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e
XVe - XVIIe SIÈCLES HISTOIRE 10
SCIENCES HUMAINES
ET SOCIALES - CYCLE 3
À TRAVERS LE TEMPS
LIVRE DE L’ÉLÈVE
10e
ISBN 978-2-88500-397-0
HISTOIRE
ISBN 978-2-88500-397-0
CATARO 051045
Édition 1
Nous remercions vivement toutes les personnes qui ont participé à l’élaboration de ce moyen.
Pour faciliter la lecture du document, le masculin générique est utilisé pour désigner les personnes des
deux sexes. Lorsqu’une distinction est faite, il s’agit d’une nuance entre les hommes et les femmes qui
se doit d’être mise en évidence.
Il arrive que l’appellation des pays et les limites des frontières territoriales ne fassent pas l’objet d’un
consensus international. Les choix pour cet ouvrage se basent sur l’état de reconnaissance officielle de
la Confédération helvétique. Des précisions sont données sur le site de l’enseignant.
SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES - CYCLE 3
e
HISTOIRE 1O
Livre de l’élève
CLÉS DE LECTURE : REPÈRES
Au début de chaque thème du livre se trouvent une double page présentant le cadre
géographique et temporel ainsi que les apprentissages visés par le thème et une double
page d’introduction du thème.
Numéro
Cadre Apprentissages visés
et titre
géographique par l’étude du thème
du thème
général
Texte de
contextualisation
et carte(s) qui
introduisent le thème.
Amorce
qui permet d'entrer
dans le thème en
se questionnant.
Vignette Couleur
du thème de la
période
2
CLÉS DE LECTURE : CODES
VOLUMEN
Rouleau composé d’un
Renvois dans le livre de l’élève assemblage de feuillets
(de papyrus ou de
parchemin).
Renvoi à un mot-clé, par ex : VOLUMEN
Définition d’un terme central du thème.
Renvoi à un mot sous texte, par ex : brasse BRASSE : ancienne mesure de longueur
Explication d’un mot utile à la compréhension d’un texte. égale à environ 1,60 m.
« Une bonne chemise de toile changée tous les jours Johannes Gutenberg met au point la
vaut, à mon avis, le bain quotidien des Romains. » typographie avec l’aide de deux asso-
Martin Lister, médecin, A Journey to Paris In the Year 1698 ciés. Vers 1450, il ouvre à Mayence le
(Un voyage à Paris durant l’année 1698). premier atelier d’imprimerie, qui pro-
duira notamment la Bible à 42 lignes.
Cinq ans plus tard, suite à un procès, Guten-
berg perd son matériel d’imprimerie, mais conti-
nue de former de nouveaux artisans.
ses soldats, la
Au retour de
m bo urse à la Suisse
France re
12 ,1 millions de
la somme de
francs.
3
PRÉFACE
4
TABLE DES MATIÈRES
e
HISTOIRE 1O
XV e- XVIIe siècles
1 Les trois révolutions du livre 6-19
2 Humanisme et Renaissance 20-33
3 L’Europe à la rencontre du monde 34-49
4 Les réformes religieuses au XVIe siècle 50-65
5 La construction de l’État au XVIIe siècle 66 -81
À TRAVERS LE TEMPS
11 L’hygiène, de l’Antiquité à nos jours 160-171
Lexique 172-175
5
1
CORÉE
PA
EMPIRE
CHINOIS
MER
DU
NORD
SAINT EMPIRE
ROMAIN
OCÉAN GERMANIQUE
ATLANTIQUE
Mayence
FRANCE
SUISSE
ESPAGNE ÉTATS
ITALIENS
MER
MÉDITERRANÉE
OCÉAN
INDIEN
1455
Vers 200 av. J.-C. 1150 Dès le XIIIe siècle Gutenberg achève
Premiers parchemins Premiers moulins Diffusion l’impression
105 à papier du papier de la première
Papier à base de chiffons en Europe en Europe Bible à 42 lignes
(Chine)
Manuscrits
Imprimerie
6
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– distinguer les trois révolutions du livre ;
OCÉAN
– décrire les caractéristiques de chacune d’elles ;
PACIFIQUE
– décrire et comparer les étapes pour réaliser un livre à différentes
époques ;
– expliquer le rôle de l’imprimerie dans la diffusion des idées ;
– comparer l’accès aux livres aux différentes époques.
Vers 1800
Machine
à fabriquer Vers 1840
le papier Papier à base
en continu de bois
Numérique
7
1
8
Les trois révolutions du livre
De tout temps, les êtres humains ont ressenti le besoin de communiquer. Ils ont échangé
oralement puis, sous l’effet de différentes contraintes, ils ont ressenti la nécessité de
fixer leurs propos sur divers supports.
Un morceau de bois, un coquillage, une roche, une tablette de cire peuvent servir de
support. Comme la quantité de messages à transmettre augmente au fil du temps et que
la distance à parcourir s’allonge, il faut trouver quelque chose de pratique à manier et
à transporter. Des premiers rouleaux de papyrus jusqu’aux livres numériques, plusieurs
étapes vont révolutionnerH l’histoire du livre, apporter des changements rapides et impor-
tants dans la sociétéH. Le nombre de lecteurs augmentant, il faut produire plus et plus vite.
En effet, écrire à la main ou graver des textes sur du bois prend du temps. L’invention de
l’imprimerie, puis celle des caractères mobiles permettent de répondre à la demande, du
moins jusqu’à l’âge industriel (XIXe siècle). Dès lors, rotatives puis ordinateurs s’unissent
pour répondre à un besoin de communiquer d’une ampleur jusque-là inconnue.
Cologne
OCÉAN Mayence
Paris
ATLANTIQUE
Nuremberg
Strasbourg Augsburg
Bâle
Venise
Poligno MER
MER NOIRE
MÉDITERRANÉE Subiaco
Rome
Séville Naples
0 500 1000 km
9
1
Le papyrus, fabriqué à partir d’une plante égyptienne, apparaît au IIIe millénaire avant J.- C. Il est le support
d’écriture le plus courant jusqu’au VIIe siècle. Les premiers livres de l’Histoire se présentent sous forme d’un
rouleau de feuilles de papyrus assemblées et enroulées autour de bâtons de bois ou d’ivoire : le VOLUMEN.
Entre le Ier et le IVe siècle, on commence à relier sur le le papyrus ; il est utilisé du VIIe au XVIe siècle. Le papier,
côté des feuilles de papyrus pour former des livres une invention chinoise du début du IIe siècle, se répand
appelés CODEX. Ceux-ci ont l’avantage d’être plus en Europe, en passant par le monde musulmanH, mais
maniables et moins encombrants que les volumens, seulement autour du XIIIe siècle. Avec l’invention de
même si on trouve encore des rouleaux au Moyen Âge. l’imprimerie, il devient, dès le XVe siècle, le principal
Grégoire le Grand, papeH vers l’an 600, observait qu’il support de l’écrit.
avait fait tenir en six codex une œuvre qui occupait
trente-cinq volumens.
1
Le succès des codex est lié à l’emploi du parchemin, une
peau préparée pour l’écriture, qui se développe dès le
IIe siècle av. J.-C. à Pergame (Asie mineure). En Europe,
le parchemin, plus solide, remplace progressivement
VOLUMEN
Rouleau composé d’un
assemblage de feuillets
(de papyrus ou de
parchemin).
CODEX
Livre manuscrit
composé de feuillets
(de papyrus ou de
parchemin, puis de
papier), reliés
sur le côté.
« Étudiants en droit à l’Université de
Bologne », détail d’une enluminure,
Italie, XIVe-XVe siècles.
10
Les trois révolutions du livre
4 5
Le dur travail du copiste
« Faites attention à vos doigts ! Ne les
posez pas sur mon écriture ! Vous ne
savez pas ce que c'est que d'écrire !
C'est une corvée écrasante : elle vous
courbe le dos, vous obscurcit les yeux,
vous brise l'estomac et les côtes. Prie
donc, ô mon frère, toi qui lis ce livre,
prie pour le pauvre Raoul... »
Inscription d’un moine de l’abbaye
Saint-Aignan d’Orléans (F).
6
« C’est une noble tâche que de copier des livres
sacrés, et le scribe ne manquera pas sa récom-
7
pense. Il est préférable d’écrire des livres que de
planter des vignes ; celui-là entretient son ventre,
celui-ci son âme. »
Inscription placée dans le scriptorium du
monastère de Saint-Martin de Tours (F),
écrite par le poète Alcuin (735-804).
partir de
est fabriqué à
Le parchemin ou to n, ch èvre ou
x (m
peaux d’animau matière beaucoup
e
veau). C’est un solide que le papy-
so uple et pl us
plus re recto-
pporter l’écritu oduit
rus, qui peut su un pr
ant, c’est
verso. Cepend du ch es se d’Anjou
, la
cher. Vers 1360 ns et trois sacs de
to
donne 200 mou échange d’un livre
et de se ig le en
bl é
de prières !
11
1
Le travail des copistes s’avère long, complexe et il peut engendrer des erreurs. Cela ne permet donc qu’une
multiplication limitée des ouvrages. C’est Gutenberg qui, au milieu du XVe siècle, propose une solution à ces
difficultés.
Le procédé de l’IMPRIMERIE est connu en Extrême- forte pression des caractères encrés sur la feuille, est
Orient (Chine et Corée principalement) dès le VIIIe inconnu. En Europe aussi, on imprime par xylographie :
siècle. On utilise pour cela des bois gravés selon la le plus ancien bois gravé conservé date du XIVe siècle.
technique de la xylographie. Des caractères mobiles en
argile sont utilisés pour la première fois au XIe siècle en
Corée, ceux en métal sont produits en Chine dès le XIVe
siècle. Cependant, l’usage de la presse, qui exerce une IMPRIMERIE
Ensemble de tech-
niques permettant de
reproduire en grande
8 quantité des écrits ou
des images sur des
supports.
« Intérieur d’une imprimerie », dessin collé sur panneau de bois, XVIIe siècle.
12
Les trois révolutions du livre
10 11
Caractères typographiques en plomb rangés dans Balles à encrer les caractères de plomb.
une casse et modèle d’une phrase composée.
13
Éloge de l'imprimerie
« Que d'actions de grâce ne vous rendront pas le monde littéraire et
chrétienH ! N'est-ce pas une grande gloire pour votre Sainteté d'avoir
procuré aux plus pauvres la facilité de se former une bibliothèque à peu
de frais et d'acheter pour vingt écus des volumes corrects que, dans le
temps, on pouvait à peine obtenir pour cent [écus] quoique remplis de
fautes de copistes. Sous votre pontificat, les meilleurs livres ne coûtent
guère plus que le papier et le parchemin. Maintenant on peut acheter
un volume moins cher que ne coûtait autrefois sa reliure. »
Dédicace au pape Paul III, introducteur de l’imprimerie à Rome,
par Giovanni Andrea Bussi, évêque d’Aléria (1466-1475).
tent
primeurs se met de
Les ouvrieHrs im s qu estions
po ur de
en grève Ainsi
Contexte d'une invention thme de travail. de
salaire ou de ry pl ai gn en t
, ils se
Le développement de l’imprimerie moderne répond à de nouveaux à Paris, en 1571 50 fe ui lles par
er 26
devoir imprim iller
besoins. Les villes se développent en Europe et le monde de l’écrit quitte s oblige à trava
jour, ce qui le ur es .
vingt he
les monastères pour se répandre dans la société. À la fin du Moyen Âge, debout durant
le développement du commerce, de l’administrationH et des universités
provoque une augmentation des besoins en formulaires et en livres. Le
goût de la lecture se répand également dans de nouvelles couches de
la société, notamment dans les classesH aisées de la population urbaine,
faisant progresser la demande de livres. On cherche donc un moyen de
reproduire rapidement des écrits, en grand nombre et à coût plus bas.
13
1
14
La Bible de Gutenberg en chiffres
Environ 180 Bibles en deux volumes ont été imprimées (145 sur papier et 35 sur vélin).
Cela représente 3 à 5 ans de travail. Un copiste aurait mis 1 an pour réaliser une copie
manuscrite !
L'imprimerie va permettre une plus grande production et diffusion de livres, mais seule
une minorité de la population y a accès. En effet, vers 1450, 10 à 15 % de la population
d'Europe occidentale sait lire et écrire ; ce sont principalement des personnes vivant dans
les villes. Au XVIe siècle, on estime que 8 millions de personnes (4 %) auraient possédé
des livres. Les textes littéraires, notamment les romans écrits dans les langues populaires,
connaissent un succès grandissant. Certains livres jusqu’alors manus-
crits sont imprimés et connaissent de nombreuses réimpressions.
16
14
Les trois révolutions du livre
17 Genre de livres
publiés entre 1450 et 1500. Pourcentages calculés sur environ 40 000 titres.
ste a
45 % 10 % un moine copi
5% Au Moyen Âge,
n tro is m oi s pour
Textes religieux Textes scientifiques Autres besoin d’enviro
s.
écrire 200 page de
e
èc le , av ec la presse
Au XV si ut im pr im er 300e
pe
Gutenberg, on III
. À la fin du XV ,
Vers 1530-1550, le livre trouve sa forme actuelle. La langue se codifie et pages par jour l’h eu re et
0 pages à
siècle, c’est 20 ut imprimer envi-
les règles de grammaire se fixent par l'influence des correcteurs et com- pe
aujourd’hui, on à l’heure !
s
positeurs des ateliers d'imprimerie (accents, paragraphes, ponctuation, ron 15 000 page
stabilisation de l'orthographe et de la forme des lettres, etc.).
20
15
1
22
16
Les trois révolutions du livre
Auteur 25
Édition
1
Illustration
Iconographie1
2
Vojtěch KubaŠta, Le bateau
de Christophe Colomb (Santa
PAO 2
María), livre animé, 1961.
Correction
3
26
Photogravure3
Impression
Reliure
Distribution
1
Iconographie : 4
recherche d’images,
d’illustrations.
2
PAO : publication assistée
Livres de poche
par ordinateur. Librairie
brochés.
3
Photogravure : préparation
des plaques d’impression.
LIVRE
NUMÉRIQUE
Liseuse OU ÉLECTRONIQUE
électronique. Livre destiné à être lu
sur un écran (ordinateur,
tablette, liseuse, télé-
phone portable,
etc.).
LISEUSE : micro-ordinateur destiné
à la lecture de livres ou de documents
numériques préalablement téléchargés
et stockés dans sa mémoire.
BROCHÉ : livre dont les feuillets sont
encollés et non cousus pour obtenir
une reliure rapide et peu coûteuse.
17
1
Diffuser un livre
Le tirage des livres augmente dès la fin du XIXe siècle. Le phénomène des best-sellers
apparaît, avec La Case de l’Oncle Tom de Harriet Beecher Stowe ou la série des aventures
de Heidi écrites par Johanna Spyri, rapidement traduits en de nombreuses langues.
L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la cultureH
(UNESCO) estime que, de nos jours, près d’un million de nouveaux titres
sont publiés chaque année dans le monde. les plus ven-
rmi les livres Pa tre
se trouvent en
dus au monde Co ran, Ha rry
et le
autres : la Bible de s An neaux
ig ne ur
Potter, Le Se
ce.
et Le Petit Prin
EUROPE
ASIE
AMÉRIQUE
Aux XIXe et XXe siècles, en Europe, le niveau de vie augmente, la scolarité devient obliga-
toire. Les prix ayant tendance à baisser, les livres deviennent plus accessibles. On les trouve
en libre accès dans les bibliothèques qui, au cours du XXe siècle, deviennent souvent
des médiathèques ; on les achète en librairie, au supermarché, chez les bouquinistes ou
sur internet. Un très grand nombre d’ouvrages a été numérisé. En 2019, la bibliothèque
virtuelle Google Books comptait plus de 25 millions de livres. On peut ainsi emporter
avec soi sa bibliothèque « personnelle » grâce à son téléphone portable, sa liseuse ou sa
tablette numériques.
De nouvelles formes de bibliothèques sans livres voient le jour. Elles proposent aux usa-
gers des ressources uniquement numériques. Des tablettes, des liseuses et des consoles
de jeux sont mises à disposition du public.
18
Les trois révolutions du livre
29 30
Vue actuelle de la salle de lecture de la Bibliothèque Première bibliothèque sans livres imprimés,
Sainte-Geneviève inaugurée en 1851, Paris (F). San Antonio, Texas (USA), 2013.
Le 30 décembre 2001 à Alamogordo, aux États- Des résidents de Winnipeg (Canada) demandent
Unis, des centaines d'exemplaires d'Harry Potter à une librairie de leur ville de retirer la bande des-
furent brûlés. « Ce Potter est le diable, il détruit les sinée Tintin en Amérique de ses rayons, rapporte
gens ». Le pasteurH et ses paroissiens avouèrent Radio-Canada, le lundi 16 mars 2014, car elle ali-
plus tard n'avoir jamais ouvert un livre mettant mente les stéréotypes. Les Indiens sont présen-
en scène ce garçon. tés comme des êtres sauvages et dangereux, des
êtres que l'on doit craindre.
Adapté de BBC Mundo, 2002, cité par Fernando Báez,
Histoire universelle de la destruction des livres, Paris, 2008. Adapté de Benoît Zagdoun, Francetv Info, 17 mars 2015.
34
Le nouveau maire de Venise, Luigi Brugnaro, a interdit 49 livres pour
enfants, dont des ouvrages sur les familles homoparentales, le racisme,
le handicap. Les réactions sont vives. CEN
[…] La petite casserole d'Anatole, sur le thème du handicap, l'intemporel
SUR
Petit-bleu et petit-jaune, où deux amis, l'un jaune, l'autre bleu, deviennent
verts au contact l'un de l'autre, ou encore Ernest est malade, de la série
Ernest et Célestine, figurent sur la liste de ces 49 titres censurés.
É
Adapté de Bluewin-Info, 9 juillet 2015.
19
2
HUMANISME ET RENAISSANCE
MER
DU
NORD
SAINT
EMPIRE
OCÉAN Flandres
ATLANTIQUE
FRANCE
SUISSE
Florence
Constantinople
ÉTATS
ITALIENS
MER
MÉDITERRANÉE
Humanisme
1300 1400
1434
Van Eyck 1453
peint Prise de
Les époux Constantinople
Arnolfini par les Turcs
20
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– expliquer les principaux apports des humanistes dans l’éducation
et dans différents domaines des sciences (astronomie, mécanique,
médecine, etc.) ;
– décrire les caractéristiques d’un prince de la Renaissance ;
– décrire les caractéristiques des œuvres de la Renaissance
(peintures, sculptures, architecture) ;
– distinguer une œuvre médiévale d’une œuvre de la Renaissance.
OCÉAN
1543
Publication
INDIEN
Vers 1506 1517 des livres
De Vinci Début 1533 de Copernic 1633
peint de la Holbein et de Vésale Procès
La Joconde Réforme peint Les de Galilée
Ambassadeurs
Renaissance française
1500 1600
1492 1515-1547 1584
Arrivée de Règne de Mort de
Christophe François Ier Pierre de Ronsard
Colomb
en Amérique
21
2
Un hélicoptère en vol.
22
Humanisme et Renaissance
Dans l’Europe du XVe siècle, l’Italie et les Flandres sont des régions commerçantes,
riches et très dynamiques dans les domaines culturelH, artistique et scientifique. À cette
époque, de nombreux intellectuels, les humanistes, considèrent les œuvres de l’Anti-
quité comme des modèles.
En Italie, puis dans le reste de l’Europe, les humanistes lisent et traduisent les textes de
l’Antiquité. Ils sont convaincus de la capacité de l’être humain à s’améliorer par la connais-
sance et l’éducation. Selon eux, il est possible de mener une vie heureuse, sans attendre
le paradis. Sans remettre en cause la supériorité de Dieu ou l’autorité de l’ÉgliseH, ils vont
défendre cette nouvelle vision de l’Homme, en le plaçant au centre de leurs œuvres et de
leurs recherches.
En s’inspirant de ce qui a été réalisé durant l’Antiquité (textes, statues, monuments, etc.),
les humanistes font progresser les sciences et inventent de nouvelles formes artistiques.
En sciences, leurs observations de la nature et leurs expériences permettent de faire des
découvertes importantes, notamment en médecine et en astronomie. Dans le domaine des
arts, les humanistes redécouvrent des œuvres de l’Antiquité et les imitent, en premier lieu
en Italie où les vestiges romains sont particulièrement nombreux.
Alors que, pendant des siècles, les œuvres d’art ont représenté principalement des scènes
religieuses, à partir du XVe siècle, les artistes ajoutent des sujets empruntés à la mytholo-
gie gréco-romaine. Ils réalisent aussi de très nombreux portraits, rendant hommage à des
individus et célébrant ainsi la grandeur de l’Homme. Ce renouveau de l’art, qui fait d’une
certaine façon renaître l’Antiquité, sera appelé la Renaissance.
ROYAUME PRUSSE
Foyer de la
D’ANGLETERRE Renaissance flamande
Oxford
Londres Rotterdam
Bruges
Berlin
OCÉAN Anvers ROYAUME
ATLANTIQUE Wittenberg
DE POLOGNE
ROYAUME Budapest
DE FRANCE
ROYAUME
DE HONGRIE
ROYAUME Padoue Venise
DU Montpellier Milan
PORTUGAL Bologne
Salamanque
Foyer de la
Madrid Florence Renaissance italienne
Barcelone
MER
NOIRE
MER
ROYAUME Rome EMPIRE
D’ESPAGNE MÉDITERRANÉE OTTOMAN Constantinople
Séville ROYAUME
DE NAPLES
Naples
L’HUMANISME LA RENAISSANCE
0 250 500 km Limites du Saint Empire Mayence: invention de Foyer de la Renaissance
Frontières en 1500 env. l’imprimerie
Capitale de la Renaissance
Interactions Diffusion de l’imprimerie
Autre centre
Grand centre d’imprimerie de la Renaissance
Grande université Diffusion de la Renaissance
Université Résidence princière avec
château de la Renaissance
23
2
L’humanisme
Convaincus des capacités de l’Homme à s’améliorer, notamment par l’accès au savoir, les humanistes de la
Renaissance s’intéressent à tout : les lettres, les arts, les sciences et les techniques. Pour se former, ils se rendent
là où se trouve la connaissance (universités, bibliothèques, etc.).
L’HUMANISME encourage l’échange de connaissances. Ce savoir antique a été transmis par les moinesH copistes
Ainsi les humanistes voyagent et s’invitent mutuelle- des monastères médiévaux. Il a été enrichi par les
ment, formant un réseauH dans lequel s’échangent les contacts avec les Arabes en Espagne (al-Andalus) et
idées, mais aussi les livres et les textes de l’Antiquité. en Sicile, ainsi qu’avec les savants byzantins venus se
réfugier en Italie après la prise de Constantinople par
les Turcs, en 1453.
1 Voyages d’Érasme de Rotterdam
MER DU
NORD
ANGLETERRE
HUMANISME
Oxford Mouvement intellectuel
européen né en Italie
Rotterdam
Londres au XIVe siècle, centré sur
Louvain l’Homme, qui peut se
Aix-la-Chapelle
perfectionner grâce
Cambrai
Mayence à la raison.
Paris SAINT EMPIRE 2
Orléans
Fribourg-en-Brisgau
Bâle
FRANCE
Lyon Milan
Venise
Bologne
Florence
0 250 500 km
Villes dans lesquelles Érasme a vécu Correspondants d’Érasme Édouard Hamman, Enfance de Charles QuintH, une lecture
Villes dans lesquelles Érasme a séjourné Principaux voyages d’Érasme, à Bruxelles en 1511, huile sur toile, 1863.
3
jours un pro-
« Il y a un siècle, la barbarie régnait partout en Europe. Maintenant Il existe de nos
pé en nommé
l’homme apprend à se connaître. […] Maintenant, l’homme s’élève gramme euro
us qu i pe rmet aux
vraiment au-dessus de l’animal par son âme et son langage qu’il Erasm tuer une
d’ eff ec
perfectionne. Les lettres [ l’étude des textes] ont repris leur véritable étudiants es dans
ét ud
année de leurs
mission qui est de faire le bonheur de l’homme, de remplir sa vie un autre pa ys .
de tous les biens. Courage ! Elle grandira, cette jeunesse qui, en ce
moment, reçoit une bonne instruction : [...] elle entrera dans le conseil
des rois ; elle administrera les affaires de l’ÉtatH. »
Étienne Dolet (1509-1546), auteur et éditeur français,
Commentaire sur la langue latine, 1536.
24
Humanisme et Renaissance
4 5
Gargantua s’éveillait donc vers quatre heures du matin. […]
Il était habillé, peigné, coiffé, habillé et parfumé ; durant ce
temps, on lui rappelait les leçons du jour d’avant. Pendant
trois bonnes heures, ensuite, on lui faisait la lecture. Alors,
[lui et son maître] sortaient […] et jouaient à la balle, à la
paume, s’exerçant galamment le corps comme ils avaient
exercé leurs âmes. […] Au début du repas, on lui lisait quelque
histoire plaisante des anciennes prouesses jusqu’à ce qu’il
eût pris son vin. Puis, on continuait la lecture, parlant de
[…] l’efficacité de tout ce qui leur était servi à table. […] Cela
fait, on apportait des cartes, non pour jouer, mais pour y
apprendre mille petites gentillesses et inventions nouvelles,
toutes inspirées de l’arithmétique.
Adapté de François Rabelais (1494-1553), La vie très horrifique
du grand Gargantua, père de Pantagruel, 1534.
6
Je ne veux pas qu’on emprisonne ce garçon. Je ne veux pas
qu’on l’abandonne à l’humeur mélancolique d’un furieux
maître d’école. […] Ce n’est pas assez de raidir l’âme ; il lui
faut aussi raidir ses muscles. Les jeux et les exercices seront
une bonne partie de l’étude : la course, la lutte, la musique,
la danse, le maniement des chevaux et des armes. […] Ce Gustave Doré, « L’éducation de Gargantua »
n’est pas une âme, ce n’est pas un corps qu’on dresse, c’est d’après Rabelais, gravure sur bois, 1854.
un homme […].
Adapté de Michel de Montaigne (1533-1592),
« De l’institution des enfants », Essais, I, chap. 26, 1595.
La production des humanistes est ainsi très variée : à côté des livres religieux, des textes
antiques et des traités scientifiques, la poésie et les pièces de théâtre connaissent un grand
succès. À partir du XVe siècle, de plus en plus de ces écrits sont rédigés dans la langue du
peupleH pour toucher plus de monde.
Aujourd’hui, plusieurs de ces œuvres de la Renaissance sont encore célèbres : les pièces
de théâtre Roméo et Juliette, Hamlet ou Macbeth de William Shakespeare (1564-1616), Les
Amours de Pierre de Ronsard (1524-1584), L’Heptaméron de Marguerite de Navarre, etc.
25
2
Les sciences
Dans une perspective humaniste, la méthode scientifique est basée sur l’observation et
l’expérimentation. Les découvertes scientifiques se manifestent en médecine, en astrono-
mie, en mécanique, en optique, en cartographie, en architecture, etc. L’imprimerieH favorise
leur diffusion.
La mesure du monde
Les mathématiciens remplacent de plus en plus les chiffres romains par les chiffres
indo-arabes, introduits en Europe dès l’an 1000, dont l’usage facilite le commerce et les
sciences. Dès le début du XVe siècle, les Européens cherchent à mesurer le monde, pour
mieux le maîtriser. Ce principe s’applique autant à la peinture qu’à la cartographie, l’as-
tronomie, la mesure du temps (horloge mécanique), l’architecture, etc.
« Système du monde de
Nicolas Copernic », planche
coloriée tirée d’Andreas
Cellarius, Harmonia
Macrocosmica, 1660.
9
GÉOCENTRISME HÉLIOCENTRISME
hérité d’Aristote et de Ptolémée défendu par Copernic, Galilée...
Soleil
Vénus
Terre le grand
Selon Galilée, «
Vénus
Lune
re de la na tu re était
liv
Soleil ns la la ng ue des
Terre écrit da les, la
Lune s ce rc
Mercure Mars Mercure
Mars droites, de étrie
ue de la gé om
lang ue s. »
at hé m at iq
et des m
Saturne Jupiter Jupiter
Saturne
26
Humanisme et Renaissance
12
« Planche anatomique
d’un torse féminin »,
gravure sur bois tirée
d’André Vésale,
De humani corporis
fabrica, 1543.
« Représentation des veines et des
artères », d’après Galien (129-216),
médecin grec, enluminure sur par-
chemin tirée du Manuscrit Ashmole
399, vers 1292.
L’amour de la recherche
Léonard de Vinci illustre bien la soif de savoir de son époque puisqu'il est à la fois peintre,
architecte, ingénieur militaire, mathématicien, inventeur, anatomiste, etc.
13
« J’ai imaginé toutes ces machines parce que j’étais possédé, comme tous les hommes
de mon temps, par une volonté de puissance. J’ai voulu dompter le monde. Mais
j’ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir
ce qu’il y avait à l’intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j’ai disséqué
des cadavres, bravant ainsi l’interdiction du papeH. Rien ne me rebutait. Tout, pour
moi, était sujet d’étude. La lumière, par exemple, pour le peintre que j’étais, que de
recherches passionnantes ! [...] Ce que j’ai cherché finalement, à travers tous mes
travaux, et particulièrement à travers ma peinture, ce que j’ai cherché toute ma vie,
c’est à comprendre le mystère de la nature humaine. »
Léonard de Vinci (1452-1519), Carnets, XVIe siècle.
27
2
La rivalité entre les souverains pour dominer l’Europe respecter. Des humanistes rédigent des manuels de
se manifeste aussi par l’évolution de la cour : courti- savoir-vivre expliquant la culture et le raffinement
sans de plus en plus nombreux, présence d’artistes, nécessaires à la vie à la cour.
fêtes somptueuses, règles et attitudes codifiées et à
14 15
François Ier
Durant son règne (1515-1547), le royaume de France est agrandi et l’unification se ren-
force, en particulier avec l’Édit de Villers-Cotterêts (1539) imposant l’usage du français
pour tous les actes officiels (textes royaux, registres paroissiaux, etc.). François Ier gouverneH
sans demander leur avis aux grands seigneurs, justifiant ses choix par la formule « car tel
est notre plaisir », ce qui signifie que ses décisions sont définitives.
16
Il y a des pays plus fertiles et plus riches, telles la Hongrie et l'Ita-
lie, il y en a de plus grands et de plus puissants, telles l'Allemagne
et l'Espagne, mais nul n'est plus uni, plus facile à manier que la
France. Voici sa force : unité et obéissance. En somme, la volonté
du roi est tout désormais, même dans l'administration de la justice.
ADMINISTRATION CENTRALISÉE :
Car il n'y a personne qui oserait obéir à sa conscience et contredire
gestion de la totalité d’un État le monarqueH. Les Français honorent leur roi avec un sentiment si
à partir d’un seul centre. profond qu'ils lui ont donné non seulement leurs biens et leur vie,
HUMANITÉS : formation scolaire où mais leur honneur et leur âme.
l’étude des langues, des littératures Adapté de Marino Cavalli (1500-1573), fonctionnaire et diplomate vénitien,
latines et grecques est essentielle. Rapport de l’ambassadeur de Venise, 1546.
LANGUE VULGAIRE : langue courante
(autre que le latin) parlée par
l’ensemble de la population.
28
Humanisme et Renaissance
Les Médicis
La famille des Médicis est considérée comme un symbole de la réussite tant financière que
politiqueH de la Renaissance. Beaucoup d’entre eux sont les MÉCÈNES d’artistes célèbres,
dont Botticelli, qui les représentent dans leurs œuvres. Florence est alors considérée
comme la capitale de la Renaissance. Cette famille de banquiers qui dirige Florence pen-
dant un siècle, puis fonde le Grand-Duché de Toscane, compte trois papes et deux reines
de France, Catherine et Marie de Médicis. Toutefois, à Florence, son pouvoir s’est établi
par la violence, la corruptionH et l’exil forcé de ses adversaires.
17
MÉCÈNE
Personne qui aide
financièrement un
artiste et qui lui
commande des
œuvres.
Sandro Botticelli, L’Adoration des mages, temperaH sur bois, vers 1476.
18
Laurent de Médicis, dit le Magnifique (1449-1492)
« Laurent de Médicis songea ensuite à rendre sa cité plus grande et plus belle. Comme elle
renfermait beaucoup d'espaces dépourvus d'habitations, il fit tracer sur ces terrains de
nouvelles rues pour y construire des bâtiments, ce qui la rendit plus belle et plus grande.
Grâce à lui, la ville, chaque fois qu'elle n'était pas en guerre,
était perpétuellement en fête, assistant à des tournois, à des 19
cortèges où l'on représentait les événements et les hauts
faits de l'Antiquité. Son but était de maintenir l'abondance
dans la patrieH, l'union parmi le peuple et de voir la noblesse
honorée. Il chérissait et s'attachait tous ceux qui excellaient
dans les arts ; il protégeait les gens de lettres. […] Laurent
faisait surtout ses délices de la musique, de l'architecture,
de la poésie. »
Nicolas Machiavel (1469-1597), penseur humaniste,
t cette
Histoires florentines, vers 1520. édicis a offer man
Laurent de M su lta n ot to
80, au
médaille, en 14 enté en empereur
re prés
Mehmed II, de l’ar-
ur le remercier frère
sur un char, po r de so n
eurtrie
restation du m
Julien.
29
2
La Renaissance artistique
L’humanisme se manifeste également en peinture, en sculpture, en architecture. Au début du XVe siècle, les
artistes florentins et flamands s’inspirent pour leurs œuvres des formes de l’Antiquité, tout en perfectionnant
de nouvelles techniques. Cette RENAISSANCE des arts, qui se diffuse progressivement dans le reste de l’Europe,
est favorisée par des familles fortunées qui protègent les artistes.
À la Renaissance, le développement des arts et des auxquels ils passent des commandes. Dans les contrats,
lettres est soutenu par de nombreux mécènes : les les commanditaires peuvent demander une esquisse de
princes, les souverains, l’Église, les nobles mais aussi les l’œuvre et imposer les conditions de réalisation.
riches bourgeoisH. Ils aident financièrement les artistes
20
La peinture
21
Michel-Ange, La Création d’Adam, détail de la fresque du plafond de la chapelle Sixtine, Rome (I), vers 1511.
Si les artistes de la Renaissance imitent l’Antiquité, ils innovent également. Les peintres,
par exemple, utilisent dorénavant la perspective. Ils construisent leurs tableaux selon des
règles mathématiques autour d’un point vers lequel convergent les lignes de fuite (le point
de fuite). Plus les personnages sont éloignés, plus leur taille diminue. Ainsi,
ces éléments donnent au spectateur une impression de profondeur. Par ail- a (1431-1506)
Andrea Mantegn procès pour
leurs, les scènes représentées, religieuses ou mythologiques, sont intégrées en
s’est trouvé
e dix des douze
dans des paysages réalistes. Enfin, la beauté du corps humain est célébrée n’avoir peint qu ’il manquait
pa rce qu
par la représentation de corps nus. apôtres s
représenter le
d’espace pour
douze.
FLORIN : monnaie utilisée à Florence.
30
Humanisme et Renaissance
22
23
Les peintres flamands comme Jan van Eyck (1390-1441) sont les premiers à maîtriser la
technique de la peinture à l’huile. Cette invention permet d’obtenir d’excellents résultats
au niveau de la brillance et de l’éclat des couleurs. Elle facilite la réalisation de tableaux
de petite taille destinés à une clientèle privée. Les œuvres des peintres flamands sont
ainsi très appréciées en Italie, en Espagne et au Portugal.
25
24
Jan van Eyck commença à réfléchir afin de trouver le moyen
de faire une sorte de vernis qui sécherait à l'ombre, sans
qu'on soit obligé de mettre la peinture au soleil. Après avoir
expérimenté beaucoup de choses, l'huile de lin et l'huile de
noix, bouillies avec d'autres mélanges, lui donnèrent le ver-
nis désiré. La renommée de l'invention s'étant répandue en
Flandres, en Italie et ailleurs, fit naître chez les artistes un très
grand désir de savoir par quel moyen il communiquait tant de
perfection à son œuvre.
Adapté de Giorgio Vasari (1511-1574), peintre, architecte et écrivain toscan,
Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Florence (I), 1568.
31
2
26 27
28
32
Humanisme et Renaissance
L'architecture
Comme la peinture, l’architecture opère un 29
retour vers l’antique. Le traité de l’archi-
tecte Vitruve, d’époque romaine, inspire les
artistes de la Renaissance. L’un des chefs-
d’œuvre de l’architecture italienne est
la coupole du dôme de Florence, réa-
lisée de 1420 à 1436, sous la direc-
tion de Brunelleschi. Il s’agit de la
première coupole construite depuis
l’Antiquité. Rues droites, formes géo-
métriques et édifices symétriques
redessinent les villes.
30
La Cité idéale, panneau attribué à Fra Carnevale, huile et tempera sur bois, 1480-1484.
Ces nouvelles tendances en architecture gagnent la France dès le début des guerres
d’Italie (1494-1559). Les châteaux de la Loire, dont celui de Chambord, construit par
le roi François Ier, mélangent des
éléments antiques et médiévaux, 31
comme la présence d’un donjon et
de tourelles d’escaliers.
Pour son projet, le roi fait venir Léo-
nard de Vinci à sa cour en 1516.
Il lui demande de concevoir des
projets d’architecture et d’organiser
ses fêtes en échange d’une somme
confortable de 1000 écus d’or par
année et d’un château, celui du
Clos Lucé.
33
3
L’EUROPE À LA RENCONTRE
DU MONDE
EMPIRE
AZTÈQUE
Tenochtitlan
Mayas
OCÉAN
PACIFIQUE
BAHAMAS
CUBA
ANGLETERRE
OCÉAN
ATLANTIQUE
Allemagne FRANCE
ROYAUMES
Constantinople INDIENS
ESPAGNE
PORTUGAL EMPIRE OTTOMAN
MER
MÉDITERRANÉE
EMPIRE
INCA EMPIRES
ET ROYAUMES O
AFRICAINS IN
Machu
Picchu
Cuzco
OCÉAN
ATLANTIQUE
Empire aztèque
Empire inca
1400 1500
1271-1295 1453 1492 1498 1519-1522 1534-1535
Voyage et Prise de Arrivée Arrivée Tour du 1re expédition
séjour de Constanti- de Colomb de Vasco monde de de Cartier
Marco Polo nople aux de Gama Magellan au Canada
en Chine Bahamas en Inde
34
JAPON
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
OCÉAN
PACIFIQUE
– décrire les conditions (techniques, politiques, économiques,
scientifiques) qui ont permis les grandes expéditions maritimes ;
– décrire les échanges entre les Européens et les peuples d’Amérique
EMPIRE
CHINOIS et d’Asie ;
– décrire les étapes de la conquête des empires amérindiens ;
– expliquer l’évolution du commerce à l’échelle mondiale avant
et après 1492 (première mondialisation) ;
– distinguer les conséquences de la « découverte » de l’Amérique
selon différents points de vue (européens, amérindiens, etc.).
ROYAUMES
INDIENS AU TRAVERS DU THÈME, TU APPRENDRAS AUSSI
PROGRESSIVEMENT À :
– comparer et analyser des représentations d’un même événement
(la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb)
à différentes époques ;
– analyser la vision d’un peuple (les Amérindiens, les Européens :
Espagnols, Portugais) par un autre peuple à l’aide de diverses
sources (textuelles, iconographiques) ;
OCÉAN – comparer la représentation d’un même espace (le globe terrestre/
INDIEN
la Terre) à différentes époques ;
– argumenter autour de différentes interprétations d’un fait historique
que les Européens appellent les Grandes Découvertes.
1697
1572 Conquête
Dernière de la dernière
révolte inca de cité maya
Tupac Amaru
lonies
1600 1700
1585 1602 1616-1642 Vers 1825
Premières Fondation de la Expéditions Indépendance des
colonies Compagnie anglaise hollandaises colonies espagnoles
anglaises des Indes et de la dans le et portugaises
en Amérique Compagnie hollan- Pacifique d’Amérique
du Nord daise des Indes
35 35
3
36
L’Europe à la rencontre du monde
Les échanges commerciaux entre l’Europe et l’Asie existent depuis l’époque romaine.
Au début du XVe siècle, ils sont aux mains des Vénitiens. Le récit du voyage de Marco
Polo (1254-1324), publié sous le nom de Livre des Merveilles du Monde et décrivant les
richesses extraordinaires de l’Asie, fait rêver les Européens.
Après la prise de Constantinople (l’actuelle Istanbul) par les Turcs en 1453, les Européens
cherchent de nouvelles routes pour atteindre ces contrées merveilleuses sans passer par
l’intermédiaire des marchands musulmansH. Ils souhaitent aussi convertir de nouvelles
populations au christianismeH. De grandes expéditions, rendues possibles grâce à diverses
innovations techniques, sont alors organisées à travers l’Atlantique : elles conduisent les
navigateurs européens, jusqu’alors habitués à la Méditerranée, à l’exploration des océans.
Les découvertes s’enchaînent en quelques années. Les Portugais, avec Vasco de Gama,
parviennent à contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance et arrivent en Inde en
1498. Les Espagnols, avec Christophe Colomb en 1492, cherchent à atteindre l’Asie en
passant par l’ouest.
Ces voyages permettent aux Européens de découvrir des terres et d’entrer en contact
avec des peuplesH dont ils ignoraient l’existence. Après l’arrivée de Christophe Colomb en
Amérique (aux Bahamas) en 1492, les Espagnols découvrent les EmpiresH aztèque et inca
dont ils vont entreprendre la conquête, alors que les Portugais s’installent sur les côtes
du Brésil. Cette colonisation s’accompagne d’échanges commerciaux à l’échelle mondiale.
EUROPE
AMÉRIQUE
DU NORD
OCÉAN
PACIFIQUE OCÉAN
MOYEN-ORIENT ASIE
NORD ATLANTIQUE
NORD
OCÉAN
AFRIQUE PACIFIQUE
AMÉRIQUE OCÉAN
DU SUD INDIEN
OCÉAN
OCÉAN ATLANTIQUE
PACIFIQUE SUD AUSTRALIE
SUD
OCÉAN AUSTRAL
Terre connue des Européens vers 1400 Terre connue vers 1550
Océan connu des Européens vers 1400 Océan connu vers 1550
37
3
À cette époque, les Européens sont déjà en concur- arabes et ensuite indiens, et traversé par la flotte chi-
renceH avec les Turcs pour la domination de la Médi- noise de l’amiral Zheng He (vers 1371-1433). De l’autre
terranée. Ils sont par contre peu présents dans l’océan côté de l’océan Pacifique, à l’écart de ces grands axes,
Indien. Principal lieu d’échanges commerciaux, celui-ci prospèrent les sociétésH amérindiennes.
est dominé par des réseauxH de marchands juifs, puis
Europe Empire
ottoman Beijing
Constantinople
OCÉAN Japon
Empire
PACIFIQUE OCÉAN Le Caire perse Chine
NORD ATLANTIQUE Sultanat des Ming
Sultanat de Dehli
Empire aztèque NORD mamelouk OCÉAN
Royaumes PACIFIQUE
Tenochtitlan Mayas Empire Kanem- indiens
du Mali Aden
Bornou Royaumes sud-asiatiques
Vijayanagar
Abyssinie
Equateur
Port de Malacca
Empire
Royaume Majapahit
Cuzco de Kongo
OCÉAN
Empire INDIEN
inca Zimbabwe
OCÉAN OCÉAN
PACIFIQUE ATLANTIQUE
SUD SUD
Le monde familier des Européens Les grands empires inconnus du continent américain Les grands axes commerciaux
Les puissances économiques hors Europe Les empires ou royaumes africains Les plus grandes villes
38
L’Europe à la rencontre du monde
5 Z
HENG HE (1371-1433)
Jeune musulman
capturé à l’âge
de 13 ans lors de
l’invasion de sa province,
Zheng He est intégré à la cour
impériale chinoise. Il y gravit les
Porte de l’Harmonie Suprême, deuxième porte principale échelons, jusqu’à être nommé
située au sud de la Cité interdite, Beijing (CN), XVe siècle.
amiral. C’est à ce titre qu’il prend
la tête de grandes expéditions
SUBSAHARIENNE : située au sud du désert du Sahara. dans tout l’océan Indien en vue
APOGÉE : ici, le plus haut niveau atteint par un pays, d’échanges commerciaux.
une civilisation.
BERBÈRES : peuple originaire d’Afrique du Nord.
39
3
Les Mayas
Les Mayas occupent une zone allant du sud-est du Mexique (Yucatán) au Honduras, en pas-
sant par le Guatemala et le Belize. Ils ne constituent pas véritablement un empire dirigé par
un souverainH, mais s’organisent plutôt en cités-États disposant chacune de son propre sys-
tème de gouvernementH. Les Mayas, qui ont une grande maîtrise de l’astronomie, ont mis
au point des calendriers perfectionnés.
Leur écriture compte plus de 1000 signes
mais, comme la plupart des codexH ont 6
été détruits en 1562, elle n'est pas
encore complètement déchiffrée. Leur
civilisation se distingue aussi par une
architecture monumentale, notamment
des templesH-pyramides, des palais, des
observatoires, etc. Au XVe siècle, la civi-
lisation maya est en déclin et les grands
centres ont été abandonnés par leur
population depuis longtemps.
« Le dieu Quetzalcóatl »,
enluminure tirée du Codex
de Madrid, XIIe-XVe siècle.
40
L’Europe à la rencontre du monde
L'Empire aztèque
Les Aztèques se sont établis dans le haut plateau central du Mexique où ils ont fondé
leur capitale, Tenochtitlán (l'actuelle Mexico), en 1325. Tribu de guerriers, ils conquièrent
rapidement un vaste territoire. La société aztèque est dominée par un empereur, entouré
de prêtres et de noblesH. Son administration se fait au moyen d'une écriture particulière.
Les Aztèques vivent essentiellement de l'agriculture (maïs, haricots, pommes de terre,
etc.) et du commerce. Pour éviter que leurs nombreux
dieux ne perdent leurs forces, ils les « nourrissent »
9
en leur offrant du sang humain. Ils sacrifient ainsi
différentes victimes, des prisonniers de guerre, des
esclaves, des enfants.
10
L'Empire inca
Basé le long de la cordillère des Andes, l’Empire inca est dirigé par un souverain au pou-
voir absolu, l’empereur, le « fils du Soleil », considéré comme d’origine divine. Les Incas
vivent surtout de l’agriculture qu’ils pratiquent sur
des terrasses aménagées aux flancs des montagnes. 11
Leurs outils sont en bois et en pierre. Ils élèvent des
lamas, des alpagas et travaillent les métaux précieux
(or, argent, cuivre). Ce sont d’excellents bâtisseurs.
La discipline est très stricte : le travail au service de
l’empire est obligatoire. Pour honorer leurs dieux, les
Incas leur consacrent des offrandes, plus rarement
des sacrifices, parfois humains.
Machu Picchu,
cité sanctuaire
inca, Pérou,
XVe siècle.
41
3
Au XVe siècle, les Européens poursuivent leurs avan- de plus en plus lointaines. Atteindre les Indes par la
cées techniques dans le domaine de la navigation. En mer ne paraît alors plus impossible. Les navigateurs
s’inspirant de l’évolution de la caraque depuis le Moyen portugais cherchent un passage par l’est, en tentant
Âge, les Portugais mettent au point un nouveau navire, de contourner le continent africain, alors que les Espa-
la caravelle, qui est un voilier de petite taille, léger, gnols misent plutôt sur la direction de l’ouest.
rapide et très maniable. Des cartes nautiques de plus
en plus précises (comme les portulans), la boussole,
l’astrolabe permettent aux marins de mieux se repérer 12
et s’orienter. La plupart de ces innovations favorisent
des expéditions aventureuses pour des destinations
Représentation de la
Victoria, caraque de
Fernand de Magellan,
premier bateau à avoir
accompli la navigation
autour du globe, détail
d’une carte d’Abraham
Ortelius, Theatrum Orbis
Terratum, 1590.
13
Martin Behaim, marin et artiste de Nuremberg, se met
au service du Portugal et participe à une expédition
le long des côtes de l’Afrique en 1484-1485. Le
globe terrestre qu’il réalise ensuite, le plus
ancien connu, reflète l’état des connais-
sances de son époque : l’Amérique n’y
figure pas et l’océan Indien, encore lar-
gement inexploré, est représenté ouvert
au sud, avec quelques îles semées
au hasard. Ce tracé de la Terre, géo-
graphiquement imprécis, s’appuie
encore beaucoup sur des sources
antiques, telles que La Géographie
de Ptolémée, et des récits médié-
vaux (dont celui de Marco Polo).
42
L’Europe à la rencontre du monde
EUROPE
AM É R I Q U E ASIE
DU NORD
MOYEN-ORIENT
OCÉAN
OCÉAN PACIFIQUE
ATLANTIQUE AFRI Q UE
OCÉAN
PACIFIQUE
Equateur
AM É R I Q U E
D U SU D OCÉAN
INDIEN
AU S T R A L I E
Cap de
Bonne-Espérance
Détroit de
Magellan OCÉAN AUSTRAL
43
3
Ceux que l’on appelle les conquistadors s’emparent aussi des rivalités importantes existant entre les divers
rapidement et par la violence de territoires immenses. peuples amérindiens.
Ils bénéficient de la supériorité de leur armement, mais
La conquête du Mexique
Après avoir entendu parler des richesses en or du Mexique, l’Espagnol Hernán Cortés, qui
a passé quatorze années à Cuba, décide d’envahir l’Empire aztèque, peuplé de 20 mil-
lions d’habitants. En 1519, il est reçu par l’empereur Moctezuma à Tenochtitlan, capitale
de l’Empire aztèque. L’empereur est fait prisonnier, puis tué et son territoire soumis aux
Espagnols.
Esclave des Mayas, « Quand ils offrirent aux Espagnols des colliers
Malinche est offerte au d’or, et quand ils leur eurent fait ces présents,
conquistador Hernán leur visage s’éclaira, grande fut leur joie, ils
étaient aux anges. »
Cortés. Elle devient sa
Bernardino de Sahagún (vers 1500-1590), missionnaireH
compagne et lui donne un fils. franciscain espagnol, Codex de Florence (ouvrage interdit
Elle est aussi son interprète lors sur ordre du roi d’Espagne), vers 1575.
de la conquête de l’Empire aztèque. Son nom
est aujourd’hui symbole de trahison, mais elle
est aussi parfois vue comme la « mère » du
Mexique moderne et métissé.
19
18
Paroles de Moctezuma rapportées
Un conquistador espagnol reçoit de l'or :
par Cortés
– L’Inca : Vous mangez cet or ?
« Quelques-uns nous ont assuré que vous étiez – L’Espagnol : Cet or, nous mangeons.
des dieux, que des bêtes farouches vous obéis-
saient, que vous teniez les foudres entre vos
mains, et que vous étiez assoiffés d’or. Cepen-
dant je reconnais que vous êtes des hommes
comme nous. Ces bêtes qui vous obéissent
sont, à mon avis, de grands cerfs que vous avez
apprivoisés. Ces armes qui ressemblent à la
foudre sont des tuyaux d’un métal que nous ne
connaissons pas, dont l’effet est pareil à celui
de nos sarbacanes. Nous savons que le prince à
qui vous obéissez descend de notre dieu Quet-
zalcoatl. Une prophétie dit qu’il est allé conquérir
de nouvelles terres à l’est et qu’il a promis que
ses descendants reviendraient. »
Hernán Cortés, première lettre à l’empereur Charles QuintH
sur la découverte et la conquête du Mexique, mars 1521.
« Un conquistador espagnol recevant des présents
en guise de rançon de l’empereur Atahualpa »,
dessin à l’encre tiré de Guamán Poma de Ayala,
chroniqueur inca, La Première Nouvelle Chronique
et le Bon Gouvernement, 1615.
44
L’Europe à la rencontre du monde
Le prêtre Bartholomé de Las Casas est célèbre pour sa dénonciation des massacres commis
par les Espagnols à travers son principal ouvrage Très brève relation de la destruction des
Indes, interdit par l'Inquisition espagnole en 1659.
20
Alors que les Indiens étaient si bien disposés à leur égard, les chrétiens ont envahi ces
pays tels des loups enragés qui se jettent sur de doux et paisibles agneaux. Et comme tous
ces hommes qui vinrent d’Espagne étaient assoiffés de richesses, ils détruisirent ces pays.
[…] Voici les causes pour lesquelles, dès le commencement, furent tuées tant et tant de
personnes : en premier lieu, tous ceux qui sont venus ont cru que, s'agissant de peuples
infidèles, il leur était loisible de les tuer ou de les capturer, de leur prendre leurs terres, leurs
biens et leurs domaines, sans en faire aucune conscience de ces choses ; en second lieu, ces
mêmes infidèles étaient les êtres les plus doux et les plus pacifiques du monde, totalement
dépourvus d'armes ; à quoi s'est ajouté que ceux qui sont venus, ou la plupart d'entre eux,
étaient le rebut de l'Espagne, un ramassis de gens convoiteux et pillards.
Adapté de Bartolomé de Las Casas (1474-1566), prêtre dominicain et historien,
Très brève relation de la destruction des Indes, 1552.
La conquête du Pérou
De 1531 à 1533, Francisco Pizarro conquiert l’Empire inca. L'empereur inca Atahualpa
accueille les Espagnols, cependant il est arrêté ; une rançon est payée, mais il est mis à
mort. Par la suite, la résistance inca se développe dans tout le pays, et les Espagnols, assié-
gés dans la ville de Cuzco, se retrouvent dans une situation difficile. Mais lorsque Túpac
Amaru, neveu d’Atahualpa et dernier empereur inca, est décapité en 1572, la résistance
à la domination espagnole cesse.
21
22
« Laissez-nous donc mourir, laissez-nous donc périr,
car nos dieux déjà sont morts. Vous nous dites que
nos dieux ne sont pas vrais. C'est une parole nouvelle
que vous nous dites ; elle nous trouble, elle nous cha-
grine... Car nos ancêtres, ceux qui ont été, ceux qui
ont vécu sur Terre, n'avaient pas coutume de parler
ainsi... Et maintenant nous détruirions l'ancienne
règle de vie ? Nous ne pouvons pas rester indifférents,
nous ne pouvons vraiment pas le croire, nous ne l'ac-
ceptons pas pour vérité, même si cela vous offense. »
Bernardino de Sahagún (vers 1500-1590), missionnaire
franciscain espagnol, compte rendu de rencontres entre
missionnaires et prêtres aztèques, vers 1564.
45
3
L’exploitation de l’Amérique
Suite aux conquêtes sur le continent américain, les Espagnols dominent les Antilles ainsi que l’Amérique
centrale et andine. Les Portugais, quant à eux, occupent les côtes du Brésil. L’exploitation des richesses de ces
nouvelles possessions se met en place.
Les Européens créent une administration pour gouver- service de leurs conquérants et se voient imposer une
ner les régions du nouveau continent. Ils s’approprient autre culture (religion, langue, etc.). Victimes de mala-
les terres et les mines d’or et d’argent. Les populations dies et de mauvais traitements, elles disparaissent
amérindiennes se retrouvent obligées de travailler au progressivement.
23
Le choc microbien
Les populations amérindiennes sont touchées par des mala- 24
dies venues d’Europe, d’Afrique et d’Asie (grippe, choléra,
petite vérole ou variole, rougeole, paludisme, etc.). Elles n’ont
aucune défense immunitaire contre ces maladies nouvelles ;
c’est un « choc microbien ». En Europe, grâce aux échanges avec
l’Asie et l’Afrique, les populations ont de meilleures défenses
immunitaires ; cela leur permet de mieux résister aux microbes
venus d’Amérique. À l’arrivée de Christophe Colomb, 4 millions
d’Amérindiens habitaient les îles des Antilles. Cinquante ans
plus tard, ils avaient disparu. Avant 1492, on estime à plus de
25 millions le nombre d’Amérindiens peuplant le Mexique. Ce
chiffre tombe à environ 1 million en 1605. Au Pérou, durant
la même période, on passe d’environ 10 millions d’individus
à 1 million. « L’arrivée de la petite vérole », enluminure
tirée du Codex de Florence, 1575-1577.
46
L’Europe à la rencontre du monde
25
« Les pustules qui recouvraient les gens étaient horribles à voir ; beaucoup de gens en
mouraient, d'autres mouraient de faim ; la famine régnait et c'était chacun pour soi.
Sur certaines personnes, les pustules apparaissaient de façon sporadique et toutes ne
souffraient pas aussi grandement. Certains échappaient même à la mort. Toutefois, les
visages de la plupart étaient définitivement ravagés par ces pustules qui donnaient à
la peau une apparence rugueuse. Certains perdaient un œil ou devenaient aveugles. »
Bernardino de Sahagún (vers 1500-1590), missionnaire franciscain espagnol,
Codex de Florence (ouvrage interdit sur ordre du roi d’Espagne), vers 1575.
27
« On donna ainsi des Indiens à chaque chrétien sous prétexte qu'il
les instruirait dans la foi catholiqueH [...]. Le soin qu'ils prirent des
Indiens fut d'envoyer les hommes dans les mines pour en tirer de
l'or, un travail intolérable ; quant aux femmes, ils les plaçaient aux
champs, dans les fermes, pour qu'elles labourent et cultivent la
terre, ce qui est un travail d'hommes très rude. Ils ne donnaient
à manger aux uns et aux autres que des herbes et des aliments
sans consistance [...]. Les hommes moururent dans les mines
d'épuisement et de faim... »
« Scènes de tortures infligées aux
Bartolomé de Las Casas, prêtre dominicain et historien, Indiens refusant de se soumettre
Très brève relation de la destruction des Indes, 1552. aux Espagnols », dessin tiré de
Guamán Poma de Ayala, chroniqueur
inca, La Première et Nouvelle Chro-
nique et le Bon Gouvernement, 1615.
28
« Les Indiens demandent, de par leur nature et dans leur propre intérêt, à être placés
sous l'autorité des princes ou d'États civilisés et vertueux, dont la puissance, la sagesse
et les institutionsH leur apprendront une morale plus haute et un mode de vie plus digne.
Comparez ces bienfaits dont jouissent les Espagnols – prudence, invention, […] huma-
nité et religion – avec ceux de ces hommelets si médiocrement humains, dépourvus de
toute science et de tout art, sans monument du passé autre que certaines peintures aux
évocations imprécises. Ils n'ont pas de loisH écrites mais seulement des coutumes, des
traditions barbares. Ils ignorent même le droit de propriété. »
Juan Ginés de Sepúlveda (1490-1573), humanisteH et historiographe
de Charles Quint, Des justes causes de la guerre, 1544.
Le métissage culturel
Après leur conquête, les grandes civilisations disparaissent, mais les survivants aztèques
et incas convertis au christianisme gardent leur mode de vie, certaines de leurs coutumes
et parfois leur religion, tout en adoptant les mœursH et la langue des Espagnols. Certains
descendants de Moctezuma vont même occuper des fonctions administratives pour les
Espagnols. Chez les Incas, la transmission de l’héritage passait en grande partie par les PUSTULE : bouton
contenant du pus.
femmes, raison pour laquelle de nombreux capitaines espagnols vont épouser des nobles
SPORADIQUE : qui
incas pour acquérir des terres. C’est ainsi qu’apparaît un métissage culturel qui a permis se produit parfois,
la conservation d'une partie de la culture amérindienne jusqu’à nos jours. de temps à autre.
47
3
Deux grands EMPIRES COLONIAUX naissent : celui amérindienne locale étant décimée par les maladies,
de l’Espagne, avec ses COLONIES d’Amérique et les c’est en Afrique que les puissances coloniales vont
Philippines ; celui, plus maritime, du Portugal, avec le chercher l’importante main-d’œuvre nécessaire à l’ex-
Brésil et divers comptoirs sur les côtes africaines et ploitation des mines, des plantations de canne à sucre
asiatiques. Les Provinces-Unies des Pays-Bas créent et ou de coton dans les colonies. Les esclaves sont ven-
exploitent également un vaste réseau de colonies et de dus en Amérique, puis les navires repartent chargés de
comptoirs. D’autre part, les Anglais et les Français vont produits rares, généralement à destination de l’Europe.
s’installer durablement en Amérique du Nord à partir Ce trafic où les esclaves sont considérés comme de la
de la première moitié du XVIIe siècle. La population marchandise constitue la traite atlantique.
Fourrures
Nouvelle-France
Épices,
Tabac, EMPIRE cotonnades,
teintures EMPIRE soieries, CHINE
Louisiane PERSE Nagasaki
Argent, teintures, Canaries OTTOMAN teintures Soieries, thé
cacao, café, Indes occidentales
sucre, coton EMPIRE Macao
CUBA Cap- MOGHOL Calcutta
Vert Bombay
SÉNÉGAL
Acapulco Gorée Goa Manille
Nouvelle-
Grenade Or, Esclaves Indes orientales
cacao
BRÉSIL
MOZAMBIQUE Épices,
Argent ANGOLA sucre, café
Or, diamants,
cacao, café,
sucre
EMPIRE
COLONIAL H répar-
Ensemble des territoires esillas, le pape
TraitéH de Tord ols et les
qu’un État s’est approprié En 1494, par le le s Es pa gn
découvrir entre ns l’Atlantique. Le
sur la quasi-totalité tit les terres à da
tra çant une ligne e ligne
du globe. Portugais en
ss e, en 1529 , fixe une second ités,
Trai té de Sa ra go ci fiq ue . Ce s tra
fois dans le Pa ent
de partage, cette Anglais et les Français, exprim
pa r le s de .
contestés iner le mon
péenne de dom
la volonté euro
48
L’Europe à la rencontre du monde
L'échange colombien
Au milieu de ce développement commercial, des plantes, des animaux et des microbes
vont circuler entre les continents américain et européen. Cet échange biologique, appelé
ÉCHANGE COLOMBIEN, qui concernera aussi l’Asie, va entraîner une diffusion et une
uniformisation des plantes cultivées à l’échelle mondiale. Toutefois, l'adoption des nou-
velles cultures ne se fait pas au même rythme : si le maïs est introduit dès 1550 en
Italie, la culture de la pomme de terre ne va se développer qu'au XVIIIe siècle en
Europe. En Chine, par contre, le maïs et la pomme de terre sont cultivés dès
le XVIe siècle. Ces nouvelles cultures permettent une croissance démogra-
phique car elles réduisent les famines. ÉCHANGE
COLOMBIEN
Échange biologique (plantes,
x soldats animaux et microbes) entre
ait réservée au
cons om m at ion du cacao ét ap rè s un conquis- les différents continents
La gorantes. D’
pour se s ve rt us revi ge r to ute une après la découverte
peut voya
’on en a bu, on nourri- de l’Amérique par
tador , « lorsqu ue et sans av oi r be so in de
né e sa ns fa tig t de m on na ie : un les Européens.
jour ca cao servaien
s fève s de nt ai ne .
ture » Le e une ce
fèves, un esclav
lapin valait dix
31 32
Les Fo-Lang-ki [les Portugais]
se sont montrés violents et
ont enfreint les lois ; ils ap-
portent des marchandises
pour faire le commerce […].
En outre, […] s’ils séjournent
longtemps, on peut soup-
çonner qu’ils espionnent. Il
convient donc de les expulser
tous.
Adapté du ministre chinois
des rites, vers 1522.
49
4
Édimbourg MER
DU
NORD
Londres
Wittenberg
Paris
OCÉAN
ATLANTIQUE Zurich
Trente
Genève
Madrid Rome
Centres de diffusion :
de la Réforme protestante MER
de la Réforme catholique
MÉDITERRANÉE
1517 1564
Vers 1450 1492 Thèses de 1536 Temple
Atelier 1478 Arrivée de Martin Luther, 1525 Réforme à calviniste
d’imprimerie Création de Colomb en début de la Réforme Genève, Neu- « de Paradis »
de Gutenberg l’Inquisition Amérique Réforme à Zurich châtel et Vaud à Lyon (F)
Humanisme
Concile de Trente
Affrontements religieux
50
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– expliquer l’origine et la diffusion des réformes religieuses
du XVIe siècle ;
–d
istinguer les caractéristiques du protestantisme de celles
du catholicisme ;
–e
xpliquer les réactions de l’Église catholique ;
– expliquer l’influence de la religion sur la vie quotidienne.
1572
ssacre 1598 1685
Saint- Édit de Révocation de
élemy Nantes (F) l’Édit de Nantes
51
4
52
Les réformes religieuses au XVIe siècle
Comme d’autres religionsH, l’histoire du christianismeH connaît des moments de diver-
gences, d’orientations différentes. De l’Antiquité au XVIe siècle, les communautés chré-
tiennes s’opposent sur des questions d’organisation, d’idées ou de pratiques religieuses.
Ces désaccords entraînent parfois des séparations au sein de l’ÉgliseH et la création de
nouveaux courants religieux : au XIe siècle, ils conduisent à la naissance de l’Église ortho-
doxe et, au XVIe siècle, à la Réforme protestanteH.
L’idée humanisteH du retour aux sources existe aussi dans le domaine religieux. Dès le
XVe siècle, certains chrétiens demandent de revenir au message de la BibleH, qui prône
notamment une vie simple et modeste, alors que l’Église accumule les richesses et néglige
la formation des curés, trop souvent ignorants. En 1517, un moineH allemand, Martin
Luther, conteste l’autorité du papeH et dénonce publiquement la vente des indulgencesH,
qui assurent aux croyants leur place au paradis contre une somme d’argent. C’est le début
de la Réforme protestante.
Grâce notamment à l’imprimerieH, les idées de Luther se diffusent largement. Ainsi, le curé
de Zurich, Ulrich Zwingli, parvient en 1519 à convaincre les autorités que des changements
sont nécessaires. Six ans plus tard, le protestantisme devient la religion officielle de la ville.
En Suisse romande, ce sont, entre autres, Guillaume Farel et Jean Calvin qui introduisent
la Réforme dans les années qui suivent.
Pour lutter contre le protestantisme, mais aussi pour répondre aux attentes exprimées par les
catholiquesH eux-mêmes, le pape introduit une série de changements au sein de l’ÉgliseH ;
la Réforme catholique, parfois nommée Contre-Réforme, débute en 1545.
Dès le milieu du XVIe siècle, un principe politiqueH est appliqué : « Tel prince, telle reli-
gion ». Il signifie que la religion d’un peupleH est nécessairement celle de son souverainH.
Alors que de nombreux ÉtatsH adoptent la Réforme, d’autres restent attachés à l’Église
catholique, et c’est aussi le cas pour les cantonsH suisses. Ces divisions vont provoquer
dans toute l’Europe une longue période d’intolérance religieuse et de guerres sanglantes
au nom de la religion entre le XVIe et le XVIIe siècle.
Anvers
OCÉAN Wittenberg
Paris
ATLANTIQUE Nuremberg
La Rochelle
ROYAUME Bâle SAINT EMPIRE
DE FRANCE Luthériens
53
4
La Réforme protestante
À la fin du Moyen Âge, l’Europe est marquée par de nombreux changements. D’une part, son horizon s'est élargi
avec les explorations lointaines, d’autre part, de nouvelles découvertes scientifiques remettent en cause la
place de la Terre et de l'Homme dans l'univers.
Le 31 octobre 1517, Martin Luther, un moine allemand, Rome), les abus de l’Église et la corruptionH du clergéH.
affiche 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg, Il remet en cause l’autorité du pape et prône un retour
en Saxe ; ce sont des arguments contestant la puissance à la simplicité de l’Église d’origine et aux enseigne-
des indulgences (dont le revenu est principalement ments du texte biblique.
destiné à l’édification de la basilique Saint-Pierre de
1 2
Certaines idées nouvelles commencèrent à se répandre, dirigées d’abord
contre l’autorité de l’Église romaine. Ce poison pestifère trouva son ori-
gine en Allemagne, dans la province de Saxe, avec les prédications de
Martin Luther […]. Le pape avait distribué dans le monde entier de très
amples indulgences qui pouvaient non seulement être utiles à ceux qui
sont encore en vie, mais offraient la possibilité de libérer des peines du
purgatoire les âmes des défunts. Tout cela n’avait en soi ni la moindre
vraisemblance ni la moindre autorité, car il était notoire qu’on ne les
accordait que pour extorquer de l’argent […]. En outre, les commissaires
dépêchés pour percevoir cet argent – dont la plupart achetaient le droit
de le faire – avaient, en bien des lieux, provoqué indignation et scandale,
surtout en Germanie où l’on voyait nombre de ces envoyés vendre à vil
prix ou jouer dans les tavernes (la remise des indulgences).
Adapté de Francesco Guicciardini (1483-1540), historien
et homme politique florentin, Histoire d’Italie, 1537-1540.
Lucas Cranach l’Ancien, Martin
Luther, huile sur panneau, 1529.
Le pape lui ordonne de se rétracter, ce que Luther refuse de faire. En 1520, il est exclu de
l'Église. Luther est protégé par plusieurs princes allemands qui refusent aussi le pouvoir
du pape, mais pour des raisons politiques. Ainsi encouragé, il organise une nouvelle Église
chrétienne, fondée sur ses thèses, qui prendra le nom d’Église protestante ou réformée.
3 4
Après ces débuts, […] Luther commença peu à peu à ôter les
images des églises, à dépouiller de leurs biens les domaines
ecclésiastiques, à permettre aux moines et aux moniales ayant
prononcé leurs vœux de se marier […] ; il niait aussi que le pouvoir
du pape s’étendît hors de l’évêché de Rome et affirmait que tout
évêque avait dans son diocèse la même autorité que le pape dans
celui de Rome ; il méprisait toutes les décisions des conciles et
les décrets des papes, et s’en tenait à l’Ancien Testament, […], à
tout ce que l’on comprend sous le nom de Nouveau Testament
[…] mais en donnant à ces écrits un sens nouveau et dangereux
grâce à des interprétations inouïes. Et la folie de cet homme et
de ses partisans ne s’arrêta pas là, mais suivi – peut-on dire
– par presque toute la Germanie […] il alla jusqu’à s’attaquer
Lucas Cranach le Jeune, Martin Luther et aux sacrements de l’Église, à mépriser jeûnes, pénitences et
les réformateurs de Wittenberg, avec leur confessions […].
protecteur le prince électeur Jean-Frédéric I er Cette doctrine se répandit en bien des lieux, même hors de Ger-
de Saxe, huile sur bois, vers 1543.
manie, parce qu’elle libérait les hommes de nombreuses règles,
établies pour le salut de tous par […] l’Église […] et les saines
interprétations des saints docteurs, et permettait donc à tous
une forme de vie presque libre, qui faisait de chacun son propre
arbitre.
PURGATOIRE : dans la tradition catholique, Adapté de Francesco Guicciardini (1483-1540), historien
lieu où les âmes des défunts se purifient et homme politique florentin, Histoire d’Italie, 1537-1540.
avant d’entrer au paradis.
VIL PRIX : prix très bas.
54
Les réformes religieuses au XVI e siècle
5 6
86. Et encore : pourquoi le Pape, n'édifie-t-il pas la basi-
lique de Saint-Pierre de ses propres deniers, plutôt
qu’avec l’argent des pauvres fidèles, puisque son sac est
aujourd’hui plus gros que celui des plus gros riches ?
Adapté de Martin Luther (1483-1546), théologien
et réformateur religieux, Les 95 thèses, 1517.
LA
RÉFORME
Ensemble des mouvements et
Une nouvelle Église des idées amenés par des réfor-
Puisque toute réconciliation entre les partisans de la RÉFORME et le pape mateurs issus de l’Église catho-
lique. La Réforme conduit à
semble impossible, les réformés, à la suite de Luther, mettent en place leurs la formation des Églises
propres Églises. La Bible est leur seule référence : chaque croyant doit pouvoir protestantes au
la lire et l’interpréter librement. Les réformateurs vont ainsi la traduire dans les XVIe siècle.
différentes langues régionales. Les protestants conservent les seuls sacrements
institués par Jésus et attestés dans la Bible : le baptême et l’eucharistie. Les Églises
protestantes ne connaissent pas de hiérarchie. Tous les croyants doivent participer
à la transmission de la parole de Dieu. Cependant, il existe certaines fonctions particu-
lières dont celle de pasteurH. Celui-ci est en
charge de la communauté et de son ensei- 8
gnement ; il commente la Bible lors des
cultesH et célèbre les sacrements. Comme
les enseignants du XVIe siècle, il porte une
robe noire et peut se marier.
SALUT : accès à la vie éternelle et au paradis Martin Luther prêchant, détail de l’autel de l’église de Torslunde par l’École
promis aux chrétiens après la mort. hollandaise, temperaH sur panneau de bois, Copenhague (DK), 1561.
55
4
La diffusion de la Réforme
Les écrits de Luther sont rédigés en allemand, la langue parlée par le peuple. Ils bénéfi-
cient par ailleurs de l’invention de l’imprimerie. Ses idées se diffusent ainsi rapidement.
Des souverains et des États décident d’adopter la religion réformée, d’autres réaffirment
leur foi catholique. En Angleterre, le roi Henri VIII décide en 1534 de devenir le chef
de sa propre Église, l’Église anglicane, qui sera rattachée au protestantisme.
Inspiré par les idées de Luther, le curé de Zurich, Ulrich Zwingli, commence à prêcher
la réforme de l’Église catholique. En 1523, les autorités organisent une « dispute » 10
l’opposant à des représentants de l’évêque. Il s’agit d’un débat public utilisant des
arguments tirés de la Bible. Le but est de convaincre les autorités de la supério-
rité de sa foi. Zwingli l’emporte, il est autorisé à introduire des changements.
56
Les réformes religieuses au XVI e siècle
La dernière atta
que
conquérir Genève du duc de Savoie pour
se déroule dans
11 au 12 décembr la nu
e 1602 : à l’aide d’é it du
les Savoyards es chelles,
caladent les re
pénètrent dans mparts et
la ville. Les Gene
viennent à repo vois par-
us
victoire est com ser les ennemis. Cette
mémorée chaque
Genève lors de la an
Fête de l’Escalade née à
.
13
Chacun est tenu de venir les dimanches écouter la parole de Dieu ainsi que les autres jours où
ils pourront être libres, sous peine d’être repris par la justice.
Nul ne doit jurer ni blasphémerH le nom de Dieu sous peine de baiser terre la première fois, la
seconde fois de baiser terre et de payer trois sous, et la troisième d'être mis en prison trois jours.
Que personne n’aille dans la ville passé neuf heures sans chandelle sous peine d’être mis en
prison vingt-quatre heures.
Que personne n'aille danser, sinon aux noces, ni chanter des chansons malhonnêtes, ni se
déguiser, porter des masques ou faire des mômeries sous peine de payer soixante sous et d’être
mis en prison trois jours au pain et à l’eau.
Que chacun soit tenu de révéler aux magistrats ceux ou celles qu’on aura trouvé délinquants
à ces articles.
Adapté de Jean Calvin, Ordonnances sur les mœurs, 1547.
14
24. Puisque Jésus-Christ […] nous a ordonné de nous adresser directement à son
père en son nom, nous croyons que tout ce que les hommes ont inventé quant à
l’intercession des saints n’est que ruse de Satan pour les détourner de la manière
de bien prier. Nous considérons le purgatoire, les vœux monastiques, les pèleri-
nages, les indulgences, l’interdiction de se marier comme des erreurs.
Adapté de Jean Calvin, Confession de foi dite de La Rochelle, texte écrit en 1559, remanié
puis adopté après sa mort par les Églises réformées de France, en 1571.
57
4
15 16
Jean Perrissin, Temple calviniste de Lyon nommé Intérieur du temple de Chêne, Chêne-Bougeries (GE),
« le temple de Paradis », huile sur toile, 1570. construit en 1758.
Conformément aux idées des humanistes, les réformateurs souhaitent le retour aux sources,
donc aux langues et aux manuscrits originaux pour les auteurs de l’Antiquité grecque ou
romaine. La lecture de la Bible étant au cœur de la foi protestante, elle est traduite en
langue populaire pour permettre à chaque fidèle de la comprendre.
17
Dans ma traduction de la Bible, je me suis efforcé de parler un allemand pur et
intelligible. […] La femme, les enfants, les bourgeoisH sur la place publique, voici les
docteurs qu’il faut consulter ; c’est de leur bouche qu’il faut apprendre comment on
parle, comment on interprète : après cela ils vous comprendront et ils sauront vous
parler leur langue […].
Adapté de Luther d’après Luther, fragments extraits de ses œuvres par G. A. Hoff, 1887.
18
La Bible d’Olivétan
C’est la première fois qu’une traduction française prend pour point de
départ les textes originaux en hébreu et en grec. Cette bible, préfacée
par Calvin, éditée à Neuchâtel, paraît en 1535 et connaît un succès
durable.
58
Les réformes religieuses au XVI e siècle
19
Les fonctions publiques ne doivent être confiées qu’aux plus savants. […] Dans les monas-
tères, on ne sait plus le latin, à peine l’allemand : il faut une meilleure instruction ! Qu’on
envoie au moins les enfants une heure ou deux par jour à l’école ; qu’ils emploient le
reste à soigner la maison et à apprendre quelque métier. Il doit aussi y avoir des écoles
pour les filles […].
Tout l’or du monde ne saurait suffire à récompenser un bon instituteur. […] Pour moi,
il n’y a pas de charge sur terre que je remplirais plus volontiers que celle d’instituteur ;
car, après l’œuvre du pasteur, pas d’œuvre plus belle ni plus importante que la sienne.
[…] N’est-il pas vrai qu’on réussit plus rarement à convertir de vieux pécheurs qu’à faire
entrer les enfants dans la bonne voie ? C’est pendant qu’ils sont jeunes et flexibles qu’il
faut plier les arbres.
Adapté du « Traité sur l’éducation adressé aux Conseillers des villes allemandes (1524) »,
Luther d’après Luther, fragments extraits de ses œuvres par G. A. Hoff, 1887.
20 21
Il y eut beaucoup d'enfants ; auxquels il [le pasteur] montrait
non seulement à lire et à écrire, mais sa religion, leur faisant
tous les jours un ou deux sermons. De quoi ils étaient fort
étonnés, car jamais n'avaient entendu telle doctrine : laquelle
chose les enfants racontaient à leurs pères et mères, les inci-
tant à venir écouter cet homme, car il enseigne, disaient-ils,
tout autrement que les prêtres et autres n'ont l'habitude de
faire. Et au récit de ces enfants, plusieurs hommes et femmes
allaient l'écouter prêcher en cette salle, les uns par curiosité
et moquerie, les autres pour être instruits […]. Le nombre de
ceux-ci augmentait grandement de jour en jour.
Adapté d’Antoine Froment (1509-1581), réformateur et pasteur genevois,
Ferdinand Holder, Calvin et les professeurs Actes et gestes merveilleux de la cité de Genève, 1532-1536.
dans la cour du collège de Genève, huile
sur toile, vers 1883.
22
12. [...] [Tous les écoliers doivent se retrouver au temple] les dimanches Les cours commen
ça
aux sermons de huit heures [du matin] et du soir, et au catéchisme ; à 6 h du matin en ient
été, à
les jeudis au sermon de huit heures. Assis à leurs places, il faut qu’ils 7 h en hiver, jusq
u’à
écoutent le sermon attentivement et avec grand respect. Ils se poursuivaie 9 h.
nt de
midi jusqu’à 16
13. Il faut aussi qu’il y ait un maître (un régent) dans chaque temple. Il h, avec
une heure de pa
use en
faut qu’il y soit à l’heure, afin de surveiller son groupe, et de noter les silence pour le re
pas.
absents. Ceux qui se seront mal comportés pendant l’office seront
châtiés au collège le lendemain selon leur faute. [...]
21. Le samedi qu’ils révisent leur semaine le matin. [...] De trois à quatre
heures [...] qu’on les prépare au sermon qui devra être traité le len-
demain au catéchisme et que le maître le leur explique selon leur
niveau. [...]
Adapté des Ordonnances ecclésiastiques de l’Église de Genève.
Item, l’ordre des escoles de ladite cité [1541], Genève, 1609. CATÉCHISME : instruction
religieuse dans la religion
chrétienne.
59
4
15 000
10 000
5000
0
Année 1500 1520 1540 1560 1580 1600 1620 1640 1660 1680 1700
24
Dès 1561, se retiraient aussi les étrangers de Genève dans 25
leur pays, les uns pour retrouver leurs biens, les autres espé-
rant avoir meilleur moyen de vivre, et plusieurs par grande
légèreté. En 1562, à la suite de l’Édit du roi, une grande partie
de ceux qui encore demeuraient à Genève, se fiant à cette
permission et liberté, retournèrent en leur pays avec femme
et enfants.
Adapté de Michel Roset (1534-1613), Chroniques de Genève,
publiées en 1854 d’après le manuscrit original.
LÉGÈRETÉ : imprudence.
ÉDIT DU ROI : ordre donné par le roi de France. En 1562,
il s’agit d’un édit de tolérance envers les protestants.
60
Les réformes religieuses au XVI e siècle
26 27
Erhard Schön,
« Le diable jouant de la
cornemuse », gravure
sur bois, Gotha (D),
XVIe siècle.
« Le pape et le diable », caricature anonyme,
Utrecht (NL), XVIe siècle.
28 29
Mais Dieu dit qu’on ne doit pas s’incliner, se
prosterner, s’agenouiller, allumer des cierges
ou brûler de l’encens devant ces images.
Adapté de Ulrich Zwingli, Brève
instruction chrétienne, 1523.
30
31 MARIE DENTIÈRE (1495-1561)
[ Il ] était une moine abbesse fausse, ridée, et
à la langue diabolique, ayant un mari et des Convertie aux idées de la
enfants, nommée Marie Dentière, qui se mêlait Réforme luthérienne vers
de prêcher, et de pervertir les gens pleins de 1524, elle prêche contre le
dévotion. [ Pour ] convertir les religieuses, elle célibat et participe à la ferme-
ne tenait pas compte des critiques, et disait : ture de couvents pour femmes.
« Hé pauvres créatures ! Si vous saviez qu'il À Genève, elle s’oppose à Farel et
fait bon être auprès d'un joli mari, et comment Calvin, affirmant que les hommes et les femmes
Dieu l'a agréable. sont égaux quant à leur capacité à interpréter
Adapté de Jeanne de Jussie (1503-1561), religieuse, les textes sacrés et à réfléchir à la théologie.
Le Levain du calvinisme ou l'Histoire mémorable du Ses opinions et ses arguments indignent les
commencement de l'hérésieH de Genève, 1611.
protestants comme les catholiques, ses textes
sont censurésH. Son nom ne sera gravé sur le
mur des Réformateurs à Genève qu’en 2003.
61
4
La Réforme catholique
Vers le milieu du XVIe siècle, plusieurs papes et hauts responsables se rendent compte qu’il faut renforcer l’or-
ganisation de l’Église et supprimer des abus ou pratiques discutables. Grâce à cette Réforme catholique, l’Église
veut rassurer les catholiques ébranlés par les critiques des réformés et limiter la diffusion du protestantisme.
À l’origine, le Conc
ile de Trente veut
de préserver l’uni tenter
té de l’Église en
des théologiens invitant
luthériens mais
ont déjà été exco ceux-ci
mmuniés et, com
craignent pour me ils
leur vie, ils refu
venir à Trente. sent de
33
Des dogmes
La vieille édition de la Vulgate (Bible en latin), approuvée dans l’Église même par le long
usage de tant de siècles, doit être tenue pour authentique […], et que personne n’ait l’audace
[…] de la rejeter sous quelque prétexte que ce soit. Session IV, 8 avril 1546.
Le saint concile enseigne […] que, dans le sacrement de la sainte Eucharistie, après la consé-
cration du pain et du vin, notre Seigneur Jésus Christ […] est vraiment […] contenu sous
l’apparence de ces réalités. Session XIII, 11 octobre 1551.
Si quelqu’un dit qu’il n’y a pas dans l’Église catholique une hiérarchie instituée par une
disposition divine, composée d’évêques, de prêtres et de ministres : qu’il soit anathème
(excommunié). Session XXIII du 15 juillet 1563.
Les fidèles doivent aussi vénérer les saints […] ; par eux, Dieu accorde de nombreux bienfaits
aux hommes. On doit avoir et garder, surtout dans les églises, les images du Christ, de la
Vierge Marie Mère de Dieu et des autres saints, et leur rendre l’honneur et la vénération qui
leur sont dus. Session XXV du 3 décembre 1563.
Désirant […] corriger les abus qui s’y sont glissés, […] le saint concile statue […] que doivent
être absolument abolis tous les déplorables trafics d’argent en vue d’obtenir des indulgences.
Session XXV du 4 décembre 1563.
Adapté de Giuseppe Alberigo (dir.), Les Conciles œcuméniques,
tome II - 2 : Les Décrets (Trente à Vatican II), 1994.
34
Le saint concile statue ce qui [doit] être gardé, concernant la vie, l’honnêteté, la
conduite et les connaissances des clercs, et ce qui doit être prohibé concernant
CONCILE : réunion de le luxe, les festins, les danses, les jeux de hasard, les amusements et toutes
l’ensemble des évêques. choses répréhensibles quelles qu’elles soient, ainsi que les affaires du siècle…
DOGME : ici, principe Session XXII du 17 septembre 1562.
religieux proclamé comme Adapté de Giuseppe Alberigo (dir.), Les Conciles œcuméniques,
une vérité fondamentale tome II - 2 : Les Décrets (Trente à Vatican II), 1994.
et incontestable.
STATUER : décider.
62
Les réformes religieuses au XVI e siècle
De nouvelles mesures
À Fribourg et en Valais, cantons restés catholiques, les autorités politiques prennent rapi-
dement des mesures pour éviter la propagation des idées réformées : les étrangers sont
surveillés, les livres brûlés, les conversations dans les auberges écoutées et une profession
de foi publique est exigée. En cas de refus, on est condamné à une amende, voire à l'exil.
36
Aucun protestant ne pourra occuper une charge publique. Sont exceptés ceux qui se
réconcilieront avec l'Église catholique. À tous ceux du pays qui persisteraient dans
l'erreur, est fixé le terme de deux mois pour quitter le canton.
Il est défendu aux pères et mères, tuteurs, parents et toute personne du pays, d'en-
voyer leurs enfants ou jeunes gens aux écoles protestantes.
Adapté des mesures prises par l'évêque de Sion, Adrien II de Riedmatten (1550-1613),
pour s'opposer efficacement au protestantisme.
37 38 39
Église Santa Croce, Riva San Vitale (TI), érigée entre 1588- Église du Gesù, Rome (I), construite entre 1568-1584.
1592, considérée comme le premier édifice baroque en Suisse.
63
4
En France, entre 1561 et 1598, des troubles et des d’oppression des protestants reprend vingt ans plus
famines sont liés aux guerres de religion ; par sa vio- tard et se poursuit durant un siècle. En 1685, Louis XIV
lence, le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, révoque l’Édit de Nantes, ce qui met fin à l’existence
marque les mémoires. En 1598, pour apaiser le pays, légale du protestantisme en France et provoque l’exil
le roi Henri IV signe l’Édit de Nantes, un compromis qui de nombreux protestants vers les territoires réformés,
définit les droits des protestants et met fin aux guerres dont Genève et Bâle, mais aussi vers les coloniesH bri-
de religion. La politique de réunification religieuse et tanniques d’Amérique ou l’Afrique du Sud par exemple.
40 41
Par les rues, une bande succédait à l’autre, sur-
tout au quartier des libraires. Plusieurs de ces
derniers furent précipités du haut de leur maison
dans le feu où flambaient les livres. Les femmes
avec leurs enfants étaient traînées vers la Seine,
percées de coups et jetées dans le fleuve. […]
Bref, le carnage se prolongea du dimanche
24 août jusqu’au lendemain ; passé 10 000 créa-
tures, hommes et femmes, jeunes et vieux furent
égorgés en vingt-quatre heures. […]
On imprima sur ordre du roi un écrit expliquant
pourquoi il avait fait périr l’amiral et les autres
huguenots de Paris, à savoir parce qu’ils avaient
comploté contre les jours du roi de France […] et
des chefs catholiques ; quant à l’idée d’extirper les
huguenots et leur religion, elle ne lui était jamais
François Dubois, Le Massacre de la Saint-Barthélemy, venue.
huile sur bois, vers 1572-1584. Adapté des Mémoires de Luc Geizkofler : Tyrolien 1550-1620,
étudiant allemand à Paris en août 1572, 1892.
42 43
En l’an 1698, dans notre village, on fouillait (les
maisons) pour voir s’il y avait des armes, des
livres. Si on en trouvait, on condamnait aux
galères ou à l’amende. […] On faisait venir le
monde à la messe, par amende, par garnison
de soldats ou à coups de bâton. […] On forçait
petits et grands à confesser, à communier et on
donnait des billets à ceux qui avaient fait leur
devoir comme on appelait.
Adapté de « Mémoires de Jean Gaubert »,
Journaux camisards (1700 -1715).
64
Les réformes religieuses au XVI e siècle
Romont
Régions catholiques Andermatt
Lugano
Mendrisio
0 50 100 km
Du XVIe siècle au XVIIIe siècle, la Suisse connaît quatre séries de conflits (les deux guerres
de Kappel, en 1529 et 1531, et les deux guerres de Villmergen, en 1656 et 1712), entre
cantons catholiques (300 000 habitants) et protestants (700 000 habitants). Chaque guerre
est ponctuée par un traitéH de paix appelé Paix nationale.
Enfin, en 1712, la Paix nationale d’Aarau instaure la parité confessionnelle. Cela signifie que
l’on veillera désormais à ce que les protestants comme les catholiques aient les mêmes
droits dans les bailliages communs.
45
Un épisode célèbre de la première guerre de Kappel (1529)
« Une fois, plusieurs braves compères des cinq cantons prirent un grand baquet de lait et le posèrent à cheval sur
la frontière, criant aux Zurichois qu’ils avaient là un bon seau de lait, mais pas de pain pour mettre dedans. Alors
accoururent quelques bons gars zurichois avec du pain et en firent des morceaux qu’ils mirent dans le lait. Et
s’assirent les uns et les autres, chacun sur son terrain, et mangèrent ensemble. Mais si l’un dépassait le milieu du
baquet pour prendre un morceau, ceux de l’autre camp lui frappaient la main par farce, disant : « Broute sur ton ter-
rain ». Et il s’échangea beaucoup de ces plaisanteries,
lesquelles le bourgmestre de Strasbourg, Jean-Jacques 46
Sturmen, qui était un des arbitres, les ayant entendues
s’écria : « Vous Confédérés, vous êtes d’étranges gens ;
quand même vous avez noise ensemble, vous restez
pourtant unis, et n’oubliez jamais la vieille amitié. »
Henri Bullinger (1504-1575), réformateur, Chronique, vers 1550.
65
5
LA CONSTRUCTION DE L’ÉTAT
e
AU XVII SIÈCLE
MER
DU
NORD
PROVINCES-
Londres UNIES
SAINT
EMPIRE
OCÉAN Versailles
Vienne
ATLANTIQUE
CORPS
HELVÉTIQUE
Venise
MER
MÉDITERRANÉE
1172 1642
Le Grand Conseil Première
devient l’organe révolution
souverain de la en Angleterre
République de Venise
1532
1575 1600 1625
Publication du
traité politique 1598
Le Prince Édit de Nantes
de Machiavel
66
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– identifier les caractéristiques d’un État souverain ;
– déterminer les compétences et le rôle d’un État moderne ;
– distinguer divers régimes politiques et leurs caractéristiques
concernant l’exercice du pouvoir ;
– définir les bases des relations diplomatiques entre les États.
1689-1702 1707
1649 Règne de Union des royaumes
Exécution 1688-1689 Guillaume III d’Angleterre et
de Charles I er Glorieuse et de Marie II d’Écosse, qui deviennent
en Angleterre Révolution d’Angleterre le royaume de
en Angleterre (jusqu’en 1694) Grande-Bretagne
67
5
30 couronnes
bernoises, 1699.
Demi-couronne
à l’effigie de
Guillaume III
et de Marie II
d’Angleterre,
1689.
68
La construction de l’État au XVIIe siècle
Vers 1600, l’Europe est progressivement divisée en États indépendants, soumis à des
formes de gouvernementH très diverses. Le modèle d’un empireH unique qui domine des
territoires immenses, tel l’Empire romain, n’existe plus.
Les territoires sont plus délimités qu’avant et chaque État y affirme son pouvoir à travers
l’armée, la justice, les impôtsH ou la frappe de la monnaie qui sont exclusivement entre
ses mains. L’État devient une source d’unité face aux profondes divisions religieuses pro-
voquées par la RéformeH.
La puissance et la prospérité de ces États ne sont toutefois pas égales : au début du
XVIIe siècle, les monarchiesH française et britannique s’affirment, tout comme la République
des Provinces-Unies (Pays-Bas actuels), alors que la monarchie espagnole décline et que
la République de Venise perd sa suprématie commerciale et maritime. Les principales
routes maritimes européennes, jusqu’alors centrées sur la Méditerranée, se déplacent
vers l’Atlantique.
Malgré les différences de religionH, de puissance, de formes de gouvernement, et en dépit
des ravages de la guerre de Trente Ans (1618-1648), les relations entre les États européens
s’établissent sur de nouvelles bases avec la Paix de Westphalie en 1648.
Aux portes de l’Europe, des empires s’étendent encore sur d’immenses territoires. L’Empire
ottoman recouvre une grande partie du sud-est de l’Europe et domine tout le sud de la
Méditerranée.
MER
MÉDITERRANÉE
0 500 1000 km
69
5
L’affirmation de l’État
À partir du XVIe siècle, le terme ÉTAT apparaît dans les différentes langues européennes pour décrire une nou-
velle manière de penser l’organisation politique. L’État devient progressivement une autorité indépendante
qui fonctionne sans l’intervention d’un pouvoir extérieur, comme celui du papeH ou de l’empereur.
Le Prince, rédigé en 1513 et publié la première fois en et censuréH par l’ÉgliseH catholique en 1559, l’ouvrage
1532, est un traité politique de l’humanisteH florentin est pourtant diffusé, traduit et commenté dans toute
Nicolas Machiavel (1469-1527). Ce livre devient une l’Europe. « Se montrer machiavélique » est même de-
référence pour ceux qui étudient le pouvoir étatique car venu une expression courante.
il décrit comment développer et renforcer la puissance
de l’État, par tous les moyens possibles. Jugé immoral
2
La souveraineté est […] inséparable
de l’État, car si elle lui était ôtée, ce
ne serait plus un État.
Adapté de Charles Loyseau,
Traité des seigneuries, Paris, 1608.
SOUVERAINETÉ
Pouvoir suprême d’une
personne ou d’un État
qui s’applique sur
Dès le XVIIe siècle, la SOUVERAINETÉ d’un État repose sur le contrôle de ces droits un territoire.
et amène ainsi des changements :
– les premières machines à « frapper » la monnaie apparaissent au XVIe siècle.
Elles remplacent définitivement la fabrication de pièces à l’aide d’un marteau, telle
qu’elle était pratiquée depuis l’Antiquité. Ce rôle étant réservé à l’État, la production
de fausse monnaie peut être punie de mort ;
– un nouvel impôt est parfois mis en place. En 1695, par exemple, Louis XIV lève un impôt
individuel afin de financer sa guerre contre l’Angleterre et les Provinces-Unies ;
– rendre la justice est un rôle réservé à l’État souverain. La vengeance privée, notamment
le duel, est ainsi interdite.
70
La construction de l’État au XVII e siècle
3 4
« Frappe de la monnaie au balancier à vis », gravure tirée de l’Encyclopédie « La taxe par teste (1695) », gravure tirée
sous la direction de Diderot et d’Alembert, Paris (F), vers 1750-1790. du Recueil de modes, Paris (F), 1750.
6
Les inspecteurs des pauvres devront fournir de l’occupation aux per-
sonnes mariées ou non mariées qui n’ont pas les moyens de vivre ou
de travailler, en leur procurant une provision de laine, chanvre, lin, fil, fer
et autres marchandises et étoffes nécessaires pour les mettre au travail.
Ils pourront récolter l’argent nécessaire pour secourir les boiteux, inva-
lides, aveugles, vieillards et autres pauvres incapables de travailler.
Les inspecteurs des pauvres devront mettre en apprentissage tous les
enfants des miséreux qui seront jugés incapables de subvenir à leurs
besoins ; ils pourront mettre de force les enfants en apprentissage, où
il leur paraîtra convenable, jusqu’à ce que les garçons aient atteint l’âge
de 24 ans, les filles 21 ans, ou soient sur le point de se marier.
Adapté de la Loi sur les pauvres (Poor Law), adopté
sous le règne d’Elisabeth Ire, Angleterre, 1601.
71
5
Les États se distinguent selon la manière d’attribuer et d’exercer le pouvoir. Plusieurs modèles existent au
XVIIe siècle : la MONARCHIE absolue, la monarchie parlementaire et la république.
Depuis l’Antiquité, les régimes politiques des États sont par une ou plusieurs personnes, qui prennent les dé-
définis selon le nombre et la qualité de celui ou ceux cisions seules ou sous le contrôle d’un Parlement. De
qui gouvernent et selon les limites que l’on donne aux plus, la façon de nommer les membres d’un Parlement
différents pouvoirs. Ces pouvoirs peuvent être détenus varie d’un État à l’autre.
La monarchie absolue
En Europe, la monarchie absolue se développe dans la continuité de la MONARCHIE
monarchie centralisée de la RenaissanceH. En France, à la fin du XVIe siècle, Régime politique où le
le pouvoir du roi s’impose pour maintenir l’unité du royaume déchiré par les pouvoir est exercé par
conflits religieux entre protestants et catholiques. L’absolutisme atteint son une seule personne,
sommet sous les règnes de Louis XIII et de son premier ministre Richelieu, puis généralement un roi
ou une reine.
surtout sous Louis XIV. Le roi gouverne sans partager son pouvoir et prend seul
les grandes décisions : il écarte les grands
seigneurs et les parlements (cours de jus- 7
tice), mais il est entouré de ministres qui le
conseillent. Il doit toutefois respecter les
lois fondamentales du royaume comme les
règles de la succession royale, héréditaire
et masculine. Une reine ne gouverne que
lorsque son fils est trop jeune pour régner.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, de nombreux
pays d’Europe adoptent cette forme de
gouvernement.
8
Mais l’on demande si le roi peut faire
seul tous ces changements de loisH
et d’ordonnancesH, de sa seule auto-
rité. L’on répond que cela est incon- Louis XIV et les conseillers d’État, huile sur toile, anonyme,
testable, parce que le roi est seul sou- château de Versailles (F), XVIIe siècle.
verain dans son royaume.
Adapté de Pierre-Cardin Le Bret,
De la souveraineté du roi, 1632.
9 10
Les rois sont seigneurs absolus. […] Quelque mau- Il y a plus de 1200 ans que la France a des rois : mais
vais que puisse être un prince, la révolte de ses ces rois n’ont pas toujours été absolus comme ils le
sujetsH est toujours un crime. Dieu, qui a donné sont aujourd’hui. Leur autorité n’a jamais été limitée
des rois aux hommes, a voulu qu’on les respecte par des lois écrites, comme celles des rois d’Angle-
comme ses lieutenants, se réservant à lui seul le terre et d’Espagne, mais elle a été modérée par des
droit d’examiner leur conduite. Sa volonté est que coutumesH anciennes […].
quiconque est né sujet obéisse sans discussion.
Adapté du cardinal de Retz, Mémoires,
Adapté de Mémoires de Louis XIV, 1666. rédigés entre 1675-1677, publiés en 1717.
72
La construction de l’État au XVII e siècle
La monarchie parlementaire
En Angleterre, depuis 1215 et l’adoption de la Grande CharteH (Magna carta), le roi ou la
reine a des pouvoirs limités par un PARLEMENT de noblesH et de représentants des villes.
Le XVIIe siècle est toutefois marqué par des tentatives manquées de mettre en place
une monarchie absolue.
Jacques Ier, puis son fils Charles Ier, veulent gouverner sans l’aide du Parlement.
PARLEMENT
Assemblée de représen-
Cette volonté provoque une guerre civile que l’on qualifie parfois de première tants du peuple, mandatés
révolutionH anglaise. En 1649, Charles Ier est condamné pour trahison contre pour une durée limitée
l’Angleterre. Il est exécuté et la monarchie prend fin. à la suite d’élections, qui
délibèrent et prennent
Quelques années plus tard, en 1660, la monarchie est restaurée avec des souve- des décisions (pouvoir
rains partisans de la monarchie absolue. Toujours opposé à ces tentations absolu- législatif).
tistes, le Parlement, soutenu par la population, provoque une révolution en 1688,
que les Anglais nomment la Glorieuse Révolution. Le texte de la Déclaration des
droits (Bill of Rights) impose la monarchie parlementaire qui existe encore de nos jours.
11
L’État monarchique est la chose suprême sur cette terre, car les rois ne sont pas seule-
ment les lieutenants de Dieu sur terre, assis sur le trône de Dieu, mais Dieu lui-même
les appelle des dieux. […] De même qu’il est blasphématoireH de discuter les œuvres de
Dieu, il est interdit de discuter ce qu’un roi peut faire dans l’étendue de son pouvoir. […]
Je n’accepte pas que mon pouvoir soit discuté.
Adapté du discours au Parlement de Jacques Ier, le 21 mars 1610.
12 13
1. Le Parlement signale très humblement
à notre souverain seigneur le roi [...] que
vos sujets ne peuvent être contraints à
payer des taxes sans le consentement du
Parlement. [...]
3. Il est aussi arrêté et établi, par le statut
de la Grande Charte des libertés d’Angle-
terre, qu’aucun homme libre ne pourra
être arrêté ou mis en prison […] si ce n’est
en vertu d’une sentence légale. […]
Adapté de la Pétition des droits
(Petition of Right) remise au roi par
le Parlement le 7 juin 1628.
14
1. Que l’autorité royale suspende les lois ou l’exécution des lois sans le
consentement du Parlement est illégal […].
4. Qu’une levée d’argent pour la Couronne sans l’accord du Parlement est
illégale.
6. Que la levée et l’entretien d’une armée dans le royaume, en temps de paix,
sans le consentement du Parlement, sont contraires à la loi.
8. Que les élections des membres du Parlement doivent être libres.
13. Qu’enfin, pour remédier à tout reproche et pour l’élaboration des lois, le
Parlement devra être fréquemment réuni.
Adapté de la Déclaration des droits (Bill of Rights), adoptée par le Parlement en 1689.
73
5
La république
Au XVIIe siècle, les RÉPUBLIQUES sont plus rares. Le pouvoir y est détenu par des assem-
bléesH de personnes généralement élues parmi des élites aristocratiquesH .
15
RÉPUBLIQUE
Régime politique dans
lequel la souveraineté
est exercée par des
représentants élus
(par opposition à
la monarchie).
La République de Venise, édifiée sur les eaux de la mer Adriatique, devient au cours
du Moyen Âge une grande puissance maritime qui s’étend jusqu’aux portes de l’Asie.
Son régime politique, sa stabilité et sa longévité suscitent l’admiration en Europe ; elle
est appelée la République Sérénissime.
Elle comprend trois principaux conseils : le 16
Grand Conseil, le Collège et le Sénat. L’au-
torité souveraine de Venise est détenue par
le Grand Conseil. Celui-ci vote pour prendre
les décisions importantes, pour élire les
magistrats et pour choisir le doge. Seuls
les membres des familles nobles de la ville
ont accès au Grand Conseil, excluant ainsi la
plus grande partie de la population.
17
L’autorité du doge est si limitée qu’il ne peut rien faire sans le Sénat. C’est pourquoi,
dans les cérémonies publiques, on voit toujours après le doge un noble qui porte
devant le Sénat une épée dans son fourreau, pour signifier que toute la puissance
de l’État est entre les mains des sénateurs. […]
Dans les cérémonies, le doge est toujours magnifiquement vêtu de soie bordée
d’or et d’argent. Dans cet équipage, il s’attire la vénération du peupleH qui respecte
toujours les marques extérieures de grandeur. Le Sénat l’accompagne toujours pour
éviter que le doge paraisse être un souverain aux yeux du peuple et des étrangers.
Adapté de Nicolas Amelot de la Houssaye, secrétaire d’ambassade
DOGE : chef élu de à Venise en 1669, Histoire du gouvernement de Venise, Paris, 1676.
l’ancienne République
de Venise (ou de Gênes).
74
La construction de l’État au XVII e siècle
Jetons de vote
des corporations
des bateliers et
des tanneurs,
Zurich, 1713.
20
1.
BOURGEOIS
PRIVILÉGIÉS Républiques aristocratiques : des villes à patriciat
Dans les cantons-villesH de Berne, Lucerne, Fribourg, Soleure ainsi
2. que dans la ville alliée de Genève, quelques familles dominent les
AUTRES BOURGEOIS institutions ; elles forment ce qu’on appelle le patriciat. À Berne,
(non privilégiés)
par exemple, 77 familles dirigent la vie politique, 23 à Lucerne et
71 à Fribourg (c’est-à-dire 1% de la population).
3.
HABITANTS DE LA VILLE, 1. Bourgeois privilégiés de la ville ou patriciens qui ont
NON-BOURGEOIS
tous les droits politiques.
2. B
ourgeois non privilégiés écartés de la vie politique,
qui ont le monopoleH de certaines activités.
4.
SUJETS 3. H
abitants de la ville (non-bourgeois), qui ont un droit
d’habitation.
4. Sujets des campagnes et des petites villes.
5. ÉTRANGERS
5. Étrangers, uniquement tolérés.
75
5
La représentation du pouvoir
Quelle que soit leur forme, les États se doivent d’afficher leur puissance et surtout leur indépendance. Ils
frappent leur propre monnaie et font construire des bâtiments ou monuments qui impressionnent à la fois le
peuple et les visiteurs étrangers.
Dans les monarchies ou les républiques, les construc- palais-vitrine qui expose aux yeux de tous la puissance
tions prestigieuses servent l’intérêt de l’État. En de Louis XIV, le Roi Soleil. Cet édifice remporte un tel
France, c’est le rôle du château de Versailles, véritable succès qu’il sera imité par de nombreux autres États.
22
24
23 ATHÉNAÏS DE MONTESPAN (vers 1640-1707)
76
La construction de l’État au XVII e siècle
25
26
core, lorsque la
Aujourd’hui en
te au Parlement,
reine est présen y soit séques-
le
afin d’éviter qu’el tenu en otage
t re
trée, un député es
l de Buckingham.
dans le palais roya
La reine Elisabeth II ouvrant une session
du Parlement, photographie, 2015.
77
5
28 29
Le 18 juin, trois ambassadeurs du roi de Siam, […] étant arrivés
à la rade de Brest, furent reçus par le sieur Descluseaux. […]
À leur entrée, ils furent salués de plus de soixante volées de
canon, auquel celui du château répondit. Ils trouvèrent à leur
descente, sur le bord de la mer, la bourgeoisie sous les armes.
On les conduisit dans la maison du roi, où ils furent logés avec
leur suite, […] jusqu’à l’arrivée du sieur Stolf, gentilhomme ordi-
naire de la maison du roi, qui avait amené un maître d’hôtel
pour leur traitement et pour la dépense qu’on serait obligé de
faire pendant tout leur séjour en France.
Adapté des Mémoires du baron de Breteuil (1648-1728),
introducteur des ambassadeurs de Louis XIV.
30
Le droit d’ambassade étant inséparable de la souveraineté, et
cette sorte de relation ne se faisant qu’entre des souverains, il
faut en conclure que le prince, ou l’État qui reçoit l’ambassadeur,
doit être souverain aussi bien que celui qui l’envoie.
Adapté de Abraham de Wicquefort (1606-1682), diplomate,
L’Ambassadeur et ses fonctions, 1676-1682.
31
SIAM : ancien nom Giovanni Antonio Canal dit Canaletto, Entrée du comte Gergy, ambassadeur de France au
de la Thaïlande. Palais ducal de Venise (Palais des doges), huile sur toile, Saint-Pétersbourg (RU), 1726.
78
La construction de l’État au XVII e siècle
À Versailles, les jardins qui éblouissent tant les visiteurs français ou étrangers sont l’œuvre
du jardinier André Le Nôtre, secondé par de nombreux corps de métier, tels les fontainiers.
Afin de le remercier pour son travail, le roi anoblit Le Nôtre. Louis XIV apprécie à tel point
ses jardins qu’il en propose un guide de visite, rédigé de sa propre main.
34 35
Ici repose le corps d’André Le
Nostre, Chevalier de l’Ordre de
Saint-Michel, Conseiller du Roi,
Contrôleur général des bâtiments
de Sa Majesté, Arts et Manufac-
tures de France, et préposé à l’em-
bellissement des jardins de Ver-
sailles et autres Maisons Royales.
[...] Il répondit en quelque sorte
par l’excellence de ses ouvrages à
la grandeur et à la magnificence du
Monarque qu’il a servi et dont il a
été comblé de bienfaits. La France
n’a pas seule profité de son [génie].
Tous les Princes de l’Europe ont
voulu avoir de ses élèves et il n’a
point eu de concurrent qui lui fut
comparable. Vue aérienne de l’orangerie du château de Versailles, 2009.
Adapté de l’épitaphe d’André
le Nôtre (1613-1700), jardinier
du roi de 1645 à 1700.
79
5
Un siècle de fer
Au XVIIe siècle, l’Europe ne connaît que quelques années de paix. La guerre affecte ainsi la société et transforme
les relations entre les États.
La guerre de Trente Ans (1618-1648) débute à Prague pourtant catholique. Parmi les combattants, on compte
par une querelle entre protestants et catholiques. de nombreux mercenairesH, des soldats de métier sou-
Elle implique ensuite la plupart des puissances euro- vent indisciplinés. Le conflit est marqué par des mas-
péennes, opposant le camp de l’empereur catholique sacres et des pillages ; il ravage en particulier le Saint
du Saint Empire et de l’Espagne, soutenu par le pape, Empire romain germanique qui perd environ un quart
au camp des États allemands protestants, de la Suède, de sa population. Partout en Europe, l’augmentation des
des Provinces-Unies et, à partir de 1635, de la France, impôts causée par les guerres provoque des révoltes.
36
37
Le premier soin qu’eurent ces reîtres fut de mettre leurs chevaux à l’écurie,
ensuite chacun eut sa tâche particulière à remplir, dont chacune n’annonçait
que désastre et perdition. [...] Il y en eut d’autres qui parcoururent la maison
de haut en bas, même le coin discret ne fut pas à l’abri […] ; d’autres faisaient
de gros ballots de draps, habits et toute sorte d’objets d’usage domestique
comme s’ils voulaient monter un marché aux puces ; quant à ce qu’ils ne
pensaient pas emporter, ils le mettaient en pièces.
Adapté de Hans Jakob C. von Grimmelshausen (1622-1676),
Les Aventures de Simplicius Simplicissimus, 1669.
38
En 1646 [dans la ville de Naples sous domination espagnole, on] imposa
une nouvelle taxe sur les fruits qui s’étendait à toutes les sortes de fruits,
les fruits secs comme les fruits frais […]. Le peuple innombrable, déjà
accablé de nombreuses taxes, ne pouvait tolérer cette taxe […]. Il supplia
le vice-roi […] de la supprimer. Alors, tout en promettant qu’il abolirait
entièrement cette taxe, le vice-roi se retira dans son palais. […]
Une nuit, tout frémissant et grondant de colère parce que la promesse
tardait, le peuple mit le feu à la baraque, située sur la place du Mercato,
où l’on percevait ladite taxe, baraque qui, par la suite, fut reconstruite,
le même incident s’étant deux fois produit. On ne manqua pas non plus
de placarder, aux endroits les mieux en vue de la ville, des écrits remplis
des doléancesH populaires et des fières protestations contre les admi-
nistrateurs publics.
Adapté de Alessandro Giraffi, La Révolution à Naples :
les dix jours de Masaniello, 1648.
REÎTRE : soldat à cheval, grossier et brutal.
VICE-ROI : représentant du roi d’Espagne.
PLACARDER : afficher.
80
La construction de l’État au XVII e siècle
La Paix de Westphalie
Quatre années de négociations sont nécessaires pour trouver des compromis et résoudre
les conflits. Les dernières rencontres, réunissant les représentants des grands États d’Eu-
rope, ont lieu en Westphalie, région du nord de l’Allemagne durement touchée. En octobre
1648, les traitésH négociés sont publiés et la Paix
de Westphalie met fin à la guerre de Trente Ans. 39
Pour la première fois, les relations entre États sont
définies, dans le respect de la souveraineté de cha-
cun : chaque État exerce le pouvoir sur son propre
territoire ; aucun État n’est supérieur aux autres.
Ce principe s’applique aux États européens mais
aussi à ceux d’autres continents. Ces traités sont à
la base du système international actuel qui repose
sur l’égalité des États face à la justice.
ROYAUME
DE
SUÈDE
MER EMPIRE DE
ROYAUME
D’ECOSSE DU RUSSIE
ROYAUME
NORD DE
Postillon annonçant la signature
DANEMARK des traités de paix de 1648.
ROYAUME PRUSSE
D’IRLANDE ROYAUME
DE
ROYAUME
PROVINCES- BRANDEBOURG POLOGNE
D’ANGLETERRE
UNIES
Bien que les cant
SAINT ons suisses
ne combattent
EMPIRE Bohême pas direc-
tement dans la
guerre de
OCÉAN Trente Ans, ils
sont men-
ATLANTIQUE tionnés dans les
Tra
Wes tp ha lie. Co ités de
ROYAUME
CORPS Autriche
DE FRANCE HELVÉTIQUE m m e le s
MER Provinces-Unies
Savoie VENISE EMPIRE , ils béné-
OTTOMAN NOIRE ficient désormais
d’
tut particulier qu un sta-
ÉTATS ITALIENS
ÉTATS i
DE naît leur « pleine recon-
lib
mais sans recevo erté »,
L’ÉGLISE
ROYAUME
DU ir encore
PORTUGAL ROYAUME la qualité d’État
D’ESPAGNE
ROYAUME
DE souverain.
NAPLES
MER
MÉDITERRANÉE ROYAUME
DE
SICILE
EMPIRE
CHÉRIFAT DE OTTOMAN
MARRAKECH
0 500 1000 km
Vingt ans après les Traités de Westphalie, l’Europe connaît toutefois de nouveaux conflits,
en raison notamment des ambitions de Louis XIV, qui cherche à étendre son territoire en
direction du Saint Empire. Dès la fin du XVIIe siècle, grâce à leurs ambassadeurs, les États
négocient afin de diminuer les enclaves sur leurs territoires et obtenir un tracé régulier ENCLAVE : territoire
des frontières. indépendant se
trouvant à l’intérieur
des frontières d’un
autre État.
81
6
DES LUMIÈRES
AU BULLETIN DE VOTE
TREIZE COLONIES
BRITANNIQUES
D’AMÉRIQUE
OCÉAN ROYAUME-UNI
ATLANTIQUE
SAINT
EMPIRE
FRANCE
SUISSE
Milan
MER
MÉDITERRANÉE
1700 1800
1762 1768-1787 1789-1799 1799-1815
Publication de Révoltes Révolution Conquêtes
Du contrat social populaires française et guerres
de J.-J. Rousseau en Europe napo-
léoniennes
82
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– décrire les apports des idées des Lumières à propos des droits
de chaque être humain ; OCÉAN
PACIFIQUE
– décrire les causes du mécontentement populaire et ses demandes
de changement ;
– expliquer les circonstances ayant permis d’inscrire des principes
de droit dans la loi de plusieurs pays ;
– identifier et analyser les combats menés pour que le suffrage
soit vraiment universel.
OCÉAN
1848 INDIEN 1893
4 1832 Naissance de Premier droit
de 1815 Première pétition l’État fédéral. de vote accordé
ereur Congrès de féministe Suffrage universel aux femmes en
éon Vienne en Angleterre (masculin) en France Nouvelle-Zélande
1900
Dès 1830
1815-1830 Révolutions
Restauration en Europe
83
83
6
84
Des Lumières au bulletin de vote
En Europe, aux XVIIe et XVIIIe siècles, des mouvements sociaux contestent l’autorité du
roi et les privilègesH de la noblesseH. De nombreuses émeutes urbaines et révoltes pay-
sannes éclatent, notamment face aux fréquentes augmentations des impôtsH et des taxes.
Parallèlement, des penseurs, les philosophes, diffusent un nouvel idéal de sociétéH dans
lequel les pouvoirs du roi seraient limités par des loisH, dont l’élaboration serait soumise
à l’accord de la population. Ils mettent en avant les sciences et la raison, créent des aca-
démiesH scientifiques afin de développer la recherche. Ce modèle se diffuse en Europe.
Certains monarquesH s’ouvrent aux idées dites « des Lumières », d’autres sont inquiets et
comptent bien les combattre.
En France, ces nouvelles idées se heurtent à l’absolutisme. En 1789, la Révolution fran-
çaise marque la fin de la monarchie absolue. La Déclaration des droits de l’homme et
CITOYEN
du CITOYEN introduit de nouveaux droits et les déclare universels. Personne qui a
Dix ans plus tard, Napoléon Bonaparte, un général des armées françaises, prend le des droits politiques,
pouvoir. Il bâtit un empireH en Europe, où il impose certains principes de la révolution. en particulier le droit
de voter et d’être
Il est vaincu et exilé en 1815. La monarchie est alors restaurée dans les pays où elle élue.
avait été remise en cause.
Toutefois, les exclus du système continuent de revendiquer plus de droits, dont celui de
participer au gouvernementH ou l’indépendance de leur pays. La lutte sera longue pour
que les idées défendues par les Lumières soient appliquées et réellement universelles.
Cette lutte se poursuit aujourd’hui encore dans certains pays.
Stockholm
MER
DU NORD Riga
Glasgow
Édimbourg Copenhague
Cambridge Berlin
Amsterdam
Londres La Haye Göttingen Halle
Leipzig
Paris Vienne
OCÉAN
ATLANTIQUE
Ferney Genève
Padoue MER
Venise NOIRE
Turin
Bologne
Florence
Montpellier Sienne
Madrid Rome
MER
Lisbonne MÉDITERRANÉE 500 km
Naples
85
6
Les penseurs critiquent les privilèges et l’inégalité de au service de son peupleH et qu’il gouverne selon les
la société des trois ordres. Ils combattent l’absolutisme principes de la raison et de la morale. Pour imaginer
et cherchent à limiter les pouvoirs du monarque. La un système politique susceptible de remplacer la mo-
plupart des penseurs des Lumières ne condamnent narchie absolue, les philosophes français observent
pas la monarchie, mais ils pensent que ce système ne d’autres régions d’Europe comme l’Angleterre et certains
peut fonctionner qu’à condition que le souverainH soit ÉtatsH allemands.
1 2
Ose savoir ! Aie le courage de te servir de [Les prétentions des prêtres] se sont établies en
ton propre entendement ! Voilà la devise des raison de l’ignorance des peuples, de la faiblesse
Lumières. [...] Pour répandre ces Lumières, il des souverains et de l’adresse des prêtres ; ces
n’est rien requis d’autre que la liberté ; et [...] derniers sont souvent parvenus à se maintenir
faire usage public de sa raison dans tous les dans leurs droits usurpés. […] Il n’en est point
domaines. ainsi des contrées éclairées par les lumières de
Adapté d’Emmanuel Kant, la raison et de la philosophie, le prêtre n’y oublie
Qu’est-ce que les Lumières ?, 1784. jamais qu’il est homme, sujetH et citoyen.
Adapté de « Prêtres », Encyclopédie, sous la direction
de Diderot et d’Alembert, vers 1750-1790.
3
« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut
que [...] le pouvoir arrête le pouvoir [...]. Tout serait
perdu si le même homme, ou le même corps […]
des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois
pouvoirsH : celui de faire des lois, celui d’exécu-
ter les résolutions publiques, et celui de juger les
crimes ou les différends des particuliers. »
4
Charles Louis de Montesquieu,
De l’esprit des lois, 1758.
86
Des Lumières au bulletin de vote
6 7
« Nous tenons pour évidentes pour
elles-mêmes les vérités suivantes :
tous les hommes sont créés égaux ;
ils sont doués par le Créateur de cer-
tains droits inaliénablesH ; parmi ces
droits se trouvent la vie, la liberté et
la recherche du bonheur. Les gou-
vernements sont établis parmi les
hommes pour garantir ces droits, et
leur juste pouvoir émane du consen-
tement des gouvernés. »
Préambule de la Déclaration
d’indépendance des États-Unis,
12 juin 1776.
Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts
ÉGALITÉ MORALE : concerne la dignité, et des métiers, sous la direction
le respect, la liberté. de Diderot et d’Alembert,
DESPOTE : souverain prenant des décisions Neuchâtel, 1765.
incontestables, sans tenir compte de l’avis d’autrui.
87
6
Revendiquer un changement
Les élites intellectuelles ne sont pas les seules à souhaiter un changement dans la manière de gouverner.
L’ensemble de la population subit une situation économique toujours plus difficile et développe un fort senti-
ment d’injustice, notamment en matière d’impôts. Dès les années 1770, dans toute l’Europe, la tension monte
et des révoltes populaires éclatent.
Divers moyens sont mis en œuvre pour obtenir plus de les acteurs politiques ont plusieurs solutions, allant de la
pouvoir, affirmer des droits ou acquérir plus d’égalité. simple formulation de leurs souhaits à la révolte armée.
Pour faire accepter leurs revendicationsH aux dirigeants,
Glasgow MER
DU NORD
ROYAUME-UNI SUÈDE
1782 RUSSIE
Newcastle DANEMARK
Dublin
Liverpool Manchester
1787
Sheffield
1775
Nottingham
Bristol Birmingham
PROVINCES- PRUSSE
Exeter Londres UNIES
1768-82 1780 Lille
POLOGNE
Douai Valenciennes SAXE
Beauvais
Cambrai
Paris
Rennes
1785 Nancy 1775
OCÉAN
ATLANTIQUE 1775 BAVIÈRE
Neuchâtel
Zurich
FRANCE Genève AUTRICHE
Fribourg
Lyon
1781-82 1784
1786
Grenoble
Aix
PORTUGAL
Toulon
EMPIRE
ESPAGNE MER Troubles urbains OTTOMAN
MÉDITERRANÉE
Révoltes paysannes
ROY. DE
NAPLES
10 11
« Par le nombre des émeutes urbaines et des
révoltes paysannes, la Suisse apparaît comme la
région la plus conflictuelle du Saint Empire germa-
nique ! Si l’on admet une quarantaine de conflits
pour la période 1700-1784 […], on constate que la
moitié d’entre eux sont dirigés contre l’arbitraire
des aristocratiesH urbaines et qu’un bon tiers est
constitué de révoltes paysannes. Cette culture du
conflit et de la résistance ouverte révèle à quel
point la sensibilité aux inégalités économiques,
sociales et politiques est vive. »
François Walter, Histoire de la Suisse, 2010.
88
Des Lumières au bulletin de vote
12
Votre Paroisse d’Arconciel a reçu non seulement un pardon général, mais encore des
marques signalées de la bonté vraiment Paternelle de vos Souveraines Excellences.
[…] Elle avoue sa confusion, que quelques-uns de ses membres séduits par les belles
paroles avaient suivi les rebelles. […] Cependant, puisque vous voulez bien lui per-
mettre de vous faire d’humbles représentations, deux choses surtout lui sont à cœur
[de changer] : l’augmentation des charrois, la diminution du sel [pouvant être acheté].
Adapté de Troubles de 1781, Archives de l’État de Fribourg, mai 1781.
13
Sire, nous sommes accablés d’impôts de toutes sortes ; nous
vous avons donné jusqu’à présent une partie de notre pain, et
il va bientôt nous manquer si cela continue. […] Nous payons la
taille, et le clergé et la noblesse rien de tout cela. Pourquoi donc
est-ce que ce sont les riches qui paient le moins et les pauvres
qui paient le plus ? Est-ce que chacun ne doit pas payer selon son
pouvoir ? Sire, nous vous demandons que cela soit ainsi, parce
que cela est juste.
Adapté du Cahier de doléances de Culmont, Haute-Marne (F), 1789.
15 Assemblée des États généraux, mai 1789 « Faut espérer que ce jeu-là finira bientôt »,
une paysanne porte sur son dos une noble
TIERS ÉTAT CLERGÉH NOBLESSE et une femme du clergé, gravure, Paris, 1789.
(1 voix) (1 voix) (1 voix)
16
578 291 270 Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout.
députés députés députés
Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans
l’ordre politique ? Rien.
Que demande-t-il ? À y devenir
quelque chose.
Adapté de l’abbé Sieyès,
ASSEMBLÉE ASSEMBLÉE ASSEMBLÉE pamphlet publié en janvier 1789.
du TIERS ÉTAT du CLERGÉ de la NOBLESSE
89
6
Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance,
l'oubli ou le mépris des Droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption
des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables
et sacrés de l'Homme [...].
Art. 1er Les hommes naissent et Art. 2 Le but de toute association Art. 4 La liberté consiste à pou-
demeurent libres et égaux en politique est la conservation des voir faire tout ce qui ne nuit pas à
droits. Les distinctions sociales droits naturels et imprescriptibles autrui : ainsi, l'exercice des droits
ne peuvent être fondées que de l'Homme. Ces droits sont la naturels de chaque homme n'a
sur l'utilité commune. liberté, la propriété, la sûreté, et de bornes que celles qui assurent
la résistance à l'oppression. aux autres Membres de la Socié-
té, la jouissance de ces mêmes
droits. Ces bornes ne peuvent
être déterminées que par la Loi.
90
Des Lumières au bulletin de vote
21
Article 1. La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits.
Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité
commune.
Le nom donné au
x « sans-
Article 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même fon- cu lo tte s » vi en
t du fa it
damentales ; la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit qu’ils portent un
pantalon
également avoir celui de monter à la tribune […]. long et non un
e culotte
(pantalon s’arrêta
nt
Extraits de Olympe de Gouges (1748-1793), genou) et des ba sous le
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791. s de soie
comme la bourge
oisieH ou
la noblesse.
22
Après que [la foule] eut massacré tous les prêtres renfermés
dans le cloître, elle commença le massacre des prisonniers
INSURRECTION : soulèvement armé ou par cent cinquante-six soldats suisses [gardes du roi], enfer-
révolte contre le pouvoir en place. més à l’Abbaye, dont pas un n’a été sauvé. Vint ensuite le tour
ÉCHAFAUD : estrade sur laquelle on procé- des autres prisonniers.
dait aux exécutions par décapitation. Adapté de François Jourgniac de Saint-Méard,
TRIBUNE : emplacement élevé, estrade d’où Mon agonie de 38 heures, 1792.
l’orateur s’adresse à une assemblée.
GUILLOTINER : décapiter avec une guillotine.
91
6
De Napoléon à la Restauration
La Révolution est menacée de l’intérieur par des royalistes qui souhaitent le retour d’un roi, et à l’extérieur par
l’ensemble des souverains inquiets de voir leur peuple suivre cet exemple. Durant cette période de troubles,
un général, Napoléon Bonaparte, stabilise la situation. Il passe ainsi pour l’homme providentiel et en profite
pour prendre de plus en plus de pouvoir, jusqu’à se faire couronner empereur.
Homme à deux visages, il lance des réformes liées aux en Espagne. Cependant, les idées de la Révolution
idées de la Révolution mais se lance aussi dans des telles que la suppression de la féodalité, l’égalité ou
conquêtes qui feront d’innombrables victimes à tra- l’application du Code civil le suivent et imprégneront
vers les batailles ou l’occupation de territoires, comme durablement l’Europe, même après sa défaite.
23
Article 1. Le Gouvernement de la RépubliqueH est confié à un Empereur, qui prend le
titre d’Empereur des Français.
Article 53. Le serment de l’Empereur est ainsi conçu :
– « Je jure de maintenir l’intégrité du territoire de la République, de respecter et de faire
respecter les lois du Concordat et la liberté des cultesH ; de respecter et faire respecter
l’égalité des droits, la liberté politique et civile […] ; de gouverner dans la seule vue de
l’intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. »
Extraits de la Constitution de l’an XII (1804).
0 500
26
27
92
Des Lumières au bulletin de vote
MER
DU
NORD
EMPIRE
RUSSE
PRUSSE
OCÉAN EMPIRE
ATLANTIQUE FRANCE D’AUTRICHE
« Le pâté indigeste », caricature sur
MER le Congrès de Vienne, gravure, 1815.
NOIRE
30
MER
MÉDITERRANÉE
0 500
31
93
6
34
Le suffrage universel suppose deux conditions :
d’abord, que la masse des citoyens aura la
volonté du bien général, plutôt que de ses inté-
rêts particuliers ; puis, qu’elle aura une connais-
sance du bien général suffisante pour imprimer
à la politique une bonne direction. […] Or, c’est à
l’éducation qu’il appartient de réaliser [ces deux
conditions].
Adapté de Alfred Fouillée, philosophe,
La Philosophie du suffrage universel, 1884.
Louis Marie Bosredon, « Suffrage universel :
le vote ou le fusil », gravure, Paris (F), 1848.
35
Le matin de l'élection, tous les électeurs, c'est-à-dire
toute la population mâle au-dessus de vingt ans,
se réunirent devant l'église. Tous ces hommes se
mirent à la file deux par deux, suivant l'ordre alpha-
bétique. […] Nous ne laissions derrière nous que
les enfants et les femmes ; nous étions en tout cent
soixante-dix. Arrivés au haut de la colline qui domine
Tocqueville, on s'arrêta un moment […]. Je rappe-
lai à ces braves gens la gravité et l'importance de
l'acte qu'ils allaient faire ; je leur recommandai de ne
point se laisser accoster ni détourner par les gens,
qui, à notre arrivée au bourg, pourraient chercher à
les tromper ; mais de marcher sans se désunir […]
jusqu'à ce qu'on eût voté.
Adapté de Alexis de Tocqueville, Gabriel Gostiaux, « Suffrage universel : bureau de
philosophe politique, Souvenirs, 1848. vote en Bretagne », lithographie, fin du XIXe siècle.
94
Des Lumières au bulletin de vote
37
a. Hector Denis (socialisteH) b. Charles Woeste (catholique) :
Il n’y a personne qui osera soutenir un seul ins- En principe, je ne suis pas sympathique au droit
tant que la capacité de la femme soit insuffisante de suffrage des femmes. J’estime que, de même
pour justifier son intervention dans l’adminis- que le gouvernement de la maison appartient, en
trationH locale. [...] Voyez dans quelle mesure les règle générale et surtout, à la femme, de même
femmes participent à l’industrie, au commerce et le gouvernement de la cité appartient à l’homme.
aux professions libérales (comme médecins ou avo- Les mœursH, les traditions, les nécessités de la
cates par exemple), et vous apprécierez l’importance famille retiennent la femme au foyer domestique et
de la place qu’elles occupent dans la vie économique l’écartent du forum (espace destiné aux assemblées
et intellectuelle de la nationH […]. publiques, aux débats politiques) [...].
Adapté de la séance plénière de la Chambre des représentants de Belgique, Annales parlementaires, 4 avril 1895.
38
95
7
L’ÂGE INDUSTRIEL
GRANDE-
BRETAGNE
1840
1850 1860 1880
1870
OCÉAN
ATLANTIQUE
MER
MÉDITERRANÉE
1764 1801
Machine Métier à tisser
à filer Jenny Jacquard
1700 1800
1500-1769
Élaboration 1712 1769 1786 1802
de la machine Invention du Machine à vapeur Construction de Lois sur les
à vapeur moteur à vapeur de J. Watt la Fonderie royale manufactures
du Creusot (GB)
96
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– identifier et expliquer les circonstances ayant permis l’apparition
de l’âge industriel en Europe ;
– identifier et décrire les caractéristiques de l’industrialisation ;
– expliquer les résistances et les peurs face à l’industrialisation ;
– identifier et expliquer les conséquences de l’industrialisation
selon différentes dimensions (sociale, culturelle, économique
et politique).
1877 1882
1825 1838 1848 Loi fédérale Inauguration
Ligne de chemin de Bateau à Naissance de concernant du tunnel du
fer à vapeur pour vapeur trans- l’État fédéral le travail des Saint-Gothard
voyageurs (GB) atlantique fabriques
1885
Automobile
à essence
OCÉAN
1900
es
1817-1818
1re vague
d’émigration
1834
Moissonneuses
1850 - 1855
2e vague
d’émigration
1880 - 1893
3e vague
d’émigration
INDIEN
ures de Suisses mécaniques et de Suisses de Suisses
batteuses
97
7
98
L’âge industriel
De tout temps, les sociétésH ont fabriqué les outils qui leur étaient nécessaires. Durant
l’Antiquité, de nombreux ateliers existent dont la production est parfois très importante.
Au Moyen Âge, les chantiers des cathédrales utilisent des pierres taillées en série et des
machines déjà sophistiquées. Toutefois, au même moment, le système de production de
biens manufacturés est plus performant en Chine qu’en Europe : la fabrication de fer et
d’outils métalliques y est plus développée.
À partir du XVIe siècle, grâce à leurs expéditions maritimes, les Européens tissent des
liens commerciaux avec le monde entier. Ils achètent ainsi des matières premières qui
leur manquent : du coton, du bois, du sucre, du blé, etc. Pour leur alimentation, mais aussi
pour leur confort, les Européens consomment un grand nombre de produits provenant de
Chine et d’Inde. En trois siècles, grâce à leur dynamisme, ils rattrapent une partie de leur
retard sur les plans scientifique, technique et commercial.
L’essor scientifique et économique est favorisé par les avancées du siècle des
Lumières. Philosophes et savants recherchent des loisH expliquant les phé-
nomènes naturels et tentent des expériences pour les démontrer. La mul-
tiplication des idées, en ce qui concerne la politiqueH, l’économieH, le
développement commercial et scientifique, favorise l’INDUSTRIALISATION INDUSTRIALI-
de l’Europe. La Suisse, au centre de l’Europe et ouverte au monde, par- SATION
ticipe à cet essor. Développement de
l’industrie dans
un État, une
région.
L’Europe industrielle vers 1890
NORVÈGE
SUÈDE
MER MER
DU NORD BALTIQUE
ROYAUME-UNI
Liverpool Manchester EMPIRE RUSSE
Berlin
Varsovie
Londres
ALLEMAGNE
Ruhr
Lille Cologne
BELGIQUE
Saxe
Silésie
OCÉAN Paris Bohême
Lorraine
ATLANTIQUE Munich Vienne
Zurich
Le Creusot EMPIRE AUSTRO-HONGROIS
FRANCE Genève SUISSE
Milan
Lyon
99
7
Dès le Moyen Âge, le minerai de charbon est utilisé Dès 1880, l'électricité est progressivement utilisée pour
lorsque le bois et le charbon de bois viennent à man- l'éclairage, les transports (tramway) et les communica-
quer. Le défrichement progressif des forêts amène une tions (télégraphe, téléphone).
augmentation de sa consommation dès le XVIIIe siècle.
Ainsi, au XIXe siècle, il devient une source d’énergie 1 Deux révolutions industrielles
importante, aux côtés de l’énergie animale, hydraulique
ou éolienne, puis des autres énergies fossiles comme le 1re MÉCANISATION 2e PRODUCTION
gaz et le pétrole, dès 1859. Les sources traditionnelles DE L’INDUSTRIE DE MASSE
d’énergie continuent à être largement utilisées jusqu’en Charbon et machine Electricité et pétrole
à vapeur
1900. Par ailleurs, l'emploi très large du charbon suscite
un débat : on craint déjà d'en épuiser les ressources.
1800 1900
Force hydraulique
2 3
Machine à vapeur
Une série d'inventions donne naissance à la machine à vapeur, qui est perfectionnée
en 1769 par un Écossais, James Watt. Les premières machines à vapeur actionnent les
pompes évacuant l’eau des puits dans les mines. À la fin du XVIIIe siècle, elles actionnent
des bateaux à vapeur, puis dès 1804, les premières locomotives. L’invention de Watt se
diffuse rapidement, car elle répond à un besoin : disposer d’une machine permettant de
construire des usines là où l’énergie hydraulique n’est pas disponible. De plus, elle per-
met d’augmenter encore la capacité des transports sur terre et sur mer. Dans l’agriculture
comme dans l’industrie, la machine à vapeur contribue à augmenter la production.
Piston Balancier
En brûlant, le charbon chauffe l’eau dans
le bas de la chaudière : elle se transforme
Vapeur
d’eau en vapeur d’eau.
C A Eau
D’abord (temps 1), la vapeur entre dans
Charbon le bas du cylindre et fait monter le piston.
Puis, (temps 2) la vapeur entre en haut du
D B cylindre et fait descendre le piston (le reste
de vapeur est rejeté dans le condensateur).
Les clapets A, B, C et D sont actionnés très
Condensateur Cylindre Chaudière rapidement, le piston est donc animé d’un
recueille mouvement très rapide, qui est transformé
la vapeur d’eau Roue
par le balancier en mouvement rotatif qui
et la transforme
en eau. Temps 1 : B et C ouverts – A et D fermés. actionne la roue.
Temps 2 : A et D ouverts – B et C fermés.
100
L’âge industriel
Extraction du charbon
5 6
Il avait beau tordre le cou, renverser
la nuque : elles [les gouttes] battaient
sa face, s’écrasaient, claquaient sans
relâche. Au bout d’un quart d’heure, il
était trempé, couvert de sueur lui-même,
fumant d’une chaude buée de lessive. Ce
matin-là, une goutte, s’acharnant dans
son œil, le faisait jurer. Il ne voulait pas
lâcher son havage, il donnait de grands
coups, qui le secouaient violemment
entre les deux roches, ainsi qu’un puce-
ron pris entre deux feuillets d’un livre,
sous la menace d’un aplatissement com-
plet. […] Et il semblait que les ténèbres
fussent d’un noir inconnu, épaissi par les
poussières volantes du charbon, alourdi
par des gaz qui pesaient sur les yeux.
Adapté de Émile Zola (1840-1902),
Germinal, 1885.
7 8 Quelques inventions
9
M. l’ingénieur Raoux ayant bien voulu inviter la Société à assister aux
essais du nouvel éclairage électrique de l’hôpital cantonal [de Lausanne],
l’assembléeH se transporte d’abord au local des machines dynamo-
électriques, système Edison, situé en Couvaloup, puis au nouvel hôpital
cantonal. Deux machines, actionnées par l’eau de Bret, suffisent à fournir
l’électricité suffisante à l’éclairage de tout l’hôpital. La transmission de
l’électricité jusqu’à l’hôpital se fait au moyen de câbles souterrains. Cet
éclairage, très bien combiné et fort réussi, fait honneur à la Société suisse
d’électricité, et fut beaucoup admiré par tous les assistants.
HAVAGE : technique qui Adapté du Bulletin de la Société des ingénieurs et architectes, Lausanne, décembre 1882.
consiste à entailler le
charbon dans une mine.
101
7
En France, l’acheminement du courrier nécessite des la Grande-Bretagne exploite déjà plus de 10 000 km de
routes élargies et améliorées. Le temps de trajet entre voies ferrées. Destiné d’abord au transport du charbon
les grandes villes est réduit de moitié entre 1750 et et des marchandises, le chemin de fer s’étend rapide-
1770. Ainsi, le prix du transport diminue et la quantité ment au transport des passagers. Les premières lignes se
de marchandises transportées augmente. Le chemin de développent, reliant centres urbains, mines de charbon
fer amplifie ce phénomène. Quand la première ligne de et régions industrielles. Leur financement va de pair
chemin de fer (25 km) est inaugurée en Suisse en 1847, avec le développement des banques.
0 500 1000 km
12
En Europe, en 18
45, les lignes
atteignent 23 00
0 km et, en 1900,
plus de 282 000
km.
Schaffh ouse
Bâle
Winterthur Jean-Louis Beuzon, « Les Premiers Chemins
St-Gall
de fer », lithographie, vers 1830.
Olten Zurich
ont
ém ure Wattwil
Del Sole Lu
ce
La Chaux-de-Fonds rne
Zoug
Neuchâtel
14
Berne Langnau Glaris
n
Sa rne Altdorf Coire Scuol
Fribourg Thoune Engelberg
Spiez
ne
an
St-Gothard
us
La
St-Moritz
Sierre
Sion Bellinzo
Brigue ne
Genève
102
L’âge industriel
15
« Les rails se rapprochent de la Suisse de tous
côtés mais les projets présentés prévoient de la
contourner. Elle risque ainsi de se retrouver isolée
et de constituer un triste ermitage au milieu de
l’Europe. »
Alfred Escher, président du Conseil national
et directeur de la Compagnie du chemin
de fer du Gothard, le 12 novembre 1849.
18 19
« Appelé l’année dernière à visiter les bords de
votre lac, je ne pouvais considérer sans un senti-
ment de surprise toutes les facilités que la nature
a déployées autour de vous pour la navigation
nouvelle, et voir d’autre part une nationH libre,
éclairée, ingénieuse, placée au centre de l’Europe,
demeurer jusqu’à présent privée de ce bienfait
des sciences et des arts, tandis que par une
bizarrerie inconcevable, plus de cinq cents de
ces bateaux répandent la grande découverte de
Fulton dans les quatre parties du monde. »
Edward Church, consul des États-Unis d’Amérique, 1822.
« Le bateau à vapeur Guillaume Tell sur le lac
Léman devant Genève », gravure, 1823.
103
7
En Suisse, l’industrialisation se développe surtout dans usines de plus en plus importantes sont construites.
le « triangle d’or » (Bâle, Saint-Gall, Zurich) et le long du On compte 18 entreprises de plus de 500 ouvriers
Jura. Les industries se situent aussi dans quelques lo- dans la région bâloise. Les secteurs économiques qui
calités ou régions des cantonsH de Vaud, Genève, Berne fournissent le plus d’emplois sont : la construction, le
et Glaris. Elle touche faiblement Fribourg, la Suisse cen- textile, les machines (chemin de fer, etc.), l’horlogerie,
trale, le Valais, les Grisons et le Tessin. Dans les centres l’alimentation (chocolat, lait condensé, farine lactée)
urbains comme Zurich, Winterthour, Baden ou Bâle, des et la chimie (colorants et produits pharmaceutiques).
20 21
« Fileuse utilisant la Spinning Jenny », premier métier à filer Ouvrières dans une usine de filature, Arbon (TG),
mécanique inventé en 1764 par James Hargreaves, gravure, photographie, fin du XIXe siècle.
XVIIIe siècle.
5000
4000
23
3000
2000
1000
0
1695 1725 1755 1815 1835
– – – – –
1725 1755 1785 1834 1864
104
L’âge industriel
24
Birmingham est une ville des plus curieuses de l’Angleterre par l’activité de ses manufactures et
de son commerce. […] Avec ces vastes ateliers où l’on fabrique les pompes à vapeur, ces machines
étonnantes, les lamineries de cuivre sans cesse en activité, de tôle et de fer, cette partie si étendue,
si variée qui occupe […] plus de trente mille bras oblige l’Europe entière et une partie du Nouveau-
Monde à s’approvisionner ici.
C’est l’abondance du charbon qui a fait ce nouveau miracle et a produit au milieu d’un désert aride
une ville de quarante mille habitants, qui vivent au sein de l’aisance et de toutes commodités de la vie.
Adapté de Barthélemy Faujas de Saint-Fond, géologue et vulcanologue,
Voyage en Angleterre, en Écosse et aux îles Hébrides…, 1797.
25
Là-bas, devant nous, un nuage s’élève, tout noir, opa- 26
que, qui semble monter de la terre. […] C’est la fumée
du Creusot. Cent cheminées géantes vomissent dans
l’air des serpents de fumée noire […] ; tout cela […]
couvre la ville, emplit les rues, cache le ciel. […] Une
poussière de charbon voltige, pique les yeux, tache
la peau, macule le linge. Les maisons sont noires,
[…] les vitres poudrées de charbon. Une odeur de
cheminée flotte, contracte la gorge, oppresse la poi-
trine, et parfois une âcre saveur de fer […] coupe la
respiration. C’est le Creusot. Entrons dans l’usine de
MM. Schneider. Quelle féerie ! C’est le royaume du
Fer, où règne sa majesté le Feu !
Adapté de Guy de Maupassant, « Petits Voyages,
Le Creusot », Gil Blas, le 28 août 1883. « Vue de la fonderie et cristallerie du Creusot »,
gravure, vers 1820-1830.
27
[Les artisans] constatent qu’une seule machine, surveillée par une personne adulte et ser-
vie par cinq ou six enfants, fait autant de besogne que trente hommes travaillant à la main
selon l’ancienne méthode. […] L’introduction de ladite machine aura pour effet presque
immédiat de priver de leurs moyens d’existence la masse des artisans.
Adapté de la pétition des peigneurs de laine, extrait du journal de
la Chambre des communes (Parlement de Londres), 1794.
28
105
7
30
MÉCANISATION
Emploi généralisé de la
machine pour remplacer
l’usage de la force
humaine et augmenter
la production.
31
100
0
Trinité Buttes Chaumont 1800 1850 1900
St-Augustin Boulevard Hausmann
Palais de Opéra Caserne du
Bois l’Industrie Bibliothèque Château d’Eau
de Nationale Principaux quartiers
L’extension de la ville
Boulogne Halles
Louvre Limite de Paris avant 1859 Quartiers d’affaires
Nouvelle limite de la ville
Préfecture de police après 1859 Quartiers bourgeois★
e
in
Quartiers populaires
Se
106
L’âge industriel
37
38
« Quelques-uns purent connaître exactement
l’endroit où leur petit domaine est situé, mais
la plupart n’en savaient encore rien ; les subdivi-
sions n’étant pas faites, et à travers les bois aussi
touffus, dans une situation qui ne consiste que
de collines et de ravins, elles seront un ouvrage
considérable […]. »
Journal de Pierre Schmidmeyer,
parti pour Nova Friburgo, 29 juin 1821.
39
« La Suisse connaît à partir de 1847 de mauvaises
récoltes auxquelles s'ajoutent une baisse des prix
des produits agricoles et l'apparition progressive
du chômage dans le secteur industriel. La men-
dicité se développe dans les villes. De plus, l'in-
terdiction du service étranger en 1848 laisse les
anciens mercenairesH sans travail et met les auto-
rités suisses dans l'embarras. Après avoir vécu
une première vague migratoire entre 1817 et 1818,
la Suisse voit une partie de ses enfants émigrer
nombreux, d'abord vers les États-Unis, le Brésil
et la Russie, puis vers l'Argentine, l'Uruguay et le
Paraguay entre 1850 et 1855. La dernière grande
vague migratoire se situe aux alentours de 1880
et 1893. »
notrehistoire.ch
107
7
L’industrialisation et l’urbanisme
En Europe, alors que les campagnes se dépeuplent, les villes génèrent un grand nombre d’emplois et attirent
ainsi les populations rurales les plus modestes. De nouveaux défis s’imposent aux autorités en matière de
sécurité et d’hygiène.
Entre 1888 et 1910, la population suisse augmente prestigieux, des espaces verts mais également des épice-
de 73 % en zone urbaine contre 7 % en zone rurale. ries de quartier. Le secteur tertiaire se développe et crée
L’espace urbain grandit et voit surgir des constructions de nouveaux métiers. Les populations ouvrières, quant
et des aménagements de toutes sortes : des bâtiments à elles, s’établissent dans des quartiers surpeuplés.
La population double entre 1843 (29 289 hab.) et 1910 (58 337 hab.).
43
42
« De pareils bouges, il n’y a pas besoin de le dire, sont des
terrains merveilleusement préparés pour le développement et
la prolifération des germes infectieux. L’expérience a du reste
démontré que c’est presque toujours par là que débutent
les épidémies. Ces habitations ne sont donc pas seulement
une honte pour une ville ; elles constituent un danger public
auquel l’autorité a mission de parer. »
Dr Louis Guiraud, Manuel pratique d’hygiène Rue Rousseau,
à l’usage des médecins et des étudiants, 1890. quartier
populaire de
Saint-Gervais,
photographie,
Genève, vers
1900.
44 45
Jacques Élysée Goss, architecte, « Façade principale Intérieur d’un magasin Coop : « L’épicerie où l’on trouve
du Grand-Théâtre », gravure, Genève, 1880. de tout », photographie, Strasbourg (F), vers 1910.
108
L’âge industriel
47
48
Terrasse / Jardin
Terrasse / Jardin
Ouvriers dans un atelier d’horlogerie à La Chaux-
Rue
Rue
49 Excavage
Remblayage
´
50 Répartition de la population au Locle, fin du XIXe siècle
Habitat ouvrier
Usine
Immeuble mixte,
habitat ouvrier et atelier
Immeuble mixte, habitat patronal
et unité de production
Habitat patronal
0 100 200 m
109
7
51
Heinrich Kunz, su
rnommé
En fait, les débuts de l’industrialisation furent sévèrement « roi des filateurs
»
sélectifs. […] Les crises économiques furent fatales à un grand nerkönig), est co (Spin-
nsidéré,
vers 1850, comm
nombre d’entreprises. De sorte que les industriels qui surent e l’e
preneur le plus im ntre-
se maintenir […] purent affermir leur empire. portant
de la branche en
Europe.
Adapté de Jean-François Bergier, Histoire économique Il dirige personn
elle
de la Suisse, Lausanne (VD), 1984. ses neuf fabrique ment
s.
53
110
L’âge industriel
54
L’esprit visionnaire d’Escher se manifestait dans sa faculté de com-
prendre les [relations] entre les phénomènes, plutôt que dans l’ap-
plication des mesures de détail. Escher […] redoubla d’efforts pour
obtenir l’École polytechnique [à Zurich]. Il savait que les sciences
techniques seraient déterminantes pour l’avenir du pays. Il était
simultanément membre de nombreux organes politiques influents et
dirigeait de grandes entreprises. […] Il siégeait dans d’innombrables
commissions et connaissait ses dossiers à fond. Alfred Escher ne
réussissait ce tour de force qu’en travaillant avec acharnement, voire
jusqu’à l’épuisement.
Adapté de Joseph Jung, historien, « Visionnaire
et entrepreneur », Magazine du Crédit Suisse, 2006.
À Zurich, Auguste
Weidmann
(1842-1928) cré
e une crèche,
55 un hôpital, une
caisse d’assu-
rance vieillesse
et survivants
pour ses ouvriers.
56
1. Respect de Dieu, propreté et ponctualité sont
les règles d’une maison bien ordonnée.
2. Dès maintenant, le personnel sera présent
si possible de 6 h du matin à 6 h du soir. Le
dimanche est réservé au service religieux.
Chaque matin, on dit la prière dans le bureau
principal.
3. Chacun est tenu de faire des heures supplé-
mentaires si la direction le juge utile.
Une employée de bureau de poste, Zurich,
entre 1905 et 1923. 7. Il est permis de prendre de la nourriture entre
11 h 30 et 12 h. Toutefois, le travail ne doit pas
être interrompu.
Extrait d’un règlement de bureau, France,
deuxième moitié du XIXe siècle.
111
7
57
Les fenêtres ferment mal ; les poêles sont si mauvais qu’ils chauffent difficilement
mais répandent beaucoup de fumée dans les pièces. […] La mère doit aller travailler
et ne peut donc pas faire très attention à son intérieur, et même si elle fait des efforts,
elle manque de temps et de moyens. […] Les enfants traînent dans l’appartement ou
dans les rues et sont toujours sales ; ils manquent des vêtements nécessaires pour
se changer plus souvent, et il n’y a pas suffisamment de temps et d’argent pour les
laver fréquemment.
Adapté de A. Schneer, Sur les conditions d’existence des classes laborieuses à Breslau (PL), 1844.
58
59
60
Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient
Le cours de la rivière Birsig dans le centre de Bâle (actuelle-
qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ; ment Falknerstrasse). Vue de l’arrière des maisons de l’époque
[…] mais je suis de ceux qui pensent et qui affir- avec, suspendus aux façades, des cabanons de bois renfermant
ment qu’on peut détruire la misère. des cabinets d’aisances, photographie, Bâle, 1895.
[…] Je dis que ce sont là des choses qui ne doivent
pas être ; je dis que la société doit dépenser toute
sa force, toute sa sollicitude, toute son intelli- 61
gence, toute sa volonté, pour que de telles choses
ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un « Le revenu par habitant passe de 560 francs par
pays civilisé, engagent la conscience de la société an en 1850, à près de 1200 en 1910, chiffres glo-
tout entière. baux qui cachent bien sûr des disparités. »
Adapté de Victor Hugo (1802-1885), « Si prodigieux qu’ait pu être le progrès indus-
« Détruire la misère », discours à l’Assemblée triel au XIXe siècle, il ne doit pas tromper. Il a
nationale, Paris, 9 juillet 1849.
enrichi la Suisse. Il n’a pas fait le bonheur de
tous les Suisses. »
Jean-François Bergier, Histoire économique
de la Suisse, Lausanne (VD), 1984.
112
L’âge industriel
65
DÉBRAYAGE : grève de courte durée (quelques heures). Jules Adler, Grève au Creusot, huile sur toile, Pau (F), 1899.
113
8
1848 : NAISSANCE
DE LA SUISSE MODERNE
SUISSE
MER
MÉDITERRANÉE
Dès 1513
Confédération des 1798-1803 1803-1813
XIII cantons ou République Acte de 1813-1830
Corps helvétique helvétique Médiation Restauration
Révolution
française
1750 1800
1776 1789 1815
Déclaration Déclaration des Congrès de
d’indépendance Droits de l’homme Vienne
des États-Unis et du citoyen
114
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– identifier et analyser les principales étapes de la construction
de la Suisse moderne ;
– identifier les caractéristiques du nouvel État fédéral ;
– expliquer le fonctionnement des institutions de la Suisse moderne ;
– identifier et expliquer les conséquences de la création de l’État
fédéral selon différentes dimensions (sociale, culturelle,
économique).
1858
1847 1848 Premier syn- 1877
0 1830-1848 Guerre du Naissance de dicat national Loi sur les
on Régénération Sonderbund l’État fédéral (livre et papier) fabriques
R
Unité allemande
Unité italienne
1850 1900
RANÉE
1830 1848
Révolutions Révolutions en Europe,
en Europe le Printemps des
peuples
115 Épreuve 2
8
« La Suisse ne ressemble
à aucun autre État. »
Napoléon Bonaparte, « Lettre aux
délégués des cantons suisses » du
10 décembre 1802.
116
1848 : naissance de la Suisse moderne
Avant 1798, le territoire suisse ne constitue pas encore un véritable ÉtatH. Appelé Corps
helvétiqueH, il est composé de treize cantonsH ou États indépendants avec chacun sa
frontière, son armée, ses poids, ses mesures, son service postal et son organisation poli-
tiqueH. Ces treize cantons aux ambitions très différentes ont signé entre eux toute une
série d’accords, notamment pour s’entraider en cas d’attaque et nommer un médiateur
lors de conflits. En aucun cas, en vue de fonder un État.
Certains cantons s’agrandissent soit par achat de terres, soit par les armes. Ces territoires
ainsi conquis deviennent des pays sujetsH. Un bailliH vient y prélever les impôtsH et rendre
la justice.
Parfois, plusieurs cantons administrent ensemble un territoire : ce sont les bailliagesH com-
muns, lesquels se situent notamment en Argovie, en Thurgovie et dans le sud des Alpes.
Des alliances sont aussi conclues entre les cantons et d’autres territoires indépendants
(villes ou communautés rurales) qui souhaitent obtenir une protection contre d’éventuels
ennemis extérieurs. Ces territoires, comme Genève, Neuchâtel, le Valais et les possessions
du prince-évêque de Bâle, sont considérés comme des « pays alliés ».
Les ambassadeurs des cantons et de certains pays alliés se rencontrent à la Diète. Ils
prennent des décisions communes concernant la gestion des bailliages communs, les
traitésH de guerre et de paix, ainsi que le maintien de l’ordre.
La Suisse avant 1798 est donc une association (fédération) d’États souverainsH sans pou-
voir central fort. Deux événements retentissants vont la pousser à devenir un véritable
État au sens moderne du terme : l’indépendance des États-Unis et la RévolutionH française.
Bâle Thurgovie
Comté
de Saint-Gall
Baden
Zurich Abbaye
de
Évêché St-Gall Appenzell
FRANCE de Bâle Argovie
Soleure Rapperswil AUTRICHE
Bienne Zoug
Lucerne
Principauté
de Schwytz Sargans
Neuchâtel Berne Glaris
Unterwald
Uri
Fribourg Tarasp
Abbaye
d’Engelberg Ligues grises (Grisons)
Pays
de Vaud Léventine
Bailliages
République italiens
du Valais Valteline
Genève
Dizains du
Bas-Valais
SAVOIE
VENISE
MILAN
0 50 100 km
Les XIII cantons et leurs sujets
Les pays alliés et leurs sujets
117
8
Lucerne Linth
Neuchâtel Berne
Waldstätten
Fribourg Grisons
Léman Oberland
Bellinzone
2
Art. 1 L a République helvétique est une et indivisible. Il n'y a plus de frontière entre les cantons
et les pays sujets.
Art. 5 La liberté naturelle de l'homme est inaliénableH ; elle n'est restreinte que par la liberté
d'autrui.
Art. 6 La liberté de conscience [appartenance religieuse] est illimitée.
Art. 7 La liberté de la presse dérive du droit d'acquérir de l'instruction.
Adapté de la Constitution de la République helvétique, 12 avril 1798.
118
1848 : naissance de la Suisse moderne
Berne Nidwald
Adapté de la « Lettre de Napoléon Obwald
Uri
aux délégués des cantons suisses », Grisons
Fribourg
10 décembre 1802. Vaud
Tessin
0 50 100 km
Les dix-neuf cantons
6 Frontières de la Suisse de 1803
L'Helvétie, en proie aux dissensions, était menacée de dissolution : elle Frontières actuelles de la Suisse
ne pouvait trouver en elle-même les moyens de se reconstituer. L'an-
cienne affection de la nationH française pour ce peuple recommandable,
la demande des cantons démocratiquesH, le vœu du peuple helvétique
tout entier, nous ont fait un devoir d'interposer notre médiation entre les
partis qui le divisent.
Adapté de l’Acte de Médiation, 19 février 1803.
7
Art. 3. I l n'y a plus en Suisse ni pays sujets, ni privilègesH de lieux, de naissance, de
personnes ou de familles.
Art. 4. Chaque citoyenH suisse a la faculté de transporter son domicile dans un autre
canton, et d'y exercer librement son industrie ; il acquiert les droitsH politiques
conformément à la loi du canton où il s'établit.
Art. 12. Les cantons jouissent de tous les pouvoirs qui n'ont pas été expressément
délégués à l'autorité fédérale.
Art. 25. Chaque canton envoie à la Diète un députéH.
Extraits de l’Acte de Médiation, 19 février 1803.
119
8
9
[L’ Autriche, la France, la Grande-Bretagne, le Portugal, la Prusse et la Russie recon-
naissent] la neutralitéH perpétuelle (éternelle) de la Suisse et lui garantissent l'intégrité
et l'inviolabilité de son territoire dans ses nouvelles limites. Ils reconnaissent [...] que
la neutralité et l'inviolabilité de la Suisse et son indépendance de toute influence étran-
gère sont dans les vrais intérêts de la politique de l'Europe entière.
Adapté de la Déclaration des puissances signataires de la Déclaration de Vienne, 20 novembre 1815.
Après 1830, durant la période de la Régénération, les partisans des idées nouvelles ( les
libéraux, puis les radicaux ) accèdent au pouvoir dans certains cantons qui modernisent
leur constitution ; ils souhaitent aussi un changement à l’échelle nationale. Les cantons
plus conservateurs se sentent menacés dans leur liberté. Pour défendre leur vision de la
société, certains d’entre eux se regroupent en 1845 au sein d’une alliance séparée : le
Sonderbund.
10
Art. 1 Les cantons de Lucerne, Uri, Schwytz, Unterwald, Zoug, Fribourg et le Valais,
pour protéger leurs droits souverains et territoriaux, s’engagent, au cas où l’un ou
l’autre serait l’objet d’une agression, à repousser en commun cette agression par
tous les moyens à leur disposition, en se conformant au Pacte fédéral de 1815 ainsi
qu’aux anciens traités.
Texte de l’Alliance du Sonderbund, 1845.
120
1848 : naissance de la Suisse moderne
11
Discussion entre l’ambassadeur de France en Suisse, M. de Boislecomte, et Ulrich
Ochsenbein, futur conseiller fédéral, le 4 juin 1847.
– La grande majorité des habitants veut la dissolution du Sonderbund et l’expulsion
des jésuites de toute la Suisse. Il faut que cette volonté de la majorité soit satisfaite.
– Mais c’est la guerre civile, lui dis-je.
– On doit préférer un mal moindre que la présence des jésuites en Suisse. Au reste,
il n’y aura peut-être pas de guerre du tout ; il est fort possible qu’une fois se voyant
condamnés par la majorité, ils se soumettent. S’ils ne le font pas, il faudra bien que
la guerre décide.
Adapté de François Guizot, ministre des Affaires étrangères en France,
Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps, 1857-1867.
vé
Le sommet le plus éle
Sui sse (46 34 m) a été
de
r
rebaptisé Pointe Dufou
du
en 1863 , en l’honneur
général. « Combat de Lunnern (ZG) du 7 novembre 1847 pendant la guerre
du Sonderbund », vue du côté confédéré, lithographie, vers 1848.
13
Claude Bulliard, Siège de la ville de Fribourg par l’armée fédérale, représenté en poya, huile sur bois, 1847.
121
8
és
Les oubli s vaga-
e s fe m mes, le et les
L s
s pauvre
bonds, le s sont privés du
m né
conda
vote.
ÉTAT FÉDÉRATIF : État souverain composé de droit de
plusieurs territoires qui conservent une partie
de leur indépendance mais qui délèguent
certaines tâches au gouvernement central.
122
1848 : naissance de la Suisse moderne
La première session du ParlementH est saluée par la population. Après un service religieux
catholique et protestant, les députés se retrouvent pour un repas de fête.
19
« La ville prenait de plus en plus un air de fête en se parant de tout l’éclat de la plus
brillante illumination dont on n’ait jamais vu le spectacle en Suisse. Plusieurs maisons
avaient arboré d’immenses drapeaux aux couleurs de la Confédération. La foule de tout
âge et de tout sexe parcourait les rues. »
Gazette de Lausanne, 8 novembre 1848.
20
123
8
22 23
« Il n'y a pas moyen de douter que l'intervention « La République des États-Unis a de quoi être
étrangère ne provoque, en Suisse, la plus forte fière de sa sœur, la seule en Europe centrale,
répulsion. Le sentiment de l'indépendance natio- qui se comporte avec autant de correction et de
nale y est général et énergique. Mais si l'inter- dignité. La Suisse confère le plus haut degré de
vention se montrait, le cri qui s'élèverait serait crédit au système de démocratie. […] Elle est un
celui de la résistance. Conservateurs et radicaux exemple, jour après jour, pour le monde euro-
le pousseraient. Et les difficultés de l'intervention péen, des beautés pratiques de nos propres
en seraient infiniment aggravées. » institutions. »
François Guizot (1787-1874), ministre des Affaires Ambrose Dudley Mann (1801-1889), diplomate
étrangères en France, Mémoires pour servir du Gouvernement américain à Berne, 1850.
à l’histoire de mon temps, 1858-1867.
24
Dans les années 1848 et 1849, la Suisse se vit surchargée d’une grande masse de réfugiés
qui, suite aux événements politiques survenus en Italie et en Allemagne, vinrent chercher
un refuge en le territoire de la Confédération. On ne pouvait leur refuser l’asileH en partie
par des considérations humanitaires. Le Conseil fédéral dut astreindre les cantons à les
prendre en charge mais prit des mesures (expulsion, accélération des départs contre une
indemnité) pour qu’ils ne dussent pas le faire trop longtemps. En 1849, le nombre de
réfugiés dépassait le chiffre de 11 000 ; actuellement 500.
Adapté de La Feuille fédérale, 1851.
124
1848 : naissance de la Suisse moderne
25
L’armée
Dès 1874, le principe du service
militaire obligatoire instauré Les poids et mesures
par la Constitution fédérale de Dès 1851, les unités de mesures
1848 est appliqué avec rigueur. sont unifiées selon une base déci-
La Confédération se charge de male. En 1876, la Suisse adopte
la formation, de l’équipement le gramme et le mètre tels qu’ils
et de l’armement, tandis que les ont été établis par le Bureau inter-
cantons s’occupent notamment national des poids et mesures à
de l’habillement, de l’entre- Paris.
tien du matériel et des cours de Vers un État
gymnastique.
centralisé
La monnaie
Dès 1850, une monnaie unique
remplace toutes les monnaies
locales. Dès 1907, la
Banque nationale suisse
La poste imprime l’ensemble
La prise en main de la poste par des billets de
l’État fédéral se fait presque sans banque.
opposition. Les PTT (poste, télé-
phones, télégraphes) sont chargés
de transporter les voyageurs, les
lettres, les colis,
les messages ou L’heure
même de l’argent. Chaque localité définissait l’heure
en fonction du soleil, ce qui causait
un décalage qui pouvait atteindre
18 minutes. En 1853, l’heure de
Berne devient la norme pour l’en-
semble du territoire.
125
8
26
La durée du travail régulier d'une journée ne doit pas excéder onze heures. Elle est réduite
à dix heures la veille des dimanches et des jours fériés. Cette durée du travail doit être
comprise entre 5 heures du matin et 8 heures du soir [en été], et entre 6 heures du matin
et 8 heures du soir pendant le reste de l'année. On accordera aux ouvriers, au milieu de
la journée de travail, un repos d'une heure au moins pour leur repas.
Après et avant leurs couches, il est réservé un temps de huit semaines en tout, pendant
lequel les femmes ne peuvent être admises au travail dans les fabriques.
Les enfants au-dessous de quatorze ans révolus ne peuvent être employés au travail dans
les fabriques. Pour les enfants depuis le commencement de la quinzième année jusqu’à
seize ans révolus, le temps réservé à l’enseignement scolaire et religieux et celui du travail
dans la fabrique ne doivent pas, réunis, excéder onze heures.
Extraits de la loi fédérale concernant le travail des fabriques, 23 mars 1877.
126
1848 : naissance de la Suisse moderne
Les syndicats
S’ils ont besoin d’un soutien financier, les ouvriers peuvent s’adresser à une des nom-
breuses sociétés d’entraide. Pour faire entendre leurs revendications, ils ont recours aux
syndicatsH : des organisations de personnes travaillant dans la même branche qui luttent
pour leurs droits. Le premier syndicat national, en 1858, est le Syndicat du livre et du
papier. Dès 1880, poussés par le besoin d’améliorer leurs conditions de vie, les ouvriers se
regroupent par métiers comme les vitriers, les conducteurs de locomotives ou les porteurs
de dépêches postales. Puis ces syndicats fusionnent pour augmenter leur force de pression
lors des grèvesH ou des négociations. Ainsi naissent l’Union syndicale suisse (USS, 1880),
les fédérations des travailleurs du textile (1903), des ouvriers de l'alimentation
(1904) ou des ouvriers des communes et des cantons (1905).
30
31
er
Le 1 mai 1886, à Chicago, une
grève en faveur de la journée de
8 heures est lancée par les syndi-
cats. Le mouvement dure plusieurs
jours et finit dans la violence : on
compte une dizaine de morts.
En 1889, le Congrès de la IIe Inter-
nationale socialiste décide de
faire du 1er mai un jour de lutte
à travers le monde pour revendi-
quer la journée de 8 heures. Cette
date a été choisie en mémoire des
événements de Chicago.
32
12. Gratuité des soins médicaux et pharmaceutiques. Création de nom-
breux hôpitaux. SanatoriumsH pour les maladies des voies respira-
toires et pour les maladies nerveuses. Gratuité des soins médicaux à
domicile. Maisons de convalescence. Gratuité des accouchements et
des soins à donner aux accouchées. Asiles pour incurables.
13. Assurance contre les conséquences économiques de la maladie, de
l'accident, de l'invalidité, de la vieillesse et de la mort. Assurance mobi-
SOCIÉTÉ D’ENTRAIDE : par lière obligatoire. Asiles pour invalides, infirmes et vieillards.
exemple, la Société suisse du Extraits du programme du Parti socialiste suisse, 1904.
Grütli (1838) qui propose une
aide en cas de maladie.
127
9
CONSTRUIRE L’IDENTITÉ
DE LA SUISSE MODERNE
Prairie
du Grütli
Berne
SUISSE
MER
MÉDITERRANÉE
1291 1315
Plus ancien Bataille de
pacte Morgarten. 1386 1515
d’alliance Pacte de Bataille de Bataille de
retrouvé Brunnen Sempach Marignan
128
Construction d’une identité suisse
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– identifier les différents mythes fondateurs et expliquer leur
utilisation politique lors de la création de la Suisse moderne ;
– identifier les intentions des différents acteurs dans le projet
de fédérer les Suisses ;
– expliquer et analyser le rôle de la montagne et de la vie rurale
dans la construction de l’image de la Suisse ;
– expliquer le rôle du tourisme et de l’humanitaire comme
« cartes de visite » de la Suisse à l’étranger.
1891
1648 1803 1815 1848 Première
Paix de Acte de Pacte Constitution Fête nationale
Westphalie Médiation fédéral fédérale (1er août)
129 Épreuve 2
9
130
Construire l’identité de la Suisse
moderne
Les habitants de la Suisse ne parlent pas tous la même langue, n’ont pas la même religion
et vivent dans des contextes très différents (villes, campagnes, vallées, montagnes).
Après avoir élaboré une ConstitutionH et mis en place un gouvernementH, l’enjeu est de
créer un lien social et de façonner une IDENTITÉ commune. Les mythesH fondateurs de
l’ancienne ConfédérationH et les paysages des Alpes vont servir de référence.
Au XIXe siècle, toutes les nations sont confrontées au même phénomène : le sen-
timent national se développe en phase avec une redécouverte du passé. Cette
recherche de racines est renforcée par le fait que certaines nations se trouvent IDENTITÉ
intégrées à des empiresH (Empire austro-hongrois, Empire russe) ou ne forment Caractéristiques qui nous
pas encore un ÉtatH unique (cas de l’Allemagne et de l’Italie). De nombreux distinguent comme individu
ou comme faisant partie
peuplesH vont lutter pour obtenir leur indépendance et former des États- d’un ensemble différent des
nations. Ainsi l’Italie, en 1861, et l’Allemagne, en 1871, proclament leur uni- autres. L’identité nationale
fication. Les tensions accompagnent les aspirations des peuples et favorisent est le sentiment qu’ éprouve
la montée du nationalisme, qui est alimenté par des références à un passé une personne à faire
partie d’une nation.
glorieux.
BL AG ZH
JU 4 AR
SO AI
2 ZG 3 SG
1 1 SZ
Berne LU 2 2
NE (capitale) 2 GL 5
3 4 3
2 NW
1 1
1 BE OW
3
1
FR UR GR
VD 4 3
2 5 1
3
1 3 TI
2
GE 2 VS
6 3
7
131
9
L’un des moyens pour que le peuple suisse se pense histoire et légende, tels que le Pacte de 1291 ou le Livre
comme une NATION est d’inscrire les origines du nouvel blanc de Sarnen (1470). De ce passé ressurgissent des
État fédéral dans un passé lointain. Cette longue his- lieux symboliques ou des héros auxquels les Suisses
toire s’ancre dans une série de récits à mi-chemin entre peuvent s’identifier.
1
« Une fois la Suisse inventée restait encore à NATION
fabriquer les Suisses ! » Ensemble des personnes
François Walter, Histoire de la Suisse, Neuchâtel, 2010.
vivant sur un même territoire
ayant en commun l’origine,
l’histoire, la cultureH, les tra-
ditions, parfois la langue et
constituant une commu-
nauté politique.
3
Alors, secrètement, les Confédérés […]
convinrent qu’à Noël, ils iraient apporter
au seigneur vœux et étrennes […].
Lorsque ceux qui étaient à l’intérieur
de la maison seraient en nombre
suffisant pour maintenir les portes
ouvertes, [les autres] devaient se dres-
ser et leur venir en aide […]. Mais à
l’heure où on amenait les cadeaux, le
maître était à l’église […]. Les Confédé-
rés traversèrent les douves […], esca-
ladèrent le bâtiment par l’arrière et
s’en emparèrent. Le vacarme parvint jus-
qu’à l’église, les seigneurs prirent peur
et s’échappèrent vers la montagne, et
quittèrent le pays.
Adapté de la traduction du Livre blanc de Sarnen,
Le Livre blanc de Sarnen,
par Jean-Daniel Morerod, Guillaume Tell et
Archives cantonales de
la Libération des Suisses, 2010.
Sarnen (OW), 1470.
4
Un récit qui unit les Confédérés
« Il faut se souvenir que la Confédération a failli imploser plusieurs fois au milieu du
XVe siècle. Il y a eu des tensions entre Zurich et les autres Confédérés, il y a eu les
guerres de Bourgogne. La Confédération vit des moments de doutes. Elle a besoin
d’une histoire de solidarité et d’alliance et elle va l’écrire. Elle se constitue un ciment
national. »
Bernard Wuthrich, « Les mythes servent de guide de bon gouvernement »,
Le Temps, interview de l’historien Jean-Daniel Morerod, 2010.
132
Construire l’identité de la Suisse moderne
Le Pacte de 1291
Le document connu sous le nom de Pacte de 1291 est une charteH qui renouvelle une
alliance entre trois vallées alpines : Uri, Schwytz et une vallée d’Unterwald. Elles sont consi-
dérées depuis le XVe siècle comme le berceau
de la Confédération et souvent désignées sous 5
le nom de Waldstaetten (États forestiers). Daté
du début août 1291 mais rédigé plus tard, au
début du XIVe siècle, ce texte est l’un des nom-
breux exemples d’alliance que les communau-
tés du Saint Empire romain germanique avaient
l’habitude de sceller dans le but d’assurer leurs
droitsH et leur sécurité.
Comme il ne mentionne aucun lieu, ni nom ni
événement précis, on pourra lui rattacher au
XIXe siècle toute une série d’épisodes légen-
daires : les exploits de Guillaume Tell, le serment
de la prairie du Grütli, la révolte des Waldstaetten,
la destruction des châteaux qu’occupent les bail-
lisH. Le Pacte de 1291 devient ainsi un document
fondateur. Il sert aussi à justifier le choix de la
date du 1er août pour célébrer, en 1891, une pre-
mière fête à l’occasion du 600e anniversaire pré-
sumé de la Confédération. Elle deviendra ensuite
la Fête nationale. Le Pacte de 1291 ou Pacte fédéral, Musée des Chartes fédérales,
bâtiment construit spécialement pour le Pacte fédéral, Schwytz (SZ).
133
9
Guillaume Tell
L’histoire de ce héros mythique est évoquée pour la première fois à la fin du XVe siècle
par différentes chroniques. Depuis le XVIe siècle, de multiples illustrations et des spec-
tacles célèbrent celui qui aurait bravé et tué le
tyran Gessler. De nombreuses chapelles sont 9
érigées sur les lieux présumés des événements.
En 1804, le grand poète dramatique Friedrich
Schiller compose une pièce de théâtre qui
connaît un grand succès en Europe. Peu après,
le compositeur Gioacchino Rossini s’en ins-
pire pour composer un opéra. Le personnage
emblématique de Guillaume Tell rassemble
les Suisses autour des valeurs attribuées aux
populations montagnardes : courage, vertus
civiques, sens de la liberté, attachement à l’in-
dépendance. Des statues sont édifiées aussi
bien à Altdorf qu’à Lausanne et Lugano.
Arnold de Winkelried
Même s'il est moins populaire que Guillaume Tell, Arnold de Winkelried est l'un des héros
fondateurs de la Suisse. D'après la légende, son sacrifice lors de la bataille de Sempach
aurait permis aux Suisses de remporter la victoire contre les Habsbourg (1386).
10
« […] Alors un homme seul conjure cet orage. Mais si, par cet exploit, la Suisse tout entière
Arnold de Winkelried, la gloire d’Unterwald, Conquit la liberté, la gloire et le repos,
S’avance au premier rang et de ses mains puissantes Que ne doit-elle point à ce fameux héros
Embrassant un faisceau de piques menaçantes, À ce fier Winkelried, en qui tout intéresse,
Les baisse et, dans le flanc de l’épais bataillon, Dont la force, l’ardeur, le courage et l’adresse,
Montre à tous ses soldats un facile sillon. La présence d’esprit et l’intrépidité
Tandis que ce héros d’immortelle mémoire Aux dépens de ses jours l’a mise en sûreté ? »
Périt chargé de coups, mais plus couvert de gloire,
Poème tiré de A. M. Chappuis, Narration en vers
De l’espace entr’ouvert le Suisse a profité, de dix-huit principaux traits de l'histoire de Suisse,
Et du corps ennemi harcelant le côté, et mélanges curieux de littérature légère, d'histoire
Porte dans tous ses rangs la mort et le carnage. […] naturelle et de morale agréable, Lausanne, 1796.
11 12
« La bataille de Sempach le 9 juillet 1386 », enluminure tirée Konrad Grob, Mort de Winkelried à Sempach,
de Diebold Schilling le Jeune, Chronique illustrée de Lucerne, huile sur toile, 1878.
1513.
134
Construire l’identité de la Suisse moderne
13
135
9
18 19
Message du Conseil fédéral à l’AssembléeH
fédérale con-
cernant l’organisation d’une fête séculaire nationale en
mémoire de la Confédération (1er août 1291).
Monsieur le président et messieurs,
La Confédération suisse, qui réunit les populations des
vingt-deux cantons, doit son origine à l'alliance perpétuelle
conclue le 1er août 1291 entre les citoyens d'Uri, de Schwyz et
d'Unterwalden, en vue de se protéger contre leurs ennemis
externes, d'augmenter leur liberté et leur indépendance et
de maintenir le droit et le bon ordre. […]
Il est clair et évident pour tout Confédéré que ce jour doit
être fêté. Cette fête sans pareille pour notre pays sera une Discours du 1er Août par Madame la conseil-
fête nationale générale à laquelle doivent prendre part lère fédérale Micheline Calmy-Rey, prairie
toutes les populations de la Suisse et tous les membres de du Grütli, 2011.
la Confédération sans distinction des langues ni des confes-
sions.
Jamais les Confédérés n'ont eu le bonheur de fêter cette journée. À chaque retour de cette fête sécu-
laire, pendant les derniers siècles, des circonstances défavorables ont empêché de le fêter en com-
mun. L'année 1891, nous l'espérons, trouvera les Confédérés dans un état qui leur permettra de célé-
brer, en mémoire de l'an 1291, date à laquelle remonte l'origine de leur liberté et de leur indépendance,
une grande et digne fête fédérale. […]
Adapté du message du président et du chancelier de la Confédération, le 14 décembre 1889.
20
136
Construire l’identité de la Suisse moderne
Le Palais fédéral
Semblable à un grand livre d’images illustrant les thèmes fondateurs, le Palais fédéral a été
construit en trois étapes : entre 1852 et 1857, l'aile ouest ; entre 1888 et 1892, l'aile est ;
puis entre 1894 et 1902, l'élément central constitué par le Palais du Parlement, inauguré
par l'Assemblée fédérale le 1er avril 1902.
21
Le Palais du Parlement, un reflet de la Suisse
95 % des matériaux utilisés viennent des différentes
régions suisses. Trente-huit artistes de toutes les régions
du pays l’ont décoré.
Trois thèmes emblématiques sont représentés :
l’histoire nationale, les fondements constitu-
tionnels de la Confédération et la diversité
culturelle et matérielle de la Suisse (poli-
tique, géographique, professionnelle).
22
Charles Giron,
Le lac des Quatre-
Cantons, le berceau
de la Confédération,
peinture murale de
la salle du Conseil
national, Palais
fédéral, Berne, 1901.
Statue de Guillaume Tell. Corniche avec les armoiries des 59 plus importantes communes de la Suisse
en 1902. La bourgade de Schwyz au pied du massif des Mythen. L’Ange de la Paix (dans le nuage, une
femme ailée tenant un rameau d’olivier). La prairie du Grütli. Le lac des Quatre-Cantons. Statue de
Gertrud Stauffacher, qui aurait convaincu son mari Werner de s’allier avec Walter Fürst et Arnold de Melchtal.
137
9
Le tourisme 23
Le tourisme en Suisse se développe dès la fin du XVIIIe siècle. Les progrès
des transports, en particulier de la navigation à vapeur, puis du chemin
de fer, contribuent à son essor au XIXe siècle. De nombreux hôtels de luxe
sont construits, d’abord à proximité des lacs, puis dans des stations d’alti-
Rigi Kulm tude ; ils attirent une riche clientèle européenne. Durant les années 1870,
ne
Stanz les médecins encouragent le séjour à la montagne. Des lieux de cure se
Sarnen
développent, notamment à Davos, Leysin et Montana ; des sanatoriumsH
y sont construits.
ndenwald
24 Olten
Rigi Kulm
ucerne Rigi Kulm
Neuchâtel Lucerne
Stanz En train
Stanz
À pied Pontarlier
Sarnen
En dilligence Brienz
Sarnen
aken En bateau Spiez
Grindenwald Interlaken
Grindenwald
0 50 km
Lauterbrunnen
Gemmi Pass
Leukerbad
Leuk Trajet du premier L’hôtel Bären et le glacier, Grindelwald
En train
À pied
Genève
Sion voyageEnde train groupe (BE), photochrome, vers 1890.
En dilligence Martigny en Suisse,
À pied
organisé
En dilligence
En bateau
par Thomas
En bateau
Cook,
0 50 km
Chamonix du 26 juin au
Mer-de-Glace
15
0 juillet 1863. 50 km
Jemima Morrell, une participante du premier voyage organisé pour des touristes anglais,
raconte ses impressions dans son journal.
25 26
e
8 jour : lundi 6 juillet 1863
« À Lauterbrunnen, nous abandonnons notre
voiture, ne comptant dès lors que sur nos
jambes et nos alpenstocks. Puis, sacs au dos,
nous tenons tête aux propositions scanda-
leusement élevées d’un essaim de guides.
Devant notre détermination, ceux-ci reconsi-
dèrent finalement leurs prix. L’un d’entre eux
l’emporte, qui devient à la fois notre guide et
notre porteur, et notre paquetage ingénieu-
sement agencé dans une sorte de chaise en François Fumex, Cordée sur le glacier du Findelen,
bois sur ses épaules, nous voilà partis. [...] Zermatt (VS), photographie, vers 1900.
Après la dernière escalade, nous faisons halte
devant le merveilleux panorama. À gauche la
Jungfrau et ses satellites couverts de neige, à 27 SIR ARTHUR CONAN DOYLE (1859-1930)
droite Interlaken assoupie dans le soleil – le
château d’Unspunnen, les collines –, les lacs Il sert dans l’armée britannique en tant
de Thoune et de Brienz. » que médecin et rédige des nouvelles qui
connaissent un succès planétaire. Pas-
Jemima Morrell (1832-1909), Voyage dans les Alpes sionné par le sport, il découvre en Suisse
en 1863 : carnet de route, édité en 1995.
les montagnes et le ski, dont il devient un
infatigable promoteur. C’est en Suisse, dans les
chutes escarpées du Reichenbach, qu’il fait mourir son
ALPENSTOCK : canne à bout ferré servant plus fameux personnage : Sherlock Holmes.
aux excursions en montagne.
138
Construire l’identité de la Suisse moderne
28 29
30
31
4e jour : Sion-Leukerbad (jeudi 2 juillet 1863)
« Si luxuriante que soit la végétation et pittoresques que soient
les paysages, nous remarquons ici quantité de crétins et de goi-
treux qui font peine à voir. En vérité, ce magnifique canton a la
singularité d’être l’un des plus misérables et des plus mélan-
coliques de l’Europe du Nord. La superstition, l’ignorance, la
misère et le manque d’hygièneH, s’ajoutant à l’insalubrité d’une
vallée étroite et basse, sont les causes de cette flagrante infor-
tune. » « Jeune homme atteint
Jemima Morrell (1832-1909), Voyage dans les Alpes d’un goitre et de crétinisme »,
en 1863 : carnet de route, édité en 1995. gravure, Turin, 1848.
Le terme médica
l de cré-
GOITRE : augmentation du volume de la thyroïde, tinisme est né
en Valais
provoquée par le manque d’iode dans l’alimentation. au XVIII e siècle
et dérive
de l’expression
CRÉTINISME : malformations physiques et retard « pauvre
chrétienH ».
mental dus au manque d’iode, qui entraîne un
mauvais fonctionnement de la thyroïde.
139
9
33
34
Heidi
La première édition du roman Heidi de Johanna Spyri paraît en 1880. Le
succès de son roman va faire de ce personnage fictif un symbole de la
Suisse à l'étranger en véhiculant une image idéalisée de la Suisse, celle
des montagnes et du monde agricole. En 1997, la région de Walenstadt
(SG) se proclame Heidiland et la petite ville de Maienfeld (GR) propose le
« village de Heidi ».
140
Construire l’identité de la Suisse moderne
La montagne et la publicité 37
Avec le succès touristique, l'image de la Suisse devient indis-
sociable de la montagne. Celle-ci est rapidement associée
aux produits suisses, comme le chocolat au lait.
38 39
40
stré de
du Journal officiel illu rant
Cinquante numéros iss e so nt éd ités du
le su
l’Exposition nationa Le dernier
dent l’événement.
les mois qui précè : « No s lecteurs
par ces mots
numéro se termine l [… ] a fid èleme nt rempli
rna
pourront dire si le Jou retracé avec conscience
s’il a
son programme et tation na-
la grande manifes
[…] le tableau de nn é la pre uv e nouvelle
e a do
tionale où la Suiss de so n es prit de
travail et
de sa puissance de
solidarité ».
rédacteur général
Alexandre Gavard,
de l’exposition.
141
9
La Croix-Rouge
En 1859, Henry Dunant, un homme d'affaires genevois en voyage en 41
Italie, est témoin de la bataille de Solferino et des conditions terribles
dans lesquelles sont laissés les soldats blessés ; il leur porte les pre-
miers secours. De retour à Genève, il décide de fonder, en 1863, avec
quatre autres Genevois (Gustave Moynier, les docteurs Appia et Maunoir,
et le général Dufour), le Comité international de secours aux militaires
blessés, qui devient, en 1876, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR). En août
1864, une première conventionH est signée à Genève par quatorze États européens : c'est
le début du droit humanitaire international.
43
142
Construire l’identité de la Suisse moderne
45
La guerre franco-allemande est le pre-
mier grand conflit armé avec lequel est
confrontée la jeune organisation. Dans
cette épreuve du feu, la Croix-Rouge fait
un pas de géant. […] Dès le début de la
guerre, le général suisse Hans Herzog
appelle les médecins militaires suisses
et les autorise à soutenir les soldats. En
1870, 146 médecins et 40 étudiants en
médecine participent à cette mission. Le
Conseil fédéral encourage cette action « Le réconfort apporté aux soldats français épuisés, par
tout en veillant à ce que les médecins la population suisse lors de leur arrivée aux Verrières (NE) »,
détail du Panorama Bourbaki, installation, Lucerne, 1881.
interviennent pour les deux parties bel-
ligérantes.
Adapté de bourbakipanorama.ch
47
« Pendant plusieurs jours, il y eut beaucoup plus de Français en
ville que d’habitants. Nos autorités civiles et militaires étaient
débordées. […] Les hommes valides étaient dirigés sur la Suisse
allemande où on les cantonnait ; les nombreux malades restaient
à Neuchâtel. »
« Souvenirs de Magdeleine de Perregaux (1838-1919), née Montmollin »,
1871-1971 : centenaire de l’armée du général Bourbaki en Suisse, 1971.
48
ses soldats, la
Au retour de
urse à la Suisse
France rembo
,1 millions de
la somme de 12
francs.
143
10
MER
TUNISIE MÉDITERRANÉE
ALGÉRIE
Gorée
SÉNÉGAL
A F R I Q U E
GUINÉE ÉTHIOPIE
SIERRA LEONE
DAHOMEY
CÔTE (BÉNIN) NIGERIA
LIBERIA D’IVOIRE
GHANA
KENYA
CONGO ZANZIBAR
Brazzaville TANGANYIKA
(TANZANIE)
MOZAMBIQUE
ZAMBIE
Règne de Victoria
Du XVIe au XVIIIe siècle, premiers empires coloniaux en Amérique et comptoirs en Afrique et en Asie
144
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– identifier les arguments des Européens pour justifier
la colonisation ;
– identifier les acteurs de la colonisation et du commerce triangulaire ;
– déterminer les principales caractéristiques du système colonial ;
– comparer le regard que les colons et les colonisés portent
les uns sur les autres.
Les Mascareignes
1896
Village nègre 1931 1958
1884 -1885 à l’Exposition Dernière Exposition Village congolais à
Conférence nationale suisse coloniale internationale l’Exposition universelle
de Berlin à Genève à Paris de Bruxelles
égénération
Indépendance de la plupart
des pays africains
1900 1950
1895
1884 Création de 1910 1914-1918
Conquête l’Afrique occiden- Création de Troupes coloniales
du Togo et du tale française. l’Afrique lors de la Première
Cameroun par équatoriale Guerre mondiale
l’Allemagne Protectorat britan- française
nique au Kenya
145
10
146
Regards sur la colonisation :
l’exemple de l’Afrique
À la fin du XVIIIe siècle, le système colonial européen en vigueur depuis deux siècles
connaît une importante crise dont les causes sont multiples. Les treize coloniesH britan-
niques d’Amérique du Nord proclament leur indépendance et deviennent les États-Unis
en 1783, ce qui marque un tournant décisif. En 1826, l’Espagne perd toutes ses colonies
d’Amérique du Sud et le Brésil gagne son indépendance vis-à-vis du Portugal.
À partir de 1870, les ÉtatsH européens, Grande-Bretagne et France en tête, cherchent de
nouveaux débouchés économiques et des matières premières à exploiter. De ce fait, leur
appétit de conquête s’intensifie et les regards se tournent vers l’Asie et l’Afrique. Agrandir
son empire colonialH est alors un signe de puissance économique, mais aussi politiqueH,
militaire et culturelleH. Cette politique d’expansion territoriale, appelée « impérialisme »,
se traduit par une volonté de domination non seulement sur des territoires et leurs res-
sources, mais aussi sur les populations qui y vivent. Elle repose aussi sur une conviction :
les valeurs de la civilisation européenne doivent être diffusées. Malgré ces caractéristiques
communes, les situations coloniales sont différentes d’une région à l’autre et les rapports
entretenus entre colonisateurs et colonisés complexes.
Empire russe
Empire
ottoman
Grande Bretagne
France
Italie
Allemagne
Belgique
Pays-Bas
Portugal
Les empires coloniaux au début du XXe siècle Espagne
États-Unis
Empire russe Japon
Pays sans domina-
tion coloniale
Empire
ottoman
147
10
L’esclavage
Pratiqué depuis l’Antiquité, l’esclavageH à grande échelle n’est pas propre à la période coloniale. Toutefois,
les anciennes colonies d’Amérique et les empires coloniaux du XIXe siècle n’ont pu fonctionner que grâce aux
esclaves africains, une main-d’œuvre abondante et bon marché.
Le système qui s’est mis en place dès le XVIe siècle une main-d’œuvre très importante. Les colons euro-
connaît, aux XVIIIe et XIXe siècles, une ampleur sans péens et les populations locales n’étant pas en nombre
précédent. Deux TRAITES ont coexisté : une traite suffisant, on se tourne vers l’Afrique. La traite atlantique
atlantique dirigeant les esclaves vers l’Amérique et s’intègre dans un vaste système d’échanges nommé
une traite orientale conduisant les esclaves vers les « commerce triangulaire ».
empires musulmansH. Les immenses plantations du
Nouveau-Monde (Amériques et Caraïbes) nécessitent
TRAITE
Commerce ou trafic
1 La traite atlantique régulier dans lequel
des captifs sont consi-
OCÉAN
ATLANTIQUE
dérés comme de la
NORD marchandise.
OCÉAN
INDIEN
3
Les bâtiments [des trois armateurs vaudois] appareillent de
Marseille vers Mascareignes. Là, ils vendent leur cargaison [vin,
tabac, pommades, tissus, etc.] avant de s’approvisionner en
esclaves au Mozambique. Lors d’une escale au Cap, le navire Ville
de Lausanne arrive avec 550 noirs, le Pays de Vaud lui succède avec
485 esclaves. Ces captifs seront vendus aux Antilles. De ces îles,
les navires ramènent café, cacao et sucre en Europe.
Adapté de Olivier Pavillon, « Un commerce maritime
à capitaux suisses », revue Passé simple, 2019.
148
Regards sur la colonisation : l’exemple de l’Afrique
5
Un marchand me vendit […] pour 172 coquillages […] à une riche veuve. […] Six ou sept
mois après ma capture, j’arrivai à la côte maritime. […]. L’étroitesse de l’endroit ainsi
que la chaleur du climat, ajoutées aux passagers du bateau qui était tant encombré de
monde que chacun avait à peine l’espace pour se retourner, nous étouffaient presque.
[…]. Un jour, deux de mes compatriotes enchaînés l’un à l’autre, préférant la mort à
une telle vie de misère, passèrent à travers les filets et sautèrent à la mer.
Adapté de Olaudah Equiano ou Gustavus Vassa l’Africain,
La passionnante autobiographie d’un esclave affranchi, 1789.
7
Un sujet qui fait débat
Les bénéfices de l’esclavage sont tels qu’il semble, à l’époque, impos-
sible de le remettre en cause. Au mieux cherche-t-on à limiter les abus.
Au XVIIIe siècle, des abolitionnistes, proches des penseurs des Lumières,
commencent à dénoncer l’esclavage.
6
On dit, pour excuser l'esclavage des Nègres achetés en Afrique, que
ces malheureux sont ou des criminels condamnés au dernier supplice,
ou des prisonniers de guerre, qui seraient mis à mort s'ils n'étaient
pas achetés par les Européens.
D'après ce raisonnement, quelques écrivains nous présentent la traite
des Nègres comme étant presque un acte d'humanité. Mais […] en
supposant qu'on sauve la vie des Nègres qu'on achète, on ne com-
met pas moins un crime en l'achetant, si c'est pour le revendre ou le
réduire en esclavage.
Adapté de Nicolas de Condorcet,
Réflexions sur l’esclavage des Nègres, 1781.
À la conquête de l’Afrique
Les puissances européennes se réunissent à Berlin, de novembre 1884 à février 1885, afin de discuter des
conditions de la colonisation de l’Afrique et d’atténuer les rivalités. Le règlement adopté assure la liberté de
commerce et de navigation dans certaines zones, définit les conditions nécessaires pour revendiquer l’occupa-
tion de nouveaux territoires, reconnaît des droitsH aux populations locales et interdit l’esclavage.
Forts de ces quelques règles, les États européens l’Allemagne. Dans les faits, l’établissement des nou-
poursuivent leur course aux territoires dans un esprit velles frontières n’est pas aisé ; elles sont souvent
de concurrenceH marqué. De nombreux traitésH sont fixées en fonction de données géographiques, en ne
signés pour délimiter les frontières des colonies. La tenant que très partiellement compte des anciennes
Grande-Bretagne en signe cent quarante-neuf avec limites établies par les populations locales. Certaines
la France, trente avec le Portugal, vingt-cinq avec de ces frontières posent encore problème de nos jours.
9 10
Article 6
Toutes les Puissances exerçant des droits de souverainetéH ou
une influence dans lesdits territoires s’engagent à veiller à la
conservation des populations indigènesH et à l’amélioration
de leurs conditions morales et matérielles d’existence […].
La liberté de conscience et la tolérance religieuse sont expres-
sément garanties aux indigènes comme aux nationaux et aux
étrangers.
Acte général de la Conférence africaine signée à Berlin, 26 février 1885.
12
« La première forme de la colonisation, c’est celle qui offre un
asileH et du travail au surcroît de population des pays pauvres
ou de ceux qui renferment une population exubérante. [...]
Mais il y a une autre forme de colonisation, c’est celle qui
s’adapte aux peuplesH qui ont, ou bien un excédent de capi-
taux, ou bien un excédent de produits. [...] Les colonies sont
pour les pays riches un placement de capitaux des plus avan-
tageux.[...] Dans la crise que traversent toutes les industries
européennes, la fondation d’une colonie, c’est la création d’un
débouché. [...]
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire
ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit
vis-à-vis des races inférieures [...] parce qu’il y a un devoir pour
« La délimitation des nouvelles frontières franco-
allemandes au Congo : les commissaires français elles. Elles ont un devoir de civiliser les races inférieures. »
et allemand opérant dans la forêt marécageuse Jules Ferry, « Les fondements de la politique coloniale »,
de la vallée de la Lobaye », illustration tirée de discours à l’Assemblée nationale, Paris, 28 juillet 1885.
Le Petit Journal, France, 1913.
150
Regards sur la colonisation : l’exemple de l’Afrique
13
Les réactions locales
Les États européens conquièrent des territoires habités
par des populations locales déjà organisées politique-
ment. Si certains souverains locaux collaborent avec les
colonisateurs, qui leur assurent souvent une protection
face à des tribus rivales, d’autres refusent cette ingé-
rence. Tout au long de la période coloniale, les mou-
vements de résistance prennent différentes formes :
combat armé, refus de se soumettre aux règles colo-
niales, attitude d’opposition aux colonisateurs. Certains
conflits durent des décennies, mais la supériorité de
l’équipement militaire des Européens l’emporte.
« Combat de Dogba entre le corps expéditionnaire
du général Dodds et les troupes du roi Behanzin »,
Dahomey (actuel Bénin) », gravure, 1892.
14
Pendant la visite que me firent les chefs chez (le roi) Makoko, je leur expliquai que le but
que se proposaient les Blancs en établissant des villages était de tenir ouvertes les routes
par lesquelles les marchandises viendraient dans le pays. Et il fallait que ces villages fussent
situés au bord des rivières parce que les Blancs allaient venir avec des pirogues marchant
avec le feu. [...] Je fis à Makoko présent de dix-huit brasses de bonne étoffe, de glaces et
d’un collier [...]. Makoko se montra satisfait et il me donna, à son tour, cinquante brasses
d’étoffe européenne et trois cents pièces d’étoffe du pays. […] Puis se tournant vers moi, il
me dit : « Tu es venu ici nous apporter des paroles amies, tu as vécu parmi nous et tu nous
as fait oublier tout ce que nous avions entendu des Blancs : aussi ceux qui viendront après
toi seront les bienvenus et pourront s’établir dans le pays s’ils le désirent. »
Adapté de Henri Brunschwig, historien français, « Correspondance
de Brazza », Brazza, l’explorateur, Paris-La Haye, 1972.
L’administration coloniale
Une administrationH coloniale se met en place. En théorie, deux modèles existent : selon le modèle français, les
populations locales devraient progressivement être intégrées à la population de la métropole. Celle-ci gère donc
directement la colonie. Selon le modèle britannique, les populations locales devraient apprendre à se gouver-
nerH comme les Européens, la métropole laisse en place les pouvoirs locaux mais les encadre. Dans la pratique,
ces modèles sont rarement appliqués tels quels. Les situations sont très
15 diverses selon les pays mais, quel que soit le type d’administration, les
populations colonisées sont soumises aux loisH établies par les coloni-
sateurs et ne disposent pas, en règle générale, de droits politiques. Les
colonisateurs ne sont toutefois pas présents sur l’ensemble du territoire.
Dans certaines zones reculées, leur venue est même exceptionnelle.
Les chefs locaux conservent alors le pouvoir.
16
151
10
L’attrait de l’Afrique
L’intérêt pour l’Afrique a précédé les ambitions des responsables politiques. Explorateurs, scientifiques,
missionnairesH, militaires, artistes sont attirés par ces régions encore inconnues et les populations qui y vivent.
Les récits et relevés cartographiques, décrivant les se côtoient : l’une affirmant un devoir de transmettre
ressources des régions explorées, ouvrent la voie le progrès, les droits de l’homme et les valeurs chré-
aux militaires et aux commerçants. Tous contribuent, tiennes ; l’autre soutenant que les peuples colonisés
sous diverses formes, à légitimer l’idée que l’Europe doivent être éduqués afin de servir la métropole.
détient une « mission civilisatrice ». Deux conceptions
19
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Notes cartographiques tirées du journal de voyage de David la peur mais pe oi » dit Rudyard
qu
Livingstone, 1868. Cette carte dessinée correspond à la Zambie su découvrir de
actuelle. Kiplin g.
20
Il ne suffit pas pour prêcher l’Évangile […] de se promener avec une bibleH sous le bras.
On doit chercher surtout à créer des relations commerciales […] afin d’amener les tribus
à sentir qu’elles ont tout à gagner à n’avoir que de bons rapports entre elles. […] Les suc-
cès commerciaux qu’on pourrait obtenir […] répandraient avec le temps les avantages de
la civilisation, sur une bien plus vaste échelle que les efforts exclusivement religieux et
intellectuels […]. Il faudrait toutefois s’occuper également de l’instruction des indigènes
[…] : car la civilisation et le christianismeH ne peuvent pas se propager l’un sans l’autre ;
en fait ils sont inséparables.
Adapté de David Livingstone, médecin, missionnaire et explorateur écossais, Explorations
dans l’intérieur de l’Afrique australe et voyages à travers le continent de 1840 à 1856, 1877.
152
Regards sur la colonisation : l’exemple de l’Afrique
21
Si l’œuvre scientifique du père Bittremieux est importante, son
influence morale le fut plus encore car les Européens puiseront
dans ses œuvres une connaissance des Noirs et une grande
sympathie pour eux. Les Congolais verront conservées et codi-
fiées par le père Bittremieux les données éparses de leurs cou-
tumesH et même de leur langue.
Adapté de Biographie coloniale belge,
Académie royale des sciences coloniales, 1958.
24
Dans un premier temps, l’éducation est laissée aux missionnaires des ordres religieux.
Ensuite, la nécessité de former les populations pour pouvoir servir l’État colonial s’impose.
Dans les colonies françaises, l’enseignement du français est une priorité. Des sous-officiers,
militaires européens ou indigènes deviennent instituteurs.
25
« Pour transformer les peuples primitifs de nos colonies, pour les rendre le plus possible
dévoués à notre cause et utiles à nos entreprises, nous n’avons à notre disposition qu’un
nombre très limité de moyens et le moyen le plus sûr, c’est de prendre l’indigène dès
l’enfance, d’obtenir de lui qu’il nous fréquente assidûment et qu’il subisse nos habitudes
intellectuelles et morales pendant plusieurs années ; en un mot, de lui ouvrir des écoles
où son esprit se forme à nos intentions. »
Georges Hardy, inspecteur des écoles en Afrique-Occidentale Française (AOF), 1917.
153
10
26
27
« J’étais hier dans l’East-End (quartier ouvrier 28 VICTORIA (1819-1901)
de Londres), et j’ai assisté à une réunion de
personnes sans travail. J’y ai entendu des Reine du Royaume-Uni de
discours forcenés. Ce n’était qu’un cri. Du Grande-Bretagne et d’Irlande
pain ! Du pain ! […] Je me sentis encore plus (dès 1837), reine du Canada
convaincu qu’avant de l’importance de l’impé- (dès 1867), ainsi qu’impéra-
rialisme […] pour sauver les quarante millions trice des Indes (dès 1876) et reine
d’habitants du Royaume-Uni d’une guerre d’Australie (dès 1901). L’époque victorienne
civile meurtrière. Nous, les colonisateurs, marque une période de profonds change-
devons conquérir des terres nouvelles afin d’y ments au Royaume-Uni et une rapide expan-
installer l’excédent de notre population, d’y sion de l’Empire britannique.
trouver de nouveaux débouchés pour les pro-
duits de nos fabriques et de nos mines. »
Cécil Rhodes, premier ministre du Cap (Afrique
du Sud), extrait du journal Neue Zeit, 1898. IMPÉRIALISME : politique d’un État qui
cherche à étendre sa domination sur
d’autres peuples ou d’autres territoires.
154
Regards sur la colonisation : l’exemple de l’Afrique
29 30
« [Mon mari] emploie six Blancs à la ferme […] ; il « Les natives [indigènes] sont ma principale
y avait quelque chose de touchant à voir ces gens source d’intérêt ici ; mais je crois que je suis à
sans foyer et sans famille, dont plusieurs sont cer- peu près la seule dans la région à être vraiment
tainement ici depuis bien longtemps, faire l’im- dans ce cas. Sur ce point, les Anglais sont étran-
possible pour me faire la fête. » gement bornés ; ils n’auraient jamais l’idée de les
Karen Blixen (1885-1962), exploitante de plantation, considérer comme des êtres humains. […] Les
Lettres d’Afrique, lettre écrite le 20 janvier 1914 indigènes, qui sont à bien des égards plus intel-
à son arrivée au Kenya. ligents qu’eux, en profitent mais il ne peut s’ins-
taurer aucune compréhension ni collaboration. »
Karen Blixen, Lettres d’Afrique,
lettre écrite le 1er avril 1914.
31
32
33
34
20 mai 1905. [...] Nous visitons un poste où 275
Noirs arrachent des herbes à caoutchouc d’où l’on
extrait le précieux latex. Ces travailleurs, dits volon-
taires, ont été amenés [...] à ce poste, sans savoir
où ils allaient, sans savoir quel travail ils allaient
entreprendre. Ils se plaignent du travail, trop dur,
de la nourriture, insuffisante [...]. Leurs livrets [de
Travaux forcés en Guinée pour la construction du travail] renferment cette mention : « Le contrat
chemin de fer entre Conakry et Kankan, photo- sera résilié sans aucune indemnité de résiliation,
graphie prise par le gouvernement français, carte
postale, vers 1904.
lorsque, pour un motif quelconque, le travailleur
ne rendra plus de services à la compagnie. » Avis
à ceux qui se blesseraient ou qui tomberaient
malades au service de la généreuse société !
Adapté de Félicien Challaye, philosophe et journaliste fran-
çais, Souvenirs sur la colonisation, 1935. Il a accompagné
Savorgnan de Brazza lors de son enquête en 1905.
155
10
La représentation de l’Autre
Les récits des explorateurs, qui allient exotisme et bravoure, rencontrent un vif succès et contribuent à forger
des images stéréotypées des contrées lointaines. Les populations locales y sont dépeintes soit comme des êtres
primitifs et violents soit, au contraire, comme de « bons sauvages », simples et naïfs.
Dès les premières expéditions du XVIe siècle, la coloni- Ces théories présentent les Européens comme une race
sation attire toutes sortes de voyageurs, de géographes, supérieure, ayant de ce fait des droits envers des races
de naturalistes et d’anthropologues qui s’activent à dites inférieures, et quelques devoirs, dont celui de les
découvrir le monde. Au XIXe siècle en particulier, ils amener à la CIVILISATION. Cette justification pseudo-
rêvent de percer les énigmes des régions encore inex- scientifique, contestée, débouche sur de nombreux
plorées, d’être les premiers à les parcourir et d’en dres- excès.
ser le relevé cartographique. Le regard européen est
influencé par certains ouvrages qu’à l’époque on consi-
dère comme scientifiques. Ceux-ci classent l’humanité CIVILISATION
en différentes racesH, chose choquante aujourd’hui. Ensemble des valeurs
(intellectuelles, spirituelles,
35 artistiques), des connais-
sances scientifiques et des
réalisations techniques qui
caractérisent une société
à un moment de
son histoire.
36
« La nature a fait une race d’ouvriers. C’est la race chinoise
d’une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun
sentiment d’honneur ; gouvernez-la avec justice, elle sera
satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c’est le Nègre :
soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l’ordre ; une
race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. Que
chacun fasse ce pour quoi il est fait et tout ira bien. »
Ernest Renan, La Réforme intellectuelle et morale, Paris, 1871.
37
« Les anthropologistes après avoir divisé les types humains
en trois groupes […] ont unanimement admis la doctrine
de l'inégalité morale et intellectuelle de ces divers groupes.
En vain cherche-t-on dans la plupart de leurs ouvrages une
[explication] sur une question aussi grave. On ne la rencontre
nulle part. Pourtant, ils raisonnent généralement comme s'il
s'agissait d'un fait si bien démontré qu'il n'y eût nulle néces-
sité de lui chercher un fondement scientifique. »
Anténor Firmin, homme politique et intellectuel haïtien,
De l’égalité des races humaines (Anthropologie positive), Paris, 1885.
« L’échelle des races humaines et de leurs
parents inférieurs », illustration tirée de Josiah
Nott et George Gliddon, anthropologues améri-
cains, Types of Mankind, 1854.
En déformant volontairement les illustrations,
38
les Noirs y sont présentés comme une espèce « Le christianisme, la science, le commerce peuvent transfor-
intermédiaire entre l’homme et le chimpanzé.
mer leur état social. On ne saurait croire avec quelle facilité
le Nègre, même le plus dégradé et le plus abruti en appa-
rence, s’assimile à notre civilisation. Instruisez-le, éduquez-le
et vous verrez quels progrès étonnants il fera dans les arts,
dans les lettres et dans les sciences. Annoncez-lui l’évan-
gile des droits de l’homme : il fondera au bout de quelques
années des États florissants et stables. »
Abbé Charles Raemy, « L’Afrique d’après les explorations
ANTHROPOLOGISTE, ANTHROPOLOGUE : modernes », conférence donnée à Fribourg en 1882.
spécialiste qui étudie l’être humain
et ses comportements en société.
156
Regards sur la colonisation : l’exemple de l’Afrique
39
« [...] Races supérieures ? Races inférieures, c’est bientôt dit ! Pour ma part,
j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démon-
trer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-
allemande parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand.
Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner
vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civili-
sation inférieurs. »
Georges Clémenceau, homme politique français, « La colonisation est-elle
un devoir de civilisation ? », discours à la Chambre des députés, le 31 juillet 1885.
Un spectacle exotique
Au XIXe siècle, dans les pays colonisateurs mais aussi ailleurs, notamment en Suisse, des
expositions coloniales vantent le rôle civilisateur des colons. Elles mettent en scène les
richesses naturelles des régions soumises.
Dans de vastes reconstitutions de villages 40 41
exotiques, hommes, femmes et enfants
amenés d’Afrique et d’Asie sont exhibés.
Attirant partout un public nombreux et
curieux, elles constituent souvent la pre-
mière rencontre avec l’Autre. On assiste
aussi à la naissance d’une imagerie popu-
laire et caricaturale, notamment au travers
de la publicité.
42 43
« C’est par une grande audace du goût que l’on
est venu à considérer ces idoles nègres comme
de véritables œuvres d’art. Le présent album
aidera à reconnaître […] qu’on se trouve ici en
présence de réalisations esthétiques auxquelles
leur anonymat n’enlève rien de leur ardeur,
de leur grandeur, de leur véritable et simple
beauté. »
Guillaume Apollinaire, poète et critique
d’art français, préface de Sculptures nègres.
À propos de l’art des noirs, 1917.
157
10
44
« Certaines personnes sages se sont réunies pour se concerter sur ce
qu’il fallait faire à propos de l’installation des Blancs dans le pays. Tous
étaient d’accord que les Blancs ne pouvaient pas rester et demeurer ici.
45
Car les Blancs n’étaient que des hommes morts qui, il y a très longtemps,
vivaient dans nos forêts. Mais, à leur mort, ils sont allés au lieu où sont
les morts, où ils ont changé de peau (comme le font certains serpents)
pour recevoir des corps blancs. »
« Les souvenirs de Yosefi Ndibu, moniteur à Kingoyi, 1928 »,
La Mémoire du Congo. Le temps colonial, 2005.
46
« Le soleil du désastre s’est levé à l’Occident,
Embrassant les hommes et les terres peuplées
[…]
La calamité chrétienne s’est abattue sur nous
Comme un nuage de poussière.
Au commencement, ils arrivèrent
Statuette de colon
Pacifiquement, avec chicotte (fouet),
Avec des propos tendres et suaves. Côte d’Ivoire, bois,
début du XXe siècle.
Nous venons commercer, disaient-ils,
Réformer les croyances des hommes,
Chasser d’ici-bas l’oppression et le vol, 47
Vaincre et balayer la corruptionH. Si le mzungu peut être admiré, il reste […] un
Nous n’avons pas tous perçu leurs intentions « animal étrange », dont il est parfois difficile de
Et maintenant nous voilà leurs inférieurs. cerner les agissements et les motivations. Sou-
Ils nous ont séduits à coups de petits cadeaux vent pressé, il se met rapidement en colère, c’est
l’homme du sasa hivi (tout de suite, maintenant !)
Ils nous ont nourris de bonnes choses. […]. L’organisme du mzungu étant moins adapté
Mais ils viennent de changer de ton. » au continent africain, il est souvent malade, ce
El Hajj’ Ommar, poète du nord du Ghana, vers 1875, qui nécessite parfois de le transporter en litière.
cité par Jacques Bouillon, Le XIXe siècle et ses racines, 1981. Il arrive même qu’il décède en route. Le courage
[…] n’est pas toujours au rendez‑vous. Passionné
de chasse, l’Européen‑type rentre souvent bre-
douille, quand il ne préfère pas, devant le danger,
prendre les jambes à son cou : « Feu ! Les buffles
ont alors chargé, se précipitant vers nous. Voyant
cela, le Docteur Röver jeta son fusil et se réfugia
dans un arbre. »
Adapté de Nicole Carré, De la côte aux confins.
Récits de voyageurs swahilis, 2014.
MZUNGU : en swahili, désigne
l’homme blanc, mot formé à partir
des mots « étrange » et « vertige ».
158
Regards sur la colonisation : l’exemple de l’Afrique
Les récits de voyage de Selim bin Abakari font partie des rares témoignages d’Africains
découvrant le monde occidental. Cet homme éduqué, né dans une famille fortunée de
Zanzibar, est durant douze ans le serviteur attitré d’un officier allemand. Avec lui, il parti-
cipe, à la fin du XIXe siècle, à l’exploration et à la conquête de territoires africains. Il voyage
également en Europe, puis en Russie et en Asie centrale.
48
a) Pour ce qui est du caractère, les b) À Samara (Russie), les gens c) Durant ce trajet en Sibérie, les
Russes sont plus frustes que les étaient saisis de voir un homme gens, lorsqu’il voyait mon maître,
autres Blancs, qui sont travailleurs, noir. Ils disaient que j’étais le pre- le saluaient, mais jamais autant
éduqués et disciplinés. À mon avis, mier qu’ils voyaient. Je suis parti que moi. Ils me saluaient comme
les Russes sont bien des Blancs, me promener et ils fuyaient à mon si j’étais un roi, parce qu’ils
mais ils sont largement à la traîne approche, pensant que c’était le voyaient mon maître blanc comme
de leurs voisins. […] Les gens n’ont diable lui-même qui était descendu eux, alors qu’ils n’avaient jamais
aucun goût pour l’étude, en cela, par chez eux ! vu un Noir comme moi. Et de fait,
ils ressemblent à des broussards ! ils pensaient que cette expédition
Et cela ne résulte pour moi que de était la mienne.
la paresse.
Adapté de Selim bin Abakari, « Mon voyage en Russie et en Sibérie, que je fis en compagnie de mon maître
le docteur Bumiller », tiré de Nicole Carré, De la Côte aux confins. Récits de voyageurs swahilis, 2014.
49
La critique africaine sur la colonisation se fait largement entendre dès la première moitié
du XXe siècle.
50
J’entends la tempête. On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de
niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes,
des cultures piétinées, d’institutionsH minées, de terres confisquées, de religions assassinées,
de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées.
On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de
chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux
qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de mil-
lions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à
la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe
d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir [...].
On m’en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d’hectares d’oliviers
ou de vignes plantés. Moi, je parle d’économiesH naturelles, d’économies harmonieuses et
viables, d’économies à la mesure de l’homme indigène désorganisées, de cultures vivrières
détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul
bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières.
Adapté de Aimé Césaire, poète et homme politique
martiniquais, Discours sur le colonialisme, essai, 1950. FRUSTE : grossier,
qui manque de
délicatesse.
159
11
L’HYGIÈNE, DE L’ANTIQUITÉ
À NOS JOURS
1
« Les Commande-
ments de la santé »,
Comité national
de défense contre
la tuberculose,
buvard publicitaire,
vers 1955.
160
APPRENTISSAGES VISÉS
EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À :
– expliquer la notion d’hygiène et son évolution en lien avec
les découvertes scientifiques ;
– décrire les pratiques liées à l’hygiène (privée et publique)
à différentes époques ;
– décrire les politiques mises en place pour favoriser la santé ;
– décrire l’influence de l’hygiène sur l’habitat et les villes
à différentes époques.
161
11
Restitution des bains de Nasium, ville Latrines romaines à Ostie, port de la Rome
de la Gaule romaine dans la Meuse (F), antique situé à l’embouchure du Tibre (I),
fin du Ier siècle av. J.-C. IVe siècle av. J.-C.
GYMNASE : ensemble d’équipements sportifs Hammam construit par Ali Gholi Agha,
dont dispose chaque cité grecque. Ispahan (Iran), 1713.
162
L’hygiène, de l’Antiquité à nos jours
Moyen Âge 6
En Europe, durant les derniers siècles du Moyen Âge
comme durant l’Antiquité, l’hygiène est un art de vivre :
on se lave pour être propre, mais aussi pour prendre
du bon temps. On se rend aux étuves, bains publics
mixtes où l’on se baigne nu. À la fin du XVe siècle, les
bains publics acquièrent mauvaise réputation et fer-
ment peu à peu. On les accuse d’être des foyers de
transmission de maladies (peste, syphilis). L’ÉgliseH voit
aussi ces lieux de plaisir d’un mauvais œil. Il n’existe
pas de système d’égouts. L’eau est puisée à la fontaine,
à la rivière ou amenée par des porteurs d’eau.
e
soit remis « Scène d’étuve », enluminure tirée de
la m o d e des bains is é s. Il s
Il semble
que r les Cro Valère Maxime, Faits et Dits mémorables,
e u r e n O ccident pa ment l’Empire vers 1475-1480.
à l’honn merveille e
vert avec é s d’hygièn
ont décou ent et ses habitude yant pris
ri .A
romain d’O l’Antiquité romaine ortent en
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héritées d xation du bain, ils ra e.
t à la re la e b ie n -ê tr
goû ed
tte pratiqu
Occident ce
7
« Il faut un cuveau où l’on fait la lessive et où de
temps en temps on peut prendre un bain d’eau
très chaude. »
Marie-Thérèse Lorcin, « Des paysans retrouvés :
les vilains du XIIIe siècle d’après quelques textes
en langue d’oïl », Cahiers d’histoire, 2000.
163
11
10
« Bains et étuves et leurs séquelles, qui échauffent le
corps et les humeurs, qui débilitent nature et ouvrent
les pores, sont cause de mort et de maladie. »
Thomas Le Forestier, médecin, Le Régime
contre épidémie et pestilence, 1495.
11
« Le bain, hors l’usage de la médecine en une pres-
sante nécessité, est non seulement superflu mais très
Robert Bonnart, « Dame de qualité à sa
dommageable aux hommes. Le bain extermine le corps toilette », gravure sur bois, XVIIe siècle.
et, le remplissant, le rend susceptible de l’impression
des mauvaises qualités de l’air. Les corps plus lâches
sont les plus maladifs et de plus courte vie que les 12
fermes. Le bain emplit la tête des vapeurs… Il tue le
« Les enfants nettoient leur face et leurs
fruit dans le ventre des mères, même lorsqu’il est
yeux avec un linge blanc, cela décrasse
chaud. »
et laisse le teint et la couleur dans la
Théophraste et Eusèbe Renaudot, médecins, constitution naturelle. Se laver avec de
Recueil général des questions traitées es
conférences du Bureau d’adresses, 1655. l’eau nuit à la vue, engendre des maux de
dents et des catarrhes, appâlit le visage et
le rend plus susceptible de froid en hiver
et de hasle en été. »
13 « La Civilité nouvelle contenant la vraye et parfaite
instruction de la jeunesse, pour apprendre à prier
« Une bonne chemise de toile changée tous les jours Dieu, les bonnes mœurs, à bien lire et écrire
vaut, à mon avis, le bain quotidien des Romains. » l’orthographe [sic], et généralement ce que la
jeunesse doit sçavoir pour pratiquer la vertu et
Martin Lister, médecin, A Journey to Paris In the Year 1698 éviter les vices », anonyme, 1671.
(Un voyage à Paris durant l’année 1698).
Les plus démunis, à la ville comme à la campagne, se lavent dans un seau d’eau froide
ou chaude, ou se baignent dans les rivières et fontaines. Ils ne peuvent s’offrir du savon.
Alors ils utilisent une plante, la saponaire, qui mousse lorsqu’on la frotte sous l’eau et
permet de nettoyer la peau.
HUMEURS : composant liquide du corps humain. CATARRHE : terme médical ancien, qui
correspond ici à rhume ou grippe.
DÉBILITER : diminuer les forces physiques.
HASLE (HÂLE) : bronzage.
OUVRIR LES PORES : on pensait que, lors d’un bain, la peau se
détendait, libérant ainsi des espaces entre les pores ; on craignait
que l’eau sale ne rentre dans le corps ou que du liquide corporel ne
passe dans l’eau et n’affaiblisse l’organisme.
164
L’hygiène, de l’Antiquité à nos jours
15
« Le peupleH sale est une menace, c’est de lui que viennent
les épidémies, sa maladie coûte cher à la communauté. Il vit
mal, il travaille mal, il se laisse aller. Propre, il gêne moins, de
plus il est domestiqué. C’est pour la classeH laborieuse que Octave Tassaert, « Les Préludes de la toi-
l’on construit des logements simples mais salubres, que l’on lette : le verrou », lithographie illustrant
ouvre des bains publics. » le besoin d’intimité, XIXe siècle.
16 17
« L’individu qui s’est lavé, qui s’est
débarbouillé, marche d’un pas alerte,
le visage frais, l’esprit dispos, il peut
très réellement produire mieux et plus
vite. »
« La toilette du matin », Le Conteur Vaudois,
29 avril 1893.
18
« Le degré de bien-être, le degré de
civilisationH et aussi le degré de santé
d’une ville se mesurent à la quantité
d’eau consommée par habitant. Cette
consommation doit être poussée
dans les classes moyennes et dans
Alfred Stevens, Le Bain, dit aussi La Femme
les classes ouvrières. »
au bain, huile sur toile, 1874. « Eaux, force, lumière », rapport de
la commission au Conseil communal
de Lausanne, 1897.
PROMISCUITÉ : fait de vivre dans un espace petit, très restreint
et donc pas adapté au nombre de personnes qui y vivent.
MALADIE INFECTIEUSE : maladie provoquée par la transmission d’un
micro-organisme : virus, bactérie, parasite, champignon, protozoaire.
165
11
19 20
« Pour être propre, on se lavera, une ou deux fois par jour au moins,
les parties découvertes, mains, visage, cou, plus accessibles que les
autres aux souillures extérieures, ainsi que les pieds et les régions
péri-anale et génitale ; tous les huit jours au minimum, on prendra
un bain complet. »
Dr J. Weill-Mantou, Hygiène à l’usage des
écoles normales primaires, Paris, 1906.
21
22
« Se lever tôt. Au saut du lit, faire rapidement un lavage froid de tout le
corps, suivi de cinq à dix minutes de gymnastique. Faire soigneusement
la toilette de ses ongles, et de ses cheveux. Mettre sa literie à l’air avant
de quitter sa chambre. Profiter de chaque occasion, tout le long du jour,
pour faire quelque bonne marche et respirer du bon air. Prendre ses Raymond Tournon, « La salle de bain
repas régulièrement en évitant de grignoter entre deux des sucreries idéale », affiche publicitaire, Paris,
malsaines. Se coucher tôt, après s’être soigneusement brossé les dents 1901. À cette époque, le salaire
et avoir changé de chemise. Laisser sa fenêtre ouverte pendant la nuit. » d’un ouvrier était de 5 frs par jour.
Fanny-Marie Grand, Chez nous, manuel d’éducation ménagère dédié aux jeunes
filles des écoles primaires et des écoles ménagères, Lausanne, 1933.
23 24
Les Japonais, jusqu’au milieu du XIXe siècle,
n’ont pas souffert des diverses maladies épidé-
miques connues en Europe, à part la variole.
Cette situation est essentiellement due à leurs
habitudes d’hygiène et aux contacts limités avec
les animaux. Le Japon est riche en torrents de
montagne et sources chaudes et comme la reli-
gionH shintoïste insiste sur la pureté physique,
les bains à domicile ou dans les établissements
privés faisaient partie du quotidien. L’eau était
surtout consommée sous forme bouillie, pour le
thé. Les rares étrangers étaient impressionnés
par la propreté immaculée des lieux d’aisance et
Salle de bains dans l’hôtel particulier La Casa Milà de par le traitement sanitaire des eaux usées.
l’architecte avant-gardiste Antoni Gaudí, Barcelone (E), Adapté de Maddison Angus, économiste et historien
début du XXe siècle. britannique, L’Économie mondiale : une perspective
millénaire, OCDE, 2001.
166
L’hygiène, de l’Antiquité à nos jours
27
« Sans parler du choléra qui s’éloignera peut-être encore
une fois, il y a certaines maladies depuis longtemps
connues (typhus, fièvre nerveuse, etc.) dont le dévelop-
pement est incontestablement favorisé par des dispo-
sitions vicieuses des lieux d’aisances ou des égouts. »
Geneviève Heller, « Propre en ordre », Habitation et vie
domestique, 1850-1930 : l’exemple vaudois, Lausanne, 1979.
28
167
11
29
« Dans les familles où une cuisine et une chambre, souvent même une seule chambre,
constituent tout l’appartement, où père, mère et enfants vivent à l’étroit, dans la
gêne, combien de difficultés la femme ne trouve-t-elle pas pour laver le linge de la
famille ? Combien de peines et de dépense pour monter l’eau, la chauffer avec du
bois fort cher ! Que d’inconvénients résultant de la présence de ce linge dégouttant
sur le plancher, s’y séchant mal et entretenant une humidité froide, préjudiciable à
la santé des enfants et même à celle des parents ! Nous voudrions offrir à celle qui
apporterait son linge pour le laver, l’eau bouillante, l’eau froide, le sel de soude, avec
une installation convenable, un mode de séchage prompt, des fers chauds, etc. »
Rapport sur un projet […] Bains et buanderie à Vevey, Archives communales de Vevey, 1877.
L’hygiène à l’école
30
« La pratique nous prouve que souvent la famille reste inférieure à la tâche qui
lui est dévolue. Alors c’est l’école qui doit sans hésiter entreprendre cette croi-
sade pour la bonne cause. L’en-
seignement de l’hygiène, comme
31
introduction à l’hygiène sociale,
doit former un point important du
programme de toutes les écoles.
[...] Il faut que l’enfant ait horreur
de la malpropreté. [...] Que l’école
donc apprenne à l’enfant, par la
pratique, la nécessité des bains. »
« L’enseignement pratique de l’hygiène
dans les écoles ménagères », Congrès
international d’enseignement ménager,
Fribourg, 1908.
32
De l’hygiène
L’air se trouve partout dans les habitations, mais l’essentiel est de savoir s’il est
pur ou chargé de miasmes. La respiration, les odeurs de cuisine, les émanations de
toute espèce, sont autant de causes de la viciation de l’air. Il est donc urgent, dans
l’intérêt de la santé, d’ouvrir les fenêtres des chambres que l’on habite. Il faut se laver
régulièrement […] non seulement la figure mais au moins tout le haut du corps ; l’eau
DÉGOUTTANT :
fraîche est un [élément] précieux et gratuit qui donne force et santé. qui s’égoutte.
Adapté de J. Béchet, Guide d’économie domestique à l’usage des jeunes filles, MIASME : « mauvais
manuel scolaire utilisé dès 1884 par le canton de Vaud. air », émanation censée
causer maladies et
épidémies.
168
L’hygiène, de l’Antiquité à nos jours
Soins et prévention
Vers 1900, presque chaque canton possède un hôpital cantonal. La pratique de la vac-
cination se répand. Des médecins émettent l’idée que les pays de montagne sont des
« lieux de cure naturels » : les malades atteints de
tuberculose sont soignés dans des sanatoriumsH par 33
des cures d'air, de soleil et de lumière. La médecine
développe aussi l'hydrothérapie, des bains thermaux
sont prescrits pour presque toutes les maladies.
34
35
36
37
169
11
XXIe siècle
Depuis le XXe siècle, le sens du mot « hygiène » s’élargit. On ne parle plus seulement de
« l’ensemble des soins de propreté corporelle » qui contribue à garder une bonne santé,
mais de « tout ce qu’il convient de faire pour la préserver et pour l’améliorer. » Elle est
devenue une branche de la médecine.
Sur le plan individuel, pour rester en bonne santé, se laver ne suffit plus. Il est conseillé
d’appliquer toute une série de mesures comme manger sainement, pratiquer un sport,
surveiller son poids et procéder à des contrôles médicaux réguliers.
De plus, la politiqueH de santé publique évolue. Grâce aux progrès des sciences et des tech-
niques médicales, aux médicaments et aux vaccins, aux assurances maladies, l’espérance
de vie ne cesse de croître. Enfin, si l’un des organes (cœur, rein, poumon, etc.) ou même
un membre sont défectueux, il est possible d’essayer de les « réparer » grâce à la chirurgie
ou, dans les cas plus graves, de les remplacer par une des nombreuses greffes possibles.
38
OBJECTIFS DE L’ÉCOLE
CM 36 — Exercer des savoir-faire culinaires et équilibrer son alimentation en appliquant les règles
d’hygiène, de sécurité et de comportement à l’égard des autres et de l’environnement.
Mise en pratique de règles d’hygiène :
– corporelle (lavage des mains, cheveux attachés, etc.)
– matérielle (tablier, linge, ustensiles, plan de travail, etc.)
– alimentaire (emballage, stockage, etc.).
CM 35 – Distinguer les particularités des nutriments et étudier leurs rôles dans l’alimentation en identi-
fiant les besoins en nutriments nécessaires au maintien d’une bonne santé.
39 40
Trop de produits sucrés dans les automates « Les découvertes dans le domaine de la bio-im-
placés en milieu scolaire pression avancent à pas de géant. Le 2 août 2019,
Une enquête du magazine Mieux Choisir met une étude publiée dans la revue Science expose
en évidence la surabondance de boissons et une nouvelle technique par laquelle une équipe
aliments sucrés dans les distributeurs présents de chercheurs américains a réussi à fabriquer la
au sein des écoles secondaires romandes. Mais valve cardiaque d’un cœur à l’aide d’une impri-
les choses bougent dans certains cantons. mante 3D. [...] Cette avancée scientifique est un
En Suisse romande, il existe un consensus à espoir important pour les personnes malades, en
l’échelon de l’enseignement primaire, où ces attente d’une greffe cardiaque. »
automates sont bannis. Ce n’est pas le cas à Alice Vitard, usinenouvelle.com, 2019.
l’échelon du secondaire I et II […].
Adapté du magazine Mieux Choisir, Fédération romande
des consommateurs, RTS Info, octobre 2018.
170
L’hygiène, de l’Antiquité à nos jours
Le revers de la médaille
L’évolution de notre mode de vie durant le XXe siècle n’a pas que des effets positifs. Cer-
taines mesures garantissant une bonne santé sont aujourd’hui remises en cause. En outre,
le changement climatique, qui provoque un déplacement des espèces animales, amène
l’apparition de nouvelles maladies dans nos régions
41 42
Aujourd’hui, plus de 100 ans après la démocra- La résistance aux antibiotiques constitue aujour-
tisation du gant de toilette, les spécialistes affir- d’hui l’une des plus graves menaces pesant sur
ment qu’être trop propre réduirait les défenses la santé mondiale. Elle peut frapper n’importe
immunitaires et augmenterait les risques de qui, à n’importe quel âge, dans n’importe quel
développer des allergies, ou de faire de l’asthme. pays. Dans la seule Union européenne, on
Certaines bactéries sont en effet responsables de estime que les bactéries résistant aux anti-
maladies graves, voire mortelles, mais d’autres biotiques sont responsables chaque année de
sont en revanche utiles pour apporter des vita- 25 000 décès, avec des coûts s’élevant à plus de
mines à l’intestin, protéger la peau, favoriser la 1,5 milliard de dollars en frais de santé et pertes
digestion. En somme, s’il est mauvais dans cer- de productivitéH. Nous devons de toute urgence
tains cas, le microbe est également bénéfique à changer la manière dont nous prescrivons et
la survie de l’espèce humaine. Alors comment utilisons les antibiotiques, dans le monde entier.
trouver le bon équilibre ? Adapté de l’OMS, Résistance aux antibiotiques,
Adapté de atlantico.fr novembre 2015.
43
Après le canton de Genève récemment, la présence du
moustique-tigre est désormais signalée en Valais. Un
spécimen a été trouvé en ville de Monthey, annoncent
mercredi les autorités. […] Le spécimen de moustique-
tigre signalé à Monthey ne permet pas, à ce stade, de
considérer qu’il s’agit d’une installation durable de cette
espèce dans le canton. Cependant, il faudra probable-
ment envisager cette éventualité pour un avenir proche,
souligne le canton.
Adapté de « La présence du moustique-tigre signalée
en Valais par les autorités », RTS, octobre 2019.
44 45
Certaines maladies tropicales comme le virus Zika
ou la dengue pourraient devenir une réalité sous
nos latitudes. Selon des chercheurs américains, le
réchauffement climatique pourrait inciter les mous-
tiques à migrer vers le nord, emmenant avec eux
leurs maladies.
Les conclusions présentées par les scientifiques
dans une étude parue cette semaine sont alarmistes.
Ce siècle encore, près d’un milliard de personnes
supplémentaires pourraient être exposées […].
Adapté de « Avec le réchauffement, les moustiques (et leurs
maladies) pourraient migrer vers le nord », RTS, avril 2019.
« Seul un quart des individus piqués par une tique
contrôlent les symptômes », RTS, mai 2019.
171
LEXIQUE
MOTS Mots-clés thème No Thème No
172
LEXIQUE
o o
MOTS Mots-clés thème N Thème N
173
LEXIQUE
MOTS Mots-clés thème No Thème No
JÉSUITES 4, 8 O-P
Ordre religieux (Compagnie de Jésus) fondé en 1534, actif ORDONNANCE 4, 5
dans la diffusion de la foi catholique. Il joue un rôle important Règlement.
dans l’enseignement supérieur des régions catholiques ; il
organise aussi de nombreuses missions pour convertir des PAPE 1, 2, 3, 4, 5
peuples non chrétiens. Chef de l’Église catholique et évêque de Rome.
L PARLEMENT 5, 6, 8
Assemblée de représentants du peuple, mandatés pour une
LIVRE NUMÉRIQUE (OU ÉLECTRONIQUE) 1
durée limitée à la suite d’élections, qui délibèrent et prennent
Livre destiné à être lu sur un écran (ordinateur, tablette,
des décisions (pouvoir législatif).
liseuse, téléphone portable, etc.).
PASTEUR 1, 4
LOI 1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 10
Dans l’Église protestante, personne responsable d’une pa-
Règle juridique établie par une autorité souveraine qui
roisse.
s’applique à tous les individus d’un État.
PATRIE / PATRIOTIQUE 2, 4, 8, 9
M « Pays des pères », pays où l’on est né ou dont on est citoyen
MÉCANISATION 1, 7 et pour lequel on a un attachement affectif. Communauté,
Emploi généralisé de la machine pour remplacer l’usage de nation à laquelle on a le sentiment d’appartenir.
la force humaine et augmenter la production.
Qui exprime un fort attachement à la patrie.
MÉCÈNE 1, 2 PEUPLE 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11
Personne qui aide financièrement un artiste et lui commande 1. Ensemble de personnes vivant en société sur un même
des œuvres. territoire et unies par des liens culturels, des institutions
MERCENAIRE 4, 7 politiques (par ex : le peuple suisse).
Soldat de métier, qui s’engage pour de l‘argent dans une 2. Ensemble des citoyens d’un pays par rapport aux gouver-
armée étrangère. nants (par ex : un élu du peuple).
MISSIONNAIRE 3, 4, 10 3. Le plus grand nombre, la masse des gens, par opposition
Prêtre, pasteur ou laïc qui a pour mission de diffuser la aux classes possédantes, à la bourgeoisie (par ex : une per-
religion chrétienne. sonne issue du peuple).
MŒURS 1, 3, 4, 6, 8, 10 POLITIQUE 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Manière de vivre, coutumes, usages propres à chaque société. 1. Qui se rapporte au gouvernement d’un État : la manière
de gouverner, l’organisation des pouvoirs, la conduite des
MOINE 1, 2, 4 affaires publiques.
Religieux chrétien vivant en communauté dans un monastère,
un couvent ou une abbaye. 2. Actions prévues ou mises en œuvre en vue d’atteindre un
objectif préalablement fixé.
MONARCHIE / MONARQUE 2, 5, 6
Régime politique où le pouvoir est exercé par une seule POUVOIRS (séparation des) 6, 8, 9
personne, généralement un roi ou une reine héréditaire. Les trois pouvoirs sont : le pouvoir législatif (proposer, dis-
cuter, voter les lois), le pouvoir exécutif (faire appliquer les
MONOPOLE 5 lois et administrer un État) et le pouvoir judiciaire (faire
Contrôle exclusif de l’État ou d’une entreprise sur le marché. respecter les lois).
MUSULMAN 1, 3, 9, 10, 11 PRIVILÈGE 5, 6, 8
Personne qui pratique la religion de l’islam. Conforme aux 1. Avantage, faveur accordée à quelqu’un.
règles de l’islam. 2. (Au pluriel) Droits et obligations particuliers dont béné-
MYTHE 9 ficient la noblesse et le clergé, mais aussi d’autres commu-
Récit à caractère merveilleux, ou à la réalité déformée, am- nautés (villes ou métiers).
plifiée par l’imagination populaire ou littéraire. Le mythe PRODUCTIVITÉ 1, 7, 11
se construit sur des événements plus ou moins historiques. Rapport entre la production (en quantité) et les moyens
N utilisés pour la produire.
NATION / NATIONAL 6, 7, 8, 9 PROTESTANTISME / PROTESTANT 1, 4, 5, 8, 10
Ensemble des personnes vivant sur un même territoire, Une des principales branches du christianisme avec le ca-
ayant en commun l’origine, l’histoire, la culture, les traditions, tholicisme et l’orthodoxie. Le protestantisme est l’ensemble
parfois la langue et constituant une communauté politique. des groupements issus, directement ou non, de la Réforme.
NEUTRALITÉ / NEUTRE 8, 9 Qui appartient à la religion réformée (luthérien, calviniste,
Pour un État, fait de ne pas participer à une guerre menée anglican, huguenot, etc.)
par d’autres États. R
NOBLE / NOBLESSE 2, 3, 5, 6 RACE HUMAINE 10
Sous l’Ancien Régime, personne qui, par sa naissance ou par Notion introduite au XIXe siècle pour affirmer une hiérarchie
décision du souverain, possède des terres et des privilèges. entre groupes humains. Ce terme n’est plus utilisé car il n’est
Classe sociale constituée par les nobles. pas pertinent. En effet, la diversité génétique est beaucoup
174
LEXIQUE
o o
MOTS Mots-clés thème N Thème N
plus importante entre les individus d’une même population 3. Ensemble de personnes qui se réunissent pour des activités
qu’entre groupes ethniques différents. ou des intérêts communs (gym, chant, histoire locale, etc.).
RÉFORME / RÉFORMATEUR / RÉFORMÉ 1, 4, 5 SOUVERAINETÉ / SOUVERAIN 2, 5, 6, 8, 10
Ensemble des mouvements et des idées, amenés par des Pouvoir suprême d’une personne (le souverain, la souveraine)
réformateurs issus de l’Église catholique. La Réforme conduit ou d’un État, qui s’applique sur un territoire.
à la formation des Églises protestantes au XVIe siècle. État (ou canton) souverain : État qui se dirige lui-même, qui
RELIGION 2, 3, 4, 8, 10, 11 n’est pas soumis à un autre.
Ensemble de croyances, de pratiques et de règles morales SUFFRAGE 6
partagées par un groupe, une communauté. Désigne le vote mais aussi la manière dont il est organisé. Le
RENAISSANCE 2, 5 suffrage dit « universel » est d’abord exclusivement masculin,
Courant artistique né en Italie au XVe siècle, qui se répand avant d’être étendu au droit de vote des femmes.
dans toute l’Europe au XVIe siècle. SUJET 5, 6, 8
RÉPUBLIQUE 4, 5, 6, 8 1. Personne soumise à une autorité souveraine, qui la protège
Régime politique dans lequel la souveraineté est exercée et à laquelle elle doit fidélité et obéissance.
par des représentants élus (par opposition à la monarchie). 2. Pays ou territoire gouverné et administré par un canton,
un pays allié ou par plusieurs cantons (bailliages communs).
RÉSEAU 2, 3, 7, 10, 11
Ensemble d’éléments (de personnes) reliés entre eux et qui SYNDICAT / SYNDICAL 7, 8
permettent les échanges. Organisation qui a pour objet la défense des salariés, en
particulier en ce qui concerne les conditions de travail ou
REVENDICATION 6, 7, 8 les salaires.
Fait de réclamer ce que l’on considère indispensable et être
un droit. T-V
RÉVOLUTION 1, 5, 6, 7, 8, 10 TEMPERA 2, 4
1. Transformation importante et rapide qui entraîne des effets Technique de peinture utilisant un liant, généralement à
de longue durée dans les domaines politique, économique, base d’œuf.
social et culturel (révolution industrielle, numérique, etc.). TEMPLE 3, 4
2. Changement brusque et violent du régime politique d’un 1. Lieu, sanctuaire où l’on célèbre le culte d’une ou plusieurs
État, qui entraîne une transformation profonde de la société. divinités (par ex. temple inca).
S 2. Bâtiment du culte de l’Église réformée (temple protestant).
SACREMENT 4 TRAITE 3, 10
Rite chrétien qui a une dimension sacrée. Les sept sacre- Commerce ou trafic régulier dans lequel des captifs sont
ments de l’Église catholique sont : considérés comme de la marchandise.
– le baptême, qui marque l’entrée d’une personne dans la TRAITÉ 3, 5, 8, 10
communauté des chrétiens ; Acte juridique par lequel des États établissent des règles et
– l’eucharistie (la communion), partage du pain et du vin prennent des décisions communes.
consacrés par le prêtre et devenus le corps et le sang du VOLUMEN 1
Christ ; Rouleau composé d’un assemblage de feuillets (de papyrus
– le sacrement de réconciliation (appelé aussi pénitence) : le ou de parchemin).
chrétien reconnaît ses péchés et en demande le pardon, qui
lui est donné par le prêtre ;
– la confirmation qui renouvelle l’engagement du baptême ;
– le mariage, qui unit un chrétien et une chrétienne comme
époux et épouse ; ABRÉVIATIONS
Pays Cantons suisses
– l’ordination, qui donne aux prêtres le pouvoir d’exercer leur
AOF Afrique occidentale française AG Aarau
fonction sacrée ; BE Berne
D Allemagne
– l’onction des malades, sacrement des malades et des mou- AT Autriche FR Fribourg
rants administré pour les aider à supporter leurs souffrances. BR Brésil GE Genève
CN Chine GR Grisons
SANATORIUM 8, 9, 11 JU Jura
DK Danemark
Établissement spécialisé dans le traitement de la tuberculose E Espagne LU Lucerne
sous ses différentes formes, situé dans un climat propice. USA États-Unis NE Neuchâtel
F France NW Nidwald
SOCIALISME / SOCIALISTE 6, 7
GB Grande-Bretagne OW Obwald
Mouvement politique qui lutte contre l’exploitation des ou- SG Saint Gall
IR Iran
vriers et les inégalités sociales, vise l’intérêt collectif avant I Italie SZ Schwytz
les intérêts privés. JP Japon TI Tessin
MX Mexique TG Turgovie
SOCIÉTÉ 1, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
NL Pays-Bas UR Uri
1. Ensemble de personnes vivant sur un territoire, organisé par VS Valais
PL Pologne
des règles, des valeurs et divisé en groupes (ordres, classes). RU Russie VD Vaud
2. Synonyme d’entreprise. ZG Zoug
175
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
Couverture. Ht droite : Domaine public. Gauche : © Musée d’art et d’histoire, Neuchâtel/MahN ST 901. Bas droite : Domaine public/ETH-Bibliothek
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mondial, 1770-1804, Pierre-Yves Beaurepaire et Sylvia Marzagalli, cartographie Guillaume Balavoine, Éditions Autrement, 2016. Bas droite : © Musée
de l’Hôtel-Dieu/Porrentruy/Jacques Bélat. Page 89. © BNF, Paris. Page 90. Ht droite : © Leemage/Luisa Ricciarini. Bas gauche : © Leemage/Photo Josse.
Page 91. © Leemage/Bridgeman-Images. Page 92. Bas gauche : © Musée national Suisse, INV : LM-39480. Bas droite : © Hemis/Alamy/Dario Photography.
Page 93. Ht droite : Domaine public. Bas gauche : © Leemage/Luisa Ricciarini. Milieu droite : © BNF, Paris. Bas droite : Domaine public.
Page 94. Gauche : © Leemage/Photo Josse. Bas droite : © Leemage/Selva. Page 95. Bas gauche : © Getty Images/Popperfoto. Bas droite : © Schweizerisches
Sozialarchiv. Page 98. Ht gauche : © Musée gruérien, Bulle. Ht droite : Domaine public. Milieu gauche : © Lewis Hine, Library of Congress. Bas droite :
© Bibliothèque publique et universitaire, Neuchâtel. Bas gauche : © Journal l’Express, samedi 25 août 1883. Page 100. Gauche : © Musée de Bagnes/
Charly Rappo. Milieu : © American Textile History Museum, Lowell, Massachusetts. Page 101. Ht droite : © Mary-Evans/Illustrated London News. Gauche :
Domaine public. Page 102. Ht gauche : D’après Nicolas Verdier et Anne Bretagnolles, in « l’extension du réseau des routes de poste en France », mai
2007. Milieu droite : © RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne)/Daniel Arnaudet. Bas droite : © Mémoires d’ici, Centre de documentation du Jura
bernois, INV : chemer92. Page 103. Ht droite : Collection particulière. Milieu : Domaine public. Bas gauche : Domaine public. Page 104. Ht gauche :
© Rue-des-Archives/Mary Evans. Ht droite : © Historisches Museum Schloss Arbon/DR. Bas droite : Domaine public. Page 105. Droite : © Leemage/
Photo Josse. Bas gauche : © Akg-Images. Bas droite : © Hemis/Alamy/Bilwissedition Ltd. Page 106. Ht gauche : © Leemage/Heritage Images. Ht droite :
© Istock. Page 107. Ht droite : © Musée d’art et d’histoire, Fribourg (MAHF), INV : 2010-898. Bas droite : © Archives de l’État, Fribourg, INV : CH AEF
Émigration au Brésil 39.3. Page 108. Ht gauche : © Swisstopo : autorisation : BA17039. Ht droite : © Swisstopo : autorisation : BA17039. Milieu droite :
© Centre d’iconographie genevoise. Bas gauche : © Domaine public. Bas droite : Courtoisie Jean-Pierre Hessig. Page 109. Ht gauche : © Bibliothèque
de la Ville de La Chaux-de-Fonds, INV : P3-0741. Ht droite : © Villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle/Aline Henchoz. Milieu gauche : Collection par-
ticulière. Bas : © Villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle/Service technique/Secteur géomatique. Page 110. Courtoisie Roland Zumbühl. Page 111.
© Musée national Suisse, INV : LM-100171-9. Page 112. Gauche : © Collection Roland Gretler/ Gretler Panoptikum zur Sozialgeschichte, Zürich. Droite :
© Schweizerisches Sozialarchiv, photo Höflinger. Page 113. Gauche : © Bibliothèque de la bourgeoisie, Berne, INV : Gr_C_340. Droite : © Leemage/
Bridgeman-Images/Pro Litteris, Zurich, 2020. Page 116. Ht gauche : © Shutterstock/Uncle Leo. Ht droite : © Bibliothèque nationale suisse, Berne. Milieu
gauche : © Palais fédéral, Berne. Bas gauche : © Ben Vautier/2019, ProLitteris, Zurich. Bas droite : Domaine public. Page 120. © Bibliothèque de Genève,
INV : 45m 1814 01. Page 121. Ht droite : Domaine public. Milieu : © Musée Gruerien, Bulle, INV : IG-7908. Bas milieu : © Bibliothèque de Genève, INV : 0168.
Page 123. Ht droite : Domaine public. Bas : © Le Parlement suisse. Page 124. © Akg-Images. Page 125. Bas gauche : Domaine public. bas droite : © Cgb.fr/
Eric Prignac. Page 126. Ht droite : Domaine public. Bas milieu : © Archives de l’État, Berne, INV : V Frauenzentrale 331. Page 127. Ht gauche : © Musée
cantonal d’archéologie et d’histoire, Lausanne. photo : Fibbi-Aeppli. Ht droite : © Schweizerische Sozialarchiv/F 0b-0001-223. Page 130. Ht gauche :
176
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
© Shutterstock/Spatuletai. Ht droite : © Shutterstock/Naty-Li. Bas gauche : © Keystone/Gaetan Bally. Page 132. © Archives cantonales de Sarnen/E-
codices/A02CHR003-446 et 447. Page 133. Ht droite : © Staatsarchiv Schwytz. Milieu droite : © Akg-Images. Bas gauche : © Keystone/ Robert Boesch.
Bas droite : © Musée national suisse, Zurich, INV : M-15457. Page 134. Ht droite : Domaine public/Bibliothèque nationale suisse/Collection Gugelmann
Rédaction en chef Suzanne Schoeb (responsable),
GS-GUGE-LORY-B-16. Bas gauche : Domaine public. Bas droite : © Bridgeman-Images. Page 135. Ht gauche : © Gottfried Keller-Stiftung, Bundesamt
Nadine Fink (conseillère scientifique), für Kultur, Bern, Depositum im Kunstmuseum Bern, INV : Nr. G0843. Ht droite : Collection particulière. Milieu gauche : © Keystone/Fabrice Coffrini. Bas :
François Walter (conseiller scientifique), © Keystone/Jean-Christophe Bott. Page 136. Ht droite : © Keystone/Urs Flueeler. Bas : © Journal Le Confédéré. Page 137. Ht droite : © Palais fédéral,
Sandro Cesa, Sandrine Codourey, Sébastien Cudré. Berne/Béatrice Devenes. Bas : © Palais fédéral, Berne/Béatrice Devenes. Page 138. Ht droite : Domaine public/Library of Congress. Milieu droite :
© Médiathèque du Valais, Martigny/ François Fumex, INV : 046ph-00358. Bas droite : © Hemis/Alamy. Page 139. Ht gauche : Domaine public. Ht droite :
Domaine public/Library of Congress. Milieu droite : Collection particulière. Bas droite : Domaine public. Page 140. Ht gauche : © Kunstmuseum Bern,
Contributions rédactionnelles Anne Bourban, Marco Cicchini, Laurence Cicco, INV : Nr. G1151. Ht droite : © La Collection/Artothek. Bas gauche : Collection particulière. Bas droite : Domaine public. Page 141. Ht droite : Collection
Delphine Debons, Bernard Gasser, Michel Nicod, particulière. Milieu gauche : Collection particulière. Milieu droite : © Bibliothèque de Genève, INV : 37003A. Bas milieu : Collection particulière. Page 142.
Ht droite : © CICR/Thierry Gassmann. Ht gauche : Collection particulière. Bas gauche : © CICR/Fédération/J. Perez. Page 143. Ht droite : CC Alessandro
Béatrice Rogéré-Pignolet. Gallo/Wikimedia. Bas gauche : © Musée national suisse, Zurich, INV : LM-117302356. Page 146. Ht gauche : © BNF, Paris. Ht droite : © Leemage/Photo
Josse. Milieu gauche : Collection particulière. Bas droite : © Kharbine-Tapabor. Bas gauche : © Musée d’ethnographie, Neuchâtel, INV : MEN III.C.2977.
Appui didactique et scientifique Pierre-Philippe Bugnard. Page 148. Domaine public. Page 149. Domaine public. Page 150. Ht droite : ©Akg-Images. Gauche : © Leemage/Lee. Page 151. Ht droite : Collection
particulière. Bas gauche : © Leemage/Photo Josse. Bas droite : © Getty Images/Hulton Archives. Page 152. Ht gauche : Domaine public. Ht droite :
© Bridgeman-Images. Bas : CC David Livingstone Centre/University of Glasgow. Page 153. Ht droite : © MRAC Tervuren, INV : EO.1966.69.1 Gauche :
Validation et arbitrage Carole Angeloz, Alejandro Berrios, Sandro Cesa, © Hemis/Alamy. Bas droite : © OPM-France. Page 154. Ht gauche : Domaine public. Bas droite : Domaine public. Page 155. Ht gauche : © Leemage/
Alexandre Coppey, Jacques Diacon, Yves Diacon, MP. Droite : © Hemis/Alamy/Alpha Stock. Bas gauche : Collection particulière. Page 156. Domaine public. Page 157. Ht milieu gauche : © BNF, Paris. Ht
Sandrine Ducaté, Marc-André Egger, Fausta Ferrari, droite : © Leemage. Bas droite : © Man-Ray Trust/2018, ProLitteris, Zurich. Page 158. © MRAC Tervuren, INV : HO.0.1.3753. Page 159. © MRAC Tervuren,
Valérie Piazzalunga Jaillot, Claude Rebetez, Myriam Rebetez- INV : HO.0.1.3419. Page 160. © Musée national de l’Éducation/Réseau Canopé, INV : 1985-00331. Page 161. Fond : © BNF, Paris. Page 162. Ht droite :
CC Hakeem.gadi/Wikimedia. Milieu gauche : © Angélique Colté. Milieu : CC Fubar Obfusco/Wikimedia. Bas droite : © Shutterstock/Todoric. Page 163.
Giauque, David Rey, Christian Scaiola, Anne-Catherine Speck, Ht droite : © BNF, Paris. Bas gauche : © La vie parisienne à travers les âges, Jacques Milley, 1965.Société continentale d’éditions modernes illustrées/
François Sulliger, Julien Tschopp. DR. Page 164. © BNF, Paris. Page 165. Ht droite : © Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Paris. Bas gauche : © Leemage/Photo Josse.
Page 166. Ht gauche : © Bridgeman-Images. Droite : © BNF, Paris. Bas gauche : CC Roger Price/Wikimedia. Page 167. Ht droite : © Musée d’art et d’histoire,
Recherche iconographique Nathalie Lasserre. Neuchâtel, inv : H3480. Bas : © Keystone/Roger-Viollet. Page 168. Collection particulière. Page 169. Ht gauche : CC Wellcome collection. Ht droite :
Domaine public. Bas gauche : CC Wellcome collection. Bas droite : Collection particulière. Bas : Domaine public/ETH-Bibliothek Zürich, Bildarchiv/
Photoglob AG (Zürich)/Ans_02080. Page 171. Droite : © Shutterstock/Khlungcenter. Gauche : © Shutterstock/Gabor Tinz.
Cartographie GeoAzimut Sàrl, Fribourg. Si malgré nos recherches il nous a été impossible de retrouver les ayants droit d’une image publiée, la CIIP s’engage à conserver durant 3 ans à partir
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excusons par avance des erreurs ou omissions involontaires.
Conception graphique, Hot’s Design Communication SA, Bienne.
mise en pages et illustrations
Relectures Annick Andujar, Luc Braillard, Christine Ligonie, Steve Richard.
ISBN 978-2-88500-397-0
CATARO 051045
Édition 1
Nous remercions vivement toutes les personnes qui ont participé à l’élaboration de ce moyen.
Pour faciliter la lecture du document, le masculin générique est utilisé pour désigner les personnes des
deux sexes. Lorsqu’une distinction est faite, il s’agit d’une nuance entre les hommes et les femmes qui
se doit d’être mise en évidence.
Il arrive que l’appellation des pays et les limites des frontières territoriales ne fassent pas l’objet d’un
consensus international. Les choix pour cet ouvrage se basent sur l’état de reconnaissance officielle de
la Confédération helvétique. Des précisions sont données sur le site de l’enseignant.
LIVRE DE L’ÉLÈVE
e
XVe - XVIIe SIÈCLES HISTOIRE 10
SCIENCES HUMAINES
ET SOCIALES - CYCLE 3
À TRAVERS LE TEMPS
LIVRE DE L’ÉLÈVE
10e
ISBN 978-2-88500-397-0
HISTOIRE