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Sommaire
Sommaire 1
Introduction 4
Présentation 4
Mise au point scientifique 4
Histoire des subalternes/dominés 4
Histoire globale et histoire connectée 5
Histoire environnementale 6
Bibliographie 6
Ressources principales 6
Ressources complémentaires 7
Sitographie 7
L’essentiel à transmettre 8
1
Document 1 11
Document 2 11
Document 3 11
Document 4 11
Onglet « ouverture » 12
2
Document 6 22
Corrigés des questions 22
Pour aller plus loin 23
3
Sujets supplémentaires 32
Introduction
Présentation
Le chapitre 3 de la classe de 2de est l’un des deux chapitres prévus dans le thème 3 intitulé
« XVe-XVIe siècles : un nouveau rapport au monde, un temps de mutation intellectuelle ». Après s’être
consacré dans la première partie de l’année à l’étude du bassin méditerranéen, il s’agit d’observer
comment les navigations océaniques transforment le monde, en insistant sur la manière dont l’Europe
appréhende ces transformations.
Le chapitre 3 mobilise des connaissances acquises en classe de 5e : les conquêtes de l’Empire
ottoman en Europe de l’est, particulièrement à partir de la conquête de Constantinople en 1453, et les
navigations européennes en Atlantique, depuis les explorations portugaises le long des côtes
africaines jusqu’à la découverte de l’Amérique.
Les guillemets à « découverte » indiquent d’emblée que l’on a dépassé ce concept historiographique,
qui faisait des navigateurs européens des héros ouvrant un globe jusque-là cloisonné. Au contraire, le
chapitre 3 invite à montrer que les Européens s’imposent (plutôt que « découvrent ») dans un monde
américain dominé par de grands empires, et s’insèrent dans un monde asiatique alors densément
connecté par le commerce. Les études de cas impliquent de se pencher sur les aspects techniques
de la première mondialisation qui se met en place au XVIe siècle, pour comprendre quelles
transformations démographiques, économiques et culturelles en résultent.
❖ Nathan Wachtel, La vision des vaincus : les Indiens du Pérou devant la conquête
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espagnole, Paris, Gallimard, 1971. Anthropologue français, Nathan Wachtel adopte dans
cet ouvrage l’approche née aux États-Unis des subaltern studies : il étudie un événement par
le point de vue des perdants qui, par définition, laissent moins de sources. En se concentrant
en particulier sur les Incas, il montre les réactions de résistance et de détresse de la
génération qui a vécu la conquête de Pizarro, la mise en place du travail forcé et les vagues
de maladies. Son travail reste célèbre aussi parce que, dans ces années, on est en train de
réévaluer à la hausse les estimations de la population amérindienne au XVe siècle, et que l’on
envisage de plus en plus la conquête de l’Amérique comme une destruction massive - le
terme d’ethnocide est même parfois employé, avant que, dans les années 1990, un débat
s’engage (surtout aux États-Unis) sur la pertinence ou non du terme de « génocide » (la
plupart des historien(ne)s contemporain(e)s refusent d’utiliser ce terme).
- Serge Gruzinski, La pensée métisse, Paris, Fayard, 1999. Serge Gruzinski analyse ici les
formes culturelles qui sont créées pendant les décennies qui suivent la conquête et jusqu’au
XVIIe siècle. L’éducation chrétienne et européenne, apportée notamment par les ordres
religieux en Amérique, entraîne la formation d’individus capables de maîtriser les codes
culturels des deux mondes. La thèse de l’auteur est qu’il en résulte des créations culturelles
hybrides, c’est-à-dire que quelque chose de nouveau naît de ces mélanges.
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siècle.
Histoire environnementale
Cette liste non exhaustive montre que le récit des grandes découvertes, qui se seraient étalées
jusqu’aux années 1520 en précédant la période plus violente de la première colonisation, ne tient plus
en tant que tel. Cette époque est au contraire marquée par une accélération de mutations qui se
poursuivent jusqu’à la période contemporaine et conduit à transformer radicalement l’Amérique et
bientôt l’Afrique, à modifier les réseaux asiatiques et à forcer les Européens à repenser leur place
dans le monde.
Bibliographie
Ressources principales
❖ Antonio de Almeida Mendes, « Les réseaux de la traite ibérique dans l’Atlantique nord
(1440-1640) », Annales. Histoire, Sciences sociales, 63/4, 2008, 739-768.
❖ Jérôme Baschet, La civilisation féodale, de l’an mille à la colonisation de l’Amérique, Paris,
Aubier, 2004.
❖ Georges Baudot, Pierre Cordoba, Tzvetan Todorov, Récits aztèques de la conquête, Paris,
Seuil, 1983.
❖ Dir. Patrick Boucheron, Julien Loiseau, Yann Potin, Histoire du monde au XVe siècle, Paris,
Fayard, 2012.
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❖ Alfred Crosby, The Columbian exchange: biological and cultural consequences of 1492,
Westport, Greenwood, 1973.
❖ Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières : essai d’histoire globale, Paris, Gallimard,
2006.
❖ Sanjay Subrahmanyam, Vasco de Gama : légende et tribulation du Vice-Roi des Indes, trad.
Myriam Dennehy, Paris, Alma, 2012.
❖ Nathan Wachtel, La vision des vaincus : les Indiens du Pérou devant la conquête espagnole,
Paris, Gallimard, 1971.
Ressources complémentaires
❖ Marcel Dorigny, Atlas des esclavages : traites, sociétés coloniales et abolitions de l’Antiquité
à nos jours, Paris, Éditions Autrement, 2006.
❖ Marcel Dorigny, Atlas des premières colonisations : XVe- début XIXe siècle, des conquistadors
aux libérateurs, Paris, Éditions Autrement, 2013.
❖ Laurent Testot (dir.), Histoire globale. Un autre regard sur le monde, Auxerre, Sciences
Humaines, 2008.
❖ Patrick Boucheron (dir.), « Inventer le monde. Une histoire globale du XVe siècle »,
Documentation photographique, 2012.
Sitographie
❖ « Comment construire une histoire globale », interview de Serge Gruzinski par Guillaume
Erner, France Culture, 2015.
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❖ « Christophe Colomb post-mortem », Concordance des temps, France Culture, 2019.
❖ « Histoire des peuples d’Amérique », la Fabrique de l’Histoire, France Culture, 2019.
❖ Global slavery index, site de cartes sur l’évolution actuelle de l’esclavage dans le monde,
exclusivement en anglais.
L’essentiel à transmettre
➔ Le choc de la conquête européenne en Amérique, la mise en place de l’esclavage atlantique
et l’insertion beaucoup moins rapide dans l’Océan Indien et en Asie.
➔ La mise en place des premiers réseaux mondiaux au sein desquels circulent des hommes
(esclaves et colons), des biens et des minerais (l’or), des cultures et des microbes.
➔ Les conséquences culturelles de ces mutations, qui forcent les Européens à repenser leur
place dans le monde en adaptant leur schémas religieux, historiques et scientifiques.
Document 1
L’image de gauche est un détail de la carte du Brésil dans l’Atlas Miller, de 1519. La cartographie est
alors un genre à la mode, et des ouvrages compilant des cartes de différentes parties du monde,
produits dès la fin du Moyen Âge, commencent à être réalisés de plus en plus fréquemment. On y voit
un trait de côte précis et des roses des vents, signe que des cartographes ont participé à cette
réalisation. Mais la finition est très ornementée : navires européens, assez classiques, et surtout
Amérindiens travaillant le bois, entourés de singes et d’oiseaux. Le topos du sauvage est alors en
train de se mettre en place, et ce type de représentation a beaucoup de succès. Cependant le travail
du bois est un élément bien réel de l’économie du Brésil, qui tire d’ailleurs son nom de l’abondance
d’arbres aux teintes rouges, dits pau-brésil. Réalisé par des cartographes portugais, cet atlas ne
comporte cependant qu’une carte de l’Atlantique, et se concentre ensuite sur la route vers l’Océan
Indien.
Document 2
L’image de droite appartient au contraire à un codex réalisé par des Amérindiens, dit Tepetlaoztoc (ou
de Kingsborough). Ce codex a pour but d’illustrer, auprès du Conseil des Indes, les plaintes des
Tepetlaoztoc contre les encomenderos, c’est-à-dire les propriétaires de terres, qui abusent de leur
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pouvoir. Sur cette image, on voit en particulier un Espagnol pillant l’or des Indiens, ce qui évoque les
mines mais aussi la fonte des objets préexistants, et brûlant des hommes sur un bûcher. Cette image
est donc une condamnation sans appel, et pourtant elle témoigne d’un monde déjà en train de se
métisser. Politiquement, il s’agit de présenter un procès auprès des autorités espagnoles.
Artistiquement, on voit un mélange entre style amérindien et européen, ce qui est le cas de l’essentiel
des codex conservés pour le XVIe siècle.
Entrée numérique
L’entrée numérique propose une présentation de l’exposition L’Inca et le conquistador qui s’est tenue
au musée du Quai Branly en 2015. On y voit essentiellement des objets incas ainsi que quelques
armes et tableaux espagnols. La présentation se concentre sur les figures du conquistador Pizarro et
du dernier empereur Atahualpa, ce qui permet d’incarner les forces en puissance.
On pourra demander aux élèves de repérer au cours du visionnage le lieu, la date et les personnages
de la rencontre évoquée, de façon à commencer à se situer dans le temps et l’espace.
Présentation de la carte
La carte de synthèse, qui place l’Amérique au centre du monde, permet de plonger immédiatement
dans un espace décentré. On peut l’observer de manière chronologique, en commençant par faire
remarquer aux élèves les difficultés comparées de la circumnavigation de l’Afrique par rapport à la
traversée atlantique. Sur le continent américain, on peut aussi leur demander de situer dans le temps
les empires aztèque et inca d’une part, puis les territoires espagnols et portugais d’autre part. Enfin,
les jeux de couleur invitent à poser la question de la compétition entre les différents États européens.
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Réponses au quiz
Q1 : Qui lance le premier tour du monde ?
a) Christophe Colomb
b) Vasco de Gama
c) Magellan
d) Mercator
Q3 : À quelle date les Portugais capturent-ils les premiers esclaves en Afrique de l’Ouest ?
a) 1444
b) 1453
c) 1492
d) 1498
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Présentation des documents
Document 1
Détail d’une aquarelle représentant la flotte des Indes, avec laquelle Vasco de Gama (vers
1469-1524) se rend dans le nord de l’Océan Indien pour tenter de s’imposer sur la route des épices.
Les navires sont allongés et fins, avec des bords peu hauts à l’exception des châteaux arrières, utiles
pour combattre. Ils combinent des voiles carrées avec une voile latine (triangulaire) à l’arrière, ce qui
permet de mieux manœuvrer. Les caravelles sont aussi les navires des explorations car leur faible
tirant d’eau (fond du bateau peu profond) leur permet de se rapprocher des côtes, même inconnues,
à la sonde.
On pourra poser la question suivante aux élèves : en quoi le symbole peint sur les voiles reflète l’une
des motivations de ces premiers navigateurs et conquistadors ?
Document 2
Giovanni da Verrazzano (vers 1485-1528) fait partie de ces nombreux navigateurs d’origine italienne
qui se mettent au service d’autres monarchies. Ayant vécu une grande partie de sa vie en France, il
conduit des expéditions le long des côtes actuelles du Canada et des États-Unis. En soutenant son
voyage, François Ier va donc à l’encontre du traité de Tordesillas et témoigne du début des ambitions
françaises, bientôt suivies de celles de l’Angleterre. Son texte montre que la forme de l’Amérique du
Nord reste à l’époque mal connue : on imagine alors soit un possible continuum de terre jusqu’à la
Russie (et donc un passage vers la Chine, dite Cathay, dont les marchandises attirent les
convoitises), soit un passage symétrique à Bonne Espérance au nord de l’Amérique, que plusieurs
voyageurs continuent à chercher pendant des décennies.
Document 3
Le célèbre traité de Tordesillas tranche la compétition entre la couronne de Castille et celle du
Portugal pour la possession des terres à conquérir en Amérique. À cette date l’Amérique vient d’être
découverte, sa forme est encore très peu certaine et le Brésil est encore inconnu. En situant le
méridien de partage à 370 lieues (environ 2000 km) à l’ouest du Cap-Vert, le pape valide donc le
découpage de terres hypothétiques, en partant du principe de la terra nullius, qui n’envisage pas les
droits des Amérindiens.
On pourra demander aux élèves de se reporter à la carte p. 95 puis de comparer les méridiens tracés
par le traité de Tordesillas (1494) et celui de Saragosse (1529). Ils pourront également repérer
jusqu’où vont les territoires espagnols dans le Pacifique.
Document 4
Le Typus orbis terrarum du géographe Abraham Ortelius (vers 1527-1598) est un véritable atlas qui
compile les cartes de toutes les régions alors connues du monde, ainsi qu’une carte du globe entier. Il
s’agit d’un travail de cartographie moderne. La projection mercator, du nom du géographe qui l’a
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inventée quelques années auparavant, permet de représenter le globe sans déformer les angles.
L’usage de l’imprimerie et de la gravure permet quant à lui de diffuser cet atlas en Europe. On repère
cependant sur cette carte certaines croyances géographiques de l’époque, telle que l’existence d’un
vaste continent en Antarctique, dont on pense qu’il sert à faire contrepoids aux masses continentales
plus importantes de l’hémisphère nord. On voit aussi, bien visible, l’hypothétique passage du
nord-ouest permettant de rejoindre l’Asie par le nord de l’Amérique.
On pourra demander aux élèves de repérer sur cette carte les éléments géographiquement corrects
et incorrects, si nécessaire en comparant avec la carte d’ouverture du chapitre.
Onglet « ouverture »
La carte à bâtonnets permet à la fois de battre en brèche l’idée selon laquelle les Européens seraient
les premiers navigateurs au long cours, et de montrer que toute représentation cartographique est
adaptée à son usage. Elle permet d’évoquer les navigations austronésiennes qui ont peuplé l’Océanie
et dont la dernière vague s’est déroulée entre 6 000 et 1 500 avant J.-C. Les migrations humaines
d’un continent à l’autre sont donc réinscrites au sein d’une histoire longue.
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Présentation des documents
Document 1
Ce plan de Tenochtitlan est réalisé d’après le dessin dont Cortès (vers 1485-1547) accompagne une
lettre à Charles Quint pour lui annoncer la prise de la capitale aztèque. Les Espagnols y sont arrivés
peu nombreux et peu préparés en 1519. Ils ont été émerveillés par la richesse de cette ville construite
sur un lac, au centre de laquelle se situaient un complex de temples et le palais de Moctezuma, et qui
abritait probablement plusieurs centaines de milliers d’habitants. En 1521, ils la conquièrent,
détruisent les temples et en font la capitale de la vice-royauté d’Espagne. La carte est probablement
une adaptation d’une représentation mexicaine, sur laquelle on a ajouté une légende latine et le
drapeau impérial de Charles Quint (au nord).
On pourra poser la question suivante aux élèves : combien d’habitants pouvaient résider dans une
ville construite sur l’eau ? On pourra faire un lien avec le dossier sur la Venise médiévale, p. 78-79 :
avec des apogées à des siècles différents, les deux villes comptent au maximum 200 000 habitants.
Document 2
Amerigo Vespucci (vers 1454-1512) est un navigateur florentin dont le nom est resté attaché à
l’Amérique suite à l’utilisation de son nom sur l’un des premiers planisphères à représenter les
nouvelles terres. Plusieurs de ses lettres aux Médicis ont été conservées, dont celle intitulée Mundus
novus, traduite en latin, publiée en 1503, puis traduite en plusieurs langues vernaculaires suite à
l’engouement des lecteurs pour ses descriptions du Nouveau Monde. On retrouve dans ce document
le pendant positif du mythe du sauvage, promis à un grand avenir au XVIIIe siècle : celui d’une liberté
naturelle, associée à la beauté physique, dans des sociétés sans droit de propriété. Mais pour cet
homme de la Renaissance, cette vision se mêle à une géographie religieuse : comme Christophe
Colomb avant lui, Vespucci affirme que le paradis se trouve à l’ouest des terres explorées. Vespucci
est connu pour ses embellissements et ses exagérations. Et pourtant, Christophe Colomb affirme la
même chose et présente le paradis comme un endroit accessible.
On pourra poser la question suivante aux élèves : à quel épisode religieux fait écho l’image
d’hommes et de femmes allant nus dans un jardin où ils ignorent la domination et la propriété ?
Document 3
Le Tratenbuch est l’œuvre du peintre allemand Christopher Weiditz (1498-1559), qui s’est rendu dans
sa jeunesse en Espagne, dans les années 1520, lors d’un voyage qui lui permet d’observer à la fois
des Espagnols et quelques Amérindiens rapportés de gré ou de force du Nouveau Monde. Ce type
d’œuvre, qui présente des portraits et des costumes très typiques d’hommes et de femmes connaît
un grand succès au XVIe siècle, et on en trouve aussi pour l’Empire ottoman. Ici, les représentations
des Amérindiens insistent sur les traits vus comme typiques par les Européens : peau sombre, pagne
coloré à plume, perroquet. On remarque ici le pendentif sur la lèvre du bas et les marques du visage,
faites à base de tatouages ou de scarifications. De même que les récits amérindiens se focalisent
beaucoup sur la pilosité des Européens, les Européens notent systématiquement cette pratique qui
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leur semble une marque de barbarie.
L’ensemble des images est accessible ici.
On pourra s’interroger en classe : quelle pouvait être l’opinion d’un Européen en voyant cette image ?
Document 4
On pourra poser aux élèves la question suivante : quelles sont les motivations des Européens qui
partent pour l’Amérique au début du XVIe siècle ?
Onglet « ouverture »
Cet onglet « Décentrement » présente Raoni Metuktire, figure très médiatique de la lutte des peuples
amérindiens depuis les années 1970, parfois unis aux revendications des peuples généralement dits
autochtones (ou peuples premiers) contre les derniers actes de l’occidentalisation du monde. Raoni
Metuktire a en particulier dénoncé l’exploitation de la forêt amazonienne au Brésil. Il peut être
présenté aux élèves également à travers le thème 1 du programme de géographie, dans l’étude de
cas « la forêt amazonienne : un environnement fragile soumis aux pressions et aux risques ».
En pratique, le débat a fonctionné dans le sens inverse : les pratiques réelles forcent à réclamer un
débat théorique. Les rois espagnols contrôlent mal ce qui se passe dans les encomiendas, ces
propriétés avec droit de mise au travail sur les Amérindiens en échange d’une éducation catholique.
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En 1512, le roi Ferdinand le catholique décrète les lois de Burgos, qui sont censées protéger les
Indiens. Mais elles sont peu appliquées et les interdictions promulguées ensuite par Charles Quint et
par le pape sont peu écoutées.
Le débat oppose un homme de terrain, Bartolomé de las Casas, ancien encomendero puis religieux
en Amérique centrale, et un homme d’université, Juan Ginés de Sepulveda. Remporté par Las
Casas, bien que sans grand effet en pratique, il montre à la fois une conscience croissante, parmi les
Européens, des ravages que leur présence entraîne en Amérique, et un besoin de la part de tous les
acteurs de fonder leurs décisions législatives sur des bases religieuses et philosophiques.
Le document 3 est une représentation, assez classique pour l’époque, des Amérindiens en sauvages,
nus, démembrant des hommes et les cuisant sur des grils qui doivent évoquer, pour un lecteur de
l’époque, le gril sur lequel est martyrisé saint Laurent.
Sur la page de droite, les documents 4 et 5 illustrent le point de vue de Bartolomé de las Casas à
travers les conditions de vie difficiles des Amérindiens dans les encomiendas.
- Le document 4 est une gravure de Théodore de Bry (1528-1598) : célèbre graveur connu
pour son ouvrage en plusieurs volumes America, pour lequel il s’est abondamment renseigné
sur le Nouveau Monde. Il appartient à ce mouvement de géographes et d’éditeurs qui, à partir
des années 1570, mettent en forme de vastes corpus promis à un grand succès, en utilisant
les récits de voyage qui se multiplient pour proposer une version parvenue ensuite jusqu’à
nous de manière presque officielle. On pourra éventuellement trouver des documents
complémentaires chez les éditeurs contemporains Ramusio (italien) et Hakluyt (anglais). Ici,
même si le tunnel de la mine est bien trop large, on repère les différentes étapes : descente
dans un puits avec une torche (d’où des soucis de respiration), puis martelage des parois et
récupération des roches transportées dans des paniers jusqu’à la surface, où le travail plus
fin d’extraction de l’or ou de l’argent a lieu.
- Le document 5 est un extrait de Histoire des Indes de Bartolomé de las Casas. Publié après
la controverse de Valladolid, ce document montre les conditions de travail et permet
également aux élèves de déduire que le travail forcé se poursuit malgré les interdictions.
Le travail dans les mines prend sens si on se reporte à l’abondance des mines signalées sur la carte
p. 94-95. Le manque de soins (doc. 5) peut aussi être mis en rapport avec le dossier 1 sur le choc
microbien.
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religieux espagnol résume les arguments formulés à la controverse de Valladolid. Le
document 5 est un texte de Bartolomé de las Casas, qui montre qu’en 1559, plusieurs
années après la controverse, il continue à écrire pour dénoncer le sort des Amérindiens.
❖ Réponse simple : L a controverse oppose Sepulveda, qui considère que les Amérindiens n’ont
pas d’âme, à Bartolomé de las Casas, qui les présente au contraire comme des créatures de
Dieu exploitées par les Espagnols. Elle a lieu à Valladolid, en 1550.
❖ Réponse complète : La controverse se déroule en 1550 alors que les encomiendas s ont en
place depuis plusieurs décennies. Elle a lieu pendant le règne de Charles Quint qui cherche à
organiser les lois dans les différents royaumes qui dépendent de lui. Sepulveda défend à la
fois la non-humanité des Amérindiens et la nécessité de les dominer pour les convertir au
christianisme. Bartolomé de las Casas montre au contraire leur intelligence et leur capacité à
apprendre des activités artisanales comme intellectuelles et artistique. Derrière ces
arguments anthropologiques, son but est de faire interdire le travail forcé des Amérindiens,
sur lequel repose alors l’économie d’exploitation qui s’est mise en place en Amérique.
➔ Question 3 : Associez chacune de ces gravures avec l’un des points de vue exprimés
pendant la controverse. (Doc. 2 et 4)
❖ Réponse : Le document 2 illustre le cannibalisme, qui est un des arguments de Sepulveda
pour montrer l’inhumanité des Amérindiens. Le document 4 illustre au contraire les conditions
du travail forcé dans les mines. Les gravures ne datent pas exactement de 1550, c’est-à-dire
qu’elles n’ont pas été produites pour illustrer la controverse, mais elles montrent que les
thèmes évoqués à Valladolid frappent les imaginaires européens pendant plusieurs
décennies.
❖ Réponse :
Capacités intellectuelles des Inférieures à celles des Égales à celles des Européens
Amérindiens Européens
Statut religieux des Idolâtres, c’est-à-dire païens, Doués d’une âme, ils peuvent
Amérindiens ils doivent être convertis en être convertis au christianisme
étant assujettis. par la prédication.
Relations souhaitées entre Domination des Espagnols sur Interdiction du travail forcé des
Amérindiens et Espagnols les Amérindiens. Amérindiens.
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❖ Bartolomé de Las Casas, émission de France Culture présentée par Jacques Munier, 2015.
Présentation du dossier
Les espèces d’Amérique et d’Eurasie ont été connectées pendant la dernière glaciation, jusqu’à ce
que le détroit de Béring dégèle vers 12 000 avant J.-C. L’arrivée de Christophe Colomb en Amérique
entraîne donc un échange de microbes contre lesquels les populations n’ont pas développé de
défenses immunitaires. Mais cet échange est inégal. Les Européens contractent la syphilis, maladie
sexuellement transmissible qui commence à être documentée avec certitude en Europe pendant les
guerres d’Italie, au cours desquelles elle est appelée alternativement le « mal italien » et le « mal
français ». Les Amérindiens, en revanche, contractent la grippe, la variole, la tuberculose, la rougeole
et la peste.
Il est difficile de savoir quelle proportion de la population amérindienne meurt, parce que les
scientifiques ne sont pas d’accord sur la démographie de ce continent à la fin du XVe siècle. Cette
question est aussi politique : il y a eu des hypothèses basses jusqu’aux années 1950-1960. Puis les
années 1970 apportent des hypothèses plus hautes (celles des high counters) qui envisagent par
exemple un Empire aztèque comptant 15 millions d’habitants, et même une forêt amazonienne
densément peuplée. On s’en tient donc à dire que 60 % à 90 % de la population meurt, les épidémies
étant aggravées par le déplacement des populations réunies dans de nouveaux villages et par le
travail forcé.
Le but du corpus est de faire repérer par les élèves, dans des documents d’époque, des phénomènes
biologiques dont les contemporains n’étaient pas eux-mêmes conscients. Les textes décrivent deux
épidémies différentes. Dans le document 1, il s’agit de la première vague de variole, qui se repère par
les pustules sur l’épiderme. Bernardino Sahagún (vers 1500-1590), franciscain espagnol installé en
Amérique, appartient à cette génération de religieux qui s’est efforcée d’apprendre les langues
locales, dans son cas le nahuatl, pour prêcher, mais aussi consigner la mémoire des populations par
écrit. À partir d’informations fournies par des Indiens âgés, il compile une vaste Histoire générale des
choses de la Nouvelle-Espagne. Illustré à partir de dessins de ses informateurs (document 2), le récit
montre que les individus sont inégalement sensibles à la variole, mais que l’épidémie est aggravée
par la déstructuration des liens sociaux.
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Puis, dans le document 6, le médecin espagnol Fernando Hernandez, envoyé pour rédiger une
œuvre naturaliste compilant les plantes médicinales américaines, décrit une épidémie dont il est
lui-même témoin dans les années 1570. On voit que l’épidémie fonctionne de manière sélective,
attaquant moins sévèrement les personnes âgées et les Espagnols, deux groupes dont le système
immunitaire est sans doute plus résistant à cette date.
Les documents 3, 4 et 5 expliquent les phénomènes biologiques en jeu : les Espagnols bénéficient
d’une immunité innée à certaines maladies. Dans son essai, le biologiste américain Jared Diamond
propose comme cause (document 6) l’habitude des Eurasiens à vivre au contact d’animaux grégaires
plus nombreux, source d’un environnement microbien plus dense, face auquel le système immunitaire
des humains s’est progressivement renforcé.
➔ Question 1 : Présentez les documents : origine des auteurs, date d’écriture, date de
l’événement. (Doc. 1, 2 et 6)
➔ Question 2 : Montrez quelles catégories de la population sont les plus touchées. (Doc. 1 et
6)
➔ Question 3 : Décrivez les symptômes de la variole chez les Amérindiens, puis proposez une
hypothèse expliquant les différences de réaction entre les individus d’une même population.
(Doc. 1,2 et 3)
➔ Question 4 : Listez les causes possibles de la sensibilité particulière des Amérindiens aux
éléments pathogènes de l’Ancien Monde. (Doc 4 et 5)
❖ Réponse : Même si la population amérindienne était aussi dense que celle d’Eurasie,
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le nombre d’animaux domestiqués est plus important en Eurasie. Par conséquent, les
populations vivent en permanence au contact de nombreux microbes susceptibles de
se transmettre parfois de l’animal à l’homme. Chez cette population, la mortalité des
individus les plus sensibles a fini par sélectionner les individus plus résistants, tandis
que les Amérindiens n’ont pas développé de telles défenses immunologiques, qui
n’étaient pas nécessaires dans leur environnement.
➔ Argumenter et débattre : Préparez un débat sur la question suivante : dans quelle mesure
l’environnement permet-il d’expliquer l’histoire ?
Coup de pouce : On peut aussi faire réfléchir les élèves à des cas actuels plus facilement
mobilisables : les pays riches en énergies, les pays riches en minerais, les pays concernés dans
l’immédiat par le réchauffement climatique, etc.de façon à leur faire sentir que l’environnement est un
facteur historique.
Document 1
Dans cette seconde image du Tratenbuch de Christopher Weiditz (voir la première p. 99), on voit une
autre scène aperçue par l’auteur allemand lors de son séjour en Espagne dans les années 1520.
Alors qu’en Amérique l’esclavage se développe surtout sur les plantations et dans les mines, les
esclaves africains qui arrivent dans les ports du Portugal et sont parfois vendus ailleurs dans la
Péninsule ibérique sont souvent assujettis à un travail domestique. C’est pourquoi on voit ici une
femme riche (ornée de bijoux, chaussée de talons) et son enfant faire porter par un homme adulte
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une outre de vin. On remarquera la veste à l’Européenne sans pantalon, et les bracelets aux pieds,
qui suggèrent qu’une chaîne pouvait relier les deux pieds pour empêcher l’homme de courir.
On pourra s’interroger en classe : quelle pouvait être la réaction des lecteurs de l’époque en
observant cette image hors de la Péninsule ibérique ?
Document 2
Le codex Lienzo de Tlaxcala raconte l’histoire du peuple Tlaxcaltèque, en insistant sur l’ancienneté de
leur alliance avec les Espagnols qu’ils ont soutenus lors de la conquête de Tenochtitlan. Insister sur le
baptême des membres de l’élite est aussi une manière de souligner ce lien. Ici un religieux tonsuré,
probablement franciscain, présente l’hostie à un groupe d’Amérindiens sous le portrait de la Vierge.
La scène se déroule sous le regard de spectateurs mixtes, Espagnols et Amérindiens.
On pourra demander aux élèves d’indiquer ce qui distingue les vêtements des Européens et des
Amérindiens.
Document 3
Sans être en elle-même un personnage historique majeur, Pocahontas est une figure emblématique
des phénomènes de métissages souvent anonymes qui se déroulent au cours des premières
colonisations. Fille d’un chef de confédération tribale, elle fréquente la plantation britannique de
Jamestown, fondée en 1607. Les premières années d’installation sont extrêmement rudes pour les
colons, qui survivent en partie grâce à l’aide des Amérindiens, jusqu’à ce que les Powhatan entament
une série de guerres à partir des années 1620. Le capitaine John Smith, soucieux dans ses écrits de
mobiliser des soutiens anglais pour la nouvelle colonie, fait de Pocahontas une image des bons
rapports avec la population locale. En 1614, après s’être convertie et avoir pris le nom de Rebecca,
elle épouse le colon John Rolfe. En 1616, le couple se rend en Angleterre pour rassurer les
investisseurs, dont le roi Jacques Ier. Elle meurt là-bas âgée d’une vingtaine d’années.
On pourra poser la question suivante aux élèves : dans quel but la Compagnie de Virginie
assure-t-elle les dépenses du voyage de Pocahontas ?
Onglet « ouverture »
L’onglet « Prolongement numérique » invite les élèves à approfondir l’étude des débuts de la traite
atlantique, évoqués très rapidement dans le cadre du programme. Le documentaire Les routes de
l’esclavage s’appuie sur le travail récent d’historiens et des sources exactes. Il montre bien les causes
complexes qui entraînent la création d’un système de grande ampleur. Il présente aussi des données
peu connues sur la place des esclaves à Lisbonne et à São Tomé, au large des côtes africaines. Les
autres épisodes, également disponibles en ligne, placent la traite atlantique comme un moment
d’accélération dans la longue histoire de l’esclavage, de l’Antiquité à nos jours.
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Point de passage 2 : Au Brésil et dans les îles
caribéennes, la naissance de l’économie sucrière
et de l’esclavage (p. 106)
Document 2
Rédigée vers 1545, cette navigation par un pilote anonyme est la plus ancienne description connue
de São Tomé, île volcanique du golfe de Guinée. Ramusio, l’éditeur italien, en publie une copie à la
fin du XVIe siècle, mais les historiens l’utilisent plus particulièrement depuis les années 1960 pour
étudier de près le mode de vie dans les premières colonies sucrières. On y voit une société
inégalitaire, organisée autour d’une monoculture, où des critères raciaux hiérarchisant commencent à
être mis en place. L’île est habitée lorsque les Portugais y abordent pour la première fois en 1471,
mais on comprend que les importations d’esclaves ont tout de même lieu depuis le continent, de
manière régulière. Les Européens n’y sont pas en situation de majorité, aussi s’appuient-ils sur des
métisses pour maintenir leur domination. Les esclaves, quant à eux, doivent aussi travailler la terre
volcanique pour se nourrir. Certains réussissent parfois à s’échapper vers le centre de l’île, tel le
21
rebelle le plus célèbre, Amador, qui tient tête aux autorités de 1595 à 1596. L’esclavage est interdit en
1876. L’île obtient son indépendance du Portugal en 1975.
Document 3
Gonzalo Fernandez de Oviedo y Valdés, dit Oviedo (1478-1557), noble espagnol, a occupé plusieurs
postes en Amérique et notamment à Saint-Domingue. Son ouvrage est imprimé pour la première fois
en 1535 à Séville, mais ses idées circulent depuis 1519. Son fort patriotisme s’y traduit par un
optimisme face à l’entreprise de colonisation à laquelle il participe lui-même. Il est d’ailleurs entré en
conflit avec Las Casas, car il considérait que les Indiens n’étaient pas des êtres humains en pleine
possession de toutes leurs facultés.
Document 5
Fernão Cardim (1549-1625) est un jésuite portugais qui séjourne au Brésil de 1583 à 1598, séjour
durant lequel il rédige son ouvrage, puis il y retourne dans les années 1600. Il assiste donc aux effets
de l’amplification de la traite atlantique (mise en place entre le XVe et XVIe siècle, mais qui devient un
système de grande ampleur au XVIIe siècle). Publié seulement au XIXe siècle, ce texte peu étudié est
disponible en libre accès ici. Si on décide d’outrepasser le texte du programme pour s’arrêter plus en
détail sur l’esclavage lui-même, on peut aussi montrer que les Africains remplacent progressivement
les Amérindiens dans le travail des mines, comme sur cette aquarelle de 1586.
Document 6
Cette gravure issue de America de Théodore de Bry présente les étapes de la fabrication du sucre
d’un point de vue très technique. On peut noter que la gravure originale est en noir et blanc, et que
dans les colorisations postérieures qui ont eu lieu, la couleur de peau des esclaves peut changer.
❖ Réponse : Les esclaves cultivent les cannes à sucre, puis les coupent et les broient
dans un moulin à eau. Le jus est cuit jusqu’à sécher et devenir des blocs de sucre.
➔ Question 2 : Qui travaille dans les plantations sucrières au XVe et XVIe siècles ?
(Doc. 1, 2 et 5)
❖ Réponse : Dans les plantations, les travailleurs sont des esclaves africains. Certains
naissent dans les plantations, mais la forte mortalité conduit à importer sans cesse de
nouveaux hommes. Quelques colons européens sont également employés dans des
positions de contremaître, pour leur maîtrise technique du broyage ou de la cuisson
du sucre, mais sont bien moins nombreux que la main d’oeuvre servile d’origine
africaine.
❖ Réponse : Les conditions de travail sur les plantations sont inhumaines. À São Tomé,
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les esclaves travaillent toute la semaine aux cannes à sucre, et n’ont que le samedi
pour cultiver de quoi se nourrir eux-mêmes. Au Brésil, pour éviter les moments de
plus grande chaleur, ils travaillent de minuit jusqu’à l’après-midi suivante. Dans tous
les cas, ils ne sont pas libres et sont placés sous le contrôle de leurs maîtres.
➔ Question de synthèse
◆ Parcours 1 :Réalisez une synthèse sur l’esclavage dans les plantations sucrières
sous la forme d’un développement construit d’une dizaine de lignes.
❖ Réponse: L ’esclavage dans les plantations sucrières est un phénomène qui naît
entre la fin du XVe et le XVIe siècle. Dans les territoires conquis par les Européens au
terme des premières navigations océaniques, l’économie qui s’est mise en place
repose sur l’exploitation massive des ressources : d’abord l’or et le bois, puis les
plantes locales telles que le café et le chocolat, ainsi que des plantes importées en
raison de leur adaptation au climat, comme le sucre. Les premières déportations
d’esclaves africains ont lieu à la même période pour remplacer la main d’œuvre
amérindienne qui disparaît progressivement. Les conditions de travail extrêmement
dures sur les plantations génèrent une forte mortalité qui entraîne ensuite
l’accélération de ces déportations au XVIIe et XVIIIe siècles, au sein d’un système
mondialisé.
◆ Parcours 2 : Réalisez une synthèse sur l’esclavage dans les plantations sucrières
sous la forme d’une carte mentale, à partir des mots « économie », « traite
atlantique », « conditions de travail ».
❖ Réponse : Les trois mots-clés peuvent servir de blocs de départ, sous lesquels les
élèves listent des exemples allant du plus concret au plus général, pour aboutir à
l’idée d’un système mondialisé. Par exemple :
- Économie : monoculture, exploitation, exportation, mondialisée
- Traite atlantique : captures, achats, transport, déshumanisation, réseaux mondialisés
- Conditions de travail : heures de travail, mortalité, dépendance vis-à-vis des maîtres,
sociétés inégalitaires
Présentation du dossier
Ce dossier permet d’étudier, à travers le parcours de la Malinche, le rôle de certains individus et
groupes amérindiens dans la victoire de Cortès contre les Aztèques. Il s’agit aussi de la seule femme
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amérindienne réellement documentée par plusieurs sources de l’époque de la conquête, espagnoles
comme amérindiennes. Enfin, c’est une figure d’intermédiaire importante, car on la voit à la fois en
position de traductrice et de conseillère politique et diplomatique face au monde de l’Amérique
précolombienne dans lequel les Espagnols manquent de repères.
Même si le nom de Cortès reste plus directement associé à la conquête de Tenochtitlan, le choix de
la Malinche permet de ne pas se cantonner à un récit lisse suggérant un affrontement entre deux
groupes ethniques.
Document 1
Bernal Diaz del Castillo (1499-1584) est un ancien conquistador espagnol qui a participé aux
entreprises de Cortès. Il était donc présent, depuis l’alliance avec les Tlaxaltèques jusqu’à l’entrée
dans Mexico. Installé en Amérique où on lui a octroyé des terres, il rédige entre 1550 et 1560
l’Histoire vraie de la Nouvelle Espagne, peut-être pour rectifier certains points d’une histoire plus
courte écrite auparavant par le chapelain de Cortès. D ans ce très long récit, on voit qu’il applique des
critères de pensée européens (la Malinche est Marina, elle est fille de seigneurs, dirige des vassaux,
ce qui correspond au vocabulaire de la féodalité médiévale). En même temps il est bien informé sur le
parcours de la Malinche : vendue en esclavage, elle passe par plusieurs mains dans son enfance
avant d’arriver à Tabasco.
Document 2
Diego Muñoz de Camargo (1529-1599) est quant à lui le fils d’un Espagnol et d’une Tlaxaltèque,
auteur de l’Histoire de Tlaxcala en espagnol, dont il a lui même présenté la première version au roi
d’Espagne, Philippe II, en accompagnant une délégation en Espagne à titre d’interprète. Cela
explique qu’il valorise ce rôle et perçoive les différences entre les langues amérindiennes : dans son
texte, on comprend que dans un premier temps le truchement de la Malinche doit passer par Aguilar,
ancien naufragé espagnol, jusqu’à ce que cette dernière finisse par parler assez de castillan.
Document 3
Le Codex Duràn est l’œuvre du dominicain Diego Duràn (1537-1588), arrivé en Amérique dans son
enfance et locuteur de nahuatl. Son codex, qui raconte la religion et l’histoire des aztèques, est
peut-être fondé sur un codex mésoaméricain antérieur qui aurait disparu (voir p. 94,les autodafés de
livres par certains missionnaires). Pourtant la Malinche apparaît ici à nouveau sous des traits
européens (contrairement au document 5).
Document 4
Bernardino de Sahagún, est un franciscain espagnol qui a aussi appris le nahuatl, et présente donc
une vision aztèque de la Malinche, assez négative puisqu’elle aide Cortès à prendre Tenochtitlan.
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Document 5
Le document 5 est un fac-similé d’une illustration à l’aquarelle, issue de la même œuvre que le
document 2 : Histoire de Tlaxcala, de Diego Muñoz Camargo.
➔ Question 2 : En identifiant les points communs entre les deux textes, retracez les quatre
étapes de la vie de la Malinche. (Doc. 1 et 2)
❖ Réponse : La Malinche est originaire du golfe du Mexique et locutrice de nahuatl. Elle
est d’abord vendue par sa famille en esclavage, passant par plusieurs mains avant
d’arriver à Tabasco, dans le sud du golfe du Mexique. Puis, elle est achetée par
Cortès en même temps qu’un Espagnol qui a résidé sur cette côte plusieurs années
suite à un naufrage, Jérôme de Aguilar. Cortès utilise ces deux personnes comme
interprètes : Aguilar traduit l’espagnol vers la langue de Tabasco (le maya), puis la
Malinche de la langue de Tabasco vers le nahuatl. Enfin la Malinche apprend assez
d’espagnol pour devenir l’interprète directe de Cortès et participer avec lui à la prise
de Tenochtitlan.
❖ Réponse : Dans le codex Duràn, réalisé par un dominicain espagnol pour raconter
l’histoire des Aztèques, la Malinche apparaît sous son nom de baptême, Marina. Elle
est représenté selon les canons de beauté européens en femme blonde vêtue d’une
robe à manches bouffantes. Au contraire, dans le Codex Lienzo de Tlaxcala, elle
apparaît avec des cheveux sombres et une cape, selon une apparence amérindienne
plus conforme à la réalité.
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❖ Réponse : Ici, on attend des élèves qu’ils exploitent toute la richesse du dossier pour
distinguer métissage biologique et culturel. L’apprentissage d’une langue, la maîtrise
de nouveaux codes culturels, chez la Malinche comme chez certains des auteurs du
corpus, les invitent à montrer qu’il existe des formes de fluidité, même entre des
groupes à priori aussi différents que les Espagnols et les Amérindiens.
Document 1
L’infographie montre ce qui circule d’un continent à l’autre, hommes et marchandises, pour suggérer
que la mondialisation qui se met en place est d’emblée inégalitaire.
Document 2
Dès les premières décennies de la conquête espagnole en Amérique, il apparaît clairement que la
place des marchands et des investisseurs italiens dans le royaume d’Espagne leur permet de
récupérer une grande partie des profits et des métaux précieux débarqués. Dans ce mémoire,
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Rodrigo Lujan, député aux Cortès (assemblées des états régionales), esquisse une théorie
mercantiliste qui est ensuite développée en Espagne par Luis Ortiz, mais mise en pratique surtout
dans les royaumes du nord de l’Europe. Il montre qu’en achetant à l’étranger les biens de la
proto-industrie, surtout la laine, l’Espagne ne bénéficie pas de l’or qu’elle exploite.
On pourra s’interroger en classe : pourquoi l’or d’Amérique n’enrichit pas le royaume d’Espagne ?
Document 3
Ce paravent peint appartient à une série d’œuvres japonaises appelées « art Nanban », ce qui
signifie « barbares du sud », ou Européens. Il représente les équipages portugais qui arrivent au
Japon à partir de 1543, insiste sur les aspects stéréotypés de leur apparence physique, de leurs
costumes, de leurs marchandises et de la forme de leurs navires. Parmi ces équipages on voit
quelques Africains (on pourrait par exemple évoquer l’histoire de Yasuke, esclave qui devient
samouraï :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/06/24/la-legende-retrouvee-de-yasuke-le-premier-samour
ai-noir-du-japon_5320526_3212.html)
On pourra poser la question suivante aux élèves : comment distingue-t-on Portugais, Japonais et
Africains sur ce paravent ?
Onglet « ouverture »
L’onglet « Histoire et fiction » propose de voir le film Rouge Brésil, adapté du roman de
Jean-Christophe Rufin. Il permet d’évoquer l’histoire de la « France antarctique », colonie française
implantée au Brésil très brièvement, qui échoue en partie à cause des luttes internes entre
protestants et catholiques. Il est possible de faire voir ce film aux élèves en parallèle de lectures
d’extraits de Jean de Léry, qui raconte particulièrement en détail ses interactions avec les
Amérindiens.
Derrière l’obsession des colons pour l’or, qui apparaît dans les noms de l’époque, tel que l’Eldorado,
jusqu’à nos entreprises contemporaines de branding, tel que le projet « Montagne d’Or », on étudie
donc les mécanismes humains permettant l’extraction et le transport de grands volumes de minerais,
à l’origine de transformations mondiales.
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Présentation des documents
Les documents esquissent un parcours géographique. En Amérique, les colons commencent par
piller les objets amérindiens en or, souvent fondus (document 5), puis se lancent eux-mêmes dans
une extraction de grande ampleur qui épuise les Amérindiens et empoisonne le sol au mercure
(document 1). L’or arrive ensuite dans le port de Séville (document 2), où la casa de contrataciòn
s’occupe de la régulation du commerce américain. Cependant, après quelques décennies de
transport aisé pour les Espagnols, les corsaires du nord de l’Europe, surtout anglais et français, se
lancent dans des entreprises de pillage des côtes ou des galions, dont le document 3 montre à quel
point ils sont peu gardés dans un premier temps. Puis l’or espagnol file ensuite vers le nord de
l’Europe par des voies légales (document 4), car ce pays peu industrialisé achète à l’étranger les
produits alimentaires et artisanaux qu’il ne produit pas. On peut lier le dernier document aux
documents 1 et 2 p. 111 pour comprendre que ce problème est de longue durée, et que l’or est
ensuite expédié en grande partie vers l’Asie.
Document 2
Thomas ou Tomás de Mercado (1525-1575), dominicain qui a lui-même séjourné à Mexico et travaillé
à la Casa de Contratación, nourrit avec son Manuel des traités et des contrats la mise en place
progressive d’un petit corpus de littérature économique espagnole. Alors qu’on constate que
l’importation de métaux précieux fait augmenter les prix en Espagne, ces ouvrages servent soit à
conseiller le gouvernement, soit les investisseurs. L’éloge qui est fait dans ce passage est suivi par
des propositions pour fixer des prix ou du moins limiter leur augmentation. Quant ce texte est publié
pour la première fois, en 1569, la Casa de Contratación existe depuis 1503, elle contrôle tout ce qui
s’importe et s’exporte depuis et vers le Nouveau Monde, ce qui permet à la couronne d’Espagne de
prélever un impôt d’un cinquième. Par conséquent de nombreux investisseurs étrangers, notamment
des Italiens, ouvrent un comptoir dans cette ville.
Document 3
Cet ouvrage est le récit fait par le corsaire Richard Drake, le premier Anglais à réaliser un tour du
monde, entre 1577 et 1580, à bord du Golden Hind qui compte parmi ses investisseurs la reine
Elizabeth Iere. Récit voué à mettre en valeur l’aventure et la gloire nationale, tout en attirant les
investisseurs anglais vers le Nouveau Monde, il relate le début du trajet à plusieurs navires, le difficile
passage du Cap Horn que ne réussit que le vaisseaux amiral de Drake, puis les navigations dans le
Pacifique, de la côte américaine riche en or jusqu’au retour via Bonne Espérance. Dans les mêmes
années, l’Angleterre (anglicane) est menacée par le roi d’Espagne catholique Philippe II, dans une
rivalité qui culmine avec l’attaque de l’Invincible Armada en 1588, laquelle s’achève de manière
inattendue par une victoire anglaise. Les aventures des corsaires anglais sont donc les signes
avant-coureurs du développement d’une nouvelle nation maritime, dans un monde que les Espagnols
et les Portugais dominent au moins jusqu’à la fin du siècle.
Document 4
Jean Bodin (1530-1596) apporte quant à lui un point de vue français. Fils de négociant, membre du
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Parlement de Paris, proche de plusieurs rois, il publie en 1576 les Six livres de la République. Alors
que la hausse des prix commence à inquiéter, il démontre qu’elle provient de l’afflux des métaux
d’Amérique. Il pose les bases d’une vision mercantiliste de l’économie : acheter peu, vendre le plus
possible, et faire ainsi entrer des métaux précieux dans le pays. Cet extrait permet de suivre le trajet
de ces métaux précieux, du Pérou où les prix ont explosé après la conquête de Pizarro, jusqu’à la
France, où les travailleurs préfèrent aller en Espagne en raison des salaires qui y sont plus élevés. Sa
documentation extrême fera de son ouvrage une référence jusqu’au XVIIe siècle.
❖ Réponse : L es métaux sont extraits dans les mines américaines, puis acheminés par
les navires espagnols jusqu’au port de Séville en Espagne. Sur la route, ils sont
menacés par les corsaires anglais. La côte pacifique de l’Amérique, où les Espagnols
pensent être alors les seuls Européens à pouvoir accéder à travers le Cap Horn, est
particulièrement peu protégée.
➔ Question 2 : Quel est l’effet de l’abondance des métaux précieux en Espagne ? (Doc. 2 et 4)
❖ Réponse : E n Espagne, l’abondance d’or crée un commerce intense qui attire des
marchands étrangers (document 2). Cependant, à long terme, l’Espagne est peu
enrichie par ce commerce, car les Espagnols doivent acheter les biens dont ils ont
besoin à des marchands étrangers qui maîtrisent les prix, ce qui entraîne une
inflation, c’est-à-dire une montée générale des prix et des salaires dans le pays
(document 4).
➔ Question 3 : Comparez l’usage des métaux précieux pour les civilisations précolombiennes
et européennes.
❖ Réponse : P our les Européens, les métaux précieux servent de monnaie d’échange
et de monnaie de stockage, et leur abondance extrême fait augmenter les prix,
comme par exemple au Pérou après la conquête par Pizarro. Pour les Amérindiens
en revanche, l’or a essentiellement une valeur culturelle : il est utilisé pour la
réalisation d’objets symboliques et religieux dont beaucoup sont pillés par les
Espagnols.
➔ Faire un bilan : À partir des points de passage 2 et 3, construisez un schéma où figurent les
circulations de marchandises et de personnes dans le monde à la fin du XVIe siècle.
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Atelier de Clio (p. 114)
Présentation du dossier
Ce dossier permet de voir comment un récit de voyage européen peut être lu de plusieurs manières
en fonction des préoccupations des historiens. Ici, Romain Bertrand, à partir du texte du Hollandais
Willem Lodewijcksz, montre que l’arrivée des Hollandais à Java et dans les Moluques, îles très
recherchées pour le commerce des épices, ne marque sur le moment aucun tournant majeur. Le
commerce dans cette région est très dense, bénéficiant des réseaux chinois, indiens, persans, et plus
récemment de l’arrivée des Portugais, qui sont d’ailleurs ici les rivaux des Hollandais, ce qui montre
bien qu’à aucun moment des blocs de civilisation unis ne s’affrontent.
C’est enfin l’occasion d’observer de plus près les réseaux de l’Océan Indien, moins étudiés dans le
cadre du programme qui se concentre sur l’Atlantique.
Pistes d’exploitation
Ici, il peut être intéressant de faire réfléchir les élèves sur les buts de l’auteur, en montrant qu’il écrit
pour une compagnie d’investisseurs hollandais (qui devient en 1602 la VOC). Il essaie de les
convaincre de l’intérêt économique du voyage réalisé entre 1592 et 1596 par Cornelis Houtman vers
l’Océan Indien, jusque-là chasse gardée des Portugais.
Les élèves ont souvent en tête le schéma de la découverte de l’Amérique, mettant au prise des
groupes qui ne se comprennent pas et s'ignoraient jusque-là. Au contraire, à Java, les Hollandais
s’insèrent dans un monde où ils sont alors moins puissants et dépendent des informations des
Portugais qui les ont devancés, mais rencontrent aussi des marchands Persans et Ottomans qui
fréquentent l’est de l’Europe et la Méditerranée.
➔ Question 2 : Listez, à partir du document, les différents acteurs politiques qui apparaissent,
et expliquez la position des Hollandais vis-à-vis de ces acteurs.
❖ Réponse : Cornelis Houtman se présente devant le sultan de Banten, qui règne sur
l’île de Java, comme le représentant du souverain hollandais, Maurice de Naussau.
Mais selon son récit, l’alliance est compromise par un complot des Portugais,
marchands européens introduits depuis plus longtemps dans les réseaux de l’Océan
Indien, qui tiennent à conserver le monopole du poivre.
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➔ Question 3 : Remettez l’arrivée des Hollandais dans le contexte politique et économique du
sud de l’Asie à partir du texte d’historien. S’agit-il d’un événement majeur ?
Présentation de la méthode
En lien avec l’Atelier de Clio (p. 114-115), cette page méthode continue à prendre comme cadre
l’Empire portugais, qui trouve par ailleurs peu de place dans le cadre du programme. C’est l’occasion
de présenter aux élèves une carte qu’ils n’ont pas l’habitude de voir, ce qui les force à l’examiner non
comme l’illustration d’un cours, mais comme une source d’information en soi.
Les questions doivent les amener par étapes à interroger les choix cartographiques : la
représentation de l’Afrique comme une zone vide, la représentation de l’Empire portugais par aplats
de couleur qui désignent en réalité une maîtrise de l’espace discontinue, faite de ports et de forts, et
enfin la représentation de la circumnavigation portugaise de l’Afrique comme continue, alors qu’il
s’agit en réalité de voyages étalés sur près d’un siècle.
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- le monde américain, rapidement dominé par les Européens ;
- le monde asiatique, où par exemple la puissance commerciale chinoise attire les métaux
précieux ;
- l’Océan Indien, où Portugais puis Hollandais se heurtent à d’autres puissances économiques
et militaires, comme celle des Ottomans dans le nord de l’Océan Indien.
Sujets supplémentaires
➔ Pour amorcer la transition vers le chapitre suivant, on peut soumettre la carte de l’Europe de
la Renaissance, p.122-123, à un questionnaire similaire.
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