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Locke - Contexte historique de l’œuvre

–XIVe siècle : Guillaume d'Ockham (1285-1347) : philosophie nominaliste, il


n'existe que des individus. Les idées abstraites (homme, fleur, cheval) ne
désignent rien de réel, les noms communs sont de simples étiquettes commodes
destinées à la communication.
–XV-XVIe siècles : humanisme de la Renaissance (Érasme, Thomas More par
exemple), fascination pour l'antiquité gréco-latine, les lettres et la Bible.
–1517 : Publication par le moine catholique allemand Luther des « 95 thèses
contre les Indulgences » qui mènera à son excommunication de l’Église et à la
Réforme protestante. Le mouvement de contestation de l’Église catholique
touche notamment l'Allemagne, la Suisse, les pays scandinaves, la France
notamment sous l'impulsion de Calvin, l'Angleterre enfin
dont le roi catholique Henry VIII, finit par réformer la religion de son pays
pour convenance personnelle : naissance de l'anglicanisme.
–Luther pose les trois grands principes solidaires du protestantisme : 1) « Sola
fide » = seule la foi en Dieu sauve en effaçant le péché. Les œuvres, les actes
personnels ne servent à rien car aucune action n'est digne de Dieu. L'obsession
des œuvres éloigne de la foi et gonfle le fidèle d'orgueil donc le reconduit au
péché. Luther renvoie dos à dos catholiques et juifs dans la croyance à
l'efficacité salvifique de certains rituels, de la récitation de certaines
prières ou dans l'obéissance à certaines lois ou encore dans les bonnes oeuvres.
2) « Sola scriptura » = la révélation du salut nous est donnée par la Bible et
seulement par elle à travers le récit de l'Incarnation, de la crucifixion et de la
résurrection de Jésus-Christ, parole de Dieu faite homme pour donner
accès à Dieu à toute l'humanité. 3) « Sola gratia » = L'homme étant incapable
de se tirer du péché par ses propres forces, tout son salut repose sur la Grâce,
don gratuit de Dieu qui rachète une humanité sans valeur. La foi est donc foi en
ce salut offert par Dieu à travers le sacrifice de Jésus-Christ pour le rachat des
péchés. Toute la Bible (hébraïque comme évangélique) doit être lue comme la
bonne nouvelle de l'amour pur de Dieu pour l'humanité.

- Le luthéranisme se présente en outre comme un retour au christianisme des


origines débarrassé des impuretés que l’Église à laissé s'immiscer dans la
pratique à travers les siècles.
– Le protestantisme n'est pas né soudainement, il a commencé à l'intérieur
même de l’Église catholique sous forme de débats internes (Luther était moine
avant de se révolter contre le pape) avant de s'envenimer autour de questions
doctrinales (place de la Bible, importance et signification des rites, place de la
tradition et statut du pape). Pendant des décennies au XVIe siècle catholiques et
contestataires vont espérer une réunification de la chrétienté.
–A partir de 1545 et jusqu'en 1563, l’Église catholique se réunit au Concile de
Trente (Italie) dans le but de réagir à la crise de la Réforme protestante et de
réunifier l’Église. Ce concile donne le départ de ce qu'on appelle la « Contre-
Réforme » catholique : réaffirmation et clarification des dogmes catholiques,
structuration de la formation du clergé, renforcement de la discipline,
renforcement de l'autorité du pape, volonté de rayonnement de l’Église à travers
la musique et le chant polyphonique, l’architecture, etc.
–1555 : Paix d'Augsbourg en Allemagne qui met un terme provisoire au conflit
entre catholiques et protestants par le principe : « Cujus regio, ejus religio » : la
religion de L’État est celle du chef de L’État. Chaque État de l'empire
germanique est gouverné par un prince qui décide en matière religieuse. Est
adopté un principe de non-ingérence dans les affaires internes des autres États.
Liberté est accordée aux individus de changer d’État pour pouvoir pratiquer leur
religion plus librement.
–1530-1598 : en France montée du conflit entre catholiques et protestants qui
éclate en guerres ouvertes à partir de 1562. On dénombre huit guerres de
religion de 1562 à 1598 (massacre de la St-Barthélémy en 1572), chaque guerre
se terminant par une paix fragile.
- 1576 : Publication par le juriste français Jean Bodin des Six livres de la
République dans lesquels il théorise la notion de souveraineté de l’État,
puissance de faire et défaire la loi et autorité suprême. Ce concept juridique doit
servir à pacifier un pays ravagé par les conflits religieux.
–1598 : Édit de Nantes ou « de tolérance ». Le royaume de France d’Henri IV
est officiellement catholique mais il tolère le protestantisme à certaines
conditions. Le territoire est découpé en zones cultuelles, réservées soit aux
catholiques soit aux protestants avec quelques zones « mixtes ». Paix précaire
qui durera jusqu'en 1687 et la révocation de L’Édit par Louis XIV, laquelle
conduira à l'exil des protestants français dans les pays protestants d'Europe :
Allemagne, Suisse...
–1618-1648 : Guerre de Trente ans, nouvelle guerre dans l'Empire allemand
entre catholiques et protestants à laquelle vont participer de nombreux États
européens dont la France... au côté des protestants. Richelieu pourtant ennemi
juré des protestants en France cherche en effet à limiter la puissance des
empereurs germaniques catholiques : les Habsbourg. Le politique prend le
dessus sur le religieux. La Guerre de Trente ans a atteint des sommets de
violence et de cruauté, outre les combats, le conflit détruit l'économie des
territoires allemands, engendre des famines. On parle d'une baisse de 20% de la
population européenne et dans certains territoires jusqu'à 60%.
–1648 : Traité de Westphalie qui consacre le principe d'une pluralité d’États
européens souverains et en équilibre. La Guerre de Trente ans a causé des
millions de morts, elle fut un choc terrible pour l'Europe.
Chronologie en Angleterre

–En 1517, au moment où Luther publie ses « 95 thèses » en Allemagne, le roi


d’Angleterre Henri VIII est encore un catholique fervent. Marié à la princesse
espagnole Catherine d'Aragon, il défend la foi catholique contre les attaques
de Luther. Cependant la doctrine de ce dernier se répand en Angleterre.
–En 1527 toutefois, Henri dont la femme ne parvient pas à lui donner d'héritier
mâle tombe fou amoureux d'Anne Boleyn, une des dames de compagnie de la
reine. Anne Boleyn refusant de devenir la maîtresse du roi, Henri cherche alors
à faire annuler son mariage avec Catherine auprès du pape Clément pour
pouvoir épouser Anne. Clément ayant refusé, Henri va décider de rompre avec
Rome.
–En 1530, Henri parvient à se faire reconnaître seul chef de l’Église
d'Angleterre par le clergé anglais. En retour, il est excommunié par le pape en
1534. A ce stade la rupture est limitée 1) à la question de l'autorité papale 2) à
partir de 1536, Henri désireux de mettre la main sur les richesses des
monastères anglais décide de les dissoudre. Les dogmes catholiques demeurent
pour le reste. Cependant l'influence de Luther et d'autres réformateurs grandit
et se traduit par une contestation de plus en plus forte de ces dogmes. Des
tensions apparaissent dans le pays, notamment des destructions de statues, de
peintures, certains protestants estimant que ces représentations religieuses
constituent de l'idolâtrie catholique qui violent le commandement de Dieu de ne
pas fabriquer d'images.
–Henri meurt en 1547 et son fils Édouard monte sur le trône, il n'a que 9 ans.
La régence est assurée par Seymour, un noble acquis à la cause protestante. Les
images, statues religieuses sont interdites et détruites, le célibat des prêtres est
aboli, le sens de la messe est modifié dans une perspective protestante. En 1549
est édité un Livre de prière commune (Book of common prayer) destiné à être
utilisé par le clergé anglican.
–Édouard meurt en 1553 sans avoir régné et c'est Marie la fille d'Henri VIII
et de Catherine qui devient reine d'Angleterre. Or Marie a été élevée dans la
foi de sa mère, la très catholique Catherine d'Aragon, elle va donc s'efforcer
de restaurer le catholicisme dans son pays. Persécution des protestants à partir
de 1555, Marie devient « Bloody Mary », « Marie la sanglante ». Elle parvient
avec succès à redonner une dynamique au catholicisme dans le pays mais meurt
en 1558 sans héritier.
–Élisabeth, sa demi-sœur protestante, devient reine à son tour. Quoique
relativement souple sur le plan doctrinal, elle empêche le retour du catholicisme
et punit d'amendes ceux qui refusent d'assister aux offices dans les églises
anglicanes. Développement d'un catholicisme clandestin. D'un autre côté,
l'Angleterre est également gagnée par les idées radicales du réformateur
français Calvin, de là surgit le courant puritain qui réclame une rupture
encore plus nette avec le catholicisme, la liberté pour l’Église de s'auto-
organiser sans être soumise au roi ou à une hiérarchie, une très grande austérité
sur le plan des mœurs.
- Le philosophe Thomas Hobbes naît en 1588 sous le long règne d’Élisabeth.
–A la mort de celle-ci en 1603, lui succède Jacques Ier (James) roi d'Angleterre
et d’Écosse qui va s'efforcer d'affermir le pouvoir royal ce qui lui vaudra
d’entrer en conflit avec le Parlement. Sur le plan religieux, il maintient son
autorité sur l’Église anglicane, ferme plus ou moins les yeux sur la pratique
secrète du catholicisme, ordonne une nouvelle traduction de la Bible en anglais
qui va faire autorité jusqu'aujourd'hui et est considéré comme un chef d’œuvre
de la littérature anglaise (La Bible dite « King James » précisément). Il essaie
en outre de rapprocher l’Église d'Angleterre de celle d’Écosse qui est calviniste
et totalement réfractaire à l'autorité.
–A sa mort en 1625, son fils Charles lui succède. C'est sous son règne que naît
John Locke (1632). La bienveillance supposée de Charles à l'égard du
catholicisme (il s'est marié avec une catholique), ses ambitions guerrières
nécessitant la levée d'impôts supplémentaires l'opposent très rapidement aux
aristocrates du Parlement (dont une partie s'est ralliée au puritanisme par
défiance vis à vis du roi) et sa gestion des troubles intérieurs au royaume
aggravent la fracture avec le Parlement qui se révolte contre lui ce qui produit
une série de guerres civiles à partir de 1642 qui s'achèvent par l'arrestation du
roi, son procès pour haute trahison et son exécution en 1649. [Dans cette
atmosphère troublée, Hobbes avait prudemment fui l’Angleterre pour Paris dès
1640]. L’Angleterre ayant décapité son roi, elle devient une République avec à
sa tête Cromwell. Ce dernier est un puritain qui va imposer une grande
austérité de mœurs dans le royaume et mener une guerre sanglante contre
l'Irlande catholique. Il meurt en 1658 en laissant à son fils le soin de gouverner
mais celui-ci ne se sent pas à la hauteur et laisse l'Angleterre redevenir une
monarchie en 1660.
- Parution du Léviathan de Hobbes en 1651 : théorie absolutiste de l’État.
–D'abord populaire, Charles II, fils de Charles Ier, va lui aussi entrer en
conflit avec le Parlement et être soupçonné de bienveillance catholique. Un
accord secret passé avec le roi de France Louis XIV prévoyait d'ailleurs sa
conversion au catholicisme.
–A sa mort en 1685, il n'a pas d'héritier et c'est son frère Jacques, lui-même
converti au catholicisme lors d'un séjour en France et extrêmement impopulaire
qui monte sur le trône sous le nom de Jacques II. En 1677, Charles II avait
forcé la main de Jacques pour que sa fille épouse le prince protestant
hollandais Guillaume d'Orange. La fille du roi et son gendre sont donc
protestants. En 1687, Jacques II adopte une loi abolissant la discrimination
envers les catholiques et les sectes minoritaires protestantes, tout cela au
détriment de l’Église anglicane. Le clergé anglican proteste, Jacques réprime la
contestation. La noblesse anglaise prend le parti du clergé anglican et en appelle
alors à Guillaume d'Orange, le gendre protestant de Jacques, elle le presse
d'intervenir pour renverser le roi. Guillaume débarque donc en Angleterre avec
une armée, la noblesse anglaise se ralliant à lui, Jacques prend la décision de
s'enfuir, il est arrêté mais parvient à s'échapper et à se réfugier en France auprès
de Louis XIV.
–Guillaume d’Orange devient roi d'Angleterre en 1689. C'est la « Glorious
revolution ». Locke est très proche de Guillaume. L'une des premières
décisions de Guillaume sera de faire passer un édit de tolérance en 1689 qui
donne la liberté de culte à tous les protestants minoritaires et dissidents. Cette
tolérance ne s'étend ni aux catholiques, ni aux athées conformément aux
préconisations de Locke dans sa Lettre sur la tolérance de 1690. Le
catholicisme ne sera officiellement toléré qu'à partir de la fin du XVIIIe siècle.
A ce jour, il demeure interdit pour un catholique de monter sur le trône
d'Angleterre.

–1690 : Lettre sur la tolérance de John Locke. Influence considérable de ce


texte dans une Europe traumatisée par les guerres politico-religieuses.
–1763 : Traité sur la tolérance de Voltaire, grand lecteur de Locke.
–1789 : Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. (Article 10 : « Nul
ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur
manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. »)
-1948 : Déclaration universelle des droits de l’homme :
Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce
droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la
liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en
public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et
l'accomplissement des rites.

Article 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le
droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir
et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées
par quelque moyen d'expression que ce soit.

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