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DOI : 10.4000/books.editionscnrs.2767
Éditeur : CNRS Éditions
Année d'édition : 2008
Date de mise en ligne : 21 juin 2013
Collection : Histoire
ISBN électronique : 9782271077851
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782271066718
Nombre de pages : 464
Référence électronique
AARONSOHN, Ran (dir.) ; TRIMBUR, Dominique (dir.). De Bonaparte à Balfour : La France, l’Europe
occidentale et la Palestine, 1799-1917. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : CNRS Éditions, 2008 (généré le
03 mai 2019). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/editionscnrs/2767>. ISBN :
9782271077851. DOI : 10.4000/books.editionscnrs.2767.
CNRS ÉDITIONS
de Bonaparte
à Balfour
La France, l'Europe
occidentale et
la Palestine, 1799 1917
Centre de recherche
français de Jérusalem
mélanges
du Centre de recherche
français de Jérusalem
Sous la direction de
Dominique Trimbur
et
Ran Aaronsohn
De Bonaparte
à Balfour
La France,
l’Europe occidentale
et la Palestine,
1799, 1917
CNRS ÉDITIONS
15, rue Malebranche - 75005 Paris
Collection dirigée par
Pierre de Miroschedji et Florence Heymann
Déja parus :
Vol. 1. L’Historiographie israélienne aujourd’hui, sous la direction
de Florence Heymann et Michel Abitbol, 1998.
Vol. 2. Le Yiddish : langue, culture, société, sous la direction de Jean
Baumgarten et David Bunis, 1999.
Vol. 3. De Bonaparte à Balfour. La France, l’Europe occidentale et
la Palestine, 1799-1917, sous la direction de Dominique Trimbur
et Ran Aaronsohn, 2001.
Vol. 4. Les Voyages de l’intelligence. Passages des idées et des
hommes, Europe, Palestine, Israël, sous la direction de Dominique
Bourel et Gabriel Motzkin, 2002.
Introduction
Pour des raisons d’actualité, mais avant tout du fait d’un intérêt
historique de plus en plus évident, la corrélation regroupant « La
France, l’Europe occidentale et la Palestine » présente nombre
d’aspects porteurs pour une étude approfondie. Dans cet ensemble, la
périodisation 1799-1948 est logiquement déterminée : c’est d’une part
l’incursion de Bonaparte en Orient, et d’autre part la création de l’État
d’Israël. Dans ces circonstances, le Centre de recherche français de
Jérusalem a jugé intéressant de regrouper un certain nombre d’articles
relatifs à la période en question, en optant pour la diversité. Un tel
recueil est en effet la possibilité de faire se rencontrer, en un volume,
des auteurs de différentes origines, traitant d’une même région en une
même époque, mais à partir de points de vue différents. Pour ce faire,
nous avons choisi d’aborder dans un premier temps une période en
apparence largement balisée, 1799-1917, sujet de nombreuses études
auxquelles viennent s’en ajouter régulièrement d’autres, dans les
langues les plus diverses 1.
Cet espace de temps, dernier siècle de la domination ottomane
sur le Moyen-Orient, est peut-être aussi le plus riche du point de vue
historique, en particulier dans le domaine des relations internationales.
Après l’entrée en fanfare de Bonaparte en Égypte et sa brève incursion
en Terre sainte, la Palestine sort de sa léthargie de province reculée
d’un très vaste Empire. Politiquement, administrativement et commer-
cialement, elle n’est en effet alors qu’un point de passage, une région
dépendante de provinces bien plus actives ; de plus, elle n’est pas une
entité précise du point de vue administratif et ressortit plutôt du
domaine des idées 2. Dans cette logique, Bonaparte ne juge pas Jéru-
salem digne d’être visitée, et la Palestine en général semble ne mériter
que la représentation figée, même si très belle, qu’en offre l’aquarel-
liste David Roberts.
Mais il semble que la Palestine n’attende qu’un signe pour retrou-
ver sa splendeur et son souffle passés. Les événements du tournant
du XIXe siècle suscitent pour un temps l’intérêt des nations européen-
nes. Celui-ci se confirme lors de l’aventure égyptienne qui parcourt
la région jusqu’à l’Anatolie, dans les années 1830. On assiste alors à
ce que le géographe historique israélien Yeoshuah Ben Arieh a appelé,
dans un ouvrage pionnier, la « redécouverte de la Terre sainte 3 ».
En ce XIXe siècle, il ne pouvait s’agir seulement d’un réveil. Au
moment où les nations européennes regardent par-delà leurs frontières,
dans les prémisses de leurs aventures coloniales respectives ; où elles
s’observent mutuellement dans leur course à la domination de vastes
sphères d’influence, au risque d’ailleurs de mettre en péril le concert
européen de Metternich ; au moment où le progrès technique, des
transports notamment, fait du bassin méditerranéen une proche
banlieue de l’Europe et s’accompagne d’un fort développement du
commerce et d’une envolée culturelle fondée sur la notion alors
nouvelle d’orientalisme ; au moment enfin où se développe et se
relance une double mission, civilisatrice et religieuse, la Palestine
semble focaliser les intérêts de toutes sortes et se donne progressive-
ment une véritable importance géostratégique. Comme l’écrit de
manière synthétique l’historien français Henry Laurens : « La Pales-
tine est le lieu où se rencontrent tous ces produits de la modernité et
de la quête des origines. » Plus d’une redécouverte donc, en un siècle
où l’histoire s’accélère, il s’agit ni plus ni moins, comme il le dit
encore, d’une « invention de la Terre sainte 4 ».
8. Nir, Yeshayahu, The Bible and the Image : the History of the Photography
in the Holy Land, 1839-1899, 1985 ; Perez, Nissan, Focus East : Early Photography
in the Near East (1839-1885), New York-Jérusalem, 1988 ; Silver-Brody, Vivienne,
Documents of the Dream : Pioneer Jewish Photographs in the Holy Land, 1890-1933,
Jérusalem-Philadelphie, 1998.
9. Eliav, Mordechai, Britain and the Holy Land – 1838-1914 – Selected Docu-
ments from the British Consulates in Jerusalem, Jérusalem, 1997 ; Kark, Ruth, Ameri-
can Consuls in the Holy Land, 1832-1914, Jérusalem-Détroit, 1994 ; tandis que dès
1975 un volume entier est consacré à la présence allemande en Orient, avec intérêt
particulier pour la Palestine : Wallach, Yehuda, Germany and the Middle-East
1835-1939, Tel Aviv, 1975.
10. McCarthy, Justin, The Population of Palestine : Population History and
Statistics of the Late Ottoman Period and the Mandate, New York, 1990.
11. Penslar, Derek Yonathan, Zionism and Technocracy, Indianapolis, 1991,
mettant en avant les modèles français et allemands.
12. Greenberg, Gershon, The Holy Land in American Religious Thought
1620-1948, Lanham, Md, 1994.
13. Shepherd, Naomi, The Zealous Intruders : the Western Rediscovery of
Palestine, Londres, 1987.
14. Silberman, Neil Asher, Digging for God and Country : Exploration,
Archeology, and the Secret Struggle for the Holy Land, 1799-1917, New York, 1982.
15. Jusqu’à ce jour sont parus dans ce cadre deux volumes : O’Mahony,
Anthony, Gunner, Göran, Hintlian, Kevork (ed.), The Christian Heritage in the Holy
Land, Londres, 1995 ; Hummel, Thomas, Hintlian, Kevork, Carmesund, Ulf (ed.),
Patterns of the Past, Prospects for the Future, The Christian Heritage in the Holy
Land, Londres, 1999.
Introduction 9
23. C’est ainsi que fait date l’œuvre reconnue d’un auteur dont les livres ont
été traduits en anglais, Alexander Schölch : on peut citer à cet égard celui concernant
les aspects économiques et sociaux de la Palestine au XIXe siècle, devenu à présent
un classique : Palästina im Umbruch 1856-1882 : Untersuchung zur wirtschaftlichen
und sozio-politischen Entwicklung, Stuttgart, 1986 ; traduction anglaise, Palestine in
Transformation 1856-1882 : Studies in Social, Economic and Political Development,
Washington, DC, 1993.
24. Sinno, Abdel Raouf, Deutsche Interessen in Syrien und Palästina
1841-1898, Aktivitäten religiöser Institutionen, wirtschaftliche und politische
Einflüsse, Berlin, 1982.
25. Scheffler, Thomas, Von der “Orientalischen Frage” zum "Tragischen
Dreieck" : die Nahostpolitik der Sozialdemokratischen Partei Deutschlands vom
Zerfall des Osmanischen Reichs bis zum deutsch-israelischen Wiedergutmachung-
sabkommens, Berlin (thèse Freie Universität), 1993.
26. Hilber, Johann, Pilgerreise in das Heilige Land in den Jahren 1851-52,
Bruneck, s. d. (1988 ?) ; Gregorovius, Ferdinand, Eine Reise nach Palästina im Jahre
1882, Munich, 1995.
27. Gradenwitz, Peter (Hg.), Das Heilige Land in Augenzeugenberichten : aus
Reiseberichten deutscher Pilger, Kaufleute und Abenteurer vom 10. bis zum 19. Jh.,
Munich, 1984 ; Kaiser, Wolf, Palästina – Erez Israel : deutschsprachige Reisebes-
chreibungen jüdischer Autoren von der Jahrhundertwende bis zum Zweiten Welt-
krieg, Hildesheim-Zürich-New York, 1992 ; en son temps, la RDA s’est aussi
intéressée au problème : Polkehn, Klaus, Palästina : Reisen im 18. und 19. Jahrhun-
dert, Berlin, 1986.
28. Bodenheimer, Max I., Meine Palästinafahrt mit Herzl – Der geschichtliche
Hintergrund der Reise aus Dokumenten, édité par Henriette Hannah Bodenheimer.
29. Bodenheimer, Max, Die Zionisten und das kaiserliche Deutschland : zur
Zeit der Reise Wilhelms II. nach Palästina, Henriette Hannah Bodenheimer,
2e édition, Jérusalem, 1981.
12 Dominique Trimbur et Ran Aaronsohn
35. Bidermann, Willi, Vom Schwarzwald ins Heilige Land : die Templer im
Schwarzwald und ihr Aufbruch nach Palästina, Horb am Neckar, 1990.
36. Et de fait, si ce chercheur est israélien, on est fortement tenté de le ranger
dans l’historiographie germanique, tant son œuvre s’y insère parfaitement : Die
Siedlungen der württembergischen Templer in Palästina 1868-1918 : ihre lokalpo-
litische und internationale Probleme, Stuttgart, 1973, 2e édition 1997 ; Carmel, Alex,
Christen als Pioniere im Heiligen Land : ein Beitrag zur Geschichte der Pilgermis-
sion und des Wiederaufbaus Palästinas im 19. Jh., Bâle, 1981.
37. Strigl, Joseph, Die Pilgerfahrt nach Jerusalem und Palästina 1856, Salz-
bourg, 1980.
38. Après l’ouvrage pionnier de Breycha-Vauthier, Arthur, Österreich in der
Levante, Vienne, 1972, cette présence a fait l’objet d’un colloque organisé en 1995
par l’ambassade d’Autriche à Tel Aviv : Wrba, Marian, (ed.), Austrian Presence in
the Holy Land in the 19th and Early 20th Century, Tel Aviv, 1996.
39. Agstner, Rudolf, Österreichs Vertretungsbehörden in Palästina und Israel,
Vienne, 1999.
40. Bauer, Karl Johannes, Alois Musil, Vienne, 1989.
41. Feigl, Erich, Musil von Arabien – Vorkämpfer der arabischen Welt,
Vienne-Munich, 1985.
14 Dominique Trimbur et Ran Aaronsohn
général 50, l’autre sur l’un de ses principaux instruments sur place,
encore existant à l’heure actuelle, l’Obra pía 51. Mais l’historiographie
espagnole ne serait à mentionner qu’en raison d’un ouvrage qui
apporte un rare témoignage neutre sur la Première Guerre mondiale à
Jérusalem : les carnets du consul d’Espagne de l’époque, le comte de
Ballobar, surnommé « consul universel » pour avoir représenté les
intérêts d’une grande partie des pays en guerre 52.
En ce qui concerne l’historiographie israélienne parue en hébreu
(elle compte aussi, on l’a vu, des publications en anglais, voire en
allemand), on est passé, dans les vingt-cinq dernières années, d’une
vision « siono-centriste 53 », « judéo-centriste » et « palestino-
centriste », à la découverte de l’« altérité », au « narrativisme » et à
un relativisme très post-moderne. Les auteurs publiant en hébreu sont
aussi ceux que l’on retrouve dans l’historiographie israélienne parue
en anglais. Cette historiographie porte sur :
• les voyageurs, explorateurs et peintres européens 54 ; les colo-
à nos jours, Paris, 1995. Enfin, c’est aussi dans le domaine italien que l’on peut
situer certaines œuvres relatives à l’implication du Vatican dans les affaires pales-
tiniennes. On ne citera ici que l’ouvrage écrit d’abord en hébreu, traduit ensuite en
italien et en anglais (mais pas en français) de Sergio Minerbi : Il Vaticano, la Terra
Santa e il sionismo, Milan, 1988 (version anglaise : The Vatican and Zionism :
Conflict in the Holy Land 1895-1925, New York-Oxford, 1990) ; on notera aussi,
en français : Soetens, Claude, Le Congrès eucharistique international de Jérusalem
(1893) dans le cadre de la politique orientale du pape Léon XIII, Louvain, 1977.
50. Campo Rey, Conde de, Historia Diplomatica de España en Los Santos
Lugares, 1770-1980, Madrid, 1982.
51. García Barriuso, Patrocinio, España en la historia de Tierra Santa : Obra
pía española a la sombra de un regio patronato, estudio histórico-jurídico, Madrid,
1992. En cela, une présence aussi réduite se démarque par rapport à l’absence de
tels ouvrages de la part, par exemple, du ministère français des Affaires étrangères.
52. Conde de Ballobar, Diario de Jerusalén (1914-1919), Madrid, 1996.
53. Cf. notamment dans l’ouvrage de Friedman, Isaiah, Germany, Turkey and
Zionism, 1897-1918, Oxford, 1977 ; Eliav, Mordehai, Sous protection impériale
autrichienne : Documents choisis des archives du consulat autrichien de Jérusalem,
1849-1917, Jérusalem, 1985 (en hébreu) ; cf. aussi Pinkus, Benjamin & Bensimon,
Doris (eds.), Le Judaïsme français, le sionisme et l’État d’Israël, Jérusalem, 1992
(en hébreu, ici notamment les quatre premiers articles relatifs aux débuts du sionisme
en France, avant la Première Guerre mondiale). De nombreux articles en hébreu
paraissent dans le périodique Cathedra (avec sommaire et résumés en anglais).
54. C’est par exemple l’œuvre de Yeoshuah Ben-Arieh, dont certains articles
sont cités dans la contribution de Zvi Shilony, cf. infra.
16 Dominique Trimbur et Ran Aaronsohn
55. Cf. Carmel, Alex, idem ; Ben Artzi Yossi, De l’Allemagne à la Terre
sainte : les colonies de Templer en Palestine, Jérusalem, 1997 (en hébreu), avec ici
comparaison entre les colonies de Templer et les villages traditionnels du Wurtem-
berg ; Kark, Ruth.
56. Kark.
57. Goren, Haïm, “Allez et voyez le pays" : l’exploration allemande de la
Palestine au XIXe siècle, Jérusalem, 1999.
58. La plupart des publications sont des articles parus dans des périodiques
en hébreu, en particulier dans Ha-Zionut (Le Sionisme) et Iyunim Bitkumat Ysrael
(Études sur le sionisme, le Yichouv et l’État d’Israël), ou dans Teoria u-bikoret
(Théorie et critique). Cf. aussi Aaronsohn, Ran, « Settlement in Eretz Israel - A Colo-
nialist Enterprise ? “Critical” Scholarship and Historical Geography », in Israel
Studies, 1, 2 (automne 1996), pp. 214-229. Pour des ouvrages, cf. du même auteur
Le Baron Rothschild et les colonies : les débuts de la colonisation juive en Eretz
Israël, Jérusalem, 1990 (traduction anglaise, Rothschild and Early Jewish Coloniza-
tion in Palestine, New York-Jérusalem, 2000), en particulier l’introduction et les
conclusions qui replacent la colonisation juive en Palestine dans le cadre du phéno-
mène global de la colonisation ; Ben Artzi, Yossi, Les Modèles de la colonisation
juive en Palestine, 1882-1914, Jérusalem, 1988 (en hébreu, traduction anglaise 1997,
en particulier le chapitre II : « Sources d’inspiration ») ; Shiloni, Zvi, Ideology and
Settlement, The Jewish National Fund 1897-1914, Jérusalem, 1993 (en hébreu,
version anglaise 1998, en particulier le chapitre premier : « Le contexte européen »).
59. Sadmon, Zeev W., Die Gründung des Technions in Haifa im Lichte deuts-
cher Politik 1907-1920, Munich-New Providence-Londres-Paris, 1994.
60. Ichilov, Orit & Mazawi, André E., Between State and Church – Life
History of a French-Catholic School in Jaffa, Francfort-Berlin-Berne-New York-
Paris-Vienne, 1996.
61. Nous tirons les principaux détails relatifs à l’évolution de l’historiographie
arabe de l’ouvrage de Reinkowski, Maurus, Filastin, Filistin und Eretz Israel : die
Introduction 17
späte osmanische Herrschaft über Palästina in der arabischen, türkischen und israe-
lischen Historiographie, Berlin, 1995 ; nous devons les titres les plus récents à
Qustandi Shomali, que nous remercions ici.
62. Tuma, Émile, Le Mouvement national palestinien arabe, Jérusalem, 1995 ;
Choufani, Élias, L’Histoire politique de la Palestine, Beyrouth, 1996 ; Ewiess, Abdel-
fattah, Les Sources de la question de Palestine, 1799-1922, Hébron, 1992 ; Khalidi,
Walid, Avant la diaspora, Beyrouth, 1987.
63. Fathi, Ahmed, L’Histoire du Rif palestinien pendant la période ottomane,
Ramallah, 1992 ; Bazili, Constantin, La Syrie et la Palestine pendant la période
ottomane, Moscou, 1992.
64. Cette tendance est à placer en parallèle à la mise en place de réseaux
d’historiens israéliens et palestiniens, travaillant notamment sur la période immédia-
tement antérieure à 1948 mais aussi sur le XIXe siècle (cf. notamment les travaux de
l’Institute of Jerusalem Studies, antenne locale de l’Institut d’études palestiniennes,
Paris, Washington).
18 Dominique Trimbur et Ran Aaronsohn
65. Reinkowski, Maurus, Filastin, Filistin und Eretz Israel, op. cit., p. 239.
66. Dans son ouvrage en deux volumes sur Jérusalem (Jerusalem in the 19th
Century - The Old City, Jérusalem-New York, 1984, et Jerusalem in the 19th Century
- Emergence of the New City, idem, 1986), Yeoshuah Ben Arieh avait esquissé la
contribution des bâtiments des communautés religieuses à l’urbanisme de la Ville
sainte. Qu’il nous soit aussi permis ici de signaler plusieurs articles de notre plume
(DT), traitant de l’apport matériel et intellectuel représenté par ces congrégations,
outre celui compris dans le présent volume : « Les Assomptionistes de Jérusalem,
les Juifs et le sionisme », Tsafon-Revue d’études juives du Nord, no 38, hiver
1999-printemps 2000, pp. 71-111 ; « Intrusion of the “Erbfeind” - French Views on
Germans in Palestine 1898-1910 », in Hummel, Th., e.a., Patterns of the Past, op. cit.,
pp. 238-256 ; « Une présence française en Palestine : Notre-Dame de France », Bulle-
Introduction 19
sainte mérite bien son nom, cumulant des Lieux sacrés pour les trois
religions monothéistes. De ce point de vue, le long XIXe siècle est bien
celui d’une certaine invention, dans une corrélation politico-religieuse
unique en son genre. Thomas Stransky en retrace les toutes premières
années, 1840-1850, véritable éclosion d’initiatives. Claude Langlois
affine la perspective en étudiant le cas des communautés françaises
d’un point de vue strictement religieux : celles-ci présentent une carac-
téristique intéressante, avec leur avant-garde féminine très précoce,
suivie plus tard par une massification des établissements français.
Dans leur installation, les communautés religieuses bénéficient des
largesses de certaines personnalités. Dans le cas de la France, Zvi
Shilony s’attache à faire ressortir la personnalité du comte Amédée
de Piellat : outil et aide de ces communautés, le mécène est le repré-
sentant type d’une certaine France, et c’est pour la France, pour le
catholicisme, pour la technique et l’art qu’il agit et marque fondamen-
talement et durablement le paysage de Jérusalem. Dans cet environ-
nement politico-religieux de plus en plus marqué, la France met en
place un réseau d’établissements particulièrement dense : elle bénéfi-
cie de l’aide de mécènes, elle agit aussi par elle-même en attribuant
la garde d’édifices religieux à certaines communautés. La collusion,
ou collision, des intérêts politiques et religieux apparaît de manière
très claire et vivante dans le cas de l’église croisée d’Abou Gosh,
attribuée aux Bénédictins français au tournant du XXe siècle, comme
le met en avant Dominique Trimbur : où la religion se met au service
de la politique, et la politique sert directement la religion, dans un
contexte de rivalité internationale accrue. La France cherche aussi à
se mettre en avant à travers la vaste entreprise des pèlerinages : peu
connus, comme l’indique Catherine Nicault, ces voyages présentent
toutefois de multiples aspects. Il vaut ainsi la peine d’en souligner la
codification, qui se rigidifie avec le temps, quand le consul de France
à Jérusalem y attache de plus en plus d’importance et qu’ils deviennent
un instrument annuel de prépondérance française.
Cet intérêt politico-religieux pour la Terre sainte n’est bien
entendu pas le seul fait de la France. Il est intéressant de ce point de
vue d’établir une comparaison avec les agissements d’autres pays. Or
deux études présentées dans les pages qui suivent montrent la proxi-
mité des pensées et des actions. L’Allemagne catholique, notamment
lorsqu’elle sort enfin du Kulturkampf, n’est ainsi pas en reste : elle
qui agit d’abord en faveur des intérêts catholiques en général, elle suit
Introduction 23
67. Les clichés qui illustrent le présent ouvrage sont extraits de la collection
de Notre-Dame de France. (© École Biblique et Archéologique Française de Jéru-
salem.) Nous remercions ici Jean-Michel de Tarragon de bien avoir voulu nous
accorder gracieusement le droit de les reproduire (le cliché illustrant l’article de
Dominique Trimbur fait partie de la collection de l’École biblique).
Introduction 25
tuer une œuvre ressortissant d’un domaine inédit pour le lectorat fran-
çais. Il exprime aussi la prétention de vouloir initier, ou participer à
une réflexion prenant en compte les apports exogènes au développe-
ment d’une région, certes très particulière, comme la Palestine dans
ses années de profond bouleversement ; une réflexion acceptant plei-
nement ces contributions, à savoir dénuée des préjugés pouvant affec-
ter la mise en rapport de mondes différents, voire opposés. Il a aussi
pour but de lancer une recherche plus en profondeur sur les divers
éléments abordés dans les pages qui suivent et doit trouver un premier
complément dans un recueil d’articles à paraître, lui faisant directe-
ment suite et portant sur la période du mandat britannique (1917-
1948).
Politiques, stratégies
et relations internationales
*
ROGER HEACOCK
1. Zürcher, Erik R., Turkey, A Modern History, Londres, Tauris, 1998, p. 11.
32 Roger Heacock
e
La fin du XVIII siècle : le rééquilibrage
C’est bien malgré tout (et nul révisionnisme historique n’a pu,
jusqu’à présent, faire la preuve du contraire) l’irruption de Bonaparte
qui ouvre effectivement l’Orient à l’Europe. L’Orient en question est
tout d’abord égyptien, mais il comprend aussi la Palestine puisque
Bonaparte, poursuivant (vainement) ses objectifs, y pénètre et en
occupe une grande partie de la région côtière, avant d’en être chassé,
justement, par Jazzar, fermement appuyé par les Anglais. Mais l’accent
est ici à mettre plutôt sur l’invasion de la Syrie par Muhammad Ali
en 1831, ou plutôt par son fils, Ibrahim Pacha. Les forces égyptiennes
14. Document cité par Laurens, L’Orient arabe, op. cit., p. 196, note 52.
15. Zürcher, op. cit., pp. 54-55.
16. Doumani, Beshara, Rediscovering Palestine – Merchants and Peasants in
La Palestine dans les relations internationales 1798-1914 37
Il est évident que, dès lors, les grandes puissances ont toutes les
raisons de s’intéresser à la Palestine. Elles pourront commencer à
parvenir à leurs fins sur le terrain, grâce à l’ouverture opérée par
Ibrahim Pacha, qui s’est prolongée après son départ de Syrie. À partir
de la fin des années 1830 et du début des années 1840, c’est donc, en
même temps que les réformes nommées tanzimat, l’afflux des consuls
européens et des missionnaires, des évêques et des patriarches en
Palestine. D’abord les protestants, anglais, américains et prussiens ;
ensuite les Français et les Russes redoublent d’efforts, ainsi, à un
moindre degré, que les Autrichiens. Vers la fin du siècle interviennent
également les Italiens. C’est au travers des millet (sujets appartenant
aux communautés religieuses/ethniques non-musulmanes protégées,
chrétiens et juifs) et des capitulations que les Européens avancent
maintenant leurs pions.
La guerre de Crimée
19. Temperley, Harold, The Crimea, Londres, Longmans Green and Co.,1936,
p. 281.
La Palestine dans les relations internationales 1798-1914 39
Le projet de sauvetage
Conclusion
1. Rachel, Simon, « La lutte pour les Lieux saints chrétiens en Palestine durant
la période ottomane, 1516-1853 », Cathedra, 17, Jérusalem, octobre 1981,
pp. 107-126.
2. Henry, Laurens, Le Royaume impossible, Paris, 1990, pp. 101-104.
46 Rina Cohen-Muller
« Les intérêts qui font l’objet actuel de votre mission étant partiel-
lement religieux et politiques, je n’ai pas quant à présent d’instructions à
vous donner par rapport à ceux de notre commune. Vous ne devez pas
cependant, perdre de vue cet objet important. Vous ne négligeriez pas de
porter à ma connaissance les renseignements qui vous paraîtront de nature
à éclairer le gouvernement du roi sur les moyens de favoriser et d’étendre
notre représentation dans la partie de l’empire ottoman où vous aller
résider ; et je me réserve de vous donner les directions nécessaires lesquels
vous devez me rapporter que vous me transmettez à ce sujet 8. »
On constate, à la lecture de cette note, que Paris n’a pas de vision
précise de la situation que trouvera le futur consul à Jérusalem et
qu’une confiance certaine lui est accordée.
Le comte Gabriel Marie Jean Benoît de Lantivy de Kerveno
(1792-1866) est un ancien officier de l’armée napoléonienne, blessé
lors de la campagne de Russie 9. Nommé sous-préfet en 1813, il se
rallie en 1815 à la Restauration. Il devient sous-préfet du Havre, puis
en 1824 préfet de la Corse. En 1826 il occupe les mêmes fonctions
dans les Basses Alpes. En 1829, il fait partie du Conseil d’État en
qualité de maître des requêtes et en avril 1830, le roi Charles X lui
confie l’administration des domaines du roi. Contraint à une retraite
forcée par la Révolution de Juillet, Lantivy ne parvient à rentrer en
grâce auprès du roi-bourgeois qu’au début des années 1840 10.
Il est nommé consul de deuxième classe par le gouvernement de
Louis-Philippe le 29 octobre 1842 11 et arrive à Jaffa le 16 juillet 1843.
Lantivy semble avoir rapidement pris la mesure de la réalité. Il ne se
privera pas de ratisser large. Ses manœuvres, le jeu qu’il mène entre
Joseph Hélouis-Jorelle
Paul-Émile Botta
la suppose heureuse [...] Tout le monde sait que l’Empire ottoman est
dans un état de faiblesse telle que la rivalité des autres puissances en
soutient seule l’existence et que la difficulté de l’entente sur un partage
en est l’unique sauvegarde contre les envahissements de ses puissants
voisins. [...]
La Turquie aura appris que son existence importe tellement à l’équi-
libre européen que personne ne peut l’attaquer impunément et à l’abri de
cette position elle pourra braver les colères et les menaces. [...]
Ne serait-il pas nécessaire de prendre d’avance des précautions
contre de pareilles éventualités et de chercher d’avance les moyens de
régler à la paix générale les choses en telle manière que la Porte ne puisse
pas abuser de l’indépendance absolue que nous travaillons à lui donner
[...]. Je n’ai pas besoin de faire remarquer que cela est d’autant plus
nécessaire pour nous que de toutes les puissances européennes. La France
est celle qui par terre et par mer peut le plus difficilement attaquer la
Turquie ; celle aussi contre laquelle une coalition se formerait avec le plus
de facilité 17.
Edmond de Barrère
Hümayun 18. Il s’investira dans une féroce rivalité avec les consuls des
autres puissances, elles aussi engagées dans ce même processus.
Le 14 avril 1859, Edmond de Barrère envoie une note à Paris
qui sonne comme un communiqué de victoire :
« Tous les sanctuaires de la Rue qui s’étend depuis la porte de St
Étienne jusqu’à la rue transversale qui se rend à la porte de Damas sont
aujourd’hui sous la protection officielle ou le patronage officieux de la
France.
1o L’Église de Sainte Anne, Propriété de la France, de l’Empereur ;
o
2 l’Église de la Flagellation possession du St Siège, administrée par la
Custodie franciscaine de Terre sainte ; 3o le terrain contigu à l’arc de
l’Ecce homo, le pilier Nord et une arcade latérale de cet arc, propriété de
la Congrégation Française de Sion ; 4o les anciens bains contigus au lieu
de la première chute de Jésus Christ et au lieu de sa rencontre avec la
Vierge Marie, propriété de la communauté Arménienne Catholique,
acquise par l’entremise officieuse du Consulat de France, sous l’Admi-
nistration de Kiamil Pacha 19. »
Moins de deux mois plus tard, évoquant un différend avec le
comte Pizzamano, consul d’Autriche, Barrère explique ce qu’il entend
sous le terme de « protection officielle de la France » :
« Peu d’instants après, le Cte Pizzamano est parti et, alors, sa gran-
deur m’a dit : j’espère bien que vous n’auriez pas tiré l’épée. J’ai vivement
répliqué : Sur le territoire du Protectorat de la France nous ne sommes
pas sur un terrain neutre Monseigneur. Mais, j’ai ajouté : le patriarcat, la
Custodie de Terre sainte sont comme des Églises du Protectorat de la
France. Tout ce territoire est sacré pour la Puissance Protectrice parce
qu’on y doit profondément respecter la Puissance Protectrice et l’Empe-
reur et j’espère bien que nous ne serons pas contraints à nous y faire
respecter nous-mêmes comme nous savons faire respecter ici et au dehors,
le pouvoir spirituel 20. »
Edmond de Barrère quitte Jérusalem en 1868. Il sera remplacé
le 1er octobre de cette année-là par Joseph Adam Sienkiewicz, un
consul intérimaire qui restera sur place jusqu’en février 1872. Celui-ci
se fera remarquer par son manque de discernement, n’ayant visible-
21. Ben-Arieh, Yehoshua, The Rediscovery of the Holy Land in the Nineteenth
Century, Jerusalem, 1983.
22. Abu-Manneh, Butrus, « Jerusalem in the Tanzimat period, the New Otto-
man Administration and the Notables », Die Welt des Islams, 30, 1990, pp. 1-44.
56 Rina Cohen-Muller
1. Voir par exemple Aulneau, J., La Turquie et la guerre, Paris, Librairie Félix
Alcan, 1915, p. 173 et sqq.
58 Moussa Abou Ramadan
2. L’Empire ottoman n’a été reconnu en tant que sujet de droit international
que très tardivement ; voir Khadduri, M., « Islam and the modern law of nations »,
The American Journal of International Law, 1956, pp. 358-372, 367 ; voir aussi
Rechid, A., « L’islam et le droit des gens », Recueil des cours de l’Académie de
droit international, 1937, pp. 371-506, 379.
Les accords de Mytilène de 1901 59
C’est dans l’accord secret dit Chauvel-Fisher, qui est d’ailleurs aussi
un échange de lettres datant de 1948-1949, que le gouvernement israé-
lien accepte le principe de « respecter les droits acquis et les privilèges
des établissements français ». Au niveau du droit international, Israël
est lié par ces accords, mais la Cour suprême israélienne a refusé leur
invocabilité devant les tribunaux israéliens sous le prétexte qu’il n’y
a pas de loi qui a été votée à leur suite.
À travers ces accords on peut voir les imbrications entre la
France, l’Occident et la Palestine. L’objet de ces accords concerne
essentiellement les établissements religieux de Palestine.
Journalistes et espions :
les services de renseignement
et d’information allemands au Proche-Orient
Introduction
2. Pour une analyse de la question d’Orient, voir Hopkirk, Peter, Oestlich von
Konstantinopel, Vienne, Europaverlag, 1996.
3. Qui s’appuie sur la bibliographie indiquée dans les notes de bas de page,
comme sur le dépouillement des archives de Bavière (Bayerisches Hauptstaatsarchiv,
Kriegsarchiv) Munich, et des archives fédérales allemandes, département des archives
militaires de Fribourg.
Les services de renseignements et d’information allemands 71
17. Dans son autobiographie très laudative, Stieber maintient cette légende de
30 000 agents (ibid., p. 6). Quoi qu’il en soit, ce nombre est éloigné de toute plau-
sibilité et a été réfuté par les recherches ultérieures (voir Zolling & Hoehne, p. 31).
18. La Section IIIB utilise également des correspondants de presse comme
« agents d’influence » afin de gagner à l’étranger des soutiens à la politique alle-
mande. En 1891, le comte Waldersee, alors chef de l’état-major, requiert la somme
d’un million de marks, montant énorme pour l’époque, destinée à être utilisée par la
Section IIIB pour ses activités secrètes, incluant la corruption de journalistes pour
influencer leurs écrits (Zolling & Hoehne, p. 33).
76 Shlomo Shpiro
19. Von Wesendonck est peut-être aussi impliqué dans la propagande alle-
mande aux États-Unis.
20. Otto von Hentig, agent allemand légendaire qui a parcouru l’Orient à dos
de cheval et rapporté en Allemagne des informations sans pareil, a été interviewé
avant sa mort par l’historien allemand Reinhard Dörries. Pour les activités de von
Hentig et de Wassmuss, voir aussi Hopkirk, op. cit.
21. La meilleure présentation de la visite du Kaiser est comprise dans
l’ouvrage de Jan Stefan Richter, Die Orientreise Kaiser Wilhelm II 1898 : eine Studie
zur deutschen Außenpolitik an der Wende zum 20. Jahrhundert, Hambourg, Kovac,
1997. Ce livre détaillé et agréable à lire s’appuie sur la thèse de doctorat de l’auteur,
soutenue en 1996 à l’université de Kiel.
Les services de renseignements et d’information allemands 77
22. Le Bureau Wolff est créé en 1849 par Bernhard Wolff, principal éditeur
de la Berliner National-Zeitung. Pour son développement, voir Puerer & Raabe, op.
cit., pp. 40-41.
23. Richter, op. cit., pp. 27-29.
24. Au cours d’une promenade sur les bords du lac de Genève, l’impératrice
Elisabeth, épouse de l’empereur autrichien François-Joseph et connue de tous sous
son surnom de Sissi, est mortellement poignardée le 10 septembre 1898 par l’anar-
chiste italien Luigi Lucheni, qui proteste contre la politique autrichienne dans les
Balkans. La présentation la plus complète de cet assassinat se trouve in Maria Matray
Das Attentat – Der Tod einer Kaiserin und die Tat des Anarchisten Lucheni, Vienne,
1998.
78 Shlomo Shpiro
28. Nombre d’entre elles se fondent sur les différents droits dont disposent
les diverses Églises dans la Ville sainte. Et comme l’Église catholique dispose du
plus grand nombre de droits et de privilèges, on redoute que la visite du Kaiser, un
protestant, ne bouleverse ces privilèges traditionnels.
29. Richter, op. cit., p. 32.
30. Richter cite comme source d’information le prince Chlodwig zu Hohen-
lohe-Schillingsfürst (op. cit., p. 32).
80 Shlomo Shpiro
31. Ibid.
32. L’attitude de von Bülow semble proche de celle de nombre d’hommes
politiques et hommes d’État, ultérieurement, à l’instar de l’archiduc d’Autriche Fran-
çois-Ferdinand, qui préfèrent négliger les considérations sécuritaires pour avantager
les intérêts d’opinion publique.
33. Richter, op. cit., pp. 34-35.
Les services de renseignements et d’information allemands 81
34. Kölnische Zeitung, 9 octobre 1898, no 949. Cet article est cité verbatim in
Richter, op. cit., p. 36.
35. Daily Chronicle, 10 octobre 1898, cité in ibid.
36. Richter souligne que von Hartmann, principalement responsable en
matière de commerce et de navigation, mais pas dans le domaine de la sécurité,
considère ces arrestations comme « un grand coup porté à l’anarchisme internatio-
nal » (op. cit., p. 38).
82 Shlomo Shpiro
37. Ibid.
38. Richter, op. cit., p. 42. Herzl se rend à Constantinople pour essayer d’uti-
liser ses contacts avec le Kaiser afin d’influencer la politique du Sultan Abdul Hamid
à l’égard des Juifs de Palestine. À propos de la tentative de Herlz d’obtenir l’appui
allemand et ottoman à l’idée d’un foyer juif en Palestine, voir Axel Meier, Die
kaiserliche Palästinareise 1898 : Theodor Herzl, Großherzog Friedrich I. von Baden
und ein deutsches Protektorat in Palästina, Constance, Hartung-Gorre Verlag, 1998,
et Ernst Pawel, The Labyrinth of Exile : À Life of Theodor Herzl, New York, Farrar,
Straus and Giroux, 1989.
Les services de renseignements et d’information allemands 83
39. Les gardes du corps allemands traitent Herzl évidemment comme une
personnalité importante, puisque seules celles-ci ne font pas l’objet d’une fouille
corporelle lors d’une rencontre avec le Kaiser. Pour les mesures de sécurité prises
autour de la personne du Kaiser, voir Stieber, op. cit., p. 191.
40. Richter, op. cit., p. 46, qui cite des comptes rendus du Daily Chronicle et
de la St. James Gazette du 1er novembre 1898.
84 Shlomo Shpiro
Conclusion
Le contexte historique
Le contexte naval
ses troupes sur le front arabe, pour ne pas laisser une totale liberté
d’action aux Britanniques sur un front que Paris considérait comme
sa zone d’influence légitime. (Notons qu’au même moment, le ministre
britannique de la Guerre, Lord Kitchener, s’employait à exclure les
Français de toute opération militaire dans la région et que l’état-major
français élaborait des plans de débarquement de véhicules amphibies
pour investir le golfe d’Alexandrette 7). Il était patent que les Français
s’intéressaient de près à la Méditerranée orientale, à la Cilicie et à la
Syrie septentrionale.Apparemment, il manquait aux Français un réseau
de services secrets efficaces dans cette région. Entre fin 1914 et début
1915 l’état-major français, avouant qu’il ne disposait des services
d’aucun agent au Levant, redoubla, auprès de ses alliés britanniques,
de demandes de renseignements sur la situation en Syrie et sur les
projets britanniques de débarquement sur le littoral syrien. Une fois
franchis les obstacles bureaucratiques initiaux que supposait l’échange
de données sur l’armée ottomane, des voies de communication furent
établies entre le ministère français de la Guerre et l’amirauté britan-
nique, sous la houlette de l’attaché maritime britannique en France.
Ainsi furent transmises à la France les informations concernant les
mouvements de la flotte de guerre ottomane, tandis que tout ce qui
concernait les mouvements des forces terrestres était échangé par
l’intermédiaire de l’attaché militaire français en Angleterre 8. Ces
échanges d’informations ne changèrent rien à la situation épineuse
dans laquelle se trouvaient les services d’espionnage français en Médi-
terranée orientale, contraints – à l’instar de l’allié britannique – de
mettre en place son réseau d’agents en partant de zéro.
Le traité de collaboration franco-anglaise en matière de politique
maritime, signé au printemps 1913 pour permettre à la flotte britan-
nique de concentrer ses forces en mer du Nord contre la flotte alle-
mande, garantit à la marine française la primauté en Méditerranée 9.
7. Cassar, George, The French and the Dardanelles, Londres, Allen & Unwin,
1971, en particulier les chapitres II et III.
8. Francis Bertie (ambassadeur de Grande-Bretagne, Bordeaux) au Foreign
Office, tél[égramme] no 511, 28 novembre 1914, et mémorandum à l’amirauté atta-
ché, n.d., c. 30 novembre 1914 ; amirauté britannique à la Marine de Bordeaux, tél.
no 1115 et 1149, 30 novembre et 6 et 8 décembre 1914. ADM 137/97, PRO.
9. Williamson, Samuel, The Politics of Grand Strategy : Britain and France
Prepare for War, Cambridge, Mass. 1969, en particulier le chap. XI ; Halpern, Paul,
Mediterranean Naval Situation, 1908-1914, Cambridge, Mass., 1971, chap. IV.
La collaboration entre les services secrets français et britanniques 95
10. Cassar, op. cit., pp. 48-69 ; Halpern, Paul, The Naval War in the Medi-
terranean, 1914-1918, Londres, Allen & Unwin, 1987, pp. 56-68.
La collaboration entre les services secrets français et britanniques 97
Le contexte aérien
La profondeur limitée du territoire couvert par les patrouilles
maritimes se trouva, dès le 1er décembre 1914, accrue par un nouvel
élément apporté par les Français qui vint s’ajouter aux moyens de
surveillance existants : l’hydravion ou hydroplane, comme on appelait
à l’époque les premiers modèles du genre.
L’idylle égyptienne avec l’armée de l’air ne fut entamée qu’après
la déclaration de guerre, au moment où quelques biplanes de la RFC
(Royal Flying Force) en provenance d’Angleterre et des Indes se
posèrent à Ismaéliya et se mirent à effectuer des vols de reconnaissance
au-dessus du Sinaï occidental. Dépassant, certes, les limitations de la
couverture territoriale à partir de la mer, le principal inconvénient de
ces avions était toutefois leur capacité de vol limitée dans le temps,
qui ne leur permettait pas de s’éloigner suffisamment du canal de
Suez, ni, bien entendu, de couvrir la profondeur stratégique du terri-
toire syrien et palestinien.
11. Le Roy, Thierry, « The “Port Said squadron” : The first squadron of the
French naval aviation, 1914-1916 », Over the Front, 11/4, 1997, pp. 308-318.
La collaboration entre les services secrets français et britanniques 99
britanniques les plus modernes. Pendant quatre mois, les deux esca-
drilles menèrent de concert leurs opérations, jusqu’au moment où
l’escadrille française quitta l’Égypte en avril 1916, dans des circons-
tances que les sources britanniques ne spécifient guère. Pendant sa
présence dans cette région, l’escadrille effectua des centaines de sorties
aériennes de reconnaissance au-delà des positions ennemies, où elles
perdirent deux avions, en plus de ceux qui avaient été accidentés. Un
pilote et deux éclaireurs aériens furent tués et trois faits prisonniers.
Les excellents résultats obtenus furent l’une des raisons pour lesquelles
les parties au conflit au Proche-Orient se résolurent à utiliser leurs
forces aériennes pour les combats et pour des missions d’espionnage 13.
14. Sur l’EMSIB : Sheffy, pp. 83-87, 150 sqq. ; British Security Service (MI
5), First World War Historical Report, Imperial Overseas Intelligence, vol. 3 :
« Eastern Mediterranean Special Intelligence Bureau », KV 1/17, PRO.
15. Sheffy, pp. 7, 69 ; Laurens, Henry, « Jaussen et les services de renseigne-
ment français (1915-1919) », article non publié. Je suis reconnaissant au Pr Laurens
et au Dr Michel de Taragon de m’avoir communiqué une copie de cet article.
102 Yigal Sheffy
données dont nous disposons sur ce registre, il semble que vers la fin
de la guerre les Français redoublèrent d’initiatives autonomes, se
consacrant à rassembler des informations de nature politique plutôt
que militaire, et se souciant bien plus de recueillir des informations
sur les Arabes que sur l’armée turque.
Les transmissions
Conclusion
24. Ibid., pp. 177-179, 264 ; Sheffy, pp. 222-223 ; dossier A/R 4865 E, Impe-
rial War Museum. Sur la menace des sous-marins en Méditerranée : Wilson, Michael
& Kemp, Paul, Mediterranean Submarines : Submarine Warfare in World War One,
Wilmslow, Crecy, 1997.
25. Dossier A/R 4865 E, ibid.
La collaboration entre les services secrets français et britanniques 107
L’hôpital anglais
L’hôpital juif
jour à Jérusalem. Chaque fois que « le plus célèbre juif du XIXe siècle »
se rendait en visite à Jérusalem, les missionnaires lui attribuaient, pour
leur plus grand plaisir, ce véhicule.
Les ennemis du docteur Frankel n’étaient autres que les juifs
eux-mêmes. Son allure moderne choquait profondément leurs diri-
geants, sclérosés et fanatiques. Pour beaucoup d’entre eux, ce juif à
l’esprit scandaleusement ouvert était bien plus dangereux pour l’ordre
établi que tous les pasteurs chrétiens réunis. Ils n’hésitèrent pas à
recruter le consul français pour l’associer à leurs intrigues contre le
docteur Frankel. Un épais dossier, composé de trente-trois pages, établi
par le consulat de Prusse en 1844 (toujours disponible aux Archives
nationales israéliennes), traite d’un procès contre Frankel, soupçonné
d’avoir volé un chien appartenant à une personnalité catholique. Dans
cette affaire le consul français, le comte de Lantivy, prit position contre
le consul de Prusse par interim, William Young. Le témoin à décharge
du docteur Frankel était un certain M. Rosenthal, un juif converti
travaillant pour la mission anglicane. Dans ce dossier, le consul Young
fit observer que le but réel du consul français face à cette affaire, était
d’étendre sa juridiction sur les citoyens turcs catholiques et que seuls
les franciscains protégeaient les catholiques contre cette étreinte fran-
çaise de mauvais aloi.
Le comte de Lantivy écrivit une lettre très désagréable au baron
James de Rothschild à Paris, discréditant le docteur Frankel : « Sa
moralité est plus que suspecte et il ne jouit d’aucune sorte de consi-
dération, à tel point qu’il a été accusé en ma présence d’avoir volé un
chien... Je crois qu’il serait urgent, dans l’intérêt de la communauté
israélite de Jérusalem, de mettre un terme à ces scandales. »
Le complot réussit : l’argent promis par Rothschild au rabbin
Philippson n’arriva jamais et l’hôpital juif dut être fondé par Moses
Montefiore, seul. Aucun rabbin de la communauté de Jérusalem ne
lui apporta son concours. Il eut pour unique collaborateur Israël Bak,
un rabbin extérieur, qui représentait la petite communauté hassidique,
et lui-même un pionnier sans préjugés, qui avait essayé d’être culti-
vateur près du mont Méron en Galilée. Il avait aussi été connu en tant
que premier imprimeur de Palestine et avait ensuite été l’éditeur du
journal hébreu Chavazeleth, réputé pour ses critiques acerbes et
piquantes de l’institution religieuse.
C’est dans un ancien hôpital militaire de l’armée égyptienne, près
du dispensaire du docteur Frankel, que l’hôpital juif, hostile à la
Le développement du réseau hospitalier en Palestine 117
L’hôpital allemand
La réaction catholique
d’un hôpital par un prêtre et deux laïques, et lui signalant aussi qu’il
ne pouvait, pour l’instant, prendre la charge de l’hôpital. Mendelssohn
et Lequeux étaient en réalité fort heureux de se débarrasser du patriar-
che et de trouver un moyen de placer l’hôpital sous la responsabilité
du gouvernement français.
Mendelssohn confie à son père qu’il s’est secrètement converti
au catholicisme dans une chapelle privée du patriarche. Il l’assure que
cette conversion n’était qu’un subterfuge et que, comme son ami
Lequeux, son éducation et sa philosophie, ne lui permettent pas de
s’affilier à une Église. Cependant il faut bien admettre que dans ce
pays où religion et politique sont étroitement associés, sans religion
la réussite est impossible.
La lettre s’achève avec une description de l’intrigue entre les
franciscains et le patriarcat latin. Il signale aussi que la mission
anglaise lui en veut, à lui et à son hôpital et que, pour cette raison il
a rendu son passeport britannique pour devenir un protégé français.
M. Lequeux fera de son mieux pour lui faire obtenir la citoyenneté
française. Mais dans tout cela, il reste un bon ami de l’évêque Gobat,
qui, comme lui, ne peut pas supporter la mission anglicane. Il demande
à son père d’user de ses bonnes relations avec Humboldt pour l’aider
à obtenir le poste de médecin au petit hôpital prussien de Jérusalem ;
il pensait probablement à Alexandre von Humboldt, le célèbre géogra-
phe, vivant à cette époque à la cour du roi de Prusse.
Dans une troisième lettre, envoyée à son frère en avril 1852,
Mendelssohn exprime sa résignation, face au désintérêt du gouverne-
ment français de dépenser de l’argent pour l’hôpital et face à l’échec
de Lequeux de convaincre celui-ci que la collaboration bénévole de
Mendelssohn à l’institution française en tant que médecin, était une
raison suffisante pour lui octroyer la citoyenneté. Entre temps le
patriarche avait obtenu les fonds pour reprendre en main l’hôpital.
Mendelssohn et Lequeux démissionnèrent de leurs charges. Mendels-
sohn partit pour Naples où il chercha un poste de médecin ; il mourut
deux ans plus tard de la typhoïde à Bayazid en Turquie.
Dans son ouvrage « Nouveau regard sur Jérusalem » Bartlett
écrit : « Depuis que l’établissement a été directement placé sous le
contrôle du patriarcat latin son bon fonctionnement s’en ressent consi-
dérablement. Son tout premier médecin ayant quitté le pays, l’actuel
administrateur médical ne possède pas la classe qui était initialement
envisagée. »
124 N. Schwake
L’hôpital Rothschild
son projet impérial jusqu’à ce que son échec devienne une évidence.
Le rêve d’un hôpital juif anti-Rothschild devint finalement une réalité
en 1867 quand les responsables de la communauté ashkénaze ouvrirent
leur propre hôpital, dans une maison qu’ils avaient récupérée de
Nicholayson, le grand missionnaire anglican. Montefiore leur fit don
des meubles du dispensaire du docteur Frankel, que l’on peut encore
voir dans l’actuel hôpital Bikkur Cholim.
La nouvelle institution ashkénaze fut appelée « Deutsch-Israeli-
tisches Bikkur-Cholim Hospital », l’« hôpital général de la commu-
nauté ashkénaze ». Le seul dans l’histoire des hôpitaux de Jérusalem
à avoir été fondé sur une initiative locale, mais qui devint très vite
aussi un enjeu politique pour les pouvoirs européens en Palestine.
Nous atteignons là à un moment décisif de la politique euro-
péenne en Palestine. Le modeste hôpital Bikkur Cholim incarne ce
changement dramatique. La demande de protection consulaire fut
envoyée au consul général de la Fédération nord-allemande, l’embryon
de l’Empire germanique récemment unifié. Cette unification de l’Alle-
magne était d’une importance capitale pour les deux groupes qui
n’avaient pas, jusqu’en 1870, d’identité nationale, les juifs ashkénazes
et les catholiques allemands.
Désormais, les Ashkénazes, qui se désignaient comme
« Daitsch » pouvaient s’identifier à la nouvelle entité politique, appe-
lée « Deutschland ». Il ne s’agissait pas là d’une voie à sens unique.
Il y avait des hommes politiques allemands influents, parmi lesquels
le chancelier Bismarck, qui essayaient délibérément d’utiliser les juifs
yiddishophones d’Europe de l’Est comme tête de pont de l’influence
allemande. Le pitoyable petit « Bikker Choilim Hospitol » est le meil-
leur exemple de ces manipulations. Bien qu’installés chez le mission-
naire Nicolayson, le grand représentant des intérêts britanniques en
Palestine, aucun des « daitsche rebbes » n’avaient dans l’idée de solli-
citer la protection de l’Empire britannique, autrefois si désireux de
« protéger » les juifs de Palestine. Non, dès que la Prusse devint
l’Allemagne, celle-ci fut leur « patrie » naturelle. D’autre part, les
autorités berlinoises, bien que sachant parfaitement qu’aucun des
directeurs hospitaliers n’était allemand au sens légal du terme, éten-
dirent leur protection à cette étrange tête de pont de culture allemande,
parfois à l’encontre de l’instinctive opposition des consuls allemands
en poste à Jérusalem. C’est de cet acrobatique jeu du « moins alle-
mand » et « plus allemand » que naquit, plus tard, le nouvel hôpital
Le développement du réseau hospitalier en Palestine 129
Conclusion
8. Cette information m’a été communiquée par sœur Johanna Borg, la provin-
ciale de la Province d’Israël des sœurs de Saint-Joseph.
9. Bar-El, Yaron & Levy, Nissim, « The Beginning of Modern Medical Prac-
tice in Galilean Towns, 1860-1900 » (en hébreu), Cathedra, no 54, Jérusalem, 1989,
p. 96.
10. Le professeur Samuel Nissan (Jérusalem) prépare une étude fouillée de
l’hôpital pour enfants du docteur Sandreczky.
Le développement du réseau hospitalier en Palestine 135
c’était encore une innovation médicale très rare que de mettre à part
les hôpitaux pour enfants. Max Sandreczky fut ignoré par la commu-
nauté protestante allemande en place. Le chancelier Wilhelm qui avait
dressé ses tentes en face du « Marienstift », en 1898, refusa de lui
parler. Sandreczky, après s’être épuisé au service des plus délaissés
et désespérés de toutes communautés religieuses et ethniques, fut fina-
lement lui-même conduit au désespoir et se suicida en 1899. Puisse
son exemple nous servir de leçon !
(Traduit de l’anglais par Mireille Loubet)
FRÉDÉRIQUE SCHILLO
au début de notre période 4 et, au milieu, l’une des rares listes nomi-
natives des commerçants français établis dans la circonscription de
Jérusalem ne donne que deux noms 5. Face à cette pauvreté de docu-
ments, reste à déceler dans la correspondance politique et commerciale
les quelques commerçants qui y sont distingués. D’où l’importance
d’étudier les registres de l’état civil qui apparaissent doublement inté-
ressants puisqu’ils fournissent plusieurs noms de commerçants tout en
nous renseignant sur leur situation familiale. Certes, leur étude contient
certaines limites : ne figurent que les individus qui sont nés, se sont
mariés, ont eu des enfants, se sont portés comme témoins dans des
actes ou sont décédés en Palestine. Une somme de conditions qui,
toutefois, nous permet d’approcher un peu mieux le réseau des
commerçants français. En regroupant les informations contenues dans
plusieurs fiches d’état civil pour chaque individu, y compris les
témoins, le nombre total de Français s’élève à 436 personnes, parmi
lesquelles 42 commerçants 6. Ce résultat ne peut en aucune manière
faire l’objet d’une étude statistique. Cependant, il a le mérite de nous
apporter des renseignements sur plusieurs individus, lesquels, bien que
ne constituant qu’une partie du monde des commerçants, se trouvent
être, au vu d’autres sources complémentaires, les principaux acteurs
économiques en Palestine, surtout dans les années 1880-1914. Citons,
parmi les plus influents, les Baldensperger, une famille présente sur
trois générations, les familles Bagarry, Barrellet, Bost, Portalis, les
commerçants Auguste Rochais et Frédéric Niclas.
Ces commerçants évoluaient dans un cadre juridique qui a été
finement analysé par Jacques Thobie. Aussi, nous n’en donnerons que
les aspects généraux. La liberté du commerce français dans l’Empire
ottoman était garantie par les capitulations, et en premier lieu par le
traité du 18 octobre 1569, conclu entre Sélim III et Charles IX, qui
précisait également la nature des biens échangés et réglait les problè-
mes de douane. Avec le traité du 8 mai 1740, les droits hérités des
capitulations furent déclarés définitifs et perpétuels. Un Français
pouvait s’établir en Palestine, circuler sur terre et mer, vendre, acheter
et faire commerce, pratiquer son culte librement, et il obtenait une
immunité de juridiction fort appréciable dans le cas de conflits de
nature commerciale. Enfin, c’est par le traité du 29 avril 1861 et son
annexe du 5 décembre que furent réglées plusieurs questions sur la
prohibition de certaines marchandises et les droits de douane. Le traité
confirmait l’abolition de tous les monopoles, qui avait été décidée
dans la convention commerciale de 1838. La Porte exerçait un droit
de surveillance sur l’exportation de certains produits comme le tabac
et le sel, dont elle défendait l’entrée dans l’Empire, et interdisait
l’importation d’armes. Pour les droits de douane, le traité précisait un
droit de courtage sur les opérations de commerce intérieur. Le traité
fixait les droits à l’importation dans l’Empire ottoman à 8 %. Ils ont
évolué pendant notre période : le droit d’entrée est passé à 11 % en
juin 1907, puis à 15 % après l’accord général franco-turc du 1er octobre
1914. Ces droits ont été augmentés en compensation d’une diminution
des droits à l’exportation, établis par le traité de 1861, qui les a fait
baisser définitivement de 12 à 8 %. Enfin, au cœur de ces dispositions
générales, il existait des produits plus ou moins taxés. Le vin, par
exemple, pouvait être exempté de taxe s’il était destiné à une consom-
mation privée et l’on sait a contrario que les produits en bois d’olivier
étaient très taxés à l’exportation. Quant au commerce des céréales, il
était spécialement réglementé par la Porte, qui pouvait interdire toute
exportation en temps de crise, ce qui s’avéra particulièrement préju-
diciable pour les Français qui en faisaient le négoce.
C’est dans une optique économique et sociale que nous souhai-
tons présenter les commerçants français de Palestine. La personnalité
et le parcours commercial de chacun d’entre eux n’ont d’intérêt que
celui de nous faire approcher une réalité plus large concernant le réseau
des commerçants français et de tenter de répondre en premier lieu à
cette problématique qui apparaît de prime abord fort simple : pourquoi
quelques Français ont-ils choisi de faire du commerce en Palestine ?
Autrement dit, leur démarche a-t-elle procédé d’une véritable logique
commerciale ou faut-il voir dans leur choix de résidence l’attrait
premier de la Terre sainte ? C’est la nature même de leurs activités
qu’il convient de préciser, leur place à l’intérieur de la communauté
française de Palestine et les liens qu’ils entretenaient avec la France.
Les commerçants français en Palestine 141
Les produits
Parmi les marchandises les plus représentées dans les activités
des commerçants français, nous pouvons établir une liste selon les
grands secteurs d’activités : les matériaux de construction, la quincail-
lerie, la faïence, la porcelaine et la verrerie, les meubles, la literie, la
papeterie et les articles de bureau, les conserves alimentaires et les
liqueurs. Tous sont des secteurs dans lesquels la France était très
présente à l’exportation vers la Palestine. L’intérêt est donc pour nous
de connaître la part des commerçants français en Palestine dans
l’importation de ces marchandises.
Le premier document qui nous renseigne sur les importations
françaises en Palestine est un rapport commercial de Jaffa établi en
1879 7. Il indique que les principales importations étaient faites sur
place par des commissionnaires généralement non français. Et lors-
qu’ils étaient français, il s’agissait exclusivement de commissionnaires
de Marseille qui jouaient le rôle d’intermédiaires. À cette date, les
maisons françaises étaient trop peu présentes en Terre sainte pour
participer activement et influer sur les échanges. Mais on note une
évolution à partir des années 1880. Non seulement les commerçants
français semblent plus nombreux, mais il apparaît également que leur
comportement s’est modifié. Il en est ainsi de Marius Barrellet, qui
entreprit lui-même une tournée en France et en Belgique, où il présenta
ses activités et acheta de l’outillage pour son commerce basé à Jaffa.
Autre exemple avec Pierre Baggary, qui importait toutes ses marchan-
dises, dont la plus grande partie venait de France. Il s’agissait essen-
tiellement de matériaux de construction : fer, zinc, plomb, céramique,
quincaillerie, bois, ciment, plâtre, clouterie, instruments de menuiserie.
Il faut toutefois attendre un rapport de 1901 pour apprécier la valeur
des importations des commerçants français dans les relations franco-
palestiniennes 8. Pour ce qui est des grandes maisons de commerce, la
7. MAE, série CPC, sous-série Jérusalem, vol. 13, Jérusalem, 31 juillet 1879,
no 49, statistique du mouvement commercial du port de Jaffa du 1er mars 1876 au
1er mars 1877.
8. Ministère des Affaires étrangères, Archives diplomatiques de Nantes
(ADN), Jérusalem, série B, vol. 38, Jérusalem au MAE, rapport du 18 mai 1901,
no 21, 10 p.
142 Frédérique Schillo
11. MAE, série CCC, sous-série Jérusalem, vol. 5. Ces chiffres et les suivants
Les commerçants français en Palestine 145
15. ADN, Jérusalem, série B, vol. 38, Jérusalem au MAE, rapport du 18 mai
1901, no 21, 10 p. et complément du 11 février 1901, no 6, 18 p.
16. Onze personnes, dont trois femmes, se déclarent « rentier » ou « proprié-
taire » dans l’état civil de Palestine.
148 Frédérique Schillo
17. ADN, Jérusalem, série B, vol. 64, fiche « Auguste Rochais », établie le
9 avril 1906.
18. ADN, Jérusalem, série E, no 29, Jérusalem à Beyrouth, 12 août 1886,
o
n 117.
19. ADN, Jérusalem, série B, vol. 38, Jérusalem au MAE, rapport du 18 mai
1901, no 21, 10 p.
20. ADN, Jérusalem, série B, vol. 64, fiche « Bagarry » no 16, établie à Jéru-
salem le 18 mars 1914.
Les commerçants français en Palestine 149
et décès des laïcs ne sont pas des religieux mais les voisins, les
employés ou patrons, les amis et les parents. Pour comprendre la place
du commerçant, il convient de s’intéresser au groupe des Français
établis en Palestine, qui formaient donc ce qu’il convient d’appeler
une communauté. L’origine géographique commune et le lien linguis-
tique les amenaient naturellement à se regrouper dans ces villages et
villes arabes, dont la disposition même, en secteurs religieux, entraî-
nait l’émergence d’une hiérarchie sociale. Les personnes de même
confession, si elles ne vivaient pas déjà dans le même quartier,
fréquentaient le même lieu de culte et partageaient le même réseau de
connaissances. Des liens d’amitié se formaient. Le plus bel exemple
est illustré par Henri Baldensperger, à l’origine missionnaire protestant
d’origine alsacienne, et Frédéric Auguste Klein, ministre du Saint-
Évangile natif de Strasbourg. Chacun s’est porté témoin pour l’autre
dans quasiment tous les actes de l’état civil qui concernaient la nais-
sance ou le décès de leurs enfants. De même, pour ce qui concerne
les commerçants, nous pouvons voir derrière les liens de voisinage et
d’amitié, précisés dans les registres de l’état civil, la formation de
réseaux de clientèle.
La structure communautaire des Français de Palestine et son
cloisonnement sont largement visibles au travers des alliances matri-
moniales des commerçants. Le mariage, qui sert avant tout à maintenir
et développer un héritage religieux, est conclu entre les membres d’une
même confession. Ainsi, les fils Baldensperger épousèrent des protes-
tantes comme eux, qui plus est originaires de la même région que leur
père. D’ailleurs, en règle générale, lorsqu’ils ne s’étaient pas déjà
mariés en métropole, les Français prenaient pour épouse des compa-
triotes résidant en Palestine. Seul Auguste Rochais a épousé une
« indigène » qui, en vertu des principes du temps, ne pouvait être
qu’une Palestinienne de confession catholique. De plus, les alliances
étaient contractées parmi les membres d’un même groupe social
comme en témoignent les exemples suivants. La fille du commerçant
Pierre Bagarry, Berthe Faustine, épousa le 29 novembre 1899 dans la
paroisse de Jérusalem, Alexis Frey, le contrôleur de la sous-agence
du Crédit lyonnais à Jérusalem. Hubert Portalis, fils d’un riche négo-
ciant et propriétaire foncier de Jaffa, épousa la fille de Jean-Étienne
Philibert, qui avait ouvert une entreprise de remorquage dans le port.
Ce dernier, par ailleurs vice-consul de France à Jaffa, avait demandé
pour seconde femme la fille mineure du consul de France à Jérusalem,
152 Frédérique Schillo
24. MAE, série Personnel, 1re série, vol. 161, Hélouis-Jorelle, lettre d’Hélouis
Jorelle au ministère demandant l’agrément du roi pour cette union, Jaffa, 7 mars
1846, no 8.
Les commerçants français en Palestine 153
25. CL, DAE 2280, dossier I, note de Jean Joannidès annexée à la lettre
d’Alexandrie à la Direction, Jérusalem, 18 mars 1892.
26. MAE, série NS, sous-série Saint-Siège, vol. 100, dossier IV sur le protec-
torat en Orient.
27. ADN, Jérusalem, série B, vol. 64, fiche de Joseph A. Albino établie le
9 avril 1906.
154 Frédérique Schillo
28. ADN, Jérusalem, série E, vol. 30, Jérusalem à Beyrouth, 1er avril 1891,
sans no, fo 34.
29. ADN, Jérusalem, série B, vol. 6, dossier de l’option pour la nationalité
française. Henri Baldensperger est enregistré comme Français le 28 juin 1872.
30. ADN, Jérusalem, série B, vol. 4, comité d’organisation de la fête nationale
à Jaffa en 1892, avec une liste de souscripteurs.
Les commerçants français en Palestine 155
31. MAE, série CCC, Jérusalem, vol. 2, lettre de Gabriel de Lantivy au MAE,
25 mars 1843, fo 4.
156 Frédérique Schillo
déjà bien représentés au Liban, comme la soie et les cotons filés 32.
En se maintenant comme l’un des grands partenaires économiques de
la Palestine, la France pouvait s’enorgueillir de ne pas avoir qu’une
présence religieuse en Terre sainte. C’est ce qu’affirmait le consul de
France à Jérusalem, en analysant les résultats du mouvement commer-
cial de l’année 1878 : « Il y a là un fait qui prouve que la France n’a
pas que des intérêts de sentiment à sauvegarder dans ces parages, ainsi
qu’il a plu à un homme d’État étranger de le dire récemment ; ce sont
aussi des intérêts matériels, substantiels 33 [...] ». Parallèlement pour-
tant, rien ne semble avoir été envisagé pendant ces années pour déve-
lopper les activités économiques en Palestine, alors même que
plusieurs commerçants y étaient déjà bien implantés. Et pour faire
entendre leur voix, ceux-ci n’hésitaient pas à adresser des pétitions au
consul de France. Ainsi, en 1875, treize commerçants de Jaffa, parmi
lesquels on retrouve notamment le nom de Marius Barrellet, sollici-
tèrent de l’administration des postes françaises la possibilité de profiter
du passage des paquebots autrichiens pour faire parvenir leurs lettres
en France, via Alexandrie 34.
tant à une ville plutôt qu’à une région et en lui laissant le choix du
mode de paiement 40. Alors même que l’on entreprenait une nouvelle
stratégie commerciale pour parer aux difficultés de la France – diffi-
cultés qu’il nous faudrait d’ailleurs relativiser – il était perçu comme
un acteur des échanges économiques, mais un acteur de second rang,
presque marginalisé.
En conclusion, soulignons d’abord le réel dynamisme des
commerçants français de Palestine : dynamisme des activités, en se
faisant tour à tour négociant, artisan ou dirigeant d’une entreprise
d’import-export, et en fondant même plusieurs entreprises ; dyna-
misme dans le souci de diversifier les marchandises, en s’illustrant
dans plusieurs secteurs économiques et en profitant quelquefois de
l’essor de produits nouveaux, comme les objets de piété. Cette vitalité,
qui s’explique par la nécessité de se développer pour accroître ses
bénéfices, serait également à étudier en fonction du poids de la concur-
rence étrangère, difficile à apprécier. L’on pourrait encore parler du
dynamisme des commerçants français dans le domaine des techniques.
Les Baldensperger, avec leurs ruches portatives à rayons mobiles, ou
Edouard Portalis qui a fait venir de France une presse moderne pour
l’huile d’olive, témoignent de l’existence d’un certain savoir-faire
français importé en Palestine.
Cependant, malgré leur réussite certaine, les commerçants ne
semblent pas tous avoir suivi un objectif commercial. Pour beaucoup
d’entre eux, la vente d’objets de piété, pourtant en plein essor pendant
cette période, n’a été qu’une activité secondaire. Souvent aussi, les
commerçants n’ont pas utilisé les possibilités de la main-d’œuvre
locale, comme Auguste Rochais qui ne faisait pas appel aux ouvriers
palestiniens pour la fabrication des objets de piété et importait ses
marchandises, qu’il exportait par la suite. De même, ils n’établissaient
pas toujours de relations privilégiées avec la France, tels les Baldens-
perger qui expédiaient toute leur production de miel en Angleterre.
Dans la plupart des cas, il apparaît que l’attrait de la Terre sainte était
plus important que le désir de faire commerce en Palestine. Auguste
Rochais avait fui la France plus qu’il n’avait choisi de venir vivre en
Palestine, Henri Baldensperger y était arrivé comme missionnaire
40. AN, F12 7281, rapport sur la situation économique de la région de Caïffa
et Saint-Jean-d’Acre (1901-1912), 27 juillet 1912, « conseils aux commerçants et
armateurs français », pp. 102-104.
160 Frédérique Schillo
protestant et Pierre Bost avait fait le voyage avec son frère, l’abbé
Bost. On venait s’établir en Terre sainte, on y fondait une famille et
on développait une petite activité commerciale. D’ailleurs, point
important pour tenter de saisir le comportement de ces commerçants,
la majorité d’entre eux, et ensuite leurs enfants, sont demeurés en
Palestine. Nous n’avons relevé que de rares cas de Français qui s’en
sont retournés en métropole. De plus, notons que l’entreprise était
transmise, comme un héritage, aux générations suivantes. Le
commerce était donc perçu comme un patrimoine et l’ambition
première de ces commerçants n’était sans doute pas de s’enrichir à
l’étranger pour revenir en France. De manière générale, rares sont
ceux qui ont fait fortune en Palestine. Ils n’ont constitué qu’un petit
groupe, mais fort puissant à l’intérieur de la communauté française,
dont ils devinrent les représentants. C’est ainsi les commerçants de
Palestine se sont transformés en notables dans une micro-société bien
organisée, cohérente et hiérarchisée selon de nouveaux critères
sociaux. Mais si le petit commerçant était sollicité de toutes parts pour
donner son avis sur la situation économique, occuper des postes admi-
nistratifs voire gérer des agences consulaires et représenter de grandes
maisons françaises, il n’en demeurait pas moins presque absent des
correspondances politiques, et donc d’une certaine manière de l’idée
que les autorités françaises se faisaient de la présence de la France en
Terre sainte. Ce n’est qu’avec l’apparition de la concurrence étrangère
et sous la menace d’un déclin de l’influence française, ainsi pressenti
par les responsables politiques, qu’il fut considéré sinon comme un
acteur important, du moins comme un témoin privilégié des échanges
franco-palestiniens.
Les commerçants français en Palestine 161
12. Sur la base du recensement ottoman de 1876, Vital Cuinet (op. cit.,
p. LVII) estime la population de mutessariflik de Jérusalem, en 1896, à 341 638
habitants, soit 251 832 musulmans, 44 389 chrétiens, 39 866 juifs et 6 051 étrangers,
sur une surface de 22,000 km2.
13. Selon les douanes ottomanes, le trafic du port de Jaffa pour 1891, a été
le suivant : aux importations, 7 192 000 francs, aux exportations, 10 005 000 francs.
CL DAE 6116, Jérusalem à Alexandrie, le 29 mars 1902. En dehors des bestiaux,
des volailles, des céréales, des huiles et du vin, Jaffa importe d’Europe tout se qui
est nécessaire à l’alimentation, l’habillement, l’ameublement et les constructions de
toutes sortes ; en effet, le pays ne produit que des objets en bois d’olivier pour la
vente aux pèlerins et touristes.
14. Jaffa exporte des oranges (environ 40 % du trafic), des orges, parfois du
blé, des huiles, des vins et des raisins. Les oranges prennent le chemin de Londres.
Les carences du conditionnement font que les pertes sont souvent importantes.
172 Jacques Thobie
chargé de faire des avances aux propriétaires des vergers et reçoit les
oranges en consignation : constatant que « cette manière de travailler
ne présente aucun danger », l’envoyé de la banque espère que l’agence
attirera cette clientèle « qui fait un mouvement de 15 000 à
20 000 livres par an ».
Au consulat général, on évalue le mouvement annuel de touristes
et pèlerins à environ 10 000 personnes, mais on déclare impossible
d’évaluer le roulement de fonds qui en découle. On y sait seulement
que le pèlerinage français laisse annuellement dans le pays 4 000 à
500 000 F. Petcovich a pris contact avec l’agent de Cook, qui vient
fort opportunément de rompre avec Breisch & Cie : « J’espère que
nous parviendrons à l’avoir comme client » conclut-il, probablement
sur la base de promesses verbales. Notre homme est fort impressionné
par « l’immensité de toutes ces constructions religieuses » qui reçoi-
vent des fonds de tous les pays du monde, pour leurs besoins matériels
et des constructions en constante progression. Selon le consul de
France, les seules institutions françaises reçoivent de 1,5 à 1,8 million
de francs par an, mais il y a encore les œuvres arméniennes, grecques,
russes, les missions anglaises et américaines, les patriarcats : au bas
mot, il vient de ce chef à Jérusalem 5 millions de francs par an :
« C’est du change de tout repos sur lequel il n’y a absolument aucun
risque », conclut le rapporteur.
Celui-ci, et on le comprend, est troublé par le système monétaire
qu’il qualifie abusivement de « confusion complète ». Le napoléon
d’or domine la circulation monétaire, les livres turques et les livres
sterling sont rares, et la petite monnaie turque manque ; les medjidiés
(monnaie turque) ont un cours différent à Jérusalem et à Jaffa. « Dans
cette confusion, il y aura souvent de bons petits arbitrages à combiner
par l’agence ». Il en sera de même pour les opérations du gouverneur
qui remet régulièrement à Constantinople les surplus entre ses ressour-
ces et ses dépenses sur place.
La conclusion est modérément optimiste, pour une implantation
attendue avec intérêt et curiosité par un public dûment prévenu de
l’installation d’une agence du Crédit lyonnais par le consul général
Ledoulx, qui a été aux petits soins avec l’envoyé de la banque. Celui-ci
estime qu’on peut être assuré, la concurrence étant pratiquement
inexistante, d’une clientèle, particuliers et institutions, heureuse de
placer sûrement son argent. Il se laisse même aller, avec quelque
témérité, à écrire qu’après peu de temps, l’agence n’aura pas besoin
Les embarras du Crédit lyonnais en Palestine 173
15. Les salaires annuels sont les suivants : Joannidès, 7 400 F. ; Frey, 5 400 ;
Spagnolo 2 100 ; Ayoub, 900 ; Sidaoui, 0 ; le domestique, 720 ; le gardien, 480 ; le
garde armé, 1 500, soit un total de 18 500 F. CL DAE 6116, Alexandrie à DAE, le
1er juin 1892.
16. Le loyer annuel des magasins et des chambres passera de 5 000 F à
6 000 F, à la suite de réaménagements. CL DAE 8050.
174 Jacques Thobie
précise les commissions qui lui seront allouées : 1 % sur les ventes et
achats de change ; 1,4 % sur les recouvrements d’effets sur Jaffa ; 1 %
sur les tirages des agences du Crédit lyonnais. En ce qui concerne les
dépôts des clients, la commission sera de 1 % sur les dépôts à un an,
1,5 % sur les dépôts à deux ans et 1,4 % sur les dépôts à trois ans.
Barrellet est chargé de la réception des groups, moyennant une
commission de 1,4 %. En contrepartie, il demeure entendu, précise
Barrellet lui-même, « que je suis chargé des fonctions de votre caissier
à Jaffa, en opérant les encaissements et paiements pour votre compte ;
que le coffre-fort que vous avez bien voulu m’envoyer demeure votre
propriété, et que je demeure responsable des fonds que j’encaisserai
pour compte du Crédit lyonnais, et qu’ils demeureront à votre dispo-
sition à tout moment et sans aucun préavis 17 ». Les accords sont prévus
pour un an, renouvelables par tacite reconduction. L’agent de Jaffa
doit naturellement garder en caisse quelques milliers de francs, surtout
pour achat de change, et notamment en octobre quand commence
l’exportation des oranges. Lorsque l’encaisse atteint 20 000 à
25 000 F, il expédie une partie des fonds à Jérusalem 18. En 1897,
M. Barrellet sera remplacé par la maison B. Alonzo et Fils ; nous en
ignorons les raisons.
L’observation de la comptabilité de la banque, partiellement résu-
mée dans nos tableaux annexes I, II et III, nous amène aux remarques
suivantes. Il s’agit d’abord d’une agence de modeste surface. La
moyenne annuelle des bénéfices nets de l’agence de Jérusalem (qui
comprennent le correspondant puis le bureau de Jaffa), entre 1893
et 1913 est de 18 276 F, ce qui représente 26,45 % des résultats de
Smyrne, 6,77 % des résultats de Constantinople et 1,67 % de ceux
d’Alexandrie (agences d’Égypte). Pour les années de guerre, les béné-
fices nets annuels moyens de Jérusalem, en francs constants 1913,
atteignent 21 905 F, ce qui montre que les perturbations ont été large-
27. Voir les bulletins d’annonce d’ouverture avec les signatures des respon-
sables. CL DEA 6116. Pour une étude de cette banque, Gross, Nachum T., « Die
Deutsche Palästina-Bank 1897-1914 », dans Zeitschrift für Unternehmensgeschichte,
Stuttgart, 1988, Heft 3, pp. 149-177.
28. Présidé par Max Schoeler, le conseil d’administration de la Deutsche
Palästina-Bank comprend les personnalités suivantes : Peter Paul Cassensby, le
prince de Hohenlohe-Ockringen, Max Hiller, Karl von der Heydz, le comte Zietein
Schwerin, Heimbach. (Archives du Quai d’Orsay [MAEP] Correspondance consu-
laire [CC] Jérusalem 5, « Note » de novembre 1899). La banque ouvrira une agence
à Haïfa en octobre 1904, à Beyrouth en juillet 1907, à Alep en 1909 (Archives
nationales [AN] F30 361, Constantinople à MAE, le 5.12.1910).
29. CL DAE 6116. Note pour le MAE tirée de la lettre d’Auzépy à Delcassé,
le 15 septembre 1900.
30. Ibid.
Les embarras du Crédit lyonnais en Palestine 179
40. Ibid.
41. Ibid.
42. Ibid.
182 Jacques Thobie
47. Ibid.
48. Poussant le pessimisme à l’extrême, une « Note » de la DAE du 21 avril
1902 précise : « Avant tout, il y a lieu de voir si nous pouvons nous entendre avec
le Patriarcat grec (voir notre 4e point) car, dans la négative, au lieu de nous étendre
en Palestine, ce sera plutôt la question contraire qui se posera. »
49. CL DAE 6116. Alexandrie à DAE, le 3 octobre 1902.
50. Gerassimo avait été prévenu que B. Alonzo cherchait à vendre une
184 Jacques Thobie
propriété et en avait hypothéqué une autre, pour faire face à des difficultés financières
attribuées à l’expansion trop brusque de leurs opérations.
51. Comme la note 49.
52. CL DAE 6116. DAE à Alexandrie, le 10 octobre 1902.
53. Ibid.
54. Id. Alexandrie à DAE, le 17 octobre 1902.
55. Id. DAE à Alexandrie, le 24 octobre 1902.
Les embarras du Crédit lyonnais en Palestine 185
56. Le voyage doit s’effectuer en trois étapes, avec désinfection à chaque étape
et quarantaine de dix jours à l’une d’elle.
57. CL DAE 6116. Alexandrie à DAE, les 22.10 et 1.11. 1902.
58. Ibid.
59. Id. Note du 10 novembre 1902.
60. Id. Alexandrie à DAE, le 20 mars 1903.
61. CL DAE 7272. Rapport d’inspection de Defforges, le 28 juillet 1906.
186 Jacques Thobie
français des Affaires étrangères dans l’embarras 65. Sur les recomman-
dations d’Escoffier, le directeur des agences étrangères du Crédit lyon-
nais, Rosselli, propose de céder la place pour 4 000 £ (100 000 F 66).
Le Quai d’Orsay, qui entretient avec la BIO des relations privilégiées,
se contente d’exprimer son « étonnement 67 », et le directeur de la BIO
à Londres, Barry, juge trop élevé le prix à payer au Crédit lyonnais.
En décembre 1904 est ouverte la succursale de la BIO à Jérusalem,
dirigée par Italo Roselli 68 : il y a désormais dans cette ville deux
banques françaises. Quelques mois plus tard, la BIO ouvre une succur-
sale à Jaffa, qui deviendra l’agence principale, et Jérusalem un bureau
annexe.
Les relations entre l’Ottomane et le Lyonnais en Palestine n’ayant
pratiquement laissé aucune trace dans les archives, il y a tout lieu de
penser qu’elles furent plutôt courtoises, allant parfois jusqu’à un
partage des tâches. Le Crédit lyonnais n’eut à déplorer la perte que
d’un important client, la Régie des Tabacs, encore était-ce là inévita-
ble, cette Régie étant un monopole d’État lié à l’administration de la
Dette publique ottomane, deux organismes où la présence de la BIO
est éminente. Dans les affaires courantes, la coopération entre les deux
banques va parfois jusqu’au partage des bénéfices, ainsi que le montre
le tirage, en août 1913, par l’ex-sultan du Maroc Moulay Hafid, sur
sa banque de Tanger, d’une somme de 250 000 francs, dont le traite-
ment sera réparti par moitié pour chaque banque 69.
Recettes Fr Dépenses Fr
Revenus des terres de 700 000 Approvis. et frais de 250 000
Bessarabie et du Caucase l’adm. centrale
Offrandes des pélerins et 250 000 Secours divers 145 000
donations diverses
Loyers immeubles 200 000 Loyers payés pour les 90 000
indigènes
Domaines fonciers et 150 000 Gratifications du clergé 40 000
diverses concessions
Intérêts de 1 million de 100 000 Allocation du patriarche 15 000
roubles (2,66 millions de
francs déposés à la Banque
de l’État russe)
Écoles 430 000
Séminaire de Jérusalem 75 000
École de garçons et de 35 000
filles de Jérusalem
Écoles de l’intérieur 200 000
Personnel enseignant 120 000
Délégations diverses 220 000
Constantinople 140 000
Moscou 60 000
Smyrne, Chypre, Athènes, 20 000
etc.
Intérêts, obligations 215 000
Sur dépôts des étrangers 120 000
capital de 2 000 000
Aux frères de la 60 000
communauté sur
1 000 000
Change, commissions, 35 000
intérêts à la banque (CL)
Divers : frais 100 000
extraordinaires
gratifications, etc.
Encaisse 40 000
Total 1 400 000 Total 1 400 000
Source : CL DAE 5197. « Note » de l’Agence de Jérusalem,
Alexandrie à DAE, le 29 septembre 1905.
Les embarras du Crédit lyonnais en Palestine 193
fois, s’il s’agit de 100 000 F « pour un temps très court et pour une
cause bien déterminée et facile à comprendre, j’accepterais 87 ». La
cause est donc gagnée.
Mais Paris surveille le compte de près. En février 1902, le direc-
teur des agences étrangères fait remarquer que ce qui constitue, pour
Jérusalem, un atout (les privilèges dont jouit le Patriarcat) est considéré
par le siège central comme un handicap « car, en cas de besoin, il
serait probablement impossible d’obtenir ou d’essayer d’obtenir un
jugement contre ce débiteur 88 ». On voit mal également à Paris, en
quoi le fait de posséder des propriétés en Bessarabie constitue une
garantie. Comme le crédit en blanc autorisé tend à prendre un caractère
de permanence, il faut obtenir du Patriarcat une augmentation de son
nantissement : « Nous espérons qu’en y mettant le tact voulu, votre
sous-agence parviendra à ce but, le Patriarcat devant comprendre qu’en
lui faisant une avance sans marge, nous lui faisons une réelle conces-
sion et le traitons en client privilégié. » L’agence de Jérusalem réussira
à mener à bien sa mission, et la direction des agences étrangères
exprime sa satisfaction en octobre 1902 89, mais il n’est plus question
pour Paris d’accorder désormais un quelconque découvert au Patriarcat
grec.
Situation en vérité peu tenable, alors que la BIO s’installe à
Jérusalem. L’argument ne manque pas d’être utilisé par l’agence, en
avril 1905, pour répondre à une demande provisoire de découvert de
150 000 F du Patriarcat, d’autant que la situation de son compte est
bonne 90. Alexandrie surenchérit : « Il est certain que le Patriarcat pour-
rait trouver auprès de la BIO toutes les facilités désirables... et la
clôture de ce compte serait forcément suivie, dans un délai plus ou
moins long, de la fermeture de l’agence 91. » À Paris, on a compris le
signal, et après avoir rappelé les bons principes, le directeur des agen-
ces étrangères se déclare d’accord pour une avance de 150 000 F, et
ajoute même qu’il est prêt à étudier « toute demande régulière de
crédit 92 ». Ceci répond à un souci d’Alexandrie, exprimé d’une façon
Conclusion
97. CL DAE 8086. Les particuliers sont sans doute restés plus fidèles car, à
la fermeture, le nombre de comptes est de 468, peu inférieur à celui de 1914.
98. CL DAE 8086. Note du 12 mai 1927.
99. Gérassimo part en retraite le 1er janvier 1927, autorisé à prendre le titre
de directeur honoraire.
Annexe I
Années Dépôts Emplois* Bénéfices bruts Frais généraux Bénéfices nets Bén. nets
francs francs francs courants francs courants francs courants sur
Bén.
bruts %
1892 26 692 25 517 175
1893 45 974 40 801 5 173 10,8
1894 30 673 46 684 -16 011
1895 70 388 47 195 23 193 32,8
1896 66 452 45 811 20 641 30,3
1897 65 746 41 661 24 085 36,9
1898 556 312 60 464 44 561 15 903 26,6
1899 574 504 55 251 42 365 12 886 23,6
1900 924 694 77 065 47 895 29 170 37,6
1901 930 897 74 573 52 759 21 814 29,7
1902 1 179 1 008 83 112 50 673 32 439 38,1
1903 1 226 819 78 302 65 788 12 514 16,6
1904 1 392 1 377 18 300*
1905 1 361 2 030 34 000*
1906 1 782 2 154 19 000*
1907 2 031 2 288 21 000*
1908 2 162 2 027 22 261
1909 1 950 1 717 1 183
1910 2 258 2 130 14 447
1911 2 499 1 847 99 127 76 030 23 097 23,2
1912 3 162 1 926 101 189 81 005 20 184 19,1
1913 1 621 2 074 112 478 84 689 27 789 25,1
1914 1 264 1 447 113 545 79 384 34 161 30,1
1915 1 102 1 299 76 325 57 105 19 220 25,1
1916 1 054 1 369 63 505 43 458 20 047 31,7
1917 1 064 1 478 71 956 33 508 38 448 54,7
1918 1 424 1 967 136 066 66 232 69 834 58,7
1919 2 439 2 419 258 998 109 485 149 513 51,5
Source : CL DAE 6116, 3782, 3791, 3799, 4287 ; CL 31 AH 349 à 354, et mes calculs.
* Estimations sur la base des bulletins mensuels parfois incomplets.
** Y compris le bureau de Jaffa
Sous-agence de Jérusalem* du Crédit Lyonnais – compte de pertes et profits 1911-1919 (en francs)
Bénéfices nets/emplois
Années Jérusalem Constantinople Alexandrie
1899 2,57 2,31 2,15
1900 4,17 1,84 1,58
1901 2,45 1,81 1,43
1902 3,17 1,91 1,24
1903 1,58 1,72 1,6
1904
1905
1906
1907
1908 1,08 déficit 1,33
1909 0,07 0,12 0,98
1910 0,67 0,55 1,06
1911 1,25 0,68 1,25
1912 1,05 1,45 1,91
1913 1,35 2,01 2,11
Rend. moyen 1,39 1,36 1,49
Motives for the Missionnary Awakening in Great Britain, 1698-1815, Kampen, Kok,
1956, p. 120.
3. Ces sociétés comprennent la London Missionary Society (fondée en 1795) ;
la Church Missionary Society (1795) ; la British and Foreign Bible Society (1804) ;
la London Society for Promoting Christianity among the Jews (ou London Jews
Society, 1809) ; l’American Board of Commissioners for Foreign Missions (1810) ;
l’Edinburgh Medical Missionary Society (1814) ; l’American Baptist Missionary
Board (1814) ; la Société missionnaire de Bâle (1815) ; l’American Bible Society
(1816) ; la Société pour la diffusion du christianisme parmi les juifs (1824, Berlin) ;
la Société missionnaire de Berlin (1824) ; et la mission pèlerine de Saint-Chrischona
(1840).
La concurrence des missions chrétiennes en Terre sainte 209
10. Extraits des carnets et des lettres de Burckhardt in Magazin für die neueste
Geschichte der evangelischen Missions- und Bibelgesellschaften, Institut mission-
naire de Bâle, 5, 1820, pp. 488-521.
214 Thomas F. Stransky
zèle à Jaffa, deux ans plus tôt : « Tous les livres... avaient été rassem-
blés et brûlés par certains des prêtres [franciscains] qui menaçaient
d’excommunication ceux qui les détenaient 11 ».
À Jérusalem, Connor loge chez les franciscains. Il vend ou distri-
bue gratuitement des textes bibliques arabes qui ne comprennent que
les psaumes et les textes des prophètes issus de l’Ancien Testament,
et le Nouveau Testament. Le Patriarche arménien Gabriel acquiert
pour sa part toutes les versions arméniennes, mais conseille à Connor
de ne pas vendre ouvertement les Bibles sans avoir obtenu la sanction
de la Sublime Porte. Quant à eux, comme le note Connor, les Juifs
n’auraient acheté que le texte hébreu complet de la Bible ; ils « rejet-
tent le Nouveau Testament avec dédain. »
Connor ne pèche pas par excès d’optimisme en ce qui concerne
la coopération chrétienne : « Les dissensions qui malheureusement
persistent entre les différents groupes de chrétiens à Jérusalem consti-
tuent là un obstacle insurmontable, pour le moment, à un quelconque
Institut de diffusion des Écritures efficace... S’il existe un endroit où
brûle plus qu’ailleurs l’esprit de contestation religieuse, c’est à Jéru-
salem qu’il se trouve. »
Un accent missionariste différent émane de la première société
missionnaire en provenance des États-Unis, l’American Board of
Commissioners for Foreign Missions, fondé en 1810. Ses membres et
partisans croient dans un premier temps que la prédication de l’Évan-
gile à l’adresse du monde entier doit avoir lieu avant le retour sur
terre de Jésus, le Seigneur et Rédempteur, pour réaliser son règne de
mille ans.
Avec une arrogance facile permise par la distance, le compte
rendu de l’American Board pour 1819 voit qu’au Moyen-Orient « tous
les groupes de population sont dans un état déplorable d’ignorance et
de dépravation – dénués de tous moyens de connaissance divine et
désemparés du fait de vaines imaginations et de sévères désillusions ».
Afin de permettre la réalisation des aspirations millénaristes visant au
retour du Christ, on doit d’abord convertir les musulmans et les juifs,
et libérer les indigènes orthodoxes et catholiques de toute fausse
doctrine et de toute foi a-biblique. Pour ce faire, les Américains ont
1824, le Pape Léon XII avait mis en garde les catholiques de ne pas
utiliser des écrits protestants. Selon le secrétaire de la CMS à Londres,
Josiah Pratt, cette collusion supposée à la Porte et à Rome est un
complot diabolique – « la collaboration de l’Antéchrist oriental avec
l’[Antéchrist] occidental 13 ».
Fisk et King rencontrent de sérieuses oppositions à Jérusalem,
notamment du fait de leur distribution de Bibles aux musulmans. Le
gouverneur de la ville veut les placer en résidence surveillée au
couvent des franciscains, mais les religieux refusent cette option, les
deux personnes en question n’étant « ni musulmanes, ni juives, ni
chrétiennes ». Les latins, écrit Fisk, usent de tous les moyens à leur
disposition pour exciter les Turcs contre les protestants. « Ils sont pires
que les musulmans ». Enfin, lors de leur départ pour le Liban, effectué
dans l’amertume en mars 1825, Fisk est matraqué par des brigands à
côté de Nazareth et meurt de ses blessures en octobre 14.
En 1826, la London Society for Promoting Christianity among
the Jews (London Jews Society), envoyant le laïc danois John Nico-
layson, espère établir une « église et une mission permanentes de
langue hébraïque à Jérusalem », où « le christianisme pur de la
Réforme » doit être proclamé auprès des juifs. La London Jews Society
l’autorise à acheter un terrain pour y établir une église, un bâtiment
pour la mission et un cimetière. En janvier 1839, Nicolayson acquiert
imprudemment une parcelle sur le mont Sion par le biais d’un inter-
médiaire arménien, et le Danois prend le risque de poser la première
pierre et de construire le premier étage comme les fondements du
sanctuaire. Il ignore le fait que la législation ottomane interdit aux
13. Stock, E., op. cit., p. 230. Pour le texte du firman, voir Tibawi, Abdul L.,
British Interests in Palestine, 1800-1901, Londres, Oxford University Press, 1961,
pp. 10-11. Lors de son bref règne (1829-1830), Pie VIII promulgue le texte Traditi
humilitate nostrae dans lequel il attribue partiellement l’effondrement de la religion
et l’indifférence en matière de foi aux activités des sociétés bibliques protestantes.
Le firman, peut-être même plus encore que les mises au ban ecclésiastiques, aurait
sérieusement empêché le travail missionnaire protestant s’il avait été appliqué avec
rigueur. Mais comme beaucoup d’autres mesures ottomanes ce n’est pas le cas.
14. Parsons, Levi, Memoirs of Rev. Levi Parsons, Late Missionary to Pales-
tine, Poultney, VT, Smith and Smith, 1824 ; Memoirs of Rev. Pliny Fisk, Elvin Bond
(éd.), Édinbourg, Waugh and Innes, 1829 ; American Missionary Memorial - Biogra-
phical Sketches, H.W. Pierson (éd.), New York, Harper and Brothers, 1853,
pp. 245-260 ; quant à lui Joseph Tray (History of the ABCFM, New York, ABCEM,
1842) se réfère largement à Parsons, Fisk et King dans ses comptes rendus annuels.
La concurrence des missions chrétiennes en Terre sainte 217
15. Gidney, William T., The History of the London Society for Promoting
Christianity Amongst the Jews [1809-1908], Londres, LJS, 1908 ; Nicolayson, J.,
« Mitteilungen für eine Skizze der Geschichte der englischen Mission und des evan-
gelischen Bistums zu Jerusalem », in Monatsschrift für die Diakonie der evangelis-
chen Kirche, juillet-août 1852 ; Kochav, Sarah, « “Beginning at Jerusalem” : The
Mission to the Jews and English Evangelical Eschatology », in With Eyes Towards
Zion, V, Ben Arieh, Yehoshua, Davis, Moshe(dir.), Westport, CT, Praeger, 1997,
pp. 91-107. Avant l’arrivée de Nicolayson, les envoyés temporaires de la LJS à
Jérusalem sont le pasteur suisse Melchior Tschoudy (1820), le juif converti Joseph
Wolff (1822), l’Anglais William B. Lewis (1823) et le Dr George Dalton (1824).
Voir Gidney, op. cit., pp. 118-122, et Stransky, Thomas, « Origins of Western Chris-
tian Missions in Jerusalem and the Holy Land », ibid., pp. 142-147.
16. Hofman, Yitshak, « The Administration of Syria and Palestine under
218 Thomas F. Stransky
20. Dès 1827, Gobat explore la Palestine et juge les franciscains « pire enne-
mis de Dieu que les Turcs ». Gobat, Samuel, Autogiography and Biography. Bishop
of Jerusalem, His Life and Work, Londres, J. Nesbit, 1984 ; Samuel Gobat. Evan-
gelischer Bischof in Jerusalem, ed. Thiersch, H. W. G., Bâle, Basel-Mission, 1884 ;
Tibawi, A. L., op. cit., pp. 88-93 ; Ateek, Na’em, Towards a Strategy for the Epis-
copal Church in Israel, San Anselmo, CA, 1985, thèse déposée à la bibliothèque de
Tantour, pp. 29-52 ; Shapir, Shaul, « The Anglican missionary societies in Jerusa-
lem : activities and impact », in The Land that Became Israel, Ruth Kark (éd.),
Jérusalem, Magnes Press, 1989, pp. 105-119.
21. Pour le texte complet du firman du 10 septembre 1845, voir Hechler, W.,
op. cit., p. 58.
22. Les documents fondamentaux des délibérations de la Propagande se trou-
vent in Lemmens, Leonardus, Acta S. Congregationis de Propaganda Fide pro Terra
Sancta, Quaracchi, Florence, 1921-22, vol. II (1721-1847), pp. 112-138. Pour des
informations complémentaires : sur la base des sources du ministère français des
Affaires étrangères, Hajjar, J., op. cit., pp. 482-514 ; et italiennes, Soetens, Claude,
Le Congrès Eucharistique International de Jérusalem (1893), Louvain, Nauwelaerts,
1977, pp. 246-254.
222 Thomas F. Stransky
27. Hajjar, J., op. cit., p. 482. Sur l’usage du verbe « restituere » dans Nulla
celebrior, en relation avec Chalcédoine et les Patriarcats latins croisés au Moyen-
Orient, voir Suttner, Ernest, « Das Patriarchat von Jerusalem - Kanonisches Erbe im
Widerstreit der getrennten Kirchen », in Una Sancta, 41, 1986, pp. 35-43.
28. Kawerau, Peter, op. cit., p. 516.
29. Hajjar, J., op. cit. p. 454. Sur les activités et la vie de Valerga, voir
Duvignau, Pierre, Une vie au service de l’Église, Joseph Valerga, Jérusalem, Patriar-
cat latin, 1971 ; Manna, Salvatore, Chiesa Latina e chiese Orientali all’espocha del
Patriarcha Valerga, Naples, 1972, thèse présentée devant l’Institut biblique ponti-
fical, Rome.
226 Thomas F. Stransky
32. Hopwood, op. cit., pp. 33-45 ; Smolitsch, Igor, « Zur Geschichte der
Beziehungen zwischen der russischen Kirche und dem orthodoxen Osten. Die russis-
che Mission in Jerusalem (1847-1914) », Ostkirchliche Studien, 5, 1956, pp. 89-136 ;
Hajjar, J., op. cit., pp. 460-482.
228 Thomas F. Stransky
Conclusion
33. Gorchavov au tsar : « Nous devons établir notre “présence” en Orient non
pas de manière politique mais par le biais de l’Église. Ni les Turcs ni les Européens,
qui ont leurs propres patriarches et évêques dans la Ville sainte, ne peuvent nous
refuser cela. » Il conclut : « Jérusalem est le centre du monde et notre mission doit
être là-bas. » Hopwood D., op. cit., pp. 50-51.
La concurrence des missions chrétiennes en Terre sainte 229
Questions liminaires
latine soit présente dans un lieu devenu si sensible et pour cela recons-
titue sur place en 1847 le Patriarcat latin de Jérusalem établi lors des
croisades. Le nouveau titulaire, le Sarde Joseph Valerga, qui arrive à
Jérusalem en 1848, va se trouver sur ce terrain dans la même situation
que la Propagande à Rome au cours du XIXe siècle : il a besoin tant
pour la Palestine que pour le Liban, également sous sa juridiction,
d’hommes (ou de femmes) et d’argent ; et c’est de France que peuvent
venir, pour l’essentiel, troupes et subsides.
Pourquoi encore, faudrait-il ajouter comme ultime question préa-
lable, « la Terre sainte » ? Le territoire dont nous parlons ici s’appelle
commodément au XIXe siècle la Palestine mais pour des catholiques
fervents comme le sont les responsables des congrégations, peu
touchés par les mirages romantiques de l’Orient, c’est la « Terre
sainte », mais une Terre sainte mal identifiée, dans laquelle on espère
trouver, toujours existants, les lieux où Jésus est né, à vécu, est mort :
Bethléem, Nazareth, Jérusalem par-dessus tout. Et pour Jérusalem
même, les récits de voyages et les guides des pèlerins décrivent une
géographie, constituée au cours des siècles, celle d’une mémoire des
lieux jalonnée le plus souvent par des sanctuaires, anciens et nouveaux,
Jardin des Oliviers, Via dolorosa, Ecce Homo... L’implantation des
congrégations nouvelles a évidemment quelque rapport avec le pèle-
rinage à Jérusalem. Il est significatif que l’un des acteurs principaux,
sinon peut-être le principal, de cette première implantation, le père
Marie-Alphonse Ratisbonne, juif converti en 1842 et frère du fonda-
teur de Notre-Dame de Sion, arrive en 1855 en Terre sainte avec un
groupe de pèlerins et choisit de demeurer à Jérusalem jusqu’à sa mort.
e
Les congrégations implantées en Palestine au XIX siècle
6. Op. cit., voir notamment pour les instituts masculins, pp. 80-97 et, pour les
instituts féminins, pp. 99-156.
7. Sur ces ouvrages de référence, Langlois, C., op. cit. pp. 651-658. Le t. IV
de la réédition du Dictionnaire des ordres religieux d’Hélyot paraît en 1859 ; il est
composé de nouvelles notices – anonymes – sur les congrégations du XIXe siècle,
dues souvent aux fondateurs et fondatrices ou à leurs entourages proches. Maillaguet
(Abbé), Le miroir des ordres et instituts religieux en France, 2 vols., Avignon,
1865-1866 ; Keller, E., Les congrégations religieuses en France, Paris, 1880 ; Raim-
bert, A., Guide de vocation religieuse, t. II Congrégations de femmes, contemplatives,
semi contemplatives et missionnaires, Paris, 1924, 592 p. Ce dernier ouvrage permet
de faire le point sur les implantations au lendemain de la Première Guerre mondiale.
8. En revanche si l’on envisage les personnels, on constate un avantage subs-
tantiel des femmes. Cette situation existait déjà au XIXe siècle, pour autant qu’on
puisse connaître les situations sur le terrain.
e
Les congrégations françaises en Terre sainte au XIX siècle 237
testablement de France 16. Mais qu’en est-il pour les frères de Saint
Jean de Dieu ? Les Carmélites ? Les Clarisses ? Voire les francis-
cains ? Les Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire sont de filiation
française. Mais les autres ? Les Clarisses de Palestine sont aussi d’ori-
gine française 17. Il en va de même des Carmélites issues de couvents
du sud de la France 18. Quant aux franciscains, il faut rappeler qu’ils
ne sont restaurés en France qu’en 1851 par le P. Arezo, Espagnol
choisi pour y établir en 1852, avec des appuis officiels, un Commis-
sariat de Terre sainte et un « Collège de missionnaire apostolique »
(noviciat) à Amiens 19. La perspective d’un retour de ces futurs reli-
gieux français en Terre sainte balaye dans l’opinion publique
l’ancienne et tenace aversion vis-à-vis des « mendiants », ignorants et
paresseux. De nouvelles recrues ont pu être orientées vers la Palestine,
mais rien n’indique que le recrutement français soit devenu sur place
prépondérant. A contrario il faudrait souligner que certaines congré-
gations françaises ont eu rapidement un recrutement international : à
preuve la manière dont le père Marie-Alphonse Ratisbonne en 1874
constitue le premier noyau des pères de Notre-Dame de Sion.
Toutefois malgré quelques incertitudes à la marge, on peut affir-
mer que sur vingt-neuf familles religieuses nouvelles présentes en
Terre sainte au XIXe siècle, près des deux tiers (dix-huit) sont françai-
ses, ce qui traduit bien le poids d’une l’influence religieuse connue et
appréciée à d’autres titres. Il faut souligner aussi que les familles
religieuses masculines font ici jeu presque égal avec les féminines, ce
qui est loin de refléter la proportion – nettement en faveur des
femmes – au XIXe siècle sur le sol français. Toutefois le phénomène
le plus important à souligner est la place des congrégations françaises
dans les premières implantations : sur les douze fondations antérieures
à 1885, dix sont françaises.
21. Mgr Dupuch. Récit des fondations avec indication des dates précises dans
Saint Joseph de l’Apparition, Paris, Letouzey et Ané, 1923 [collection « Les grands
ordres religieux »].
22. Le décès de Mgr Gualy, protecteur de la congrégation naissante, rendit
possible aussi ce déplacement.
242 Claude Langlois
Dame de Sion parce qu’il lui fut donné comme mission par son fonda-
teur, le père Théodore Ratisbonne, de convertir des juifs. Lui-même
était un juif alsacien, tôt converti, devenu prêtre, marqué de plus par
un long compagnonnage avec Bautain.
Pour lui, le temps de la conversion d’Israël était enfin arrivé.
Certes les juifs, comme il l’écrit en 1856 dans la notice consacrée à
la congrégation, publiée dans le tome IV du Dictionnaire des ordres
religieux d’Hélyot par Migne, sont toujours sous le coup du terrible
anathème : « Pendant près de deux mille ans ils ont traîné à travers le
monde le poids d’une visible réprobation 28 ». Mais les temps sont en
train de changer pour Israël : « d’un côté la dissolution de leurs croyan-
ces sous l’action du rationalisme et l’altération sinon l’oubli total de
leurs rites anciens. D’une autre part leur incorporation dans la société
chrétienne et les conversions de plus en plus nombreuses qui éclatent
de nos jours ». Ratisbonne veut voir dans la situation présente ainsi
brièvement analysée un signe que la fin des temps est proche puisque
sont devenus manifestes « les prémices des miséricordes positivement
annoncées » en faveur du peuple juif 29.
En effet, quand Théodore Ratisbonne fait appel en 1842 à des
jeunes femmes de son entourage, il leur propose, en créant l’œuvre
de Notre-Dame de Sion, de tenir une sorte de « néophytat 30 », lieu
d’accueil et d’encadrement d’enfants cherchant à entrer dans le catho-
licisme et venant, principalement mais non exclusivement, du
judaïsme. Assez rapidement en fait les conversions, évaluées par Ratis-
bonne lui-même en 1856 à quatre cents, diminuèrent et bientôt s’arrê-
tèrent ; dans le même moment le groupe de jeunes femmes qu’il avait
réuni se transforma en congrégation religieuse à part entière, et les
sœurs de Notre-Dame de Sion, sans abandonner le but premier qui
leur avait été assigné, cherchèrent plus classiquement à se lancer dans
un marché particulièrement fructueux au lendemain de la loi Falloux
(1850), celui des pensionnats.
Théodore Ratisbonne avait un plus jeune frère, Alphonse, immé-
diatement célèbre dans toute la catholicité par l’apparition qu’il a eu
31. Bonne mise au point dans Bouflet, Joachim et Boutry, Philippe, Un signe
dans le ciel. Les apparitions de la Vierge, Paris, Grasset, 1997, pp. 115-120.
32. Kertzer, David. L., The Kidnapping of Edgardo Mortara, Random House,
1998, 350 p.
246 Claude Langlois
35. L’encyclique de Léon XIII sur laquelle se fonde une nouvelle doctrine
sociale de l’Église date de 1891. Sans accorder une importance excessive aux « inci-
pit », on peut noter toutefois la nette volonté du pape d’affronter directement l’actua-
lité la plus brûlante.
36. Aron, M., op. cit., pp. 134-135.
37. Saint Joseph de l’Apparition. op. cit., p. 60. Voir article de Schilony, Z.
dans le présent volume.
38. Les conséquences de la guerre de 1870, de la chute des États pontificaux
et de la Commune, ont fait l’objet d’études portant sur les nouvelles sacralités
e
Les congrégations françaises en Terre sainte au XIX siècle 249
47. Il manque une étude d’ensemble sur l’installation des Carmélites en Terre
sainte. Celle-ci s’inscrit dans un courant de fondation en mission des carmels français,
inauguré par la création du carmel de Saïgon (Lisieux, 1861).
48. Raimbert, A., op. cit., p. 105.
49. Ibid., p. 236 « Cette fondation de Jérusalem [...] est l’une des plus chère
à la société : n’est-ce pas par excellence la ville de la rédemption, le lieu choisi pour
la Réparation ? »
50. Ibid., p. 30 : la famille religieuse a vu le jour sous Louis XIII. La commu-
252 Claude Langlois
Conclusion
nauté de Jérusalem « autorisée par le pape Léon XIII personnellement pour travailler
à la réunion des Églises d’Orient fut établie au mont des Oliviers. Les religieuses y
élèvent et y instruisent gratuitement les orphelines du rite grec melkite ».
51. Voir l’article de Trimbur, D. dans le présent volume.
52. Informations communiquées par B. Delpal.
e
Les congrégations françaises en Terre sainte au XIX siècle 253
Un mécène catholique :
le comte de Piellat et les communautés
françaises de Terre sainte*
Contexte général
* Cet article est l’adaptation française d’un article paru dans Cathedra, 72,
juin 1994, pp. 63-90 (en hébreu).
256 Zvi Shilony
4. Notice nécrologique figurant sur sa tombe dans le caveau des pères assomp-
tionistes situé sur le terrain de Saint-Pierre en Gallicante à Jérusalem ; père F. Kean,
« Éloge funèbre », Jérusalem, VI, 1914-1926, pp. 368 et 371 ; « Un jubilé
(1874-1924) », Jérusalem, VI, 1924-1926, p. 315.
5. Ibid.
6. Pour l’impression « biblique » typique ressentie en Palestine par les pèlerins
et voyageurs, voir Ben Arieh, Y., The Rediscovery of the Holy Land in the Nineteenth
Century, Jérusalem-Détroit, 1979 ; du même, « Perceptions et images du pays d’Israël
dans les écrits des voyageurs occidentaux du XIXe siècle », in Almog, S. e.a. (dir.),
Transition et changement dans l’histoire juive moderne, Jérusalem, 1987, pp. 89-114
(en hébreu) ; du même, Peindre la Palestine au XIXe siècle, Jérusalem, 1992 (en
hébreu).
Le comte de Piellat et les communautés françaises de Terre sainte 259
14. Shilony, ibid., pp. 14-15 ; Goodrich-Freer, A., Inner Jerusalem, New York,
1904, p. 13.
15. Ben Arieh, Jerusalem, op. cit., II, index, mots-clés : Thalitha Kumi,
Orphelinat syrien, Hôpital ophtalmologique de Saint-Jean, Mission Society to Jeru-
salem and the East, couvent de Ratisbonne, les quartiers juifs de Mea Shearim, Even
Israël, Mishkenot Israël, Mazkeret Moshe, Ohel Moshe et autres.
16. Pour un cliché de l’hôpital français de Saint-Louis et d’autres institutions
catholiques françaises arborant le pavillon français, voir Album de Terre Sainte,
Paris, s. d. (1893). Pour leur part, les institutions du Patriarcat latin arborent le
drapeau du Vatican.
17. Le moniteur diocésain, 17, juin 1951, p. 120 ; La Palestine, la Syrie
centrale, la Basse Égypte - Guide historique, Paris, 1922, p. 265 ; le testament du
comte Amédée de Piellat, Jérusalem, 16 juillet 1921, manuscrit de deux pages, en
possession des soeurs de Saint-Joseph à Jérusalem.
18. Shilony, « Les grandes infrastructures... », op. cit., p. 12.
262 Zvi Shilony
19. La Palestine..., op. cit. ; Ben Arieh, Jerusalem, op. cit., II, pp. 284-285.
20. Voir par exemple une lettre de l’ambassadeur français à Constantinople
au comte de Piellat, 20 mars 1908, en possession des soeurs de Saint-Joseph à
Jérusalem ; testament du comte de Piellat.
21. La Palestine..., op. cit., p. 54 ; Goodrich-Freer, op. cit., p. 161 ; détails
tirés d’un entretien de l’auteur avec le père Treamer, l’un des plus anciens pères
assomptionistes de Jérusalem, en charge des archives de Saint-Pierre en Gallicante,
avril 1979.
22. Kean, op. cit., pp. 370-371 ; « Un jubilé », op. cit., p. 315. Les effectifs
de cette caravane sont en fait bien inférieurs à mille. À sa tête se trouve le père
Joseph Germer-Durand des Augustins de l’Assomption. Voir Lagrange, M. J., Saint
Etienne et son sanctuaire à Jérusalem, Paris, 1894, p. 95.
Le comte de Piellat et les communautés françaises de Terre sainte 263
ration Fund Quarterly Studies, 1904, p. 298 ; Ben Arieh, Jerusalem, op. cit., II,
pp. 283-283 et notes.
32. Mc, 14, 29-72 ; « Figures palestiniennes », op. cit., p. 376 ; entretien avec
le père Treamer ; Kean, op. cit., p. 369.
33. Pierre (Saint), LXXV, DACL, IV, p. 973 ; Germer-Durand, J., « La maison
de Caïphe et l’église Saint-Pierre en Gallicante à Jérusalem », Revue biblique, 11,
1914, pp. 71-94, 222-246.
266 Zvi Shilony
34. Kean, op. cit., pp. 369-370 ; « Un jubilé », op. cit., p. 315.
35. « Un jubilé », ibid. ; Kean, op. cit., p. 370 ; « Figures palestiniennes », op.
cit., pp. 367-368.
36. Un exemple éloquent en est l’aide qu’il donne pour l’acquisition du terrain
destiné aux pères dominicains français de Saint-Etienne. Voir Kean, op. cit.,
pp. 369-370 ; Lagrange, op. cit., p. 95. Une liste des institutions catholiques françaises
assistées par le comte de Piellat figure dans son testament.
37. Kean, op. cit., p. 371 ; entretien avec le père Treamer.
38. Testament du comte de Piellat.
39. Kean, op. cit., p. 370.
Le comte de Piellat et les communautés françaises de Terre sainte 267
40. Ibid., pp. 369-372 ; « Un jubilé », op. cit., pp. 369-370 ; « Figures pales-
tiniennes », op. cit., p. 368 ; entretien avec le père Treamer.
41. Voir par exemple Kean, op. cit., p. 368, concernant le don de la demeure
familiale et du terrain environnant, au sud de Lyon, en faveur d’une institution
d’éducation destinée à la jeunesse urbaine pauvre.
42. Kean, op. cit., p. 368 et 370 ; « Figures palestiniennes », op. cit., p. 368.
43. Publication assomptioniste, paraissant entre 1904 et 1936, ndt.
44. « Figures palestiniennes », op. cit. Le manuscrit de cette étude démogra-
phique est en possession des sœurs de Saint-Joseph à Jérusalem. Les dessins sont
mentionnés dans le testament du comte de Piellat.
268 Zvi Shilony
Projets à Haïfa
50. Schick, C., « Karte der näheren Umgebung von Jerusalem », Maßstab 1 :
10 000, Zeitschrift des Deutschen Palästinavereins, 18, 1894-1895 ; Ben Arieh, Jeru-
salem, op. cit., II, pp. 281-282, avec cliché, p. 286. De nombreux touristes sont
impressionnés par le « quartier français », voir par exemple Goodrich-Freer, op. cit.,
p. 13.
51. Ben Arieh, ibid., I, p. 21 ; II, pp. 285-286 ; du même, « Patterns of Chris-
tian Activity in Nineteenth Century Jerusalem », Journal of Historical Geography,
2, 1, 1976, p. 62 ; Carmon, Y., « Les changements dans le paysage urbain de Jéru-
salem au XIXe siècle », Cathedra, 6, décembre 1977, p. 62 (en hébreu).
52. « St. Clare », in The Oxford Dictionary of the Christian Church, 2, p. 297 ;
Vilnay, Les minorités, op. cit., p. 165 ; du même, Jerusalem, op. cit., III, p. 336 ; La
Palestine..., op. cit., p. 54 ; Steiner, op. cit. ; Kean, op. cit., p. 370.
53. Kean, ibid. ; Steiner, ibid. ; Vilnay, ibid., p. 337.
54. Vilnay, ibid., p. 331 ; Steiner, ibid. ; testament du comte de Piellat ; « Un
jubilé », op. cit., p. 315.
Le comte de Piellat et les communautés françaises de Terre sainte 271
Le village arabe d’Abou Gosh est situé sur le principal trajet des
pèlerinages entre Jérusalem et Jaffa ; à l’époque dont il est question
dans la présente étude, il est assimilé alternativement à la cité biblique
de Kiryat Yearim, à Emmaüs ou même à Anatoth – le lieu de naissance
du prophète Jérémie. Au milieu du village s’élève une église croisée
presque intacte, propriété du gouvernement français depuis 1873,
négligée depuis cette date et laissée à l’abandon 58.
55. Kean, op. cit., p. 370. Le village de Béthanie dans lequel les sœurs Marthe
et Marie assistent au miracle de la résurrection de Lazare, effectué par Jésus, est
traditionnellement identifié au village actuel de El Azarieh, à l’est de Jérusalem.
Voir Mt, 26, 6-7 ; Jn, 11, 1-2 ; Vilnay, ibid., II, pp. 398-399.
56. Kean, pp. 371-372 ; testament du comte de Piellat ; « Un jubilé », op. cit.,
p. 315 ; Steiner, op. cit. ; Vilnay, ibid., II, p. 398.
57. Kean, p. 370 ; testament du comte de Piellat.
58. Goren, H., « Les institutions chrétiennes d’Abou Gosh au début du
e
XX siècle », Cathedra, 62, décembre 1991, pp. 81-90 et notes (en hébreu) ; « Les
fresques de l’église d’Abou Gosh », Jérusalem, VI, 1914-1926, pp. 226-229 ; Vilnay,
Les minorités, op. cit., p. 154 ; entretien avec le père Treamer ; R. de Vaux et A.
M. Steve, Fouilles à Qaryet el-enab Abu Gosh, Paris, 1950.
272 Zvi Shilony
59. Kean, op. cit., p. 370 ; Goren, ibid., pp. 97-103 et notes ; entretien avec
le père Treamer ; La Palestine..., op. cit., p. 52. Pour plus de détails, voir de Vaux
et Steve, op. cit., pp. 13-14.
60. Goren, ibid., pp. 90-97 et notes : « Les fresques », op. cit., p. 226 sq. ;
Kean, ibid. ; « Un jubilé », op. cit., p. 315 ; La Palestine..., op. cit., p. 55. L’album
des aquarelles de Piellat est en possession des pères bénédictins d’Abou Gosh.
61. « Les fresques », op. cit., p. 228.
Le comte de Piellat et les communautés françaises de Terre sainte 273
64. Détails tirés des notes et visas apposés dans son passeport, en possession
des sœurs de Saint-Joseph de Jérusalem.
65. « Figures palestiniennes », op. cit., p. 367.
Le comte de Piellat et les communautés françaises de Terre sainte 275
e
Conclusion : un chevalier français du XIX siècle
70. Carmel, op. cit. ; Ben Arieh, Jerusalem, op. cit., I, pp. 237-238 ; II,
pp. 70-74 et 299-305, avec notes.
71. « France », in New Catholic Encyclopedia, pp. 18-19.
72. Par exemple, ils contribuent à la mise en place du camp de tentes abritant
la Grande caravane des Mille et participent à la gestion de l’hôpital Saint-Louis. Une
lettre de l’ambassadeur de France à Constantinople du 30 mars 1908 (voir note 20
supra) constitue un exemple typique de la position du gouvernement français : en
réponse à la demande de Piellat suivant laquelle le gouvernement français devrait
l’aider à développer une section moderne de chirurgie à l’hôpital français de Jéru-
salem, l’ambassadeur reconnaît que ce projet « est vital pour la promotion de
l’influence française en Palestine », mais informe le comte qu’en raison de diverses
raisons techniques il n’y a pas lieu d’attendre un quelconque engagement du gouver-
nement français dans l’affaire.
73. « Un jubilé », op. cit., p. 316 ; « Figures palestiniennes », op. cit., p. 367.
278 Zvi Shilony
74. Les catholiques français ne perdent que deux de leurs anciens édifices,
faisant tout deux partie du quartier français mis en place par de Piellat. Le couvent
des sœurs de Marie Réparatrice subit des dommages importants au cours du premier
conflit israélo-arabe de 1948 et est rasé au lendemain de la guerre des Six Jours, en
1967. À la fin de la guerre de 1948, l’hospice de Notre-Dame de France est coupé
des Lieux saints situés désormais en territoire jordanien et perd la clientèle de pèlerins
qui avaient pris l’habitude de demeurer là. Au début des années 1970, sa propriété
est transférée au Vatican et son nom changé en Notre-Dame de Jérusalem.
Le comte de Piellat et les communautés françaises de Terre sainte 279
Préalables
14. Moreau, G., Mémoire sur les fouilles d’Abou-Gosh (Palestine), Sens,
1906, avec dans l’introduction le rappel de son intervention à partir de 1893.
15. MAE, Paris, Nouvelle série, Lieux saints 86 Basilique d’Abou Gosh I
1899-1901, Lettre de Jérusalem (28) à MAE, 1er juillet 1899, Auzépy.
16. Échos de Notre-Dame de France, no 39, mars 1896, p. 43 : « Ce monument
délabré, dont les voûtes [...] ne tiennent que par habitude, tombera bientôt en ruine,
si le gouvernement ne le répare. » (Ces Échos sont l’une des publications des assomp-
tionnistes de Notre-Dame de France, v. texte de Catherine Nicault).
17. Ibid., no 49, janvier 1897, p. 9.
18. Le cardinal Lavigerie songe, en 1875, à installer là son antenne de Jéru-
salem, avant de se voir confier, trois ans plus tard, la garde de Sainte-Anne, autre
propriété française (Bouwen, F., « Le cardinal Lavigerie et l’union entre les Églises
d’Orient et d’Occident », Proche-Orient chrétien, 1992, pp. 383-405).
19. MAE, Paris, Nouvelle série, Lieux saints 86 Basilique d’Abou Gosh I
1899-1901, Lettre de Rome Saint-Siège (143) à MAE, 19 août 1899, Navenne.
Religion et politique en Palestine 285
20. Comme l’indique en son temps la convention signée entre les pères blancs
et le gouvernement français, le 30 mars 1878, l’établissement à créer « sous la
juridiction spirituelle du patriarche latin de Jérusalem, et sous la juridiction temporelle
du Consulat de France à Jérusalem » (Établissement de Sainte-Anne de Jérusalem
– Historique et conditions de la fondation de cet établissement sous la direction des
pères de Notre-Dame des missions d’Afrique d’Alger, copie des textes de Lavigerie
et des instructions données aux pères par le cardinal Lavigerie, Rome, s.d., 34 pages).
21. Ibid., Lettre de Jérusalem (28) à MAE, 1er juillet 1899, Auzépy.
286 Dominique Trimbur
montrer qu’elle n’a pas fini d’être la puissance en Palestine, celle dont
le protectorat séculaire exercé sur les catholiques est unique et
indiscutable.
Il est clair, dans ce contexte, que l’attribution à une communauté
religieuse d’une propriété française, d’un « lieu de mémoire » français,
ne peut se faire sans une réflexion profonde. Il en va de la responsa-
bilité de la France, qui doit se montrer à la hauteur de la longue
tradition que représente le symbole en question ; mais aussi de celle
de la communauté religieuse, qui doit être digne de la mission haute-
ment patriotique qui va lui être confiée par le pays d’origine.
Dans le cas d’Abou Gosh, il y a évidemment la nécessité d’ins-
crire le nouvel établissement dans la continuité historique. Le symbole
est d’autant plus important et fondamental pour l’image de la France
en Palestine qu’il ne s’agit pas d’une création, mais de la reprise d’une
tradition. D’autres institutions françaises contemporaines, comme
Notre-Dame de France, sont tout aussi importantes pour la politique
française, mais elles sont peu ou pas chargées historiquement :
l’accueil réservé aux pèlerins et l’invention d’une tradition au travers
de l’institution des assomptionnistes sont des données plus facilement
gérables que la reprise d’un héritage. Comme le dit le marquis de
Vogüé : « Dans l’immuable Orient, où rien ne change, les mêmes
emplacements conservent les mêmes destinations, comme s’ils étaient
consacrés par la tradition et par l’usage des siècles 22. » Dans ce déca-
lage on peut trouver certaines des raisons qui ont tant fait hésiter le
gouvernement à confier la garde de l’église.
Comme nous l’avons signalé plus haut, l’impulsion de départ est
religieuse. Mais la mise en place du cadre dans lequel doit s’inscrire
le nouvel établissement revient à la France officielle.
Au cours des premières approches entre la France et les béné-
dictins de la Pierre qui vire, au début 1899, l’instrumentalisation de
la religion par la politique apparaît clairement. C’est ainsi que les
bénédictins deviennent, aux yeux des diplomates français, de
« nouveaux collaborateurs à la tâche que nous avons entreprise 23 ».
religieuse ; elle est aussi politique. C’est pour cela qu’elle est pleine-
ment soutenue par les représentants de la France à Jérusalem et au
Saint-Siège, comme par les fonctionnaires du Quai d’Orsay.
Dans cette optique, selon le ministère, il s’agit tout d’abord d’évi-
ter une tendance que l’on a pu observer dans d’autres établissements
de la région. Comme on recourt de plus en plus au recrutement de
moines parmi les éléments locaux 33, il faut se garder de toute évolution
qui pourrait amener à la mise en place d’établissements soi-disant
français mais qui seraient en fait dirigés ou remplis de moines non-
francophones. Comme l’écrit le consul Auzépy, « ce serait, je crois,
une faute et une faute lourde, de livrer gratuitement un sanctuaire de
la valeur de celui dont nous parlons pour l’instant, à une société
étrangère, prête, sans nul doute, à profiter de pareille faveur, pour se
parer, auprès de nos compatriotes, de son prétendu titre de “Française”
et solliciter leur générosité, en vue de nouvelles fondations en Terre
de Judée, toutes œuvres qui risqueraient fort, cela est évident, de ne
s’inspirer que de très loin de notre esprit et de se transformer, à bref
délai, en foyers ennemis, uniquement préoccupés de se soustraire à
notre tutelle et de combattre notre influence 34 ».
Par ailleurs, la présence française ne peut être assurée en se
cantonnant à une exclusive française à l’intérieur de l’établissement.
Il s’agit de doter les moines de moyens de marquer leur présence dans
leur environnement immédiat. Dans les descriptions anciennes du site,
comme dans celles contemporaines à la création du prieuré bénédictin,
on souligne que l’église est la seule entité chrétienne dans les environs.
Comme ceux-ci sont habités par des « musulmans fanatiques », il faut
pouvoir les amadouer d’une manière ou d’une autre.
Cela passe par exemple par la création d’un dispensaire. Cette
initiative, aux yeux de Paris, « facilitera à nos moines la mission de
progrès qu’ils ambitionnent d’accomplir dans la région 35 » et de « leur
concilier le respect et la sympathie des Arabes du voisinage 36 ». À
cette fin, le Département accorde une indemnité qui sort du cadre
Le séminaire syrien-catholique
Après cette première alerte, qui ne concerne que peu les béné-
dictins français 51, ceux-ci retrouvent directement leur rôle d’agents de
la France. Car les bénédictins allemands s’intéressent de près à l’idée
d’un séminaire syrien-catholique. Or la France connaît la force d’une
telle institution pour en posséder elle-même une. La basilique natio-
nale de Sainte-Anne est ainsi devenue en 1882 un séminaire grec-
catholique, fonctionnant suivant un principe simple et efficace : la
formation théologique, en français, de futurs prêtres locaux par les
membres, français, d’un ordre, français, gardien du domaine, français,
de Sainte-Anne. Les premiers résultats en sont probants et ne peuvent
que susciter des jalousies.
L’idée d’un séminaire syrien-catholique est ancienne. Elle est
relancée au moment des négociations entre le ministère des Affaires
étrangères et les bénédictins. La France est alors sollicitée par le
patriarcat syrien-catholique, lui-même envieux des bienfaits français
accordés aux melkites. Paris ne peut donc voir qu’avec satisfaction
un client de la France réclamer encore plus d’attention, avec dès le
départ des garanties de sa part d’un volontarisme pro-français, c’est-
à-dire anti-allemand 52. La demande syriaque est d’abord simplement
enregistrée par le ministère. Elle est ensuite reprise activement lorsque
au MAE, Sercey, 7 juin 1899. Pour les relations entre Paris et l’Église syrienne-
catholique à cette époque, voir Hajjar, J., Le Vatican, la France et le catholicisme
oriental (1878-1914), Paris, 1979, p. 167 sq. et p. 377 sq. (riche en informations,
cet ouvrage est parfois à utiliser avec précaution).
53. C’est ce qui a prévalu lors de l’acquisition de Notre-Dame de France, dans
les années 1880 ; c’est aussi ce qui a guidé Guillaume II, en 1898, avec le terrain
de la Dormition, comme lors de l’acquisition de celui sur lequel sera installé le
sanatorium allemand d’Auguste Victoria inauguré en 1910.
54. MAE, Nantes, Jérusalem, A, 82 bénédictins séminaire syrien catholique,
Lettre du MAE (9) à Jérusalem, 1er mai 1901.
55. Ibid., Lettre du MAE (16) à Jérusalem, 2 juillet 1901.
296 Dominique Trimbur
59. Après les expulsions de 1880, la fin du XIXe siècle et les premières années
du XXe siècle confirment très fortement cette tendance. L’une des communautés
présentes à Jérusalem, les assomptionnistes, dans leur énorme bâtisse de Notre-Dame
de France, souffre très concrètement des persécutions, aggravées en grande partie
par l’attitude antisémite de ses responsables au cours de l’affaire Dreyfus.
60. MAE, Nantes, Jérusalem, Domaines nationaux Abou Gosh II juil-
let 1899-1912, 50, Lettre de Subiaco à Jérusalem, 28 juillet 1899, D. Bernard
Drouhin.
61. Ibid., Relation présentée au ministère des Affaires étrangères au sujet du
contrat d’Abou Gosh, Minute du Révérendissime abbé général, avril-juin 1901, Dom
Bernard Drouhin.
62. MAE, Paris, NS-Lieux saints 86 Basilique d’Abou Gosh I 1899-1901,
Lettre de Jérusalem (5) à MAE, 1er février 1900, Auzépy, avec son annexe « Rapport
des bénédictins sur Abou Gosh, nécessitant l’intervention préalable des autorités
françaises pour assurer sa restauration », 5 janvier 1900.
298 Dominique Trimbur
voulue par la France, pour atteindre une dimension bien plus large.
Cette conscience d’une tâche à partager permet d’ailleurs assez rapi-
dement aux bénédictins français d’entrer en contact avec leurs homo-
logues allemands 73. Les négociations menées avec la France et la
recherche par celle-ci d’une communauté à qui attribuer la garde du
sanctuaire d’Abou Gosh fournissent une réelle occasion de passer à
l’acte. En ce sens, on peut assister à un déplacement de l’initiative.
cause par le consul Boppe 80, mais cela ne l’empêche pas de demander
à la même époque le firman pour l’établissement en question 81. La
France semble donc prise au piège de sa propre idée et de la nécessité
d’assurer la réussite de l’institution nouvelle.
Ce retournement de situation apparaît clairement par la mise à
disposition des bénédictins français d’une partie de l’appareil diplo-
matique français. Par un mélange d’intérêts bien compris, la France
s’investit très loin et réalise le vœu d’un simple curé de l’Yonne,
l’abbé Moreau. La mobilisation a lieu à Paris, au Vatican, à Jérusalem
et à Constantinople, lorsque des fonctionnaires, le plus souvent très
catholiques, offrent leurs compétences aux religieux, pour leur plus
grand bien et celui de la France. C’est aussi dans ce sens qu’il faut
comprendre la formule imaginée pour permettre des négociations offi-
cielles entre les religieux et les représentants de la France, en contra-
vention aux lois de la République.
Dans la même logique, le ministère met en place une procédure
inhabituelle pour permettre l’extension des biens confiés aux béné-
dictins. En Palestine ottomane et musulmane, l’accroissement des
implantations chrétiennes pose toujours problème. Pour permettre
malgré tout la mise en place d’institutions, les puissances ont recours
à des stratagèmes : c’est par exemple l’acquisition de terrains par des
particuliers, qui les donnent ensuite aux communautés 82. Dans le cas
d’Abou Gosh, cette solution n’est pas exactement applicable puisque
la base de l’implantation est une propriété nationale française. De ce
fait, les consuls respectifs doivent s’engager personnellement et acqué-
rir à titre non moins personnel les terrains nécessaires à l’agrandisse-
ment de la propriété. À chaque reprise, ce sont les bénédictins qui
signalent au consul l’occasion d’achat, le consul en informe le Dépar-
tement, et le consul en question est mandaté par le ministère pour
acheter.
83. MAE, Nantes, Jérusalem – Domaines nationaux Abou Gosh III 1901-1912,
51, Lettre de Drouhin à Auzépy, 30 septembre 1901.
84. Ibid., Lettre du MAE (30) à Jérusalem, 21 novembre 1901, Delcassé.
85. Le consul Boppe est obligé d’annoncer, à l’automne 1903, que les travaux
de restauration de la basilique n’ont pas encore commencé (MAE, Paris, NS-Lieux
saints 87 Basilique d’Abou Gosh II 1902-1907, Lettre de Jérusalem (112) au MAE,
12 octobre 1903, Boppe).
Religion et politique en Palestine 305
et les bénédictins 86, et les religieux en sont conscients 87. Ils savent
aussi qu’il existe à ce moment en métropole une vague de restauration
du patrimoine.
Une fois sur place, les religieux se rendent compte de l’ampleur
des travaux et de l’impossibilité d’y faire face seuls. C’est pourquoi
ils font des efforts et parviennent à convaincre le consul, et le ministère
avec lui, de la nécessité de financer intégralement la restauration. Pour
cela une solution est envisagée : comme le monument fait partie du
patrimoine architectural croisé, comme la France de cette époque se
place dans la lignée du royaume franc de Jérusalem, on envisage le
classement de l’église dans la liste des monuments historiques. Le
ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Instruction publi-
que et des Beaux-Arts s’entendent sur une combinaison possible 88 ; à
partir de là les religieux peuvent attendre patiemment que la politique
honore plus avant la religion et trouvent là une justification à leur
propre inaction en ce qui concerne l’église.
L’affaire du classement comme monument historique de la basi-
lique fait toutefois long feu. Les religieux se rappellent pourtant régu-
lièrement au bon souvenir des autorités françaises 89. Et pour faire
avancer leur dossier, ils prônent la valeur archéologique et biblique
du site. C’est ainsi qu’est réinventée la tradition qui place Emmaüs à
Abou Gosh 90. Cette activité attire l’attention des autorités françaises,
qui se laissent convaincre de l’utilité de voir consacrer l’assimilation
Abou Gosh-Emmaüs 91.
92. MAE, Nantes, Jérusalem – Domaines nationaux Abou Gosh III 1901-1912,
51, Note du cabinet du ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, fin 1902.
93. Ibid., Lettre du MAE (16) à Jérusalem, 26 mars 1903, Delcassé, et MAE,
Paris, PAAP 012 Maurice Horric de Beaucaire, 1 Lettres particulières reçues et
envoyées, 1898-1907, Lettre du père Bernard, Jérusalem, à Beaucaire, 30 mai 1903.
Le ministère de l’Instruction publique faisant la sourde oreille, les bénédictins pres-
sent la décision de l’administration et nomment eux-mêmes un architecte réputé pour
ses travaux à Solesmes (MAE, Nantes, Jérusalem – Domaines nationaux Abou Gosh
III 1901-1912, 51, Lettre Jérusalem (84) au MAE, 20 juillet 1903).
94. Ibid., Lettre du MAE (35) à Jérusalem, 3 août 1903.
95. Ibid., annexe : Lettre de Chaumié, ministre de l’Instruction publique et
des Beaux-Arts, à Delcassé, ministre des Affaires étrangères, 18 juillet 1903.
96. MAE, Paris, NS-Lieux saints 87 Basilique d’Abou Gosh II 1902-1907,
Lettre du ministère de l’Instruction publique au MAE, 13 juin 1903, Bayet.
Religion et politique en Palestine 307
97. MAE, Nantes, Jérusalem – Domaines nationaux Abou Gosh III 1901-1912,
51, Lettre de Gariador à Wiet, 17 février 1905.
98. Ibid., Lettre du MAE (21) à Jérusalem, 18 décembre 1905, Rouvier.
308 Dominique Trimbur
les pèlerinages ont enfin leur place dans le dispositif de l’action fran-
çaise à l’étranger, précisément en Palestine. C’est sous cet angle préci-
sément qu’ils nous intéressent ici.
À l’instar des missions, les pèlerinages sont en effet l’objet, tant
du fait de l’Église que de l’État d’origine des fidèles, d’une instru-
mentalisation qui a fonctionné sans désemparer sous divers régimes,
quelles qu’aient été par ailleurs leurs relations avec l’Église. Le
schéma général de ce qui fut un système d’échange de services a bien
été mis en lumière à propos des établissements religieux français, ou
protégés par la France, en Orient : fort des capitulations, les gouver-
nements français soutiennent les œuvres missionnaires comme moyen
d’inscrire la présence et d’étendre l’influence de la France ; à l’inverse,
leur appui permet à l’Église de surmonter les obstacles placés devant
son apostolat par l’État ottoman. Nul doute que ce schéma ne s’appli-
que aussi, dans son principe général, aux pèlerinages. Mais comment
fonctionne, réellement, concrètement, cette collaboration sur le terrain
au fil des aléas de la vie politique française ? De quelle façon s’arti-
cule-t-elle dans le cas précis des pèlerinages organisés, alors même
que les assomptionnistes, archétypes des « moines ligueurs » et leurs
principaux promoteurs, sont, à l’intérieur, aux premières lignes de la
lutte contre la République sans Dieu ? À travers une sorte d’exercice
de micro-histoire, notre propos est donc de cerner certains des ressorts
de cette « diplomatie religieuse » à laquelle la France, monarchique,
impériale ou républicaine, n’a jamais renoncé.
4. Le calvaire de Megève fut ainsi érigé en 1840 à l’initiative d’un pieux curé
savoyard pour permettre aux « petits » de pèleriner en un lieu évoquant la Passion.
C’est également au XIXe siècle que l’on aménage dans la cathédrale d’Amiens un
labyrinthe où les pèlerins peuvent parcourir le chemin de croix d’une distance réputée
identique à celui de la Ville sainte.
314 Catherine Nicault
vers le milieu du siècle de les visiter tout de bon, grâce à la mise sur
pied de pèlerinages organisés.
C’est de 1853 précisément, que date la création, rue Furstemberg
à Paris, de l’Œuvre des pèlerinages en Terre sainte, sous le patronage
de la société de Saint-Vincent de Paul, alors très dynamique dans la
diffusion de la littérature de piété 5. La publication d’un Bulletin
mensuel constitue du reste l’une des activités du nouveau comité. Mais
elle a surtout pour finalité de réunir chaque année – généralement à
Pâques, parfois aussi l’été, après l’Assomption – des « caravanes » de
40 à 50 pèlerins – parfois moins 6 – qui, sous la houlette d’un « prési-
dent » et d’un aumônier, gagnent Marseille, puis la Palestine sur les
toutes nouvelles lignes ouvertes par les messageries maritimes.
L’inconfort et les fatigues du voyage, les dangers aussi auxquels l’on
s’expose encore à cette époque réservent plutôt l’aventure aux
hommes, surtout dans leur première décennie d’existence, Français
semble-t-il pour la plupart, et plus qu’aisés à l’évidence. Une sélection
sociale s’opère en effet par les prix pratiqués, très élevés, et par la
durée du voyage. C’est exclusivement « l’élite de la société », et plus
particulièrement l’aristocratie qui est représentée, ainsi que le
« gratin » ecclésiastique, prélats, chanoines et autres abbés du meilleur
monde 7. En Palestine même, les franciscains, gardiens des Lieux
saints, sont évidemment leurs mentors. Ils les accueillent, les guident
et les abritent dans leurs monastères et leurs casa nova, les seules
hôtelleries latines existant à cette époque en Terre sainte.
Durant 25 à 30 ans, bon an, mal an, l’œuvre aurait ainsi convoyé
quelque six cents pèlerins français, soit la moitié, dit-on, des pèlerins
catholiques européens venus en Palestine durant cette période. C’est
à la fois beaucoup, comparé au passé, et bien peu, face à la marée
montante contemporaine des pèlerins « schismatiques », grecs et
russes surtout, qu’une foi mystique activement encouragée par les
autorités tsaristes jette par milliers, dès les années 1860, sur les rivages
de Palestine 8. Situation qui, au Patriarcat latin de Jérusalem, rétabli
en 1847-1848 par le Vatican avec le soutien de la France, ne laisse
pas d’inquiéter, d’autant que l’œuvre de la rue Furstemberg donne de
son côté des signes nets de déclin 9. Tandis que son Bulletin se trouve
contraint vers le milieu des années 1870 de fusionner avec celui des
Œuvres d’Orient, ses pèlerinages s’étiolent 10. Manifestement il conve-
nait de substituer à sa formule élitiste une formule plus populaire,
capable de drainer par des prix plus bas et une publicité adéquate, un
plus grand nombre de participants 11.
Il n’est guère surprenant dans ces conditions que les animateurs
du comité de la rue Furstemberg, soutenus par le Patriarcat latin et le
nouveau pape, Léon XIII 12, se soient tournés vers les pères augustins
Terre sainte, vœu transmis dans une lettre en date du 31 janvier 1876 par M. Cham-
peaux au père François Picard, le directeur du conseil général des pèlerinages. Parmi
ceux qui pressent ce dernier d’accepter, l’abbé René Tardif de Moidrey, chanoine à
Metz avant 1870 (il meurt en 1881), et son frère André. Avocat général à Caen en
1880, ce dernier donne sa démission lors de l’expulsion de France des congrégations
non autorisées pour se consacrer à la direction du domaine familial d’Hannoncelles
dans la Woëvre (Lorraine). C’est à l’invite de Mgr Poyet, vicaire général du Patriarcat
latin, que A. Baudon (cf. note 9) contacte à nouveau les assomptionnistes. Quant à
Léon XIII, élu en 1878, il pèse personnellement dans cette affaire : « Le père Picard,
écrit-il à André Tardif de Moidrey, organise très bien les pèlerinages ; je serais très
heureux qu’il se charge avec ses religieux de conduire les pèlerins de Terre sainte. »
Recevant, le 13 décembre 1881, le pèlerinage français de Rome, le pape donne
expressément sa bénédiction au projet, et le 6 mars 1882, adresse au père Picard,
successeur depuis novembre 1880 de l’abbé Emmanuel d’Alzon, fondateur et premier
supérieur général, un Bref accordant au pèlerinage de Jérusalem des indulgences et
des facultés diverses (Pages d’archives, novembre 1963, op. cit.).
13. L’ordre compte en novembre 1880 43 profès dont 27 prêtres, une quinzaine
de novices et quelques convers. En 1914, ses effectifs atteignent 675 prêtres, français
pour la plupart. Sur l’ordre en général et en particulier sur son empire de presse, La
Maison de la Bonne Presse, on se reportera à l’ouvrage classique de Sorlin, Pierre,
La Croix et les Juifs (1880-1899). Contribution à l’histoire de l’antisémitisme
contemporain, Paris, Grasset, 1967, Soetens, C., « Le père d’Alzon, les assomption-
nistes et les pèlerinages », in Emmanuel d’Alzon dans la société et l’Église du
e
XIX siècle, Paris, 1982, pp. 301-321, Lebrun, J., « Le père Vincent de Paul Bailly »,
in Cent ans d’histoire de La Croix 1883-1983, Paris, 1988, pp. 37-45, ainsi qu’aux
ouvrages cités note 1.
Foi et politique : les pèlerinages français en Terre sainte 317
de 1880 ordonnant la dissolution des jésuites et l’obligation faite aux autres congré-
gations de demander une autorisation, les lois de 1881 et 1882 sur la gratuité scolaire
et la laïcisation des programmes et surtout leurs retombées politiques, se reporter à
Mayeur, Jean-Marie, La Vie politique sous la IIIe République, 1870-1940, Paris,
Éditions du Seuil, 1984.
16. Le pèlerinage inaugural de 1882 compte 1 013 membres exactement ; celui
de 1893 revêt un caractère exceptionnel car il coïncide avec le grand congrès eucha-
ristique de Jérusalem.
Foi et politique : les pèlerinages français en Terre sainte 319
17. Observations faites selon les listes de membres publiées dans certains
récits de pèlerinage et les indications éparses contenues dans cette littérature. La
présence de nombreux curés s’explique par l’institution du système dit du « pèlerin
du désir » : des personnes empêchées de faire elles-mêmes le pèlerinage pouvaient,
en échange de certains bénéfices spirituels, financer le voyage d’un pèlerin impécu-
nieux, un clerc généralement.
320 Catherine Nicault
son tour, entouré de tout son personnel, à une messe spéciale à l’église
Sainte-Anne, offerte cette année-là par le sultan à Napoléon III.
Souvent heureux de disposer d’une compagnie qui rompt agréablement
le cours passablement routinier de son existence, le consul les reçoit
aussi volontiers à sa table, quand il ne s’offre pas pour les guider
personnellement dans leurs excursions 24. Après tout, on se trouve entre
gens du même monde. Il va de soi que le consul met à profit leur
présence pour donner aux solennités liturgiques, notamment pendant
la Semaine sainte, un lustre particulier.
Partis, les pèlerins ne quittent pour un an l’agenda du consul
qu’une fois ses rapports envoyés à la Direction politique à Paris et à
l’ambassade de Constantinople, où l’on est visiblement intéressé à
connaître la façon dont s’est déroulé le pèlerinage. C’est le moment
de solliciter promotions et récompenses pour des membres de son
personnel et certains officiers turcs particulièrement obligeants. Il y
va de son intérêt, dans la mesure où obtenir les faveurs sollicitées ne
peut qu’asseoir sa propre position et lui faciliter la tâche l’année
suivante 25.
Cette attention portée aux pèlerinages marque le pas dans les
années 1870 26 ; manifestation sans doute de ce « recueillement »
consécutif à la défaite et aux troubles intérieurs des années 1870-1871 ;
conséquence aussi très probablement du déclin prononcé qu’amorce
alors le comité de la rue Furstemberg, organisateur des pèlerinages en
ger à chacun des clercs présents, comme ils le désirent tous ardem-
ment, la possibilité de célébrer des offices dans les grands sanctuai-
res 27.
L’accueil et le départ de la caravane mobilisent tout le personnel
consulaire. Un drogman est toujours dépêché de Jérusalem à Jaffa
pour aider le vice-consul, en poste dans le port, à veiller au débarque-
ment des pèlerins, leur éviter la fouille des bagages et les formalités
de passeport. Les toutes premières années, le médecin du gouverne-
ment est également envoyé sur place, de crainte que des voyageurs
distingués aient mal supporté la traversée. À Jérusalem même, il est
d’usage désormais que le consul, flanqué de son personnel et des
représentants des établissements français, aille au-devant de la cara-
vane porte de Damas ou de Jaffa, ou encore, à partir de 1892, à la
gare ferroviaire 28. Lorsque les pèlerins partent excursionner en Pales-
tine, le consulat ne manque pas d’envoyer aux étapes des drogmans
chargés de leur faciliter la vie. La présence du consul donne enfin,
chaque année, une solennité particulière à la cérémonie marquant le
départ de la caravane de Jérusalem, son subordonné à Jaffa étant
chargé de surveiller l’opération de réembarquement.
Plus que jamais, le consul de France fréquente assidûment les
pèlerins pendant leur séjour dans la Ville sainte. Ils se retrouvent
naturellement aux cérémonies du Saint-Sépulcre pensant la Semaine
sainte ou à l’office de Noël à la Basilique de la Nativité à Bethléem.
Quant à la tenue des « offices nationaux » dans les sanctuaires français
– Saint-Anne toujours, et désormais aussi Saint-Étienne et Ratis-
bonne –, elle va en s’amplifiant. Cependant les plus notables des
pèlerins sont reçus à la table du consul qui, de son côté, partage certains
de leur repas, en particulier le dîner d’adieu, la veille de leur départ.
De ses faits et gestes, et surtout de leur résultat – absence d’inci-
dent sérieux, satisfaction des pèlerins –, le consul ne manque pas de
27. Langlais, par exemple, est littéralement pris de panique en 1882 à l’idée
de voir arriver mille pèlerins, dont plusieurs centaines de clercs. ADN, Jérusalem,
Consulat général, Série A, 122-124, lettre du consul Langlais à la Direction politique,
Jérusalem, 23 mars 1882. Il arrive que le ministère accorde au consul une rallonge
de crédits pour lui permettre de mieux assurer la sécurité des pèlerins, comme en
1893 (ibid., du Département au consul général de France, Paris, 16 décembre 1893).
28. Point d’aboutissement de la ligne ferroviaire Jaffa-Jérusalem ouverte en
1892 par une société française.
326 Catherine Nicault
29. Nombreux sont les souvenirs et récits de pèlerins qui en portent témoi-
gnage. Certains, très impressionnés par son éloquence, vont même jusqu’à reproduire
in extenso le discours du consul, comme Mme J. Motais-Avril, Pèlerinage
1893-1894. Jérusalem et ses merveilles, Angers, Imprimerie Lactèse et Cie, 1895
(reproduction du discours prononcé par Charles Ledoulx en 1894 à Notre-Dame de
France).
Foi et politique : les pèlerinages français en Terre sainte 327
40. Ibid., lettre du consul Langlais au révérend père Alexandre Chilier des
augustins de l’Assomption à Philippipoli, Jérusalem, 8 février 1882. Le père Chilier
devait se rendre dans la Ville sainte pour préparer le pèlerinage au nom du père
Picard. La participation, alors estimée à quelques centaines d’individus, atteindra en
réalité le millier.
Foi et politique : les pèlerinages français en Terre sainte 333
res dont nous avons la garde. C’est en Palestine surtout qu’il est vrai
de dire que l’union fait la force. Cette vérité est bien comprise de part
et d’autre. C’est pour cela que l’Église et l’État vivent en Palestine
dans une union intime profonde que n’altèrent point les tempêtes
d’ailleurs 41 [...]. »
Les pères assomptionnistes, par la plume autorisée du père
Picard, leur supérieur général, se hâtent de le rassurer : « Ne craignez
pas les questions irritantes, l’adjure-t-il. La politique est absolument
exclue de tous nos pèlerinages, elle n’a plus le droit de se faire jour
en France, elle sera bannie plus sévèrement encore à l’étranger. [...]
Nous sommes des catholiques sans doute, nous n’oublierons pas que
nous sommes français et nous prierons beaucoup pour la France dont
les gloires sont inscrites à tous les pas en Palestine, mais nous tâche-
rons d’éviter tout ce qui pourrait blesser 42. »
Dire que toutes les appréhensions du consul s’en trouvent
calmées serait exagéré. Néanmoins les promesses des organisateurs
lui font envisager l’avenir avec plus de confiance 43, d’autant qu’il
table aussi sur les responsables des établissements français de Terre
sainte pour exercer une influence positive sur les pèlerins. Ceux-ci,
tributaires des subventions du gouvernement français et inquiets à
l’idée d’être compromis dans « une manifestation hostile au Gouver-
nement de la République » sont dûment priés de les accueillir libéra-
lement. « Il m’a paru, explique en effet le consul au ministre, que le
Gouvernement de la République avait tout avantage à voir les Supé-
rieurs des Missions à Jérusalem ouvrir largement à des compatriotes,
si hostiles qu’on les supposât, la porte des établissements religieux,
hospitaliers, scolaires, qui tous, à titre permanent ou accidentel, reçoi-
vent des preuves de la munificence du Gouvernement, et témoignent
de l’intérêt qu’ils portent aux œuvres de Terre sainte. Il m’a semblé
dis-je, que la vue des établissements français, des progrès qu’ils réali-
sent ici sous l’égide du Gouvernement de la République, de l’entente
53. Ibid., lettre du père Bailly au consul Ledoulx, Paris, 9 avril 1890 : « Nous
n’avons pas cru pouvoir admettre dans notre Bateau la caravane allemande composée
de 18 membres » ; lettres de la Légation de France à Luxembourg au consul général
de France à Jérusalem, Luxembourg, 17 mars 1891, et du père Bailly à Ledoulx,
Paris, 28 mai 1891.
54. Ibid., lettre du 11 mars 1883.
55. Ibid., Aux Amis de la Croix, brochure éditée par le comité des pèlerinages
de Bordeaux, 1888.
56. Ibid., Allocution prononcée par le consul de France à Jérusalem, le 10 juin
1886, op. cit.
Foi et politique : les pèlerinages français en Terre sainte 337
61. Ibid., lettre du père Bailly au consul Ledoulx, Paris, 22 novembre 1890.
62. Ibid., lettres du père Bailly à Ledoulx, Paris, 11 août 1889 et 3 juin 1890.
Comme l’explique le religieux dans la première de ces lettres, « nous nous souvenons
que vous considérez Mgr Piavi comme un adversaire de la France » ; « sans doute,
concède-t-il, nous n’avons pas la prétention de faire nommer un patriarche, mais le
pape tiendra un certain compte d’un veto mis sur un nom ». Il n’en fut rien puisque
Mgr Piavi devint bel et bien le nouveau patriarche.
63. Divers documents à ce propos in ADN, Jérusalem, Consulat général, Série
A, 122-124.
64. Parmi bien d’autres documents montrant l’intimité des rapports entre les
dirigeants assomptionnistes et en particulier le consul Ledoulx, voir ibid., lettre du
père Bailly au consul, Paris, 29 avril 1892.
Foi et politique : les pèlerinages français en Terre sainte 339
leur ait facilité les voies du ralliement. Toujours est-il que de 1885 à
1895, avant le vote de la loi dite « d’abonnement » qui précisait les
charges fiscales des congrégations, leur quotidien La Croix se montre
étrangement amène à l’endroit du régime 65.
Il faut attendre les années 1899-1902, lorsque les assomptionnistes
sont frappés de plein fouet par la politique anticléricale, pour voir
s’amorcer le déclin de la collaboration nouée en Terre sainte. Non pas,
on l’a vu, que les consuls négligent leurs devoirs formels envers les
pèlerins. Mais l’investissement personnel, affectif mis par leurs prédé-
cesseurs dans cette tâche décline sensiblement. La cause principale en
revient sans doute au redéploiement contemporain du dispositif
d’influence français au Levant, et au sein de celui-ci, à la première
place accordée désormais à l’arme économique et financière. Vers
1905, tandis que l’on s’interroge de plus en plus au Quai sur le bénéfice
politique réel des pèlerinages des assomptionnistes, ces derniers éprou-
vent d’ailleurs des difficultés croissantes à remplir leurs bateaux. La
création en 1898, à l’instigation des franciscains, d’un pèlerinage fran-
çais concurrent, n’arrange évidemment rien à cet égard, même si les
deux pèlerinages annuels, dits « de Saint Louis », conduits en Terre
sainte deux fois l’an par l’abbé Potard, représentent dans une certaine
mesure un retour vers la formule élitiste de feu le comité de la rue
Furstemberg 66. Il est significatif au demeurant que les diplomates fran-
çais, soucieux de conserver leur neutralité dans la querelle feutrée qui
opposent, dans ce domaine, les franciscains aux assomptionnistes, four-
nissent des services équivalents à leurs œuvres de pèlerinages. Ajoutons
enfin que, parallèlement à leurs efforts pour récupérer la protection sur
leurs établissements en Terre sainte, les différentes nations européennes
développent à leur tour des pèlerinages nationaux, ce qui restreint le
rayonnement des pèlerinages français chez les catholiques étrangers 67.
Toutefois l’évolution de la scène politique française n’est proba-
blement pas étrangère non plus à ce changement d’ambiance. L’anti-
sont succédé en France dans la seconde moitié du XIXe siècle ont tous
considéré l’entreprise des pèlerinages français en Terre sainte comme
un élément constitutif de l’exercice du Protectorat. Aucun d’entre eux
toutefois n’est allé aussi loin dans ce sens que la République des
années 1880-1890, en dépit de relations déjà tendues avec l’Église,
cette attitude se perpétuant pour l’essentiel au cours des années 1900
alors que la tension entre cléricaux et anticléricaux atteignait son
paroxysme. Pour résoudre le paradoxe, il faut évidemment en revenir
au plan des intérêts respectifs qui ne relèvent pas seulement, comme
on le dit généralement, d’une stratégie d’influence ou d’apostolat à
l’extérieur, mais aussi, de la part de l’État impérial et républicain, de
calculs de politique intérieure visant à modérer l’opposition des
milieux catholiques.
Mais on a surtout cherché à comprendre dans ces pages pourquoi
les acteurs se sont prêtés au jeu. Du côté des représentants français,
l’affaire paraît assez simple. Sans doute n’ont-ils fait qu’obéir, comme
il se doit, aux consignes du gouvernement du moment. Mais le Quai
veille aussi à nommer à Jérusalem de bons catholiques ; il n’hésite
pas à prolonger très au-delà de la normale le mandat d’un consul
comme Ledoulx, particulièrement apprécié des missionnaires et des
pèlerins. Autrement dit, les titulaires du poste sont manifestement
choisis pour leur capacité, leur propension même, à appliquer en Terre
sainte cette politique d’« entente cordiale » entre le politique et le
religieux qui n’est pas de mise en France.
Du coup, pour les pèlerins et leurs guides, la Palestine revêt un
air de cette France chrétienne d’antan, un goût de ce paradis perdu
après lequel ils languissent de toute leur âme blessée. « Au milieu des
troubles contemporains, confie le père Bailly au consul Ledoulx, la
Terre sainte a été l’oasis de la France chrétienne 72 ». Tous expriment
des sentiments de bonheur, de soulagement, de libération même, à
constater la liberté et le respect dont ils se trouvent entourés en Terre
sainte en tant que chrétiens et Français, à l’ombre de la puissance
tutélaire de la patrie. Non sans étonnement, mais avec un plaisir non
dissimulé, l’abbé Landrieux, pèlerin de 1892, note que l’on y tient
« un langage que nous ne sommes plus accoutumés d’entendre dans
les régions officielles 73 », tandis que le chanoine F. Béréziat se trouve
1986 ; Carmel, A., « Competition, penetration and presence : Christian activity and
its influence in Eretz-Israel », in Ben-Arieh, Y. & Bartal, I. (eds.), The Last Phase
of Ottoman Rule (The History of Eretz Israel, 8), Jérusalem, 1983, pp. 109-151 (héb.).
3. « Das katholische Deutschland und der Orient », Die katholischen Missio-
nen, 32, 1903/4, pp. 30-34, 76-82, 196-199, 217-223, 246-248 ; Schmitz, E., Das
katholische Deutschtum in Palästina, Fribourg en Brisgau, 1913 ; Cramer, V., Ein
Jahrhundert deutscher katholischer Palästinamission 1855-1955, Cologne, 1956 ;
Sinno, op. cit., pp. 202-226 ; Goren, H., « The German Catholic Activity in Palestine
1838-1910 », Thèse de l’Université hébraïque de Jérusalem, Jérusalem-Gonen, 1986.
Du « conflit des drapeaux » à la « contestation des hospices » 345
14. Pour des détails, cf. Israeli State Archives, série 67 [par la suite : ISA 67],
volume 267. Cf. : Schmitz, op. cit., p. 13.
15. L’ordre est établi pour rendre hommage à l’avocat français Josef Chau-
venel, qui meurt lors d’une épidémie en 1652. Son père fait don de leur demeure,
appelé Saint-Charles, aux sœurs de la Sainte Famille, le nom originel de l’ordre.
Devant la maison se trouvait une statue de Borromeo (1538-1584), un saint catholique
né à Vérone, qui a eu une carrière rapide dans la hiérarchie catholique sous le règne
de son oncle, le pape Pie VI. Il était bien connu pour son extrême discipline en ce
qui concerne la discipline de l’Église, comme ennemi des protestants, et comme allié
des Jésuites et de l’Inquisition. Voir Barl, C., « Aus der Geschichte der Kongregation
der Barmherzigen Schwestern vom hl. Karl Borromäus », 100 Jahre Deutsche Schule
der Borromäerinnen in Alexandrien, 100 Jahre Orientmission, 1884-1984, Rhein-
berg, 1984, pp. 8-29.
16. « Congrégation de la Mission » (C.M.), le nom populaire d’une congré-
gation de prêtres séculiers, fondée en 1625 par Saint-Vincent de Paul, dont la maison-
mère était située au prieuré Saint-Lazare à Paris. On les appelle aussi paulines et
vincentines. Voir Cross, F. L. & Livingstone, E. A. (eds), The Oxford Dictionary of
the Latin Christian Church, 2e édition, Oxford, 1974, p. 806.
350 Haïm Goren
17. Schmidt, qui a déjà officié seize ans au Liban, auprès des maronites, parle
couramment arabe et hébreu. Pour sa biographie, cf. « P. Schmidt », HL, 52, 1908,
pp. 1-9.
18. ISA, volume 305 ; HL, 48, 1896, pp. 9-12 ; « Die erste Generalversam-
mlung des Deutschen Vereins vom heiligen Lande », HL, 40, 1986, pp. 89-112.
19. Pour une description contemporaine cf. Mirbach, E. von, Die Reise des
Kaisers und der Kaiserin nach Palästina, Berlin, 1899. Une étude récente : Carmel,
A., « Der Kaiser reist ins Heilige Land », in Ronecker, K.-H., Nieper, J. & Neubert-
Preine, T. (eds.), Dem Erlöser der Welt zur Ehre : Festschrift zum hundertjährigen
Jubiläum der Einweihung der evangelischen Erlöserkirche in Jerusalem, Leipzig,
1998, pp. 116-135. Une étude des aspects catholiques de la visite, Gatz, op. cit. Pour
le contexte politique, Neubert-Preine, H., « Die Kaiserfahrt Wilhelms II. ins Heilige
Land 1898. Aspekte deutscher Palästinapolitik im Zeitalter des Imperialismus », in
Dollinger, H., Dollinger, H. & Hanschmidt, A. (eds), Weltpolitik, Europagedanke,
Regionalismus : Festschrift für Heinz Gollwitzer zum 65. Geburtstag, Munich 1982,
pp. 363-388.
Du « conflit des drapeaux » à la « contestation des hospices » 351
24. Alexander, E., « Church and society in Germany : social and political
movements and ideas in German and Austrian Catholicism (1789-1950) », in Moody,
J. N. (ed.), Church and Society : Catholic Social and Political Thought and Move-
ments 1789-1950, New York 1953, pp. 325-583.
25. C. B. H. Schütz, Preussen in Jerusalem (1800-1861) : Karl Friedrich
Schinkels Entwurf der Grabeskirche und die Jerusalempläne Friedrich Wilhelms IV.,
Berlin, 1988.
26. « Prof. Dr. Joh. Nep. Sepp », Historish-politische Blätter für das Katho-
lische Deutschland, 145, 1910-1911, pp. 256-266 ; Goren, « The German activity »,
pp. 241-248 ; idem, Go Search the Land : The German Study of Palestine in the
Nineteenth Century, Yad Ben Zvi, Jérusalem, 1999, pp. 127-142.
Du « conflit des drapeaux » à la « contestation des hospices » 353
tous leurs droits aux catholiques, affirme qu’ils sont avant tout des
Allemands. Ce processus prend des années, au cours desquels les
citoyens catholiques du nouveau Reich, clairement assimilé au protes-
tantisme, manifestent graduellement un patriotisme forcé et exagéré,
censé faire contrepoids à l’infériorité civile qui les affecte et défaire
la méfiance durable dont ils souffrent de la part de leur environnement
protestant 30.
C’est un réfugié du temps du Kulturkampf qui prépare le terrain
en Palestine. Dès la fin de 1878, Schneider peut rentrer en Allemagne,
recueillir des dons et mettre en place le comité destiné à la préservation
des institutions qu’il vient de créer. Mais il faut attendre six autres
années pour que Janssen soit en mesure d’instituer le Palästinaverein ;
sans aucun doute il devait attendre pour cela que s’éteignent les
derniers restes du Kulturkampf. En 1885, tout est prêt pour un chan-
gement. Cela apparaît non seulement dans le rôle des citoyens catho-
liques dans le Reich allemand, mais aussi dans la mutation du contexte
international, en particulier en ce qui concerne la politique étrangère
allemande et sa perception du colonialisme 31. En Palestine, cela
conduit à une participation renouvelée de l’Allemagne à la rivalité
entre puissances, en vue de gagner pouvoir et influence, et, ce qui est
plus remarquable, à une opposition constante à toute tentative française
de réaliser quoi que ce soit qui ait une signification nationale 32.
Qu’est-ce qui cause le grand retard pris par leur action concrète
en Palestine ? Outre les raisons liées à la condition des catholiques en
Allemagne, un important facteur réside dans les efforts des responsa-
bles de la hiérarchie catholique de Jérusalem, en particulier le patriar-
che latin et le custode franciscain, qui font tout ce qu’ils peuvent pour
empêcher l’établissement d’institutions catholiques allemandes. Ils
s’assurent de ce qu’aucun ordre catholique allemand ne s’implante en
30. Morsey, R., « Die Deutschen Katholiken und der Nationalstaat zwischen
Kulturkampf und Ersten Weltkrieg », Historisches Jahrbuch, 90, 1970, pp. 31-64 ;
Wehler, U., Das Deutsche Kaiserreich, 1871-1918, Göttingen 1975, 2e éd., p. 122.
31. Townsend, M. E., The Rise and Fall of Germany’s Colonial Empire
1884-1918, New-York, 1930 ; Bade, K. J. (ed.), Imperialismus und Kolonialmission :
Kaiserliches Deutschland und Koloniales Imperium, Wiesbaden, 1982.
32. Cf. Gatz, op. cit. ; Gründer, op. cit. ; Schmidlin, J., « Das katholische
Deutschland und die Heidenmission », in Schmidlin, G. (ed.), Deutsche Kultur,
Katholizismus und Weltkrieg, Fribourg-en-Brisgau, 1915, pp. 477-490 (toute cette
étude est consacrée à la lutte contre le rôle de la France catholique dans le monde).
Du « conflit des drapeaux » à la « contestation des hospices » 355
imiter, il considère les Russes, mais surtout les Français, comme des
éléments à concurrencer 36. Par exemple les Templers, qui ont parfai-
tement réussi à mettre en place des « colonies », ressemblent aux
catholiques : ils viennent de régions semblables en Allemagne et ont
un même passé. Il n’y a donc aucune raison pour que les catholiques
ne parviennent pas à établir des villages s’ils bénéficient des mêmes
circonstances. Les tentatives ayant lieu à Kubeibe, Tabgha, Haïfa et
Migdal échouent. Ces échecs sont à inclure dans l’effort constant
visant à l’augmentation de la représentation catholique allemande en
Palestine. Mais là non plus ils ne peuvent aboutir 37.
Certaines des raisons de ces échecs sont liées au contexte de la
Palestine (finances, environnement, bureaucratie, sécurité), d’autres
découlent du statut spécifique des catholiques allemands. L’âge d’or
de la présence allemande en Palestine, au moment de l’établissement
des communautés protestantes et des Templers se situe dans le troi-
sième quart du XIXe siècle. C’est une période de migration massive à
partir du territoire allemand 38. Dans les années 1890, lorsque les catho-
liques allemands inaugurent leur activité d’implantation en Palestine,
ce mouvement migratoire a complètement cessé et il leur est difficile
de trouver des candidats à la colonisation. Leur méthode, consistant
en une gestion à distance par les responsables de l’association, crée
43. Sinno, op. cit., pp. 287-289 ; Gatz, op. cit., pp. 26-28 ; ISA 67, volume
305, documents divers.
44. Sinno, op. cit., pp. 287-288 ; Gatz, op. cit., p. 28.
45. Gatz, op. cit., pp. 29-31 ; Gründer, op. cit., p. 372. Sur Piavi : « Luduvico
Piavi, lateinischer Patriarch von Jerusalem », HL, 49, 1905, pp. 41-47. Matériel
documentaire : ISA 67, volume 244, no 619 ; Lepsius, J., Mendelssohn-Bartholdy,
A. et Thimme, F. (eds.), Die grosse Politik der Europäischen Kabinette 1871-1914 :
Sammlung der Diplomatischen Akten des Auswärtigen Amtes, XII : Alte und neue
Balkanhandel 1896-1899, 2e partie, Berlin, 1923, documents no 3351-3357.
360 Haïm Goren
46. Gatz, op. cit., pp. 31-36 ; Lepsius, op. cit., no 3358-3365.
47. Gatz, op. cit., pp. 35-38 ; Sinno, op. cit., pp. 222-223 ; ISA 67, vol. 244,
pp. 20-36 (divers documents), no 619, vol. 305, no 814 ; Lepsius, op. cit., no 3366,
3367, 3369, 3376.
48. Das Heiligtum Maria-Heimgang auf dem Berg Sion : Festschrift zur
Kirchweihe am 10. April 1910, Prague, 1910, p. XXXIII ; Sinno, op. cit., p. 224 ;
Goren, « The German activity », pp. 169-170 ; Lepsius, op. cit., no 3369, 3376 ; ISA
67, volume 244.
49. Gatz, op. cit, pp. 40-41 ; Gründer, op. cit., pp. 371-376 ; Goren, « The
Du « conflit des drapeaux » à la « contestation des hospices » 361
German activity », pp. 161-163 ; HL, 42, 1898, pp. 138-140 ; Lepsius, op. cit.,
no 3370-3372, 3379, 3385, 3388-3395 ; A. d’Alonzo, Les Allemands en Orient,
Bruxelles, 1904, pp. 82-86.
50. Pour une description de la cérémonie : « Der Verlauf der Schenkung der
Dormition », HL, 43, 1899, pp. 9-22 ; Mirbach, op. cit., pp. 257-259 ; Roth, E.,
Preussens Gloria im Heiligen Land : Die Deutschen und Jerusalem, Munich, 1973,
pp. 187-189. Pour un recueil des télégrammes liés à la cérémonie : Das Heiligtum,
op. cit. pp. XXVI-XXXII.
51. ISA 67, vol. 244 ; HL, 43, 1899, pp. 1-9, 22-24, 25-27 ; diverses descrip-
tions in HL, années 1899-1902 ; « Die neuen Bauten », op. cit., p. 26.
362 Haïm Goren
Conclusion
52. HL, 45, 1901, pp. 46-48 ; Düsterwald, F., Der Jerusalempilger : Ein
Wegweiser nach dem hl. Lande und zu dem hh. Stätten, Cologne, 1910, p. 282.
53. HL, 45, 1901, pp. 82-85 ; « Die Neuen Bauten », op. cit., pp. 34-35 ;
Düsterwald, op. cit., pp. 284-286.
Du « conflit des drapeaux » à la « contestation des hospices » 363
doute que les évolutions et les événements dans la mère patrie (par
exemple la lutte contre la France) et leurs implications en Palestine
déterminent la nature, le développement et l’ampleur de l’action catho-
lique allemande en Palestine. En revanche, il semble que le contexte
politique et la situation politique de la Palestine et de la région, qui
sont des éléments dominants dans la formation des méthodes d’action
des autres groupements, ne jouent ici qu’un rôle mineur.
Il existe une différence fondamentale et significative entre le
cercle dont il a été ici question et les autres. Nous avons là un groupe
répondant à une définition religieuse et nationale, ce qui est à la base
de son unicité. Les protestants allemands ont pour leur part été aidés
par l’État – la Prusse et plus tard l’Allemagne. Certains facteurs
produisant cette unicité, que nous avons soulignée pour distinguer ce
groupe des autres Européens, s’insèrent dans le cadre du conflit entre
l’identité allemande et l’identité catholique. Les catholiques d’Alle-
magne éprouvent quelques difficultés à se retrouver dans une organi-
sation qui guide et soutient leur activité. Leur pays est actif en Palestine
par le biais de l’Église évangélique, tandis que leur Église et repré-
sentée par les franciscains, le Patriarcat et la France. De nombreuses
raisons expliquent le retard pris par leur activité colonisante, et lorsque
celle-ci débute enfin leurs représentants se retrouvent dans un isole-
ment relatif. Ce qui a son tour gêne leur action, la retarde et la réduit
enfin.
1. Cf. Bieberstein, Klaus, « Sancta Maria latina. Ein Erbe, das verplichtet »,
in Ronecker, K.-H., Nieper, J., Neubert-Preine, T. (Hrsg.), Dem Erlöser der Welt
zur Ehre – Festschrift zum hundertjährigen Jubiläum der Einweihung der evange-
lischen Erlöserkirche in Jerusalem, Leipzig, 1998, pp. 17-36.
2. Cf. Hartmann, Martin, « Der Muristan von 800 bis 1500 », Mittheilungen
und Nachrichten des Deutschen Palästinavereins, Nr. 6, Leipzig, 1898, pp. 65-72.
366 Thorsten Preine
La querelle du Muristan
15. Fliedner, Georg, Theodor Fliedner. Durch Gottes Gnade Erneurer des
apostolischen Diakonissenamtes in der evangelischen Kirche. Sein Leben und
Wirken, volume II, Kaiserswerth, 1910, p. 295.
16. Ibid., p. 297.
17. Ibid., p. 298 ; cf. aussi la lettre de Fliedner à Frédéric-Guillaume IV du
18 janvier 1857 (Papiers Fliedner – par la suite FA – Rep. II, Fm 12).
18. Fünfzig Jahre Kaiserswerther Diakonissen-Arbeit im heiligen Lande.
Festschrift zur Jubelfeier der Diakonissenanstalt in Jerusalem am 4. Mai 1901,
Kaiserswerth, 1901, p. 27.
19. Rapport confidentiel du consul Rosen à l’ambassadeur Wildenbruch de
Constantinople du 24 février 1857 ; cf. aussi le rapport officiel du 25 février 1857
(ISA, Groupe 67, Nr. 235, 431/P).
20. Cf. Gerhardt, Martin, Theodor Fliedner. Ein Lebensbild, vol. II, Düssel-
La querelle du Muristan et la fondation de l’église du Rédempteur 371
dorf-Kaiserswerth, 1937, p. 618 et 621 sq. ; copie de l’accord du 14 août 1856 dans
les archives des diaconesses de Kaiserswerth (par la suite ADK), Nr. 273.
21. Gerhardt, op. cit., p. 624.
22. Cf. note 19.
23. Rapport du consul Rosen à l’ambassadeur Wildenbruch de Constantinople
du 27 février 1857 (ISA, Groupe 67, Nr. 235, 431/P). Cf. aussi la lettre du consul à
Fliedner du 4 janvier 1857 (ADK, Nr. 267).
24. Ibid.
25. Cf. Das Heilige Land (par la suite DHL), Organe de l’Association (alle-
mande, ndt) du Saint-Sépulcre, Cologne, 1857, p. 23 sq.
26. Cf. la note 19.
372 Thorsten Preine
novembre 1859, le terrain des Hospitaliers est mis aux enchères sur
ordre de la Sublime Porte. Le Patriarcat grec-orthodoxe fait la première
offre le 23 novembre, à hauteur de 750 000 piastres. Mais le gouver-
neur Nasif Pacha espère atteindre un prix de plus de un million de
piastres, un montant dont il avait déjà été question lors des pourparlers
avec la Bavière, en 1847 40. S’ajoute désormais à la liste des acheteurs
potentiels la Russie, qui depuis quelque temps cherche « sans succès
des terrains à acheter 41 ». Mgr Valerga s’efforce en vain de pousser le
consul français Barrère à émettre une protestation contre cette mise
aux enchères, afin de souligner les droits de propriété catholiques. Du
côté de la Prusse, l’ordre de Saint-Jean notamment suit l’enchère avec
grande attention 42. En définitive, personne ne se présente avec une
offre supérieure à celle des Grecs et le Pacha décide de ne pas vendre
le terrain pour le moment 43.
À ce moment, Frédéric-Guillaume vient de se retirer des affaires
gouvernementales pour raison de santé et de transmettre toutes ses
responsabilités à son frère Guillaume. De sorte que Theodor Fliedner
comme l’ordre de Saint-Jean perdent l’un de leurs plus sûrs appuis
dans leurs efforts à Jérusalem. Fliedner lui-même ne vit plus la fin de
la querelle autour du terrain des Hospitaliers sur le Muristan.
le roi, ce qui est justifié par le fait que les Français ont reçu Sainte-Anne de cette
manière. Il écrit au roi à ce propos : « Il faut faire en sorte que la demande au sultan
soit transformée en cadeau du terrain à la Très Haute Personne de Votre Majesté. »
(Cf. note 36).
49. Carmel, op. cit., p. 122 ; Rothfels, Hans (Hrsg.), Bericht meiner Reise
nach dem Morgenlande 1869. Bericht des preußischen Kronprinzen Friedrich
Wilhelm über seine Reise zur Einweihung des Suez-Kanals, Francfort, 1971, p. 37
(le petit ouvrage de Rothfels reproduit le texte du journal établi par le prince héritier
lors de son voyage. L’original se trouve aux GStA PK, BPH Rep. 52 FI, Nr. 19).
50. Rothfels, op. cit., p. 20 sq.
51. Ibid., p. 30 et 36.
52. Raheb, op. cit., p. 117.
La querelle du Muristan et la fondation de l’église du Rédempteur 377
63. Copie de la lettre du chef du cabinet civil secret du roi, Hermann von
Lucanus, aux ministres Wedel, Caprivi et Boße du 25 septembre 1892 (BAB, R
901/39590, p. 106 V, R.).
64. Copie d’une note du conseiller ecclésiastique Friedrich Wilhelm Barkhau-
sen du 8 juillet 1893 (BAB, R 901/39591, p. 6 sq. V, R.) [Le jour de la Réforme est
fixé au 31 octobre, ndt].
65. Lettre du président de la Fondation protestante de Jérusalem, Barkhausen,
au ministre des Affaires étrangères Caprivi du 5 septembre 1893 (BAB, R 901/39591,
p. 55 V, R.).
66. Cf. Krüger, Jürgen, Rom und Jerusalem Kirchenbauvorstellungen der
Hohenzollern im 19. Jahrhundert, Berlin, 1995, p. 94.
380 Thorsten Preine
* Cet article est l’adaptation française d’un texte paru dans Journal of Histo-
rical Geography (22, 1996, pp. 46-67).
1. Clark, E. T., The Small Sects in America, New York-Nashville, 1949 ;
Meining, D. W., The Shaping of America, A Geographical Perspective on 500 Years
of History, 2 vol., New Haven-Londres, 1986, 1993 ; Christopher, A., Southern
Africa, Folkestone-Hamden, Ct, 1976 ; Powell, J. M., « Utopia, millenium and the
cooperative matrix in the settlement process », Australian Geographer, 11, 1971,
pp. 606-618.
382 Ruth Kark
4. Denecke, Dietrich, « Ideology in the planned order upon the land : the
example of Germany », in ibid., Baker, « Introduction », ibid., p. 4.
5. Guelke, L., Historical Understanding in Geography, an Idealist Approach,
Cambridge, 1982, p. 3.
6. Ibid., p. 3.
7. Guelke, op. cit., pp. 70-102. L’opinion de Collingwood selon laquelle
« toute l’histoire est l’histoire de la pensée » est, selon Guelke, le point crucial d’une
philosophie qui fait des êtres humains les auteurs intégraux de leur propre histoire.
Guelke, L., « On “power, modernity, and historical geopgraphy” by Harris », Annals,
Association of American Geographers, 82, 1992, pp. 312-313.
8. Wishart, D. J., « Historical understanding in geography », compte rendu
d’ouvrage, Annals, Association of American Geographers, 74, 1984, pp. 178-179 ;
Harris, C., « Reply to “On power, modernity, and historical geopgraphy” by Harris »,
Annals, Association of American Geographers, 74, 1992, pp. 314-315 ; Butlin, R. A.,
Historical Geopgraphy Through the Gates of Space and Time, Londres, 1993, p. 64.
384 Ruth Kark
20. Eliade, M., « Paradise and utopia : mythical geography and eschatology »,
in Manuel, F. E. (dir.), Utopias and Utopian Thought, Boston, 1971, pp. 260-280 ;
Greenberg, G., The Holy Land in American Religious Thought 1620-1948, Lanham,
Md, 1994, pp. 1-45 ; Handy, R. T., « Studies in the interrelationship between America
and the Holy Land : a fruitful field for interdisciplinary interfaith cooperation »,
Journal of Church and State, 13, 1971, pp. 283-301 ; Ross-Bryant, op. cit.,
pp. 336-338.
21. Kark, Ruth, « Millenarian and agricultural settlement in the Holy Land in
the nineteenth century », Journal of Historical Geography, 9, 1983, pp. 1-17.
22. Werblowsky, R. J. Z., op. cit., pp. 6-10.
388 Ruth Kark
23. Waddams, H. M., The Swedish Church, Londres, 1946, pp. 1-10 ; Vilnay,
Z., Encyclopedia Ariel, Tel Aviv, 1980, pp. 7711-7713 (en hébreu).
24. Encyclopedia Hebraica, Ramat Gan, 1967, vol. 31, pp. 545-548 (en
hébreu) ; Encyclopedia Judaica, Jérusalem, 1970, vol. 14, pp. 926-932.
25. Melton, J. G., Encyclopedia of American Religion, 4e édition, Détroit,
1993, pp. 693-694 ; Encyclopedia Britannica, VIII, p. 633 ; ibid., XI, p. 437. La
publication swedenborgienne américaine entre 1855 et 1884 est intitulée New Jeru-
salem Messenger.
26. Murray, R., Till Jorsala, Svenska Färder Under Tusen År, Stockholm,
1969, pp. 107-168.
390 Ruth Kark
41. Kark, R., Ariel, Y., Messianism, holiness and community : a Protestant
American-Swedish sect in Jerusalem, 1881-1933 », Church History, 65, 1996,
pp. 641-657. Cf. aussi Dudman, H. & Kark, R., The American Colony, Scenes from
a Jerusalem Saga, Jérusalem, 1998.
La Suède et la Terre sainte 395
42. Larsson, E., Dalafolk i Heiligt Land, Stockholm, 1957, pp. 1-36 ; Petri,
L., På Heliga Vägar, Stockholm, 1931, pp. 120-165 ; Forsslund, K. E., Nås, 2o partie,
Livre 7, Stockholm, 1925, p. 125.
43. Murray, op. cit., p. 243. L’explorateur suédois Sven Hedin qui visite la
Palestine en 1916 au cours de la guerre donne une liste précise des immigrés en
provenance de Nås et le nom des fermes dont ils proviennent (Hedin, Sven, Till
Jerusalem, Stockholm, 1917, p. 334).
44. Fahlén, O., Nåsbönderna i Jerusalem, Berättelsen om en Marklig Utvan-
dering, Lund, 1988, pp. 115-118 et pp. 186-189.
45. Petri, op. cit., p. 133.
396 Ruth Kark
46. Lagerlöf, Selma, Jérusalem, vol. 2 ; Berendsohn, Walter A., Selma Lager-
löf, Her Life and Work, Londres, 1931, p. 103. Lagerlöf dédie son roman « à Sophie
Elkan, ma camarade dans la vie et la littérature ».
47. Janson, op. cit., pp. 1-13.
La Suède et la Terre sainte 397
les uns des autres en Amérique du nord 48. Selon Hokanson, « la règle
vaut que les immigrés viennent en groupe en provenance d’une même
région de Suède 49 ». De nombreuses études effectuées par Helga M.O.
Nelson, Robert C. Ostergren 50 et certaines de Berg, Kaups, Moberg,
Odhner et Winsberg traitent de l’émigration et de l’installation de
Suédois en Amérique du Nord et de leurs relations avec la Suède 51.
La deuxième initiative de colonisation suédoise en Terre sainte
fait clairement partie de l’époque d’émigration suédoise vers les États-
Unis et est liée aux courants religieux de l’Amérique du XIXe siècle,
comme aux influences religieuses mutuelles en Suède. La commune
des larsonites de Chicago (qui n’apparaît pas dans les études qui
viennent d’être mentionnées ou dans celles relatives aux sociétés
communautaristes américaines), et ses contacts avec Dalarna, participe
de ce processus général. Ce n’est peut-être pas une coïncidence que
cette commune soit d’abord installée à Chicago. En effet, cette ville
à la croissance rapide est alors la principale métropole et pôle de
départ « suédois » en Amérique du Nord, du début de l’émigration de
masse suédoise au milieu du XIXe siècle jusqu’à la fin de cette époque
d’émigration, en 1930. Elle devient alors une cité faite d’une mosaïque
de nationalités, puisque les immigrés s’installent en enclaves impré-
gnées de leurs propres langues, religions et cultures 52.
Sous l’influence américaine, de nombreuses sectes religieuses
sont introduites en Suède dans les années 1850 et 1860, et beaucoup
de dissidents suédois considèrent d’autres fois protestantes, comme le
baptisme, le mormonisme ou le méthodisme, comme plus adaptées à
leurs besoins spirituels. Ces trois Églises encouragent à l’émigration
de plusieurs manières. Cependant, l’étroit système religieux du milieu
du XIXe siècle montre que le mouvement va aussi bien de Suède en
Amérique que dans l’autre sens. En effet, en même temps que s’éta-
blissent en Suède de nouvelles confessions par le biais de l’activité
53. Janson, op. cit., pp. 179, 195 et 208 ; Hokanson, op. cit., pp. 14-23.
54. Janson, op. cit., pp. 193, 216-217.
55. Ibid., pp. 192-193.
56. Ibid., p. 130.
57. Ibid., pp. 106 et 199.
La Suède et la Terre sainte 399
58. Erdahl, S., « Eric Janson and the Bishop Hill Colony », Journal of the
Illinois State Historical Society, 18, 1925, pp. 503-574, 506, 536-537 ; Oved, Y.,
200 Years of American Communes, Tel Aviv-New Brunswick, NJ, 1988, pp. 99-107.
59. Aurelius, E., Palestina Bilder, Uppsala, 1913, pp. 278-290.
400 Ruth Kark
60. Lind, Lars E., Mémoires de sa vie dans la Colony à partir de l’enfance
(ms inédit en anglais, s. d.), pp. 448-458 ; Larsson, Edith (fille de Olof H. Larson),
ms inédit en anglais, s. d.
61. Lettres de Selah Merrill et Edwin S. Wallace, consuls américains à Jéru-
salem, au vice-secrétaire d’État ; Washington, DC, 17 août 1893, 19 avril 1897 et
8 juillet 1901, United States National Archive (Archives nationales des États-Unis,
par la suite : USNA), Washington, DC, RG 59 T471.
62. Témoignage de Constantine Antoszewsky, adepte qui quitte la commune,
déposé au consulat américain de Jérusalem, mentionné dans une lettre de Selah
Merrill au vice-secrétaire d’État, 5 mars 1900, USNA, RG 59 T471 ; témoignage de
M. J. B. et Mme Amelia Adamson, qui quittent la commune, déposé le 19 avril 1897,
USNA, RG 59 T471 ; L. Lind et R. Walström, Jerusalem Fararna, Stockholm, 1981,
pp. 50-92 ; Fahlén, op. cit., pp. 175-202.
La Suède et la Terre sainte 401
63. Gavish, D., « The American Colony in Jerusalem and its photographers »,
in Schiller, E. (dir.), Zev Vilnay’s Jubilee Volume, Jérusalem, 1984, pp. 127-144 ;
Grønbaek, J. H., « American Colony i Jerusalem og den fotoatelier », in Boger.
Bibliiteker. Mennesker. Et nordisk Festskrift tilegent Torben Nielsen, Copenhague,
1988, pp. 261-275.
64. Lind, op. cit., pp. 448-458.
65. Lettre de Hol Lars Larsson, Jérusalem, à Ellen von Platen, Stockholm,
20 septembre 1935, Archives du Palestine Exploration Fund (par la suite : PEF),
Londres, Papiers Granquist, Correspondance arabe E-L. Dans une lettre écrite à Nås
402 Ruth Kark
des soins aux enfants, que ce soit sous le mandat britannique, l’admi-
nistration jordanienne ou israélienne 66.
Conclusion
le 22 juin 1936, Larsson dit : « Je n’ai jamais rencontré mes trois sœurs en dépit du
fait qu’elles ne vivaient qu’à quelques centaines de mètres de ma maison. Les
responsables de leur section les détournaient et leur disaient de nous éviter le plus
possible, comme s’il était dangereux de nous approcher et ainsi d’entendre parler du
grand scandale qui affectait la Colony. » Archives Erik Jons, Mellanborg, Nås.
66. Pour plus de détails sur la Colony dans le contexte de l’après-guerre de
Sécession, cf. Kark, « Post-Civil War American communes... », op. cit.
67. Guelke, op. cit. ; Powell, J. M., op. cit., 11, 1971, pp. 606-618.
68. Harvey, D., The Condition of Postmodernity. An Enquiry into the Origins
of Cultural Change, Oxford, 1989, pp. 218-225.
La Suède et la Terre sainte 403
69. « Dalafolk som for till Jerusalem », in Församlings Bladet, 30 (23 juillet
1936), in PEF, Papiers Granquist. À propos des pièces jouées à Dalarna, cf. Per-Ola
Björklund, Bygdespel i Dalarna, Kristianstads, 1983, pp. 1983, pp. 51-82 ; ibid.,
« Selma Lagerlöf Jerusalem-spelet », Falun, 1990 ; Olsson, Anders, « The Ingmar
Pageant », Nås, s. d. L’auteur de cette étude s’est rendu à Dalarna et Nås en juin 1991
pour recueillir du matériel et interroger des descendants des larsonites.
YORAM MAYOREK
4. Ibid., p. 4.
5. Ibid., p. 5, en français dans le texte.
6. Cf. infra.
7. Herzl, Theodor, Zionistisches Tagebuch, 1895-1899, Berlin, 1983,
pp. 492-493.
Émile Meyerson et la Jewish Colonization Association en Palestine 407
8. Zipperstein, Steven, The Elusive Prophet – Ahad Ha-am and the Origins
of Zionism, Berkeley, 1993, p. 18.
408 Yoram Mayorek
sion pour les faibles interférer dans la sélection des colons destinés à
notre projet pour la Palestine, nous devons renoncer aux principes
élémentaires de notre entreprise. C’est une noble tâche que d’aider les
pauvres, mais notre mission – amener des temps meilleurs pour notre
peuple – est encore plus noble 9. »
Meyerson ne doit pas attendre longtemps avant d’avoir l’occasion
de réaliser ses idées. En 1897, il se voit proposer le poste de directeur
général de la ICA. Créée en 1891 par le richissime baron Maurice de
Hirsch, son but originel est de promouvoir l’émigration des Juifs
d’Europe de l’Est vers l’Argentine et d’autres régions du monde.
Néanmoins, après la mort de Hirsch en 1896, la nouvelle direction de
l’association, principalement composée d’éminentes personnalités
juives françaises, s’intéresse aussi de plus en plus à une action en
Palestine. Avant même d’être nommé officiellement à son nouveau
poste, Émile Meyerson soumet à Narcisse Leven, le nouveau président
de l’ICA, son projet d’action en Palestine 10.
D’après Meyerson, l’ICA doit se porter acquéreur d’un vaste
terrain en Palestine et en faire une source de revenus. Sur la parcelle
en question, on établirait une ferme, de la même manière qu’un
propriétaire privé le ferait pour générer des profits sur la base de son
investissement. Des ouvriers juifs seraient employés dans la ferme,
dans laquelle une discipline rigide serait introduite : « Même la plus
petite négligence devrait être punie sans pitié par le renvoi des impé-
trants. » Après deux ou trois ans, les ouvriers les plus solides et entre-
prenants resteraient sur place, devenant l’avant-garde 11 de la future
légion de colonisation juive. L’ICA leur fournira alors l’aide néces-
saire pour qu’ils mettent en place à leur tour des fermes, où la
prochaine génération de travailleurs trouverait un emploi, dont les plus
habiles établiront des fermes dans un même mouvement. Par là, par
la force de la sélection naturelle, la roue continuera à tourner en
améliorant constamment la qualité du colon juif.
En 1899, Meyerson se rend en Palestine pour la première fois,
entre autres pour superviser la mise en place d’une ferme pour laquelle
un terrain approprié a été acquis entre temps, en Basse Galilée. Au
1. Rodrigue, Aron, French Jews, Turkish Jews. The Alliance Israélite Univer-
selle and the Politics of Jewish Schooling in Turkey, 1860-1925, Bloomington-
Indianapolis, Indiana University Press, 1990, p. 344.
L’Alliance israélite universelle et les projets juifs en Palestine 415
2. Sur cette période cf. Benbassa, Esther, Une Diaspora sépharade en tran-
sition. Istanbul XIXe-XXe siècles, Paris, Cerf, 1993.
416 Esther Benbassa
5. Sur les associations, cf. Benbassa, Esther, « Les stratégies associatives dans
la société juive ottomane (XIXe-XXe siècles) », Revue d’histoire moderne et contem-
poraine, 38 (2), avril-juin 1991, pp. 295-312.
6. Archives de l’Alliance israélite universelle (désormais AAIU), Turquie
XXX. E., H. Nahum à Paris, 15 janvier 1909.
7. AAIU, loc. cit.
418 Esther Benbassa
25. The Jewish World, 4 juin 1909 ; El Tiempo, 7 septembre 1909 ; 9 septem-
bre 1909.
26. Central Zionist Archives (désormais CZA), Z3/45, V. Jacobson à R. Lich-
theim, 16 janvier 1913.
27. Ibid., Z3/66, H. Nahum à V. Jacobson, 26 septembre 1913 (télégramme).
28. Ibid, Z3/66, H. Nahum à V. Jacobson, 12 février 1914.
L’Alliance israélite universelle et les projets juifs en Palestine 425
32. Ibid., 15 juin 1910 ; Hamevasser, 21 juin 1910 ; Ha-Poel Ha-Zair, 22 juin
1910 ; L’Aurore, 17 juin 1910 ; El Tiempo, 4 juillet 1910.
33. Ha-Or, 16 novembre 1911 ; Ha-Herut, 30 novembre 1911.
L’Alliance israélite universelle et les projets juifs en Palestine 427
12. Ensuite, ce seront les sollicitations soit des différents services des anti-
quités, soit de la commission des fouilles du Quai d’Orsay.
442 Jean-Michel de Tarragon
L’éducation
turque d’avant l’islam. Cela se traduit aussi par une politique centralisatrice et la
turquisation (at Tattrik) de l’appareil d’État.
3. Cf. Abdul Rahman Yaghi, Hayet el Adab al Filistini al Hadith, Beyrouth,
1969, pp. 62-77.
La presse arabe en Palestine dans la période ottomane 447
L’imprimerie
4. Ibid.
448 Qustandi Shomali
La traduction
7. Ibid., p. 108.
450 Qustandi Shomali
10. Né à Beit Rima, dans le nord de Jérusalem, il fait ses études à al Azhar
en Égypte pendant douze ans. Après son retour en Palestine, il fonde les revues Byes
al Maqdiss et an Najah. Il est aussi le rédacteur en chef de al Insaf, al Manhal et
al Quds as Sharif. Il meurt en 1919.
La presse arabe en Palestine dans la période ottomane 453
Ran Aaronsohn
Enseigne à l’Université hébraïque de Jérusalem, dans le département
de géographie. Ses domaines de spécialité sont la géographie histori-
que, les processus de colonisation au XIXe siècle (en particulier la
colonisation juive en Palestine), la géographie rurale, les communes
actuelles en Amérique du Nord. Il a notamment publié Le Baron de
Rothschild et les colonies : les débuts de la colonisation juive en
Palestine, Jérusalem, 1990 (version anglaise à paraître).
Moussa Abou-Ramadan
Né en 1970 à Jaffa, doctorant à la faculté de droit de l’université
d’Aix-Marseille III. Chargé des cours de droit musulman et de droit
international public à la faculté de droit de l’université de Haïfa. Ses
domaines de recherches actuels : le statut juridique des minorités reli-
gieuses en Israël, les droits de l’homme en islam.
Esther Benbassa
Directeur d’études à l’École pratique des hautes études (Section des
sciences religieuses) où elle est titulaire de la chaire d’histoire du
judaïsme moderne. Elle a notamment publié Un Grand rabbin séfa-
rade en politique, Paris, Presses du CNRS, 1990 ; Une Diaspora
séfarade en transition, Paris, Cerf, 1993 ; Une vie judéo-espagnole à
l’Est : Gabriel Arié, Paris, Cerf, 1992 (avec Aron Rodrigue) ; Juifs
des Balkans. Espaces judéo-ibériques, XIVe-XXe siècles (avec Aron
Rodrigue), Paris, La Découverte, 1993 ; Histoire des Juifs de France,
Paris, Seuil, 1997, rééd. 2000 ; Dictionnaire de civilisation juive, Paris,
Larousse, 1997 (avec Jean-Christophe Attias), rééd. 1998 ; Israël
imaginaire, Paris, Flammarion, 1998 (avec J.-C. Attias). Entre autres
ouvrages collectifs, elle a dirigé Transmission et passages en monde
juif, Paris, Publisud, 1997 et La Haine de soi. Difficiles identités,
Bruxelles, Complexe, 2000 (avec J.-C. Attias).
458 Auteurs du volume
Rina Cohen-Muller
Docteur ès lettres, auteur d’une thèse intitulée « La Palestine et ses
populations vues par les consuls de France (1841-1869) », enseignante
au département d’hébreu de l’INALCO-Paris.
Haim Goren
Enseigne au Tel Hai Academic College, Israël. Ses principaux domai-
nes de recherche concernent l’activité allemande en Palestine et l’his-
toire de l’étude scientifique de la Terre sainte. Il a publié récemment
« Allez et voyez le pays » : L’exploration allemande de la Palestine
au XIXe siècle, Yad Ben Zvi, Jérusalem, 1999 (en hébreu).
Roger Heacock
Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bir Zeit. Aupa-
ravant en poste à l’université de Paris VII et à l’Institut universitaire
de hautes études internationales de Genève. Ses domaines de spécia-
lisation pour l’enseignement et la recherche sont l’histoire diplomati-
que, les relations Nord-Sud en Méditerranée au XIXe et au XXe siècles.
A publié des ouvrages sur la politique communautaire et internationale
des Ottomans, les relations entre les Habsbourg et les Ottomans ; et
sur l’évolution de la politique américaine au Proche-Orient au
e
XX siècle.
Ruth Kark
Professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, elle a écrit et publié
quinze livres et quelque cent articles sur l’histoire et la géographie
historique de la Palestine et d’Israël. Ses pôles de recherche concernent
l’étude des concepts de terre, d’utilisation de la terre et les modalités
de propriété de la terre en Palestine/Israël aux XIXe et XXe siècles ; les
processus d’implantation urbaine et rurale ; ainsi que les intérêts occi-
dentaux en Terre sainte et leur interaction avec les populations locales.
Claude Langlois
Directeur d’études à l’École pratique des hautes études, titulaire de la
chaire d’histoire et de sociologie du catholicisme français, président
de la section des sciences religieuses, directeur du GDR 1095 Histoire
du christianisme (CNRS).
Auteurs du volume 459
Yoram Mayorek
Archiviste et chercheur. Il a été directeur des Archives sionistes centra-
les à Jérusalem de 1990 à 1998. Il a publié de nombreux articles sur
le rôle des Juifs français en Palestine avant la Première Guerre
mondiale, sur les archives juives et d’autres domaines. Il vit à Jéru-
salem et travaille désormais comme consultant en archivistique et
chercheur indépendant.
Catherine Nicault
Ancienne élève de l’École normale supérieure (Ulm/Sèvres), est
professeur d’histoire contemporaine à l’université de Poitiers, actuel-
lement accueillie en délégation au CNRS. Elle a notamment publié
La France et le sionisme, 1897-1948 – Une rencontre manquée ?
(Paris, 1992) et dirigé Jérusalem 1850-1948 – Des Ottomans aux
Anglais : entre coexistence spirituelle et déchirure politique (Paris,
1999).
Thorsten Preine
A rédigé un mémoire de maîtrise en histoire contemporaine sur l’his-
toire de l’édification de l’église du Rédempteur, et par la suite, en
1997-1998, a eu la charge de différentes manifestations relatives au
centenaire de cet édifice, ayant eu lieu à Jérusalem. A mis en place
en 1999, dans les locaux de l’église évangélique de l’Ascension, sur
le mont des Oliviers, une exposition permanente concernant les diffé-
rentes fondations mises en place à Jérusalem par le Kaiser Guil-
laume II.
Frédérique Schillo
A effectué un DEA sur la présence française en Palestine de 1842
à 1914 à partir notamment des archives diplomatiques de Nantes et
des papiers du Crédit lyonnais. Se fondant sur des archives inédites
du Quai d’Orsay, elle a publié en 1997 un ouvrage intitulé La France
et la création de l’État d’Israël, 18 février 1947-11 mais 1949 (Paris).
Norbert Schwake
Né en 1939 à Emmerich am Rhein, Allemagne. Débute en 1959 des
études de théologie catholique, d’abord à Münster, puis à Beit Jala. Il
obtient en 1969 une licence d’études bibliques à Rome. Entreprend
460 Auteurs du volume
Yigal Sheffy
Travaille dans le cadre du programme d’études militaires de l’univer-
sité de Tel Aviv, où il traite des études de renseignement et enseigne
l’histoire militaire. Il s’est spécialisé dans l’histoire de la Première
Guerre mondiale et est l’auteur de British Military Intelligence in the
Palestine Campaign, 1914-1918 (Londres, Frank Cass, 1998).
Zvi Shilony
Est chercheur et enseigne à l’université Ben Gourion du désert, au
Centre de recherches Ben Gourion à Sde Boker et au Département de
géographie. Ses principaux sujets de recherche concernent la géogra-
phie historique d’Israël dans l’ère moderne, les relations entre l’idéo-
logie et le paysage, ainsi que la géographie religieuse. Il est l’auteur
de Ideology and Settlement, The Jewish National Fund 1897-1914,
Jérusalem, 1998.
Qustandi Shomali
Professeur associé à l’université de Bethléem, auteur de plusieurs
ouvrages sur la presse palestinienne : La Presse arabe en Palestine :
« Filastin » (1911-1967), Jérusalem, Arab Studies Society, 1990, V,
1-3 ; Les Courants littéraires et critiques dans la littérature palesti-
nienne moderne, Jérusalem, Dar al-Awdah, 1990 ; La Presse arabe
en Palestine : « Mir’at al-Sharque » (1919-1939), Jérusalem, Arab
Studies Society, 1992 ; La Presse arabe en Palestine : « al-Akbar »,
Jérusalem, Arab Studies Society, 1996 ; La Presse arabe en Palestine :
« al-Carmel », Jérusalem, al-Lika Center, 1996.
Shlomo Shpiro
Né en 1966, a étudié dans les universités de Jérusalem, Oslo, Manches-
ter et Birmingham. Il a obtenu son doctorat en 1997 et a travaillé
ensuite comme chercheur post-doctoral à Bonn et Cologne. En 1998,
il a été nommé au poste qu’il occupe actuellement, enseignant en
science de l’information et science politique au sein du Département
de sciences politiques de l’université Bar Ilan. Ses principaux domai-
nes de recherche sont les politiques militaires, avec intérêt particulier
pour les services de renseignement et les mass media.
Auteurs du volume 461
Thomas Stransky
CSP, Pauliste américain, a été le recteur de l’Institut œcuménique de
recherches théologiques de Tantour (Jérusalem, 1987-1999) où il
continue d’enseigner l’histoire de relations entre juifs, chrétiens et
musulmans en Terre sainte. Il a fait partie de l’équipe du secrétariat
du Vatican pour l’Unité des chrétiens (1960-1970) et est membre de
la Commission mixte qui réunit l’Église catholique et le Conseil
œcuménique des Églises. Outre ses ouvrages et articles sur la chré-
tienté, il a codirigé le Dictionary of the Ecumenical Movement.
Jean-Michel de Tarragon
Op, ancien élève de l’Institut d’études politiques de Paris, à l’École
biblique depuis 1974, professeur « ordinaire » à l’École biblique de
Jérusalem, depuis le 29 mars 1995, directeur de la Revue biblique
(deuxième mandat, renouvelé pour 5 ans en 1999), Responsable de la
photothèque du couvent Saint-Étienne et des archives.
Jacques Thobie
Professeur émérite des universités, ancien élève de l’ENS de Saint-
Cloud, agrégé d’histoire, docteur ès lettres, a enseigné l’histoire des
relations internationales à Paris I, Rennes II et Paris VIII. Ancien
directeur de l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul, il est
l’auteur de nombreux ouvrages et articles, notamment sur la Turquie
et le Moyen-Orient.
Dominique Trimbur
Chercheur associé au Centre de recherche français de Jérusalem. Sa
thèse de doctorat est parue en 2000 sous le titre De la Shoah à la
réconciliation ? – La question des relations RFA/Israël (1949-1956)
(CNRS Éditions, Paris, Collection « Hommes et Sociétés » du Centre
de recherche français de Jérusalem). Il travaille actuellement sur les
présences européennes, notamment française et allemande, en Pales-
tine aux XIXe et XXe siècles. Ses principaux domaines d’intérêt concer-
nent les relations entre politique et religion (avec en préparation un
ouvrage sur les réseaux français en Palestine au XIXe siècle) et les liens
entre politique et culture (en particulier dans la Palestine mandataire,
avec intérêt particulier pour les interventions étrangères dans le cadre
de l’Université hébraïque).
Table des matières
Déjà parus :
Vol. 1 : L’Historiographie israélienne aujourd’hui, sous la direction
de Florence Heymann et Michel Abithol, 1998.
Vol. 2 : Le Yiddish : langue, culture, société, sous la direction de Jean
Baumgarten et David Bunis, 1999.
Vol. 3 : De Bonaparte à Balfour. La France, l’Europe occidentale et
la Palestine, 1799-1917, sous la direction de Dominique Trimbur et
Ran Aaronsohn, (2001), 2008.
Vol. 4 : Les Voyages de l’intelligence. Passage des idées et des
hommes, Europe, Palestine, Israël, sous la direction de Dominique
Bourel et Gabriel Motzkin, 2002.
Ce volume a été composé
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