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Nos. 2-4. DEUXIEME ANNEE 1-er OCTOBRE 1914.

ACADEMIE ROUMAINE

BULLETIN
DE LA

SECTION HISTORIQUE
PUBLICATION TRIMESTRIELLE
SOUS LA ROACTION DE

N. IORGA
MEMBRE DE L'ACADENHE ROUMA1NE, i
PROFESSEDB A L'UNIVERSITE DE BULA BEST '

- SOPIMAIRE
N. lorga, Fondations religieuses des princes roumains en Orient. Monastercs
des Metéores-en Thessalie 925
Pondations des princes roumains en Epire, en Moree, a Constantinople,
dans les iles et sur la cdte d'Asie Mineure . , 241
Un acte roumain concernant le docteur Veron, initiateur de la culture
bulgare contemporaine 270
Quelques documents roumains de Bessarabie . . . . , 273
J. C. KIWI, Correspondance des princes et boiars roumains avec Metternich
ct Gentz, de 1812 a. 1828 276
N. lorga, Contributions doeumentaires A -l'histoire de l'Oltenie au X1X-e siecle.
Renegats dans le passe des pays et du peuple roumain . 4 ....
Une carte de la Valachie vers 1780 et un geographe originaire de la Do-
.
280
281

broudscha . 286
La politique vénitienne dans les onus de la Mer Noire . . 289
.

BUCAREST
Ateliers graphiques SOCEC & Co., SoCiété anonyme
19I4

www.dacoromanica.ro
Nos. 2-4. DEUX1EME ANNEE 1-er OCTOBRE 1914.

ACADEMIE ROUMAINE

BULLETIN
DE LA

SECTION HISTON1QUE
PUBLICATION TRIMESTRIELLE
SOUS LA REDACTION DE

N. IORGA
MEMBRE DE L'ACADEMIE ROUMAINE,
PROFESSEUR A L'UNIVERSITE DE BUCAREST

SOMMAIRE
N. lorga, Fondations religieuses des princes roumains en Orient. Monastares
des Météores en Thessalie 225
Fondations des princes roumains en Epire, en Moree, a Constantinople,
dans les tles et sur la cOte d'Asie Mineure 241
Un acte roumain concernant le docteur Veron, initiateur de la culture
bulgare contemporaine 270
Quelques documents roumains de Bessarabic 273
J. C. FiliW, Correspondance des princes et boiars roumains avec Metternich
ct Gentz, de 1812 a 1828 276
N. lorga, Contributions documentaires a l'histoire de l'Olténie an XIX-e siècle. 280
Renegats dans le passe des pays et du peuple roumain . . . 281
Une carte de la Valachie vers 1780 et un geographe originaire de la Do-
broudscha 286
La politique vénitienne dans les eaux de la Mer Noire 289

BUCAREST
Ateliers graphiques SOCEC & Co., Société anonyme
1914

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FONDATIONS RELIGIEUSES DES PRINCES ROUMAINS
EN ORIENT. MONASTERES DES METEORES
EN THESSALIE.
PAR N. IORGA

Outre les monasteres de l'Athos, dont il n'y en a pas un


qui n'ait recu les dons et les secours des princes de Va-
lachie et de Moldavie, outre le Mont Sind, dont les relations
avec Alexandre-le-Mauvais, prince de Valachie, et avec le
prince moldave Basile Lupu ont ete exposees dans un me-
moire antérieur, un grand nombre d'établissements religieux
de l'Orient, patriarcats, lavres, monasteres, grands et petits,
et skites, ont eu leur part, a travers les siecles, de la large
munificence des princes roumains. Il faut repéter qu'en agissant
ainsi ils n'accomplissaient pas seulement une ceuvre chretienne,
rnais qu'ils étaient dans leur rOle de continuateurs de la tra-
dition imperiale la plus ancienne.
Certaines de ces donations peuvent etre connues presque
completement ; il y en a d'autres qu'on ne connait que par
des mentions fortuites, et il y a enfin une troisieme categoric
que l'on ne peut que deviner. Ce mémoire a pour but d'exposer
le developpement de celles qui font partie de la premiere
categorie, d'expliquer, dans la mesure du possible, celles qui
nous sont revélées par le hasard des sources et de provoquer
des recherches sérieuses en ce qui a trait aux dernieres.

I.
Dans la Vie, rédigee par Gabriel, Protos" de l'Athos,
du Patriarche organisateur de l'Eglise valaque, Niphon, faisant
suite a l'énumération des bienfaits que la Sainte Montagne
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A. I?. Bulletin historique. 15
226 N. IORGA

elle-méme doit au Voevode Neagoe, de bon exemple, on trouve


egalement designees d'autres regions sur lesquelles s'etendit cette
pieuse libéralité : Et il fit egalement des dons a la sainte cite
de Jerusalem, au Mont Sion, qui est la mere des Eglises, il
l'enrichit, ainsi que toutes les eglises du voisinage, et il fit la
mérne chose pour d'autres monasteres de l'Orient, puis, sur
la montagne de la Mysie, au couvent d'Oreiskos (Orechkovitza),
oil l'on conserve les reliques de Saint Gregoire le Thaumaturge,
il batit le porche de l'eglise et la fit recouvrir de plomb, il
éleva un petit balcon de pierre au-dessus du reliquaire, l'orna
de belles peintures et de dorures et étendit un tapis de soie
brode de fils d'or sur le support du reliquaire. Puis, au métoque
de ce couvent, nomme Ménorlina, il batit une grande maison
pour le repos des moines ; on y officiait tous les services
exiges. En Gréce, il enrichit le saint couvent de Météora, le
comblant de dons, et il y eleva des batisses. De méme, en
Pelagonie, le monastere dit Trescavitza fut erige par ses soins,
et il fit de larges aum6nes en Macedoine, au monastere qui
a pour nom Kouchnitza. Sur la colline de Katheska, qu'on
nomme aussi KoutschaIna, il bait plusieurs edifices. Et il ac-
cordait les fonds pour l'entretien de toutes les autres eglises
qui s'y trouvent, ainsi que des habitations pour les moines, et
il y éleva aussi des murs d'enceinte, de méme qu'ailleurs."
Et l'auteur neglige de noter spécialment ce qui a ete fait pour
les eglises, les couvents et les skites qui sont en Europe, en
Thrace, en Hellade, en Achale, dans fillyricum, dans la Cam-
panie, sur l'Hellespont, en Mysie, en Macedoine, en Thessalie,
en Syrmie",ce qui signifie le monastere d'Opovo,en Lug-
donie, en Petlagonie (sic), en Dalmatie et dans toutes les
autres regions, de l'Orient a l'Occident et du Midi au Nord1."
11 est done question du patronnage de Neagoe sur Jeru-
salem, sur l'Oréiskos", sur Ménorlina", sur les couvents
des Météores, sur Trescavitza, sur Kouchnitza et l'enigmatique
Katheska".
II sera question ici des relations de ce prince avec les
fondations européennes.
Les couvents de Météora, en Thessalie, sont tres bien
1 Ed. Erbiceanu, pp. 102, 110.

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FONDATIONS RELIGIEUSES DES PRINCES ROUMAINS EN ORIENT 227

connus. Le voyageur roumain qui, A la suite des Tures du


Grand-Vizir Dschine-Ali-Pacha, traversa en 1715 la Morée, en
fait la description suivante, sans savoir que leur construction
a eté faite grace aux contributions des princes roumains
egalement :
Maintenant commencent les champs d'Agrapbai, oü il
y a une haute montagne au milieu de la plaine, et elle con,
tient douze couvents, bads par les empereurs grecs. On y
arrive seulement dans des ascenseurs. Ils s'appellent, A cause
de leur altitude, Météora, car i.te-r&upov signifie altitude
Vers le milieu du XIV-e siecle les skites de Meteora,
c'est-a-dire le skite de Staga" (ciaThrtc aorfiliv), St. Georges Tibv
Za6Xavriwv, le skite de Cyrille, qui était le chef-lieu", celui
de Stylos, Doupianos, de St. Dernetre et le monastere propre-
ment dit TO- IIETE1401.1 2, SOUS le patronnage de la Transfigura-
tion, recoivent des dons considerables de la part des seigneurs
serbes qu'avait amenes dans ces regions la conquete du Tzar
Etienne Douchan : ce prince lui-meme et son frere Simeon
Ourochhéritier de la Valachie"dit l'acte de 1366, seigneur
de l'Allmnie entiere" (rravrOc 'AXGávou), d'apres d'autres docu-
ments de son regne 3, qui se consider-aft egalement COM me
CaoIXEUg, comme Empereur, et signait, a Tricala, sa capitale, de
pourpre ses chrysobulles, confirment les possessions de ces mo-
destes habitations de moines solitaires. Le fondateur du principal
monastere est un certain Athanase, qui porte le méme norn que
le fondateur de l'Athos, et il est dit clairement dans sa Vie
qu'il partit de l'Athos par crainte des pirates (catalans) et que,
passant par Berrhoe, il accourut avec son pere" Gregoire
dans cette Thessalie plus stlre ; ii obtint des eveques voisins,
de Stagai et Larissa, l'exemption usuelle de tous les droits

1 Chronique de l'expédition des Tures en Moree, 1715, attribuée


a. Constantin Dioikétès, éd. N. Iorga (Commission Historique de Rou-
manie"), Bucarest 1913, chap. 48.
2 On a aujourd'hui quatre petits couvents: la Trinité, l'Annonciation,

l'Hagia-Mone, St. Nicolas de Kophina et trois grands: St. Etienne, Barlaam


et la Transfiguration. Voy., en général, Heuzey, dans la Revue arehdolo-
gigue, nouvelle série, IX, 1862, p. 153 et suiv. Leur éloge, par Césaire
Daponte, dans la collection Hurmuzaki, XIII, p. 288.
8 Heuzey, loc. cit., p. 164.

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hierarehiques selon les normes qui domikrent toujours dans


la vie athonique. Et -méme cette fondation de Thessalie date
aussi de l'epoque oa Nicodeme, quittant la Sainte Montagne,
transplanta les regles des moines de l'Athos d'abord dans la
CraIna serbe, puis dans la province de Severin et sur le ter-
ritoire des princes valaques. On rencontre donc ici egalement
deux des caracteres de l'expansion des Hagiorites vers le
Danube et au-delà de ce fleuve : la recherche d'emplacements
a l'abri de l'invasion des Turcs et, en second lieu, le patron-
nage de princes en mesure d'accorder l'appui kcessaire. Ce
que furent au Nord les Valaques Vlaicu et Radu, fut de ce
cOte le frere, déjà cite, du Tzar Douchan. On constate toutefois
en Thessalieet c'est là un point importantque le caractere
culture! slavon de cette emigration de moines fait défaut. II
est question seulement de l'exode de Grecs qui viennent,
introduisant leur langue, leur écriture, si puissantes dans cette
region que les dominateurs serbes eux-mémes emploient la
langue des anciens despotes et Cesars byzantins 2.
Et, plus loin, apres la fin de l'époque purement serbe,
les donations se poursuivent, venant de la part de I'Impe-
ratrice Marie Angeline Comnene Dukaine Paleologue", des-
pina" de Ianina, femme de Thomas Prelioubovitsch 3, de son
frere, Jean Ouroch Paleologue, qui était devenu le tres saint
Empereur, tres humble parmi les moines" Joasaph, par conse-
quent, le fils de Simeon Ouroch qui y avait vétu l'habit de moine
et Neve la chapelle du rocher en '1388, ou bien d'Alexius
Ange, simple Cesar, signant, non plus de pourpre mais d'encre
verte 4. C'est de cette maniere que purent se conserver, grace
a l'appui des seigneurs de la Valachie"Caen-El/Meg TV 13Aa-
Xiav-6, de la Thessalie habitée par les Roumains et defendue
V. surtout Heuzey, loc. cit., p. 160: TEXeiv ?A Kai p.6vov Ttl etrurrciTT3
citrojeeta 41-ficnov TUoc. Ii y avait là aussi un prote; ibid. p. 163.
briaxoTri) ,re) scorn
2 Nicolas A. Véis, lep6ikd Kcd 6uravrtaica srpdppa-ra Meraiwou, dans la
Bulawrig, II (1911), p. 1 et suiv. Cf. le méme auteur, ibid., I. p. 215 et
suiv. Voy.aussi Jire6ek, Geschichte der Serben, 1, pp. 420, 442.
8 Le César Prélioub'serait mort id; Heuzey, loc. cit., p. 163.
I Heuzey, loc. cit., p. 163.
5 Ibid., p. 10.Parmi les parèques, reconnus par Douchan, on trouve
un CrAciun, un DobriM, un Calota (ibid., pp. 60, 68). 11 y avait là une
region de stratiotes, ayant des terres, et un mcpaXa'rixtov Tfig BXaxiac
(ibid., p. 64). Cf. aussi le skite de St. Jean MitouvfXa; ibid., I, pp. 236-237.

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FONDATIONS RELIGIEUSES DES PRINCES ROUMAINS EN ORIENT 229'

par leurs bandes, ces couvents qui formaient un centre plus


restreint de culture religieuse en langue grecque.
.11 est bien naturel qu'entre Neagoe, prince de l'Hongro-
Valachie, et ces seigneurs, a la meme epoque, de la Valachie
proprement dite pour les.Byzantins, ii ne pouvait etre question
de la transmission de la merne tache de continuation d'une
meme tutelle, mais cette continuation devait exister entre le
mad de la Aespina" serbe Militza et entre la lignee du Tzar
Douchan.
Le prince valaque fut porte done a accomplir ce r6le
par les memes motifs qui firent de lui un des bienfaiteurs de
l'Athos. Il continue les princes serbes, dont ii a épousé tine
des descendantes. Les moines reconnaissent vers 1581 ce gulls
lui doivent, declarant que le bienheureux prince Jean Neagoe"
a commence une ere de developpement pour le monastere de
la Transfiguration ,,des Cimes", par ses dons, par ses aurnOnes
annuelles", par les bailments qu'il éleva : il a fait reparer
p our mills la tour du rocher, il a orne l'escalier et en a con-
soli& les joints, il a accompli maintes bonnes ceuvres pour
le couvent, en lui donnant des ornements, obtenant ainsi le
droit d'être commemore devant les fideles et au saint autel
soir et matin, ainsi qu'a la sainte messe et dans les saints
monasteres" 1 Ses chrysobulles" sont encore conserves dans
les tresors des couvents..
Ces relations ne furent pas poursuivies. Nous avons en
ce sens le temoignage des ,Météorites eux-mémes : apres sa
mort nous fames empechés de venir dans ce pays a cause
de l'interruption des communications et de la crainte des pi-
rates turcs2".
Mais ces fondations religieuses .obtinrent aussi d'autre,s
donations de la part des Roumains, et cela est pleinement
prouve pour le couvent de St. Etienne par exemple.
1 Véis, loc. cit., pp. 236-260; traduction de M. N. Banescu, dansle
Neamtzl Romdrzesc Literar, année 1911, p. 365. L'original dit: fipEaTo
abEctvEtv to iwerEpov pLovaatiiptov à c Ti)c cerritiv (sic) aentioa0vric Kul ica:rTrous
airroSairrou Eidtcrfmag... EKarcipncrev 11LIV in5p,rov etvw V TIP Melp, ThV Alll.taica
4KaXXilirincEv Kai 'nig Zeurrripiccg aargev, }cal TroXX6 evraOet irpoTsPiwaTa v TC"fl
p.ovacrrriplip nETTOiriKE, Kai KipiXta anupilcraTo.
Nous reproduisons d'ailleurs la lettre en entier dans les An-
nexes au volume XIV de la collection Hurmuzaki.
2 N. BaUescu, loc. cit.
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230 N. IORGA

II.
En 1786, le supérieur de ce monastere et son restaurateur,
Arsenius, qui connaissait les droits du couvent sur le skite
de Butoiu, dans le district valaque de Dambovita, vint en Va-
lachie et, grace a l'appui du prince Mavrogheni (Maurogenis),
11 réussit a &after ceux que la Métropole s'etait arroges a la
suite d'une attaque de brigands et du meurtre de l'hegouménel.
De retour en Thessalie, il introduisit dans le registre de
sa maison une legende bizarre du skite valaque, dans laquelle
on retrouve le récit, fait egalement par la chronique de Mol-
davie 2, du combat du roi Vladislav de liongrie avec les Ta-
tars ; mais, cette fois, Vladislav est confondu avec le prince
roumain du méme nom du X1V-e siecle. C'est ce Vladislav
roumain, Vlaicu, vaincu par les paYens et cherchant refuge
dans les grandes forets de la Dambovita, qui, pour remercier
Dieu de sa protection, erige le skite et y établit comme sur-
veillant un certain archimandrite Gennadius". L'auteur pretend
que ce n'était qu'une simple construction en bois, attendu
qu'on ne trouve pas de pierres dans ces regions de la Va-
lachie", mais le fondateur fit don d'une partie du bois de la
Croix, d'un doigt de Saint Jean Baptiste, d'un autre de Saint
Etienne, etc., que Pon conservait encore en 1786 au monastere
de Thessalie. C'est en 6921 de la Creation qu'aurait ete in-
stallé le premier hegouménecar Gennadius n'était qu'un
moine de Metéora, Neilos 8 Son successeur, Antoine Cantacu-
zene, vivait, au XVII-e siecle encore, dans les traditions du
couvent de Saint Etienne, comme apparenté A un empereur,
et mettle comme ancien empereur des premieres années du
XV-e siecle 4. Arsénius retrouva meme la liste de tous les
fiegournénes qui suivirent 5.
Arsénius avait-il des documents A l'appui de ses asser-
tions? Le skite de Butoiu presentait des donations de la part

1 Véis, loc. cit., I, pp. 236-265.


2 Voy. ces Annales", XXXIII, p. 138.
3 Bänescu, loc. cit., p. 388 et suiv.
* Véis, loc. cit., pp. 236-265.
5 136nescu, loc. cit. La notice, mais selon une autre source, a &é
publiée par nous dgalement dans Hurmuzaki, XIV, p. 41, note 2.
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FONDATIONS RELIGIEUSES DES PRINCES ROUMAINS EN ORIENT 231

d'un prince Radu, pour le bien-fonds de Tatulesti, prove-


nant d'un capitaine Michel et d'un moine Sabbas, qui ap-
partiennent a une epoque plus récente C Mais le récit de l'he-
goumene de Saint Etienne dit nettement que deux biens-fonds
ont ete donnés par messire Dragomir Udriste, Grand-Vornic",
dont le successeur Minas (il faut lire Mihnea) ajouta ses done.
Dragomir Udriste, Vornic, est en fonctions sous le prince
Vlad, dit le Moine, de 1482 a 1492, et sa situation comme
boYar commence des 1456 8. Serait-il donc question du prince
Vladislav qui regnait a cette derniere epoque et qui est ense-
veli au mopastere de Dealu, pres de Targovte? C'est tres pos-
sible, mais, si l'on tient compte des fondations de Neagoe dans
ces regions thessaliennes, on est plutOt porte a croire 4 que
Vladislav" de la legende n'est que le successeur, au XVI-e
siècle, de ce dernier, et cela d'autant plus, qu'il est egalement
connu pour sa fondation du Mont Athos, pour la grande lavre
de Saint-Athanase elle-méme 8.
Mais l'hegoumene Athanase produisait aussi des actes.
Datant de 6921, ce qui équivaut a 1379", ils auraient ete
accordés par le Metropolite valaque Euthymius a l'hegoumene
Gennadius et A St. Etienne de Météora, pour lui confirmer le
don du doigt de St. Jean Baptiste et de la tete de St. Chara-
lampe. Celui qui aurait demande cette attestation aurait été
le boYar Dragomir. 11 est nomme d'un e6té messire Dragomir,
Grand-Vornic de Bailesti, fils de Manu, de la lignee du prince
Vladislav". Mais ce Dragomir fils de Manu, ou de Manea",
est celui qu'on trouve dans des actes de 1471 a 1492, et il porte
méme une fois, en 1484, le nom d'Udriste, sur le revers d'une
lettre qu'il adressa aux habitants de Kronstadt, qui ajoutetent
eux-metne cette mention. Et le nom du Métropolite ne cor-
respond pas, car Euthymius doit etre un des éveques de ce
nom qui se rencontrent a la fin du XVI-e siecle. Les témoi-
gnages des boYars sont aussi controuves et ils varient, du reste,
d'un acte a l'autre : le Grand-Echanson ou Grand-Postelnic
tJean Brezoianu, Monastêres du pays (en roumain).
2 Bänescu, loc. cit., p. 389.
8 I. Bogdan, Relations de la Valachie avec la oille de Brafoo
(Kronstadt), 1, 1905, table des noms.
A Comme dans Hurmuzaki, loc. cit.
5 Ce Bulletin, p. 164 et suiv.
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232 N. IORGA

Stanciu est introuvable dans les documents ; Arvas, 'Ap6âcnog,


le Grand-Postelnic, est tout aussi peu connu, et son nom manque
de sens. Le Vtstiaire Mihnea, de méme que le Grand-Comis
Radu, sont das A l'imagination du faussaire, et enfin la mention
d'Andronic le Jeune, qui était deja mort deguis une cinquan-
taine d'années, comme empereur regnant a Constantinople, et
celle de BaYezid I-er, comme Sultan d'Andrinople, alors qu'il
ne devait monter sur le trOne que dix ans plus tard, complétent
les preuves du faux. Lé fait qu'un des documents men-
tionne l'hegoumene Gennadius et l'autre l'archimandrite Neilos,
hieromonaque, celui qui fut envoye par ce saint couvent
de St. Etienne pour etre hegoumene A Butoiu1", montre l'origine
de la legende. Elle s'appuie, A notre avis, sur une donation
réelle de Dragomir Manea ou Udriste et sur la dedication du
skite au couvent de Metéora par Vladislav
Vers la fin du XVI-e siecle, le désordre et la misere
étaient entrés dans ces couvents. Des Tziganes avaient fixes
leurs tentes au couvent de Kallistratos 2; les moines de nos
couvents se chamaillaient comme des Bohémiens" et.se bat-
taient, méme le jour de Paques, a coups de couteaux et de
baches. Les efforts de St. Bessarion, evéque de Larissa
(1520-41), amenerent un amelioration des mceurs, mais l'ap-
pauvrissement des couvents poursuivit son cours. Vers 1581,
apres qu'un malheureux, nomme Pétropoulos, eUt ravi, par
ses dénonciations, au monastere de la Transfiguration les
Admirables jardins d'Osdina", pour les donner aux pirates
tures", de la lignee d'Agar", le fait que .ces possessions furent
mises en gage envers l'Empire" (la Porte) pour trois summes
d'aspres 8 amena la perte totale de cette possession. L'hegou-
mene Denis et le Métropolite Michel accoururent donc déses-
pérés A la Cour du prince Mihnea, fils d'Alexandre, qu'ils in-
titulent ;,tres-pieux, tres-glorieux, tres-heureux, tres-magnifique,
triomphateur, tres-puissant, tres-agreable A Dieu, protege de
Dieu, digne d'une longue vie" et qui n'était qu'un pauvre
enfant, A peine au commencement de son regne nominal, sous
Neilos était également le nom du fondateur du couvent de Me-
téora, en 6875 (Heuzey, loc. cit., pp. 157, 159; Véis, loc. cit.).
2 Heuzey, loc. cit., p. 165.
Voy. Véis, I, pp. 236-237.
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FONDATIONS RELIGIEUSES DES PRINCES ROUMAINS EN ORIENT 233

la tutelle aimante de sa mere, la princesse Catherine, que les


moines n'oublient pas d'intituler égalemenb: potre tres-heureuse
dame souveraine (burrroiva), tres-douceismere selon la chair de
Ton Altesse (etvarrthpncra), tres-pieuse et2teês-aimante du Christ I".
Les solliciteurs demandent a ce lrualtre tres-puissant, roi
victorieux, tres-bon patron, tres-aime du Christ et des pauVres
et des moines, nourrisseur des farneliques, donateur de vete-
ments pour les pauvres, médecid deS malades, h6te des étran.
gers, baton des aveugles, soutien de ceux qui succombent,
appui des indigents", de ne pas les tenir eloignes de la
distribution de ses bienfaits. Les moines Jacob, Isaac, Sarnuel
et Martyrius devaient rassembler les secours qu'il voudrait
bien leur accorder en echange de la bénédittion des fonda-
teurs, Athanase et Jean.
On ne connait plus rien des relations avec Météora
jusqu'au regne de Mathieu Basarab et celui de Basile Lupu,
qui apparait, ainsi qu'on le verra, comme fondateur d'autres
couvents de la Thessalie.
Les moines, toute leur communauté (csKirni), se dirigent
vers Basileet on trouve l'énumeration de tous les couvents :
Météora, Barlaam, Dousiko (Douchcou), ou de la Transfigu-
ration, Rousanos, sous la méme invocation, St. Etienne, la
Trinité, St. Nicolas ou Anapausa, St. Jean Baptiste, Hagia-
Moné, la Salutation du Seigneur", les Trois Hierarques, Hypsi-
lotera, St. Demetre, comme vers un protagoniste trés puissant",
en lui attribuanteux aussile titre imperial: Sa Grande
Seigneurie ou plutOt Sa Majeste Impériale" ( rk verar,) TOU
ALAEVTillt, u6tXXov thrtii BacrIXEic.O. Comrne les brebis au milieu des
loups", ils demandent les secours de leur riche et liberal de-
fenseur. Nous sommes battus de verges, flagelles, enfermés
et punis de toute maniere par nos persecuteurs, de sorte
qu'ils nous ravissent meme le pain quotidien, et nous ne sommes
jamais epargnes par eux, et c'est a peine si nous pouvons
conserver notre foi et demeurer dans nos saints et divins mo-
nasteres pour que les souvenirs des chretiens ne soient pas
perdus et ne disparaissent pas". Il est prie de ne pas les ou-

' Ibid., pp. 294-296; BAnescu, loc. cit., pp. 364-365.


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234 N. IORGA

blier, en devenant leur nouveau fondateur", de meme qu'il


l'a fait A Jerusalem et A la Grande Eglise" de Constantinople,
A la Sainte Montagne et en Roumélie. Entre ceux qui signent,
A la suite de tous les hegoumenes et de quelques moines, on
rencontre tout le personnel superieur de la Metropolie de Trikka '
ou de Trikala. 11 ne faut pas oublier que le second Vestiaire
valaque Georges Karida, qui fournit le manuscrit grec pour
le livre de lois de Mathieu Basarab, était originaire de cette
Trikala thessalienne 2. Un collegue de Georges Karida, le
Grand-?ufar" Spafiul (ce qui signifie : le Spahi), qu'on ren-
contre souvent dans les actes du temps et qui, malgré son
nom turc, etait Roumain d'origine, comme fils du boIar Draghici
de VAlsanesti, dédie, sous le regne du méme Mathieu, A St.
Etienne de Météora le skite de Butoiul, mais sans mentionner
d'une seule parole Dragomir, l'ancien fondateur, ou le prince
Vladislav, mais seulement Mihnea (Mnvd), qui aurait accompli
aussi la dedication de sa chapelle au monastere de Thessalie.
Le nouveau fondateur avait remplacé l'ancien skite de bois,
deja pourri", par une eglise en pierre, dotée de revenus consi-
dérables. Le 13 septembre 1650, le Patriarche PaYsius de Je-
rusalem, qui se trouvait en Valachie, confirme cette donation 3.

HI

Dans le trésor du monastere de la Transfiguration, A Me-


teora, on trouve un petit reliquaire qui porte cette inscription,
provenant d'un prince Pierre et qui est de fait Radu Paisie :
f To Oflov Kai tEpOv Xiiipavov TOO tv etTioig narpOg hpAIN rpm
TOPIOU briCFKOTTOU NEOKECTapktg toll Oauilaroupio0 brpocruX(50t Etc (1.1o)
movacn-fjpo 1-6XToBa afipa (sic) Eig TO TpriO6naTo Tic BXaxiag, Kai I)
Rvillin airroO, givii IE[1rrE]16piu? 17. ci[a] [I]aronn[io]u8 c[k]raops 1w
anis Ro[fao]Aa N FCHlt R6CEN BOMAR SIVOKAAXIIICKOH 4.

I Véis, loc. cit., pp. 279-83.


2 Bianu et Hodos, Bibliographie roumaine ancienne (en roumain),
preface de l'ouv rage.
' Véis, loc. cit., pp. 224-225; Banescu, loc. cit., pp. 395-396.
' Véis, loc. cit., I, p. 616.
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FONDATIONS RELIGIEUSES DES PRINCES ROUMAINS EN ORIENT 233

Des actes ultérieurs mentionnent aussi la donation de


biens-fonds faite par PetraFu-le-Bon, succcesseur de Radu
Paisie
On conserve encore l'acte du Méfropolite valaque Euthy-
mius, qui, vers 1580, declare que ce monastere de Golgota était,
desert et délabre", &nue de terres, de vignes, de maisons de
rapport et que, cedant aux instances du prince Alexandre et
seconde par l'hegoumene Spiridion du monastere de Dealu, ii
repara le monastere, replanta les vignobles, releva les moulins
des moines 2 BientOt Michel-le-Brave, qui rappelle les devas-
tations faites par des brigands aux &pens du couvent, lui
donne des serfs et fixe les bornes de ses propriétes 8
Un Vestiaire, Nicolas de Ianina, devait s'occuper aussi, au
cours des années suivantes, de ce monastere, qui peut-être,
a la suite des guerres du meme prince Michel, avait ete de
nouveau mine : on le considere comme le second fondateur"
de la rnaison. Le prince protecteur du Vestiaire grec, Radu
Mihnea, ajouta a ces privileges 1.
La dedication de Golgota aux couvents de Météora ne
fut donc accomplie que sous ce prince, ainsi qu'on le voit par
un acte conserve encore parmi les papiers du monastere, bien
que la date soit inadmissible et la liste des boiars fantastique.
On pourrait admettre tout au plus que Radu accorda cet acte
Pepoque oU il n'était qu'un simple prétendant contre Michel-
le-Brave, en 1597, ou hien encore que la date et les temoi-
gnages des boYars furent ajoutés par un traducteur contemporain,
a moins qu'on ne se trouve devant l'ceuvre d'un faussaire.
Suit la teneur de cet acte :
icrov thrapedmicrov.
XpudO6ouXXov To0 VdvrouX Boe6Oba bid TfIV dcpiipuicitv TOO go-
vacrTipiou Iókro0a Etc TO ipbv vovaCrTimmoV Tfig Merauoppicrewg To0
METElbpou.

1 Archives de Itiat A Bucarest, Actes du couvent de Golgota, I,


No. 3.
2 ibid., V, No. 1.Suit (No. 5) un acte de consolidation du TanElvdg
Mvpoirafrng Obrcpo6Xaxfas Aouxtic, du 23 décembre 7126.
8 Ibid., TV, No. 1; ef. egalement ibid., No. 2.
4Iorga, Studii 0 i documente, XV, p. 101, No. 271.
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236 N. IORGA

t `O v XPIIJTI TIP OELP 7T/Croc, iXoTnvoc xal 1576 XpicrroD


tralullAtvoS 1-tovdtPXIS }cal fprewliv lwavvric `PabouX Boe66bag, uiOy TOO
Mixva DoE66ba, Ag.4.1 Kcd Vcpyrt 0E00 1ri-E1utr6uni KcU beo-Tr6Zwv Taiatic
06riponaxiac, gTt Kai Tan/ Tr 01E, TiObó KTICTEV h tj AMEArreia KaXLIN
CTIN etTa(1 OalphrEt Tfig 15111E.T0ag cHTqloveiag, KaOap4 Kcd kX64arr1p
Kapbict, v fi TOy xriptov filit.bv %ludo, XptcrrOv Xarp6w, 6TroO .1.1.-

1.tricrE Kai YIEIWCTE TOO 1raTplico0 pot, OpOvou TOO 6/ vaKapict T VIEEt
TevoRboy, ibob XotirOv tbwpriaaRtiv TO 11TT4Ttp.ov TOOT() Xpuaót5ou)aov
Trig fll-teT0o4 cHTE1.10VEiag Tf ibict tovi Tf3 /3V0i.IONEOlibr,1 MET&upOU, befa
T11.41Tat TI kubv IcYoii XpurroO METallOpCpWCIEWq,
.tvfu.tri TIN TOO xypiou
bta va El Vat Tfic aOTtlg voyfic 4TOXE10v TO kpOv voyacrTfiptou TO Ovo-
1.4.aZ61Evov 16kroBa, Eig TO OTroiov dvat i tivfgrn Tflc Muctiloppiksews,
4 tiXa TOU Telt inTOCrTaTlKa, Mirth Kai ald.V11Ta, &COO euplowo-Ev h fuiE-
TOa `HTEI.otowia, Kai 0Toiig waTZ160toug Kai. la OXa Ta I.to6Xxta Kai
,ttoucriag 6Tro0 Cuplipwo.ev Eiç ou'rrO 0 eipxwv dip NuthXctoc BITTlápric,
CCOTet iiXa vet Eivat icrlitia-ra Kai Trperflunct AvaTrOcriracrTa ToO iEpoO [to-
vacrTripiou TOO roxyooa. TO b kpOv ilovacirlytov Mop Oa vet eivai 1.1E-
TóXE1OV TOO METEthpou it Xa là airro6 KIVIlTa IW dudwra Trpecp.taTa,
Kcd va gXWal. T/jV U01161.01N Eig aiiTO Kcd t-rrimcaptv Kai cppovriba oi 1Ta-
TipEc TOO METElbp011 govacmpiou Eig TO vet kX&Rucrtv frfol5IiEvolc keri-
OEN/ K Tilg dbEXCpóTTITOc cti!JTIIIV Kai Va TOV crraXiumv eic To 4iT6v6v
Toug 1-6XTo9a ÔIà Va irroutiEv69 Kai va E(:)licnotZ1,3 cuiT6, Kai va To
KoGEpo, Koteubg fleae biwptigOT) Trap& 111JV TraTOUJV, Kat Va 1-111 gXr,i
dibeav Kai aoucriav xqwEig oUTE k TOO Tbovc [toy, OUTE k TOO Tbrouc
TOO Cipxoltroc KiJp NwoX6tou Bantam, vde OriToo*TracrT3 icaI vet acpcuphn3
Ti tit TOO Eipnlibou govcurripiou 1-6Vro0a. u0ev iccd .64.1's kripta4Ev
6pKOV OTI VET& ThV irapAuxrtv Tfig AME.vrEiag p.ou, 8notov Kai tiv OE-
Xficril 6 &nog eeOc va xapiar3 TV MOEvrEiav Etc TO Vdt Tevt3 Eoucrta-
crTfig Kai 151TE1111JV TOO T67TOU Tfis OOTTp06Xaxiag, EYTE CaTO TO '16.vOS ILLOU,
E1TE CCITO CiXXov iboc, TrapaKaXCO tç v OvOi.taTt TOO Inn() Xptcrroli,
6IV TikarITE Kai briKUptiJanTE airCO xpucró6ouXXov dig Trpoerpaqm, TOO-
TOV 6 x6plog tipttliv IncroOg XpurrOc va Ttpulisq Kai vet TOy b1acpUXOtrr13
6/ 11) OTEpaimiel. Tç AOeVTIac TOU, Kai Etc TON/ 1.taXovra aiLva WIN/
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FONDATIONS RELIGIEUSES DES PRINCES ROUMAINS EN ORIENT 237

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± '0 ViZoc M6Tac-13OpylKoc.
± `0 Kbp TTObac Mbfac-AcrfoUTtn.
± `0 idip Mixoc TTaxapvtKoc 1.
A cette epoque Golgota etait dédiee A la Transfiguration
du Christ 2". C'etait un riche monastere, ayant plusieurs vil-
lages et moulins A Targovi§te ; ii obtint aussi le moulin donne
par le prince $erban A son Vestiaire Isar, a roccasion de ses
noces, quant ce prince fut son parrain. Isar 8 l'avait vendu pour
3.000 aspres, et les moines prirent l'obligation de commemo-
rer six noms de sa famille pour le reste du prix, 6.000 aspres.
L'acte grec d'Isar, date de 1608, mentionne deja les droits
de suzeraineté de la Grande Lavre" de Météora.
Les moines valaques obtinrent aussi la maison du Vornic
Cernica, A Targovi§te, avec ses caves en pierre".. Ils posse-
daient aussi des bergeries dans la montagne, sur le cours de
la riviere de la Ialomita, avec les forêts des environs, des
boutiques A Targovi§te, confirmées par le Métropolite Lucas, etc.
Leur maison, deyastee par le roi avec ses Hongrois",
c'est-A-dire par Gabriel Bathory, prince de Transylvanie, A.
l'occasion de son incursion en Valachie (1610-1611), fut bient6t
refaite. L'evêque Theophile lui préta son concours dans des
querelles avec le monastere voisin de Panagia.
Ces renseignements, qu'on pourrait encore enrichir par
le grand nombre de documents concernant ce monastere que
possedent les Archives de l'Etat A Bucarest, actes qui se rap-
portent souvent aussi au monastere thessalien qui avait la
surveillance et une partie des revenus de Golgota, peuvent
are completes sans doute aussi par ceux qui se trouvent en-
core, d'apres l'affirmation de M. Nico Veis, aux Météora. M. Veis
cite ainsi l'acte du 2 mit 1772, par lequel la famille Ghica
1 Loc. cit., VII, No. 5.
2 Ibid., No. 10.
8 L'acte, en grec, du 1-er janvier 1608 (m') s'y trouve ëgaIenient:
,TI.cliAricra TOY Obov TOD ghXou 6.TroD uo0 kilmaEv 0 ZEpuirdv BoE6aac

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238 N. IORGA

de Valachie, donne la main gauche" du Saint au syncelle


de Constantinople, Chrysanthe, du monastere de la Vierge",
pour la somme de 700 piastres. En 1836 l'hegoumene Ephrem,
envoyé de Metéora, faisait renouveler le clocher et accomplis-
sait d'autres travaux au monastere valaque 1.
Bucovat, l'ancien couvent de ce nom aux environs de
Craiova, est le troisieme monastere valaque &die aux Me-
teora. Selon une notice de l'Ecclesiarque Denis, maitre de slavon
et chroniqueur, dans le registre méme de ce couvent,BucovAt,
qui était sous l'invocation de St. Nicolas de Myrrhe, fut &die
au monastere de Barlaam a Météora par ses fondateurs mérnes,
le Grand-Ban Stepan et son fils, le Grand-Clucer PArvu, en
l'an 7082 de la Creation, sous le regne du prince Alexandre,
fils de Mircea. Ii ajoute que les moines grecs ne laisserent
pas &choir cette belle fondation confiée A leurs soins. Les
archives furent detruites en 1781, lors de l'attaque devastatrice
des brigands de Vidin, les kirjalis. Le monastere fut refait
bientot par l'hegoumene Daniel.
Stepan et Parvu, qui avait épousé une cousine, d'apres
sa mere, du prince Mihnea, ci-dessus mentionné, fille d'une Le-
vantine, Lucrece, mariée au Grec Frangopoulos, sont des per-
sonnages bien connus par les sources contemporaines. Ii résulte-
rait de lettres ragusanes des parents de Mihnea que le nom de fa-
mille était Rascanu, d'apres le village de Rasca, en Olténie,
oil se trouvaient leurs terres. Une notice, datant de l'epoque
de la domination autrichienne dans ces regions, donne la date
de 1588 comme celle de la dedication de BucovAt aux Me-
teora. Il nous a ete impossible de trouver aux Archives de
l'Etat l'original ou une cbpie de l'acte relatit A cette dedication 2.
V.
Le premier mars 1797, la Métropolie de Bucarest recevait
du poete et grand-boYar Ienachita VAcarescu, créateur de la
nouvelle poésie roumaine, la somme de 50D piastres avec l'obli-
gation de payer chaque armee les intéréts de cette somme
,au saint et vénéré couvent de Saint Bessarion, le thaumaturge,
dit de Douche& (Aotiaxoo). Par un acte special Vacarescu de-
Archives delttath Bucarest, loc. cit., 3, 4, 5, 7, 10, 13, 17, 25, 29.
2 Iorga, Studii i documente, V, p. 143, No. 79.

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FONDATIONS RELIGIEUSES DES PRINCES ROUMAINS EN ORIENT 239

dare garder une piéte particuliere pour ce couvent qui abrite


la tete du saint, dont il a ete en mesure d'apprécier les vertus
miraculeuses
Des la deuxieme moitie du XVII-e siecle, on avait ac-
corde au monastere un privilege, qui fut plusieurs fois confirmé
au cours de Fere des Phanariotes 2.
Mais ce n'était pas Id le seul lien entre la Valachie et
les moines de Douchco : ils possedaient aussi deux couvents
valaques : Nucet et Brad, le dernier au milieu de la ville mérne
de Buzdu 3.
Les fondateurs de Nucet sont dame Neaga et son mari,
le burgrave Gherghina 4, qui était le propre frere de la mere
du prince Radu-le-Grand et qui commandait dans la forteresse
de Poienari, pres de la frontière de Transylvanie. On retrouve
donc une fois de plus une tradition qui remonte au grand
donateur de couvents, le prince Neagoe 5. Des 1501, Radu,
prédécesseur de Neagoe, confirmait le privilege de Nucet,
mentionnant son oncle Gherghina et le premier hegoumene,
Hilarion 6. Ajoutons que le gendre du burgrave, Draghici, fils
de Danciul, dit Gogoasd, éleva des prétentions au trOne et fut
pendu a Constantinople devant le Ban $erban7. Un Ban, qui
parait are ce dernier, est en relations avec la fondation du
second couvent valaque dédie a ce monastere de Météora,
bien que dans l'état actuel la batisse soit dtie seulement
une dame de la fin du XVII-e siecle, la femme du Vornic
Serban Cantacuzene, cousin du prince Constantin Brâncoveanu,
sacrifle, ii y a juste deux siecles, a Constantinople.
Gherghina lui-méme dédia-t-il sa fondation au monastere
de Météora ? On peut en douter. La tradition parle d'une re-
construction, apres la guerre et les tremblements de terre,
par trois negociants grecs dont on ne conserve pas le nom".
Leur oe uvr e dura jusqu'en 1840, sous l'archimandrite Gérasius B.
1 Ibid., III, pp. 85-86, no xx.
2 Voy. l'Appendice au mérnoire roumain.
5 Son éloge par Césaire Daponte, dans Hurmuzaki, XIII, p. 281,
No. 7.Celui du monastére Douchco (Nrobamov), ibid., p. 290, No. 370.
4 Iorga, Studii i documente, XV, pp. 362-363.
5 Hurmuzaki, XV, p. 178 et note 1.
6 St. Nicolaescu, Documente slaco-romdne, p. 9.
7 Ibid., pp. 11, 61-62.
8 Studii i documente, XV, pp. 99-100, No. 268

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240 N. IORGA

Il est bien possible que ce soient ces derniers qui aient


accompli l'acte de dedication, ainsi que l'avait fait précedement
Nicolas de Ianina pour le monastere de Golgota. Radu Mihnea
confirma peut-etre cette liaison entre le couvent valaque et
les maisons thessaliennes.
En ce qui concerne Trescavitza, ce monastere de Mace-
doine porte dans son sceau slavon le nom d'Etienne, roi ortho-
doxe et autocrate de tous les Serbes, de la Romanie (grecque)
et de la Bulgarie", titres qui sont ceux du Tzar Douchan avant
son couronnement comme empereur. Les moines conservent
encore des chrysobulles de ce Tzar serbe de la Macedoine et
de son fils Ouroch, dominateur de tous les pays serbes er
des rives de la Mer ".
Mais ce Tzar Ouroch est le mari d'Anca, fille du prince
valaque Basarab. Id encore on rencontre donc la meme re-
lation entre une tradition serbe plus ancienne et celle, qui
commence avec ce XVI-e siecle meme, des Roumains, venus
plus tard pour continuer l'ceuvre de patronnage. Nous avons
retrouve cette liaison au Mont Athos, nous l'avons constatée
dans la Valachie thessalienne conquise par Douchan, et elle
se presente de nouveau dans cette region de la Macedoine.
Le monastere serbe d'Orechkovitza, qui est 1"0 pE.CTKOU, est
trop peu connu, meme apres la notice publiée dans le Starinar 2,
pour qu'on puisse s'expliquer les relations qu'il a eus avec le
prince Neagoe. Quant a Ménorlina", metoque de ce monas-
tére, des recherches locales pourraient apporter quelque clarté.
Kouchnitza existe encore., mais, de méme que pour
Kathesca"-KoutschaIna, nous n'avons pas encore des inscrip-
tions ou des publications de documents dont on puisse tirer les
éclaircissements nécessaires pour commenter le texte de la
Vie de Neagoe par Gabriel le Prote.

1 D'apres Heuzey, dans l'Annuaire de l'Association pour l'encou-


ragernent des etudes grecques", 1875, armee IX, pp. 310-311, dans Véis,
loc. cit., p. 572.
2 Diacre N. Popescu, dans les Annales", année 1914, p. 760.
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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE, EN
MOREE, A CONSTANTINOPLE, DANS LES LES
ET SUR LA COTE D'ASIE MINEURE
PAR N. IORGA

Nous avons montre dans le mémoire precedent ce que


les monasteres de Thessalie et de Macedoine doivent au prince
Neagoe, qui succédait comme protecteur et distributeur de
dons aux Tzars et Kra ls serbes, auxquels ii était apparenté
par son mariage. Il est trés probable qu'on trouvera ailleurs
encore des traces de la munificence chretienne inimitable avec
laquelle furent distribués les revenus de la riche principauté
valaque.
En tous cas, sous les successeurs de Neagoe, qui don-
nait au couvent de St. Elie pres de Pogdoriana en Epire 300
piastres en 1513 , d'autres Saints Lieux de l'Orient furent
attires dans le cercle des bienfaits répandus par les princes
roumains.
A Salonique même, le monastere de Blatadon, klAti par
deux freres crétois, obtint, le 15 février 1587, les secours du
prince valaque Mihnea, auquel s'adressaient, pour avoir des
aumOnes, aussi les moines des couvents de Météora. Nous
possedons encore l'acte slavon qui mentionne la donation de
2.500 aspres, au nom du prince lui-meme, ainsi qu'au nom de
son pere -Alexandre et de, sa pieuse mere Catherine, de son
epouse Neaga et de son fils bien-aime" Radu 1.
Dans son travail recent, Topographie de Thessalonique",
Monsieur 0. Tafrali a montre l'aspect actuel des eglises de
Blatadon ou de Blateon" (Tschaouch-Monastir), ancienne con-
1 Annales de l'Académie Roumaine", XVIII, p. 31:let Hurmuzaki,
XI, p. 901.
2 Planche xxxi. Cf. ibid., p. 174, note 4; pp. 171, 192 et suiv.
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A. II. Bulletin historique. 16
242 N. IORGA

struction couverte de tuiles, ayant une tour basse, semblable


a celles des eglises de Targoviste, capitale de la Valachie, au
XVII-e siècle, et, sous la ligne du toit, avec une rangee de
briques aux angles proeminents pareille a celles que l'on re-
marque dans les fondations du prince Mathieu Basarab. II se-
rait possible d'admettre que le couvent de Salonique a ete
bdti, non seulement avec l'argent d'un prince valaque, mais
aussi par des artisans venus des regions danubiennes, bien
que ce caractere architectonique se rencontre egalement dans
d'autres eglises et chapelles locales. Nous regrettons ne pas
avoir a notre disposition pour le moment le travail descriptif
de M. P. V. Papageorgiou, Oaro-aXovimig krroput_f,, iA
paru a Athenes en 1912.
Sainte Anastasie, ,la guérisseuse d'empoisonnement", iovi i
Tfig 'Mktg 'Avaa-racriag cpapp.«KoXurpiac, parait etre le second cou-
vent de Salonique qui eut sa part des revenus de la Valachie.
Le monastere est décrit par le meme Papageorgiou dans la
VIII-e armee de la Byzantinische Zeitschrift". On lui avait
&die dans les pays roumains l'eglise de Saint Jean a Focsani,
le skite de Golesti, district de Ramnicu-Sarat, et reglise d'Udri-
cani a Bucarest.
Plusieurs actes du monastere de Focsani mentionnent
cette relation avec l'eglise de Salonique 1. Le fondateur en est
le prince Gregoire Ghica I-er, de la deuxième moitie du X VH-e
siecle 2.II est dit expressément qu'il l'a bdtie et élevee des
les fondements", ce qui est prouve du reste par des actes de
donation du 26 aodt 1664 et du 16 avril 1673. C'est le méme
prince qui octroya le grand privilege pour tous les monaste-
res de l'Athos, et il est presque certain que ce fut lui aussi
qui dédia cet fondation, sise sur le territoire valaque de Foc-
sani, au monastere de Salonique, qui aura demande son appui.
Un écrivain roumain mentionne l'acte. par lequel Dosithée, le
célebre Patriarche de Jerusalem, confirmait, sous peine d'ex-
communication, dans cette même armee 1664, la dedication.
de Saint Jean de Focsani a Sainte Anastasie de Salonique

1 Caian, Istoria orasului Focsani, 1906, p. 2-16.


2 Ibid., pp. 232, 246, 247; cf. aussi p. 163. L'église de la Vierge A
Focsani fut dédiée par Nicolas Maurocordato au couvent de Vatopédi
(ibid., p. 104).

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FONDATIONS DES. PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 243

L'eglise, refaite plusieurs fois et employee aujourd'hui


comme cathédrale de la ville de Focsani, s'est donc conser-
\Tee, mais les murs du monastere, brOlés en 1854, ont ete yen-
lus aux enchéres et détruits. Ce fut egalement le sort du clo-
cher, que l'on voyait encore en 1905 1.
Le skite de Golesti, de mérne que l'eglise d'Udricani
Bucarest, dépendaient de l'eglise de Salonique, mais simple-
ment parce qu'ils furent réunis, au XVIII-e siecle, a Saint
Jean de Focsani. L'eglise de Bucarest fut fonclée en 1734 par
le boIar dont elle porte le nom. En 1840 encore, un Timothée,
archeveque de Troie et originaire de Salonique, etait l'hegou-
mene de l'eglise de St. Jean 2
En 1715 le boTar, de la representance valaque a Constan-
tinople, qui accompagnait le sanglant vizir Dschine-Ali-Pacha,
dans son expedition de Morée contre les Venitiens, décrit ega-
lement Salonique, avec son golfe large", avec la forteresse
bâtie au pied de la montagne", avec ses boulevards, avec
ses tours, ses anciens aqueducs, ses steles de marbre dédiées
A la mémoire des conquerants turcs et les couvents chre-
liens habités par des moines et des nonnes", avec ses eglises
et le bel edifice métropolitain oil Fon conserve en entier les
reliques de St. Gregoire Palamas et l'image de St. Démétre,
peinte de son vivant et couverte d'argent", image miracu-
leuse 3. 11 ne pensait guere que les Roumains donneraient
clans une cinquantaine d'années l'archeveque de Salonique,
appelé a célébrer la messe devant ces reliques et cette sainte
image.
Au mois d'avril 1745, PaIsius, Patriarche de Constanti-
nople, ayant besoin de l'appul du Grand-Interprete de la
Porte, qui était a cette epoque le Moldave Jean Callimachi,
avec son nom moldave : Calmasul, con fiait, a la mort du Metro-
polite Joannice, ce siege de Thessalonique a Gabriel, frere
de l'Interprete, qui avait éte jusqu'alors son grand archidiacre
et s'était distingue comme un homme honnéte, pieux et strict
dans l'accomplissement de ses devoirs sacrés, ayant un aspect
1 Ibid., pp. 79-80, 82-85.
2 Ibid., p. 78; lorga, Inseripfii, I, pp. 290-291, Nos 711, 713 ; Caian,
loc. cit., p. 76.
3 Chronique de l'expedition des Tures en Morée 1715, attribuée
A Constantin Dioikétes, éd. N. lorga, Bucarest 1913, p. 35.
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244 N. IORGA

convenable et tous les dons de Fame, rempli de reverence


pout les choses sacrées et qui s'était consacre A Dieu des son
plus jeune age comme moine". Jusqu'en 1760, lorsque son
frere, devenu prince de Moldavie, le rappela dans le pays
pour lui conferer la situation de Metropolitain, en remplace-
ment de Jacques de Putna, ii administra cette grande Eglise
étrangere. Selon la coutume de l'epoque, en quittant Salonique,
ii emporta l'argent qu'il avait tire de son successeur, un
moine grec.

Les relations des pays roumains avec l'Epire ne sont


pas anciennes, car cette province balcanique oü, A cOté
d'Albanais tres notnbreux, vivaient aussi des Roumains, en
assez grand nombre méme dans les villes, était orientée
vers l'Italie et spécialement vers Venise, qui dominait autre-
fois aussi la rive opposee de l'A driatique. Mais, vers le milieu
du XVIe siecle, une princesse, fille de Mircea le Pâtre et de
Chiajna, fut separee du puissant Cantacuzene, Michel, dit Chal-
tanoglou, pour epouser, selon les conseils de Joasaph Argyro-
poulos, ancien Métropolite de Salonique, devenu par la suite
Patriarche de Constantinople, un Albanais de naissance, le
neveu de ce dernier, Stamati Un peu plus tard, Ianina elle-
méme, capitale de Itpire, envoyait en Moldavie un certain
Zotos, fils de Tzigaras et descendant, d'apres sa mere, d'une
autre famine d'archontes, Apsaras. Ses connaissances en fait
de grec et de turc l'éleverent a la dignite de Grand-Spatar,
puis de Vestiaire, et le prince Pierre le Boiteux en fit son
gendre, lui donnant pour femme sa fille unique, Marie. Nous
connaissons toute sa vie, avant et apres la fuite en Occident
de son beau-pere : bien qu'il eat bati pres du monastere du
prince Pierre A Galata sa propre fondation, qui, avant d'être
refaite par les soins du prince Basile Lupu et du fils de ce
1 lorga, Doeumente Callirnachi, I, p. 399 cf. p.oxtv; Echos d'Orient,
année V, p. 212; année VI, p. 297.
2 Cf. Hurmuzaki XI, p. vi; XIV, pp. 55-56.
a Dosithée (Hierothée) de Monembasie, BtRiov taTopuoiv, reproduit
aussi dans Hurmuzaki XIX, p.85; son portrait, d'apres cet ouvrage, das
Hasdeu, Cuointe din batrcini, I.
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FONDATIONS DES PRINCES ROUMMNS EN EPIRE 245

dernier, Etienne s'appelait le monastere de Zotou, a Hlincee,


ZerrEl baXa ktiva 2, on peut voir encore son tornbeau pres de
l'eglise de Saint-Georges des Grecs, a Venise. Sa pierre tprnr
bale fut posée par les soins de son prere Apostole, riche mar-
chand bien connu dans cette ville et ayant du goat pour les
travaux. litteraires 8. E faut ajouter qu'un certain Thomas Kre-
midi, d'Epire, figurait parmi les créanciers de Pierre le Boiteux 4
et que Nicolas le Vestiaire, originaire de Ianina lui aussi, joua
un rale pres du prince Radu Mihnea au commencement du
XVII-e siecle 0.
Apostole Tzigaras fut un des fondateurs de couvents de
sa patrie. Par son testament, qui nous a été conserve, ii laisse
des dons a l'eglise locale 6, ce qui était nécessaire parce que
cette epoque les chrétiens de Ianina eurent a souffrir des
persecutions.
Plus tard, plusieurs eglises de Ianina eurent des possessions
en Valachie, a savoir : l'eglise des Saints Peres, Ta-Jv rcerrOun,
dont dependait celle de Sarindar a Bucarest, bade par le prince
Mathieu Basarab et démolie a une epoque récente 7, ainsi que
son metoque, le skite Balamucii, dans le district d'Ilfov, et le
monastere de Mislea, &fruit récemment par un incendie. Ka-
tzikia de Ianina avait des relations de suzeraineté avec le skite
de Dedulesti, dans le district de Ramnicu-Sarat ; enfin l'eglise
de Vélas, dans cette méme ville d'Epire, administrait en Vft-
lachie le skite de Bdbeni, ainsi que celui de Bordesti, qui en
dependait 8.
Ii n'y a pas de ville dans la Péninsule Balcanique qui
eat retire de si grands revenus des Principautés. Ii faut ajouter
les donations en argent qui, mérne a repoque du prince Con-
stantin Brancoveanu, étaient faites au monastere de Janina,

1 forge, Inseriptil, 1, pp. 108-109.


2 Hurmuzaki, XIV, p. 121.
8 Ibid, XI, passim.
Ibld, pp. 553, 566, 569, 571.
5 Bulletin, p. 235 et suiv.
6 fai reproduit ce testament dans la revue Literaturä i arth ro-
maná", 1900, p. 177 et suiv.
7 Césaire Daponte la compare au couvent de Golia a lassy: icaOkbc
r6 taparrdptov, crroSkt) BouxowpearrIou (Hurmuzaki, XIII, p. 280, nos '2,5).
8 Lesviodax, Istoria bisertiesased, pp. 464.-465.
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246 N. IORGA

nommé aussi monastere de 11 le"la célebre Ile oü fut tue Ali-


Pacha montant A 3,000 piastres, et a l'eglise de la Panagia
Dorachani, pres de Ianina", qui en recevait 4.0001. L'édition de
1699 du Cathechisme orthodoxe, publie a Bucarest, contient
aussi la dedication au prince charitable de la Valachie de la
part des écoliers et des deux établisseinents scolaires de Ianina
Pres de la meme ville, le monastere de St. Elie, dit Zitsa, avait
retenu sous sa protection le grand monastere de Bucarest de
St. Jean, qui a aussi disparu 3 .
Des recherches sur les lieux, qui enrichiraient les travaux
méritoires de Lampridis, pouraient completer ses notices, car,
certains des etablissements valaques ayant disparu, il est bien
difficile d'en retrouver les actes.

D'ailleurs le nombre des Epirotes établis dans ce pays


s'accroissait sans cesse, et ils conservaient parfois aussi des
relations avec Venise, d'oti ils étaient venus. On peut méme
dire que c'est par leur intermédiaire que les Roumains se sont
rapprochés de la grande Metropole italienne du commerce
oriental. Zotos Tzigaras lui-meme avait retrouve a Venise ses
congeneres auxquels appartenait, ainsi qu'il l'a ete dit, l'eglise
de St. Georges. En 1715, a une epoque oü le Metropolite de
Ianina lui-même, Hierothée, se trouvait a Bucarest, le riche
banquier Niko Papa, ami de l'agent vénitien de Brdncoveanu,
Nicolas Caraiani, laissait par testament 200 piastres aux mo-
nastères de mon pays" et 100 piastres a ce Metropolite lui-
mérne : Niko Papa était un Albanais de race pure, dont les
parents se nommaient Tzanta, Aspra, Lamaris. Et pourtant sa
famille était établie depuis longtemps dans le pays, vu que
la mere de ce negociant était ensevelie a l'eglise de Stelea a
Bucarest et son fils, Panaioti Niko, qui lui succéda comme
banquier 4, était en correspondance avec les laniniotes de Ve-

1 Iorga, audit si documente, V, p. 363.


2 Bianu et Hodo, Bibliografie romdneascd ceche. Cf. également
l'ouvrage; cite plus bas, de M. Filitti, p. 123 et suiv.
8 Amélie Papastavrou, H Zrraa. Cf. aussi Césaire Daponte, dans
Harmuzaki, XIII, p. 293-294 et Lampridis, Hireipuroca, VI, p. 8 et suiv.,
39 et suiv.
Cf. aussi Del Chiaro, Istoria delle Revoluzioni della Valachia,
ed. Iorga, Bucarest 1914, table des noms.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 247

nise, Theodore Ioannou, la famille Glykys, qui a donne de


célebres typographes vénitiens, éditeurs d'un si grand nombre
d'ouvrages, populaires et destines a l'Eglise. Un Tzigaras, Dimo,
était a Bucarest a cette epoque 1. Enfin, en 1731, un proces
avait lieu entre ce second banquier épirote de Bucarest et les
successeurs d'un negociant de Ianina dont le nom de famille
était Alphandschi et qui était mélé a l'exploitation des salines.
Ce dernier était représenté au cours du proces par un parent
originaire de la capitale de l'Epire 2.
A Kronstadt, en Transylvanie, on retrouve a cette epo-
que un KontoYani, avec son frere et leur sceur Kiratza, dont
le nom albanais était Tzana 3.
Enfin plus tard la Compagnie des Grecs de Hermann-
stadt comprenait aussi des Albanais de l'Epire, comme ce
Gouma de Ianina, qui fut enseveli dans le cimetiere de re-
glise orthodoxe en 1808 4.
C'est a Ianina encore que naquit Patio Maruzzi, ce grand
negociant vénitien qui était en relations aussi avec les Prin-
cipautes, et qui arriva, par ses richesses, grace aux Russes,
dont il était l'agent, a obtenir la main de la fille du prince
Scarlate Ghica et de la princesse Roxane, qui, veuve, avait
trouve un abri a Moscou 5.
Le typographe du prince MauroYéni était Nicolas Laza-
rou, de Ianina, qui avait fait son apprentissage dans l'impri-
merie de Kourou-Tschechme, pres de Constantinople. Enfin
Janina donna A la Valachie un Metropolite, Dosithee Filitis 2,
qui avait débuté en 1769 comme archimandrite du monastere
dédie de St. Jean, a Bucarest. Celui qui en fait l'éloge dans
une preface, n'oublie pas de mentionner l'ancien roi Pyrrhus
et ,les colonies venues des regions de l'Epire, colonies de

1 Studii $i docamente, IV, p. 85, nota 1.


2 Ibid., p. 83, no mcncvn.
8 Bra$oval i Românii, p. 416 et suiv.
4 Studii ,si doe., XIII, P. 181, no 616.En 1643 le moine Zacharie
d'Ianina, de Lozétzi", écrit a Golgota (no 1434 du couvent de Simopétra
au Mont Athos; voy. le Catalogue de M. Spiridion Lampros, p. 128). Un
Constantin d'Ianina, dans les Principautés, en 1714 (ibid., p. 187, no 2146).
5 Hurmuzaki, XIII, pp. 191-192.
° Iorga, Istoria literatarii romdne in secolal al XVIII-lea, I, pp.
373-374.
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148 N. i011GA

tiation roumainew, ce qui signifle les Aroumains de Macedoine 1.


11 mourut comme exile a Kronstadt, laissant un revenu de
2.000 piastres Oat an aux ecoles de Pogdoriahai oil il était ne,
et de Zitsa, oti il avait cotnrhence ses etudes 2. E n'oublia pas
non plus l'eglise de Saint Jean le Theologue, de sa patrie, oil
etaient ensevelis sea parents %

Les relations de la Valachie avec Pogoniana doivent


dater du commencement du X VII-e siecle. C'est alors, sous le
regne du prince Radu Mihnea, le bienfaiteur des moines d'Ivit,
au Mont Athos, que s'établit d'abord en Moldavie, vers 1599,
puis au couvent de Dealu, prés de Targovite, comme hegou-
mene de ce monastere, oh. se trouvent les anciennes sepultu-
res des princes, un Mathieu, éveque, Métropolite", de Myrrhe,
sur les c6tes de l'Asie Mineure, dont le patron est Saint Ni-
colas, et ce Mathieu était originaire de Pogoniana. Il est
connu comme écrivain ayant compose des vers religieux et
une intéressante chronique des événements qui eurent lieu en
Valachie A cette epoque 4.
Pogoniana donna aussi les membres de la famille Pepano,
qui eut des relations étroites avec le Stolnic Constantin Can-
tacuzene, un des grands lettrés du pays, qui traduisit en rou-
main le testament du vieux Pepano, fondateur du monastere
de Marculesti °. C'est peut-etre celui dans la maison duquel
Cantacuzêne fut recu, étant jeune hornme, a Venise, oil il ve-
nait faire ses etudes littéraires 6 ; en 1672 Pano Pepano payait
pour l'impression de l'ouvrage, paru a Venise, chez Valentin
Martali, contenant les vers de son compatriote, le Métropolite
Mathieu 7. L'oncle de Pano, Dona Pepano, avait ete en 1661
1 Ibid., Cf. I. C. Filitti, Aozdrneintul cultural al Mitropolitului
Dositeiu Filitti, Bucarest 1910.
2 Ibid., p. 62. Le couvent voisint, Iwoivou, fut bati par J. Simotas
.de Pogdoriana, établi en Moldavie; Lampridis, loc. cit., p. 13.
3 Filitti, loc. cit., pp. 94-95.
* Ist. lit. min., I, p. 28 et note 4 s II, p. 609 et suiv.
5 Operele lui Constantin Cantacuzino, 'pp. 13-18.
6 Ibid., pp. xxxvtxxxvn, p. 7. Cf. Studii si doc,, XXI, p. 94 et suiv.
7 McOtAnavii ii viva Tou, %at 6..d.6ivou [LEpiba ; ed. Papiu, Tezaur, I,
p. 326.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 249

le premier fondateur du monastere cite plus haut. Ii avait fait


fortune comme negociant a Venise, ou ii passa la plupart de
sa vie.
Le monastere de Molibdoskepastos,qui possede un Evan-
gélialre sur parchetnin, écrit en 1585 et donne par deux boYars
valaques, ceux de Stylos et de Dryanos, de la meme region,
tivaient dans les principautés valaques la surveillance des ski-
tes de Bradu (district de Buzau) et de Codreni (district d'Ilfov).
II faut rappeler enfin que le travail du Vestiaire Stavri-
nos, une autre chronique grecque versifiee, réunie dans les
editions a celle de Mathieu, est egalement l'ceuvre d'un Epi-
rote, En effet Stavrinos declare lui-meme, A la fin de son
poeme, qu'il est originaire du pays de Malsiane, de la loca-
lite nommée Delvino"le Delvino du celebre Ali-Pacha,et il
ajoute que dans les environs se trouve le couvent de St. Jean
Theologue, oft ii avait certainement fait ses etudes.
De Pogoniana était originaire aussi ce Métropolite Euthy-
mius qui signe dans un acte de 1708 et dans le testament du
banquier epirote Niko, en 1715 1.

Ce monastere de St. Jean ne fut pas denué des secours


des princes valaques, de méme que celui de Pogoniana, auquel
Brancoveanu envoyait 3.000 piastres par an 2. Des l'epoque de
ce prince l'ancienne eglise bucarestoise, aujourd'hui démolie,
de Ghiorma le Ban, de la deuxieme moitie du XVIIe siecle,
dépendait de Pogoniana, et c'est pourquoi le peuple la nom-
malt Jeglise des Grecs". Mais, si le monastere de Goura,
pres de Pogoniana", eut sous sa protection, parmi les couvents
&dies de la Valachie, celui de Stavropoléos et le skite Valea,
dans le district de Muscel 4, ces relations étaient dues au fait
qu'un clerc du diocese de Pogoniana, du village d'Ostanitza",
archimandrite Joannice, probablement cure de l'eglise des
Grecs", fut, en 1724, le fondateur de l'eglise qui regut plus
tard, de la part d'un renovateur, évéque titulaire Stavropoléos",
1 Studii si docarnente, IV, pp. 77 79, 83 87.
2 Ibid., V, p. 363.
8 Condica Brcincoveneascö, Archives de d'Etat, pp. 167-169, 1173.
Cf. Ionescu-Gion, Istoria Bucurestilor, Bucarest 1899, pp. 193-195. D'a-
pres Lampridis, ils dépendaient de Molybdosképastos.
4 Lesviodax, loc. cit.
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250 N. IORGA

(de Stauropolis), qui vivait dans la seconde moitie du siecle,


le nom sous lequel elle est connue aujourd'hui : Stavropoléos 1.
Ce Joannice était mentionné comme se trouvant a Bucarest en
1731 encore 2.
Ayant de la sorte un pied A terre a Bucarest, les Metro-
polites de Pogoniana résidaient souvent plus ou moins long-
temps dans les pays roumains. C'est ainsi que de 1780 A 1805
se trouvait ici un ancien Métropolite de ce Siege, Anthime, qui
officiait les ceremonies religieuses A Bucarest, et un Denis,
qui fut elu Métropolite de Pogoniana a Bucarest merne 8.
Parmi les monasteres épirotes qui recurent des secours
de Brancoveanu se trouvait egalement celui de Brodetz, du
bourg qui se nomme Politzani, pres d'Argyrocastro, bad par
l'empereur Constantin le Pogotlate" ; ii ne recevait pas moins
de 9.000 piastres par an 4. C'est de Politzani qu'était origi-
naire le boYar Manoli Politzanos, qu'on rencontre en Moldavie
en 1794 ". Un de ses compatriotes était egalement le poete
Metrophane Gregoras, mort a Bucarest en 1730 6. Des éveques
de cete contrée officierent dans les eglises de Bucarest
vers 1796

IV.
La Macedoine envoyait souvent pour des secours des eve-
ques slaves et grecs, qui parfois se fixaient dans le pays ou du
moins s'y arrétaient quelque temps. C'est ainsi que parmi les
pi-Mats avec le concours desquels, apres la fuite du Métropo-

1Inscriptii din bisericile Romdniei, fasc. II, p. 356, no 916. Cf. Io-
nescu-Gion, loc. cit., pp. 219-221.
2 Studii si documente, IV, p. 83, no LXXVIT.
° Condica Sfintd,éd. de l'evdque Gennadius, p. 337; Al. LApédatue
Catagrafia bisericilor bucurestene (dans la Biserica ortodox4", XXXI),
Bucarest 1908, p. 57, sous les noms d'Anthime et Denis.
4 Studii i documente, V, p. 363. DiplOmes des princes Duca, erban
Cantacuzène et Brancoveanu, dans Lampridis et les annexes du mdmoire
roulnain. Le couvent du Prodrome près de celui Opacrravah, est bati, en
1614, par le Logothète Niko, Péuna, sa femme, leurs fils, dont on voit les
portraits sur les murs, Preda, Petrascu et Marie; ibid., p. 16 et note 1.
5 Documente Callimachi, I, p. 587, no 36.
° Hurmuzaki, XIII, p. 188.
' Ltipddatu, loc. cit., p. 28.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 251

lite Georges Movila et des eveques favorables a la dynastie


chassée, Michel-le-Brave reorganisa la hierarchic de la Mol-
davie, se trouvait aussi celui de Vodena, Theophane I. Vers la
fin du XVIII-e siècle, des 1780, Daniel, éveque de Zychne
(Zo(valv), remplissait des fonctions ecclesiastiques dans la capi-
tale valaque 2
De Kastoria, qui est aussi tres probablement la patrie de
Nicodeme, l'initiateur du courant des lettres dans la vie des
moines roumains, vint, sous le prince Constantin Brancoveanu,
et joua un rdle important au cours des négociations de paix
entre le Tzar Pierre et les Turcs, sur le Pruth, en 1711, Geor-
ges Kastriota, qui prétendait etre parent de l'autre Kastriota,
Scanderbeg, le héros albanais, alors qu'il n'était qu'originaire, lui
aussi, du Kastron, KuoTpuhrn1c 3. II n'oublia pas sa ville natale
et, apres avoir fait, au mois de juillet 1704, comme Grand-
Comis valaque, des dons au trOne patriarcal de Jerusalem et
aux écoles qu'il patronnait 4, ce bolar grec fonda une autre
école a Kastoria mérne, pres de l'eglise de la Vierge, dite
TOO MOKE6IKOU, le 20 mars 17085. Il déposa pour leur entretien,
A la meme Zecca de Venise, ou son prince conservait une
grande partie de son avoir, 2.332 ducats, sous la surveillance
des epitropes de l'eglise grecque de St. Georges de cette ville.
Un Metropolite de Kastoria devait retirer sa part de la rcnte
qui en serait result& 6. Déplorant le malheur extreme de notre
nation, celui des pieux chretiens et surtout des compatriotes
(TraTpaunbu) qui habitent dans les regions de Kastorie, et l'op-
pression tyrannique, Zosimas, archeveque de Justiniana,
d'Ochrida, de la Dacie Méditerranéenne, de Ripenia (sic! :
'Pracvoiag, Ripensis), de la Prevalitana. de Dardanie, de la Me-
sie Superieure et autres", le successeur des anciens Patriar-

1 Studii ci documente, IX, p. 31; Hurmuzaki, XIV, p. 111, no calm.


2 Lapédatu, loc. cit., p. 57.
8 Voy. aussi_Hurmuzaki, XIV, p. 371 ct suiv.
* Legrand, Epistolaire grec, pp. 58-63 ; Hurmuzaki, XIV, A la
méme date.
5 Legrand, Epistolaire grec, p. 81 et suiv.; Hurmuzaki, XIV, A la
meme date.
6 Legrand, loc. cit., p. 84 et suiv Hurmuzaki, XIV, A la méme
date. On recommandait spécialement la lecture des trois poêtes Chry-
soloras, Caton et Phocylide"; Legrand, 10c. cit., p. 87.
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252 N. IORGA

ches d'Ochrida, confirmait cette decision 1 Enfin, ce dernier


acte était redige par Joasaph, originaire de Moskopolis"
le célebre centre des Aroumains de Macedoine , de Coritza
et Selasphoros" 2, En 1715, Chrysanthe Notaras étant Patriar-
che de Jerusalem, cette eglise se chargeait de la surveillance
de l'école de Kastoria 3.

V.
Vers 1750 Athenes avait, selon le temoignage d'un voya-
geur anglais, un archeveque roumain, vlaque", évidemment
originaire de la Macedoine ou de la Thessalie 4.
Mais ce fut surtout la Morée qui eut de frequents eon-
tacts avec nos pays, et c'est de ces regions que vint le pro-
fesseur bucarestois Neophyte.
Nous avons signale ailleurs egalement la fondation due
au prince Basile Lupu, au nom de la princesse Catherine aussi
et de ses deux fils, de la sainte lavre situee au milieu de la
Morée, dans la region qui se nomme Kalavryta, dependant,
sous le rapport spirituel, de l'archeveque de Tzernitza" 6.
II s'agit ici d'une nouvelle fondation ; des secours furent
accordés par nos princes dans d'autres endroits: ce fut le cas
pour le celebre monastere de la Grande Grotte, Mégaspileon,
fondation impériale byzantine, antérieure au XIV-e siècle et
qui avait obtenu, en 1674, du Sultan Mohammed IV un pri-
vilege qui fixait son tribut A 6.000 aspres et que plus tard, en
1798, le Patriarche de Constantinople reconnaissait corn me
stavropygie de son Siege r.
On envoyait de Valachie les revenus de la dime sur le

1 Ibid., p. 90; Hurmuzaki, XIV, is cette date.


2 Ibid. Le diacre Méthodius de Kastoria, vers 1720 ; Hurmuzaki,
XIII, p. 187.
8 Legrand, loc. cit., pp. 199-203; Hurmuzaki, XIV, a cette date.
4 Chandler, Voyages, III, Paris 1806, p. 23: Le siege archiépis-
copal était alors occupé par un Walaque, nornmé Barthélemy, qui l'a-
vait acheté depuis peu (vers 1760) A Constantinople".
5 Hurmuzaki, XIII, p. 187.
6 Studii si documente, XI, p. 113 et suiv; ce Bulletin", année I.
Miklosich et Willer, Acta Patriarchatus, II. pp. 195, 201, 219;
Zacharid von Lingenthal, JUS graeco-rornanum, II, p. 703 et suit.

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FONDATIONS DES PRINCES .110UMAINS EN EPIRE 253

yin en Olténie, en relation avec ceux qui furent déclies A


l'eglise de Vlach-Saral: de Constantinople, son metoque, dont
il sera question bient.60. L'hegoumene des deux convents en-
voyait aux fermiers de cette dime en recompense une image
représentant le couvent moreote 2. L'aurnOne de Megaspi-
leon" était conservée aussi apres les mesures qui, en puni-
tion de la revolution provoquée par l'Hétairie, frapperent les
maisons religieuses grecques 8
D'ailleurs la Moree, qui donna au Siege de Jerusalem
deux de ses plus grands Patriarches au XVIIe siècle, envoyait
sur le Danube un assez grand nombre de marchands et de
candidats de boIars, sans qu'ils eussent jamais joué le rOle
special qui distinguait les Epirotes.

VI.
En Thrace, le nombre des monasteres était restreint, et
leur importance et la consideration dont ils jouissaient aupres
des fideles, soit pour les icOnes miraculeuses, soit pour leurs
reliques réputées, était beaucoup moins grandes.
Nous avons reproduit ailleurs 4 en facsimile l'acte rou-
main par lequel Constantin Maurocordato, en tant que prince
valaque, donnait, le 5 mai 1732, 200 blocs de sel de l'Ocna, par
an, conformément A une ancienne tradition, dans ce cas aussi, et
comme une consequence naturelle du don fait par son oncle,
le prince Jean, et par son pere, au monastere de Silivri, au
saint et divin couvent de- la cite de Silivri, Siege d'un M aro-
polite protege par notre Tres-Sainte Dame, Mere du Christ, la
Vierge Marie". Pour les bons chretiens" de cette localité, il
établit un professeur de grec, ,un des plus grands bienfaits
pour la nation chretienne", paye 80 piastres annuellement, du
Tresor du prince. .

A Sozopolis (Sizeboli), il y avait l'ancien couvent du


Prodrome, Cest-d-dire de St. Jean Baptiste. En 1624 le prince

1 Iorga, Corespondenfa lui Dimitrie Aman, pp. 36-37, 38.


2 Ibid., p. 47, no 126.
8 Ibid., p. 81, no 203. Voy. aussi ibid., p. 196, no 93.
4 Voy. les Annales de l'Aeadémie Roamaine, XXXV, Appendice,
in, pp. 156-158 et planche.
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254 N. 1ORGA

moldave Radu Mihnea, un spécialiste en fait de dedications, et


mérne un créateur de cet usage, lui confiait la garde du cou-
vent du prince Aaron 1, situé pres de Jassy, sans penser que
la femme du fondateur, mort en Transylvanie, au chateau
d'Alvincz, oU ii avait ete enferme, et enseveli a Karlsburg, dans
l'eglise de Michel-le-Brave, vivait encore dans cette region 2.
Deux ans plus tard, au mois de mars 1626, Miron Bar-
nowski, qui continua sous tous les rapports le régne de Radu,
confirmait cette liaison et inscrivait ainsi son nom parmi ceux
de ces fondateurs a bon marche 3.
Les moines roumains, chassés par Gabriel, le nouvel
hegoumene, représentant des patrons de Sozopolis, se plaigni-
rent devant le tribunal du prince, démontrant leurs droits plus
anciens et prouvant que le nouveau chef du monastere n'a-
vait pas le droit de les faire partir. L'acte du prince Miron,
du 25 avril, fut délivre cependant en faveur des Grecs 4. Les
Moldaves ne se laisserent pas pour battus et, passant en
Transylvanie, ils en revinrent munis de lettres données par
la femme d'Aaron, une Cantacuzene malgré son norn rou-
main de Stanca 5, mais aussi de l'intervention du puissant
prince du pays, le ,,roi" Gabriel Bethlen. Ils n'arriverent pas
davantage a leur fin a cause de la pieté constante du prince
de Moldavie envers la maison de St. Jean de Sozopolis et de
son &sir de ne pas annuler la decision de son predecesseur.
Les plaignants obtinrent cependant la concession de s'abriter
au couvent de Hlincea, et recurent un vignoble pour subvenir
ft leur entretien 6.

1 Hurmuzaki, XIV, pp. 117-118, no ccxvin.


2 Veress Endre, Erddlyorszagi Papai követek jelentése V III. Ke-
lemen idejébal (1592-1600), dans les Monumenta Vaticana Hungariae",
Budapest 1909, P. 294 : E morto Aaron prigione nel castello di Vincz,
dove Sua Altezza gli haveva conceduto da alcuni mesi in qua che stesse
seco anco la moglie, et ha ordinato che si sepelisca nella chiesa va-
lacca di Alba-Giulia, con la solennita che loro usano alli principi".
(rapport du 30 juin 1397).
3 Hurmuzaki, XIV, p. 119, no ccxx.
4 Ibid., pp. 119-120, no ccxxit.
5 Hurmuzaki, XII, pp. 340, no ccccLxv ; H; Studii §i do-
cumente, XV, p. 179, no 488.
6 Ibid., pp. 120-122, no ccxxn.
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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 255

VII.
Le fils du prince Radu, Alexandre l'Enfant (Coconul), que
son pere avait fait inscrire au nombre des bienfaiteurs du
couvent de Sozopolis, devait en decider pourtant autrement en
ce qui concerne )a fondation du prince Aaron. Il semble que
son pere lui-mérne avait constaté la devastation du monastere
de St. Nicolas par les Tures et la presence des moines, en
quete d'un refuge, au couvent de la Vierge de l'ile de Chalk&
prés de Constantinople, ayant obtenu pour cela la permission
du Patriarche, qui en avait donne l'avis au prince de Molda-
vie. Le 20 mars 1630, le prinee Alexandre mentionne avec
mépris les plaintes faites jadis par certains moines serbes",
et met en relation la maison moldave avec cet autre monastere
grec, dont le premier ne s'est sepal-6 que vers noire epoq. e
Apres que le prince Molise Movila ajouta, le 26 mai et le 27 aout
de cette meme armee, sa confirmation, il n'y eut que certains parmi
les Phanariotes qui s'occuperent du monastere moldave déchu 2.
Vers 1784 le moine Domitien de Chalke, devenu archi-
mandrite et hegoumene, renouvela en grande partie l'intérieur
de cette fondation et regagna une partie des possessions per-
dues. II fut aide dans cette ceuvre par l'eveque Théoclite
d'EuchaItes (Ekah-Luv), qui lui avait succédé, avec le titre de
,,proestos", en 18093.
En ce qui concerne le monastere de Chalké, refait en
partie par le Grand-Dragoman et l'ami du prince valaque
$erban Cantacuzene, Panaloti Nikoussios 4, qui y est enseveli
egalement, ii abrita une célebre école, qui eut parmi ses
éleves roumains, vers 1820, le professeur, grammairien et fa-
buliste Georges Saulescu, un des renovateurs de l'enseigne-
ment national en Moldavie.
1 Ibid., pp. 126-127, no ccxxvr. Cf. Spiridion Lampros, Catalogue
des mss. de l'Athos, I, p. 184.
2 Hurmuzaki, XIV, p. 128, no cexvur. Voy aussi ibid., no ccxxvn.
Parmi les fondateurs on cite Pierre-le-Boiteux, mentionné par Radu, son
petit-fils, et Jancu" (sic) et Constantin Movilä, ainsi que la femme du
prince Dabija, Dafina; Inscriptii, loc. cit., p. 179, no 488.
8 Ibid., pp. 179-183. On cite également dans les inscriptions I'M-
gournene Cyrille; ibid., no 495. Le Metropolite Gabriel Callimachi apparait
dans ce pomelnic" comme protecteur de Domitien.
* Hurmuzaki, XIII, p. 165.
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256 N. IORGA

En ce qui concerne les Iles de la mer de Marmara et


de l'Archipel, on ne peut recoastituer que partiellement les
donations des princes et des bolars en leur faveur.
tine notice accidentelle, dans une collection de lettres
orientales, due a l'Allemand Nicolas Reussner, nous fait sa-
voir que Milos, frere du prince Alexandre de Valachie et
prétendant bien connu de la seconde moitie du XVIe siecle,
devint, en 1573, fondateur au couvent, tres important, de la
Nea Mone, de i'lle de Chios, au profit duquel, se trouvant a.
Constantinople, il fit acheter, par son agent, l'aventurier Jacques
Paleologue, une terre qui fut ensuite confisquee par Pia li,
sandschak de File
Chios fournit a Michel-le-Brave, successeur d'Alexandre,
ce Ban Mihalcea. TTiathov, Curô Tij Xiov, puis KapaTZdtg, telle
est sa signature , qui, avant d'être un des premiers di-
gnitaires et generaux, avait éte, a. Raguse, agent de commerce
des princes valaques; ii faut presumer gull fit aussi des dons
au monastere, qui avait egalement recu ceux de Milos 2.

Mihnea, neveu de ce Milo, passa quelques années comme


exile a Rhodes, et il dut s'intéresser a la Metropolie grecque
de cette localité. Le séjour en Chypre de Pierre Cercel, frere
de Michel-le-Brave, et d'un troisieme frere, Petrascu, celui de
lancu, qui devint prince de Moldavie 3, ne fut probablement
pas sans consequences pour les eglises orthodoxes de l'ile. Ii
faut rappeler que l'eglise valaque obtint bient6t, sous Radii
Mihnea, un eveque de Buzau, puis Métropolite, originaire de
Chypre dans la personne de ce Lucas qui ne perdit jamais
le contact avec son peuple, ni Pinter& pour la culture grec-
que, même s'il cessa ses relations avec Pile dont H était ori-
t, ii écrivait le 20 mars 1588 un manuscrit grec, dans.

1 Selon Reussner, Epistolae turcicae, Giber IX, X et XI, Francfort-


sur-Main 1590, pp. 146-147, dans Hurmuzaki, XIV, p. 86, note J.
2 Hurmuzaki, XIV, p. 67, no cxxxix; XI, pp. 500-501, n DCCC,.
Pour l'Evangéliaire de Radu l'dcrivain de Manice§ti, voy. Hasdeu
dans la Columna mai Traian, 1882, p. 78 et suiv. Pour la grammaire
grecque de Pierre Cercel, conservde A la Bibliotheque Royale de Dresde,.
Arhioa socieldtil stiinfifice si literare din fasi, IV, p. 260 (510) et suiv,
8 Lampros, Catalogue des mss. de l'Athos, I, p.424, no 3963; P. 279,,
no 5505 ; cE aussi p. 110.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 257

lequel ii mentionnait, comme d'usage, sa qualite de Chypriote,


et on a de lui un Psautier que terminait, ,en l'an 7143 de la
creation", son éleve", l'archipretre Jacob 1.
Les relations avec Chios ne furent reprises qu'a l'epo-
que des Phanariotes, quand cette lle, de meme que celle de
Chypre, pour Georges Mourousi, assassine a Larnaka, devint
un lieu d'exil pour les chefs des Grecs qui occupaient aussi
les tr6nes roumains. Yacovaki Rhizo, un lettré de cette épo-
que, gendre du prince Gregoire Alexandre Ghica, était origi-
naire de Chios.
Enfin Lesbos est la patrie de la famille Dschani (Giani).
Le fils du Grand-Primiciaire Jean Tzanis, ,prince des philo-
sophes", nomme par le Patriarehe, auteur de vers appréciés,
fut le pére du prince Manuel (Manole), tour a tour établi par
les Tures .en Valachie et en Moldavie 2.
Les Iles loniennes donnerent aux Principautés un écri-
vain, Sophronius Likoudis de Céphalonie, qui fit l'eloge du
prince erban Cantacuzene 3.
En 1714 l'hegoumene du monastere de Brâncoveni, qui
ne dépendait pas des Lieux Saints de l'Orient, était un Grec
de Paros, Neophyte 4. Le monastere devait finir ses jours
d'indépendance sous l'hegoumene Theodose, originaire de
Trébioznde, en 1842 °.
Paros avait donne aux Turcs le drogman de la flotte
Constantin Ventura, décapité pour avoir soutenu la cause du
prince Michel Racovita. 6. On y conserve encore le chryso-
bulle publié par M. Blancard, dans Les Mavroydni 7, par le-
quel le plus célebre des fils de l'ile a Pepoque moderne, le
prince Nicolas MauroIéni, qui, passant par la situation de
dragoman de la Marine, arriva a la dignite de prince va-
laque, dédiait ses fondations a Bucarest, en relation avec 1'6-

1 TTap' 4.o0 'IaKib6o1J etpxteptuic, Kai imoo ?ivroc airrou paerrroo ; Lam-
pros, Catalogue des manuscrits de l'Athos, I, p. 128, no 1435. V. aussi
Iorga, Istoria literaturii rorndne in secolul al XVIII-lea, I, p. 28.
2 Hurmuzaki, XIII, p. 192.
3 Ibid., p. 193 et suiv.
* Ibid., p. 187, no 2146.
5 Inscripfii, II, p. 75, no 209.
6 Hurmuzaki, XIII, p. 189.
7 Paris 1903, I, p. 567 et suiv., p. 748 et sui v.

73109. www.dacoromanica.ro
A. R. Bulletin historique 17
258 N. TORGA

glise de la Source de sante" (Zwoboxos nrrrii), fondée par lui


pour abriter sous ses portiques les paysans qui venaient avec
leurs produits au Marche Extérieur", au monastere, alors
desert, de Hekatontopyliane, sous l'invocation de la Vierge,
bati, ainsi que le dit la legende, par la sainte Impératrice
Helene en souvenir de la découverte, annoncée par un rdve,
de l'endroit ou se conservait le bois de la Sainte Croix. Mau-
roléni rappelle dans cet acte de dedication ses efforts pour
fournir aux habitants de Bucarest de l'eau de source, pour
orner la Cour princiere, pour faciliter aux pauvres l'acces aux
moulins, pour embellir sa ville de residence. .

En 1818 l'evdque d'Edesse se trouvait a la tete. de cette


fondation valaque. La maison de Paros avait obtenu de la
famille MauroYéni aussi des possessions situées dans l'ile
mdme, le skite de St. Charalampe, celui de St. Antoine, de la
Transfiguration ; le skite du Christ de la fora" était &die A
la fontaine de Nicolas Mavroliéni, dans la capitale de l'ile.
Cette belle fontaine en style grec, ornee de sculptures
representant des vases de fleurs et des paons qui s'abreuvent,
porte encore le nom du fondateur, et les habitants l'appellent
,La Fontaine Princiere", hien qu'elle eta ete batie en 1777,
avant l'avenement au tr6ne de Nicolas. On a trouve dans les
environs le sceau A l'aigle valaque du Spatar Nicolas, de cette
mdme lignee (Nx. M., non N. En., et non pas IX.) '. A la même
époque de son drogmanat, Nicolas Mauroireni batit en 1782
un cafe, dont les revenus devaient servir A l'entretien de la
fontaine. L'école de St. Antoine est aussi due A sa munifi-
cence. La beauté de l'iconostase du monastere de Paros montre
hien qu'elle n'a pas ete payee uniquement des deniers de la
Principauté, mais aussi ouvragée par des artisans de Buca-
rest. Une image, originaire de Bucarest, porte cette inscrip-
tion : lw. Nx. Mc). MT. B6b. M[cdp[ict] A[O]u[val wr[lyropEc] 1788, 6/
B[ou]K[oulp[E]o--ri[y], une autre : lw. NK. 1Thrp. MT. BO. Mp. Ala. KT.
EV 1788, Trap& FetupTiou Frinc etpxixpogoxou. D'autres ornements
ont disparu, de meme que l'inscription du porche de l'eglise.
Eleve de l'école de Siphnos, MauroMni ne l'a pas oubliée 2.
II n'était toujours que drogman de la flotte lorsqu'il fonda
1 Ibid., p. 532 et suiv.
2 Ibid., p. 744 et suiv.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 259

en 1785 l'école de Naxos 1, oU ii était, des 1780, un des fon-


dateurs de l'église de Khalandra. Des 1781 il avait ses écoles
Mykone, aussi bien qu'd Cydonie. Ses flues, la princesse
Marioara, femme de Scarlate Callimachi, et ses sceurs, Sma-
randa (Manu) et Ralou, n'oublierent pas ces edifices 2.

Nicolas avait fait venir pour l'école de Mykone un maitre


originaire de Pathmos, et la célebre école de cette ile, pres
du monastere de Saint-Jean le Theologue, eut sa part des bien-
faits du prince roumain. Vers 1741-1744, les moines de ce mo-
nastere rappellent au prince Michel Racovita, qui regnait pour
la seconde fois en Valachie, l'ancien chrysobulle" que les prin-
ces, ses prédécesseurs, avaient accorde d ce monastere apos-
tolique 3; ils parlaient au nouveau prince des lourdes dettes,
des difficultés que rencontrait le voyage des moines en quete
d'aumOnes et ils lui demandaient de devenir nouveau fonda-
teur et patron de ce monastere, accable de malheurs, afin que
les anciens dons des souverains aimant Dieu ne fussertt pas
perdus 4". Celui qui signe est le fondateur méme de l'école,
l'auteur de la Trompette sacrée" et de la Rhetorique", Ma-
carius 5.
Enfin le monastere de St. Georges Caripi (Koplin), de l'ile
d'Antigone, posséclait, meme avant le privilege de 1817, des
vignobles pres de Buzau, dans le voisinage de ceux qui appar-
tenaient au monastere de Xenophon a Athos 6.
Sur les cOtes de l'Asie Mineure, Constantin Brancoveanu
envoyait, vers la fin du XVII-e siecle, des secours au monastere
de Soutnéla, pres de Trébizonde, ancienne bdtisse vivotant sans
patrons dans une grande misere. Nous n'avons pas encore
réussi a trouver des privileges le concernant le Sultan Sélim
lui avait fait des dons 7, mais Michel Racovita, le méme prince
valaque, agrea la petition des moines appauvris par les trou-
bles, petition qui tendait a leur faire obtenir les secours ne-
7 Ibid., pp. 554-555 ; voy. premiere edition, p. 858 et suiv.
2 Premiere edition, p. 855,
a Hurrnuzaki. XIII, p. 363, no 14.
4 Une autre lettre, adressée A Jean Callimachi, ibid., p. 364, no 1 5.
5 Ibid., p. 186.
° ibid., VII, p. 186.

TIbid., XII, p. 306, no 111; cf. ibid., p. 301.


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260 N. IORGA

cessaires pour conserver la fondation du Comnène Alexius,


d'Andronic et d'autres anciens bienfaiteurs: deux des freres
apportérent avec eux cette donation, qui se résumait simple-
ment a des blocs de sel tires des salines '. Le premier des
Ypsilantis qui arriva a une certaine importance ce fut plus
tard une dynastie roumaine , Triantaphyllos, negociant de
Trébizonde, fut l'un des épitropes de Souméla 2 Sébastos le
Kymenite, célebre professeur a Bucarest a l'epoque de Bran-
coveanu, ajouta toujours a. son nom l'epithete de Trebizondain,
originaire de Trébizonde. Theosképastou, autre monastere de
Trébizonde, recevait aussi des secours roumains3.

VIII.
Quant aux relations avec la Constantinople ecclésiastique
et, bien entendu, dans le sens strict des donations faites aux
eglises et des dedications, en y ajoutant seulement des expli-
cations génerales en tant qu'elles sont nécessaires pour faire
comprendre cette situation patronale,nous renvoyons pour toute
l'epoque jusqu'a l'établissement de Mohammed II dans la Capi-
tale de l'Empire byzantin, de meme que pour la premiere
moitie du XIV-e siecle, donc pour toute Pepoque qui, partant
d'Alexandre I-er, de Lako et de Mircea, passe par le regne
de Radu Mihnea, le pieux donateur de l'Orient orthodoxe, pour
&passer les bornes du regne de Basile Lupu, a des mémoires
antérieurs publiés dans ce merne Bulletin 4.
Les princes qui, comme Etienne-le-Grand, faisant de lar-
ges donations ailleurs, comme au Mont-Athos, portaient con-
tinuellement des combats acharnés contre les Turcs, patrons
de ce Siege ecuménique qui etait utile A leur domination,
ne pouvaient pas avoir, malgre leur bonne volonte, des rela-
tions étroites, continuelles, aisées, avec les Patriarches qui
menaient au monastere des Saints Apotres (jusqu'en 1436),
puis dans l'ancien couvent de femmes de Pammakaristos, fon-
dation de Michel Dukas Glabas et de sa femme, Marie Dou-

1 Ibid., pp. 365-6, no 17.


2 Ibid., p. 169.
3 Ibid., p. 522.
4 Année 1913.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 261

kéna, Comnene, Paleologue, BXcathva, une existence assez


modeste 1.
Les relations de la Valachie, soumise antérieurement et
d'une maniere plus complete a l'Empire, avec la Grande
Eglise synodale de Constantinople" ne sont pas plus ancienne§
que le regne de Radu-le-Grand, selon le désir duquel Niphon,
ancien Patriarche de Constantinople, dont nous avons esquisse
le rOle tout récemment dans notre Histoire des Etats Balca-
niques 2, vint organiser l'Eglise valaque sur des bases abso-
lument canoniques. C'est a cause de Niphon, qui fut son pre-
cepteur, que Neagoe, successeur de Radu, songea aux besoins
du Patriarcat constantinopolitain, couvrant de plomb a nouveau
l'eglise de Pammakaristos, reparant les cellules qui l'entouraient
et y ajoutant de nombreux dons" 3. Les Patriarches étaient
alors Joachim, PacOme ou Theolepte, tlersonnalites sans au-
cun relief.
Pac6me, apres sa destitution, provoquee par un rival qui
avait dépense 503 ducats dans ce but, alla en Moldavie, et le
prince Bogdan, qui y régnait en 1514 (?), ne voulut pas recevoir
le chef de l'Eglise orthodoxe, degoéte de la maniere dont, par
des dénonciations et par des actes de simonie, se faisaient les
nominations et les destitutions, mais peut-etre aussi mecontent
de l'intimité qui existait entre le Patriarche et les Valaques,
ses rivaux. Selon une autre chronique, le Patriarche aurait ete,
au contraire, bien accueilli a la Cour moldave, et il aurait
joui de la mérne reception a celle de Neagoe. La premiere de
ces chroniques le fait mourir de tristesse en Valachie 1.
Theolepte, le Patriarche qui occupait le Siege constantino-
politain vers la fin du regne de Neagoe, fut parmi ceux que
1 Manuel I. Gédéon, Xpiima ToO TraTplamicoir oixoy Kat Tot, vaoO, Cons-
tantinople 1884, pp. 52-53, 59-60.
2 V5lenii-de-Munte 1913. Il faut ajouter maintenant le beau tra-
vail du père N. Popescu, dans les ,,Annales" ; un résumé sera donné
dans ce Bulletin".Cf. aussi les ncs 7 et 8 du Bulletin de l'Institut
pour l'étude de l'Europe snd-orientale".
2 Viata ha Nifon de Gavriil Protul, éd. C. Erbiceanu, Bucarest
1888, pp. 99-100.
4 Crusius, Turco-Graecia, pp. 39, 152; lorga, Geschichte des osma-
nischen Reiches, III, pp. 203-204. Voy. également Hurmuzaki, XIV, p.
43, Nos xcvnxcvm. Nous avons cru qu'il s'agissait de PacOme. Les
passages offrent des difficultés.
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262 N. TORGA

ce prince invita, au mois d'aoilt 1517, a la consecration du


couvent d'Arges, et le Constantinopolitain, qui est Patriarche
du monde entier", amena avec lui cinq Metropolites : ceux de
Serres, en Macedoine, de Sardes, de Midia et de Mélenikon,
un Macédonien aussi '.
Le Patriarche fit de la nouvelle fondation une ,;stauropygie",
de méme qu'on l'avait fait antérieurement a Tismana avec
la benediction du Patriarche Philothee 2".
Puis on ne retrouve plus rien jusqu'a l'epoque de Pierre
Rares, en 1540, lorsque le Patriarche Jeremie I se dirigea vers
les pays du Danube avec la meme suite d'archipretres et
clercs" que son prédecesseur 3. C'était un voyage important,
parce qu'il était porteur du vetement admirable du Tresor
de la Grande Eglise et d'autres ornements de cette Eglise",
mais en route, dans un petit village ou ii s'était arrété, ces
trésors inestimables furent détruits par le feu 4. Le Patriarche
lui-meme ne put se rendre plus loin que dans les environs
de Trnovo, oil il finit ses jours 5.
Au commencement de l'année 1561 ou 1562 Alexandre
Lapusneanu, prince moldave, avait pour hOte le Patriarche
Joasaph, qui consolida cette eglise et la délivra de ses dettes.
II s'agissait de la consecration du monastere de Slatina 6. Apres
l'usurpation de l'aventurier grec Despote, cet Alexandre, revenu
sur le trOne, faisait don au Patriarcat d'un tabernacle d'argent,
qu'il ajouta au calice, a la coupe et au plat de ce meme metal
qui provenaient de la libéralité pieuse des mêmes epoux prin-
ciers, dont la grande oe uvr e de fondateurs au Mont Athos a
ete decrite ailleurs 7 .

1 Viata lui Nifon, p. 114.


2 Ibid., p. 118. Philothée fut Patriarche de 1364 a 1376. II fut
donc mélé a la fondation de Tismana, bien que ce monastere fat de
regle athonique.
8 Hurmuzaki, XIV, p. 45, no cvm.
4 Kcd WiEv Eig crilv BXaxictv Kat 1<c0' WI/ 6.vctjie TO osrIyri &TWO uccv,
Kai bccinKev il muroOva TOL, Kat 6 aciKKoc 6 Occup.acrT65 Tfig MerciAmc 'Emarialac
Kai ?Mot 6ptagol Tfic 'Emanciac; Dosithée de Monembasie, Btafov to-ropm6v,
ed. de 1806, p. 445.
6 Hurmuzaki, XIV, loc. cit.

5 J. Bogdan, Vechile cronici, p. 11 ; cf. Gerlach, Tagebuch, p. 393.

7 Hurmuzaki, XIV, p. 88, no cLvn. Cf. le mémoire sur le Mont


Athos, dans ce Bulletin, année 1913.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUNIAINS EN EPIRE 263

Le grand patron du Patriarcat fut cependant le prince


Pierre le Boiteux, ce qui était naturel a ce moment, a cause
du séjour prolonge des princes en qualite de prétendants ou
comme mazouls (apres leur destitution) dans la Capita le de
l'Empire, assistant a l'office divin les dimanches et jours de
fete et sortant, a leur nomination, de l'eglise patriarcale ott
on avait lu devant eux, selon le ceremonial byzantin, les li-
tanies traditionnelles des Empereurs. Ce fut donc comme a sa
propre eglise que ce Pierre donna, au rnois de mai 1576, un
certain nombre de vases sacrés portant les armes de la prin-
cipauté moldave avec la tete de bison, des ustensiles de cui-
sine, des cuilleres, etc., pour les grands diners solennels du
Patriarche 1. Des 1570 les pays du Danube avaient recu la
visite du Patriarche Metrophane, de Cesarée, successeur de
Joasaph, qui avait recu des dons similaires 2 Au cours du
regne de ce prelat, le prince Pierre, qui avait acheté a
Constantinople la maison du riche Grec, bien connu, Rhalis,
parent de Michel Cantacuzene, autre donateur de la Grande
Eglise, la cédait gratuitement au Patriarcat et recevait en
echange les remerciements de Mélrophane lui-meme et de
toute sa suite d'eveques 3. Plus tard, au cours du second regne
de Pierre, Mélétius Pigas, vicaire patriarcal, se preparait a lui
rendre visite en Moldavie, et il en fut empéché seulement par
l'arrivée du Patriarche d'Antiochie, Sylvestre 4.
A ce moment Milos, déjà mentionné, le Valaque man-
chot", était remarque par le prédicateur allemand Gerlach age-
nouille pendant le service divin qu'on célebrait au Patriarcat;
ii avait une maison a Constantinople, achetée a un certain
Khamalogli 5. A la mort de Milos, sa maison fut héritée par
son fils unique, qui vivait pres de la Porte, continuant ses
efforts pour obtenir le trOne valaque.
A cette epoque, apres la mort du prince valaque Ale-
xandre, qui avait fait également des dons a Rome, son fils et
celui de la pieuse Levantine de Péra Catherine, Mihnea, que
1 Hurmuzaki, XIV, pp. 49-50, no cx2a.
2 Gédéon, loc. cit., p 149: xcd gv Taviov 6 giviptcrEv find Tfig MIMI-bay*.
8 Hurmuzaki, XIV, pp. 47-49, no cxvit.
* Ibid., pp. 59-60, no cxxxiv.
5 Gédéon, loc. cit., p. 72.
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264 N. IORG

les moines de Météora en Thessalie appelaient a leur secours,


ainsi qu'il a ete dit ailleurs 1, entretenait des relations étroites
avec Mélétius Pigas, qui le consolait d'avoir ete destitué, le
comparait a Alexandre de Macedoine et repandait ses bene-
dictions sur sa tete impériale" (6acrtkual crou xecpcdo,) 2. Le Pa-
triarche Theolepte II se présenta devant lui et, lorsque le
Sultan envoya un tschaouch pour le rappeler, le prince valaque
le fit diriger vers Constantinople par un chemin détourne 3.
II ne faut donc pas s'étonner que ce prince de Valachie,
qui reprenait, sous ce rapport egalement, le r6le des Empe-
reurs de Byzance, des lors devait subsister la coutume, que
Callinique II rappelait ironiquement au prince Brancoveanu, de
donner, more imperiali, a l'Ecumenique, a chaque commen-
cement d'année, une bourse de 500 piastres et un vêtement
de drap et de brocard 4, décida. peut-etre a cause d'une
nouvelle decision des Turcs de vendre aux encheres toutes
les eglises5, la transposition de l'office religieux du Patriarche
dans la chapelle valaque de Constantinople, le Vlach-Sarai,
sous l'invocation de la Vierge, dite la Consolatrice (Paramy-
thia). C'est a cet endroit qu'eut lieu le synode qui crea le nou-
veau Patriarcat de Moscou. Le Patriarche Jeremie habitait
personnellement dans ,la maison de Vlad" (fi ofida TOO Bkerrou).
Ce fait arriva au printemps de l'année 1586, peu apres
le rétablissement de Mihnea, exile a Rhodes, puis a Tripolis,
en Afrique. Vlad épousa, au mois de juin 1587, a Tecuciu, une
niece de Chiajna, ex-princesse de Valachie 3. Ii retourna d'ail-
leurs a Constantinople et obtint en 1589 les insignes de la
principauté, mais sa vie s'eteignit quelques jours plus tard, au
mois d'aotit .
Le Patriarche garda, méme aprés cet évenement, la
méme habitation, et il celébra la messe dans la méme eglise.

Voy ce Bulletin, p. 229 et suiv.


2 Hurmuzaki, XIV, pp. 76-77, no wan.
a Selon Dorothée de Monembasie, dans Hurmuzaki, XIV, p. 83.
no c2cLynr.
* Ibid.
5 Gédéon, loc. cit., p. 71; Sathas, `lepEuiac B'. p. 81, d'apres une
lettre de Nicéphore Glykas.
6 Voy les Annales de l'Acadérnie Roumaine", XVIII, p. 68.
7 Ibid., p. 88.

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FONDATIONS DES PRINCES RONMAINS EN EPIRE 265

En 1589 cependant ii passait, pour se rendre a Moscou, par


Bucarest et Jassy, oft, au plus fort de l'hiver, le prince Pierre
courut a sa rencontre et le combla de dons 1. A son retour,
l'Ecumenique passa encore quelques jours en 1591, a la Cour
valaque 2. Le 31 mars encore par consequent six mois plus
tard et malgre la destitution, qui eut lieu au courant de mois
de mars 1591, de Mihnea,jeremie se trouvait a Bucarest, avec
le Grand-Logathete Hierax, et il prit des mesures afin de faire
cesser les concubinages scandaleux qu'il avait constatés dans
cette ville parmi les negociants chretiens dont les femmes
etaient restés dans leur patrie orientale 3. De retour a Constan-
tinople, le Patriarche s'employa a obtenir pour Pierre le
Boiteux le Siege princier de Valachie ou de Moldavie 4.
Nous avons expose ailleurs l'activite que développa ft
cette meme epoque, en 1595, Nicephore le Didascale, vicaire pa-
triarcal, qui passa par les pays du Danube et y combattit l'in-
fluence catholique, convoquant un synode d'eveques roumains
et russes a Jassy 5. Sa place de vicaire a Constantinople fut
prise par Melétius Pigas, qui négocia avec le prince de Vala-
chie, Michel, pour lui faire conclure la paix avec les Turcs et
qui, en méme temps, étendait son autorité aussi sur l'Eglise
valaque, reconnaissant le Metropolite Euthymius, bien qu'il n'eat
pas ete consacre a Constantinople 6 It demandait a ce chef
de l'Eglise de Valachie, le 6 aotit 1597, un secours afin de
pouvoir acheter les eglises de St. Démetre et de la Vierge
TOO MnaXivou a Xyloporta, au moment oil il obtenait de Michel-
le-Brave, qui devait son tr6ne a l'aristocratie grecque entourant
le Patriarche, les cent ducats qu'il employa a la confection de
ses vetements épiscopaux. C'est dans cette eglise que fut
transposée, dans peu de temps, la residence et l'office du
Patriarche.

1 Hurmuzaki, XIV, p. 83, no cxLvnr.


2 Ibid., p. 90 et suiv., no cr.xn.
8 Ibid., p. 93 et suiv. no craw.
4 Ibid., pp. 94-96.
5 Iorga, Istoria Bisericii romdne, I, pp. 200, 423.
6 Un acte du fres-saint archi-métropolite kyr Euthymius d'Hon-
grovalachie" pour le monastere de Cosuna, auquel il donne les villages
de CornAtel et BucovAt, dans les Condicele brdncovenesti des Archives
de l'Etat, Bucoodf, p. 813. La date est celle du 4 janvier 7082.
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266 N. IORGA

11 était question cependant de batir un nouveau et plus


grand edifice. A cette epoque, Mélétius promettait au prince
de Moldavie, Jeremie Movilä, l'élévation a la dignité patriar-
cale de la Metropolie de Moldavie et méme, par la creation
du nouvel éveché de Husi et par rautorisation de porter le
manteau de Patriarche, des mesures preliminaires avaient ete
prises de fait. En echange, la Moldavie devait garder le pa-
tronage du nouveau Siege patriarcal constantinopolitain. En
1599, dans une lettre malheureusement encore inédite, Mele-
tius, qui était. deja Patriarche d'Alexandrie, se plaint envers
Jeremie dans ces termes : Votre Majeste a renonce a son
intention de batir le Patriarcat de Constantinople 1"
Mais la Moldavie n'avait pas a cette epoque le loisir ne-
cessaire pour s'occuper de pareils travaux. En 1600-1601,
apres la mort de Jeremie, reglise et la residence patriarcale
furent trasportées par le Patriarche Mathieu II a reglise de St.
Georges du Phanar, danerhumble edifice oü elles sont restées
jusqu'aujourd'hui 2 Mais les murs actuels ne datent que de
1720, alors que l'initiative de la batisse était partie de Calli-
nique II, en 1698. Les Moldaves et les Valaques avaient ete
forces d'accorder des aides, par une lettre que M. Gédéon a
publiee par deux fois 3. On peut lire encore de nos jours sur
la porte du narthex l'inscription qui mentionne, a la date de
décembre 1720, l'ancien kapou-kéhaYa de la, Valachie, Con-
stantin, ainsi qu'une autre inscription mentionnant un autre
Constantin, egalement kapou-kehaIa, mais de Moldavie 4. De
nombreux princes, tels Antioque Cantémir, Nicolas Mauro-

'OTt IETE&EA81 d'OU n AbOEVTia KTICTOtt Tb TTaTplafiXETOV kEti; Gédéon,


loc. cit., p. 74. Et on ajoute : 'OXiTot ot awnipkvoi, v oig TrapaicaXW xat
605 EbpOilvat: bpE8c1EoT 2E Taiv-Rug atv Tit kiTaa «Tam oNaxtimyri-rE Eis
)(row Taw aiwviwv erra9Wv.
2 Ibid., pp. 74-75.
8 Loc. cit., pp. 152-154.
4 Ibid., p. 87, note 168, On énumere les dépenses des Métropolites
de Nicomédie, Nicée, Chalcédoine, Brousse, Varna, puis l'inscription a-
joute: ouvEmarccroinTwv bE TWV T4nW3TdTLLIV a.faxbwrtuv, ToC, 'TE MeiciXou-'ExxXl-
mdpxou xUp KovuTawrivou xcd XaTZ xtip Kovo-ravrivou, Trimbriv Kairi-KExaTid
OuTxpo6Xaxiag. cu)( 4), 1EKE6pioU 14P. L'autre contient la priêre suivante:
Mvijaerm, KUptE, Tot) bobkou (sou Kovanorrivou Kaitouxexard Wig Mokbo6XaxictS,
01.1 TO% eEdbotc dtvrOpOn t) Trapaaa Trial. Pour ce qui concerne le don du
kapou-kéhaia de 1726, lordaki le Sluger, ibid., p. 176.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUNIAINS EN EPIRE 267

cordato (1722) et Gregoire Mathieu Ghica (1726), subvenaient


personellement aux frais nécessités pour l'eclairage de l'eglise,
outre les sommes fixées dans ce but et payees sur les re-
venus des couvents de Cetatuia, de Casin et, en 1702, de
Hurezi 1. Le trOne patriarcal est un don du prince de Mol-
davie, Démetre Cantacuzene 2 11 nous reste maintenantsans
nous étendre sur les competitions pour le Siege patriarcal
sous le régne de Serban Cantacuzene et de Brancoveanu, avec
l'appui de ces princes, car celles de Serban formeront l'objet
d'un mémoire special qui traitera de sa politique ecclésiastique
en Orient et la politique de Brancoveanu a ete déjã presentee
dans notre livre roumain, recent, sur sa vie et son regne a
montrer le sort de cette petite eglise de Vlach-Sarg, qui fut pen-
dant de longues années le refuge du chef du monde orthodoxe.

Pendant tout un siècle les nouvelles indications sur la


chapelle du palais valaque" manquent. Mais le prince Ghica",
qui n'est pas, comme on serait enclin de le penser, le pere de
Gri gorascu, le protecteur de tous les monasteres du Mont
Athos 3 et celui qui dédia le monastere de St. Jean de Foc-
sani au monastere de Salonique, mais hien Gregoire Mathieu,
du commencement du XVIII-e siecle 4, se rappela de cette
chapelle et lui fit une donation au sujet de laquelle les details
man quent. S'inspirant de cet exemple, Gregoire Alexandre
Ghica confirma, comme on l'a vu, en ferier 1769, la dedication
de ce monastere constantinopolitain situé pres de Tachtah-
Minaret" des recherches locales sérieuses s'imposeraient
declie a la Vierge et a ppartenant a la Valachie 5", au Megas-
pileon de Morée6.
Plus tard, en 1784, Michel Sutu (Soutzo), prince de Va-
lachle, renouvelant peut-etre des privileges antérieurs, remar-

1 Hurmuzaki, XIV, a cette date ; d'après Gédéon, loc. cit., pp.


113, 115, 116.Don de 1.500 piastres fait par Constantin Maurocordato;
ibid., p. 158.
2 Hurmuzaki, loc. cit. Cf. Gédéon, loc. cit., p. 108.
8 Voy ce Bulletin", année 1913, Mémoire sur le Mont-Athos.
4 Gregoire Alexandre l'intitule en effet : OETO, zio, c'est-à-dire oncle.
5 Tei BXeq-apciroy icaTil Toy TaxTd-Miyape, o-EuyLyou4yny 6T' bybuaTI
Tiic CIEOTOKou Koluilusw;, ibiav ouclav Wig AbesyTsfac ObTxponaxIac.
6 Edition dans Hurmuzaki, VII, pp. 532-533.

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268 N. IORGA

que que ,la Valachie aussi possede au tres renommé Siege


imperial de Constantinopole un saint .monastere, dit de Vlach-
Saral, qui est en meme temps un lieu de repos pour les en-
voyés princiers qui s'y rendent ou en viennent" et qui sert 1

pour l'honneur et la beauté du lieu" (Trp Og Ttu.,v Ka. 1 X-ptv


A ToO
TOTrou) et que le monastere, n'étant pas une paroisse et n'ayant
pas de revenus afin de subvenir A son entretien, ce qui serait
un devoir, ii lui fait don des revenus princiers tires des
vignes des districts de Romanati et de Gorj (Vindriciu).
Sur la somme qui sera obtenue ainsi, on donnera 200 pias-
tre par an pour le salaire du confesseur du nouvel hOpital
de Therapia. En signe de remerciements, on dira des prie-
res pendant chaque messe pour la paix, le bonheur, la pros-
perite et le salut du troupeau orthodoxe el du pays de la
Valachie"; c'est avec ces paroles que ce privilege est renou-
veleen y faisant simplernent des changements de detail, par
ce meme prince, le 25 novembre 1785 2. En 1818 enfin, le
prince Caragea prit des mesures afin d'assurer cette donation
au saint monastere de-Vlach-SaraY de Constantinople", ainsi
qu'au saint monastere Mégaspileon de Morée".
Vlach-SaraY, cependant, habité par des moines grecs des
que les Patriarches eurent abandonné cette residence", n'était pas
la seule église frequentee par les kapou-kéhaYas, lesquels, ainsi
qu'on l'a vu, accordaient des donations importantes A l'eglise
de St. Georges du Phanar egalement. Les Ghicas, les Ypsi-
lantis, ainsi que d'autres grandes families phanariotes qui
donnaient des princes aux pays roumains, avaient leurs mai-
sons A Kourou-Tschechme ou bien a Arnaout-Keui 8. C'est ainsi
que vers la fin du XVHI-e siecle, en 1785, un boursier diplo-
matique, pour la langue turque, un ,,jeune de langues", ou
bien, comme on disait alors, un bach-capiolan" moldave,
Georges Holban, fut enterre A l'eglise de St Jean Baptiste de

' 'Erretbi) Kai r) BXaxia exEt v T 6acrOtuct) trEptcpavEaTdria xcteeopct Wig


Kwvoravrwourreamg tdav Icpory poviiv dvottaZottevriv BXdx-Eapcisrt, trig eivat
IuLi wo:rdkutta TWV co)8Evrlx1itv eureptintwv öcrot bird-room Kai gpxottrar ebibecv
6(r.iccE.; dans Hurmuzaki, VII, pp. 516-518, no v.
2 Miklosich et Muller, loc. cit., p. 208.
3 Voy. le voyage de Sestini, résumé dans I'Arhiva", V; voy. aussi

le registre alphabétique du vol. XIII de la collection Hurmuzaki.

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FONDATIONS DES PRINCES ROUMAINS EN EPIRE 269

Kourou-Tschechmé, et sa fille Helene dédia au monastere, afin


de payer les messes des morts et les prieres, en 1794, l'eglise de
St. Georges de Herta, qui, parmi différents autres revenus, avait
celui du territoire de la ville de Dorohoiu. Lorsqu'en 1801 Michel
Sutu, se trouvant a court d'argent, vendit pour 30.000 francs
cette eglise de Herta A l'Arménien Hadschi-Bogos Apikzadeh,
le prince Alexandre Mourousi intervint pour flétrir ,la vente
d'un saint lieu a un marchand, et de plus a un hétérodoxe" :
je dis que c'est honteux de vendre la maison de Dieu, de la
mettre aux enchéres, de l'évaluer en argent". Puis, comme
une autre eglise de la méme ville, l'eglise de St. Démetre,
consentit a payer les dettes dues a l'Arménien, ce fut cette
eglise qui obtint, a la place de celle de St. Jean, qui d'ailleurs
devint dépendante de la premiere, les droits a Herta 1 Bien plus,
afin que l'eglise de St. Démetre puisse rentrer dans une partie
de l'argent déboursé, argent qu'elle avait dü emprunter a un
taux élevé" on lui fit don, en 1803, de 200 piastres sur les
revenus des salines d'Ocna 2.

Ainsi done un pays de pauvres agriculteurs, a pu, pen-


dant plusieurs siecles, tout en remplissant son devoir de de-
fense ethnique et celui d'affronter les dangers qui menacaient
l'Occident actif et florissant, ainsi que la mission d'être un
intermediaire culturel et politique entre l'Orient et l'Occident
et de servir de refuge aux lettres orthodoxes , ere un
soutien pour toute cette vie monastique des Grecs de laquelle
naquit plus tard leur ideal de regeneration a l'epoque con-
temp orai ne.
Dans un autre mémoire il sera question de l'accom-
plissement de cette méme ceuvre de large bienfaisance envers
les fondations restées slaves dans les Balcans soumis aux Turcs.

1Studii si documente, V. p. 65, nos 295-296; XXII, pp. 391-402..


2 Codrescu, Uricariul, IV, p. 164 et suiv. Cf. aussi ibid., VI, pp.
24)-50, no 19.
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U N ACTE ROUM AIN CONCERNANT LE DOCTEUR VERON,
INITIATEUR DE LA CULTURE BULGARE
CONT EMPOR UNE,
PAR N. IORGA

On savait que la premiere publication bulgare était celle


qui parut a Ramnicu-Valcii en 1806, par les soins de l'eveque
Sophronius de Vratza, un Kiriakodromion", oraisons domini-
cales. Un &eve, originaire de Vidine, de Sophronius et deux
autres artisans, de Sofia et de Drenovo, avaient travaillé a l'im-
pression de ce livre, dont les patrons étaient tous les eveques
valaques, un grand nombre d'hegoumenes, l'eveque grcc de
Stavropoléos, le Métropolite de Silistrie, de méme nationalité,
un boYar, un marchand de moutons et quelques notables bul-
gares de Novoselo, Gabrovo, Coprivchtitza, Bobochtitza, Kotel
et Kazanlik.
L'eveque Sophronius était d'ailleurs un hOte bien accueilli
dans la Capitale valaque, ainsi qu'on le voit, non seulement
par l'ceuvre jubilaire du professeur Théodorov 1, mais aussi par
les frequentes mentions de sa personne que l'on trouve dans
la Catagraphie des églises roumaines en 1810", publiée par
M. Alexandre Lapedatu en 1908, dans la revue Biserica Orto-
doxa Romana".
Ce livre a dill etre lu avec passion, de même que le fut
la chronique naïve, diffuse, mais encourageante pour les Bul-
gares, du pere Païsius, l'humble propagandiste et le défenseur
chalcureux de sa nation. Mais un Abécédaire, un Livre de
lecture, manquaient encore. Ce ne hit qu'en 1824 que parut a
Kronstadt en Transylvanie le premier Boukvar", grace aux soins

I Cooponia BpanaaeR:i, Sofia 1906.


V

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UN ACTE ROUMAIN CONCERNANT LE DOCTEUR VERON 271

et aux fonds du médecin Pierre Veron (Berovitch), originaire


de Kotel, patrie de Sophronius lui-méme, Ayant obtenu son
diplOme de médecin a_ Munich, il fut médecin de la ville a
Craiova. Il est vrai que, des 1820, les caimacams payaient,
sur les revenus affermés au negociant Démetre Aman, non
seulement un médecin, le doyen, Ferraris, mais aussi d'autres
rnedecins de la ville de Craiova" 1. Le second fut Veron.
Nous avons publie un autre acte concernant ces médecins,
mais le hasard me révele aujourd'hui un acte oü il est ques-
tion aussi plus specialement de l'initiateur de la litterature
profane et imprimée des Bulgares.
Cet acte, date du 5 aotlt 1842, contient d'abord le contra
conclu entre le médecin Pierre Veron de Craiova" et son
collegue Pierre Ferraris, qui signe en grec. Ce dernier vend
au premier le hien de Prisaca pour la somme de 400 ducats
impériaux. Apres plus d'une année Pierre Ferraris se presente
devant le Tribunal de commerce de Craiova pour demander
la legalisation du contrat, eu egard au fait que les docu-
ments concernant ce bienfonds ont été perdus".
Ajoutons qu'un major en retraite, habitant la ville de
Tecuciu, M. Gregoire Ciurea, nous communique un acte con-
cernant un fils du célebre Milenko, le cornpagnon de combat
et ensuite l'adversaire malheureux de Carageorges, fondateur
de l'Etat serbe, le major Blagoe Milencovitsch, qui, passant en
Valachie en 1828, épousa Zoita Stere, une Roumaine. Le major
Milencovitsch comandait un corps de troupes russes, en gar-
nison dans la Petite Valachie, et il Lait attache a la per-
sonne du general-major prince Gortschacov. Sa mission était
celle de traducteur des langues serbe et moldave". BientOt ii
quilta le service pour s'établir en Valachie avec sa famille,
dans le gros village de Breasta, dont il était devenu le fer-
mier. Le commandant des troupes russes le recommandait
chaleureusement au nouveau gouvernement valaque.
M. Ciurea nous presente aussi l'acte, emanant d'un com-
mandant russe, qui temoigne, le 10 mars 1829, que le lieutenant
Milencovitsch, faisant partie du commandement des volon-

' lorga. Coresponctenta lui Dimitrie Aman, pp. 32 (81), 185 (89),
188-189 (75).

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272 N. 1ORGA

taires" en Valachie, remplissait les fonctions de secrétaire,


exhortant de son exemple les volontaires qui se trouvaient
sous les ordres de Gortschacoff.
Enfin M. Ciurea ajoute qu'l possede un acte du Metro-
polite serbe Léontius, concernant la vente d'un magazin en
1812, et un autre acte, duquel il ressort que Milenkovitsch
avait séjourne A Semendria en 1809. Blagoe et son fils Lazare
moururent en Valachie, sur un bienfonds acheté au bolar Basile
Obedeanu; fis habitaient la maison de Constantin Olteanu. Le
petit-fils de Blagoe, Lazare, fut le propre beau-pere de M.
Ciurea.

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QUELQUES DOCUMENTS ROUMAINS DE BESSARABIE
PAR N. IORGA.

On nous envoie de Bessarabie un certain nombre de do-


cuments roumains, dont l'intérêt est sans doute tout special,
pouvant servir a éclaircir certains points de l'histoire de la
Moldavie du XVI-e au XIX-e siecle, mais qui contiennent
aussi un certain nombre de renseignements dont le carat-
tére est plus general. Ils se rapportent a des personnages
bien connus, ayant eu des relations aussi avec les pays voi-
sins, de l'ancienne principauté moldave, ou bien ils donnent
des renseignements sur les changements qui eurent lieu dans
la province de la Bessarabie a la suite de l'annexion de
cette province par les Russes en 1812, par rapport a la langue
et aux mceurs.
En 1825, une veuve de Botosani, Rarita Talpa, signait
un testament fixant le partage de ses biens, dont une partie,
les terres de Molcauti, de Pridicauti, Radauti et Cochingeni,
se trouvaient au dela du Pruth, en Bessarabie. Un de ses ne-
veux, Démetre Oatul, était designe comme curateur de l'héri-
tage. Un frere de Démetre, le Serdar Iordachi, quittait la Mol-
davie quelques mois plus tard pour s'etablir sur les terres cle
l'Empire de Russie avec sa femme Anastasie et six hommes,
de service.
Nous reproduisons dans le texte rounlain tous ces ac-
tes, ainsi que le passeport qui fut délivré par le prince de Mol-
davie Jean Sturza. .

Un troisieme Oatu devint en Bessarabie, a la méme épo-


que, dvorianine", noble dc seconde classe et officier (parou-
tschik"), bien qu'il gardat en Moldavie une partie des biens le-
gues par sa tante.
73109 A. B. Bulletin historique.
www.dacoromanica.ro 18 \
274 N. IORGA

Un acte du 6 mars 1826, concernant cette branche de la


famille, cite parmi les témoins, qui sont des fonctionnaires
russes, les noms de Georges Leonardi, d'une famille levantine
établie en Moldavie, puis d'Alexandre David et de Kostaki
Dumitriu, qui sont aussi d'origine moldave. D'ailleurs, dans le
voisinage, ii y avait un propriétaire, a Mandacauti, qui était
un petit boiar moldave, Jean Cosmita, dont le gendre se nom-
mait Costachi Chirus. Leurs propriétés se trouvaient aussi de
l'autre cOte du Pruth, sous la domination du prince.
Un peu plus tard, trois des freres Oatu signent, dans
un acte concernant la famille entiere, en roumain, alors que
les deux freres cadets emploient l'alphabet russe.
Apres la mort du vieux Oatu, les relation avec la Mol-
davie sont interrompues cependant.
Le 26 novembre 1830, l'assemblée des dvorianines de
Bessarabie admet la petition de Démetre et de Iordaki Oatu,
fils de lonita, qui demandaient a dtre recus parmi les mem-
bres de cette classe. Ils présentaient des actes de noblesse
moldave datant de l'année 1734, desquels ii résultait que ceux
qui avaient occupe en Moldavie des dignites, depuis celle
de Grand-Logothete jusqu'a celle de troisieme logothete",
étaient declares dvorianines.

11.

Parmi les actes concernant la famille Oatu, ii y en a un


qui a trait a la personnalite tres distinguee du Grand-Logo-
thete moldave Lucas Stroici, qui occupa cette fonction pendant
quelques dizaines d'années a. la fin du XVI-e siecle et a qui
nous devons une oraison dominicale, &rite en caracteres la-
tins, selon l'orthographe polonaise, et cela a une epoque ou
cette facon d'écrire le roumain était absolument rare, pour ne
pas dire que le cas est unique. L'acte que nous mentionnons
concerne l'acquisition de la terre de Pribicauti, qui passa plus
tard entre les mains de la famille Talpa, ce qui explique d'ail-
leurs la presence de l'original dans une collection de titres
appartenant a cette famille.
Beaucoup plus importante est la traduction roumaine du
grand acte de donation accordé par le prince Gaspar Gratiani,
Uscoque d'origine, qui regna en Moldavie au commencement
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QUELQUES DOCUMENTS ROUMAINS DEBESSARABIE 275

du XVII-e siecle, a son plus fidele boIar Costea Bucioc, Grand-


Vornic du npays inférieuff. Ii obtint de la generosite du prince
la confirmation d'une cinquantaine de terres, sans parler du
grand nombre de Tziganes avec leurs families dont on lui re-
connaissait la possession. C'@st sans doute un des actes les
plus importants en ce qui concerne.la situation de la propriété
terrienne dans la principauté moldave, propriété qui remplaca,
cette époque, au profit des grandes familles, la petite pro-
priete des anciennes lignees paysannes. Bucioc avait hérité
de ces biens par suite de son mariage avec la fille de Pe-
trascu $oldan, Logothete. Les sceurs de sa femme, mariées
dans les principales families du pays, n'étaient pas en mesure
cependant de disputer a leur beau-frere la part du lion dans
la distribution de l'heritage paternel.
Du reste, a cette epoque, la valeur de la terre était tres
faible, vu qu'on pouvait obtenir la terre de Brosteni, sur la
riviere du $omuz, et qui est aujourd'hui un des joyaux du
domaine de la Couronne roumaine, pour 400 bons chevaux",
estimés a 200 ducats de Hongrie, et 150 ducats de Hongrie
en argent, donnés pour les besoins du pays". Le frere de Bu-
cioc, qui n'avait pas épousé une si riche héritiere, resta pres-
que un inconnu; quant a Bucioc lui-meme, sa qualite de ri-
che propriétaire I'aida a jouer bientOt un des premiers r6les
Sa fille Theodosie épousa le bolar Lupu, qui devint peu apres
le prince Basile. Mais, avant ce dernier triomphe de la fa-
mille, le vieux Bucioc, ayant soutenu Gratiani dans sa révolte
contre les Turcsil avait appele les Polonais dans son pays,
leur préparant ainsi la grande catastrophe de Tutora (cecho-
rienses campi), fut pris par Skender-Pacha et empale. Sa
veuve dut renoncer aux terres de l'heritage de son mari, mais
elle recut en echange le payement entier de sa dot.
Nous croyons que ces renseignements peuvent avoir un
intérét aussi pour l'histoire de la grande propriété dans les
pays du Sud-Est europeen au commencement du XVII-e siecle.

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CORRESPONDANCE DES PRINCES ET BOTARS
ROUMAINS AVEC METTERNICH ET GENTZ, DE 1812 a 1828.
PAR J. C. FILITTI.

Une partie de cette correspondance, les lettres adressees


par Gentz aux Hospodars, était connue par la publication
du comte Prokesch-Osten fils: Dépéches inedites du chevalier
de Gentz aux Hospodars de Valachie". Cette publication a omis
non seulement certaines parties de ces lettres, voire mdme des.
lettres entieres, juges sans valeur historique, mais aussi toutes
les lettres adressées a Gentz par les Hnspodars, que l'éditeur
a considérées denuées d'importance.
L'Académie Roumaine possede trois groupes de manuscrits-
contenant des lettres, originales ou copies de Gentz, ainsi
que des copies, tirées des Archives de Vienne, de lettres échan-
gees entre les princes et boTars roumains et le prince de-
Metternich.
Nous en publions in-extenso quelques-unes et nous tirons
de ce materiel inedit des renseignements intéressants que nous
avons groupes sous quatre rubriques correspondance politique;
correspondance des princes et boliars roumains recherchant un
abri dans les Etats autrichiens ; correspondance issue des relations
de voisinage. entre les Principantes et l'Empire; correspondance
concernant les abus des consuls autrichiens comme de leurs
collegues, du reste, dans l'interprétation des droits capitulaires.
Le mémoire rappelle que l'installation des consuls des
Puissances dans les Prinipautés, pendant la seconde rnoitie du
XVIIIe siècle, avait une double portee, economique et poli-
tique. Protecteurs des marchands et du negoce, les consuls.
étaient, en mettle temps, des agents politiques. Jassy et Bu-
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CORRESPONDANCE DES PRINCES ET BOYARS ROUMAINS 277

carest étaient des postes bien places pour se documenter sur


les agissements et les intentions de la Porte. Reciproque-
ment, les Hospodars roumains entretenaient a Vienne des
agents secrets, sous le couvert egalement de preoccupations
commerciales.
A partir du traité de Bucarest de 1812, la conservation
de l'Empire ottoman forme le credo politique de l'Autriche. Ii
s'agit d'empecher que les intrigues russes ne dechainent une
nouvelle guerre, dont la Russie serait, encore une fois, la seule
tirer profit. La Turquie, ayant compris que ses intérets la
rapprochaient de l'Autriche, chargea le prince de Valachie Jean
Caragea (Karadscha, Karatzas) de trouver un correspondant
a Vienne, qui la tienne au t ourant de l'action diplomatique
de la Cour d'Autriche. Ce correspondant fut facilement trouve
en la personne de Gentz, qui remplissait déjà, largement rétri-
bué, cette delicate besogne au profit de plusieurs petits prin-
ces de l'Europe. De son cOte, Caragea expedia a Vienne
Bellio.
Durant tout le regne de Caragea, les relations de la
Turquie et de l'Autriche furent des meilleures. L'Autriche veillait
et, par la voie du prince de Valachie, rassurait la Porte sur
les intentions de sa grande rivale.
Une fois pourtant, la correspondance ainsi établie fut
menacée d'ane grave indiscretion. Le monde du Phanar, au-
quel, du reste, appartenait Caragea lui-meme, comptait tou-
jours bon nombre de russophiles. Des groupes d'appétits et
d'intéréts divers avaient, chacun, ses agents et nouaient des in-
trigues. Les intérets des Mourousi, russophiles, étaient servis a
Vienne par le charge d'affaires méme de Turquie, Mauroiéni,
qui, afin d'être mieux encore au courant des intentions autri-
chiennes, avait vainement sollicité le poste lucratif d'agent du
prince de Valachie. Bellio, jeune homme inexpérimente, s'étant
laisse tenter par des promesses russes, était sur le point de
divulguer au Tzar le contenu des rapports que Gentz adressait
Caragea, lorsque la police secrete viennoise, aux filets de
laquelle personne n'échappait, eut vent de l'affaire, se saisit a
temps de l'imprudent et fit main basse sur ses papiers.
Du reste, a cette epoque florissante de l'intrigue, le prince
lui-méme ne pouvait trop se fier a son entourage. Le con-
sul francais Ledoulx accusait, injustement, ii faut le dire, Caragea
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278 J. C. FILITTI

d'être dévoué aux Russes. Le secrétaire particulier du prince,


Rasti, qui remplaca Bellio a Vienne, était soupconne d'être
vendu aux mémes. La vérité est que, tout en servant loyale-
ment la politique, alors austrophile, de la Porte, Caragea me-
nageait aussi les susceptibilités russes, ne serait-ce que pour
ne pas donner l'éveil sur une correspondance qui devait de-
meurer secrete.
C'est par Caragea que Metternich fit savoir a la Porte,
en 1814, qu'il ne. tolérerait pas une atteinte aux intéréts de la
Turquie. C'est par lui egalement que la Cour de Vienne, en
1817 et 1818, rassurait la Porte sur les intentions du Tzar,
toutes pacifiques, malgré les exigences, toujours accrues, de
son ambassadeur. Néanmoins, en dernier lieu, c'est aux intri-
gues de la Russie que Caragea dut de quitter precipitamment
son trene.
Son successeur, Alexandre Soutzo, suivit la méme poli-
tique et continua le méme double jeu, dicte par la prudence.
Un secrétaire offciel, Mavros, était mis au courant des affaires
dans la mesure juste pour pouvoir alimenter de nouvelles le
consulat de Russie. Un autre, Jean Missios, soignait la corres-
pondance secrete du prince avec Gentz. Malgré les assurances
pacifiques de ce dernier, la Russie était fort redoutée a Buca-
rest en 1819. Les informateurs ne lui manquaient pas. Sa-
mourcassi communiquait a Stroganov tout ce que lui confiait
Piquot, ancien diplomate, inconsolable d'avoir eté débouté du
metier fructueux confie a Gentz.
Gregoire Ghica, successeur de Soutzo, eut aussi son se-
crétaire particulier, le docteur Arsaki. Les rapports de ce
prince et du consul d'Autriche nc se démentirent pas jusqu'au
jour oil Ghica dut quitter Bucarest devant l'approche des
troupes russes et l'annonce d'une guerre nouvelle, que l'Au-
triche n'avait pu empecher (1828).

Malgré toute la bonne volonté des Hospodars des deux


Principautes de conserver, selon la volonté de la Porte, les
meilleures relations avec l'Autriche, des confits surgirent sou-
vent entre les autorités locales et les agents autrichiens, a
cause des pretentions excessives soulevées por ceux-ci, fondées
sur une interpretation abusive des traités de la Porte avec
les Puissances. La protection autrichienne était accord& a des
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COHRESPONDANCE DES PRINCES ET BOTARS ROUMAINS 279

indigenes, et les consuls refusaient, en &pit des firmans, de


procéder, d'accord avec les autorités du pays, a la revision
de la liste de ces sujets. Le nombre des Agences consulaires
dans les districts, confiées souvent a ces indigenes, augmentait
dans une proportion intolerable. L'exemption de la presque
totalité des impOts était réclamée en faveur des sujets abusi-
vement recrutés. Les droits de justice étaient a chaque instant
denies aux instances du pays.
Caragea maintint énergiquement son droit de puniren
Valachie un étranger qui s'était rendu coupable de crime sur
le territ oire de la Principaute. Le prince de Moldavie, Jean
Sturza, se dressa contre I'insolence de l'agent autrichien
Lippa et porta jusqu'a Vienne la defense d'une juste cause.
Ses deux notes, adressées en 1825 A Metternich et publiees
in-extenso dans le mémoire roumain, sont concues dans les
termes les plus dignes et font le plus grand honneur a ce
prince, qui, ainsi qu'il l'écrivait lui-meme, ne connut jamais
la vanité de ce monde", sachant que son heritage ne serait
que trois brassées de terre". C'est de ces divergences avec
l'Agence d'Autriche qu'est issue la plainte portée en dernier
lieu par Sturza A la Porte, et récemment publiée in-extenso
par N. Iorga.

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CONTRIBUTIONS DOCUMENTAIRES A L'HISTOIRE DE
L'OLTENIE AU XIX-e SIÈCLE
PAR N. IORGA

Nous vonons de retrouver encore une des personnali-


Os qui, au commencement du XIX-e siecle, fondaient l'école
nationale roumaine dans les Principautés 1. C'est Jean Nicolau,
dit Cioca, qui fonctionnait 4 Craiova en 1820. C'était un Grec,
uriginaire de File de Siphnos, ainsi qu'il fut constate pas les
bol:ars charges de reformer" la vine en soumettant aux im-
pots les etrangers. Cioca, étant utile aux habitants, en fut
exempt. II avait une fine, Savka, dont le mari &all, en 1838,
Zacharie Popovitsch, horloger A Belgrade Son fils, Simeon, fut
un agrimenseur repute, et, parmi ces lettres, ii s'en trouvent
qui portent la signature de Barbu $tirbei, futur prince de Va-
lachie : elles sont relatives A la delimitation de ses biens de
Drincea et Oprisorul. $tirbei apparait comme un esprit précis,
exact, religieux, respectueux du droit d'autrui et craignant Dieu ;
il écrit dans un ton d'affectueuse familiarité.

I II y avait de ces maitres.d'école méme dans les villages, comme


ce fut le cas pour celui que le grand boiar Aléco Callimachi, établit en
1820 sur son bien-fonds de Zorleni, près de Barlad: ii devait donner
des lecons de grammaire", d'arithmétique, de théologie et meme de
géographie abrégée (nos Stadif pi docunzente, VI, pp...53-55, no 150).
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RENEG-ATS DANS LE PASSE DES PA YS ET DU
PEUPLE ROUMAIN
PAR N. IORGA.

Le Sud-Est europeen, envahi par les Turcs au XIV-e


siecle et conquis par eux au XV-e, dominé par leur Empire
pendant trois siecles, a connu un grand nombre de renegats.
Ii y eut des Vizirs, des Pachas, des sandschaks, des souba-
chis, des agas, des spahis sans compter les janissaires, con-
traints a renier, par milliers, qui furent tires des rangs des
Albanais, des Slaves et des Grecs soumis, des Italiens voisins,
des Hongrois en large mesure, des Allemands méme, ci et Ia
aussi des Francais (tel le Pacha Bonneval, au commencement
du XVIII-e siecle). C'est par leur oeuvre que l'Empire des Sul-
tans put se maintenir, par leur intelligence et leurs connais-
sances, par leurs talents natifs, par leur élasticité d'esprit,
qualites qui font partie du patrimoine de toute civilisation an-
cienne. Aprés Page des Grecs, il y eut celui des Serbes, des
Arnautes ensuite. Mais, tout en élevant le prestige de l'Etat et
en étendant ses frontieres, ils pervertirent la société par leur
apport de fausseté et d'exageration, de cras intéréts matériaux
et de folle ambition, de manque de consistance envers eux-
mémes et les autres. Sans les renegats, l'Empire de Mohammed
II et de Soliman-le-Magnifique ne se serait pas éleve si haut,
mais ii n'aurait dechu que plus tard.
On trouve difficilement a la tete des provinces, a la Cour
des empereurs, des renegats de race roumaine.
Le XIV-e et le XV-e siecle n'en comptent pas un seul.
Vers 1550 Ilia's (Elie), fils de Pierre Rares, prince de Mol-
davie, sacrifiant a son education, faite a Constantinople, comme
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282 N. IORGA

Otage, devint beg de Silistrie '. Peut-être aussi faut-il tenir


compte de ce Constantin, frere du precedent, qui, mourant
avant sa majorité, eut son cadavre dispute par la populace
constantinopolitaine des deux religions, étant circoncis seule-
ment apres trépas 2. Mihnea, prince de Valachie, fils d'Ale-
xandre, qui avait goilté déjà l'exil A Rhodes, a Tripolis d'Afri-
que, depose de nouveau et menace de nouvelles persecutions,
\refit l'habit de ses maitres et obtint a Nicopolis et a Silistrie
une situation humiliée, étant amene a prendre part aussi aux
campagnes contre Michel-le-Brave 3. Peu apres, la profession de
l'islamisme fut faite par Bogdan, fils du prince moldave
Iancu Sasul, qui se faisait nommer Etienne Bogdan : apres
avoir exploité, trompe et menti tout le monde, il renia pour
echapper aux consequences de ses actes et obtint un Pacha-
lik en Asie4. Apres quelques années, Elisabeth, veuve de Je-
rémie Movild, de son vivant prince de Moldavie, prise a la
suite d'un combat, &tali amenée a Constantinople : elle dut
épouser un aga, et ses fils Alexandre et Bogdan furent for-
ces d'abandonner leur religion ; le plus jeune revint cependant
a la foi chretienne et, s'étant retire aupres de ses sceurs, nia-
riées en Pologne, il y finit ses jours dans la religion de ses
ancétres 6.
Ainsi qu'on le voit, sauf le cas du jeune descendant de
Pierre Rares, Elie, nature depravee et perverse, connue celle
de son frere Etienne, de leur sceur Chiajna, qui livra une de
ses filles au harem du Sultan Mourad et rangea deux de ses
fils parmi les soldats privilegies, les montéfaripkas", du Sul-
tan6 , les autres renièrent par contrainte. C'est aussi par am-
bition que changea de religion Sinan-Tschélébi, le tschaouch
turc qui fut charge, sous le prince Etienne-le-Jeune, d'une
mission en Moldavie, oil il était n67., et ce fut aussi le cas

1 lorga, Chilia si Cetatea-Albd, p. 330, no. XL.


2 Hurmuzaki, II, p. 324, no. coxcvni; Monumenta Hangariae Histo-
rica, Scriptores, IV, p. 226 ; Annales de l'Acadérnie Roumaine".
XIX, p. 212.
8 Annales" citées, XVIII, p. 98 et suiv.
4 Ibid., XIX, pp. 258-259 et dans les Mélanges Bémont", Paris 1914.
6 Annales" citées, XXXII, pp. 1044-1046.
° Hurmuzaki, XI, pp. vvr.
7 Hurmuzaki, 118, pp. 709-710 ; Hasdeu, Arhiva istoried, I, p. 10,
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RENEGATS DANS LE PASSE DES PAYS ET DU PEUPI E ROUMAIN 283

d'un boYar apparente aux Cantacuzene, Thomas Cozliceanu,


descendant par son Ore d'un Grec de Chios, qui, malgre une
education chretienne tres soignee, quitta vers 1770 sa patrie
et sa femme pour devenir le renegat Mehmed-BoYarzadeh,
zem turc, Kamar-Ounkiour ; ii mourut a Constantinople sans
posterité 1.

De telles decisions étaient generalement stigmatisees, alors


que d'autres nations soumises s'enorgueillissaient d'avoir donne
l'Empire des chefs .puissants et fameux. Le nom d'Elie est
rature dans une inscription de l'eglise de Targu-Frumos, fon-
dee par sa famille, et dans un manuscrit religieux 2. J fallut
abandonner le projet de lui el-6er une principauté formée des
citadelles turques du Danube 3. Constantin Rare§ s'était ell-
mine par son acte des candidats possibles au trOne. Mihnea.
dit le Turc", mena une vie meprisée, absolument etrangere
dorenavant a son pays, qu'il n'osa plus méler a ses propres
affaires : ii ne revit la Valachie qu'en 1595, avec les armées
envahissantes du Grand-Vizir Sinan. Sa femme, sa fille l'aban-
donnent : son héritier Radu sauve ses droits en quittant, par
ordre du pere, la nouvelle famille musulmane de ce dernier,
pour se rendre a Venise, pres de la tante du renegat, la nonne
Marioara Adorno Vallarga, de Murano, puis, peut-etre, au cou-
vent des Iberes a Athos. On a une des lettres douloureuses
que lui adressait Mihnea. Lorsque ce Radu occupa le tr6ne,
on lui jetait a la figure sans raison sa qualite de Turc, la
protection qu'il aurait accordée aux Turcs, les mosquees qu'il
aurait bâties, les freres et sceurs musulmans qu'il aurait abrités
Enfin celui qui abandonnait sa religion devait vendre
aux encheres, ainsi que le fit ce Cozliceanu, tout leur avoir
immeuble, car leur separation de la société qu'ils avaient tra-
hie devait etre complete, absolue.
Aucun des princes qui furent établis par le moyen des
Turcs n'cut le courage de garder aupres de son tr6ne ces
protecteurs, sauf le cas oci ils s'imposaient eux-mémes comme
1 Studii si documente, V, pp. 519-523, 713 ; lorga, Genealogia
Cantacuzinitor, pp. 349, 410.
2 nAnnales" citées, XXIX, pp. 653-656; Studii i doc., XV, p. 291,

no 839.
3 Chilia i Cetatea-Albd, loc. cit.
4 Cf. Hurmuzaki XIV et Iorga, Scrisori de boieri, p. 46 et suiv.
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284 N. IORGA

créanciers non satisfaits, ainsi que le firent les janissaires a


l'epoque du prince moldave Aaron et de Michel-le-Brave.
Etienne Läcustd, qui avait besoin de cette garantie, fut assas-
sine a Suceava par les bolars.
Nous avons explique ailleurs ce defaut des renégats rou-
mains vers l'Islam par le fait que, alors que d'autres nations
ne pouvaient s'élever que, par les Turcs, entre les Turcs et
comme Turcs, car leurs Etats avaient ete totalement anéan-
tis, les Roumains, qui garderent leurs principautés autonomes,
faisaient carriere chez eux, par les dignites de la Cour et de
l'armée. Mais il faut remarquer que des Roumains vivant en
dehors des frontieres de ces Principautés, dans le Banat par
exemple, dans la raia d'Orsova, dans le pachalik de Temes-
vdr, dans les begats des bords de la Theiss, et surtout dans
les vallées de la Macécloine, préférerent la misere et l'obscu-
rite aux avantages d'un changement de religion.

Du reste, on ne trouve pas ailleurs non plus des Rou-


mains ayant abandonné, pour l'ambition ou pour leur gain,
leur caractére national au moins, pour passer dans les rangs
d'autres chretiens, leurs maitres. On a exagere le nombre de
ceux qui auraient préféré etre membres de l'aristocratie ma-
gyare catholique que simples serfs dans cette Transylvanie
que les rois de Hongrie arracherent a leurs Voevodes et ene-
zes du Xc et du XIe siecles. Si le fils de paysan roumain qui
fut Jean Hunyadi devint capitaine-general et gouverneur de la
Hongrie, si son fils, ne d'une mere magyare, fut le roi Matthias,
la politique de Jean Corvin fut plus large que les frontieres
de la Hongrie et que les forces de la nation hongroise: il
cherchait d'instinct une base nationale roumaine dans les Car-
pathes et sur le Danube, pour entreprendre ensuite une grande
action impérialiste, chrétienne dans, les Balcans.
Un Etienne Majlath, de Fogaras, un Gaspar Bekes, un
Chancelier Josika, rénégats roumains en Transylvanie, eurent
une grande carriere, mais une triste fin. Les deux Kornis,
Balthazar et Gaspard, purent comptes parmi leurs collegues
magyars comme des nobles a sandales", des roturiers d'ori-
gine inferieure. Le prince Acatius Barcsai, indifferent aux Rou-
mains, fut méprisé par les nobles hongrois, qui furent con-
traints de lui former une Cour. Les nobles roumains établis
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RENÉGATS DANS LE PASSg DES PAYS ET DU PEUPLE ROUMAIN 285

dans le pays de Fogaras par Mireea-l'Ancien, prince de Va-


lachie, avant 1400, tomberent bient6t dans la situation de sim-
ples paysans libres. Enfin Nicolas Olah, Olahus, le Valaque, ar-
cheveque d'Esztergorn, primat et chancelier de Hongrie, le plus
grand humaniste du royaume au X Ve siècle, il n'était que
le fils du juge", du bourgmestre roumain d'Orastie, Szaszva-
ros,avait passé seulement au catholicisme; il garda comme
surnom l'indication de sa nationalité et parla toujours avec
piété de ses relations de famille avec les Voevodes de Va-
lachie.
En Russie, Antioque Cantemir, fils de Démetre, prince
de Moldavie, l'auteur de l'Histoire de l'Empire ottoman", est
dans ses ce uvres russes plut6t. un Francais du siecle de Vol-
taire. D'autres Canternir, des Cantacuzene emigres en Russie
ne jouaient aucun r6le. Les descendants de nobles moldaves
de la Bucovine sont aujourd'hui des modestes cultivateurs.
Les Roumains de Macedoine, les Aroumains, des familles
Nopcsa, Dumba, Sina, Mocioni, vinrent en Hongrie et en Au-
triche comme membres des sociétés de marchands, des Com-
pagnies orientales", oil ils se confondaient avec des Grecs, des
Slaves, des Albanais, et cependant ils furent pendant longtemps
les plus larges protecteurs de la litterature roumaine naissante.
Ils ont donne, du reste, aux Roumains ortodoxes de Hongrie
le grand Métropolite Andre Saguna.

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UNE CARTE DE LA VALACHIE VERS 1780 ET
UN GEOGRAPHE ORIGINAIRE DE LA DOBROUDSCHA
PAR N. IORGA.

Une brochure allemande du XVIIIe siecle pretend que,


les Turcs ayant demandé aux princes roumains une carte des
regions du Danube, ces derniers réunirent celle des possessions
appartenant a chacun des boIars et présenterent cet ouvrage
informe au Gouvernement ottoman.
De fait il y eut a partir de la fin du XVIIe siecle un dé-
veloppement ininterrompu de la cartographie roumaine. Le
Stolnic Constantin Cantacuzene constatait dans sa correspon-
dance avec le general comte Marsigli, auteur du Danubius
panonico-my.sieus, l'insuffisance des cartes existantes '. Con-
stantin Cantacuzene lui-meme publia dans la typographie du
Serninaire a Padoue tine carte de la Valachie ayant la no-
menclature grecque, et Del Chiaro en fait une reduction, tra-
duisant les noms en italien, pour son Istoria delle rivoluzioni
della Valachia".
On connait la carte que Demetrius Cantemir annexa A sa
Deseriptio Moldaviae; elle fourmille d'erreurs dues aussi au
graveur. Presque un siecle plus tard, Rhigas, le revolution-
naire grec, auteur du chant de combat AEOTE Traibcg Tan 'EXXiivwv,
publiait en 1797 une grande carte de la Moldavie, qu'il dédiait
au vieux prince de ce pays, Alexandre Callimachi, dont on
connait par le voyage de l'abbe Boscovich les inclinations
pour les etudes geographiques et astronomiques.
' Operele lui Constantin Cantacazino Stolnicul, éd. Iorga, p. 50.
Annales de l'Académie Roumaine", XXI, p. 67.
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UNE CARTE DE LA VALACHIE VERS 1780 287

Mais sous le nom du méme Rhigas parut, au courant


de la méme armee, une carte de l'Hellade, avec les Iles et les
anciennes colonies, pour servir aux lecteurs du Jeune Ana-
charsis" de l'abbe Barthelemy, traduit par Rhigas, par Geor-
ges Vendoti, par Nikolidés et Georges Sakellarios 1 Parmi les
douze planches, ii y en a deux qui contiennent la Valachie.
C'est un travail tres soigne, da a un connaisseur ; les noms
roumains sont reproduits exactement en lettres grecques ; les
combats, les places oft furent conclus des traités de paix sont
signales avec attention ; on trouve méme la mention du ca-
nal du prince Alexandre Ypsilanti" et sous le nom de Cer-
navoda, bourgade sur la rive droite du Danube, on ajoute que
c'est la patrie de Joseph Mésiodax.
On connait re maitre grec des enfants d'Ypsilanti sus-
dit, mentionné par Sulzer, qui indique son ouvrage publié a
Vienne, un ouvrage consacre a la Theorie de la geogra--
phie", en 1781 2.
Rhigas fut-il son éleve ? Ne a Vélestino (Pheres), en
1757, peut-étre Aroumain, fils d'un personnage tue par les
Tures, il poursuivit sous Mésiodax des etudes commencées
dans sa ville natale, oci professaient des disciples d'Eugene
Bulgaris, et a Zagora. ll fut ensuite, sous le prince Nicolas
Mavrogheni (MauroIéni), secrétaire du boYar Gregoire Bran-
coveanu, peut-être aussi interprete du consul de France ; a
Craiova il eut des relations avec Pasvan-Oglou, le futur Pacha
révolté de Vidin. Un Serdar Christodoulo Kirlian le prit
comme secrétaire pour un voyage a Vienne, lui offrant 120
piastres par mois, au mois de mai 1790, mais ii le chassa en
ianvier et, pour obtenir ces gages, le pauvre homme dut por-
ter pendent cinq ans un proces contre son ancien patron.
C'est a Vienne que Rhigas publia la version de I'Ecole des
amants délicats", des traductions de Marmontel et de Metas-
tasio, un Manuel de Physique, &die a ce Kirlian, devenu ba-
rou de Langenfeld et ap6tre du réveil de la nation des Grecs,
qui était jadis si hautement policée". Mais, de retour a Buca-
rest, il devait répondre devant le tribunal du Métropolite pour

1 Voy. aussi Boppe, L' Albanie et Napoleon I, Paris 1913, pp.


164-165.
2 Geschichte des transalpinischen Daciens, III, p. 11.

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28q N. IORGA

avoir abuse, dans la maison de sa mere, d'une pauvre ser-


vante, dont il paya 20 piastres l'honneur outrage '.
11 était sans doute en mesure de rédiger cette carte de
la Valachie. Mais un argument décisif empeche de lui attri-
buer un autre r6le que celui du dessinateur. Les bouches du
Danube se presentent d'une toute autre maniere que dans la
carte de la Moldavie. Du reste, il est dit dans les actes du
proces fait A Rhigas par les Imperiaux pour découvrir les fils
de sa conspiration (voy. Lampros, 'ArronOuitpElg Tr Epi TO_ 11 1.1apTI.1-
()IOU TOO `Pri Ta, Athenes 1860, AEXTiov, III), qu'il a redige" uni-
quement pour des buts de speculation les cartes des Princi-
pautes au compte des princes Ypsilanti et Callimachi : dasz
er auch Karten fiber die Moldau und Wallachey, wozu ihn
die dortigen Fiirsten Ypsilandi und Kalimachi mit Geld unter-
stützet hatten, verfertiget und dieselbeu durch Muller habe
gtechen und durch Nitsch abdrücken lassen".
L'original de cette carte de la Valachie est dti donc a.
Mésiodax. Son nom signifie. Dace de la Mésie". Etait-ce un
Bulgare ou un Roumain ? Si on tient compte du fait que Cerna-
voda fut colonisée par des emigres, venus de Floci, sur la
rive gauche du Danube, ancienne échelle" florissante, des le
XV-e siècle, nous inclinerions pour la seconde hypothese.

1 Les actes (en francais, en allcmand et en roumain) du proces


avec Kirlian et de cette dernière afraire, dans le mémoire roumain.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX
DE LA MER NOIRE
PREMIERE PARTIE.

DOBROT1T SCH.

Nous avons parle a plusieurs reprises de l'intéressante


personnalité de Dobrotitsch, aventurier, condottiere oriental a
l'epoque de ces Grandes Compagnies que l'on retrouve partout,
dans l'Occident francais, de mérne que dans la Morée domi-
née par la Compagnie Navarraise, et ailleurs. Gouverneur byzan-
tin, apparenté aux facteurs determinants a Constantinople,
allie, par d'autres liens de famille, a l'Empereur Jean V Pa-
léologue lui-méme, et despote" par cette alliance, il arrive
enfin a etre seigneur indépendant de l'ancienne province ro-
maine d'Orient de la Mer Noire, dont le nom de Dobroudscha
(Dobrotitsch-Ili), qu'elle porte jusqu'aujourd'hui, vient de son
propre nom, prononce a la maniere turque.
A quel monde politique appartenait-il réellement ? Pour
Jiraek, c'est un prince bulgare, de même que. Chichmane
de Trnovo, que Sratschimir de Vidin, frère de ce dernier, avec
lequel ii n'avait toutefois rien de commun, ni en ce qui con-
cerne le sang niet c'est le point importantcomme situation
de famille, etant absolument etranger a la lignee du Tzar Ale-
xandre, pere des deux princes qui regnaient sur le territoire
bulgare a l'epoque oiX l'ancien Etat de joannice fut détruit par
la conquete turque. Ni méme la region dont il est originaire n'est
pas comprise entre les frontieres de l'Empire de Trnovo : on
peut établir qu'il partit pour soutenir la cause legitimiste byzan-
tine du Paleologue, sous les drapeaux d'un certain Balica"
(MitaXiKag Tic, tof) Kap6wvd dpxwv), nom bien roumain que l'on ren-

73109. www.dacoromanica.ro
A. .R. Bulletin historiryue 19
290 N. IORGA

contre encore au XVII-e siecle et que porte un boTar moldave, pa-


rent de la dynastie des MovilA, et premier fondateur du monastere
de Frumoasa, pres de lassy, qui s'appelait premierement Couvent
de Balica et qui avait pour residence Cavarna. Mais Cavarna
(nominee aussi Kap6wvag), de meme que les localités Provata
(17po6árouc), ancien &creche, Emona ("Elm.ov), Galata (Kardictc), Pé-
trin (lle-rpiv), et Kitschevo (Ki.r4t5oc), dépendaient de la Métropolie
de Varna,qui fut réunie, a une date que nous fixerons plus loin, a
la Metropolie du Sud, tie Mesembrie et d'Anchiale 1. Avant
l'epoque de cette reunion, Cavarna (Kap6wv6i) était si étroite-
ment Hee a. Varna, se trouvant a la tete des petits châteaux
voisins, que, en 1325, une decision patriarchale nomme l'ar-
chiérée Méthodius: Métropolitain de Varna et Carbona"2. II
ne faut pas admettre, ainsi que le faisait Miklosich, une con-
nexité entre Carnabad, fondation turque plus récente, et Kap-
va6a, mentionnée dans la liste, datant de 1360 environ, des pos-
sessions du Patrigche de Constantinople sur la Mer Noire ; on
peut se convaincre qu'il est question de Cavarna, cette fois-
ci egalement, par tout le voisinage indique dans cette ,méme
liste : Katliacra (faXlecypa), au-dessus de Varna, Kpav6a-Ecréné,
rEpdcw, Kilia oil Lycostome" et enfin Silistrie, .oii, depuis
quelque temps, il n'y avait plus d'ecreque3. Kalliakra; Kapva6ct,
Ecréne-Kpavhc, rEpavta et Silistrie (Tpkrrpa) se trouvent citées
egalement dans l'acte, date du 24 juillet 1370, par lequel ces
ports byzantins sont conflés aux soins du Métropolite de
Varna 4. On ne peut pas affirmer non plus une connexité entre
cette Kapva6a et KapKSHkonori rwpa du diplOme de Jean Assen, qui
designe la route vers Preslav, longeant cette cOte pontique,
et traversant le pays mentionné plus haut, comme le fait Mi-
klosich, en ajoutant des similitudes fantastiques avec d'autres
noms de l'epoque ottomane '.. Il s'agit d'un ancien territoire
qui, a la fin du XIII-e siecle, au moment oil fut proclamé

1 Miklosich et Muller, Acta Patriarchatus, I, p. 502, no Comm%


2 Ibid., p. 135, no In.
2 Ibid., I, p. 75, no Lu, u et le volume XIV de la collection Hur-
muzaki, p. 1, no I.
4 Miklosich et Muller, ouvr. cit., I, p. 528, no craxn.
2 Ibid., II, 13, 595. Cf. Miklosich, Monumenta Serbica, p. 3, no vii:

on y lit aUSSi icpswkrrtu 'opt, Ecréné, et stlivsliclrklm.


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LA POLITIQUE TENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 291

Tzar Constantin tich formait un apanage, special, en rela-


aons avec Byzance, dont il a toujours dépendu saus le
rapport ecelesiastique, au profit du prince Mytzes ou Smiltzes
.et de son fils 1.
Et, enfin, le nom méme de Dobrotitsch ne se rencontre
paS chez les Bulgares a aucune epoque; en echange, ii appa-
rait, avec dq nombreux derives, que nous avons cites oilleurs,
chez les Roumains, ct nous pouvons ajouter qu'un Dobrotà,
4qui était Serbel vivait en 1351 aux environs de Cattaro 2.
Des 1346, lorsque la regente Anne, mere de Jean V,
constatait que Constantinople seule lui était restée", par suite
de l'usurpation de Cantacuzene, Balica de Cavarna envoyait,
au secours de la cause legitimiste un certain Theodore et sop
frere Dobrotitsch (Tolxrupori-act), avec mille soldats choisis"
(xdtious uTpaTul)Tag eiTovrag trnXba-ouc) comme allies, KaTet crul-glaxiam.
Mais en 1346, seize ans apres la victoire hulgare de Velhoujd-
Kustendil, Alexandre regnait a Trnovo et il &Wit a l'apogee de
-so puissancet sans aucune menace de la part des Turcs, cotrtme
-cela devait arriver dix ans plus tard, et cependant le rivage
de la Mer Noire ne lu appartenait pas. Gamma n'etait
en effet que la residence de Balica, qui avait sans doyte
une province entiere sous ses ordres, car autrement au-
zait-il été a meme de fournir les male soldats de choix
-dont il est question dans le texte d'un personnage aussi bien
renseigné que l'était Cantacuzene lui-même 3?
Les deux freres suivent le rivage et gagnent pour l'Irn-
pératrice les forteresses de cette region, dans l'intention d'ac-
complir un haut fait" (oi, maà recg xcad TON/ TTON/Tov impaOaXcw-
aioug TrOXeg öttOvreg, grrEtactv thromitvat 6aolkws Kai T clo1Mb1
7rpooltopEiv (fIXTrulav Tdp airrobg TI ITU KccropOdicrElv). On peut sq
rendre compte de la consideration dont jouissaient ces gens
par les grands honneurs que leur rend Anne* iroVo) 6Tb/ea
iced -NIA), qui alla jusqu'a donner a Dobrotitsch pour femme
la fine de son conseiller tout-puissant et qui décidait de
tout a sa Cour, Apokaukos. Comme dans le cas de Ro-
ger de Flor, le Catalan du commencement du XI V-e siecle,

I Ibid.; Iorn, Byzantine gmpire, pp. 186-187, d'apres Pachymere.


2 Miklosich, loc. cit., p. 151.
8 Ed. de Bonn, H, p. 584.
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292 N. IORGA

le jeune condottiere est créé généralissime byzantin, cr-rpanTfoc


rfç `Pt.uuaiwv crrpancic
On lui confia les troupes impériales, en méme temps que
celles qui l'accompagnaient (TO TE oIKEiav 4un Kai Thy `Piumaiwv).
Lorsqu'il attaqua Selymbrie car les autres places étaient déja
soumises, le protostrator" de Cantacuzene vint a sa rencontre
le nom de ce dernier, (Dwarf*, n'est ni grec, ni slavon, mais
bien roumain, Farcas, nom venu, comme on le sait, du magyar
farkas, qui signifie loup. La victoire fut du cOte de ce der-
nier, grace aussi au con cours des bourgeois, car Dobrotitsch,
qui ne connaissait pas ces regions (dinepoc iiiv Tani xwpiwv), avait
engage ses cavaliers , il est question de cavalerie a la
mode tatare et les Bulgares n'avaient pas de cavalerie et ils-
n'en ont pas eu ni méme a l'epoque de gloire des Assenides,
alors qu'il ernployaient les Cumans de la rive gauche du Da-
nube au milieu de vignobles ainsi que le firent les Tures,.
dans la guerre de 1912, a Kirkilisse. Beaucoup de soldats de
Dobrotitsch tomberent, un grand nombre furent pris et con-
duits enchainés dans le camp ennemi ; tres peu échapperent
par la fuite 2. Les prisonniers de moindre importance furent
mis en liberté, mais, quant a Dobrotitsch, ii échappa plus dif-
ficilement a la captivité, tout couvert de honte".
Le vaincu cependant restait a Byzance, jouissant d'une
situation préponderante, aupres de son beau-frere et de la fa-
mine irnpériale, dont il devint le défenseur, permettant a son
frere Theodore de rentrer chez lui (dig TO oiKeiav), avec le.
reste des troupes, lesquelles, par consequent, ne pouvaient
pas etre retenues indefininzent au service de l'Empereur,
comme s'il s'était agi d'une bande .sans demeure fixe.
Rien ne vient donc prouver que les villes de la Mer
Noire, Midia, Mésembrie, Anchiale, Provata, Varna, restaient
au pouvoir de Cantacuzene, car ii ne inentionne dans ses me-
moires que ce qui se passe a Selymbrie, et rien n'indique-
dans le récit de Cantacuzene lui-même ou bien de l'autre
chroniqueur, affilié au parti des Paleologue, Nicephore Gre-

1 Ibid., pp. 584-383.


2 La virgule n'est pas A sa place; il fallait ponctuer: Ed/away bè
TroXXot, Marry Znabpdvat buvriegvmv.

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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 293

goras, qu'elles restaient des villes byzantines, gouvernées par


des offlciers de Constantinople. En 1347, le premier reconnait
que, même apres la reconciliation des empereurs", Dobro-
titsch Ica pas voulu ceder au moins Midia a Jean V, de-
venu maintenant beau-pere de son rival; il ajoute que l'a-
venturier, ayant groupé autour de lui une bande nombreuse
de brigands, pillait les villes voisines et en ruina un assez
grand nombre` (a/k/a, Vipa Xrin'tpun)v noafiv TrEpi airthv dOpofcrag, ietc
Treploixoug 7rOXeig AllIZETO Kai baiKOU OLIK OXITa). Cantacuzene ne you-
lut plus tolérer cette action. Il rassembla une grande armee
et une flotte, sous le commandement du protostrator" Pha-
-kéolatos, et partit pour attaquer par mer. L'empereur s'était re-
serve le commandement des troupes, et Jean V l'accompa-
gnait. Mais Dobrotitsch accepta les offres des Byzantins et
quitta Midia sans combattre. En échange de son sacrifice,
ii conserva le reste de sa conquete. L'empereur le trouva
digne de sa bienveillance et de sa sollicitude" (ou bien d'un
bendfice ou fief) et le compta désormais parmi les Rhomees
les plus en vue" (iiv 6 6acrlitcbc EirrEveiag TE Kai itp0Voiag 111E1LOCIE

'dig ?rpm-v(51mq, Kai TOig elnq)avEcn-Ootc ovricargXeEe `Pinuaiwv) 1.


Anchiale et Mésembrie rappartenaient en tout cas au
Paleologue au mois de juin 1357, lorsque le Metropolite local,
Antoine, réclama pour lui-méme, scion l'ancienne coutume,
les châteaux de Kozeakon et d'Emonia, pres de Mésembrie
(rrEpi TfV MEarill6piaV), se trouvant sur le territoire du tres-heu-
reux despote Dobrotitsch" (On n -- 1'1-TT- T.,V _ hEaTroTeiav TEXoan ToO
eth-wathroy becriT6Tou TOO TotrrrporirZa) 2 et par cette seule rai-
son c'est au moins l'avis du prelat grec ces châteaux
sont lies sous le rapport ecclesiastique a Varna. Le Metropolite
de Varna fut donc contraint de les ceder a Antoine.
BientOt, pendant les combats avec les Tures de Soliman,
fils d'Orkhan, contre lesquels était accouru le cousin d'Anne,
Amédée de Savoie, en 1366 , les Bulgares d'Alexandre occu-
paient Mesembrie, Anchiale, Emone, Provata. Jean Paléologue
ne fut pas en état de les deloger en 1362 ". C'est pourquoi,
1 Ibid., pp. 62-63.
2 Miklosich et Mailer, ouvr. cite, I, pp. 367-369, No. mon.
' Cf. Iorga, Philippe de Mdziêres, p. 363 et la notice dans les Con-
vorbiri Literare, XXXV, p. 576; d'après Bollati di Saint-Pierre, Spedi-
zione in Oriente di Amedeo VI, Turin 1901.
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294 N. IORGA

apres l'expulsion des Infideles de Gallipolis, les troupes du


Eointe de SYvoie attaquent c6s villes Vulgares. Mats blles
potts.ge'rent jusqu'el Wzrna, qu'eltes assidgètent. On pourrait
g'egpliqUer aingi qdelle était l'itnpulSiori qd'atvait Subie le Tzar
lorsqu'il comtneneait son ekpedition äe con4uêtes; c'4tait celle
de Dobrotitsch. Car garment ii faudrhit adniettr6 une entente
eritre ld ByzantiriW et Id Bulgareg 6 Trnovo pour détruire
ce nouvel Etat, qui paraissait Vodloir reinplacer les Mut hutres
sue la me Noire. Apres la réconciliatibti de Dobrotitsch avec
leg Byzantins, les Bulgares auraient conserVe ce qu'il lui
avait diiaché.
Cette dernière hypothese se vérifie : au cours de l'au-
tonine tle Vannée 1366, le comte Amédée envoie un messa-
ger a Dobrotitsch, qu'il intitule de son titre byzantin ii le
consiaérait donc con'und un Niagsal cid Jean V, 6omme un allié
de la croiSade libératrice, Destirddidza (lire : Dobr6dicia) des-
potue. Le 11 novembre, le Grec qui avait remis deux lettres
A ce méme Desbrddica despodis" recOit le ptayement de Son
servide. Peu apfes, le 0, fin houvel enkroye IA le rejoindre
dans sá nouvelle résidanceVarna lui ayant ete enlevee,. A
Kalliakra, localite sise tin peu p1u4 au Nord du grand p6rt
bulgare. C'est la capitate qu'il conservera : §chiltberger, le vo-
yageur bavaeois, qui, fait prisohnier a NicOpolis en 1396,
visith ces Parages, sait que la Bulgarie de Id Mer Noire" a .
cbmme +Me principale cette Kalldcerka". Apres l'arrivée
d'iirl ScdtifferdS" de Dobrotitsch, qui est intitnlé ici : dictus
Dombui-dicz", on décida l'envoi a Kalliakra d1in messager du
comté qui y attende l'empereur byzantin.
On connatt le secret de cette attente. Jean s'était rendu,
a l'heine de seg soueis les plus graires, i Bude, pour y de-
mander l'appui de Louis, le puissant roi Ie Hongrie. A son
retoUr, ii fut erApêché de continuer sa rodte par les Bulgares
de Chiclkmane. Nods en aVons deja donne l'explication: c'était
la rep8h§e du Tzar poui. l'occupation de Vidin par les 4I-lon-
groiS. Puis eut lieu rattaque que le comte dirigea ontre Me-
sembr'ié, Anchiale, Emone et la forteresse de Provata. II attaqua

1 Schiltberger, Reisen, éd. W. LangtnanteI, p. 52. Cf. Laonikos


Chalkokondylas, p. 367 h too EhEdvou irttpakice, Ao6pcyfixewc To0 Muaof, xtbpa.
Cf. aussi Iorga, Chilia i Cetatea-Albri, p. 5.1.

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LA. POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA. MER NOIRE 295

aussi Varna, mais ne kut la pithdre. Vemperedr essaya, apres


un long séjour (depuiS sdpterhbre justiu'en novembre 1366) a
Vidin, qui était occupee par les Hohgrois et corninand46 par un
Ban, de rentrer par une autre route et par pays ami: peut-
etre par le pays roumain; il se dirigea vers Kalliakra, ot:t ii
savait pouvoir compter sur l'appui de Dobrotitsch. Il est possi-
ble cependant tide la paix conclue avec Chichmane lui &it ouvert
plus tard la route plus directe vers Varna. Il est vräiSemblable
que des- cette époque les possessions de Dobrotitsch s'éteridaibnt
jusque vers Kilia, car cette ville est mentionhée dans les
comptes de l'expédition d'Amédée sous le itOrn de castrum
Aquile", qui ne peut etre évidemment Aldos (Aetos), car cette
derniere lodalité se trouve a l'intérieur du pays, fort loin du
ceritre des possessions du Despote elle ne peOt non plug etre
Anchiale, connue habituellement sods le nom de Lassillo (l'As-
silo), qui, en outre, appartenait aux Bulgares de TrnovO, aux-
quelles die fut, du reste, arrachee par les croisés. C'est a
cette place que Dobrotitsch hrrete un certain Antoine Vis-
conti, de Milan, qui s'était peut-être rendu coupable de pil-
lage ou de quelque attentat, mais le comte fit réclamer ce
croisé, et Guillaume de Granson, un autre des combattants
venus d'Occident chevaucha" dans ce but vers la residence
de Dobrotitsch 2.
Pendant quelque temps, on perd de vue ce despote :
Zaykoch", mentionné dans le rapport d'un espion hongrois
en 1367 3, doit etre le prince valaque Vlaicu, qui, en échange
pour 180.000 florins, s'engageait envers Jean V a prendre
aux Hongrois Vidin pour la donner a Chichmane ( Alexan-
dre de Trnovo" est par erreur), a condition de restitue aux
Grecs les villes riveraines de la Mer, Varna, Nezemburw, qui
est Mésembrie, et Thocthun", mauvaise lecon du rapport ori-
ginal, qui doit signifier Anchiale 4.
1 Cf. notre article Lupta pentru stapdnirea Vidinului, dans les
Convorbiri Literare", XXXIV, p. 970 et suiV., avec notre Geschichte des
osmanischen Belches, I, p. 222, oil nous avons admis premierement le
mécontentement expliquable de Chichmane pour l'occupation de Vidin
par les Hongrois; puis p. 226 et suiv. Mais ,,Aquilo" se trouve aussi au
lieu d'Anchiale, dans les portulans; Jireek, Fdrstentum Bulgarien, p. 525.
2 Bollati di Saint-Pierre, loc. cit., pp. 99, 119, 183.
Törtenelmi Tar, année 1898, p. 863, no vim
k Cf. Ltrita pbntru stAPftnirea Vidinului", loc. 6t., p. 974.
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296 N. IORGA

Mais les conquetes turques qui donnerent la Thrace A


Mourad I-er arréterent le developpement de tout projet d'e-
change ou de recuperation.

U.

La guerre entre Venise et Genes dans les Mers du Le-


vant &late peu aprés. Elle est une réédition des circonstances
de guerre qui acompagnerent le remplacement lorsque les
Grecs furent rétablis a Constantinople, grace a l'appui génois
de l'andenne domination vénitienne, acquise lors de la crea-
tion de l'Empire latin, un demi-siecle plus tard, par la domi-
nation, a Péra et sur les rives pontiques, des allies byzantins,
si utiles. Aprés une premiere (Waite, Venise dut se resigner
voir comment les Guelfes genois de Carlo Grimaldi se battent,
devant Péra, a Tana, a Pesce", pres de ce port des bouches
du Don, a Sinope, avec leurs freres"guibelins et les Turcs allies
ces derniers. Plus tard ausi Péra, la colonie des nouveaux
maltres, recut de la Mer Noire, non seulement les transports
habituels de poisson sale, mais aussi des transports de blé,
lequel, comme on le sail par des cas ulterieurs, etait em-
barque' aux bouches du Danube et venail, par consequent,
non pas des Russes ou des Tatars, rnais bien des sujets
de la premiere heure des princes roumains. En 1328 Giu-
stinianoséquestre ces transports et s'attribue de gros dedomma-
gements en punition des pillages des pirates genois venus des
colonies. Andronic-le-Jeune se prononca peu apres contre les
usurpateurs latins, auxquels ii reprit sans peine Chios et la
Nouvelle-Phocée. Mais le chef genois de l'Ancienne Phocée
occupa Lesbos, lors d'une croisade des Francs en Orient.
Apres un combat avec les Perotes, Andronic reconquit son Ile
et s'imposa comme suzerain de Phocee. Mais une nouvelle croi-
sade restitua a Martin Zaccaria l'ile de Chios et les deux Phocées.
Les circonstances provoquees par la lutte entre le successeur
d'Andronic, Jean V, et Cantacuzene firent de nouveau des
Génois les protecteurs de l'Empire : Francois Gattilusio s'éta-
blira, comme despote byzantin, a Lesbos et Phocée seule
revint a l'Empire en 1348.
Heyd, Histoire du commerce du Levant, I, p. 484 et suiv.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS I ES EAUX DE LA MER NOIRE 297

Venise tenta de conserver tout au moins la Mer Noire,


oil,des 1280, Genes possedait la grande colonie de Caffa ;
l'amiral MarCo Ruzzini fut vainqueur a Alcastri, barrant la
route aux vaisseaux ennemis qui naviguaient dans cette direc-
tion ; mais en echange Negrepont fut pi llée par des colons genois.
En 1351, Venise, unie au roi d'Aragon, attaqua Péra elle-méme,
et la ville fut sur le point d'être conquise en une seule nuit, par
surprise. Caritacuzene accordait tout son appui ; avant, mais sur-
tout aprés cet événement, Negrepont fut inutilement assiegee. Ce-
pendant, le 15 février 1352, un grand combat naval eut lieu
dans le port de Péra ; les Vénitiens et les Catalans furent
forces de fuir, et l'empereur contraint a une paix honteuse.
A Alghero, dans les eaux de la Sardaigne, les Génois furent
A leur tour completement défaits l'atinee suivante. Enfin Pa-
ganino Doria vengea cette défaite en 1354, et les Vénitiens
furent vaincus a Zonchio ou l'Ancien Navarin.
AussitOt les Vénitiens accorderent un emprunt au Paléo-.
logue chasse, prenant en gage l'ile de Ténédos. Mais ce fut
Francois Gattilusio qui, en echange de Lesbos, auquel ii ajouta
ensuite Enos egalement, ayant épousé la sceur de l'Empereur,
Marie, rétablit Jean V dans sa Capitale. Toutefois les armis-
tices avec Venise se renouvelaient regulierement, selon l'usage.
Mais l'inimitie contre Genes persista : un acte, que nous analysions
ailleurs, montre comment, vers 1360, les deux grandes Puis-
sances maritimes italiennes combattaient pour le droit de
pouvoir faire charger du ble sur le Bas-Danube, od, et
vette dpoque, le maitre etait, comme nous l'avons dit, Do-
brotitsch. Des 1332, la vale vénitienne de Tana se trou-
vait en face de Caffa.
En 1375, aprés un voyage en Occident, le Paleologue
céda, contre 9,000 ducats, aux Venitiens avec lesquels tou-
tefois. ii n'avait pas encore conclu, le 24 juillet, la treve de
Tigueur le condominium a Ténédos l. Les Génois détrOnerent
done l'empereur. Un fils de celui-ci, Andronic, qui avait essaye
de mérne que Saoudschi, fils du Sultan Mourad, une usur-

1 Le 24 juillet on donnait l'ordre a l'ambassadeur de lui faire une


derniere sommation, puis de partir ; Misi, XXXV, fol. 40 Vo.En mai, on
avait permis d'enlever vina Romanie que sunt in magna quantitate in
Venecia et possent devastari". Ibid, fol. 22; cf. fol. 27,69.
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298 N. IORGA

pation et avait, ete, de mettle que son compagnon turc, rendu


aveugle en punition,xassembla des partisans osmanlis et serbes,
choisis parrni les bandes qui circulaient dans les Balcans apres
la destruction de la monarchie de Douchan, et, le 12 aoilt
1376, emprisonnant son pere, ainsi que son frere Manuel, il
se proclama, empereur. Les Génois de Péra, qui l'avaient aide
de toutes leurs forces, reeurent l'ile de Ténédos, mais, lorsque
Manuel réussit, le 1-er juillet 1379, a, rétablir sur le tr6ne Jean
V, exilant Andronic dans son apanage de Salonique, Venise
reeonquit Ténédos,, son ancien gage 1 Ceci signifiait la conti-
nuation acharnée de la guerre, qui, pour cette possession de
l'entrée des Dardanelles, de mem e que pour l'usurpation gé-
noise a F4magouste, en Chypre, avait de nouveau éclate entre
les deux Republiques.

Dobrotitsch ne pouvait avoir qu'une seule attitude. Une


decision du Senat vénitien, citée ii y a longtemps par Hopf,
dans son ouvrage Griechenland", mais dont Vindication est
erronée, prouve qu'une des filles qu'il eut de sa femme byzantine
avait epouse Michel, l'un des plus jeunes fils de Jean Paleologue.
L'alliance fut conclue certainement des 1366, peu avant ou
peu apres l'apparition d'Amédée VI sur les c6tes de la Mer
Noire, comme une garantie ou une recompense accordée au
plus utile des potentats de cette region. Le Despote du Pont
allait done préter appui ez son imperial parent contre
l'usurpateur, et devait se trouver en consequence du ate
de Venise, comme allid de celui-ei.
Si les combats avaient ete livres en Orient, apres l'Occu-
pation de Ténédos par Mare Giustiniano, au lieu d'avoir lieu
dans la Mer Adriatique, sur les c6tes de la Dalmatie, jusqu'aux
combats décisifs livres a proximite des lagunes, a Chioggia
dans lesquels Genes, triomphante premierement, subit ensuite
une (Waite terrible, Dobrotitsch aurait eu une part plus large
dans cette guerre. Mais il se contenta d'attaquer les possessions
genoises de la Mer Noire afin de se venger de ce qu'on lui

I lorga, Geschichte des osmanischen Retches, I, pp. 252-2.54.


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LA POLITIQUE VENITIENNE, DA/%I. LES EAUX DE LA MER NOIRE 2,99

avait ravi Kilia, oil le consul Julien de Castroi envoyait contre


lui, vers 1370, le vaisseau de Ppul de Reza, ets, au mois de
mars 1375, on armait un vaisseau a l'occasion de 14 guerre
contre Dobrotitsch 1 &.. Mais cc Licostoino-Kilia devait reter
encore longtemps entre les rnams des Génois, jusqu'a son occu-
pafion
DI
pLar les Valaques 2
Le 1 mars 1376 .13
pendant que cette pure des pouches
du Danube Fontinuart, le Senat yenitien discutait la requete
de bobTotitsch, une rcienne connaisance, Dobroc149a (Do-
brodice'e)1 demandant que son gendre, ,.4Micllalis Paleclogo",
fils de Jean V., soit ipstalle comme empereur a Trébizonde.
tine demande identique avait ét fornplee pax un sire An-
dronic", probahlement l'un des Comupes de l'endroit 8.
Venise avait d'anciennes et excellentes relations avec
Trébizonde t dont il put fixer le commencement avant 1300.
L'annee précédente aussi, les pleres de Romanie, Tana -et
Trébizonde" partaient pour le voyage de commerce. habi-
tuel. Fu les propositions pventureuses que- l'on faisait main-
tenant,. le Spat fut d'avis de ne contracter aucun enga-
gement, si on lui parlpit a ce sujet d'un pretendant ou d'un
autre, et, si l'empereur Jean lui-meme entamait cette question,
une fois les treves usuelles conclues avec lui. 09. lui fépon-
draft que le seul qui puisse ètre aide, conformement atqc instruc-
tions données au capitaine, est Michel ; mais, en cas de vic-
toire, celui-ci devra payer la dette entiere de TObizonde due
a Venise et dedommager les Vénitiens pour les preparatifs
faits en vue de son succes. Le futur empereur peut etre ern-
barque sur une galere a Mésembrie ou a l'endroit oil il se
trouvera. Si les conditions imposées n'étaient pas acceptées,
l'expedition pouvait etre faite egalement au profit d'Andronic.
Si cette combinaison non plus ne devait réussir, l'empereur
acttiel devra réduire la douane a 2%, a moins de s'exposer a
etre traité en ennemi et de voir les biens de ses sujets pines et
1 Occasione guerre Dobrodissii, Dobrodize; Notes et extraits? 1,
Li
pp. 9, ib.
g Chilla si Cetatea-Albd, pp. 51-52.
8 Appendice II du mémoire roumain.
4 En mai 1375, on envoyait quatre galeres 7ad viagium Romanie,
Tane k Trapesunde", oil on ne s''arrétera que huit jours; Misti, XXXVI,
rot. 4 et suiv.

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300 N. IORGA

confisques. Ii y avait cependant parmi les Savi quelqu'un, Fan-


tin Arimondo, qui croyait que l'on devait en tous cas attaquer
Trébizonde et essayer, si les circonstances étaient favorables,
d'y installer la domination vénitienne afin que Trébizonde ne
tombe pas entre les mains d'un autre, pour notre plus grande
perte et plus grand dommage". Ces autres" étaient, évidemment,
les Génois, lesquels, ayant Trébizonde en face de Caffa, au-
raient ete les maitres de la Mer Noire. Si Dobrotitsch voulait
etablir son gendre dans la capitale des Grands-Comnénes, dont
dépendait en quelque sorte aussi Mangoup, les Theodoroi" de
Crimée, c'était, non pas dans l'espoir d'obtenir, comme le croit
Hopfl, la domination de l'Euxin pour lui-merne, mais bien la
nécessité dans laquelle il se trouvait de niettre des entraves
aux ennemis qui pouvaient le .cerner de toutes parts 2.
Quelques semaines plus tard, en effet, Venise prenait des
mesures vu les nouvelles parvenues au sujet des galeres des
Génois naviguant dans les parages de la Romanie 8".
, On ne donna aucune suite a ce projet. Le 28 juillet sui-
vant, l'empereur de Trébizonde, dont la Seigneurie eut com-
passion, voyait &claire de sa dette une somme de 8.000 du-
cats et on lui restituait le bijou laisse en gage chez le vice-
bailli Victor Barbadigo 4. Ceci se passait a la veille de l'ac-
tion projetee par Andronic 5.

Aussitelt; outre les deux Sad, pour les affaires de Genes


et de Chypre, on Mit trois autres super factis Romanie,
Trapesunde et Maris Majoris et aliis dependentibus ab ipsis
factiss" ; cinq autres avaient été élus l'année precedente 7.
Chir Andronico", l'empereur ennemi, assiegeait Ténédos,
1 II, col. 28.
2 Appendice du mémoire roumain, i.
a Ibid., nr.
4 Ibid., W.
5 A la même époque, Helisabella Imperatrix Romanie" se prépa-
rait a venir a Venise, oa elle avait aussi un depet. Ibid., V. Est-il ques-
tion de la titulaire de l'Empire latin? Des Turcs dans l'Archipel, fol. 28
V° des Misti, XXXV.
6 Le mérne registre des Misti, XXXV, fol. 130 V°.
7 Le 13 novembre, decision quia negocia Romanie, Mar,is ,Majo-
ris, Turchie et Trapesunde suut magna et ponderosa et plus isto tern-
pore quam unquam requirant bonarn pro visionem"; fol. 75.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 301

oa, le 13 juillet 1377, le Sénat envoyait un medicus cirugi-


cus" pour les blesses 5. Des espions, a la solde de la Seigneu-
rie, pénétraient, pour recueillir des nouvelles, jusqu'a Péra et.
Constantinople, en connexite avec le nouveau dominium Te-
nedi". Pierre Mocenigo partit avec non moins de vingt-quatre-
galeres pour maittiser l'ennemi. imperial, dont la témérite inat-
tendue s'expliquait uniquement par son alliance avec les Ge-
nois j.
Il est plus que probable que Dobrotitsch ne resta pas.
indifferent, que l'ennemi de Genes eut une large part au
retablissement du Paleologue chasse, celui-ci étant son beau-
Ore.
On sait que par l'intervention du comte de Savoie, pa-
rent de Jean V, et des Florentins, et une fois l'empereur le-
gitime rétabli sur son tr6ne, une paix fut conclue par lequelle
Venise promit d'abandonner et de rendre déserte l'ile qui
avait provoque une guerre si longue et si difficile.
Des 1381, le 26 septembre, un envoye était élu pour
renouveler A Constantinople les treves2. On reprit aussi les
relations avec Trebizonde, interrompues pendant la guerre, et,.
declarant une affection tres sincere et parfaite" pour le Corn-
Ilene, on lui demandait la diminution des douanes, désirée de
longue date ; c'était un vaste plan de refonte de son Empire",
d'extension du cercle des affaires jusqu'a Tébriz, Turisium,
et Naran" 3. Il se trouva méme quelqu'un pour proposer une
mission du bailli Pantaléon Barba a Mourad, ami de notre
Seigneurie, et A d'autres Turcs qu'il indiquerait", an de se
plaindre des pillages faits a l'epoque des troubles 4. Le 15-
novembre, Jean Griffono était envoyé au magnanime et puis-
sant" prince tatar de Sorgat voisin des Génois et au nou-
vel empereur de Gazarie", au Khan en personne, patron
des mémes avec des dons s'élevant a 200 ducats. Ne pou-

1 Appendice du mémoire roumain, vi.


2 Misti, XXXVII, fol. 10; cf. fol. 21-2 (28 octobre; l'empereur est.
tres bien dispose). Cf. aussi fol. 31 et suiv., 70, Voy. Notatorio Collegio, IX,
no 409; 26 septembre 1381: cum hodie fuisset electio... de uno ambaxia-
tore et baiulo ad d. Imperatorem constantinopolitanum" (Donato Tron.
refusant, Pantaléon Barbo fut nomme).
8 Appendice du mémoire roumain, vrt.
4 Ibid., viu.

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302 N. IORGA

vant, conformement ab trait& se rendre a Tana, pendant deux


ans congécutivement, a partir du 8 aodt écoulé, ils essayacient
cl'obtenir clang les men-leg regions le port de Provato, od il
aurait payd, non pas 5%, comme a Tana, mais seulement 3G/0'.
Dobrotitkh ne rut certainement pas éte oublie, bien qu'on ne le
trouve pag 6ité, en vile de cette (more de restauration dans
la Mer Noire.
En novembre, des mesures étaient prises afin que non
seulement les troupes, mais aussi les habitants, se retirent de
Ténédog.Mais, I'hiver venu, Jean ou Zanaki Muazzo, gouverneur
(le Tile, déclará gull ne partirait pas. Ce fut inutilement que
la Seigneurie, au mois de mars 1382, en temoigna son immensa
displicencia", que, 'le 24, Carlo Zeno Iui-meme, le vainqueur de
Chioggia, Lvint `jobur le solliciter' de partir; qu'on déclara, en
juillet, cet indisapline rebelle et traitred, rebellis et proditor
nosier, mettant sa tete A prix pour 10.000 perperes; que l'on
.déclara aux Génois que V enise n'approuve pas une faute si
.exécrable et si atroce" de l'inqualifiable traitre et rebelle a
notre gouvernetnent 244'.
Le bailli Barbo, considéré comme complice et nous
soupconnons Dobrotitscli d'être le troisieme, bien que nous

1 Ibid., IX.
2 Nephandissimus proditor et rebellis foster"; tam execrabilis
.et atrocissima culpa"; Misti, "-XXXVIII, fol. 103. Pour le reste, ibid.,
fol. 96.
Cf. A la date du 17 avril 1383: induxit et ortatus fuit ser cana-
cilium Mudatio, olim capitaneum Thenedi, ad non hobediendum man-
.datis Dominationis super relasatione Tenedi et ad essendum rebellem
Dominationis, contra illud quod sibi expresse commissum fuerat" (fol.
46 V°, 47). Zanaki, neveu du rebelle, fut accuse alors ,,intravisse in uno
ligno if portum Tenedhi, in subsidium dicti rebellis et proditoris Domi-
mationis nostre"; mis aux fers, puis libéré, n'étant pas autrement coupable;
ibid, fol. 46 V°; 30 avril 1383. On accnsait encore Henri Dandolo, su-
pracomitus" penes Tenedi", d'avoir donné son appui, et son collègue
Jacques Vicemano, lequel applicuit cum gallea sibi commissa ad vallem
Bora penes Tenedum, permittendo homines suos ire in terram et aufferre
.ei galeam sibi commissam" ; fol. 47, Cf., pour le neveu, Quarantia Crimi-
nal, IV, 71, 20 mai 1384i indicaiion de M. Vittorio Lazzarini. Cf. Notatorio
-Collegio, IX, fol. 98, 13 aoilt 1382: Quod sapientes ordinum non poterent
se impedire de hijs que spectent ad recuperandum Thenedum, in quantum
-spectat ad guerrizandum per terram et de procedendo per viarn justicie
.contra Zanachi Mudazo et culpabiles", et ibid., No. 294.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANSLES EAUX DE LA MER NOIRE 303

n'ayons pas trouvé let texte sur lequel Hopf se fOnde potr sout
tenir son affirmation que Muazzo s'est réfugie- chez liii fu-
amend de force et sous bonne escorte
Sa culpabilité, etablie plus tard, fut qu'il a insisté
pour que le rehelle persevere dans sa decisiOn contraird
l'honneur de la Seigneurie". Le capitaine-gendral des artnée
de terre pour la region de Ténédos, expédid A la mdme date,
avait la latitude d'envoyer une mission A Mourad ou /rim-
porte quels autres pour notre inMret" et lui offrir no-
tamment les chienS amends de Ferrate ; on n'oubliait pas non
plus la (route Trébizonde 'et A Provato, pour le voyage!
NA.

de Sorgat 2".
Jean V, parent de Dobrotitsch, était mélé en quelque
sorte A la rebellion; ceci ressort de l'offre qu'il fit en 1383,
avec les plus grandes insistances", aiin qu'on lui laisse occuper
(consenciainur) l'ile disputee; la réponse, prudente, fut que
Venise n'aurait rien a objecter si Genes se declare satisfaite s".
L'ambassadeur resta meme apres cela, attendant peut-etre une
nouvelle decision le 12 fevrier, on lui vote un subside4. Mais,
le 20 de ce mois, a la demande de Fantin Giorgio, on toldrait
aussi l'offre de pardon pour Muazzo, lequel cependant était
accuse d'avoir voulu empoisonnet ce mdme Giorgio, en lui
faisant manger du gingembre vert51'. On voulait méme lui
preter la galere de Ténédos ou bien lui permettre d'en armer
une autre, mais le Sénat s'y opposa le 8 juin 6.
Le 4 du mois, on affirme a nouveau, par des envoyes
spéciaux A Genes, l'intention de détruire Ténédos, de fond
en comble", proposant, en cas de mefiance, que le terrain
resté desert soit confié a un tiers, tel que le marquis de Ferf

1 In forciam nostram..., sub bona custodia"; ibid., fol. 95-96.


Cf. scripsisse et procuravisse quod ser Zanachius Mudatio, rebellis
Dominationis staret constans in suo proposito, contra lionorem Domina-
tionis", et contre ses instructions; .Misti, XXXVIII, fol. 46, 16 mars 1383.
2 Misti, loc. cit., fol 106 Ara illos canes qui venerun't de Ferraria
et alia dona que videbuntur vobis vel majori parti".
° Ibid., x. Ce méme mois de janvier, l'ambassadeur a Constan-
tinople est remplacd pour cause de maladie; Misti, loc., cit., fol. 130..
4 Ibid., fol. 8.
5 Ibid., fol. 10 V°, 28-28 V°, 35, 36 V°.
6
Ibid., fol. 42.

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304 N. IORGA

rare ou le fils du comte de Savoie ; seul le doge fut d'avis de


prier Genes de prendre en consideration les malheurs qui
s'abattraient sur les habitants restés sans refuge, ce qui de-
vrait déplaire a Dieu et au monde entier", puis les avantages
que retireraient les navigateurs si des hommes restaient malgre
tout dans l'ile, sans mentionner le fait que les Tures pour-
raient se fixer sur Tenddos retée sans maitre et qu'ils
pourraient rebâtir facilement la ville ; ii serait donc preferable,
concluait le doge, conformément a une ancienne proposition
grecque, d'offrir cette place au seigneur empereur de Con-
stantinople, a la condition que jamais elle ne puisse tomber
entre les mains des Genois, ni des nOtres, sous les plus gra-
ves sanctions 1".

Iv.
Cependant les Turcs troublaient entre temps la Mer 2, et
les Génois recommencaient leurs nouveautés" dans le Mcite
Majus, provoquant une ambassade vénitienne envoyee pour se
plaindre des dommages soufferts par Jean Buonomo et de
l'interdiction du passage des tétes" (teste) d'esclaves sarra-
sins d'une rive a l'autre, de la Tana tatare dans la Turquie
d'Asie des Ottomans, sous le prétexte d'avoir le monopole
des transports et ajoutant leurs taxes. de douanes a celles du
Khan 8
Mais la plus grave mesure fut celle de l'interdiction ge-
nerale de la part des Pérotes opposee a toute personne, de toute
nation, se rendant dans les contrées de Dobrotitsch" (ad partes
Dobrodieë), ce qui, selon l'avis du Sénat, signifiait les plus
grands desagréments et les plus graves pertes pour nos in-

Appendice du mémoire roumain, xi, xn.


2 Un Gregoire Stravopodi, qui les combattit ad partes Cedrici"
(1384), Misti, XXXIX, fol. 1.
8 Quoct mittatur unus nuntius Januam pro novitatibus Maris Ma-
joris... Novita.tes facte contra ser Johannem de Bonomo in partibus Ma-
ris Majoris et aliis novitatibus factis contra nostros per Januenses...
Teste Saracenorurn et hominum Imperii Tartarorum, qui transportantur
per nostros ad oppositas partes Turchie, silicet de loco ad locum, cum
bonis suis", des 1363 (ibid., fol. 18 V-19,44).
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LA POLITIQUE VtNITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 305

téréts dans la region de Tana et de la Mer Noire et dans


toutes ces regions navigables". Les lettres portant la nouvelle
furent donc expediees, le 8 juin 1388, aux ambassadeurs qui
se trouvaient A Genes, en vue d'une intervention rapide au-
prés de l'autre doge, qui a egalement le devoir d'observer
la paix et d'éviter le scandale et les erreurs", donnant dans
ce sens des ordres formels '. Il était question avant tout du
blé transporte de ces regions A Coron, Modon et autres co-
lonies orientales 2. Lorsque, le 4 juin, on put faire parvenir A
Genes la nouvelle qu'il plut A notre Createur, duquel ema-
nent tous les bienfaits" que Ténédos soit reprise, afin de rem-
plir les conditions du traité de Turin, on demandait egale-
ment satisfaction pour les dommages dont eurent A souffrir
les leurs dans les regions de Caffa" et des assurances pour
l'avenir 8.
Entre temps, la guerre avait commence entre l'empe-
reur Manuel, Chiermanuli", qui demandait aux Vénitiens, ou-
tre des secours pour son frere de Morée, Theodore, contre la
Compagnie Navarraise, une ligue entre lui et Negrepont pour
la protection reciproque sur Mer et un emprunt de 6.000 du-
cats, offrant en gage certaines de ses contrees et de ses forte-
resses". Refusant la proposition d'une ligue, laissant aux soins
de ses officiers de Coron et Modon les affaires de Theodore et
exigeant un syndic" pour accorder l'emprunt, Venise se mon-
trait prete a donner satisfaction A Manuel, intervenant, par un
ambassadeur qui devait y etre envoyé, pour sa reconciliation
avec Mourad 4.
Le doge de Genes avait accepte d'écrire A ses officiers
du Levant de ne plus empecher les Vénitiens de se rendre

1 Appendice xm du mémoire roumain.


2 Misti, loc. cit., fol. 46: Isnello Spinola, Génois, vend auxdits
châtelains du blé ad mensuram", et on ajoutait que mensura Pere mi-
nor est mensura Romauie".
a Appendice, xi du mémoire roumain.
' Appendice xiv du mémoire roumain. L'empereur Jean (dominus
Imperator Kaloiani") se voit accorder, le 5 juin, deux cloches (can:pane),
du bois, etc., a la demande de Louis Dandolo, ,qui est in partibus Ro-
manie" et qui Inultum suadeat quod complaceatur dicto d. Imperatori"
(Misti, loc. cit., fol. 89 V°). A Negrepont on craignait les Turcs
(fol. 110 V°).
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73109. A. R. Bulletin historigue 20
306 N. IORGA

avec leurs vaisseaux dans les regions de Zagora soumises


A Dobrotitsch" (ad partes del Zagora subditas Dobrodice),
mais ses ordres ne furent pas respectes. Une nouvelle inter-
vention eut donc lieu le 15 fevrier 1385, par la méme ambas-
sade, a Genes, et l'acte est redige presque dans les themes
termes '.
La guerre avec Dobrotitsch continua donc, car, des le
16 juillet, une decision du Senat prevoit l'éventualité que
cette année-ci nos galeres ne puissent naviguer dans les re-
gions de Trébizonde"2. Afin de s'assurer au moins l'amitie de
Mourad-bey", on lui envoie comme ambassadeur, pour lui
rendre une visite amicale", le recteur de Phitilee, Antoine de
Arduno" 8.
A partir de 1386 cependant, la paix regne dans les eaux
de la Mer Noire. En février, ,,les negociants de Tana et de
l'Empire de Tatarie sont admonestes parce qu'ils ajoutent une
taxe personnelle A celle exigée par le Khan" 6. Zani et Anto-
nio Venier, qui se sont fait passer, et le font encore, comme
Vénitiens des n6tres", comme de nos fideles", .peuvent en-
voyer de la sorte chez eux 3.000 ducats5. Les viagii" conti-
nuaient regulierement 6
Dobrotitsch vivait-il A cette epoque ? Nous en doutons.
Quelques mois plus tard seulement son fils et successeur, Ivanco,
conclut avec Genes ce traité que nous avons analyse ailleurs 7,
et d'oil l'on voit bien qu'il n'avait pas hérité le titre de
despote de son p6re. Ainsi que nous l'avons démontre, dans
notre communication faite au congres de Londres, otii nous avons
pule de la Survivance byzantine dans les pays roumains",
le caraclére despoial passa directement et Mircea, prince
de Valachie, lequel &zit, en 1390, despotus terrarum Do-
brodicii", de l'héritage entier, done, jusqu'au-dessus de

I Appendice xvn du mémoire roumain.


2 Appendice xvin du mémoire roumain.
8 Amicus et notorius Morati-Bey..., ad visitandum amicabiliter
eundem Morathum" (Misti, XXXIX, fol. 112 V0).
* Apendice xx du mémoire roumain.
5 Ibid., xIx.
6 Misti, XL, fol. 29 V°.
7 Iorga, Chilla si Cetatea-Albd, pp. 54-57; Notes d'un historien,
dans le premier volume de ce Bulletin", p. 97 et suiv.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA. MER NOIRE .307

Varna, a Kalliakra, ayant Ecrend et Cavarna, auxquelles


s'ajoulait Silistrie, vu que, sous le rapport ecclesiastique
elle appartenait au despotat byzantin, bien que Mircea en
parle separement dans son titre. Les terres", il les avai
conquises; quant au titre de despote, qui ne dependait pas
-de leur possession, mais pouvait influencer la decision de
Z'Empereur byzantin, il provenait du mariage byzantin
qui donna a la V alachie la princesse Kallinikia'.

1 Ce fut de la même facon que, par ,des martages, arrivent A


etre nommés despotes Gattilusio de Lesbos, Etienne de Serbie (voy. nos
Notes et extraits, I, p. 69 et note 3) et Georges Brancovitsch, sans men-
tionner Dobrotitsch lui-meme.
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SECONDE PARTIE.

RELATIONS DE VENISE AVEC LES TURCS ET LES CHRETIENS DES


BALCANS DEPUIS LA BATAILLE DE KOSSOVO JUSQU'A CELLE
DE NICOPOLIS (1389-1396).

I.
A une epoque csa Venise ne poursuivait que ses inté-
rets immédiats aux bouches des Dardanelles, dans la Za-
gora du prince Dobrotitsch" et dans la Mer Noire, jusqu'a.
Vati d'une part et Tébriz de l'autre, Mourad-bey, prince
souverain des Turcs" titre que lui donnait alors la Repu-
blique accomplissait une grande wuvre de conquete, con-
nue en Occident uniquement par les appels du Pape, lesquels
aboutirent, aprés la bataille de Tschrmen, pres du fleuve Ma-
ritza, en septembre 1371, A cet inutile congres, uniquement,
latin, qui eut lieu A la Thebes des Catalans, auquel partici-
perent, en octobre 1373, Leonard Tocco, duc de Leucadie,
Gattilusio de Lesbos, Acciaiuoli de Corinthe, les Vénitiens de
Lépante, d'Eubée, de l'Archipel, le marquis de la Bodonitza
thessalienne, débouché de la Grande-Valachie, et un certain
Giorgio 1, mais non pas la Republique elle-méme, bien qu'elle
y fut invitee peut-etre de la part du roi de Hongrie, choisi
comme patron par l'initiateur de la conference, l'archeveque
de Neopatrai. La Republique ne prit done aucune part aux

1 Iorga, Geschichte des osmartischen Reiches, I, pp. 244-246; Mil-


ler, The Latins in the Levant, Londres, pp. 303-304.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 309

tvénements du Danube, lesquels, en 1373, amenerent le


prince valaque Vlaicu A Nicopolis, apres qu'il eat ete, pendant
quelques moments, roi", héritier de Tzar bulgare, a Vidin,
ouvrant ainsi la voie a l'immixtion roumaine au-dela. du Da-
nube.
Des le mois de mars 1384, Venise recevait un envoye
de Mourad", le grand emir" (magnus admiratus), le tres
affectionne ami de notre Seigneurie", qui demandait alliance
contre Genes pour Peru et autres questions indiquees dans
sa lettre d'instructions". On invoqua la paix conclue récem-
ment pour refuser. Tres satisfaits de ses offres cependant, les
Vénitiens promettent egalement un ambassadeur, qui remet-
tra les chiens que l'Emir demandait pour sa distraction"
(consolatio).
L'ambassadeur fut en effet élu le 14 avril. Il était question
cependant d'assurer simplement le ble nécessaire aux colonies,
pour lequel il serait utile d'avoir un depOt dans ses parages
et territoires", et notamment en Turquie", en Asie Mineure.
Seul le renouvellement des treves avec Constantinople fut
decide '.
L'ambassadeur turc se trouvait cependant encore a Venise
au mois de juin 2. Le 1-er juillet, enfin, l'envoyé vénitien, Ma-
rino Malipier, fut nomme, apres que d'autres, et notamment
Francois Cornaro, fils du doge, eUrent refuse. De nouveau on
avait prévu dans les instructions: rexportation des grains sans
payer la douane, ou bien tout au plus en acquittant un demi-
perpere par muids (modius), l'extraction sans angarie" de
l'alun alume di rocca et minuto, que Mourad vendait 4
perperes le poids" , l'elargissement des prisonniers retenus
a Ténedos et, s'il y avait lieu, des negociations en vue d'une
place A ceder en Anatolie 3.

Nous ignorons le résultat de la mission la place" ne


fut pas, en tout cas, accord& , mais, ni meme lorsque les
Balchides, d'origine aroumaine, a l'autre bout des Balcans,

1 Le retard de la tréve le 20 janvier, Misii, XXXVIII, fol. 94.


Pour les ambassadeurs, voy. Appendice du mémoire roumain, mars 1394.
2 Misti, loc. cit., fol. 121 VI (2 juin).
3 Appendice du mémoire roumain, A cette date.
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310 N. IORGA

sur l'Adriatique , eurent perdu la bataille de la VoIoussa, au


cours de laquelle tomba, outre Balcha, le frere de Marco
Cralievitsch, Ivanich 1, Venise ne crut devoir bouger. Peut-etre
que ceux qui la conduisaient nourrissaient-ils le projet de laisser
ces Etats chretiens, nombreux, faibles, en discorde, se detruire
mutuellement afin que leur heritage lui revienne d'autant
plus facilement.
On connaft la politique d'appui intéresse, accorde seule-
ment dans les cas les plus extremes et méme alors avec une
reserve pleine de delicatesse envers les Turcs, que la Repu-
blique suivit a regard de la veuve de Balcha, princesse d'Avlona,
ancien nid a pirates de l'epoque napolitaine et angevine, et de
Canina voisine, envers Georges Strachimir, fils du frere du
prince qui fut tue dans la bataille de 1385, ainsi qu'envers
Carlo Thopia, prince d'Albanie" 2 et seigneur de Durazzo, en-
vers Raditsch TschernoIdvitsch, établi dans la Zenta Supe-
rieure et envers les nobles albanais qui régnaient a Alessio,
Budua, les deux autres ports, Antivari et Dulcigno, outre
la forteresse de sa residence, Dagno (Dani en serbe), appar-
tenant A Georges Strachimir 3. II n'est question ici que de com-
pleter ces connaissances, extraites surtout de la publication de
documents vénitiens faite par Ljubié, dans les Monumenta
Slavorum Meridionalium", par de nouvelles données, se rappor-
tant surtout aux relations directes avec Mourad, que nous avons
recueillis récemment dans les Archives dei Fran a Venise.

Tandis que le Senat accordait des privileges a l'ile de


Corfou nouvellement annexée 4 et prenait soin de la succession
de Thopia (29 mars 1387) 5, qui lui offrait Durazw ; tandis que
Fon envoyait des lettres au nouveau despote (des 1385) de
l'Epire successeur de Thomas Prelioubovitsch, dont la veuve
fut épousée par Esafi de Buondelmonti, Ysau despotus Ianine",
Florentin d'origine, mais frere de la duchesse de Leucadie et

1 Notre Gesch. des ()stn. Reiches, I, p. 255.


' Voy aussi Jire6ek, Gesch. der Serben, I, p. 426, note 2.
8 Notre Gesch. des osrnanischen Reiches,1, pp. 261-262.
Miller, loc. cit., p. 524 et suiv.
5 Misti, XL, fol. 65 V°, 68, 69; cf. Ljubié, loc. cit.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 31 1

apparenté, du moment qu'il portait le titre de despote 1., ainsi


que Mircea le Valaque, aux Paleologue de Constantinople 2 et
au Tzar Douchan, car il avait épousé la sceur du roi thessalien
Jean, par& de tous les titres dynastiques constantinopolitains 8
--, lui demandant qu'un de ses châteaux, bâti a nouveau, pour y
assembler les habitants et faire des salines sur les c6tes de
'Adriatique, a Kastri, au detriment des salines vénitiennes de
l \ile de Corfou, ne soit plus toléré 4, les vaisseaux du voi-
age" de Romanie et de Tana suivaient leur route habituelle 5.
La (Waite de Mourad a Plotschnic, infligee par les troupes
serbes de Bosnie 6, laissa Venise completement indifferente.

Cependant un ambassadeur se rendait chez Mourad, ad


dominum Moratum", au mois d'octobre. CLetait Daniel Cornaro,
qui était aussi porteur de presents 7. Il n'avait pas cependant
une mission se rapportant aux guerres balcaniques, mais plutOt
a l'état de choses en Albanie, ou Thopia, actuellement simple
dominus Durachii", effrayé par les molestations des Turcs"
(propter molestias Turchorum), était invite A garder sa
possession par crainte que le drapeau de Saint-Marc, A peine
planté sur les murs, ne fat pris comme trophee par les gens
de Mourad, qui pullulaient dans cette region s. On tenta
uniquement de faciliter une reconciliation de Thopia avec les
Turcs. La Republique offrait seulement de lui donner, confor-
mément a son &sir, une Venitienne pour femme et recueillait
sur ses vaisseaux les fuyards de Durazzo; elle aurait risque

1 Voy le cas du despote Olivier, mari d'une Paléologue, dans Ra-


donid, Bulletin de l'Institut pour l'dtude de l'Enrope sud-orientale, I,
pp. 54-55.
2 Miller, loc. cit., pp. 332, 372, 546.
s Voy ce Bulletin, ci-dessus, l'étude sur les Fondations des prin-

tes roumains en Thessalie.


4 Misti, XL, fol. 78 V°, 8 juin 1387: Quod Ysau, despotus Janine,
lecit refici et reaptarj unum castrum quod erat diruptum et inhabita-
tum, et ibidem construj saline jn loco vocato Castrij".
5 Ibid., fol. 71, 71 V'.
° Notre Gesch. des osmanischen Belches, I, p. 257.
7 Appendice du mémoire roumain, no v.
8 Non esset honor nostri domini quod insegna nostra Sancti
Marci veniret ad mantis Turchorum" (26 février et 19 mars 1388; Misti,
loc. cit., fol. 104 V°, 108 V°-9). Cf. Ljubid, loc. cit.
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312 N. IORGA

tout au plus de prendre la tour de la Mer (turrim Durachii


e marina') pour la défendre 1.
Mais, a la veille de la confederation balcanique qui amena
la bataille, ou plutOt la catastrophe turque de Cossovo, alors
que Polo Morosini était a peine rentre (en avril) de chez le
roi de Hongrie 2, nous rencontrons a Venise un envoye de
Lazare le Serbe, lequel n'est pas pour la Republique un simple
knéze, un comes pour les moines l'Athos ii était, en tant
que successeur de Douchan, un empereur mais le tres-
sérénissime roi de Rascie" : le 3 mai on autorisait les galeres
du golfe a le prendre a bord avec sa suite, ses bijoux" et ses
armes (arnisiis) legeres", afin de le debarquer en Escla-
vonie", dans sa Serbie 8. En méme temps, au mois de juillet
on envoyait les galeres en Romanie, a Provato et Trébizonde
et a Tana 4, oil des attaques et des innovations" avaient eu
lieu (insaltus et novitates)A Plana aussi on devait recueillir
des informations 6 , et on décida relection d'un vice-bailli a
Constantinople 6.

Cependant, Pete venu, la peur des Tures grandit. C'est


pourquoi on négociait avec ceux de Clarentza et de Patras" 7,
et on adressait des plaintes a Rainerio degli Acciaiuoli, qui
etait accuse d'aider, comme ii l'avait fait d'ailleurs l'année
précédente, les partisans de Mourad contre la Republique,

1 Cogitamus ut ipse dominus facilius posset ad concordium et


bonam quietem cum Turchis pervenire... Dicitur quod ipse dominus
volet accipere in uxorem de nostris nobilibus... Etiam nobis est placi-
dum et gratum, tamquam de honorabili et carissimo amico et cive no-
stro". Cf. Ljubid, loc. cit. Description du Durazzo au myen-Age par M.
Jireek, dans la Ungarische Revue, année 1914.
2 Misti, loc. cit., fol. 111 V°.
° Ibid., fol. 113.
* Appendice du mémoire roumain. vi. Ils devaient s'arréter
Tana huit jours.
5 Appendice du-mémoire roumain, vm.
6 22 juin; Misti, loc. cit., fol. 122.
7 Clarentia et Patrasium"; Misti, loc. cit., fol. 122 V°.

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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAIJX DE LA MER NOIRE 313

laquelle toutefois permettait qu'une galere lui soit construite


en Crete 1.
Des explications avaienf ete demandées a Ali-Pacha, le
Vizir unique, pour l'atteinte portee a la paix a Coron et a
Modon ; on lui demandait la mise en liberté des prisonniers,
mais on avait obtenu une reponse desagreable" et peu ai-
mable" (non placibilis, nec dextra). D'autre part, le Sultan,
personnellement, avait renvoye l'ambassadeur vénitien, qui luj
avait amene les chiens, afin qu'il demande par écrit une
chienne a grosse tete". De sorte que, le 24 juillet, on décida
d'envoyer un ambassadeur personnellement a Moratus" et de
choisir une personne connue par lui, pour le rendre de nou-
veau favorable et lui declarer que le bruit qui a couru d'un
secours arme que lui aurait promis, par son ambassa-
deur, la Republique, n'est pas fondé (aid quod datum est
sibi intelligi quod debeamus mittere hostem in ejus subsidium,
ad nostras expensas"). Aldise Dandolo, connu pour etre son
intime, dut partir de Constantinople, oil il se trouvait, pour
remplir cette mission, employant des paroles d'amour et d'affec-
tion". Ii devait lui apporter des cadeaux, lui promettre une
chienne ou plusieurs de la race désirée ,,et méme d'autres
especes de chiens beaux et grands", le remercier pour l'offre
concernant le rachat des esciaves et le prier d'epargner, ions
de l'expedition projetee, les deux chateaux, sans s'engager
aucun tribut. Si un vaisseau a ete vu toutefois a Durazzo,
ce n'etait qu'un secours accorde spontanément au prince de
ces lieux, qui est, ainsi que ses predecesseurs, citoyen et sujet
de la Republique 2. De cette maniere la paix complete et
l'affection fraternelle" dont parle Mourad dans sa lettre, seront
maintenues. Il est evident que le but principal de la mission
etait surtout de s'informer exactement et entierement des inten-
tions réelles que le Turc pouvait avoir 8.
Cependant la reponse du sincere ami d'Andrinople ne
fut pas meilleure : méme avant sa reception, les rapports ve-
nus de tous cestés montraient que son intention était mau-

I Appendice du mémoire roumain, vll.


2 Le 24 octobre, il est question de blé non payé par Thopia; Misti,
loc. cit., fol. 133 V°.
3 Appendice du mémoire roumain, sm.

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314 N. IORGA

vaise et injuste", qu'il se prepare a une attaque par terre et


par mer". Le bailli de Constantinople savait qu'il s'agissait
d'une attaque contre la Morée, et il avait force le despote de
la Morée, kyr Theodore, frere de l'empereur Manuel, a lui pro-
mettre qu'il éloignerait les Tures de son entourage (ad di-
mittendum Turcos") et fera en sorte que toutes ses possessions
s'unissent et se lient a la domination vénitienne". Encourage
par ce succes, la Republique, prenant ses mesures a Negre-
pont, ainsi qu'a Coron et Modon, décidait, le 26 acalt,comme
si la proposition emanait des chatelains de ces deux forte-
resses,d'essayer la constitution d'une Ligue chretienne: liga
et unio omnium illorum locorurn cum dominatione nostra", et
elle fit des &marches aupres d'Acciaiuoli a Corinthe, aupres
de la Compagnie Navarraise et d'autres qui pourraient adherer
cette ligue", laissant entendre que la proposition venait de
la part de Theodore: on esperait ainsi que l'on pourrait oppo-
ser de la resistance aux Tures et empecher leur extension
dans ces regions" 1 Afin d'intimider l'ennemi en perspective,
on décidait que les galeres d'Alexandrie se montrent" a leur
retour, a cette place, de meme qu'a. Negrepont, dans l'Ar-
chipel, et jusqu'à Gallipoli et Constantinople 2 Crete, d'oa
les balistaires de Coron et Modon avaient été amenes, était
comprise dans le cercle de surveillance des trois SavI qui
furent élus le 30 septembre 3.

L'année fut close par des mesures concernant Durazzo ;


au mois d'octobre on avait appris, par Jean Cappello, que la
ville n'est pas en danger de se perdre, comme on le croyait,
et on avait construit une tour vénitienne 4. Le Senat décida
que, si un danger existait malgre tout, on pouvait prendre

1 Appendice du mémoire roumain, a la date du 26 aolit 1388.


2 Ibid., no 2. Ces mérnes vaisseaux pouvaient prendre soin des
étoffes que transportaient en Esclavonie" les ndgociants de cette rd-
gion; ibid., no 3.
a Super factis insule Crete, Choroni, Mothoni et Nigropontis"
(Misti, loc. cit. fol. 133). Le 22 novembre, on donne l'ordre d'envoyer
des balistaires, parce que ipsimet (castellani) scribunt quod non sunt
arnplius necessarij" (fol. 134 V°).
* Mud quod fecimus in construendo turim Durachij"; ibid., fol.
135 V° (24 octobre). Voy aussi Ljubid, loc. cit.

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LA. POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 315

aux barons" les principales forteresses et dépenser méme 500


ducats, mais, si la vile est forte, la pousser au combat, lui
faisant savoir que la Republique est préte a prendre Durazzo
si Thopia venait A mourir ou bien si un danger la menacait;
en attendant, elle envoie, en portant ceci A la connaissance
du capitaine du golfe, mile ducats pour une éventuelle con-
solidation des forteresses occupées 1. Le 26 février 1389 il y
avait a Venise des envoyes de Durazzo, ainsi que ceux de
Regina Balcha, d'Avlona, tout particulierement affectionnée
de notre Seigneurie" 2. On croyait que Thopia était deja mort 3.

Venise était donc prete a de nouvelles annexions, a une


epoque oft le danger turc portait atteinte A ses intéréts, et elle
se croyait suffisamment forte pour les réaliser aux dépens d'un
adversaire dont l'avenir ne pouvait mérne pas etre soupconne
a cette époque.
C'est ainsi que, a la mort de Pierre Corner, prince d'Argos
et de Nauplie, sa veuve, Marie d'Enghien (de Engino), qui
craignait que Theodore, despote de Misithra", despotus Mi-
sistre, n'ait l'intention de faire une ,,novitas" de conquéte (de
même que, peut-étre, son voisin Rainerio, beau-pere du despote,
qui était aux aguets), envoie un ambassadeur a Venise, Perazzo

1 Pro fulcimento et munitione fortaliciorum, in casu quo obti-


neantur." Le 22 novembre on prévoyait que la galere de Crete fat
désarmée par le capitaine du golfe, lequel, envoyant une galere pour
suivre Cappello, revienne ,,bene informatus de factis Durachij et de
omnibus alijs novis que potuit persentire" (ibid., fol. 134 V°).
2 Persone notabiles, cum sua familia, et quidam nuncius domine
Avalone, intime amatricis nostri dominij" (fol. 154). Des mesures étaient
prises en vue de leur retour. Voy aussi Ljubié, loc. cit., p. 263.
Regina voulait acheter un brigantin (même date; fol. 158). Pour
la galere de Georges Strachimir, dominus Dulcigni", ibid., XLI, fol.
22 (20 juillet). Le 5 aollt (fol. 23) decision pour Strachimir ,,de Balsa",
lequel peut armer deux brigantins pour la defense des fiumare et pro
resistendo cuidam servitori qui factus est sibi rebellis". Le 21 aoat,
visite a Durazzo et inquietudes pour la tour (fol. 30 V0). Voy. aussi
Ljubid, loc. cit., pp. 263, 263, 270-271.
8 Misti, loc. cit., fol 159 (méme date).

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316 N. IORGA

Malipier, et le Senat se montre pr.& A faire l'acquisition, avan-


cant 300 ducats et promettant A Marie un autre epoux, véni-
tien. Des negociations en vue d'une soumission se poursuivaient
egalement avec l'archeveque de Patras, avec les Navarrais,
avec Pierre de San-Superano, dit Bordo, avec Marco Morosini
de Nauplie, avec Albano Contarini, d'Argos, avec l'eveque de
cette localite et avec le chevalier Jacques de Zoya" '. Au
printemps toutefois, Rainerio assiegeait Nauplie, et son ambas-
sadeur était renvoyé sans discussion par le Senat, le 10 juin 2.
Le 15 juin 1389 la bataille de Cossovo eut lieu: parmi
les morts se trouvaient notamment le roi de Rascie" et
l'ami" Mourad.
Un mois et quelques jours plus tard, le 23 juillet, on de-
cida A Venise, A la suite des renseignements recus sur la
mort de Mourad, celle de son fils et le nouveau regne de l'au-
tre de ses fils", d'envoyer André Bembo vers l'empereur Jean,
avec des assurances d'ancienne et indestructible amitie, du
desir d'une paix éternelle avec son Empire. Il ne s'agissait
toutefois pas d'offres politiques, mais uniquement de la dette
de Byzance: 13.163 perperes, des dommages causes par les
Grecs apres 1376, lors du regne de kyr Andronic", d'éven-
tuelles reclamations au sujet de l'ile de Ténédos, déserte ae-
tuellement A cause des Vénitiens, des nouveaux imp:As con-
stantinopolitains sur les achats faits par les étrangers, des taxes
sur le yin, etc.
Le mérne jour, cependant, les faits de la Turquie"
(facta Turchie) rendaient nécessaire une intervention de
ce cOte aussi : le vice-bailli de Constantinople et le Conseil
des Douze décideront s'il y a lieu d'envoyer une premiere
mission avec des dons, jusqu'A 300 ducats, pour celui qui
regne en remplacement de Mourad", car on ignorait lequel

1 Ibid., A la date du 18 fevrier 1389 et A celle du 26 mars (fol.


162 V0); Thomas, Diplomatarium, II, pp. 211-215; cf. Miller, loc. cit.,
p. 339. A cette dpoque tin jamiliaris domini ducis borboniensis" se
rendait ad partes Amoree pro certis agendis tangentibus ipsum ducem,
que expedire habet cum domino Raynerio de Aciaiolis et cum Navar-
rensibus° (ibid., fol. 169 V°).
2 Ibid., XLI, fol. 6 V0-7, 13 V° (10 juin), et Ljubid, loc. cit., p. 267.

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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EATJX DE LA. MER NOIRE 317

des deux fils du Sultan, Balézid ou Yacoub, avait succédé. Ii


fera savoir que, lors du depart des galeres ci-presentes de
Venise, notre Seigneurie avait ou'i dire, mais vaguement, de la
guerre et du combat qui a ete livré entre le magnanime sei-
gneur Mourad, feu son pere, et le comte (conzitern) Lazare, au
sujet duquel de nombreuses versions circulaient, sans que la
vérité puisse etre exactement connue; cependant notre Sei-
gneurie avait eu connaissance de la mort de ce prince Mourad,
et en avait ressenti un grand mécontentement, car nous l'avons
toujours considéré cemme un ami tout particulier et nous l'a-
vons aime, ainsi que son pays" ; apprenant l'avenement au
trOne du nouvel emir, elle s'en réjouit, parce que, de même
que nous avons aime sincêrement le pere, ainsi nous aimons
et sommes inclines a aimer le fils et sa domination et A le
considerer comme un ami tout particulier", évidemment en
vue de la liberté du commerce dans ses regions et domina-
tions", depuis la Mer Noire jusqu'au Danube, oil les Turcs
avaient maintenant aussi Silistrie 1.
De fait, ii ne s'agissait que du souci de se procurer
des cerdales. En effet Nauplie, oü commandait Victor Moro-
sini, capitaine et podestat, était vénitienne, et le despote
demandait A se réconcilier 2 (le 16 décembre, apres l'insuc-
ces de la mission de Nicolas Zeno et de Perazzo Malipier,
venus pour l'empecher de participer au siege, on refusa un
autre ambassadeur); quant A Argos, occupee par lui, ii s'agis-
sait d'une ligue avec les Navarrais 3, lesquels, le vicaire et
ses cornpagnons" (socii), envoyaient un agent avec des of-

Appendice du mémoire roumain, a ces dates. On excusai


aussi l'attaque de Pietro Zeno d'Andros contre des galéres turques.
2 Le 17 aofit, decision au sujet du retour de l'envoye a Argos et
Nauplie (fol. 29 V0); 30 aodt, concernant le fief d'Argos et Nauplie de
Jacques de Zoia, mentionnd plus haut (fol. 32). Le 27, pro bono isto-
rum agendorum de Argos que sunt ponderosa" (fol. 55). Le 28, discus-
sion pour la question d'Argos et de Nauplie (fol. 46). Cf. aussi Miller,
loc. cif., pp. 340-342.
8 Videtur nobis pro recuperando civitatem nostram Argos de
jntrando in ligam cum Navarensibus" (28 janvier; ibid. fol. 56 Vo). On
choisit le 4 février trois provéditeurs (ibid.).

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318 N. IORGA

fres 1; le 17 février 1390, on choisissait les intermédiaires pour


les négociations 2
Jusqu'au printemps, on occupait au despote la tour de
Vasilipotamo, et Baiezid se contenta d'intervenir pacifique-
ment en faveur de ce prince, par des lettres adressees aux
chatelains de Coron et de Modon 3. Lorsque, le 11. janvier
1390, on decide une ambassade solennelle chez ce fits de
Mourad qui a pris le pouvoir", on indique, comme but de la
mission, des condoleances et des felicitations, d'une part, et,
de l'autre, d'intervenir avec insistance afin que les ports
pour les grains soient ouverts (tracte; de fait : trade bla-
dorum) et que l'on puisse recueillir dans ses possessions .des
grains" 4.
Mais, lorsque, le 17 fevrier, on prit a nouveau des me-
sures en vue d'une ambassade, sachant maintenant quel était
,,le fils de Mourad", BaYezid, pour les Vénitiens : Baysich
(=Baysith), ii était question, en general des affaires de notre
communauté", assez importantes dans leur totalité pour mériter
le sacrifice de non moins de 5.000 ducats en cadeaux 5. Fran-
ces co Querini, qui recevait ses instructions le 6 mars pre-
cédemment, pour l'ouverture des ports, Gabriel Emo avait ete
élu devait exprimer des regrets pour la mort de Mourad-
bey", intime et bien-aime (precordissimus) ami" de la Re-
publique, avec lequel on avait eu une tres grande affection
1 Les négociations sont confides, le 4 février, aux chatelains de
Coron et de Modon (fol. 57).
2 Ibid., fol. 58.
V. Appendice du mémoire roumain, a la date du 6 mars 1390.
Le 23 avril, des mesures pour Argos et Nauplie (fol. 73).
4 Ad istum filium Morati qui remansit in dominio, tam pro con-
dolendo de morte patris, quam pro congaudendo de sua creatione et
pro possendo obtinere ab eo quod tracte aperte sint et quod de locis
suis possit haberr subventio bladorum." L'ambassadeur recevra pen-
dant les premiers quatre mois 200 ducats puis 25. 11 sera accompagnd
de trois farnuli, un notaire avec son domestique, un cuisinier payd
deux ducats par jour, non computatis nabulis navigiorum et agocijs
equorum". JacquesValaresso voulait que l'on nommat deux ambassadeurs
ayant une galdre a leur disposition. Gabriel Emo, chevalier, conseiller,
fut élu. On proposa aussi 200, au lieu de 350 ducats (Misii, loc. cit., fol.
44). Le 17 janvier, on décida que l'ambassadeur ad Hum Morati"
ne puisse refuser, sous peine d'une amende de 100 livres (fol. 155).
4 Appendice du mémoire roumain, a cette date.

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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOTRE 319

et un amour indissoluble" (indissolutus), l'immense joie"


pour son installation sur le tr6ne et toute autre flatterie, dans
les termes les plus exageres que l'on puisse imaginer. Il de-
vait lui demander tout d'abord, comme a l'heritier de By-
.zance sur la Mer Noire -- alors que Mircea avait hérité de
Dobrotitsch aux boucheS du Danubel'ouverture de tous les
marches de grains et de ses ports" et, A savoir, comme du temps
de Mourad, sans paiement de douane, en vue de la meme
importation de ble, qui etait une nécessité vitale des colonies
venitiennes en Orient ; on accepterait de payer tout au plus
un perpere par muids de blé que l'on chargerait dans ses
ports. On avait surtout en vue l'éloignement des intermédiai-
res francs" (aliquorurn Franchorum), qui dans le passe
n'ont pas trop bien traite les nOtres" et auxquels les Turcs
seraient a preferer.
Il est intéressant de noter la crainte de Bafézid que les
vaisseaux vénitiens, une fois les ports ouverts, ne fournissent
du blé a l'un de ses ennemis ; cette crainte provoque les assu-
rances les plus formelles, avec serment, que l'on observera les
mémes normes que pour le passe, que les grains seront trans-
portés directement a Venise ou bien dans nos pays et regions".
On rappelle ensuite les pertes causees aux Tures par la galere,
construite a Venise, de Frangouli Crispo, duc de l'Archipel.
et par l'ancien vice-bailli de Constantinople, Jean Cocco, ainsi
que la plainte faite par Tomerzi el Cazi, le Turc d'Altologo",
pour ses gens qui ont eté captures dans les eaux de Rhodes
par les azapi (pris ici dans le sens de pirates), A bord d'un
vaisseau armé a Enos.

IV.

Qui étaient ces ennernis que craignait Baidzid ? Nous


le savons. C'était l'empereur de Constantinople, ce pauvre
vieux Jean V, qui rompit forcement la paix avec les Véni-
tiens, retenant les galeres qui revenaient du Nord chargées de
ble, sous pretexte qu'il s'attendait a une attaque du fils de
Mourad" (ob timorem filii, Morati), qui soutenait alors l'ancien
empereur Jean VII, fils d'Andronic (Venise, qui protestait
.energiquement en avril, songeait a la possibilité d'un rem-
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320 N. IORGA

placement par celui-ci et mq/ne a une installation du.


fils de Mourad a Constantinople: in casu quo repe-
rires filium Morati in Constantinopoli accepisse dominium
Imperii" 1. On sait que, le 13 avril, Jean VII entra de
nuit a Constantinople avec l'appui des Turcs- et des Ge-
nois de Lesbos et assiegea son grand-pere dans le châ-
teau, jusqu'au retour vengeur de Manuel, successeur legal de
la couronne impériale 2. Le nouvel empereur, qui songeait
aussi a repeupler l'ile de Ténédos, demandait aux Vénitiens,
au cours de l'automne, que les leurs de Constantinople, le
bailli en tete, s'arment contre le vieillard, contra Imperato-
rem Chaloianj, avum ipsius domini Imperatoris", et, le 5 oc-
tobre, on lui faisait la reponse prudente qu'il serait difficile
pour des negociants, et surtout entre membres d'un méme
peuple, Sane méme langue et d'un méme sang", et on
offrait en echange la mediation pour une paix entre les Pa-
leologue 3. L'Ote suivant, Manuel, qui avait succede a son pere,
avait fait de sa propre initiative la paix avec le Sultan, qui
l'avait dépouille de Salonique et des forteresses de la Mer
Noire 4; l'on retardait l'ambassade fixée pour le 11 juin, qui

Appendice du mémoire roumain, a la date du 9 avril. Le ca-


pitaine du golfe se rendait avec trois galeres et celle de Negrepont A
Constantinople (decision du 9 avril; Misti, loc. cit., fol. 82). Cepen-
dant, le 14 juin on prenait des mesures pour la flotte habituelle de Ro-
manie et de Tana (fo1.184 et suiv.). Le 24 juillet on emit au consul de
Tana pour la fortune, retenue, de Jacobello Diedo, mort in partibus
de Zilam sive in Massandram" (fol. 93). Pour des mesures de repa-
rations, voy Appendice du mémoire roumain A la date du_ 4 juillet
1391. Le 26 octobre, des mesures propter novitates presentialiter
imminentes in partibus Tane", oà l'on portait egalement du coton d'A-
lexandrie (ibid., XLII, fol. 31 V0). Le 15 juillet, Simon Dalmerio était
élu bailli A Constantinople (ibid., fol. 31, 93 V0-94 V°, 98, 101 V° et suiv.).
Serenissima domina Imperatrix Constantinopolis", qui arrive le 11 juil-
let et regoit des cadeaux en valeur de cent ducats (Appendice du me-
moire roumain, A la date du 10 juillet) est l'Impératrice latine, pro-
bablement. Pour les relations avec Byzance, voy. aussi Thomas, loc.
cit., pp. 221, 224 et suiv. (treve du 3 juin 1390). Ibid., p 229 et suiv.
(treve du 11 avril 1391 avec Trébizonde):
2 Notre Geschichte des osmanischen Reiches, I, p. 278 et suiv.
8 Oa parle aussi des galeres qui s'armaient A Rhodes et que crai-
gnait Jean VII; Appendice du mémoire roumain, a cette date.
* Notre Geschichte des osmanischen Reiches, I, p. 280 'et suiV.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 321

devait le feliciter de ses bonnes dispositions ', yu que, par


des lettres du bailli, on avait appris que le seigneur empe-
reur de Constantinople se rendra chez le Turc. et l'accorp-
pagnera a la guerre; et, si l'on copnaissait la date de l'arri-
vée, on ignorgit celle du retour, qui pouvait etre fort retarl
dee" 2, Ce ne fut que le 8 mars 1392 que Pantaleon Barba
fut envoye aupres de lui avec le bailli pour transmettre des
felicitations (Thcle fefici coronatione et reditu Sue Majestatis ad
suum sanctum Imperium") -et pour renouveler la trove, rappe,
lant la dette ancienne, le blé confisque jadis 3.
BaTézid, de son cdté, n'oublia pas d'envoyer, a Venise,
pour remercier, son ambassadeur auquel on offrait, le 1-er sep-
tembre 1390, un habit, une roba orientale, d'une valeur peut-
etre supérieure au don de 60 ducats qu'il avait apporté 4. Vers
cette epoque de tous cdtés, Strachimir 5, le roi de Bos-
nie, qui parlait de ses succs 6, la Comnene d'Avlona 7,
le comte de Céphalonie et Leucadie, Carlo .I-er Tocco 8, le
jeune prince de Durazzo 3, dont la yule fut finalement oc-
cupee '8, le duc de l'Archipel 1 des ambassadeurs portant
de mauvaises nouvelles affluaient. Tout en entretenant des rela-
tions avec l'eveque d'Argos emprunt de 200 ducats le 9

1 Misti, XLII, fol. I, V°, 2.


2 Appendice tin mémoire roumain, a la -date du 14 juillet 1391.
a Ibid., XLII, fol. 47 et suiv.I1 est question d'6crire aussi a Tr&
bizonde pour les intinera Turrisij [Tebriz] et aliarum partium deinde".
Pour l'huile de lin confisquée le 12 mars, ibid., fol. 48.
4 Appendice du mémoire roumain, a cette date.
Misti, XLI, fol. 91 V°, 96 et suiv., 9 juiliet; fol. 128 (2 mars
1391) = Ljubi6, loc. cit., pp. 282-283, 287. ,
° Ibid., fol. 92 (8 juillet)=-.-- Ljubid, loc. cit., p. 282.
7 Ibid., fol. 100 V° (30 aodt)= Ljubié, loc. cit, p. 284 et suiv.

a Ibid., fol. 119 V° (12 décembre); fol. 132 (6 avril 1391), 132 V°
et suiv. (11 avril); XLII, fol. 81 (3 octobre 1392).
° Ibid., fol. 137 (2 mai), 138 V.
iq avril 1392: providendurn est de custodio et conservatione
castri Durochij per dominum dicti loci in manihus capitanei nostri
culphy" (ibid., XLII, fol. 43, V°1. Cf. notre Gesch. des osmanischen Rei-
ches,j, pp. 269,,271.. Occupation forrne4 apprès le 1E1 ao8t. Lesarticles
de capitulotiou du 9, Misg, XLII, fol. 73-73 V0 et suiyi ceu2t. du 17
aofit, ibid., fol 122 V° et suiv.
it Ibid., X,II, 30 janvier 1392; XLIII, fol. 14 (3 juillet)= Ljubié,
loc. cit., p, 291 et suiv. (pour tout ce qui se rapporte. a cette annee).

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A. R. -Bulletin Aislorique. 2-1
322 N. IORGA

rnai 1et avec Nerio Acciaiuoli 2; on cherchait a reprendre


Argos 8. Bien que les galeres de Romanie partaient le 3 juin
139t, ayant a bord Francois Mocenigo, consul de Tana 4, on
craignait les barques turques, qui, a . l'insu du Sultan, atta-
quaient la province vénitienne de Nauplie, assiegee par Mer,
de mane qu'on attaquait Cor9n et Modon6. La crainte des
Venitiens etait tellement forte, que, le 13 mars 1392, un am-
bassadeur special sollicitait Bedzid d'epargner l'lle de Negre-
pont 6. Pour sauvegarder cette importante possession, des me-
sures toutes speciales étaient prises au courant du méme
mois 7.
Au cours de ce printemps de l'année 1392, Venise, qui
avait refuse au roi de Hongrie son concours pour une croi-
sade 8, apprenait entin une nouvelle qui la terrifia. A Con-
stantinople, a Salonique on armait upe grande flotte ottomane
sous pretexte de soumettre le seigneur turc de Sinope. L'empe-
reur Manuel en aurait regu le commandement, devenant ainsi un
simple amiral, capitaneus armate, de son puissant suzerain.
La puissance de BaYezid s'est beaucoup accrue et semble
devoir augmenter de plus en plus, pour le pluS grand tort de
la chretienté, sur terre comme sur mer", c'est le premier
cri de conscience chretienne que l'on entendit a Venise, le
26 avril 1392, quand des mesures furent decidées pour eloi-
gner le danger qui menagait la Crete de meme que Negrepont.
.,Tous les Grecs", déclare-t-on egalement dans cet acte d'Etat de

1 Ibid., XLII, fol. 137 Vo.


Ibid., foL i v. (11 juin).
Le 21 mars 1392 on interdit le commerce avec le despote (ibid.,
fol. 50; 21 rhars 1392).
* Ibid., XLI, fol. 142.
5 Appendice du mémoire roumain, a la date du 21 février et du
2 mars 1391. A cette élioque Antonio Querini, quern iri ambaxiatorem
ad partes Palatie destinastis (regimen Crete)", montre que la paix (con-
ciordium") a été rompue avec le prince de ces lieux et qu'on ne peut
la rétablir nisi apponeretur quod illud concordium firmabitur cum
benivolentia et amore Baysit-bey", ce que le Sénat n'admet pas (Misti,
XLI, fol. 129; mars). Cf. notre Gesch. des Osmanischen Reiches, I.
o Misti, loc. cit., a cette date.
7 Ibid., XLII, a la date du 12 et du 15 mars. 1392.
Ljubié, Inc. cit., IV, p. 305.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EMJX DE Lk MER NOIRE 323

grande importance, préferent, en general, de beaucoup, la


domination des Turcs a celle des Latins". Le capitaine du
golfe recut l'ordre formel de poursuivre les pirates", de faire
du tort aux Tures et de les détruire, de toute facon" si on,
les apercevait au-dela des détroits, du golfe d'Abydos"
(bucha Avedi), ou hien s'ils essayaient de sortir du port de
Salonique et des autres fiumare.11 avait la latitude d'entre-
prendre une action commune avec les vaisseaux qui auraiént
ete armés a Rhodes, Chios ou Lesbos ou bien dans rile de
Famagouste" (sic), mats seulement par Mer 1 L'empereur Ma-
nuel étant considéré comme vassal turc, toujours wet a tou-
tes les intentions de BaYezid", la Republique songea, le 30
avril, a soustraire ses negociants a sa domination?.
II arriva cependant ce qui était indique comme possible
dans cette decision meme : les vaisseaux du Sultan ne prirent
pas le large. Le capitaine du golfe n'alla que jusqu'A Negre-
pont 8les pirates avaient surgi seulement dans les eaux de Pa-
tras, comme pour les années précédentes,4, alors que Pantaléon
Barbo se presentait a l'empereur, *qui] troilva, ainsi que sa
mere ---.probablement co-regentefort mal dispose 5. Les vais-
seaux de Romanie furent donc envoyes en juin 6, et on de-
manda a l'empereur de ,Trébizonde et a l'autre seigneur et
,,empereur", de Tébriz (de. Tunis), l'ouverture des ports7; la
Seigneurie se croyait tellement assurée que, le 7 octobre,
apprenant que Strachimir, seigneur de Dulcigno", et un de
ses parents" ont ete arrete par Bayasit Turchus", ce qui
signifie le Sultan lui-méme, et non pas le beg, son homonyme,
d'Uskub et qu'il est question que les Tures occupent, non
seulement Dulcigno, mais aussi Scutari et autres de ses
possessions", elle prit la decision de lui venir en aide et lui
eonseilla, par Fe vice- capitaine du golfe, Nicolas Bellegno, qui
y avait &barque a. l'occasion de ce danger, de resister de toutes

Appendice du mémoire roumain, a la date du 26 avril 1392.


2.Ibid cette date.
8 Ibid., A la date du 20 juillet, no 2.
Misti, XLII, fol. 66 V° (2 juillet). Les Catalans snr mer vers
Patras et Klarentza, ibid., fol 76 V° (6 septembrg).
5 Appendice, a la date du 20 juillet, no 3,
* Misti, XLII, fol. 62 V° (1-er juin).
7 Appendice du mémoire roumain, A la date du 4 juillet 1392.
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?24 N. IORG4

ses fowes 1. Le mqis suivant, on prenait des mesures arm de


negacier avecies Tures, qui encerclaient avec leurs possessions
sa notiyelle acquisition albanaise, Durazzo,, étant en rnesure
d'intervenir, vu son amitie manifeste avec le Sultan, 4upres de
leur plIeN eggletnent, tel Manouc" (Mainuchos) ou autre
grand Turc 2 Le a janvier 1393, cm Olisait le bailli et le capii
taine de Durazzo, son caissier surtout pour le sel, la grande
resspurpe" de la ville 8 , le recteur, auquel on batissait memo
une maison l'amiral, qui avait a sa disposition une barque,

razzo '
Et, vu qVilessio était non seulement le marche du sel que
l'on exporte en Esclavonie", mais aussi rceil droit de Du-,
et l'on peut dire que sans lui Durazzo est -paralyse
s'a aucune valeur" , on entatna des negociations avec Ra-
dits,cb TsclIrnoievitsch, baron des regions de Zenta", pour
l'annexion de ce port albanais egalement 5. Les Doucachine

1 Ibid., a Is ditte du 7 octobre 1392; Ljubid, loc. cit., p.273 et suivi.


2 Appendice du mémoire roumain, 4 la date du 14 novembres,,r
Pour des fortifications a Durazzo, voy aussi Mi.sti, XLII, fol. 83 (26 oc-
tobre), 84, 87 et suiv. Voy aussi Ljubi6, loc. cit, f). 302 et suiv.
3 Est minima quantitas salis... Major utilitas Durachij est sal, et

plura fundaments sunt male et pessime in ordine" (Misti, loc. cit., fol.
g4 r)t
Non est aliqua dornus abilis et sufficiens pro rectore nostro, e/t
omnino sit necessarium providere de construendo unam" (ibid., fol. 94
Voy aussi fol. 93 et suiv.Le 20 février, Francois Giorgio ,est en-
voyecomme recteur (ibid., fol. 97 V0).Pour la justice, 18 avril,
fol. 208. Le 6. mai, des recherches ut testarent, etc., si fovea pro po..
nendaDurachium in jnsula et seralea fieri poterat aut non" et pour la
geVaite dans la ville des voisins (fol. 109-109 V°). Pour les Albanais
des environs de Durazzo, iAW., fob 129 Vo (20 septembre).
5 3 avril (fol. 108 V). Certa pacta cum quodam barone de par.-
tibus Zente, qui vocatur d. Radice Cernoie, qui tenebat et tbnet ca4-
tram de Lecxio... Ipsum castrum sit positum super forum salis qui mit-
titur Slayoninat et est opculos (Lester Durachij ei sine ipso nichil dici
potest vallere Durachium." II domine aussi les défilOs. Le 6, mai, des
négociations dgalement avec quidam Cursachus, maritus domine Voi-
qelsve, sosori,s coodam domini Georgii cropig` (fol. 109). Cf. pour cette
uxor q. Cursachi". XLIVL, fol V°. VoyNaussi fol. L6. Le 26 sepal-
bre (fol. 130 V°) rdsolutiou pour la dot de IA, speur de Volchus de Brand.,
intimus amicus nostri dominij"; slle etait mariée Ii dominus Georgius
Tobie". Ljubi,4, loc. cit., pp, 30, 304,419-40.
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 325

le céderentl. Georges Strachirhir tents d'empether le cbmtherce


vec Alessio, Mais la Republique tenait tortipte du fait 4114i1
fie polivait etre th rhesute de le proteger tbtitre les Tnres2.

V.

A cette eptique le8 relations normales avec anstauti-


nople contimiaient : on y envoyait le Vice-bailli le 4 février
1393 3, on expediait, fete venu, les galeres de Romanie 4, on
entretenait des relations avec la Morée et le despotata 6, on
s'interessait aux possessions de Nauplie 6, on tbrrespondait,
comme de coutume, avec 1'Archipe17. Cependant BaTézid restalt
menacant: non seulement les siens arrétaient, a Salonique,
les négociants de la vile parce qu'un vaisseau ture charge tle
ble avait été arreté 8, mais le vicaire de la principauté d'Achge,
qui s'etait présenté, de meme que Manuel et que le despote
Theodore, a Serres, devant le gultan 3, en rapportaient la nou-
velle qu'il songe ,, au duche d'Athenes"--- appartenant aux Navar-
raiS et mix possessions du devote et a d'autres prOVinces de

Misti, XLIII (12 Mai 1394), fol. 4: deh demahdes t1e iSti nO-
biles Duchayni, ui hic sunt et a quibus dominatio nostra habuit cas-
trum Lexij". Cf. aussi fol. 4 (16 juillet).
2 8i dictus locus esset in suis manibus, quia cogeretur eum dare
Turcho et postea ipse dominus Georgius cum toto suo paesio essei hi
manibhh dicti turchi et eldrgatus esset e favote et spe cdjtislibef per-
sone que esset bene dispohita ad sustentatioherii stir (21 juillet 1393;
ibid., fol. 119).Pour l'essai d'apporter du sel A Souffada, ibid., fol. 180
(26 septembre).
8 Ibid., fol. 95 V°.

* Ibid., fol. 113 et stiiv. (29 Mai). On envbie dti iih h Cbnstanti-

hople; fol. 120. Etoffes de Florehee (5 fnars 134, foi. 153 it°.Voy.,
pour Tana, Appendice du in&nbire roumain, a la date dh 2l3 &cern-
bre 1393.
9 Ferrum et gbmeria que consumebantur ih phrtibtis Amoree et
dispotatus", (fol. 153 V°).
Ibid., fdl. 117 (1'7 juiii); leffits d'Ingelbert d'Etighleti (25 aofit;
fol. 128 V0).
1 Avec Sériphos et Naxos (10 juillet), fol. 122 Vd; avet krangoull
(12 décemlire) fbl. 143 V°.
6 Append-tee du méthoire rotimain, A la date titi 4 détellibre 1393.
9 Jiretek, dans la Byzantinische Zeitschrift, amide 1909, p. 585.
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326 N. IORGA

ces regions" 1. Traversant la Thessalie, oiz ii prit Pharsale et


Domokos, Lamia, Neopatrai, le fils de Mourad s'était arreté A
Salonique, en fevriert peu de lours avant cette decision véni-
tienne, et y avait pris pour femme la fille de la princesse de
Salone (Sola), occupant toute la region" 2 Nerio, qui, delivré de
la captivité des Navarrais, dans laquelle ii était tombe par la
volonté de Venise en 1390, venait a de se brouiller avec le
despote 8, exprimait egalement la crainte sérieuse que le Turc
ira plus loin encore" (oeniriz pia inanzi)4. Ailleurs, l'héri-
tage de Georges Strachimir lui etait revenu, et Marc Bar-
badigo de Crola, qui l'avait obtenue par son alliance avec cette
dynastie, était alle preter hommage" (ad se jnclinandum) 5,
vu le danger, a Baiézid d'I.Iskub G.
Entre temps le siege de Constantinople par le Sultan
avail commence.

VI.
Des le 21 mai, le Senat discutait, par la moyen de Ber-
tuccio Querini, sur les affaires de Constantinople", qui con-
stituent un grand danger" 1. L'empereur avait averti du peril
qui le menacait ; la mauvaise disposition de BaIezia" ne fait
plus l'objet d'aucun doute. La presence de la flotte vénitienne
dans le Levant était de nouveau .devenue nécessaire, aussi
pour encourager cet empereur". On décida de faire connat-
tre a Manuel la sollicitude que Venise a pour lui et son Em-
pire et de lui conseiller de ne pas quitter sa Capitale et son
Empire, vu qu'une telle absence serait la destruction totale et

1 Appendice, A la date du 19 mars 1394.


2 Sitzungsberichte der bayrischen Akademie, année 1890, p. 308.
3 Misti, loc. cit., fol. 18 V° (24 juillet).
4 Ibid.
11.1.1v Ecthirauv, dans Miller
D'après Lampros, '0 TeXarFaiog Kew%
loc. cit., pp. 346-347.
6 21 mai 1394: De motibus Turchorum et de gestis per ser Mar-
cum Barbadico, qui videtur ivisse ad se jnclinandum Basaito" (ibid.,
fol. 4). Cf. notre Gesch. des osmanischen Belches, I, p. 271 et suiv.
Pour Marc Barbadigo, du castrum Croy", fol. 18 (24 juillet).
' bIstis negotijs Constantinopolis..., que sunt magni ponderis";
ibid., fol. 5.
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IA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA INER NOIRE 327

finale de cet empire, de cette ville renommee, car il est cer-


tain que le Turc s'y etablirait immddiatement et pren
drait des mesures telles, en ruinant les murs de cdtd de
la terre, ainsi Tie par d'autres moyens, qu'il serait tr4s
difficile que la yille puisse jarnais retomber entre les
mains des chrdtiens". II existe une cause de la chretientét
de la foi catholique": le Pape, l'Empereur d'Occident, d'au-
tres rois et princes du monde" doivent dtre exhortés a ve-
nir en. aide; la Seigneurie est pi-6W a transmettre et ap-
puyer de telles lettres. Si, cependant, Manuel demandait
être embarqud et conduit 4 Venise, on renouvellerait les
conseils pour le faire rester a son devoir", car il ne pourrait
faire chose plus dangereuse pour sa situation et son Empire";
les galeres ont d'ailleurs une autre destination. Tout au plus
cette solution pourrait-elle dtre admise pour l'avenir. Seule-
ment lorsque l'on ne pourrait faire autrement", le bailli et
son Conseil ont la faculté de donner satisfaction a son désir,
et, en ce cas, les galeres pourraient attendre meme quinze
jours. Les habitants devront toutefois etre conseillés de de-
fendre la ville jusqu'au bout. Pietro Foscari d'ailleurs s'op-
posa énergiquement a l'idee de recevoir l'empereur fuyard, a
cause des consequences qui pourraient en résulter pour le
commerce vénitien. Finalement on admit un (Hai jusqu'à l'ar-
rivée des galeres de Romanie 1.

Le siege de Constantinople cependant ne fut pas sérieux.


L'attention de Balézid était dirigee ailleurs, vers le duche
d'Athenes, vers la principauté de l'Achafe, vers le despotat
de Morée 2 En 1394, Venise accomplit de grandes choses de
ce cdté: en mai, elle avait Argos. en echange de Vasilipo-
tamo et de Megare, qu'elle avait occupees; en automne, Ne-
rio, actuellement vassal turc, devait finir ses jours; Tocco, le
mari de sa fille, Francoise, s'était inscrit, avec ses Iles, dans
la clientele de Venise, bien que, a la mort de son beau-pere,

1 Appendice du mémoire roumain, A la date du 21 mai 1394.


Le 4 juin on prend des mesures pour les galères de Romanie et de
Tana (MINI, XLIII, fol, 8). Pour Trébizonde, voir aussi Thomas, loc. cit.
pp. 250-251.
2 Cf. notre Gesch. des osmanischen Reiches, I, p. 283 et suiv.
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826 N. tORGA

ii s'attribua Megare et Corinthe, qu'il -donna A Theodore, -de-


vetiant ainsi son allie contre la Republique; Athenes ceperi-
dant resta venitienne jusqu'en 1402, et les Navarrais avaient
arbore sur leurs fortereSses le drapeau de Saint-Marc 1, ce qui
ne les empecha pas, en 1395, de collaborer avee'les Tures A
la 'prise de Misithra et A In destruction du despotaf, mais pour
etre peu apres ctuellemeht" punis par les Grees rentrés chez
eux 2.
Des le Oois de juillet on savait a Venise, par deS let-
tres des chAtelains de Coron et Modon, clue Witzid est Venti
dans les parages de la Principaute" 8, et des mdsures étaient
prises afin de protéger Patras, possession de farcheveque la-
ainsi qu'Argos, Nauplie 4; on envoyait a Nerio deS balls-
taires, et le despote, réconcilié A la Seigneurie, recevait des
etoffes cotnme cadeau 5. Les ambassadeurs de Nerio et du
despote se trouvaient dans la ville vets la fin du mois d'aoAt,
et on parlait de fortifier Corinthe et l'Heximile. On n'arrivA
toutefois pas encore A des hostilités turques : on otdonna de*
sequdstrer la fortune d'Aloisio Dandolo, pour sa dette envers
BaYezid, lequel est nomnie ici pouf la premiere fois Irizpe-
rator Turchorum" 7; en echange, II permettait que fon im-
porta du cuivre de Castemouni, sa recente conquete, ainsi
que d'autres locates d'Asie, a Constantinople 8. Tout au plus
si SaIn (Chahine), le Turc, établi A Scutari, aide par des Alba-

I Ibid.
2 Ibid., 1, pp. 286-287; Miller, loc. cit.
s 24 juillet (fol. 38 V° des Misti, loc. cit.): nova que fuerunt de
adventu Basiti ad partes Priticipatus".
1 Ibid., fol. 19-19 V° (24 juillet), 19 V°-20 (4 aoat).
5 Ibid., r/Ame date. Cf., pour Argos et Nauplie, fol. 20 V° (4 aoCit,
26 aofit), 24 V° et suiv. (27 aofit, au capitaine d'Argos). Le 29 aofit,
Pierre Zeno, seigneur d'Andros, est envoyd a Nauplie pour le fait Ar-
gos (fol. 27 V°).Un envoyé d'Ingilbert d'Enghien le 5 novembre, fol. 35.
1 Ibid., fol. 24 (26 aofit), 25 V° et suiv. (25 aofit), 26 V°. Cf. au 15
mai 1394 (fol. 3): jnsula nostra Butrentoy (Butrintb), vocata Eximilia"
et au 16 juillet suivant (fol. 14).Fortifications a Heximilion (Heximilli")
le 22 février 1396, fol. 110 V°. Voy atissi ibid., fol. 118 (1-er mars), 139 Ve
(6 juillet).
I 4 aofit (fol. 20 Vo): pro dando in solutum Baysit-bey, Impera-
tori Turchorum".
8 ,,Castamene et aliarurn partium Turchie" (18 acyfit; fol. 22 V°).
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EMJX DE LA MER NOIRE 329

ndis,'comme Dernetre Yonima, faisait des prisonniers dans les


pOssessions vénitiennes, en automne
Les galeres de Romanie partirent aussi en mai 1395 2,
mais on constate une diminution dans le trafie des grains et
d'autres marchandises" 3. Plus irnpottante pour la Republique
Mali Maintehänt la question de l'heritage de Nerlo a Athenes,
que le Senat -déciara, le 5 mars, indispensable pt:thr les int&
rets Venitieng 4. On negociait a ce sujet, en été, dans Ja Prin-
elpauté, avec les Navarrais" 6, et le 3 tibia on exprithait la
crainte, A la suite de nouVelles parvenues de Negrepont, que
les Tures ne se préparent a attaquer cette Ile, et meme Athe-
nes, ainsi que d'autres possessions Voisines, et on envoyait
ectinme renfort cent soldats A pied 6 En décembre on armait
dix galerea afin que cette Mer ne Soil pas perdue et qt.' e
BaYezid sache nettement que nous ne voulons pas abandons
ner l'Ertmire de Constantinople", l'ambassadeur de Manuel
était dans cette ville le 9 du mois 7, que nous ne pouvons
admettre les violences et changements qu'il fait A Gallipoli
et autres- endroits journellement" : ft Argos, A Athenes, A qui
on donne meme, ft ce moment, le nom turc de Sithines" 8
Les attires de Tana, pillee et incendiée par Timour, l'injuste
et perfide Zaniberlano", irespectueux des promesses, pillard
et voleur" et oil, A la meme epoque, on envoyait un ambas-
sadeur pour s'entendre avec le Khan Toctamich, le vaincu,

28 septembre (fol. 39 Vo): per illum Tutchum qui est in Scu-


tari et per Dinlitrium Ionedia"- Mesures pour Alessio, le 1-er de-
cembre, fol. 36 V°. Pour Durazzo, le 4 aoiit (fol. 21). Impeot pour
dépenses A Trébizonde et ConstantinOple; pdnirltième fdvrier 1395 (fol.
37 Relations avec Progon Doucachine (fol. 67, 9 juillet) et fol. 71
(8 juin), Ljubid, loc. cit. p. 336.
11- 27 mai;, Misti, loc. cit., fol. 63 et suiv.
8 Appendice du métnoire roumain, A la date du 2 juillet 1395.
Fol. 50 V°, 51 V° (23 mars), 66, 76 Vo.Relátibns avec Tocco, 20
aoilt, fol. 78-78 V°.Voy. surtout Pexpose clair et attrayant de Miller,
loc, cit, p. 351 et suiv. (aussi; d'après N. de Martoni, clang la Revue
de POrient latin", III, p. 652 et suiv.).
° 23 juillet, Misti, loc. cit., fol. 74 et slliv.
4 Misti, loc. cit., fol. 70.
' Appendice du mérnoite roumain, A la date du 9 décembre 1395.
Appendice du mémoire roumain, A la date des 3, 9 et 28 décern-
bre 1394.
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330 N. IORGA

ou un autre qui y descendrait" de nombreux, Venitiens


dtaient en captivité chez lui en vue de fortifications ou
d'entrepOts, demandaient aussi comme absolument nécessaire
un tel déploiement de forces 1. Le principal but dtait cepen-
dant ,de ne pas laisser perdre entre les mains des Tures Con,
stantinople, d'une facon si honteuse et en causant un si grand
tort a la chretienté 2".
Donc, le 17 février 13%, on delegua a Balezid, que Yon
devra chercher en Europe et en Asie, deux ambassadeurs, Nico-
las Valaresso et Nicolas Contarini, afin de rétablir cette sincere
affection", cet ,amour traditionnel" qui faisait défaut depuis
quelque temps entre l'ancien empereur cbretien et le nouvel
empereur pafen ; meme si les ',Génois de Pera, bons allies
de l'Empereur, devaient participer a la paix desiree, ils accep-
teront. Cependant ils s'arreteront si leurs efforts devaient
rester vains. On avait prepare pour BaIdzid et les ,,ba-
rons" des objets en argent et d'autres cadeaux d'une va-
' Ibid, a la date dn 23 ddcembre et surtout la description ani-
mde du 22 février 1396 (Appendice du mémoire roumain).Pour les mar-
chands se rendant a Trébizonde, fol. 96 V° (23 ddcembre).. Cf. a la
date clu 21 janvier 1396 (fol. 122 V0): Intentio nostra sit manutenere
Viagium Tarte" et dare juvamentum viagio Trapesunde". Pour le con-
sul a Tana, fol. 103 (27 janvier).Au 10 janvier (fol. 104): compaciendo
civibus et fidelibus nostris, tantum exterminium et damna passis in par-
tibus Tane"; mesures pour leur stireté. Le 1-er févritr, Ermolao Bar-
baro est envoyd a Tana pour avoir des nouvelles, avec latitude de
ramener aussi les Génois (ibid., fol. 109 V0-10).Mesures pour fortifier
Trdbizonde, Appendice du mdinoire roumain, a la date du 22 février.
Pour les dépenses de Tana (25 mai), fol. 128 V°. Pour les vaisseaux
qui s'y trouvent, ainsi qu'a Trébizonde, fol. 129, 132, 133.Le 20 juillet on
decide d'écrire a l'empereur de Trdbizonde et a Gusoni a cause des dom-
mages causes in partibus Taurixij" (cf. hImperator Taurixij"), sous le
pere de l'empereur, contre Perazzo Malipier (fol. 142; in quodam loco
Moziger"; fol. 142 V0). Au mois de mars 1397, consul de Tana chez
l'empereur (fol. 175). Andreazzo Giustiniano, vice-consul, avec do-
mande de réduire 11/0/0 de la douane (fol. 180-181; 19 mars). Sur les
galeres de Tana, 14 juin 1397; XLIV, fol. 4 et sttiv.En 1398 aussi,avec
de grandes precautions (13 juin, fol. 44 V° et.suiv.). Le 9 juillet, pour
la confirmation du bailli de Trébizonde; fol. 50 (9 juillet), du consul de
Tana, fol. 81 V° (9 janvier 1399), 91. Les galeres de l'annde 1399; fol.
1 07 V° et suiV. (19 juin).Le 12 ddcembre, la route de Tana dtait
considérde comme dangereuse (fol. 132 V0),
2 Appendice du memoire roumain, a la date du 28 ddcembre 1395.

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LA POLITIQUE VENIVENNE DANS LES EAUX DE LA MER NOIRE 331

leur de 500 ducats. Les envoyes demanderont le droit fie


charger des grains et de faire passer des vaisseaux dans la
Mer Noire pour renouveler les trdves comme du temps de
Jean VII, que Manuel nne voulait pas entendre mentionner,
car, a son avis, ii n'a jamais ete empereur". A son offre
de mettre en gage nla chlamyde de Jesus-Christ et autres de
ses reliques" on répondra que ces reliques pourraient difft-
cilement etre enlevees de Constantinople au su de ses sujets,
vu qu'ils les gardent avec tant de foi que, s'ils voyaient ceci,
ils ne le souffriraient pas avec resignation et des troubles
pourraient facilement eclater, ce que les Vénitiens ne veulent
pas". Cependant les vaisseaux vénitiens ne devaient pas dé-
passer Ténédos, ni attaquer les Tures, si ceux-ci ne prenaient
pas l'offensive 2
A cette date se trouvait a Venise Emmanuel Philanthro-
_

perm, ambassadeur byzantin 3, revenu de Hongrie et qui an-


noncait la prochaine arrivée du roi Sigismond avec une ar-
mée de croisés, en mai, á un endroit nornme Vlnari (sic)".
probablement Varna. On annonçait ainsi l'expddition qai
devait finir en septembre par la catastrophe de Nicopolis 4,
Le rOle de Venise dans cette expedition nous est connu
par l'analyse patiente de M. Delaville-le-Roulx 5. Le capitaine-
general du golfe écrivait, vers la fin de juin, qu'il est pret
a remplir nos ordres dans les regions de la Romanie, con-
tre les Turcs, avec les quatre galeres qui lui étaient confiées".
Le 20 juillet, BaYezid, ayant a Gallipoli une flottille et une
armee préte na attaquer les chretiens qui sortiraient ou ren-
treraient par les détroits4, on prenait des mesures pour la
1 Appendice du mémoire roumain, a la date du 17 février,1396.
2 Ibid, a la date du 24 fdvrier 1396.
3 Le 29 juin ordre pour la reparation de Ja maison du bailli; fol.
138 V°.
4 Notre Gesch. des Osnianisc'ien Reiches, I, a cette date. Pour
Argos, fol. 118 V° et suiv. (21 mars); pour Scutari, fol. 121, 123 et suiv,
(méme date), 137 V°; pour Tocco, fol. 120-120 V° (16 mars), 123.Pour
Durazzo et Scutari, fol. 142 V°; pour Atbenes (6 octobre), fol. 155; pour
Negrepont, XLIV, fol. 61 V° et suiv. (7 septembre).
5 La France en Orient au XIV-e sidcle, 2 Vol., Paris 1885-1886,
° Appendice du mémoire roumain, a la date du 6 juillet 1396.
Le 13 juillet on decide cependant que les galeres de Tana partent
fol. 140 V0-141).
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332 N. 10R6 A

Serete de rile d'Eubee f. Ni les mesures en 'vue tie féven-


tualité de l'arrivée du roi de Hoftgrie a Constantinople" 2 ne
faisaient defaut. Mais, au lieu du triotnphe cgoti atthndait,
Venise devait annoncer au Pape, le 30 OttObre, la catastro-
phe qui avait eu lieu 3. A partir de cette date, la sollicitUde
de la Republique sera (firigee vers les captifs francais 4. Elle
perdit sous peu (1397) ArgoA, que les Tures de Morée octu-
perent, comme ennemis du despote egalethent 6, et Venise al--
riva a proposer a Genes la fortification en commun de l'ile
de Tentdos 3.
Bianco de Rippa reaccepta que diffieilement, le 7 février
1398, la charge de vice-ban a Constantinople, A cause des
eireonstances défavorables, de la guerre, de la cherte qui tegne
dans cet Empire" 7. La Mer était infest& par les -pirates, par
ceS ligna Turchorum" qui, en mai, faiSaient leur apparition
devant Negrepont a. Un mois plus tard, on détida que Manuel
sera conseille, par le capitaine du golfe, d'etre ebristant et
garder une Arne virile pour son soutien et 8a conServation#,
cherchant it faire la paix avec le Sultan, Cara Baysito",
simplement 9. Le 19 septembre, l'ernpe.reur avait a Venise tin
ambassadeur de son désespoir, Theodore Paleologue Canta-
ctizene ".
Le siècle fut clos par tine nouvelle menace turque sans
effet. BaTézid apparait tomme Iniperator TurchorUm", tits
puissant", pret a attaquer les VénitietiS,surtout en Moree, le 9

1 Appendice du mernoire roumain, a la date du 20 juillet 1396.


2 Ca s u quo d. rex Hungarie veniat ad partes Constantinopolis":
les vaisseaux vénitiens seront Ii ses ordres (Misti, loc. cit., fol. 142 V*;
20 juillet).
3 Ibid., fol. 159.
Ibid., fol. 175, 180 et suiv. Francois de Bernardo tentre de
Hongrie le 23 octobre 1397; XLIV, fol. 23 V°.
5 Notre Gesch. des osrnanischen Reiches, 1, pp. 287-288. On
attrait pris aussi la ville d'Athenes (Miller, loc. cit., I, pp. 358-359).
° Notre Gesch. de okmanischen Reiches, I, pp. 297-298.
r Mala COndictio, guerra et caritudo existentes in dicto Imperin°
(Misti, loc. cit., fol. 32 V0).
Ibid.; fol. 43 V°. Pour Athenes, ibid., fol. 33 (30 jonvier); pour
l'Archipd1,--fol. 44 (31 mai).
' Appendice dii mémoire roumain, a la date dm 17 juin 138.
10 4,D. Theodorus Paleologus Cantacusino"; Misti, loc. tit. (fol. 63 V°).
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LA POLITIQUE VENITIENNE DANS LES EAUX DE LA MEIE NOIRE 333

janyier 1399 ' ; en avril on prenait done des mesureg contre cette
arrnata Turchorum" qui n'avait pas ose jusqu'alors le rnou-
Vett-tent d'offensive Won craignait 2 Le 3 décembre 1399
Marmel abandonnait sa Capitale pomme fuyard vers. cet Occi-
dent oa ii .allait quémander des subsides 2
A partir de l'année 1400, les matériaux se trouvent en
entier dans nos .Notes et extraits pour servir a l'histoire des
croisades aq XV-e sidele", I et 11 *.
*
Quels rapports peut-il y avoir entre ces faits et l'histoire
des Roumains aussi ? Ils forment le cadre mérne de la carriere
du prince Mircea, lequel, profitant du combat de Plotschnic
pour brendre possession de la rive droite du Danube, eut A
souffrir de la part des Turcs A l'epoque mérne des grands
mouvements de conquete (1393 1394), qui conduisaient Bee-
zid alors que les siens prenaient Trnovo Es Serres, en
Thessalie, au golfe de Corinthe, A Constantinople, puis de nou-
veau en Achak, pour que, finalement, avec des forces serbes 5,
ii attaque la Valachie, au cours de l'année 1394, quand ses
akindschis" pillerent jusqu'a Kronstadt. La reaction chretienne
de 1395-1396 profita egalementa Mircea. Mais, lorsque la ven-
geance turque de 1397 s'exerca en Moree, elle ne l'epargna
pas non plus, et ce West qu'en 1399, alors que les difficultés
commencent pour Ba1:62id en Asie, que de nouvelles perspec-
tives s'ouvrent pour le prince roumain.
Enfin on ne doit pas oublier que, dans toutes les tran-
sactions de blé .des Vénitiens, les pays roumains jouaient Un

1 Appendice du mémoire-roumain, a la date du 9 janvier 1399.


2 Misti, loc. cit., foL 97 V°. Un envoyé du despote, le 31 dé-
cembre, fol. 133 V°.Décision pour les galeres de Romanie, 29 janvier
1400; ibid., fol. 140 V° et suiv., 144 V°.
3 Outre notre Geschichte des Osmanisc-hen Reiches, I, p. 299 et
suiv. voy le travail recent en russe du professeur A. Vasiliev, Ilyrosamie,
etc., Pétersbourg 1913.
4 Nous avons donne a l'Appendice du mémoire roumain la deci-
sion, si importante du 27 février 1400, sous une forme plus complete
que dans les Notes et Extraits", rectifiant aussi une erreur: l'Impératrice,
et non pas l'Empereur, se trouvait a Malvoisie. Voy. aussi Jiredek, loc.
cit., p. 584.
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334 N: IORGA

r6le et que le commerce vaste et opiniatre deSdits marchands


A Tana, dont les details pour cette epoque nous sont connus
par ces notes, faisait naitre dans ces regions de la Mer Noire
une vie active, dont, non seulement au point de Vile écono-
mique et culture!, mais aussi au point de vue politique, les
Roumains ont beaucoup profite.
A partir de 1396, -mais surtout depuis 1400, des rapports
directs commencent entre Mircea et Venise, rapports dont ce-
pendant il ne peut etre question dans la presente etude.

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VENISE DANS LA. MER NOIRE

III
ORIGINE DES RELATIONS AVEC ETIENNE-LE-GRAND, PRINCE DE
MOLDAVIE, ET MILIEU POLITIQUE DE CES RELATIONS.

Pour ce qui a trait a l'intormation, aux faits, on ne


peut donner que tres peu d'inedit concernant les relations
fortuites entre Venise et Etienne-le-Grand (1457-1504), re-
lations que feu Exarcu a le premier fait connaitre dans une
brochure qui contenait l'édition, assez soignee pour l'epoque,
des decisions du Senat vénitien concornant le grand prince
inoldave; puis ces actes ont ete réédités, sous une forme
moing soignee, mais d'apres des copies beaucoup plus exac-
tes, dues a la direction des Archives dei Frari, dans le vo-
lume VIII de la collection Hurmuzaki. Si cependant, apres-
avoir revu avec attention et complete ces pieces, qui men--
taient d'être publiées une troisierne tois dans une edition qui
pourrait etre consider& comme definitive 1, nous nous .déci-
dons a' trait& encore une fois ces relations, qui vont depuis
ia bataille de Vodul-Innalt" ou de Vasluiu jusqu'a la yeille
de la perte des forteresses par lesquelles la Moldavie venait
en contact :avec la Mer, c'est parce qu'il est encore besoin
de dormer un cadre a ceS relations et de prononcer un ju-
rjemenl impartial sur l'attilude des deux parties.
C'est justement pour avoir ett fortuites que les.relations
entre le prince roumain et la puissante Republique de la Me-
diterranée ne peuvent etre expliquées par elles-memes ou
'1' Nous Tavons donnée dans l'appendice du mémoire roumain.
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336 N. IORGA

bien en ne tenant compte que des faits proches ou de la si-


tuation des pays voisins. Ce bref chapitre, rempli cependant
d'élements tragiques, est un episode d'un drame beaucoup
.

plus vaste et ayant un sens beaucoup plus profond. Et ce


drame exige une étude allant souvent fort loin.
En second lieu on ne dolt pas accuser Venise d'egoIsme,
de vues étrolles, de manque d'intérét pour la chretienté sans
avoir préalablement étudie au moins les circonstances aux-
quelles elle devait faire face? sans connaltre exactement 4e
principe meme de son existence et la mission fatale qui lui
était imposee par cela méme. Car, pour une société politique,
rien ne peut etre au-dessus du souci de sa conservation, la-
quelle, lorsqu'elle représente, améne ou prepare une lorme
speciale de civilisation, devient une nécessite morale du monde.

I.

Des 1463, Venise, qUi, inquietee par les Turcs de Mo-


hammed II, devenu empereur byzantin, dans toutes ses pos-
sessions orientates, croyait pouvoir briser la puissance palenne
par la croisade de Pie II, se trouvait en guerre avec le Sul-
tan,. sans pouveir aspirer a des conquetes ou a la gloire dans
la série d'actions obscures closes le plus souvent par les progrés
de l'ennemi.
Dans cette guerte, qui usait peu a peu ses forces, elle
avait, bien entendu, un besoin imperieux de secours, car,
avec ses mercenaires, payes tres cher, et ayant le confirml
souci de se conserver eux-memes, ainsi que les troupes qu'ils
avaient en entreprise", elle n'aurait pas Me en état de mener
un combat a outrance, désespéré, devoue", dans le sens
antique du mot, cnntre celui qui était nomme maintenant
avec fureur le criminel et sanguinaire ennemi du Christ" 1.
Dans ce but Venise chercha a hater la paix italienne afin de
pouvoir utiliser ensuite l'argent du Pape et de Florence, les
soldath du roi de Naples et du. duc de Milan. Pour la pre-
iniere fois alors, elle sentit le besoin d'une union italienne"-

Nefarij et sangoinatii Christi hostis" (1470, 20 ao0t), dans Ber-


chet, LS guerre del Veneti izeW Asiu, 14ZO-T1474, Vienne 1856, p. 1.

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VENISE DANS LA MER NOIRE 337

elle eut la conscience d'une Italie unifiée, ayant les memes


intérets, en face des mémes dangers, venant des mémes en-
nemis. Car tous", disait son gouvernement le 20 aotit 1470,
nous nous trouvons A bord du méme vaisseau et, si un nau-
frage a lieu, ceux qui se trouvent A la poupe ou bien au mi-
lieu du vaisseau, aussi bien que ceux qui se trouvent A la
proue, bien que ceux-ci sembleraient etre en quelque sorte
plus pres des rochers, sont noyés ordinairement dans les va-
gues et engloutis ". La solidarité italienne était mentionnée
aussi par l'ambassade qui se rendait A Florence en octobre
pour indiquer comment Négrepont avait ete prise par l'ennemi
tres acharne et persécuteur du nom chretien, le Turc" 2, .,ren-
versant ainsi tous les obstacles qui s'opposaient a l'invasion, A
la perturbation et au pillage de l'Italie", de sorte que tout homme
sense peut prévoir maintenant ce qui arrivera des principautés
de l'Italie, de leurs libertés, de la vie et l'avoir de chacun, en par-
ticulier et en public". L'union, nécessaire, des chretiens devait
commencer par l'union, sous les auspices du Pape, de l'Italie,
plus directement menacée, facilitant ainsi la concentration of-
fensive des autres Puissances chretiennes. A l'aide de 25
vaisseaux napolitains et 50 yaisseaux vénitiens on pourrait
risquer un grand combat naval contre le nouveau maitre de
l'Archipel 3. On fixa méme, des ce moment, le programme; il
prévoyait non seulement l'eloignement des forces turves des
frontières de l'Italie 4, mais aussi une attaque contre les Iles et
certaines positions de l'Orient et une expedition napolitaine en
Albanie, oi le sort de la guerre allait etre de moins en moins
favorable A la Republique , en méme temps qu'une nouvelle
tentative du roi de Hongrie 5. Ceci n'empecha pas, d'ail-
leurs, l'envoi, en novembre 1470, de Niccold Cocco et de

Omnes enim in eadem navi sumus, et, facto naufragio, non


minus qui in pupi aut in medio navis sunt, quam qui in prora, quamvis
propiores aliquantulum scopulis isti videantut, ab fluctibus submergi et
absorbi consuevere"; ibid.
2 Cum acerrimo hoste et christiani nominis persecutore" ; ibid., p. 6.
s Ibid., pp. 6-8. .
Retrusionem atque remotionem hostis ab litoribus et oris Ita-
lie"; ibid., p. 13.
6 Mid.conversionem virium Serenissimi domini regis Hungarie
contra Turch tun". Cf. Iorga, Geschichte des osmanischen Reiches,II, p.135.

73109. www.dacoromanica.ro
A. R. Bulletin historiryue 22
338 N. TORGA.

Francesco Cape llo a la Porte du Turc" pour l'entretenir du


&sir que l'on avait de vivre en paix avec lui, ainsi que cela
avait eu lieu avec ses tres-illustres predecesseurs" (proge-
nitoribus)1. Mara, fille de Georges Brancovitsch, veuve de
Mourad ir, pere du Sultan, et la sceur de celle-ci, Catherine
de Cilly, avaient ete gagnees comme negociatrices 2; elles
s'offraient A procurer a la Republique aussi ce vétement du
Sauveur, vestis salvatoris nostri domini Jesu Christi", que
Venise n'avait pas voulu accepter en gage, du prince mai-
heureux qui fut Manuel Paleologue 3.
Lorsque, le 22 decembre, la ligue italienne de l'epoque dü
Pape Nicolas V fut renouvelee, lorsque le roi Ferdinand réalisa
(le 1-er janvier 1471) l'alliance contre les Turcs C laquelle ad-
hererent AncOne, le despote de Cephalonie, Tocco, le duc ye-
nitien de l'Archipel, Raguse, l'ancien hertzeg" Vlatco et Ivan
Balchitsch, de la Zenta, puis, un peu plus tard, Rhodes, Chypre.
le due de Bourgogne, dans la Maison duquel les traditions
des croisades persistaient, l'espoir de la Republique grandit :
elle croyait méme pouvoir regagner Negrepont, dilt-elle la ra-
cheter a n'importe quel prix; le Pape, d'un autre cOte, était
sollicité de ne pas manquer a son devoir maintenant qu'Han-
nibal attaquait Sagonte 6. Cependant le printemps passa, rien
ne fut realise par personne, et Venise vit les Turcs s'étendre
partout sans oser leur tenir tete 6.
C'est le moment oif le roi de Georgie 7 et le puissan
Khan turcoman de Perse, Ouzoun-Hassan, l'ennemi implaca-
ble de Mohammed II, solliciterent, par lettre, l'aide de Ve-
nise et un combat en commun contre les Ottomans.

Sans un vote du enat, sans instructions précises, Laz-


Cornet, loc. cit., p. 15 et suiv.
2 Ibid., p. 16.
Ibid., p. 17.
4 Gesch. des osrn. Reiches, II, pp. 151-152.
Cornet, loc. cit., pp. 21-22.
° Ibid., pp. 152-153.
7 Cf. aussi sa lettre, datée de 1460 environ, dans le volume IV de
nos Notes el extraits, a cette date.
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VENISE DANS LA MER NOIRE 339

zaro Querini sur le conseil d'une personne qui sera designee


plus bas, se rendit le premier a la cour persane. Plus tard,
au comencement du mois de mars 1471, ii y avait a Venise,
mais pour peu de temps, vu qu'il devait partir sous peu pour
Rome, ,un envoyé d'Ouzoun-Hassan", dont les lettres, écri-
tes dans sa propre langue", furent traduites en latin et en-
voyees a l'ambassadeur de la Republique aupres du roi de
Sicile 2. Son nom nous est connu : c'était le médecin juif, ori-
ginaire d'Espagne, Isac, Isac-beg 3 11 exposait les ,exploits"
(successus) du Khan, lequel, appele en Asie Mineure par les
offres du pretendant caraman Pir-Achmed, avait occupé Er-
sindschan et Sivas, avait envoyé des bandes pour piller les
vallées anatoliennes 4 et en mérne temps soumis grand
nombre de royaumes fort étendus, de nations et de peuples,
non seulement par la force et par les armes, mais aussi par sa
prudence, sa vertu et sa fortune", héritant de l'Empire de Ta-
merlan" 6, Cependant Pir-Achmed avait ete chasse par le beg
d'Anatolie, et Hassan, qui avait envoyd son fils pour combattre
le beg, avec ,40.000" nomades, sollicitait la collaboration de
Venise contre l'ennemi commun". Un autre ambassadeur
turcoman avait passe par Trébizonde, que devait attaquer un
autre protege d'Ouzoun, un heritier du Comnene David, puis, en
passant par Cetatea-Alba (Moncastro) de Moldavie, ii s'était rendu
en Pologne (suivant la route de Hotin fort probablement) afin
d'exhorter le roi Casimir contre les Turcs ; un ambassadeur
géorgien l'.accompagnait; puis, un troisieme envoye, celui du
roi de Pologne, s'étant joint a eux, ils partirent pour Rome,
en passant par Venise encore (avril) 7.
Venise ne voulait pas d'une guerre contre les Tures. Ce-
pendant, si le Sultan, comme on devait s'y attendre, n'accep-

Ibid., p. 28, no 16: redijsse ad nos superioribus mensibus virum


nobilem Lazarum Quirinum, quem ad Excellentiam Suam miseramus
oratorem" ; cf. aussi p. 26.
2 Ibid., p. 23, no 12; P. 26.
8 V. p. 41. L'on dit, de l'ambassadeur qui arriva en septembre 1472,
que c'est le méme qui était venu avec Lazzaro Querini.
Gesch. des osm. Reiches, II, p. 160 et suiv.
5 Cornet, loc. cit., p. 23, no 13.
6 Ibid.
7 Ibid., p. 25, no 14.
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340 N. IORGA

tait même pas le status quo, c'est-a-dire l'Albanie vénitienne


dans l'acception la plus modeste, la guerre devait étre conti-
nuée. Le traité de 1471 toutefois n'était pas en cours d'exécution
ceci 6tait evident , et la Republique avait done le devoir
de ne ndgliger aucun appul. Celui d'Ouzoun-Hassan n'était
nullement a dedaigner: on repondit done au premier des am-
bassadeurs que, uniquement par égard pour son maitre, les
envoyes vénitiens avaient eté invites, s'il en était encore temps,
a interrompre leur route a la Porte'.
L'ambassadeur mentionné, qui s'Otait rendu a Rome,
n'en revint qu'au mois de mai, et nous ne sommes pas en
nnesure de connaitre le résultat de sa mission auprès de Sixte
Iv, qui n'avait pas assez d'argent pour les chrétiens et d'au-
tant twins pour les paiens qui, par des gonquetes, s'étaien
acquis les richesses de l'Asie centrale et de la Perse. Des le
mois de mars, Cattarino Zeno avait ete désigné comme am-
bassadeur auprés d'Ouzoun, lequel, bien que les Vénitiens &é-
queutassent Tebriz depuis si longtemps, n'était pas sufffsam-
naerlt; connu ; mais le 18 mai on décida que Zeno accompa-
gnera l'ambassadeur turcoman, auquel on offrit une robe de
yelours.. 11 devait remettre des pièces de brocard et entrete-
nir Otrioun de la ligue conclue avec le roi Ferdinand, de l'union
italienne, de la decision de la Republique de ne pas épargner
grace a la flotte puissante qu'elle a prepardece dra-
gon et serpent insatiable, qui ne respecte pas la paix et ren-
verse les princes" 2 ; en ce qui concerne les négociations
avec les Turcs, on laissait entrevoir la possibilite d'une paix,
qu'on aurait évité de proposer méme si l'ambassade de Hassan
n'avait tardé 8, On n'ommettait pas la femme de ce prince",
qui n'était que la fille de l'empereur de Trébizonde David,
détrOné et sacrifie par Mohammed: on devait lui rappeler les
bonnes relations que Venise avait entretenues avec ce prince,
et cela d'autant plus, qu'elle-metne avait dcrit a la Rdpu-
blique autrefois" (alias), pour manifester sa haine contre
le destructeur de sa famille. Car c'était elle, la Despina,

1 Cornet, loc. cit., pp. 23-24. Cf. Dlugosz, a cette date.


a Draco iste et insaturabilis serpens, fidel fractor et dominorurn
eversor"; ibid., p. 26.
8 Ibid., p. 27.

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VENISE DANS LA MER NOIRE .34.1

restée chretienne, bien qu'aimee passionnément par son époux


qui avait pirovoqud la politique d'inunixtion et d'agression
en Anatolie. Zeno n'était autorisé a debarquer qu'en méme
temps que les forces turcomanes 2.
Bien que l'opinion d'Aloisio Donato, qui &all d'avis de
n'envoyer personnne avant d'avoir reçu la reponse du Sultan,
n'obtint qu'un nombre de voix un peu inferieur a celui de la
proposition opposee, Zeno ne partit pas: il fallut la reponse de
Mohammed, categoriquement negative, ii ne voulut meme
pas recevoir les ambassadeurs et l'arrivée d'un nouvel am-
bassadeur d'Ouzoun-Hassan, pour que, le 10 septembre, Fen-
voye vénitien recta ses instructions definitives 3. Afin d'expli-
quer ce grand retard, il invoquera la diete de Ratisbonne contre
les Turcs et l'élection du nouveau Pape, Sixte IV, favorable
A une croisade, lequel enverra egalement, et peut-être simul-
tanément, un envoye personnel. Zeno avait aussi des recom-
mandations pour le Cararnan Pir-Ahmed, le roi de Georgie et
Alexandre, celui d'Ibérie 4. En effet, un Franciscain arriva
Venise afin de s'embarquer sur les galeres d'Alexandrie et se
rendre en Chypre et de la en Caramanie 5.
Malgre tout, on continua a negocier avec le Sultan, par
l'interrnédiaire de ces mémes princesses serbes et de leur am-
bassadeur, Theodore. La nouvelle positive qu'Ouzoun-Hassan
était parti avec toutes ses forces vers l'Oceident, en avril
1472, put seule empecher l'envoi d'un nouvel ambassadeur,
Marc' Aurelio 6.

Bien que les nouvelles sur l'Albanie, que Leonard Tocco


transmettait, fussent menacantes, bien que l'attaque faite au
printemps par le Turcoman se limitat a une invasion du pre-
1 La Despina è apresso de lui in grandissimo amor e reputation
et auctorità"; ibid., p. 81. Venise cultivait aussi les sentiments de la
mere du Khan; ibid., p. 82. Cf. ibid., p. 122.
2 Ibid., p. 27.
a Ibid., p. 28 et suiv. Le premier non plus n'était parti. Cf. ibid
pp. 28 et 29.
4 Ibid., pp. 29-30.
5 Ibid.. p. 31, no 18. Il fut oblige cependant de rentrer de Cara-
manie en Chypre sans avoir vu le Khan; ibid., .p. 47, no 35. Il envoyait
des lettres d'Ouzoun-Hassan en mai 1472 (ibid., p. 41).
8 Ibid.,"p. 31 et suiv.
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342 N. IORGA

tendant de Trébizonde, la flotte chrétienne commenea une W-


ritable croisade dans le Levant, renouvelant les faits accomplis,
un sitcle plus tOt, par la bravoure du roi chypriote Pierre
I-er, le héros de la revanche chrétienne. Malgré cela, les né-
gociations avec les Turcs ne furent pas interrompues ; Cocco
resta a Corfou, et, au mois de juin, Marc'Aurelio fut egalement
envoyé, accompagné de l'agent Theodore. Cette decision fut
motivée par l'affirmation qu'une mediation aussi honorable
ne pouvait d'aucune faeon porter atteinte aux intérCts chré-
liens" 1.
C'est alors, en septembre, qu'aprês de grandes difficultés,
arriva Isac-beg, l'ambassadeur mentionné,Espagnol de natio-
nalité, Juif de religion" 2,d'Ouzoun-Hassan et interprCte de
Zeno, porteuy de la nouvelle que l'expedition commence enfin :
ii remettait aussi une lettre en arabe, avec traduction latine,
du Khan et d'autres lettres, du 30 mai, de Cattarino Zeno, qui
déclarait avoir personnellement fait dix jours de route avec
les troupes en marche 3.

III
L'arrivée .dudit émissaire coIncide avec l'établissement
des premiers rapports directs entre Venise et Etienne prince
de Moldavie. En effet les ambassadeurs turcomans en Pologne
avaient passé incognito, scogniosucli 4, et, quant a l'ambas-
sadeur envoyé a Venise, il avait trés probablement suivi la
route de Chypre, que lui aura fait prendre Querini, qui l'ac-
compagnait.
Mais Isak, qui était en relations, évidemment, avec les
Juifs de Caffa, prit cette route afin de se rendre ensuite
Cetatea-Alba, le Moncastro des Génois. Vu que, par son attaque
contre le prince valaque Radu, vassal des Turcs, Etienne s'était
inscrit dans les rangs des ennemis du Sultan, une lettre, cro-
yons-nous, devait egalement lui are adressée, pareille i celle
qui fut remise aux Francs" de l'Occident et é la missive de
1474, qui nous est connue par la traduction de Constant de
1 Ibid., pp. 38-39, 1105 27-28.
2 Natione hispanus, fide autem Hebreus"; ibid., p. 39, no 29.
a Ibid., p. 41.

4 Ibid., p. 25, no 14.

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VENISE DANS LA MER NOIRE 343

Sarra, notaire A Caffa, et dont la copie porte la date de


MCCCCLVIII, mais que l'on doit lire : MCCCCLXXIII 1
Ouzoun-Hassan avait appris A connaitre Etienne, sa puis-
sance, les avantages qu'il etait en mesure d'en btenir, par
l'ambassadeur qui était venu en ces parages en 1470-1 et
par les renseign en:tents qu'il avait puisés en Pologne.Etant donne
qu'Isak se rendait chez le roi de Hongrie, auquel il se présenta
A Bude, il est inadmissible que le souverain moldave, dont le
pays était pour la seconde fois traverse par les émissaires du
Khan de l'Asie centrale, fat oublie 2
Nous savons ce que déclarait Isak, puis Hadschi-Moham-
med, le nouvel ambassadeur, arrive quelques jours apres, en
septembre egalement : son maitre est pret A venir en personne8,
avec toutes ses forces, 500.000 cavaliers", aim de supprimer"
le Sultan ; il passera l'hiver sur la rive de la Mediterranee, A
AIdin, Saroukhan et autres localités maritimes pres de Phocee
et Alto-Logo et toute la rive qui se trouve en face de Chios
et Mitylene" 4, et s'arretera pendant quatre ans en Caramanie.
Que la flotte vénitienne arrive done sans retard a Candelore
et A Satalie, que Pierre de Chypre avait visitées jadis. On de-
mandait des bombardes, des artilleurs pour les manceuvrer,
des artisans et de l'argent.
Le 12 septembre, Venise, qui n'avait pas encore pris de
mesures offensives sur Mer contre Mohammed II, mais gardait
une expectative des plus prudentes, félicitait le Khan, par le
moyen de l'ambassadeur, pour ses succes tres-heureux" 6, pour

1 Cf. P. Cancel, Date de la missive d'Ouzoun-Hassan a Etienne-


le-Grand et la mission d'Isak-beg (en roumain), Bucarest 1912. Cf. avec
notre Chilia si Cetatea-Albd, table, a ce nom. La date de 1472 proposée
par M._Cancel ne peut 8tre acceptée, parce que la lettre parle juste-
merit des combats qui se livrerent jusqu'a la fin de l'année 1472 et apres
cette date. Cf. Iorga, Istoria lui .tefan-cel-Mare, p. 330, no 141.
2 Cornet loc. cit., p. 71.
2 Donc il ne l'avait pas fait auparavant.
4 In Aydino, Sarchano et aliis maritimis locis suprascripti Ot-
tomani circa Foleas, Altum Locum et illam oram e regione Chii versus
Mitilenas"; ibid., p. 43; cf. pp. 41, 45, 47 et suiv.
5 Ibid., p.39, no 30: Ejus felicissimis successibus". Dans la lettre
mentionnée il était question cependant d'une défaite, et, sans doute,
Venise devait en avoir connaissance. D'ail leurs la défaite d'Ouzoun-Hassan
eut lieu plus lard, en 1472, pendant l'automne.

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3-14 N. IORGA

sa disposition magnanime et excellente" et lui déclara que


sa flotte, unie a celle du Pape et A celle du roi de Naples,
est préte a attaquer les cOtes de l'Asie et A le soutenir de
la sorte, s'il descendait dans les provinces de l'Ottoman",
ce qui, par consequent, n'avait pas encore eu lieu. Isak avait
egalement mission de se rendre a la Cour des deux allies
italiens de la Republique 1. En méme temps des mesures étaient
prises concernant la flotte, et des lettres, invitant a ne pas
manquer l'occasion tomb& du ciel", étaient adressées, non
seulement a Rorrie et a Naples, mais aussi en Pologne, Hongrie,
France, Bourgognedont le duc con clut peu apres une al-
liance avec la Franceet enfin a l'Empereur 2. On escomptait
le démembrement des possessions ottornanes de l'Asie pour
que les chretiens puissent ensuite se jeter sur celles de l'Europe,
qui auraient servi comme ploie facile a partagerl Le roi de
Hongrie se montra également dispose, en novembre, a préter son
concours 3. On esperait l'aide de vaisseaux espagnols et mérne
milanais 4. Pour le moment on ne donna a Pietro Mocenigo,
commandant de la flotte, d'autres instructions que celle de se
mettre en contact avec le Khan : on envoyait dans ce but
deux-pieces d'artillerie et deux ingénieurs, les autres bombardes
pouvant etre empruntées aux vaisseaux ou bien au Grand-
Maitre de Rhodes, et la Republique se déclarait préte a les
payer. Des lettres avec ce contenu, pour Hassan-bey" et le
Caraman 6, partaient en meme temps que les triremes qui
conduisaient en Chypre Catherine Cornaro, la nouvelle reine.
Avant la fin d'octobre 1472, des lettres de Mocenigo, parlant
de ses exploits, arrivaient par Corfou. Elles nous sont bien
connues. Les vaisseaux chretiens allerent a Palatscha, qui fut
détruite, a Lemnos, oil l'on rétablit le chateau de Kokkinon 6;
' Ibid., pp. 39-40, no 30.
2 Ibid., pp. 40-42.
' Ibid., p. 55, no 43; p. 56 et suiv.
4 Ibid., p. 60. Pour des secours venus de Croatie (les Turcs pillaient
dans le Frioul), ibid., pp. 62-63, nos. 49-50.
5 Ibid., pp. 45-46. Il était question d'envoyer des troupes fraiches
en More; on attendait préalablement des nouvelles de l'Orient; ibid.,
pp. 55-56, no 44..
° Voy. Notalorio del Collegio, XX, fol. 5, 24 avril 1474: pour Fran-
cisco Pasqualigo, electo rectore jnsule nostre Lemnos" ; cf. fol. 27 Vo.
(19 septembre 1457), concernant Nicolas Comino de Nègrepont, qui
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VENISE DANS LA MER NOIRE 345

ils croisérent sur les cOtes de la Calle et devant Delos. Puis,


lorsque l'on se fut réuni aux nouveaux contingents du roi de
Naples et du Pape, on attaqua de nouveau les c6tes de l'Asie,
en face de l'ile de Cos, et enfin, apres une halte a Samos,
Satalie aussi, dont la forteresse résista. Apres le depart de
Hadschi-Mohammed, Smyrne fut &vast& comme du temps
d'Oumour l'ancien, et Clazomene eut le méme sort 1.
De son cOté, Ouzoun, qui avait dans sa suite l'héritier
de Sinope et le frere d'Isak-beg le Caraman, prit Tocat, Cesar&
et ne s'arréta que devant Angora, pour y attendre, comme
jadis Timour, l'apparition du Sultan tnéprisé de Roum. Des le
12 octobre, celui-ci etait apparu sur les caes de l'Asie, et
Ouzoun se retira jusqu'a l'Euphrate, laissant Kassoum le Cara-
man pour affronter lui seui les armées des Osman lis 2.
Les premieres nouvellessi favorablesfurent connues
Venise en décembre 3. Matthias Corvin fut aussit6t convie
a entrer en :Bosnie, son royaume" 4: Le Sultan, persuade que
cela signifie le jugement de Dieu' et que sa ruine et sa fin
derniere" sont proches, envoyait des ambassadeurs pour faire
la paix avec Venise, a Corfou et Scutari ; mais des ordres
dtaient donnds pour ne pas leur perrnetire d'aller plus loin.
Chacun a pris les armes et attend le moment tant 'desire de
se venger des humiliations endurées et de s'a ffranchir de la
tyrannie et de l'oppression dont ils eurent a souffrir jusqu'ici",
avait prdté une barque a Orsato Giustiniano ,,jn obsidione Mithylenarum"
et avait été tue avec les siens. Pour la jmprexa de Methelin", Senato
Terra, VII, fol. 21.
Dans Senato Mar, X, fol. 170, procès du recteur de Lemnos, qui
a pendu, a pillé, fecit mercaturam de frumentis et faxolis de jnsula
et eas mitebat Chium, stupravit violavitque multas feminas", a impose
des mariages forces, etc.
Tous les actes inédits qui s'y trouvent seront publiés dans la
continuation de ma collection Notes et extraits pour servir a l'histoire
des croisades, dont j'espère pouvoir donner le premier volume cette
année-ci encore.
2 Notre Gesch. des osrn. Retches, II, pp. 164-165.
3 Cornet, loc. cit , p. 60 Transitum Amalat, primi capitanei Illus-
trissimi domini Ussuni-Cassani, citra Eufratem, expugnationem et dirrep-
tionem civitatis Thocati, Cesaree et nonnullorum aliorum locorum Otho-
mani, conflictum, fractionem et fugam filii et unius Bassadis predicti Otto-
mani, cum maxima suorum trucidatione et cede et recuperatione magne
partis ditionis Caramani".
4 Ibid, pp. 62-63. no 50 (26 décembre 1471).
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346 N. IORGA

dit le Sénat, le 5 janvier 1473 1, et nous savons d'autre part


qu'à ce même moment Etienne chassait le prince voisin,
dela Valachie, Radu-le-Beau, de Bucarest et le remplacait
par Basarab Laiota.
Un second ambassadeur vénitien, Giosafatte Barbaro, ainsi
que d'autres envoyés du Pape et du roi de Naples 2, devaient
partir en mdme temps que Hadschi-Mohammed. Six grandes
bombardes et cinquante petites étaient envoyées au Khan vain-
queur, ainsi que d'autres armes, en abondance, et des muni-
tions' ; on y joignait des cadeaux en argent, pour une valeur de
4.000 ducats, des soieries pour une merne somme, des étoffes de
laine pour 10.000 ducats 4. Six monteurs de bombardes, cent
artilleurs et deux ingénieurs, dorit Thomas d'Irnola, devaient
les accompagner. Jamais la Republique ne s'était montrée si
genéreuse. Elle annoncait avec joie, par Barbaro, au Khan
que le roi de Hongrie, aupres duquel Isak se trouvait alors,
ainsi qu'un secrétaire vénitien, Aloisio Sagundino, parent de
l'historien de la perte de l'Eubée, avait ordonné a ses trou-
pes de Belgrade de piller sur territoire turc, ce qui eut lieu
en effet6. Le roi Mathias devait attaquer en personne. On pillera,
tres certainement, beaucoup -plus qu'on n'aura a combattre 6."
Le serpent enrage" doit etre détruit.
On croyait réellement qu'il était au bord du precipice.
On attendait des résultats extraordinaires de cette providen-
tielle intervention d'un prince musulman, lie, par sern2ent,
disait Zeno, t Venise 8 Non seulement la Republique aurait
Ibid., p. 64 et p.73.
2 Ibid., p. 65, no 51.On parlait de nouveau de I'Impératrice de
Trébizonde", femme d'Ouzoun (p. 74).
8 Le récit de Barbaro lui-meme porte: 3.000 ducats en argente-
rie, 2.800 en brocard et étoffes de soie, 3.000 en drap de laine. Voy. aussi
l'étude de M. N. di Lenna, dans le Nuovo Archivio Veneto, nouvelle
série, no 53 (juillet-septembre 1914), P. 47.
4 Ibid., pp. 65-66, no 52. On envoyait deux agents a Zeno, l'un
par la voie de Chypre, l'autre par celle de Calla; ibid., pp. 67-68.
5 Ibid., p. 72.
° Et esserli certissima preda che contrasto"; ibid. Cf. pp.75-57,
no 56.
Mid, p. 69.
8 Per suo sagramento ha promesso... de perseverar perpetuarnente
cum noi in amicicia, coniunction et union et haver ii amici nostri per
arnici et li inimici per inimici"; ibid., p. 82.
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VENISE DANS LA MER NOIRE 347

repris Negrepont et la Morée enlierele minimum aurait ete


Argos , non seulement Lesbos aurait ete annexée, mais, lors
de la conclusion de la paix si Ouzoun aurait insisté pour
qu'elle eat lieu, Venise aurait demande la domination, pres-
que entierement perdue, dans la Mer Noire. Mohammed
aurait cede au vainqueur l'Anatolie entiere et tout ce qu'il
possede au-dela du detroit, avec toutes les c6tes de ce de-
troit situées en face .de l'Europe (la Grece"), de sorte que rien
ne lui reste plus Ift-bas. Nous disons ceci pour le chateau des Dar-
danelles, afin quit tombe entre les mains et sous la puissanee
de ce prince et pour que personne autre ne puisse edger de
forteresse sur tout autre point de ces cOtes et pour que, de
la sorte, nous ayons entière liberte de passer au-delec du
detroit, de penetrer dans la Mer Noire et d'arriver Is Tre-
biz'onde et autres possessions de ce prince, afin de rétablir
les anciens voyages et commerces pour le bien de Sa Majeste
et des sujets des deux cOtes" 1. Barbaro etait invite r essa-
yer d'une alliance formelle, dcrite, offensive et defensive,
mais non pas dirigée contre le Soudan egyptien et syrien,
clans les possessions duquel les citoyens de Venise avaient
de si grands interets 2

IV.
Vers la mi-février 1473, un nouvel ambassadeur du Khan
de Perse arrivait a Venise, et en meme temps on apprenait, par
un envoyé revenu de Chypre, le changement intervenu dans
les operations d'Ouzoun-Hassan : il se trouvait sur l'Eu-
phrate, oa ii avait conquis Malatieh et assiegeait maintenant

I E tuto quello lui possiede de IA dal streto, cum tuta la ripa de


esso strecto opposita a la Grecia, si che in quells niente omnino Ii res-
tasse. Questo dicemo cussi per lo castello del Dardanello, che pervetisse
in mano e podestA del pref cto excellentissimo signor, come perchb
niuno altro piü ne podesse edificar in locho alcuno de quele ripe et
consequentemente fosse in liberta nostra passar suxo per el strecto et
intrar in Mar Mazor e venir a Trapesonda et altri luoghi de esso excel-
lentissimo signor, per instauration de li antiqui trafici et comercij, per
beneficio della Soa Celsitudine et suo subditi et nostri"; ibid., p. 80.
2 Ibid., p. 82. Cf. p. 9, no 68.

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348 N. ICIRGA

le gue de Bir '. Toutefois, sur la base de ce qu'il avait pre-


cédemment accompli, il demandait qu'une flotte chretienne en-
tre en action,évidemment afln d'aider, par la diversion pro-
voquee de la sorte, les operations sur l'Euphrate 2. La Despina
désirait, peut-etre en vue d'une recuperation de Trébizonde,
qu'un autve ambassadeur lui fiat spécialement ehvoye 3.
Vers les premiers jours du mois d'avril on apprenait cepen-
dant une triste nouvelle : Ouzoun, parti des defiles de l'Euphra(e,
s'était dirige, non pas contre l'Anatolie, mais contre la Syriek
Bien que les negociants vénitiens de Darnas eussent Me arre-
tes sous le soupcon de complicité 5, Venise prisait si haut
l'importance de l'alliance avec le Turcoman, qu'elle autori-
sait Mocenigo a venir en aide au Khan, merne dans ceS
regions, s'il atteignait la ate 6. Mais la flotte ne One-
trera dans les Dardanelles que si l'attaque serait dirigee contre
les Turcs (juin) 7.
En effet, si on ommet des attaques commc celle de Ga-
lipoli, la flotte chretienne prit Siki, et, au mois de juin, Gori,
gos, Anamour, puis Seleucie et Myrrhe, la vine de Saint Nico-
las ; si Candelore ne put elre prise 8, Makri, en face de l'ile de
Rhodes, fut détruite 9. Le nouveau Caraman, Kasoum, preta
son concours dans ces operations, prenant Ermenek elle-mérne io
Cependant, le 18 aoat, Cattarino Zeno annonçait la

, Occupasse Malatiam. . . et obsidere Bir" ; ibid., p. 83, no 61 et


p. 89, no 66.
2 Ibid.
8 Ibid., p. 84, no 62.
4 Ibid., p. 92 et suiv.
5 Ibid., p. 90, no 68 ; p. 95, no '73 ; p. 97, no 76 ; pp. 98-99, no 78.
' Ibid., p. 92 et adv. Une proposition contraire. de Louis Ca di
Pesaro, avait été rejetée.
7 Ibid., pp. 95-97, nos 74-75.
8 Le 5 septembre 1477 on prend une decision au. sujet des jocalia
que tenebat pro pignore Petrus a Pace a domino Scandalori pro ducatis
centum quinquaginta". Jean Dario les porte au Caire : «coladena cum
certe zoie et perle», etc.; Nolatorio del Collegio, XX, fol. 66.
9 Iorga, Geschichte des osm. Reiches, II, p. 155.
10 Ibid., p.. 166. Le 27 avril, de Sdleucie,,Kassoum donne des details
dans ce sens, ajoutant que le Khan lui-même, avec Pir-Achmed, se sont
dirigés, pour la «grande fete», du dole de Cesarée (Di Lenna, loc. cit.,
pp. 99-100).

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VENISE DANS LA MER NOIRE 349

defaite d'Ouzoun-Hassan1, qui avail de vainca par le Sul-


tan en personne, apres toute une série de succes, a Bcd-
berd (Terdschan), le 10 aoilt 2. C'est done en vain qu'avaient
été dites, par ordre du Senat, des le 20 septembre 1472, des prie-
res, afin que Dieu, notre Seigneur par sa grace infinie, veuille
bien asurer le succes de notre action et preparer la victoire
de prince Ouzoun-Hassan, en vue de la ruine et la destruction
de la trop cruelle nation des Ottomans et la liberation de la
chretienté du joug de cette nation impie des Tures 3".
En accordant a Mocenigo la permission de rentrer,
moins que le Khan ne demande le contraire, la Seigneurie dé-
cida, Je 30 octobre, de ne pas abandonner l'affaire d'Ouzoun-t
Hassan, mais bien au contraire de l'aider encore plus que par le
passe, en vue de l'effet qu'elle peut produire et de preparer
et hater son entree de nouveau en campagne 4". La di-
version ou du moins le bruit fait autour de cette action et les
consequences qui en pouvaient découler, étaient encore néces-
saires a Venise, surtout ace moment, vu que l'on essayait de ne-
gocier aussi avec Dschem, le plus jeune des fils de Mohammed,
A qui son pere avait confie la defense de la Capitale en 1472 5,
en vue de son election au treine, par l'éloignement de som
frere Baidzid, et en vue de l'occupation, possible, par les
Venitiens du château des Dardanelles. On écrivait a Ouzoun
pour lui dire que, non seulement l'Asie, mais aussi l'Europe a ete
émue de ses fameuses victoires" et que son nom est devenu
ainsi tres honord et immortel" ; il est regrettable seulement que,
bien qu'il ait ete pour l'ennemi un objet de continuelle crainte
et terreur et qu'il ait fait de grand massacres parmi ses troupes",
it n'ait pu cependant le mettre en fuite et le vaincre defi-

) Des nouvelles favorables avaient été envoyées par tarbaro le


10 juillet (Di Lenna, loc. cit., pp. 100-102).
2 Ibid., pp. 166-167 ; Cornet, I. c., p. 105. La paix avec le Sultan fut
conclue par Ouzoun des 1473 ; ibid., p. 116, no 94.
8 Appendice du mémoire roumain, a cette date.
«Non est deserenda materia Illustrissimi domini Ussoni-Cassani,
sed magis quam prius sustinenda in reputatione et procurandus atque
solicitandus reditus ejus ad impresiam ; ibid., p. 102, no 82.
5 Voy. Appendice du mdmoire roumain, au 9 et au 12 septembre
1473, au 25 mai 1474.Le.Grec venu pour faire la proposition fut re-
connu ensuite pour un imposteur.

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350 N. TORGA

nitivernent", car, alors, dans un seul jour, ii serait reste unique


maitre, partout, sans nulle oposition". Le sort n'a pu que re-
tarder la chute definitive du vaincu", car ils sont peu nom-
breux et epuisés ceux qui ont echappe au fil de votre epée".
La Republique lui conseillait de recommencer son expedition,
au printemps, A son retour de Tebriz
La route était cependant si peu sure que personne ne
voulut tout d'abord faire ce qu'aucun bon citoyen ne devait
craindre de faire pour sauver la patrie" 2. Toutefois, malgre
toutes les mesures nécessaires qui furent prises, l'envoi du
nouvel ambassadeur retardait, ainsi que le depart de son corn-
pagnon, propose par le roi Ferdinand 3. Barbaro lui-même
s'était arreté en route, avec les secours qu'il amenait, en
Chypre, et il songeait a correspondre avec le Khan par le
port de Gorhigos, que les chretiens occupaient encore 4. Pour
ce qui est de Cattarino Zeno, bn savait qu'il se préparait A
rentrer et se trouvait pour le moment a Caffa 5.
Cependant, en février 1474, Ambroise Contarini 6, le
nouvel ambassadeur, partait, apres le secrétaire Polo Ogniben
et dans la compagnie du chevalier napolitain Lancilotto, pour
Caffa, par la voie de Pologne, muni d'instructions pour de-
mander au roi de ce pays des saufs-conduits a son nom 7.
On parlait de nouveau, dans ses instructions, de l'epuisement
du Sultan apres le combat, de grandes pertes qu'il avait
subies", du licenciement du reste de ses troupes, ce qui ne
peut signifier que leur extreme et incroyable massacre et
ruine", et l'on promettait aide contre la Syrie, si de la sorte

1 Ibid., pp. 103-104. Se trouvaient encore, également, en Chypre.


Barbaro, Hadschi-Mohammed et les envoyés du Pape et du roi; pp.
105-106, no 84.
2 Ibid., p. 108, no 86; p. 115, no 92.
a ibid., pp. 115-116, no 93; pp. 47-48, no 96.
* Ibid., pp. 118 119, no 97. Cf. aussi Di Lenna, loc. cit., p. 55 et suiv.
5 Cornet, loc. cit., p. 121. On avait égalernent expédid, par ordre
du Conseil des Dix, les agents Marin Pin et Polo Albanese; ibid., p.122.
Celui-ci n'est qu'Ogniben. Voy. Malipiero, Annati Veneti; aussi dans nos
Actes et Fragments, III, p. 84, note 2.
6 Voy. l'Itinerario de cet ambassadeur, publié des 1487 et repro-
duit dans Ramusio (cf. Di Lenna, loc. cit., p. 67, note 1).
1 Cornet, loc cit., pp. 119-123, no 98.
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VENISE DANS LA MER NOIRE 351

l'expedition dirigee con tre Mohammed lui-mdme pouvait etre


secondée
Deux des Savii proposaient méme qu'on donnat
Ouzoun le conseil p'attaquer la .Syrie afin d'empêcher le Sul-
tan de la prendre et d'arriver ainsi a une recrudescence de
force et et la domination de la Mer 2. Autrement, sans une
action rapide, déclaraient ces deux officiers, l'heritage d'Ou-
zoun ressemblerait a celui d'Alexandre-le-Grand 3.
Arrive It Caffa, Zeno, que les combats entre Tatars dans
la Carnpagna. de Gotie arrétaient, avait envoye les nou-
velles lettres d'Ouzoun, identiques It celles adressées au
Pape et au roi de Pologne 4. Une decision du Senat du 15
février 1474 nous en fait connaltre la teneur. Le Khan de-
crivait le combat qu'il avait soutenu, le massacre tres grand
et la ruine de l'ennemi" et affirmait sa decision de recom-
mencer au printemps 5.

V.

Cette lettre ne nous a pas ete conservée dans les ter-


mes adressés a Venise, au Pape et au roi de Pologne. Mais
nous en connaissons le contenu par la forme qui fut dga-
lenient adressee au prince moldave Etienne et au roi
de Hongrie 6
La voici, dans une forme revue sur l'origine, grace a la
bienveillance de la direction de la Marciana de Venise :

Ibid., p. 124.
2 Jbid., p. 125, no 99.
8 Ibid. Au cas oü la paix serait conclue, on demandait Negre-
ponte et même la forterese d'Argos: on présumait qu'Ouzoun exigera la
restitution des dynasties légitimes a Trdbizonde et en Caramanie; ibid.,
p. 126, no 100.
4 Ibid., p. 123, no 38; p. 126 et suiv. Voy. l'ordre, du 5 novembre
1473, que le doge adressa au gouvernement de Crete dans l'Appendice
du mdmoire roumain: on ignorait a ce moment si Ouzoun dtait rentrd
ou non A Tebriz.
5 Cornet, loc. cit., pp. 126-128, no 101.
6 Lettre A Mathias, dans les Monumenta Hungariae Historica,
VII, pp. 293-295; a Etienne, Hurmuzaki, II2, pp. 124-125, no cm.
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352 N. IORGA

i- lOccccuviin0 (sic), in civitate Caff[e]. Hec est quedam tradu-


cio quarundam litterarum Serenissimi d. d. Uzum Assam, dirric-
tarum potenti domino Steffano Vaivode, script arum in lingua
persica. Ad requisicionem Isac-Buch, magni oratoris Illustri-
simi d. d. Uzumassam, que traducio facta fuit per me, Con-
stancium de Sarra, arcium magistrum, et in hac parte nota-
rium publicum, de. verbo ad verb= et verbum pro verbo,
nichil addito vel mutato, quod mutet sensum vel variet intellec-
turn, nisi forte forent alique dictiones in illa lingua persica que
per propriam dictionem latinam non possent traduci. Quas dic-
tiones traduxi per proximiorem dictionem latinam que potuerit
conformari talli persice dictioni. Interpretante Coia Cdlli, Ar-
meno, perito in dicta lingua persica, et me traducente in lingua
latina. Quarum litterarum tenor sequitur, et- est tallis.
In quarta linea, videlicet in parte dextera licte littere
persice, sunt verba infrascripta litteris aureis :
In nomine Dei misericordis, et qui Deus infinitis no-
minibus nominatur.
Assam, filius Alli, filij Othmani.
Magno domino misericordi et domino magno in sua re-
gione Steffano Vayvoda potens super tota Valachia, salutes
infinitas puro corde. Scitote quod Izac-Buch pro parte nostra
mittimus ad Excellentissimos dominos Franchorum : ipse enim
Izac secreta nostra optime pernovit. Ideo tamquam nobis pro-
priis fidem prebeatis in omnibus per eum exponendis parte
nostra. Scitis enini ea que anno erapso contigerunt, dum veni-
remus de partibus Sarni. Nam tempore meus major filius cum
exercitu et magnis dominis erat in partibus de Seras et Ofras.
Et unus alius ex filijs meis etiam erat cum exercitu infinito in par-
tibus Babilonie, ubi est locus precipuus Sarracenorum. Et al ij qua-
tuor nepotes mei ex minore fratre meo erant in regione juxta
Corusam et Masudram, et preter exercitus supradictos maximus
exercitus meus et populus residenciam faciebarit in suis locis
proprijS. Item preter supradictos exercitus multa milia homi-
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VENISE DANS LA MER NOIRE 353

num erant in circumstancijs Sami. Quibus omnibus exercitibus


dimissis in locis ut supra annotatis, ego cum paucis hoininibus
visitavi partes Othmani et cum voluntate omnipotentis Dei, qui
nobis bona tribuit, primum homines Othomani rupi, qui ho-
mines fuerunt esca gladiorum et sagitarum nostrarum. Verum-
quidem post ille Othmanus parvam particulam meorum fregit,
sed, ubi fuit interemptus unus ex nostris, ex suis fuerunt inte-
rempti decem. Et predicta nottificamus vobis quia nulla catisa
mala erat inter ipsum Othmanum et me. Isto prim o tempore
congregabo omnes homines belicosos, fortes armigeros, et
totam meam potenciam cohadunabo, me dirrigendo ad partes
Othmani. Ideo neccesse est quod hujusmodi causas vos nottif-
ficetis magnis dominis christianis et illos certifficetis de vo-
luntate nqstra7 illos ortando ut se parent et disponant, exer-
citus congregent et se ipsos uniant ut veniant super Othomano,
tainquam boni tmici nostri, ex ilia parte de Europa. Et ego
pariter super ilium ibo ex parte ista, et sic virum istum de-.
bemus deponere de sede illa. Spero enim quod cogitationes
nostre gracia et misericordia Dei perficiantur sicut desideramus
et volumus. Et in hoc simul rogemus Deum quod has res nos-
stras ipse omnipotens Deus ad bonum finem perducat et omnia
mala perdantur.
Ego, Constancius de Sarra, arcium liberalium magister et
in hac parte publicus imperiali auctoritate notarius, supradictam
traductionem feci de dicta lingua persica In latinam in omni-
bus et per omnia prout superius continetur, et ad robur me
subscripsi signumque meum apposui consultum.

En voici la traduction, qui est en même temps une


explication :
Hassan, fils d'Ali, fils d'Osman. Au grand prince miséri-
cordieux, au grand seigneur dans son pays, a Etienne Voevode,
dont la puissance s'étend sur toute la Moldavie, salut infini
d'un cceur pur. Sachez qu'Isac-beg est notre envoye vers les
tres-illustres seigneurs des Francs. Car cet Isak connaIt fort
23
73109. www.dacoromanica.ro
4. R. Rulletin hislorique
354 N. 1050k

bien inos secretst c'est pourquoi pretez-lui .foi -comme A nous-


memo dans tout ce qu'il yous dira de notre part.
Car vous savez ce qui est arrive ran dernier (de Pere
musulmane), lorsque je revenais des regions dii. Cham (Syrie)1,
car A tette epoque mon fils ainé se trouvait avec l'armée et les
grands seigneurs dans les parages de Chiraz et d'Ofras"(?). Et
un autre de mes fils se trouvait aussi avec une armee innom-
braille dans. les parages de Babylone, oft se trouve le principal
centre des Sarrasins (du Soudan) 2. Puis quatre de mes neveux,
fils de mon frere aine (Mirza Youssoufdsche et autres), se trou !
vaient dans les regions de la _Caramanie et quatre autres de
mes neveux, fils d'un plus jeune de mes freres, se trouvaient
A Rey, pres du Khorassan et du Maeounderan. Puis, outre ces
troupes, une mienne armee, et un mien peuple tres grand
se trouvaient A leurs foyers. De méme, outre ces armées
plusieurs milliers d'hommes se trouvaient aux environs de
Cham. Laissant toutes ces armées dans les regions citées plus
haut, nous-meme, avec peu d'hommes, nous avons fait une re-
connaissance dans le pays de l'Ottoman, et, par la grace du Dieu
tres-puissant, nous avons rompu d'abord les hommes de l'Otto-
man, lesquels furent la pature de nos sabres et de nos fleches.
Plus tard &pendant, l'Ottoman a vaincu une toute petite partie
des nOtres, mais, IA ou l'un. des nOtres a ete tué, dix des siens
ont eté. Et nous portons ceci A votre connaissancei car il
n'y avait rien de mal (causa-cosa) entre cet Ottoman et moi.
Ce printemps 8, je rassemblerai tous les hommes de
guerre, forts, armes, et je recueillerai toute ma force, me diri-_
geant vers le pays de l'Ottoman.
C'est, pourquoi il est nécessaire que vous portiez ced A
la connaissantce des grands princes chretiens et que vous les
assuriez de notre volonté, en les exhortant de se preparer, de
se mettre en ordre, de rassembler des troupes, de s'unir et de
venir contre l'Ottoman, comme nos bons amis de ces parages
d'Europe: De,rnoni cOte, je me dirigerai contre lui, de ce cOte-ci,

Cette mention rend impossible la date de 1472, que l'on avait pro'
posée, vu que ce n'est qu'au printemps de 1473 qu'Ouzonn se readit.
en Syriet
2 lame observation.
*1)e mime dans le résumé du Sinat ; loc. cit.
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VENISE DANS LA MER. NOIRE 355

et il faudra ainsi jeter bas de son trene cet homme. Car j'espere
que nos desseins, par la grace et la misericorde de Dieu,
s'accompliront ainsi clue nous. le désirons et nous le voulons.
Et ,c'est dans cet espoir que nous prions Di,ey; quit étant Dieu
toutrpuissant,: menera a bonne fin nos intentionS, et que tout .
le mal pérkra ,"

Une observation est. nécessaire: 1sak, qu alait traverse


la Mpldavie, aaiL pp se renseigner plus exactement, appres
du roi de Pologne, sur !Importance d'Etienne, qui, de son
care, savait fort Wen gni tai Ouzoun. Et ily av,ait encore un
poinit corpmun : si une Conmene, 1 Despina",, femme du Khan,
avait tout organise erh ce qui concerne l'Anatolie, vu
s'agissait aussi, de. son heritage de, Trébizonde, la femme (14
prinfie routnain, en 1472.2, &at également une Comnêne, de
la branche cadette", de Mangoup, en Crimee, et, de la sorte,
parent, bien Que fort e1oign6 du,Khan turcoman, Etienne
etaitt cpmpri,s dan,s le syst4me d'a114ances tramé entre les
Comnene depolsedds, d'un ceitd, et les Caraman,s chassds et la
famille des pri,nces de, Sinope, de l'autre cOtO, pour le réta-
blissement, grace au secours puissant d'Ouzoun-Hassan,
de tancienne domination sur la ltler Noire, dont sul?sis-
taLent seulement la Caffa genoise et Chilia, Cetatea-Alba, les
ports (le la. Moklavie. Qn ne doit pas oublier qu'en 1471, Qv-,
zoun avait enyoye un ambassadeur a Genes egalement et qu'ep,
juin 1472,, le gouyernement de cette Republique recomman-
dait au nouveau conu a Caffa, Antoniotto de Gabella, un
bonne entente contre les Turcs, raerne en suspendant les rep*,
sailles contre Mangoup, contre Moncastro et méme contre
.,l'Empereur des Tatars".

1-Cette tradm,ction du notaire de Caffa avait obtenu l'approbation


de l'eveque local, Jerome ; Mon. Hung. Hist., Acta Extera, V, pp.
259-260, no 179; Matyás Király levelel, éd. Frakn6i, 1 pp. 300-301, no 213.
Vest A l'amabilité Eill directeur de la Bibliotbeque Marcienne de Ve-
nise que nous devons la copie, comme nous l'avons d'ailleurs déjà'clit.
1 Voy. aussi notre Istoria lu tefun-Cel-Mare, pp. 1,38-139,

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356 t1. 1ORGA

VI.

Accompagnant Zeno, qui était charge egalement d'une mis-


sion a Cracovie et a Bude Isak7beg, qui n'était qu'un simple
Aragoman, malgre le titre de ,grand ambassadeur" que lui
donne le notaire traducteur, se rendit auprés du roi Casimir, a
Opathowiez, oü ii rencontra Ogniben, qui se dirigeak vers
Caffa (février 1474)2. Ce n'est que le 8 mai qu'on le trouve
a la Cour du roi Matthias 3. ll est facile de deviner le lieu de
sdn séjour entre ces deux dates: c'est la Moldavie.
Venise toutefois ne compte encore nullement sur le
prince moldave : pas meme autant qu'elle le fit pour l'ancien
hertzeg" VlaIco, enfermé dans le chateau de Novi et auquel
Venise faisait connaitre, par un envoye, les victoires d'Ouzoun,
en 1474 4, pour l'encourager. II était classe par la Seigneurie
permi les chretiens préts a la révolte: un certain soulevernent,
ou un état de rebellion de plusieurs de ses provinces et regions
du voisinage de la Grece pouvant mener a la plus grande
ruine de son. Etat d'un cOte et de l'autre 6, et encore : ses
propres sujets sont préts a la revoke afin de s'affranchir de
son traitement si cruel" 6.
Pourtant Polo Ogniben, l'Albanais que Coritarini avait
rencontre a Caffa le 26 mai 1474, avait sans nul doute traverse
la Moldavie 7. On negociait alorsdds 1471, sur les conseilS
d'un certain Giambattista Volpe, établi dans la RuSsie moscovite,
afin de determiner le Khan tartare, egalement menace par la
conquete du Sultan, a attaquer la Thrace ; le secrétaire Giam-
battista Trivisano était alle jusqu'a Moscou, mais Volpe, qui

I Cornet, loc. cit., vers la fin.


2 Dlugosz, XIII, p. 509.
3 Franknoi, Matthias Corvinus, p.176 ; cf. Levelei, I, pp. 300-301.
no 213.
4 Cornet, loc. cit., p. 129.
5 .Certo sollevamento e rebellion de molte sue provincie e luogi
dela banda dela Grecia, che poteria facilmente esser in maxima ruina
de tuto el stato suo, in l'una et in l'altra provincia"; ibid., pp. 123-124.
6 Ibid., p. 127 : I sui proprij per ribelarsi et liberarsi de li cru-
delissimi suoi tractamenti",
' Viaggi fatti da Venetia eta Tana, in Persia etc., Venise .1b45,
p. 63.

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VENISE DANS LA MER NOIRE 357

passa ensuite en Italie afin de prepare!' le mariage, beni


par le Pape, du Grand-Dut avec la fille de Thomas Pa-
leologue, le fit retenir comme 6tage, sous pretexte
cherchait it soulever les Tatars contre Moscou Un certain
Antonio Gislardo, de Vicence, son compagnon, qui voyageait,
dans un but qui ne nous est pas connu, entre Moscou et
Naples, fut porteur de cette nouvelle et assura en meme temps
que le plan concernant les Tatars est' absolument realisable 2.
Le 6 novembre ii était question qu'il flit enVoyé en rempla-
cement d'Ogniben ow du Tatar de Francois Pini" Martin
Pin est cite plus hautou bien de l'autre Tatar qui s'offre"
ou, encore, dd barbier deCattarino Zeno", chez Ouzoun-Hassan
en personne 3. Quelques jours plus tard, Ogniben ayant ete
choisi pour cette mission, on réserva a Gislardo, a sa demande,
la mission de 'combiner, avec Trivisano, les negociatiOns A la
Cour de l'autre Khan, lequel avait meme écrit dans ce
sens, assUrant le Grand-Duc que les Tartares "sortiront"
,par les regions voisines de l'Euxin et de la Moldavie (Va-
lachie)", des rives du Danube" 4, et- on lui promettait, en cas
de victoire, la succession de l'Empire d'Orient, qui lui
revient, comme mari de la Despina .Zod, au cas o ii n'y
aurait pas d'héritters legitimes males 5.
Gislardo, qui partit en décembre, put egalement avoir
certaines relations avec Etienne Mais ce projet, dont la
yealisation aurait atteint essentiellement les pays roumains,
n'eut aucune suite pour le moment.
Mais, au lieu dAider Ouzoun-Hassan sur Mer dans le

1 Cornet, loc. cit., p. 98, no 77, Les actes concernant le mariage se-
ront reproduits dans le volume annonce des Notes et Extraits. Cf. notre
Gesch. des osm. Retches, II, p. 168.
2 Ibid.
Appendice du mdmoi re roumain, A la date du 6 novembre 1473.
4 Ibid., p. 112.
5 Cornet, loc. cit., pp. 106-77. Le passage esi reproduit également
dans notre Gesch.-des osm. Belches, loc. cit. Cf. Cornet, loc. Cit., p. 112 :
Occupatoris Imperij Orientis, quod, quum stirps mascula deesset im-
peratoria, ad Vestram Illustrissimam Domination em jure vestri fa ustissimi
conj. ugi j* p'ertin ere t" .
6 Ibid., pp. 112-13, no 90.
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358 N. IGLIGA

Levant, comme on l'avait decide au mots de mars t, Venise


dut faire face aux troupes du beglerbeg de la Roumelie, venu
pour attaquer la capitale albanaise de Scutari, sans aucune di-
version" du cOte des lointaines vallées de l'Ersindschan, hien
que le Capoudan eat réoccupé cette armee, 1474, la Caramanie
et ses 'ports 2. Le 13 septembre, le Senat ecrivait a Barbaro,
qui se trouvait vers Ourfah, dans la suite d'Ouzoun, que la
puissante forteresse avait éte bombardee vplusieurs jours de
suite" par les canons tures et que les murailles avaient éte
en' grande partie detruites", mais qu'Antonio Loredano a .pu
forcer Soliman a se retirer, lui enlevant des drapeaux et des
tentes, des le 8 aoat 8. On craignait nne attaque contre Corfou 4.
A cette epoque, Sebastian Badoer fut envoye avec la pins
grande urgence (13 juin) vers Mathias Corvini vu que toutes
les voies doivent etre essayées afin de pouvoir porter secours
notre forteresse de Scutari, soit. par diversion, soit par des
secours, et que pour le moment il n'y avait qu'un seul moyen
de diversion : une incursion du roi de Hongrie" 5. On insistait
a Dude afin de decider ce souverain, jadis un concurrent
dangereux de Venise pour le partage des subsides, a entrer
en campagne 0. On envoya en Pologne egalement un am-
bassadeur pour demander des secours 7. .

I Voy. Appendice du mémoire roumain, A la date du 23 mars 1474.


3 Notre Gesch. des osin. Retches, II, pp. 167-168.
s Cornet, I. c., pp. 130 131. Voy. inkeisen, Gesch. des own. Raiches,
II, pp. 414-417; Tonga, Gesch. des own. Belches, II, p. 183. Dans les Notes
et Extraits, IV, Pon trouvera lies extraits d'Actes cencerhant leS snites du
siege. Nous mentionnons dgalement la lettre du 16 aofit de Mathias, le-
quel menacait le Pape de faire la paix avec les Turcs si on ne venait
pas A son secours. Le ler ddcembre mention des sommes d'argent envo-
yees par le Pape par le moyen de Balthazar de Piscia.
4 Appendice du mémoire roumain, aux dates du 16 septembre 1474
et du 13 février 1475. Des mesures sont prises alors pour Vuch Vai-
voda Croie et vicarius Croie nomine Ivan Cucha, Vaivoda Alexij", qui
n'ont de quoi vivre en Albanie; Sen. Mar, X, fol. 78 vo.
5 Appendice du mémoire roumain, A cette date.
e Cornet, loc. cit. Ce. aussi pp. 109-110, no 88 ; p. 118, no 96.
1 'Au 17 juin on note de l'argent pour «orator noster qui de presenti

vadit in 1-fungarlam et Polloniam»; Sen. Terra, VII, fol. 42 Vo.


Dans le Sen. Mar, X, fol. 17 Vo. (septembre), on parle du depart
des Turcs de l'Albanie, apres la destruction de Dagno.
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VENISE IYAIPIS LA MER NOIRE 359

On gait que les troupes d'Altranie pasSérent en Mol-


6lavie et furent dcrasdes, en janvier 1475, pries de 'Vag Mu.
Polo Ogniben, revenant de chez Ouzoun, par Caffa, ofiil ern-
pranta une somme d'argent au consul , recut .de eel dernier
4.1n6 lettre pour Etienne, lettre qui ne nous a pas ete conser-
vée, mais 4aquel1e, comme Etienne luilméme nous le fait sa-
voir, cootenait une invitation -au combat t entre le Sultan. En
Moldavie, ii fut recu a Vasluiu, vers la fin de novembre, par
le prince, lequel, attendant ce combat décisif avec Id beglerbeg,
le pria de-lui envoyer un médecin pour sa plaie au piedi son
ancienne blessure de Chilia, et le chargeait de se rendre au-
pres du Pape afin de lui demander les secours nécessaires pour
pouvoir hitter, aux cOtés de Hassan-beg", hde toutes ses 'for-
ces,. pour la chretienté 2 A Bude, Paul apprit la victoire
d'Etienne 3, et alors, le 7 février 1475, il fit connaitre la nou-
velle que ce prince a vaincu 90.000 Tures, dont 40.000 ont peri
et 4.000, dont un Pacha ct un fils du Sultan, sont prisonniers .
Suivik la lettre de victoire bien connue, d'Etienne, envoy& a
tous les princes chretiens, lettre redigde d'apres celle qu'il
avait lui-inérne revue, un an plus tOt, cl'Ouzoun-Hassan,
dont il renouvelait les exploits.
A ce moment, la Republique negociait avec les Turcs.
Une lettre ragusane du mois d'aotit 1474 prouve que l'on en-
voyait de frequents ambassadeurs pour la paix, journellement
presque, a Constantinople 5. Bien qu'un moine s'offrait de mettre
le feu a la flotte ottomane 6 et que le frere d'Ibrahim-beg pro-
posait de rendre Negrepont, les negociations continuaient, non
sans une certaine espérance 7. A Venise tout au moins aucun
secours ne pouvait etre espere pour Etienne.
1 Appendice du mdmoire roumain, A la date du 6 mars 1475.
2 Esarcu, $tefan-cel-Mare, pp. 23-24, 29 novembre ; FIurmuzaki,
VIII, a cette date ; notre Appendice du mdmoire roumain.
3 Esarcu, loc. cit., p. 25 et suiv. ; Hurmuzaki, VII, A cette date; notre
Appendice du mémoire roumain.
4 MAlipiero, loc. tit., p. 84.
5 Gelcich et ThallOczy, Diplomatarium ragusanum, p. 634, no 390.
Pour les honoraires et les recompenses d'Ogniben, V. l'Appendiêe du
memoire .roumain, A la date du 15 mars et du 22 juin 1475 et du 29
mai 1476.
°Voy. aussi la note suivante.
1 Le 29 décembre 1474, un ambassadeur fut dlu pour conclure la
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360 N. IORGA

Dans notre mémoire qui paraitra dans les Melanges &-


dies a la mémoire de Monticolo, nous indiquons de quelle fa-
con découlerent les negociations avec la Seigneurie. Ici-méme
nous n'insisterons que sur les conditions d'histoire generale
qui expliquentnous ne voulons pas dire: excusentl'attitude
de Venise a cette date et dans la suite des événements.
En mars 1475 les mémes conseils exactement, avec la
meme argumentation, que ceux donnés a Ouzoun, étaient re-
nouvelés pour Etienne, et on y annoncait en plus l'envoi du chi-
rurgien demande par le prince moldave. On ne considerait l'im-
portance du prince de la Moldavie" qu'au point de vue de la di-
version qu'il devait provoquer, et sous cet aspect unique. De
même que, malgre les secours des Venitiens, restés en Chypre,
Ouzoun perdit la bataille de 1473, de meme, au cours de Vete de
l'an 1475, lorsque Caffa et Mango up tomberent et que Chilia et Ce-
tatea-Alba furent attaquees, Etienne dut se debrouiller seul. A
cette époqe, a savoir au 26 aotit, Venise était preoccupée de la
, question de la paix avec le Turc",. Les negociations se poursui-
vaient par ,madona l'Amirissa", la Serbe Mara, veuve du
Sultan Mourad 2. Des ordres étaient donnés a l'ambassadeur,
RI-Come Giorgio, de s'excuser d'avoir interrompu les pourpar-,
lers, vu que nous avions appris ici que le Sultan s'était

paix avec les Turcs ; Misti Consiglio X, VIII, fol. 88 Vo. Sur le moine,
fol. 88 Vo-89.Offre, du 13 janvier 1475, de «frater Braym-bech Turcus»,
fol. 89-90.
Le 20 mars 1475 on envoie «Marinus Georgij de Ragusio Gali-
polim, ad Bassam fratrem suum» (Misti Consiglio X,XVIII, fol. 96 Vo).
Le 28 mars il était question de prendre Canine (ibid., fol. 96 Vo et suiv.).
Pour un Barthelemy Leompardo envoyé vers Ouzoun, Appendice du
mémoire roumain, a la date du 8 mai 1476.
1 Misti Consigtio X, XVIII, fol. 121 : «Ea que tractanda sunt jn
Consilio Rqgatorum circa materiam pacis cum Turco».
2 Le 12 septembre on accorde un subside a son &ere, despotus
cechus (= l'aveugle), frater domine admirisse" (Sen. Secreta, XXVII, fol.
33Vo). Au sujet du pauper despotus cecus" en 1477, voy. Notes et Extraits,
IV. A la date du 25 aotit de cette année. Pbur la maregna del Turco",
qui avouait en mars 1475 a Girolamo Zorzi que la (Waite de Vasluiu
était la plus grande qui ait été infligee aux armées turques", voy. aussi
les Annales de Malipiero, dans nos Actes et fragments, III, p. 81. Un
Nicasinus, nobilis despoti Servie", envoyé a l'Amirissa" en juin 1475,
Sen. Secreta, loc. cit., fol. 77.

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VENISE DANS LA MER NOIRE 361

rendu avec son armee de terre dans les regions de la Va-


.

lachie ' ".


Cependant, en aoirt, les negociations cesserent, vu que les
Tures offraient trop peu.2 et, lorsque la chute de Caffa arriva
A etre connue, une emotion puissante fut ressentie a Venise. On
s'en rend compte par la lettre pour Badoer, envoye en Hongrie,
auquel on recommandait de s'informer sur la situation d'Etienne
et du roi de Pologne 3, ainsi que par celle adressée au Pape,
le pontife ayant appris de Genes que Caffa n serail pas torn-
bee entre les mains des Turcs : on demandait a Sixte 1V d'ap-
peler en aide les princes chretiens afin de sauver la Moldavie
et d'empecher par ses moyens vu que, de leur cOté, les ye-
nitiens ont depense en treize ans entre 600 et 800.000 ducats 4-
l'assaut de l'ennemi furieux" contre l'Italie elle-rnéme 5. Meme
lorsque, ,en novembre, on apprit que le Sultan avait retire ses
troupes des coffins de la Hongrie, en envoyait, en décembre,
A Etienne, l'un des personnages qui cntouraient l'ambassadeur
de Hongrie, Barthelemy de Brandis, secretaire 6. Ogniben en
personne devait suivre de pres, amenant le medecin demande
et que l'on avait trouve difficilement 7.
A partir du mois de décembre 1475 et jusqu'au mois de
février 1476, Mathias Corvin assiegea Schabatz, A la grande
satisfaction de la Republique, dont la jalousie, par la suite de
la demande de subsides a Rome faite par le roi hongrois,
s'était effacée devant l'avantage que l'on pouvait retirer de ce

1 Sen. Secreta, loc. cit., a la date du 26 emit 1475. Pour l'arrivde


a Andrinople du Sultan, Chilia i Cetatea- Alba p. 141; notre Geschichte
des osm. Retches, II, p. 173.
2 Notre Geschichte des osm. Reiches, If, p. 184.
3 Sen. Secreta, au ler septembre 1475. Le 21 novembre on envo-
yait a celui-ci 400 ducats; Sen. Terra, loc. cit., fol. 95 Vo. Pour Sebes-
tiano Badoer, aussi fol. 105 Vo. (5 février 1476), fol. 108.
4 Sen. Secreta, loc. cit., au 19 décembre 1475
5 Ibid., aux dates du ler septembre et du 21 novembre 1475.
5 Ibid., aux dates du 12 et du 19 décembre.
7 Pour Baldesar de Perusio, famosissimus doctor medicine, qui in
gymnasio nostro patavino ab nostro dominio conductus fuit Baviera",
Sen. Terra, loc. cit., fol. 58 Vo. Magister Nicolaus de Venetijs, medi-
cus", le 4 mars 1475; ibid., fol. 68 Vo..Bartholomeus de Albricis, phi-
sicus" (fol. 104).

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362 N. IORGA

remplacant probable, en Europe, d'Ouzoun 'Eine paix avait eté


conclue a cette epoque entre Mathias et Etienne, en vue nine
lutte comrhune contre les Tures, et Von faisait les grands pre-
paratifs de croisade qui nous sont cannus par diverses Sour-
ces 2. Le Pape pouvait affirmer, par l'eveque de Ratisbcinne,
envoye au roi des Romains, avoir réussi, par ses efforts, a
diriger Mathias, avec toutes ses forces ei avec des auxiliaires
roumains et transylvains", contre les Tures 8. Au commence-
ment de Farm& 1476, Sixte IV démontrait au due de Bour-
gogne que de continuelles demandes de subsides lui sant adres-
sees de Hongrie, demandes qu'il satisfait dans la mesure de
se moyens 4.

Parallelement les relations avec Moscou et les Tatars


etaient continuées. Le 22 décembre 1474 déja, des mesure-,
avaient été prises pour expédier de nouveau l'ambassadeur du
Grand-Duc, venu avec des cadeaux, et l'on annonçait que
Trivisano avait méme obtenu des sommes d'argent pour se
rendre chez les Tatars a. Plus d'une année plus tard, en rnai-
jui -1 1476 6, la Seigneurie hebergeait l'arnbassadeur tatar qui
était venu trouver le doge. Trivisano amena cet envoye, ThaIr,
qui repartit muni de lettres pour le Khan et pour l'un de ses
Notre Geschichte des osm. Reiches, If, p.180. Pour la prise de
Schabatz,voy aussi Sen. Secreta, loc. cit., fol 60-61 Vo. Cf. aussi la lettre
de Nicolas de Ragazola, Bude, 31 décembre 1475, inédite. Ouzoun envo-
yait un ambassadeur au commencement de l'année 1475 également,
lequel arrivait en février a Candie (Annales d'Etienne Magno, loc. cit.,
p. 88). Pour les cadeaux qui lui sont destinds, que l'on se procure en
Chypre et que l'on envoie au Sultan pour l'amadouer, voy. Appendice
du mémoire roumain, a la date du 28 décembre 1474. Les objets en
argent étaient ramenés A Venise le 31 février 1475 (voy. ibid., A cette
meme date).
2 Nos Arles et Fragments, III, pp. 101-102; Studii si documente
XVI, p. 111 et suiv.
a Inédits vdnitiens.
4 Sen. Secreta, A la date du 15 février 1476. Pour les grands pré-
paratifs de Venise contre les Turcs, Sen. Terra, loc. cit., fol. 57-57 Vo.
Sen. Terra, au 22 décembre 1474.
° L'e necessario proveder al spazamento del ambassador del
Tartaro" (Sen. Terra, loc. cit., fol. 118). Cf. notre Gesch. des osm. Reiches,
II. A cette époque on secourait la famille de Niccolô Contarini, mort
consul A Tana Sen. Terra, loc. cit., fol. 105 Vo).

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VEVISE DANS L MER NOIRE 361

conseillers, par lesquelles ils étaient invites a faire une invasion,


au-deladu Danube, au moment oft le Sultan se trouverait attaque
en meme temps par le roi de Hongrie et d'autrts princes
chretiens ' ".
La mission moldave du mois de mai 1476, qui s'était
rendue a Rome pour des subsides et était revenue indignee
de ce qu'ils furent donnés a Mathias, son prétendu vassal, est con-
nue aussi2. Les envoyés affirrnaient fierernent que leur prince
avait commence la guerre de sa propre initiative et qu'il est
maitre souverain de son Etat et de ses sujets" Venise, tout
a fait épuisee financierernent. ne pouvait qu'insister le plus
chaleureusement possible a Rome en faveur d'Etienne, ,,cat
on se rend compte facilernent combien sa personne, son Etat
et ses forces sont importants en toute éventualite, et n'importe
de quel ceté le sort tournerait". Venise demandait que le leg t
puisse intervenir en sa faveur aussi, obtenant la conviction
que ce prince doit certainernent etre empec he, en lui accor-
dant des secours en argent, de faire la paix avec les Tures,
comme l'affirment, avec des menaces, ses ambassadeurs. Car
nous pensons que par cette voie on viendrait bien plus avan-
tageusement en aide aux intéréts du roi de Hongrie que par
une autre voie, vu que te tort et le danger seraient de beau-
coup plus grands pour ses intérets, et conséqueinment pour
ceux de tous les chretiens, si Etienne prenait une decision
funeste, au lieu des avantages et de l'assurance que l'on re-
tirait, par cette somme d'argent, qui, n'etant pas dorm& a
Etienne, serait donnee a Sa Majeste le Roi". On rappclait a
Badoer que Mathias avait lui-meme avoué combien Etienne pou-
vait lui etre utile ou bien lui faire du tort en tous cas et dans
n'importe quelle circonstance 4". II doit etre secouru", disait

I Sen. Secreta, loc. cit., au 10 mai 1476. On ecri vait égaiement (Sen.
Secreta, loc. cit., fol. 70 Vo) au roi de Pologne, lui indiquant la voie,
per oram Maris Euxini ad Danubium".
2 Exarcu et Hurmuzaki, loc. cit. Puis notre Appendice du mémoire
roumain.
8 Vayvodam Stephanum ultro et sponte sua bellum adversus
Turcos suscepisse esseque liberum dominum status et gentium suarum";
Appendice du me-moire roumain, au 6 mai 1476, no. 2.
4 Ibid., nos 2, 3.

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364 N. IORGA

la conclusion, soutenu et conserve dans sa foi, et non pas


abandonné et porte au desespoir". On ne doit pas oublier que
c'est l'epoque ofi la Republique elle-meme donnait, stir la dime
et la vigesime" de son clerge, 26.000 ducats au Pape, pour
la croisade.
Les ambassadeurs avaient demande eux-mem es qu'un agent
soit envoyé a Etienne, pour se rendre compte de sa vraie si-
tuation et pouvoir mieux l'apprécier 1 On sait que le secrétaire
Emmanuel Gerardo remplit, pendant assez longtemps, cette
mission 2. Il était recommande a Badoer et a son successeur,
Antoine Vetturi, lequel devait rendre Mathias favorable d
cette mission speciale3. A cette epoque Fon croyait encore
a la possibilité d'une incursion tatare, qui &ail demandée avec
insistance 4. Attendu que l'ambassadeur expédié des 1474 en
Pologne n'avait pu voir le roi, qui se trouvait a Breslau, on
envoya, le 18 juillet, Trivisano vers les Tatars et vers Casimir,
dans l'espoir que le Khan pourrait venir en aide a Etienne,
lequel, a ce moment, livrait, d Valea-Albd, son combat
decisif, ou du moins pourrait attaquer Caffa, conquise
a peine par Mohammed, ainsi que les autres localites, et
Tana elle-meme.
La défaite d'Etienne fut deplorée, non seulement par les
Vénitiens, mais aussi par le duc de Milan, tant au point de
vue de la Republique, qu'a celui de la chretiente, et l'on en
rejeta la faute sur les retards et les hesitations de Rome 5.
La nouvelle que le malheur n'avait pas éte décisif, que le
Sultan était reparti sans avoir fait de la Moldavie une province
ottomane et sans méme lui avoir impose un nouveau souverain
par sa grace, qu'Etienne est redescendu des montagnes et
chevauche librement" dans son pays délivre des troupes enne-

' Ibid., au 2() mai 1476.


2 Voy. l'Appendice du mémoire roumain (actes compris aussi dans
Exarcu et Hurmuzaki, VIII).
3 Sen. Secreta, A la date du 14 juin.
4 Ibid., A la date du 25 juin.
5 Ibid., aux dates du 5-8 et 23 septembre.Le 23 Bertuccio Ga-
briele est dlu pour etre present au mariage de Mathias , Sen. Secreta,
loc. cit., fol. 98 Vo. La reine se trouvait a Chioggia en octobre (ibid.,
fol. 101). Gabriel était porteur d'un don d'étoffes d'une valeur de 250
300 ducats (fol. 101 Vo-102).

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VENISE DANS LA. MER NOIRE 365

mies, que le prince valaque Basarab a ete chasse en faveur de


Vlad Tepe 1, réjouit, naturellement, tous ceux qui, par crainte
d'une attaque contre l'Italie, se préoccupaient des intéréts
chretiens. Cependant, peu apres (1477), Gerardo demandait.de
pouvoir rentrer, et il n'eut pas de successeur.
On n'avait pas abouti a réconcilier les rois de Hongrie
et de Pologne 2, ni le premier avec l'Empereur, on n'avait pas
reussi a accroitre l'intéret du Pape pour la stireté des princes
de l'Orient, on n'avait pas obtenu, selon le désir expres d'Etienne,
cette grace de jubilee, cette proclamation de croisade dans
les regions de Transylvanie, de Moldavie et d'ailleurs, oil elle
pourrait servir a la cause chretienne", dont il est fait mention
dans, les instructions du 23 septembre. Les Tatars, au lieu de
collaborer avec Etienne, avaient cornbattu contre lui, par ordre
du nouveau suzerain de Constantinople.
D'ailleurs, l'aventurier bien connu et le faiseur de projets
Filippo Buonaccorsi, dit Callimachus Experiens, était venu,
envoye par le roi de Pologne, expressément pour prouver que
les Tatars, peuple lourd (sic) au combat, vu gulls trainent
derriere eux tout ce qui leur appartient, nation divisée en
tribus ennemies, incapable de fidélité, ennemie acharnée des
chretiens, ne peuvent etre employes sous aucune condition
pour la defense de la chretienté, si gravernent menacée apres
le passage du Danube par Mahommed II. L'ambassadeur était
porteur en méme temps d'une lettre d'hommage d'Etienne
pour Casimir et assurait que le roi avait traité avec le
Sultan, par son ambassade, uniquement pour libérer" le
prince de Moldavie, Bien que Venise assurait qu'Etienne mérne
est d'avis que les Tatars peuvent attaquer la Bulgarie et que,
de son cad, ii serait dispose a aider cette offensive,Gerardo
annoncait qu'ils sont déja A la frontiere et que le prince s'en
réjouissait, on ne put arriver a aucun accord, vu les opinions
déterminées par des intérets tenement contraires 3. Trivisano
t Appendice du mémoire roumain, au 7 janvier 1477.
2 Le 7 janvier 1477, la Republique écrit a son envoyé aupres du
Pape pour arriver a obtenir la tréve hongroise necessaire aux chré-
tiens (Sen. Secreta, loc. cit., fol. 122).
Appendice du mémoire roumain et Sen. Secreta, aux dates du
1, 7 et 10 janvier 1477.Cf. les articles sur Callirnachus que M. G. dalla
Santa a publies dans le Nuovo Archivio veneto, années 1913 et 1914.
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366 N. IORGA

cepeadant resta encore quelque temps, bien Cpfinutilement,


ia Cour du roi 1. Démetre, son agent chez les Tatars, prit la
fuite, et alors, le 18 mars 1477, on fit savoir a Trivisado lui-
méme que, se souvenant des conseils du roi, ils ont decide
de renoncer a leur Wee" et de le rappeler. Le trés-puissant
athlete de la chretienté" 2, ainsi que le nommait Venise ega-
lement, dut done se défendre par ses propres forces.
Des ambassadetirs hongrois retournaient de Rome au
commencement du mois de février: ils avait accompli leur
voyage habituel pour quérir des subsides 3. De la part
d'Etienne, arriva, en mai, son oncle, Jean Tsamblakos,Grec
de Constantinople, queIque parent des Comnéne 4, porteur
d'une lettre precieuse, dans laquelle des conseils sages et des
plaintes émouvantes sont exprimees par le prince lui-meme,
soucieux du sort de Chilia et de Cetatea-Alba. ii s'offrait at
reconqudrir Cafta et toute la Crimde, ce qui serait chose
facile" pour lui, mais, en faisant cette proposition, il ne
songeait pas suffisamment a la debacle totale de la puissance
vénitienne dans la Mer Noire et au complet renoncement de
refaire ce qui avait existé jadis.
Caffa, conquise par Mohammed II, Tana, un amas de
ruines sur le territoire ottoman, les Tatars, de simples vassaux
du Sultan, les détroits gardes par leS chateaux turcs, la e6te
d'Asie retournée sons la domination de l'ancien maitre de
Constantinople,pouvait-on accomplir quelque chose dans de
telles circonstances ?
L'influence vénitienne dans la Mer Noire avait sombre,
et cela pour toujours.

' Mid, A la date du 10 janvier 1477. En meme temps des mesures


sont prises pour Contarini, rentré par la Moscovie, pour Cattarino Zdno et
Barbaro ; ibid., aux dates qu 16 janvier, 6 et 8 février, 11 mars, 12, mai,
1477, 23 juillet 1484. Au fol. 133 Vo des S.en. Secreta XXVII, les ren-
seignements fournis par Trivisano sur la dike de Pologne.
2 Suprascriptus Vayvoda, fortissimus rei christiane athlete";
Appendice, au 23 novembre 1476.Le 23 novernbre .aussi se trouvait
Venise, comme envoyé de Mathias, Michel, lector budensis" (Sen. Se-
vela. loc. cit., fol. 110-111 Vo). Le 8 mai, des mesures pour le paie-
ment de la dime contre les Turcs, que certainS interroinpent (Sen. Terra
loc. cit., foL 163 Vo).
3 Sen. Secreta, XXVII, fol. 132 (14 Tévrier).
Voy. nos Notes et extraits, IV, table des noms.
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VENISE DANS LA MER NOIRE 367

C'cst pourquoi Tsamblak ne rapporta do sa mission, que


d'inutiles paroles de consolation '. El méme pour cette attitude
Venise devait, aussitOt apres, se disculper envers le roi Ma-
thias, lui, objectant ses propres aveux concernant les services
que le prince mob:lave pouvait rendre a la chretiente, afin
gull ne, se froisse pas de la reception de pure complaisance
faite a celui qui fut le dernier des ambassadeurs politiques
de la Moldavie a Venise 2. Cependant Mathias, de plus
en plus mécontent, rendait Venise responsable aussi du fait
que la contribution italienne" fit défaut8. L'empereur, de son
OW, insistait pour que Pon ne distribue plus d'argent a un
prince qui l'emploie contre les chretiens 4. Et, le 29 décembre,
la Seigneurie affirrnait qu'il avait conclu une treve de six
ans avec les Turcs 5.
On sait qu'en 1477 Venise eut a combattre les Tures,
dans l'Archipel aussi bien qu'à Lepante, qui ne fut degagée
qu'au mois de juillet 6. En Albanie egalement, les hostilités
avaient recommence 7, et Venise était en pourparlers avec
.,Ivanus", fils de Scanderbeg, qui proposait de se rendre en

1 Pour ses dépenses voy. Appendice du mémoire roumain, A la date


du 18 Mai 1472. .

2 Sen. Secreta, A la date du 17 juin 1477.Cf. aussi la reponse


donnée A Callimachus, rentré de Rome, ibid., A la date du 25 juin 1477.
Le 7 juillet, l'ambassadeur emprunte 150-200 ducats, qu'il rembour-
sera A Trivisano (Sen. Terra, loc. cit., fol. 172). On demandait la paix
chrétienne au roi de Hongrie egalement, le 15 juillet (Sen. Secreta, a
cette date).
4 Sen. Secreta, A la date du 8 aotit. A cette époque Emannuel Gi-
rardo se trouvait A Bude, comme secrétai re (12 aoilt : «dimisso istic Ema-
nuele Gerardo, secretario nostro, qui vobis in dies de successibus rerum
scribat, donee successor vester venerit» ; Sen. Secreta, loc. cit., fol, 35.
Cf. aussi la lettre adresée a «Emanueli Girardo, secretarlo nostro in
Hunga5ia»).
4 Sen. Secreta, loc. cit., fol. 53 Vo(octobre). Des ambaSsadeurs en ,

Hongrie (6 novembre), ibid., fol. 56 Vo.


5 Voy. Sen. Se.creta, A la date du 29 décembre 1477.
6 Sen. Secreta, loc. cit., fol. 51. Cfr Iorga, Gesch. des o.sth. Reiches,
II, pp. 184-185.
7 Sen. Secreta,, loc. cit., fol. 54 Vo et suiv pour el bixogno de
Croya".

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368 N. IORGA

Albanie, et avec Ivan TschernoIevitsch, qui demandait a etre


secouru
Bien que l'on negociat de nouveau avec le Sultan, par
le moyen de VlaYco duc de l'Herzegovine, et par celui de
Tommaso Malipier, le provéditeur de la flotte 2, l'année sui-
\tante amena un nouveau siege de Scutari, dirige par Moha-
med en personne, l'Imperator Turchorum", lequel, en juin,
repoussait a nouveau les conditions de paix s. Des bandes
turques faisaient irruption dans le Tyrol et I'Istrie 4.
En septembre, le roi de Hongrie, qui avait envoye chez
le Pape l'archidia,cre tarnensisa, Georges, le frere du doge
rendit visite a Chioggia a ce prelat malade de la fievre , re-
cevait des félicittations pour ne pas avoir conclu la paix avec
les Tures; des conseils pour perséverer dans la continuation
de la guerre lui étaient donnés par le nouvel ambassadeur,
tirbain Foscari 5. Mais, peu apres, a Venise méme, de gran-
des réjouissances avaient lieu pour féter la paix avec les
Turcs (25 avril 1479): l'édit fut publie, pres de la basilique de
Saint-Marc, par le héraut de la Seigneurie, en presence du
doge,les magistrats, les représentants de Milan, de Florence,
du duc de Ferrare et du seigneur de Pesaro, l'ambassadeur du
tres-puissant empereur des Turcs", Loutfi-beg, étant presents 6
On portait le fait A la connaisance du roi de Hongrie par
Pietro Diedo, enVoyé le 26 mars, en declarant y avoir Me for-
ces par les circonstances italiennes 7. Puis, le 20 avril, l'en-
voye vénitien aupres du roi Mathias était rappele afin de ne
pas provoquer des soupcons de la part du Sultan, auquel on
envoyait en 1480 des artisans sachant travailler le cuiVre, des
1 Ibid., fol. 75 (13 janvier 1478), 78.
2 Ibid., fol. 54-54 Vo., 60 et suiv., 62 et suiv.
8 Ibid., fol. 92, 99 (26 juin).
4 Ibid., fol. 111 Vo (22 aolit). Cf. la lettre adresée au Pape apres
la défaite de l'Albanie (fol. 121-121 Vo, 26 octobr4
5 Sen. Secreta, XXVIII, fol. 116-116 Vo (7 septembre).Cf. au 1
septembre 1477.
Notatorio Collegio, XX. Cf. Sen. Secreta,loc. cit., fol, 14 Vo-15. Dans
le méme Notatorio del Collegio, XX, fol. 120 Vo. l'envoi de Cocco au
Sultan (1480, avril); fol. 148, la famille de Michel Rali Issi, WO par les
Tures.
* Turbationem scilict impiam et inhonestam pacis ItalieN (Sen.
Seareta, XXIX).

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VENISE DANS LA MER NOIRE 369

macons et meme des peintres: depentori"'. Du moment que le


roi lui-mérne aVait conclu la tréve, quiauraient-ils pu faire, eux,
qui' avaient ete querir aide jusqu'en Perse et en Scythie" 2l
Lorsque, en 1483, les relations en Italie se troublerent
de nouveau et le roi Fernand de Naples devint le communis
hostis noster" 3, l'ennemi commun", aussi bien pour la Repu-
blique que pour Balézid II, Venise décida de conserver a tout
prix l'affection et la bienveillance du Sultan, afin de pouvoir
user en tout cas de son appui" 4. Le secrétaire Giovanni Dariof
envoyé a Constantinople vers la fin du mois de mars 1484 5,
fut bien accueilli, et le mois prochain le Sultan accorda l'ile de
Zante en echange d'un tribut 8. Lorsque le duc de Naxos irrita
le Sultan, on decida a nouveau de conserver intacte et sin-
cere la paix avec l'Einpire" 7.
Donc, lorsque, peu apres, le bailli Pietro Bembo et Dario
firent parvenir la nouvelle inattendue que Baiezid avait pris
Chilia et Cetatea-Alba, la Republiquebien que la paix italienne
etit ete conclue 8 ne montra aucun regret : au contraire, elle
songeait aux soieries et étoffes d'or et de laine qu'elle voulait
offrir a ceux qui avaient seconde le secrétaire dans sa nego-
ciation a Constantinople 9.

I Sen. Secreta, a la date du 20 avril 1479 et du 10 mars 1480. En


1479, mai, le bailli était Jacques de Medio (ibid., fol. 16, 18 Vo). En mars
1480 arrive, comme envoyd du roi, Nicolas, le chantre de Vacz, pour la
Croatie ; Aloise Lando est envoyé au roi (ibid., fol. 83 Vo-84, 84 et suiv.;
cf. fol. 112 Vo et suiV.).
2 Appendice du mémoire roumain, A la date du 22 aoiit 1480. Des
-envoy& hongrois, ibid., XXX, fol. 65 Vo, 8-9 et suiv.
Sen. Secreta, XXXII, fol. 50.
4 Ibid., a la date du 16 septembre 1483.
6 Ibid., XXXII, fol. 25-5 Vo. Un ambassadeur en Hongrie pour
nne.affaire partictilière, ibid., fol. 3-4 Vo.,48 Vo-49.
0 Ibid., a la date du 14 juin 1484.On cherche a se rendre favo-
rable flambularius Angelocastri" (Sen. Secreta, XXXII, fol. 50-50 Vo),
' Ibid., a la date du 21 juillet 1484.
a Communication des deux reprdsentants a Constantinople le 10.

aoilt (Senato Secreta, XXXII, fol. 77 Vo).


9 Appendice du mémoire roumain, a la date du 16 septembre
1484.On transmettait a Mathias, le 22 septembre 1485, des fdlicitations
pour la victoria in expugnationem Vienne divino munere" (Sen. Se-
-creta, XXXII, fol. 171 Vo et suiv.).

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73109. 7 A. B. Bulletin historique. 24
37Q N. TORGA

IL fallut qu'une nouvelle guerre avec le Sultan, pour


Coron et Modon., éclatat, encore du temps d'Etienne, pour que
le Sultan redevienne le tres-cruel Turc, ennemi du nom
chretien et avide du sang des chretiens et de la destruction
de la foi catholique" 1. Le roi de Hongrie avait envoy& par
le Ban de Croatie deux ambassadeurs, en automne 1499: le
frere mineur Antoine, parent dudit Ban, et un certain _Ivan,
puis, le 28 septembre, on demandait l'aide de roi Vladislav,
tlu Ban de Jaice, ainsi que celui du roi de Pologne, on envo.-
yait en mission aux premiers le secrétaire Francois de Ju-
dayca" (Giudecca) 2 Cependant ces essais d'alliance ne furent
pas continues: les relations avec la Hongrie sont dorenavant,
ainsi que celles avec la Moldavie, d'ordre purement personnel:
des missions pour achats et ou des voyageurs de passage 3.
Les relations avec les pays danubiens furent donc rom-.
pues au moment oil les vaisseaux vénitiens quittérent la Mer
Noire et oil les projets de diversion, en connexité avec Fan"-
den ideal de croisade, furent abandonnes.
Traduction de HENRI STAHL.

Iminissimus Turchus, christiani nominis hostis et christianorum


sanguinis sitibundus, exitio religionis et fidei catholice" ; Sen. Secreta,
XXXVII, fol. 134 Vo.
2 Ibid., fol. 134 Vo-135 Vo., 164-164 Vo, 175, 181 et suiv.; XXXVIII,
fol. 15-16, 184.
8 En juillet 1302, la reine est recue avec 2 regate cimbarum :
una scilicet hominum, altera mulierum" (Sen. Terra,.X1V, fol. 93 ; 14
juillet). Sept envoyés hongrois, accompagnés de leur famille, étaient
venus peur cela; on leur fixe une retribution allant jusqu'à 50 ducats
par jour (ibid., fol. 93 Vo; 14 juillet). Le 23 décembre, un ambassa-
deur hongrois vers le Pape (ibid., fol. 127). Pour les ambassadeurs
d'Etienne voir, des details dans notre. Breve storia dei Rurneni, p. 17
et suiv.Les Vdnitiens lui avaient envoyé, ainsi qu'on le sait, un méde-
cin, Mathias de Murano; un Marc'Antonio. da Torre, profeSseur theo-
rice medicine", a Padoue et un not-Arne. Jean. de Aquila sont cites en
1503 (Sen. Secreta, loc. cit., fol. 168 Vo, 177).
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TABLE DES MATIERES
raz.
N. Iorga, Un acte inconnu d'Alexandre-le-Bon, prince de Molda-
davie. Actes concernant les ,,rdzesi" du district de Roman. 1
Sur l'éveque roumain du Maramoros, Joseph Stoica. Notes
sur des anciennes explications des Evangiles en roumain . . 7
Le privilege de Mohammed II pour la ville de Péra (1-er
juin 1453) 11
Histoire des Juifs en Roumanie . . . . . . . . .
. 33
I. Ursa, Un manifeste roumain, imprirne en caracteres latins, de
l'empereur Leopold I, en l'an 1701 . . ..... .
J. Lupas, Le prince de Transylvanie Acatius Barcsai et le Metro-
. . 82
polite roumain Sabbas Brancovici (1658-61) . . ..... .
N. Iorga, Basile Lupu, prince de Moldavie, comme successeur des
86

empereurs d'Orient dans la tutelle du patriarcat de Constan-


tinople et de l'Eglise orthodoxe (1640-1653) 88
I. Ursa, Les batailles de Gwozdziec et d'Obertyn (1531) . . . 124

. .......... .
N. Iorga, La cloche de Carageorges pour la chapelle de TopoJa
(découverte a Craiova) .
..............
. . . .

Deux nouvelles inscriptions du monastere de Bistri(a en Mot: 139


davie . . . . . . . 145
Le Mont Athos et les pays roumains . . . . . . . . 149
Fondations reli2ieuses des princes roumains en Orient Mo-
nasteres des Wtéores en Thessalie . ..... . . . . . 995
Fondations des ptinces roumains en Epire, en Morée, A Con-
stantinople, dans les iles et sur la cAte d'Asie Mineure . . . 241
la culture bulgare contemporaine . . .....
Un acte roumain concernant le docteur Veron, initiateur de
Quelques documents roumains de Bessarabie . . . .
. .
.
270
273
.

. .

J. C. Fi WM. Correspondance des princes et bolars roumains avec


Metrernich et Gentz, de 1812 A 1828 . . . . . . . 276.

XIX-e siècle ...... . ...... .


N. Iorga. Contributions documentaires a l'histoire de l'Olténie au
. . . . . .
Renégats dans le passé des pays et du peuple roumain .
. 280
281
Une carte de la Valachie vers 1780 et un géographe origi-
ginaire de la Dobrodsrha . . . . . . . . . .
. . 286
La politique vénitienne dans les eaux de la Mer Noire . . 289

Pag. 261. Les dates données a cette page pour les voyages des
Patriarches de Constantinople dans les pays roumains doivent etre cor-
rigées d'apres le travail recent (en roumain) Adu pere N. Popescu, tra-
vail sur lequel voy. le Bulletin de l'Institut pour l'étude de l'Europe
sud-orientale", premiere annee dernier fascicule.

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