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La Réforme et le concile de Trente.

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Plan du cours
Chapitre 1 : Des signes avant-coureur du malaise dans l’Eglise : Wiclef (1324-1384) et
Jean Hus (1369-1415)
Chapitre 2 : La Renaissance
Chapitre 3 : Vers l’explosion religieuse
Chapitre 4 : Luther et sa Réforme
Chapitre 5 : Entre Luther et Calvin, d’autres réformateurs (Zwingli, Bucer,
Oecolampade)
Chapitre 6 : Calvin et sa Réforme
Chapitre 7 : L’Anglicanisme
Chapitre 8 : Le concile de Trente

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Eléments de bibliographie

Chaunu, P., Le temps des réformes, t1, La crise de la chrétienté, 1250-1550


2me édition revue, Ed Complexe, Bruxelles 1984
Chaunu, P., Le temps des réformes, t2, La Réforme protestante
2ème édition revue, Ed Complexe, Bruxelles 1984
Comby, J., Pour lire l’histoire de l’Eglise, t2, Du XVème au XXème siècle
Cerf, Paris 1986
El Kenz, D., Gantet, C., Guerre et Paix des religions en Europe, Armand Colin, Paris
2003
Garrisson, J., La saint Barthélemy, éd. Complexe, Bruxelles 1987
Mayeur, J.M., Histoire du Christianisme, t7, De la Réforme à la réformation, 1450 –
1530, Desclée, Paris 1994
Mayeur, J.M., Histoire du Christianisme, t8, Le temps des confessions, 1530 – 1620
Desclée, Paris 1992
Peronnet, M., Le XVIème siècle : 1492 –1620 : Des grandes découvertes à la Contre
Réforme, Hachette, éd. Revue et corrigée, Paris 1995
Pierrard, P., Histoire de l’Eglise Catholique, Desclée, Paris, 1978

Consulter également les tomes 5 et 6 de 2000 ans de Christianisme

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Sujets d’exposés
1. Le Méthodisme
2. Les Eglises Baptistes
3. Etude comparée des doctrines luthérienne et calviniste
4. Le mouvement œcuménique : vers une Eglise de nouveau unifiée ?
5. Les nouvelles formations chrétiennes ( Pentecôtistes, Adventistes, Armée du
salut, Royaume de Dieu)
6. Les Témoins de Jéhovah et les Mormons sont-ils chrétiens ?
7. Le Conseil Œcuménique des Eglises
8. Faut-il parler de Protestantisme ou de Protestantismes
9. Les Eglises Protestantes en Côte d’Ivoire
10. Les tentatives de dialogue entre Eglises en Côte d’Ivoire

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1. Luther, le Luthéranisme et le culte des saints


2. L’Anglicanisme de Jacques 1er à Elisabeth II
3. Le conflit irlandais : origine et développement
4. Etat des relations entre les Eglises Catholique et Anglicane
5. L’accord entre luthériens et catholiques : aboutissement et point de départ
6. Le mouvement international des Eglises chrétiennes : mouvement rival ou
organisation parallèle au COE

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Chapitre I Des Signes avant-coureurs d’un malaise dans
l’Eglise : Wiclef (1324-1384) et Jean Hus
(1369-1415)

Introduction
I – Wiclef
1. Eléments de biographie
2. Aperçu et conséquences de la doctrine
II – Jean Hus
1. L’homme et ses déviations
2. Conséquences de la doctrine de Hus

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Introduction

Luther n’a pas été le premier à oser s’attaquer à la forteresse de l’Eglise en


lançant une réforme. Avant lui, il y en avait eu d’autres, notamment un Anglais,
Wiclef puis un Bohémien, Jean Hus, dont les initiatives ont respectivement marqué le
XIVème et le XVème siècles.

I – Wiclef

1. Eléments de biographie
Etudiant puis enseignant à Oxford, il se signale pour la première fois en 1366
lorsqu’il prend fait et cause pour le parlement anglais qui refuse de payer le tribut
annuel dû au Pape (Bx Urbain V 1362 – 1370). Il exhorte alors le roi à éloigner les
ecclésiastiques des fonctions publiques et à les dépouiller de leurs biens s’ils en
abusent. Condamné par l’évêque de Londres et par Grégoire (1370 – 1378), il refuse
de se soumettre et s’enfonce dans l’hérésie, engageant les princes à se défaire de la
papauté et à ne reconnaître comme seule autorité que l’Ecriture dont il publie alors une
traduction en langue anglaise.

En 1381, il nie le dogme de la Transsubstantiation et la présence réelle du


Christ dans l’Eucharistie. Abandonné par ses amis et compromis dans une affaire de
révolte de paysans appliquant ses principes, il est banni de l’université.

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2. Aperçu et conséquences de la doctrine
La doctrine de Wiclef est un ensemble hétéroclite d’affirmation où se mêlent
une sorte de panthéisme inspiré d’un platonisme mal assimilé, d’idées de
prédestination et de fatalisme. Elle nie en bloc toute la doctrine catholique et les
pratiques de l’Eglise. Ses erreurs trouvent des adhérents dans la secte des Lollards qui
se propage au début du XVème siècle. Cette secte séduit beaucoup de monde en
prêchant la suppression des dîmes, et la confiscation des biens de l’Eglise. Les
conciles d’Angleterre anathématisent la secte et son inspirateur et suite à celui de
Constance qui condamne au bûcher son émule bohémien, fait exhumer et brûler ses
restes en 1428. La secte ne disparaîtra quant à elle qu’après une guerre d’extermination
menée par le pouvoir séculier.

II – Jean Hus

1. L’homme et ses déviations


Homme perspicace, sérieux et de mœurs austères, Hus était recteur de
l’université de Prague et confesseur de la reine Sophie. C’était donc un homme de
grande autorité qui cependant s’opposera peu à peu à la hiérarchie et s’ouvrira sa
propre voie en théologie.
.
Il commence par prêcher avec véhémence contre les vices du clergé, ce que
faisaient bien d’autres prédicateurs à l’époque. Mais alors, son élan le mène petit à
petit à sortir de l’orthodoxie pour faire de lui, le propagateur du wiclefisme en Bohême.
En 1403 puis en 1408, son université condamne cette doctrine. Mais cette double
condamnation ne l’arrête pas. Ayant prêché contre le pape lui-même, il est
excommunié. Il se retire alors de Prague et trouve refuge auprès de quelques seigneurs
gagnés à sa cause. C’est là qu’il compose son principal ouvrage : De Ecclesia.
Dans cet ouvrage, Hus reprend la doctrine de Wiclef sans en retenir le panthéisme et
les erreurs sur l’Eucharistie. Il insiste particulièrement sur la nécessité des bonnes
œuvres.

2. Les conséquences de la doctrine de Hus


Bientôt, la doctrine répandue par Hus provoque des troubles en Bohême.
L’empereur Sigismond, souverain des lieux, qui commence à craindre pour la stabilité
dans ces terres, l’engage alors à se rendre au concile de Constance muni d’un sauf-
conduit, pour y soumettre sa cause. A Constance, l’excommunication est d’emblée
levée et commuée : désormais, Hus doit seulement s’abstenir de dire la messe, de
prêcher et d’assister aux offices publics. Hus n’obéit qu’imparfaitement, alors même
qu’il est encore au concile. Quand commence l’interrogatoire, il tergiverse, nie parfois
certaines affirmations, reste inflexible sur d’autres. Ayant refusé en fin de compte de
se rétracter, il est livré au bras séculier qui l’envoie au bûcher.

La mort de Hus provoque une sanglante guerre à la fois religieuse et civile en


Bohême. Ses compatriotes perçoivent en effet sa condamnation comme un outrage à
leur nation. A Prague, les prêtres anti-hussites sont pourchassés, maltraités…

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La doctrine de Hus donne naissance à deux tendances sectaires. La première
s’écarte peu de la foi catholique. C’est celle des Calixtains ou Utraquistes qui se
bornent à réclamer la communion sous les deux espèces. L’autre, plus exaltée, a été
nommée les Horébites ou Taborites parce que ses membres appelaient leurs lieux de
réunion, mont Horeb ou Tabor. Eux, rejettent entre autres, la croyance en l’existence
du Purgatoire, le culte ses saints.
Les Taborites étaient en fait un ensemble de petites sectes dont celle des Picards qui
pratiquaient le nudisme et la promiscuité des sexes.

Sur appel de Martin V, Sigismond essaie de réduire par la violence les sectes
hussites mais en vain. Quatre armées impériales de cent mille hommes sont
successivement vaincues. La négociation qui suit gagne les Utraquistes à l’union
jusqu’à ce que le Protestantisme vienne à nouveau les ravir, suite à des querelles
internes au sujet de la communion sous les deux espèces.

Conclusion

Wiclef et Hus apparaissent comme de lointains précurseurs des réformateurs.


Leur entreprise s’est soldée par des échecs à cause de leurs propres contradictions et
des débordements qu’elles ont provoqués mais aussi et surtout parce que les esprits
n’étaient pas encore armés pour tenir tête à la hiérarchie d’une Eglise encore puissante.
Ce ne sera plus le cas quand la Renaissance aura façonné une mentalité nouvelle aux
hommes et fait le lit de la Réforme.

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Chapitre II La Renaissance

Introduction

I – Le retour aux sources


1. Rappel de quelques événements
2. Une nouvelle source pour la littérature, l’art et les sciences
3. L’humanisme
II – Les nations européennes
1. L’Europe humaniste
2. L’Europe politique
III – L’Eglise à la Renaissance
1. Les aspirations des fidèles
2. Les Papes de la Transition

Conclusion

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Introduction

La Renaissance est une période de l’Histoire qui se situe grosso modo entre la
e
2 moitié du XVème siècle et la fin du XVIème. Cette période qui fait le lien entre le
Moyen Age et l’Epoque Moderne est ainsi nommée parce que, tranchant sur le passé
médiéval, elle apparaît comme un nouveau départ pour l’Europe. La Renaissance est
de fait une nouvelle naissance, un mouvement culturel dont l’influence s’est fait sentir
dans tous les domaines de la vie grâce à l’invention de l’imprimerie, et qui a permis
aux hommes de l’époque de se départir de l’obscurantisme moyenâgeux pour prendre
l’élan d’une évolution qui dure encore de nos jours.

I – Le retour aux sources

1. Rappel de quelques événements importants

En 1054, l’Eglise d’Orient et celle d’Occident ont consommé leur rupture


définitive. Cette rupture s’est empirée avec les Croisades (1096-1270) par lesquelles,
les chrétiens occidentaux sous prétexte de libérer la Terre Sainte, le tombeau du Christ
et leurs frères orientaux ont commis des déprédations, des pillages et des crimes
abominables sur ceux-là mêmes qu’ils étaient sensés aider. A partir de ces tristes
événements, le conflit entre l’Orient et l’Occident ne limite plus simplement à des
questions dogmatiques. Il s’étend à tous les domaines et les échanges entre les deux

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portions du monde en prennent un grand coup, notamment dans le domaine culturel. Il
faut attendre jusqu’après 1453 pour que ces relations reprennent.

En 1453 en effet, Constantinople tombe devant les Turcs ottomans de Mohamed


II. Ce dernier fait de la ville, capitale multi-séculaire de l’empire chrétien d’Orient, un
bastion de l’Islam qui prend le nom d’Istanbul. Quoique la ville conserve une
population cosmopolite, les institutions de l’Islam sont mises à l’ordre du jour et des
églises transformées en mosquées. De nombreux chrétiens orientaux, notamment de
grands savants prennent la fuite pour se réfugier en Occident en emportant dans leurs
bagages, de précieux manuscrits grecs qui vont se répandre en Occident et exciter la
curiosité des occidentaux.

2. Une nouvelle naissance pour la Littérature, l’Art et les Sciences

La redécouverte du passé à travers les documents en provenance de Byzance est


comme un signal donné pour le renouveau de la vie culturelle.
Tout se passe comme si tout le monde prenait tout à coup consciemment d’avoir perdu
un temps fou sur le cours de l’évolution humaine durant le Moyen Age. Et de fait,
cette époque a été du côté occidental un temps non pas de recul, mais de
ralentissement culturel à cause des invasions barbares qui ont pour, ainsi dire,
brusquement interrompu le cours de la florissante civilisation romaine.
De cette prise de conscience, résulte une brusque explosion intellectuelle et artistique.
Pour rependre le mot d’un contemporain, on pourrait dire qu’en un siècle, l’humanité a
fait en avant, un bond plus grand qu’elle ne l’avait faite durant les quatorze précédents
(cf. J. Comby, t2, p 9).

Les hommes de lettres exploitent comme une mine, les documents grecs. Ils
redécouvrent également les écrits latins. Ils s’inspirent de cette sagesse antique pour
comprendre l’Histoire, expliquer le présent et lui donner des règles de conduite.
C’est de l’Italie, et notamment de la ville de Florence, sous les Médicis que part la
Renaissance artistique. Le mot Renaissance lui-même a été employé pour la première
fois par un peintre italien du nom de Vasari pour désigner le Renouveau de l’Art. Il
s’est donc d’abord limité à cette réalité avant de s’étendre aux autres domaines de la
culture et de la connaissance. Il est à noter que La Renaissance dans le domaine de
l’Art a été fortement marquée par la généralisation de la peinture à huile sur toile.

Dans le domaine scientifique, « les hommes de la Renaissance commencent à


rompre avec la Scolastique pour laquelle seule compte la cohérence logique du
raisonnement. » Ils s’attachent de plus en plus à l’observation des réalités dont ils
cherchent la signification. Ainsi apparaissent les prémices de l’esprit scientifique.
C’est en particulier chez les médecins qu’apparaît cette curiosité liée aussi bien à
l’anatomie qu’à la botanique, disciplines où l’observation est indispensable pour
définir et classifier. L’observation fournit ainsi à l’humanité ses premiers vrais
hommes de Sciences : Copernic (1473-1543) Cardan ( 1501-1576) Paracelse (1493-
1541)

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3. L’humanisme

On appelle humanisme le système d’idées et de concepts diffusé par un


ensemble de créateurs (écrivains) en Europe, entre 1450 et 1550, en utilisant comme
véhicule, la langue latine. A l’époque, ces hommes se qualifiaient eux-mêmes
d’humanistes pour avoir suivi des études humanistes dans des établissements
spécialisés dans l’enseignement des humanités ou des arts libéraux à savoir la
grammaire, la poésie, la rhétorique, la peinture, la sculpture, l’architecture et la
musique (définition de Marcile Ficin en 1492). Théoriquement, l’humanisme peut être
saisi sous plusieurs angles ainsi, on a :
- l’humanisme philologique qui s’occupe de l’étude des langues
anciennes - notamment du latin, du grec, de l’hébreu et du syriaque -
langues dont la connaissance est indispensable pour accéder aux
documents anciens.
- L’humanisme que l’on pourrait qualifier ‘d’intellectuel’. Ce courant
est une conséquence de la multiplication de moyens de diffusion. En
effet, vu la relative facilité de diffusion, les œuvres se multiplient, se
diversifient et se spécialisent. On peut ainsi distinguer à l’intérieur du
courant intellectuel, un humanisme philosophique qui, renouant avec
la philosophie grecque, amène certains jusqu’à la création d’une sorte
de religion syncrétiste ; un humanisme civique destiné à former le
citoyen à la vie de la cité, un humanisme chrétien qui projette une
régénération de l’Eglise corrompue par le temps et qui, pour se faire,
propose de revenir aux pratiques de l’Eglise primitive et à l’étude des
textes sacrés dans leur langue originelle. Dans ce dernier courant, le
nom le plus illustre à retenir est sans conteste celui d’Erasme de
Rotterdam.

II – Les nations européennes

1. L’Europe humaniste

A partir de 1450 et ceci jusque vers 1550. Les grands thèmes de l’humanisme se
répandent dans toute l’Europe grâce à l’imprimerie et à la langue commune à tous : le
latin. Tous les humanistes ( professeurs, précepteurs, libraires, imprimeurs, princes) se
connaissent et entretiennent entre eux une active correspondance. Des cercles se créent
dont les points de rencontre sont des grandes villes comme Florence, Venise, Bâles,
Lyon, Paris, Oxford, Cambridge…
Les grandes bibliothèques s’ouvrent au public (la vaticane en 1475) sous l’influence
des humanistes qui, grands voyageurs vont d’université en bibliothèques et de
bibliothèques en cours princières. Leur intense activité convertit finalement toute
l’Europe à l’humanisme.
- En France, François 1er crée le collège royal pour diffuser leurs idées.
- En Angleterre, l’humanisme chrétien inspire l’œuvre de John Fisher
et de Thomas More.

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- En Allemagne c’est Rodolphe Agricola qui, entre autres, tient le
flambeau.
- En Espagne le pôle de diffusion est l’université d’Alcala fondée en
1508
Vers 1530-1540 des humanistes ont réussi à créer et à diffuser une nouvelle
conception du monde fondée sur un meilleur usage de la raison. L’humanisme a donné
une nouvelle vision de la place de l’homme face à Dieu, face au monde, au prince et à
tous ses semblables.

2. L’Europe politique

La Renaissance coïncide à peu de choses près avec la naissance des Etats


modernes en Occident, la modernité étant entendue ici au sens de souveraineté en
matière de territoire, de finances, d’administration et d’armée.
Les longues guerres ont fait place à une paix relative après avoir fixé pour longtemps
les frontières entre des Etats comme la France et l’Angleterre. Dans la péninsule
ibérique, le mariage entre Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille unifie les deux
royaumes sous une même autorité. Au Portugal, le roi Jean II (1481-1495) rétablit
l’autorité en mettant fin à une vie politique troublée par des querelles dynastiques. Jean
II a succédé à Henri le navigateur qui a donné au Portugal sa vocation commerciale
avec le monde extérieur. Il marche sur les pas de ce dernier - ses successeurs de même
- si bien qu’en 1521, à la mort du roi Manuel 1 er, le Portugal est un vaste empire
commercial ayant réalisé son unité politique, administrative et fiscale, qui compte
parmi les grands Etats européens. La Suisse est une confédération de cantons et l’Italie
un ensemble de riches principautés autonomes (Duché de Savoie, Milan, République
de Venise, République de Gêne, Florence, royaume de Naples) dont les Etats
pontificaux sur lesquels règnent les papes au spirituel comme au temporel.

Il est à noter que les Etats pontificaux constituent alors un territoire puissant
avec plus d’un million cinq cent mille habitants, disposant de fortes ressources. Les
papes de la deuxième moitié du XVème siècle ont réussi à y établir une certaine unité
mais sont obligés de lutter constamment contre les grandes familles romaines
(Colonna & Orsini) pour garder cette unité.
Du côté allemand, jusqu’en 1512 le Saint Empire Romain Germanique est du point de
vue politique, une fédération d’Etats souverains dirigée par un empereur élu et une
assemblée commune appelée Diète. Comme le prince élu n’est pas sacré par le pape, il
ne peut pas officiellement porter le nom d’empereur mais celui de roi des romains. En
1508 Maximilien de Habsbourg décide malgré tout de prendre ce titre. A partir de
1512 la chancellerie impériale utilise la formule de Saint Empire Romain de Nation
Allemande. Cette option politique aboutit à une tentative de création d’un Etat
allemand. Mais l’Allemagne est alors un pays pauvre qui n’a pas les moyens de sa
politique.

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III – L’Eglise à la Renaissance.

1. L’aspiration de fidèles.

Les chrétiens de la Renaissance (tout au moins ceux du début de cette époque),


sont des hommes anxieux et pour cause. La fin du XVème siècle, comme toutes les
fins de siècle baigne dans une ambiance de fin du monde. Commentant abondamment
l’Apocalypse, les millénaristes annoncent pour tout proche le jugement dernier. Il n’y
a pas jusqu’à l’art et à la littérature religieuse pour véhiculer ces idées et entretenir la
peur. Des religions syncrétistes réapparaissent et un regain de sorcellerie, du culte de
Satan (pacte), de magie se fait sentir.

Dans une pareille ambiance, les fidèles ressentent une certaine angoisse du
salut. Ils cherchent un refuge auprès d’un clergé qui, malheureusement, ne se montre
pas toujours à la hauteur de la tâche. Les fidèles trouvent donc asile dans des dévotions
et pratiques plus ou moins superstitieuses : culte marial, culte des saints, cultes des
reliques, indulgences et à la possibilité de gagner le paradis sur terre, quitte à passer
par le purgatoire, pourvu que l’enfer soit exclu.

2. Les papes de la transition

- Sixte IV (1471 – 1484 ) : Il combat et inquiète les Turcs en Asie


Mineure, se fait le protecteur éclairé des Arts et des Lettres, enrichit
la bibliothèque vaticane et élève ou restaure un nombre prodigieux de
monuments dans Rome. Le pape cependant inaugure une ère de
décadence pour le Saint Siège, en accordant la pourpre cardinalice à
cinq de ses neveux dont l’un n’a alors que 17 ans. Aucun d’eux
n’ayant un esprit d’ecclésiastique, ce népotisme a des conséquences
funestes pour l’Eglise.
- Innocent VIII (1484-1492) : pape bien intentionné mais faible, son
manque d’énergie provoque la multiplication de crimes à l’intérieur
des Etats pontificaux sous son règne. Au sein même de la curie, on
découvrit des fabricateurs de fausses bulles dont les deux
responsables furent pendus.
- Alexandre VI (1492-1503) avocat et homme de guerre élevé encore
jeune au cardinalat pour son oncle Calixte III (1455-1458), le cardinal
Rodrigue Borgia, espagnol, père de six enfants fut un homme
relativement correct sous la pourpre. Son habileté, ses nombreux
talents et ses manières distinguées lui font acquérir une influence
considérable au sein du sacré collège. Son élection quoique entachée
de simonie, est saluée comme un événement heureux par le peuple
qui compte sur lui pour réprimer le brigandage. Des débuts
prometteurs font bientôt place à un népotisme aveugle. Toute sa
politique fut mise au service de la promotion de ses enfants ;

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principalement de sa fille Lucrèce et de son fils César. Les
conséquences pour l’Eglise sont évidemment catastrophiques.
- Pie III (1503) qui lui succède à sa mort est un saint homme qui ne
règne malheureusement que 26 jours.
- Jules II (1503-1513) : c’est un pape guerrier aux mœurs obscures. Il
doit son élection à la simonie. Plutôt qu’un homme d’Eglise, c’est un
stratège doué de grands talents de gouvernement. Il met toute son
énergie à reconstituer les Etats pontificaux dont quelques parcelles
avaient été grignotées pour des puissances étrangères. Il meurt durant
le Ve concile du Latran qu’il avait convoqué un an auparavant en
disant : « Il n’y a plus de Français à Rome. »
- Léon X (1513-1521) : Jean de Médicis, tonsuré à 7 ans, cardinal à 14,
n’en a que 37 quand il devient pape. Il préside le concile jusqu’à sa
fin (1517). Homme de bonnes mœurs, mangeant peu et ne buvant pas
de vin, il est ami de la Science, bon, libéral et répugne à faire le mal à
personne. Mais son goût trop poussé pour la chose culturelle et pour
la chasse ne répond pas à la haute mission d’un chef d’Eglise, surtout
à cette époque de grands bouleversements.

Conclusion

La Renaissance fut une époque de grands changements et d’évolution des


mentalités où, dans tous les domaines, le monde occidental a fait sa mise à jour. Dans
l’Eglise elle-même, le besoin de réforme se faisant sentir, des voix se sont élevées pour
réclamer un changement. Mais elles n’ont pas eu assez d’écho auprès des
responsables. Les derniers papes du Moyen Age, trop terrestres en général, n’ont pas
su évoluer avec leur temps en ce sens qu’ils n’ont pas su saisir les enjeux de l’époque
pour adapter leur politique ses exigences. Il a fallu ‘l’irréparable malheur du
Protestantisme’ pour réveiller la papauté et lui indiquer, trop tard hélas, les voies
nouvelles à emprunter.

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Chapitre III Une situation explosive
Introduction

I - Une situation de crise dans l’Eglise


1. Deux couches de chrétiens
2. Une réelle vitalité religieuse malgré les tares de l’Eglise
II- Le désir de réforme
1. Une idée dans l’ère du temps
2. L’appel des humanistes : Erasme
3. Les ruptures : Savonarole
III- les essais de reforme catholique
1. La dévotion moderne
2. La reforme des réguliers
3. Un concile réformateur : le Vème concile du Latran

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Introduction

Les responsables de l’Eglise n’ayant su ni prendre la vraie mesure des


changements provoqués et exigés par la Renaissance ni répondre à l’attente des fidèles,
leurs lenteurs provoquent au sein du peuple chrétien, la révolte plus ou moins violente
des plus hardis. Cette effervescence maîtrisée au départ fait le lit des réformes à venir,
notamment la protestante qui brise l’unité séculaire de l’Eglise d’Occident.

I - Une situation de crise dans l’Eglise

1. Une Eglise à deux vitesses

A la fin du Moyen Age, l’Occident qui a rencontré le Christ depuis plus de 1000
ans n’est pourtant pas encore totalement christianisé. Considérée sous l’angle de la
connaissance du Christ et de la pratique de la religion chrétienne, l’Eglise d’Occident
présente deux couches nettement différentes de fidèles. D’une part, il y a la population
urbaine et de l’autre la masse rurale.

A l’époque de la Réforme, le Christianisme est encore un phénomène


majoritairement urbain. C’est en ville et notamment dans les villes épiscopales que
sont développées les écoles cathédrales au Moyen Age puis à l’époque de la
Scolastique, les universités dont la Théologie est une des matières les plus importantes.
C’est également en ville qu’on trouve les théologiens, les docteurs, les orateurs, les
prêtres les plus brillants, en un mot, tous les clercs capables de donner une formation
solide au peuple. Aussi, la population urbaine lettrée a-t-elle une connaissance

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relativement bonne de la religion. Ce n’est pas le cas dans les campagnes. Les causes
de cette méconnaissance du Christianisme sont multiples. Citons-en deux :
l’analphabétisme des paysans et l’absentéisme des prêtres.
- L’analphabétisme des paysans : la masse rurale, en grande partie, ne
sait pas encore lire. Et même si elle avait su lire, il lui aurait été
difficile de se procurer des livres qui, malgré l’invention de
l’imprimerie, restaient encore le privilège des gens de la ville. Pour
les analphabètes des campagnes, le moyen le plus adéquat que l’on a
cru trouver pour palier la carence fut la pédagogie iconographique.
Mais il est difficile de savoir exactement ce que chacun en tirait
comme message, dans la mesure où les personnes préposées à
l’interprétation de ces images brillaient ou bien par leur incapacité à
accomplir leur devoir pastoral ou bien par leur inattention à ce devoir.
- L’absentéisme des prêtres : les prêtres instruits préfèrent la ville,
quittes à se faire remplacer en campagne par d’autres qu’ils paient
(mal en général). Quant aux ruraux, ils ne sont pas à la hauteur de
leur tâche ; d’une part parce qu’ils sont très peu formés et d’autre part
parce que les maigres émoluments qu’ils reçoivent ne leur laissent
pas d’autre choix que de consacrer une bonne partie de leur temps à
cultiver le terre. Par ailleurs, de nombreux évêques pèchent par leur
non-résidence.
La conséquence de cette situation est que le Christianisme tel que le pratique cette
masse paysanne n’est ni plus ni moins qu’un mélange de croyances chrétiennes et de
coutumes païennes chargé de superstition.

2. Une réelle vitalité religieuse malgré les tares de l’Eglise

Les tares des clercs et les abus de la hiérarchie ont contribué entre autres à
affaiblir l’Institution. Insensiblement, le comportement de ses dignitaires a fini par trop
engager l’Eglise romaine dans le siècle.
La première tare qui frappe l’observateur de la vie des prêtres d’alors, c’est le scandale
de la nette séparation du clergé en deux couches dont l’une vit dans l’opulence et dont
l’autre doit se contenter de la portion congrue. L’une et l’autre couche pressurent le
peuple des fidèles, la première pour tenir son train de vie et la seconde pour survivre.
En outre, les clercs qui vivent dans un concubinage quasi officiel ne sont pas rares.
D’une façon générale, tous mettent leur énergie à faire transférer leur bénéfice à leur
propre fils. Par ailleurs trop d’évêques se montrent plus soldats ou conseillers de
princes que pasteurs.
Notons également les abus en matière de pénitence. Ils sont énormes et les pénitences
– on devrait plutôt dire les sanctions – sont terribles : on excommunie pour des
peccadilles et le sacrement de pénitence est un véritable tribunal de la peur où le fidèle
vient plus par attrition que par contrition. La lourdeur des pénitences a sans doute
finalement contribué à cette époque-là, à forger la notion de rachat à prix d’argent ou
par des œuvres méritoires telles que les pèlerinages auprès de reliques célèbres.

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Il y a enfin le nombre impressionnant des mauvais exemples venus de Rome où la
confusion du sacré et du profane affadit peu à peu le culte.

Malgré tout, il faut récuser les idées reçues sur les causes de la Réforme.
Celle-ci n’est pas une simple réaction contre la décadence de l’Eglise d’Occident. Car
l’Eglise n’est pas complètement décadente à l’époque de la crise protestante. Une
réelle ferveur habite encore le cœur de nombreux fidèles, clercs et laïcs, qui témoigne
de sa vitalité. C’est même dans cette ferveur que s’enracinera la réforme luthérienne.
Comme signe extérieur de cette vitalité, l’époque de la Renaissance est celle de la
multiplication des chapelles rurales - donc de l’évangélisation en profondeur des
campagnes - et de l’introduction dans les campagnes de dévotions jusqu’alors
exclusivement urbaines (Confréries du Rosaire). Des ordres religieux sont restructurés,
d’autres commencent déjà des missions outre Atlantique. On accorde de plus en plus
d’importance à l’expérience mystique personnelle ( Cf. Succès de l’imitation de Jésus)

II - Le désir de réforme

1. Une idée dans l’air du temps

L’idée de réforme fait partie des préoccupations fondamentales de l’homme de


la Renaissance. Le désir d’un changement profond est d’ailleurs antérieur à cette
époque. Toutes les classes de la société entrevoyaient la nécessité pour l’Eglise de
faire peau neuve non seulement par la correction de ses abus, mais aussi par un retour
à l’Ecriture comme nourriture principale et primordiale de la vie spirituelle des
croyants. Des grands prédicateurs comme Bernadin de Sienne, Jean de Capistran et
Jérôme Savonarole en font le sujet principal de leur prédication enflammée qui
drainent d’immenses foules. Des théologiens comme Jean Gerson de l’Université de
Paris ne sont pas en reste. Gerson prône une réforme qui commence par les jeunes.
Quoique installés dans l’opulence, les évêques eux-mêmes, du moins certains d’entre
eux, perçoivent eux aussi la nécessité d’une réforme. C’est le cas de l’évêque de
Meaux, Briçonnet, soutenu par son vicaire général, Lefèvre d’Etaples et sa pénitente,
Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre. Mais ceux qui se sont le plus employé, à
titiller l’Eglise pour tenter de l’amener à changer les choses restent sans conteste, les
humanistes chrétiens.

2. L’appel des humanistes chrétiens : Erasme

Avec leur goût prononcé pour l’exégèse, les humanistes fondent leur action sur
la conception optimiste de l’homme qui caractérise tous les membres de leur
mouvement, chrétiens ou non. Ils prônent une interprétation large des dogmes et
accordent plus d’importance aux expériences mystiques qu’aux dissertations
théologiques. En un mot, ils appellent l’Eglise à être plus évangélique et à se montrer
plus tolérante. Les tenants de cette lutte sont entre autres, Rabelais en France (+
1553) ; le cardinal Nicolas du Cues, en Allemagne (+ 1464) ; John Colet (+1519) et

15
Thomas More (1535) en Angleterre ; Pic de la Mirandole à Florence (+ 1494 ) et
Marsile Ficin en Toscane ( + 1499).
Le plus représentatif de cette tendance reste cependant le Hollandais Erasme
(1466(69) - 1536) qu’on nomme le prince des humanistes

Fils illégitime d’un prêtre, il fréquente entre autres, l’école des Frères de la Vie
Commune à Deventer avant de prononcer ses vœux au chapitre régulier de Steyn en
1487. Il est ensuite ordonné prêtre le 25 avril 1492. Nommé Secrétaire de l’évêque de
Cambrai, il assure cette fonction durant trois années puis part étudier à Paris en 1495.
Il y rencontre entre autres, Lefèvre d’Etaples. Il passe ensuite en Angleterre d’où il se
rend à Florence, Bologne Padoue et Venise. Connaissant le latin depuis l’enfance, il
apprend durant ces péripéties le grec, l’hébreu et l’araméen. Pendant un certain temps,
sa vie se partage entre Paris, Louvain et Cambridge puis il se fixe à Bale où il meurt.

Toute sa vie durant, Erasme s’intéresse aux problèmes de la religion. Aussi


passe-t-il pour l’un de plus ferme tenant de l’humanisme chrétien.
En 1503, dans l’Enchiridion militus christiani, il exprime l’idée de la conjonction entre
la religion et la liberté.
La religion telle qu’elle est vécue en son temps apparaît à Erasme comme un
ritualisme sans âme, un ensemble de prescriptions sans finalité évidente (jeûnes,
abstinence, chômage du dimanche et des fêtes, confession avant la communion, messe
dominicale…)
Erasme oppose à ces pratiques, une religion où l’homme s’adresse directement et
méthodiquement à Dieu.
Erasme ne ménage pas l’Eglise dans ses critiques. Mais il lui reste fidèle jusqu’au
bout. Pour cette fidélité, il entrera même dans un grand conflit avec Luther après la
rupture protestante.

3. La rébellion : Savonarole

Si Erasme a choisi la fidélité, d’autres bien avant Luther, lassés d’appeler une
réforme qui ne vient pas, choisissent la révolte contre une Rome devenue trop
humaine. C’est le cas de l’Italien Jérôme Savonarole (1452-1498 )
Né à Ferrare, il est d’abord destiné à la médecine par ses parents. Mais il choisit plutôt
de se faire dominicain à Bologne. Sa grande ferveur pousse ses supérieurs à le nommer
maître des novices. En 1482, il est envoyé pour la première fois à Florence. Le
Dominicain n’apprécie guère la vie dissolue de la cité. La ville non plus d’ailleurs
n’apprécie ce trouble fête qui s’en prend à tout ce qui fait de Florence ce qu’elle est :
douceur de vivre, luxe, corruption, débauche …

Revenu dans le Nord, il s’en prend violemment à la Rome des papes de la


Renaissance qu’il voue au plus grand des désastres. Sa réputation grandissant, Pic de
la Mirandole le fait revenir en 1490 à Florence.
Mieux accueilli cette fois, élu Prieur du couvent saint Marc en 1491, il décide de
ramener la ville à l’Evangile.

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Entre 1492 et 1493, il annonce pour Florence des heures de tribulations, la guerre et la
peste comme sanction de son immoralité. En 1494 Charles VIII de France envahit
l’Italie et chasse de la ville Pierre de Médicis. C’est Savonarole qui prend en mains les
négociations. Dès lors, les Florentins le regardent non seulement comme prophète
mais aussi comme leur sauveur. Ils auraient voulu en faire leur roi. Mais cet honneur
n’intéressait pas le Dominicain. Il le réserve au Christ qu’il proclame roi de Florence
en 1495 ; lui-même restant la conscience du peuple qu’il pousse chaque fois un peu
plus loin dans le recherche de la perfection. Mais à la longue, son succès baisse peu à
peu ; d’une part parce que les Florentins sont bientôt lassés par ses excès de l’autre
parce qu’il entre en conflit avec Alexandre VI, cible principale de sa prédication
depuis 1492.

Un premier affrontement avec Rome aboutit en octobre 1495, à une interdiction


de prêcher bientôt levée par la supplication des dignitaires de la ville. Le Dominicain
reprend de plus belle ses sermons enflammés et les poursuit jusqu’en 1497. La crainte
de Charles VIII allié de Florence retenant le pape de le châtier comme il le souhaite, il
tente de le séduire, d’acheter son silence, sans y parvenir.
Le 25 février 1497 Charles VIII conclut une trêve avec la ligue italienne. Environ trois
plus tard, le 13 mai, le pape ex communie Savonarole et le voue, après les vicissitudes
d’un conflit qui dure encore un an et d’un procès ou se mêlent interrogatoire menace et
torture, « à être pendu par le cou et brûlé vif » avec deux de ses confrères. La sentence
est exécutée le jour même de sa prononciation, le 23 mai 1498.

III Les Essais de Réforme

1. La Devotio Moderna

Face à l’effervescence religieuse, l’Eglise, en tant que hiérarchie comme en tant


que peuple des fidèles n’est pas restée sans prendre d’initiatives. On peut juger après
coup, trop timides et insuffisantes les mesures qu’elle a prises mais il faut lui rendre
justice en reconnaissant et les espaces d’expression qu’elle a créés ou dont elle a
favorisé l’éclosion, et les essais de réforme entrepris. Parmi les espaces créés, figure en
bonne place, le mouvement de la Dévotion Moderne.

La Devotio Moderna (Dévotion Moderne) est une orientation nouvelle de la vie


spirituelle, caractérisée par la priorité donnée, dans la recherche de la perfection, à
l’expérience personnelle au détriment des théories savantes. Elle enseigne une
méthode de piété personnelle par des d’oraisons simples accessibles à tous.

Les initiateurs de ce mouvement sont des Hollandais :


- Geert Groot, des Frères et des Sœurs de la vie commune ;
- Florent Radewijns, fondateur de la congrégation des chanoines
réguliers de Windesheim entre autres, pour fournir des prêtres aux
maisons de son confrère;
- Gérard Aerbolt, le penseur du groupe.

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Le succès des frères, des sœurs et des chanoines est si grand qu’il déborde
bientôt les Pays-Bas pour rayonner dans toute l’Europe occidentale. Ils deviennent
ainsi à l’époque de la Renaissance, les maîtres spirituels de tout l’Occident qu’ils
éduquent à travers l’enseignement ou plus exactement à travers l’encadrement de la
jeunesse.

2. Les ordres religieux ;

Chez les ordres religieux, le désir de réforme se traduit par une tendance
marquée pour le retour à la pureté de la règle originelle.
Chez les Bénédictins, la création de branches réformées s’appuie sur le rétablissement
de la clôture et le développement de l’étude ( Camaldules, Olivétains en 1504).
Chez les Augustins, la vie commune est rétablie.
L’ordre des Chartreux dont la règle est très stricte connaît un grand succès, tandis que
chez les mendiants, une crise oppose les partisans de la règle de pauvreté intégrale ( les
Observants) à ceux de l’assouplissement (les Conventuels). La crise est si grave chez
les Franciscains que Léon X se voit, pour ainsi dire, contraint d’entériner la rupture
entre les deux groupes.
Chez les Clarisses, sainte Colette de Corbie entreprend une réforme qui rétablit la règle
dans sa pureté originelle.
La réforme chez les Dominicains commence par l’Espagne puis s’étend à toute
l’Europe.
En définitive, l’idée, le désir de réforme sont donc partout présents. Dans les années
1490-1510, tous ceux qui ont assez d’audace pour lui donner forme à travers des
mesures concrètes sont tout de suite écoutés et suivis. Aussi, sous Jules II, l’Eglise se
lance-t-elle, elle aussi, dans cette entreprise.

3. Un concile réformateur : le Vème Concile du Latran (1512-1517)

A vrai dire, le Vème concile du Latran n’avait pas pour objectif premier de
réformer l’Eglise. Jules II l’a convoqué pour contrecarrer le concile anti-papal de Pise,
réuni par Louis XII de France, entré en conflit avec le pape. Ce concile du Latran
réunit donc principalement des prélats Italiens fidèles au Saint Siège. On y songe tout
de même à la santé de l’Eglise, sans toutefois s’attaquer aux grands maux ni lancer une
réforme générale. Douze sessions en tout meublent le temps de ce concile qui traîne en
longueur sur cinq années pour ne sortir que quelques décrets sur l’interdiction du
cumul des bénéfices, la restriction de la commende et la condamnation des
incantations superstitieuses. On y blâme également le luxe du Sacré Collège. Mais
hormis un mémoire venu d’Espagne, personne n’ose s’attaquer aux vices de la
Papauté. Pire ; les décrets concernant les autres abus n’en restent qu’à de vagues
souhaits.
Le 16 mars 1517, les Pères conciliaires, se dispersaient, fiers d’avoir donné à l’Eglise,
les outils de son auto régénération. Sept mois plus tard, le 31 octobre de la même
année, Luther commençait sa réforme.

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Chapitre IV Luther et sa réforme
Introduction

I Luther
1. Le fils de Hans et de Marguerite Luther
2. Le moine augustin
3. Luther découvre la miséricorde de Dieu
II La rupture
1. L’affaire des indulgences
2. Les grands écrits réformateurs
3. Luther Banni
III Le succès de Luther
1. Les causes
2. Les conséquences
3. La confession d’Augsbourg et l’essentiel de la pensée de Luther

Conclusion

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Introduction

La réforme luthérienne qui est une véritable révolution, s’est édifiée sur un
arrière fond de raisons extrêmement mêlées qu’on ne peut jamais séparer sans risquer
de tronquer la réalité. Les abus et les tares de Rome, les ambitions politiques de
l’Allemagne et la crise économique qui frappe alors l’Europe sont quelques-unes de
ces raisons. Mais elles ne suffisent à tout expliquer. Aussi faut-il d’abord chercher les
sources de cette rupture dans la personne même de l’initiateur de la réforme : le moine
augustin, Martin Luther.

I - Luther

1. Le fils de Hans et de Marguerite Luther

Martin, fils de Hans et de Marguerite Luther, est né le 10 novembre 1483 à


Eisleben. Son père, mineur, déménage l’année suivante à Mansfeld où il devient
maître des mines puis échevin. C’est là que Luther grandit et reçoit une éducation
religieuse fortement marquée par la peur du jugement dernier et du jugement personnel
après la mort.
Son père l’oriente vers une carrière intellectuelle et le jeune Martin se révèle un élève
studieux. Ses études commencées à Mansfeld se poursuivent à Magdebourg et
finissent à l’université d’Erfurt où il est mis en contact avec la philosophie nominaliste
qui domine alors dans la plupart des universités. En 1502, il est bachelier ès Arts puis

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maître ès Arts en 1505. C’est alors qu’il est surpris un jour par l’orage dans un bois et
que la foudre tombe à ses pieds. Affolé, il fait à la Vierge le vœu de se faire moine s’il
sort indemne de cette situation. Aussi rentre-t-il à 22 ans, chez les moines augustins du
couvent d’Erfurt contre le gré de ses parents.

2. Le moine augustin

De toute évidence Luther était une âme angoissée. Il se sentait comme poursuivi
par la mort et le jugement dernier dont il avait tellement entendu parler. Il avait perdu
deux de ses frères emportés par la peste et vu mourir tragiquement un de ses
compagnons de couvent. Lui-même avait failli perdre la vie en se blessant par accident
avec un poignard. Aussi a-t-il pu voir dans l’orage et la foudre, les instruments du
jugement dernier. C’était trop pour cette âme angoissée.

La vie monastique étant à l’époque ce que l’Eglise pouvait offrir de mieux à un


chrétien en quête de pureté, Luther y entre, sans doute pour y rechercher l’apaisement.
Ceci ne fait pourtant pas de lui un mauvais moine. Le frère de Martin se montre un
moine fervent, studieux, soucieux de donner le meilleur de lui-même et d’aller
jusqu’au bout de ses engagements. Ascétisme, jeûne et macération sont alors ses
exercices quotidiens ; autant d’œuvres pour se concilier la faveur de Dieu.
Il prononce ses vœux en 1506 et reçoit l’ordination sacerdotale l’année suivante avant
d’enseigner quelques temps à l’université de Wittenberg et de revenir poursuivre ses
études dans son couvent, à partir de 1508.

Comme tous les ordres, les Augustins sont eux aussi traversés à l’époque, par
un courant de réforme. C’est Luther que le supérieur des observants charge en 1510
d’obtenir de Rome la reconnaissance de leur réforme. Le voyage à la cour de Jules II
ne semble pas lui avoir laissé une très bonne impression…
En 1511, le même supérieur décide d’en faire le théologien de l’ordre. Parti pour
Wittenberg, Martin est promu docteur en 1512. Il reçoit la Chaire d’Ecriture Sainte et
se révèle un brillant jeune professeur dont la démarche théologique, sortant des
sentiers battus de l’époque - le salut par les œuvres - se fonde sur le péché, la grâce, la
foi et la justice de Dieu.
En 1515, il est élu vice provincial de l’ordre et reçoit la charge de superviser une
dizaine de monastères…

Rien pourtant n’arrive à apaiser le moine, jeune et brillant : ni les dévotions, ni


les œuvres entreprises, ni la théologie, ni même les élans mystiques, et pour cause : il
avait retenu d’une éducation et d’une formation sans doute mal assimilées que « si
l’homme est capable de surmonter le péché par sa volonté, les actes humains ne
deviennent méritoires que si Dieu les accepte et que cette acceptation est parfaitement
inconditionnelle. »
C’est dans l’Ecriture qu’il finit par trouver l’apaisement qu’il recherchait.

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3. Luther découvre la miséricorde de Dieu.

L’expérience dont il s’agit se situe dans les années 1512-1513, pendant la


préparation d’un cours d’exégèse biblique. Selon la description que Luther lui-même
en a fait, tout se passe comme s’il était tout à coup éclairé par une lumière divine qui
dissipe toutes ses inquiétudes et apaise son cœur. Grâce à l’Ecriture qui devient dès
lors le foyer unique de son activité doctrinale, il résout le paradoxe qui tenaillait son
esprit : « comment le Dieu miséricordieux peut-il être en même temps juste ? » Il
trouve la réponse dans l’épître aux Romains : « L’homme est justifié par la foi
indépendamment des œuvres de la loi. » Rm3,28. C’est la découverte de la miséricorde
de Dieu et par la même occasion celle de l’opposition entre la sécurité procurée par les
œuvres et la certitude que donne l’Evangile sur le salut par la seule grâce de Dieu
reçue dans la foi.
Il faut préciser que Luther ne prône pas le rejet des œuvres. Mais il estime qu’elles ne
valent rien si elles ne sont pas suscitées par la foi. Ce ne sont pas elle qui procurent pas
le salut.

II - La rupture

1. L’affaire des indulgences

Après la découverte de la miséricorde de Dieu, Luther libéré de ses angoisses


aurait pu continuer de vivre comme un pieux moine au couvent de Wittenberg. Mais
comme il dit lui-même, il est « pris dans un enchaînement de circonstances. »

En effet, Albert de Hohenzollern, frère cadet de l’électeur de Brandebourg, est


élu archevêque de Magdeburg en 1513, évêque d’Halberstadt la même année et enfin
archevêque électeur de Mayence en 1514. Suivant l’usage, il doit payer les annates au
pape pour sa prise de fonction et pour obtenir l’autorisation de cumuler les trois sièges.
De même que les différents papes qui l’ont précédé ont autorisé la vente des
indulgences pour obtenir les fonds nécessaires à la construction de la basilique Saint
Pierre, de même Léon X pour être agréable à l’archevêque l’autorise à prélever une
partie des fonds dans les trois évêchés pour s’acquitter de ce qu’il doit. A partir de
1515 donc, commence la vente des indulgences prêchées par le Dominicain Tetzel. Ce
dernier promettait la rémission plénière de tous leurs péchés à ceux qui, après s’être
confessés et avoir accompli quelques rites de pénitence par contrition, verseraient une
offrande tarifée par rapport à leur fortune. C’était une exagération de la doctrine de
l’Eglise concernant les indulgences qui pouvait encore passer. Mais Tetzel allait plus
loin pour affirmer que les indulgences en faveur des âmes du purgatoire étaient, elles
aussi, efficaces indépendamment de l’état de grâce et même, qu’elles étaient
automatiquement et immédiatement appliquées à l’âme nommément désignée.

La prédication des indulgences durait depuis deux années déjà lorsque le 31


octobre 1517, Luther publie à Wittenberg, quatre-vingt quinze propositions
théologiques qu’il s’engage à défendre contre ceux de ses collègues qui voudraient

21
argumenter contre lui. C’était alors une pratique courante, banale même dans les
universités. Mais cette fois, des événements vont la faire sortir de l’ordinaire : des
étudiants traduisant ces thèses - dont quelques-unes concernent les indulgences - du
latin à l’allemand, les diffusent. Cela déclenche une certaine agitation autour des
prédicateurs.
Luther lui-même aurait envoyé avec une lettre de mise en garde, une copie de ses
thèses au commanditaire de la prédication des indulgences qui les auraient, à son tour,
transmises à Rome. L’affaire gagne donc progressivement en importance.

Les Dominicains pris dans le feu, réagissent par la bouche du Cardinal Cajetan.
Ce dernier dénonce au moins deux propositions condamnables : la négation de la
nécessité des œuvres pour parvenir au salut et la référence à l’autorité exclusive de
l’Ecriture. L’agitation gagne les autres universités européennes (Cologne, Louvain
Paris,…) . On y discute les thèses de Luther qu’on désapprouve en général.
Le 15 juin 1520, Léon X condamne les propositions de Luther par la bulle Exsurge
Domine et le menace d’excommunication pour hérésie s’il ne se rétracte pas.
Le 8 octobre 1520 Charles Quint préside à Louvain, une diète à caractère religieux
durant laquelle les écrits de Luther sont brûlés.
Le 11 décembre Luther répond en brûlant et les œuvres de Jean Eck, un de ses
contradicteurs les plus efficaces, un livre de Droit canonique et la bulle du pape.
Le 3 janvier 1521, Luther est excommunié par la bulle Decet romamum. La rupture est
consommée.

2. Les grands écrits réformateurs

La condamnation prononcée en juin 1520, Luther ne désarme pas. Il publie,


entre ce même mois de juin et celui de novembre, quatre ouvrages que l’on a pris
l’habitude d’appeler Les grands écrits réformateurs. A travers ces écrits, il systématise
sa pensée et la publie :
- Juin 1520 : le premier ouvrage, De la papauté, explique que le Pape
comme tout chrétien est soumis à l’Ecriture Sainte qui est la seule
référence à faire autorité dans l’Eglise. Du même coup Luther nie
l’autorité de la Tradition, des actes des conciles, des bulles du pape et
du Droit canon.
- Le deuxième livre, publié en allemand en août 1520 et tiré en 40 000
exemplaires a un grand succès. Son titre est Manifeste à la noblesse
allemande. Luther y développe sa pensée. Il explique qu’il y a trois
murs à renverser : le premier est le sacerdoce : parce qu’ils
appartiennent à l’ordre spirituel, tous les chrétiens sont sacrés et
participent au sacerdoce universel. Il n’est de pas nécessaire de
conférer un caractère sacré supplémentaire au prêtre par l’ordination.
Le deuxième mur est l’autorité du pape en matière d’interprétation de
l’Ecriture. Pour Luther tout homme pieux à le pouvoir de le faire. Le
troisième mur est l’autorité du pape en matière de convocation de
conciles. Luther l’accorde au pape mais pas exclusivement.

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- Le troisième écrit paru en septembre 1520 s’intitule De captivitate
babylonica ecclesiae. C’est un exposé doctrinal sur les sacrements.
Luther les réduit de sept à deux : le baptême et la cène qui sont, selon
lui, les deux seuls cités par l’Ecriture. De plus, Luther précise que le
sacrement n’a pas d’effet par lui-même mais seulement par la
disposition de foi de celui qui le reçoit. Par ailleurs, le sacrément de
la cène, toujours selon lui, est une commémoration et non un
sacrifice. Il doit être reçu sous les deux espèces par tous les chrétiens.
Luther rejette la doctrine de la transsubstantiation selon laquelle le
prêtre réactualise le sacrifice de la croix en changeant par la
consécration, le pain en corps et le vin en sang du Christ.
- Le quatrième et dernier écrit, La liberté chrétienne, date quant à lui
de novembre 1520. Luther y démontre que le chrétien est libre, que
Dieu l’a établi seigneur de toute chose et qu’en conséquence, il n’est
soumis à personne.

3. Luther Banni

Excommunié par le pape, banni par l’empereur, Luther est en principe un


homme fini. A Worms où il avait tenu tête à la diète présidée par Charles Quint,
l’empereur lui avait donné vingt jours pour quitter les lieux, faute de quoi il risquait
d’être très fortement molesté pour ces idées. De fait, à l’expiration de ce délai, l’affaire
Luther aurait été définitivement réglée, s’il ne s’était pas trouvé quelqu’un pour
protéger le moine rebelle.

Luther était originaire de la Saxe. Il relevait donc juridiquement de l’autorité de


l’électeur Frédéric III le sage. C’est donc à lui qu’est naturellement confiée l’exécution
de l’arrêt de la Diète. Mais Frédéric qui nourrissait de la sympathie pour Luther et qui
avait même pris sa défense lors de l’assemblée, n’avait aucune envie de lui nuire. Pour
ne pas se mettre en porte-à-faux avec la Diète ni se mettre à dos l’empereur, il trouve
un stratagème : le 4 mai 1521, alors que Luther regagne Wittenberg avec un de ses
collègues et un moine Augustin, une patrouille de cavaliers fond le carrosse qui les
transporte et l’enlève. C’était un complot ourdi par la noblesse de Thuringe en accord
avec l’électeur de Saxe pour sauver le réformateur. Luther est entraîné dans une forêt
puis emmené de nuit dans un château isolé au sommet d’une montagne : la Wartbourg.
Pendant 10 mois, alors que ses idées gagnent de plus en plus de terrain dans une
Allemagne sans nouvelles de lui qui le croit mort, assassiné par les papistes, il allait
vivre tout seul, des moments très difficiles, affublé d’une barbe et ayant troqué sa bure
contre une tenue de chevalier pour passer inaperçu. Luther connaît en effet de grands
remords, de profonds doutes. Voici ce qu’il écrit lui-même sur cette période : « mon
cœur frémissait. Je me disais : es-tu seul à avoir raison ? Tous les autres se trompent-
ils ? Et si c’était toi qui errais ? Si tu entraînais dans l’erreur et la damnation tant
d’âmes ? »

Outre sa souffrance morale, Luther est en proie à de terribles maux de ventre.


Malgré tout, il trouve encore assez de force pour scruter l’Ecriture et écrire.

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Du temps passé à la Wartbourg, sort un traité sur la confession auriculaire puis un
autre sur l’abrogation des messes privées ainsi qu’une partie de la traduction
allemande de la Bible (Le Nouveau Testament).

Le 1er mars 1522, Luther met brusquement fin à son exil et averti son protecteur
de sa décision par une lettre où il écrit ceci : « Etre chrétien au péril d’autrui, cela
Christ ne me l’a point enseigné à moi. »
En fait, Luther ne courait plus de danger à cette époque. La situation lui était plutôt
favorable. L’empereur était retenu hors d’Allemagne par la guerre contre le Valois,
François 1er et préoccupé par la menace turque de Soliman le Magnifique. Le Pape
Adrien IV qui avait remplacé Léon X, mort quelques mois après la condamnation de
Luther, était lui-même près de la tombe. On le disait homme énergique, décidé à
trouver une solution à l’affaire Luther. La maladie le clouait malheureusement au lit et
devait l’emporter en 1523, laissant le siège à Clément VII, un autre Médicis, plus
préoccupé par des affaires dynastiques que par ‘l’hérésie’ de Luther. Tout ceci laissait
la voie libre à l’augustin pour répandre sa doctrine.

III - Le succès de Luther

1. Les causes

Lorsque environ deux ans plus tôt Luther avait disparu, un mouvement
d’opinion s’était amorcé, en faveur du moine contre le pape et ses partisans. Ses textes
et ceux de son allié, Ulrich Von Hutten s’étaient alors rapidement répandus dans une
Allemagne qui le regardait comme un héros (martyre) et qui s’était rallié à lui par
nationalisme. Sa sortie de l’ombre n’a pas arrêté ce mouvement. Au contraire, celui-ci
s’est amplifié et Luther reçoit désormais l’appui ouvert d’un bon nombre d’humanistes
illustres. Il a également celui des chevaliers allemands qui voient en lui leur homme, le
porte flambeau du nationalisme germanique et le porte-parole de la petite noblesse.
Tous reconnaissent en lui tout ce qui caractérise l’Allemand typique et se
reconnaissent surtout dans la haine furieuse qu’il voue désormais à Rome. Car, ce que
veulent ces politiques, ce n’est pas d’abord la réforme de l’Eglise comme telle, mais
l’érection d’une Eglise allemande débarrassée de la tutelle romaine.

En dehors de l’appui des intellectuels et des seigneurs, ce qui a encore aidé au


succès des idées de Luther, c’est le bouche à oreilles. Comme l’a dit à l’époque un
chevalier allemand, Luther était « le premier à avoir osé se faire le vengeur d’un
peuple abreuvé de criminelles erreurs. » Chaque allemand se sentait donc concerné par
ses idées. Depuis le maître d’école jusqu’au libraire qui vendait des livres interdits en
passant par les amis qui se passaient des écrits sous cap et les moines mendiants, tout
le monde avait comme le souci de porter la bonne nouvelle de Luther à ceux qui ne
l’avaient pas encore entendue. De la noblesse au petit peuple, tous les milieux étaient
donc pénétrés des idées du réformateur.

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2. Les conséquences

Chez les consacrés, réguliers et séculiers confondus, la conséquence immédiate


des idées de Luther est la rupture des vœux et des promesses par de nombreuses
personnes.
Chez les séculiers, cela se remarque surtout dans le bas clergé révolté par son sort.
Chez les réguliers, un bon nombre d’Auqustins mais aussi de Bénédictins, de
Dominicains et de Franciscains « jettent le froc aux orties. » Beaucoup prennent
femme, afin, dit l’un d’entre eux « de libérer de la captivité du diable tant de
malheureux curés. »

D’abord gêné par ces mariages de prêtres, Luther jure de ne point en arriver là
mais finit par les justifier. Toutefois, le plus grave ne réside pas dans ces ruptures de
vœux. Le plus grave, c’est qu’entraînée par des leaders défroqués, hommes et femmes,
la populace fomente des troubles un peu partout en Allemagne dès le temps de la
Wartburg, mettant en danger la vie du clergé resté fidèle à Rome. En outre, non
contents d’avoir quitté l’Eglise à la suite de Luther, certains commencent déjà à ouvrir
leur propre voie. C’est le cas de Zwingli en Suisse alémanique. C’est également celui
de Thomas Münzer en Saxe. Ce dernier proclame le ‘Royaume du Christ’ dont il est le
maître. Il se fait entourer de douze apôtres et de soixante-douze disciples et abreuve le
peuple de sermons pleins d’anathèmes et de prophéties contre Rome et son Eglise. Le
mouvement qu’il suscite ainsi est connu sous nom de mouvement anabaptiste parce
qu’il rejette le baptême des enfants et en exige un second. Les membres de cette secte
eux-mêmes s’intitulent ‘les régénérés ou les saints’.

Luther réussit à vaincre cette doctrine à coup de sermons, mais seulement de


façon provisoire. Ceci aurait pu être un avertissement qui l’amène à réviser ses
positions tout comme aurait dû l’être l’attaque menée par les seigneurs contre le
domaine de l’archevêque de Trèves accusé de Simonie. Luther persiste cependant dans
son élan, encouragé par le soutien désormais ouvert de la Diète qui en 1522 et en 1524
refuse de mettre à exécution les décisions de Worms, malgré l’insistance de l’empereur
et du Pape.
Le 2 octobre 1524 Luther accomplit le dernier geste de rupture. Il quitte son froc
d’Augustin puis se marie en avril 1525 avec Catherine de Bora, une ancienne
religieuse, alors qu’il déclarait cinq mois auparavant, que son esprit n’était guère
tourné vers l’union conjugale.

4. La confession d’Augsbourg et l’essentiel de la pensée de Luther

Lorsque Charles Quint rentre en Allemagne au début de l’année 1530, il trouve


une situation plus inextricable que celle qu’il avait laissé neuf ans plus tôt. Il lui
apparaît plus qu’urgent de régler la question religieuse. Mais il ne peut pas le faire par
la force parce que face à la menace turque qui demeurait, la noblesse allemande était
un bastion. Il convient donc avec les princes qu’à la diète qui devait se tenir à
Augsbourg, les protestants viennent exprimer leurs vues et que l’on discute. C’est ainsi

25
que Melanchthon rédige le texte connu sous le nom de Confession d’Augsbourg, texte
qui devait passer devant la diète pour la formulation exacte de la réforme Luthérienne.

Philippe Melanchthon, collègue, ami et défenseur de Luther, était de


tempérament infiniment plus modéré que ce dernier. Son texte s’en ressent, d’autant
plus que les circonstances le poussent à arrondir les angles. A l’occasion de la diète, il
va même jusqu’à écrire au légat du pape : « Sur la doctrine nous sommes d’accord
avec l’Eglise romaine … » Il atténue dans son propos la rigueur de thèses luthériennes
importantes comme la négation de la transsubstantiation, du purgatoire et du refus de
la puissance pontificale ainsi que du culte des saints.

La confession d’Augsbourg est composée de vingt-huit articles. Les vingt et un


premiers traitent des points principaux de la foi qui pour Melanchthon est demeurée la
même malgré les différences d’interprétations. Les sept derniers traitent des points de
divergence à savoir :
- La communion sous les deux espèces
- le mariage des prêtres
- la messe
- la confession
- la distinction des aliments
- les vœux monastiques
- le pouvoir des évêques.

Le titre commun donné à ces sept articles en dit long sur ce qu’en pensent Luther et
ses compagnons : Articles qui sont en discussion et où l’on traite des abus.
A la diète, Melanchthon lui-même, tout disposé qu’il était à faire des concessions,
refuse de transiger sur ces questions.

La confession d’Augsbourg, par son ton modéré, est restée jusqu’au colloque de
Poissy (1561) le gage et l’espoir d’un éventuel rapprochement. Faux espoir en réalité
et pour cause : s’il est vrai que la confession respecte d’une façon générale la ligne de
pensée de Luther, ce n’est pas dans ce texte édulcoré qu’on peut « trouver sa pensée
totale, l’essence du Luthéranisme » (Daniel-Rops). Il faut compléter cette déclaration
par la doctrine qu’il développe dans les traités du serf-arbitre, de la messe, des vœux
monastiques et dans deux catéchistes rédigés en 1529.

Selon Luther depuis la chute d’Adam l’homme est tellement corrompu par le
péché, vicié dans ses facultés que sa raison est incapable de distinguer ce qui peut le
sauver de ce qui ne peut pas. Dans le meilleur des cas, même s’il lui arrivait de
discerner le bien et la vérité, sa volonté serait absolument incapable de l’accomplir
toute seule. C’est la négation du libre-arbitre qu’enseigne le Catholicisme.

Luther diverge du Catholicisme également sur la question des œuvres. Sa


pensée sur cette question a, en réalité, varié. Tantôt, il a regardé les œuvres bonnes
comme base de la foi tantôt comme conséquence. Souvent il a même enseigné que la
bonté d’une œuvre dépend de la foi qui la motive. Ce que l’on peut retenir en

26
définitive c’est que par rapport au péché, les mérites humains sont dérisoires. C’est
pourquoi il faut la grâce pour arracher l’humain à son sort. Face à cette grâce, l’homme
qui fait le bien n’a pas de choix. Il est prisonnier du serf-arbitre tout comme l’est celui
qui fait le mal. Luther, on le voit, a tendance à majorer le rôle de la grâce. Il pousse
plus loin d’ailleurs, pour dire qu’étant donné que ce que l’on fait pour se concilier la
bienveillance de Dieu est vain, ni la grâce ni le salut ne s’obtiennent. Ils sont des dons
gratuits de Dieu qui l’accorde ou la refuse selon des raisons qui échappent
complètement à l’homme : c’est la doctrine de la prédestination. En définitive, s’il y
en a qui sont sauvés, ce n’est pas parce qu’il s’opère en eux une conversion intérieure ;
c’est parce que Dieu, librement, au nom des mérites du Christ, les enveloppe de son
amour et de sa miséricorde qu’il n’accorde pas à d’autres. Tout l’effort religieux de
l’homme doit consister à se faire imputer les mérites du Christ. Cela est possible selon
Luther par la foi qu’il définit comme la ferme confiance en Dieu, la certitude qu’il peut
pardonner à l’homme ses fautes et la conviction que le simple fait de posséder cette foi
est la garantie du salut. C’est la foi justifiante qui supplée à tous les vains efforts de
l’homme.

Comme les catholiques, Luther affirme que cette foi procède de l’enseignement
de l’Ecriture mais il refuse la médiation du Magistère comme interprète parce que
celle-ci empêcherait la relation directe du chrétien avec son Dieu. Chaque conscience
chrétienne doit pourvoir se reporter aux textes sacrés pour tirer ses règles de vie sous la
conduite de l’Esprit Saint. C’est la théorie du libre d’examen.
La foi Luthérienne s’équilibre donc sur une espèce d’expérience mystique toute
intérieure, subjective et personnelle. Elle n’admet pas de principes extérieurs, de
dogmes intangibles, irrécusables, ni de discipline. « C’est une expérience intérieure de
libération spirituelle. » (Daniel-Rops)

Sur la question des sacrements réduits à deux, Luther proclame le baptême


nécessaire même pour les enfants. Il reconnaît la présence réelle du Christ dans
l’hostie, - avec le pain et dans le pain - sans qu’il y ait cependant de transformation du
pain en son corps. C’est la doctrine de l’impanation ou de la consubstantiation.
Luther reconnaît également la pénitence mais il la réduit à un acte d’humilité profonde
dans un élan vers Dieu où l’énumération des péchés n’est pas nécessaire, encore moins
la satisfaction. En outre, n’importe quel chrétien peut donner l’absolution.

Conclusion

Au total, Luther a lancé un mouvement qui va lui échapper et se répandre


comme une traînée de poudre ; bousculer la vieille Eglise dans ses habitudes, l’amener
à préciser sa doctrine et à faire son autocritique pour faire peau neuve.

27
Chapitre V : Entre Luther et Calvin, d’autres réformateurs
( Zwingli, Carlstadt, Bucer, Œcolampade)
Introduction

I. Ulrich Zwingli et la réforme en Suisse


1. L’homme
2. Aperçu de la doctrine
II. Carlstadt, Bucer et Œcolampade
1. Carlstadt : les malheurs d’un réformateur radical
2. Martin Bucer et la réforme à Strasbourg
3. Œcolampade et la réforme à Bâle

Conclusion

---------------------------

Introduction

Initié en Saxe, le mouvement de rupture lancé par Luther se répand un peu


partout en Europe occidentale en commençant par le monde germanique. C’est en effet
en Allemagne même, en Suisse Alémanique et en Alsace que se lèvent les premiers
émules du réformateur. Aucun de ces concurrents germaniques n’a l’envergure de
Luther, mais il convient tout de même d’examiner sommairement l’action de quelques-
uns d’entre eux pour donner un visage tant soit peu complet de la réforme dans les
pays de culture et de tradition alémaniques.

I. Ulrich Zwingli et la réforme en Suisse

1. L’homme

Ulrich Zwingli, prêtre suisse, est né en 1484 à Wildhauss, d’un père paysan
aisé, maire de sa commune. Il est d’abord confié à l’éducation de son oncle, prêtre,
curé de paroisse avant de poursuivre par la suite, de brillantes études universitaires à
Vienne et à Bâles. Ordonné prêtre en 1506, il cumule les fonctions de curé et
d’aumônier des troupes suisse puis devient prédicateur d’un haut lieu de pèlerinage :
Notre Dame d’Einsiedeln. Dans le ministère, ce qu’il y perçoit de l’Eglise de son pays
ne l’édifie guère : la puissance du clergé et les dévotions superstitieuses des foules. De
son séjour à Einsiedeln, il emporte une haine inextinguible des pèlerinages et autres
dévotions mariales contre lesquels il se met d’ailleurs à prêcher à partir de 1516.
Zwingli se considère comme un disciple d’Erasme. Il devait peu à peu s’écarter de ses
idées et tracer sa propre voie.

28
En 1518, il obtient la chaire de premier prédicateur à la collégiale de Zurich. C’est
l’occasion pour lui de répandre ses idées. Il tonne contre les abus, les vœux
monastiques, le culte des saints, les indulgences, etc.…

Léon X, irrité par les invectives de ce petit curé prétentieux aurait bien aimé le
sanctionner. Mais il a besoin de suisses et préfère ne pas prendre de risques. Il essaie
de prendre Zwingli par le sentiment en le nommant chapelain. Zwingli accepte
l’honneur mais ne change rien à son discours. Au contraire, en 1521, il fait ordonner
par les autorités de la ville que les prédicateurs aient pour seule et unique base de leur
enseignement, la Bible. La même année, à la diète fédérale des Etats helvétiques de
Lucerne, il fait admettre comme licite et valide le mariage des prêtres, toutes choses
dont il a lui-même besoin pour régulariser sa situation de concubinage.

Durant le carême 1522, il affermit ses assises en obtenant des autorités de la


ville de Zurich, la suppression de l’abstinence. Contre l’évêque de Constance qui le
menace alors de représailles, il s’appuie sur les bourgeois du canton de Zurich et,
l’affaire ayant été portée devant la Diète, il fait échec au prélat, preuve que son
influence ne se limitait plus seulement à Zurich mais qu’elle avait gagné toute la
Suisse.
En 1523, il écrase ses contradicteurs en deux disputes publiques, fait
reconnaître ses thèses par le conseil du canton et rédige un code de sa réforme : les
églises sont vidées de leurs statues et ornements, les couvents transformées en écoles
ou en hôpitaux. Le Christianisme, tel qu’en enseigné par Zwingli est déclaré religion
officielle du canton, avec comme catéchisme et comme loi, le livre du réformateur
intitulé De la vraie et de la fausse religion.

En 1524, Zwingli se marie officiellement et meurt en 1531, au court d’une


guerre punitive engagée par les catholiques contre les protestant pour venger la mort
du curé de Saint Gall

2. Aperçu de la doctrine

Pour Zwingli comme pour Luther, l’Ecriture est la seule autorité dans la
religion chrétienne. La Bible doit être laissée à l’interprétation individuelle, sous la
lumière de l’Esprit Saint. Dès lors, les autres lieux théologiques, la tradition
notamment, ne revêtent plus aucune importance. Par ailleurs, Zwingli réduit le péché
originel à une simple inclination au mal. Il ne garde comme sacrement que le baptême
et l’Eucharistie mais il les conçoit tous les deux comme de simples symboles de grâce,
sans présence réelle. Le mal estime-t-il en outre, entre dans le plan divin. Dieu lui-
même en est l’auteur comme il l’est aussi du Bien. Enfin, Zwingli rejette la hiérarchie
dans l’Eglise, le sacerdoce, les vœux, l’existence du purgatoire.

L’influence des idées de ce réformateur suisse a entraîné une guerre civile à


l’issue de laquelle la Suisse s’est divisée en deux camps : d’un côté les cantons passés
à la Réforme, les cantons protestants et de l’autres les cantons restés fidèles à Rome –
les catholiques - qui ont dû défendre cette fidélité par les armes.

29
II - Carlstadt, Bucer, Œcolampade

1. Carlstadt : les malheurs d’un réformateur radical

André Bodenstein dit Carlstadt est né autour des années 1480. Archidiacre et
professeur à Wittenberg, il devient partisan de Luther après s’être opposé à lui. Durant
l’exil à la Wartbourg, c’est lui qui prend en mains l’organisation de la réforme. Il
introduit sans transition des innovations hardies - la communion sous les deux espèces,
par exemple – et vide la messe catholique de sa substance.

Désavoué par Luther qui, revenu de son exil, juge ces innovations trop rapides
pour être supportées par des esprits faibles, chassé de Wittenberg, il devient pasteur à
Orlamund. Il y prêche contre la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, soutien
que Dieu ne hait pas le péché qui est son œuvre, supprime le titre de docteur qu’il
dénonce comme anti-chrétien et se fait appelé frère André ou cher frère.
En 1524, il a des confrontations publiques avec Luther dans sa ville
d’Orlamund puis à Iéna. Mais les deux ne réussissent pas à rapprocher leur point de
vue sur la réforme ni sur la question essentielle qui les opposait : la présence réelle.
Accusé d’être un fauteur de troubles, le pasteur est une fois de plus chassé. Il erre de
ville en ville avant de s’établir à Bâle où il finit sa vie en 1541 comme professeur de
Théologie.

2. Martin Bucer et la réforme à Strasbourg

Martin Bucer, ancien Dominicain, est le réformateur de Strasbourg.


Né en 1491, rentré à l’âge de 15 ans chez les Dominicains, il passe à la Réforme en
1518. A partir de 1522, il s’installe à Strasbourg où il donne des cours bibliques
ouverts à tous et très prisés.
En 1524, nommé pasteur, il entrprend avec un ancien professeur de l’université de
Bâle, Kopfel, alias Capito, la réforme de la ville.

Comme Carlstadt, Bucer non plus ne s’entend pas avec Luther sur la question
de l’Eucharistie. Pour lui, il n’y a pas d’impanation, de transsubstantiation encore
moins. Le pain eucharistique n’est pas vraiment le corps du christ ni le vin son sang.
Dans l’expression ceci est mon corps, il faut donner au verbe être, le sens de signifier.
A la diète d’Augsbourg, étant en désaccord avec Luther, il présente une confession
dite tétrapolitaine, parce qu’agréer par quatre villes à savoir : Strasbourg, Constance,
Memmingen et Lindau. Ceci ne l’empêchera pas de signer avec les luthériens en 1536,
la Concorde de Wittenberg, par laquelle il se rapproche des Luthériens. Son héritage
est aujourd’hui absorbé par le Luthéranisme.

3. Œcolampade et la réforme à Bâles

De son vrai nom Jean Heussgen, Œcolampade est né à Weinsberg en 1482. Il


fait ses études universitaires à Heidelberg puis à Tübingen.

30
Ami d’Erasme qu’il aide à mettre au point son édition du Nouveau Testament, il
est également ami de Zwingli dont il essaie de modérer les ardeurs.
En 1518, la découverte des écrits de Luther le conduit entrer au couvent. Il en sort
partisan convaincu de la Réforme qu’il introduit à Bâle.
Professeur à l’université puis curé de l’Eglise saint Martin, il obtient en 1527, des
catholiques Bâlois, la liberté de culte pour les réformés.
En 1528, il épouse une veuve qui après lui sera tour à tour la femme de Capito et de
Bucer.
En 1529, il fait interdire le culte catholique par le conseil de la ville.
Œcolampade entre en conflit avec Luther, comme les autres sur la question de la
présence réelle. Il propose lui, de comprendre l’expression « Ceci est mon corps »
comme suit : « ceci figure mon corps. » Il attribue donc au mot corps, un sens figuré.
De caractère modéré, Œcolampade, quoique ayant tracé sa propre voie est partisan
d’une entente protestante. Il s’emploie mais en vain à rapprocher les vues de Luther et
de Zwingli. Il meurt en 1531.

Conclusion

Avec ces réformateurs, nous avons un aperçu global du succès du mouvement


évangélique lancé par Luther dans les pays germaniques. Dès les débuts, on le voit, les
principes même qui ont motivé la rupture avec l’Eglise traditionnelle ont occasionné
des divisions parmi les partisans de la Réforme. Ainsi, se sont également ouvertes dans
l’espace francophone, des voies dont la plus importante reste de loin, celle de Calvin.

31
Chapitre VI Jean Calvin et sa réforme
Introduction

I - Jean Calvin
1. La formation
2. Le tournant
3. La conversion
II – L’œuvre de Calvin
1. Calvin et Genève
2. La doctrine de Calvin
3. Le Calvinisme en France

Conclusion

-----------------------------

Introduction

Avec Luther, Zwingli et compagnie, notre étude de la Réforme s’est jusqu’ici


limitée aux pays de langue allemande. Calvin nous fait sortir de cet espace.
Il y a certes eu hors des pays germaniques, d’autres essais de réforme. Citons entre
autres, l’effort de Menno Simons (1496 – 1561) pour ressusciter l’Anabaptisme aux
Pays Bas. L’entreprise majeure reste cependant celle de ce Picard qui a dû mener son
action pris entre les foudres de l’Eglise Catholique et l’hostilité des autorités politiques
de sa terre natale de France.

I - Jean Calvin

1. La formation

Jean Cauvin qui a latinisé son nom en Calvinus, est né en 1509 à Noyon en
France, dans une famille en pleine mutation sociale comme celle de Luther. De sa
mère, on ne sait à peu près rien, sinon qu’elle s’appelait Jeanne Lefranc, qu’elle était
issue du milieu bourgeois, qu’elle était très pieuse et qu’elle est morte jeune après
avoir donné quatre fils et deux filles à son mari. Son père Gérard Cauvin, issu d’un
milieu d’artisans et de batelier, s’est peu à peu élevé par l’office. Il est greffier de sa
ville, juriste et logicien ; il gère les affaires du chapitre de la Cathédrale. A ce titre,
Gérard a accès aux milieux aristocratiques et notamment chez des parents du comte
évêque de Paris.
Grâce aux fonctions qu’il assume auprès du chapitre cathédrale, Gérard peut obtenir
pour ses enfants, des bénéfices qui leur permettent de faire des études. Aussi Jean
fréquente-t-il le collège de Noyon (dit des capettes) puis se rend à Paris à l’âge de 14

32
ans en 1523. Là, il suit successivement des cours au collège de la Marche et au collège
de Montaigu. Le 1er est gagné à l’humanisme. Calvin en hérite le goût de l’élégance
latine. Le second qui exècre ce courant est resté à la scolastique et pratique une
discipline aussi rude que celle d’un monastère. Pendant cinq ans (1524-1529) Calvin
s’y soumet sous la direction du principal Noel Béda qui met ses élèves en garde contre
les méfaits de l’humanisme qui, dit-il, véhicule le paganisme. Là, Calvin apprend entre
autres à aimer saint Augustin.

1529, Calvin termine ses études de philosophie scolastique, nanti de la maîtrise


ès Arts. Dès à cette époque là, il se révèle comme un excellent philologue, un
humaniste à la doctrine très orthodoxe. Son milieu le destine même un moment à la
Théologie avant de changer d’avis. Sur décision de son père entré en disgrâce auprès
du chapitre de Noyon, il part faire du Droit à Orléans où enseigne et à Bourges où il
perfectionne davantage son latin.

2. Le tournant

La mort de Gérard en 1531, marque un tournant dans la vie de Jean. La famille


doit faire d’humiliantes démarches auprès des chanoines et subir de lourds
prélèvement sur ses biens pour obtenir la permission d’inhumer son père en terre
chrétienne. Pour Jean qui vénère son père plus que tout au monde, c’est un contre
témoignage inadmissible. Toute son histoire et celle de sa réforme en resteront
marquées. Rentré à Paris, il s’initie à l’hébreu et au grec et passe avec succès sa
licence de droit quelque temps après avoir publié un commentaire du de Clementia de
Sénèque (avant 1532).
Avec ce commentaire, Calvin, à 23 ans, passe pour l’humaniste le plus brillant de sa
génération : c’est le début de la gloire.

A travers ce premier commentaire, Calvin révèle des traits essentiels de son


caractère qui resteront constants dans toute sa pensée :
- la soumission à la Providence qui est un trait stoïcien. Calvin estime
entre autres que la soumission des gouvernants à la Providence
enseignée par Sénèque correspond à la doctrine du Christianisme
selon Romains 13, (1-7).
- La nature politique de sa pensée : Pour Calvin toute la vie humaine
doit obéir à un ordre supérieur de la cité, voulu par Dieu.
- La préférence pour un pouvoir royal légitime et modéré par des
considérations morales.
- Hostilité au machiavélisme et à la tyrannie.
Il révèle également une grande qualité à savoir un ordre et une logique implacable
dans sa pensée, une constance sans faille dans ses prises de positions, la suite parfaite
dans les idées. De ce livre écrit à l’âge de 22 ans à sa mort 33 ans plus tard, on ne peut
pas reprocher à Calvin de s’être contredit une seule fois dans son œuvre.

33
3. La conversion

Calvin avait l’habitude de parler du Christianisme en l’appelant « Notre


religion ». A une époque où la Réforme jetait le trouble dans tous les esprits, cette
expression manquait cruellement de précision et entretenait un flou dangereux. Calvin
lève le voile quelques temps après la parution du commentaire en situant le
Christianisme vrai, non dans l’héritage de la Tradition mais dans l’Ecriture comme
l’enseignait la Réforme. Sa conversion suit de peu et se situe entre août 1533 et mai
1534. En effet, le 23 août 1533, il participe à une procession organisée par le chapitre
contre la peste mais en mai 1534, il résilie ses bénéfices.
Calvin a donc choisi la Réforme. Il ne s’engage cependant pas dans les voies déjà
tracées par ses prédécesseurs allemands, qui, pour lui, sont pratiquement tous des
radicaux exaltés. Calvin veut s’engager dans une voie moyenne qu’il lui reste encore à
définir et à tracer. Les événements allaient se précipiter pour amener Calvin à le faire
avec l’affaire des placards.

En 1534, dans la nuit du 17 au 18 Octobre, des affiches (placards) sont collées


en différents points de la capitale et dans diverses villes du royaume de France (Tours,
Orléans). On en trouve même dans le château d’Amboise, sur la porte de la chambre à
coucher du roi François 1er. Ces affiches dont le texte était divisé en quatre articles,
portait ces titres : Articles véritables sur les horribles, grands et insupportables abus
de la messe papale, inventée directement contre la Sainte Cène de Notre Seigneur,
seul Médiateur et seul Sauveur Jésus Christ.

Le texte était une attaque de front contre « le Dieu de Pâte » le noyau même de
la doctrine catholique de l’Eucharistie à savoir la question de la présence réelle. Le roi
manifeste son mécontentement contre cette provocation sacrilège contre sa personne et
sa foi. La répression qui suit est très violente. Elle est encore plus corsée lorsqu’en
janvier 1535, les réformés récidivent. Au bout d’une longue procession expiatoire
organisée par le roi en personne, six évangélistes sont brûlés vif. Cette affaire qui jette
le roi définitivement dans le camp catholique change l’atmosphère de la France. Calvin
choisit le chemin de l’exil et se réfugie à Bâle. Là, il participe à la traduction et à la
publication de la première version française de la Bible Protestante parue en 1535. En
1536 pour défendre la position des persécutés, il publie l’un de ses ouvrages
majeurs : De l’institution de la religion chrétienne. Dans cet ouvrage, dont il dédiera
pour ainsi dire, la traduction française au roi (la préface est une épître à François 1 er), il
veut donner aux chrétiens, une clef pour bien comprendre l’Ecriture. L’œuvre connaît
un grand succès et révèle son auteur comme l’un des meilleurs porte-parole de l’Eglise
réformée.

34
II – L’œuvre

1. Calvin et Genève

Après la publication de l’œuvre sus citée, Calvin revient faire un bref séjour en
France puis la quitte définitivement. Il s’installe à Genève auprès de Guillaume Farrel
qu’il aide dans sa tâche, de ses grands dons d’organisateur. Toutefois, pour avoir voulu
aller trop vite en besogne, ce premier séjour à Genève se solde par un échec. Calvin et
son protecteur sont chassés de la ville après avoir été destitués. Il est alors appelé par
Bucer à Strasbourg et nommé pasteur auprès de la communauté des réformés français
réfugiés dans la ville. Calvin assume merveilleusement ces fonctions en même temps
que celles de professeur d’exégèse. Il trouve en outre le temps de se livrer à une
intense activité littéraire (traduction française des Institutions, Commentaire de la
Lettre aux Romains, Traité de la Sainte Cène.

Le séjour strasbourgeois de Calvin dure jusqu’en 1541 où il est rappelé à


Genève. Parti dans l’intention de n’y demeurer que le temps d’organiser l’Eglise de la
ville, il y passe le reste de sa vie (23 années). Et c’est de Genève que Calvin organise
toute l’Eglise née de sa réforme.
La condition pour revenir à Genève avait été que les autorités jurent d’adhérer aux
règles ecclésiastiques et à la discipline qu’il proposerait. Ce fut chose faite. Le
réformateur put donc avoir les mains libres pour agir. Il rédigea un catéchisme ainsi
qu’un « projet d’ordonnances ecclésiastiques » que le Magistrat de la ville promulgua
la même année (20 novembre 1941) « au nom du Dieu tout puissant afin que la
doctrine du Saint Evangile de notre Seigneur soit bien conservée dans sa pureté, que la
jeunesse soit fidèlement instruite … »
Ce préambule qui est tout un programme donne un aperçu de l’immense domaine que
couvrait l’autorité de Calvin. Il apparaît désormais comme le guide spirituel de Genève
et de tous les réformés non luthériens de langue française.

Le texte des ordonnances ecclésiastiques sert de fondement à toutes les


institutions d’inspiration calviniste. Il établit le système presbytéro-synodal qui régit
toute la vie de l’Eglise issue de la réforme de Calvin et l’organise comme suit :
à la base, il y a l’Eglise locale avec son Conseil. Celui-ci est composé du ou des
pasteurs de la communauté, d’élus et des diacres. Les élus au nombre de 12 sont
considérés comme des anciens au sens de Nouveau Testament. Ils ont compétence en
matière et de foi et de discipline. Les diacres quant à eux, assistent les pasteurs.
Au niveau d’une ville ce conseil s’appelle consistoire. Il s’occupe d’ordonner la vie la
vie morale de la cité. Il a compétence pour réprimer le blasphème, l’ivrognerie, le jeu,
les danses et pour surveiller la fermeture des cabarets le dimanche. Il joue également le
rôle de médiateur pour apaiser les querelles et faciliter les rapports entre chrétiens. Le
consistoire peut encore, quand il le juge nécessaire, écarter certains chrétiens de la
communion temporairement ou définitivement. Il peut encore écarter du baptême les
catéchumènes qui ignorent des prières importantes comme le Notre Père ou le Credo,
les commandements et les rudiments de la religion. Sa compétence s’étend par ailleurs
au domaine du choix des pasteurs. Il les choisit parmi les candidats dont la vocation est

35
prouvée, qui ont subi un examen sur la bonne et saine connaissance de l’Ecriture et qui
ont les capacités ainsi que les qualités requises pour la communiquer au Peuple. Le
candidat doit évidemment avoir de bonnes mœurs.

Genève a été pour Calvin le champ d’expérimentation de cette organisation.


Son succès fut total. En dehors de la question de la Cène, tout ce qu’il a proposé a été
adopté. Tous les habitants de Genève étaient considérés comme protestants et soumis
aux ordonnances. Les services avaient lieu tous les dimanches dans les trois Eglises de
Genève. Tous étaient tenus d’y assister et surtout de mener leurs enfants au catéchisme
à midi. Pour éviter toute confusion avec le Catholicisme, la cène est administrée quatre
fois l’an : à Noël, à Pâques, à la Pentecôte et le premier dimanche de Septembre.
(Calvin avait voulu que ce soit tous les dimanches). Les baptêmes quant à eux, sont
administrés à la fin des services.

En 1559, Calvin crée l’Académie de Genève, dans le souci de former la


population de la ville nous mais aussi tous les réformés désireux de l’être. Calvin avait
en effet, perçu l’importance de la formation pour les reformés à une époque où leur
existence était sans cesse menacée. Cette école qui est le couronnement de son œuvre
a de fait reçu et formé des générations de protestants et surtout de pasteurs venus de
tous horizons. Elle a constitué pour eux, un véritable rempart spirituel. Calvin s’éteint
cinq ans après, en 1564, en laissant à Théodore de Bèze, la charge de continuer son
œuvre.

2. La doctrine de Calvin

La doctrine de Calvin comporte essentiellement quatre points, à savoir : Dieu, la


justification, les sacrements et l’Eglise.

- Dieu

Pour Calvin, Dieu est un être tout puissant dont la souveraineté s’exerce sur
toutes les créatures. La providence de ce Dieu se manifeste dans tous les événements
de l’histoire. Calvin considère ces vérités comme fondamentales. Cependant il estime
que la majesté de Dieu est trop haute pour que les hommes qui ne font que ramper sur
la terre puissent l’atteindre. Aussi, insiste-t-il particulièrement sur la manifestation de
Dieu en Jésus-Christ et en lui seul. Pour Calvin donc, l’article du Credo qui dit que
« Jésus est l’image du Dieu invisible » est d’une importance capitale. Cet article nous
rappelle que nous ne pouvons connaître Dieu que s’il se révèle à nous. La révélation
comporte deux volets : dans un premier temps, Dieu s’est fait connaître dans l’ordre de
la matière (la création et la connaissance humaine que Calvin appelle semence de
religion). Cette première révélation ayant été voilée par le péché, Dieu s’est fait
connaître une seconde fois à travers l’Ecriture qui permet à l’homme de saisir le projet
de rédemption que Dieu a sur lui. Ainsi, la Bible est la révélation par excellence dont
la clarté, la simplicité, le caractère complet et sans cesse actuel exclut la nécessité de
toute tradition. Mais la Bible elle-même resterait lettre morte si Dieu n’intervenait pas

36
par le témoignage intérieur de l’Esprit Saint dans le cœur du lecteur pour lui permettre
d’entendre sa voix dans les écrits des apôtres, des prophètes etc…

- La justification

L’homme ayant été corrompu par la chute originelle, sa volonté est entièrement
soumise au mal. Il ne peut donc en rien contribuer à son salut : c’est la négation du
libre-arbitre. La délivrance du pécheur a donc son fondement dans l’œuvre de Jésus. A
l’homme il n’est demandé qu’une seule chose : faire de la place en lui pour Jésus « par
le moyen de la foi qui n’est ni l’adhésion à quelque doctrine ni la croyance à quelque
fait histoire mais l’union intime entre le fidèle et son sauveur. La foi ainsi définie ne
dépend pas de l’homme, puisqu’elle a sa source dans une opération secrète de l’Esprit
Saint, opération qu’elle même dépend du bon plaisir de Dieu.
Calvin pense en effet que le fait que certains croient et d’autres pas est fixé de toute
éternité dans le dessein de Dieu. Les damnés (les réprouvés) sont ceux qui ont été
frappés par un décret spécial d’exclusion (réprobation) de Dieu.
Nous touchons là à la doctrine de la prédestination que Calvin défend théoriquement
mais dont il n’a puis tiré les conséquences pratiques. Chez lui comme chez Luther, la
justification de l’homme est la conséquence non des œuvres qu’il peut accomplir mais
de cette foi, don gratuit de Dieu.

- Les sacrements

Comme les autres réformateurs, Calvin ne garde comme sacrements que le


baptême et la cène. Pour lui, le sacrement est « une confirmation de la promesse de
Dieu, un appui destiné à soutenir la foi vacillante de l’homme, un témoignage de la
grâce. » Il ne possède aucune vertu par lui-même mais agit quand Dieu y ajoute sa
vertu. Autrement dit « sans l’intervention de l’Esprit, les sacrements sont des
instruments inutiles et vains ».
Le baptême est le signe de la rémission des péchés, de la nouvelle vie du chrétien en
Jésus-Christ et de son union avec lui. Il n’a pas la vertu de rétablir le baptisé dans
l’intégrité originelle mais l’assure du pardon de Dieu et de sa justification par
imputation de la justice de Jésus.
La Cène est quant à elle, définie comme « le banquet spirituel où Jésus-Christ nous
témoigne qu’il est le pain vivifiant dont nos âmes sont nourries et repues à
l’immortalité bienheureuse. » Le Christ est présent dans le pain non par son propre
corps qui étant au ciel ne peut en même temps se trouver à différents endroits sur terre,
mais par le moyen de l’Esprit Saint.

- L’Eglise

Pour Calvin, l’Eglise est constituée par l’assemblée des élus du passé (l’Eglise
invisible) mais aussi des communautés encore en marche sur terre. Cette deuxième
partie de l’Eglise (l’Eglise visible) a été instituée par Dieu comme le lieu où la foi des
fidèles est alimentée, entretenue par la prédication et les sacrements. Comme telle, elle
est la mère de tous les enfants de Dieu et conformément à la sentence de Cyprien de

37
Carthage, celui qui se met hors d’elle ne peut espérer avoir part au salut. La question
étant de savoir à l’époque de la Réforme où se trouve la vraie Eglise, Calvin
disqualifie sans ambages, l’Eglise romaine : « Là où la Parole de Dieu est purement
prêchée et écoutée et où les sacrements sont administrés selon l’institution du Christ. »
Pour le service de l’Eglise ainsi définie, Calvin prévoit quatre types de ministres : les
pasteurs, les docteurs, les anciens et les diacres.
Les premiers ont pour charge d’annoncer la Parole de Dieu, les deuxièmes,
d’enseigner aux fidèles la saine doctrine. Le troisième groupe doit veiller à la droiture
de la vie morale de chaque fidèle. Les diacres enfin s’occupent de l’assistance
publique (aide aux pauvres, gestion des biens, assistance des malades.)

3. Le Calvinisme en France

Quand Calvin a quitté la France, c’était pour fuire les représailles. Il s’est
installé en dehors de son pays d’origine, mais n’a pas renoncé à le convertir au
Protestantisme. C’est dans ce but qu’il a traduit en 1541, son Institution chrétienne en
français et fait précéder cette traduction d’une lettre au roi de France. Dans cette épître,
il explique à François 1er le bien fondé de son entreprise et l’exhorte à soutenir son
effort pour amener le peuple à la vraie connaissance de Dieu, pour son salut.

De fait, durant tout son exil et jusqu’à sa mort, Calvin a considéré comme un
devoir pour lui de gagner la France à sa réforme. A cause du climat qui régnait en
France et de la place peu enviable faite au Protestantisme, Calvin à dû mener toute son
action, de façon clandestine. Le suivi des réformés de France qu’il n’a jamais cessé
d’encourager, de former et d’organiser de l’extérieur, s’est fait d’abord par courrier.
Calvin a entretenu une correspondance suivie avec des communautés, des familles et
même des individus. Ce suivi a ensuite été assuré par l’expédition d’écrits divers sur
les couvertures desquelles il n’hésitait pas à faire parfois inscrire la mention
« imprimée à Rome » pour les faire passer inaperçus tandis que d’autres écrits
entraient par contre-bande. Enfin et c’est peut être cela le plus important, le suivi des
communautés s’est fait par l’accueil des reformés en fuite ainsi que par la formation et
l’envoie des prédicateurs et des pasteurs en France. Cette méthode a si bien réussi que
malgré la violente répression, en 1561 (début des guerres de religion) on ne compte
pas moins de six cent soixante-dix (670) églises dressées en France.

Au total, à la même date (1561), en comptant les Eglises plantées, on pouvait


dénombrer au moins deux mille cent cinquante (2150) communautés calvinistes. Le
Protestantisme concernait en tout cas environ 10 % de la population soit un peu plus
de deux millions de Français. Il avait touché toutes les couches sociales y compris la
classe nobiliaire (les Montmorency avec le maréchal Coligny, les Bourbon avec Henri
de Navarre et même les Valois avec Marguerite d’Angoulême que l’histoire considère
a posteriori comme une crypto protestante).
Cet aspect des choses mérite d’être souligné parce qu’il déplace le problème du plan
purement religieux au plan politique. La division de la classe nobiliaire en deux camps
opposés, protestant et catholique est à l’origine de toutes les guerres de religion et de
tous les massacres à caractère religieux que la France a connus au XVIème siècle.

38
Il est à noter tout de même que la pénétration des différentes couches sociales est
inégales. Les paysans ont peu adhérer à la foi protestante tandis que les artisans du
cuir, du textile et de l’imprimerie se sont convertis en masse, de même que les gros
négociants et les juristes.

Dans le domaine ecclésiastique, tout en évitant de faire des généralisations, on


peut dire que les moines ont été les plus touchés. Ils ont été les principaux artisans de
l’expansion du Calvinisme en France.

Sur le plan géographique, la répartition des réformés présente également des


inégalités sur le territoire français. On rencontre une forte concentration dans le
croissant qui part du Dauphiné au Poitou. Le protestantisme a été en effet
essentiellement un phénomène des pays de longue d’Oc. Mais, il y a également de
forte minorité en Ile de France (Paris, Meaux), en Normandie et dans l’Orléanais.

Conclusion

Parce que la France se voulait une terre catholique – elle est appelée la fille
aînée de l’Eglise - elle est l’un des pays, voire même le pays où le Protestantisme a été
le plus violemment réprimé par la suite. Au nom de la pureté de la religion, de graves
atrocités ont été commises de part et d’autre, mais surtout par le camp catholique en
position de force. L’histoire retient comme point culminant du conflit, le massacre de
la saint Barthélemy, perpétrée dans la nuit du 23 au 24 août 1572 par les catholiques
contre les protestants. Malgré les efforts de réconciliation et la relative accalmie qui
suivra l’accession d’Henri de Navarre au trône (Henri IV 1589-1610), le
Protestantisme restera une religion marginale, pratiquement jusqu’à la Révolution.

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Chapitre VII L’Anglicanisme
Introduction

I Henry VIII
1. Le roi catholique
2. la rupture avec Rome
3. l’élargissement du fossé sous Henry VIII
II Une période d’incertitude
1. Edouard VI : l’option protestante
2. Marie Tudor ou la tentative de retour au Catholicisme
III Elizabeth 1ère
1. Elizabeth et la religion
2. L’organisation de l’Eglise Anglicane
3. Elizabeth et les catholiques

Conclusion

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Introduction

A la différence des réformes entreprises sur le continent qui ont été le fait
d’hommes du peuple, la réforme anglicane présente la particularité d’être venue de la
plus haute autorité du royaume, du roi en personne. Pour avoir pris l’initiative de la
rupture avec Rome, Henry VIII Tudor est en effet le souverain dont le nom est resté lié
à l’Anglicanisme. Il convient toutefois de préciser que la constitution d’une Eglise
Anglicane s’est faite en trois mouvements. Le premier, antérieur au Tudor, court tout
le long du Moyen Age. C’est celui de l’affirmation des droits de la monarchie anglaise
face aux prétentions de la papauté. Le terme d’Ecclesia Anglicana date de cette époque
où les rois, tout en maintenant l’unité dogmatique et en reconnaissant au pape le titre
de chef de l’Eglise Catholique, n’ont cessé de proclamer leurs droits, même en matière
ecclésiastique. La décision d’Henry VIII de créer une Eglise anglaise indépendante de
Rome constitue le deuxième mouvement. Loin d’être un rejet du Catholicisme, ce
schisme provient d’une cause occasionnelle de rupture. Le troisième mouvement
consiste enfin en l’organisation doctrinale et disciplinaire de la nouvelle Eglise par
Elisabeth 1ère comme une voie moyenne (Via Media) entre le Catholicisme romain et le
Protestantisme.

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I Henry VIII

1. Le roi catholique

En 1509, Henry VII Tudor, roi d’Angleterre depuis 1485 meurt, laissant le trône
à son fils du même prénom. Ce dernier qui prend le nom d’Henry VIII, est alors un
jeune homme de 18 ans, cultivé, proche du Cénacle d’Oxford, distingués dans ses
manières, sportif, théologien à ses heures et surtout très attaché à la foi catholique qui a
reçu du Pape, le titre de Défenseur de la Foi pour avoir réfuter dans un ouvrage –
Assertio septem sacramentorum, - le De la Captivité de l’Eglise à Babylone de Luther.
De fait, le jeune roi se pose en défenseur de l’Eglise Catholique puisque l’une des
toutes premières tâches qu’il s’assigne est de réformer sans provoquer de rupture
dogmatique, l’Eglise d’Angleterre dont il trouvait le clergé corrompu et incompétent.

Pour mener sa réforme, Henry VIII, dispose d’un moyen efficace : il jouit du
congé d’élire qui assure aux souverains le droit de choisir les prélats et les abbés par le
truchement du chapitre. Il pousse donc les chanoines électeurs à choisir de préférence
des clercs acquis à sa politique de réforme pour purger le clergé de ses tares et de ses
brebis galeuses.

2. La rupture avec Rome

A son accession au trône, Henry VIII a épousé Catherine d’Aragon, princesse


espagnole demeurée veuve de son frère aîné Arthur, après quelques mois de mariage.
A partir de 1527, il entame des démarches pour faire annuler ce mariage. Ses
motivations sont multiples. Elles sont d’ordre politique, mystiques et sentimentales.

Sur le plan de la politique extérieure, le mariage d’Arthur avec l’Infante


espagnole avait été négocié pour permettre une union entre l’Angleterre et l’Espagne
contre la France. La décision prise par henry d’épouser la veuve de son frère, obéissait
à la même conjoncture politique. En son temps, il n’a donc pas ménagé ses efforts
pour obtenir de Rome, les dispenses nécessaires à cette union. Mais la conjoncture
avait changé, le temps n’était plus à l’union avec l’Espagne. L’atmosphère européenne
poussait désormais le roi d’Angleterre à choisir le camp français contre Charles Quint
dont son épouse était la tante.

Sur le plan de la politique intérieure, Henry VIII avait besoin d’un héritier mâle
pour stabiliser la dynastie des Tudor face à des prétendant de la famille rivale des
York. Or, après la naissance de Marie en 1516, Catherine d’Aragon fait une série de
fausses couches et avance peu à peu vers la ménopause.

Sur le plan mystique, la lecture d’un texte biblique a particulièrement


impressionné le roi et l’a convaincu d’avoir contracté une union maudite à l’origine :
« Si quelqu’un prend la femme de son frère, c’est une abomination. Il a découvert la
nudité de son frère. Ils mourront sans enfant. »

41
En 1527 donc, Henry VIII se fait citer à comparaître devant un tribunal où il confesse
le caractère incestueux de son mariage.
En 1528, il envoie auprès du pape, son conseiller le cardinal Wolsey pour négocier une
solution qui le libèrerait de ce poids. Mais sous la pression de Charles Quint, Clément
VII qui ne veut en outre pas désavouer son prédécesseur signataire de la dispense
tergiverse avant de finir par confier le dossier aux cardinaux Campeggio et Wolsey
qu’il nomme légats pour régler cette affaire.
En 1529, les investigations des deux légats se heurtent au refus catégorique de
Catherine d’Aragon qui à son tour fait appel au pape. L’affaire se solde finalement par
un échec pour Henry VIII. Furieux, le roi cherche des appuis à l’intérieur de son
royaume. Il obtient celui de l’université d’Oxford, renvoie Wolsey et s’entoure d’une
nouvelle équipe dont les membres se prénomment tous Thomas comme le cardinal du
reste :
- Thomas Howard, ami personnel du roi
- Thomas More qu’il nomme chancelier.
- Thomas Cranmer, ancien professeur de Cambridge qui devient par la
suite archevêque de Cantorbéry en 1532.
- Thomas Cromwell, ancien secrétaire particulier du cardinal Wolsey,
promu secrétaire d’Etat.
Les hommes du roi lui concilient l’appui du Parlement ainsi que le soutien de
l’Assemblée Générale du clergé des provinces d’York et de Cantorbéry.

La dernière raison de tout ce remue-ménage, raison occulte, celle-là, c’est un


problème de cœur. Le roi est en effet follement épris de Anne Boleyn, une jeune dame
entrée à la cour en 1520. Il entretient déjà une idylle avec elle et a reçu d’elle en 1526,
la promesse de se donner à lui et à lui seul « à condition qu’il se libère de toute autre
attache. »

Forts de tous les appuis cités, Henry VIII passe outre l’autorité romaine. Il
épouse Anne déjà enceinte en janvier 1533. En mars de la même année, Cranmer
devenu archevêque par élection du chapitre, reçoit les lettres de confirmation du Pape.
Il cite aussitôt Catherine à comparaître devant son tribunal à Cantorbéry. Devant le
refus de l’Infante, est prononcé un jugement par contumace à l’issue duquel son
mariage est déclaré nul et dissout le 23 mai 1533.
La réponse de Rome ne se fait pas attendre. Henry VIII et sa nouvelle épouse sont
excommuniés en juillet de la même année. C’est la rupture et le fossé ne cessera plus
dès lors, de s’élargir.

3. L’élargissement du fossé sous Henry VIII

L’excommunication prononcée, quelques-uns des conseillers du roi, Cromwell


en particulier, l’exhortent à la rupture totale. Aussi, des actes juridiques appropriés
sont-ils établis pour mettre l’Eglise d’Angleterre, hors du giron romain.
Ainsi, en 1533 est voté l’acte sur les appels à Rome qui interdit tout appel au Saint
Siège contre les sentences des tribunaux anglais.

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En 1534 est voté l’acte de suprématie qui fait du roi, le Chef suprême ( Supreme
Head) de l’Eglise et l’investit du « pouvoir de visiter, redresser, réformer et réprimer
les hérésies, les erreurs etc… »
La même année, est voté l’acte de succession qui confirme la nullité du premier
mariage et invite les sujets du roi à jurer qu’ils croient en la validité religieuse du
divorce.
En 1535 a lieu le vote du statut sur les trahisons qui prévoit des poursuites contre ceux
qui entreprennent des actions pour priver le roi d’un titre ou d’une dignité. Cette loi
fixe le cadre juridique qui permet au roi de poursuivre en justice les personnes qui,
publiquement, refusent entre autres de le reconnaître comme chef de l’Eglise
d’Angleterre. C’est elle qui a conduit au martyre, entre autres, Thomas More et John
Fisher, évêque de Rochester.

Cette même année 1535, Cromwell nommé vicaire général de l’Eglise


d’Angleterre, est chargé de visiter les monastères. Sous sa supervision, les
communautés qui refusent de prêter serment sont dissoutes à partir de 1536, leurs
biens sécularisés et vendus au profit de la couronne. L’entreprise est si
méthodiquement menée qu’au bout de cinq années (1540) l’institution monastique est
à peu près ruinée en Angleterre.
L’année 1536 voit par ailleurs se lever une révolte catholique menée par des familles
nobles du Nord – révolte rapidement brisée du reste - tandis que commence à pointer
une opposition protestante qui estime que le roi ne va pas assez loin dans son rejet du
Catholicisme romain.

L’année 1536 est riche en événements. Elle est encore celle de l’exécution
d’Anne Boleyn, accusée d’adultère et d’inceste sous l’impulsion de Cromwell. En fait,
elle avait donné naissance à une fille, Elisabeth, et le roi, très déçu, avait trouvé ainsi,
le moyen de s’en débarrasser.
Anne Boleyn morte, Henry VIII se remarie en 1537 avec Jane Seymour qui lui
donnera un fils, Edouard, de santé fragile, auquel elle ne survit elle-même que douze
jours.

En 1539 est voté le statut des six articles qui a pour but d’abolir la diversité
d’opinion et d’établir une orthodoxie stricte. Elle établit une religion qui tout en se
démarquant du Catholicisme romain, se montre hostile au Protestantisme. Ceci, parce
qu’Henry VIII, après avoir rompu avec l’Eglise Catholique, n’entend pas non plus
tremper dans ‘‘l’hérésie protestante.’’ L’Anglicanisme se veut une voie moyenne entre
ces deux extrêmes. Aussi, le premier des six articles reconnaît-t-il la
transsubstantiation, le deuxième, l’inutilité de la communion sous les deux espèces, le
troisième, l’excellence du célibat sacerdotal, le quatrième la validité des vœux et
promesses de chasteté et prévoit des peines contre les prêtres qui les négligeraient. Le
cinquième article souscrit à la célébration des messes privées et le dernier maintient la
confession auriculaire.
Durant les huit années qui suivent la promulgation de ce statut, une violente répression
s’abat sur tous les marginaux, de quelque bord qu’ils soient.

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En 1540, Henry VIII qui, devant la fragilité de la santé d’Edouard veut un autre
fils pour mettre sa dynastie à l’abri des prétendants rivaux, épouse Anne de Clèves,
une princesse protestante allemande. Cette femme ne lui plaît guère, mais elle est pour
lui le gage de l’appui politique des nations protestantes allemandes. Aussi, dès que les
circonstances politiques qui ont présidé à ce choix changent, il fait annuler son
mariage et épouse Catherine Howard, sa cadette de plus de 30 ans – elle a alors 18 ans.
Thomas Cromwell, inspirateur de la politique protestante et négociateur du mariage
avec Anne de Clèves est arrêté pour haute trahison jugé et exécuté le 28 juillet.

En 1542, Catherine Howard, accusée d’adultère est à son tour exécutée. Henry
VIII convole pour la sixième et dernière fois en noces avec Catherine Parr qui soigne
le roi, vieux et malade jusqu’à sa mort en 1547 et lui survit.

II - Une période d’incertitude

1. Edouard VI : l’option protestante : 1547-1553

Lorsque Henry VIII meurt en janvier 1547, son fils Edouard n’a que 10 ans.
C’est tout de même à lui, et non à l’aînée que le défunt roi lègue le royaume par
testament. Dix-huit membres du Conseil sont chargés d’assurer la régence jusqu’à sa
majorité. Tous les groupes religieux en présence se précipitent afin de profiter de
l’interrègne pour s’imposer :
- Les protestants de tendance luthérienne réclament le passage du plan
disciplinaire au plan doctrinal de la Réforme pour imposer le
Luthéranisme en Angleterre.
- Les catholiques veulent un retour pur et simple au Catholicisme
romain
- Les modérés veulent conserver l’héritage d’Henry VIII, c’est-à-dire
un Catholicisme sans pape.

Les membres du Conseil ne sachant pas quoi choisir dans l’immédiat,


l’Angleterre ballote un moment dans un flou religieux. Après cette période
d’incertitude, la réforme anglaise s’oriente vers le Protestantisme sous l’influence du
Chef du Conseil de Régence, Edouard Seymour, duc de Somerset, oncle du jeune roi,
modéré mais de tendance nettement marquée pour cette confession.
Sept mois à peine après la mort d’Henry VIII, les décisions prises à la cour le sont en
faveur du Protestantisme :
- abolition du statut des six articles par lequel Henry VIII avait voulu
se démarquer des réformateurs qu’il considérait comme hérétiques et
qui était sensé assurer à l’Angleterre un Christianisme hostile au
Protestantisme
- ordre de lire les épîtres et l’Evangile en anglais à la messe
- interdiction des processions
- autorisation de la communion sous les deux espèces
- autorisation du mariage des prêtres

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Entre 1547 et 1549, une série de révoltes éclate chez les paysans, pressurés par
leurs nouveaux maîtres (ceux qui ont racheté les terres des monastères), victimes d’une
réforme agraire faite en faveur de la haute classe et en forte minorité hostiles aux
nouvelles orientations religieuses. La répression est assurée par un nommé John
Dudley, chef du parti protestant qui remplace bientôt le duc de Somerset jugé trop
modéré. Avec l’appui de réfugiés protestants fuyant le continent et leur apport en
science théologique et en expérience, le parti protestant prend le dessus dans le
royaume.

En 1549, le Parlement adopte le Book of common prayer et l’accompagne de


l’Acte d’uniformité qui oblige tous les Anglais à adopter sans exception le nouveau
livre de prière et supprime certaines survivances du Catholicisme.

En 1552, le Book of common prayer est refondu en un nouveau Prayer book à


caractère plus nettement protestant. Ce dernier livre de prière est accompagné d’un
autre Acte d’uniformité qui prévoit de lourdes sanctions contre tous ceux,
ecclésiastiques ou laïcs qui rechigneraient à l’adopter.

En 1553 est publié un texte en quarante-deux articles qui précise les principaux
points de la foi anglicane :
- le prêtre devient un simple ministre de la parole. Il ne porte plus de
vêtements liturgiques.
- La transsubstantiation est rejetée tout comme la croyance au
Purgatoire et les pratiques qui lui sont liées (messe pour les défunts,
indulgences, invocation des saints…)
- Le culte lié aux images, aux reliques et les pèlerinages sont rejetés
- Des articles sur la justification par la foi et la prédestination inspirés
de la doctrine de Calvin sont introduits.

L’Angleterre a ainsi pris une sérieuse option pour le Protestantisme. Son élan va être
momentanément coupé par la mort d’Edouard VI en 1553.

2. Marie Tudor ou la tentative de retour au Catholicisme : 1553-1558

Edouard VI mort à 16 ans n’a pas eu le temps d’avoir un héritier de son sang.
Le trône devait nécessairement échoir à l’une de ses sœurs. Par ordre de naissance,
l’héritière légitime ne pouvait être que Marie. Or, c’était de notoriété publique, Marie,
de mère catholique espagnole, était restée attachée au Catholicisme au point de refuser
ostensiblement de se soumettre à l’Acte d’uniformité et d’adopter le Prayer Book. Pour
éviter que les progrès vers le Protestantisme réalisés sous son règne ne soient ruinés
par cette ‘‘ demi-espagnole’’ entêtée, Edouard sentant venir sa mort avait essayé de
modifier l’ordre de succession en écartant ses deux sœurs au profit d’une nommée
Jane Grey, arrière-petite-fille d’Henry VII.

A la mort d’Henry VII, Jane Grey est proclamée reine d’Angleterre. Mais la
plus grande partie du peuple choisit le camp de Marie par fidélité aux Tudor. Au bout

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de neuf jours de règne, Jane Grey et son parti sont obligés de s’incliner devant l’assaut
des troupes de cette dernière. Proclamée reine le 15 juillet, elle entre à Londres le 3
août pour y être sacrée en octobre. Commence alors un terrible compte à rebours pour
le Protestantisme.

Marie congédie en effet la plupart des membres du Parlement et les remplace


par de nouvelles personnes acquises à la cause du Catholicisme. Grâce au nouveau
Parlement ainsi obtenu, elle obtient l’abolition de toute la législation antérieure
favorable au Protestantisme. Elle lance une politique de rétablissement tout azimut du
Catholicisme avec le Cardinal Reginald Pole, exilé à Rome lors du schisme qui a été
nommé légat par le pape Jules III. Le latin est rétabli à la messe, les prêtres mariés
expulsés, de nombreuses personnalités ecclésiastiques protestantes sont arrêtées et
exécutées.

A partir de 1555, avec le rétablissement de la loi sur l’hérésie, Marie engage


l’Angleterre dans une période sanglante de quatre années où plus de trois cents
personnes périssent exécutées. Elle ne réussit qu’à provoquer de l’émoi dans le peuple
et à attiser la haine des Anglais contre le papisme. Aussi, la nouvelle de sa mort en
novembre 1558 est-elle accueillie avec soulagement voire avec joie. Tous les regards
sont dès lors tournés vers son héritière légitime : sa demi-sœur Elisabeth.

III. Elisabeth 1ère

1. Elizabeth et la religion

Après une enfance triste, Elizabeth est éduquée dans l’humanisme par des
précepteurs de tendance protestante qui la marquent de leur influence. Toutefois,
jusqu’à la fin de sa vie, elle laissera planer le doute sur sa vraie tendance religieuse, les
différentes situations difficiles qu’elle a connues durant son enfance puis sa jeunesse
ayant développé chez elle, une grande capacité de feinte. Ainsi, protestante déclarée
sous Edouard VI, elle n’a pas hésité à se faire catholique au plus fort de la persécution
ordonnée par sa sœur. Cette option se présentait à elle comme un choix d’autant plus
salutaire que sa sœur la soupçonnant de pactiser et d’ourdir un complot avec ses
ennemis, l’avait déjà fait mettre en résidence surveillée. Même une fois devenue reine,
l’orientation religieuse qu’elle adopte est dictée par son pragmatisme politique et par
les leçons tirées du règne sanglant de sa sœur aînée. En définitive, Elizabeth ne s’est
jamais déclarée elle-même de telle confession chrétienne ou de telle autre. Elle a su à
chaque fois s’adapter à la conjoncture qui prévalait. Son ‘‘instabilité’’ en matière de
religion a fait conclure à certains qu’elle était tout simplement athée ; ce qui est
certainement faux. D’autres ont fait d’elle une sceptique ; ce qui n’est pas vrai non
plus. A en juger par ses lectures, elle serait plutôt une crypto protestante, à la manière
de Marguerite d’Angoulême. La seule chose dont on est absolument sûr, c’est qu’elle
n’est pas catholique. On s’explique mal autrement son attitude vis-à-vis des
catholiques.

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2. L’organisation de l’Eglise Anglicane

Du règne de Marie, Elizabeth a tiré des leçons. Elle a retenu entre autres que les
régions les plus prospères, celles de Londres et du Sud-Est, sont aussi celles qui sont
les plus touchées par la Réforme. Elle a outre perçu que la majorité de la population ne
veut pas d’un retour au Catholicisme. Elle choisit donc de reprendre la politique
réformatrice lancée par son père et son frère Edouard.

Dès le début du règne, le parlement convoqué lui accorde le titre de Chef


suprême (Supreme Governor) de l’Eglise d’Angleterre et rétablit en 1559, l’acte de
suprématie ainsi que l’acte d’uniformité qui impose de nouveau à tous, le prayer book.
Pour avoir un clergé acquis à sa politique religieuse, la reine se livre à une épuration
du clergé catholique issu du règne précédent en demandant à tous les prêtres de se
soumettre à l’acte de suprématie ou de se démettre de tout bénéfice et donc aussi de
toute fonction.

En 1562, la Convocation élabore le texte dit des trente-neuf articles, qui modifie
certains points importants de la foi catholique. Mais dans l’immédiat, Elizabeth hésite
à faire promulguer ce texte, parce qu’elle a hérité d’une alliance espagnole du règne
précédent et que, comme son père, elle ne veut alors pas passer du schisme à l’hérésie.
Son attitude évoluera cependant peu à peu vers un parti pris pour le Protestantisme
contre le Catholicisme. Ainsi, en 1563, le parlement adopte les trente-neuf articles. De
même, pour venir en aide aux protestants hollandais, la reine laisse en 1568, ses
corsaires intercepter des vaisseaux espagnols transportant le salaire des soldats qui
combattent pour Philippe II aux Pays-Bas, provoquant ainsi la rupture avec l’Espagne,
première puissance catholique d’alors.

En 1570, Pie V, prenant acte du penchant de la souveraine pour l’hérésie


protestante, l’excommunie. Plus rien ne pouvait dès lors arrêter Elizabeth dans sa
lancée. En 1571, les trente-neuf articles sont proclamés, « afin, dit-on, d’éviter la
diversité d’opinion et pour établir l’unanimité à propos de la vraie religion. »
Ce texte, pour l’essentiel encore en vigueur aujourd’hui fixe les principaux points de la
doctrine anglicane.

Au total, après diverses péripéties, de débats parlementaires où la reine use,


suivant les interlocuteurs et la conjoncture, d’intimidation ou de diplomatie entre
opposition catholique et prétentions protestantes de toutes tendances (puritaines,
calvinistes, luthériennes) l’équilibre – les historiens parlent compromis élisabéthain -
qu’elle finit par trouver est celle d’une « Eglise avec une liturgie inspirée de la liturgie
catholique, une hiérarchie qui combine la tradition et le Luthéranisme avec des
éléments purement anglais, et un dogme de tendance calviniste. »(1)

3. Elizabeth et les catholiques

L’ambiance politico-religieuse à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume fait


des catholiques des ennemis inconciliables du pouvoir. Il faut préciser que les

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catholiques eux-mêmes sont hostiles à la conciliation avec une reine déclarée de
naissance illégitime par un pape et excommuniée par un autre. Le parti catholique
forme au parlement une opposition très dure qui ne laisse à la reine d’autre choix que
celui de s’appuyer sur les protestants et de leur faire même des concessions qu’elle
aurait préféré ne pas faire. Devant les restrictions faites peu à peu à leurs libertés, les
catholiques se révoltent à plusieurs reprises et subissent une répression sans pitié.
L’année 1569 notamment est marquée par une révolte mémorable menée par les
seigneurs catholiques du Nord. La révolte est brisée et les catholiques arrêtée en
masse. L’excommunication de 1570 ne fait qu’empirer les choses. Pie V avait cru
intimider et ramener la reine à de meilleurs sentiments par cette sanction qui déliait par
la même occasion ses sujets de leur serment de fidélité. En d’autres temps et en
d’autres lieux, cette mesure aurait pu mettre en danger et Elizabeth et la dynastie des
Tudor. Mais le pape s’était trompé d’époque et de pays. La majorité des Anglais ne
voulaient revenir au Catholicisme romain. Dès lors, la décision de Pie V ne fit
qu’enfoncer ses coreligionnaires, considérés d’office comme des traîtres. Une
législation draconienne est mise en place contre eux entre 1571 et 1606. On peut citer

entre autres, l’interdiction du culte catholique, la suppression des droits politiques et


civiles des catholiques et le fait que l’attachement au pape soit considéré comme une
trahison et puni comme tel. Bien entendu, le parti catholique résiste, mais leur
résistance ne réussit qu’à amener la reine à durcir encore plus sa politique religieuse.
Plusieurs catholiques sont arrêtés et exécutés, notamment le duc de Norfolk dont les
catholiques veulent faire leur roi ainsi que Marie Stuart, reine d’Ecosse réfugiée en
Angleterre et héritière légitime du trône au cas où Elizabeth viendrait à mourir sans
enfant. La lutte contre les catholiques est si bien menée qu’à la fin du règne
d’Elisabeth 1ère, en 1603, le Catholicisme amorce un certain déclin en Angleterre.
L’histoire du Catholicisme anglais de cette époque est peu glorieuse. Elle est celle
d’une série d’apostasies et du ralliement des descendants de martyrs à la religion
anglicane. Il faut noter cependant, pour ramener les choses à leurs justes proportions,
que les catholiques n’ont pas été les seules victimes de la politique religieuse de la
reine Elizabeth. Les puritains, ceux qui estimaient que l’Anglicanisme n’allait pas
assez loin dans la réforme ont été également réprimé au même titre que les catholiques.

Conclusion

Elizabeth 1ère, poursuivant l’œuvre de son père a réussi à trouver un compromis


entre les différentes forces religieuses en présence pour que triomphe l’Anglicanisme
comme l’Eglise de la voie moyenne entre le radicalisme de ‘‘l’hérésie protestante’’ et
la ‘‘superstition papiste.’’ Toutefois, c’est sous son successeur, Jacques 1 er que cette
nouvelle confession chrétienne achèvera d’asseoir sa doctrine et d’élaborer son droit.
Naturellement tout cela ne s’est pas fait sans difficulté. Ce n’est que très lentement que
l’Eglise Anglicane sous sa forme actuelle a fini par s’imposer en Angleterre.

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Chapitre VIII Le concile de Trente
Introduction

I Un concile longtemps attendu


1. Le long désir du peuple
2. Les obstacles à la réunion du concile
3. L’ouverture du concile
II Les sessions du concile
1. La première phase
2. La deuxième phase
3. La troisième phase

Conclusion

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Introduction

On a eu autrefois, l’habitude de désigner par le nom de Contre-Réforme,


l’ensemble des mesures prises au concile de Trente pour donner à l’Eglise Catholique
une nouvelle vitalité face à la conquête protestante. Les historiens en faisaient alors
une lecture apologétique. La tendance actuelle est de parler plutôt de Réforme
catholique. Cette expression est sans doute plus conforme à la réalité parce qu’à
Trente, les pères ont fait mieux que réfuter les thèses protestantes. Les canons
tridentins ont donné à l’Eglise romaine les moyens de faire sa propre toilette interne et
partant, d’acquérir une force de cohésion capable d’impulser un mouvement de
reconquête.

I Un concile longtemps attendu

1. Le long désir du peuple

Pour régler ses crises graves, l’Eglise avait toujours eu l’habitude de recourir à
la réunion de conciles. Cette voie avait permis notamment de résoudre les problèmes
nés du grand schisme d’Occident, lors des concile de Bâle (1414) et de Constance
(1431). Aussi, le peuple chrétien attendait-il devant la crise protestante, que se tienne
une grande assemblée du même genre. De celle-ci, les fidèles meurtris dans leur foi,
espéraient voir sortir des mesures qui leur permettent de concrétiser de façon plus
authentique, le profond désir de sainteté né des mouvements spirituels du XVème
siècle. Bien sûr, les initiatives personnelles n’ont pas manqué. Mais après les
déviations du mouvement protestant et l’incapacité de ses meneurs à s’entendre, il est

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apparu plus clairement que l’œuvre de restauration, pour être solide et crédible devait
être prise en mains par les plus hauts responsables de l’Eglise.

2. Les obstacles à la réunion du concile

C’est très tôt, dès les premières alertes de l’affaire Luther que l’on se convainc
de la nécessité de la tenue d’un concile. Dès 1524, Charles Quint qui, en tant que
prince chrétien, se sent le devoir de rechercher des solutions à la crise qui secoue son
empire, propose la ville de Trente comme lieu de la rencontre. Mais plusieurs obstacles
allaient retarder la réunion du concile.

C’est Adrien VI(1522-1523), successeur de Léon (+ 1521) qui aurait pu prendre


les mesures adéquates pour faire face à la crise naissante. Sa mort prématurée ne lui en
laisse ni le temps ni le loisir. Clément VII qui vient après lui, non seulement se
préoccupe plus des questions de la dynastie Médicis que des questions religieuses,
mais en outre ne trouve pas nécessairement bonne l’idée du concile et pour cause. Il
craint de voir resurgir la théorie conciliaire qui affirme la supériorité du concile sur le
pape. Il a donc fallu attendre Paul III (1534-1549) pour y penser de façon sérieuse. Il
souhaite le réunir dès son arrivée sur le siège pontifical mais la guerre entre François
1er et Charles Quint (1520-1544) l’empêche de le faire. Après deux tentatives
infructueuses (1536, 1542), le concile tient enfin sa première séance dans la cathédrale
de Trente le 13 décembre 1545.

3. L’ouverture du concile

Le concile s’ouvre dans un climat de scepticisme et de suspicion à cause de la


division des chrétiens sur plus d’un plan :
- les difficultés politiques provoquées par les rivalités entre François 1 er
et Charles Quint subsistent.
- Protestants et catholiques n’envisagent pas les mêmes buts et le
même pouvoir pour le concile. Les premiers veulent un concile qui
table sur toutes les questions théologiques et qui soit supérieur au
pape dans ses décisions. Les seconds qui n’entendaient pas donner
l’occasion au conciliarisme de resurgir, considèrent que la question
Luther est clause depuis la condamnation des thèses du réformateur.
Ils ne veulent ni ne peuvent par conséquent pas accepter d’y revenir.

La première session s’ouvre en présence de vingt-huit évêques (y compris les


légats pontificaux) et des ambassadeurs des différents princes chrétiens. Le légat qui
prend alors la parole définit le concile comme une réunion d’évêques, de théologiens,
de légats du pape et d’ambassadeurs des rois. Il en précise également les objectifs en
ces termes : « Le concile se tient pour l’exaltation de la foi et de la religion chrétienne,
pour l’extirpation des hérésies, pour la paix et l’union de l’Eglise, la réformation du
clergé et du peuple chrétien. Pour l’humiliation et l’extinction des ennemis du nom
Christ. »

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C’est tout un programme qui est ainsi défini et son envergure ambrasse aussi
bien le dogme que la discipline et la morale. Le concile en effet vise la destruction des
hérésies, par l’union dogmatique et disciplinaire.

II Les sessions du concile

Ouvert le 13 décembre 1545, le concile devait être interrompu pour être repris
par trois fois. La première interruption intervient en 1547, officiellement pour cause
d’épidémie à Trente. Le concile reprend en 1551 pour être de nouveau suspendu au
bout d’une année. Les pères sont rappelés en janvier 1562 et mettent fin à leurs travaux
en décembre 1563.

1. La première phase

Lors de la première phase du concile ( 13 décembre 1545 –3 mars 1547 ) se


tiennent les huit premières sessions. Au cours de celles-ci, les pères précisent le texte
du symbole de la foi, déterminent les livres canoniques de l’Ecriture, les règles à
suivre pour éditer les textes canoniques et imposent aux catholiques l’usage obligatoire
de la Vulgate. Ils redéfinissent la doctrine catholique de la justification, y battent en
brèche la théorie luthérienne de la sola fide et réaffirment l’importance des œuvres
pour l’expiation des péchés et la croyance au Purgatoire. ( Voir FC 612).
Par ailleurs, les pères rappellent que l’Eglise reconnaît sept sacrements, du baptême à
l’extrême onction ; que tous les sacrements ont le même pouvoir, celui de
communiquer la grâce, qu’ils sont tous nécessaire au salut et qu’ils doivent être
administrés par un prêtre. Ils récusent ainsi la doctrine luthérienne du pouvoir qu’aurait
chaque fidèle, en vertu du sacerdoce commun, d’administrer, d’interpréter l’Ecriture et
d’annoncer la Bonne Nouvelle.

Les décrets dits de réformation précisent les conditions de choix des évêques,
rappellent l’interdiction du cumul des évêchés et des cures ; précisent les règles de
sacre des prélats, les règles d’établissement et d’entretien des institutions
d’enseignement ainsi que celles de la désignation des prédicateurs.

Tous ces travaux menent les pères jusqu’en mars 1547. C’est alors que le
cardinal Del Monte, légat du pape, prend prétexte d’une épidémie de peste pour
transférer le concile à Bologne. En fait, le souci de la santé des pères n’était pas sa
première ou tout au moins son unique préoccupation. Il voulait ainsi échapper à la
mainmise de l’empereur. Celui-ci, furieux, interdit aux évêques espagnols et allemands
de se rendre à Bologne. Finalement, devant une situation bloquée, les pères se
dispersent en septembre 1549.

2. La deuxième phase

Ce sont les sessions 9 à 16 ( 1er mai 1551- 28 avril 1552) qui constituent cette
deuxième phase du concile. Les décrets et canons touchent d’abord l’Eucharistie : les

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pères réaffirment la transsubstantiation et précisent le culte et la vénération que l’on
doit au Très Saint Sacrement ainsi que la nécessité de le conserver dans un vaisseau
sacré (tabernacle). Ils indiquent enfin la préparation à laquelle il faut soumettre les
fidèles avant la réception du sacrement. Puis ils passent aux autres sacrements. Ils
abordent notamment la question de la pénitence et le problème de la contrition qui
consiste en « une douleur intérieure, dans la détestation du péché et résolution à ne
plus pécher à l’avenir. » Ils montrent en outre que l’attrition qu’ils définissent comme
« une honte du péché et une crainte du châtiment et des peines » est une étape sur le
chemin de la réception de la grâce.

Les pères parlent ensuite de confession, d’absolution, des cas réservés et de


l’extrême onction.
Les décrets de réformation traitent du pouvoir des évêques en matière d’ordination et
rappellent l’obligation faite à tous les membres du clergé de porter l’habit
ecclésiastique en permanence.

Au printemps 1552, les pères sont une fois de plus obligés d’interrompre leurs
travaux, la ville de Trente étant menacée par les troupes protestantes de la ligue de
Smalkalde. S’ouvre alors une période de guerre peu favorable à la reprise du concile.
Jules III (1550-1555) qui succède à Paul III ne peut achever l’œuvre de son
prédécesseur. Paul IV, élu en mai 1555 aurait pu le faire. Mais on dit de lui que c’était
un homme très autoritaire qui n’aimait guère la discussion. Il n’agrée pas l’idée d’un
concile et préfère procéder personnellement à des réformes dans les institutions
romaines pour disposer de moyens puissants et efficaces pour la lutte contre l’hérésie.
Il réforme notamment, l’Inquisition.

Elu en 1559, Pie IV se trouve devant une situation toute nouvelle : Charles
Quint a abdiqué en faveur de son frère Ferdinand, le trône impérial en attendant que
son fils, Philippe II d’Espagne arrive aux affaires. Le nouvel empereur, les Français et
les Allemands veulent la réunion d’un nouveau concile pour réaliser l’accord avec les
protestants. Philippe II, roi de la plus grande puissance catholique de l’heure
( l’Espagne ) exige lui, la reprise et l’achèvement rapide du concile de Trente. Pie IV
finit par s’aligner sur le désir de ce dernier.

3. La troisième phase

Neuf sessions ont meublé le temps de cette troisième phase : les sessions 17 à
25 ( 18 janvier 1562 – 4 décembre 1563 ). Durant ces neuf sessions, les pères détaillent
davantage les questions relatives à l’administration de l’Eglise. Les pouvoirs des
évêques ainsi que ceux des curés sont longuement énumérés et précisés et pour cause.
C’est en effet sur l’efficacité de son système administratif et plus précisément sur le
bon exercice du pouvoir par le clergé séculier que l’Eglise compte alors pour assurer
son triomphe sur l’hérésie. Les pères reviennent également sur le caractère sacrificiel
de la messe pour répondre aux réformés qui reprochent quotidiennement à la messe
‘‘papiste’’ « son caractère blasphématoire, son imposture, ses erreurs et son impiété. »

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Les canons précisent que la messe doit être dite en latin mais que le prêtre peut en
expliquer le sens dans la langue du pays.

Le concile institue également les séminaires pour la formation des jeunes clercs
en vue d’un meilleur rendement. Il élabore par ailleurs un nouveau missel, un bréviaire
et un catéchisme dont la publication est laissée à la charge du pape.

Le catéchisme romain dont la rédaction a été achevée en avril 1565 est divisé en
quatre parties. La première traite du symbole des apôtres, la seconde des sacrements, la
troisième des commandements de Dieu et la dernière, des prières. Il est publié en
1566, le bréviaire en 1568 et le missel en 1569.
En 1592, paraît une édition révisée de la Vulgate. Il faut également signaler la parution
de l’index du concile en 1564.

Depuis 1560, Pie IV a imposé à tous les bénéficiaires et à tous les évêques une
profession de foi. A la suite du pape et dans le même sens que lui, le concile a surtout
élaboré une nouvelle profession de foi. Celle-ci commence par le symbole des apôtres,
se poursuit par l’acceptation des traditions apostoliques et ecclésiastiques, par la
confession qu’il y a véritablement sept sacrements, par la réception des vérités définies
ou précisées par le concile telles que le péché originel et la justification. Il inclut
encore d’autres vérités à savoir que le véritable sacrifice est offert dans la messe pour
les vivants et pour les morts et qu’il y a un purgatoire. Suivent enfin la reconnaissance
du culte des saints, des reliques, des images, des indulgences. Le tout s’achève par un
serment d’obéissance au pape.

En 1567, Pie V complète l’œuvre d’uniformisation théologique en proclamant


saint Thomas d’Aquin docteur de l’Eglise, en obligeant les universités d’obédience
catholique à enseigner la théologie tridentine et en publiant les œuvres complètes du
docteur.

Conclusion

En un certain sens, le concile de Trente a consacré de façon définitive le fossé


entre Rome et les Eglises issues de la Réforme, puisque loin de rechercher la
conciliation, il a plutôt réaffirmé son opposition aux thèses protestantes en précisant la
doctrine catholique. Mais s’il n’a pas résorbé la crise au sens de mettre fin au schisme
pour réunir de nouveau les frères ennemis en une même Eglise, le concile de Trente a
donné à l’Eglise romaine les forces d’une nouvelle jeunesse et lui a permis de mieux
redéfinir sa doctrine et sa foi, de mieux recentrer sa discipline pour se reprendre en
main. De Trente est sortie une Eglise plus forte et plus à même de répondre aux
préoccupations de ses fidèles.

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Histoire de l’Eglise : examen 2004

Traiter un des trois sujets au choix :

1. En quoi, la Renaissance a-t-elle fait le lit de la Réforme ?


2. « Ce n’est pas ma libre volonté qui m’a jeté dans la tempête » : Commentez ces
propos de Martin Luther, parlant de sa rupture avec l’Eglise Romaine et de sa
réforme
3. Est-il juste de dire qu’Henry VIII est le fondateur de l’Anglicanisme ?

Bonne chance et bonnes vacances à tous

Histoire de l’Eglise : examen 2004

Traiter un des trois sujets au choix :

1. En quoi, la Renaissance a-t-elle fait le lit de la Réforme


2. « Ce n’est pas ma libre volonté qui m’a jeté dans la tempête » : Commentez ces
propos de Martin Luther, parlant de sa rupture avec l’Eglise Romaine et de sa
réforme
3. Est-il juste de dire qu’Henry VIII est le fondateur de l’Anglicanisme ?

Bonne chance et bonnes vacances à tous

Histoire de l’Eglise : d’examen 2004

Traiter un des trois sujets au choix :

1. En quoi, la Renaissance a-t-elle fait le lit de la Réforme ?


2. « Ce n’est pas ma libre volonté qui m’a jeté dans la tempête. » : Commentez ces
propos de Martin Luther, parlant de sa rupture avec l’Eglise Romaine et de sa
réforme
3. Est-il juste de dire qu’Henry VIII est le fondateur de l’Anglicanisme ?

Bonne chance et bonnes vacances à tous

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