Vous êtes sur la page 1sur 369

© Perrin, un département de Place des Éditeurs, 2018

Calendrier national calculé pour trente ans à partir du 31 décembre


1792.
Gravure, 1792, musée Carnavalet, Paris.
© Photo Josse/Leemage

12, avenue d’Italie


75013 Paris
Tél. : 01 44 16 09 00
Fax : 01 44 16 09 01

EAN : 978-2-262-07912-3

« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client.
Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de
cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2
et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute
atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »

Composition numérique réalisée par Facompo


Sommaire
Titre

Copyright

Avant-propos
De la Gaule celte à la Gaule romaine
Septembre 52 avant J.-C. - Vercingétorix se rend à César
Août 177 - Le martyre des premiers chrétiens
1er août 314 - Le premier concile en Gaule
8 novembre 397 - Mort de saint Martin de Tours
La France des Francs début du Ve siècle-987
406 - Le pic des migrations barbares
20 juin 451 - Attila est vaincu
481 - Mort de Childéric Ier
25 décembre 496 - Le baptême de Clovis
558 - Clotaire Ier, seul roi des Francs
613 - Le supplice de Brunehaut
629 - Dagobert, seul roi des Francs
687 - Pépin II s'empare du pouvoir
714 - Charles, maire du palais
25 octobre 732 - Charles Martel arrête les Arabes à Poitiers
Novembre 751 - Childéric III, dernier roi mérovingien, est déposé
28 juillet 754 - La fondation de la dynastie carolingienne
4 décembre 771 - L'avènement de Charlemagne
15 août 778 - Roland à Roncevaux
811 - Louis, roi d'Aquitaine, seul héritier de Charlemagne
Août 843 - Le partage de Verdun
14 juin 877 - L'assemblée de Quierzy
7 novembre 886 - Les Normands lèvent le siège de Paris
911 - Le traité de Saint-Clair-sur-Epte
Le Moyen Âge des châteaux et des cathédrales 987-1488
3 juillet 987 - L'avènement de la dynastie capétienne
14 octobre 1066 - Guillaume le Bâtard remporte la bataille d'Hastings
27 novembre 1095 - Urbain II prêche la croisade
1098 - La fondation de l'ordre de Cîteaux
1124 - Louis VI le Gros lève l'étendard du royaume
31 mars 1146 - Bernard de Clairvaux prêche la deuxième croisade
21 mars 1152 - Annulation du mariage de Louis VII et d'Aliénor d'Aquitaine
6 mars 1204 - La prise de Château-Gaillard
22 juillet 1209 - Le massacre de Béziers
27 juillet 1214 - Le dimanche de Bouvines
14 juillet 1223 - Mort de Philippe Auguste
Mars 1244 - Le bûcher de Montségur
Février 1257 - La fondation du collège de la Sorbonne
25 août 1270 - Mort de Louis IX, futur Saint Louis
13 octobre 1307 - Philippe le Bel entreprend la destruction de l'ordre
des Templiers
9 mars 1309 - Le pape Clément V s'établit à Avignon
24 juin 1340 - La bataille de l'Écluse
26 août 1346 - Le désastre de Crécy
19 septembre 1356 - Jean le Bon est fait prisonnier à la bataille de Poitiers
31 juillet 1358 - L'assassinat d'Étienne Marcel
13 juillet 1380 - Mort de Du Guesclin
25 octobre 1415 - Azincourt
21 mai 1420 - Le démantèlement de la France au traité de Troyes
30 mai 1431 - Jeanne d'Arc meurt sur le bûcher à Rouen
17 juillet 1453 - La fin de la guerre de Cent Ans
5 janvier 1463 - François Villon échappe à la potence
16 juillet 1465 - Louis XI affronte la ligue du Bien public à Montlhéry
14 octobre 1468 - L'entrevue de Péronne
30 août 1483 - Mort de Louis XI
28 juillet 1488 - Fin de la Guerre folle pour la régence de France
La Renaissance 1494-1610
27 juillet 1494 - Charles VIII se lance à la conquête de l'Italie
8 avril 1498 - L'avènement de Louis XII
14 septembre 1515 - Marignan
2 mai 1519 - La mort de Léonard de Vinci
6 juin 1520 - L'entrevue du camp du Drap d'or
30 avril 1524 - Mort du chevalier Bayard
24 février 1525 - Le roi est fait prisonnier à Pavie
3 août 1529 - Traité de Cambrai, ou « paix des Dames »
Mai 1534 - Rabelais, père de Gargantua
18 octobre 1534 - L'affaire des placards
10 août 1539 - L'ordonnance de Villers-Cotterêts
18 septembre 1544 - La trêve de Crépy-en-Laonnois
31 mars 1547 - Mort de François Ier
2 et 3 avril 1559 - La paix du Cateau-Cambrésis
10 juillet 1559 - Mort du roi Henri II
1er mars 1562 - Le massacre de Wassy
24 août 1572 - Le massacre de la Saint-Barthélemy
23 décembre 1588 - L'assassinat du duc de Guise
2 août 1589 - Henri III est assassiné
14 mars 1590 - La bataille d'Ivry-sur-Eure
25 juillet 1593 - Henri IV se convertit au catholicisme
13 avril 1598 - L'édit de Nantes
12 décembre 1604 - L'instauration de la « paulette »
3 juillet 1608 - La fondation de Québec
14 mai 1610 - Ravaillac assassine le roi Henri IV
L'Ancien Régime 1610 à 1789
24 avril 1617 - L'assassinat de Concini
28 octobre 1628 - La reddition de La Rochelle
10 novembre 1630 - La journée des Dupes
9 novembre 1636 - Louis XIII et Richelieu reprennent Corbie
5 septembre 1638 - Naissance du dauphin Louis
30 novembre 1639 - L'écrasement de la révolte des Nu-pieds
12 septembre 1642 - Cinq-Mars est décapité
4 décembre 1642 - Mort du cardinal de Richelieu
14 mai 1643 - Mort de Louis XIII
19 mai 1643 - Rocroi
27 août 1648 - La journée des barricades
24 octobre 1648 - La paix de Westphalie
6 février 1651 - La Fronde des princes contraint Mazarin à l'exil
21 octobre 1652 - Le jeune roi effectue sa rentrée dans Paris
7 novembre 1659 - La paix des Pyrénées
10 mars 1661 - Louis XIV annonce à ses ministres qu'il va gouverner lui-même
5 septembre 1661 - L'arrestation de Foucquet
8 au 13 mai 1664 - Les « Plaisirs de l'Île enchantée » à Versailles
30 janvier 1666 - Fin des grands jours d'Auvergne
15 mars 1667 - Institution d'un lieutenant général de police à Paris
2 mai 1668 - Le traité d'Aix-la-Chapelle
7 mars 1669 - Colbert cumule les charges ministérielles
5 février 1679 - Les traités de Nimègue
6 mai 1682 - La cour s'installe à Versailles
18 octobre 1685 - La révocation de l'édit de Nantes
2 juin 1692 - Le désastre de La Hougue
Septembre-octobre 1697 - Les traités de Ryswick
15 mai 1702 - La guerre de Succession d'Espagne
17 mai 1704 - Fin de la révolte des camisards
Janvier-février 1709 - Le « Grand Hyver »
8 septembre 1713 - La bulle Unigenitus
1er septembre 1715 - Mort du Roi-Soleil
2 septembre 1715 - Le Régent s'attribue les pleins pouvoirs
Août 1720 - La banqueroute de Law
14 septembre 1720 - La peste de Marseille est vaincue « de par le Roi »
2 décembre 1723 - Mort du Régent
29 janvier 1743 - Mort du cardinal de Fleury
5 janvier 1757 - L'attentat de Damiens
8 mars 1759 - La révocation du privilège de l'Encyclopédie
10 février 1763 - Le traité de Paris met fin à la guerre de Sept Ans
22 février 1771 - Maupeou démembre le parlement de Paris
10 mai 1774 - Mort de Louis XV
Avril-mai 1775 - La guerre des farines
12 mai 1776 - La chute de Turgot
19 mai 1781 - La démission du ministre Necker
3 septembre 1783 - Le traité de Versailles
31 mai 1786 - L'épilogue de l'affaire du Collier
Mai-août 1787 - La révolte parlementaire
7 juin 1788 - La journée des Tuiles
8 août 1788 - La convocation des états généraux
La Révolution et l'Empire 1789-1815
5 mai 1789 - L'ouverture des états généraux
20 juin 1789 - Le serment du Jeu de paume
9 juillet 1789 - L'Assemblée nationale se déclare constituante
14 juillet 1789 - La prise de la Bastille
26 août 1789 - La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
5-6 octobre 1789 - Le roi est pris en otage à Paris
19 décembre 1789 - L'Assemblée confisque les biens du clergé
22 décembre 1789 - La création des départements
14 juillet 1790 - La fête de la Fédération
21 juin 1791 - Le roi en fuite est arrêté à Varennes
17 juillet 1791 - La fusillade du Champ-de-Mars
30 septembre 1791 - L'Assemblée constituante se sépare
20 avril 1792 - Le choix de la guerre
10 août 1792 - La liquidation de la monarchie
20 septembre 1792 - Valmy
21 janvier 1793 - Louis XVI est guillotiné
30 mai-2 juin 1793 - La chute des Girondins
27 juillet 1793 - Robespierre entre au Comité de salut public
5 septembre 1793 - La Terreur à l'ordre du jour
15 et 16 octobre 1793 - La bataille de Wattignies
22 et 23 décembre 1793 - Fin de la guerre de Vendée
5 avril 1794 - Exécution de Danton
10 juin 1794 - L'apogée de la Terreur
27 juillet 1794 (9 thermidor an II) - La chute de Robespierre
20 mai 1795 (1er prairial) - L'ultime irruption des sans-culottes
5 octobre 1795 (13 vendémiaire an IV) - Insurrection royaliste à Paris
26 octobre 1795 - Naissance du Directoire
14 janvier 1797 - Rivoli
17 octobre 1797 - Paix de Campoformio
21 juillet 1798 - La victoire des Pyramides
18 juin 1799 - Coup d'État du 30 prairial
9 et 10 novembre 1799 - Coup d'État des 18 et 19 brumaire
15 décembre 1799 - L'établissement du Consulat
17 juillet 1801 - Le Concordat
25 mars 1802 - La paix d'Amiens
2 août 1802 - Bonaparte, consul à vie
21 mars 1804 - La naissance du Code civil
2 décembre 1804 - Le sacre
21 octobre 1805 - Trafalgar
2 décembre 1805 - Austerlitz
5 novembre 1808 - Le guêpier espagnol
5 et 6 juillet 1809 - Wagram
20 mars 1811 - Naissance du roi de Rome à l'apogée de l'Empire
25-29 novembre 1812 - La Bérézina
16-19 octobre 1813 - Leipzig, ou la fin du grand Empire
6 avril 1814 - Napoléon abdique à Fontainebleau
4 juin 1814 - La Charte
9 juin 1815 - La signature de l'acte final du congrès de Vienne
18 juin 1815 - Waterloo
Le XIXe siècle 1815-1914
5 septembre 1816 - La dissolution de la « Chambre introuvable »
13 février 1820 - L'assassinat du duc de Berry
16 septembre 1824 - Charles X succède à Louis XVIII
25 février 1830 - Romantiques contre classiques dans la « bataille »
d'Hernani
5 juillet 1830 - La prise d'Alger
27, 28, 29 juillet 1830 - Les Trois Glorieuses
9 avril 1834 - La révolte des canuts à Lyon
15 mai 1843 - La prise de la smalah d'Abd el-Kader
24 février 1848 - Louis-Philippe abdique
27 avril 1848 - L'abolition de l'esclavage
23-26 juin 1848 - L'échec de la république sociale
10 décembre 1848 - Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République
2 décembre 1851 - Coup d'État à l'Élysée
10 septembre 1855 - Fin du siège de Sébastopol
24 juin 1859 - Solferino
1er avril 1867 - L'inauguration de l'Exposition universelle de Paris
19 juin 1867 - Le fiasco mexicain
6 et 7 juin 1869 - De nouvelles élections consacrent l'Empire libéral
2 septembre 1870 - L'empereur capitule à Sedan
10 mai 1871 - Le traité de Francfort
27 mai 1871 - La fin de la Commune
24 mai 1873 - La chute de Thiers
9 février 1874 - Michelet, père de l'Histoire de France
30 janvier 1875 - La « république » à une voix de majorité
16 mai 1877 - La conquête de la république par les républicains
6 juillet 1880 - Le 14 Juillet devient fête nationale
12 mai 1881 - La France établit un protectorat en Tunisie
2 octobre 1882 - Première rentrée scolaire pour tous
6 juillet 1885 - Pasteur pratique la première vaccination contre la rage
27 janvier 1889 - Le général Boulanger refuse de marcher sur l'Élysée
1er mai 1891 - 1er mai sanglant à Fourmies
10 septembre 1892 - Le scandale de Panama
4 janvier 1894 - L'alliance franco-russe
24 juin 1894 - Un anarchiste assassine le président Sadi Carnot
28 décembre 1895 - Le cinéma naît dans le Paris de la « Belle Époque »
13 janvier 1898 - « J'accuse » et l'affaire Dreyfus
3 novembre 1898 - Incident de Fachoda
26 juin 1899 - Waldeck-Rousseau et le Bloc des gauches
7 avril 1900 - Première séance de l'académie Goncourt
4 mars 1902 - Naissance du Parti socialiste français
8 avril 1904 - L'Entente cordiale
18 janvier 1905 - L'affaire des fiches oblige Combes à démissionner
9 décembre 1905 - La séparation de l'Église et de l'État
10 mars 1906 - La catastrophe de Courrières
20 mai 1906 - Victoire des radicaux
20 juillet 1909 - La rupture du Bloc des gauches
25 juillet 1909 - Blériot traverse la Manche
1er juillet 1911 - Le « coup d'Agadir »
10 mai 1914 - Les gauches se retrouvent contre la loi de trois ans
31 juillet 1914 - Jean Jaurès est assassiné
La Grande Guerre
3 août 1914 - « C'est la guerre ! »
6-9 septembre 1914 - Les Allemands sont arrêtés sur la Marne
Novembre 1914 - Les tranchées
25 novembre 1915 - L'emprunt de la Victoire
2 décembre 1915 - Joffre, commandant en chef
8 et 9 janvier 1916 - L'échec des Dardanelles
21 février 1916 - Verdun
1er juillet 1916 - La vaine bataille de la Somme
Fin novembre 1916 - Le Feu de Henri Barbusse
26 décembre 1916 - Joffre est écarté du haut commandement
6 avril 1917 - Les États-Unis entrent en guerre
16 avril 1917 - Le Chemin des Dames
1er juin 1917 - Des « mutineries » dans l'armée française
28 juillet 1917 - Guynemer et l'escadrille des Cigognes
16 novembre 1917 - Clemenceau « fait la guerre »
9 janvier 1918 - Les quatorze points de Wilson
21 mars 1918 - Les Allemands reprennent l'offensive
26 mars 1918 - Foch, généralissime
27-30 mai 1918 - Les Allemands de nouveau sur la Marne
15-18 juillet 1918 - Le chant du cygne de l'armée du Kaiser
3 septembre 1918 - Foch lance l'offensive générale
11 novembre 1918 - L'armistice est signé à Rethondes
L'entre-deux-guerres
18 janvier 1919 - La conférence de la Paix
28 juin 1919 - Le traité de Versailles
16 novembre 1919 - La « Chambre bleu horizon »
25-30 décembre 1920 - Au congrès de Tours, les deux gauches
11 novembre 1922 - Le 11 novembre, fête nationale
Janvier 1923 - L'occupation de la Ruhr
11 mai 1924 - Le Cartel des gauches
15 octobre 1924 - Surréalisme et « Années folles »
16 octobre 1925 - Locarno et le briandisme
20 décembre 1926 - Le pape condamne l'Action française
24 juin 1928 - Le franc Poincaré
27 août 1928 - L'utopie du pacte Briand-Kellogg
6 mai 1932 - Assassinat de Paul Doumer
8 mai 1932 - Des élections sur fond de crise mondiale
8 janvier 1934 - L'affaire Stavisky
6 février 1934 - L'émeute
14 avril 1935 - Le « front » de Stresa
7 mars 1936 - Hitler remilitarise la Rhénanie
3 mai 1936 - La victoire du Front populaire
30 mai 1936 - La ligne Maginot
8 juin 1936 - Les accords Matignon
13 mars 1938 - Fin du Front populaire
29 et 30 septembre 1938 - Le reniement de Munich
23 août 1939 - Le pacte germano-soviétique
3 septembre 1939 - La France déclare la guerre à l'Allemagne
La France dans la Seconde Guerre mondiale
21 mars 1940 - Paul Reynaud veut en finir avec la « drôle de guerre »
10 mai 1940 - Les Allemands attaquent
4 juin 1940 - Le miracle de Dunkerque
16 juin 1940 - Pétain remplace Reynaud
18 juin 1940 - L'appel du général de Gaulle
22 juin 1940 - L'armistice est signé
3 juillet 1940 - Mers el-Kébir
10 juillet 1940 - Les pleins pouvoirs à Pétain
3 octobre 1940 - Le statut des Juifs
30 octobre 1940 - Le choix de la collaboration
2 mars 1941 - Le serment de Koufra
22 octobre 1941 - Les fusillés de Châteaubriant
27 mai-11 juin 1942 - Bir Hakeim
22 juin 1942 - Laval souhaite la victoire de l'Allemagne
16 et 17 juillet 1942 - La rafle du Vél' d'Hiv'
11 novembre 1942 - La Wehrmacht envahit la zone sud
30 janvier 1943 - Joseph Darnand organise la Milice
27 mai 1943 - Première réunion du CNR
4 octobre 1943 - La Corse, premier département français libéré
30 janvier-8 février 1944 - La conférence de Brazzaville
3 juin 1944 - La fondation du GPRF
6 juin 1944 - Les Alliés débarquent en Normandie
10 juin 1944 - La tragédie d'Oradour-sur-Glane
14 juin 1944 - De Gaulle à Bayeux
15 août 1944 - Le débarquement de Provence
25 août 1944 - Paris libéré
23 novembre 1944 - La libération de Strasbourg
29 avril 1945 - Les femmes votent pour la première fois
8 mai 1945 - La capitulation du IIIe Reich
8-26 mai 1945 - Les massacres de Sétif
15 mai 1945 - La France à l'ONU parmi les « Grands »
15 août 1945 - Pétain est condamné à mort
2 septembre 1945 - Début de la guerre d'Indochine
21 janvier 1946 - De Gaulle démissionne
La IVe République
13 octobre 1946 - Naissance de la IVe République
5 mai 1947 - Ramadier renvoie les ministres communistes
17 juin 1947 - La France accepte le plan Marshall
24 janvier-4 avril 1949 - Le procès Kravchenko
4 avril 1949 - Le Pacte atlantique
Avril 1949 - Simone de Beauvoir publie Le Deuxième Sexe
18 avril 1951 - La CECA
26 mai 1952 - L'emprunt Pinay
1er février 1954 - L'appel de l'abbé Pierre
7 mai 1954 - Diên Biên Phu
18 juin 1954 - Pierre Mendès France, président du Conseil
30 août 1954 - L'échec de la CED
1er novembre 1954 - La « Toussaint rouge »
2 mars 1956 - L'indépendance du Maroc
20 mars 1956 - L'indépendance de la Tunisie
5 et 6 novembre 1956 - Le fiasco de Suez
7 janvier 1957 - La bataille d'Alger
25 mars 1957 - Le Marché commun
1er juin 1958 - Coty appelle de Gaulle
La Ve République
28 septembre 1958 - Oui à la Constitution de la Ve République
21 décembre 1958 - De Gaulle, président
13 février 1960 - La France a « la bombe »
Juin 1960 - La décolonisation de l'Afrique noire
22 avril 1961 - Le putsch des généraux
18 mars 1962 - Les accords d'Évian
3 juillet 1962 - La fin du drame algérien
25 novembre 1962 - De Gaulle triomphe des partis
22 janvier 1963 - Le traité de l'Élysée
19 décembre 1965 - De Gaulle réélu
7 mars 1966 - La France quitte l'OTAN
2 mai-30 juin 1968 - La crise de mai 68
28 avril 1969 - De Gaulle démissionne
15 juin 1969 - Pompidou, président
19 mai 1974 - Giscard d'Estaing, président
17 janvier 1975 - La loi Veil sur l'IVG
19 mars 1978 - La droite l'emporte de justesse
10 mai 1981 - Mitterrand, président
9 octobre 1981 - L'abolition de la peine de mort
24 juin 1984 - Manifestation monstre en faveur de l'école privée
20 mars 1986 - La première « cohabitation »
8 mai 1988 - Mitterrand réélu
14 juillet 1989 - Les fastes du bicentenaire de la Révolution
20 septembre 1992 - Maastricht
29 mars 1993 - La deuxième cohabitation
7 mai 1995 - Chirac, président
4 juin 1997 - La troisième cohabitation
13 juillet 1998 - La France « black-blanc-beur »
24 septembre 2000 - Du septennat au quinquennat
31 décembre 2001 - La France passe à l'euro
8 mai 2002 - Le Pen au second tour
15 mars 2004 - Le foulard à l'école
29 mai 2005 - Non à une Constitution européenne
6 mai 2007 - Sarkozy, président
6 mai 2012 - Hollande, président
11 janvier 2015 - « Je suis Charlie »
7 mai 2017 - Macron, président
9 décembre 2017 - Deuil national pour Johnny
Crédits photographiques
Avant-propos
« La chronologie et la géographie sont les deux yeux de l’Histoire », nous dit
Anatole France. Les dates et l’histoire dite événementielle, trop longtemps
ostracisée par les historiens des structures et du temps long, opèrent depuis
un certain temps un retour en force. Non seulement les faits sont têtus, mais
les Français, de plus en plus nombreux à s’intéresser à leur passé, demandent
des repères solides, des faits, des dates. C’est plus vrai encore pour les
jeunes, les élèves des collèges et des lycées, en butte à des programmes
scolaires où l’histoire est à la fois sans cesse rétrécie en termes d’heures
d’enseignement et fractionnée, thématisée, mondialisée, pour mieux fuir toute
histoire nationale – ce dernier mot, hier encore banal et évident, étant devenu
aujourd’hui politiquement incorrect, synonyme de nationalisme (national et
nationalisme, ce n’est pas la même chose), de frontières, de repli identitaire.
« Et pourtant, elle tourne », comme s’écriait Galilée. La France a son
histoire, une riche histoire de 2 000 ans. Ce n’est pas rien… Ce livre est né
dans cet esprit de résurrection : non pas une énième chronologie, non pas un
instrument de travail (il y en a tant), mais une histoire de la France à travers
ses dates charnières, un parcours balisé de vingt siècles. Facile à dire, mais
difficile à faire… Combien de dates ? Et de quand à quand ? Une première
expérience numérique, l’an passé, a conduit les éditions Perrin à une mise en
ligne chronologique, à raison d’une date par jour, du 1er janvier au
31 décembre 2017, soit 365 dates. Ce nombre rompt délibérément avec les
chronologies de l’histoire de France qui tournent la plupart autour de
1 000 dates, quand ce n’est pas 2 000 – et quand ce n’est pas plus de
20 000 ! Mais justement, ce livre n’est pas une chronologie classique, mais
une histoire de France en dates jugées (à tort ou à raison) comme
significatives. Avec 365 dates, le choix s’est révélé difficile. En effet, que
garder et que ne pas garder ? Les dates incontournables s’imposent
d’emblée, qu’il s’agisse d’Azincourt ou de la prise de la Bastille. D’abord
les faits, « l’événementiel », ce qu’on ne saurait ignorer de l’histoire de
France. Une place, cependant, a été laissée aux dates dites de société :
l’économie, les sciences, la vie sociale, la culture… Il a fallu choisir, non
sans mal, en s’employant à retenir des dates qui sont autant de clés de
compréhension de notre société (le vote des femmes, l’abolition de la peine
de mort). Il appartiendra au lecteur de relever nos éventuels « oublis ».Un
autre choix tout aussi ardu a été celui de l’équilibre des périodes : 53 pour la
Gaule et le Moyen Âge, 75 pour les Temps modernes, 47 pour la Révolution
et l’Empire (ce qui est beaucoup mais pas trop, eu égard à l’intérêt des
Français pour cette période exceptionnelle), 48 pour le XIXe siècle
(jusqu’en 1914), 22 pour la Grande Guerre, 25 pour l’entre-deux-guerres,
34 pour la France dans la Seconde Guerre mondiale et enfin 59 pour les IVe
et Ve Républiques. Le rideau tombe sur le 9 décembre 2017 avec une date de
société dont le choix pourra paraître inattendu : « Deuil national pour
Johnny », mais qui souligne une propension au dolorisme et la toute-
puissance du monde médiatique dans notre société actuelle. Un choix plus
délicat encore était celui d’une première date, ce fameux « point de départ »
cher à Tocqueville. « Clovis, élu roi des Francs » (vers 481) eut été prudent,
et Mérovée (vers 447) amusant. L’existence de ce dernier, parfois contestée,
était drôlement énoncée dans un manuel d’histoire de la IIIe République :
« Nul ne sait si Pharamond exista ; toujours est-il que son petit-fils Mérovée
régna sur les Francs. » Mais c’était du même coup laisser aux ténèbres « nos
ancêtres les Gaulois ». Alors, nous avons choisi de commencer cette
chronologie, écrite et sélective, par la date de septembre 52 avant J.-C.,
lorsque Vercingétorix vient fièrement jeter ses armes aux pieds de Jules
César (il y vint plus probablement enchaîné). Dans cet esprit d’une histoire
en dates plutôt qu’une chronologie classique, chaque entrée a été présentée
comme un épisode en soi, solidement contextualisé, à chaque fois éclairé par
une illustration, une carte ou une citation puisée dans notre patrimoine si
riche de la politique littéraire, qui contribue plus que tout autre à notre
singularité (romans, essais, grands récits historiques, autobiographies
d’exception, des Chroniques de Commynes aux Mémoires de guerre).
Puissent ces 365 histoires n’en constituer finalement qu’une, celle de
l’histoire de France.
De la Gaule celte à la Gaule
romaine

Septembre 52 avant J.-C.


Vercingétorix se rend à César
Barbare combattant un légionnaire romain. Bas-relief, début du II e siècle
après J.-C., Paris, musée du Louvre.

VERCINGÉTORIX INCARNE, aujourd’hui encore, la figure du héros


gaulois. Ce « grand roi des guerriers », comme on le nomme en langue
celtique, a soumis les Helvètes et les Belges avant de lever la rébellion face
à Jules César alors en train de conquérir la Gaule. En juin 52 avant J.-C., le
chef gaulois, assiégé par César à Gergovie, repousse les légions romaines.
Aussitôt élevé au rang de commandant en chef des armées, Vercingétorix
rallie l’ensemble de la Gaule contre l’envahisseur et tente de lui porter un
coup fatal en lui livrant bataille près de Dijon. Il échoue et se replie sur
l’oppidum d’Alésia (Alise-Sainte-Reine en Auxois), qui est aussitôt assiégé
par le chef romain. Vercingétorix envoie ses cavaliers parcourir la Gaule
pour recruter une armée de secours afin de prendre les légions romaines en
tenaille. César a fait construire une double ligne de défense truffée
d’obstacles : l’une pour résister à une sortie de Vercingétorix, l’autre pour
faire face à l’armée de secours. La bataille, qui commence le 27 septembre
et au cours de laquelle César doit affronter à la fois l’armée d’Alésia et
l’armée de secours, supérieure en nombre, est longtemps indécise. Le
général romain ne doit qu’à son sang-froid de résister aux assauts.
Découragée et partagée entre plusieurs commandements, l’armée de secours
finit par abandonner. Dans l’espoir d’épargner les siens, Vercingétorix se
livre et jette ses armes aux pieds du vainqueur.

«Oh ! s’écria Julien, j’aimerais encore mieux souffrir


tout ce qu’a souffert Vercingétorix
que d’être cruel comme César.»

Le Tour de la France par deux enfants (1re éd. 1877).

Août 177
Le martyre des premiers chrétiens
DANS LA ROME ANTIQUE, le christianisme est une religion tolérée par
les autorités mais non reconnue. Les Romains se défient de cette religion,
universelle et exclusive, qui va à l’encontre de leur polythéisme et du
système impérial reposant sur le culte de l’empereur. À Lugdunum (Lyon), la
première communauté chrétienne est marginalisée et exclue de la vie sociale.
En 177, ses membres sont arrêtés et condamnés sous l’accusation d’inceste
et de cannibalisme. Parmi les condamnés, Blandine, une esclave de 18 ans,
refuse d’abjurer sa foi. Elle est torturée, puis mise à mort dans
l’amphithéâtre des Trois-Gaules, avec cinq autres chrétiens de la
communauté de Lugdunum. La tradition chrétienne vénère depuis lors sainte
Blandine, fêtée le 2 juin en même temps que ses compagnons martyrs.

«De toutes les semences confiées à la terre,


le sang versé par les martyrs est celle qui donne
la plus prompte moisson.»
Honoré de Balzac.
1er août 314
Le premier concile en Gaule

La Gaule romaine.
EN 312, l’empereur romain Constantin Ier le Grand (306-337) se convertit au
christianisme. L’année suivante, il proclame l’édit de Milan, qui autorise la
pratique de la religion chrétienne et met fin aux persécutions des chrétiens
dans l’Empire romain. Protecteur de l’Église, il réunit à Arles le premier
concile de l’histoire de la chrétienté occidentale. Celui-ci condamne
principalement le donatisme, doctrine chrétienne qui emprunte son nom au
théologien Donat et qui considère que la valeur des sacrements est liée à la
valeur morale de celui qui l’administre.

8 novembre 397
Mort de saint Martin de Tours
SAINT MARTIN (316-397), également surnommé Martin le Miséricordieux,
est l’un des principaux saints de la chrétienté. Ayant embrassé la carrière
militaire et en garnison à Amiens, il accomplit le geste qui forge sa légende
lorsqu’il coupe son manteau en deux pour en vêtir un malheureux (il ne
disposait pas de la totalité de son uniforme, financé pour moitié par
l’armée). Par la suite, un songe qui lui montre le Christ portant cette moitié
de manteau décide de sa conversion au christianisme. Plus tard, il se retire à
Ligugé, près de Poitiers, où il fonde une communauté de moines. Sa
renommée est telle qu’en 371 il est, contre son gré, élu évêque de Tours.
L’année suivante, il fonde l’abbaye de Marmoutier à côté de Tours et se
consacre à la christianisation des campagnes, où domine le paganisme. Il y
ordonne des prêtres, fonde des églises et des monastères, ce qui lui vaut le
nom de « père du monachisme ». À sa mort, le 8 novembre 397, il est enterré
à Marmoutier, qui devient aussitôt un lieu de pèlerinage. C’est ainsi que
Tours devint la capitale religieuse de la Gaule.
La France des Francs début
du Ve siècle-987

406
Le pic des migrations barbares
«Je suis l’Empire à la fin de la décadence,
Qui regarde passer les grands Barbares blancs.
Paul Verlaine.»

DEPUIS LE IIIe SIÈCLE, les Barbares, des peuples réputés non civilisés et
qui n’ont pas la citoyenneté romaine, se déplacent vers l’ouest sous la
pression d’autres peuples venus de l’est. Certains ont investi la Gaule.
Devenus colons ou enrôlés dans l’armée, ils participent à la défense du limes
(frontière) et contiennent la menace germanique. Les migrations cessent
d’être maîtrisées lorsque, le 31 décembre 406, les Barbares franchissent en
grand nombre le Rhin gelé au niveau de Mayence et pénètrent dans l’Empire
romain. Des peuples germains (Vandales, Suèves, Burgondes, Alamans –
ainsi que les Alains, d’origine orientale) se répandent en Gaule avec
femmes, enfants et vieillards. Tous fuient devant les Huns, redoutables
guerriers asiatiques qui ont traversé le Don en 375 et ont pris possession du
territoire des Alains. Depuis, ces envahisseurs procèdent par raids, poussant
devant eux des tribus entières contraintes de migrer toujours plus à l’ouest.
20 juin 451
Attila est vaincu
ORIGINAIRES DE MONGOLIE, les Huns sont menés depuis 433 par le
terrible roi Attila. Sur les traces des Alains puis des Wisigoths, qu’ils
repoussent toujours plus vers l’ouest, ils finissent par envahir la Gaule.
Après avoir pillé Metz et Reims, ils s’arrêtent devant Paris, qu’ils épargnent,
miracle attribué à l’intervention d’une jeune noble très pieuse,
Geneviève (422-512). Les pillards se dirigent alors vers Orléans, où ils
rencontrent l’armée du général romain Aétius qui les détourne vers l’est.
Pour repousser définitivement les envahisseurs hors de l’Empire romain,
Aétius renforce ses effectifs, fédère les Barbares établis en Gaule et lève une
armée composée de Romains, de Wisigoths, d’Alains, de Burgondes, de
Bretons d’Armorique, de Saxons et de Francs (peuple germanique). Ces
derniers sont menés par leur chef Mérovée. Le 20 juin 451 à Campus
Mauricius, entre Châlons-sur-Marne et Troyes, le général romain livre
bataille et remporte la victoire dite « des champs Catalauniques ». Le
redoutable Attila est vaincu. Les Huns s’enfuient et quittent la Gaule.

« Les Huns sont d’une férocité sans mesure.


On dirait des animaux bipèdes plutôt que
des êtres humains. Les Huns ne cuisent
ni n’assaisonnent ce qu’ils mangent… »

Ammien Marcellin (IV e siècle).

481
Mort de Childéric Ier
Anneau sigillaire à l’effigie du roi Childéric, tombe de Childéric I er.
Orfèvrerie franque, Paris, Bibliothèque nationale de France, Monnaies,
médailles et antiques.

CHILDÉRIC, fils présumé de Mérovée, est le roi des Francs saliens et le


général romain responsable de la province de Belgique seconde. Il lègue
royaume et commandement à son jeune fils Clovis, proclamé roi des Francs
en 481. À cette date, l’Empire romain d’Occident est en train de s’effondrer.
L’empereur Romulus Augustule a été déposé par le Barbare Odoacre en 476,
au terme d’un « règne » de dix mois. Clovis profite de ce déclin pour étendre
sa domination sur les autres tribus franques et conquérir de nouveaux
royaumes, en fondant ainsi la dynastie mérovingienne.
25 décembre 496
Le baptême de Clovis

À Noël 496 (ou 498), l’évêque Remi baptise le roi Clovis en présence
de la reine Clotilde.
Fragment de diptyque en ivoire, IX e siècle, Amiens, musée de Picardie.

CLOVIS REMPORTE sa première grande victoire lors de la bataille de


Soissons, en 486. Pour étendre son royaume vers l’est, Clovis défie les
redoutables Alamans, qu’il affronte en 496 à Tolbiac (au sud-ouest de
Cologne), mais l’armée franque fléchit. La victoire semble sur le point
d’échapper au païen Clovis qui se sent abandonné de ses dieux. Il se
rappelle les suppliques de la très chrétienne Clotilde, son épouse, ainsi que
les promesses de Remi, évêque de Reims, d’un soutien de l’Église en
échange de sa conversion. Alors, il invoque Jésus-Christ, et le combat tourne
en sa faveur. L’évêque Remi le baptise à Reims le 25 décembre 496 (ou 498)
avec trois mille de ses soldats. La conversion de Clovis scelle l’union des
Francs et de l’Église.
« Ce Barbare avait le goût du grand et son entreprise
n’avait de chance de réussir, de durer et de se développer
que s’il respectait le catholicisme, si profondément entré
dans la vie gallo-romaine. […] On peut dire
que la France commence à ce moment-là. »
Jacques Bainville ( Histoire de France, 1924).

558
Clotaire Ier, seul roi des Francs
L’expansion franque au VI e siècle.

À LA MORT DE CLOVIS EN 511, le royaume franc est partagé, selon les


volontés qu’il a laissées à la reine Clotilde, entre ses quatre fils,
conformément à la tradition. Clotaire devient roi de Soissons, Childebert roi
de Paris, Clodomir roi d’Orléans et Thierry roi de Metz. La proximité des
capitales veut signifier l’unité théorique du regnum francorum et permet aux
frères de se porter rapidement secours. Pendant un temps, les quatre rois
poursuivent leurs conquêtes, mais les querelles surviennent rapidement avec
leur cortège de rivalités, d’intrigues, de vengeances, d’assassinats… En 558,
il ne reste plus qu’un survivant, Clotaire Ier, qui réunit sous son autorité
l’intégralité du royaume franc. Considérablement agrandi depuis le règne de
Clovis, son royaume forme l’ensemble territorial le plus important
d’Occident, intégrant dans le même cadre politique la Gaule et la Germanie.

613
Le supplice de Brunehaut
BRUNEHAUT EST REINE D’AUSTRASIE (royaume des Francs orientaux)
durant la minorité de son fils, Childebert II. Cette fille d’un roi des
Wisigoths a été mariée à Sigebert Ier, tandis que sa sœur épousait
Chilpéric Ier, roi de Neustrie (royaume des Francs occidentaux). Celui-ci, à
l’instigation de sa concubine Frédégonde, a fait assassiner sa femme avant de
l’épouser. Frédégonde fait ensuite assassiner Sigebert en 575 et pousse son
époux à conquérir la Neustrie. Elle exerce la régence à la mort de Chilpéric
en 584, pour son fils Clotaire II. La guerre entre les deux reines est
inexpiable et se poursuit jusqu’à la mort (naturelle) de Frédégonde en 597.
La lutte n’en continue pas moins jusqu’en 613, lorsque Clotaire II, qui a
envahi l’Austrasie, s’empare de Brunehaut, trahie par l’aristocratie
austrasienne. La tradition raconte que le supplice de cette reine de culture
romaine, accusée du « meurtre de dix rois », dura trois jours. D’abord
promenée à dos de chameau à travers les rangs de l’armée, elle est ensuite
attachée par les cheveux, un bras et une jambe à un cheval sauvage qui est
lancé au galop. Cette mise à mort déshonorante entendait ainsi lui retirer
toute légitimité, mais a surtout eu pour résultat de la faire entrer aussitôt dans
la légende.

« Le régime mérovingien
est une monarchie absolue
tempérée par l’assassinat. »
Denis Fustel de Coulanges.

629
Dagobert, seul roi des Francs
LE RÈGNE DE DAGOBERT, quatrième de la dynastie, marque l’apogée des
temps mérovingiens. À la tête du royaume d’Austrasie en 626, Dagobert
reçoit à la mort de son père Clotaire II, en 629, les royaumes de Neustrie et
de Bourgogne, et, à celle de son frère Caribert en 632, l’Aquitaine. Toute la
Gaule se trouve ainsi réunie sous son autorité. Le roi dirige seul le regnum
Francorum, l’ensemble territorial le plus puissant d’Europe occidentale.
Présent sur tous les fronts – de l’Aquitaine à la vallée du Rhin, de la
Bretagne à l’Espagne, et jusqu’aux frontières orientales du royaume –, il
s’impose, offre sa médiation et soumet les peuples. Respecté au dehors et
craint à l’intérieur, Dagobert, qui vaut mieux que la célèbre chanson qui le
ridiculise, sait donner du lustre à sa cour. Il installe sa capitale à Paris et
s’entoure de brillants conseillers, dont l’orfèvre Éloi, futur saint Éloi, qu’il
charge de décorer magnifiquement la basilique de Saint-Denis.

« Le bon roi Dagobert


Avait un grand sabre de fer.
Le grand saint Éloi
Lui dit : Ô mon roi !

Votre Majesté
Pourrait se blesser.
– C’est vrai, lui dit le roi,
Qu’on me donne un sabre de bois. »
Chanson du roi Dagobert (écrite principalement sous
le règne de Louis XVI), couplet 12.

687
Pépin II s’empare du pouvoir
À LA COUR DU ROI, le maire du palais, à l’origine simple intendant du roi,
est devenu un homme clé. À la mort, en 679, du roi Dagobert II (petit-fils de
Dagobert Ier), Pépin II de Herstal s’impose comme maire du palais
d’Austrasie et refuse de laisser le légitime Thierry III, roi de Neustrie et de
Bourgogne, prendre la direction du royaume. Après plusieurs combats, Pépin
écrase les Neustriens lors de la bataille de Tertry près de Péronne, en 687. Il
confisque le pouvoir de Thierry III et devient maître de l’ensemble des
royaumes francs. Pépin exerce le pouvoir mais sans le titre, car il n’est pas
roi.

714
Charles, maire du palais
Pépin de Herstal, qui a perdu ses deux fils, meurt le 16 décembre 714. Sa
veuve tente une régence au bénéfice de ses petits-fils et fait jeter en prison
Charles, le bâtard de Pépin. Les grands, qui n’ont pas supporté que Pépin
usurpe le pouvoir en écartant le roi légitime, se révoltent. Charles profite de
la confusion générale pour s’échapper et prendre la situation en mains. Après
avoir récupéré le trésor royal, il se fait reconnaître maire du palais
d’Austrasie, bat les Neustriens, repousse les Aquitains venus à leur secours,
puis refoule les Saxons et les Frisons (du nord-est des Pays-Bas et du nord-
ouest de l’Allemagne actuels). Cinq ans plus tard, en 719, Charles est maître
du royaume franc. Pour asseoir son autorité, il se constitue un réseau de
fidèles qu’il rémunère avec des terres qu’il prend sur les biens de l’Église. Il
donne à ses hommes de quoi équiper et entretenir un cheval. Son objectif est
de prendre la tête d’une armée de cavaliers capables de se déplacer
rapidement d’un point à l’autre du royaume aux fins de servir ses visées
expansionnistes.

25 octobre 732
Charles Martel arrête les Arabes à Poitiers
AU VIIe SIÈCLE, MAHOMET a fondé la religion de l’islam en Arabie. Ses
successeurs, les khalifes, propagent cette foi nouvelle par la guerre sainte. Ils
font la conquête de l’Égypte et du Proche-Orient. À l’est, ils progressent vers
l’Asie centrale. À l’ouest, ils font la conquête de l’Afrique du Nord, de
l’Espagne à partir de 711. Ils franchissent les Pyrénées, prennent Narbonne
en 719 et assiègent Toulouse en 721. Le 9 juin, une bataille devant les murs
de cette ville, menée par Eudes, duc d’Aquitaine, brise le siège et donne un
premier coup d’arrêt à la conquête arabe. Celle-ci ne s’en poursuit pas
moins en Aquitaine. Après que Bordeaux a été dévasté en 732, une armée
arabo-berbère se dirige vers Poitiers. Le duc d’Aquitaine appelle Charles à
son secours. Une bataille de rencontre – en fait, assez brève et confuse – a
lieu à Moussais, entre Tours et Poitiers, le 25 octobre 732. Elle tourne à
l’avantage des Francs et ceux qu’on appelle les Sarrasins préfèrent se
retirer, d’autant qu’il s’agissait plutôt d’un raid de pillage en direction du
sanctuaire de Saint-Martin de Tours, réputé regorger de trésors. Charles
n’entame pas de poursuite, préférant s’emparer des évêchés de la Loire. Il
gagne le surnom de « Martel » (celui qui frappe comme un marteau d’armes)
et la réputation d’avoir arrêté les Arabes à Poitiers.

« On le regardait comme le sauveur de la chrétienté,


et il n’eût tenu qu’à lui de prendre le titre de roi ;
il se contenta d’en exercer le pouvoir et de préparer
l’avènement de son fils Pépin. »
Histoire de France en cent tableaux (1884).

Novembre 751
Childéric III, dernier roi mérovingien,
est déposé
AVANT DE MOURIR, en 741, Charles Martel règle sa succession en
partageant le royaume entre ses fils Carloman et Pépin, mais il doit compter
avec la révolte des grands, qui contestent leur légitimité. Carloman et Pépin
sont contraints en 743 de restaurer la royauté mérovingienne, du moins en
apparence. Ils font sortir le jeune prince Childéric du monastère où il était
retenu et l’installent sur le trône demeuré vacant depuis six ans. Roi de
Neustrie, d’Austrasie et de Bourgogne, Childéric est un souverain fantoche.
Lorsqu’en 747, Carloman se retire du monde, Pépin estime que le moment est
venu d’opérer un changement de dynastie. Prudent, il interroge le pape
Zacharie, auquel il demande s’il convient que le roi soit celui qui détient la
réalité du pouvoir (sans le titre) ou celui qui possède le titre (sans le
pouvoir). Le souverain pontife répond que le roi est celui qui en a la
puissance. Le pape a trop besoin du soutien de Pépin contre les Lombards
pour ne pas lui offrir la réponse espérée. Fort de cette caution, Pépin dépose
Childéric III en novembre 751. Pour le mettre dans l’incapacité de régner, il
le fait tonsurer, le prestige et la force chez les Francs s’évaluant à
l’abondance de la chevelure. Il le fait ensuite enfermer jusqu’à sa mort à
l’abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer. C’est ainsi que s’éteignit la dynastie
mérovingienne.
Au XIII e siècle, l’abbé de Saint-Denis, Mathieu de Vendôme, régent
du royaume, fait réaliser par le moine Primat une chronique en français,
Le Roman des rois, pour le compte du roi Philippe le Hardi auquel
le manuscrit est présenté en 1274.
Les Chroniques de Saint-Denis, Paris, bibliothèque Sainte-Geneviève.

« La substitution fut si naturelle qu’elle passa presque inaperçue.


Le maire du palais était devenu roi. L’autorité était rétablie,
le pouvoir puissant. Une ère nouvelle s’était ouverte. »
Jacques Bainville ( Histoire de France, 1924).

28 juillet 754
La fondation de la dynastie carolingienne
EN NOVEMBRE 751, Pépin réunit l’assemblée des grands du royaume, se
fait élire roi, puis sacrer par l’évêque Boniface. En 754, le pape Étienne II
se rend en Gaule pour solliciter l’aide militaire de Pépin. La rencontre a lieu
à Quierzy dans la villa de Pépin et mène à la conclusion, le 14 avril 754, du
traité du même nom. Par cet accord, Pépin s’engage à conquérir pour le pape
les terres que les Lombards ont ravies à l’Église. En échange, le souverain
pontife légitimera le titre de Pépin en le sacrant. La cérémonie a lieu le
28 juillet 754 à la basilique de Saint-Denis, où Étienne II confère l’onction
sainte à Pépin, à ses deux fils, Charles et Carloman, ainsi qu’à la reine
Bertrade. Le concept de la royauté de droit divin est forgé.

4 décembre 771
L’avènement de Charlemagne
AVANT DE MOURIR EN 768, Pépin partage son royaume entre ses deux
fils, qui exercent conjointement l’autorité royale. Le 4 décembre 771, la mort
prématurée de Carloman est pour Charles l’occasion de réunir entre ses
mains la totalité de l’héritage paternel. En 774, les Lombards menacent de
nouveau les États pontificaux. En tant que protecteur de l’Église, Charles
intervient et, comme l’a fait son père avant lui, restitue les terres conquises
au pape. Mais il va plus loin en déposant le roi lombard, dont il ceint la
couronne de fer. Il prend alors le titre de roi des Francs et des Lombards, ce
qui lui vaut le respect et la reconnaissance du pape, qui use du terme
impérial de Magnus pour s’adresser à lui. Carolus Magnus devient
Charlemagne et donne son nom à la nouvelle dynastie. Charlemagne guerroie
inlassablement. Au sud, il crée la marche d’Espagne pour se protéger des
musulmans, à l’ouest la marche de Bretagne. À l’est, la conquête des
peuples, qui se fait au nom de l’Église et de la christianisation des païens,
est souvent obtenue par la force, comme ce fut le cas pour les Saxons. À la
fin du VIIIe siècle, Charlemagne a repoussé les frontières du royaume
jusqu’aux régions danubiennes. Il est, de fait, le maître de l’Occident. Le
pape Léon III, qui tient à conserver son autorité spirituelle sur les rois et
leurs peuples, demande à Charlemagne de devenir le chef temporel d’un
empire chrétien qu’il appelle de ses vœux. La cérémonie du couronnement a
lieu à Saint-Pierre de Rome le 25 décembre 800.
Extension de l’empire de Charlemagne.

15 août 778
Roland à Roncevaux
Charlemagne se penche sur le corps du preux comte Roland, qui a péri
dans l’embuscade de Roncevaux.
Miniature tirée des Grandes Chroniques de France, XIV e siècle.
Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique.

LE 15 AOÛT 778, Charlemagne, à la tête de son armée, revient d’Espagne et


franchit les Pyrénées par le défilé de Roncevaux, où son arrière-garde est
attaquée par des Vascons (Basques). Ses meilleurs chevaliers, dont le preux
comte Roland, comte de la Marche de Bretagne, périssent dans l’embuscade.
Cet épisode deviendra, au XIe siècle, La Chanson de Roland, long poème
épique et chanson de geste qui célèbre à l’époque des croisades de preux
chevaliers, défenseurs de la foi chrétienne. C’est ainsi que les Vascons, qui
furent probablement peu nombreux, devinrent d’innombrables et cruels
Sarrasins.

« Roland sent que la mort le pénètre.


De la tête, elle lui descend vers le cœur.
Sous un pin, il est allé en courant.
Sur l’herbe verte, il s’est couché face contre terre.
Sous lui, il place son épée et l’olifant. »
La Chanson de Roland (« La mort de Roland »). »

811
Louis, roi d’Aquitaine, seul héritier
de Charlemagne
LOUIS, TROISIÈME FILS DE CHARLEMAGNE né en 778, est nommé roi
d’Aquitaine à l’âge de 3 ans. Son gouvernement, d’abord assuré par les
comtes, reçoit le soutien de conseillers de son choix. La mort de ses deux
frères (Pépin en 810 et Charles l’année suivante) fait de lui l’unique héritier
de Charlemagne, qui anticipe sa succession en le faisant couronner empereur
à Aix-la-Chapelle en 813. Charlemagne meurt le 28 janvier 814. Louis, dit le
Pieux ou encore le Débonnaire, abandonne le titre de roi des Francs et des
Lombards pour ne conserver que le seul titre d’empereur, signifiant
l’universalité de son titre. Mais il n’a ni le prestige ni l’autorité de son père.

Août 843
Le partage de Verdun
« Les partages étaient l’erreur inguérissable
de ces dynasties d’origine franque. »
Jacques Bainville (Histoire de France, 1924 ).

CÉDANT AUX PRESSIONS DE L’ÉGLISE qui souhaite que l’Empire reste


uni, Louis le Pieux proclame en 817 l’Ordinatio Imperii qui organise sa
succession. Il divise l’Empire en trois royaumes, pourvoit son aîné Lothaire
du titre impérial et des terres centrales où se trouvent Aix-la-Chapelle et
Rome. Il attribue les royaumes d’Aquitaine et de Bavière aux deux cadets,
qui ne peuvent y exercer le pouvoir que sous l’autorité de leur aîné. Méfiant,
Louis Ier le Pieux fait sacrer et couronner Lothaire de son vivant en 823, mais
il est à peine mort que ses héritiers se querellent. Fort de son titre impérial et
maître de la capitale administrative et spirituelle de l’Empire, Lothaire est
certain d’écraser la rébellion de ses frères. Le 16 mars 842, Louis et Charles
se rencontrent à Strasbourg. Là, ils se jurent loyauté, et s’engagent
mutuellement à ne jamais traiter individuellement avec leur aîné de
quelconques dispositions qui puissent nuire à l’autre. Ils demandent à leurs
fidèles le même engagement. Scellé par les guerriers assemblés, le serment
de Strasbourg repose sur un réseau de fidélités d’homme à homme qui en fait
la force et la valeur. Comprenant qu’il a perdu la partie, Lothaire négocie la
paix avec ses frères. L’immense Empire est fractionné en trois royaumes
égaux dont les contours sont définis par le partage de Verdun en août 843.
Louis, qui devient Louis II le Germanique, reçoit la Francie orientale,
Lothaire la Francie moyenne – qui comprend les deux capitales, Aix-la-
Chapelle et Rome – et Charles le Chauve la Francie occidentale. Lothaire
conserve son titre d’empereur, valable uniquement dans son royaume. C’est
la fin de l’unité impériale.
Le partage de l’Empire carolingien au traité de Verdun (843).

14 juin 877
L’assemblée de Quierzy
À LA SUITE DE SUCCESSIONS DIVERSES, Charles le Chauve, roi de
Francie occidentale, devient en 875 empereur d’Occident. Il doit aller en
877 au secours du pape menacé par les Sarrasins, mais il apparaît alors que
son armée est incapable de se déplacer promptement d’un point à l’autre du
royaume. La défense des populations est prise en charge régionalement par
les comtes, qui tendent à négliger l’autorité du souverain. Charles, qui
prépare son expédition en Italie, réunit une assemblée de grands à Quierzy
(aujourd’hui dans l’Aisne) le 14 juin 877. Il rappelle à ses hommes le lien de
fidélité et d’obéissance qui les unit à lui, en retour duquel il leur doit
« l’honneur », c’est-à-dire l’attribution d’une charge (bénéfice) et des
fonctions qui s’y rattachent. Traditionnellement, c’est le roi qui nomme aux
bénéfices vacants, mais compte tenu de sa longue absence à venir, Charles se
doit d’être prévoyant. Ainsi, le capitulaire de Quierzy prévoit qu’en cas de
décès d’un comte, c’est son fils qui gérera le domaine. De même, si un
vassal meurt, sa veuve et ses enfants disposeront transitoirement de son
bénéfice. Ces dispositions, sous couvert d’être des mesures exceptionnelles
dictées par la nécessité, consacrent dans les faits le principe de l’hérédité
des charges qui affaiblit le pouvoir central au profit des pouvoirs locaux et
préfigure le fractionnement du royaume en principautés.

« Les comtes, les seigneurs, voilà les véritables


héritiers de Charles le Chauve. »
Michelet ( Histoire de France).

7 novembre 886
Les Normands lèvent le siège de Paris
AU IXe SIÈCLE, l’empire carolingien est la cible de raids répétés
d’envahisseurs : Sarrasins et surtout Vikings, autrement appelés les
« Normands » (« hommes du Nord »). Au IXe siècle, ces habiles navigateurs
se lancent dans des expéditions au terme desquelles ils attaquent les régions
côtières, remontent les fleuves et s’enfoncent toujours plus profondément
dans le royaume. En 885-886, ils mettent pour la quatrième fois le siège
devant Paris, mais cette fois le comte de Paris, Eudes, résiste dans l’attente
des troupes du roi Charles le Gros. Cependant, au lieu de combattre, ce
dernier achète le départ des Normands, le 7 novembre 886, tout en les
autorisant tacitement à aller piller la Bourgogne. Cette attitude indigne,
sévèrement jugée par les contemporains, remet son autorité en question. À sa
mort, en 888, les grands du royaume décident d’élire Eudes, qu’ils installent
sur le trône à la place du Carolingien Charles le Simple, alors âgé de 8 ans.
Fils de Robert le Fort, Eudes a hérité de son père des comtés de Paris,
d’Orléans, de Tours et de Blois, ce qui fait de lui le plus grand seigneur du
royaume. À cette puissance territoriale s’ajoute le prestige d’être l’ardent
défenseur de Paris.

Plaque commémorative de l’action du comte de Paris, Eudes, lors du siège


normand de l’hiver 885-886. Paris, parvis de Notre-Dame.

911
Le traité de Saint-Clair-sur-Epte
LE CHEF NORMAND ROLLON, qui a pris part au siège de Paris en 885,
s’est établi avec ses hommes dans la région de Rouen. De là, il maintient la
pression sur les populations alentour et organise des raids pour étendre sa
zone d’influence. En 911, il met le siège devant Chartres que défend Robert,
comte de Paris, dans l’attente des troupes royales. À l’issue d’une bataille
difficile, le 20 juillet 911, Rollon et ses hommes sont mis en déroute par les
troupes du roi Charles le Simple, roi depuis 893 mais qui ne règne
effectivement que depuis la mort du roi Eudes en 898. Cette victoire affermit
le prestige et l’autorité du souverain. Le moment est venu d’envisager une
négociation. Celle-ci est menée par les archevêques de Chartres, de Rouen et
de Reims avec le comte de Paris, et conduit à la signature du traité de Saint-
Clair-sur-Epte à l’automne 911. Rollon s’engage par cet accord à être fidèle
au roi de France et à se convertir au christianisme avec ses hommes. En
échange, Charles le Simple lui concède autorité sur les populations des
diocèses de Rouen, d’Évreux et de Lisieux, et reconnaît à Rollon le titre de
duc de Normandie.
Le Moyen Âge des châteaux
et des cathédrales
987-1488

3 juillet 987
L’avènement de la dynastie capétienne
LORSQU’EN 987, le Carolingien Louis V meurt, son seul héritier est un
oncle qui n’a jamais été associé au pouvoir. Conformément au rite électif
franc, les grands se réunissent en assemblée pour désigner le nouveau
souverain. L’archevêque de Reims, Adalbéron, démontre l’incapacité du
prétendant carolingien à gouverner tout en valorisant les qualités d’Hugues,
duc des Francs. Maître de plusieurs comtés réunis en duché, celui-ci exerce
de fait la réalité du pouvoir politique. Il dispose des évêchés de Reims et de
Laon, possède les abbatiats laïques de Saint-Denis et Saint-Martin de Tours.
Il a épousé la fille du duc d’Aquitaine. Proclamé roi le 1er juin 987 et pour
éviter toute contestation, Hugues est sacré à Noyon le 3 juillet suivant. Le
30 décembre de cette même année, il associe au trône son fils aîné Robert et
confère un caractère héréditaire à la monarchie en le faisant sacrer à Reims.
Hugues, qui porte parfois une cape en tant qu’abbé laïc de Saint-Martin de
Tours, prend le nom d’Hugues Capet. Il est le premier souverain de la
dynastie capétienne.
14 octobre 1066
Guillaume le Bâtard remporte la bataille
d’Hastings
À LA MORT DU ROI D’ANGLETERRE, Édouard le Confesseur, en 1066,
deux prétendants s’affrontent pour le trône. Beau-frère et conseiller du roi
défunt, chef de l’aristocratie anglo-saxonne, Harold, comte de Wessex, est
élu roi par le Conseil royal. Cependant, le duc de Normandie, Guillaume dit
le Bâtard, revendique la couronne d’Angleterre que lui aurait promise
Édouard le Confesseur et que Harold se serait autrefois engagé à lui faire
remettre. Guillaume débarque en Angleterre le 29 septembre 1066 et
l’affrontement des deux armées a lieu le 14 octobre près de Hastings. À
l’issue d’un combat long et difficile, au cours duquel Harold est tué et les
troupes anglaises défaites, Guillaume, devenu « le Conquérant », monte sur
le trône d’Angleterre. Le jour de Noël 1066, il se fait sacrer roi à l’abbaye
de Westminster et prend le nom de Guillaume Ier. Quatre ans plus tard, la
conquête de l’Angleterre par les Normands est une réalité. Guillaume Ier a
pourvu la famille royale et les grands aristocrates normands de terres et de
fiefs, et distribué églises et abbayes aux ecclésiastiques normands. Le roi
d’Angleterre, qui conserve le titre de duc de Normandie, est désormais un
personnage puissant et un défi pour le souverain de France.

La tapisserie de Bayeux, ou broderie de la reine Mathilde,


a été commandée par l’évêque Odon de Conteville, demi-frère
de Guillaume le Conquérant, pour retracer la conquête de l’Angleterre
par le duc de Normandie.
Bayeux, musée de la Tapisserie.

27 novembre 1095
Urbain II prêche la croisade
LE 27 NOVEMBRE 1095, lors du concile de Clermont en Auvergne, le pape
Urbain II manifeste son inquiétude pour les chrétiens d’Orient, menacés par
les musulmans qui ont conquis Jérusalem au VIIe siècle. Il en appelle aux
fidèles du Christ, qu’il exhorte à la guerre sainte, la seule guerre qui soit
noble et légitime, celle qui apporte la remise de tous les péchés et assure
l’entrée au Paradis. Par cette incitation à la croisade (« marqué par la
croix », dont le terme n’apparaît que plus tard), le souverain pontife, en
déplaçant le théâtre des violences en Orient, espère canaliser l’ardeur
belliqueuse des chevaliers et mettre fin aux guerres fratricides qui les
opposent en Europe.

« Qu’ils deviennent de véritables chevaliers,


ceux qui si longtemps n’ont été que des pillards ; qu’ils recherchent
des récompenses éternelles, ceux qui pendant tant d’années
ont vendu leurs services comme mercenaires. »
Prêche d’Urbain II (1095).
Cette scène représente la mort du roi Harold.
Bayeux, musée de la Tapisserie.

1098
La fondation de l’ordre de Cîteaux

Bernard et ses compagnons quittent l’abbaye de Cîteaux pour aller fonder


celle de Clairvaux.
Enluminure tirée des Chroniques abrégées des anciens rois et ducs
de Bourgogne, vers 1500, Londres, British Library.
EN 1098, quelques moines bénédictins de l’abbaye de Molesme décident,
sous la direction de leur abbé Robert, de fonder une nouvelle abbaye dans la
forêt de Cîteaux, en Côte-d’Or. Leur volonté est de revenir à la stricte
observance de la règle définie par saint Benoît au VIe siècle, règle qui
répartit la journée entre l’office, la prière et le travail. Deux ans plus tard, le
pape reconnaît officiellement la naissance de l’ordre cistercien, dont la
charte de Charité, ou charte fondatrice, est rédigée par Étienne Harding,
troisième abbé de Cîteaux.

1124
Louis VI le Gros lève l’étendard
du royaume
LOUIS VI LE GROS, couronné roi depuis 1108, obtient progressivement
l’hommage des grands. Sur les conseils du brillant Suger, abbé de Saint-
Denis, il finit par soumettre les seigneurs turbulents. Mais Henri Ier, roi
d’Angleterre et duc de Normandie, veut réduire les prétentions du roi de
France sur son duché. Il se sert pour cela de son gendre Henri V, empereur
d’Allemagne, en conflit avec le pape et indirectement l’ennemi de Louis VI
qui soutient ce dernier. Henri V pénètre en Champagne en 1124 et annonce
son intention de détruire la symbolique ville de Reims. Toujours sur les
conseils de Suger, Louis VI lève solennellement la bannière royale de
Charlemagne et réunit derrière elle tous ses grands vassaux : les ducs de
Bourgogne et d’Aquitaine, les comtes de Nevers, de Blois, du Vermandois,
de Champagne, de Bretagne et d’Anjou, qui reconnaissent ainsi que leurs
principautés font partie intégrante du royaume de France. Face à cette
impressionnante mobilisation, Henri V choisit de se retirer sans combattre. Il
en résulte un prestige considérable pour le roi de France.

31 mars 1146
Bernard de Clairvaux prêche la deuxième
croisade
« On dit que je suis plus pape que vous. »
Lettre de Bernard de Clairvaux au pape Eugène III.

AU COURS DE LA PREMIÈRE CROISADE, les chrétiens ont pris la ville


de Jérusalem en 1099 et fondé les premiers États latins. Cependant, la
résistance musulmane s’est organisée et les croisés, en état de guerre quasi
permanent, se sont trouvés affaiblis par le retour en Europe de nombreux
pèlerins. La prise de la forteresse frontalière d’Édesse, le 24 décembre
1144, plonge le monde chrétien dans la consternation. Le pape Eugène III
appelle à une nouvelle croisade le 1er décembre 1145, mais ne rencontre
d’abord que peu d’écho. Il en confie alors la prédication à Bernard de
Fontaine, premier abbé de Clairvaux, dont l’autorité spirituelle et les talents
de prédicateur sont établis dans tout l’Occident chrétien. Le 31 mars 1146,
jour de Pâques, il prêche la croisade à Vézelay en Bourgogne, lieu de
pèlerinage très fréquenté. Il y a là, en présence du roi Louis VII et de son
épouse Aliénor d’Aquitaine, une foule immense et fervente. Le roi, qui avait
déjà envisagé de se rendre en Terre sainte, décide de se croiser, et
innombrables autour de lui sont ceux qui réclament la croix de pèlerin.
En présence de Bernard de Clairvaux qui vient de prêcher la deuxième
croisade, le roi Louis VII et son épouse Aliénor prennent la croix.
De nombreux barons et seigneurs font de même et partent pour le Proche-
Orient.
Enluminure de Jean Colombe, XV e siècle. Paris, Bibliothèque nationale
de France.

21 mars 1152
Annulation du mariage de Louis VII
et d’Aliénor d’Aquitaine
LE 1er AOÛT 1137, Louis VII a été proclamé roi. À 17 ans, il venait
d’épouser Aliénor, héritière du duché d’Aquitaine, qui lui apportait en dot la
Guyenne, la Gascogne, le Poitou, la Saintonge, le Limousin, la Marche,
l’Angoumois et le Périgord. Pour gouverner, le jeune souverain s’en remet
régulièrement au conseiller de son père, Suger, abbé de Saint-Denis, qui
demeure le personnage clé du royaume. C’est naturellement à lui que le roi
confie la régence lors de son départ en croisade en 1147. À leur retour de
Terre sainte, Louis VII et Aliénor annoncent leur volonté de divorcer. Suger
avait toujours réussi à dissuader le roi d’un tel divorce, en mesurant les
conséquences politiques et territoriales, mais il meurt en 1151. L’année
suivante, le 21 mars, le concile de Beaugency prononce l’annulation du
mariage pour cause de consanguinité. Deux mois plus tard, Aliénor, duchesse
d’Aquitaine épouse Henri Plantagenêt, comte d’Anjou, duc de Normandie et
futur roi d’Angleterre (1154). Ce mariage, après que le roi de France a dû
restituer la dot d’Aliénor, donne naissance à un énorme domaine féodal qui
s’étend de la Normandie aux Pyrénées et est propre à inquiéter le roi de
France.

6 mars 1204
La prise de Château-Gaillard
DEPUIS QUE LE DUCHÉ DE NORMANDIE est passé sous contrôle
anglais au XIe siècle, la terre normande obsède les rois de France.
Richard Ier Cœur de Lion, roi d’Angleterre et duc de Normandie, décide en
1197 de faire construire aux Andelys le Château-Gaillard. Cette forteresse,
qui surplombe puissamment la Seine, verrouille l’accès de la Normandie. À
la mort de Richard en 1199, le duché échoit à son frère Jean sans Terre. Le
roi de France Philippe Auguste, qui voit là l’occasion de reprendre
l’offensive, invoque le droit féodal en prononçant la commise, la
confiscation des fiefs que le nouveau duc tient de la couronne de France.
Philippe Auguste entre en Normandie en juin 1202 et commence le siège de
Château-Gaillard en septembre de l’année suivante. Après de longs mois
éprouvants pour les deux camps, les Français pénètrent par surprise dans la
seconde enceinte. Les défenseurs se réfugient dans le donjon qui est investi à
son tour, miné et emporté d’assaut. Château-Gaillard neutralisé, les Anglo-
Normands n’offrent plus de résistance. Falaise, Caen et Bayeux tombent, puis
Rouen, qui se rend le 24 juin 1204 après un siège de quarante jours et non
sans avoir obtenu du roi le maintien de ses privilèges commerciaux. Philippe
Auguste vient d’achever la conquête du duché de Normandie, qui est intégré
au domaine royal.

« C’est un château gaillard !


se serait écrié Richard Cœur de Lion
à l’achèvement de la construction
de la forteresse.
Le nom devait lui rester. »

22 juillet 1209
Le massacre de Béziers
VENU D’ORIENT, le catharisme se développe en Languedoc à la fin du
XIIe siècle et se concentre dans la région d’Albi. Convaincus de l’existence
de deux dieux, un bon et un mauvais, de force équivalente et sans cesse en
lutte, les cathares se répartissent en simples croyants, qui vivent sans
restriction, et en parfaits, qui forment une élite adepte d’une morale très
rigoureuse, impliquant ascétisme et abstinence sexuelle. Parce que le
catharisme rejette les dogmes du catholicisme, l’Église entreprend vainement
de le combattre en missionnant des cisterciens puis des dominicains chargés
de les convertir, mais en vain. L’assassinat du légat du pape par un homme
suspecté d’être cathare pousse le souverain pontife à demander l’intervention
militaire du roi Philippe Auguste. La croisade contre les Albigeois, première
croisade lancée par l’Église au sein de la Chrétienté, va générer une guerre
sanglante où le prétexte religieux sert les ambitions territoriales des hommes
du Nord. Sous le commandement du comte Simon de Montfort, les chevaliers
prennent la route du Sud et s’avancent en pays hérétique. Le 22 juillet 1209,
ils sont à Béziers et massacrent la population jusque dans les églises de la
ville.

« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »


Propos prêtés à Arnaud Amaury, légat du pape.
27 juillet 1214
Le dimanche de Bouvines

Des chevaliers secourent Philippe Auguste qui vient d’être désarçonné.


Aussitôt remis en selle, il dirige une vigoureuse contre-attaque
qui provoque la fuite de l’empereur Otton.

PRIVÉ DE SES FIEFS DE FRANCE, qui lui ont été confisqués par Philippe
Auguste, le roi d’Angleterre, Jean sans Terre, organise une coalition
vengeresse. Dirigée par l’empereur germanique Otton IV, qui réunit autour de
lui les comtes de Boulogne, de Flandre et du Hainaut, l’alliance attaque
l’armée de Philippe Auguste le 27 juillet 1214. L’affrontement a lieu à
Bouvines, près de Valenciennes, un dimanche, jour de la paix de Dieu où la
guerre est pourtant déclarée interdite. Après plusieurs heures d’un combat
difficile et incertain, Otton et ses alliés, suivis de leurs soldats, ne doivent
leur salut qu’à la fuite. Philippe Auguste rentre à Paris. Ses prisonniers sont
nombreux et prestigieux : comtes, nobles, chefs de bannières, qu’il va
négocier contre rançon ou sujétion. Ce triomphe est interprété comme voulu
par Dieu et consacre la monarchie capétienne.

« Le retour de l’Armée fut un triomphe. […]


Les Français avaient pour la première fois
défendu ensemble leur patrie ;
le sentiment du patriotisme était né. »
Histoire de France, cours élémentaire (1884).

14 juillet 1223
Mort de Philippe Auguste
CELUI QUI AVAIT ÉTÉ ROI À 15 ANS meurt le 14 juillet 1223 après
quarante-trois ans d’un règne essentiellement consacré à l’affaiblissement de
la puissante dynastie Plantagenêt. Philippe II Auguste laisse un bel héritage.
Par des conquêtes, des alliances, des achats et des confiscations, des
relèvements de fiefs tombés en déshérence, le roi a multiplié par quatre
l’assise territoriale du royaume. Une sage gestion des revenus domaniaux
laisse en sus des finances saines et une solide trésorerie. Grâce à une
réforme de l’administration et à la mise en place des agents royaux que sont
les baillis et les sénéchaux, l’autorité du roi est partout respectée. Paris
devient sous son règne la capitale du royaume, où sont désormais conservées
les Archives royales et où il fait construire la forteresse du Louvre et la
grande enceinte. Mais son grand œuvre, c’est la victoire de Bouvines qui va
forger la naissance de la conscience nationale. Philippe n’a pas combattu
pour l’héritage du roi franc, mais pour le destin d’un pays élu : la France.
Premier des Capétiens à ne pas associer son fils au gouvernement du
royaume, il est aussi le premier à cesser de s’intituler « roi des Francs » et à
signer ses documents en tant que « roi de France ». Alors que l’empereur
vaincu tient son pouvoir de l’élection de ses pairs, le roi de France tient le
sien de Dieu par le sacre.
Le royaume de France à la mort de Philippe Auguste.
Mars 1244
Le bûcher de Montségur
EN 1215, le concile de Latran IV condamne le catharisme, qui devient
officiellement une hérésie. Cela n’arrête pas son développement, qui
continue à s’amplifier si bien qu’en 1231, le pape Grégoire IX institue
l’Inquisition, une juridiction spécialisée dont le but est de combattre
l’hérésie. Ses sentences vont jusqu’à la peine de mort, dont l’exécution est
confiée au bras séculier (l’autorité temporelle, par opposition à l’autorité
spirituelle). Les dominicains – un ordre catholique né en 1215 sous
l’impulsion de saint Dominique et dont la vocation initiale était la
prédication – pourchassent méthodiquement les hérétiques. Sous le règne de
Louis IX (futur Saint Louis), en 1244, après dix mois de siège, la forteresse
de Montségur, dernier sanctuaire du catharisme, tombe. Plus de deux cents
parfaits périssent sur le bûcher.

« Quand on entend médire de la foi chrétienne,


il ne faut la défendre qu’avec l’épée,
dont on doit donner dans le ventre
autant qu’elle peut y entrer. »
Louis IX à son biographe Jean de Joinville.

Février 1257
La fondation du collège de la Sorbonne
L’UNIVERSITÉ DE PARIS s’organise au XIIIe siècle. Elle relève
directement du Saint-Siège et jouit de privilèges royaux qui la rendent
autonome. En marge de l’université, d’autres collèges existent, financés par
de généreux donateurs pour les étudiants pauvres qui y sont logés et nourris.
Celui de la rue Coupe-Gueule, à proximité de la montagne Sainte-Geneviève,
bénéficie d’une donation royale. Il a été fondé en 1257 par Robert de
Sorbon, chapelain et confesseur de Louis IX, à l’intention d’étudiants se
destinant à la théologie. Cet important collège deviendra la faculté de la
Sorbonne, ainsi nommée à partir de 1554.

25 août 1270
Mort de Louis IX, futur Saint Louis
LOUIS IX DÉBUTE SON RÈGNE en 1226 et fait de la justice sa priorité.
La Grande Ordonnance de 1254 oblige les agents royaux à rendre la justice
sans distinction de personnes et à répondre des plaintes à leur encontre. En
1261, un pas supplémentaire vers l’état de droit est franchi avec
l’interdiction du duel judiciaire au profit de l’enquête et de la preuve par
témoin. De même, la pratique de l’enregistrement des arrêts rendus par la
cour du roi lors de ses sessions judiciaires prélude à la jurisprudence.
Toujours par souci d’équité, Louis IX rétablit la frappe de l’écu d’or après
cinq siècles d’interruption. Il l’impose dans tout le royaume afin que chacun
soit assuré de la juste valeur de la monnaie en circulation. Le roi, qui
privilégie la paix à la guerre, se pose en arbitre de la Chrétienté et signe en
1259, contre l’avis de son Conseil, le traité de Paris qui pacifie les relations
entre l’Angleterre et la France. Le 25 août 1270, lors de la huitième et
dernière croisade, le roi Louis IX meurt devant la ville de Tunis. Des
miracles se seraient produits sur le chemin du retour qui a conduit sa
dépouille à Saint-Denis. Par la bulle Gloria Laus du 11 août 1297,
Boniface VIII ordonne la canonisation du roi, qui devient Saint Louis.

« Maintes fois il lui arriva, en été, d’aller s’asseoir au bois


de Vincennes, après avoir entendu la messe ; il s’adossait à un chêne
et nous faisait asseoir auprès de lui ; et tous ceux qui avaient
un différend venaient lui parler sans qu’aucun huissier,
ni personne, n’y mît obstacle. »
Jean de Joinville (Le Livre des saintes paroles
et des bons faits de notre saint roi).

13 octobre 1307
Philippe le Bel entreprend la destruction
de l’ordre des Templiers
Issu de la chevalerie chrétienne, l’ordre des Templiers, religieux et
militaire, voué à la protection des pèlerins de Jérusalem, a été créé en 1129.
À la fin du XIIIe siècle, après que toutes les villes chrétiennes d’Orient sont
tombées aux mains des « infidèles », les moines soldats reviennent en
Occident. Devenus riches et puissants, les Templiers font office de banquiers
auprès des grands et leur influence suscite beaucoup de jalousies. Le roi
Philippe IV le Bel, qui règne de 1285 à 1314, entend supprimer cet ordre
puissant, sorte d’État dans l’État, qui dépend directement de Rome. Toujours
à court d’argent, il convoite aussi ses richesses. Le 13 octobre 1307, il
ordonne l’arrestation de ses chefs et invite le pape à réunir un concile pour
statuer sur l’ordre. Le pape doute, transige, ne condamne pas l’ordre, mais
déclare finalement son abolition le 3 avril 1312. Si le roi de France a pu
s’emparer des richesses monétaires des Templiers, il n’a pas réussi à
confisquer leurs biens, qui sont transférés à l’ordre des Hospitaliers. Le
grand maître du Temple, Jacques de Molay, et ses compagnons sont brûlés
vifs le 18 mars 1314 sur l’île de la Cité à Paris.
À l’issue de leur procès, le grand maître du Temple, Jacques de Molay,
et ses compagnons sont brûlés vifs à Paris le 18 mars 1314. Philippe
le Bel assiste au bûcher, entouré de ses courtisans. Miniature tirée
des Grandes chroniques de France, XV e siècle, Londres, British Library.

« On les brûla vifs avec trente-sept chevaliers de la même religion ;


lesquels, tant qu’ils purent parler, criaient dans les flammes :
“Les corps sont au roi de France, mais les âmes sont à Dieu.” »
Grandes Chroniques de France.

9 mars 1309
Le pape Clément V s’établit à Avignon
LE GRAVE AFFRONTEMENT entre Philippe le Bel et la papauté conduit à
la désignation en 1305 d’un pape qui ne soit pas issu du Sacré Collège de
Rome. Le 5 juin, les cardinaux, réunis en conclave à Pérouse, désignent
Bertrand de Got, 40 ans, ancien archevêque de Bordeaux, diplomate et
juriste, qui est resté neutre dans la querelle entre Philippe le Bel et le pape
Boniface VIII. Il choisit le nom de Clément V et s’établit le 9 mars 1309 à
Avignon, ville proche et possession du comte de Provence, roi de Naples et
à ce titre vassal du Saint-Siège. La situation d’Avignon étant plus favorable
politiquement et géographiquement que celle de Rome, Clément V choisit d’y
rester, loin des turbulences de la Ville sainte et de la pression des grandes
familles romaines. Sept papes, tous français, vont s’y succéder jusqu’en
1377.

24 juin 1340
La bataille de l’Écluse
La suprématie des archers anglais sur les arbalétriers français
est déterminante pour l’issue de la bataille de l’Écluse dont la victoire
est emportée par les Anglais.

LA GUERRE DE CENT ANS commence en 1337 lorsque Édouard III


d’Angleterre, fils d’Édouard II et d’Isabelle, fille de Philippe le Bel,
revendique son droit à la couronne de France dont il a été privé lors de la
succession de Charles IV, mort sans héritier mâle en 1328. Au printemps
1340, Philippe VI de Valois arme à l’Écluse, avant-port de Bruges, une
importante flotte française constituée depuis de longues années en prévision
d’une croisade. Elle a pour mission d’arrêter les navires anglais qui
s’apprêtent à débarquer en Flandre, mais elle est confiée à deux chefs
inexpérimentés. Le 24 juin, ses navires immobiles et serrés les uns contre les
autres affrontent ceux que commande Édouard III en personne. Les archers
anglais triomphent déjà des arbalétriers français (mercenaires génois) quand
la flotte flamande vient renforcer celle du roi d’Angleterre. Trente navires
français seulement sur deux cents en réchappent. La maîtrise de la mer est
anglaise et c’est désormais sur les terres de France que vont se dérouler les
combats.

26 août 1346
Le désastre de Crécy
ÉDOUARD III DÉBARQUE EN PERSONNE dans le Cotentin en juillet
1346, prend Caen, marche vers la Flandre et prend position sur les hauteurs
du plateau de Crécy, dans la Somme, pour une bataille défensive. Son armée
ne compte que 15 000 à 20 000 hommes, mais elle est bien équipée et
entraînée, avec une cavalerie mobile et surtout des milliers d’archers
capables de tirer dix à douze flèches par minute. L’armée française est trois
fois plus nombreuse mais encore féodale, essentiellement composée de
chevaliers lourdement équipés et incapables de manœuvrer. L’affrontement a
lieu l’après-midi du 26 août 1346. Les Français se ruent à l’assaut dans le
plus grand désordre et se heurtent à deux lignes de défense parfaitement
organisées. La première, hérissée de pieux, est commandée par le Prince
Noir, fils d’Édouard III, et la seconde, avec la cavalerie en réserve, par son
père. Philippe VI ne parvient pas à organiser son attaque, et ses arbalétriers
génois ne peuvent rien contre les archers gallois. Les volées de flèches
obscurcissent le ciel, « de telle façon que ce semblait neige », lit-on dans un
récit du temps. Les premières bombardes, qui flanquent les archers, achèvent
par leur bruit de dérouter les assaillants. Comprenant qu’il est vaincu,
Philippe VI, qui a eu deux chevaux tués sous lui, se retire. Quinze cents
chevaliers et des milliers de « gens de pied » ont été tués, car les Anglais
n’ont pas « pris à rançon ». La défaite est lourde de conséquences.
Édouard III a désormais les mains libres pour assiéger Calais. Un an plus
tard, le 4 août 1347, la ville se rend aux Anglais, qui en font une tête de pont
pour leurs chevauchées dans le royaume de France.

19 septembre 1356
Jean le Bon est fait prisonnier à la bataille
de Poitiers
INTERROMPUE PAR UNE ÉPIDÉMIE DE PESTE, la guerre reprend
en 1355 lorsque le Prince Noir organise une chevauchée dévastatrice en
Languedoc. Alors qu’il met en place une nouvelle expédition destructrice en
direction de l’Auvergne, le roi de France, Jean II le Bon, décide de
l’affronter. La bataille a lieu à proximité de Poitiers le 19 septembre 1356.
Comme à Crécy, le Prince Noir a judicieusement choisi son terrain pour
pallier la faiblesse de ses effectifs. Comme à Crécy encore, la chevalerie
française est décimée par les archers anglais. Désarçonné plusieurs fois, le
roi, longtemps protégé par son fils Philippe, se bat jusqu’au bout, y gagnant
le surnom de Jean le Bon (« le courageux »). Capturé, il est emprisonné à
Londres. Une négociation s’engage avec le dauphin, qui assure la régence.
Elle aboutit, en mai 1360, au traité de Brétigny par lequel le roi d’Angleterre
renonce à ses prétentions sur la couronne de France en se contentant de
l’Aquitaine et d’une rançon de 3 millions d’écus d’or pour le paiement de
laquelle sont émis les premiers francs.

31 juillet 1358
L’assassinat d’Étienne Marcel
SOUS LE RÈGNE DE JEAN LE BON, Étienne Marcel est prévôt des
marchands de Paris (au rôle proche de celui d’un maire) depuis décembre
1355. Il appartient à la nouvelle bourgeoisie qui aspire à participer au
pouvoir politique. La captivité du roi en Angleterre lui permet de jouer un
rôle de premier plan à Paris vis-à-vis du dauphin Charles (futur Charles V).
À la suite des états généraux de 1356 et de l’ordonnance de mars 1357 qui
introduit des représentants des états au Conseil royal, Étienne Marcel devient
le maître de Paris. Il tente alors de gagner la province à sa cause, mais le
dauphin a réuni une armée qui bloque Paris. Compromis par une alliance
avec Charles II de Navarre, dit le Mauvais, prétendant malheureux au trône
de France et accusé de vouloir livrer Paris aux Anglais, Étienne Marcel est
assassiné le 31 juillet 1358. Tous les bourgeois de Paris se rallient au futur
Charles V, dit le Sage.

« La royauté était rétablie dans sa capitale, mais la guerre civile


n’avait pas arrangé les affaires de la France. L’état de guerre
durait. »
Jacques Bainville ( Histoire de France, 1924).

13 juillet 1380
Mort de Du Guesclin

Mort du connétable Bertrand Du Guesclin devant la forteresse


de Châteauneuf-de-Randon.
Miniature extraite des Chroniques d’Angleterre de Jean de Wavrin, XV e
siècle.
NOBLE ET CHEVALIER BRETON, Bertrand Du Guesclin est chargé par le
roi Charles V de libérer le territoire des mercenaires. Recrutées par le roi de
France pour lutter contre les Anglais, ces troupes, licenciées à la suite du
traité de Brétigny, pillent le pays. Lorsque la guerre de Cent Ans reprend en
1369, Du Guesclin est nommé connétable (commandant de l’armée). Grâce
au prélèvement d’un impôt, il constitue une armée permanente dont les
soldats touchent une solde. Du Guesclin réforme la tactique de guerre, en
abandonnant les grandes campagnes, trop coûteuses en hommes, au bénéfice
d’opérations ponctuelles et localisées. Il lui faut dix ans pour reconquérir les
provinces et chasser les Anglais de Normandie, de Guyenne, de Saintonge et
du Poitou. En 1378, le roi décide de confisquer la Bretagne, jusqu’alors
indépendante, mais le Breton Du Guesclin refuse de la combattre. Il meurt de
maladie le 13 juillet 1380 lors du siège de Châteauneuf-de-Randon en pays
de Margeride (Lozère). Il est inhumé non pas en terre bretonne comme il le
souhaitait, mais à la basilique de Saint-Denis près du tombeau de Charles V.

« Charles V n’était que la tête ; Du Guesclin fut le bras. »


Histoire de France, cours élémentaire (1875).

25 octobre 1415
Azincourt
LE NOUVEAU ROI D’ANGLETERRE, Henri V, qui a repris à son compte
les prétentions d’Édouard III sur le royaume de France, revendique la
Normandie d’abord par la voie diplomatique, puis par les armes. Il débarque
en Normandie le 13 août 1415 avec 2 000 hommes d’armes et 6 000 archers.
Après la difficile prise de Harfleur, il se dirige vers Calais, franchissant la
Somme le 19 octobre. L’armée de Charles VI lui barre la route. Elle s’est
postée près du village d’Azincourt (entre Amiens et Calais). Toute la
chevalerie française est là, formidable d’allure et de puissance. Mais il a plu
toute la nuit et le terrain, gorgé d’eau, est peu propice à la lourde chevauchée
des chevaliers qui, emportés par leur bravoure et hors de toute tactique,
bousculent la « piétaille » et s’enlisent dans la boue. Les archers anglais en
font un grand massacre. Les coutiliers, armés d’un long couteau emmanché
d’un bâton, égorgent ceux tombés à terre et prisonniers de leur armure. Une
charge de la chevalerie anglaise achève le désastre. Cette cruelle défaite,
répétition de celle de Crécy, se solde, côté français, par près de 7 000 morts,
dont le connétable, les ducs d’Alençon, de Brabant, de Bar, le comte de
Nevers. Outre le sacrifice de la fine fleur de la chevalerie française et de
trop nombreux soldats, la défaite d’Azincourt remet en question l’unité de la
France tout en soulignant son inadaptation aux nouvelles techniques de la
guerre.

« Était pitoyable chose à voir


la grande noblesse qui avait été occise
pour leur souverain seigneur,
le roi de France. Lesquels étaient
déjà tous nus, comme ceux
qui naissent de mère. »
Chronique de Jean Le Fèvre de Saint-Remy, présent
à la bataille d’Azincourt
aux côtés de l’armée anglaise.

21 mai 1420
Le démantèlement de la France au traité
de Troyes
La France après le traité de Troyes.

LE ROI D’ANGLETERRE, Henri V, qui occupe désormais le nord et l’ouest


du royaume de France, s’allie aux Bourguignons. Pour faire face, les
partisans de Charles d’Orléans, captif en Angleterre et frère du roi
Charles VI, se lient aux Armagnacs. À Paris, contrôlé par les Bourguignons,
les chefs armagnacs sont massacrés. Dans ce climat de guerre civile, tandis
que le dauphin Charles s’enfuit à Bourges, l’idée de rattacher le royaume à la
Couronne anglaise gagne du terrain. Après l’assassinat en 1419 de Jean sans
Peur, duc de Bourgogne, par un partisan du dauphin, la reine Isabeau de
Bavière se rallie à la cause des Bourguignons. Elle intercède en faveur des
Anglais pour contraindre le roi Charles VI à signer le traité de Troyes, le
21 mai 1420. Ce dernier doit demeurer roi jusqu’à sa mort, mais il donne en
mariage sa fille Catherine à Henri V, qui devient ainsi son « fils » et
l’héritier de la couronne de France. Les deux couronnes devront rester unies
à jamais, mais chaque royaume conservera ses libertés et ses lois. C’est en
fait l’annexion de la France par le roi d’Angleterre.

30 mai 1431
Jeanne d’Arc meurt sur le bûcher à Rouen
À LA MORT DE CHARLES VI, en août 1422, son fils Charles, 19 ans,
rejette le traité de Troyes, de sa retraite précaire de Bourges. C’est alors
qu’intervient Jeanne d’Arc, une jeune fille de 19 ans que des voix, celle de
saint Michel en particulier, auraient exhortée à aller délivrer le royaume.
Elle parvient à se faire entendre du dauphin et se voit confier la direction
d’une petite armée pour marcher sur Orléans, assiégé par les Anglais. Le
8 mai 1429, elle libère la ville. Peu après, un nouveau succès à la bataille de
Patay, le 18 juin, prélude à une marche triomphale au terme de laquelle
Jeanne fait sacrer Charles à Reims, le 17 juillet 1429. Celui qu’on
surnommait « le roi de Bourges » devient Charles VII. Les villes d’Île-de-
France se rendent l’une après l’autre, mais celle qu’on surnomme « la
Pucelle » échoue devant Paris le 8 septembre. D’autres revers suivent,
d’autant que Charles VII tend à la négociation et répugne à lever de
nouvelles troupes. Jeanne est finalement capturée devant Compiègne le
23 mai 1430 et livrée aux Anglais. Un procès, mené par l’évêque
« collaborateur » Pierre Cauchon, est conduit selon la procédure de
l’Inquisition, dans l’idée de déconsidérer Jeanne d’Arc comme hérétique et
sorcière. Ne porte-t-elle pas des vêtements d’homme ? Jeanne abjure, puis se
rétracte, ce qui fait d’elle une relapse. Conformément à la procédure
inquisitoriale, elle est remise au bras séculier, c’est-à-dire aux Anglais, qui
dressent aussitôt son bûcher à Rouen, où elle est brûlée vive le 30 mai 1431.

« Un secrétaire du roi d’Angleterre disait tout haut :


“Nous sommes perdus,
nous avons brûlé une sainte !” »
Michelet (Histoire de France).

17 juillet 1453
La fin de la guerre de Cent Ans
La reconquête est aidée par la réconciliation de Charles VII avec le duc de
Bourgogne au traité d’Arras le 20 septembre 1435, qui met fin à la guerre
civile entre Armagnacs et Bourguignons. L’année suivante, Charles VII entre
triomphalement à Paris, puis entreprend la reconquête de la Normandie. En
novembre 1449, il est à Rouen. Il remporte la victoire de Formigny l’année
suivante et obtient la reddition de Cherbourg. La reconquête de la Guyenne
se révèle plus difficile, car les Anglais qui tiennent Bordeaux sont
commandés par le prestigieux comte John Talbot. À l’été 1453, les Français
sont retranchés dans leur camp de Castillon (près de Libourne). L’offensive
de Talbot, qui perd la vie dans la bataille, se brise le 17 juillet sur les
positions de l’armée royale forte de trois cents canons. Une charge de la
cavalerie bretonne emporte la décision. Quatre mille Anglais gisent sur le
champ de bataille. L’éclatante victoire française de Castillon venge les
désastres de Crécy, de Poitiers et d’Azincourt. Les Français réoccupent la
Guyenne, que Charles VII rattache aussitôt à la couronne de France.

5 janvier 1463
François Villon échappe à la potence
« Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez pas vos cœurs durcis à notre égard,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci.
Vous nous voyez attachés ici, cinq, six :
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pièce dévorée et pourrie… »
François Villon, Ballade des pendus.

FRANÇOIS DE MONTCORBIER, dit Villon, né en 1431, étudie à Paris et


devient en 1452 maître de la faculté des arts. Poète, pauvre, volontiers
querelleur et parfois voleur, il participe à quelques fâcheux incidents qui
l’obligent à se faire oublier loin de la ville. Après plusieurs années
d’errance, il est pris dans une rixe à Paris au cours de laquelle un éminent
personnage est tué. Aussitôt arrêté, il est jugé et condamné à être « étranglé
et pendu au gibet de Paris ». Dans l’attente de son exécution, il compose du
fond de sa geôle les vers qui assureront sa postérité. La Ballade des pendus,
dans laquelle les morts interpellent les vivants, bouleverse la poésie
traditionnelle. Le 5 janvier 1463, la peine de Villon n’est pas confirmée en
appel par le parlement de Paris (ce qui n’est pas fréquent) et commuée en
dix ans de bannissement de Paris. Le premier « poète maudit » quitte alors
Paris et l’on perd toute trace de lui.

16 juillet 1465
Louis XI affronte la ligue du Bien public
à Montlhéry
LOUIS XI MONTE SUR LE TRÔNE en 1461. Encore dauphin, il a intrigué
contre son père Charles VII tout en montrant dans son apanage (fief concédé
à un prince du sang) du Dauphiné qu’il était bon administrateur. Il reprend la
politique de son père contre les grands féodaux avec des armes différentes
que sont la dissimulation, la ruse et l’argent. Au début de son règne, il fait
face à une coalition dite « la ligue du Bien public », orchestrée par quelques
grands mécontents de sa politique, dont principalement le duc Charles de
Berry, frère du roi, le duc de Bretagne et surtout Charles, comte de Charolais
et héritier présomptif du duché de Bourgogne. Le 16 juillet 1465, les troupes
de Charles affrontent celles de Louis XI à Montlhéry. Le combat est indécis,
mais Charles reste maître du champ de bataille et marche sur Paris. Aux
portes de la ville, il contraint le roi à engager des pourparlers qui mènent aux
traités de Conflans et de Saint-Maur d’octobre 1465. En échange de sa terre
du Berry, Charles, le frère du roi, obtient la Normandie, le duc de Bretagne
dispose du droit de régale sur les évêchés bretons, et Charles de Bourgogne
récupère gracieusement les villes de la Somme que Louis XI avait
précédemment acquises à prix d’or. La satisfaction des grands féodaux
provoque la dissolution de la ligue, mais, dès janvier 1466, les troupes du
roi occupent de nouveau la Normandie et Charles de France doit se réfugier
en Bretagne. Le 9 novembre 1469, Louis XI fera solennellement briser à
Rouen l’anneau ducal de Normandie.

« Qui ne sait dissimuler ne sait régner. »


Louis XI.
C’est à Montlhéry, au sud de Paris, que le roi Louis XI affronte
le 16 juillet 1645 l’armée bourguignonne conduite par le comte
de Charolais.
14 octobre 1468
L’entrevue de Péronne
EN 1468, Louis XI sollicite une rencontre avec son principal adversaire
Charles le Téméraire (surnom posthume) qui vient d’hériter du duché de
Bourgogne à la mort de son père, Philippe le Bon. Ses possessions ne
s’arrêtent pas là, car il est aussi duc de Brabant et de Luxembourg, comte de
Flandre, d’Artois, de Hainaut, de Hollande, de Zélande, de Namur. Le tout
forme deux ensembles géographiquement séparés que le nouveau duc de
Bourgogne rêve de réunir. En attendant d’être en état de lui opposer une
armée permanente, le roi de France lui rend une visite diplomatique à
Péronne, en Picardie. Mais, pendant son séjour, la nouvelle arrive de
l’insurrection de Liège aux cris de « Vive le Roi ! ». Fou de rage contre son
hôte, qui en est à l’évidence l’instigateur, le Téméraire le retient prisonnier
et ne le libère qu’après lui avoir imposé plusieurs concessions territoriales
et sa participation personnelle à la répression de Liège. L’ambition du duc de
Bourgogne n’a dès lors plus de limites.

« Mais pourquoi Charles le Téméraire l’avait-il laissé partir


quand il le tenait à sa merci ? On ne peut trouver
qu’une raison : la force morale que représentait le roi,
le devoir qui liait le vassal. »
Jacques Bainville ( Histoire de France, 1924).

30 août 1483
Mort de Louis XI
LOUIS XI MEURT le 30 août 1483 au terme d’un règne consacré à
l’unification du royaume et à l’anéantissement de la puissance de ses grands
féodaux. Celui que l’on surnomme « l’universelle aragne » (araignée) use de
tous les stratagèmes pour pervertir les alliances de ses opposants et en tirer
avantage pour la Couronne. En 1470, l’annulation des engagements de
Péronne rouvre le conflit contre Charles le Téméraire. Ce dernier a décidé
son beau-frère le roi d’Angleterre à envahir la France, mais Louis XI le
devance en signant la trêve de Picquigny, en 1475. Il encourage secrètement
la révolte des villes d’Alsace et de Suisse contre le Téméraire, qui est tué
devant Nancy le 5 janvier 1477. Aussitôt, Louis XI fait envahir la Picardie et
la Bourgogne proprement dite. La puissance bourguignonne est
définitivement démembrée. Le roi de France réussit, en outre, à annexer au
royaume le duché d’Alençon, le comté d’Armagnac, le Roussillon. Il hérite
aussi en 1481 de toutes les terres de la maison d’Anjou : le Maine, l’Anjou
et la Provence. Louis XI apparaît ainsi comme l’un des plus grands artisans
de l’unité territoriale de la France. En politique intérieure, il a grandement
œuvré au renforcement de l’autorité royale et réorganisé l’armée. Après les
ravages de la guerre de Cent Ans, il a encouragé la reprise économique. Pour
ce faire, il a considérablement augmenté les impôts et s’est montré
impitoyable dans leur recouvrement. Cela, plus peut-être que sa ruse contre
les grands, a contribué à son impopularité.

« Grâce à Dieu nous n’avons rien perdu de la couronne,


mais l’avons augmentée et accrue de grandes terres et seigneuries,
espérant d’ici peu, au plaisir et vouloir de Dieu notre dit créateur,
y faire mettre paix, tranquillité et union. »
Louis XI dans les Instructions à son fils
sur l’administration du royaume (21 septembre
1482).
La France à la mort de Louis XI.

28 juillet 1488
Fin de la Guerre folle pour la régence
de France
LA MINORITÉ DE CHARLES VIII, fils de Louis XI, ouvre la régence de sa
sœur Anne de Beaujeu, épouse d’un fidèle du défunt roi. Cette période
transitoire réveille la rébellion des princes, conduite en 1485 par Louis, duc
d’Orléans, et François, duc de Bretagne, dont le duché est convoité par la
Couronne. Le 28 juillet 1488, ils sont défaits à la bataille de Saint-Aubin-du-
Cormier. La perte de 7 000 soldats et la capture de Louis duc d’Orléans
mettent un terme à la Guerre folle (ainsi baptisée le siècle suivant) et
contraignent François de Bretagne à demander la paix. De sévères conditions
préludent à l’intégration de son duché au royaume de France. François
reconnaît la suzeraineté de Charles VIII et s’engage à ne pas marier ses filles
sans son autorisation. Les places fortes de Dinan, Saint-Malo, Fougères et
Saint-Aubin-du-Cormier sont livrées au roi en garantie de cet accord. Si
François devait ne pas respecter sa promesse, elles seraient immédiatement
intégrées au domaine royal. Peu après, le 9 septembre 1488, François meurt
accidentellement et le duché de Bretagne échoit à sa fille aînée, Anne.
La Renaissance
1494-1610

27 juillet 1494
Charles VIII se lance à la conquête
de l’Italie
LA RÉGENCE DE CHARLES VIII s’achève en 1491. Il a alors 21 ans et
épouse Anne, l’héritière du duché de Bretagne. Peu après, le jeune roi
revendique la couronne du royaume de Naples, sur laquelle il estime avoir
des droits en vertu de l’héritage des ducs d’Anjou qui en furent les
souverains. Ce projet en cache un autre : reprendre Constantinople tombé aux
mains des Turcs en mai 1453. Pour être certain de réussir l’expédition
italienne, Charles VIII achète la neutralité des souverains voisins. Il restitue
à la couronne d’Espagne les comtés de Roussillon et de Cerdagne enlevés
par Louis XI, et à Maximilien d’Autriche l’Artois, la Franche-Comté et le
Charolais, tandis qu’il promet à Henri VII d’Angleterre 745 000 écus d’or.
Le 27 juillet 1494, il part de Lyon à la conquête de l’Italie. À l’automne, il
s’impose à Milan et à Florence. Il entre dans Naples en février 1495 et s’y
fait couronner roi. C’est une victoire sans lendemain, car les Vénitiens, le
pape et le duc de Milan se coalisent pour s’opposer aux Français, qui
s’ouvrent difficilement la route du retour par la victoire de Fornoue le
6 juillet 1495. Le royaume de Naples, occupé par des troupes françaises, est
perdu en 1497. Le roi ne s’avoue pas vaincu pour autant et songe déjà à une
nouvelle expédition tandis que ses panégyristes le comparent à Charlemagne.
8 avril 1498
L’avènement de Louis XII
CHARLES VIII MEURT le 7 avril 1498, à 27 ans, quelques heures après
s’être violemment heurté la tête contre le linteau d’une porte basse du
château d’Amboise. Il avait eu trois fils et une fille, tous morts en bas âge. À
défaut d’héritier direct, sa couronne échoit à son cousin et beau-frère le duc
d’Orléans, qui devient Louis XII et qui reprend ses prétentions sur le
royaume de Naples. Celui-ci revendique, en outre, le duché de Milan, dont il
s’empare facilement en 1500. Le sud de l’Italie est conquis pendant l’été
1501 avec l’aide des Espagnols, mais les deux alliés ne parviennent pas à
s’entendre au moment du partage et les Français doivent évacuer Naples en
1504. Le pape Jules II coalise Anglais, Espagnols et Vénitiens dans une
Sainte Ligue dirigée contre la France. Au début, Louis XII se maintient en
Italie du Nord, en remportant la victoire de Ravenne, mais ensuite les
défaites se succèdent comme à Novare en 1513. Les Français doivent
évacuer le Milanais. Louis XII, qui meurt le 1er janvier 1515, n’en a pas
moins réussi à diminuer les impôts et à améliorer le fonctionnement de la
justice à l’intérieur du royaume. En 1499, il avait épousé la veuve de
Charles VIII, Anne de Bretagne, afin de conserver le duché de Bretagne à la
couronne de France.

14 septembre 1515
Marignan
FRANÇOIS DE VALOIS succède à son beau-père et cousin. Tout juste âgé
de 20 ans, il prend aussitôt le chemin de l’Italie. Après avoir franchi les
Alpes à la tête d’une armée de 40 000 hommes – ce qui est considérable
pour l’époque –, François Ier se positionne devant Milan et appuie ses
troupes d’un dispositif de 120 pièces d’artillerie. Pendant deux jours, les
13 et 14 septembre 1515, la bataille de Marignan fait rage, mais François Ier
l’emporte sur les troupes du duc de Milan, majoritairement composées de
mercenaires suisses. Ceux-ci ont tenté sans succès de s’emparer de
l’artillerie française, qui joue désormais un rôle déterminant dans les
batailles. La victoire de Marignan ouvre les portes du Milanais et permet au
roi de France de négocier deux accords importants qui confortent son assise
italienne. Le 18 août 1516, il signe avec le pape Léon X le concordat de
Bologne qui réserve au roi de France la faculté de nommer les évêques et
d’avoir ainsi la haute main sur le clergé de France. Le second accord est
signé le 29 novembre 1516, lorsque François Ier conclut une « paix
perpétuelle » avec les Suisses, lesquels s’engagent à ne plus jamais servir
contre le roi de France.

« La date de 1515, amie de la mémoire,


a quelque chose de joyeux et de pimpant. »
Jacques Bainville (Histoire de France, 1924).

2 mai 1519
La mort de Léonard de Vinci
PEINTRE, SCULPTEUR, ARCHITECTE, INGÉNIEUR ET
SCIENTIFIQUE, HUMANISTE, Léonard de Vinci incarne l’esprit de la
Renaissance, vaste mouvement culturel qui abandonne explicitement les
valeurs médiévales et entend retourner aux idées et à l’art antiques tels qu’ils
se manifestent en Italie au XVe siècle (le Quattrocento). Après une formation
à l’atelier florentin de l’artiste Verrocchio, Léonard de Vinci exerce son art
dans les cours italiennes de Milan, Venise, Florence et Rome. En 1516,
François Ier l’invite en France, précisément au château du Clos-Lucé à
Amboise, où le souverain et sa sœur Marguerite de Navarre ont pour
habitude de recevoir les plus grands artistes et savants de l’époque. C’est à
dos de mule que Léonard de Vinci fait son entrée à Amboise en compagnie
de Francesco Melzi, un disciple porteur de trois peintures, dont la Joconde.
Aussitôt nommé premier peintre, ingénieur et architecte du roi, l’artiste
perçoit à ce titre une pension de 1 000 écus d’or par an. Il s’éteint le 2 mai
1519 au Clos-Lucé à l’âge de 67 ans. Léonard de Vinci est enterré au château
d’Amboise.
« Comme une journée bien remplie
nous donne un bon sommeil, une vie bien vécue
nous mène à une mort paisible. »
Léonard de Vinci.

6 juin 1520
L’entrevue du camp du Drap d’or

L’entrevue du camp du Drap d’or se tient aux confins du royaume


de France, entre Guînes et Ardres. Au premier plan, à gauche, Henri VIII,
vêtu d’or et entouré de sa suite, se dirige vers le château de Guînes.
À droite se trouve son palais éphémère.
Au centre sont les luxueux pavillons installés à Ardres pour être
la résidence du souverain français. Le pavillon doré du fond est celui
où François I er accueille Henri VIII. Le double pavillon doré situé à mi-
distance du camp français et du palais anglais sert aux rencontres
diplomatiques.
Friedrich Bouterwek (XIX e siècle), château de Versailles, d’après
une œuvre de Hans Holbein l’Ancien.

UNE PUISSANCE FORMIDABLE se constitue en Europe dans la première


moitié du XVIe siècle lorsque Charles de Habsbourg hérite à la fois des
possessions autrichiennes, bourguignonnes et espagnoles. Celui qui prend en
1519 le nom de Charles Quint après avoir été élu au trône impérial du Saint
Empire romain germanique, se considère dès lors comme le chef de la
Chrétienté. Il ne peut que se heurter à François Ier, qui recherche dès lors
l’alliance du roi d’Angleterre, Henri VIII. La rencontre a lieu le 6 juin
1520 en Picardie, où les deux souverains s’installent dans des campements
qui rivalisent de somptuosité. François Ier a fait dresser pour l’occasion une
tente de drap d’or doublé de velours bleu qui va donner son nom à la
rencontre : le camp du Drap d’or. Malgré des démonstrations publiques
d’amitié qui se succèdent entre le 7 et le 24 juin 1520, le roi de France
échoue à séduire Henri VIII qui se sent plus proche de Charles Quint, qu’il a
rencontré à Londres à l’automne précédent.

« Pour pouvoir accorder ces deux hommes,


il faudrait que Dieu refît l’un sur le calque de l’autre. »

L’ambassadeur de Venise à propos de François I er


et de Charles Quint.

30 avril 1524
Mort du chevalier Bayard
PIERRE TERRAIL DE BAYARD est né en 1475 (ou 1476) dans une famille
de la noblesse dauphinoise. Page à la cour du duc de Savoie, il fait son
apprentissage des armes avant d’entrer à 17 ans dans la compagnie du comte
de Ligny, et participe dès lors à toutes les campagnes des guerres d’Italie, où
il fait « merveille d’armes ». Sa légende d’exceptionnelle bravoure liée à un
esprit chevaleresque naît très tôt. Déjà les soldats se racontent l’épisode de
la défense du pont de Garigliano lors de la retraite des troupes françaises de
Naples en 1504. Là, sur ce pont étroit, Bayard aurait défendu seul le passage
face à l’assaut des Espagnols. Grièvement blessé en 1512, il se distingue si
bien à Marignan que François Ier veut être armé chevalier de ses mains sur le
champ de bataille. En 1521, il assure la défense de Mézières contre les
soldats de Charles Quint. On le retrouve en Italie en 1524 en train de couvrir
la retraite de l’armée française. Le 30 avril 1524, il est mortellement blessé
d’un coup d’arquebuse. Bayard reste dans l’histoire de France « le chevalier
sans peur et sans reproche ».

« Il n’y a point de place faible,


là où il y a des gens de cœur
pour la défendre. »

Bayard à François I er pour le convaincre


de la défense de Mézières.

24 février 1525
Le roi est fait prisonnier à Pavie
CHARLES QUINT, qui veut étendre son hégémonie sur l’Italie, revendique
le Milanais. En dépit de la défaite des Français en Lombardie en 1522 à la
bataille de La Bicoque, François Ier entreprend de reconquérir le Milanais en
assiégeant Pavie à l’automne 1524. Le siège s’éternise et l’armée française
se délite. Le vaste camp des assiégeants, fort de 10 000 cavaliers et de
20 000 fantassins, est devenu une ville de 70 000 personnes. L’hiver a
encouragé des désertions. Dans la nuit du 23 au 24 février 1524, l’armée de
secours des Impériaux ouvre une brèche dans le périmètre français.
François Ier et sa lourde cavalerie se lancent dans une charge désordonnée.
Six à huit mille Français sont tués, ainsi que les plus grands généraux.
D’autres sont faits prisonniers. François Ier lui-même doit se rendre. Il écrit
le lendemain à sa mère, qui devient ainsi régente du royaume : « De toutes
choses ne m’est demeuré que l’honneur et la vie qui est sauve. »

3 août 1529
Traité de Cambrai, ou « paix des Dames »
FRANÇOIS Ier, qui se refuse à exécuter le traité de Madrid, a constitué
contre Charles Quint une ligue avec le pape, Venise et les princes italiens qui
veulent échapper à la tutelle impériale. Le 6 mai 1527, les troupes
impériales ont pris Reims et l’ont mis à sac. Le roi de France, au grand dam
du monde catholique, n’hésite pas à s’allier aux princes luthériens allemands
et même aux Turcs. Il signe le 29 mai 1527 une « paix perpétuelle » avec le
roi d’Angleterre, Henri VIII. Cependant, deux femmes – Louise de Savoie,
mère du roi de France, et sa belle-sœur Marguerite d’Autriche, tante de
l’empereur – mènent des négociations secrètes pour mettre fin à une guerre
dont le fardeau est devenu trop lourd pour les deux camps. Le 3 août 1529, le
traité de Cambrai, dit « paix des Dames », corrige celui de Madrid. Charles
Quint reconnaît à François Ier la possession du duché de Bourgogne et du
comté de Charolais, mais celui-ci doit renoncer à sa suzeraineté sur l’Artois
et la Flandre, et payer une énorme rançon (2 millions d’écus d’or) pour
libérer ses fils laissés en otage depuis sa libération.

Mai 1534
Rabelais, père de Gargantua
NÉ EN 1494, Rabelais a été successivement moine lettré, médecin et
professeur d’anatomie. Il publie à Lyon en mai 1534 La Vie inestimable du
grand Gargantua, père de Pantagruel, parodie des romans de chevalerie.
Ces deux géants truculents incarnent l’homme nouveau de la Renaissance,
appelé à s’approprier l’univers. Le père de Gargantua prône une pédagogie
qui allie l’esprit et le corps. Il se moque avec férocité des « cagots » et des
« sorbonicoles », réclamant avec les humanistes des lieux d’enseignement
affranchis de la tutelle de l’Église. La Sorbonne ne manque pas de
condamner son œuvre, jugée obscène. Pour échapper aux poursuites,
Rabelais doit fuir. Il meurt néanmoins à Paris, le 7 janvier 1553,
certainement dans une grande détresse matérielle.

« Mieux est de ris que de larmes écrire


Pour ce que rire est le propre de l’homme. »
Rabelais.

18 octobre 1534
L’affaire des placards
EN 1517, Martin Luther, moine saxon devenu professeur de théologie, a
dénoncé publiquement les abus de l’Église, tout en affirmant que « le juste
peut être sauvé par la foi » (aucune œuvre de l’Église ne peut remplacer la
foi dans l’obtention du salut). Ses écrits arrivent à partir de 1525 en France,
où ils sont souvent bien accueillis, y compris par le roi François Ier qui n’est
pas hostile à cette forme de pensée rétablissant un lien direct entre l’homme
et Dieu. Mais, dans la nuit du 18 octobre 1534, un libelle très anticatholique
qui remet notamment en cause l’eucharistie est affiché en plusieurs endroits
de Paris, Tours, Orléans et Amboise, où il est placardé sur la porte des
appartements royaux. À cet outrage, François Ier répond par la force. En
janvier 1535, il organise à Paris une procession expiatoire à l’occasion de
laquelle six partisans des théories luthériennes sont livrés au bûcher. La
répression contre les protestants commence.

« Le temps en est occupé en sonneries, hurlements, chanteries,


vaines cérémonies, luminaires, encensements,
déguisements et telles manières de sorcellerie. »
Extrait des placards (à propos de la messe).

10 août 1539
L’ordonnance de Villers-Cotterêts
FRANÇOIS Ier PROMULGUE le 10 août 1539 l’ordonnance de Villers-
Cotterêts. Forte de 192 articles, celle-ci prend deux décisions importantes
qui vont dans le sens de l’unification du royaume avec cette devise des
légistes : « Un roi, une loi ». Il est décidé que tous les actes de justice seront
rédigés en français et non plus en latin : « Et pour ce que des doutes sont
souvent advenus sur l’intelligence des mots latins […] nous voulons
dorénavant que tous arrêts, ensemble toutes autres procédures […] soient
prononcés et délivrés aux parties en langage maternel français et non
autrement. » L’ordonnance prescrit, en outre, aux curés de tenir registre des
baptêmes et sépultures, créant ainsi l’état civil.

18 septembre 1544
La trêve de Crépy-en-Laonnois
DEPUIS LA PREMIÈRE EXPÉDITION DE CHARLES VIII à l’extrême fin
du XVe siècle, les guerres d’Italie se succèdent. La neuvième a commencé en
1542, opposant François Ier et son allié ottoman, Soliman le Magnifique, à
Charles Quint, lui-même allié à Henri VIII d’Angleterre. D’importants
combats se déroulent à la fois en Italie, aux Pays-Bas et en France. La flotte
franco-ottomane met le siège devant Nice en août 1543. La sanglante bataille
de Cérisoles, le 11 avril 1544, se solde par une victoire française, mais n’a
pas de conséquences stratégiques en Italie même. La guerre se déplace vers
la France, que Henri VIII et Charles Quint entreprennent d’envahir. Mais les
longs sièges de Boulogne et de Saint-Dizier, bien que finalement victorieux,
les découragent de poursuivre. Le manque d’argent, de vivres, les désertions,
l’approche de la mauvaise saison amènent l’empereur et le roi de France à
conclure la trêve de Crépy-en-Laonnois (Aisne) le 18 septembre 1544. Un
mariage est prévu entre Charles II d’Orléans, fils cadet de François Ier, et
Anne d’Autriche, nièce de Charles Quint. La mort prématurée de Charles, un
peu moins d’un an plus tard, rend le traité caduc. De toute façon, les deux
souverains, avides de puissance et de prestige, n’avaient renoncé qu’à ce
qu’ils n’avaient pas.

31 mars 1547
Mort de François Ier
Jean Clouet, le portraitiste officiel de François Ier, seul autorisé
à représenter le souverain sur le vif, a réalisé de nombreux dessins
qui ont servi de modèles aux artistes désireux de représenter le roi.
Dessin de Pierre Dumonstier (XVI e siècle). Paris, Bibliothèque nationale
de France.

FRANÇOIS Ier MEURT à Rambouillet le 31 mars 1547 après avoir entretenu


des affaires du royaume, sur son lit de mort, son fils, le dauphin Henri. Son
vieil adversaire, Henri VIII, l’a précédé de deux mois dans la tombe. Au
terme d’un long règne de trente-deux ans, il a été le grand introducteur de la
Renaissance en France, où il a puissamment favorisé l’essor des arts. Tout en
laissant la plupart du temps gouverner ses favoris ou sa mère, Louise de
Savoie, il a su affirmer l’indépendance du royaume face à l’Église de Rome
et renforcer partout l’autorité de l’administration et, par suite, le pouvoir
royal. Il n’en a pas moins été sans cesse en guerre, faisant dire à
l’ambassadeur de la république de Venise, qui pourtant rendait grâce à ses
talents et à son érudition : « Tous ses exploits de guerre lui ont mal réussi.
On dit que toute sa sagesse est sur ses lèvres et non pas dans l’esprit. »

2 et 3 avril 1559
La paix du Cateau-Cambrésis
APRÈS PLUS DE SOIXANTE ANS DE GUERRES RUINEUSES, le traité
du Cateau-Cambrésis met fin à la lutte entre les Habsbourg et les Valois,
notamment autour de l’enjeu italien. Il est signé par le roi de France Henri II
avec l’Angleterre le 2 avril 1559, puis avec l’Espagne le lendemain. Calais,
qui a été repris aux Anglais en 1558 après deux siècles d’occupation, revient
à la France moyennant le versement d’une rançon. La France conserve les
évêchés de Metz, Toul et Verdun occupés par Henri II en 1552, mais restitue
la Corse à Gênes, le Piémont et la Savoie au duc de Savoie, allié de
Philippe II d’Espagne, successeur de Charles Quint depuis 1556. Pour
sceller la paix enfin signée, Philippe II épousera Élisabeth de France, fille
de Henri II, et Emmanuel-Philibert de Savoie, Marguerite de France, fille de
François Ier et sœur du roi.
La France en 1559.

10 juillet 1559
Mort du roi Henri II
TROIS MOIS APRÈS QU’IL A SIGNÉ LA PAIX du Cateau-Cambrésis,
Henri II veut célébrer magnifiquement le mariage entre Philippe II d’Espagne
et sa fille aînée Élisabeth. De grandes fêtes sont données à Paris, parmi
lesquelles un tournoi, rue Saint-Antoine, auquel le roi, passionné de rituels
chevaleresques, participe. Après s’être mesuré aux ducs de Nemours et de
Guise, Henri II affronte le comte de Montgomery, capitaine de sa garde
écossaise. En rompant sa deuxième lance, il est gravement blessé à l’œil.
Malgré l’intervention du célèbre chirurgien Ambroise Paré, il est impossible
de sauver le roi, qui décède, après dix jours d’agonie, le 10 juillet 1559.
Henri II a poursuivi la politique d’affermissement du pouvoir royal mais, en
catholique pieux et intransigeant, il a commencé à combattre les protestants.
Il laisse trois fils, dont l’aîné, François II, qui n’a que 15 ans, malade de
corps et faible d’esprit, meurt l’année suivante. Le pouvoir est assuré de fait
par la reine mère, Catherine de Médicis.

1er mars 1562


Le massacre de Wassy
MALGRÉ SA RÉPRESSION SOUS LE RÈGNE DE HENRI II, le
calvinisme (doctrine du réformateur Calvin qui a créé le protestantisme en
France) s’est répandu rapidement dans le royaume. En 1561, on compte en
France plus de mille églises réformées. Catherine de Médicis, que
Charles IX, le second fils d’Henri II, laisse gouverner même après la fin de
la régence, est favorable à la tolérance religieuse. Elle fait signer au roi le
17 janvier 1562 un édit qui accorde la liberté de culte aux réformés, mais
seulement à l’extérieur des villes. Le 1er mars 1562, des protestants
célèbrent leur culte dans une grange de la petite ville de Wassy en
Champagne. Le très catholique duc de Guise constate l’infraction. Aux cris
de « Tue, tue, mordieu, tue ces huguenots ! », ses hommes se déchaînent.
Soixante protestants sont tués et deux cents autres blessés. Ce massacre, qui
n’a pas été forcément prémédité, ouvre l’ère terrible des guerres de
Religion.

24 août 1572
Le massacre de la Saint-Barthélemy

Assassinat de l’amiral de Coligny. Sur la gauche, l’amiral à cheval


échappe à une tentative d’assassinat le 22 août.
Sur la droite, le 24 août, Coligny est assailli dans son hôtel puis
défenestré pour tomber aux pieds du duc de Guise.

HUIT GUERRES DE RELIGION se succèdent de 1562 à 1589, entrecoupées


de « paix » qui ne sont que des trêves fragiles et d’« édits de tolérance » que
personne ne respecte. Pour apaiser les tensions et donner l’exemple de la
tolérance, Catherine de Médicis marie sa fille Marguerite de Valois au
prince protestant Henri de Bourbon le 18 août 1572 à Paris. Cependant,
l’amiral Gaspard de Coligny, protestant entré au Conseil du roi, pousse
Charles IX à reprendre la guerre contre les Espagnols. Les chefs catholiques,
menés par la maison de Guise, s’y refusent catégoriquement et commanditent
contre Coligny un assassinat qui échoue, le 22 août 1572. Les protestants
réclament justice tandis que les princes catholiques les accusent de conspirer
contre le roi. Ces derniers, auxquels se rallie Catherine de Médicis,
persuadent alors Charles IX de se débarrasser des chefs protestants. Deux
jours plus tard, fête de la Saint-Barthélemy, ce qui devait n’être qu’un coup
d’État dégénère en un immense massacre. Lorsque le bruit court dans Paris
que le roi permet d’égorger les « huguenots », le peuple se déchaîne et se
livre à un véritable carnage. Les massacres durent plusieurs jours et
s’étendent à plusieurs villes de province. La « saison des Saint-Barthélemy »
aura fait au total entre 15 000 et 20 000 victimes. Les chefs protestants, dont
Coligny, sont tués, à l’exception du prince de Condé et de Henri de Navarre,
épargnés en tant que princes du sang mais qui doivent s’engager à abjurer.

23 décembre 1588
L’assassinat du duc de Guise
HENRI III A SUCCÉDÉ à son frère Charles IX en 1574. Il penche pour la
tolérance, mais il n’a pas de descendance, ce qui fait du prince protestant
Henri de Navarre, lointain cousin, l’héritier présomptif de la Couronne. Pour
éviter que la France ne devienne un royaume protestant, Henri Ier de
Lorraine, duc de Guise, prend la tête d’une « Sainte Ligue », d’abord dirigée
contre les protestants puis contre Henri III, jugé trop conciliant à leur égard.
L’enjeu de la lutte est maintenant politique. Elle atteint son paroxysme le
12 mai 1588 à Paris, au cours de la journée des barricades qui contraint le
roi à la fuite. Maître de la ville, le duc de Guise installe une municipalité
ligueuse. En juillet, il obtient du monarque la signature de l’édit d’Union. Le
roi s’engage à combattre la religion réformée et exclut tout protestant de la
succession au trône, ce qui revient à faire des Guise les héritiers de la
Couronne. Humilié, Henri III décide d’en finir avec la Ligue. Le
23 décembre 1588, au château de Blois, il fait assassiner le duc de Guise,
puis le lendemain son frère, le cardinal de Lorraine. À sa mère, le roi
déclare : « Je commence de nouveau à être le maître. »
« Mon Dieu, qu’il est grand !
Il paraît encore plus grand mort que vivant ! »
Propos attribués à Henri III venu contempler
le cadavre du duc de Guise.

2 août 1589
Henri III est assassiné
QUALIFIÉ DE TYRAN ET DE TRAÎTRE À LA CAUSE CATHOLIQUE,
Henri III est sanctionné par la faculté de théologie de Paris, qui délivre les
sujets de leur serment de fidélité envers le roi. Pour sauver son trône,
Henri III se réconcilie avec Henri de Navarre. Unissant leurs forces, ils
mettent le siège devant Paris que tient le duc de Mayenne, frère du duc de
Guise et nouveau chef de la Ligue. Le 1er août 1589, au château de Saint-
Cloud, Henri III est poignardé par un jeune moine ligueur, Jacques Clément.
Il décède le lendemain après avoir désigné pour successeur Henri de
Navarre. Avec sa mort s’éteint la dynastie des Valois qui régnait sur la
France depuis 1328.
Après avoir obtenu une audience du roi, le moine Jacques Clément profite
de l’attention qu’Henri III porte à la lecture du pli qu’il lui a remis pour
le poignarder. Un des gardes du roi transperce aussitôt le moine
de son épée et le tue.
Clément subira le châtiment post mortem des régicides : il sera écartelé
(cartouche supérieure droite).
Estampe, Paris, Bibliothèque nationale de France.

14 mars 1590
La bataille d’Ivry-sur-Eure
ROI DE FRANCE DEPUIS LE 1er AOÛT 1589, Henri de Navarre doit
conquérir son royaume et, pour cela, vaincre la Ligue qui refuse de lui
reconnaître le titre royal. Henri IV a l’habileté de faire, le 4 août 1589 à
Saint-Cloud, une déclaration par laquelle il s’engage à maintenir la religion
romaine dans le royaume et à se faire instruire dans cette foi. Il maintient, en
revanche, les édits qui ont accordé des garanties aux réformés. Il lui faut
néanmoins livrer bataille. À Arques, le 21 septembre 1589, il remporte la
victoire sur le duc de Mayenne, frère cadet du duc de Guise et nouveau chef
de la Ligue soutenu par les Espagnols. Le 14 mars 1590 à Ivry-sur-Eure,
celui-ci lance une offensive à la tête d’une armée largement supérieure
(8 000 cavaliers et 12 000 fantassins) à celle de Henri de Navarre
(2 000 cavaliers et 8 000 fantassins). Avant l’affrontement, le roi harangue
ses troupes : « Mes compagnons, Dieu est pour nous ! Voici ses ennemis et
les nôtres ! Voici votre roi ! […] Si vous perdez vos enseignes, cornettes ou
guidons, ne perdez point de vue mon panache, vous le trouverez toujours au
chemin de l’honneur et de la victoire… » Ses soldats remportent la bataille
et ramènent de nombreux trophées, dont l’étendard de Mayenne. La bataille
d’Ivry-sur-Eure sonne le glas de l’armée ligueuse.

25 juillet 1593
Henri IV se convertit au catholicisme
DEPUIS L’ÉTÉ 1590, c’est en vain que Henri IV assiège Paris, où les
ligueurs les plus extrémistes veulent faire nommer Philippe II d’Espagne
protecteur du royaume et obtiennent une garnison espagnole. Cependant,
affamés par le siège et inquiets de ces excès, les Parisiens commencent à se
lasser. Le nouveau roi comprend que c’est le moment de se concilier le
peuple. Il abjure le protestantisme à la basilique de Saint-Denis le 25 juillet
1593 en présence d’une foule considérable qui l’acclame. Le 27 février
1594, il se fait sacrer à Chartres, faute de pouvoir aller à Reims, encore aux
mains des Guise. Le 22 mars suivant, il entre dans Paris (au petit matin) sans
rencontrer de résistance. Un pardon général est proclamé et la province se
rallie peu à peu. La dynastie des Bourbons est fondée, qui va régner deux
siècles, jusqu’en 1792.

13 avril 1598
L’édit de Nantes
Édit perpétuel et irrévocable signé à Nantes par le roi Henri
IV. Parchemin scellé du grand sceau royal de cire brune sur lacs de soie
rouge et verte. Paris, Archives nationales.
HENRI A CONQUIS LE TRÔNE DE FRANCE en ralliant ses ennemis, il
lui appartient désormais de faire la paix avec ses amis, qui n’ont pas
apprécié sa conversion. À partir de 1595, des discussions s’engagent entre
catholiques et protestants pour la rédaction d’un grand édit de paix religieuse
dont on attend qu’il mette fin aux guerres de Religion. Un « édit perpétuel et
irrévocable » est signé et promulgué à Nantes le 13 avril 1598. La liberté de
conscience est reconnue. Les catholiques gagnent le rétablissement de leurs
lieux de culte partout où ils ont été supprimés. Les protestants obtiennent la
liberté de culte, l’accès à tous les emplois, l’égalité civile et juridique. Une
chambre de l’Édit est formée au parlement de Paris. Composée de
conseillers catholiques et protestants, elle instruit les causes et procès de
ceux de la religion réformée. L’édit reconnaît enfin aux protestants des
places de sûreté défendues par leurs garnisons. Ce texte qui permet aux deux
confessions de vivre ensemble et solde les guerres de Religion est pourtant
mal accepté par une partie de l’opinion et par les parlements, qui rechignent
à l’enregistrer.

12 décembre 1604
L’instauration de la « paulette »
HENRI IV ENTREPREND la restauration économique et financière du
royaume. Il s’appuie pour cela sur Sully, son ancien compagnon d’armes et
conseiller de toujours, qu’il a élevé à la dignité de surintendant général des
Finances. Celui-ci remet de l’ordre dans les comptes, réduit les impôts
directs et notamment la taille qui pèse sur les paysans. Il accorde tous ses
soins à l’agriculture : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la
France, dit-il, les vrais mines et trésors du Pérou. » Les cultures nouvelles
sont encouragées, et de nombreux marais asséchés. Pour trouver de l’argent,
Sully augmente les impôts indirects payables par tous. Un arrêt du Conseil du
12 décembre 1604 instaure, en outre, un « droit annuel » sur les offices
(charges publiques), en vertu de quoi ceux-ci seront héréditaires. La
perception de la « paulette » (du nom du financier chargé de sa perception :
Paulet) assure des rentrées régulières d’argent, mais prive le roi de son
initiative dans l’attribution des charges publiques.
« Si Dieu me donne encore de la vie,
je ferai qu’il n’y a pas de laboureur en mon royaume
qui n’ait moyen d’avoir une poule dans son pot. »
Cours moyen d’histoire de France (1910).

3 juillet 1608
La fondation de Québec
EN 1603, Henri IV nomme l’explorateur Samuel Champlain géographe et
cartographe de l’expédition conduite par Pierre Dugua de Mons. L’objectif
est l’établissement en Nouvelle-France d’une colonie permanente pour la
traite et le commerce des fourrures. Pendant que Mons parcourt l’Acadie,
Champlain explore la baie de Fundy et la côte de Nouvelle-Angleterre. Au
terme de sa prospection, il choisit pour s’y établir le village iroquois de
Stadaconé, situé sur un circuit de la traite des fourrures et militairement
stratégique en dominant l’estuaire du Saint-Laurent en son point le plus
étroit. En compagnie d’une trentaine d’hommes, il y fonde le 3 juillet 1608 le
premier établissement français permanent en Amérique. Le comptoir de
commerce qui s’organise autour de la place Royale est appelé à devenir la
ville de Québec (« Là où le fleuve se rétrécit »), centre administratif et
politique de la Nouvelle-France.

14 mai 1610
Ravaillac assassine le roi Henri IV
AU PRINTEMPS 1610, Henri IV se prépare à marcher sur les Pays-Bas
espagnols (actuelle Belgique) à la tête d’une énorme armée de
100 000 hommes. Le 14 mai, il quitte le Louvre pour rendre visite à Sully
qui est souffrant. Des charrettes de foin bloquent l’étroite rue de la
Ferronnerie, et le carrosse, qui est découvert en raison de la chaleur
précoce, doit s’arrêter. Un homme à barbe rousse surgit alors, qui lui porte
deux coups de poignard. Le second qui atteint l’aorte est mortel. Le meurtrier
a pour nom Ravaillac, âgé de 32 ans. Ce catholique exalté a autrefois voulu
entrer dans les ordres, mais on n’a pas voulu de lui. On recherche des
complices, mais on conclut très vite à l’acte d’un déséquilibré solitaire. Il
n’empêche que de nombreux attentats ont précédé celui du 14 mai. La
popularité du « bon roi Henri » est largement posthume. Les sermons des
prêtres ligueurs comparent Henri IV à l’Antéchrist, et des libelles exaltent le
régicide. L’assassinat du roi n’en frappe pas moins les esprits.

La France de Henri IV.


L’Ancien Régime
1610 à 1789

24 avril 1617
L’assassinat de Concini
Sitôt entré au Louvre par la porte de Bourbon, du côté de Saint-Germain-
l’Auxerrois, Concini est avisé de son arrestation.
Il n’a pas le temps de tirer son épée du fourreau qu’il reçoit cinq coups
de pistolet avant d’être achevé à l’épée.
Il est inhumé le jour même, mais la foule qui le hait déterre sa dépouille
à laquelle elle fait subir les pires outrages (arrière-plan de la gravure).

« À cette heure, je suis roi ! »


Propos attribués au jeune Louis XIII à l’annonce
attendue de l’assassinat de Concini.

À LA MORT DE SON PÈRE, Louis XIII n’a que 9 ans. La régente Marie de
Médicis, peu douée pour gouverner, tombe sous la domination d’un couple
d’aventuriers italiens : Leonora Dori et son mari Concino Concini, qu’elle
fait nommer marquis d’Ancre, maréchal de France, et qui fait office de
Premier ministre. La régence cesse officiellement en octobre 1614, mais la
reine mère et Concini tiennent le jeune roi à l’écart des affaires. Sully a dû
démissionner dès 1611. Les protestants, inquiets de son départ et du mariage
de Louis XIII avec l’infante d’Espagne, Anne d’Autriche, craignent une
révocation de l’édit de Nantes et s’organisent militairement. De plus en plus
haï, Concini semble au faîte de sa puissance, mais Louis XIII, humilié mais
opiniâtre, entend gouverner. À l’instigation du duc de Luynes, capitaine du
Louvre, un complot se noue au terme duquel, le 24 avril 1617, Concini est
assassiné dans la cour du Louvre par Vitry, capitaine des gardes du corps.
Louis XIII exile la reine mère à Blois. Celle qu’on appelle désormais « la
Galigaï » est décapitée et brûlée le 8 juillet.

28 octobre 1628
La reddition de La Rochelle
LUYNES, À QUI LE JEUNE LOUIS XIII avait confié la charge de principal
ministre, est mort en 1621. Le roi, qui a alors 20 ans, essaie de gouverner
seul, mais doit faire face, après la révolte des grands, à celle des protestants.
Il fait alors appel à Richelieu, secrétaire d’État sous Concini. D’abord
destiné à la carrière des armes, puis évêque de Luçon, le duc de Richelieu
entre au Conseil en 1624, à 39 ans, après qu’il a été fait cardinal deux ans
auparavant. Soucieux de restaurer l’autorité royale, il accède vite à la
fonction de principal ministre. Ses griefs à l’encontre des protestants sont
avant tout politiques et militaires. Il leur reproche de constituer « un corps
séparé dans l’État ». À peine au pouvoir, le cardinal doit faire face à
plusieurs soulèvements. En 1627, les Anglais débarquent sur l’île de Ré et
reçoivent le soutien de La Rochelle, principale place de sûreté des
protestants. Après un terrible siège de près d’un an, les assiégés doivent
capituler le 28 octobre 1628. La paix de grâce d’Alais (Alès) signée le
28 juin 1629 confirme la liberté de culte de l’édit de Nantes, mais les places
de sûreté sont supprimées et les assemblées politiques interdites.
Lors du siège de La Rochelle, le cardinal de Richelieu fait construire
une digue afin de priver la ville du secours des navires anglais.
Longue de 1 500 mètres, ses murs hauts de 20 mètres sont garnis
de canons pointés vers le large.
L’efficacité de l’ouvrage joue un rôle déterminant dans la reddition
de La Rochelle.

10 novembre 1630
La journée des Dupes
LA POLITIQUE ABSOLUTISTE de Richelieu provoque l’hostilité des
grands, groupés autour de la reine, de la reine mère et du frère du roi, Gaston
d’Orléans. Richelieu prône une politique anti-espagnole, au contraire du
« parti dévôt » défenseur de la paix et d’une reconquête catholique dans le
royaume. Le 10 novembre 1630, Marie de Médicis plonge Louis XIII dans le
désarroi en lui demandant de choisir entre son ministre et elle. Certaine
d’être parvenue à ses fins, elle claironne sa victoire à ses courtisans au
palais du Luxembourg. Mais en fin de journée, le roi qui a longuement
réfléchi, tranche en faveur du cardinal de Richelieu. C’est « la journée des
Dupes ». Le roi confirme le cardinal dans ses fonctions et, pour être certain
qu’il gouverne sereinement, élimine ses principaux adversaires. L’année
suivante, Marie de Médicis quitte le royaume et s’exile aux Pays-Bas
espagnols, puis en Hollande, en Angleterre et finalement à Cologne, où elle
meurt en 1642.

9 novembre 1636
Louis XIII et Richelieu reprennent Corbie
NÉE DE L’ANTAGONISME qui opposait les princes allemands protestants
à l’autorité impériale catholique, la guerre de Trente Ans a débuté en
1618 avec l’insurrection de la Bohême. Elle a pris rapidement une ampleur
européenne du fait de l’intervention des puissances étrangères. La France est
de celles-ci. Encouragée par Richelieu, la Suède intervient en 1631. La
France passe de la « guerre couverte » à la guerre ouverte à partir de 1635.
Après l’entrée de Henri II de Bourbon, troisième prince de Condé, en
Franche-Comté (possession des Habsbourg d’Espagne), l’empereur déclare
la guerre à la France en 1636. Au nord, les Espagnols s’emparent de la place
forte de Corbie (actuel département de la Somme) le 7 août 1636 et
s’avancent jusqu’à Pontoise en menaçant directement Paris. Dans un sursaut
patriotique, 30 000 fantassins et 12 000 cavaliers sont réunis et menés par
Louis XIII et Richelieu pour assiéger Corbie. Investie le 29 septembre, la
ville tombe le 9 novembre. Dès ce moment, la fragilité de la frontière du
nord, trop proche de Paris, devient la grande préoccupation de la monarchie
française.

5 septembre 1638
Naissance du dauphin Louis
LE 5 SEPTEMBRE 1638 À SAINT-GERMAIN-EN-LAYE naît le premier
enfant du couple royal que forment Louis XIII et Anne d’Autriche. La
naissance du dauphin, qui reçoit le nom de Louis-Dieudonné, est inespérée.
C’est un don du ciel qui intervient après vingt-trois ans de mariage stérile.
Le royal nouveau-né est le descendant des plus grandes dynasties : les
maisons de Bourbon et de Habsbourg par ses parents, les familles de
Navarre et de Médicis par ses grands-parents paternels, et les maisons
d’Espagne et d’Autriche par ses grands-parents maternels.
30 novembre 1639
L’écrasement de la révolte des Nu-pieds
MARQUÉES AU COIN DE LA MISÈRE, les révoltes populaires contre les
impôts directs ou indirects sont nombreuses au XVIIe siècle. Dans le Sud-
Ouest éclatent à de nombreuses reprises des « jacqueries de croquants » (on
surnomme les paysans des « jacques » et les « croquants » sont ceux qui
« croquent » le peuple). Par leur ampleur et leur forme, elles inaugurent un
nouveau mode de protestation par lequel les rebelles s’en prennent
physiquement aux collecteurs d’impôts. En 1639, le roi veut étendre la
gabelle, un impôt indirect sur le sel particulièrement impopulaire, sur une
partie de la Normandie qui en était exemptée en tant que pays producteur. Le
soulèvement des « Nu-pieds » (du nom de ceux qui récoltent le sel au bord
de la mer) qui s’ensuit est l’une des plus graves et des plus longues de ces
révoltes fiscales. À la fois urbaine à Rouen et paysanne en Basse-
Normandie, elle commence le 16 juillet 1639 par l’assassinat du collecteur
d’impôts d’Avranches. Un commis des gabelles subit le même sort à Rouen
le 21 août. La répression, menée par le chancelier Séguier en personne, est
féroce. Le 30 novembre, une dernière bande de Nu-pieds est écrasée sous les
murs d’Avranches. Privés de défense, les accusés sont jugés, condamnés et
exécutés sur place ou envoyés aux galères. De très lourdes amendes pleuvent
sur la population accusée d’avoir soutenu la révolte. La plus large publicité
est donnée à la répression.

« L’invincible ennemi dont on ne pouvait se défaire,


c’était l’épuisement du royaume,
l’abîme de la misère publique. »
Michelet, Histoire de France.

12 septembre 1642
Cinq-Mars est décapité
INTRODUIT À LA COUR DÈS L’ÂGE DE 15 ANS par Richelieu, le jeune
et beau marquis de Cinq-Mars, grand écuyer de France et favori de
Louis XIII, poussé par les ennemis de son protecteur, voudrait entrer au
Conseil du roi. Richelieu s’y refuse, tout comme il s’oppose à son mariage
avec Marie de Gonzague qui conspire avec Gaston d’Orléans, frère de
Louis XIII. Cinq-Mars se joint aux conjurés, qui vont jusqu’à signer, en mars
1642, un traité d’alliance secret avec l’Espagne. Richelieu découvre le
complot et le révèle au roi qui, en dépit de son attachement pour son grand
écuyer, le laisse arrêter et juger à Lyon par une commission extraordinaire.
Accablé par les révélations de Gaston d’Orléans, dit « Monsieur », qu’on ne
saurait juger, Cinq-Mars est condamné à mort et décapité, toujours à Lyon,
loin de Paris, le 12 septembre 1642. Son exécution témoigne de
l’inflexibilité de Richelieu dans sa volonté de briser l’opposition des grands.

« Richelieu ne pardonna guère ; mais, s’il avait pardonné,


ce n’aurait été qu’aux dépens de la France. »
Michelet, Histoire de France.

4 décembre 1642
Mort du cardinal de Richelieu
RICHELIEU MEURT à Paris le 4 décembre 1642. Il laisse un testament
politique livrant sa théorie d’un prince puissant tenant d’une main ferme une
monarchie centralisée. Son long ministère en a été l’illustration. Il a restauré
l’armée, fait construire des galères, agrandi et fortifié les ports du Havre, de
Brest et de Toulon. La plupart des châteaux forts ont été démantelés, les
duels interdits, et toute conspiration a été réprimée sans faiblesse. De
nouvelles circonscriptions, les généralités, ont vu le jour. À leur tête, des
« intendants de justice, police et finances » sont chargés d’assurer
l’exécution des volontés royales. L’Académie française a été créée en
janvier 1635, afin de « tirer des langues barbares celle que nous parlons et
donner au français une rhétorique et une poétique ». Il avait acquis, à
proximité immédiate du Louvre, l’hôtel de Rambouillet, dont il avait fait, en
achetant toutes les maisons alentour, un imposant Palais-Cardinal (futur
Palais-Royal) qu’il lègue à Louis XIII.
« Qu’on parle mal ou bien du fameux cardinal,
Ma prose ni mes vers n’en diront jamais rien :
Il m’a fait trop de bien pour en dire du mal,
Il m’a fait trop de mal pour en dire du bien. »
Pierre Corneille.

14 mai 1643
Mort de Louis XIII
MALADE, le roi sait sa fin proche et anticipe sa succession, car le dauphin
n’a que 5 ans. Il rédige un testament qui organise un Conseil de régence
regroupant Monsieur, le frère du roi, et Henri de Condé en tant que premier
prince du sang, ainsi que le chancelier Séguier et le cardinal Mazarin,
parrain du dauphin, qui est entré au Conseil sur la recommandation de
Richelieu. Le roi s’éteint le 14 mai 1643. Cinq jours plus tard, le 18 mai,
Anne d’Autriche s’appuie sur le chancelier Séguier pour convoquer le
parlement de Paris en lit de justice, session extraordinaire sous autorité
royale. Elle fait casser le testament de son époux qui limitait ses
prérogatives, puis se fait attribuer les pleins pouvoirs, supprime le Conseil
de régence et nomme Mazarin Premier ministre. Cette décision indigne les
grands, qui comptaient sur la régence pour reconquérir un rôle déterminant.
Quant aux parlementaires, ils trouvent là l’occasion de dénoncer
l’absolutisme du règne précédent. Anne d’Autriche quitte le Louvre pour le
Palais-Cardinal, qui devient le Palais-royal. La régente, qui gouverne avec
Mazarin, lui confie l’éducation politique et militaire du jeune Louis XIV et
se réserve son éducation religieuse et morale.

19 mai 1643
Rocroi
PEU APRÈS LA DISPARITION DE RICHELIEU et alors que Louis XIII se
meurt, le gouverneur des Pays-Bas espagnols en profite pour envahir la
France par le nord avant de marcher sur Paris. Le 10 mai 1643, les armées
espagnoles mettent le siège devant la place forte de Rocroi (actuel
département des Ardennes). Le duc d’Enghien, fils de Henri II de Condé,
vient, à 22 ans, de prendre le commandement de l’armée de Picardie qui
défend les frontières françaises du nord. Avec 15 000 fantassins et
6 000 cavaliers, il se porte au secours de Rocroi et se bat, le 19 mai 1643,
en rase campagne, contre une armée de 27 000 Espagnols, notamment
composée des redoutables tercios, unités compactes formées en carrés
hérissés de piques réputées invincibles. Pressés de toutes parts, entamés par
l’artillerie et chargés sans cesse par la cavalerie du duc d’Enghien, les
tercios, qui ont perdu presque tous leurs officiers, finissent par capituler.
Impressionnante et inattendue, la victoire de Rocroi met fin à cent trente
années de suprématie militaire de l’Espagne.

27 août 1648
La journée des barricades
Au faubourg Saint-Antoine, pendant la Fronde, deux cavaliers combattent
sous les murs de la contre-escarpe de la Bastille.
Peinture, XVII e siècle, Versailles, musée du Château.

MAZARIN, qui a succédé à Richelieu, doit faire face à un mécontentement


général. Cet habile diplomate d’origine italienne s’est fait apprécier de
Richelieu, qui l’a fait nommer cardinal alors qu’il n’avait jamais été ordonné
prêtre. Ses capacités sont grandes, mais il passe pour malhonnête. À cela
s’ajoute la rumeur (plutôt fondée) d’une liaison intime qu’il aurait avec Anne
d’Autriche. La résistance vient d’abord du parlement de Paris, qui
revendique une participation effective au gouvernement. Les parlementaires
exigent la suppression des intendants de Justice, Police et des Finances mis
en place par Richelieu en province, ou encore le report des « inventions
fiscales » les plus récentes. Mazarin commence par céder puis, croyant
pouvoir profiter des bonnes nouvelles de la guerre, fait arrêter les meneurs
le 26 août 1648. Le lendemain, à l’annonce de cette nouvelle, Paris se
couvre de barricades. Les parlementaires arrêtés sont relaxés. Le pouvoir
royal doit reculer contre la Fronde parlementaire.

« Si les bourgeois eussent voulu,


Le cardinal était pendu,
Mais son bonnet on respecta. »
L’Alléluia des barricades.

24 octobre 1648
La paix de Westphalie
APRÈS SEPT ANS DE NÉGOCIATIONS, pendant lesquels la guerre a
continué, et deux traités successifs, la paix de Westphalie est signée à
Münster le 24 octobre 1648. Elle met fin à la guerre de Trente Ans et
constitue un grand succès pour la France, qui obtient les trois évêchés
lorrains de Metz, Toul et Verdun, ainsi que la ville de Brisach sur le Rhin et
la majeure partie de l’Alsace à l’exception de Strasbourg et de Mulhouse.
Elle se voit confirmer la possession de Pignerol en Piémont, mais doit
rétrocéder la Franche-Comté à l’Espagne. Au nom des « libertés
germaniques », les États allemands, sans être déclarés souverains, reçoivent
le « libre exercice de la supériorité territoriale, tant dans les choses
ecclésiastiques que dans les choses politiques ». L’empereur ne règne plus
que sur une mosaïque d’États pratiquement indépendants.

6 février 1651
La Fronde des princes contraint Mazarin
à l’exil
LE CARDINAL ET LA REINE ont fait semblant de capituler devant la
Fronde parlementaire, mais, en janvier 1649, ils se sont réfugiés au château
de Saint-Germain-en-Laye avant de faire assiéger Paris par les troupes de
Condé, le vainqueur de Rocroi. Les bourgeois de la capitale, d’abord
enthousiasmés par la Fronde parlementaire puis inquiets des troubles, sont
finalement trop heureux d’appuyer la paix de Rueil qu’impose Condé aux
parlementaires le 11 mars 1649. En échange de l’abandon de leurs
revendications et du retour au pouvoir de Mazarin, ceux-ci sont amnistiés.
Alors commence la Fronde des princes. Condé, qui se pose en sauveur de la
cour et se rend odieux, est arrêté et emprisonné au donjon de Vincennes, puis
au Havre avec les princes de Condé et de Longueville. Paris se soulève et la
révolte gagne la province. L’anarchie est bientôt totale. La Fronde
parlementaire se rallume tandis que Gaston d’Orléans passe du côté des
frondeurs. Mazarin doit s’enfuir de Paris le 6 février 1651. Il court au Havre
libérer lui-même les princes, le 11 février, avant de s’exiler en avril à Brühl
chez l’archevêque-électeur de Cologne. Il reste en correspondance secrète
avec la régente Anne d’Autriche, à qui il prodigue ses conseils.

« Il s’érigea et on l’érigea en Richelieu,


mais il n’en eut que l’impudence de l’imitation. »
Le cardinal de Retz à propos de Mazarin.

21 octobre 1652
Le jeune roi effectue sa rentrée dans Paris
À PARIS, la Fronde se perd en divisions que la régente attise en multipliant
intrigues et fausses promesses. Le 7 septembre 1651, elle fait déclarer
Louis XIV majeur devant le Parlement pour son treizième anniversaire.
Condé guerroie, culbutant le 7 avril 1652 à Orléans les troupes royales
commandées par Turenne, frondeur repenti. Les deux armées s’affrontent de
nouveau devant Paris le 2 juillet à la porte Saint-Antoine. Condé, qui vient
d’occuper la capitale, est sur le point cette fois d’être défait lorsque la
Grande Mademoiselle (fille du duc d’Orléans) fait tirer les canons de la
Bastille et ouvre les portes de la ville en permettant le repli des troupes.
Condé se maintient par la terreur dans la capitale et perd le soutien des
parlementaires et des bourgeois, qui ne supportent plus son orgueil et
désavouent sa politique brouillonne. Le parti de l’ordre l’emporte sur celui
des princes. Condé se résout à évacuer la capitale le 13 octobre. Huit jours
plus tard, le jeune roi et la cour font leur entrée solennelle dans Paris sous
les acclamations. Le 7 juin de l’année suivante, Louis XIV se fait sacrer à
Reims. La Fronde aura été une épreuve décisive avant l’établissement de la
monarchie absolue.

« C’est se donner un ridicule que de témoigner


quelque attention à se faire aimer. »
Condé.

7 novembre 1659
La paix des Pyrénées
LE 7 NOVEMBRE 1659, sur l’île des Faisans, à la frontière franco-
espagnole, après trois mois d’âpres négociations entre le cardinal Mazarin et
le représentant de Philippe IV d’Espagne, est signé le traité des Pyrénées.
C’est une victoire diplomatique pour Mazarin, qui profite de l’échec de
l’Espagne dans la conclusion d’un front antifrançais avec l’Angleterre. Le
traité met un terme à vingt-cinq ans de guerre entre les deux puissances, et
accorde à la France plusieurs territoires, dont l’Artois, le Roussillon et
plusieurs places fortes en Flandre, dans le Hainaut et au Luxembourg, comme
Thionville et Montmédy. Le duché de Lorraine sera partagé. Condé, qui avait
rejoint les armées espagnoles, est amnistié. Un mariage est décidé entre
Louis XIV et l’infante Marie-Thérèse, qui renonce à tous ses droits sur la
succession espagnole, y compris sur les Pays-Bas et la Franche-Comté. Elle
apporte au roi une dot de 500 000 écus d’or. Le mariage royal est célébré à
Saint-Jean-de-Luz l’année suivante, le 9 juin.

10 mars 1661
Louis XIV annonce à ses ministres qu’il
va gouverner lui-même
MAZARIN DÉCÈDE À VINCENNES le 9 mars 1661. En mourant, il a dit
laisser à la France deux filles immortelles : la paix de Westphalie et celle
des Pyrénées. Par son testament, il a fait du roi son légataire universel, mais
celui-ci a refusé pour ne pas léser les héritiers. C’est Jean-Baptiste Colbert,
conseiller d’État et administrateur des biens de Mazarin, à commencer par
ses très riches collections d’art, qui est chargé de la succession. Le
lendemain de la mort du cardinal, toujours au château de Vincennes,
Louis XIV convoque ses ministres en un conseil au cours duquel il leur
déclare tout de go : « Je vous ai fait assembler pour vous dire que jusqu’à
présent, j’ai voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le Cardinal ; il
est temps que je les gouverne moi-même. » Et Louis XIV d’ajouter : « Vous
savez mes volontés ; c’est à vous maintenant, Messieurs, de les exécuter. »
En conséquence, la charge de Premier ministre est supprimée. À 23 ans,
Louis XIV manifeste ainsi hautement sa volonté de gouverner en roi absolu.
Puisqu’elle émane de Dieu, l’autorité du roi ne se partage point.

5 septembre 1661
L’arrestation de Foucquet
SUR SON LIT DE MORT, Mazarin a mis le roi en garde contre le
surintendant des Finances, Nicolas Foucquet, et lui a conseillé de le
remplacer par Colbert. Ce n’est pas que Foucquet conspire (il a même été
l’auxiliaire zélé de Mazarin), c’est qu’il est trop puissant, trop riche aussi.
Deux mois auparavant, il avait donné en l’honneur du roi, en son magnifique
château de Vaux, un bal d’une telle magnificence que le jeune souverain en
avait été humilié et l’avait quitté sur ces paroles ambiguës : « Monsieur
Foucquet, je vous donnerai de mes nouvelles. » Le 1er septembre, Louis XIV
fait arrêter Foucquet par d’Artagnan, qui commande les mousquetaires de sa
garde. Après ce véritable coup d’État, aucun grand dans le royaume ne
pourra se considérer hors d’atteinte de la vindicte royale. Le procès pour
« abus et malversations commises dans les Finances depuis 1635 »
s’éternise et le roi l’interrompt par une lettre de cachet en ordonnant
l’emprisonnement de Foucquet dans la forteresse de Pignerol dans le
Piémont. Celui dont la devise était Quo non ascendet ? (« Jusqu’où ne
montera-t-il pas ? ») va y rester dix-neuf ans, jusqu’à sa mort. Dès le
15 septembre 1661, la surintendance des Finances a été supprimée et
remplacée par un Conseil royal. Le même jour, Colbert est devenu ministre
d’État.

8 au 13 mai 1664
Les « Plaisirs de l’Île enchantée »
à Versailles

Les fêtes et spectacles qui se succèdent au cours des journées


des « Plaisirs de l’Île enchantée » mettent en scène la puissance du roi.
Louis XIV en a confié la réalisation aux plus grands artistes du temps,
dont Molière et Lully.

AU DÉBUT DE SON RÈGNE PERSONNEL, Louis XIV se préoccupe de


faire construire une nouvelle résidence royale qui pourra accueillir une cour
de plus en plus importante. Il veut aussi mettre fin à une cour jusqu’alors
itinérante, allant de château en château (notamment, ceux de Fontainebleau et
de Saint-Germain-en-Laye). Quant au Louvre, les mauvais souvenirs de la
Fronde l’incitent à ne plus y revenir. Il choisit Versailles, où son père avait
fait construire un relais de chasse. Le chantier est colossal et va occuper
pratiquement tout son règne. Le roi marque ce choix en conviant à de grandes
fêtes six cents invités triés sur le volet. Carrousels, jeux équestres, ballets
dansés sur la musique de Lully, comédies données par Molière, se succèdent
sur le thème des « Plaisirs de l’Île enchantée », un épisode du Roland
furieux, poème héroïco-comique de l’Arioste dans lequel le valeureux
guerrier Roger et ses compagnons sont retenus dans une île par une
magicienne, Alcine. Le souverain en personne endosse le costume de Roger.

30 janvier 1666
Fin des grands jours d’Auvergne
LES « GRANDS JOURS » SONT, sous l’Ancien Régime, des sessions
extraordinaires tenues par les parlements en dehors de leur siège ordinaire
afin de réprimer les abus, spécialement après des périodes de troubles,
comme ce fut le cas pendant la Fronde. Du 25 septembre 1665 au 30 janvier
1666 siège à Clermont-Ferrand un tribunal extraordinaire formé d’officiers
du parlement de Paris. Ces grands jours d’Auvergne jugent en appel les
affaires de première instance ou, en premier ressort, celles qui impliquent de
hauts personnages. Il s’agit de corriger publiquement les abus de la noblesse
à l’encontre des populations. Sur plus de 12 000 plaintes, 1 360 affaires sont
instruites, qui aboutissent à 692 condamnations, dont 87 à l’encontre de
nobles. Trois cent quarante-sept condamnations à mort sont prononcées et
23 exécutées. Pour faire un exemple, les seigneurs de Frayssinet et de
Sénégas sont décapités en place publique ; les seigneurs de Massiac, de la
Mothe de Canillac et de Clermont, en fuite, sont exécutés en effigie, leurs
biens confisqués et leurs châteaux rasés.

« Il faut de la force assurément


pour tenir toujours la balance de la justice droite
entre tant de gens qui font leurs efforts
pour la faire pencher de leur côté. »
Louis XIV (Mémoires pour l’instruction du dauphin).
15 mars 1667
Institution d’un lieutenant général
de police à Paris

Portrait de Gabriel-Nicolas de La Reynie, premier titulaire de la charge


de lieutenant général de police de Paris.
Peinture de Nicolas Mignard, XVII e siècle.

PARIS EST UNE VILLE ÉNORME de 500 000 habitants, dangereuse, dont
un contemporain dit qu’« il n’y a point de ville au monde plus boueuse et
plus sale ». Le 15 mars 1667, à l’instigation de Colbert, est créée la charge
de lieutenant général de police de Paris, qui est confiée à Gabriel-Nicolas
La Reynie, 42 ans, maître des requêtes au Parlement et réputé pour son
attachement farouche à la suprématie de la justice royale. Il devra, avec
l’aide de commissaires, non seulement assurer l’ordre et la police dans la
capitale, mais aussi veiller à son approvisionnement, à sa voirie, aux
inondations et aux incendies. « Super-préfet » de police, ce nouveau
personnage est aussi un magistrat qui peut juger en flagrant délit et, dans
certains cas, en dernier ressort. À peine installé, La Reynie livre son premier
combat : débarrasser la capitale de ses mendiants, valides et invalides, qui
peuplent les « cours des miracles », véritables ghettos où personne n’ose
s’aventurer.

« Le bois le plus funeste et le moins fréquenté


Est, auprès de Paris, un lieu de sûreté. »
Boileau.

2 mai 1668
Le traité d’Aix-la-Chapelle
EN 1665, à la mort de Philippe IV d’Espagne, père de Marie-Thérèse,
Louis XIV revendique les Pays-Bas espagnols au prétexte de la coutume de
la dévolution (coutume brabançonne qui donne à l’aîné des enfants, garçon
ou fille, la propriété des biens paternels). Turenne entre en Flandre
espagnole en mai 1667. Après Tournai en juin 1667, Lille opère sa reddition
en août après un court siège en présence du roi, soucieux de sa gloire.
L’année suivante, en février, Condé fait la conquête de la Franche-Comté, au
terme d’une brillante campagne de trois semaines, à l’occasion de laquelle il
gagne le surnom de « Grand Condé ». Le roi a de nouveau été présent.
Cependant, Hollandais, Anglais et Suédois s’inquiètent et s’allient. Ils
imposent le traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 2 mai 1668 entre la France et
l’Espagne. Louis XIV doit rendre ses conquêtes, à l’exception de douze
villes des Pays-Bas avec leurs territoires, dont Douai et Lille que Vauban
entreprend alors de fortifier. Toutes les places fortes du Nord vont être
consolidées en prévision de nouvelles campagnes.

7 mars 1669
Colbert cumule les charges ministérielles
COLBERT, le 7 mars 1669, est nommé secrétaire d’État à la Maison du roi
(l’ancêtre du ministère de l’Intérieur) et secrétaire d’État à la Marine. Il va
totalement rénover la marine française en faisant construire une flotte
moderne de vaisseaux, de frégates et de corvettes. À ces nouvelles fonctions
s’ajoutent celles de contrôleur général des Finances et de surintendant des
Bâtiments, qu’il conserve. Depuis 1661, il siège en outre au Conseil d’en
haut (conseil restreint où personne n’est membre de droit et dont les
délibérations sont secrètes). Il est, sans en avoir le titre, le principal ministre
de Louis XIV. Seules lui échappent les Affaires étrangères et la Guerre. Ce
dernier ministère est exercé par Michel Le Tellier, puis par son fils aîné,
Louvois, à partir de 1677. Une grande rivalité se manifeste déjà entre les
deux clans.

5 février 1679
Les traités de Nimègue
LOUIS XIV EST RÉSOLU à se venger des Hollandais, à qui il déclare la
guerre le 6 avril 1672. Le même jour, les armées de Turenne, de Condé et de
Luxembourg, fortes de 120 000 hommes, entament leur marche vers le Rhin
inférieur. La guerre de Hollande qui commence ainsi va durer sept ans. Un
soulèvement populaire rétablit le stathoudérat général (commandement
suprême) au profit de Guillaume III d’Orange-Nassau, qui forme une
coalition rassemblant l’Espagne, les États de l’empereur et le Brandebourg.
Les digues sont volontairement rompues, transformant la Hollande en une île.
Louis XIV garde l’avantage avec Turenne (mortellement blessé en 1675) qui
chasse les Impériaux d’Alsace, et avec les amiraux Tourville et Duquesne
qui triomphent sur mer du Hollandais Ruyter. Les adversaires de la France
sont contraints de négocier. Par les traités de Nimègue, l’Espagne abandonne
à la France la Franche-Comté, une partie du Hainaut et une partie de la
Flandre avec Ypres et Gand. La Hollande conserve ses positions. Louis XIV
reçoit le titre de « Louis le Grand ». Il est l’arbitre de l’Europe.

« Cette république […] a toujours tâché


de traverser, ou ouvertement ou sous main,
nos progrès et nos avantages. »
Louis XIV.

6 mai 1682
La cour s’installe à Versailles
EN 1677, le roi a annoncé sa décision d’installer sa cour à Versailles et,
avec elle, son gouvernement. Les travaux vont bon train. « Tout est meublé
divinement, tout est magnifique », écrit Madame de Sévigné le 29 juillet
1676. Sur cet immense chantier, tous les grands artistes s’emploient à
travailler à la symbolique de l’image du souverain. L’objectif est de faire du
palais le cœur politique et administratif du royaume, d’y attirer les nobles
pour les soumettre en les domestiquant par des charges et des pensions, et en
mettant ainsi fin à leurs prétentions politiques. Une étiquette très
contraignante, établie par Louis XIV, règle minutieusement chaque moment
de la journée. Éloignés de Paris, les gentilshommes deviennent des
courtisans dociles qui se jalousent et intriguent entre eux pour gagner les
faveurs royales. À partir du 6 mai 1682, la cour, enfin installée à Versailles,
commence à vivre dans un tourbillon de fêtes et de réceptions qui font du
château la représentation la plus parfaite de l’absolutisme à la gloire de
Louis XIV.
Désireux de faire de Versailles un lieu d’émerveillement, Louis XIV confie
la réalisation des travaux du château à André Le Nôtre, pour les jardins,
et aux architectes Louis Le Vau et Jules Hardouin-Mansart, pour
les bâtiments.
Commencé en 1663, le chantier de Versailles s’achève en 1710.
Versailles, vue perspective depuis la place d’Armes du château, par Jean-
Baptiste Martin, 1688.
« Tous les yeux sont attachés sur lui seul ;
c’est à lui seul que s’adressent tous les vœux ;
lui seul reçoit tous les respects ; lui seul est l’objet
de toutes les espérances. »
Louis XIV.

18 octobre 1685
La révocation de l’édit de Nantes
SI L’ÉDIT DE NANTES a mis fin aux guerres de Religion, le protestantisme
demeure une hérésie aux yeux de l’Église catholique. Poursuivant la
politique initiée par Richelieu sous le règne précédent, Louis XIV s’efforce
de réduire la religion réformée au moyen d’une législation toujours plus
contraignante. Persuadé que le protestantisme s’éteint de lui-même,
Louis XIV pense que les huguenots qui n’ont pas encore abjuré seront
soulagés de le faire sur ordre. Soucieux de son image de Roi Très Chrétien,
certain de la justesse de son action et conforté par le parti dévot qui
l’encourage, il signe le 18 octobre 1685 l’édit de Fontainebleau qui révoque
celui de Nantes. Le culte réformé est désormais interdit. Les protestants sont
traînés dans les églises pour abjurer. Les hommes qui résistent sont envoyés
aux galères, les femmes emprisonnées, les enfants déplacés. Un immense exil
massif de près de 200 000 protestants s’ensuit. Ce sont souvent des artisans
ou des agriculteurs qualifiés, de petits entrepreneurs qui vont priver le
royaume d’une partie de ses forces vives. La France s’attire, en outre,
l’hostilité de toute l’Europe protestante.

« Vous avez affermi la foi ; vous avez exterminé les hérétiques ; c’est le
digne
ouvrage de votre règne […]. Roi du ciel, conservez le roi de la terre. »
Bossuet.

2 juin 1692
Le désastre de La Hougue
EN 1686, l’Espagne, l’Empire, la Suède et la Bavière ont constitué la ligue
d’Augsbourg pour s’opposer aux empiétements de la France. La guerre
reprend en 1688. Louis XIV, qui fait ravager le Palatinat (sur la rive gauche
du Rhin), remporte des victoires sur terre aux Pays-Bas et en Italie, mais il
n’en va pas de même sur mer. Au début de l’année 1692, d’importantes
forces sont dirigées sur la côte est du Cotentin, dans la région de La Hougue.
Il s’agit d’aider Jacques II, chassé du trône d’Angleterre, à reconquérir son
trône. Encore faut-il d’abord forcer la redoutable flotte anglo-hollandaise,
mission qui échoit à l’amiral Tourville. Le matin du 29 mai 1692, poussé par
son ministre, l’incompétent Pontchartrain, il n’attend pas l’escadre de renfort
qui arrive de Toulon, et engage le combat avec quarante-quatre vaisseaux
contre au moins le double. Après un terrible duel d’artillerie qui dure toute
la journée, les deux flottes se retirent : les Anglo-Hollandais vers le large,
les Français vers la côte. C’est alors que l’inversion du courant de marée
disperse les navires français, qui s’offrent alors aux brûlots de l’ennemi. Le
2 juin, quinze vaisseaux flambent. Le projet de débarquement en Angleterre
est abandonné.

Septembre-octobre 1697
Les traités de Ryswick
À L’AUTOMNE 1697, les traités de Ryswick mettent fin à la guerre de la
ligue d’Augsbourg. La France signe un premier traité le 20 septembre avec
l’Angleterre, les Provinces-Unies et l’Espagne, puis un second avec le Saint
Empire romain germanique le 30 octobre. Louis XIV reconnaît Guillaume
d’Orange-Nassau roi d’Angleterre sous le nom de Guillaume III et restitue à
la couronne d’Espagne la Catalogne et Barcelone ainsi que les places belges
annexées. À l’Empire, la France rétrocède tous les territoires annexés, sauf
Strasbourg qu’elle conserve en échange de la cession du duché de Lorraine
qu’elle occupait depuis 1670. Si ces traités sont assortis d’accords
commerciaux, ils n’en marquent pas moins un coup d’arrêt à l’expansion
française en Europe.
15 mai 1702
La guerre de Succession d’Espagne
CHARLES D’ESPAGNE EST MORT en 1700 en désignant pour successeur
le duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, à condition qu’il renonce au trône de
France. Non sans hésitation, Louis XIV accepte le testament, et le duc
d’Anjou devient Philippe V d’Espagne. Outre la crainte d’une union future
des deux couronnes, l’ouverture de l’empire colonial espagnol au commerce
français permet à Guillaume III d’Orange de former en 1701 la Grande
Alliance de La Haye qui réunit les Provinces-Unies, l’Angleterre, l’Empire,
les princes allemands, puis le Portugal et la Savoie. Cette coalition déclare
la guerre à la France et à l’Espagne, le 15 mai 1702. Cette nouvelle guerre
va durer dix ans.

17 mai 1704
Fin de la révolte des camisards
PRÈS DE VINGT ANS APRÈS LA RÉVOCATION de l’édit de Nantes, la
persécution des protestants perdure. Afin de forcer les conversions, les
dragonnades (les protestants doivent loger les dragons du roi, qui se livrent
aux pires exactions) se poursuivent et les emprisonnements par lettres de
cachet se multiplient. Tandis que les exils volontaires continuent vers
l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas ou l’Angleterre, une insurrection éclate
dans les Cévennes à partir de juin 1702 contre les excès de la répression.
Les « camisards » (du patois languedocien camiso, « chemise ») pratiquent
la guérilla mais aussi, et parfois avec succès, engagent des batailles rangées.
Des atrocités ont lieu dans les deux camps. Louis XIV doit envoyer un de ses
meilleurs maréchaux, de Villars, alors que la France est en guerre contre
l’Europe coalisée. Le 17 mai 1704, le principal chef de la rébellion, Jean
Cavalier, fait sa soumission. Il peut quitter la France avec une centaine de
fidèles. Cette guerre des Cévennes reprend toutefois sporadiquement
jusqu’en 1710.
Janvier-février 1709
Le « Grand Hyver »

Distribution de pain au kiosque des Tuileries, à Paris, pendant la famine


de l’hiver 1709.
e
Gravure, XVIII siècle, Paris, Bibliothèque nationale de France.

EN JANVIER 1709, une terrible vague de froid s’abat sur l’Europe


occidentale. Constamment inférieures à – 10°, les températures descendent
souvent jusqu’à – 20°. Tout gèle : les grains en terre, les arbres, et même les
eaux qui emprisonnent les poissons et empêchent le ravitaillement des villes
par bateau. Le prix des grains explose, notamment à Paris. Celui du setier de
froment est multiplié par six, ce qui provoque des émeutes. On en compte
cent cinquante-cinq dans la capitale entre février et juin 1709. Les
campagnes souffrent autant que les villes de la famine qui favorise épidémies
et maladies infectieuses. Hommes, animaux, bétail, volailles, gibier meurent
en nombre. « Mort de faim », écrivent les curés sur les registres paroissiaux.
Le pouvoir prend quelques mesures. Ceux qui détiennent des grains sont
tenus de les déclarer, et leur circulation est libre de droits. À Paris, on
procède à de maigres distributions de « pain du roi », mais, à cause de la
guerre, les caisses royales sont vides. En France, le « Grand Hyver » aura
tué entre 600 000 et 1 million de personnes.

« Le cruel hiver de 1709


acheva de désespérer la nation. »
Voltaire.

8 septembre 1713
La bulle Unigenitus
AU MILIEU DU XVIIe SIÈCLE, ceux qu’on appelle les jansénistes se
réclament d’un ouvrage de l’évêque d’Ypres, Jansen, l’Augustinus, qui
soutient la doctrine de la prédestination : Dieu n’accorde sa grâce qu’à un
petit nombre d’élus qui doivent la mériter au terme d’une vie pieuse et
austère. Les jésuites, qui conduisent la Contre-Réforme, ont beau jeu de
dénoncer là un « calvinisme rebouilli ». La Sorbonne condamne en
1649 l’Augustinus et, en 1667, l’Assemblée du clergé exige de tout
ecclésiastique la signature d’un formulaire allant dans ce sens. Malgré cela,
la doctrine se répand et prend vite le caractère d’une fronde religieuse. Les
prélats se tournent vers le prince en faisant valoir que l’individualisme est
dangereux pour l’Église comme pour l’État. La querelle janséniste rebondit
en 1701 : « Peut-on donner l’absolution à un prêtre qui a signé le Formulaire
mais avec des restrictions mentales ? » En 1709, Louis XIV se déchaîne
contre les religieuses de Port-Royal, accusées de jansénisme. Cette doctrine
est solennellement condamnée par le pape, le 8 septembre 1713, par la bulle
Unigenitus. L’archevêque de Paris refuse de recevoir la bulle et le
Parlement le soutient. La fronde janséniste qui rebondit ainsi va empoisonner
tout le XVIIIe siècle français.

« Mme de Longueville, ne pouvant plus


cabaler pour la fronde, cabala
pour le jansénisme. »
Voltaire.

1er septembre 1715


Mort du Roi-Soleil

La France en 1715.
LE 26 AOÛT 1715, Louis XIV, qui se plaignait d’une douleur à la jambe, ne
peut plus se lever. Fagon, premier médecin du roi, avait diagnostiqué une
sciatique, mais il s’agit d’une gangrène. Conscient de sa fin proche, le roi se
confesse et reçoit l’extrême-onction. Il fait ses adieux à la cour, qui défile en
sa chambre, convoque le petit dauphin qui n’a que 4 ans, auquel il prodigue
quelques conseils, lui recommandant de soulager la misère de son peuple et
d’éviter la guerre qui est la cause de sa ruine. « Je m’en vais, mais l’État
demeurera toujours. » Le roi tombe dans le coma le 30 août et meurt le
1er septembre au matin. Celui qui avait pris le soleil pour emblème, parce
qu’il est l’astre qui donne vie à toute chose, s’éteint après un règne de
soixante-douze ans, dont cinquante-quatre de pouvoir absolu. Sa succession
est délicate. Jusqu’en 1710, il y avait encore plusieurs héritiers légitimes,
tous prénommés Louis, pour assurer la continuité de la dynastie. Une
succession de décès, qui débute avec la mort du grand dauphin en 1711, a
fauché cette descendance. Il ne reste que deux survivants : un petit-fils,
Philippe, qui a renoncé à ses droits au trône de France lorsqu’il est devenu
roi d’Espagne en 1700, et un arrière-petit-fils, le futur Louis XV.

« La France était très fatiguée lorsque Louis XIV mourut,


en 1715. Encore une fois, elle avait payé d’un haut prix
l’acquisition de ses frontières et de sa sécurité. »
Jacques Bainville (Histoire de France).

2 septembre 1715
Le Régent s’attribue les pleins pouvoirs
LOUIS XIV AVAIT PRÉVU DANS SON TESTAMENT un Conseil de
régence pour assister et contrôler son neveu, Philippe d’Orléans. Fort de
l’appui du Parlement qui voit là l’occasion de retrouver un rôle politique, le
Régent fait reconnaître le 2 septembre 1715, le lendemain même de la mort
du roi, son plein droit à la régence. Sans annuler ouvertement le testament
royal, il compose le Conseil de régence à sa dévotion. Le duc du Maine,
bâtard légitime et très aimé de Louis XIV, qui devait avoir le monopole de
l’éducation du jeune Louis XV et était considéré comme apte à succéder à la
Couronne, est écarté. Un lit de justice entérine cette décision le
12 septembre. Pour satisfaire les grands seigneurs écartés du pouvoir par
Louis XIV, le Régent supprime les ministres et les remplace par sept
conseils, sous le nom de « polysynodie ». Ce système de gouvernement va se
trouver aussitôt entravé par des querelles de préséance et un manque de
technique dans la gestion des affaires de l’État.

« Un des malheurs de ce prince était


d’être incapable de suite dans rien,
jusqu’à ne pouvoir comprendre
qu’on en pût avoir. »
Saint-Simon (Mémoires).

Août 1720
La banqueroute de Law
LE RÉGENT HÉRITE d’un important déficit budgétaire et d’une lourde
dette, dont il confie la gestion à l’économiste écossais John Law. Une banque
de dépôt et d’escompte est fondée à son initiative en 1716, qui émet du
papier-monnaie et échange l’or des déposants contre des billets. L’or en
dépôt sert au paiement de la dette de l’État, tandis que l’émission des billets
relance l’économie. La banque travaille en association avec la Compagnie
des Indes orientales, qui a le monopole du commerce maritime et colonial et
exploite les mines de métaux précieux du Nouveau Monde, ce qui garantit la
convertibilité des billets en or. L’expérience semble devoir réussir, et Law
se voit même promu contrôleur général des Finances le 5 janvier 1720.
Cependant, le « système de Law » est victime de son succès du fait de la
spéculation sur les actions de la compagnie, qui s’échangent à plus de vingt
fois leur valeur nominale. L’émission des billets a tôt fait de dépasser
l’encaisse or. Par ailleurs, Law s’est attiré dès le début l’hostilité du Conseil
de régence, dont les principaux membres créent la panique au début de
1720 en échangeant massivement et spectaculairement leurs billets et leurs
actions. Une panique grandissante s’ensuit, au cours de laquelle chaque
porteur veut retrouver son or. La banqueroute est inévitable. Elle est
annoncée par arrêt du Conseil le 10 octobre 1720, et Law doit s’enfuir. Il
vient de ruiner pour longtemps le crédit et le papier-monnaie, pourtant
indispensables au développement économique du pays.

« Law, assiégé chez lui de suppliants et de soupirants,


voyait forcer sa porte […]. On ne parlait que de millions.
Toutes les têtes étaient tournées. »
Saint-Simon (Mémoires).

14 septembre 1720
La peste de Marseille est vaincue « de
par le Roi »
AU PRINTEMPS 1720, un navire marchand, le Grand-Saint-Antoine,
apporte la peste à Marseille. La dernière épidémie date de 1629, et chacun
considère que la terrible maladie appartient à un passé révolu. Aussi les
premières mesures de quarantaine sont-elles tout à fait insuffisantes. D’autant
qu’on ignore encore le rôle vecteur de la puce. Au cours de l’été, l’épidémie
se propage dans la ville à une vitesse effrayante. Trente mille habitants
périssent sur les 90 000 que compte Marseille. Les cadavres, revêtus d’un
linceul de fortune, sont abandonnés dans les rues. Quand Versailles décrète
le blocus de Marseille, il est déjà trop tard. La peste a commencé à se
répandre alentour. Pour préserver le royaume, tout entier menacé, le Conseil
d’État du roi décide, le 14 septembre 1720, de mettre toute la Provence en
stricte quarantaine. Sept régiments sont dépêchés par Versailles pour garder
militairement la frontière ainsi déterminée, empêchant quiconque d’entrer ou
de sortir. On va jusqu’à construire des « murs de la peste ». L’épidémie ne
s’éteindra que lentement en tuant en Provence entre 90 000 et
120 000 personnes (sur un total de 400 000 habitants). Toutefois, elle ne
franchira pas les limites de la province. La dernière grande peste en France a
porté un terrible coup.
Le peintre Michel Serre (1658-1733), qui est à Marseille pendant
l’épidémie de peste en 1720, a réalisé cette vue de l’hôtel de ville et d’une
partie du port. La situation est catastrophique. Les corps s’empilent
augmentant les risques de contamination et les autorités doivent
réquisitionner les galériens pour jeter les cadavres à la mer.

2 décembre 1723
Mort du Régent
PHILIPPE D’ORLÉANS est emporté par une attaque d’apoplexie le
2 décembre 1723, à l’âge de 49 ans. Le 16 février de la même année,
Louis XV a été déclaré majeur après avoir été sacré à Reims, mais il n’a que
13 ans. Le jeune roi accède à la demande du duc de Bourbon, qui brigue la
fonction de principal ministre, après avoir pris l’avis de Fleury, évêque de
Fréjus, son précepteur et aumônier, qu’il vient de faire entrer au Conseil du
roi. Pris de court, Fleury ne s’est pas opposé à une telle nomination, mais il
attend son heure, sachant quelle grande influence il a sur son royal élève. La
première régence qui s’achève ainsi a été marquée par le retour de la cour et
du roi à Paris. Le Palais-Royal a réagi contre l’austérité de la fin de règne du
Roi-Soleil en donnant de nombreuses fêtes. Le Régent y gagne une réputation
de libertin insouciant, voire de débauché, notamment sous l’influence de
l’abbé Dubois, son ancien précepteur, nommé cardinal en 1721 alors qu’il
n’était pas prêtre (il n’avait reçu que la simple tonsure).

29 janvier 1743
Mort du cardinal de Fleury
APRÈS LA DISGRÂCE DU DUC DE BOURBON en juin 1726, Louis XV a
déclaré au Conseil d’en haut qu’il gouvernerait lui-même mais assisté de
Fleury, qui devient de fait principal ministre même si le titre est supprimé.
Fleury a alors 73 ans. Cardinal la même année à la demande du roi, il
gouverne pendant dix-sept ans avec prudence et souplesse. Voltaire dit de lui
qu’il « fut simple et économe en tout, sans jamais se démentir ». Il reconstruit
l’économie du pays, fait preuve de tolérance vis-à-vis des protestants, tente
de s’accommoder des jansénistes. Pacifiste, il rétablit en 1729 l’amitié
franco-espagnole, mais doit accepter la guerre de Succession de Pologne
(1733-1738) et l’entrée en guerre de la France contre l’Autriche en 1740. Il
meurt le 29 janvier 1743, à 89 ans, paradoxalement impopulaire. Louis XV
déclare qu’il gouvernera désormais seul, assisté du Conseil d’en haut.

« La France est un malade que, depuis cent ans,


trois médecins de rouge vêtus
ont successivement traité. »
Comte d’Argenson.

5 janvier 1757
L’attentat de Damiens
LE 5 JANVIER 1757, par un froid glacial, Louis XV monte dans son
carrosse lorsqu’un homme, bousculant son entourage, le frappe d’un coup de
couteau. La blessure n’est que légère. Son auteur, Robert-François Damiens,
un domestique sans emploi de 42 ans, dira qu’il n’a pas voulu tuer le roi,
mais lui donner un avertissement. On cherche des complices, mais on n’en
trouve pas. Tout au long du procès, la polémique fait rage entre le parti des
dévots et celui des jansénistes, chacun accusant l’autre d’avoir armé le bras
du régicide. Le crime est cependant trop grand pour qu’on se pose la
question de la folie. Le 28 mars 1757, à l’énoncé de sa condamnation à mort
et du supplice atroce qui l’attend, en tout point semblable à celui qu’a subi
Ravaillac, Damiens déclare : « La journée sera rude. »
Sur cette gravure, Damiens, de dos, portant cape et chapeau, vient
de frapper le roi. Alors que l’un des valets lui a aussitôt empoigné le bras
pour le neutraliser, le roi, qui n’a pas été gravement touché, semble
ne pas réaliser l’importance de la scène.
Gravure, XVIII e siècle, Paris, Bibliothèque nationale de France.

8 mars 1759
La révocation du privilège
de l’Encyclopédie
À L’ORIGINE, l’Encyclopédie ne devait être que la traduction en français de
la Cyclopaedia britannique parue à Londres en 1728. À partir d’octobre
1747, Diderot, écrivain et philosophe, alors âgé de 34 ans, et d’Alembert,
30 ans, mathématicien, physicien et philosophe, entreprennent de faire œuvre
originale en publiant une Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des
sciences, des arts et des métiers. Son propos, tel que le souligne son
discours préliminaire, est rien de moins que de dresser « le tableau général
des efforts de l’esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ».
Les deux premiers volumes paraissent en 1751. Après quatre nouveaux
volumes, le septième provoque une violente polémique contre le « parti
philosophique ». Le 23 janvier 1759, le procureur royal réclame
l’interdiction de l’Encyclopédie : « À l’ombre d’un dictionnaire, on y a fait
entrer une compilation alphabétique de toutes les absurdités, de toutes les
impiétés… ». Le 8 mars 1759, le Parlement révoque le privilège de
l’Encyclopédie, c’est-à-dire l’autorisation d’imprimer. Grâce à son immense
succès, l’aventure ne va pas moins se poursuivre avec la collaboration de
deux cents à deux cent cinquante auteurs, dont les plus grands écrivains du
temps (Voltaire, Rousseau). Vingt-huit volumes grand in-folio paraissent en
tout jusqu’en 1772.

« Sire, […] Remerciez Dieu d’avoir fait naître dans votre royaume
ceux qui ont servi ainsi l’univers entier. Il fait que tous les autres
peuples achètent l’ Encyclopédie ou qu’ils la contrefassent. »
Voltaire.

10 février 1763
Le traité de Paris met fin à la guerre
de Sept Ans
LA RIVALITÉ ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE s’intensifie au
point qu’en 1756 la guerre, devenue inévitable, éclate après qu’en juin 1755,
sans déclaration de guerre, les Anglais se sont saisis de plus de trois cents
navires français. L’Angleterre s’allie à la Prusse, et la France à l’Autriche,
puis à la Russie, la Suède et la Saxe. Pendant que la France livre bataille sur
le continent, les Anglais font la conquête des colonies françaises. Privés de
la plupart de leurs navires, les Français ne peuvent envoyer des renforts.
Québec tombe en 1759, et Montréal l’année suivante. En Inde, les Français
capitulent à Pondichéry en 1761. Signé le 10 février 1763, le traité de Paris
met fin à la guerre de Sept Ans. La France doit abandonner toutes ses
possessions aux Indes (sauf cinq comptoirs), au Canada et sur la rive gauche
du Mississippi. Elle conserve néanmoins les Antilles, précieuses pour leur
canne à sucre, leur cacao, leurs épices. L’humiliation de la France n’en est
pas moins profonde. Tant sur le plan des pertes humaines que sur celui des
dépenses, le bilan est catastrophique pour tous les pays belligérants.

22 février 1771
Maupeou démembre le parlement de Paris
LOUIS XV, SOUVENT CONSIDÉRÉ comme un roi sans volonté, mène avec
une grande fermeté le combat contre les parlements en révolte. Dès 1732, le
cardinal de Fleury a exilé par lettres de cachet un lot impressionnant de cent
trente-neuf conseillers du parlement de Paris qui protestaient contre la
diminution de leurs pouvoirs. De courts emprisonnements à la Bastille ont
suivi en 1757, en 1763 et en 1765. La lutte culmine en 1770, quand le
parlement de Paris prétend se mettre en grève à la suite d’une nouvelle
querelle. Le roi et son chancelier Maupeou ripostent par un « coup de
majesté ». Le 22 février 1771, cent trente magistrats sont exilés, et un édit
supprime le parlement de Paris. La suppression de la vénalité des charges
met fin à l’hérédité de la fonction. Désormais, les magistrats sont désignés
pour leurs compétences, appointés et révocables. Cette révolution judiciaire
est aussi politique et sociale. Elle permet la mise en place du vingtième,
nouvel impôt qui frappe tous les revenus et dont la recette réduit
considérablement le déficit budgétaire. Trois ans plus tard, ce véritable coup
d’État, prélude à l’indispensable réforme du royaume, va être annulé par
Louis XVI qui, quelques mois après son avènement, rappellera les
parlementaires exilés et rétablira l’ancienne juridiction.

10 mai 1774
Mort de Louis XV
LE 29 AVRIL 1774, le mal qui depuis quelques jours atteint le roi est
diagnostiqué : il s’agit de la « petite vérole » (variole). Louis XV meurt le
10 mai à l’âge de 64 ans. Son manque de fermeté politique, ses hésitations
entre le parti philosophique qui réclame des réformes et le parti dévot qui
les refuse systématiquement, le train de vie dispendieux de la cour,
l’influence de Madame de Pompadour qui a fait et défait les ministres,
l’accession tardive de Jeanne Bécu, promue comtesse du Barry, au rang de
principale favorite, ont eu raison de sa popularité. De « Bien-Aimé »,
Louis XV est devenu après cinquante-neuf années de règne le « Mal-Aimé ».
Le duc de Berry, son petit-fils, lui succède sous le nom de Louis XVI. Il est
âgé de 20 ans et a épousé en 1770 Marie-Antoinette d’Autriche-Lorraine, qui
en a 19. Ni l’un ni l’autre ne sont préparés à régner. Sur le conseil de ses
tantes, filles de Louis XV, le nouveau roi fait appel au vieux comte de
Maurepas, ancien ministre disgracié, resté pendant plus de vingt ans à l’écart
des affaires.

« Quoi qu’on pût faire alors, tout gouvernement était sûr d’être
d’avance condamné, moqué, maudit, flétri. »
Michelet (Histoire de France).

Avril-mai 1775
La guerre des farines
EN AOÛT 1774, Louis XVI, désireux d’assurer le clan des philosophes de
son ouverture d’esprit, nomme l’un des leurs, Turgot, au poste de contrôleur
général des Finances. Physiocrate convaincu, celui-ci fait passer l’édit du
13 septembre 1774 qui établit la liberté de la circulation et du commerce des
grains et des farines à l’intérieur du royaume. La récolte de l’été est
malheureusement mauvaise et les réserves s’épuisent au fil de l’hiver. Au
printemps 1775, la faiblesse des stocks pousse à la rétention les
spéculateurs, qui profitent de l’absence d’un tarif réglementaire pour faire
flamber les prix. Les pauvres ne peuvent plus acheter de pain, et l’agitation
populaire dégénère en avril 1775. C’est la « guerre des farines », se
traduisant par de violentes émeutes qui secouent le royaume. Pour y mettre un
terme, le roi est contraint d’user de la force : deux condamnations à mort
pour l’exemple à Paris. Finalement, Turgot doit revenir sur sa mesure en
rétablissant le prix imposé du grain. Le principe de libéralisation des prix
s’en trouve discrédité, et le ministre affaibli. C’est la première défaite
politique du libéralisme en France.
12 mai 1776
La chute de Turgot
EN JANVIER 1776, Turgot présente au Conseil du roi un premier volet de
réformes. La corvée royale (obligation de travailler gratuitement à l’entretien
des « grands chemins »), qui pèse sur les seuls paysans, doit être abolie et
remplacée par un travail de voierie payé par un impôt pesant sur tous les
propriétaires fonciers, privilégiés ou non. La liberté du travail est
proclamée, ce qui équivaut à mettre un terme aux corporations de métiers qui
sont un obstacle à l’innovation. Le roi soutient son ministre et impose
l’enregistrement des édits par lit de justice du 12 mars. Turgot tente d’aller
plus loin en envisageant l’établissement d’un cadastre, base d’un impôt
foncier équitable, en proposant que les paysans rachètent les droits
seigneuriaux qui pèsent sur eux. Il est convaincu qu’il faut réformer la
fiscalité et répartir l’impôt entre tous. Ses propositions dressent contre lui la
cour et les privilégiés qui font pression sur le roi. Celui-ci renvoie son
ministre le 12 mai 1776 et rétablit les corvées et les corporations de métiers.
L’actif du bilan de Turgot se solde pourtant par une réduction de la dette de
20 % et un excédent de recettes de 5 millions.
Portrait de l’économiste Anne Robert Turgot (1727-1781) par le peintre
Hubert Drouais, 1760.

« N’oubliez jamais, Sire, que c’est la faiblesse


qui a mis la tête de Charles Ier sur le billot. »
Turgot à Louis XVI.

19 mai 1781
La démission du ministre Necker
EN OCTOBRE 1776, Louis XVI fait appel à Necker, un riche banquier
genevois. Celui-ci emprunte en sept fois, de 1776 à 1781, 530 millions de
livres à des taux prohibitifs, en creusant le gouffre de la dette publique.
Acculé aux économies, celui qui n’a pas le titre de contrôleur général des
Finances du fait qu’il est étranger et protestant, a commencé à rogner sur les
budgets des ministères et voudrait en faire autant sur les dépenses de la cour.
Il revient à certaines idées de Turgot, jugeant que les impôts directs sont mal
répartis. En janvier 1781, il veut frapper un grand coup en publiant un
Compte rendu au Roi où, pour la première fois, est publié le détail des
dépenses et des recettes du Trésor. Le public s’arrache l’opuscule, qui se
vend à 100 000 exemplaires en quelques jours. On n’y voit qu’une chose :
les dépenses de la cour. Le 19 mai 1781, Necker qui, dans son
Compte rendu, a invoqué l’opinion publique, est contraint à la démission.

« Par une succession d’essais incomplets, non suivis,


toujours interrompus, il [Louis XVI ] irrita
la fièvre publique et ne fit que la redoubler. »
Sainte-Beuve.

3 septembre 1783
Le traité de Versailles
APRÈS QUE LE 4 JUILLET 1776, les colonies britanniques d’Amérique du
Nord ont signé une déclaration d’indépendance et sont entrées en rébellion
contre leur métropole, la France, que le règlement de la guerre de Sept Ans
avait laissée amère et avide de revanche, a apporté d’abord un soutien aux
Insurgents américains. Des volontaires français se sont enrôlés, avec parmi
eux le jeune marquis de La Fayette. Après la victoire des Insurgents à
Saratoga en octobre 1777, la France entre officiellement en guerre au début
de 1778, apportant aux Américains une aide diplomatique, maritime et
militaire. Elle entraîne, en outre, l’Espagne dans la guerre. La défaite
britannique de Yorktown, en octobre 1781, conduit à des préliminaires de
paix qui aboutissent, le 3 septembre 1783, au traité de Versailles entre la
France et l’Angleterre. L’indépendance des États-Unis est reconnue, mais la
guerre a coûté cher à la France. Le déficit est chronique, et le royaume vit à
crédit, sous le poids d’une dette énorme.
31 mai 1786
L’épilogue de l’affaire du Collier
AU COURS DE L’ÉTÉ 1784, le naïf cardinal et prince de Rohan, grand
aumônier de France, est l’agent involontaire d’une escroquerie visant à faire
acheter, soi-disant à la reine, un collier de diamants au prix faramineux
(1 600 000 livres). Les voleurs disparaissent tandis que le cardinal est arrêté
le 15 août 1785, en habits sacerdotaux, alors qu’il s’apprête à dire la messe
de l’Assomption dans la chapelle de Versailles. Une lettre de cachet l’envoie
à la Bastille, mais Louis XVI entend le faire juger par le Parlement. Le petit
peuple, qui va s’asseoir au bord des fossés de la Bastille, chansonne : « Le
Saint-Père l’avait rougi, /le Roi, la Reine, l’ont noirci, /le Parlement le
blanchira. » Et, de fait, le cardinal est déchargé d’accusation le 31 mai 1786,
sans même la mise « hors de cour » qui impliquerait une nuance de blâme.
Cet acquittement est un affront pour Marie-Antoinette. En réponse, le roi, par
une seconde lettre de cachet, exile le cardinal dans son abbaye de La Chaise-
Dieu en Auvergne. On crie à la tyrannie, et l’hostilité à la reine se fait plus
vive que jamais.
Reproduction du fabuleux collier de diamants réalisé par Böhmer
et Bassenge, joailliers de la Couronne.
Composé de 650 diamants pour un poids de 2 800 carats, il est estimé
à 1,6 million de livres.

« En général, une multitude est toujours outrée,


mais une multitude française l’est plus qu’une autre. »
Baron de Besenval (Mémoires).

Mai-août 1787
La révolte parlementaire
CALONNE, CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES FINANCES depuis novembre
1783, propose en 1787 d’audacieuses réformes pour réduire le déficit
financier et moderniser l’administration du royaume. Anticipant l’opposition
du Parlement, il réunit une assemblée des notables, qui se tient à Versailles
du 22 février au 25 mai 1787. Composée de privilégiés dans sa quasi-
totalité, elle ne manque pas de rejeter le projet d’une subvention territoriale
payable par tous. Elle obtient de surcroît le renvoi de Calonne, qui est
remplacé par Loménie de Brienne. Toujours hostile et réfractaire,
l’assemblée des notables est dissoute, mais lorsque, le 12 juillet, l’édit
portant création de la subvention territoriale est présenté, les parlementaires
refusent de l’enregistrer. Sourds à tout argument, ils avancent que seuls des
états généraux (qui n’ont pas été convoqués depuis 1614) ont pouvoir de
décider et de voter de nouveaux impôts. Le 6 août 1787, le blocage de la
situation contraint Louis XVI à tenir un lit de justice au cours duquel il
procède à l’enregistrement forcé. Le Parlement, qui prononce aussitôt la
nullité de l’édit, est d’abord exilé à Troyes, mais, devant le mécontentement
général, le roi cède. Il renonce à la subvention territoriale et rappelle les
parlementaires.

« Ainsi la plaie d’argent, dont l’Ancien Régime souffrait


depuis longtemps, était devenue mortelle. »
Jacques Bainville (Histoire de France).

7 juin 1788
La journée des Tuiles
QUAND LE GARDE DES SCEAUX LAMOIGNON tente en mai 1788 de
briser l’opposition parlementaire par la création de nouvelles juridictions,
c’est trop tard. Les parlements de province entrent en révolte ouverte,
fédérant autour d’eux tous les mécontents. À Pau, à Toulouse, à Dijon, la
foule prend leur défense. Rennes est en proie à deux jours d’émeute, les 9 et
10 mai. À Grenoble, on réintègre de force les parlementaires frappés d’exil
dans le palais de justice. Le 7 juin, lorsque l’armée intervient pour les en
déloger, les émeutiers font pleuvoir sur les soldats les tuiles des toits. Le
calme ne revient que lorsque le duc de Clermont-Tonnerre, commandant
militaire du Dauphiné, donne l’ordre à ses troupes de se retirer. Cette
« journée des Tuiles » ne reste pas sans lendemain. Le 21 juillet, dans le
château de Vizille, au sud de Grenoble, une assemblée de 276 membres du
tiers état, 165 nobles et 50 ecclésiastiques du Dauphiné réclame la réunion
des états généraux, qui sont invoqués comme seuls aptes à « lutter contre le
despotisme des ministres et mettre un terme aux déprédations des finances ».

8 août 1788
La convocation des états généraux
LE 5 AOÛT 1788, Brienne promet la réunion des états généraux et, trois
jours plus tard, les convoque pour le 1er mai 1789. Les caisses sont vides. Le
16 août, le Trésor suspend ses paiements. Le roi et ses conseillers ne voient
dans les états généraux qu’une nouvelle assemblée formelle et solennelle qui
permettra à la Couronne de sortir de la banqueroute. L’annonce des états
généraux pose la question de ses formes. Le 21 septembre, le parlement de
Paris et plusieurs parlements de province, qui se souviennent soudain qu’ils
font partie des privilégiés, proposent que les états généraux soient convoqués
« dans les formes de 1614 », c’est-à-dire en trois chambres séparées qui
voteront par ordre. Tout espoir de réforme se trouverait alors anéanti, et les
parlements perdent d’un seul coup leur popularité auprès des « patriotes »,
dits encore « parti national », qui réclament une assemblée unique, le
doublement des députés du Tiers et le vote par tête.
À la suite de la publication du règlement pour la convocation des états
généraux, de nombreux pamphlets et libelles circulent dans le royaume.
La Révolution et l’Empire
1789-1815

5 mai 1789
L’ouverture des états généraux
RAPPELÉ AU MINISTÈRE LE 26 AOÛT 1788, à la fois comme directeur
général des Finances et comme principal ministre, Necker a pour mission
cette fois de gérer les affaires courantes dans l’attente de la réunion des états
généraux. Loin d’apaiser les troubles, l’annonce de la convocation les
multiplie et les aggrave. Pendant que se rédigent ou se recopient des cahiers
de doléances, les élections des députés aux états généraux s’effectuent selon
une procédure complexe. Sont élus 1 172 députés : 270 pour la noblesse,
291 pour le clergé et 611 pour le tiers état (ces chiffres varient légèrement
selon les sources). Les députés se réunissent pour la première fois le 4 mai
1789, lors de la cérémonie d’ouverture à Versailles. L’ouverture proprement
dite des états généraux a lieu le lendemain, le 5 mai. Louis XVI prononce le
discours d’ouverture en évoquant d’emblée la dette de l’État, et en ajoutant :
« Une inquiétude générale, un désir exagéré d’innovations, se sont emparés
des esprits, et finiraient par égarer totalement les opinions, si on ne se hâtait
de les fixer par une réunion d’avis sages et modérés. » La question du vote
par ordre ou par tête reste en suspens. Tout le mois de mai se crispe sur ce
blocage.

« Les physionomies des députés exprimaient plus d’énergie


que celle du monarque, et ce contraste devait inquiéter
dans des circonstances où rien n’étant encore établi,
il fallait de la force des deux côtés. »
Madame de Staël.

20 juin 1789
Le serment du Jeu de paume
LES ÉTATS GÉNÉRAUX SEMBLENT PARALYSÉS lorsque la crise qui
couvait explose à la mi-juin. Des curés rejoignent la salle des députés du
tiers, jusqu’à ce que, le 17, Sieyès, membre du clergé mais député du tiers
(pour Paris), propose que la salle du tiers se constitue en Assemblée
nationale. Aussitôt dit, aussitôt juré, et aussitôt votée une adresse au roi pour
lui faire part de cette délibération. L’épreuve de force est engagée. Madame
de Staël, fille unique de Necker, ne s’y trompe pas : « Ce décret était la
révolution même. » Désemparés par l’absence de réaction de l’autorité
royale, les députés du clergé votent leur réunion au tiers par une très courte
majorité (149 voix contre 137). Seule la noblesse tient bon et demande au roi
de prendre sa défense. Ainsi, timidement, le 20 juin au matin, le roi fait
fermer les portes de la salle où se réunissent les députés du tiers. Ceux-ci
investissent alors un gymnase proche où l’on pratique le jeu de paume
(ancêtre du tennis actuel). Un serment est alors proposé et aussitôt juré dans
l’enthousiasme : « L’Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la
constitution du royaume, opérer la régénération de l’ordre public, et
maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu’elle
ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée de
s’établir, et qu’enfin partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée
nationale. »
Réunis dans la salle du Jeu de paume, les députés prononcent le serment
dont la célèbre formule tout juste rédigée par les députés Barnave
et Le Chapelier est lue par le président de l’Assemblée nationale, Jean-
Sylvain Bailly.

9 juillet 1789
L’Assemblée nationale se déclare
constituante
LE 23 JUIN, le roi tient devant l’assemblée plénière des trois ordres une
sorte de lit de justice où il fait connaître ses volontés. Il consent notamment à
l’égalité devant l’impôt et à ce que celui-ci, ainsi que les emprunts, soient
votés par des états généraux périodiquement convoqués. Bien d’autres
concessions sont faites, mais le vote par tête n’est accordé que sur des
chapitres d’intérêt général. Pour tout ce qui touche à la structure
constitutionnelle du royaume en ordres et à l’organisation des futurs états
généraux, ce sera le vote par ordre. Le roi ordonne alors aux députés
assemblés de se séparer et de retourner siéger par ordre. Les députés du tiers
refusent de se retirer. Le lendemain, la majorité des députés du clergé rejoint
le tiers et, le surlendemain, 47 députés de la noblesse en font autant.
Louis XVI, le 27 juin, ordonne « à son fidèle Clergé et à sa fidèle
Noblesse » de rejoindre le tiers état, avalisant par là le coup d’État. Il
s’imagine ne céder qu’en apparence tout en continuant à ordonner la
concentration de troupes autour de Versailles et de Paris. Le 9 juillet, deux
jours après qu’un comité de constitution a été créé, l’Assemblée nationale se
déclare constituante.

« Les nations que les rois consultent commencent par des vœux
et finissent par des volontés. »
Rivarol.

14 juillet 1789
La prise de la Bastille
LE 11 JUILLET 1789, le roi congédie brusquement Necker. La nouvelle
arrive le lendemain à Paris déjà en pleine effervescence et fait l’effet d’une
bombe. Le matin du 13, les « électeurs de Paris » (aux états généraux)
forment un comité permanent. Une « garde bourgeoise » est créée, mais il
faut trouver des armes. Le matin du 14 juillet, une foule en émeute envahit les
Invalides et s’empare de ses fusils. Les émeutiers cherchent alors des
munitions et se tournent vers la Bastille, réputée en détenir. La vieille
forteresse, avec ses canons chargés à mitraille, est imprenable si elle se
défend, mais ce n’est pas l’intention de son gouverneur, le marquis de
Launey, qui reçoit plusieurs délégations tout en attendant des ordres de
Versailles qui n’arrivent pas. Une fusillade commence, qui fait de
nombreuses victimes parmi les milliers d’assiégeants. Vers 5 heures de
l’après-midi, la Bastille se rend. La foule déchaînée se rue dans la
forteresse, qu’elle met à sac. Launey est massacré une heure plus tard. Sa tête
est mise au bout d’une pique et promenée en triomphe dans les rues de Paris.
Les diplomates étrangers soulignent la gravité de l’événement.
L’ambassadeur d’Autriche écrit que « désormais, la ville de Paris joue
réellement en France le rôle d’un roi et qu’il dépend de son bon plaisir
d’envoyer une armée de 40 à 50 000 bourgeois en armes entourer
l’Assemblée et lui dicter les lois ».

« La prise de cette forteresse


et celle de la lune me paraissaient
à peu près du même ordre. »
Baron de Frénilly.

26 août 1789
La Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen
APRÈS AVOIR PROCLAMÉ L’ABOLITION DES PRIVILÈGES au matin du
4 août, l’Assemblée constituante décide de placer en préambule à la future
Constitution une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Celle-ci,
qui s’inspire du préambule de la Déclaration d’indépendance américaine, est
adoptée le 26 août 1789. Elle proclame dans son article 1er que « les
hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Les « droits
naturels et imprescriptibles de l’homme », tels qu’énoncés dans
l’article 2 sont : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à
l’oppression. La liberté est définie comme « le droit de faire tout ce qui ne
nuit pas à autrui ». La liberté individuelle, la liberté d’opinion, celle de la
presse sont définies, mais celles des cultes, de l’enseignement, du commerce
et de l’industrie, de réunion ne sont pas mentionnées. La souveraineté ne
réside plus dans le roi, mais dans la nation (article 3). La loi est l’expression
de la volonté générale (article 6). Le respect de l’ordre public est garanti par
la séparation des pouvoirs. Les contributions publiques doivent être
librement consenties. L’article 17 et dernier revient sur le droit de propriété,
« inviolable et sacré ».

5-6 octobre 1789


Le roi est pris en otage à Paris
À PARIS, LE MAIRE, BAILLY, et le commandant de la garde nationale,
La Fayette, n’ont guère la situation en main. Les soixante districts de la
capitale tendent à s’ériger en communes indépendantes, avec leur assemblée,
leurs comités qui dénoncent « les manœuvres des aristocrates ». Déjà, au
district des Cordeliers, se distingue Danton. Le 5 octobre 1789, à l’annonce
infondée que des officiers du régiment de Flandre auraient foulé aux pieds la
cocarde tricolore, 6 000 à 7 000 femmes, finalement rejointes par la garde
nationale, entreprennent une marche sur Versailles. Le roi reçoit une
députation avec de bonnes paroles. Il promet du pain. La nuit du 5 au 6, on
chante et on boit. Au petit matin, un groupe d’émeutiers force les portes du
palais. Deux gardes du corps et un émeutier sont tués. La famille royale, qui
paraît au balcon de la cour de Marbre, est accueillie aux cris de « Le roi à
Paris ! ». Louis XVI se résigne, et un immense cortège, escorté par
La Fayette tardivement arrivé sur les lieux, prend le chemin de la capitale au
début de l’après-midi du 6 octobre. On clame : « Nous ramenons le
boulanger, la boulangère et le petit mitron ! » Installé aux Tuileries, le roi se
trouve de fait prisonnier de « sa bonne ville » de Paris. L’Assemblée
constituante, qui se déclare inséparable du roi, va l’y rejoindre quelques
jours plus tard.
Arrivée de la famille royale aux Tuileries le 6 octobre, en fin de journée.
Estampe, Paris, Bibliothèque nationale de France.

19 décembre 1789
L’Assemblée confisque les biens du clergé
L’ANARCHIE GÉNÉRALE a provoqué l’effondrement des recettes fiscales.
En août 1789, Necker, que Louis XVI avait rappelé après la prise de la
Bastille, a lancé deux nouveaux emprunts qui n’ont pas été souscrits. Il faut
trouver un expédient, et les biens du clergé attirent les convoitises. Le
2 novembre 1789, par 586 voix contre 346 et 40 abstentions, l’Assemblée
décrète que tous les biens ecclésiastiques sont mis à la disposition de la
nation, à charge pour celle-ci « de pourvoir d’une manière convenable aux
frais du culte, à l’entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres ».
Le 19 décembre, l’Assemblée décide l’émission de 400 millions d’assignats
(ce terme au sens de « billets assignés », c’est-à-dire gagés sur les biens du
clergé) en bons du Trésor de 1 000 livres. Une Caisse de l’extraordinaire,
nouvellement créée, remboursera ainsi la dette publique. L’Assemblée
s’interdit dans le même temps tout nouvel impôt en attendant sa grande
réforme fiscale. Les constituants transforment les biens du clergé d’abord
mis sous séquestre en « biens nationaux » les 14 et 20 avril 1790. La vente
de ceux-ci, estimée à plus de 3 milliards de livres, devra permettre le
remboursement de la dette publique et le comblement du déficit de 1790.

22 décembre 1789
La création des départements
LES TRAVAUX DE L’ASSEMBLÉE s’effectuent au sein de nombreux
comités, dont le plus important est le Comité de constitution formé en
septembre 1789. À la fin de septembre 1789, Thouret a présenté au nom de
ce comité un grand projet de refonte territoriale et administrative de la
France. La régénération de l’État doit commencer par sa refonte sur une base
homogène et cohérente, qui fasse table rase des disparités administratives de
l’Ancien Régime et gomme, autant que possible, les provincialismes et
autres particularismes. Il faut aussi créer des circonscriptions électorales
inconnues jusqu’alors. Les résistances sont nombreuses, ce dont les députés
tiennent compte en ne bouleversant pas totalement la carte des provinces, à
commencer par celles qui, comme la Bretagne, sont promptes à s’enflammer.
Le 22 décembre 1789, 83 départements sont créés, subdivisés en districts
(les arrondissements actuels), ceux-ci en cantons et ces derniers en
communes : 44 000 au total, qui sont très exactement les anciennes paroisses.
L’exaltation égalitaire a failli un moment donner aux nouveaux départements
de simples numéros. Il est vrai que la bataille pour les noms est rude, tout
comme celle du choix du chef-lieu qui va souvent prendre des années. Les
conseils de département, de district et de commune sont élus, ainsi que leurs
procureurs syndics.
La France des départements (carte d’époque).

14 juillet 1790
La fête de la Fédération
AUX PREMIERS MOIS DE LA RÉVOLUTION, de nombreuses villes, à
l’instar de Paris, créent une garde municipale. Pour mieux résister aux
mouvements contre-révolutionnaires, ces unités se fédèrent localement et
permettent la constitution de gardes nationales départementales. Afin de
donner plus de force à ce mouvement patriotique et aussi pour unir la nation,
l’Assemblée constituante organise la fête de la Fédération. Le 14 juillet
1790, au Champ-de-Mars, en présence de 300 000 spectateurs, l’évêque
d’Autun, Talleyrand, célèbre une messe solennelle sur l’autel de la patrie. Il
est entouré de trois cents prêtres ceints de l’écharpe tricolore. La Fayette, au
nom de tous les fédérés des départements qui sont représentés par
14 000 délégués, prononce le serment « qui unit les Français entre eux et les
Français à leur roi pour défendre la liberté, la Constitution et la loi ».
Louis XVI prête aussi le serment de fidélité à la nation et à la loi, et le
peuple salue la concorde apparemment retrouvée.

« Un contrat verbal et non réel, une fraternité d’apparat


et d’épiderme, une mascarade de bonne foi, une ébullition
de sentiment qui s’évapore par son propre étalage.
Bref, un carnaval aimable et qui dure un jour. »
Taine.

21 juin 1791
Le roi en fuite est arrêté à Varennes
LA CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ DU 12 JUILLET 1790, qui
fonctionnarise les prêtres et les oblige à prêter serment, divise profondément
et durablement les Français. Ce schisme avec Rome provoqué par
l’Assemblée achève de convaincre le roi de fuir Paris dont il est prisonnier.
Il laisse, d’ailleurs, une lettre dans laquelle il dénonce « le vain simulacre de
la royauté ». Une lourde berline quitte Paris le 20 juin 1791 vers minuit en
direction de Montmédy, importante ville de garnison. Elle emporte le roi et
la famille royale déguisés en bourgeois. Les retards s’accumulent aussitôt et
le dispositif militaire compliqué qui a été prévu pour protéger la fuite ne
tarde pas à se dérégler. L’imprudence du roi qui se laisse reconnaître à
Chaintrix provoque une alarme grandissante. Les fuyards sont finalement
stoppés à Varennes-en-Argonne le 21 juin. Ils doivent faire demi-tour le
lendemain, accompagnés d’une foule de manifestants violemment hostiles. La
famille royale ne réintègre les Tuileries que le 25 juin à 10 heures du soir, à
l’issue d’un voyage qui a été une longue suite d’humiliations. La fuite
manquée du roi discrédite la monarchie. On commence à parler de
république.
« L’épée est maintenant tirée ;
il faut jeter au loin le fourreau. »
Brissot.

17 juillet 1791
La fusillade du Champ-de-Mars
LA FUITE DU ROI REMET en question l’équilibre fragile de la monarchie
constitutionnelle. L’Assemblée se divise entre ceux qui réclament la
proclamation de la république et ceux qui, favorables à l’arrêt de la
Révolution, accréditent la thèse de l’enlèvement pour tenter de disculper
Louis XVI. Le 15 juillet, l’Assemblée déclare le roi innocent, sa personne
inviolable, et décide qu’il sera rétabli dans ses fonctions lorsqu’il aura
sanctionné la Constitution. Les partisans de la république en appellent à la
nation et organisent pour le dimanche 17 juillet 1791 une manifestation au
Champ-de-Mars, lieu symbolique depuis la fête de la Fédération. Ils
déposent une pétition sur l’autel de la patrie, exigeant de l’Assemblée le
jugement du roi et l’organisation d’un nouveau pouvoir exécutif. Craignant
les débordements, le maire de Paris interdit le rassemblement et demande à
la garde nationale de disperser la foule. À la suite d’incidents incontrôlés,
La Fayette donne l’ordre de tirer. La fusillade du Champ-de-Mars fait une
cinquantaine de morts et plusieurs centaines de blessés. Pour la première
fois, la Révolution a tiré sur la Révolution. Ce qui est en jeu ce jour-là, ce
n’est pas le sort du roi mais le rapport de force entre les corps constitués et
l’agitation populaire.

30 septembre 1791
L’Assemblée constituante se sépare
LE ROI PRÊTE SERMENT À LA CONSTITUTION le 14 septembre
1791 et se trouve ipso facto restauré dans ses pouvoirs. Précédée de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la Constitution comporte
210 articles. Loin d’établir une monarchie constitutionnelle à l’anglaise,
équilibrant les pouvoirs, elle confie l’essentiel de ceux-ci à une Assemblée
nationale législative unique qui « propose et décrète les lois », décide de la
guerre et ratifie les traités, règle les dépenses publiques, statue sur
l’administration. Elle est élue au suffrage censitaire, tout comme les juges et
les représentants départementaux. Représentante de la souveraineté de la
nation, l’Assemblée délègue le pouvoir exécutif au roi. Ce dernier désigne et
renvoie les ministres (choisis hors de l’Assemblée), est le chef suprême de
l’administration et des armées, nomme les ambassadeurs et veille sur « la
sûreté intérieure du royaume ». Il peut retarder la promulgation des lois par
un veto suspensif pendant quatre ans. La crise est inévitable, car le conflit de
légitimité est d’emblée introduit. L’Assemblée constituante se sépare le
30 septembre 1791 et l’Assemblée législative tient sa première séance le
lendemain.

« La Constitution, “ cet enfant peu viable”. »


Michelet.

20 avril 1792
Le choix de la guerre
VINGT JOURS SEULEMENT APRÈS LA PREMIÈRE SÉANCE de
l’Assemblée législative qui s’est tenue le 1er octobre 1791, Brissot, député
de Paris, a prononcé un discours véhément contre les émigrés et les
puissances étrangères qui les accueillent et les soutiennent. Il faut une guerre
révolutionnaire. L’idée d’une exportation de la Révolution est dans les
esprits. En réalité, Brissot ne souhaite pas s’exposer aux aléas d’une guerre
avec l’Europe, mais plutôt menacer celle-ci en servant la politique intérieure
de ses partisans, les brissotins : faire oublier la crise économique et
financière, relancer la Révolution qui s’essouffle et surtout servir la cause de
la république en discréditant le roi qui s’opposera certainement à la guerre.
La question est largement débattue au cours de l’hiver 1791-1792.
Robespierre, leader au club des Jacobins, s’y oppose violemment avec cet
argument principal que les ennemis extérieurs sont un leurre alors qu’il faut
combattre ceux de l’intérieur. Le roi de son côté s’y résout, car il connaît le
mauvais état de son armée. Une défaite mettra fin à la Révolution. Un
ultimatum le sommant de renvoyer les émigrés français est adressé le
25 mars à l’empereur François II, qui vient de succéder à son père
Léopold II. Aucune réponse n’est donnée. Le 20 avril 1792, le roi des
Français déclare la guerre « au roi de Hongrie et de Bohême ». Cette
formulation curieuse tient compte du fait que François II n’a pas encore été
couronné empereur d’Autriche. Dans un délire d’enthousiasme, la guerre a
été votée par l’Assemblée législative à l’unanimité moins sept voix.

« Avec la guerre, “le cours de la Révolution


sort pour ainsi dire de son lit ; il n’y rentrera plus”. »
Patrice Gueniffey.

10 août 1792
La liquidation de la monarchie
AVEC UNE ARMÉE FRANÇAISE DÉSORGANISÉE, la guerre commence
mal et les frontières sont aussitôt menacées par les armées de l’Autriche et
de la Prusse, son alliée. À Paris, plusieurs veto du roi exaspèrent ceux qu’on
appelle déjà les sans-culottes, partisans de la démocratie directe et de
l’action violente. Ils envahissent une première fois les Tuileries, le 20 juin
1792, et insultent le roi. Cependant, l’ennemi avance et, le 11 juillet,
l’Assemblée législative décrète « la patrie en danger ». Le 1er août, un
manifeste du duc de Brunswick, chef de l’armée prussienne, qui menace la
ville de Paris de destruction si le moindre outrage est fait au roi et à sa
famille, achève d’exaspérer la population. Dans la nuit du 9 au 10 août, les
sections parisiennes créent une commune insurrectionnelle où se prépare
l’assaut des Tuileries qui est donné le matin du 10 août. Un combat meurtrier
s’engage entre les émeutiers et les gardes suisses, qui sont finalement
massacrés après que Louis XVI leur a demandé de déposer les armes. Le roi,
qui s’est réfugié avec sa famille à l’Assemblée toute proche, est déposé le
soir même et interné à la prison du Temple. La monarchie constitutionnelle
n’aura duré que onze mois. Il est décidé, par ailleurs, qu’une nouvelle
assemblée, une « Convention nationale », sera élue cette fois au suffrage
universel.
20 septembre 1792
Valmy
LES PRUSSIENS PRENNENT LONGWY LE 23 AOÛT 1792, puis Verdun
le 2 septembre. La route de Paris est ouverte aux armées ennemies. Danton
galvanise les énergies : « Pour les vaincre, il nous faut de l’audace, encore
de l’audace, toujours de l’audace ! » Avant d’aller se battre, « il faut purger
l’intérieur du royaume », écrit Marat dans L’Ami du Peuple. À partir du
2 septembre, des bandes de sans-culottes font irruption dans les prisons
parisiennes où s’entassent des milliers de « suspects ». Ils y massacrent plus
de 1 200 victimes, dont de nombreux prêtres réfractaires à la Constitution
civile du clergé. Des tueries analogues ont lieu en province. C’est dans ce
climat de peur et d’insécurité que se déroulent les élections à la Convention.
L’abstention est massive. Impuissante et déconsidérée, la Législative se
sépare le 20 septembre. Le même jour, à Valmy en Argonne, les armées de
Kellermann, Dumouriez et Beurnonville ont opéré leur jonction. Ce sont
50 000 hommes au moral élevé qui font face aux 35 000 soldats de
Brunswick. Au terme d’une intense canonnade, l’armée prussienne, de
surcroît atteinte par la dysenterie, préfère se retirer. La victoire de Valmy
n’en a pas moins un retentissement considérable.

21 janvier 1793
Louis XVI est guillotiné
LE 22 SEPTEMBRE, la Convention a décidé de dater les actes publics à
partir de ce jour de « l’An I de la République ». Il faut dès lors décider du
sort du roi. À l’Assemblée s’opposent Girondins et Montagnards. Les
premiers, qui siégeaient à gauche de l’Assemblée législative, se retrouvent
maintenant à droite. Ils s’inquiètent des victoires populaires et veulent
arrêter la Révolution. Les seconds, qui s’appuient sur les sans-culottes,
veulent la continuer. Leurs chefs de file sont Danton, Robespierre, Marat. Au
contraire des Girondins, ils veulent la mort du roi. « Louis est déjà
condamné, s’écrie Robespierre à la Convention ; il est condamné ou la
République n’est point absoute. » Le procès commence le 11 septembre
1792. Louis XVI se défend maladroitement. Il est condamné à mort le
18 janvier, par 361 voix contre 360, et guillotiné le 21 à 10 h 20 sur la place
de la Révolution (place de la Concorde).

« Louis a montré plus de fermeté sur l’échafaud


qu’il n’en avait déployé sur le trône. »
Le Patriote français, journal créé par Brissot.

Le 21 janvier 1793, Louis XVI est guillotiné place de la Révolution à Paris


(aujourd’hui place de la Concorde).
Le bourreau présente sa tête à la foule venue assister à l’exécution.

30 mai-2 juin 1793


La chute des Girondins
AU PRINTEMPS 1793, une première coalition qui entend s’opposer à la
politique conquérante de la Convention se dresse contre la France (Autriche,
Prusse, Angleterre, Hollande, Espagne, Russie, princes allemands). Une
guerre civile vient s’ajouter à la guerre étrangère. En Vendée et dans les
départements voisins commence une vaste insurrection royaliste après que la
Convention a ordonné une levée de 300 000 hommes, chaque village devant
fournir son contingent. À Paris, sous la pression populaire, la Convention,
dominée par Danton et Marat, décide d’envoyer, avec les pleins pouvoirs,
des représentants en mission aux armées et dans les départements, d’instituer
des comités de surveillance dans les communes et de créer un Tribunal
révolutionnaire. Les Girondins, affaiblis par la trahison de Dumouriez, ami
de Brissot, qui est passé à l’ennemi, perdent la majorité à l’Assemblée.
L’épreuve de force s’engage avec les Montagnards. Le 13 avril, les
Girondins font arrêter Marat, accusé d’appel au meurtre. Celui-ci est aussitôt
acquitté. Le 31 mai, un comité insurrectionnel réclame l’arrestation des chefs
girondins. La Convention est cernée par les sans-culottes le 2 juin. Des
canons sont braqués sur l’Assemblée, qui accepte l’arrestation de vingt-neuf
députés girondins. Les autres doivent fuir et ne vont pas tarder à être arrêtés.
À Paris, les Montagnards triomphent tandis que, sous le nom de
« fédéralisme », de nombreuses villes de province s’insurgent à l’annonce de
coup d’État.

« Tout est philanthropie dans les mots


et symétrie dans les lois ; tout est violence
dans les actes et désordre dans les choses. »
Taine.

27 juillet 1793
Robespierre entre au Comité de salut
public
D’AVRIL À JUILLET 1793, le Comité de salut public, qui prend de plus en
plus le pas sur la Convention, est d’abord dominé par Danton, mais
Robespierre y est nommé le 27 juillet. Élu aux états généraux puis à la
Convention, il règne par le verbe au club des Jacobins, le plus important des
clubs révolutionnaires, qui exerce une véritable dictature de pensée sur les
Assemblées successives et qui a joué un rôle déterminant dans la préparation
de la journée insurrectionnelle du 10 août 1792. Par ses discours,
Robespierre s’est progressivement imposé à l’Assemblée. Depuis le début
de la Révolution, celui qu’on surnomme désormais « l’Incorruptible » ne
cesse d’invoquer l’argument de salut public contre « les ennemis du
peuple ». Il définit ainsi l’énormité de la tâche qui incombe au Comité de
salut public : « Onze armées à diriger, partout des traîtres à démasquer, des
administrateurs infidèles à surveiller, tous les tyrans à combattre, tous les
conspirateurs à intimider, partout à aplanir des obstacles, telles sont nos
fonctions. »
C’est son excellence de l’art oratoire qui a permis à Robespierre
de s’imposer au club des Jacobins puis à l’Assemblée, jusqu’à entrer
au Comité de salut public dont il a aussitôt pris la direction.

5 septembre 1793
La Terreur à l’ordre du jour
APRÈS L’ASSASSINAT DE MARAT PAR CHARLOTTE CORDAY le
13 juillet 1793, la pression des sans-culottes s’accentue. La levée en masse
est décrétée le 23 août (tous les jeunes gens de 18 à 25 ans doivent partir aux
armées, s’ils n’y sont déjà). À Paris, 5 000 arrestations sont opérées en trois
mois et le Tribunal révolutionnaire multiplie les condamnations à mort.
Émanation directe de la Convention, un Comité de salut public, chargé de
surveiller l’exécutif et l’administration, a été institué le 6 avril 1793.
L’Assemblée est sans cesse envahie par des manifestants venant présenter
des pétitions, comme c’est de nouveau le cas le 5 septembre 1793. Menacée
et sommée d’apporter des remèdes extrêmes aux dangers de la patrie, la
Convention, selon la formule de Barère, membre du Comité de salut public,
met « la Terreur à l’ordre du jour ». Marie-Antoinette est guillotinée le
16 octobre, et vingt-deux députés girondins, dont Brissot, le 31. Une loi des
suspects, votée le 17 septembre, permet l’arrestation de « ceux qui, soit par
leur conduite, soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, se
sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la
liberté ». Une loi du maximum (29 septembre) bloque les prix et les salaires.
Elle n’est appliquée en fait qu’à Paris, là où les sans-culottes sont en force et
là où d’ailleurs règne la famine. La Terreur devient aussi antireligieuse. On
commence à piller et à fermer les églises. Un calendrier révolutionnaire est
institué le 5 octobre 1793, qui supprime le dimanche et proscrit les noms des
saints.

15 et 16 octobre 1793
La bataille de Wattignies
APRÈS LA LEVÉE EN MASSE, Lazare Carnot, membre du Comité de salut
public depuis le 14 août 1793 et chargé de l’administration de la Guerre (il
est lui-même ancien capitaine du génie), organise la défense nationale. Il
dispose pour ce faire de 570 000 hommes qu’il faut armer, habiller, loger,
nourrir. Avec Lindet et Prieur de la Marne, il forme les armées nouvelles et
remplace les anciens généraux, pour la plupart destitués, par de jeunes
chefs : Hoche, Kléber, Jourdan, Pichegru, Davout, Moreau. L’amalgame
entre soldats de métier et nouvelles recrues est décrété. Carnot, qui est
bientôt surnommé « l’Organisateur de la victoire » se rend en mission auprès
de l’armée du Nord à l’automne 1793. Il y destitue le général Gratien, accusé
d’avoir reculé devant les Autrichiens, et le remplace par le général Jourdan,
avec qui il remporte, les 15 et 16 octobre 1793, la victoire de Wattignies
(près de Maubeuge). Le même jour, les Vendéens sont vaincus à Cholet.

22 et 23 décembre 1793
Fin de la guerre de Vendée
TANDIS QUE LYON RÉVOLTÉ TOMBE LE 9 OCTOBRE 1793 pour être
aussitôt soumis à une répression féroce et que Toulon est repris le
19 décembre, la guerre de Vendée prend fin après que la Convention a
ordonné sa destruction systématique. « Les forêts seront abattues, les
repaires de bandits seront détruits, les récoltes seront coupées pour être
portées sur les derrières de l’armée et les bestiaux seront saisis », a déclaré
Barère au Comité de salut public. Après la défaite de Cholet, celles du Mans
le 13 décembre 1793 et de Savenay les 22 et 23 décembre mettent fin à la
guerre civile. La répression est atroce. À la tête de ses « colonnes
infernales », le général Turreau massacre hommes, femmes et enfants dans la
« Vendée militaire » (les 735 communes réputées insurgées). À Nantes, Jean-
Baptiste Carrier, représentant en mission de la Convention, n’a pas attendu la
fin de la guerre pour faire fusiller ou noyer dans la Loire des milliers de
prisonniers. « C’est par trop d’humanité que je purge la terre de la liberté de
ces monstres », écrit Carrier. La guerre de Vendée, qui va se rallumer en
1795, aura fait entre 220 000 et 250 000 morts, auxquels s’ajoutent ceux,
plus difficiles à évaluer, dans le camp républicain : 100 000 à 220 000.

5 avril 1794
Exécution de Danton
UNIS AU PLUS FORT DU DANGER, les Montagnards se divisent quand, à
partir de décembre 1793, les menaces de guerre s’éloignent. Deux factions
s’opposent alors : celle dite des « Enragés », ou hébertistes du nom de leur
chef Hébert, et celle des « Indulgents », dits aussi dantonistes. En s’appuyant
sur les dantonistes, Robespierre et ses amis se débarrassent d’abord des
hébertistes, qui sapent l’autorité du gouvernement et mènent à l’anarchie.
Leur procès a lieu le 24 mars et envoie dix-neuf d’entre eux à la guillotine.
Les Indulgents croient alors triompher, mais, dès le 15 mars, Robespierre a
déclaré à la Convention : « Toutes les factions doivent périr du même
coup. » Danton, qui se croyait intouchable, est arrêté le 30 mars en même
temps que son ami Camille Desmoulins et ses partisans. Pour les discréditer,
on les juge en même temps que des spéculateurs et des prévaricateurs. La
tête de Danton tombe le soir du 5 avril 1794.

Portrait de Georges Jacques Danton (1759-1794), évincé du Comité


de salut public puis arrêté et condamné sur décision de Robespierre.

« Je vis se dresser comme une ombre de Dante ce tribun


qui, à demi éclairé par le soleil mourant,
semblait autant sortir du tombeau
que prêt à y entrer. »
Antoine-Vincent Arnault évoquant Danton au pied
de l’échafaud
(Souvenirs d’un sexagénaire).

10 juin 1794
L’apogée de la Terreur
DÉSORMAIS TOUT-PUISSANT, le Comité de salut public dicte ses
volontés à la Convention. Robespierre, soutenu par Saint-Just et Couthon, est
le maître. Le 22 prairial de l’an II (10 juin 1794) est imposé à la Convention
un décret qui fait du Tribunal révolutionnaire l’instrument de ce qu’on va
appeler la « Grande Terreur ». Les droits de la défense sont supprimés et il
n’y a plus d’autre alternative que l’acquittement ou la mort. « Il n’est pas
question de donner quelques exemples, mais d’exterminer les implacables
satellites de la tyrannie, ou de périr avec la République. » Libérée de toute
entrave, la Terreur s’abat comme jamais. Elle entasse des milliers de
suspects dans les prisons et multiplie les condamnations à mort sous
l’accusation de prétendues conspirations. La guillotine fonctionne désormais
à longueur de journée, tous les jours sauf le décadi (dixième jour de la
semaine qui remplace le dimanche). Fouquier-Tinville, l’accusateur public
du Tribunal révolutionnaire, dira que « les têtes tombaient comme des
ardoises ». Paris est plongé dans la peur. Depuis sa création, le 6 avril 1793,
jusqu’au 10 juin 1794 (22 prairial), le Tribunal révolutionnaire a jugé
2 277 personnes et en a envoyé 1 216 à la guillotine. À partir de la loi de
prairial, en seulement quarante-deux jours, 1 784 « jugements » aboutissent à
1 409 exécutions.

« L’idée même que la Terreur est excessive


est d’ailleurs un non-sens. L’excès constitue
la réalité intrinsèque de toute terreur. »
Patrice Gueniffey.
27 juillet 1794 (9 thermidor an II)
La chute de Robespierre
LE TRIOMPHE DE ROBESPIERRE est de courte durée. La Terreur
inquiète, d’autant plus qu’elle a aggravé la crise économique. Désemparés,
les sans-culottes ne soutiennent plus un pouvoir qui ne parvient plus à les
ravitailler et vient de leur imposer un maximum des salaires. Robespierre est
aveugle à tout cela. Le 8 juin 1794, il a imposé une fête de l’Être suprême, au
cours de laquelle, en y tenant le premier rôle, il a fait figure de dictateur. Le
mécontentement à son égard, la peur aussi, grossissent de jour en jour à la
Convention et même au sein du Comité de salut public. De plus en plus
nombreux sont ceux qui souhaitent l’élimination de l’Incorruptible. Le
8 thermidor (26 juillet), il exige de la Convention une nouvelle épuration de
l’Assemblée et du Comité de salut public lui-même. Son discours menaçant
mais vague achève de décider une conjuration. Le lendemain, Saint-Just qui
est à la tribune est invectivé et, surtout, on empêche Robespierre de prendre
la parole. Dans le plus grand désordre et au milieu des cris de « À bas le
tyran ! », on vote à la majorité son arrestation ainsi que celle de Saint-Just.
D’abord libéré sans enthousiasme par de maigres troupes de la commune de
Paris puis de nouveau arrêté dans la nuit du 9 au 10 thermidor, Robespierre
est guillotiné le lendemain avec vingt-deux de ses partisans.

20 mai 1795 (1er prairial)


L’ultime irruption des sans-culottes
LA CONVENTION NE SE SÉPARE PAS après la chute de Robespierre.
Dominée désormais par « la Plaine » (le centre de l’Assemblée), elle
reprend les affaires en mains au détriment des députés montagnards, qui
espéraient pouvoir continuer la Terreur mais sans Robespierre. On parle dès
lors de « la Convention thermidorienne » ou encore de « la réaction
thermidorienne contre la Terreur ». Il est mis fin au gouvernement
révolutionnaire, et on ouvre les prisons. Le Tribunal révolutionnaire est
supprimé en mai 1795, tandis que les principaux « terroristes » sont arrêtés
et exécutés. La fermeture du club des Jacobins est décrétée le 12 novembre
1794. La réaction contre la Terreur, qui s’affiche aussi dans les mœurs et la
liberté retrouvée, prend rapidement un caractère royaliste. En province se
manifeste une « Terreur blanche », au cours de laquelle des Jacobins
emprisonnés sont massacrés. À Paris, au cours de l’hiver 1794-1795, le pain
manque plus que jamais, et le peuple des faubourgs se met de nouveau en
mouvement. Le 12 germinal (1er avril 1795), des manifestants envahissent la
Convention. L’émeute recommence le 1er prairial (20 mai). Le député Féraud
est assassiné, et sa tête placée au bout d’une pique, présentée au président.
L’ordre est rétabli au bout de trois jours. C’est la dernière insurrection de la
Révolution.

« Rhabillez-vous, peuple français,


Ne donnez plus dans les excès
De nos faux patriotes.
Ne croyez plus qu’aller tout nu
Soit une preuve de vertu.
Remettez vos culottes ! »
Air du temps.

5 octobre 1795 (13 vendémiaire an IV)


Insurrection royaliste à Paris
LA CONSTITUTION DE L’AN III RÉDIGÉE par la Convention
thermidorienne est votée le 22 août 1795. Elle établit un corps législatif élu
au suffrage censitaire et composé de deux assemblées : le Conseil des Cinq-
Cents, qui a l’initiative des lois, et le Conseil des Anciens (âgés d’au moins
40 ans), qui les approuve ou les rejette. Par crainte d’un retour massif de
députés jacobins ou d’une poussée royaliste, les conventionnels décrètent le
30 août que les deux tiers des 750 membres des conseils seront
obligatoirement élus parmi les députés sortants. Ce décret liberticide indigne
les monarchistes, qui s’insurgent et mobilisent 25 000 personnes recrutées
dans les sections modérées et royalistes de la capitale. Le
5 octobre 1795 (13 vendémiaire an IV), le centre et l’ouest de Paris se
soulèvent. Pour faire face, la Convention s’appuie sur le commandant en chef
des forces de l’intérieur, Barras, l’un des principaux artisans de la chute de
Robespierre, qui confie la direction des opérations au jeune général
Bonaparte. Ce dernier, alors simple capitaine d’artillerie, s’est fait
remarquer en reprenant Toulon en décembre 1793. Aux premiers
mouvements, les insurgés sont écrasés, principalement autour de l’église
Saint-Roch où l’artillerie, qui tire à mitraille, tue 300 manifestants.

26 octobre 1795
Naissance du Directoire
LA CONVENTION SE SÉPARE LE 26 OCTOBRE 1795 et laisse place au
nouveau régime, établi par la Constitution de l’an III et qu’on va bientôt
appeler le Directoire, du fait que l’exécutif est confié à cinq directeurs, élus
par les Assemblées et renouvelables chaque année par cinquième dans la
hantise du retour d’un pouvoir personnel. Barras, Reubell, Carnot,
Le Tourneur et La Révellière-Lépeaux sont tous des conventionnels régicides
(on appelle ainsi ceux qui ont voté la mort du roi). Dans le souci d’éviter un
retour à la dictature des comités, les pouvoirs exécutif et législatif sont
rigoureusement séparés. Il en résulte que le gouvernement n’est possible que
si l’accord est complet entre les directeurs et les conseils. Cependant, les
difficultés héritées de la Convention demeurent. En pleine crise financière, la
hausse vertigineuse des prix accroît encore la misère des classes populaires,
tandis qu’en province, le brigandage terrorise les paysans. Une armée de
l’Intérieur est chargée de l’approvisionnement et du maintien de l’ordre dans
la capitale. Bonaparte en accepte le commandement le 26 octobre. Celui
qu’on appelle « le général Vendémiaire » a prévenu, quand on lui a demandé
de mater l’insurrection : « J’accepte, mais je vous préviens que l’épée hors
du fourreau, je ne l’y remettrai qu’après avoir rétabli l’ordre. »

14 janvier 1797
Rivoli
EN MAI 1796, LE DIRECTOIRE, à l’instigation de Carnot, nomme
Bonaparte général en chef de l’armée d’Italie. Il ne s’agit d’abord que d’une
guerre de dissuasion contre l’Autriche alors que l’armée de Rhin-et-Moselle
doit mener l’offensive principale sur Vienne. Cependant, dès le début de la
campagne d’Italie et face à un adversaire numériquement supérieur,
Bonaparte inaugure avec succès une tactique de mobilité et de soudaine
concentration de ses forces qui lui permet d’affronter et de battre séparément
des corps d’armée plus lents. Parti de Nice le 26 mars 1796, il mène une
« guerre éclair » et remporte une série de victoires. Après celle d’Arcole le
17 novembre 1796, au terme de laquelle s’installe le mythe du général
héroïque et conduit par le destin, celle de Rivoli, au nord de Vérone, le
14 juin 1797, est un modèle du genre. Pris en tenaille entre deux corps
d’armée, Bonaparte ignore le plus faible pour se jeter sur le plus puissant
avec l’aide de la division Masséna qui vient d’accomplir une marche forcée
de 80 kilomètres en trois jours. Mantoue capitule le 2 février. La route de
Vienne est ouverte. La campagne d’Italie, qui devait être secondaire, est
devenue décisive.

17 octobre 1797
Paix de Campoformio
L’ITALIE EST MISE EN COUPE RÉGLÉE pour remplir les caisses vides
du Directoire. Napoléon écrira dans ses Mémoires : « C’est la première
fois, dans l’histoire moderne, qu’une armée fournit aux besoins de la patrie
au lieu de lui être à charge. » Le général vainqueur mène dès lors une
politique personnelle, tout en cultivant sa renommée. Il crée à la fin de
1796 une République cisalpine (au nord du Pô) et signe, le 19 février 1797,
un traité de paix avec le pape Pie VI alors que le Directoire lui avait
ordonné de « détruire le centre de l’unité romaine ». Tout en surveillant de
loin les graves difficultés du Directoire, il signe avec l’Autriche des
préliminaires de paix à Leoben le 18 avril 1797. Toujours sans avoir reçu un
mandat du Directoire, il dicte, le 17 octobre, la paix de Campoformio (une
ville de Vénétie) entre la France et l’Autriche, et met ainsi fin à une guerre
qui durait depuis cinq ans. L’Autriche reconnaît à la France la possession de
la Belgique, abandonne la Lombardie, mais reçoit la plus grande partie de la
république de Venise. Ce traité, qui ne respecte pas le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes, est contraire aux principes de la Révolution.
« Un général victorieux et qui apportait de l’argent
se rendait indispensable. »
Bainville.

21 juillet 1798
La victoire des Pyramides

Au cours de l’expédition d’Égypte, le général Bonaparte emporte


sur les mamelouks la victoire de la bataille des Pyramides.
Bataille des Pyramides, par François-Louis Watteau, 1798, Valenciennes,
musée des Beaux-Arts.
ACCLAMÉ À SON RETOUR D’ITALIE, Bonaparte propose au Directoire
l’expédition d’Égypte. Ce grand projet a deux desseins. Le premier,
géopolitique, consiste à déployer une zone d’influence en Orient tout en
faisant échec à l’activité commerciale de l’Angleterre en lui coupant la route
des Indes. Le second, personnel, vise à agréger à sa gloire la magie de
l’Orient tout en se tenant éloigné de Paris, en proie aux convulsions
politiques. Selon sa propre expression, « la poire n’est pas mûre ». Le
Directoire accepte, trop heureux d’éloigner de France le jeune général dont
la popularité ne cesse de croître. Parti de Toulon le 19 mai 1798, le corps
expéditionnaire débarque à Alexandrie le 1er juillet. Le 21 juillet, Bonaparte
emporte sur les mamelouks la victoire des Pyramides, et il établit son
quartier général au Caire. Le 1er août, la flotte anglaise de Nelson détruit la
flotte française qui est au mouillage à Aboukir. L’Angleterre a repris le
contrôle de la Méditerranée, et les Français se trouvent prisonniers de leur
conquête. Bonaparte n’en frappe pas moins l’opinion française par des
communiqués de victoires aux noms bibliques, au terme d’une expédition en
Syrie au printemps 1799.

18 juin 1799
Coup d’État du 30 prairial
À PARIS, la situation du Directoire est devenue intenable. Aux élections de
l’an V (mars-avril 1794), les royalistes gagnent du terrain. Les directeurs
n’ont plus d’autre possibilité que de s’incliner devant l’opposition ou de
l’abattre. Le coup d’État du 18 fructidor (4 septembre 1797) est réalisé avec
l’appui militaire du général Augereau, envoyé à Paris par Bonaparte.
L’année suivante, les élections sont, au contraire, favorables aux jacobins, et
le Directoire fait alors invalider 108 élus par les Conseils. Cette nouvelle
violation de la Constitution achève de déconsidérer le régime. La situation
politique continue de se dégrader lorsque, par le coup d’État du 30 prairial
(18 juin 1794), les Conseils obligent trois directeurs à démissionner. Les
« néojacobins » reprennent de l’influence tandis que l’agitation royaliste
renaît en Vendée et en Bretagne, ainsi que dans le Midi. Un parti se forme
avec Sieyès, directeur depuis mai 1799, qui réclame la révision de la
Constitution. Nombreux sont ceux dans l’opinion qui, pour écarter à la fois le
péril réactionnaire et le péril révolutionnaire, songent à une dictature
militaire. Selon la formule de Sieyès, il ne faut plus « qu’un sabre ».

« Chacun attendait donc le coup d’État suivant. »


Thierry Lentz (Le 18-Brumaire).

9 et 10 novembre 1799
Coup d’État des 18 et 19 brumaire
PASSANT LE COMMANDEMENT DE L’ARMÉE D’ÉGYPTE À
KLÉBER, Bonaparte s’embarque secrètement et arrive à Fréjus le 9 octobre
1799. La situation politique est dans un tel désordre que le Directoire n’ose
lui faire reproche d’avoir quitté son armée sans autorisation. Malgré son
immense popularité, il reste prudent dans sa stratégie de prise du pouvoir.
Pour ce faire, il s’appuie sur son frère cadet, Lucien Bonaparte, président du
Conseil des Cinq-Cents à partir du 23 octobre, sur Barras qui a toujours été
son protecteur, sur Fouché, chef de la police, sur Talleyrand, sur Ducos, l’un
des directeurs, et surtout sur Sieyès. Ce dernier se montre pourtant réticent,
car Bonaparte ne lui paraît pas être le général qui saura s’effacer une fois le
régime abattu. Après bien des tractations, un coup d’État compliqué se
déroule en deux temps les 9 et 10 novembre 1799. Les deux assemblées sont
d’abord transférées au château de Saint-Cloud sous le prétexte d’un complot
jacobin, tandis que le Directoire se saborde sous l’impulsion de Sieyès,
Ducos et Barras. Le lendemain, rien ne se passe comme prévu, car les
députés des Cinq-Cents accueillent Bonaparte, qui se présente en sauveur,
aux cris de « À bas le dictateur ! ». Tout semble perdu quand Lucien
Bonaparte fait expulser les « factieux » par la troupe que conduit Murat. Le
soir, les quelques députés que l’on a pu rassembler nomment une commission
de trois consuls – Bonaparte, Sieyès et Ducos –, avec pour tâche de préparer
une nouvelle Constitution.
Cette scène représente la dernière étape du coup d’État. Lucien
Bonaparte, président du Conseil des Cinq-Cents, est à la tribune.
Deux généraux debout, au centre de la salle, veillent au calme. Sur leur
gauche, assis, Bonaparte, Sieyès et Ducos attendent que les pouvoirs leur
soient remis. Tableau de Jacques Sablet (1749-1803).

« Tout le monde attend Bonaparte avec impatience,


parce qu’il rend l’espoir à tout le monde. »
Le Messager, 24 vendémiaire an VIII (16 octobre
1799).

15 décembre 1799
L’établissement du Consulat
DANS LE PROJET COMPLIQUÉ DE CONSTITUTION élaboré par Sieyès,
Bonaparte n’aurait joué qu’un rôle honorifique, que ce dernier évidemment
refuse. De son côté, Sieyès ne veut pas être « l’aide de camp » de Bonaparte.
Celui-ci brusque la rédaction de la Constitution et l’adapte à son ambition.
Le pouvoir législatif sera partagé et ainsi affaibli en quatre assemblées : le
Conseil d’État qui rédigera les lois, le Tribunat qui les discutera sans les
voter, le Corps législatif qui les votera sans les discuter, et le Sénat qui
s’assurera que les lois votées seront conformes à la Constitution. Le pouvoir
exécutif, considérablement renforcé, sera exercé par trois consuls, nommés
pour dix ans par le Sénat. Seul un Premier consul (Bonaparte) aura tous les
pouvoirs, en nommant les ministres et les fonctionnaires et en proposant les
lois. Les deux autres, Cambacérès et Ducos, n’auront que voix consultative.
Quant à Sieyès, il est relégué à la présidence du Sénat. La Constitution de
l’an VIII est promulguée le 15 décembre 1799 et entre aussitôt en vigueur.
Elle est plébiscitée le 7 février 1800 par 3 millions de « oui » contre
1 562 « non », mais il y a eu 6 millions d’abstentions. Dans son préambule,
on lit : « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont
commencée ; elle est finie. »

17 juillet 1801
Le Concordat
LA PAIX INTÉRIEURE EST PRIORITAIRE et Bonaparte entend mener une
politique de réconciliation. Il ne veut « ni vainqueurs, ni vaincus », « ni
bonnets rouges, ni talons rouges ». Il veut pacifier les royalistes de
l’intérieur alors que la chouannerie s’est réveillée en 1798 et s’étend de
l’Anjou et de la Vendée à la Bretagne et au bocage normand. Il envoie le
général Brune en Bretagne avec 50 000 hommes, mais offre en même temps
la paix religieuse pour rallier les masses paysannes. Lui-même sans
convictions religieuses, il estime cependant que la religion est indispensable
au maintien de l’ordre social. Il signe donc le 17 juillet 1801 un Concordat
avec le pape Pie VII. Le catholicisme n’est plus religion d’État, mais
religion « de la grande majorité des Français et celle des Consuls ». Le
clergé recevra un traitement de l’État, toute revendication sur les biens
possédés avant la Révolution se trouvant abandonnée. Les évêques seront
nommés par le Premier consul avant de recevoir l’institution canonique du
pape. Ils nommeront les curés des paroisses. Bonaparte, tout en « restaurant
les autels », exerce un étroit contrôle sur la nouvelle Église de France.

« Il lui fallait un clergé comme des chambellans,


comme des titres, comme des décorations,
enfin comme toutes les anciennes
cariatides du pouvoir. »
Madame de Staël (Considérations sur la Révolution
française).

25 mars 1802
La paix d’Amiens
LE PREMIER CONSUL est résolu à imposer par les armes une paix qui,
selon sa proclamation du 21 avril 1800, « finirait la guerre de la Révolution
en assurant l’indépendance et la liberté de la grande nation ». Deux armées
sont envoyées contre l’Autriche. L’une, commandée par Bonaparte en
personne, débouche sur la plaine du Pô après avoir passé, au prix de
terribles difficultés, en mai 1800, le col du Grand-Saint-Bernard encore
enneigé. Elle entre dans Milan le 2 juin et remporte, le 14, la victoire de
Marengo, après avoir frôlé la défaite. Les Autrichiens évacuent le Piémont,
la Lombardie et la Ligurie. L’autre armée, commandée par Moreau, franchit
le Rhin au mois d’avril 1800. Grâce à un mouvement tournant de sa
cavalerie, elle remporte, le 3 décembre, la victoire de Hohenlinden (au
nord-est de Munich). Elle s’avance jusqu’à 75 kilomètres de Vienne,
contraignant les Autrichiens à demander la paix. Le traité de Lunéville, en
février 1801, donne la rive gauche du Rhin à la France et soumet l’Italie du
Nord et du Centre à sa domination. Il reste l’Angleterre, qui est lasse de la
guerre. Le 25 mars 1802, la paix d’Amiens est conclue sans qu’aucune des
puissances ne s’avoue vaincue. Pour la première fois depuis 1792, la France
est en paix.

2 août 1802
Bonaparte, consul à vie
LA PAIX RETROUVÉE, même si c’est à l’évidence pour peu de temps,
permet à Bonaparte d’achever l’établissement de son pouvoir personnel. Il
met au pas l’armée, où subsiste l’esprit républicain, et fait éliminer par le
Sénat les principaux opposants à sa dictature. Inspiré par Fouché, ce même
Sénat propose, le 8 mai 1802, de réélire Bonaparte Premier consul pour une
nouvelle période de dix ans, en gage de reconnaissance nationale pour le
retour à la paix. Le 12 mai, le Tribunat et le Corps législatif votent le
consulat à vie. Le Conseil d’État soumet alors à plébiscite cette question :
« Napoléon Bonaparte sera-t-il consul à vie ? » Le « oui » est massif, en
dépit des abstentions républicaines et, le 2 août 1802, le Sénat proclame
consuls à vie Bonaparte, Cambacérès et Lebrun, qui a remplacé Ducos. Un
sénatus-consulte du 4 août 1802, appelé « Constitution de l’an X », renforce
encore les pouvoirs du Premier consul, faisant de lui un véritable monarque.

21 mars 1804
La naissance du Code civil
LE PREMIER CONSUL RÉORGANISE la justice, les finances et
l’administration dans le sens d’une forte centralisation. L’équilibre du budget
est rétabli dès 1801. Une Banque de France est instituée en février 1800.
« Nous n’aurons pas la république, dit-il, si nous ne jetons pas sur le sol de
la France quelques masses de granit. » L’une de celles-ci est le « Code civil
des Français », publié le 21 mars 1804, qui se compose de trente-six lois
votées et mises en vigueur l’une après l’autre de mars 1803 à mars 1804. Le
Premier consul réussit là où l’Ancien Régime et la Révolution ont échoué, en
réglementant en 2 281 articles la liberté des personnes, le droit de propriété,
le droit de passer des contrats. On y retrouve les grands principes de 1789 :
l’égalité civile (et non l’égalité sociale de 1793), la liberté civile et la
liberté d’entreprise. La première partie du Code est consacrée à la famille,
où l’autorité du père et celle du mari sont renforcées. Les deux autres
réglementent le droit de propriété et sa transmission.

« Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné soixante batailles […]


ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement,
c’est mon Code civil. »
Napoléon à Sainte-Hélène.

2 décembre 1804
Le sacre
« Vous dites que Bonaparte a opéré le salut de son pays,
qu’il a restauré la liberté publique ; est-ce donc une récompense
à lui offrir que le sacrifice de cette même liberté ? »
Carnot.

LA MARCHE VERS LE TRÔNE ne s’effectue pas sans rencontrer


d’opposition. Celle des républicains se réfugie dans les salons avec Mme de
Staël ou La Fayette. Celle des royalistes se traduit par des attentats : le soir
du 24 décembre 1800, une machine infernale explose sur le passage du
Premier consul, qui s’en sort indemne, et en 1804, Cadoudal, chef chouan
appuyé par l’Angleterre, entreprend d’enlever Bonaparte. Le complot, qui
échoue, renforce ce dernier auprès de la bourgeoisie, qui craint une
restauration royaliste. Des pétitions plus ou moins spontanées demandent la
création d’un régime héréditaire. C’est chose faite par sénatus-consulte du
18 mai 1804, dit « Constitution de l’an XII », qui déclare : « Le
gouvernement de la République est confié à un empereur. Napoléon
Bonaparte, Premier consul, est l’empereur des Français. La dignité impériale
est héréditaire. » Un plébiscite consacre ce nouveau titre que Bonaparte,
devenu Napoléon Ier, célèbre avec le plus grand faste en se faisant sacrer
empereur par le pape dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le
2 décembre 1804.

21 octobre 1805
Trafalgar
LA PAIX D’AMIENS A ÉTÉ ROMPUE dès mai 1803, au bout de quatorze
mois, l’Angleterre n’acceptant pas de voir la France étendre sa domination
sur le continent. Tandis que l’Angleterre fomente une nouvelle coalition,
Napoléon concentre des troupes dans un camp immense à Boulogne en vue
d’un débarquement de 100 000 hommes. Mais il n’a pas la maîtrise de la
mer, et la flotte anglaise n’a jamais été aussi puissante. Ses escadres
bloquent les ports français et ceux des Espagnols alliés. Napoléon imagine
alors une diversion. En mars 1805, la flotte de Toulon de l’amiral Villeneuve
réussit à déjouer la surveillance anglaise, se grossit au passage de celle de
Cadix, puis se dirige vers les Antilles entraînant à sa poursuite la flotte de
l’amiral Nelson. Faisant demi-tour, Villeneuve aurait dû gagner Brest pour
en débloquer l’escadre et se diriger alors avec elle vers la Manche, mais il
s’enferme dans Cadix le 18 août. Un message insultant de Napoléon l’en fait
sortir pour affronter la flotte de Nelson. La bataille navale a lieu au large du
cap de Trafalgar, le 21 octobre 1805. Villeneuve place ses vaisseaux en une
seule ligne, à l’ancienne. Nelson innove en attaquant de flanc, coupant en
trois tronçons la flotte franco-espagnole, avant de la détruire. Nelson est tué,
mais les plans d’invasion de Napoléon sont ruinés.

2 décembre 1805
Austerlitz
LES EFFORTS DE L’ANGLETERRE parviennent, en août 1805, à former
une troisième coalition, où entrent l’Autriche, la Russie et le royaume de
Naples. Tandis que les Autrichiens pénètrent en Bavière, Napoléon lève en
toute hâte le camp de Boulogne et se dirige à marche forcée vers Mayence,
où il parvient en vingt jours. Au terme d’un formidable mouvement tournant,
il débouche sur les arrières de l’armée autrichienne qu’il encercle à Ulm.
Celle-ci doit capituler le 20 octobre 1805. Les Français progressent alors
rapidement le long du Danube, repoussent l’armée russe de Koutouzov et
entrent dans Vienne déclarée ville ouverte le 13 novembre 1805. Repliés en
Moravie, près du village d’Austerlitz, Autrichiens et Russes affrontent
Napoléon lors de « la bataille des Trois Empereurs ». Avec une armée
inférieure en nombre, Napoléon a choisi son terrain, celui du plateau de
Pratzen. À l’aube, tandis que se lève dans la brume le soleil d’Austerlitz, il
fait reculer lentement son aile droite (Davout), attirant sur elle la gauche
austro-russe qui quitte le plateau pour attaquer. À 10 heures, le corps
d’armée de Soult se lance sur le plateau dégarni tandis que, plus au nord,
Lannes et Murat sont aux prises avec la droite russe, qu’ils parviennent à
couper du gros de leur armée. Pendant ce temps, au sud, Davout résiste à un
contre trois jusqu’à ce que Napoléon lance le corps de Soult sur les arrières
austro-russes. La victoire se dessine. Napoléon achève de l’emporter en
rejetant les Russes vers les étangs gelés, sur lesquels il fait tirer au canon.
Beaucoup de soldats se noient. La débâcle est générale. À 16 heures, la
victoire de Napoléon est complète. La coalition est disloquée.

5 novembre 1808
Le guêpier espagnol
EN 1806, devant le danger de vassalisation de toute l’Allemagne par la
France, la Prusse est entrée dans une quatrième coalition avec l’Angleterre et
la Russie. Elle a été battue à Iéna et à Auerstaedt. Napoléon a de nouveau
vaincu à Eylau contre les Russes en février 1807, puis à Friedland en juin,
mais au prix de pertes sévères. Après le traité de Tilsitt avec le tsar le
7 juillet, il a décrété le blocus continental le 21 novembre pour ruiner
l’économie anglaise en empêchant tout commerce avec l’Europe. La Russie,
puis la Prusse et l’Autriche appliquent le blocus mais pas les petites
puissances, dont le Portugal. D’abord, Napoléon s’entend avec le roi
d’Espagne pour conquérir ce pays, mais un soulèvement populaire contraint
Charles IV à abdiquer. Le passage des troupes françaises en Espagne se
transforme en une occupation, tandis que Napoléon donne le trône à son frère
Joseph. Les soldats français doivent affronter une terrible guérilla et même
capituler à Baylen le 21 juillet 1808. Un corps expéditionnaire britannique
commandé par Wellesley (le futur Wellington) libère le Portugal. Ces
premiers revers de la France impériale marquent les esprits en Europe. Le
5 novembre 1808, Napoléon entre en Espagne avec 200 000 hommes. Il
s’empare de Madrid le 4 décembre, mais ne parvient pas à détruire le corps
expéditionnaire anglais.

5 et 6 juillet 1809
Wagram
ENCOURAGÉ PAR L’INSURRECTION ESPAGNOLE, l’Autriche reprend
les hostilités en avril 1809. Napoléon franchit le Danube après la bataille
d’Eckmühl et prend Vienne le 12 mai. Après un échec à la bataille d’Essling,
au cours de laquelle le maréchal Lannes est mortellement blessé, la Grande
Armée l’emporte dans la plaine de Wagram, au nord-est de Vienne, les 5 et
6 juillet 1809. De nouveau, la victoire est chèrement acquise, car si les
Autrichiens perdent 50 000 hommes, les Français en perdent 34 000. De
plus, en dépit d’une nouvelle démonstration du génie tactique de l’Empereur,
l’armée de l’archiduc Charles n’a pas été détruite et a pu se replier sur la
Moravie. La paix de Vienne, le 14 octobre, outre une lourde indemnité de
guerre, donne à la France Trieste, les provinces de Carinthie, de Carniole et
de Croatie pour former avec l’Istrie et la Dalmatie les Provinces illyriennes.
Seule l’Angleterre reste en guerre.

Plus longue et difficile que prévu, la bataille de Wagram contraint


l’Empereur à dormir sur le terrain.
Entouré de ses maréchaux, Napoléon, assoupi, est plongé dans
ses réflexions.
Bivouac de Napoléon sur le champ de bataille de Wagram, tableau
d’Adolphe Roehn (1780-1867).

20 mars 1811
Naissance du roi de Rome à l’apogée
de l’Empire
EN 1810, Napoléon a répudié l’impératrice Joséphine, de qui il n’a point eu
d’héritier, pour épouser Marie-Louise d’Autriche, fille aînée de l’empereur
François Ier. L’avenir de la dynastie paraît assuré lorsque, le 20 mars 1811,
naît un fils qui reçoit aussitôt le titre de roi de Rome. L’Empire est alors à
son apogée avec une France de cent trente départements et une Europe sous
la domination napoléonienne. On y distingue des pays de protectorat
(Confédération du Rhin qui regroupe trente-six États allemands, grand-duché
de Varsovie), des pays d’autorité directe (l’Italie et les Provinces
illyriennes) et des pays « d’autorité familiale » où règnent des parents
proches de l’Empereur. « Souvenez-vous, dit-il à Murat devenu son beau-
frère et à qui il confie le royaume de Naples en 1808, que je ne vous ai fait
roi que pour mon système. » Dans la France proprement dite, une cour
impériale essaie de renouer avec la pompe de l’Ancien Régime. Une
nouvelle noblesse se constitue. L’administration des départements est
étroitement centralisée par l’intermédiaire des préfets. La presse,
l’imprimerie et le théâtre sont soumis à la censure, et la police, que dirige
Fouché, est partout présente. Travailleur infatigable, Napoléon dirige tout,
contrôle tout.

25-29 novembre 1812


La Bérézina
Promu général de division le 11 novembre 1812, François Fournier-
Sarlovèze (1773-1827), auquel cette aquarelle est attribuée, joue un rôle
déterminant lors de la retraite de Russie, permettant à un grand nombre
d’hommes de franchir la Bérézina.
Paris, musée de l’Armée.

AU DÉBUT DE L’ANNÉE 1812, l’opposition au régime napoléonien vient


tout autant des peuples vaincus que des puissances échappant à la domination
française. Une sourde révolte gronde, qui commence à se cristalliser autour
de la Prusse tandis qu’en Espagne une guerre sans pitié se poursuit. La
Russie, quant à elle, a rompu le Blocus continental en décembre 1810.
Alexandre Ier de Russie, qui a des ambitions sur l’Europe centrale, s’oriente
de toute façon vers la guerre. Napoléon prend les devants et envahit la
Russie, le 22 juin 1812, à la tête de la Grande Armée, forte de
700 000 hommes mais où les Français sont en minorité (300 000). Les
Russes sont battus à la bataille sanglante de Borodino le 7 septembre et les
Français entrent dans Moscou une semaine plus tard. Dans une ville désertée
et incendiée, Napoléon attend en vain des offres de paix avant d’ordonner la
retraite le 19 octobre. Les distances, le manque d’approvisionnements,
l’hiver précoce transforment la retraite en tragédie. Au passage de la
Bérézina, sur des ponts de fortune et au milieu des glaces, l’arrière-garde de
Ney échappe de peu à l’anéantissement. Lorsque la Grande Armée repasse la
frontière russe, elle a perdu un demi-million d’hommes, tués ou prisonniers.
Le désastre est irréparable.

« Les flammes de Moscou ont été l’aurore


de la liberté du monde. »
Benjamin Constant.

16-19 octobre 1813


Leipzig, ou la fin du grand Empire
EN FÉVRIER 1813, Frédéric-Guillaume de Prusse signe un traité avec la
Russie et attaque la Saxe. Les alliés disposent de 500 000 hommes répartis
en trois armées : l’armée du Nord confiée à Bernadotte, qui s’est retourné
contre l’Empereur, l’armée de Silésie commandée par le Prussien Blücher et
l’armée de Bohême sous les ordres de l’Autrichien Schwarzenberg.
Napoléon, qui a réussi à reconstituer à la hâte une armée de conscrits qu’on
surnomme « les Marie-Louise », bat les Prussiens à Lützen et Bautzen, mais
il doit leur accorder un armistice qui est mis à profit pour faire entrer
l’Autriche et la Suède dans une sixième coalition. La campagne d’Allemagne
fait rage tout au long de l’été. L’Empereur, avec une armée largement
inférieure, essaie de battre séparément les trois armées qui se portent à sa
rencontre, mais les chefs alliés, comprenant sa stratégie, se dérobent et
laissent les Français s’épuiser en marches et contremarches. Napoléon doit
finalement s’adosser à Leipzig où, du 16 au 19 octobre 1813, il plie sous le
nombre. Au terme de cette « bataille des Nations », toute l’Allemagne se
soulève. En novembre, la Hollande se révolte à son tour. Napoléon a perdu
la rive droite du Rhin.
6 avril 1814
Napoléon abdique à Fontainebleau
NAPOLÉON, ne disposant plus que de 60 000 hommes, espérait réorganiser
ses forces pendant l’hiver 1813-1814, mais les trois armées alliées
franchissent le Rhin dès janvier 1814. Sur fond de lassitude de la population,
de désertions, la nouvelle mobilisation s’effectue mal. Fusils, canons et
chevaux manquent. À Paris, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent
contre le despotisme. Napoléon, après avoir rejeté les conditions alliées
(retour de la France aux frontières de 1791), n’en réussit pas moins, en
février, à battre par de brillantes offensives successivement Blücher et
Schwarzenberg, mais le 8 mars, les alliés renouvellent leur engagement à ne
pas signer de paix séparée avec la France et marchent sur Paris. Le 31 mars,
le tsar Alexandre Ier et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III font leur
entrée dans la capitale. Toute négociation avec Napoléon est exclue. Le
3 avril, le Sénat proclame la déchéance de Napoléon. Arrivé trop tard le
30 mars pour sauver Blois, Napoléon a gagné Fontainebleau, d’où il songe à
porter la guerre en Lorraine, mais ses maréchaux, conduits par Ney, le
forcent à abdiquer sans conditions le 6 avril 1814.

4 juin 1814
La Charte
PENDANT QUE NAPOLÉON DOIT SE RETIRER À L’ÎLE D’ELBE, dont
les alliés lui concèdent « la souveraineté », le diplomate Talleyrand négocie
avec les souverains étrangers la restauration des Bourbons sur le trône de
France. S’il n’est pas un fervent royaliste, l’ancien évêque d’Autun
considère que le principe de légitimité est le seul à même de garantir la paix
et les libertés fondamentales. Le 3 mai 1814, le comte de Provence, frère de
Louis XVI, entre dans Paris. Il n’entend pas se laisser dicter une Constitution
et, le 4 juin, sous le nom de Louis XVIII, il octroie une charte
constitutionnelle. Celle-ci conserve les grands principes de 1789, l’égalité
civile et la liberté, individuelle, de conscience ou d’opinion. Elle ne remet
pas en question la vente des biens nationaux et maintient les institutions de
l’Empire. Par contre, elle proclame le catholicisme religion d’État. Elle
confère au roi l’intégralité du pouvoir exécutif et l’essentiel du pouvoir
législatif, avec l’initiative des lois et le pouvoir de les promulguer. Le
suffrage redevient censitaire, et le collège électoral est réduit à
100 000 personnes contre plus de 9 millions lors des élections au suffrage
universel de la Convention en 1792.

« Voilà qu’enfin, après trente années qui se sont écoulées


depuis l’origine de nos troubles, une Nation nouvelle s’avance. »
Royer-Collard (1817).

9 juin 1815
La signature de l’acte final du congrès
de Vienne
DE NOVEMBRE 1814 À JUIN 1815, le congrès de Vienne réunit tous les
gouvernements d’Europe pour décider du partage de l’Empire napoléonien.
Sous la présidence de Metternich, ministre autrichien des Affaires
extérieures, les négociations sont dominées par les plénipotentiaires des
puissances coalisées : Autriche, Prusse, Angleterre et Russie. Talleyrand, qui
représente Louis XVIII, s’impose progressivement, jusqu’à devenir l’arbitre
entre les alliés, restaurant la France en tant que grande puissance. Le 9 juin
1815, l’acte final est signé. Il compte dix-sept traités, qui redécoupent la
carte de l’Europe à partir de la seule volonté des grands souverains, sans
tenir compte des aspirations nationales qui se sont révélées à l’occasion des
conquêtes napoléoniennes. Les petits États sont absorbés par les puissants, et
le nouvel équilibre européen est garanti par la signature de la Sainte-
Alliance entre la Prusse, l’Autriche et la Russie. Les États périphériques de
la France deviennent des « États tampons ». L’Angleterre demeure la grande
puissance maritime.

18 juin 1815
Waterloo

Bataille de Waterloo.

EXILÉ À L’ÎLE D’ELBE, Napoléon tente un incroyable retour au cours de


l’épisode des « Cent-Jours ». Le « vol de l’Aigle » le conduit en vingt jours
à Paris, où il parvient le 20 mars 1815. Louis XVIII, abandonné par l’armée,
se réfugie à Gand. Sans un coup de fusil, l’Empire est rétabli, mais l’Europe
mobilise, refusant de traiter avec celui qu’elle considère désormais comme
un hors-la-loi. À la tête d’une armée reconstituée dans la précipitation,
Napoléon se lance à l’offensive en Belgique dans l’espoir de battre
séparément les armées des coalisés, avant qu’elles n’opèrent leur jonction.
Le 16 juin, il bat les Prussiens de Blücher à Ligny, mais leur armée se replie
sans être détruite. Le lendemain, il affronte l’armée anglo-néerlandaise,
commandée par le duc de Wellington, qui recule d’abord pour mieux
s’établir sur une hauteur près du village de Waterloo. En Espagne déjà, il a
démontré les vertus d’une bataille en défense. Toute la journée du 18, les
Français s’épuisent en attaques successives. La cavalerie du maréchal Ney
charge follement les carrés anglais. Wellington résiste pied à pied et
multiplie les contre-attaques jusqu’à ce que, à 16 h 30, Blücher débouche sur
le flanc droit des Français. La défaite se dessine. Napoléon fait donner la
Garde, corps d’élite traditionnellement placé en réserve, qui finit par reculer.
La bataille est perdue et Napoléon doit s’enfuir. Pour la seconde fois, il
abdique le 22 juin 1815 avant d’être exilé à Sainte-Hélène, une petite île au
milieu de l’Atlantique où il meurt en 1821.

« Toujours lui ! Lui partout !


Tu domines notre âge :
ange ou démon qu’importe ! »
Victor Hugo (Les Orientales).
Le XIXe siècle
1815-1914

5 septembre 1816
La dissolution de la « Chambre
introuvable »
LA MONARCHIE RESTAURÉE UNE SECONDE FOIS en 1815 est un
compromis entre la tradition symbolisée par le retour au trône d’un Bourbon
et les libertés proclamées par la Révolution. Le retour à la liberté permet la
formation de partis politiques (au sens informel de l’époque). Celui des
ultra-royalistes que mène le comte d’Artois, frère du roi, s’oppose à celui
des libéraux. Au centre, les constitutionnels veulent tenter une réconciliation
et appliquer loyalement la Charte. Les 14 et 22 août 1815, des élections à la
Chambre des députés attribuent les neuf dixièmes des sièges à des royalistes,
au point que Louis XVIII parle de « Chambre introuvable ». Celle-ci impose
des juridictions d’exception contre les complices des Cent-Jours. Le
maréchal Ney est fusillé le 7 décembre 1815 et des bonapartistes sont
massacrés en province. Le roi s’inquiète de ces violences et appelle au
pouvoir un modéré, le duc de Richelieu, ancien émigré, loyal au régime. Il
dissout la Chambre introuvable le 5 septembre 1816, et de nouvelles
élections sont favorables aux constitutionnels dont Decazes, ancien ministre
de la Police qui a remplacé Fouché, prend la direction. Son gouvernement se
donne pour programme de « nationaliser le roi et royaliser la nation ». Après
le remboursement anticipé de l’énorme indemnité de guerre due aux alliés, le
congrès d’Aix-la-Chapelle, en septembre 1818, entérine la fin de
l’occupation.

13 février 1820
L’assassinat du duc de Berry
UN RÉPUBLICAIN FANATIQUE, Étienne Louvel, assassine devant
l’Opéra, le 13 février 1820, le duc de Berry, fils du comte d’Artois, croyant
ainsi éteindre la race des Bourbons directs. Les ultras en rendent Decazes
responsable de par sa faiblesse et obtiennent du roi le renvoi de son ministre
favori. Le roi rappelle au pouvoir le duc de Richelieu, qui fait voter des
mesures réclamées par la droite, dont la censure des journaux. Une loi
permet aux plus riches de voter deux fois. Le duc de Richelieu est remplacé
en décembre 1821 par le comte de Villèle, dont le ministère, qui dure de
1821 à 1828, est débordé par les ultras. Seul Louis XVIII freine leur action,
mais il meurt le 16 septembre 1824.

16 septembre 1824
Charles X succède à Louis XVIII
EN DÉPIT DE QUELQUES MESURES LIBÉRALES, l’avènement du
dernier roi de France, Charles X, signe le triomphe des ultras. Villèle fait
voter le 27 avril 1825 la loi dite du « milliard aux émigrés » qui indemnise
les émigrés dont les biens ont été confisqués pendant la Révolution. Il fait
voter une loi contre le sacrilège, fait dissoudre la garde nationale de Paris,
propose un renforcement de la censure de la presse. Il perd sa majorité à la
Chambre aux élections de 1827. Un député de la droite modérée, Martignac,
le remplace d’abord, puis c’est au tour, en novembre 1829, du prince de
Polignac, incapable et impopulaire. Celui-ci entre aussitôt en conflit avec la
Chambre, qui le met en minorité en mars 1830 et lui refuse la confiance.
Polignac fait dissoudre la Chambre, mais de nouvelles élections au mois de
juillet renforcent encore l’opposition libérale.
25 février 1830
Romantiques contre classiques dans
la « bataille » d’Hernani
LE 25 FÉVRIER 1830, on joue la première d’Hernani du jeune Victor Hugo
à la Comédie-Française, qui est la citadelle des classiques. En dépit d’un
très sombre dénouement, ce drame tout entier fondé sur la fatalité de la
passion et le respect des lois chevaleresques exalte le jeune mouvement
romantique par ses hardiesses de ton, de style et de mise en scène. Théophile
Gautier, Alexandre Dumas, Gérard de Nerval, Hector Berlioz étouffent par
leurs manifestations d’enthousiasme les protestations du public bourgeois,
défenseur du théâtre classique. Chaque nouvelle représentation devient
l’occasion d’un affrontement entre classiques (surnommés « les perruques »)
et romantiques. Ce que les jeunes gens à cheveux longs et à gilet rouge
applaudissent, c’est la liberté, comme s’en explique Victor Hugo dans sa
préface de Cromwell (1827) : « Il serait étrange qu’à cette époque, la liberté
pénétrât partout, excepté dans ce qu’il y a de plus naturellement libre au
monde, les choses de la pensée. »

« Le principe de la République était l’égalité,


celui de l’Empire la force,
celui de la Restauration la liberté. »
Chateaubriand.

5 juillet 1830
La prise d’Alger
À LA SUITE D’UNE AFFAIRE COMMERCIALE EMBROUILLÉE et d’un
incident diplomatique au cours duquel le dey (sultan) d’Alger s’emporte et
frappe le consul de France de son chasse-mouches, le 29 avril 1827, Villèle
alors au pouvoir envoie en août 1829 une frégate battant pavillon
parlementaire. Il ne s’agit que de négocier, mais les batteries du port d’Alger
ouvrent le feu. Polignac, qui vient d’arriver au pouvoir, décide une
intervention armée. Le 14 juin 1830, un corps expéditionnaire de
37 000 hommes débarque à Sidi-Ferruch, à 20 kilomètres à l’ouest d’Alger.
Au terme d’une progression difficile des troupes françaises qui ignorent tout
du pays et d’un court siège, Alger capitule et le dey abdique. Des contingents
occupent Bône et Oran. Sans véritablement le vouloir, la Restauration,
d’ailleurs à l’agonie, met le doigt dans l’engrenage de la création d’un
empire colonial.

« Cette insulte à notre représentant allait donner


à la France la plus grande, la plus importante
de ses colonies : la splendide Algérie. »
Cours moyen d’histoire de France (1910).

27, 28, 29 juillet 1830


Les Trois Glorieuses
LE 26 JUILLET 1830, quatre ordonnances prononcent la dissolution de la
Chambre qui vient d’être élue, modifient le régime électoral et musellent
totalement la presse. Même si la Charte autorise des mesures royales par
ordonnance, c’est un véritable coup d’État qui, de surcroît, ne peut s’appuyer
sur l’armée dont l’essentiel est alors à Alger. Paris dresse des barricades.
Les insurgés brandissent le drapeau tricolore qui avait été remplacé par le
drapeau blanc au début de la Restauration. Après trois jours de batailles de
rue, les « Trois Glorieuses », la capitale est perdue pour Charles X qui était
à Saint-Cloud et qui se laisse convaincre de partir pour un nouvel exil. À
l’Hôtel de Ville, La Fayette, nommé chef de la garde nationale comme en
1789, est pressé de proclamer la république, mais les députés et les
bourgeois ne veulent pas renouer avec la Révolution et ses divisions. Une
intrigue surgit alors en faveur du cousin du roi, le duc d’Orléans, Louis-
Philippe, fils de Philippe Égalité, qui s’est tenu à l’écart du régime précédent
et dont le passé républicain plaide pour lui. Au balcon de l’Hôtel de Ville, le
vieux La Fayette lui présente le drapeau tricolore, qu’il embrasse sous les
acclamations. Le 9 août, la Chambre des députés le proclame « roi des
Français » sous le nom de Louis-Philippe Ier.
Au terme des journées révolutionnaires de Juillet, le duc d’Orléans, Louis-
Philippe, cousin du roi Charles X, quitte le Palais-Royal pour se rendre
à l’Hôtel de Ville.
Peinture de Horace Vernet, Versailles.

« La Restauration était tellement incompatible avec la nation


et elle y était si peu enracinée qu’elle a été renversée
par une poignée d’ouvriers. »
Alfred de Vigny.

9 avril 1834
La révolte des canuts à Lyon
LA RUPTURE DE LA MONARCHIE DE JUILLET avec la Restauration est
plus apparente que réelle. Louis-Philippe a contre lui les légitimistes, les
bonapartistes et surtout les républicains, qui progressent parmi le peuple. Il
doit aussi faire face à des premiers mouvements sociaux qui n’ont
initialement aucun caractère politique. C’est le cas des « canuts », ouvriers
tisserands lyonnais, réduits à la misère par la concurrence étrangère, qui se
mettent en grève. Les meneurs sont arrêtés et jugés au début d’avril 1834. Le
procès coïncide avec la loi du 10 avril 1834, qui interdit les associations
politiques dans le but de contrer l’action des associations républicaines, dont
la Société des droits de l’homme. Le 9 avril 1834, plusieurs milliers
d’artisans et d’ouvriers de Lyon s’insurgent. Ils s’arment et transforment les
quartiers de la ville en camps retranchés où ils arborent le drapeau noir. Un
début d’insurrection se déclenche à Paris le 13 avril. Partout, l’armée
rétablit l’ordre au prix de centaines de morts. À Paris, rares sont les
journalistes qui perçoivent la portée de cette insurrection de la misère.

« Nous tisserons
Le linceul du vieux monde,
Car on entend déjà la révolte qui gronde.
Nous sommes les Canuts
Nous n’irons plus nus.
Nous n’irons plus nus. »
Aristide Bruant (1910).

15 mai 1843
La prise de la smalah d’Abd el-Kader
APRÈS LA PRISE D’ALGER, ce « legs onéreux de la Restauration », la
monarchie de Juillet se contente d’abord d’une occupation restreinte de
quelques points du littoral de l’Algérie. En 1836, le général Bugeaud, qui
s’est distingué pendant la guerre d’Espagne puis pendant les Cent-Jours, est
envoyé en Algérie pour négocier avec l’émir Abd el-Kader, à qui il
reconnaît la souveraineté sur les deux tiers du pays. Mais le 15 janvier 1840,
Bugeaud, également député, met la Chambre en demeure de choisir :
évacuation immédiate ou occupation totale. Gouverneur de l’Algérie en
1841, il mène une féroce guerre de conquête avec des corps spécialisés. En
deux ans, Abd el-Kader perd ses places l’une après l’autre jusqu’à ce que, le
15 mai 1843, sa smalah (son camp itinérant avec familles et équipages) soit
surprise par les 600 cavaliers du jeune duc d’Aumale. Ce coup de main qui
fait date n’est qu’une étape dans la conquête de l’Algérie.

24 février 1848
Louis-Philippe abdique
DEPUIS 1840, le gouvernement est dirigé par Guizot, historien libéral sous
la Restauration, gardien d’une politique de stabilité qui, espère-t-il, mènera
le pays à son enrichissement. L’opposition libérale, exacerbée par une crise
économique en 1846, n’en réclame pas moins une réforme parlementaire et
électorale. Une campagne de banquets conduit au renvoi de Guizot le
23 février 1848. Le soir même, une fusillade inopinée tue seize manifestants,
dont les cadavres sont promenés toute la nuit dans les rues de la capitale. Le
lendemain, Paris se couvre à nouveau de barricades. Sans appui, Louis-
Philippe abdique le 24 février et s’enfuit vers l’Angleterre. Les insurgés
proclament la république le lendemain. Par sa seule éloquence, Lamartine,
député, parvient à dissuader les extrémistes de remplacer le drapeau
tricolore par le drapeau rouge.

27 avril 1848
L’abolition de l’esclavage
Société coloniale recevant l’annonce du décret du 27 avril 1848 abolissant
l’esclavage.
Peinture de François-Auguste Biard, 1848, Versailles.

LES RÉPUBLICAINS MODÉRÉS REMPORTENT les élections des 23 et


24 avril 1848. Dans l’esprit de 1848, celui d’un mouvement de la liberté et
de la démocratie, l’Assemblée constituante a décidé, le 4 mars, l’abolition
de l’esclavage sur proposition de Victor Schoelcher, sous-secrétaire d’État à
la Marine. Cent soixante mille esclaves travaillent alors aux Antilles. Le
décret définitif est voté le 27 avril 1848. Les gouverneurs favorables aux
colons sont remplacés par des commissaires de la République. Cette
abolition est l’aboutissement d’un très long combat. La publication en
1685 du Code noir de Colbert n’avait fait qu’adoucir la condition des
esclaves. Quant à la Révolution, la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen excluait ipso facto l’esclavage, mais ne s’appliquait pas aux
colonies. La Convention l’a aboli cependant le 4 février 1794, mais le
Premier consul l’a rétabli en 1802. Au traité de Paris, le 30 mai 1814, la
France a promis, sous la pression des Anglais, de renoncer à l’esclavage,
mais n’a pas libéré les esclaves existants.
23-26 juin 1848
L’échec de la république sociale
LE 4 MAI 1848, l’Assemblée constituante déclare que « la République
proclamée le 24 février (en fait, le 25) est et restera le gouvernement de la
France ». Ainsi naît la IIe République. L’enthousiasme de la révolution de
Février se traduit par un ralliement général à la République, mais laquelle ?
À la droite de l’Assemblée constituante siègent 200 monarchistes et
catholiques ; à l’extrême gauche, 100 socialistes (au sens de l’époque, de
partisans d’une république sociale) ; au centre, 500 républicains modérés.
Sous la pression populaire, le gouvernement provisoire prend des mesures
sociales, notamment en affirmant le droit au travail et à l’instruction. Une
commission présidée par Louis Blanc, l’un des théoriciens du mouvement
socialiste, organise des ateliers nationaux chargés de résorber le chômage
mais qui, outre leur coût énorme et leur inefficacité, deviennent des foyers
d’agitation. Leur fermeture, le 21 juin, provoque une terrible insurrection
dans l’est de Paris. Après quatre jours de combats de rue, le général
Cavaignac triomphe des insurgés, qui par milliers sont emprisonnés ou
déportés en Algérie. Cette révolte de la misère a finalement pris l’allure
d’une lutte des classes. La République n’a plus l’appui populaire.

« La monarchie avait les oisifs,


la République aura les fainéants. »
Victor Hugo à l’Assemblée nationale le 20 juin
1848, à propos des ateliers nationaux.

10 décembre 1848
Louis-Napoléon Bonaparte, président
de la République
AU LENDEMAIN DES JOURNÉES DE JUIN, le parti de l’ordre triomphe.
Les conquêtes sociales sont rejetées (droit au travail, droit à l’instruction).
L’Assemblée vote une Constitution le 12 novembre 1848 prévoyant une
assemblée législative et un président de la République, également élus au
suffrage universel. Le président serait élu pour quatre ans, non rééligible
avant un intervalle de quatre ans, et ne pourrait dissoudre l’Assemblée.
L’élection présidentielle a lieu le 10 décembre 1848. Le candidat du parti de
l’ordre est Louis-Napoléon Bonaparte, fils de Louis Bonaparte, troisième
frère de Napoléon Ier, ex-roi de Hollande, et de Hortense de Beauharnais,
fille du premier mariage de Joséphine. Il est soutenu à la fois par la droite et
les socialistes, bénéficiant de ce que Victor Hugo appelle « un immense
quiproquo ». Il se considère lui-même comme un « démocrate autoritaire » à
idées sociales. Avec 5 434 000 suffrages, il écrase Cavaignac, candidat des
républicains modérés (1 448 000 voix), et Ledru-Rollin, républicain social
(371 000 voix). François Raspail, candidat des socialistes révolutionnaires
et d’ailleurs en prison, ne recueille que 37 000 voix et Lamartine
17 910 voix.

2 décembre 1851
Coup d’État à l’Élysée
« La France a compris que je n’étais sorti de la légalité
que pour rentrer dans le droit. »
Louis-Napoléon, le 31 décembre 1851.

LES ÉLECTIONS À L’ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE, le 13 mai 1849, se


traduisent par la défaite des républicains modérés. Les monarchistes
l’emportent largement, mais se divisent en légitimistes, orléanistes et
bonapartistes. Quant à la gauche radicale et socialiste (les « Montagnards »),
elle n’obtient que 180 sièges (sur 750), mais n’a seulement qu’un million et
demi de voix de moins que les conservateurs. Une émeute est réprimée le
13 juin 1849, permettant à l’Assemblée de restreindre les libertés. Sa
majorité souhaite une restauration monarchique, mais Louis-Napoléon entend
conserver le pouvoir. S’appuyant sur une grande partie de l’opinion qui ne
veut ni nouveau roi ni nouvelle révolution, il se rend populaire en inaugurant
la pratique des voyages à travers la France. Il s’assure, en outre, l’appui de
l’armée. Le conflit grandit entre le prince président et l’Assemblée. Faute
d’obtenir une révision constitutionnelle, Louis-Napoléon prépare
soigneusement son coup d’État. Le choix même de la date d’un 2 décembre
se réfère au couronnement de Napoléon Ier et à Austerlitz. L’Assemblée est
dissoute le 2 décembre 1851, tandis que l’armée arrête plus de
26 000 républicains. Le 20 décembre, un plébiscite qui prolonge de dix ans
les pouvoirs du président ratifie le coup d’État avec plus de 7 millions de
suffrages. Après un second plébiscite, l’Empire est rétabli le 2 décembre
1852.

10 septembre 1855
Fin du siège de Sébastopol
NAPOLÉON III GOUVERNE SEUL, avec des ministres qui ne sont que de
grands exécutants. Sa politique extérieure est très personnelle. « L’Empire,
c’est la paix », dit-il, mais il ajoute : « C’est la paix, car si la France est
satisfaite, l’Europe est tranquille. » Il défend le principe des nationalités,
n’accepte pas les traités de 1815 et intervient dans la « question d’Orient »
(les problèmes liés aux ambitions européennes en Méditerranée orientale).
Le 24 mai 1855, il s’allie à l’Angleterre qui s’oppose aux tentatives de la
Russie pour mettre la main sur les détroits, au détriment de l’Empire
ottoman. La guerre commence en 1854 entre la Russie et les Franco-Anglais
qui défendent l’Empire turc. Ceux-ci débarquent en Crimée, franchissent
l’Alma et mettent le siège devant Sébastopol. Le siège, très dur, mené par
130 000 hommes, s’achève au bout d’un an, le 10 septembre 1855, par la
prise de la ville. La paix est signée à Paris le 30 mars 1856. La mer Noire
est démilitarisée. La France en retire du prestige et efface le souvenir du
congrès de Vienne, mais c’est l’Angleterre qui obtient les avantages réels de
la victoire.

24 juin 1859
Solferino
DEUX ANS APRÈS LE TRAITÉ DE PARIS, la France s’engage aux côtés
des patriotes italiens qui veulent expulser les Autrichiens. À Plombières,
dans les Vosges, Napoléon III reçoit en 1858 Cavour, Premier ministre de
Victor-Emmanuel II, roi constitutionnel de Piémont-Sardaigne. Un accord est
conclu qui fera de Victor-Emmanuel le roi de l’Italie du Nord, en échange de
quoi le Piémont cédera à la France Nice et la Savoie. La guerre éclate avec
l’Autriche en avril 1859. Les Français battent les Autrichiens à Magenta le
4 juin. Ils l’emportent de nouveau à Solferino le 24 juin 1859 au terme d’un
carnage de près de 40 000 morts qui préfigure les guerres modernes et
inspire à Henri Dunant, épouvanté par le spectacle des blessés et des
mourants, la création de la Croix-Rouge. Napoléon III fait alors volte-face et
conclut un armistice le 18 juillet avec l’Autriche, qui abandonne la
Lombardie mais conserve la Vénétie. C’est qu’au même moment, la Prusse
mobilise pour venir en aide au mouvement patriotique allemand. Or la
frontière du Rhin est dégarnie.

« Ils souffraient sans se plaindre ;


ils mouraient humblement et sans bruit. »
Henri Dunant ( Un souvenir de Solferino, 1862).

1er avril 1867


L’inauguration de l’Exposition universelle
de Paris
Le Paris d’Haussmann.

À L’EXEMPLE DE L’ANGLETERRE QUI A ORGANISÉ en 1851 la


première grande exposition internationale, Napoléon III accueille à Paris, en
mai 1855, une exposition universelle qui reçoit près de 24 000 exposants et
attire 5 millions de visiteurs. Tous les domaines de l’activité humaine parmi
toutes les nations y sont représentés. Le palais des Arts et de l’Industrie sur
les Champs-Élysées devient définitif (détruit en 1896 pour laisser place au
Petit Palais et au Grand Palais). L’exposition suivante qu’inaugure au
Champ-de-Mars, le 1er avril 1867, Napoléon III est un triomphe, avec
52 000 exposants et 7 millions de visiteurs. Le Second Empire est alors à
son apogée. Dans une France de 37 millions d’habitants, une industrie
moderne se constitue. Le commerce extérieur est passé de 2 milliards en
1848 à 5 en 1859 et 7 en 1870. La transformation de Paris est spectaculaire.
Sous l’égide du baron Haussmann, préfet de la Seine, de larges artères sont
percées au cœur du vieux Paris. Un immense réseau d’égouts voit le jour.
Paris est enfin approvisionné non plus en eau de la Seine mais en eau pure.
Les rues sont éclairées au gaz. Les grands magasins font leur apparition.

19 juin 1867
Le fiasco mexicain
LE SECOND EMPIRE AURA COMMENCÉ son déclin avec la piteuse et
inutile expédition du Mexique. Napoléon III veut protéger les catholiques
mexicains alors en guerre civile contre les anticléricaux dirigés par Juarez. Il
rêve aussi d’un grand empire, latin et catholique, qui ferait pièce à la
prépondérance américaine et protestante du Nord. Une opération commune,
décidée entre l’Espagne, l’Angleterre et la France, se réduit finalement à une
expédition uniquement française. La Légion étrangère s’illustre en se
sacrifiant à Camerone le 30 avril 1863. Mexico tombe le 7 juin et une junte,
fomentée par l’ambassadeur de France, proclame l’empire du Mexique le
10 juillet. Maximilien d’Autriche, frère de l’empereur François-Joseph,
accepte le trône, mais le pays se trouve bientôt dans le chaos. Juarez poursuit
la lutte dans une guérilla armée par les États-Unis, tout juste sortis de la
guerre de Sécession et qui demandent le retrait des troupes françaises. Enfin
gagné par le doute, Napoléon III annonce, le 15 janvier 1866, qu’il va
progressivement retirer ses troupes. Il conseille à Maximilien d’abdiquer,
mais celui-ci tergiverse. Haï des républicains et rejeté par le parti
catholique, il doit fuir Mexico. Fait prisonnier à Querétaro où il s’est laissé
assiéger, il est fusillé le 19 juin 1867. Le fiasco mexicain jette le discrédit
sur le Second Empire.

6 et 7 juin 1869
De nouvelles élections consacrent l’Empire
libéral
APRÈS 1860, Napoléon III cherche à se concilier les opposants, en
accordant plus de pouvoir à la Chambre ou en donnant en 1864 le droit de
« coalition » (grève) aux ouvriers. Cet assouplissement du régime a surtout
pour effet de renforcer l’opposition. Émile Ollivier, républicain élu en
1857 et rallié, fonde le « Tiers Parti », qui devient l’arbitre de la vie
politique. Les 6 et 7 juin 1860, au second tour des élections législatives, les
candidats du gouvernement recueillent 4 438 000 voix, mais ceux de
l’opposition républicaine en obtiennent 3 355 000. Napoléon III s’incline et
accorde de nouvelles réformes. Les députés reçoivent l’initiative des lois, et
un régime parlementaire est établi de fait. Le sénatus-consulte du 20 avril
1870 consolide la transformation du régime. Un plébiscite, le 8 mai 1870,
donne 7 358 000 « oui » contre 1 572 000 « non ». « J’ai retrouvé mon
chiffre ! » exulte l’empereur en faisant allusion au plébiscite de décembre
1851. Au grand désespoir des républicains, le Second Empire semble fondé
une nouvelle fois.

2 septembre 1870
L’empereur capitule à Sedan
Caricature de la capitulation de Sedan inspirée de l’acte 1 du célèbre
opéra-bouffe de Jacques Offenbach,
La Grande Duchesse de Gérolstein (1867).

DEPUIS 1866, après qu’elle a vaincu l’Autriche à la bataille de Sadowa (en


Bohême), la Prusse, sous la conduite énergique du chancelier Bismarck, veut
achever l’unité allemande. La France s’en inquiète et demande des
« compensations » territoriales, qu’elle n’obtient pas. Quant au chancelier de
Prusse, il pense que l’unité politique de l’Allemagne ne peut naître que d’une
guerre contre la France. En juillet 1870, un parent du roi de Prusse pose sa
candidature au trône d’Espagne, puis la retire sur la protestation de la
France. Bismarck, dans ce qui va devenir « la dépêche d’Ems », en donne un
compte rendu tendancieux et provocateur. La France, ou en tout cas Paris,
prend feu et le pays déclare la guerre à la Prusse, le 19 juillet 1870, en se
donnant ainsi, comme le souhaitait Bismarck, le rôle d’agresseur. Les
effectifs allemands sont deux fois plus nombreux que ceux des Français,
mieux entraînés, mieux équipés et armés, plus mobiles. L’armée française
souffre d’une mauvaise organisation et de la médiocrité de son haut
commandement. Les batailles du début de la guerre sont âprement disputées,
mais, en peu de temps cependant, l’Alsace est perdue tandis que Bazaine se
laisse enfermer dans Metz avec la meilleure armée française. L’empereur et
Mac-Mahon prennent la tête d’une armée de secours qui doit débloquer
Metz. Les indiscrétions de la presse française donnent l’occasion au
maréchal Moltke, informé de sa route compliquée qui passe par les
Ardennes, de concentrer ses 3e et 4e armées aux environs de la Meuse. Le
1er septembre, l’armée française se trouvant à Sedan est encerclée, écrasée
par les tirs de 700 canons. Elle capitule sans conditions le 2 septembre.
L’empereur est fait prisonnier avec 100 000 hommes.

« Ce n’est pas par les discours et les votes à la majorité


que les grandes questions de notre temps seront décidées […]
mais par le fer et le sang. »
Bismarck en 1862.

10 mai 1871
Le traité de Francfort
APRÈS LE DÉSASTRE DE SEDAN, la république est proclamée le
4 septembre 1870, mais la lutte continue pendant cinq mois, menée par un
gouvernement de Défense nationale que dirigent Gambetta, Jules Favre, Jules
Simon. Le siège de Paris commence le 13 septembre. Gambetta parvient à
lever trois armées et la résistance se durcit, à l’étonnement des Prussiens.
Ces armées ont pour objectif de délivrer Paris, mais la capitulation de
Bazaine le 27 octobre libère une armée allemande qui stoppe leur
progression en dépit de plusieurs succès. Dans la capitale assiégée, des
sorties sont tentées, mais n’aboutissent pas. Une terrible famine sévit après
que le rationnement a été décidé trop tard. Pendant le siège, le
18 janvier 1871, Guillaume Ier de Prusse est proclamé empereur allemand
dans la galerie des Glaces du château de Versailles. Le 28 janvier 1871,
Paris capitule en dépit des protestations de Gambetta. Un armistice général
est négocié, dont les préliminaires sont ratifiés à Bordeaux le 1er mars par
une Assemblée nationale élue en février, selon la volonté expresse de
Bismarck. Le traité de Francfort, le 10 mai 1871, outre une indemnité de
5 milliards en or ou en devises étrangères, enlève à la France l’Alsace
(moins Belfort) et une partie de la Lorraine avec Metz. Un contentieux lourd
d’avenir vient de naître.

27 mai 1871
La fin de la Commune
« Faisons la révolution d’abord, on verra ensuite. »
Louise Michel.

LA COMMUNE DE PARIS naît de l’amertume de la reddition de la capitale,


à laquelle s’ajoute le rejet des élections de février 1871 à l’Assemblée
nationale, en pleine guerre, où la province a voté pour la paix et contre les
républicains. L’agitation grandit et la maladresse du gouvernement, qui
supprime la solde des gardes nationaux et veut désarmer Paris en s’emparant
des 227 canons déposés à Montmartre, provoque l’insurrection le 18 mars
1871. Deux généraux sont fusillés, et Thiers, élu par la nouvelle Assemblée
« chef du pouvoir exécutif », fait évacuer Paris par les autorités et l’armée
pour mieux, de Versailles où il s’est replié, écraser la rébellion. Pendant ce
temps, un Conseil général de la Commune, composé de républicains et de
révolutionnaires qui s’opposent, légifère sur le mot d’ordre : « La terre aux
paysans, l’outil à l’ouvrier, le travail pour tous ». Ceux qu’on appelle bientôt
« les Communards » disposent de 160 000 hommes, mais seulement
30 000 combattent de façon organisée. L’armée des « Versaillais », grossie
des prisonniers libérés par le Prussiens, entre dans Paris le 21 mai. Alors
commence la « semaine sanglante » autour de 500 barricades. La résistance
des Communards, qui reculent en incendiant les Tuileries, l’Hôtel de Ville,
est désespérée. Les Versaillais fusillent à tour de bras et les Communards
exécutent leurs otages. Les derniers combats se déroulent dans l’est de Paris
et notamment au milieu des tombes du Père-Lachaise. Ils prennent fin le
27 mai 1871.

24 mai 1873
La chute de Thiers
APRÈS L’ÉPREUVE DE LA COMMUNE ET LA TERRIBLE
RÉPRESSION qui l’a suivie, Adolphe Thiers reçoit des pouvoirs élargis
avec le titre de « président de la République » le 31 août 1871. Il reste en
même temps chef du gouvernement. En deux ans, profitant de la richesse
accumulée sous le Second Empire et du succès de deux emprunts, il réussit à
payer l’indemnité de guerre de 5 milliards afin de libérer le pays de
l’occupation prussienne. L’administration est réorganisée, l’armée
reconstituée et le pouvoir politique restauré en dépit d’une Assemblée
déchirée entre républicains et monarchistes qui veulent une restauration.
Thiers, royaliste libéral en 1830 et en 1848, penche désormais pour la
république, « le gouvernement qui nous divise le moins ». À la fin de 1872,
il se rallie à l’option d’une république conservatrice, mais les députés
monarchistes ne lui pardonnent pas cette « trahison ». L’Assemblée rogne ses
pouvoirs jusqu’à le forcer à la démission le 24 mai 1873. « Ils n’ont
personne », dit-il en croyant qu’on va le rappeler, mais l’Assemblée désigne
à la présidence de la République le maréchal de Mac-Mahon, un monarchiste
légitimiste.

« Un peuple instruit
est un peuple ingouvernable. »
Thiers dans une réponse à Victor Hugo.

9 février 1874
Michelet, père de l’Histoire de France
LE XIXe SIÈCLE a été le siècle de l’Histoire, du romantisme au positivisme,
de Chateaubriand, Augustin Thierry et Michelet à Sainte-Beuve, Taine et
Renan. Jules Michelet, qui décède le 9 février 1874, a tout particulièrement
marqué son temps avant de devenir, avec la IIIe République, le grand
inspirateur du « roman national ». Né en 1798, dans une famille catholique et
modeste, il connaît une enfance laborieuse avant d’accomplir de brillantes
études. Il éprouve très tôt une vocation d’historien, fréquentant assidûment
les archives mais visitant aussi les lieux de l’histoire de France : « Je
remplissais ces tombeaux de mon imagination, je sentais ces morts à travers
les marbres. » Professeur d’histoire, chef de la section historique des
Archives nationales, il commence le 1er décembre 1833 la publication de
son œuvre majeure, l’Histoire de France, qui va l’accaparer pendant
trente ans. De 1847 à 1853, il fait paraître également, en sept volumes, une
Histoire de la Révolution, très engagée, mais c’est dans son Histoire de
France que s’exprime sa profonde sympathie pour le peuple, l’humanité.
Cette œuvre monumentale (dix-sept volumes) est un hymne à la France,
« l’épopée lyrique de la France », écrit Taine.

« Le premier, je la vis [la France]


comme une âme et une personne. »
Michelet.
L’Histoire des lettres, par François Flameng. Peinture monumentale (1886-
1889) ornant le péristyle qui domine l’escalier d’honneur de la Sorbonne.
Sont représentés Quinet, Villemain, Guizot, Michelet, Cousin et Renan.

30 janvier 1875
La « république » à une voix de majorité
SANS EXPÉRIENCE POLITIQUE, le maréchal de Mac-Mahon a chargé le
duc de Broglie de former un cabinet. On s’achemine vers une restauration
avec le comte de Chambord, mais celui-ci, à la consternation des
monarchistes pour la plupart libéraux, ne veut pas renoncer au drapeau
blanc. Pour préserver l’avenir, l’Assemblée fixe à sept ans la durée du
mandat de Mac-Mahon (loi du septennat). Le duc de Broglie est renversé le
16 mai 1874, et le rapprochement des républicains et des orléanistes permet
d’ouvrir des discussions sur les « lois constitutionnelles ». Votée de janvier
à juillet 1875, après quatre ans d’attente et un an de débats, la nouvelle
Constitution pourrait aussi bien convenir à une monarchie modérée. Le terme
de « république » n’apparaît, en effet, que dans la phrase : « Le président de
la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par
la Chambre des députés… » Et encore n’a-t-il été accepté le 30 mai
1875 qu’à une seule voix de majorité, dans un amendement du député Henri
Wallon qui se défend devant ses collègues d’avoir proclamé la république,
en ajoutant : « Si la monarchie est possible, si vous pouvez montrer qu’elle
est acceptable, proposez-la. »

16 mai 1877
La conquête de la république
par les républicains
Législatives 1877.

LES ÉLECTIONS DE 1876 donnent à la Chambre des députés une majorité


républicaine face à un Sénat et un président conservateurs. Le 16 mai 1877,
une épreuve de force s’engage entre Mac-Mahon et Jules Simon, chef du
gouvernement et républicain modéré, qui est contraint de démissionner. Mac-
Mahon dissout la Chambre, mais de nouvelles élections reconduisent une
majorité républicaine. Gambetta avait annoncé à l’intention du maréchal :
« Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se
soumettre ou se démettre. » Mac-Mahon finit par se soumettre en
reconnaissant que la république est parlementaire. Il démissionne finalement
le 30 janvier 1879. Jules Grévy, républicain modéré, est alors élu président
de la République. Celui-ci déclare en prenant ses fonctions : « Soumis avec
sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte
contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. »

« Cette manière de gouverner favorise la liberté que les Français


aiment tant. Mais elle rend aussi plus faciles les disputes et
les divisions qui sont leurs grands défauts depuis les Gaulois. »
Histoire de France, cours élémentaire (Ligel, 1955).

6 juillet 1880
Le 14 Juillet devient fête nationale
À LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE, il faut un hymne national et une fête
nationale. L’adoption de La Marseillaise le 14 février 1879 pose d’autant
moins de problèmes que ce chant national n’a jamais été officiellement
abrogé. Il n’en va pas de même pour la future fête nationale. Bien des
anniversaires sont proposés : le 20 juin (serment du Jeu de Paume), le
22 septembre (affirmation de la république) ou encore le 4 août (abolition
des privilèges). Benjamin Raspail, député de la Seine pour la gauche
républicaine, dépose un projet de loi le 21 mai 1880 qui propose le
14 juillet. Mais lequel ? Les débats font rage, car on ne saurait confondre la
prise de la Bastille de 1789 et la fête de la Fédération de 1790. 1790 n’a pas
été l’anniversaire de 1789. La gauche, Hugo en tête, tient pour 89, mais pas
la droite. Henri Martin, rapporteur de la loi, historien et académicien, tente
maladroitement de concilier les deux dates. On s’empoigne. La loi
promulguée le 6 juillet 1880 (et toujours en vigueur) ne résout pas le
problème en restant vague : « La République adopte le 14 Juillet comme jour
de fête nationale annuelle. »

« En vain, des ennemis de la République – on peut dire aujourd’hui


les ennemis de la France – essaient de bouder la joie universelle. »
Georges Clemenceau, à l’occasion de la première
fête nationale du 14 juillet 1880.

12 mai 1881
La France établit un protectorat en Tunisie
LA COLONISATION EUROPÉENNE SE DÉVELOPPE rapidement à partir
des années 1880. Ses ressorts sont essentiellement économiques tant pour
avoir libre accès aux matières premières que pour créer de nouveaux
marchés, mais ils sont aussi intellectuels et idéologiques (la « mission de
l’homme blanc »). Ils sont enfin politiques, dans une vision stratégique
désormais planétaire. En France, Gambetta et Jules Ferry, président du
Conseil depuis septembre 1880, sont les leaders de la politique coloniale.
Après l’Algérie, et avant l’Afrique et l’Indochine, la France intervient en
Tunisie en contraignant le bey de Tunis, le 12 mai 1881, à signer le traité du
Bardo par lequel il reconnaît le protectorat de la France. Une révolte qui
éclate le 18 juin et prend un caractère de guerre sainte est réprimée en
octobre par une seconde expédition. Clemenceau, député et chef de l’extrême
gauche, bientôt surnommé « le tombeur de ministères », interpelle Jules
Ferry en évoquant les pertes du corps expéditionnaire. Celui-ci doit
démissionner le 10 novembre 1881, mais il a obtenu, le 21 juillet, le vote de
crédits pour une expédition au Tonkin, sous prétexte de mettre fin à la
piraterie sur le fleuve Rouge, ouvert au commerce international depuis mars
1874.

2 octobre 1882
Première rentrée scolaire pour tous
« Il faut refouler l’ennemi, le cléricalisme,
et amener le laïque, le citoyen, le savant, le français,
dans nos établissements d’instruction, lui élever des écoles,
créer des professeurs, des maîtres. »
Léon Gambetta.

TOUR À TOUR PRÉSIDENT DU CONSEIL, ministre des Affaires


étrangères ou ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Jules
Ferry domine la vie politique de 1879 à 1885. En 1879, il appelle au poste
de directeur de l’enseignement primaire Ferdinand Buisson, lequel milite
depuis 1866 au sein de la Ligue française de l’enseignement pour une
instruction publique, gratuite, obligatoire et laïque. Les deux hommes
procèdent par étapes. Les années 1879 et 1880 sont celles de grandes
réformes qui préfigurent la laïcisation de la société. Pour la formation des
maîtres, la loi Paul Bert de 1879 impose la création d’une école normale de
garçons et de filles par département. Quant à la loi du 29 mars 1880, qui
dissout la Société de Jésus, elle a pour objectif l’interdiction d’enseigner aux
congrégations religieuses. Vient ensuite la première loi Ferry, celle du
16 juin 1881 pour la gratuité de l’enseignement primaire, condition préalable
à l’obligation scolaire imposée l’année suivante pour les enfants de 6 à
13 ans par la loi du 28 mars 1882. La première rentrée scolaire
véritablement nationale s’effectue le 2 octobre 1882. Sont ainsi scolarisés
5 341 000 enfants.

6 juillet 1885
Pasteur pratique la première vaccination
contre la rage
En 1886, à l’École normale supérieure, Louis Pasteur vaccine contre
la rage des enfants venus de Russie, accompagnés par le docteur Voïnoff.

LOUIS PASTEUR, né en 1822, incarne l’image du savant d’origine modeste,


fils de ses œuvres et à l’écoute des souffrances de ses semblables. Chimiste
et biologiste, ses travaux sont nombreux et féconds. Dans les années 1870,
ses recherches sur la fermentation bouleversent les interprétations de son
époque (notamment la théorie de la génération spontanée) et le conduisent à
mettre en évidence l’existence et le rôle d’organismes microscopiques, les
microbes, ainsi que leur action pathogène dans de nombreuses maladies des
animaux et de l’homme. Travailleur acharné, victime d’une attaque cérébrale
en 1868 qui le laisse hémiplégique, il n’en poursuit pas moins ses recherches
sur le charbon et la rage. Il démontre en juin 1882 l’efficacité du vaccin
lorsque vingt-cinq moutons atteints du charbon meurent tandis que vingt-cinq
autres préalablement vaccinés échappent à la maladie. L’heure de
l’expérimentation humaine survient le 6 juillet 1885 lorsqu’on lui amène un
jeune berger alsacien mordu par un chien enragé. Après bien des hésitations,
Pasteur traite l’enfant par des injections successives et le sauve. Le succès
de cette victoire sur la rage est immense tant cette maladie, se soldant par
une mort atroce, inspirait jusqu’alors la terreur. Une souscription nationale
permet l’ouverture trois ans plus tard de l’Institut Pasteur.

27 janvier 1889
Le général Boulanger refuse de marcher
sur l’Élysée
LA RÉPUBLIQUE, qui paraît désormais solidement installée, n’en connaît
pas moins des crises graves, comme celle du boulangisme. Ministre de la
Guerre depuis 1886, 49 ans, à la belle prestance, le général Boulanger
incarne l’esprit de revanche contre l’Allemagne. Le 14 juillet 1887 se
transforme en une manifestation boulangiste. Mis à la retraite anticipée en
mars 1888 en raison de son attitude belliqueuse vis-à-vis de l’Allemagne,
Boulanger est élu six fois député dans des circonscriptions différentes, tandis
que ses partisans lui demandent de « se lancer à l’assaut de la Bastille
parlementaire ». Resté profondément républicain, celui qu’on appelle « le
général Revanche », lors d’une grande manifestation à Paris le 27 janvier
1889 pour son élection comme député de la Seine, refuse de marcher sur
l’Élysée alors même que la police est disposée à laisser faire. Les
républicains ont eu très peur. Le ministre de l’Intérieur Constans fait courir
des bruits d’arrestation qui incitent Boulanger à s’enfuir à Bruxelles. La
cause boulangiste est perdue.

« C’en est fait du parlementarisme,


l’opportunisme est mort. Le peuple est saturé
des exploiteurs et des vendus. »
La Jeune Garde (26 août 1888).

1er mai 1891


1er mai sanglant à Fourmies
LE 1er MAI 1886 AUX ÉTATS-UNIS, les ouvriers obtiennent la journée de
huit heures, mais à Chicago la manifestation dégénère et cause plusieurs
morts. Pour leur rendre hommage, l’Internationale socialiste, qui vient d’être
fondée à Paris en juillet 1889, propose qu’à partir de 1890 le 1er mai
devienne la journée internationale des revendications ouvrières. Le premier
objectif à atteindre est la journée de huit heures, pour une semaine de
quarante-huit heures, le dimanche étant seul chômé. Le 30 avril 1891 à
Fourmies, petite ville du nord de la France, les patrons anticipent la
manifestation prévue par le Parti ouvrier français. Ils annoncent leur volonté
de ne rien céder, et demandent au maire la présence des forces de l’ordre. Le
1er mai au matin, les ouvriers portent leur pétition à la mairie. La marche est
pacifique, mais à la suite d’une échauffourée, le maire demande des renforts
à la préfecture. L’après-midi, trois cents soldats font face à quelques
centaines de manifestants qui scandent « C’est les huit heures qu’il nous
faut ! ». L’ordre est donné d’ouvrir le feu. En quelques secondes, neuf morts
(dont un enfant et sept adolescents) et au moins trente-cinq blessés gisent sur
le pavé. Ce tragique événement provoque la rupture entre le régime et les
socialistes, alors que la question sociale est en train de prendre une ampleur
internationale. Le 15 mai 1891, l’encyclique Rerum novarum pose les bases
d’un catholicisme social.

« Il y a quelque part, sur le pavé de Fourmies,


une tache innocente qu’il faut laver
à tout prix… »
Georges Clemenceau à la Chambre le 8 mai 1891.

10 septembre 1892
Le scandale de Panama
APRÈS LE SUCCÈS DE L’OUVERTURE DU CANAL DE SUEZ inauguré le
17 novembre 1869, Ferdinand de Lesseps, alors âgé de 84 ans, se voit
confier le projet de percement de l’isthme de Panama. Les difficultés
commencent aussitôt et il faut trouver de nouveaux fonds. Pour obtenir le
vote de la loi nécessaire au lancement d’un emprunt, Lesseps qui a fait appel
à un aventurier de la finance, le baron de Reinach, se concilie les faveurs de
la presse en versant des sommes à certains journaux, puis celles des députés
en distribuant des chèques à cent quatre d’entre eux. Lorsque la Compagnie
de Panama fait faillite, une commission d’enquête révèle les noms des
« chéquards », mais l’affaire est étouffée bien que la banqueroute pénalise
près de 800 000 souscripteurs. Le scandale éclate finalement le
10 septembre 1892 lorsque la justice s’en mêle. Reinach est retrouvé mort à
son domicile et Lesseps condamné à cinq ans de prison (sentence cassée par
la suite). Le personnel politique en place est discrédité, et l’affaire de
Panama apporte des arguments nouveaux à l’antisémitisme naissant du fait
que de nombreux financiers, à commencer par Reinach, étaient juifs.

4 janvier 1894
L’alliance franco-russe
ISOLÉES L’UNE ET L’AUTRE FACE À LA TRIPLICE, alliance entre
l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, la Russie et la France signent
une convention militaire d’assistance défensive le 18 août 1892, ratifiée non
sans réticences le 27 décembre 1893 par Alexandre III, qui se méfie des
républiques, et le 4 janvier 1894 par le gouvernement français. Déjà, en
décembre 1888, un premier emprunt russe garanti par l’État avait été lancé
en France avec succès, et beaucoup d’autres suivirent sans que
l’enthousiasme des épargnants français se refroidisse. « Prêter à la Russie,
c’est prêter à la France ! Aider la Russie, c’est aider la France ! » L’arrivée
au pouvoir du tsar Nicolas II en 1894 et son voyage triomphal en France en
1896 préludent à l’amitié franco-russe. Celle-ci culmine avec l’Exposition
universelle de 1900 à Paris, comme en témoigne encore aujourd’hui le pont
Alexandre-III.

24 juin 1894
Un anarchiste assassine le président Sadi
Carnot
APRÈS L’ÉCHEC DE LA COMMUNE, une partie de l’extrême gauche
s’engage dans l’action anarchiste violente, en révolte sauvage contre
l’injustice sociale et le pouvoir d’État. Ce mouvement, à l’exemple de celui
de la Russie, s’exprime alors dans la plupart des États européens et se
traduit en France par une vague d’attentats en 1892 et 1893. Plusieurs
bombes sont déposées par Ravachol. Arrêté, condamné à mort, il est
guillotiné le 11 juillet 1892. Martyr de la cause anarchiste, il suscite des
vocations. Le 9 décembre 1893, Auguste Vaillant lance une bombe à la
Chambre des députés. Il est guillotiné le 7 février 1894. C’est pour venger
Vaillant que l’ouvrier boulanger, italien, Caserio assassine le 24 juin Sadi
Carnot au motif que celui-ci a refusé sa grâce. Les appels à la violence
seront désormais réprimés sans que la distinction soit toujours faite entre
anarchistes et socialistes, au point que ces derniers dénonceront « les lois
scélérates ».
Carnet de la police française pour la surveillance des activistes
anarchistes.

28 décembre 1895
Le cinéma naît dans le Paris de la « Belle
Époque »
LE 28 DÉCEMBRE 1895, dans le salon indien du Grand Café à Paris,
trente-trois spectateurs assistent à la première représentation publique de
cinématographe, une invention des frères Louis et Auguste Lumière. L’écran
fait ses débuts avec L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat et Sortie des
employés des usines Lumière (à Lyon). Le Paris de la Belle Époque devient
la vitrine du progrès. Depuis 1890, la lumière électrique s’est substituée à
l’éclairage au gaz et, en 1892, les tramways électriques ont remplacé les
omnibus tirés par des chevaux. La « fée Électricité » est le clou de
l’Exposition universelle de 1900. À l’occasion des jeux Olympiques de
1900 qui se tiennent à Paris s’ouvre la première ligne du métropolitain, avec
un succès immédiat. Paris devient la capitale de l’Art nouveau, du théâtre,
des cabarets et des cafés-concerts, dont le plus célèbre est le Moulin-Rouge.

13 janvier 1898
« J’accuse » et l’affaire Dreyfus
EN 1894, un officier, le capitaine Dreyfus, est accusé d’avoir livré à
l’Allemagne des documents intéressant la Défense nationale. Or, Dreyfus est
juif et une grande partie de la presse fait campagne contre lui, notamment le
journaliste Édouard Drumont dont l’ouvrage antisémite, La France juive,
publié en 1886, a connu un grand succès. Jugé à huis clos, Dreyfus, malgré
ses protestations d’innocence, est condamné le 22 décembre 1894 à la
détention perpétuelle. Lorsqu’il apparaît que le vrai coupable est un officier
corrompu, le commandant Esterhazy, l’état-major refuse de rouvrir le
dossier. Le 13 janvier 1898, Émile Zola, alors au sommet de sa renommée
littéraire et converti aux idées socialistes, publie dans L’Aurore un article
retentissant : « J’accuse – Lettre au président de la République ». Dès lors,
les passions se déchaînent, coupant la France en deux. Les dreyfusards,
nombreux dans les milieux intellectuels et les mouvements de gauche,
réclament la révision du procès au nom des Droits de l’homme. Les
antidreyfusards, qui se recrutent surtout dans les milieux conservateurs,
cléricaux et monarchistes, s’y opposent au nom de la raison d’État et de
l’honneur de l’armée. La campagne antisémite fait rage, dénonçant le
« syndicat juif ». Ce qu’on appelle désormais « l’affaire » se prolonge
jusqu’en 1899, lorsqu’un conseil de guerre déclare de nouveau Dreyfus
coupable mais avec « circonstances atténuantes ». Le verdict de dix ans de
détention ne peut satisfaire l’opinion et le nouveau président de la
République, Émile Loubet, gracie immédiatement Dreyfus. Il faudra attendre
1906 pour une réhabilitation.

3 novembre 1898
Incident de Fachoda

Les membres de l’expédition Marchand avant le départ pour l’Afrique


en 1896. Au centre, le capitaine Marchand.
EN 1896, une mission de 150 hommes conduite par le capitaine Marchand
entreprend la traversée de l’Afrique d’ouest en est. Elle atteint la vallée du
haut Nil et plante le drapeau français dans le village soudanais de Fachoda,
le 10 juillet 1898. Peu après, une mission britannique de 2 000 hommes qui
remonte le Nil sous les ordres de lord Kitchener arrive à Fachoda et prie le
capitaine Marchand de se retirer. Celui-ci refuse et reçoit l’appui de son
gouvernement, mais doit finalement s’incliner le 3 novembre 1898 après
qu’un ultimatum britannique a été adressé à la France. L’opinion française
s’émeut et l’Angleterre fait de nouveau figure d’ennemie héréditaire. Un
accord, signé le 21 mars 1899, reconnaît la souveraineté anglaise sur la
totalité du bassin du Nil.

26 juin 1899
Waldeck-Rousseau et le Bloc des gauches
POUR FAIRE FACE AUX MENÉES FACTIEUSES qui menacent le régime,
Waldeck-Rousseau, un « républicain modéré mais pas modérément
républicain » selon sa propre expression, constitue le 23 juin 1899 un
« ministère de Défense républicaine ». Présenté à la Chambre le 26, il ne
recueille que 263 voix contre 237. Le Bloc des gauches qui s’incarne en
Waldeck-Rousseau rétablit vigoureusement l’ordre, en réprimant l’agitation
politique et la fronde dans l’armée. Pour maintenir la cohésion de la gauche,
très divisée sur la question sociale, il entreprend une politique anticléricale
en s’attaquant aux congrégations, qui jouent un rôle prépondérant dans
l’enseignement. Il fait voter le 1er juillet 1901 la loi sur les associations qui
soumet indirectement les congrégations à autorisation et à contrôle ultérieur.
Les catholiques protestent, soutenant à fond la droite lors des élections
législatives d’avril-mai 1902, mais la gauche l’emporte par 370 sièges
contre 220. Cet infléchissement à gauche provoque la démission de Waldeck-
Rousseau, d’ailleurs malade. Son ministère aura tenu deux ans et onze mois.
Il aura le record de la longévité de la IIIe République.

7 avril 1900
Première séance de l’académie Goncourt
« DEUX VIES, UNE ŒUVRE », résume le Lagarde et Michard à propos
des frères Goncourt. Edmond est né en 1822 et Jules en 1830. « Raconteurs
du passé » et notamment auteurs d’une monumentale histoire de l’art, ils
veulent aussi être des « raconteurs du présent » en composant des romans
réalistes reposant sur une documentation « d’après nature ». Ainsi, Sœur
Philomène (1861) est l’histoire d’une religieuse infirmière à l’hôpital de
Rouen, et Renée Mauperin (1864) une peinture de la nouvelle bourgeoisie.
Après la mort prématurée de Jules en 1870, Edmond poursuit la rédaction de
leur Journal qu’il commence à publier en 1887 au rythme d’un volume par
an jusqu’en 1896, l’année où il meurt. Par testament, il stipule que les droits
d’auteur des frères Goncourt et surtout le produit de la vente de leurs riches
collections seront consacrés au financement d’une société littéraire de dix
membres qui, lors d’un déjeuner annuel, décernera un prix littéraire
(exclusivement un roman). L’académie Goncourt tient sa première séance le
7 avril 1900 et le premier prix Goncourt, bien oublié aujourd’hui, est
décerné en 1903 à John-Antoine Nau pour Force ennemie.

4 mars 1902
Naissance du Parti socialiste français
APRÈS L’AMNISTIE DES COMMUNARDS EN 1880, le mouvement
socialiste aspire à s’unifier. Une structure unitaire, la Fédération des
travailleurs socialistes de France, avait été fondée en 1878, mais ses congrès
de 1880 et 1882 avaient été marqués au coin de la désunion. Pas moins de
cinq tendances s’opposent : les « possibilistes » qui, avec Paul Brousse,
prônent un socialisme réformiste, par étapes ; les « allemanistes », du nom
de leur leader Jean Allemane, partisans de la grève générale ; les
« guesdistes », du nom de leur chef Jules Guesde, qui ont fondé en 1880 le
Parti ouvrier français, parti révolutionnaire et marxiste qui se donne pour but
d’anéantir le capitalisme ; les « blanquistes » du Comité central socialiste
révolutionnaire, créé en 1881 et devenu en 1888 le Parti socialiste
révolutionnaire ; enfin, les « socialistes indépendants », très attachés à
l’unité d’esprit du socialisme, parmi lesquels se distinguent des
personnalités régulièrement élues à la Chambre : Alexandre Millerand, Jean
Jaurès. En 1902, tous ces mouvements se résument en une extrême gauche
révolutionnaire et une gauche réformiste. Au congrès de Tours, du 2 au
4 mars 1902, par fusion des socialistes indépendants, de la Fédération des
travailleurs socialistes et du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire de Jean
Allemane, est créé le Parti socialiste français où Jaurès fait figure de chef,
face au nouveau Parti socialiste de France, essentiellement composé de
guesdistes, opposés à toute participation gouvernementale.

8 avril 1904
L’Entente cordiale
L’HÉGÉMONIE POLITIQUE ET MILITAIRE de l’Allemagne sur le
continent, ses ambitions coloniales et son intention de se doter d’une grande
force navale inquiètent grandement l’Angleterre qui, pour sortir de son
« splendide isolement », se montre favorable à un rapprochement avec la
France. En 1903, l’avènement du francophile Édouard VII est l’occasion
d’inviter le président Émile Loubet à Londres, et d’envisager un
rapprochement entre les deux puissances dont les relations sont tendues
depuis l’épisode de Fachoda. Ces prémices officielles ouvrent des
négociations diplomatiques qui mènent à l’accord du 8 avril 1904. Les deux
gouvernements s’entendent pour résoudre à l’amiable des questions
conflictuelles récurrentes, comme le droit de pêche à Terre-Neuve ou leurs
zones d’influence au Siam. Une pleine liberté d’action est reconnue
réciproquement, en Égypte pour l’Angleterre et au Maroc pour la France. Il
ne s’agit pas d’une alliance, mais cette « Entente cordiale », célébrée par les
journaux, les affiches, les cartes postales, tourne une page dans les relations
franco-britanniques. Elle va d’ailleurs se renforcer dans les années
suivantes.

18 janvier 1905
L’affaire des fiches oblige Combes
à démissionner
ÉMILE COMBES, anticlérical virulent, qui succède à Waldeck-Rousseau,
applique de façon sectaire la loi de 1901. Il fait rejeter toutes les demandes
d’autorisation des congrégations, jusqu’à ce qu’une loi du 7 juillet 1904 leur
interdise l’enseignement. Des expulsions entraînent des troubles graves, en
Bretagne notamment où il faut envoyer la troupe. Des officiers catholiques
démissionnent. Waldeck-Rousseau lui-même reproche à Combes son
intransigeance. Les relations diplomatiques avec le Vatican sont rompues le
30 juillet 1904. Combes, tout en poursuivant sa politique anticléricale,
entreprend d’épurer l’administration et surtout l’armée, hostile au régime. Il
s’appuie sur les loges maçonniques pour un fichage en règle des officiers
(« Va à la messe », « A assisté à la première communion de son fils »…).
Révélé à la Chambre, le système des fiches provoque un épouvantable
scandale. À gauche comme à droite, on dénonce le « combisme ». Le
18 janvier 1905, Combes, soumis au vote de confiance de la Chambre,
obtient cependant 289 voix favorables contre 279. Il n’en remet pas moins sa
démission en déclarant que ces chiffres ne lui permettent pas de mener ses
réformes à bonne fin.

9 décembre 1905
La séparation de l’Église et de l’État
LA MAJORITÉ ESTIME désormais inévitable une séparation de l’Église et
de l’État, toujours unis par le Concordat de 1801. Après des débats longs et
difficiles, la loi est adoptée le 9 décembre 1905. Elle reconnaît la liberté de
conscience et de culte, mais, précise-t-elle, « la République ne reconnaît, ni
ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». C’est donc la fin du régime
concordataire. L’Église n’étant plus reconnue comme une « personne
morale », ses biens seront, selon la loi, dévolus à des « associations
cultuelles ». Quant au pape, il condamne par l’encyclique Vehementer nos du
11 février 1906 et le principe de la séparation et le système des
« associations cultuelles ». Celles-ci n’étant pas constituées, l’État confisque
les biens ecclésiastiques et les remet à l’Assistance publique. La nouvelle
loi ne concerne pas que le catholicisme, elle établit aussi un régime de
séparation entre l’État et les cultes calviniste et israélite.
« L’État n’est pas antireligieux, il est tout simplement areligieux. »
Aristide Briand, rapporteur de la loi.

Les inventaires des biens des églises furent parfois sources de graves
violences entre catholiques et représentants de la loi.
Sur cette photographie, les paroissiens d’Oust, en Ariège, se servent
d’ours pour protéger le curé et son église.
10 mars 1906
La catastrophe de Courrières
UN COUP DE POUSSIER provoque une terrible explosion, le 10 mars
1906, dans la fosse no 3 de la mine de charbon de Courrières, dans le Pas-
de-Calais. On va dénombrer 1 099 victimes. L’insuffisance du système de
sécurité, les recherches abandonnées au bout de trois jours alors que treize
rescapés sortent vivants de la mine le 30 mars, les très dures conditions de
travail de toute façon provoquent la colère des mineurs. Quarante mille sont
en grève le 16. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Georges Clemenceau,
promet de ne pas envoyer la troupe – ce qu’il doit faire finalement après que
la mairie de Lens a été prise d’assaut, en causant la mort d’un lieutenant. La
grève s’étend le 18 avril à tous les mineurs du Nord. Trente mille gendarmes
et soldats sont mobilisés, et les affrontements se multiplient.

« Du fond des fosses embrasées,


c’est une sommation de justice sociale
qui monte vers les délégués politiques de la nation. »
Jean Jaurès, Éditorial de L’Humanité, 11 mars 1906.

20 mai 1906
Victoire des radicaux
LE CONGRÈS DE L’INTERNATIONALE SOCIALISTE qui se tient à
Amsterdam en août 1904, après une joute passionnée entre Jean Jaurès et
Jules Guesde, décide que les socialistes doivent se consacrer à la lutte des
classes en refusant désormais toute participation au gouvernement. Chef de
file du réformisme, Jean Jaurès s’incline et, le 23 avril 1905, le Parti
socialiste français et le Parti socialiste de France se réunissent pour devenir
le Parti socialiste unifié, Section française de l’Internationale ouvrière
(SFIO) : « Il ne doit y avoir qu’un parti socialiste comme il n’y a qu’un
prolétariat. » Les députés socialistes quittent la délégation des gauches à la
Chambre, mais la solidarité des gauches joue encore aux élections
législatives qui se terminent le 20 mai 1906. La droite n’obtient que
175 sièges, contre 414, mais les radicaux sont les grands vainqueurs avec
245 sièges. À l’aile gauche des républicains, ils avaient créé en 1901 leur
propre parti : le Parti républicain radical et radical-socialiste. Clemenceau,
leur leader, est chargé par le président Fallières de former le gouvernement.

20 juillet 1909
La rupture du Bloc des gauches
DÈS SON ARRIVÉE AU GOUVERNEMENT, Georges Clemenceau a dû
continuer à faire face à l’agitation sociale. Ministre de l’Intérieur depuis
mars 1906, il avait dû affronter nombre de manifestations, dont celle, le
1er mai 1906, de 200 000 grévistes, la moitié à Paris. Clemenceau se
propose de réaliser des mesures radicales, telle la création d’un impôt sur le
revenu que le Sénat ne cesse de repousser. Il crée en octobre 1906 un
ministère du Travail, dont le premier titulaire est le socialiste Viviani. Une
loi du 10 juillet 1906 a institué le repos hebdomadaire obligatoire pour les
ouvriers et les employés et, un an plus tard, la journée de huit heures, que ne
cesse de réclamer la CGT (Confédération générale du travail), créée en
1895, est accordée aux mineurs. Cependant, Clemenceau, autoritaire et
farouche adversaire du désordre, fait figure de « briseur de grèves » et de
« premier flic de France ». En 1907, dans le Languedoc viticole, un régiment
de recrutement régional, le 17e d’infanterie se mutine. Une répression sans
faiblesse et l’arrestation de chefs syndicalistes provoquent l’hostilité des
socialistes. Jaurès et Clemenceau s’affrontent à la Chambre. Finalement, le
20 juillet 1909, Clemenceau est conduit à la démission. C’en est fini du Bloc
des gauches.

25 juillet 1909
Blériot traverse la Manche
DEPUIS LE « DÉCOLLAGE » DE L’ÉOLE DE CLÉMENT ADER en
1890 et le saut de puce des frères Wright en 1903, les fous volants n’ont
cessé de progresser. L’ingénieur Louis Blériot construit des prototypes, et
c’est en 1907 qu’il vole pour la première fois sur l’un de ses avions. Le
25 juillet 1909, après trente-deux échecs, il tente de nouveau la traversée de
la Manche sur son Blériot XI. Après trente-huit minutes de vol à une altitude
de cent mètres pour couvrir les quarante kilomètres qui séparent Calais de
Douvres, il se pose sur le sol anglais où l’attend une foule immense.
« L’Angleterre cesse d’être une île ! », titre The Observer. Le retentissement
de cet exploit est mondial.

« J’ai été profondément heureux de réaliser


le premier la traversée de la Manche en aéroplane,
et j’espère que ce nouveau mode de transport resserrera encore
les liens cordiaux qui unissaient déjà les deux pays. »
Autographe de Louis Blériot pour Le Petit Parisien,
25 juillet 1909.

1er juillet 1911


Le « coup d’Agadir »
Les colonies françaises en 1905.

LES AMBITIONS FRANÇAISES AU MAROC sont anciennes. Depuis


1898, la France, qui a entrepris la conquête du Sahara, entend déboucher sur
le Sud marocain. Rapidement vient l’idée d’un protectorat sur le Maroc, que
permettent l’Entente cordiale ainsi qu’une préparation diplomatique avec
l’Espagne et l’Italie. Reste l’Allemagne, dont l’empereur Guillaume II
effectue une visite à Tanger en mars 1905. Le sultan du Maroc en profite pour
proposer la réunion d’une conférence internationale que l’Allemagne, trop
heureuse de contrecarrer les projets français, accepte avec enthousiasme. En
1906, la conférence d’Algésiras reconnaît au Maroc son indépendance
politique et ne laisse que quelques avantages à la France, dont les ambitions
restent intactes. Dans les années qui suivent, les Français interviennent
plusieurs fois au Maroc, notamment au printemps 1911, à Fès, en révolte à
l’appel du sultan. Pour obliger la France à lui accorder une large
compensation – par exemple, le Congo français –, l’Allemagne envoie le
1er juillet 1911 devant Agadir, au sud du Maroc, la canonnière Panther.
Devant ce que la presse appelle le « coup d’Agadir », la France recule. La
crise ainsi créée resserre les liens entre Londres et Paris, et ne va d’ailleurs
pas empêcher l’établissement d’un protectorat français sur le Maroc l’année
suivante, après un accord avec l’Allemagne.

10 mai 1914
Les gauches se retrouvent contre
la loi de trois ans
LA CHUTE DE CLEMENCEAU ouvre un nouveau cycle d’instabilité
politique. Dix cabinets se succèdent de 1909 à 1914. L’agitation sociale
s’essouffle et les problèmes extérieurs passent au premier plan. L’opinion
publique a pris conscience du danger de guerre. Un renouveau nationaliste
voit le jour avec les progrès du journal royaliste L’Action française. Charles
Maurras, doctrinaire du « nationalisme intégral », crée en 1908 un service
d’ordre, « Les Camelots du roi », partisans de l’action violente. À l’inverse,
des campagnes pacifistes se développent dans les milieux socialistes. La
CGT envisage la grève générale en cas de mobilisation. En janvier 1913,
Raymond Poincaré est élu président de la République contre un candidat
radical et un candidat socialiste. La presse interprète ce succès comme la
« victoire de l’idée nationale ». L’Allemagne, qui a pris l’initiative d’une
course aux armements terrestres et navals, accroît ses effectifs militaires.
Poincaré répond aux souhaits de l’état-major en faisant adopter en août
1913 une loi qui porte le service militaire de deux à trois ans. Les gauches,
qui s’y opposent, refont alors leur union contre la « loi de trois ans » et
remportent les élections d’avril-mai 1914.

31 juillet 1914
Jean Jaurès est assassiné
LE 28 JUIN 1914 À SARAJEVO, un fanatique serbe assassine l’héritier du
trône d’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand. La Serbie n’est pour rien
dans cet attentat, mais Vienne y voit l’occasion d’intervenir dans ce pays qui,
avec l’appui de la Russie, apporte son soutien aux minorités slaves de la
Bosnie-Herzégovine qu’elle a annexée en 1909. Après concertation avec son
alliée l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie adresse un ultimatum à la Serbie le
23 juillet, persuadée que le conflit restera localisé. La Serbie accepte
l’ultimatum, sauf sur un point. Le 28 juillet, l’Autriche déclare la guerre à la
Serbie, ce qui provoque la mobilisation générale de la Russie. Par le jeu des
alliances, la guerre européenne paraît inéluctable. Jean Jaurès, défenseur
actif de la paix, fait voter à la SFIO la grève générale préventive contre la
guerre. Le 29 juillet, il ouvre les colonnes de son journal L’Humanité à la
CGT, qui tente de mobiliser le prolétariat européen en appelant à la grève
générale. Ce même jour, à Bruxelles, au bureau de la IIe Internationale,
Jaurès est aux côtés des socialistes allemands. Ensemble, ils exhortent tous
les ouvriers d’Europe à la grève. Jaurès lance à la une de L’Humanité du
31 juillet : « Sang-froid nécessaire ». Le soir même, alors qu’il dîne au café
du Croissant à Paris, le nationaliste Raoul Villain l’assassine d’un coup de
revolver.

« Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe […]


Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! »
Jean Jaurès, à Lyon, le 25 juillet 1914.
La Grande Guerre

3 août 1914
« C’est la guerre ! »

La foule se presse au passage des soldats pour acclamer les hommes


mobilisés qui montent au front.
PAR LE MÉCANISME DES ALLIANCES ET LA COURSE À LA
MOBILISATION PRÉVENTIVE, l’Europe se trouve plongée dans la guerre
en quelques jours. Deux systèmes d’alliances se font face : une Triple
Entente entre la France, la Russie et l’Angleterre, et une Triple Alliance
entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie (qui va se déclarer neutre
avant de rallier l’Entente). Cette « solidarité de la méfiance » a accéléré la
politique d’armement et habitué l’opinion publique à un climat de tension
internationale. L’Allemagne déclare la guerre à la Russie le 1er août puis à la
France le 3 août, sous prétexte d’incidents de frontière, après avoir espéré
que ce soit elle qui en prenne l’initiative. L’état-major allemand a pressé son
gouvernement pour mettre en application le plan Schlieffen qui vise à
emporter rapidement la décision en France par une manœuvre tournante
impliquant l’invasion de la Belgique, neutre. Une fois la guerre déclarée,
tous les partis se soudent autour de leurs gouvernements, y compris en
France, où l’« Union sacrée » voit deux socialistes entrer au gouvernement :
Jules Guesde et Marcel Sembat.

« La mobilisation n’est pas la guerre. Dans les circonstances présentes,


elle apparaît, au contraire, comme le meilleur moyen
d’assurer la paix dans l’honneur. »
Appel de Poincaré et de Viviani, président
du Conseil, à la nation française.

6-9 septembre 1914


Les Allemands sont arrêtés sur la Marne
La Marne.

CONFORMÉMENT AU PLAN SCHLIEFFEN, l’Allemagne viole la


neutralité de la Belgique et attaque la France par le nord. L’armée française,
qui attendait l’ennemi en Alsace et en Lorraine, perd la bataille des
frontières (du 8 au 24 août). Le commandant en chef, Joseph Joffre, ordonne
le repli des troupes vers le Bassin parisien. À la fin du mois d’août, les
Allemands, qui croient en l’imminence de leur victoire, manquent de
prudence. Ils prélèvent deux divisions qu’ils portent sur le front russe, et le
général von Kluck renonce à appliquer le plan Schlieffen. Au lieu de
contourner Paris par l’ouest pour encercler la capitale, il infléchit la marche
de l’armée allemande vers l’est afin de couper la retraite française. Averti
par les services de reconnaissance, le général Gallieni, gouverneur militaire
de Paris, comprend que les Allemands sont vulnérables sur leur flanc droit.
Il persuade Joffre de lancer une contre-offensive, pour laquelle il forme
rapidement la 6e armée, dont il confie la direction à Maunoury. Des renforts
sont mobilisés et acheminés de Paris par des taxis : 6 000 hommes de la
7e DI – c’est peu dans la bataille où près de 2 millions d’hommes s’opposent
sur un front de 300 kilomètres, mais beaucoup pour la propagande qui
s’empare aussitôt de l’épisode des « taxis de la Marne » Du 6 au
9 septembre, la bataille de la Marne fait rage, et c’est au prix
d’innombrables pertes que les soldats français stoppent la progression
allemande et sauvent Paris.

Novembre 1914
Les tranchées
L’ESPOIR D’UNE GUERRE DE MOUVEMENT s’effondre après l’échec
de l’offensive allemande sur la Marne. À partir du 13 septembre, la retraite
allemande s’arrête et le front se stabilise sur l’Aisne. À l’est de cette zone,
on creuse déjà des tranchées. Au nord-ouest, le front reste ouvert et les deux
armées tentent de se déborder dans une « course à la mer ». De nouvelles
armées sont jetées dans la bataille qui dure deux mois, marquée par de
violents combats à Ypres et sur l’Yser (première bataille de Flandre). À la
mi-novembre 1914, les armées, épuisées et qui ont subi de lourdes pertes,
restent face à face, de la Suisse à la mer du Nord sur une ligne de
750 kilomètres. Partout, on creuse des tranchées. Dix départements français
sont occupés.

25 novembre 1915
L’emprunt de la Victoire
AVEC LA GUERRE DE POSITIONS QUI S’INSTALLE disparaît l’espoir
d’une guerre courte. Chaque État belligérant mobilise toute sa production
pour l’effort de guerre. Le ministre des Finances, Alexandre Ribot, émet des
bons de la Défense en rentes perpétuelles à 5 % net d’impôts. « Que chacun
s’emploie selon ses ressources ; l’or remplace le sang. Nos fils aux armées,
notre or au pays ! » Un « emprunt de la Victoire », lancé le 25 novembre
1915, rapporte en quelques jours 15 milliards de francs. Toute la société
s’implique dans l’effort de guerre. Le 23 décembre 1914, la Chambre a voté
l’ajournement des élections jusqu’à la fin des hostilités. La presse est
censurée, tant sur les nouvelles de la guerre que sur les débats à la Chambre.
C’est pour protester contre la censure et la propagande qu’est fondé le
10 septembre 1915 Le Canard enchaîné.

« À cette heure, l’égoïsme n’est pas seulement une lâcheté,


une sorte de trahison, mais il est la pire des imprévoyances.
Que deviendraient ses réserves si la France ne devait pas
être victorieuse ? Elles seraient la rançon de la défaite
au lieu d’être le prix de la victoire. »
Alexandre Ribot, ministre des Finances.

2 décembre 1915
Joffre, commandant en chef
Le front occidental en 1915.

EN 1915, la pression allemande, qui se porte principalement sur le front


russe, se fait moins forte sur le front occidental. Les Alliés franco-
britanniques lancent trois offensives destinées à rompre le front adverse : en
Champagne (février), en Artois (le 19 mai) et de nouveau en Champagne (le
25 septembre). Immuablement, les attaques qui ont pu franchir les premières
lignes de tranchées échouent finalement devant les contre-attaques. Les gains
territoriaux sont minimes et hors de proportion avec les pertes. « Je les
grignote », proclame Joffre, d’abord chef d’état-major général avant d’être
nommé commandant en chef des armées françaises, le 2 décembre 1915. Ce
« grignotage » coûte à la France 348 000 morts entre mai et octobre 1915,
trois fois plus que dans le camp allemand.

8 et 9 janvier 1916
L’échec des Dardanelles
AU PRINTEMPS 1915, une expédition militaire franco-britannique force le
passage des Dardanelles et débarque dans la presqu’île de Gallipoli.
L’opération a pour dessein, en ouvrant un front d’Orient, d’affaiblir l’Empire
ottoman, considéré comme le maillon faible des puissances centrales, et de
provoquer par contrecoup l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés des Alliés.
La résistance de l’armée turque fait échouer l’intervention. Les Alliés ne
parviennent pas à progresser et, dans le courant de l’été, perdent un tiers de
leurs navires, sans compter les pertes humaines. Décidée à l’automne,
l’évacuation s’achève les 8 et 9 janvier 1916. Le bilan est très lourd chez les
Alliés : 180 000 tués au combat ou morts du typhus. Le premier lord de la
Mer Winston Churchill, qui est à l’origine de l’opération, est tenu pour
responsable de cet échec et doit quitter son gouvernement.

21 février 1916
Verdun
La bataille de Verdun.

APRÈS AVOIR ANÉANTI LA MOITIÉ DE L’ARMÉE RUSSE mais sans


être parvenus à une victoire définitive, les Allemands décident de faire
porter leur effort sur le front occidental au début de 1916. Leurs chefs ne
croient pas à la rupture du front et préconisent l’« usure ». La région fortifiée
de Verdun est choisie pour cible de cette grande offensive qui se déclenche
le 21 février au matin. En quelques heures, les défenses françaises sont
écrasées par l’artillerie ennemie. Plus d’un millier de canons pilonnent les
positions pour préparer les vagues d’assaut où, pour la première fois, les
Allemands utilisent des lance-flammes. C’est un déluge de fer et de feu qui
doit « saigner à blanc l’armée française ». Le fort de Douaumont tombe le
25 février après une héroïque résistance. Joffre confie le commandement de
la bataille au général Pétain, qui organise par la « voie sacrée » la logistique
et la rotation des unités (66 des 95 divisions de l’armée française vont
combattre à Verdun). Pendant dix mois, la bataille fait rage. Les contre-
offensives françaises ramènent progressivement les ennemis à leur ligne de
départ. En décembre, 515 000 soldats ont été tués à Verdun. Les Allemands,
à l’opposé de leur calcul, en comptent presque autant que les Français :
240 000 pour 275 000.

« Avant de rallier les chasseurs, j’ai rattrapé encore trois fantassins


allemands isolés. Et à chacun, courant derrière lui,
j’ai tiré une balle de revolver dans la tête ou dans le dos.
Ils se sont effondrés avec le même cri étranglé. »
Maurice Genevoix (Sous Verdun).

1er juillet 1916


La vaine bataille de la Somme
DÈS AVANT VERDUN, Joffre et Haig, le chef de l’armée britannique forte
de 70 divisions, avaient décidé de lancer une vaste offensive dans la région
de la Somme. Verdun ne les détourne pas de ce plan et, dans une certaine
mesure, l’offensive de la Somme fera diversion. Toutefois, faute d’effectifs,
le front envisagé de 70 kilomètres est ramené à 30 kilomètres. Le 1er juillet
1916, après sept jours de préparation d’artillerie, 26 divisions britanniques
attaquent au nord de la Somme et 14 divisions françaises au sud. Sur le front
français, la percée semble devoir réussir, et sur le front britannique, le
16 septembre, les « tanks » font leur première apparition. Cependant, les
Allemands réagissent, rejouant à l’inverse le scénario de Verdun. La bataille
s’achève le 18 novembre. La formation d’une poche d’une cinquantaine de
kilomètres de large et de cinq à dix kilomètres de profondeur n’est qu’un
maigre résultat au regard des pertes (tués, blessés, disparus, prisonniers) :
450 000 Allemands, mais 420 000 Britanniques et 200 000 Français. En cinq
mois et demi, c’est la bataille la plus meurtrière de la Grande Guerre.

Fin novembre 1916


Le Feu de Henri Barbusse
HENRI BARBUSSE, 41 ans en 1914, s’est engagé à la déclaration de
guerre. Fantassin puis brancardier, il publie, d’abord en feuilleton à partir du
3 août 1916 dans le quotidien L’Œuvre puis en novembre aux éditions
Flammarion, Le Feu. Journal d’une escouade. Il y raconte sans fard la vie
d’une escouade sur le front. Pour la première fois mais non la dernière,
l’horreur des combats apparaît dans toute sa crudité – une guerre « aussi
hideuse au moral qu’au physique », effarouchant les âmes quelque peu
hypocrites de « l’arrière ». L’Action française stigmatise « une œuvre
immorale et fausse ». Cela n’empêche pas Le Feu d’être couronné par le prix
Goncourt et de connaître un immense succès.

26 décembre 1916
Joffre est écarté du haut commandement
À LA FIN DE 1916, Joseph Joffre a 65 ans. D’abord auréolé de la victoire
de la Marne, il est de plus en plus critiqué après la Somme, à la fois par les
généraux et par les parlementaires qui lui reprochent notamment son manque
de dialogue. Cependant, il est très populaire et Poincaré décide de
« l’embaumer sous les fleurs » en le faisant maréchal de France, le premier
depuis le début de la IIIe République. Il est remplacé le 26 décembre
1916 par le général Robert Nivelle, un artilleur, un chef réputé imaginatif et
capable d’emporter la décision. En avril, il a succédé à Pétain dans la
charge de défendre Verdun. À la différence de Joffre qui, depuis Verdun et la
Somme, estime qu’il est impossible de rompre le front, Nivelle se déclare,
au contraire, convaincu de pouvoir opérer la rupture tant attendue. Il a pu
gagner à ses vues le président du Conseil, Aristide Briand.

« On voit chaque nation dont le bord est rongé de massacres,


qui s’arrache sans cesse du cœur de nouveaux soldats
pleins de force et pleins de sang ;
on suit des yeux ces affluents vivants d’un fleuve de mort. »
Le Feu.

6 avril 1917
Les États-Unis entrent en guerre

Débarqués en Europe par les grands ports de la façade atlantique,


Bordeaux, Brest, Saint-Nazaire, les « Sammies » apportent l’espoir d’en
finir avec la guerre.

APRÈS L’ÉCHEC DE VERDUN, le haut commandement allemand décide de


mener la « guerre sous-marine à outrance » afin d’obliger l’Angleterre, ainsi
privée de son ravitaillement, à capituler. Les cargos neutres ne seront pas
épargnés. À l’élection présidentielle de novembre 1914, le président
américain Woodrow Wilson a été réélu après avoir fait campagne pour la
paix, mais il est aussi le défenseur farouche de la « liberté des mers ».
Depuis 1914, le commerce américain avec Londres et Paris a quadruplé. Le
3 février, Wilson annonce au Congrès la rupture des relations diplomatiques
avec Berlin, espérant que les Allemands vont s’abstenir de couler des
navires américains. Il n’en est rien. Des cargos américains sont coulés les
12 et 19 mars. L’opinion publique américaine, jusqu’alors isolationniste, se
retourne après la révélation par l’Intelligence Service britannique d’un
télégramme « Zimmermann » par lequel l’Allemagne propose une alliance au
Mexique au cas où les États-Unis entreraient en guerre, en échange de quoi
ce pays retrouverait ses provinces perdues en 1848 (Californie, Nouveau-
Mexique, Arizona…). Le 6 avril, le Congrès vote la guerre. Pour la première
fois, les États-Unis interviennent en dehors du continent américain.

« J’attends les Américains et les chars. »


Pétain.

16 avril 1917
Le Chemin des Dames
COMME IL L’A PROMIS AU GOUVERNEMENT, Nivelle prépare au
printemps 1917 sa grande offensive. Elle est poussée jusqu’au moindre
détail avec des instructions données à toutes les unités. Le haut
commandement allemand ne tarde pas à en être informé. La révolution qui
vient d’éclater en Russie l’incitant par ailleurs à conclure le plus rapidement
à l’est, il veut gagner du temps et économiser ses forces à l’ouest. Ainsi
prend-il la décision de reculer sur un front de 100 kilomètres et une
profondeur de 40 kilomètres, non sans s’établir sur de solides positions
défensives. Nivelle en déduit hâtivement que « l’ennemi bat en retraite ». Il
croit même pouvoir renouer avec la guerre de mouvement. Le 9 avril, les
Britanniques attaquent entre Arras et Lens, et les Canadiens s’illustrent sur la
crête de Vimy entre le 9 et le 12. Quatre jours plus tard, à 6 heures du matin,
malgré la pluie, c’est au tour des Français de se lancer à l’assaut du Chemin
des Dames, un plateau situé entre l’Aisne et l’Ailette. L’offensive est aussitôt
brisée. Le soir du 16, les Français n’ont pu progresser que de 500 mètres.
Les « tanks », dont on espérait beaucoup, sont détruits à 50 %. Pourtant,
Nivelle s’obstine et va lancer de nouvelles offensives jusqu’au 9 mai. Les
pertes sont catastrophiques. Nivelle est relevé de son commandement le 15,
Pétain nommé commandant en chef et Foch, chef d’état-major général.

1er juin 1917


Des « mutineries » dans l’armée française
« Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu à toutes les femmes !
C’est bien fini, pour toujours
De cette guerre infâme. »
Chanson de Craonne.

LA TRAGÉDIE DU CHEMIN DES DAMES a entraîné un abaissement du


moral dans la troupe, déjà lasse de tant de sacrifices et de souffrances. Les
premières « mutineries » éclatent le 4 mai. Ce que les cours martiales vont
qualifier ainsi consiste en des refus de sortir des tranchées pour monter à
l’assaut. Les lignes restent tenues. À l’arrière, on crie « À bas la guerre ! »
et, plus rarement, on chante L’Internationale. Il n’y a ni plan concerté ni
meneurs. Ces mutineries culminent le 1er juin 1917 lorsque 2 000 soldats de
la 41e DI refusent de retourner au front. En fait, ces incidents limités ne
durent que trois semaines. Pétain réagit avec fermeté, envoyant 3 500 mutins
devant les conseils de guerre. En dépit d’une légende bien ancrée, ceux-ci ne
fusillent pas à tour de bras. Certes, 554 peines de mort sont prononcées, mais
« seulement » 49 exécutées. Pétain entreprend en même temps de calmer la
troupe en suspendant les attaques, en multipliant les permissions, en
améliorant l’ordinaire et les périodes de repos.

28 juillet 1917
Guynemer et l’escadrille des Cigognes
Le 8 février 1917, Georges Guynemer abat un bombardier lourd allemand.
C’est une première pour les Alliés.
Le 19 février, les généraux Foch, Gérard, Guillaumat et Lyautey sont
sur le terrain d’aviation pour féliciter « l’As des As ».

GEORGES GUYNEMER A 20 ANS lorsqu’il veut s’engager en 1914 pour


la durée de la guerre. Les médecins militaires, qui le trouvent trop frêle, le
déclarent inapte, mais il s’obstine. Il veut être « pilote d’avion », comme on
dit alors. D’abord élève mécanicien, il ne devient pilote qu’au début de
1915. L’aviation de guerre en est à ses débuts. Après avoir été employée
pour l’observation, elle commence à combattre dans le ciel de Verdun, face à
un adversaire qui a d’abord la maîtrise du ciel. Guynemer est affecté en juin
1915 à l’escadrille qui va se rendre célèbre sous le nom de « l’escadrille
des Cigognes » (en fait, quatre escadrilles qui forment le groupe de combat
12). Guynemer remporte sa première victoire le 19 juillet. Il est décoré de la
médaille militaire avec cette citation : « Pilote plein d’entrain et d’audace,
volontaire pour les missions les plus périlleuses ». Le 29 janvier 1917, celui
qui est devenu depuis longtemps un « as » (au moins cinq victoires
homologuées) abat son trentième avion ennemi. Le 28 juillet de la même
année, il reçoit le commandement de l’escadrille des Cigognes. Toujours à
bord de son Spad, le biplan de chasse le plus rapide de son époque, qu’il
surnomme « Le vieux Charles », il totalisait 53 victoires lorsque, le
11 septembre 1917, il est abattu à son tour.

« Après toutes ces décorations,


il ne me manque plus que la croix de bois ! »
Guynemer.

16 novembre 1917
Clemenceau « fait la guerre »
DEPUIS LE DÉBUT DE LA GUERRE, dans son journal L’Homme enchaîné
(ce nom pour protester contre la censure) et au Sénat où il préside la
commission de l’Armée, Georges Clemenceau ne cesse de fustiger le
défaitisme, l’antimilitarisme, le pacifisme, la médiocrité des généraux et
l’incapacité du gouvernement. Il se rend souvent au front, où il est populaire.
Suite à la chute du gouvernement Painlevé, le 13 novembre 1917, à laquelle
il n’est pas totalement étranger, Poincaré lui demande, le 16 novembre, de
constituer un nouveau gouvernement. Le 20, il annonce à la Chambre son
programme : « Nous nous présentons devant vous dans l’unique pensée d’une
guerre intégrale […]. Ma formule est la même partout : politique intérieure,
je fais la guerre. » Il ajoute qu’il ne tolérera pas les campagnes pacifistes :
« Ni trahison ni demi-trahison, la guerre ! » On l’acclame et seuls les
socialistes lui refusent le vote de confiance.

« Il était temps qu’une impulsion fût donnée


à la France ; l’élan de 1914 ne pouvait
se soutenir tout seul. »
Jacques Bainville.

9 janvier 1918
Les quatorze points de Wilson
AUX BOLCHEVIQUES qui ont proclamé le principe d’une paix sans
annexion ni indemnité, Wilson entend opposer ses propres buts de guerre, en
s’appuyant sur les sentiments démocratiques des peuples du monde contre les
gouvernements avides de remaniements territoriaux et en prônant une
« diplomatie nouvelle » contre celle, secrète et impérialiste, qui a conduit au
présent conflit. Il soumet au Congrès le 9 janvier 1918 un programme de paix
en quatorze points : condamnation de la « diplomatie secrète », désarmement
général et contrôlé, réduction des armements, effort pour préserver les
intérêts des populations colonisées, abaissement des barrières douanières,
liberté des mers, principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le
dernier point préconise la création d’une Société des Nations, clé de voûte
du système et de la pensée de Wilson.

21 mars 1918
Les Allemands reprennent l’offensive
Mars 1918, région de Saint-Quentin. Soldats anglais faits prisonniers
par les Allemands.

DEMANDÉ PAR LES BOLCHEVIQUES EN PLEINE RÉVOLUTION,


l’armistice du 15 décembre 1917 qui prélude à la paix de Brest-Litovsk met
fin à la guerre à l’Est. Le général Ludendorff, qui dirige les opérations aux
côtés de von Hindenburg, chef du grand état-major allemand, entend en
profiter pour porter un coup décisif sur le front occidental, après qu’il aura
transféré ses divisions de l’Est. Il doit faire vite pour devancer l’arrivée des
troupes américaines. Le 21 mars 1918, 65 divisions attaquent à la jonction
entre les fronts français et anglais dans la région de Saint-Quentin.
Ludendorff a fait marcher ses troupes et son artillerie la nuit, la dissimulant
le jour à l’observation aérienne. Il a réduit au minimum la préparation
d’artillerie et innové en laissant à ses unités d’assaut, suréquipées, une
autonomie de progression affranchie des ordres de l’arrière. La surprise
escomptée est totale. Le front anglais, au sud de la Somme, est enfoncé. Le
soir du 21 mars, la XVIIIe armée allemande a avancé de six kilomètres. Les
Anglais sont refoulés sur Amiens et risquent de se retrouver coupés de
l’armée française.

26 mars 1918
Foch, généralissime
LES 24 ET 25 MARS 1918, la percée de Saint-Quentin se poursuit. L’armée
allemande a avancé de 60 kilomètres, et Pétain donne l’ordre à ses troupes
de défendre Paris que des canons à longue portée ont commencé à
bombarder, tandis que le général britannique Douglas Haig enjoint aux
siennes de « couvrir les ports du Pas-de-Calais ». Le pessimisme est général
chez les Alliés. Plus que jamais, la dualité du commandement apparaît
comme un danger mortel. Clemenceau qui, le 8 mars, a obtenu le droit de
gouverner par décret et a convaincu son homologue britannique Lloyd
George de la nécessité d’un commandement unique, a vu Pétain à Compiègne
le 23. Celui-ci lui a paru défaitiste et, lors de la conférence franco-
britannique de Doullens qu’il réunit le 26 mars, il lui préfère Foch, qui
impressionne les délégués par son énergie et qui est investi du titre de
« commandant en chef des armées alliées ». Foch donne les ordres
nécessaires pour colmater la brèche avec toutes les forces disponibles. Les
chars, cette fois, sont employés avec succès. Le 30 mars, à Villers-
Bretonneux, à 25 kilomètres d’Amiens, les Allemands sont stoppés.

27-30 mai 1918


Les Allemands de nouveau sur la Marne
APRÈS L’ÉCHEC DE MARS, Ludendorff ne veut pas perdre de temps et
entreprend de frapper ailleurs. Après une attaque limitée à Armentières le
9 avril 1918, il lance, le 27 mai, 30 divisions face à 7 divisions alliées
contre la position du Chemin des Dames. Dès le premier jour, les Allemands
avancent de vingt kilomètres. Le 30 mai, ils parviennent à la Marne, et
s’emparent de Château-Thierry le lendemain. Ils ont fait 60 000 prisonniers,
progressé de soixante kilomètres et menacent de nouveau Paris. L’arrière va-
t-il faiblir ? En France et en Angleterre, l’opinion publique s’agite. De
grandes grèves ont éclaté entre le 13 et le 23 mai dans les usines
d’armement. Clemenceau est interpellé par la Chambre le 4 juin, mais il lui
oppose son inébranlable confiance : « Ne céder à aucun moment. » Du 9 au
13 juin, une contre-offensive bloque la progression allemande, de toute façon
à bout de souffle. C’est au tour de l’Allemagne de douter.

15-18 juillet 1918


Le chant du cygne de l’armée du Kaiser
LUDENDORFF n’a pas dit son dernier mot. Il lance encore une offensive de
trois armées le 15 juillet 1918 en Champagne, entre Reims et l’Argonne.
Mais cette fois le commandement français l’attend. La première ligne a été
évacuée et les batteries françaises sont prêtes à contrebattre celles des
Allemands. Les divisions allemandes qui partent à l’assaut avancent de cinq
kilomètres le premier jour, mais le 18 juillet, elles subissent de flanc la
contre-attaque de la 10e armée (Mangin) autour de Villers-Cotterêts.
Dangereusement engagées au sud de la Marne, elles courent le risque d’être
encerclées. Ludendorff donne l’ordre du repli, évitant de justesse le désastre.
Le 8 août, une contre-offensive franco-britannique se développe en Picardie.
Appuyés par les chars Renault, qui sont pour la première fois utilisés
massivement, les Alliés opèrent un bond de quinze kilomètres le premier
jour. Ludendorff écrira que « ce fut un jour de deuil pour l’armée
allemande ». Le 13, les Allemands sont refoulés sur leurs positions de 1916.
Le 6 août, Ferdinand Foch a été promu maréchal de France.

3 septembre 1918
Foch lance l’offensive générale
Le front occidental de juillet à novembre 1918.

LES ATTAQUES DE DÉGAGEMENT ayant réussi au-delà des espérances,


Foch, malgré l’avis de Pétain et de Haig, donne l’ordre d’offensive générale
dans sa directive du 3 septembre 1918. Les 27 et 28 septembre, les
offensives se déploient au nord en Flandre sous la direction du roi des
Belges, au centre de Cambrai à Reims avec les Franco-Britanniques, et à
l’est, de Reims à l’Argonne, avec les Franco-Américains. Partout, l’armée
allemande recule. Seize de ses divisions sont dissoutes. Lille, qui était
occupé depuis 1914, est libéré le 17 octobre par les Britanniques. Au début
de novembre, l’armée allemande n’occupe plus qu’un lambeau de territoire
français. Le haut commandement allemand veut sauver son armée en déroute
et devancer l’invasion de son pays par les Alliés. Le nouveau chancelier
allemand, Max de Bade, a commencé des négociations pour l’armistice le
3 octobre par l’intermédiaire de la Suisse en s’adressant au président
américain, qui a déclaré au Congrès, en janvier, qu’il ne voulait pas d’une
« paix de vengeance ». Wilson répond toutefois le 13 octobre que « la paix
ne pourra pas être négociée avec ceux qui ont été jusque-là les maîtres de
l’Allemagne ». Ludendorff démissionne avec fracas en laissant ainsi aux
civils les difficiles négociations de l’armistice.

11 novembre 1918
L’armistice est signé à Rethondes
DEVANT LA MENACE DE DÉSINTÉGRATION DE L’ALLEMAGNE,
l’empereur Guillaume II se résout à abdiquer le 9 novembre 1918. Le leader
socialiste Ebert devient le chancelier d’une république proclamée le même
jour. Le 11 novembre, à 6 heures du matin, une délégation allemande est
accueillie dans la clairière de Rethondes (forêt de Compiègne) dans le
wagon de Foch. L’armistice est signé avec une suspension des hostilités à
11 heures. Tandis que dans toute la France en liesse on crie à la victoire, les
troupes allemandes rentrées du front défilent dans Berlin, devant Ebert qui
salue « ces soldats qui reviennent invaincus d’un combat glorieux ».
L’armistice n’est pas la capitulation. Outre l’évacuation par les armées
allemandes et la livraison de matériel de guerre, Clemenceau, après bien des
difficultés, a fait introduire une « réparation des dommages » dans les
clauses d’armistice. Sans tenir compte des dévastations sur le sol français,
les Britanniques et les Américains jugent cette demande sévère et sont déjà
obsédés par la perspective d’une « paix de châtiment ».

« Bientôt une autre campagne fut entreprise


pour démontrer que nous avions commis
une faute impardonnable
en acceptant l’armistice au lieu d’aller
le faire signer à Berlin. »
Clemenceau (Grandeurs et misères d’une victoire,
1929).
L’entre-deux-guerres

18 janvier 1919
La conférence de la Paix
LA GRANDE GUERRE a tué 1 393 000 Français, 740 000 Britanniques,
460 000 Italiens, 1 700 000 Allemands, sans compter les millions de mutilés,
d’aveugles et d’invalides de guerre. La France ayant été au cœur de la
guerre, c’est à Paris que s’ouvre, le 18 janvier 1919, la conférence de la
Paix. Elle réunit les représentants de vingt-sept États, à l’exclusion de la
Russie en pleine guerre civile et des États vaincus. Les négociations sont
menées de fait par Clemenceau, Lloyd George, Orlando (pour l’Italie) et
Wilson. « Sans la rive gauche du Rhin, prophétise Foch, ce n’est pas la paix,
c’est un armistice de vingt ans. » Les Américains et les Britanniques, qui se
disposent à rentrer chez eux, ne comprennent pas l’inquiétude des Français,
dès lors jugés « militaristes ». Faute d’une frontière militaire sur le Rhin, la
France se voit promettre un traité d’alliance par lequel l’Angleterre et les
États-Unis interviendront immédiatement en cas d’une nouvelle agression
allemande. Clemenceau doit s’incliner. Il était prévu qu’en cas de refus par
l’Allemagne du projet de traité, Foch relancerait l’offensive le 23 juin.
Après avoir envisagé la reprise des combats, l’Allemagne accepte
finalement de signer.

« D’une guerre faite à plusieurs, sortait aussi


une paix faite à plusieurs […] une paix qui
remettait beaucoup de questions à plus tard. »
Jacques Bainville.

28 juin 1919
Le traité de Versailles
LA SIGNATURE DU TRAITÉ DE VERSAILLES a lieu le 28 juin 1919 dans
la galerie des Glaces au château de Versailles, comme l’a expressément
exigé Clemenceau pour effacer l’humiliation de 1871. L’Allemagne perd
1/7 de son territoire et 1/10 de sa population. Son armée est réduite à
100 000 hommes, sans aviation, sans artillerie lourde et sans chars. Elle doit
livrer une partie de sa flotte militaire et civile, et ne pourra pas fabriquer de
matériel de guerre. À défaut d’être séparée de l’Allemagne, la Rhénanie est
démilitarisée, ainsi qu’une bande de cinquante kilomètres sur la rive droite
du Rhin avec occupation par les troupes alliées pour quinze ans. L’Alsace-
Lorraine retourne à la France sans plébiscite. L’Allemagne doit livrer ses
colonies sous forme de mandats aux États vainqueurs. Elle devra payer
20 milliards de marks-or de réparations avant le 1er mai 1921, reconnaissant
ainsi sa responsabilité dans la guerre. Une Société des Nations, pivot de la
pensée de Wilson, est créée, mais ni les vaincus ni la Russie bolchevique
n’en sont membres. La Sarre relèvera de cette SDN avec exploitation de ses
riches mines de charbon par la France jusqu’à un plébiscite fixé à 1934. Le
« diktat » de Versailles vient de naître dans la psychologie collective
allemande. La ratification du traité en France par la Chambre oppose pendant
cinq semaines une droite trouvant le traité trop doux et ne garantissant pas la
sécurité de la nation à une gauche le jugeant trop dur. À quoi Clemenceau
répond : « Ce traité si complexe vaudra pour ce que vous voudrez vous-
mêmes. Il sera ce que vous le ferez. »

« Les chirurgiens de Versailles ont recousu


le ventre de l’Europe sans avoir vidé l’abcès […]
Le traité de Versailles organise la guerre éternelle. »
Jacques Bainville.
Thomas Woodrow Wilson, Georges Clemenceau et David Lloyd George
sont au centre de cette peinture de William Orpen, représentant
la signature du traité de paix dans la galerie des Glaces du château
de Versailles.
Londres, Imperial War Museum.

16 novembre 1919
La « Chambre bleu horizon »
LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DE NOVEMBRE 1919 se déroulent sur
le thème de l’Union sacrée. Un « Bloc national » qui réunit le centre et la
droite a été constitué le mois précédent. Il se veut la prolongation de l’Union
sacrée de 1914, mais récuse Clemenceau pour n’avoir pas associé le
Parlement aux négociations de paix. Le parlementarisme reprend ses
habitudes et ses droits. Le 16 novembre, le Bloc national remporte les
élections. La crainte de la contagion révolutionnaire et les divisions de la
gauche ont servi la droite. La nouvelle majorité est nationaliste et
conservatrice. Les députés élus étant presque tous des anciens combattants,
on donne à la nouvelle Assemblée, qui compte par ailleurs 59 % de
nouveaux élus, le nom de « Chambre bleu horizon ». Une politique de rigueur
conduite par le nouveau président du Conseil, Alexandre Millerand, ancien
socialiste, est adoptée tant en politique extérieure vis-à-vis de l’Allemagne
qu’en politique intérieure.

25-30 décembre 1920


Au congrès de Tours, les deux gauches
MALGRÉ LEURS RÉSOLUTIONS DE PAIX À LA VEILLE DE LA
GUERRE, le Parti socialiste et la CGT s’étaient ralliés à l’Union sacrée. La
paix revenue, la défaite électorale de 1919 et les échecs syndicaux qui
suivent achèvent de désorienter la gauche. Faut-il chercher des réponses du
côté de la Russie révolutionnaire ? Faut-il ou non adhérer à l’Internationale
communiste (Komintern) fondée par Lénine en mars 1919 et créer ainsi un
nouveau type de parti révolutionnaire ? Tel est l’enjeu du congrès du Parti
socialiste qui se tient à Tours du 25 au 30 décembre 1920. Le 25 décembre
1920, à une forte majorité, le congrès décide l’adhésion à l’Internationale
communiste, plus par volonté de trouver des voies nouvelles que par stricte
idéologie. La scission qui s’ensuit aboutit à la création de deux nouveaux
partis : la Section française de l’Internationale communiste, ou Parti
communiste, et la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), ou
Parti socialiste.

11 novembre 1922
Le 11 novembre, fête nationale
LA LOI DU 25 OCTOBRE 1919 prévoit l’érection d’un monument national
commémoratif et invite les communes à organiser chaque année, le
11 novembre, une cérémonie à la mémoire des héros morts pour la patrie.
Une loi de finances accordant des subventions aux communes va donner lieu
à l’élévation de 30 000 monuments aux morts entre 1920 et 1925. Le Soldat
inconnu, représentant anonyme des poilus morts pour la France, est inhumé
en janvier 1921 sous l’Arc de Triomphe. Le 9 novembre 1921, le Parlement
adopte une loi qui autorise la célébration d’une fête de la victoire et de la
paix. Le hasard du calendrier veut que cette année-là, le 11 novembre soit un
vendredi, donc un jour travaillé. Sous la pression des associations d’anciens
combattants indignées, le Parlement adopte la loi du 24 octobre 1922 qui
établit qu’une commémoration de la victoire et de la paix sera célébrée
chaque année le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice, et que ce jour
sera férié. Ce jour marque pour la plupart des anciens combattants plus le
deuil que la victoire. La Grande Guerre, de par l’ampleur des sacrifices
consentis, doit être la dernière, la « der des ders ».

« Devant la cérémonie guerrière, s’en aller.


Si l’on est tenu de rester, penser aux morts, compter les morts.
Penser aux aveugles de guerre, cela rafraîchit les passions. »
Alain.
En présence du maréchal Foch, le Soldat inconnu est inhumé sous l’Arc
de Triomphe le 28 janvier 1921.

Janvier 1923
L’occupation de la Ruhr
LA QUESTION DES PAIEMENTS empoisonne la vie politique dès lors
qu’il apparaît que l’Allemagne n’a pas l’intention d’honorer cette clause du
traité de Versailles, ne cessant d’obtenir délais, révisions et allongement des
annuités. Des livraisons prévues de bois et de charbon ne sont pas
respectées. Tandis que la population allemande est persuadée qu’on veut la
ruiner et l’affamer, les Français, obsédés par les « réparations »,
contraignent leurs gouvernements à une politique de fermeté. Le 12 juillet
1922, le gouvernement allemand demande un moratoire de ses dettes. La
France accepte à condition de prendre des gages, mais l’Angleterre s’y
refuse, avec le souci de rendre à l’Allemagne sa place dans l’économie
européenne. Enhardie par ces divergences entre Alliés, l’Allemagne
demande alors un nouveau moratoire. Cette fois, c’en est trop. La France, en
accord avec la Belgique, décide d’occuper la Ruhr en janvier 1923. « Nous
allons chercher du charbon, et voilà tout », déclare Poincaré qui, après la
présidence de la République, a repris la politique en devenant président du
Conseil en janvier 1922. L’Allemagne réplique par une grève générale, mais
la France tient bon, prenant elle-même en main l’appareil de production. Les
affrontements font 140 morts.

« L’occupation du territoire de la Ruhr


par les Français, dans les premiers mois de l’année 1923,
eut une grande importance
pour le développement de la SA. »
Hitler (Mein Kampf).

11 mai 1924
Le Cartel des gauches
LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DU 11 MAI 1924 sont remportées par le
Cartel des gauches, coalition qui rassemble la gauche radicale, le groupe
radical et radical-socialiste, les républicains socialistes et les socialistes
(SFIO). Le chef des radicaux, Édouard Herriot, forme le nouveau
gouvernement. À l’extérieur, le Cartel entend pratiquer une politique
d’apaisement et d’ouverture. Il accepte, en août 1924, le plan Dawes qui
échelonne les réparations jusqu’en 1929, prête 800 millions de marks-or à
l’Allemagne et demande, en contrepartie, l’évacuation de la Ruhr (c’est
chose faite en août 1925). À l’intérieur, le Cartel se heurte au « mur
d’argent ». Hostiles aux socialistes, les milieux financiers déclenchent une
panique monétaire avec évasion des capitaux, mouvements spéculatifs contre
le franc… Le gouvernement Herriot doit démissionner le 10 avril 1925. En
quinze mois, cinq gouvernements se succèdent, mais la panique financière ne
fait que croître au point que le 23 juillet 1926, le second cabinet Herriot, qui
n’aura vécu que six jours, doit laisser la place à Raymond Poincaré, qui
forme un gouvernement d’Union nationale.

15 octobre 1924
Surréalisme et « Années folles »
APRÈS LA GRANDE GUERRE, une génération nouvelle aspire à un monde
nouveau. Le 15 octobre 1924 paraît le Manifeste du surréalisme, qu’André
Breton, né en 1896, définit entre autres comme une « dictée de la pensée, en
l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute
préoccupation esthétique ou morale ». La poésie doit être pour l’homme
l’unique mode d’affranchissement dans le combat contre les forces qui
l’oppriment, qu’elles soient économiques, sociales ou religieuses. Paris,
capitale de la révolution surréaliste et des « Années folles », est devenu le
« foyer rayonnant de toutes les avant-gardes culturelles ». À côté de
Montmartre, Montparnasse devient le rendez-vous des artistes où s’élaborent
les nouveaux courants artistiques, et le haut lieu de l’anticonformisme et du
cosmopolitisme. Maurice Chevalier, Mistinguett, Joséphine Baker dans la
Revue nègre, triomphent au music-hall. Le tango, le charleston et surtout le
jazz font fureur. Les femmes portent la robe au genou et les cheveux « à la
garçonne ». On rêve de vitesse et on s’enthousiasme pour des exploits
comme celui de Charles Lindbergh qui atterrit au Bourget le 21 mai 1927,
après avoir le premier traversé l’Atlantique sans escale, à bord de son Spirit
of Saint Louis.

16 octobre 1925
Locarno et le briandisme
AVOCAT, DÉPUTÉ, MINISTRE, PRÉSIDENT DU CONSEIL EN 1909,
puis deux fois pendant la Grande Guerre, puis de nouveau en 1921 et en
1925, Aristide Briand est le délégué de la France à la Société des Nations
qui siège à Genève. Là, il se rend célèbre par ses discours enflammés en
faveur de la paix. Il incarne ce qu’on appelle alors l’« esprit de Genève » ou
encore le « briandisme », qui veut tourner la page des nationalismes
bellicistes et entrer dans l’ère des négociations. Pour la droite, il est l’« anti-
France », toujours prêt à céder devant l’Allemagne, mais l’opinion française,
majoritairement pacifiste, approuve sa politique. Il signe le
16 octobre 1925 les accords de la conférence de Locarno par lesquels
l’Allemagne, la France et la Belgique se garantissent mutuellement leurs
frontières telles qu’elles sont issues du traité de Versailles. L’Allemagne
obtient d’entrer à la SDN, mais elle ne reconnaît pas ses frontières orientales
avec la Pologne et la Tchécoslovaquie, qu’elle s’engage cependant à ne pas
modifier par la force. La France de gauche fait un triomphe à Briand,
désormais sacré « pèlerin de la paix » et qui proclame qu’il n’y a plus
d’antagonisme franco-allemand. Pour Gustav Stresemann, ancien chancelier
et ministre des Affaires étrangères de la république de Weimar, admirateur
de Bismarck et adepte de la Realpolitik, Locarno n’est qu’une étape sur le
chemin des revendications allemandes. « Il faut tout d’abord que nos
étrangleurs lâchent prise », écrit-il au Kronprinz, le fils de Guillaume II.

« Le briandisme,
c’est la politique du chien crevé au fil de l’eau ! »
André Tardieu, président du Conseil.

20 décembre 1926
Le pape condamne l’Action française
AU LENDEMAIN DE LA GRANDE GUERRE, l’Action française, à la fois
journal et mouvement d’extrême droite, prône toujours avec Charles Maurras
le « nationalisme intégral », un nationalisme fondé sur la raison plutôt que
sur les sentiments, contre-révolutionnaire, social, décentralisateur,
fondamentalement germanophobe, antisémite, à la fois militariste (il faut
s’armer) et pacifique, en ce sens que l’Action française, économe du sang
français, s’oppose à des guerres d’agression ainsi qu’à la guerre civile.
Royaliste par hostilité à la Révolution et au parlementarisme, l’Action
française a une vision « utilitariste » de l’Église catholique en ceci qu’elle a
joué un rôle fédérateur dans la civilisation et qu’elle favorise la cohésion
nationale. La foi est affaire personnelle. Le mouvement exerce une grande
influence sur la jeunesse intellectuelle de l’époque et rallie des esprits
brillants comme Georges Bernanos, Léon Daudet, Paul Bourget, Jacques
Bainville, Jacques Maritain. L’Action française reçoit un coup d’arrêt dans
son audience auprès des catholiques lorsque, le 20 décembre 1926, le pape
Pie XI condamne sa doctrine accusée de subordonner la religion à la
politique et au nationalisme. Quelques jours plus tard, les ouvrages de
Charles Maurras sont mis à l’index ainsi que son journal, qui perd la moitié
de ses lecteurs entre 1925 et 1928.

24 juin 1928
Le franc Poincaré
DE JUILLET 1926 À JUILLET 1929, Raymond Poincaré conduit la politique
française, se consacrant en priorité à stabiliser les finances. Bénéficiant de
la confiance des épargnants et des possédants, il rétablit d’abord l’équilibre
du budget en réduisant les dépenses publiques et en augmentant les impôts
indirects. Dès octobre 1926, les capitaux rentrent, mais il reste à stabiliser le
franc. Les élections d’avril 1928 lui sont très majoritairement favorables
(440 « poincaristes » sur 607 élus). Il en profite pour faire voter le 24 juin
1928 une loi monétaire qui opère à la fois une stabilisation du franc, un
retour à l’étalon-or et une dévaluation massive qui permet la liquidation de
la dette publique, au détriment des petits épargnants. Le franc Poincaré est
vite surnommé « le franc à quatre sous », déprécié des 4/5 de sa valeur or
par rapport au franc Germinal qui avait été institué en 1803. Ces mesures
redonnent confiance aux milieux financiers, et le bon niveau du franc
Poincaré stimule les exportations. Un vote de confiance provoqué par les
radicaux est de nouveau favorable à Poincaré, mais la maladie l’oblige à
démissionner en juillet 1929.

27 août 1928
L’utopie du pacte Briand-Kellogg
EN 1927, Aristide Briand forme l’idée de faire sortir les États-Unis de leur
isolationnisme, depuis que le Sénat américain a refusé, en mars 1920, de
ratifier le traité de Versailles. De ce fait, les États-Unis ne font même pas
partie de la SDN à laquelle Wilson tenait tant. Le 6 avril 1927, le « pèlerin
de la paix » propose à Frank Kellogg, son homologue américain aux Affaires
étrangères, un « pacte » mettant la guerre hors la loi. Ce pacte est signé à
Paris, le 27 août 1928, par quinze pays, dont les États-Unis, l’Allemagne, la
France, l’Angleterre, le Japon. Cinquante-sept pays y adhéreront par la suite.
Devant la Chambre, en mars 1929, Briand se félicite de ce « contrat
international », même si celui-ci reste dans le domaine des principes. Les
États-Unis n’en sont pas moins résolument opposés à toute nouvelle intrusion
dans les antagonismes européens. Quant à l’Allemagne, elle réarme
secrètement et activement, constituant une armée clandestine, la
« Reichswehr noire ».

6 mai 1932
Assassinat de Paul Doumer
Le président Doumer, qui vient d’être atteint par deux balles tirées
par Gorgulov, est aussitôt transporté à l’hôpital Beaujon.
Journal Le Matin, 7 mai 1932.

PAUL DOUMER est un personnage emblématique de l’ascension sociale.


Fils d’ouvrier et ayant lui-même commencé à travailler à 12 ans, il a gravi
un à un tous les échelons en suivant des cours du soir. Marié, père de huit
enfants dont quatre morts pour la France, journaliste, il est entré en politique
dans les années 1880 sur la ligne radicale. Député, ministre, gouverneur de
l’Indochine, président du Sénat, il est élu à la présidence de la République le
13 mai 1931. Il a alors 74 ans. Après onze mois de fonction, il est assassiné
le 6 mai 1932 par un émigré russe déséquilibré, Paul Gorgulov, qui déclarera
avoir voulu se venger de la France qui n’était pas intervenue contre les
bolcheviques. Paul Doumer décède le lendemain (Gorgulov est guillotiné le
14 septembre). Le 10 mai, le Congrès, réuni à Versailles, élit à la présidence
de la République Albert Lebrun, 61 ans, président du Sénat et républicain
modéré.

8 mai 1932
Des élections sur fond de crise mondiale
LES MODÉRÉS espèrent une victoire aux élections législatives de 1932,
mais, à cette date, la crise mondiale a fini par atteindre la France. Elle a
commencé par un krach boursier aux États-Unis en 1929, qui a entraîné une
crise économique sans précédent : faillites de banques, puis d’entreprises
conduisant à une chute de l’activité et, par suite, au chômage. La crise s’est
d’abord propagée aux pays germaniques, largement dépendants des capitaux
américains, puis à la Grande-Bretagne. Les pays neufs ont été gravement
atteints par la baisse des prix des matières premières et des produits
agricoles. La France est touchée plus tardivement, à la fin de 1931, et moins
profondément, du fait de la structure familiale de son agriculture et de la
dispersion de sa production industrielle. Le chômage n’en atteint pas moins
300 000 ouvriers en 1932, mais c’est sans commune mesure avec
l’Allemagne, qui en compte plus de 5 millions à la même date. Reconstitué,
le Cartel des gauches profite du malaise et remporte les élections du 8 mai
1932. Les voix socialistes dépassent les voix radicales, mais la nouvelle
majorité, divisée sur les remèdes pour lutter contre la crise, se disloque
rapidement. Cinq gouvernements radicaux vont se succéder de 1932 à 1934.

8 janvier 1934
L’affaire Stavisky
UN ÉNORME SCANDALE FINANCIER est sur le point d’éclater lorsque,
le 8 janvier 1934, on retrouve le cadavre de son principal acteur, Alexandre
Stavisky, un escroc qui a corrompu de nombreux élus, notamment radicaux.
Le ministre des Colonies est mis en cause. L’enquête conclut au suicide, mais
Le Canard enchaîné titre : « On a suicidé Stavisky. » La droite et surtout
l’extrême droite se saisissent aussitôt de l’affaire (un escroc étranger
d’origine juive), manifestant devant le Palais-Bourbon aux cris de
« Assassins ! Voleurs ! À la porte ! ». L’Action française multiplie les
manifestations, rejointe par les Jeunesses patriotes et Solidarité française.
Affaibli par la démission de plusieurs ministres, le président du Conseil, le
radical Chautemps, démissionne. Dans ce contexte antiparlementariste, une
nouvelle ligue, qui refuse de s’allier avec l’extrême droite, recueille une
audience croissante. C’est celle des Croix-de-Feu, fondée en 1927 par les
seuls anciens combattants avec croix de guerre mais ouverte à tous depuis
1933. Ce mouvement nationaliste, activiste et organisé militairement (mais
sans uniforme), dirigé par le colonel de La Rocque, se propose « de remettre
de l’ordre dans le pays » dans une dynamique de révolution nationale. De
son côté, Henri Dorgères, fondateur de la ligue Front paysan, appelle à lever
les fourches pour lutter contre les partis, « contre cette pourriture ».

6 février 1934
L’émeute
Place de la Concorde, Paris, au soir de la manifestation antiparlementaire
du 6 février 1934.

ÉDOUARD DALADIER, RADICAL, plusieurs fois ministre, une première


fois président du Conseil en 1933, est appelé au pouvoir le 30 janvier 1934,
en plein scandale Stavisky. Il déplace aussitôt le préfet de police Chiappe,
populaire dans les milieux de droite pour l’énergie qu’il met à réprimer les
manifestations de l’extrême gauche. Lorsque le nouveau président du Conseil
se présente devant la Chambre le 6 février 1934, des milliers de manifestants
massés place de la Concorde, pour la plupart des anciens combattants menés
par les ligues, tentent de marcher sur le Palais-Bourbon. La police tire. On
compte vingt-deux morts. L’émotion est considérable à Paris. Daladier, bien
que soutenu par une large majorité parlementaire, démissionne le lendemain,
après huit jours de gouvernement. Émeute de la colère plutôt que tentative de
putsch, la gauche ne s’empare pas moins de l’événement pour appeler la
population à lutter contre le « fascisme ». Le 12 février, les deux cortèges
socialiste et communiste qui manifestaient séparément fusionnent en
scandant : « Unité d’action ! » Gaston Doumergue, qui a été président de la
République de 1924 à 1931, est sollicité pour constituer un gouvernement
d’union nationale. Il passe pour un sauveur, mais ses souhaits d’un
renforcement des pouvoirs de l’exécutif lui aliènent ses amis radicaux, ce qui
entraîne la démission du gouvernement, le 8 novembre 1934.
« S’imaginer voir dans les ligues un fascisme français […]
c’est prendre un épouvantail au sérieux : elles n’ont emprunté
que le décor du fascisme […] Le mouvement des ligues n’est
que le dernier avatar du vieux fonds bonapartiste… »
René Rémond ( La Droite en France, 1963).

14 avril 1935
Le « front » de Stresa
L’ARRIVÉE D’ADOLF HITLER au pouvoir en Allemagne le 30 janvier
1933 change radicalement la donne en Europe. La dictature nazie s’établit en
quelques mois. Le Führer du nouveau Reich entreprend aussitôt de réarmer
au grand jour, quittant en octobre 1933 la Conférence du désarmement réunie
à Genève depuis février 1932 et, du même coup, la SDN. Encouragé par le
plébiscite du 13 janvier 1935 qui, à 90 % des voix, restitue la Sarre à
l’Allemagne, il rétablit le 16 mars de la même année le service militaire
pour tous et fixe à trente-six divisions les effectifs de l’armée allemande en
temps de paix. La SDN condamne cette grave violation du traité de
Versailles sans autre résultat, et c’est paradoxalement Mussolini, chef de
l’Italie fasciste, qui réagit le plus vivement en organisant le 14 avril la
conférence de Stresa (au bord du lac Majeur) entre Pierre Laval, ministre
des Affaires étrangères, Ramsay MacDonald, Premier ministre britannique,
et lui-même. Le Duce est soucieux de stopper Hitler en garantissant sa
frontière avec l’Autriche. Il espère aussi amadouer la France et l’Angleterre
quant à ses ambitions sur l’Éthiopie. Les deux invités tentent de louvoyer, et
le texte final se contente d’une déclaration vague sur le plein accord des trois
puissances « pour s’opposer par tous les moyens appropriés à toute
répudiation unilatérale des traités susceptibles de mettre en danger la paix de
l’Europe ».

7 mars 1936
Hitler remilitarise la Rhénanie
PRENANT POUR PRÉTEXTE QUE LA FRANCE est en train de rechercher
une alliance avec l’Union soviétique, Hitler dénonce le 7 mars 1936, à la
tribune du Reichstag, cette « violation du pacte rhénan » (Locarno) et
annonce que le gouvernement « a rétabli, à la date de ce jour, la pleine et
entière souveraineté du Reich dans la zone rhénane démilitarisée ». Au même
moment, la toute nouvelle Wehrmacht franchit les ponts du Rhin et entre en
Rhénanie. De toutes les violations du traité de Versailles, celle-ci est la plus
grave. Hitler n’ignore pas qu’il joue gros. La France compte cinquante
divisions d’active et le nombre des divisions allemandes ne jouera en faveur
de l’Allemagne qu’à la fin de 1936. Que va faire Paris ? Obsédé par les
élections législatives qui approchent, le président du Conseil Albert Sarraut
choisit l’inaction, tout en déclarant martialement à la TSF : « Nous ne
laisserons pas Strasbourg sous le feu des canons allemands. » Il se contente
d’en appeler à l’autorité de la SDN, dont l’impuissance est alors bien
établie. L’inaction de la France porte un coup terrible à son prestige. Ses
alliés n’ont plus confiance en elle, à commencer par la Belgique, directement
menacée par la réoccupation de la zone rhénane et qui va choisir la
neutralité.

3 mai 1936
La victoire du Front populaire
TROIS GOUVERNEMENTS se succèdent en 1934 et 1935 tandis que les
forces de gauche se rassemblent. Le Parti communiste et le Parti socialiste,
jusqu’alors inconciliables, signent en juillet 1934 un pacte d’unité d’action.
Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, propose en même temps
l’alliance avec les « classes moyennes » – autant dire le parti radical. Cinq
cent mille personnes défilent le 14 juillet 1935 derrière le communiste
Thorez, le socialiste Blum et le radical Daladier. Aux élections législatives
d’avril-mai 1936, les trois partis s’entendent sur un programme assez vague,
« limité à des mesures directement applicables » : maintien de la paix,
dissolution des ligues, abandon de la politique de déflation, réduction de la
semaine de travail… Sur fond de manifestations et de contre-manifestations,
cette coalition de « front populaire » triomphe le 3 mai avec 378 sièges
contre 220 à la droite. Le Parti socialiste étant le parti majoritaire au sein de
la coalition, Léon Blum est chargé de constituer le gouvernement. Pour la
première fois, un socialiste est président du Conseil. Les radicaux acceptent
de participer au gouvernement, tandis que les communistes accordent un
« soutien sans participation ». Au Parti socialiste, Blum déclare : « Il n’y a
pas de majorité prolétarienne. Il y a la majorité de Front populaire […] Il
s’ensuit que nous agirons à l’intérieur du régime social actuel. »

30 mai 1936
La ligne Maginot
DEPUIS 1918, l’armée française, au diapason du pacifisme qui s’est emparé
du pays, a adopté un credo défensif, replié sur l’Hexagone et en totale
contradiction avec les alliances de revers que la France veut établir à l’est.
Cette doctrine se concrétise par l’achèvement, le 30 mai 1936, de la ligne
Maginot sur ses frontières et principalement face à l’Allemagne. À la radio,
au cinéma, dans les journaux, on célèbre alors cette formidable ligne de
fortifications bétonnées, réputée infranchissable. Pourtant, elle laisse un vide
béant entre Charleville-Mézières et la mer, car on n’a pas voulu isoler la
Belgique, alors alliée mais désormais neutre. Mais, surtout, elle méconnaît la
guerre moderne, le char et l’avion. L’avenir n’est plus à la défensive, comme
pendant la Grande Guerre, mais à l’offensive. Les critiques pourtant ne
manquent pas. Un lieutenant-colonel inconnu, Charles de Gaulle, publie en
1932 Le Fil de l’épée, où il plaide pour une arme blindée, mobile et
offensive. André Tardieu avertit dans La Liberté du 7 mars 1935 : « Lorsque
l’Empire romain confia sa défense à des ouvrages fortifiés et négligea son
armée de campagne, il devint très rapidement la proie des barbares. »

« Une sorte de mystique s’est partout répandue


qui non seulement tend à maudire la guerre mais incline
à la croire périmée tant on voudrait qu’elle le fût. »
Charles de Gaulle ( Le Fil de l’épée, 1932).

8 juin 1936
Les accords Matignon
DÈS LE PREMIER JOUR, le gouvernement est confronté à une vague de
grèves sans précédent. Apparues dans la métallurgie, elles se multiplient et
s’étendent à tous les secteurs. Les usines sont occupées pacifiquement et
l’outil de travail est respecté. On compte un million de grévistes au 1er juin.
Le 8, les accords de Matignon fixent une hausse des salaires de 7 à 15 %
selon les professions. La semaine de travail passe de 48 à 40 heures et les
premiers congés payés sont accordés (14 jours). Dès l’« été 1936 », le
monde du travail a pour la première fois rendez-vous avec la mer. Les
organisations ouvrières créent des organismes de tourisme populaire, des
campings, des auberges de jeunesse. Bicyclettes et tandems sillonnent les
routes de France. Jamais dans son histoire, le monde ouvrier n’avait réalisé
d’un seul coup de telles conquêtes, mais les difficultés ne tardent pas à
surgir. La fuite des capitaux à l’étranger contraint le gouvernement à une
dévaluation en septembre 1936. C’est un échec pour le Front populaire, qui
s’était engagé à ne pas dévaluer. Le chômage se résorbe d’autant moins que
le patronat freine la production et refuse d’embaucher. Le Front populaire
est, par ailleurs, divisé sur la politique à suivre face au putsch franquiste
contre la République espagnole de front populaire. Léon Blum se rallie
finalement à une politique de non-intervention alors que Hitler et Mussolini
apportent une aide militaire à Franco.

« La joie te réveille, ma blonde,


Allons nous unir à ce chœur.
Marchons vers la gloire et le monde.
Marchons au-devant du bonheur. »
Ma blonde…, le « tube » de l’été 1936.

13 mars 1938
Fin du Front populaire
PRESSÉ PAR LES RADICAUX ET FACE À UNE SITUATION
FINANCIÈRE qui ne cesse d’empirer, Léon Blum annonce, en février 1937,
une « pause » dans les réformes, espérant rétablir la confiance des
entreprises. Les communistes protestent. Le divorce dans le camp de la
gauche s’aggrave lorsque, le 16 mars 1937, à Clichy, une manifestation du
Parti social français (ex-Croix-de-Feu, dont la ligue a été dissoute) fait
l’objet d’une contre-manifestation d’extrême gauche. La police tire et fait
6 morts et 200 blessés parmi les contre-manifestants. La fusillade de Clichy
dresse tout une partie de la gauche contre le gouvernement. Le 15 juin, Léon
Blum obtient de la Chambre les pleins pouvoirs financiers pour tenter un
redressement, mais le Sénat les lui refuse après que les radicaux ont rejoint
l’opposition. Il remet alors sa démission le 21 juin 1937, en invoquant les
risques de guerre civile et la nécessité d’une union nationale face aux périls
extérieurs. Le Front populaire se poursuit néanmoins avec le cabinet du
radical Chautemps, mais c’est la fin. Une politique de rigueur fiscale et
budgétaire provoque la rupture avec les communistes. En mars 1938,
Chautemps démissionne à son tour. Un second cabinet Léon Blum, dit
« d’unité française », ne dure que trois semaines et clôt, le 13 mars 1938, la
malheureuse expérience du Front populaire.

29 et 30 septembre 1938
Le reniement de Munich
DALADIER CONSTITUE le 10 avril 1938 son troisième gouvernement, axé
sur les radicaux et les modérés. Il conserve le portefeuille de la Guerre et de
la Défense nationale qu’il détenait dans le gouvernement Blum. Le 11 mars,
Hitler a annexé l’Autriche (Anschluss) et s’est tourné aussitôt vers la
Tchécoslovaquie où vit une importante minorité de langue allemande :
3 200 000 Sudètes. La Tchécoslovaquie a fait appel à l’Union soviétique et à
la France, avec lesquelles elle a conclu un traité d’alliance. Toutefois, le
pacifisme pèse plus que jamais sur la vie politique française, sans parler
d’une partie de l’opinion qui considère que le principal danger n’est pas
Hitler mais le bolchevisme. Le 12 septembre 1938, Hitler dénonce dans un
discours particulièrement violent les « tortures » que les Tchèques font subir
aux Sudètes. La guerre soudain paraît proche. Une conférence de la dernière
chance est décidée à Munich, où se rencontrent, le 29 septembre, Hitler,
Daladier, Chamberlain, Premier ministre britannique, et Mussolini. Ce
dernier propose un texte que les Allemands lui ont dicté et qui ne change rien
à une prochaine occupation des Sudètes. L’accord est signé dans la nuit du
29 au 30 septembre. Loin d’être honnis, les chefs d’État français et anglais,
de retour dans leur pays, sont follement acclamés. N’ont-ils pas sauvé la
paix ?

« Et n’allez pas croire que ce soit fini.


Non, ce n’est que le commencement.
Ce n’est que la première gorgée,
l’avant-goût d’une coupe amère
qui nous sera tendue d’année en année… »
Churchill aux Communes.

23 août 1939
Le pacte germano-soviétique
DEVANT LA GUERRE QUI MENACE, une course aux alliances s’engage
au cours de l’été 1939. Déjà, le 22 mai, Hitler a conclu avec Mussolini le
« pacte d’acier ». La France, qui a fait si peu de cas du traité avec la
Tchécoslovaquie, recherche à l’est de nouvelles alliances de revers, avec la
Pologne et aussi avec l’Union soviétique que la Grande-Bretagne approche
séparément. Les négociations traînent, tant les méfiances sont grandes des
deux côtés. Staline, surtout, suspecte les Occidentaux de chercher à détourner
la guerre contre son pays. En fait, son ministre des Affaires étrangères,
Molotov, a déjà entamé des pourparlers avec Berlin. Le 18 août, il accepte
le principe d’un traité de non-agression entre les deux pays, accompagné
d’un protocole secret partageant leurs « zones d’influence » en Europe
orientale. En cas de guerre, la Finlande, l’Estonie, la Lettonie et la partie
orientale de la Pologne reviendront à l’Union soviétique ; à l’Allemagne, la
Lituanie et la plus grande partie de la Pologne. Ribbentrop s’envole pour
Moscou le 23 avec les pleins pouvoirs. L’annonce du pacte germano-
soviétique, le 24 août 1939, fait l’effet d’une bombe dans le monde entier. Le
lendemain de la signature du pacte, Hitler a convoqué l’ambassadeur de
France. Il déclare n’avoir aucune hostilité à l’égard de la France, et l’idée de
combattre celle-ci à cause de la Pologne, contre laquelle il se tourne
désormais, lui est « extrêmement pénible ».

3 septembre 1939
La France déclare la guerre à l’Allemagne

Paris, rue Royale. Les Parisiens découvrent dans la presse l’information


de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne.

L’ALLEMAGNE ATTAQUE LA POLOGNE, sans déclaration de guerre, le


1er septembre à 4 h 45 du matin. La France décide aussitôt une mobilisation
générale. Mais, en Conseil des ministres extraordinaire, la mésentente est
telle entre « pacifistes » et « bellicistes » qu’on s’abstient de prononcer le
mot « guerre ». Mussolini verrait bien une nouvelle conférence dans le style
de celle de Munich, mais la Grande-Bretagne et la France ont garanti
l’intégrité de la Pologne. De leur côté, les Britanniques s’indignent de la
lenteur de leur Premier Ministre Chamberlain. Le 3 septembre à 9 h 00,
l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Berlin remet un ultimatum : si à
11 h 00, l’Allemagne ne donne pas l’assurance qu’elle retirera ses troupes
de Pologne, la Grande-Bretagne se considérera en guerre. La France ne peut
que faire de même, à 12 h 30, alors même que l’ultimatum britannique est
déjà rejeté. C’est la guerre !

« La France entre en guerre


sans enthousiasme et pleine d’incertitude. »
Ciano, ministre des Affaires étrangères de l’Italie
fasciste ( Journal, 3 septembre 1939).
La France dans la Seconde
Guerre mondiale

21 mars 1940
Paul Reynaud veut en finir avec la « drôle
de guerre »
LA FRANCE A DÉCLARÉ LA GUERRE, mais elle ne la fait pas. Le
général Gamelin, commandant en chef des armées alliées, que les
Britanniques surnomment the Nebulous (« le nuageux »), a lancé un semblant
d’offensive dans la Sarre, dans la nuit du 5 au 6 septembre. Quelques
divisions ont avancé sur une dizaine de kilomètres avant de retourner, dès
octobre, derrière la ligne Maginot. C’est toute l’assistance promise que la
France aura apportée à la Pologne envahie par les armées nazies. « Ce serait
une faute de briser prématurément notre instrument de guerre », explique
Gamelin. Ainsi s’installe la « drôle de guerre », où les soldats français,
massés aux frontières, se battent contre le « général Ennui ». À défaut de
guerre, Paris continue à faire de la politique. Le gouvernement reste partagé
entre attentistes et bellicistes, minoritaires. À la mi-mars 1940, le
gouvernement de Daladier est à bout de souffle. Le nom de Paul Reynaud,
leader des bellicistes au gouvernement, est sur toutes les lèvres. Daladier
remet sa démission au président de la République le 20 mars et Reynaud le
remplace le lendemain. Il s’adresse aux Français cinq jours plus tard. Son
programme est simple et rappelle celui de Clemenceau : « Faire la guerre, la
faire dans tous les domaines ». Mais Reynaud n’a pas, loin s’en faut, tout le
pays derrière lui. Dans le gouvernement qu’il a constitué, un subtil dosage a
fait entrer ou rester – Daladier en tête et à la Défense nationale – pas moins
de dix radicaux. De nouveau, les « durs s’opposent aux mous ».

« À tous ces gaillards


Qui pour la plupart
N’étaient pas tous du même avis politique
Les v’là tous d’accord
Quel que soit leur sort
Ils désirent désormais
Qu’on leur fiche une bonne fois la paix ! »
Maurice Chevalier, dans le « tube » de la drôle
de guerre.

10 mai 1940
Les Allemands attaquent
Le 13 mai 1940, les tanks allemands traversent sans difficulté les Ardennes
et foncent sur Sedan pour franchir la Meuse.

EN AVRIL 1940, Reynaud a voulu « couper la route du feu » à l’Allemagne,


mais le débarquement franco-britannique à Narvik, port norvégien où transite
le minerai de fer suédois, est un succès sans lendemain, car le 10 mai 1940 à
4 h 45, en pleine nouvelle crise au sein du gouvernement – Reynaud veut
limoger Gamelin que soutient Daladier –, les Allemands attaquent. La
Wehrmacht, précédée de ses divisions blindées qui s’enfoncent en fer de
lance dans une véritable course de vitesse qu’on va appeler plus tard le
Blitzkrieg (« guerre éclair »), envahit les Pays-Bas, la Belgique et le
Luxembourg. L’offensive principale se produit dans les Ardennes du 13 au
15 mai entre Namur et Sedan, là où s’arrête la ligne Maginot. La Meuse est
franchie, non sans combats, et la percée est faite le 14 mai. En un vaste
« coup de faucille », les divisions blindées allemandes entament aussitôt une
course vers la mer pour isoler le groupe d’armées franco-britannique qui a
commis l’imprudence de s’avancer en Belgique (plan Dyle). La situation est
aussitôt critique. L’armée française qui, hier encore, paraissait formidable
est en train de s’effondrer.

« Tout le long de la campagne, les Allemands conservèrent


la fâcheuse habitude d’apparaître là où ils n’auraient pas
dû être. Ils ne jouaient pas le jeu. »
Marc Bloch ( L’Étrange Défaite, 1946).

4 juin 1940
Le miracle de Dunkerque
TANDIS QUE LES PANZER POURSUIVENT LEUR AVANCÉE
FOUDROYANTE, la mésentente continue de régner au sein du
gouvernement. Le 19 mai, en pleine bataille, le général Weygand remplace
enfin Gamelin, dont l’incapacité frise l’irresponsabilité mentale. Aussitôt
Weygand parle de contre-attaque, mais les groupes d’armées sont déjà trop
bousculés et entamés pour se redéployer en une grande contre-attaque. Le
20 mai, la 2e division Panzer atteint la mer à Montreuil-sur-Mer. Boulogne
tombe le 25, et Calais le 26. Les Britanniques abandonnent l’idée d’une
grande tête de pont défendue par la Royal Air Force. Pour eux, il s’agit
désormais de sauver la seule armée d’active qu’ils possèdent. Le 24 mai, les
Panzer sont à 15 kilomètres de Dunkerque, le dernier port qui reste aux
Alliés. C’est alors que se produit le « miracle de Dunkerque » lorsque Hitler
donne l’ordre à ses armées de s’arrêter (Halt Befehl). Ce temps inespéré,
rompu le 26 mai, va être mis à profit pour constituer un camp retranché,
défendu par l’armée française, qui va permettre l’embarquement en
catastrophe de la totalité du corps expéditionnaire britannique
(250 000 hommes), mais aussi de 120 000 soldats français. Contre la logique
du « coup de faucille », la Grande-Bretagne vient de sauver sa seule armée,
mais plus d’un million de soldats français et belges sont hors de combat,
tués, blessés ou prisonniers.

16 juin 1940
Pétain remplace Reynaud
AU COMITÉ DE GUERRE qu’a institué Reynaud, la panique succède à la
mésentente. Pétain est entré au gouvernement le 18 mai, comme une sorte
d’étendard, mais il s’emploie aussitôt à souffler le vent du défaitisme et de la
cessation des combats, aidé en cela par Weygand. Le 5 juin, le nouveau front
qui a tenté de se constituer sur la Somme est rompu. Le gouvernement quitte
Paris pour s’installer à Tours, puis à Bordeaux. Sur les routes, un exode
gigantesque de millions de personnes, civils et militaires confondus, fuyant
vers le sud, témoigne de l’ampleur de la débâcle. Le 10 juin, l’Italie déclare
la guerre à la France et à la Grande-Bretagne. Faut-il continuer la guerre ?
La bataille de France est perdue, mais il reste l’Afrique du Nord et l’Empire.
La flotte est intacte. Reynaud, soutenu par de Gaulle entré récemment au
gouvernement, et quelques ministres résolus (Mandel, Campinchi, Marin),
envisage une capitulation de l’armée métropolitaine qui maintiendrait la
France dans la guerre, aux côtés de son alliée britannique. Pétain et Weygand
considèrent la capitulation comme un acte déshonorant pour l’armée et
veulent demander un armistice. Le 16 juin 1940, Reynaud, qui contrôle de
moins en moins les débats au sein du Conseil, démissionne au pire moment.
Le président de la République fait alors appel à Pétain pour constituer le
nouveau gouvernement.

« On continue à se demander par quel mystère


et quelle aberration le président de la République
et le président du Conseil, tous deux hostiles à l’armistice […]
appellent l’homme dont ils savent que le premier geste
sera de le demander. »
Déposition de Louis Marin au procès Pétain,
le 24 juillet 1945.

18 juin 1940
L’appel du général de Gaulle
PÉTAIN ADRESSE SON PREMIER DISCOURS aux Français le 17 juin
1940 : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le
combat. » Le choc dans l’opinion est terrible. On attendait Pétain, le héros de
Verdun, dans un autre rôle que celui du « maréchal Défaite ». Le même jour,
de Gaulle atterrit à Londres, où il rencontre aussitôt Churchill. La Grande-
Bretagne va être seule face au IIIe Reich et c’est bien volontiers qu’elle
accueille un dissident du gouvernement français. « La première chose à faire,
écrira de Gaulle, était de hisser les couleurs. La radio s’offrait pour cela. »
Churchill aura eu le plus grand mal à obtenir que de Gaulle, un inconnu,
puisse parler à la BBC dès le 18 juin et après que le Foreign Office, qui veut
encore ménager Pétain, aura supprimé la première phrase du discours :
« L’action foudroyante de la force mécanique a fait effondrer le moral du
commandement et du gouvernement. » Reste l’Appel, aux accents
impérissables : « Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle
disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! […] car la France n’est
pas seule. […] Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les
officiers et soldats français […] à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il
arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne
s’éteindra pas. » Ce n’est que beaucoup plus tard que le célèbre Appel
prendra sa forme définitive : « La France a perdu une bataille ! Mais la
France n’a pas perdu la guerre… »
22 juin 1940
L’armistice est signé

La France de Vichy.

C’EST DANS LE WAGON DE RETHONDES, comme l’a exigé Hitler qui


veut venger ainsi l’humiliation de 1918, que l’armistice est signé le 22 juin
1940. La veille, Pétain s’est de nouveau adressé aux Français, entamant une
rhétorique de repentance : « On a voulu épargner l’effort ; on rencontre
aujourd’hui le malheur. » Le texte de la convention d’armistice dicté par
l’Allemagne (et d’ailleurs en allemand) mentionne « la réparation des torts
causés par la force au Reich allemand ». Les termes en sont catastrophiques
pour la France, qui livre à l’occupation les deux tiers de l’Hexagone (la
moitié nord plus une large bande littorale atlantique jusqu’aux Pyrénées) et
donne au Reich les ports qui vont faciliter grandement la guerre sous-marine
contre la Grande-Bretagne. L’armée française sera désarmée et réduite à une
« armée d’armistice » de 100 000 hommes. Les prisonniers de guerre le
resteront « jusqu’à la conclusion de la paix ». La France devra payer à
l’Allemagne une énorme indemnité d’occupation de 400 millions par jour.
Hitler s’est engagé à ne pas se saisir des navires de guerre français, mais que
vaut sa parole ? Il pourra, de toute façon, faire ce que bon lui semblera
puisqu’un article de la convention stipule que « l’Allemagne aura tous les
droits de la puissance occupante ». La France a perdu son prestige dans le
monde, d’autant que son gouvernement est le seul à ne pas avoir choisi l’exil
et que les appels répétés de Pétain à l’expiation vont à l’encontre d’un esprit
de résistance à l’occupant.

« Tout limité et solitaire que je fusse,


et justement parce que je l’étais, il me fallait gagner
les sommets et n’en descendre jamais plus. »
De Gaulle (Mémoires de guerre).

3 juillet 1940
Mers el-Kébir
ABANDONNÉE PAR LA FRANCE, l’Angleterre se retrouve seule contre
l’Axe et vit dans l’angoisse d’un débarquement allemand. Churchill, qui a
tenté l’impossible pour maintenir la France dans la guerre, n’a plus aucune
raison de ménager Pétain, une fois l’armistice signé. Or la flotte française,
restée intacte, constitue une menace mortelle pour l’Angleterre si Hitler s’en
empare. Le 3 juillet 1940, une forte escadre britannique somme une partie de
la flotte française réfugiée à Mers el-Kébir, en Algérie, de gagner
l’Angleterre. Sur le refus de l’amiral Gensoul, les navires britanniques
ouvrent le feu sur la flotte française au mouillage. Plusieurs bâtiments de
ligne sont coulés ou gravement endommagés, et 1 200 marins français tués.
Ailleurs dans le monde, des navires français sont saisis ou internés. Le
13 juillet, le cuirassé Richelieu, orgueil de la marine française, est attaqué et
endommagé à Dakar. Le vieil antagonisme franco-britannique est aussitôt
réveillé et exploité par le gouvernement Pétain. L’ennemi n’est plus
l’Allemand, mais l’Anglais.

10 juillet 1940
Les pleins pouvoirs à Pétain
LE GOUVERNEMENT PÉTAIN s’est installé à Vichy, ville thermale où les
hôtels sont nombreux. Il s’agit maintenant d’en finir avec la IIIe République
et son régime parlementaire. Pierre Laval, ancien président du Conseil,
conduit l’opération. Il obtient du président de la République la convocation à
Vichy du Parlement. Ont pu être réunis 667 députés et sénateurs sur 850. Le
10 juillet 1940, à une écrasante majorité, le gouvernement Pétain se fait
donner tous pouvoirs pour établir une nouvelle Constitution. Celui qu’on
appelle désormais, avec le plus grand respect, « le Maréchal » (84 ans)
promulgue dès le lendemain trois actes constitutionnels organisant le
nouveau régime, « l’État français ». Toute autorité procède du Maréchal, qui
fait aussitôt l’objet d’un véritable culte. Un Conseil national de notables
désignés remplace le Parlement, et le suffrage universel est supprimé. La
devise officielle – « Travail, Famille, Patrie » – remplace celle de la
république et résume les principes directeurs de la « Révolution nationale »
qui prétend réorganiser le pays.

« Il est un beau vieillard, solide et droit


comme l’arbre des Druides […]
Une deuxième fois, au bord de l’abîme,
il a sauvé la France meurtrie
mais toujours vivante. »
La Vie du Maréchal racontée aux enfants de France
(1941).
3 octobre 1940
Le statut des Juifs
DANS L’ALLEMAGNE NAZIE, les lois de Nuremberg « sur la protection
du sang allemand » ont commencé à mettre en application, dès septembre
1935, l’antisémitisme obsessionnel de Hitler tel qu’il s’expose dans Mein
Kampf. La persécution des Juifs a aussitôt commencé pour culminer lors de
la « nuit de Cristal », le 9 novembre 1938, prélude à leur déportation dans
les premiers camps de concentration. À la France de 1940, l’occupant
allemand ne demande encore rien de tel, mais l’antisémitisme français est
très présent, au point que Louis Darquier de Pellepoix, fondateur pendant le
Front populaire du « Rassemblement antijuif de France », peut écrire en août
1940 : « Il faut de nouveau proclamer avec vigueur que le problème juif
n’est pas un problème spécifiquement allemand, mais un problème qui se
pose pour toutes les nations et pour la France d’une façon urgente. » Le
3 octobre 1940, Pétain ratifie la loi portant « statut des Juifs », dont la
communauté est mise au ban de la société française. Bannis des fonctions
publiques et de certaines professions libérales, ils commencent aussitôt à
faire l’objet de campagnes antisémites. La loi autorise, en outre, les préfets
de la zone occupée à interner dans des camps spéciaux les Juifs étrangers ou
apatrides.
En publiant le statut des Juifs dans le Recueil des lois usuelles, l’État
français s’aligne sur la politique du III e Reich et place les Juifs dans
une situation très précaire.

30 octobre 1940
Le choix de la collaboration
PIERRE LAVAL, qui a joué un rôle déterminant dans le complot qui a mis fin
à la IIIe République en faisant ajourner sine die le Parlement, devient vice-
président du Conseil le 12 juillet 1940. Successeur désigné de Pétain, il
opère une distribution des rôles qui laisse au vieux Maréchal celui de père
protecteur, défenseur des vraies valeurs de la France : la famille, l’ordre, la
discipline, le travail, l’épargne, le corporatisme, la paysannerie, la religion.
À Laval, le mauvais rôle : celui de l’ami des Allemands, de l’apôtre d’une
collaboration avec le IIIe Reich. Pétain serre la main de Hitler à Montoire-
sur-Loire le 24 octobre 1940. Six jours plus tard, il justifie cette rencontre
dans un discours : « C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française,
une unité de dix siècles, dans le cadre d’une activité constructive du nouvel
ordre européen, que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration. »
Les partisans de Pétain parleront longtemps d’un double jeu, le Maréchal
protégeant la France des excès d’une collaboration totale, à la Laval. Le
mythe du « Pétain bouclier » s’installe et va longtemps perdurer alors que se
met en place, outre la persécution des Juifs, la chasse aux francs-maçons, aux
gaullistes, aux communistes, aux résistants à l’occupation allemande.

2 mars 1941
Le serment de Koufra
DE GAULLE A OBTENU de la Grande-Bretagne qu’il puisse continuer à
combattre sous le drapeau français, sur lequel va s’ajouter plus tard la croix
de Lorraine. Le drame de Mers el-Kébir a pratiquement tari le recrutement
des Français libres, qui ne sont alors qu’une poignée. Les FFL (Forces
françaises libres) ne comptent à l’automne 1940 que 7 000 hommes. La
situation change avec le ralliement du Cameroun et de l’Afrique-Équatoriale
(AEF) à la dissidence gaulliste. C’est à Leclerc que de Gaulle a confié cette
mission. Philippe de Hauteclocque, 40 ans, cavalier de vocation, diplômé de
l’École de guerre, s’est vaillamment battu pendant la campagne de France et
y a été blessé. Il a alors rejoint la France libre le 25 juillet 1940, prenant le
nom d’emprunt de Leclerc pour préserver sa famille qui vit en Picardie. Ses
premières opérations sont modestes, mais prennent valeur d’exemple : ainsi
le 2 mars 1941, à l’oasis de Koufra, en Libye, dont il s’empare avec une
poignée d’hommes et un seul canon de 75 mm après un raid de
1 650 kilomètres dans le désert. Là est prononcé le serment qui va désormais
guider son action : « Nous ne déposerons les armes que lorsque nos couleurs
flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg. »

22 octobre 1941
Les fusillés de Châteaubriant
DÈS LA FIN DE 1940, divers mouvements de résistance ont pris racine dans
la France occupée, avec la difficulté de devoir braver à la fois l’occupant
allemand et le gouvernement de Vichy. Plusieurs réseaux s’organisent dans la
dynamique gaullienne avec le BCRA (Bureau central de renseignement et
d’action). D’autres sont plus ou moins autonomes ou servent directement
l’Intelligence Service. Le parti communiste, de son côté, crée en mai 1941 le
« Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France »,
auquel est adjointe, après l’invasion de l’Union soviétique par le IIIe Reich,
une structure d’action directe : les Francs-Tireurs et Partisans français
(FTP). La question de l’action directe se pose alors. Un officier allemand est
abattu dans le métro le 21 août 1941 par un jeune militant communiste. Des
attentats similaires se produisent et posent cruellement le dilemme des
otages. Après qu’en octobre 1941, le Feldkommandant de la place de
Nantes a été abattu, 27 otages fichés comme communistes sont fusillés, le
22 octobre 1941, dans une clairière à Châteaubriant. Parmi eux, Guy
Mocquet, 17 ans et demi, fils d’un député communiste. Vingt et un autres
otages sont exécutés à la prison de Nantes, et 50 autres au camp de Souges
près de Bordeaux. Depuis Londres, de Gaulle exhorte les résistants à cesser
ce type d’action directe afin d’éviter de nouvelles représailles. Le
15 décembre 1941, 92 autres otages sont fusillés au mont Valérien.

« Je vais mourir pour que vive la France.


Je crois toujours […] que le communisme est
la jeunesse du monde. […] Je vais préparer
tout à l’heure des lendemains qui chantent. »
Gabriel Péri, résistant communiste, fusillé
le 15 décembre 1941.

27 mai-11 juin 1942


Bir Hakeim
AU PRINTEMPS 1942, la guerre du désert est à son paroxysme. De la
Libye, Rommel, qui commande l’Afrika Korps et les forces italiennes, a
lancé le 26 mai une nouvelle offensive en direction de l’Égypte. Les
Britanniques de la 8e armée se sont solidement retranchés sur une ligne entre
El Gazala au nord et Bir Hakeim à 60 kilomètres au sud. Toujours
numériquement inférieur, Rommel fixe les forces britanniques avec les unités
italiennes, tandis qu’il amorce un large mouvement tournant au sud pour
déboucher sur les arrières de son adversaire. C’est là qu’il se heurte à la
résistance farouche et inattendue de la 1re brigade française libre qui tient le
point fort de Bir Hakeim. Son commandant est le général Koenig, un ancien
de Légion étrangère qui a rallié la France libre dès le 19 juin 1940. En dépit
des assauts furieux de Rommel qui durent du 27 mai au 11 juin 1942, il
refuse de céder aux ultimatums. En pleine bataille, à la veille d’un nouvel
assaut, il diffuse un ordre général : « Chacun fait son devoir sans faiblir, à sa
place, coupé ou non des autres. » Bir Hakeim tombe finalement, mais Koenig
réussit cet autre exploit de décrocher dans la nuit du 10 au 11 juin à l’insu de
son assaillant. Tobrouk, l’objectif de Rommel, est conquis quand même, le
20 juin, mais la résistance de Bir Hakeim sert grandement la cause de la
France libre. « Sachez et dites à vos troupes que toute la France vous
regarde et que vous êtes son orgueil », télégraphie de Gaulle à Koenig.

22 juin 1942
Laval souhaite la victoire de l’Allemagne
LE DIVORCE s’est rapidement installé entre Pétain et Laval, le premier
rêvant de « Révolution nationale » et le second d’« Europe nouvelle ».
Démissionné par surprise et arrêté en décembre 1941 après qu’il a
commencé à négocier directement avec les Allemands, Laval est libéré sous
la menace de l’occupant. Il réussit à se faire rappeler au gouvernement le
18 avril 1942. Jouet des nazis, il est désormais le chef du gouvernement de
Vichy, Pétain se trouvant réduit au rôle de potiche. Toute ambiguïté est
désormais levée. Au lendemain du déclenchement de l’invasion de l’Union
soviétique par la Wehrmacht, il prononce, le 22 juin 1942, un discours
radiodiffusé dans lequel il adjure les ouvriers français d’aller travailler en
Allemagne, avec la promesse de la « relève » d’un prisonnier de guerre
français pour le départ de trois ouvriers français. « C’est pour permettre à la
France de trouver sa place dans la nouvelle Europe que vous répondrez à
mon appel. » C’est alors qu’il ajoute cette phrase qui fait aussitôt scandale
dans la population : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne parce que, sans
elle, le bolchevisme demain s’installerait partout. »

16 et 17 juillet 1942
La rafle du Vél’ d’Hiv’
Inauguré en 1910, le nouveau temple du vélo, ou Vél’ d’Hiv, se trouve
à l’angle du boulevard de Grenelle et de la rue Nélaton dans
le 15e arrondissement. Renommé « Palais des Sports de Grenelle
» en 1931, il sera le lieu de regroupement des milliers de malheureux
arrêtés au cours de la rafle de juillet 1942.

EN FRANCE, l’engrenage du génocide s’est enclenché. Les Juifs étrangers


puis français s’entassent dans des camps aux Milles, à Gurs, à Rivesaltes et
ailleurs. L’occupant installe, de son côté, des camps de transit à Pithiviers, à
Drancy. Les rafles se multiplient et, le 29 mai 1942, le port de l’étoile jaune
est rendu obligatoire pour tous les Juifs de plus de 6 ans. Eichmann,
responsable de la section antijuive de la Gestapo, ordonne la déportation de
100 000 Juifs de France dans les camps de concentration d’Allemagne et de
Pologne. La plus funeste de ces rafles opérées par la police et la
gendarmerie françaises a lieu à Paris les 16 et 17 juillet 1942 :
12 884 hommes, femmes et enfants sont entassés dans des conditions
ignobles au Vél’ d’Hiv’ (Vélodrome d’hiver) ou au camp de Drancy avant
d’être déportés à Auschwitz, le plus important des nombreux camps de
concentration du IIIe Reich, où est mise en place la « solution finale » des
Juifs. Trente survivants seulement reviendront de la rafle du Vél’ d’Hiv’.
L’opération, décidée en concertation entre la Gestapo, René Bousquet,
secrétaire général de la police nationale, et Louis Darquier de Pellepoix,
commissaire général aux questions juives, avait reçu pour nom de code
« Vent printanier ».

« Il est, dans la vie d’une nation,


des moments qui blessent la mémoire
et l’idée que l’on se fait de son pays. »
Jacques Chirac (le 16 juillet 1995).

11 novembre 1942
La Wehrmacht envahit la zone sud
LE DÉBARQUEMENT ANGLO-AMÉRICAIN EN AFRIQUE DU NORD au
début de novembre 1942 (opération Torch) a d’abord pris Hitler au
dépourvu. La France de Vichy, créditée jusqu’alors de son Empire, n’a plus
d’intérêt stratégique pour le Reich, dont le flanc sud se trouve par ailleurs
menacé. Le 11 novembre 1942, la Wehrmacht envahit la zone sud et tente, le
26, de s’emparer de la flotte de Toulon, qui se saborde. Elle aurait pu gagner
Alger, mais l’amiral Laborde ne veut livrer ses navires ni aux Allemands ni
aux Anglais. Pour rallier les Français d’Afrique du Nord, les Américains
avaient fait appel au général Giraud, récemment évadé d’Allemagne, mais
les troupes, obéissant à Vichy, résistent pendant quelques jours. Le général
de Gaulle, dont ils se méfient, a été tenu à l’écart. C’est alors que l’amiral
Darlan, commandant en chef « des armées » de la France de Vichy, qui se
trouvait par hasard à Alger, s’intronise chef d’une Afrique du Nord et d’une
AOF passant dans le camp allié. Il négocie le cessez-le-feu en invoquant un
improbable « accord intime avec le Maréchal ». Il est assassiné le
24 décembre par un jeune résistant au plus fort de l’imbroglio politique entre
gaullistes et fidèles à Vichy. Quant aux Allemands, l’invasion de la zone sud
leur permet d’investir la Tunisie pour faire barrage aux Anglo-Américains.

30 janvier 1943
Joseph Darnand organise la Milice
HITLER CONVOQUE LAVAL le 19 décembre 1942 et lui enjoint de créer
une police spéciale qui collaborera avec les forces de l’Occupation pour
lutter contre la Résistance qui a pris de l’ampleur. La France de Vichy avait
déjà créé le SOL (Service d’ordre légionnaire) avec ce serment : « Je jure
de lutter contre la démocratie, la lèpre juive et la dissidence gaulliste. » Son
chef est Joseph Darnand, héros de la Grande Guerre mais aussi de la bataille
de France, militant d’extrême droite dans l’entre-deux-guerres. Il a multiplié
les appels en faveur d’une Légion des volontaires français contre le
bolchevisme (LVF), au sein de laquelle il est allé combattre sur le front de
l’Est. Il se voit confier le commandement d’une « Milice française » que
crée la loi du 30 janvier 1943. Son article 1 stipule qu’elle « groupe des
Français résolus à prendre une part active au redressement politique, social,
économique, intellectuel et moral de la France ». Ce n’est donc pas une
police parallèle mais une institution, d’ailleurs inaugurée par une grande
cérémonie officielle à Vichy. Cette Milice, que Darnand qualifie de
« nouvelle chevalerie », s’emploie aussitôt à traquer Juifs, résistants et
réfractaires au STO – le « Service du travail obligatoire », institué pour
envoyer des ouvriers français en Allemagne.

27 mai 1943
Première réunion du CNR
POUR S’IMPOSER, de Gaulle a besoin de la résistance intérieure qui s’est
implantée plus fortement en zone sud (abusivement nommée « zone libre »).
Trois mouvements dominent : Franc-Tireur, Libération Sud et, surtout,
Combat. Il y a aussi l’ORA (Organisation de résistance de l’Armée), qui
évolue au sein de la petite armée laissée au gouvernement de Vichy. Fidèle à
Pétain, elle considère d’abord de Gaulle comme déserteur de son pays.
Pourtant, l’indispensable unification des mouvements en vue de la libération
de la France, qui paraît désormais possible, ne peut se réaliser qu’à partir de
la France libre. Jean Moulin, envoyé par de Gaulle, est parachuté une
première fois en France le 1er janvier 1942. Sa tâche est difficile. Il faut
rallier non seulement la résistance communiste, mais aussi une personnalité
comme Henri Frenay, le fondateur de Combat, qui accepte une direction
militaire du général de Gaulle mais qui voit dans l’idée d’un Conseil
national de la Résistance le retour honni aux partis politiques de la
IIIe République. Cependant, le 27 mai 1943, au 48 rue du Four à Paris, se
tient, sous l’égide de Jean Moulin, la première réunion du Conseil national
de la Résistance (CNR) en présence des dirigeants des mouvements et des
représentants de syndicats et de partis politiques. Tous acceptent de se ranger
derrière de Gaulle.

4 octobre 1943
La Corse, premier département français
libéré
TANDIS QUE LES ALLIÉS piétinent en Italie où les forces du IIIe Reich se
défendent avec acharnement, les actions de la Résistance, armées par Alger,
se multiplient en Corse, où plus de 45 000 soldats italiens et
15 000 allemands occupent l’île. Le 10 septembre 1943, un conseil de
résistants proclame à Ajaccio le ralliement de la Corse à la France libre.
Pour répondre à l’appel à l’aide des maquisards, le général Giraud, qui
commande pour lors les Forces françaises d’Afrique du Nord, fait débarquer
le 13 septembre 1943 par le sous-marin Casabianca (rescapé du sabordage
de Toulon) 106 hommes du bataillon de choc Gambiez. Le gros de l’unité est
débarqué le lendemain par deux contre-torpilleurs. Les combats durent trois
semaines, à l’issue desquelles la 4e division marocaine de montagne est
appelée en renfort. Rejointe par les Italiens qui se retournent contre les
Allemands, elle s’empare des cols qui défendent l’accès à Bastia. La ville
est libérée le 4 octobre tandis que les Allemands se replient en Italie. Dès le
6, de Gaulle et Giraud foulent le sol du premier département français libéré.
Toute la France reprend espoir.

30 janvier-8 février 1944


La conférence de Brazzaville
CONVOQUÉE PAR DE GAULLE AU NOM DU COMITÉ FRANÇAIS DE
LIBÉRATION NATIONALE (CFLN), la conférence de Brazzaville (Congo)
qui se tient du 30 janvier au 8 février 1944 a pour but, non pas de faire entrer
les colonies d’Afrique dans la voie de l’indépendance, mais de définir une
nouvelle politique coloniale tout en réaffirmant la souveraineté française.
D’ailleurs, la conférence ne réunit que dix-neuf gouverneurs des colonies
françaises d’Afrique et des représentants de l’Assemblée consultative
provisoire d’Alger, à l’exclusion de tout « colonisé ». De Gaulle prononce
le discours de clôture dans lequel est annoncé un vaste plan de réformes
sociales et économiques, avec une africanisation de l’administration et une
autonomie interne aux territoires qui seront dotés d’assemblées en assurant
progressivement la gestion. Il est bien spécifié que « la constitution
éventuelle, même lointaine, de self governments est à écarter », mais la
conférence de Brazzaville n’en annonce pas moins des temps nouveaux et la
disparition, à terme, du vieil ordre colonial.

3 juin 1944
La fondation du GPRF
AURÉOLÉ DÉSORMAIS DE LA CRÉATION DU CONSEIL NATIONAL
DE LA RÉSISTANCE, de Gaulle s’impose à Giraud, soutenu par les
Américains, pour la constitution, du 3 au 7 juin 1943, du Comité français de
libération nationale (CFLN). Les deux rivaux de cette « bataille d’Alger »
politique en sont les coprésidents, mais dès les premières manifestations,
de Gaulle marche d’un bon pas en avant. Giraud, qui n’est pas un politique,
quitte le CFLN en novembre et devient le commandant en chef des forces
françaises d’Afrique du Nord. Les FFI (Forces françaises de l’intérieur),
bras armé du CNR, sont instituées le 1er février 1944 par le CFLN. À la suite
du vœu émis à l’unanimité par l’Assemblée consultative provisoire réunie à
Alger le 15 mai 1944, le CFLN prend le nom, le 3 juin 1944, de
Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Il s’agit de
renforcer l’autorité du général de Gaulle et de ses commissaires à l’heure où
approche la Libération. Ni Washington ni Londres n’ont été consultés.
D’ailleurs, Roosevelt y est tout à fait hostile. Il voit en de Gaulle « un
apprenti dictateur ».

6 juin 1944
Les Alliés débarquent en Normandie
L’OPÉRATION OVERLORD est le nom de code qui est donné à l’ouverture
en Europe occidentale par les Anglo-Américains d’un second front, sans
cesse réclamé par Staline, dont le pays supporte seul sur le front de l’Est le
choc des armées nazies. Longtemps différé, le débarquement tant attendu a
lieu le 6 juin 1944 en Basse-Normandie entre l’Orne et la Vire, là où les
Allemands ne l’attendent pas, persuadés que celui-ci aura lieu dans le Pas-
de-Calais. Une formidable armada a été réunie : 3 millions de soldats
massés depuis un an dans le sud de l’Angleterre, avec 2 millions de tonnes
d’armes et de matériel, 12 000 avions et 4 000 navires de débarquement à
fond plat escortés de 1 200 bâtiments de guerre. En dépit d’une météo
exécrable, le débarquement réussit à prendre pied sur cinq plages : deux
américaines – baptisées Omaha Beach et Utah Beach – et trois anglo-
canadiennes – Gold Beach, Juno Beach et Sword Beach. L’aviation,
maîtresse du ciel, foudroie le mur de l’Atlantique, là d’ailleurs où ses
défenses de béton sont moins denses que dans le Pas-de-Calais. Quant aux
redoutables divisions Panzer, Rommel, qui commande le groupe d’armées B
défendant la région, n’a pas pu obtenir qu’elles soient placées à proximité
immédiate des plages. Le soir du 6 juin, dans un embouteillage
indescriptible, 156 000 hommes, 20 000 blindés et véhicules sont déjà sur
les cinq plages. Reste à souder la tête de pont, qui s’étire sur une ligne de
80 kilomètres et au-delà à déboucher de la tête de pont. La bataille de
Normandie ne fait que commencer.
Le débarquement en Normandie.

10 juin 1944
La tragédie d’Oradour-sur-Glane
EN MAI 1944, la 2ePanzerdivision SS Das Reich est en cours de
reconstitution dans la région de Montauban, après avoir été décimée sur le
front de l’Est. Le 7 juin, elle quitte ses cantonnements pour la Normandie. Le
long de la RN 20, les colonnes motorisées sont harcelées par des maquisards
qui ont reçu pour mission de retarder l’arrivée des renforts qui commencent
à affluer vers les plages normandes. Le 8 juin, des FTP se sont
prématurément emparés de la ville de Tulle, mais ont dû abandonner la place
dès le lendemain lorsque des éléments de la division Das Reich sont arrivés.
Six cents otages sont arrêtés, 99 pendus et 149 déportés. À Argenton-sur-
Creuse, 68 personnes sont exécutées. Le 10 juin, les SS surviennent dans le
village d’Oradour-sur-Glane, perché sur le plateau limousin, à 22 kilomètres
de Limoges. Les maisons sont vidées de leurs habitants. Les hommes sont
conduits dans des granges et abattus par des rafales de mitrailleuses, les
femmes et les enfants enfermés dans l’église, qui est incendiée. Les SS
parcourent les rues du village, tuent les rescapés, pillent et incendient chaque
maison. Six cent quarante-deux habitants périssent et 24 seulement
parviennent à échapper au massacre. Oradour-sur-Glane va devenir
l’emblème de la barbarie nazie.

14 juin 1944
De Gaulle à Bayeux
LE DÉBARQUEMENT DES ALLIÉS ne comporte pas que des enjeux
militaires. De Gaulle, qui n’en a été informé qu’au dernier moment, entend
bien ne pas laisser les Américains mettre la France, comme l’Italie, sous le
régime de l’AMGOT (Allied Military Government of the Occupied
Territories), une administration militaire des territoires libérés, avec des
officiers des Civil Affairs, une nouvelle monnaie aussitôt mise en place pour
remplacer celle en cours sous l’Occupation. De Gaulle ne veut rien de tout
cela, à commencer par cette « soi-disant monnaie ». Il s’impose par un
voyage éclair sur les plages du débarquement qu’il est tout de même difficile
de lui refuser. On lui a cependant interdit tout discours politique. Il est à
Bayeux le 14 juin, accueilli par une population pleine de ferveur, sa
première consécration sur le sol de France que les Alliés vont prendre en
considération. Il ne prononce qu’une courte allocution, mais laisse derrière
lui un commissaire de la République et un nouveau sous-préfet, court-
circuitant ainsi la mise en tutelle de l’AMGOT.

« Si l’horizon stratégique semble clair,


le ciel de la diplomatie
ne se dégage que très lentement. »
De Gaulle (Mémoires de guerre).

15 août 1944
Le débarquement de Provence

Le 15 août 1944, les barges américaines de l’opération Dragoon


débarquent l’infanterie alliée sur les plages de Provence.
UN AUTRE DÉBARQUEMENT était prévu en Provence en même temps que
celui de Normandie, mais il a été différé du fait de la lenteur de la
progression des Alliés en Italie, ne sécurisant pas son flanc, et de celui de la
pénurie de navires de débarquement spécialisés. L’opération Dragoon
commence le 15 août 1944 avec le débarquement de la 7e armée américaine
entre Saint-Tropez et Saint-Raphaël. L’armée B (bientôt 1re armée française)
du général de Lattre de Tassigny y a été incorporée. Une armada de
2 000 navires écrase de son feu les défenses ennemies. La suprématie
aérienne est de dix contre un, et aucune division Panzer n’est sur place. Le
soir du 15, 6 000 hommes et autant de véhicules ont pris pied, avec de très
faibles pertes. Les Alliés entrent dans Toulon le 22 et dans Marseille le 23,
avant de remonter à toute allure la vallée du Rhône. Lyon est libéré le
3 septembre. Cette fois, ce sont les Alliés qui mènent le Blitzkrieg. La
Ire armée allemande, qui occupe le sud-ouest de la France, se replie en
catastrophe pour éviter d’être isolée.

25 août 1944
Paris libéré
DEPUIS LE DÉBARQUEMENT DU 6 JUIN, la bataille de Normandie fait
rage, les Allemands se défendant avec acharnement. À la fin juin, un million
de soldats alliés sont en Normandie, mais ne parviennent pas à progresser,
notamment dans le bocage où les ennemis pratiquent une « guerre des haies »
meurtrière et démoralisante. La percée vers le sud n’a lieu qu’à la fin de
juillet (opération Cobra). Après la libération d’Avranches le 30, la 3e armée
du général Patton peut foncer vers la Bretagne. Au début août, une
imprudente contre-offensive allemande ordonnée par Hitler permet
l’encerclement et la destruction partielle des armées allemandes qui se
battent en Normandie. Leur retraite pose la question de la libération de Paris,
qui n’est pas un objectif militaire pour les Alliés. Depuis la mi-août, la
capitale est en insurrection à l’appel du CNR. De Gaulle, qui a besoin, après
Bayeux, de la consécration de la capitale, parvient à convaincre Eisenhower,
chef suprême d’Overlord, d’envoyer la 2e division blindée de Leclerc
renforcée par la 4e division US d’infanterie. Paris est libéré le 25 août après
que le général von Choltitz s’est rendu, en ayant désobéi à l’ordre de Hitler
de détruire la capitale française. Le 26 août, de Gaulle descend les Champs-
Élysées, follement acclamé par un million de Parisiens, avant de prononcer à
l’Hôtel de Ville ces paroles mémorables : « Paris ! Paris outragé ! Paris
brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même… »

« La libération de Paris, le 25 août, eut partout un grand


retentissement. Les sceptiques eux-mêmes
commencèrent à entrevoir la chute de Hitler. »
Eisenhower.

23 novembre 1944
La libération de Strasbourg
APRÈS LA CONSÉCRATION DE PARIS, plus personne ne peut remettre en
cause la légitimité du chef de la France libre, qu’il s’agisse des communistes
ou des Alliés. Ceux-ci reconnaissent enfin le GPRF le 23 octobre. Un
gouvernement « d’unanimité nationale » est formé les 2 et 9 septembre, et un
décret du 23 septembre incorpore les FFI dans l’armée régulière, maintenant
forte de 250 000 combattants qui, pour une bonne moitié d’entre eux, sont ce
qu’on appelle à l’époque des « troupes indigènes » (Maghrébins, Africains).
Commandée par de Lattre, la 1re armée française se bat durement à l’automne
dans les Vosges avant de rompre le dispositif allemand de Belfort. De son
côté, Leclerc, qui n’a pas oublié le serment de Koufra, progresse vers
Strasbourg. Il investit la ville le 23 et, le soir, le drapeau français flotte sur
la cathédrale. La conquête reste précaire, car les Allemands considèrent
l’Alsace comme territoire du Reich et s’y accrochent furieusement. Colmar
n’est libéré que le 9 février 1945, après de terribles combats.
La libération de la France.

29 avril 1945
Les femmes votent pour la première fois
LES FEMMES FRANÇAISES auront été parmi les dernières du monde
occidental à acquérir le droit de vote. C’est chose faite le 29 avril 1945 pour
le premier tour des élections municipales. La veille de ce grand jour, Le
Figaro offre dans ses pages un « guide abrégé à l’usage des électrices
parisiennes », tandis que Wladimir d’Ormesson (l’oncle de Jean
d’Ormesson) se réjouit dans un éditorial souhaitant « que cette circonstance,
qui est primordiale, ramène plus de sérieux dans notre vie publique ». Le
chemin aura été long depuis la Révolution française, lorsque Théroigne de
Méricourt ou Olympe de Gouges luttaient en vain pour le droit des femmes.
Au printemps 1944 à Alger, lorsque le CFLN se pencha sur l’organisation
des pouvoirs publics après la Libération et, du même coup, sur les modalités
d’élection de la future Assemblée constituante, il n’était décidément plus
possible d’écarter les femmes de la vie politique. Ainsi, l’article 17 de
l’ordonnance du 21 avril 1944 spécifia : « Les femmes sont électrices et
éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. »

8 mai 1945
La capitulation du IIIe Reich
Dans son numéro spécial du 7 mai 1945, intitulé Édition Victoire, France-
Soir titre « Capitulation sans conditions » la fin de la Seconde Guerre
mondiale en Europe.

LA CAPITULATION SANS CONDITIONS DU IIIe REICH s’opère en deux


temps, avec une première signature à Reims le 7 mai 1945 et une seconde,
plus solennelle, à Berlin (Karlshorst) le 8 mai à 0 h 28, c’est-à-dire le 9 mai.
L’annonce de la capitulation provoque une extraordinaire explosion de joie
dans le monde entier. À Paris, comme à Londres, comme à New York, on
danse et on s’embrasse. C’est fini ! Les poches de l’Atlantique qui n’avaient
pu être réduites et où résistent encore plus de 100 000 soldats allemands se
rendent les unes après les autres : La Rochelle le 8 mai, Saint-Nazaire et
Lorient le 9. Le 10, Dunkerque, qui était assiégé et défendu par le fanatique
amiral Frisius, est la dernière ville de France à être libérée. L’aventure de la
commémoration du 8 Mai commence. Il sera tour à tour férié, à moitié férié
(férié mais non chômé), non férié sous la présidence de Giscard d’Estaing au
nom de la réconciliation franco-allemande, férié de nouveau sous celle de
Mitterrand… À l’heure de l’Europe, sa commémoration continue à poser
problème.

8-26 mai 1945


Les massacres de Sétif
LA CÉLÉBRATION DE LA VICTOIRE LE 8 MAI 1945, à Sétif dans le
Constantinois, dégénère en émeute. Des drapeaux vert et blanc, symboles de
l’Algérie indépendantiste, sont brandis aux cris de « Indépendance ! » et de
« À bas l’impérialisme ! ». La police tire. Des manifestants tombent sous les
balles, tandis que d’autres parcourent la ville, armés de couteaux et de
haches, pour massacrer des Européens. Le même jour, dans le Constantinois,
des émeutiers attaquent et massacrent des familles isolées. Le bilan de
103 morts du côté européen en dit long sur la brutalité des attentats et la
gravité du contentieux qui sépare les deux communautés. Il en va de même
pour la répression qui suit et dure jusqu’au 26 mai. Combien d’Algériens
massacrés ? Les estimations des historiens, toujours difficiles dès qu’il
s’agit de compter des morts, oscillent entre 6 000 et 15 000. L’Algérie
indépendante avancera le nombre de 80 000. Après Sétif, le gouffre se
creuse entre les deux communautés. Le général Duval, qui a commandé la
répression, écrit dans son rapport : « Il n’est pas possible que le maintien de
la souveraineté française soit exclusivement basé sur la force. »

15 mai 1945
La France à l’ONU parmi les « Grands »
LA FAILLITE DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS avait inspiré au président
Roosevelt le désir de créer une nouvelle institution, plus capable de faire
régner la sécurité et la paix. Le 1er janvier 1942, vingt-six pays en guerre
contre le IIIe Reich avaient proclamé leur volonté de vaincre dans une
déclaration dite des « Nations unies ». L’expression était née, mais le chemin
à parcourir était encore long avant que ne soit créée la nouvelle organisation
à l’issue de la conférence de San Francisco, ouverte le 25 avril 1945.
Initialement, le projet de Roosevelt reposait sur un exécutif fort – celui qui
avait tant manqué à la SDN. Il assurerait une police internationale à partir de
bases réparties dans le monde et ne serait composé que des quatre
« Grands » : les États-Unis, l’URSS, la Grande-Bretagne et la Chine. Les
autres États seraient purement et simplement désarmés. De Gaulle n’est pas
le dernier à trouver cette idée inacceptable « pour l’Europe et pour la
France ». C’est in extremis que la France obtient non seulement d’être
invitée à la conférence de San Francisco, mais encore de devenir membre
permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, à côté des quatre Grands.

« La France peut voyager en première


avec un ticket de seconde. »
Régis Debray.

15 août 1945
Pétain est condamné à mort
LA GUERRE A COÛTÉ À LA FRANCE 600 000 MORTS :
280 000 déportés, prisonniers, travailleurs forcés en Allemagne,
170 000 militaires, 150 000 victimes de bombardements ou fusillés…
L’économie est anéantie. Des villes sont en ruines (Brest, Le Havre, Caen,
Saint-Lô) et la pénurie alimentaire se prolonge. Le traumatisme moral est à
la mesure de la révélation de l’horreur des camps et de la véritable guerre
civile qui a opposé « collabos » et résistants. L’épuration a d’abord été
sauvage, des résistants surgis de nulle part fusillant sommairement et tondant
des femmes accusées de « collaboration horizontale ». Une épuration légale
a suivi en créant des juridictions d’exception : des chambres civiques et une
Haute Cour. Celle-ci juge 108 accusés dont Pétain, le 13 juillet 1945, accusé
de complot contre la République et intelligence avec l’ennemi. Le maréchal,
90 ans, a revêtu son grand uniforme. Il persiste dans l’argument du
« bouclier ». L’armistice a sauvé la France et il a préservé les Français.
Après cette déclaration, il ne dit plus rien. Les débats durent dix-neuf jours,
au terme desquels le procureur général Mornet, après avoir évoqué la
collaboration, les exécutions, la déportation politique ou raciale, réclame la
peine de mort. Le 15 août, à 4 heures du matin, après sept heures de
délibération, Pétain est condamné à mort. « Tenant compte du grand âge de
l’accusé, la Haute Cour de justice émet le vœu que la condamnation à mort
ne soit pas exécutée. » Sur cent huit jugements, la Haute Cour n’aura
prononcé que huit condamnations à mort, dont trois seulement suivies d’une
exécution (Laval, Darnand, Brinon).

« La guerre en mourant laisse l’homme nu,


sans illusion, abandonné à ses propres forces,
ayant enfin compris qu’il n’a plus qu’à compter sur lui. »
Jean-Paul Sartre ( Les Temps modernes, octobre
1945).

2 septembre 1945
Début de la guerre d’Indochine
Le 2 septembre 1945, depuis la place Ba Dinh à Hanoï et devant une foule
nombreuse, Hô Chi Minh, entouré des cadres du comité central du Parti,
lit la déclaration d’indépendance de la République démocratique du Viêt
Nam.

LE GPRF A FAIT CONNAÎTRE, le 24 mars 1945, le statut qu’il entendait


donner à l’Indochine : dans le cadre d’une future « Union française »
remplaçant l’« Empire », une « Fédération indochinoise » rétablissant de fait
la souveraineté française. C’est oublier que le Japon a renversé ladite
souveraineté et que tout le pays, à partir de 1945, a été submergé par une
lame de fond indépendantiste. Dès 1941, les militants du Parti communiste
indochinois, fondé par Hô Chi Minh, ont créé le Front Viêt-minh (« Ligue
pour l’indépendance du Viêt Nam) dans la haute région du Tonkin, et se sont
emparés de Hanoï. Après la capitulation japonaise, le Viêt-minh prend le
pouvoir dans toute l’Indochine et, le 2 septembre 1945, à Hanoï, Hô Chi
Minh proclame solennellement la « République démocratique du Viêt Nam ».
Sa déclaration est d’une grande clarté : « Nous n’aurons désormais aucune
relation avec la France impérialiste […] nous abolirons tous les privilèges
que se sont arrogés les Français sur notre territoire […] Tout le peuple du
Viêt Nam est déterminé à combattre jusqu’au bout contre toute tentative
d’agression de la part des impérialistes français. » Six mois plus tard, un
corps expéditionnaire français mené par le général Leclerc débarque au
Tonkin.

21 janvier 1946
De Gaulle démissionne
LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES D’OCTOBRE 1945 sont doublées d’un
référendum qui demande aux électeurs de choisir entre le rétablissement de
la IIIe République et l’instauration d’une IVe République. 96 % des Français
se prononcent pour une nouvelle république. La nouvelle Assemblée sera
donc constituante. Trois partis dominent l’Assemblée : le Parti communiste
est le premier parti de France avec 26,1 % des voix, suivi du Parti socialiste
avec 24,6 % et le Mouvement républicain populaire (MRP) – un nouveau
parti conservateur démocrate-chrétien. Le reste des voix se partage entre
radicaux et modérés. La gauche, auréolée de la Résistance, a la majorité
absolue, mais les socialistes refusent de gouverner seulement avec les
communistes et c’est une alliance tripartite qui s’établit avec le MRP.
L’Assemblée constituante reconduit de Gaulle à la tête du gouvernement,
mais celui-ci s’entend de plus en plus mal avec la gauche, qui veut
privilégier le pouvoir législatif alors qu’au contraire, il souhaite un pouvoir
exécutif fort. En désaccord avec le projet de Constitution soutenu par le Parti
communiste, il démissionne le 21 janvier 1946 en déclarant au Conseil des
ministres : « Le régime exclusif des partis a reparu. Je le réprouve […] Il me
faut donc me retirer. »
La IVe République

13 octobre 1946
Naissance de la IVe République
LA « POLITIQUE POLITICIENNE » règne de nouveau en France. Un projet
de Constitution est soumis à référendum en mai 1946. Très influencé par la
gauche, il propose un régime d’Assemblée unique élisant à la fois le
président de la République et le président du Conseil. Les non l’emportent. Il
faut élire une nouvelle Assemblée constituante, en juin. Les résultats
traduisent un léger glissement à droite, plaçant en tête le MRP. Les trois
partis majoritaires présentent en octobre 1946 un nouveau projet de
Constitution, dans lequel le pouvoir législatif reste prépondérant avec deux
chambres : l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct pour
cinq ans, et le Conseil de la République, élu par des représentants des
collectivités locales. Les Chambres élisent le président de la République,
lequel désigne le président du Conseil, qui doit être investi par l’Assemblée
nationale. L’Union française est créée, qui comprend la métropole, les
départements et territoires d’outre-mer, les territoires et États associés. Dans
un nouveau discours à Bayeux en juin 1946, de Gaulle a dénoncé,
publiquement cette fois, le régime des partis. Les Français, en revanche,
adoptent le projet de Constitution par référendum le 13 octobre 1946. La
IVe République est née.

5 mai 1947
Ramadier renvoie les ministres
communistes
VINCENT AURIOL est élu en janvier 1947 à la présidence de la
République. Député socialiste en 1940, il fait partie de la minorité de
parlementaires qui a refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Il a rejoint
Londres en 1943 après avoir été placé en résidence surveillée. Vincent
Auriol nomme Paul Ramadier président du Conseil. Son gouvernement
comprend l’éventail complet de tous les partis politiques. Cette fragilité se
trouve aggravée par la fondation par de Gaulle, en avril 1947, du RPF
(Rassemblement du peuple français) qui s’implante rapidement dans le pays.
L’ancien chef de la France libre apparaît dès lors comme le recours à une
restauration de l’autorité de l’État. Au printemps 1947, la situation
économique reste mauvaise. Le rationnement continue et l’inflation
s’accélère. Le Parti communiste soutient en avril une grève des ouvriers de
Renault. Le 5 mai 1947, Ramadier renvoie les ministres communistes après
que les députés du PCF ont voté contre le gouvernement, ministres compris.

17 juin 1947
La France accepte le plan Marshall
AU LENDEMAIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE, deux blocs
géopolitiques et idéologiques se sont constitués autour des États-Unis et de
l’URSS que tout oppose. L’Europe ne compte plus, sinon comme enjeu, et la
Chine ne compte pas encore. Truman, qui a succédé à Roosevelt, n’entend
plus, selon sa propre expression, « pouponner les Soviets ». À propos de
Staline, il écrit en janvier 1946 : « Une autre guerre éclatera si on ne lui
oppose pas une poigne d’acier. » Il énonce alors la doctrine du
containment : endiguer non seulement l’expansionnisme soviétique, mais
aussi le communisme mondial. Une aide économique sans précédent aux pays
dévastés par la guerre est alors décidée par les États-Unis le 5 juin 1947.
Elle ne dissimule pas sa visée politique avec cet argument que « les
semences des régimes totalitaires sont nourries par la misère et le
dénuement » (Truman). Ainsi naît le plan Marshall que l’URSS et, derrière
elle, les partis communistes occidentaux dénoncent avec violence. Dix-sept
pays l’acceptent, dont la France le 17 juin 1947. Entre 1948 et 1952, le pays
reçoit 2 629 millions de dollars, ce qui assure le succès du premier plan
quinquennal qui n’était pas solvable. Mais c’est aussi un premier pas dans
l’entrée de la France en guerre froide, comme l’a montré la rupture
gouvernementale un mois auparavant avec le Parti communiste.

24 janvier-4 avril 1949


Le procès Kravchenko
« Mon pays ne pourra jamais recouvrer la liberté
tant que les démocraties n’auront pas compris
ce qui se passe réellement en Russie. »
Victor Kravchenko (J’ai choisi la liberté !).

VICTOR KRAVCHENKO, né en 1905, a fui l’Union soviétique et obtenu


l’asile politique aux États-Unis, où il publie en février 1946 I Choose
Freedom. Dans ce gros livre autobiographique, il révèle les dessous du
régime soviétique, la collectivisation forcée, les famines, les purges, la
déportation et l’extermination des opposants ou supposés tels. L’ouvrage,
dénoncé par Moscou et les partis communistes, connaît un immense succès
avec un tirage qui dépasse rapidement les 2 millions d’exemplaires. J’ai
choisi la liberté ! paraît en France le 1er mai 1947, déchaînant une violente
campagne communiste. Dans Les Lettres françaises (revue communiste),
l’auteur est accusé d’être « un illettré, un ivrogne, un escroc, un débile
mental, un débauché […] qui a vendu sa signature aux services spéciaux
américains ». Kravchenko porte plainte contre la revue et un procès
retentissant s’ouvre le 24 janvier 1949, alors que le Parti communiste jouit
encore d’un immense prestige. Les Lettres françaises n’en sont pas moins
condamnées le 4 avril 1949. Kravchenko se suicide en 1966 après qu’il a
appris que ses parents ont été déportés en Sibérie.
La parution en France en 1947 de J’ai choisi la liberté ! déclenche
une campagne diffamatoire des communistes envers son auteur.

4 avril 1949
Le Pacte atlantique
APRÈS LE « COUP DE PRAGUE » au début de 1948, par lequel les
communistes mus par Moscou prennent le pouvoir en Tchécoslovaquie, et
après les grèves insurrectionnelles provoquées par les partis communistes
qui secouent la France et l’Italie, un premier pacte d’assistance en cas
d’agression par un pays tiers (sous-entendu l’URSS) a été conclu à Bruxelles
en mars 1948 par la France, l’Angleterre et le Benelux. Les signataires
souhaitent élargir ce traité à un pacte de sécurité atlantique. Truman y est
favorable, et le blocus de Berlin, commencé en juin 1948 et qui met face à
face Américains et Soviétiques, achève d’en convaincre le Sénat américain
qui, pour la première fois, autorise le président à conclure des alliances en
temps de paix. Le traité de l’Atlantique Nord, dit « Pacte atlantique », est
signé le 4 avril 1949 à Washington par les États-Unis, le Canada et dix États
européens (France, Royaume-Uni, Italie, Danemark, Norvège, Islande,
Portugal, Benelux). En 1950 est instituée l’Organisation du traité de
l’Atlantique Nord qui place l’Europe sous la protection du « parapluie
nucléaire » américain.

« Nous ne nous armons pas et nous n’armons pas nos amis


pour chercher querelle à qui que ce soit.
Nous édifions des défenses
pour ne pas avoir à nous battre. »
Truman.

Avril 1949
Simone de Beauvoir publie Le Deuxième
Sexe
SIMONE DE BEAUVOIR, après l’École normale supérieure, est reçue
deuxième à l’agrégation de philosophie de 1929, derrière Jean-Paul Sartre.
Avec lui, elle fonde à la Libération la revue Les Temps modernes. Engagée
dans le communisme, l’athéisme, l’existentialisme (chaque personne est un
être unique maître de ses actes, de son destin et des valeurs qu’il décide
d’adopter), elle a déjà publié plusieurs romans lorsqu’elle connaît la
consécration littéraire avec Le Deuxième Sexe qui paraît en avril 1949. Cet
ouvrage, à la fois philosophique et militant, s’emploie à dénoncer les lieux
communs d’une prétendue « nature féminine » passive, soumise et inféodée à
l’homme, le « premier sexe ». Beauvoir entend renvoyer les femmes non à
leur destin mais à leur liberté, grâce à l’action solidaire des hommes et des
femmes. « On ne naît pas femme, on le devient. » Beauvoir défend, entre
autres, la sexualité des femmes qu’elle expose sans fard, et pose la question
de l’avortement, considéré alors comme un crime passible des assises. Le
Deuxième Sexe partage aussitôt ses lecteurs entre partisans et adversaires
également passionnés. Le Vatican met l’ouvrage à l’index et François
Mauriac s’exclame dans Le Figaro : « Nous avons littéralement atteint les
limites de l’abject. »

18 avril 1951
La CECA
ROBERT SCHUMAN, alors ministre des Affaires étrangères, avait lancé
l’idée en 1950, dans une volonté de construction européenne, de créer une
solidarité de fait entre la France et l’Allemagne en plaçant « l’ensemble de
la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une haute autorité
commune dans une organisation ouverte à la participation des autres pays
d’Europe ». Au terme de négociations menées principalement par Jean
Monnet, ancien membre du CFLN et défenseur de l’idée d’une Europe unie,
le traité de Paris du 18 avril 1951 est signé par la France, l’Allemagne,
l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas. La circulation du
charbon et de l’acier est affranchie de tout droit de douane, de toute
discrimination entre producteur ou acheteur, de tout tarif préférentiel dans les
transports. Une haute autorité est chargée de faire appliquer ce programme
dans un esprit européen.

26 mai 1952
L’emprunt Pinay
APRÈS QUE DIX GOUVERNEMENTS se sont succédé de 1947 à 1951, les
élections législatives de juin ont amorcé un glissement vers le centre droit.
En mars 1952, Vincent Auriol propose la présidence du Conseil à Antoine
Pinay, un industriel de 61 ans, le premier homme de droite à revenir au
pouvoir depuis 1945. Pinay, qui détient en même temps le portefeuille des
Finances, devient rapidement populaire en jouant de son image rassurante de
petit industriel de province, au langage plein de bon sens. Nouveau Poincaré,
il reprend les impératifs d’une gestion financière saine et équilibrée. Le
26 mai 1952, il lance un grand emprunt national au taux d’intérêt de 3,5 %,
indexé sur l’or et exempté de droits de succession. Lancé par une grande
campagne publicitaire où l’on voit une Marianne souriante en train de
tricoter un bas de laine, l’emprunt Pinay remporte un très grand succès. Pinay
parvient à restaurer le franc, à juguler l’inflation en bloquant les prix et à
diminuer les dépenses publiques.

« Antoine Pinay, c’est Dupont appelé


à résoudre la crise du franc et de la France. »
Paris-Match (8 mars 1952).

1er février 1954


L’appel de l’abbé Pierre
Le 6 mars 1954, Henri Grouès, dit l’abbé Pierre, lance une campagne
de solidarité en inaugurant l’exposition « Au secours des sans-logis ».

HENRI GROUÈS est né à Lyon en 1912. Ordonné prêtre en 1938, résistant


sous le pseudonyme d’« abbé Pierre », qu’il va conserver toute sa vie,
député MRP de 1945 à 1951, il fonde en 1949 le mouvement Emmaüs, une
organisation laïque qui entreprend de lutter contre l’exclusion. Les
communautés d’Emmaüs se financent par la vente, après une remise en état,
de matériaux et d’objets de récupération. Non réélu en 1951, l’abbé Pierre
en est réduit à la misère, mais ne se décourage pas. Il connaît un début de
célébrité en mars 1952 lorsqu’il participe sur Radio Luxembourg au jeu
« Quitte ou double » animé par Zappy Max. Lors de l’hiver 1954, une
terrible vague de froid s’abat sur la France. La situation est aggravée par la
pénurie de logements qui sévit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
C’est alors que le 1er février à 12 h 45, l’abbé Pierre lance un appel sur les
ondes : « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée cette nuit
à 3 heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier
par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée. Chaque nuit, ils sont plus de deux
mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain… » Cette vibrante
exhortation à « une insurrection de la bonté » est entendue à la fois par les
pouvoirs publics et la population. Dons en nature et en argent affluent et
permettent la création des premiers centres d’accueil dans Paris et sa proche
banlieue.

7 mai 1954
Diên Biên Phu
DEPUIS LA PROCLAMATION D’INDÉPENDANCE DE LA
RÉPUBLIQUE DU VIÊT NAM, la guerre s’est installée en Indochine, à la
fois conflit de décolonisation et de « Guerre froide chaude ». Après que le
Viêt-minh, à partir de 1950, a reçu le soutien de la Chine, les États-Unis, qui
jusqu’alors s’opposaient à la politique coloniale de la France en Indochine,
lui fournissent matériel et armements. Dans un premier temps, les opérations
tournent à l’avantage du corps expéditionnaire français mené par Leclerc
(opposé à une solution militaire en Indochine), puis par de Lattre de
Tassigny, auquel succède en 1952 le général Salan. Progressivement, l’armée
française s’use contre la guérilla du Viêt-minh. En métropole, cette guerre
lointaine menée par une armée de métier et stigmatisée par la propagande
communiste devient rapidement impopulaire. Les divisions politiques de la
métropole et l’insuffisance des renforts finissent par rendre la situation
militaire intenable pour la France. En 1953, ce n’est plus la guérilla mais une
armée viêt-minh qui menace le Laos et le Cambodge. Le commandement
français espère briser l’élan des « Viets » en les attirant contre un camp
fortifié situé dans la cuvette de Diên Biên Phu, sur leur route
d’approvisionnement. Ce plan hasardeux, qui vise à aborder en position de
force une conférence de paix devenue inévitable, se retourne contre son
promoteur lorsque les 13 000 soldats français se retrouvent assiégés par un
corps de bataille de 50 000 soldats viêt-minh commandés par le général
Giap. Le 7 mai 1954, après cinquante-six jours d’une terrible bataille, Diên
Biên Phu tombe.

Guerre d’Indochine.

18 juin 1954
Pierre Mendès France, président
du Conseil
LA NOUVELLE DE LA CHUTE DE DIÊN BIÊN PHU plonge la France
dans la stupeur et porte l’instabilité de la IVe République à son comble. Il a
fallu treize tours de scrutin, le 23 novembre 1953, pour élire René Coty
président de la République, avec ce commentaire du New York Times : « Les
hommes politiques français ont fait la preuve qu’ils étaient indignes du grand
pays qu’ils représentent. » Deux gouvernements ont déjà succédé à celui de
Pinay lorsque, le 18 juin 1954, Pierre Mendès France est investi président du
Conseil. Cet ancien député radical, qui a rejoint Londres pendant la guerre
avant de devenir ministre de l’Économie du GPRF, a dû démissionner en
avril 1945 faute de voir appliquer son plan d’austérité. Il n’a cessé depuis
1950 de réclamer la négociation en Indochine, et il signe, dès le 21 juillet,
les accords de Genève qui mettent fin à la présence française en Indochine.
Le « mendésisme » inaugure un nouveau style de gouvernement avec une
équipe gouvernementale plus réduite et plus cohérente, choisie en fonction de
ses compétences et non dans le traditionnel dosage entre les partis
politiques.

30 août 1954
L’échec de la CED
RENÉ PLEVEN, président du Conseil, avait proposé à ses partenaires
européens, le 24 octobre 1950, la création d’une armée européenne, une
transposition pour le moins audacieuse de la CECA. La guerre de Corée, qui
venait alors d’éclater et menaçait de nouveau la paix dans le monde,
remettait à l’ordre du jour la question d’une défense efficace de l’Europe.
Cependant, l’idée d’une Communauté européenne de défense (CED)
implique un réarmement de l’Allemagne, souhaité par les États-Unis mais
auquel s’opposent aussitôt en France communistes et gaullistes, pour une fois
unis, tant les souvenirs de la guerre et de l’Occupation restent vifs. Le traité
de la CED est néanmoins signé à Paris le 27 mai 1952. Il est ratifié sans
difficulté par les autres pays à partir du printemps 1953, mais suscite en
France, tant dans l’opinion qu’au Parlement, les plus vives querelles. « En
moins d’un siècle, 3 invasions du militarisme allemand », proclame une
affiche du PCF. Seul le MRP, pour lequel ce serait « la plus grande chose
accomplie depuis 2 000 ans », soutient unanimement le traité, qui est
complété par un projet de Communauté politique européenne. Tout échoue
finalement à la suite du rejet du traité de CED par l’Assemblée nationale le
30 août 1954. La France, qui avait initié ce grand projet visionnaire, est le
seul pays à finalement le rejeter.

1er novembre 1954


La « Toussaint rouge »

L’Algérie en 1954.
DIVISÉE EN TROIS DÉPARTEMENTS (Alger, Oran, Constantine),
l’Algérie est considérée comme faisant partie intégrante de la France, mais
elle est administrée par un gouverneur général. Un statut, voté en 1947, est
très inégalitaire, puisque 3 millions de musulmans de « statut coranique »
élisent à une Assemblée algérienne le même nombre de députés que le
million de Français d’Algérie, citoyens à part entière. De surcroît, les
élections de 1948 ont été truquées. Les nationalistes algériens, qui ne
peuvent se faire entendre, sont divisés en trois courants : les traditionalistes
qui s’appuient sur l’islam, les réformistes qui, autour de Ferhat Abbas,
veulent progresser par la voie légale, et les révolutionnaires conduits par
Messali Hadj (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques)
pourchassé par la police. Le MTLD s’est doté en 1947 d’un groupe d’action
directe : l’Organisation spéciale (OS), dirigée par Ben Bella, ancien sous-
officier de l’armée française. Une nouvelle génération de nationalistes lassés
par les divisions internes et édifiés par la victoire du Viêt-minh se décide à
recourir à la lutte armée. Le Front de libération nationale (FLN) est fondé en
octobre 1954 par un petit groupe de militants venus du MTLD, dont Ben
Bella. Le 1er novembre 1954, jour de la Toussaint, une première vague
d’attentats contre les « Européens » est déclenchée. On ne compte alors
« que » huit morts, mais la guerre d’Algérie vient de commencer.

« Alerte ! Le traité d’armée européenne


ressuscite la Wehrmacht. »
Affiche du Parti communiste français.

2 mars 1956
L’indépendance du Maroc
L’ISTIQLAL, parti marocain fondé en décembre 1943, publie le 11 janvier
1944 son manifeste réclamant l’indépendance du pays. Mohammed ben
Youssef, sultan du Maroc, très populaire, soutient les nationalistes et, dans
son discours de Tanger, le 10 avril 1947, insiste sur les affinités du Maroc
avec la Ligue arabe (créée en 1945) et s’abstient des traditionnelles formules
d’allégeance à la France. En 1952, il réaffirme sa volonté d’indépendance,
poussé en cela par l’intransigeance des « proconsuls » de la France, le
général Juin puis le général Guillaume. Il est alors déposé et exilé en Corse
puis à Madagascar, tandis que le mouvement nationaliste entame une action
armée. La France, après les revers d’Indochine et face au début de
l’insurrection algérienne, adopte à son corps défendant une solution
politique. Le sultan du Maroc est rappelé. Il rencontre le ministre des
Affaires étrangères, Antoine Pinay, au château de La Celle-Saint-Cloud. À
l’issue de ces entretiens, le gouvernement français le reconnaît comme sultan
d’un Maroc libre et souverain. Le 16 novembre 1955, Mohammed ben
Youssef, qui va prendre le nom de Mohammed V, effectue un retour triomphal
à Rabat. La France reconnaît officiellement l’indépendance du Maroc le
2 mars 1956.

20 mars 1956
L’indépendance de la Tunisie
EN TUNISIE, sous protectorat français depuis 1881, le Destour, parti libéral
constitutionnel formé en 1920, a été transformé en 1934 en Néo-Destour,
parti indépendantiste radical, sous l’impulsion de Habib Bourguiba et de
jeunes intellectuels occidentalistes. Après une amorce de discussion avec le
gouvernement de Front populaire, des incidents sanglants en 1937 entraînent
l’arrestation des dirigeants nationalistes. Après la guerre, les réformes
partielles concédées par la France ne satisfont pas le Néo-Destour, qui
réclame l’indépendance complète. La rupture est consommée en décembre
1951 après que Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères, a
répondu dans un mémorandum à la Tunisie : « Les rapports futurs de nos
deux pays ne peuvent être fondés que sur la reconnaissance du caractère
définitif du lien qui les unit. » Une grève générale tourne à l’émeute et
Bourguiba est arrêté. L’arrivée de Mendès France au gouvernement change
radicalement la donne lorsque, le 31 juillet 1954, celui-ci prononce à
Carthage un discours dans lequel il proclame « l’autonomie interne de l’État
tunisien ». Le 3 juin 1955, les Tunisiens recouvrent la gestion intérieure de
leur pays, mais cette co-souveraineté reste insuffisante pour la fraction dure
du Néo-Destour. La menace de guerre civile et l’évolution de la situation
marocaine précipitent les négociations. Le 20 mars 1956, la France reconnaît
l’indépendance de la Tunisie et abroge le traité du Bardo de 1881.
5 et 6 novembre 1956
Le fiasco de Suez
L’AFFAIRE DE SUEZ APPARTIENT autant à l’histoire de la guerre froide
qu’à celle de la décolonisation. Nasser, qui s’est emparé du pouvoir à la
suite d’un coup d’État en 1952 et veut faire de l’Égypte une nation
indépendante et prospère, s’est d’abord tourné vers les Soviétiques après
que les Américains ont refusé de lui livrer des armes. Le 26 juillet 1956, il
annonce la nationalisation du canal de Suez en réponse à un refus des Anglo-
Saxons de financer le projet de construction d’un grand barrage sur le Nil, à
Assouan. La mesure soulève l’enthousiasme du monde arabe et provoque la
fureur des Britanniques, auxquels se joignent les Français qui accusent
l’Égypte d’être « la base arrière » du FLN. Les deux États préparent une
intervention militaire, à laquelle se joint Israël qui, de son côté, voit là une
occasion de renverser Nasser, violemment antisioniste. Une offensive éclair
est lancée le 29 octobre 1956 par les Israéliens, bientôt rejoints par les
Franco-Britanniques qui occupent Port-Saïd. Le 5 novembre, un ultimatum
soviétique, d’ailleurs avalisé par les États-Unis qui cessent de soutenir la
livre sterling, met en demeure la France, la Grande-Bretagne et Israël de
mettre fin à leur offensive. Le cessez-le-feu est accepté le 6 novembre. Le
fiasco de Suez marque l’éclipse des Européens et le début de la domination
des États-Unis et de l’Union soviétique dans le règlement des conflits
internationaux.

« L’Égypte bombardée par l’aviation franco-britannique


– La protestation grandit dans le monde. »

Une de L’Humanité du 1er novembre 1956.

7 janvier 1957
La bataille d’Alger
Casbah d’Alger, 1er février 1957. Commandés par le général Massu,
les parachutistes patrouillent pour le maintien de l’ordre.

APRÈS LA « TOUSSAINT ROUGE », des massacres dans le Constantinois


suivis d’une répression aveugle menée en partie par des civils européens
(les « pieds-noirs »), en août 1955, ont rendu la guerre irréversible. C’est
cette situation que doit affronter le socialiste Guy Mollet qui est arrivé au
pouvoir en février 1955. Partisan d’une politique de négociations, il est
conspué et bombardé de tomates à Alger en février 1956 avant d’adopter une
politique dure qui donne la priorité à une victoire militaire sur le FLN. Le
contingent est envoyé en Algérie pour y assurer la « pacification ». L’armée
transforme le pays en province militaire, bouclant les frontières avec le
Maroc et la Tunisie par des barrages de barbelés électrifiés, quadrillant le
terrain et le « ratissant » dans la poursuite sans fin de « bandes rebelles ». En
dépit des tentatives de l’armée (les « képis bleus ») pour rallier la
population par l’alphabétisation, la réforme agricole, les soins médicaux et
une administration de proximité, la guerre devient vite impitoyable. La
France de nouveau se divise, cette fois entre partisans de l’Algérie française
et ceux de la paix en Algérie : Parti communiste, intellectuels de gauche
comme Jean-Paul Sartre. Cette guerre d’Algérie, qui n’ose dire son nom,
prend une résonance internationale, de plus en plus condamnée par l’ONU. À
Alger, le terrorisme urbain se trouve jugulé lorsque, le 7 janvier 1957, le
général Massu, commandant la 10e division parachutiste, est chargé du
maintien de l’ordre. C’est le début de la bataille d’Alger, au terme de
laquelle, en juillet, l’armée triomphe après avoir multiplié fouilles,
contrôles, arrestations, mais aussi exécutions sommaires et tortures pour
obtenir des renseignements sur un ennemi qui se fond dans la population et
multiplie, de son côté, les assassinats de pieds-noirs mais aussi d’Algériens
musulmans.

25 mars 1957
Le Marché commun
L’ÉCHEC DE LA CED a été ressenti comme un coup d’arrêt à la
construction européenne. Une relance est nécessaire. Pour ce faire, le terrain
de l’économie est moins sensible que celui de la défense. Les six ministres
des Affaires étrangères de la CECA se retrouvent à Messine en juin 1955.
Les représentants du Benelux présentent à leurs partenaires un mémorandum
« pour une intégration économique générale pour la création d’un marché
commun ». Le mot est lancé… Après des négociations difficiles, deux traités
sont signés à Rome, le 25 mars 1957, par les représentants de la CECA,
créant la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA, ou
Euratom) et la Communauté économique européenne (CEE, appelée
« Marché commun »). Les objectifs définis sont à la fois politiques (« union
sans cesse plus étroite entre les peuples européens »), économiques et
sociaux. Plus concrètement, le Marché commun ainsi institué a pour but
d’instaurer entre les six pays signataires, au bout d’une période de douze à
quinze ans en trois étapes, la circulation totalement libre des marchandises,
des travailleurs, des services et des capitaux. Les politiques commerciales
devront être unifiées progressivement, et la législation harmonisée.

« L’institution du Marché commun renforcerait


le processus de concentration capitaliste dans les six pays.
Des milliers d’usines peu rentables fermeraient et des centaines
de milliers d’ouvriers se trouveraient sans travail. »
L’Humanité (22 mars 1957).

1er juin 1958


Coty appelle de Gaulle
31 mai 1958, perron de l’Élysée. Le président René Coty et le général
de Gaulle terminent leur entretien pour la mise en place d’un nouveau
gouvernement.

LA GUERRE D’ALGÉRIE fait renaître l’inflation, traumatise l’opinion et


achève de déstabiliser la IVe République. Deux gouvernements se succèdent
en moins d’un an. Le jour de l’investiture de Pierre Pflimlin, MRP considéré
comme favorable à la négociation en Algérie, une insurrection européenne
éclate à Alger le 13 mai 1958. Un « Comité de salut public » de l’Algérie
française est créé avec les généraux Massu et Salan. Ceux-ci font appel au
général de Gaulle, qui déclare se « tenir prêt à assurer les pouvoirs de la
République ». Devant la menace d’une guerre civile, le Parlement se rallie
progressivement à cette solution, suivi par l’opinion qui ne veut pas d’un
pouvoir militaire mais est lasse de la IVe République. Pflimlin se retire et, le
1er juin 1958, Coty fait appel à de Gaulle. Il ne s’agit pas seulement de
constituer un nouveau gouvernement, car ce dernier, dans sa déclaration
devant l’Assemblée, réclame des pouvoirs spéciaux, la révision de la
Constitution et la mise en congé du Parlement pour plusieurs mois. Il n’en est
pas moins investi par 329 voix contre 224. Trois jours plus tard, de Gaulle
se rend à Alger où il lance cette phrase ambiguë : « Je vous ai compris ! »

« Pour barrer la route au fascisme […] multipliez les arrêts


de travail ; manifestez contre la dictature. »
L’Humanité du 30 mai 1958.
La Ve République

28 septembre 1958
Oui à la Constitution de la Ve République
DE GAULLE A REÇU les pleins pouvoirs pour six mois avec mission
d’élaborer une nouvelle Constitution. L’idée qu’en a de Gaulle est très
précise et sa rédaction, sous la conduite de Michel Debré, garde des Sceaux,
ne demande que trois mois. Le 4 septembre, de Gaulle la présente aux
Français et la leur soumet par référendum. Les pouvoirs sont réorganisés
avec un exécutif renforcé et une transformation radicale des pouvoirs du
président de la République. Désigné par un collège électoral élargi
(80 000 grands électeurs), il nomme le Premier ministre et les membres du
gouvernement, qui ne sont plus investis par le Parlement mais restent
cependant responsables devant lui. Le président, en cas de péril grave, peut
recevoir les pleins pouvoirs pour six mois (article 16) et il peut faire appel
aux Français par voie de référendum. Le pouvoir législatif, élu au suffrage
universel pour cinq ans, est affaibli avec une Assemblée nationale réduite à
son rôle législatif et budgétaire, qui ne dispose plus de son ordre du jour et
peut être dissoute par le président. Le Sénat, élu au suffrage indirect pour
neuf ans, a un rôle limité de confirmation des lois, le dernier mot restant à
l’Assemblée nationale. Avec 79,26 % de « oui », les Français approuvent la
nouvelle Constitution lors du référendum du 28 septembre 1958. Ce oui
massif est avant tout un « oui » à de Gaulle.

21 décembre 1958
De Gaulle, président
LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES ont lieu en novembre 1958 avec un
scrutin uninominal majoritaire à deux tours qui va permettre de dégager des
majorités stables. De Gaulle se veut au-dessus des partis, mais une Union
pour la nouvelle République (UNR) n’en a pas moins été créée le 1er octobre
1958. Tous les gaullistes s’y retrouvent et les élections lui attribuent le plus
grand nombre de sièges à l’Assemblée : 188 devant 146 modérés du Centre
national des indépendants. Tous les partis de gauche et du centre, dont
l’image est trop liée à l’instabilité de la IVe République, sont laminés. Le
recul du PCF est historique, avec seulement 10 sièges. La SFIO, quant à elle,
n’en récolte que 40. Le 21 décembre 1958, un collège de 76 359 grands
électeurs procède à l’élection du président de la République. Les voix des
parlementaires se trouvent très largement diluées dans celles des élus
locaux : conseillers généraux, maires et représentants des conseils
municipaux. De Gaulle est élu avec 78,5 % des suffrages. Il choisit, en
janvier 1959, Michel Debré comme Premier ministre.

13 février 1960
La France a « la bombe »
« Hourra pour la France ! Depuis ce matin,
elle est plus forte et plus fière. »
De Gaulle.

LE COMMISSARIAT À L’ÉNERGIE ATOMIQUE (CEA) a été créé en


octobre 1945 par de Gaulle, deux mois après Hiroshima et Nagasaki. Cet
organisme a pour vocation de poursuivre les recherches scientifiques et
techniques dans l’utilisation de l’énergie nucléaire civile (principalement
l’électricité) mais aussi militaire. Les recherches vont bon train, et lorsque le
directeur du CEA, Frédéric Joliot-Curie, prix Nobel mais aussi membre du
Parti communiste et de son comité central, lance en 1950 l’appel de
Stockholm (à l’instigation de Moscou) contre l’utilisation de la bombe
atomique, il est révoqué. Après son départ, les travaux pour la construction
d’une bombe atomique s’intensifient, même si aucun gouvernement n’en
prend la décision officielle. Le 13 février 1960, dans la région de Reggane
dans le sud du Sahara, a lieu le premier tir nucléaire français. La France a
« la bombe » et entre dans le club très fermé des puissances nucléaires,
après les États-Unis, l’URSS et la Grande-Bretagne.

Juin 1960
La décolonisation de l’Afrique noire
« Leur refuser [le droit de disposer d’eux-mêmes], c’eût été contredire
notre idéal, entamer des luttes interminables, nous attirer
la réprobation du monde, le tout pour une contrepartie
qui se serait effritée inévitablement d’elle-même. »
De Gaulle (conférence de presse du 14 juin 1960).

DANS UN CONTEXTE GÉNÉRAL DE DÉCOLONISATION FRANÇAISE,


une loi-cadre a accordé l’autonomie interne à l’Afrique noire française en
juin 1956, et la Constitution de la Ve République permet aux colonies de
choisir entre l’indépendance et l’association dans le cadre de la
« Communauté ». Seule la Guinée choisit l’indépendance en septembre 1958.
Les autres colonies d’Afrique noire et Madagascar deviennent des « États
associés » en jouissant d’une autonomie interne. Cependant, en juin 1960,
de Gaulle accepte de réviser la Constitution pour répondre au souhait de ces
États africains d’accéder à l’indépendance sans rompre les liens avec la
France. Le Cameroun, le Togo, le Mali, le Sénégal, le Dahomey (futur
Bénin), la Côte-d’Ivoire, la Haute-Volta (futur Burkina), le Niger, la
Mauritanie, le Congo, la République centrafricaine, le Gabon, le Tchad et
Madagascar deviennent indépendants tout en signant des accords de
coopération avec la France. Un ministère de la Coopération est créé. La
décolonisation de l’Afrique noire est achevée, à l’exception de Djibouti
(Territoire français des Afars et des Issas) qui n’accédera à l’indépendance
qu’en 1977.
Le 20 juin 1960, Léopold Sédar Senghor, président de la Fédération
du Mali (République soudanaise et Sénégal), proclame officiellement
l’indépendance de la Fédération.

22 avril 1961
Le putsch des généraux
EN ALGÉRIE, les Européens et l’armée attendent du général de Gaulle le
maintien d’une Algérie française. Celui-ci offre, le 24 octobre 1958, la
« paix des braves », que le FLN refuse, en constituant un Gouvernement
provisoire de la République algérienne (GPRA) qui s’installe au Caire. Il
propose alors le 16 septembre 1959 l’autodétermination des Algériens sur
« ce qu’ils veulent être en définitive », mais se heurte aussitôt au refus des
Français d’Algérie. Au cours de la « semaine des barricades » à Alger, du
24 janvier au 1er février 1960, les « paras » fraternisent avec les insurgés. À
la suite d’un référendum sur l’autodétermination des populations algériennes,
approuvé à 75 %, se constitue un mouvement insurrectionnel, l’Organisation
armée secrète, au sigle bientôt célèbre de « OAS ». Le 22 avril 1961, les
généraux Challe, Jouhaud et Zeller rejoints par Salan déclenchent un putsch à
Alger, mais ils ne parviennent pas à rallier massivement l’armée – celle des
appelés qui, sur leurs transistors, ont entendu le 23 le discours de fermeté du
général de Gaulle qui, soutenu par l’opinion dans la métropole, met en
application l’article 16 de la Constitution. Isolés, les putschistes se rendent
ou passent dans la clandestinité le 25 avril.

18 mars 1962
Les accords d’Évian
LES ATTENTATS DE L’OAS EN ALGÉRIE ET EN MÉTROPOLE ainsi
que les manifestations qui s’achèvent tragiquement, comme celle des
Algériens de Paris le 17 octobre 1961 ou encore celle du 8 février (métro
Charonne), achèvent de faire basculer l’opinion vers l’indépendance. Des
négociations secrètes et difficiles s’engagent entre les délégués du FLN et le
gouvernement français. Les accords d’Évian sont conclus le 18 mars. Un
scrutin d’autodétermination en Algérie est décidé, dans un délai de trois à six
mois. Dans le cas d’une indépendance, qui ne fait guère de doute, le nouvel
État algérien garantira les biens et les personnes. Les forces armées
françaises, réduites à 80 000 hommes en un an, seront évacuées dans les
trois ans. La métropole accueille la nouvelle avec soulagement, et le
référendum du 8 avril entérine les accords d’Évian à plus de 90 % de
« oui ». En Algérie, l’OAS déclenche une grève insurrectionnelle. Lors
d’une manifestation contre les accords d’Évian, le 26 mars, rue d’Isly à
Alger, le service d’ordre tire sur les manifestants. Le bilan est de vingt-six
morts. Une guerre civile commence en Algérie qui précipite les premiers
départs de pieds-noirs vers la métropole.

3 juillet 1962
La fin du drame algérien

Algérie, bulletin du référendum d’autodétermination du 1er juillet 1962.

LE 1er JUILLET 1962, les Algériens votent à 99,7 % pour l’indépendance,


proclamée et reconnue par la France le 3. Dans les semaines qui ont précédé,
des massacres d’Européens ont eu lieu, notamment à Oran où les troupes de
l’ALN ont assassiné plus de 1 000 civils sans que l’armée française ait osé
intervenir. Il est alors clair que les accords d’Évian ne seront pas respectés.
Plus d’un million de pieds-noirs doivent choisir « entre la valise et le
cercueil » en perdant tout et pour ne rencontrer qu’incompréhension dans
leur exil en métropole. Les harkis et autres combattants musulmans (dont des
appelés) sont abandonnés pour 90 000 d’entre eux et promis à la torture et à
l’immolation, tandis que 50 000 autres ne sont rapatriés en France qu’à
l’initiative de leurs chefs de corps et pour se retrouver finalement internés
dans des camps. La guerre d’Algérie a fait 30 000 morts français, militaires
et civils, et entre 350 000 et 500 000 morts algériens. L’État algérien avance,
de son côté, le nombre de un million. Les conséquences morales sont tout
aussi funestes : la France a été au bord de la guerre civile ;
1 300 000 appelés restent marqués par cette « sale guerre », qui a mis
notamment en lumière la question de la torture ; un divorce s’est installé
entre la France et son armée, et un contentieux franco-algérien va perdurer
pour longtemps.

25 novembre 1962
De Gaulle triomphe des partis
GEORGES POMPIDOU remplace Debré à Matignon le 14 avril 1962. La
guerre d’Algérie a permis un renforcement des pouvoirs du chef de l’État,
bien au-delà de la lettre de la Constitution. La paix revenue dans le pays, les
partis politiques relèvent la tête et souhaitent réduire les pouvoirs de
De Gaulle. En choisissant Pompidou, gaulliste fidèle mais qui n’est ni un
homme politique ni un parlementaire, de Gaulle provoque l’ire de
l’Assemblée nationale. Après l’attentat OAS du Petit-Clamart le 22 août
1962, auquel il échappe de justesse, le chef de l’État mesure la précarité de
l’exécutif en s’avisant que l’élection d’un successeur aurait été à la merci de
l’Assemblée et donc des partis. C’est dans cet esprit que moins d’un mois
plus tard, le 12 septembre, de Gaulle annonce un référendum constitutionnel
portant sur l’élection du président de la République au suffrage universel.
Court-circuité, le Parlement proteste en évoquant la « présidentialisation »
du régime. La lutte s’aggrave jusqu’à ce qu’une motion de censure soit votée
contre le gouvernement Pompidou le 4 octobre. De Gaulle la refuse et
prononce la dissolution de l’Assemblée tout en maintenant le référendum
constitutionnel, qui recueille, le 28 octobre, 62,25 % de « oui », bien que
tous les partis, excepté bien sûr l’UNR, aient fait campagne pour le « non ».
Les élections législatives ont lieu le mois suivant et donnent, le 25 novembre
1962, la majorité absolue à l’UNR. De Gaulle a triomphé des partis.
22 janvier 1963
Le traité de l’Élysée
AVEC DE GAULLE, la politique étrangère devient le « domaine réservé »
du président. Selon lui, le règlement de la question algérienne, si imparfait
soit-il, était le préalable à une action diplomatique et politique visant à
ramener la France dans le concert des grandes puissances. À cet effet,
l’élaboration d’une « force de frappe » nucléaire sera constamment au centre
de ses préoccupations, quel qu’en soit le coût. Il s’agit en même temps de
rejeter le « protectorat » américain. Dans cet esprit, de Gaulle opère une
ouverture diplomatique à l’Est et, le premier, reconnaît la Chine communiste
en 1964 en conseillant aux États-Unis d’en faire autant. Dans le même but, la
politique européenne est privilégiée. Mais, fidèle aux positions qu’il a
affirmées dès la IVe République, de Gaulle, jalousement attaché à la
souveraineté de la France, rejette toute idée d’Europe supranationale. Il est
favorable à « l’Europe des États ». Pour construire celle-ci, « il n’y a que les
États qui soient à cet égard valables, légitimes et capables de réaliser ». En
1958, à titre privé, il avait déjà invité à Colombey-les-Deux-Églises le
chancelier de la république fédérale d’Allemagne, Konrad Adenauer, avec
lequel il avait sympathisé. Le 22 janvier 1963 à Paris, les deux chefs d’État
signent le traité de l’Élysée, un accord de coopération et de concertation,
point de départ du « couple franco-allemand » et noyau dur d’une
construction européenne.

19 décembre 1965
De Gaulle réélu
DEPUIS LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE DE 1962, de Gaulle
exerce seul et autoritairement le pouvoir en le personnalisant par des
apparitions régulières à la télévision (étroitement contrôlée par le
gouvernement), en donnant des conférences de presse, en voyageant en
province et à l’étranger. Georges Pompidou, Premier ministre de 1962 à
1968, applique son programme à la lettre. Les ministres sont tous des fidèles
inconditionnels : Couve de Murville aux Affaires étrangères, Pierre
Messmer aux Armées. Le général et son gouvernement s’appuient sur le parti
gaulliste et ses « barons » : Michel Debré, Jacques Chaban-Delmas, Edmond
Michelet. Le régime profite encore de la période d’expansion économique
des trois décennies d’après guerre : les « Trente Glorieuses ». Cependant
l’opposition politique se réveille peu à peu. Les partis de gauche se
rassemblent, à l’exception du Parti communiste, dans une Fédération de la
gauche démocratique et socialiste (FGDS) sous l’égide de François
Mitterrand, en vue de l’élection présidentielle de 1965 qui sera la première
au suffrage universel. Deux candidats de l’opposition – François Mitterrand
(pour toute la gauche, PCF compris) et Jean Lecanuet (président du MRP) –
se présentent contre de Gaulle, 77 ans. Ils profitent de la liberté de parole
qui leur a été laissée à la télévision pour dénoncer l’autoritarisme du
président. Contre toute attente, celui-ci est mis en ballottage au premier tour
et ne l’emporte au second, le 19 décembre 1965, qu’avec 55,20% des voix
contre 44,80% à Mitterrand.

7 mars 1966
La France quitte l’OTAN
LORS DE SON RETOUR AU POUVOIR EN 1958, le général de Gaulle,
dans un mémorandum du 17 septembre, a préconisé un directoire de l’OTAN
à trois : États-Unis, Grande-Bretagne, France, faute de quoi la France
suspendrait à terme sa participation. Cette proposition, restée sans réponse,
est incompatible, en plein cœur de la guerre froide et de « l’équilibre de la
terreur » entre les deux blocs, avec la doctrine de la riposte graduée de
Kennedy qui suppose « un seul doigt sur la gâchette ». La France décide
alors d’assurer elle-même sa sécurité et son armement nucléaire, retirant du
commandement naval intégré de l’OTAN ses flottes de Méditerranée en
1962 et de l’Atlantique en 1963. Enfin, le 7 mars 1966, elle dénonce son
adhésion à l’organisation militaire de l’OTAN tout en restant membre de
l’organisation. Les organismes et bases militaires alliées, notamment
américaines, qui se trouvaient en France, devront évacuer l’Hexagone avant
la fin de 1967. Le siège de l’OTAN quitte alors Paris pour Bruxelles en
décembre 1966.
2 mai-30 juin 1968
La crise de mai 68
« Le mouvement est kaléidoscopique : de Saint-Just à Guevara,
en passant par Rimbaud, Bonnot [la bande à…],
Trotski, André Breton, il récupère tous les mal-aimés
de la révolution, toutes les traditions de l’assaut poétique
et politique contre l’ordre établi. »
Jean-Marie Domenach ( Esprit, août 1968).

DES SIGNES D’USURE DU POUVOIR GAULLIEN sont visibles depuis


1967. Le mécontentement grandit contre l’exercice autoritaire du pouvoir, la
politique étrangère. Il s’exprime également dans le domaine économique et
social. Les élections législatives de mars 1967 donnent une victoire
d’extrême justesse à la majorité présidentielle. Telle une seconde vague, une
crise de société apparue aux États-Unis, notamment dans la contestation de la
guerre du Viêt Nam mais aussi contre les valeurs et les autorités établies
ainsi que contre « la société de consommation », déferle dans les universités
françaises, où le nombre des étudiants est passé de 200 000 en 1960 à
500 000 en 1968. L’agitation commence à l’université de Nanterre, qui est
fermée le 2 mai 1968, avant de se transporter à la Sorbonne le lendemain.
Dès lors, manifestations et affrontements entre les « gauchistes » et les forces
de l’ordre se succèdent. À partir du 13 mai, la crise gagne l’ensemble de la
société. De retour en France après un voyage officiel en Roumanie,
de Gaulle, le 19 mai, prononce ces mots aussitôt célèbres : « La réforme,
oui ; la chienlit, non ! » La grève devient générale et les accords de Grenelle
n’aboutissent pas. La crise atteint son paroxysme lorsque de Gaulle disparaît
le 29 mai. Il est allé à Baden-Baden rencontrer le général Massu. Le
lendemain, il annonce sur les ondes qu’il ne se retirera pas et qu’il dissout
l’Assemblée. Le soir même, 400 000 personnes répondent à son appel et
manifestent sur les Champs-Élysées. Dès lors, la crise se dénoue lentement et
le travail reprend. Les élections du 30 juin donnent la majorité absolue à
l’UDR (Union pour la défense de la République). L’opposition, suspecte
d’avoir été complice du désordre, a été durement sanctionnée alors quelle
n’a pas eu de prise sur les événements.

Affrontements entre forces de l’ordre et manifestants à Paris en mai 1968.

28 avril 1969
De Gaulle démissionne
LE RAZ-DE-MARÉE LÉGISLATIF DE JUIN 1968 n’aura été qu’une
victoire à la Pyrrhus, car la nouvelle majorité est plus conservatrice que
gaulliste et elle n’est pas prête à suivre de Gaulle dans la voie des réformes
que demande le pays depuis la crise de Mai 68. De Gaulle n’en lance pas
moins le mot d’ordre de « participation ». En juillet, Pompidou est remplacé
par Couve de Murville. Est-ce parce que son Premier ministre a mieux réagi
que lui pendant « les événements » ? Est-ce pour mieux le placer comme un
recours ? Toujours est-il qu’il faut d’abord opérer une réforme universitaire,
qui est confiée, en novembre, à Edgar Faure, ministre de l’Éducation
nationale. Une très relative autonomie est accordée aux universités, qui se
heurtent néanmoins aux réticences des élus gaullistes. Une seconde réforme
entreprend la régionalisation de la France, avec des conseils régionaux et
une meilleure implication du tissu socioprofessionnel. Cette réforme est
soumise à un référendum, dans lequel est ajoutée celle du Sénat dont les
pouvoirs seraient diminués. De Gaulle en fait un plébiscite sur sa personne,
et l’opposition se déchaîne aussitôt. À l’opposition traditionnelle s’ajoute
celle, nouvelle et déterminante, des « républicains indépendants » de Valéry
Giscard d’Estaing, ancien ministre des Finances de De Gaulle. Le 27 avril
1969, le « non » l’emporte à 52,41 %. Le lendemain, de Gaulle donne sa
démission. Il se retire à Colombey, où il meurt en novembre 1970.

« L’Europe devenant la seule issue de nos médiocrités,


nous savons peut-être gré à de Gaulle d’avoir été celui
– ultime prophète – qui a voulu ressusciter la France. »
Michel Winock ( L’Histoire, juillet-août 1987).

15 juin 1969
Pompidou, président
GEORGES POMPIDOU est élu président de la République le 15 juin 1969,
avec 58,21 % d° des voix (et 31 % d’absentions). Jacques Chaban-Delmas,
gaulliste « historique », est nommé Premier ministre. Ancien ministre sous la
IVe et président de l’Assemblée nationale depuis 1958, il s’engage dans une
politique d’ouverture en direction des centristes et des républicains
indépendants. Dans son programme de « nouvelle société », les inégalités
seraient réduites et les citoyens exerceraient une plus grande responsabilité.
Ainsi, une politique sociale contractuelle s’emploie à privilégier le dialogue
entre partenaires sociaux. Cette politique d’ouverture déroute les gaullistes
traditionnels et Pompidou lui-même, qui le remplace en avril 1972 par
Pierre Messmer, ancien ministre des Armées et gaulliste de stricte
obédience. Dans l’opposition, une stratégie d’« union de la gauche » se met
en place en vue des prochaines échéances électorales. François Mitterrand,
premier secrétaire du nouveau Parti socialiste, se rapproche des
communistes, dirigés par Georges Marchais. Ils signent, en juillet 1972, avec
les radicaux de gauche un « programme commun de gouvernement ». Aux
élections législatives de mars 1973, les gaullistes n’ont plus la majorité
qu’avec les républicains indépendants de Valéry Giscard d’Estaing. Pierre
Messmer forme son deuxième gouvernement, mais l’état de santé du
président pèse sur la vie politique. Ce dernier décède le 2 avril 1974.

19 mai 1974
Giscard d’Estaing, président
L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE MAI 1974 oppose au second tour, le
19 mai, François Mitterrand, candidat unique de la gauche, à Valéry Giscard
d’Estaing, qui l’emporte au terme d’un scrutin très serré, 50,81 % des
suffrages). Jacques Chaban-Delmas a été éliminé au premier tour. Pour
ménager l’UDR avec ses 183 députés à côté des 55 républicains
indépendants, Valéry Giscard d’Estaing nomme Jacques Chirac, 42 ans, un
gaulliste de la jeune génération, Premier ministre. Grand bourgeois de la
droite libérale, celui qu’on nomme VGE propose une « société libérale
avancée ». Plusieurs réformes sociales tentent d’instituer une politique moins
conservatrice, comme la généralisation de la Sécurité sociale ou la majorité
abaissée à 18 ans. Mais, consécutivement au premier « choc pétrolier » – les
prix du pétrole quadruplent entre 1973 et 1974 –, la crise économique frappe
le pays, qui compte un million de chômeurs en 1976. Le commerce extérieur
devient durablement déficitaire et l’inflation galope. Chirac, qui se plaint de
ne pouvoir mener librement sa politique, démissionne avec éclat en août
1976. Il est remplacé par Raymond Barre, universitaire et économiste, qui
prend aussi le portefeuille de l’Économie et des Finances.

17 janvier 1975
La loi Veil sur l’IVG
« Je voudrais vous faire partager une conviction de femmes.
Je m’excuse de le faire devant une Assemblée constituée
quasi exclusivement d’hommes. »
Simone Veil à l’Assemblée nationale,
le 26 novembre 1974, ouverture des débats.

SIMONE JACOB, née dans une famille juive en 1927, a été déportée à
Auschwitz à 16 ans. Rescapée, elle s’est mariée avec Antoine Veil en 1946.
Elle devient en 1970 la première femme secrétaire général du Conseil
supérieur de la magistrature. Elle considère avec bienveillance les
événements de Mai 68 : « Contrairement à d’autres, je n’estimais pas que les
jeunes se trompaient : nous étions bel et bien dans une époque figée. » Après
l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République, elle
est nommée ministre de la Santé dans le premier gouvernement Chirac (qui
compte six femmes). En 1974, elle présente au Parlement un projet de loi sur
l’interruption volontaire de grossesse (IVG) qui dépénalise l’avortement,
lequel « doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans
issue ». En dépit de violentes attaques et avec l’appui de la gauche, le texte
est finalement adopté et la « loi Veil », promulguée le 17 janvier 1975. Les
combats de Simone Veil ne font que commencer, en faveur de l’Europe
notamment.
Le 26 novembre 1974, à l’Assemblée nationale, Simone Veil, ministre
de la Santé, présente le projet de loi sur l’IVG.

19 mars 1978
La droite l’emporte de justesse
DEPUIS LE DÉPART DE CHIRAC EN 1976, l’apparente union de la
majorité s’est rompue. Les giscardiens (radicaux, centristes, républicains
indépendants) se regroupent en 1978 au sein de l’Union pour la démocratie
française (UDF), tandis que Chirac, depuis décembre 1976, a transformé
l’UDR en RPR (Rassemblement pour la République), l’implantant partout en
France et se posant déjà en futur candidat à la présidence de la République.
À la tête de la mairie de Paris depuis les municipales de 1977, il critique de
plus en plus ouvertement la politique de VGE. De son côté, l’Union de la
gauche éclate lorsque le PCF, constatant que l’Union profite uniquement au
Parti socialiste, veut négocier, mais en vain, de nouvelles conditions. Il
dénonce alors « le virage à droite » des socialistes. C’est donc une France
non plus, comme de coutume, coupée en deux mais en quatre qui vote aux
élections législatives de mars 1978. La majorité l’emporte de justesse et
Raymond Barre est reconduit comme Premier ministre. Les divergences entre
le RPR et l’UDF n’en subsistent pas moins et vont aller en s’accentuant.

10 mai 1981
Mitterrand, président
AU DÉBUT DE 1981, l’inflation persiste et le chômage atteint presque
2 millions de personnes. Valéry Giscard d’Estaing, dont l’image s’est
dégradée, arrive cependant en tête au premier tour des élections
présidentielles de mai 1981 (28,2 %) devant François Mitterrand (25,9 %)
Jacques Chirac (17,9 %) et Georges Marchais (15,4 %). Au second tour, le
10 mai 1981, Mitterrand, bénéficiant du report des voix de gauche, est élu
avec 51,75 % des voix, dans un débordement de joie du « peuple de
gauche », à la Bastille notamment, le soir du 10 mai. Le nouveau président
dissout aussitôt l’Assemblée et nomme Pierre Mauroy Premier ministre. Aux
élections législatives de juin 1981, la « vague rose » donne la majorité
absolue au Parti socialiste. Pour la première fois depuis 1947, des
communistes entrent au gouvernement. La gauche promet de « changer la
vie » en « cent dix propositions » et, pour l’heure, le nouveau régime
bénéficie de « l’état de grâce ».

« Il est bon qu’il y ait deux politiques dominantes qui s’opposent,


appelées à se remplacer l’une l’autre. C’est ce qu’on appelle
la loi de l’alternance dans une saine démocratie. »
François Mitterrand (« Club de la presse »,
Europe 1, 5 avril 1981).

9 octobre 1981
L’abolition de la peine de mort
LA GAUCHE prend des mesures symboliques pour le changement de
majorité, en abolissant le monopole de l’audiovisuel et en réformant
l’appareil judiciaire : suppression de la Cour de sûreté de l’État instituée en
janvier 1963 et, surtout, abolition de la peine de mort. Le débat, ancien au
plan philosophique, n’a jamais été juridique, à l’exception d’un projet de loi
déposé en 1908 depuis que le président de la République, Armand Fallières,
adversaire déclaré de la peine de mort, graciait systématiquement les
condamnés. Depuis 1939, les exécutions n’étaient plus publiques. La
guillotine, qui faisait horreur, n’en continuait pas moins de fonctionner. En
1981, la France est le seul pays de la CEE à pratiquer encore la peine de
mort, avec un soutien de l’opinion à 62 %. Sitôt élu, Mitterrand charge
Robert Badinter, ministre de la Justice, de mener le combat abolitionniste.
Après avoir entendu le 17 septembre un vibrant discours du garde des
Sceaux, l’Assemblée vote l’abolition de la peine de mort le
18 septembre 1981 par 363 voix pour et 117 contre. Après adoption par le
Sénat, la loi est promulguée le 9 octobre.

« Demain, grâce à vous, la justice française


ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous,
il n’y aura plus, pour notre honte commune,
d’exécutions furtives, à l’aube… »
Robert Badinter devant l’Assemblée nationale.

24 juin 1984
Manifestation monstre en faveur de l’école
privée
DEPUIS LA IIIe RÉPUBLIQUE, la querelle entre école publique et école
privée n’a pas cessé de rebondir. L’État laïc doit-il subventionner des écoles
privées ? Si la réponse est non, peut-il à lui seul répondre à la demande
scolaire du pays ? En décembre 1959, la loi Debré, alors même que la
scolarité obligatoire vient d’être portée à 16 ans, instaure un équilibre
fragile en reconnaissant la pluralité des établissements scolaires, en
instituant des contrats d’association des établissements d’enseignement privé
avec l’État. Les subventions sont assorties d’un contrôle public. L’émotion
est grande dans le camp laïc, et le ministre de l’Éducation nationale, André
Boulloche, compagnon de la Libération, démissionne. Presque toutes les
écoles privées adoptent le système, mais la guerre scolaire se rallume en
1984 lorsque le ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary, se propose
d’unifier l’enseignement secondaire et de mettre fin à la distinction entre
école publique et école privée en créant un « grand service public national et
unifié ». À gauche, les députés socialistes applaudissent, tandis qu’à Paris, à
Bordeaux, à Lyon, à Lille, à Versailles, les partisans de l’école privée
manifestent. Un comité national d’action laïque est constitué le 25 avril, mais
le 24 juin, plus d’un million de personnes, venues de toute la France, se
rassemblent à Versailles pour défendre l’école privée. Le 12 juillet,
Mitterrand reconnaît publiquement son erreur et abandonne le projet de loi.
Alain Savary démissionne et, après lui, le gouvernement Mauroy.

20 mars 1986
La première « cohabitation »
DÈS L’ÉTÉ 1982, le nouveau pouvoir est obligé d’abandonner sa politique
de relance (les dépenses publiques ont augmenté de 27,5 %). Le déficit de la
balance commerciale atteint les 25 milliards de francs et le franc subit trois
dévaluations. La priorité doit être donnée à l’assainissement de l’économie
et à la lutte contre l’inflation. L’opposition s’en trouve renforcée, comme le
montre déjà la forte perte d’audience des socialistes lors des élections
européennes du 17 juin 1984. Ces derniers voient, en outre, le score du Front
national, parti d’extrême droite jusqu’alors très minoritaire, se hisser à près
de 11 % des voix (autant que le Parti communiste). Son chef, Jean-Marie
Le Pen, recueille les voix de plus en plus nombreuses de ceux et celles
qu’inquiètent l’immigration et l’insécurité. Lors des élections législatives de
mars 1986, la gauche n’obtient que 44 % des voix, mais de leur côté, le RPR
et l’UDF, qui ont conclu un accord prévoyant l’abrogation des réformes de la
gauche, n’en recueillent que 44,7 % et ne bénéficient que de quelques sièges
d’avance. Pour la première fois depuis 1958, la présidence de la République
est privée du soutien de la majorité à l’Assemblée nationale. Prenant acte de
ce très nouveau rapport de force, Mitterrand inaugure la « cohabitation » en
nommant Jacques Chirac Premier ministre. L’un et l’autre ne remettent pas en
cause la Constitution.

8 mai 1988
Mitterrand réélu
PRENANT LE CONTRE-PIED DE LA POLITIQUE DES SOCIALISTES
EN 1981, Jacques Chirac, qui vise l’Élysée, joue la carte du libéralisme
systématique. Avec le ministre des Finances, Édouard Balladur, il supprime
l’impôt sur les grandes fortunes et privatise de nombreuses entreprises
nationalisées. Sur le plan social, les procédures de licenciement sont
facilitées. Les prix sont déréglementés et les dépenses de l’État comprimées.
Cependant, la relance ne se fait pas et le chômage atteint
2 650 000 personnes en février 1987. Une crise bancaire, le 19 octobre
1987, ruine la confiance dans les privatisations. De son côté, le ministre de
l’Intérieur, Charles Pasqua, doit lutter contre l’immigration clandestine et
multiplie les contrôles d’identité. La France subit, par ailleurs, une
campagne d’attentats terroristes qui culmine, en juillet 1986, rue de Rennes
(six morts). Finalement, la cohabitation a plus profité à Mitterrand qu’à
Chirac lorsque se présente l’échéance d’une nouvelle élection présidentielle.
Largement en tête au premier tour, Mitterrand est réélu le 8 mai 1988 avec
plus de 8 % de voix d’avance sur Chirac.

« Le porte-parole du Premier ministre […] évoquera l’injustice


du traitement entre ce président aux mains blanches
et le chef du gouvernement qui va au charbon. »
J.-Y. Chomeau ( Le Monde, 22 mars 1988).

14 juillet 1989
Les fastes du bicentenaire de la Révolution
UNE « MISSION DU BICENTENAIRE DE LA RÉVOLUTION
FRANÇAISE ET DE LA DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET
DU CITOYEN » a été créée en 1986. Après sa réélection à la présidence de
la République, François Mitterrand entend lui donner un éclat exceptionnel.
Il pense, comme beaucoup, que la Révolution française bénéficie d’un
capital d’adhésion, d’un patrimoine commun de mémoire, en un mot d’un
consensus propre à redonner à la République l’unité qui lui manque. Loin de
cela, l’annonce du bicentenaire réveille les passions et oppose violemment
historiens de gauche et historiens de droite. Une véritable
« Révolutionmania » s’empare du pays et connaît son apothéose le 14 juillet.
Le défilé militaire traditionnel a lieu le matin, mais ce que chacun attend
avec impatience, c’est la grande parade du soir, mise en scène par Jean-Paul
Goude sur le thème de « L’hymne à la fraternité des peuples ». Sur les
Champs-Élysées, devant un million de spectateurs, 6 000 figurants défilent
durant trois heures dans une succession de tableaux évoquant les peuples de
la planète sur une « musique mondiale ».

20 septembre 1992
Maastricht
LE CONSEIL EUROPÉEN adopte les 9 et 10 décembre 1991 à Maastricht
(Pays-Bas) le texte d’un traité qui prévoit la création d’une banque centrale,
une monnaie unique, une citoyenneté européenne, ainsi qu’une « politique
étrangère et de sécurité commune ». Cet approfondissement du projet
communautaire initié en 1957 est signé par onze pays à Maastricht le
7 février 1992. François Mitterrand croit pouvoir rassembler l’opinion
autour de lui à la faveur du référendum sur ce traité. En fait, le camp des
« antimaastrichtiens » rassemble un grand nombre de personnalités
politiques et divise les principaux partis. Les agriculteurs, de leur côté,
craignent la concurrence étrangère. Le référendum du
20 septembre 1992 n’est adopté qu’avec 51,04 % de « oui » (et 30,3 %
d’abstentions). Ce score plus que médiocre révèle un net décalage entre une
représentation nationale et des partis (à l’exception du Parti communiste et
du Front national) qui affirment leur adhésion à la construction européenne,
et une opinion publique qui reste attachée à l’identité nationale – Philippe
Seguin, leader du « non », ne veut pas d’un traité qui « enterre les grands
principes issus de la Révolution » – ou qui veut une Europe autre que celle
« des marchands et des technocrates ».
Référendum français sur le traité de Maastricht, 1992.

29 mars 1993
La deuxième cohabitation
LA FRANCE DE 1993 est en pleine récession économique. Le seuil des
3 millions de chômeurs vient d’être atteint. Au gouvernement Rocard ont
succédé ceux d’Édith Cresson (première femme à Matignon) et de Pierre
Bérégovoy, qui a annoncé son intention de lutter contre « les trois fléaux qui
démoralisent la société française » : le chômage, l’insécurité et la
corruption. Des « affaires » liées au financement des partis et celle du sang
contaminé par le virus du sida plongent le pays dans le désarroi. Dans ce
contexte, les élections législatives de mars 1993 sont catastrophiques pour le
PS, qui obtient moins de 18 % des voix au premier tour. Le Front national
emporte plus de 12 % des suffrages et, pour la première fois, les écologistes
franchissent la barre des 10 % et font mieux que les communistes. Au second
tour, l’opposition de droite enlève 484 sièges contre 70 à la majorité
sortante et 23 au Parti communiste. Bien que malade, le président de la
République reste à son poste. Le 29 mars 1993 commence la deuxième
cohabitation avec le RPR Édouard Balladur, principal lieutenant de Jacques
Chirac, lequel s’est montré peu désireux de s’user de nouveau au poste de
Premier ministre en compromettant ses chances pour la prochaine
présidentielle. Le nouveau chef de gouvernement profite, les premiers mois,
d’une grande popularité. La nouvelle cohabitation semble plus consensuelle
que la première.

7 mai 1995
Chirac, président
LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DE JUIN 1994 marquent un nouvel
échec du Parti socialiste, dont la liste conduite par Michel Rocard n’obtient
que 14,5 % des voix. L’élection présidentielle a lieu en avril-mai 1995. À
droite, les deux candidats – Jacques Chirac, qui place en tête de son
programme la lutte contre la « fracture sociale », et Édouard Balladur, que
les sondages donnent gagnant – sont issus du RPR. Ils s’opposent au
socialiste Lionel Jospin, ex-premier secrétaire du PS, à Robert Hue pour le
PCF et à Jean-Marie Le Pen pour le Front national. Chirac, qui a devancé
Balladur au premier tour, est élu président de la République le
7 mai 1995 avec 52,64 % des suffrages contre 47,36 % à Jospin. Alain
Juppé, né en 1945, principal lieutenant de la campagne de Chirac, est nommé
Premier ministre. Il devient rapidement impopulaire, notamment avec le
« plan Juppé » de réforme des retraites dans la fonction publique et de la
Sécurité sociale, allant dans le sens d’une politique de rigueur. Des grèves
paralysent le pays en décembre 1995 (2 millions de grévistes le 12) et le
gouvernement doit faire marche arrière. Face à l’impopularité croissante,
Chirac souhaite relancer son action et dissout l’Assemblée nationale au
printemps 1997, avançant ainsi les élections législatives d’un an.

4 juin 1997
La troisième cohabitation
SURPRISE PAR LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES ANTICIPÉES, la
« gauche plurielle » réunit le Parti socialiste, le Parti communiste, le
Mouvement des radicaux de gauche, le Mouvement des citoyens (Jean-Pierre
Chevènement) et les Verts. Elle promet la création de 760 000 emplois et la
semaine de 35 heures. Elle obtient au soir du second tour la majorité avec
320 sièges contre 256 pour la droite. Un timide début de féminisation voit le
jour avec 63 députés femmes (11 %). Le 4 juin, le gouvernement Lionel
Jospin – le premier socialiste sous la Ve République à entrer à Matignon
hors du processus d’une élection présidentielle – met en place le
gouvernement de troisième cohabitation. Le Premier ministre, qui a axé sa
campagne sur le thème « Changer d’avenir », poursuit la politique de
réduction de la dette de l’État. Une loi limitant la durée du travail à
35 heures est votée en février 1998. Les trois premières années du
gouvernement Jospin sont confortées par une reprise de la croissance
mondiale qui, amplifiée par une politique de relance de la consommation des
ménages, permet de faire descendre le chômage au-dessous de la barre des
10 %. Dans son discours du 14 juillet 1999, le président Chirac qualifie la
cohabitation de « constructive ». Toutefois, l’année 2000 marque la fin du
consensus à gauche avec l’échec des grandes réformes de la Justice, des
Finances et, surtout, de l’Éducation nationale, Claude Allègre ne parvenant
finalement pas à « dégraisser le mammouth ».

13 juillet 1998
La France « black-blanc-beur »
LE 12 JUILLET 1998, après que 20,6 millions de Français ont suivi le match
à la télévision, l’équipe de France remporte la Coupe du monde de football.
Une explosion médiatique sans précédent s’ensuit, qui va englober dans son
déferlement le 14 Juillet, tout proche, ainsi que le proclame Paris-Match :
« Pour la première fois de notre histoire, le 14 juillet aura commencé le
12 ! » Le 13 dans l’après-midi, 600 000 supporteurs en délire acclament sur
les Champs-Élysées les vainqueurs qui défilent sur un bus à impériale. Dans
un numéro spécial de 80 pages, Paris-Match publie, entre autres, le résultat
d’un sondage maison : « Diriez-vous que la victoire des Bleus à la Coupe du
monde de football a développé le climat de bonne entente entre les
Français ? A accru la confiance des Français en l’avenir ? A renforcé votre
patriotisme et votre attachement à la France ? » C’est oui à 88 % pour la
première question, à 70 % pour la deuxième et 57 % pour la troisième. Et le
célèbre magazine de conclure : « La victoire des Bleus réconcilie les
Français avec la France. » En somme, ce que tous les 14 Juillet depuis la
Révolution n’ont pas réussi à faire, à savoir unifier les Français, le football
l’a réalisé.
« Black-blanc-beur » ou la France unie autour du football.

24 septembre 2000
Du septennat au quinquennat
LE SEPTENNAT DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE paraissait
inébranlablement installé au cœur de la Ve République, mais les
cohabitations successives le remettent en cause, du fait de son décalage de
calendrier avec les élections législatives. Pour éviter cet inconvénient,
l’idée serait de faire coïncider l’élection présidentielle et les élections
législatives. De Gaulle y était opposé : « Parce que la France est ce qu’elle
est, il ne faut pas que le président soit élu simultanément avec les députés, ce
qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, altérerait le caractère
[…] de sa fonction de chef d’État » (allocution du 31 janvier 1964). Une
proposition de loi constitutionnelle pour l’instauration d’un quinquennat
renouvelable une fois est déposée le 9 mai 2000 par Valéry Giscard
d’Estaing. Le 24 octobre 2000, le quinquennat présidentiel est approuvé par
référendum à une large majorité de votants (73,21 %), mais avec une énorme
abstention de 69,81 %. Le Parlement vote, en 2001, l’inversion du calendrier
électoral afin que les législatives se tiennent après les présidentielles. Le
« fait majoritaire » s’en trouve accentué avec une plus grande implication du
président dans la pratique gouvernementale quotidienne.

31 décembre 2001
La France passe à l’euro
C’EST AVEC CURIOSITÉ ET APPRÉHENSION que les Français passent
du franc à l’euro, le 31 décembre 2001 à minuit. Cette monnaie, entièrement
nouvelle, divise le franc par 6,55957. La mutation délicate s’est opérée en
plusieurs temps : des chéquiers en euros à partir du 1er juillet 2001, puis, le
15 décembre, l’opération « Les premiers euros » proposant des sachets de
quarante pièces en euros (vendus 100 francs) dans les banques et les bureaux
de poste afin que les commerçants soient en mesure de rendre la monnaie en
euros dès le 1er janvier 2002. Fin décembre 2001, les banques et la Poste ont
adapté leurs distributeurs de billets à l’euro. Passé minuit le 31 décembre,
douze pays entrent dans la zone euro : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique,
l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la
Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal. La grande absente est la Grande-
Bretagne. À partir du 17 février 2002 à minuit, les paiements en francs ne
seront plus autorisés.

« L’euro a été inventé pour rendre le salaire


des riches six fois moins indécent. »
Frédéric Beigbeder.

8 mai 2002
Le Pen au second tour
TRÈS TÔT, Jacques Chirac a annoncé sa candidature à l’élection
présidentielle d’avril-mai 2002. Il mène une campagne dynamique sur le
thème de l’insécurité et de la baisse des impôts. Il profite, en même temps,
de l’éclatement de la « gauche plurielle » en plusieurs candidatures (pas
moins de huit en comptant l’extrême gauche) et des maladresses de Lionel
Jospin, qui défend un programme « moderne mais pas socialiste ». Les deux
hommes sont donnés favoris dans les sondages lorsque le 21 avril 2002, à
l’issue du premier tour, les résultats font l’effet d’une bombe : Le Pen, avec
4,8 millions de voix et 16,86 % des suffrages, arrive derrière Chirac
(19,88 %) et juste devant Jospin (16,18 %). Jean-Marie Le Pen avait été
candidat aux présidentielles de 1988 et 1995, mais nul ne s’attendait à un tel
résultat. L’entre-deux-tours est marqué par un déchaînement médiatique et
des manifestations anti-Le Pen. Celle du 1er Mai à Paris rassemble
500 000 personnes. Chirac refuse le débat traditionnel entre les deux
candidats, fort du ralliement dans un « sursaut républicain » de onze des
quatorze candidats éliminés. Au second tour, le 8 mai 2002, Chirac rafle
82,21 % des suffrages, du jamais vu. Jospin a annoncé son retrait de la vie
politique dès le soir du premier tour. Le 6 mai, il démissionne et Chirac
nomme Jean-Pierre Raffarin Premier ministre.

15 mars 2004
Le foulard à l’école
DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1980, le port du voile islamique dans
l’espace public provoque de vives polémiques en France, opposant les
tenants de la liberté religieuse à ceux de la laïcité. Les « affaires de voile
islamique » se multiplient, notamment dans le cadre scolaire après qu’en
septembre 1989, trois jeunes filles ont été exclues d’un collège de Creil
(500 élèves musulmans sur 876) pour avoir refusé d’ôter leur hijab. Lionel
Jospin, alors ministre de l’Éducation nationale, déclare qu’il faut respecter
« la laïcité de l’école, qui doit être une école de tolérance, où l’on n’affiche
pas de façon spectaculaire ou ostentatoire les signes de son appartenance
religieuse ». En 2003, le président Jacques Chirac crée une commission
(Stasi) qui aboutit à la loi du 15 mars 2004, votée à une très large majorité,
sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises. Une
« circulaire interprétative » du 18 mai 2004 la complète, qui interdit de
porter des signes manifestant ostensiblement son appartenance à une religion.
La loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes
religieux discrets – ce qui laisse évidemment place à interprétations et
contestations, qui plusieurs fois mènent jusqu’au Conseil d’État.

29 mai 2005
Non à une Constitution européenne
IL ÉTAIT QUESTION depuis 2000 de restructurer tous les traités antérieurs
sur la Communauté européenne, de les unifier aussi, en y substituant un Traité
constitutionnel. C’est une étape décisive pour la construction de l’Europe.
Une convention, que préside Valéry Giscard d’Estaing, Européen convaincu,
se réunit pour la première fois le 28 février 2002. Un premier projet est
élaboré en 2003. Enfin, le 8 juin 2004, les chefs d’État ou de gouvernement
des vingt-cinq pays membres adoptent à l’unanimité le traité établissant une
Constitution pour l’Europe. Reste à ratifier un texte qui, pour entrer en
vigueur, doit être adopté par chacun des pays membres, soit par voie
parlementaire soit par référendum. En France, après consultation des partis
politiques, Jacques Chirac choisit la voie référendaire. L’ancien président
Valéry Giscard d’Estaing trouve que c’est une bonne idée, mais à condition
que la réponse soit « oui ». Les principaux partis soutiennent le traité, mais,
à gauche surtout, d’assez nombreuses personnalités politiques prônent le
« non ». Quinze jours avant le référendum fixé au 29 mai 2005, les électeurs
reçoivent un épais pli contenant le texte complet du traité ainsi qu’une lettre
de douze pages sur l’exposé des motifs. Avec un peu plus de 30 %
d’abstentions, le « non » l’emporte à 54,67 %. Peur de la perte de la
souveraineté nationale, incompréhension d’un texte touffu et parfois
contradictoire, espoir d’une autre Europe, se sont conjugués pour un « non »
qui porte un sérieux coup d’arrêt à la construction européenne.
Le « non » au référendum de 2005.

6 mai 2007
Sarkozy, président
NICOLAS SARKOZY est né en 1955. Avocat d’affaires, « jeune gaulliste »
entré à l’UDR en 1974, soutien actif de Jacques Chirac lors de la campagne
présidentielle de 1981, il est élu maire de Neuilly en 1983 et député RPR en
1988. Il devient ministre du Budget et porte-parole du gouvernement
Balladur en 1993, puis secrétaire général du RPR en 1997. Jusqu’alors peu
connu, il se médiatise lorsque, ministre de l’Intérieur en 2002, il inaugure un
style « musclé » et déclare vouloir donner la priorité à la sécurité. De
nouveau ministre de l’Intérieur en juin 2005 dans le gouvernement de
Dominique de Villepin, il crée la polémique après qu’un enfant de 11 ans a
été tué à La Courneuve lors d’une rixe entre deux bandes, parlant de
« nettoyer la cité au Kärcher ». Il est candidat à l’élection présidentielle en
menant une campagne axée sur l’identité nationale. Ses rapports avec Chirac
sont mauvais, et ce dernier entretient un temps le mystère sur sa candidature,
mais un AVC en 2005 et des sondages très défavorables le font renoncer. Le
6 mai, Sarkozy l’emporte avec 53,06 % des voix. François Fillon est nommé
Premier ministre le 17 mai. Dans une même séquence électorale, les
élections législatives suivent un mois plus tard et reconduisent la majorité
présidentielle. Cependant, 40 % des électeurs se sont abstenus. L’une des
premières mesures du quinquennat est l’adoption du traité de Lisbonne, le
13 décembre 2007, qui remplace la Constitution européenne mort-née en
2005.

6 mai 2012
Hollande, président
SUR FOND DE RÉCESSION ET DE CHÔMAGE CHRONIQUE,
l’impopularité du président Sarkozy est grande. Elle s’aggrave encore durant
l’été 2011 lorsqu’une nouvelle crise frappe la France et l’Europe. Le
gouvernement doit lancer un premier plan d’austérité de 11 milliards
d’euros, puis un autre de 8 milliards. Candidat à sa propre succession et en
difficulté dans les sondages, Sarkozy mène une campagne très axée à droite.
Son principal adversaire est François Hollande, 58 ans, premier secrétaire
du Parti socialiste de 1997 à 2008, qui l’a emporté à la « primaire
citoyenne » de 2011 devant Martine Aubry, Arnaud Montebourg, Ségolène
Royal et Manuel Valls. Il propose « soixante engagements pour la France »,
avec notamment des recrutements massifs dans le secteur public et la
construction de 500 000 logements dont 150 000 sociaux. Au premier tour, il
arrive en tête avec 28,63 %, juste devant Sarkozy (27,18 %). Marine Le Pen
conquiert la troisième place avec 17,90 %. Après le grand débat télévisé de
l’entre-deux-tours au cours duquel Hollande marque des points avec son
anaphore « Moi, président de la République… », Sarkozy est battu le 6 mai
2012 avec 48,36 % des voix contre 51,64 %. De nombreux médias se sont
déchaînés contre Sarkozy, L’Humanité allant jusqu’à le comparer à Pétain.
Le président sortant avait annoncé qu’il quitterait la vie politique en cas
d’échec – ce qu’il confirme le lendemain du second tour par ces mots :
« J’espère qu’on me laissera un peu tranquille. »
11 janvier 2015
« Je suis Charlie »
L’HEBDOMADAIRE SATIRIQUE CHARLIE HEBDO avait publié en
2006 des « caricatures de Mahomet » ; en 2011, un numéro spécial, Charia
Hebdo, lui avait valu un incendie criminel de ses locaux. En janvier 2013, le
journal publie un numéro hors série, La Vie de Mahomet, en une BD
dessinée par Charb, son rédacteur en chef. En réponse, Al-Qaïda avait ajouté
son nom à une liste de onze personnalités occidentales « recherchées mortes
ou vives pour crimes contre l’Islam ». Le 7 janvier 2015, jour de la sortie du
nouveau numéro, deux terroristes islamistes pénètrent dans les locaux de la
rédaction et tuent onze personnes, dont huit membres de la rédaction parmi
lesquels Charb, Cabu, Wolinski. Un gardien de la paix est tué lors de leur
fuite. D’autres attentats meurtriers suivent, le 8 janvier, à Montrouge et, le 9,
dans une supérette casher. L’émotion soulevée dans le pays et dans le monde
est immense. À Paris, le dimanche 11 janvier 2015, quarante-quatre chefs
d’État et de gouvernement participent à une « marche républicaine » qui
rassemble plus d’1,5 million de personnes. Des défilés semblables ont lieu
dans toute la France, sous la bannière « Je suis Charlie ». Onze mois plus
tard, le 13 novembre, trois attentats de l’organisation terroriste « État
islamiste » (Daech), dont un lors d’un concert au Bataclan, se soldent par le
terrible bilan de 130 morts et 413 blessés. L’état d’urgence est décrété, une
première depuis le putsch d’Alger.
Le 11 janvier 2015 en France, près de 3,7 millions de personnes prennent
part à la marche républicaine après l’attentat du journal Charlie Hebdo.

7 mai 2017
Macron, président
MARQUÉ PAR UNE AGGRAVATION DE LA FISCALITÉ en dépit des
promesses électorales et un chômage qui ne cesse de grimper (plus de
3,5 millions en mai 2016) alors qu’il s’était engagé à en inverser la courbe,
François Hollande a vu sa popularité décroître régulièrement. En décembre
2016, il annonce qu’il ne se représentera pas pour un second mandat et, fait
inédit, n’apporte aucun soutien à un candidat de son parti. En amont de
l’élection présidentielle de 2017, trois primaires ont lieu, ouvertes aux
sympathisants et pas seulement aux militants. François Fillon se trouve
désigné pour les Républicains, et Benoît Hamon pour le Parti socialiste,
mais les « non-primarisés » sont nombreux : huit, parmi lesquels Marine
Le Pen (Front national), Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise),
Emmanuel Macron (En marche). Favori dans les sondages, François Fillon
se trouve discrédité par une série d’affaires révélées, entre autres, par Le
Canard enchaîné. Au soir du premier tour, il est distancé par Emmanuel
Macron (24,01 %) et Marine Le Pen (21,30 %). Ancien membre du Parti
socialiste et ministre de l’Économie de François Hollande, Emmanuel
Macron, 39 ans, est encore peu connu, mais dans le mouvement politique
qu’il a fondé en avril 2016, il a rallié une grande partie de l’opinion en se
déclarant hostile au clivage gauche-droite. Il va surtout bénéficier du report
des voix anti-Le Pen, et d’ailleurs François Fillon et Benoît Hamon appellent
à voter pour lui. Il est élu au second tour, le 7 mai 2017, avec 66,10 % des
voix. Les législatives qui suivent en juin accordent la majorité absolue à la
République en marche.

9 décembre 2017
Deuil national pour Johnny
LORSQUE JOHNNY HALLYDAY, de son vrai nom Jean-Philippe Smet,
décède le 5 décembre 2017 à l’âge de 74 ans, le célébrissime roi français du
rock a cinquante-sept ans de carrière derrière lui. Il a enregistré son premier
45-tours en mars 1960, avec une erreur sur la pochette : « Halliday » devenu
« Hallyday » – erreur aussitôt adoptée. À sa mort, celui qu’on n’appelle plus
que « Johnny » a vendu 110 millions de disques et donné plus de
3 250 concerts ayant totalisé 29 millions de spectateurs. Bien qu’attendu, son
décès soulève une immense émotion en France. Un extraordinaire hommage
lui est rendu lors de ses obsèques le 9 décembre. Devant un million de
personnes, son cortège funéraire descend les Champs-Élysées avant
d’arriver à l’église de la Madeleine. Sur le parvis attend le président de la
République Emmanuel Macron, qui, sous les applaudissements mais aussi
quelques sifflets, prononce un éloge funèbre. Dans l’église où se pressent
700 personnes, on remarque, parmi les personnalités politiques, Nicolas
Sarkozy, François Hollande, Jean-Pierre Raffarin, Jack Lang… Tout le
monde du spectacle est là. Quinze millions de téléspectateurs sont derrière
leur écran de télévision.
Crédits photographiques
pp. 2 © Photo Josse/Leemage, 9 © Bibliothèque nationale de France,
10 © Photo Josse/Leemage, 15 © Bibliothèque nationale de France,
18 © DeAgostini/Leemage, 22 © Wikipédia Commons, 26-27 © Bridgeman
Images, 28 © akg-images/British Library, 30 © Photo Josse/Leemage,
32 © Wikipédia Commons, 37 © The British Library Board/Leemage,
38 © Bibliothèque nationale de France, 41 © The British Library
Board/Leemage, 47 © Photo Josse/Leemage, 54 © Bridgeman Images,
59 © Bibliothèque nationale de France, 62 © Photo Josse/Leemage,
64 © Bibliothèque nationale de France, 66 © Lylho/Leemage, 72 © akg-
images, 73 © Bibliothèque nationale de France, 78 © DeAgostini/Leemage,
82 © Bridgeman Images, 84 © Photo Josse/Leemage, 87 © Photo
Josse/Leemage, 90 © Bridgeman Images, 95 © Jean Bernard/Leemage,
97 © Bridgeman Images, 101 © Gamma-Rapho, 103 © DeAgostini/Leemage,
105 © Musée Carnavalet/Roger-Viollet, 109 © Christie’s/Artothek/La
Collection, 112 © Bibliothèque nationale de France, 113 © Selva/Leemage,
118 © Fototeca Gilardi/Leemage, 120 © Roger-Viollet,
123 © Granger/Bridgeman Images, 128 © akg-images/Erich Lessing,
130 © Photo Josse/Leemage, 134 © Bridgeman Images, 137 © Photo
Josse/Leemage, 138 © Photo Josse/Leemage, 147 © akg-images/Erich
Lessing, 149 © Photo Josse/Leemage, 155 © akg-images,
159 © Bianchetti/Leemage, 163 © Tallandier/Bridgeman Images,
167 © Roger-Viollet, 169 © akg-images, 173 © Collection Kharbine-
Tapabor, 180 © Photo Rap/Roger-Viollet, 187 © US National
Archives/Roger-Viollet, 189 © Heritage Images/Leemage, 191 © akg-
images, 199 © DeAgostini/Leemage, 201 © LAPI/Roger-Viollet,
206 © Photo Josse/Leemage, 208 © Photo12/L’Illustration,
214 © Aisa/Leemage, 217 © Ullstein Bild/Roger-Viollet,
223 © Bibliothèque nationale de France, 227 © BHVP/Roger-Viollet,
234 © Tallandier/Bridgeman Images, 237 © Ullstein Bild/Roger-Viollet,
240 © (V/N)/Camerapress/Gamma, 246 © Tallandier/Bridgeman Images,
249 © AGIP/Bridgeman Images, 256 © AGIP/Bridgeman Images,
258 © Keystone-France/Gamma-Rapho, 262 © Keystone-France/Gamma-
Rapho, 264 © Keystone-France/Gamma-Rapho, 268 © Noa/Roger-Viollet,
271 © Philippe Ledru/akg-images, 279 © Popperfoto/Getty Images,
284 © Christopher Furlong/Getty Images.
Suivez toute l’actualité des Éditions Perrin sur
www.editions-perrin.fr

Nous suivre sur

Vous aimerez peut-être aussi