développement de nouveaux moyens
d’observation, tels que les satellites,
et par la puissance de calcul en constante
évolution des ordinateurs. Mais pouvons-
nous pour autant prévoir les rétroactions
climatiques induites par les activités
humaines émettrices de gaz à effet de
serre et d’aérosols ?
25

Quand l’homme
perturbe le climat
Depuis la première conférence internationale sur le climat
en 1979, les climatologues du monde entier sont mobilisés
sur la santé climatique de la planète. 1990, 1995, 2001, 2007,
2014, 2021 : les six rapports publiés par le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), auxquels
ont participé près de 3 000 scientifiques internationaux,
confirment et précisent toujours plus le constat : l’influence de
l’homme sur le climat est confirmée dans chaque rapport avec
un plus grand niveau de certitude, et ses impacts clairement
identifiés. Le sixième rapport, sorti pendant l’été 2021, confirme
tout ce qui avait été anticipé dans les rapports précédents.
Les climato-sceptiques arguant des oscillations et
des variations millénaires de toutes sortes peuvent remballer
leur discours ; le sixième rapport du GIEC démontre
le peu de poids des facteurs naturels dans l’augmentation
de l’énergie reçue et conservée par l’océan et l’atmosphère.
Cette modification de l’équilibre énergétique terrestre résulte
des activités humaines, principalement celles s’appuyant sur
les combustibles fossiles, productrices de dioxyde de carbone.
Nous avons atteint un niveau de savoir qui permet d’identifier
les causes et d’élaborer des solutions. Il reste à réunir
l’intelligence et la volonté de piloter l’incontournable transition
énergétique et écologique que la situation exige.
26

Hausse des températures


L’évolution des températures moyennes de la surface du globe nous apporte une démonstration
du changement climatique en cours. Les données collectées dans le monde entier permettent
d’affirmer que cette température moyenne s’élève depuis le milieu du xixe siècle. Les climatologues
ont identifié le rôle joué par des gaz dits « à effet de serre » dans ce réchauffement ; gaz dont
les émissions ont crû avec l’industrialisation de la société.

Un réchauffement indiscutable réchauffement de l’atmosphère est (GIEC) considère désormais « extrême-


Les chiffres sont là, incontestables : la bien plus important au-dessus des ment probable » – c’est-à-dire avec une
température moyenne à la surface du terres qu’il ne l’est au-dessus des certitude supérieure à 95 % – que l’élé-
globe a augmenté d’environ 1,1 degré océans car ces derniers absorbent vation de la température terrestre rele-
au cours de la période 1880-2020, dont davantage la chaleur. C’est en surface vée depuis le milieu du xxe siècle soit
plus de la moitié depuis les années et dans les 75 premiers mètres de pro- due à l’accumulation des gaz à effet de
1970. Au rang des constats alarmants, fondeur que l’on constate la variation serre d’origine humaine. Cette certitude
les trois dernières décennies ont été la plus marquante : une augmentation était évaluée à 90 % en 2007, dans le
plus chaudes que toutes les précé- de la température de l’eau de + 0,12 °C précédent rapport. Si nous continuons
dentes depuis 1850, chacune pré- par décennie entre 1971 et 2020. On à augmenter les émissions de gaz à
sentant des températures moyennes estime qu’entre  1971  et  2020, les effet de serre, la hausse des tempé-
dépassant les précédentes. Dans le océans ont absorbé plus de 90 % de ratures moyennes pourrait atteindre
même registre, le nombre moyen de l’énergie accumulée sur la Terre. + 4,8 °C en 2100.
journées et de nuits froides a dimi-
nué, à l’inverse du nombre moyen de L’empreinte humaine Températures annuelles
journées et de nuits chaudes qui, lui, Avant l’ère industrielle, les variations moyennes, en °C
a augmenté, tout comme la fréquence de température étaient imputables à –1,5 0 +1,5
des vagues de chaleur en Europe, en des éléments naturels (éruptions vol-
Asie ou encore en Australie. De fait, caniques, variations solaires). Depuis
les années 1991 à 2020 constituent la 1850, les variations observées ne sont 1976 1977
période de trente ans la plus chaude explicables que si l’on intègre les acti-
qu’ait connue l’hémisphère Nord vités humaines dans les calculs.
depuis au moins 2 000 ans. Dans son cinquième rapport, publié en
Mers et océans occupent près de 2014, le Groupe d’experts intergou-
71  % de la surface terrestre. Le vernemental sur l’évolution du climat 1985 1986

TEMPÉRATURE MOYENNE À LA SURFACE DE LA TERRE


Température moyenne, en °C
15,6
1994 1995
15,4
Marge d’incertitude
15,2
15,0
2003 2004
14,8
14,6
14,4
14,2 2012 2013

14,0
1850 1875 1900 1925 1950 1975 2000 2020
Source : Berkeley Earth Surface Temperature (BEST), 2021.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 27

LA HAUSSE DES TEMPÉRATURES SUR LE XXe ET LE DÉBUT DU XXIe SIÈCLE

Variation moyenne
des températures sur la
période 1950-2020, en °C
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5
Absence de données Source : Berkeley Earth, 2021.

LES TEMPÉRATURES MOYENNES ANNUELLES EN FRANCE DEPUIS 1965

1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975

1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984

1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020


28

Neige, glaciers
et banquises en recul
Au cours des deux dernières décennies, la masse des calottes glaciaires du Groenland
et de l’Antarctique a diminué, les glaciers de presque toutes les régions du globe ont continué
à se réduire et l’étendue de la banquise arctique comme celle du manteau neigeux de l’hémisphère
Nord au printemps a diminué. Quand bien même on arrêterait aujourd’hui toutes les émissions
anthropiques de GES (ce qui paraît impossible), la glace continuera de fondre et le niveau
de la mer de monter car l’inertie générale du système climatique est forte.

Vers la fin des neiges éternelles moyenne a perdu 2 millions de km2, compte qu’à étendue égale la glace
On distingue, d’une part, les glaces soit quatre fois la surface de la France. est de moins en moins épaisse. Parmi
qui reposent sur la terre ferme – Les glaciers des diverses régions du les cas les plus significatifs, la perte
glaciers, calottes polaires – et, d’autre monde (à l’exception de ceux qui sont de glace au Groenland est passée
part, celles qui se forment sur l’eau, situés à la périphérie des calottes gla- de 34 Gt/an au cours de la période
nommées banquises (qui sont toujours ciaires) ont perdu en moyenne 267 Gt 1992-2001 à 260 Gt/an en moyenne
d’eau douce car l’eau de mer expulse par an sur la période 2000-2019, qui sur la période 2003-2020, avec un
son sel en gelant). L’étendue de glace, contribue pour 20 % à la montée du maximum de 580 Gt en 2019. En
son épaisseur et sa masse sont obser- niveau des mers. Cette perte de glace Antarctique, la calotte glaciaire, qui
vées et mesurées pour déterminer le est clairement en phase d’accélération. perdait en moyenne 30 Gt/an de 1992
sens et l’amplitude des variations, qui Symboliquement – et même si en réa- à 2001, a réduit de 150 Gt/an entre
sont le plus souvent liées à une fonte. lité la banquise ne fond pas en hiver –, 2002 et 2020, affectant principalement
Depuis 1970, la surface de neige c’est comme si plus de 750 millions de le nord de la péninsule Antarctique
annuelle, mesurée sur la période tonnes de glace avaient fondu chaque et le secteur de la mer d’Amundsen.
janvier-avril, montre des variations jour en moyenne dans les montagnes Pour mémoire, 100 Gt de fonte de
inter-annuelles mais une tendance sur les deux dernières décennies. glace conduit à une élévation d’environ
très nette à la baisse. Ainsi, la surface Souvent, de visu, on ne se rend pas 0,28 mm du niveau moyen de la mer.

ÉVOLUTION DES DEUX CALOTTES POLAIRES

Antarctique Groenland

Pôle Sud

1000 km 500 km

Évolution de l’épaisseur de la glace


entre 2003 et 2019, en mètres par an
-10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 +0,5
Source : B. Smith et al., Science, 2020.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 29

DIMINUTION DE LA BANQUISE AU PÔLE NORD ouvre des appétits de prospections de


ressources fossiles et donne lieu à des
controverses sur son statut géopoli-
Océan Pacifique Détroit
de Béring tique. Globalement, une hausse des
températures supérieure à deux degrés
par rapport à aujourd’hui conduirait à
une fonte totale de la banquise arctique
estivale avant la fin du siècle.
Autour de l’Antarctique, la surface de
CANADA RUSSIE la banquise a fluctué au cours des der-
Île Océan
Victoria Arctique nières décennies, avec une tendance à
l’augmentation jusqu’en 2014, puis une
Île diminution significative. Depuis 2016,
d’Ellesmere Pôle Nord la surface de la banquise antarctique
Île est légèrement inférieure à la moyenne
de Baffin des décennies précédentes. Les

l a i re
chercheurs expliquent cette disparité
Groenland

po
(DANEMARK) Svalbard d’évolution entre les banquises arc-

e
(NORVÈGE)

rcl
tiques et antarctiques par une évolution
Ce
NORVÈGE des vents induite par le changement
ISLANDE climatique mais aussi par l’évolution
Océan Atlantique de l’ozone stratosphérique.

Extension moyenne pour un mois de septembre, sur la période 1981-2010


Extension maximale de la banquise en septembre 2020 (3,7 millions de km2)
Le piège ouvert du pergélisol
Source : National Snow and Ice Data Center, mars 2021.
Le pergélisol est un sol qui reste gelé
pendant plus de deux ans consécu-
tifs. Aujourd’hui, il représente près
ÉVOLUTION DE LA SURFACE DE LA BANQUISE
d’un quart de la surface des terres
Millions de km2 émergées de l’hémisphère Nord, prin-
20
Mars 1979 Mars 2020 cipalement en Alaska, au Canada, au
Extension Groenland et en Sibérie.
15 maximale
(hiver) Les températures dans les régions à
pergélisol ont beaucoup augmenté
10 depuis trente ans. On constate une
Extension hausse de 3 °C dans certaines régions
5 minimale du nord de l’Alaska et de 2 °C au nord
Sept. 1979 (été) de la Russie, où l’on observe égale-
Sept. 2020
0 ment depuis 1975 une réduction consi-
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 dérable de l’étendue du pergélisol.
Source : National Snow and Ice Data Center, 2021.
Ce dernier constitue une immense
En France, un glacier emblématique comparaison avec celles des 1 000 réserve de carbone organique neu-
comme la Mer de Glace, dans le massif dernières années. Entre 1979 et 2020, tralisé par le gel en sous-sol. Sa fonte
du Mont-Blanc, en Haute-Savoie, a perdu l’étendue moyenne annuelle de la ban- accélérée peut conduire – via la décom-
120 mètres d’épaisseur en un siècle et quise arctique a diminué de 3,5 à 4,1 % position par les micro-organismes –
50 % de sa surface ces trente dernières par décennie, ce qui correspond à une à des émissions importantes de deux
années. De même, le glacier d’Ossoue perte de surface de 0,45 à 0,51 million gaz à effet de serre  : du dioxyde de
dans les Hautes-Pyrénées s’est raccourci de km2 tous les dix ans. Le « minimum carbone et du méthane (dont l’impact
de 540 mètres depuis 1911. d’été » annuel montre une tendance à la sur le climat est considéré comme 20 à
baisse rapide : la perte s’élève de 9,4 à 25 fois supérieur à celui du CO2 sur un
Un recul sans précédent 13,6 % par décennie, ce qui découvre cycle de 100 ans). Cela aurait pour effet
de la banquise alors entre 0,73 et 1,07 million de km2. d’augmenter la température de sur-
En Arctique, l’étendue de la banquise Cette fonte estivale rend de plus en plus face, accélérant encore davantage le
s’est réduite chaque décennie davan- aisément praticable « le passage mari- réchauffement du pergélisol… Celui-ci
tage depuis 1979, un constat valable time du nord-ouest », qui relie l’océan va donc continuer à fondre au cours
en toutes saisons. Dans cette région, Atlantique à l’océan Pacifique en pas- des prochaines années et ce quoique
en été, depuis trente ans, les tem- sant entre les îles arctiques du Grand l’on fasse pendant le xxie siècle, du fait
pératures de surface de la mer sont Nord canadien. Outre les perspectives de l’inertie de la « machine climatique ».
anormalement élevées, du moins en de route commerciale, ce passage
30

La montée du niveau des mers


Depuis le milieu du xixe siècle, le rythme d’élévation du niveau moyen des mers est nettement
supérieur à celui des deux derniers millénaires. Depuis que les satellites permettent sa mesure
(1992), le niveau des mers s’est élevé de 8 cm, soit un rythme moyen de 3,4 mm/an. Les experts
craignent aujourd’hui une élévation moyenne de 50 centimètres à l’horizon 2050 et du double, soit
1 mètre, en 2100. Dans ce cas, érosion accrue et submersion seraient au rendez-vous.

Les facteurs de la montée POURQUOI LE NIVEAU DES MERS MONTE ?


du niveau des mers
Les principaux facteurs d’élévation du
niveau des mers sont la dilatation ther- Fonte
mique et la fonte de réservoirs terrestres des glaciers Fonte
de montagne Expansion des calottes
de glace (glaciers, calottes polaires).
Glaciers et calottes. Pour éviter toute de l’océan due au glaciaires
réchauffement polaires
confusion, précisons que la fonte de la de l’eau
banquise, qui est de la glace de mer,
ne modifie pas le niveau l’océan. Cette
dernière naît de la formation de cris- Subsidence des
taux en surface quand la température plaques tectoniques
de l’eau de mer descend en dessous ou des zones de Modification de
deltas, mouvements la circulation des
de - 1,8 °C, cristaux qui s’épaississent
de terrain courants marins
ensuite pour former une couche de
glace pouvant atteindre deux ou trois
mètres. Si elle peut s’étendre sur plu- Source : D. Griggs, in Climate Change 2001, synthèse, Cambridge University Press, 2001.
sieurs millions de km2, la banquise est
relativement fine en regard de la profon-
deur de l’océan qui, en Arctique, des- premiers mètres et est la cause princi- rayonnement solaire total, le GIEC
cend jusqu’à 4 000 mètres. pale de l’élévation du niveau de la mer. affirme «  avec un degré de confiance
Les icebergs en revanche sont élevé  » que les variations constatées
des blocs de glace terrestre qui se Les élévations du niveau du rayonnement solaire n’ont pas
détachent et « plongent » dans la mer. des mers à travers les âges contribué au réchauffement actuel
Du fait de leur volume imposant – par- Évaluée par les experts à 21  centi- de la planète. La perte de masse des
fois plusieurs centaines de km2 et des mètres entre  1901 et  2020, la mon- glaciers et l’expansion thermique des
centaines de mètres d’épaisseur –, l’ac- tée du niveau des mers se poursuit océans, facteurs d’élévation du niveau
célération constatée de l’écoulement aujourd’hui à vitesse croissante. Alors de la mer, relèvent donc de l’impact des
des glaciers issus des calottes polaires que la moyenne annuelle constatée activités humaines sur le climat. D’après
contribue à l’élévation du niveau des sur ces 110 ans était de 1,7 mm, elle les dernières recherches, et bien que les
mers. En augmentant la masse d’eau atteignait 2  mm sur la période 1971- processus d’évolution des calottes gla-
douce en surface, la fonte de la calotte 2015 et 3,4 mm en rétrécissant encore ciaires restent très incertains, l’élévation
glaciaire arctique ralentit aussi la cir- la période sur les 30 dernières années, moyenne du niveau des océans pourrait
culation thermohaline, ce qui freine pendant laquelle le niveau des mers atteindre près d’un mètre en 2100.
les masses d’eau chaude remontant pouvait être suivi très précisément Des précédents dans l’histoire de la
l’Atlantique. grâce à des satellites en orbite. Ces planète. Afin d’avoir une perception
La dilatation de l’eau. En plus de faire chiffres sont expliqués par la somme complète du phénomène en cours,
fondre la glace, l’élévation de la tem- des contributions de l’expansion ther- on rappellera que le niveau moyen
pérature de l’air se propage à la sur- mique océanique, des changements des mers pendant la dernière période
face de l’eau. Or, au-dessus de 4 °C, affectant les glaciers, les calottes du interglaciaire (de - 129 000 à - 116 000
l’eau se dilate avec l’augmentation de Groenland ou de l’Antarctique et le ans) était supérieur de 4 à 6 mètres par
la température. Cette dilatation touche stockage des eaux continentales. rapport au niveau actuel. La calotte
d’abord la couche océanique des mille Sur la base de mesures directes du glaciaire du Groenland contribuait
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 31

très probablement à élever le niveau COMMENT MESURE-T-ON LE NIVEAU DES MERS ? Le rôle des satellites
moyen des mers de 1,4 à 4,3 mètres, Depuis 1992,
la calotte glaciaire de l’Antarctique le niveau moyen
Satellite Antenne GPS des mers est mesuré
ayant sans doute un impact addition- en orbite par satellites.
nel. Cette différence de niveau des polaire L’altimétrie permet
une couverture
mers s’est produite alors que l’orbite globale et homogène
de la Terre autour du soleil était légère- des océans avec
ment différente de celle d’aujourd’hui. Antenne DORIS une répétitivité
Radar et élevée. La mesure
De même, les températures de surface réflecteur laser intègre la hauteur
dans les hautes latitudes étaient d’au Altitude Distance moyenne des vagues,
du satellite altimétrique la vitesse du vent
moins 2 °C supérieures aux tempéra-
de surface, l’effet
tures actuelles, cela en moyenne sur Station terrestre stérique (effet de la
plusieurs millénaires. température et de la
salinité sur le niveau)
et les variations
L’érosion Géoïde de masses (apports
L’élévation du niveau de la mer accentue d’eau douce des
Niveau glaciers). Aujourd’hui,
la pression physique sur le trait de côte. de la mer Plancher on récolte plus de
Conjuguée aux tempêtes, cela provoque océanique données sur la
une érosion variable selon la nature géo- circulation océanique
Ellipsoïde en dix jours qu’il
logique de la côte. Les estuaires et les de référence n’en avait été
deltas, les marais côtiers, les plages et accumulé pendant
plusieurs siècles.
les falaises de roche tendre sont particu-
Source : www.cnes.fr, De l'altitude à la hauteur.
lièrement exposés.
L’érosion touche plus de 27  % des
côtes en France métropolitaine et Par exemple, sous la violence des huit d’érosion, contre seulement 10  % en
en Corse  : d’abord les plages (dans tempêtes de l’hiver 2013-2014, la côte accrétion. L’érosion de la côte induit
41  % des cas selon les scientifiques aquitaine a subi des reculs variant de trois types de risques : la perte de ter-
du Bureau de recherches géologiques 5 à 20 mètres, au lieu des 1 à 3 mètres rains souvent anthropisés  ; la fragili-
et minières), puis les côtes rocheuses habituels en moyenne sur la planète. sation des défenses naturelles (cor-
(23 %) et les littoraux vaseux (12 %). La Le retrait a même atteint 40 mètres à dons dunaires) ou artificielles (jetées et
part du littoral naturel en recul est très Soulac-sur-Mer, obligeant à évacuer un digues), pouvant entraîner une rupture
variable sur le littoral métropolitain. Elle immeuble menacé d’effondrement. La et une submersion marine irrégulière ou
est faible (inférieure à 10 %) en Corse et côte rocheuse basque ajoute à l’éro- permanente ; la dégradation des éco-
en Ille-et-Vilaine, mais très forte (supé- sion marine les problèmes géologiques systèmes marins et côtiers. Ce n’est pas
rieure à 70 %) dans le Pas-de-Calais, le de ses falaises constituées de roches sans conséquence sur la dynamique de
Calvados et le Gard. En Aquitaine, sur le friables, altérées et fragilisées par les développement de ces territoires.
littoral sableux, les zones en recul repré- infiltrations d’eau – ce phénomène étant
sentaient 51 % du linéaire côtier pour la aggravé par l’urbanisation importante. La disparition des mangroves
période 1825-1966, et 70 % du linéaire Certes, les vagues ramènent aussi du Liens entre la terre et la mer, les man-
entre 1966 et 1988. Les reculs les plus sable sur certaines plages et des sédi- groves sont des forêts de palétuviers
importants, constatés grâce aux rele- ments dans certains estuaires et litto- qui croissent en zone tropicale, dans les
vés de 1825, peuvent atteindre 100 à raux vaseux mais, au niveau mondial, estrans soumis aux variations de marées,
150 mètres en un peu plus de 150 ans ! 70  % des plages seraient en phase de courants, donc de flux sédimentaires.
Elles forment un rempart naturel contre
les tempêtes et les inondations, limitent
MONTÉE DU NIVEAU DES MERS SUR LES 200 DERNIÈRES ANNÉES À BREST
l’érosion côtière, séquestrent le carbone
Anomalie de niveau de la mer moyen annuel, en mm et servent de zone tampon face aux
cyclones et aux tsunamis.
250
Même si la montée du niveau des
200 océans n’est pas le facteur principal et
150 direct de la disparition inquiétante des
100 mangroves, elle contribue à les noyer
50 et à fragiliser la très riche biodiver-
sité qu’elles abritent. Les mangroves
0
peuvent naturellement reculer dans les
–50 terres au fur et à mesure de la montée
1807 1850 1900 1950 2019 du niveau de la mer… à condition que
Source : Permanent Service for Mean Sea Level, d’après Service hydrographique et océanographique de la Marine, 2020. celles-ci ne soient pas urbanisées.
32

L’effet de serre
L’atmosphère permet l’évolution et le maintien de la vie sur Terre telle que nous la
connaissons aujourd’hui. Elle est constituée de différents gaz et se comporte comme une
serre dont la température résulte des échanges énergétiques entre l’intérieur et l’extérieur.

Qu’est-ce qu’un gaz à effet a été profondément modifiée par les Par contre, une augmentation de la
de serre ? activités humaines (sauf H2O). température conduit à une augmen-
L’atmosphère est une fine couche de La vapeur d’eau. Le GES le plus tation des concentrations de vapeur
gaz et de nuages d’eau qui entoure la répandu dans l’atmosphère est la d’eau, et donc à un effet de serre addi-
Terre. En plus de permettre la vie en vapeur d’eau (H2O). Elle représente tionnel qui renforce la cause initiale. On
apportant l’oxygène et l’eau qui lui environ 2 ‰ de la masse de la tropos- dit que la vapeur d’eau apporte une
sont nécessaires, l’atmosphère per- phère (comprise entre 0 et 10 km d’alti- rétroaction positive sur le climat.
met de maintenir une température tude) mais est responsable d’environ Le dioxyde de carbone. Le dioxyde
acceptable sur Terre. En effet, sans 60 % de l’effet de serre naturel. On doit de carbone (CO2), appelé populaire-
atmosphère, la température de la pla- ensuite aux nuages, qui retiennent la ment gaz carbonique, est l’autre grand
nète serait beaucoup plus basse que chaleur de la surface terrestre, 17 % GES naturel. Atmosphère, océan et
ce qu’elle est réellement (de l’ordre de de l’effet de serre, le reste étant le fait végétation échangent chaque année
- 18 ° en moyenne). des autres GES. Une caractéristique de très grandes quantités de CO2, plu-
La température modérée que essentielle de la vapeur d’eau est que sieurs centaines de milliards de tonnes.
nous avons est le fruit de l’effet de sa concentration dépend de la tem- Le moteur principal de ces échanges
serre. L’atmosphère claire (sans nuage) pérature et peu des émissions. Toute est la photosynthèse, qui capte du CO2
est pratiquement transparente au quantité additionnelle de vapeur d’eau atmosphérique, et la décomposition de
rayonnement solaire qui réchauffe la va être éliminée via la condensation la matière végétale, qui libère du CO2
surface de la Terre. La surface terrestre et les précipitations. Les émissions vers l’atmosphère. Sur le dernier mil-
et les nuages renvoient une partie humaines de vapeur d’eau n’ont donc lion d’années, et avant la révolution
de ce rayonnement vers l’espace ; le aucun impact sensible sur ses concen- industrielle, les concentrations de CO2
reste est absorbé et réchauffe le sol trations et donc sur son effet de serre. ont varié entre 170 et 270 ppm (le ppm
et les océans. Le rayonnement infra-
rouge émis par la surface terrestre est LES PRINCIPAUX GAZ À EFFET DE SERRE ANTHROPIQUES
en partie absorbé par l’atmosphère et
cette dernière envoie du rayonnement Émissions anthropiques de gaz à effet de serre, en 2016, par type,
infrarouge vers le sol et vers l’espace. exprimées en pouvoir de réchauffement (%)
L’atmosphère joue donc le rôle d’une
CO2
couverture. 99 % de la masse de l’at-
combustibles
mosphère – constitué d’oxygène et fossiles
azote – ne participe pas à l’effet de 63,8
serre. C’est une toute petite fraction de
gaz, d’origine naturelle ou anthropique,
qui produit cet effet essentiel.

Autres 2,1
Les gaz à effet de serre
Les principaux gaz à effet de serre Protoxyde 6,2
(GES) naturels sont : la vapeur d’eau d’azote
(H2O), le dioxyde de carbone (CO2), le
10,7
méthane (CH4), le protoxyde d’azote CO2
(N2O) et l’ozone (O3). Ces GES exis- déforestation 17,3
taient avant l’apparition de l’homme
sur la Terre mais leur concentration Méthane Source : Climate Watch,
the Wolrd Resources Institute, 2020.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 33

ÉMISSIONS ANTHROPIQUES DE GAZ À EFFET DE SERRE

5%
vers l’espace
Rayons 30% Rayonnement
solaires renvoyés infrarouge
vers l’espace 95%
20% émis par le retenus par
absorbés par sol chauffé l’atmosphère
l’atmosphère 50%
atteignent
le sol

Énergies : 43% Incendies : 11%


Rizières : 22%

Villes : 14% Industries : 19%


Pétrole : 17% Bétail : 30%
Transports : 24% Charbon : 9% Déchets : 11%
Sources des émissions de gaz carbonique (CO2) Sources des émissions de méthane (CH4)
Source : CEA/DCOM, www.cea.fr, Les défis du CEA.

exprime le nombre de molécules d’un d’absorption du rayonnement infrarouge L’ozone. Ce gaz ambivalent – utile
gaz donné pour un million de molé- 23 fois supérieur à celui du CO2 sur dans la stratosphère et polluant dans
cules d’air). Du fait des émissions cent ans, ce qui fait de lui un contribu- la troposphère – n’est pas pris en
humaines de CO2, sa concentration est teur significatif de la perturbation cli- compte dans les accords internatio-
aujourd’hui proche de 415 ppm. Cette matique. L’agriculture (rizières, bovins) naux de réduction des gaz à effet de
augmentation est la principale cause conduit à des émissions importantes serre. Il est le produit de réactions
de l’effet de serre additionnel lié aux de CO2, de même que les fuites lors chimiques déclenchées par le rayon-
activités humaines. Pour cette raison, de l’extraction des combustibles fos- nement solaire impliquant les oxydes
les scientifiques l’ont choisi comme siles. Du fait de ces émissions anthro- d’azote (NOx), le CO et les composés
étalon du « potentiel de réchauffement piques additionnelles, la concentration organiques volatils non-méthaniques
global » (PRG) d’un gaz à effet de serre. atmosphérique de méthane a presque (COVNM) – voir p. 36-37.
On dira ainsi que tel gaz à un PRG de x triplé en 200 ans.
fois celui du CO2. Ce PRG est fonction Le protoxyde d’azote. Le protoxyde L’effet de serre anthropique
de l’efficacité d’un gaz donné à absor- d’azote (N2O) est émis naturellement Comme expliqué plus haut, les activi-
ber le rayonnement infrarouge et de par les sols (60 %) et par les océans tés humaines ont conduit à une aug-
son temps de vie dans l’atmosphère, (35 %). Il est produit par les microbes, mentation considérable de la concen-
tous deux comparés à ceux du CO2. qui cassent les molécules d’azote tration des GES naturels (CO2, CH4,
Le méthane. Les zones marécageuses organique contenu dans les sols cou- N2O). Par ailleurs, elles ont aussi
sont la plus importante source naturelle verts de végétation. Dans l’océan, le créé des gaz de synthèse qui parti-
de méthane (78  %). Dans ces zones N2O vient de l’activité microbienne cipent à l’effet de serre. Au rang de
gorgées d’eau, la décomposition de s’exerçant à l’intérieur et autour des ces derniers, on trouve principale-
matières organiques favorise le déve- particules qui sombrent dans l’océan, ment des dérivés d’hydrocarbures  :
loppement d’organismes anaérobies notamment les matières fécales. Il hydrochlorofluorocarbures (HCFC),
producteurs, ou consommateurs, de séjourne environ cent vingt ans dans chlorofluorocarbures (CFC), perfluo-
méthane. Les termites ne sont pas en l’atmosphère avec un PRG 310 fois carbures (PFC), tétrafluorométhane
reste avec leur digestion de la cellulose supérieur à celui du CO2. L’utilisation (CF4) et hexafluorure de soufre (SF6).
qui compte pour 12 % de la production d’engrais azotés provoque des émis- Les activités humaines au sens large
de méthane naturel ! Enfin, les couches sions supplémentaires de N2O, ce qui a ont donc conduit à une augmentation
sédimentaires profondes des zones conduit ses concentrations atmosphé- de la concentration atmosphérique de
côtières libèrent aussi du méthane. riques à augmenter de près de 30 %. nombreux gaz, conduisant à un ren-
Ce gaz reste environ une douzaine Pour mémoire, le protoxyde d’azote forcement de l’effet de serre. Un phé-
d’années avant de se transformer, est connu pour ses effets euphorisants nomène parfaitement naturel est donc
par réaction chimique dans l’atmos- (« gaz hilarant »), ses propriétés anes- renforcé par l’homme, ce qui conduit
phère… en CO2. Il a surtout un pouvoir thésiques et analgésiques. à une augmentation des températures.
34

Les émissions de CO2 issues


des énergies fossiles
Depuis le début de l’ère industrielle, les activités humaines ont conduit à une augmentation
continue des émissions de CO2 dans l’atmosphère par l’utilisation de combustibles dits fossiles
(charbon, puis pétrole et gaz naturel). Ces émissions d’origine anthropique augmentent l’effet
de serre naturel et leurs impacts s’additionnent au point de modifier le climat.

Une augmentation record aujourd’hui : elle est passée de 280 ppm LES ÉMISSIONS DE CO2 PAR ACTIVITÉ
de CO2 en 1750 (début de la civilisation indus-
Répartition des activités humaines
Les combustibles fossiles contiennent trielle) à plus de 415 ppm en 2015, soit génératrices de gaz à effet de serre,
du carbone, provenant de l’accumulation plus de 50  % d’augmentation. Pour en %
de matière organique créée par la pho- mesurer la portée de cette élévation, les
tosynthèse pendant des centaines de experts du GIEC soulignent qu’il a fallu Habitat
millions d’années. Il est stocké dans les plus de 5 000 ans pour que la concen- Transports 6,4 Électricité
organismes vivants et la matière orga- tration en CO2 augmente de ces mêmes 14
nique du sol mais aussi dissous dans les 80 ppm à la fin du dernier âge glaciaire. 34,6
Total :
océans et bien sûr dans les gisements Avant l’ère industrielle, et sur le dernier 49 Gt
de combustibles fossiles. Lors de la million d’années, sa concentration était 21
CO2 -eq
combustion des ressources fossiles, ce inférieure ou égale à 270 ppm.
Industrie
carbone se transforme en CO2. 24
Grâce aux bulles d’air emprisonnées Une économie carbonée
Agriculture et
dans les glaces polaires, les scienti- Pétrole, gaz, charbon sont les mar- déforestation
fiques ont pu comparer la concentra- queurs de l’industrie «  carbonée  ».
Source : GIEC,
tion de CO2 dans l’air entre 1750 et Nous baignons dans le carbone à un Changements climatiques 2013 : rapport de synthèse.

LES ÉMISSIONS DE CO2 PAR PAYS

Russie
1 678

États-Unis Chine
5 285 10 175 Japon
1 107

Inde
2 616

10 000
5 000
Émissions de CO2 2 000
par pays en 2019, 1 000
500
en millions de tonnes 100
Source : Global Carbon Atlas, 2021.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 35

point tel que nous ne nous en rendons LA HAUSSE DES ÉMISSIONS DE CO2 PAR COMBUSTIBLE
plus compte. Il n’y a que peu d’objets,
et peu d’activités qui ne dépendent Émissions de CO2 par combustible fossile, par an, en milliards de tonnes
pas, directement ou indirectement, des 35
énergies fossiles. 30
Torchères
L’énergie est de fait nécessaire partout. 25
Extraction, acheminement et transfor- Production
20 de ciment
mation des matières premières (pour
15 Gaz naturel
en faire des produits ou composer
de nouvelles matières) ; transport des 10
Pétrole
produits finis jusqu’aux magasins dont 5
la plupart, comme les usines, sont en 0 Charbon
béton – béton fait avec du ciment dont 1850 1875 1900 1925 1950 1975 2000 2019
Source : Global Carbon Project, 2021.
la fabrication est énergivore  ; éclai-
rage et chauffage des infrastructures
publiques, des usines et des loge- États-Unis (5,2 Gt), l’Union européenne À la fin du xixe siècle, l’atmosphère
ments des particuliers… (4,6 Gt), l’Inde (2,4 Gt), la Russie (1,8 Gt) contenait environ 860 Gt de CO2. En
Les principales contributions aux et le Japon (1,2 Gt). Cependant, quand 1950, la combustion d’énergies fos-
émissions de CO2 sont dans l’ordre : on ramène les émissions au nombre siles émettait 5,5 Gt de CO2 par an,
la production d’électricité, l’industrie, d’habitants, en tonnes par habitant 16,5 Gt en 1970, 23,4 Gt en 1990 et
la déforestation, l’agriculture inten- donc, le Qatari a le bonnet d’âne avec plus de 34 Gt aujourd’hui. La moitié
sive (engrais de synthèse, pesticides, 40,4, et l’Américain (16,5) précède de environ des émissions de carbone est
machinisme, élevage), les transports et loin l’Européen (9,1) le Chinois (6,2), le absorbée par les puits naturels que
la consommation des ménages (chauf- Français (5,7), le Chilien (4,2), l’Afghan sont les océans (1/4), la végétation et
fage, cuisson…). (0,2) et l’habitant du Lesotho (0,01). les sols (1/4)  ; l’autre moitié s’accu-
La première approche est celle qui mule dans l’atmosphère.
Les plus gros émetteurs : sert de base aux discussions interna- Il apparaît de nos jours indispensable
une question de comptabilité tionales de réduction des émissions de diminuer au moins de moitié ces
Quand on ventile les émissions anthro- de GES. La seconde souligne que l’on émissions, ce qui serait une première
piques de CO2 par pays, la Chine arrive parviendra à contenir le réchauffement étape vers une tendance zéro à la fin
en tête (avec environ 10  milliards de climatique qu’au prix d’un changement du siècle.
tonnes par an, abrégé Gt), suivie par les de mode de vie.

LES ÉMISSIONS DE CO2 PAR PAYS ET PAR HABITANT

Émissions de CO2
par habitant en 2019,
en tonnes de CO2
> 10
5 à 10
1 à 4,9
<1
Source : Global Carbon Atlas, 2021.
36

Les problématiques
liées à l’ozone
L’ozone est un gaz rare et instable. Il est l’objet d’un malentendu relativement fréquent chez
le grand public, qui confond aisément le « trou de la couche d’ozone » et le « pic d’ozone ».
Pour le dissiper, il faut comprendre que selon l’altitude où il se trouve dans l’atmosphère,
l’ozone (O3) est un gaz bénéfique ou nocif à la vie humaine.

L’ozone stratosphérique la production d’un certain nombre de d’altitude. Cet ozone troposphérique
L’ozone stratosphérique est produit gaz jugés nocifs et responsables de ce naît de la transformation chimique
naturellement dans la stratosphère, phénomène. Vingt-six ans après, nous du dioxygène de l’air – sous l’effet du
à une altitude de 12 à  50  km, par le constatons les bienfaits de la réduc- rayonnement solaire ultraviolet et d’une
rayonnement solaire  : celui-ci brise tion de ces gaz : la couche d’ozone se température élevée de l’air – au contact
les molécules de dioxygène (O2), libé- rétablit progressivement. On ne peut de l’oxyde de carbone (CO), des oxydes
rant un atome allant se greffer… sur pas encore parler de reconstitution d’azote (NOx) ou des composés orga-
une molécule de dioxygène. La plus complète, car tous les gaz ne sont pas niques volatils (COV) émis par les auto-
grande partie de cet ozone est pro- encore éliminés et leur émission est mobiles, les centrales thermiques et les
duite au-dessus des tropiques et est tolérée jusqu’à 2030-2040 selon les activités industrielles comme la fabrica-
distribuée aux quatre coins du monde pays. Les scientifiques estiment que tion d’engrais azotés ou celle de l’acide
par les vents. Son instabilité sous l’ac- la couche d’ozone sera revenue à un nitrique. Les incendies de forêt libèrent
tion des rayons solaires et des réac- état normal en 2050. aussi des oxydes d’azote qui alimentent
tions chimiques naturelles fait qu’il se la formation d’ozone troposphérique.
transforme en dioxygène normalement L’ozone troposphérique Cette pollution à l’ozone est recon-
en quantité égale à celle qui se forme. Les 10  % d’ozone restant dans l’at- naissable à l’air jaunâtre qui stagne
L’ozone stratosphérique représente mosphère sont produits indirectement au-dessus des grandes villes quand il
90  % de l’ozone dans l’atmosphère par certaines activités humaines et se fait très beau et plus de 25  °C. C’est
et forme une couche qui absorbe les trouvent dans la troposphère, c’est-à- ce que l’on appelle communément un
rayonnements solaires dangereux pour dire dans les dix premiers kilomètres « pic d’ozone ». En France, les pouvoirs
la vie humaine, en particulier les UV-C
et les UV-B. Sans elle, nous succom- L’OZONE DANS L’ATMOSPHÈRE
berions tous de cancers de la peau.
Altitude en km
Cette couche d’ozone est endomma-
gée par des gaz de synthèse conte- 35
nant du chlore ou du brome. Ces deux
atomes sont de puissants catalyseurs
permettant la transformation de l’ozone
30
en dioxygène. Chacun peut détruire Ozone
des dizaines de milliers de molécules 25 stratosphérique
d’ozone. Ces gaz de synthèse ont été COUCHE D’OZONE
abondamment utilisés dans la climati- 20
sation, la réfrigération, le gonflage des
mousses, le nettoyage de pièces élec-
troniques et les extincteurs d’incendie.
15
L’alerte sur leur dangerosité a été lan- La concentration
d’ozone augmente Ozone
cée en 1985  : c’est le fameux «  trou 10 à cause de
dans la couche d’ozone » constaté par la pollution troposphérique
les scientifiques au-dessus de l’An- 5
tarctique et des régions avoisinantes.
Cette prise de conscience a conduit
0
au Protocole de Montréal, entré en Concentration en ozone
vigueur le 1er janvier 1989, qui interdit Source : Ajavon et al., 2007.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 37

LE TROU DE LA COUCHE D’OZONE

1979 1984 1999

2004 2014 2020

Évolution de la surface du trou d’ozone, en millions de km2


27
25 Évolution de la concentration
23 moyenne mensuelle en ozone,
20
pour différents mois d’octobre,
15 en unités Dobson
10 100 200 300 400 500
Maximum
5
Moyenne du 7 septembre au 13 octobre
0
1980 1990 2000 2010 2020
Source : NASA Ozone Watch, 2021.

publics lancent une alerte dès que le pic capacité d’absorption du CO2 – dont La problématique du changement cli-
d’ozone dépasse 180 microgrammes on connaît le rôle sur le climat – et une matique et celle de la couche d’ozone
par mètre cube (µg/m3), suivant en cela baisse sensible des rendements agri- sont distinctes, même si tous deux
les indications de l’Organisation mon- coles, et la formation de lésions des sont provoqués par les émissions de
diale de la santé qui fixe à 100 µg/m3 tissus de la feuille, qui déprécient les gaz anthropiques. La destruction de
le seuil normal. À partir de 240 µg/m3, légumes comme les salades, les épi- l’ozone est due aux émissions de gaz,
ils mettent en place des mesures d’ur- nards, les blettes ou encore les tabacs. qui sont aussi des gaz à effet de serre.
gence. En effet, cet ozone-là, très oxy- Une fois émis au niveau du sol, l’ozone Par ailleurs, les changements clima-
dant, peut être dangereux pour la santé s’élève dans l’air et atteint les couches tiques liés à l’augmentation de l’effet
et entraîner des irritations des yeux et de l’atmosphère où il devient pleine- de serre favorisent la destruction de
des muqueuses, des maux de tête et ment un gaz à effet de serre. l’ozone stratosphérique.
aussi des maladies respiratoires graves D’après le dernier rapport du GIEC, Grâce à une collaboration entre scien-
(asthme, œdème du poumon). l’ozone troposphérique génère 6 à tifiques, instances politiques et indus-
À partir de 110 µg/m3, il nuit également 17 % de l’effet de serre additionnel lié triels, la problématique du trou d’ozone
aux cultures agricoles et aux forêts  : aux activités humaines. est en passe d’être réglée car des gaz
en empruntant le chemin respiratoire ont été trouvés pour se substituer à
des plantes, il perturbe les échanges Une question complexe ceux qui ont un impact néfaste sur
gazeux qui servent à la photosynthèse, Nous voilà en présence d’un gaz dont l’ozone. Il semble beaucoup plus dif-
c’est-à-dire à l’assimilation chlorophyl- il nous faudrait plus en haute altitude ficile de se passer des combustibles
lienne. Cela se traduit par deux formes et moins en bas. Hélas, l’ozone tro- fossiles et donc d’arriver à un accord
d’atteintes aux végétaux : un ralentis- posphérique ne s’élève pas pour rem- sur la réduction des émissions de CO2.
sement de leur croissance, ayant pour placer celui qui disparaît au niveau
conséquences une diminution de leur stratosphérique.
38

La déforestation
Une forêt « à l’équilibre » est autant un puits qu’une source de carbone : un puits au rythme
de la croissance des arbres, une source après leur mort. Depuis une vingtaine d’années, le monde
perd en moyenne 5,3 millions d’hectares de forêt par an, sous la pression principale des cultures
de rente (soja, maïs, canne à sucre, palmier à huile) et de l’urbanisation. Cette déforestation
et la modification de la couverture du sol qu’elle entraîne augmentent la concentration de CO2
dans l’atmosphère.

Une déforestation d’ampleur est l’extension des terres agricoles. Ce infrastructures routières, autoroutières,
Les forêts occupent 3,89  milliards phénomène n’est pas récent. Il a gran- ferrées, fluviales (canaux, barrages…),
d’hectares, soit 30 % des terres émer- dement contribué à donner au conti- concourent aussi à la déforestation. Ce
gées de la planète. Elles représentent nent européen ou aux États-Unis, un sont autant de réseaux qui, en plus, faci-
le socle des modes de vie des peuples peu plus tardivement, le visage qu’ils litent la desserte des forêts.
indigènes (60 millions de personnes) et ont aujourd’hui. Toutefois, la situation a Enfin, les catastrophes naturelles, les
l’on estime que 1,6 milliard d’individus considérablement changé. Actuellement, ouragans, les incendies, les épisodes
dépendent d’elles à des degrés divers. le déboisement n’a plus pour but d’ac- de sécheresse dus au changement cli-
Les plus importantes en surface sont quérir une autosuffisance alimentaire matique aggravent la déforestation.
les forêts tropicales (45 % du total) sui- mais de satisfaire les marchés financiers
vies des forêts boréales (31 %), tem- du soja (pour l’élevage industriel), de LA DÉFORESTATION AUX ÉTATS-UNIS
pérées (16 %) et subtropicales (8 %). l’huile de palme, de la canne à sucre et
Au cours de la période 1990-2010, la du maïs (pour les agrocarburants), des 1620
FAO (Organisation des Nations unies bois précieux (souvent exploités illégale-
pour l’alimentation et l’agriculture) a ment par le crime organisé), des métaux
relevé que la déforestation et les catas- et minéraux précieux (comme le nickel
trophes naturelles ont fait disparaître en Nouvelle-Calédonie)…
en moyenne 15,5  millions d’hectares L’extraction du pétrole, du gaz naturel,
par an de surfaces boisées. Cette dis- l’exploitation des sables bitumineux
parition est partiellement compensée et des gaz de schiste agressent aussi 1850
par des gains de surfaces forestières la forêt : forages, pipelines, routes de
obtenus par le reboisement et l’expan- desserte participent du grignotage des
sion des forêts naturelles, soit 10,2 mil- surfaces forestières. Sans compter les
lions d’hectares par an. La perte nette impacts des pollutions dues aux inévi-
annuelle est donc de 5,3 millions d’hec- tables fuites d’exploitation et aux rup-
tares de forêt par an sur cette période. tures d’installations.
Les causes de la déforestation. Le fac- En s’étendant sur des terres agri- 1920
teur de déforestation le plus important coles ou boisées, l’urbanisation et ses

ÉVOLUTION DE LA DÉFORESTATION PAR RÉGIONS DU MONDE

Évolution nette de la couverture forestière par région du monde,


en millions d’hectares par an
Amérique du Nord et centrale Fin du XXe siècle
Amérique du Sud
Europe
Asie-Pacifique
Afrique
Forêt primaire 1 000 km
-5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3
Source : FAO, Source : J. Boulier, L. Simon,
1990-2000 2000-2010 2010-2020 State of the World Forests, 2021. Atlas des forêts dans le monde, Autrement, 2009.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 39

ÉTAT ACTUEL DE LA DÉFORESTATION

Mékong -
Mékong - Laos 20 %
Amazonie - Afrique Myanmar
Venezuela/Guyana de l’Ouest - Afrique centrale -
Cameroun Mékong -
Liberia/ Cambodge
Amazonie -Brésil Côte d’Ivoire/ Afrique centrale -
Forêts Maya - 15 % Ghana RDC/RCA
Mexique/ 22 %
Guatemala Bornéo -
Amazonie - Colombie Indonésie/
Chocó-Darién – Malaisie
Colombie/Équateur Afrique centrale - Sumatra -Indonésie
Gabon/Cameroun/ 25 %
Amazonie - Pérou Guinée équatoriale Nouvelle Guinée -
Amazonie - Bolivie Indonésie/PNG
Cerrado - Brésil
33 % Afrique de l’Est - Australie
Madagascar orientale

Afrique Afrique de l’Est -


Gran Chaco - Mozambique
Paraguay/Argentine centrale -
Angola
26 % Afrique de l’Est -
Zambie
Source : WWF, Les fronts de déforestation, 2021.

Forêts Zones avec déforestation Déforestation de 2000 à 2018


Autres zones boisées en cours en pourcentage du couvert forestier en 2000

Puits et source de carbone LE CHANGEMENT D’ALBÉDO Changement


d’albédo
La forêt joue un rôle capital dans la
Plus un sol est
fixation du CO2. Elle stocke, dans sa Rayonnement solaire sombre, plus
biomasse et dans le sol, 40 % du car- réfléchi il absorbe les rayons
bone terrestre souterrain (sol, litière et solaires, ce qui
absorbé contribue à chauffer
racines) et 80  % de celui qui est au- la terre. Plus il est clair,
dessus de la surface du sol. Le carbone plus les rayons sont
renvoyés vers
circule entre la forêt et l’atmosphère : l’espace, réduisant
les arbres, comme tous les végétaux l’apport de chaleur.
chlorophylliens, absorbent le CO2 de La forêt étant plus
sombre que les
l’air, conservent le carbone pour fabri- surfaces cultivées,
quer des glucides et rejettent l’oxygène. la déforestation
Ce processus joue à plein pendant leur conduit, via ce
processus à un
phase de croissance, qui varie selon les refroidissement.
espèces entre quelques dizaines et plu- Il y a donc une
compensation partielle
sieurs centaines d’années. Les arbres
FORÊT ESPACE AGRICOLE entre cet effet et celui
stockent ensuite le carbone toute leur Albédo faible Albédo élevé lié à l’augmentation
vie. Par exemple, un palissandre de 80 de l’effet de serre par
Absorption forte Absorption faible le CO2 libéré dans
ans fait environ 30 mètres de haut et Réflexion faible Réflexion forte l’atmosphère lors
stocke 5,4 tonnes de CO2, c’est-à-dire d’une déforestation.
EFFET RÉCHAUFFANT EFFET REFROIDISSANT
autant que les émissions d’un vol de
600 kilomètres en Airbus A320. L’arbre Source : Carnegie Institution for Science, Dep. of Global Ecology,
Biophysical considerations in forestry for climate protection, 2010.
joue alors le rôle de « puits de carbone »
pendant sa phase de croissance.
Après une mort naturelle ou parce qu’il carbone  ». Ce CO2 libéré va renfor- « déforesté » sont expirées par la forêt
a été abattu, un arbre rejette le car- cer l’effet de serre. On estime qu’en- indonésienne et par l’Amazonie. De
bone qu’il a stocké – c’est-à-dire que viron 10 % des émissions mondiales plus, la disparition de chaque hectare
son carbone s’associe de nouveau à de dioxyde de carbone résultent de de forêt diminue d’autant l’évapotrans-
du dioxygène – soit quand il se décom- la déforestation et des changements piration (évaporation et transpiration
pose au sol, soit quand il brûle. On dit apportés à l’occupation des sols. Les des végétaux), ce qui modifie l’humi-
alors que l’arbre devient «  source de plus importantes émissions de CO2 dité de l’air et le climat régional.
40

Aérosols et autres forçages


Les aérosols – particules microscopiques en suspension dans l’air – et les nuages présents
dans l’atmosphère réfléchissent vers l’espace une partie de la lumière solaire qui,
de ce fait, ne chauffe pas la Terre. L’augmentation des aérosols liée aux activités humaines
génère donc un refroidissement qui, cependant, ne compense pas totalement l’impact
des gaz à effet de serre anthropiques.

La force des rayonnements comprendre le changement climatique, qui réchauffe le climat. Ils ont donc un
La tendance moyenne du climat à se il est nécessaire de prendre en compte forçage radiatif positif. En revanche, les
réchauffer ou à se refroidir est une et de comparer tous ces effets. Pour aérosols ont tendance à renvoyer les
affaire de rayonnements  : ceux du cela, les climatologues utilisent la rayons solaires vers l’espace, provo-
soleil captés, absorbés ou réfléchis, notion de forçage radiatif qui mesure quant un refroidissement de la Terre.
et ceux qui sont émis par la Terre et l’impact des différents facteurs (les Dans ce cas, le forçage radiatif est
partent dans l’espace. Les émissions émissions de GES, l’albédo, les aéro- négatif.
de gaz à effet de serre diminuent le sols, etc.) sur le bilan énergétique de la La notion de forçage radiatif permet
rayonnement émis par la Terre qui Terre. Il se mesure en watt/m2. de comparer l’impact des activités
part vers l’espace et réchauffent donc Il y a des forçages positifs et des for- humaines sur le climat à celui des fac-
notre planète. Cependant, les activités çages négatifs. Un forçage positif tend teurs naturels comme les variations de
humaines entraînent d’autres modifica- à réchauffer la Terre ; un forçage néga- la puissance du soleil ou les éruptions
tions de l’équilibre subtil entre le rayon- tif pousse au refroidissement. On l’a volcaniques. Ces dernières ont parfois
nement solaire absorbé et le rayonne- vu, les gaz à effet de serre absorbent un effet refroidissant plus important que
ment infrarouge émis par la Terre. Pour et émettent les rayons infrarouges, ce l’effet réchauffant des gaz à effet de

LA QUANTITÉ D’AÉROSOLS DANS L’ATMOSPHÈRE

ASIE

EUROPE Pollution en Inde


et en Chine
AMÉRIQUE OCÉAN
DU NORD ATLANTIQUE
Incendies
de Californie Poussières AFRIQUE OCÉAN
du Sahara PACIFIQUE

AM.
DU SUD

OCÉAN
PACIFIQUE Incendies OCÉAN
Incendies du bassin INDIEN
du Pantanal et du Congo
de l’Amazonie

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0


Épaisseur optique des aérosols à 550 nm,
moyenne de décembre 2020 Absence de données
Source : NASA Earth Observatory, 2021.
QUAND L’HOMME PERTURBE LE CLIMAT • 41

LES AGENTS QUI MODIFIENT LE CLIMAT Le forçage radiatif


Ce graphique
Agent Marge d’incertitude montre clairement
l’importance du forçage
Gaz à effet de serre CO2 radiatif positif des GES
(GES) anthropiques, évalué
Autres GES CH4 N2O Composés chlorés à + 3,8 watt/m2 en 2019
dont 2,16 watt/m2
ANTHROPIQUE

Ozone imputable au CO2 et


0,54 watt/m2 au CH4,
H2O stratosphérique alors que le forçage
Albédo de surface Changement radiatif négatif est
d’usage des sols Suie sur la neige estimé à - 1,1 watt/m2.
L’impact refroidissant
Trainée de condensation Nuages générés par les avions des aérosols
ne compense que
Aérosols partiellement le forçage
positif des gaz à effet
Aérosols-nuages de serre.
On voit aussi que les
Total anthropique
NATUREL

variations du soleil
Irradiance solaire ont, sur cette période,
eu une tendance au
-1 0 1 2 3 refroidissement mais
Forçage radiatif, en W/m2 d’amplitude négligeable
Source : GIEC, 6e Rapport, Changements climatiques 2021, chap. 7, 2021. (0,02 watt/m2).

serre anthropique, mais pendant un ou LES AÉROSOLS QUI REFROIDISSENT LE CLIMAT


deux ans seulement. Dans les travaux
du GIEC, les estimations de forçage Réflexion et absorption partielle du rayonnement solaire par les aérosols
radiatif se rapportent aux modifications
intervenues depuis 1750, période dési-
Refroidissement
gnée sous le terme d’ère industrielle.
Les nuages ont deux impacts oppo- Refroidissement
sés : un effet de serre d’une part, un
Sulfate Réchauffement
effet albédo par réfléchissement de ce
NUAGES + AÉROSOLS
rayonnement d’autre part. Les nuages Suie
élevés tendent à chauffer la Terre, tan- AÉROSOLS
dis que les nuages bas la refroidissent.
La prise en compte précise de ces
effets contribue aux incertitudes sur la
modélisation des climats futurs. Suie Sulfate Poussières
SO2
Forçage radiatif négatif
Moins connu du grand public, le for-
çage négatif mérite néanmoins que l’on
s’intéresse à lui car il participe active- Brûlage de Rejets Changement
biomasse industriels d’affectation
ment à l’équilibre énergétique. On le des terres
doit principalement aux nuages et aux
Source : climate-change-knowledge.org.
aérosols. Les aérosols sont des parti-
cules microscopiques en suspension
dans l’air, qui proviennent de soulè- l’atmosphère et ont donc une réparti- De même, comme il est expliqué
vement de poussière par les vents, de tion spatiale très hétérogène. pages 38-39, la déforestation modifie
la combustion de ressources fossiles, Les aérosols ont un autre impact, indi- le pouvoir réfléchissant des surfaces,
de la biomasse, des incendies et des rect, sur le climat. En effet, ils modi- ce qui constitue un forçage néga-
éruptions volcaniques. fient le cycle de vie des nuages et les tif. Les travaux du GIEC prennent en
Le premier effet des aérosols est de précipitations. La modification des compte de nombreux autres forçages,
renvoyer le rayonnement solaire vers nuages conduit à un changement de comme le dépôt de suie sur la neige,
l’espace, donc de refroidir le climat. leur albédo et de leur effet de serre. les traînées d’avion dans le ciel ou
Cet effet est relativement bien compris Ces effets des aérosols sur les nuages, la destruction de l’ozone par les gaz
par les climatologues, mais cependant qui entraînent un forçage radiatif sup- anthropiques.
plus difficile à mesurer que celui des plémentaire, restent mal compris. On
gaz à effet de serre car les aérosols pense que le forçage est négatif, mais
ne restent que quelques jours dans on connaît mal son amplitude.
42

EN CONCLUSIONN
Quand l’homme
perturbe le climat
150 ANS DE POLLUTION
ATMOSPHÉRIQUE
Commencée avec le charbon et
la machine à vapeur, continuée avec
le pétrole, le moteur à explosion,
l’électrification et la synthèse chimique,
la révolution industrielle a carboné
l’économie et la vie en général. Elle a aussi
profondément changé le mode de vie
de l’homme, lui donnant l’image d’une
nature exploitable à plus d’un titre.
D’un point de vue climatologique, l’ère
industrielle est marquée par l’émission
croissante de gaz à effet de serre (GES),
parmi lesquels le dioxyde de carbone
et le méthane jouent un rôle primordial,
aujourd’hui bien identifié et quantifié.

UN RÉCHAUFFEMENT
INÉLUCTABLE
Par leurs propriétés physico-chimiques
et leur longue durée de vie, les GES ont
le pouvoir de réchauffer l’atmosphère
par « effet de serre ». Ce réchauffement
général de l’air a des conséquences
– fonte des glaces, événements
météorologiques extrêmes, montée
du niveau des mers, sécheresse, perte
de biodiversité végétale et animale –
qui alimentent, pour certaines populations
et dans certaines zones du globe,
une détérioration des conditions de vie.
Si l’on continue d’émettre au rythme actuel
les GES, l’élévation de la température
moyenne de l’atmosphère au niveau
du sol sera de l’ordre de + 4,8 °C à la fin
du xxie siècle. Il faudrait réduire d’ici 2050
de 40 à 70 % les émissions mondiales
de GES pour arriver à zéro émission
en 2100 si l’on ne veut pas dépasser
une élévation moyenne de + 2 °C.
43

Les impacts
du réchauffement
climatique
Deux, trois, quatre degrés…, les prévisions de hausse des
températures moyennes peuvent sembler modestes au quidam
qui les compare avec les trente ou quarante degrés d’écart
qu’il recherche quand il quitte l’hémisphère Nord en hiver pour
rejoindre l’été de l’hémisphère Sud. Pourtant, deux degrés
de plus en moyenne – l’estimation la plus optimiste de
ce qui attend l’humanité à la fin du siècle – auront un impact
considérable sur toutes les activités humaines. Le degré
supplémentaire déjà enregistré conduit à des événements
climatiques extrêmes, une fonte des glaces, une élévation
du niveau de la mer, des migrations de populations,
des extinctions végétales et animales, et la propagation
de maladies…
L’atmosphère se réchauffe et cela va continuer inéluctablement
pendant longtemps ; si une partie du CO2 émis (et que
nous continuons d’émettre de manière croissante) sera
absorbée relativement vite par l’océan, 25 % resteront dans
l’atmosphère pendant des milliers d’années. Il va falloir
apprendre à habiter une Terre qui se réchauffe et dont
les précipitations moyennes évoluent.
44

Tempêtes, vagues de chaleur


et autres événements extrêmes
Pas un continent n’échappe à la multiplication des événements météorologiques extrêmes.
Tempêtes sur la façade atlantique de l’Europe, cyclones aux Caraïbes, dans les océans Indien
et Pacifique ; sécheresses inattendues en Chine, au Brésil, aux États-Unis, en Afrique ; canicule
en Russie, record de pluie au Bangladesh… Ces vingt dernières années, l’évolution du climat
se caractérise par une fréquence, une intensité, une étendue spatiale et une durée inhabituelles
des extrêmes météorologiques.

Inégalités géographiques entières. Lors de la dernière déglacia- pour des événements dits extrêmes.
Les tempêtes ou les sécheresses sont tion qui a commencé il y a 20 000 ans, Des températures qui se maintiennent à
des phénomènes naturels qui posent la température moyenne de la planète un niveau anormalement élevé peuvent
problème quand elles surviennent ou augmenta de 5 °C et le niveau des provoquer des hécatombes humaines.
se répètent dans un contexte de forte mers s’éleva de 120  m. Ce change- La canicule d’août 2003 a entraîné,
pression anthropique. ment climatique s’étala sur 10 000 ans. en France, la mort surnuméraire de
Les cernes de croissance des arbres Aujourd’hui, nous constatons une élé- 15 000 personnes en trois semaines,
et les sédiments (marins, glaciaires, vation moyenne de presque 1 °C depuis soit 55  % de plus que la mortalité
continentaux) nous apprennent que les le début du xxe siècle, principalement attendue. Le seuil thermique au-des-
intempéries d’aujourd’hui ne sont pas sur les 50 dernières années. C’est cette sus duquel la chaleur fait des victimes
plus violentes que celles d’hier : il y eut rupture dans l’échelle du temps qui est dépend de l’adaptation des personnes
maintes fois dans l’histoire de la Terre préoccupante. Nous allons vers un cli- au climat local. Ainsi, le nombre des
des Xynthia submergeant les littoraux et mat plus chaud, avec plus d’eau dans morts grimpe en flèche au-dessus de
des sécheresses affamant des régions l’atmosphère : cette eau est mobilisable P44-45
27,5 °C Les catastrophes
en Belgique naturell
alors que l’alerte se

LES PRINCIPALES VILLES SUJETTES AUX INONDATIONS À L’HORIZON 2050

Inondations
Nagoya Xiamen 9 mars-1er avr.
0,64 0,72 mai-juill.
Shenzhen Tornade
La Nouvelle- 3,1 17-31 mai
Orléans New York
2
Tianjin 2,2
1,8
Canton 13,2
Tampa Zhanjiang 0,89
0,85 Boston
Hô Chi Minh-Ville 1,9
Miami 0,79 Ourag
2,5 Calcutta 3,3 Doria
27 ao
Surat 0,92 9 sep
Guayaquil Jakarta
Bombay 6,4 1,7
3,1
Madras
0,93 Bangkok
0,73

Abidjan 1 Les catastrophes les plus


marquantes de 2019
Événement météorologique :
cyclone, tempête, orage, tornade
Événement hydrologique :
inondation, glissement de terrain
Montant estimé des indemnisations annuelles, Événement climatologique :
en milliards de dollars américains températures extrêmes,
sécheresse, incendie de forêt
Source : Climate Desk, T. Mc Donnell, août 2013, d’après données de S. Hallegate et al.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 45

QUEL CLIMAT POUR NOS VILLES EN 2050 ? raison d’une insuffisance de cohérence
Saint-Pétersbourg des modèles climatiques. De même,
Oslo
l’influence des émissions de GES sur
Riga l’accroissement de la fréquence des
Édimbourg
cyclones fait encore débat.
Copenhague
La compagnie de réassurance alle-
mande Munich Re, qui détient la base
Londres Lille de données la plus complète sur les
événements climatiques extrêmes et
Paris Bratislava
Zurich les catastrophes naturelles depuis
Vienne Budapest
1950, a dénombré 980 catastrophes
Lyon Milan naturelles en 2020, chiffre au-dessus
Marseille Sofia des 785 catastrophes naturelles par
Skopje 500 km
Madrid an en moyenne entre 2001 et 2011 et
Barcelone Position actuelle des 407 pour la décennie 1980-1989,
Position virtuelle en 2050 soit près de 2 fois plus en 30 ans. Les
Alger (Ex. : Londres connaîtra un climat similaire à celui conséquences sont lourdes, les coûts
de Barcelone avant le changement climatique)
financiers gigantesques et les pertes
Marrakech Source : J.-F. Bastin et al., ETH Zurich, 2019.
humaines dramatiquement élevées  :
depuis 1980, 4 200 milliards de dollars
situe à 41 °C en Andalousie. Les tem- Les scientifiques attendent des cani- de pertes et un million de personnes
pératures minimales nocturnes restent cules record combinées à des pluies tuées.
décisives en ce qu’elles permettent ou torrentielles et des inondations, des Ces chiffres recouvrent autant une
non un repos réparateur. hivers qui n’en sont pas, une aug- réalité humaine que géophysique : la
mentation du nombre annuel de jours croissance de la population mondiale
Catastrophes et démographie chauds et de nuits chaudes, ainsi que s’accompagne d’une urbanisation qui
14 des 15 années les plus chaudes d’autres événements extrêmes comme concentre souvent les hommes dans
jamais mesurées appartiennent au les cyclones d’une intensité rare. Des des zones à risques climatiques, ce qui
les en 2019
xxie siècle et ce constat révèle une ten- incertitudes demeurent en revanche accroît de fait la part des êtres humains
dance qui n’est pas près de s’inverser. sur le comportement des moussons en qui y sont exposés.

LES CATASTROPHES NATURELLES EN 2019

Typhon Hagibis
12-13 oct. Typhon Faxai
9 sept.
Inondations,
glissements de terrain
juin-juill.

gan Typhon Lekima (Hann)


an 6-14 août
oût-
pt.

Inondations,
glissements de terrain
1er-26 août

Cyclone Idai
9-14 mai

Incendies de forêt
sept.-déc.
Source : Munich Re, Geo Risks Research, NatCatSERVICE, 2020.
46

Fonte ou extension des glaces : de


nouveaux territoires exploitables ?
Tandis que l’Antarctique est protégé par son statut international, l’Arctique, progressivement
libéré des glaces, est à l’aube d’un développement inédit, dont l’ampleur est susceptible
d’emporter la totalité de son écosystème fragile. Ce nouvel enjeu exacerbe également
les différends entre les États riverains au sujet de la répartition des territoires maritimes
ou terrestres, engendrant déjà de véritables démonstrations de force.

Le pôle Nord, nouveau « point LES ROUTES MARITIMES RELIANT L’EUROPE À L’ASIE : LE DÉVELOPPEMENT
chaud » du globe DES VOIES POLAIRES
À l’été 2007, l’Agence spatiale euro- La banquise arctique
Passage Océan
péenne annonçait que le passage du
par Panama Pacifique en septembre 2012
Nord-Ouest était pour la première fois 25 000 km
«  pleinement navigable  ». Le Canada
revendique la qualité nationale de
ces eaux, tandis que les États-Unis et Passage du Shanghai
l’Union européenne considèrent l’en- Nord-Ouest CHINE
droit comme un détroit international. 16 000 km
Détroit de
Au-delà du passage à proprement par- ÉTATS- Futur passage Malacca
ler, ce type de discussions vaut en réa- UNIS Pôle transpolaire
lité pour tout l’espace maritime arctique,
Nord
13 000 km
mêlant, outre les intérêts déjà cités, Canal de
ceux de la Russie, du Danemark, de la Panama
INDE
Norvège, de l’Islande, de la Chine et du
Passage
Japon. Le régime juridique de l’Arctique
du Nord-Est
n’a jamais été clairement établi. Canada 15 000 km
et Russie abordent le sujet dans leurs
législations nationales. Les autres pays Océan Hambourg
mettent en avant l’extension, qui reste Atlantique ALLEMAGNE
à définir, des plateaux continentaux des
États riverains vers le pôle. Canal Passage
Note : Distances de Suez par Suez
La Zone économique exclusive (ZEE)
approximatives. 20 000 km
est un point d’affrontement entre les
Source : Centre for High North Logistics, base de données ARCTIS, 2010 (pour les distances).
États. En principe, elle ne dépasse pas
200 milles marins, mais ce plafond peut
être repoussé en fonction de l’impor- les siècles de glace arctique ont tou- xxie siècle, cette voie sera libre 120
tance du plateau continental, espace jours empêché. Ceci éclaire l’empres- jours par an. La distance entre Londres
sur lequel l’État côtier bénéficie de droits sement de la Russie à planter, en 2007, et Tokyo sera réduite de 3 000 à 5 000
souverains d’exploration et d’exploita- un drapeau en titane par 4 000 mètres milles marins par rapport aux routes
tion des ressources naturelles de tout de profondeur dans l’océan Arctique passant par le canal de Suez ou celui de
type (sauf de la pêche). L’imprécision au pôle Nord. En réponse à cette ten- Panama.
de certaines portions de frontières bila- tative d’appropriation, les autres États Idem pour le passage du Nord-Est,
térales entretient des litiges sévères  : riverains ont depuis multiplié les expé- qui part de l’Atlantique Nord et longe
celui opposant le Canada et les États- ditions scientifiques et militaires  pour la côte sibérienne jusqu’au Pacifique.
Unis en mer de Beaufort, la Norvège et affirmer leurs prétentions dans la région. L’emprunter réduira la liaison
la Russie aux îles Spitzberg, le Canada Rotterdam-Yokohama de 11 200 milles
et le Danemark sur l’île Hans. Les enjeux des nouvelles marins (via le canal de Suez) à 6 500
Enfin, pour corser le débat, le droit routes commerciales milles marins, soit un gain potentiel de
international dit que pour prétendre à la Le passage du Nord-Ouest relie le 40  % de temps. De plus, les navires
souveraineté sur un territoire, l’État doit détroit de Davis (Atlantique) à celui ne seront plus limités par leur taille,
y exercer une autorité effective, ce que de Béring (Pacifique). Avant la fin du qui oblige aujourd’hui les plus gros
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 47

LE PERGÉLISOL Les impacts


du dégel
Le pergélisol est
un sol durablement
gelé. Il couvre une
Océan majorité des zones
Pacifique arctiques, y compris
des zones habitées,
en Alaska et en
Sibérie par exemple.
Avec le réchauffement
climatique, les zones
de pergélisol ont
Océan commencé à se
Arctique réduire, et cette
CANADA réduction va
RUSSIE se poursuivre au
cours du xxie siècle.
La fonte des zones
actuellement gelées
va avoir plusieurs
Pôle Nord impacts.
Les infrastructures,
et en particulier les
bâtiments, peuvent

l a i re
s’enfoncer dans le sol
Groenland

po
(DANEMARK) devenu meuble et

e
devenir impropres

rcl
à l’usage. Par ailleurs,
NORVÈGE Ce le sol gelé contient
d’importantes
ISLANDE quantités de carbone
qui risquent de
Pergélisol continu se retrouver dans
Pergélisol discontinu Océan l’atmosphère avec
Pergélisol sporadique Atlantique le dégel. À l’inverse,
les zones dégelées
Îlots de pergélisol sont favorables
Zones encore gelées à la croissance de
nouvelles forêts.
en 2100 (estimations) Source : Canadian Cryospheric Information Network, 2015.

à passer par le cap Horn ou celui de LE CERCLE VICIEUX DE LA FONTE DU PERGÉLISOL


Bonne-Espérance, avec le coût en car-
burant que cela implique. Enfin, les iti- Le réchauffement Plus de gaz à effet
néraires arctiques permettront d’éviter climatique provoque de serre signifie que le
une hausse des réchauffement pourrait
les eaux de certaines régions touchées
températures être pire que prévu
par la piraterie (corne de l’Afrique, mer
de Chine), qui conduira sans doute à
une baisse des tarifs d’assurances.

Un essor économique Le pergélisol


Outre les routes commerciales, les États se réchauffe
riverains sont impatients d’exploiter Le carbone
les ressources du plateau continental. est relâché dans
Selon les plus prudentes estimations, l’atmosphère sous
Les matières forme de CO2 et
l’Arctique posséderait respectivement
organiques dégèlent de méthane
29  % et 10  % des ressources mon-
et pourrissent
diales en gaz et en pétrole non décou- Source : UNEP.

vertes. La Russie se taillerait la part du


lion, avec près de 69  % des réserves envieux même si l’on peine à les évaluer il est déjà en expansion, les agences
de la région. Les États-Unis affichent précisément, d’autant que les nouvelles de voyages ayant désormais l’Arctique
aujourd’hui des ambitions pétrolières routes maritimes, avec leurs ports et dans le catalogue de leurs destinations.
au large de l’Alaska, le Danemark sur la leurs connexions ferroviaires, facilite- Une telle expansion économique
côte groenlandaise, la Norvège autour raient l’accès à ces éventuels eldorados. produira inévitablement un accrois-
des îles Lofoten. Les autres ressources Sous l’effet de la migration de nom- sement des gaz à effet de serre et de
minières, jusqu’ici difficilement exploi- breuses espèces comestibles vers le la pollution dans la région et affectera
tables – zinc, fer, plomb, nickel, et même pôle, la pêche pourrait connaître un de façon certaine le mode de vie des
or, saphir ou diamant –, font aussi des développement. Quant au tourisme, peuples autochtones.
48

Des terres submergées


Le changement climatique a des impacts directs (niveau moyen de la mer, amplitude de la houle)
et indirects sur différents facteurs de submersion marine : amplitude des surcotes, érosion
des cordons dunaires et déstabilisation des ouvrages de défense, aboutissant à des ruptures…
Autant de menaces pour les territoires littoraux, les infrastructures et les populations y résidant.

Élévation du niveau de la mer marine (temporaire ou permanente) va particulièrement dans les zones où les
et surcote s’accentuer. profondeurs sont plus faibles. On voit
Plus de 60 % de la population mon- Le phénomène des surcotes. La alors apparaître des surcotes liées aux
diale – 3,8 milliards de personnes – vit conjonction d’une situation de pleine vagues dont la propagation dépend
dans les zones littorales, à moins de mer (ou marée haute) et d’une houle du niveau de la mer et qui déferlent à
150 kilomètres du rivage. Une éléva- de tempête produit un effet de sur- l’approche des côtes en fonction de la
tion du niveau de la mer de 1  mètre cote, calculé par rapport au niveau de géographie des fonds marins.
(élévation envisagée dans le rapport marée « normal » prédit. La variation Les impacts des submersions qui en
du GIEC pour 2100, même si les du niveau marin est en partie due aux découlent fragilisent les infrastructures
estimations les plus probables sont changements de pression atmosphé- portuaires, endommagent l’habitat
plus faibles) frapperait par exemple rique accompagnant le passage d’une côtier, les réseaux… et entraînent sou-
durement le sud de la Floride, la dépression et à l’action du vent à la vent un renchérissement des coûts de
Camargue, la côte hollandaise, ou surface de la mer (une baisse de pres- protection contre les risques côtiers.
encore le Vietnam et le Bangladesh. sion d’un hectopascal élève le niveau
Si l’on ajoute à cela l’évolution de la marin d’environ un centimètre). Digues et dunes
fréquence et de l’intensité des tem- Les surcotes générées par ces La pression conjuguée d’une érosion
pêtes, force est de constater que l’ex- « marées de tempête » peuvent entraî- accrue, de l’élévation du niveau de
position des zones littorales à l’éro- ner une variation du niveau de la mer la mer et de surcotes répétées peut
sion et aux risques de submersion atteignant jusqu’à 2 ou 3  mètres, amener à la rupture ou à la destruction

LE GOLFE DU MEXIQUE CONFRONTÉ À L’ÉLÉVATION DU NIVEAU DES MERS

ÉTATS-UNIS CAROLINE
DU SUD
Zones inondées en cas
LOUISIANE MISSISSIPPI ALABAMA GÉORGIE d’élévation du niveau
TEXAS de la mer
de 1 m
de 5 m 200 km

FLORIDE

Océan
Atlantique
Golfe
du Mexique BAHAMAS

CUBA

RÉP.
HAÏTI DOM.
MEXIQUE
Source : Université du Kansas, CReSIS, 2015.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 49

POPULATIONS IMPACTÉES PAR LA MONTÉE DES EAUX DANS LE NORD DE L’EUROPE

DANEMARK

Mer
Mer Baltique
du Nord

Mer
d’Irlande

ROYAUME-UNI ALLEMAGNE

PAYS-
BAS
Zone urbaine potentiellement affectée par
une élévation d’1 m du niveau de la mer
BELGIQUE Surface inondée, en %
> 40 20 à 40 10 à 20
Manche
FRANCE 5 à 10 5
100 km
Source : Climate ADAPT, Agence européenne pour l’environement, 2021.

LES CONSÉQUENCES D’UNE ÉLÉVATION DU NIVEAU DE LA MER EN FRANCE imprègne les terrains au voisinage des
SUR LES INFRASTRUCTURES côtes ou qui pénètre les cours d’eau
au niveau des estuaires. L’intrusion de
Dans l’hypothèse d’une élévation de 1 mètre du niveau de la mer, les
infrastructures suivantes seraient submergées une ou plusieurs fois par siècle : l’eau salée souterraine a la forme d’un
biseau plongeant vers l’intérieur des
Routes Voies Routes Routes terres. De moindre densité, l’eau douce
nationales Autoroutes ferrées départementales communales « flotte » sur cette eau salée. La sub-
198 km 355 km 1 967 km 4 338 km 15 522 km mersion du littoral augmente le volume
de ce «  biseau salé  » dans les aqui-
fères et nuit à l’exploitation de l’eau
douce. Enfin, infiltration et submersion
temporaire salent directement les sols,
les rendant rapidement impropres à
l’usage agricole.

Source : Ministère de l'Écologie, Changement climatique : impacts en France, 2014, d'après données CLS.
Une chaîne d’impacts
L’ampleur des risques de surcote,
d’un cordon dunaire naturel ou d’ou- oblige à revoir le dimensionnement des d’érosion, de submersion et de sali-
vrages de protection (digues, dunes digues en fonction des niveaux d’eau nisation des sols et des aquifères est
artificielles), avec pour conséquence et de houle extrêmes. En France, les difficile à prévoir avec précision, car
la submersion permanente des zones fortes incertitudes sur les conditions ces différents phénomènes sont inter-
basses inférieures au niveau de la mer climatiques futures poussent le Bureau dépendants et leurs effets peuvent
et situées en arrière de ces défenses. de recherches géologiques et minières s’additionner. Par exemple, une élé-
Les conséquences sont évidentes  : (BGRM) à recommander de rehausser vation moyenne du niveau marin se
disparition des plages, submersion les digues de deux mètres en prévision conjuguera un jour ou l’autre avec une
définitive des routes, des habitations, d’une élévation de 1 mètre du niveau tempête et une grande marée, donnant
voire des infrastructures économiques. de la mer. un caractère plus prononcé à la sub-
Dans les régions littorales exposées, il mersion, à l’érosion et à la salinisation.
faut dès à présent repenser l’occupa- La salinisation des sols Cette chaîne d’impacts directs n’est
tion des sols et prévoir le déplacement La zone littorale est le point de ren- pas sans conséquence sur les milieux
des activités et des zones d’habitation contre entre deux types d’eau souter- marins et littoraux, sur les ressources
en fonction de l’évolution du trait de raine : l’eau douce des nappes phréa- (eau, terres, biodiversité) et sur les acti-
côte. La hausse du niveau des mers tiques continentales et l’eau salée qui vités humaines qui en dépendent.
50

La biodiversité terrestre
en danger ?
Le changement climatique affecte les rythmes de vie, de reproduction, de croissance, les habitats
et les sources de nourriture de tous les êtres vivants. Certains vont y gagner, d’autres y perdre,
d’aucuns jusqu’à disparaître. Les prévisions sont difficiles tant les facultés d’adaptation rapide
des espèces sont inconnues.

Désordre général et accéléré de végétation est donc plus longue. pressions anthropiques subies par les
Le changement climatique n’est pas la Chez les insectes ou les oiseaux, les écosystèmes. Tout cela érode les capa-
cause principale de l’érosion rapide de éclosions sont plus avancées et les cités d’adaptation des espèces, qui
la biodiversité, mais nous savons que dates de migration s’en trouvent déca- reposent sur la diversité génétique et
ses impacts accentuent les contraintes lées, provoquant une désynchronisa- l’intensité des flux de gènes, deux fac-
anthropiques que subissent déjà les tion problématique pour les espèces teurs atteints par la fragmentation des
espèces et leurs habitats. interdépendantes. À cela s’ajoutent les habitats. On s’attend donc à une baisse
Sous l’effet des canicules, des séche-
resses plus longues et intenses et des L’ÉVOLUTION DE LA TEMPÉRATURE DU LAC LÉMAN
températures en hausse, les milieux Température moyenne annuelle mesurée dans les 10 premiers mètres, en °C
aquatiques vont être durement tou-
chés, notamment les espèces les moins 13
adaptées au déficit d’oxygène induit par
l’augmentation des températures. Cette
12
dernière modifie la phénologie des
espèces, c’est-à-dire que les variations
climatiques influencent certains des 11
phénomènes périodiques de la vie des
plantes ou des animaux. Chez les végé- 10
taux, les dates de débourrement et de 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
floraison sont plus précoces, la saison Source : Commission internationale pour la protection des eaux du Léman, Tableau de bord technique 2020.

UNE NÉCESSAIRE ADAPTATION DES ESPÈCES Adaptation


ou disparition
Comparaison de la vitesse maximale de migration des espèces à travers les paysages Le réchauffement
et de la vitesse d'évolution projetée des conditions de température climatique fait qu’une
température moyenne
100 Limite
Vitesse maximale de migration d'une espèce (km par décennie)

Vitesse moyenne donnée est observée


supérieure de déplacement des de plus en plus en
climats, 2050–2090 direction des pôles.
Médiane
80 Cette progression vers
RCP 8,5, territoires plats les pôles se fait à une
vitesse de quelques
60 dizaines de kilomètres
par décennie. Au xxie
siècle, cette vitesse
40 Limite dépendra de l’ampleur
RCP 6,0, territoires plats du réchauffement
inférieure
climatique, modélisée
RCP 4,5, territoires plats par le GIEC par
20 RCP 8,5, moyenne globale 4 scénarios (RCP).
RCP 6,0, moyenne globale Les espèces peuvent
RCP 4,5, moyenne globale s’adapter au
0 RCP 2,6, territoires plats et réchauffement
moyenne globale climatique si elles
Arbres

Plantes
herbacées

Mammifères à
sabots fendus

Mammifères
carnivores

Rongeurs

Primates

Insectes
phytophages

Mollusques
d'eau douce

peuvent migrer au
même rythme, sinon,
elles risquent de
disparaître.
Source : GIEC, 5e Rapport, Changements climatiques 2014. Résumé à l'attention des décideurs, 2014.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 51

LA PERTE DE BIODIVERSITÉ MONDIALE du taux de natalité et une surmortalité


des individus.
2000 Les aires de répartition de nombreuses
espèces ont déjà changé. C’est le cas
pour près de 500  espèces d’oiseaux.
En France, des espèces plutôt médi-
terranéennes ont récemment migré : le
héron garde-bœufs niche désormais en
Picardie et le guêpier d’Europe a atteint
la frontière belge. On constate en plaine
une remontée vers le Nord et en mon-
tagne une montée en altitude chez dif-
férents taxons (insectes, végétaux, cer-
taines espèces d’oiseaux).
À l’avenir, les espèces qui ne se seront
2050 pas adaptées aux nouvelles condi-
tions environnementales vont migrer ou
s’éteindre. Ces migrations et extinctions
appauvriront la biodiversité par endroits
et l’enrichiront ailleurs, modifiant les
abondances et les compositions des
écosystèmes, perturbant la répartition
des proies, des prédateurs et de leurs
parasites dans les chaînes alimentaires.
L’état actuel des connaissances ne
permet pas encore de faire des projec-
tions précises de l’importance de ces
État de la biodiversité par rapport à l'abondance des espèces changements.
avant tout impact anthropique
perte de 0 à 25 % perte de 50 à 75 % Source : GLOBIO ; Alkemade et al., Les espèces invasives
perte de 25 à 50 % perte de 75 à 100 % 2009, in GRID-Arendal www.grida.no.
Une étude du Programme mondial sur
les espèces envahissantes (GISP) parle
de « duo mortel » pour souligner les liens
LA CHENILLE PROCESSIONNAIRE EN FRANCE
entre les espèces envahissantes et le
changement climatique. Les Culicoides
Lille (moucherons vecteurs du virus de la
fièvre catarrhale ovine se développant
par des températures élevées), Miconia
Reims calvescens (une plante envahissante
Paris qui, associée à de fortes pluies, accroît
Strasbourg le risque de glissements de terrain), et le
champignon Batrachochytrium dendro-
Rennes batidis (dont on pense qu’il a contribué à
Orléans une extinction massive d’amphibiens tro-
picaux) représentent quelques exemples
Présence de la propagation d’espèces envahis-
en 1979 santes liée au changement climatique.
Progression Lyon Une espèce n’est pas invasive par
de 1979 définition, mais dans un écosystème
à 2006 donné. En modifiant l’aire de répartition
Bordeaux
Progression de beaucoup d’entre elles, le change-
de 2006 ment climatique rebat les cartes de la
à 2011 nature  : les espèces migrantes deve-
Progression nues « potentiellement » invasives vont
Marseille
de 2012 Toulouse se retrouver en contact avec de par-
à 2018 faites inconnues endogènes. Comment
prédire le comportement des unes et
Source : INRA/DSF, 2018. des autres et leur future compétition ?
52

La biodiversité marine en péril ?


La biodiversité marine est indispensable à la « bonne santé » des océans (photosynthèse,
production de poissons…). Le changement climatique modifie l’abondance, la diversité et la
répartition des millions d’espèces marines mais également leur alimentation, leur développement,
leur reproduction ainsi que les relations qu’elles entretiennent entre elles. Localement, les pertes
de biodiversité biologique ou la diminution des biomasses marines peuvent être considérables.

Les espèces marines face APPARITIONS ET EXTINCTIONS LOCALES DES ESPÈCES MARINES
au réchauffement : adaptation,
migration ou disparition
L’océan est le plus grand espace de vie
de la planète, celui où sont apparues
les premières cellules, il y a 3,5 milliards
d’années. Les modifications de tempé-
rature, d’acidification et de teneur en
oxygène des mers ont des effets sur le
métabolisme des organismes marins,
sur les cycles de vie des espèces, sur
les relations entre les proies et les préda-
teurs et sur les habitats. Par exemple, au
cours des cinquante dernières années,
les manifestations biologiques du prin-
Taux d’invasion des espèces Faible Moyen Élevé
temps – abondance maximale du phy- exotiques à l’horizon 2050
toplancton et du zooplancton, reproduc-
tion et migration des invertébrés, des
poissons et des oiseaux – sont deve-
nues plus précoces, avec une progres-
sion moyenne de 4,4 jours par décennie.
Certaines espèces s’adaptent, d’autres
migrent vers de nouvelles zones de
vie, d’autres encore disparaissent. En
général, poissons et invertébrés marins
réagissent au réchauffement de l’eau
par des migrations vers de plus hautes
latitudes ou des eaux plus profondes.
Pour l’ensemble des groupes taxono-
miques, avec une grande hétérogénéité,
la vitesse moyenne de déplacement en Taux d’extinction des espèces Faible Moyen Élevé
direction des pôles atteint 72 kilomètres
endémiques à l’horizon 2050
par décennie. Cela entraîne un accrois- Note : Étude concernant 1 066 espèces de poissons et d’invertébrés relativement à la situation de 2001-2005.
Source : W. W. L. Cheung et al., Projecting global marine biodiversity impacts under climate change scenario, Fish and Fisheries, 2009.
sement du nombre d’espèces d’eau
chaude dans la mer de Béring, la mer de à l’acidification de l’eau, elle nuit aux variations de température et à l’acidité
Barents et la mer du Nord, donc une aug- organismes marins possédant un sque- de l’eau qui perturbent la formation de
mentation de la biodiversité localement. lette ou une coque calcaire (phytoplanc- leur squelette et d’autres fonctions bio-
L’érosion générée par les événements ton, crustacés, mollusques). logiques comme la reproduction. On
climatiques extrêmes appauvrit les Coraux en danger. Les récifs coral- estime qu’environ 20 % des récifs ont
conditions de vie dans les habitats liens recouvrent une faible surface des disparu, que 25 % sont en danger de
côtiers, tels les mangroves et les her- océans (0,08 à 0,16  %) mais abritent nos jours et que 25 % supplémentaires
biers, propices à la reproduction des près d’un tiers des espèces marines seront menacés d’ici à 2050 si aucune
espèces et à la captation du CO2. Quant connues. Ils sont très sensibles aux action n’est menée pour les préserver.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 53

MENACES SUR LES CORAUX

2000 CHINE Récifs coralliens


menacés de
Océan disparition
Pacifique
Risque faible
Risque moyen
Risque élevé

Océan
Indien AUSTRALIE

2030 CHINE

Océan
Pacifique

Océan
Indien AUSTRALIE
Source : World Resources
Institute, Reefs at Risk
Revisited, 2011.

GRANDE BARRIÈRE DE CORAIL

Récifs de corail
>1 % Secteurs étudiés
18 % Proportion de récifs :
Secteur
Gr

Nord Mer
Totalement blanchis
an

de Corail
81 % Partiellement blanchis
de

10 % Encore intacts
ba

Port Douglas
rr

Cairns e Secteur 33 %
r

d central
e
co 57 %
ra
il
Townsville 1%

Mackay Secteur 25 %
Sud
AUSTRALIE
QUEENSLAND 74 %
300 km

Source : Arc Centre of Excellence for Coral Reef Studies, 2017.


54

La pêche à l’épreuve
du réchauffement
42 millions de pêcheurs (maritimes et continentaux) et de pisciculteurs ainsi que des centaines de
millions de personnes participent aux activités du secteur. Si ce n’est pas le cas partout, dans certaines
zones du globe, la productivité de la pêche en mer est globalement vouée à diminuer sous l’effet du
changement climatique. Les économies les plus fragiles et les plus dépendantes seront menacées
(et, avec elles, la sécurité alimentaire de millions de personnes), les autres chercheront les moyens
de s’y adapter. La pêche en eau douce suit, elle, une autre logique.

Les impacts du réchauffement de plus en plus pêchés. Ces migrations Des pêcheurs en danger. Dans cer-
sur la pêche en mer ont pour conséquence l’ouverture de taines régions, pour faire face à ces bou-
Pour 2,8 milliards d’êtres humains, le nouvelles zones d’activités. leversements qui s’ajoutent parfois aux
poisson représente environ 20 % des Une réduction de la biomasse. Autre problèmes de surpêche, non seulement
apports en protéines animales. Ce effet complexe du climat : la diminution les pêcheurs vont devoir aller pêcher
chiffre peut atteindre 50  % dans les de la biomasse de certaines espèces, plus au large – d’où un coût en carbu-
régions les plus pauvres du monde et comme le cabillaud en mer du Nord et rant et un impact en émission de GES
grimper jusqu’à 90 % dans les petits en mer Baltique. Dans le premier cas, non négligeables –, mais ils risquent de
États insulaires et les zones côtières. cette baisse des stocks est causée voir leurs prises diminuer. Sans compter
Des migrations. Sous la pression du par les déplacements de populations que la reconstitution des stocks de cer-
changement climatique, des pois- de planctons dont se nourrissent les taines espèces imposera peut-être des
sons, des mollusques et des crustacés larves de cabillaud. Celles qui les rem- quotas de pêche plus restrictifs, dont
remontent vers les pôles à la recherche placent viennent du sud, sont moins les professionnels souffriront à coup sûr.
d’eaux plus froides, soit parce que leur abondantes et ne semblent pas conve- Ces contraintes affecteront surtout l’ac-
organisme en a besoin, soit parce qu’ils nir au stade larvaire du cabillaud. Dans tivité à l’économie fragile des pêcheurs
suivent la migration des végétaux, la Baltique, le problème est tout autre : artisanaux qui ont modernisé leurs outils
planctons et autres organismes marins la baisse de salinité ne maintient plus (bateaux, engins de pêche) et ont besoin
dont ils se nourrissent. Par exemple, le les œufs de cabillaud en suspension de rembourser leurs emprunts bancaires.
rouget de roche et le bar, que l’on ren- suffisamment longtemps. Ils coulent Pour beaucoup d’îles, notamment les
contrait peu au nord de la Manche il y a vers le fond, où le manque d’oxygène États insulaires du Pacifique, la ressource
quelques décennies, y sont aujourd’hui rend leur survie difficile. halieutique est essentielle pour la sécurité

LA VULNÉRABILITÉ DES ÉCONOMIES FACE AUX IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT SUR LA PÊCHE Une économie
en danger
La production
mondiale des pêches
de capture et de
l’aquaculture s’élève
à 171 millions t/an.
La proportion des stocks
de poissons marins
exploités durablement
est passée de 90 % en
1974 à 66,9 % en 2015.
Dans certaines régions
du Sud, l’économie de
la pêche, déjà fragile,
est à la merci de prises
de pêche en baisse
(notamment du fait
d’un manque d’oxygène
pour les poissons dans
la couche supérieure
de l’océan), d’une
éventuelle dégradation
Vulnérabilité des économies nationales aux impacts des écosystèmes
du changement climatique sur la pêche marins, et de
Absence la submersion de
de données Très faible Faible Modérée Forte ses installations.
Source : Allison et al., Vulnerability of national economies to the impacts of climate change on fisheries, Fish and Fisheries, 2009.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 55

LES VARIATIONS DES PRISES DE PÊCHE DUES AU CLIMAT

Évolution des captures entre 2005 et 2055 Diminution (<–0,50 à –0,005) Augmentation (>0,005 à >0,50)
due au réchauffement climatique, en tonnes/km2 Source : W.W.L. Cheung et al., Global Change Biology, 2009.

alimentaire de leur population. Elle repré- – qui dépendent de ce secteur et sont alimentaire et l’emploi dans de nom-
sente également une rentrée de devises pour moitié exercés par des femmes. breux pays du Sud.
importante, grâce à la vente de droits de L’Afrique et l’Asie assurent 80  % des
pêche aux armateurs de pays riches. prises d’eau douce mondiales. Si le
réchauffement climatique influe favo- DES SPÉCIFICITÉS RÉGIONALES
La pêche en eau douce rablement sur la croissance des pois-
La pêche continentale est d’une impor- sons d’eau douce, il sera particulière-
Proportion des navires de pêche
en eaux continentales et en mer,
tance vitale pour l’alimentation et les ment marqué dans certaines régions de
par région
revenus des habitants des pays en ces deux continents. Cela se traduira
Eaux Haute mer
développement. Au total, rivières et par une diminution des précipitations, continentales
lacs fournissent 13  millions de tonnes l’assèchement temporaire (ou définitif)
de poissons annuellement, et ce seule- des cours d’eau, un abaissement du
ment si l’on tient compte des captures niveau des lacs, processus déjà entamé
déclarées, mais probablement plus du par l’augmentation des prélèvements
double en réalité. Cette activité génère en eau des populations. Si l’on ajoute
60  millions d’emplois  : des pêcheurs à cela les impacts de la pollution et de
en grand nombre certes, mais aussi la surpêche, nul doute que les consé-
d’autres métiers – dont les marchands quences seront lourdes sur la sécurité
Asie
PRÉSENCE DE LA TRUITE FARIO EN FRANCE
Distribution prédite de la truite fario en France continentale
Période actuelle 2051-2080 Afrique

Amérique
latine et
Caraïbes
Amérique
du Nord
Proche-Orient

Europe
Pacifique
Source : Laëtitia Buisson, Poissons des rivières françaises et changement climatique :
impact sur la distribution des espèces et incertitudes des projections, INP Toulouse, 2009. Source : FAO, 2013. et Océanie
56

Un bouleversement agricole
L’agriculture est le premier secteur économique concerné par le changement climatique, tant celui-ci
impacte les ressources nécessaires à son exercice et les espèces cultivées. Si le réchauffement ouvrira
de nouvelles possibilités de cultures, notamment dans les pays de hautes latitudes, la raréfaction
de l’eau et l’appauvrissement des sols poseront d’immenses problèmes dans les basses latitudes.
Selon les Nations unies, d’ici à 2080, 600 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir
d’insécurité alimentaire sous l’effet du changement climatique. Avec à la clé, migrations et conflits.

Agriculture et changement facteur limitant car, à concentration méditerranéenne, c’est l’allongement


climatique élevée, il ralentit la photosynthèse. de la durée de dormance (satisfaction
Les impacts du climat sur les Une redistribution des cartes dans du besoin en froid de la plante) qui pré-
cultures. La croissance des végétaux l’hémisphère Nord. Les régions médi- occupe les agriculteurs car cela étend
dépend des températures, des nutri- terranéennes deviendront plus sèches, excessivement la durée de floraison et
ments contenus dans le sol et de la entraînant une baisse de la teneur en peut remettre en cause la maturité des
disponibilité en eau. Les rendements humidité du sol. Ceci provoquera une fruits. Autre difficulté, la hausse prévi-
agricoles sont liés à l’alternance régu- diminution de la production végétale, une sible de l’évapotranspiration aboutira à
lière des épisodes pluvieux et secs. réduction de croissance dans les forêts une diminution des nappes aquifères,
Concrètement, les variations de tem- et des risques d’incendies accrus. La entraînant des restrictions d’irrigation
pérature et de précipitations peuvent hausse des températures permettra aussi pendant les périodes estivales.
entraîner  chez certaines plantes aux ravageurs et aux maladies d’étendre De facto, le modèle agronomique domi-
comme le riz et le blé une «  stérilité leurs aires, surtout vers le nord. nant des pays septentrionaux pourrait
pollinique  », tandis qu’une extension Les régions septentrionales auront être remis en cause.
de la couverture nuageuse et une aug- l’opportunité de planter des vergers et
mentation locale trop brutale de la des vignes et profiteront de la baisse L’ÉVOLUTION DES CULTURES
pluviométrie peuvent faire baisser les d’engorgement des sols et de l’allonge- DE BLÉ, MAÏS ET RIZ
rendements. ment des périodes de croissance pour
Évolution des superficies favorables
L’augmentation de la concentration étendre leur gamme de cultures. Pour à la culture du blé, du maïs et du riz,
en CO2 dans l’atmosphère stimule la les cultures pérennes en climat tempéré, en cas d’une augmentation de
photosynthèse de nombreux végé- essentiellement arbres fruitiers et vigne, température de 1°C, selon les régions
taux, donc les rendements, mais cela l’avancée des stades phénologiques du monde, en %
vaut aussi pour les mauvaises herbes. pose tout de même des problèmes de –20 0 20
Cependant, des études montrent qu’un pollinisation – les insectes pollinisateurs Afrique australe
doublement du taux de CO2 affecte dif- n’étant pas forcément au rendez-vous Océanie
Amérique du Sud
féremment les rendements des grandes précoce des fleurs – et d’accroisse-
Afrique de l’Est
cultures (blé, maïs) selon les lieux de ment du risque de gel printanier sur Japon
production. L’ozone, lui, peut être un des arbres déjà en fleurs. En région Asie du Sud-Est
Afrique centrale
ÉVOLUTION DES DATES DE FLORAISON ET DE VENDANGE DU CHAMPAGNE Asie du Sud
21 oct. Afrique de l’Ouest
Caraïbes
1er oct. Afrique du Nord
11 sept. Amérique centrale
Europe de l’Ouest
22 août Polynésie
Date de pleine floraison Date de début des vendanges Europe de l’Est
2 août moyenne décennale moyenne décennale Europe du Sud
13 juil. Europe du Nord
Amérique du Nord
23 juin Asie centrale
Asie de l’Est
3 juin
Russie
14 mai Moyen-Orient
1951 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
Source : Comité interprofessionnel du vin de Champagne, 2020. Source : FAO/IIASA, données GAEZ, 2015.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 57
LE FUTUR DE LA PRODUCTIVITÉ AGRICOLE DANS LE MONDE À L’HORIZON 2080

Variations de la productivité agricole dues au changement climatique,


à l’horizon 2080 (y compris effets de la fertilisation carbonée)
–50% –15% 0 +15% +35% Absence
Source : Federal Union,
d’après Unep/GRID, 2011. de données

ÉVOLUTION DES ESSENCES D’ARBRES EN FRANCE L’évolution des


essences d’arbres
Le déplacement des
Répartition Répartition aires de distribution
actuelle en 2100 des essences d’arbres
est considéré comme
inéluctable, sous
réserve qu’elles aient
le temps de migrer
avant de dépérir. Dans
l’hémisphère Nord,
pour chaque degré de
plus, elles remontent
de 100 kilomètres vers
le nord. En Europe,
on a aussi observé
une progression en
altitude de 29 mètres
par décennie.
Les forestiers testent
de nouvelles essences
lors des reboisements
pour remédier
Espèces d’arbres à l’élimination
Montagnardes (pin cembro, Océaniques (nord) (châtaigner) progressive des
aulne incana, sapin blanc) espèces endémiques.
Océaniques (sud) (pin maritime) Source : École nationale
Continentales (hêtre) Méditerranéennes (chêne vert)
du génie rural, des eaux
et des forêts, 2014.

L’AVENIR DES CULTURES EN CALIFORNIE


Évolution de la production, en % Dans le scénario d’émissions Dans le scénario d’émissions
de carbone le plus pessimiste de carbone le plus optimiste
10 10 10
0 0 0
–10 –10 –10
–20 –20 –20
Maïs Riz Coton
–30 –30 –30
2010 2030 2050 2070 2090 2010 2030 2050 2070 2090 2010 2030 2050 2070 2090
Source : National Climate Assessment, US Global Change Research Program, 2014.
58

La santé en question
Air pur, eau potable et nourriture en quantités suffisantes, sécurité des logements : le réchauffement
climatique influe directement ou indirectement sur nombre d’éléments déterminants pour la santé.
De plus, les scientifiques attendent dans les prochaines décennies une recrudescence des allergies,
des maladies infectieuses ou parasitaires… mais ignorent les formes précises d’adaptation
et de mutations des nouveaux pathogènes qui s’épanouiront alors.

Plus chaud, plus risqué IMPACTS DES CRUES DE 2010 AU PAKISTAN Un drame sanitaire
On se souvient des 70  000 morts Étendue de la crue (du De juillet à décembre
causés en Europe par la canicule de 2010, l’Indus et ses
8 août au 16 sept. 2010) affluents ont inondé
2003 (hyperthermie, coup de chaleur, Régions inondées un quart du Pakistan,
déshydratation aiguë des individus). (au 20 sept. 2010) faisant entre 1 800
La modification de la fréquence des Sévèrement et 3 000 morts selon
les estimations. La
vagues de chaleur, comme de tout touchées catastrophe a affecté
Moyennement Islamabad
autre événement extrême, a un effet 21 millions d’habitants
touchées (soit environ 12 % de
direct sur la santé humaine. Il en est
Zones la population) et
de même de la variabilité des précipita- intactes privé 10 millions de
tions, de l’élévation de la température personnes de leur
logement. L’inondation
moyenne et de l’exposition accrue aux Lahore a détruit 3,6 millions
rayons ultraviolets. d’hectares agricoles,
PAKISTAN les silos, les cheptels,
L’élévation de la température moyenne
les outils ; désorganisé
présente quelques avantages pour la les transports ; fermé
santé  : elle fait notamment baisser la des milliers d’écoles ;
contraint une partie
mortalité en hiver dans les zones tem-
us des réfugiés à passer
pérées. Toutefois, lorsqu’elle dépasse Ind l’hiver dans des camps
25 °C, le risque de mortalité s’en trouve de toile ; causé des
problèmes sanitaires
accru, en particulier chez les popu- (maladies respiratoires
lations vulnérables que sont les per- Centres de traitement et diarrhéiques,
sonnes âgées, malades ou handica- des maladies diarrhéiques infections cutanées).
Les pertes sont
pées, les jeunes enfants et les individus (4 octobre 2010) estimées par le ministre
en situation précaire. Elle favorise égale- Établis pakistanais des
En cours d’établissement Affaires étrangères à
ment la recrudescence de maladies car- 43 milliards de dollars.
diovasculaires, cérébro-vasculaires, res- Karachi Pôles et groupes de
piratoires, métaboliques ou psychiques. 100 km responsabilité sectorielles
La hausse des températures, notam- Santé de l’OMS
ment au printemps, permet aussi des Source : Atlas de la santé et du climat, OMS, OMM, 2012.
floraisons abondantes, donc davan-
tage de pollens en suspension dans les personnes au risque de cancers potentielles transformations du pay-
l’air, avec leurs effets allergènes (rhi- cutanés : en France, ceux-ci ont aug- sage infectieux d’une région. L’humidité
nites, crises d’asthme, eczémas, menté de 45 % chez les hommes et et la chaleur sont des facteurs de déve-
œdèmes). Le déplacement vers le nord de 19 % chez les femmes entre 1990 loppement de nombreux champignons
des aires de répartition des plantes à et 2010. microscopiques et de bactéries. La
pollen abondant – bouleau, cyprès, multiplication des épisodes exception-
olivier, arganier… – n’arrange rien. Un Plus de microbes, nels de fortes précipitations devrait,
seul pied d’ambroisie (espèce inva- plus d’infections par exemple, entraîner une augmen-
sive), libère 2,5 milliards de grains de Selon le Haut Conseil de la santé tation des moisissures dans l’air exté-
pollen en une journée. publique, «  les changements clima- rieur et à l’intérieur des habitations sous
Par ailleurs, l’augmentation du nombre tiques peuvent modifier et rendre nos latitudes. Celles-ci sont source de
annuel de journées estivales (quand la imprévisibles les évolutions des particules (glucanes, particules orga-
température dépasse les 25 °C) expose espèces microbiennes », entraînant de niques volatiles, mycotoxines, spores)
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 59

responsables de pathologies irritatives L’AE ALBOPICTUS, Lille


et immunologiques, aiguës et chro- OU MOUSTIQUE-TIGRE,
niques. L’élévation de température des EN FRANCE
écosystèmes aquatiques d’eau douce
ou salée rend par ailleurs certaines bac- Reims
téries plus pathogènes pour les indivi- Caen Paris Strasbourg
dus qui les contractent. Amibes, cya-
nobactéries, vibrio spp., légionnelles,
salmonelles, seront au rendez-vous Rennes
Orléans Dijon
dans les prochaines années, dans l’air,
le sol, l’eau, les coquillages, les ani-
maux et les aliments. Poitiers

Vecteurs et réservoirs Première détection


d’Aedes albopictus : Lyon
Le changement climatique modifie la
répartition écologique des vecteurs et
2004 Bordeaux
des réservoirs de maladies. 2006 à 2012
Par exemple, les vecteurs du virus du 2013 à 2018
Nil occidental (infection sévère pour 2019 Toulouse Nice
l’homme et le cheval) sont principale- Détection
ment des moustiques. Son réservoir ponctuelle Marseille
habituel, c’est-à-dire ces espèces ani- Pas de détection
males qui hébergent un agent patho-
Source : DGS, INVS, ARS, 2021.
gène et permettent sa prolifération,
est constitué de différentes espèces
LES CONSÉQUENCES SANITAIRES DU RÉCHAUFFEMENT
d’oiseaux. Une augmentation des tem-
pératures et un radoucissement du cli-
Changement Effets
mat hivernal contribuent d’une part à la
climatique sur la santé
survie des vecteurs (les moustiques),
d’autre part allongent la durée de séjour, Maladies et décès
voire sédentarisent les oiseaux migra- liés aux températures
teurs, réservoirs naturels du virus. De Modifications Effets sur la santé
telles conditions favorisent l’endémi- régionales liés à la pollution
sation du virus et sa dispersion. L’été du climat de l’air
2010, associant des pluies abondantes
• Canicules Voies de Maladies d’origine
et des températures élevées, a permis
contamination hydrique ou
une recrudescence d’activité du virus du • Conditions microbienne alimentaire
Nil occidental dans de nouvelles régions climatiques
d’Europe (Bulgarie, Grèce en Macédoine extrêmes Maladies transmises
Dynamique de par des vecteurs et
centrale, Sicile…) causant le décès de
• Températures la transmission des rongeurs
centaines de personnes (261 en Grèce).
On peut faire la même démonstration • Précipitations Effets de la pénurie
avec Aedes albopictus, le moustique Agro-écosystèmes de nourriture et d’eau
tigre vecteur du chikungunya et de la et hydrologie
dengue, apparu en France en 2004 et Effets sur
implanté aujourd’hui dans près de 20
la santé mentale,
Composantes l’état nutritionnel,
départements du sud du pays. Idem socio-économiques les maladies
avec l’aire de distribution grandissante et démographiques infectieuses
en France des phlébotomes, vecteurs Source : OMS, 2015.
de la leishmaniose (maladie parasitaire
provoquant des affections cutanées ou l’hantavirus causant une fièvre hémor- l’agriculture, l’eau et l’assainissement)
viscérales). En Europe du Nord et au ragique avec syndrome rénal, ce qui se situe entre 2 et 4 milliards de dollars
Canada, c’est la prolifération des tiques, conduit à une augmentation du risque par an d’ici 2030 ». Elle prévoit qu’entre
porteuses de la maladie de Lyme et de transmission de ce virus à l’homme. 2030 et 2050, le changement clima-
d’encéphalites, qui suscite l’inquiétude. L’OMS estime « que le coût des dom- tique entraînera près de 250 000 décès
En Allemagne, les conditions météo ont mages directs pour la santé (à l’ex- supplémentaires par an, conséquences
modifié les habitudes alimentaires des clusion des coûts dans des secteurs de la malnutrition, du paludisme, de la
campagnols roussâtres, réservoirs de déterminants pour la santé tels que diarrhée et du stress lié à la chaleur.
60

Réfugiés climatiques
et populations déplacées
Les réfugiés climatiques fuient des situations différentes et complexes : soit des événements
climatiques extrêmes et soudains (ouragans, tempêtes, inondations, etc.), soit des dégradations
progressives et lentes de leurs territoires et des écosystèmes (sécheresse, montée des eaux,
fonte des glaces…). La majorité des sinistrés émigre localement, sauf ceux qui n’ont aucun espoir
de retour, notamment les habitants des zones submergées ou en voie de submersion.

Des régions entières menacées grand comme la moitié de la France. Des déplacements
De 2008 à 2013, 27  millions de per- Les 152  millions de Bangladais vivent problématiques
sonnes par an en moyenne, de à moins de 12 mètres au-dessus du Migrations nationales. Les millions
119 pays, ont dû fuir leur domicile sous niveau de la mer, et environ 10  % du de personnes qui quittent leur habi-
la pression climatique. En Chine, le territoire est situé en dessous du niveau tation pour raisons climatiques se
désert de Gobi progresse de près de de la mer. Au rythme actuel, la surface dirigent le plus souvent vers les villes
10 000 km2 par an et se rapproche de hors d’eau du pays pourrait se réduire épargnées les plus proches. L’Asie est
Pékin. Dans la zone arctique, la fonte du de 17 % d’ici 2100. Dans le delta du le continent le plus touché et compte
pergélisol va contraindre à l’exode les Nil, les 24 000 km2 à moins de 2 mètres 87 % des migrants climatiques inté­
peuples du Grand Nord. Les pays les au-dessus du niveau de la mer abritent rieurs recensés en 2014. L’Afrique tient
plus vulnérables au changement clima- 19,4 millions de personnes et regroupent la seconde place mais sa population
tique sont loin d’être ceux qui émettent 40 % de la production agricole égyp- étant appelée à doubler d’ici 2050, les
le plus de CO2. tienne. Si la mer monte de 1 mètre, un risques de déplacement vont y aug-
Les deltas. L’élévation du niveau de la quart du delta sera inondé et 10 % de la menter plus rapidement qu’ailleurs. La
mer impacte particulièrement les grands population du pays sera forcée à migrer ; pression démographique aux abords
deltas, souvent densément peuplés, tel sans compter que 60 % des territoires des mégalopoles du Sud va perturber
celui du Gange et du Brahmapoutre, à de la région seront touchés d’ici 2100 l’accès aux ressources et aux infra-
cheval sur l’Inde et le Bangladesh, et par la salinisation des eaux souterraines. structures de base, avec le risque

LES CAUSES DES MIGRATIONS ENVIRONNEMENTALES Chine


94 millions
Alaska
Pays-Bas
5,6 millions
Royaume-Uni
3,6 millions Bangladesh
France Delta du Pô 43 millions
1 million Vénétie

Delta du Delta Delta du Yangzi


Mississippi Floride Népal
du Nil Vietnam
31 millions
Antilles Philippines Îles du
Tchad Pacifique
Delta du Marshall
Guyana Inde Maldives Mékong
36 millions Kiribati
Thaïlande
Nombre 12 millions Tuvalu
d’habitants Seychelles
menacés par Indonésie
au moins une 24 millions Fidji
Vanuatu
inondation côtière Maurice
par an à l’horizon Menaces dues
de 2050*, en millions au réchauffement
Dégel : fonte Trajectoires Fonte Déserts,
Argentine de la calotte des cyclones des glaciers zones menacées
0,1 1 5 10
glaciaire et du continentaux de désertification
*Selon le GIEC, en cas de pergélisol Élévation du Inondations
poursuite des émissions de gaz niveau des mers
à effet de serre à leur rythme actuel. Source : C. Wihtol de Wenden, Atlas des migrations internationales, Autrement, 2021.
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 61

LES DÉPLACÉS POUR RAISONS CLIMATIQUES EN 2020

Évolution du nombre 16,4


de personnes déplacées 0,28 0,23
à la suite de catastrophes
Europe et
naturelles*, par région
Asie centrale
et par an, en millions, 12,1
2011-2020 Pakistan Bangladesh
Inde 10,1
États-Unis 0,3
Chine
0 11,8
Moyen-Orient et Vietnam
4,5 Afrique du Nord 9,2

Honduras 5,9
1,1 Philippines
4,3
Somalie
Amériques Indonésie
3
0,6 Asie de l’Est
et Pacifique
Afrique
subsaharienne Asie du Sud
5,1 Les dix pays les plus affectés par les catastrophes naturelles*
4,4 4,4
3,9 en 2020, en millions de nouveaux déplacés

1,7
1,3 1 0,9 0,8 0,7

Chine Philippines Bangladesh Inde États-Unis Vietnam Somalie Honduras Pakistan Indonésie
*Y compris les événements géophysiques (éruptions, séismes, tsunamis). Source : NRC/IDMC, Internal Displacement in a Changing Climate, 2021.

L’INDICE DE VULNÉRABILITÉ AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Selon l’ONU, environ 150 millions de


réfugiés du climat devraient être dépla-
cés d’ici à 2050.
Apatrides climatiques. La disparition
annoncée de certains États-nations
1. Bangladesh
insulaires pose une question inédite
4. Haïti
5. Sud-Soudan en droit international  : que devient
9. Philippines
2. Guinée- la nationalité quand le pays n’existe
Bissau plus ? En effet, la disparition physique
3. Sierra Leone du territoire d’un État n’est pas prévue
10. Éthiopie
6. Nigeria dans les textes juridiques. Voilà donc
8. Cambodge
des personnes sans patrie pour les-
7. Rép. Dém.
Classement du Congo quelles il va falloir trouver des solutions
des dix pays juridiques (statut) et politiques (pays
les plus Basse Extrême d’accueil). Comment ces peuples sans
vulnérables Vulnérabilité
territoire pourront-ils maintenir leurs
Source : Climate Change and Environmental Risk Atlas 2014, Maplecroft, oct. 2013.
institutions, leur culture, leur langue ?
Les Tuvalu, archipel de neuf îles dans
le Pacifique, totalisant 26 km2 de terres
potentiel d’accroître des tensions dans même si certains événements font la émergées, pourraient être le premier
les pays pauvres. une de l’actualité de par l’ampleur des État à être totalement submergé d’ici
Les pays riches ne sont pas épargnés : dégâts (on se souvient de l’ouragan quelques décennies. Par précaution,
260  000 personnes déplacées par Katrina à La Nouvelle-Orléans en 2005), le gouvernement des Kiribati a acheté
le typhon Man-yi au Japon, 218 500 les pays riches ont des moyens de ges- 2 000 hectares de terre agricole aux
fuyant des tornades en Oklahoma tion des populations déplacées que Fidji pour subvenir aux besoins de son
(États-Unis) en 2013… En France, on n’ont pas les pays en développement. peuple. À l’avenir, dans cette région
peut citer les inondations dramatiques Ce sont les pays du Sud qui, majori- du Pacifique, certains peuples seront
dans les vallées de la Tinée et de la tairement, risquent de porter la charge obligés d’émigrer, sans doute vers des
Roya à l’automne 2020. Cependant, d’accueil des réfugiés climatiques. pays voisins, proches de leur culture.
62

Le coût du réchauffement
En 2006, Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, a secoué le monde
politique et financier avec un rapport de 700 pages sur le coût du réchauffement climatique. Les
scientifiques ne sont plus les seuls à tirer la sonnette d’alarme. Le rapport souligne clairement le défi :
les bénéfices d’une action forte et rapide dépassent considérablement les coûts de l’inaction et ne pas
tenir compte du changement climatique portera préjudice, tôt ou tard, à la croissance économique.

Les chiffres du rapport Stern L’ÉVOLUTION DU NOMBRE DE CATASTROPHES NATURELLES INDEMNISÉES


En 2006, l’économiste Nicholas Stern Nombre de catastrophes ayant entraîné des indemnisations de 1980 à 2018
est le premier à se pencher sur l’éco- 800 Événements
nomie du changement climatique à la climatologiques :
700
demande d’un gouvernement, britan- températures extrêmes,
nique en l’occurrence. 600 sécheresse, incendie
Le taux actuel de CO2 dans l’atmos- 500
de forêt
phère augmente et est aujourd’hui Événements
400 hydrologiques :
autour de 420 parties par million inondation, glissement
300
(ppm), après avoir oscillé entre 180 et de terrain
280 ppm depuis 800 000 ans et jusqu’à 200 Événements
la révolution industrielle. Nicholas 100 météorologiques :
Stern estime qu’une stabilisation du cyclone, tempête,
0 orage, tornade
taux de CO2 à 450 ppm coûterait envi- 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2018
ron 3 % du PIB mondial par an d’ici à Source : Munich Re, Geo Risks Research, NatCatSERVICE, 2021.

2050. La stabilisation à 500-550 ppm


(un niveau élevé mais gérable et plus ESTIMATIONS DES COÛTS GLOBAL DE L’ADAPTATION Exorbitant
réaliste) se situerait à environ 1 % du Coûts annuels
Les coûts
PIB par an. L’économiste en déduit Évaluation en milliards de Horizon d’adaptation
dollars américains temporel pourraient atteindre
que le coût mondial sur dix ans du 150 milliards de
changement climatique sera de l’ordre Banque mondiale dollars annuels d’ici
(2006) 9 à 41* Aujourd’hui 2025-2030, et entre
de 5 500 milliards d’euros si rien n’est 250 et 500 milliards
tenté. Il demande que l’humanité Stern (2006) 19 à 187 Aujourd’hui de dollars par an d’ici
consacre 1 % du produit brut annuel 2050, en admettant
que soient prises des
de la planète, soit près 275  milliards Oxfam (2007) > 50* Aujourd’hui mesures de réduction
d’euros sur 10 ans, à la réduction des des émissions de
PNUD (2007) 86 à 109* 2015 GES pour parvenir à
émissions de GES et des autres fac-
limiter l’augmentation
teurs de réchauffement, sans quoi les CCNUCC de température
(2007) 49 à 171 2030
coûts pourraient être 5 à 20 fois plus moyenne à + 2 °C
par rapport aux
élevés. Pour prendre la mesure de cet Banque mondiale
(2010) 70 à 100 2050 niveaux préindustriels.
effort, ce 1 % équivaut aux dépenses
publicitaires mondiales annuelles et, *Pour les pays en développement seulement
Source : GIEC, 5e Rapport, Changements climatiques, 2014.
selon la Banque mondiale, une pan-
démie grippale coûterait le double. Le
banquier recommande une répartition d’euros par an – pour mémoire, l’oura- du globe à la perte de la biodiversité
des dépenses en proportion de la part gan Katrina (États-Unis, 2005) a causé et au déclin des écosystèmes. Pour
de chaque pays dans le PIB mondial. 112 milliards d’euros de dégâts – et le mieux les préserver, certains écono-
réchauffement climatique a contraint mistes proposent d’évaluer en termes
L’addition au déplacement près de 83,5 millions financiers les services que les écosys-
Avec le recul, l’épure de Nicholas de personnes entre 2011 et 2014. tèmes rendent à l’homme, ce qui per-
Stern semble se vérifier. Les catas- S’ajoutant aux diverses pressions mettra aussi de chiffrer les pertes dues
trophes naturelles dans le monde anthropiques, le changement clima- aux dégradations. En 2010, sur une
coûtent en moyenne 116,5  milliards tique contribue dans certaines régions commande de l’Union européenne,
LES IMPACTS DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE • 63

L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Une nécessité


Quand l’adaptation totale Quand l’adaptation totale Le changement
est possible n’est pas possible climatique est
un processus continu :
Coût du changement climatique la question n’est pas
Coût du changement climatique

(sans adaptation) de savoir comment


Adaptation s’adapter à un
volontaire nouveau climat donné,
Équilibre sous-optimal mais comment (et à
en cas d’adaptation quel coût) les sociétés
imparfaite sont capables de
s’adapter à un climat
Impacts sans cesse changeant.
évités Équilibre optimal entre Équilibre optimal L’adaptation est
les coûts d’adaptation donc l’ensemble
et les impacts résiduels des évolutions
d’organisation,
de localisation et
Coûts et Coûts
inévitables de techniques que,
impacts Limites de la malgré les incertitudes,
résiduels malgré
technologie l’adaptation nos sociétés devront
opérer pour limiter
Coût de l’adaptation Coût de l’adaptation les impacts négatifs
Impacts Impacts Coûts du changement
Coût de l’adaptation climatique tout en
(pour éviter tous les impacts) évités résiduels d’adaptation
cherchant à profiter
Source : GIEC, 5e Rapport, Changements climatiques, 2014. des effets bénéfiques.

l’économiste indien Pavan Sukhdev LES COÛTS ANNUELS DE L’ADAPTATION PAR SECTEUR,
publie un rapport fruit de trois ans de DANS LES PAYS DÉVELOPPÉS
recherches (L’économie des écosys- En milliards de dollars américains (constants, base 2005)
tèmes et de la biodiversité) qui estime
la valeur économique des services ren- Infrastructures
dus par les écosystèmes à 29 000 mil-
Zones côtières
liards de dollars. Concrètement, la
disparition des récifs coralliens dont Adduction d’eau et
dépendent 30 millions de personnes, protection contre les crues
qui abritent 1 à 3 millions d’espèces et Agriculture, forêts
protègent les côtes pendant les tem- et pêche
UNFCC (2007)
pêtes, coûterait 120 milliards d’euros Santé humaine Banque mondiale
par an pour l’absence des services
Événements Marge d’incertitude
rendus, sans compter les impacts tou- climatiques extrêmes
ristiques. Ces types de coûts ne sont 0 10 20 30 40
jamais intégrés dans les analyses éco- Source : GIEC, 5e Rapport, Changements climatiques, 2014.

nomiques car les marchés n’attribuent


pas de valeur aux bénéfices (en grande Au-delà des chiffres, libéré dans l’atmosphère, alors que
partie publics) de la conservation des des inégalités ce sont les pays en développement
espèces ou aux services offerts par Les chiffres cachent mal les réalités : qui sont touchés à la fois les premiers
les écosystèmes – alors qu’ils en attri- les dépenses vouées à limiter les effets et le plus fortement. D’autre part, les
buent une aux biens et aux services du réchauffement climatique s’ajoutent migrations, surtout internes aux pays
privés dont la production peut entraîner aux dépenses courantes, dont on sait du Sud, vont déstabiliser leur écono-
la détérioration de ces écosystèmes. par ailleurs qu’elles sont souvent insuf- mie et leurs équilibres socioculturels,
Le cycle de l’eau douce, la fabrication fisantes pour faire face aux besoins avec pour résultat une récession qui
de nutriments dans le sol ou la beauté vitaux de l’humanité. Les budgets ébranlera la situation politico-écono-
d’un paysage ne se définissent pas par consacrés à réparer les dégâts des mique mondiale.
la loi de l’offre et de la demande. Le changements climatiques doivent être Les dommages finaux seront donc
marché est donc défaillant en matière considérés comme des pertes, qu’il bien supérieurs aux seuls impacts
écologique et souligne une impasse faut soustraire aux montants consa- directs du changement climatique.
théorique de l’économie en son état crés aux dépenses productives. Dans cette même logique, au-delà
actuel. Selon le rapport de Sukhdev, Il y a deux grandes inégalités dans le des 200 ou 300 millions de personnes
la dégradation des écosystèmes ter- phénomène du changement clima- directement touchées par le réchauffe-
restres diminue les services rendus tique. D’une part, les pays riches sont ment, des millions d’autres seront dés-
dont la valeur peut être estimée à envi- à l’origine du problème du point de vue tabilisés, forcés à adapter leur mode de
ron 50 milliards d’euros. du stock de gaz à effet de serre déjà vie et de production.
64

EN CONCLUSION
Les impacts
du réchauffement
climatique
DES BOULEVERSEMENTS
D’AMPLEUR
Fonte des glaces terrestres et marines,
événements extrêmes (tempêtes,
canicules…), hausse des températures
moyennes, migration des espèces
animales, modification des chaînes
trophiques et des écosystèmes,
altérations de la ressource en eau douce,
montée du niveau des mers… Les impacts
du changement climatique sont, on l’a vu,
nombreux et variés.

DES CONSÉQUENCES
POUR L’HOMME
Si le réchauffement nous ouvre de
nouvelles voies de communications et
de nouveaux territoires de prospections
minières, il induit aussi dans certaines
régions du monde des déplacements
de population et des risques sanitaires.
Les catastrophes naturelles, par exemple,
détruisent infrastructures et habitations ;
les zones littorales, souvent très peuplées,
subissent des submersions ; les cultures
ou les ressources halieutiques, ici ou là,
se trouvent altérées, menaçant la sécurité
alimentaire de populations entières.
L’ampleur de ces impacts varie selon
les régions, notamment dans les réponses
que les hommes sont en mesure de
lui apporter, mais globalement, le
changement climatique affecte notre
environnement, notre économie et nos
modes de vie.
65

Le temps
de l’action
Grâce à bientôt trente ans de travail scientifique
transdisciplinaire et international, nous disposons d’une
analyse précise du changement climatique. Derrière
ce changement se profile l’ombre de la révolution industrielle.
Elle a introduit les énergies fossiles dans l’ensemble des
activités humaines, nous obligeant aujourd’hui à revoir
nos modes de vie.
Cette mutation en cours suit deux axes principaux :
l’atténuation, voire la suppression, des émissions de gaz
à effet de serre et l’adaptation de nos sociétés aux
conséquences multiples d’une élévation de température
désormais inévitable.
Aucune activité n’échappe à une révision générale de son
mode de production et d’usage – logement, transport, industrie,
agriculture, BTP… Pour chaque cas, les solutions existent ou
a minima les chemins pour en trouver. Il faut encore travailler
à leur acceptation sociale et s’entendre sur les moyens de les
financer. L’argent reste le point sensible qui divise les pays du
Nord, historiquement émetteurs de GES, et les pays du Sud,
qui en subissent les conséquences sans avoir beaucoup émis
par le passé. Ces derniers doivent renoncer à une promesse
de développement carboné devenue obsolète.
66

L’étude des scénarios du futur


Le cinquième rapport du GIEC, publié en 2014, présente quatre scénarios d’évolution
des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Il met en regard les choix
de société qui les induisent et les coûts du changement climatique, plaçant les décideurs
face à leurs responsabilités. Un seul scénario permettrait de contenir le réchauffement
global moyen à + 2 °C, avec cependant plusieurs chemins pour y parvenir.

Les travaux du GIEC stratégies d’adaptation aux nouvelles informatiques qui accouchaient de
Créé en novembre 1988 à l’initiative du situations climatiques. projections d’évolutions régionales ou
G7 par l’Organisation météorologique Virage méthodologique. Dans leurs globales du climat. On y simulait les
mondiale (OMM) et le Programme des quatre premiers rapports, les scien- impacts de chaque option sur les éco-
Nations unies pour l’environnement tifiques du GIEC avaient eu recours systèmes et leurs conséquences pour
(PNUE), le Groupe d’experts intergou- à des scénarios socio-économiques la société humaine (agriculture, santé,
vernemental sur l’évolution du climat basés sur un large éventail de critères, etc.). Ces scénarios linéaires et longs
(GIEC) a pour mission de passer en prenant en compte à la fois les choix à calculer, datant de la fin des années
revue les travaux scientifiques ayant énergétiques et économiques des 1990, ont été validés par les observa-
pour objet le changement climatique, pays, la démographie, l’offre techno- tions scientifiques mais ils ne prenaient
d’évaluer les conséquences de ce logique, ou encore les changements pas en compte le développement des
dernier et de se projeter dans l’ave- de comportements individuels. Les pays émergents ni les effets des pre-
nir de nos sociétés afin de mettre au résultats de ces scénarios étaient mières politiques de réduction des
point des stratégies d’atténuation des convertis en émissions de gaz à effet émissions de GES et les rétroactions
émissions de gaz à effet de serre et des de serre pour alimenter des modèles qui leur sont liées.

SIMULATION DU CLIMAT : LES SCÉNARIOS D’ÉMISSION DE CO2 AU XXIe SIÈCLE

Émissions annuelles de CO2 issues des combustibles fossiles Nom de code du scénario,
selon les différents scénarios utilisés pour les simulations climatiques qui fait référence au forçage
(en milliards de tonnes de carbone/an) radiatif à l’échéance 2100
35 SSP5-85
Catégories de scénarios :
SSP1 : développement durable
30
SSP2 : poursuite des tendances
SSP3 : fragmentation
25
SSP4 : inégalités Niveau SSP3-70L
des émissions SSP2-70
SSP5 : développement conventionnel en 2019
20
(estimation)
15

10

SSP4-60
5
SSP2-4.5
0
SSP1-26
SSP1-19
–20
SSP4-34
SSP5-34-OS
1900 1920 1940 1960 1980 2000 2020 2040 2060 2080 2100
Note : SSP = trajectoire socio-économique. Source : GIEC, 6e Rapport, Changements climatiques 2021, chap. 1, 2021.
LE TEMPS DE L’ACTION • 67

LA MODÉLISATION DU CLIMAT Comment


ça marche ?
Pour estimer ce que
À la surface : Dans la colonne sera le climat dans
température du sol, atmosphérique : vent, 50 ou 100 ans, il est
de l’eau, et flux humidité, nuages, nécessaire d’utiliser
des simulations sur
d’énergie température, ordinateur. La
altitude modélisation du
climat est très
similaire à ce qui est
fait pour prévoir la
météorologie des
jours prochains :
l’atmosphère et les
océans sont décrits
sur un maillage de
quelques dizaines
à quelques centaines
de kilomètres et on
calcule l’évolution
des vents, de la
température, des
nuages, des
précipitations et de
bien d’autres choses
sur cette grille.
Les observations
et la compréhension
des processus
météorologiques ont
permis de définir
des équations qui
déterminent l’état
de l’atmosphère
et des océans.
Ces équations
sont utilisées dans
les modèles qui
Échanges analysent comment
horizontaux Échanges le climat varie lorsque
entre les niveaux le CO2, les aérosols
entre les colonnes ou l’éclairement du
D’après Laurent Fairhead/LMD/CNRS et Météo-France. soleil sont modifiés.

Pour leur cinquième rapport, paru trajectoires d’évolution des concentra- Tout dépend du mode de vie
en 2014, les membres du GIEC ont tions de GES dans l’atmosphère et de Si les climatologues ont conçu les pro-
changé de méthode. Ils ont demandé l’occupation des sols. jections climatiques correspondant à
à la communauté scientifique mon- ces SSP, parallèlement, les sociologues
diale de mettre au point trois types LES SCÉNARIOS SSP et les économistes ont mis au point des
de scénarios  : scénarios climatiques SSP 1 - 2,6 est la première option sur
scénarios de développement socio-
(concentration de CO2 dans l’atmos- l’avenir. Elle prévoit un pic de forçage économique (urbanisation, consom-
phère, exprimée en ppm)  ; scénarios radiatif à 3 W/m2 bien avant 2100, mation, transports, démographie…) et
de forçages radiatifs (changement du puis son déclin lié aux politiques de ont calculé les coûts d’adaptation et
bilan radiatif – rayonnement descen- réduction des émissions afin de limiter d’atténuation correspondant aux émis-
dant moins rayonnement montant – au le réchauffement planétaire à 2 °C. sions de GES de chaque SSP. Ces tra-
sommet de la troposphère, exprimé en SSP 2 - 4,5 annonce 4,5 W/m2 avec vaux ont fait apparaître cinq familles de
W/m2), scénarios socio-économiques. une stabilisation après 2100, donc une scénarios décrivant différentes combi-
élévation de température moyenne naisons d’évolution des sociétés pour
maximum de 2,6 °C.
Quatre options pour le futur chacun des modèles. Certains SSP sont
À partir de 300 scénarios publiés dans SSP 3 - 7 affiche 7 W/m2, également compatibles avec une partie des profils
la littérature, les scientifiques du GIEC avec une stabilisation après 2100, d’émission, d’autres non – c’est-à-dire
ont défini quatre profils d’évolution mais entre + 1,4 et 3,1 °C sur le que le mode de vie correspondant à tel
thermomètre.
des concentrations de gaz à effet de SSP ne permet pas de limiter les émis-
serre, d’ozone et de précurseurs des SSP 5 - 8,5 nous embarque au-dessus sions de GES au niveau requis. Les
aérosols pour le xxie siècle et jusqu’en de 8,5 W/m2 en 2100, avec une responsables politiques et autres déci-
2300, dits scénarios SSP (Shared trajectoire croissante annonçant un deurs économiques sont ainsi mieux à
réchauffement moyen de 3,3 à 5,7 °C.
Socioeconomic Pathways). Ces pro- même de prendre des décisions.
C’est bien sûr le pire des scénarios.
fils SSP correspondent chacun à des
68

Les conséquences des scénarios


les plus optimistes et pessimistes
Le plus optimiste des scénarios exige, pour atteindre l’objectif des 2 °C, des changements
profonds de production énergétique et de mode de vie, avec l’acceptation de la société.
Le pire des scénarios ne nous demande que de continuer dans l’insouciance qui nous a guidés
jusqu’à la situation actuelle.

Les sociétés LES SCÉNARIOS D’ÉVOLUTION DES PRÉCIPITATIONS


face au réchauffement
Les émissions de GES des décennies Simulations climatiques pour un réchauffement moyen de 2 °C
précédentes s’ajoutent à celles d’au-
jourd’hui. En raison de l’inertie du sys-
tème climatique, notamment de l’inertie
thermique des océans, le changement
climatique est resté limité  ; mais un
réchauffement supplémentaire est iné-
vitable. Pour y faire face, il faut à la fois
en réduire les causes, c’est « l’atténua-
tion  » du phénomène, et s’y adapter.
Atténuation et adaptation sont les deux
démarches qui diminuent la vulnérabi-
lité des populations. Nous pouvons, par
exemple, éviter d’ajouter des facteurs
de réchauffement supplémentaires en Simulations climatiques pour un réchauffement moyen de 4 °C
limitant nos émissions de GES. Les
scénarios socio-économiques du GIEC
cernent les comportements compatibles
avec un taux d’émission de GES précis.
Regroupés en cinq familles dites « SSP »
(Shared Socioeconomic Pathways), ils
modélisent différentes modulations des
facteurs qui font une société : part de
la population urbaine, rurale, côtière  ;
place des énergies renouvelables et
fossiles ; importance accordée à l’agri-
culture vivrière et à l’agroforesterie  ;
modes de consommation ; technologies
disponibles  ; démographie et taux de Évolution de la moyenne des précipitations
par rapport à la période 1986-2005, en %
pauvreté ; politiques de santé, de déve-
−40 −30 −20 −10 01 02 0 30 40
loppement économique, de transports,
de protection de la biodiversité ; volonté Source : GIEC, 6e Rapport, Changements climatiques 2021. Résumé à l'attention des décideurs, 2021.
d’atténuation des émissions de CO2 et
d’adaptation au changement climatique. Trois familles de comportements socio- vers le développement durable et la dimi-
économiques le rendent possible. Elles nution des inégalités sociales. Les coûts
Les scénarios, du meilleur divergent quant aux coûts d’adapta- d’adaptation et d’atténuation sont dans
au plus mauvais tion et d’atténuation du réchauffement ce cas relativement faibles. La SSP 2
Le scénario optimiste. Le SSP 1 - 2,6 qu’elles engendrent. La SSP 1 décrit un correspond à la tendance actuelle de
est parmi les quatre scénarios celui qui monde où la coopération internationale nos sociétés industrielles occidentales,
laisse une chance de voir la tempéra- est forte, où le développement écono- avec pour corollaire un coût élevé d’at-
ture moyenne ne s’élever que de 2 °C. mique est orienté, à un rythme élevé, ténuation des émissions de GES et une
LE TEMPS DE L’ACTION • 69

LES SCÉNARIOS D’ÉVOLUTION DES TEMPÉRATURES augmentation des coûts d’adaptation.


La SSP  3 représente une planète où les
Simulations climatiques pour un réchauffement moyen de 2 °C pays sont en compétition économique et
financière permanente, où la croissance
économique est lente et fait fi de l’envi-
ronnement, où la démographie en aug-
mentation réduit les chances des plus
pauvres de s’adapter. Les défis d’adap-
tation et d’atténuation y sont élevés,
technologiquement et financièrement.
Le scénario pessimiste. Le SSP 5 -  8,5
annonce suffisamment de mauvais
jours pour vouloir s’en préserver. Deux
familles de sociétés peuvent y conduire,
SSP 3 et SSP 5. Cette dernière est un
scénario de développement traditionnel,
Simulations climatiques pour un réchauffement moyen de 4 °C fort consommateur en combustibles
fossiles. En 2100, le taux de concen-
tration de CO2 y sera de 1 313  ppm,
soit le triple de celui d’aujourd’hui, et
la température moyenne aura grimpé
de 6 °C. L’augmentation rapide des
émissions de méthane et les concen-
trations de dioxyde de soufre pose-
ront des problèmes de santé ainsi que
l’augmentation du nombre de vagues
de chaleur. La croissance démogra-
phique poussera à une utilisation inten-
sive des terres agricoles. Les précipita-
tions annuelles seront plus abondantes
Évolution de la moyenne des températures de surface
par rapport à la période 1850-1900, en °C sous les hautes latitudes et sur l’océan
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 5,5 6 6,5 7 Pacifique équatorial, tandis qu’elles
diminueront sous les latitudes subtro-
Source : GIEC, 6e Rapport, Changements climatiques 2021. Résumé à l'attention des décideurs, 2021. picales méditerranéennes. L’élévation
moyenne du niveau de la mer aggra-
vera les phénomènes migratoires. Une
partie de la biodiversité s’effondrera par
L’INCERTITUDE DE LA PROJECTION : L’EXEMPLE DU NIVEAU DES MERS
manque de temps d’adaptation.
Élévation du niveau moyen des mers à l’échelle du globe, en m
Estimations pour Les incertitudes
2 Toutes ces prévisions sont à considé-
l’année 2150
rer avec les marges d’incertitudes des
modèles de projections climatiques.
Ainsi, dans son cinquième rapport, le
1,5
GIEC évalue le réchauffement moyen en
2100 entre 0,3 et 1,7 °C pour le scéna-
rio SSP 1 - 2,6 et entre 2,6 et 4,8 °C pour
1 le scénario SSP 5 - 8,5. Ces incertitudes
SSP5-8.5

sont liées notamment à la variabilité cli-


SSP3-7.0

matique à caractère chaotique ; à une


connaissance imparfaite des phéno-
SSP2-4.5

0,5 mènes (modélisation des nuages, chimie


atmosphérique, comportement de la
SSP1-2.6
SSP1-1.9

biosphère dans un climat qui change)


et à leur représentation approximative
0 dans les modèles. Ces incertitudes ne
2000 2050 2100 2150 gomment en rien l’importance du chan-
Source : GIEC, 6e Rapport, Changements climatiques 2021. gement climatique en cours.
70

La prise de conscience
du réchauffement
Il y a près de deux siècles, en 1827, à l’orée de la révolution industrielle, un physicien découvrait
l’effet de serre. Il y a un demi-siècle, en 1967, deux climatologues prouvaient le lien entre
concentration de CO2 et forçage radiatif. Depuis, le monde a pris conscience du phénomène
du réchauffement climatique et est entré dans une longue phase de négociation pour définir
les responsabilités et les décisions à prendre.

On peut dater l’intérêt scientifique pour scientifiques mondiaux afin d’aider à la PaysAUTEURS
LES d’origineDU
des6principaux
e RAPPORTauteurs

le climat du jour de 1827 où le physicien décision politique. DU GIECdu 6e rapport du Giec


(2021-2022)
français Jean-Baptiste Fourier décrivit la Alors que l’on commence à prendre

-Unis
rétention partielle des radiations solaires conscience de l’épuisement des res-
par l’atmosphère et nomma pour la pre- sources naturelles (chocs pétroliers Autres pays

États
mière fois l’« effet de serre ». de 1973 et 1979) et après un épisode ni
y.-U
de sécheresse meurtrier en Éthiopie Ro
La prise de conscience (1984-1985), le rapport de Gro Harlem
Australie
institutionnelle Brundtland, intitulé «  Notre avenir Mex.
Rus.g. Chine
Il fallut attendre 1979 et la première à tous  », paraît en 1987. Il définit le Ar p. All
Es utr. em
Conférence mondiale sur le climat « développement soutenable » et l’ar- A .-Z. -Bas ag
ne
N ays

Brésie S.
pour que l’ONU confie à l’Organisa- chitecture du Sommet de la Terre de

Afr uisse
P

e
Ital . du

Ja
Canada
Norvèg

po
France
tion météorologique mondiale (OMM), Rio en 1992, où sont adoptées par
S

il

Inde

n
au Programme des Nations unies pour la communauté internationale trois
l’environnement (PNUE) et au Conseil Conventions-cadres des Nations unies
international des unions scientifiques prenant en compte les enjeux écolo- Total :
(CIUS) la mission de construire un pro- giques de la planète. C’est dans le cadre plus de 730 auteurs
gramme de recherche climatologique de la CCNUCC, aujourd’hui ratifiée par venant de 87 pays
mondial. Il en découlera la création du 195 pays sur les 197 reconnus par Source : GIEC, 6e Rapport, 2021.
GIEC, en 1988, pour faire la recension, l’ONU, que se déroule chaque année
l’analyse et la synthèse des travaux une Conférence des parties signataires

CLIMATE GROUP, UN EXEMPLE D’ONG Le poids des régions


75 % des dépenses
publiques pour
la protection de
l’environnement sont le
fait de gouvernements
infranationaux.
Le Climate Group,
organisation
indépendante créée
en 2004, est constitué
de 27 gouvernements
d’États fédérés ou
de régions et de 10
provinces chinoises
affiliées, représentant
313 millions de
personnes et 11 % de
l’économie mondiale.
Les régions membres
ont produit 7 % des
émissions globales
de CO2 en 2008.
9 membres se sont
Ville ou communauté signataire engagés à les réduire
Pays ou région signataire d’au moins 80 %
Soutien national ou régional (par rapport au niveau
Source : The Climate Group, 2021. de 1990) avant 2050.
LE TEMPS DE L’ACTION • 71

(COP). En 1997, la COP3 a lancé le pro- LES GRANDES DATES DE LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
tocole de Kyoto sur la réduction des
émissions de GES, actuellement ratifié
Influences de la société civile 1970 Initiatives de l’ONU
par 184 pays à l’exception notable des
1971
États-Unis, un des plus gros émetteurs Principales associations 1972 Sommets de la Terre
de GES. environnementales
1973 Stockholm : Création du
Sierra Club (fondée 1974 Programme des Nations
Le pouvoir de la société civile en 1882) 1975 unies pour l’environnement
Oxfam (1942) 1976
Chaque rapport du GIEC met les res-
1977
ponsables politiques et économiques World Wide Fund 1978
devant leurs responsabilités. Dès la For Nature (WWF, 1961) 1979
publication du premier, les ONG écolo- Amis de la Terre (1969) 1980
gistes – telles Greenpeace ou WWF – se 1981
Greenpeace (1971) 1982 Nairobi
sont emparées des études scientifiques 1983
pour mobiliser l’opinion publique et par 1984
là presser le personnel politique d’agir. 1985
C’est ainsi que les COP et autres som- 1986
Les scientifiques Rio : Adoption de la Convention-
1987
mets onusiens admettent en leur sein
Création du Giec cadre des Nations unies sur les
1988
des organisations de la société civile. De changements climatiques
1989
leur côté, les lobbies industriels et agro- 1er rapport du Giec (CCNUCC), de l’Agenda 21, et
1990
déclaration sur le développement
industriels touchés par une réduction 1991
durable
des émissions de GES tentent de ralen- 2e rapport du Giec, 1992
qui affirme qu’« un faisceau 1993 Principales COP1
tir les décisions néfastes à leurs intérêts. d’éléments suggère une 1994 COP1 Berlin : Première
Le changement climatique augmente au influence perceptible de 1995 conférence des parties
quotidien la concurrence entre les per- l’homme sur le climat » 1996 de la CCNUCC
sonnes et, au-delà, la compétition entre 1997 COP3 Kyoto : Adoption
3e rapport du Giec, 1998 du Protocole de Kyoto
leurs gouvernements pour le contrôle
qui affirme que « certains 1999 1. Conférence des parties de la
des ressources naturelles. Il provoque aspects de l’évolution 2000 Convention-cadre des Nations unies
sur les changements climatiques
aussi des migrations, des crises huma- climatique sont imputables 2001
nitaires ou sanitaires, autant de causes aux activités humaines » 2002 Johannesburg
de paupérisation et d’insécurité. Les 2003
4 rapport du Giec,
e
2004
vieilles démocraties ne sont pas à l’abri qui juge « très probable » 2005 COP15 Copenhague :
de déstabilisations sous la pression de le rôle des activités humaines 2006 Engagement non contraignant
la raréfaction de l’eau, de la submersion dans l’augmentation des 2007 à limiter la hausse des tempéra-
des zones littorales, de mouvements températures moyennes 2008 tures à 2 °C d’ici 2050
2009
migratoires. COP17 Durban : Lancement
2010
5e rapport du Giec, qui 2011 du Fonds vert pour le climat
Inquiétudes juge « extrêmement probable » 2012 Rio + 20
Les états-majors militaires intègrent de le rôle des activités humaines 2013
dans l’augmentation des 2014 COP21 Paris : Objectif de signature
plus en plus dans leurs analyses géopo- d’un nouveau traité global de
températures moyennes et 2015
litiques le rôle du climat comme multi- détaille les impacts et les 2016 réduction des émissions de CO2
plicateur de risques et menaces dans le risques sur tous les continents 2017 Suite à l’élection de Donald
cocktail complexe des situations natio- 2018 Trump, les États-Unis se retirent
nales et des relations internationales où 2019 de l’accord de Paris
2020
s’entrechoquent un grand nombre de 6e rapport du Giec Élection de Joe Biden, les États-
2021
facteurs politiques, démographiques, Unis réintègrent l’accord de Paris
économiques, culturels, religieux. Les Source : Réseau Action Climat, Kit pédagogique sur les changements climatiques, 2015 (actualisé).
spécialistes des conflits redoutent
l’exploitation, par des agitateurs natio-
nalistes ou djihadistes, du désarroi de une crise économique et alimentaire leurs droits (de pêche, de prospection,
populations victimes du changement cli- propice aux exactions de la secte isla- d’aquaculture, de parcs naturels, etc.)
matique, de la surexploitation des res- miste et guerrière Boko Haram. sur la ZEE de leur pays englouti ? Où
sources naturelles, de la famine et du La hausse du niveau des mers va-t-elle iront s’installer ces populations dont
sous-développement. Pour mémoire, le remettre en cause la délimitation poli- le territoire sera devenu inhabitable?
conflit syrien a été précédé de plusieurs tique du trait de côte avec pour consé- Comment choisir le pays d’accueil  ?
années de sécheresse qui ont provoqué quence une révision de la ZEE qui lui est Évoquées dans les couloirs des COP,
un énorme exode rural. Tout comme attachée par la Convention de Montego ces questions ne sont toujours pas, pour
l’assèchement du lac Tchad provoque Bay ? Les États insulaires garderont-ils le moment, à l’agenda des États.
72

Les difficultés de la
gouvernance mondiale
La lutte contre le réchauffement climatique n’est envisageable qu’à l’échelle planétaire.
Elle oblige de fait pays et sociétés à mettre en œuvre une coopération efficace. Elle est
par conséquent à l’origine d’une gouvernance mondiale, certes imparfaite, mais unique
en son genre, dans le dépassement des singularités voire des égoïsmes nationaux.
Tout cela prend du temps, alors qu’il est urgent d’agir.

La promesse de Paris a minima à +3° C. C’est donc aux COP Donald Trump ne voit dans l’accord de
L’accord de Paris (COP21) marque un suivantes de trouver les chemins pour Paris qu’une façon «  d’autoriser des
bond en avant dans les efforts pour tenir l’objectif de Paris d’une limitation bureaucrates étrangers à contrôler la
appliquer une politique mondiale de du changement climatique. quantité d’énergie que nous utilisons ».
lutte contre le réchauffement clima- La COP22 (Marrakech, Maroc) se Les États-Unis étant le deuxième émet-
tique. Aboutissement de quatre ans remarque par l’entrée de l’Afrique dans teur mondial de GES après la Chine,
de négociations, cet accord signé la lutte climatique et la cohésion de la on a craint que la décision de Donald
le 12 décembre 2015, par 195  États communauté internationale face à l’élec- Trump de retirer son pays de l’accord
(aujourd’hui par la totalité sauf les tion de Donald Trump à la présidence de Paris porte un coup fatal à la dyna-
États-Unis), les accordent sur le des États-Unis. Les 54 États africains y mique amorcée vingt-cinq ans plus tôt.
constat scientifique, l’urgence à agir mettent en avant l’importance primor- C’est le contraire qui s’est passé. De
pour contenir le réchauffement de diale de leur adaptation au changement nombreux États ont immédiatement fait
la planète entre 1,5° C et 2° C à la fin climatique, les enjeux démographiques savoir leur volonté de poursuivre leurs
du siècle. Pour ce faire, ils s’engagent et alimentaires. En filigrane, pointe efforts de réduction d’émissions de
sur des objectifs nationaux de limita- l’idée de faire converger la lutte contre GES. La société civile mondiale a pris
tion des émissions de GES à mettre en le réchauffement climatique avec les conscience de son rôle décisif pour pres-
œuvre à partir de 2020. Cependant, la 17 Objectifs du développement durable ser les États à hausser leurs ambitions
somme de ces engagements n’est pas (ODD) définis en 2015 par l’ONU pour de transition climatique. Dans cet esprit,
à la hauteur des besoins  : elle mène être atteints en 2030. le Partenariat de Marrakech pour l’action

ÉMISSIONS DE CO2 : BONS ET MAUVAIS ÉLÈVES

Canada Roy.-Uni Russie


All. Pol.
France Ukraine Japon
États-Unis Italie Corée
du Sud
Espagne Chine
Iran
Inde
Mexique

Indonésie
Brésil

Afrique Australie
du Sud
LE TEMPS DE L’ACTION • 73

climatique globale (Global climate action) L’INDICE DE PERFORMANCE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE


balise politiquement la mobilisation des
acteurs non étatiques décidés à agir tout
de suite et à aller au-delà des engage- Suède 8e
4e 52e
ments des États. 58 e

5e
23e 55e
Palier délicat 61e 50 e 45e
59e 33e
La COP23, sous présidence de la États-Unis 7 e

43e 22e 60e


République de Fidji, s’est tenue à Bonn 32e 10e
pour des facilités d’organisation maté- 26e
56e
rielle. Un sommet en demi-teinte, tech-
24e
nique, centré sur les modalités d’appli- 25e
cations de l’accord de Paris. L’autonomie 9e
des gouvernements locaux et sub- 54e
46e 37e
étatiques à l’égard des États s’est affir-
49e Classement des pays selon leur indice
mée avec la création de la Convention
mondiale des maires pour le climat et
Niveau des efforts de chaque pays face au changement climatique
l’énergie pour «  réduire les émissions Très bon Bon Moyen Mauvais Très mauvais
et construire des villes et des écono- P72-73 Qui participe aux négociation
Note : Critères pris en compte pour l’indice de performance : niveau des émissions de CO2, évolution
des émissions de CO2, efficacité énergétique, énergies renouvelables, politique gouvernementale.
mies résilientes au changement clima- Aucun pays n’ayant obtenu un « très bon » résultat, les 3 premières places ont été laissées vacantes.
Source : Germanwatch, Results 2021.
tique  ». Elle réunit plus de 7  400  villes
de 121  pays. Venus à Bonn pour affir-
mer leur hostilité au retrait de leur pays cette Alliance pour la sortie du charbon. QUI PARTICIPE AUX NÉGOCIATIONS
de l’accord de Paris, 20 États, 110 villes À Bonn, la conférence sur le climat a SUR LE CLIMAT ?
et 1 400 entreprises américaines, regrou- enfin reconnu l’égalité des sexes dans
pés dans le mouvement « We are still in », la transition climatique. L’adoption du
Négociateurs
s’engagent à chiffrer les efforts de réduc- «  Plan d’action en faveur de l’égalité Les négociateurs
tion de GES. des sexes  » couronne dix ans de lutte et gouvernants de
chaque pays
Une vingtaine de pays, dont la France, des ONG du Women and gender consti-
se sont engagés à sortir du charbon, tuency, un des neuf collectifs d’organisa- Observateurs
dès 2021, ou à l’échéance 2030. C’est là tions non gouvernementales dotés d’un
Les scientifiques
une vraie avancée même si les plus gros statut d’observateur dans les sommets
consommateurs —  Chine, États-Unis, de l’UNFCCC. Ce plan va permettre d’en Les associations
Allemagne — ne se sont pas associés à exiger l’application dans chaque initia- d’environnement et
de développement
tive de terrain, comme par exemple pour
accéder à la terre ou être scolarisé. Les collectivités
territoriales
Pays signataires du Protocole
de Kyoto Palabre au sommet
Les représentants
Marquée par le retrait des États-Unis des groupements
Pays ayant ratifié le Protocole de l’accord de Paris, la COP24 réunie - de femmes
Pays signataire refusant pour en 2018 à Katowice (Pologne) a réussi - d’agriculteurs
l’instant de le ratifier la rédaction des règles d’application de - de jeunes
- des populations
Pays s’étant retiré du Protocole cet accord historique mais échoué sur autochtones
le relèvement des ambitions climatiques
Pays encore non signataires Les syndicats
de chaque pays et sur le renforcement
Évolution des émissions de CO2 de la solidarité Nord-Sud. La COP25, Les entreprises
des 20 plus gros pollueurs en 2019 à Madrid (Espagne), a été un
entre 1997 et 2019, en millions échec, caractérisé par la fracture entre Les chercheurs
de tonnes/pays les pays prêts à agir (UE, pays africains et les experts
3 000 et latino-américains, états insulaires) et Les organisations
2 500 ceux qui ne l’étaient pas tel les États- intergouvernementales
Unis, le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Aus- Source : Réseau Action Climat, Kit pédagogique
2 000
tralie, l’Arabie saoudite. La COP26, à sur les changements climatiques, 2015.
1500
Glasgow (Écosse), reportée de 2020
1000 à 2021 pour cause de Covid-19, s’an- réduction des émissions. Au rang des
500 nonce comme un sommet décisif avec le objectifs fondamentaux : un système
0 retour des États-Unis dans le camp des mondial de taxe carbone et la fin pro-
1997 2019
pays rehaussant leurs engagements de grammée des combustibles fossiles.
Source : Global Carbon Atlas, 2021.
74

Comment trouver
des financements ?
Les pays industrialisés ont les capacités financières et technologiques de relever les défis
du changement climatique. Il leur incombe juste de choisir les politiques et les outils
pour y parvenir. Les pays en développement et les pays les moins avancés ne pourront
atténuer le changement climatique et s’y adapter qu’avec le soutien financier et technique
des États historiquement responsables du taux de CO2 dans l’atmosphère.

Les sources d’argent développement, volontaires, pourront Transfert de technologie


Il existe différents fonds pour financer la aussi devenir donateurs pour aider les Selon le GIEC, le transfert de techno-
lutte contre le changement climatique : pays les plus pauvres. logie est un processus « englobant les
le Fonds d’investissement climat de la La gestion de ces différents fonds échanges de savoir-faire, de données
Banque mondiale (BM), le Fonds pour se confronte aux questions de leurs d’expérience et de matériel pour l’atté-
les pays les moins avancés qui relève sources (publiques, privées, taxes…), nuation des changements climatiques
du Fonds pour l’environnement mon- des conditions de contributions en par- et l’adaptation à ces changements  ».
dial (FEM), le Fonds spécial pour les ticulier pour le secteur privé, de leur Gouvernements, entreprises, établisse-
changements climatiques  géré par le mode d’attribution (dons, prêts), de leur ments de recherche et d’enseignement,
FEM et la BM, le Fonds pour l’adap- répartition (atténuation, adaptation) et de ONG et organismes financiers sont invi-
tation administré par le FEM, le Fonds l’équité de leur utilisation au regard de tés à coopérer et à diffuser des techno-
international pour le développement l’égalité des sexes. L’économie géné- logies dans les pays en développement
agricole... Déjà évoqué à l’occasion rée par les mécanismes d’atténuation dont l’économie est en transition.
de la conférence de Copenhague, et d’adaptation intéresse en premier La démarche comprend le fait d’ap-
l’accord de Paris (COP21) reconnaît lieu les entreprises des pays dévelop- prendre aux acteurs locaux à utiliser et
que 100  milliards de dollars (en prêts pés qui y voient de nouveaux marchés à reproduire la technologie, mais aussi
et en dons) devront être consacrés adossés à des garanties financières à choisir la plus appropriée et à l’adap-
chaque année à partir de 2020 à finan- internationales. ter aux conditions locales, voire à l’inté-
cer des projets permettant aux pays de Pour financer leur transition énergétique, grer aux technologies autochtones. Ce
s’adapter au dérèglement climatique les pays industrialisés ont créé des mar- transfert bute souvent sur l’expansion
ou de faire baisser les émissions de chés du carbone fondés sur des quo- de la politique de brevets, expression de
gaz à effet de serre. Ces financements tas d’émissions de CO2 échangeables. « l’économie de la connaissance », qui
devraient augmenter et certains pays en Certains, comme la France, ont instauré demeure inconnue ou refusée dans des
une «  taxe carbone  » sur les sources pays où les traditions collectives et les
d’énergie les plus carbonées (gazole, biens communs supplantent la vision
TRANSFERTS essence, fioul, gaz…). occidentale de la propriété.
DE TECHNOLOGIES
Pourcentage des familles de brevets LES CAPACITÉS D’ABSORPTION TECHNOLOGIQUES
internationaux transférés vers les pays La problématique
du Sud (moyenne de 2007 à 2009) DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT de l’absorption
0 2 4 6 8 10 Les transferts de
Capacités d’absorption des technologies bas carbone technologies des pays
Charbon propre
(part mondiale, en %) industrialisés vers
Captage et stockage du carbone les pays émergents,
Nucléaire Afrique pour aider ces derniers
Efficacité énergétique des transports Chine à endiguer leurs
émissions de GES,
Agrocarburants de 2e génération nécessitent notamment
Europe de l’Est
Véhicules hybrides et électriques l’abaissement des
Éolien Inde barrières commerciales
et d’investissement et
Piles à combustible dans les véhicules Amérique latine la formation d’une
Solaire photovoltaïque main-d’œuvre qualifiée
Efficacité énergétique des logements Moyen-Orient dans les pays hôtes,
indispensable pour
Solaire thermique Autres PED réussir le transfert.
Géothermie asiatiques Sur ce point, la Chine
0 0,5 1 1,5 2 2,5 semble la mieux placée.
Hydroélectrique Source : CERNA. Source : CERNA.
LE TEMPS DE L’ACTION • 75

TAXE CARBONE ET « BOURSE DU CARBONE »

Mécanisme fédéral
canadien Norvège Suède Finlande

.
.-O
t . N un .
Sas . Terr.
Islande

Ma . du N
Dan. Estonie
Colombie T.-N. Lettonie

c
n.
Roy.-Uni
Alb

Brit.

ébe
et L. Ukraine
On Irlande
Qu
France Kazakhstan
RGGI1 Japon
Cal. Mass. U.E. Chine
Suisse
Slovénie Corée du Sud
Mexique
Thaïlande
Colombie
Singapour

Japon
Afrique Corée
Argentine du Sud Pékin du Sud Saitama
Chili Tianjin
Chine Nouvelle-
Système de quotas d’émission en place Hubei Tokyo Zélande
Taxe carbone en place Chongqing
Shanghai
Compensation carbone : des efforts très variables Guangdong
Taxation effective des émissions de CO2, par rapport au niveau
Shenzen
recommandé par la directive EUR30 (exemples de pays)
Suisse 73 %
France 59 %
Roy.-Uni 58 %
Allemagne 47 %
Japon 31 %
1
Initiative régionale contre les gaz à effet de serre,
États-Unis 25 % association regroupant le Connecticut, le Delaware,
Inde 14 % le Maine, le Maryland, le Massachusetts, le New
Hampshire, l’État de New York, le Rhode Island
Chine 10 %
et le Vermont.
Russie 0 %
Sources : Ministère de la transition écologique, 2021; OCDE, 2018.

LE FINANCEMENT DU FONDS VERT DESTINATIONS DES INVESTISSEMENTS


POUR LE CLIMAT POUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE EN 2018
Financement en milliards
de dollars, par pays, en 2020
Europe orientale Japon,
Autres Japon Amérique Europe et Asie centrale Corée du Sud,
Espagne 1,05 du Nord occ. 2,6 Israël
Canada 0 1,81 18 2,2
16
0,

Italie 0,2,25
22

Norv. 0,357 Moyen-Orient et Asie de l’Est


Transrégional Afrique du Nord Asie
Total reçu : 1,60 Roy.- 2,2 et Pacifique
All. 0,98 2,2 du Sud 41
10,14 Uni 5,3
Afrique
1,00 Amérique subsaharienne
États- 1,43 latine et Caraïbes 3,3
Unis 1,13 4,8
Suède Autres pays
France d’Océanie
Enveloppe nette Part des 580 milliards de dollars investis 1,9
consacrée aux projets : 7,28 pour lutter contre le réchauffement climatique,
dont public : 4,52, privé : 2,76 par région (en %, moyenne 2017/2018)
Source : Fonds vert pour le climat, 2020. Source : Climatefinancelandscape.org, 2019.
76

Le nucléaire peut-il sauver


le climat ?
Selon le GIEC, le nucléaire est, avec les énergies renouvelables et la capture du CO2 en sortie
des centrales thermiques classiques, une option pour produire une électricité neutre en carbone.
Pourtant, aucun pays ne souhaite développer massivement le nucléaire pour lutter contre le
réchauffement climatique. Le nucléaire suscite de vives réticences liées à la crainte des accidents
et aux limites techniques et humaines de son contrôle.

Une technologie du xxe siècle du quart des émissions de CO2. Pour (qui se soigne généralement bien).
Le nucléaire permet d’utiliser l’énergie une partie de la communauté scien- Pour Fukushima, cette même agence
contenue dans le noyau des atomes. tifique et les grands acteurs écono- de l’ONU estime que, compte tenu
C’est une source d’énergie relative- miques du secteur, l’option nucléaire de la faiblesse des doses reçues par
ment récente puisque les premiers permet de lutter contre l’augmentation les populations et les travailleurs de la
réacteurs ont été développés dans les de l’effet de serre et le réchauffement centrale, il n’y aura aucune augmenta-
années 1950. Le nucléaire a le poten- climatique. Pour une autre partie de la tion observable des cancers et autres
tiel d’offrir une énergie électrique abon- communauté scientifique et d’autres maladies.
dante et pilotable, c’est-à-dire dispo- acteurs économiques, le nucléaire est Les opposants au nucléaire consi-
nible à la demande, et ce avec des un frein à la transition énergétique car dèrent, de leur côté, que les consé-
émissions de CO2 très faibles, com- son développement pourrait nuire à quences sanitaires de ces acci-
parables à celles des énergies renou- celui des énergies renouvelables (EnR). dents sont difficilement évaluables
velables. En effet, le fonctionnement (notamment dans l’augmentation du
d’un réacteur nucléaire n’émet pas Des accidents majeurs nombre de cancers ou des altérations
de CO2, mais sa construction néces- Les accidents des centrales nucléaires génétiques).
site de grandes quantités de béton et de Three-miles-Island (1979, États- Enfin, le volume de déchets prove-
d’acier, ce qui conduit à des émissionsUnis), Tchernobyl (1986, URSS) et nant des opérations de décontamina-
indirectes. De même, l’extraction du Fukushima (2011, Japon) ont montré tion post-catastrophe (28 à 55 millions
combustible et la gestion des déchets la vulnérabilité de cette technologie de m3 à Fukushima) pose un énorme
face à des erreurs humaines ou des
induisent une activité industrielle dont problème de logistique et de stockage.
les émissions de CO2 doivent être événements imprévus. La dispersion
de la radioactivité dans l’atmosphère,
imputées à la filière nucléaire. Au final, Une gestion des déchets
les émissions de CO2 induites par unitédans les sols et les végétaux, dans les discutée
d’électricité produite sont comparablesnappes phréatiques et dans l’eau de La gestion des déchets reste l’autre
à celles des meilleures énergies renou-mer peut atteindre des milliers de kilo- talon d’Achille de l’énergie nucléaire.
velables. En France, les trois quarts mètres. Par exemple, on considère que Cette industrie génère des déchets
de l’électricité produite proviennent Tchernobyl a contaminé 145 000 km2 d’un volume très limité mais extrême-
du nucléaire ce qui, ajouté à l’énergie(mais le Césium 137 est détectable ment dangereux, et qui le restent sur
hydraulique, permet à ce pays d’avoir dans le monde entier) et des rejets plusieurs dizaines de milliers d’an-
une faible empreinte carbone compte radioactifs de Fukushima ont été nées. Pour certains, la solution la plus
tenu de sa population et de son déve- détectés le long des côtes améri- sûre serait de les entreposer à grande
loppement économique. Grâce à cette caines soit à 4 000 km de la centrale. profondeur, dans des couches géolo-
part importante de l’énergie nucléaire À partir d’un certain seuil de conta- giques stables et étanches, empêchant
dans le mix électrique, la France est le
mination il faut évacuer les popula- la diffusion des éléments radioactifs
pays du G7 le moins émetteur de CO2, tions, parfois définitivement, ce qui vers la surface. Pour d’autres, il serait
mais le plus dépendant des approvi- impacte la vie économique et sociale. préférable de garder les déchets en
sionnements en uranium. L’UNSCEAR, une agence des Nations surface, ce qui permet une transmis-
unies qui analyse les effets des radia- sion de leur surveillance de génération
Une option controversée tions sur la santé, estime que, suite en génération. D’autres souhaiteraient
Comme les EnR, le nucléaire a le à l’accident de Tchernobyl, 29  per- simplement arrêter d’en produire.
potentiel de se substituer au charbon sonnes sont mortes rapidement du fait Sur les 31  pays producteurs d’éner-
qui reste la principale source d’élec- des radiations, et plus de 6  000 ont gie nucléaire, certains disposent déjà
tricité dans le monde et génère plus développé un cancer de la thyroïde d’installations souterraines accueillant
LE TEMPS DE L’ACTION • 77

L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE DANS LE MONDE

Suède Rép.
8 tchèque
Allemagne 6 Finlande
8 4 Russie
Canada Pays-Bas
19 1 Slovaquie 35 Corée
4 Arménie du Sud
Roy.-Uni 24
15 Ukraine 1
États-Unis Belgique 15 Japon
99 42
7 Iran Chine
1 Pakistan 38
France Roumanie 5
Mexique 58 2 Inde Taïwan
2 22 6
Bulgarie
Espagne 2
7 Hongrie
Suisse Slovénie 4
Part de l’énergie 5 1
nucléaire dans la
production nationale Brésil
2
d’électricité en 2016
Plus de 70 %
50 à 55 % Afrique
29 à 40 % Nombre de réacteurs du Sud
Argentine en service : 448 2
13 à 22 % 3
Nombre de réacteurs
2à7% en construction : 57
Pas d’énergie nucléaire (1er octobre 2017)
Source : www.iaea.org/PRIS/, World Statistics, oct. 2017.

des déchets de faible et moyenne acti- sont nettement plus élevés que ceux contraintes de construction des maté-
vité, à vie longue ou à vie courte ; mais, des parcs solaires et éoliens ; que la riels et leur caractère intermittent dans
à ce jour, aucun n’a mis en service une multiplication des centrales nucléaires la production.
installation de stockage en formation accroît l’insécurité (trafic mafieux de Le nucléaire ne peut pas être la solution
géologique profonde pour accueil- matières radioactives, terrorisme, au changement climatique, mais pour
lir déchets de haute activité et à vie rapports de force géopolitiques entre limiter le réchauffement à 2 °C degrés,
longue. En France, il est prévu d’en- pays producteurs d’uranium et pays les centrales existantes peuvent être
fouir les déchets dans un site identifié consommateurs, réserves de minerai un des outils dans le mix de la tran-
à Bure (Marne) à 500 m de profondeur limitées). sition énergétique. Il sera très difficile
sous une couche géologique stable Le nucléaire n’apparaît donc pas de se passer des combustibles fos-
et étanche, mais les oppositions à ce comme la solution au changement siles émetteurs de CO2, sans un chan-
choix technique restent fortes. climatique mais, dans les pays où gement des modes de consomma-
il est implanté et compte tenu de la tion et donc de production. Ce serait
Sortir du charbon, du gaz capacité déjà installée, il est un des encore plus difficile de s’interdire dans
ET du nucléaire ? outils limitant les émissions de GES. le même temps l’énergie nucléaire, et
L’énergie nucléaire nécessite un haut Ayant déjà cette production de base sa sortie ne peut être que progressive.
niveau technique, une stabilité de la non carbonée, les pays nucléarisés
société et une autorité de contrôle peuvent investir massivement dans les NOMBRENombre de réacteurs
DE RÉACTEURS
indépendante. Ces exigences inter- EnR pour sortir des sources fossiles par classe
PAR CLASSE d‘âge,
D’ÂGE EN en 2021
FRANCE
disent le nucléaire à de nombreux d’énergie et ensuite réduire progressi- Moins de 30 ans
pays. Certains plaident pour son déve- vement leur dépendance au nucléaire.
loppement dans l’Union européenne, Le charbon et le pétrole sont des piliers
aux États-Unis, en Chine ou en Inde, culturels de la production d’éner-
Plus de 8
40 ans
ce qui permettrait de diminuer forte- gie. Pour les pays qui les utilisent, il 11
ment l’utilisation du charbon qui reste est très difficile de se passer de ces 31
dominante dans ces pays, et donc les combustibles fossiles émetteurs de Âge moyen à 35
émissions de CO2 associées. L’idée CO2. Leur transition énergétique est des 56 réacteurs ans
13
est séduisante mais les opposants à techniquement et financièrement plus 36,3 ans
cette solution avancent que la stabi- facile et plus rapide vers les EnR que 36 à
lité d’un régime politique est relative ; vers le poids lourd (technique, finan- 40 ans
que face à l’urgence de la transition cier, sécuritaire) nucléaire. Mais on 24
énergétique, le temps et le coût de peut également nuancer ce point de
construction des centrales nucléaires vue quand on prend en compte les Sources : EDF, RTE, 2020.
78

Les choix énergétiques


La transition énergétique du fossile au renouvelable est une expérience inédite et planétaire.
Quitter le monde des énergies fossiles est loin d’être simple. L’avenir s’ouvre sur de nombreuses
découvertes, expérimentations, impasses et innovations. Derrière chacune d’elles se profilent
aussi des visions politiques de la société et de son rapport à la science, et plus encore à ses
applications. Une évolution rapide des sources énergétiques est nécessaire, ce qui impose des choix.

Vers la transition énergétique envisage cette transition en fonction LE PROFIL ENVIRONNEMENTAL


Outre de développer des sources alter- de ses ressources renouvelables, de DU KWH EDF
natives d’énergies, quitter le fossile ses moyens technologiques, de l’ac-
Total
pour une énergie plus « propre » exige ceptabilité par la population de telle ou
Filières (g eq CO2
de gérer la croissance de la consom- telle source d’énergie, et de son éva-
/kWh)
mation mondiale d’énergie. Il faut à luation des risques environnementaux
la fois anticiper l’épuisement des res- (charbon et CO2, nucléaire et radioac-
Charbon 820
sources pétrolières et permettre à tous tivité, éolien et avifaune, etc.). Gaz 490
les pays d’accéder au niveau de vie Biomasse 230
des pays industrialisés. L’objectif étant Renouvelables ou nucléaire ? Fermes solaires 48
de diviser par deux les émissions mon- Les partisans du maintien voire du
Solaire sur toitures 41
diales de CO2 avant 2050. développement de l’énergie nucléaire
Une expérimentation mondiale. La avancent sa propreté climatique
Géothermie 38
transition énergétique ne se résume (pas d’émission de CO2) et son coût Solaire concentré 27
pas à la production d’électricité ni à compétitif. Ils reprochent aux éner- Hydraulique 24
la part d’énergies renouvelables que gies renouvelables leur production Éolien en mer 12
l’on y consacre : elle englobe la réduc- intermittente et leur prix de revient.
Nucléaire 12
tion de la consommation d’énergie, En outre, le nucléaire offre de l’éner-
l’amélioration de l’efficacité énergé- gie plus immédiatement disponible.
Éolien terrestre 11
tique (des bâtiments, des moteurs, Les partisans des énergies renouve- Marée et houle 17
des machines…), la mise au point de lables soulignent que l’intermittence Source : GIEC, 5e Rapport, 2014.

motorisations alternatives dans les n’est pas l’imprévisibilité et affirment


transports ainsi qu’une mutation de résoudre cette question par le per-
la chimie du pétrole. Chaque pays fectionnement de la méthanation.

PRODUCTION ÉLECTRIQUE MONDIALE, PAR SOURCE, EN TWH Alternatives au carbone


Production électrique mondiale, par source, en TWh
Les énergies alternatives
25 000 Renouvelables (hors hydroélectricité) aux combustibles fossiles
Nucléaire carbonés – pétrole, gaz,
charbon – sont pour la plupart
Hydroélectricité renouvelables à l’infini
20 000
Gaz naturel (éolien, hydrolien, hydraulique,
Pétrole hydrogène, marémoteur,
solaire thermique, solaire
15 000 Charbon photovoltaïque, géothermique,
biomasse), sauf le nucléaire
qui dépend de la ressource
10 000 minière en uranium.
Les énergies marémotrices
et géothermiques sont
5 000 complètement liées
au lieu alors que les autres
renouvelables offrent une
0 plus grande souplesse
d’installation.
1971 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2019
Source : AIEA, Energy, Electricity and Nuclear Power Estimates for the Period up to 2050, 2020.
LE TEMPS DE L’ACTION • 79
Quantité d’électricité « bas carbone » ajoutée, par personne et par an
QUANTITÉ D’ÉLÉCTRICITÉ « BAS CARBONE » AJOUTÉE, PAR PERSONNE ET PAR AN
(moyenne sur une décennie)
Suède 1976-1986
France 1979-1989
Écosse 2008-2018
Belgique 1978-1988
Écosse 1979-1989
Slovaquie 1978-1988
Danemark 2007-2017
Suède 2005-2015
Allemagne 2008-2018
Taïwan 1977-1987
Corée du Sud 1995-2005
Allemagne 1975-1985 Nucléaire
Royaume-Uni 2008-2018 Solaire
Irlande 2008-2018 Éolien
Portugal 2003-2013
États-Unis 1981-1991 Autres
Japon 1977-1987
0 100 200 300 400 500 600 700
En kWh/an Source : The World Nuclear Industry Status Report, 2019.

INVESTISSEMENTS DANS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES EN 2019 LE MIX ÉNERGÉTIQUE MONDIAL

En milliards de dollars américains Évolution 2018-2019


Éolien 138,2 +6%
Consommation mondiale d’énergie
primaire en 2019, par source, en %
Solaire 131,1 –3%
Autres énergies
Biomasse
+9% Hydraulique renouvelables 3,2
et déchets 9,7
Hydraulique Nucléaire 6,4
15 +9% Charbon
> 50 MW 4,3
Hydraulique 27
–3%
< 50 MW 1,7
Géothermie 1,0 – 56 %
Gaz 24,2
Agro- Total mondial
– 43 %
carburants 0,5 des investissements
Énergie 33,1
Proche de 0 en 2018
des océans 0,0
Pétrole
0 20 40 60 80 100 120 140
Source : ONU Environnement, Bloomberg New Energy Finance, 2019. Source : BP Statistical Review of World Energy, 2020.

Ce procédé de fabrication de méthane pays (Danemark, Espagne, Allemagne, de la production-distribution d’énergie


à partir d’eau et de gaz carbonique États-Unis…) ont mis en œuvre des qui se répercutent dans les politiques
valut le prix Nobel de chimie au programmes ambitieux de développe- de transition énergétique. L’une, cen-
Français Paul Sabatier en 1912. Il ment de ces énergies, mais leur crois- tralisée, cloisonne la production par
permet de stocker de l’énergie sous sance reste insuffisante au regard de secteur d’approvisionnement (pétrole,
forme de gaz, à même de faire tourner l’urgence du changement climatique. gaz, nucléaire) et gère la production
des turbines génératrices d’électricité Si le nucléaire demeure indispen- en fonction de la demande. L’autre,
avec un rendement d’environ 30 %. La sable dans la transition énergétique, plus territorialisée, adaptée au poten-
question du coût des renouvelables se en France par exemple il est toutefois tiel de production locale (mix d’éner-
règle, d’après ses défenseurs, avec loin d’être accessible à l’ensemble des gies renouvelables, distinction entre
leur industrialisation. pays du monde et reste dépendant fourniture d’électricité et fourniture de
Les « nouveaux » renouvelables (éolien des mines d’uranium et de la géopoli- chaleur), tente de maîtriser la demande
et photovoltaïque essentiellement) tique qu’elles induisent. par la pédagogie et la participation
se développent rapidement dans le citoyenne (régies municipales, coopé-
monde. Cependant, leur contribution Démocratie énergétique ratives énergétiques).
à l’approvisionnement énergétique La composition des bouquets énergé-
mondial reste marginale. Quelques tiques traduit deux visions systémiques
80

Les pistes de géo-ingénierie


Stockage du carbone dans le sol, injection de particules dans l’atmosphère, stimulation
de la pompe à carbone océanique, la géo-ingénierie propose de résoudre le défi du
changement climatique plus vite que la politique internationale. Un « plan B » aux allures
de miracle qui dispense de remise en cause des mécanismes et modes de vie ayant abouti
à l’élévation du taux de GES dans l’atmosphère. Des solutions technologiques risquées,
politiquement faciles à adopter en écartant la société civile du débat.

L’essor de la géo-ingénierie courant de la recherche scientifique : la pôles avec un film isotherme réfléchis-
Déverser des nanoparticules de fer dans géo-ingénierie. sant… Un vieux rêve de contrôler la
l’océan pour doper la croissance du phy- Elle prône l’intervention technologique météo pourrait être tenté en vaporisant
toplancton et sa capacité à absorber le à grande échelle sur ce qui influence le de l’iodure d’argent dans les nuages
CO2 afin de séquestrer davantage de climat (océan, atmosphère, carbone), pour changer leur albédo. La capture
carbone dans les fonds marins ; pulvéri- particulièrement dans deux domaines : du carbone, elle, va de la séquestration
ser des tonnes de soufre dans la stratos- la gestion du rayonnement solaire et mécanique en sous-sol – une des solu-
phère pour que les gouttelettes d’acide l’absorption et la séquestration du tions envisagées par le GIEC – à la « fer-
sulfurique qui en résultent réfléchissent CO2. Les technologies envisagées pour tilisation » des océans, en passant par la
une partie du rayonnement solaire ; réduire l’intensité des rayons du soleil modification génétique d’arbres en vue
capturer le CO2 de l’air pour l’envoyer, atteignant l’atmosphère terrestre sont d’augmenter leur potentiel de photosyn-
compressé, dans des puits de pétrole en à la démesure du problème : envoi de thèse et de faire du biochar (séquestra-
activité pour ainsi stocker le carbone et millions de vaisseaux spatiaux munis tion de CO2 + agrocarburants).
pousser les dernières gouttes de pétrole de miroirs-parasols, accroissement du
vers la surface. Ces options techno- pouvoir réfléchissant des nuages par Impossible à tester
logiques pour faire face au change- pulvérisation de particules, couverture Pensées d’emblée à l’échelle planétaire,
ment climatique sont l’expression d’un des déserts avec un film blanc et des la plupart de ces technologies sont

LES PROJETS DE GÉO-INGÉNIERIE SUR LA PLANÈTE

Russie
Suisse Moldavie
Union Ukraine
Canada Arménie
Européenne Kazakhstan
Azer. Mongolie
Croatie Ouzbékistan
Serbie Tur.
États-Unis Macéd. Syrie Tadjikistan Japon
Maroc Israël Irak Chine
Rép. Dom. Iran Pakistan
Cuba Porto Rico Mauritanie Libye Jord. E.A.U. Taïwan
Mexique Antigua Arabie S.
Mali Vietnam
Guatemala Sénégal Oman Thaïlande
Jamaïque Burkina Érythrée Cambodge Philippines
Honduras Venezuela Faso
Panama Malaisie
Côte d’Ivoire Ouganda Singapour
Équateur
Tanzanie Indonésie
Pérou Brésil
Zimbabwe Madagascar
Australie
Chili Afrique du Sud

Argentine Augmentation des précipitations


Réduction des précipitations
Nouvelle-
Pays très actif Capture du carbone atmosphérique Zélande
Pays moyennement actif Réduction des radiations solaires
Source : Etcgroup.org, 2015.
Pays sans activité connue Fertilisation des océans
LE TEMPS DE L’ACTION • 81

RÉDUCTION DU RAYONNEMENT SOLAIRE COMMENT STOCKER LE CO2

Capture
Émissions du CO2,
Placer des réflecteurs de CO2 liquéfaction ou
en orbite congélation

Disperser des aérosols


Peindre les dans l’atmosphère
Centrales
constructions électriques
en blanc
thermiques Transport par :
Installer des réflecteurs pipeline
dans les déserts
P78-79 Les processus de séquestration du CO2 bateau
rail
Source : News.bbc.co.uk.
Carburants camion
fossiles
LES PROCESSUS DE SÉQUESTRATION DU CO2

Stockage en profondeur
Planter des arbres
ou des OGM absorbeurs
de carbone

Favoriser
l’érosion Stocker le CO2
sous terre ou Dans les Dans les Dans les
au fond des mers Ajouter du fer aquifères réservoirs mines de
dans les océans salins ou épuisés de charbon
au fond pétrole et désaffectées
des mers de gaz
Source : École polytechnique de Lausanne.

Source : News.bbc.co.uk.

impossibles à expérimenter. Comment stratégies de déploiement sans principe rien faire et se reposer sur le radicalisme
prévoir l’impact de l’altération de la de précaution, alors qu’ils entendent de solutions qui dureront bien le temps
composition chimique des océans sur modifier des pans entiers du fonction- d’un ou deux mandats ?
leur biodiversité  ? Comment connaître nement planétaire. Ils imposent aussi À la génération suivante de se débrouil-
à l’avance les rétroactions climatiques aux générations futures de continuer à ler. Face au changement de paradigme
d’une intervention d’ampleur dans l’es- contrôler les perturbations climatiques sociétal  que le bon sens impose –
pace ou la stratosphère ? Difficile éga- induites par leurs aînés. rompre avec le mythe de ressources
lement de modéliser les conséquences naturelles infinies et insensibles à la
de la panne d’un dispositif spatial mis Une démission politique ? pression anthropique –, la géo-ingénie-
en place. La géo-ingénierie a l’inquiétante vertu de rie propose de régénérer le vieux para-
L’efficacité, les effets secondaires et déculpabiliser l’ensemble des acteurs, digme de la révolution industrielle : il y
les risques d’irréversibilité de ces tech- que ce soit les responsables politiques a toujours une solution technique aux
nologies demeurent à ce jour incon- mais aussi les simples citoyens qui problèmes rencontrés. La technologie
nus. Hormis, peut-être, la séquestration profitent du mode de vie consomma- sauvera le monde. Ce type de réponse
souterraine du carbone – sous réserve teur et pollueur. Pourquoi se hâter de d’ordre technique met de côté les causes
d’études approfondies sur la sismicité prendre des décisions qui vont changer du problème posé et ne s’attaque qu’à
des lieux de stockage, essentielles les modes de vie et se mettre en porte ses effets. Cela mérite sans aucun doute
pour l’acceptation sociale du procédé à faux avec les électeurs et les poids d’être soumis au débat démocratique.
–, ces projets relèvent directement de lourds de l’économie quand on peut ne
82

Un changement
de modèle agricole
Même contenu, même atténué, le changement climatique oblige les agricultures du monde
à s’adapter pour produire à la hauteur des besoins alimentaires. Le modèle agronomique de
la « révolution verte », basé sur l’intensification de la production par les engrais de synthèse,
la concentration des exploitations et la mécanisation doit être révisé à l’aune des nouvelles contraintes
pédoclimatiques, des modifications de la biodiversité et de la réduction des émissions de GES.

La fin d’un modèle LE SECTEUR AGRICOLE ÉMETTEUR DE GES


agricole unique
L’agriculture, l’élevage et la sylvicul- Origine des émissions de gaz à effet de serre
ture sont parmi les premières activi-
du secteur agricole dans le monde, en %
tés humaines à être touchées de plein Résidus de récoltes Culture biologique des sols
fouet par le changement climatique. 3,6 2,5
Combustion de savane
Force est de constater que la remise
en cause des modèles traditionnels
Combustion des
résidus de culture 5,1
semble inéluctable. Pour ce faire, la 0,5 Fermentation entérique
solution semble être de s’appuyer sur 38,6
les écosystèmes locaux et régionaux, Riziculture 9,7
afin d’y puiser ressources et résis-
tances indispensables pour s’adapter
aux modifications des régimes de pré-
cipitations et de température.
14,3
Engrais de synthèse
Le bio. Contrairement à l’agriculture
intensive, l’agrobiologie s’interdit tout
recours aux engrais minéraux, aux
6,8 3,5
Gestion du fumier
pesticides de synthèse et aux OGM. 15,4 Fumier épandu sur les sols
Elle assure la fertilisation du sol et la Fumier laissé
protection contre les parasites par des sur les pâturages
Source : FAO Stats, 2015.
processus biologiques et des cultures
associées. En cultivant et multipliant
les variétés locales, elle assure le bras- LES BESOINS EN EAU DE CERTAINES CULTURES
sage génétique nécessaire à l’adap- Besoins en eau de différentes
tation des plantes au climat. Olivier productions agricoles et aquacoles,
0
00
0
0

00

de Schutter, rapporteur spécial des en m3/tonne


0

0
00
00

00
0
10

10

Nations unies sur le droit à l’alimenta-


0

tion, a présenté l’agrobiologie comme Pomme de terre 500


la meilleure solution pour nourrir 9 mil- Maïs 1 400
liards d’êtres humains en 2050 et Poulet 3 500
adapter l’agriculture au défi climatique, Crevette (élevage intensif) 55 125
à condition de se donner les moyens Truite (élevage intensif) 63 000
de la développer à grande échelle. Bœuf 100 000
L’agroforesterie. La FAO promeut Saumon (bassin) 252 000
l’agroforesterie, démarche proche de Carpe (élevage intensif) 740 000
l’agrobiologie mais sans le refus des Saumon (cage) 2 260 000
produits de synthèse. Elle associe sur Source : Philipps, Beveridge et Clarke 1991 ; Piemental et al. 1997 ; Brummett 2006.

une même parcelle des arbres et des


cultures annuelles ou des pâturages. En sous couvert forestier. Les arbres – frui- les allées. Par leur système racinaire,
zone tempérée, on redécouvre les vertus tiers ou forestiers – plantés en lignes les arbres limitent l’érosion des sols,
des « prés-vergers » et des bocages, en diminuent l’impact des aléas météoro- facilitent l’infiltration de l’eau en pro-
zone tropicale les pratiques de culture logiques extrêmes, et l’on cultive dans fondeur, altèrent la roche-mère riche
LE TEMPS DE L’ACTION • 83
L’AGROFORESTERIE, UNE SOLUTION POUR L’AVENIR
Arbre
Cocotier d’ombrage

Stockage
de carbone

Papayer
Protection
contre le soleil
Diversification et le vent
Maintien de
des productions Cacaoyer la biodiversité
Maïs
Bois d’œuvre
et énergie
Haricot

Lutte contre
l’érosion

Auxiliaires Sol naturellement riche Épuration


de culture en eau et en minéraux des polluants
Source : Ethiquable.coop.

CHOISIR SA VIANDE LE BIO EN EUROPE

Superficies en mode
Empreinte carbone, par type biologique en 2017
de viande consommée Finlande < 50 000 ha
Suède 50 000 -

CO2 Estonie
Lettonie
137 000 ha
189 000 -
269 000 ha
Danemark
Irlande Lituanie
1 kg 27 kg Royaume- Pays- 410 000 -
de bœuf équivalent Uni Bas 621 000 ha
carbone 1 373 000 -
Belgique Allemagne Pologne 2 082 000 ha
CO2 Lux.
Rép. tchèque
Part de la surface
Autriche Slovaquie
5,1 kg agricole utile (SAU)
1 kg équivalent Hongrie
en bio en 2017
de porc France Slovénie
carbone Roumanie Hors UE
Portugal Croatie 1-5%
Bulgarie 5 - 10 %
CO2
Espagne 10 - 15 %
3,7 kg Italie 15 - 20 %
1 kg équivalent Plus de 20 %
de poulet carbone Grèce
Source : Chiffres-carbone.fr, 2015. Malte Chypre
Source : Agence Bio, 2019.

en matière organique et font remonter (1 à  4 tonnes par hectare et par an). pesticides de synthèse, la consomma-
les nutriments vers les plantes culti- Ces deux méthodes sont moins méca- tion d’énergie fossile et les éructations
vées. Les mêmes racines interceptent nisées, ce qui permet une économie de méthane des ruminants.
les excès d’azote des cultures et pro- de carburant. Et l’agriculteur profite de Le menu occidental, démesurément
tègent ainsi la ressource en eau. Les deux revenus, agricole et forestier. riche en viande d’animaux nourris aux
rendements peuvent aller jusqu’à 60 % céréales pèse donc très lourd en GES.
de gain de biomasse par rapport aux Vers des régimes Variétés et races locales amènent le
cultures seules. Le maillage forestier et alimentaires locaux consommateur à redécouvrir la richesse
les haies attirent les pollinisateurs, fixent Le verdict est tombé des calculs scien- de l’agriculture de proximité. En s’éloi-
les insectes ravageurs et ceux qui, ram- tifiques : l’agriculture mondiale émet en gnant du modèle uniformisé de consom-
pants ou volant, les contrôlent, ce qui moyenne 14 % de GES dus aux activi- mation alimentaire, on gagne en bilan
limite, voire supprime, l’usage de pesti- tés humaines (30 % quand on prend en carbone (ne serait-ce qu’en termes de
cides. Côté climat, tant qu’ils poussent, compte la déforestation). Les principaux transport) et la part de gaspillage due au
les arbres séquestrent du carbone postes en accusation sont les engrais et circuit industriel diminue.
84

Des transports à réinventer


Le xxe siècle a été le celui du développement gigantesque et multiforme des moyens de
communication. La mobilité est une conquête. Ses moyens portent trop souvent la marque du
carbone et des GES. Voyages de personnes ou acheminement de marchandises, les transports
nécessitent une révision systémique qui doit mobiliser particuliers et entreprises, secteurs public et
privé. Pour garder la liberté de circuler dans les années à venir, il faut passer à la « mobilité durable ».

Vers la « mobilité durable » des besoins, us et coutumes. Elle s’ex- partie intégrante de l’urbanisme. Elle doit
Automobiles, autocars, motos, camions, prime en réseaux interconnectant les également compter dans les réflexions
cargos, trains, avions… tous les modes différents modes de transport (y com- d’aménagement du territoire pour
de transports se sont développés sur la pris l’interface transport individuel/ ce qui est des liaisons ville-banlieue
base de combustibles fossiles, propul- transport collectif) et est donc à ce titre et ville-campagne.
sant les transports individuels et collec-
tifs au rang des plus grands pollueurs : le
LA PRODUCTION MONDIALE DE BIOÉTHANOL
transport est devenu le premier émetteur
de CO2 de la planète. Dans ce contexte, Teneur énergétique, en exajoules Total monde 2019 : 4
l’effort de réduction des émissions de 4
CO2 passe par le développement des Huile végétale Biodiesel Éthanol
transports en commun. La «  mobilité hydrogénée (HVO)
durable » est celle qui assure les besoins 3
en déplacement des personnes tout en
préservant l’intégrité de l’environnement 2
et en garantissant l’équité d’accès des
usagers aux services, aux commerces,
aux entreprises, à la santé publique… La 1
mobilité exige au préalable d’être pensée
de manière collective comme un maillage 0
de la géographie humaine et physique, ce 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Source : REN21, Renewables 2020, Global Status Report, 2014.
qui suppose une évaluation sociologique

ÉMISSIONS DE CO2 PAR KM-PASSAGER Le choix d’un mode


de transport
Émissions des différents mode de transport en grammes équivalents de CO2 Le constat est sans
par passager-km (moyennes mondiales) appel : l’avion et
l’automobile mus par
un moteur à essence
Rail* Plage de ou diesel sont
l’intensité carbone (avec le camion) les
moyens de transport
Intensité carbone les plus polluants.
Deux/trois roues
du transport : L’automobile pèse
urbain pour moitié dans les
émissions de GES
Bus et minibus non urbain du secteur des
transports. En France,
Petites et elle monopolise 84 %
moyennes des déplacements
voitures de personnes.
Chaque citoyen peut
Grosses voitures agir au quotidien sur
ses émissions de
*Les émissions associées au rail GES en empruntant
Aérien dépendent de la source d’énergie les transports en
utilisée. En France, le rail émet communs et, parmi
nettement moins de CO2 que eux, préférer le rail
0 50 100 150 200 250 300 la moyenne mondiale. à la route.
Source : AIE, 2020.
LE TEMPS DE L’ACTION • 85

En plus de respecter les contraintes LES EMPLOIS LIÉS À L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE


écologiques, la mobilité durable doit DANS LES TRANSPORTS EN FRANCE
rester économiquement abordable pour Nombre d’emplois par secteurs, en milliers Total 2017 :
l’usager. Cela suppose un investisse- 96 410 emplois
100
ment public dans les infrastructures
Vélos urbains
mais aussi dans la recherche et l’inno- 80 Véhicules électriques
vation (amélioration des véhicules, des
Véhicules hybrides
carburants, nouvelles technologies, 60
gestion informatisée des réseaux) pour
Véhicules neufs
parvenir à maintenir un coût acceptable Équip. TCU* routiers
40
pour l’usager. L’attractivité des trans- Infrastructures TCU*
ports en commun passe également Équipements ferroviaires
20
par l’offre multimodale (possibilité de Infrastructures ferroviaires
choisir entre plusieurs modes de trans- 0 *Transports collectifs urbains
ports  : vélo, covoiturage, taxis, trans- 2007 2009 2011 2013 2015 2017
Source : Ademe, Marchés et emplois liés à l'efficacité énergétique dans le secteur des transports, Situation 2014-2016, 2019.
ports en commun).

Le transport de marchandises ÉVOLUTION PRÉVISIBLE DES MODES DE TRANSPORT DANS LE MONDE


Les flux de marchandises participent du
dynamisme de l’économie et relèvent Situation intermédiaire entre les scénarios de croissance élevée
de multiples acteurs privés et publics. et de croissance faible, en %
La globalisation des échanges, le déve- 70
2050
loppement des pratiques de flux tendu 60 2050 Transport de Fret de
voyageurs surface
et d’obsolescence programmée des 50 2000 2000
objets ont fait naître une activité de
40
logistique organisée en sites industriels,
commerciaux, administratifs, artisanaux 30
pour faire face au fractionnement des 20
flux et à l’accroissement de la diffusion 10
géographique des marchandises. Une
0
des conséquences est la charge accrue + s Bus
es ule rien l res te l tres
du système de transport… et ses émis- iturVéhicgers Aé Rai Aut Rou Rai Au
Vo lé Source : OCDE, Perspectives de transports, Répondre aux besoins de 9 milliards de personnes, 2011.
sions de CO2.
Adopter des transports plus propres à
l’avenir passera par le développement de LE DÉVELOPPEMENT DU VÉLO ET DE LA VOITURE EN LIBRE-SERVICE
modes alternatifs à la route et à l’avion,
et par l’adaptation et l’innovation des
moyens de transport aux défis environ- Lille
Principaux systèmes Valenciennes
nementaux (autoroutes ferroviaires, car- de vélos en libre-service Douai-Lens
gos à hydrogène ou à voiles, réacteurs en 2018
d’avions à algues, avions électriques...). Rouen
La technologie des batteries a fortement
progressé ces dernières années, ce qui Paris
Rennes Strasbourg
permet d’envisager le développement
d’une flotte significative de voitures élec-
triques. Certains pays prévoient déjà de Nantes
supprimer toute voiture thermique et Tours
donc de basculer complètement vers
la voiture électrique. Il y a des bénéfices Services Lyon
immédiats pour la pollution dans les d’autopartage
en 2020 Saint-
villes. Pour le climat, l’impact dépend Étienne
du mode de production de l’électricité. Unités Grenoble
urbaines Bordeaux
Si cette électricité est produite à partir Avignon
de plus de
du charbon, le gain est quasi nul. Il est 100 000 Montpellier
nécessaire de produire une électricité habitants Nice
propre, à partir d’énergie renouvelable Autres Toulouse Aix-
ou nucléaire. agglomérations Marseille Toulon
Source : 6-t.co, LVMT, 2021.
86

Villes durables, écoquartiers :


la solution ?
Vieille capitale ou nouvelle mégalopole, la ville se reconstruit en permanence sur elle-même.
Aujourd’hui, elle tente de suivre une approche « développement durable » qui la tire soit
vers l’écologie sociale et environnementale des écoquartiers, soit vers la gestion technologique
des ressources. Les deux portent attention à l’énergie, à la mobilité, aux déchets, à la pollution
et au souci de ménager une place à la nature dans l’espace public.

Une ville respectueuse Une ville nourricière. L’urbanisme jardins partagés dans les écoquartiers et
de l’environnement écologique ne convoque pas la nature des façades et immeubles dédiés dans
On parle aujourd’hui d’urbanisme éco- en ville seulement comme élément de les projets les plus futuristes. Elle ouvre
logique, d’écoquartier, de ville durable, qualité de la vie ou en mission protec- aussi la porte à un retour de l’agriculture
autant de locutions qui expriment le souci trice de la biodiversité. Elle lui accorde périurbaine – maraîchage, petit élevage,
porté au rapport de l’urbain à la nature. une place nourricière avec l’agriculture vergers – qui ceinturait les villes jusqu’à
La ville veut respecter la qualité de l’air, urbaine, y compris dans les pays en la fin des années 1960 et reprend vigueur
de l’eau et du sol, produire de l’énergie développement. Dans les pays dévelop- avec l’engouement des consommateurs
renouvelable et s’intégrer à l’écosystème pés, après être partie à la conquête des pour les fruits et légumes frais livrés par
local. Les architectes et les profession- toits et terrasses, elle entre désormais les circuits courts de distribution créés
nels du bâtiment créent de nouveaux dans les plans d’urbanisme avec des par les agriculteurs.
matériaux de construction, inventent
des immeubles à énergie positive, orga- ÉCOQUARTIERS ET ÉCOCITÉS EN FRANCE
nisent une mixité savante des activités
et habitats (entreprises tertiaires, com-
merces, logements privés et publics) et Lille
des transports qui les desservent, veillent
à la pollution, au bruit, aux déchets. ÎLE-DE-FRANCE
Pays du Haut
Rouen Val d’Alzette
L’INDICE DES VILLES DURABLES Metz
Brest Strasbourg
Indice de développement durable,
en % Rennes
0 20 40 60 80
1 Londres
2 Stockholm Nantes-
3 Édimbourg Saint-Nazaire
4 Singapour
Clermont-
5 Vienne Ferrand
6 Zurich Écocités Lyon
7 Munich Écoquartiers
8 Oslo Grenoble
9 Hongkong Bordeaux
10 Francfort
11 Copenhague Nice
12 Amsterdam
13 Séoul Toulouse Montpellier
14 New York Marseille
Toulon
15 Paris
16 San Francisco
17 Hambourg
GUADELOUPE MARTINIQUE GUYANE LA RÉUNION MAYOTTE
18 Berlin
19 Seattle
20 Dublin
Individus Planète Profit
Source : ARCADIS, Index des villes durables, 2018. Source : Ministère de la Transition écologique, 2021.
LE TEMPS DE L’ACTION • 87

Selon la FAO, agricultures urbaine et LE PRINCIPE D’UN ÉCOQUARTIER


périurbaine nourrissent déjà un quart
de la population citadine mondiale. Cadre de vie Développement Préservation
et usages territorial des ressources
Smart grid et adaptation
au changement
Sous la pression climatique, la ville climatique
se tourne vers la technologie pour
résoudre les problèmes de la baisse de Promouvoir Assurer la mixité Réduire
sa consommation d’énergie et de sa le vivre-ensemble fonctionnelle les émissions
dé-carbonisation. Un courant techno- de gaz à effet
phile pense la ville en réseaux dits intel-
de serre, s’adapter
au changement
ligents (smart grid), c’est-à-dire dont la climatique
conception et le fonctionnement sont
harmonisés grâce à l’utilisation des Promouvoir Organiser Optimiser les
nouvelles technologies de l’information.
des modes au mieux les besoins en énergie
de vie solidaires déplacements et diversifier
Par exemple, avec des diodes électro- et responsables et diminuer les sources
luminescentes (LED), des caméras et la dépendance
des détecteurs de mouvement pilotés à l’automobile
par ordinateur, l’éclairage public peut
Offrir un cadre Promouvoir Assurer une
aujourd’hui s’allumer automatique- de vie agréable des modes de gestion qualitative
ment quand il y a besoin, avec une et sain déplacement et économe des
puissance proportionnelle à la pro- alternatifs ressources en eau
fondeur de la nuit ou au nombre de et durables
passants. D’autres projets de réseaux Valoriser Inscrire le projet Utiliser de
s’intéressent à la gestion du trafic le patrimoine local, dans la dynamique manière raisonnée
automobile via des puces RFID (Radio l’histoire et l’identité de développement les ressources non
Frequency Identification) embarquées du quartier durable renouvelables et
limiter la production
sur les véhicules ou à la mise en réseau de déchets
général des objets personnels via leur
connexion à internet. Intensité, Valoriser Préserver
On comprend les bonnes intentions de
compacité et densité : les relations avec la biodiversité,
dessiner un quartier le milieu agricole restaurer et valoriser
tels procédés (rationalisation, écono- adapté au contexte et forestier la nature en ville
mies d’énergie) mais aussi le danger
Source : Ministère du Logement, de l’Égalité, des Territoires et de la Ruralité, 2015.
potentiel qu’ils représentent pour les
libertés individuelles (exploitation de
données personnelles).

LES ACTEURS NON-ÉTATIQUES DANS LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE Société civile
en action
Depuis 2017, Climate
Chance rassemble
les acteurs non-étatiques
Göteborg (villes, collectivités
Canterbury Helsinki
territoriales, gouver-
Bristol Rhénanie du Nord-Westphalie Shimokawa nements locaux,
Los Angeles Mannheim Toyama entreprises, syndicats,
Pays basque Barcelone ONG…) engagés
Suwon Hamamatsu
New York Málaga contre le dérèglement
Province de Valence Deqing Kitakyushu
climatique, avec une
Taipei et attention particulière
Mexico Nouveau Taipei
Source : Cités et gouvernements locaux unis, 2021.

Oaxaca Cauayan à l’approche territoriale,


source de solutions
Comté de Busia concrètes en lien
Comté de Marsabit avec les ODD.
Barcarena Comté de Kwale
Comté de Les différents acteurs
Chimbote Santana travaillent par coalitions
de Parnaíba Taita Taveta
La Paz thématiques sur le
Niterói modèle des groupes
São Paulo reconnus par la
Santa Fe Le Cap
Buenos Aires CCNUCC. L’observatoire
Climate Chance publie
Gouvernements locaux engagés auprès de l’Onu sur la mise un bilan mondial annuel
en œuvre des objectifs de développement durable sur leur territoire de l’action climat qui
fait référence.
2016 2017 2018 2019 2020
88

Vie quotidienne
Une vie sobre en carbone est à la fois une vie d’économie d’énergie et de recours à l’imagination
et à l’innovation. Elle nécessite de se préoccuper de son empreinte écologique, de faire des
choix dans ses déplacements, ses pratiques, tout comme dans l’équipement de son habitation.
C’est aussi une vie d’attention aux autres, à la biodiversité, à la démocratie locale.

Des choix citoyens La vie sans pétrole consommation sont issus de la pétro-
Si la première forme d’adaptation au La vie dé-carbonée suppose d’exi- chimie  : matières plastiques, pesti-
changement climatique est de réduire ger de son fournisseur d’énergie qu’il cides, peintures, colles, encres, déter-
les émissions de GES, le temps de pas- garantisse la source de ses livraisons. gents, caoutchoucs synthétiques…
ser complètement aux énergies dites Une grande part de nos biens de La relève vient de la « chimie verte ».
« propres », la seconde réside dans la
mise en place de nouvelles pratiques, L’ÉTIQUETTE ÉNERGIE : UNE APPLICATION L’étiquette énergétique
de nouvelles habitudes. Dans nos pays DES RÉGLEMENTATIONS EUROPÉENNES Créée en 1992
développés, les grandes lignes en sont pour les appareils
électroménagers,
déjà tracées  : isolation du logement obligatoire en Europe
pour tendre vers un chauffage le plus Référence de l’appareil : depuis 2010 sur
économe possible  ; consommation fabricant et modèle tous les appareils
consommateurs
locale à privilégier ; choix des produits Classe énergétique : d’énergie (voitures
et services en fonction de leur « éner- une couleur associée comprises), l’étiquette
à une lettre de A à D énergétique renseigne
gie grise » (c’est-à-dire la somme des ou G (pour les appareils sur les performances
énergies mises en œuvre à chaque de froid) énergétiques et
étape de leur vie, de leur création à leur A : Appareil économe techniques du produit
G : Appareil gourmand dans le but d’orienter
recyclage en passant par leur transport en énergie le consommateur vers
et leur conditionnement) ; orientation les moins énergivores.
vers des objets fiables et durables  ; Consommation annuelle L’augmentation du
d’énergie en kilowattheure nombre d’équipements,
lutte contre le gaspillage  ; choix des de leur puissance
aliments en fonction du mode d’agri- et de leur durée
Pictogrammes pour d’utilisation participe
culture dont ils sont issus. Bref, la pre- de la croissance de
mière chose c’est apprendre à choisir,
informer le consommateur
la consommation
des caractéristiques d’électricité.
donc à décrypter les étiquettes et à et des performances d’un
comparer les origines, modes de fabri- appareil donné
Source : Ademe, 2015.
cation et de transport.

LES FUITES DE CHALEUR D’UNE HABITATION MAL ISOLÉE UNE MAISON PASSIVE

Toit Air renouvelé Super-isolation


25 à 30 % et fuites Collecteurs
20 à 25 % solaires
(option) Air Air
entrant sortant Air neuf
(chaud) (froid)
Fenêtres Murs
10 à 15 % 20 à 25 % Triple
vitrage Air
vicié
Ponts Ventilation
thermiques Puits canadien avec
5 à 10 % Plancher bas (option) récupération
7 à 10 % Source : Ademe, 2015. Source : maisonspassives.net. de chaleur
LE TEMPS DE L’ACTION • 89

PRÉVISION DE CONSOMMATION D’ÉNERGIE DANS LE SECTEUR RÉSIDENTIEL

Ex-URSS
Europe Europe centrale
Amérique et orientale Asie
occidentale
du Nord (économies
planifiées)

Moyen-Orient et Asie
Afrique du Nord du Sud Autres pays
7 Consommation
6 finale d’énergie d’Asie/Pacifique
5 (PWh/an) Amérique latine
4 et Antilles Afrique
3 subsaharienne
2 Pacifique
1 (OCDE)
0
2010 2050 (prévisions) Source : GIEC, 5e rapport, Changements climatiques 2014, « Working Group III Contribution » ; d’après données IEA, 2013.

En plein essor dans de nombreux effets négligeables quand on les com- de consommateurs, à plus grande
secteurs (cosmétique, pharmacie, ali- pare avec les émissions de GES ou échelle, comme on l’a constaté récem-
mentaire…), elle minimise le nombre les pollutions industrielles, demeurent ment avec l’essor du bio, dans lequel
d’atomes et d’étapes de fabrication importantes. Elles participent de la ont fini par s’engouffrer les grands
d’un produit ; elle s’efforce de réduire conscience collective du problème distributeurs.
les risques de pollution dans l’élabora- du réchauffement et peuvent par-
tion d’un objet ; elle limite la dépense fois aboutir à de véritables choix
énergétique et s’assure de l’utilisation
d’énergies renouvelables. La chimie LES POSTES DE CONSOMMATION D’ÉNERGIE
végétale est aussi une bonne solu-
Consommation d’énergie finale Commercial
tion avec, pour réserve, la possible
par type de construction et par type
concurrence foncière avec la produc-
d’usage, dans le monde, en 2010
tion alimentaire.

32 % 33 %
Une empreinte écologique
au quotidien Total :
Au quotidien, le souci de la santé 8,42 PWh
de la planète peut prendre plusieurs Résidentiel
formes. On peut par exemple réduire 7%
12 %
sa consommation de viande rouge,
facteur d’émissions de méthane et 16 %
grande consommatrice d’eau. On
peut aussi surveiller sa consomma- Chauffage
29 % 32 %
tion personnelle d’eau, en préférant Eau chaude
l’eau du robinet à l’eau minérale et en Éclairage
délaissant les bains dévoreurs de 200 Climatisation
Total :
à 250 litres d’eau pour les douches 24,3 PWh Électroménager
avec des pommeaux labellisés pour
leur faible consommation d’eau (sinon Cuisine
une longue douche peut consommer Autres
autant qu’un petit bain). L’eau de pluie 9%
récupérée au débouché des gouttières
peut servir à arroser les plantes, aux 2%
heures les moins chaudes de la jour- 4% 24 %
née pour limiter l’évaporation.
Source : GIEC, 5e rapport, Changements climatiques 2014,
Ces pratiques, dont on peut penser les « Working Group III Contribution » ; d’après données IEA, 2013.
90

La révolution des modes de vie


est-elle possible ?
Plus de la moitié de la population mondiale (54 %) vit dans les villes et ces dernières sont
à l’origine de 70 % des émissions de GES. La lutte contre le réchauffement climatique y est donc
primordiale. Elle passe par une nouvelle vision de l’urbanisme, l’innovation sociale, des moyens
techniques, une forte solidarité entre villes du nord et villes du sud et l’envie de penser
dès aujourd’hui le monde de demain.

L’enjeu des villes LE TÉLÉTRAVAIL


Sous la contrainte climatique, les villes
des pays industrialisés ont les moyens Pourcentage de la population Impact de la crise
de changer d’organisation spatiale. La active pratiquant régulièrement du covid-19 sur le
le télétravail dans l’UE* télétravail en France
densité urbaine permet le développe-
ment de transports en commun effi- Plus de 10 % Nombre moyen de
caces. La proximité du travail permet 5 à 10 % Finlande jours de télétravail
par semaine-type
de s’y rendre à pied ou en vélo. Quand 3à5%
l’emploi est éloigné de la zone d’habita- Suède 3,6
Moins de 3 % Estonie
tion, l’entreprise peut développer le télé-
Absence Lettonie 1,8 1,6
travail. Dans les pays en voie de déve- de données
loppement, l’exode rural participe de la Danemark Lituanie
formation de mégalopoles. La classe Irlande
Pays- Nov. Nov. Déc.
moyenne en formation y aspire à adop- Pologne 2018 2019 2020
Bas
ter le mode de vie occidental, carboné.
Belg. Allemagne
Sans soutien des pays riches (finance-
Lux. Slovaquie
ments, transferts de technologie, édu-
cation au développement durable), les Autriche Hongrie
France Roumanie
émissions de GES ne cesseront de Slovénie
croître. Le partage des rêves urbains Bulgarie
est indispensable à la culture d’un des-
Portugal
tin commun. Italie
Espagne
Grèce
Ville intelligente ou écoville ?
L’urbanisme du xixe siècle était fonction- Chypre
*Étude de mars 2020, réalisée
nel, hygiéniste, basé sur la parcellisation avant la pandémie de covid-19. Malte Sources : Eurostat, INSEE, Malakoff Humanis, 2021.
de l’espace. Chaque activité humaine
– travail, habitat, sports, loisirs, mobilité bureaux sont à énergie positive (ils pro- systèmes cybernétiques traiteraient
– était sectorisée. Les mégalopoles du duisent davantage d’énergie qu’ils n’en simultanément des millions de don-
xxe siècle furent plus le fruit d’une crois- consomment). L’éclairage public obéit à nées sur la consommation d’énergie et
sance imposée par les migrations de des caméras sensibles à la lumière et à d’eau, le fonctionnement des services
populations, pensées dans l’urgence. la fréquentation des lieux publics, asso- publics, les mouvements de popula-
L’approche climato-compatible de la cié à un système de sécurité des biens tion… et pourraient prévoir tout excès
ville bouscule les choses et fait émerger et des personnes qui dissuade la délin- de demande énergétique, toute menace
une vision écosystémique de la cité. Elle quance. De petites fermes high-tech, à l’ordre social. Dans cette ville « mise
se traduit par deux types de discours autonomes en énergie, produisent des en équation », il aurait toujours autant de
qui, tout en étant frappés au sceau du légumes alimentés par des systèmes de consumérisme, toujours autant d’argent
développement durable, divergent sur goutte à goutte d’eau chargée de nutri- en circulation… mais le fond de l’air
sa mise en place. ments. Dans ce scénario, la production serait pur et les oiseaux les plus fragiles
La ville intelligente relève d’une vision d’énergie serait toujours centralisée et nicheraient à nouveau dans les jardinets
technologique du monde, règne des on rêverait d’arriver un jour à gérer la et sur les toits-jardins. Le capitalisme
innovations digitales, nanotechno- ville depuis un seul grand tableau de serait sauvé par la transition énergé-
logiques, robotiques. Les logements et commande. Les experts en logique des tique, la croissance verte et un certain
LE TEMPS DE L’ACTION • 91

ITINÉRAIRE D’UN STEAK HACHÉ à vouloir recouvrer un équilibre idéal,


gravé dans le marbre d’un âge d’or. Ce
CO2 CH4 scénario ferait appel à moins de tech-
Notre alimentation émet Traitement des
plus ou moins de gaz à effet déchets (emballages, nologie, moins de consumérisme, plus
de serre, à nous d’agir pour etc.) et gaspillage de jardins partagés, de circuits courts de
réduire les émissions liées alimentaire distribution (grâce au rétablissement de
à notre consommation !
ceintures maraîchères), de covoiturage,
CO2 N2O CO2 PFC, d’économie sociale et collaborative,
Fabrication Conservation
HFC SF6 de recyclage, de démocratie locale et
des engrais et cuisson
de sobriété énergétique. Cette énergie
serait le plus souvent produite locale-
N 2O CO2 N2O CH4
Culture des aliments Transport vers ment, par des régies municipales, des
pour bétail le domicile PFC, HFC SF6 coopératives de citoyens, des partena-
riats public-privés locaux qui miseraient
CO2 CH4 CO2 PFC, sur des « bouquets » mêlant selon les
Élevage Stockage dans situations éolien, hydrolien, marémoteur,
N 2O
des animaux un supermarché HFC SF6
solaire, géothermique, biogaz, méthana-
tion, hydraulique. Le capitalisme serait
CO2 N2O CH4 CO2 N2O CH4
en quelque sorte amendé par la société
Transport PFC, HFC SF6 Transport PFC, HFC SF6 civile.

CO2 CO2 Réfléchir aux trajectoires


Transformation du Emballage proposées
bœuf en steak haché
Ces deux projections futuristes relèvent
Source : Réseau action climat, Kit pédagogoque sur les changements climatiques, 2015. chacune d’une vision systémique de la
ville et de la société. L’une – avec son
versant technologique – est construite
LE POIDS DE NOTRE CONSOMMATION
de haut en bas par un collège d’experts
CO2 techniques, l’autre – plus collective – est
Nos achats et les Extraction des
déchets qui y sont liés élaborée de bas en haut par des gens
matières premières reliés par un idéal excluant les «  non-
sont émetteurs de gaz
à effet de serre CO2 croyants ». Les deux chapelles mêlent
Transport des aspects «  bisounours  » du cli-
mato-politiquement correct et d’autres
CO2 dictatoriaux.
Fabrication De tout temps, la ville fut le miroir
Émissions de Émissions de d’un rapport de force politique.
CO2 évitées par CO2 évitées par L’envisager comme une expression de
la réutilisation Utilisation la production
de matières d’électricité la liberté, comme le laissent penser ces
premières et de chaleur approches, est une dangereuse illusion,
un retour à la pensée des lendemains
Tri qui chantent où tout est résolu. De fait,
une norme en remplace toujours une
CO2 CO2 CH4 autre. Les deux approches oublient
Recyclage Transport Méthanisation
des déchets dans leurs trajectoires respectives deux
facteurs essentiels  : le pouvoir dés-
CH4 N2O tabilisateur des jeux financiers inter-
Stockage Compostage nationaux (sur la bourse aux matières
premières agricoles, sur l’électricité
Résidus toxiques Incinération renouvelable, sur les composants élec-
Source : Réseau action climat, CO2 troniques et les terres rares, etc.) et celui
Kit pédagogoque sur les changements climatiques, 2015.
de l’expression sociale (contestation
sociale, etc.). L’avenir dira ce qui comp-
amour de la nature. intelligente » et sur les visions collectives tera dans cette vision de la ville durable
L’écoville, qui pourrait faire penser du futur, toujours envisagé sous son écosystémique : l’individu ou le collec-
au mouvement des «  villes en tran- meilleur jour. On y retrouverait une même tif, l’intérêt économique ou le dialogue
sition  », s’appuierait à la fois sur les ode au bien-être individuel, une morale croissance-décroissance…
démarches individuelles comme la « ville écoresponsable stricte et une tendance
92

EN CONCLUSION
Le temps de l’action
UN ACCORD MONDIAL
L’accord de Paris en 2015 a été un vrai
succès diplomatiques. Pratiquement tous
les pays ont affiché qu’ils allaient mettre
en place des mesures afin de limiter leurs
émissions de gaz à effet de serre. Un
accord a été conclu qui prévoit une revisite
périodique des objectifs qui devront être
plus ambitieux. Il faut cependant noter que
les objectifs affichés sont très disparates,
en présentation comme en ambition. De
nombreux pays dits « en développement »
affichent des trajectoires d’émission à la
hausse, en indiquant que ces émissions
seront plus faibles que si aucune mesure
n’était prise. Les ambitions affichées
restent insuffisantes. Même si tous les
pays respectent leurs engagements, la
Terre n’échappera pas à une hausse des
températures de plus de 3 degrés.
En 2017, le président des États-Unis
nouvellement élu a décidé que son pays
se retirait des accords de Paris. On peut
craindre que d’autres pays feront de
même s’ ils ont des difficultés à respecter
leurs engagements, ou s’ils pensent que
la compétitivité de leur économie est mise
en danger.

UNE COURSE
CONTRE LA MONTRE
La lutte contre le réchauffement doit
beaucoup à la mobilisation de la société
civile dans tous les pays : elle s’est
emparée de l’enjeu climatique et tente
de peser sur le politique. La diminution
des émissions de GES s’impose aussi
car les coûts de l’inaction sont élevés
et nos capacités d’adaptation aux
dérèglements limitées. Il faut maintenant
accorder l’agenda politique au calendrier
de l’élévation de la température.
CONCLUSION GÉNÉRALE • 93

CONCLUSION GÉNÉRALE

Quels choix pour demain ?

L
e changement climatique est là. Vous venez d’en lire imposent d’abandonner progressivement les énergies fos-
les causes, les effets, la portée à l’échelle du siècle à siles. Les pays émergents – Chine, Brésil, Inde, Afrique
venir. Il touche toute la planète, avec cependant de du Sud – reconnaissent le réchauffement climatique mais
grandes différences d’impacts selon les régions du globe, veulent gagner du temps. Le temps pour eux de combler à
accentuant les inégalités sociales. coup de charbon et de pétrole le fossé qui les sépare des
économies occidentales.
Dans le règne du vivant, le genre humain est le seul être L’Europe se veut à la pointe de la lutte contre le changement
à avoir changé son environnement à une échelle telle que climatique. Elle affiche des objectifs ambitieux de réduction
ce changement pèse aujourd’hui sur ses conditions de des émissions de gaz. Il serait logique que les États-Unis,
vie. Nous avons la chance extraordinaire d’être dotés du historiquement responsables d’une part importante des
cerveau le plus puissant du règne animal. Intelligent au émissions de CO2, montre des objectifs similaires. Mais le
point de nous apercevoir de nos erreurs, d’être capables climat ne semble plus être une priorité du gouvernement
de prendre de la distance pour juger impartialement nos de ce pays. Il faut espérer que c’est là une position tempo-
actions. Pour la première fois dans l’histoire de l’huma- raire, et que les États-Unis chercheront eux aussi à limiter
nité, le climat fédère le travail de milliers de scientifiques les extractions de combustibles fossiles, à commencer par
par-delà les cultures, langues, religions, nationalités. Tous le charbon.
s’accordent sur l’urgence à réduire les émissions de gaz Enfin, on réfléchira aussi sur les solutions d’adaptation
à effet de serre. Dans de nombreux de pays, la société mises en avant sur la table des négociations, en particulier
civile se mobilise, prend des initiatives pour s’adapter au dans les pays en développement  : elles reposent le plus
bouleversement climatique. De même, les collectivités ter- souvent sur l’intervention d’entreprises et de technologies
ritoriales – régions, grandes métropoles – du monde entier venues des pays industrialisés, qui trouvent là le moyen de
échangent leurs expériences de réduction d’émissions de financer leur développement international avec les « fonds
GES et d’adaptation de leur territoire à la nouvelle donne verts » destinés aux pays en développement. S’il y a néo-
climatique. Les industriels les plus clairvoyants ont com- colonialisme, il est ici. Quoi qu’il en soit, lors des derniers
pris l’opportunité de se reconvertir dans l’économie verte, sommets, les intérêts immédiats nationaux l’ont emporté sur
c’est-à-dire décarbonée… l’intérêt commun à préserver l’atmosphère et la biodiversité.
Toutefois, certaines initiatives infra-étatiques, comme cette
La politique internationale, indispensable pour un traitement coalition de 200 villes engagées dans la réduction de leurs
global du problème, doit encore se mettre au diapason du émissions de GES d’ici 2020, ainsi que de nombreuses
climat. Voilà plus de vingt ans que les sommets annuels de actions de la société civile sont aujourd’hui reconnues
l’ONU sur le climat se succèdent sans avancée décisive. dans les sommets internationaux. Preuve d’un change-
Relayé par les climatosceptiques, le lobbying des indus- ment d’ère dans la gouvernance, marquée par la montée
tries pétrolières et chimiques (qui ne veulent en rien perdre en puissance des pouvoirs locaux. Reste à convaincre et
leur rente financière) fonctionne à plein. Les élus nationaux mobiliser les édiles du sommet qui, pour ceux qui relèvent
classent le climat parmi les autres dossiers. Le grand jeu de démocraties, sont encore sensibles à leur réélection.
des nations, où se mêlent États, entreprises multinationales
et places boursières, révèle une géopolitique complexe. Le changement climatique entraîne avec lui une reconsi-
Par exemple, les pays en développement verraient comme dération de la politique qui dépasse les frontières et fait
une résurgence de colonialisme que les pays occidentaux, grandir en universalité.
historiquement responsables des émissions de GES, leur
94

Annexes
Bibliographie et sitographie
Ouvrages CNES, Parasol. Effet parasol et effet de serre, novembre 2004 :
http://missions-scientifiques.cnes.fr/PARASOL/Fr/dossier_presse_parasol.pdf
Stefan Aykut, Amy Dahan, Gouverner le climat ?
20 ans de négociations internationales, Paris, Presses Olivier De Schutter, Conseil des droits de l’homme,
de Science Po, 2015. seizième session, point 3 de l’ordre du jour, Promotion et
protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques,
Sandrine Bélier, Gilles Luneau, La biodiversité une
économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au
chance. Nous avons un plan B !, Arles, Actes Sud,
développement, Rapport du Rapporteur spécial sur le droit
coll. « Domaine du possible », 2013.
à l’alimentation, 20 décembre 2010 :
François-Marie Breon, Réchauffement climatique,
http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20110308_
Paris, Humensciences, 2020.
a-hrc-16-49_agroecology_fr.pdf
Pascal Canfin, Peter Staime, Climat : 30 questions
pour comprendre la conférence de Paris, Paris, FAO, Situation des forêts du monde, Rome, 2012 :
Les Petits Matins, 2015. http://www.fao.org/docrep/016/i3010f/i3010f.pdf
Jean-Yves Grandidier et Gilles Luneau, Le vent nous FAO, Agriculture, Forestry and Other Land Use Emissions
portera, le pari gagnant de la transition énergétique, préface by Sources and Removals by Sinks - 1990 – 2011 Analysis,
de Laurence TUBIANA, illustrations de Hugues PIOLET, Climate, Energy and Tenure Division, Rome, mars 2014 :
Alternatives/Gallimard, 2017.
http://www.fao.org/docrep/019/i3671e/i3671e.pdf
Jean Jouzel, Anne Debroise, Le défi climatique. Objectif :
2 °C, coll. « Quai des sciences », Paris, Dunod, 2014. FAO, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture.
Possibilités et défis, Rome, 2014 :
Jean Jouzel, Claude Lorius, Dominique Raynaud,
Planète blanche, les glaces, le climat et l'environnement, http://www.fao.org/3/a-i3720f.pdf
Paris, Odile Jacob, 2008.
GIEC, 5e rapport d’évaluation :
Jean Jouzel, Anne Debroise, Le climat : jeu dangereux. https://www.ipcc.ch/report/ar5/index_fr.shtml
Dernières nouvelles de la planète, Paris, Dunod,
coll. « Quai des sciences », 2007. •C
 limate Change 2013. The Physical Science Basis,
Working Group I Contribution to the Fifth Assessment Report
Hervé Le Treut, Nouveau climat sur la Terre. of the Intergovernmental Panel on Climate Change.
Comprendre, prédire, réagir, Paris, Flammarion, http://www.climatechange2013.org/
coll. « Nouvelle bibliothèque scientifique », 2009.
•C
 limate Change 2014. Impacts, Adaptation, and Vulnerability,
Hervé Le Treut, Olivier Godard, Jérôme Chapellaz, Working Group II Contribution to the Fifth Assessment Report
Changement climatique : les savoirs et les possibles, of the Intergovernmental Panel on Climate Change.
Montreuil, La ville brûle, 2010. http://ipcc-wg2.gov/AR5/

Valérie Masson-Delmotte, Climat : le vrai et le faux, •C


 limate Change 2014. Mitigation of Climate Change,
Paris, Le Pommier, 2011. Working Group III Contribution to the Fifth Assessment Report
of the Intergovernmental Panel on Climate Change.
http://mitigation2014.org/
Publications scientifiques ou institutionnelles •S
 ynthesis Report, Contribution of Working Groups I, II
and III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental
Oli Brown (pour l’OIM), Migrations et changements
Panel on Climate Change.
climatiques, n° 31, Série Migration Research
https://www.ipcc.ch/report/ar5/syr/index_fr.shtml
de l’OIM, 2008 :
http://publications.iom.int/bookstore/free/MRS-31_FR.pdf IDMC, Global Estimates 2014. People displaced by
disasters, septembre 2014 :
Gro Harlem Brundtland, Rapport Bruntland, 1985 :
http://www.internal-displacement.org/assets/publications/2014/201409-
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-durable/
global-estimates2.pdf
files/5/rapport_brundtland.pdf
95

INRA, Quelle contribution de l’agriculture française UNEP, AMCEN, Climate Analytics, Africa’s Adaptation Gap.
à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Technical Report. Climate-change impacts, adaptation
Potentiel d'atténuation et coût de dix actions techniques, challenges and costs for Africa, 2013 :
synthèse du rapport d’étude, France, 2013 : http://www.unep.org/pdf/AfricaAdapatationGapreport.pdf
http://inra-dam-front-resources-cdn.brainsonic.com/
ressources/afile/237958-637ec-resource-etude-reduction- UNEP, Our Planet Magazine, “Climate for Life”, nov. 2014 :
des-ges-en-agriculture-synhese-90-p-.html http://www.zaragoza.es/ciudad/medioambiente/onu/
en/detallePer_Onu?id=1119
IUCN, Espèces envahissantes et changement climatique :
un « duo mortel », selon des scientifiques de haut niveau, UNEP, The Emissions Gap Report 2014, Nairobi, 2014:
octobre 2010 : http://www.unep.org/publications/ebooks/emissionsgapreport2014/
http://www.iucn.org/knowledge/news/?6320/2/Especes- portals/50268/pdf/EGR2014_LOWRES.pdf
envahissantes-et-changement-climatique--un-duo-mortel-
UNFCCC, Le Protocole de Kyoto, un résumé, 2014 :
selon-des-scientifiques-de-haut-niveau
http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/
Munich RE, Natural disaster – Annual statistics 2014 : feeling_the_heat/items/3294.php
http://www.munichre.com/en/reinsurance/business/non-life/
natcatservice/annual-statistics

OCDE, Placer la croissance verte au cœur du développement, Sites de référence


résumé à l’intention des décideurs, Paris, mars 2013 :
ADEME, agence de l’environnement et de la maîtrise
http://www.oecd.org/fr/cad/environnement-developpement/
de l’énergie : http://www.ademe.fr/
DCD%20Brochure%20FRENCH%20WEB-light.pdf
Agenda 21 France : http://www.agenda21france.org/
OMS, Un atlas de la santé et du climat pour relever
les défis existants, octobre 2012 : Manicore (Jean-Marc Jancovici) :
http://www.who.int/globalchange/publications/atlas/fr/ http://www.manicore.com/documentation/index.html

PNUD, Rapport sur le développement humain 2014. Réseau Action Climat-France – RAC-F :
Pérenniser le progrès humain : réduire les vulnérabilités http://www.rac-f.org/
et renforcer la résilience, 2014 :
http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr14-report-fr.pdf Sauvons le Climat : http://www.sauvonsleclimat.org/

Le climat en questions : http://www.climat-en-questions.fr/


RAC-F, Protocole de Kyoto, Bilan & Perspectives,
Vers un nouveau régime à la hauteur du défi climatique,
22 novembre 2012 :
http://www.rac-f.org/IMG/pdf/Protocole_de_Kyoto_Bilan_ ONG
et_perspectives_2012_RAC-F.pdf
4D, Dossiers et Débats pour Le Développement Durable :
Solagro, Afterres2050 Un scénario soutenable pour http://www.association4d.org/blog/tag/climat-2/
l’agriculture et l’utilisation des terres en France à l’horizon
2050, 2014 : Bloom : http://www.bloomassociation.org/
http://www.solagro.org/site/im_user/0393_$_afterres2050-web.pdf Climate Action Network International - CAN :
Sir Nicholas Stern, Stern Review Report on the http://www.climatenetwork.org/
Economics of Climate Change :
Pew Research Center :
http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/20100407172811/
http://www.pewresearch.org/topics/energy-and-environment/
http://www.hm-treasury.gov.uk/stern_review_report.htm
Greenpeace France :
UNCCD, The land in numbers. Livelihoods at a tipping
http://www.greenpeace.org/france/fr/campagnes/energie-et-climat/
point, 2014 :
http://www.unccd.int/Lists/SiteDocumentLibrary/Publications/ Oceana : http://oceana.org/
Land_In_Numbers_web.pdf
Transition France : le mouvement de la Transition en
UNCCD, La société civile. Gestionnaire de la Terre, 2014 : France : http://www.transitionfrance.fr/
http://www.unccd.int/Lists/SiteDocumentLibrary/Publications/CSO%
WWF-France :
20FRE%203_7_14%20small.pdf
http://www.wwf.fr/nos_priorites/promouvoir_la_transition_energetique/
UNCCD, Désertification. La ligne de front invisible, 2014 : changement_climatique/
http://www.unccd.int/Lists/SiteDocumentLibrary/Publications/NEW_Invi-
sible_%20Front_Line%20_%20FRE.pdf
96

Derniers titres parus dans la collection « Atlas »

Atlas de la Première Atlas des Atlas de la Atlas de la France


Guerre mondiale migrations Grèce classique au xixe siècle
La chute des empires De nouvelles solidarités v e-iv e siècle av. J.-C., Aurélia Dusserre
européens à construire l’âge d’or d’une et Arnaud-Dominique Houte

Yves Buffetaut Catherine Wihtol de Wenden civilisation fondatrice


Nicolas Richer

Atlas de la Atlas des États-Unis Atlas de Grand Atlas 2021


Révolution française Un colosse aux pieds d’argile l’Égypte ancienne Sous la direction
Pierre-Yves Beaurepaire Claire Somaglino de Frank Tétart
Christian Montès
et Silvia Marzagalli et Pascale Nédélec

Atlas des villes Atlas mondial Atlas de la Atlas de la France


mondiales de la santé guerre froide médiévale
Sous la direction Gérard Salem 1947-1990 : un conflit Hommes, pouvoirs
de Charlotte Ruggeri et Florence Fournet global et multiforme et espaces du v e au xv e siècle
Sabine Dullin Antoine Destemberg
et Stanislas Jeannesson

Vous aimerez peut-être aussi