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Considérations destinées à

rectifier les jugements du


public sur la Révolution
française ; précédées de la
Revendication [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Fichte, Johann Gottlieb (1762-1814). Considérations destinées à
rectifier les jugements du public sur la Révolution française ;
précédées de la Revendication de la liberté de penser, auprès des
princes de l'Europe qui l'ont opprimée jusqu'ici / par J. H. [sic]
Fichte ; trad. de l'allemand par Jules Barni, avec une introd. du
traducteur. 1859.

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PM JULZS BAn~I
AVKC DES )MTRODUC'nOP!S AMA!.YT!QHKS KT C!UTtQUKS.

OMvrngea t~u! ont d~J~ par«.


CMtTtOUK DU JUGEMENT, suivie des Observations sur les spntimpnt!; du beau
et du sublime. t8i6, 2 vol. iu-8*.
KïAMEN DK LA CHtTtQUE DU JUGEMENT. 1850, î VO).
CRtTtQUK UH LA nAtso~t pftAUQUE, précédée des t-'otidcmettts de la métophy-
stquc des moBurs. i8t8, t vol.
HXAMKK DM FOKRKMENTa DR t.A MKTAPt~S)QUH DES ~OKUn~ ET DK LA CRHK)tiK
!)K LAMAtSON PRATQUE. < VO). t85t,
t'~KMENT~ MËTApuv~ouKS DH t.A Docin~K DU DROIT (première partie de )a Më-
<aphys!qucdM tnceur~), suivis d'uu Essai philosophiquc sur la paiï per-
pétucHc et d'autres petits écrits retatifft au droit nature), avec une
Introduction anatytiquc et critique. t853, t vu!.
Rt.ÉMKKTa M~TAPoYStQ'ŒSDK LA DonTtttKE DE LA VERTU (seconde partie de la
Métaphysique des mŒurs), suivis d'un Traité de pédagogie et de divers
opuscules relatifs a la tnoratc,avec une Introduction analytique et cri-
tique. t855, i vol.

Pour pa~oUre prochatnenxnt


CotDouK DE LA t<Atso:< punK, avec une Introduction auaty tique et critiquo,
2 vol.
AtTttKOPOLoOE, suivie de petits écrits relatifs au ntemc sujet, avec une
!ntroduct«)n. vo!.
Para«fo<tt en<M«e waecMwivetMen<
!'KTtïs ËCtura rctatif~ à la Critique de icl raison pure, avec une Introduction.
t vot.
<~)ït0);t! DH LA REnouM cothidërde au point de vue de la raison, avec uoe
Introduction, 1 vo).
E<.)!M&?(T9 MÈTA~uifStQUKs DE LA PHOQUE, Mivisde divers petits écrite, avec
une tutroduetion. 1 vo!.
KAKT, SA~tE KT SA UOC~tKE, 1 vol.
Ce dernier volume servira de résumé et de conclusion tous les travaux
précédents.

Porit. tmprittifrie du L. M~ttDKtT, ru< Mignoa, t.


CONSIDÉRATIONS
MST)!<t!t:!t

A BïCTÏHM LES JU6EMEMTS ?0 PUBLIC

REVOLUTION suat.A

FRANÇAISE
pn~cKDKta

DE LA REVENDICATION DE LA LIDERTË DE PENSER

J AUPRÈS DES PURGES DE t.'EUhOPE QUI L'ONT OPPRtMÈE


JUSQU'tCt (i7'-<3)

PAR J. H. FICHTE

Ira(to!t(ttt'.Uift))and

Par ~Htew BAHMt


AVEC UNE t~THODUCTtO~ DU TRADUCTEUH

PARIS
F. CHAMEROT, LIBRAIRE-ÉDITEUR
RUK DU JAnDINËT, 13
4859
INTRODUCTION DU TRADUCTEUR.

FtCH'H.: ET !.A REVOLUTION FnANÇAtS!

On sait avec (}uct (;mhousiasmo ta Re\'u!uUon française fut


ac-
cueiHie en Attemagne, surtout pnnni k's {tenseurs. Ha voyaient lu
y
signal d'une nouvcHo Réforme, qui, cnu~nt dans la société'tous tes
vestiges do la barbarie, allait renouveler les institutions ci'i!eset
po-
litiques sur le modetcdes ide<'s do la raison. J'ai montré ailleurs (~
comment Kant en sa)ua t'auroro que)!e harmonie existait est ptfet
cntr&ies principes do sa philosophie et ceux que proclama notre ré-
votutton, et comment coXe.ci a son tour ne fut
pas sans innuenco
sur !o dcvdoppemont des idées politiques du philosopho attemand,
soit qu'elle tes connrmat par l'autorité de ses sanctions, soit qu'elle
les modifiât par le spectacle des oxcès ou elle s'emporta plus tard. H
m'avait paru curieux do p!ac«r le père de la philosophie critique
en
présence do la Révolution française, et do étudier
sous cet aspect.
ne )o sera pas moins, ce me semble, d'envisager sous le mémo as.
pect tephitosophe Fichto. ce disciplo si original dn Kant, ce nohto
esprit, ce grand cœur. Cette nouvelle ëtudo a mémo
un intérêt de
plus nous avons anaire ici à un penseur, qui, tout jeune
encore au
moment ou éclate la névotution française, commo son vieux mettre
Kant, la salue avec enthousiasme (~); mais,
no se laissant pas si vite
en'c.tyor et décourager, no craint pas d'en faire t'upo'ogio dans le
temps même ou ses déchirements et ses violences la compromettent
le plus aux yeux du monde, et qui p!u.i tard. quand t'csprit de la
Révolution, connsqué par !a force mi!i)airo, fait place
a au pouvoir
d'un conquérant, prend une part active au soulèvement do l'Allema-

(1) /~ue~e Paris, i5 mars i8!;6.


(2) Aux nums de liant et do Fichtc, il faut ajouter
ceux do Schelling ot
de Hegeh A t'époquc ou 6c!:)ta ht Uuvotution française,
ces <teux derniers
étudiaient à t'uuivertitc do Tubinguo, et, d'après le témoignage de leurs
condisciples, ils se Stgnatercnt parmi tes hcrauts tes plus zetcs de la Hbcrtc
et de t'cgatito. !t fat'a!t menic qu'un dimanche matin ils allèrent, en
pagnie do Schi!h:)', planter un arbre do la tibcrtt': dans com-
ut)C prairie voisine de
ta vittc. Ainsi la noyotution fran'aise a eu,
nu moins ù "es dchuts, !e pr).
vilége d'exciter à la fois t'cnthousiasmc des quatre ~ctues qui forment te
cycle glorieux de la philosophie attemandp.
~no contre Nitpoiuon. ut su montre un dM ~tos .trdcnts ch~m~ons do
lu cuusc naLiunhtu. t-'ichte,
en on'ot, n'Étmt~ass~utotnont un rare es-
prit, mai:!Ut)t)vo)ot!to~nergiquo. Il no ~parait, pas la pensée de
)'HCt.)on.et!)asutut-)t)ô)no!~irhtjroï<p)Utnent.quan<tioscir('on-'
stances i'ontupputoadescondro (tuns t'arcne. Nous o'anronsttoncpas
seu!on)e:)t a nous occuper du ses punscf's, nous vorrons uussi u
tŒuvre.

Avant d'exposer les jugements quo b'ichte porta d'abord sur ta


Hovotution française, et lus pr'ncipcs qu'été lui sucera, partuns a
notre aise de son origine, do son éducation, de son caractère et des
circonstances ou il se trouvait nu moment ou il prit ta ptumo pour la
défendre (t).tt est bon de connaitre l'homme, pour mieux com-
prendre le livre.
Né le t9 mai t762,
a Hammonau, vi!!ago do la haute Lusace,
situé ontre Hbchotrswot'da et Putsnit/, Johann GotUich ~ichte reçut
de ses parents ces traditions d'honnêteté ot. do vertu (tui distinguaient
beaucoup de familles de cette riche et bette contrée. Son père,
Christian Fichte, qui descendait d'an ser~ont suédois venu dans lu
pays avec t'armée do Gustave-Adolphe, et qui faisait un petit com-
merce do rub~ms de laino, était un homme d'une probité sévère, d'une
volonté ferme, d'une parole à toute épreuve. Sa mère, fittù d'un com-
merçant. de Putsnitx, patron du jeune Christian, avait dû lutter long-
temps contre l'orgueil du co bourgeois de petite ville pour épouser
celui qu'ette aimait; et cet orgueil, no se laissant tléchir qu'à moitié,
no lui avait pas permis de rester a ta ville avec fon mari il fattut
que cetui-ci temmenatau vithge paternel. C'était une femme d'un
esprit vif et, d'un caractère indépendant. Jamais personno no res-
sembla ptus usa mère pur l'esprit, te caractère et les traits du \isage
que notre philosophe a lit sienne. On raconte que. quand il fut
venu au monde, un grand-oncto materne), r~oommn pour sa piété et
sa sagesse en (ptotque sorte prophétique, voulut. ma!gr6 son cxt-rem)'
vieillesse, assister au baptême: s'etantagonounh'!au pied du berceau,

(!) Pour cette partie de mot! tr!)it, comme pour tout ce que j'ai dit
plus bas des dernièrcs anr~ca de Ftchtcjc n'ai eu qu':) suivre et à résumer
t'ouvrngc que son nts ;t consacra a sa n~fno:rc 7<j/«!hn ~o«ne~ /<c/<fc'~
Z.c&cn «M~ ~(tt~c/tcr ~rt~T(.t. '2 \o). Sutxbach, t830 et !83t.
Cette biographie, écrite avec autant uc talent que de piutt'- n)iatc, m~ritcraH
bien d'être traduife pn français il
y a peu de Hvt'cs aussi intcressanttt.
ilhénitte nouveau.neetpréditqu'iif.)uitunjourt'urgueitet tajoiude
suM parents. Cette prédiction, quo suivit do près ta mort du vieillard,
parut comme la dernière tueur d'un espri! pr6t a quitter tu terre, aussi
exerça.t-ette une grande intlucnce sur ta conduit des
parents a
l'égard do leur ent.)nt, et par suite sur son avenir. Son père résotut
do tuteur s~-s inclinations et ses goûts su tnanit'estur un
toute tibor~-
il rcccnnuUuontô~ combien co~ enfanNa rcssembiuiL qui
pou a ceux
im~aie)~ vonus~suitec~en g~~rn) tous les autres, fuyant le
jeu, cherchunL ta sotit~u, iofuLurphitoMphoaimaU a se ptot~erdans
do profondes r6verius. Il passait souvent des heures entières,
sur la
colline, a reganter dans to tointain et a méditer, et, plus d'une
fois,
après te coucher du soleil, te berger du vitta~u dut tarract~r a
sus
solitaires contotnpt~tions pour le ramènera la maison putornette. Ces
heures de son enfance lui laissèrent, un souvenir qu'il plaisait plus
se
tard u évoquer. tant il y avait trouve du charme
et sans doute de
profit Son père ot te pasteur du vitta~ furent,
ses premiers précep-
tours. tt les donnait parla précocité de son esprit. C'est
pur ta qu'a
t'agode huit à neuf ans. il attira un jour t'attuntiond'un seigneur du
voisinage, du baron de Alittitx, qui voulut bien
se charger de son édu-
cation. Gtaco à la ~nerosh6 de ce soigneur, t'entant
put suivre la
route ou t'appelait son génie.
baron, dont te château était situé près do Mciszen, confia
Le
d'abord le jeune Fichte au pasteur do Niedorau, village voisin de
cenevittc. Ct) pasteur nt sa femme, qui (.taient eux-mêmes sansfa-
millo, mais qui avaient un grand
amour pour les enfants, entoureront.
des plus tendres soins tour petit pensionnaire. Fichte
passa chez eux
les plus belles années de sa jeunesse, et c était encore ta un des sou-
venirs qui charmaient te plus son âge
mur. Malheureusement t'ex-
cdienL pasteur ne pouvait conduire
son étevo au deta de certains
éléments; aussi, a peine celui-ci cut-it accompli
sa deuxième année,
qu'it engagea te baron do Miititz à le placer dans quetqu"
maison
d'instruction ou l'enfant put suivre les études
pour lesquelles il se
montrait si heureusement doué. Son bienfaiteur le fit donc
entrera
i'écoto municipale de Meisxen, et, bientôt après, à cello de Pforta,
prés
do I~aumbourg.
Pour un enfant qui avait jusque-ta vécu à la
campagne, courant.
libremont.a travers les montagnes et les boi.- et trouvant toujours
u
lU maison des visages souriants et t'aHection la ptus tondre, c'était
une
rutto épreuve que cette rcctusiun dans lus sombres
murs d'un col-
tége, ou peur mieux dire, d'un couvent. Lu jeune r'icttte pleura
.unt'rcment tout ce qu'd avait perdu. L'('')('optus:~é(p)itui fut
duoné pour compagnon do cettute et pour mentor (suivant l'absurde
re~temcnt aturs en usa~c dans cette maison), no fit qu'accrcttrc son
ch~s'in et son désespoir. en t'acc<:b)ant du mauvais traitements. Lo
pauvre enfant résotut do fuir. N'osant retourner chez son protecteur
ouchex te pasteur do Nidcrau. du peur d'être ramené u Pforta, il
iorma tu projet 'te chercher quoique ïtc déserte ou il put vivre n la
tnmm'rcdc H~bin~on. profita dom'd'un jour()uprom~nndo pour
s'eva()ur, et. g:'gna !n route de N'utnbour~. Muis, s'étant arrêté sur
te sommet, d'une rianto ccttinepour y adro~cr su prière à Uiou avant
<te poursuivre son chctnin, t'itnngc de ses paronts, le souvenir do
Jour t.ondros'-e pour !ui. t'idcc du chagrin qui tt's accabterait, qui tes
tuerait pcut-etro. quand its npprendrutcm sn disparition, ta crainte
de no tes revoir jamais, toutes ces pensées s'emparèrent tout à coup
de son esprit et tirent tomber j-n re'otutton. !t rentra aucottege.
La. conduit devantte recteur, ittuiparta aven tant do franchise et
do candeur que cctui-ci, profondément touche, loin de to punir, lui
promit sa protection et lui donna un memeur camarade. A partir de
ce moment, te jeune Fichto se livra a t'élude avec ardeur et y ftt de
rapides progrès. !.o travail occupait, atimentait, dcvetoppait son
esprit; it ramona bientôt te contentement dans son amo.
C'était t'ppoqueoù un esprit nouveau commençait a se répandre en
Anomagno, attaquant partout t'aveugle respect de l'autorité, t'amour
de la routine, la manie do l'imitation, et retrempant la littérature
et la phUosophio aux sources d'une pensée vraiment libre et originato.
Mais plus cet esprit suumuit avec force, plus les adeptes du passé cher-
chaient a y sjustrairo lus jeunes générations. Wietand, Lessing,
G~the, presque tous tes écrivains de ta nouvctto Attemagno étuient
sévèrement interdits a t'forta. Mais contre un esprit do ce genre les
murs mêmes d'un cotté,;e sont d'impuissantes barrières; et, en pareit
cas, los ptus sévère-! interdictions ne servent qu'à exciter davantage
la curiosité des jeunes ~cr~. Fichteeut même ici pour complice un
do ses jeunes ma!trc- ~raco a sa comptaisance. il put tire certaines
feuittcs potemiques où Lessin~ poursuiv.tit t'intoicranco et to dogma-
tisme pcdantesquc dans h< personne (tu pasteur GoDze; ce fut pour
fui te commencement d'une nouvctto vie into)tcctuetto. Cctto lecturo,
t'indepondanco
en offet, évoitia dans son esprit, avec te sentiment do
absolue de la pcnsco, te besoin d'une liberté itmnitéo d'examen et do
recherche. C'est ::ans doute aus?i à t'imprcssinn que ces fcuittes do
Le'ing pro !i) ont sur ccttejeono i~me qu'it faut attribcor, au moins
en partie, ces irnits dû resgembtancc que t'en a remarques entrer
manière d'écrire, surtout dans ta polémique, et cette de cet. auteur.
Tctte fut t'admir~tion quit ressentait pour fui, quitte promit
de:'emettroenrout.o;dèsquit pourrait voy.'ger,1 a:indu)':dtcr
trouver et. de jouir de t'entreticn d'un si grand homme. Matheurcuse-
ment. il no lui fut. pas donné d'exécuter co projet. d'abord t argent
lui munqua, et bientôt une mort. prématurée vint enlever Leasing à
i'Attomagne.
Qu<)t)d cet ecriv.dn tnourut, t''ichte utait, dcpu(!) un an,:t i Univer-
sitc d't6n<), où il étudiait la thcotogic. Kn choisissant. ceUo facuttc,
il avait moins ucout~ son ~ontp~rsonnut <tnc )u Y(cu de sos parents
et. do son père adoput'. Une tuttcctudc ne pouvait ~Uisf'airutongtonps
une intettigcnco nus~i phitosophiquc mai? tes doutes mêmes qu'dte
suscita dans son esprit rcvcicrcnt en fui ct:)tinunerent lu ))hi!osophe.
I<cprobt~nequi parait, avoir surtout, attiré son attention, à cetto
époque ou la rcncxion to dutachait de ta 'hcotogic pour tu tourner
Yors ta philosophie, c'est celui de la liberté de la vo!untc,c!. particu-
Heremcnt la dif'icuttu de concitior cctto Hbert6 avec la nécessite do
i ordre universel. Ainsi, dès son début, hchtc se sent attira versect-to
grande ideo do la tibertu, dunt il t'era plus turd, a ta suito de Kant, la
ctcfde vouto de toute sa philosophie. Mais, à co premier moment, il
résolut te problème dans te sens de la phdosophic de Spinosu, bien
qu'it no connut pas alors Spinosa plus que Kant. Un prédicateur,
versé dans la philosophie, auquel il communiqua un jour ses idées,
lui apprit, qu'ctte:; n'ct.tit-nt autres que ccties du cetebro philosophe
hoHandais.C'est, ainsi que son attention fut. itttirésm ce penseur, dont
!o nom no lui était~ connu que comme celui du plus abstrus des athées.
n se mit alors a étudier t'7~/<~«f. qui nt sur lui une profonde im-
pression et le conHrma dans ses premières idées. Pourtant il y avait
en lui quoique chose qui protestait contre cette doctrine: celait te
sentiment énergique et indostractibte de son indépendance et do s~
liberté; ce sentiment, !o spinosismo ne pouvait pas ptus t'expliquer
que t'abolir. C'est par ta que t-'i<:hte reconnut te vice du système do
Spinosa, et qu'en so rapprochant de Kant, il trouva !o fondement de
sa propre doctrine. Comment un homme doué d'une Lctto énergie de
caractère aurait-it pu rest-c'r spinosisto il s~ntuit trop bio't on lui-
méme cet en</)~ que niait S[)ino~a pour te rejeter a son tour comme
une vaine illusion. !t no dira donc pas que la liberté n'est rien, mais
plutôt, qu'ettë est. tout.
t'<'ndant~)ot''i(;))t(:ctudinitet méditait ainsi à !c:)a, un grand
"~d)t()ur)t}\intff-:tpj)er:itj)ur'ii~('nhit'r)tait('ut-,utsovitabandunno
atui'm~nx'.Mais t('sdif{icuttcs~)ntru)c.qucHosit(.uth)uttern
partir <)t) ce moment et qui !p poursuivirent pcmtant p!usieurs
an-
nées, ne purent ébran~r son ('our.)gc: elles nu servirentqu'~
exercer
et a dûvetoppcr la pt)iss:)nco do sa votent. (:o fut pour hn une rude
éco!e. mais saiutairo. et tout a fait on harmonie
avec k' r6to (lui
t'att~ndai'. R~t-H montre ptns hrd autant d'indppcndnnccdans la
pcn~oo et d'f)0)-~ic d~ns la conduit, si los épreuves qu'i) travorsn
dans sa jeunesse n'eussent aussi fortement trempé
son caractère?
Après avoir achevé ~s études universitaires, Fichto rompHt,
dant plusieurs années, tes pénibtos fonctions de précepteur pon- dans
diverses maisons de la Saxo; puis, souhaitant
une position qui lui
tai~t. ptus de toisiret dd )ibcrt6, il songea ;'< l'état do pasteur, et
écrivit au président du consistoiro do Sax~pour le prier de lui faci-
liter h's tnoyonsd'y parvenir. Mais sa demande fut pas accueillie:
ne
on avait, a (-0 qn'i! pittatt, (piques doutes sur son orthodoxie théo-
togiquo. Rebute de cecotô, Fichte. à bout de
ressources, se voyait
dans la situation la ptus critique; mais
sa nort6 naturelle, d'autant
plus ombrageux qn'it 6<ait plus malheureux, i'etnpôehaiL de s'ouvrir
aux.tutroset détour rovcfer son denumenL Lejourannivorsairo do
su
naissance, do t'annén )788, le trouva dans cotte atï'reuse situation
mais ce même jour lui apporta une plancho do salut
on lui offrit
une piaco do précepteur à Zurich, chez te propriétaire do t'h6te! de
t'~pée. Bien qu'i! se fût promis de
no jamais quitter sa patrie, il
accepta avec reconnaissance un oxil qui !o sauvait do la misère
et
du désespoir. It ne savait pas
encore que son séjour à Zurich allait
décider du bonheur de toute
sa vie, en lui donnant l'occasion do con-
naître !a nob)o femme qui devait un jour, après do nouvpHes rudes
et
épreuves, charmer son existence pt tui assorercoqu'it avait
si long-
temps rêvé une position indépendante.
Il y nvait à Zurich un beau-frc.-o de Ktopstock,
dont la maison
était le centre d'une sf)ci~ d'étito. Fichto était
naturellement.appeté à
faire partie de cotte sociotc il fut introduit
y par Lnvater. Lui-même,
admirateur p~sionné du chantre dp !aMosaiade, de
ce patriotique
ot pieux écrivain qui avait ouvert une nonvene carriôro à la poésie
germanique (t), il devise sentir singuiieremontattiré
vers la maison
(<) On s.)it .p.e
Khtpstock tut aussi t'un des admirateurs, et t'on
.-n.t.hrchm.tMchanh~dot.-t pour.
H..v<.)uti.),, fr.)n.;a..se. E.. t788. t'iuustrc
p~-tc. aturs ..gc d.. piu~ .)e .soixautca. cumpoM une Mo a<~ ~t~
d'un hotnmo qu~snn .xttniration pour ce grand poète avait conduit u
~uscr sa sœur .)oh:)n!~).(:L'th~-in'itpHtS(juan'iri(-htc arrivai f~
Zurich muis ottc avait laissé 'mofitte, tn~'iticre des nohtos St'ntimonts
do sa mère, la consolation et f'irguei) de
son pcro. M Rahn. Si co
dernier avuit pu s'enthousiasmer pour une sccur do Ktopstock qu'il
no connaissait pas, mais dont. te poète iui vantait. tos vertus et le mé-
rite, quelle improssion no durent t pas faire our le
cœur de notre jeune
At!emand la vue et la conversation do cotte digne niôco du grand
homme < I! ne tarda pas a l'aimer, et il n'eut pas de peine a s'en faire
aimer. U avait rencontra lit femme qui lui convenait éprouvée o))o-
mômo. dan.sson enfance, par te mameur, animée dos sentiments reli-
gieux tosph)sc!ov6s, aimunto et dévouée jusqu'à l'abnégation, telle
était colle qui devait devenir la compagne de sa vie. H n'est
pas sani;
intérêt do remarquer que t'amour du Fichto pour la nièce de Ktop-
stock est contemporain clos sentiments de sympathie et d'enthou-
siasme qu'excita en lui la Révolution française. Ces deux
rayons
cchaun'ercnt en même temps sa jeune âme à l'espoir du bonheur
domestique que lui promettait t'union de deux cœurs si bien faits t'un
pour t'autrp, se joignait en lui colui de la régénération publique dont
!a Révolution française <emb!ait donner le signal,
et cette double
perspective t'animait d'une double ardeur. Chez lui l'amour n'étouffait
pas, mais semblait piutôt fomenter la passion du bien public. Ce fut
l'année même do son mariage qu'il publia ses CoMt(~-o«on< Mr
7~o~<<tûn ~-(ïHp~t'sc, et son ~<scou~ a«r ~'ber~ de ppMer; mais
nous ne sommes pas encore arrivés à cette heureuse époque de sa

t'OM~r, rempHc du plus noMo enthousiasme; et en 1790, il dcdta à La Ro-


chefoucautd une admirable pièce dû vers ou il reproche n patrie de s'ctro
sa
laissée devancer par tn France dans la carrière de h )ihertc.o2Gaont <?92,
un décret de t'assembtcc tc~ishttivo t'étcva avec plusieurs autres hommoa
cctÈbrcs.an rang do cituyeti haxçais. Ktopstock adrosaa, te 19 novembre
suivant, :t Roland, ministre d~ la t!6pub!i<~te, une tcttrc ou il exprimait
sa
reconnaissance pour cette ~or<at<se prowo~on, et rnppelait qu'il avait été
un dos premiers àcetebrcr t'auroro do la liberté française. !tcst juste
d'ajouter q)te les excès de li H6votution modiuôrcnt plus tard soa sentiments,
et changèrent en tarmcs de douteur les larmes de joie
que t'avcnemcnt de
la ttbert6 lui avait fait répandre. Voyez
sur ce point un très intéressant article
publié parM.Carnot, en <843, dans la /~M<t <nd~d<!Mfe (t.
p. 3??),
sous ce titre Les échos de la /{euo<M«on française 0~ /U~no~ne. Cet
article devait servir d'introduction a un ouvrage que M. Carnot proposait
se
alors de publier sur r~«e~~jync peM<fan( ~cn-c délivrance, mais
que depuis il a mathcurcuscmcnt laissé dormir dans ses cartons, sauf un
nouveau fragment pubm', en ~850, dans la At~er~dc penw (t.Vt, p. 281),
sous ce titre t'/i~HM~nc auat<< l'invasion /an~Mc.
vie. Avantd'y parvenir, il avait encore de bien rude:; épreuves a tra-
verser.
Apres deux ans de séjour à Zurich, plus que jamais fatigue du
métier do précepteur domestique, et impatient d'ailleurs do se faire
une position et un nom qui lui permissent d'épouser celle qu'it aimait,
Fichto quitta la Suisse pour retourner on Allemagne. Après s'être
arrêté il Stuttgart, où il avait à s'occuper d'tmo bonne œuvre, et à
Weimar ou il espérait voir Goethe et Herder, il se rendit à Leipsick,
où il croyait trouver plus facilement tes ressources qu'il cherchait.
Bien qu'il eût emporté plusieurs lettres de Lavatcr pour divers
per-
sonnages, soit fierté, soit discrétion, soit l'un et t autre ensemble,
Fichte, avant départir, n'avait pas ose faire appel pour tui-méme
au
crédit dont jouissait l'illustre pasteur de Zurich auprès des grands do
t'Attomagno. Il le fait, pour la première fois, dans une lettre datée
de Loipsick il prie Lavator de vouloir bien songer a lui, s'il entend
partord'uno éducation à faire dans quelque grande maison, ou de
quelque jeune prince a accompagner soit l'université, soit en
voyage En mémo temps il médite plusieurs projets qu'il communi-
que à sa fiancée, celui, entre autres, de fonder un journal destiné à
préserverle public, et particuticrementtesfemmes, du danger de
cer-
tains livres, en leur offrant des lectures plus saines et plus utiles.
Mais il fallait pour cela trouver un éditeur. En attendant, il
compose
des nouvelles, et même une tragédie, bien qu'il ne se sente guère né
pour ce genre de littérature on lui dit que cela conviendrait beau-
coup mieux aux libraires. Mais. quelques difficultés qu'il trouve a so
créer des ressources et une position, il s'enrayer l'idée do retourner
dans son pa~s pour y poursuivre ta carrière ecclésiastique: it veut
avant tout conserver t'indépendanco de sa poaséo. < Sans doute,
écrit-it. nos jeunes ecclésiastiques d'aujourd'hui, dont l'esprit est cul-
tivé par l'études des hautes sciences, ont dos iumières et
une con-
naissance rationnetto do la religion qu'on no trouverait, mémo
au
degré, dans aucun autre pays do t'Europo. Mais ils sont opprimés
par une inquisition pire que celle d'Espagne; et. soit quo ta force leur
manque tout à fait, soit qu'ils ne puissent se passer de leur place,
tandis qu'on peut très bien se passer d'eux à cause du grand nombre
d'pcctésiastiques, ils plient sous le joug et font les hypocrites.–Dans
une pareille situation, une révolution est sans doute imminente; mais
quand? et comment Bref, je ne veux pas étro ecclésiastique
on
Saxe ? Deux mois plus tard, résolution
sa est un peu obrant~ i)
accepterait une position ecctc~astiquo (tans
son payn, s'it pouvait
obtenir. H un voit bifn encnro ks <jifticu)tus. mais il esp~ tes
vaincre. « La tumiero, s'écrier, il, !utte mait)tct.:)nt
avec forée contre
les ténèbres. et japerçois t'aubede meitteurs jours..Du
resto ~a si-
tuation est tet!o qu'i) irait u~me en Russie
ou en Hspagne. s'il y
trouvait une place. H faut voir, dans ses h'ttro~
a sa Hancée. avec<)uct
courage il supporte le présent. quotte confiance il montre en l'avenir,
et quotto tendresse du cœur.se joint en lui à) énergie du carnc<èro.
Ce fut au o.i!tcu des (hfticuhc, et d~ incerU'udes de
co ~jout a
Leipsick que Fichte commença a <Hudipr la philosophie de Kant.
Nu!to
doctrine no convenait mieux a son caractère et
il sa situaHoo pré.
sente il y retrouvait, j ima~c précise et tununeusc de cet empiro
do la volonté et de cette dignité morato (tont il a\uit dcja
ut. si vif
sentiment, pti) y puis:)it t.< force nécessaire
pour supporter avpc so-
renite!esdifticu!tos et ~deceptionsqui le poursuivaient. Au~i
hem!-
il )o hasard, ou plutôt la Providence qui )..i fait
a connaitrc la phi.
tosophiu Motionne, dans )o temps n.6tno ou i) avait bR~oin
d~tro
soutenu parque!quo d~c de fou. Cette philosophie, ecrit.i). u
~a
nancée dans son cnthousia.mo,cuttop)<itosophie dompte t'imo~inut!()t).
qui c))c/. moi a toujours été trcs puissante; elle
assure lu prepond~
rance de t'cntcndement, et elle c:c\o t'esprit
a une hauteur cx~mor-
dinmre au-dessus do toutes lei choses terrestres. J'y ai
puis6 une
morato plus noble j et, grâce à elle,
au lieu do m'occuper des choses
extérieures, je m'occupe davantage do t..o:-mcme. Cette
étude tt.t
donn6unotranquittitc que je n'avais
pas encore ~ontie; je )uido:s
d'avoir vécu ~s p)us hou~ux jours dans situation extérieure
mcertaino (1). H
se promet de h<i con~acr~ au moms ptusicurs
ht plus

années de sa vie, et de n'écrire do to~temps~ur


autre (~jt-t.
"Dto est difficile au delà de toute expression, et aucun c)te a bien hesoin
d être rendue plus claire. Fichte
no se préoccupe d'ai!)curs ici que du
côte pratique de cette phitosoph.o
<. h.s principes en sont sans (touto
desspecuiations fatigantes pourt'espritet
~ans innuenco directe sur h)
Vie humaine, mais tes conséquences
en sont extrêmement importantes
(!)
~?~ ci Je vis
~<
dans un..oth eau monde, ~r.t..te.nco.-c. depuis
q.nue j'ai )u
brantabtcs
pourraient f" Propo.i.io, je tenai. pou i,,c.
sontebrant.cs p.u.. moi des choses dont je croyais nu'de
cumn.c. p.r c.cn.p~ r ce
lie,
hbert6 absoh.c.du dcyo.r. etc..
sens p!~ heures On “<.am:.it
,c
cu.
s.t maintenant dcmomrcc.. et je
~,<.t .-c.ppct pour
1..ctte fore. n.,us .tonne ..e sy.t~mc. Q.,d)o h.n.-dic io:, pour
-huL
o.
ln morale et rcnvcr~ d.e. fon~ment~ et ou <c uti:
enacc de tous tc~ dtcttou'):)it-cs! «
d'<sunsiect(.'())'tk'ss()ur(-('s't('t.)))!t)i!)iusontc()rr<tmpues.ctcosc.
rait. je crois, rt'nttr~ .m monde un ~raod service
que d'exposer eus
conséttuoth'es avec une extrême dar)é. «("ust maintenant (;u'it com-
pren(t combien ii or) an, torsqua ta suite de Spinosa, i) se prononçait
pour!') système do lit nécessité. u Jo suis maintenant tout a fait con-
vaincu, s'écrie-t-it, quêta volonté humaine est tibre, et
que ta Un do
notre existence n'est pas te bonheur. mais ce qui nous en rend di-
gnes. Une nouvottc hunier s'csUniK'ditns son ~pr.'L revem! do son
nrronr. il ro~ro~.o davou-chorch~ a !a faire par~~cr aux nu~res. et il
vomh-aiUnaint.onanHos rotirer. Dis.ucrtt-itamadomoiseHeHahn,
dis il ton cher père, quoj'aun~ commo io tnien, quc,dans
nos rechor-
ches sur <a nécessite de toutes ~s actions humaines, quoique rigou-
reux que fussent nos raisonnements, nous nous trompions, parcoquo
nous partions d'un faux principe, x !t demande mémo pardon a sa
fiancée do ravoir outragée hors du vrai par ses assertions sur la
tibertc.H montre if'i toute tacandeurdeson âme, ctt'on voit en mémo
temps combien était sérieuse et. di~nc (to lui !a jeune fille avec laquelle it
avait pu avoir de têts emrotiens et a qui il adressait un pareil ianga~o.
«
Ne crois désormais que ton sentiment, quand même tu ne pourrais
pas réfuter tes sophismes qu'on y oppose; i)s doivent d'aitteurs être
réfutes, et ils te sont déjà. Il est vrai qu'on n'en comprend
pas encore
la réfutation. ') Mais il a un regret plus
amer encore, parce que les
conséquences ont été plus ~ravo<; et qu'il no peut remédier autant
y
qu'it le voudrait, Je vois combien sont tristes les principes que
j'avais auparavant par t'exempte d'un ami très cher qui les
a reçus
do moi il y a longtemps, sans être
en état do tes bien saisir, et quo
ces principes ont conduit à d'autres, qui n'étaient plus les miens et
qui d'ailleurs n'en dérivent pas nécessairement. !t n'est
pas heureux
maintenant, et il ne trouve pas en lui do connotation, parce qu'il est
incrédute. H voudrait do meiiteurs principes, et il ne peut les
com-
prendre. Ce qui m'afuigo, c'est do ne pouvoir lui prêter te
secours
qu'il attend de moi à cet é~ard, parce qu'il est à Dresde ot moi il
Leipi.icL n Voilà donc Fichte devenu t'adopte de la philosophie do
Kant;i il en veut être aussi t apôtre, tt n'a plus d'autre but
que do
travadter a en populariser tes principes et à lui donner,
au moyen de
t'étoquoncc.uuo influence active sur le cœur humain. Ainsi t'élude
de la philosophie kantienne no t'empêchera
pas de cultiver les heu-
reuses dispositions qu'il se sent pour t'étoquence; mais la première
<-n fournissant il ta seconde la matière la plus subtime, furtinera et
ennoblira sa parotc. et cette-ci a son tour lui servira à propager
t'autro.0uette.)d)nimb!t'pr(.p:tt-!itiun()<)t)run prétticateur! (-:<)-i)
na t.tts encore .t'.)p:<-d)catiun.h)(' si, dit-d.j~no
)-"m.t)('c
suis p.ts destine a cotoft)t'o,jaurai du moins jaconsotation d'avoir
fait tout ce qui dépendait de mu',
pour m'pn rendre capabto. Le
reste n'e-st pas mon attire. ?t-'ichte resta ainsi ptongé dans i'étude
de ia philosophie kantienne pendant tout !o temps qu'it pass.) a
Leipsick n y consacrai tes loisirs que lui taissaipnt les tenons
qu'ti (huumt pour \tvr< Il composi) tu~neun e~H sur la OrX~M
<fM~t)~n<. Il avait pnsc~ ouvrage pour tHxto de
ses premiers
commpouurcs, a cause dca vuu~ sys~'tn.tUqucs .jt)'it conUontsur
t'ensptouto dot.tphitosopuiu, tcttc que Kunt. la con(;oit ()). !t songeait
à Hvro)'~ travail a t'impr~sion, quand unnnouvotfo épreuve io ror(;a
do renoncer a eu projet et d'ajourner encore )n bonheur auquof il
croyait toucher.
L'étude du h) phdosophiodcKant n'avait fait qu'exutter
son amour
pour s:) (ti~ne fianccc. Jamais Il no s'est senti autunt de L-oura~o,
jamais ih)a eu autant de confiance en J'avcttir.Hien donc qu'it
no
soit ~ucro ph)s avancé (tans ses a{rair(~ mat~-ie))es (~t'a
son départ
de Zurich, il ne veut plus tarder davantage a cpouser cetto qu'H
s'est choisie pour conpo~nc et qui a été la prcmi~o a )o rappoter.
Le~"mi)rs<79t.iNuiécritq))'Hscrn)ibronhfin()nmoisctqu'it
est (~cidé rotournor Muprcs d'ette. Il va enfin router te bonhcur
a
domo~iquo (juetui n'sprve un marine si bien assorti, et, danscotto
union mûmo, trouver t'indépondancooUe repos nécessaires
aux tra-
vaux qu'il médite; mais voila qu'au momont m~meoù il satuc le
port, un coup do vent rt-n repousse. A peine a-t.it annoncé
son
retoura sa fiancée, qu'une fatale nouvdio vient tout d'un coup ron-
verser ou ajourner ses desseins il apprend que son futur beau-
pèro n perdu sa fortune par suite do ta banqueroute d'une mai.son
à iaquouc il avait confié son avoir, et qu'd se voit menacé de finir
ses jours dans te besoin. Cet événement condamnait Fichte a diiTéror
son marirtgeavecmadetnoiset!p Hahn, et a recommencer cette vie
de tabeur, do privations ot d'angoisses qu'it ne connaissait
que trop !t
avait assox de ccura~e pour supporter son propre m.dhfjur niais
ce
qui )'aft)igcait in plus, c'était, do no pouvoir venir en aide h des
per-
sonnes sichcros, ou au moins do ne pouvoir vivre auprès d'eues pour
partager tour sort. Loin de ta. il lui futtut s'étonner encore davan-
tage. et atter jusqu'en Poterne pour trouver tes moyens d'existence

(!) Vcyoi: )uun ~r<n~)~ ( r<<~«c d<tjt~~t~ Con~M~OM, ?. 3m.


fpn lui étaiont redevcnus nectaires lu neco~it~ lui
lit accepter une
p)uce de précepteur dans une famillo nchto d.)
ce puys. Mais do non.
vot'esdeceptionst'attendaient à Varso.'ie. Son air sérieux
ot grave le
défaut de soupière et do tk.xibd.te int.cront
à on caractère, enfin
sa mauvaise prononciation française. tout cela, des la première
entrevue, dcph.t à la comtesse potonaiso qui devait lui confior
t'ûducationdoson fils. Htto laissa voir Fichte
son désappointement,
sans toutefois lui ddctaror qu'otte refusait du le recevoir mais notre
philosophe n'éuit pas hommo à accepter
uno situation hun.itianto
quelque pauvre qu'it fut. !t écrivit à la
cointo~so une lettre très
t)ero. afin de rédamer tes égards qui lui étaient
dus, si l'on consentait
a retnptoycr, ou, dans )e
cas contraire, une indemnité. Pour toute
réponse. comtesse lui fit pro'nettre s~ protection auprès d'autres
maisons do Varsovie. Fichto déclara bien huutqu'it
no voulait pas
être traite comme une <.Mo passée de mode
que l'on cède à ceux a
qui elle petit encore convenir, et il lit
sonner aux oreillos do la com-
'csse un mot auquel elle n'était sans doute
pas accoutumée: il pnrta
de son droit. Comme elle n'entendait
pas ce tungagc, il la menaça des
tribunaux et la fon.-a ainsi à s'exécuter. L'indemnité qu'il
en reçut
pouvait le conduire une coupte de mois. !t prit le parti do
retourner
dans son pays, et de s'arrêter,
en passant, à Kœnigsberg. afin d'v voir
le grand philosophe dont il était l'admirateur le disciple.
et
La première visite qu'it fit a t ittustro vieillard
no repondit pas à
son attente. Kant, qui ne savait pas encore à quel homme il avait
affairo, le reçut froidement. Mécontent do celto première
entrevue,
mais espérant obtenir un -mcittour accueil
en se faisant mieux con-
naître, Fichte écrivit, en quelques jours, d'après les idées do Kant,
une Cn~f/Mc </<' (o«~ les )'ct'<nboa, et )a lui envoya en guise do tottro
fto recommandation. Ce moyen réussit. Charmé do
ce travail où
il retrouvait t'echo do sa pensée et voyait poindre
un nouveau talent
phiiosophique, Kant reçut Fichte avec beaucoup do bonté, quand
cehn.ci lui vint faire une nouvelle visite. Invite a dtnor chez lui, Fichte
oublia bien vite son premier désappointement J'ai trouve, ccrit-it
duns tejo'n'nat où il consignait alors
ses observations et ses imprcs.
sions de c))a<!uojour, j'ai trouve en Kant
un homme très agréable et
très spirituel j'ai reconnu en lui dos traits dignes du grand esprit
qn'it a montrô dans ses ouvmgcs.
u
Mathcuro~cment tes soucis tes plus poignants se méfient
au ptoi-
sir (ju'i) trouvaiL daoa lit societedc Kattt et dos amis de philosophe.
ce
Avt'L- qucttc punibto émotion nctit-on p:)stcs tigm's sui~ntcs,
écrites
dnns sonjournat u !n date du 28 août )79) J'.n commencé hiern
a
revoirmaC'r<(~t<t' de nouvcH~ pensées, vraimentbonnes et profondes,
tcsoutpresontéesamoi, et m'ont, nudheurcusement convaincu que
mon
travuih'tait tout a fuit superHcie). Je \ouhis aujourd hui poursuivre
ntcsnouvcitcsrecherches mais je m'en suis senti tottemont détourné
par mot) imagination que jon'ui rien pu fair~ do toute )a journée.
J'ai calculû qu'il ne me reste plus de moyens de subsistance que
pour (juatorxo jours. Je mo suis déjà trouve, i! est vrai, dans des
embarras déco genre; mais c'était dans ma patrie pt puis, à
mesure
qu'on uvanco on âge et qu'on se fait do l'honneur
un sentiment plus
duhcat, cela devient de ptuson plus dur. Jen'ui point pris do
resotution. et je n'en puis prendre. Je ne m'ouvrir:)! pas uu pas-
teur Borowski, :) qui Kant m'a renvoyë.; si je m'ouvre n quelqu'un,
ce no sera qu'a Kant iui-memo.
!<a<sure cependant par tes manières franches et toya'es do !'oxcet-
tont pMtour, Fichte se décide u lui faire l'aveu de
su situation, et il
lento quu!que$ autres dém.u'ches. Mais rien no se pn'sentp,
pas
mcn)ouno ptacc do précepteur. Incupabto do travailler
:m milieu du
cette affreuse incertitude, hots d'état m6mc do jouir do la société des
nouveaux amis qu'i) s'e~ faits à Kœnigsberg, it songea regagner
son pays mais il lui faut pour cda quelque argent. A qui s'adresser,
sinon Kant Il se dirige vers sa maison, dans l'intention do
s'ouvrir a lui mais, chemin f:)i~ant, le ca'ur lui
manque, et il prend
le parti d'écrire ce qu'ii n'osodiro de vive voix. La lettre qu'il
écrivit
on cette ctrconstanco a été insérée tout :)u )ong dans sa biogra-
phie(~) elle montre ciairemont combien il lui
en coûtait d'adresser
a Kant une demande do
délicatesso jointeh co genre, et e)to témoigne la plus exquise
plus nob!o fierté. Des to tendctnain, Fichte est
invité chez Kant. Ce)ui-ci le reçoit avecsncord'atité ordinaire,
mais
lui déclare qu'it n'a pus pncore
pu prendre do réso!u)ion .tu sujet de
sa demande, et qu'it ne sera pas en mesure d'y satisfaire
avant une
quinzaine do jours. Orques jours après, il j'invite do
nouveau,
et cette fois lui dedaro qu'i! ne peut t'obtiger de bourse,
sa mais
même temps il lui indique un moyen qui pourrait le tirer d'embarrason
cc serait de vendre au tibruiru Hartung, par t'intermédinire du
pas-
tcur Borowski, le manuscrit de sa C7-<~ Je <o«~ /M ~f<-
~om. Fichte parle de te retoucher « t! est bien écrit, n lui
répond
Kant. « Itst-cc vr.'i?
au écrit Fiohto dans son journal « c'~st

(') !Ml7T-t8i. 1
ourlant Kant qui du, et ce jugement du grand philosophe tu
consotedu refus qu'il vient d'en ~~oyer. Pourcomhtedem.'theur.
to tibraire iiurtut~. (;ue Kant. h)i av.ut désigné, était alors absent
deKœnigsberg. Cependant .us ressotirce.sdiminuaient d'une manière
emayante. Aujoufd'hu', ccrit-it dans sonjournat, a ta date du
<3 septembre,
43 je voûtais
svptumbrc, ju vuulai~ truvaitlur,
travaitt'ir, t;t je no
et ju fuis )-ic)).
no fuia r~isa. Lo découra.
Le clécour~-
~en~m. s'est cmpin'~ de moi. Commet c<;h finira-t-i) ? Quodo'K'n-
drui-jo dans huit jours? Tout mon m-~ot .sera alors épuisa..
»
Ueurou~t)tenL, ici commu a Lcipsick, un thomuot m6tne ou
sa si.
Htution paraissait, to ph)s deauspér~c, unu nouvctte phmcho du s.dut
s'ottrait u h)i: unu p)nce du prompteur chex )o comt~ do Krokow,
dans te voisina~ du Dantzick. lui fut propose par )u prddJL-~teur
Schutz; ~rucu a ia rccutotnaodattO)) d~KunL, tes conditions tes ptus
honorabtus lui 6t.)i~nt (tHotes. Qucttotjuo fut. sa r~pu~nanco
pour ce
~cnrc do (onctions, ceLtc ptace )o tirait d'un terribtu ontbarr~ ut,
cette fois d'aincut's. il n'ont qu'a seieticitor: it trouva dans ianuuson
du cotnto o). tic la comtesse Krokow tt) plus ahnabto accueil et les
ro-
Jations tes plus :<~rc.tbtus.
Tandis quit jouissait, de eu bonheur inespéré, sa CW<«~ (~ (ou~
ft!ue~«oM~, in)pt nnco a Hut!u, obtonai). un sucées qui (tëpassait toutes
sos espérances. Ici cncoro Fichto avait ou d'abord a tuttcr contre du
graves dtfncuhes. Lo tivro, avant, d'&trc imprime, avait dû 6tre sou-
mis a la consuro, et te doyen de ta facutt~ do theoto~ie, charge do
l'examiner, avait refusé i'<Mtpr<Mtu<«<' a cause d unu assertion qui lu
scandahsait. Quettcét.ntd~nc cette dangereuseassertion ?C'6tait.cottc
idoo, empruntée a Kant, qu'une retigion qui se donne pour rcvetee
ne doit pas se prouver par h's miractes ahcgués en sa faveur, mais
uniquement, par son contenu c'est-à-dire par tes idées qu'ene
onsoi.,no. On demanda a hchte des changements et des suppros-
sions. t) dectura qu'it uimuit mieux renoncer a pubiio!' son travail
que d'a!terer t'ex~'e~ic!) de sa ponsce. La nomination d'un nou-
veau doyen, moins timoré, mit fin a toutes ces difficultés, où
SchuizotKanttui-momo étaient intervenus, et. l'ouvrage put enfin
paraitre. Lo hasard ntqu'it parut, d'abord sans nom d'auteur, et cotte
circonstance, indépendante do la \'o!ont6 de Fichtc, assura to succès
do son Hvrc on l'attribua a Kant, dont i) rappùtait en etTet les idées
et te tangage, et on no !')i épar~nn pas les éloges. Kantse fit un de-
voir d'en renvoyer l'honneur n Fichte, et de désigner pudiquement
son jeune ami comme fauteur dn livre. Mais ce livre avait fait son
chemin, cLceux mémo qui, te croyant do Kant, t'avaient te pius
vante, étaient interesst' a te soutenir pour justifier leur mépris et
sauver leur sagacité.
Il ne manquait ptus a Ficbto qu un bonheur, etcctui-ta allait sui-
vra tes autres. Par ses soins et son économie, madetnois('tto Mnht)
était parvenue sauver uoo partie de la fortune de son poro, ut o)te
avait encore <u!~t))ont6 ce qu'eue ~n avait consorvo. Une pouvait de
nouveau otrrir a Fichte un sort indépendant auprès d e!<e; nu! ob-
stade ne s'opposait plus à leur union. Fichte rutom'na donc enfin a
Zurich pour y consommer co Utaria~e tant dCi-iru et tant ajourna.
t) fut cct6br6 au mois d'octobrf de t'anneo 1793.
Anranctu onhn des soucis de tu vie matcricjto, mais jeune encore
(iiavaitators trenteetunan~), Fichtepeut désormais suivre tibrement
sa vocation. Sa première occupation est d'écrire en faveur (te la li-
bort6 et du droit. ScsCon«~t'r«<(o~sur /<t /o~<f<ott /'r~np<m«, ainsi
que sa /~Ut'h(~C(t<'b~(~ <« ~~f<'<f <e~s<'r, qui en est un quelque
sorte !o prctudo, parm'pnt, je t ai ()~j dit, t'annce tnc'no do son
mariage. C'est ainsi (juo, loin do s endormir au soin du bonheur, il
consacrait les premiers toisirs que lui créait sa nouveHe situation a
ta cause dont il avait fait le but do sa vie, a la défense de la vente
et de ta justice. Voitat'hommo; passons à t'ouvre.

n.

Il est. bien évident que celui dont nous avons raconté la jeunesse
ut retracé le caractère devait r~scntir h) plus vivo sympathie pour
la Révofution française.' Qu'on se représente Fichte, (!'apres tout ce
que nous en avons dit: doue du ptus t~'au ~onioutdu cœur to ptus
Ncr cL toptusnobio, tourna, pu!'suite, vnr& tes choses ntoratcsptuson.
core que vers tapurospccutation, éprouve et pour ainsi dire trempe
par )<; tnutheur qui n poursuivi sa jeunesse, t'in'topendanco person-
none, la dignité mora)e, t'atnour de la tiberte et do h) )t)-t.icc sont,
chez lui de veritab!es passions, que !'t'()e de h phiiosophio ()< Kan!.
vient bientôt oxattcr jusqu'à t'enthousiasme. Qu'on n'eUt) maintenant
cet homme, ainsi né f-t. ainsi formé, en présence d'une Hévotution qui
ne s'annonce pas seutomont comme un changement a opérer dans ta
constitution partic'.uiered'un peupte, m.us comme une reconstruction
()o !a société tout enticre sur )cs bases du droit naLuret et de la justice
abso)ue, comme un at)'ranchisse<nentgênerai, comme une pauhgenc-
sie de t'humauité, et qui, pour marquer d abord ic but de sa mission,
commence par une déclaration des
quitte emprunte a
~.o.~ <~ /to~ d« c«~
phitosophie; et qu'on se
ta demande quette~im-
pro~ion doit produire un têt événemem
sur âme du jeune phitoso-
ph'3"St ta K~'oiution française
apu émouvoir a ce point. des vioittards
tc~ quj Kant et Ktopstock. du quoi eutttousiasmo remptira-t-etto
no
pas le cœur d'un jeûna hommo tôt que Fichte? Et. si tes premiers
ne
soient pointage premnnir contre i'ittusion de si bol!es promesses,
comment to dernier ttendr~L-it comp:o des difucuttes
que la réalité
oppose M tifi~t? H n'est pas moins scduiL qu'oux
par les dëbu~sde la
Revo)ut:ot), ni moins confiant dans t'avenir qu'oHo
promctau\ peuples.
"h'juge comme cu~eHe hti~embtc
un richu tableau sur ce grand
texte: tes droits de! homme eL la dignité de t honnno;
e~ommo
eux, il y voit le prélude d'une transfurmutiongcucrate « Les choses
no sauraient demeurer comme elles sont actuettc.r.cn~: j'en ai
pour
garant ccUe étincello divine qui brille en notre cœur.. Mais. tandis
que, décourages pur tes violées qui souillèrent la cause de la hé.
votution. !e\~ux p~LeeUevieu~phitusophonotinronLpas longtemps
contre ta brutalité des faits, le neveu de Ktop~ock e~ to disciple do
Kant. Quittant, encore do toute t'ardour de ta jeunesse
et muni
d'ailleurs d une singuiière énergie de caractère,
conserve ses sym-
pathies a la Hcvotut:on et prend ta pturno
pour en défendre les prin-
cipes. sinon les actes, devant t Europe enrayée. !t
est mémorabte que
son ouvrage sur la Hevotution française est précisément Je 1793 (<).
i/ttoure do la déception viendra aussi pour tui, et quand arrivera
cette déception, hétas trop bien jusUfieu, il ne .dëptoiera
pas moins
d'énergie contre l'autocratie napoléonienne qu'it
en montre main.
tenant on faveur de la Révolution française; mais tant
que cette.ci
n'est pas devenue la proie d'un despote conquérant elle
no cesse de
lui inspirer un xete ardent et te:; plus nobles espérances.
i-'ichto no ferme point les yeux
sur tes violences et les crimes qui,
dans te temps même ou i! écri~, se commettent
en Franco au nom
de la liberté mais il en fait remonter lit responsabilité a
ceux qui ont
prétendu arrêter le progrès de l'esprit humain, et qui
ont systémaH-
(!)
co~ M.

Il y a bien
Qumct'a compare que~uc part (~Mt0~cc< Italie, O~-M
t.
h,
p. n~) Kant n la C.on~ituantc, et Fichtc à la ConYontion.
en effet, quc~ue ana)o{:!c; et, au point de vue pomiquc
nr:a)grc de notables tthcrgencos. afnnités sont manifestes. Mais que
<hrc du parallèle ou Henri Mdnc !'œuvrc de Kant à
compare celle
Co~'nnot). et Ficlite i'<~apo!<on? t) est vrai que !c spn-itue! ont!que depris
!a
soin tm-.n~nedc no~ortir (<'A</<<c, p. t3U) qu'il fait cette a
poratïon ptua par phiMtttunc que a~ripuscmtf)'. a cun).
quement retenu !o peuple dans t'ignorancc, ut il en tire une grande
!<;c' c'est que. si ion veut prévenir !osrcvotutions viotentes, il
faut ouvrir les digues que l'on no cesse d'opposer à la marche do
l'esprit humain, et instruire solidement h) peuple do
ses droits et do
ses devoirs. Do cette manière, quand it en viendra à modtfior sa
constitution, il n'embrassera
pus ta licence au thu du la liberté, et par
suite no sora pas exposa à rétrograder. Ècbiror le peuple et travailler
au progrès par ta propagaHon d(~ lumières, tdcjtdonc, scion richto,
t'uniquo moyen d éviter u t'avenir.tes désor(!res
que l'on reproche à
la Hcvotmion franc''iso. Autrement il nrrtvcra partout ccqu:
se pro-
duit en Franco tocours de la nature, violemment comprime, brisera
tous les obstacles, et l'humanité tirera de ses oppresseurs la plus
terrible vengeance. Mais pour travaitter ainsi au progrès et éclairer
le peuple, une chose est indispensable,
une chose sans taquette nul
progrès regutier n'est possible et qui esL comme le principu de tout
le reste, je veux dire la liberté do
penser, ce céleste Pa:tadium de
t'humanitc, comme t'appotto Fichte après Kat)t (1)., Le premier
soin
de notre philosophe est donc de lu revendiquer auprès des princes
do t'Europe qui t'ont opprimée jusqu'ici.
Fichtepart de ce principe que la liberté de ponsor est
un droitt
~a~Mu6~, et il en conclut que nul prince n'a to droit de la
sup.
primer ou do la restreindre'.
Qu'est-ce eii ctïet que ta liberté do penser-? C'est
un dos caractères
qui distinguent t'homme de l'animal c'est un otëmottoMcntiot de
sa peraonoatHe c'est la condition do son indépendance et de sa di-
goité. Il ne saurait donc renoncer à cette facuho sans abdiquer
son
titre d'homme, son rang (Je personne. 9a quatité d'être moral. La
tiberte de pensor n'est donc pas seulement
pour chacun de nous un
droit incontestable, mats c'est
un droit qu'il ne nous est pas permis
d'aliéner.
Lorsque Fichte revendique la tibertc de penser
comme un droit
~t'énabte, cen'ost passeutomcnttafaculté do penser tibromentpour
soi-même qu'itrccta!ne, mais celle do
communiquer aux autres notre
libré pensée. La première n'est rien
sans la seconde, et colle-ci
n'est pas un droit moins évident et moins inatiénabte
que cet!e.!à.
On conteste ce point, en se fondant sur que te droitdecommu~
ce
Mt()uer aux autres nos pensées suppose le consentement des autres a

(!) Voyez t'opu:cute de Kant, intituK f)<' ce proroge fc/n MM/ ~ro
t
~M M (AcoWo, w~u Me vaut
taDd~t'<no~d~,p.~70.
«ttee pt'(~<<?Me, que j'ai trathtit ù la suite de

6
recevoirnos dons. Ceta étant, dit-on, tu société ncpeut-etto supprimer
une fois pour toutes ce consentement, ut exiger do chacun do
ses
membres la promesse donc communique! absolument a
personne ses
convictions? En raisonnant ainsi, on oublie qu'it est do notre desti-
nation d'user librement de tout co qui peut servit- h
notre culture
intellectuelleet morate, que, par conséquent, il
no nous est pas permis
de renoncer au droit de recevoir des
autres les iumièrfs qui nous
sont nécessaires, et que si notre droit do recevoir est inaliénable,
leur droit de donner ne t'est pas moins.
Mais, dit-on, nul n'a le droit do distribuer du poison, t.e
poison t
voilà le grand mot des ennemis de la tibrc pensée;
et co mot, si vieux
qu'il soit, n'est point encore use
pour eux, nous en savons quoique
chose. Reste à savoir seulement
comment ils s'y prendront pour
prouver que ce qui est pour les uns une nourriture excellente est
poison pour les autres, et que tes philosophes un
sont, d'intention comme
de fait, de véritables empoisonneurs. Pour parier
sans métaphore,
le poison, c'est t'orreur, et t'erreur, c'est le contraire do
la vérité'
Or, disent-ils, si vous avez le droit de répandre la vérité,
vous n'avez
pas celui do propager t'erreur.
Fort bien, mais faut-il que nous tenions
pour vérité tout ce qu'il
leur ptaït d'appeler vérité, et que nous rejetions
comme faux ce
qu'ils nous donnent comme une erreur ? Quel critérium
nous offrent-
ils pour distinguer sûrement l'erreur de la vérité !t y a, disent-ils,
des erreurs anciennes et depuis longtemps réfutées. Mais réfutées
pour qui Pour eux sans doute; s'en~uit-it qu'cttos le soient aussi
pour noua~?
Que parle-t-on d'ailleurs d'erreur
ou de vérité! ït s'agit bien de
cela pour les princes Toute la question pour
eux est d'assurer leur
domination, et pour cela it ne leur suffit pas d'opprimerlos
corps s'ils
n'asservissent aussi les esprits. En p:)r.itysant dans leurs sujets te
premier principe de l'activité spontunée, la pensée;
en ne leur per-
mettant pas de se hasarder penser autrement qu'ils
no l'ordonnent,
ils en font précisément les machines qu'ils veulent avoir,
et ils peu-
vent s'en servira tour gré.
il est fâcheux seulement que le droit ne soit
pas ici d'acord avec
lours prétentions. Pour qu'ils eussent le droit do déterminer
ce que
nous déviions admettre comme vrai, il faudrait qu'ils tinssent
droit de la société et que celle-ci l'eût acquis ce
par un contrat. Or
Fichte n'a pas de peine à prouver qu'un pareil
contrat ost mo*
raloment impossible c'Mt-à-dirc ittogitimo et non avenu, tt tui.
suffit pour cela de rappeler que lit facutté do
penser librement t<t
do communiquer ttbrcmont sa ponséu est
un droit inaiiénabto de
t'homme.
Les princes auxquels on tient co langago ont
une réponse toute
prête c'est pour io bien de leurs sujets qu'ifs tour otem tu liberté
de penser, comme on enlève il des enfants un jouet dangereux
et,
& l'appui de cotte assertion, ils étaient complaisamment tous tes
maux
qu'enfante cette nberté. LaUévotution française leur fourbissait alors
uu argument qu'its ne pouvaient manquer d'invoquer: « Vous or-
donnez, iourdit Fichte, vous ordonnez à vos gazetiers de nouspei~
dro, sous des couleurs de feu, tes désordres ou
se jettent des esprits
partagés et échauués par tes opinions. Vous
nous montrez un peuple
doux, tombé dans une rage do cannibales, altéré de
sang, insensible
aux larmes, courant avec ardeur à des exécutions comme a des spec-
tacles, promenant en triomphe, avec des chants do feto, les membres
déchirés ot encore fumants de ses concitoyens,
ses enfants enfin
jouant avec des têtes sanglantes comme avec des toupies. ? Que ré-
pliquer a un pareil argument? On pourrait rappoler d'abord tes f~es
plus sanglantes encore que )o despotisme et lu fanatisme réunis
ont
données à ce mémo pcup!o, et montrer
que ces désordres ne sont pas
les fruits de ta liberté do penser, mais les conséquences du long
es-
clavage qui avait si longtemps peso sur les esprits. On pourrait
prouver ensuite qu'en dépit de cet exempte, la tiberte de penser, la
liberté de penser sans limites, sans obstacles, peut seule fonder ot
assurer !o bien dos ~tats, et confirmer cctto vérité pari histoire. « Jo
pourrais, ajoute Fichto, vous designer do grands et de petits
pays qui
continuent de neurir grâce a d)o. ou qui, grâce a elle, sont devenus
florissants sous vos yeux, c Mais, en vrai disciple de Kant, il
se
préoccupe moins du bien-être des hommes que do leur droit et do !eut
dignité. C'est au nom do cott<) dignité et de ce droit qu'i) revendique
ici la liberté do penser.
A ce sujet, il rappotto aux princes qu'ils
ne sont pas chargés do
v~Her au bonheur de l'humanité, mais seulement, do défendro
ses
droits, et que, par conséquent, leur premier devoir est de les respec-
ter eux-mêmes. Il no s'agit pas pour eux d'être bons, mais d'être
justes. Qu'ils laissent a Dieu sa tacho et qu'ils se contentent du rote
qui leur est dcvotu: il est assez subtimo. Fich~ s'étcvc étoquemment
contre cette basse théorie qui fait du princo une sccondu Providence-.
!t la renvoie aux courtisans qui s'avilissent et sèment ta corruption
pour se pousser :utx honneurs et aux richesses, et il p~rto ici .mx
princes et aux peuples t'austère tangage d'un hommo libre, d'un vé-
ritabtedémocrato.
Je n'ai voulu, dans les lignes qui précÈdent, qu'indiquer tes prin-
cipes sur lesquels Fichto s'appuie dans son ~cox~~tr~ liberté <~
~MW je n'ai cherché à en reproduire ni l'argumentation, si serrée
et si vive, ni l'ironie mordante, ni la rnate éloquence. Do telles choses
ne s'analysent pas. Chacun peut tire ce discours, sinon dans h} texte,
du moins dans ma traduction et chacun, jo t'espère, on y reconnais-
sant les qualités que j'y signale, rendra hommage au sentiment qui
a inspiré l'auteur: un profond amour de la tibortc de l'homme et de
M dignité.

La /!fue~d<cf<t<o<K~ lu ~~r<<< depo~Mt* n'est qu'un discours les


CoMat~rn~om dM<t<~c.s « nc~/tor les :<~<MtfH~ du pM~<c <ur
/Ï~o~<<ton/<'<!t<cft<scsontun véritable ouvrage. Matheureusement cet
ouvrage est resté inachevé Fichto s'est borne a ctabtir les principes
qui, selon lui, devaient servir h apprécier la téghiniité de la Révolu-
tion française ii a négtigé d'appliquer !ui-me<nc ces principes a
l'examen do cotte révolution et de soi actes. Mais, si son ouvrage
ainsi restreint n'a pas pour nous tout l'intérêt historique qu'il devrait
avoir; tel qu'il est, il forme un des plus curieux monuments do cette
philosophie politique qui a produit la Révolution française ou quo
celle-ci a suscitée à son tour. Fichte en effet y discute, avec beaucoup
d'élévation et de force, les plus graves questions qui occupassentalors
les esprits, comme celles du principe de la souveraineté, du but do
l'État, de t organisation do la société, des rapports do i'Ètat et de
l'Église; et ces questions, que notre révolution
a pour ainsi dire
jetées dans le monde, sont encore pour la plupart à l'ordre du jour.
On peut contester quelques-unes de ses sotutions; on ne peut nier
que. indépendamment de ~mour de la liberté, de t égaiité, de l'hu-
manité qui y respire, ettoj :)C suient dé fuites avec une grande vi-
gueur d'argumentation, et que t'élude n'en soit très profttMbte à tous
ceux qui s'intéressent à ces problèmes. !t n'est pas sct'tement cu-
rieux de voir un penseur tel que Fichte traiter de si tinporthutos
questions, au moment même où la Révolution française les tranchait
d'une façon si éclatante; mais je ne connais pas do texte plus propre
à susciter la rénexion, a tourner l'esprit du c6té des principes, à
éclairer les avenues do la politique.
ï.a première question que pose Fichte, est cette do ~vo:r d'après
quels principes t'n pensât il faut juger tes révolutions, C'pst, se!on
lui, f.'u'e de s'entfndre sur ce premier point qu'on a débité tant de
sophisme:; sur la Hévotution française: «Tcitoost, dit-il, !.t source
la plus féconde de tous ces sophismes insipides où s'égarent a chaque
instant non-~eutement nos beaux messieurs et no? bettes dames,
mais encore nos écrivains les plus vantés, quand ils jugent ce grand
drame que Iii France nous a donné de nos jours. Fichte veut donc
que l'on commence par
rechercher d'après quitte espèce de règles il
faut juger une révolution, ou, en d'autres termes, à que! point de
vue on doit se placer pour l'apprécier convenablement. Cct!e rocher-
cho forme l'introduction do son travail.
Mais d'abord doquoi parto-t on au juste, quand on entreprend de
juger une révolution? S'agit-it do la ~(ttnttc do cetto révolution,
ou s'agit-il (le sa angcsae ?
Ce sont là doux questions fort distinctes,
1
et qu'il faut bien se garder de confondre. La première est une ques-
tion de droit it s'agit do savoir si en général un peuple a le droit de
changer pa constitution, ou si en particulier il a le droit de le faire
d'une certaine façon; la seconde est une question d'habileté a-t-il
choisi les meilleurs moyens d.ms les circonstances données ? Ces
deux questions bien distinguées, il faut voir d'après quels principes
on devra les décider.
H y a des gens qui n'admettent pas do lois éternettes du droit, et i
q))i font du succès la pierre do touche de la justice. Ces gens-là, t

comme dit Fichtc. attendent t'éséncment pour donner à un bandit


io titre de héros ou celui de meurtrier (t). est un grand homme,
it eût été un brigand, un malfai-
un sauveur, un Dieu, s'il réussit;
teur, un scélérat, s'il eût échoué. Fichte ne veut pas discuter avec
ces gens-tà mais il on est d'autres qui, tout en reconnaissant au
moins tacitement des lois primitives et étcrnottes, croient devoir de-
mander à l'expérience la solution de ta double question dont il s'agit
ici. Ce sont ces derniers que Fichto voudrait convaincro.
C'est donc à t'oxpérioncoqu'it appartient, suivant eux, de répon- ¡

dro & cotte question Un peuple a-t-il le droit do changer sa consti-


tution, et, en particulier, de la changer d'une cortaino façon? Mais
qu'est-ce que cette expérience qu'ils invoquent? S'agit.-il do ces pré-
tendus principes que nous recevons d'aburd do nos pères ou do nos
nôtres, que nous retrouvons ensuite chez tous ceux au milieu des-
quels nous vivons, et qui, s'incorporant de plus on plus à notre être,

(!) Page 5<).


exercent sur nos jugements une inMucncodont nous no
nous rendons
pas compte? C'est ainsi, par oxomplo, que beaucoup do gens on sont
arnvés a croire do très bonne foi qu'un homme
peut être ta mattre
d un autro homme qu'un citoyen a droit,
par le seut fait do sa nais.
sance, a certa.ns privitcgcs (~o n'ont pas ses concitoyen
pn~e est destine a f~ire te bonheur de ses sujets; ils qu'un
guère a remonter aux causes qui égarent leur jugement. ne songent
Ce ne sont
sans doute pas ces préjuges que ton invoque sous le
nom d'expé.
r.encu? Sor.ucnt.co par hasard ces irions produit en nous le
sentunent obscur do notre intérêt, et dont il que
nous est si difficile de
nous préserver, mémo avec esprit le plus lucide et la meilleure
votons ? A force de nous présenter à
nous-mêmes et do présenter aux
autres sous un manque honorabte ~s prétentions de
notre 6go.smo
nous en faisons des prétentions t~tunes, et nous crions a l'injustice,
quand on no fait souvent que nous ompêcher d'ctro injustes.
Ce
n'est donc pas lu non p!us ce
que nous consumerons, quand il s'agit
du droit nous no repousserons
pas ~oins rinûuencedo t'intéret que
celle des préjuges. Quo signifie donc
cette expérience que l'on invo-
que ? C'est témoignage de !)~o<
to
Mais, si c'est sur l'histoire
que nous devons nous r~ter, quand il
sa~t de décider une question do droit, il
y aura donc autant do
règles qu'il y a de sièdes; carre~érionce
dont l'histoiro est le
dépôt s'accrott avec chaque siècle. A
ce compte nos droits et nos de.
vo.rs ne sont plus aujourd'hui
ce qu'ils étaient il y a cent ans et ils
M seront plus dans cent ans ce qu'iront aujourd'hui. Et
lement il y aurait autant de règles non-seu-
que de sièclos, mais il y on aurait
autant que d'individus; car on ne saurait exiger
connaisse toute l'histoire du passé, que tout le monde
et la somme de nos connais-
sances h~toriques din-ére néccssaire.nent
en chacun de nous. En
outre, les hommes n'ont pas toujours
eu pour se guider te (lambeau
do !h.ston.e car l'histoire eue.me~e
Avant cette époque, il n'y avait donc a eu son commencement
pas de règles pour e~, et
nous n'en avons pas non plus pour ~précier la légitimité de leurs
actos.
uvo.ra.ns: réfuté !e système de
Après
ceux qui voûtent qu'on
prenne t tnstoire pour juge dans la question de droit. Fichte
~rnen~o aux principes auxquels romonte
nousdovons ramoner toutes nos
recherches surja tcgiLin~ mégitimito
ou d'un acte libre, et il on
trouve la source dans la forme ori~iro
et immuable du moi hu-
main, !t déduit de cotte forme t'idéedudevoir
et cctto du droit, Dans
cetto déduction, q"e jo me borno a indiquer, on reconna!t ht morate
do Kant et. jusqu'à son tan~agù(t).
Fichte veut doncquc, pou:'apprccier la tegitimited'unorcvoiution,
ou pour résoudre ta question do droit (p)'ette soulève, on oxclue ab- f
sotument t'oxpériencoot t'tustoire, et qu'on s'appuie uniquement sur j
ces principes que la raison reveto pr<ot'< et qui cons'.ituent ce qu'it
appetteta forme originaire do notre espriL Mais sur le second point,
c'est-'a-diro sur !a maniëro d'apprécier ta sa~osse ou t'habiter d'une
révolution, il so montro tnoins dédaigneux de t'cxpdrienee et de
t'histoire, sans toutefois leur faire une hion tar~e uarL M reconna!t.
ouo, quand il s'agit doju~cr, non pas ta bonLc du but que poursuit
uoesocictôenchangean~sa constitution,–c'est, encore ta unuquestion
purement morate.–maiscette des ntOt/~ts los plus propres a atteindre I
ce but, une certaine c~t<~M~cc~p<'r~e~~(' (~ <'<tfnu /tt<tr<f«ne est t
n<~eos<aire. Par t~ t''ichto n'entend pas cotte qui résulte do t étude
desditï'eroncesquo!e8iecte,toctimat, les occupations introduisent
entre los hommes. Selon lui, ces diu't'rences, peu considérantes en
comparaison de ta somme dos qualités communes, doivent s'effacer
de plus en plus avec los progrès de la civilisation on tous cas, il est
aiitd d'apprendre à tas connaitro et a en tirer parti les moyens do
s'on servir, dit-il, sont des expédients mosqxins otinsignifhtnts. La
connaissance qu'it recommande, c'est colle que chacun peut puiser
on soi-même, en ctudiaxt son propre cœur. MObserve.toi toi-memo," 1)
tette sera donc ici la maxime du politique. Cette connaissance n'a
rion~ demetcr avec t histoire vulgaire: ette est t'œuvro du penseur
quis'ohsorvotui-meme; mais Fichte ajoute que l'histoire, bien traitée,
pout servir a t'enrichir et a ta connrmer. Cette-ci en en'etnousmon-
troquetquochoseque t'exp6ricnco quotidienne ne nous apprend pas:
elle nous fait voir ce que peuvent les Ames privitcgiées dans des cir-
constances extraordinaires eito nous peint t'humanitedans son habit
de fête. Voiià t'onseignement qu'it lui faut demander; Fichte ne !ui
rcconnatt guère d'autre utihte.
Arrêtons-nous un instant pour jugor a notro tour tes ideea que
nous venons d'exposer, ~khte a raison de vouloir que t'en distinguer
soigneusement ces deux choses la légitimité d'une révolution et ta
sagesse, c'est-à-dire l'opportunité et t'habitete de cotte
révolution.
première est une question de droit, ct*it suffit pour la résoudro
d'en appeler au tribumd do la raison; la seconde est uno question de

(t) Voyex pa~ 7t-75.


prudence, et ton no saurait y répondre sans recourir à l'expérience.
Après avoir établi cotte lumineuse distinction, t''ic)tte avait beau jeu
pour faire à t'expcriencc et h l'histoire la part qui leur convient
au tiou do cela. il en restreint singuticrement le rôto. Sans doute il y
a totto sorte d'expérience et d'histoire qui est ici absolument stérile
je con viens volontiers qu'it n'importe guère do savoir combien il y
a eu do grandes monarchies ou que! jour u eu lieu la batailla do Phi-
tippes.J ajouterai même que ce qui a réussi aux uns pouvant
ne pas
réussir aux autres, il est purfois dangereux do suivre do trop près
les tenons de l'histoire, bien qu'on ne puisse raisonnablement nier
qu'il n'y ait on générât beaucoup a tirer dot'expérience d'autrui. Mais
à
que dcmande-t-on, quand on renvoie expérience et à i'histoire
ceux qui ventent entreprendre ou ju~er une révolution? On lour de-
mande (le bien savoir à quel peuple its ont affaire, c'est-à-dire de
bien connaltre son caractère, ses qualités et ses défauts, sonpassé,
ses traditions et ses habitudes, le degré do civilisation où il est par-
venu, etc. !t est trop évident que, si l'on ne tient compte do ces
éléments, on n'aboutira a aucun résultat solide. Voilà en que! sens le
problème posé par Fichte devient un problème historique. Or c'est
ici que sa théorie me parait surtout en défaut. H fait beaucoup trop
bon marché de la connaissance expérimentai, je no dis pas do
t'honnne, mais des hommes, tt n'est pas vrai que les différences qui
existent entre eux soient si insigniHantes, et qu'il soit si facile d'ap-
prendre à tes connaître et à en faire usage. Fichte ne parle que do
celles que )e siècle, tectimat, les occupations introduisent entre eux
il oublie celles que la nature a établies ettc-mcme entre les divers
peuples et qui constituent te génie particulier do chacun d'eux. Tan-
dis qua les premières sont superficielles et passagères, les secondes
sont profondes et indestructibles: il n'y a quota fusion des races
qui te:) puisse effacer. Toute révolution, toute constitution nouvelle
qui, quelque conforme qu'ct)e soit au droit absolu, n'est pas en har-
monie avec le génie propre ot te degré do civilisation du peuple où
elle se produit, ne porte que des fruits avortés.
Je sais quets prétextes l'esprit de routine et d'égoïste conserva-
tion puise dans ce qu'on nomme l'expérience. Cela est ainsi depuis
des siècles; donc cela doit être ainsi et ne saurait être autrement.
Malheur au téméraire qui ne respecte pas ce que le tempa a consacré 1
Et voilà comment se perpétuent les abus les plus odieux et tes ini-
quités les plus révoltantes. Contre ces prétendussages qui repoussent,
au nom du passé, toute idée de réformo, déclarent impraticables tous
tjs projets qu'on leur propose et no trouvent. /<t<M6~' que M <~< .«!
/t)~, Fichte a mitto fois raison. !) faut t';ur rappeler bien h:n)t, puis-
qu'ils t'oublient, qu'il y a un droit absolu, que ce droit e~t impres-
criptible, otqu'i! n'y a pas do fait. qui puisse prévaloir contre lui. Sur
ce point, Fichto est. admirable; c'est vraiment te phitosophodudroit.
Mais, ce point accorde, il n'en reste pas moins que, quand il s'agtt
do changer ta constitution d'un certain peupte ou do juger sa révo-
lution, il faut, tout on prenant pour modèle l'idéal du droit, avoir
égard au caractère et a t'otat decopeupte, et on ce sens Mro appet
à t'histoiro. C'est qn'i) no s'agit ptm ici setdemunt du droit pur, mais
du droit applique, et que, pour apptiquer )e droit, c'est-à-dire pour
)e faire passer de)a théorie dans la pratique, il f.mt bien tenir compte
do la matière à laquelle on !'app!iquo. Voilà ce que, dans son enthou-
siasmo philosophique pour )o droit absotu et dans sa h.uno pour
t'adoration aveugto ou intéressée du fait, Fichto a beaucoup trop
ncghgé.
t!so rattache donc cxctusivcment a ce qu'on a nomme plus tar<t )
t'co~ p/x'/oM~t~Kc par opposition a t'co~ ~t~oW~«o. Mais il ne I

pouvait alors diriger ses armes contre )a doctrine que t'en a depuis
particulièrement désignée sous ce durnicr titre, puisqu'elle ne s'était
pas encore produite. Chose curieuse, ce fut précisément sous t'in-
<1uencode!a réaction que le despotisme impcri.d excita en AHcma-
gne contre les idous françaises, quo naquit cette nouvotto cco)o histo-
rique, beaucoup plus savante et beaucoup plus rcdoutabto que colle
que Fichte attaque ici. D'après cette école, )e droit rationnel, tel que
l'ont conçu !aphi)osophicdu xvttrsicctc et lu liévolut ion fran~ifc. est
une lettre morte il n'y a de ree! et de vivant que le droit qui sort de
la coutume et de son d6ve)oppomcnt nature). Toute tcgistation quii
n'en dérive pas est artincietto et stérito. Dans ce système, il est ri-
dicu!ede par)erdo!'innucnccde):) phdosophiefurtcsinstitutions; )e
progrès du dro:t n'est possible que par une sorte do végétation na- l
turo))e, somb!<d)!e à cello de la planto. A cette école, qui supprime
la règle du droit au profit du fait brutal, et enteve h !a tihroinitia'ivc
des hommes consultant )a raison toute action rceHe dans le propres
de leurs lois écrites, il faut opposer tes principes si etoqucmment
défendus ici par Fichte: la grandeur de l'idée du droit et la puissance
de la liberté humaine. Le reproche d'inconséquence adro'sc par
Fichte aux empiriques, partisans du hasard et ennemis de ta t.hi!oso-
phie, peut aussi s'appliquer à
ces sectateurs de la fatalité, qui dccta-
ront la philosophie, c'est-a-dirc ta libre cutturo do la raison, impuis-
saute a faire le bien, tandis (juo d'un autre côte ils ta dénoncent.
comme un Huau pour tes socictcs. M Quu signitiont, peut-on leur dire
en tournant contre eux tes parois do t''ict)tc, tf~eroment modifiées,
(rnc signifient ces avert~scmcnts t{ue vous prodiguez aux peuples
pour !os mettre on ~ardo contre les fallacieuses promesses des philo-
sophes ?Tot)ex-ous donc trntiquiHe5,ottaissM faire votre. v6g6-
·
tation. Si k's philosophes réussissent, its nuruotou raison s'its no
réussissent pas, c'est qu'ils auront ou tort. H no vous appartient pas
de les repousser ;i!s seront bion jn~s pm' !o fait.. Tot~ cela est vrai;
mais. pour 6ti'e juste, il faut ajouter que, si t'ecoto historique est
absurde ot inconséquente dans ~on principe, ce principe n'est lui-
même que !'oxagération ()'un etétnentdont ~iuhto et t'écotephitoso-
phiquo n'ont pas tenu assez de compte.
Sauf cette réserve, je m'associe ptoinomont aux principes et aux
vœux exprimas ici par ~ichtc. Comme )u:, je repousse cotte ligno de
démarcation que l'on voudrait 6tahtir,d.)ns tes recherches potitiques,
comme dans les recherches rcti~ieuse:), entre tt's vérités exotériques
et tes voritt's esotériques c'est surtout on politique qn'i! importe de
rappeter quo la vérité n'est pas le patrimoine exclusif de l'écolo,
mais h) bien commun do l'humanité. Comme lui, j'appo))o de tous
mes vœux tadinusion gcn<h'a!o des tumieres, qui, en cc!airant.deptun
en plus les hommes sur leurs devoirs et leurs droits, les rondTa tou-
jours ptuscupabtes dû travaittcr a la reforme do lours institutions.
Comme lui enfin, j'invoque ardemment le règne du droit, et je
m'écrierais avec lui: « 0 droit, sacré quand donc te roconnaitra-t-on
pour ce qun tu os, pour le sceau do la divinité empreint sur notre
front? Quand s'inctinera-t-on devant toi pour t'adorer? Quand nous
couvriras-tu comme d'une <;ôk'ste ô~ido, dans co combat do tous te{;
intérêts de la sensihttito conjurés contre nous et quand nos adver-
saires seront-ils pétrifiés par ton scut aspect? Quand les cœurs bat-
tront-ils a ton nom, et quand )cs armes tomberont-ettes des mains
du fort devant les rayons de ta majesté ( <)? Cotte invocation est-
elle moins opportune aujourd'hui que clans les jours de tourmente où
Fichte t'écrivit?
(t) Cette apostrophe de Fichte «tt droit rappelle celle do Kant au devoir,
dans la Cr)<«yMefïe la rfn.fnn p)'f«~xc (p. 2t!9 de ma tradactiun), et celle-ci
été évidemment inspircc par cette do Jcan-Jacquoa Housscau à la con-
acicnco, dans la Profession de fui du vicaire savoyard. On peut dire eil un
sens que Fichte est le philosophe dn droit comme Kant est celui du devoir;
mais il ne faudrait pas pousser trop tuin cette opposition, car to pronier ne
sépare pas plus le droit du devoir que le second ne sépare le devoir du droit.
Mais ce ne sont encore la que dos prolégomènes. Fichtc a montré
d'après quels principes on doit, selon lui, juger tes rcvotutions, i!
faut maintenant poursuivre ces principes dans teur application, do
telle sorte qu'une révolution étant donnée, on soit
en état d'en bien
apprécier la légitimité. Mais J'abord un poup!o a-t-U en générât io
droit de changer sa constitution politique? Tctto est la première
ques-
tion qui se présente.
Co point nous paratt aujourd'hui si ectatant et si incontestable; il
est, chez nous, tcttomcnt entre dans l'opinion publique, tellement
passé à l'état d'axiome, qu'it no nous semble mémo pas faire
l'objet d'utio question. Mais quot'on se reporte a l'époque où Fichto
écrivait son ouvrage le droit qu'a tout peuple de changer
sa
constitution pohtique était atorn audacieuscmont nié au profit du
droit divin des rois, et ceux qui voûtaient l'exercer avaient a le dé-
fendre non.scutomont par la ptume, mais par les
armes. Qu'on se
rappottu la manifeste du duc de Drunswick, cet insolent dcn dos rois
a t'ind~pendunco dos pcupte~ et la guerre faite à la franco au nom
dos droitsdes souverains' Est-il besoin d'ailleurs do remonter jusquo-
!a? Aujourd hui mémo, en ptein x)x* siècle, eu droit qui nous paraît
si évident est-il reconnu partout comme il l'est chez nous? Allez
demander à la cour do Home si le peupto romain a le droit do se
donner un autre gouvernemont que celui du saint.pero. Laissons de
côté to pape n'y a-t-il plus do souverains qui invoquent leur droit
divin? Ce n'est donc pas, même do nos jours, une question tout à fait
oiseuse que celle à laquelle Fichto a consacré son premier chapitre.
Telle est la force dos préjuges ot dos intérêts qu'il n'y a point de
droit, si lumineux qu'il soit et si solidement assis qu'il paraisse, qui
n'ait toujours besoin d'être défendu. En tous cas, c:ost t'ccuvre de
la philosophie do rechercher les principes de tous nos droits, et de
iesétabtir ainsi eux-mêmes aussi exactement et aussi ctairotnontque
possible. Voyons donc quels sont tes principes sur lesquels Fichte
fonde le droit dont il s'agit ici. Co droit est incontestable, mais les
principes d'où il le déduit sont sujets à discussion.
Il rappello d'abord ce principe, enseigné par Rousseau, que ta
so-
ciété civite et politique se fonde sur un contrat. On a, il est vrui,
attaqué cotte proposition, en l'interprétant comme si elle exprimait
l'origine réot!e dos sociétés politiques. It est trop évident, dit fort
bien Fichte, pour quiconque examine nos constitutions politiques et
toutes celles dont l'histoire afaitmentionjusquici, qu'ottes no furent
past'Œuvred'unodétiberation ré~echie, mais un jeu du hasard l'effet
ou
d'une violenta oppression. ~Hes se fondent tnutes sur !o droit du plus
fort. Mais là n'est. pas la question il no s':)git pas ici do ce qui est
ou a été. mais de ce qui doit Otre; H no s'ngit. p.<s du fait, mais du
droit. Or, en droit, il est incontostabtM qu'une société civito
no peut
se fonder que sur un contrat entre ses membres, et qu'un ~tat agit
d'une manière injuste, quand il impose a ses citoyens des lois
aux-
qudtes its n'ont pas consenti, au moins ultérieurement.
Mais d'ouPichte déduit il ce principe, et
comment Fontend-it?
C'est ici qu'est la difficulté. L'homme, en
sa qualité d'être raisonna-
b!o, est exclusivement soumis a la loi morato nul n'a te droit do lui
on imposer une autre. Mais, comme cette loi te laisse, en beaucoup
de cas, libre d'agir comme il lui ptatt, il peut bien alors conclure tels
contrats qui lui conviennent sur les choses qui restent à sa disposi-
tion. Seulement il no faut pas oubtierque, s'il contracte ainsi quoi-
que nouvello obtigation, c'est qu'il ta bien voulu, puisqu'on dehors
de la toi morato, il n'y a do loi
pour lui que celle qu'il s'impose a
tui.meme: nul homme ne peut recevoir de loi
quo do tui-momo; ot,
quand il s'en laisse imposer une par une volonté étrangère, il abdique
sa qualité d'homme et se ravale au rang de la bruto. Or, selon
Fichte, la législation civile ou politique a uniquement
pnur domaine
les choses que la loi morale abandonne à notre liberté,
ou, comme i!
dit, les droits (~'dnf~/M de t'hommc. Tout le reste appartient & une
autre législation, a la législation morate, qui n'a rien de commun
avec la première et qui ne la regarde en rien. Les lois positives,
ne faisant que regter l'exercice do ces droits aliénables, ne sont donc
obligatoires pour nous que parce que nous nous les imposons à
nous.
mêmes, et, par conséquent, une constitution civito n'est légitime qu'au.
tant qu'otte est volontairement acceptée par tous ceux dont elle doit
rogter les rapports, c ost-à-dire qu'autant qu'elle se fonde sur un
contrat.
De là aussi dérive, selon notre philosophe, !o droit qu'a tout peuple
de changer sa constitution comme i! t'entend. Puisqu'elle résulte
elle-même d'un Ubro contrat, il dépend toujours de la volonté des
contractants de ta modifier comme il leur plait. !t n'y a même
pas
lieu raisonnabtemont de pos~r la question.
Ainsi, dans la théorie de Fichte, la société civile est, en droit, une
association toute volontaire, et ce qu'on nomme constitution politi-
que n'est que le contrat librement conclu entre les membres de cette
association pour en régler les conditions, d'ou il suit qm'otte
peut
toujours être modifiée.
Quiconque no se laisse point aveug!cr par les préjuges accordera
à Fichto qu'une constitution poiitiquo, pour être vraiment tégttime,
exigo en effet lu libre adhésion de ceux qu'ette est appelé à r~gir, et
qu'en co sons elle se fonde sur un contrat et do co principe, qui se
déduit tuiméme de la Hberié et de la dignité inhérentes à la pcr.
sonne humaine, il conclura qu'une constitution peut toujours être
modifiée par le libre consentement, de ceux qui hj reconnaissent pour
loi. Jusque ià nous sommes d'accord avec t~iehto mais il est un point
que nous ne saurions lui accorder, et qui à son tour entraîne certaines
conséquences fort graves que nous aurons à rolover p!ns tard. La
constitution politique n'a pas scutcment pour but, comme t'affirme
Fichte. do régler dos choses que la raison abandonne à notre tiborté;
mais sa principale fin est de protéger les droits do chacun contre la
fraude ou la vio!onco des autres, et do faire partout respecter la
justice. Or, comme le maintien de ces droits ou do la justice n'est
possibfo que dans lit société civile, t'ctat. de nature étant nécessaire-
ment un état de guerre et d'iniquité, il suit que c'est pour tes sociétés
humaines et pour tous ceux qui en font partie un devoir commandé
par la juslico même, ou, comme dit Kunt, un d~uon' (~ <o<<, de se
constituer en sociétés civiles ou politiques, et que ce devoir, comme
tous les devoirs do droit, nous peut être légitimementimposé par une
contrainte extérieure. Sans doute chacun ost libre do quitter la so-
ciété qui no lui convient pas et d'en chercher une autre qui lui con-
vienne mieux mais, à moins do vivre tout seul dans une He déserte,
nut no peut se soustraire a l'obligationde reconnaUro des lois publiques.
C'est !a ce que Kant a parfaitement compris ()), et t'en peutici cor-
riger le disciple par le ma<tro. 11 n'est donc pas exact d'assimitor ta
société politique à toute autre association, et le pacte civil a tout
autre contrat. Cette association est exigée one-n~me par la justice
ou par le droit; et, s'il dépend do ses membres de la constituer do
teHeou to!)cfaçon. il ne dépend pas d'eux do n'en constituer aucune:
ils manqueraient ainsi au plus impérieux des devoirs. J accorde que
la société civile se fonde sur un contrat, mais a condition qu'on
m'accordera que l'institution do ce contrat est obligatoire. Il est bien
vrai que toutes !os lois positives, même celles qui regtent les appli-
cations de la justice et sont destinées a lit garantir, supposent t ad-
hésion des citoyens qui doivent vivre sous ces lois, puisque autre-

(t) d« drof. p. 2';7 a SOS de ma traduction, et mon


Voyez la Doctrine
/<~a~ïe cr~MC de cet ouvrage, p. t.xx) et suivantes.
ment, sous prétexte de tes protéger dans l'exercice de lours droits
on pourrait bian les opprimer on leur imposant des lois arbitraires et
injustes, et le fait n'est pas inouï mais eo n'est pas seulement
parce
que nous nous :os imposons à nous-momes quo te.~ lois positives sont
obligatoires pour nous, c'est aussi parce qu'elles sont l'expression
et
la garantie nécessaire do lit justice et du droit. La théorie exposée ici
parFichte est insoutenable, et tui-memo, comme on le
verra plus
loin, na point tard6 à t'abandonner, mais mathouroMsement
pour se
jeter dans une autre extrémité.
Qu'on ne l'oublie pas d'ailleurs: si Fichto
ne reconnatt dans ta
société civile d'autre principe d'obligation que lit libre volonté
des
citoyens, c'est qu'il borne la législation civile aux choses
qui ne
relèvent en eu'ot que de notre volonté, et qu'il met a
part tes droits
inaliénables ou imprescriptibles de l'homme, lesquels n'ont besoin,
selon lui, d'aucune sanction publique. Su théorie n'a donc
rien de
commun avec celle de ces politiques qui confondent en nous t'homme
et le citoyen et soumettent notre personne tout entière aux décisions
d'une volonté arbitraire, qu'ils décorent du titre de volonté
général.
Fichte n'admet pas plus la tyrannie de la volonté générale
que celle
d'aucune volonté particulière, puisqu'il place au-dessus do
toutes les
lois positives les droits imprescriptibles de l'hommo,
et puisque,
dans la sphère ou il réduit la législation civile, lit volonté
génératene
devient une loi pour chacun de nous qu'autant qu'otto
exprime sa
propre volonté. Dans ce système, une majorité, quelque imposante
qu'elle soit, no saurait m'obliger, si je n'y ajoute
ma propre voix. La
théorie do Fichto est donc fondée sur
un principe absolument con-
traire à toute espèce do despotisme mois ettooubtioque la justice,
dans ses applications sociales, a besoin d'être représentée
et garan-
tie par dos lois positives, sans quoi l'arbitraire ot la violence
régne-
ront bientôt parmi les hommos et, pour soustraire la société la
à
tyrannie des lois et dos pouvoirs pubtics, elle la ramène à l'état
de
nature ou la réduit en poussière.
Certes, Fichte a beau jeu contre la plupart dos
gouvernements
qui ont existé jusqu'ici parmi les hommes, n raison
a de lour
demander où sont leurs titres à notre
reconnaissance, et (le teur
reprocher amèrement leurs vues égoïstes, leur esprit do
conquête
joint a leur esprit do domination, leurs attentats
contre la liberté de
la pensée, ce principe vilal de toutes les
autres libertés, leur corrup-
tion morale, etc. Ce no sont pas là do vaines déclamations
sations, inspirée., a Fichte par le plus ces accu-
pur sentiment moral, ,,e sont
pas soutenant fort éloquentes sous sa ptume; ettes no sont, ttétas'
que tropjuatm. It n'es! fille trop vrai quo CM gouvernomonts ont on
générât étrangementabusé do teur pouvoir, qu'il-! l'ont presque tou<
jours mis au service de tours passions ou de tcui's intérêts priver, et
qu'itsso sont faits tes tyrans do ceux dont ils étaient chargés do dé-
fendre lit liberté elles droite. Quand on parcourt t'histoire, et que,
ce terrible témoignage à la main, on remonte le long Gotgottta de
l'humanité, on comprend la réaction qui se fit au xvuf siècle, dans
l'esprit do certains penseur; contre la société civile, et qui les rejeta
vers l'état do nature. Mt pourtant, il faut bien le rcconna!trc, si ar-
bitraires et si violents qu'ils fussent, ces gouvernements valaient
encore mieux qu'un état de nature ou il n'eut existé d'autre Joi que
la force.
Fichte soutient ensuite quo le but dernier do toute constitution
politique doit être la culture do notre tibertc, et finalement cette
liberté même, c'est-a dire t'indépendancu absolue de notre moi a
t'égard do tout ce qui n'e:.t pas la loi do la raison. Admettons que tel
doive être en cnet le but final de toute constitution politique si ta
société civile est un moyen indispensablerelativement a cette un,c'o~t
donc un devoir pouf nous d'organiser ta société civile, au moins a
titre de moyen. Que devient alors cette assertion, que la législation
morale ne regarde en rien la législation civile, puisque cettc-ci n'ost
que t'exécution d'un ordre prescrit par la première ? Mais, âpres
avoir trop séparé la législation civile do la législation morale, I''ichte
n'assigno-t-it pas ici a la constitution politique un but ptacé en dehors
do son champ? La société civitu a essontiollementpour fin de garantir
les droits do chacun, et par conséquent do faire que chacun puisse
suivre librement sa destination. Mais cela fait, elle n'a point à s'oc-
cuper do la façon dont il nous conviendra d'user do notre liberté
cela no la regarde plus. Si ce but iinat, ajoute Fichte, pouvait
jamais être atteint, il n'y aurait plus besoin de constitution politique;
la machino s'arrêterait, puisqu'aucune pression n'agirait plus sur
elle. La loi universotto de la raison réunirait tous les hommes dans
une profonde harmonie de sentiment, et nulle autre loi n'aurait ptus
a vcitier sur tours actes. 11 n'y aurait plus lieu d'étubtir aucune
regte pour déterminer ce que chaque membre de ta société devrait
sacrifier de son droit, puisque porfonnc n'exigerait plus qu'il no serait
nécessaire, et que personne ne donnerait moins. Comme tous seraient
toujours d'accord, il n'y aurait plus besoin do juges pour terrnittor
leurs différends. » Cctto idée remplit Fichte (l'enthousiasme, et, tout
on reconnaissant qu'elle no se révisera jamais comp!ct<tnont,itérât
que rhumamtô s'en rapproctte.-a toujours (lavabo. H exprime
a
amours !a m~mo pensée, en disant !obut de tout gouvernementt
que
est de rendre la gouvernement supcrUu (t).. J-admotsco principe
on un sens le propres dos constitutions pondues consiste certaine~
monta a~-anchir do plus en plus l'individu, et à lui !ais.er
do plus
en ptus !o hbro gouvernement do tm.me.no. do telle sorte que t'tttat,
quia t origine s'o.t emparé de i'hommc tout entier, doit nnir
restituer toute son autonomie. Mais ceta vcut.i: dire par lui
que t'Etat soit
une forme accidentel et transitoire de la société? Oui, si par ÈtaL
on entend cette sorte de gouvernement qui a )a prétention do diriger
homme comme
un enfant. Non, si l'on veut designer par )a l'on-
semble des !oi. et des pouvoirs pubtics qui
ont pour but d'assurer le
respcctdes droits de chacun. Le premier doiL s'cnaccrdoptusonptus
avec le progrès dos sociétés le second est une condition nécessaire
de la vie soaate fondée
sur ta nature humaine, il no dispara!trn
qu'avec elle. CctuUa pejt convenir
aux sociétés mineures: il doit
sevanomraumomentou eHesat~ignont lour majorité.
Mais.m~
jeures ou mmeures, ta société humaine
ne saurait vivre en dehors du
dermer. )t est beau do poursuivre
un idéal encore faut-il qu'il
soit, je no dis pas parfaitement reuti.abto(it
e.t de lit nature même de
i'tdcat do ne ) être pas), mais du moins conforme la
a nature do t être
auquel il doit servir de type. Or, t'humant étant donnée,
je conçois
bien un Mat idéal mais je no conçois
pas comme l'idéal d'une so-
ciété humaine l'absence do tout r:tat. Fichto oubtio
donc ici ies
cond.tions dot humanité et, quoi qu'H
en (i.se, son .deai n'est (~ un
beau revo.
L3S dissentimentque jo viens de
marquer ont des conséquences
qui se retrouveront dans toute la suite de cotte étude mais ils
font rien a la question dont il s'agissait dim'; ne
ce premier chapitre. J!
n'en reste pas moins que nulle cnnsUtution potitiquo n'est
immuabto
qu'il est dans leur nature il toutes dû
se modifier, et qu'une c!ause
qm dcctarerait immuahte une certaine constitution
serait contra.
diction narrante avec t'esprit mémo do t'humanité. Tout en
en faisant
mes r~ervt.8 sur certains principes de !a Utéorie de Fichte, je no
puis qu apptaudir à ces conclusions.
II somb!e que la question posée
par lui soit maintenant épuisëe,

(t) Voycx les AcpMa «tr J~t~M d.< ~M~ r/.o~'M /e«,-M.
prononcées H t~a en t79t, p. :)2 de ta traduction de M. Niculas.
et qu'il no reste plus rien à y ajouter. Atais, comme on soutient, (jue
tu droit qu'a un peupte de changer sa constitution peut être aliéné,
notre phitosoptto entreprend de réfuter cette opinion, en examinant
successivement toutes tes tnanieres dont il pourrait t'être, et en mon-
trant que, dans chacun de ces cas, il demeure inatiénabtc, on dépit
do toutes les conventions contraires. C'est ainsi qu'it a été conduit a
tracer ici le plan qu'il se proposait do suivre dans te reste de son
ouvrage (t), etqu'itn'a exécute qu'en partie. Pour nous, nous
pourrions nous on tenir ta, s'il no s'agissait que do défendre un
droit incontestable à nos yeux contre des objections condamnées
d'avance; mais les questions subsidiaires que Fichtese trouve ainsi
amené à traiter sont si intérc&santes et si graves, et il tes traite
tui-mémo d'une façon si curieuso, que nous no saurions nous dis-
penser de le suivre jusqu'au bout.
Le but du troisième chapitre est de prouver que le droit de changer
la constitution politique no peut ctre aliéné par un contrat de tous
avec tous. Je no conteste pas cotte proposition, mais seulement la
théorie sur laquelle Fichto t'appuie, qu'it expose ici avec une préci-
sion nouvette et dont il déduit hardiment !es conséquences, qui, selon
moi, le condamnent.
Fichto se plaint de la confusion d'idées qui naît dû-sens équivo-
que du mot société. H a raison: il importe de bien distinguer la
société civile do toute nuire espèce de société, malheureusement la
distinction qu'il propose, loin do résoudre la question, ne fait que
l'embrouiller davantage. II signato técuoit; mais, pour t'éviter, it se
jette dans un autre. C'est qu'il so fuit une fausse idée do la société
civito ou de t'~tat. Selon lui, la société civile n'est qu'une espèce par-
ticulière do société fondée sur un contrat spécial et rentrant ainsi
danscettesortcd'associationqui en générât se fonde sur un contrat.
Do ces deux espèces de sociétés, cette qui se fonde sur un contrat en
générât et celle qui on particulier se fonde sur le contrat civil, il dis-
tingue une autre espèce do société qui est indépendante de tout
contrat, et. ne reconnut d'autres lois que celles du droit naturel.
C'est ici, selon lui, le domaine du droit naturel tes deux autres es-
pèces do sociétés, tout en restant soumises a ses lois, appartiennent
à dos clomaines qui ont leurs objets propres, celui des contrats en
générât, et celui du contrat civil en particulier. Ainsi ta matière du
contrat civil est, selon Fichte, absolument distincte de cette du droit

()) Voyez le chapitre m /t ~c <OM< le rc~c de celle rcc/tCt'c~, p. t30.


naturot, et ta société civi:o n'o~t qu'une espèce particutioro d'asso-
ciation, arbitraire et conventionnetto, comme toute autre, comme une
société cofnmorciatcp:)r exempte. Voii~ bien l'orrottr que noua avons
déjà relovée. L'institution dot'Ètat n'est nuttemont arbitraire, mais
nécessaire: c'est te droit tui-tnôme qui t'exige. et sa première fin
ost (t'eu assurer te respect. Lo ct~amp do la société civile est donc
précisément cctui du droit nattu'ot eolui quo Fichto lui assigne n'ost
que t'accessoiro. non to principal. Que cotte société, une fois consti-
tuée, pronno les mesures qui lui conviennent rolativement tôt o't
tel objet., h t'mdustrit), par exomple, ou n l'agriculture, ou a t'educa-
tion, ou a t'ombe)!issomont des villes, elle ost sans doute parfaite-
mont tibro n cet égard, pourvu qu'oUo ne viole en cola aucun
principe du droit naLuro! mais ce n'est pas lit le but principa) de son
institution. On pourrait diro quo le but de t'élut est d'abord la ga-
rantie de tous !o3 droits, et accessoirement !a prosperit6 de la société.
D'après cette dénnition, t'~tat n'est plus, comme dans !a théorie do
Fichto. quctquc chose do purement arbitraire: il est (~ fh'~t. Sans
doute !o droit naturo) est au-dessus det'~tat, puisqu'il doit lui servir
de principe et de règle; mais que serait une société ou il ne trouverait
point :-a garantie dans une loi potitivoet daas une puissance pubtiquo? 2
~ichtua be.tu dire sans exagérer la méchanceté originelle do f'hommo,
on peut affirmer quo cet ôtatdo nature serait nécessairement un état
de guerre, et que la force brutato on serait la souio loi. Qu'on dehors
de la société civile, comme au soin do cotte société, les hommes no lais
sent pas d être soumis aux toisdu droit nature), cela est trop évident;
mais à quoi servent ces lois, et que deviennent nos droits récipro.
ques. s'its sont toujours il lit merci du caprice et de la violence do
chacun? Ne dites donc pas que t'~tat transgresse sos timitcs, quand
il s'empare d't domaine du droit natm'o) il est
au contraire sur
son véritabk; tcrratn. Ju rectmn.'is avec vous qu'il est de aa nature
envahisseur, ~tquo, si on le tai~so fniro, il empiétera bientôt jusque
sur te domaine de ta conscience ronformons-te donc, autant que
possible, dans ses limites mais ses nmitos, ce sont précisément
celles du droit nature). Tout )o reste lui doit demeurer étranger; ou
du moins n'être pour lui qu'un accessoire et un moyen, qu'it aban-
donnera do ptus en ptus a la liberté iadividueno. Rn ce sens, il est
juste de distinguer deux espèces do sociétés ta société civile, qui a
pour fin la garantie des droits de t'hnmme, et hors de taque))eon peut
dire qu'il n'y a pas de salut pour le droit, et, sous la surveittancaot la
protection dos lois et de la puissance publiques qui constituent cette
société, cotto autre société on tus txxnmos n'ont. plus d'autres rotations
que cettos qu'il icur pbtt do former entre eux, suivant tcurconsciunce
ou leurs goûts, ou lours intérêts, et qui se subdivise
d'après ces
diverses rotations. Tettes sont los société!: religieuses, tittéruires,
industriattes, etc. Voita l'ospêco do société qui a pour champ to
domaino dus contrats, c'est-n-dire celui de la tiburtu individuelle;
le domaine du droit naturot est le champ do t'autru, cetto-ci n'est.
donc plus arbitraire et puromonu convontionnutte. Sund oUe toute
autre 8oc!étô serait impo~iN.o il n'y a pas do contrut s~rioux entre
les individus sans une puissance pubtiquo qui gat-amisso le r~pect
doa droits de chacun mais te! est aussi Je rûte auquel il convient
que !'Ètat po réduise de plus on plus. 7<~ .S(!j"c<c< t<m)<<«.
Fichtea bien raison do revendiquer les droits pt'imitifsdu l'homme
contre ioa prétentions exorbitantes de t ~tat, en monlrant que ces
droits sont antérieurs et supérieurs à toute constitution civik. Il de-
ternunc supérieuromonti'origine du droit do propriété, en lui donnant
t
pour ptincipo la libro activito de homme app)iquant ses forces à la
tnatièrchruto et lui communiquantsa/b~xo, t:'est-a-<tiroonunmoth<
travail, et sur ce point sa théorie corrige ou compteto heureusement
celle do Kant. It rotevo justement la contradictiott,ronouvot6edenos
jours, où tombent, sans s'en apercevoir, ceux qui dénient à l'individu
le droit de propriété, qu'ils accordent a t'Ëtat. tt ncrcfuto pas avec
moins de raison le sophisme de ces écrivains franc-ais qui soutien-
nent que tous les hommes ont droit il une egato portion do terre, et
que tout le soi do la terre doit être partagu entre eux par portions
égales. Tout cela est excellent. Non, ce n'est pas i ~tat qui est ta
source du droit de propriété, pas ptus qu'il n'est la source do tous
nos droits primitifs. Mais, tout en admettant cette vérité, n'est-it
pas juste do reconnaître que, si le droit de propriété ne dérive pas
de t ~tat, it no saurait trouver do garantie et do sécurité que dans
t'~tat, oLquo dès-tors il n'en est pas au~i ab&otument indépendant
que Fichte le soutient ici? H est impossibto d'admettre que chacun
puisse, quand bon lui semble, auranchir sa propriété, avec sa per-
sonne, do toute loi civile, et qu'it lui suffise do déchu-or qu'il cesse
de fairo partie do t'~tat auquel il a appartenu jusqu'alors, pour
n'avoir plus désormais rien a déméter avec lui au sujet de la pro-
priété qu'il possède sur le sot mémo occupé cet ~tut. Tetio osf
pourtant la conséquence a laquullo conduit la théorie do Fichte sur
lit nature de t'~tat. Dans cott~ théorie, que nous avons \'uo repnraitru
de notre temps, t'~tat n'est plus qu'une sorte d'assurance mutuotk:
entièrement libre et toujours révocat~tea votonto. comme tctte ou teito
société que nous voyons fonctionner sous nos yeux. !) n'y qu'une
a
petite difficulté c'est quo, sans un pouvoir public fhorgé de fairo
respecter tous les droits et exécuter tous les contrats, tous les droits
et tous les contrats sont ittusoires ~). Je conçois bien
une société
d'assurance dans un ~atrégutièroment organise; mais ôtczt'Ètat,
comment cette société serait-elle possible '?
Nous venons de toucher une des conséquences de la thënrio du
Fichto. S'il a bien vu l'origine du droit do propriété, il n'a
pas su
reconnaitre rapports néco~airos do la propriété individuelle avec
les
tasociétécivite,fnutcdosctrc fait une idée juste de la nature de
t'État: il t'atfranchit do toute obligation,
ne reconnaissant d'autre
loi quêta volonté du propriétaire, H est curieux de te voir exaltor à
ce point tes droits de ta propriété individueHe dans le lumps même
où les représentants de la He\o!ution française connsquaient los biens
des ombres. H est. fâcheux seulement qu H n'ait
pas Juge a propos do
s'expliquer sur cet acte, si contraire a
ses principes.
'< Si Fichto exagère ios droits de la propriété ind.viduetto en face des
justes exigences de lit société civilo,
on revanche il ~n restreint
l'étendue outre mesure, en retranchant t'hcrédhc du nombre des
droits naturc)s,p-)ur en faire un droit purement civil. Selon lui,
dans l'ordro nature), chacun est le légitime héritier do chaque
mort; car, des que quelqu'un sort de ce monde, il y perd tous
ses droits,
et sa propriété, devenue vacante, passe à celui qui se l'approprie le
premier. Le droit d'hérédité est une institution do l'ordro civil desti-
née à remédier aux désordres qui pourraient résulter de l'exercice de
ce droit qu'a chacun d hériter de tout mort: devenus citoyens, tes
hommes échangent ce dernier contre le premier, it aurait beaucoup
y
à dire sur co point. Il faudrait au moins distinguer o~re te droit
d'héritage et cotui de transmission héréditaire. Si, dans l'ordre
na.
turel, on peut me contester te droit d'hériter des biens do
mon père,
comment contester a mon père to droit do m'instituer son héritier?
Ce droit n'ost-it pas la conséquence naturelle du droit do propriété,
et n'est-ce pas porter atteinte a celui. ci quo de repousser cetui.ta?
Sans doute ce droit ne saurait s'exercer régulièrement
que dans t'~tat
civil; mais on en peut dire autant du droit de propriété tui-mcmo:
en est-il moins un droit naturel? Tout cela serait fort intéressant à
discuter, mais tout cela m entraînerait beaucoup trop loin, et il faut
(!) '< L'ordre aoci.)!, dit fort bien Koussca)! dans le Co~'<~ MCtft/
(<-hap. t', p~t un droit sacr6 fnn sert de ba~e u tou!< tp« nutrea.
<.
quejo me hâte. Ho!evons aussi, en passant, une singulièro idée
de notre philosophe: à t'entendre, tes purent n'ont, pas, selon te droit
naturel, un droit exclusif sur leurs enfants, ci f~r~ <~ pn~ ils
no se tes approprient. qu on exerçant, tes premiers sur eux un droit
qui appartient à tout le m~nde. On no conçoit guère comment une
idée aussi bizarro a pu nattre dans un esprit, aussiétovc et au~sisain?
~Mn«(~ne6ott«s<~rt)o<m //ORtcr«s.
La conctusion it hquette ~ichtc aboutit, soit. qn it considère la pro-
priété, soit qu'ii regarde la culture acquise par l'individu dans la
société, c'est que chacun a !c droit de sortir de t'~tat, quand bon )m
sotnbto, sans être tenu à aucune obligation envers lui. Fichte est plus
près do la vérité dans co qu'il dit do la culture que dans ce qu'il dit
do la propriété mais là même sa pensée n'est pas exempte d'exagé-
ration. S'il est vrai que la culture doive émaner plutôt de t'individu
que do État, n'est-il pas vrai aussi que, dans certains cas, comme
quand il s'agit do civiliser un peuple encore barbare, t'Ètat peut
rendre do grands services par son initiative et sa puissance di-
recte, et que, dans tous les cas, il est ta condition nécessaire, je ne
dis pas te principe moteur, do tout progrès parmi tes hommes?
J'avoue que je ne vois pas trop qxetto action tËtat pourrait nous
intenter au sujet do la culture que nous avons acquise sous sa protec-
tion ou mémo par ses soins, mais est-ce qu'en réalité nous ne lui
devons rien? Il est bon do vouloir anranchir l'individu do toute in-
juste oppression dot'État, mais ne nous rendons pas à notre tour
t'.oupabtos d'injustice ou d'ingratitude envers lui. !t serait curieux de
rapprocher de ces pages véhémentes où Fichto dénie a !'État toute
espèce de droit sur l'individu le tangngc que, dans le Criton de Platon,
les Lois tiennent à Socrato pour le dissuuder do se soustraire par la
fuitcat'arretquite frappe. Ici t'Èt~t est tout; chcx Fichte, il n'e~t
ptus rien. Co sont deux mondes opposés. Je dirais que !a théorie dt;
!ichte représente te progrès et les tendances du monde moderne,
comme cette do Socrato représentait les besoins du monde ancien,
si notre philosophe no se laissait omporter aux dernières limites de
t'~d<~(fu(t~Hte. Mais il exagère à <'o point son principe qu'il la fausse
et le rend insoutenable.
Voyez en effet à quctto conséquence il arrive il suffit de l'énon-
cer, pour condamner la doctrine qui la contient. Si la société civile
est une association entièrement arbitraire, et si l'individu no doU
absolument a t'Ëtat que ce qu'il veut bien lui donner, chacun peut,
a chaque instant, non-soutomentso retirer do t'associât ion, et, a{m<<
quitter )oso!. vivre intendant du t'Etat, mais,
avec !e concoure
d'autres citoyens, en former un autre dans le mémo lieu, de telle
sorte qu'i! y aura deux !tuts !'un il c6)é do l'autre, ou phttot l'un
dans t'autrc. Qu:.nd jo dis doux avec Fichte, je pourrais tout aussi
bien dire mi))n, et. it nu me contredirait pas; car te droit
est le même
pour tous, et, en vertu do ce droit, t'r:)at pourra se décomposer
on nut.tnt (tt':t<tts indépendants qu'il yauradcvotontésdivpr'~tt.
tes. Mais, sans pousser si loin la conséquence. bornons.nous aux
deux États (!uc suppose notre phttosopho. !/idne d'un État
dans
i'Ëtnt o~.e)te;)dmissib)o?Fichtc nodissimutopas
i'objuctton, mais
it neaen efTrnyo pas. D'abord, selon lui, il
y a ta undroit )'nvio!ab)o
Ensuite ied~gcr n'est pus si ~rand qu'on t'imagine. D'ait!ours!o
se
fait d'un Élut dans )'~ut n'est pas
une chose aussi inconnue dans
~os sociotcs; pourquoi invoque-1.on ici to principe qu'on sait bien
ouhtior on d'autres cas t''ichte cite a
ce propos un certain nombre
d'exemptes: t'arma, la nobtesse, le clergé, les
corporations (<).
Mais ces exemples mêmes tournent controiui: ils témoignent
préci-
sément en faveur de ce principe qu'il
no doit point y avoir d'État
danst'État.
Je reviendra), avec Fichte !ui-n)émo,
sur !a nobtosso et le ctersé
auxquetsitsa consacré doux chapitres spéciaux; mais
je no puis
passer outre sans rappe!er ce qu'il dit ici de )a profession militaire,
telle qu'otte est organisée dans la plupart dos États
modernes.
Quand une profession échappe
au tribuna! commun et re)6ve d'un
tribunal particu!ier quand les lois do tribunal
ce sont très di~renteit
des lois universelles de toute moralité, qu'elles
punissent avec une
extrême dureté ce qui serait à peine
une faute aux yeux des der-
nières, tandis qu'cHes forment les
yeux sur des attentats que les

(i) ces exemptes. Fichto joint celui des juifs. Jo no comprends


A
trop je avoue, comment les juifs po..vcnt former Ëtat dans i'État pas
n. ~rr~o un
pas adroit, civ.ts et politiques dont jou.MentJes autres
si on
citoyons. Vout~-vo~ <,u'i!. ne fassent point un ~t
:enr ces droits et rangez, te. sous la loi dans t'Et.t, donnez-
Ma), c'est prec ~n~ a q..oi F.chtc
commune, comme l'exige la justice.
un esprit .i~s.dc touL pr~6 ne con~ont pas. On est étonné do voir
résidera
au~, ..mpte On ne su t-exptique~ pas, si t'on savait
nno idée .UMi juste et
point tc.jn.s ct~t .d6te~en ne jusque
Atk-m~ne. J'admets que cette
haine ne f.U pas tout a fait .s~ raison mais
comment Fichto no so~e-t.H
pas que tes dehmts qu'on impute aux juifs viennent préci.émont
pression que leur a fait subir t-mto!en.nco chrétienne, dot-op-
e droit de reprocher i1 des homme, tes vices qu'ils ont et que l'on n'a
la ~rvitude ou dans rabaissement ou pu con ractc~ans
on tes a retentis.
autres puniraient sévoremont, cott" profession entretient, un intérêt.
particulier et une morale particutirre, et ette pat un dangereux État
dans t'Ëtat. VoitH dos pareils qui mériteraient d'être gravées en
lettres d'or il la porte de toutes tes casernes.
Seton Fichte, un ~tat n'est point dangereux par cela seul qu'il est,
sous le rapport de l'espace, dans un autre ~tat, mais parce qu'il a un
intérêt oppoaé & l'autre. Mais comment ne voit-il pas que deux ~tats
ne peuven!. exister l'un dans i'autro sans avoir (tes intérêts opposés
et sans devenir hostiles l'un a l'autre. Si cota arrive, dira-t-i), c'est
qu its ne se conforment pas a h) loi du droit nature), qu'il dépend
d'eux de suivre que chacun soit juste, et tout ira bien. Sans doute,
mais comme vous ne sauriez raisonnablement espérer que, dans un
paroi! état de choses, chacun sera juste; comme vous no pouvez au
contraire on attendre que !o désordre et !a guerre, il faut bien con-
venir qu'il est contraire au droit. Ce que Fichto nous présente ici
comme un état juridique, c'est quoique chose do pire encoreque l'état
do nature, c'est l'anarchie organisée, et l'on sait trop où conduit
l'anarchie.
1.o pian que Fichto s'est trace (4) t'amené a mettre en présence
du droit do révolution les privilèges que s'attribuent certaines classes
de la société, particulièrement ta noblesse. Tel est t'objet de deux
chapitres distincts qui, avec un dernier chapitre consacré à l'Église,
formèrent un second volume, publié uttériouromont (2).
L'inégalité qui résulte, non dos din'érences que la nature, !a con-
duite ou les accidents do la vie établissent entre les hommes, mais
des privitegos que s'attribuent certains individus ou certaines classes
de lu société, est une iniquité qui ne peut manquer de soulever les
protestations des libres penseurs. Ceux du xvtn" siècle avaient un
sentiment trop profond du droit et do l'égalité des hommes devant le
droit, ils avaient, aussi un trop ardent amour de t humanité pour ne
pas s'attaquer à un tel vice de la constitution des peuples, de que~ue
autorité que le couvrit t'antiquité do lit loi et do l'usage. Ce vice
d'ailleurs était devenu tellemont révottant, surtout on Franco, qu'il
ne pouvait plus être longtemps souffert. L'indignation du peupto ap-
puyait ici les réclamations des philosophes. Co fut là, comme chacun
sait, l'une (les principales causes do la Révolution française (3).

(t) Voyez page tH3.


(2) Voyez le paragraphe qui termine lu troisième ch:<{'ih'c, page 189.
(t) Voyez sur ce point t'ouvrago ai neuf et si intcrésannt de M. de Toc-
~aevine t'Ancien ~~)cc< ~o<<t<<on.
Dans le temps mémo ou. pn dépit <:e toutes los résistances
cette
grande révutution rétablissait dans notre constitution civilo
la loi de
l'égalité, si tot~temps et si audacieusomcnt vidée, l'iniquité
qu'elle
efTac-ait en Franco continu.ut do subsister
en Attemagnc, où la har.
die~e de t'uction est bien loin de répondre à celle du ta
pensée. En
s'élevant a son tour contre cotte injuste constitution do
la société
Fichto combattait un r~inic oncoro debout dans
une grande partie
do l'Europe. défendu a\cc acharnement
pur toutes tes personnes
intéressées à to maintenir, et qui aujourd'hui môme n'a
pas entière-
rcmont disparu.
A ceux qui contestent la tégitimité do leurs privHcges,
tes privitu-
~ios objectent le contrat qui lie onver. eux les autres citoyens.
Celle
objection n'arrête po~nt Fichte. qui pose
on p~ncipo que tout contrut
peut toujours être resitie, et qui voit là un droit matiénabte do
l'homme. Que ron accorde ou non co principe gênera), il est
qu'on no saurait contester, c'est qu'il n'y point de un point
a contrat qui
puisse consacrer d'injustes privitegos et que tout contrat de
ce genre
t)
est nul et non avenu.
Les privilégies se rejettent sur tour droit personnel
eux seuls, à
les entendre, ont la mission do rcmptir d:<ns tÉtat les fonctions dont
ils sont investis. Mais Ficbte prend la liberté do leur demander d'ou
tour vient ce droit qu'ils s'arrogent sur tours concitoyens. Ils !'on)
disont.Hs, reçu on héritage. Mais comment
un droit sur des per'
sonnes, peut-il so transmettre de père en fits ? Pour que ce droit
subsiste, ne faut-il pas que les personnes qu'il continue do tier
con-
sentent à sa transmission ? On répondra que cela n'importe pas, des
que, de part et d'autre, les conditions restent les mêmes. Cette
réponse pourrait être admise, si ta personne à laquelle s'appliquo le
droit transmis restait toujours la mémo mais la personne change.
Or nul n'a !o droit de léguer des charges à un autre, si celui-ci ne
consent a les accepter. < Comment admettre, dit fort bien Fichto
qu'on puisse prendre te premier venu et lui dire J'avais des droits
sur quelqu'un il s'y est soustrait par §a mort; it faut que satisfac-
tion me soit donnée. Viens, tu me tiendras lieu de lui, toi! Mais
me dis-tu, il m'n renvoyé à toi.– Je suis fâché {dors
que tu te sois
hissé tromper, car il n'avait pas le droit de disposer de moi
per-
'-onne n'a ce droit que moi-mémo. Mais tu es son n)~. Oui,
mais non pas sa propriété. En sa qualité d'administrateur d~
tes
droits, il t'a compris avec lui dans le contrat, pondant ta minorité.
U a bien pu le faire pour tout le temps
que je resterais mineur,
nu'is non pas au de!a. A prient, me voilà majeur et administrateur
do mes droits, et je ne t'en donne aucun sur moi.
Los sophistes do l'ancien régime font ici une étrange confusion
ils assimilent los personnes aux choses. Comme les choses no s'ap-
partiennent pas dettes mêmes, <'ttes peuvent sans doute se trans-
mettre par voie d'héritage mais tes personnes qui s'appartiennent
vendre, donner,
no sont point une propriété qu'on puisse échanger,
léguer. On conçoit bien le d<oit d hériter dt's premières, mais non
celui d'hériter dos secondes et des obligations que d'autrcs leur ont
imposées ou qu'i! tour a ptu de contracter. Four a 'mettre un paroit
droit, il faut supprimer toute égatité entre les hommes, ou, ce qui
revient au même, n'admettre entre eux d'autre égalité que cette que
~ur reconnut ~hso é~dite devant Dieu. 0" sait trop ou a con-
duit ce système i! n'y a pas d iniquité sociatc qu'it n'ait sancttuce.
Fichte passe ensuite en revue les droits dont certaines classes ou
certains individus privitégiés se prétendent ex(:tu:ivement investis,
et quo nous avons pu en effet leur céder, mi'is que nous pouvons
aussi leur retirer, le jour ou cda nous convient son but est de
rechercher (me! dédommagement teur serait du en pareil cas.
S'il est un droit incontos'ubte, c'est. celui do repousser par la force
!os injustes attaques dirigées contre notre personne, notre
propriété,
notre vie..V<'nt~)' ~'<ts, dit lit Justice (<), mais elle ajoute cette res-
triction Nisi ~Cf~~«a ~t~-tu, c'est-à-dire a moins quo tu neso's
injustement attaqué, ou, en d'autres termes, d:ms te cas de légitime
dcfensc. Or ce droit naturel de se défendre soi-même par la force, ce
droit qui est en quelque sorte le droit du droit et qu'on ne suur:ut
refusera t'hommo sans désarmer le droit tui-mcrne, Fichto reconnut
devons le dé-
que nous pouvons, et j'ajoute pour ma part que nous
téguor à d'antres, je veux dire une puissance pubtiquo. mais sous
deux réserves la première pour lu cas d'urgence, la seconde pourl'
celui ou te Pou voir charge du soin de nous défendre tournerait contre
!t est bien évident
noua la force dont nous t'avo~m~esti a cetenet.
que, dans l'un et t'autre cas, nou~. rentrons nécessairement en posses-
sion de notre droit. On n'a guère étevé de duute au sojeL du
premier
Quelque cctat<u)t que
cas, mais il n'en est pas de même du second. Etat-,
soit ici le droit, on t'a nié formellement, et, dans la plupart des
il fait ptaccnu principe de t'inviotabititodes~uveruin:
Le recours
a la force contre tes abus do la for.-e n'en c~t pas
moins un droit

()) ~ico'o)), ~c o/7<c<.<, thre ch~.


nature! qu'aucune constitution no saurait nbotir; cela est plus ctuir
que :o jour. Que l'on cherche les moyens ()o se défendre, sans dés-
ordre et sans bouleversement, contre tes attontHts du Pouvoir
su.
prôme, rien de mieux, et c'est une question qu'ont sagement résolue
certaines constitutions républicaines maia, ai
co droit peut être
r~gté, it ne peut. être supprimé. ici Fichto
est entièrement dans le
vrai, et l'on pourrait a son tour t'opposer il Kant. Dans
son amour
do l'ordre légal, qu'i) voudrait préserver <!otout retour
vers l'état de
nature, ce philosophe nie !o droit si explicitement réctamé par Fichte
i
il invoque cet argument,
que. dans t'exorcicc d'un pareil droit,
peuple serait tout h la fois juge et partie (<). Mais il
no s'aper-
çoit pas que ce qu'il dit du peuple,
on peut tout aussi bien l'appliquer
au souverain, et lui rétorquer ainsi son argument. JI est curieux do
noter quo c'est précisément sur cet argument ainsi retourne
Fichto s'appuie pour soutenir !o droit qu'i! revendique. que
Mais, ne
l'oublions pas, il no parte ici do droit, qu'ii regarde
ce comme évident
et inattaquable, que pour arriver à cotte .tutre question
on dépos-
sédant le souverain du droit
que nous lui avons concedô jusqu'ici,
({ue!te compensation lui devons nous? Sur
ce point, comme sur !a
question de savoir si les anciens privilégiés ont droit à quelque dé-
dommagement et a que! dédommagement,
son tangage, il faut bien le
(hro, a toute t'aproto do l'époque revotutionnaireau milieu de laquelle
il écrivait, et qui
ne laissait guèro do ptaco a la pitié. Ici et là, ii se
retranche dans to droit strict, c'est-diro dans le sent droit
que com-
prennent les époques do ce genro. La douceur, les tempéraments, les
transactions peuvent convenir à une sage et prudente réforme; les
révolutions no connaissent plus
ces ménagements. Tant pis pour
ceux qui, en résistant aux réformes, provoquent les révolutions.
Fichte a bien raison de s'élever contre
ce régime de tyrannie et
do prtvitpgoa chez tes uns, do servitude d'entraves
ot chez tes autres,
qui a si longtemps posé sur les sociétés humaines, de lui
et opposer
le principe vivinantdo ta tibert~ a Rendez libre, a'~crie-t.it,
t'échange
do nos facultés, cet héritage nature! do l'homme, C'est
ta on effet
qu'est la justice, et c'est ta qu'est le sa)ut. Mais, il côté de
ce prin-
cipe si simple et si fécond, on voit poindre ici tos idées qui,
en se
développant dans aon esprit, le Imusseront plus tard de l'indivi-
dualisme !e plus outré au plus outré socialisme, ît est bien évident

(t) Voyez sor ce point mon /t~~ cr~uo de lu Po~e dM d~,


p. c, cxxxt et t.Lxxx, et le travail que j'ai pubtio dam ta Met;Mcdp Paris
À(tM<c< M ~t'fo<)<«0ft /'MNc<t~c, p. t98 et suiv. aur
que tout homme a !o droit do vivre, et pur conséquent do ne pan
être privé par ses semblables des choses nécessaires à sa vie. H
suit do là qu'une constitution sociale qui enlève aux uns co qui leur
est nectaire, ou, ce qui revient, au mémo, les moyens de l'acquérir,
pour donner aux autres !o supornu, ou (tu'une société organisée de
tctte sorte que certains privilégiés s'engraissent au détriment do leurs
concitoyens, est une société ma! fuite et qui doit être réformée. En
face d'une société de ce genre, Fichto a donc raison do revendiquer
les droits du travail. Ce!a n'est que juste, mais il no !o serait pas do
demander compte il t'~<~ d'un mal dont il ne serait pas fauteur, et
do lui imposer la charge de pourvoir aux besoins de chacun. J'ajoute
que ce serait !a un sur moyen d'étouffer dans les individus toute
activité et toute prévoyance, et par suite de pousser !a société tout
entière à sa ruine. !t est bon que chacun n'ait à compter que sur
soi-même. J'ajoute enfin que le despotisme le plus absolu serait la
conséquence nécessaire d'un pareil état de choses. Voilà do simptes
rénexiohs qui n'auraient point du échapper à un esprit aussi pénétrant.
que Fichto, surtout aun hommoqui connaissait &i bien, par sa propre
expérience, la puissance d'une volonté énergique, et qui, dans cet
ouvrage m6mo, préconise si haut te principe do la liberté indivi-
duone. Pourquoi ne l'ont-elles pas arrêté sur !a pente gtissante où il
se place dans cet ouvrage, et où il se hissera glisser un jour jusqu'à
cette monstrueuse organisation sociatoqu'i! a appelé lui-même t'~ai
/frM!d. En faisant ces réserves sur certaines idées dont je trouve ici le
germe otdonton verra plus loin les conséquences, je ne prétends pas,
pour ma part, opposer une fin do non-recovoir au problème de la
misère. Je crois au contraire qu'il n'y en a pas de plus grave et do
plus pressant, mais je repousse d'avance toute doctrine qui, pour le
résoudre, tend a étouffer dans t'homme le principe mémo do t'acti-
vitô, sacrifie le premier do tous les biens, la liberté, et conduit
droit au despotisme.
Jusqu'ici Fichte n'a encore parlé que des classes privilégiées en
générât, it arrive maintenant à la noblesse, dont il recherche l'origine
et discute les prétentions en un chapitre spécial. La partie historique
do ce chapitre paratt aujourd'hui superficielle et paradoxale mais,
si l'on se reporte à l'époque où elle a été écrite, & cette époque si peu
favorable aux ca!mes et impartiales investigations de l'histoire, et si
t'on songe en outre que, de nos jours même, après toutes ces pro-
l'ondes études auxquelles ont été soumis l'origine et le développement
des peuples et de leurs institutions, plusieurs dos points discutés par
t-'icht~ ne sont pas encore parfaitement éclaircis,
on jugera son tra-
hit avec plus de faveur que de sévérité. La thèse qu'il soutient ici,
c'est que tes pcupt.'s anciens et tes nations barbares d'où
sont sortis
les peuples modernes, n'ont connu d'autre noblesse
que cette qui
résido dans l'illustration personno:to ou transmise,
ou, comme il dit
la No~Md'o~uo~, et que la nobte~so /h<(«'r<!
do droit est une
invention du moyen ugo. Or. sans parler de la Grèce, ou il
y eut
certainement à t'origine dos famittes royales,
on ne peut nier qu'a
Rome, du moins sous tes rois et dans les premiers
temps do la Repu.
bliquo, il n'ait existé une véritable aristocratie héréditaire,
et quo
cette aristocratie, quoi qu'en dise Ficht~ (<), n'ait été d'abord
un des
éléments do ta constitution do l'État. Quant aux Germains, la
ques-
tion semble d'abord plus défiche. Tout te monde connaît
cette phrase
do Tacite ~< ex «o~utc, d«c<'N c.r u<«~~«Mt<m (2). Mais que
signifie au juste ici cette expression :n~M«s.~ Désigne.t-ette,
comme le prétend Fichte, l'illustration personnettc qu'un chef s'était
acquise on conduisant heureusement ptusicurs expéditions ? Cette
interprétation es~ tout à fait conjecturale, et etto n'est guère vraisem-
btabto. Mais ne pourrait-elle du moins designer cette ospécod'tHus-
tration que certains individus tiraient do leurs aïeux
ou peut-être
simplement de tour père, et qui les désignait particulièrement
au
choix de leurs compagnons, ~ans être devenue cela
pour un droit
héréditaire dans leur famitte? !)n'y a rien dans la phrase de Tacite
d'où l'on pui:so justement inférer t'existenco d'une noblesse hérédi-
taire. Mais si l'on ne peut rien conclure de cotte phrase, il n'en est
pas moins étabti qu'il a existé, chez tes premiers Germains, une
vraie nobtosse de droit, soit dans certaines familles royales (3). soit.
dans d'autres maisons privitégi''es (4), soit mémo dans certaines
classes fermées au reste de la nation (5). Qu'importo maintenant
que
(t) !'n.c 237.
(2) De Mton&t~ Ce~<nt0'<, cap. 7.
(3) On rctrottt'c des (Mmmca de ce genre chez presque tous les peuples
gennaim, tes Lombard, les Huths, les Ostt-ogoths, les Bavarois, tes Saxons
tes At~to-Saxons, les Prunes, etc.
(4) Par exemple, les cinq maison privilégiées dont il est question dans
la toi des Bavarois /~< sunt quasi pr<~< po~ ~~of/oa, qui
~Mttt de
~nerc dMca~. M<$ c~~< <~M'K /tonor~t co/tcedf~us, «c dMp<aM coM.
~MoHCM ac<<(t~<. L. Bajttw., xx. J'emprunte cette citation a t't~we
f~M <n~<<M~)on~ c<<ou<n~<cMnc.
p~r Lchunrou, p. 4H.
(5) temémoire
(!;) Voyez le mémoire de M, Mi~net sur
M. ~Iignet stir t'introduction
l'iiilrodtictioii tic t'anciomeCer-
de l'ancienne (;91'-
tnanic daos la société civitisec (~ntou'M ~or«yt«M, collection Charpen-
tio). A t'Hp,)ui de ses assertiotts sur la constitution ~obtique des Saxons,
Montesquieu ait bien ou mal interprète cette phrase do t'hi~toficn
Tégan reprochunt h t'archovequo tt6bon son ingratitude à t'egard de
Louis !e Débonnaire ~c« <<' /~<'r«~, non xo~~t' <y«od t~):)s~~
t~< pM< <t~'<u/<'nt (<)? Qu'importo que
la preuve qu'il tire de t'ucto
de partage do Chartomagne, rapproché du traité d'Andety, soit ou
non concluante (~)? Los faits sont et devant ces faits la thèse i
absotuo de t-'ichtc ne peut plus so soutenir. Que chcx te.. France,
mémo après la conquête do la Gante, ;) n'y c~t point, un dehors des
famittos roya!e3, une nob'cssc h6r6ditairc de droit, et que cette no.
btcsso ne soit devenue une in:.tim(ion civile que beaucoup ptus tard,
cela para!tvraisombtabte; mais là m6me il faut faire une exception
la théorie
pour la royauté, et cette exception suffirait pour renverser
do Fichte, D'aillcurs, con~rno nous venons do le rappeler, telle n'était
Il est singu-
pas la constitution de tous les pcuptcs gormaniques.
lier qu'après s'être retranché, con~nc il t'a fait d'abord, sur le terrain
dos principes et du droit absolu, t.'ichto ait cru devoir s'engager dans
entever
cotte obscure question de t'histuirc de la noblesse, tt veut
leur argument à cos politiques qui, se fondant sur ('equ'ot)e uoxisté
chez tous tes peuples, on cooduont qu'ctto doit nécessairement
faire partie do tout État. Mais que lie t~sc-t.it la question de
fait pour attaquer la conséquence? Bestant sur son propre terrain,
il serait beaucoup plus fort. !t no tarde pas, du reste, y rentrer
afin d'examiner t'uno après l'autro, au point de vue du droit, toutes
t.s prétentions et toutes les pr~atives de la nobtessO. Ici nous ne
conclusions. Pour-
pouvons plus qu'applaudir a sa critique et a ses
suivant des prétentions ridicules ou des iniquités révoltâmes, il a
soutient la cause avec une
pour lui le bon sens et la justice, et il en
remarquable éloquence. Toute cette partie de son chapitre sur la

l'illustre historien cite (p. i08) te :'as~c vivant d'Adam de Hrcme


(~. eccl., t.b. !): ~u.< /<ur «<nM~ pars in c~u~M~
conjMom n~'opr'~ sortis terminus <rn'x/e!'a<, M~ ~o&<<~ f!<~)~~ dt<Mi
«~ore~~ c< ~t&<'r h~ratH, Nt-cr~s
co~xn~ntMr ~cWo< <'< scru«a ONC<«(p.
(t) En tous cas, t'imerpr6taHon <t"c Fichte en dot'nc à son tour (p. 24!<)
est tout à fait forcée, Il n'y a que deux <jX)')ications possibles
celle de
Montesquieu, pou)- qui ce discours prouve formellement deux ordres do
citoyens chcx t~ Francs (~oyez ~f< des Ao~, )iv. X\X, ch. xxv). (.'t celle
Montcsqmcu
(le l'abbé Dubos, rapportée et coutt'attuc :) tort ou à raison par
(ibid.) « Ce passage, selon rahb6 t)ubos, prouve seu)ofnc<tt que tes
citoyens nés libres raient qualifiés de nobtes hommes dans l'usage du
monde, nobte.homme et ttomme né tibt-c ont siguinc longtemps
la même
choso, Il
(2) Voye?: t'« dfï ~.o~, liv. X\X!,chnp. x~tv, et Fichtc, p. 2t7.28t.
nobtosso est certainement une dos censures les ptus vigoureuse
que le sentiment de la justice ait inspirées comre cette institution.
Je voudrais pouvoir ajouter qu'elle n'a plus aujourd'hui qu'un intérêt
historique.
Fichte sa demande quels sont, il t'égard de la noblesse, los droi~
d'un peuple qui veut réformer sa constitution. M
y a deux choses à
distinguer ici les Litres dont so décorent ceux qui disent nobles,
se
~t les prérogatives ou les privilèges qu'ils s'arrogent. Quant aux
titres nobiliaires qui no sont que do vains noms, il n'approuve pas
qu'on tes supprime par voie de décret < Des décrets do ce
genre,
dit-il avec raison, agissent très efficacement, quand ils
ne sont pas
nécessaires, et fort peu quand ils le sont beaucoup.. D'a'itours ceta
ne lui semble pas conforme au principe de ta liberté naturelle a Je
ne comprends pas, dit-il, comment i'~tat peut défendre à un conci-
toyen du porter a t'avetur un certain nom, ou comment il peut dé-
fendre ù sos concitoyens de t'appeler désormais do
ce nom, quand
ils sont accoutumés à te nommer ainsi et qu'its le font,de leur plein
gré. < Mais, ajoute-t-i), je vois bien comment il peut ou bien
permettre aux classes jusquo.tà inférieures do ne plus se servir do
certaines désignations à l'égard des classes jusque-là supérieures,
ou bien même permettre à tous ceux à qui cela fait plaisir de prendre
désormais les mêmes désignations. Que le seigneur de X*~
ou to
chevalier, ou to baron, ou le comte du Y** continue d'ocrn'c son
nom
comme l'a fait jusquo-tà, ou même qu'il y ajoute
encore une foule
d'autres noms, cela me parait fort peu important mais qui pourra
faire un reproche à t'Êtat de permettre et do recommander a tous les
citoyens do nommer le seigneur do X~ ou le comte de Y~* tout
simplement, M. X*~ ou M. Y* ou de leur promettre son appui
contre te soi-disant gentilhomme, lorsqu'ils useront do la permis-
sion Ou même qui pourrait lui défendre d'élever
au rang de nobtes
tous les citoyens, depuis )o plus ékvé jusqu'au plus bas, et par
exemple de permettro à un pauvre pâtre de se nommer baron
ou
comte, d'autant do baronies ou do comtés qu'il voudra? La distinction
disparaîtra d'eite-meme, quand elle ne sera plus une distinction, et
chacun se nommera d'un nom aussi court qu'il
pourra, quand la
longueur do son titre ne lui servira plus de rien.. Fichte
pose ici
la règle que doit suivre on cette matière tout État démocratique et
libre. It n'y a pas besoin do décret qui interdise
aux citoyens d'ac-
coler certains titres a leur nom il sufnt
que personne ne soit forcé
do tes attribuer à ceux qui s'en veulent
parer, et qu'il soit permis
chi'cun <on prendre do semb!ab!ea si bon lui scmbte; en un mot,
il suffit do tour retirer t'appui de la toi ils tomberont d'eux-tnemes.
A plus Forto raison, Fichte ne saurait-H admettre (}ue dans un état
démocratique, h) gouvernement se réserve !o droit do sanctionner
ou d'interdire los titres <)c nobtosse après une enquête préatah!o,
et d'en créer au besoin do nouveaux.
Los titres do nob!esso, n'ayant qu'une valeur d'opinion, doivent.
être abandonnas a t'opinion c'~t a etto do tes conserver ou do )es
abotir; maisi! n'en osL pd~dc tncmo do~ pr~rogat.ivos r6u!)os ou des
privi)6gos qui 0)tt pu y ctro a~achos ici t'~at n parfaitoment !o
dtoi~ d'intervenir pour rt~<)b!ir i'é~a!i!.e o~ sati~airo la jusLice. Les
privi~ges contre tesquots ~ichtose)ôvuavcc .tuLant de raison que de
forfo, ou d'autos non moins o~tioux, ont.disp:trude notre su!, ~r.lco
a tu Revotution française; et-, quoi qu'aient, pu faire ou que puissent.
tenter cuccro los partisr'ns ou tes successeurs do t'ancicn régime, ils
n'y rcHeuriront ptus. L'egaHtecivUe est, on peut !o (tire, une conqucto
assur6o en Franco que n'on pouvons-nous dire autant do la
tibcrt6) Mais ces privitpges, notre philosophe les voyait survivre,
autour de tui, a la révolution qui tes avait c\termines chcx nous, et
il fa))ait qu'ils fussent bien vivaces, puisque, h t'houre qu'i! est, ils
subsistent encore dans une partie do i'Rnrope. Les pages de Fichto
qui nous occupent en ce moment n'étaient donc pas uno vaine d6c!a-
nmtion, et elles ont encore aujourd'hui leur a-propos. Un tous cas,
on nous remettant sous les yeux toutes tes prétentions du régime
contre tcque! ones sont dirigée! eHos nous font mieux comprendre la
sympathie ou la haine que la ttevotution frnnraiso excita en At)o-
magno dans los diverses ctasses do la société. Combien en on'ct ne
devait pas être odieux un privilège tel que cetui que Fichte met an
premier rang dos prétentions de la nobtcsso, !e privitege dos biens
nobtcs, c'est-à-dire te droit réserve aux seuts gentilshommes de pos-
séder ou d'acquérir certains biens. !t n'a pas de peine montrer
t'injustteed'un paroi! priviiego. H n'a pas moins beau jeu contre !o
système dos corvées et !e prétendu droit dos Muc/t~ f~e /<-r ( t), et il
pose ici que!ques principes aus~i simptcs (juejustes pour mettre un a
cetétatde choses sans porter atteinte au droit do propriété. Dira-t-on,
avec le droit traditionnp), que tocuitivatcur, qui n'a pas la propriété
duso!, appartient !ui-méme au sol, et qu'i) est ainsi une propriété du
seigneur? Fichto répond avec toute la phitosophiodu xvm" siecte, que

(t) Voyez ta note de la page 279.


tout homme a la propriété individuolle do sa
propre pcrsonno. et
que nul no peut avoir do droit irrcvocabto sur la
personne d'autrui.
'-Ce seigneur ne pourrait pas dire J'ai p~yo~
en achetant te bien,
un droit do propriété sur la
personne de mes serfs. Nu! n'a pu lui
vendre un paroil droit, car nul no t'avait. S'i! paye qudque chose
a
pour cela, il a otu trompe, et c'est à t acheteur qu'il doit s'en prendre.
Qu'aucun État no vienne donc so vanter do
sa civilisation, tantqu'i!
taisso subsister nu droit aussi indigne do t'hommo,
ot que quotq.t'un
conserve to droit de dire a un autre ?'« MKt~u-<t'< M Une
autre
prétention do h) noblesse est d'occuper exclusivement
toutes tes
hautes positions d.ms te gouvcrncmpnt. et dans l'armée. Fichte
relève
supcricuremcnt tout co qu'i) y a d'injuste et de pr~judiciabte a t État
dans une telle prérogative. S'il faut so gnrder do lui attribuor
la
possession (~c!usivo dos fonctions qui exigent des talents supérieurs,
tui laissera t-on du moins ces canonicats et
ces prébendes qu'il lui a
convenu de se réserver? Sans entrer encore dans la question des
rapports de t'f~iseet do rÈtat, qui viendra tout à t'heurc, Fichte
n'hésite pas à répondre que ce sont là des biens dont la sociétu le
a
droit do disposer, et qu'oHe a un meitteur
usage à on faire « D'abord
le payement convenabto dos instituteurs du peuplo; puis, s'il
reste
quelque chose, los récompenses accordées
aux savants et tes secours
donnes aux sciences.. Hnfin la pretontion de la noblesse à l'endroit
des charges dt'cour lui su~ero les ptu~ judicieuses ré~exions (<).
Mais je ne puis m'arrêter sur tous ces points, et jo
me hâte d'arriver
au dernier chapitre ou Fichto truite avec une singulière originalité et
une extrême hardiu.so la question do i'Ëgtisc considérée au point do
vue du droit do révolution, ou en générât la question des rapports de
t'Ègtiseetdo l'Étal, c'est-à-dire problème politique qui
un est encore
a l'ordre du jour en Europe, et qui on France même n'est pas encore
définitivement resotu.
Avant de chercher quels sont les rapports de t'Égtise et do l'État,
Fichte se demande ce que c'est quo t ~gtise, a quctte idée etto répond
et qm'! systcmo dérive de cette ideu. La réponse qu'il fait à cottc
question n'est cortumement pus aussi profonde qu'inguniouso, mais ette
est irtattuquable en ce sens qu'otte maintient à t'Ëgtiso son v6rit:)b!o
caractère celui d'une puis?anco purement spirituello. Selon Fichto,
le principe do t'Ègtigo n'o~t autre chose que Je besoin qu'éprouvent
tous les hommes do s'accorder entre eux sur certaines idées (cet!cs

())Page2<)~.
do Dieu et de la vie future) dont ils no pouvant se passer, mais dont
ils ne sauraient prouver la valeur objective ni par t expérience, ni
par )o raisonnement. Croyant à la venté do ces idées. ils croient on
mémo temps qu'il doit y avoir harmonie à lour égard entre tous les
esprits do là l'idée d'une ~c )<tu~<&/c, qui unit tous tes ctrps
raisonnable!? au sein d'une mcrne croyance; mais,
ne pouvant dé-
montrer cette vérité d'une manière parfaitement certaine, cette im-
puissance mémo tes pousse à chercher dans le consentement les uns
des autres une prouve extérieure qui leur tienne lieu de toute autre,
et par suite à créer eux-mêmesce qu'ils cherchent do ta l'institution
dot'J~M u<a< c'est-à-dire d'une société ou tous s'accordent dans
la même pro/cMto~ de /b( et qui rc~se ainsi cotte Église invisible
dont Us avaient l'idée, mais qui n'était otto-meme qu'un objet de
croyance. L'église visible se propose donc pour but l'accord, et, co
qui est la conséquence do cet accord, la confirmation de lu
croyance.
Elle suppose, par conséquent, une profession de foi qui soit la Mt<~o
pour tous, et qui on môme temps soit parfaitement st~rc de ta part
do chacun; sans cette unanimité et sans cette Sincérité, t'~gtiso
manquerait son but. Mais comment s'assurera-t-otto de la sincérité
de tous ses membres à l'endroit d'une profession de foi qui, pour être
unanime, doit être déterminée et prescrite. C'est ici qu'est la difn-
cutté. Pour la résoudra, il faut d'abord qu'olle s'attribue à ette-memo
cette magistrature morale que tous )ps hommes attribuent a Dieu,
comme au rémunérateur et au vengeur suprême, et qu'elle s'arroge
le droit de condamneroud'absoudre en son nom. C'est là la loi fonda-
mentale de toute Église vraiment conséquente; elle ne peut se main-
tenir qu'à cette condition. Mais touto difficulté n'est pas encore levéo
par là, car l'Église ne saurait pénétrer dans t'intériour dos âmes. Par
que! moyen parviendra-t-otte donc à juger sûrement de lit pureté do
la foi, do manière à pouvoir exercer ce droit do condamner
ou d'ab-
soudro dont elle se prétend investie. Ce moyen, etto le trouvera pré-
cisément dans une profession de foi disposée de telle sorte qu'il n'y
ait pas lieu de révoquer on doute l'obéissance de
ceux qui s'y sou-
mettront. Ainsi t'étrangeté même des dogmes qu'ptto imposera aux
intelligences et la sévérité des pratiques auxquelles elle assujettira tes
volontéd lui seront de sûrs garants do leur soumission. Ce moyen de
s'assurer de la Métité de ses membres est en même temps pour elle
un moyen de les attirer et de les fortifier dans leur foi; car c'est un
fait incontestabtp, bien qu'il paraisse contradictoire, que plus sont
inc.royah!os tes choses dont on fait dos artich's de foi, plus on obtient
aisément créance. Coux-ta sont donc mat avisés qui veulent fairoa
l'incrédulité sa part, dans l'espoir (!o sauver le reste; ils no voient
pas qu'ils perdent tout. Tout ou rien, telle doit être la maxime d'une
véritable église. De même, c'est une inconséquence et une abdica-
tion que de renoncer, comme font les Ë~tises protestantes, nu droit
de condamner ou d'absoudre au nom do Dieu. Une église n'est donc
conséquente que si elle enseigne que hors de son sein il n'y a point
de salut, et que si elle juge ici.-bas à la place do Dieu. A cet égard,
t'Ëgtisc catholique est. selon FichLo, lu soule Église consét;uen'e.
Mais ce modèle de conséquence s'est montri; lui-même fortinconsé-
quont en un point on voulant donner à ses condamnationsd'autres
effets temporels que ceux auxquels ses membres consentent à so sou-
mettre, non-seulement l'Église catholique s'est rendue coupable
d'injustice, et a excité contre elle la haino et l'horreur, mais elle a
agi contrairement au but mmne de son institution elle a produit
tout justement ce qu'elle devait empêcher, l'hypocrisio.
L'espace me manque pour examiner ici le parallèle établi par
Fichte entre le Catholicisme et le Protestantisme je me contenterai
de faire remarquer que la logique n'est pas toujours te meilleur guide
pour bien juger des choses de ce monde. Je n'examinerai pas non
plus t'idée que se fait notre philosophe de t'Ëgtise en gênerai on
peut reprocher aux principes sur lesquels il s'appuie et d'où il déduit
tout son système de manquer de largeur mais, quoi qu'on pense de
ces principes et do ce système, Fichte n'en est pas moins dans le
vrai en établissant que t'Ègtiso est un pouvoir purement spirituel, et
qu'ette n'a aucune autorite temporelle. Voilà du moins un point par-
faitement acquis, et d'ou il a parfaitement raison de partir pour
traiter la question des rapports do l'Église et de l'État.
Les rapports de t'Êtat avec Église doivent se régler sur ceux
dos individus avec elle. C'est donc au droit naturel qu'il faut recourir
ici, puisqu'il est la loi fondamcntato à taquetto sont soumis tous les
hommes dans leurs rapports réciproques. Tcne est la règle que Fichte
se trace, et qui est en effet la vraie règte à suivre en cette matière;
seulement, comme on le verra tout à l'heure, it ta fausse parfois dans
ses applications, faute de tenir compte de t'intorvention nécessaire de
l'État. Quoi qu'il en soit, il est d'abord évident que l'Église n'a pas
le droit d'imposer sa foi à quelqu'un par la contrainte physique, ou
de le soumettre à son joug par la force. Toutes les fois qu'elle agit
ainsi, elle viole la liberté humaine, c'est-à-dire !o droit naturet, et
mérite d'être traitée en ennemie. H suit du même principe que
t
chacun a lu droit de refuser obéissance à ~tise, des qu'ft le juge a
propos, et que cettu-ui n'a pas !o droit do le contraindre par des
moyens physiques a rester dans son sein. Qu'otte te maudisse, l'ex-
commumo, !e damne tant qu'elle lie fait. tun.ber sur lui que des fou-
dres spiritudtes, cite est parfaitement tibre mais. si ses malédictions
vontjusqu'a porter atteinte on sa personne jq'jetquodroitdot'bommu,
etto commet une injustjce ou un crime. Toush'sincrédutM, (lit fort
bien Fichte, que !a ~ainto toquisition a condunutés pour leur incré-
duti~ persévérante, ont 6~ assassines, et la sainte ~ghscapostotiquo
s'est baignéedans des torrents du sang humnin injustement versés.
Quiconque a été, pour son incr~iutitc, poursuivi, chusse, depoutHéde
sa propriété et de ses droits civits par tes
communions protestantes, t'a
été injustement. Les hrmos des veuves et des orphelins, les soupirs de
la vertu opprimée, tesmatcdictions de t ttUtnanite pèsent sur oUes..·
!t suit encore du même principe que les individus peuvent former
autant d'Ëgtises particulières qu'it tour convient, sans que colle dont
ils se sont détachés ait te droit de les on empêcher par des moyens
physiques.
!t est maintenant aisé de voir quets doivent être tes rapports de
t'Ègtiso et de l'État. L'État n'a point a intervenir dans le domaine

si
det'Ègtise, tant que celle-ci ne sort pas du monde invisible, ou,
comme nous disons, du spirituel ce
serait empiéter sur un domaine
qui lui est absolument étranger, où il n'a rien a voir et qu'it ne doit
mémo pas connaître mais, si t'Ëgtiso porte atteinte a quoiqu'un des
droits de l'homme et du citoyen, etto empiète elle-
même sur :e domaine do t'Ètat, il a (tes tors le droit et te devoir
d'intervenir pour réprimer une toile usurpation. Ainsi, soton t''ichte,
qui prend ici une position inexpugnable, t'~tat et
t ~tiso sont deux
sociétés absolument distinctes t'uno de t'autro, ayant chacune son
domaine; t'une dans le monde invisible, t'autro dans le monde
visibte, et n'en pouvant sortir sans manquer a leur mission et sans
violer le droit. Au lieu do distinguer et de séparer ainsi
t'~gtise et
t'Ëtat. on a imaginé entre eux une certaine attiance on vertu de la-
quelle l'État prêto amicalement a t'~gtise sa puissance tomporeUo,
tandis que do son côté t'Ègtise prête à t'Ëtat son autorité spirituelle,
si bien que les devoirs de foi deviennent ainsi dos devoirs civils,
les devoirs civils, des pratiques de foi. Fichto nôtrit étoquemment
cette singulière alliance, qu'on a vantée comme le prodige de la po.
titique, mais ou t État et t'~gtise se dégradent et s'anaibtissont éga-
Icment. Jo ne puis citer tout ce pacage, mais j'on veux transcrire
d*
au moins ces quelques tignes a !) convient sans doute h certains
États du nous promem-e
une récompense dans i'autro vie. lorsqu'ils
nous prennent tout dans cetto-ci; ou de nous menacer do l'enfer,
<tuand nous no voûtons pas nous soumettre
a tours injustices et
a leurs violence:). Que croient.iis donc eux-mêmes, eux qui
se
montrent si franchement et si librement injustes? On ils
no croient
ni au cio) ni à l'enfer, ou ils espèrent s'arranger
avec Dieu et tirer
tour personne d'adiré. Mais si nous étions aussi habiles qu'eux
Un peu plus bas, Fichto se demande pourquoi
ce sont ordinairement
los Louis X!V et leurs pareil qui s'intéressent si vivement
pour io
salut dos autres.
Jusque.!a il est dans le vrai, mais n'en sort-il
pas et no se con-
tredit-il pas lui-même, lorsqu'il admet que, quand t'~tat juge dan-
goreuses certaines opinions, il peut refuser le titre do citoyens à tous
ceux qui y sont notoirement attaches, et que par conséquent, en
temps de révotution. il peut rayer certaines doctrines religieuses qui
jusqu'alors n'avaient exclu personne clos droits civils, mais qui lui
paraissent maintenant contraires à ses
nouveaux principes, et exiger
de tous ceux qu'il admet dans
son sein leur parolo clu'ils ont renonce
a ces doctrines? Pour bien comprendre ici la pensée de Fichte
et
rester juste envers lui, il faut se rappeler que, dans sa théorie, i'État
est une association purement volontaire et indépendante de toute
condition de lieu, de <o)to sorte que chacun peut entrer dans t'État
ou on sortir, comme bon lui sembto; que t Ëtat, de son côte. peut
admettre ou rejeter qui il veut, et que. dans tous tes
eus. chacun a
le droit de conserver, avec
sa liberté naturelle, sa propriété sur to
sol. Cette idée de t ~tatost sans doute chimérique; mais
une fois
supposée, etto explique et atténue l'erreur où Fichte tombe ici. Pour
nous, nous dirons Laissox chacun tibrede croire ce qui lui convient,
n'excmox qui quo ce soit pour ses opinions, et n'exigez de
personne
aucun engagement a cet égard mais obligez tout le monde a res-
pecter les droits do chacun. Je no me dissimule pas les dtfficuttés et
tes péri's que peut .susciter a t'~at
une Ëgtise qui se dédaro l'en-
nemie do toute liberté et do tout progrès; mais, pour écarter
ces
difficultés et ces périls, il n'y a besoin de violenter los
pas consciences,
il suffit do faire appct
aux principes du droit tout à l'heure invoqués
par Fichto.
C'est encom h la tumiero de ce; principes qu'il fa .1 résoudre
une
grave question qui se pr~cntc ici, et qui. après avoir étc tranchée.
dans le sens que chacun sait.
par la Uévotution française, agite
aujourd'hui encore les esprits en plus d'un pays de t'Kurope.
Si t'Élise est une puissance purement spirituotte, si elle n'a do
forcer et d~ droits que dans te monde invisible, il s'ensuit. qu'elle no
peut rien posséder dans le monde visible, il titre d'Oise. Voita ce
que Fichte cotnmenco par établir, d'accord en ce point avec Kant (< )
et les philosophes français, tt en tire cette conséquence que les con-
trat par tesqueis certains biens terrestres ont ~te cèdes a t'~gtise
en échange des biens co)ostes qu'ctte promet sont nuts ot non avenus
pour t'Ètat.qui ne connatt pas t'Ègtiso, et qu'i! (:st tenu do protéger
dans la revendication do tenrs biens tous ceux. qui réctament son
appui contre tes prétention-; de i'~tise. Selon Fichto, tout contrat
conclu avec t'~tise, reposant uniquetnont~ur une certaine foi, n'a
do valeur que pour ceux qui ont cette foi si cctui qui l'u conclu cesse
de croire, ou si son héritier n'a plus la mOno foi, il est dégagé do
toute obligation, et l'État, pour qui t'~gtiso et les prétentions de
i Ëgtise n'existent pas, doit t'aider dans to maintien de son droit.
Sauf la rédaction qui pourrait être modifiée, il me parait impossible
de ne pas accorder a Fichto les principes qu'it met ici on avant, et tes
conséquences qu'il en tire. Mais, torsqu'ii prétend que non-seute"
ment le légitime héritier a le droit do roprcndro a
t'~gtise le bien
dont elle est en possession, sauf a dédommager le tenancier, s'il a
amétioré ce bien, mais que, quand il n'y a personne qui puisse
F~gtiseest, aux yeux
prouver t'antériorité do ses droits, le tenancierdc
du droit nature!, le vrai propriétaire, et quo par conséquent il a le
droit de s'approprier ce que t'~gHse lui il donné il ferme, Fichtc va
beaucoup trop loin, et cela parce qu'it considère le droit naturel d'une
façon tout à fait abstraite, comme s'il n'appelait pas nécessaire-
ment l'intervention de t'Ètat. est pourtant bien évident que, si
l'on no veut livrer la terre au pillage et semer la guerre civile dans
la société, on no peut attribuer aux particuliers le droit de s'appro-
prier tes biens de l'Église, et que ce droit no peut appartenir qu'à
!tat, c'est-à-dire à la société tout entièro, qui disposera ensuite de
ici lit conséquence
ces biens comme elle t'entendra. Nous retrouvons
de co défaut que nous avons plus d'une fois relevé dans la théorie
société;
do Fichte t'Ëtat n'y est pas un étémcnt nécessaire de ta
il n'en est qu'une forme arbitraire et
conventionnelle. De là ces
fait,
conclusions extrêmes, qui, si elles pouvaient se traduire en
qui
tourneraicHt contre la justice dont i''ichte défond les droits, et
(i) Voyez la ~oc~)0 (ht droit, ~t(t~t<Mca~t(:<!<<uM, p. 2HC.K~
'ic om tt'aductiott.
tout au moins manquent do va!enrprntiquc.Co défaut éclate plus
manifestement encore duns los pa~s qui terminent te chapitre et
t'ouvrée. L'état, tôt que t'entend notre phitosopho. suppose l'una-
nimité, et tous c~ux qui cessent d'y adhéreront to droit do reprendre
leur propriété et pur consé(tuont ta piu't qu'ils ont fournie
pour le
!)ien commun. Si donc tous no sont p.)s d'accord a l'endroit do
t'~tise, si tpp uns voûtent y rc-ster fidétes, tandis
que les autres
ventent s'en détacher, ceux qui t'abandonnent om )o droit do lui
reprendre co ({ui tour revient à chacun pour teur part do la fortune
pubtiquo "consacrée !'tf'tse, et do se coaliser
pour faire vatoir
ce droit. Il se former.) ainsi doux ~tats qui se c.onduit'unt diver-
sement a !ard do !'f';gtiso. Mais cetto hypoth~o d'un État dans
)'~tatest.eHoadmissibio, et
ce quo Fichto pr~cho ici, sans s'enapcr-
ccvoir, n'~st-cc pas la guerre civi)e?
!ci s'arrête roovrugo qu'it nvait entrepris sur la Révotution fran-
çaise. Il est fâcheux qu'it t'ait taissc itttorrompu, et qu'après
avoir
ëpuige la question do droit en mutile de révolution, qu'it n'a
n)6mo
pas traitée entièrement (~ ), il n'ait pas aborde la question do
sagesse
pratique, et n'ait pas examine ensuite, a la tumiere dos principes
juridiques et po!itiquos précédemment établis, tes toisot tes
actes do
!a Rcvotutton française. Car tôt est te plan qu'il
ayait conçu, et qu'it
s'était d'abord proposé d'exécuter. Ce ptan ptait grand!ose
mais
d'une exécution si difficile que t'en n'a pas do peine h
comprendre
que Fichte n'ait pas cto jusqu'au bout. Peut-être d'ailleurs jugea-t-i!
qu'i! n'avait pas encore, suivant les expressions dont
il s'était
naguère servi tui-memo (2). toutes tes données nécessaires pour
juger impartialemont notre révolution. Peut-être aussi
ne tarda-t-il
pas a s'apercevoir que los fondements do t'cdinco qu'i! voûtait e!ovor
étaient trop étroits, et que, mafgn. foutes los excellentes
choses qu'i!
avait pu dire en faveur du droit individuet, théorie de !'Ëtat
sa était
)nsoutenab!o. est certain que son ouvrage, ~) peine pub!ie
satisfaisait pas !ui.meme. Dès <794, il te jugeait déjà ne !e
avec une cer<
taino sévérité, comme on peut le voir
par une tettro à Roinhotd, insé-
rée par Fichte te fi!s dans ta biographie de
son père (3). avoue que
s'd avait a recommencer son travail, il rédigerait
tout autromen~on
«) ~près le plan qn'.t avait trac~ tui-m~mc dans le chapitre
ouvrage (p. i33), il lui restait à traiter la q~ion des rappor~un peu~
de Mn

~y~
avec le souvcrn.n, au point de vue .h. droit de rovojution

2:
(3) Page
la de
P~~r, p..i.
chapitre sur h' noblesse, mais il croit avoir dit sur t'~gtiso ptusicurs
choses ttouvottos. t'tus tard, (p~nd il eut a so défendre contre cette
ttunate accusation d'athéisme que t'orthodoxio t'ptigiouse, trop sou-
vent appuyée par t<; scepticisme satisfait, aime a lancer contre les
phitosophos, il t:rut dovou' si'oxptiqucr sur cet ouvrage qu'on lui jetait
à la teto il le prôspntaiL alors comme fessât d'un jeune homme
obignôdo sn patrie, ne dépendant d'aucun État, et qui, voulant
repousser t'oxugcrauon des défenseurs du pouvoir abso!u, s'était
laissé entraîner tui-mûmo à une certaine oxagcrution, pour rétablir
t'equitibro.
Cet ouvrage et son discours sur la hberte do penser lui valurent le
renom (le démocrate ot do jacobin, titre équivoque, comme dit Fichte
te fils, mais dangereux. Aussi attribua-t-il à cette cause l'accusation
d'athéisme qui fut plus tard dirigée contre fui-, et, dans sa défense,
jugca-t-it aussi a propos de s'expliquer ta-dessus (~). Mais à cette
époque les idées de r'ichte s'ôtaient déjà singulièrement modifiées,
comme on va le voir tout Mt'heuro.
Ma!gre tout ceta, quelque incomptot que soit l'ouvrage de Fichto,
et quelques erreurs qu'on y puisse relever, il respire un sentiment si
t
énergique de la liberté et des droits de homme, le soufl1o morat y
est si puissant et t'ctoqucnce on est si grande, qu'on le lit encore avec
plaisir, avec entraînement, avec profit. Et puis c'est un si curieux
monument que ce tivro d'un jeune homme, qui sera bientôt un
grand philosophe, écrivant à Dantxick et on Suisse sur notre révotu-
tion, que le public français me saura gré, je l'espère, do le lui avoir
fait connaître.

ni.
H n'est pas do mon sujet de suivre Fichte dans les circonstances
ultérieures de sa vio, si intéressantes qu'elles soient, et dans les
ouvrages qu'it a consacres depuis a la politique et au droit, jusqu'à
l'époque ou il prit part à !a tutto de l'Allemagne contre la France
impériale mais je no puis me dispenser d'indiquer les modifications
que, dans cet intorvatto, t'experience et do nouvelles réflexions avaient
amenëes dans sa pensée sur les questions vitalos que nous l'avons vu
traiter dans ses Con«(~'ft<tOM st<r Révoltitioit ~'a~fa~c.
Deux ouvrages importams se rattachent a cette époque. Le premier,
pub!ie en t796, est une théorie du droit nature!, connue d'après les
(t) /Nd., p. 225.2'
principes de la ~oNn~ <~ /«~'Mcc(t), c'est-à-dire du nouveau sys.
terne que Fichte avait fait paraître dans les deux années précédentes
et oii il prétendait reprendre et compter la philosophie do Kant.
Cotte Utéorio du droit naturel n'est donc
que do trois années posté-
rieure aux ~cr~o~ aur TÏ~t~M~'oo ~'fut~t~; mais les idées
do Pichte sur t ~tut et sur tes rapports do t'Ètat l'individu sont
déjà entièrement transformées. C'est ici t'ouvre avecd'une pensée plus
'nure, d'une rénexion plus profondo, d'une phitosophie plus
savante,
sinon toujours plus pratique. Aussi, dans réponse l'accusation
sa a
d'athéisme, Fichto rcnvoic-t.itacot
ouvrugo, comme :') h dernière
oxpresion do sa pensée, ceux qui lui objectent
son livre sur la Mevo.
tution française.
Dans ce nouvel ouvrage, Fichte
so rapproche dos idées do Kant
t dont il s'était écarte dans lu précédent, comme je l'ai indiqué plus
haut. t) croit maintenant, avec fauteur do ~M. ~r
p~<«'~ (2), que i état do nature est
tp(t~ p~
un état de guerre et d'iniquité,
et que par conséquent les hommes ont le droit do
se contraindre tes
uns los autres à sortir de cet état et à instituer entre
eux tordre
civit, que l'union panique ne peut, à la vérité,
po fonder que sur
un contrat primitif, mais quo ce contrat est une chose dont t'insti-
tution est absolument nécessaire; enfin
que le peuple no peut pas
exercer lui-mémo te pouvoir exécutif, mais qu'il le doit déléguer (3).
Ainsi, tandis que. dans
ses CoMh/i'~x~ <Mr <« ~o~<<oM/ran;-a~,
Fictuo faisait de t'État quelque chose do
tout à fait arbitraire et con.
vennonnet, it en reconnatt aujourd'hui l'absolue nécessité
au pointdo
vue du droit tui-meme: il voit tmn a présont
que le droit no saurait
se maintenir entre les hommes en dehors de la société civile, c'cst-à-
dtre sans lois positives et sans pouvoirs publics.
t En cela donc il
retourne ci la théorie do Kant muis,
en mente temps qu'il s'v rat.
tncho. il on signale l'insuffisance. Cette théorie
démontre bien la
nécessité do la société civile
ou de t'Ètat en générât, mais elle n'ex-

ouv~
"?
(2) C'est 'e
ni~ est intitulé
scienco.
~'< droit tlatuI'ol d'apros ~pn'M~
C~Mt~ coMp/<M de Fichte, t. H!.
cité par Fichte comme renfermant l'expression des
sur droit et '? car, à il composa son
la

v.
ouvrage sur le droit pouvuit connattreic~ ~~M~~anAy.

H~S,
il
doctrine du droit, (lui P'ent la m&me année
va~ur Voilà ce que son propre
qu'il ne faut pas oublier pour apprécier ce livre
valeur. à sa juste

de haut théorie
plus haut,
du droit avec celle de
Introduction, Ht: des Huppurts
'ticncit~
ptique pas !e rapport do l'individu avec un certain État en particu-
lier. En outre, son principe fondamontat do l'accord do la hborté do
chacun avec celle do tous est purement formel, ot ne détermine nul-
tpment tes rapports qu'implique cetto idén un peuple, une nation.
U est certain que, si le principe de la théorie do Kantest inattaquable,
elle i besoin ette-memo d'être étendue et comptetéo (~).
Matitoureusemont ~ichto n'a p~s toujours raison dans la critique
qu'it fait do cetto thcorio et dans le3 corrections qu'it y apporte.
Kst-ce un défaut, par oxen)p!e, oa n'est-ce pas p)nt6tun mérite que
déposer on principe, comme le fait Kant(~) après Montesquieu,
Rousseau et tant do publicistes, la séparation du pouvoir executif et
du pouvoir !egis!atif. Comment Fichte ne voit-il pas qu'attribuer le
pouvoir législatif au chef du pouvoir exécutif,c'est constituer le des-
potisme ? Jo lui accorde que la séparation de ces deux pouvoirs no
serait pas à elle seu!euno garantie suffisante du droit; mais le droit
sera-t-il plus sûrement garanti, quand ils seront confondus dans les
mêmes mains'? Je sais bien que Fichte veut que la constitution à
taquette le peuple devra obéir soit soumise au sunrago du peupte;
mais cotto condition du sunrago populaire est-elle etto-meme une
garantie suffisante, ou nepout-etto devenir un redoutableinstrument
entre les mains do la tyrannie? Fichte ne i-ombto point avoir prévu
cotte difficulté, qui nous caute aux yeux, a nous autres. M cherche
une autre garantie contre tes abus du Pouvoir dans l'institution d'une
magistrature suprême étuo périodiquement par le peuple et chargée
de survoiller le pouvoir exécutif, de le suspendre au besoin et do con-
voquor la nation, Cette magistrature, à taquctte il donne te nom
d'éphoriu, n'était pas sans analogie avec ta~rtcco~n~nau'e
du ptan que Sioyos avait proposé à la Convention on 179t, c'est-à-
dire un corps do représentants ayant la mission spéciale de juger etdo
prononcer sur tes plaintes en violation de la constitution qui seraient
portées contre tes décrets de !a tégistaturo (3). Mais t'éphorat do
richto, comme tajurio constitutionnairedeSieyès, succombe devant
la très simple objection que Thibeaudau adressait à cette dernière,
en disant à la Convention (4) « On prétend que la jurio constitu-
(t) Voyez mon .(M~ cn<«y<e (~ la /)oc<«')e ~M dro< p. Ct.xvtt-
0<XXt.
(2) Doctrine dM dro~. p. 172; .~o~e o-t~MC, p. Lxxvn et
p. Ct.XHV).
(3) Voyez sur ce point la ren.arqu.tbto //<~o<rc dM ~MuentetMM< ~r'o-
MWKntt'c c~ franc< par M. Duvo~icr de Hauranne, t. p. 367.
(~ p. 37'2.
tionnaire retiendra les autres pouvoirs dans leurs limites. Soit; mais,
si tajuriesortdes siennes, qui est-ce qui réprimera
son usurpation?
On no résout pas ta difficulté, on ta recule. C'est l'histoire du
monde
portée par un étéphant, toquet est porté
par uno tortue et ta tor-
tue, sur quoi repose.t -ctte ? tt est juste d'ajouter que Fichte u'aito
a
tut-môme son éphorat
comme la Convention a traita la jurio coosti-
tutionnairo de Sioyès il t'a retiré dans
une seconde théorie du
droit, dont nous dirons un mot plus tard.
Mais ce n'esUa qu'un détait. Co qu'il importe
surtout de rem.ir-
qucr, c'est que Fichte, après avoir si complément att'ranchi t'indi-
vidu do t'Ètat, t'y incorporf maintenant tout entior.fpour
l'au-
tour des CoN~d~-tt«o~ st«- lit /~o~<M ~Yt<f, rËtat n'hait
qu'une association accidontotte, toujours révocabto et toujours divi-
sible; pour l'auteur des~<<~ dro<n~(M~, c'est tout
un
organique dont les individus sont los parties et ou tous viennent
se
fondre on un môme corps. En passant du premier de
cos ouvrages
au second, on quitte une théorie qui pousse t'individuatismeases
dernières limites pour entrer a pleines voiles dans la doctrine
qu'on
désigne aujourd'hui sous le nom do socialisme. Nous
retrouvons
ici la théorie du Con<r<~ ~c~ mémo Fichte t'exagère a certains
égards. Ainsi, lui qui exaltait si fort tes droits do la propriété
indi<
viduollo on face des prétentions de l'état, il reproche
il Rousseau
d'admettre un droit de propriété antérieur
ait contrat social. Dans sa
nouvelle théorie, il ne peut y avoir do propriété
avant ce contrat. En
revanche, tetto est lit nature do ce contrat, qu it doit fournir chaque
il
citoyen une propriété (<). et qu'il implique
une assurance mutuello
contre la misère (2~ Nous pourrions montrer,
sans sortir do cet
ouvrage/a queHos conséquences co principe conduit
notre philosophe,
mais nous en trouvons un exempte plus éctatant
encore dans le second
ouvrage, dont. il nous reste a parier.
Cet ouvrage, qui formait
une sorte d'appendice à tn théorie du
droit et qui parut en ~800, est intitulé t'J~f
c~nw-ct~ ~~(3).
Fichte nous explique tui.mémo
co titre en quelques ligues qui rac-
compagnent. H entend par État commercial fermé
un État dont los
citoyens n'ont de rapports d'industrie et de
commerce qu'entre eux,
et par conséquent sont p)ac6s sous une loi de prohibition absolue'
interdisant toute exportation aussi bien
que toute importation. C'est,
comme on le voit, tout juste te contre-pied du libre échange. Fichto
(i) Page 204. (2) Pa~ciOS.
(3) Œufr~ c<wtp~M, t. t!), 387.
reconnaît bien qu'un ~tat de ce ~nro n'est pas immédiatement et
absotument réatisabto mais il est, soton lui, l'idéal dont tons tes
gouvernements doivent travaiDer M rapprocher do plus en plus.
L'État, tôt qu'it !o conçoit et te décrit, est l'État rationnel.
Lu société so divise naturollement on plusieurs classes ceux
qui produisent 2" ceux qui transforment tes produits naturels, tes
artisans, les artistes, les industriels 3" ceux qui vendent ou échan-
gent tes produits naturels ou !os productions do l'industrie, les com-
merçants. Quant aux fonctionnaires de toutes sortes, comme tes ma-
gistrats, les instituteurs, les guerriers, ils ne sont que les serviteurs
do la nation. H s'agit d'établir un juste équilibre entre ces diversos
classas, au moyen de l'équilibre de la production et do la consom-
mation. Ce double équiiibro est le problème fondamental do l'éco-
nomie politique. Lo résultat sera d'assurer a chacun, en retour de
son travail, une part proportionnelle a tous les
produits naturels et
a toutes !os productions do l'industrie.
Mais ce résultat no peut être
atteint que si la valeur relative dos choses est déterminée par t'État,
et si tout commerce immédiat avec les étrangers est interdit aux
individus. Que s'il est nécessaire do faire dos échanges avec t'étran-
lui qu'il
ger, c'est au gouvernement do s'en charger, comme c'est a
appartient do déclarer la guerre et do contracter dos alliances.
CcHo curieuse théorie dans les détails économiques do taquotte il
m'est impossible d'entrer, mais où l'on retrouve toutes tes idées du
socialisme contemporain, repose sur deux principes fondamentaux.
Le premier, c'est que la propriôt6 ne consiste pas dans un droit ex-
clusif sur les choses, mais dans le droit d'exercer librement son
activité dans une sphère déterminée, ce qui suppose nécessairement
t'httervontion de t'~tat; et te second, que t'~tat doit a chacun do ses
membres une portion (les richesses produites par la société tout
entière. Ce dernier principe, qui tui-môme est un corollairo du pre-
mier, est ce que l'on a désigné do nos jours sous !o nom do droit au
travail. Fichto a bien compris que te droit au travail implique l'or-
ganisation dut travail, et que l'organisation du travail exclut te tibro
échange. Il a devancé, comme on tovoit, certaines écoles socialistes
de notre temps.
It est facile do relever les erreurs et les dangers do cotte
théorie.
E!te a été tout récomment encore l'objet d'une réfutation approfon-
die ~); mais, h l'époque même ou elle parut, elle n'avait pu échapper

()) i'ar le docteur Schconcr, dans un ntc:noirc publié par la &'octe'(c


uux s~érités do ta critique. Bien que Fichte regardât son ~<o< coHt-
wcrct't~ /~t'MK! comme le meilleur do ses ouvrages (t), c'est celui de
tous qui fut témoins bien accueilli du ses contemporains il ne sou-
leva point seulement dos ohjections, mais une foule de raitterios. Cela
se conçoit aisément. Fichte, du reste, semblai t en avoir pris d'avance
son parti, en déclarant que son siècle n'avait pas la gravite né-
cessaire pour accupittir convenablement un projet qui, au tien
do tout livrer a la ruse et au hasard, soumettait l'activité humaine
aux lois les plus sévères (2). On lui reprochait de proposer un plan
irréatisabto, et l'on a cru le justifier en répondant qu'il n'avait lui-
même présente ce plan que comme un idént propre à servir de règle
pour juger et corriger la société, mais qu'il serait toujours impos-
sib)o do réaliser entièrement. H faut bien s'entendre a ce sujet, tt est
beau sans doute à un phitosophc, j'ajoute mémo que c'est son devoir
le plus ctevo de chercher en tout l'idéal, et ce ne serait pas une objec-
tion sérieuse que celle qui reprocherait a jnno théorie do n'être pas
entièrement réalisable, car il est de la nuturo mémo do l'idéal de no
pouvoir jamais être entifrement reatisé du moins faut-il que l'idéal
proposé ne soit pas un faux idcat, c'est.a-diro une conception contraire
aux lois et aux bornes eternettos de la nature humaine, ou une vaine
fantaisie de l'esprit, en un mot une pure utopie, maisqu'il puisse être
vraiment conçu comme un idéal pour l'humanité. Un ideat de l'État
étant donné, la question n'est donc pas de savoir si cet idéal est ou
non entièrement réalisablo (je ne dis pas sans application possible),
mais s'il est ur<« ou /«t<;c. Or, la question étant ainsi posée à l'endroit
de la théorie de Fichto, on ne saurait hésiter a la repousser, au moins
dans ses moyens. L'idcat est certainement, que, dans les sociétés
humaines, chacun puisse arriver à vivre de son travail, mais non pas
que chaque État se forme à tous les autres, et que, dans chacun
d'eux, tout soit fixé et rcgtc comme dans un couvent ou dans une
caserne. C'est bien plutôt le contraire qui doit ôtro le but de la
politique.
On a signale avec raison une certaine analogie entre les idées de
t'~a< co~«TC<(d ~rM<< et le ~«<<~te con<<nc~o< inauguré dix ans
après par le fameux décret de Berlin. Je ne crois pas, pour ma part,
que la théorie du philosophe attcmand ait pu avoir la moindre in-

~MtCttM do ~a<<t</<yue d'c'cM~mo poN~uc. Voir, a ce sujet, dans le


./OMn«!< de.! fcono~MtM, t. XXVt, p. 233, un article de M. ChcrbutHcz.
<')) Voyez la t'refacc de Fichte le Hts, p. xx\viH.
(~) Chapitre tUt, p.S!0.
nuencc sur l'établissement de ce système: mais on no peut nier qu'il
nu h) réntisat, on partie, sur une plus va~tc echetto, et. l'on ne sau-
rait prétendre que cette épreuve pratique tui ait etn favorable. Tout )e
monde est d'accord aujourdhui pour condamner )o btocus contincntat
comme uno des mesures tes plus fâcheuses du régime napoléonien.
Mais quelles ()ue soient les erreurs de Fichte, erreurs qu'il est en
\crit~ trop facile do relever. il faut lui savoir gré do son ardeur M
soulever certaines questions qui préoccupent, aujourd hui à juste titre
tous les amis de l'humanité. Hapu se tromper sur ta nature de quet-
consé-
ques principes, et du ces principes~ n)~t définis, tirer des
quences inudnnssibtes, u~'is le sentiment do la dignité et des droits
du travait, la sympathie pour les souffrances des classes inférieures,
l'amour du progrès, tous ces sentiments, qui ne sont chez i''tchto
qu'autant do traductions du sentiment mora), sont en lui si profonds
et si nobtos, qu'ils font ou~ier bien des erreurs. Sans douto il a fait
fausse route; mais il a remue, un des premiers, des problèmes d'où
dépend l'avenir des sociétés humaines, et dont notre siècle semble
particulièrement destine u poursuivre ta solution.

IV.

Transportons-nous maintenant dans t'anneo 1806, a la veillo


de !a bittaitte d'!cna. Qucts étaient a cette cpoquo les sentiments dû
Fichte u t égard de la hL-votution f)'an(:3isc. si t'en peul encore appeler
do ce nom te régime qui la représentait alors. Nous sommes bien
loin de ces jours ou la Franco, a travers des discordes et des vio-
lences.interiourps, travaillait a so constituer d'après !c:t idées de
tinorte, d'égalité et do fraternité dont ctto avait f.ut sa devise, et où,
pure de tout esprit de conquête, ctte no fuirait ta guerre que pour
défendre son indépendance contre les rois co.'tises. La liberté, pro-
ctan)ecpar la H6vo!ution, :t fait ptaco à la servitude tout se courbe
et se tait sous te joug d'un chef militaire, devenu le mattre absolu de
la Franco. Où sont maintenant ces droits de l'homme et du citoyen
pour lesquels to cœur de nos pères et celui do Fichto battaient na-
guère t'unisson ? Jamais la dignité humaioo, jamais ta vie publique
ne fut ~touneo sous un despotisme ptus savamment organise. L'cga-
lité conquise est.ettcdu moins rcspCL'tuc'? LnHcvo'utio)) nvaitdetruit
la noblesse de t'ancit'n K'gimc, t't~mpirc pn a créé une autre ù son
profit. Et ce duspotisinc ne p<'sc pas seutemcnt sur la France, il
ommit t'Europe et ta faronnu u son ima~e )c& puuptcs gémissent
sous le régime militaire de l'empire français, ou so voient menacés
dans tcur indépendance. I/atïranchissemont générât, annoncé
et
commence par la Hévotution, s'est change
en uno immense oppres-
sion. Faut-H s'étonner, âpres cela, si
ceux mémos qui ont le plus
appidudianotre Kévotution sont maintenant nos plus ardents
en-
nemis, je veux dire les ennemis do Napoléon et de
ses soldats!
Autant, on ~790, Fichto a vu avec chagrin la l'russe tourner
ses
armes contre lit Hévotution fr.m<uise. autant, en <80H it ta fétic.to
d'entrer dans lu nuuvetto coalition souievéopar l'empire. C'était alors
la lutte do tous les rois contre un peupto émancipe; c'est aujourd'hui
colle dotons tes peuples contro un despote conquérant. Pour t-'ichte,
comme pour tout bon Attomand, ta cause qui va se décider sur te
champ de bataitto n'est autre que eelledc t indépendance nationale, de
la tn~rté germanique et parsuito de la civilisation otte-mômo. Aussi
notre philosophe pitrtagoa-t-it t'enthousiasmo universot. torsquo to
cabinet do Berlin, demeuré noutro depuis la paix de Mate (juittet t79H),
mais de plus on ptusofrraycpar !'nccrois::oment indéfini de t'empim~
se décida enfin, après bien dos hésitations, a se liguer avec la Russie
pour chasser les Français det'Attûmagno. Mais il n'était pus homme
a st~ eontentet- de former dos vœux stériles il conçut to projet do
s'associer a la tutto, autant qu'il était en lui
en entretenant te fou
sacré dans les cœurs par des discours patriotiques it aurait mômo
voulu accompagner t'urmco. ann d'être mieux portée d'agir
a par
sa parole sur les défenseurs do sa patrie.
Les !igncs suivantes, écrites u cette époque, montrent bien quotte
était alors l'ardeur des sentiments de Fichte, ot quoi beau rôle
rôvait ce phitosopho, digne d'un autre âge
« Si l'oratour ost condamné à se contenter do parler, s'il no peut
combattre avec vous dans vos rungs, et témoigner de la vérité do
ses principes en bravant les dangers et la mon, c'est uniquement
la faute de son époque qui u séparé la destinée du savant de celle du
guerrier. Mais il sent que, s'il avait appris a porter les armes, il ne
te céderait en courage à personne. Aussi regrctto.t-it que son siccle
ne lui permette pas, comme au temps d Eschyto ou de Cervantes,
do confirmer sa parole par ses actes. H voudrait pouvoir faire rovivro
co temps; et, dans les circonstances actuelles, qui imposent à sa
vie une nouvelle tache, il aimerait bien mieux agir que parier. Mais,
puisqu'il lui faut aujount hui so contenter do parler, il voudrait au
moins faite jaillir de sa parutotos glaives ot ta foudre. It souhaite
aussi qu'il y ait pour lui quelque danger a la faire. Dans le courant
exprimera, sous son nom, avec toute la clarté et
t!e ces discours, il
toute l'énergie dont il est capable, des vérités qui conviennent ici,
mais qui devant le tribun.d de l'ennemi méritent ta mort. Mais ce ne
do se cacher lâchement itjuro publi-
sera pas pour lui une raison
quement de vivre libro avec sa patrie ou de mourir avec elle. b

Il faut te reconnaître, c'cat pur su faute qu'a l'exception (loquet"


quos individus, la nation
allemande s'est attiré le sort qui vous met
aujourd'hui les armes nia main, et etto mérite, hé'as! tematheur que
vos victoires, osperons-te,
détourneront -d'otte. Sacrnior à ta mol-
tesse a la tacheté, a t incapacité oser préférer à t'/ton~xr la fortune
et la vie aimer mieux souffrir et tomber lentement dans un opprobre
de plus en plus profond, quo de prendre la résolution énergique de
tout sacrifier à i'honneur, c'est là une bassesse qui tient pour oxat-
tation et trouve môme ridicule tout effort tenté pour sortir de cette
honte.
nQuet doit être au contraire le caractère du guerrier? H faut qu'it
soit capable de se sacrifier it est fait pour cela. Les nobles senti-
qui t'élève au-
ments, te juste amour de l'honneur, la grandeur d'Ame
dessus do la vie et de ses jouissances no l'abandonnerontjamais. Une
morale énervante et une misérabte sophistique ne sauraient avoir
d'accès auprès de vous leurs adeptea les plus considérables et les
plus puissants devraient du moins chercher a tes 6'oigner do vous.
o Vous avez
aujourd'hui l'occasion, et vous ne la laisserez cer-
tainement pas perdre, de vous assurer que cette valeur est bien
la
vôtre. ~< le combat et on vue de la guerre ne pas chanceler et
calculer fermement ot avec ré-
ne vouloir que la guerre, mais en
flexion toutes les conséquences. P~<<«n< la guerre conserver
dans
la
la météo tout son sang-froid, et jusque dans la mort, songer a
victoire, a la patrie, aux choses démettes. Personne n'a une plus belle
occasion que vous; aussi êtes-vous dignes d'envie. Mais par cet
exemple soul vous agirez aussi sur les autres vous donnerex du nerf
an'aisseet comme mort.
et do la force au reste de la nation, qui est
t
L'ami de humanité et des Allemands tourne vers vous ses
regards
avec confiance. Son espoir, naguère
abattu, se reporte sur vous.
Puiasé.je vous parler de vivo voix et m'inspirer do vos regards t
Que du moins l'amour qui nous est commun réveitte la
lettre morte,
d'interprètes auprès de
que nos sentiments communs me servent
VOUS)c
LI
Le projet quo Fichte avait conçu d'accompagner
t'armée comme
une sorte de Tyrtée philosophe était trop en dehors do nos ptats
usages modernes pour avoir quelque chance d'être adopté. On rendit
hommage aux nobles intentions de Fichte, mais
on repoussa sa pro-
position. L'ami qui lui transmit il
ce sujet tes remerdmentsdu roi
ne savait pus alors combien il avait raison d'ajouter «Peut-être
dans la suitu aurons.nous besoin de votre étoquonc.e.. D On croyait
go
sur du succès.
Le <7 octobre, Fichte passait la soirée
avec les siens chez un
ami tous les c<Burs étaient. remplis d'espoir; et l'on buvait
trtomphodo armée, dont on attendait des nouvelles d'heure au
i
heure. Cotte d'une grande défaite tomba en
tout il coup, comme une
bombe, au milieu de ce cercle joyeux,
et les amis se dispersèrent
pour courir aux informations. Les bruits étaient fort contradictoires
pendant que les uns parlaient d'une déroute, d'autres
annonçaient
une victoire. Les autorités de la ville faisaient courir dernier bruit
ce
afin do pouvoir se préparer plus facilement à la fuite.
Ce fut que
!e lendemain matin que Fichto apprit toute la vérité ne
ami
Hufetand. Les espérances dont on s'était berce étaient par son
anéanties la.
sécurité avait fait ptace à la terreur. On savait qu'aucune
armée ne
couvrait la capitale, et l'ou s'attendait voir parattro
a
!'avant.garde de l'ennemi. Toutes les autorités, au premier jour
toutes les personnes
do distinction se préparaient à fuir. Fjchtp, suivant
la parole qu'il
s eta.tdont.eeà tui.mcmo. n hésita
pas un seul instant sur te parti
qu'il avait à prendre il résolut do partager le
sort de t'État. qu'il
regardait comme !o rempart do la civilisation et do la liberté
Hufo-
land et lui convinrent, ce jour mémo, do
se rendre ensemble sur
les bords de t'Odor. afin d'y attendre les événements.
Mais une
pensée tes tourmentait que deviendrait teur famille
au milieu d'uno
ville devenue la proie de t ennemi ? La femme de
Fichte prit alors la
résolution de rester seule et de veiller à la fois
de telle sorte que la famille do Hufetand sur les deux maisons,
pût quitter Berlin. « Etta
crut, dit son fits, devoir ce sacrifice à son mari, auquel elle conseit-
lait elle-méme la fuite, puisque la fuite n'était
possible pour lui qu'a
cette condition. a
Fichte s'arrêta d'abord à Stargard,
en Poméranio il espérait en-
core qu'une nouvelle bataille viendrait tout réparer mais bio~t
apprenant la capitulation du prince de Hohoniohe et celle même de
Blücher, il gagna Kœnigsberg. La patrie do
Kant lui offrit une chaire
de philosophio,
Pendant son ~jourd~ ccUe.vi))p, Fict~o
puh!.aun ct.rieux
écrit sur Machiavel (~), qui était plutôt uneu'uvropotiti<p)o qu'une
étude historique. Hn le voyant faire !aputo~ie de cet écrivain, on
éprouve d'abord un sentiment do surprise; mais on nu tarde pas à
s'expliquer cette étrange syrnpattne. Dans l'autour (tu Pr~cc, Fiohto
voit un patriote qui veut avant tout t'independanco de t'ïtatie, et dont
tout te ::y~temo politique s'oxp'ique par en principe. On conçoit des
lors quc~ gémissant tui-meme sous le jou~ de t'etran~cr, et sou.
haitunt aussi par dessus tout t.'frranchissemcnt do son pavs, il se
sento attiré vers Machiavel. H nu se trompe pas sans doute en lui
attribuant un ardent patriotisme, mais est-il aussi bien dans te vrai,

~'tttcc(~)? En tous cas, il scmNc oublier ici la


quand it cherche à expliquer par lit toute ia politique do son tivrc du
fin ne justifie pas
les moyens. Mais tel est eu'et do l'oppression ctran~ere, qu'une fait
dévier iesespritstesptus honnêtes. Exaspère parées saturnales do lit
force dont il voit le spectaclo autour do lui et dont sa patrie est h)
première victime, Fichte !ui-memo en est vonu à ne reconn~tro ptus,
dans tes relations des peuples cotre eux, d autre loi que le droit du
plus fort, à anranchir le prince, dans ses rapports avec les autres
~tats, de toutes les règles de la moratevatgairo. et
a poser comme
principe do toute potitiqup extérieure cette maxime dangereuse
S«<ua et dfcus pop«~ ~u/x'eMtM esto. N no faudrait pas, u ta vérité,
prendre trop à ta lettre ces sombres paroles que t indignation et le
désespoir arrachent a Fichto en ce moment, et )a manière dont il
applique a son temps la potitiquodo Machiavel. Son machiavélisme
n'est certainement pas aussi noir qu'it en a l'air nous en verrons
bientôt la preuve dans sa conduite même ce qu'it vent au fond. c'est
rappetordans les âmes cette énergie indomptable que rectamc la dc-
fonse do ta patrie, et qui est devenue si rare. Saisit s'égare en faisant
appel à la poliliquo du publiciste italien, phts propre certainement
a démoraliser les âmes qu'a les régénérer, et il n te tort de s'ap-
proprier quelques-unes des maximes les plus péritteuses du livre
du Fn~e. t''ichte semble s'accuser tui-memcen partant de ceux
qui autrefois, dans la chaleur do la lutte, ont exatte outre mesure
les principes do lu Révolution française sur tes droits do homme, t
sur la liberté et t'e~atite de tous, et leur ontt attribue ptusde
portée qu'its n'en ont réellement. Tout en reconnaissant que 'ces
principes sont les éternelles et inébrantabtes bases de tout ordre

(t) ÛH'<t.'rM co~'p~cf, t. Xt, p. 40).


(2) t''ich'c n'est pnstt'prcruiprttui ait tenté cette c\ptic:ttion. Yoyexsurce
point t'cxcctto't cit.'pitt'c consacra a Mactxavct pnr~. Jnoct, dans r//<t-
~«'c (<c j)/t).'0!0p/t<c ~ro~e c< ~oftN~NC qu'H VK'nt de p)tt')ier.
sociat et qu'aucun État n'a te droit de les vioter, il leur reproche
maintenant d'être impuissants a fonder et à diriger un ~tat, et il
pense que l'exagération qu'on on a faite a exercé une très fâcheuse
inttuonce. Mai?, exagération pour exagération, mieux v.tut mitte
fois cette-ta que celle qui pousse au machiavélisme.
Fichte pcbtia encore, pondant son séjour a Kœnigsbcrg, deux
Dialogues .sur p<~<<<' << son c(ut~-t«~ (t). Le premier de
cea
dialogues, qui avait été compose a Hortin pendant la paix, ayait pour
but do montrer en quoi consiste lu vcritabte patriotisme,
comment il
ost une détermination nécessaire du cosmopati.me, et quels devoirs
il impose a tous tes Attemands. L'auteur defmit le
patriote celui qui
veut que to but do l'humanité soit d'abord atteint dans la nation dont
il est membre; et comme, seton lui, c'est uniquement.par la
science
que l'on peut désormais arriver a ce but, comme il lui semble en
outroque t'Attemagno est la patrie môme de la science, il on conclut
que le développement et la propagation de la science est !o premier
devoir du patriote attomand. Le second dialogue, écrit à Kœnigsberg
sous t'innuunco des ôv~nemonta qui étaient venus depuis modifier si
profondément la Prusse, est destine comptéter les idées exprimées
a
dans le premier, et il les approprier
aux circonstances présentes.
Fichte y traite dos obligations particulières
que les dangers de la
patrie imposent aux patriotes et tandis
quo, dans le précédent dia-
logue. il n'admettait que !e patriotisme attem.)nd
on général, la né-
cessité le force maintenant à rcconnattro
un patriotisme prussien.
Mn il cherche te moyen do régénérer t'Attcmagno, et ce moyen, il
croit le trouver dans un système d éducation qui, fondé
sur les prin-
cipes do Pcstatox/i, formerait des générations entièrement nouvo!)es.
Nous retrouverons bientôt dans tes ~co~ ci /« n«f<on«~ft~f
les 'idées que Fichto indique duns ces dialogues; il
y môte ici cor.
tainos réflexions sur sa propre philosophie, qui foraient sourire plus
d'un lecteur français, mais qui montrent jusqu a quel point il
pre-
nait son œuvre au sérieux, et combien te savant
ou le philosophe se
confondaiton lui avec le patriote. Comme la ptupart des Allemands,
Fichto est tout d'uno pièce il n'y a
on lui qu'un homme. Mais, il
faut le reconnaître, cet homme est aujourd hui bien ditTéront do
ce
que nous t'avons vu dans ses Ct~«/<'r«(~s .s«r ~/{f'uo/(~t /Wtn-
~c. Dans cet ouvrage, il poussait l'individualismejusqu'à
ses der-
nières limites une paroille doctrine étouffait néces.saircment toute
espèce de patriotisme. Ici, au contraire, nous avons anuire
au pa-
(t) Œt<n~ co~< t. Xt, p. 22t.
trioto te plus décidé et. to plus .u'dont, un pourrait presque dire h)
plus étroit, et tctto est. maintenant pour lui ta nécessite du puLriu.
tistno,qu'ityraménectysacrifietout(!).
t''ichto no jouit pas tongtemps du ropos que seu'btait lui pro-
mettre !.tvitte6toi~néo oui! s'était réfugié. Vainqueur des Hussesa
Hytau.Napotcoi tM poursuivit, jusqu'à Kœni~sborn. Us braquèrent,
du haut dus nun's do cette vitte, une nombreuse artitterie, et, tes
habitants épouvantés se demanderont s'ils n'attaient pa-. éprouver te
sort. de Lubcck (2). Heureusement Napctéon se contenta d'envoyer
tes cavatiers (te Murât jusqu aux portes de K'm~sborg. et prit la
réso!ution do se retire'' ~orsses cantonnements. Les habitants de la
vitto respireront, et. bientôt tous )os ca'urs prussiens se reprirent a
espérer. Mais )a prise do Danixick et ta bataitte do Friedtand nrcnt
de nouveau tomber tout espoir, et te traité do Titsitt, qui en rut ta
conséquence, réduisit la Prus'c de moitié.
Laveitten~mcdotajournécdei'')iedtand, Fichtc avait quitte
KŒnigsberg pour Copontta~ue. Ce fut dans <~etto capitato (~t'it at-
tendit la conclusion de la paix, c'est-à-dire une solution qui, quoique
amèroqu'eno fût pour lui, devait cependant tuipermuttro du re-
tourner a Bortio auprès de sa femute et de son enfant. H les rejoignit
ontin dans les derniers jours du mois d'août ~807.
Fichto retrouvait, aussi a Berlin Jean de Mutter, avec (pu il était
fort étroitement iié et sur te caractère duquel il sembtc être fait
de singulières ittusions. Au mois de juin précédent ce savant av<'it
prononcé, dans une séance publique de l'Académie de t!er!jn, un
(t) ce n~mo hiver <tf; mo') !807 qn'it pass.) a Kœni~
HnHtt. poottant
berg, Fichtc conçut et entreprit un ouvrage pottti'juettcstmc .') retc\cr ft :c
ranim'tes esprits en Auctnu~hc, en tcur montrant, te but n('('ur~ti\'tf't't
les moyeus derattcindrc; n):us il !)'<-<) ~uctquc.~ h'n)';uts, qui
'crhit <tn<;
étaient restes induits, et que son t)~ a pnbU.s puut- ):) prcu'i<)'c t'uis <tans
son cxccUcnte édition des Œ'«r<< eu~). <~ /«/)~ (t. YH, p. 'Hl).
do ces fragments est c~acrc a la rcn~io)) qui <'ot)\if'nt!)ar('(n)httqttc
nHemande. Ficht~ n'abandonne pas le princij'c <tt; lu iibcrtc de ccn~ic))''f!,
fju'it a autrefois si ettergiqucmcnt (tct'cmfn et auquct il est. ''est' thtrtn toutf!
sa vie; mais il oe sépare plus r!is(;
et t'Rtat, comme il !(' taisait u.tns ses
('om~e<-a(~))S ït<t' /M /{t'uofn~'on /'tn<);-f«.<c. C'est que t'~tat, tt't qu'it te
conçoit aujourd'hui, implique h rcH~ion. CcHc que devrait rccomtaitro,
acton tui, ta constitution de la n:pnbtiqttc attfmande, ce serait, une sorte du
christianisme univcrse! (pti s'etcveraif au-dessus dus trois grandes com-
nmtuons déjà existantes, mais sans les opprimer le moins du monde et en
générât sans vio)cnter aucune conscience, t'nrtant <tc cette idée, t-'tchte va
jusqu'à t'cgter tous les detaits de ce nouveau cuttc, la ror)nc<)us cotises, tes
jours et t'orth'c des ccremonies. etc. Kous vuita bien toi)) 'tu dernier chapitre
tic son livre sur la Révolution française.
(2) Voyez Thiers, ~<s<o<rcdM C'o~u~< ~c r/n'c,t. Ytt.p. 337.
discours sur ta gtoirodo Frédéric te Urand, duntquetqucs
passages
avaient scandatise tus patriotes attemands. Ficttte avait, tu
ce dis-
cours a Copenhague; mais. tout en r~reUa'itcespassugcs, qu'il
rejetitit d'aitteurs sur te compte dos circonstances, il
en avuit toué
ce <}u'it appelait. !a tt'ndance La tendance de ce discours, écri-
vait.it a m) ttotmno d't'tnt, est évid~mmcot d'inspirer
aux vain-
queurs prés'-ints du respect pour tes vaincus, do ruv~'itter en ceux-ci
le courage et la confiance en cux-mcmo;. ut do tes sauver du déses-
poir. o Un toctne temps, appronant de Jean du lutter tui-)~mo qu it
son~cai~ a(tuincr Dcrtin pour Tubit~uo, i! avait fait tout
ce qui avait
dépendu de lui pour io conserver a ta h-ussc. ~ais
ses icMrcs arri-
vërcnt trop tard, et, quaod il rentra fui.même a Rer!in. it n'était plus
temps. Copcndujft les sentiments que lui tc.ooigna Jean do lutter
dans t'intimité ou ils vccm'ent (tuotqucs tnois
encore :)va))t do se
quitter pourjamnis, ne tirent que te confirmer dans ta bonne opinion
qu'it en avait concuo. Mais Ficttto n'etnit-it pas ici la dupe de
son
bon et ~randcœur? Jt faut bien te dire Jean de Mutterctuitun
homme d'uno deptorabte faiblesse. Quctte fut
en ctret la conduite do
cet écrivain? Apres avoir montrf, d'abord au so-vicc do t'Autriuhc
puis au service de ta Prusse, la plus grande ardeur contre tadorne
nation française, i! se laissa séduire par Nupot~on, et
passa au ser-
vice du nouveau royaumo de Westphatio. On dira qu'on
se soumet-
tant au vainqueur, il avait tes txcitteuros intentions, qu'il espérait
pouvoir ainsi se rendre utile sa patrie, etc. Nous connaissons
cos
bonnes intentions.ta; cttos n'ont que trop souvent servi de prétexte
aux cœurs tacttcs ou aux ambitieux vulgaires. Qu'ifs satisfassent
leur vanité ou tcur cupidité, !!oit, mais qu'ils no partent
pas do tour
dévouement à la chose pubti~me, quand ils
no font que sacrifier tour
honneur a tour intérêt.'
Déchue deaa puis-anco oxtérioure et de son importance politique,
ta Prusse prit alors une nohtc réaotution, cettu do
se reformer et do
sodévpitoppcrat'intcriourp.u'tacutturcintdtcctueite.otdose
mettre, de co cuLe, a la t~tcdo t'Attema~ne. Pouratteindrocc but,
on songea d'abord a établir u Burtin une univorsité qui fortnat un
corps animé d'un esprit tout nouveau, approprié à t'etat présent et
aux progrès do la science, capable non-scutompnt do donner aox étu-
diants les premières notions, mais donrir
aux savants eux-mêmes
les moyens do pousser toujours plus avant leurs connaissances,
et
qui fut a<a fuis un asitc pour la libre recherche dans toutes les di-
rections, et un rempart contre ta barbarie mititoirc, ators déchatnoo
sur i'tiuropc. Fichto fut ch<)rëé de tracer unp):)n quirépondt~a
celle id6e.Cetui qu'il rc'tigt'a et qui fut. pubtieptus tard (<)se faisait
remarquer par cette c)e\\)tion et. cette uri~inat!te qui caractérisent
toutes ses(Pu\'rcs; mais il n'était pas suftisnmmcnt pratique, et il no
put. être exécute. Notre phitosophe n'en eut pas moins une très grande
cttrt'Si-aiutaireinnuencesur tes débuts de t'Univer&6 de Uertin
non-seuh'tnentpar t'enscigncment qu'it y (tonna a titre de professeur
do pttiiosophie, mais encore par la nmniero dont. if t a(!tninistra, pen-
dant les deux premicres anuces. en quatre df rcc~ur. Il s'apptiqna
eneHct a ~t.nut1'cr dans ('uHc insLimtion naisN::)!~c tes vices qui ont
trop souvent (!6shunor6 les univcrsit.t's .'ttcmunttc~ la discordo qu'on-
gundrait partnih's ututtiattts it'a())'it.()(;('o('por:)!ion, et toduc),co
procède barbare dont its< faisaient un si ft'Ct~tcnt usa~u pour turnuncr
leurs qucroUes; )c recteur do !a nouvûttc uni\'cr~it6 entreprit do sub.
~tituert'union n la division, au duc) un(rf~t<n~<<t~u«'ur,on un mot,
des mœurs dignes et humiuncs u de urut.t!es et sauvages habitudes.
Mais avant d'être appo)~ par te choix do ses co))t~ues aux fonc-
lions do recteur, c'est-dire uvant mc<noquo la nouvc!)e Université
fut organisée, t''ichte en avait déjà inaugure i'cnscignetnent par les
p!us magnifiques et tes ptus patriotiqncs tenons. C'e~t a cette cpoque
qu'appartiennent tes/J'CMi()'.stW«<t«< <cH)«~f/<' (~),quc t~
AXemandN regardent encore, avec raison, comme un dos chefs-
d'œuvre de t'etoquonco germanique~!). tts furent prononces dans
t'hiverde <807 n t808, ators que tes troupes fri)n(;aiscs continuaient.
d'occuper la capitatc dota Prusse ptusd une fois ta paroto ardente do
t'orateur fut couverte par le bruit des tambours et des trompetk's de
nos régiments qui passaient dans tes rues voisines du pahis de t'Uni-
vcrsite. ~tran~e contraste que celui (le cette musique brutato qui
cetébrait te triomphe do la force, et décente nob!e etoquencc qui pro.
testait, au nom du droit national, contre tes violences de t'esprit de
conquête! Ou ptutôt, singulier accord que celui de ces deux choses
si disparates, dont t'une fanait si vivement sentir aux Prussiens tcur
abaissement, pendant que t'autro chf.'rchnit u raviver et a exattcr en
eux l'esprit public
naviveret exalter chcx tes Attemands l'esprit national, tel était en
but des discours que prononf.a notre phitosophe. des qu'it put
effet te
roprendro la paroto (4). Il fit de sa chaire de Hertin uno tribune du
()) Stttttgard, chcx Cotta, en
A t8)7. Voyez /<c/t~ ~en, p. !H9.
(2) ûf~u'esco~e~.t. V! p. 257.
(3) Voyez )'t~otr~e<o <<<a<Mrc~~cmn~dcau d<.r.nct(U<c~c ~tc~c,
parJutian Schmidt, thr!)ii!0t). Lcipsick, )8XC.
(4) Les D<!cot~\< a la xft/to~ a~e~~nt~e so rcUcut, ù ccrhins cg'ar(!s,
:mx A~OHS que t-'ichtc avatt faites ù Ucrh", en tbOt, suuscc titre yY<u~
haut du taquotte il s'adressait toute t'Atiema~no, qu'it aurait voulu
re-
h'vor et ~auvt'r. H soufrait ptus (~te personne de ta dc~radation do
sa
patrie, et i) s'aft~i~eait amèrement, do voir s'ecrouh'r avec ta Prusse
te dernier rempart du tindependam'e germanique; mais, au tieudo
s'at)andonncr au découragement et au dôsespoir. ou tunt. d'.mtrcssuc-
combaif'nt, il puisait dans son chagrin de nouvelles forces, et so sen-
tait anitne d'un courage indotnptabte. Mais quoi remède opposer a
un si~r.tnd de'astrf? Les moyens :tu.\quets on avait eu recours
jusque- n'avaient servi qu'it graver !e maL La fauLo, so!on FichLe,
en c)ait aux hommes, a h'ur corruption ou a tcu!' moUcsso. !t fai)ait
d'jnc ('.ommcnccr par tc~nercr te pays tout entier, si !'ot) voutaiUe
tirer df t'abinin ou il s'était taissë tomber. C ~tait ia, dans la pensée du
phi!osopho, le scut moyen dû ~atut qui restât, oncoro u t'AXemagne.
Mais comment proparer cotte rénovation absotuo do t'espriL pubiic
cotte vio toute nouvcuo qui rendrait a ta nation attomandeson ind6-
pendauco et sa dignité? H n'y avni). aussi pour cela qu'un seul
moyen c'était, un systemo comptet d'éducation publique qui romptt
entieremen!. avec te pass6 cL communiquât, aux jeunes ~nerations
i'psprit qui avait manque aux anciennes. Cotte idée, que
nous avons
déjà si~natcedans los /<~of/;<~pubtiespar Fichte pondant
son séjour
a Kœni~sbcr~, fortne le prindpat thème desRs /)<scoN~ ~o~
<t~<(m~ Maihcu''cu-cmcnt le système propose par fichto avait le
défaut d'etru impraticabte. Ho~ardant ta ~cnerat-ion présente
comme
absotutm't't perdue, H voûtait en former uno toute nouvelle, et,
pour
y arriver, il proposait do séparer, suivant ta méthode de t'estatoxzi
tes enfants de tours parents; mais, en admettant même
comme juste

cftr~oW~t~s du ~c~s prc'~<< (Œu~'M co~~es, t. VH); mais ils


s'en cca:-tcnt !)nssi d'une f<x;on très rcm:tr<tunh!o et montrent
une fois do
ptns co)))bic)t tes Kh''e:) <)e notre phitosophf se <nodinatcnt sous rinnucttco
<)c<! cvcno~cttts contemporains.f)nns tes /.<'p~y)s d(! t807
comme dans cc!ies
d<' t80t, i'ichtcae)) vueic <iCv~u))j)RntRtit de t'espace humaine la plus
par
grande cutturc pu~ibtc de nos fncutt~'s. Mais, dans les ~-f«~ Mrac~'tS-
<~MM (ht ~;M ~r~«<, t'F:t:)t p;n-f;ut qu'U donnait modèto a l'hutna-
pour
oitM, et '[)ti lui j);n-:u~sait (icvoir~U'c te cuuroonctncnt du christinnisme
la terre, cxctuait t'id)'!cct t'innour de ta patrie:que!tc place pouvah-it
sur
rester, en eUft, a cette ctroito idcc et à cet amour jaloux au sein d'une
communion pom.xntc et sccifdc cotnmo ccuc qu'it rêvait aiors? Dans les
~<M«~('t~~<{<to~(~~Mndc, au contraire, il p)'6scntct'id6cmRme de
la patrie comme un des ~emc~ts essenticts et un des moyens les plus puis-
sants <tu duvctoppctneut de t'espace humnnc, et te patriotisme le plus
ardeutcst le scumneut qu'il voudrait, à cette heure, exciter dans iea âmes
comtnûc'catcchti qui iuspirc ses discours. Lcs/.c~mde 1804 étaient'
comme ou dirait aujourd'hui, d'un /t)4~nua<o; ses f~coMr! de 1~07 sont
d'un pa(r<o<e.
et comme possible ce procédé par trop Spartiate, où pouvait-on
prendre tes maitrescttar~cs do furmer la jeunesse, sinon précisément
dans cette génération qu'it accusait. d'être irrémédiabtcmeut cor-
rompue? Cette objoctio't rtait sans répiiquo tt serait sans doute ab-
surde du nior t'immense intbienco de i éducation sur la jeunesse, et
par suite sur t'avenir d'un peuple mais au moins faut-it que la so-
ciété existante se fasse ette-mému iinstrumcttt de cette éducation
autrement cette'ci est impossd)tc ou doneure stéritc. C'est unom'rour
conununea beaucoup do t'eform:'teurs (Htodc croire la toute-puis-
sance dos combinaisons :u'ttticicH~s. Fichtc est ptns (!'unc fois tombo
duns cette erreur, et nous en avons ici un nouvel oxcn)p!e. H faut
avouer que to sens du concret, ou. en d'autres termes, te sens
pratique lui manquait. Mais, si te système d'éducation nationatoqu'ii
proposait comme t'unique moyen do t'é~nerorctdo sauver la nation
attemande 6tait tout à fait. chimérique, t'etcvation de ses id(''es, t'ardeur
de son patriotisme, te sentiment de la servitude qui pesait, sur son
pays, la haine de ta force brutato qui s'ébattait autour de !ui. toutceta
communiquait H ses discours une vie et une grandeur qui tes ont ren-
dus immortels. Je voudrais au moins en donner uno idée par quel-
ques extraits.
Le huitième discours est un dos ptus remarquables. Fichte s'y pro-
pose de montrer co que c'est qu'un peupto, dans !o ~;rand sons de co
mot, etcoquoc'estquci'amourdetapatrie. Hetevet'idce exprimée par
ce mot de peuple bien au-dessus de cotte de t'~tat, tôt qu'on t'entend
ordinairement. Tandis quo t't~tat. ne vise qu'a un certain droit et n'a
d'autre fin que la paix intérieure et te hien-ctro do chacun, un peuple
représente Internet et le Divin sur la terre c'est a ce foyer sacré
que s'attumo t'amour do ta patrie. Notre philosophe invoque ici los
plus ~étalants exemptes après avoir rappotu t'hcroïsme do ces pro-
testants qui verseront k'ur sang pour une cause dont ils ne devaient
par voir eux-mcmos te triomphe, il remet sous les youx do la nation
atiemande celui de ses ancêtres, tes anciens Germains. Ce pas-
sage mérite d'être tittératement traduit.
« C'est dans cette foi que nos ancêtres communs los ptus anciens,
ces Attomands que les Homains désignaient sous te nom do Ger-
mains, otqni ont servi do souche a ta civilisation moderne, ont cou-
rageusement résisté aux conquérants du monde. N'avaient-itsdonc
pas devant les youx te degré supérieur do prospérité ou étaient arri-
vées, à coté d'eux, les provinces romaines, les plaisirs ptus délicats
donton y jouissait, et, par-dessus te marché, des lois, dos tribunaux,
dos faisceaux et dos haches en abondance ? Les Homains n'étaicnt-its
pas as~'z disposes a los admettre nu partage do toutes ces faveurs ?
La plupart do tours propres princes, pour pou (pt'its su laissassent
persuader quo ta guerre cuntrn de tels bienfaiteurs do t humanité était
une réb~ttif'n, no leur om'.ucnt-i's pas des preuves vivantes do cette
<'tcmcnce romaine (p)'on teur vantait si fort? Ceux qui se montraient
favorables aux cooqm'Tantsct) rccovaiMnt (tes titres de roi, des com-
mandcmeutsdanseurs armées. des bandeaux sucres; ut, s'ils venaient
a être chasses de cbcx eux, ils trouvaient un rofugo ot dos moyens
d'oxistcnccdanstuscotonios roniaincs. Ces vieux Gern.ains ctaient-its
dune absotut~ent ntscnsibtesiinx avantages do taciviHsation romaine,
parcxott)p!e a la supériorité des armées romaioos, ou un At'minius
rnûme no dédaignait pas d apprendre io mcut'r des armes. Gardons-
nous do leur imputer aucune ignorance ou aucune negugencc do co
genre. Leurs descendants, (tes qu its ont pu faire sans dommage
pour tcur tiberte, se sont appropria !a civilisation romam~, dans la
mesure où eue était compatibte avec tours quatites propres. Pour-
quoi donc ont-Hs soutenu, durant. {)!u:-ieurs générations, une guorre
sangtat~e qui se renouvehit toujours avec leurs forces? Un écrivain
romajn met ces purok's dans la bouche do tours chefs « Quo vous
)~ resto-t-i!, sinon de ~urder votre tiberté ou de mourir avant d'otro

') esdaves
(t)? La tiborte pom' eux consistait à rosier Attomands,
a continuer de regicr leurs adirés pareux-m6mes, avec uncenMre
indépendance et suivant )eur propre esprit, a poursuivre leur pro.
grès dans la civilisation conformément n cet esprit, et à trans-
mettre tcur indepcodunce a tour postérité. L'esctavuge gisait a tours
yeux dans toutes ces faveurs que tes Romains leur apportaient, et
qui auraient fait d'eux autre chose quo des Allemands, des domi-
Homains. Ils supposaient apurement que chacun préféreraitla mort
acettedegradation.Hanesoot pn:! tous morts, otits n'ont pas connu
t'esctavage, et ils ont tcgue tu liberté à fours enfants. C'est à leur
résistance perseveranto qjio to monde moderne doit d'être ce qu'it
est. Si los Romains étaient venus à bout de tes subjuguer aussi, et,
suivant leur pratique ordinaire, do los détruire comme nation, tout le
développement ut~rieur do l'humanité aurait suivi une direction
diueronto et qui certainement n'eut pas été moitteurc. Nous leur
devons, nous, les derniers héritiers de leur sol, de !our tangue et de
tours sentiments, nous leur devons d'être encore des A Demanda',
toujours portés par te courant d'une vie originale et indépendante;
nous leur devons tout ce que nous avons été depuis comme nation
( ) ) /~<t<J ~t rc~;(MM~ ~«aw ~e <<<«~M, aul ~or< <t~c !er~<M'n
(Tacite, ~nno~, tiu. tf, chap. xv.)
et, si ce n'est pas si ht dernière goutte du ::an~ qu'ils
fait de m us,
ttous ont transmis n'est point encore turie, nous teur devrons tout
cequo nous serons plus tard.*n
Lo trei/.iemo discours se perdit, on no sait comment, entre les
mains do tu censure ()).Fichte, qui n'en avait point conserve les
notes, dut, pour rcmpiir ta tacune, en faire un resmuc d'après ses
souvenirs. Que devait donc être te discours prononce, quand te.r)'sum6
est déjà si cloquent?;? Notre philosophe attaque avec une grande
vivacité co revo d'une monarcttio universettc qui, dans la politique
alors triomphanto, tendait h se substitue:' au principe de t'equitibro
et se jouait du respect des nationalités. H proteste contre ce rêve au
nom de l'ordre divin qui a établi une extrême diversité entre tes
peuples comme entre les individus, et qui veut que chacun puisse
se cléveluppor s'.nvant son propre caractère; au nom de i etut présent
do la civitis~tion européenne, qui repousse la batharie et lit violence;
au nom enfin de tous !os sentiments d'humanité que !a nature a gra-
ves dans notre cfrur. et qu'il faudrait commencer par y etouner.
montre ce que devraient être des hommes capables do servir d'instru-
ments a un nouveau conquérant du monde, et comment les moyens
iraient ici contre !o but « Avec de pareits hommes, s'écrie-t-il, on
pourrait bien piller et. dévaster la terre et la transformer en un
anreux chaos, mais on n'en saurait faire une monarchie universelle. J)
J'aurais désire pouvoir mettre tout ce passade sous tes yeux du !ec-
tcur, mais il est trop ton~ et t'espace mo manque. Je veux au moins
reproduire inte~ratemcnt cctui ou Fichtc n~trit !os écrivains a)!e-
mands qui no rou~isi'aiont pas de cctcbrcr te génie du conquérant
français (2)
Ce qui nous rabaisse surtout aux yeux do t étranger, c'est de des-
cendre à !e flatter. Certains d'entre nous s'étaient déjà rendus mcpri-
?ab!es et ridicutcs. en ~'avitiss~ntjusqu'H offriren toute occasion un
grossier encens aux princes qui gouvernent le pays, et jusqu'à ne
connattre plus ni raison, ni bienséance, ni décence, ni goût, quand
ils croyaient pouvoir apporter à tours pieds un discours natteur. Cette
coutume a disparu depuis quelque tems, ut ces grands eto~es se sont,
pour la plupart, changes en invectives. Cependant, pour ne pas
en perdre en quelque sorte l'habitude, nous avons donné a notre
encens une autre direction nous t'avons envoyé du côte ou souffle
maintenant la puissance. Le premier défaut était déjà de nature
n amigcr tout Allemand sérieux, mais la chose restait entre nous.

(1) Voyez !a rote .Je h) p. t80. (~) !'agc ~8.


Voulons-nousmaintenant propre t'~trangora témoin do cotte busse
manie qui nous pousse i) Hatter, en tn~mo temps que do notre
extrême inhabitctH en ce ~enrc, et ajouter ainsi nu spectacle d'un
avilissemont méprisabte ce)ui d'une ridicuto gaucherie? !) nous
manque en enet dans cet ('mp)oi la tinesse que possède t'ctrnnger,
et, pour parvenir a nous faire ~'ou!cr, nous nous rendons tourds et.
emphatiques nous débutons on d~inunt notroh6ros ou en to ptaçunt.
au ran~ des astres. Ajoutuz à cela que nos uattencs ont l'air de nous
ôtro arrachées par la frayeur. Or il n'y a rton de plus ridicule qu'un
peureux qui vante la gr~co et li beauté do cctui qu'it tient en réalité
pour un monstre, et qui, on !o ftattant, n'a d'autre but que do se s'au-
vor de ses griues. o
Il faut citer encore, cle ce discours, la péroraison qu'un récent
historien de la tittcmturo a)hnn:)nde ()) conseille a ses compatriotes
d'inscrire sur des tabtes d'airain, et que nous ferions bien aussi
de méditer. <t Non, s'ccrio Fichte on finissant, non, AHemands,
hommes honnêtes, sérieux, sensés, ne souffrez pas qu'une telle
déraison s'empare do votre esprit ni qu'une telle sottiHure uetrisso
votre langue, si bien faite pour l'expression de la vérité. Laissons à
!'ctranger cette coutume de pousser des cris do joie a chaque nouvel
événement, do se créer tous les dix ans une nouvct'e mesure do
la grandeur et do nouveaux dieux, et do décerner il des hommes
destouan~es qui sont autant de blasphèmes. Gardons notre vieillo
mesure do la grandeur qu'it n'y ait de grand pour nous que ce qui
porte en soi les idées capables do faire !o salut des peuples, ou que
les actes qu'elles inspirent et quant aux hommes vivants, laissons
a !a postérité !e soin do tesju~or. e
I<o quatorzième discours sort do conclusion a tous les autres. J'on
extrais un passager) où Fichte uétrit, éloquemment cette doctrine
fataliste que tant. do ~cns invoquent pour excuser teur inertie ou
teurtachoté, et oui! s'applique à réveiitor dans tes urnes le sentiment
do la puissance humaine. Ce sont encore ta des parolos dont, à notre
tour, nous pourrions bien faire notre profit
< 0 je vous en conjure, no vous laissez pas aller a la négligence,
en abandonnant le soin do votre salut a d'autres personnes, ou à
quelque chose qui no réside pas en vous-mêmes, ou en vous en re-
mettant a la sa~e~se aveugle du temps, comme si les générations se
faisaient d'ettcs-memos, sans aucune participation dos hommes, au
moyen de je ne sais quelle force inconnue. Je ne me suis pas lassé,
(1) M. Schmidt, dans l'ouvrage cité plus haut.
(2) Page 4 87.
dans ces discours, (le vous inculquer cette idée, que rien no peut. vous
aider que vous-mêmes, et jo crois nécessaire do vous le répéter jus-
qu'au dernier moment. La ptuin et ta rosée, la s~éritite et t'abon-
dancedos années peuvent, bien eh'c produites par une force qui nous
est incot.nuo et qui n'est pas on notre pouvoir mais !a vie qui ap-
partient en propre aux hommes, mai~ teï. rapports dos hommes entre
eux, co sont les hommes qui se tes font a eux-momes, et non pas une
puissanceptacée on dehors d'eux. S'its tombent sous le joug de cette
puissance mystérieuse, c'est que tous ensemble ils sont avcugtcs et
ancrants; mais il dépend d'eux do n'etn) pas ignomnts et aveugles.
Le degré plus ou moins bas ou nou~ tomberons peut sans doute dé-
pendre on partie de cotte puissance inconnue, et on partie surtout de
t'intctjigenco et do la bonne votonto de ceux auxquets nous sommes
soumis; mais de nous retevcr, cetu dépend do nous scu!s; et certai-
nement, il no nous arrivera plus rien de bon que si nous nous le
procurons a nous-mcmes, et surtout si chacun parmi nous agit-pour
sa part comme s'il était seul, et comme si le salut des races futures
reposait uniquement sur lui. Voilà ce que vous avez à faire.; voilà
coque ces discours vous conjurent de faire sans retard. Ils vous adju-
rent, vous; jeunes gens, etc.
Et reproduisant toujours la !ncme (onnutû Ces discours vous
adjurent (~<Me 7fodea ~'sc/t~dren f«c/t), Fichto s'adresse ainsi suc-
cossivoment aux jeunes gens. aux vieillards, aux hommes d'anaires,
aux savants et aux écrivains, encore dignes do ce nom, aux princes
derAttomagneotat'A)!emagnecnticrc,enfm,ata postérité eUe-memo
et aux étrangers et dans chacun de ces groupes d'hommes il cherche
à faire vibrer los plus hautes cordes do t'amo ot du cccur.
Tels sont ces discours, que l'on pourrait appoler tes phitippiquesdo
!'At!otn.'gno. On s'étonne que Fichte ait pu les prononcer dans une
villt) occupée par les soldats de Napoléon. Hst-ce
que tes espions
français qui assistaiont à ces leçons n'entendaientpas t'attomand?
ou bien la police impériato jugea-t-eHo plus politique do faire ta~
sourde oreille? Fichte d'ailleurs était prêt à tout il n'était pas
homme reculer devant i idée d un danger porsonnel, quand it s'a-
gissait do faire le bien. It écrivait, à cette occasion, ces belles paroles,
qu'il s'adressait à iui-mémo (<) f Voici quoi doit étro ton unique
principe do détermination Peux-tu espérer produire parta conduite
un bien plus grand que to péril auquel tu t'exposes. Le bien est
enthousiasme, exaltation mon danger personnel ne doit
pas ~re
(1) FtC/Ke't ~an, p. ?28.
mis on ti~no décompte; il pourrait avoir au contrairodos cn'ets fort
avantageux. (Juant a ma fummoet a mon fits, t'ussistanco do ta nation
no tour manquerait ct'rtuincment p:)s, et h) (fumier aurait i'avunta~o
d'avoir pour pure un martyr. Ce i.erait ta te moitk'ur sort. Je
ne
saurais mieux employer ma vie. < Mais il ne fut pas mémo inquiet~.
Ct<ose ptus curieuse encore, tordue t)avoust monda cnscmbte tus écri-
vains les plus considérables de Uurtin, Schmutx, itaost~in, Wotf
Schtuicrmactx'r, afin du t(~ efTravcr par s~s menaces, il
no fut pas
appc)cavt)c tesauti'es a comparaiu'o devant to sabro du vainqueur;
et cependant il utait !o scut qni eut parh; pubtiquenicnt contro la
domination ctran~O-o, ut ses discours, imprimés aussitôt apr~s nvoir
été prononce?, avaient en Aitcmagne un immottse rotentissemont.
Co retentissement no fut pas perdu. Les /)~cot<r& ci /« ft«<)<~
M~'MtM/tdu contribuèrent certamoment à entretenir dims los amus
le feu sacr6 qui devait bientôt ra!)umer t'incendie. Bien
que Ficbte,
ne comptant plus alors sur te succès des armes, con::ei)tat aux At!o-
mands de renoncer a un moyen qui les avait si ma! servis et do
travaitterav.tnt tout. a se rp~onérer eux-mêmes, il était trop évi-
dent que, si quetque occasion favornbto se présentait, il serait h)
premier à pncoumgcr un r.ouveau soulèvement. En attendant,
ses
discours, iusctrdus par toute t'AHomagno, mais surtout en Prusse,
continuaient d échauffer dans )cs cœurs to sentiment do t'indepon-
danco nauonato et la haine de ta domination étrangère. Fichto
no
cessa d'aitteurs de poursuivre par tous tes moyens en ?on pouvoir
te but qu'its'ct.)it propo-c; il fut un des principaux instigateurs do
cette opposition permanente dont la Prusse et sa capitale no tar-
dèrent pas a devenir te contre, au miticu do t'Attomagne abaissée ou
conquise. Aussi finit-it par exciter tes ombrages (tu gouvernement
français, qui n<)~u<'r~ avait fuit mine de no pas prendre garde a lui:
son nom fut prononce devant Napoléon comme cetui d'un dos plus
redoutables adversaires de t'Hmpirc. Un ami, M. do Vi!)crs (<), l'en
informa, et lui donna to conseil do ne pas attendre t'approche des
Français, mais de s'enfuir en Hussio; il lui représentait qu'avec
)a violence qui marquait tes pas de Napotéott, un simplo
soupçon,
surtout clans les circonstances présentes, pouvait sufnro pour te
perdre (2). Fichto répondit a M. do Vittcrs qu'it lui était très

(t) M.de ViUcrs, e)ni{{rt! français, réfugié en .Utcmagne et devenu pro.


feaacur à (.œtti~uc, est le prctoicrqui ait entrepris de faire connaître a la
France la philosophie de Kant. Son trav:ut, pub!i6 a Meti!, remonte ù
t'annt'c t80!.
(2) On sait, en ctïet, quêta étaient tes proeettcs do Napotuon (voir en
particulier la Correspondance du roi Joseph~. Kn voici un exempte entre
reconnaissant do Favis, mais qu'il était fermement rc'sotu a no pas
fuir: su vie, disait-it, appartenait, il ht science et. a sa patrie, et !e
moyen do teur être utitc n'était pas do prendre )a fuite, mais do
rester à son poste et do poursuivre son enseignement, quoi qu i! <'n
put adve:)it'. Le dangor, d'aiXeurs, fut bientôt ecartu par tes nou-
veaux rapports qui s'etai'hrent. entre ht Prusse et la Franco, et
quand h's troupes françaises tritv(-rscrent Hor!in pourl' so diriger
vers )a Russie, l''ichten'cn avait ptus rien a craindre.
Mais !a nouvc!te camp~gtte ou s'engageait Napoteonétait (te nature
a susciter bien des relions dans i esprit de notre philosophe et a
réveiner ses espérances. H sentait, que (ptctque chose do décisif so
préparait pour t'Huropo. Si, disuit-iiases amis, ht Hussic succombe,
hnsatiahto ambition du vainqueur nu connattru ptus de bornes, et. )e
poussera certainement a sa perte. Une monarchie universcno n'es~
ptuspossibtc: comment un seul peuple pretcndrait-H gouverner
t'Europe dttnsun temps ou chaquo ~tat a ta conscicncc(!e sa force et.
sent tout lu prix do t'independanco. C'est, il des idées ptusetevô~s
qu'appartient aujourd'hui t'empire du monde. Que si Napoteon est
vaincu, sa défaite sera )o signa! du sa chute. Cottedcfaite, d'aiheurs, lui
paraissait infuinibie, si seutcment taHussio pavait être persévérante,
si elle ne se htissatt. point décourager par quotques échecs inevitab!cs
au début, si e)!o no se hâtait pa:; do concturo !a paix. H appuyait son
opinion sur coqu'it était, impossibte de conquérir cetitnmensepaysou
de te conserver longtemps; et il ajoutaitque i'impatiencedeNupotcon
après ses premieresvictoiros h:i ferait, aisementoubtier)es pr~citutions
nécessaires. La guerre d'Espagne, ajoutait-i), a déjà fait tomborune
partie déco prestige auquel est attacha le bonheur de Napoteon eno
a montre qui) n'était, pas aussi incapab!c do faute qu'on se fêtait.
figure. Qu'a la faute poiitique qu'it a commise en ï'~pagnc vienne se
joindre quelque faute mititairc un peu cchttantc, on cessera aussi de
le croire invincible, et il sera perdu. Or c'est, ce que peut. faire jus-
tement, espérer te nouveau champ de bataitte qu'i! s'est choisi. TeHcs
étaient !es pensées que t''ichto exprimait en toute occasion, et que
l'avenir devait bientôt confirmor. Aussi suivit-il avec te plus vif in-
térêt tes événements du la guerre. Lorsqu'un des premiers de Berlin,

nuHo, qui n'est pent-ctrc pas t)6s connu, ma)!! que Fichte ne (tevait pas
ignorer. Hn 1806, le tibrairc P:um, de Kurcmher~, pubtia une brochure
contre la domination française. Somme (t'en dénoncer fauteur, it refusa de
parler; Napok';on )c ut alors fusincr sans jugement, (~ct acte inquatiftabtc
est consiste, sur la f.t<;n<)e d'une maison voisioc do S:uut-Seb:'td, par
t'ittscriptiott suivante /'a~
<est (tans cette maison tux: demeurait ./c«4
hbrairc, qui périt, en )80'?, vi':timc de la tyranme de Kaj'otcon. u
il apprit par un courrier français qui traversait la ville en toute
hâte,
la prise de Moscou la seule inquiétude qu'it manifestât fut qu'après
la chute do leur capitale, les Kusses
ne songeassent à faire la paix.
Ce quit avait prévu ne tarda pas à
se réaliser tu campagne de
Russie frappa d'un coup mortel ta puiss.mco de Napoléon,
et ou-
vrit une cro nouvelle à la Prusse et à t'Attomagne. Lo 2Sj:)nvip[-
te roi do Prusse transporta tout a
3,
coup sa résidence à Urcstuu, d'où
sembla bientôt partir un appet a ta jeunesse
pour ta détenu de la
patrie.. On ne pouvait guère douter, dit Fichto te fils, du vrai
do cette parole, de ce sens désire de tous, et jamais sens
peut-dre ta
mémo pensée, la môme ré~otution ne s'empara aussi subitement do
toutes tes âmes, unies d'un muet accord, que dans ces jours mémora-
bles, a Cependant Fichto envoya un do
ses étéves à Urostau pourcon-
na!tre d'une manière plus précise tes desseins du gouvernement, tt
apprit que la guerre contre la France était décidée, et qu'une dernière
iuttosc préparait. !t forma alors la résolution d'y prendre partseton
ses moyens. 11 interrompit donc les tecons qu'it faisait il cette époque
sur la ~oc~-t'nc Je .soc~c~, et dans le discours où il fit ses adieux
itsesé!eves(~févriert8t3), il leur exposa tesmotifsquitogui.
daiejtt et les principes qui, dans les circonstances présentes, devaient
diriger tous los amis de ta civilisation ( ), En mémo temps ilconsignait
dans te journal de sa vie la délibération intérieure ù taquf~tc il s'é.
tait livré avant de prendre une résolution aussi importante. En lisant
ces pages do son journal reproduites par son fils, on est frappé de ta
sévérité scrupuleuse avec taque!!o il s examinait tui-méme, sondait
la pureté de ses motifs, et, en véritable kantien, cherchait à dégager
on lui les proscriptionsclu devoir do toute inclination personnelle. Lo
dessein auquot il s'arrêta rappelait celui qu'it avait déjà fortné quet-
quos années auparavant il voûtait agir par la parole sur les défen-
seurs de sa patrie, et pour cela se faire admettre dans les rangs de
t'armée en qualité d'aumônier (2). Mais la proposition qu'it fit à
ce
(i) Ceux qui savent l'allemand peuvent m-c ce discours à la )!u du
qua-
trième volume des ~nurcx co~p~c~e Fichte, pnt')iec.pm' son ttts. Cdui.ci
en a cité au!.3t ttuctquca p:)S3:)ges dans la biographie de son père (p. 553).
Je n'y retrouve point tes parotca t'apportccs par M. Uarchou de t'cnhocn,
dans son /o<t'e de la p/«~op/)<o ««ewo~~o (t. t, p. 3<j(,)
(. Le cuurs sera
donc suspendu jusqu'à ht lin do la campagne nous le reprendru~ dans
notre patrie devenue libre ou nous serons morts pour reconquôrir sa li-
bertc. C'était bien ta sans doute te sentiment qui animait i-'ichte~mais
paroles tncmcs et la scène qui suit semblent une invention de l'historien. ces
(2) Nous avons peine, uous autres Français, à nous expliquer
rcittc résolution chez un philosophe tel que Fichtc. Mais une pa-
en Attetnagno, le
divorce de la théologie et de la philosophie, même de lu phitoaoptue la plus
sujet fut rujetée, ?oit que la chose en etto-mcmo fut jugée impossible,
soit que les conditions qu'it y mettait tu rendissent impraticable.
Si t''ichto dut renoncer au projet que son patriotisme lui avait sug-
géré,'it eut, a cette époque même, te honheur do rendre u son pays
un important service. Dansios derniers jours do février, tacapttato
df: la Prusse était encore occupée par une fuibto garnison française,
qui, matgré quetques préparutit's fie départ, no semblait, pas devoir
la quitter do sitôt. Cependant on savaitquo les Russes approchaient,
et quelques Cosaques, poussant ieuru chevaux jusque dans ta ville,
s enbrcuient d'y semer )o désordre et do soulever ies citoyens. Déjà
l'on cherchait a désarmer les soldats isolés, a jeter les caissons dans
la Spree, il enctouer les canons. L'ctrervesccnce croissait de j~ur on
jour il ne lui manquait plus qu'un plan commun et un signal. Dans
ces circonstances, titi homme audacieux et un certain nombre do
jeunes gens, entra!nés il sa suite par tour ardeur patriotique, for-
mèrent to projet de massacrer la nuit la garnison française et d'in-
cendier ses magasins ils espéraient que le peuptc, excite par cet
exempte, se lèverait en masse, et que te gouvernement tui-mcme se
trouverait ainsi forcé du sortir de ta réserve qu'il avait cru devoir
garder )usquR-t~ Toutes les dispositions étaient prises, et t'en n'at-
tendait plus que la nuit fixéo pour l'exécution de ce projet, lorsqu'un
des jeunes conjurés, un étcvo de t''ichto, ne pouvant supporter do
sang-froid la pensée d'un paroi! guet-a-pons, résolut do consulter
son maitre sur la légitimité de cet acte. Ce jeune homme était d'ait-
leurs ptoin de bravoure, comme il to prouva bientôt do la façon tu
plus éctutante dans la campagne où il servit en qualité de volontaire;
ce n'était donc pas la crainte du danger, mais sa conscience qui le
troublait, tt att~ trouver Fichto, et, âpres Savoir interrogé on ter-
mes généraux sur ce que la moratité et la religion permettaient
contre l'ennemi, il finit par lui rcvéter tout le complot. Fichte,
ranonncHcct la ptus tmrdic, n'est jamais aussi ubsutu 'ju'cn France eUcs
peuvent fi)n'o fort mauvais mcn~c, tn:us cttcsn'cncontimtOttp:~ momsdc
vivre ensemble. f)':)ineurs, Ht'6po.;ucdtjt)tit~'n~iUt'i, la phitosuphifdc
Fichte, cotrant dnnit une troisi~ne et demicrc pcriuUt:, avait pris uxc (m'ec-
tion rctigiensc et my~i'tuc. C'est ta pct'iouc qui s'ouvre pnr les /.e{'(~&A<tr
la vie ~co~enret~e, pt'onottcccsu t:e)'nn en t8nu. Voycx la traduction qu'en
a donnée M. HouiHiccun t8t5,ct) y joign.ott, uutrc son/iM~<-p~o~, une
/n~'o~:«o~do M. Fichte le ms.–Dans son /t<ru;)(M, M. itoutHicr r.tp-
pelle un f<ntqui caractérise bien la guerre on I-'ichtc ~m'aitvouht rempHr tes
fonctions d'numunior c'est que les sotduts de la tandwchr de !8t.t por-
taient sur leur shako une croix et le nout de uicu, et qu'Us avaient dans
leur gitjcrocurt mattuut compos6 n tcut'usttgc en tbrtncdc catuchismc, et
tout renHiti de tbrmutcs relieuses et bibii'['tes.
enrayé, représenta au jeune ttommo tout ce que ce projet avuit
d'odieux et d'insensé, et il courut aussitôt chez te chef de la potico
prussienne, pour l'informer (ie ce qui se préparait et l'inviter à
en
empêcher l'exécution. !) fut décide qu'un étoignerait tout dourc.
ment, en les charmant do quelque mission, le chef du complot nt
tes principaux conjura; dont tu courte et tes forces pourraient être
utilisés dans une meitteurc occasion. Ainsi i-'ichtu
sauva sa patrie
d'un crime, et., on peut le dire aussi, d un grand matt~ur, carsaos
doute lu cttatunent no se serait pas fait attendre te
corps du vico-
roi d'Italie était encore a cette époque
sur !cs bords do t Oder, et il
n'eut pas manque de se jotor sur Uertin pour en tirer
uno échéante
vengeance.
t''orcé do renoncer :t la mission patriotique qu'H avait espéré
pou-
voir remplir dans ) armée, r'ichte se retourna du cut6 de t'ensci-
gnement. et, des l'été do la mé:no année, il remonta duas sa chairo
on présence d'un auditoire encore nombreux. Le sujet de ses nou-
vcno leçons était te/<«~ur< (~ <'<'<«< ;<~<<~«« r~he (~ t'u~o~~ ).
On peut dire que, depuis ses Co~Mt'n~'o~ st~- ~t /NNof) ~'«n-
{-awjusquaux tenons dont nous partons, la philosophie du droit et
detapohtiquoaététobjetdesméditations de toute sa vie; il en fai-
sait comme le corollairo de la Dc<<c ~c science, et il aimait à
y
revenir, soit pour préciser ses théories ou en tirer de nouvc!!esapp!i-
cations, soit pour les approprier aux circonstances présentes. On
a
vu, dans le cours do cette étude, combien d'écrits ou de leçons se
rapportenta ce but. En t3t~, pendant le scmea~'ede Pâques, itavait
encore consacré ses leçons au droit nature!, et la théorie qu'it avait
alors exposée (2) était comme une nouvelle rédaction des A~n<'n<s
du droit n«<«~, pubtiés en <79G. Kn revenant encore une fois, e)i
~8~3, sur le même sujet, il trouvait là une occasion toute naturefio

ici.
d'exposer ses vues sur les événements qui agitaient alors ie monde,
et d'entretenir dans !a jeunesse les sentiments qu'appelait t'heuro
présente. Les leçons qu'it fit cetto~poquc sur t /J<'cd'«ne ~T<
~t~rrc méritent de ngurer à coté des D~coM~ o Haf<o)t a~(f-
tn~c (3). CUes renferment un remarquable portrait de Napoléon,
qu'il m'est interdit de reproduire

C'est ainsi que Fichte nourrissait dans ies ~me3 ce



saint enthou-
(!) Œx).')-~ comp~c.~ t. !V, p. 3H7.
(2; Ces
(3) .S~t
/)as truts /.c~n.!
f/cr ont ~c traduites
/{cc/t~~c/)rc, ccwp/~t,
en français
f~'M-'r~ par t. Lortct,
X. t8~t
(3) Ces Iruis l.cyons orV b:é tradui!C8 c-ri français par M. Lorlct,
en 1831
(Lyon, Loun Habcuf).
siasmoque réclame la patrie à t'heuru des crises suprêmes. L'exai-
tution était d'aitteurs générate peuple et bourgeoisie, étudiants et
maîtres, tous brûlaient d'un mémo feu. !)') pacifiquus savants, do
braves pères de famille so montraient prêts h exposer leur vie sur
!o champ do bataitto. Les professeurs de t Université, voulant qu'au.
cune considération porsonnettc no put comprimer leur dévouement
a la chose publique, formerpnt une attianco par laquelle ils s'enga-
geaient solennellement a pourvoir aux besoins des veuves et dos
enfants de ceux d'cntro eux qui périraient dans )a lutte. On aime
a retrouver au bas de cet acte mcmorabte les noms tes plus ittustres
dans les annales de!a science et do t'enscigncmcnt Fichto, Savigny,
Neandor, Schteiermachcr, etc. Je ne sache pas d'exempte plus propre
a donner une idoo des sentiments qui animaient alors i~psprits.
Les revers mêmes qui survinrent et !u trevo qui !os suivit ne refroi-
diront pas l'ardeurdc Fichto. Toute son inquiétude était que le gou-
vernement prussien, décourage, no songeât a faire la paix. !t n'était
besoin, répétait, il, que décourage et de persévérance n'ayant plus
l'habitude de la guerre, il fallait commencer par apprendre a vaincre,
ot ce qu'une première campagne n avait pu faire, une seconde l'ac-
complirait. a Du courage donc, et point do paix, telle était sa de-
vise. tt comprenait quo l'houre do t'affranchissement était arrivée, et
que si on la laissait échapper, elle ne reviendrai) plus, Au~si vit.it
avec joie la reprise des hostilités. Pour lui, son plan était de ne pas
quitter Bortin, tant que cette capitale serait exposée aux attaques de
l'onnemi, et, après avoir éloigné sa femme, de partager le sort de la
milice bourgeoise qui devait assister les troupes do ligne dans la dé-
fense de la ville. Le danger qui parut quelquo temps imminent fut
écarté par les victoires do G rosxbeeren et de !)ennc\vitz; mais la
guerre, on s'éloignant de Berlin, y laissa un autre néau, un mal
contagieux, dont Fichte devait être ta victime.
A la suite des sanglantes batailles qui avaient eu tiou dans les
environs et des fatigues de cette rude campagne, les hôpitaux mili-
taires de la ville s'étaient remplis de blessés et do malades; le ty-
phus sévissait dans les rangs do t'armée. Bientôt les secours orga-
nisés ne suffirent plus, et les magistrats durent faire appoi à la bonne
volonté des habitants. La femme do Fichto fut une des premières
à s'offrir pour soigner les malades et dans cette fonction, qui sem-
blait d'abord au-dessus do ses forces, etto montra un dévouement et
une charité admirables. Après cinq mois entiers passés ainsi dans les
hôpitaux, olle se sentit etto-méme atteinte du mal qu'etto avait si
longtemps bravé pour soulager les autres. Etto s'en rotcva, mais
0 C>
pour voir son mari succomber à la maladie qu'il avait à son tour con-
tracte auprès d'elle.
Au commencementdu semestre d'hiver, Fichte avait repris encore
une fois ses leçons a l'Université, et jamais son esprit ne s'était
montré plus dispos et plus net. It mc<iitaitpour sa doctrine une der-
nière forme, qui devait lui donner lu ctarté suprême, une totto clarté,
disait-il, qu'un enfant morne ta pourrait comprendre. Aussi for-
mait-il le projet de se retirer t'été suivant dans co charmant pays
qu'on appelle la Suisse saxonne, pour y travailler tout a son aise et
t
dans le cahne le plus profond il ouvrage qui devait couronner sa
carrière d'écrivain. Ce fut an milieu do ces travaux et de ces pro-
jets que la mort te vint frappt'r. Lu maladie do sa femme lui avait
causé tes plus vives inquiétudes mais te jour même ou ullo courut
le plus grand danger, toujours esclave de son devoir et toujours
mattro de tui-meme, il avait eu ta force de s'urrachcr du chevet do la
malade pour aller faire sa icçon à t'Univorsité, et cependant il avait
sujet de craindre de la trouver morte a son retour. Quand il lu v)t
sauvée, il nu stut pas résister a sa joie comme il avait su résister a son
chagrin, et, dans l'ivressse de son bonheur, il se pencha vers olle
pour la bénir comme un don que Dieu lui rendait. Peut-être, ajoute
son fils, après avoir raconté cette scène dont il fut le témoin attendri,
peut-être fut-ce dans ce moment qu'il s'inocuta le germe do la
maladie. D'une constitution robuste, Fichto n'avait été gravement
malade qu'une seule fois dans sa vie, au printemps de 808, a la
suite des épreuves et des fatigues quo tes événements do cotte époque
lui avaient fait subir mais sa forte nature avait fini par triompher.
Cette fois, la maladie fut plus forte que sa nature elle l'abattit il un
tel point qu'etio no lui laissa plus que de rares moments lucides.
Son fils profita d'un do ces moments pour lui nnnoncor que Btuchcr
venait du passer Io Rhin et que tes alliés étaient entrés en France.
o Co fut, dit-il, sa durnifre joie sur terre, o Qudquo humiliant que
soit pour nous le souvenir de t'événement qui Jui causait cotte der-
nière joie, elle était chex lui trop naturetto et trop légitime pour que
nous songions ta lui reprocher. A qui la f:)uto si le grand philo-
sophe, qui dans sa jeunesse avait cétébru la Hévotution francise,
t
ae réjouissait, à son lit do mort, de nos revers et de envahissement
de notre territoire? Cette joie sembla le suivre jusque dans son dé-
lire il croyait parfois assister a une bataitto où la victoire restait il
son drapeau. D'autres fois, c était contre son propre m.'t qu'it s'ima-
ginait lutter, et il lui semblait qu'it en triomphait par ta force dosa
votonté, et que son esprit sortait vainqueur du combat. Atais était-ce
J'espoir d'une guerison terrestre, ou n'etait-cu pas p!ut6t cetuid'unu
dctivrance spirituelle qu'il exprimait u son fils peu de temps avant
do mourir? Comme cetui-ci lui présentait, une potion « Laisse cela,
lui dit-t! en le regardant avec sa tendresse habituetto, jo n'ai plus
besoin de remède, ~o sons que je suis guéri. M Il allait 6tro en effet
gucride tous !os maux do cette vie il mourut dans la nuit du 27 jan-
vier ~814. !t n'avait pas encore accompli sa cinquante-deuxième
année.

Une Yotontc ferme et incbran!ab)o, jointe à un esprit capab!e des


plus hautes idées et à uncceuranin~ des sentiments los plus purs et
les plus noblos, te! fut en résumé to caractère du Fichtu. De ta chez
lui eotto exattation soutenue, cet enthousiasme catmc, si t'on peut.
parler ainsi, ce dévouement renechi pour tout ce qui est grand et vrai-
ment bon la vcritc, ta liberté, la justice, l'humanité, ta patrie. De lit
aussi immense innuoncequ'i! cxcr<;a sur la jeunesse do son
pays,
et qui t'a fait célébrer par l'ouquc, dans son Sigurd, comme le pro-
phète des temps modernes. On peut le comparer encore a certains
héros de Ptutarquo incapable non-~utcment de toute faibtesso, mais
de toute hésitation, il suivait avec uno fermeté inflexible la ligne qu'il
s'était tracée tui-même, et ni les attaques, ni les suffrages extérieurs
no pouvaient rien sur sa conviction et sa conduite. Je l'ai déju dit
il était tout d'une pièce; et, a t'exemptedes sages do J'antiquité, il
ne
séparait pas la pensée de l'action. Aussi so montra-t-it grand patriote
non moins que grand penseur, et, on tout, homme do bien autant
que philosophe. Son extérieur répondait a son caractère son corps,
.petit et ramassé, mais robuste, se distinguait par la vigueur dos mus-
des et la richesse du sang c'était un corps de fer au service d'une
volonté de fer; sa démarche était fet'mo et décidée sa parole grave
et puissante. Tout en sa personne annonçait t'cncrgic, ta résolution,
la conviction. En un mot, le physique, chex lui, rellétait to morat,
et manifestait clairement cet ompiro do l'esprit sur la matière, où
tondaient toutes ses pensées et tous ses cnorts.
Son caractère se reflète aussi dans sa doctrine, et t explique en
partie. L'idée d'une activité spirituene, tihrcct. indcpcndantf, ost to
principe, t'amo, ta substance do sa métaphysique, do sa morale et
do ses théories politiques. Htto est te fond commun qui persiste au
milieu de ses variations, et y maintient t'unitc. Les variations de
sa doctrine politique s'expliquent cites-m~mcs par cottes de sa
situation porsonnette et des événements contemporains, ou en géné-
rât par faction d'une méditation ptus profonde mais ces formes
diverses partent du même principe et tendent au mémo but la
dignité et t'indépendance du moi humain. Dans sa jeunesse, ators
quo les plus rudes épreuves ont développé en lui uu plus haut degré
la conscience de son individualité et de sa force, et qu'it
no relève
encore d'aucun gouvernement, non-seulement il ombrasse avec en-
thousiasme los principes do liberté et d'édité proclamés par ta Ru.
votution française, mais it exatto a tel point les droits do t't~tUt'dM
qu'il supprime presque i'Ètat. Un pou plus tard, devenu professeur
dans une des p!us importantesUniversités do t Allemagne,de nouvetics
réflexions t'amènent a reconnaître la néccasité juridique de !<<«, et
il passe alors d'un extrême individualisme à
un extrême socialisme
mais le but qu'il poursuit est toujours le même c'est toujours le
!ibre développement do )a peraonnc bumaino qu'il a en vuo. Seule-
ment, ce qui !ui apparaissait naguère comme un obstacle à ce libre
deve!oppRmen~ lui en semb!u 6trc maintenant un instrument indis-
pensable il faut d'abord affranchir les hommes du joug dégradant
do la misère, si l'on veut qu'ita puissent développer en toute fiborté
leur personnalité mor<do et il n'en voit pas d'autre moyen que d'at-
tribuer a t État ~organisationdu travail et la repartition des produits
de l'association. Plus tard encore, torsque les envabissementsdola
domination française attaquent ou menacent la liberté germanique, et
particulièrement la Prusse,! idée de la pt~nesemontroàtuicotnme
une des formes nécessaires de la vie de l'humanité, et la cause de
l'indépendance nationale ne trouve pas de champion plus ardent; mais,
en défendant cette indépendance contre les attentats d'une puissance
étrangère, il ne fait encore que défendre l'autonomie de la personne
humaine, dont elle est à la fois la condition et t'image. Le patrio-
tisme de Fichte, comme son individualisme, comme son socialisme,
a sa source dans un profond sentiment do respect pour la dignité de
notre nature, it s'est sans doute trompé plus d'une fois et en des
sens divers sur les conditions d'exercice de la tiberté humaine, mais
elle est le principe do toutes ses théories. Ce principe est assez grand
pour rachater et au besoin pour corriger ses erreurs.
REVENDICATION

DE LA UBËRTË
LIBI*j
-.J DE PENSER
.J ~4
AUPRES
DESPHINCES
DKL'EUROPE
QUî L'(~'T OPPHLM~R JUSQU'iCt
i

DISCOURS

.Y<M<<Mt p<ce~, et ~ftx~ttM o~tc<: /t)t~.

Hë)iopo!is, l'an (k'rn:cr(tes t~ncbrcs (1793).


PhËFACE

Il y a 'tes savants qui croient nous donner une très


haute opinion de !a solidité do !eur esprit en rejetant aus-
sitôt, comme pure déclamation, tout ce qui est écrit avec
quelque vivacité. Si par hasard ces fouines viennent a tom-
ber entre les mains d'un (te ces hommes profonds, jp te
préviens qu'elles n'ont pas pour but d'épuiser une si riche
matière mais seulement d'en recommander chaudement
quelques idées a un public peu instruit, mais qui du
moins, grâce à la hauteur ou il est place et a la puissance
de sa voix, n'est pas sans influence sur le jugement. gé-
ttcral. Ce n'est point avec des formes savantes qu'on a
ordinairement prise sur ce public. Que si ces graves
esprits ne découvrent pas dans ces feuilles la moindre
u'acc d~un système plus solide et {dus profond, s'ils n'y
trouvent même pas le moindre signe qui leur paraisse
digne d'tmc plusampie r(''ncxion, la faute en pourrait bien
être en partie a eux-mêmes.
C'est une des propriétés caractéristiques de notre a~e,
d'aimer a ianccr te Marne sur les princes et les grands.
Est-ce !a légèreté qui nous porte ,a faire des satires
contre eux, ou croit-on se reicver soi-même par la gran-
deur apparente de son objet? Cela est doublement frap-
pant dans un siècle où la plupart des princes allemands
cherchent à se distinguer par leur bonne volonté et leur
popularité; ou ils font tant pour détruire l'étiquette qui
formait autrefois un si profond abîme entre eux et leurs
concitt~L'ns, et qui tuur est devenue si importune a eux-
mêmes; un ennn hcaucoup d'entre eux se donnent l'air
d 'estimer les savants et la science. Si t'en ne peut se
rendra eu témoignage devant sa propre conscience, que
t'en est sûr de sut, et que, toutes les conséquences que la
propagation des vérités utiles pourrait attirer sur sa tête,
un saura tes supporter avec autant de dignité qu'on en
aura montre a les (tire. que l'on s'en remette alors a la.
générosité de ces princes si gravement accuses, ou que
l'on reste plong'é dans une insigninante et stérile obscurité.
L'auteur (le ces feuilles ne croit offenser, par ses assertions
ou par son ton, aucun des princes de la terre, mais au
contraire tes obliger tous. Il n'a pu sans doute ignorer te
reproche adresse a un certain grand Ktat, d'avoiragi contre
les principes qu'il cherche à établir ici; mais il savait bien
aussi que des Mtats protestants voisins l'ont bien pis encore,
sans que personne s'emporte a ce sujet, parce que l'on y est
accoutume depuis longtemps. Il savait qu'il est plus facile
de chercher ce (pu ou ne doit se faire que de
juger avec impartialité ce (lui se /< réellement, et sa
position lui refusait les ~w~~ nécessaires pour établir de
ce dernier cote un jugement solide. II savait que, quand
même tous les actes ne se pourraient défendre comme tels,
les mobiles de ces actes n'en seraient peut-être pas moins
très nobles; et, en ce qui nous concerne, il est plein
d'admiration pour cette ingénieuse bonté qui, en feignunt.
d'essayer de nous ravir un bien au sujet duquel une longue
jouissance nous avait refroidis, a voulu réveiller notre es-
time pour lui et nous exciter à en user avec plus d'ardeur
il est confondu devant cette rare grandeur d'âme, qui fait
pte, de propos délibère, on s'expose, soi et ses amis, au
.langer d'être méconnu, accusé, haï, et cela uniquement
pour favoriser le pro~resdeslumieres. H
savaitenuuqueces

t/
feuilles mêmes fournissent a cim'tue l~tat l'occasion desn'ee
/<K~'
<1e prouver la pureté de ses intentions
c<~
de M~c/c les ~j~'M~ <y«' les ~~«/6'
<y~'w~

~~??<c/ < les /<<' efc/c~, 'c.


Un Ëiat on de ~H'~ feuiHcs sont imprun~'s et vendues

't l '1 {1
puhH(;uf;mcn<. ne cherche pas a ctonUcr tes lumières. Si
l'auteur s'est t!'0tnp< M.Ct'anx, qui
ne tardera pas a !e i-eiutcr.
iltli aime
;lilllc si i<'rt 1 vt~rit~,
1'()I't !a

Ce n'est donc point pour des


vente,

raisons politiques, mais titteraires,qnc fauteur ne fait pas


connaître son nom. H se nommera sans cramte a quiconque
aura le droit de l'interroger a ce
sujet et te fera comme
il faut; et, quand le moment en sera venu, H se nommera
il Housscau,
sans qu'on le lui demande car pense, avec
que ~o~ /~w~~ ~wïe doit ~M~' c-e
<y!~7

Nous ne voulons pas rechercher ici jusqu'à quel point


l'humanité est moins malheureuse sous la plupart de ses
constitutions politiques actuelles qu'elle ne le serait en
dehors de toute constitution; il suint qu'elle le soit., et
qu'elle doive retrc le domaine de nos constitutions poh-
tiques est celui de la peine et du travail; celui de la jouis-
n'est pas de ce monde. Mais cette même misère doit.
sance
forces
être pour elle un aiguillon (lui l'excite a exercer ses
la jouissance futur:; par
par la lutte, et a se préparer a
L'humanité devait être malheureuse,
une victoire difficile.
mais ellencdevait pas rester malheureuse.
Lcsconstituttons
politiques, ces sources de la misère publique, ne pouvaient
autrement elles le
sans doute jusqu'ici être meilleures,
seraient, mais elles doivent toujours s'améliorer. Or,
dans l'histoire de
aussi haut que nous puissions remonter
l'humanité, cela est arrive, et, tant qu'il y aura une histoire
bien
de l'humanité, cela arrivera de deux manières ou
par des bonds violents, on bien par un fu'o~res insensibie,
lent, mais sur. En procédant par bonds,
par ebratdemeuts
et bouleversements violents, un peupte peut faire, dans
l'espace (t'un demi-siecie, plus de
pas en avant qu'il n'en
aurait fait en dix siècles, en revanuh< eu denu-siede
est plein de souurance et de misère mais il pt.ut aussi
résumer en an'ierc (te tou~ autant et retomber dans !a
barbarie où il était piun~ nnitc
aus jdus tut. L'iu'stoit-c
du monde fournit des preuves de t'un de Fau~'e
et cas.
Les évolutions violentes sont toujours uncuupi.asardeux
de l'humanité; quand eues réussissent, la victuire
obtenue
vaut bien les maux qu'eiles ont causes; mais quand elles
f!chouont, vous ne faites
que vous précipiter, a travers ia
misère, dans une misère puts grande. licst plus
sùrde pout.
suivre peu a peu ta propagation des lumières
et par eues
le perfectionnement de la constitution politique.
Les pro-
grès que vous faites sont tnoins rcmarquabies, pendant
qu'its arriveut; mais regardex derrière
vous et vous vc.rr<'x
une longue étendue de chemin parcourue. C'est ainsi
dans notre siècle, surtout en Anomale, l'humanité que,
a fait
un grand chemin sans aucun bruit. U est vrai que les
con-
tours gothiques dei'ediuce sont encore visihjcs
sur presque
tous les côtes, que tes nouvcHes ailes sont loin d'être
liées en un tout harmonieux et solide; maiseUcs re-
existent
pourtant, et commencent à être habitées. Les vieux châ-
teaux de brigands tombent de toutes parts. Si l'un
ne nous
trouble pas, its deviendront de plus
en plus déserts, et
seront abandonnes aux oiseaux ennemis de la humere,
aux chauvcs~ourisetaux hiboux. Les nouveaux bâtiments,'
au contraire, s'étendront peu a peu et finiront
par former
un ensemble re~uncr.
Telles étaient nos espérances, et
ces espérances, vou-
drait-on nous les an'acher en étouffant notre liberté de
penser? Kt pourrions-nous nous les laisser ravir?–
Lorsqu'on arrête le propres de l'esprit Immain, il ne peut
arriver que l'une de ces deux choses ou bien, ce qui est
le plus invraisemblable, nous demeurons ou nous étions,
nous renonçons a toute prétention de diminuer notre
misère et d'augmenter notre bonheur, nous nous laissons
tracer des limites que nous nous engageons âne pas fran-
chir;–ou bien, ce qui est beaucoup plus vraisemblable,
le cours de la nature, que l'on vent arrêter~ brise violem-
ment et détruit tout ce qui lui fait obstacle, l'humanité se
venge de ses oppresseurs <!e la manière la plus cruelle,
les révolutions deviennent nécessaires. Un drame terrible
en ce genre nous a été donne de nos jours; on ne s'en est
pas encore applique la leçon. Il est grand temps, si
toutefois il n'est dej~ trop tard, d'ouvrir les digues que
l'on continue d'opposer a la marche de l'esprit bum:un,
en dépit du spectacle que l'on a devant les yeux, si l'on
ne veut pas qu'il les rompe violemment et qu'il jette la
dévastation dans les champs d'alentour.
Vous pouvez tout livrer, ô peuples oui tout, pourvu
que vous n'abdiquiex pas la liberté de penser. Continuez
d'envoyer vos fils à la guerre pour se couper la gorge, en
de sauvages combats, avec des hommes qui ne tes ont
jamais oncnses, ou pour être dévores par les maladies
contagieuses, ou, si vous l'aimcx mieux, pour ramener
l'ennemi, comme un butin, dans vos paisibles demeures;
continuez d'arracher de la bouche de votre enfant affame
votre dernier morceau de pain pour le donner au chien
du favori; donnez, oui (tonnez tout; mais gardez seu-
lement ce céleste palladium de l'humanité, ce gage qui
nous promet un nuire sort que celui de souffrir, de tout
supporter, d'être écrases jamais. Les générations futures
pourraient vous reclamer d'une manière terrible ce nue
vous avex reçu de vos pères pour le leur transmettre. Si
ceux-ci avaient été aussi lâches que vous, vous seriez
demeures dans la servitude la plus honteuse (pu puisse
peser sur l'esprit et le corps vous seriez toujours tes
esclaves d'un despote spirituel? Us ont arrache par de
sauvants combats ce qu'un peu de fermeté de votre part
sufnrait a conserver.
Ne haïssez pas vos princes pour cela; c'est vous-mêmes
que vous devriez haïr. Une des premières sources de votre
misère, c'est que vous vous faites une idée beaucoup trop
haute cl'eux et de leurs auxiliaires. H est vrai qu'ils fouil-
lent de leurs mains infatigables les ténèbres des siècles
demi-barbares, et qu'ils croient avoir trouve une perle
précieuse, quand ils ont découvert la trace de quelque
maxime de ces vieux temps; –il est vrai qu'ils s'estimentt
fort sa~es quand ils sont parvenus a g-ravcr dans leur
mémoire une de ces maigres maximes; mais tcncx pour
certain que, sur ce qu'ils devraient savoir, sur leur véri-
table destination, sur la dignité elles droits de l'homme,
ils en savent beaucoup moins que le plus ignorant d'entre
vous. Gomment pourraient-ils en apprendre quelque
chose?–eux pour qui l'on a une vérité particulière, qui
n'est pas deternunee par les principes sur lesquels se fonde
la vérité huniainf universelle, mais parla constitution, la
position, le système politique de leur pays; eux :'t qui,
des leur enfance, on dépouille soigneusement la tête de
toute forme humaine en générât, pour lui en donner une
ou il ne puisse entrer qu'une vérité de ce genre,–a qui
l'on imprime cette maxime dans le cœur, a l'âge ou il est
le ptus tendre a Tous les hommes que vous voyez, Sire,
y. sont !a pour vous: Us sont votre propri'te(1). Kt quand
même its t'apprendraient, comment pourraient-iis :)voir
titiorcedeh* comprendre?-- eux dontonaemousse
artiticieMementi'csprit par un~morate endormante, par
des ptaisirs pretnatures, et, quand Us n'y étaient pas dis-
poses, paf des superstitions rétrogrades. On est tente de
rc~u'dcrcotnnm un )nn'acte permanent (!c la I~'ovidcncc,
({n'H y ait, <tann t'hi~oh'e incutnpat'abtc!n<:nt. ptns de princes
thibtcs qnc(!(~ princes tm'chants; quant, a moi, j<' compte
anx princes ~ous tes vices qu'ils n'ont p:~ pour autant
(le
vertus, et je leur sais ~l'e df tout le mal qu'its ne me font
pas.
Kt on tenr persuade, a ces princes, d'opprimer la tit)crte
ile penser; tuais ne ct'oycx pas(pte ce soit a cause de vous.
Vons pourriez bien penser et chercher et prêcher sur les
toits ce que v~us voudriez tes sateHitesdu despotisme np
se mettent point en peine de vous h'nr puissance est
beaucoup trop fermement etabtie. Que vous suyex con-
vaincus ou non de !a te~itinutc de ion's prétentions, que
~m'importe! us sauront bieu vous contraindre par le
déshonneur, par la faim, par ta prison, par l'echafand.
Mais si dans vos recherches vous faisiez un grand hruit,
hien qu'i!s ~ar(tent soi~nensemi'nt l'oteint' du prince,
H se pourrait cependant que qnetque parole maUteu-
i qu'H cherchât a s'éclairer, qu'il
reusc arrivât jusqu'à tui,
devînt enfin plus sa~e, et qu'it reconnu) ce qui est mi!e a
sa tranqninite et a ta votre, ~h t)ien voita tout ce qu'its
veulent vous empêcher de faire, et. voi!a, ri pcuptes! ce
dont vous ne devez pas vous laisser empêcher.
Criez, criez sur tous les tons aux orcines de vos princes,

(1) Ce sonl les paroles que le gouverneur (te Loma XV adressait


cet enfant royal au milieu d'un grand concours de peuple.
jusque ce qu'ils entendent, que vous ne vous laiss~'ex
pas ravir la liberté de penser, et prouvez-leur par \otro
conduite combien cette déclaration est scricuse. Ne vous
laissez pas enrayer par h crainte du reproche d'indiscré-
tion. Comment donc pourriez-vous être indiscrets ? Serait-
ce envers l'or et, les diamants de la couronne, envers la
pourpre du manteau de votre prince ? I\on, mais envers
lui. Il faut avoir bien peu de confiance un sui-ineme pour
croire qu'on peut dire aux princes des choses qu'Us ne
savent pas.
Et surtout, vous tous qui vous en sentez ia force, de-
ctarex ta ~u<'m; ta plus implacable a ce premier pt'L'ju~c
d'où dérivent tous nos maux, a ce llcau qui cause toute
notre misère, cette maxime enfin que la destination du
prince est de veiller a notre Poursuivez-la, a
travers tout le système de notre savoir, dans tous tes
recoins ou elle se cache, jusqu'à ce qu'ehe ait disparu de
la terre et qu'eue soit retournée dans t'enter, d'ou eue est
sortie, ~ous ne savons pas ce <pti peut assurer notre bon-
heur si le prince le sait, ut s'il est là pour nous y conduire,
nous de\'ons suivre notre ~uide tes yeux fermes. Aussi tait-ii
de nous ce qu'il veut et, quand nous l'interrogeons, H
nous donne sur sa parole que ce qu'il fait es~ncccssah'e a
notre bonheur. 11 passe une corde au cou de t'humanitc et
s'écrie a Allons, tais-toi, tout. cela est pour ton Jbion (1.). »
Non, prince, lu n'es pas notre De ~< nous atten<
dons le bonheur; de toi, la protection de nos droits. Tu
ne dois pas être envers nous tu dois être juste.

(i) C'est ce que le bom't'MU de t'!n(p't~Hoa dtSHit f) don Catios en


accompHtsant
ziccotiipli.qs.int une (utivre de
iiiie n'tm'e geiire. t)c
(le ce genre. qncHe )nerveit)ense
I)e cittelle iiierveilletise fi)con
fiicon
potn'tant M rencontrent des gens de divers métiers:
DtSCOUHS

lis sont passas, ô peuples!l ces temps de barbarie, ou


i'on osait vous d~ciarer nu nom de Dieu
que vous êtes (1rs
troupeaux ptaces tout exprès sur in terre pour être les
esclaves d'une douxairn~ de créatures privilégiées,
pour
porter iou's fardeaux, pour servir hurs ptaisirs, pour
tuer a leur place que Dieu teur a transmis son droit in.
contestable de propriété sur vous, et ru'etant ses repré-
sentants, ils vous tourmentent pour vos oecbes vertu
d'un droit divin. Vous te savcx, ou vous pouvez
vous en
convaincre, si vous ne )c savez pas encore
vous n'e.tes
pas même ia propri~t< de Dieu, mais la iibertt'' (~u'ii vous
a donnée ~st un sceat! qu'it n profbnd~tuent ~rnv('' dans
votre cœur, et qui vous détend d'appartenir a tout autre
qu'~ vous-mêmes. Aussi ne se basardent-us plus a
vous
dire « Nous sommes plus torts que
vous nous aurions
pu vous tuer depuis longtemps, nons avons eto assex
bons pour ne pas le taire in vie que vous vivez est donc
nnc~-raccque nous vous avons faite. Mais cette vie, nous
ne vous Pavons pas accorda a titre gratuit, nous vous
l'avons donnée en fief il n'y a donc pas d'injustice
a
exiger que vous ta consacriez a notre service et, si
nous
ne pouvons p!us en faire usa~c, nous avons bien b' droit
de vous la reprendre. » Si l'on accorde quelque vateur a
''cttc manière de raisonner, vous avez appris que c'est
u~s- qui êtes les plus forts, <'t que cf sont MAz' qui sont
les plus taihics; que leur force ne réside que dans vos hrns,
et que vous n'avez qu'a laisser toml)erces hras pour qu'ilsS
sentent leur misère et teur délaissement. Voila ce que leur
ont montre des exemptes qui tes font encore trcmhter.
Vous ne les croirez pas davantage. quand its vous diront
que vous êtes aveugles, (tenues de secours, ignorants, et
que vous ne saunez pas vous dn'i~er vous-rucmes s'ns ne
Yous ~uidaieu~ comme de petits entants, de leurs mains
patcrnettes ils ont montre de nos jours par des bévues
que te plus sunpic d'entre vous n'eut pas commises, qu'ils
n'en savent pas plus que vous, et qu'its se précipitent, et
vous avec eux, dans le malheur, parce qu'ils croient en
savoir davantage. N'écoutez pas plus longtemps de sem-
blables duperies oscx demander au prince qui veut vous
gouverner ~p ~c/ J?'o~ il vous commande.
Par droit de s~cce~'o~ disent quelques suppôts du
despotisme, mais qui ne sont pas ses défenseurs les plus
intelligents car, en supposant que votre prince actuel ait
pu hériter un tel droit de son père, qui a son tour le
tenait du sien, et ainsi de suite, ou celui qui fut le pre-
mier le prit-it; et s'il n'en avait aucun, comment put-il
transmettre le droit qu'il n'avait pas?– Et puis, ô ruses
sophistes croyez-vous donc qu'on puisse recevoir des
hommes en héritage comme un troupeau de moutons ou
comme un pâturage ? La vérité n'est pas une chose aussi
superncieHc que vous le pensez il faut la puiser plus au
~ont!, et je vous prie de vouloir bien prendre un peu de
peine pour ta chercher avec moi (~).

(i) Je demande qu'on ne laisse pas de côté, mais qu'on lise attetUi-
vementccUc courte déduction des droits, des droits inaliénables et des
droits idienables, du contt':)t,dch société, des droits des princes,
qu'on s'en pénètre bien, et qu'on h conserve Mëtement, parcc/nt'an-
L'homme ne peut être ni le~ue, ni vendu, ni donne il
nu saurait être la propriété (!e personne, puisqu'il est et
doit rester son propre maitre. porto au fond de son
cœur une étincelle divine qui l'élevé au-dessus de ranimai
et ie fait citoyen d'un monde dont Dieu est le premier
membre; cette étincelle, c'est sa conscience. Celle-ci
lui ordonne absolument et sans condition de vouloir telle
chose, de ne pas vouloir telle autre, et cela /c~/
</c ~w< ~y' <* y?ïo?<t'~y~< sans aucune contrainte exté-
et

rieure. Pour qu'il puisse obéir a cette voix intérieure,–


(pu lui prescrit des ordres absolus, –il faut qu'il ne suit
pas contraint extericure<ncnt, qu'il soit libre de toute in-
nucnce étrangère. Nul autre n'a donc le droit de disposer
de sa personne il doit a~ir de lui-même, en se reliant
sur la loi qui est en lui il est libre et doit rester libre.
M Tt'a d'ordre a recevoir que de cette loi intérieure,
car
elle est son unique loi,–et il se met en contradiction
avec elle, quand il s'en laisse imposer une autre, il
anéantit en lui l'humanité, et se ravale au ran~ des ani-
maux.
Sicette loi est son unique bi, il peut faire ce qu'il
veut partout ou elle ne parle pas il a ~'o~a tout ce qui
n'est ~M~e~/M par cette loi unique. Or tel est précisé-
ment le cas de ce sans quoi il n'y a pas de loi possible
en général, je veux dire de la /~e~ et de la ~c~o~
/~e; tel est en outre celui de ce que la loi or</ow~ dans
la sphère de ce qui ~'c~~ ~<~M. On peut donc dire
que l'homme a droit aux conditions sans lesquelles il ne
trpmcnt la suite serait inintehigibie et sans fondement. II n'est pas
mauvais non plus, sons d'autres rapports, de se faire une bonne tbis
des idées précises ce sujet, ne fut-ce, par exemple, que pour ne pas
déraisonner dans une société de gens instruits.
pourrait a~ir conformément a son devoir, et aux actions
que ce devoir exige. Il ne saurait abdiquer de tels droits
ils sont!<~< Nous n'avons pas le droit de les
aliéner.
.t'ai également droit aux actes que !a loi permet simple-
ment mais je puis aussi ne pas user de cette permission
de la loi morale alors je ne me sers pas de mon droit,
je t'abandonne. Les droits (!c cette seconde espèce sont
donca/«M/M; mais il faut que l'homme les cede~o/
/<cy?i~~ I1 ne doit jamais être force de les aliéner
autrement il serait contraint par une autre loi que par la
toi intérieure, et cela est injuste de la part de celui qui
exerce cette contrainte, et de la part do celui qui la subit,
quand il peut faire autrement.
Si je puis céder mes droits~<~ sans aucune con-
dition, si je puis en/<~ ac autrui, je puis aussi ne

les céder que sous condition; je puis les ~c~~c/' contre


des droits aîicnes par d'autres. C'est de cet échange de
droits aiien~bles contre d'autres droits aliénables que ré-
sulte le contrat. Je renonce a l'exercice de l'un de mes
droits sous la condition que l'autre renonce également a
l'exercice de l'un des siens.–Les droits que l'on peut
ainsi aliéner dans un contrat ne peuvent être que des
droits à des ~c~ CdC~c~~ et non à des ~e~
~W~<?. Dans ce dernier cas, en cnet, aucune partie ne
ire-

pourrait s'assurer si l'autre remplit ou non les conditions.


Les sentiments intérieurs, lasinccrite, le respect, l'amitié,
la reconnaissance, l'amour, se donnent librement on ne
les acquiert pas comme des droits.
La ~oc~ civile se fonde sur un contrat de ce genre,
sur un contrat de tous les membres avec un, ou d'un avec
tous, et elle ne peut se fonder sur rien autre chose, puis-
qu'il est absolument contraire au droit de se taisser im-
poser des lois par un autre que par soi-même. La légis-
lation civile n'a de valeur pour moi que parce (me je t'ac-
cepte volontairement, il n'importe pas ici par quel
signe, et que je me donne ainsi la loi a rnoi-m~me. Je
ne puis me laisser imposer une loi sans renoncer par ta a
l'humanité, a la personnalité et a la liberté. Dans cecon-
tratsocial chaque membre cedequctqucs-unsdcses droits
alienaldes, a la condition que d'autres membres céderont
aussi quelques-uns des leurs.
Quand un membre n'observe pas son contrat et reprend
ses droits aliénés, la société reçoit alors un droit, celui de
le contraindre a l'observer par la lésion qu'elle inHige aux
droits qu'elle lui a garantis. Il s'est volontairement soumis
a cette lésion par le contrat. De la vicnt le pouvoir c~-
CM~
Ce pouvoir exécutif ne peut être exerce sans détriment
parla société tout entière; il est donc délègue a plusieurs
membres ou & un seul. L'individu auquel il est délègue
s'appelle prince.
Le prince tient donc ses droits de la délégation de la
société; mais la société ne. peut lui déléguer des droits
qu'elle n'a pas elle-même. La question que nous voulons
traiter ici, savoir « Un prince a-t-il le droit de limiter
notre liberté de penser ? ? se fonde donc sur celle-ci
État pourrait-il avoir un pareil droit? ?
« Un
La faculté de penser /c~ est le caractère qui dis~
tingue l'intelligence de l'homme de celle de l'animal. Il
y a aussi des représentations dans la dernière; mais elles
se suivent nécessairement, elles se produisent les unes
les autres, comme dans une machine mouvement en
produit un autre. C'est le privilège de l'homme de résister
par son activée a ce mécanisme avouée de l'association
des idées un se l~orne un esprit purement passif et de
donner au cours de ses idées une direction déterminée
par sa force propre, suivant sa libre volonté; plus on main-
tient en soi ce privilège, plus on est homme. La faculté
qui en rend l'homme capable est précisément celle par la-
quelle il t'c~ liln'ement. I.a manifestation de ia liberté
dans ta penscc, tout aussi bien que dans !e vouioir, est un
etement essentiel de sa personnalité eHe est !a condition
nécessaire qui seule lui permet de dire « Je suis, je suis
un être agissant par mi-même. » Cette manifestation neiui
garantit pas moins que t'autrc le tien qui ie rattache au
monde spirituel et n'etahiitpas moins raccont entre ce
monde et tui car ce n'est pas seutcmcnt i'itarmonimtans
le voutoir, mais aussi i'harmome dans la pensée qui doit
dominer dans ce royaume invisible de Dicu.jOui~ cette
manifestation (le la liberté nous prépare a une manifesta-
tion plus continue et plus puissante de cette même liberté
en soumettant librement nos préjuges et nos opinions a la
loi de la vérité, nous apprenons déjà a nous incliner et a
nous taire devant l'idée d'une loi en général; cette loi
dompte d'abord notre cgoïsme, que la loi morale veut
gouverner. L'amour libre et désintéresse de la veritc spé-
culative pour la vérité eIJe-meme est la préparation la plus
n'uctucusc a la pureté morale des sentiments. Et ce droit
si ctroitenicnt lie a notre personnalité, a notre moralité,
ce moyen que la Sagesse créatrice nous a donne tout exprès
pour travailler a notre ennoblissement, nous aurions pu
l'abandonner dans un contrat social ? Nous aurions eu le
droit d'aliéner un droit, inaliénable? Mais la promesse
que nous aurions laite d'y renoncer aurait-elle si~nih<
autre chose que ceci « Nous promettons de devenir, en
entrantdansvott'esociftc civile, des créatures sans raison;
nous {n'omettons d'être des animaux, ann que vous ayez
moins de peine a nous dompter ? Et un pareil contrat
serait h'~itimc et v:dabtc?
Mais <tuc veut-on donc? s'ecrient-iis. Ne vous avons-
nous pas (tonne assez pubUquemeni. et assez soiennenement.
ia permission de penser librement?– Oui, nous voûtons
bien en convenir; nous voûtons bien en'acer <!e notre
mémoire les timides tentatives qui ont été i'aitcs pour
nous ravir notre mciueurc ressource nous voulons
bien oubner avec que! soin on cherche a ramener tes
anciennes ténèbres sur chaque hnnierc nouvcHe(~);–
nous ne disputerons pas avec vous sur des mots uni,
vous nous avez permis de/cr, parce que vous ne pou-
viez nous en empêcher; mais vous nous détendez de
communiquer nos pensées; vous ne nous enlevez donc pas
le droit imdienabtc de penser librement, vous nous retirez
simplement cehn de communiquer notre libre pensée.
Nous vous te demandons, pour être certains de ne pas
discuter avec vous sur rien, –avons-nous originairement
un tel droit?– Pouvons-nous te prouver?–Si nous
avons droit a tout ce que lu loi morale ne dépend pas, ou
trouver une défense (te cette ici qui nous interdise de
(r'mnnmiquer nos convictions? Ou est !c droit qu'aurait
autrui de détendre une p:u'eiHc communication, de ta
regarder comme: une oubnsc a sa propriété? Les autres,

(t) C'est ainsi furunc doctrine qxi semble avoir dtu faite tout expies
pour noos dciivtCf de t.) tn:dcdiction de la loi et nous ramener sous ic
pthtdpc (le la ttbctH!, a servi d'npptti d'.thord )a thcotogie sco!asti-
<ptC,–et tout récemment .nt despotisme.– U est indigne des honxncs
poosantsdc ramper :)u pied des nùoes pour so))icitcrt:t permission de
devenu' !cs murcitfpicd') des rois.
2
direx-v'~s. peuvent être truubtes paria dans tajouis-
sam'e <tn bonheur fonde sur ies convictions un ils ont vécu
jusqn'.dors, dans tcm's i~reahiesiHusions, dans leurs doux
rêves. Mais <-<n)nne)u peuvent-Usetrc ainsi tronbh's
par unmseu! fait, s'its n(.'m't''ct)'ntct~ pas, s'tis ne i'ui~
poitit attc-ntton a mus parûtes, s'Hs ttc les adnu~cnt pan
dans tcut'esprit? S'itssunUr~uhtt''s, c'est qu'Us se h'uu-
Hclit ~ux-nn~ncs; < 't\'sL pas tnui (pu tes trouble. C'c~
icii<~ r~ppurLd~d'jtHK'ra rcct'Vtur.ai-ju pas le droit
d'' partager nn'n pain a\ mt autre, <t<' t<' inisscr su
chantât'a nx'n t'eu, et attumur sunnatttbcana ina lu-
nucrc? S'il nu veut pas de tnun pain, il n'a (ju'a lie pas
tendre la tnain pour te recevoir; s'i! ne veut f~s (!c ma
hatcnr, qu'ii s'eiui~ne de mun i'cu je n'ai certainement
pas !cdruit)!eini imputer n~sduns.
Toutefois, connue ce droit de iibrccunt)nunicatiun ne
fin fondu point sornn ordre, mais seutetncnt sur nnp
pertnission de ia ici mot-atc, et <)ne, par conséquent, con-
sidère <jn hn-metne, il n'est pasinatienahic; eonune, en
outre, t~onr (lue rexercice de ce droit soit possible il iaut
nécessairement que ceini au(pnJ je nt'adresse consente a
recevoir mes dons, on jmurnnt bien concevoir tjue h
société eut supprinn' une t'ois pour toutes ce consente-
ment, et (m'ette entexi~e de chacun den tncnthres qu'eite
admettait dans son sein la promesse de ne communiquer
absolument a personne ses convictions, –il ne faut sans
doute pas prendre trop a ta lettre une pareine renonciation,
en t'entendant d'une manière ~enende et sans aucune
cnnsidcration de personne:!es privilégies de i'~tatn~
versent-its-pas.en e~'et, les trésors de leur corne d'abon-
dance avec toute ta Hher:dite possible, et s'iis en ont re-
tenu jus(fu'ici les ptus rares merveille~ ne devons-notos
pas nous un rendre uniquement a notre opiniâtreté et à
notre entêtement? Mais accordons toujours ce que nous
pourrions ne pas accorder aussi absolument, que nous
ayons pu, en entrant dans ta société, renoncer a notre
droit de communication. A ce droit est oppose celui de
/c ~cc~o~ le premier ne peut être aliène sans
que le second le soit aussi. Accordons que vous ayez eu
le droit de me faire promettre que je ne partagerais
mon pain avec personne auriez-vous donc eu aussi
celui de forcer le pauvre affame a mander votre bouillie
malsaine s'il n'aime mieux mourir? Voulez-vous déchi-
fait
rer ce beau lien qui unit les hommes aux hommes et
que les esprits s'épanchent dans les esprits? Voulez-vous
ravir l'humanité l'échange le plus digne d'elle, le libre
don et la libre acceptation de ce qu'elle a de plus noble?
Mais pourquoi parler le langage du sentiment a vos co~ura
endurcis? Qu'un raisonnement sec et aride, contre lequel
se briseront tous vos sophismes, vous prouve
l'illégiti-
mité de votre prétention? Le droit d'accepter libre-
mont tout ce qui nous est utile est un élément de notre
personnalité il est dans notre destination d'user librement
de tout ce qui peut servir à notre culture spirituelle et
morale; sans cette condition, la liberté et la moralité
nous seraient des dons inutiles. Une des
sources les plus
fécondes pour notre instructionet notre culture est la com-
munication des esprits avec les esprits. Nous ne saunons
abandonner le droit de puiser à cette source sans abdi-
quer notre spiritualité, notre liberté, notre personnalité:
il ne nous est donc pas~s d'y renoncer; il n'est donc
pas non plus permis aux autres d'abandonner
/< droit
d'y laisser puiser. Si notre droit de /'<~u~' est inalié-
nable leur droit de ~w~' ne l'est pas moins. Vuut!
savez bien vous-mêmes si ?~<~ ~~M/~ nos dons. Vous
savez si nous (tonnons des ptaces et des dignités a ceux
qui font semhhmt de se laisser convaincre par nous, si
nous excluons de ces dignités et de ces places ceux qui
n'écoutent pas nos i''runs et ne lisent pns nus écrits; si
nous injurions puhhquemcnt et si nous pourchassons
ceux qui écrivent contre nos principes. Expiiquex-nous
dune, si vous le pouvez, pourquoi i'on ne se sert de vos
écrits que pour empaqueter ies nôtres, et pourquoi nous
avons de notre cet' ies ptus fortes têtes et les meilleurs
cŒurs qui soient dans les nations, tandis que vous n'avez
du votre que ies imheciies, tes hypocrites, les lâches écri-
vains.
Mais, dites-vous, nous ne vous défendons pas du tout
de partager votre pain soutenant vous ne devez pas
donner du poison. Comment donc suis-je si sain et si
fort, moi qui lais ma nourriture quotidienne de coque
vous nommez du poison? Devais-je prévoir que te taihie
estomac d'un autre ne supporterait pas cette même nour-
riture? Est-ce moi qui l'ai tué en la lui (A~ ou
n'est-ce pas lui qui, en la ~a~c~, a été l'auteur de sa
mort? S'il ne pouvait pas !a digérer, il n'avait qu'a ne pas
en mander je ne l'ai point ~uc (~) il n'y a que vous
qui ayez ce privilège. –Ou, en supposant même (me.
j'eusse reenement tenu pour du poison ce que j'ai donné
aux autres,et que je ie leur eusse donne dans l'intention

(1) f.
de les empoisonner, comment vouiez-vous me te prou-

i''ichtc fait sur ce mot lit rc.n.nque suivante En-


foncer (tuns la ttonchc (k'. enfant de la bot)i)ncqm <<''te d'abord bien
m~chcc, c'est ce que, (!.)ns les provinces OM cch se f.'it encore, on
nomme ~o;<cn. .h~< ~t' wM (on gave uusai) des oies avec de
lit pâtée.
ver? Qui peut. être mon ju~e a cet <~ard, en dehors d~
ma conscience? Cc)a s«it (fit ttourtimt sans p:u'abo!e.
J'ai sans (toute ie droit de r<pa!!<<re ia ï;c7' mais non
pas i'c?~
Oh pour vous qui parlez ainsi, que peut donc signifier
!a~?–Que peutsignitter i'e~? Ce n'est pas sans
doute ce que nous autres nous tenons pour têt; autre-
ment vous auriez compris que votre restriction supprime
toute la permission, que vous nous reprenez de ta main
gauche ce que vous nous avcx donné (te la main droite
qu'i! est absolument impossible de communiquer la vérité
quand il n'est pas permis aussi de pr~pa~er des erreurs.
–Mais je vais me faire comprendre de vous plus daire-
ment.
Sans doute vous ne parlez pas ici de ta vérité .pc-
tive; car vous ne voûtez pas dire que j'ai bien le droit de
n'pandrc ce que~'c tiens pour vrai en mon nme et con-
science, mais non pas ce que ~M~ïc regarde comme
erroné et taux. Sans un contrat entre vous et moi, vous
n'avez aucun 'h'oit d'exiger de moi la véracité: carceHe-ci
est un devoir purement intérieur, et non pas un devoir
extérieur. Mais avec ie contrat sociat, vous n'êtes ~uerc
plus avances; car vous ne sauriez vous assurer que je
remplis ma promesse, puisque vous ne pouvez lire dans
mon cœur. Si je vous avais promis d'être veridique et
que vous eussiez accepte ma promesse vous seriez sans
doute trompes, mais par votre faute je ne vous aurais
rien promis, puisque, par ma promesse, vous auriez reçu
un droit dont l'exercice est physiquement impossib!c.
Je suis sans doute un homme méprisable quand je
vous
trompe volontairement, quand, sciemment et de propos
deubcre, je vous donne l'erreur pour m vérité; mais je
n'offense ainsi que moi-même, et non pas vous je n'en
dois compte qu'à ma conscience.
Vous partez donc <!e h vérité (~'c~f; et cette vérih''
est.? dites, osa~essoplustes du despotistne,vousqui n'êtes
jamais embarrasses pour une dénnition elle est l'ac-
cord (te nos représentationsdes chuses avec les choses en
soi. Le sens de votre prétention est donc celui-ci je
rougis pour vous, au non) dequijeparte.–st ma repré-
sentation s'accorde réellement, avec ta chose en soije puis
la répandre mais si elle ne s'accorde pas réeUement avec
elle, je dois la parder pour moi.
L'accord de nos représentations des choses avec les
choses en soi ne saurait être possible que de deux ma-
nières si tes choses en soi étaient réalisées par nos repré-
sentations, ou si nos représentationsétaient réalisées par
les choses en soi. Comme dans notre faculté de connaitre
les deux cas se présentent, mais se confondent, si bien, que
nous ne pouvons plus les séparer distinctement l'un de
l'autre, il est clair que la vérité objective, dans le sens le
plus étroit du mot-, est en contradict-ion directe avec l'en-
tendement de l'homme et de tout être fini; que par con-
séquent nos représentations ne s'accordent jamais et ne
peuvent pas s'accorder avec les choses eu soi. Ce n'est.
donc pas dans ce sens du mot que vous pouvez nous de-
mander de répandre la vérité.
Pourtant il y a une certaine façon nécessaire dont les
choses doivent nous apparaitre a tous, en. raison de la con-
stitution de nutre nature; et en tant que nos représen-
tations s'accordent avec cette forme nécessaire de la
faculté (le connaitre, nous pouvons aussi les appeler objec-
tivement vraies, eh entendant par objet non pas la
chose en soi, mais une chose nécessairement, déterminée
par tes lois de notre taout< de connattre et par celles de
l'intuition (un phénomène). !'j!ce sens tout ce qui est.
constitue suivant une perception exacte par tes lois néces-
saires de notre faculté de conuaiire, est vérité objective.
–Outre cette vérité applicalde:m monde sensilde, il y ctt
a encore nne, dans un sens intinimpnt phtsci~vc d)! mot
ici, ~n fiU't, nous ne connatssnns pas d'abord par ta pûr-
ception la nature donncp des cho~s, ma~ tt'msd~v~ns ta
/)/'o~~ nous-mêmes par la spontancitY' !a p!us pur~ d
!a phts itbrp, contortm''ment aux concepts or~inair''s du
droit et (le l'injustice. Ce qui est f'ont'orme a ces concepts
l'est pour tous tes esprits ef pnnr te père (tes esprits; et
tes vérités de ce ~cnre sont pour ta plupart très tacites a
connaître et très sûres; notre conscience nous les dicte.
Ainsi; par exemple, c'est une vérité éternelle, humaine et
divine a la fois, qne l'homme a (les droits inaliénables, que
la liberté de penser est un de ces droits,–(fue celui entre
les mains duquel nous remettons notre puissance pour
défendre nos droits a~it avec une souveraine injustice,
quand il se sert de cette même puissance pour opprimer
ces droits et particulièrementla liberté de conscience,t~es
vérités morales ne sonnrc'nt point d'exception; elles ne
peuvent jamais être problématiques, mais elles se laissent
toujours ramener au concept du droit dont la valeur est.
absolue. Ce n'est donc pas des vérités de cette dernier''
espèce que vous parlez, elles vous tiennent d'ailleurs
fort peu a c(et)r, et vous cond:nnuent souvent intérieure-
ment car il n'y a point de controverse possible a leur
~jet vous parlez de la première vérité humaine. Vous
demandez que ~o! ~'<7~~ <
y'/c~ ~e .s'~
~P M~'C~ZW~ MY/C~ CO~/O/7/C~ ~C~A'
lois
~c ~c~M. Vous êtes ~-cncreux, vous êtes de sa~es
et bons pères de l'humante vous nous commande d'ob-
server toujours exactement et de eonchu'c toujours exac-
tement; vous nous défendez de nous tromper nous-mêmes
ann <}ue nous ne propagions pas d'erreurs. Nohtes tuteurs
nous voudrions bien ne pas le faire; ceia ne nous est pas
moins contraire qu'avons. Le malheur estseutementque
nous ne savons pas quand nous errons. Ne pournez-
vous pas, pour que votre conseil paternel ne fut point
perdu pour nous, nous donner un sur critérium de ia ve~
rite, toujours appticaHe et toujours infaiHihic?
Aussi y avez-vous déjà songe. Nous
ne devons pas, par
exemple, dites-vous, répandre des
erreurs anciennes et
depuis longtemps réfutées. –.Des erreurs ~?
<~ sont-eites réfutées? Si ces réfutations ~0~ frapjtaien!
par icur évidence, si elles Mo~ satisfaisaient,
pense/-
vous que nous soutiendrions encore ces erreurs? Crovex-
vous que nous aimions mieux errer que de juger saine-
ment, déraisonner que d'être sages, et que pour admettre
une erreur, il nous sufnsc de la reconnaitre pour te!te?
Vous imaginez-vous
que par pure méchanceté et pour
tourmenter et chagriner nos bons tuteurs, nous nous phu-
sions a répandre dans le monde des idées que
nous savons
bien nous-mêmes être fausses?
Ces erreurs sont depuis longtemps réfutées,
nous dé-
clarez-vous sur votre parole. !t faut
au moins qu'elles
soient réfutees~y ~o~, puisque vous voulez
sans doute
en user honorablement avec nous. Ne pourriex-vous nous
dire, ô ii!ustrissunes enfants de ia terre, combien de nuits
vous avez passées au miucu des plus sérieuses méditations,
pour trouver ce que n'ont pu découvrir encore tant
d'hommes qui, n'ayant pas,
comme vous, les soucis du
gouvernement, consacrent tout leur temps aces sortes
(Je recherches? bien t'auricx-vous trouve sans aucune
On
rencxion, sans aucune instruction, parla seule grâce
de votre divin génie? Mais nous vous cotnprcnons, et
depuis longtemps déjà nous aurions du exposer vos véri-
tables pensées, au lieu de vous engager dans ces recher-
ches trop arides pour vous et vos satellites. Vous ne
partez pas du tout de ce que nous nommons, nous autres,
vérité ou erreur ;–quc vous importe? Qui aurait vou!u que
l'cspoirdn pays consumât en d'aussi sombres spéculations
les années qu'il devait passer dans le repos pour se pré-
parer aux fatigues du pouvoir? Vous avez partage entre
vous et vos sujets tes facultés de l'esprit humain. Vous
leur avez laisse la ;p,–mais non pas, il est vrai, pour
vous, ni pour eux-mêmes, cardans vos gouvernements elle
n'est pas du tout nécessaire qu'ils pensent pour leur
plaisir, s'ils le veulent, pourvu que cela n'ai pas d'autres
conséquences. Vous ro~ pour eux. Cette volonté com-
mune qui réside en vous détermine donc aussi la vérité.
Ce qui est vrai, c'est donc ce que vous voulez qui soit vrai;

ce qui est faux, ce que vous voulez qui soit faux. –~o:
~M le vouiez-vous? C'est ia une question dont nous
n'avons pas a nous inquiéter, ni vous non plus. Votre
votontc est, comme telle, l'unique critérium de la vérité.
Il en est de nos pensées comme de notre or et. de notre
argent: elles n'ont de valeur qu'avec votre poinçon.
L'administration de l'Etat exi~e sans doute une pro-
fonde sagesse, car il est notoire que tes plus sages et les
meilleurs d'entre les hommes ont toujours été appelés a

sur
la diriger; si cependant un ûRii profane osait jeter un
ses mystères, permettez-moi ici quelques
timides observations. Peut-être me natte-je trop, mais il
me semble apercevoir quelques-uns des avantages que
vous avez ici on vue. Il vous est facile de soumettre nu
jou~ tes corps de vos sujets: vous pouvez charger (t'en-
traves et de chaînes tours pieds et leurs mains; vous
pouvez aussi les empêcher par ia crainte (!e !a faim
ou de ia mort de <!ii'e ce qu'ils ne doivent pas dire.
Mais vous ne pouvez pourtant pas toujours être la avec
vos chaînes et vos entraves, ou avec vos valets de bour-
reau –vos espions aussi ne sauraient être partout, ct un
gouvernement si pénible ne vous hisserait pas le moindre
!oisir a consacrer aux votuptcs de ce monde. H vous faut
donc chercher un moyen de les asservir d'une manière si
sûre que, même en l'absence de vos entraves et de vos
chaînes, ils ne respirent plus autrement que vous ne te leur
commandez. Paraiyscx en eux le premier principe de l'ac-
tivité spontanée, teur pensée; qu'ils ne se hasardent plus
a penser autrement que vous ne le leur ordonnez, direc-
tement ou indirectement, par vos edits de religion ou
par leurs confesseurs; ils deviendront alors tout a fait ces
machines que vous votdez avoir, et vous pourrez vous en
servir a votre ~n' J'admire dans l'histoire, qui est votre
étude favorite, la sagesse des premiers empereurs chré-
tiens. La verito changeait avec chaque nouveau gouvcr-
npment eUe changeait même une coupte de fois sous
.<!<?~/ gouvernement, pour peu qu'il durât. Vous av~x

pris t'esprit do ces maximes, mais pardonnez, si je me


trompe, a mon inexpérience en votre art, vous n'y avez
pas pénètre assez profondément. On laisse trop longtemps
subsister comme la vérité une sente et même vérité; c'est
une taute qu'a commise la politique moderne. Le peuple
s'est enfin accoutume a cette vérité, et l'habitude qu'il a.
d'y croire passe pour une preuve a ses yeux, tandis qu'il
ne devrait y croire que sur la foi <Ic votre autorite.
0 princes, imitez donc entièrement vos dignes modèles:
rejetez aujourd'hui ce qu'hier vous ordonniez de croire,
et ce qu'hier vous condamniez, autorisez-le aujourd'hui,
auu que vos sujets ne perdent pas l'habitude de penser.
que votre volonté est l'unique source de la vente. Vous
n'avez, par exemple, que trop longtemps voulu qu'un fut
égal trois; il vous ont. cru, et malheureusement ils s'y
sont si bien accoutumes, que depuis longtemps ils vous
refusent la reconnaissance qu'ils vous doivent et s'imagi-
nent t'avoir eux-mêmes découvert. Vengez votre autorité
ordonnez une bonne fois qu'un soit un, non pas, sans
doute, parce que le contraire est absurde, mais parce que
vous le voulez.
.le vous comprends, comme vous voyez; mais j'ai auairc
a un peuple indiscipline, qui ne s'cnquiert pas de vos des-
seins, mais de vos droits. Que dois-je repondre?
C'est une incommode question que celle du droit. Je
regrette d'être ici force de me séparer de vous, avec (lui
j'ai marché jusque-là si amicalement.
Pour que vous eussiez le droit d'établir ce que nous
devrions admettre comme vérité, il faudrait que vous
tinssiez ce droit de la société, et que celle-ci l'eut acquis
par un contrat. Un tel contrat est-il possible? La société
peut-elle laire a ses membres une condition, non pas
précisément de cro~'c certaines propositions, car elle nu
saurait jamais s'assurer rle cette croyance comme senti-
ment intérieur,–maisau moins de les reconnaitre exté-
rieurement, c'cst-a-dirc de ne rien dire, de ne rie!) écrire,
de ne rien enseigner co~e elles?–J'exprime le principe
aussi doucement que possible.
Un tel contrat serait physiquement possible. Pourvu
que ces dogmes inattaquables fussent déterminés avec
assez de prccisiun et de netteté
pour que l'on p~t con-
vaincre incont~tab!ement quoiqu'un d'avoir
parte contre
eux,- et vous avouerez que ce n'est demander
pas peu
de chose,on pourrait sans doute l'en punir
comme
d'une action extérieure.
~fais s'il est aussi moralement possible, c'est-à-dire si
!a société a le droit d'exiger une pareiUe
promesse et si
ses membres ont celui de !a faire, certains droits
de
i'hommc qui sont ina!ienab!es ne
se trouvcront-Hs pas
aïienes dans un contrat de
ce ~cnre, ce qui ne doit avoir
beu dans aucune espèce de contrat,
et ce qui rend le con-
trat ii~itime et non avenu?- La libre recherche
appli.
quee tous !es objets possibles de ia reucxion, dans
toutes
les directions possibles et a l'inuni, est
certainement un
droitde t'bommc. Nul ne peut déterminer
mon choix,
ma direction, mes limites que moi-même. C'est que ce
nous avons prouve p!us haut. !t n'est donc p!us ici
Hon que de savoir si l'on
qncs-
ne peut pas s'imposer a soi-
même de tcucs limites par
un contrat. On pourrait bien
en imposer a ses droits sur des actes extérieurs qui
seraient pas ordonnes, mais simplement ne
permis par !a
!oi morale. Dans ce dernier
cas, rien ne nous pousse a
agir en gênera: que rindination;
or cette inclination peutt
bien, ou h loi morale ne la limite
se limiter
meme par une loi qu'eue s'impose volontairement.
cHc-
Mais
i! n'en est pas de même des limites fixées
à la réflexion
dés que nous y sommes arrives, quelque
chose nous pousse
certainement contintiei, notre marche, a
franchir ces
limites, A nous avancer delà, je
au veux dire resscncc de
notre raison, qui tend al'innni. est de la
nature de cette
faculté de ne pas reconna:tre de limites absolues;
et c'est
par 1~ qu'eHe est raison, c'est par !a que l'homme
!a
est un
être raisonnable, libre, indépendant. La recherche pous-
sée a l'inuni est donc un droit ~<2/M~/e de l'homme.
Un contrat, par lequel on s'imposerait ici certaines
limites, ne signiuerait pas, il est vrai, directement Je
veux être un anima!, niais il reviendrait a dire Je ne
veux être un être raisonnable que jusqu'à un certain point
(a supposer que ces propositions privilégiées par l'État
aient réellement une valeur universelle pour la raison hu-
maine, ce que nous vous avons accorde avec une foule
d'autres dinicultcs); des que je serai parvenu a ce point,
je redeviendrai un animal sans raison.
Or, s'il est prouve que le droit de pousser ses ?'cc/c~M
au delà de ces résultats établis est inaliénable, il est prouve
aussi que celui de faire ces recherches p~ c<~Mï~ ne l'est
pas moins. En cnet, celui qui a le droit pour fin l'a aussi
pour moyen, si nul autre droit ne lui fait obstacle. Or
un des meilleurs moyens d'avancement pour l'esprit, c'est
de se laire instruire par les autres. Chacun a donc le droit
inaliénable de ?'cc<?i~' a l'innni des instructions don-
nées. Si ce droit ne peut pas dire supprime, celui qu'ont
les autres de ~ow~' des instructions doit aussi être ina-
liénable.
La société n'a donc nullement le droit d'exiger on de
recevoir une promesse de ce genre. Cette promesse est
contraire a un droit inaliénable de l'homme aucun
membre n'a le droit de faire une pareille promesse; car
elle est en opposition avec la personnalité des autres, et
elle tend a les mettre en ~encrai dans l'impossibilité d'agir
moralement. Quiconque la fait a~it contrairement au
devoir; et, des qu'il le reconnaît, c'est son devoir de
reprendre sa promesse.
Vous vous enrayez de la hardiesse de mes conséquence~
ô amis et serviteurs des ténèbres; car tes gens de votre
espèce sont faciles :'i enrayer. Vous espériez que je me
réserverais, <tu moins, quoique prudente restriction
« 6'~<o~ ~/c~/M. x; que je laisserais encore
ouverte une petite porte de derrière pour votre serment
religieux, pour vos livres symboliques, etc. Et quand
j'aurais cette porte, je ne voudrais pas vous l'ouvrir ici
pour vous être agréable c'est précisément parce qu'on
s'est toujours conduit si doucement avec vous, qu'on vous
il toujours trop laissés marchander, qu'on a toujours évité
avec le plus grand soin de toucher aux ulcères qui vous
t'ont le plus de mal, qu'on a voulu blanchir votre noirceur
de nègres sans vous mouiller la peau, c'est précisément
pour cela que vous êtes devenus si hautains. Vous devrez
désormais vous accoutumer insensiblement a regarder la
vérité sans enveloppe. -Mais je ne veux pas non plus
vous laisser sans consolation. Que craignez-vous donc
(le ces pays inconnus, situés au delà de votre horizon et
ou vous n'irez jamais? Demandez donc aux gens qui les
visitent si l'on risque si fort d'y être mangé par des géante
de l'ordre moral, ou avalé par des monstres sceptiques.
Voyez ces hardis circumnavigateurs tourner autour de
vous ils sont aussi sains moralement que vous-mêmes.
Pourquoi craignez-vousdonc si fort les lumières qui écla-
tcraif'nt tout A coup, si chacun y concourait pour sa part
autant qu'il serait en lui? L'esprit humain ne procède eu
général que par degrés il va d'une clarté a une autre
vous continuerez de ramper au milieu de votre époque;
vous conserverez votre petite troupe d'élus et la convic-
tion de vos rares mérites. Et s'il fait parfois un grand
pas au moyen d'une révolution dans les sciences,–soyez
aussi sans crainte a ce sujet. Si le jour luit pour d'autres
autour de vous, vous et. vus chers élevés, vous tiendrez
vus faibles yeux dans un crépuscule commode; même,
pour votre consolation, il fera encore plus sonujre autour
du vous. Vous devez le savoir par expérience Est-ce que,
depuis les vives lumières qui uni éclair)'' les sciences, c'est-
à-dire surtuuL depuis une dizaine d'années, robscuntu
n'est pas devcnne plus grande encore qu'aupaï'avant dans
vos esprits?

Ktinaintenant, u princes! permeHex-tnui de me t.uur'


ner de nunvean vers uo~. Vous nous prédisez qu'une
tnisere sans nom sera te t'rnit. de la ii!jert.c de penser ini-
mitée. C'est uniquement pour notre bien que vous vous ont'
parex de cette liberté et que vous nous l'enlevez, comme
on enlevé a des entants un jouet dangereux. Vous ordon-
nez i't vos ~azetiers de nous peindre sous des couleurs de
feu les desordres ou se jettent des esprits partages et
echaunus par les opinions. Vous nous montrer un peuple
doux, tumbc dans une ra~e de cannibales, altère dcsan~,
insensible aux larmes, courant avec ardeur il des exécu-
tions comme a des spectacles, promenant en triomphe,
avec des chants de fête, les membres déchires et encore
fumants (le ses concitoyens, ses eni'ants ennn jouant avec
des têtes sanglantes comme avec des toupies. Nous ne
vous rappellerons pas, a notre tour, les fêtes plus san-
glantes encore que le despotisme et le fanatisme reunis,
comme de coutume, ont données a ce même peuple;
nous n'ajouterons pas que ces desordres ne sont pas les
fruits de la liberté de penser, mais les conséquences du
lon~ esclavage qui avait précédemment pesé sur les esprits;
nous ne vous dirons pas qu'on n'est nuUe part plus
tranquille que dans le tombeau.ious vous accorderons
tout, nous nous jetterons repentants dans vus bras, et.
nous vous prierons, en ptcurant, de nous abriter sur votre
cœur paterne! contre tous les maibem's qui nous mena-
cent, aussitôt que vous aurez repondu a une question
respectueuse.
0 dites vous qui~ d'après ce que nous apprenons de
votre bouche, ave/a veiHer, comme des dieux tutciaircs,
sur te bonheur des nations; vous qui,– vous nous l'avez
si souvent, assure,–faites de ce bonheur !e but suprême
de vos tendres soins, –pourquoi, sous votre subtime
~ardc, les inondations rava~cnt-eltes encore nos champs
et les ouragans nos phmtations? Pourquoi les nammes
sortcnt-cUcs encore de la terre, et nous devorent-eHcs,
nous et nos maisons? Pourquoi t'epec et les épidémies
cmportent-eHes des miiMers de nos enfants chéris? Or-
donnez donc d'abord a t'ouragan de se taire vous com-
manderez ensuite a la tempête de nos opinions déchaî-
nées. Faites d'abord tomber la piuic sur nos champs des-
sèches, et donncx-nous le soleil bienfaisant quand nous
vous en prions; vous nous donnerex ensuite ta vérité
vivifiante (1). Vous vous iaiscx. Vous ne le pouvex
donc pas ?

(i) Votre nmi, !c oUitjuc du n" 2C1, dans le cuhiur (t'uctoiu'e (te la
A. L. X., ne vent p.): il est \):ti, q)tr ron cotnp.u'c tes t'cvohnion~ t)u\
pt)cno)t)ct!cs natm'cts. Avec
plu~nOlIll'~lIes n¡¡hu'cls. sa pet
A \'PoCs!) pcrmi6siou,
mi<~ion, c(u)si(!urdcs
c()JI~idérécs comme
comtne plléllU-
p/<c~u-
~t'nM, c'cst-u-dhc no pont de vnc, non de kurs principes tnornux,
t
mais de icurs etTctsdans !c monde scnsibtc, h's rcvohtUonssont ccrt:<i-
netncnt soumises aux lois de la nature. ~M.s ne ttourrex pas hu indt.
qucr ic livre ou la phccdu thre ou peut s'en cotnaincrc, et je ne
il
dois pas ic fane ici. Kn ~nu'a),ous pourriez faire entendre
sous
main a cet ami qu'it devrait se r~oudrc.')entrer pius avant dans r~udc
de la pttitosophic. Ators. avec sp.s cono.tissanccs etcndûp.s et
son lan-
H~gc virit, H conduirait vos affaires et en metne temps cciies de l'itu.
Ehbien!s'ihaunetrequilcpuisseree!lemcnt;qui,
du sein de la dévastation, tasse sortir de nouveaux mondes,
et de la pourriture tire dos corps vivants; –qui élève de
riants vignobles sur des volcans 'teints,qui veuille que
des liommcs habitent, vivent et. se réjouissent sur des
tombeaux, vous irriterez-vous parce que nous lui lais-
serons aussi le soin, le plus petit de ses soins, de détruire,
d'adoucir au moins ces maux que nous attire l'usage du
privilège qu'il nous a donne et qu'il a marque de son
sceau divin, ou, s'il /<~ que nous les souu'rions, de les
appliquer ;'t une plus haute culture (le notre esprit par
le moyen de notre propre force?
11 est hon, princes, que vous ne vouliez pas être nos
neaux il n'est pas bon que vous vouliez être nus dieux.
Pourquoi ne voulez-vous donc pas vous résoudre a vous
abaisser jusqu'à nous, il être les premiers entre des
e~aux? Le gouvernement du monde ne vous réussit pas,
vous le savez Je ne veux pas vous reprocher–mon c~ur
est trop ému "-les bévues que vous avez commises jus-
qu'ici tous les jouis, les plans ma~ninques que vous avez
changes tous les quatre ans, les monceaux de cadavres de
vos soldats que vous comptiez sûrement ramener en
triomphe. t.ln jour vous embrasserez avec nous
une
partie du ~rand plan, du plan certain et avec nous vous
vous étonnerez d'avoir concouru aveuglement, par vos

tnnmtu heuncoup plus !j:<hitcmpm (ju'it ne l'a f.Htjosqtric:. Vous ne


sauriez nvuit' nnc mciHcut'c .unie que la philosophie, si unu et n~uem'
ne sont pas potn- vous synonymes, t~oigtu'x.vot~doncde cette fausse
i'mic qui depuis sa naissance a toujours été au service du premier
venu, qui s\'st fait employer par chacun, et par qui, ii n'y a pas
encore si
elicoi-c bi longtemps,
luiiglelnl)s, 011 sonnns au
volis a soliiiiis
on uoN& ut[ jotig
joug d'un habite, connue
(I'tili llill)ile, coliiiiie
Mt<s aoumeUex maintenant ro~ pct~M par cHc.
3
entreprises, A des tins auxquelles vous n'aviez jamais
songé.
Vous vous ctos grossièrement trompes nous n'attcn-
dons pas le bonheur (te votro main, nous savons bien que
vous êtes des ~<~Mcs nous attendons la protection
et la restitution de nos droits, que vous ne nous avez en-
levés qnp par erreur.
Je pourrais vous prouver que la liberté de penser, la
liberté do penser sans obstacles, sans limites, fonde seule
et assuro le bien des Ktats; je pourrais vous démontrer
cela du la manière la plus évidente par des raisons irré-
futables je pourrais vous le montrer par l'histoire je
pourrais encore vous désigner de grands et de petits pays
qui continuent de Heurir, ~race a elle, ou qui, ~race a
elle, sont devenus Mûrissants sous vos yeux; mais je ne lu
ferai pas. Je veux vous présenter la vérité dans sa beauté
naturelle, et non la faire valoir auprès de vous par les
trésors qu'eUe vous apporte en dotJ'ai meilleure opinion
de vous (me tous ceux qui ont a~i autrement. J'ai con-
fiance en vous; vous entendez volontiers ia voix scvcrc,
mais amère, de la veritu.
M?!C<?, le ~'0~ <0/)/ ~O/y'C /~C~
</c~c/ e/ c~ ~c /« ~6 /~7~'c, ~c
~s~~ le /f~'?'< M~c les ?~o; ~'6~c-
y~~ï~

~P ces )'<
?'
~«/o~r
seveli sous /c<
de ~)~
?!Z
toi et ~?/«/ ?/ï~ï<?
~c~/c. A~'z'e/s'
avec
et < ~P M CP~~ C~
&0?'/
~6'u~ ~p

.<c ce/< ~~7/c?'~ <y~/


?/ ~\< ~s-
~C ~< ~~?'~S ?'<'6~<?r~(~.
Que serait d'ailleurs le bonheur de la terre que vous
nous faites espérer, ai vous pouviez réellement nous le
donner? Sentez-vous dans VOH cœurs, vous qui pouvez
jouir de tout, rc que ta terre a de joies? Vous suuvem~
vous des joies passées? Méritaient-elles les peines qu~
vous vous êtes données pour en jouir? Valaiont-elles
l'amertume et le debout qui en ont suivi la jouissance? Ht
voudriez-vous aUronter encore une ibis tous ces maux par
amour pour nous? Oh croyex-ic.tousles biens que vous
pouvez nous donner, vos trésors, vos rubans, vos cordes
brillants, ou lu prospérité du commerce, la circulation de
l'argent, l'abondance des ressources de la vie,–tout cela,
comme jouissance, mérite la sueur des nobles, tout cela
mérite vos soins, mais ne mérite pus notre reconnais-
sance. C'est uniquement comme instruments de notre
activité, ou comme un but plus rapproche vers lequel nous
courons, que ces choses ont quoique valeur aux yeux d~
t'être raisonnable. Notre unique bonheur sur cette terre,
si toutefois c'est là du honneur, c'est une sponta-
néité libre et sans obstacles, une activité émanant de notre
propre force et poursuivant des fins qui lui sont propres,
sous la condition du travail, do la peine, de l'cubrt.
Vous avez coutume do nous renvoyer aussi a un autre
monde, mais vous en laites ordinairement la récompense
des vertus passives de l'homme, do sa résignation.–Oui,
nous élevons nos regards vers cet autre monde, qui n'est
pas aussi profondément sépare do celui-ci que vous le
croyez, vers ce monde ou nous avons dés ici-bas droit de
bourgeoisie, car nous en portons déj~ le titre grave dans

par vous. Là les fruits de notre M'


notre cœur, et nous ne voulons pas nous le laisser ravir
non de notre
passivité, sont dés a présent mis en n'serve ils y mû-
rissent a un soleil plus doux que celui de ce climat. Per-
mettez que nous nous préparions ici a en jouir par un
travail assidu.
Vous n'avez dune, o princes! aucune espèce de <M'/
sur notre tit)ert< de penser, ni celui de décider ce (pu est
vrai ou taux, ni celui de dètcrmmer les objets (le notre
recherche ou d'en nxer ies limites, ni celui de nous em-
pêcher d'eu conummiquer ies résultats, vrais ou faux,
y/~ ou c~it~<' bon nous semble. Vous n'avez pas non
plusd'M~a l'égard de cette liberté; vos oldi~ations
se rapportent uniquement a des Uns terrestres, et non a
cette fin supra-terrestre (te la diuusion des hunieres. Vous
pouvez vous conduire a cet e~ard d'une manière toute
passive; ce soin ne vous regarde pas. '–Mais peut-être
seriez-vous tentes de taire plus que vous n'y êtes obliges.
Kh bien soyons ce uuc vous pouvez faire.
Vous êtes, il est vrai, ti princes! des personnes subli-
mes; vous êtes rccHctuenties représentants de'ia divinité,
–non en vertu d'une suumuite inhérente a votre nature,
non couuuc renies charges de vciiicr au ~/<f~' de
i'tKtmanite, mais parce que vous avez la mission su-
bhme (le defcudrc les droits que Dieu lui a donnes, et
parce que cette mission place sur vos epautcs une fouie
de devoirs diiucucs et indispensables. Quenc plus grande
pensée que de se dire a soi-même Des millions d'hom-
mes se sont adresses il moi en me disant Vois, nous
sommes d'une race divine, elle sceau de notre origine est
marque sur notre front; /~<~ ne savons pas défendre
la dignité que ce ~ceau nous confère; nous ne savons pas
défendre les droits que nous avons apportes en dot sur
cette terre; nous ne le savons pas, yio~ qui .so~~p~
des ~7/ nous tes déposons donc entre tes mains:
qu'its te soient sacres en raison de leur origine, défends-
ies en notre nom,–sois notre protccteu. jusqu'à ce que
nou~ ret."unnons (tans ia maison de notre véritable père!
Vofts distribuez des fonctions et des dignités put)tiques,
vous répandez des trésors et (tes marques d'honneur, vous
secoure t'indi~ettt et vous donnez du pain au pauvre;–
mais <cst un grossier mensonge de vous dire que ce sont
!a des bienfaits. Vous ne pouvez pas être bienfaisants. La
fonction que vous donnez n'est pas un présent ({ue vous
faites c'est une partie de votre fardeau que vous char~cx
sur les cpautes df votre concitoyen, quand vous la con-
nex nu plus Ji~nc; c'est un voi ttue vus faite ) a la socicte
et au plus di~ne, (ptand vous le donnez a ceiui (pti t'est
moins. Les marques d'honneur que vous distribuez ce
n'est pas vous qui les distribuez ettes utaicut déjà décer-
nées A chacun par sa propre vertu, et vous n'êtes que tes
suhnmes interprètes de cette vertu auprès de ta société.
L'argent que vous distribuez ne ~t jamais te votre c'est un
bien qui vous a été conue, un bien que la soci<t('' a dépose
entre vos mains pour venir en aille a tous tes besoins,
c'est-à-dire aux besoins de chaque individu. La société te
distribue par yos mains. Celui (fui a faim et à qui vous
donnez du pain en aurait si i'union xociate ne l'avait pas
force te donner; la société lui rend, par votre inter-
médiaire, ce qui lui appartenau. Quand vous faisiez tout
ccta avec une sagesse toujours ctairvoyantc, avec une
conscience toujours incorruptible, que vous ne vous trom-
piez jamais, que vous ne vous égariez jamais, vous ne
faisiez que votre devoir.
Vous voulez faire ptus encure? Eb bien i vos conci-
toyens ne sont pas seulement des concitoyens pour vous
danst'Htat; ils le sont aussi dans le monde des esprits, ou
vous n'ave/ pas un rau~ ptus eteve qu'eux. Sous ce rap-
port, vous n'avez pas de prétentions a etr'vcr sur eux, ni
eux sur vous. Vous pouvez chercher ta vérité pour vous,
ht garder pour vous, en jouir autant que votre capacité
vous le permet ils n'ont, pas !e ptu~ petit mot a vous dire
ta-dcssus. Vous ponvcx taisser leur recherche suivre
fn
dehors (!f vous ]a route qui lui piait.sans
vous en inqui~-
t~r !o inoins (tu monde. Vous n'aven p~ besoin d'apjtti-
'ju''t' au propos (tes hunicrcs !a pm~ancc-, i'innu~ncc,
i'autorit~ que ia socictt'' a nusp entre vos mains;
car
eu n'est pas pour ccta nn'cHc vous t'a donncc. Co que
vous faitfs ici pst uniquement par honno volonté, c'est
du supernu de votro part; dan3 cette voi~
vous pouvez
rppt!ement hicn niL'ritcr de !'huntanit6,
envers taque!!e
vous n'avez d'aiitcurs que des devoirs indispensables.
Honorex et respectez pcrsonneUcmont ia v<rltô,
et. re-
marquez ceci Nous savons hion que vou<; êtes
nos
og-aux dans b monde dos esprits, et
que !n vérité n'est
pa? plus sanctifiée par h) respect dn plus puissant souve-
rain que parl'homma~c du dcmicr homme du peuple:
que ce n'est pas cHc d'aiUcurs, mais vous-mêmes que vous
honorez par votre soumission; et pourtant nous
sommes
parfois assez disposes, et beaucoup parmi nous le sont
toujours–a croire qu'une vcrit~ emprunte un nouveau
lustre a redat de celui qui lui rend hommage. Hendez
cette opinion tuile jusqu'à ce qu'eit~ disparais~faites
croire a vos penp!es qu'il y a encore quelque chose de
plus snhumc que voua, et. qu'it y a des lois
nncorc p!us
ctevcus que !cs vôtres. Inclinez-vous putditp~ment
avec
eux devant ces lois, et ils (''prouveront pour ol!ea et pour
vous un respect plus profond.
écoutez votontaircment la voix de la vérité que! qu'en
soit l'objet, et iaissfx-ta toujours s'approcher de
votre
troue, sans craindre qu'e!!e ne t'ccîipso. Voutez.vous
vou~
cacher d'ette.comtne les oiseaux de nuit fuient !a iumiero ?
(~'avez-vous a <~n craindre s! votre cœur est pur? Soyez
obéissants, si cite (h'*sapj)ronv~vos resotutiuns; r<'tirex
vos erreurs, si ehc vuus en convainc. Vous n'avez ri<~ a
ris(p)cr ici. Nous savions bit'n (~ue vous <tie/ (.tes hommes
mortels, c'est-à-dire <ptn vnus n'étiez pas infaiuiides;
ce n'est pas votre aven qui nous rapprendra. Une tcHc
soumission ne vous déshonore pas; an contraire, phts
vous êtes pu~sams~ ptus et!cvous honore. Vous tournez
continuer de suivre vosmaxhncs; (pu pourrait vou.scn
empêcher? Yous pourriez rester injustes sciemment et de
propos délibère; qui oserait vous en blâmer tout haut, et
vous le reprocher en face? Mais vous prenez la libre réso-
lution– de vous honorer vous'memcs et d'agir juste-
ment; et par cotte soumission a la loi du droit, laquoitc
vous fait tes égaux de vos derniers esctaves, vous vous
placez en même temps au rang des plus nohtcs esprits qui
soient dans !c monde.
C'est a votre naissance que vous devez ta subtimito de
votre, rang terrestre et tous vos avantag'es extérieurs. Si
vous étiez nés dans la cabane du bercer, cette mémo main
qui aujourd'hui porte le sceptre porterait !a houtetto.Tou!
être raisounabtc honorera en vous, A cause de ce sceptre,
la société que vous représentez, mais non pas vous en
Vt''rite. Savez-vous a qui s'adressent nos profondes r<v'
ronces, notre attitude respectueuse, notre humhh' ton ?
Au représentant de la société non pas A vous. Revêtez un
homme do paine do votre habiHemeut royat, ptaccz vott'c
sceptre dans !a main <!e ce tTtanm'qum, asscycz-!c sur votre
trône, et taissez-nous devant lui. Pensez.vous que nous
remarquerons i'abscncc de ce soumc invisible qu~ne (toit
émaner que de votre royale personne~ que notre échina
sera moins uexible, notre attitude moins respectueuse,
nus paroles muins timides? Ne vous est-il donc jamais ar-
rive de vous demander ce que vous devez a vous-mêmes
de ce respect qu'un vous témoigne, et comment on
vous
traiterait si vous n'étiez qu'un de nous?
Vous ne l'apprendrez pas de vos courtisans. Pour
peu
qu'ils remarquent que cela vous fait plaisir, ils vous jure-
ront que c'est uniquement vous et votre personne, et non
Je prince en vous, qu'ils aiment et honorent. Vous
ne l'ap-
prendriez même pas d'un sa{?e, si jamais un sa~-e pouvait
vivre dans l'atmosphère qu'on respire a la cour. Interpol
par vous, il repondrait au représentant de ta société, non
a vous. L'avantage que nous avons parfois de voir notre
valeur personnelle dans la conduite de nos concitoyens a
notre égard, cummc dans un miroir,–cet avantage n'est
accorde qu'aux personnes privées on n'estime tout haut
les rois a leur véritable valeur que quand ils sont
morts.
Si donc vous voulez une réponse A cette question, qui
mérite bien qu'on y réponde, c'est a vous-mêmes qu'il
la faut demander. Vos concitoyens vous estiment presque
au même dc~rc que vous te feriez vous-mêmes si vous
vous examiniez, non pas a travers le prisme de votre
amour-propre, mais dans le pur miroir de votre con-
science. Voulez-vousdonc savoir si, clans !c cas ou la
cou-
ronne et le sceptre vous seraient enlevés, celui qui chante
aujourd'hui des hymnes en votre honneur ne compose-
rait pas des satires contre vous; si ceux qui maintenant
vous funt place avec respect ne se précipiteraient pas sur
vos pas pour vous insulter; si l'on ne rirait pas de vous le
premierjour, si l'on ne vous mépriserait pas froidement le
second, et si le troisième on n'oublierait pas votre exis-
tence, ou bien si l'on honorerait encore en vous l'homme,
qui pour être ~rand n'avait pas besoin d'être roi in-
terrogez-vous vous-nternes. Si vous ne voulez pas ia pre-
mière de ces choses, mais ta dernière si vous voûtez que
nous vous ttonorions pour vous-tnemcs, il iau! que vous
soyez honorabtes. Or rien ne rend i'houune honorahte,
que sa libre soumission a ia v~'itc û! au (!roit.
Vous n'avez pas le droit <!o détruire ccnc lihrc soumis-
sion mais itvous est pennisuc tu favoriser, –et vous no
le pouvez, pour ainsi '!irc, que par l'iut<)'et que vous y
montrez vous-m~ncs,par t'obuissitncc avec iaquc!!cvousen
écoutez les rcsu!tats. Quant aux marques d'honneur que
vous pourriez accorder :'t ceux qui aiment ta v/'ritc et qui
la citcrchcnt, i)s ont rarcïncnt besoin pour les
~n
autres, ils n'en ont jamais hesoin pour ~nx-n~mcs.
Leur gloire ne dépend pas de vos signatures et de vos
sceaux elle réside d~ns le ca;nr de leurs contemporains,
qu'ils ont ~ctaires; dans le !ivrc de la postérité, qui a!!n-
mera son flambeau a leur tampc; clans le monde spiri-
tue!, oit tes titres que vous donnez n'ont aucune valeur.
Les récompenses, mais que dis-je, les récompenses?–
les dedommag'emcnts qu'on !eur utn'e pour le temps qu'ils
ont perdu au service des auh'cs sont hicntnin d'acquitter
les obtig-ations que !a societt'' a conh-actL'es envers eux.
Ils trouvent en eux-mêmes de p!))S hautes récompenses
jevenx dire une plus libre activité, et un phts ~rand déve-
loppement de leur esprit, ~csr~ompcnscs-ia, ils n'ont
pas besoin de nous pour se les procurer. Pour tes autres
dedomma~cm<'nts, ayez soin de les leur onrir (te telle
sorte qu'its ne tes déshonorent pas, mais vous honorent.;
onrcx-Ics-Iuur comme des hommes libres il des hommes
libres, si bien qu'Us puissent aussi les refuser. Ne les leur
donnez jamais pour les acheter; vous n'achèteriez pas
alors des serviteurs de la vérité ceux-ci ne sont jamais
a vendre.
Dirigez tes rochcrchcs de l'esprit d'investigation vers
les besoins les plus actuels et tes plus passants do l'hu-
manité; mais dirigez-les d'une main douccct sage, non
en souverains, mais en libres collaborateurs, non en des<
potes des esprits, mais en bons associés. La contrainte est
iatate a la vérité; cette-ci ne pf~ t!eurir que dann !a
Hhrc atmo~pherp de sa patrie, te inonde des esprits.
Et surtout,– apprenez ennn connattrc vos v~'itabtcs
ennemis, ceux qui seuls se rendent, coupables envers vous
rie tese-majeste, ceux qui seuls portent aUcinte a vos
droits sacr~ et a votre personne. Ce sont ceux qui vous
conseillent de laisser vos peuples dans l'aveu~ctnont et
l'ignorance, de répandre parmi eux de nouvelles erreurs,
d'entretenir soigneusement les anciennes, d'empêcher ot
de défendre la libre recherche en tout g'enro. Ils tiennent
vos royaumes pour des royaumes do ténèbres, qui ne peu-
vent absolument subsister a la lumière, ils croient que vos
droits ne peuvent s'exercer que dans les ombres de la nuit,
et que vous ne sauriez gouverner que des aveugles et
des sourds. Celui qui conseille a un prince d'empêcher,
dans son peuple, le probes des lumières, lui dit en face
« Tos prétentions sont de tetle nature, qu'elles révoltent
la raison de tous les hommes il faut que tu lY'tontles;
tes principes et tes actes ne souffrent pas la lumicre ne
permets pas a tes sujets de s'éclairer, si tu ne veux pas
qu'ils te maudissent; tes facultés intellectuelles sont fai-
bles ne permets pas a ton peuple de s'instruire, si tu ne
veux pas qu'il te méprise. Les ténèbres et !a nuit, voila
ton élément: il faut que tu cherches a les répandre au-
tour de toi le jour te forcerait A fuir. ?
!t n'y a que ceux qui ont une vraie confiance en vous et
une vraie estime pour vous, qui vous consentent de ré-
pandre ics mmieres autour de vous. Ils tiennent vos droits
pour teitement fondus, qu'aucune lumière ne ocut !eur
mure vus (k's~ctus pour tclieutent ho!ts, qu'ils ne peuvent
que ~ner au ~raud jour; votre cceur pour îeuemcnt
noble, que vous-mêmes vous sauriez voir vos iautesa cotte
tumicre,et({uc vous souhaiteriez même de tes voir fuin de
tes pouvoir corriger. Ils exigent de vous que, comme la
Divinité, vous habitiez dans la lumière, atm d'engager tous
les hommes a vous honorer et a vous aimer. l~coutez-tes
seulement, et ils vous distribueront tours conseil sans
demander ni louante ni salaire.
CONSiDKRATiONS

DEST~EES A ÏŒCTIFIER LES JUGEMENTS !)U PUHLÏH

SUttt.A

RÉVOLUTION FRANÇAISE
,')
t~ËtACE

La Révolution française intéresse, ce me semble, l'hu-


manité tout etttn''re. Je ne parte pas des conséquences
politiques qu'elle a eues pour la France aussi bien que
pour les Ët:Us voisins, et qu'elle n'aurait peut-être pas
produites si ces derniers ne s'en étaient mctés de leur
propre chef et n'avaient eu en eux-mêmes une connance
irrcnuchic. Tout cela est beaucoup en soi, mais n'est rien
au prix de quelque chose d'incomparablement plus impor-
tant.
Tant que les hommes ne seront pas plus s~ges et plus
justes, tous leurs cn'orts pour se rendre heureux seront
inutiles. Ils ne sortiront des cachots du despotisme que
pour s'entre-tuer avec les débris de leurs chaines. Mais ils
seraient trop A plaindre si leur propre matheur ou si le
malheur d'autrui, les avertissant à temps, ne pouvait les
ramener enfin à la sagesse et a la justice.
Aussi tous les événements de ce monde me paraissent-
ils des taMeaux instructifs, que le grand Instituteur de
l'humanité expose devant elle, afin qu'elle y apprenne ce
qu'elle n besoin de savoir. Non qu'cHe l'apprenne r/'c~:
nous ne trouverons jamais dans l'histoire du monde que
ce que nous y aurons mis d'abord nous-mêmes mais, en
s'appliquant a juger les événements réels, clle tire plus
aisément d'eUe-méme les trésors qu'elle recèle. C'est ainsi
queJla Révolution française
me semble être un riche ta-
bleau sur ce ~rand texte les droits de l'iiomme et la
dignité de l'Jtommc.
Mats !c but n'est certainement
pas qu'un petit nombre
d'élus sachent, ce qui nh'-rite d'être
su, et que, dans ce
petit nombre, un plus petit, nombre
encore rissent en
conséquence. La science des devoirs, des droits et de ta
destinée de l'homme au delà (tu tombeau n'est pas le
pri-
vilège exclusif de l'école le temps viendra ou tes
diennes de nos enfants tour apprendront a par!eren
gar-
leur
inculquant (tes idées justes et précises
sur les dcu.\ prc-
nners points; ou les mots devoir et droit seront les pre-
miers qu'elles tes exerceront
a prononcer, et oit cette ter-
rible parole a Cela est. injuste,
sera le seul châtiment
qu'eltes leur appliqueront. Que i'ecotc
se contente donc
de garder avec honneur !cs
armes dont cUc a besoin pour
défendre ce bien commun de l'humanité
contre tous les
sophismes ultérieurs, qui ne s'eievcnt
que dans son sein
et qu'eUe seute pourrait répandre an dehors; mais
que les
résultats mêmes soient communs,
comme l'air et la lu-
mière. Ce n'est qu'en propageant ces résultats, ou plutôt
en écartant les tristes préjuges (pli les ont jusqu'ici
em-
pêchés de se développer dans les âmes,
que ses propres
connaissances deviendront vraiment claires, vivantes
et
tccondcs. Tant que vous parlex de
ces choses dans vos
écoles avec des ~cns du métier et suivant la forme
pres-
crite, cette forme vous lait illusion
aux un~ et aux autres;
une fois que vous êtes d'accord Ia-dcssus,vons vous adres~
sez réciproquement des questions auxquelles il vous se-
rait diHicile de donner une réponse claire. Mais introdui-
sez dans vos entretiens sur la conscience, sur le juste et
l'injuste, une mère éprouvée par les douleurs de l'enfan-
tement et accouturnée a l'éducation des enfants,
un gucr-
rier blanchi au milieu des dangers, un di~ne campagnard,
et vos idées gagneront en clarté, en môme temps
que
vous éclah'cirey. les leurs. Mais ce n'est pas encore là le
plus important. A quoi bon ces lumières, si elles
ne
pénètrent pas en générât dans ta vie? Kt comment
peu-
vent-elles y pénétrer, si elles restent étrangères a la plus
grande partie des hommes? Les choses ne peuvent de-
meurer comme elles sont actuellement; j'en ai pour
garant cette étincelle divine qui brille en notre cœur, et
qui nous reporte vers un être souverainement, juste
et
souverainement puissant. Attendrons-nous pour bâtir que
nos cabanes aient été emportées par le torrent déborde?
Voulons-nous faire des leçons sur la justice A de farou~
ches esclaves, au milieu du san~ et des cadavres?!!
est
temps de (aire connaître au peuple la liberté il la trou-
vera des qu'il saura ce qu'elle est, et de cette manière il
n'embrassera pas la licence au lieu d'eue, et
ne reculera
pas de moitié en nous emportant avec lui. Il n'y a pas de
moyen capable de détendre le despotisme; peut-être en
est-il quelqu'un pour persuader au despote de s'affranchir
de sa longue misère, car en nous faisant du mal il se
rend encore plus malheureux que nous, de descendre
vers nous et de devenir le premier entre des égaux. En
tous cas, il y a un très sur moyen d'empêcher les revo*
lutions violentes, mais il n'y en a qu'un c'est d'instruire
solidement le peuple de ses droits et de
ses devoirs. La
Révolution française nous fournit a cet cgard des indica<
tions et des couleurs propres A rendre le tableau écla-
tant pour les yeux les plus faibles; une autre révolution,
incomparablement phts importante que je n'ai
pas
besoin ici de désigner autrement, nous
en a fourni la
matière.
Les signes (lu temps ne sont pas en général restés ina-
perçus. Certaines cttost's sont devenues la conversation du
jour; auxqueUe~ on ne songeait pas auparavant. Des etttre-
tiens sur les droits de l'homme, sur la lilterté et l'égalité,
sur la sainteté des contrats, sur !a religion du semant,
sut' les loadements et les limites des droits d'un monar-
que, viennent quelquefois, dans des cercles brillants ou
obscurs, détourner la conversation des modes nouvelles
et des vieilles aventures. On commence a s'instruire.
Mais le tahieau que nous avons devant les yeux ne sert
pas sculonent a notre instruction il nous donne aussi
l'occasion (le sonder exactement les esprits et les ccaurs.
D'une part, l'antipathie pour toute indépendance de la
pensée, le sommeil de t'esprit et son impuissance suivre
même une courte série de raisonnements, les préjuges et
les contradictions (lui se sont répandus sur tous nos frag-
ments d'opinions;–d'autre part, les enorts de certaines
gens pour qu'on ne dérange rien a leur douée existence,
Fc~oïsme paresseux ou insoicnt, ta peur de la vérité ou la
persistance à fermer les yeux quand sa lumière nous con-
trarie –tous ces vices ne se revêtent jamais plos mani-
festement que quand it est question de ces objets si lumi-
neux et d'une portée si générale les droits de l'homme
et les devoirs de l'homme.
Contre te dernier de ces maux, il n'y a point de remède.
Celui qui craint la vérité comme son ennemie, celui-là
saura toujours la tenir a distance. Elle a beau le suivre
dans tous les coins et recoins ou il se. cache, il trouvera
toujours un nouvel abri danë le fond de son cœur. Qui-
conque a besoin d'une dot pour épouser la beauté céleste,
n'est pas digne d'elle. Si nous cherchons a faire entrer
un certain principe dans ton esprit, ce n'est pas du tout
parce qu'il est. le principe mais parce (fu'it est vrai; si le
contraire (~tait vrai, nous t'iuculquerions le contraire', parce
qu'il serait vrai, et sans nous pi't'ot'cupcr ()e sa nature ou
de ses conséquences. Tant que tu ne te tonneras pas a
cet amour de ta vérité pour elle-même, tu no nous seras
Iton a rien; car cet amour est ta première préparation
celui de ta justice pour dtc-mcmc; il t'st !c prunier p:~
vers in pureto du caractère uc to vantu pas de la posséder
tant que tu n'ns pas tait ce pas.
Contre le prenne!' tn.djc veux dire contre ics préjuges
et l'inertie de l'esprit, n y a un moyen t'instruction et
t'aide d'un ami.. Je voudrais être cet ami pour celui qni
en aurait besoin et. n'en trouverait pas de meilleur sous la
main. Tel est te motif qui m'a tait écrire ces feuilles.
J'ai indique soit dans l'introduction,soit dans le second
chapitre, le plan de mon travail. Ce premier volume ne
devait être qu'un essai, et c'est pourquoi j'ai dépose in
plume après avoir écrit la moitié du premier livre. JI
dépend du public que je lu reprenne, ne t'ùt-ce que pour
achever ce premier livre. Kn attendant, la nation Iran'
C:use pourrait bien nous fournir une plue riche matière
pour le second, qui doit nxer les principes nécessaires a
l'appréciation de la sagesse de sa constitution.
Si ces fcuitics viennent a tourner entre les mains de
vrais savants, ils verront très aisément sur quels tonde"
mcntsje me suis appuyé; pourquoi, au lieu d'adopter
une mcthode strictement systématique, j'ai conduit mus
pensées suivant un fil plus populaire; pourquoi je n'ai
jamais détermine les principes avec plus de précision que
ne ~exigeait le besoin du moment; pourquoi j'ai laissée a
<'t la d~ns le style plus d'ornement et de t'en qu'il n'ctitit.
peut-être nécessaire et ils comprendront qu'une apprf'
ciatiuu véritablement phitosophique de ce travail ne
sera guère possible que quand le premier livre sera ter-
mine.
Quant aux lecteurs ignorants ou a moitié savants, j'ai
encore quelques remarques extrêmement importantes
taire /« c~'co~~c~i avec laquelle cna doit !y </e
ce livre (1).
Si, après tout ce que j'ai dit jusqu'ici, j'assurais encore
A mes lecteurs que je tiens pour vrai ce que j'ai écrit, je

ne mériterais plus d'être cru. J'ai écrit avec le ton de la


certitude, parce que c'est fausseté que de faire comme si
l'on doutait quand on ne doute pas. J'ai mûrement rene-
chi sur tout ce que j'ai écrit, et c'est pourquoi j'ai des
raisons pour ne pas douter. Or il suit bien de !a que je ne
parle pas sans renexion et que je ne mens pas; mais il ne
s'ensuit pas que je ne ~<? /?e point. J'ignore si je me
trompe ou non; tout ce (me je sais, c'est que je ~o~'<~
ne pas tnc tromper. Mais quand je me serais trompe, cela
ne ferait rien a mon lecteur; car je ne voudrais pas qu'il
acceptât mes assertions sur ma paro!e, maisqu'ii renéchît
avec moi sur les choses dont je lui parie. Fusse-je assuré
que mon manuscrit contrnt la vérité la plus pure et la plus
clairement exposée, je lc jetterais au feu si je savais
qu'aucun lecteur ne dut se convaincre de cette vérité par
sa propre renexion. Ce (lui serait vérité ~o~'MO!, parce
que je m'en serais convaincu, ne devrait être pour lui
qu'opinion, itmsion, préjuge, tant qu'i! n'en aurait pas
encore jugé par lui-même. Un Ëvan~ite divin même
n'est vrai que pour celui qui s'est convaincu de sa vé-
rité. Or, quand mes erreurs ne seraient pour le lecteur

(1) Je demande instamment qu'on ne n''gHgc pas ces rfmarq)~.


qu'une occasion de découvrir lui-même la pure vente et,
de me la communiquer, il serait et je m'estimerais moi-
même assez recompense. Quand elles n'auraient même
pas cet avantage, si seulement elles l'exerçaient a penser
par mi-même, !e pront serait déjà assez ~rand. En gêne-
ra!, un écrivain qui connatt et aime son devoir a pour but.
d'amener le lecteur, non pas a croire a ses opinions, mais
seulement a les examiner. Tout notre enseignement doit
tendre à réveiller l'indépendance de la pensée; autrement
nous faisons un dangereux présent a l'humanité en lui
oiu'ant le plus beau de nos dons. Que chacun ju~c donc
par lui-même s'il se trompe, peut-être en commun avec
moi, j'en suis fâche seulement qu'il ne dise pas que je
l'ai trompe, mais qu'il s'est trompe lui-même. Je n'ai
voulu dispenser personne de ce travail de penser par soi-
même un écrivain doit penser f/cu~ ses lecteurs, mais
non/MM?'eux.
Donc, quand même je me serais trompe, le lecteurn'est
pas du tout oblige de se tromper avec moi; mais je dois
aussi l'avertir de ne pas me iaire dire plus que je ne dis
réellement. Il trouvera dans le cours de ce livre des pro-
positions qui seront plus tard mieux précisées comme le
livre n'est pas uni et qu'il y manque encore d'importants
chapitres, le lecteur peut bien attendre que les principes
qui y sont déjà poses soient détermines d'une manière
plus précise encore par leurs applications ultérieures;
jusque-là je le prie de s'exercer lui-même, s'il le veut bien,
par l'essai de ces applications.
Mais oui! se tromperaitle plus grossièrement, ce serait s'il
voulait se hâter d'appliquer ces principes a sa conduite en-
vers les
États actuellement existants. Que la constitution de
la plupart de ces États ne soit pas seulement extrêmement
défectueuse, mais encore extrêmement injuste, et qu'ette
porte aitomtu il des droits inaliénables dont l'itumme ne doit
pas se laisser dopoui!!er, c'est sans doute ce dont je suis in-
timement convaincu, et. ce dont j'ai travaille et. travaillerai
A convainc: paiement te lecteur. Mais il n'y a pour te

momf'nt qu'une clfiose a taire leur égard accordons-leur


en (ptc nous ne devons pas nous laisser prendre de force,
bien convaincus qu'en ceta Us ne savent pas cux-mcmos
ce qu'ils font; mais en même temps travaillons acquerh'
d'ah')r(t !a connaissance et ensuite l'amour de !a justice,
et a h's répandre tous deux autour de nous aussi loin qno
ponts'eten<h'enotre ccrctc d'action. La dignité de la tibcrte
doit s'eteverdc bas en haut; mais t'atTranchissement ne
peut venir sans desordre que de haut en bas.
« Quand même nous nous
rendrions dignes de la liberté,
tes monarques ne nous permettraient pas d'être tibrcs. a
Ne crois pas cela, 6 lecteur! L'humanité est restée jus-
qu'ici fort en arrière pour tout ce qui lui est nécessaire;
mfus, si je ne me tais pas tout a fait iiiusion, le moment
est venu ou t'aurorc va parattrc, et te grand jour la suivra
en son tenq)s. Tes sages ne sont en gênerai que les aveu-
gles conducteurs d'un peuple plus avcug'tc encore; tes pas-
teurs en sauraient-Hs davantage ? eux qui, pour !a plupart,
sont ctevcs dans i'oisivctc et dans i'ignorancc, ou qui, s'ils
apprennent quelque chose, n'apprennent qu'une vérité
arrange tout exprés pour eux; eux qui, comme on sait,
ne travai!tcnt plus a leur propre culture, dos qu'ils ont
commence a gouverner, qui ne lisent aucun écrit nouveau,
si ce n'est tout au plus quetquos pages bien sophistiquées
et bien dctayccs, et qui sont toujours en retard sur leur
siècle, au moins de toutes les années de leur re~ne. Tu
penses bien qu'après avoir si~né leurs ordres contre la
liberté de penser, et livre dus combats un tant d'hommes
se sont entretues, il ne leur reste plns(pt'à s'en aller durmir
tranquillement, en se disant qu'Us un! vécu un vrai jour
t)c souverain, un jour agréable à Dieu et aux hommes. H

nu sert à rien de parler; car (pu pourrait crier assez haut


pour frapper leur oreille et pénétrer jusqu'à leurcceur
on passant par leur intelligence? Il n'y a que l'action qui
serve. Soyez justes, ô peuples! et vus princes ne pourront
pas persévérer tout seuls dans l'injustice.
Encore une remarque générale, et je laisse le lecteur a
ses propres réflexions!–Une lui importe pas de çon-
naitrc mon nom; car il ne s'agit pas ici d'apprecierla véra-
cité d'un témoin, mais de savoir si les principes, qu'il doit
examiner lui-même, ont ou non quelque valeur. Mais il
était très important pour moi de songer, en composant
cet écrit, a mon siècle et à la postérité. Ma re~tc comme
écrivain est ceUc-ci N'écris rien dont tu aurais a rougir
a tes propres yeux. l'~t l'épreuve que je m'impose a cet e~ard
est dans cette question: Pourrais-tu vouloir que ton siècle
et, s'il était possible, toute la postérité, eussent que c'est
toi qui as écrit cela? J'ai soumis !c présent écrit a cette
épreuve, et il l'a trcshie~ supportée.c puis m'être tromp<
Dès que j'y découvrirai des erreurs, ou qu'un autre m'en
montrera, je m'empresserai de les retracter; carii n'y a
pas de déshonneur a se tromper. Je me suis sérieusement
attaque a l'un des sophistes de l'Allemagne cela ne désho-
nore pas, cela honore celui (pu n'aime pas la vérité ahnc
son ennemi, il sera le premier auquel je me nommerai,
s'il a quelque raison de l'exiger. Défendre une erreur que
l'on tient pour une erreur, en embrouillant artificieusc-
tnent les questions, en recourant a d'insidieux stratagèmes,
cil mettant de cote, s'il le faut, tout principe de moralité;
fouler aux pieds la morale et ses fruits les plus saints, la
religion et la liberté de l'homme, voil.~ ce qui est désho-
norant, et voila ce que je n'ai point fait. Mon cœur ne me
défend donc pas de me nommer. Mais, dans
un temps où
un savant ne rougit pas, en examinant l'ouvrage d'un
autre savant, de l'accuser de haute trahison, et où il pour-
rait bien y avoir des princes qui accueillissent une pareille
accusation, le lecteur comprendra que la prudence
com-
mande l'anonyme a quiconque est jaloux de son
repos.
Pourtant je prends a l'égard du public l'engagementd'hon-
neur, que j'ai pris avec moi-même, de me faire connaitrc
comme l'auteur de cet écrit, soit dans le cours même de
ma vie, soit après ma mort. Les rares personnes qui pour-
raient me rcconnaitre d'une manière ou d'une autre,
ver-
ront trop bien que rien dans ces feuilles ne les autorise a ne
pas respecter les motils qui m'ont fait garder l'incognito
et qui leur sont inconnus.

L'AUTEUR.
INTRODUCTION

D'At'HHS QUELS PtUKCtPËS FAUT-IL JUGER LES REVOLUTIONS~

Ce y est arrive est chose de savoir, non de juge-


ment. Sans doute, même pour découvrir et discerner cette
vérité purement historique, nous avons grand besoin du
jugement; nous en avons besoin, pour apprécier soit
la possibilité ou l'impossibilité physiques des choses mêmes
qui nous sont données comme des faits, soit la bonne foi
ou la capacité des témoins qui en déposent; mais dés que
cette vente est une ibis établie, et que nous nous en som-
mes convaincus, le jugement a fait son oeuvre, et nous la
confions à notre mémoire comme un bien désormais clair
et assuré.
Mais autre chose est cette appréciation de ta crédibilité
d'un fait, autre chose l'appréciation du fait lui-même,
la réflexion dont il est l'objet. Dans cette seconde espèce
de jugement, l'esprit rapproche d'une certaine loi le lait
donné et déjà reconnu vrai pour d'autres raisons, afin de
justifier soit le fait par son accord avec la loi, soit la loi
par son accord avec le fait. Dans le premier cas, il faut que
la loi, qui sert d'épreuve au fait, soit antérieure à ce fait
et qu'on lui reconnaisse une valeur absolue, la valeur
d'une loi sur laquelle le fait doive se régler, car elle ne
tire pas sa valeur de l'événement, mais c'est l'événement
qui lui emprunte la sienne. Dans le dernier cas, on trouve
Ia!t'iette-meme,(msonptusoumoinsde~enera!ite,en
la comparant avec te fait.
Hien nu jette plus de confusion dans nos jugements, (~
ne n<ms empêche davantage de nous entendre nous-
mêmes et de nous faire enten<)redes autres, <jue (te ne~li-
~er cette importante distinction; que de vouloir jn~'er
sans savon' proprement a quel point devupnons jugeons;
que d'en appeter, an sujet de certains faits, a des lois, a
des vérités ~enrrates, sans saY"ir si nons cuntrotons te fait
par la toi, on ta loi par te fait, si nous employons t'eqncrrc
on ic ni a ptomh.
Tene est la source la pins féconde de tous ces soptnsmcs
insipides où s'égarent a chaque instant non-seulement nos
beaux niessieurs et nos heitcs dames, mais
encore nos
écrivains les plus vantés, quand ils jugent ce grand drame
que la France nous a donne de nos jours.
Lorsque pour nous rapprocher de notre objet

/e,
il
s'agit d'apprécier une revointion, il n'y a que deux ques-
tions possiides, rnne sur sa l'autre sur sa
~p. Dans ta première, on peut demander,
on bien en
générai si un peuple a le droit de changer à son gr~ sa
constitution, ou bien en particniier s'il a le droit de le
iaire d'une certaine manière déterminée, A l'aide de cer-
taines personnes, avec certains moyens, suivant certains
principes. La seconde question revient à cciïe.ci Les
moyens adoptés pour atteindre le but que l'on se propose
sont-ils !es mciueurs? ou, pour la poser comme ie veut
l'équité, étaient-ce les meilleurs
~o~c~ ?
~a~ <~<WM~M~

D'après quels principes aurons-nous à juger


ces ques-
tions? A quelles lois rapporterons-nous les faits? A des lois
que nous tirerons de ces faits, uu sinon de ces laits mêmes,
du moins de faits d'expérience en générât, ou Ineu a des
lois éternelles, qui n'en auraient pas eu moins de valeur
quand il n'y aurait en absolument aucune expérience, ou
qui n'en conserveraient pas moins !a même videur quand
toute expérience viendrait a disp:)rattre? Dirons-nous Ce
qui est arrive te plus souvent est juste; et déterminerons-
nous le bien mond d'après ta majorité des actc~ c~mme
on détermine dans tes concites ms dogmes ec't'iesiai:tiqucs
d'après !a majorité des veix? Dirons-nous: (!e qui réussit est
sa~e? Ou bien, réunissant tes deux questions,p!acerons-nous
dans te succès la pierre de touche de ta justice et de la
sagesse, et attendrons-nous l'événement, pour appt'tcr un
brigand héros uu meurtrier, et Socratc un tnatfaiteur ou
un vertueux philosophe?
Je sais que beaucoup doutent qu'it y ait en ~encrai des
lois éternelles de la vérité et du droit, et n'admettent
d'autre vérité que cette (lui est déterminée paria majorité
des voix, d'autre bien moral que celui qui résulte du cha-
touillement plus ou moins vil des nerfs. Jo sais qu'ils ab-
diquent ainsi leur spiritualité et teur nature raisonnable,
et qu'ils se transforment en animaux que l'impression
extérieure détermine irrésistiblement au moyen des sens,
en machines que meut fatalement l'engrenage d'une roue
sur une autre, en arbres on la circulation et la distilla-
tion des sucs produit lu fruit de la pensée; je sais que,
par cette assertion, ils se réduisent immédiatement eux-
mêmes à la condition de toutes ces choses, pour peu que
leur machine à penser soit bien reliée. Il n'entra pas dans
mon dessein de prendre ici contre eux-mêmes !a défense
dû leur humanité, et du leur prouver qu'ils ne sont pas
des animaux privés de raison mais de purs esprits. Si
l'horloge do leur esprit va bien, ils ne sauraient comprendre
nos questions, et prendre part a nos recherches. Comment
s'elevcraient-ils aux idées de la sagesse ou (tu droit?
Mais j'en vois d'autres qui, tout
en défendant expres-
sément ces lois primitives (tu monde des esprits, ou du.
moins en les acceptant tacitement lorsqu'ils n'ont
pas
encore pousse ieurs recherches jusqu'à cette extrême li-
mite, et tout eh construisant sur des Ibndements
que leur
fournissent ces principes, se sont dej:'t décides en faveur
d'un jugement qui se règle sur les lois de l'expérience. !!s
ont pour eux le public instruit, (mi voudrait Lien faire
valoir sa connaissance des choses, cette connaissance qui
lui tient si fort a cœur, Us ont le public dissipe et
super-
ficiel, qui redoute tout travail d'esprit, et veut voir,
entendre et toucher tout avec ses yeux, ses oreilles et
ses
mains; ils ont les classes favorisées, qui attendent de l'ex-
périence passée un jugement avantageux;–ils ont tout
de leur cote, et il semble qu'il ne reste plus de phce
pour
l'opinion contraire. -Je voudrais être lu, je voudrais trou-
ver accès clans l'âme du lecteur. Que dois-je faire? Essayer
si je ne trouverai pas quelque
moyen de me concilier la
foule.

La question de savoir si un peuple a le droit de changer


sa constitution, –ou cette question plus particulière, s'il
a le droit de le faire d'une certaine façon, doit donc, a
les entendre, être résolue au moyen de l'expérience, et c'est
réellement au moyen de l'expérience qu'on en cherche la
solution.Dans la plupart des réponses qu'on a faites aces
questions et que l'on y fait encore chaque jour,
on a, en
cfïet, suivi des principes d'expérience, c'est-à-dire ici,
pour
prendre ce mot dans son sens te plus général, ~o~o~
~o/~ <y~c ?tM/~ ~f/«'< 6< /<* ~c~/ ~<~w/yc ~o~
~P; ~~M /<'S ~WC~ ~~J'6'C~M ~C
~<~c, ~M/ y~c ~M~ /cs c~Ct'?'/MM c/6'~c~ <y~'<f~
.t'e/~ y~/?'e </<' /?'6'<<?~ et ces
princtpes ont sur ces solutions une influence qui s'exerce
de deux manières, ou ~o/w~Me~, ou ~o/o/c-
et Mucc c~/Mc~~c<
Les principes d'expérience ont sur !cs jugements que
nous portons une inuuence dont nous n'avons pas con-
science, parce que nous ne Jes tenons pas pour des prin-
cipes d'expérience, pour des propositions que nous avons
admises sur la foi de nos sens, mais pour des principes
purement spirituels ctetcrncHcment vrais.–La seule au-
torite' de nos pères ou de nos maitres nous tait admettre
sans preuve, comme principes, certaines propositions qui
n'en sont pas et qui ne sont vraies qu'autant qu'ettes peu-
vent être dérivées de principes encore plus e!evcs. En
entrant dans le monde, nous retrouvons nos prétendus
principes chez tous les hommes avec lesquels nous sommes
en rapport, parce qu'eux aussi les ont admis sur la foi de
leurs parents et de leurs maîtres. Personne ne les contre-
disant, nous ne nous apercevons pas de ce qui leur manque
du côte de la certitude, et nous ne sentons pas le besoin
de les remettre l'examen notre ibi en l'autorité de nos
maîtres est complétée par ccMc qui s'attache au consente-
ment gênerai. Nous les trouvons partout connrmcs par
l'expérience~ et cela précisément parce que chacun les
tient pour des lois générales, et règle sur eux sa conduite.
Nous en faisons nous-mêmes la règle de nos actes et
de nos jugements, et a chaque nouvelle application ils
s'unissent plus inumf'ment a nntre moi, et unissent
par s'y incorporer, a tel point qn'ds ne disparaîtraient
qu'avec iui.
Tet!e est foraine du système générât de t'opinion popu-
iairc, dont on nous donne ordinairement les résumais pour
des sentences dn sens commun; mais ce sens commun ta
a ses modes tout aussi inen ({ne nus n'a~ et nos frisures.
–il y a vin~t ans nous tenions pour malsains les eon-
('omtn'es non pt'cssm'<s, illlyllll'll'lltll ce sont ies concombres
pressures que nous tenons pour mu!sains; et cela par les
tnemes raisons (pu ibnt (pt'aujoun!'hui encore ta plupart
d'entre nous pensent (ju'un homme peut être le ~<<'
d'un autre homme, qu'un citoyen peut, par le iaitdesa
naissance, a certains privite~es (pte n'ont pas
ses concitoyens, <prun prince est destine n iaire ie
de ses sujets.
Essayez un peu, –je vous ie demande n vous tous qui
joignez a la profon(!eur de Kant ia méthode popuhure de
Socratc,–essayez de déraciner la prcnnere proposition
de l'esprit incuite d'un propriétaire d'esclaves, ou ia se-
conde de celui (l'un ancien noble ignorant; prcssex-ie
de questions, de questions faciles a entendre même pour
un entant. JI comprend vos prémisses, il vous les accorde
toutes avec une entière conviction;–tirez a présent
la conclusion redoutée, et vous admirerez comment cet
homme, jusque-ta si clairvoyant, est devenu tout à coup si
absolument avenue qu'il ne peut p!us saisir ie lien si ciair
de votre conséquence avec votre majeure. C'est qu'aussi
votre conséquence est reeUemcnt en contradiction
avec
6w< simple bon sens.
Or ces propositions,-qu'eues soient
ou non exactes
soi, c'est-à-dire qu'eues se déduisent des principes
aux-
quels on les ramené, ou qu'eues leur soient contraires,
ces proposions sont, (tu ununs pour celui qui tes a
admises sur !a fui de ses maures, de ses concitoyens ou
de son expérience, de simph's principes d'expérience, et
tous !cs jugements qu'H y fonde sont des jugements d'ex-
périence. J'indiquerai, dans le cours de ce trayait, plu-
sieurs préjuges potititpu's (te ceuu espèce, ~~y~< du
moins pour celui qui ne tes a pas examines ~c~'c-
w~, et je chercherai jusqu'à quet point ils s(mt exacts.
Tene est l'inuucnce que la sensihinte, cet instrument
de l'expérience, exerce a notre insu sur notre <~e;
dans les jugements tient il s'unit ici. KHe en exerce
une autre non moins inaperçue et tout aussi puissante sur
notre t~/M~, et par ia sur notre ju~emcnt~ au moyen du
sentiment obscur de notre intérêt.
Notre jugement dépend très souvent de i'im pulsion de
nos penchants, et cela est vrai slirtout en matière de droit.
Les mêmes injustices nous semblent beaucoup plus dures
quand elles ~o:~ frappent que quand elles frappent autrui.
Oui, notre penchant fausse souvent notre jugement a un
degré beaucoup p!us eteve encore. A force (te présenter
aux autres et de nous présenter enun a nous-mêmes sous
un masque honorahte tes prétentions de notre cgotsiuc,
nous en faisons des prétentions et nous crions
at'injusticc quand on ne fait souvent autre chose que de
nous empêcher d'être injustes. Ne croyez pas
cependant
que nous Ycuhons vous tromper; nous nous sommes
trompes nous-mêmes longtemps avuntvous. Nous croyons
très sérieusement a la ie~itimite de nos prétentions; en
cherchant vous faire illusion, nous ne faisons pas sur
vous notre premier essai it ya longtemps que nous nous
faisons illusion à nous-mêmes.
On traite t~/o/ï~'r~~ et avec conscience !es ques-
tiens dont il s'agit par des principes d'expérience, quand
on veut les résoudra au moyen des faits de l'histoire.
H est itimcitc de croire que celui qui tente
une solution
de ce genre ait proprement conscience de cèdent il s'agit;
c'est pourtant ce qui apparaîtra clairement dans ta
suite.
Croyons-nous donc traiter ces questions par les prin-
cipes dont nous parlons? par des principes que nous avons
admis sur la foi d'autruiPMais si ces principes eux-mêmes
étaient faux, la solution que nous y fondons serait aussi
nécessairement fausse.Sans doute ceux dont l'autorité
nous a servi a former notre système d'opinions les tenaient
pour vrais; mais s'ils se trompaient? Sans doute notre
nation et notre siècle les tiennent aussi pour vrais; mais
ne savons-nous pas, nous qui savons tant de laits,
ne savons-nous pas que l'on reconnaît généralement pour
vrai à Constantinopic ce que l'on reconnaît générale-
ment pour taux a Home?–. Ne savons-nous pas qu'il y
a quelque cent ans on regardait généralement comme
vrai à Wittemberg et a Genève ce que l'on y tient au-
jourd'hui non moins généralement pour une erreur
funeste ? Si nous étions transportés chez d'autres nations
ou dans un autre siècle, conserverions-nous encore nos
principes actuels, bien qu'ils se trouvassent alors en con-
tradiction avec l'opinion générale, c'cst-a-dire avec la
pierre de touche qui nous sert à discerner la vérité? Ou
bien ce qui aurait été vrai pour nous jusque-là cesse-
rait-il de rétro? Notre vérité se régle-t-cuc sur le temps
et les circonstances ?
Quelle espèce de réponse cherchions-nous donc
pro-
prement ? Une réponse bonne uniquement pour notre
siècle ou pour les hommes dont les opinions s'accordent
avec les nôtres? Nous aurions pu alors nous épargner
la peine de !a chercher; ils résoudront sans nous la ques-
tion exactement connue nous. Ou bien voulions-nous

une solution bonne pour tous les temps et tous les peuples,
bonne pour tout ce qui est homme? Nous devons alors
l'établir sur des principes dont la valeur soit universelle.
Accordcrons'nous une innuencc a notre ~/c~ quand
c'est de ~'o~ qu'il s'agit?–ou, en d'autres termes, ferons-
nous de notre inclination une loi morale universelle pour
l'humanité tout entière? II cstvrni, û chevalier de la
toison d'cr, qui n'es rien de plus que cela, –il est vrai,
et personne ne te le conteste, qu'il serait tort désagréable
pour toi (le voir tout a coup disparaître du monde le
respect qui s'attache a ta haute naissance, a tes titres et
a ton ordre, de n'avoir plus a conqjter pour être honora
que sur ton mérite personnel, et de perdre tous ceux de
tes biens que tu possèdes illégitimement; il est vrai
que tu serais le plus méprisable et le plus pauvre de tous
les hommes, que tu tomberais dans la plus profonde
misère mais pardonne, la question n'était pas de savoir
si tu serais misérable ou non; il s'agissait de notre droit.
Tu penses que ce qui te rend misérable ne saurait être
juste. Mais vois ces esclaves moriaillables que tu as
opprimes jusqu'ici; ce serait véritablement les rendre
fort heureux que de partager entre eux ceux de tes trésors
que tu possèdes ajuste titre; de taire de toi leur esclave,
comme ils ont été les tiens jusqu'ici; de prendre tes fils
et tes filles pour en faire leurs valets et leurs servantes,

la charge de leur
rabattu jusqu'ici;
le
comme tu prenais toi-même leurs filles et leurs fils
pour en iairc tes servantes et tes valets; de t'imposer
gibier, comme ils te l'ont
ils nous crient: le riche, le pri-
vifegi~ n'appartient pas an peuple; il n'a point de part
aux droits universels des hommes. Tel est /c~' intérêt.
Leurs raisonnements sont aussi sondes que les tiens, us
pensent que ce qui les rend heureux ne peut pas 6tre in-
juste. Devons-nous ne pas les écouter? Permets donc que
nous ne t'ccoutions pas non plus.
Il est dil~cile, même avec la meilleure volonté et l'esprit
le plus lucide, de se préserver de cette secrète illusion de
la sensibilité. On ne devrait écouter en cette recherche
aucun noble (i),aucun militaire d'un Etat monarchique,
aucun houunc d'aitaires au service d'une cour déclarée
contre la Révolution française (2). Le vulgaire bourgeois
qui ~enut sous le poids des lourds impots, te paysan sou-
mis au joug, le soldat meurtri de coups s'en mêleront-ils
donc? Ou faudra-t-il les écouter, s'ils le font? Celui
qui n'est ni oppresseur, ni opprime, dont les mains et le

(i) Je parle de celui qui n'est que nobte. Le public allemand honore
en beaucoup d'hommes appartenant aux plus grandes maisons une plus
haute noblesse, celle de l'esprit, et je t'honore certainement autant que
personne. Je me borne ici à nommer le &(~o~ de Knigge et le noble
auteur des Pe~cM ~'«~ ~n'u/e f~not's sur les or~M pcrn~<-
~t~, etc.
(2) Aplus forte raison un te! homme ne dcvrait-it pas se faire, dans
le plus important des journaux savants de PEuropc, le juge des écrits
qui se rapportent à ces questions, et par conséquent l'interprète
apparentde l'opinion nationate.–Pourmoi, du moins, si i'ou trouvait
cet écrit digne d'être mentionne, je prie que i'on me fasse grâce du
jugement des empiriques. Ils seraient jhgcs en leur propre cause.
Qu'on me dopnc pour juge un penseur spéculatif, ou qu'on ne m'en
donne aucun. Pourtnnt toute rcgte a ses exceptions. Je fais, par
exemple, le pins grand cas de l'ouvrage de M. Brandes, secrétaire
intime de cbanccttctie en Hanovre, sur la Hevotution française. On y
t
sent un esprit indépendant et honaete, et l'on n'y émarge aucun
détour de mauvaise foi.
patrimoine sont purs clu pi!!a~'e des nations, dont la t~te
n'a pas été façonna des sa jeunesse sur la fonnc ccnven-
tionncHe de notre siècle, dont iecu~u'est r<'mph d'un
chaud mais cahne respect pour h dignité et les droits de
Fbommc, cetni-ta seu! peut être ju~e ici.
Tehcs sont les secrètes illnsions de lit s~nsibititc. On en

résoudre la question /?~' /o~


appuie évidemment a son t(''moi~na~c, quand on veut
Est-il vrai cepen-
dant qu'i! ait pu reeuement y av'ir des hommes~ des
hommes d'un esprit juste, des savants, qui aient cru
repondre par ce qui est on a été a cette question qu'est-
ce qui <être? –Ce!a est impossible; nous ne !es avons
pas bien compris; ils ne se sont pas bien compris eux-
mêmes. Sans nous en~a~'er avec eux en de rigoureuses
démonstrations, ce qui est ici tout fait en dehors de
notre plan, nous voulons seulement chercher a leur faire
comprendre clairement leurs propres paroles.
Lorsqu'ils parlent de ce qui r~ ~'c', ils veulent
exprimer immédiatement par là quelque chose qui ~c~/
~c~/rc~c~~ car pour ce qui est nécessairement
comme il cst~ et ne peutahsohuncnt pas être autrement,
nul homme raisonnable ne recherchera si cela r~ être

~<
ainsi ou autrement. Ils reconnaissent donc immediatc-
tYtent~ en appliquant cette expression a certaines choses,
qu'elles sont ~'ccM~ ~c/A'.
Ils ne peuvent vouloir et ils ne voudront attribuer cette
indépendance on cette Mc~c, c'est tout un–, a rien
autre chose qu'aux resolutions des êtres raisonnables, ies-

~t einem So~
~t'n ~nJerM<'{/~A:ùnNen.
3 tF~ ~0 ~M WM~.
~o~.
quelles a ce titre auvent être appelés dos Ils
reconnaissent donc de libres actions dans les êtres raison-
nables.
Ils veulent chercher si ces actions doivent être ainsi
ou
autrement, c'est-à-dire rapporter a une certaine régie
l'action donnée d'une manière déterminée et porter
un
jugement sur l'accord de cette action avec cette règle.
Ord'ou tireront-ils cette règle? Ce ne
sera pas de l'action
qu'il s'agit de juger d'après elle; car l'action doit être
contrôlée par !a règle, et non la règle par l'action. Ce
sera donc d'autres actions libres données par l'expérience?
Peut-être veulent-ils abstraire ce qu'il
y a de c<wwïïM
clans les mobiles de ces actions et les
ramener ainsi a une
~J qui leur serve de loi? Ils ne seront
pas du moins
assez injustes pour vouloir juger un être libre d'après
une
loi qu'il ne saurait prendre
pour règle de conduite,
par la raison qu'elle lui serait inconnue; ils nejugcrpnt
pas l'orthodoxie du patriarche Abraham d'après l'edit de
religion qui gouverne la Prusse, ni la légitimité de la des-
truction des Cananéens par le peuple juif, d'après !es mani-
lestes du duc de Ih'unswick contre les Parisiens. Ils
ne sau-
raient demander a cet être qu'une chose, savoir s'il
a
pronte de toute l'expérience (fui a
pu s'amasser jusqu'à
son siècle, et s'il a suivi la loi qui en résulte. Il faut donc
qu'ils établissent une loi propre a chaque siècle
pour
les actions libres des êtres raisonnables. Suivant
eux
nous avons aujourd'hui de tout autres droits et de tout
autres devoirs que nos pères d'il y a cent
ans; suivant
eux, tout le système moral du monde spirituel sera
com-
plètement changé dans cent ans, en raison de l'accrois-
sement de l'expérience; et eux-mêmes, s'ils parvcnaint
a un âge aussi avancé, condamneraient
alors ce qu'ils
déclarent juste aujourd'hui, et déclareraient juste ce qu'ils
condamnent en ce moment. Mais que dis-je, chaque
siècle 11 faut qu'ils admettent une loi particulière pour
chaque individu, cari! est impossible que chacun soit aussi
fort qu'eux en histoire, et ils n'exigerontsans doute (le per-
sonne qu'il lire ses rentes de conduite d'événements qu'il
ne connaît pas. On bien est-ce un devoir pour nous d'être
des historiens aussi profonds qu''eux, afin (te ne pas demeu-
rer dans cette grossière ignorance de tous nos devoirs?
Enfin, comme leur expérience s'arrête quelque part,
ils arrivent nécessairement à un point. ou ils ne peuvent
plus indiquer d'expérience antérieure. D'âpres queues lois
jugeront-ils alors?–Ou bien cesseront-ils ici d'apprécier
toute action libre au point de vue du devoir? S'arrétc-
ront-ils, par exemple, devant la première resolution
d'Adam, puisqu'il leur est impossible de citer des expé-
riences qui lui seraient venues de ses ancêtres et d'après
lesquelles il aurait du se diriger ?
Telles sont les contradictions où tombent ceux qui veu-
lent qu'on réponde par l'expérience a la question de droit,
et elles seraient beaucoup plus choquantes si par bonheur
pour eux ils n'étaient inconséquents, et si leur cœur ne
leur jouait le tour de sentir plus juste que leur tête ne
pense et que leur bouche ne parle. Nous voyons en effet
qu'ils jugent assez généralement les libres actions de tous
les peuples et de tous les temps d'âpres les mêmes
principes, sans paraitre craindre d'être contredits par
l'expérience de l'avenir, et que ce qu'ils intitulent fausse-
ment preuves historiques ou déductions historiques n'est
autre chose pour eux dans la pratique qu'un choix d'exem-
ples qui servent a représenter d'une manière sensible des
principes primitifs.
Parfois aussi i!s contbndcnt notre question
aveu coMe-ci,
qui un est tout a fait ditïerente 6~<«'~ ~c/~
/M/e~Tant que ia première n'a pas ut)'; ptcinemcnt
résolue, il n'y a pas lieu de poser la seconde.–11 est clair
pour tout esprit, même sans culture, qu'autre chose est
taire son devoir et autre chose chercher son intérêt d'une
manière raisonnable; t'~uote seule était capable d'ob-
scurcir cette vérité et de fermer les yeux à ia lumière
du soleii. Chacun se!it, quand même il
ne l'avouerait
pas toujours, que c'est souvent un devoir de sacrifier
son intérêt bien entendu, que nous sommes tout
a tait libres de le sacrifier même
en dehors de ce cas,
et que nous n'avons a en repondre a personne qu'A
nous-mcmc, tandis qu'au contraire les autres peuvent
exig'er de nous quoique chose de conforme
au devoir et
ie réclamer comme une dette, it
y a !a deux questions
essentiellement distinctes.
Or, s'tis nous accordent reeHement qu'il
y a un </cuo~'
de ce ~enre qui puisse être exige au nom d'une loi
universeltement valable,– et un ~!<u~' ou
un/~i-
~M'~ qui dépende de cette loi, et s'its ne jouent pas
avec les mots, ils nous accordent aussi que cette loi ne
saurait dériver de l'expérience et qu'elle ne peut pas être
sanctionnée par elle, mais que, servant elle-même de
principe une c~ic appréciation do tous les faits de
l'expérience qui y sont soumis, ce ~'c, elto doit être
conçue comme indépendante de toute expérience et comme
élevée au-dessus d'elle. Que s'ils ne nous accordent
pas
qu'il y ait un tel devoir, pourquoi donc
se mêlent-ils
d'une recherche qui dés tors n'existe absolument
pas pour
A*~ ~f/tM So~ett.
/)<e~ o~ A~c/)t<r/'cn.
chimère? Qu'ils nous
eux et. (nn n'est a leurs yeux qu'une
laissent poursuivre tranquillement ~e œuvre, et qu'ils
continuent la leur!
La question du </e~'?' et. (tu ou, ce qui est la
même chose, comme on le verra bientôt, la question du
fM ne ressort nullement du tribunal de l'histoire. Les
réponses de celle-ci ne s'appliquent pas du tout a notre
question; elle nous repond sur tout, excepte sur ce
serait une ridicule
que nous voudrions savoir; et ce
méprise quo de coudre a notre question la réponse
qu'eUe nous fournit. Cette question ressortit a un autre
tribunal que nous rechercherons. Nous verrons plus
bas si la seconde question, celle de la prudence, relève
aussi du même tribunal, et a quelles conditions.
Nous voulons donc juger des laits suivant une loi qui
ne saurait dériver d'aucun l'ait ni être contenu
dans aucun.
Ou donc pensons-nous prendre cette loi? Ou
croyons-nous
la trouver? Sans doute /e ~M, puisqu'il ne faut
il est
pas songer a la chercher hors de nous; non pas,
vrai, dans notre moi, en tant qu'il est forme et laçonne
l'expérience (car
par les choses extérieures au moyen de
celui-là n'est pas notre vcritabte moi, il n'est qu'une ad-
dition étrangère), mais dans sa forme /c ~rc;
et
dans notre moi tel qu'il serait en dehors de toute ex-
périence. La seule dinkulte ici, ce semble, c'est de le
dégager de toute addition étrangère venant de notre édu-
cation, et d'en obtenir la forme originaire dans toute sa
pureté. –Si nous découvrions en nous quelque chose qui
l'expérience, comme étant.
ne pût absolument dériver de
d'une tout autre nature, nous pourrions conclure certai-
nement que c'est la notre forme originaire. Or c'est ce
que nous trouvons réellement
dans cette loi du devoir. Si
cette loi est en nous, et c'est un fait qu'été y est,
puisqu'elle est tout A lait contraire A la nature (te l'expé-
rience, elle no peut être une addition étrangère apportée
par l'expérience, maiscHe doit être ]a forme pure de notre
moi, L'existence de cette loi en nous, ~e /<
conduit donc a la forme originaire de noire moi, et de
nous

cette forme originaire de notre moi se déduit A son tour


l'apparition de la loi dans le fait, connue l'c/~ ~?
M~c.
Pour écarter même le plus léger soupçon de contra-
diction avec moi-même, j'ajouterai tout exprès une re-
manpte l'existence en nous d'une tct)e loi, en tant que
iait, est sans doute, comme toutes les choses de fait,
~o~e a notre conscience par t'cxpericncc (intérieure);
c'est par l'expérience que, dans les cas particuliers, quand,
par exemple, nous sommes entraînes par quelque cou-
pable penchant, nous avons conscience d'une voix inté-
rieure qui nous crie Ne fais pas cela, ce n'est pas juste;
l'expérience nous montre certaines manifestations parti-
culières, certains cn'ets particuliers de cette loi dans notre
cœur, mais elle ne les ~yo~ pas pour ceïn. Elle en est
absolument incapable.
Or cette forme originaire, <y~M~e de notre moi
exige que celui-ci lasse accorder avec elle
ses ibrmes
c~<yc~/c.s, lesquelles sont detcrminces par l'cxpcriencc
et la déterminent à leur tour, et c'est pourquoi elle prend
le nom de c~~w/6'wc~ elle l'exige absolument
pour tous les esprits raisonnables, attendu qu'elle est !a
forme originaire de la rais'on c~ soi, et c'est pourquoi
elle porte le titre de loi; et elle ne l'exige que pour
les actions qui dépendent uniquement de la raison et non
de la nécessite physique, c'est-a-dirc pour les actions
!ibres, et c'est pourquoi e!te se nomme loi ~!o~ Les
expressions qui servent !e plus communément a designer
la manifestation de cette loi et sous !esquc!tcs elie est
connue m~ne de rhumme !e pins ignorant, sont celles do

de ~c/~ ~?',
M'~c/c~cc, de ~~f
/c7'?'6', etc.
de ?'c/oc/<~ ~<c~<'?~'s on

~e que cette loi nous commande est appelé en gênerai


une chose y?~/<?, un r/eu~ ce qu'elle nous défend, une
<c,
chose
première, nous ~c ~ct'
M~~Y~'?'~ f/e~~ï'?'. Nous devons faire ia
faire la seconde.
quaHte (t'ctrcs raisonnables, nous sommes absolument et
Si, en

sans aucune exception soumis a l'empire de cette loi,


nous ne pouvons ~'<?, cow~' tels, ~o?~~ ~~c<~c <?«~'e
ta ou ellc se tait, nous ne sommes donc soumis à aucune
nous~o~uo~. Tout ce que la loi ne défend pas, nous
loi,
pouvons le faire. Tout ce que nous pouvons faire, nous
avons le ~o~ de le faire, puisque ce pouvoir est /<
time,
Ce qui dans notre nature est une condition sans !aquc!~
la loi n'y serait pas possible en gênerai, se trouve com-
pris, aussi bien que ce qu'elle ordonne reeUcment, avec ce
qu'cHc se borne a permettre, sous l'idée de ce
pas ~e~/M par la loi; nous pouvons dire, par censé"
quent, que nous avons le droit d'être des êtres raison-
nables, que nous avons celui de faire notre devoir; tout
comme nous pouvons dire que nous avons le droit de faire
ce que permet la loi morale.
Mais ici se présente une distinction essentielle. Ce que
la loi morale ne fait que nous permettre, nous avons le
droit de le faire; mais nous avons aussi le droit oppose
au précèdent, celui de ~e pas le faire. La loi morale se
tait, et nous rentrons tout fait dans notre libre arbitre.
Nous avons aussi le droit de faire notre devoir; mais
nous n'avons pas le droit oppose a celui-là, celui de ne
pas le faire. De même nous avons le droit d'être des êtres
libres, muraux mais nous n'avons pas celui de ne pas
l'être. Le droit est donc ires dînèrent dans les deux cas
dans le premier, il est réellement amrmatif; dans le se-
cond, il est purement négatif. J'ai le droit. <.le inireec que
permet, la loi morale, signine il dépend de moi de le
faire ou de ne pas le faire j'ai le droit d'être libre et de
faire mon devoir, signifie seulement rien ne peut m'en
empêcher, personne n'a le droit de m'en empêcher. Cette
distinction est innnhnent importante a cause de ses con-
séquences.
Tels sont les principes auxquels nous devons ramener
toutes nos recherches sur la légitimité ou l'illégitimité
d'un acte libre; les autres n'ont absolument aucune va-
leur. Il faut. qu'elles remontent, jusqu'à la forme origi-
naire de notre esprit, et elles ne doivent pas s'arrêter aux
couleurs que leur communiquent le hasard, l'hnbitude,
les préjuges issus d'une erreur involontaire ou propages
a dessein par l'esprit d'oppression. (Elles doivent s'ap-
puyer sur des principes p?'/< j'entends des principes
pratiques, et. nullement &ur des principes empiriques.)
Celui qui n'est pas d'accord avec lui-même cet cg'nrd
n'est pas encore mur pour le jugement dont il s'agit ici.
H errera dans les ténèbres et cherchera son chemin en
tâtonnant; il se laissera entraîner au torrent de l'associa-
tion de ses idées, et attendra que sa bonne fortune le
jette sur le rivage; il entassera au hasard des matériaux
hétérogènes dans l'ordre ou il les aura tirés de la surface
de sa mémoire il ne sera compris de personne et ne se
comprendra pas lui-même, et il obtiendra les sum'ages
du pnbtic mondain qui se reconnaît en lui. Atais il n'entre
pas dans mon dessein de raconter l'histoire des auteurs
qui ont écrit sur ce sujet.

Lu seconde question qui pouvait se présenter dans l'ap-


préciation d'une ruvolutton concernait~ M~c~f; il s'agit
de savoir si l'on a choisi les meilleurs moyens, du moins
dans les circonstances on l'on so trouvait pour atteindre
le but qu'un se proposait.
Et ici nos grands connaisseurs serrent leur~ rangs plus
etroitcment encore, bien surs que cette question une
question de sagesse relevé uniquement de leur tri-
bunal. L'histoire, s'ecrient-ils, l'histoire est la surveillante
de tous les temps, l'institutrice des peuples, l'intaillible
prophetcsse de l'avenir; mais, sans écouter leurs dé-
clamations, décomposons la question dont il s'agit et
voyons quelles questions y sont rcin'ermees de cette ma-
nière, chacun pourra prendre pour lui ce qui lui appar-
tient, et nous pourrons alors dire deux mots de cette
histoire qu'ils vantent si tort.
Pour apprécier le rapport des moyens choisis avec un
certain but, il faut avant tout juger la honte du but lui-
même, et la honte du but, dans le cas présent, est celle
d'une chose qui doit servir de principe a une constitu-
tion politique. Cette question Quelle est la meilleure
mi do l'association politique? dépend de Ja solution de
celle-ci Quelle est la Un de chaque individu? La réponse
cette dernière question est purement morale et doit se
l'oadersurla loi morale,qui seule gouverne l'homme comme
homme, et lui impose un but final. La condition qui en
dérive immédiatement, et sans laquelle il n'y a pas d'as-
sociation politique moralement possible, c'est que !c but
final de cette association ne soit pas contraire celui que
ta loi monde présent a chaque individu et que, pour
atteindre te premier, on n'entrave pas ou ne détruise pus
le second. Un but final qui pèche contre cette règle fon-
damentale est déjà condamnable en soi; car il est injuste.
Mais il faut, en outre, pour que l'association tout entière
ne soit pas tout a fait sans but, qu'il seconde le but dernier
de chaque individu. Seulement, comme cela se peut faire
a bien (tes degrés et qu'il n'y a pas ici de degré suprême
a indiquer, puisque cela monte a l'infini, la honte du but
final, a ce point de vue, ne peut se déterminer suivant une
règle fixe, mais elle est susceptible de plus ou de moins.
Or, une fois admis que le but final de l'humanité, prise
individuellement et en général, ne doit pas être déter-
mine d'après des lois d'expérience, mais suivant sa forme
originaire, l'historien n'a rien a faire ici, si ce n'est tout
au plus de nous fournir des matériaux pour comparer le
plus ou le moins dans les diverses constitutions politi-
ques. Encore craignons-nous qu'il ne perde sa peine a
chercher ces matériaux dans l'histoire des États qui ont
-existé jusqu'ici, et qu'il ne revienne chargé d'un inutile
butin.
La seconde question consiste a comparer les moyens
choisis avec le but, afm devoir si les premiers se rappor-
tent au dernier, comme les causes a leur effet. Or cet
examen peut réellement se faire de deux manières ou
bien an moyen de /o~ c/c~~ co/ï~c~ ou bien li
/<f/e de cas 6f/M/O~C6'.
Lorsqu'il s'agit de moyens a employer pour atteindre
un certain but dans une association politique, les objets
auxquels s'appliquent ces moyens sont particulièrement
les âmes des hommes, chez (mi et par qui ce but doit être
atteint. Or ces âmes sont entraînées, mises en mouve-
ment, déterminées aa~ir suivant de certaines rentes gé-
nérâtes, que nous pourrions bien appeler des lois, si nous
les connaissions sumsammcnt. Je ne parie pas ici de cette
première loi fondamentale do l'humanité, qui doit tou-
jours déterminer ses libres actions, mais de ces rentes
suivant lesquelles i'honnnc, non plus seulement l'homme
originaire et pur, mais l'homme forme par l'expérience
et par les additions des sens, peut être détermine, et en
particulier doit l'être pour s'accorder avec cette Ibrmc
primitive. Car, de même que tous tes esprits sont e~aux
quant a la forme originaire de !a raison, tous les hommes
le sont aussi quant a certaines autres formes sensibles de
l'esprit. Les dinercnces que le sieetc, le climat, les occu-
pations introduisent en eux sont réellement peu considé-

communes, et ~~c
~C6'?' ~<?~
/ro~
6' r/e c~c c/t~
rables, en comparaison de la somme de leurs qualités

sous l'innucncc do sa~cs consti-


tutions. 11 est aise d'apprendre a les connaitrc, et les
moyens de s'en servir sont des expédients mesquins et
insigniuants; mais il n'est pas aussi facile d'achever l'étude
de leurs formes générales.
Or c'est ici qu'intervient rccHcmcnt l'expérience, non
pas celle qui consiste a savon' combien il y a eu de
grandes monarchies, ni quel jour a eu lieu la bataille de
Philippcs, mais une expérience bien plus voisine de nous
cow~?cc e~c:r~c~<c ~e /M<? ~w~~
/:r/~n<n~<'e~~t<~<
Sois pour toi-même le plus ndète des compagnons,
suis-toi dans les recoins les plus caches de ton cœur, et.
surprends tons tes secrets, en un mot, ~<?w~ ~o
co~c~ï~ –voila h' premier principe de cette
science de i'nme. Les repues que tu tireras de cette obser-
vation de toi-même sur le cours de penchants et de
tes inéquations, sur !a forme de moi sensible, s'éten-
dront crois-le bien a tout ce qui porte ngurc !m-
mainc. Tous les hommes te sont sembla h!es en ce point.
Fais bien attention que je dis ~? ce En cuet,
tu es peut-être sincèrement résolu a suivre toujours la voix
de ta conscience; tu sais te respecter toi-même, et tu es
un honnête homme..Te ne te consci!!e pas d'avoir la
même conhancc~dans l'honnêteté du premier venu. Peut-
être ne ticnt-H pour mat rien de ce qui lui cstutite, et est-il
tout aussi fermementrcsotn aobeir a lavoix de son intérêt.
L'e~oïsme est le mobile de ses actions, comme le respect
de !a loi est celui des tiennes. Mais tu peux croire sûrement
que cesdeuxmobitessi difTerentsvous conduiront tous deux
A l'action par des chemins assez semblables. –D'ai!!eur~,

en consultant l'histoire de ton ca'u! peut-être bien te


souviendras-tu d'un temps ou tu n'étais pas beaucoup
mciHcurqu'it ne t'est aujourd'hui; peut-être bien tcrap-
peneras-tu comment tu es peu A peu revenu a la raison,
et de quelle manière tu t'es rct'ait une nouve!te existence
spirituelle, n suivra aussi ta même marche, bien
que
ne partant pas précisément du même point, s'i! doit
s'améliorer un jour; et ii faut que tu t'aides ase diriger
dans cette voie, si tu veux concourir a son amélioration.
C'est d'après les règles de cette science de l'am~, les-
quelles se rapprocheront du rang- des lois, ~racc a
une
observation sa~e et persévérante, c'est d'après
ces rèe'Ics
qu'il faut examiner les moyens choisis dans une constitu-
tion pour atteindre son Lut nual. H faut rechercher si, sui-
vant l'analogie qui existe en gênera! entre les hommes
sensibles, ces moyens peuvent produire et produiront
sur eux l'effet qu'on en attend cette manière de ju~er
est la plus solide, la plus infaillible, !a plus lumineuse.
L'historien vulgaire n'a rien il y voir; elle <~st !'œuvre du
penseur qui s'observe lui-même.
Un second moyen de chercher une réponse a la ques-
tion dont il s'agit, c'est de ,<y< ~Y~ r~ c~ ~~M-
/~M~. Le principe de cette manière de ju~'cr est cehu-
ci des causes analogues ont produit autrefois certains
effets; donc elles produiront encore maintenant dcscucts
analogues. Or cette espèce de considération semble au
premier aspect purement historique, mais il y a ici plu-
sieurs remarques a faire.
D'abord, comme on ne saurait indiquer que des causes
simplement analogues, et jamais absolument !es mêmes,
on ne peut aussi conclure qu'a des effets analogues et
jamais a des effets identiques. Mais comment donc savez-
vous en quoi l'effet attendu sera réellement semblable a
l'cuct donne, et en quoi il en sera différent?–ou ce que
sera cet!c din'erenco? L'histoire ne vous enseigne ni l'un
ni l'autre; si vous vonlex le savoir, il faut que vous le
cherchiez a l'aide des lois de la raison.

séquence, 6'
Ensuite, sur quoi donc se fonde, en général, votre con-
~c des causes analogues auront des
effets analogues? Pour que cette conséquence soit légi-
time, il faut que vous supposiez tacitement que l'eHet est
réellement lie aux causes par une loi universelle et appli-
cable dans tous les cas, et qu'il en resuite d'après cette
loi.
Voyez donc, vous qui soutenez que cette manière de
juger est la seule bonne ou au moins la meilleure,
voyez jusqn'ou nous sommes d'accord et ou nous com-
mençons & nous séparer. Vous admettez comme nous une
loi et son universalité; m:us vous ne vous soudez pas de
la chercher. Vous ne voulez que l'enet; h", raison de
l'cnct avec la cause est ce qui vous intéresse le moins.
Pour nous, nous cherchons ta loi même, et de la cause
donnée nous concluons l'enet suivant Ja loi. Vous vendez
des marchandises de seconde main; nous tirons les nôtres
de prcntierc. Qui de nous, a votre avis, reçoit les meil-
leures et au plus juste prix? Vous observez en ~ros, vous
regardez du haut d'un donjon les flots de peuple qui se
pressent sur le marche; nous entrons davantage dans le
détail, nous prenons chacun en particulier, et nous l'exa-
minons, Qui de nous, je vous le demande, aura le plus
de connaissances?
Et si vous tombez sur un cas qui ne se soit pas encore
présente dans votre histoire, que ferez-vous alors? Je
crains fort que la question des moyens a suivre pour
atteindre le seul vrai but d'uilc constitution politique ne
vous ofh'c précisément ce cas. Je crains que vous ne cher-
chiez en vain une unité de but dans tous les Ktats qui
ont existé jusqu'ici dans ces Etats que le hasard a
formes et que chaque siècle a rapièces et raccommodes
avec un humble respect pour les mânes des devanciers;
dans ces Etats dont la plus Jouable qualité est d'être
inconséquents, puisque plusieurs-de ieurs pï'incipcs~
pousses jusqu'au bout, auraient, écrase l'humanité et lui
auraient enlevé tout espoir de se relever jamais; –dans
ces États ou l'on ne rencontre guère d'autre unité
que
celle qui reunit les diverses espèces d'animaux carnivores,
t'ait que le plus t'ail)le est man~e par le pins fort et
et qui
man~<;ason tour un plus taible que lui. Je crains (pie
vous ne trouvie/ dans votre lustoire aucun reusei~'ne-
ment touchant tus effets du certains mobiles sur tes
liommes, t)arce<tue les lx''ros (te cette Instoirc ont oublie
de les appliquer au co'm-Immain. Il vous faudra dune
vous cuntcnt.<'r d'une R'cttcrctK: si la recherche
~~M~M'/ n\'st pas possitdc.
Kt,. puisquu tnms en sounnus sur un texte si riche,
cncurc deux inuts a ce sujet it ea est. de i'inunanitc
en gênerai (.«Hune de t'individn. CeHe-ta est t'urniec,
cunnne cetui-c:, par ies eYenements de sa (turee. Nuus
avons comptetetnent onbtie les eireunstances de nos prc-
nnercs années. Sunt-eHes pour ceta perdues pour nous?
et, parce que nous ne les connaissons pas, toute la
direction originelle et individneUe de notre esprit y a-t-
elle moins son principe? Ponrvu que eeHe-ci nous reste,
une nous importe te reste? Nous arrivons a l'adoles-
cence, et nos petites actions, nos petites peines se gravent
d'une manière durable dans notre mémoire. Cependant,
c;race a elles, nons taisons un pas de plus dans notre
éducation, et, des que nous avons lait ce pas, nous com-
mençons a rougir de nos caprices et de nos folies d'en-
fant; le sonvenir de ce qui a précisément servi a nous
rendre plus sa~es nous devient odieux a cause de n"trc
plus grande maturité, et nous l'oublierions volontiers si
nous le pouvions. Le temps ou nous nous en souvenons
avec indifférence vient plus tard; il vient quand ces
:mnecs nous sont devenues étrangères et que nous ne nous
regardons plus comme le même individu.
ne semble pasètl,t~
1)~-is oit'l' L'humanité
et.re encore parvenue il l'a~e ou l'on ap-
prend à rougir; autrement elle se vanterait moins de ses
<ph)i!s d'entant, et ettc attacherait moins de prix a h'~
compter.
tin'yariendimsrhnmanitequisuitvraiment te hene-
ncedet'a~eet(te!'experience<pteceqniyrester'e!h.
rnent. comme bien acquis. tt nous importe moins <!n navrm'
<v/M~«' Rih; y cs{ arriva', et notre rut'iositc tronvcmit
d'ait~urs {tf'u du r~nsct~'nomcnts :'t ce sujet dans les his-
toriens ordinaires. Ms nous décrivent dans tons !curs
détails ics echat'anda~es e! tes machines extérieures
i!s ne pouvaient voir avant ce merveittenx travail eotn-
ment nne pierre se joint a nnc antre. C'est pourtant iace
que nons aurions bien vouhi savoir. Pour ce (pn est de
t'echatauda~e, ~i sodemcnt t'edincc était construit, on
pourrait l'enlever (1).
Fant-d donc laisser t'histoire tout a tait de côte? Oh non,
seutemont il tant la tirer de vos mains, puisque vous restez
eterne!!emcnt entants et nue vous ne pouvez taire autre
chose qu'7'y! puisque vous ne savez que ~'ccuM'r

(i) Comme nous n'écrivons pas id un traite contre l'histoire, pia.


f;<ns en note ce qui suit « Nous nous servons de l'histoire, entre
autres choses, pour admirer ta sagesse de !a Providence dans t'ex<
t:nt!on (te son vaste pian. ') MMis ce!a n'est pa&vrai. Vous vou)ex
~tmpkment udmh'er votru propre pcnutration. l! vous vient par hasard
une id'!c; c'est Min-'i <tuc vou-.fcripx si vou.sctic~ ta Providence.–On
pourrait montrer, avec beaucoup phts (te vraisemblance, dans te cours
(ttt'ont suivi jusqu'ici les destinées de l'humanité, le pian d'un ctrc
méchant et ennemi des hommes, qui aurait tout dispose pour ia plus
grande corruption et la plus urandc misère morale possible. Mais ccta
ne serait pas vrai non plus. ha seule chose vraie, c'est qu'une muhipHdtë
infinie est donnée, qui n'est en soi ni bonne, ni mauvaise, mais qui
devient l'une ou l'autre par la iibrc appiication des êtres raisonnabics,
et cHe ne deviendra pas meiHcurc, en enet, avant que f!o<~ ne le soyons
devenus.
de/~w/
!<
et que vous êtes incapables puisque enun
votre puissance er<a)rice lapins haute ne sort pasd''
n fnu! taretuettre entre tes mains du vrai
philosophe poiir que, dans ce spectac!e<)e marionnettes
q!u attire vos yeux par ses couteursvariet's,H vous montre
!a preuve ~etataute que tous tes ctx'mitts ou) (''()''tentes et
qu'aucun n'a conduit au iuu.et pour (pu' vous cessiez
''nHn (!c(t(''ct'i('t' sa).)'t!h)'.h', iam<th<)<!(;d<'sp!'t!K'ip<'s,
an profit f!('iaY~t!'<~<'(.'H<'(!<'stat~!n!('tU(')Hs.(v<t~i(~.H
faut !a !'cmcHrc ~ntt'c ses maitts pom' (juc, <)ans l'aiphah~'t
qun vous avcx :'i ~tudifr, ii vous tracf <'n rott~c <(U)'!)p)~s
caractères que Vous ptUSSK?/ <tistiu~ a tcur oo'th'ur, et)
attendant que vous ayez appris A les reronnattrcaleur
ibrrnc'propre.
Eue lui servira a enrichir et a t'onth'tuer et) (terni'T.'
analyse !a connaissance experitnentate (te i'ann'. Pour ap-
prendre à connaurc l'homute en gênera!, t'homme dans
les circonstances ordinaires, il n'y a pas hcsoiu d'une
science historique hien étendue, (chacun a sou {u'opre
<cpnr, et les manières d'agir de ses <!eux voisins de (troite
''t de ~'aucue hu our~nt un texte iuepuisahte. !\tais cerpte
peuvent dans des circonstances extraordinaires h's âmes
privitég'iecs, ~'expérience quotidienne ue nous !'appren(!
pas. De pareiHes âmes, placées dans (tes circonstances quii
développent et revêtent toute ienr puissance, on n'eu
rencontre pas tous les cent ans. Pour apprendre a ies con-
naitre~ pour apprendre a connaître t'humanite dans son
habit de fête, nous avons besoin des instructions de i'his'
toire. Voudriez-vous bien me dire ce que nous avons
~ne sous ce rapport avec votre manière de traiter l'his-
toire *ct me nommer les Plutarques que vous nous avez
formés ?
l'<n vérité,
est ditncile de résister a son indi~nution
il
"u df ne pas éclater de rire, suivant qu'on a la Inle ou la
rate {'tus susceptible, quand un entend les deelautations
de nos savants contre l'applicatiou des principes ra-
tiunnels aux choses de la vie, et tes violentes attaques de
nos empiriques contre nos plulosopin's, counnc si entre
la théorie et la pratique il y avait une opposition uter-
nelle. Mais je V(ms prie, d'après quelle idée conduise/-
~~«~ donc vus an'aires <tans ta vie? Les livrez-vous catie-
retnentausuuim- aveulie du Itasard, on bien, puisque
votre tan~a~e est ordinairement si pienx, a la direction
de ia Providence ou oien vous diri~ex-vous d'après des
relies? Dans le prenner cas, que signinent ces avertis-
sements que vous prodiguez aux peuples pour les mt.'ttre
en ~arde contre les t'aHaeieuses promesses des phitoso-
phes? Tenex-vouLS donc trampn!tes, et taissex taire votre
hasard. Si tes phibsophes réussissent, ils auront eu rai-
son; s'ils ne réussissent pas, c'est qu'ils auront eu tort.
Il ne vous appartient pas de les repousser; le hasard tes
jugera bientôt. Dans le second cas, d'où tirez-vous
donc vos rentes? De l'expérience, dites-vous. Mais si cela
si~nine que vous tes trouvex toutes formulées par des
hommes qui vou~ ont précède, et que vous !es admcttc/
sur la i'oi de ieut- parote, –je vous demande abrs ou
''es hommes eux-mêmes tes ont prises. Vous n'avez pas
avance d'un seut pus. Si ce n'est pas ia ce que vou~
voûtez dire, il J'aut que vous commenciez parjurer l'expé-
rience, que vous rameniex sous certaines unités les laits
divers qu'eHe contient et que vous en tiriez vos régies.
Cette méthode que vous avez a suivre ne saurait a son
tour dériver de l'expérience, mais la direction et les pas
vous en sont prescrits par une lui orig-inah'e de !a raison,
que Fecete vous a tait connaître soxs !<' nom de ionique.
Mais cette !oi ne vous donne
que ta forme de votre ju~<
ment; cite ne vous fournit pas te point de vue d'ou
vous
vouie'juper tes tai!s. H vous tant, disais-je, ratnenertes
t:nts divers sous certaines unit<St)('ern)in<es,
et c'est c<'
que vous ne contesterex certainonent pas, si vous compre-
n~ ccH~ exproMiru). Sinon, r<<h'hisspx..y un ppu. Cotn-
n~nt arrive-vous (tune a f'psi<)<~s<)tni!<?(:(; n'pas
~n JH~'ant. cp (pn y,H~ c-s! (jonn, ,):ms t'p<rt<'ttcc, <-a!-
<a possihitit< <!c
c~ ju~mc!)t mr'nt.' h-s pt-rsn~~sc, <'onnnn
vnusdnvcx ravoir compris par
c~ qui a et'Ht. tn'au)
~"nc qn'eHcs se tr~vcnt. dans votr<' att)f o)-ipinnir..m.m)
e~avam toute expérience, et vous av<j))p< .t'apn's~ih's
sans Je savoir. L'expérience en ene-mrme est une bone
remplie de caractères jetés pe!e-m~e; <(.st t'esprit hu-
main qui seul donne un sens a
ce chaos, (pu eu tire ici
une tliadc, et. !a un drame historiHuea la Sctdeut.ert.
Vous ne vous ~tes donc pas rendu jostir-e a
vous-mêmes;
vous êtes plus philosophes que vous ne te pensicx. Vous
nous rappelez le ma'tre Jourdain de la comédie vous
avez philosophe toute votre vif sans vous en douter. Par-
donnez-nous donc un pèche que
vous ave/. commis avec
nous.
Voulez-vous que je vous dise ou est te vrai point du
dehat entre vous et nous? Vous n'avex
sans doute pas envie
de vous brouiHer tout a fait avec ]a raisnn, mais
vous ne
vous sonciex pas non ptus (te vous hrouiiter entièrement.
avec votre exceHente amie, madame !a routine. Vous
voulez vous partag-cr entre les deux; et,
r-n vous plaçantr
entre deux maMresscs aussi intraitables, vous vous mettex
dans cette situation désagréable de ne contenter ni l'une
ni l'autre. Suives donc phuot résolument te sentiment de
n'counaissaurr- qui vous ptu'te vers ta dernière~ et nous
.HU'~nsaho'saquoi n"uscut)'uiravo)re)~ard.
.\t0)sv"u'h'n'))~ t<it'u,'tit<'s-\<'us,a~'it'un peu raison-
o.(t'!t'nn't!t,o)aisn<'upastoutatai!aunoiu<)ucie!.i~)r)
tuon! i\tais pourquoi vu))sarrcte/-v"us juste aux umites
que vous avez <tx<t's? t'ourquoi ne vus reut'ermez-
vtu)sp:tsdaus des uuutesp!us'troites encore? Pourquoi
n~tait)'s-V('nsj)ns<'ttcm'<'(tu<u<~pasan'h'ta?Vonsnc
sam'ie/ .tth'~uer ce sujt~ on princip<: raisumtahtc, putsquc
v'xts ithami~nncx f't iat':nsun.(.)r,quc vout(~-v<L)nst'
punttrc sur <')' ~oint, av'~ ntti~s qui souL tt~ccurd avcr
vous sur !a<'hus<'im~Ht.)nuisnun pas sm'it~Htnhcs;–
tlllc, vuulc~tJtl~ lnur' l't~(n_·Ilrt.·, ail (;cs(t(')fens(;)n's
que \uutcz-v<~tst('urt'(''pu!)ttn', c;l.~s tU;lériçl;ur~
t:rLstinés
obstines
<)u passt'' t''t qu'i! est ? Vous vous tnen<;x eu quereHc avec
!uuL ic mund< et. v«us i'cstex seuis et sans réponse.
Vous msistez cependant nus {)t'incipcs piniosophiques,
sf'htn vous, ne sauratoH passer (tans ta vie; nos thuories
sont a ia vcrit.< irrniut.tt)!cs, tuais cUos ne sont

<)itio!! qtx' y'?~ ~<? il <?.s/ ~c/


Vous ue les ju~t'x s~ns <!ontc amsi qu'a con-
car
aut.rcnx'nt \'uttf assortion serait beaucoup trop hardie.
~tais (pn vous oit donc que !es choses (tuivent reste!'
aiusi? ~))i \us a 'hnc to)u''s pour t'accommoder et hon-
siH< o'uunt' vus te iaitus, pour ajuster ainsi de non-
veaux tu"rcc.u)x;'t uu vieux manteau tt'Ut')uHt' pour
taire <;<'tt<' tessivf, sans mouiitcr ta peau de personne?
<Jui donc vous a assure que de cette manière la tnachine
ue'tomt'ertUt tout a tait. en pourriture, que les trous ne
s'agrandiraient pas, <pte te ne~re cesserait d'être nn
ue~re? Parce que vous avez tait <tes sottises, taut-it que
u')'us portions fane?
Mais vous ~A'5 que tout reste sur t'ancieu pied voi!a
pourquoi vous nous r<sistez et pourquoi
vous vous erriez
que nos principes sont inexee.utahtes. !~h bien! utuntrez
du moins (tu !a trauciuse et ne dites p!us Nous
ne
M~ pas exécuter vos principes: maisdite~ seutemeut,
comme vous !e pensez Nous m; ~~6 pas b~s
exécuter.'
Ces cris contre i'impossiiuhte (t~ c~ qui ne vous pj.tX
pas, vous ne les puusscx pas aujourd'hui pour Ja prenti~re
fois; vous !es avez pousses (le tont ~mps, .-haquc
rois
qu'un honunc courageux et. rcsoiu est
venu parnu vous
et vous a dit coHunent vous (leviez vous y prendre
pour
mieux conduire vus an'aires. Pourtant, tua~-re
vos cris
bien des choses sont. dev'nucs recnes, pendant
que vous
vous en démontriez i'itnpossihiiite.–C'estainsi <{u'H n'y
a
pas longtemps vous criâtes un honnne, qui suivait notre
voie, et qui n'avait d'autre turt
que de ne pas ia suivre
.jusqu'au bout /c~A</o~cc6' y~ est

~o~ ce <
C'est-à-dire, vous repundit-ii très justement /~M-
Depuis ce temps.Ja, t'expericnce, ta
seule chose (lui puisse vous rendre
sa~es, vous a appris
que ses desseins n'étaient pourtant pas si impraticahies.
Rousseau, que vous ne vous iassex
pas d'appeler un
rêveur au moment même ou ses rêves se n'ansent
sous
vos yeux, eu~ beaucoup trop de ménagements pour
vous, u
empiriques ce tut la sa faute. On vous pariera tout
autre-
ment qu'il ne vous pariait. Sons vos
yeux, et je pm'sajouter
a votre honte, si vous ne te savez
pas encore, ~'esprit hu-
mam, revente par Rousseau, a accompli une œuvre que
vous auriez déclarée <!e toutes les choses impossibles !a
plus inmossibie, si vous aviez (''te capabtes d'en
com-p..
voir i'i(h''e il s'est mesur< !ui-meu)e. !'cudant
qm' vous
eptuchez encore tes termes dei'Avertiss<'ment,– pendau)
que vous ne remarquez ri<'n, que vous ne pressentez rie))
_pendant que vous vousatfubtcx, comme d'une peau de
tiun, de deux on trois lambeaux détaches de t'ouvre
entières–pendant ({n'en toute inmicenceet on toute
simpticite vous en pcnsex suivra les principes, ators que
vous y commette/ tes bévues tes plus
~sstct'<~ p~mhutt

ce tcrnps-ia pcut-~tm (tes honun<'s jeunes''t


p!~H!S(h'
force se Honn'is~nt-ns<'nsik'nt'f'(!~t'~spr:t(tuH'anint~,
prc~cntant fmilnencc (~n'ite t'xcrcct'a sut' te systc! <)H
savoir hmnant dans toutt~ ses )):u't~s, t~nt~~Hc
création nouvcttc de la p(;nsL'c tuHnaincqu't'Hc op<r<'ra <'t
qu'Us montreront u't jour. P!us d'nne fois encore, vous
serez forces de vous trotter !es yeux pour vous convaincre
que vous voye/ bien, cotume it vous arrive cha<pte
<bis

qu'une de vos impossibuites devient une rea!ite.


Voûtez-vous me-surer les forces (i'un homme sur ccHes
d'un enfant? Croyez-vous qu'un ttonxnc iihro n'aura pas
plus de puissance qu'un honnne. cndtaine? Jugex-vons
des forces que nous donnera une grande rcsouition par
ccUesque nous avons tous tes jours?Que voutcx-vous
donc avec votre expérience? i\ous montre-t-ene autre
chose que des enfants, des esclaves enchaînes ou des
hommes de tous tes jours?
Vous êtes sans doute desju~es compétents pour appré-
cier les limites des forces humaines Courbes sous iejou~
de l'autorité, autant que vous te permet !a ftexihihte de
votre échine; penihteruent serres dans une forme de
pensée artistement imaginée, mais contraire a !a nature;
dépourvus de toute pcrsonnatite a force de vous être im-
bus de principes étrangers, a force d'avoir piie sous tes
plans d'autrui, a force d'avoir obéi a tous les besoins (tu
corps; incapables désormais de donner a votre esprit un
essor pms ctcve et d'avoir de votre moi un vif et noble
.-cntim~t,
'n'? .tat (icju~.r dc.-cque~nt
~)cs-v<ms pn
Vos fon-cs s.)ut-)tcs, pn ~n.rat, ta
.st<u-s!)mn.-un~? Av~-v'u)sj~n.)ts<'ntcndn f~mir incsnrc
r.-n!c(t'(.r (tu~'tH.'? .te
rdni (~m inspire, non (tes
chants, tnais <!cs arh-s. Av~-v<.ns {n-cs.-rt! v.~t-c amc un
pnci~h!u~j~<n.~c~Yuns,~)~mvih'r~u~n~.)t
<t<ptt<t<~ toutes t~inf-Hnmions scusi})! an travers <tc
tons J<~uhstad~s, à I'ai(!i'(!'un(; httU~s.ant(~jus-
<t"'a pnsst~ cH<in
vous
r~'c/ /Y.n!s
<{t!~ vous .(-ript- /6.
s.~tcy.-v.s~pahh.s dcdi~ en tac~au <iMp<~:«T)t
peux «~tu..r,t))ais ')«nct).m~tnn.s.,tu!i,,n?.)Sivous
n'avt. )~s<-<-tt<' vertu, si vnus t'avoir,
tn' pouv<
.toi~h.v.s d<- ( ti, ,t ,.st trop saiot ponr vous.
L1)<)HHtt. <-c <tu'i)~ (~(jnantt il (tit:j~nc
r't'st <ju'it oc {~s.

H!.

Tout jugement était ahsoiuntentin.possihte


tant que
nous n'avions pas vide ta <p)estion de savoir <)evant quo!s
h-ihunaux nous devions porter notrp nfthi~. Mainten.int
(n!f'c~t<'({t~tton<'st <ranch'c,H s'en c!~un~ antre
'm'H faut r~ondrf; aussi pom't~n.cn.ta! d~~f'run
ju~mpnt soiiuf' et cons<<tm't)L rt~!<~ (h) fie <~u\ ran~- nos
trthunanx co)!)p(''h}nts f.t <)<; ia hH'-rardtic' .!c icurs
sen-
tences. Je m'cxp!i<j)tc.
Un~ action {~ut ('r~ h'<s prudente
en rncn~ t~mps
très injuste; tt')t)i autre cot< nous
pouvons avoir <!roit a
une chose (tout n serait j)ourtant tort imprudent, du taire
usa~c. Les deux tribunaux rendent des sentences toU a
lait indépendantes t'unr; de t'nutre:its!)c.suivent du
pas
tout les même. tois, et ne n'pondcnt
pas du fout aux
mêmes questions. Pourquoi donc h' oui "n te non qui
conviennent a t'nm' conviendraient-ds aussi ne~essaire-
)~~ent:rau!re? Or, si u'msnons adressions aux deux tri-
bunaux dans t'inteution de rester m'trer.unduite sur tes
réponses<m'' nous en r<~cevrions,ct);ue t'nn permit ou
commandât ce<tue t'autre détendrait, auquet des deux
<!cvriuns-n<'us obL'n'?
~a sentence d~ ta raison, en tant <tu'cHcs'H()n(; aux
ac~st!ht'(~(!<'s<(;ssph't!n<'ts,t'snnt('d)St.)tn~<'tuni-
Vt'rseH' ff (!u'Hc ontunn'~toit ahstdunh'ttt '~rc ta~; cf
(tn't'Hn {~t'tnc~ ne <~uL t'f'm'ontn'r ahs~tmncnt aucun uh-
(}n'n!
stach'. La d<'cisi'm (t<; ta ~rmh'nc~ n't'st c~~7;
si m'us sonnncs )trn<~nts,n'nts tK'.mamtucronscertai-
nement. pas <i~ i'('!C(~!t<'r; si n<ms n<; te sommes pas
antant <pm v'~ns, si tn~ts ne pttss~dnns pas votre anthme-
ti(;u.; en matière <t'inh''t'ets, c'~a est s:ms doute t:U;!)cnx
pom' nous, mais Yuus n'avcx pas !e th'oit de uous/~r~'
a être prudents. Si donc ta l'd mut':de,in~en'o~ee par
hd, te repond que tu ne peux pas taire ceta, tunethus
pan te taire et si la voix de la
prudence ~c cric non
moinshaut: -Fais-h',it Y vade tes phts grands intérêts;
<'n ne !<' taisant pas, tu
perdras tout t"n bien-etr<~
tu tomberas dans la ~us profomte misère, te!non(!e
s'écroulera sur toi

sort.
Si au
< et) t)icn! laisse te mcndc s'ecrontcr
et. ensevetis-toi sons ses ruines avec la
et d'rtrc
conscience de
d'un meincur

contraire ta loi morate te repond: tu peux,–


ators va, et prends cunseit de ta prudence: cht't'che tes
avantages, balanec-ies ensendde, choisis te plus impor-
tant, et juuis-e.u t'n tonte conscience; ton oeur t'-te
permet.
Mais si nous n'avions <ieve ta question
que pon'ju~er
t'aetion d'un autre, ()uedt'vt-ions-u<u)s taire d.mst<'<-as
ou ta toi morah'et ta prudence vi'eraioM des réponses
'<ti)r"rent<'s? A-t-it a~-i injustement, son action récrite
.'dors toute ttutt-ettaine, et, si cett.e injustice nousatteint.
)m<' œt-r.'ctton (h; n.)! j).n-t. N'a-~tl a~ (;uc (t'mK; mattierc
tm{<t'ud<ntc,sa com!ut!c tnri-i~ simpicm<'nt noU'~biiunc;
i
L-om~as~
nous pum-t-h)ns toot an plus lui h'ttxn~t. ()~ la
sion et. tui souhaiter tm tnciHf.m- ~)rt, m.-tis
nous ne sau-
rions tm reUrci- n')U'<'<'s!mtc~,msqH'ttn':( p,)itHy,h'.
iaioi.
Mais, ô t,rait pt-ufumt, n'ait. cach('' (~ iricHa~aLtc d~
ta coi'mpHontxnHa-inc! nuusain:«n.stoujuui\s.ni<.n\
être t~ons ({u'~re jus~; nuxs aitnons tnic~x donner l'a)).
ntône qnc ~ayer )ïus dfjt~js! ~uus
~'mmes ~m''reu\
envers ce maUteurcux, c'es~sun {dus ~t-and hi~n que nuus
cherchons, cL nous vouions ie rcmeHredans h' chemin,
faih~-il empiover des moyens violon ~s.
Savons-nous donc si sûrement qn'cxi~' bonhcut-
ce
on -s-~ malheur? Peut-être trouverions.nous s'.uve-
rainonont malheureux (tans sa sihtation;
savons-nous
donc si, avec les qualités <{ui lui sont
propres, :tvef- ses
forces, avec ses dispositions, il se trouve aussi matheu-
reux?Nous attachons (i'aiHeurs ta)H d'importance
aux dij-
ierences individueiies des hommes et
nous Y comptons si
<ort; pourquoi donc oublions-nous ici notr~
pro})rc prin-
cipe? Avons.nous donc une loi ~'nerato pourju~er du
bonheur? Un fant-ii ta chercher?
Mais d\)u vient ce trait ~nerat de i'ho.nmt',
d.-vnu-
ioir mesurer la direction individueiie des
autres sur t:)
sienne propre, et d'aimer tant a taire
puureus des pians
'pn n'ont d'autre det'ant que de n'être bons
que e
Le timide indique au bnrdi.etle harJi au timide, te
cbeminqu'd suivrait sans doute bu-meme; mais mattiem-
au pauvre diabte qui écoute un si bon
conseit li ne sera
jamais son maure, et, pour avoir a~i une seule t'ois en
mineur, il aura toujours i)esuin d'une tutelle. « C'est c<'
que je ferais, si j'étais Parmemon, disait Alexandre; ft
ttans c<' moment -t:'t il se montrait p!us phitosophe qn'i! ne
t'a <k'' peut-être (tuns tout le reste (te sa vie. Sois tout
pour tcu-meme, ou tu ne seras rien. H tautrcconnaitre
<tans ce trait une déformation scnsib~' d'une quatite i'on-
d.unentah; de notre nature spirituettc ie besoin d'etahiir
i'hannonte dans tes modes d'action (tes êtres ra~onnahtes,
comme te!s.
Mais supposons que vous puissiez prouver, œ que
vous ne fcrcx jamais, (pte cet homme se rend nécessaire-
ment maihcureux par sa conduite,– supposonsque vous
vous sentiez entrâmes par la générosité de votre eœm'
a retenir sur le bord <!c l'abtmc, ne pouvex-vous
avoir ~i moins la patience d'attendre que vous vous
soyez consultes vous-metnes sur ta /c<ede vos ac-
tions?
JI invoque une permission de la seule loi qui vous
obn~c, ainsi que lui. Si cette loi est reettement votre
unique loi commune, ators ia permission qu'il invoque
est un û~'6' pour vous. t~a Ici veut qu'il ne soit soumis
a aucune autre loi qu'a ctie-rncmc! Dans le cas présent
enc se tait et par conséquent i'anranchit de toute autre
obligation, et vous voutcx le contraindre a subir une ici
nouveuc. Vous retirez ators, ~e uo~ ~c c/ une
permission donnée par la loi celui que la loi veut libre,
~o~, vous le voutex obti~e; vous désobéissez ~o?~c.9
à la loi; vous etevez /M/ au-dessus de cet m
(te ta divinité, car eUe-meme ne rend aucun être heu-
reux contre sa votonte.
Non, créature raisonnable, Lu ne peux rendre personne
tteureux contre son (h'uit, car ccia est injuste.
OdrotL~acn' ({nand donc te reconnahra-t.-un ~uurcc
que tu es, pour ie sceau de la divinité empreint sur nutre
fr<HU? truand s'inciinera-t-on devant toi puur t'adurcr?
<,)uan<t nous couvriras-tu, cunnnc d'une céleste e~idu, dans

ce combat de tous ics interet-s de ia sensihiute conjures


contre nous, et quand nos adversaires scront-its pctrines
par ton sent aspect? Quand les cœnrs battront-iis a ton
nom, et quand les annes totuhcrunt-eiies des ntains du
tort devant ics rayons de ta majesté ?

~v.

Cette introduction, consacrée aux prolégomènes, r<


ctamc encore une petite place pour l'observation suivante,
qui ne concerne pas proprement il est vrai, les principes
de notre jugement, mais te droit même du jugement
pubtic.
On introduit aujourd'hui dans les recherches politi<ptes
ht pratique autrethis en usa~c dans tes recherches reli-
gieuses on trace une ii~nc de démarcation entre tes vé-
rités ~'o/< et ies vérités M~c~~M, c'est-a-(tirc-"
(.'ar tu ne dois pas comprendre, puhhc iHettr< pourquoi
t'on évite avec tant de soin de s'exprimer ctaircment,
c'est-a-dirc entre les vérités que chacun peut savoir, parce
qu'il n'en résulte rien de bien consolant, et d'autres vé-
rités qui, hélas! sont tout aussi vraies, mais dont personne
ne doit savoir qu'elles le sont. Tu vois, cher puhlic,
combien tes l'avons se jouent d<- toi; etdanstasimjdi-
<-Ht'' d'entant, tu te réjouis des miettes qu'ils taisent
tomber pour toi de tem'taide somptueuse. Ne te fie pas
''u\: ce <pu te cause une joie si francité n'est que t'exo-
terique; tu devrais voir d'abord l'esoterique, mais H
n'est pas pour toi.'(Les trônes des princes, disent-ils,
sont et doivent être eternefs: ~et, (!anst('H!'pnnspc,H<
~nt~ndcnt par prince tcut adtninistrah'nrdes!<tis. ~i!
n'\ a qu'un peup:<' ~nvcrn~ qui puisse ~tre libre,"
Il
disent-its; c'est-à-dire, penscnt.ii~un peup~~ouvRt'nr
par ses propres hus.
Aussi bien cst-t'c un dt'vcs vieux <t~tauts,()htunn)es
pusiHaniiut's! d<; nous chuchoter dans t'orcith~d'un air
tnystcriuux, ce (;uc vcus a\'< nni par découvrir. Mais,
<.<
mais, ajoutez-vutts L'n aUcctaut te ton de h prudence,
qu<' <-eia u'aiite pas ))tus h~in, ma chère commère. Ce(t<-
conduite tt'est pas di~ne de !'t)onMt«~ ce (m'it dit, chacun
doit. le savoir.
« Mais il serait tort dangereux (tue chacun ie sùL
.j
Que ce soit ta ton dernier souci, si tu n'es pas charge de
veiiter au bien <~s mondes. La vérité n'est pas te patrimoine
exctusit'des ccotes elle est le bien coinmnn de t'hutnanitc;
e!!e nous a 6t(' ftonnee par notre père
commun comme un
précieux apanage, comme le plus intime moyen (te
com-
munication ttes esprits avec les esprits. Chacun é~ate-
a
ment le droit de la chercher, d'en jouir et d'en user dans
la mesure de sa capacité. Tu n'as pas te droit de t'en
em-
pêcher cela est injuste; il ne t'est pas permis de te
tromper, de ic rendre dupe d'aucun tnenson~e fût-ce
dans la meitleure intention. Tu ne sais pas ce qu'il
v a de
bon pour lui; mais tu sais que tu ne dois jamais mentir,
jamais parler contre ta conviction. En revanche,
nous ne
pouvons pas uuu {dus te turcer a fui dire ta vérité; tu
peux garder ta convietiou p'mr toi; uous n'avons ni te
'eu,nite<t!'<'itdet'iu-ra('tterdet<tu~me.–Mais/
v'"x!at!)i dire. Vois-tu avec deptaisir que je sois si hou?
N'ai-je pas te droit (h' faire ce que je
veux de cequi
m'appartient? Peux-tu rempecher sans injustice,
sans
iujustic(~ envers moi, p'ns(fue tu
me disputerais ainsi te
tihre usa~ <!<' ma propriété, et par <'ons<ftuent
un droi!
(te l'homme; sans injustice envers anh-oi, puisque tu
te priverais (t'unnxn'fn qui hu est. iihrL'rm'm..n'en
d'ar-
river a un p!u.s haut 'te~-edecuitureinteHectueti~PTu
n'aspasat'oecuperttecequipeutresuuerdetua
cum-
tnunicatiott ton unique suu~i duit ~tre de
ne rien faire
d'injuste.
Mais et! resuttcrait-it(hnc reotienmnt des cons<qncnce.s
aussi terrihtes, uu n'est-ce pas ton itna~inatifUi eehaun'ee
tpti prend des aites (te ntotdins pnurdes géants? La
(tiffusiun generaie de la vérité <pti e!e\e et enn<d)!i~n<d!'e
esprit, qui nous instruit de nDs droits et (!c
nos devoirs
nui nous enseigne n'ouvertes meiNeurs
moyens de
maintenir les premiers c). de rendre ta prntiquc des
sc-
conds féconde pour ie ~enrc humain, cette diffusion
pourrait-eiie avoir <tes cons~tuenccs fâcheuses? P(mr
ceux-Ia peut-être qui voudraient nous retenir a jamais
au
ran~ des animaux, ann (te nous imposer a jamais !eur
jou~- e! de pouvoir nous (~or~er a ienr hetn-e? Et
pour
cenx-iamemcsqueHesconsequencesam'ait-eHe,sinon
peut-
être de les forcer a choisir un autre métier? Hst-ce !a ie
malheur que vous craignez? La-dessus nous
ne sommes
point du tout d'accord avec v'ms; nous
ne craignons j)as
ce malheur. Ohtpuisse se répandre sur tous h's hommes
la ph.ts ~mineuse, la plus vivifiante connaissance de
ia
vente; puisent toutes i~-s erreurs, tons tes fn'eju~es dis-
{':n'nitre()e!asui-iacedu ~lohe! Ce serait d.jaiecietsnr
ia terre.
~n (temi-savoir, des propositions (ictacth'-cs sans
aucun"
vue d'enscn)t)!c, qui f!oH"nta!asui-)'acc(te!am.moiro
<~<t~Iah<tucherepro(hutsansquerinteHi~'uc<'
tir" ia tuoindt~ tmni~-u, sot~ pnut-~h-c
..nrc-
m' passans (hn~r;
nmiscu nu sont {.as nua t'iusd~cuima~anccs. L'm'tn-o-
i'Lhsittunquc nous n'avons
pas d<dm~' de s~s principes
et dunL nous n'avuns {.as ('ndu'a~u !c~ cons~'qucHccs,
une proposition dunt nous ne cutnpn'Hun~ pasthUout k'
sens. -Mais itou, ces prot.ositions sont c!k's-tnon<'s
inoircnsives; (itk's sont dans ra!n~
cotnmc nn capiLd
'nort, sans inihtcncc aucune. Ce sum !cs passi<~ns (jni les
'ncncm en avant pour paHicr tcnrs excès. Si ciics
n'avaient pas ce prétexte, elles
en chercheraient un
autre, et, si elles n'en H'onvaientpas, elles s'en
passe-
raient.
ne vous avons donc. tait ancutt tort? Si vos con-
Nous

vous sanricx ({ne, les


naissances étaient solides, vous n'en auriex pas
les conseqnenc.s, et
q'tenccs de toute vérité, cites ne peuvent être
ne~
conse-
que saiw-
tah-es. Vous ave/. tout au pins saisi
au vot quoique iamhcau
'!ont ta i'.u-ine étrange vous teUenient en'raves
a (jue vous
Favex écart)' coinnie sainte relique., de vos
Lme profanes
yeu\. Nous serons donc désormais moins avides de
vos
veriu-s esoteriques. Vous nous donnex
en toute conscience,
je crois, tout ce que vous avc/; et, si vous iet-mex
ie
vos
conrcs, c'est ttour que nous ne
voyons pa.s qu'ils sont vides.
Voila, ô bienfaitrice de Hunnanitc, verit. vivifiante,
o
comment se conduisent avec toi ceux qui se nomment tes
prêtres. Parce qu'ils ne t'ont jamais aperçue, its te
ca-
I"nmi<'nU')rr.)nh''i)h'nt.Tn<.s{)<~n-cn.\nn(!ct)nm<-ntn'mi
')csitutu)n).'s.Hsst'st)tttt:)ittt''uncim:~<' <t(.'buis,({t)'j~
.t(!ut'cttta)apinct\)!snL'i:ununt!'cnt:mp(~)pt~dans tt's
grandes r~'h'.s .jnc (tu (-uh'< (!m ~o,sc vit satHvitnt.
(.~
nn'n~ccHt (~ m(n't <~)!cum}uc userait toucht') !cm- .m-hc
.suntc. ~h'n)e!sunt('t'n)~tj,'m- jon~hu'tt.~MonH-c-toi'
:ntntiH('n<t('!)uus(htnst<)u~t:)Sp!n<icu!a(it!(j[uctuns
1~ pcnph.'s t~ t'L'n(!cnt h<)tnn:c
CONSIDÉRATIONS
SL'itLA1%

RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE PREMIER
Me t'<t)~eet)tMMt do la Mf;t<tmt<t dnne r~eJxOef

CHAPITRE PREMIER
fK PEUPLE A-T-jL KN CË~ËHAL, U: DROtT DM CHANGER 5Â
CONSTITUTION POU'ftQUE ?

«
dit et répété depuis Rousseau~ que toutes les
On a
sociétés civiles se fondaient~ /6' ~c~~6', sur un
con"
trat;? ainsi parle un de nos nouveaux professeurs de
droit naturel. Mais je voudrais bien savoir ou sont les
géants contre qui est dirigé cette lance. Ce n'est pas du
moins Rousseau qui l'a dit(i); et si quelqu'un l'a dit de-

(1) I! faut avoir fait de son C'o/<~ ~oc~ une cmdc bien supctii-
cielle, on ne le con)~!)t'c que pur les citations des autres, pont- y trouver
cela. Au chapitre premier du premier livre,
annonce afnsi son sujet
il
COUMENT ce c~Mn~/)en< y'M<-t< /f<t'~J<' ~~nore. Qu'est-ce <yt~' peul
le fMtffe L~O!T<5tR? /€ cro~ ~OMUOO' ~Ot<~re CËTTH ~MP~/t'on.
Et recherche ainsi dans tom le livre, non p.<s le f~it, mais ie droit.
H

Mais il parie toujours en narrateur du progresde i'i)umanite.


H
Eh bien ? est-ce ce qui vous trompa, mes~eurs Vous dites bien
puist~"u.ss''au,n'<pteuju'un a dit une chose qui ne vaut
pas ia peine de tant s'ecitauner. H est trop évident pour
'pucun(ptee\a)uinen<ts constitutions potitiuues et toutes
ceiiesdoittt'histoire a tait mention jus(pt'ici, qu'eHesne
turent pas i'o'uvre <t'nne dehhcration renechie, mais nn

se tondent tontes sur <6'


jeu'!u hasard ou l'eth't d'une vioiente oppression. Kth's
/c< s'H est pcimis
<)e }~noncct'cc binsphetnc, puurics rendre odieuses.
Mais ~n'< ~o// une sucietc civitc ne puisse ~e
t~nd~rqu)' sur un cun~'Ht cnh'c s<sn!cmbi'es~ctquctottt
t'~t:~
se «'nduisc d'une nnuHCt'c injuste et pudte cunu'c ic
pr<'tnict'(h~itdct'!tuntarntc,contt'c ledmi~dc t'huntani~'
.s'M, en nu ch<'t'ch:mt. pus, du moins uncricui'cmcnt,!n
conse'nt<'nt<'Htd<'chacun de ses tncnthrcsaiont.ccqu'i!
\<'n~ (h''C))r(.'rdu tih'<' ~c !ui,c'<~ ce qu'i! est i'aci!~ (!c dL'-
tnunh'cr (te ia façon iapius clan')! auxus))i'its in~nc i<'s
ptusfaihh's.
St~ en )'nut, i'h'mHnc, omm~' ~tt'c ruisuimabtc, <'st
smunis ahs'dumcnh't ''xctnsivdncnt atatui tnoraiu, il n''
saurait ctt'~ sumnis a am'nnc autre, et nut n'a le droit de-
tentt'r de lui rn itHpuser une autre. La ou su loi raftran-
chit, it('stcn!i)''r<'m<'nt tihrc; ta ou ettchn donne une
pertnissiou, dte !e renvoie a sa voionte et i'ob!i~c en ce
casa ne r''ccnnaitr'' d'autre h'i t~te cette volonté. Mais
preci~in<'nt parce <j)t'ctte laisse exeiusivetnent a sa Yo-
tontc ie droit de décider ia conduite <ju'i! lui ptairade

\'OIlS.Ul~IJI(!S <
tt ('1'11an'ivu
vottit-n~mes nIl 11 recoudl' ct'aquc
~alls rccum'j)'
ill'I'inE «, suus chaquc fuisu
fuis ÍI (.cUe pt'
cette 111'é.
'nuion o~toirc <' Ath! de t'cndt'c citdt'c pm' un c.\ct))i)!c ccUc propo-
sitton, que vus faibk'~ tntc!)tgcncM oc comprcndtuient pas auu'etnctt!,
supposons (~M~t«~ c«&«/~) q()'H soit :)r<iv< vous .noex sans <tout<'
assez de vivacité d'esprit pom ccht. ')
~c~er~c~c.
suivre en cette circonstance, it peut aussi s'abstenir (h.
faire ce qui tut est permis. S'ih'st de t'iutt'-ret tt'un autre
<tretju'i!neh';fasse pas, cehti-ci peut teprier (tes'eu
abstenir, et ie premier a parfaitemext te droit de ra-
i'attœ.sm'cette prière, (quelque chose de son <!roitstrict;
-mais Une doit pas se laisser contraindre.–Niant
qu'i! M~vW~ librement a t'autrc t'<'xcrci<;t' (!c son 'h'ott.
N jH't)t. aussi conchtt~ av~c hti
!)n rcttan~' <)<' <!roits; il
j~ut, ''nquf'tqth's" son droit.–Tu (iesit~s
quc je n'<~<~T<' pas (~tains (!<' nu's <tt'oits, parce <p<t'
t'nxf'rcit'c t'en est pt'i''jm!iriahtt'; or !u as aussi (!cs()mi~.
dont t'exerciez m'est prejudicinhtc; ch hien! t'cnom'c aux
tiens, et je renoncerai aux miens.
Qui donc nie fait la loi dans ce contrat? moi-même
évidemment. Nul homme ne peut. e!t'c ohn~e que parhu-
même;md homme ne peut reccvon' de toi que (te lui-
même. Que s'il se laisse imposer une loi par une vutonte
étrangère, H abdique sa dignité d'homme et se rava!c au
rang- de ia brute, et. c'est ce qu'ii ne lui est pas j~rmis de
faire.
Autrefois, pour le rappeler en passant,– un croyait1
devoir remonter, clans ie droit, naturei, a un état pri-
mitif des hommes, a un état de nature; aujourd'hui, on
s'emporte contre cette méthode, ct l'on y trouve l'origine
de je ne sais combien d'absurdités. Et pourtant c'est ta
scute bonne pour découvrir te fondement de i'ohuga-
tion de tous les contrats, il faut concevoir!'homme comme
n'étant encore oblige par aucun contrat extérieur, comme

loi morale; et c'est !a 1'


n'étant soumis qu'~ ta loi de sa nature c'est-à-dire a ia
?M~ « Mais cet état
de nature dont vous parhx ne se rencontre pas dans ie
monde ree!, et ne s'y est jamais rencontre. )) Quand
cela serait \r<< qui vous dit donc de chercher vos
tdcca dans te mond'' r~el? Faut-il donc que vous voyiex
tour? n est f~citeux sans doute qu'il n'existe pas! H n'en
f7c~ pa~ moins exister. A la vérité, nos judicieux pro-
fesseurs do droit naturel croient encore que tout homme,
des sa naissance, est oldi~e :'t l'Etat et envers l'Rtai pour
les services qu'it en a rccHcment reçus. MaHtcureusement,
on met toujours ce principe en pratique, avant de i'etabiir
théoriquement. L'Ë~t n'a demande a aucun de nous son
consentement; mais il aurai) du te Cau'c, et ron pourrait
dire que jusque-ia nuus sommes restes dans l'état de na-
ture, c'cst~dire que, n'étant assujettis a aucun contrat,
nous ne retenons que de la toi morah). Mais nous revien-
drons sur ce point.
C'est donc uniquement parce que nous nous rimposon~
& nous-mcrncs qu'une loi positive est obMgatoire pour

nous. C'est notre volonté, c'est notre résolution, consi"


(!6rce comme durable, qui est !o législateur, et il n'y on a
pas d'autre. Tout autre est impossible. ~uUe volonté étran-
gère n'pst unt' loi poumons; celte même de la divinité ne
le serait pas, si elle pouvait être dinerente de la loi de la
raison.
Mais M. le secrétaire intime de chancellerie, Rehberg,
a fait sur co point une importante découverte c'est que
Rousseau a confondu la ~o/o~e ~p~yx/c avec notre na"
turc morale, pn vertu de laquelle nous ne sommes et ne
pouvons être soumis n aucune autre loi qu'A celle de la
mison pratique. Je ne veux pas rechercher ici ce que
Rousseau a dit ou pense; je me demande seulement ce
que M. R. aurait du dire. La législation do la raison
pratique n'est pas suuisantc, selon lui, pour fonder un
iStat; la législation civile fait un pas de plus elle s'applique
des choses que première abandonne ù notre volonté
C'ct.t ce que je p~nso aussi, et je croi~ que M.
aurait pu étendre encore davuntag-c cette proportion et
dire on gênera! La loi morale de ia raison no regarde en
rien !a ~islation civito; ello est parfaitnutcnt compter
sans e!t<~ c~ !a dernière <ait (ptclquo chose de supeWht et
de funeste quand o!~ prétend hn donner une t)cuve!te
Mnctton. Le domaine do in !o~s!at{on cm!') c~ ce que la

</r<M'~ ~p/o.
raison laisse hhro; i'ohjot de ses d~poahion~ ce )i:on< loi
Jusqnc-ià,M. R. a raison,
et il nous pardonnera d'avoir h'aduit sa pen~ en un tan-
8~e piu« précis, puisque iui.m~mo hait si fort l'obscu-
rité chez les autres. Mais il conctut Puisque ccHe tegis-
taMon a pour fondement quoique chose de tout il fait
voiontatre en soi, donc. mais je ne puis comprendre
bien clairement ce qu'H on conclut. Or je demandais
Quei que soit l'objet de ces lois, f/'p~ vient ~o~ /<'Mr o<<-
~~? Je ne ~ais quelle répugnance M. R. peut avoir
pour le mot < contrat a il se dômene en des pages entières
pour y échapper, mais, A h fin, p. 60 (4), il est force
d'accorder que, ~t~c c~0 ~c, la société civile
peut être considérée comme une association volontaire.
J'avoue que je n'aime pas ce « d'une certaine manière ?
f<t toute cette engeance, Si tu as une ideo solide, et. que tu
vouUtes nous en fajre part, alors parie avec netteté et, au
lieu do ton d'une certaine mamero, ?u trace une h~up
précise; que si tu ne sais rien, uu que tu n'oses peint
pnr!er, tais.toi tout (ait. ji ne faut rir'n faire ~t demi.
Lit question était donc de savoir d'ou vient t'ohu~atiou
qu'imposent les lois civites. Je rcponds De t'acceptation vo-

(1) De tc'o /?M/tarc/<M «<r /« /o/«<t'~M /w~Mpa~


lontairedoceslois par l'individu; et te droit de nereeon-

même; est le principe de cette ~w~?<~</


//M/c
/6',
naitre aucune autre loi que ce)te qu'on s'est donnée a soi-

de Housseau, qui n'est pas notre nature rai-


sonnable même, main qui est fondée sur le premier p<
!n!at de sa loi, toque! exi~ (Ut'CHC soit notr<' ?~/y~' loi.
Mais au lieu, soit de rer'onnattt'e ce droit, soit d'en dé-
montrer rinnnitc par des t~incipes primitits ()e !a raison
R.
purp. M.
écouterons une autre fois. Ktran~pr, </6' ~)<?
nous raconta une tbu!c de choses que nous

hu demandions-nous, et i! nous débite des histoires sur


6'<?~7 est, afin de nous faire oublier pendant ce tcmps-ta
notre importune question.
Pour mettre te publie à même de ju~er ec qu'il doit
attendre de la so!idi!e d'un écrivain (pu hu impose par
son ton tranchant, et ne cesse de se plaindre du habHta~e
iade, superficiel intoterabic/des autres, je parcours le pre-
mier passage que je rencontre. Page /t5, il dit « Supposez
qu'un certain nombre d'hommes, qui vivaient.indépen-
dants les unsa côte des autres, se reunissent pour s'occuper
en commun (le t'ordre intérieur a établir entre eux et (te
la défense a opposer aux ennemis extérieurs. )) H re-
connatt bien ici un contrat social, non pas seulement d'une
certaine manière, mais pleinement. Un (les voisins re-
fuse (t'entrer dans l'association propost'c. n trouve ensuite
avantageux de s'y adjoindre. Mt)is ii n'a p!us ic droit de
le demander.)) De demander ~02? de s'y adjoindre? !i
ne dépend que de lui de !e proposer ?N'a-t-H point le droit
de se resou(!rc hn-memc à se présenter, et a prier la so-
ciété de l'admettredans son scin?Voita quelles négligences
se permet ici un écrivain, qui a d'ailleurs bien montre
qu'il était maître de sa langue. Veut-il dire qu'il n'a
p!u.s (!roit d'exiger /w/ Mais je vous prie,
est-f'e qu'it avait re droit auparavant? Avait-i!, antérieu-
rement utout (-ot)tr:u,uu<iti)')e prétention sur ta so-
ciété? (7cst ainsi qu'un .cri! d'une manirre (''<{u:voqm-,
–(lit'ai-jf pat- ~not-ntx~' .m avp<- t-n~\ion?– .')<in <!c fnirp
passer ut«' {t!'op)~it~n )'.u)ssp, <'t<!))~<'Hth~(h'rc!(~
p!'<~f)S!tif)n UHf' r<Hts<<{u<'n(');tj))i, <h'-n))'')))<~
rc~t'nnt
thus~, <tt)nnd sa )<t:<j<'H~s~nnt \-raip:<.t!s< nhtt~
maintenant, t'ontim~-t-it, ().' s'an-umtn.Hh'rtt~conttt-
)i<msr{nHHisttntp:u-ttf'tt~t''r'n<')tN':tt<ps,<'tqt))p('ut-(~rc'
!ui pnnti~pnt phts <hn'~s qu'aux {mh'<) L<'s r<m()!tions
1)
spcciatompnt coHYPnnf's avec hu h)t paraisspnt p!us dures
qup(œsn)~m('sc()ntti<ts?)auxat!trcs? Jo pensais
quf
les autres n'<a~n! pas sootoisaux m(''m<?sc()n(H<K)t)s, mais
a d'an!f's, h~f{)tt'tt)'s Haif~tt pins (!<'nr.'s;<
et non pas scut~m') (d'une )ttani)''n' rotative) pa!T<
qu'eitos itii paraissaifn! phts dmTs. Kn vita
ass~x sur ia
nc~ig'enccdc t'pxpr~sion. Venons maintpnantata chose
mémo. Pourquoi (tonf- sprait-ii~~?!~ pourquoi w~-
~~?/? S'it pst oh)i~' ntaintcnant, il aurait ()u t'etro aussi
auparavant, dans tf ras ou it aurait ptu !a socit't< df'Juil
imposcrdus conditions ptus dures. Dircx-vous fpt'r'nc n'r'n
avait pas ic droit?–Mais aiors it n'est ohii~ ni mainte-
nant, ni auparavant. Les ('~n<titionssont-eJHest!'op dures,
ii a parfaitement if fh'oit de
renoncer a entrer dans !a so-
ciété. Lui et e!te sont deux commerçants qui estiment
leur marchandise fmssi ttaut qu'Us espèrent pouvoir Ja
vendre. Tant mieux pour celui qui ~ne quelque citose
dans le marche! Qui donc aurait du etab!irietaux des
marchandises ? La question est seulement de savoir s'it
n'y a point de droits qui soient inahenabies d'eux-mêmes
et dont !'ahena)ion rendrait tout contrat iu~itimcet
non
avenu. M. h.
ne saurait résoudre ce) tu questit'n avec
tousses exemples; il tnut qu'ii s'en~a~e avec nous dans tu
spéculation ou qu'il se taise.
J'aurai plus d'une fois encore i'ccc.tsion de revenir sut'
cet écrivain, qui meconnait !u point en hti~e et tribnnat
clui nondut perp~neUt'mont de en (nu a ce qm
qm cont~nd de nouveau tonton tes choses (juc Hou~
seau et ~cs successeurs ont dtstu~nnoschftmjo distin~m'
ici; qui cherche dans ta sod(''tcrot'i~inc dudroihUapro.
pric~ du so~ et (fui nous tio a i'~ta~ d<s notre nais~ath'c,
~an~ aucune cooptation de notm part.
Si !'obM~ation qui s'attache aux contrats sociaux r<~
suit'' uniquement (h! !a voionto dos contractants, et qu~
ccU-e volonté puisso changer, il est ciair que t'~tt~ ques"
tion Pcuvent~its changer tcur contrat? revient oxacte-
mont a ceuc-ci Peuvent~its conchn'e, en g'cncnd, un
contrat? Toute modiucationdupremier contrat t~t un nou-
veau contrat, ou rancien est pjus ou moins, sinon tout
t'ait, annute, pius ou moins connrnio. Leschan~ementaet
les connrmations tirent .teur obn~ation du consentement
des contractants an second contrat. H n'y a donc p(~ même
lieu raisonnabtement de poser une tcno question. j!
re8un.e immédiatementde ce qui précède que tousïoscon'
tractants doivent être d'accord, et qu'on ne peut arracher
(te t'oree à aucun son adhésion autrement une toi lui su'
rait prescrite par quctqur' autre chose que par sa vo-
tonte.
« Mais si c'était une condition (tu ('outrât d'être etcrnoi
et immuable ? Je ne veux pas rechercher ici si un contrat
éternel, que le consontempnt même des deux parties ne
saurait supprimer, n'est pas en gênerai quelque choRc dp
contradictoire. Pour rendre in discussion phm féconde,
plus lumineuse et p!us intéressante, je vais droit au
cas
présent, et je pose cette question Une association po!i-
tiquc immuabh) n'est-cHc j)as <tuctquc chose de contra-
tHctutreetd'impu~ihtc? Et comme toute notre recherche
se ~ndo ~ur des principes moraux, itn~ pout ~re ici
question que (!c contradiction morah~ d'impossihiMtu
ntoratc, La question revient donc proprement a celle-ci':
L'ifnmutahihtu (t'nnc constitution pontique n'cst.eUcpas
contrairo a ja dcstinaiicn que h loi morale assigne a i'hn'
tnanitc?
Rien dans !c' monde ~en~~e, rien dans notre vie, dan~
nos actions ou nos passions, aucun phénomène, en un
mot, n'a de vaiour qu'autant qu'U concourt a la cutturc.
Ln jouissance n'a par cité-même aucune valeur; ene en
acquiert une tout au phi& comme moyen do vivifier et do
renouve!er<nos forces pour lu culture.
La cM/c, c'est l'exercice de toutes les facultés on vue
de ta hberte absolue, de l'absolue indépendance par rap-
port à tout ce qui n'est pas nous-mêmes, notre moi pur.
Je m'explique.
Si notre vrai but. final nous est assigne par et dans ta
forme de notre <noi pur (I), par h loi morale qui est en
nous, tout ce qui en nous n'appartient pas a cette forme
pure, ou tout ce qui fait de nous dos êtres sensibles n'e~
pas une fin on soi, mais seulement un moyen par rap-
port A une fin plus ~!cvec, u notre fin spirimeHe. L'être
sensible, en euet, ne (toit jamais nous. déterminer, mai~
il doit toujours être détermina par quelque chose <!e piun
c!cv~ en nous, par la raison. I! ne doit jamais .~ir qur'
1
(i) Le !cctcur a d~ se famHhrisct' avec ces expressions (tans i'fntt'o-
<tnctfon autrement il ne comprendra pa~ ce chapitre, ni aucun des
'«nvants, et ce)n par ''n propre faotc.
sur !'ord rode la raisun, jamais autrement que suivant h)
r)'c qu'elte ht) proscrit. Nous pouvons dire de !a seu-
sibilih'' ce que, dans Marmoutei, ce sauvage dit du dan~'r
dans son chant funèbre <' Des que nous fumes nos, it nous
a)~ftaaunton~ t'ttt'mhtethtctoHiahbert~ett'c~'ta-
va~ (''taiont <~t j<'u. Si htt's tPphtsfDt'L n"un diti!,
jt'Sf'rai~~n<~chh'<J<~h)Ut'rait't'cp<t))rt<u!)ntr<st!tih'
~rv~)'nr; ntaisjcs)tis!<n!J«ut'st)ns'pr\'ito))t'm<<tnh'nt.
<'< ttes qu'on t'c'tachu on ~u xxut jf'ug, jfin'<'mp<t!l<'

<'onh'<' mon maitrt' <'t. m<m vaiti<mcnr. Si c'est m~i qui te


terrasse, je t'ouh'ag-erai, te f~sth~torerai, !c buterai aux
pie(!s. (~nnmc tu ne peux m'Hh'R d'aucune uti!it< j'userai
de mon droit de vainqueur pour chercher ~t'ancnmir
comptetemenL ))
Or dans c~ combat il don arriver deux choses a la sen-
sibiiitr. !t faut (t'ahord <m'<d!c soit domptée et suhju~<<
et!ene doitpius commander, mais oheir; cHc ne doit
ptus prétendra nous prescrire nos nns ou les stipuler.

moi la M/
Têt est !e premier acte de ram'anchisscment de notre
de ta scnsibihte. Mais tout n'est
pas fait encore. Il ne sunit pas que la sensibilité ne soit
ptus maîtresse, il faut encore qu'cHe soit servante, et
servante adroite et capabte; il faut qu'ette soit utite. Pour
arriver a ce but, vous mettrex toutes ses facuites en réqui-
sition, vous !os faconnercx de toutes manières, vous ies
rjeverex et !es forti<iere/ a !'infini. C'est !e second acte de
t'affranchissement (te notre moi la c~?~'<9 de la sensi-
biute.
Qu'on me permette deux remarques a ce sujet. D'abord,
quand je parte ici de ia sensibitite, je n'entends pas sim.
ptement par !a ce que t'ou désignerait, fort hien d'ai!!eur~
sous ce nom, !es facu!tcs iuf)''rit!ures (!er<une~ ni a )dus
furte raison tes fa.-uites corpordtes de t'homme. far
oppo-
sition au moi pur, jet-attache a iasensihitit.tout
ce qui
'f'Ls mi-même ce moi pm-, et
par conséquent toutes
h's facultés corporeites et spiritucttes qui
trouvent être dr-
tLïminees par quelque chose d'ext('.rieura
nous et en tant
<I~cs peuvent l'être. Tout ce qui est susceptible d'être
~nne, tout ce qui peut être exerce et fortifie fait
en par-
tie. Seule, ia forme pm'c <!<' no[r<' moi ~s~ susijcptiN''
'at)cunucuhm'c u~c~ahsutmttcnLitmnuahtc.Datf.sc''
sct~duii~t, !a cuivre <)<l'esprit, ou <!n cœur, ~ari.'s
pcnsucs les p!us pures ou par les plus subtintes ima~u.s <tc
ta rcti~ton, n'app.u-ticm culture (!u ia suu~
pas tnuiij.s a la

pi~ds la
sibHitc, de re~'c ~usibic
danse.
en nous, que l'uxcrcicc

En second Heu, pcut.-etr)- (n)dqu'mt pcnscra-t-i!


<.t~

quu
('~ exercice cL ce perfectionnement des tacultes sensibles
dont je parie pourrait bien être
un moyen d'accroître la
force même de Ja sensibilité et, de lui dom~r de
nou-
\d!es anues contre Ja raison. Il n'en est nen. L'indisci-
p!inc est le caractère propre de ta sensihUit.c c'est par la
seulement (jn'etie est forte des
<juc vous lui arrache/
'-et itistrument, e!!e per<! toute sa puissance. –Toute
cette
''uttm'e se fait au moins suivant des rentes, sinon suivant
d' icis, en vue de certaines nns, et par cons'<tuent
au
'Huinsd'mtemani'-rere~diere; elle donne en<juetnue
surte a la sensibilité t'uniforme de ta raisun; ies
armes
<me ceUe-ci iui fournit ~ont inoifensives pour cite et
ne
sauraient la Ldesser.
Grâce au souverain exercice (te
ces deux <h'oits du
vainqueur sur la sensibilité, l'homme deviendrait
c'cst-a-dire (pt'it ne d<pen(!rait pms <pte de mi-même,
de son moi pur. Chaque fois que dans son cœur il dirait
Je fc~, il pourrai dire, au regard du monde des phé-
nomènes C'est. /< Sans l'exercice du premier de ces
droits, il ne pourrait, pas même ~o~ ses actes seraient
détermines par tes impulsions extérieures qui agiraient
sur sa sensibilité; il serait un instrument qui resonnerait
toujours a l'unisson dans le grand concert du monde sen-

<
sible et qui ne manquerait jamais de rendre le ton qu'il
plairait l'aveugle Destin du tirer de lui. Si maintenant,
après avoir exerce le premier droit, il ne faisait pas va-
loir le second, il pourrait sans doute vouloir agir par lui-
même mais sa volonté serait une volonté
il voudrait, et ce serait tout. Il serait un maître, mais
sans serviteurs; un roi, mais sans sujets. Il resterait
encore sous le sceptre de 1er du Destin; il serait encore
rivé a ses chaines, et son vouloir ne ferait que les agiter
vainement. Le premier acte du vainqueur nous assure le
~M' le second, celui qui consiste A enrôler et a équi-
per nos forces, nous assure le ~o~y.
Cette culture en vue de la liberté est le seul but final
possible de l'homme, c~ /<?/~ ~M'ï7 c~ une ~c <~
//wï~c sensible; mais ce but final sensible n'est pas encore
le but final de l'homme en soi il n'est que le dernier
moyen pour atteindre un but final plus clevc, son
but final spirituel, a savoir la parfaite concordance de sa
volonté avec la loi de la raison. Tout ce que riiomme fait
doit pouvoir être considéré comme un moyen d'arriver
dans le monde sensible a ce dernier but final; autrement
ses Œuvres sont sans but, ce sont des oeuvres déraison-
nables.
Sans doute la marche qu'a suivie jusqu'ici le genre Im-
main a tendu vers cette fmJ–Mais je vous prie, ô illustres
tuteurs de rhumanitc! ne vous hâtez pas trop de prendre
ces prêtes pour uu homma~ rendu a votre sa~e direc-
tion, et attendex encore un
peu avant de me ranger si
complaisamment daus la ciassc (!<
vos Matteurs. Laissez-
moi d'abord vous expliquer tout doucement
ce que peu-
vent raisonnahicment signifier ces paroles. Quand je
rénéchis sur cette marche de l'humanité,
et que j'ad-
mets qu'elle peut avoir eu un but, je
ne saurais, dans
mon examen, (;n assigner raisonnablement un autre
que
celui dont il est ici question, puisqu'il est. !<j seul
possible.
~c ne dis donc pas
que vous ou tout aut.rc être, vou'!
ayez conçu ce but d'une manière précise et que
vous ayex
dirige la marche en conséquence; je dis seulement que
je le conçois d'une manière précise afin de pouvoir
porter
un jugement sur la nna!ite de cette marche. « elle
avait été reeUement dirige,
en vue de cette un, par un
être raisonnable, n'aurait-i! pas choisi les
moyens !es ptus
propres a l'atteindre?))» VoitA ce que je me demande. Je
ne dis pas <~? cela ait et~ ainsi qu'en sais-je ? Et que
trouverai-je dans cette recherche?
Et d'abord, personne cultivé, mais il faut
chacun se c~c Toute conduite purement
que
passive est justement le contraire de la cunure;
ce!!c~ci
a son principe dans l'activité pcrsonnche, et cette activité
est aussi son but. ~ucun pian de cuiture
ne peut donc
être étabn de tcne sorte qu'il soit nécessaire de ic
plir il s'adresse a la liberté et dépend de l'usage
rem-
de !a
hberté. La question doit donc être posée ainsi Y a.t.ii
eu
des objets ou les êtres libres aient
pu exercer leur activité
personnene en vue du but nnal de la culture?
Et que pourrait-il y avoir dans le monde entier du
!'ex<
périencc qui ne fournît a des êtres voulant agir
l'occa-
sion d'exercer leur activité? Il est donc aisé de
répondre a
la question qui vieni d'être puso~car <'t)u it'est
pas inop-
portune. (Jui veut se cuttiver se cultive a propos <!etuut.
La guerre, dit-on, cultive, et, il tantt le rucunuaitre, et!
dispose nos âmes aux sentiments et aux :t(-tesltcro)'ques.
au tHcpt'is du danger et de la mort, au <icdain t)<'s i~un.s
chaque juur ''xpus~s au ~Hh)~ a une ~y!j)(<athic pk!:?
jM'oiundc j)om' t'x~ ce (jui porte fa ti~un' humaine, par~c
<tuc (les ~uHl'anccs ou dc~ pct'its cotnmutts nous rap-
p!'t)chent(tavauta~t't<'s unsdcs:mtt-cs. ~ais ne prenez
pas cuta pour nn ~Opt; <!c voh'c ~an~unmirc amuur dc~
combats, pour unn humble priuru que la pauvre b!tu~-
nite vous adresserai par ma bouebc, a<iu que vous ne
eessiex pas de la dechu'er par (kSpUerres sanglantes, i~a
guerre ne porte a l'héroïsme que les âmes qui en ont
déjà le scnutnein elle excite dans les cœurs sans noblesse
l'amour du piua~e et de t'oppression du taibie. ~Hu a
produit des beros et de taches voleurs, niais dans quetie
proportion? Si i'oM ne vousju~t'ait (pte d'après ce
principe~ vous resteriez blancs connue nei~c, quand meine
vous seriez plus mauvais que ne vous le permet ta t'ai-
btesse de votre siec!c. Le plus dur despotisme cultive.
f/esc!ave voit <!ans ia sentence 'te murt que jn'unonce
contre tui son tyran l'arrêt de i'mnttuahteJestnt, et il s'ho-
nore p!us par ta hbre soumissiott de sa vuiunte a ia iata-
iite inc\orabte, qu'il ne peut être nL'tri par (juoi que ce soit
au monde. Le destin qui tire aujourd'hui l'e~avc de la
poussière pour le placer sur tes dt~res du h'onc, et qm
demain te fera (te nouveau rentrer dans son neant~ ne
laisse a t'homme rien autre rho~ que rhommc. De ta
chez tes Sarrasins et tes Turcs cette douceur (lui respire
dans leurs romans, et ce dévouement aux étrangers et aux
malheureux qui donune dans leurs actes. Voila ce que
produit l'idée du destin citez ces nobles peuples, cette
même idée qui fait du vil Japonais un meurtrier résolu,1
parce qu'il ne craint pas les reproches de sa conscience.
Soyez donc aussi despotes. Si nous le voulions d'ailleurs,
nous trouverions moyen de nous periectionnermemc avec
un de vos lacets de soie autour du cou.
Les moyens (le culture ne manquent donc jamais;
mais ici s'élève la seconde question sont-ils réellement1
employés? Dans la marche qu'a suivie jusqu'ici l'espace
humaine, peut-on indiquer un progrès vers la parfaite
liberté?–Ne vous laissez pas effrayer par cette recherche;
nous ne jugeons pas, comme vous, d'après te résultat.
Si aucun progrès remarquable ne nous apparaît, vous
pouvez dire hardiment c'est votre faute, vous n'avez pas
mis en usage les moyens qui étaient a votre disposition
et nous n'aurons a répondre a ce!a rien de solide, c'est-
à-dire rien du tout, car nous ne sommes pas des sophistes.
Mais ce progrès se montre bien réellement, et c'est ce
que l'on devait attendre d'ailleurs de la nature de
l'homme, laquelle ne saurait absolument rester station-
nairc. Les facultés sensibles de l'humanité ont certaine-
ment été cultivées et fortinccs de bien des manières de-
puis le moment ou nous pouvons commencer a suivre sa
marche. Devons-nous vous en remercier, ou bien a qui
en tiendrons-nous compte?
En fondant et en gouvernant vos Ëtats vous êtes-vous
donc réellement propose pour but unal de rendre notre
culture possible et facile? J'examine vos propres explica-
tions A ce sujet, et aussi loin que je puis remonter, je ne
vous entends parler que du maintien de vos droits et de
t~o~'e honneur, que du soin de venger vos offenses. H
semble ici qu'en construisant votre plan vous n'ayez point
son~e a le moins du monde, mais & vous seuls, et
que nous n'y soyuus admis que comme des instruments
pour uns. On si parfois un sentiment généreux se
place sur vos lèvres, vous ne partez que du bien-être de
vos udelcs sujets. Pardonnex-nous si votre générosité
m'us es!, un peu suspecte, (~umd vous poursuives pour
nous un but que nous puursmvons bien nous-mêmes,
la jouissance sensible.
Peut-être cependant n'avex-vous d'autre tort que de
ne pas savoir vous exprimer peut-Ctre vos actes valent-
ils mieux que vus paruies. Je cbet'chc dune, autant que
ceta est possible a travers le labyrinthe de vos détours,
au miiicu de la nuit profonde et du mystère que vous
répandez sur votre marche, je cherche, dans les maximes

la ~oMu~</
&~?~ ~e
<
de vos actes, l'unité qui pourrait leur servir de but. Je
cherchû religieusement, consciencieusement, et je trouve:
f~'c ~/o/~ l'~c~-
</c~ Je prends te premier butl
comme un moyen pour notre fin suprême, la culture de
la liberté, et j'avoue ne pas comprendre comment il peut
être bon pour le propres de notre activité propre que
personne n'agisse par soi-même si ce n'est vous com-
ment il peut être utile l'anranchisscmcnt de notre vo-
lonté, que sur tout votre sol personne n'ait de volonté
que vous; comment, pour rétablir sa pureté, notre moi
peut avoir besoin que vous soyez les seules âmes et que
vous mettiez des millions de corps en mouvement. Je
rapproche le second but de notre hn dernière, et ici
encore je n'ai pas assez de pénétration pour apercevoir
ce que notre culture peut gagner à ce que votre volonté
se substitue ou non a quelques milliers de volontés de
plus. Croyez-vous que l'idée de notre digmte. s'élèvera
beaucoup parce que notre maure possédera do nombreux
troupeaux?
Nul assurément ne comprendra tout cela, s'il n'est.
assez Itcureux pour être initie aux profunds secrets de
votre politique (1), surtout itu lin Ibnd de tout, au mys-
tère de l'equilil~'e européen. Vous voûtez que votre vo-
lonté soit souveraine dans vos États aiin de pouvoir, au
caa oit quelque danger menacerait i'eumtihru, y tnirc tacc
i1 l'instant avec toute l'énergie de cette voiontc; vous

voulez (lue votre État soit aussi puissant au dedans et


aussi étendu au dehors que possible, atm d'avoir une très
grande ibrce à opposer à ce danger. Le maintien de cet
equihbre est votre dernier but final, et les deux autres
buts sont des moyens d'y atteindre.
Serait-ce donc reeuement tH votre but nnal?
Permettex-moi d'en douter encore un moment. De qui
donc cet équilibre a-t-it tant il craindre, sinon de vos
égaux? U faut donc qu'il y en ait réellement parmi eux
qui cherchent a le troubler? Or quci est te but iinal de
ces perturbateurs? Sans doute cctui-ta même que vous
poursuivez comme un moyen pour votre dernier but nnai
la souverainet6 ia plus étendue et la plus illimitée.
Il faut pourtant déterminer a peu près combien grande
doit être la puissance de chacun des ~tats auxquels la
politique impose le maintien de cet équilibre, pour que
les plateaux de la balance n'inclinent pas plus d'un côté

(<) Une secrète horreur t'cmpare de l'vcrivain citu ptus haut, lors-
(nrH entend (Urc quctqu'tm que le simple bon sens sunit pour com-
prendre ce qu'tt lui a ct<! J~sqtx' t~ dlnielle de comprendre. J'nvoue
que je partage cette ophion. « ~ais le goût de ta profondeur y pas-
aera on deviendra aupcrnckt, si l'on dit cda tout haut! a Que
M. H. taisae à son adversaire le soin d'y p'cndre garde t
que (te l'autre. C'est la que vous trouvez votre limite
précise allez jusque-la, et laissez aussi !es autres s'avan-
cer tranquillement jusque-lA, si vous n'avez réellement
d'autre but que l'équilibre et si vous êtes tous d'hon-
nêtes ~-ens. –Mais un autre, dites-vous,
a transgresse
cette limite; il ~ut que nous la transgressionsa notre
tour, a<in que l'équilibre interrompu soit rétabli. Si
les ptateaux avaient été d'abord bien équilibrés,
vous
n'auriez pas eu besoin de franchir la limite;
vous auriez
empêche que l'autre ne la franchit. Vous êtes suspects de
ne l'avoir laisse faire que pour avoir aussi un prétexte
de transgresser vos limites et pouvoir aussi
rompre l'équi-
libre a votre tour car vous
vous nattez secrètement
d'avoir l'avantage sur ce téméraire et de faire quelques
pas de plus que lui. On a vu dans notre temps de grandes
puissances s'allier pour se partager entre elles certains
pays, afin de maintenir l'équilibre. !I n'en aurait
pas moins subsiste, si aucune d'elles n'avait rien pris.
Pourquoi choisir le premier
moyen de préférence au
second? Jl se peut sans doute que
vous vous con-
tentiez d'être les conservateurs de cet équilibre,
tant que
vous n'avez pas assez de force pour remplir un rôle
que
vous aimeriez bien mieux, celui de le détruire, et
que
vous soyez charmés d'empêcher les autres de le déran-
ger, afin que vous puissiez le faire un jour vous-mêmes.

<
Mais c'est une vérité démontrée
par des raisons
et par l'histoire tout entière, que ~cw/~ce </c ~M/c~
~oy~-c/<~ c~ ~tc~M~c
~c/~ ~/M/'c/~ ï/<~c//c. Nos politiques
<7/ec
l'avouent eux-mêmes très naïvement
en parlant des (tan.
gers qui menacent i'équiHbrc ils supposent très certai-
nement citez les autres ce qu'Us ont eux-mêmes
sur !a
conscience) Un ministre doit rire en entendant un autre
ministre parler sérieusement de cet équilibre; et ils
doivent rire tous deux en nous voyant, nous antres, qui
ne possédons pas nn pouce de terre et n'avons point, de
pension a gagner, les smvrc avec candeur dans leurs
graves recherches. Si aucune des monarchies modernes

n'est certainement pas le


a manque.
t~
ne s'est notablement rapprochée du but n atteindre, ce
mais Ic~M~o~' (pu lui

Mais quand il serait aussi vrai que cet équilibre est


votre dernier but unat qu'il est certain qu'il ne l'cst pas,
il ne s'ensuivrait pas qu'il dut être le nôtre. Nous, du
moins:, nous i'crons de ce but même un moyen pour notre
but final; nous, du moins, nous nous demanderons pour-
quoi donc l'équilibre doit cire maintenu.
-Des qu'il sera détruit, dites-vous, il s'élèvera une guerre
terrible d'un contre tous. et cet un engloutira tous les
autres. Quoi vous craignez si fort pour nous cette
unique guerre, qui, si tous les peuples étaient unis sous
un seul chef, enfanterait une paix perpétuelle! Vous
craignez cette unique guerre, et pour nous en préserver
vous nous engagea en des guerres interminables!1
Vous craignez que nous ne soyons subjugues par une
puissance étrangère, et pour nous garantir contre ce
malheur, vous aimez mieux nous subjuguer vous-mêmes!
Oh! ne nous attribuez pas avec tant de confiance votre
manière de voir les choses Il faut bien croire qu'il vous
est plus agréable de nous subjuguer que de laisser :t
d'autres ce soin; mais nous ne savons pas pourquoi cela
devrait nous être aussi plus agréable. Vous avez le plus
tendre amour pour notre liberté vous voulez en être les
seuls maîtres. La destruction absolue de Féquilibrc
européen ne sera jamais aussi funeste aux peuples que no
Fa <~< le maintien de ce malheureux équilibre.
Mais comment et pourquoi est-il donc nécessaire que
cette guerre, cette conquête universellesuive la suppres-
sion (le l'e<piilibre invo(}ue? Qui donc ia préparera? Un
des peuples qui sont n'anchemcnt dégoûtes de vos guerres,
et qui se seraient déjà volontiers cultivés dans l'état de
paix'? Croyez-vous qu'il importe beaucoup A l'artiste ou
au paysan de l'AHema~nu que l'artiste ou le paysan de
la Lorraine ou de l'Alsace trouve, dans les manuels de
géographie, sa ville ou son village au chapitre de l'empire
allemand, et qu'il laissera la son burin ou sa charrue pour
se donner ce plaisir? Non, celui qui soulèvera cette guerre,
ce sera le monar(}uc qui se trouvera le plus puissant, une
t'ois l'équilibre renverse. Voyez donc comme vous raison'
nez et comme nous raisonnons a notre tour. Afin
qu'une monarchie n'engloutisse et ne subjugue pas tout,
il taut, dites-vous, qu'il y en ait plusieurs assez fortes
pour se maintenir en équilibre; et afin qu'elles soient
assez fortes pour cela, il faut que chaque monarque
cherche a s'assurer au dedans la souveraineté, et à étendre
de temps en temps ses limites au dehors. Nous, au
contraire, nous raisonnons ainsi cette tendance conti-
nuelle a s'agrandir au dedans et au dehors est un grand
malheur pour les peuples. S'il est vrai qu'ils soient obliges
de le subir pour en éviter un autre incomparablement
plus grand, cherchons donc la source de ce plus grand
malheur, et détournons-la s'il est possible. Nous la trou-
vons dans la constitution de la monarchie absolue toute
monarchie absolue (c'est vous-mêmes qui le dites) tend
incessamment il la monarchie universelle. Tarissons cette
source, et notre mal aura perdu sa raison d'être. Quand
personne ne songera plus A nous attaquer, nous n'aurons
plus besoin d'être armes; alors les guerres terribles que
nouR supportons, et, ce qui est encore plus
terrible, ce
pied de guerre sur lequel nous restons toujours, afin
d'empêcher la guerre, tout cela ne sera p!us nécessaire;
des lors aussi il ne sera plus nécessaire que vous tra-
vailliex aussi directement a la souveraineté de votre vo-
~nte. –Vous dites Puisqu'il faut qu'il y ait des monar-
chies absoutes, il faut bien que l'espèce humaine s'attende
a soufn'ir une quantité innombrable (te maux. Nous re-
pondons Comme l'espèce humaine ne veut pas s'mtfrir
cette innombrable quantité de maux, il ne doit point y
avoir de monarchies absolues. Je sais que vous avex pour
soutenir vos raisonnements des armées permanentes, de
la grosse artillerie, des chaînes et des cachots; mais ds
ne m'en paraissent pas plus solides.
Honneur a qui de droit; justice il chacun! Le l'rottc-
ment des nombreuses roues de cette machine europf'enne,
de cette ingénieuse invention de la politique, tenait tou-
jours en baleine l'activité de la race humaine. C'était,
au dedans et au dehors, un combat perpétuel de forces
opposées. Au dedans, ~race au merveilleux mécanisme
de la subordination des rangs, le souverain pesait sur les
rouages les plus voisins de lui, ceux-ci a leur tour sur
ceux qui leur étaient immédiatement subordonnes, et
ainsi de suite jusqu'aux esclaves qui cultivaient la terre.
Chacune de ces forces résistait a l'action et pesait a son
tour de bas en haut; et ainsi s'entretenait, par le jeu varie
de la machine et par l'élasticité de l'esprit humain qui
l'animait, ce merveilleux mécanisme, qui dans son en-
semble péchait contre la nature et rendait, pour peu
qu'il ~écartât d'un pointées produits les plus divers:
en Allemagne, une république fédérative; en France,
une monarchie absolue. Au dehors, ou il n'y avait pas
de subordination, l'action et la réaction étaient détermi-
nées et entretenues par la tendance perpétuelle a la
mo-
narchie universelle, laquelle, pour n'être pas toujours
clairement conçue, n'en était pas moins le dernier but
de toutes les entreprises, anéantissant ia Suède dans la
série politique, afiaiblissant. l'Autriche et l'Espagne, tirant
du néant ta Russie et la Prusse, et donnant aux phéno-
mènes moraux de l'humanité un nouveau mobile d'actions
héroïques, l'orgueil national sans nation. L'examen de
ce
jeu varie peut procurer a l'observateur une jouissance
d'esprit qui excite sa pensée, mais il ne saurait satisfaire
ie sage et l'instruire de ce qu'il a besoin de savoir.
Ainsi donc, quand même nous aurions avancé notre
culture du côte de la liberté, non-seulement ~o~ vos
constitutions politiques, mais encore l'effet même de
ces constitutions, nous ne vous en devrions aucune re-
connaissance, puisque tel n'était pas votre but et que vous
vous proposiez tout le contraire. Vous aviez pour but
d'anéantir dans l'humanité toute liberté de volonté, a
l'exception de la vôtre; nous avons combattu contre vous
pour cette liberté, et si nous avons été les plus forts dans
lutte nous ne vous devons certainement rien pour
cela. il faut reconnaître, pour vous rendre pleine jus-
tice, que vous avez cultivé & dessein quelques-unes de
nos facultés, mais pour les rendre plus aptes à vos fins,
et non aux nôtres. Vous en avez tout a fait usé avec nous
comme nous aurions du le faire avec nous-mêmes. Vous
avez soumis notre sensibilité, et vous l'avez contrainte
à reconnaître une loi. Après l'avoir soumise, vous l'avez
façonnée de manière à la rendre propre a toutes sortes de
uns. Jusquc-1~ tout était bien, et si vous vous en étiez
tenus la, vous auriez été les vrais tuteurs de l'huma-
nité. Mais c'était votre raison et non !a nôtre, votre vo-
lonté et non ia notre, qui devait, en maîtresse suprême,
fixer ses fins a cette sensibilité soumise et laconnée. Aiin
de nous rendre plus dociles a vos ordres, vous nous avez
fait enseigner toutes sortes de sciences, dont la forme et le
contenu avaient été arranges tout exprès d'après vos plans.
Vous nous avez iait apprendre toutes soutes d'arts, ann
que nous puissions vous désennuyer, vous et votre entou-
rage, ou afin que nous vous fournissions, a vous et aux
instruments d'oppression qui sont entre vos mains pour
vous suppléer au besoin, l'éclat qui vous sert a éblouir les
yeux du peuple. Ennn, et c'est la le chef-d'œuvre dont
vous vous félicitez le plus, afin d'avoir des machines
que vous pussiez employer contre tout ce qui ne voudrait
pas reconnaître votre volonté pour loi, vous avez instruit
des millions d'hommes dans l'art de se tourner sur un
signe à droite ou & gauche, de se serrer les uns contre les
autres en forme de muraille pour se séparer ensuite tout
à coup et égorger leurs semblables avec la plus terrible
dextérité. Voilà, si je ne me trompe, tout ce que vous avez
fait à dessein pour notre culture.
En revanche, vous l'avez aussi arrêtée & dessein ce
n'est pas sans raison que vous avez retenu nos pas et jeté
des chausse-trappes sur notre chemin. Je ne veux pas vous
rappeler ce qu'a fait l'idéal de toutes les monarchies,
celle qui en représentait les principes de la manière la
plus forte et la plus conséquente, la Papauté. C'était 1A
un désordre dont vous étiez innocents; vous étiez alors
vous-mêmes des instruments dans une main étrangère,
comme nous le sommes aujourd'hui dans la vôtre. Mais,
depuis que vous êtes libres, jusque quel point vos prin-
cipes se sont-ils écartes de ceux de votre ~rand maitrc,
auquel un petit nombre seulement parmi vous (1) témoi.
gnent la reconnaissance qui lui est due? !<'aire dépendre
!e~ opinions de l'homme d'une autorité étrangère, afin
d'étouner en lui le germe de toute activité personnelle et
de le rendre purement passif, tel ctait le principe sur
lequel se tondait cette terrible monarchie universelle, et
avec ce principe, aussi vrai que l'ait jamais été un principe
inventa par l'esprit, de renier, se maintient ou s'écroule
inévitablement la monarchie absolue. Celui qui ne peut
déterminer ce qu'il doit croire n'entreprendra jamais de
déterminer ce qu'il doit taire mais celui qui aurancbit son
intelligence affranchira bientôt aussi sa volonté, Voila,
ô immortel Frédéric! ce qui sauve ton honneur dans le
jugement de la postérité; voilà ce qui t'éléve au-dessus
de la classe des despotes dévastateurs, et te place dans In
glorieuse série de ceux qui ont préparé les peuples à la
Itberté. Ton esprit clairvoyant ne pouvait manquer d'aper-
cevoir cette conséquence naturelle pourtant tu voulus
que l'intelligence de tes peuples fut libre; tu voulais donc
nécessairement qu'ils tussent libres eux-mêmes, et s'ils
t'avaient paru murs pour la liberté, tu la leur aurais
donnée, au lieu de te borner à les y façonner au moyen
d'une discipline parfois un peu dure. Mais vous autres,
que faites-vous? Vous vous conduisez sans doute d'une
manière conséquente, plus conséquente peut-être que
vous ne vous en doutez vous-mêmes; car ce ne serait pas
la première fois que quelqu'un aurait trouvé dans son in-
stinct un guide plus sûr que dans son raisonnement. Vous

<i) Cependant ou commence & reconnaître et & remplir ton devoir.


voûtez dominer il vous faut d'abord soumettre l'intelli-
de
gence (tes hommes des que celte-ci dépendra votre vo-
lonté, te reste suivra sans peine. La monarchie absolue ne
saurait subsister a coto de l'absolue liberté de penser. Vous
le savez, ou le sentez, et vous prenez vos mesures en con-
séquence. Ainsi, un jour, pour vous citer un exemple, un
homme de cœur se leva du sein de l'esc!ava~e spirituel,
un homme qui, s'il paraissait
aujourd'hui, se verrait au-
jourd'hui condamna a descendre dans les caveaux où vous
enterrez les vivants, et arrachant de la main des despotes
romains le droit de prononcer sur nos opinions, il le
transporta un livre mort. C'était assez pour un premier
carrière
pas, d'autant plus que ce livre laissait une vaste
à la liberté de l'esprit. L'invention du livre vous plut, mais
faire que ce
non pas la vaste carrière. Vous uc pouviez
qui était arriva ne le fut pas, mais vous prîtes vos me-
dans l'es-
sures pour l'avenir. Vous renfermâtes chacun
des esprits
pace qu'avait embrasse son esprit en cet essor
Vous l'entourâtes, comme un revenant qu'on exorcise,
de distinctions et de clauses; vous enchaînâtes a ces
clauses son honneur et son existence civile, et vous lui
dites Puisque malheureusement tu es ici, nous voulons
bien t'y laisser, mais tu n'iras pas plus loin que ces pieux
tu vois là plantés et alors vous fûtes plus assurés
que
opinions
que jamais de notre esclavage spirituel nos
étaient rivées a une lettre dure, innexible. Que ne nous
opinions N'étant
avez-vous laisse le juge vivant fie nos
entraîné par aucune contradiction, il aurait suivi, du
moins à quelque distance, la marche de l'espèce humaine,
aujourd'hui
et nous serions véritablement plus avances
de maître
que nous ne le sommes. Ce fut là votre coup
Tant que nous ne comprendrons pas qu'aucune chose
n'est vraie parce qu'elle est dans
un livre, mais que te
livre est vrai, saint, divin, si i'on
veut, parce que ce qui
s~y trouve est vrai,
vous pourrez nous tenir attaches a
cette unique chaîne.
Vous ètes restes ici,
vous êtes restes en tout nde!cs a
ce prmcipe. Vous avez plante des pieux dans toutes les di.
rections que peut prendre l'esprit humain
pour indiqucr
les ventes privilégiées, et
vous y avez poste de doctes spa-
dassins chargés de
repousser quiconque voudrait a!tcr au
delà. Comme vous
ne pouviez pas espérer que cc~ cham-
pions à gages auraient toujours le dessus,
plus de sûreté, établi une haie communatc vous avez, pour
entre les pieux
et vous avez place des gardiens aux portes. Vous
bien sounrir que nous prenions pouvez
nos ébats dans l'intérieur
de cette enceinte;
vous jetez même parmi nous quel-
ques liards, quand vous êtes de bonne humeur,
pourvoi
amusera nous les voir attraper, mais matheur a celui
qui se hasarde hors de cet enclos,
ou qui, en gênera!,
ne veut reconnaître d'autre enceinte que ccHc de l'esprit
humain Si quelqu'un parfois
se glisse a travers la haie,
c'est que ni vous, ni
vos gardiens ne le remarquez. Tout
ce qui tend d'ailleurs a rétablir ta raison dans ses droits
opprimés, a placer l'humanité à
ses pieds, à faire que
celle-ci voie par ses propres
yeux; ou, pour vous donner
un exemple qui vous convainque a l'instant, des re-
cherches comme celle-ci, tout cela n'est à
vos yeux que
folie et abomination.
Tel serait donc'!c compte
que nous aurions à régtcr
avec vous au sujet des progrès que nous
avons faits dans
la culture sous vos constitutions politiques.–Je
laisse de
côte l'influence de ces constitutions
sur notre culture mu-
rale proprement dite je
ne veux pas vous rappeler ici la
corruption morale qui, partant de vos trônes, se répand
tout autour de vous, et dont les degrés peuvent servir à
compter les milles que l'on a encore a iairc pour arriver
à vos résidences.
Une chose est maintenant établie si la culture de la
liberté (1) peut être l'unique but final de la constitution
politique, toutes les constitutions politiques qui ont pour
fin dernière le but précisément oppose a celui-là, à savoir
l'esclavage de tous et la liberté d'un seul, la culture de
tous en vue des lins de ce seul individu, et l'etounement
de toutes les espèces de culture qui peuvent conduire a la
liberté d'un plus grand nombre, toutes ces constitutions
ne sont pas seulement susceptibles de changement, mais
elles doivent aussi être réellement changées. Nous voici
donc arrives a la seconde partie de la question s'il y
avait uneconstitution politique qui poursuivit évidemment
ce but par les moyens les plus surs, cette constitution ne
serait-elle pas absolument immuable?

(!) !ci encore it pourrait bien y avoir un malentendu, je ne dis pas


de la part du publie ignorant, mais du côt<! des savants. Il doit rcsuttcr
clairement de tout ce qu'on a vu jusqu'ici de ce traite, que je distingue
trois espèces de liberté la tibcrtc <ra~cen<~n<~c, qui est la même
dans tous les esprits raisonnantes, ou !a /MCM~c <~c<re une Mu~e pt'e-
Mu'erc et <'t<(~en~an<e, la liberté co.~)!O~~Me, c'est-à-dire l'état OM
l'oia ne ~~en~ )'<~e~)~)< de rien hors f/e aucun esprit ne la
possède, que l'esprit infini, mais elle est le dernier but de la culture
de tous les esprits hnis; la liberté ~oft~Mc, ou le droit de ne Te-
connaftre (~aM<fe loi ~ue celle g~'on s'est donnée Mt-Mefne. Elle
doit être dans tout Ëtat.–J'espère qu'it n'y a plus lieu pour personne
de douter de iuqucite de ces libertés je veux parier. Si quelqu'un
était tenté de confondre ce que je distingue, et cela peut-être pour
me punir ensuite de sa propre faute, puisse cette note lui servir de
barrière ï
Si tes moyens convenables avaient été réellement choi-
sis, l'immanite se rapprocherait peu a peu (tu
son grand
but; chacun de ses membres deviendrait do plus en plus
!ibre, et les moyens d<mt !~s i)uts seraient atteints n'au-
raient plus d'usage. Dans le mécanisme. d'une telle consti-
tution politique, chaque rouage ~arrêterait et serait
supprime ù son tour, puisque celui qu'il mettait directe-
ment en mouvement cummcnccrait a se mouvoir par sa
propre lorce. Si le but nnal pouvait jamais être partaite-
ment atteint, il n'y aurait plus besoin de constitution poli-
tique; la machine s'an'ctcrait, puisqu'aucune pression
n'agirait plus sur elle. La loi universelle de la raison
réunirait tous les hommes dans une pariaitc harmonie de
sentiments, et nulle autre loi n'aurait plus a veiller
sm'
leurs actes. Il n'y aurait plus lieu d'établir aucune règle
pour déterminer ce que chaque membre de la société
devrai sacrilicr de son droit, puisque personne n'exige-
rait plus qu'il ne serait nécessaire, et
que personne ne
donnerait, moins. Comme tousseraient toujours d'accord,
il n'y aurait phts besoin dejuges
pour terminer leurs
dinerends.
C'esUci que l'adorateur de l'humanité ne saurait jeter
un regard, même rapide, sans sentir son coeur pénètre
d'une douée nammc. Je ne puis encore achever cette
es-
quissc.je n'ensuis encore qu'a broyer mcscoulcurs. Mais,
je vous prie, ne vous laisscx pas s! vite em'aycr
par cette
sentence: autant de têtes, autant de sentiments. Vous
croyez peut-être qu'elle est contraire à cette autre l'hu-
manité n'a nécessairement, ne doit avoir et n'aura qu'un
seul bul final, et non-seulement les fins diverses
que les
divers individus se proposent pour l'atteindre s'accorde-
ront entre elles, mais elles s'aideront et se soutiendront
les unes les autres?–Pas le moins du monde. Ne souffrez
pas que cette consolante perspective soit troublée par cette
réflexion chagrine cela ne se réalisera jamais. Sans doute,
cela ne se rcaliserajamaiscomplètement; mais–ce n'est
pas seulement ici un doux rêve, une espérance décevante,
c'est un principe certain qui se tonde sur le progrès né-
cessaire de l'humamté, elle doit se rapprocher, elle se
rapprochera, il faut qu'elle se rapproche toujours davan-
tage lie ce but, Eue s'est ouvert à ta fin sous vos yeux un
passade; elle a obtenu, au prix d'un rude combat contre
toutes les forces intérieures et extérieures conjurées pour
la perdre, quelque chose (mi, du moins, vaut mieux que
vos constitutions despotiques, lesquelles tendent à dégra-
der l'humanité. Mais je ne veux pas anticiper sur mon
sujet, je ne veux pas moissonner avant d'avoir semé.
Nulle constitution politique n'est immuable; il est dans
leur nature à toutes de se modiner. Une mauvaise, qui va
contre le but final nécessaire de toute constitution politi-
que, duit être changée; une bonne, qui y tend, se change
clle-mémejla première est un feu de paille pourrie qui
fume sans donner de lumière ni de chaleur il faut l'étein-
dre. La seconde est une lampe qui se consume elle-
même, a mesure qu'elle éclau'e, et qui s'éteindrait si le
jour paraissait.
La clause qui déclarerait le contrat social immuable
serait donc en contradiction flagrante avec l'esprit même
de l'humanité. Dire je m'engage a ne jamais rien chan-
ger ni laisser changer dans cette constitution politique,
reviendrait à dire je m'engage à n'être plus un homme
et, autant qu'il dépendra de moi, âne pas souffrir que
quelqu'un le soit. Je me contente dû rang d'animal savant.
Je m'oblige et j'oblige tous les autres a en rester au degré
de culture on nous sommes parvcnus.tA l'exemple des
castors qui bussent aujourd'hui exactement
Il
comme leurs
ancêtres d'Ji y a mine ans, {~ l'exemple des abeilles qui
disposent actuencmcnt leurs alvéoles
comme ies abeiiics
d'autrefois, nous voûtons que notre fncon de
penser, que
nos maximes theoretiqucs, politiques et morales, restent
dans mine ans ce qu'cHcs sont aujourd'hui. –Kt si
un
de
engagement ce ~enrc avait etc pris, serait-il vatabic?
Non, homme, tu ne pouvais
pas promettre une pareinc
chose; tu n'as pas le droit d'abdiquer ton humanité. Ta
promesse est contraire au droit, et par conséquent
non
avenue.
L'humanité aurait donc pu s'oublier elie-mcme a
ce
point qu'elle aurait renoncé a l'unique privilège qui h
distingue des autres animaux, au priviiége de
se perfec-
tionner a l'infini, qu'elle aurait abdiqué
pour toujours sa
voionté sous ie joug- de fer des despotes, et qu'eue
se se-
rait engagée A ne le briser jamais?–Non,
ne nous aban-
donne pas, pattadiumsacr~ de l'humanité, pensée
conso-
lante, qui nous persuades que de chacun de
nos travaux et
de chacune de nos sounrances sortiront
pour nos frères
une perfection nouvelle et un nouveau plaisir, que nous
travaillons pour eux et ne travaillons
pas en vain, et qu'à
cette même place où nous nous donnons aujourd'hui tant
de peine, oit nous sommes fou!és
aux pieds, et–ce qui
est pire que ccta–ou il nous arrive d'errer et de faillir
grossièrement, une race neurh'a un jour, qui
pourra tout
ce qu'elle voudra, parce qu'elle ne voudra rien que de
bon, tandis que dans des régions plus élevées
nous
jouirons du bonheur de notre postérité,
et que nous re-
trouverons dans ses vertus tous les germes que nous
aurons
déposés en elle Vivino on nous, 6 perspective de
ce temps,
le sentiment de notre dignité, ctmontrc-nous-ia du moins
dans nos plans, alors même que notre état actuel lui est
contraire. Inspire-nous la hardiesse et l'enthousiasme dans
nos entreprises; et si l'un de nous en sortait meurtri, que
dej~ soutenu par cette première pensée « j'ai fait mon
devoir,~ il soit encore reconforte par cette seconde

« aucune
des graines que je semé n'est perdue dans le
monde moral; j'en verrai les fruits au jour des gerbes,
et je m'en tresserai des couronnes immortenes. ))
Jésus et Luther, défenseurs sacres de la liberté, vous qui,
dans les jours de votre abaissement,vous précipitant, avec
une force gigantesque, sur tus fers qui enchaînaient l'hu-
manité, les avez brises partout oit vous les avez touches,
jetez, du haut des sphères que vous habitez, un regard
sur vos descendants, et réjouissez-vous a !a vue des se-
mences déjà levées et qui commencent à se balancer <m
vent. Bientôt un troisième libérateur, celui qui acheva
votre (ouvre, celui qui brisa les dernières et les plus fortes
chaînes de l'humanité, sans qu'elle le sût, et peut-être
sans qu'il le sut lui-même, sera réuni a vous. Nous le pleu-
rerons, mais vous lui marquerez avec joie la place qui
l'attend dans votre société, et le siècle, qui saura le com-
prendre et reproduire son imag'c, vous en remerciera.
CHAPITRE Il.

PLAN DE TOUT LE RESTH HE CHTTU RHCHK~CHE.

Celui qui dérive ses propositions des principes primitifs


de la rnison, au moyen d'tme déduction rigoureuse, est
déjà assure d'avance de leur vérité et de laiaussete de
toutes tes oitjeetions (pt'on peut jour adresser: ce qui ne
saurait subsis~'r a côt~ (!'e!tL's doit 6h'c ~ux il peut k'
savoir, sans tucn~cn avoir entendu par!fr. Si donc, dans
!c chapitre prccedcnt, il a cto déduit de principes ~'rimi-
tirs de'ce pCnrc par des raisonnements exacts; en a-t-ii
et~ ainsi? c'est ce (ptcjc husse a ïa sagacité des penseurs
!e soin de décider; dis-je, il a été démontre que
!c droit qu'à un peuple de changer sa constitution politique
est un droit inauenable, imprescriptible, toutes !cs objec-
tions (pte t'oh <eve contre l'imprescriptibintedecedroit
sontcertainementcapticuseset se fondent sur une !ausse ap-
parence. Toute recherche sur !a légitimité des révolutions
en gênerai, ot par cons(''nuent <!e chacune en particulier~
serait dune dose, si nous voulions prendre les choses A
r''xtr'me rigueur; et(pticonque serait d'uncautreopimon
aurait ou hien ai nous montrer quetque faute dans nos prin-
cipes ou <tans nos conséquences, ou hien a abandonner
son opinion comme fausse et inexacte, quand même il ne
remonterait pas jusqu'à la fausse apparence surJaqucHe
c!Ic se fonde, Il n'est pas supcrfhi de rappeler et d'inculquer
cette idée toutes les fois que l'occasion s'en présente, afin
que notre public –je ne songe pas ici seulement au pu-
blic non, philosophique–s'accoutume insensiblement
reunir en un corps (le système ses convictions et ses (ai-
mons sons des principes termes et durabif's, et perde le
goût de coudre ensemble des lambeaux déparâtes, et de
disputer d'une tuaniere sophistique. Ce qui est dérive par
une exacte déduction d'une proposition démontrée est
vrai, et vous n~'n't'nyet'cx p~tc pehsuu!' !<u en lui en
montrant le côte <!an~erpnx; !c contrais ~t taux et doit
~trc abandonna quand ïï~mû r:~p (tu ~oh~ tct'rcstrc pa-
raïtt'ait tourner sur ce point.
Mhis, comme cette cun~quenco nécessaire n'est provi-
soirement et ncserapent-ctrede longtemps encore qu'un
souhait pieux, on rendrait au publia dans t'~at actuel des
choses, un fort mauvais service, si on ie hissait J:~ après
avoir etabM les premiers principes duju~etnent qu'it doit
porter, et qu'on lui remit ahu-memc le soin d'appHquer
ces principes et d'y ramener te reste de ses opinions, oit
de ju~er d'après eux. Nous ferons donc ce que notre de-
voir d'écrivain ne hous obii~e pas strictement de taire
nous rechercherons toutes tes objections qu'on peut élever
contre t'ituprescriptibilitcdu droit dont il est ici question,
et nous en découvrirons ta {aussc apparence.
Toute ~<~t~ï devrait être tirée de principes ration-
nels primitifs, puisque !a preuve en acte tir(''e.KHc devrait
montrer que la culture (te ta hhcrte n'est pas io s<;u! but
final possible de- !a société civile, que ce n'est point un
droit ihauenabtë de l'homme de progressera l'infini dans
cette culture, et que t'immutahitite d'une constitution po-
ntifjue n'est pas contraire a ce progrès a l'inuni.
Comme une telle réfutation n'a pas encore été possible
jusqu'ici, puisque personne, que je sache du moins, n'a
encore mis ces propositions dans cette liaison, je n'ai A
m'occuper d'aucune. Tout c-cque j'avais a faire, c'était de
montrer au contradicteur futur ce qu'on attendait de lui
c:tr le contradicteurne le sait pas toujours; et c'est
ce que
j'ai tait.– Toute autre réfutation est impossible.
Mais les malentendus sont possibles. C'est.
ce qui arrive
particulièrement quand on dit: « Il faut bien
que le droit
qu'a un peuple de changer sa constitution politique soit
aliénable, puisqu'il a été ?'c~/ï/ » Une pa-
reille objection révèle la complète incapacité de
son
auteur en cette matière, en montrant clairement qu'il ne
sait pas môme de quoi il s'agit. Si, en elict,
nous avions
atm'me qu'il est contre la loi de la nécessite natus'eue
d'aliéner ce droit, qu'il ne jM~/ pas1 être aliène (que
l'aliénation est~c~c/~ impossible), la réponse qui
se fonderait sur ce que cette aliénation M ?'cc' 6'M
pour en conclure qu'elle ~c~ avoir lieu, serait décidé-
ment triomphante; mais comme nous n'avons rien anu'me
de semblable, comme nous nous sommes borne a dire
que cela est contre la loi de la moralité, que cela ne
pas arriver (que cela est ~o~<~6'~ impossible), nous ne

i
sommes points atteint par une objection tirée d'un tout
autre monde. Jl arrive malheureusement dans le monde
réel bien des choses qui ne devraient pas arriver; mais de
ce qu'une chose arrive, il ne s'ensuit pas qu'elle soit
juste.
Pourtant on insiste en disant que ce droit été aliène;
a
nous ne nous bornerous donc pas à montrer en général
que cette assertion doit être fausse, mais nous la dépouil-
lerons peu à peu et pièce a pièce de fausse
sa apparence.
Une telle aliénation ne poun'aitavoirculicuquc~'
co~-
c'est ce que M. Robber~ même accorde pleinement

~~î'o n<c~~
~'N~cc~~MCM~M'<(mand il pense (pte personne ne le
remarquera. Si quelqu'un se montre plusexi~eantencore,
je le prie de s'en tenir an cotmnencement (te mon premier
chapitre, jusqu'à ce (Ille j'aie mis a nu les derniers so-
pitismes élevés contre cette proposition. Le droit pourrait
avoir été alicne ~cs 7~< ~<' /'7~ m(nnc, on
~M'M~ c~ (/c/ de Dans r~tat, il pourraitl
Favoir ctc par te contrat (le avec tous, on par ccmi
dcsc/~c~o~ ~<c /~c~~M~u~~ïcc~, ou avec
des CM~'< ou avec ?<<7c<y~, le .so~<;c?<?~. Kn
dehors de l'Etat, il pourrait avoir ctc alicno ~ï~?'M
~a~. Ënnn, dans tous ces cas, it pourrait t'avoir ctc
/OM/ one/t?~
En examinant l'objection qu'on nous oppose, nous
aurons a répondre a deux questions. La première est his-
torique Ce!aa-t-ii rcencment eu !icu; peut-on indiquer
un contrat de ce ~cnre ? La seconde, dont il taut de-
mander la somtion au droit naturel, est ceHe-ci ~eia
dcvait-H et pouvait-il' avoir lieu ce c~ Le lecteur
sait d'avance, par ce que nous avons déjà dit, ce (pu;
seront nos réponses; il sait que nous n'entreprenons pas
ces recherches pour ju~cr nos principes, mais pour les
rendre plus churs par t'app!ication. Si donc il espère
trouver dans les chapitres suivants des explications plus
iavorahles a ses préjuges, nous lui conseillons en toute
sincérité de jeter la le livre, A moins qu'il ne l'ait déjà
fait.

Mr/cn.
(UiAPtTHK iU.
!.H t'ROtï t)H CHANt.EH !.A CONST'T~TtON Pp~TtQUK ~~T-U<
ÈTRK AL~N~ P. UN CQNTt~r DK TOUS ~VM TQU~}?

nature va de l'obscurité A h lumière en passant par


La
ie crcpuscutc je ne puis conduire mes lecteurs par un
autre chemin que celui de la nature. J'ai parte dans ce qui
procède du droit qu'a un peuple de changer sa constitua
tiun politique, et je n'a: pas dit cô que c'est que !e peu"
pie. Ce qui serait partout aineurs une grande iaute n'en
est ptus une, quand ia nature de la chose l'emporte.
Tant que i'on n'envisage la grande société, rhmnanité en-
tière, ou, si l'on veut, tout ie royaume des esprits,
qu'au regard de ta toi morate, il faut le considérer comme
nn individu. La loi est la rnetne, et dans son (hnnaine il
n'y a qn~~e v'donte. Il ne commence à y avoir p!usicurs
individus que quand cette loi nous tait passer dans le
champ du tib)'e arbitre. Ce champ est le domaine du con-
trat; it tant plusieurs individus pour te conctum. Si a la
fin de ce chapitre i'idec du peupte reste e~cM'c indéter-
minée, n'est alors que j'aurai tort.
Une supposition domine tout ce chapitre, c'est que tous
h's membres de rKtat sont e~aux connue tels, et que dans
le contrat social aucun n'a promis ptns que tous les autres.
(~c ceta soit ou doive être ainsi, c'est un point qucj~ ne
veux pas taire passer artincieusemcnt; j'aurai .'t en parier
dans te chapitre suivant. Pour le présent, je ne cherche
que ceci s'il en est ainsi, qu'en resLdtcra-t-it par rapport
a la mutat)iiit6 de la constitution?
Le droit de changer la constitution politique pourrait
plusieurs
c~re cède par le co!)trat de tous avec tous du
ntanieres soit quetous eussent promise tous de ne la
changer jamais, soit que tous eussent promis il tous de HQ
lu faire sans le consepteme~tdc chaque individu.
pas
Qua:4 a la première promesse, on a déjà montre plus
haut, en t'envisageant nu point de vue (te sa ~e,
de son pbjct, que l'inunutabilite d'une constitution est,
abonnent inadmissible, puisqn'eUe irait diructetnent
contre te but supt'en:e de i'tnuuanite. Au point vue
de de
la /b~!c, tou~ auraieut fait a tous cette promesse; ce se-
rait ia Yolontc commune le peupte se serait dotm6
~c une prumessc. Mais si plus tard la
vutontt: commune,
qui
la volonté de tous était de changer ta constitution,
donc aurait te droit de s'y opposer? Un tel contrat est
condition fonnc~e de tout contrat,
en opposition avec la
a savoir qu'it y ait au moins doux personnes morales. Ici
n'y en aurait qu'une te peuple. Cette supposition
est donc imposst~e en spi et contradictoire, et ne reste
il

p!ns que seconde, a savoir que dans !e contrat sociat


rengagement ait été pris de ne pas cttan~er la constitu-
tion sans ta volonté ~encrate, sans ia volonté de tous, ou
chacun de ne pas changer !a con-
que tous aient promis à
stitution sans son consentement, particuner.
Soit que l'on envisage ht nature de !a chose pu notre
principes etahhs p~us
propre nature, H sentie résulter des
haut qu'une promesse de ce ~enre doit avoir et< faite dans
contrat sqcial, et qu'eue doit être vahddc et ohii~atoire.
E~ ç~cst vrai ou n'est ~as v'ai, suiy~pt qu'on ~e prend
de
telle ou telle manière. Mais comme notre habitude n'est
prendre la chose comme il le
pas de laisser te lecteur
veut, il nous faut avant, tou~ analyser un peu la proposi-
tion t~nu~. Cette ~rome~se en contient deu~ la
première, que tous ~w~ (l'ancien sans
le consentement de chacun; et la seconde, qu'ils
ne con-
traindront aucun citoyen a ~~p~c sans
son consente-
ment ce qu'its voudront mettre de nouveau A la place.
La seconde partie (le !a promesse, a savoir
que de nou-
velles dispositions ne doivent obliger
personne sans son
consentement, ne peut être raisonnahlement insérée dans
le contrat; le contraire,
comme on Fa montre plus haut,
serait la violation du premier de tous les droits de
Fhommc. Cemi qui me promet (tans
un contrat de ne por-
ter atteinte en moi u aucun droit inaii~nable
ne me promet
rien il y était obligé antérieurement a tout
contrat. Que
r~tat r:ut promis ou non, aucune disposition nouvelle
n'oblige le citoyen de t'anciennc constitution
sans son
consentement, et cela non pas en vertu d'un contrat, mais
en vertu du droit (!e i'hommo.
Quant a la première partie de ia
promesse, il scmhte
au premier aspect que Ja question soit tout aussi facile a
résoudre et qu'eHe doive être résome exactement de ta
même manière, et je prévois que la plupart de mes iec-
teurs, qui pensent avec moi, lui donneront !a même solu-
tion. « Les institutions déliât, diront-Hs,
sont des condi-
tions du contrat social tous
se sont engagés envers tous
à remplir ces conditions; si quelques-uns les suppriment
sans le consentement des autres, ils rompent ainsi !e
contrat de leur côté et agissent contrairement aux ob!i-
gations qu'Us y ont contractées. Il
va donc de soi-même
qu'aucune institution dans FËtat ne peut-être supprimée
sans le consentement de tous. e
Si ces conclusions étaient aussi parfaitement
rigou-
reuses, notre théorie courrait un grand danger. Non
qu'eue eût a craindre d'être renversée, mais elle pourrait
hien mériter le reproche de n'être pas applicable dans la
vie. Quand vous auriez démontre avec la dernière évi-
dence que, en vertu du progrès (!c la culture exige par !a
loi morale, toute constitution politique doit être modinee
et améliorée de temps en temps, comment cette amé-
lioration pourrait-elle jamais se réaliser dans le monde
réel, s'il fanait qu'au sujet du moindre changement chaque
membre de l'I~at donnât d'abord son adhésion? Ht que
serait notre preuve, sinon un artince d'école, un argument
sophistique? Mais avant de conclure si rapidement,
pénétrons d'abord dans la nature du contrat un peu plus
profondément qu'on ne le fait d'ordinaire.
Si, comme il faut l'c/c en effet, nul contrat ne
porte sur les droits naturels de l'homme, un contrat me
donne sur quelqu'un un droit que je n'aurais pas d'après
la sente loi de la raison, et ce quelqu'un contracte envers
moi une obligation qu'it n'avait pas davantage d'âpres
cette loi. Qu'est-ce donc qui lui impose cette obligation?
Sa volonté car, oit la loi morale se tait, rien n'oblige
que notre propre volonté. Mon ~'6~ se fonde sur son
o&o~, c'est-a-dirc en dernière analyse sur sa volonté,
puisque c'est sur celle-ci que se fonde la première. S'il
n'avait pas cette volonté, je n'acquerrais pas de droit.
Une promesse mensongère ne donne pas de droit.
Qu'on ne se laisse point effrayer par l'apparente dureté de
ces propositions. Cela est ainsi, et il faut hien dire les
choses comme elles sont. La moralité, la sainteté des con-
trats sauront bien se sauver de nos raisonnements.
Je fais une promesse en échange d'une autre. J'ai réel-
lement. l'intention de la tenir; par conséquent, je m'im-
pose a moi-mcmc une obligation, et je donne a un autre
un droit. L'autre n'avait pas la même volonté, et il ne m'a
donne aucun droit. M'a4-il trompe? insidieuse-
ment dépouille d'uil droit?
« n'ai pas, d'âpre le d~'oit nature), de droit absolu
Je
a ta véracité d'au~ut. ~i l'on m'a fait une promesse men-
songère, je ne puis n)e plaindre d'aucune lésion, tant que
parce~ promesse je no suis en~a~e a aucune prestation. D
A}nsi s'exprunc ie ptus pcnen'ant et te pins conséquent
den nia!t!'es en droit natm'<d que nous ayons jusqu'ici (1).
Ce qui va suivre sera un commentaire et au besoin une
rectincation de ces propositions.
tjuand je lui f(s une promesse sincère, admettais-je
qu'it mentait, ou n'admeHais-jepaspmtotqu'i~ était aussi
sincère que moi? Si j'avais suppose qu'i! mentait, lui
aurais-je promis sincèrement, aurais-je eu a~ors ta vu-
lon~ de tenir ma promesse? Ma volonté était donc condi-
tionnée. Le ~'M'/ (me je lui donne par ma ~/<c est
conditionne!. S'i~ mentait, il n'a acquis aucun droit, puis-
co~
co~«, puisqu'~7 ~'y
~~o~ co~c~
<
que je n'pn ai acquis aucun. pas </<'
droit co//i~M~~M~ et d'<-

Vous me dites Quand mcrne il mcntirait, je ne vcu~


pas être un menteur; sa mauvaise foi ne doit pas m'enle-
ver ma bonne foi; je veux tenir toyaiement ce que j'ai
pron)js et vous faites bien seulement il ne faut pas
m~er les idées et confondre le domaine dH droit naturel
~vec celui de la moralu. Ce n'est pas une dette que
vous lui payez vous ne lui deviez rien; c'est un don que
vous lui faites, Vous tenez votre promesse,J non pour

(1) M. Schmatz, duns son D~ M~Mr~ pu)'. Qu'i! me permette de


lui témoigner ici mon estime. Quiconque s'y connait verra bien que ce
n'est pas d'après ses principes, maiN d'après les miens que je fai-
9P~)e
suture a son droit il n'en avait aucun, mais pour con-
server Festh~e de vous-même. U vous
impose peu que
mais H yons
yous soyez ou non t~prisaMe a ses yeux;
itnportc beaucoup de n~ l'être pas aux vôtres.
La vcracitc est donc lu condition exclusive du contrat.
Si l'un des deux nevput pas tenir pa~ct & ptu~ ~~e
rai~)~ st tous deux ne vouant, pa~ tt n'y a pas d~
cuntra~ c~uctu.
Tous les (icux~nt~nce~s :m uttunen~dc ia pt'OtUpssc.
Il y a cnn'c eux uu c(uurat. tts ~t~n vont, et. t'nn
<tun deux
r~pï'cnnL'nt tcu'' votontc
ou tou~ tc~ deux se rav~cnL
~ans ~.ur cûeuf. Le cuivrât est ann'dn les pt'unu~sp~
sunL comme non avenues, car h dron
et ruh~aHon ~<nt
guppnu'
Jusqu'~i tout se passe da;)s !e doutain~ du trd)un;d in-
tcnsur. Chacun saH ce qu';t pcnsp tm-n~tno; nta~ per-
Nul ne sa~ n'~ «
sonne nH sait ce que pense au~'m.
répHenient ou s'~ un contnd, excepte cpiui qui
ppnetrc ta fois dans tnbunat int~'ieur de tous deux,
ta pu~ance cx<cuHye de ta morate, ~aeu~t
Mair~ennnt t'nn ~ut ce qn'd a pronns, et ia chose passe
dans te tnoude des phenomc~s. (Ju'est-ce qui st~ de
la, et. qu'est-ce qui n'en suit pas? Sans doute ii montre
clairement et évidemment par cet acte qu'i) était de bonne
foi et quH a cru l'auto aussi, ioyat que ~i-rncme, qu'd
(~tre rM~cnt lié avec jui par un contrat, qu'd
croit lui avojr (jonne un droit sur soi et en avoir reçu un
–Mais par ce dro~ sur rau~'e,
s'ii
ne i'av~L pus auparavant, ou seulement
le~<e-
s'it ne Favait qn'~ mojtie. (~otnrncnt cc)a serait-il ppssiLie?
n'est pas
sa voion~ que rautre He~ne sa promesse
obUgatoirc pour celui-ci, tan~ <tue ce dernier pavait
douter de la reaHte de cette votonte, elle ne t'est
pas de-
venue davantage parce que la réalité s'en est manifestée
(tans le monde des phénomènes. Dans
un cas comme dans
l'autre, il n'y a toujours que sa volonté; et une volonté
étrangère n'oblige jamais. Ou, pour rendre toute
échappatoire impossible, acrnucrt-i! par !a manifesta-
tion extérieure de sa véracité u~ droit absolu A !a véracité
de l'autre, c'est-à-dire i'obiip-e-t-it par son acte a
réellement ce qu'ii a promis, et a s'obliger par~
~)/~? Si je n'ai jamais un droit absolu a !a véracité
d'autrui, comment puis-je l'acquérir par ma propre véra-
cité ? Ma moralité ob!~c-t-eue les autres la même
mo-
rante? Je ne suis pas l'exécuteur de !a loi morale
en gê-
nera!; c'est Dieu c'est a lui qui! appartient (le punir la
fausseté. Je ne suis que l'exécuteur des droits qui
me sont
accordes parla loi morale, et parmi ces droits
ne se trouve
pas celui de surveiHer ln sincérité des autres hommes.
Ainsi, même en tenant de mon côte
je n'acquiers donc pas le droit d'exiger que
fasse autant du sien, si sa libre volonté, dont je
en
ce que j'ai promis,

ne con-
nais pas la direction, ne m'a pns donne et
ne me donne
pas ce droit. Mais l'autre, en me manquant (le
pa-
role, me fait tort de ce que j'ai fait pour lui. Comment
avec de pareils principes quctqu'un oscra-t-i! encore
concture un contrat? Qu'on fasse encore un
pas dans
l'application de ces principes, et tout
sera clair, et la diui-
cu!te sera résolue d'une manière satisfaisante.
J'ai exécuté ma promesse dans la pensée
que l'autre
avait droit a cette exécution, que celle-ci n'était plus
~'<?~, qu'elle était ~c~, que les forces que j'y app!i-
quais et les fruits de cette application de
mes forces étaient
Ja propriété d'un autre. Je
me suis trompé en ce point:
ces choses étaient miennes, puisque l'autre, ne
m'ayant
point donne de droit sur lui, n'en avait point sur illoi.
Elles étaient miennes aux yeux du ju~e suprême de toute
moralité; nul esprit tmi ne punvait savoir a qui elles ap-
partenaient. L'autre n'exécute pas sa promesse, et des !ors
ce qui n'était connu juque.la que duju~c suprême se ma-
nifeste aussi dans te monde des phénomènes. En n'ex<cu-
tant pas sa promesse, il ne tait pas que t'execution de la
mienne ~~c/t~c ina propriété elle Fêtaitdes te com-
mencement; il fait seulement connaître qu'elle est mienne.
Je conserve ma propriété; –le fruit de l'exécution m'ap-
partient. Même ce qui, danst'applicationde mes forces,
a été dissipe en pure perte est ma
propriété. Peu m'im-
porte que cela soit perdu cela ne devait pas t'être. Je le
retrouverai dans les forces de l'autre; j'ai recours sur
elles. Je puis le contraindre une compte réparation
du dommage. Or, si je n'ai rien perdu par son manque
de parote, il n'a rien ~ne. Nous sommes replaces tous
deux dans t'etat qui a précède notre convention; tout est
non avenu, et il en devait être ainsi, puisqu'il
n'y avait
pas de contrat entre nous.
C'est seutcmcnt en exécutant comp!etcment sa promesse
mienne
pour sa part que l'autre fait de l'exécution de la
sa propriété. EHe c~ sienne, en vertu de ma libre vo-
lonté; mais personne ne savait qu'elle le fùt, a l'exception
de celui qui connait les coeurs et qui savait que cet homme
exécuterait sa promesse. En l'exécutant,il fait voir dans le
monde des phénomènes que l'exécution du la mienne est
invisible, le contrat
sa propriété.–Aux yeux du tribunal
est conclu des que les deux parties ont la volonté sincère
de faire la chose promise; il ne commence dans le monde
des phénomènes que quand les deux engagements sont
pleinement exécutes. Le moment qui t'institue ici !'a-
nRantit.
~ppuquohs cela A "ne association durable pour des
services réciproques, comme !e connut sociaH Tous
ont dohne tous un droit sur eux-mêmes, et en revanche
oH ont reçu ut! sur les autres; au moins !c peut-on sup-
poser, puisqu'i! faut admettre (pte ce sont des g-cnsioyaux.
Ï!s ont montra dans ïe mondn des ph~hom~ncs (prits
l'étaient ils ont rempH h'ut's engagements chacun pour
$a par{, ch agissant, en s'abstenant, eh se soumettant aux
peines h~aics toutes les fois qu'ils s'étaient abstenus
quand ils devaient a~ir, ou qu'Us avaient a~i quand i!s
devaient s'abstenir. Tant que personne ne témoigne par
ses paroles ou par ses actes que sa voionte est changée,
il !hut admettre qu'it est dans te contrat.
Maintenant Fun vient-it A changer de voionte, partir
(le cp moment il n'est plus, aux yeux du tribuna! invisible,

et
soumis au contrat; il n'a plus (te droit sur t't~at, i'~tat
h\'n a plus sur lui. Il témoigne son cttang'cmentdc vo-
lonté ou bien par une déclaration publique, ou bien en
cessant de fournir son en ne se soumettantt
pas, en cas de contravention, a la peine !e~aie (4). Quel

(i) Un mot seulement en note S'ii en est ainsi, pourrait.on uire<


qukfthque devra être puni sorUra (!<' l'association, et atnsi la punition
deviendra tout a ra!t iin~&~ibte. Je hc t'ccntc iias devant ta cdhsd-
qnchce ~ticonque te veht; le ~cut, et r~tit ne ~nt le pttntf Mt~ nnp
8onvcrd!ne tnju~tee. t'prsonnc ne saurait ratMnnabkmctH se ~on-
mem<' a !a punHion, que potn- ponvch' cont!nnc) de rester dans t'~tat.
Que (tcvicnt avec cela la pc!ne de mort? Oh !t n'y avait pas besoin
de ce détour pour montrer que cette peine, apptiquëc aux infractions
civ!)cs, est une abomination.
Un citoyen pot te-t.ii atteinte, daos la aocietc, a des droits inaiie-
t'Ëta~ avec lui?
rapport a-t-il maintenant avec l'État et
Les deux parités ont-elles encore des droits et des dcVoirs
réciproques, et lesquels?
évidemment elles sont retournées l'une par rapport a
l'autre au simple état de nature; la seule loi (jui leur
soit encore commune, c'est la toi monde. Nous avons vu
plus haut ce qui est de droit, aux termes de cette toi,
dans te cas ou, l'une des parties ayant exécute sa pro-
messe, l'autre n'exécute pas ta sienne ta reprise
dn pro.
<hut de l'exécution et ta réparation du dommage.
Mais est-ce donc ici réellement te cas? Si dans un
contrat social tous ont des droits et des devoirs égaux,
et dans le présent chapitre il n'est question que de cela,
et si chacun se soumettant a ta punition eh cas
d'omission exécute fidèlement ce qu'il doit taire, sui-
vant te temps, te lieu et tes circonstances, je ne vois pas
comment ils peuvent jamais avoir de compte a rc~tet'
ensemble. Vous avez tait jusqu'à présent pour moi ce que
vous deviez moi de même. A partir de ce moment vous
tic thites phts rien, ni moi non plus. Il y a parité entre
nous nous sommes quitte a
quitte. Il se peut, si vous êtes
de grands calculateurs eh matière d'e, que je sois en
reste avec vous sous ce rapport. Mais il ne s'agit pas de
Cela maintenant; il s'agit du Si je m'étais trouvé,
dans la situation d'avoir faire pour vos intérêts plus
~UR vous ne pouviez faire pour les miens, c'eût
été mon
uevoir de le faire; c'eût été t'<? <~
de l'exiger; je
n'aurait aucune restitution a t'eclamer, ca~ ce que j'aurais
nabtes de t'hommc (et non pas seutement des droits r<!suUant d~n
contrat), il n'est plus c< il est ennemi; et la societ<ï ne lui fidt
c\'st.~ dire qn'ctie te traite
pas pa~t'er son crime. <'n<; se t;<~e de lui,
câpres !a loi qu'i) a hn-meme etabitc.
fait pour vous n'c~t plus été mien
aux termes du contrat,
c'eut été votre proprietc. Pouvez-vous revem!iquer ce
que vous avex iait. pour moi?– C'est bien ma propriété.
Cette dernière rctua~tue découvre dune pleinement ia
fausse apparence de tous les sopbismcs
que t'un tire, cun-
tre le droit qu'à ie citoyen de changer sa constitution, du
lon~-chapitre des grands bienfaits dont il lui est redevabte.
On ne parle que de reconnaissance, d'équité,
et l'on ne
compte que sur (tes (tons pieux; mais, dans un jugement
de ce ~eïn'e, ce n'est pas de cela qu'ii s'agit il s'agit du
droit strict et (!e créances a taire valoir. Mettons d'abord

Vouicz.vous un (le
ce compte au net nous verrons ensuite ce qu'i! nous res-
tera a donner. ce que je
viens de direPVoyex cet écrivain a peine a-t.H achevé
ses
plaintes sur les sermons insignifiants et sur les sainics
plus ou moins spiritueiics des dec!amatcnrs qui confon-
dent !a morale et la politique, qu'il nous invite à
ne pas
nous servir de la culture que nous devons a notre bonne
mère pour lui déchirer les thmcs mais laissons les
enfants jouer avec leur mère, et parlons de la chose
en
hommes r

Quels seraient donc les services au sujet desquels l'État


pourrait nous intenter une demande en restitution? C'est
uniquement a ia condition que vous soyez des membres de
l'Etat, qu'H vous a octroyé toute votre propriété, suivant
quelques-uns, ou au moins, suivant d'autres, la
pro-
priété du sol, car, selon eux, le sol lui appartient; et
ces
derniers ne sont vraiment pas plus généreux
que les pre-
miers. Tandis que les uns nous laissent tout
nus, les au-
tres nous renvoient a !'air; car la terre et iamcr sont déjà
occupées, et mumc ce qui n'est pas encore découvert est
donne d'avance par le pape, en vertu du droit divin. S'il
fallait prendre ces menaces au sérieux, nous devrions as-
surément renoncer a l'envie de sortir jamais de la société
civile. Cherchons quel est le fondement du droit de pro-
preté en général, et de la propriété du sol en particulier;
ce sera le moyen de rendre la chose claire.
Nous sommes originairement notre propriété a nous-
mêmes. Personne n'est notre maître, et personne ne peut
le devenir. Nous portons au fond de notre coeur les lettres
de franchise qui nous ont été données sens le sceau de
Dieu. C'estlui-mémequi m'a affranchi et qui m'a dit « Ne
sois l'esclave de personne. Quel être anrait le droit de
faire de moi sa propriété?
A~ï~ sommes notre propriété, dis-je, et j'admets ainsi
quelque chose de double en nous: un propriétaire et une
propriété. Le moi pur qui est en nous, h raison est la
maîtresse de notre sensibilité, de toutes nos facultés spiri-
tuelles et corporelles; elle peut s'en servir comme de
moyens pour toutes les fins qui lui plaisent.
Autour de nous sont des choses qui ne sont pas leur
propriété & elles-mêmes, car elles ne sont pas libres; mais
elles ne sont pas non plus originairement la notre, car
elles n'appartiennent pas immédiatement ai notre moi
sensible.
Nous avons le droit d'appliquer nos propres forces sen-
sibles à toutes les fins qui nous plaisent et que la loi de la
raison n'interdit pas. Or la loi de la raison ne nous défend
les choses
pas d'employer, comme moyens pour nos fins,
qui ne s'appartiennentpas a elles-mêmes, et de les rendre
droit
propres à nous servir de moyens. Nous avons donc le
d'appliquer nos forces a ces choses.
Quand nous avons donné à une chose la forme d'un
moyen pour nos fins, aucun être ne peut l'employer, sans
~0
dépenser pour lui le produit de nos forces, et par consé-
quent nos forces eUes-memes, qui sont originairement
notre propriété, ou bien sans détruire cette forme, c'est-
à-dire sans suspendre nos forces dans leur- libre action
(car it ne sert a rien de dire que l'action immédiate de
nos tbrces est passce; notre action dure tant ~ue dure son
cn'et). Or c'est ce que ne peut taire aucun ~trc raison-
nable car la ici moralo lui détend de détruire le libre
produit d'un agent Hbre et à cette défense correspond
en
nous un droit, celui d'empêcher une telle destruction.
Nous avons donc le droit d'exclure tous les autres (le l'usage
d'une chose que nous avons façonnée au moyen de nos
facu!tM et a iaquoite nous avons donné notre forme. Et
c'est co droit qui dans les choses a'appeHc ia~n'
Cette formation des choses par notre propre force est
le véritable principe du droit de propriété muis c'est
aussi le seu! qu'admette le droit naturel (i). M. Rehberg
aurait donc pu trouver moins naïf ce qui est dit dans ia
Revue potitique de Schicezer, à savoir que quiconque
ne travaille pas ne doit pas manger. ?–'Quiconque ne
travaille pas peut sans doute manger, si je veux bien lui
donner quoique chose à mander mais il n'a aucun droit
lit la nourriture. Il n'a pas le droit de dépensera, son usage
les forces d'un autre si personne n'est assez bon
pour
agir volontairement à sa place, il clevra employer aes pro-
pres tbrces à se chercher ou a se préparer quelque chose,
sous peine de mourir de iaim, et cela fort justcrnent.
Mais l'homme ne peut rien produire de nouveau, rien
créer, remarque M. Rehbcrg: H faut que la matière a ia-

«) (? qoe !t<< Schmatz MtntXe <iccM~<~M fohdc en (annuité sur


la /by~~<oft.
quelle il donne sa t'omis ait exista préalablement. Si donc
il peutetabtir ht légitimité de ses patentions sur la forme
(tes choses, il ne saurait jamais prouver son d~'oit de pro-
priété sur ta matière. Nous avons cto ~ritablement
aun~é de voir M. H. tirer une fausse conséquence de la
seule observation qui fut judicieuse dans tout son livre et
qui pût le conduire des développements instructifs. Il
applique en enet cette observation a la propriété du sot
et comme, selon cotte observation, personne, en droit na-
ture!, ne peut être propriétaire du sot, il pense que nous
devons tenir ce droit de l'État.
M.R. n'a pas pousse assez loin les conséquencesde son
principe. Ce n'est pas seulement !e sol qui est une matière
que nous ne produisons pas; tout ce qui peut être notre
propriété a pour fondement une matière de ce ~enre, qui
existe absolument sans notre coopération.–L'habit que
je porte était sans doute la te~itime propriété du tadieur
qui l'avait façonne, avant de devenir la mienne par suite
d'un marche; le drap qui a servi a le faire était la pro-
priété du fabricant, avant d'arriver au tailleur; la laine
dont ce drap a été tissu était la propriété du possesseur
du troupeau qui Fa fournie; ce tronpeau, son mattre
l'avait formé des brebis qu'il avait héritées ou acquises par
contrat; la première brebis fut la propriété de celui qui
l'avait apprivoisée et nourrie mais d'où venait cette pre-
mière brebis ? KHe était une matière organisée sans sa co-
opération. Si r~tat l'a transmise au premier possesseur,
c'est sans doute aussi a la faveur dcl'~tat que je dois mon
habit. Quand jesortirai de l'association, ilme leferaretirer.
Mais, avant toutes choses, commentl'Mtatacquiert-il un
droit que n'a aucun des membres individuels dont il se
compose? Nul n'a, dites-vous, de droit de propriété sur
ht matière mais comment tous, en unissant leurs droits,
en pourraient-ils faire sortir celui-là? De plusieurs parties
homogènes pouvez-vous former un tout qui soit d'une
autre nature que les parties? Si chacun versait du rhum
dans un bol, cela ferait-il du punch? Votre raisonne-
ment est illogique.
Il faut le reconnaître on ne saurait établir l'existence
d'aucun droit de propriété sur la matière M~~e telle,
et il est aisé de montrer ce qu'il y a de contradictoire
dans un droit de ce genre. Ce droit est
en contradiction
avec l'idée de la matière brute dans le sens où l'entend le
droit naturel. Si l'on ne peut en effet s'approprier les
choses que par la formation, nécessairement tout ce qui
n'est pas encore forme, tout ce qui est brut n'est pas en-
core approprié, n'est la propriété de personne. Nous
avons un <o~ ~r~'ï~o~ sur la matière brute, et
un <<M/ ~û~csur la matière modifiée parnoustLe
premier signifie la possibilité morale; le second, la réa-
lité morale et physique. Si vous ne pouvez nous prendre
la matière sans prendre aussi la forme,et que
vous n'ayez
pas le droit de nous prendre cette forme, nous ne dispu-
terons pas avec vous sur !a propriété de la matière conçue
indépendamment de la forme; il nous suffit
que vous ne
puissiez ~<?//<c~ pas la séparer. Si elle n'est
pas notre
propriété, elle n'est pas non plus la vôtre; et puisque vous
devez nous laisser la forme, il faut aussi que
vous nous
laissiez la matière. On peut dire, sinon d'une manière
rigoureusement philosophique, du moins par
une figure
exacte, que Dieu est le propriétaire de la matière brute,
qu'il a investi chacun de nous de tout le domaine de la
matière existante, que la loi de la liberté gravée dans notre
cœur est sa lettre d'investiture, et qu'il nous transme.t la
possession réelle au moyen de notre formation. On au-
rait donc pu trouver moins triviale cette antique pensée
seulement il ne faut pas dire que nous avons hérite cette
investiture d'Adam ou des trois fils de Noc. Nous ne
l'avons pas hcritce chacun !'a immédiatement acquise
avec le don de la liberté morale.
Et comment en serait-il autrement? Si la matière brute,
comme telle, pouvait être la propriété de quelqu'un,
comment donc arriverions-nous jamais a avoir une pro-
priété ? Que pourrions-nousdonc nous approprier? Cher-
cher une preuve du droit de propriété sur la matière,
c'est vouloir supprimer en ancrai toute propriété.
Tout homme, pour appliquer ces principes a la pro-
priété foncière, a originairementun droit d'appropria-
tion sur tout. le sol de la terre. Si personne ne tait valoir
ce droit dans toute son étendue, cela est dû en partie à la
faiblesse naturelle de chacun, et en partie a ce que cha-
que individu a le même droit; là où un autre a déjà
occupé le sol, il n'y a plus rien a occuper pour moi. Dira-
t-on, comme le soutiennent quelques écrivains français,
que tous les hommes ont droit à une égale portion de
terre, et que tout le sol de la terre doit être partage entre
entre eux par portions égales? Il faudrait pour cela que
chacun eùt sur le sol de la terre, non-seulement un~'o~
~o/M'oM, mais encore un ~'o~ réel de /~oWe~.
Mais comme l'homme nejait d'une chose sa propriété par
l'appropriation qu'au moyen de son travail, il est clair que
celui qui travaille plus doit aussi posséder plus, et que
celui qui ne travaille pas ne possède rien légitimement.–
Représentez-vous une foule d'hommes arrivant dans une
ne déserte et inculte, avec des instruments de labourage
et (res bêtes de trait. Chacun place sa charrue oit il veut
ia ~u' ei~t, aucune autre ne pem ~u'c. Chacun iaboure
ce qu'il peut, et celui qui, le soir, aura deu'iche
plus h
~'andc cte-nduc, po~6(tc h~ithnemcnt la pius ~t'andu
étendue. Voita mauUciïaut riie unticru labourée. Celui
qui aura dormi le juur'uc po~scjera ï'icn, et cc(a justc-
rucnt.
M. en posant (1) la question desavoird'ou~'ou~/
le droit(2) do travaiHer les objets (;ui no nous appartien-
nent pas, –question a iaqueucj'ai répondu plus haut, et
qui avait été déjà traitée sotidetnent,par exempte dans
te ~<
~~c/c/t
de M. Schma!x (3), y introduit un
(') accentue, qui veut être décisif, mais
M
qui n'incline pas le plateau de la balance de l'épaisseur
d'un cheveu. Des que j'ai immédiatement dans les mains
un morceau de matière brute, tout autre en est exclu,
car it ne saurait ie travaiHer sans me t'arracher, ce qu'il
n'a pas le droit de faire. Si, pendant que je voulais le
prendre sur ia terre, U avait etc ptus prompt que moi a
le saisir, ce morceau serait entre ses mains, et c'est ~M
qui en serais exclu, Tant qu'il était encore sur le sol,
nous y avions tous deux un e~at droit; a présent j'ai ic
droit exclusif, ~«A ~e/c~cw/c 7~c/ ou, connue
dirait M. R. ~~c/c/tc /<cc/~ ("), de le

(i) PaRc i3
de son tivredëj~ cit~.
(~) Voyex donc d'' quoi les gens se notent I
(~) M. H. qm'ait d~ th'e ce tivre avant d'ëcrhc te sien, ou le réfuter,
s'it l'avait )u.
(*) « Rxctusivctttcnt. o Voyez la note ci-dessous.
(*") Je suis obttgcd'iuu'oduh'edans)c texte ces expressions aHc-
nmndcs, ne trouvant pas dans notre tangue de mots correspondants.
i''ichte cxptiqtte tui même, dans ta note suivante, te sens de t'expression
ftUMc/~tM6~ par opposition «Ma~c~t~eM(/.
« ~<~c/<cA, dit-il, revient a M«~cA~<)', comme si celui
travailler je le tiens immédiatement dans mes mains~
Il ne parle pas d'ailleurs de choses que l'on puisse avoir
immédiatement entre les mains. Bien qu'il parie on géné-
ral d'objets, ces choses no semblent pas convenir ah pro.
fondeur de ses raisonnements;c'est du solde la terre qu'il
tire son exemple. « Si je veux ensemencer un champ, e~~
~cA~' et qu'une autre personne, n'ayant pas do champ
convenable, ou préterant celui-là, veuille aussi le cultiver,
d'après quelles raisons décidera-t-on entre nous ? Telle
est la question qu'il pose. Si la pièce de terre sur ia-
quene porte la question est rconement un champ laboure,
e~ ~e~ (ou ce mot n'est-il employé ici que pour remph~
l'on
cer les autres qui sont usés?), la décision est iaciie, et
pourrait dire que celui qui l'adresse n'oBt pas digne d'une
pdponse. Le champ que désigne le mot~tc~' est nécessaire-
ment tabouret il faut donc que quelqu'un l'ait labouré ce
quelqu'un est propriétaire d'après le droit naturel, et nul
autre no voudra se donner la peine inutile et illégitimede
le cultiver encore une fois. Tout champ laboure a un pro~
priétaire, aussi certainement qu'it est un champ labouré

qui travaille une chose prétendait en <a exclu, et non pat on exclure
tui-n~tM tous les autres. Avec tout autt'e ë~<n, ~j~ute i'~chte,
tnats elle est ju~tc
uae nareDIc <:rluqu': ~rau une <cunc déplacée;
rëgartt (!'u~ tt0!nmc qut traite les uuf'cs sur ce ton. A/~t't't ~M<'n«yMC
~Mo M!o~n<o ûc pede Mr~n est. n
Le mot ~c/Mf, dont se sert rëcrivatn dt<! et attaqua par i'chtc,
signine proprement terre labourée. On va voir pourquct J'ai d~ intro-
indiquer te (tans
dutfe ici dans mon texte ce mot allemand et on son!)

cette nutc.
a Voyez la note précédente.
3 Je ne puis rendre autrement ccMc phrase du texte,
où Fauteur
fait sortir du mot lui-même l'explication de son sens propre
~c/fcf ist Mn~McA'c~.
il n'est plus une matière brute, mais il a une (orme.
M. R. vent commencer par ~Mc~c/tc~ le champ dont il
s'agit (si tout cela et si même son livre entier a une
autre raison d'être que cette chère co~ ~cc~); pour
cela il faut qu'il ait été toutfraîchemcnt labouré. Cela, pen-
serais-je, serait une raison suffisante pour exclure tout au-
tre de la culture de ce champ. Pourtant nous ne vou-
un
lons pas profiter, stratagèmed'avocat, de l'inhabileté
de notre avcrsaire; nous voulons chercher Li instruire.–
Quand même le champ n'aurait pas été fraîchement la-
bourc, quand bien même il ne l'aurait pas été depuis un
grand nombre d'années, le premier travailleur ou son re-
présentant demeure toujours le légitime propriétaire, tant
qu'il reste sur le sol le moindre cnet du premier travail
et quand pourrait-il jamais disparaître ? Si la trace ex-
térieure en est enaccc, celui qui s'empare de ce champ,
sans rien savoir du travail dont il a été autrefois l'objet,
est un possesseur de bonne foi, mais non pas un légitime
propriétaire. 11 doit cesser son travail u la première récla-
mation du véritable propriétaire.
La question suivante de M. R. a un sens plus juste, et
nous l'admettons, quelque suspecte que la rende sa pa-
renté avec la première. « Comment, demande-il, prouve-
rai-je a l'aide de la raison pure, que ce sol sur lequel se
trouvent deux personnes appartient à l'une plutôt qu'a
l'autre?)) Nous admettons, avant de nous engager dans la
question, que le motsol signifie ce qu'il doit signifier non
pasun champ labouré, mais une pièce de terre inculte
ou qui n'a pas encore été travaillée; et alors la question
mérite une réponse.–Quel est donc ce sol dont il parle?
Est-ce ce seul et même sol sur lequel se trouvent les
deux personnes? Où le borne-t-il donc? Ou le distingue-
t-il d'un autre qui n'est plus ce même sol sur lequel elles
sont toutes deux? Son imagination ne lui aurait-elle point,
par hasard, joué le tour de lui représenter, sans qu'il y
songeât, des clôtures, des fossés, des lisières, des homes?
Il ne peut rien y avoir de pareil, a moins que le sol ne
soit déjà occupé, et n'appartienne exclusivement soit a
l'un, soit a l'autre, ou à leur défaut, à un troisième. Ne
parlons donc plus de sol; parlons plutôt de /~cc. Deux
individus ne peuvent pas occuper ensemble une seule et
même place cela est contraire a la loi de l'impénétrabi-
lité de la matière. Dès que l'un se trouve a une place,
l'autre en est exclu celui-ci ne peut s'y mettre sans re-
pousser le premier, et c'est ce qu'il n'a pas le droit de faire.
Chacun est le légitime et exclusif propriétaire de la place
ou il se trouve, si cette place n'avait pas déjà un proprié-
taire. Il l'est devenu par cela seul qu'il s'y est mis. Mais
sa propriété ne s'étend pas au delà de ce qu'il peut couvrir
de son corps. blaintenant l'un trace un sillon. Ce sillon
est sien; il est le produit de son travail. Il avait le droit,
en vertu de sa nature raisonnable, de tracer le sillon.
H ne peut pas, dites-vous, prouver sa propriété sur les
mottes de terre.–Cela lui importe peu. Il est du moins
le propriétaire du sillon qu'il a forme avec les mettes
de terre prenez-lui donc les mottes de terre, mais laissex-
lui le sillon Son voisin trace aussi un sillon tout à
côté du sien. Il en a bien le droit mais il ne peut tracer
ce sinon, là ou le premier a tracé le sien, sans détruire
celui-ci, et c'est ce qu'il n'a pas le droit de faire. Ainsi
se résout d'une manière satisfaisante la question de savoir
pourquoi, sur un sol inoccupé, la place où quelqu'un se
trouve et le sillon qu'il y a tracé lui appartiennent, et
n'appartiennentpas à celui qui n'y est pas et qui n'a pas
tracé de sillon, et nous venons de danser une des impo~
sibititésdeM.h.
Kn général, te légitime propriétaire de ta ~~<~
forme est le propriétaire de ta chose.
~n Je donne à un or-
morceau d'or que je possède tégitimement, soit par
i'etfet do mon propre travail, soit
en vertu d'un marche,
et je le charge de m'en faire une coupe. Je lui ai promis
un certain prix pour ce travaii il semble qu'il ait
y un
contrat entre nous. !1 apporte ta coupe, et je
ne lui donne
pas te prix convenu. 11 n'y avait pas de contrat entre
nous son travaii était sien, et reste sien. Mais l'or est-
il mien? J'ai te droit de le reprendre,
si je puis Je faire
sans prendre en même temps ia coupe
on sans ta dé~
trnh'e. S'il veut me dédommager de
ma perte, il n'y a
rien a dire A cela; mais je n'ai
pas te droit de revendi-
quer sa coupe. est le possesseur de ia dernière
ibrme; car c'est avec mon consentement fm'i! donné
a sa
for~e a mon or. S'ii n'en était
pas ic possesseur légitime,
s'ii avait fait de mon or une
coupe sans mon consen-
tement, faudrait qu'il me rendit i'or,
it
avec ou sans sa
tbrme.
De tout cela il résuite clairement que ce n'est pas FËtat,
maisja nature raisonnable de l'homme
en soi qui est ta
source du droit de propriété, (ptc nous possédons indu-
bitablement certaines choses
en vertu du droit purement
naturel, et que nous pouvons légitimement exclure
tous
les autres (te la possession de
ces choses.
Maisà quoi, dit-on, cela peut-H
nous servir, & nous qui
sommes nés dans l'État? Accordons que nous aurions pu
acquérir une propriété en vertu du droit purement
na-
turel, et le faire d'une manière tout a fait indépendante
de l'État. Mais ce n'est pas ainsi
que nous avons acquis ia
notre; nous ta devons aux institutions (!e l'Ëtat, et nous
devrons la lui restituer, si nous rompons nos bons avec
lui. Nous verrons si cette appréhension est fondée.
Nous sommes sans doute nés pauvres, nus et dénués de
secours. Quant a ce que
l'État prétend avoir tait pour h)
développement de nus facultés, en disant que, s'il n'avait
rien t'ait, nous serions encore en ce moment aussi pauvres,
aussi nus et aussi dénués do secours, nous nous occu-
perons plus tard (te cette assertion. Sautons a présent par~
dessus les années ou l'homme n'est encore qu'un animal
(ténue de secours voil:~ nos facuMes développées, nou~
voila capables de nous aider nous-mêmes: je saurai hieo
reconnaitrc plus tard les services que rËtat nous a rendus
ici, s'il est possible de les apercevoir. Voi~ donc nos fa-
cultés développées nous voulons nous approprier quelque
chose nous jetons les yeux tout autour de nous, e~ nous
voyons qu'a l'exception de l'air et do la lumière, tout a son
propriétaire si la lumière et l'air n'en ont pas, c'est par
cette simple raison qu'ils ne sont susceptibles d'aucune
forme étrangère. Nous poumons parcourir toute la terre
sans y rien trouver sur quoi nous eussions à faire valoir
notre droit d'appropriation, qui s'étend sur toute matière
brute. 11 n'y a presque plus de matière brute. Nous
en prendrons-nous l'Ëtat, comme s'il avait tout conus-
qu~, et qu'il ne nous eut plus rien laisse? Non, nous
ferions preuve ainsi d'une grande incapacité, et nous
montrerions que nous ne comprenons rien à la chose. Ce
n'est pas l'Etat qui a déjà <-out pris en sa possession ce
sont les individus. Leur chercherons-nousquerelle, parce
qu'ils ne nous ont pas attendus,–parce qu'ils n'ont pas
compte sur nous, avant que nous ne fussions? Hevendi-
querons-nousun droit que nous aurions eu dans le monde
des phénomènes, avant d'y paraître. H est vraiment dom-
mage pour nous que toutes les places soient déjà occupées;
mais aussi pourquoi ne sommes-nous pas nés plus tôt?
Nous n'avons pas le droit de chasser quelqu'un de
sa
place, parce qu'il nous en faut une. C'est nous de faire
en sorte d'arriver A temps. Cela nous regarde.
Or c'est ici, pense-t-on, que l'Etat intervient. H
nous
institue d'abord copropriétaires du bien de nos parents,
quand ils en ont, et héritiers de ce bien après leur mort.
Il serait généreux de la part de l'État de remédier a un
mal qu'il n'a pas causé, comme nous venons de le
:'econ-
naitrc. Mais qu'on me permette de faire une question
en
passant pour réveiller l'attention Ou donc l'Ëtat a-t-i!
pris le droit de me donner d'abord la copropriété, et
en-
suite la propriété entière d'un bien étranger? Tous
pen-
sent-ils avoir un droit que n'a aucun individu ? N'ai-je
pas
déjà dit que, si chacun se bornait à verser du rhum dans
un hol, il ne pourrait en résulter du punch!
Nous verrons quand il sera question de culture, quelle
est, d'après les principes du droit naturel, la nature de la
copropriété des enfants sur le bien de leurs parents. A
présent parlons de l'héritage. !I n'y a pas, dit-on, dans
le droit nature!, de droit d'hérédité. Hé?– li y en a un
très grand, très étendu seulement il faut savoir saisir les
idées dans leur pureté et ne pas permettre l'imagination
d'y mé!erdcs éléments hétérogènesempruntésàl'habitude.
Dès que quelqu'un sort du monde des phénomènes, il
perd ses droits dans ce monde. Sa propriété redevient
comme de la matière brute, car personne n'est plus pos-
sesseur de sa forme. L'humanité tout entière est la légi-
time héritière de chaque mort car l'humanité tout
en-
tière a un droit illimité d'appropriation sur tout ce qui n'a
pas de possesseur. Quiconque se l'appropriera réellement
le premier en sera le légitime propriétaire. C'est ainsi
que la nature prend soin de rappeler peu a peu de la
scène les anciens possesseurs pour laire place à ceux
qu'elle produit ensuite. La nature et la loi morale sont
ici parfaitementd'accord. La première est dans cette cir-
constance ce qu'elle devrait toujours être, la servante de
la seconde. Tu ne dois chasser personne de sa place,
dit la loi. Mms il me faut une place, dis-tu. Voici ta
place, dit la nature et elle culhute celui que tu n'avais
pas le droit de culbuter (1).
Cette course précipitée, mais peut-être vainc, vers une
possession, ces rivalités et ces inimitiés qui doivent en
résulter, tout cela ne nous plait pas, dirent les hommes,
lorsqu'ils devinrent citoyens, et en cela ils parlaient bien.
Que chacun prenne ce qui est le plus près de lui; de cette
façon, il s'épargnera a lui-même la course et l'épargnera
aux autres. Qu'il prenne ce qui était dans la cahanc et
autour de la cabane de son père; chacun de nous renon-
cera a son droit d'appropriation sur cette possession
vacante, si lui-même veut renoncer à sa part de droit
d'appropriation sur le bien de tout autre concitoyenmort.
Tu n'as donc pas reçu gratuitement le droit civil d'hé-
rédité tu l'as échangé contre un droit aliénable de
l'homme, celui d'hériter, si tu le peux, de tout mort.
Dès que tu t'es abstenu d'occuper la succession des autres,
pendant que tu as vécu dans l'État~ tu as rempli ta con-

(i) Le maitre en droit naturel que j'ai ione an commencement du


premier chapitre, n'intcrprete-t-H pas ceci et la suite comme si je ra-
contais un fait historique, comme si, suivant son expression, Je pen-
sais que cela est arrivé clans le fefnp~ Je ne trouve point dans mes
cahiers de renseignement a ce sujet.
dition, et l'État la sienne. Ton héritage paterne! t'appar-
particnt, en vortu (tu connut que tu as rempli. Possède-
le en toute conscience, même quand tu sortirais
de i't!tat-
s'il le revendique, exige de lui a ton tour
tout ce que tn
aurais pu t'approprier, pendant ce temps-là, de la
succes-
sion des citoyens morts, et i! te !c laissera.
La seconde manière d'arriver dans l'état
une pro-
priété c'est le travail appuyé d'un contrat. Le simple
tra-
vail donne rnrement on ne donne jamais une
propriété
dans l'Etat car i! y a rarement ou il n'y jamais de
a ma-
tière brute. Tout ce.que nous vouions travailler déjà
a sa
forme; or nous n'avons pas le droit de le travailler
sans
le consentement du propriétaire de la dernière forme.
Si
celui-ci nous ch:tr~e (le travailler !a chose
a notre tour,
moyennant un dédommagement pour la force que nous y
dépenserons et qui est originairement notre propriété,
ce
qui passe de sa propriété dans nos mnins devient nôtre
au moyen d'un contrat et du trayait. Il nous le vend.
S'it consent à ce que nous travaillions !a chose a
nôtres'
(le seul fait de la prendre est dej:~ une peine dépensée),
sans rien exiger de nous en échange, la chose même de-
vient aiors nctre, comme par l'CHct d'un contrat
et du
travail. En enct, avant que nous y eussions dépense
une
peine, nous ne pouvions pas le forcer a tenir sa
promesse'
il pouvait n'avoirjamais eu la volonté de
nous donner la
chose ou avoir change de volonté, et alors elle
ne serait
pas nôtre, comme on l'a vu par les explications précé-
dentes. Mais, comme il ne reçoit rien en échange (tans
sa
propriété, il ne nous la vend pas; il nous la donne.–
L'héritage et le contrat de travail embrassent toutes les
manières d'arriver dans l'Etat à une possession. Le
com-
merce n'est qu'un contrat d'échange sur des objets dont
la possession suppose déjà l'héritage ou io contrat de
travail.
<t
Mais ces contrats sont conclus dans l'État, sous la
protection de l'Etat, (frace l'existence (te l'État, dont le
premier contrat est te fondement <!e tous ceux qui peuvent
venir ensuite; par conséquent tout ce que nous obtenons
par ce moyen, nous le devons a l'état.))–Kn voilà beau-
coup a ta fois, et cota e~t vite conclu I Il nous faut du
temps pour débrouiller toutes ces choses.
D'abord je dois relever ici une confusion d'idées q~i, a
ce qu'il me semble, a généralement domine jusqu'à ce
jour et qui est tellement passée dans la tangue, qu'il est
diflicilc de trouver un mot qui y mette fin. Le mot « so-
ciété ? est en cu'et la source de cette fâcheuse équivoque'.
On l'emploie tantôt connue signifiant des hommes unis
en ~encrai par un contrat, tantôt comme désignant, on
particulier des hommes unis par un contrat civile c'est-a-
dirc l'Etat; et l'on saute ainsi par-dessus une question
importante, celle qui concerne les hommes qui, bien loin
d'être unis par un contrat civil, vivent a côte les uns des
autres et entre eux en dehors de tout contrat. Je distingue
dans ce mot de société deux sens principaux il signifie
d'abord une relation physique (te plusieurs personnes
entre elles, qui ne peut être que leur rapport réciproque
dans l'espace; et ensuite une relation morale, le rapport
de droits et de devoirs réciproques. C'est dans ce dernier
sens qu'on a employé le mot de société, et l'on a lait
déterminer ces droits et ces devoirs par des contrats, soit
en gênerai par un contrat quelconque, soit en particulier
par un contrat civil. Et ainsi toute société résultait et
devait nécessairement résulter d'un contrat; sans contrat
il n'y avait pas de société possible.
Pourquoi donc a-t-on oublié si complètement le pre-
mier sens du mot société? Des êtres qui ne sont pas
simplement des corps ne sauraient être dans l'espace,
même comme corps, sans relations morales entre eux.
Fort bien, mais alors cette vieille idée d'un état de nature,
cette guerre de tous contre tous qui y serait de droit, ce
droit du plus fort qui devrait régner sur ce sol, tout cela
est taux. Deux hommes ne pourraient pas, pensait-on,
s'approcher l'un de l'autre de !a largeur d'un pied, sans
que chacun d'eux n'eut parfaitement le droit de tenir
l'autre pour une excellente trouvaille, de s'en emparer et
de le rôtir. Mais peut-être aucun d'eux ne saurai t-H au
juste s'il serait le plus fort; alors ils devraient se dire l'un A
l'autre « Ne me mange pas, ô mon bon, je ne te manderai
pas non plus; et A partir de ce moment, ils n'auraient
plus le droit de se mander, puisqu'ils se seraient promis
de ne pas le faire; et, bien qu'ils eussent en gênerai par-
faitement le droit de se manger, ils n'auraient plus celui
de ne pas se tenir parole. Ils pourraient alors vivre
tranquillement entre eux. 0 profonde philosophie! Même
dans les systèmes où cette idée est tout a fait abandonnée,
les conséquences prochaines ou éloignées s'en font en-
core sentir,
II est sans doute possible aux hommes, j'entends mo-
ralement possible, de vivre en société dans le premier
sens du mot, c'est-a-dirc de vivre a côté les uns des
autres et entre eux, sans former une société dans le se-
cond sens que vous attachez a ce mot, sans être unis par
un contrat. Ils ne sont pas alors sans droits et sans devoirs
réciproques. Leur loi commune, qui détermine assez
exactement ces droits et ces devoirs, c'est la loi de la
liberté, ou ce principe « Ne trouble la liberté de per-
sonne, alors qu'elle ne trouble pas ia tienne. Mais
!c hommes so~i~c~ &
(h~nc a ce principe, s'ils
n'y étaient contraints par des lois ? Ne se soucieraient-ils
pas toujours plus de ce qu'ils pourraient que de ce qui
teur serait permis? )) –Je sais que vous ne manquez ja-
mais d'en appeier a !a méchanceté ori~ine)te de l'homme,
chose dont je ne puis me convaincre; mais suit ces lois
de contrainte ont aussi leur valeur dans l'état de nature;
je puis légitimement contraindre quiconque trouble ma
liberté a la rétablir en elle-même et. dans toute !a pléni-
tude de ses en'ets. s Tu en as /c </?M/; tnais cst-tu sur
de ~o~uo~' toujours être le plus l'ort? c -–Vous ne pariex
jamaistptede cequ<'je serais ou de ce queje suis, je parte
<)e ce que je (~'r~ SiJa ici morate gouvernait in nature,
je toujours !e p!us fort, des que j'aurais raison
car je (/o~ l'être. Vous me transportez sans cesse dans ie
domaine de la nécessité physique. Un peu de patience,
e! je vous aurai enlevé l'objection que vous avex dans le
coeur, sans m'enter avec vous dans l'examen de l'hy-
pothèse de ce que l'homme ~c~c/~ dans l'état
de nature.
Les hommes peuvent aussi vivre en société dans le sc-
c<md sens que vousdonne:<ace mot, c'est-a-dircetre lies
par un contrat en gênerai, sans former précisément, un
~tat, sans être unis par un contrat civil. La légitimité d'un
contrat en général n'est pas d'abord déterminée par une
espèce particulière (te contrat, par le contrat civil; ce
serait (rappelons-leaussi en passant pour ceux qui, de cette
manière, verront ta chose plus clairement) un cercle vi-
cieux manifeste. ,\ous faisons un contrat stipulant, que
tes contrats en, général doivent être valables, et. ce même
'entrât est valable, parce que, en vertu de noire contrat,
11~1
tes contrats hj sont en ~encnd. ~i, comme on t'a tuontre
phh) haut, il y a une chose exactement déterminée par la
!"i morale c'e~t lu réciprocité des services, ou bien !a
restitution de ce que l'un a reçu de l'autre et la réparation
du dommage qu'on lui a cause. Ce n'est pas du t'Ëtai que
je tiens le droit de réclamer ucth; réciprocité un ccUn
ruparation, mais je l'ai reçu du pcrc cutufnun des esprit
avec la liberté qu'H m'a donnée en dot.
Je n'ai pas entrepris cette analyse pour h; seut plaisir
de la iairc, mais pour en tirer une conséquence impor-
tante. Si l'Etat ne peut ni nous retirer ni nous donner
les droits qui sont notre propriété originaire, il iaut que
toutes ces relations persistent rcenement dans !a société
civile. Je ne puis pas posséder comme citoyen, c// y~'
/c/, un droit que je possède comme homme; et je ne
puis avoir déjà possède connue homme le droit que je
possède a titre de citoyen. C'est donc une grande erreur
de croire que l'état naturel (le l'homme est supprime par
le contrat civil; it ne peut jamais être supprime, il passe
et subsiste sans interruption dans l'Etat. –L'homme dans
i'Ëtat peut être envisage sous divers rapports. D'abord
comme un être isole, seul avec sa conscience et le suprême
exécuteur des décisions de ~a conscience. C'est la sa pius
haute juridiction toutes les autres relations sont subor"
données accnc-ia. Ici nut etran~er(ia divinité n'est point
pour lui une étrangère) ne saurait être son ju~e. La
loi, au nom de iaqueUe parie te juge invisibte de <'e tri-
hunat, est la loi morate, en tant qu'eue se rapporte sim-
ptement au monde spirituet; sous <'e premier rapport il
e:)tc~ it peut ensuit être envisagé counne ctant
ex société, ou comme vivant au milieu d'autres individus
dc~on uëpccet Sous ce i'appurt, sa lui est ia lui moraic,
'jn tant. qu'elle détermine te monde des pitenutm'nes, <'t.
''Ht's'appelle alors droit naturel. Devant ce tril<'mal exté-
rieur, chacun de ceux avec lesquels il vit es!, sonju~e. Sous
<c rapport il est /<c.–Maintenant il conclut des con-
trats. Le cliamp des contrats est h' monde des piten"-
menes, en tant qu'il n'est pas parfaitement détermine par
!a ici morale. Sa loi dans ce champ est la volonté (la
volonté atïrancinc de toute loi). S'il ne peut retirer sa
volonté sans porter atteinte a la liberté d'autrni, sa vo-
lonté n'est plus libre elle rentre suus la loi, ut il i'auL
qu'elle se rc~le sur la loi. Des contrats de ce ~cnru, il en
pcu~ conclure autant et d'autant d'espèces qu'M !c veut.
Parmi eux il peut conclure aussi ce contrat particulier
d'un avec tous et de tons avec un, que l'on nomme le
contrat civil. Le champ de ce contrat est une p:u'tic arbi-
trairement choisie dans le domaine du libre arbitre, il y
aune loi et des droits, comme dans le contrat en ~encrai,
dont celui-ci constitue une espèce. En tant que l'honnne
est soumis a ce contrat, il s'appelle ô'yc~. Si l'on veut
rendre visible la circonscription et le rapport du ces
divers domaines/que l'on trace un cercle. La surface en-
tière sera le domaine de la conscience. Que dans l'inté-
rieur de ce cercle on en trace un autre beaucoup plus
petit celui-ci embrasse le monde visible, cette partie du
domaine de la conscience a laquelle il se rapporte et qui
comprend le droit naturel, la loi des devoirs parlaits. Que
dans l'intérieur de ce second cercle on en trace encore un
troisième il représente le droit de contrat, compris dans
la conscience et le droit naturel. Ennn tracez un dernier
cercle, plus petit encore, dans l'intérieur du troisième, et
vous avex en particulier le contrat civil, compris dans ic
ressort d's précédents. Pour rendre ma peusee plus
.scnstNc, jn me pcrm~th-ai de joindre ici la h~urc aui.
vante:

Il nu reste p!us qu'une chose a remarquer, c'est qnc


les M'ibunaux supérieurs étendent invisibiemcnt leur
res-
sert travers in ebamp des inférieur, et. que i~dt-cihm-
A

turci, tneme dans son t'essor!, ne


prononce <n~ sur tics
objets <jue !a conscience a iaisscs tibres,
etc. Les cercles
intérieurs n'embrassent pas du tout
ce que les cercles ex-
térieurs embrassent dans leur périmètre; mais dans
ce
périmètre se rencontrent des objets tout autres
sur ies-
'ptetsees derniers étendent ieur juridiction. Pour rendre
eeta tonta fait sensible, il faudrait
puser ({natre cercte.
d'- <-e ~enre, tes uns au-t!essus des Le domainr
autres.
de ta consfienL-e embrasse tout ceiui du
cotdrat civil, !e
'noins. ndoit<!tre permis a chacun de .se retirer du cen'tr<-
versiacirconterence, et metnedesortir<tudoma)'net!u droit
nature!, s'ih'eut vivre dans une ne déserte, mais il
ne sort
.jamais du domaine de la conscience,
parce qu'd n'est pas
un animât. ~u'onju~e maintenant de que! droit i'Etat.
ttout ~(I«man~cstcc~n<tnt rpnt'crmt''<!an~ t<'phts'h'<'it
)'si)nc'trans~r<'ss''srs ti))tit<'s; ih'h''n:h)' acn\:uH!r
)-h:unp<!es contrats'~t~tt'r:)),~t'hn tn~m'<tn droit na-
))trt'<'t.itph~t:'tDit'u,j)tStt))'t<'f'tni)t<'t:tru))s<'K'!u'(<).

J) Ce n'est qu'en distinguant cesditlerents (tomainf'.s que t'en


detneic tes sopt)ismes de ce rtt'~ieur Rre< <'t <te son digne (tiscipte.
Si tu gagnes ton premier procès, dit te sophiste a son discipte, tx me
paieras cent talents; si tu te perds, tu ne me paieras rien; et il t'in-
struisit dans son art. t.e n)a!tre cm besoin (Pm'~pm
n'in-t'ivai: p:ts: it .tppch son discip~ f!cv!))H le tribun.'t. 0j"
k p:ncn)Ct)t

dh-i), il f:n)t qn'it me paie en tous <'ns )cs (Ct:t ).)!cms, t'tt vertu <k
voh'c sentence, si vous if'condanuu'x~p~yct'on vertu d<*no))c
contrat, s'H gagne son procès car il :un'n ~K~~ '< sa prôniez
~on,
a<îai)'c. répondit te di~nc discipto, je ne paierai rie)) en aucun
casje ne paictai pas, en vertu de votre scntcnfe, si \ot)c jo~ment
nrcst favot'ahte; je ne paierai pa'} davantage, s'it m'est contraire, en
verm de notre contrat, cat- ators je n'aura pas gagn~ !na ptenncn'
an'airc. Les juges,– c'ct.tient des/\theni''ns, d~darO'cnt qu'Us ne
pouvaient rendre aucune décision. Tons tes tcctfurs, qu'its tne
pardonnent si je tes examine parfois a t'itnpt'ovistc, tous tes tecteurs
qui ont compris ta précédente théorie jugeront ce pt'occs du premier
coup d'œi). S'Hs ne !c jugent pas, c'est qu'ifs ne l'ont pas comprise
qn'its la méditent alors, jusque ce qu'its soient en état de )c juger!
Oui ne voit que te vieux et le jcttnc sophiste etnbrouittcnt t'atToirc
en voûtant passer d'un domaine dans un autre, et que k vi<'u\ avait
prépare cette confusion par la singulière condition qu'it avait mise
dans te contrat. Chacun d'eux prétend se réfugier (tans le domaine de
t'~tat, si son adversaire le poursuit sur celui des contrats, et clans le
domaine des contrats, si l'autre te poursuit dans te champde t'~tat
et, si cela tcur est permis, its ne se rencontreront jamais. Que ne tes
avez-vous renvoyés devant tcnr véritable tribuxat, ôj~es athéniens!t
Il n'y a point d'aréopage qui puisse dire ce qui est de droit dans tes
contrats; cette toi est plus ancienne qnc tout areop.tge. )/an'airc pré-
sente n'est pas du ressort <te votre tribunat ce n'est pas un procès
ncnvoyez-tcs, et dites au discipte de remptif tu condition du
rontm) dans un t'~r/e procès re n'est pas vous ato s, c'est la chose
t:e que j'ai acquis dans l'Ktat. pendant ma vie, par quel-
que contrat, je h' possède donc comme//o~ non comm<'
~o~. ~e fallait-il pas que je t'nsse une personne mo-
rate pour pouvoir conclure un contrat? Mais comm<'
citoyen, suis-je dune une pt'rs'ttuu' nnn'ah'? Ai-j)\ a ) r
titrf\, t)t)''ii! Yoh)nt<? 0 nr'n, <'p n'cs! qu'' <)<' mon
un!)))) a\'c<' h'us qn'' natt ccHf tttmvcHc ppi'sotnh'murak'
< \'st <tc ta vohtttt~ '!<' tous quû t'csuttc ccth' d'' t'KtaL. Sij<-

puis Ct~K'tut'~ nn contrat, en ~encra~ je ttois ie conchtre


c~mm~ ttomn~; j'' rtf pms ic faire commo citoyen.–Ccht!
qui t'a condn avec tn~i ne !'a t:ut f~atcmcnt <pu' o~mm'
homme, r') cc!a t~ar h même raison.
Mcmf quand j'ai condn !e contrat avec i'Htatjf' n'ai pn
ic conctnrc qu'' comme homme, et la chose est pour ainsi
dire ph~ évidente encore dans ce cas que dans ie précè-

(.outrât sont ceHe de et


dent. Les deux décisions volontaires qui constituent k
!a mienne. Si ma voient'
était renferm'e dans cène (te t'~tat, ii n'y avait qu'um-
votonte l'État a conclu nn contrat avec lui-tneme, ce qui
est contradictoire. Des que j'ai rempli mon engagement
~t qnc l'État a rempli le sien, le contrat est exécute: le
service auquel je me suis en~a~e appartient :'t l'état, et
celui que F~tat m'a promis m'appartient.
Mais, dit-on, si l'État n'intervenait tu aurais beau
conclure des contrats connue homme, tu ne pourrais ~nere
comptersurla sainteté de ces contrats. Si l'autre ne tenait
pas sa parole, tu aurais sans doute, d'après le droit natu-
rel, !<' droit de le contraindre a rendre ce qu'il aurait reçu1
)n6tnc q't! prononcera te jugement. Que te maHt'c vienne, c! qn'it n'-
f'tame de t'~tat, ~ott ~<.< ~'c~<n~ f~ ce ~N( ~< f~~r<'< )n<))s Ct't)''
~ro~c~'f)~ ~o' 7'a<Kre/ <~<t /«* M< t/t~' ~pr~ fo~
< N. vousttvcx :)to)'s Hn<' an'aire jnsquc-t~ vn~s n'en avi~ pns.
et a reparer !e dommage qu'it t'aurait cau~e; mais h) ne
«erais peut-~tre pas toujours te ptus tort. Ch' t'~tat t'est :')
)a place. !t t'aide dans ton droit, qup ht peux toujours nom-
)ner un droit (!e l'homme il te pr~te secours quand
quelqu'un menace ce droit; la crainte de FËtat t'ait
qu'on y porte plus rarement atteinte et nous nous rap-
procherions ainsi de {'objection que nous avons promis
plus haut de réfuter.
Contre qui l'Ëtat a-t-i! protêt mon droit.?–Contre un
étranger ou contre un citoyen?–S'il l'a protège contre
un étranger, it y était ob!i~' par le seu! contrat. J'étais
{dors dans le contrat, .rappartcnais moi-même au corps
protecteur, soit d'une manière, soit de l'autre, –ne fut-
ce qu'en ne lui suscitant aucun trouble. J'aidais a proté-
ger aussi !es droits des autres citoyens. J'ai rempH mon
ofnce, et l'état le sien. C'est une anairc unie. Notre con-
trat est exécute, et chacun garde ce qui hu appartient.–
Si je sors du contrat, le devoir parmit qu'a !tat de pro-
t~er mon droit cesse assurément, puisque je renonce
celui de protéger le droit des autres. C'est A moi de voir
!'< m'aider moi-même.

S'i! m'a protège contre un concitoyen, je répète a!ors


ce qui précède, mais j'y ajoute beaucoup plus.–J'ai con-
clu le contrat avec quelqu'un qui était mon concitoyen et
!e votre, comme un homme avec un homme. C'est le droit
naturel et pas un autre, qui est ici notre toi. !t me Icse
et se met ainsi, a mon égard, en état d'hostiiite. J'ai !e
droit de te traiter en ennemi, jusqu'à ce que j'aie recouvr<
ma propri<t< tout eutier<Yousnevou!c/pnsqueje trait''
concitDyr'u f'll
~'fltl'E', f'.flnf;lLfV'f~11
votre enm'mi? Eh
en (!fltll!Ili!`~
1 1.'
u)~mes pacifiquement daus utuu droit. Des que v'usprr-
l
rll bien, aidex-mo! vous-
~lllv-

ue/ son parti, eu m~mp~chaut d~ poxrsuivr'' !t!t))c-


ment mon droit, l'amure devient la vôtre. Vous n'êtes tous
désormais qu'une seule personne monde accusée devant
!e tribunal du droit naturel; et je suis ta seconde
personne
morale qui accuse. Je ne suis plus maintenant citoyen.
Heime~re/-moi pacifiquement dans mon droit,
ou je
porte la guerre chez vous. Que je sois votre concitoyen
ou un étranger; que je sois sorti de votre Kta! ou que
je n'en aie jamais fait partie, H n'importe
7
pas ici
dans cette action je ne suis pas du tout citoyen. Com-
«
ment ? A toi tout sent veux-tu déclarer ta
guerre a tout
l'état? Tu seras certainement le plus iaible? Kh bien ?
')
Vous êtes-vous unis pour être injustes, et entre-t-on dans
votre société pour pouvoir voter impunément? Si c'est
ainsi que vous philosophex.jc vous laisse et poursuis
mun
chemin.
Jl est prouve maintenant que toute propriété
que nous
avons acquise dans F~tat et qu'il a protégée pour nous,
demeure justement notre, alors même que nous sortons
de l'État; et nous arrivons au second objet,
pour lequel
il nous menace d'une demande en restitution, a la cM/
que nous y avons acquise. –Quelque terrible que fut te
premier procès, celui-ci l'est encore beaucoup plus. Si
l'on nous avait entièrement dépouilles comme
on nous en
menaçait, et qu'on nous eut citasses de !a terre et de ia
mer, nous aurions peut-être trouve un moyen de nous
échapper dans l'air, et d'y exister paisiblement. Mais lors-
qu'il s'agit de nous enlever toutes nos habitudes de
corps
et d'esprit, il n'y a pas d'autre moyen que do nous frapper
la tête avec un lourd marteau.
L'Ëtat réclame donc notre culture
comme son bien. Si
nous ne pouvons la lui restituer, nous lui restons enubai-
nés sans retour. Nous avouons qu'il a trouve
un moven
le meilleur, le plus bienfaisant, dira-t-it.–de nous river
A lui a tout jamais. Que dirons-nous? Irons-nous
reven-
diquer tes droits de l'humanité? Nous hu devons, sinon
!a facutte d'être des hommes, (ht moins !a conscience de
cette humanité même.– Honore en moi t'humanite, dis.
tu;–ingrat, repond t'Ëtat, serais-tu donr un homme, si
je ne Gavais façonne pour ceia? Tourneras-tu contre moi
les droits que j'ai fait moi-même valoir en toi? Oh, si je
ne t'avais jamais fait sentir que tu es p!us qu'un anima!,
je n'aurais pas aujourd'hui tant d'embarras avec toi.
Ainsi donc~ o ~tat~tunem'as etevequc pour que
je fusse uti!e tes fins, et non aux miennes. Tn m'as traite
.*t

comme un morceau de matière hrute, qui devait te servir


a quelque chose. A présent,je me donne a moi-metuc mes
uns, e~ veux ics poursuivre moi-même. Ce n'est pas pour
ce!a que tu m'as cuitive, dis-tu.–Bien. Je ne tiens donc
pas de toi cette espèce de cutturc, et je ne te la rends pas.
Pourvu que tu me laisses ccue-ci.je te (tonne ma parole
de ne jamais employer– celle qui se rapporte /<~ fins.
La culture que lu m'as donnée, ne me t'as-tu donc don-
née que sous !a condition que je t'appartiendrais il jamais?
M'as-tu donc demande si je souscrivais a cette condition?
Ai-je donc detihere sur la chose, et dit oui? –J'arrive
an'ame dans i'h6te!tcric des peterins. Je trouve juste de-
vam ma place un ptat de Jentittes, je m'empresse de le
prendre pour moi, et je remercie dans mon cœur ie bien-
faiteur inconnu qui nie le donne. Tu sors de ta cachette,
t.u mets ta main sur moi et me dis Tu m'appartiens
pourquoi as-tu ~out('' de ce plat? tu viens de vendre ton
divin droit d'amcsse.–Ceta n'est ni ~en'reux, ni juste.
Mais si tll m'avais interroge, si je t'avais repondu, si
nous avions reeUement conch) un contrat, jusqu'en ce
entrât aura!t-tt don? pu s'tendre? Tn m'aurais dit: je
veux te transformer, d'animal purement passif, euttomme
ft~issant par hu-meme, et je t'aurais promis de ne jamais
a~irparmoi-meme?Tu m'aurais dit je veux te mettre en
état de ju~er par toi-même, et j'aurais pris envers toi
t'en~agemcnt sotcnnet de ne jamais ju~-er par moi-fncmc?
–Tu reconnaissais (me j'étais encore incube, car autre-
ment pour(fuoi aurais-tu voulu me cultiver? Mais avant
que tu n'eusses mis la main a l'œuvre, peuvais-je jn~eret
approuver ta constitution? Et. comment donc !e puts-j~
aujourd'hui, mon cher? Achevé d'abord ton oeuvre
this d'abord de moi un être raisonnable,nous verrons en-
suite. Tu peux sans doute te proposer accessoirement pour
but de me rendre, par la culture que tu me donnes, ca-
pnb!e d'apprécier !a bcaut6 et l'cxcettence de ta constitu-
tion, et de m'apprendre A t'aimer par conviction; mn!s
tu ne saurais m'y obliger d'avance, a moins que par ha-
sard tu ne veuiltes, non pas me cultiver, mais me perver-
tir et me dénaturer, non pas exercer ma vue, mais me
mettre des verres de conteur devant tes yeux. Donne-moi
la cuttuTc que tu m'as promise. Si ette me conduit A aimer
ta constitution, tu auras atteint ton but. Si cite ne m'y
conduit pas, ou bien la prétendue culture que tu m'auras
donnée ne vaudra rien, et tu n'auras pu tenir ta parole;
ou bien eue vaudra quoique chose, et c'est alors ta consti-
tution qui ne vaudra rien. Puis-je faire un meiHeurusa~e
du don que j'ai rer-u de toi que de travaitier a ta propre
am~ioration? Mais pourquoi repondre aux ~ens dans
leur tan~a~e? Pourquoi buter avec les sophistes surteur
propre terrain? Hsdi~ereut de bien ptus grosses contra-
dictinns que ceUe-fi. Je p~rte :'t cetui qui cherche mipar-
thtetnent ta vcrit'
La euknre ne s'applique pas a l'homme, comme un
manteau aux épaules nues d'un paratvtiqHe-. Fais osa~e
tir. tes mains, saisis le vêtement et tiens-te terme, serre-It-
autour de tous les ptis de ton corps, eu sinon tu laisseras
toujours des parties nues et tu auras h'oifi. Coque je suis,
c'est. en dennitive a moi que je !e dois~ si je suis quetque
ehuse par moi-même. S) je ne suis <{U(?!nuf chose que
~t'ace a une autre chose; si je ne suis, {'ar exemple,
qu'un mcubte qui orne la chambre et en tirf hti-meme :'(
son tour son ptus ~'rand éclat, ou unn epec~ qui ne Nesse
que dans une main vivante, ou une fh'tte qui ne rend ses
doux sons que sur tes Jevrcs d'un virtuose, sn\'e/ sfn's que
jamais je ne sortirai de votre chambre, je ne m'échapperai

l;t <~que
t:'t tu ns
~~r~tyl~~ <u l
de votre main, je ne me soustrairai a vos ievres. Si r'est
as tait
tait de riloi, 1, si
moi, ~iu Mt. ~c si o'r~,t
c'est ta )'e
jaiss' taire de moi, tn pourras en répondre devant uu
que,j';li
mv clm j'ai

antre tribunal; mais, du moins, je ne t'nppoHet'ai jamais


7
en jw;tiec,
justice. Quiconque
Quicunqun LIiHl'IH\
1
tourne sa t'ulllll'(~v
ruiuu'e t'outre1 l'I::till
ne la tient pas de l'État; et quiconque tient sa cuttm'e df
a
r~ta)

t'~tat ne la tourne pas contre lui.


Faut-il que je dise tout a mon tectenr? faut-it qu'ici
encore j'applique la distinction déjà (tevetoppee entre ta
société et l'Htat? La culture ne peut ~ti'e donnée ni par
t'une, ni par l'autre personne n'< odtive. La premier''
fournit des moyens do culture incomparablement p!us
nombreux et plus utiles que le sccon< L'innuence de
l'une et de l'autre sur notre cutture se comporte comme
tours domaines respectifs.
Je ne rappellerai pas ici cette tendam'e primitive, de ht
nature scnsitde de l'homme, quii in porte a d<p"uiHer
toute sa l'orcc devant l'infirmité, et <tni fait qu'a !'aspec)
de ta faiblesse elle ne sent rien qo~dcta pitir! ~st-c''
!natnisL'ni~ttS(<itnpnt.siun?Jcncrapp('tt<Tai
pasu't instinct. animât <p)t t'<'u.ssf'i'h«Hmh~'t:)im~t~~
'~trps auxquds il a dunm- te jnm.. Ks~-c.- i'~tat,
nous a qm
'incr?J..n..n~~craipasquc~mm.~u
un hummc vient an est m'~ssaircmuïU un mo.
mum!<~
ttK.-nt d~ joi.. p(.m- mn~atnt-c humaine, cari! ta sunta~
'nnfat'(!c-anaccahtant<~(!n p'ti~nantf'sdthtit'm-s;
ne t'appeU~nu pns <jn~ tua prcnn<t'<' ititprdsi.m, :m s.tt'Hr
''n~mdc ma m.i-c, m'a mis dans nn (!uux t'app.u-d~
tn~ni'aisanc~ r/'t-~ro~Hc av~cc~h~ <-t'<att:rc humaine:
p~
t"'a(iunnt''tanonmhu'c,<~j~ rai<h';Hvt'<')m punis
sun lait (t).Est-('~i'{~at qui m'a <h)tHt< <-<'tt)'sainte ioii
t'atut'd~? Jcn<'rapp('H<'raipas!out (-ia, cat'j~n.'
v'')t.\ pas <-0t)~<h'ot' tf-t l'homme cumm~ un animai, tnais

(!) 'fa tttctc a pnut.~rp Oon~< un nuire tn.~cn <t.' .s'ot d~annsso.
t'ot.~h-c n-t.~tk vunht ne tk.H .-ecevo!. de loi, attn de n':noi) rtc..
te donner, .~ids t.d.ssons ce).) Tu bien en uoc t)t)nn.ce; v~.t-cn iu
~merOcr. ou, si elle est mot K', va vprspr
une tanxc sur son tumhc.n..
Elle a hc.ut :)voh- (tlé, au\
yeux (le tons les hnmmo.s. une cr~am)..
)t)cpt-i.snb)<; elle a hein) avoir vcr.s(' (hns ton corps, avoc son lait, !<'
v<'nin qui .1 d.!d))r<! tes ncr~ jnsqn'ft posent
et les (h'c))irct-a jusqu'au
tombeau, tout cela n'est rien elle n'en a ~as moins fait ce qu<. ta
m<')-c n'a point v,dn fa))-c; elle
a anache a ton c<j'ut-!u bout de ta
Ht-andc cha!nc. (nti part (le !~tct-))it<!
et reliera cnhn tous h~s Ctt-e.s au
proniet' anncao cd~ <)n tHo-c ~ctnngc (tes bienfaits.
Va, trait nign, va dechirf'r le cœor d<: toute mère;
mais ne pars pas
sans lui porter h: baume de cette pensée consolante que le
moyen
mais aussi .s~/ moyen d'euaccr entièrement le passe, c'c.st de
réparer te pins comp~n'ment possihlc le dommage caus<! (te faim
et
mieux a t'avenir, ou, quand ceta n'est ptus possible, de bien
se per-
suader qu'on nuirait autrement, si tes mem's circonstances
se pr.
-sentaient, et d'avertir et d'encom-ager tes antre.s. Rt puisses,
tu
ators te htcsser profondément, aftn d'cxtit~er le vieux mai
et d<' te
Huerir!
connue un esprit; je ne veux pas parier des impuisions de
sa nature sensible, mais de ses droits.
i\lon entrée dans te inonde des phénomènes est duc a
une main étrangère, et cette main/en s'oln'ant il mui,
m'a (tonne sur ctic des droits incontestables. i\e m'y as-tu
attire que pour me laisser périr sans secours? Je pouvais
bien périr sans toi. Tu m'as promis de me soutenir si tu
ne me tiens pas parole, je t'uccuserai de tous tes maux
que je sounrirai depuis le moment ou tu m'as attire a ta
lumière du jour jusqu'à celui un je lui dirai ad'eu..j'ai le
droit d'accuser, car je porte en moi
ce cachet de !a raison
qui t'est si bien connu.
Mes premiers vagissements annoncent
au monde des
esprits qu'un d'eux vient d'entrer dans le monde des phé-
nomènes, et qu'il veut y l'aire valoir ses droits c'est une
déclaration, une proclamation solennelle de ces droits
pour toute la nature; c'est une prise solennelle de posses-
sion. Je n'avais pas d'ailleurs d'autre
moyen d'en prendre
possession que ces cris impuissants; je ne puis rien de
plus. Tui qui les entends, reconnais moi tes droits,
eu et
empresse-toi de les protéger jusqu'à ce que je le puisse
moi-même. Ce sont les droits de l'humanité entière
que
tu détends en ma personne.
Tel est le principe qui h'~ithne h' pouvoir d<'s
parents.
Si quelqu'un portant
un visage Immain est incapable de
détendre ses droits d'homme, l'humanité tout entière I<;
a
droit et lu devoir de les exercer
a sa place, tis sont un
patrimoine commun, et la delense de ces droits est le
commun devoir de l'espèce entière; y porter atteinte,
c'est porter atteinte a toute l'espèce. Une chose sur
laquelle toute l'humanité des droits
a communs échoit a
celui qui s'en empare le premier. Ce qui est dépourvu de
raisondevientune propriété; une personne incapable d'user
de ta raison nu saurait être elle-n~me une propriété, mais
ses droits deviennent la propriété de celui qui s'en empare.
H s'en empare par cela même qu'il les
exerce. La sage-
femme, qui m'a fait voir le jour et qui m'a introduit dans
te monde des phénomènes, y a exerce mon premier droit.
J'avais droit a un lieu dans l'espace. Je no pouvais pas ie
prendre moi-même; elle l'a fait pour moi, en me plaçant
la ou je ne pouvais me placer moi-même. Si elle n'avait
pas promis à mes parents, par un contrat, de leur céder
son droit sur moi si elle n'avait pas agi, en générai, en
vertu de ce contrat, au nom de mes parents, mes droits
seraient devenus les siens par ce prenner exercice qu'elle
en aurait fait; mai~ de cette manière ils appartiennent a
mes parents. Je puis justement occuper les droits de
tout entant, si étranger qu'il soit, dés que je le prends a
s«n entrée dans le monde, et nul contrat ne m'oblige A
l~s restituer. Si généralement les parents s'emparent des
droits de leurs entants, cela vient de ce qu'a leur naissance
ils sont les plus procès d'eux, qu'ils les précèdent et
qu'ils ont déjà lait d'avance des préparatifs pour les rece-
voir dans le monde. Cela est donc accidentel. Selon le
droit naturel, ils n'ont pas un droitt exclusif sur leurs
enfants, a titre de parents. Ce n'est qu'au moyen de l'oc-
cupation qu'ils se font un droit de propriété de leur droit
d'appropriation, lequel leur est commun avec toute l'hu-
manité. Je laisse au lecteur ic soin d'appliquer cette
théorie a ceux qui sont devenus fous, et je le prie d'es-
sayer par là s'il l'a bien comprise.
Quand je me suis approprié les droits d'un être raison-
nable qui n'a pas l'usage de sa raison, ils demeurent
miens a l'égard du toute prétention étrangère, précisé-
ment parce qu'ils m'appartiennent. –Tn desires prendre
s'ms t~ protection eu jeune entant dont j'ai légitimement
uccupe les droits. Et quand Lu serais son j)ere ou sa mère,
j'ai lu droit de dire non. Si ce jeune entant n'hait pas
incapable de parier, mais qu'il lut ma<tre de sa raison, il
aurait bien le droit, de te dire Je ne veux pas de ta pro-
tection. Ur, s'il n'est pas douteux qu'il eut ce droit, je
l'ui, puisque ses droits sont les miens; et c'est connue
exécuteur de ses droits que je te dis Je ne veux pas de
ta protection. Si tu veux traiter avec moi il cet e~ard, tu
ic peux et je le puis aussi; niais nul autre que lui n'a le
droit de les réclamer de moi. A mesure que ~a raison se
développera, il les exercera l'un après l'autre; il s'anran-
chh'a peu a peu de mon moi, ann de s'en former un qui
lui soit propre; et ce signe m'avertira sufnsarnment de
ne pas empiéter sur les droits d'autrui; si je passe outre,
il me fera justement rentrer dans mes linutcs. Je sais
que depuis longtemps l'état a pris diverses dispositions
sur les points dont il est ici question, mais je sais aussi
que depuis longtemps l'État a travaille de toutes manières
a iairc de nous des machines, au lieu de personnes agis-

sant par elles-mêmes.


Si je me suis charge des droits d'un entant, je me suis
charge aussi de ses devoirs, qui seuls lui confèrent des
droits. C'est dans son âme que j'agis, et ma raison prend
absolument la place de la sienne. Je me suis charge de
ses obligations H l'égard des autres. Cet entant t'a porté
quelque dommage; ton dommage doi~etre reparc; tu ne
saurais t'en prendre a lui il n'est pas nnutre de sa raison.
C'est a moi que tu t'en prends, a moi qui me suis engage
a avoir de la raison pour lui. Je suis en quelque sorte t):(
caution auprès de toi. Ju me charge de se~ obligations
envers lui-même, qui sont beaucoup plus levées encore,
de ses retapons avec la loi monde en soi. il est destine a
poursuivre paria culture ie but suprême de tous les êtres
moraux. Pour en être capable, il faut avant toutes choses
qu'il puisse vivre dans le monde des phénomènes oit il est
admisJe lui dois son entretien, car il se !e doit. a lui-même,
ut j'agis àa sa
s -.t place, j'~ 1.' l
1-~tec.i~n revanche, j'ai-tile droit de m'appro-
prier les productions de ses facultés, au moment ou elles
se développent; car ses facultés sont les miennes. C'est
ce qu'on nomme la copropriété dans l'état de nature;
tnais il serait plus juste de l'appeler droit de cojouissance,
car quiconque ne peut occuper ne saurait avoir une véri-
table proprit'te, et l'enfant ne le peut pas. –11 a le devoir
et le droit de chercher et d'employer les moyens de cul-
turc. Je me suis charge, a sa place, de ses devoirs et de
ses droits; il a donc le droit parfait d'exiger de moi ces
moyens, autant qu'ils sont en mon pouvoir. Jl ne dépend
pa~dc ma bonne volonté, mais c'est pour moi un devoir
impérieux de travailler de toutes mes forces a sa culture.
On pourrait dire, je ne mentionne ceci qu'en pas-
sant, que le fardeau de la tutelle des entants étant,
d'après notre propre déduction, beaucoup plus ~t'and que
<c médiocre avantage qu'il procure, on ne trouverait pas
uisement quelqu'un qui voulut s'en charger, si l'état n'in-
tervenait il propos et s'il n'en faisait un devoir civil aux
parents; mais ici se montre une fois de plus votre me-
tiance a l'égard de la nature humaine, que vous lie cessez
de calomnier, après l'avoir ~-atec par vos institutions
civiles, qui empiètent incessamment sur un domaine
ctran~er. Toutes ses tendances primitives sont bonnes et
ne deviennent pernicieuses que parce que vous les avez
faussées. –Chacun veut être le chef; on aime mieux pro-
tc~er que d'être protêt. On s'eteve ainsi il ses propres
yeux, et t'en acquiert devant soi-même une certaine im-
portance. Chacun aime a se reproduire dans tes autres, et
afairedesquahtesquiies caractérisent ta copie des siennes.
Ces dispositions primitives, excettcr'tes taut(m'ettps n'em-
piètent pas sur tahherted'autrui, nous pousseraient tou-
jours a nous charger des enfants, n nous reproduire nous-
mêmes en eux et a nous etevera nus propres yeux, si
vous n'aviez trouve !c mathcureux secret de nous faire
chercher notre ~toire dans ce qui nous abaisse et. nous
avitit, et de nous rendre l'apparence qui nous fait briller
aux yeux des autres plus a~reabie que ~'honneur qui nous
relevé aux nôtres, en u): mot. si vous n'aviez en'ace de
notre âme notre notdc orpucit pour y substituer votre
pue ri te vanité.
Voiia ce qu'ont t'ait pour uuji mes tuteurs, et ils n'ont
fait que leur devoir. Atais eux-mcutes vivaient dans la
société, et quiconque avait un point de contact avec eux
concourut il rue tonner; chaque mot prononce servit aussi
a développer mes capacités. (.traces soient rendues il la
bonne nature ouat'hcureux hasard qui m'a fait naitrccn
société, si ce n'est pas !a ce qu'Us se proposcreut potjr
hut; grâces soientrenducs en uuireaieur honnevotonte,
si te! fut en ''net teur hut.–C'est une aumône qu'ils ont
donnée au pauvre par pure honte; et' n'est point une
ftettc qu'ils ont pay<e, et je !eur otu'e !a seuie chose ({ui
se puisse donuer en présent, tuon t'emerciment. Mais
(pt'a donc i'~tat a faire ici? S'il ne peut pas prouver que
ta société eu j~'nerat n'existe que ~race a lui, les mérites
de ta société ne sont pas les siens. Or il ne peut pas le
prouver: nous avons établi qu'it n'existe lui-même que
grâce la société. <~u'it remercie hu-memc !a société de
12
ce qu'il lui doit; nous nous :n'ran~cru)ts bien avec ullc
sans son intermédiaire.
Mais mon horizon s'étend; me voici arrive aux limites
d'une culture intellectuelle pins élevée. Je trouve des
écoles inférieures et supérieures, prêtes a me recevoir.
Celles-ci, au moins, existent-ellesen vertu des institut ions
de l'Etat? il ne serait pas dimcile de montrer qu'eues ne
sont pas elles-mêmes (les instituts de l'Ktat, mais de !a so-
ciété, et que leur existence ne se tonde pas sur !e cuun'ntl
civil, mais sur d'autres contrats particuliers (te sociétés
plus ou moins grandes; qu'il faut tout au plus y attribuer
aux soins de l'Etat ce qui abaisse l'esprit et comprime son
libre essor, ici la discipline monastique, ta ia surveillance
exercée sur l'orthodoxie en tout ~enrc, rattachement a ce
qui est ancien y~'c~ qu'il est ancien, les méthodes d'eu-
sci~nemcnt et les manuels oniciels. Mais je ne veux pas
prendre tout à l'extrême rigueur; uue fois du moins je
veux abandonner l'Etatau penchant qui le porte as'uttri-

tout le
huer tout le bien qui est dans la société, et a expliquer
tout le malmalqui(lui
s'y ses
s' trouve par notre résistance a ses salu-
taires dispositions. Je veux qu'it ait fnnde ces instituts, qu'il
eu ait appelé et paye les maures. Je ne lui rappellerai même
pas que, mal~rctousscssoius.je neseraisjamaisdevenu ni
instruit, nisa~e.sijc n'y avais employé mes propres t'acut-
tes. Je veux même qu'il possède h' pouvoir df rendre les
hommes sa~cs contre leur volonté, et qu'il nous en donne
(les preuves éclatante dans ses sublimes appuis, dans ceux
eu laveur desquels il a déployé tout son savou'-tair'd.ms
Jf3S 'enfunts de
les enfants princes et dans .sa
prilu:es
£le se"
8e~ ~a noblesse.
nohle~~e,
A-t-il donc vraiment appelé et paye nos maitrcs? r~t-
ce son appel qui a mis en eux cette capacité qu'ils mon-.
trent à pénétrer dans le fond de notre âme, et a répandre
en nous leur esprit cette tendre sympathie qu'ils nous
témoignent comme a des enfants de leur esprit? Est-ce
somnis6ralde salaire (pu tes a d~domma~es (tes mille de-
sacrements de leur état, de tous les soucis nt des peines
coutinuelles qu'ils "nt. eus :'t suppc-rtcr, qui tes a récom-
penses d'avoir maintenu l'esprit humain à la hauteur ou
il était parvenu, ou tnCme de lui avoir donne une si puis-
sante impulsion? Oh! croycx i'Ktat sur toute autre chose
que surceia Cetui qu'un esm'it <'hir <'tHexibte, qu'un coeur
cchautTc par ic sentiment de ta dignité itumaine n'a pas
depuis longtemps prédestine aux ionetions d'instituteur
des itommcs, a beau y utrc appete. il ne sera jamais a la
hauteur de ces fonctions. Tout ce que vous pourrez faire,
c'est de remplir une ptacc vide avec un homme qui, s'it
ne s'y est pas senti depuis Jon~temps déjà invite de plus
haut, en cearte un ptus di~ne et occupe inutitcmet)t sa
phce. La iihrc communication de ta vérité cstic plus beau
Hcn qui forme ie monde des esprits; c'est un secret
que
pet'sonne ne connaît il moins de t'avoir reçu. La vérité est
tepatrimoinecommundcce monde supérieur; eue est. hbre
comme i'air~ et des myriades d'êtres peuvent en jouir en
mono temps sans ~c dévorer. Vous m'en distribuez ma
part, non comme ma propriété, mais comme un ~ag'e sa-
cre qui doit passer a vos arrière-neveux. Je le transmet-
trai, je dois te transmettre; heureux si j'ai pu le faire fruc-
tifier entre mes mains. C'est ainsi seulf'ment que je puis
payer ma place dans te monde des esprits. Je paie sans
dôme ma dette, mais ce n'est point a toi, ô État; ton
royaume n'appartient pas au monde avec tequel j'ai des
comptes a rester.–Tu parles de paiement? Tes mandats
n'ont aucune valeur dans ce monde-la, et l'instituteur de
l'humanité se fait payer en une monnaie que tu n'as point
frappée. Toutes tes fois qu'il communique ta vérité a un
autre, il n'~uit iui-meme une nouveite dtuminati~n,
et chaque''coherqu'iHui convertit hn découvre en e!te
unenouvcHefact'. Tuutesh'sj<m's et toutes Jes récom-
penses que tu peux hti donner ne sont rien au prix de
cènes qu'it ~oùte de nouveau cttaqucjour," a produire
rhartnom<:<tc!a pcn~<~ et a iunttrc un ('spnL humain avec
te Stcn. Lc~ pcrs~m-<~ <~u.' tu pouvais h)i onvrirsu!' ce
court <'spaœ de ta \i<' ne sunt )icu en unnpataisun des
rennes; Use dit q<n' h's truits de ses travaux dun'ront
dan~<tur)Ht<~ et qu< dans ta ~t'~ innnic d<s cn't. c~
des cause' rien de ('<' qu'il aura aj)purt< ne sera perdu
puur te pet't'ectiunneoK'nt de t'espece hunmine. Le jeune
homme n'est pas pius ~rand que sun ina)tre. tam qu'ii
re~tej<'UHC<!teh';v< et fju'ii ne pnuL qu'imiter; tuais !e
mattre serait ~t'and <~ ttcurcux, s'it pouvait retntre tons
seseteves ph.ts grands qu'd ne t'etaiUui-tnemc.Oueis ~or-
tnes de dignité et de honheur pour tes hommes il Ycrruit
sortir de ta graine qu~'H aurait semée! Que mon nom
disparaisse a jamais, et que tes synahcs dont il se compose
ne retentissent plus sur ies ievres de ia postérité, pourvu
que dans ceMe grande chainc du pcrteetiutmement de Ja
race de tnes frères mun existence forme unanneau auquel
se rattachent (t'autres anneaux, jusque dans t'eiernite.
Oucceta suit, etjeeunse'ns quepersonn'' n'en sache rien.
~on, esprits (tes siècles passes, vous t-ous dont tes om-
hres voni~'nt invisibles autourde moi, ~recs et Humains,
dont tes écrits encore vivants ont provoque tes premiers
essais de mon esprit, vous qui avex insensih)<nentJ'ait
eroitre dans mon arne cette hardiesse, ce mépris de ia
ruse, du danger et de ta mort, ce sentiment du tout ce
qui est ~rand et fort,– et vous qui vivez encore en par-
)i< vus, tues autres m:utres, sous ta conduite de qui je
rh<'r<'he<t<'<u'<'t'haq))eju)u')p)''n'rerptuspr)d''mdt''tnent
dartsiauatur''dt')n'tr<'<'sp!'it)'td''S)'sidt''<'s,et:'tmed)''ti-
vr''r toujours da<anta~ed<'stn'j))~t''s<'nrat'iu's;–t)'inde
m~i cette honteuse p''ns'cd'av<'ir tout pavt''ave<-tcsquei-
qnes~ros S(U)sque j'ai d<!nu's peur v"s'rits.~tt(n es-
prit en ce !num<'n<s'env<deav<'c.:trdt'))!'v''rsvt<st«ud)eaux
{n);"nnus,'H) vers iesvines que v'ms habitez, et dont me
séparent des terres et des mers; it voudrait, ph'in d'une
émotion t~ute virile, vous remercier sur vus ttunheaux~
ou vous serrer ta main, en vus disant: vous êtes mes
pères, une partie <h' votr~ <'s{n'it c::<) pass' en mni. –Et
v'ms d~ntj~ri !<n t<~ h'cuns orah's, toi snrtxnt, rospcc-
tahic('L)ntJ''s pt'nst''<'ss<; <h''r'nhtnU)a)tncniuu:'R-
tnct~a trayt'rs ftcs champs <!<' ruses, «nt. <I'ah'n'~ t'cH!e
m<'H'~priL de son I~n~S)Hn!neit, et !ni ont permis (tos~
Lfonver iui-tnemt', ppnt-eh'e m<' scra-t-i! encore d<'mm de
vous rcm~rcict'. C'est ia satan'c (jt)i vo'<s ptait.
C'esL donc hi';a vainement 'pm l'Ktat revendiqua une
cutture fp.t'it ne m'a f~as donnée, <'t qu'it ne pouvait pas
me donner; c'est vainement qu'il m'accuse de tourner
contre hu un don oui ne vient pas de lui. ~ttacun
a parfaitement le droit de sortir de
t'~tat, des qu'it ie
vent; il n'est retenu ni par le contrat civit, qui n'a de
valeur qu'autant qu'il le veut, et dont les comptes peu-
vent se rester a chaque moment ni par des cmut'ats par-
ticuUers sur sa propriété ou sur sa cuMure acquise sa
propriété reste sienne sa culture (pu ne se hisse pas
d'aincurs détacher de lui, ne donne pas a H~tat ie droit
de se plaindre de ia violation d'un contrat ou de crier ù
l'ingratitude.
Si un individu peut sortir de l'État, plusieurs le peuvent.
.Ur ceux-ci rentrent, F~ard I<'s uns dt's autres ou &
i')~ard deFKtat qu'ils ahaudonnent, da!)s te simple droit
de nature. Si ce)t\ qui se sont s<par<sveuten) s<-réunir pius
~troitemput et courhreuu nouveau centra! civit nn\r"n-
(!it!ons qm Ir'm' ron\nn<'nL its f'n ont p!tWatt<'n~!t) h
(trf)t), pnv'~u du dro~ natur< (hns !n (!<un:m~ fhu}nd
ils ~on! i~ntr' Un nnnvf'l K~tt. s'csL t'm'm' La r<vo-
tu<L q'n pour m<))ncnt n't'mbras~ pncorp qu'une
pnrtic, ps! ac<~mp1t'?.–H est dp !a natur~dc chaque r<
vchuion de fau'cqup l'on s'a<rranchissode l'ancien couh'a<,
et qup l'on s'unir au moy~n d'un nouveau. Ces doux
choses sont !~it!mc~, et par conséquent aus~i toute )'evo-
tution oit oncs arrivent r'u!i~mcn~ c'cs~-a-dirc eu
vertu de !a !ihrp. votont~.
Jusqu'à pissent il y a encore doux États run a côto de
l'autre rt Fun dans l'autre, qui sont entre eux comme
tou~ Ifs hitats, <pst-a-dirc cnmmc des individus vivant
sous !a simple loi du droit naturel indépendamment de
tout C(~ntrat partiodipr. Mais ici je rencontre une ob-
jection puissante, ecue des dangers d'un Ëtat dans rËtat.
ce qui serait icievidemmeut te cas.–Je me suis impart'
Pt je suis entr~ dans une nouvenc union. Mes deux voi-
sins fie droite et de ~'auehe sont encore dans l'ancienne:
et tout est metc ainsi sur toute une immense (''tendue.
Queues contusions et quels désordres nf vontt pas en
résulter
ISe eommence/ donc pas toujours par demander ce qui
~<i!
vousavcz ou non le r/
d'une chose, mais cherchez avant tout ce que
de faire, pourle dutourner. Vou?i
ne pouvez pas tn'empecher de sortir de votre union et
d'entrer dans une nouveitc; vous vioteriex en moi uu
droit de rhommc. Je ne puis pas davantage vous contraindra
:') quitter l'ancienne et a entrer avoc moi dans la nou-
velle je vicierais en vous le môme droit. Nous devons
donc nous arranger tous deux du mieux que nous pou-
vons et supporter ce que nous n'avons pas le droit d'cm<
pocher. ii
rn~chcr'. 11 se ~)iE~n qu'il
peut. bien
sa l~eut cln'il nr1 soit pas
ne srlit lms ;iârusll)lo lln Etat
agréable d& un 1·~tat

de voir un autre l!tat s'élever dans son sein mais la n'est


point la question. KM<* est de savoir s'il a te droit de. l'em-
pêcher; et a cette question je reponds: non.
Mais, je vous prie, est-il donc nécessaire, est-il m~mc
vraisemblable qu'il en rcsutterait beaucoup de mal? Vous,
qui craignez tant le danger d'un parcit état de choses,
n'avez-vous donc jamais songe a votre propre situation,
et n'avcz-vous jamais découvert que ces dangers vous me-
nacent cent t'ois davantage?
Au sein de presque tous les pays de l'Europe s'étend
un ï!tat puissante anime de sentiments hostiles, qui est
continuellement en guerre avec tou~ les autres:, et qui,
dans certains, opprime terriblement !cs citoyens: je veux
parler des Juifs. Je ne crois pas et j'espère démontrer
dans la suite que si cet Ëtat est a ce point redoutable, <;e
n'est pas parce qu'il forme un État sépare et fortement
uni, mais parce qu'il est fonde sur h haine de tout le
genre humain. Que pouvait-on attendre d'un peuple dont
le moindre sujet fait remonter ses aïeux beaucoup plus
haut que nous ne faisons remonter, nous autres, toute la
chaîne de notre histoire, et cite comme sa souche un (''mir
beaucoup plusancien qu'etle,–chose que nous avons ad-
mise nous-mêmes parmi nos articles df~ toi; qui voit
dans tous les peuples les descendants de ceux qui les ont
chasses d'une patrie qu'ils aimaient jusqu'au fanatisme;
qui s'est condannK'' a un t))is'rab!e cnmtnt'rce ou le corps
s'anais~' et eu l't'sprit s<' t''rmr' tout uoh~ sputimr'n),
et qui y est condamne; qui est exclu par je lien le plus
fort qu'il y ait dans l'humanité par
sa région, de nos
banquets, de nos plaisirs, de ce doux échange de ~aite
des cœurs entre eux; qui nous tient tuus loin de lui
i
jusque dans ses devoirs et ses droits, et jusque dans
lame du père commun; que pouvait-on attendre d'un
tel peuple que ce que nous voyons? Dans un Ëtat ou le
roi, tout absolu qu'il est, ne saurait m'entevcr la cabane
de mon père et ou je maintiens
mon droit contre un mi-
nistre tout-puissant, le premier juif a qui cela plaM me
dépouille impunément. Vous voyez tout cela
comme moi
et vous ne pouvez le nier, et vous prononcez !es mots si
doux de tolérance, de droits de l'homme et du cituyeu,
tandis que vous violez en nous les premiers droits de
l'homme. Vous avez tant d'indulgence et de honte
pour
ceux qui ne croient pas enJc.sus-Christ.que vous n.' pou-
vcx leur donner assez de titres, de dignités, de places
d'Iionneur, tandis que vous insultez publiquement ceux qui
croient en lui, mais non pas exactement
comme vou~, et
que vous leur enlevez leur honneur civil et le pain qu'ils
ontdtgnemcnt gagne! Ne vous souvient-il donc plus ici
de l'État dans l'Etat? Ne vous vient-il
pas a l'esprit <me,
si les Juifs, qui, sans vous, sont citoyens d'un Etat
plus
fort et plus puissant que tous les vôtres, reçoivent
encore
de vous le droit de cito dans vos États, ils fouleront a leurs
pieds tous vos autres citoyens (1).

(1) Loin de ces Quittes, comme il est loin de


tnon c~ur. le soufnc
empoisonné de Mntot<h-:<ncc! Le Juif qui, ,)g,cles t-cu-nnchcmcnts
solides, on pourr:)it même dire mft'.tnchisMNcs, qo'il
trouve dcv.)nt
h)i, arrive jusque r<0«r~r~ ~~<c~
la u~ ~~n)M </<'
est un héros et un saint. Je ne sais pas s'it y en a eu ott s'i)
yen a. Je le croirai, des q)tc je ie verrai. Sculement qne t'en ne me
A côte de ceux-ci s'est forme au milieu des monarchies
mihtait'cn un Ktat. presque aus~i tci't'i!)!e:!c mintuitc.
Fat't'L'nctin~mc de fp(ptt!nd~;a condition si ftm'p, je

(tonne pas un~ belle apparence pour ta rcatitc. Que les Juifs ne
croient pas Jésus Christ, qu'iis ne croient pas mOnc u hicu, s'ils te
veulent, pourvu qu'iis ne croitut pus a deux lois moratcs distinctes et
u un t!ieu ennemi des hommes. tts doivent avoir tes droit'; dos
hommes, bien qu'Us ne nous tes accontent pas; car ils de;!
hommes, et teur injustke ne nous autorise paskur t'essenthh.'i. ~c
contn'ins aucun Juif con'.rc si) votont~. e! ne soutTre pas que cc!a
arrive, (juand tu es le mieux })iuc~ pou) t'cmpcchpr tu lui (tois ccta
absohttnent. S! tu as man~ hier et qu'ayant faim aujourd'hui lu h'idcs
de pain que pour aujourd'hu!, douncs'en au Juif qui a faim MC«t<! de
toi, s'ii n'a pasmangOnet'; pncch, tu agiras très bien. M.)is quant
& leur donner dcsjdroits civits, je n'en vois pour t~a part aucun autre

tnoycnquc de !cur couper ta tête tons une heuc nuit et d'en mettre
& la p)acc une autre ou il n'y ait ptus aucune idée juive. Autrement je

ne sache pas de moyen de nous défendre contre eux, sinon de conquérir


pour eux h'ur tctt'c promise et de tes y envoyer tous.
La toierancc qui rc~nc en juvcur des Juifs d:)ns les Ï~tats ou il n'y
en a aucune pour !cs tibrcs penseurs, montre ctaircment le but que
l'on se propose.–Le maintien de ta croyance intéresse si fort ton cœur
puterne!. vois ces Juifs ils ne croient pas en générât a Jésus Christ;
tu ne dois pas !e sounrh', et j~ vois que tu les accabks de bienfaits,
« Oh iis ont de !a superstitiu)), et cela me suQlt. Crois a Xoroastrc ou
& Confucius, a Moïse ou .ahu)n( t, au pape, a Luther ou & Catvin, cda
m'est '~a!, pourvu que tu croies a une raison étrangère. Mais tu veux
avoir /o<tnede ta raison, et c'est ce que je ne soun'tirai jamais.
Hcstc enfant, autremcxt tu arriverais au niveau de um tête. » Je ne
veux pasdirc que ~on doive poursuivre tcaJuifspo'u' )enr croyance, mais
je dis qu'on ne doit en gênera! poursuivre personne pour cette raison.
Je sais que, devant phts!eurs tribunaux savants, ii vaudrait mifnx
attaquer la morale tout entière et son tmit te plus saint, ia religion,
que ta nation juive. Je teur dirai que jamais un Juif ne m'a trompe.
parce que je ne me suis jamais th! avec aucun, que plus d'une fois j'ai
pris som ma protection, & mes risques et pcrits, dt's Juift que t'ou tra-
veux dire une discipline rigoureuse et tes fois draec-
niennes qui posent sur hu, te soldat ptaf~ sa ptoire dans
sa dégradation, et it trouve <t'aith!urs un dL'donuna~men).
a tous tes ennuis d<~ s«u (''tat (tans i'itHpttnih'' assurée :t ses
attentats contre I<'s bourgeois et ies paysans. Ce grossier
personnage, ce d<'un-harhare (-mit (p)c son uniforme lui
(tonne une ~pt'rior!~ incontestabtp ~ur ic paysan crain-
th'ct toujours c~'ayc, ctcchu-cts'cstunc trop heureux s'il
peut supporter ses !a<jnmenes, ses insuhcs ~t ses ou.
trag'es, 8a!!s utre en nutrc traîm'' par hu et rou< (!e coups
devant son di~no commandant. Le jcnn~ ofucier
(pu a
plus d'ancctrcs, mais pas plus de cu!tut'o, s'imagine fptc'
son nmud d't';puc l'autorise a regarder d'un air rameur,
u insulter et a repousser !e tnarchand, ie di~nc savant,
l'homme d'Etat qui a ren<!u de grands services, c) qui
même l'emporterait peut-être sur lui en fait. de ~'nea-
!ogic n~ se permet-il pas aussî de corriger il
coups de pied
nos jeunes étudiants pour leurs 'tourdcrics~)!

cassoit, et qu'ainsi ce n'est nucnnc animotin! parHcnH<!rc qui


me fait
par!o'. Ce qocj'a! dit, je !c tiens pour vrai; je t'ai dit,
parce que j'ai
cru nectaire de ie dire j'ajoute que h conduite de beattcoop d'ëcri.
vains modernes à regard des Juifs me p:)ra!t tr~s Inconséquente,et
que
je crois avoir le droit de dire c<; </«<} je pense et comme je le
pens(\
Que celui a qui cela ne convient pas n'injurie
pas, ne calomnie
pas, ne fasse pas de sentiment, n~is qu'<7 ~/<~ les faits ~)r(ic<
~Ctt~.
(t) Quiconque a vu certaines garnisons, sait qn'ii n'y
n pas !d un
seul trait qui ne puisse ôtre appuyé par de nombreux exemples. Je
reconnais d'ailleurs que cet état entretient et nourtit plus d'une noble
vertu; j'avoue même qu'une resoiution prompte et h:trdfn, qu'une
mate franchise, que les agréments (ie la vie de sodete ne
se rencon-
trent plus gucre, de notre temps, qoc chez certains omciers cuit)~.
et j'rn témoigne nn respect plus profond .') tous les dignes hommes df
La noblesse est hcancoup moins dangereuse, depuis
qu'elle n'est plus exclusivement en possession des ridtcss'~
ctqu'eltone tient plus dans ses maius avares la cutture
des potpl'~s mineurs, mais f'Hc est toujours uu t~tat dans
l'état, separ<c qu'eHe e~t par son esprit de caste, par ses
marm~s c'ntœ sut (~ par te pri\H~c qn'
d'cccupor ~ul'~ certaine fonctions; en irmscas
a <nc<n'c
<u'
bonne qnc 1~ o't le peuple a bosom d'un rempart do ce
genre contre le despotisme-. –c
ne rapppUc pas !a pu~.
sancc tcrrihtc et permanente de la hi~'arcinr', parcf' que
j'6cr!s itnm~Hatcmont pour des pa\s protestants; maiss!
notre der~ par cette snhnrdmation qu! le soumet a la
senleant"rit< des consistotres supérieurs, des consistotres
et des superintendants, par son tribunal sépare et par ceth-
maxime qni re~ne encore p~ et lu, de n~ pas annoncer cer-
taines choses (~ad et Ascalon, fie penrde prêter a rire aux
Philistins, en un mot pnr son Ktat a part, si, dis-p\ tt n'op-
prime pas plus ouvertement et plus durement les citoyens
qui en sont exclus, cda ne pronvo rien de plus, sinon quu
!a Ht~ormatton a rccticmcnt introduit un mcincur esprit
dans le Christianisme. Et n'est-il donc pas arrivu il notru

cet ~at (juc je conna~ ou qm; Je ne connuis pHs. Atats le ju~cn~tH


6<!nérMt ne dépend pas ici <tn plus on moins ~rand nombt'f: d'exemptes;
n repose sur des principes. Quand une profession <kh:)ppc au u ibun:d
comnmn et rc!cvc d'mt tribunat patticuticr quand k's hos de <:t; hi
bunat sont très diil'erentes des lois univctsciics de tout'' tucruhh'
qu'cncs punissent avec une extrême durct' ce qui scraH peine une
faute aux ycu\ des derniOes, tandis qu'cHc.s ferment. les yeux sur des
attentats que ics autres puniraient sévèrement, cette professinn entre-
tient un !uter6t particulier et une tuoruie particuiit're, c) cite est un
dangereux Etat dans l'i~Mt. J/itonuuc qui suit~c soustrait eaux entra!-
ooith' mais il ne
nouents d'une pareiiic constitution n'en est (jne piu~
détruit pas la re~e il n'est qu'une exceptiot).
clergé lui-même d'entraver le pro~t'~s de t'esprit Immain.
et de s'opposer avec sueccs a d'importantes am<liora-
tions?–' Les traeasscrit's m't'dui!~ par l~s corporation:!
(tes artistes et (tes artisans s<mt moindres; mais un jps
sentirait hi~n <tavan).~e si t\'u n'uvai! a tuth'r f'mtrc t!~
phts ~Tnmis iL'~mx.
0
Voih't autn!it't'~ta)sd:utsi'~)a),<;nitt'utW pns s<')~ctncn<
un inh' ~p;tr< m:tis un int<n't t'ontrairc a ('chti 'le
tuns Ips nnh'ps citnYt'ns; jp n~ ):n~ ici ({n'indiquer ces
\)'ih''sf;n pn~nn!, !n:tisj<" les ranh'n<'rai :'t!cnrs pt'inripcs
dans ïe chapih'û sniva! si j<j revois m'-s !')cicms. Ce sont
des États t'('tcmcnt hostih's. Puur~noi d~nc n'est-ce
qu'ici qu'on oubtic son principe?
L'n Ktnt n'r'~t p~int dnngcrcnx p.'H' ccta scu! qu'it est,
sous !e rapport de 1'~pfK~ dans un autre ~taL; mais parce
qu'il a un inturut oppose a l'autre. Ur, si tous les États,
comme des hommes isotes, sont soumis a !a loi du droit
nature!, et si cette loi détend absolument a. chacun d'on~
traver la hhertu le~iume d'autrui~ en tan~ qu'eUe n'en-
trave pas la sienne, une opposition de ce ~<'ru'e ne peut
s'etevcr, a moins que les membres de l'un des deux !~a!s
ou de tous les deux ne se soient cn~a~es a être injustes.
Ils ne devraient pas ruh'c ce n'est donc pas a la tyrannie
des circonstances, mais A leur mauvaise votonte qu'ils
doivent s'en prendre. Si tous riaient justes, ils pourraient
poursuivre les oeuvres les plus diverses, en se mêlant tes
uns aux autres et en restant toutefois sépares les uns des
autres.
~'avez-vous jamais vu dans diverses contrées de l'Anc-
ma~nc, les terres qui ~nnssent sous !cjou~ d'un despote,
petitou grand, traversées par icschamps hunis d'un prince
doux et humain, et l'esclave nctri labourer tranquillement
ilcote du paysan robuste'? En sortant du territoire d'une
ville iutperiale, uu le paysan bien m'uni, cultive et ho-
nora ne truuve pas nouveau d'être votre e~al, puisqu'il
cstitomme, n'ctes-vuus jamais entres sur un autre dont
it's limites St'ut marquées partout non plus parles armes
(te l'~mpir' tuais par l'image de ht main suus ta hache
et de !'esda\'e cnchauie a iahruueUe~ ut eu yuus rencon-
tn;x dt's nuuuicsdcss~chccsct ccuvci'tes de hainons~ uui,
a iavue dcY~tt'c ttabi~ tirent leur miscrahtc J~nnctavant
metnu que vous ne h?s ayux aperçus? Les derniers \i\eut
paisiblement a cote des prenhcrs et panui eux, et ils ver-
sent maintenant leur dernière goutte de san~ pour celui
qui a vendu leurs pt'L'dcccsseurs. il y a Lien ici divers Etats
dans le même espace, et il n'en résulte aucun conflit entre
cu~.
Ceux quisont sortis de l'ancienne uniun peuvent dune
en former une nouvelle et fortiner leur lien par l'adjonc-
tion volontaire d'un plus grand nombre ils en uni par-
faitement le droit. Si cniin l'ancienne union n'a plus d'ad-
hérents~ cl si tous se sont volontairement tournes vers une
nouvelle, la révolution c~~c est h~itimcment ac-
complie.
Ici je dépose laplume, pour la reprendre, si je trouve
que mon travail n'a pas ctu inutile, et si le public repond
un fois par le fait au reproche qu'on lui adresse si souvent,
de n'être pas encore mur pour des recherches de ce ~cnre;
sinon, je dirigerai ma course vers d'autres sphères.
CHAPmtK i\.
UK'3 CLASSAS t'RtVtHt(.U~S', f.:N <j~Ni~R.\L, FAK RAPPORT
AU Dm)! DU m~OLUitON.

Jus(pt'a prient nous n'avons ou qu'a suivre ta grande


route, la route unie du droit naturel; mais a partir de ce
moment, it faut que nous nous en~a~ions au tnitien dus
sombres dptitus des opinions ~cthx~tcs, a U'avurs ~sbt'ons-
saiHcs <'t h's (''pin<'s d'une pontique a demi barbare. Je
dois prier !c icctcur, qui m'a suivi jusqu'ici, dcrc<h~nh!cr
de patience <'t <!pctmra~ n n'est pas facitc de t'air~ pa-
raHre <'n toute nbcrte de\ant !c tribunal (h' ta raison
rf'rtaines opinions si peu accoutumées a en partcr h tan-
~a~e, de venir encore ''n aide il leur incapacité, J'etrc a
ta fois d/'t'en<uui' de l'accuse e! ju~e impartial. Du tnoins
n'ai-je pas l'intention de jtroc~der inequitahicmcnt sui-
vant ta maxime qui veu~ que le ju~e tienne chacun pour
aussi honnête que possihtc, je prêterai partout aux accuses
tes meiHem'es raisons que je pourrai trouver; et si leur
cause n'est pas alors soutenahie, a plus forte raison ne
j'est-eit'' pas lorsqu'elle a recours des arguments plus
mauvais eno're.
Les citoyens des c/c.s ~c<?A'~ sont ceux envers
qui les autres sont tenus a certains onices particuliers,
que tes premier?) ne tcur rendent pas, mais en échange
desquels its sont peut-être tenus eux-mêmes a certains
omcps, qu'itsne reçoivent pas non plus des autres citoyens.

h~ ~CM ~t~'M(~<.
/<«.~c?e'c/tnc~ .(~«rf/cr.
–Ke nous montrons pas ici trop sévères à l'endroit do ces
offices auxquels les citoyens des classes supérieures sont
obligés de leur côté Comptons-leur même, s'ils le veu-
lent, pour des ulMces de ce genre leur condescendance a
recevoir des moindres citoyens certains témoignages
d'honneur et à y attacher du prix, on la peine qu'ils se
donnent puur user des prérogatives que nous leur avons
accordées, pour utiliser nos services et pour dépenser les
revenus qui leur sont ah.mdonm's. Que ces droits et
ces obligations réciproques ne puissent se fonder que sur
un contrat, et que la valeur uu la nullité de ce contrat
particulier dépende de ces principes des contrats en
général que nous avuns développés plus haut, c'est ce qui
saute immédiatement aux yeux de chacun, ~ans autre
explication.
La plupart des attaques que l'on a diri~éc~ cuutrf; la
valeur de cette espèce de contrats semblaient venir de ce
que l'on doutait si les services échangés entre tes citoyens
des hautes classes et les autres pouvaient être rcpardcs
comme équivalents, ou si les uns n'avaient pas une va-
leur intrinsèque incomparablement plus uievéc que les
autres; si les citoyens des classes supérieures payaient
réellement par leurs onk'es ceux qu'ils avaient re~us
des derniers, ou s'ils n'étaient pas encore beaucoup en
reste avec eux s'il v avait réellement échange d'avan-
tages, ou si l'une des deux parties n'était pas avantagée
au delà de toute mesure. Ou n même soupçonné que, la
plupart du temps, c'est réellement le dernier c~s qui a
lieu, et c'est pourquoi l'on a désigné Ie~ citoyens des
classes distinguéeg sous Icnomde~ Je ne nicrui
point, pour ma part~ que je n'aie le même soupçon; qu'il
me soit donc permis d'employer des présent rette dc~
nomination, sauf a la justiiier plus tard. D'après les prin-
cipes que nous avons établis et développes plus haut,
celui-là est avantage an de!a de tuutc tncsure,
f'n laveur
de qui nn droit inaliénable a été aliène. Il n'y
a pas de
compensation équivalente possil~lc pour nn tel droit; il
ne
nous est pas permis de l'abdiquer, si nous ne voulons
cesser d'être hommes; un contrat ou il est abandonm'est
par cela sent nul et non avenu. Nous pouvons donc,
d'après nos précédentes considérations,
poser cette con-
dition essentielle de la valeur de tout contrat-de-privi-
leg-c
(.<«~o~7~<c de /7~~c~'y soit aliéné.
Cette condition est d'une grande portée; mais elle
est la
setile. Nous pouvons abandonner nos droits aliénables de
la manière et.aux conditions que nous voûtons;
nouspuu-
vons les donner gratuitement: celui auquel nous lesdon-
nuns n'a qu'à les prendre pour lui, cUc contrat est exé-
cute et passe dans le tnondc des phénomènes.
C'est un droit inaliénable de l'homme de résilier cha-
cun de ses contrats, des qu'il le veut, iut-H seul a le
vouloir; l'indissolubilité .~t l'cternited'un contrat cho-
quent ouvertement le droit de l'humanité en soi. C'est
ce
que nous avons déjà montre plus liant pour le contrat
civil eu particulier, en considérant sa matière,
son but
nnal; il est facile de le tn~ntrer pour tous les contrats en
général, a l'aide des principes prec/'dcounent <tablis,
en
considérant la l'orme du contrat en soi.
r;n cllet, dans le contrat le libre arbitre des deux
parties est le fondement des droits et de l'obi~ation. Jl
a
été démontre plus haut qu'un contrat peut
ne porter que
D~n~<t~Mn~Wr<
sur des choses qui dépendent de notre volonté, laquelle
est changeante, et non sur celles on notre volonté doit
être irrévocablement déterminée par !a loi morale. Il a
été prouve au même endroit que~ des que ia volonté d'une
des deux parties change sur l'objet du contrat les droits
et les obligations réciproques sont supprimes, et pat
conséquent le contrat lui-même. Il ne reste donc plus ici
qu'une seule question a résoudre, celle de savoir si par
hasard un homme n'aurait pas le droit de s'obliger
d'avance a /«* ~ï~~ c/< M ï~/o~~ sur un certain
objet, comme il est oblige, par exemple, de ne jamais
changer sa volonté de faire son devoir. De la solution de
cette question dépend celle de la question proposée, a
savoir si l'immutabilité d'un contrat est ou non conci-
liable avec le droit inaliénable de l'humanité. En enet,
comme la persistance du droit et de l'obligation dans le
contrat ne peuvent se l'onder que sur ta persistance delà
libre volonté, Fimmutabilité d'un contrat présuppose né-
cessairement la promesse que l'on ne changera jamais sa
volonté sur l'objet du contrat. Je conclus un contrat
immuable, cela veut dire je m'engage ne jamais chan-
ger ma volonté actuelle sur les objets compris dans le
contrat.
La ~o/o~e en soi est, en tant que telle, complètement
affanchie de la loi obligatoire de la raison, sa direction
dépend des causes physiques qui déterminent la mesure
de notre pénétration. Je prends la résolution qui me pa-
rait la plus utile et la plus avantageuse, et j'en ai parfai-
tement le droit, grâce a la permission de la loi morale.
Ma volonté change nécessairement scion que mes lumières

~<c t~t~tr.
i3
croissent un décroissent. La t~romesse do jamais chan-
ne
ger volonté reviendrait A celle de ne jamais au~menter
de
ct p"rfcctionner ses lumières. Mais aucun homme n'a le
droit de faire une pareille promesse. Chacun le ~<w,
et par conséquent aussi le droit /<c,
indenniment A son perfectionnement et de suivre
a
do travailler
tou-
jours ce qui lui j~u-ait le meilleur. 11 a donc aussi le droit
maiicnab~ do charnel- sa volonté suivant ie de~rc
de son
periectionnement,mais ii n'a nullement celui des'obh~r
a no la changer jamais. Lit dause qui stipute qu'un con-
trat,dc quelque nature qn'iisoit, doit être immuable,
est
donc tout a lait Vaine ut sans valeur, puisqu'elle
porte at.
teinte à un droit inaliénable de l'homme; elle
est absolu-
ment comme si chc n'existait pas.
Cependant une des deux parties peut résilier a eHe
ne
~cuie !e contrat mémo le plus nuisible,
sans se soumettre
aux conditions exigées pour toute résiliation de ce ~cnrc.
Quoique frustré que tu sois, non-seulement n'as
tu pas te
droit d'exiger la restitution de
ce que l'autre s'est une ibis
approprié de ton plein ~re mais tu
es même tenu de
reparer le dommage qu'il a évidemment
reçu pour avoir
compte sur la persistance de ta bonne volonté,
que tu as
retirée. Ce qui est fait est fait c'est A toi de mieux prendre
tes mesures pour l'avenir. Tu as donné des droits dont
tu
ne pouvais rien faire; a présent tu as appris à les mieux
employer: exige qu'on t'en rende l'exercice, mais
ne te
plains pas qu'on ait abusé de ta propriété, a laquelle
tu
ne songeais pas tu ne dois t'en prendre qu'~ toi seul. Tu as
vendu de nobles privitéges pour un plat de lentilles;
tu
es certainement frustra si tu le reconnais, reprends ces
privi~cs, et ne touche plus aux lentilles. 11 serait
suu-
vet-amemcnt injuste de t'obliger a rester Ibu,
purée que
tu l'as été une fois; mais il ne l'est t'as du tuut de te
faire supporter les conséquences de ta folie passée.
Aussitôt dune ({uc te citoyen non-privil'~ie commence
remarquer qu'il est lèse par le contrat conclu avec le
privilégie, il a parfaitement le droit de résilier ce contrat
préjudiciable. U dégage l'autre partie de sa promesse, et
de son côté reprend lu sienne. Ou bien il renonce tout a
fait aux services auxquels l'autre s'était engagé, parce
qu'il croit pouvoir s'en passer ou bien il songe à les ob-
tenir a un prix moins élevé. Il ne trouve plus, par exem-
ple, qu'il soit si honorable pour lui qu'une poignée de
nobles ou de princes entretienne à ses frais une cour
brillante, ou qu'il soit si avantageux pour le salut de sun
âme qu'une troupe de bonzes s'engraisse de lu substance
de ses terres ou bien il cherche a obtenir le service
militaire dont il a besoin a des conditions plus suppor-
tables il en chargera celui qui lui fera les conditions les
plus douées. Qui pourrait empêcher l'État d'agir ainsi?
Je dis l'État;– tant que j'ai devant moi cette puissante
objection, que le privilégié étant lui-même citoyen de
FËtat) il faut bien admettre que, sans son consentement,
on ne peut rien décider, au sujet de la suppression de ses
priviléges, qui soit universellement obligatoire. Mais
cela n'est pas vrai le privilégie, en tant qu'il est pri-
vilégié, n'est certainement pas citoyen. I! a conclu, dites-
Mais celui-là
vous, un contrat avec les autres citoyens.
pouvait-il conclure un contrat comme citoyen, qui n'avaitt
pas de volonté propre, et qui ne devient une personne
morale qu'en s'unissant avec tous les autres? Il était par-
tie, lorsqu'il conclut son contrat; il l'est en tant que ce

f/yt&c~n~t~fe.
contrat doit être résilie par l'autre partie, il ne pourra
que se taire, tant ({U'on délibérera sur la résiliation du
contrat. Quand la chose sera décidée, il reprendra son
droit de voter comme citoyen. Si l'on a~ite la question
de savoir comment et quelles conditions les fonctions
qu'il laisse vacantes devrunt être remplies, il peut alurs
dire son opinion. Si, par exemple, la question s'élève
sur la noblesse, il a bien le droit de dire il faut qu'il y
ait des nublesdans notre Htat, mais il ne peut pas dire
.je veux être un des nobles de l'Htat.
Mais nos privil~ies s'y prennent autrement. Lorsque
nous résilions notre contrat avec eux, et que nous vouions
remettre à d'autres leurs unices moyennant des condi-
tions plus douées, ils nous objectent leur droit personnel
de remplir ces onices a l'exclusion de tous les autres, d'où
il suivrait qu'il serait interdit a tous les autres de s'en
mêler. Si on leur accorde cela, nous voila moins avancés
qu'auparavant nous devons continuer do recevoir d'eux
ces services. Nous n'avons pas le droit de les supprimer
ils sont désignes pour les remplir nous ne devons les
conner à aucun autre ils sont <~c/M~'uey/~ désignes
pour cela nous ne pouvons pas marchander avec eux
ils empêchent toute concurrence, ils nous vendent leurs
services au prix qu'ils veulent, et nous n'avons rien a
lairc qu'a les payer.–Ne voulons-nous plus, par exemple,
dans notre cdince politique, de ces ornements qui ne
sont que des ornements; « non, disent-its, il laut qu'il
y ait des ornements de ce genre, car ?ïo~ sommes là
pour les former;s'~ disparaissaient, ~M6 disparaîtrions
aussi. ))–-i{ien, répondons-nous, mais pourquoi laut-il
donc que vous soyez? « Parce qu'il taut qu'il y ait des or-
nements, ? répliquent-ils?–Nous voulons supprimer les
choses inutiles. « Non, disent-ils, ces choses ne sont pas du
tout inutiles; elles ~0~.9 sont utiles. ? Oui, mais ro~\
a quoi servez-vous donc?– Nous servons a les utiliser.
Et de cette ~acon nous n'avons pas avance d'un seul pas.
!1 nous faut donc chercher, sans les écouter davantage,

quel est proprement ce droit qu'ils mettent en avant?


Us l'ont exclusivement eux seuls le possèdent. Qm
sont-ils donc, eux? Qu'est-ce donc qui les distingue de
tous les autres, qui ne sont pas eux? Quel est leur signe
caractéristique? 11 ne faut pas le chercher dans ce con-
trat préalable que nous voudrions résilier; leur droit doit
être antérieur a tout contrat conclu avec eux. Ce doit
donc être un droit inné, un droit qui leur ait été trans-
mis héréditairement. Or nous ne connaissons de droits
innés que les droits universcisdc l'homme, et de ces droits
aucun n'est exclusif. Il faudrait donc, en dénnitivc, que
leur droit eut été acquis, sinon par eux, du moins par un
autre, qui le leur aurait transmis, et encore faudrait-il
qu'il
eût été acquis par voie de coy~ puisque nul droit sur
des personnes ne peut être acquis autrement.–Nous ne
chercherons pas maintenant quel peut être ce contrat il
résulte clairement de ce qui précède que nous aurions par-
faitement le droit de supprimer et d'anéantir l'obligation
qu'il nous impose nous ne voulons parler à présent que
de cette singulière transmission du droit, dont on présup-
pose ici la légitimité.
Tout droit sur des personnes repose sur une obligation
dé l'autre partie, et ici, comme il ne s'agit nullement
d'un droit naturel de l'homme, mais d'un droit acquis du
citoyen,suruncobligation imposée, non parla loi morale,

contrat. Dire que le droit est /s',


mais par la libre volonté il suppose par conséquent un
c'est dire qu'~
/MW/e met M7~ aM~'C/)~C, M~CC, </<7/?~ le6'0/
Il est évident que cela no peut se faire sans que ta
partie obligée en ait co~a~~cc; autrement comment
saurait-elle envers qui elle doit remplir son obligation?

ce
Cela ne. peut se faire non plus sans son co~e/ï/~c~
qui résulte immédiatement de notre système, puis-
que ce' n'est que par sa volonté persévérante que le con-
trat aurait persiste même avec le premier contractant
mais nous pouvons ici abandonner ce point a notre adver-
saire. Si, peut-il dire, la partie subrogée dans le contrat
Fa été aux y~~M conditions, cela doit être parfaitement
indilTércnt a l'autre partie, tant que celle-ci reste ~!<?

clans 1'
~CM/<* et ~~e personne.

Mais dans la transmission du droit dont il s'agit ici,


du f~'oï/ pratiquée par nos États, elle
ne reste pas une seuic et même personne; il faut aussi
que celui qui s'est charge de l'obligation ait mis une
autre personne A sa place dans le contrat. S'il y a réel-
lement un contrat entre une partie privilégiée et une
partie frustrée, il est a présumer que le représentant du
privilégie est entre librement et volontiers dans le con-
trat mais le représentant du frustre y est-il entre aussi
volontiers ? Le frustre pouvait-il transmettre tout à lai!
arbitrairement son obligation a un autre, sans lui de-
mander s'il voulait l'accepter? Qu'est-ce qu'être obligr
par une volonté étrangère ? ~c ~/o/~ ~cy'c ~<
~w~.< c'est le premier principe de tout droit de contrat.
Le privilégie peut bien nier que le frustré pendant sa
vie ait le droit de résilier son contrat, quand bon lui
semble; mais dés que ce dernier vient à mourir, son obli-
gation cesse alors à coup sûr, puisqu'il ne peut plus in
remplir. Celui qui est sorti du monde des phénomènes
a perdu ses droits et se trouve affranchi (te ses ohu~a-
tions. Que le privite~i~ !e poursuive (!ans t'autre moud'\
et qu'it y tasse valoir ses prétentions sur lui, s'il le peut
il ne saurait plus t'atteindre <!ans celui-ci. Mais com-
ment admettre qu'on puisse prendre !e premier venu et
lui dire Savais des droits sur quelqu'un; il s'y est sous-
trait par sa mort il faut que satisfaction me ~oit donnée.
Viens, tu mo tiendras lieu de lui, toi --Mais, me dis-tu,
H m'a rcnvoyc a toi. Je suis fâche ators que tu te sois
tnisse tromper, car il n'avait pas !e droit (!e disposer de
moi; personne n'a ce droit que moi-même.–Maistu es
son fils; –oui, mais non passa propriété.–En §aqu:dïte
d'administrateur de tes droits, il t'a compris avec lui dans
le contrat, pendant ta minorité. Ha bien pu !e faire
;)our tout le temps que je resterais mineur, mais non pas
au de!a. A présent, me voilà majeur et administrateur (te
mes droits, et je ne t'en donne aucun sur moi.
Est.-ce par renet d'une absurdité a peine concevable,
ou bien est-ce dans l'intention bien arrêtée, mais peu
honnête, d'embroui!!er la recherche et d'y lisser la défi-
nition qu'il n'espérait pas obtenir par des principes, qu'ii
est arrive a M. Bcbber~ ("!) de comprendre, sans autre
distinction, sous l'expression de ~'o~ //<~7/c, !e droit
d'hériter (les ~'w, qui ne s'appartiennent pas propre-
ment a eUcs-memcs, et échu d'hériter des ohH~anons de
~?'M~<~ qui pourtant s'appartiennent? .t'aurais f't'u qu'i!
y avait une distinction assez manifeste entre ces deux
droits, le premier qui est bien fonde, et le sceoud qui r's!
imaginaire et contraire a la raisou. La !<g'itiutit~ du droit.
civil d'héritercxclusivemcntdeschoses a e te devetopp~e pi us

(1) PuRC 37 df son ëcrtt (t~j~ f-tt~.


haut (p. i!)C~58). Elle se fondait sur un contrat du tons
les citoyens entre eux, par loquet ils s'engag<'aientaced<'r
ieurdroit c~/wï~ (t'iteredite sur tes bi~ns de mort
en ecltange du droit e~d'Iteredit~sur tes biens de
cp~z'~ morts. !Is n'avaient point a s'inquiéter (te l'objet
du contrat, ou des biens; Us étaient très certains
que ceux-
ci ne réclameraient point contre leurs disposition?. La
légitimité d'un droit héréditaire sur des obligations im-
posées a des personnes ne pourrait se fonder que
sur un

droit c<ww~ d'hérédité sur les obligations de


citoyens frustres et opprimes, en echangedu droit
d'hérédité sur les obu~ations dec~6
<
contrat des citoyens prrvitegies s'engageant À céder leur
les

citoyens frustres
et opprimes. Oi\ si ce droit connnun d'iteredite que t'on
présuppose, et qui aurait et6 échange contre
un droit ex-
clusif, ne se fonde pas lui-même sur le droit du plus furt,
sur la loi de la guerre de tous contre tous; si, connue
il le faut bien croire, il ne s'agit pas ici d'un contrat de
brigands qui se partagent paisiblement leur butin dans
une
caverne, afin de ne pas se jeter les uns sur les autres le
poignard a la main et de ne pas se tuer entre eux
–sur
quoi, je lé demande, pourrait-il se fonder, sinon
sur un
contrat préalable avec les citoyens frustres, s'engageant a
ne jamais réclamer les droits qu'iisauraicnt cèdes?–Mais,
–outre que, d'après ce qui a été dit plus haut, un con-
trat de ce genre est en soi de nultc valeur, puisqu'un droit
inaliénable de l'homme, celui de changer de volonté, y est
aliène,–d'où viennent donc après la mort des premiers
citoyens privilégies, les autres citoyens? d'ou naissent les
obligations dont ils doivent hériter. S'inquietera-t-on toutl
aussi peu des personnes sur lesquelles cites doivent
peser
qu'on ne s'inquiète des choses dans le contrat d'hereditr
les choses? Sans doute on n'hésitera pas a n-pondre
sur
oui n cette question, dans un
systetueoul'on n'admet
que l'~alit< devant Dieu,
,t'auH~ e~alit' entre tes Itonunes
parrapp.n-t a l'élise; ct, d'après ce système, on
devrait
si tes hommes
ausst répondre oui a ta question ne savoir
mêmes peuvent, comme nne propriété, se transmettre par
voie d'héritage, s'échanger, se vendre, se donner.
«Quand ils'a~t, ditMontesquicu.de prouver des choses
claires, on est sûr ile ne pas convaincre. Ponr moi,
je
si
disshmde en ancunc iaron que je mets ici en avant
ne me
opinions générâtes
des choses qui choquent violemment les
même du beau nom
des penptcs, on ce que t'on décore
de sens commun. Mais que m'importe?
Prenez ta peine de
principes et renver.sex-ks; ou si vous les
t-emonter aux
taisscx debout, tenez pour certain que tout ce (pu en dérive
au moyen de
déductionsexactes, est nécessairementexact,
contraire, est nécessaire-
et que votre opinion, qui y est
depuis te commence-
ment fausse, et cota quand même,
mentde l'espèce humaine jusqu'à ce jour, tous tes hommes
qui 'mt
auraient été de votre opinion. Dans tous les Htats
existé depuis le premier peuple législateur que nous con-
lils
naissions, depuis les t~yptiens, il a été admis que le
obligations de son père, et
est tenu de subir a son tour les
c'est pourquoi ceux qui ne pensent pas par eux-mêmes, mats
déterminent d'après des autorites, croient que cela doit
se
être vrai. Mais danslaplupartdes t;tats qui nous ont trans-
mis leurs opinions avec leurs lois, ne
r~ardait-on pas
cnl'ant
aussi connue légitime que te père repoussât son
nouveau.ne, ou qu'il le punit de mort quand il était de-
~t'and, sans que personne eut le droit de lui en de-
venu dernière
mander la raison ? Comment se lait-il que cette
première?
opinion ne se soit pas maintenue a co)o de ta
t~st-ce que par hasard toutes deux ne reposent
pas sur
le même principe a savoir que l'enfant est
une propriété
du père, qui en peut disposer a son ~rc ? Ou bien est-
ce qu'it est plus dur d'abandonner et de laisser périr un
jeune enfant, qui n'est pas encore parvenu a ta ptcmo
conscience de hu-mome, et qui pcut-ctrc souffre moins a
mourir qu'un pigeon qu'on e~orj~e, ou d'arracher tout
d'un coup par une prompte mort A toutes les peines do )a
vie un entant déjà ~rand, que de le forcer,
sous peine do
mort, quand il a pleinement le sentiment de sa force et do
son droit, a rester esclave tout le temps de sa vie?–Cela
vient de ce que !e Christianisme a introduit parmi
vous
une nouvelle opinion, ce n'est pour vous qu'une opi-
nion, touchant t'immortatite de notre âme et i'in-
fluonce de notre conduite ici-bas, surtout de notre der-
nière heure, sur te sort de cette âme dans une autre vie,
et, que cette opinion est en contradiction avec
une loi aussi
arbitraire sur ta ~c/~M< Mais le même Christianisme,
ou plutôt ses serviteurs, vendus au despotisme, ont ou-
hh~ de propager une opinion qui fut
en contradiction
avec une loi tout aussi arbitraire sur la /~7c /<M~~c
et le philosophe ne saurait commandera l'opinion popu-
laire comme !e divin Rnvoye.–Surte premier point,
vous
ave/ laisse modiner <'p fragment de vos opinions incohé-
rentes par une région ptus humaine et ptus douée; mais
sur te second, vous restez toujours udete
aux grossières
idées de ces demi-sauvages qui viennent de faire te
pre-
micr pas pour se déshabituer de la chair humaine. Quel
autre système, en effet, peut vous déterminer, si ce n'est
celui qui cherche a tirer d'un opprime, qui ne promet pas
un bon repas, tous les autres avantftg'cs possibles; qui
exi~e de lui ta promesse d'un esclavage perp~uci,
en lui
interdisant ju&'qu'au vœu de redevenu' libre et qui, quand
l'opprime a t'ai!, cette uromess' lui tait promettre que ses
enfants seront aussi les esclavesdesenfants de l'oppresseur,
–et, aprôs lui avoir arraclie cotte nouvelle promesse, lui
fait encore promettre lamente servitude pour ta troisième
génération, puis pour la quatrième,puis pour ta cinquième,
onnn pour toutes les générations possibles l'innni ?
Et quelqu'un peut-il taire une pareille promesse autre-
ment qu'en présence du feu et de la broche ou il doit être
yo~–Y()ii:\ vos autorites!
L'intrépide h. lui-même veut bien ne pas refuser
toutes lumières aux hommes qui, en voyant appliquer de
tels principes a l'état présent du monde, sentiraient quel~
que ebosp se soulever dans leur cceur il consent rm pas
a

tcur fairp; un crime ~tcs sentiments pénibles qu'its éprou-


veraient en pareille circonstance mais sa bonté n'est pas
de tondue durée. « Tout ordre civil, dh-il, devien' abso-
lument impossible,si ce qu'un aïeul, fut-ce un mittion d'an-
nées auparavant, a fait peut-être par nécessite (il veut dire:
quoi il s'est oblige) (.1), ne lie pas ses derniers héritiers.
Nul r~tat ne pourrait subsister, si tes enfants ou tes autres
héritiers n'étaient obliges de prcndrf la place du defunU'Il
Cela veut-il dire qu'aucun des l~tats actuellement existants
constitution ne de-
ne peut subsister tel qu'il est, si sa
parfaitement
meure pas ce qu'elle est actuellement; a
il
raison, mais nous n'avions pas besoin de sa pénétration
si~mne qu'on ne
pour découvrir cette vérité. Que si cela
saurait concevoir en général d'union civitesanscette dis-
position, et que cene-ci est contenue dans l'idée <lc cctte-
(1) Page CO. On ne p~tt gn~'c n-anscrirc une )ignc d'~ cet
homme, qui ne cesse (te crier contre te
bavard.~o te vague, sans se
voir obttRé de non-iget' ses expressions.
la comme sa marque distinctive, j'en conclurai que la so-
ciété civile est en soi tout a fait contraire a !a raison et au
droit, et qu'on n'en doit tolérer aucune.–H lautqu'it
y ait une constitution civile; orcc!a n'est pas possible sans
injustice; donc il laut qu'il y ait des injustices commises.
Te! serait te raisonnement (!c M. h. Je raisonnerais tout
autrement il ne faut pas qu'il y ait d'injustices commises;
or il n'y a pas de constitution civile possible sans ce!a;
donc il ne doit. point y avoir de constitution civile. La dé-
cision de notre ()ebat dépendrait alors de la réponse
cette question le dernier but nnal de l'espèce humaine
est-il de vivre en société civile, ou de vivre justement?
Ce n'est pas ici le lieu (t'examiner en elle-même cette
assertion de M. R. a savoir qu'aucune constitution
politique n'est possible si l'on ne rend héréditaires
les obligations civiles. Je ne parle pas encore des
dispositions possibles d'une constitution politique déter-
minée, mais des conditions qui, seules, rendent morale-
ment possibles toute constitution politique en général.
Jusqu'ici nous avons recherche la valeur des contrats
de privilège au point de vue de /c~b;p, et
nous avons
trouve que non-seulement il n'y a point, comme on le
prétend, de transmission héréditaire des priviléges, mais
que même le premier contractant peut, dés qu'il ie veut,
résilier tout contrat par lequel il se croit frustré, Nous
avons fait remarquer que, dans ce cas, la partie qui résilie
ie contrat est obligée a restituer ce qu'elle
a reçu, et a
réparer le dommage cause. Pour pouvoir estimer cette
réparation, nous avons encore a examiner les contrats de
privilège au point de vue de leur /c/'c possible, c'est-
à-dire par rapporta leurs objets. Nous ne devons ad-
mettre, pour chaque contra! de ce ~-enre, qu'un seul objet
possible, avant même de le trouver dans sa série. En
etïet, croirait-on peut-être, les membres communs de
l'État pourraient avoir, dans un contrat, ccde exclusive-
ment :*) une classe de citoyens privilégies ou même a un
seul privilégie lu droit de (.'hanter quel<mc cnosL'a la. con-
stitution de l'Etat. Si un pareil contrat était conclu, tous
les autres contrats de privilège seraient par la même, en
tant que taisant partie de la constitution de l'état, aner-
mis et rendus inviolables pour les citoyens exclus. S'ils
n'avaient pas le droit de rompre le premier sans un de-
domma~ctuent préalable, ils ne pourraient non plus rési-
lier aucun des autres contrats de privilège, parce que,
pour la résiliation du premier, il ne peut y avoir de dé-
dommagement équivalent possible que le maintien des au-
tres, et par conséquent de ce contrat lui-même.–Mais un
pareil contrat est déjà par lui-même nul et non avenu,
précisément parce qu'il rend immuables pour une partie
des concitoyens tous les autres contrats de privilège, et que
par conséquent il supprime le droit inaliénable qu'a
l'homme de changer de volonté. Dire je renonce abso-
lument au droiL de changer quelque chose a cette consti-
tution, et je le transmets a un autre, cela revient a dire
je ne modifierai jamais ma libre volonté sur les obligations
qui m'y sont imposées; ce que je tiens aujourd'hui pour
utile et nécessaire, je le tiendrai pour tel, tant qu'un cer-
tain autre le tiendra pour tel.–Or une pareille promesse
n'est-cllc pas contraire a la raison? Un contrat de ce genre
n'a pas plus de valeur que s'il n'avait pas été conclu; il
n'empêche donc aucun membre de l'Etat de résilier ses
contrats de laveur.
Il n'y a, dans ce contrat, comme dans tous les contrats
en général, que les droits aliénables qui
puissent être ce-
d~s. t'en avait un til conducteur qui sorv!t a découvrir
Si
tous les droits aliénables, il n'y aurait donc pas clu plus
sur moven d'épuiser tous les objets possibles des con-
trats do privil~e, comme en ancrât (te tous les contrats.
Les droits aliénables sont tous des modincations de nos
droits inali~nattles. Ceux-ci peuvent être exerces de di-
verses nmnicrcs; chaque espèce d'exercice est un droit
libre; mais pf'cisement parce qu'il y a plusieurs droits
de cette espèce, il n'y en a aucun qui soit inan6nabie en
soi. Si je ne t'exerce pas d'une manière, jo l'exerce d'une
autre je dois certainementl'exerce!'de quelque manière,
car ïe droit primitif est inaliénable.

mener aux deux classes suivantes


/</c ~<' et /o~ ~e
/?
Tous les droits primitifs de l'humanité peuvent se ra-

~< c/c~e
~e la ~~ï~-

La forme de mon moi pur est déterminée d'une ma~


nicre immuable par la loi morale qui est en moi je dois
Gtrc un moi, un être agissant par lui-mctne, une per-
sonne, je dois toujours vouloir mon devoir; j'ai donc
le droit d'être une personne et celui de ~o~mon de~
voir. Ces droits sont inaliénables, et il n'en résulte point
de droits aucnables, puisque mon moi n'est susceptible
sous ce rapport d'aucune modification. Tout ce qui en
moi n'est pas ce moi pur lui-même est sensibilité (d~ns le
sons le plus étendu du mot, c'est-dirc partie du monde
sensible), et par conséquent changeant. J'ai le droit de
ramener, par un travail graduel, mon moi changeant a
cette forme donnée du moi pur (ce qui est une modinca-
tion) j'ai le droit de /cmon devoir. Comme cette
tonne pure de mon moi est déterminée d'une manière
7<ecA<e der u~ue~n~e~tcAc~t ~c~et<.
~pc/)~ der ~e)'«7)t~f~'e/te~ ~<nn~c~~Ct'<.
immuable, la forme a produire dans mon moi sensible est
aussi déterminée par ta d'une manière immuable (a savoir
dans l'klee). Le droit (te faire tnon devoir n'est pratical)te
(me d'une maniera et n'est susceptible d'aucune ntodi-
iication; par conséquent il n'en résulte point de droits
aliénables. Mais il reste encore dans ce moi sensible
une toute de modincations qu'on ne saurait rapporter A
ces formes immuables du moi pur, (te modulations sur
lesquelles l'immuable loi morale n'établit rien, et dont
ta détermination dépende par conséquent, de ma volonté,
laquelle est elle-même changeante. Kn cette quaMtc, e!ie
peut déterminer ces modincations do diverses manières
chacune est un droit pour elle, mais toutes sont en sut
tuicnahtes~ et c'est ici que nous entrons dans le champ
des droits :diénabies.
Cette volonté modifie soit mes facultés int('ricurc< rc
qui existe déjà dans mon esprit, soit mes facultés exté-
rieures corporelles. Je puis, par rapport aux premicres,
diriger mes considérations sur un certain point, rencchir
ot juger sur tel objet ou sur d'autres; je puis m'y porter,
parce que je désire ceci, que je repousse cela, que j'ho-
nore celui-ci, que j'estime moins celui-là, que j'ahnc
i'un, que je hais l'autre. Comme ce sont la des modifica-
tions changeantes de mon âme, mes droits sur ces modi-
fications ne sont pas inaliénables au point de vue moral,
mais ils le sont au peint de vue physique. J'aurais hk'n lu
droit de les aliéner, mais je ne puis pas le faire, parce
qu'aucune volonté ctrangerc ne pourrait savoir si j'ob-
serve ou non l'obligation contractée envers elle. On
pourrai dire, par u~ure, que nous les aliénons souvent a
nous-mêmes~ à notre jugement. Celui-ci nous conseille
quelquefois de détourner notre pensée d'un certain objet
pour la porter sur un autre, et la libre votonte change ce
honconscit un une loi pour nous (I).–On ne saurait donc
s'enter juridiquement par aucune promesse a vouloir
renechir sur certaines choses seuiemcntetdansde certaines
limites, a voutoir s'attacher de cœur a un autre, i'aimcr,
i'ttonorer; car, suppose même que cela dépendit absolu-
ment de notre votonte, comment l'autre poun'ait-it s'as-
surer que nous lui tenons parole?
11 ne reste donc, en fait de droits qui puissent être atiencs

par un contrat, que ceux que nous avons sur t'usa~e de


nos facuites corporeUes, sur nos actions extérieures.
Nos actions s'appliquent aux ~c~o/~e~ ou aux 6'ô'<
Nous n'exerçons sur les personnes ni un droit ni
un droit acquis, Le premier de tous les droits, celui de
se défendre soi-même par la force, !e droit de guerre peutt
être cède à un autre, mais a deux conditions. Nous de-
vons ~M/'M<s nous réserver, ou 'plutôt nous conservons
toujours nécessairement, même sans aucune réserve ex-
presse, te droit de nous défendre en personne, d'une part,
contre une attaque soudaine, qui nous expose a une perte
irréparable, ceUe de la vie, et qui ne nous permet pas d'at-
tendre des secours étrangers, –et d'autre part, contre le
souverain défenseur de nos droits. Le premier de ces droits
n'a jamais fait i'objct d'un doute, bien que d:ms la plupart
des Mtats il ait été sin~diercment an'aibii par certaines

(i) MaUteut-cusemcnt je suis ici complément mintcHigibtc pour


tous ceux qui n'ont pas encore conscience d'une tiht'c voton~ capabte
de dicter des lois, mais qui sont constamment conduits par une ima-
gination aveugle, suivait le torrent de t'association de ieurs idées. !\tuis
la faute n'en est pas a moi. La direction des pensées est Htn'c aussi
(tans t'hommc, et cetui (lui ne t'a pas encore am-anchic, n'est certai-
nement ausceptibtc d'aucune autre espèce de liberté.
entraves juridiques et par la necessitt'' de fournir la preuve
duras de légitime défense, lequel l)rilte aux yeux de
chacun connue h' danger a lu'dl' a nus propres yeux an
moment crititpte.Quam.au second, on l'aentien'utent
supprinu''dans la plupart des i~tats, et l'on a cherche
par toits les moyens, sin~ulieretuent par des motifs
tires d<: ia rfd~iun chrétienne, a nuns persuader de sup-
purh:r <n sncncu tuntes les injnst!<;cs t~m nus défenseurs
n~vcLdcin pas punir, on qn'itsnc peuvent pas punn',
parce qn'ds en sont. enx-tneïncs tes aut.eurs, et de ttous
livrer Vtduntairetnentaux ciseaux (pti doivent, nous tundi'c
ou an couteau qui doit nons <er. Mais, puurctre
t''tont~, ce droit en est-it rnuins subdement fonde? Tu
nous défends centre !a Yiutence (t'autrui ecta est juste cL
bien tnais si tu pratiques toi-même itumediatementh viu-
ience contre nous, uu si, ''n nenh~ant !a défense <n'e tu
nous as promise et dont nous n'avons pins ie droit de nous
charger nous-mêmes, tu te rends cumpnce de ta \iotcnc':
des autres, qui dune nous défendra contre toi-même? Tu
ne peux pas être ton propre ~0. S'ii ne nuus est pas
permis de nous faire justice a nous-mêmes contre toi,
nous avons absolument abdique le droit de
légitime dé-
fense, dans nos rapports avec toi. Or c'est ce que nous
ne pouvons faire; car il n'y a que les manières
d'exercer
ce droit qui soient ahen.ddes: itdependdenous, par
exemple, de t'exercer parnous-mones ou au moyen d'un
représentant; mais le droit tui-meme est inauenabte. Ce
n'est pas encore ici le tien de rechercher et c~~c~
cette défense contre la suprême puissance est possible dan;.
j'ai seu-
un État, sans désordre et sans bouleversement;
lement a montrer qu'c y a sa place et doit nécessaire-
ment l'avoir. Au reste, comme ceUc défense de nos droits
contre autrui est parctte.meme un devoir pénible et nul-
k'ment un avantu~ on ne conçoit pas comment cetui que
nous dt''ehar~eons (te ce soin pourrait se trouver h''se par
!a et exiger de nous une compensation, a muins qu'il ne
portât a notre compte l'injuste et iHe~itime tmpunitc de
ses propres violences envers nous, ou ce surcroit non
moins injuste et non moins iHe~itime qu'il tire de nos
ou'nseurs sur ia réparation nu dommage et qu'i! garue
pour lui. ~!ais cesernit tnanit'cstemcnt nous prier de lui
permettre (!e continuer a être injuste impunément; il
faudrait donc repousser un tel procède sans autre consi-
dération. Ou craint-it par hasard fpïe nous ne lui reti-
rions le salaire qu'il reo-it de nous pour nous détendre,
et qui est peut-être hicn au-dessus de la peine que cela
lui (tonne. Kn supprimant sa charge, nous ne lui retran-
cherons pas immédiatement son traitement. C'est fa d'ail-
leurs un point dont n'ius nurons a parier en son lieu; nous
verrons alors ce qu'it est juste de décider A cet égard.
Mais il y a une espèce de rémunération que
nous devons
mentionner ici immédiatement, parce que, suivant notre
ptan, nous ne !a rencontrerons plus dans la suite,
Nous disions plus haut qu'it ne peut y avoir de
promesse
qui ohti~c a vou!oir aimer ou honorer quelqu'un, parce
que l'autre partie ne pourrait jamais savoir si t'en remplit
ou non son uhti~ation. Mais il peut y avoir des occupa-
tions qui par leur nature attirent i'amour ou le respect
des hommes, et rien, pour ainsi dire, ne rend plus
rcs-
pcctabte que ia hante mission de défendre les ~aibtcs et de
protéger les opp.rimes. Celui qui nous a jusqu'ici défendus
pourrait dire qu'en supprimant sa charge nous l'avons
privé au moins du respect qui y était nécessairementatta-
ché, dont Fhabitude mi avait fait un besoin et sur la
durée dnqne! il avait !e droit de compter, aux termes de
n'est
notre contrat. N~us lui repoudrons que rien aussi
plus honteux quêtes injustices commisL'sf'u un te! poste,
pouvoir 6mhh
ou que t'o~pression de t'mnocence par un
nom' !a (h~'t'ndrc; et que, si nous lui avons cn!cvc mo~cn
d'aHirpr a soi te aspect <!cs nations, nous l'avons sous"
trait ~n m~mc temps a ta tentation clu se déshonorer pu-
bhqucmpn! A!urs y~nx, et de devenir pour eues un objet
de matcdictton et d'horreur. Il y a donc compensation.
Mais il est sûr, lui tout sent, de i~on incorruptihiute,
de son impartiante, de son courage et. de ~a force; il ne
jamais. Eh bien! unand
se déshonoreraiteertainetnent
ce ne serait pas ~a fonction
qui l'aurait honore, mais la
ndchtc avec h~uenc il aurait remplie, quand il aurait
fait tout son p~itde, d n'aurait encore t'ait que ce que
nous étions en droit d'attendre de
lui, ce qu'it était oh!i~
de faire (.n vertu (te sa fonction. y a quelque chose
qui honorf encore davantage, c'est d'accornptir librement
de noh)es actes que n'exige aucun ordre. I.c voita tibre à
présent il y aura toujours des forts qui opprimeront
!cs faibles, l'humanité souffrira toujours en mamts en-
droits; qu'itusc maintenant de sa force pour résister
en (ace a l'homme puissant et injuste, pour aider l'huma-
nite a sortir de Fahnue t!c la misère, et nutrc vénération
de
ne lui fera certainement pas <!e(auL Les occasions
s'acquCrir la vénération ne manquent jamais; ce sont les
hommes capahh's de t'o!)tcnir A force de peines et d'efforts
qui manquent trop souvent.
Les droits sur des personnes !e sont par contrat.

pouvons aliéner ce droit ouc~


Nous avons !c droit de conclure des contrats, et nous
Je dis: en
tout; mais comme cette aliénation eMe-méme n'est pos*
sibluquf par contrat, il est clair que la pratique de ce
droit en doit avoir au moins une fuis précède l'aliénation;
–autrement celle-ci serait absurde, puisque, comme nous
l'avuns montre plus Itaut, il n'y a pas de droit naturel de
l'homme qui puisse être aliène en soi, mais seulement des
modihcations particulières ce droit. –t't~ partie but
a l'autre cette promesse Tant que je resterai avec toi dan~
le présent contrat, je n'en cunchu'ai aucun autre, niavc'
tui-memc, ni avec (pteiqm'autre. Un contrat <1e ce ~enre
est, dans sa forme, tout a tait ie~itunc; dans sa matière,
il est. enrayant pat' sun étendue, et si un le suppose en
outre irmnuaMe, comme il l'est chez le paysan attache a
la ~iebe, il rabaisse l'homme au ran~ de l'animal, indé-
pendamment même de cette immutabilité qui est dcja
illégitime en soi, le citoyen h'ustre, tant qu'il ne lui est pas
possible (le se rendre absolument indépendant de son op-
presseur, renonce formellement à toute réclamation ayant
pour but d'obtenir clu privilégié de meilleures conditions,
et à toute assistance des autres qui le traiteraient peut-
être plus doucement. Le monde est désert pour lui; il n'y
a plus d'êtres de son espèce. Dans un pareil contrat, l'op-
presseur se bâte de profiter d'un moment d'angoisse, qui
peut-être ne reviendra jamais, et il fait tout son possible
pour l'etcrniser.
Le droit de conclure des contrats est aliène c~c,
quand un des contractants promet de ne point conclure
de contrats, soit seulement avec certaines personnes, soit
sur certains objets seulement. Il n'est pas douteux que
des promesses de ce genre ne soient légitimes en soi,
puisque la légitimité même de la promesse de ne point
conclure de contrat en général n'a pu être contestée.
'Nous n'avons rien a dire de plus sur cette exclusion de
~laines personnes qui nous ote le droit de conclure un
contrat avec elles. Helativemf'nt aux objets, les contrats
sont, conclus (sauf le contrat dp mariage, (pu est partout
limite, comme on sait, de diverses manières, et que te
sert'ne peut conclure, en générât, sans une permission de~

de travail, soit sur des c/


son seigneur), soit sur des /cc~, c'est alors le contrat
c'est le contrat d'échange
et de commerce. Dans ta première espèce de contrats, on
bien une partie aliène en générât, au pr~nt d'un seul pri-
vilégié, son droit de conclure avec tout autre un contrat
relatif a l'emploi de ses forces, ou de travailler pour tout
autre;–ou Lien elle ne l'aliène qu'autant que son con-
tractant pourra utiliser lui-même son travail, et elle s'en-
gage a ne jamais travailler pour d'autres, quand elle aura
du temps de reste, avant de lui avoir demande s'il a en-
core besoin d'elle. On peut aussi convenir d'avance, une
t'ois pour toutes, du salaire du travail, de telle sorte que
le travailleur soit tenu de travailler pour un certain prix,
quand même il pourrait recevoir d'un autre davantage.
Nous supposons toujours ici qu'une partie n'a pas déjà
cède, parle premier contrat de privilège, le droit de dis-
poser de l'emploi de ses forces car dans ce cas, dont nous
parlerons plus bas, il n'y aurait place pour aucun autre
contrat de travail. Quant au c~ f/c cMM~cc, le
droit de céder ses produits ou ses fabrications a quelqu'un,
comme a un unique privilégie, peut ~tre aliène d'une
manière générale ou seulementpourlecasoule privilégie
voudrait les acheter, de telle sorte qu'il ait ou bien le ~'M'/
<cc/c/t~ comme plusieurs chets-lieux de cantons
suisses l'ont sur leurs paysans, ou bien le

.1~M/
îMï~' ~7?<~y 1, comme ptusicurs seigneurs ancmands l'ont
sur !curs sujets. Dans ce dernier cas particuncrement, on
peut étahtirce! tahu's conditi< ns sur h' prix de la man han-
dise, de telle sorte que le marchand soitohti~éde la tais'
scr au privitc~ié pour une certaine somme, quand morne
i! ne pourrait pius s'en M'ocurcr anicurs au nn'tmc ~'ix.
Réctproqucmcnt on peut stipuler, soit qu'une par~io
ache~ra pxctustvcmcnt au p!ivih''pif, ou /< ses mar-
chandises, ~u c~Ucs (~u'a te pri\HL'nic, ou seutemuntrc~
marchandises, soit qu'it k's lui achètera un certain
prix, quand même il pourrait les avoir aiiteurs meilleur
marché, de tcuc sorte <}uc le privitegie ait te~~<e~
ou le <7~~ (le /<c t~c~. Le mode te p!us dur et te
plus odieux de cette espèce de contrat est celui qui obtige

minée d'une certaine marchandise, et A la un


ia partie !esee a prendre ahsommcnt une quantité déter-
prix
déterminé, comme le gouvernement le t'ait, dans certains
pays, pour le sel, ou comme !e fit, pendant quoique temps,
Frédéric U a t'é~ard des juifs, qu'it obti~eait a prendre,
en se mariant, une quantité déterminée de porcelaine.
La seconde espèce de droits, qui peuvent être auénés
par nos contrats avec des privilégiés, sont les droits sur
c~c/~< le droit de propriété dans le sens le plus
étendu (le ce mot. On ne désigne, en enet, ordinairement
sous ie nom de propriété d'une chose que la possession
~y~de cette chose; mais, comme la possession ex-
c/t'cestseutc le caractère distinctifde la propriété, ta
jouissance immédiate d'une chose dont on ne jouit qu'une
fois, et qui se consume par la jouissance, est aussi une
~ofAat~
/<'t~<n(~.
VofhonM.
véritable propriété; car pendant que quelqu'un en jouit,
tous les autres en sont exclus.

peut s'aliéner ou c~ /<


Or ce droit de propriété, comme celui des contrats
11 peut s'aliéner tout.

a t'ait. La propriété la plus immédiate de l'homme, <elte


qui fonde toutes les autres propriétés, ce sont ses forces.
Celui qui en a ic libre usa~'ea dcja immédiatement en
elles une propriété, et il ne peut manquer de recevoir
bientôt, par l'usage qu'il en tait, une propriété sur les
choses extérieures a lui. On ne saurait doue concevoir
uncalicnation absolue du droit de proprietp qu'en sup-
posant que nousa!ienions !e !ibre usa~e de uus {'orc<'s, que
nous cédions a un autr~ !e (iroitde disposer uhreu~nt <!c
leur apptication etqu'e!tes soient devenues par ta sa pro-
priété. Têt était, chez les peuples anciens, d'après h tettre
de la loi, le cas de tous les esclaves, et tel est chez nous
le cas de tous les paysans attaches la propriété du so!. Si
le maître a voulu ou veut se relâcher de son droit strict,
c'est pure bonté de sa part, mais it n'y est pas oblige, aux
termes de la constitution.–Pourtant cette aliénation n'n
lieu qu'à un condition, c'est que le maître assure t'entre-
tien a l'esclave qui lui abandonne la disposition de ses
forces; ce n'est plus ici une bonté de sa part l'esclave a
parfaitement le droit de l'exiger de lui. Tout homme a le
droit de vivre, c'est la son droit mali'natde. Il ne t'aut pas
dire ici Si je ne nourris pas mon esclave, il mourra; je le
perdrai et le dommage serapuur moi; la prudoucc tile
poussera hit'n a le nourrir. 11 n'est pas ici question dett'n
s'it
dence, mais de ton devoir ton
dommage, mais de son droit; il ne pas de ta pru-
esclave est homme.
Le possesseur d'un animal a bien le droit de le laisser
mourir ou de le tuer, s'il ne couvre pas les frais de son
entretien; mais il n'en est pas de même de cehu qui pos-
sède h*s forces d'un homme. L'entretien auquct c<'iui-ci a
droit est sa propriété; il t'a (tans ce!te (te son mnitrc, et toutes
les lois qu'il ruante, ce (pt'il man~'e est sa propriété im-
médiate. Une entière atiénation do la propriété n'est donc
pas possible, et eue ne saurait l'être, puisqu'on ne peut
ah<'ner aucun des dt'ohs <h' 1'honnnc en soi, mais sunte-
ment les modincations particuti('!rcsde ces (h'oits. En de-
hors de cette pruprict~ ccini qui se d''pouitk' du ta libn'
disposition de s~'s forces renonce a tonte pmpri6t'' cela
est (le soi.
Le (h'oit de propriété peut aussi n'être aiien~ <n~ren
partie. La propriété des /<~
peut être anenee en par-
lie, 'le telle sorte qu'une certaine portion de ces t'orces
appartienne au privilégia, que nons puissions ou non
retnpbycr nous-m~nes, connue dans le service /(!),
ou de telle sorte que le surplus de ces forces, dont nous
n'avons pas besoin nous-mêmes, hu appartienne condi-
tionneilement ou absotnmcnt, comme dans cette r'~tric-
tion du th'oitde conclure des contrats de travail, dont nous
avons parle plus haut.–La propriété de certaines choses
peut être aliénée, de tene sorte que nous ne puissions
nous les approprier d'aucune manière. Têt est le droit ex-
dusif de chasse, de pèche, decotomhier,etc.; teHe est fa

(1) Pour les rares personnes qui ne savent pas ces cho.ses. Le serf
(~<p a~crt'~M~) a un service <~</J*; il est tenu (~ trav.uHcr .)))-
tant que le sei{;net)r l'exige. Hegoncretncnt cctui.ci c\!g<' de )ni six
jours de corvée sur sa terre, et le septième il !'emptoic pouf ses mes-
sages ou ses transports a)a ville. Le paysan, phs Hhre, sur la terrf;
duquet k seigneur n'a qu'unf partie (tu droit de propri<!tt', a un service
~t~c*; il remplit un nombre dt'tcrmim! de corvées.
~Mt~c~ ~'r~M<TMn.t~, parop)'<~iticna~n'M~tf~/Hf<<
disposition qui, 'tans certaines contrées, veut que le chêne
(pu croît sur la terre du paysan appartienne au seigneur et
non au paysan tel est h' droit de piUm'a~ et de pacage, etc.
Apres ce qui a été dit plus haut, il ne reste fdus de
doute sur ta (~u'stiun <h' savoir si tous ces )h'«its pcuvnn!
ausst ch'c ahoMs parte sent t'ait (te ta parti'' t'mstrcc. Il
n'est ici question que (ht deftonnua~inent (fui ix'ut être
ftn <!ans ce cas.–Quant aceUe première espèce de limi-
tation de noire droit de conclure des contrats, qui sup-
prime tout a tait, on ne conçoit pas en gênerai (nons
paierons tout a ~hcure des cas particuiiers) que te privi-
légie puisse se plaindre d'autre chose, sinon d'avoir de son
cote, dans resp~rance qu'il tonduit sur ia durée de notre
contrat, laisse échapper l'occasion de conclure d'autres
contrats qui lui eussent été utiles et avantageux. Mais il
est aise de repondre a cela que, de notre cote, lies que
nous étions par notre contrat avec
lui, nous avons aussi
manque l'occasion de conclure d'autres contrats qui
auraient été utiles et avantageux jusqu'ici nous n'en
avons conclu aucun, ~ous lui donnons
con~ maintenant:
il sait des a présent qu'il n'a plus a compter sur nous.
Qu'il
emploie désormais son temps aussi bien qu'il le pourra;
de notre cote. Nous ne
nous cLercherons àen i'aire autant
l'avons pas l'rustre, nous nous sommes places avec lui sur
le pied de l'égalité.– Mais sa plainte devient plus précise.
Par rapport au contrat exclusif de travail, aussi bien qu'a
l'aliénation totale ou partielle du droit de disposer de nos
forces, il se plaindra de ce qu'il ne recevra plus r~uli'
rcmentson travail, si nous lui remettons son contrat. 11 a
donc plus a travailler que ne. peut le faire un seul homme,
travailler lui-même.
ou bien il peut, mais il ne veut pas
La première supposition, tetle qu'elle est, exactement tra-
duite, sidérait il a plus de besoins que les forces d'un
seul homme n'en peuvent satisfaire, et, pour les satisfaire,
il veut employer les forces d'autres hommes, qui
sont
obtins d<' rctrancitcr sur leurs propres besoins tout
ce
qu'ils emploient de forces pour satislaire les siens. Il n'est
pas nécessaire de chercher plus loin pour décider si une
pareille ptaintedoit être fejetec. Mais il invoque
une rai-
son plus valable pour justilier !e plus ~rand nombre de
ses besoins. S'il n'a pas immédiatement plus de forces que
d'autres, il a du moins /'<? </<? /c< qui
peut-être lui a été transmis pat- une ion~uc série d'aïeux:
il a plus de propriété, et,
pour en user, il a besoin des forces
de plusieurs.Soi!, cette propriété lui appartient doit
et
lui rester; s'il a besoin pour s'en servir de forces etran<
gères, c'est a lui de voira queues conditions il peut
se les
procurer. Il s'établira ainsi un libre échange entre cer-
taines parties de sa propru''te et les forces de ceux qu'i!
en~-era pour travailler le tout, et en ceta chacun de son
côte cherchera a ~a~ner le plus qu'i! pourra. Qu'it
em-
ptoie celui qui toi fera les conditions tes plus douées. S'ii
se prévaut de sa supériorité sur te malheureux au point
de l'opprimer, qu'il s'attende a l'inconvénient de voir
celui-ci rompre le marche, des que la misère sera passée.
S'il lui t'ait des conditions équitables, il aura l'avantag-c de
voir durer ses contrats M.tis si chacun estime son Ira.
vail aussi haut que pnssibte, le propriétaire
ne pourra plus
tirer de sa propriété autant de profit qu'auparavant; la
valeur eu diminuera f'onsidcrabtement. Cela pourra
bien arriver, mais que nous importe? i~ous n'avons
pas
ro~ne ses terres de 1 épaisseur d'un cheveu
nous n'avons
pas pris un sou de son argent nous n'en avions pas le
droit. Mais nous avions celui de résilier le contrat
que
nous avions conclu avec lui et qui nous paraissait
préjudi-
ciable, et c'est ce que nous avons fait. Si son patrimoine
en est diminue, c'est qu'it avait été augmente auparavant
patrimoine.
par nos forces, et nos forces ne sont pas son
Kt pourquoi donc est-it n'essnireque celui oui a cent
arpents tim autant de profit (te chacun d'eux que celui
qui n'en a qu'un?-On se plaint, (tans presque tous les
Etats monarchiques, dit partage ine~d des richesses, des
possessions démesurées don! jouissent qne!ques-unsa côte
de cf's nudtitudes d'houmes qui n'ont rien et vous vous
donnez en voyant ce phénomène dans !a constitution
actucne de ces r.tats?– t~t vous ne pouvez parvenir A
résoudre ce dimcite probteme, (t'opérer un partage {dus
ega! (tes biens sans porter attf'tnto au droit de propriété?
Si les signes de !a valeur (!cs choses se nudtiphent,
et ils sf nmttiptient par ta manie qui pousse ta ptupart des
États a s'enrichir, au moyen du négoce et de ia fabrica-
tion, aux dépens (te tous tes antres, par te commerce
extravagant de notre époque (pu court de p!us en ptns a
sa ruine, et menace tous ceux qui y sont le
moins du
monde intéresses de t'enticrc destruction de leur fortune,
par !c crédit inimité qui t'ait phts que décupler t'arment
monnaye de rKurope;– si, dis-je, tes signes de la valeur
des choses se muttiptient d'une manière démesurée, ils
perdent toujours plus de leur valeur contre tes choses
mêmes. Le propriétaire des produits, te propriétaire fon-
cier renchérit sans cesse les choses dont nous avons be-
soin, et ses terres mêmes augmentent aussi par ta mccs-
samment de valeur en argent. Mais ses dépenses
augmcntcnt-cttcs aussi? Peut-être te marchand qui lui
fournitscs objets de luxe, sait il s'en tirer sans dommage;
l'ouvrier qui fait pour tui le travail indispensable, et qui
est traque par tous les deux, s'en tire moins l)ien. –Mais
le paysan? Il est toujours une partie de la propriété fon-
cière, ou bien il travaille gratuitement ou
pour un salaire
extrêmement médiocre; ses liis et ses lilles servent tou-
jours le seigneur, en qualité (te corveabtes, pùnr tnm
pi~e de monnaie, qui, il y a plusieurs sicc~s, ctait sans
aucun rapport avec icurs services, il n'a rien, et il n'aura
jamais uucicmiscraNu entretien de chaque jour. Si !<;
proprictairc foncier savait inoderorson iuxe, il serait de-
puis ion~temps l'unique propriétaire de toutes ies ri-
chesses de ia nature; ou, si iesystctneactuet duconmnercc
subit une révolution, cotnmc cda ne peut manquer,
il ie deviendra certainement, et, excepte lui,
personne
n'aum pius rien. Si vous voulez empêcher ce!a, faites
ce
que vous ete.s d'ailleurs ohn~s de faire rendez Hhrc
t'echan~' de nosfacut~s, cet héritage nature! de rhomme.

~<r6'
Vous verrex alors ce rernarquahie spectacte~ ~w/
que le
~r~?'
/6~ < ~f/c~
r/~ et ~c /o~/c est e/<~o?ï
Le sol, sans lois agraires violen-
tes, lois toujours injustes, se partagera de iui-meine in-
sensihtcment entre un plus ërand nombre, et votre pro-
hiéme sera résolu. Que cetui-i~ voie qui a (tes yeux
pour
voir; je poursuis mon chemin.
Si ie privilégie ne peut plus taire valoir ici
ce subtcr-
m~e d'une propriété héréditaire, il faudra bien qu'il tra-
vaille,qu'il le veuille ou non. Nous ne sommes pas obliges
de le nourrir. Mais, a l'entendre, il ne ~c~ pas tra-
vailler. Croyant que nous continuerions de le nourrir par
notre travail, il Bilans cette confiance, néglige d'exercer
et de cultiver ses forces il n'a rien appris de œ qui lui
serait nécessaire pour se nourrir, et il est trop tard a
présent ses facultés sont mnintenant beaucoup trop anai-
bues et en quel(mc sorte trop ruuillecs par une longue
oisiveté pour qu'il suit encore en son pouvoir d'apprendre
(tuelque citose d'utile.– i\ous en sommes certainement
ta cause par notre imprudent contrat. Si nous lie lui
avicns pas laisse croire ()epuis sa jeunesse (me nous le
nourririotts sans qu'il eut a -s'en mêler, il aurait certaine-
ment appris (melque chose. i~ous sommes donc tenus, et.
ceta justement, de !e dedumma~er, c'est-à-dire <te te nuur-
rir jusqu'à ce uu'ii ai~ appris a se nourrir lui-même. Mais
curmnentdev'ms-ncus le nourrir? Faut-ii que nous conti-
nuions de nous priver du nécessaire, ann qu'il puisse na~'r
dansicsupcrnu;ouhicnsmm.-Hquenous lui iom'nissions
l'indispensable?–Et c'est ainsi que m'us traiteriuns une
uuestiondont l'exacte solution est. un des besoins de notre
siccte.
On il vu éclater parmi nous deë sentiments de compassion
et l'on a entendu proférer des plaintes amercs au sujet de
la prétendue misère de tant d'hommes, (mi tombaient tout.
a coup de la plus riche abondance dans un état beaucoup
plus modère; et quels sont ceux qui les plaignaient?
Ceux qui, dans leurs jours les plus heureux, ne se sont
jamais vus aussi a l'aise que ces ~cns-tadans leur pm~rand
désastre, et qui auraient r~arde le moindre reste de leur
bonheur comme un bonheur di~nc d'envie. La prodigalité
inouïe qui avait rc~ne jusqu'alors it la table d'un roi était-
elle restreinte en quelque chose, il était plaint par des
pCns qui n'avaient jamais eu et
qui n'auront jamais de
table comparable a cette table restreinte. Une reine avait-
elle manque pendant peu de jours dcquelques vêtements,
de n'en manquer que
ceux qui auraient été trop heureux
Si notre siècle est
comme elle, déploraient sa misère.
prive de certaines qualités louables, il ne semble pas du
moins que ta bonté soit nu nombre de ccitcsqni lui
man-
quent Est-ce que par hasard ces ptaintcs seraient la
traduction (h) système qui vaudrait qu'une certaine dasse
de mortetscutje ne sais que! droit de satisfaire tous les
besoins que peut rêver i'ima~nation la plus extrava-
gante. que ia das~c suivante ne put pas avoir autant de
besoins que la première, et h) troisième autant
que la se~.
condpjusqu'à ce qu'on arrivât ennn a une fiasse qui fut
obii~éc de se passer de ce qu'il y a de p!us indispensnbio,
aun de pouvoir fournir ce qu'H y a de plus supernu
ces
mortels priviié~ics? Ou bien fait.un dépendre ici le droit
de l'habitude, et raisounc'-t-on ainsi puisqu'une tamitte
a jusqu'ici dévore ce qui est iudispcnsabte a des minions
de famine, cite doit nécessairement continuer de le dé'
vorer? Toujours est-ii que, dans nutre <ac(tn de
penser,
c'est une choquante inconséquence de nous apitoyer si fort
sur la misère d'une reine qui n'a pas de tinpc fraisât de
regarder comme uncchosf toute nanne!!e la dctresM d'une
autre mère, qui, enveinppec eHe-mëmc de haiHons, voit
se
tramer nus autour d'die les enfants qu'eue donnes bien
a
portants A la patrie, tandis que, faute d'auments conve-
nables, son sein dcssecbt' ne contient plus ia nourriture
que demande le nouveau-né avec de faibics vagissements.
Ces gcns-th y sont accoutumés, ils
ne connaissent rien
de mieux, dit d'une voix étounée !e voluptueux rassasie,
en savourant son vin h' ptus précieux; mais ce!a n'est
pas
vrai ia faim, ics aiimcufs que
repousse ia nature,
i'an'aibtissement de toutes les forces de l'esprit
et du
corp~, la nudité dans la saison la ptus r~ourcuse de
l'année, ce sont ià des choses auxquelles
on ne s'accou-
tume jamais. M. R. trouve naïfs ceux qui disent que
quiconque ne travaille pas ne doit pas
manger; qu'il nous
permette de trouver non moins naïfs ceux qui pensent que
seul celui qui travaille ne doit pas manger ou ne doit
mander que ce qui n'est pas mangeable.
Il est aisé de trouver la raison de cette inconséquence.
Notre siècle est en somme beaucoup plus sensible a l'en-
droit des besoins d'opinion qu'a l'endroit de ceux de na-
ture. Ceux qui jugent ainsi ont assez généralement le
nécessaire, et ils l'ont eu depuis leur jeunesse; tout ce
qu'ils ont pu en retrancher, ils l'ont appti(}uc au supcruu,
aux besoins du luxe. Mais on ne saurait satisfaire tous ces
besoins autant qu'on le voudrait, c'est !e sort commun, Tu
as un mobilier a la mode, mais il te manque une gâterie de
tableaux; tu finis par en avoir une, maisalors il te manque
encore un cabinet de curiosités. Cette reine a encore
besoin d'un riche collier; sois tranquitle: elle n'en est pas
plus malheureuse que ton c!eg'aute épouse, quand il lui
manque un vêtement au ~oùt du jour. Mais non-seute-
mcnt nous ne pouvons pas toujours satisfaire les désirs
qui naissent en nous, a mesure qu'ils y naissent; souvent
aussi nous sommes forces de rétrograder, de retrancher
des besoins que nous étions accoutumés de voir satisfaits
et que nous rangions parmi les nécessites. C'est la une
souffrance que nous connaissons par expérience qui-
conque la sent est notre frère d'infortune nous sympa-
thisons intimement avec lui. Notre imngmation, grâce a
son art magique, nous met aussitôt a sa place, Ce roi infor-

noine se figure privé/6'


tuné voit-it diminuer le nombre de ses plats, le riche cha-
de son vin nn ou de son pâté
favori; la petite bourgeoise ou la paysanne aisée, de son
café au lait; chaque individu, selon lu monde plus ou moins
distingué auquel il appartient, de la satisfaction du besoin
qu'il est enfin parvenu à satisfaire; et comment n'éprou-
verait-on pas pour lui toute espèce (te compassion?--~ous

que par /<'


n'estimons et fte distinguons h'
~uw~ f/ les
ut le ~M'c
que nous avons nous-mêmes appris pm' cxpencncc <}U(;
puis-

rhabitudc nuus a t~ndu hn!ispcnsabtcs bicH '<


choses
<tni ne Futaie!~ pas .mpm'avanL Nous ne puuvuns nom
n'pn''scn~r h vuri~btc (tin'ut'encc qui existe cnh'~ (~x
quant a /c~M/c; <;t quand nK'niC nons auus en sc-
i'iuns i'att. une idée par la t'etïexton, nuns n'en auriuns
p<mt'tant aucune rcpt'~cntatiun qui int viviticc' par notn'
unaninaUun et (nn n)H ~n jeu noLt'c ~nsiLiH~, puis-
quu nous ne nons summes jatuais U'ouv~'s nous-metncs a
cette t'xh'cinc innitc et que n«ns n<~ns sumn~'s toujours
~i~nuusmncnt ~at'd(''a de von' ceux qui y c~iouL tutnbes.
«C<'hui'cstpasnaturct,ou ncsouth'c pas ainsi de ia iann,))»
disons-nous, avec ce icnnier~'ncnd dcDittcruL; c'cs~quu
n'ayuns jamais eu faim. Nuus ct'uyuns qu'un duit
s'habituct' a un manque continuel de nom'i'itun~ ou au
it'uid, uu a la nudité, ou il un tt'avaii accablant, conuue nuus
nuus sunnnes aecoutuntes,sans beaucoup de puine, a nous
passer de la table richement servie des grands, ou de
leurs habits ma~ruhques ou de leur duux /w~'6'c; nous
ne savons pas ou nous ne scntuns pas que ces choses nu
-sunt pas seulement dinerentes par le mais par leur
/<Nous oublions que, s'il y a une quantité de
choses que nous nous refusons, nous nous les refusons en
quelque sorte de notre plein ~re, et que nous pourrions
bien en jouir un certain temps, si nous voulions nous ex-
poser a manquer ensuite du nécessaire, tandis que dans
les privations de ceux dont nous parlons, il n'y a plus la
moindre trace de libre volonté, et qu'ils sont forces de se
passer de tout ce dont ils se passent. Si nous tenons si
Itien compte de la dinerence entre te sacrihec votontaire
et le s.te-rince force, quand il s'agit des privite~i<s, pour-
quoi donc ne t'oubiions-nous que (tans te eus on il s'agit
desOppritUeS?
(~'tt't'st pas l'l!abitude, mais la nature <iui fait la ditY)'
rence de ce (pu est nécessaire < et de ce <~n <'st<<
sHpcrf1«. VoK'i !c pnnctpc: qmcu[Ktu<~ h'avaiHc (toiL av'~r
une n'nn'ntu~ satuht'û et qui su<nsc a !a
t~'paratton de
ses i'tn'cc~ un habmcmcntsam suiva!~ la naturu (tn
di-
mat, une habitation saine aussi et so!i(!u.
Au <!d~ de ces Innitcs, dans te champ des chos<'s que!a
natu~ ne deciare pas iudispensahics, t'hahitude )':d< sans
doute des dincrences; et ici !a south-ance ct'otta peu près
dans ta mesure on les besoins accoutumes ne sont pas
satisf.uts. Je dis simplement: ~c~ et ceta pour deux
Une foule de nos besoins sont purement et
raisons:
sirnp~ment des besoins de notre imagination. H y a, en
enet, manites choses dont nous n'avons besoin que parce
que nous croyons en avoir besoin eues ne nous procurent
aucune jouissance quand nous les avons, et te besoin que
nous en avons se revête uniquement par ta sensation
désagréable que nous éprouvons quand nous en sommes
prives. Les choses de cette espèce se reconnaissent a ce
si~nc, que nous ne les avons que pour tes autres. Tels
sont tous les objets de luxe qui ne sont que des objets de
luxe, et tentes les choses de mode qui ne se distinguent
des choses de !a même espèce, ni par leur béante, ni par
leur commodité, ni par<mohme ce soit, sinott parce
qu'enes sont la mode. En tes recherchant, nous n'avons
d'antre but que de faire remarquer aux autres, -–je ne
dis pusnntre ~out, car ces choses ne se distinguent pas
p:u'ta beauté, mais noh'edorihte a l'endroit de:, to)'-
mes ~)'nt''raleset l'aisance dont nous jouissons. Comme ces
choses sont portées au cotupte (tes autres, ils peuvent in-
contestablement nous atu'anclur de l'obligation de les
avoir. Hs nous en ont jusqu'ici paye tes frais (tes qu'ils
nous retirent ce qu'ils nous donnaient pourra, il est trop
clair qu'ils ne peuvent plus exiger que no~s continuions
cette espèce de dépenses. L'état de notre fortune est main-
tenant connu; H est notoire que nos recettes ne suiïisent
plus pouHa continuer avec honneur. Nous desirons pour-
tant ia continuer, c'est-à-dire que nous désirons briuer
au prix de notre honneur. Un tel désir est si insensé, il
est si absurde de souiïrir de ne pouvoir le satisfaire, que
cela ne mérite pas de pardon, et que des hommes raison-
nahtes ne peuvent laisser porter une pareille prétention a
lcurcompt<3. Le retranchementdecertainsbesoinsn'apporte
aucune soun'rancc à celui qui ne pouvait notoirement les
satisfaire qu'aux frais d'autrui, et il faut les retrancher de
la somme dans le rapport a établir. En second heu,
comme la satisfaction des besoins excite réellement dans
les sens une jouissance grossière ou déncatc, un chatouil-
lement des neris ou un mouvement plus léger de l'ima-
gination, on ne peut nier qu'a cet égard il n'y ait une
grande ditïcrcnce dans le de~rcdc la jouissance,et parcon-
séquent dans celui du besoin qui resuite de l'habitude.
Il y a en quelque sorte une limite extrême de sensibilité
pour la nature Immaine; au delà de cette limite, cette
sensibilité devient très faible et imperceptible. Il n'y a pas
de (toute que te luxe de notre siècle n'ait atteint cette li-
mite, et qu'il ne t'ait ça et )A dépassée. La privation de ce
qui se trouve tout près de cette limite, aptus forte raison
de ce qui la dépasse, ne saurait certainement causer ia
sensation désagréable excitée par les désirs non satisfaits
qui sont encore dans les limites de la sensibilité ordi-
naire. il faut aussi avoir égard a cela, si l'on veut établir
les souurances.
un exact rapport entre tes privations et
Une fois retranché ce qui doit t'être, il reste sans doute,
chez les privilégiés, une somme de souffrances une doit
leur causer la résiliation de notre contrat, eh les forçant &
restreindre leur luxe accoutumé, et dont nous méritons
certainement d'être accuses, puisque nous leur avions gé-
néreusement promis de leur fournir toujours de quoi sa-
tisfaire aux besoins d'un luxe sans limites. Nous sommes
obligés (le faire disparaître ces souffrances, autant que la
justice le d'un côté et Fc-r~c de l'autre.
Autant qu'elle le permet d'un côte.–Chacun doit avoir
le nécessaire, comme nous l'avons établi plus haut; c'est
Désic moment donc que
un droit inaliénable de l'homme.
leur contrat avec nous dépouillait quelqu'un de la possi-
bilité de l'avoir, il était illégitime en soi et pouvait être
résilié san~ aucune réparation de dommage. N'y eût-il
qu'une seule personne qui ne pût, à cause d'eux, l'acqué-
rir par son travail, leur luxe doit être réprimé sans aucune
pitié. Je dis l'acquérir par son travail; car ce n'est
qu'a condition de faire de ses forces un usage convena-
ble qu'il a droit a ce qui lui est nécessaire, et l'on ne sau-
rait obliger le privilégié a nourrir tous les oisifs. Celui
qui ne travaille pas ne doit pas manger; nous n'appli-
de sévérité au citoyen
quons pas cette règle avec moins
ordinaire que nous ne l'appliquerions au privilégie, s'il
pouvait travailler.
Autant que la justice l'exige d'un autre côté. -Le pri-
vilégié invoque la force de l'habitude pour ne pas tra-
fait
vailler et beaucoup consommer. Que le principe qu'il
valoir soit aussi le nôtre. Pour guérir ~un mal, nous Ue-
vous teneur ia source de sessoutîranccs, (}ue nous avions
ouverte. Comme il s'est insensiblement accoutume a ne
rien faire et a dissiper beaucoup, il faut aussi qu'il s'en
deshabitue insensiblement, il doit, des la rupture de notre
contrat, appliquer ses facultés a ce dont il est encore ca-
pable, et les employer aussi bien qu'il le peut. La.peine que
lui pourrait causer cette application de ses forces, n'est
pas
mise en ligne de compte: car cette peine, la nature nous
l'a imposée pour des hns bienfaisantes, etnous n'avons pas
le droit de l'en soulager. i\ul homme sur la terre n'a le
droit de laisser ses forces s~ms emploi, et de vivre aux dé-
pens des forces d'autrui. On calculera a peu près l'espace
de temps qu'il lui faut pour arriver a se procurer le neccs-
saircau moyen de ses propres forcesJusque-ianousdcvons
prendre soin de son entretien mais en revanche
nous
avons aussi le droit de surveiller s'il travaille réellement
à se montrer capable de se le procurer lui-même le jour
ou nous cesserons de le nourrir.– Il faut qu'aussitôt après
la rupture de notre contrat, il apprenne a se refuser
peu
à peu la satisfaction d'un plus grand nombre de besoins.
Nous lui donnerons d'abord, après avoir retranche
ce qui
a été calculé plus haut, ce qui lui reste encore de ses pré-
cédents revenus; puis moins, puis toujours de moins
en
moins, jusqu'à ce que ses besoins se soient mis
presque
en équilibre avec les nôtres, et de cette façon il n'aura a
se plaindre ni de notre injustice, ni de notre extrême du-
reté. Si un jour, ~race a ces clforts, il redevient en outre
l'on et sa~'e, il nous remerciera d'avoir lait de lui d'un
oisif prodigue, un travailleur frugal, et d'un inutile far-
deau de la terre, un membre utile de la société Immaine.
CHAPmU: V.

!)H LA NOttLKSSH PAR tUt'PORT .\U t~Ot't !)!: «KVOt.UTtON.

«
Tous les peuplesanciens ont en une noblesse, disent
des hommes d'État, qui passent aussi pour de grands
histor'cns, et, ils nous laissent le soin d'en conclure inté-
rieurement que la nobtcssc est aussi vieille que h société
civile et qu'eue doit faire partie de tout~at bien ordonne.
Chose singulière,ces mêmes hommes, pour qui !a néces-
site (le la nohtcsse dans un Ëtat est une chose évidente
d'c!!e-meme, quan(! par hasard ils s'avisent de vouloir
cxpHqucr l'origine de la noUesse actucUe,–se perdent en
des hypothèses qui ne sauraient s'appuyer que sur d'au-
tres hypothèses.
.!e ne parle pas de la nohtcsse /M~c/–de !a re-
nommée ou des avantages qu'un ~rand homme s'acquiert
par sc~M actes; je parle, comme on s'y attet~t bien,
de ta ?~/c.Mc
tages que ce ~rand homme
le souvenir de ses actes.
</ ~c
(le la renommée ou des avan-
avec

noblesse d'ï
Je distingue dans cette noblesse héréditaire entre !a
et !a noblesse 'le Cette dis-
tinction me semble le fil conducteur qui doit nous pré-
server des égarements de l'hypothèse et. nous diriger dans
le droit chemin; l'oubti de cette distinction est sans con-

RrbatM.
/<(/e~ der ~etn«n~.
,4~~ ~('~ /!M/t~s.
trcdit. principe de toutes les erreurs <jui régnent parmi
not!s:'t ce sujet.
1 hns f'ette assertion que les peuples anriens ont
eu une
noblesse, il va quelque chose de vrai, mais aussi (ph'Ique
chose det'au\. Usent eu presque tous une nohh~sc d'opi-
nion !uais, !'c'xc~ption (te quelques cas, fort. passa-
gers, (~u ne furent, pas !'c(ïct de la constHuuon de FËtat,
mais d'une viotcntc oppression,– ils n'om pas eu de no-
blesse de droit.
La nohtcssc d'opinion existe nécessairement partout où
des générations d'hommes vivent dans un état de société
durable. Il n'y a presque ~M/ d'objet ou eue ne puisse
s'attacher. !i y a une noblesse de science Il est vrai que
les grands savants laissent rarement des entants il n'y
a
point de Lcibnitz~ point de Newton, il n'y aura point de
Kant en qui nous puissions retrouver !a postérité de
ces
grands hommes; mais qui peut voir un Luther qu'il ne
connaît pas, sans penser qu'ii a peut-être devant lui un
descendant de ce grand homme et sans t'examiner avec
plus d'attention. Il y a une noblesse de commerce
et en entendant certains noms, immortels dans t'histoirc
du commerce, nous croirions plus souvent être en présence
de !a postérité des hommes qui les ont immortauses, si le
titro de co~/c ou de 6~'o/i, ou la particule </c qui les
précède ne nous interdisait cette pensée (1), ou si le nom
célèbre ne se montrait pas sous un afïubicmcnt tout nou-

C~f~-Jd~.
/t'au/MMn~tc~.
(!) Htdh-c que mat~t! cch te commcr~nt c~brc aspire encore
àt'honncur de devenu' nn obscur genmhonnne!Puissent du moins
tes aidants ithtstresdc t'Attonagne épargner cette dégradation
au nom
qn'iis ont rendu cëicbre 1
veau,–si t'homme ne s'était pns chan~ <~n moua~ue,
cn\dl(''eou en quartier (!et'')'r< –Hyaunenobtesse
de vertu ou de bcHes actions Quicompte a (bmne a son
a descendants
nom une certaine célébrité, transmet ses
~f'c ce nom la célébrité qu'itya attacitéc.
Partout on les hommes vivent en société civuc, pour
peu que i'Ëtat ait dure, H doit y avoir une
nobtcssc civi-
que analogue. t!n nom tmi se présente souvent dans
l'histoire de notre État, qui, d:ms ies rf'cits do cette his-
toirc, a souvent attire notre attention, et qui a été porté
sympathisa,
par des hommes avec lesquels nous avons
éprouvant avec eux tantôt de !a pitié, tantôt de l'inquic'
tude ou (te ta crainte, tantôt i'orgucit des grandes actions,
un tel nom est pour nous une vieiuc
connaissance.
Apercevons-nousquelqu'un qui le porte, les anciens sou-
venirs se lient a ce nom dans notre imagination. Nous
repassons aussitôt la généalogie de l'inconnu, avant même
qu'il nous la raconte nous savons qui était son père,
qui son ~rand-pére, qui ses coHateraux; tout ce qu'ils fi-
rent se déroule devant notre esprit. Notre attention est
ainsi attirée sur celui qui porte ce nom célèbre, et nous
sentons notre sympathie s'éveilter des lors nous l'exami-
poursuivrenotre comparaison en-
nons de plus pres.afin de
tre lui et ses illustres aïeux.–C'estla ce qu'exprime cxacte-
mentlc!uot~par!equellesnomainsd~si~naientce!ui
qui'taituohlcd'apres leur taponde penser; ils appelaient de
rcconnaissahie, dont on sait beau-
ce nom un homme très
ptus attentivement
coup <!e choses, que l'on examinera
Ku
et que l'on connaîtra bientôt de plus près encore.

/<~ <t<~fn~ ~<.<</t~


/~r<~f-~fM.
outre et n'y a non (te pins nature cette attention
it
se
cttan~e bientôt en respect et en confiance envers t'ttumm)'
qui porte un nom célèbre; et, quand il ne nous
a pas ex-
pressément convaincus d'erreur, nuus lui supposons !cs
tatents de ses ancêtres on <<e ses parents. Se prescnie-t.i!
une entreprise qui conviendrait tout particulièrement a
quoique ~rund ttomme de nuire histoire, ut que
nous ne
manquerions pas de lui confier si nous l'avions
encore
parmi nous, sur qui te souvenir de cet hounne
se
rcportcra-t-it ptutot que sur i'un de ses descendants;
et, puisque nous ne pouvons !c charger Ïui-ntutnc de cette
entreprise, a qui !a connerons-nous ptus volontiers
qu'a son nom? C'était un Scipion qui avait cunuuenee
ta ruine de Cartha~c H n'y avait personne de qui l'on at-
tendît plus sûrement l'entière destruction de cet Ktatque
d'un Scipion.
Cette noblesse d'opinion existait chez les peuples
an-
ciens.–E!tc existait chez les ~'cc~, mais d'une manière
moins ï'cmat'quabte,–parce que i'usa~c qui vomait
que
citez eux le fils ne ~)ortat point le nom de
son père, mais
un nom a lui, et qu'il n'y eut pas de noms de t'amiiie,
n'entretenait pas cette illusion de t'imagination qui s'at-
tache à un mot. Un jeune Ct'ccsc prescntait-H, il <a!!ait
que
l'on s'informât d'abord de sa tamiHe ou qu'H t'indiquât
lui-même, et !c retan! occasionne par cette espèce d'en-
quête ou paries indications qu'it était force de donner,
détruisait en grande partie t'impression (m'il comptait
produire en paraissant dans le monde, t~t pourtant l'ar-
rivée d'un Miitiadc reveHhut certainement !e souvenir (tu
la bataiiie de Marathon. Quant a la nohtcss~ de
c'cst-A-dire :\ccs p!'ivi!)''g'cs attribues exclusivement a
cer-
taines famines, je ne les trouve nulle part, du moins
sur
le libre sol de ta (.rece, si ce n'est peut-etrea Sparte dans
tafamilte royale, cttex tes Ueraclides. Mais, outre <~te
leur pouvoir, fort restreint depuis tat~istation de Lycur-
~'ne et soumis a la sévère surveittancc des inexoratdcs
Ëpitorcs, était plutôt une obligation Itereditairc qu'un pn-
viic~c ttereditaire,a distinction de cette i'an!iHe reposait
sur de tout, autres principes que sur celui de la transmis-
sion de certains privde~espersonnetspar voie d'hereditt'
Elle se fondait, sur ta propriété héréditaire de la Laconie,
et la noblesse de cette famine ressend)!:ut plutôt a notre
noblesse féodale,–dont nous partcrons pi us bas, qu'a
notre nob!essc de race. D'après ie système qui régnait en
Crcce a cette époque et qui voulait que !es royaumes se
transmissent héréditairement aux enfants et aux entants
des enfants, et fussent partages entre eux,–Hercute avait
des droitssur quelques contréesdu Pe~ponese. Ses derniers
descendants, après bien des tentatives, purent cnnn
taire valoir ces droits héréditaires par ta force de leurs
armes. Deux frères s'etahlirent-a Sparte et considérèrent, ta
Laconie comme leur héritage. De ta tes privih'~esdc tcur
famitte.
Citez les Hotnains, la notdcsse d'opinion, cette notoriété,
par cette raison, entre autres, qu'ils portaient leur nom
de famitte, avait une sphère ptus étendue, et formait
une sorte de système. La division (tes citoyens en patri-
ciens, chevaliers et pteheiens, semhtc, il est vrai, indiquer
quelque chose de plus qu'une simptc nohiesse d'opinion,
mais nous en parlerons plus bas. Cette noblesse se fondait
l'État,
sur l'exercice des trois premières magistratures de
le consulat, la preture et l'une des deux editites, magis-
tratures que Fon désignait sous le nom de dignités curulcs.
Plus une familte comptait, parmi ses ancêtres, d'hommes
ayant exerce ces dignités, ptus eue était nohte; !es images
<<e ces hommes ornaient l'intérieur de ia maison,
et, dans
!cs funeraUtes, elles étaient portées devant !e
corps du dé-
funt. H <ait tout nature! que te peuple, dans ses cttoix
tavoris;u surtout !es anciennes <atni!!es a cause (!c cette
opinion qui s'y attachait; mais c!!es avaient si
peu un
droit ~.767~ aux dignités dont nous venons de pat !er,
<tue (h; tenips en temps !e peupie se donnait !e piaisir d'y
clever une nouvelle famille jusqu'idors inconnue. Ceux
(tui servaient ainsi de souche a de nouvcHcs fami!!es,
ne
rougissaient pas le moins du monde de t'obscurito de leur
origine; ils mettaient au contraire ion'or~ueit ï'appcier
puhHtp~mcnt qu'ils s'étaient eteves eux-mêmes
par leur
propre mérite, sans avoir pour appui ia gloire rie leurs
ancêtres. C'est montrer une ignorance ridicule
que de
confondre c< nobtessc avec la ~d/y'~ et C6'.< fondateurs
df nouveHes maisons (~ /ïM) avec ~~9 nouveaux
anohtis. Si, chez nous, l'exercice de certaines fonctions
pubtiques etevait A !a noh~se; si, par exempte, !cs des-
cendants d'un ministre d'Kta!, d'un gênera!, d'un prêtât
étaient nécessairement nobles par te tait même de !cur
naissance, et sans aucune autre formalité, il aurait
y une
comparaison possibtc.
A la vérité on pourrait conclure de la division des
citoyens romains en patriciens, chevaliers et plébéiens,
qu'Hyavait parmi eux une autre noblesse que celle d'opi-
nion mais en raisonnant ainsi, on mcierait l'essentiel
et
t'accidcntet, te droit et l'usurpation, et t'en confondrait
les temps et les lieux, Ce fut homutus qui posa te fonde-
ment de cette division, voulant designer par là certaines
dignités personnelles et certaines situations passagères
dans rËtat, et non point des privilèges héréditaires dans
certaines t'amittcs, chose dont il ne pouvait avoir :u~
cunc id'~c. Les et ceux qn'it leur adjoignit p!us
tard, tescw~c~ il les- choisit a cause de teur :~e qui
les rendait inutiles la guerre, mais d'autant plus propre
au conseil et au gouvernement intérieur (te !'t!tat. iïs
étaient destinas A rester la vi!!e Pt ù pr~idf; r:uhui-
nistrntion (!e l'État pendant lus ~terres ((n'i! ne cessait de
fnirc. Comment croire qu'i! soit venu A reprit de ce
guerrier infatigable, de ce roi abso!n, fpm les fils de ces
hommes héritassent, pendant nu'ds étaient encore jeunes
et forts, (lu privilège qu'avaient leurs pères de ne pas le
suivre la guerre, ou que, dans le choix des futurs séna-
teurs, destines a remplacer ceux que !a mort faisait dis-
paraître, il aitvouht être horn~ aux fi!s de ces derniers t,
ne se soit pas réservé ia liberté de ct)c'isn', a l'avenir,
comme parle passe, tes plus a~es et tes plus sa~es cl'entre
tous tes citoyens, n'eusscnt-itset~ précédemment que che-
valiers ou pteh6icns? Très vraisemblablement les fils de
ses premiers sénateurs étaient: –ceux-d chevaliers, et
ccux-Ia plébéiens, suivant que cela paraissait plus avan-
tageux au roi. ~ptv/
Les destines a servir a che-
val, il les choisit d'après leurs richesses il fallait qu'ils
fussent assez riches pour entretenir un cheval.–Cetuiqui
n'avait que ses forces physiques, ce qui n'était certai-
nement pas un déshonneur chez ce peuple nouvcHcmcnt
né, était destiné à servir a pied et s'appelait ;~M~
Je voudrais que l'on pût remonter a l'origine de ce mot.
Si je ne me trompe, il signifiait originairement un soldat~
pied, et l'on n'y attachait pas la moindre idée de mépris.–
On ne saurait montrer d'après quels principes furent ré-
glés, sous les gouvernements suivants, ces rapports des
citoyens. !1 est vraisemblable que le fils d'un chevalier
ctait ordinairement chevalier a son tour, parce qu'il était
a supposer qu'il avait hérite de son père la fortune néces-
saire pour cela; mais-bien que les sénateurs se fussent
déjà.assure par te meurtre de Romulusune certaine pr<
ponderancc, si toutetbis ce meurtre n'est pas une fable
invente plus tard par ta jalousie pichcicnnc, il ~'c~
vraisemblable que tout his de sénateur fut senateura
son tour, et qu'aucun fils de chevalier ou de plébéien ne
put le devenir. On avait besoin (te M~ô' consciucrs et la
sagesse ne se transmet pas toujours avec te san~. C'est ta
une remarque qui a du s'onrir a l'esprit d'unNuma.
~ette simpte constitution fut sin~uncrcmcnt compHqu'c
sous Servius-Tuitius, par l'introduction du cens. Il enre-
suha une noblesse de richesse, qui fut assez importante
pendant la durée de la république, et qui, en tait de dis-
tinetion extérieure, produisit enfin la loi Uoscia mais la
ne se fondait pas immédiatement sur la naissance; eïïese
fondait sur la richesse acquise au moyen de !a naissance.
Les enfants d'un citoyen de la première classe retom-
baient parmi les ~w/ quand ils avaient perdu ou dis-
sipe leur patrimoine, et ils perdaient, avec leur fortune,
leur ancienne place au théâtre.
Sousic gouvernementdespotique de Tarquin !e jeune,
et plus encore pendant les troubtcs produits par la révo-
lution, et entretenus par tes perfides menées des Tarquins
chasses, !es/c/~ issus des anciens sénateurs, s'ar-
rogèrent de grands privitcgcs et ie peuple,– épuise par
l'oppression de ses tyrans, par de continuelles dépenses de
guerre, par sa propre prodigalité et par la dureté de ses
créanciers, dut laisser faire. Dépendants~ non comme
citoyens, mais comme débiteurs, les plébéiens élevèrent
exclusivement ces famiHcs a toutes les dignités publiques
qu'elles desiraient et dont elles (''latent seules en état (tu
supputer les cinu'~es. Sons point (le \ue, il y on a Home
une véritable noblesse Injreditaire de droit, mais tes pri-
vilèges de cette noblesse se IbndL'rcnt sur le hasard et tu
violence, et non surlaconstitutiunde l'Ktat;c'étaient
des droits injustes. Le désespoir rendit aux choses pu-
pntah'es hunutiees ia turce (qu'une nnscrc tulcrabk leur
avait cnicvcc. Us recoihjnh'cnt, dans unu tun~u<' ~n<;rœ
avec les patriciens, tous leurs droits csvds, <nn dcvhn'cnt
cutmnuns entre eux, et des tors ht distinction entre les
patriciens, tes chevaliers et ies ph'bcicns n'exista plus
que de nom. Chacun pouvait être absolument tout dans
i'Ëtat la noblesse exctusive du patriciat disparut et ht
ptace a !a noblesse d'opinion. Quant aux ebevahers, a
partir de l'époque où le commerce et la richesse péné-
trèrent dans la republique, ils semblent avoir surtout
son~e a augmenter leurs trésors, s'être contentes de ta
noblesse d'argent, et avoir abandonne a d'autres t'adnn-
nistration des fonctions onéreuses. On ne trouve qu'un
petit nombre d'hommes de cette espèce parmi les grandes
lanniles de la république. Mais les plébéiens ne taisscrent
point l'avantage aux patriciens on trouve autant de no-
bles maisons et d'aussi nobles parmi les premiers que
parmi les derniers.
Les nations barbares, qui lurent connues des Romains,
n'avaient pas d'autre noblesse que ceHc d'opinion, eteHes
ne pouvaient pas en avoir d'autre; torsque des écrivains
romains constatent citez elles une noblesse, ils n'emploient
certainement pas ce mot dans un autre sens que dans ce-
lui de /CM?' langue.–Mais cela resuttera bientôt de l'exa-
men même de cette (mestion: quelle espèce de noblesse
est donc notre noblesse européenne, et, –pour pouvoir
résoudre ce punit,–d'en est-elle donc sortie? Car il n'est
pas sans utilité d'entrer un peu dans l'histoire avec notre
noblesse et ses défenseurs, ann de leur montrer que 1A
même on ne saurait trouver ce qu'Us cherchent.
La plupart des peuples et les plus puissants de l'Europe
moderne sortent des peuplades ~M/~MM, qui erraient
dans leurs forets, libres et sans lois, comme les sauvages
de l'Amérique du Nord. Ce fut d'abord dans Fcmpire
/ir~c qu'elles se constituèrent en i~tats fixes. C'est de cet
empire que sortirent les États les plus considérables de
l'Europe, l'Allemagne, la France, les Etats italiens. C'est
par cet empire ou par les rameaux auxquels il donna nais-
sance, surtout par le plus important de tous, par l'empire
allemand, que les autres empires, qui ne sont pas immé-
diatement d'origine germaine, turent successivement gou-
vernes, instruits, civilises, presque formés. C'est dans les
forêts de la Germanie qu'i! faut chercher l'esprit des insti-
tutions franques; c'est danscetempirequese trouve le fon-
dement des institutions modernes de l'Europe.On dis-
tinguait deux classes chez les Germains les hommes libres
et les esclaves. Il y avait., parmi les premiers, une noblesse
d'opinion il n'y en avait point de droit, et il ne pouvait
point y en avoir. A quoi auraient pu s'appliquer, chez ces
peuples, les privilèges d<; la noblesse?A co~c~yc~
Mais ils vivaient dans une extrême indépendance, ne con-
naissaient presque pas de sociétés fixes et durables en de-
hors de celle de la famille, et ne consentaient guère a re-
cevoir des ordres que pendant la durée d'une expédition
)<:«)~<' ~t nassa~re. A /</ ~.s\sv.s\9! </?< M/?Mais ils
rraimaient pas la culture, et changeaient de place chaque
année. Si quelqu'un se distinguait par des entreprises
hardies, par sa force et sa bravoure, par ses rapines et ses
trophées, tous les yeux se dirigeaient sur lui; il devenait
un objet d'entretien, il 6tait illustre, noble, suivant
l'expression des Romains. En voyant ses nls ou ses des-
cendants, sa peuplade se souvenait de ses hauts faits, ho-
norait en eux sa mémoire et, ainsi prévenue en leur la-
vcui', tes croyait semblables à leur père ou a leur aïeul.
Us bu ressemblaient, en enet, d'ordinaire, excites qu'Us
étaient parce jugement favorable, ou par !e souvenir de
ces hauts faits. a Us choisissent
leurs rois d'âpres la
noblesse, et leurs chefs d'après la bravoure personnelle,))
dit Tacite (1). Quels étaient ces rois, quels étaient ces
chefs, et en quoi se distinguaient-ils les uns des autres ?
–Sans doute les premiers conduisaient les hordes erran-
tes tout entières, les guidaient, choisissaient les lieux où
elles devaient s'arrêter, les champs et les pâturages qui
leur convenaient. Celui qui voulait obéir obéissait celui
qui ne le voulait pas se séparait de la horde avec sa famille,
errait seul ou cherchait a se joindre a une autre horde.
L'hommequi conduisait ainsi une horde devait avoir quel-
que considération et, chez un peuple (mi n'estimait que
la valeur guerrière, sur quoi le choix de cet homme au-
rait-il pu se fonder, sinon sur te souvenir des hauts faits
de ses ancêtres, qu'il lui rappelait par ses propres actions,
–lesquelles étaient connues de tout le peuple qui prenait
par! au choix?--Toute la horde partait-elle pour la
guerre, c'est encore ce même roi qui la conduisait. Mais
ce n'était pas le cas ordinaire. Des
partis isoles faisaient des
expéditionsparticulières, suivant que leur hardiesse ou des
accidents fortuits le leur conseillaient (2). Le but de ces

(1) ~c ~on~s Gcrw~nortt~), c.'p. 7.


('2) /6td.,cap. i~t.
expéditions était te butin. Cetui-~i méditait que!<iue entre-
prise hardie, eehu-ta on méditait une autre chacun com-
muniquait son projet, et se procurait (tes compagnons aussi
nondn'cux et aussi i)ons que possible. Chaque parti choi-
sisnait pour chef un des hommes tes plus braves qu'il
connut, et s'en auait uc scncutc. Le nu aurai!-it pu con-
uuire tous ces partis isoles, dotU souvent plusieurs a !a
fois partaient dans des directions dinerentes pour piHer
et faire du butin? Us revenaient; repartaient avec d'autres
compagnons pour d'autres expéditions, et choisissaient
peut-être un autre: chei, tuais toujours un honnue brave
et hardi. Ce sont ta tes chefs dont parte Tacite. Lors-
'tuc quoiqu'un avait été souvent chef'd~ cette manière,
qu'ti a\'ait conduit les entreprises avec autant de bonheur
que de courage, et que son nom était devenu célèbre dans
toute ta peuplade dont il avait séparément conduit tous
les membres tes uns après tes autres, on ne songeait plus
a mu; expédition sans souhaiter de l'avoir pour chef; des
tors il devenait nobie fui-même comme le roi Pétait de-
venu autrefois; et si cemi-ci venait a mourir, il était tout
simpte qu'on te choisit pour roi, mi, ou son ms forme
sous ses yeux et accoutume a marcher sur ses pas. jt n'y
a dune pas ici encore ta moindre trace d'une noblesse
héréditaire de droit.
ti en était ainsi au temps de Tacite, alors
que tes di-
verses peuplades de ia Germanie se resserrèrent plus etroi-
tement encore, que chacune forma un corps de peuple
ptus uni, et que chaque membre particulier eut ptus sou-
vent l'occasion de s'ittustrerpar ses hauts faits et par ceux
(te ses ancêtres. Plus tard, torsquc les peuptades qui
avaient existe jusque la se décomposèrent comme par
l'effet d'une fermentation ~enerate, que sous la pression
de l'Orient, elles quittèrent tours demeures pour se diri-
ger vers le Sud et l'Ouest, et qu'en se mêlant les unes aux
autres, eties formèrent de nouvelles peuplades, qui, a leur
tour, se mêlèrent sans cesse pour en Uriner encore de
nouvelles, dont on ne trouve les noms dans aucun des
anciens historiens, cette noblesse d'opinion dut. elle-
même s'évanouir. Tel qui, un jour, taisait encore partie
d'un peuple qui connaissait ses actions et celles de ses
pères, et dont il connaissait également les hommes illus-
tres se trouvait peut-être le lendemain perdu dans une
nation dont il ne connaissait pas plus les héros qu'elle ne
connaissait son héroïsme. H en lut <)c même chez les peu-
ples qui, moins vivement {tresses, restèrent en Germanie,
comme par exemple les Saxons, les Frisons, etc. Mais
il
peuples qui se
en fut très certainement ainsi chez les
précipitèrent sur l'empire romain, comme les Burgondes,
les Vandales, les Francs, les allemands. Les noms mêmes
de ces deux derniers peuples indiquent que le premier
était forme de toutes sortes d'hommes libres, et le second
de toutes les peuplades germaniques possibles.
Il resta encore une sorte de lien entre certains mem-
bres de ces peuplades qui se décomposèrent et se mélan-
gèrent ainsi, et ce lien fut le principe de tous ceux qui
devaient plus tard se reformer entre eux. Aussi est-il ex-
trêmement important de le rechercher.
« Les jeunes Germains, raconte Tacite (i), autour des-
quels la gloire de leurs ancêtres ne rassemble pas d'autres
jeunes gens, s'attachent a un guerrier âge, déjà désigné
depuis longtemps par ses hauts faits, et personne ne rou-
git de cette fraternité d'armes. Vient-on à se battre,

(i) De A/or. C~n., cap. <3 et i~.


c'est une honte pour ic chef de
se laisser surpasser en
courage par ses frères d'armes, une honte pour les frères
d'armes de ne point épater te
courage de leur chef, et une
netrissure inenacahte de lui survivre
en ruinant !e com-
bat. Le couvrir, le défendre, lui
rapporter la ~irc des
expions par icsqueis un s'est sonate sui-meme,
t~! est le
premier serment et !e plus saint.. Ce guerrier était
comme !e pm'nt de raihemcnt de ses frères d'armes, i!s
lui rapportai.'nt tout; a!iait-d
en avant, ils i'accompa-
gna.ent s'arrêtait. H, Us s'arrêtaient lui.
avec. C'étaient la
!cs seuls points uxes qui demeurassent
encore parmi ces
peuplades toujours en mouvement; et ils durent
attirer A
eux les autres déments en dissolution. Quand des peuples
incertains, disperses et
sans ~uide, rencontraient une
un.on de ce ~nre, ils s'y adjoignaient; ptus
et la troupe
etatt nombreuse, plus étaient braves les
Itomrncs qui s'y
trouvaient, p!us aussi on accourait
y en foute. iJs empor-
taient tout dans ieur tourhinon, c'est ainsi
et <me ces trou-
pes d'hommes, grossissant a chaque pas
comme des boules
de nei~e, tombèrent sur tes provinces de l'empire
d'Oc-
cident et les conquirent.
Le conquérant partageait te butin,
comme il y était
obuge, entre ses ndctes frères d'armes.
« Ce n'est que
par ia ~uerre.ditTacite (!), qu'on peut entretenir de
breux compagnons d'armes. Us attendent de nom-
ta ~.nerosite
de leur chef Jour chevai de bataHic
et leur tramée san-
gtanieet victorieuse. Sa table, grossièrement,
mais abon-
damment servie, teur tient heu de solde.
La guerre et le
pinage soutiennent la dépense. Un climat
pius~rea-
bie, des terres mieux cultivées,
toutes ces jouissances

(i) foc. cil.


varies que leur avait {)n'parees tu luxe des vaincue, tes
entèrent a jouir en paix de ce qu'ils avaient sous h
main, et A t'énoncer la vie errante qu'ils avaient menée
dans leurs Forets sauvais, Us prirent goût a la culture des
cliamps et a ta nxite (iu'elle suppose. Les citanq~s devin-
rent aussi un butin pour eux, et te vainqueur les satisfit
en leur distribuant des terres. Mais il y
transporta !a po-
litique des forets: il ne les leur (tonna pas comme une
propriété durable, de penr qu'ils ne s'attachassent a la vie
sédentaire par l'habitude de ia possession, 'nais il leur en
abandonna la jouissance pour un temps arbitraire.
Telle est l'origine de ta /~M~. On a bien entrevu que
actuelle;
ce système était !ie a Foraine de notre noblesse
mais on a oublie de se demander ~c'~ /« /M~/< a
~w/~ ou si c'est /<( <<
Et pourtant la solution de cette question pour-
rait seule nous placer au véritable point de vue.
Le frère d'armes du conquérant recevait de lui des
terres à titre de récompense. La jouissance de ces terres
l'obligeait-cllc a accompagner son cbd a la guerre? Nul-
lement il y était déjà depuis longtemps oblige p~ son
serment, il dépendait de lui par sa y~c et non par
aurait jamais
sa /e~'c. Quand même le chef ne lui en
donne ou n'aurait jamais pu lui en donner, il n'en serait
pas moins reste oblige, en vertu de son
premier serment,
de l'accompagner dans toutes ses expéditions.–II pouvait
bien arriver (me les douceurs d'une vie tranquille et les
ag'remcnts de la possession accordée, rendissent ce don
nuisible a son auteur, et que le fcudataire, une fois en
possession de ce qu'il avait reçu de son seigneur, se rcin-
sdt a l'accompagner a la guerre, tandis que, quand il ne
possédait rien, il n'aurait pas hésite a le suivre. La pre-
miére chose que pouvait taire !c suzerain en pareil
cas,
c'était sans doute de retirer au récalcitrant son fief, niais
ce n'était pas une punition: quand même le fcudatairc
n'eût pas ainsi manque a son devoir, il avait pleinement
le droit de lui reprendre ses terres.
Ces vassaux du conquérant possédaient
sans doute la
noblesse d'opinion; il était naturel que les autres hommes
libres tournassent leurs regards vers des gens qui avaient
combattu immédiatement aux côtes du conquérant
cou-
ronné par la victoire, qui s'étaient distingues sous leurs
yeux par tette ou telle action d'éciat, qui étaient tous les
jours dans la société de !eur prince et qui mangeaient a
sa table; il était ég.uemcnt nature! que le peuple reportât
sur leurs n!s une partie de l'estime due aux pères, quand
ces fils ne s'en rendaient pas indignes par leur propre lâ-
cheté. Mais je ne vois pas encore ia une noblesse </c~'M'
–ou bien cette noblesse consistait-elle, par hasard, dans
leur droit exclusif aux biens féodaux de leur seigneur?
Les compagnons et les frères d'armes du conquérant
étaient natureHement les seuts qui pussent revendiquer
une part du butin, et particulièrement des terres faisant
partie du butin les aut res n'avaient rien demande qu'une
demeure dans tes pays conquis. Mais qu'est-ce qui leur
procuraitpropremcntccprivitegePËtait-celeur naissance,
ou quehjue autre chose que leurquaHté de frères d'armes
du roi? Tout autre homme Hbrc était en enet exclu de la
possession des fiefs, mais parce qu'it n'était
pas /~<?
r/'f~c.9
/c.
et non parce qu'it n'était~~o~ïc
Cette fraternité d'armes fut la source du droit. Pour
établir qu'il existait il cette époque un privilège exclusifde
certaines familles, il faudrait montrer que, parmi les
hommes libres, que!ques-uns seulement, et
non tous,
11
avaient le droit <<<'r

les paroles expresses de


où, suivant tes
6~~c
ce droit exdusit'aurait-ilpris naissance?
<~ c/<c/. Où donc

(li,-Tacite,
'l'
/cï~?'
ccux-ia
saient les compagnons d'un guerrier plus fort, qui
fli-
¡ se tai-

n'avaient pas assez d'illustration du côte de tours aïeux


pour rassembler, a ce seul titre, autour d'eux, un cercle
de jeunes ~cns? Ou après /<<7~cc f/c /« /«/y'c/<'?
Et dans ce dernier cas, qui donc avait ce privilège exclu-
sit'?Ccux qui taisaient déjà partie de la suite du monarque?
ou leurs enfants?
Montesquieu, qui admet l'existence d'une noblesse ex-
clusivement héréditaire, même avant la conquête, sans
entrer pourtant dans notre distinction de la noblesse d'opi-
nion et de la noblesse de droit, en donne deux preuves;
il est donc tenu d'admettre, suivant la conséquence dé-
duite plus haut, ~~c M~/c y~/c~c ~~Mcc «u~ /<*
~'oï< cle /<~w<'r /o<<yc ~<~ c/ ~<ïr~ /)OM'
co~:«~c, puisque snr l'origine du système ieodal, il est
de la metne opinion que nous; c'est proprement ce
que ses preuves doivent établir.
Louis le Débonnaire avait anrancin un certain Hëbon,
qui était ne esclave, et il l'avait élevé a l'archevêché de
Reims. L'historien de ce roi, Tcgan reproche a cet Hebon
son ingratitude, et l'apostrophe ainsi « quelle recom-
pense l'empereur a-t-il reçue de tant de bienfaits? Il t'a
fait libre, et non pas noble il ne pouvait pas te taire
noble, après t'avoir donné la liberté (1). ? Montesquieu
veut prouver par là qu'à cette époque il y avait déjà une
distinction civile entre un homme simplement libre et un

(i) De ~s~ des lois,


30, chap. 25.
1. f<c<< << Me~nt, non
tto6t~t, quod t~oM~e e~ p<~ <<6<r<o~w,
geunlhomu~. Mais que dit ce passade?–Nous ne l'ex-
pliquerons pas comme l'abbe Ihtbos, dont Montesquieu
censure avec raison l'explication. H r'st itupossibic de
donner la noblesse a un an'rancbi, dit l'historien. De quelle
munies cela est-il impossible? j)lt\'siquement ou morale-
ment, ou piditiquementP–Par des raisons naturelles, ou
en vertu de la constitution de l'empire? On hjcn T~an
dit quelque chose d'absurde, ou ce n'est
pas la dernière
chose qu'il a voutu dire. Si !a possession du nef était !e
seul si~ne de !a noblesse, et si la qualité de frère d'annes
du roi était le sent moyen d'arriver a un fief,
comme
Montesquieu l'accorde quand il est conséquent; tout
Mquc se trouvait déjà par ta exclu de cette noblesse de
nef. Quoique cette époque les évoques,
ceux du moins
d'origine germaine, :d!assent pcrsonneuemcntA la
guerre,
un homme consacre a H~tisc ne pouvait pas se dévouer
a un roi aussi absolument que tes frères d'armes qui
s'étaient donnes a lui a lu vie et a la mort; l'une du
ces
choses exemt évidemment l'autre. Si c'est là
ce que vou-
lait dire T~an, il aurait du dire: il est impossible de
donner la noblesse </ !<y~; et non il est impossible
de donner la noblesse ~/w!c/ Ii m) parie donc
pas d'une impossibititc politique, mais d'une ~possibilité
physique et moraic, et il songe a ia noblesse fj'opinion.
H était connu qu'Hebon était né csdave; l'acte même de
spn affranchissement, et la haute dignité a laqueUe le roi
raya~ élevé ayaien~ encore rendu ceja plus poton'ç;
après une parcitte notoriété, le roi ne pouvait
pas exiger
(Je l'opinion publique
que l'on crût qu'ticbon était sorti
d'une ancienncsouchcd'ttommcs libres.–Peut-être Hebon
était-il méprise pour sa basse naissance, et cela avait-il
aigri son immeur et exqt~ sa haine contre le roi, qni,
J
dans son opini'm, ''n l'ch'vant a un si haut poste, n'avait
t'aitque l'exposer a (.'< mrpris. T'an cherche a justifier
en quehpte sorte le roi auprès d'!t(''bt)n. Tout ce(}uece
passade pourrait prouver, ce serait donc qu'acett<~epo(pm
un homme ne dans l'esclavage n'était pas autant
estime
qu'un Itonnnene iihrc; ruais cette remarque pourrait
convenir à tous tes siècles indistinctement. Q~'on ne
reprocite pas a cette exptic'ation de supposer ehex Te~an
une distinction philosophique qu'on ne
saurait attendre
de lui. S'il n'y avait, de son temps, d'autre nohtcssc que
!a noMesse d'opinion, connue nous le tenons pour dcmon-
rien a distinguer, et ses paroles ne pou-
tr< n
vaient avoir/MM'~ ~~w/ d'antre sens~~uecetut
pouvoir
que nous icnr avons assi~n~ Au contraire, pour
donner aux paroles df i écrivain le sens qu'ii y attache,
iii'aut que Montesquieu suppose (pK'Te~m avait déjà
Fidee d'une nohtesse héréditaire de droit, et (}ue par con-
séquent de son temps ii y avait déjà une nobiesse de ce
~enre; en un mot, pour prouver son explication, il faut
qu'il commence par supposer démontre ce qu'il veut clé-
montrer par la.
Char!ema~ne établit, dans sou acte de partage, cette
disposition, qu'aucun vassal de l'un de ses uls ne pour-
rait posséder de net' ailleurs que dans le royaume de
conserverait ses biens allo-
son sci~cur (1), tandis qu'il

(1) Moptc~quictt. d.m.s rouage cité, 31, chap. ~5, De ccUc


o~nnancc il r<'suhc, cnn'c :mn-cs choses, qu'an tcnips <tc HhuNc-
m:tgnc la eonstimtion Moda'e
sub~stidt oncot-c sous son ancienne
forme. Ses fils, avant (rnn'ivpt' auu'o' :~n'cm (!<~ ~s vussaux 1

snn.s nvo!r
Otc.orcdf! ncf.'<tet)t' disnibuct'. t.ctus v.ts~ux n'unu'ntt
seule-
donc pas liés à tcm- personne par la possc.ssion (t'un ticf, mais
ment par te serment q~stui:'vi'icmpt'
diaux (1) dans quetque royaume que ce fût. Mais il ajoute
que tout homme tibrc dont ie seigneur serait mort
ou qui n'en aurait jamais eu, pourrait se recommander
pour un nef dans les trois royaumes A (mi il voudrait.
Dans un autre traite de partie, qui fut fondu
en 587
A Andeiy, entre Contran, Chi!dcbert et Hrunchitd
et
qui est semblable dans presque toutes ses parties
au par-
tage fait par Char!ema~ne a ses entants, retrouve !a
un
même disposition relativement aux vassaux, mais on n'en
trouveaucuncausujetdes hommes libres; et Montesquieu
en conclut que c'est entre les reines de Gontran et de
Chartcma~nc que les hommes libres ont acquis le droit
de posséder un nef, ou ce qui, dans mon opinion,
signine !a même chose,–de s'offrir comme compagnons
a un roi ou a un autre ~rand.Maisjc ne vois pas comment
cela s'ensuit, a moins que l'on ne commence
par l'ad-
mettre d'abord. Je veux un instant supposer !c contraire
et nous verrons si cette différence des deux actes de
par-
tage ne s'explique pas tout aussi naturellement. Si des
le commencement de la monarchie, par conséquent
avant
Contran et de son temps, Phomme libre avait le droit de
se
donner au seigneur qui lui convenait, il était partaitcmcnt
supernu d'introduire une disposition a cet é~ard dans !c
traite de partage d'Andc!y. Il n'y avait pas lieu d'insérer,
A titre de droit nouveau, que, si
un homme libre se don-
nait à Gontran ou a Chihicbert, il devenait son vassat
et était soumis a ses ordres; comme le vassal ne recevait
!e nef qu'a la condition d'accompagner
son seigneur a la
guerre, et que cette condition liait le premier à la pcr-
(i) Lesterres que possédait un homme libre, non à titre de <!cf
mais de propriété ~appei~cnt ~/cM.r. Toutes les terrca étaient donct
ou des aitcux ou des (tcfs.
passât d'un au-
sonne du second, il ne pouvait pas être le
tre, ni recevoir un Hef d'un autre. C'est ce qui résultait
de la nature de la chose, sans qu'il y eut besoin pour cela
d'aucune disposition nouvc!K\–Mnis ces mêmes hommes
hbrcs, (lui devenaient vassaux, possédaient des atteux.
Comme ces alleux étaient octruyessans aucune condition,
on ne pouvait non plus les assujettira aucune
;i!s demeu-
raient intacts aux propriétaires. Lorsqu'un homme libre,
qui possédait un alleu sur te territoire de Contran, de-
mandait un nef a Childcbert, il ne pouvait plus, d'après la
nature même de la chose, posséder de nef sur h: territoire
de Contran; mais son ullcn devait mi rester. Chitde-
bert et. Gontran en venaicnt-its a se taire la guerre en
vertu de son alleu, il etnit ob!~e de servir sous un comte
de Contran; en vertu de son serment de vassal, il devait
immédiatement son service a Chitdebert. il ne pouvait se
partager; te nef avait l'avantage, parce qu'il attachait im-
médiatement sa personne a la personne de son seigneur;
mais comment Contran pouvait-it y trouver son compte?
Porter atteinte au droit de propriété de l'alleu, et Ictrans-
fcreraquelqucautrc qui lui aurait fourni le service miti-
tairc qui y était attache,– cela ne lui était pas permis.
Il devait resuhci' de 1A toutes sortes de qucreUcs entre les
rois.Trcs vraisemblablement,les pr'decesseursdcCl!a!'tc-
l'occasion de ces
magne avaient cherche a supprimer
querelles, soit en portant inégalement atteinte au droit
de propriété de FaUcu, soit en attaquant, non moins illé-
galement, le droit qu'avaient les hommes libres de
prendre pour seigneur qui bon leur semblait on bien
ils avaient confisque, a Fc~al des nefs, les alleux qui se
trouvaient dans leur territoire, quand le propriétaire de
ces alleux avait pris un autre prince pour seigneur ou
Ltcn ils avaient dc~.ndn A tous ies possesseurs
d'aller
i~cessurtcurhTritoir~de dh.ish- unuutrcscignc~-
qu'cnx-n.cmcs. Avurti par i'~p<L-n~ du
pass6, Chapes
c/
J«~a nc.-css<(h- (rintcnHrc

et ce
ce tjHi c<an duj~
que
et
interdite.
prud~u~cm-s, prives du ecHe cxpurtcnce
sc~
~u pavaient su~cr tnh'niirc. -On prit en~ae~u
~pu.ptu )Hh. autre !Hesurcpuur éviter ces cuHisio~ euh-c
!c devoir atiacht''
au H.'i'ct 1~ devoir aHachc a i\d!cu; il
~t pennis par des dispositions cxpr~ses, q~ l'un
H-uuvc
cttCL-s dans Montesquieu, du fah-c
rcinpiir par ~) auH-e te
service attachu a t'aitcu.
Ainsi cette circonstat.cc
nu prouve pas/Montcsquieu~
mats tes termes de t'ordonnance prouvent
co/~re lui, e~
renversent absolument son système.
son seigneur est appete /c Celui qui a perdn
aussi t)h)n (jnc celui qui n'en
~jamais ~n. Qnctaitdonc te t'cu.tatair<:
ayam ta mo~ de
son seigneur; ctait-it dcja

ment appeic
par opposition
/~?
par opposition aux <
I,a toi te noin~c,
ce rapport, vassat. Ll.ommc libre n'est donc
sous
pas seute-
maisauss~
et en réalité, dans la consti-
tution primitive, personne n'était ~oins libre
que le feu.
clataire, comme nous l'avons
vu plus haut dans Tacite.
Comment donc ye~-on chercher
une noblesse iterédi-
taire, Ja où par ta mort de son sonneur, le fcudat~re
perdait, même pour sa propre
personne, sa
qua~é
vassal, et rentrait dans classe ordinaire des hommes
ti-
tres? Com~en~ pourrait-on croire qu'il
y a eu quc~ue
chose de ptus élevé qn'~ homme libre, Ici
ou piusno-
ble devait toujours s'attendre a tedcvenir?ï';st-ce
hasard il aurait été depouitte de noblesse quep~'
sa par la mort
de son seigneur? Apres
une preuve aussi décisive, on ne
devrait plus, a mon avis, ajouter un seul mot pour déten-
dre ce système.
Jonc manque pas (te respect ~Montesquieu, lorsque,
montant sur tcsepmucs de ce ~rand hotnme, je crois cm-
hrasscr, ~r:lcc a lui, un horixun plus ~t<'nuu qu~ !c sien.
C'est un spectac!c (dus instructif qu'a~aMe de voir un
des plus grands hommes de la r~pub!iqu<; d<'s tettrcs en-
trains, précisément par ses immenses connaissances et sa
prodigieuse pénétration,~ (h''t'endrc des opinions précon-
çues dont ces quantes !e (tevraicnt préserver.

/<
Nous ne trouvons pas encore ici de noblesse heredt-
taire de droit nous ne trouvons même pas de ~'<~</«-
attachées au titre de frère d'armes
immédiat d'un roi, sinon celle qui résultai nécessairement
delà fraternité d'armes, la part an hulin. –Les conqué-
rants firent des lois, et il était présumer que leurs com-
pagnons d'armes et de table neraicnt particulièrement
fa-
vorises. Celui qui avait me un homme tibre ou un affranchi
payait 200 scheuin~s a la famille du défunt, celui qui
avait tué un fidèle du roi, en payait600(1). C'ctaitia sans
doute un privilège mais pour en conclure l'existence
d'une noblesse héréditaire de droit, il faudrait prouver
de la qualité
que certaines famiUcs tibrcs étaient exclues
(t) ~o~~t~. t'ût'sffpne ne songera id uoUeschcHing. C'~i' une
monpa!c donti! t~cst pas n~c~ahe de (h~crminer !n va!otn'. uaHS
rcspr:t de t'imctcnnc constimtton (voy. TMCtte, chap. 21). un meurtre
notait pas consid~r~ comme une )<;s!on fititc a r~tat. mais scutcment
& lafamille, on, en !'absRncc fh; la famille, au seigneur, ou
quand la v:ctimc cta!t un csctavc. au propr!<!tah'e. La famille, te
fut
seigneur ou le propmUah'c avait le droit de rPprcsaiHPs. Ce droit
racheté au moyen de ces sommes (tëterminces par t.) loi. t'ius tard, le
meurtrier comptait encore te tiers de cette mncndc. sous te nom de
/fedM~ (Fn'e~en), au tribunal qui arrangeait t'atïaire.
a laquelle it était attache, celte (te M~
c'cst toutjustc le contraire qui est prouve. C'était donc ur
privilège purement personne!, (pu disparaissait de un
la fa-
nntic après ta mort du fcudatairc; le
perdait lui-même
pour sa personne, quand son seigneur mourait avant lui,
et il ne trouvait aucun moyen de se faire admettre dans
la suite de son successeur. Un tel était un tcudaiaire
de Chartcmagne celui qui t'aurait tué
aurait paye
600 schellings. Chartes meurt, et notre homme
ne
pas ou ne pas devenir feudataire de Louis le Débon-
naire, et il s'appelle maintenant, suivant la précédente
donnance de Chartes, un homme or-
Il est tué. Combien,
d'après la loi précédente, son payera
meurtner a-t-il a
Ils avaient en dehors de cela si
peu de prérogatives
devant la justice, que tout noble qui avait intenté
une ac-
cusation a un esciavc et qui l'avait appelé A
un combat
judiciaire, était ob~e de battre au bâton, A pied
se et avec
une chemise sur ses armes (<).
est a présumer que te
nisd'un compagnon du roi, élevé peut-être
sous les yeux
du roi dans les exercices des
armes, se chargeait volon-
tiers de l'onice de son père, et
que le roi ne le confiait
pas aisément a un autre qu'a lui. 11 entrait ainsi dans les
droits que son père avait possèdes,
parce qu'il était le
fils de celui-ci, mais
par suite de son ~'o~'c dévouement
au roi. Le souvenir des services rendus par les pères

(i) Voyez t\!ontes<m:eu, liv. 28, ch. où il cite son amot-he.


li y au~M dans le texte de Beaumanoir, et cela ne petit signifier
qu'esclave. Tout homme tihre~ait tenu de faire le
service de !a guerre,
tors !~me qu'il n'ctah pas feudittaite. et
par conséquent i) était cxcfcé
dans le maniement désarmes; ii n'y avait
que l'esclave qui fût exclu
du premier comme du dernier Ce n'est
pas id le lieu de dcmontrer
par la langue cette signiiiMtion du mot.
devait sans doute engager les rois, te libre choix leur étant
donne, a choisir tes descendants d'hommes connus et
célèbres, de préférence a des familles inconnues et étran-
gères; mais aucune loi ne les y obligeait. Les plaintes sur
l'abaissement des anciennes famines et sur l'élévation de

déjà retenti sons quelques ~'o~


familles inconnues et étrangères, ces plaintes qui avaient
et qui étaient
devenues plus vives et plus ameres sous Louis le Débon-
naire et sous Charles le Chauve, n'avaient donc point pour
objet une violation de la constitution de l'empire, vio-
lation que d'ailleurs les vassaux; déjà devenus puissants
et indépendants, n'auraient certainement pas soufferte
elles n'accusaient qu'un défaut do mémoire et de re-
connaissance, quand elles ne se fondaient pas simplement
nobles.
sur la jalousie et l'orgueil des
Cependant le peuple, perdant de plus en plus son esprit
de rapine et de guerre, s'était accoutume peu a peu &

~'c, ils devinrent enfin


fut
/c~
jouir pacifiquement de ce qu'il avait les fiefs étaient
et tout le système
bouleverse. Auparavant la qualité de frère d'armes du
roi était la cause du néréides prérogatives personnelles;
chez le premier qui Ac~ un fief de son père, la pos-
session du nef fut la cause de la qualité de frère d'armes
du roi et des prérogatives personnelles qui y étaient atta-
donnait <zM
chées. Auparavant, le service de la guerre
<~en' le droit d'exiger un /?e/; maintenant c'était dele
nef qui donnait le droit d'exiger le ~r~'cc
la ~<w.–L'héritier du fief' héritait en même temps
seulement c~c~M
des obligations qui y étaient liées, et,
des prérogatives personnelles qu'elles
ces
entruinaient. Alors seulement il y eut une noblesse et qui
/~a des ~w~ ce qui forme le double caractère de
notre moderne nobtcsse. Ce n'est d'aiiteurs
mamere et sous ces conditions qu'un que de r~
pcupte, si barbare
qu d fut, pouvait admettre
que l'on héritât de quoique
chose qui, de sa nature, ne peut être
que
et ne saurait être transmis, je veux dire des
obligations et des droits. On les attacha, ii est vrai
quelque chose qui se transmet par héritage, a
mais
celui qui n'en voulait
pas se trouvait an'ranchi de tout~
obh~Hon, et H r..non<;ait a toute prérogative.
Cela
était permis a chacun, ïe droit de
contrat restait intact.
au contraire, qui t'acceptait, acceptait aussi les
obh~ons qui yétaient attaches, et cela
non par une
convention tacite, mais par
~AM~ un pacte tbrmel.-par
1, lequei avait pris ta place du
te~
dévouement 1 usité dans les t-orets.
serment de
A ces ob~-ations
etatent attachées des prérogatives
personnci!es, dont it
n'avatt pas en que~tuc sorte hérite avec
le soi du nef
mais qu'il avait repues
en se chargeant des obligions
auxqueUes cites étaient liées,
point en mais par
Telle est Ja première
c<et par conséquent non

de notre no-
blesse héréditaire de droit; mais
nous
sommes encore bien
élo~nesdecettenobtesscetic-menie.La~ncdot~
naît pas encore la noblesse elle donnait le
et ie nef
donnait d'abord ia noblesse. Lorsqu'un vassat
immédiat de
i empn-e avait plusieurs n!s et qu'un scu! d'entre
ntait (!u Hcf, seul aussi cetui-ci héritait eux he-
de ia noblesse.
Ordmairement ce dernier donnait
A ses frères des parties
de son hef, à titre d'arrierc-uefs, dés
et lors ils devenaientt

f~Am<«J.
~AMU~Ct'j.
ses vassaux, comme hn-rncme était celui du roi. Mais
nous aurons bientôt occasion de revenir sur ce point.
Pour remontât' jusqu'à la naissance (!e notre noblesse
actuelle, qui croit hériter des privilèges, non pas indirec-
tement, au moyen de quelque chose qui se laisse trans-
mettre par héritage, au moyen de terres, mais im-
médiatement en vertu de la naissance, non pas par
l'effet de certaines obligations particulières que l'on a ac-
ceptées, mais indépendamment de toute obugation,
il faut remonter a une époque aussi obscure que corrom-
pnc, ou dominait l'ancienne barbarie, moins ses anciennes
conséquences, et ou l'on construisait avec les restes d'un
système que l'on avait depuis longtemps renverse jusque
dans ses fondements.
Ces fiefs primitifs, dans toutes les contrées de l'ancienne
monarchie franquc, se subdivisèrent a l'infini en d'autres
fiefs qui leur étaient subordonnes. Chacun d'eux devint
un arbre qui poussa des branches ces branches a leur
tour poussèrent des rameaux, et ces rameaux, des feuilles.
Tout vassal se procurait des arrierc-vas~aux, et tout ar-
nêrc-vassa!, d'autres arrière-vassaux, anh de pou-
voir, ~racc a leur puissance, résister a son seigneur im-
médiat et s'en rendre indépendant; aucun ne pressentit,
ce que l'expérience ne tarda pas a lui apprendre, que ses
Vassaux tourneraient bientôt contre /c~' seigneur cette
puissance qu'i! tcur avait appris a tourner contre /~«.
Le plus grand seigneur, l'empire, perdit d'abord ses
forces; tes nefs immédiats le suivirent tes uns après les
autres, selon leur plus ou moins grande étendue, et l'af-
faiblissement gagna ainsi !es fiefs médiats, puis d'autres
plus médiats encore. L'empire se divisa en autant.
d'États qu'il avait de grands nefs; puis ceux-ci en autant
d'autres États qu'ils avaient de ue<s subordonnas, et ainsi
de suite. Le libre possesseur d'alleux, qui n'était ni le
seigneur ni le serf de personne, et qui avait vécu jusque
!< sous la protection de l'empire, perdit son appui des

que celui-ci perdit sa force, Il n'était pas assez puissant


pour se protéger lui-même; son alleu n'était pas assez
étendu pour qu'il put se procurer des vassaux en. le par-
tageant; il <taitdom; force de s'attachera un parti puis-
sant, de transformer son alleu en arrierc-fiefdc quelque
grand uefroya!, et de l'y incorporer. Ainsi tous lesatleux
devinrent peu a peu des nefs, et l'empire qui depuis long-
temps déjà avait perdu sa première possession, ie uef,
en te rendant héréditaire, perdit aussi sa dernière.–Une
fou!e d'hommes libres avaient perdu leur liberté dans les
troubles et les guerres des siècles précédents celui qui
l'avait conservée jusque-là, et qui n'avait pas assez de
biens pour racheter la demi-liberté qui lui était encore
permise, la perdit alors infailliblement; il n'y eut plus dé-
sormais que des ~c~'c~ ou des ~'<sil n'y eut
plus d'~o~~M /<
Depuis que des lois et des tribunaux avaient été établis,
les seigneurs avaient le droit de rendre la justice dans le
ressort de leur fief. Ils donnèrent a leurs vassaux des
prérogatives analogues a celles qu'ils avaient eux-mêmes
devant les tribunaux de l'empire, on nomma cela leur
<?o~' (1) et ces vassaux, a leur tour, en urent autant
pour les leurs, quand ils en avaient. Le royaume eut ses

(i) La Cour, pa~t~ de !c nom de con~)o~«~, pur


tcqnc) on désignait un aMesseur d'un tribunal immédiat de l'empire
où ic<< vassaux de la couronne étaient ju~es, par opposition au comte,
qui jugeait au nom de la couronne tes hommea hhrcs sur leurtaiieux.
nobles, et toute petite seigneurie eut. tes siens ("!). Les
comtes, ju~cs des hommes fibres sur les alleux, avaient
depuis longtemps perdu le'droit de rendre la justice, qu'ils
avaient exerce en cette qualité; il n'y avait plus
d'alleux. Ils s'étaient eux-mêmes approprie les comtes par
voie d'héritage, et ils en possédaient peut-être la plus
grande partie a titre de hef. Tous les tribunaux étaient
des tribunaux féodaux, et devant ces tribunaux tous les pos-
sesseurs de tiefs (mi en dépendaient étaient nobles. Il n'y
avait donc que des nobles et des esclaves; il n'y avait
point alors une troisième condition.
Cette noblesse qui était uinsi tt'(''s médiate continuait
toujours de reposer sur la possession d'un nef. Les pos-
sesseurs de nefs étaient désignes d'après leur nef; il n'y
avait point de noms de famille (2). Ceux des descendants
de vassaux qui ne pouvaient recevoir de nef retombaient
dans leur obscurité; il n'y avait rien (mi put les faire re-
connaître; il est impossible de dire ce qu'ils devinrent,

(t) De ta cette expression les pairs, p~'M, pour désigner les vas-
saux immédiats de t'cmpire et tes nobles de l'empire. Ceux-ci étaient
égaux entre eux; ils occupaient te même rang. t.e nobte médiat et
cetui qui était encore plus médiat ne !cur Oait pas pgai dans tcurs sci-
~ncunes et leurs arricre-ticfs.
(~) Personne, je rcspt're, ne ni<a cela, pour peu qu'ii connaisse
t'itistoire des nations germaniques. Les noms de Mérovingien! de
Cartovingiens, de Capétiens ont ctc invcntt's plus tard par les histo-
riens pour ta commodité de ieurs récits. Merovec (il est ptesumabte
que Chiodwig ne connaissait pas ses ancêtres au dcta), Kari, Capot,
étaient de v<'ritah)cs noms pcrsonncts, et Louis XVt avait !e droit de
ne pas voutoir qu'on t'appctat Capet. )!~ qu'it n\'t.ut ptus roi
de
France, it n'avait plus d'autre nom que son nom de baptême. Nul roi
ou nul prince souverain n'en a d'autre roi. duc, prince, ce ne sont
pas des noms, mais des titres qui désignent des dignités.
17
wo~s-. La noblesse do naissance
n'existai point encore, lorsqu'une chose insigninantc,
une
planche peinte, la produisit.
Les grands vassaux élevaient dans !curs
cours les en-
tants de leurs feudataires nu milieu des exercices mili-
taires. Ces cours devinrent peu A
peu plus brillantes et
plus p-alantes l'esprit de ia chevateric s'éleva,
et avec lui
les tournois. Joardede fer de ia tête
aux })icds, Je chevalier
combattantvoulait se iaire reconna!tre
par ({uetque si~ne,
et, après divers essais, i! eut recours a une ima~c peinte
sur son houdier. Quand une fois il s'était illustre par des
actes de bravoure et de force, cette ima~c prenait quoi-
que chose dcsotennet pour sa postérité. Le point de l'fd-
liement des i:uni!!cs était trouve, et celui qui n'héritait
rien de son père, en héritait du moins t'ima~e peinte
sur
son bouclier, et souvent aussi cite servait a le désigner.–
Les noms de nos anciennes famines aHemandes viennent
ou bien de !eu:'s anciens ~efs, et dans ce cas on peut
ordinairement citer des viiia~esou des châteaux du même
nom ou bien de leurs armoiries, et alors l'analogie est
visible; aussi la science importante qui traite des armoi-
ries tes appeitc-t-cHe alors des armoiries parlantes. –Le
nom était a cette époque tire du blason. Dans les tamiUcs
récemment anoblies, c'est le contraire qui arrive le blason
y est souvent tire du nom.
Cependant un changement important s'était aussi opcr~
dans la guerre. Autrefois il n'y avait
que les hommes li-
bres qui aHasscnt en campagne. Maintenant le nombre
de ceux-ci, qui étaient devenus nobles, -avait consi-
dérablement diminue, tous ceux qui n'avaient devenir
pu
nobles étant tombes dans l'esclavage;
en revanche, le
nombre des guerres avait beaucoup augmente,
car tout
vassal, si petit qu'il fut, taisait la ~ucrn\ Le vassal h'plus
lissant n'aurait pas pu résister a ses ennemis, s'il n'avait
conduita la guerre que ses nobles feudataircs; a plus forte
raison le possesseur d'un petit village, qui pourtant avait
aussi ses guerres. I.es paysans serfs furent alors assujettis
au service militaire. Les vassaux les p!us puissants songè-
rent a employer, dans leurs guerres, comme chefs de ces
serfs, ceux (!cs enfants de tours feudataires auxquels il
n'avait point de nefs à distribuer, et qui étaient exerces
au métier des armes; et, vraisemblablement, en échange
de ce service, ils tour accordèrent, a leur cour et devant
leur tribunal, les privilèges de leurs véritables feudataires.
Cela tourna en habitude et bientôt ceux mûmes auxquels
personne n'avait expressément accorda ces privilèges, se
les attribuèrent comme quelque chose qui allait de soi
nul ne pouvait ou ne voulait remonter a l'origine et
ainsi naquit cette opinion superstitieuse que l'on pouvait
acquérir immédiatement, par le fait même de la naissance,
des privilèges et les autres hommes.
.Favais montre dans le chapitre précèdent que cela est
impossible en soi, puisque cela est en contradiction avec
les droits naturels et immuables de l'homme; j'ai établi
dans le présent chapitre que cela n'a existé dans aucun
des anciens Etats et même, pendant un certain temps,
dans aucun des nouveaux, et que ce préjuge n'a pas été
fonde par la constitution politique, mais que l'ignorance,
l'abus, l'usurpation l'ont insensiblement introduit.–Mais
passons maintenant en revue, l'une après l'autre, toutes
les prétentions de la noblesse 1
Ils élèvent d'abord une prétention sur notre opinion
ils veulent être tenus pour des ~ens de qualité. La no.
blesse des anciens peuples imposait <~atcment al'nt'inion;
.'cet e~ard, h nouveue s'accorde en gênera!
avec e!ie
'nais, (tans I'esj<ece, cUc s'en distingue d'un
manière très
rcmar~uabte.
~mdhomme. QueUe dinercnec,
nommait un Drutus, un Scipion,
un
Je suis nob!e, nous dit le moderne
Romain se
un At~pius, ou quand
Cnnon s'appelait ie n!s de MiMiade!
d'hommes ~M~- se représentaient a!ors
Des actions
c~~
a l'esprit du
peuple, devant iequci it se nommait,
et se rattachaient a
'homme qut en renouvelait Je souvenir

motet
par celui de son père.
courus d~
par son nom ou
Mais quc!ic idée eveiUc
~? !t n'exprime du moins
nen de clair.-Lorsqu'un moderne ~emiihommc
d.t son nom :je suis monseigneurde X"\ nou~
ou monsei~neur
'!e ~u monseigneur de ii n'en est pas et
nous
n en sommes pas ordinairement beaucoup plus
avances
Nous sommes en ancrât beaucoup
moins verses dans
notre histoire na!iona!e, que les anciens peuples
~tatent dans ta ieur, parce qu'on ne
nous empêche, autant
quepossib!~ de prendre pari auxanaires pubHques;
''t en tous cas ce que nous savons excite notre
sympathie
nn bien moindre degrc,
parce que ordinairement i! ia
m<-nte tort peu. Quand donc nous connaîtrions très
exactement ies actions des aïeux de Ja famiitc de X'"
ou
de !a iamittc de Y' –que saurions-nous? Peut-être que
celui-ci a n~ure dans
un tournoi de l'empereur Frede-
~ne cet autre a pris part a une des croisades;
dans les temps modernes que
un troisième a été un ministre
y
.~mmc en a tant qu'un quatrième a été gênera! comme
tnut d'autres qu'un cinquième a conclu,
comme ambas-
sadeur, un traite d'échange au sujet de quelques
viHa~s,
ou qu'it a dt~a~ une province donnée en ga~c; qu'un
sixième s'est bravement comporte dans
te!Je ou tpHe at-
faire.–Très bien. Mais CM~?/ s'cst-il donc si bravement
comporte? Ne peut-on connaitre quelques-unsde ses traits
de bravoure, et en savoir !es circonstances? Que de
questions! HnHn il s'est bravement conduit, cota est rap-
port'' dans telle ou telle chronique. –Je ne connais pré-
sentement aucun pays, sinon peut-être tes Etats prussiens,
où la désignation de certains noms eveitte de grandes
idées. J'entends nommer unKeith, un Schwcrin, un \Vin-
tcrfetd. Alors les actions des tteros de Frédéric (pu ont
porte le même non! se représentent a mon esprit; etjesuis
désireux de savoir si par hasard l'inconnu descend de ces
grands hommes, et s'il marche sur leurs traces. Mais
aussi, dans Famé du pbitanthropf, ce souvenir eveitte
bientôt un sentiment pénible, quand il son~e/jow~M–
ces grandes actions ont été faites. D'aineurs les héros
de notre histoire n'ont presque pas de physionomie; elle
n'a pour les braves, pour les fidèles et pour les habiles,
qu'un moule ou cite les coule tous. Des que nous en avons
\u un, nous les avons tous vus. La faute en est-elle a nos
héros ou a nos historiens ?
Elle en a toujours été un peu aux héros, et dans tes
derniers temps tout a fait. Tout a chez nous sa règle
déterminée, et nos États sont des horto~es ou tout va
comme il a été une fois règle. La libre volonté, te carac-
tère individuel n'a presque pas d'espace où se développer,
et il ne saurait en avoir; il est superflu, il est nuisible.
Aussi un bon père ou un bon précepteur cbcrchc-t-il
soigneusement a prémunir contre ce funeste conseiller te
fils ou l'élève qu'il destine aux affaires. Chaque tête est
laborieusement façonnée sur le patron conventionnel de
son siècle.–« « Pourquoi donc, demande l'élevé, cela
est-il ainsi? cela pourrait être autrement pourquoi n'est-
eu pas autrement? <- Tais-toi, lui repond un maître
prudeut; cela est. ainsi, et doit être ainsi, parce que c'est
ainsi; et pour peu qu'il renouvelle cette leçon, il per-
suadera soi] l'avenir celui-ci
son ('-levé, et àa 1'ivuiiit~ ct~ltii-ci s'abstiendra (le
de
ses incommodes questions. –Chex les anciens, ce n'étaient
pas seulement certaines personnes qui avaient leur carac-
tère; il y avait même des caractères de famine très forte-
ment accusés. On savait d'ordinaire assez exactement ce
qu'on devait attendre d'un homme portant un certain
nom. Les patriciens voulaient-ils un rempart inébranlable
contre les troubles populaires, iis avaient recours a un
Appius les Appius étaient tes ennemis nés de la puis-
sance populaire. Les Romains souhaitaient-ils !a chute de
l'oppresseur de la liberté, ils écrivaient a leur héros
« Tu dors, Brutus, ~) et ce nom si~nincatif de Brutus en
disait plus que les plus lon~s discours. C'était l'omce hé-
réditaire des Dru tus d'anéantir les usurpateurs. Sous le
gouvernement d'Auguste, il n'y en avait plus; autrement,
il n'aurait pas longtemps ëo"verne.–Pourriez-vous
me
dire quel est le caractère de famille de MM. de X' de
V", ou de Z' et ce que je puis en attendre au juste,
quand on m'en nomme un?
Ennn, différence capitale entre la noblesse d'opinion
des anciens et la notre, et qui ruine tout a fait la
cause
de cette dernière, l'ancienne était donnée, la nôtre est
reçue; la l'opinion se déterminait librement, ici elie est
commandée. L'ancienne noblesse ne se distinguait par
aucun si~ne visible le noble romain portait ses trois
noms comme les portait le moindre citoyen; les images
des aïeux étaient une chose privée; elles demeuraient
renfermées dans l'intérieur de la maison, et ne la quit-
taient qu'une fois, a la nmrt de leur
possesseur, non pas
pour promettre <m p'pb' vêtions semhttddes a cetk's
de !a carrière qui venait de (un' mais pour t engager a
comparer te défunt a ses ancêtres. Les Humains m; reven-
diquaient point (te phis grandes marques d'honneur on
des titres particuners dans la s~cietc, et ils se mon~'a~n~
d'autant phts popnhurcs qu'Us c~ucnt. plus nobtcs c~ qu'~s
dcsh'atent davantage rctever ia nuhtcsse de tcnr race par
de nouvcttcs d~ni~s. Cututnctt est <hth';rcn~ la condmtc
de nos ~ntUshounucs lls se (iistmgucnt de nuus autres
jusque par leur aorn; et, envet'm de ce seul nom, ils
exigent, preierabtemcnt, a de yer~abh's di~n~es, la
préséance et des marques d'honneur toutes parUeutieres.
Ils ont moins droit que les premiers a l'opinion ~uhuque~
lum's pré-
et ils s'imaginent supptecr, par refh'ontene de
tentions, aux motifs de respect qui ieur manquent. Mais
Fopinion ne se laisse pas commamter, et eue se vcn~e cle
quiconque la traite contrairement a sa nature. Dans te
noblesse,
temps ou les patriciens ressembiaient a notre
ils étaient en butte a la bainc des autres classes et aux
railleries les ptus amercs; mais, des (m'i!s lurent rentres
dans tcurs iinntes et qu'une autre nobk'ss~ la nobtesse
d'opinion, eut pris la ptacc de la prcnnerc, eUe ne fut
plus, que nous sachions, raiiiee eu baïe des Romains. Mais
quoi est le sort de la notre? Depuis qu'oHe existe ctqu'd
existe des monuments de la façon de penser des siècles,J
elle a toujours été un objet de crainte, de haine et de
n~oxipns amercs de la part des autres fasses. Les mo-
narques mêmes ont
cherche a dégrader et a anaibhr ce
qui était pourtant leur unique appui, et ce qui om'ait a nos
naturcHe vers une hauteur qui ne l'est
yeux une gradation
pius. t)ans notre siècle, enfin, on en est venu a ce puiut
le ~entithomme, qui n'est que cela, ne peu.t parvenu'
que
qu'a force d'humilité a se- faire accepter dans les cercles des
citoyens notantes, des savants, des négociants, des artistes.
M. Rehbcr~, le dig:ne défenseur d'un pareil état de
choses, est d'avis, il est vrai, que lus descendants des
hommes remarquables doivent être honores ~'M'
(( C'est une citosc collée~ laqualité de noble, dit-il (1),
la noblesse de son objet ne parait pas avoir beau-
coup ennobli son tan~'c, que les ancêtres de
i'hommc noble aient fait partie autrefois des citoyens
con-
sidérâmes du pays. H peut arriver qu'i! souille cette
dignité par ses vices, comme il l'honore par sa vertu
mais il ne saurait la détruire, a moins qu'il ne pousse !es
choses si loin, que l'exécuteur des !ois hrisc~<<
son hiason et abohssc son titre. )) Mais (titcs-moi, je vous
prie, cette ~'<y~, si c'en était une, est donc maintenant
détruite? Lorsque t'cxecuteurdes ioisa brise ic biason
de ce personnage (2), i'homrnc clui était son père ne t'est
donc plus, et le père (te cet homme n'est plus le même-
ses ancêtres ont donc cesse d'appartenir aux hommes
considcrabtes du pays, et les choses arrivées ne sont donc
plus arrivées? Cette dame de la cour raisonnait plus jus-
tement que M. H. !orsqu'e!!e disait « Dieu le Père ne
peut pas m'ôtcr ma naissance. ? Ou peut-être notre homme
veut-il dire autre chose que ce qu'il dit ree!temcnt, et
n'a-t-il péché que par défaut de précision? Cela est bien
possible, si l'on en juge par les autres endroits ou il
a
commis cette faute. Il dit plus haut « Un ancien noble,

Voti /?ecA~M~en.
Es klcbt.
(1) Page 6/t.
(2) Singulier ex<!ct)tcur des lois, que celui qui briM des blason d<'
sa propre main.
dont les ancêtres ont appartenu, depuis des centaines
d'années, aux premiers du pays, est revêtu d'une dignité
fort respectable, même quand sa personne ne l'est pas. i>

« Aucun monarque
du monde (de la terre, sans doute?),
dit-il plus l'as, ne peut épater il un ancien nobtc celui
qu'il anoblit; il ne saurait commander aux hommes
d'honorer celui qui s'est eteve lui-même a l'état de cet
autre, en qui ils honorent toute une ancienne race. )) H
semble donc parler de ta dignité que donne l'opinion pu-
blique. H n'y a pas, d'après son propre aveu, d'ordre (pu
puisse communiquer cette dignité, mais une sentence
peut l'entcvcr; on ne saurait nous commander d'honorer
quelqu'un, mais on peut nous défendre de cesser de l'ho-
norer. Voita, certes, une profonde philosophie!–Tra-
duisons-le cependant aussi bien que nous le pourrons.
Cette dignité ne doit mmement, ce semble, dériver de la
libre opinion, elle doit être légale la loi seule, et non
une décision arbitraire du monarque, peut lui donner ce
caractère; elle doit en général se fonder sur la constitu-
tion nécessaire de la société civite. « Celle-ci ne se

compose pas d'individus qui seraient nés e~aux entre eux,


co~c dans ï~ /M~c~ dit-il avec sa convenance
ordinaire, les yc~p.s ~~M~ ~</ /)~M/
~c//ï~ ~.c ~c~ ~aw/ ils ~c~/ ~o~,
deviennent par c~.y-c~ c~c c/ï ~M~<; elle
se compose de souches. » S'il en est ainsi, cet ancien
noble dont l'exécuteur des lois de M. Uehber~ a brisé le
blason, ne doit pas moins être honore après qu'avant; car
il continue d'être de la même souche. Mais tout cela

rons jamais personne /M?' ~c /<


n'est que fiction et que vaine sophistique. Nous n'hono-
Le respect ne

se laisse imposer ni par la constitution politique en ~e-


neral, ni par une décision particulière du tnonarquc il
se donne lihn'mcnt; et il est vrai qu'il se porte aisément
sur la postérité d'un homme de mérite, ({uand elle ne
s'en rond pas indignp par sa propre conduite. Autrement,
cite est méprisée, même sans que sa noblesse ait e~ ju-
ridiquement altolic. Une décision formetle de
ce ~cnre
pum'raitavuirtoutan plus pour cfte~dc ~'aircconnaitrc
puhii({uc!ncnt le crime du coupabtc,
en h; prouvant
béatement mais la simple expression des taits
accompa-
gnes de h;urs preuves produirait ic même etTct
sur 1 opi-
nion puhtiquc. Quand n~mc un ancien nobie aurait ctc
dcpuuiitc (le sa noblesse par un despote
pour avoir har-
diment résista a un ordre injuste, nous ne i'en esti-
merions pas ~M'~ pour c~a nous rcn estimerions ~t~.
~e. Tant la nobiesse, dans t'opinion pubtique, dépend
peu des sentences et des choses tendes
I! n'y a ni plaisir ni honneur
se mesurer avec un
écrivain amptci la nature a refuse ie tahmt d'être qu'it
ce
voudrait bien être, un ebiouissant sophiste, et. qui,
par ia
pensée et l'expression, appartient aia dernière classe des
auteurs, a cette classe qui ne laisse derrière elle
que celle
des folliculaires; et certainement je
me serais dispense
de cette triste besogne, si par son ton tranchant
cet au-
teur ne semblait être parvenu a se taire ranger, par quel-
ques lecteurs bencvojcs, dans la première classe des écri-
vains de l'Allemagne. Nous promettons,
en revancho, à
nos lecteurs d'éviter soigneusement, daos la suite do cet
écrit, de le rencontrer ~ur nutre chemin. Mais, pourrait-
on encore objecter, si ~ous ne saurions être légalement
obligés d'honorer dans notre cceur la postérité des grands
hommes, parce qu'il s'agit la d'un sentiment intérieur
qui ne dépend pas de nous; peut-être n'est-H
pas impos-
sible d'admettre l'oldigation de leur rendre corHunes
marques ('xterieures (te respect, qui sont certainement en
notre pouvoir; les autres peuvent. L'trc juges de l'ac-
complissement de cette obngation.–Sinousdeinandions
a quoi servent des marques extérieures de respect, dont
il est. impossible de savoir si elles ont ou non leur source
dans un sentiment de respect in~ricm', il n'est guère
présuma!~ que nos noht''s tettondraicnt t KHes nous
eruretiennent au moins dans ccHc dcucc iHusion (me vous
nous honorex, bien que pcu~H'c vous nous mc~t'isicz au
tond du cœur.~ –On ne saurait assigner (t'antrc nn !'t ces
marques extérieures de respect, sinon que, connue H peut.
y en avoir d'autres
disposes à honorer les nobles pour
leur seule noblesse, nous nu les troublions pas dans cette
bonne disposition. Si /io~ ne voulons pas les honorer, nous
ne devons pas non plus vouloir détourner, par nos façons
d'agir, ceux qui seraient peut-être tentes de le )airc;
nous devons au contraire inspirer aux autres, par notre
conduite respectueuse envers les nobles, co respect que
nous ne pouvons pas leur accorder nous-mêmes. Ou
bien c'est ici une question de prudence et il s'agit de
savoir s'il est utile (lue certains rangs dans l'État soient

ces
spécialement honores, et en particulier que la naissance
rangs; mais la solution de cette question
n'appartient pas au présent ouvrage, qui traite simple-
ment dn droit, et non de l'utilité; uu bien il s'agit ici
d'une question d'équité, et l'on demande si, les mérites
dc~ grands hommes ne donnant a)eurs descendants aucun
droit notre estime, il n'est pas au moins conforme a
l'équité que nous leur facilitions~ autant qu'il est en nous,
les moyens d'être honores. Or cette question rentre cer-
tainement dans notre plan, et nous conduit en gênerai a
rechercher ce qui résume (!e ht noblesse d'opinion par
rapport a notre conduite envers les nobtes.
« .!c suis noide, a cela veut, dire souvent mes ancê-
tres ont vécu, pendant un grand nombre de générations,
dans une certaine aisance; moi-même j'y ai été
accou-
tume des mon enfance, et j'ai acquis par !a une sorte de
droit a vivre plus commodément que vous autres, qui
n'y êtes point accoutumes. –J'ai dit: souvent, et non pas
toujours; car i! y a des provinces, que je ne puis nommer
ici, où iesnobh's ont commencé bien din'éremment, et. ou
leur jeunesse s'est passée au milieu des p!us vi!cs occu-
pations, dans i'ordure et ia misère. Ou Lien–ces
paroles je suis noble, veulent dire= mes ancêtres ont
vécu dans une certaine considération parmi mes conci-
toyens j'ai étc honore a cause d'eux dans mon enfance
et dans ma jeunesse; je suis accoutume il être honoré, et
.je veux maintenant me rendre honorable par moi-même;
mais ce n'est pas non plus ce qu'elles signifient dans les
provinces ouics pères cu!tivent dans l'obscurité une petite
terre de leurs propres mains.–Si elles ont quelque part
ces deux sens, qu'en conclure? Que nous devrions hono-
rer un homme pour la considération et l'aisance dont a
joui son père, et t'entretenir a nos frais dans cette aisance?
Non sans doute. Tout ce que t'en peut dire, c'est qu'il est
plus vivement excite que nous autres a conquérir Faisance
et l'illustration dont il est accoutumé de jouir, et qu'it
doit employer toutes'ses forces pours'é!evcr au-dessus de
ses concitoyens. Sa naissance pourrait donc être tout au
plus une lettre de franchise pour son ambition soutenue
par ses talents et ses forces propres. Mais, je le demande,
a qui ces talents et ces forces supérieures qui tiennent a
la personne, ne donneraient-ils pas cette lettre de fran-
chise, même sans la naissant? Qu'il se serve, aussi bien
qu'il le pourra, de l'opinion publique, afin d'entretenir
par ce moyen une supériorité que ne lui donne pas sa
force pt'rsonncttc, nous chercherons a bon droit a rabais-
ser cette supériorité: nous sommes en guerre ouverte, et
chacun se sert de ses armes; le vaincu doit savoir sup-
porter son échec. Quand deux hommes doues de ta-
lents e~aux et d'une égale force, mais dont l'un appartient
a une famille illustre, tandis que l'autre est d'une nais-
sance obscure, quand ces deux hommes se disputent la
même dignité dans l'état, !c premier peut-il exiger que le
second lui cède la place? A-t-il le droit de lui dire tu as
moins besoin d'une place élevée que moi qui ai a lutter
contre la gloire de mes aïeux pour toi une place inté-
rieure est bien sunisante? Si c(" dernier lui répond re-
pose-toi sur les lauriers de tes ancêtres; le respect du
peuple no te manquera pas; moi, on ne m'honore que
pour moi-mcme j'ai a racheter
l'obscurité de toute ma
race, il faut que je travaille pour tous mes aïeux qui n'ont
rien fait; lui donnerons-nous moins raison qu'au pre-
mier? Pour moi, je pense qu'aucun des deux n'a raison.
Que chacun fasse ce qu'il pourra; le hasard ou la supé-
riorité décidera (le la victoire.
« Je suis
noble, » cela peut encore signiiicr mes
parents ont vécu au milieu d'une publicité qui les

en
t.

obligeait a se montrer fermes sur les principes de la


loyauté et de l'honneur. un lieu plus élevé que
les autres, ils ne pouvaient commettre aucune mauvaise
action sans attirer sur eux les yeux du monde, sans être
découverts et punis. Comme ils ne l'ont pas été, il est
a présumer qu'ils n'ont rien fait de deshonorant. Ces prin-
cipes transmis de père en fils, travers une longue série,
et devenus en quelque sorto pour la famiHc un bien héré-
ditaire, sont enfin parvenus jusque moi. n est p!us su!'

<
d'attendre de mo! une cumtuite honorable et
sans tache
que (les gens dont on ne sait pas dans quc!s principes ils
ont été élevés. C'est ainsi que nous arriverions
ce
qu'on nomme le ~o~ de !a noblesse.
Cette espèce de sentimentdc l'honncur.que !a noblesse
regarde comme son patrimoine exclusif, est
un reste de
temps et de m~urs qui ne sont ptus les nôtres elle
a pu
produire autrefois de grandes choses; mais quelque utilité
qu'elle ait pu avoir dans!e passe, elle n'en plus
a aucune
aujourd'hui; elle est dans notre monde une ctran~rc, qui
lie sait pas se tenir a sa place et la garder. Tous les
peuples nouveaux qui ont port6 dans leurs premiers
es-
sais de constitution politique Ïcur vocation
pour Fêtât de
nature, ont placé toute la vertu dans le courage et la
force. Il en fut ainsi chez les anciens Grecs, il
en fut ainsi
chez les peuplades germaines; et il
en sera encore ainsi
lorsqu'un jour les sauvages du nord de l'Amérique for-
meront des Etats. Les sentiments opères par cette vocation
étaient d'aiUcurs rcenemcnt suuïsants dans
ces simples
organisations politiques. Mépris du mensonge, de la
ruse
et de la bassesse modération a l'égard de
ceux qui sont
sans défense, générosité envers les faibles, tels étaient ces
sentiments. Ëieve, devenu homme et vieilli
au milieu des
dangers dont il avait toujours triomphé, le
cœur du
guerrier barbare était inébranlable, et il dédaignait toutes
les voies tortueuses, parce qu'i! ctait sur cle parvenir
a
son but, malgré tous les périls, en suivant la ligne droite.

1 Bl&rliebhaberei. –Fichte lui-même traduit ce mot, entre paren-


thèses, par répression française ;)o~ fr/tonncur. (j, n.)
–Des qu'un peuple s'élève a h jouissance de la paix et
des arts, ses besoins se muttiplient, et avec eux les tenta-
tions. Plusieurs chemins se présentent pour dépasser les
autres. Le sent courage ne sumt plus; il faut encore de
la prudence, de la souplesse, cle la condescendance, une
patience calme et persévérante. Le guerrier barbare aura
sans doute d'abord de !a peine a se taire a ce neuve! ordre
de choses la prudence lui paraîtra ruse !a souptessc,
platitude la condescendance, bassesse mais peu a peu il
en viendra A de meilleures idées. Qui tui garantit même
que son ms ou son petit-ms, moins bien prépare, ne sera
pas entrame au delà de l'étroite limite, et ne tombera pas
dans les vicesque son aïeul plus barbare redoutait et fuyait
déjà dans les vertus voisines de ces vices? Les fondements
sur lesquels reposait ce sentiment de l'honneur sont au-
jourd'hui arraches il n'y a plus qu'un château cle
plaisance, la où s'élevait un édifice sotide et vénérable.
Celui qui dit: je n'ai pas tait cela, donne une pleine satis-
faction a celui qui se croit on'cnse tel était le -sublime
principe de vos pères. En parlant ainsi, même quand
il l'avait fait, il lui donnait encore, d'après les idées du
temps, une satisfaction bien terrible il se rabaissait si pro-
fondément au-dessous fie lui, que la crainte le poussait a
mentir devant lui. Il était déshonore devant son propre
sentiment qu'avait ai~uis~ la pratique cle toute une vie si
son mensonge venait a se découvrir, il était marque devant
le monde et la postérité d'une nctrissure plus profonde que
toutes celles d~ vos stigmates. Kt un tel principe pourrait
encore trouver son application, aujourd'hui que l'on se
pardonne si aisément tes uns aux autres d'avoir embelli
la vérité et adouci sa rigueur, ou non-seulement un su le
pardonne, mais on l'on va jusqu'à s'en vanter Telle est
la vraie dinerence entre le sentiment de l'honneur dans
rançonne noblesse et celui de la plus grande partie cle la
nôtre: !a première lie voulait rien
la seconde ne veut pas laisser
/c
qui fût ignoble,
qu'eue fait quelque
chose de paroi!; celle-là était nere, celle-ci a trup de
va-
nité pour pouvoir l'être. Depuis qu'il
y a des cours et
des courtisans, et des intrigues de cour
une noblesse
de cour, combien reste-t-ilde famillesqui pourraient dire
qu'aucun de tours aïeux n'a eu recours a de vils
moyens,
{~ la uatierie, a !a bassesse,
au mensonge, et n'a jamais
depouiHe des ~ens sans défense pour donner a
sa maison
une partie de cet eciat qu'eHcsanichent si volontiers?
Nous savons Lien que vous êtes toujours prêts transpercer
a
quiconque prononce un mot mal sonnant pour
vous; mais
prencx-vous-cna votre siècle, si, de cette délicatesse de vos
oreIHes, nous ne concmuns pas cette de votre sentiment
morat aussi sûrement que nous t'aurions peut-être tait
au
temp~ de vos aïeux.–Jt se peut sans doute, ô rejeton d'une
noble souche, que les très honorables principes de l'an-
tique et loyale chevalerie se soient transmis jusqu'à toi,
mais ii se peut aussi que tu aies hérite de toutes les prati-
ques de la courtisanerie nous ne pouvons pas plus savoir
l'une de ces choses que l'autre. Eh bien, nous ne suppo-
serons pas ta dernière mais n'exige pas au moins que
nous admettions Ja première. Va et apis, et alors nous te
jugerons d'après toi-même.
Pourtant il n'y a pas bien longtemps encore, il y avait
dans quelques provinces des lamifiés dont il était, très vrai-
semblable de supposer la première chose, et peut-être
y

Ce mot n'est pas dans le Dt'c~'o~curc <~ ~~c~t/e~t'c /'r~e


on a-t-il encore; je veux parler de cette noblesse de
/'uerre que Frédéric Il (qui n'eut, point de cour, et dans
tes l~tats duquel, avant lui, il tt'y avait pas encore en de
cour a proprement parler. e est-a-dire de corruption (te
cour), tira de ses provinces tes plus éloignées et avec
laquelle il livra ses plus célèbres batailles. Emportantt
avec lui tout l'héritage de son père, l'ep6c et un nom
sans tacbc, le jeune homme se mettait en campagne, et
bientôt il respirait l'orgueil national qui animait les ar-
mées. !1 se formait dans le tumulte des combats accou-
tume a partager avec ses compagnons d'armes ce que
chaque jour fournissait, sa passion ne pouvait se porter
sur la possession des richesses. Tous les jours en lutte avec
le danger, il apprenait qu'il n'y en a point au travers du-
quel l'epce ne puisse se frayer un passage. Son courage lui
procurait tout; il se passait aisément des autres arts.
Ainsi la ncur des anciens temps reparut dans notre siècle,
comme par miracle.–Une telle noblesse est certainement
utile la où le courage et le sentiment de l'honneur, qu'eltc
suuit a produire, ont plus de prix que tout,– c'est-à-dire
& la guerre. Ici, et tant que les guerres seront encore né-

cessaires, quiconque appartient a cette noblesse peut ré-


clamer hardiment la préséance mais qu'il ne sorte pas de
ses limites pour entrer dans un domaine étranger.
Pour conclure enfin cet examen de la noblesse d'opi-
nion,je dirai que le préjuge en faveur des descendants
d'illustres ancêtres est un bien de hasard. Que chacun use,
le mieux qu'il pourra, désavantages que lui offre ce bien
de hasard, de même qu'il tire le meilleur parti possible
de tous les autres, l'esprit, par exemple, ou une figure
agréable, ou la force du corps. C'est un libre don des peu-
ples, comme les derniers sont de libres dons de la nature.
~8
Cela ne lui donne aucun droit; il n'en a pastneme ah
dm'cedt'c<'{)reju~e, qu'il ne saurait ol)t('nir de forcf.
Couune cette m'idesse n'est pas une propriett' et que,
d'après sa nature même, elle no saurait l'être, tout l~tat a
qui d'autres principes de prudence font souhaiter qu'elle
disparaisse, a part'ait<'ment le droit d'abolir, je H).' dis pas
cette espèce <!<: ttobicsse ('ihj-ut~HR, ce '(ui t'st. physi-
quement impossihtc l'opinion ne secommande pas,
mais !cs distin<Hcns cxtcricunjs anxtptenos l'opinion s'est
attachée jusque-là. La on l'opinion publique est encore
prononcée en faveur de la noblesse, cette abolition n'agira
que lentemcn!; si elle a~it vite, c'est que l'opinion a déjà
commence a disparaître. Dos décret de ce ~enre agissent
très efficacement, quand ils ne sont pas nécessaires, et
fort peu, quand ils le sont. beaucoup, Il y a, pour agir sur
l'opinion, des moyens plus convenables que des décrets;
et, dans le cas présent, on peut laisser ce soin presque
uniquement a ta noblesse. Je ne comprends pas com-
ment. l'État peutdel'endre a un citoyen de portera l'avenir
un certain non), ou connnf'nt il peut dcicndrc a ses con-
citoyens de l'appeler désormais df ce nom, quand ils
sont accoutumes a le nommer ainsi et qu'ils le l'ont de leur

comment il peut on bien /c


plein gré; je ne vois pas comment cela peut s'accorder
avec la liberté naturelle. Mais je Vois bien, co me semble,
aux classes jusque-là
Infcrieures de ne plus se sf'rvir de certaines désignations
a i'e~ard des classes jnsfpte-la supérieures, ou bien m~m''
permettre à tous ceux a qui cela fait plaisir de prchdrf
désormais les mêmes désignations. Que le seigneur dr'
X' dit le chevalier, ou le baron, ou le comte de Y'"
continue d'écrire son nom, comme il l'a faitjusquo~In, on
même qu'il y ajoute encore une foute d'autres noms, cela
me paraît fort peu important; mais qui pourrait faire un
reproche à l'État de permettre et de recommander à tous
les citoyens de nommer le seigneur de X'" ou le comtr
de Y'" tuut simplement M. X'" ou M. Y"\ et de leur pro-
mettre son appui contre le soi-disant gentilhomme, lors-
qu'ils useront de la permission? Ou même qui pourrait
!ui défendre d'élever au rang de nobles tous les citoyens,
depuis le plus élevé jusqu'au plus bas, et par exemple de
permettre a un pauvre pàtre de se nommer baron ou
comte, d'autant do baronies ou de comtes qu'il voudra?
La distinction disparaîtra d'elle-même, quand elle ne sera
plus une distinction, et chacun ae nommera d'un nom
aussi court qu'il pourra, quand la longueur de son titre
ne lui servira plus de rien. Une république aristocra-
tique connue, dont les maisons, susceptibles de gouverner,
en partie étaient nobles et en partie ne
l'étaient pas, éleva
tout d'un coup toutes ces maisons au rang de la noblesse.
Ce n'était là qu'une autre manière de supprimer la no-
blesse une distinction qui no distinguait plus était comme
abolie.
Une illustre origine excite dans le peuple un préjuge
favorable a ceux qui en sont descendus; c'est ce que nous
noblesse ne peut
avons appelé la noblesse d'opinion. Cette
pas être exigée e//e~<~ juridiquement-,
puisqu'il est dans
la nature de l'opinion de ne pas se laisser commander et i'
n'en résulte pas non plus de prétentions légitimes a de;,
priviléges réels, puisqu'il ne peut y avoir dans l'euet que
Un noble, qui élève des
ce qui est dans la cause môme.
prétentions de ce genre, en doit donc être débouté.-Afin
do voir cela plus clairement pour tous les cas particuliers,
parcourons maintenant une a une les
prérogatives que
revendique notre noblesse A la vérité, elle a dù, dans
ces derniers temps, en plusieurs Etats, pour des raisons qu'il
n'est pas nécessaire de développer ici, partager avec la bour-
geoisie quelques-uns des privilèges qu'elle avait jusqu'a-
lors exclusivement pussédés; mais, même dans ces États,
loin de voir dans ce cas la règle même, elle continue de
le regarder comme une simple exception et comme
une
sorte d'empiétement insoient des bourgeois sur ses pré-
rogatives. Nous ne calomnions donc nullement la noblesse,
en rangeant même ces droits parmi ceux dont elle reven-
dique la possession exclusive. Si ses prétentions
ne sontl
pas toujours satisfaites, ce n'est vraiment pas à elle qu'en
est la faute. Au premier rang de ces prétentions il faut
compter celle de posséder des biens nobles'. Il est tacite
de montrer l'origine d'un pareil privilége. Les biens
nobles sont originairement des nefs; comme la possession
de ces fiefs obligeait à servir de compagnon d'armes
au
seigneur du nef et (me la noblesse était attachée a cette
qualité, naturellement quiconque possédait un nef– et
n'était pas dcjA noble était élevé au rang de la noblesse
par cette possession même; c'est ce qui résulte des considé-
rations exposées plus haut. Mais aujourd'hui que les biens
nobles se transmettent par vote d'héritage et sont
même
vendus a des étrangers, et qu'il n'y a plus de service
militaire qui y soit immédiatement attaché, il est absurde,
si jamais quelque chose l'a été, que ce privilège subsiste
encore, surtout dans les États ou les biens nobles sont
la seule propriété territoriale.–La noblesse assure
que la
possession de ces biens est un privilège dont la conserva-
tion est nécessaire au maintien de sa condition et dont la
perte entraînerait sa ruine et sa mort il faut donc que

/<<~<'r<
ce privilège lui rapporte quelque avantage considéral)l<
comme il est d'ailleurs aisé de le montrer clairement.
Nous laissons cle côte, comme de juste, le cas oit un fils
ne veut pas aliéner le bien qu'il a hérita de ses pères;
peut-être veut-il le conserver comme fils, comme pro-
priétaire habituel, et non comme gentilhomme chacun
a le droit de conserver sa propriété comme il l'entend.
Mais un bien noble est mis en vente; la jouissance de ce
bien est sans doute mise en ligne de compte celui qui
pourra le payer le possédera. Pourquoi le gentilhomme,
qui peut le payer, aura-t-il seul le droit de l'acheter, et
pourquoi le bourgeois, qui est aussi en état de le payer,
n'aura-t-il pas également le même droit? « Le bien
noble est la manière la plus sûre et la plus avantageuse de
placer son argent, et cet avantage doit être exclusivement
réserve à la noblesse, afin qu'elle puisse soutenir son
éclat. –-Vraiment?Ainsi le même thaler rapportera plus
entre les mains d'un gentilhomme qu'entre celles d'un
bourgeois? Il aura plus de valeur dans les mains du pre-
mier que dans celles du second? Mille thalers, possèdes
par un gentilhomme, sont l'équivalent d'un certain quar-
tier de terre; mais ces mêmes mille thalers n'en sont plus
l'équivalent, quand c'est un bourgeois qui les possède?
Je ne veux pas rechercher ici ce que devient le besoin
d'acquérir la ou il est interdit précisément aux classes
du peuple qui offrent le plus d'acquéreurs de placer leur
argent avec sûreté, et c'est là évidemment le cas dans
les États où tous les biens francs sont des biens nobles
que la noblesse seule peut posséder. Je ne rechercherai
pas non plus ce que deviennent le partage des richesses

~f<~U<<'r.
et la sûreté de la propriété dans les familles oit le citoyen
est obligé cle hasarder son capital dans un commerce tou-
jours incertain, ou de le prêter d'une manière tout aussi
incertaine et à des intérêts exorbitants; mais je
ne puis
m'empêcher d'admirer la profonde politique de nos temps
modernes, auxquels était réservé le secret d'ajouter
au
si~ne universel de la valeur des choses
une valeur parti-
culière tirée de la personne du possesseur, et de faire
qu'une somme augmente ou diminue suivantqu'eile
passe
d'une main dans une autre. Cette critique ne sounre
d'exception que dans les pays qui ont des caisses provin-
ciales où ta noblesse trouve seule il emprunter, souvent a
un très faible intérêt, sur les terres nobles qu'elle achète.
L'achat des terres lui est ainsi rendu singulièrement fa-
cile, et elle ne peut manquer de devenir bientôt l'unique
propriétaire du pays. Mais c'est ta noblesse qui institué
a
ces caisses de crédit. L'argent estàetto; il doit lui être
loisible, comme à tout propriétaire, de prêter propriété
sa
à qui elle veut et aux conditions qu'elle veut, et
personne
n'a rien a lui dire A ce sujet. L'esprit de caste et un
gros-
sier égoïamo dominent sans doute dans ces mesures; mais
on ne peut pas dire qu'elles soient précisément injustes.
Au moins dans ces Ëtats les bourgeois restent libres
d'acheter des biens nobles, iarsqu~vec leur argent
comp-
ils
tant peuvent contre-balancer le crédit de noblesse.
Il est toujours injuste d'interdire absolument cette espèce
d'achat.
Mais la possession des biens nobles entraîne d'autres
priviléges, dont la noblesse est très jalouse et qu'elle
ne
laisserait pas volontiers tomber entre les mains des bour-
geois.– Recherchons donc sans détour quels sont
ces
privilèges mêmes, afin de voir de quel droit le
possesseur
(le ces biens, qu'il suit noble on uott, y peut préleudn'
Noustrouvonsd'al)orddcsdroitssur/ducultivateur:
tes corvées déternunées ou indéterminée les droâs de
etd'autn'ssetnbtables.~ous n'en
passade et de pâturage,
rccl~rciteronspas l'origine /<
q~aud même nous dé-
couvririons (pl'eMe estillé~time,on n'en pourrait encore
rien conclure, puisqu'il seraiL sans doute nupo~ib~ cle
retrouver les \'ra~ descenttantsdcs p!'<!tnici's u~prc~urs
et ceux des premiers opprim~c~
d'indiqticr cc~dertuers
t'itummc au<;nci ils devrait s'en prttndrc. Il t:~ ~i~
d)j monH'(M' ro~cyM/deccsdrot~. Lc~ ch:nnp~
sont qu'en par~G ou ne sont pas du tutu ta pro-
ou ne
pne~ du cuttivateur; et cetui-ci t~ye k's iut~'o~, ~~d~
caphai du seigneur, capital qui rcp~e sur champ
.onunc MM~c
('n ~<yf/~ cow/)~
mais eu ~c-~ et en
qu'it abandonne au seigneur sur te t~'rain qu'il pusscd~
~t'
(1), soit du bien tout entier, uuu pus

prérogatives n'auraient pas


ou qu'it loue. Quand ces
existé ainsi à rori~ine, paria ven~ des biens nohies «u de
ceux de paysan, tout revient
bientôt au même. est na-
turel que le paysan paye d'autant 'no'ns pour sa portion
de bien de paysan, que les char~s qui y sunt attachées
donneraientt davantage en caph:d, si on les cotuptan
de biens
comme intérêts en argent, et que possesseur
nobles paye d'autant plus pour sa portion de biens nobles,
jobii~e le paysan rapportent
que les services auxquels elle
davantage, comptés comme capital; d'ou il suit que ce

/!cc/t~t<~prt<n~.
Uou de dire qu'on
(i) Cononc tout le uio~dc ne sait pas cela, il est
appetic ~uc~ <~ ~r (~r .S'u~) capital qui repose ~ur u«e
propri~hc, t~s suus
terre et dont nn certaiu M~t doit être puyë au
<~te le capital puisse jamais
être remboursa
propt'iL'taire a payé pour un cajtital (jui repose
<-<; paysan
sur son bien, et qu'il a le droit (t'exiger !e payement des
intérêts. Il n'y a donc rien a dire <~ soi contre la légiti-
mité de cette prétention, et œ l'ut certainement
un grave
attentat contre te droit (te propriété que la conduite de
ces paysans d'un certain Ëtat, qui, il y a quelques années,
voulurent se soustraire a ces services par la violence et
sans le moindre dédommagement. Cet attentat ne ve-
nait d'ailleurs que de leur ignorance et de celle d'une
partie de la noblesse à l'endroit de la légitimité de
ses
propres prétentions;~ on y aurait remédié d'unemaniére
beaucoup plus convenable et plus philanthropique,
au
moyen d'une solidectclaire instruction,
que par de ridicules

cés.–Mais il y a beaucoup a dire contre la ~c


dragonades (1) et par la peine infamante des travaux l'or-
dont
se payent ces intérêts. Je ne veux pas parler des inconvé-
nients généraux des ~'M'~ après toutes les
représentations qui ont été prodiguées en pure perte de-
puis si longtemps, ou n'est guère tenté d'en dépenser de
nouvelles. Je ne parlerai pas non plus de la perte de temps
et de l'orccs, ni de l'avilissement moral qui résulte
pour
l'Etat tout entier du ~p/Mc co/'u~. Ces mêmes mains
qui travaillent aussi peu que possible, à la corvée,
sur la
terre du seigneur, parce qu'elles travaillent a regret, tra-
vailleraient autant que possible sur leur propre terre. Un
tiers de ces travailleurs a la corvée, si on leur payait
un
salaire raisonnable, travailleraient plus que tous réunis
et travaillant a contrc-cceur. L'Etat aurait gagné ainsi

(I) paysans, at'tn<!s de faux et de fourches, auraient presque


M Les
rcpouss<! la courageuse attaque; mais le lieutenant N. M~e~ ~o~.
nettr des an~ f~ M ainsi parle un pompeux historien de cette
gtorieuse campagne.
deux tiers de travailleurs; les citamps seraient nneux
cultives et de plus cle rapport le sentiment de la servitude,
qui dorade profondément le paysan, les plaintes (;ue son
seigneur et lui se jettent réciproquement a la tête, le
mécontentement de son tout cela disparaîtrait, et
bientôt il deviendrait un homme meilleur et son seigneur
avec lui. Je vais directement au principe, et je de-
mande d'ou vient donc le droit de vos souches de fer? Je
vois bien qu'elles sont faites pour le plus ~rand avantage
de ceux qui possèdent quelque chose, et particulièrement
cle la noblesse (mi les a inventées; mais il ne s'agit pas ici
de votre ~M~c, il s'agit de votre droit. Votre capital
ne doit pas vous être enlevé cela va de soi-même. Nous
n'avons pas même le droit de vous contraindre a en ac-
cepter le remboursement en argent comptant. Vous êtes
en quelque sorte les copropriétaires de notre bien, et
nous ne saurions vous forcer a nous en vendre votre part,
si vous ne voulez pas la mettre en vcntc~Soit! Mais pour-
quoi ce bien unique est-il donc nécessairement indiv~
sible, et pourquoi faut-il qu'il reste un bien unique?
Si votre copropriété et la singulière façon dont vous la
gérez ne nous conviennent plus, pourquoi n'aurions-
nous pas le droit de vous rendre votre part? Si je possède
deux quartiers de terre, et que je n'aie payé que la moitié
de leur valeur, parce que la seconde moitié doit rester
comme votre capital de fer,–la moitié de deux quartiers
ne fait-elle pas un quartier? J'en ai donc payé un, et le
second est à vous; je garde le mien, reprenez le votre.
Qui pourrait blâmer cette conduite? -Il vous est très in-
commode de le reprendre? Soit! S'il me convient de le
garder, faisons, pour le règlement des intérêts, un nou-
veau contrat qui ne soit plus seulement avantageux pour
vous, mais qui le soit aussi pour moi. Si nous sommes
d'accord, cela est possible. Têts sont les principes (te
droit d'en l'on peut tirer divers moyens de supprimer,
sans
injuste et sans attenterau droitde propriété, le système
oppressif des corvées, si seulement l'état
en a !a ferm~
inteniton, si ses objections r~e sont pas de simples
faux-foyants,– et s'il ne profère pas secrètement l'intérêt
de quciques priviiégiés au droit et~) l'intérêt de tous.
Pour appliquer ce même principe au cultivateur, qui
n'a pas la propriété de son bien, mais qui en a bue au
seigneur {'usufruit, it est bien évident qu'it a parfaite-
ment. le droit de rendre !e bien, quand les corvées qui y
sont attachées lui semblent injustes ou oppressives. Le
propriétaire veut-il répondant que son bien reste entre
les mains du cultivateur, qu'il traite avec lui jusque
ce
qu'ils se -soient mis d'accord.
Mais non, dit!e droit traditionnel,– te cultivateur, qui
n'a pas la propriété du soi, appartient mi-même au soi
il est tui'.meme une propriété du seigneur; il
ne lui est
pas ioisihie de quitter ce bien comme il !c veut; ie droit
du propriétaire du bien s'étend jusque sur sa ~<?~o/Me.
C'est la négation du droit de l'humanité en soi c'est
l'esclavage dans toute la force du terme. Tout homme
peut avoir des droits sur tes choses, mais nul ne saurait
avoir de droit irrévocable sur la personne d'un autre
homme chacun a la propriété inaliénable de
sa propre
personne, comme nous l'avons suuisamment montré dans
cet écrit. Tant que le serf veut rester, il le peut; s'il veut
s'en aller, le seigneur doit le laisser partir, et cela en vertu
de son droit. Ce seigneur ne pourrait pas dire J'ai payé,
en achetant le bien, un droit de propriété sur la per-
sonne de mes serfs. Nul n'a pu lui vendre un pareil
droit, car nul ne l'avait. S'il a paye quelque '-hose
cela, il 6t'~ trompe, et c'est A l'acheteur qu'il doit
pour a
s'en prendre.–Qu'aucun État ne vienne donc se vante!'
de sa civilisation, tant qu'il laisse subsister un droit
aussi

indigne de l'homme, et que quelqu'un a conserve 1<;


droit de dire a un autre: ~M~'<~ (~).
Parmi les prorogatives que la noblesse voudrait possé-
der exclusivement, et qu'oue voit a contt-c-cccur entre les
mains de lu bourgeoisie, il faut ranger toutes !ns hautes
positions dans le ~rvernement et dans rurm6o. U n'y a
t'Ëtat qui soit une pure laveur,
pas de fonction dans
vainc pa-
pourvu qu'eue soi! une fonction reette et non une
rade, qu'cHe ait été établie pour le besoin de
pourvu
t'Ëtat, et. non dans l'intérêt cle celui qui en est revêtu;
c'est une lourde charge que l'État place sur les epautes de
l'un de ses citoyens. Plus cette fonction est importante,
plus est évident le droit qu'a l'État de veiner la nomi-
nation de celui qui doit la remplir; plus est mre la reu-
nion des talents qu'elle exige, plus doit être large le cer-
cle où il devra choisir; ou, s'il n'exerce pas directement

(<) Deux Ëtats voisins avaient conclu un traité par


icquei iiss'cn~"
geaientasc rendre réciproquement ies soldai qui auraient (léserté. Dans
les provinces qui servaient de !in)itea a cc.s deux
~ats existait ie ser-
(lu pi'y~n. !t arrivait paUbia
vage, ie droit de propriété Sur la personne
qu'un malheureux, pour échapper à t'inhumanité de son
seigneur,
franchissait la frontière il était libre, d!"< qu'i! t'avait
tonchôe. Cela
États s'emprcMe-
était ainsi depuis tongtemps. l.es seigneurs des deux
qui avait
rent d'étendre le traité aux paysans. Un serf, entre autrca,
quitté le pays pour avoir dérobé une couple de grappes de
raisin, fut
livré par FEtat voisin, et mourut des suites des coups de
bâton qui
huèrent arbitrairementadtninian'és et cela se passait, ii y a qud-
(juei)années, dans un ~t qui se donne pour le pius ëelairé de l'Alle-
magne 1
le droit de choisir, mais par l'intermédiaire d'un reprc-
sen!ant, H a {dcincment le droit d'exiger que ce choix
nu
soit borné que par le nombre des citoyens. –Mais, dira-
t-on, ne pourrait-on établir un cercteplus étroit d'hommes
choisis parmi iesquets prendrait les p!us importants
on
fonctionnairesde ri!tat? Je reponds:
sans cloute ce!a
peut être, et cela aurait <'n outre des conséquences très
avantageuses en rendant !c choix plus facile et Ja nomina-
tton plus prompte, quand il s'agirait (le pourvoir
aux fonc-
tions vacantes; mais, dans ce cercle même, qu'est-ce
donc qui devra déterminer le choix? Ce
ne sera pas la
naissance, si l'on consulte le véritable intérêt de i'Ëtat;
car sur quel principe se fonderait-on pour établir qu'avec
une égate culture d'esprit, et tel est évidemment au-
jourd'hui, dans la plupart des Ëtats, le cas de la meilleure
partie de la bourgeoisie comparée a la noblesse, tes
hommes de talent et d'honneur
ne peuvent. sortir que de
certaines maisons, et que les descendants de
toutes les
autres familles sont, auprès des premiers, de faibles
esprits et des cœurs vulgaires? Parmi les défenseurs
de la nohlesse, personne jusqu'ici, du moins ai
con-
naissance, n'a poussé l'impertinence jusqu'à soutenir
pa-
reille chose. Le choix dans ce cercte restreint de citoyens
choisis et destines aux plus importantes fonctions
de
t'Htat, ne pourrait donc se fonder
sur rien autre chose que
sur !'habi!ete et la fidélité éprouvées par des services an-
térieurement rendus à PËtat dans des fonctions
moins
importantes, et nous en reviendrions a
notre première
maxime touchant la nomination des fonctionnaires.
Toute
fonction plus étevce devrait avoir été méritée
loyale et habite gestion des fonctions inférieures.
par une
Ce droit
qui appartient. à PËtat de choisir les plus capables
pour
l'exercice de ses fonctions publiques, et de les tirer, sui-
vant sa conviction, du lit fouh' entière de ses citoyens,
aucun Statue l'a abdique, et aucun n'a pu l'abdiquer sans
aller contre son but et sans se détruire lui-même.–Mais
que tait donc une caste d'hommes qui s'attribuent exclu-
sivement la capacité d'être choisis pour ces fonctions?
Admettonsque cette caste choisisse en toute conscience le
plus digne de ceux qu'eue renferme, il ne suit de la ni
que cet homme soit en général le plus digne entre tous
les citoyens de l'Etat, ni que, même dans sa caste, il
paraisse le plus digne aux autres citoyens. Si cette caste
constituait seule la somme de tous les citoyens n'unis, sa
conduite alors serait légitime; mais elle se conduit comme
si elle formait a elle seule toute la somme des citoyens,
et par conséquent l'État. Que sont donc les autres ci-
toyens? Évidemment un État distinct subjugue et arbitrai-
rement gouverne par le premier. Un tel privilége ne fait
État dans l'État, un État
pas seulement de la noblesse un
ayant un intérêt distinct de celui des autres citoyens il
anéantit même absolument, dans la série des citoyens, les
autres classes du peuple il leur enlevé leur droit de ci-
toyens, et les transforme, dans leurs rapports avec ces
fonctions publiques où nul d'entre eux ne peutétre nomme,
en esclaves arbitrairement gouvernes. Qu'est-ce donc
qui est injuste, si cela ne l'est pas?
~ous ne calomnions point la noblessc.~vouloirqu'on

citoyens e/
choisisse uniquement dans son sein, vouloir fournir les
c'est là sa prétention immédiate;
vouloir choisir elle-même, vouloir fournir aussi les
citoyens électeurs, c'est une conséquence qui résulte
directement de cette prétention, dès qu'elle est satisfaite.
Qui donc nomme aux plus hauts emplois de l'État? Qui
donc pourvoit aux postes vacants? Les princes qui con-
naissent leurs ~ens par eux-mêmes sont rares. Il leur
serait impossible, mcsseant et même préjudiciable de
pénétrer dans le détail des diverses branches de l'admi-
nistration de l'Etat, de connaître exactement et d'observer
les membres intérieurs des corps publics. 11 l'aut qu'ils en
abandonnent le choix. aux membres supérieurs, lesquels
sont capables déjuger de l'aptitude de leurs subordon-
nes. ~i ces membres supérieurs sont nobles, et s'ils
sont animes de l'esprit de caste propre a leur ran~ il~
écarteront de toutes les positions, ils </<~< en écar-
ter, d'après leurs principes, quiconque n'est que bour-
geois, tant qu'il y a nn noble qui les désire. La noblesse
est, a cet e~ard, son propreju~c; et, a mesure qu'au~-
tn''nte le nombre des nobles qui ont besoin des revenus
des l'onctions publiques, le cercle des nobles positions
s'élargit au ~rc de la noblesse. C'est ainsi, par exemple,
que dans quelques Etats la noblesse s'est depuis peu em-
parée des places de maîtres de poste et des plus hautes
positions de i'E~lise protestante, lesquelles jusqu'alors
avaient été laissées à la bourgeoisie. Quelle est dune ici
la limite de la noblesse? Elle n'en a pas d'autre que celle
de ses besoins. Et quelle est sa loi? Uniquement son bon
plaisir. ~'il y a encore des places données a de simples
bom'~jois, ils ne le doivent qu'~ ce bun plaisir. Plus lu-
cratives et plus honorables~ elles n'arriveraient pasjus-
qu'& eux. –Je n'avance ici rien de nouveau, rien qui
ne
soit prouve par l'expérience de chaque jour. Y a-t-il une
place de conseiller vacante dans le département du gou-
vernement,de la justice ou des finances ncul'fois sur dix
au moins c'est un noble qui l'obtient. Et comment se
ferait-il donc que dans le nombre trois ou quatre l'ois plus
considérable des bour~ois ~p~i ont travaille ta moitit'' de
leur vie dans ces fonctions en qualité du secrétaires, il
lut si rare d'en trouvât' un capable de les occuper, tandis
qu'un en trouverait si aisément dans le nombre l)caucoup
plus peut. des nobles secrétaires qui n'y <mt travaille tnm
peu lie temps? l~st-ce que tes places ne seraient pas don-
nées d'après ta mesure de la capacité ? Aussi bien des
nobles conséquents ne mettent-ilspas cette re~le en avant
ils soutiennent qu'eues ~uc/~ ctt'e données d'uprus ia
naissance, et c'est justement ce qui nous sépare je sou-
tiens que toute ibnction dans l'Etat doit être donnée
d'après la supériorité du mérite< Ne me dites pas que
le bout'ois, arrive aux phts hauts eruptois pubncs, se
laissera dominer il son tour par l'esprit de caste, et uu'it
cherchera il élever des bourgeois l'exclusion des nobles
plus dignes, par cela seul que ce sont d'~s bourgeois. Je
ne sais pas s'il ne le icrapas; je n'en voudrais pas ré-
pondre. Mais d'où vient donc cette séparation entre les
deux classes et cette partialité des deux côtes, sinon de
vos prétentions antérieures, que je poursuis précisément
ici? S'il n'y avait jamais eu ni nobles ni bourgeois, si les
uns et les autres n'avaient jamais été que des citoyens, ni
le noble ni le bourgeois ne pourrait pretercr son égal,
puisque ~s seraient ses égaux.
Il y a là une injustice directe envers l'Ëtat. Je veux
montrer, sans y insister, une autre injustice indirecte,
qui resuite de cet état de choses.– Celui qtti s'applique
à une branche des anaircs publiques, recevant un salaire
souvent miserabtc et qui est le même pour lo fonction-
naire actii et pour celui qui ne l'est pas, est trop peu sti-
mule a consacrer toutes ses forces a son emploi. Il faut
mettre en avant un mobile plus puissant; il faut que
chacun voie briller devant lui, au-dessus de la place qu'il
a ohtenue, une position plus élevée, qui sera le prix des
services qu'il aura rendus dans celle qu'il occupe mainte-
nant. Mais, quand te bourgeois s'est élevé aussi haut. que
la constitution lui permet de monter, truelle position plus
élevée voit-il devant lui? S'il n'est pas stimulé par de p!us
puissants mobiles. par la vertu désintéressée et l'amour de
la patrie, mobiles auxquels un bourgeois n'est pas plus
sensible qu'un noble, l'Etat perdra, outre le surplus des
forces de la noblesse, laquelle est en tous cas assurée de
son avancement par sa naissance même, cette somme
de forces que notre bourgeois pourra bien se dispenser
d'appliquer a ses fonctions actuelles.
Cela n'est nulle part aussi évident que dans le service
militaire. S'il y a quelque part une noblesse capable
de montrer dans sa famille, comme un bien héréditaire,
les sentiments rudes peut-être, mais puissants, de l'an-
cienne chevalerie–qu'elleait exclusivement droit, dans
les Etats militaires, aux places d'oniciers Que si la vie de
cour, une connaissance superficielle des sciences et. peut-
être même le commerce ont enlevé a l'esprit cle la noblesse
son ancienne puissance et lui ont donné une souplesse
qui la place sur le même rang que la bourgeoisie,–qu'elle
conserve cette fonction sublime, mais qui exige peu de
rénexion.de manœuvrer, à droite ou à gauche, de se faire
présenter les armes, ou, quand il s'agit de choses plus sé-
rieuses, de tuer ou de se faire tuer. Peut-être le bourgeois
lui cédera-t-il volontiers et sans envie ce privilège en
échange de fonctions plus importantes auxquelles il s'est
préparé par une plus forte culture. Mais admettre le bour-
geois a la profession des armes et lui interdire toute
es-
pérance de s'élever aux grades supérieurs, comme ceta
États, c'est, dans la constitution
a lieu dans plusieurs
toute particulière de cette profession, quelque chose de
souverainement absurde. Était-il possible a l'esprit te plus
inventif d'imaginer un t~lus profond abaissement de la
bourgeoisie, que de lui persuader qu'on l'égalait a la
noblesse dans ce que celle-ci croit avoir de plus saint,
tandis qu'on ne la plaçait acôt<~ d'elle que pour lui donner
le perpétuel spectacle de sa propre bassesse? que d'obli-
subordination s'étend a
ger, dans une profession où la
tout, le capitaine bourgeois commander a un enseigne
ou a un ncutenant noble et a répondre de sa conduite,-
alors que tous deux savent trcs bien que, quelques années
plus tard, le noble sera le supérieur ou le général du
capitaine bourgeois? Dans un état qui exige des sacrifices
l'honneur seul peut payer, conuncnt le bourgeois qui
que
est arrive au but le plus élevé se
sentira-t-il encore encou-
rage il renouveler ces sacrifices ?
Mais il faut aider la noblesse, repctc-t-on; et c'est pour-
quoi nous la trouvons dans les places qu'elle occupe ex-
clusivement et dont la possession suppose une preuve de
noblesse. Deux mots encore, avant de finir.sur la question
de savoir pourquoi et jusqu'à quel point il faut lui
venir en aide 1 -Après avoir montr6quc, si l'on doit lui
venir en aide, ce n'est pas en lui attribuant la possession
exclusive des places qui exigent des talents supérieurs,
cherchons maintenant ce qui reste encore pour l'aider.
Nous rencontrons d'abord Ics~ce~e c/M/~6', dont un
nombre détermine' ne peut être occupé que par la no-
blesse. Je ne parle ici que des fondations protestantes.
Quant aux fondations catholiques, dont les membres sont
de véritables ecclésiastiques, j'en dirai ce qui est neces.
saire dans le chapitre suivant.- On np saurait dire pre-
19
cisément qu'il y ait besoin de talents particuliers po
occuper eu ~enre de jdaces; ce n'est, dune pas par cette
raison que l'un peut conteste!' A la noblesse tu droit de les
posséder exclusivement, comme op peut. le taire pour l~s
hautes foncions de l'Etat. Mais pent-ctreyen a-t-il d'autres.
Quand on remon~ a l'origine de fondation de pt't~
que tous les ~raud~ ~tapitr~, '4 'nêu)p c)c ~us, dat~
rAHeînagnc pru<.es~tt.e,–on tronv~ quu (eur unique hu~
jetait ~entretien des hounnes charnus dp rinstructjou et
de la cuiture du peup~–etcn c~ia un avait jcvidemmunt
en vue le bien de
f~taL ~ous n'ayons point ici cher-
cher de qui. venaient tes bien~ qui ~ryircnt a ces funda-
tions. La plupart étaient )e i~t du conquérant qui avait
tait vioiencc au droit de propriété; ou hien~ dans~'un
temps ou il n'y avait pas enopre d'Etat nxe et de droit
d'hérédité déterminé, ils n'avaient pas eu de propnetairc.
Il sutïit qu'Hs ne tassent point partie des biens de la no-
biesse, qui at.ors ne formait pas encore une classe parti-
cuhére dansFi~tat, a moins que toute spoliation ne lui
appartienne de droit –et qu'il (l'y ait pas a craindre de
les voir réclamer par les anciens et légitimes propriétaire~
Du par leurs descendants, qui ne pouvaient pas hériter
avant l'étabhssement du droit d'hérédité: –ils ont été
donnés pour le bien de l'état à l'Etat lui-même, et par
jconséquent ils sont devenus légitime propriété, c'est-
A-dire celle des citoyens réunis.–De profondes ténèbres
se répandirent sur les nations, et l'i~Iise, qui est tout
autre chose que l'État, et qui, parce qu'eHerépandajf par-
tout les ténèbres, se croyait l'institutrice d" peuple s'cm''
para de cette propriét.é. ~a déformation, qut dé~ru~it
l'Mc, dans le vrai sens de ce mot, dont nous e~p)j-
querons plus tard la si~nincatton,– la rendit l'état, ~Qn
premier et légitime propriétaire. Sans doute l'État avait
le droit de disposer de sa propriété. Soit qu'il pût
désormais s'en passer pour atteindre son but originaire,
il voulut
ou qu'il eut des fins plus prochaines auxquelles
rappliquer, il était sans doute lu maître d'en. disposer à
est-elle
son gré. Mais comment donc une seule caste en
venue & posséder exclusivement ce qui était la légitime
propriété des citoyens réunis? Les citoyens exclus ont-ils
été consultés sur les dispositions A prendre à cet égard?
Ont-ils volontairement cédé leur part a cette caste? N'ont-
ils eu de plus grand souci que d'enrichir cette caste?
Nullement. Mais la noblesse s'est conduite comme si elle
était seule tout l'État, comme si en dehors d'elle il n'y
av'nt plus.personne. 0~ conduite soit injuste et
inadmissible, et que les citoyens exclus aient le droit in-
contestable d'exiger que l'on remette le tout a la délibé-
ration commune, c'est un point sur lequel il ne peut plus
v avoir le moindre
doute après tout ce qui a été dit jus-
qu'ici dans cet écrit.
i~ –je vous prie, ces biens sont-ils donc tellement inu-
tiles a l'État tout entier, se trouve-t-il donc dans un si
grand embarras sur l'usage en taire, que, pour s'en déli-
vrer, il soit obligé de les laisser A cette caste comme un vain
ornement? L'État n'a-t-il donc pas de besoin plus pressant
noblesse? Est-il
que de faire dire de lui qu'il a une riche
vrai même qu'il n'en ait plus besoin pour atteindre son
but originaire? Tant qu'il y a des instituteursqui, pour prix
de l'enseignement direct qu'ils donnent au peuple, lan~
guissent dans la plus accablante misère; tant qu'il va
dessavantsquisont misérablement récompensés, ou même
les services qu'ils ont rendus
ne le sont pas du tout, pour
moyen à l'instruction du peuple
aux sciences et par ce
tant que des entreprises importantes pour le développe-
ment des connaissances humaines demeurent suspendues,
faute d'appui; comment la noblesse peut-elle être assex
éhontée peur vouloir appliquer ces Liens au maintien d<'
son rang? Telle est la vraie destination des revenus des
grands chapitres d'abord le paiement convenable des
instituteurs du peuple; puis, s'il reste quoique chose, les
récompenses accordées aux savants et les secours donnés
aux sciences. Il y a encore lieu, ce semble, de les employer
de cette façon.

sède exclusivement, ce sont les c/


La seconde classe des prérogatives que la noblesse
pos-
co~ Ou bien
ces charges sont fondées uniquement pour donner satislac-
tion à l'opinion, et il est tout. simple que l'on en investisse
des créatures de l'opinion ou bien elles répondent à
un
besoin réel, et non pas seulement imaginaire, du prince:
elles lui donnent un entourage et des amis; ou ctuin
ceux-ci croient, précisément parce qu'ils sont ses amis,
avoir indirectement beaucoup d'influence sur le gouver-
nement de l'Etat. Dans le premier cas, il n'y a pas de
citoyen, noble ou non, pour peu qu'il sente sa valeur,
qui puisse envier le sort d'un homme qui se rabaisse
au
point de concourir à l'éclat d'une cour en qualité de simple
ornement, et de jouer un rôle qu'une machine à paroles,
bien réglée, remplirait peut-être encore mieux. Mais si
les citoyens réunis s'élevaient assez haut pour pouvoir
se passer de cette comédie et pour vaincre toute fausse
honte en présence des autres États qui la leur donnent
ils ont sans doute le droit de demander pourquoi ils entre-
tiendraient plus longtemps toute cette pompe,
au prix
de sacrifices considérables. Ils ont sans doute le droit,
non-seulement d'abolir le privilège qu'a la noblesse d'oc-
cuper exclusivementces places, mais encore du tes suppri-
me!' elles-mêmes.
Quant au second but de leur établissement, le prince a
très certainement, aussi bien que tout autre, le droit de
choisira son gré ses amis et son entourage dans la société
humaine tout entière. Si son choix tombe sur des hommes
qui se trouvent être nobles, ou même s'il a le goût assez
bizarre pour vouloir que ceux qui font partie de sa société
comptent une longue série d'aïeux, personne ne peut le
lui reprocher, de même qu'il ne peut reprocher à per-
sonne de choisir des amis à son gré. Qu'il se fasse des
amis comme on se fait des amis, ou bien qu'avec sa for-
tune privée ou avec l'argent que lui donne l'État pour ses
besoins personnels, il s'achète des compagnons ou des
natteurs, en telle quantité ou de telle qualité qu'il le
voudra ou le pourra, cela ne regarde ni l'État ni aucun
citoyen. Mais si le bourgeois n'a pas le droit de se
plaindre, quand il plait au prince de ne choisir sa société
(lue parmi les nobles, le noble n'est pas davantage auto-
rise a l'empêcher d'admettre de simples bourgeois dans
d'Etat. La volonté
sa société, et a lui en faire un crime
du prince est libre à cet égard, et il n'est pas plus permis
de la limiter. 11 e~t
a l'une des parties qu'à l'autre
étonnant que la noblesse ne se soit pas aussi réservé ex-
clusivement la place de bouffon du prince, qui a une
certaine époque était assez importante dans la plupart
des cours; peut-être trouva-t-clle celles de maréchal de
remplir, et fallut-il,
cour ou de chambellan plus faciles à
première, cher-
pour rencontrer les talents qu'exige la
cher dans un cercle plus large que celui de la noblesse.
En tous cas, il n'est pas à son honneur de n'avoir pu rem-
plir assez bien les heures de récréation du souverain fa-
ti~ué des soins du gouvernement, pour le dispejnser de
recourir un pareil moyen.
Enfin ta noblesse revendique le droit de tonner exclu-
sivement la société (lit prince, parce qu'il est important
pour !e pays qu'il soit entouré de gens bien pensants. Si
cc!a était exact, il faudrait en conclure tout juste con-
traire de ce que la noblesse veuten déduire. Alors,enenet,
la qualité d'ami (tu prince figurerait parmi les services
publics les plus importants, lesquels, d'après les principes
établis plus haut, doivent revenir aux hommes les plus
considérables et les meilleurs, non-seulement de la no-
biesse~ mais de la masse entière des citoyens. Mais, je le
confesse d'avance et l'on ne tardera pas d'ailleurs a le voir
chèrement, j'ai peu de ~oùt pour un prince dont les bons
principes et le bort vouloir ont tarit d'importance, et qu'il
faut préserver, comme un enfant; cle toute mauvaise in-
fluence. C'est /<r qui doit gouverner par !e prince, et
il faut qu'il y soit hu-meme assujetti, Il ne doit rien pou-
voir taire de ce qu'etic ne veut pas, et il doit pouvoir l;tire
tout ce qu'elle veut, soit que, comme Dieu t'exige, il la
porte dans son cœur, soit qu'i! morde !e frein qui le re-
tient et le dirige. Le prince; comme prince, est une ma-
chine animée par la loi et qui sans elle manque de vie. En
tant qu'homme privé, <7 peut ou la société peut s'occuper
de son caractère moral; l'État ne s'occupe que du carac-
tère de la !oi< Le prince n'a pas de société; l'homme privé
sèul eh a une.
H ne nous reste donc en général aucun moyen légitime
de venir en aide à la noblesse. Mais pourquoi donc faut-il
lui venir en aide? Il ne sert & rieh de dire qu'elle a de
légitimes prétentions cofnme noblesse, c'est-à-dire
1
comme partie actuelle du peuple déterminée par la nais-
existence même dépend de la libre volonté
sauce car son
l'État de céder toujours
de l'État. Quelle oldi~atiou a donc
exigences? Si cite lui devant a citar~e, il la sup-
ses
prima elle-même, et se trouve ainsi débarrasse de toutes
prétentions; car ce qui n'est pas ne saurait avoir de
ses
prétentions. La noblesse supprimée, aucun autre corps
privilégie nR ponn'fut taire valoir a sa place de /~Y~~
nnpres de l'État; car, avant d'élever des pré-
tentions, il faut être, et il ne pourrait être sans l'agrément
de l'État. La question n'est donc pas en général une ques-
tion de c'est une question de ~e~ et l'on peut
Ë~ ~'<7 </ ~e
OM ~<?~ /C
la formuler ainsi

~'C/ classes ~M~ 7'<ï~0~ de


soient ~O~~ /<?.«
~0! ~)' <<
considération èt de /~<~
~ps ~M
<?~M;
~?
~~ï~
/c ~p
et, ~!7 P~ est
y~p/& ~/)</ey!.s
~9 le
<~ ~~p~'
et
~N~

La réponse à cette question


c~

n'appartient pas nu présent livre.


CHAPITRE Vi.

DE L'ÉCUSK, PAR RAPPORT AU DROIT DE RÉVOLUTION.

La diversité et le changement sont les caractères du


monde corporel; l'uniformité et l'immutabilité, ceux du
monde spirituel. Lcihnitx amrmait et prouvait, par le
temoi~na~c des yeux, qu'il n'y avait pas deux feuilles
d'arbre exactement pareilles il aurait pu ajouter hardi-
ment que la même feuille ne demeurait pas deux secondes
de suite semblable a elle-même; et, d'un autre côte, ce
même Leibnitx prétendait a juste titre que cotte affirma-
tion et toutes ses assertions métaphysiques devaient avoir
la même valeur pour tous les esprits pensant juste.
Parmi toutes les opinions possibles sur un même objet,
il n'y en a qu'une seule, au jugement de tous, qui puisse
être la vraie; et celui qui croit l'avoir trouvée amrme que,
de tout temps, depuis le premier esprit jusqu'au dernier,
quiconque le comprend et saisit les raisons de son asser-
tion doit nécessairement s'accorder avec lui. On peut se
tromper de diverses manières; mais la vcrite est néces-
sairement une elle a été la même de toute éternité, et
de toute éternité elle demeurera la même. La justice ou
la t;~c~/i:c' est une aussi; et cette vérité, qui est
de toutes la plus importante pour tout esprit libre, est si
peu profondément cachée, que les hommes s'accordent
bien plus aisément sur l'universalité et la nécessité de ses
principes en général et sur les propositions particulières

Recht oder ~r~~c/t ~o/<r.


qu'ils un tirent que sur les vérités t!téuï'éti(tues. La re-
connaissance de cette vérité, a laquelle il leur est dimcite
de fermer les yeux, détermine eu eux certaines espf-
rances, certaines vues, certaines prétentions, dont on ne
trouve pas la moindre trace dans le monde des phéno-
mènes, et dont ils ne peuvent démontrer la valeur ni a
eux-mêmes, ni aux autres, comme ils le feraient pour nu
théorème mathématique. Pourtant ils tiennent pour cer-
tain que tous les esprits raisonnables doivent s'accorder
avec eux à ce. sujet; et c'est là ce qui produit l'idée,
peut-être universelle, bien qu'elle ne soit pas toujours
clairement conçue, d'une Eglise invisible, c'est-à-dire
d'une réunion de tous les êtres raisonnables au sein d'une
même croyance. Mais cette Église invisible n'est elle-
même qu'un objet de croyance, et le fondement de tous
les autres articles de foi n'est à son tour qu'un article
de foi.
Comme quiconque a cette foi est infinimen intéresse a
ce qu'elle soit vraie, et qu'ii n'en peut démontrer la vérité
d'une manière parfaitement certaine ni par l'expérience,
ni par le raisonnement, il saisit tout pour s'y anermir.
Dépourvu de preuves intérieures, il en cherche d'exté-
rieures. « Si ma croyance est vraie, tous les esprits rai-
sonnables doivent avoir la même crovimcc, ? tel est le
principe d'où il part; et comme il ne peut raisonnable-
ment espérer trouver, à l'appui de sa supposition, rien <!e
plus que ce qu'il a déjà, il cherche à s'instruire au moins
du côté de la conséquence. Il retourne ainsi son raison-
nement « Si tous les esprits raisonnables ont la même
croyance que moi, cette croyance doit être vraie; et par-
tout où s'étend son cercle d'action, il cherche a s'assurer
s'ils l'ont en effet. Comme il ne s'agit pas proprement pour
lui d'acquérir de nouvelles idMs, mais des preuves
comme il est depuis longtemps fixe sur la vérité <!e sa
croyance ch eHc-meme, et qu'il ne vent que s'y anermii';
il ne saurait ehtendrc que ce qu'il désire <t
Oui,je crois
cela et, quand il n'entend pas ces pandas, it travaitic a
{.'t'rsuader tes autres, dans le seul des~'ih d'oh~rnr ~hf!n.
par ip moyen de cette persuasion, ta cohnt'mation qn'n
souhaite pour sa croyance. C'est en gênera! un pen-
chant innt'' dans i'homme de ten<!rc sur toute espèce d'ob-
jets a t'accord des êtres pensants, et ce penchant se fende
sur cette Uniformité nécessaire du monde spirituel dont
t'idee est profondément gravée en ho~s; mais daïts
t'ordre theorëtique on se décide beaucoup plus aisé-
ment, soit .'t rester divises et a laisser la chose où cite
en est, soit même ?~ substituer !'oj)ihion d'autrUi a cette
qu'ona suivie jusquc-ta tandis que, dans l'ordre pratique,
H n'est pas si aise de renoncer ses idées ou de revenir
sur ses pas ici t'nn consent rarement a être instruit
par tes autres, et presque toujours on veut !cs instruire.
C'est donc un penchant nature! a l'homme de trans-
former, autant qu'il dépend de lui, en Enlise visible cette
t~Iise universelle invisible qui n'existe que dans sa pen-
sée de chercher dans le monde sensible une représenta-
tion rceUe de cette idée; de ne pas se borner croire
que les autres pensent comme lui, mais de s'en assurer
autant que cela est possible, et de rattacher au moins
sur un point son système de croyances à quelque chose
qu'il connaisse. Tel est le principe de l'union ecclé-
siastique.
L'Enlisé visible est une véritable société qui se Fonde
sur un contrat. Dans l'Église ~M' nul ne sait rien
par autrui; chacun tire sa croyance de son amc, ihdépen-
damment de tout ce qui est hors de lui. L'accord, s'il
existe, s'est établi de lui-même, sans que personne se soit
proposa pont' but de le produire. Cet ësprit-1~ Seul pour-
rait savoir s'il existe, dont la science embrasserait les
modes de représentation de tous les esprits. L'Eglise
~A/p se propose pour but l'accord, et ce qui est ia
conséquencede cet accord; ia confirmationde !a croyance.
Quiconque dit a un autre ce qu'il croit, veut lui entendre
dire qu'il croit la même chose. Le premier principe du
contrat ecclésiastique est celui-ci/m~ ~cr~,
yc ~~e c~)~. Mais comme, a!nsi que je l'a!
déjà remarqueJe but que nous nous proposonsdans~unioa
n'est pas du tout de rccuenHr di~ërse~ opinions, ann de
nous instruire en les rapprochant et de former ht nôtre en
conséquence, mais de chercher dans Faccord de l'opinion
(tes autres avec la nôtre ta cohnrmation et rancrrnisscmënt
de ccue-ci; principe précèdent ne sunit pas pour fonder
une t~iise. Il ne faut pas seulement arrêtera les autres
diront ce qu'ils croient mais ce y~its devront dire qu'ils
croient. Le contrat ecclésiastique suppose donc l'établis-
sement d'une profession de foi totale, et son principe peut
se formuler ainsi A~M cr~'Ms ~M tM~c/~ /<ï

~~ïe c~c, et ~oM~ fï«~


~yc c~a~.
On trouvera peut-être une contradiction dans cette for-
mule du contrat. Nous ne devons pas taire, mais con-
hautement notre foi. Notre silence donnerait a
penser aux autres membres de i'Ëgnse, ou bien que nous
ne croyons rien du tout, ou bieM que nous croyons autre
chose qu'pM~, et il les troublerait dans leur foi. Nous
devons dire ~c~e~e~ ce que nous croyons, et ne pas
feindre une foi que nous n'avons pas. Si rËgtisc admettait
que la confession de ses membres put n'être qu'une hypo-
crisie ou qu'un mouvement des lèvres, et non l'expression
d'une conviction intérieure, son but serait par là même
anéanti une profession de foi que nous tiendrions pour
fausse et hypocrite ne saurait nous fortincr dans notre
foi. Pourtant la profession de foi que nous devons faire
avec cette entière conviction est une profession de foi </c'-
~ï~~ e~y~c~c. Or, si nous ne sonnncs pas convaincus
de la vérité de cette profession de foi et si nous ne pou-
vons pas l'être, que devons-nous faire? Aucune Église ne
tient compte de ce cas toute Église conséquente, c'est-
à-dire toute Église réelle, doit absolument en nier la pos-
sibilité et toutes les Églises qui ont agi d'une manière
conséquente l'ont réellement niée. La première sup-
position, celle sans laquelle il n'y a pas en gênerai de
contrat ecclésiastique possible, c'est que la profession de
foi qui sert de fondement à ce contrat contient sans aucun
doute l'unique et pure vérité, que quiconque cherche la
vérité doit nécessairement arriver la, que c'est là la seule
véritable foi la seconde, qui résulte immédiatement
de la première, c'est qu'il est au pouvoir de tout homme
de produire en lui cette conviction, pour peu qu'il le
veuille; que l'incrédulité vient d'un défaut d'attention
dans l'examen des preuves, ou d'un endurcissement vo-
lontaire, et que la foi dépend de notre libre volonté. Aussi
y a-t-il, dans tous les systèmes ecclésiastiques, un </<~<w
de foi. Or le devoir n'est rien, s'il n'est pas en notre pou-
voir c'est ce qu'aucune Église n'a nié jusqu'ici. Ouvrez
le premier catéchisme catholique venu, vous y trouverez
les deux propositions dont nous venons de parler. Quant
a l'inconséquence ou tombent les communions protes-
tantes en voulant être des Eglises et avoir des droits
ecclésiastiques, nous aurons plus loin l'occasion de dire
quelques mots sur ce point et sur d'antres encore.
Quelques lecteurs, s'appuyant sur certains faits,
dirai-je rce!s ou imaginaires~ repousseront peut-être
cette assertion, que l'Église se fonde sur un contrat, en
objectant qu'elle est réellement d'origine monarchique,
et que, par conséquent, elle n'a pas pour principe un
contrat conclu entre ses membres, mais la suprématie
d'un chef. Mais, s'il était vrai qu'originairement les con-
sciences, au lieu de se soumettre, eussent été asservies, il
en résulterait bien une troupe d'esclaves isoles, obéissant
tous au même maitrc, sans rien savoir entre eux de leur
commune servitude; il n'en résulterait pas une société. La
même croyance régnerait dans tous les cœurs, mais non
pas une profession de foi uniforme et réciproque. Il taut
au moins que deux personnes commencent a se confesser
réciproquement leur soumission et qu'elles obtiennent le
même aveu de celles qu'elles soupçonnent d'être soumises
à la même foi autrement des millions d'hommes ne for-
meraient jamais une Église. Il est sans doute physique-
ment possible qu'une Église terrestre ait pour principe
l'asservissement mais cela ne l'est pas moralement. Un
conquérant auquel rien ne résiste peut se soumettre des
esclaves, et les placer par son commandement dans un
état d'union et d'action réciproques. Les corps des sujets
et leur soumission aux ordres de leur souverain se mani-
festeront sans doute dans le monde sensible; mais qu'un
État spirituel se forme de cette manière, c'est ce qui n'est
pas moins impossible physiquement que moralement. Cet
État n'assujettit que les consciences et non les corps, et la
soumission des esprits ne se montre pas, quand elle ne se
découvre pas volontairement. L'Église !utte contre une
diniculté bien supérieure à celle que nous avons indiquée
plus haut en disant que sa profession de foi était prescrite,
a cette diuiculté d'ou elle est sortie si aisément. Elle
ne peut atteindre son but qu'en supposant la ~c~ de
ses membres. Or, si eue ne peut s'assurer de cette sincé-
rité, si elle ne peut ajouter aucune foi a la confession de
ses membres, l'anermissement réciproque de la croyance
n'a plus lieu, et tes esprits n'en sont que plus mécontents
et p!us déconcertés, M vaudrait mieux pour eux avoir cru
tranquillement que tou~ les autres pourraient bien penser
comme eux, que de se vuir chaque jour précipités plus
avant dans le doute par des confessions qui n'obtiennent
pas leur confiance.
H n'y a point de tribunal extérieur pour le mensonge;
ce tribunat est tntét'ieuï'ement dans la conscience de chacun.
Celui qui ment doit rougir de ïui-méme; il doit se mé-
priser. Lorsque, dans la vie civile, nous ne pouvons
nous convaincre par i'expérience cle ia vérité ou de la
fausseté d'un fait allégué, nous sommes obligés de laisser
à la conscience de celui qui parle le choix de 1~ vérité ou
d~; mensonge dans ce dernier cas, nous ip livrons à la
peine qu'il s'inflige lui-même, ou qu'il ne s'innige pas.
~eite peine intérieure, qui reste tpujoursdouteuse et qui,
en tous cas, ne parait pas au grand jour, ne saurait satis-
faire unn société qui se fonde sur la sincérité et qui s'élève
ou tombe avec elhs.
JLa foi unanime, pour ainsi dire, de tous les hommes
aliène cette magistrature intérieure A un être existant
hors de nous, anju~e moral universel, Dieu. Qu'il y ait
un Dj~ et qu'il punisse le mensonge, c'e~t bien la croyance
unanime de toutes les Églises. Chacune peut donc attendre
de Dieu 19 punition de l'hypocrisie de ses membres.
Mais cette punition divine est éloignée etie n'atteint le
pécheur que dans l'autre yie, tandis que la nn de l'élise
se rapporte au présent. Puis, quand tes peines cle cette
autre vie seront distribuées, tes membres (te F~Ii~e ver-
ront bien qui leur a dit la vérité on qui a teint, une
croyance qu'il n'avait pas; mais alors ils n'auront plus
besoin de cette connrmation de leur loi qu'Us ont cher-
chée d~s une union ecctesiast-ique. Si t'incrédule est
p~ncnicnt et résolument incrcduie, il ne croit pas en
gênerai :'i Dieu, la vie iut-ure, a ia punition (te sa
fausseté; n ne craint donc point ic cha~tnent. diy~n dont
on ie pienace, et c'e~ pourquoi ii n'h~siter~ pas à l'aire nne
i'au~u profession de toi, lorsqu'il ~nra d'aiMeurs des raisons
pour !a (aire. Que s'il n'est pas tout tait incrédule peut-
~tre esp~re-t-il t-rouver un accoMnnodQrne!)t ay~c Pieu et
échapper par quelque moyen a la révélation et. a la puni-
tion de sa l'aussetu. De là, pour i'Ëgtise, la nécessité de
luter le châtiment, e(. comme ~M<e ne peut décider Dieu
à punir plus tôt pour l'amour d'elle, de s'attribuer à eMe-
mcme ses l'onctions de ju~e. La magistrature intérieure
de la conscience se trouve ainsi de nouycau aliunée, et
cette Ibis a un ju~e qui peut rendre des sentences sur-le-
champ, à l'église visible.
Cette nouvelle aliénation de la magistrature intérieure,
cette justipe qui prend la place de Dieu, est la loi fonda-
mentale de toute Ë~lis~ conséquente; aucune ne saurait
absolument se maintenir sans cela. Ce qu'elle délie dpit
être tjelié dans le ctpl; ce qu'elle lie y doit être lïp. Sans
eelte m~istrature, elle désire en vain exercer sur les
âmes des hommes une domination qu'elle ne peut sou-
tenir par rien elle menace en vain de châtiments qu'elle
ayoue ne pouvoir inniger; elle caisse les Immmes, après
comme avant, indépendants d'eue dans leur croyance,
qu'elle voulait cependant leur prescrire; elle va contre
elle-
sa propre idée, et se met. en contradiction avec
même.
Comme eue veut juger la pureté de cœur des hommes
et leur distribuer des peines ou des- récompenses en
raison de cette pureté, mais qu'elle ne peut pénétrer
dans l'intérieur des cœurs, il en résulte pour elle un nou-
veau problème, qui est celui-ci Régler sa profession de
foi de manière a voir par des effets extérieurs si l'on est
convaincu ou non de la vérité cle cette profession; en
d'autres termes, se donner a elle-même une telle consti-
tution qu'elle puisse juger de Fobéissance et de la sou-
mission de ses membres par des signes s~rs et non sus-
pects. Afin d'être certaine de ne pas se tromper, elle fera
en sorte que ces signes sautent autant que possible aux
yeux. Klle y parviendra de deux manières en soumet-
tant leur intelligence à une dure oppression, et en impo-
sant des ordres sévères à leur volonté. Plus les doc-
trines d'une Église sont extravagantes, absurdes, en
contradiction avec la saine raison, plus elle peut se con-
vaincre de la soumission des membres qui écoutent toutt.
cela sérieusement, sans faire la moindre grimace, qui le
lui répètent avidement, qui s'évertuent pour le graver
dans leur esprit et qui se gardent bien d'en perdre une
syllabe. Plus sont dures les privations et l'abnégation
qu'elle exige, plus sont terribles les expiations qu'elle im-
pose, plus aussi elle a sujet de croire a. la fidélité de
membres qui se soumettent a tout cela uniquement pour
lui rester attachés, et qui' renoncent à toutes les jouis-
sances terrestres afin de participer aux biens célestes
qu'elle promet. Plus on a sacrifié, plus on se sent attaché
à l'objet pour l'amour duquel on a tant sacrifie. En
faisant ainsi consister les fruits de la foi dans des prati-
ques extérieures dont l'observation ou l'omission ne sau-
raient échapper a un bon oûil, elle s'est procure un moyen
facile de lire dans le cœur même. Il pourrait être dimcile
de découvrir si quelqu'un croit ou non a la primatie
de saint Pierre; mais il est plus facile de savoir s'il a
observé ou non les jeûnes prescrits par l'un de ses succes-
seurs ou de ses représentants. S'il ne les a pas observés,
sa foi a l'endroit de la primatie de saint Pierre, de l'in-
faillibilité de tous ses successeurs et de l'indispensable
nécessité d'obéir à tous leurs commandements pour faire
l'Église neuf
son salut, n'est pas sunisamment assurée, et
en toute sûreté le poursuivre comme un incrédule.
De cette disposition, déjà nécessaire par elle-même,
l'Église recueille encore deux autres avantages essentiels.
D'abord, au moyen de ces mêmes articles de foi qu'elle
impose à chacun pour éprouver sa croyance, elle se pro-
cure, en les composant habilement, une riche provision de
peines ctde récompenses diverses pour une autre vie, chose
dont elle a besoin pour attribuer à chacun, parmi tant
de membres si différents, le lot qui lui revient, suivant
le degré de sa foi ou de son incrédulité. Au lieu d'un ciel
qui serait le même pour tous, elle a ainsi d'innombrables
degrés de béatitude et un inépuisable trésor de mérites à
distribuer entre ses fidèles et ses saints; a côté de l'enfer,
elle a un purgatoire, qui comprend des peines dont la
nature et la durée varient A l'infini, afin d'effrayer les in-
crédules et les impénitents,-chacun suivant qu'il en est
besoin. En second lieu, elle fortifie la foi de ses mem-
bres, en ne la laissant pas oisive, mais en lui donnant assez
de travail. Voici un phénomène qui, au premier aspect,
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semble contradictoire, mais qui est confirmé par les plus
nombreusesexpériences, et dont on verra bientôt la raison
c'est que plus sont incroyables les choses dont on fait des
articles de foi plus on obtient aisément créance. Nous
nous ha tons de nier une chose qui est encore assez croyable,
parco qu'eue se présente nous trop naturellement; mais
appuyez la chose niée sur une autre qui soitextraordinaire,
celle-ci à son tour sur une autre plus extraordinaire en-
core et poussez toujours plus loin le merveilleux, l'homme
sera en quelque sorte saisi de vertige, il perdra tout son
sang-froid, il se lassera, et sa conversion sera faite. On a
souvent vu des hommes, qui ne croyaient pas en Dieu, se
laisser convertir par la croyanceau diable, à l'enfer, au pur-
gatoire; et ce mot de Tertullien c Cela est absurde, donc
cela vient de Dieu, est une preuve excellente pour cer-
taines gens. En voici la cause. Un esprit ordinaire
embrasse une, deux, trois propositions, dans leurs prin-
cipes et leurs conséquences naturels; il est engagé par là
A y réfléchir, et il croit pouvoir en apprécier la vérité ou

la fausseté par des principes de la raison. Pour Fern*


pêcher d'entreprendre cet examen, vous n'avez qu'à éta-
blir ces propositions sur d'autres principes artificiels qui
eux-mêmes sont des articles de foi, ceux-ci a leur tour
sur d'autres, et ainsi de suite à l'innni. Dés lors, il ne
peut plus rien saisir; il erre dans ce labyrinthe sans fil
conducteur; il s'enraye du prodigieux travail auquel il se
voit condamné; il se lasse d'une vaine recherche; et,
poussé par une sorte de lâche désespoir, il se livre aveu*
élément à son directeur, trop heureux d'en avoir un;
Que l'on me comprenne bien je ne dis pas que tous
les fondateurs ou propagateurs du système ecclésiastique
aient clairement conçu le dessein d'assujettir la conscience
dos hommes par des moyens aussi méchants, quoique
d'ailleurs parfaitement conformes a leur but. Non, des
esprits timorés et déjà remplis d'enroi sont entres d'eux-
mêmes, pousses par l'instinct, dans le chemin ou ils ont
ensuite attire les autres. Ils se sont trompes eux-mêmes,
avant de tromper autrui. 6~c ~/f absurdité, a laquelle
on ajoute foi par frayeur, sans pouvoir la rejeter, en
amène une innombrable quantité d'autres et plu~ un
esprit scrupuleux dans sa subtilité se montre pénétrant,
plus il rapporte du pays des chimères une riche moisson
de rêves.–Bien que nos apôtres d'aujourd'hui n<- luttent
maintien
pas ordinairement avec ta même loyauté pour le
de leur foi, de cette pure foi horsde laquelle il n'y a point
de salut, je veux leur donner un avis capable de les dé-
dommager amplement du déplaisir que leur pourrait
causer la lecture de ce chapitre. Lorsqu'ils cherchent à
défendreleur foi en abandonnant les propositions les plus
extraordinaires et en s'efforçant de la rapprocherainsi de la
raison, ils prennent un moyen qui va directement contre
leur but. En faisant cette concession, ils donnent a penser
que dans ce qu'ils conservent il pourrait bien y avoir des
choses qu'ils abandonneront aussi avec le temps. Pour-
tant, c'est encore là le moindre dommage; mais, en muti-
lant leur système et en le dépouillant d'une partie de son
merveilleux, ils en facilitent l'examen. Il était déjà en péril
alorsque l'examen en était si dimcile; commentespère-t-on
le maintenir en rendant cet examen plus aise? Suivez la
route inverse prouvez hardiment chacune des absurdités
que vous voulez faire admettre par une autre plus grande
encore; il faudra quelque temps pour que l'esprit humain
effraye revienne a lui-même et se familiarise assez avec le
nouveau fantôme, qui l'a d'abord aveugle, pour pouvoir
i'<;xamincr de plus près. Ce fantôme court-il quelque dan-
per, prodiguez de nouvelles absurdités, votre trésor est
inépuisable; l'ancienne Instoire recommence, et cela va
ainsi jusqu'à la fin du jour. Seulement ne laissez pas al'es-
prit humain Je loisir de reprendre son sang-froid, ne laissez
jamais sa foi inoccupée, et alors vous pourrez défier les
portes de l'enfer de prévaloircontrevotreautorité.–Oamis
des ténèbres et de la nuit, ne regardez pas ce conseil comme
suspect, parce qu'il vous vient d'un ennemi La perfidie
n'est. pas permise, même envers vous, bien que vous en
usiez A notre égard. Examinez-le attentivement, et vous
le trouverez parfaitement, juste.
D'après ces principes, l'Eglise juge ici-bas à la place
de Dieu; elle distribue parmi ses membres les récom-
penses et les punitions d'un autre monde. On a use
aussi, dans une Église célèbre, de peines temporelles
contre l'incrédulité et l'impcnitence; mais c'est là une
mesure malheureuse, née d'un faux jugement et d'une
passion surexcitée. Les conséquences temporelles desccn-
sures ecclésiastiques ne peuvent être autre chose que des
expiations auxquelles le croyant se soumet de bonne
volonté et suivant le bon plaisir de l'Église, afin d'échapper
aux conséquences que ces censures auraient pour lui dans
l'autre monde. Celui qui se flagelle, jeûne et fait des pè-
lerinages pour expier son manque de foi, veut satisfaire
l'Église, afin de s'affranchir de ses malédictions
pour
l'autre vie; celui même qui se laisse brûler par le saint
office ne peut le faire que pour rester membre de l'Église,
sinon dans cette vie, du moins dans l'autre. Il abandonne
à Satan sa chair coupable, afin qu'au dernier jour son

./<&~MU~~
esprit jouisse cle la béatitude éternelle. Tel est aussi le
sens originaire (les corrections corporelles comme on
le voit clairement par les formalités avec lesquelles on les
pratique. Ce fut par un besoin (te vengeance poussa :'<
l'excès qu'on se servit de ces corrections comme de /~c~,
qu'on changea l'esprit de ces dispositions et qu'on travailla
contre son propre but.Transformez ces expiations en peines,
c'est-à-dire imposez-les,coy~'c M ~o/o/ a celui qui ne

pas lui obéir, qui méprise et tourne en ses


veut pas rester dans l'Église a cette condition, qui ne veut

dictions ou scsbenedictions~quiest décidément un incré-


malé-

dule elles produiront alors tout justement ce qu'elles


devaient empêcher, l'oc~c. Si je n'ai rien autre
chose a craindre que les peines de l'Église dans l'autre
monde, je ne me soumettrai certainement pas a ses ex-
piations, dès le moment que je ne croirai pas a ses me-
naces mon incrédulité se montrera donc a
découvert,
l'Église sera débarrassée d'une brebis galeuse, et elle
pourra m'accabler de toutes les malédictions qu'il lui
plaira d'inventer. Mais si, que je croie ou non, j'ai des
peines a craindre ici-bas, je cacherai mon incré-
dulité aussi longtemps que je le pourrai, et je me sou-
mettrai volontiers a un moindre mal, afin d'échapper à
un plus grand. Je laisse ici de côté l'évidente injustice
dont l'Église se rend coupable en punissant des hommes
qui lui ont retiré ou ne lui ont jamais accorde leur obéis-
sance et sur qui elle n'a par conséquent aucun droit; je
ne parle pas non plus de l'horreur et cle l'implacable
haine qu'elle excite par une pareille conduite chex tous
–L'Église romaine, ce
ceux qui en sont les victimes.
ZUC~Mt~M.
~S~a/e.
modèle de conséquence, s'est, montrée sur ce seul point
fort inconséquent. Toutes les persécutions que l'inquisi-
tion a fait subir aux juifs et aux sultismatiques avoués,
l'exécution de tout impL'nitcnt qui persistait, dans son im-
pénitence, le bannissement temporel des princes joint a
leur excommunication spirituelle, la mesure qui déliait
leurs sujets du serment de fidélité et !'ordre qui leur en-
joignait de les abandonner, c'étaient là autant d'inconsé-
quences de sa part, et qui unirent par lui coûter cher.

quent elle possède un pouvoir /<


Une Église a dos lois qui règlent sa foi, et par consé-
Mais ce pouvoir
peut être très divisé. Les articles de foi, qui forment la
matière de ses lois, ne sauraient provenir du suffrage
unanime de ses membres. Un membre ou plusieurs peu.
vent être exclusivement autorises à cet enct; l'Église sous
ce rapport peut être une monarchie ou môme une oligar-
chie, cela est détermine par une loi fondamentale re-
lative à ce point mais sous le rapport de leur forme,
comme lois de la foi, elles ne sont obligatoires pour un
individu qu'autant qu'il les accepte volontairement. A
la vérité l'Eglise, comme nous l'avons déjà montre, pré-
tend a une universalité originelle, qui est indépendante
de toute liberté de la volonté et embrasse tous les hommes;
et, conformément à ce principe, elle a sans doute le droit
de maudire et de damncrceuxquin'admettentpasses lois;
mais elle no saurait exiger que ses malédictions aient le
moindre effet dans le monde des phénomènes où règne
le droit naturel, lequel ne connaît aucune règle de foi et au-
torise chacun à ne point se laisser imposer despotiquement
une loi étrangère. Celui qui tient la loi pour arbitraire ne
croira pas aux ordonnances de l'église celui qui la tient
Das Materiale.
pour originairement obligatoire s'y soumettra sans peine.
Ces lois doivent être toutes également obligatoires. On
peut bien, pour ta commodité de l'analyse, les diviser en
lois essentielles et lois accidentelles; mais pour la foi elles
doivent être tontes également essentielles. Celui qui re-
jette la moindre décision ecclésiastique, quel qu'en soit
l'objet, dogme, chose do fait ou discipline, celui-là est
regardé de la même façon que s'il no croyait a aucune.
La loi fondamentale, celle qui contient toutes les autres,
est, ainsi que nous l'avons montré plus haut, la foi en
l'Église comme en un pouvoir infaillible exclusivement
chargé do dicter des lois et cle juger au nom de Dieu. Nul
article do foi ne doit être cru parce qu'il est digne de foi,
mais parce que l'Église ordonne d'y croire. Elle ordonne
de croire a <o~; cchïi qui contredit le moindre d'entre
l'Église et sa foi aux autres arti-
eux contredit donc
cles clu'il no peut plus admettre par obéissance pour
l'Église~ mais par d'autres faisons, no lui sert de rien ce
n'est plusia foi ecclésiastique exigoe.–J'invite charitable-
ment certains de mes lecteurs qui seraient tentes de se
récrier sur la dureté de cotte sentence, et d'autres plus ri-
gides encore qui suivront, à ne pas oublier surquel terrain
l'absurdité de me
nous sommes, et & ne point commettre
dire « Tout cela peut bien avoir été autrefois une loi
fondamentale; mais aujourd'hui les temps sont beaucoup
plus doux.-Je ne veux pas savoir ce qui a été autrefois,
ce qui est aujourd'hui, ce
qui a jamais pu être; je ne me
suis point placé dans le champ de l'histoire, mais dans le

sophique. J'analyse l'idée d'une /s'e;je


domaine du droit naturel, c'est-à-dired'une science philo-
déduis
de cette idée toutes les propositions qui en dérivent. Si
jamais une société s'est avisée fie former une église visible,
ct~ ccHe société a été conséquente, elle a du nécessaire-
ment a(!mcttrc ceci et cela; voilà ce quejcdis. Une telle
société a-t-elle existe, ets'est-clle montrée conséquente?
C'est ce que je ne sais pas. Je n'ai tort que si mes déduc-
tions ne sont pas rigoureuses.
L'Église a une /b7ïc~a! et les lois ecclésias-
tiques qui, sur ce point aussi bien que sur tous les autres,
sont des articles de foi, doivent déterminer a qui il appar-
tient d'exercer cette fonction. La fonction de l'ensei-
~'yM~ n'est pas une des fonctions essentielles de
l'Église; elle est accidentelle. Le maître ne peut rien
ajouter ni retrancher il doit se borner la exposer simple-
ment les doctrines de l'Église, telles qu'elles sont établies.
11 explique les lois et les inculque, et il est
sans doute con-
venable que cette fonction soit exercée par celui qui exerce
déjà celle de juge, puisque ces deux fonctions supposent
également une entière connaissance des lois. Toutefois la
fonction qui appartient exclusivement aux prêtres dans les
sociétés ecclésiastiques, ne consiste évidemment pas dans
l'enseignement chacun peut enseigner; elle consiste à
juger, à confesser, à absoudre ou à condamner. Le sacrifice
même de la messe est un acte judiciaire, et le fondement
de tous les autres il est, si l'on veut, l'investiture de
l'Église, en qualité de représentant du divin juge, solennel-
lement renouvelée sous les yeux de tous et pour l'instruc-
tion ~Ic chacun. Pour qu'elle puisse juger, et juger en der-
nière instance, il faut que Dieu n'ait plus rien a juger, et
pour qu'il n'ait plus rien a juger, il faut que l'Eglise l'ait
satisfait,qu'elle soit entièrement pure, sainte et sans péché,
qu'elle soit l'épouse parée, qui n'a ni une tache, ni une
ride, ni le moindre défaut, mais qui est absolument irré-
prochable. C'est ce qui arrive par les mérites des membres
de l'Église, qui ont satisfait pour toute l'Église;– par ces
mérites que l'Église offre à Dieu dans la messe, et par où
elle se racheté entièrement. Ce n'est que grâce il ce rachat
que l'Église a le droit déjuger elle-même ses membres.
-Quiconque dit la messe doit pouvoir confesser qui-
conque confesse doit pouvoir dire la messe, et ces deux
choses sont la conséquence du mandat en vertu duquel
l'Église exerce la fonction de juge. Les sentences judi-
ciaires de l'Église sont infaillibles, parce que, grâce au
sacrifice de la messe, elle est l'unique juge pour le monde
invisible; si elles n'étaient pas infaillibles, il n'y aurait
pas d'Église possible. Comment une société peut-elle s'as-
surer de l'obéissance, si elle ne peut pas punir la déso-
béissance et comment l'Ëglisc, dont les punitions tombent
dans un monde invisible, pourrait-elle punir la désobéis-
sance, si elle n'était pas assurée que ses sentences s'ap-
pliquent dans ce monde invisible et que les punitions
qu'elle inflige ont certainement leur effet. L'Église
y
luthérienne est inconséquente, et cherche a masquer son
inconséquence; l'Église reformée est franchement et libre-
ment inconséquente. Toutes deux ont des lois qui règlent
leur foi, elles ont leurs livres symboliques; et quand
même elles n'auraient pas d'autre livre symbolique que la
Bible, toujours partent-elles de ce principe la Hible est
la parole de Dieu, et ce qu'elle contient est vrai par cela
seul qu'elle le contient; c'est sur ce principe que se
fonde nécessairement tout le système ecclésiastique, tel
que nous venons de le dérouler. Celui qui croit a ces
Églises est sauvé; celui qui n'y croit pas ne .compromet
pas pour cela son salut. Dès que je dois non pas me con-
vaincre par des raisons, mais croire à l'autorité, je ne vois
Église
pas pourquoi je dois croire plutôt a l'autorité d'une
qu'Acer de Vautre, puisque dans toutes deux je puis être
sauvé et, si j'en connais une troisième qui se vante de
posséder exclusivement !e droit (te sauver et qui réprouve,
sans exception, tout ce qui no croit pas en eiïe, c'est ~CM-
A ceHc-~ que je dois me soumettre.–Je veux

être sauvé, voi!a mon but mmt; toutes les Élises assurent
que cela n'est pas possibie par ma propre raison et mes
propres forces, mais seulement par ma foi en ettes iU'aut
donc, d'après cette assurance, que je croie en elles, si je
veux être sauve. Les trois Irises s'accordent a enseigner
que l'on peut être sauvé dnns t'Égnso romaine; si, pour
être sauvé, j'entre dans rieuse romaine, je crois donc à
toutes trois je serai donc sauvé, d'après l'assurance de
toutes trois. L'Égusc romaine enseigne que l'on ne peut
pas être sauve dans les deux autres; si donc je fais partie
de Fune de ces deux taises et que je croie pourtant être
sauve, iL y a une Ëgtisc hquetie je ne crois pas; je ne
serai donc pas sauve, d'après !'assurancc de cette Église.
Suivant la doctrine unanime de toutes les Églises, !a
foi ne se fonde pas sur des raisonnements, mais sur l'au-
torite. Desquels diverses autorités ne peuvent ctre~
-ce qui ne serait possible qu'au moyen d'arguments
dont t'usa~e est interdit, il ne reste plus qu'a co~~r
/<9.s'. Si je fais partie de PË~iise romaine, je serai
sauve par tous les suura~es; si je fais partie d'une antre,
je ne serai sauvé que par deux suffrages, et damne par un.
D'après la doctrine (le toutes les Églises, je dois choisir la
plus grande autorittt je dois donc, d'après la doctrine de
toutes les Églises, entrer dans l'Église romaine, si je veux
être sauve.–J'ai de la peine-à croire qu'une conséquence
aussi simple ait pu échapper aux docteurs protestants,
qui ont des principes ecctésiastiqucs. Je crois plutôt que
tous damnent, an fond de leur cœur, quiconque ne pense
pas comme eux, mais qu'ilsn'«seutpas le déehn'er tout haut.
Us sont alors conséquents, et méritent d'être loués a cet
é~ard.–L'Église reformée n'a pas do fonction judiciaire;
l'élise luthérienne n'en a que l'apparence. Le prêtre lu.
thérien me pardonne mes pèches, à la condition que Dieu
mo les pardonnera aussi; il distribue la vie et. le salut, a
la condition que Dieu les distribuera aussi. Que fait.il
donc la d'étonnant, je vous prie? Que dit'il donc là que
chacun ne puisse dire et que je ne puisse me dire a moi-
même aussi bien que lui? Je voulais savoir d'une manière
certaine Dien m'a pardonné mes péchés; il me dit qu'il
veut bien me les pardonner, Dieu me les pardonne
aussi. Qu'ai-jc. besoin de son pardon; c'est celui deD~/
que je voulais. Si j'étais assure de co dernier, je n'aurais
pas besoin du sien; je commencerais par me pardonner
moi-même. Il faut qu'il pardonne M~co~ ou qu'il
ne se mêle pas de pardonner. Le prêtre luthérien ne
ne se donne donc que l'apparence du pouvoir de distri-
buer des grâces il ne l'a pas en realite il ne peut. pas
même infliger des peines en apparence. Il ne saurait rien
laire de plus à l'égard des péchés que de les pardonner.
Quant à en réserver la rémission, il ne le peut que devant
l'assemblée entière des fidèles et tout à fait en l'air. Il ne
peut que promettre le ciel; il ne saurait menacer personne
de l'enfer. Il doit toujours avoir sur les lèvres un sourire
de bénédiction a ~'M~ ~'r ~z~ le ~pe/~M' il c~'c~c.
L'Église a nn ~wo~' M~c~ mais non dans cette
vie; ses sentences ne recevront leur exécution qu~ dans
la vie future. Que l'exécution doive s'accorder exactement
avec le jugement, qu'il ne doive arriver rien de plus ni
de moins que ce que l'Élise a établi et ordonné, cela ré-
suite déjà de ce qui précède ce que l'Église aura lié sur
la terre dans cette vie sera lié de la même manière
dans le ciel dans l'autre monde, et ce que l'Église
a délie ici doit aussi être délie la-haut (~). Que les exécu-
teurs de ces jugements ne puissent être que des membres
de la seule Église capable de sauver les âmes, et que ceux-
ci en soient les exécuteurs à titre de membres de cette
Église, c'est ce qui résulte également de ce qui précède;
et cela est d'ailleurs notoire Jésus, le chef de l'Église,
ses premiers disciples, les douze apôtres, siégeant sur
douze siéges, tous les saints qui avec le superflu de leurs
mérites ont fourni leur contingent au trésor des grâces
que l'Église administre, feront, suivant la doctrine de
l'Église, exécuter là-haut ses jugements. Une Église
conséquente ne peut avoir dans ce monde de pouvoir exé-
cutif, parce que, comme nous l'avons montré plus haut,
c'est aller contre son but final que d'attacher a ses cen-
sures <les conséquences physiques. Si elle permet des
expiations qui doivent être appliquées aux pénitents par
certains serviteurs qu'elle institue elle-même, ceux-ci,
dans ces exécutions, n'agissent pas au nom de l'Église,
mais au nom de l'incrédule pénitent, qui a dû se résoudre
volontairement à l'expiation et charger les serviteurs insti-
tués de la lui appliquer.
(1) L'usage des mots et leur enchaînement prouvent, pour wot du
moins, que l'explication catholique de ces paroles et des précédentes
(sauf l'application au pape, comme successeur de Pierre) est la seule
exacte, et qu'on n'en peut donner d'autre sans faire violence à i'un et
l'autre. Ce passage mériterait bien d'être revu de notre temps par un
commentateur savant, mais impartial. S'it fallait encore t'entendre
ainsi, si l'on devait toujours y voir réellement cette primatie tant
redoutée et l'infaillibilité de Pierre,- que n'en t'ëautterait-i! pastootre
les vrais pTO<M(<M~
Tel est le système nécessaire de l'Ëglisc visible, la-
quelle, comme il résulte de tout ce qui a été dit, doit être
de sa nature unique et universelle. Si l'on parie de plu-
sieurs Églises, il est sur ou que toutes ensemble, ou que
toutes, a l'exception d'une seule, agissent d'une manière
inconséquente. Nous avons maintenant à rechercher le
rapport de cette Église avec l'homme au point de vue de
la loi naturelle et de la loi civile; son rapport avec les
hommes comme tels, et avec les hommes comme citoyens.
Si ceux-ci vivent eux-mêmes séparés ou s'ils se sont unis
pour former un État, l'Ëgtisc, considérée comme so-
ciété à part, est, à l'égard des autres hommes, et ceux-ci
sont à son égard soumis au tribunal du droit naturel; a
l'égard de ses propres membres, elle est soumise a la loi
du contrat, laquelle est elle-même une loi de droit naturel.
Tout homme est libre par nature, et personne n'a le
droit de lui imposer de loi que lui-même. L'Eglise n'a
donc pas le droit d'imposer A quelqu'un par la contrainte
physique sa règle de foi, ou de le soumettre a son joug
par la force. Je dis par la contrainte physique, car le droit
naturel ne gouverne que le monde des phénomènes.
Contre l'oppression morale, l'onensé ne saurait lutter
qu'avec des armes de même nature,–si cette oppression
pouvait être exercée autrement que dans le monde des
phénomènes. autrement qu'avec le consentement de
l'autre partie. Tu crains mes moyens de persua-
sion, mes instances, mes subtilités; tu redoutes la pein-
ture des affreux tourments de l'autre monde, dont je
te menace est-ce que je puis te faire entrer tout cela
dans l'esprit autrement qu'en exprimant ma pensée par
des signes? Eh bien! ne m'écoute pas, ferme-moi tes
oreilles, chasse-moi de ton seuil, et défends-moi d'y ja-
mais revenir. Que si je m'adresse a toi par des écrits, ne
les lis pas. Tu es ici tout A t'ait dans ton droit. Mais des
qu'une fois tu t'es engagé volontairement avec moi sur le
terrain moral, tu m'as abandonné ton droit d'opposition;
il faut t'en remettre maintenant à la fortune (le la guerre.
Si tu avais pu me persuader, je me serais soumis a toi
puisque c'est moi qui t'ai persuadé, c'est toi qui m'es
soumis. Telles étaient nos conventions; tu ne saurais t'en
prendre a moi. Lorsque l'Église croit pouvoir en as-
sumer la responsabilité devant sa propre conscience, elle
est libre de damner et de charger des plus dures rnaté-
d!ctions quiconque ne veut pas se soumettre a ses lois; tant
que ces sentences de damnation restent dans la sphère du
monde invisible, à laquelle eMes appartiennent, qui pour-
rait s'y opposer? Elle maudit de cœur, comme un joueur
malheureux, et c'est une satisfaction que l'on peut accorder
à chacun. Mais, des que ses malédictions ont pour effet
dans le monde visihle quelque atteinte portée aux droits
d'un autre, alors celui-ci a le droit de traiter l'Église en
ennemie et de la contraindre a reparer le dommage.
Tout homme redevient libre, dés qu'il veut être libre,
et il a toujours le droit de s'a~ïranchir des obligations qu'i!
s'était imposées a Iui-m6me. Chacun peut donc refuser
obéissance a l'Église des qu'il le veut, et l'Église n'a pas
plus le droit de le contraindre par des moyens physiques
à rester dans son sein qu'elle n'avait celui de le forcer par
des moyens de ce genre A y chercher un refuge. Le pacte
est rompu je rends intact a l'Église son céleste trésor,
auquel je n'ai pas encore touché, et je lui laisse la liberté
de (aire tomber sur moi dans l'autre monde toutes les
foudres de sa colère; a son tour, elle me rend ma liberté
de croyance. Toutes les peines physiques qoc i'ËgHse m-
flige aun homme contre sa volonté ne sont donc pas seu-
lement contraires aux principes mêmes de i'Ë~lisc ils
le sont aussi aux droits de l'homme. S'il n'accepte pas
volontairement l'expiation qu'on lui propose pour échap-
per a la damnation éternelle, c'est qu'il ne croit pas à
l'Église, car il est impossible d'admettre qu'il ait pris
de propos délibéré pour but tinal la damnation éternelle
il n'est donc plus membre de l'Église, et elle ne peut
plus mettre la main sur lui. Que si elle le fait, elle se
conduit en ennemie a son égard. l'ous les incrédules que
ia sainte inquisition a condamnés pour leur incrédulité
persévérante ont été assassinés, et la sainte Église apos-
tolique s'est baignée dans des torrents de sang humain
injustementverses. Quiconque a été, pour son incrédulité,
poursuivi, chassé, dépouillé de sa propriété et. de ses
droits civils par les communions protestantes, l'a été
injustement. Les larmes des veuves et des «rphclins, les
Soupirs de la vertu opprimée, les malédictions de l'huma-
nité pèsent sur leurs livres symboliques.
Si un homme peut sortir de l'Église, plusieurs le peuvent.
Si les membres de la première Église ont pu s'unir par un
contrat et constituer une Église, ceux-ci peuvent aussi
s'unira leur tour et ibrmer une Église particulière. La pre-
mière Église n'a pas le droit de l'empêcher par des moyens
physiques. !1 se forme ainsi plusieurs États spirituels à
côté les uns des autres~ qui ne doivent point se faire la
guerre avec des .armes matérielles, mais avec celles de la
chevalerie, laquelle est toute spirituelle. Ils peuvent s'ex-
communier, se damner, se maudire réciproquement, au-
tant qu'ils le veulent; c'est leur droit deguerrc.–c Mais,
sH y a plusieurs Églises, toutes, a l'exception d'une, se-
ront inconséquentes. ~u'eMcs le soient. Mais si même la
plus conséquente avait tort dans son principe fonda-
mental!? II est permis à chacun de raisonner avec autant
d'inconséquence qu'il le veut le droit naturel ne porte
que sur les actes et non sur la pensée.
Tout membre possède, en vertu du pacte qu'il a fait
avec l'Église, le droit de veiller sur la pureté de la pro-
lession de foi. Chacun s'est lié ai elle pour une certaine
profession de foi déterminée, et non pour une autre.
L'Élise a le droit de veiller sur cette pureté au nom de
tous, et de punir des peines légales quiconque y porte at-
teinte, ou de le chasser de la communauté, s'il ne se
soumet pas H ses lois. C'est qu'il rompt alors le contrat de
société.–Puisquel'Église a le droit d'exclure tout membre
pour cause de fausse croyance, il n'y a pas lieu de demander
si elle n'a pas aussi le droit de remplacer un maître pour
un faux enseignement ou même de l'exclure tout à fait.
Quiconque obéit à l'Église a, en vertu de son contrat,
le droit de réclamer ses indulgences et les bénédictions
déterminées par les lois. L'Église doit tenir ses promesses,
sous peine de s'anéantir elle-même.
L'Église et l'État, envisagés comme deux sociétés dis-
tinctes et séparées, sont soumis dans leurs rapports ré-
ciproques à la loi du droit naturel, de même que des
individus vivant séparés les uns à côtés des autres. Il est
vrai qu'ordinairement les mêmes hommes sont a la fois
membres de l'État et de l'Église, mais cela n'y fait rien
il sumt que nous puissions, comme nous le devons, sépa-
rer par larénexion les deux personnes que forme chacun.
L'Église et l'État sont-ils en lutte, le droit naturel est leur
commun tribunal. Si chacun d'eux connait ses limites et
respecte celles de l'autre, il n'y a pas de lutte possible.
L'Église a son domaine dans le monde invisible, et elle est
exclue du inonde visite. !/Etat commande, suivant la
mesure du contrat civil, dans le monde visible, et il est
exclu du monde invisible.
i/Ëtat ne peuL empiéter sur !c domaine de l'Eglise;
cela est physiquement, impossible il n'a pas les instru-
ments nécessaires pour cela. 11 peut punir ou recompenser
dans ce monde il a a cet enet entre tes mains le pouvoir
executif, et les corps et les biens de ses citoyens sont en
sa puissance, h ne saurait distribuer dans
l'autre monde
les malédictions ou les bénédictions; cela n'est possible
qu'à l'égard de ceux qui croient, et l'Etat, dans le contrat
civil, n'a point exige de croyance, personne ne lui a pro-
mis la sienne, et il n'a rien fait pour se la procurer. En
vertu du contrat civil, il peut bien juger nos actes,
mais non pas nos pensées. S'il semble que l'Etat entre-
l'Etat c'est
prenne quelque chose de parei!, ce n'est plus
l'Eglise qui endosse l'armure de l'Etat, et nous en repar-
lerons bientôt plus longuement.– Des sociétés, petites ou
grandes, dans l'Etat, ou l'Etat lui-même, si l'on veut,
peuvcnM'onder certaines institutions en vue d'instruire les
hommes ou les citoyens sur la morale, ou même sur ce
qui est simplement <e
de foi (par opposition a ce qui
est objet de 5~'e~ce~), ou en général en vue d'éclairer les
esprits. Mais cela ne fait pas encore une Eglise. L'Egtise
est i'ondec sur la ces institutions ont pour principe
la
ue~; l'Église exige la c~
?'cc/c/ l'Ëglisc~~e la vérité, elles la/M~<-
elles cherchent a con-

'~<ïu6<t'<
SH'(~w~t<ff/
3 DttS ~f(f<~<'N.
~/)<orAr/tf~.
6'«6/~ /~))tc/tUtrn.
~<<~ quand eues ie peuvent et y renoncent quamt ettes
ne te peuvent pas: elles ne s'adressent a la conscience de
personne pour savoir s'il est ou non convaincu, mais elles
laissent chacun librea cet e~ard. L'Eglise sauve ou danme,
ces institutions abandonnent a chacun le soin de décider
ce qu'il veut ou peut être l'Église montre te chemin qui
coud ni t'ntaillibiemeutau ciel, eties s'appliquenta conduire
chacun jusqu'au point ou il peut le trouver lui-même. H
n'y a d'Église que ta oit il y a une profession de toi et un
devoir de foi, et ou le salut est infailliblement assure a
ceux (pu l'admettent. La ou il y a une profession (te toi et

trouve dans la Hih!e est vrai /j~' /« ?'


ou eue consiste dans cette simple proposition ce qui se
qu'il se trouve
dans ta Bible, il y a un devoir de ibi et une h~iise, et il
n'y a de saiut que dans cette K~iisc, et tout ce que nous
avons déduit plus haut de i'idue (te t'K~tise s'ensuit sans
exception; si toutefois tes membres de cette j~iise
sont capables de tirer trois ou quatre conséquences.
Comme les institutions dont nous parions ne sup-
posent pas que ia vérité soit ~'<~u< mais qu'eiie est
ac/c/ il s'ensuit, ce qui se comprend d'aiHeurs par

ce (pu précède, que l'Etat ne saurait se vanter de ia pos-


séder, et que par conséquent it n'a aucune direction il im-
primer aux tecons (tes maîtres de ces institutions. Ces
maitres ne doivent suivre d'autre direction que ccHc du
c~(je parie du sens commun originaire, et non
des opinions systématiquesdes peuples): cemi-ci est leur
unique ju~c, et it -n'a pas besoin pour h'sj'~er de l'in-
tervention (tu pouvoir executif. S'its sont d'accord avec
lui, on tes (''couh'ra; s'ils le coutrediseut, on Jcs iai~era
bientôt prêcher devant les banquettes.
Mais t'tise peut (.'mpieter sur !e domaine de l'Etat,
de forces physiques.
parce que ses n)cml)i'es sont doues
Ktie empiète sur tut, lorsttu'elle perte atteinte aux droits
de l'itomme ou du citoyen; et l'État est oblige, aux ter-
mes du contrat civil, de défendre ces
droits et d'exiger
de t'irise satisfaction et réparation, en usant de contrainte
physique envers !es instruments de son oppression physi-
que. ~lais si l'Eglise viole, dans tes citoyens, tes droits
qu'ils possèdent, non comme Itonnues ou comme citoyens,
tuais connue membres de rjt~tisc; si eUeteur refuse
tes recompenses convenues, ou si elle tes accabte de pu-
nitions non méritées, F~tat n'a point a s'en meter: ces
preiudices ont iicu daus un autre monde ou l'Etat ne sau-
rait protéger personne et ou itn'a pronns a personne sa
protection. iHa doit au'contraire dans Je inonde vii-.i-
!)ie. tj'Égusc use-t-et!c de contrainte pour forcer un
membre de rËtat a reconna!tresn souveraineté; ihili~c-
t-cUe des peines physiques aqudqn'un (nu ne se soumet
(fui en' ~encrai lui
pas volontairement a l'expiation, ou
refuse l'obéissance, cciui~'i est parfaitement fonde a re-
ehmct'1'assistanccder~tat. L'élise tait-elle suivre de
conséquences civiles la'désobéissance a ses lois, elle em-
piète immediatcment'sur les droits de l'Etat et lui drelarc
la guerre. Dans tous ces cas, l'État n'a pas seulement le
droit'de traiter l'h~lise en enhc'nnc, mais il y est même
oblige, aux termes du contrat civil.
Oh'a imagine entre l'I~lisc et l'Etat un certain lien ré-
ciproque, en vertu duquel l'Etat prête amicalement sa
relise etT~chse prête la
puissance a
sienne a l'État dansLes
dans ce monde,
devoirs de foi deviennent

Je
ninsi des devoirs civils, et les devoirs civils des pratiques
<!e foi. On crut avoir accompti un

en trouvant cette heureuse


prodige de politique
crois au contraire
que l'un a.ss"cia ainsi dcscttoses inconq~aubles, ut qu'un
les auaibtit toutes deux.J'ai déjà remarque plus bau!
<;u'('n inth~eant aux incrédules dus punitions terrestres,
l'E~tise se contredit elle-même et
va contre son propre
but, qui est de s'assurer de la sincérité de ses membres.
.<e n'ai donc pas un mot a ajouter
pour démontrer qnc
l'r~lise est anaibtie par cette sin~utierc altiance. L'état
n'y perd pas moins. Sa domination n'est pas incertaine,
comme cette que i'i~tisc exerce sur tes consciences il
commande des actes (pu se manitcstCtU dans le monde
\isib!e, etsc~ fois doivent être disposées de tetie sorte (prit
puisse être assure de l'oth'-issatice aucune ne doit pou-
voir être violée impurn'ment. Il faut qu'ii puisse compter
surement ~ur !c résultat de chacun des actes (prit a or-
donnes, de metne que dans une machine bien agencée on
peut compter sûrement sur t'engrenagc d'une roue dans
une autre. On dira <pte l'Htat ne saurai veiHcr a tout
ni tout observer', ce sont ta des déclamations superncicitcs
et vaincs. L'Etat ne doit commander aucun acte a l'exécu-
tion du<ptct il ne puisse veitter; aucun de ses ordres ne
duit resterons enet, ou tous y passeront l'un après l'autre.,
Un Ëtat qui marotte avec tes béquilles de la religion
n~
lait que prouver sa faiblesse; celui qui nous conjure,, au
nom de Dieu et de notre ~alut, d'obéir a ses ordres, c~lui-la
avoue qu'it n'a pas lui-mume la l'orée de nous contraindre
à l'obéissance; autrement il le ferait sans appeler Dieu a
son aide. A quoi peut servir en définitive une telle in-
tervention de la rctipion? Et si nous ne croyons pas a
Dieu, a une autre vie, aux récompenses uu aux peines de
cette \'ienuure?()u l'État a d'autres moyens de nous con-
traindre a t'obcissanee, ou il n'en a pas. ~'it en~, ii n'a
pas besoin du mobile de !u religion; il perd sa peine en
Vouions-nous ~s'
t'employant,et se fait, sans fn'otitj'instrumeu) de l'i'~ti~c.
n"us scrvirdece mobile puur
lutter contre nos pendants et pour nous faciliter l'ac-

faire; mais cela ne regarde point. /'A'


complissement de nos devoirs, il dépend de nous de le
Admet-
tons que celui-ci n'ait pas d'antres moyens il sa <!isp~si-
tion il ne peut s'assurer noire obéissance, u)ume avec te
secours de ia rétinien, si nous sommes des im'rcdules
détermines; –comme il prête lui-même sou In'as a
ri~tise, nous nous garderons bien de !rah!rnutre inerc-
dutite ;–it commande donc dans !e vide. Si nous hommes
croyants, nous obéirons; si nous ne le sommes pas, nous
!e hisserons la; mais it n'a voulu qu'essayer; fp<e hn
importe un indocile de piusou de moins? Qtu't Ktat!
Il convient sans doute a certains États de nous promettre
une recompense dans l'autre vie, lorsqu'ils nous prennent
tout dans ceHe-ci,ou de nous menacer de l'enter, quand
nous ne voulons pas nous soumettre a leurs injustices et
:'< leurs violences. Que croient-Hs dune eux-rnem~s, eux

(iui se montrent si franchement et si librement injustes?


On ils ne croient ni an ciel ni a l'enfer, on Us espèrent
s'arranger avec Dieu et tirer leur personne d'afÏaire.Mais
si nous étions aussi habiles qu'eux
Nulle part cette vérité ne se montre plus clairement que
dans les Ktats protestants. Une seule et même personne
physique peut sans doute être prince ou rvrque mais
les fonctions du prince sont autres que celh's de l'cvrque,
et l'un ne doit pas corrompre l'autre. On ne peut 'tre a
la f"is l'un et l'autre dans un seul et même acte.– Or les
princes protestants se sont laisse dire qu'ils étaient en
même temps évoques et, xeles comme ils le sont, ils veu-
lent aussi remplir leurs devoirs d'évoqués. Ils ont. a cœur
ia{n.!t'<t'(!ctat"i,ctpHccs!c()rro!upt)c,<Jum<)insp~ur
J~ur(')urt<u<\ J)ansL~trjttst<'<'u~rcitstatu~j~'t]({m-
t')))r't'<.tX)~t~i~t'ttt~'<ptih').trt.oj~b''s~t)s~nntai~,et
Jrap~n'u.) at't< aha\'TS.</(''taitIcs~ptr<Mais lu
sccp(r'st-it iuh pour cda? Ji tatia'tprt.'thirc le bah~n
pasturaL En qnaHh'' <i'<v<'qnes, Us p~uvc~tt tUMmJirc Jcs
mcn''<!uics, i's tJatUi~r, i'ur refuser ie cic~ et ie~ ct~pri-
suniu'r<!ans i'cnft'r; ils pcnvci~ ~nut~cctab~r de~ huches
ou tous ceux qui le vaudront scf'\rontbruk'r puur sauver
icur amc tnais ils ne Juiv~it pas (~nployor contre c~x
!a na~saucc < t'Ktat..mtrcmcnt ceux-c.i r(''ciui!~rt)tH le
sccuut'xi <!c l'i'~a!. J/Ktat? i trias, dans qu~s n~m):)
sommes-t~ous h)tnh''s <7est. l'Etat hii-nK'rne qui nf~is
frappe an itunt th: Dt<(t). ~ais tes (''vcqncs protestants
n'ont pnsic droit (tu <hunncr?–K!< vérité? ~u'cst-('<: (J<mc
qn' ~~c, je vous prn;? Je croyais ({uc c'était Uttjt~c

(t) t\i:)!s si tes princes avaient ~t'h'u~'ntcnt ic (t~sc~n de s'oc-


cuper !cur mnm<'rc du ftthn' satnt <tc km's sttjcb, uc f.mdtaiL-jt p:~
(tu moins toucr )eur hotutc imcntif)))? M rct)!)rc, nt.)is not) pas
certainement feut' intctti~ncc et h'ur sentiment (te ta justice. Chucun a
k droite c!)''rchcr,<Pcst-ayct',d<: <)oi~h )ui mcmn !cs tHoycns dt;
fan'c sot) s'unt, f;t ft a patf.titpmcnt tu d~it d<: oc ~)inr~' rtntc~ctmox
d'.mcnHC mai)) (?tr.)nnc)C snr ce tcrratn (jt)i hti est propre. H)
~</«<~ dune ics princes \'(:t)!c)H-i)s que h'nrs sujets fassent si i)id)
-icttr satnt? Ust-cf en ~n(!ra! pat' pur amoor potr <:u\, ou bien n'cst-
c'' pas parfois par cgotsnx:? Contncnt se fait it donc qu'o)'dittaircn)cnt
ce sont !<'s Louis X~ <'t tous parcits qui h'int~rcsscnt si vhcn)H))t
pour h' sit~tt des ««~'< ne tt'ts prince savfnt se servir de tôt)) il
)'~ar(t d<: tcm's sujets, Ils ont d<!jd tant cxptui)~ leurs corps mortets,
<{u'd ne reste plus grand gaiu a faire sur <L'ux. «!\tais,te«rditJcur
directeur spiritnct, vos sujets n'ont-i!s pas aussi une <'<)nc inunortctte?
Kt, sur cet avis opportun, ils formpnt vite un nouveau p)an, ce)ni de
!escxp)oitcr encore dans la viccterneiie, (t mOuc de vendre tcurs
<Hncs an bon Dieu aussi cher (juepossiide.
l,
qm.l'i~tise~Je l, "11" l,
intaillihte parlant an nom de l'élise. Kt qu'est-ce donc
J. J pensais qu'eUe (''tait l'unique et suprême
ju~e dans le munde invisible. S'it est. \'raiqnc les évoques
protestants n'ont pan le droit de damner, ce ne sont pas
des évoques, ut teurs I~Uses ne sont. pas des K~tses.–
En gênera!, on. hten les communions protestâmes sont
souverainement inconséquentes, on bien eHes ne se don-
nent, pas dn tout pour des i~nses. Ce sont des institutions
d'enseignement, comme ceUes (;ue nous avons décrites
plus haut. H n'y a point un troisième parti: ou d faut se
jeter dans le ~iron de rKg!ise romaine, hors de laquelle
il n'y a point de salut; on il faut être tout A l'ait /<? /)C~-
M~'(t). Que veulent donc ceux qui, dans notre siècle,

(t) Quelques mots sur le sens et en t'honncut' de cette expression si


honorante.–Letonne libre a-t-it t)icn designs de tout temps la /or~
et non ta t!~«~? i'our appeler quoiqu'un libre pensum', il ne s'it
pas de savoir ce qu'it croit,
mais ~'Jtu' ~t«~s )-<n~t~ it te croit. S'il
croit « ~~or< qnctqnc courte que soit sa profession de foi, c'est un
crot/«n< s'i: ne croit qu~ sa ~t'c ~~ox, c'est un ~r~ ~<'u6pMr.
Si quelqu'un croit a t'anc de Mahumct.ou a !'immacu!ceconception
de
ta vict {;c Marie, on à la divinité du ij<ruf Apis, parée qu'il pf'nse s'être
convaincu par ses propres renexionsde la vOUe de ces traditions,
c'est un Hhre penseur; et, si un aune ne croit rien de plus qu'~
l'existence de Dieu, parce qu'il no. trouve rien de pins dans la nihk,
qu'H lient, sur la foi de i'~tisc, pour la parole de t)ieu, c't'st utt
croyant. Les réformateurs étaient les Hhrcs penseurs les plus pro.
nonces, et pour beaucoup d'homme:! cxccticnts le protestantisme n'est
pas autre,chose que taHbcrtc dépensa
c'est-à-dire que tes protc.s.
tants doivent rejeter tout ce dum ils m' peuvent se œnvnincre par eux-
metnc' Comme je souttaite qu'ils soient conséquents, j<! voudrais t)ien
qu'it en fut ainsi. Mais alors i) n'y :'urait plus de luthéranisme, (le
t-eHë'on reformée, de déisme, dt; natut-.dismt', etc.. h' c:)thfHcis)ne et
le protestantisme représentent des idc'cs tout a fait opposées
le ptc-
mier, une idée positive, c! te second, une idée négative.
nous t'nchaim'xt encore a des livres symbunqucs, quand
il est si rare de trouver des hommcsqui arrivent parleurs
propres recherches aux résultats contenus dans ces hvres?
–que veulent-ils donc véritablement? Des que nous nous
lassons imposer une proposition, comme étant etabtic
antérieurement a toute recherche, ou bien il nous faut
renoncer a tonte saine logique, ou bien nous devons ad-
mettre le catholicisme !e plus grossier et. te ptus dur. Je
sais bien que parmi les protestants xeics pourtours livres
symbotiques, quelques-uns voient ccJa mais je sais bien
aussi quets sont. ceux qui voient cela et nous le montrent
assez clairement dans tours écrits; je sais bien que! parti
a d'abord attire avec tant de xeie l'attention sur ces choses,
et tout !c public le sait. Ces protestants zeios ne scraient-
ils point par hasard les instruments de ces hommes qui
l'emportent de beaucoup sur nous par leur esprit consé-
quent et leur habUete? Je ne sais rien des jésuites et des
machinations jésuitiques, mais quiconque a des yeux pour
voir et une tête pour joindre ensemble deux propositions,
peut savoir que! vaste système d'obscurantisme a été
sourdement prépare, et quel est l'unique moyen de !c
mènera bonne fm.
L'Ëtat et rËgnsc sont donc distincts l'un de l'autre,
i! y a entre eux une limite naturclie que ni l'un ni l'autre
n'ont le droit de franchir. Lorsque l'I~Iise s'arroge une
certaine puissance dans !c monde visible~ e!ic est infidèle
a son propre esprit et elle a~it d'une manière évidemment
injuste. De son côte, t'i~tat n'est nunemcnt ohh~e, et en
gt''neral il n'a pas rnemc!e droit de s'informer de nos opi-
nions sur le monde invisi!dc. Mais reste encore /</ ques-
tion de savoir si dans certains cas la/c~cp ne peut pas
!e consciHer, et jusqu'à quel point il est fonde a suivre
ici ses couseils. Nous traiterons aussi cette question. :uin
de. mettre notre pensée l'aln'i de toute fausse interpré-
tation.
Une Eglise peut imposera ses membres des obligations
contraires a ccUes qu'i!s ont comme citoyens. 0"~ <!utt
f:m'~ un Mtat, lorsque cota hti f'st rcY.')!~ par <tos manit~s-
tations positives?– Si t'~tat tt'cst appelé a ju~'r qnc sm'
des ac~'s, et non sur des opinions, son ohH~ttion <m ce
cas ne comn~nœ que (p'an<t une opinion
ccch''siastiqne
est passer en acte chr'xquc~p!~ citoyen; il a atorsapnnir
Ïc faiL Mais un Ktat sa~c aime mieux pr'vcnir nnacto
quf <~ le punit' âpres coup; il aime mieux !'cmp(''c!!L't'
qncdes'cn venger. i!icn; mais comment peut-il savoir
que telle ou tc!!o opinion (te ses citoyens passera
r'el!e-
ment (tans les actes? L'i~nse a impose a un citoyen une
certaine obti~ation et it t'a acceptée, t'~tat ne sait si
c'est (le bonne foi ou hypocritement. L'état uoit-it ad-
mettre que ce citoyen est loyal envers t'élise, et qu'i!
a~ira conformément a ses principes? H scmbte. Mais cc
même homme a accepte une obn~ation toute contraire
F Etat devrait
envers l'Etat. En vertu du même principe,
admettre qu'il a aussi accepte toya!ement cette obii~ation,
et qu'il agira aussi conformément a cette obligation; et
alors l'obligation ecclésiastique et l'obligation civile se
supprimeraient réciproquement dans son âme. t/I~lise ne
peut arracher, par des moyens extérieurs, l'acte exi~e;
l'Etat !c peut au contraire, et par conséquent il a lieu de
compter sur sa superionte.–Mais on connaît la puissance
des opinions religieuses sur les âmes des hommes; plus
sont grands les sacrHiccs qu'exige l'irise, et plus on lui
obéit aisément; on lui obéit. souvent par cela mémo qu'en
la servant on aHronte un danger ou la mort la plus terrible.
–Je pourrais rt''pu)tdrequel'tatuu la S(n;irt(''peut com-
battre ce t'anatistuc aver l'anne qui mmsaetc pruprement
donut'centre lui: la t'rui<!<'<'tsai))eraisun;(pK'c'est pour
elle un motif de plu~ de multiplier les n~estu'es propres a
éclairer et.'t('uttiverl''s<'spriis,<(pte de cette manière
cite 60 mettra (te mieux ett mieux a l'altri (te la uueur re-
ligieuse. Mais si elle m' cotnpr~nt! pas ccia? Qn'uiin ns<'
ah'i's de ses di'oib.
L'Ktat ne peut. contraindra pcrsunnf; à entrer avcchu
dans ie contrat ctvi)~ nui hcnnnc ne saurait davantage
contraindre i'i'tat a rvadntcttrc, (Htand ïncnx' cchn-ci
n'aurait pas déraisons ibndccs punr in rciuscr, uu quand
il ne vondrait-iui en dunnernucnnc. Le:! deux parties sont
c~aicment libres, <'t te pact<' est volontaircntettt cottctu.
L'Ktat craint-il qn<! certaines opinions aient ()cs consc-
qnotn'cs tacttcuscs, il peut rctnscra tuns ceu\ (pu y sont
notoirt~ncnt attaett~si'' titre <!c citoyens; Hpeut, en con-
ctnant !e contrat''ivit~~xi~cr que cttacun lui donne sa
parade qu'il n'a<hnct poittt <'cs <q)ini<ms. Ct)acun a ic
droit do sortir (tu l'Etat, d)''s q't'ii te veut, r~tat ne peut
ic retenir; t'Ktat a donc e~deinent le droit d'exclure qui
il veut et des qu'il te vent, même sans en donner aucune
raiso)), mais a condition de ne point porter atteinte aux
dr'uts que celui qu'il exclut conserve cotume homme, a sa
propriété et a la liberté qu'it a <le se fixer dans le tien qui
lui convient, counne nous l'avons montre dans le troisième
chapitre. Que l'état use de ce droit qui lui appartient con-
tre ceux de se~ citoyens qui, ap:'es être entres dans le
contrat civit, se sont notoirement attaches il des opinions
qu'il croitdanQcreuses.–Je ncsuis pas ici en contradic-
tion avec ce que j'ai dit plus haut. J'accorde a l'Etat une
surveillance sur les opinions; mais je dis que
tonte direction est un si~ne de lailtlesse et de
folie. L'Etat peut det~'miner <-<' qu'ou ~c doit /s
croire
il est<-ontrair<'
pour être apte aux droits de citoyen, mais
a sa tinetabsurdp de déterminer ~y~'<< croire pour
avoir cette c~})a<-it~. Je vui> hicn puut'quoi un Ktat ~~<'
n<:
saunitsonth'!t'dcj'suitcs<'<n)S)''<tHC!tts, !naisjcnc\<)t6
suuM'ru' i's atttccs. I<ps
p~s p~m'i"i i! ~c (tcvi'ait pa~
p~emici~St' i'unt (tcrit)jnsticc undt'Vt.ur: if~uK'th'nt i'~tat
c~ pcni; h~ dct'ni's, d'apn's
i'upmiun q't'uu s'un f:ut
<'(''n<ralcn~'nt, ne refunna~nt pas <)c <!<uit': cch ne
iaH l'~n a i'Kta~ qui a la foj'cc phys~u<' pour contnun<h'c
les citoyens a ï'cmp!h' ~s uht~ati'uis cnvf'~ hu, qu'its
le iasscnt on non avec ptai~r.
Pc ta découlent i~ droits d'un J~ai ~n n'ohtti~n sur
!c SYStcrneccctcsia~ti({uc. h pt'ut ta\t'rrt'r)ain'~ dochmos
Je relise, qui n'cxchfa~'Ht pas p)squ<"ia du droit de
citoyen, parce (pi'dics sont contraire a ~cs nt'nv'.ntx
principes poiitiques; H pcnt ''xi~r de t'~ts (eux qui rc-
dament le titre df citoyens, ienr par<deqn'i~ ont renonce
a ces opinions, et rendement ~otennc! de renndir les
nouvettes oLii~tions que ce titre h'ur in'posc', quelque
contraires qn'encs soient a tenrs anciettncs (toc)rines; il
peut exch're (te ta L'onnmmau!e et de ta jouissance (!e tous
les droits civils ceux qui ne veulent pas prendre (-et en-
~emcnt.Mais hors de ta il n'a plus aucun droit sur eux;
teur propriété et leur liberté persounelte doivent rester
intactes Une s'ils l~nt putdiquemeut ou secrètement ta
celui-ci acquiert un droit
~norre l'I~at, alors seuleutent
droit, il l'a sur eux, non
sur leur liberté personncite, et ce
des hommes,
pas comme sur des citoyens, mais commedusurdroit naturel,
civit, tuais
non pas en vertu du contrat
droit de les punir, mais de les combattre.
non pas connue
Il se trouve a leur e~ard dans le cas (te légitime défense.
Mais ta principale source des dinerends entre l'1'~lise
et l'état, ce sont tes biens (ju'elte possède dans tu monde
visible; un examen approfondi de l'origine et des droits
de ces biens peut seul résoudre toutes les ditncultes (j'u
restent encore.
L'H~Hse, constderee comme tcHc, n'a de iorces et de
droits que dans le monde invisibte; eHe tren a point (tans
ïe monde visible. La un champ immense, sans homes, est
ouvert aux conquêtes de sa foi; iciette ne peut, au moyen
de cette toi,–son unique instrument,–acquérir aucune
possession; cardans ce monde,–j'en demande pardon a
certains professeurs de droit nature!il faut, pours'ap-
propricr un bien, quelque chose de p!us que !a volonté
de le taire notre et la croyance qu'il l'est devenu. Un mem-
bre de l'H~lise peut posséder, mais non pas 6W~ïc mem-
bre de l'Enlisé, en vertu de sa foi; il ne le peut que
comme membre du monde sensihle, au moyen de ses in-
struments physiques. L'élise ne peut pas posséder, comme
Ë~isc ce qu'elle possède, elle ne le possède donc qu'en
vertu d'un contrat, non pas sans doute d'un contrat de
travail, –cite ne peut pas travailler, mais d'un contrat
d'échange. Elle échange des biens célestes qu'elle possède
en abondance, contre des biens terrestres qu'elle est loin
de dédaigner. L'I~lise a des fonctionnaires qui ne vi-
vent passeulernent de foi, mais qui ont besoin aussi, pour
se conserver, de nourriture terrestre et de boisson terres-
tre. Il est dans la nature de toute société que ses membres
entretiennent ceux qui consacrent leur temps et leurs
forces au service de la société; les membres de la société
ecclésiastique sont donc sans aucun doute obligés de nour-
rir leurs fonctionnaires. Cela peul se faire au moyen de
contributions/c6cy'~ par la loi, laquelle, sur ce point
aussi Incn que sur tous tes autres possibles, s'impose A
ttous connue un principe de toi nécessaire an salut, de
telle sorte qu'il soit impossible a celui qui ne s'y soumet
pas d'échapper a la peine (te la damnation éternelle. Celui
qui acquitte sa contribution l'acquitte donc pour être
sauve; ce qu'il donne, il rechange contre le ciel. Ou
Lien les contributions sont t~e~. Or, lorsque !'on
donne réellement a l'I~lisc, en tant qu'elle est l'i~lise,
Ct non pas seulement il une personne qui peut être acci-
dentellement membre ou fonctionnaire de l'Eglise, c'est
que l'on croit a i'h~ise, et que par conséquent, on a l'es-
poir d'être sauve par la ~racc de i'K~nse. Si einm t'en
cède des biens terrestres a r~nse tout exprès en vue
d'expier certains pèches ecclésiastique~ ou d'acheter une
plus haute béatitude c''teste, rechange est alors manifeste.
De cette origine des biens del'E~Hse découle une con-
séquence importante.–Un contrat n'est exécute (comme
nous l'avons montre plus haut, lu. ~1-1~2), que quand il
tombe dans le monde des phénomènes et que les f/c~r par-
ties ont tait ce qu'elles avaient promis de faire. Un contrat
d'échange de biens terrestres contre les biens célestes ne
tombe jamais, du moins en cette vie, dans le monde des
phénomènes. Le possesseur des biens terrestres exécute
sans doute le contrat de son côte mais le possesseur (les
biens célestes ne l'exécute pas du sien. Ce n'est que par
la toi que le premier s'attribue une possession en échange
(le laquelle il ne cède pas seulement a l'K~lise l'espérance
de ses biens temporels, mais la possession réelle de ces
biens. Qui sait s'il a réellement foi en l'I~lise? A suppo-
ser (m'ii ait cette loi, qui sait s'il la conservera toujours,
ou s'il ne la perdra pas avant de mourir? Qui sait si
l'I~lis); a l'mtention de lui tenir parote? Si, quand même
cHe aurait cette intention, etien'en dtan~ernjatnais?
Qui sait site contratentre tes deux parties est réel ou non?
Personne, si ce n'est celui qui sait tout. Une des deux
parties ou toutes deux ensemble peuvent a chaque instant
reprendre leur volonté; la volonté des deux parties ne
tou.be donc pas dans mnnd~ d~s phcnon~ncs.

d' Lo possesseur dt'sbicns torrcstrcsa, il est vrai, cx~utc


lu contrat, pour sa part,
<{n<'
it a t'ccn <'n o<'han~c le droit
l'I~Iisu t'cx~cut'u'a aussi do son cote
pcn~uuesapropri'tc'\st.ccll<!<!cri~lisc; mais
qu'il cesse de ct-oire, soi~a ta bonne volonté de r!isc,
il
Voici

soit au pouvoir de le sauver qu'elle s'attri!)ne; il n'a plus


aucun dedonnna~etnent a osperer; sa volotde est change,
et son bien suit sa volonté. 11 était toujours dcïncnr~ sa
propriété; a présent il le revendique réellement. S'il y
a un contrat ou l'on ait le droit de se
repentir, c'est as-
surément le contrat d'échange avec l'I~Iisc. Point de
dommages et intérêts! Nous n'avons point détériore les
hicus célestes de l'I~'Iisc; l'Irise peut les reprendre, en
nous inni~eant, si hou lui semttte, ses châtiments, son ex-
communication, sa damnation. EUe esHibreacet e~ard.
Si une t'ois nous n, créons plus a l'I~lise, tout cela ne
t'era pas sur nous une grande uupressi"n. -Je n'envisage
I~lise, <mecommc
eut'orf ici l'I~lise, en ta!)t<m'ellc est
possesseur de nos l)iens. Nous verrons tout il l'itcure ce
qui resuite relativement aux dommages et intérêts, </cc<?
/< qu'un fonctionnaire de l'I~tise possède ces biens,
comme personne dans le monde sensible.
Mou père a cède a l'i~ltsctous ses biens potn' le salut
de soname.H meurt; et, en vertu du contrat civiIJ'cntre
en possession de ses biens, a la condition sans duutc de
rcnndir toutes tes uhti~ahcmsuu'it a attachées par d<'ve-
ritah!es contrats a ta jmssession de ces biens. Il il conclu
aveet'tisc un contrat a tcur sujet, mais ce contrat n'eut.
jamais tombe dans to monde des pttenometu's: itne se
tonde que sur ta toi. Si je ne crois pasat'~tise.un tel
contrat, est. mn pour moi; pour moi, t't'~tise n'est rien,
et itnund j<! rcvcnttiquc teshtr'nsttc tnon {H~jc ne porte
ttumuinsitttcintt' :tn\dt'otts (te personne.–f/~tat ne doit.
)tom; pasnt'<'n''ntp~chet'. f/~tat., M~~y~ Ktat, ''st. tout
aussi incr'dnh'qncn~'i;otnnw'~tat,nn<'('on!tatt pas
ptns t'Ë~i~ qn'' m' ~'Hf 'cst pas pLts (pu'tquc chose

pom' ini <nu' p"nt' moi< ainsi (pm nous l'avons !no!ttr< p!!us
!taut; ihK' peut (h'icndreics prétentions (h~ tpu'h~nc cho~c
qui n'cxistcpasa ses ycnx. Mais mni, jf suisqnct~nc chose
pour tui, d d est tcnn <!<; n~ prot<r <'ont~ <c néant.
Ihn'a attribue ia possession ()'' m'js hicns pat<t'n(~s, a la
condition que .je ne m'approprierais ies hicns d'aucun
autre citoyen mopt. J'ai remph cette condition; it est donc
tenu, aux termes du eoutt'at,de tnc protenord!'ns!apos-
session de ces biens. C'ct:ueut toujours tes biens de
mon perc~ itssont restes ses biens jusqu'à sa n~rt; car
ce centrât'mi est md et non avenu <tevant te tribunat(!u
droit, naturel et devant c<'tm (ht ()roit civit',n'a pûtes

mcr sa
mf;t' 1 l "1"
ntiener. n lui était sans doute'hicn permis d'en taire li-
bretnentt'abandf'n,otj':tur:uspupartuonsitenceconnr-
sit Yotcute (!aus ce f~;IS t'~tat u'aurnit p.'ts ett'' uusen
c~ f'as
renuisitiou. Mais~ présent je ne connrme j~seettr' votonte,
je nTets t'Htaten réquisition..<e puisttien renoncer a mon
t~rl

droite maist'~tat uf.'te peut pas pour juoi. -Mais mon


père a cru; (~e contrat était omi~at<'ire pour tui: -–lia
paru croire; je ne sais s'it n cru reeUement, et je uc sais
pas davantage si, a supposer qu'it existe encore, il croit
encore a présent. tjuoi qn'n en soit sur ce point, je n'ai
point anaire a mon père comntc a un membre (tu monde
invisible, mais comme a un membre du monde visible. Il
est mort, et je prends sa place dans l'Etat. S'il vivait en-
core et qu'il se repentit de sa donation, il aurait bien
le droit de reprendre ses biens. S'~V avait ce droit, l'ai
aussi, car je suis lui-même dans l'Ktat.je représente la
même personne physique; pour l'État il n'est pas mort,
il ne l'est que pour moi aux yeux de l'Ktat il u change de
volonté dans ma personne. Que si mon père n'y consent
pas, qu'il revienne dans le monde visible; qu'il y reprenne
possession de ses droits, et. qu'il use de ses biens, qnire-
devicndrunt :dors les siens, comme il t'entend. Jusqnc-1~.
j'agis en son nom. Mais, puisqu'il est mort dans la toi,
il serait plus sur d'agir conformément a il m'est.
bien permis d'exposer âme, mais non celle d'un au-
tre.–Oit! si je pense ainsi, c'est que je ne suis pas encore
décidément incrédule envers l'i~lise; j'agirais alors d'une
l'a'on inconséquente et insensée, même en n'exposant que
mon âme. On
l'église a dans une autre vie un pouvoir
executif, ou elle n'en a aucun. il faut que je sois bien dé-
cide sur ce point. Tant que je ne le suis pas, j'agis plus
sûrement en ne touchant pas au bien de l'Eglise; car
l'Kglise mamtit, jusqu'à son dernier jour, celui qui lui
ravit s<'s biens, et elle en a parfaitement le droit. Le
druit tte revendication que possède le premier héritier, le
second l'a aussi, et le troisième et le quatrième, et ainsi
toutes les générations succcssivemement car l'héritier
n'hérite pas seulement des choses, mais de certains droits
sur les choses.
11 y a encore d'autres conséquences
qui résultent du
principe précèdent, et nuus n'avons aucune raison d'en
supprimer une seule. Quand même cites seraient tort res-
treintes par des considérations utterieures, et quand elles
n'auraient fx'iMt d'application dans ta vie, cites auraient.
encore t'avantu~e de faciliter t'intclti~ence do l'ensemble
et d'exercer la retlexion. Non-seulement le légitime
hen~ier on ':dm (jm est ap~'h'; a sa ptacc a l'ccuedhr
i'tK'nta~c, mais tout. homme, sans exception, a ic
di'otL de s'appt'~pner des !nens qui ne sont qnn des biens
d'anse. L'Elise, connue <.enc, n'a ni ibt'ce ni droits dans
ie monde visible; pour cehn rnii n'a point i"i en eUe.eite
n'est rien; ce qui n'appartient, a personne est la propriété
du prenner venu qui se t'approprie en vertu d'un droit
valable dans te monde des phénomènes. –J'arrive en un
!icu (je ne m'occupe pas ici de savoir si ce lieu porte ou
non ta trace du travait), et je me mets a te travaiitc!
ann de me t'approprier. Tu viens et tu me dis « Retire-toi
d'ici; ce iieu appartient a i'~tise. » Je ne sais ce que
c'est qu'une Ëgtise,je ne connais point d'h~tise; que ton
!~lise me prouve son existence dans te monde des phé-
nomènes je ne sais rien d'un monde invisible, et la puis-
sancc de ton Eglise dans ce monde invisible n'a aucune
influence sur moi, puisque je n'y crois pas. Tu aurais
beaucoup mieux fait de me dire « Ce lieu appartient a un
homme de la lune; » car, si je ne connais pas l'homme, je
connais la lune, tandis que je ne connais pas ton H~Hse
et que je ne connais pas davantage le monde invisible ou
elle doit exercer sa puissance. Mais laisse ton homme
vivre dans ta lune, ou, si tu le iais venir sur la terre,
dis-lui de me prouver son droit antérieur de propriété sur
ce lieu je suis un homme de la terre, et en attendant je
veux m'emparer de sa propri')e a mes risques et périls.
Mais les membres de l'relise sont en même temps des
~2
pel'SIJJlIWS .lam; le
personnes dans cOl'pol'l~I;ils
monde corporel;
le lHoUlle ils ont, comme tels,
uut, e011lllW
des forces et des droits dans ce monde. L'Eglise, comme
société spirituelle, ne peut en ~én~ral posséder de biens
terrestres; il faut qu'elle les an'ermcades personnes phy-
siques, qu'elle considère comme ses tenanciers; devant
son tribunal ces personnes ne sont pas propriétaires,mais
simplement possesseurs. Mais que sont-elles devant le tri-
bunal du droit naturel ou du droit civil, et quelles res-
trictions en résulte-t-il par rapport A ces droits sur les
biens de l'Kglise que nous venons de déduire?
Un tenancier de l'Eglise possède un bien (mi est ma
propriété; il te possède soit par l'en'et d'une cession anté-
que j'ai laite moi-même à l'Elise, soit par suite df
lu succession de mes parents qui l'ont cède eux-mêmes.
,le reprends mon Lien ou je le trouve; je ue m'occupe que
du ~/ï, non deIa/M/!M<?. Le possesseur actuel qui de
bonne foi croit a l'Ëgtisc, qui re~'ardf le bien comme une
propriété de l'Église et lui reconnaît te droit de le lui livrer,
se trouve ainsi lésé il a compté sur une possession du-
rable il ne peut vivre si je la lui enlève. Suis-je tenu de le
dédommager? -Je n'ai point du toutau'airc lui ce n'est
pas a lui, mais a l'Église, que ce bien a été cedu, soit par
mes parents, soit par moi;
l'Église le lui a loue c'est par
c//c qu'il est lésé, c'est A elle, et non a moi, qu'il doit
demander une indemnité. Si mes parents ou moi lui
avions loué personnellement ce bien, il aurait alors dc~<
droits sur moi, non comme membre de l'Église, mais
comme membre du monde visible; a présent il doit s'en
prendre à l'Église. Mais ne serais-je point obligé par
hasard a une indemnité envers l'Eglise ? Si je n'y suis
obligé envers aucun de ses membres, en tant qu'ils sont
membres du monde visible, et si je ne l'y suis pas,
têt, conctu du cuntrat
,.arce qu'aucun d'eux n'a, connue
mot, ne l'y suis certainement f~as envers
avec
t'Élise, consider.-e comme société spiritneiïe. Ktte n'a,
sensible, et
sous ce rappurt, aucun droit dans te monde
ctte n'v saurai imposer aucune ob~ation. Si je ~ns tcm.
(k' ta
.icdommat~ c'st en biens spirhu~, car c'c~ t~-
d~us qu. pcr~ n~m ma~hc; .'t a e~ud tdtc p.ut
pkmcm.-td moi sut..h-ui! d~ r<t''sadh'
n~rcut-
moi, dps cc~sU'.
KHc pf'ut nous tn-iYcr, n'es parcnb
peut i<-s rcp~r sur cctut
faveurs ~a'ct~ distribu.' ~t.
.~ui s'~st trunv~ b'sc dans
mut.d<: scnsibh' par ma re-
vendication, ~chu-t-iv~bi~ s'en ~nh'r; ceta rcsk-
disposition. Si tenancier de t'~nsc a, connue
a sa
ann'diore nw.n bien et a an~ente sa vatcnr
p~sess.'nr. Il~hsc,
dncra pasiait L-utnmc nu'tnbrc d.'
la pcns~ de rincrcdntc la toi n'a:ncnorc aucun h~cn
dans
mais co.n.n~ membre dn mond.- scnstbte,
a
tun-estrc,
signe, c'est-
l'aide de ses tacites corporeii~, ou de leur
le dedomma~er
à-dire de sun argent, je suis tenu de
membre du monde sen-
dc ces amehorations car comme
certainement avnir des droits sur m<u. (~
sihic, peut
il
am~iorationssunt-ehesduesa t'aient dératise; d'après
contession.jc ne s~ rien de !Hse. La Yateur
,na propre t.-nancier qu.i
dans le monde sensible; c'est ie
pn réside
propriétaire a mes yeux, c'est lui que je do~ dedom-
est
S'il croit personnetiement ub~e de remettre a
,na~er se
r~Use ce qu'il a reçu de moi, cela le regarde d peut
Mais si les ame-
taire a cet e~ard ce qui lui convient.
bem'.d.cUon.
tiorations de ma propriété consistaient en
spiritueues.cb.s qui n'existent que pour ceim qmy
celui qui l'a possédée jusqu'ici pn'.tendatt avon'
croit; si
force de sa im, une
fait descendre sur mes terres, par la
fertdhe particulière, ou en avoir citasse, par ce moyen,
les mauvaises Iterbes, les mulots on tes sauterelles, je ne
lui devrais aucun dédommagement; cnr, d'âpres mes
principes, je ne crois pas que ses prieras aient pu avoir
t'ettc enicacite, et il ne peut me leprouvr. Si mes terres
ont réellement1. une t'emarqual)le fertilité, si elles sont
r't'Uct)tcnta i'abride tous ces n<aux<!<'s champs,– sais-jr
-~i ccta ne ticn~
pas a i<~n' nature, uu, dans h~ cas (~t il
iaudrait. voir ta i'cncL d'une t~'ncdiction surnatnrcUc, si
''eHc h''uu''diutiutn)c m'a pasctc pcrsonncucm~ntdcstincc?
(Ju'H mu retire la main (pti faisait, descendre les henedie-
tiuns sur mes terres, qu'il les frappe de sprinte on appeUe
sur mes semaines tes insectes malfaisants, s'il pentie faire
par ia seute force de sa foi, il en est maitre.
Si je n'ai point le droit de revendiquer expres.semen!
un bien que possède un tenancier de Pr~Hse, c'est que
celui-ci est propriétaire ~c~ H a i)eau croire
qu'i!. ne l'est pas et qu'il dépend d'une i~lise cela ne me
donne aucun droit, puisque je ne crois pas a t'K~lise et
que l't'~use n'est rien pour moi. Je ne reconnais dans le
monde visible d'autre tribunal que celui du droit naturel;
devant ce tribunal ie propriétaire de la dernière forme
est propriétaire de la chose, et je dois le tenir pour tel,
quelque croyance qu'il ait lui-même a ce sujet. Je respecte
en lui, non les droits de l'I~lisc, mais ses propres droits,
(m'iUes connaisse onnun;y<~dois me montrer ndelea
Mt~ principes. Ce droit de s'approprier le bien de l'K~'Iise
comme n'étant la propriété de personne n'a donc Heu que
quand ce bien n'a point de possesseur; et comme ce cas
lie se présente que rarement ou jamais, lus conséquences
sont peu importantes pour nous. Mais elles le sont beau-
coup pour le tenancier oe l'Eglise, il est propriétaire
selon te droit naturet, tors<fu'it n'vata pet's'mne qui
puisse prouver l'antériorité de ses (troits. Que s'it at~jm'e
safoient'~tise.itest atorstmveritabte propriétaire:')
tous tes points de vue. t~rsonne, excepte
j't'~tise, t~'
j«mrr:n~ lui r~;n''H'hfr)h' s<"
<'omtni!'<'<'n [~'op!<ait'c
n'ct.H rf't)()uss);:utjot)t'(t'hui <'u)!c cr«\:m<'<wnt'tist~
)'!h-tt'('\is:<'ptust)<)tn'!)ti,tt'<)H''pcutp'u't<'r:tU('int''
:nt\ <h'<yits~c <-f <pti n't'sL p: –t~st c'mun'' si un
nmrchanttct'uyaih~rn ass'wi. av~c un habita! <t~Ia !nm'.
TaHtqu'' i'i'c dt~'fH'' association comnx'~ia~' dm'p
dans son ima~tnatiu!t,it)H'nL put't''rcxa(-t<HK't~sut'~s
!ivt~s, aucompt'' <tcsonass«ci< nnf par) <~s h~'n'
ticps;mais,si parfois iN'rnsh'o un j[~ttsonassoci<q))i,
f'xœptco'iwi-ci, am'ait !R droit (k hti rn <i''man<)<'t'
conu~c? (ht, si c<'Mc i(h' vient, a <Mspfu':Htrc (~ son ima-
~inaHon, qm voudrait. t'ctnp~ch<'r (h' s'approprier ie si'
et.tes benetices de son ussocic inia~inaire et <tc rnodiher
ta raison de commet ce qu'it avait afîicttee jusqnc-ta?
On ot)jectera peut-être <pte ces princij'es iavoriseraient
puissamment rincredntite il t'e~ard tt<; t')~tis<cn la pré-
sentant cotTtmcquetqnc chose de si avantageux; mais je
ne puis m'occuper de toutes
tesconse(mencesde nies
principes des (m'eties sont. exact-eme!~ déduites dp prin-
cipes exacts, je n'ai t)oi)tt :'t etw'rctter ce (fui en doit re-
suttcr. Si t'M~tisc il raison, i'incredntu n'aura pas joui
impunément (te son ~aiu ternporeh il sera eternettemcnt
damne pour ce t'ait. H faut iaisser aux ~eus h'ur tihertc.
Cetui (tui aim~ mieux être riche en ce monde et dfmme
dans t'autre que pauvre ici-bas et bienheureux ta-baut, il
bien !c droit <te suivre scsnoùts a ses risques et perits.
!at)pticati~n de ces principes a t'État est facite. L'I'~at 1

es) :'t t'e~ard de


t'i~tise. considérée comme memttre du
monde sensible a cause (h ses possesseurs sur !e sut du
ce monde, comme un particulier a l'égard d'un particu-
tier; its sont soumis, dans leurs rapports réciproques, au
tribunal du droit uaturel. L'Etat n'est l'état qu'on vertu
(h: l'unanimité. Si h's membres (t~ !tat H va sans

(Ht'c que h's fonct!n!tan'csde t'is~


ou tes c<;ch''sia~tn{ucs
f'n t'ont, par~c comme tes antres rctus~U <'n mthuc
temps (!'un cummmt accord obéissance a H~tise, celle-ci
n'existe ptns pour cet État; il a tonsies drons qu'numit
dans t'urdrc nature! t<mt imHvidn qni ne croirait a aucune
t~tisc.
L'État, sons tes conditions indiquées pina haut et en
vertu des principes précédemment deveioppes, reprend
avant toutes choses tout ce qui lui appartenait antérieu-
/<c /<p,
1 l,
rement comme comme bien commun
de tous les citoyens,je ne dis pas tout ce qui se trouve
dans ~spacecllr'uccul)t'nt i'l:trlt Il'(;st.
cit~:vcrls;i'~tat n'est pas
scs citoyens;
qu'occupent ses lias urtc-~
une
pièce de terre, mais une société d'hommes; il ne se com-
pose pas de champs, mais de personnes. Si l'Etat n
kn-memc, au nom et comme intermédiaire de FË~ise,
loué les biens ecclésiastiques aux possesseurs actuels, il
n'est pas sans doute oblige d'observer un contrat passr
avec (pielquc chose qui n'existe plus pour lui et dont par
conséquent il ne peut plus être l'intermédiaire; mais il
est ohli~< de dédommager !<' possesseur, qui se trouve
lèse par la faute de l'état. Cehu-ci doit. être consi(h'r(''
comme un privite~ et ce dédommagementauquel, il est
tenusc tonde sur tes principes développes plus haut dans le
quatrième chapitre. Si l'état n'a pris aucune part a la
concession de cette possession, et si l'I~lise a immédia-
tement traite, celui qui se trouve lèse n'a nutlemeat le
droitde rcctamerde l'état une indemnité, tout de mente
droit naturet il n'en am-au
que devant te tritmnat
du
bien
aucuns exiger des individus. Cela peut paraMre en
circon3!anc~ dur,o.ppressit\peu équitable; ma~s cela
précisément injuste. L:~ douceur et nnunan~
,~st pas
<-onscUh-nt p.s clames <~oscs .p.. np commande pas
kdr.~natu. bien pcrm~ dans
~uncut ..t n
deux
les .crits phUosophiqn.-s, .te sopar.-r n~t~mcnt c~
ttomaines.
Tout citoyen en pai'ncuhcr reprend ce
ùquot il prouve
parHcuHers peuvent
(.u';i a dnnt do pr6~ndre. T.'us les
rËtat tenrs î~Himes pretenHons les
abandunncr a
b;en8 de n~ b's btpns d~ parHc'di<~ deviennent
:do!'s.~ prnpri't6.
ecciesiastifptc~ est
Si le h~Hime h~nHerde certains hiens
pnbti(ptc déjà existante qne rKtat
inconnu et si c'est une toi
hcritn (te lapropriété des t'amines éteintes, tôt (pu ne
(rcUc-m~ne, mais qui doit avoir été expressément
ya pas t'Ëtat est alors ic pro-
~tabtie par ta volonté generaie,
été no-
pnétairc de tous les biens ccdcsiastiqucs (pli ont
toirement
on ne
ccd.'s
trouve pas
a l'Élise par
d'héritiers. Je dis ~o!
d'anciens citoyens auxquets

vraisemhtabte que puisse être !a chose, une simple


car, si
vrai-
prétendons.
~embtancc ne .unit pas a l'onder de 1~-itimes
si l'on ne
S'il n'y a pas en ancrai de loi de ce ~-enre, ou
la loi trouve dans ce cas son application
peut prouver que
sujet
particulière, comme tous les biens ecclésiastiques, au
(lesquels ni l'État, ni un particulier ne peut prouver son
droit, cetui dont. il s'agit ici n'est la propriété personne,
de
il appartient au premier qui en prend possession, c'cst-
~t
.jusqu'ici le posses-
a.dire sans doute a celui qui en a été
réel. On doit te regarder comme propr~'tan'e, et
seur
de sa possession contre sa
personne n.: sanrait s'emparer
votonte. Si ce possesseur, qui es) maintenant tn'oprietaire,
est citoyen, il il, parmi s''s droits de citoyen, cetui de
transinettre héréditairement sa propriété, et il peut, parl'
conséquent, té~uer a ses entants ses biens ecctésiastiques,
a moins qu'ii n'ait conctu:'t cet'ard avec t'~tat quelque
contrat particuti<
Mais, comme on ne peut ~uére attendre que tons tes
membres (h; i'i~at rP)CUc!tt en !nmn<; tontps a t'unanlinih''
!a c!'o\'anL'c il i'i~lisc, et qn~ par consr<p!<~M l'ancion Kta)
snhsist''tont<'nticra\<'<-tc r<'st''<!c scsth'oitsf'Uh's~s
obti~ations: conmn' du contrai~' u:))' tc!h.' dissohthun (.!<'
!tisc n~ peut arriver qu~ par un~ r<ohttio!t, ou
Hn'cMR n' tnan<~ucrait pas <ht !noins d'en pro<hn)'c tttt)\

cp qui pr(!c~<k; est moins un principe


nppncahh' dans tp
mundc rcct qu'une rc~h' de jugement. Mais œtte r<c
mente nous met en mesure de prononcer sur te second
cas, heaucoup plus vraisetnhtabte, ouiesvoix des citoy<'ns
touchant n~hse seraient, partagées. S'i!s ne peuvent pas
vcui!t<' céder a
se mettre d'accord et qu'aucune partie ne
t'autre, ~Ëtat est :dors en revotution.
Quiconque sort de t'Ë~ise a !c droit de revendiquer sa
propriété, qu'eue possède. !in'y a donc pas de doute qu'it
ne soi!, pcrnus aux membres qui se séparent
~e rt'~at
votant pour t't~hse, de reprendre, soit mdividuencrnent,
soit en commun, en unissant leurs prétentions et tours
forces, tout ce sur (moi i!s ont des droits personneis.
Quiconque sort de t'tat conserve, comme nous t'avons
montre dans te troisième chapitre, sa propriété et par
conséquent aussi ta part qu'it a fournie pour te bien
commun de t't~tat. Un citoyen isoic ne tcraitpassi tacite-
ment usa~c du droit d'' ta revendiquer, parce qu'it n'est
il ne peut de-
pas assez tort pour se protéger mi-même
mander cette restitution a l'état sans sn séparer de lui e!
sans su priver par 1H de sa
protection, (pu lui est si néces-
saire. Mais, puisque ces membres plus nombreux et plus
torts se sont détaches de l'État et qu'ils se croient assez
puissants pour se protéger, qui pourrait les cmpecber
dc l'air'; valoir leur droit dans toute sa rigueur, et en par-
ticulier de reclamer de l'Kglise ce (pu leur revient pour
ieur part de la fortune publique consacrée a H~lise ?
L'ancien Ktat, qui demeure tidetc il l'Ë~isc, conserve sa
part, et peut la laisser a t'Kglise; il ne saurait disposer de
cette des membres qui se séparent (le lui. it résulte
ctairetnentde ce qui a etc dit plus haut que les membres
qui ont amené cette séparation sont oblig-es d'indemniser
leur part les tenanciers de l'Mëlisc, lèses par leur
pour
réclamation, quand c'est l'ancien Ktat (pu a investi ceux-

/< ~c ~<
ci de leurs biens; ils y sont obliges cow~' si
de ils sont au moins res-
ponsables du dommage comme partie du tout, et par
conséquent ils sont ubti~cs de le reparer selon leur part
a chacun.
l'ancien Etat qui croit
Plus il y a de membres quittant
a t'Ë"-tise pour entrer dans un nouveau qui n'y croit pas,
plus la part de ce dernier aux biens de l'I~lise est accrus
par la réunion des prctentions communes et personncues.
Si tous ennn, y compris !es fonctionnaires immédiats dr
t'Mise ou au moins une partie de ceux-ci, se rangentL
du même côte, il ne leur reste rien qu'ils puissent laisser
a l'I~-tise, que leur petite part de la fortune
publique et
ce sur quoi ils ont
personnellement de légitimes préten-
tions. -Ce sur quoi personne ne peut prouver son droit de
propriété reste au possesseur, soit qu'illc tienne pour une
proprietc qui lui est acquise par droit d'appropriation,
soit <pt'H ie ~ar(te comme un iiet' de i't~iise. L'état n'a
point le droit tic le lui prendre; s'it t'ait appct :'t i'oï'cu,
il a~it injustement utdudat'e ia ~uciTc a l'humanité.
Si cciui qui po~S(';dc ainsi un ancien bien ccdesiasti~n',
qu'il se rogardc cunnnc un vrai propriétaire ou qu'ii se
croit' dépendant de t'i'~iisc, n'eut pas entre avec lu nouvct
~tatdans entrât civH, il n'a aucun droit de transmis-
sion héréditaire; et, après samort, i'Ktat peu~'appro-
pricr son bien suivant ic droit du prcnuer occupante et
prendre d'avance avec ses citoyens un an'anpement<'tdes
mesures pour ce cas. Df cette iacon tous ies biens eccie-
siastiques dispanutraient peu u peu et reviendraient r~u-
ucrernent a t'Htat.
~VEKTiSS~MKFST Fi~ÀL.

1/autcur avait. lance tout. hasard dans te puhtic ie


premier volume de cet ouvrage, et il lui parut que ce
volume 6tait allé s'engloutir dans le torrent des nouveaux
écrits auxquels a domu'' lieu le m~mc sujet.. Au nnHcu de
h~anconp d.~ distï'acttons et d'etnpuch~monts it t'f'cuciUtt
tes matériaux (testin~s aux chapttrus du s~œnd, ptutut
pour tenir parole quelqu'un que dans l'cspci'ance de
voir le pubitc honorer encore cet. ccrit de son attention.

daigne en dire un seul mot, dans la /~MC ~c/


Bien que nul autre journal n'eût, <'t ma connaissance,

dont je ne connais aucun collaborateur (~t "u je n'ai point


de correspondant, un noble écrivain, que je ne connais
pas, qui, je l'atteste, ne me connaît pas davantage et ne sau-
rait deviner qui je suis, et qui, le pourrait-il, n'aurait pas
le moindre intérêt & vanter un ouvrage de moi au-dessus
de son véritable prix, a bien voulu recommander cet
écrit presque oubue avec une chaleur (mi t'ait le plus grand
honneur a son cœur. En tait-cHe autant a son jug<mcnt?
c'est ce qu'il n'appartient pas il l'auteur de décider.
Cela m'a encourage me rendre encore plus digne du sul-

i'ragc de cet honorable écrivain, surtout rclativcutt'nt a ce


qu'il dit. de mon style, et a réserver pour un troisième
volume les deux importants chapitres qui restent encore,
ahn de les travainer plus soigneusement. Pourtant l'au-
teur espère que rien ne l'empêchera de hvrcr ce volume
a l'impression d'ici a trois ou quatre mois.
H lui est venu aux orcitles bien des plaintes sur l'obscu-
rité du premier volume. Le puldic est trop accoutume il
entendre les écrivains soutenu' qu'Us ont toujours raison
et répondre aux plaintes (;u'on leur adresse au sujet de
l'obscurité de ie'n's écrits, en se plaignant a leur tour de
ta frivolité et de l'inattention de tours tcctcurs, pouruue
fauteur de cet ouvrage puisse trouver du plaisir il répéter
encore une lois une chose si souvent répétée. H consent
a être te seul coupahtc, pour peu qu'i! y ait aussi (te sa
faute. H ne demandera pas au lecteur de comparer son
ouvrage avec les autres écrits composes sur tes mêmes
sujets d'après tes mêmes principes; it ne lui rappellera
pas que les recherches philosophiques, où l'on s'attache
du moins a la solidité, ne se peuvent lire aussi aisément
qu'un roman il la mode, des récits de voyages ou même
des ouvrages philosophiques composes d'après le système
des opinions régnantes; il ne veut même pas, en lui épar-
gnant la peine de lire un ~'ros volume, lui donner celle
d'en lire de minces en plusieurs tbis; il n'ajoutera plus
rien sinon qu'il s'appliquera toujours a écrire avec plus
de clarté à condition que de son coté le lecteur s'appli-
quera toujours a lire avec plus d'attention.
NOTES'

Page 4, tigne2~. ce qui nau~ cowMrne, est t/ p~~d«d~


?'«~'o~ poxr M«<? )n~net{<e bo):<<' ~'«, o!c. Tout ce passage est
troniquo Fichto y fait allusion au fameux edit do rétinien donne
on t788 par te ministre Wotncr, éditdont le but était du derfmtre
t'or<,hodoxio rei!gicuse et les h\rcs sacres cont-rc les at-tuqups ou tes
interprétations du raHonntisme, et. qui attira sur les iibros ponseurs
toutes sortes de pprsccuUons. Lo n)'~)siour Crunz, cite quotq'jes
lignes plus loin, ust qnotquo VeuiHot protestant do cette époque,
aujourd'hui parfaitementinconnu.
Page n. La doctrine dont il est question dans la note est !o
luthéranisme. L'orthodoxie tuthcrienne n'a mathcureusotnont paa
cessé de fairo cause commune avec le despotisme.
Page 32, note. Les initiées A. L. X. désignent lit G«M~
gc~'ft/c do NNf~<hu'c (/t<~<'<!<('<«e /JN~'«<«r-t<t<~), qut paraissait
alors à !ena et qui avait une très grando autoritô on Attema~ne.
Le critique dont il est ici question n'est autre que !'ecrivain tant
attaque par Fichtc dans ses 6'uns<d<(<o~ a«r /uf~Mf<o~ ~'«n-
cat~ M. Rohberg.
Page 5!), ligne 2H. Je m< ~«'< ~r<pH.<<'Ht<t<< f~ff«y«<< « ~nt (~
.sop/mfMdc~tNfntf~nc. Fichte nutnmo fui.mémo plus loin fp. 102)
le sophiste dont il veut parler ici c'est le secrétaire intime do
chancctteric Hehherg L't it nous indique (p 103) le titre de t ouvrage
qu'it attaque /!<'c/<erc/tc. .sur /~u<~t<(«)n ~'on~<s< Cet écrivain
avait pubtiu; do !790 a ) 793, dans ta <7!<s<<' ~~x'~t~dt' /<«r~
un très grand nomhrod'articks critiques sur les ouvrages auxquels
la Hevotution française avait donne ticu. Ne en 17!)7, H est mort
en t836, et il a, aujourd'hui encore, une certaino réputation parmi
!esAHomands, comme écrivain politique et comme homme d'Ëtat.
(Voyez /ocMMus Co~w)'M(«)~s /.c.r<c~. Leipxick,'t8~t, vol. XÏI,
p. 643.)
Ibid. Comme on le voit ici, tes C~~<dcr«<~<t.< f/c~nx't'.s M t'<'c-
<<cr ~jugf~'fWs (~M p'~<<cat<r~t ~'tW«<to~~'ru<c<"M furcttt pubtiees

(t) Je <!uix ta t'htpnrt <)f <'cs )t"tcs ù t'ohu~f~ncc d'- M..).< t-'irhtc.
23
bientôt désigne et uni-
sous te \'oi)e do t'anonyn'e. Mais Fichte fut
versettement roconnu pour l'auteur de eut ouvrage, ainsi que de la
/<fUt'n<hc«hutt<~ la ~r~' df pctt~r, qui avait paru en m~))c t~mps.
Pu'~e 6< note t. Kniggo est un des ccrkains attptoands tM
ptus estimes du siec!epreccden!
!bid., note 2. j)< r~t~on, «~ <<'< /<o~?tc <{(! <(cur<tt<
r~u-
p«a M /tur<?, <<f<~ ~~«s <n!por«tn< d<'sjour~m<~ sf«.-<ut«
r~c', juge, u~c. C'os~ encore :t M. Hohbcr~ t~tc Fichte songe
i<;i. et !o journal dont il parh) est la ~«scNo «)nu<r.<(-~ de /~<<~Mrc,
où écrivait ce publiciste rétrograde.
Page 8~. jL'~pfrfcncc en ct~.ntd~)c est une boHe rdmplie (~
Mruc~rM jetés ~t'/e.f; ~t
c'<'<i ~spt'tt /t«nt«M seul donne un MM
<icec/~os,~tu~c~(t(<c<~({<n(~'<<M'<o~t~<<~
Sc/t~t/L Co Schienkcrt est fauteur d'une douxaine d~ romans,
oubliés depuis ton~mps. ut cntt-o autres, (i'un roman diatogaé en
({uatrevotumes,intitutc: /drtc/* t7t<< <<<r ~ebmencn H'gf (/d<t'c
« ;bM mordue), et pubHc à Leipsick de ~78!~ n 788.
Pu~c 87, ligno 2C. ~'<'3pWt /:t<~«'n, rt'uf<~f~«r ~oosM«K, a
<tccon~'«~«'<B)K'rc~ttc, etc. L'œuvredont Fichte\'eut parler !ci
est la révolution opérée par la philosophio de Kant, et c'est sa propre
On
Œuvre qu'il annonce en quoique sorte dans les lignes suivantes.
voit par ces lignes curieuses qu'a ccHo époque (<793) il me<!itait
déjà l'entreprise philosophique à laquelle il a attache son nom.
Page 97. Ils Montrât «t< ~cxp~ (~les ~'oHd<'a/<'<<*a <y«c
du cd~ dont ~o~c t')< «t (Ft't't'n~c. Pour comprendre ce passage,
il faut se rappeler ce verset do la Bible (/~o(~, chap. XXXHÏ,
v. 23) Wdc~ pos~<'tor<t n~(t; faciem «M~Mt nK'f<~ u)(~re non
po ter/s.
Page <08. Nous pouvons dire (~ ~'nst&t~f ce ~«e, dans
~(u'~on~ ce an«ut<~ dit (h< dfu)~cr f~ts aon c~t~nt /'t<n~re.
Ce n'est pas du danger, mais de !a douleur que parle le sauvage dos
Incas, et les parotos que Fichto rapporte ici, évidemment de m6moiro,
de celles
ne sont pas la traduction littérale, mais le développement
que Marmontet met dans la bouche do ce sauvage.
C'est pourquoi
j'ai cru devoir traduire exactement la paraphrase de Fichto, au lieu
de me borner a reproduire !c texte de Marmontet, que voici « Je
devins homme, et la Douleur me dit « Lullons ensemble. Si tu es le
plus fort, je céderai mais si tu te laisses abattre, je te déchirerai,
f je
planerai sur toi et je battrai des ;)i)cs comme le vautour sur sa
o proie, o
Page ~9, ligne )7. /~c<Wdt «n ~'ot~cMj Mc~~xr, celui qui
acheva vo<r< Q!«u~, celui <y«t 6rtsa (/et'n<cs c~ ~s plus /ur<<'<
cAa~tM ~e <u<Htftn)~. <~m q« f~e le stX, e< ;)c«<-f<ro afu<s ~t<'t< <t)t
<m'-fn~~c, etc. Ce troisième tihératcur que Ficttto associe a Jésus
et à Luther est Kant, qn', ne en 1734, avait alors soixnnto-rfeuf
ans, et qui mourut, commùon sait, en 1804.
Page t38, note. Schma!x (t&idûro), professeur a ~'Un:versite
do Hatto, fut, avec GoUfricd Hufotand, professeur a !cna, un des
premiers jm'~consultos allemands qui appliquèrent toa principes de
la phitosophio do Kant a la science du droit.
Page <46, tignc t7. –A/. /<t'A~ a«r~<< <~c pt< <roMt' moins
n(tt/ ce qui <*« dit d~Ma /M ~uue ~f)~<«y«c <~ ~c/t~s<?r (Sc/t~scra
S<aa<Mtt3c<c),etc.– Cette Hevuc était a!or~ une des publications tes
plus importantes de t'AUemagne. SchtŒX~r. profcsseura Gœttingue, y
dëvoihut los actes arbitraires et tes iniquités des gouvernements de
cette époque, surtout dos gouvernements attonands. Aussi on était-i)
redouté, et leurs satoUitest'attaquaient-itsviotemmont.
Pago ~89, Hgne 1. ~t sortant dM ~n'<<o)~ d't«)o vt~c t'mpJ-
Wo~f, etc. C'est sans doute n la vi)to itnperiato de Francfort-sur-
to-Mein que Fichtc fait ici allusion. Le torritoiro do cotte ville touche
à la liesse électorale, dont to landgrave avait naguère vendu ses sujets
États libres de
aux Angtais comme troupes auxiliaires contre les
t'Amériquo du Nord, et dont !os habitants combattaient alors contre
tes Français on qua!it6do troupes impériales.
Page 280, note. Le fait dont il s'agit ici se rattache aux ré-
voltes des paysans contre leurs soigneurs, qui avaient éclaté quel.
qucs années auparavant dans la Saxe électorale. Les at'~M do.
(~ ~«~'t) sont les armes do la Saxe (clic ~c/tStScAe~ H'a~t).
Quant au « pompeux historien M dont parle Fichto, ce doit être
quelque pamphlétaire ou quelque gaxetior obscur.
Page 282, note. D~M? ~«<a MMu~, etc. Ces deux ~tats
sont ta Prusse et la Potogno. Au moment mémo où il entreprit son ou-
vrago sur la Hevotution, Ficttte vivait dans le pays do Dantxick, et il
connaissait sans doute par sa propre expérience lo fait qu'il raconte ici.
Page 347, dernières lignes. L'ouïr cap~'e ~t<c W~ ne l'em-
nt'c/tcM de ~vrer ce votxnte f* l'impression d'<c< ft'ots ou <yt<(t<fc
mot«. Je renvoie ici a ce que j'ai dit dans mon Introduction (p. nv)
sur les motifs qui ont pu déterminer Fichte a ne pas compléter son
ouvrage. J'ajouterai seulement que, des l'hiver de ~793 à ~794, il
fut appoto à ïena comme professeur de philosophie.
La tettro suivante, que je trouve dans lu L'urn'ft~n~tncc de Fichte,
pubtico par son fils (/<cAfc'o ~e~n «~ <t«e~r<ac/«'r ~no/tuc<
tumo Il, p. 406), mo parait assez curieuse pour mériter d'être
ajoutée ici. Écrite, oh t7!)K, par un jeune Fran<;ais qui avait suivi,
de t794 a t79~, !c& leçons du Petite a léna. et qui était devenu )u
secrétaire diptonatiqucde Bonaparte, etk monne (mettes iliusions on
pouvait se fu')~a co~c époque sxr to caractère du futur CMar, et duel
nobto phtu concovatt utor:; un csprtt ~~n~roux pour umr plus étrct-
tomout !'A)tema~no la France. L'autour docetto tottro, M. Camille
Perret, avait aussi tbrmo to projet do tradnirocn français les écrits de
t''ichte, et d'abord i:un ouvrage sur ta H6vutuHon franQatse. J'~nore
les tuottts qui font crnpôcbô d'uxocuter ce projet. Voici sa lettre

Hastadt, !c 2C ventru an <t798).

<. Locitoyen ttarbauer, qui vous remettra cette tettro, mon cher
Fichte, s'est engagé à solliciter près de vous le pardon do mon tnex-
cusable négtigonce. L'amUtoqu'it m'a dttquo vousc.onsorviezoncoro
pour moi mo fait espérer que, (.'onstdérant te tourbillon dans teque!
je me trouve depuis dix-huit mots, vous serez indûment envers un
jeune homme qui. rassuré sur vos sentiments pour lui, s'enorcera de
vous prouver qu'it en est toujours digne.
Los gazettes vous ont appris a peu près tout ce qui m'est
arrive depuis mon départ pour l'Italie jusqu'à mon arrivée a Rastadt.
Mais vous ignorez sans doute ce qui a précède. Cependant j'ai
été sur le théâtre do nos ptus éclatantes victoires, et j'y ai pu con-
nattre un grftn(i c~o/~t. Têt est Bonaparte. J'ai appris do vous à ne
pas juger té~eremont, et je t'ai vu sous tant de rapports, que je n'ai
pu me refuser d'unir ma voixa~ ceHode toute t Europe.
Depuis le
rappel du généra! auquel le gouvernement m'avait d'abord attaché,
je suis devenu le secrétaire diplomatique de Bonaparte, et c'est en
cette qualité que je reste ici, en attendant son retour. Trois mois se
sont déjà écoulés depuis son départ tes anaires prennent ici depuis
huitjours une aHuroptusefncaco et plus sérieuse. Cependant j'ea-
pero toujours qu'il reviendra, et je no cesserai d'y croire que lorsqu'il
mo rappellera à Paris.
Partons présent de vous, de la philosophie, de l'humanité ger-
maine. Je sais que vous avez eu la douleur de perdre votre brave
beau-père, mais qu'un petit garçon bien vif et bien libre est venu
vous offrir lu plus douce dos consolations. Je sais que votre
éner-
~iqae amour du bien vous a suscita dos désagréments, mats que vous
étosdo nouveau aiméotostiméde vos disciples, autantque vous avex
te droit do t'étro. La philosophie a-t-ette ,;a~né depuis trois ans
do nouveaux amis, dû nouveaux cultivateurs? E.st-it résulté do toutes
les recherches t'admissiun de quetquos principes fondatncntaux et
univorsots?A.t-on fait des appUcaLions uMks ut t)ouvu[!es? Yo~-o
sys~emo a~-n vaincu !cs opposiHuns?J'cspcro(p)c vous ne !aiss~rcz
tn'cstimcx assex pour ne pas
pad <:cs qucsUons sans ruponso; vous
(touter combien jo m'in~resso a uno science dont. propres et.
t'u!)i\crsaU~ forment, le vrai caractère dp rhunmnH~. J'ai appris
davantage encore
avec ptaisir que tes tumicrcn se sont répandues
depuis mon départ d'iena; que ptusiem-s esprits distingues, que
j'avais connus '/actHants ot prosquo apostats, ont puise dans !o main-
Man dos chogos une stabiht6 qu'Us n'avaient pas. rour favoriser et
acccteror t'imputsion g6ncra)o. jai conçu un projet qui pourrait rece-
voir des circonstances présentes uno facile exécution. La réunion u
hi franco de ta rive gauche du Khin, on cr6ant un nouveau
lien
entre tes deux nations, doit otîrir aux amis do ta liberté persécutés
de la Germanie.
en Ahcmagno un asito et préparer !'anranchisse:nent
Nous aussi avons besoin que la sotidité attomande s'a!tic avec notre
impétuosité, et que, changeant nos sentiments en principes, etto
Le moyen le plus effi-
nous retienne sans nous faire rétrogrades.
cace et !o ptus sur pour atteindre ce double but
serait, je pense,
d'instituer sur les bords du Uhin plusieurs écotes dont tes profes-
to ptus de con-
seurs seraient pris des Allemands, qui réuniraient
naissances et de latents à l'amour de ta liberté. Co projet est-i) oxc-
cutabte? Vouittex, mon cher Fichto, me confier votre opinion à cet
é~ardL Si votre réponse est affirmative, nous aviserons réciproque-
ment, après uno convention préuminairo, aux moyens do
réussir.

e
Votro rcconnaissanL ami,
pC.PKRRET." 1)
ERRATA.

Page 10, ligne 23, au !ieu de il nous dot;M sur sa parole quo, liscz
il nous <<OMMC sa parole que.
Page 64, !ignc 19, au lieu de quelque cent ans, tisez ~Me~M< cents ans.
Page i 87, Hgno i7, au lieu de: si, dis-je, il n'opprime pas, lisez ~.(it~d,
notre c~fj~ n'opprirne pas.
Page 205, !)gne i3 il ne peut y <n~0tf de dedOfntM~w~~M<vo~<
pM!~<< effacez ce dernier mot.
TABLE DES MATIÈRES.

AVANT-PROPOS. i
tKTRODUCTÏON M mADUCTEUM WCHTB ET LA REVOm
TtOMFRAMCAtSK.t. 1

REVENDICATION M MBERTÉ DE PEHSER AUPRES DES


-1
!'RÈFACH.
PROCES DE L EUROPE <~M L'ONT OPPRtMEE JUSQ~Ct

DiSCO~RS.
<

3
~t1

tions?.
PRÉt'ACE.
CO~atDÉRATtONS Dt!8T!MÉM A HBCTtPÏER LES JUCEMZNTS
DU PUBUC St'R LA EÉVOUJTtOM FNAMÇAtSE. 4!;

?.
47
tK'rK~DUCT:o'<. n'aprcit (;ueb prmctppa faut-il juger te:; r~oht.
1

RÈVCHJTtON.
LIVRE PR~HËK.

CHA!TBE t".
DK L'At'PH~AT'0?( DH t.A L~CtTtMtTÈ D'UNE

~'t peuple a t-i!, en général, le droit (le


99

changer aa constitution politiquo 99


CIIAP. Plan de tout le reste de cette recherche. i30
CHAP. Ht Le droit de changer la constitution politiquo
peut-il être aUenc par un contrat de tous avec tous?. 134
CHAp. tV.
au droit do révolution.
Des classes privilégiées en général, par rapport
~90
CHAP. V.

FINAL.
CHAP. Y!.
De!a noblesse par rapport au droit de révolution.
De l'église par rapport audro!t de r~votution.

DUTRA&UCTËUK.
AVERTISSEMENT
NOTES
229
296
3t7
3~9

P)K DE LA TABLE t)ES MATURE!).


EXTRAIT DU CATALOCï~K DE I. CHAMJEROT,
!U)KnUJARDtNRT,<3.
HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, par M. Mhhdt't.
7voLin-8.
SIÈCLES,
~f'
HISTOIRE Du FRANCE AUX XVI- ET XVM'
par te ntëme auteur.
Totnc VH. Renat~ance. t vol. in-8. 5 fr. M
Tome Vm. Réforme. 1 vol. itt-8. 5 fr. M
T'ont! !X. Guerres de tctt~'ou. 1 vol. in-8. fr.M
Tome X. L'guc et Heon IV. l vot. in-H. 5 fr. M
Tome XI. He"" IV et R'chfheu. i vot. m-8. 5 fr.
Tome Xt!. R'cheHcu et la Fronde, t vu!, in-8. 5 fr. 50
ESSAI SUR Ï.A RÉVOLUTION yRANÇAISE, par P. Lanfrcy. t vot.
in.H..
BM8TOIRE DES PAYSANS, depuis la f! du moyen &geju<qu&o«ou)r$
(t'!U')-t8&0), prêche d'une Uttr')duct:on.nn 50 avant
<u~f; ~t/'«:n~
J.
t200~naapr~ J~-C.,
d~s ~«y~tM «« </<f«t'~we .<~c/e. et
par Kn~cm) Uonut'mcrc. auteurtn~tnoir~
~<{'<~ (-ouro)H)~s par t'Acad~micdc \at)t''s eu
dct'
l~cttH~vo).i)<-8 tOt'r.
DE :LA NATIONALITÉ POLONAISE DANS L ÉQUILIBRE EURO
rÉEN, par tc~n~t'at Louis ~K'rostawi.ki. t vol. in-8 d<' MO pi~C! 7 fr.
VOLTAIRE (h~endc frau<:a!!i<'), par Eu~nc ~o~. t vot. ~rand tn.<8. fr.
MÉMOIRES SUR L'ITALIZ, par Joseph Montas)):, f\-prt'«tf!cnt 'hî Cnusctt
dc~ntintshci.. cx-trimnv!rdu (.otn'crnctm'nt provi~ire toscan; traduction (ic
F. Arnaud (de t'Aru~c), pr~dcc d'tmc~ticcbio~raphittucsur t'atitcnr~par
J('attHt'ynand.~vo).nra)tt)in-t8. 7fr.
ŒUVRES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES D'ARMAND CARREL.
mtiifscn ordre. artMot~'sct pr~c(Wcs d'une \«ticc h!ographi<)UCSUT!'antc'jr,par
J~ Ltttr~, d<' 1'lli,,tittit, et i'autin, tihrairc. 5 vol. !)t-M.
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fr.
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anck'nnc!i<dttiu''s,avccunc!ntrodthtiot)t'tdt'otcs,part'.<~n!n.Ë(!!tiottde
htxcttr~ch30opxpt))pt.tyo'r.ht'M.(-attonn~ntt'Hc.dor6mtt<He. ïofr.
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LA MÉTAPHYSIQUE ET LA SCIENCE ou Pfmctpps de métaphysique
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