Premier Magazine des Moines-Chevaliers

8
Décembre/Janvier

Historique
L’Ordre du Temple dans l’Aisne
Templi domorum citra Francia
Les prodigieuses années
Ordre de chevalerie
L’Ordre du Saint-Sépulcre
Ordre religieux
Les Prémontrés
Chevalerie mystique
L’architecture mystique des Templiers

Commanderie

Les Templiers
à Laon

Belgique 7 € - Luxembourg 7€ - Suisse : 12 FS - Italie 7€ - Andorre 6,10€

 TEMPLARIUM N°8

SOMMAIRE
p. 4 X HISTORIQUE
L’ORDRE DU TEMPLE DANS L’AISNE
les principales commanderies de l’Aisne,
quatre émotions silencieuses et autant de
mystères.

p. 10 X COMMANDERIE
LES TEMPLIERS À LAON
la chapelle romane, austère et fastueuse, témoin
de la présence des Templiers à Laon est le seul
vestige de la commanderie du XIIe siècle.

p. 16 X TEMPLI DOMORUM...
LES PRODIGIEUSES ANNÉES
Les débuts de l’ordre du Temple à Jérusalem.

p. 20 X ORDRE DE CHEVALERIE
GODEFROI DE BOUILLON ET L’ORDRE
HOSPITALIER ET MILITAIRE DU
SAINT- SÉPULCRE

p. 22 X ORDRE RELIGIEUX
SAINT NORBERT DE XANTEN
ET L’ORDRE DES PRÉMONTRÉS
L’un des grands ordres religieux du Moyen-Âge
avec les cisterciens et les bénédictins

p. 28 X CHEVALERIE MYSTIQUE
L’ARCHITECTURE MYSTIQUE DES
TEMPLIERS
Les Pauvres chevaliers maniant des fortunes, ont
nourri la littérature historique et ésotérique

X PORTAIL DES CHEVALIERS PREMIÈRE FÊTE MÉDIÉVALE À

RICHERENCHES p. 32 XABONNEMENT ANCIENS NUMÉROS et
ANNONCES p. 33X LE COIN DU CHERCHEUR LE STATIONNAIRE
ET ANNONCES p. 34 , 35 et 36

TEMPLARIUM N°8
TEMPLARIUM N°8 - DÉCEMBRE 2003/ JANVIER 2004
LES TEMPLIERS
En Laon 1128...
Aujourd’hui, la Picardie, ancienne province du Ponthieu-Verman-
dois-Beauvaisis à l’époque des Templiers, recense 17 commande-
Directeur de publication &
Rédacteur en chef
ries principales avec des vestiges importants. L’Aisne, situé dans
Jean-Luc.ALIAS la région picarde en compte quatre. Le huitième numéro de Tem-
plarium clôture l’année 2003 dans ce département du nord de la
Secrétariat France, terre d’hommes de génie (Jean de La Fontaine, Alexan-
Gisèle Demoulinger
dre Dumas, Jean Racine,…) mise en lumière par une palette de
Maquettiste célèbres peintres (Maurice Quentin Delatour, Matisse,…).
Info Graphiste Habité et occupé depuis la plus haute Antiquité, le département
de l’Aisne est un vaste plateau chargé d’histoire, à l’instar de
Photographies
Daeg sauf mention contraire la victoire de Clovis sur les romains à Soissons et le fameux
vase brisé, du couronnement de Pépin le Bref à Soissons et son
Impression:
Imprimeries de Champagne à
mariage avec Bertrade de Laon dite Berthe au grand pied, mère
Langres de Charlemagne...
Abritée derrière ses remparts et ses portes fortifiées, Laon, chef-
Abonnements et publicité lieu du département de l’Aisne, fut un important centre intel-
Association DAEG lectuel et religieux durant tout le Moyen-Âge. La vie pieuse de
Siège social : l’antique Laudunum, c’était aussi l’abbaye mère des Prémontrés
DAEG Edition au cœur de la forêt de Saint-Gobain, sous l’égide de Norbert de
BP 18 Xanten, icône incontournable de la scène laonnoise.
84360 LAURIS
Templarium se fait l’écho dans ce numéro de l’arrivée discrète
Éditorial
Tel 04 90 08 30 01
ou 06 73 10 37 47 de l’illustre Ordre des Templiers dans cette partie de la Région
daeg.presse@templarium.com Picarde par une étude sommaire de leur installation dans l’Aisne,
http://www.templarium.com et un clin d’œil à la Mystérieuse de Laon.
Diffusion : NMPP Il est aussi question des prodigieuses années, à Jérusalem, de
Export : Export Press ces combattants aguerris qui gainaient leur corps de la cotte de
mailles avec une bible pour lecture. Bien que le Saint-Sépulcre ait
CPPAP : 0608 K 83219 été partiellement détruit, en 1009, par le sixième calife fatimide
ISSN : 1633-2105
Al Hakim bi-Amr Allah pour en effacer le souvenir, il conservait
TEMPLARIUM est une revue son étiquette de « lieu de pèlerinage ». Cent ans après, les croisés
bimestrielle publiée par la conquirent Jérusalem et y construisirent une nouvelle basilique,
l’association DAEG ©
qui existe encore aujourd’hui. L’ « avoué du Saint-Sépulcre »,
Dépôt légal à parution Godefroi de Bouillon, y trouva une institution hospitalière et, de
Reproduction interdite ces chanoines réguliers, en fit un ordre militaire pour veiller sur
Crédits photos & illustrations : le Lieu saint et célébrer les offices. Les pèlerinages avaient repris,
reproduction interdite. Tous droits
réservés mais Jérusalem ne vivait que dans les conditions les plus précai-
La direction n’est pas responsable res. Hugues de Payns et ses compagnons en avaient pleinement
des articles et photos qui n’engagent conscience, et s’engagèrent en tant que « Pauvres chevaliers du
que leurs auteurs.
Les manuscrits non sollicités par la
Christ » à surveiller les voies d’accès pour protéger et défendre
rédaction et non insérés ne sont pas les pèlerins. Mais où vivaient-ils ? Templarium propose aussi dans
rendus et ne peuvent être considérés ce numéro une reconstitution virtuelle de leur logement à Jéru-
comme accepté par la rédaction. salem.
Ce numéro comporte un encart
d’abonnement. En cette fin d’année 2003, l’équi-
pe rédactionnelle adresse ses
Photo en couverture souhaits de santé et de bonheur
© Olivier HEDOUX à tous ses lecteurs, et les remercie
http://www.studiolagrue.com/ de leur fidélité.

Cordialement
Jean-Luc Alias

Templarium - 3
 „„„ Historique

l’Ordre du Temple dans l’Aisne

par L’Aisne reflète toujours cette atmosphère médiévale même
Jean-Luc si, depuis, l’histoire de France s’est empilée ici. Les ruines
Alias des anciens bâtiments templiers révèlent une architecture
Rédacteur soignée, image de leur prestige et leur richesse dans le pays
durant deux siècles. Du nord au sud, les principales com-
manderies de Saint-Quentin, Laon, Mont-de-Soissons et Moissy-le-Tem-
ple ont rayonné sur le paysage axonais. Quatre émotions silencieuses et
autant de mystères.

S
itué dans la grande région agricole de
Picardie, l’Aisne, département mécon-
nu du nord de la France, est héritier
des provinces historiques de l’Île-de-France
et de la Champagne ; il ne possède guère de
frontières naturelles. Vaste plateau entaillé de
vallées, cinq terroirs, cinq identités marquées,
cinq types de paysages font ce département :
le Saint Quentinois, une mosaïque de cou-
leurs ; la Thiérache, champêtre et bocagère ;
le Soissonnais Valois, berceau de la France ;
le Laonnois, splendeurs médiévales ; le Tarde-
nois, vallée de la Marne et du champagne.
Le département nordique est soumis à un
climat tempéré et les précipitations y sont
importantes. De nombreux cours d’eau l’ir-
riguent, dont les principaux sont l’Oise, la
Serre, l’Aisne, l’Ourcq et la Marne. Quant
aux forêts, elles sont nombreuses à couvrir Mansuet.
l’Aisne, notamment celles de Saint-Michel, Aujourd’hui, on peut voir encore la chapelle
sur la frontière franco-belge, de Saint-Gobain de l’ancienne commanderie de Moissy-le-
et de Villers-Cotterêts. Temple, la région de Soissons avec son éton-
Les aspects physiques de l’Aisne n’ont guères nante concentration de lieux templiers, Laon
changés depuis le XIIe siècle, période de la avec sa chapelle très bien conservée...
venue des Templiers dans ces reliefs surpre- Malgré les importants vestiges répertoriés
nants du Saint-Quentinois, Soissonnais, Laon- dans l’Aisne, il appartient au visiteur d’écar-
nois, Tardenois et Thiérache. ter les branches afin de découvrir les ruines
« À peine sept ou huit ans s’étaient écoulés esseulées.
depuis la confirmation de l’Ordre, qu’on le
vit s’étendre prodigieusement... Les donations SAINT-QUENTINOIS
qu’on leur fit n’étaient pas de terrains incultes
ou à défricher, comme ceux que recevaient les Le nord du département de l’Aisne est le plus
disciples de saint Norbert et de saint Bernard, pauvre en témoignages : la commanderie prin-
c’étaient des châteaux, des fiefs, des forts, des cipale de Saint-Quentin fondée en 1151, celles
bourgades avec leurs appartenances » disait de Rocourt, de Bertaignemont qui dépendait

4 - Templarium

de Laon dont il ne reste rien, de Fresnoy-le-
Grand membre de La Ferté-Gaucher située en
Seine-et-Marne. Les restes d’une maison tem-
plière à Croix-Fonsommes corroborent leur
présence. Dans l’église de Proix, il existe une
pierre tombale d’un Templier.
BAILLIAGE DU LAONNOIS
Dans la vieille ville de Laon existait l’une des
plus anciennes commanderies de l’Ordre, dont
il ne reste aujourd’hui que la chapelle. Dès
1128, les Templiers installèrent leur maison à
la rue Sainte-Geneviève grâce à l’évêque Bar-
thélemy de Vir (rebaptisée par la suite, rue des
Templiers). La chapelle qualifiée exagérément
de « style templier » et construite en 1134
sur un plan octogonal, conserve une corniche
sculptée ; elle abrite trois tombes : celle du
chapelain templier Grégoire décédé en 1268,
et deux hospitalières. Elle appartenait à la
commanderie qui se situait sur l’actuel Musée
Municipal. Lors du procès, Gervais de Beau-
vais, commandeur de Laon, déclara l’existence
souvent contestée d’une règle secrète du Tem-
ple. Les biens dépendants du précepteur de
Laon étaient Puisieux, Cerny-en-Laonnois et
Braye-en-Laonnois (fief), Pontavert, (en 1150)
avec la « ferme du Temple », Thomy dont il ne
reste que les ruines de la chapelle.
L’Ordre du Temple dans l’Aisne
LES TEMPLIERS ÉTAIENT DÉJÀ INSTALLÉS À LAON, UNE DES PREMIÈRES
CITÉS À LES ACCUEILLIR, QUAND ILS OBTINRENT EN1134 L’AUTORISATION
PAPALE D’Y AVOIR UN CIMETIÈRE ET D’ÉRIGER UNE CHAPELLE, ENCORE
INTACTE ET SEMBLE-T-IL, LE PLUS ANCIEN VESTIGE DE L’ORDRE EN
OCCIDENT. C’EST UN ÉDIFICE OCTOGONAL DE STYLE ROMAN, PROLONGÉ
À L’EST PAR UN CHŒUR EN ABSIDE ET UN PORCHE À L’OPPOSÉ, PLAN
QU’ON RETROUVE À METZ COMME À PARIS OU À LONDRES. À REMAR-
QUER L’AGNUS DEI DE LA CLÉ DE VOÛTE, AINSI QUE LES TÊTES DE CHATS
À LEURS RETOMBÉES, EN RAPPORT AVEC LES LEVERS SOLSTICIAUX DU
SOLEIL. À L’EXTÉRIEUR, LES MODILLONS DE LA CORNICHE SONT SCULPTÉS
DE VISAGES HUMAINS ET DE HURES DE SANGLIER.
LE PRÉCEPTEUR GERVAIS DE BEAUVAIS FUT UN DE CEUX QUI AURAIENT
ADMIS PEU AVANT L’ARRESTATION DE 1307, L’EXISTENCE D’UNE RÈGLE
SECRÈTE AU SEIN DE L’ORDRE. ON A CONSERVÉ LE SCEAU DE SON PRÉ-
DÉCESSEUR, FRÈRE PIERRE LE NORMAND, SUR UN ACTE DE 1282 : C’EST
UNE TÊTE BARBUE QUI POURRAIT TOUT AUSSI BIEN ÊTRE CELLE DE SAINT
JEAN-BAPTISTE QUE LE FAMEUX BAPHOMET CITÉ AU PROCÈS. DANS LE
PAVEMENT DE LA CHAPELLE, RESTE L’ÉPITAPHE MARQUÉE D’UNE SIMPLE
CROIX DE CALVAIRE DE GRÉGOIRE, CHAPELAIN DE L’ORDRE, MORT EN
1268.
LES COMMANDERIES ET MAISONS DÉPENDANTES DU PRÉCEPTEUR DE LAON
ÉTAIENT PUISIEUX À CHAMBRY, ANCIENNE PRÉCEPTORIE, CATILLON À
NOUVION, THOUNY À PONTAVERT, BERTAIGNEMONT À LANDIFAY, CERNY
Templarium - 5
 Historique

cMOISSY CHAPELLE ET AUTRES BÂTIMENTS cCOMMANDERIE MONT DE SOISSONS :

THIÉRACHE AVEC UNE COLONNE de l’Épine). Une ensemble important de

MASSIVE ET SON CHAPITEAU lieux templiers se concentrent dans les
Bâtie sur la rive droite de La Serre, sur une À CROCHETS, ENGAGÉS communes d’Acy, Ambrief, Chassemy,
ancienne chaussée gauloise (de Laon vers DANS LES MURS DE LA Chavonne, Cuiry-Housse, Mont-Hussard,
Arras) en plaine élevée à environ 20 Km FERME EN MÊME TEMPS Mont-de-Soissons, Rozières-sur-Crise
au nord de Laon, une commanderie tem- QUE LES ARCADES DU (restes de la ferme des Templiers à Chi-
plière se situait dans le hameau du petit PORCHE D’ENTRÉE PRIMI- vry), Vailly-sur-Aisne, Vieil-Arcy.
bourg de l’Ancienne Thiérache, Nouvion TIF, LA CHAPELLE DE LA
et Catillon, au milieu du XIIe siècle (vers MAISON DE CATILLON QUI
1140). Le frère Johannes Moriaus en était DOMINE SUR SA BUTTE LE TARDENOIS
le précepteur en 1288. Cette ancienne QUADRILATÈRE NÉANMOINS
dépendance du Temple de Laon, l’actuelle IMPOSANT DES BÂTIMENTS, Au nord du Tardenois, les Templiers pos-
« Ferme de la commanderie » a conservé EST LE SEUL VESTIGE DE sédaient des commanderies à Billy-sur-
un souterrain ainsi qu’une grange dîmière L’ÉPOQUE TEMPLIÈRE. SA
Ourcq (souterrain, trésor) et Oulchy-le-
consolidée par des contreforts et percées FAÇADE EN GOTHIQUE
Château, fondée en 1177, avec les restes
de meurtrières. PRIMAIRE, COIFFÉE D’UN
de sa maison du XIIIe siècle dans une
CLOCHER PIGNON À DEUX
ferme du faubourg Saint-Jacques.
SOISSONNAIS OUVERTURES, EST ASSEZ
À Moissy-le-Temple, la commanderie
principale des Templiers dans le Tarde-
CURIEUSEMENT DIVISÉE
Dans son activité inlassable d’occupation nois, fut fondée vers 1160. Elle montre
EN SON MILIEU PAR UN
des lieux, l’Ordre du Temple avait acquis encore d’importants restes. Sa cha-
PUISSANT CONTREFORT,
de nombreux lieux dans la région soisson- pelle dédiée à Saint-Christophe, de style
ENCADRÉ DE DEUX AUTRES
naise, avec pas moins de onze comman- gothique du XIIIe siècle, présente des
AUX ANGLES. CETTE
deries dans un rayon de 20 kilomètres. À sculptures intérieures et extérieures, avec
DISPOSITION INSOLITE A
Soissons, la commanderie gérait plusieurs trois portes caractéristiques des églises
RELÉGUÉ LA PORTE D’AC-
maisons rue des Rats. La « Maison de la templières. Elle abrite la sépulture de
CÈS À DROITE DU PILIER
Croix de Fer », rue de la Trinité, était un Pierre de La Fontaine qui fut grand prieur
CENTRAL. LE SANCTUAIRE,
lieu de justice. Mais toutes ont disparu. de France et commandeur hospitalier de
Lors du procès des Templiers, le frère ORIENTÉ À 70° EST ET Moissy de 1563 à 1573. Les caves, les
Jean de Vaubellant, sergent du Temple QUI ÉTAIT DÉDIÉ À SAINTE granges et le puits sont d’époque tem-
de Soissons, avoua avoir été informé de MARIE-MADELEINE, N’A plière, alors que le petit château fortifié
l’arrestation des membres de l’Ordre. PAS ÉTÉ ÉPARGNÉ PAR LES date de la Renaissance. Ses dépendances
Pourquoi ne se sont-ils pas défendus ou DEUX GUERRES ET LA NEF étaient un domaine à Brumetz, la com-
enfuis ? La question reste en suspens. N’EST PLUS QUE RUINES. manderie de la Sablonnière qui présente
La présence templière se manifeste aussi PAR CONTRE, L’ÉNORME quelques restes, et celles de Nanteuil-les-
dans le Soissonnais à Confrécourt dont GRANGE DÎMIÈRE À DEUX Meaux, Montaigu, Trilbardou situées en
il subsiste encore les ruines de la ferme ÉTAGES DES HOSPITALIERS, Seine-et-Marne.
templière, à Soissons, Vaux-Saint-Nico- AVEC SA FORÊT DE POU- Au sud du Tardenois, entre Château-
las, Mortefontaine, Vivières fondée en TRES, A MIEUX RÉSISTÉ ET Thierry et Montmirail, les Templiers de
1220 avec sa maladrerie (voir la ferme FAIT GRANDE IMPRESSION. La Ferté-Gaucher s’installèrent à Viffort

6 - Templarium
 L’Ordre du Temple dans l’Aisne

CHAPELLE, GRANGE ET PIGEONNIER cMOISSY dMONT-DE-SOISSONS, MURS (PHOTOS © OLIVIER HEDOUX)

eMONT-DE-SOISSONS,
CHAPELLE ET GRANGES
PORTE D’ENTRÉE DE LA
CHAPELLE
(PHOTOS © JAN HOSTEN)

À L’EST DE SOISSONS, VERS REIMS, SE TROUVE L’ANCIENNE PRECEPTORIE

DE MONT-DE-SOISSONS SUR LA COMMUNE DE SERCHES. VERS 1130, LES
TEMPLIERS FONDÈRENT UN DE LEURS PREMIERS ÉTABLISSEMENTS GRÂCE À
UN ACTE DE L’ÉVÊQUE DE SOISSONS, JOSSELIN DE VIERZY. ENTOURÉE D’UNE
ENCEINTE, LA PRÉCEPTORIE QUI AVAIT JURIDICTION SUR LE SOISSONNAIS,
DOMINAIT UN PLATEAU. ELLE PRÉSENTE DE TRÈS IMPORTANTS RESTES. LA
GRANGE ET LE PIGEONNIER SONT DU XIIIE SIÈCLE. LA CHAPELLE OGIVALE
DU XIIIE SIÈCLE, RECTANGULAIRE AVEC UN CHEVET À CINQ PANS, LONGUE
DE 21 M ET LARGE DE 7 M, A ÉTÉ PARTIELLEMENT RECONSTRUITE AU XVE
SIÈCLE. ELLE MONTRE ENCORE SA PORTE, SON CHŒUR ET DE SPLENDIDES
SCULPTURES ET SES CONTREFORTS EXTÉRIEURS SONT CURIEUSEMENT TAILLÉS
EN FORME DE COLONNES ENGAGÉES. LE PORCHE EST FLANQUÉ DE DEUX FOIS
QUATRE COLONNETTES À CHAPITEAUX À PALMETTES. LES PIÉDROITS ORNÉS
DE QUARTEFEUILLES SOUTIENNENT LES CORBEAUX, DONT UN EST SCULPTÉ
D’UN MONSTRE ANTHROPOMORPHE, QUI PORTENT LE LINTEAU. L’ÉDIFICE EST
STRICTEMENT ORIENTÉ. UNE TOUR OCTOGONALE SERVANT ACTUELLEMENT
DE PIGEONNIER, PRÉCÈDE LE CHŒUR ET POURRAIT ÊTRE UN VESTIGE DE LA
CHAPELLE PRIMITIVE. À L’EST DU QUADRILATÈRE, UNE GRANGE OU ÉCURIE À
DEUX NEFS PORTE DES MARQUES DE TÂCHERONS ET DES GRAFFITI, POUR LA
PLUPART DES ROSACES TRACÉES AU COMPAS. DES SOUTERRAINS VOÛTÉS ONT
ÉTÉ REMBLAYÉS. DE LA PRÉCEPTORIE DE MONT-DE-SOISSONS, OUTRE DES
BIENS MULTIPLES ET UN REFUGE DANS SOISSONS, NE DÉPENDAIENT PAS MOINS
DE SEIZE MEMBRES DONT LES PRINCIPAUX SONT : MONTHUSSART, AMBRIEF,
ARCY, VAILLY, CHAVONNE, CHASSEMY, ROZIERES, MORTE-FONTAINE.

LA FERME DE MONT-HUSSARD DANS LA COMMUNE DE COURCELLES-SUR-VES-

LES, SISE SUR UNE HAUTEUR ENTREBRAME ET VIEL-ARCY DATE DE 1250. « IL
NE SUBSISTENT DE CETTE ANNEXE À LA PRÉCEPTORIE DE MONT-DE-SOISSONS
QUE LES PIGNONS À GRADINS ET LES CONTREFORTS DE LA GRANGE DÎMIÈRE À
TROIS NEFS, LONGUE DE 45 M. À L’ENDROIT DE LA COU,R UN PUITS PROFOND
DE 35 M, CREUSÉ DANS LE ROC, JOUAIT AUTREFOIS LES ORACLES : GRÂCE À
CERTAINES PARTICULARITÉS DE SON ALIMENTATION EN EAU, IL POUVAIT SELON
LE NIVEAU, PRÉDIRE SI LES RÉCOLTES SERAIENT BONNES OU MAUVAISES. À
HAUTEUR DE CE PUITS, UNE INSCRIPTION MODERNE DANS LE MUR SIGNALE
QUE LA CHAPELLE DE LA COMMANDERIE ÉTAIT DÉDIÉE À SAINTE ANNE DONT
ON VOYAIT LA STATUE NAÏVE DANS UNE NICHE. CETTE STATUE MÉDIÉVALE EN
PIERRE EST À PRÉSENT DÉPOSÉE À LA MAIRIE. ON NOTERA QUE LE CULTE
À LA MÈRE DE LA VIERGE NE FUT RECONNU QU’EN 1382 ET QUE LA SAINTE
NE FIGURA PAS AU CALENDRIER LITURGIQUE AVANT LA FIN DU XVIE SIÈCLE.
LES TEMPLIERS AURAIENT EN CE CAS, ÉTÉ UNE FOIS DE PLUS EN MARGE DE
L’ORTHODOXIE RELIGIEUSE. À L’EST DE LA COMMANDERIE VERS LES CHAMPS,
UNE CROIX DE FER RAPPELLE QU’UN CALVAIRE ATTRIBUÉ AUX TEMPLIERS, DONT
LA BASE DE QUATRE DEGRÉS RESTE VISIBLE, FUT ABATTU À LA RÉVOLUTION. »

Templarium - 7
 Historique
LES COMMANDERIES PRINCIPALES
• Laon (Laudunensi) • Moissy-le-Temple (Moysi) sur la commune de Montigny-l’Allier • Mont-de-
Soissons (Monte Suessionensi, Montissuessionis, Suessionem) sur la commune de Serches • Saint-
Quentin.
LES COMMANDERIES OU MAISONS
• Acy (Aciaco) • Ambrief (Ambriers) • Bertaignemont (Bretinimontem) sur la commune de Landifay-
et-Bertaignemont • Billy-sur-Ourcq (Billi-super-Urcam) • Catillon-du-Temple (Castellio de Templo)
sur la commune de Nouvion et Catillon • Cerny-en-Laonnois • Chassemy (Chasseni, Chasseny,
Chasserai) • Château-Thierry • Chavonne (Chavoniis) • Croix-Fonsommes • Essises • Fresnoy-le-
Grand • Mont-Hussard (Monthaussart) sur la commune de Courcelles-sur-Vesles • Mortefontaine
(Mortefontana) • Proix sous Saint-Germain (Pacy subtus sanctam Gemmam) • Puisieux (Puisius)
sur la commune de Chambry • Reuilly-Sauvigny • Rocourt • Rozières-sur-Crise (Roseriis) • La
Sablonnière (Sabloneriis) sur la commune de Montreuil-aux-Lions • Soissons (Suessio, Suessione,
Suessionem, Suessionenses) • Thomy (Thouny, Thoury) sur la commune de Pontavert • Vailly-sur-
Aisne (Vailli, Valiaco) • Vaux-Saint-Nicolas (Vaus Sancti Nicolai) sur la commune de Mercin et Vaux
• Viel-Arc (Veteris Arceio) • Viffort • Vivières.

en y créant une commanderie. Deux MALGRÉ PLUSIEURS REMA-

membres en dépendaient : Le fief d’Essi- NIEMENTS, LA MAISON
ses (terre et seigneurie) qui avait été cédé D’AMBRIEF A CONSERVÉ
à l’Ordre du Temple au début du XIIIe SON ASPECT MÉDIÉVAL
siècle par la veuve de Gillon de Châlons ; D’UNE FERME FORTIFIÉE
AVEC SON PORCHE, SON
une maison à Château-Thierry située sur
ÉTABLE, SA BERGERIE,
la route de Montmirail, et des terrains
SON ÉCURIE, SON MUR
situés près du pont de la Marne. La com-
D’ENCEINTE, SA GRANGE
manderie de Viffort a conservé sa « ferme AUX PIGNONS À GRADINS
de la Commanderie » TYPIQUES DE LA RÉGION
ET SES SOLIDES CONTRE-
FORTS. DÈS L’ORIGINE,
ELLE FUT SANS DOUTE UNE
EXPLOITATION AGRICOLE.
DE TELS DOMAINES ÉTAIENT
INDISPENSABLES DANS L’OR-
GANISATION DU TEMPLE,
NON SEULEMENT AFIN
D’ENGRANGER LES DÎMES
PAYÉES EN CÉRÉALES, MAIS
POUR L’ENTRETIEN DE SES
NOMBREUX CHEVAUX ET
L’ÉLEVAGE DES MOUTONS.
UN FRÈRE MANDRIER
ÉTAIT SELON LA RÈGLE,
SPÉCIALEMENT CHARGÉ DE
VEILLER SUR LES TROUPEAUX,
CAR C’ÉTAIT LEUR LAINE
QUI SERVAIT À TISSER LES
FAMEUX MANTEAUX BLANCS,
LESQUELS EN CAMPAGNE,
DEVENAIENT COUVERTURES
POUR SE PROTÉGER DU
FROID NOCTURNE.
„„„ BIBLIOGRAPHIE „„„ AMBRIEF
• VUE DES BÂTIMENTS
„ Atlas du Mystère • PIGEONNIER EN RUÏNE
par Paul de Saint-Hilaire, éd. Arka, Luxem-
ET MURS
bourg 1985.
„ Les sites templiers de France
• GRAFFITI À L’EXTÉRIEUR
par J.-L. Aubardier et Michel Binet, éd. D’UNE GRANGE
Ouest-France, 1997. (PHOTOS © JAN JOSTEN)f

8 - Templarium
 L’Ordre du Temple dans l’Aisne
LES GRANGES
• Confrécourt sur la commune de Berny-Rivière • Cuiry-Housse • Oulchy-le-Château (Grangia de
Ulcheia).

Commanderie

Maison

Grange

Autres biens

Trésor templier

Templarium - 9
 „„„ Commanderie

Parmi les monuments classés et mille autres chef-

par d’œuvres à découvrir, la chapelle romane, austère et
Jean-Luc fastueuse, est le témoin de la présence des Templiers
Alias à Laon. Cet ancien vestige de la commanderie du XIIe
siècle se caractérise par un édifice octogonal, avec un
Rédacteur clocher-pignon et un chœur s’achevant par une absi-
en chef de en cul-de-four, inspiré probablement de celui de
l’église qui gardait le tombeau du Christ à Jérusalem.

L
orsqu’on approche du nid d’aigle Laonnois
par la plaine, on découvre une colline cou-
ronnée de monuments historiques. Nimbée
de brume, presque irréelle, la vieille ville s’abrite
encore derrière ses remparts et ses portes fortifiées.
L’antique Laudunum, importante ville de l’Em-
pire carolingien, a quelque chose d’un mirage. Et
pourtant, elle compte des siècles d’histoire avec
ses constructions classées : en autres, la très belle
cathédrale gothique de Notre-Dame, l’Hôtel-Dieu
du début du XIIIe siècle, le Palais épiscopal (actuel
palais de justice) composé d’un bâtiment du XIIIe
siècle et d’un autre du XVIIe, l’église Saint-Martin
de style gothique primitif, et la chapelle des Tem-
pliers en forme octogonale.
VOYAGE INITIATIQUE
qu’il leur attribuait déjà l’important domaine de
Puisieux, lieu-dit situé dans la commune de Cham-
bry. Un tel geste ne pouvait être que profitable aux
pauvres chevaliers. Ils reçurent bientôt de nom-
breuses donations, qui vinrent remplir les caisses
de l’Ordre et lui permirent une politique systémati-
que d’acquisition de terres et de défrichements.
Le pape Honorius, par dérogation spéciale, en
1134, autorise aux Templiers de Laon d’édifier un
oratoire, à côté de leur maison de Laon ; il s’agis-
sait d’une chapelle de cimetière. Elle subsiste
encore aujourd’hui, fort bien conservée, au cœur
de la vieille ville, à l’abri des Remparts du Midi :
c’est le plus ancien vestige de l’Ordre en Occident.
En 1139, le pape Innocent II accorde à l’Ordre du
Temple le droit d’élever des chapelles à l’usage
des frères.

En se baladant dans les rues, au hasard des ensei- ARRESTATION ET PREMIERS AVEUX
gnes, toutes les sentes, même les plus sombres,
recèlent un porche cossu, un cloître, une cour Malgré le passé glorieux de l’ordre, le roi de
pavée, un hôtel particulier. L’histoire est là, elle France, Philippe le Bel, fait emprisonner les Tem-
vous enveloppe. En déambulant au centre de pliers, les fait torturer par l’Inquisition après avoir
Laon, ville dense, secrète, médiévale, religieuse fait main basse sur leurs richesses et leurs livres
et militaire, le parcours devient initiatique. Au de comptes. La maison de Laon fut dévolue aux
32 rue Georges Ermant, la chapelle des Tem- Hospitaliers après 1314.
pliers, austère et fastueuse, se dresse devant vous, Lors du « coup de filet », Gauthier de Liancourt,
âgée de huit siècles ; elle raconte son histoire. commandeur de Laon et de Reims, connut un bien
triste privilège. Le 25 octobre 1307, il comparait
BAILLIAGE DU LAONNOIS en compagnie de Gérard de Causse, Guy Dauphin,
Geoffroy de Charnay et Jacques de Molay devant
Laon, centre intellectuel au Moyen Âge, est l’une les maîtres de théologie, les écoliers de l’Univer-
des premières cités à accueillir les Templiers, en sité.
1128. Cette année-là, l’évêque Barthélemy de Vir Les commissaires n’interrogent pas Gauthier, mais
participe au concile de Troyes pour officialiser la
création de l’Ordre des Templiers et approuver leur
Règle. Il songe aussitôt à introduire les frères de
cette nouvelle milice dans son diocèse. De retour
à Laon, l’illustre prélat, déjà responsable de la
fondation de plusieurs célèbres monastères, leur
octroie une maison rue Sainte-Geneviève. Elle
sera rebaptisée, pour les besoins de la cause, rue
des Templiers, changera plusieurs fois de nom, et
deviendra la rue Georges Ermant.
La générosité du saint homme ne s’arrête pas là.
Véritable responsable de la rapide expansion de
l’ordre dans le Laonnais, les moines soldats avaient
à peine pris possession de leur nouvelle demeure

10 - Templarium

il peut tout à sa guise écouter la déposition du grand
maître de l’Ordre, qui est le seul interrogé ce jour-
là ; on l’avait sans doute amené pour cela, en espé-
rant ainsi venir à bout de sa résistance. Questionné
pendant une dizaine de jours, Jacques de Molay
était passé la veille aux aveux. Les accusateurs
l’exhibent maintenant publiquement en exigeant
de lui qu’il réitère ses déclarations. Ne risquait-il
pas le bûcher des relaps s’il se rétractait ?
Devant une assistance stupéfaite, Gauthier de
Liancourt n’était certainement pas l’un des moins
étonnés, le grand maître déclare que « la ruse de
l’ennemi du genre humain... avait conduit les Tem-
pliers à une perdition si aveugle que, depuis long-
temps, ceux qui étaient reçus dans l’Ordre reniaient
le Christ au péril de leur âme, crachaient sur la
Croix qui leur était montrée, et qu’à cette occasion,
ils commettaient quelques autres énormités ».
Si son plus illustre dignitaire lui-même condamnait
l’Ordre, c’en était fait à jamais du Temple. Telles
durent être en tout cas les pensées de l’infortuné
commandeur de Laon.
UN SECRET BIEN GARDÉ
Lors du lors du second procès confié à la justice
ecclésiastique, le 11 avril 1310, un témoin volon-
taire comparait devant les commissaires ; il s’agis-
sait du Templier Raoul de Presles.
M. E. Fleury, président de la Société académique de
Laon, rapporte, dans un mémoire intitulé Chapitre
inédit de l’histoire locale (21 avril 1862), le texte
de cette déposition. Interrogé sur son âge et sur
son domicile, Raoul de Presles répond qu’il avait
dans les quarante ans et qu’il demeurait à Paris.
Toutefois, avant de se fixer dans cette ville, il avait,
dit-il, habité à Laon, étant originaire de la région.
Passé ces préliminaires, le témoin déclare :
«Lorsque je demeurais à Laon, un Templier, qui
s’appelait frère Gervais de Beauvais, était recteur de
la maison du Temple de Laon et avec lequel j’avais
des relations intimes, me dit et répéta très souvent,
et en présence de plusieurs témoins - c’était quatre,
cinq ou six ans avant l’arrestation des Templiers -
que, dans leur Ordre, il y avait un point si étonnant
et qui devait rester si secret que lui, Gervais,
aimerait mieux avoir la tête coupée que de révéler
templiers
un pareil mystère, surtout si on venait à savoir que
la révélation émanait de lui. Gervais ajoutait aussi
qu’il y avait un point si secret dans le Chapitre
général des Templiers que si moi, Raoul de Presles,
découvrais ce mystère, ceux qui présidaient au
chapitre useraient de tout leur pouvoir pour me
mettre à mort, fussé-je le roi de France, quelles
que fussent les punitions qu’ils devraient encourir,
et décidés qu’ils étaient à ne se laisser arrêter par
aucune autorité. En me montrant un petit livre qui
contenait les statuts de l’Ordre, frère Gervais me dit
plusieurs fois qu’il y en avait un autre qu’on tenait
caché et que lui, pour tout au monde, ne voudrait
pas montrer. Gervais me pria d’user de mon crédit
près des grands officiers de l’Ordre pour qu’il pût
être appelé au Chapitre général, et il me disait que
s’il pouvait s’en procurer l’entrée, il ne mettait pas
en doute sa nomination à la dignité de Grand Maître.
Je pus l’aider à être admis au grand chapitre et je le
vis alors gagner en autorité ; les autres dignitaires
avaient pour lui beaucoup de considération, ainsi
qu’il l’avait prédit. »
Les commissaires posent
ensuite plusieurs questions au
témoin qui répond: « Je ne sais
D
nues depuis le XIIe siècle. Les merlettes, oiseaux
représentés sans bec ni pattes, rappelleraient
les chevaliers laonnais qui revinrent éclopés des croisades.
Laon, habitée dès la préhistoire en raison de son site hospi-
talier et facile à défendre, devint fort importante à l’époque
carolingienne. La mère de Charlemagne, Berthe au Grand
pied, ainsi surnommée parce qu’elle avait un pied considé-
rablement plus grand que l’autre, était la fille du comte de
Laon Caribert. Les derniers Carolingiens furent appelés rois
de Laon et Hugues Capet s’empara de la ville par trahison.
Les évêques portèrent les titres de pair de France, duc de Laon
et comte d’Anizy. Après une lutte sanglante contre l’évêque
la ville obtint sa charte communale en 1190. Elle a gardé sa
prééminence en devenant chef-lieu de l’Aisne en 1790.
Templarium - 11
 Commanderie
CHAPELLE : MURS EXTÉRIEURS - SCULPTURES (PHOTOS © OLIVIER HEDOUX)
rien de plus, si ce n’est sur les faits de violence LE PRÉCEPTEUR GERVAIS DE
et de coercition contre les frères désobéissants BEAUVAIS FUT UN DE CEUX QUI
qu’on punissait de la prison. Plusieurs fois, AURAIENT ADMIS PEU AVANT
j’entendis soit Gervais de Beauvais soit L’ARRESTATION DE 1307,
d’autres frères parler des rigueurs d’un L’EXISTENCE D’UNE RÈGLE
emprisonnement tel qu’on n’en connaissait SECRÈTE AU SEIN DE L’ORDRE.
nulle part ailleurs de si terrible. Tout ce que ON A CONSERVÉ LE SCEAU
les hauts officiers de l’Ordre exigeaient devait DE SON PRÉDÉCESSEUR, FRÈRE
recevoir exécution sans délai. Ceux qui osaient PIERRE LE NORMAND, SUR UN
leur résister étaient jetés dans les cachots où ACTE DE 1282 : C’EST UNE
ils restaient jusqu’à la mort. » Raoul de Presles TÊTE BARBUE QUI POURRAIT
ajoute encore que trois clercs habitant Laon, TOUT AUSSI BIEN ÊTRE CELLE
Jacques de Neuilly, Nicolas-Simon Demizelle DE SAINT JEAN-BAPTISTE QUE
et Adam de Chalandry, pourraient confirmer LE FAMEUX BAPHOMET CITÉ AU
ses dires, ayant eux-mêmes été témoins des PROCÈS.
révélations de Gervais de Beauvais. RAOUL DE PRESLES, DÉCLARE
Une telle déclaration, on s’en doute, devait AVEC GUICHARD DE MAR-
faire forte impression sur les commissaires. CHAMPT, GERVAIS DE BEAU-
Nicolas-Simon Demizelle (les deux autres VAIS ET NICOLAS SIMON,
amis de Raoul de Presles n’ayant point été L’IMPORTANCE CAPITALE D’UN
cités) vint ajouter foi au témoignage de DOCUMENT QUI DISAIT CECI:
l’avocat. Il précise même qu’il avait déjà « IL Y AVAIT DANS L’ORDRE
commencé à mettre en doute la pureté de DU TEMPLE UN RÈGLEMENT
l’Ordre des Templiers quelques années avant SI EXTRAORDINAIRE, ET SUR
les révélations du frère Gervais. LEQUEL UN TEL SECRET DEVAIT
En effet, après la mort de sa femme, ÊTRE GARDÉ, QUE CHACUN
nourrissant l’idée de se faire chevalier, AURAIT PRÉFÉRÉ SE FAIRE
il s’ouvrit de ses intentions à Gervais de COUPER LA TÊTE QUE DE LE
Beauvais qui l’en découragea en s’écriant RÉVÉLER! - AU CHAPITRE GÉNÉ-
«Ha ! ha ! il i auraye trop à faire ! » Il raconte RAL, IL Y AVAIT UNE PRATIQUE
également que son oncle Jean, dit du Temple
TELLEMENT SECRÈTE, QUE SUP-
(parce que tout jeune il avait été élevé dans POSEZ, PAR MALHEUR, QU’UN
ÉTRANGER EN FÛT TÉMOIN,
FÛT-CE LE ROI DE FRANCE
EN PERSONNE, EH BIEN ! LES
MAÎTRES DU CHAPITRE, SANS
CRAINDRE AUCUN CHÂTIMENT,
TUERAIENT CE TÉMOIN, ET
N’AURAIENT PAS LE MOINDRE
ÉGARD POUR SA QUALITÉ (...)».
RAOUL PRESLES PRÉCISE
DE
AUSSI QUE : « LE COMMAN-
DEUR GERVAIS DE BEAUVAIS
POSSÉDAIT UN EXEMPLAIRE DES
STATUTS SECRETS DE L’ORDRE
ET QUE POUR TOUT L’OR DU
MONDE, IL NE L’AURAIT MON-
TRÉ À PERSONNE ».
12 - Templarium
une maison de l’Ordre), plusieurs fois sollicité
de se faire Templier, avait toujours refusé avec
obstination sans en donner la raison.
Voilà des témoignages que Philippe le Bel
devait être bien aise d’entendre. Ayant conduit
rondement le premier procès, il ne tenait pas à
ce que la justice ecclésiastique absolve l’Ordre.
Les frères qui revenaient sur leurs aveux (et
on sait ce qu’ils risquaient alors) rendaient
les juges perplexes. Heureusement pour le
roi, des hommes comme Raoul de Presles, en
allant librement porter à la connaissance des
ecclésiastiques des témoignages accablants
rétablissaient l’équilibre. Philippe le Bel
en était conscient, qui allait bientôt faire de
l’avocat laonnais son secrétaire particulier.
UN SENTIMENT DE PERFECTION
C’est un édifice octogonal de style roman,
prolongé à l’est par un chœur en abside et
un porche à l’opposé, plan qu’on retrouve à
Metz (Voir Templarium n°7) comme à Paris
L’OCTOGONE DE LAON. IL Y A LOIN DE CES MÉTROPOLES AUX
EXEMPLAIRES DE ROTONDES OU D’OCTOGONES QUI PEUVENT
ÊTRE, À COUP SÛR, ATTRIBUÉS À L’ORDRE DU TEMPLE, ET
QUI, EN DÉFINITIVE, SE COMPTENT SUR LES DOIGTS : UNE
CHAPELLE EN ORIENT, AU CHASTEL-PÈLERIN D’ATHLIT, QUEL-
QUES ÉCHANTILLONS EN ANGLETERRE, UN À SÉGOVIE, DEUX
EN FRANCE, À LAON ET À METZ. ENTRE TOUS, LA DÉLICIEUSE
CHAPELLE DU TEMPLE DE LAON EST À JUSTE TITRE CÉLÈBRE,
ET LES ARCHÉOLOGUES L’ONT SOUVENT PRÉSENTÉE COMME LE
CRITÈRE LE MEILLEUR DE L’ARCHITECTURE DE L’ORDRE. SON
PLAN ÉTAIT À L’ORIGINE CELUI D’UN OCTOGONE PUR, AVEC, À
L’EST, UNE COURTE TRAVÉE DROITE QUE PROLONGE UNE ABSIDE
EN HÉMICYCLE. UN PORCHE CARRÉ, À DOUBLE ÉTAGE, FUT PAR
LA SUITE AJOUTÉ, ET UN CLOCHETON-ARCADE MONTÉ AU-DESSUS
DE L’ENTRÉE DE L’OCTOGONE. LA VOÛTE EST EN ARC DE CLOÎTRE
NERVÉ. DE CONSTRUCTION FORT SOIGNEUSE, AVEC DES BAIES
FINEMENT MOULURÉES ET CERNÉES D’UN CORDON ORNEMENTAL,
LA CHAPELLE COMPORTE NOTAMMENT UNE CORNICHE DE PETITS
ARCS EN MITRE, REÇUS PAR DES MODILLONS SCULPTÉS, QUI, À
DEUX PAS DE L’INSIGNE CATHÉDRALE, LUI CONFÈRE UN ACCENT
TOUT À FAIT PLAISANT ET ORIGINAL.»
RAYMOND OURSEL, LES ÉGLISES DES TEMPLIERS, ARCHEOLOGIA 1969.

Laon et la règle secrète
La Chapelle octogonale dite des Templiers
fut édifiée en 1134, et abrite la tombe
de Grégoire de Nicetos, chapelain du
Temple de la commanderie égéenne de
Lemnos, ex prêtre orthodoxe de la com-
manderie des Templiers d’Asie mineure
de Karatepe (Turquie), décédé en 1268.
Il aurait ramené des manuscrits de la ville
de Hébron en Palestine, les originaux ou
copies d’originaux connus en Palestine
sous le nom de « Manuscrits de Hébron»
rédigés en langue étrusque ! 900 ans
avant Jésus-Christ, comme l’inscription
archéologique connue de Lemnos.
Laon est un axe où fut dévoilé l’existence
de la célèbre Règle secrète des Templiers,
attribuée à Roncelin de Fos, qui ne l’a pas
rédigée, mais diffusée. Règle différente de
celle trouvée à Munster où il y fut fait de
nombreux rajouts jusqu’à en déformer le
sens des textes.
Roncelin de Fos fut commandeur de Kara-
tepe en Asie mineure, comme le Templier
Gervais de Beauvais qui occupa cette
fonction à « Arsemeïa du Nymphaïos» si-
tué en Anatolie, non loin du célèbre sanc-
tuaire de la préhistoire : « Nemrud-Dag »,
le « sanctuaire de la Montagne du Dagda»
(Dwd/Gwion) construit par le Moïse occi-
dental Nemed venu d’Irlande.
Arsemeïa (Turquie)
Cet ancien oppidum occupé par les Tem-
pliers de Laon fut découvert en 1951 dans
le cadre du « Projet pour Commagène»,
mission archéologique et scientifique
chargée de mettre à jour les construc-
tions de Mithridate 1er Kallinikos (62 à
32 avant J. C). Le professeur Friederich
Karl Dörmer de l’université de Münster
dirigea ces fouilles. Selon des informa-
tions de sources turques, les Templiers
possédaient une commanderie bancaire,
véritable forteresse connue sous le nom
de Eskikale, dans la région de Adiyaman
sur le Kahtaçay où se rendit au XIIIe siècle
Roncelin de Fos.
Gervais de Beauvais et son secret
C’est en ce début du XIVe siècle, lors du
procès des Templiers que le dernier com-
mandeur du Temple de Laon, Gervais de
Beauvais, avoua l’existence d’une Règle
secrète du Temple : celle d’Arsemeïa, dite
de Lusignan. Règle que le Templier Jean
de Lusignan, commandeur de la Forte-
resse de Eski-Kale avait en sa possession
au début du XIIIe siècle. Ces faits furent en
partie dévoilés par les archives templières
d’Édesse et par le fonds d’archives du
Temple d’Arménie où se trouvait le « con-
troversé » Templier Mathieu de Tramlay/
Tramblay qui avait effectivement copiée la
Règle du Temple détenue par Lusignan.
Cette règle était conservée dans un coffre
à Édesse avec les évangiles dits d’Éphèse,
de Damas, d’Égypte, des apocryphes cer-
tainement, du fait que l’on y mentionne
Basilide, Nestor et Paul de Samosate. Ces
archives auraient été cachées à Catillon-
du-Temple situé sur la commune de Nou-
vion-et-Catillon. (Nouvion cachant le nom
antique de Gounion traduit par Gwion, le
nom du Fils du Père Dagda, celui qui
aurait passé un contrat d’alliance (traduit
par Mithra en Asie mineure) entre Nemed
et les Hommes, à Nemrud-Dag, lieu où
se fit enterrer Antiochus de Commagène.
LAON.
C’est le secret caché du restaurateur du
Temple de Nemed, Mithridate Kallinikos,
dont la terminaison « os » est gauloise et
non grecque. Le secret des Galates d’Asie
mineure, en fait des gaulois Hyksos de
Tousha/Toursha, étrusques connus sous
divers noms en Orient : Philistins, Pelages
ou Hittites. Ces gaulois étrusques d’Orient
seront connus plus tard sous divers noms
galates : Galitéens, Samaritains. Ils ap-
portèrent à « l’Arabie Heureuse » (Arabie
saoudite et Yémen) l’écriture runique
dite étrusco-phénicienne, dite en Orient
écriture phrygienne, arrondie, que l’on
retrouve sur tous les monuments du Yé-
men. C’est là que fut introduit le culte
«palmyrien celtique » de la trinité céleste
Baal/Shamin, héritage celto-babylonien
(Akkadien) des dieux celtes Bel et Samain,
le Père et le Fils + l’Esprit Divin = la Mère
+ la Grand-Mère ; le tout étant l’entité
éthérique ou Esprit Divin qui ne fait qu’un
avec Dieu, le Dieu Créateur, les Eolim des
Hébreux, un des mortels secrets du Tem-
plier Gervais de Beauvais, le secret de sa
fameuse Règle secrète.
Falque de Bezaure
Le trésor matériel et spirituel des Templiers
Templarium - 13
 Commanderie

INTÉRIEUR DE LA CHAPELLE - TÊTE DE CHAT - STÈLE (PHOTOS © OLIVIER HEDOUX)

ou à Londres. LA CHAPELLE DE LAON « A sont sculptés de visages humains et de hures

À l’origine, ce vaste octogone était surmonté BIEN APPARTENU À L’ORDRE DU de sanglier.
d’une coupole avec une niche d’autel terminée TEMPLE ; MAIS IL RESTE À EXA-
Grâce à Barthélemy de Vir, les Templiers
en abside. Par la suite, on ajouta à l’ouest un MINER DANS QUELLE MESURE
défunts pouvaient donc reposer dans un
porche carré couvert d’une voûte d’ogive, lui- cimetière qui leur fût propre, la chapelle
ELLE DOIT ÊTRE CONSIDÉRÉE
même surmonté plus tard d’un étage formant elle-même abritant les sépultures des plus
COMME CARACTÉRISANT SPÉ-
tribune vers l’intérieur de la chapelle. On illustres d’entre eux. On peut y voir encore
CIALEMENT SON ARCHITECTURE.
ajouta également, au-dessus du mur de façade, actuellement trois pierres tombales, deux dans
un clocher-mur percé de deux baies. CETTE CHAPELLE ÉTAIT, À
la nef et une auprès de l’autel. Seule l’une
Un octogone à coupole - le plan de la chapelle L’ORIGINE, TOUT À FAIT d’entre elles est d’origine templière. On y lit
de Laon (comme celui du sanctuaire de Metz SEMBLABLE À CELLE DE SAINT- l’inscription suivante :
d’ailleurs) - paraissait justifier les théories de MICHEL D’AIGUILHE DU PUY
Viollet-leDuc sur l’architecture templière. CONSTRUITE SUR MÊME PLAN « CI-GÎT GRIGOIRE CHAPELAIN DOU TEMPLE
Hélas pour l’érudit, il semble bien que ce ne AVEC UNE NICHE D’AUTEL TER- QUI ENDIT L’ÂME LE JOUR DE SAINT-MARTIN,
fut pas pour imiter le plan de l’église du Saint- MINÉE EN ABSIDE, ELLE N’AVAIT
EN ESTE, EN L’AN DE L’INCARNATION 1268.
Sépulcre, mais pour une raison toute différente, PEZ POR LI. »
QU’UN SEUL ÉTAGE, SANS
que les chevaliers du Temple firent construire CAVEAU EN SOUS-SOL NI POR-
à Laon une chapelle de cette forme. Plus tardives, les autres dalles funéraires
CHE D’ENTRÉE » ÉLIE LAMBERT
Pendant longtemps, les bénédictins de sont celles de deux commandeurs de Saint-
l’abbaye de Saint-Vincent eurent seuls à Laon Jean de Jérusalem. La plus ancienne porte
le droit de posséder des cimetières, avec tous l’inscription :
les privilèges qui s’y rattachaient. Dans celui
de l’abbaye même, ils élevèrent, pour recevoir « CI-GÎT REPOSE JACQUES DE HAUTE-
la sépulture de l’abbé Adalbèron, une petite AVESNES, JADIS COMMANDEUR DE PUISIEUX,
chapelle consacrée à sainte Madeleine. Cet QUI TRÉPASSA L’AN DE GRÂCE 1335, LE
édifice fut détruit vers 1680 ; mais un plan de DIMANCHE APRÈS LA SAINT-MARTIN EN
l’abbaye bénédictine daté de 1639 a permis de HIVER. PRIEZ POUR L’ÂME DE LI. »
l’identifier.
La chapelle Sainte-Madeleine était bâtie sur Sous l’autre est inhumé Pierre Spifame ou
plan octogonal, prolongé à l’est (à l’opposé de Spifaine - le nom est à demi effacé - qui vivait
la porte d’entrée) par une niche d’autel faisant au XVIe siècle. Ici point d’épitaphe, mais
LAON : OBSERVATION DES
saillie. une simple croix embrassée par deux mains
Vers le milieu du XIIe siècle, plusieurs ordres ÉQUINOXES ET DES SOLSTICES
jointes.
religieux installés à Laon, parmi lesquels les DEPUIS L’AGNUS DEI DE LA Le jardin jouxtant la chapelle a été dessiné
Templiers, obtinrent à leur tour de l’évêque VOÛTE. L’AGNUS DEI EST sur l’ancien cimetière des chevaliers. D’autres
Barthélemy l’autorisation d’avoir leurs SOUVENT DISPOSÉ EN CLÉ DE éléments d’architecture sont postérieurs à la
propres cimetières. Dans le même temps, VOÛTE À UN ENDROIT PRÉCIS suppression de l’Ordre.
on les autorisa à y construire des chapelles QUI GOUVERNE LE PLAN DE
semblables à celle des bénédictins. Et il est TOUT L’ÉDIFICE SELON SON
logique de penser que lorsque les Templiers ORIENTATION ET D’APRÈS
édifièrent la leur, ce fut à l’imitation de celle LES LEVERS ET COUCHERS DU
de l’abbaye de Saint-Vincent, dont on sait
SOLEIL AUX DEUX SAINT-JEAN
aujourd’hui qu’elle était bâtie selon le même
SOIT AUX SOLSTICES D’HIVER
plan polygonal.
ET D’ÉTÉ. IL EN EST AINSI DA
À remarquer l’Agnus Dei de la clé de voûte,
ainsi que les têtes de chats à leurs retombées, LES TEMPLES DE LONDRES,

en rapport avec les levers solsticiaux du soleil. ROTH, METZ ET LAON, POU

À l’extérieur, les modillons de la corniche NE CITER QUE CEUX-LÀ.

14 - Templarium
 Les Templiers à Laon

LAON, AGNUS DEIS (PHOTO © OLIVIER HEDOUX) - INTÉRIEUR DE LA CHAPELLE, VUE VERS LA PORTE D’ENTRÉE - SCULPTURES (PHOTO © JAN HOSTEN)

Acta Templariorum. Malbergue d’Aulnois, donat à Laon (Sans date) épouse de Robert d’Aulnois, elle se donne avec ses
biens à l’Ordre du Temple ; Nicolas d’Espagne, Templier à Laon (Sans date), il fait don de tout ce qu’il possède lorsqu’il
entre dans l’Ordre du Temple ; Eustache le Chien, présent à Laon c. 1163 ; Pierre, Petrus, précepteur Laonnois c.
1180, il est cité comme procurator domorum Laudunensis episcopatus ; Aimé d’Aix, présent à Laon c. 1185 ; Pierre de
Moncione, présent à Laon c. 1192 ; Raynaud, Renaudus, précepteur laonnois c. 1241, preceptor
ivie de Laudunesio ; Grégoire, prêtre à Laon c. 1268, sa tombe se trouve dans la chapelle
rmi celles de deux Hospitaliers ; Pierre le Normand, précepteur laonnois c. 1274, c. 1282 à
287. Thierry, précepteur laonnois c. 1300 à 1302 ; Gérard de Laon, sergent à Laon c. 1301;
Jean de Sainte-Geneviève et Nicolas de Celle, présents dans le diocèse de Laon c. 1307 ;
Raoul de la Saulce, Templier dans le diocèse de Laon c. 1307 ; Thomas de Martignac, prêtre
presbyter Laudunensis) dans le diocèse de Laon c. 1307 ; Gervais de Beauvais, précepteur à
on c. 1301 et 1307 ; Gautier de Liancourt, précepteur Laonnois c. 1307

Sceau ovale de 27 mm. de haut, au chef barbu.

Légende en capitales romanes entre deux cor- „„„ AQUARELLE „„„

dons : CEPT TEP… Caractéristiques : buste de „ Pascal Mondon

profil, peut-être une intaille, Utilisé par frère Aquarelliste
Pierre le NORMAND, précepteur de Laon et 3, rue Arsène Houssaye
02860 Bruyères et Montbérault
lieutenant du précepteur de France.
Tel 03 23 24 84 91
Port. 06 08 77 86 46
Email : contact@art-mondon.com
Internet : http://www.art-mondon.com

„„„ BIBLIOGRAPHIE „„„

„ L’architecte des Templiers

par Élie Lambert (Membre de l’Institut, pro-
fesseur à la Sorbonne), éd. A. et J. Picard,
Paris 1978, (Réimpression de l’édition de
1955).
„ Guide de la France Templière
par Alain Lameyre, éd. Tchou, 1975.
Templarium - 15
 „„„ Templi domorum citra Francia

Les prodigieuses années

LES DÉBUTS DE L’ORDRE DU TEMPLE RESTENT, APRÈS PRESQUE 900 ANS, UN
MYSTÈRE. D’APRÈS LA CHRONIQUE DE GUILLAUME DE TYR, PLUSIEURS AUTEURS par
PRÉCISENT QUE SEULEMENT NEUF CHEVALIERS ONT CONSTITUÉ L’ORDRE DU TEM- Jan Hosten
PLE PENDANT NEUF ANS. DES AUTEURS COMME GRAHAM HANCOCK, MICHAEL
BAIGENT ET RICHARD LEIGH INVENTENT MÊME DES COMPLOTS FANTASTIQUES AFIN
D’EXPLIQUER LES DONNÉES DE GUILLAUME DE TYR. TOUT COMME GUILLAUME DE Historien
TYR, LES TROIS AUTEURS DE NOTRE ÉPOQUE SONT DE FÂCHEUX CHRONIQUEURS.

L
GRAHAM HANCOCK
PRÉTEND QUE LES e 15 juillet 1098, Jérusalem tombe aux
NEUF FONDATEURS mains de l’armée des Francs. Vingt-et-
DE L’ORDRE DU un ans plus tard, le 25 décembre 1119,
TEMPLE SONT TOUS le patriarche Garimond (alias Gormond)
D’ORIGINE CHAM- couronne le nouveau roi de Jérusalem, Baudouin
PENOISE, MAIS IL II. Le jour même, peu après la cérémonie, Hugues
IGNORE QUE, PAR de Payens et Geoffroy de Saint-Omer, font vœu
EXEMPLE, GEOFFROY d’obéissance entre ses mains. Ils promettent de gar-
DE SAINT-OMER der les routes du Royaume et protéger les pèlerins.
ÉTAIT UN FLAMAND Les deux fondateurs créent le premier ordre mili-
(NORD - PAS DE taire et monastique selon les principes de la Règle
CALAIS). ENSUITE, IL de saint Augustin et selon les coutumes des chanoi-
RACONTE QUE BAU- nes du Saint-Sépulcre. Ils sont placés immédiate-
DOUIN 1ER ACCOR- ment sous la protection royale de Baudouin II et du
DA AUX TEMPLIERS Patriarche Garimond. Le roi héberge les chevaliers la chronique de Guillaume, ils parle du templum
UN ENSEMBLE DE dans son palais situé au sud du mont du Temple Domini (Dôme du Rocher) la source d’inspiration
BÂTIMENTS SUR LE où se trouve l’actuelle mosquée Al-Aqsa. La pré- du nom de l’Ordre, tandis que les chartres et même
MONT DU TEMPLE. occupation des deux personnalités principales du les sceaux des Templiers prouvent qu’il s’agit du
HÉLAS, LE PREMIER Royaume de Jérusalem pour ces pauvres chevaliers templum Salomonis. Il faut noter que le Dôme du
ROI DE JÉRUSALEM est en tout cas étonnante ; elle donne l’impression Rocher figure sur beaucoup de sceaux des maîtres
ÉTAIT DÉJÀ MORT que les Templiers doivent être plus nombreux et du Temple.
À CE MOMENT-LÀ. que l’ordre est probablement plus ancien que ce La plus belle preuve de la présence Templière
IL DÉCRIT AUSSI que l’on affirme. Selon l’historien latin Guillaume sur le lieu de l’actuelle mosquée Al-Aqsa, est
LES HOSPITA-
de Tyr, source principale de plusieurs auteurs, ils la découverte d’une lettre du maître Gérard de
LIERS COMME UN
sont neuf. Le chroniqueur cite d’abord les deux Ridefort, pendant les restaurations effectuées entre
ORDRE MILITAIRE,
fondateurs Hugues de Payens et Geoffroy de Saint- 1920 et 1926. La lettre se trouve actuellement au
EN 1125, ALORS
Omer, puis les autres chevaliers, Geoffroy, Gode- musée arabe, à l’ouest de la mosquée Al-Aqsa. La
QU’ILS NE L’ÉTAIENT
mar, Roral, Payen de Montdidier, Geoffroy Bisol, mosquée Al-Aqsa se situe au sud du plateau, tandis
PAS ENCORE. IL PRÉ-
Archambaud de Saint-Amand et André de Mont- que le Dôme du Rocher se situe au milieu du même
CISE QUE LES TEM-
PLIERS ONT CONNU
bard. L’historien raconte que, pendant neuf ans, ils plateau.
LA PROSPÉRITÉ
ne furent qu’au nombre de neuf. Rien de cela. Dans
GRÂCE AUX EFFORTS
DE SAINT BERNARD;
« LETTRE DE GÉRARD DE RIDEFORT, RETROUVÉ AU MOSQUÉE AL-AQSA PENDANT DES RESTAURATIONS DE 1920-1926 » REPRODUCTION PAR JAN HOSTEN
IL NE PARLE PAS
DES BULLES PAPA- QUE LA MILICE DU TEMPLE SOIT TOUJOURS … INSCRIPTIONS TEMPLIÈRES À JÉRUSALEM
LES OMNE DATUM PENDANT LES RESTAURATIONS DE 1938 ET 1942, PLUSIEURS PARTIES MÉDIÉVALES DE LA MOSQUÉE AL-AQSA ONT ÉTÉ DÉTRUITES.
OPTIMUM (1139) LES DÉBRIS SE TROUVENT ACTUELLEMENT SUR L’ESPLANADE À L’OUEST DU SANCTUAIRE SACRÉ. LE PROFESSEUR DENYS PRINGLE, DE
ET MILITIA DEI L’UNIVERSITÉ DE CARDIFF A RETROUVÉ DEUX FRAGMENTS D’ORIGINE TEMPLIÈRE. LE PREMIER PORTE L’INSCRIPTION SUIVANTE :
(1145) QUI ONT …..]CTATOR : D[
VRAIMENT LANCÉS …..IH]C : XPO : Q(V)I[
L’ORDRE DU TEMPLE …. ]M[:]WILL(ELMV)M : ERAT : T[
ET L’ENTHOUSIASME MILITIA : TE(M)PLI : SIT : SE(M)[PER
DES GENS AU XIIE
LE FRAGMENT EST LOIN D’ÊTRE COMPLET. LA PREMIÈRE LIGNE SE TRADUIT COMME « CHER SPECTATEUR … », LE DEUXIÈ-
SIÈCLE. JE REGRETTE
ME « PAR OU DE JÉSUS CHRIST », LE TROISIÈME « WILLEM OU GUILLAUME ÉTAIT … », LA DERNIÈRE LIGNE MONTRE
QUE LE LIVRE THE
TRÈS PROBABLEMENT « QUE LA MILICE DU TEMPLE SOIT TOUJOURS … »
SIGN AND THE SEAL
DE HANCOCK ET LES LE DEUXIÈME : ]R : EI : MIS[
AUTRES LIVRES DE ]CLAVDIT[ :
CES COMPAGNONS ]MOTO : B(E)N(E) :[
SOIENT SI SOUVENT ]THERA : LET[
CITÉS COMME SOUR- LES TEXTES DATENT TRÈS PROBABLEMENT ENTRE 1118 ET 1187. IL FAUT NOTER QUE LES TEMPLIERS OCCUPAIENT DE
CE POUR D’AUTRES NOUVEAU LA MOSQUÉE ENTRE 1239 ET 1244
LIVRES POPULAIRES SOURCE : PRINGLE D. A TEMPLAR INSCRIPTION FROM THE HARAM AL-SHARIF IN JERUSALEM DANS LEVANT, VOLUME
SUR LES TEMPLIERS. XXI, 1989, P. 197 - 201

16 - Templarium

‘‘
Il faut remarquer que Guillaume de Tyr écrivit
sa chronique plus de 50 ans après la fondation
officielle de l’Ordre et qu’il n’était pas vraiment
favorable à la Communauté des Templiers. En
plus, il cite André de Montbard comme l’un des
neuf fondateurs. Ce dernier fait profession dans
l’Ordre qu’à partir de l’an 1129, soit dix ans après
la fondation officielle. On peut facilement prouver
que les Templiers étaient certainement plus de neuf
entre 1119 et 1128, c’est-à-dire entre la fondation
et le Concile de Troyes. En 1120, Foulque d’An-
gers figure déjà dans l’Ordre, en tant que milites
ad terminum, servant à terme. Puis l’illustre comte
Hugues de Champagne entre dans l’Ordre vers
1125. Le 20 octobre de la même année, Bernard
La milita Christi ou militia evangelica ne peut être que l’Ordre
du Temple. Les Hospitaliers n’étaient pas encore une milice à
cette époque et nul autre ordre militaire n’existait.
évêque de Nazareth cite dans une lettre un Templier
nommé Robert. L’acte de donation de Baudouin
Brochet invoque de nouveau Robert et un autre
Templier, nommé Henri. Le 4 mars 1126, les noms
des Templiers Jean, Thibaud et Pierre apparaissent
dans l’acte de donation d’un terrain du patriar-
che. Les Templiers sont donc au moins quinze en
1126, deux ans avant le concile de Troyes. Ajoutés
aux chevaliers qui servent à terme, ainsi que les
écuyers, on obtient un Ordre du Temple beaucoup
plus grand que ce que l’on prétend. Il semble que
la chronique de Guillaume de Tyr ne soit pas tout à
fait crédible aux prémisses de l’Ordre du Temple.
L’évêque de Tyr mentionne aussi 40 Templiers qui
pénètrent dans la ville d’Ascalon et y périssent,
lors du siège de 1153. D’autres sources comme
Barhébraeus parlent de 120 et d’autres mêmes de
400 chrétiens tués. Guillaume de Tyr ne comptait
Les prodigieuses années
probablement que les chevaliers. Lorsqu’il signale LA JÉRUSALEM
neuf chevaliers, il oublie certainement les sergents, CÉLESTE (AUGUSTE
les écuyers et les servants. DE FORBIN,
1825,PARIS, MUSÉE
DU LOUVRE).
LES TEMPLIERS AVANT 1119
On sait maintenant que le nombre des Templiers
n’était pas insignifiant à leur début. On peut donc
se demander si les années 1118 et 1119 marquent
vraiment le début de l’Ordre du Temple. Dans une
lettre, Ivo de Chartres somme le comte Hugues de
Champagne de ne pas joindre la militia Christi, une
militia evangelica, car il était encore marié. Ivo de
Chartres meurt le 23 décembre 1115 ou 1116, et
’’
donc la lettre date très probablement de 1114.
Les chevaliers de cette milice étaient peut-être les
futurs Templiers.
Au commencement de l’Ordre du Temple, les
premiers moines-chevaliers gardaient le chemin
entre Caïphe et Césarée, une route très périlleuse.
Pour faciliter leur tâche, ils construisirent ensuite
leur fameux Château Pèlerin ou Athlit. Dans son
livre, Les Templiers chevaliers du Christ, Régine
Pernoud raconte que Hugues de Payens et Geof-
froy de Saint-Omer avaient fait construire dans cet
esprit, en 1110, la tour de Destroit, sorte de relais
de sécurité pour les pèlerins. Comme beaucoup
d’auteurs elle ne donne pas la source pour cette
assertion. Le Destroit (Khirbat Dustrey ou Dastri)
est un petit fort templier qui date du XIIe siècle. Le
fort se trouve à côté du Château Pèlerin et gardait
le passage de Bab el ‘Ajal et le Wadi Dustrey qui HUGUES DE PAYENS
Templarium - 17
 Templi Domorum citra Francia
LES DESSINS EN 3D DE LA
MOSQUÉE AL AQSA PAR ©JAN
HOSTEN SONT UNE ESQUISSE
DE SA RECONSTITUTION VERS
1118, DANS LES PREMIÈRES
ANNÉES DE L’ORDRE DU
TEMPLE. LA MOSQUÉE ORI-
GINALE DATE DU VIIIE SIÈCLE.
LES CROISÉS ET SURTOUT LES
TEMPLIERS MODIFIÈRENT ET
AGRANDIRENT LE BÂTIMENT.
APRÈS 1187, DE NOMBREUSES
RESTAURATIONS TRANSFORMÈ-
RENT SURTOUT LA FAÇADE DU
BÂTIMENT. LES DESSINS EN 3D
SE BASENT SUR LES PLANS DES
TROIS GRANDES RESTAURATIONS
HASHEMITES DE 1922 JUS-
QU’EN1994.

menaient vers le château. Le Destroit à été
détruit par les Templiers en 1220 lors du siège
par El Mu’azzam. La tour du Destroit mesurait
20 mètres de hauteur ; elle servait probable-
ment de mirador et de base d’opérations pour
la protection des routes.Une preuve existe par
le Destroit daté de 1110, puisque le petit fort
est la première construction militaire des Tem-
pliers ou de cette milice pré-Templière, car les
croisés parlaient d’abord du Districtum.
LE BASTION DU TEMPLE À JÉRUSALEM
Il me semble donc que les Templiers étaient
des précurseurs qui protégeaient en groupe
les routes des pèlerins, et que la cérémonie
du 25 décembre 1119 n’était rien autre qu’une
approbation officielle de leur Ordre par les
chefs d’état. Le fait que les Templiers étaient
actifs bien avant leur fondation officielle
peut expliquer pourquoi l’Ordre du Temple
était déjà une grande organisation, et leurs
membres plus nombreux que ce qui est dit.
Le fait que le roi Baudouin II les installe sur
la partie sud du mont du Temple est la plus
belle preuve qu’ils étaient probablement déjà
une force militaire considérable en 1118. Le
plateau du Temple se présentait comme une
véritable forteresse et un point fort de la ville ;
il est évident que la garde de ce bastion avait
une très grande importance stratégique. Les
murs du Mont du Temple ont une épaisseur
de 5 mètres et une hauteur de 48 mètres, au
sud-est où se trouvent les écuries. Certaines
EN HAUT, DE GAUCHE À DROITE:
1° ET 2° - VUES DU NORD-EST DE
L’ACTUELLE MOSQUÉE AL’ AQSA
AVEC L’ENTRÉE VERS LES SOUS-
TERRAINS, SELON LES PLANS DE
L’AQWAF (SOCIÉTÉ MUSULMANE)
QUI A EXÉCUTÉ LES RESTAURA-
TIONS AU SIÈCLE PASSÉ. 3° - LE
MONT/PLATEAU DU TEMPLE VU DU
SUD-OUEST AVEC LA MOSQUÉE AL
AQSA AU MILIEU, ET LES ÉCURIES
À L’EXTRÊME DROITE. LES TOURS
DE DÉFENSE EN BOIS RETRACENT
LE DÉCOR DE LA SITUATION VERS
L’AN 1099. 4° - LE PLATEAU DU
TEMPLE, VUE DU SUD-EST AVEC LES
PORTES BIEN VISIBLES PAR LESQUEL-
LES LES PÈLERINS PÉNÉTRAIENT. LES
TEMPLIERS LES UTILISÈRENT POUR
ENTRER ET SORTIR DE LEUR COM-
MANDERIE (QUAND ILS SORTAIENT
POUR PROTÉGER LES PÈLERINS EN
ROUTE VERS LE JOURDAIN).
EN BAS, DE GAUCHE À DROITE:
1° - LES FAMEUSES ÉCURIES DE
SALOMON (CONNUES SOUS LE
NOM MOSQUÉE MARWANI PAR
LES MUSULMANS), N’ÉTAIENT PAS
VRAIMENT DES BÂTIMENTS DESTINÉS
À LOGER DES CHEVAUX MAIS
UN ENSEMBLE DE PILIERS (UNE
GALERIE) QUI DEVAIT SOUTENIR LE
PLATEAU DU MONT DU TEMPLE.
ON VOIT AUSSI L’ACCÈS PAR
L’ESCALIER. 2° - L’ENTRÉE VERS LES
SOUTERRAINS QUI SE TROUVENT
ENCORE SOUS LA MOSQUÉE AL
AQSA VUE DU NORD-EST. 3°
- MOSQUÉE AL AQSA VUE DU
SUD AVEC L’ACCÈS VERS LES SOU-
TERRAINS. 4° - LA PORTE DOUBLE
À L’ARRIÈRE DE LA MOSQUÉE QUI
ACCUEILLAIT LES PÈLERINS VENANT
HORS DE LA VILLE, DIRECTEMENT
VERS LE TEMPLE. IL SEMBLE QUE
LES PÈLERINS/CHRÉTIENS UTILI-
SAIENT CETTE PORTE DE LA MÊME
FAÇON QUE LEURS PRÉDÉCESSEURS
À L’ÉPOQUE D’HÉRODE.
pierres monolithes pèsent 150 tonnes. Les
bâtiments des Templiers comprenaient l’ac-
tuelle mosquée Al-Aqsa, les fameuses écuries
de Salomon et ses deux portes (La Porte Tri-
ple et la Porte Simple) dans le mur du sud et,
enfin, la tour des croisés qui bloque partielle-
ment la troisième porte (Porte Double). À l’est
de la mosquée, ils construisirent l’église de
Zacharias, qui était incorporée dans l’actuelle
mosquée Al-Aqsa.
Les Templiers qui logeaient dans la mosquée
Al-Aqsa restauraient les deux portes, la Porte
Triple et la Porte Simple, qui donnaient accès
aux écuries. Ainsi, les cavaliers du Temple
pouvaient sortir de la ville directement par
leurs propres portes et descendre vers la val-
lée du Cédron et Bethléem au sud, et vers le
Jourdain à l’Est.
PROTECTION DE PÈLERINS
On peut s’interroger aussi sur la raison d’être
des Templiers ou la vraie raison de leur
fondation. Le chroniqueur, Michel le Syrien
(Patriarche d’Antioche de 1166 à 1199), cite
Hugues de Payns et environ trente compa-
gnons, qui avaient tous servi sous les ordres
du roi de Jérusalem. Après trois années de
service, ils voulaient terminer leurs jours
comme moines à Jérusalem. Baudouin II,
très conscient des problèmes de son royaume,
avait encouragé Hugues et ces trente com-
pagnons de former un Ordre militaire ou de
LE BERCEAU DE JÉSUS. LA PARTIE SUD-EST DES ÉCURIES PORTE LE NOM DE SIDNA
ISSA OU LE BERCEAU DE JÉSUS. CETTE CHAMBRE QUI SE TROUVE À 6,40 MÈTRES SOUS
LE PLATEAU DU TEMPLE, DATE DE L’ÉPOQUE BYZANTINE : C’ÉTAIT LA BASILIQUE DE
SAINTE-MARIE. DANS CETTE CHAMBRE, IL Y A UNE NICHE DÉDIÉE À JÉSUS-CHRIST.
SELON LES TRADITIONS, C’ÉTAIT L’ENDROIT OÙ MARIE COUCHA JÉSUS APRÈS SA
PRÉSENTATION AU TEMPLE, À L’ÂGE DE 40 JOURS. CETTE PETITE SALLE ÉTAIT DÉJÀ
IMPORTANTE POUR LES MUSULMANS, QUI CONSIDÉRAIENT JÉSUS COMME PROPHÈTE.
L’ENDROIT ÉTAIT AUSSI FONDAMENTAL POUR LES CROISÉS, ET IL SEMBLE QUE LES TEM-
PLIERS SE CHARGEAIENT DU BERCEAU, CAR IL FAISAIT PARTIE DES ÉCURIES.

18 - Templarium

servir dans la milice pour la garde des routes
et la protection des pèlerins. Cette situation
suscitait une prise de conscience de la part des
premiers Templiers qui désiraient prier plutôt
que de tuer. Mais en 1130, Bernard Clairvaux
leur écrivit son fameux « De laude novae mili-
tiae », une louange qui devait les réconcilier
avec eux-mêmes. En tout cas, le témoignage
de Michel le Syrien invoque le chiffre d’en-
viron trente chevaliers qui entraient dans la
nouvelle milice, au plus tard en 1119.
Un autre auteur de l’époque, Walter Map
signale un chevalier nommé Paganus venant
de Bourgogne, qui protégeait fréquemment
des pèlerins à un oase près de Jérusalem.
Quand il ne pouvait plus tenir contre les
nombreux ennemis, il commençait à engager
d’autres chevaliers.
LES DÉBUTS, UN MYSTÈRE
Les débuts de l’ordre du Temple restent un
mystère, mais nous pouvons bien réfuter l’his-
toire des neuf chevaliers qui gardaient les rou-
tes pendant neuf ans. Ils étaient plus nombreux,
peut-être quinze, trente ou encore plus, et ils
étaient probablement très actif bien avant 1119.
Beaucoup d’auteurs ont tenté d’expliquer
la présence des neuf Templiers solitaires
pendant neuf ans dans d’énormes bâtiments
à Jérusalem. Avec le goût de la facilité, ils
se sont servis de légendes comme celle de
l’arche de l’alliance qui pouvait se trouver
Les prodigieuses années
LES ÉCURIES DE SALOMON N’ONT sous le Mont du Temple et ils ont qualifiés les
PAS ÉTÉ CONSTRUITES PAR SALOMON, chevaliers d’entrepreneurs archéologues, à la
MAIS PAR HÉRODE ET CE N’ÉTAIENT recherche d’un trésor. Malheureusement, ces
PAS VRAIMENT DES HARAS. AFIN DE écrivains ne font pas l’effort de parcourir les
NIVELER LA COUR DU MONT DU archives. Le Couvent du Temple ou l’armée
TEMPLE, HÉRODE AUGMENTA LA des Templiers se présentait certainement, en
PARTIE BASSE, LA PARTIE SUD AVEC 1118, comme une force militaire importante.
DES VOÛTES ET DES PILIERS. LA DIFFÉ- Assez importante pour que le roi de Jérusa-
RENCE DE NIVEAU ENTRE LE NORD ET lem leurs confia un bastion stratégique dans
LE SUD ÉTAIT D’ENVIRON
12 MÈTRES. la ville de Jérusalem, emplacement idéal
HÉRODE COMMENÇA D’ABORD LA pour accueillir les pèlerins et servant de base
CONSTRUCTION D’UN MUR EXTRA- de départ pour aller protéger les routes. La
ORDINAIRE AU SUD DU PLATEAU DU situation du Royaume de Jérusalem était trop
TEMPLE. LA PENTE ENTRE LA PARTIE précaire pour consacrer des gens et de l’argent
NORD ET LE NOUVEAU MUR ÉTAIT à une chasse folle au trésor.
NIVELÉE AVEC UNE CONSTRUCTION
EN FORME DE VOÛTES, SUPPORTÉE
PAR DES PILIERS. LES ÉCURIES MESU-
RAIENT ENVIRON 83 MÈTRES DE L’EST
À L’OUEST, ET 60 MÈTRES DU SUD „„„ BIBLIOGRAPHIE „„„
VERS LE NORD. AVEC UNE HAUTEUR
„ Cartulaire de l ‘abbaye de Molesme
DE 9 MÈTRES, LE SOL DES ÉCURIES par J. Laurent, 1911.
SE SITUAIT À 12,5 MÈTRES SOUS LE „ Cartulaire général de l’ordre du Temple
NIVEAU DE LA COUR DU TEMPLE. TRÈS par le marquis d’Albon, éd. de Paris : Cham-
IMPRESSIONNÉS PAR L’AMPLEUR DU pion,1913-1922
MONT DU TEMPLE, LES CROISÉS L’AS-
„ Les Templiers chevaliers du Christ
SOCIÈRENT AU MYSTÉRIEUX ROI SALO-
par Pernoud Régine, éd. Gallimard Histoire, 1995.
„ Pilgrims’ Castle (Atlit), David’s Tower
MON. ILS NOMMÈRENT LA MOSQUÉE (Jerusalem) and QAl-At ar-Rabad (Ajlun)
AL-AQSA, LE PALAIS DE SALOMON, par Johns C.N.Johns C.N., éd. Denys Pringle,
COMME ILS BAPTISÈRENT L’ENSEMBLE Ashgate: Variorum, 1997.
DE SOUS-SOLS AU SUD-EST DU PLA-
TEAU LES ÉCURIES DE SALOMON. LES
TEMPLIERS UTILISÈRENT LES VOÛTES
COMME ÉCURIES. LES ORIFICES PAR
LESQUELS ILS ATTACHAIENT LEURS
CHEVAUX SONT ENCORE VISIBLES
DANS LES MURS. L’ENSEMBLE DES
SOUS-SOLS FUT ABANDONNÉ APRÈS
LE DÉPART DES CROISÉS ET DONNE,
AUJOURD’HUI, UNE BELLE EMPREINTE
DES ÉCURIES DES TEMPLIERS. DE
L’ÉPOQUE TEMPLIÈRE, ON APERÇOIT
AUSSI LES DEUX PORTES DES ÉCURIES
QUI SONT ACTUELLEMENT BLOQUÉES:
LA PORTE TRIPLE ET LA PORTE SIMPLE.
LA TROISIÈME PORTE SERVAIT AU
DÉBUT D’ENTRÉE VERS LE TEMPLE.
LES CROISÉS CONSTRUISIRENT UNE
GRANDE TOUR POUR DÉFENDRE LE
MUR DU SUD. MAINTENANT, CETTE
TOUR BLOQUE PARTIELLEMENT LA
PORTE DOUBLE.
Templarium - 19
 „„„ Ordre de chevalerie
Godefroi de Bouillon et
l’Ordre Hospitalier et Militaire du Saint-Sépulcre
par LES ORDRES DU SAINT SÉPULCRE DE JÉRUSALEM ET SOUVE-
Claire
RAIN DE MALTE SONT LES SEULS SURVIVANTS DES GRANDS
Engel
ORDRES DE CHEVALERIE NÉS DES CROISADES, ET RECONNUS
Historienne
AUSSI PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS
L
’an 1099. À mesure qu’ils approchèrent de
la ville sainte, l’enthousiasme se réveilla,
les inimitiés se turent ; en l’apercevant des
hauteurs d’Emmaüs, le cri de Jérusalem ! Jérusa-
lem! s’éleva dans les rangs. Tous se prosternèrent
et demandèrent le combat qu’ils croyaient être le
dernier. Le siège commença aussitôt, bien que les
croisés fussent réduits à 20.000 hommes de pied et
à 1.500 chevaux, en face de forces triples de leur
nombre. À la résistance de l’ennemi se joignirent
les horribles tortures de la soif ; la flotte génoise,
qui apportait des vivres, fut en grande partie prise et
brûlée ; l’argent manqua pour payer les auxiliaires,
et le bois aussi. L’assaut général fut donné le 15
juillet, et 70.000 personnes, tant juifs que musul-
mans, furent massacrées, si bien que les vainqueurs
« marchaient dans le sang jusqu’à la cheville. »
Les Croisés conquirent la Ville Sainte ce jour-là, au
cri de Deus lo vult, que l’Ordre a conservé comme
devise, et ils offrirent à Godefroid de Bouillon la
Royauté de la Ville Sainte. Mais, comme le rappor-
tent les Assises de Jérusalem, celui-ci refusa d’y «
ceindre la couronne d’or, là où le Christ avait été
couronné d’épines » et préféra le titre d’Avoué du
Saint Sépulcre.
Jérusalem changea dès lors de religion et d’état.
Les croisés, reconnaissant la nécessité de consoli-
der leur domination, résolurent de relever le trône
de David et leur choix unanime tomba sur Godefroi
de Bouillon, qui, dans le cours de l’expédition,
s’était signalé par des vertus héroïques. Il jura de
respecter l’honneur et la justice, et, en acceptant le
► CHEVALIER DU
SAINT-SÉPULCRE.
MEMBRE DE LA
COMPAGNIE DE
RECONSTITUTION
MÉDIÉVALE DES
BLANCS MANTEAUX
20 - Templarium
titre modeste de baron du Saint-Sépulcre, refusa de
ceindre une couronne d’or où Jésus en avait porté
une d’épines. Les musulmans, dont l’empire se
trouvait morcelé, accoururent en foule d’Asie et
d’Afrique pour disputer aux chrétiens leur con-
quête. Godefroi eut beaucoup de peine à décider
les barons à le suivre aux champs d’Ascalon (12
août) la discipline triompha du nombre, et le butin
fut immense. Puis, chefs et soldats, presque tous re-
tournèrent en Europe, et Godefroi conserva à peine
assez d’hommes, 300, dit-on, pour défendre sa
capitale. Il mourut le 18 juillet 1100 et fut enseveli
dans l’église du Sépulcre du Seigneur, au-dessous
du Calvaire où le Seigneur a souffert la Passion,
selon Guillaume de Tyr.
L’ORDRE DU SAINT-SÉPULCRE
L’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem doit son
institution à l’antique coutume d’armer des cheva-
liers sur le tombeau du Christ, au temps des croisa-
des. Il prétend être le plus ancien de tous les ordres
de Chevalerie, et se donne pour fondateur, l’an 69
de Jésus-Christ, saint Jacques, premier évêque de
Jérusalem, qui institua de pieux moines chargés de
garder le tombeau de notre Sauveur.
Deux siècles plus tard, « sainte Hélène, dans son
voyage en terre sainte, faisant bâtir une église sur
le Calvaire, trouva des morceaux de bois qu’on crut
reconnaître pour la croix, instrument de supplice
de Jésus; pour conserver ces reliques et pour venir
en aide aux pèlerins qui, à son exemple, allaient en
Palestine, la mère de Constantin créa l’ordre hospi-
talier du Saint-Sépulcre, vers 326. »
Les historiens racontent que, lors de la conquête de
Jérusalem, en 1099, Godefroy de Bouillon trouva
une institution hospitalière. De ces chanoines régu-
liers, il en fit un ordre militaire dont la mission était
de veiller sur le Saint-Sépulcre et d’y célébrer les
offices. D’autres historiens attribuent ce rôle à son
frère Baudoin, premier roi de Jérusalem, en 1103,
mais le P. Hélyot dans son Histoire des ordres met
à néant, avec beaucoup de bon sens, toutes les pré-
tendues preuves historiques apportées à l’appui de
ces mensonges vaniteux.
En 1103, les chevaliers reçurent leur premier
règlement. Comme les religieux de la milice du
Saint Sépulcre – dits chanoines du chapitre de
Jérusalem – ils étaient placés sous l’autorité du
 GODEFROI DE BOUILLON
(BAISY,GENAPPE, BELGIQUE, V. 1061 -1100)
PRÈS DE
ARISTOCRATE FRANÇAIS, CONSIDÉRÉ COMME L’IMAGE MÊME DU PARFAIT CHEVA-
LIER CHRÉTIEN, CROISÉ MODÈLE, GODEFROI FUT L’UN DES PRINCIPAUX CHEFS ET
HÉROS DE LA PREMIÈRE CROISADE. NOMMÉ DUC DE BASSE-LORRAINE, EN 1082,
PAR L’EMPEREUR DU SAINT EMPIRE ROMAIN GERMANIQUE, HENRI IV, IL SERVIT
FIDÈLEMENT SON SUZERAIN. EN 1095, IL SE CROISA SOUS L’INFLUENCE DE DES
MOINES DE L’ORDRE DE CLUNY, AVEC SES FRÈRES BAUDOIN ET EUSTACHE, ET
CONDUISIT UNE ARMÉE DE MILLIERS DE CROISÉS, NOTAMMENT DE CHEVALIERS
FLAMANDS, BRABANÇONS, WALLONS, LORRAINS ET RHÉNANS. APRÈS AVOIR
TRAVERSÉ LE SUD DE L’ALLEMAGNE, LA HONGRIE, LES BALKANS, IL ARRIVA
À CONSTANTINOPLE EN DÉCEMBRE 1096, OÙ IL REFUSA DE PRÊTER SERMENT
À L’EMPEREUR BYZANTIN ALEXIS 1ER COMNÈNE, S’ESTIMANT VASSAL DU SEUL
EMPEREUR GERMANIQUE. LE15 JUILLET 1099, IL PARTICIPA AU SIÈGE ET À LA
PRISE DE JÉRUSALEM. L’AUTORITÉ SUPRÊME (LE TITRE DE ROI DE JÉRUSALEM)
LUI FUT PROPOSÉE, MAIS IL REFUSA POUR RÉSERVER LES DROITS DE L’ÉGLISE
SUR LE NOUVEL ÉTAT LATIN. EN REVANCHE, IL PRÉFÉRA LE TITRE D’«?AVOUÉ DU
SAINT-SÉPULCRE?». UN MOIS PLUS TARD, IL DÉFIA À ASCALON (AUJOURD’HUI
ASHQUELON, EN ISRAËL) LES FORCES ÉGYPTIENNES QUI AVAIENT MENÉ UNE
ATTAQUE SUR JÉRUSALEM. LORSQUE LE LÉGAT PONTIFICAL, DAIMBERT DE PISE,
VINT EN TERRE SAINTE, IL SE FIT ÉLIRE PATRIARCHE DE JÉRUSALEM, EN EXIGEANT
DE GODEFROI SON SERMENT DE VASSALITÉ. L’AVOUÉ NE S’Y OPPOSA PAS. MAIS
DAIMBERT NE SE CONTENTAIT PAS QUE DU SEUL POUVOIR NOMINAL PUISQU’IL BRIGUAIT LA PLEINE SOUVERAINETÉ SUR JÉRUSALEM
ET JAFFA. DEPUIS, UNE ÉNIGME RELATIVE AU DÉCÈS DE GODEFROI SURVENU 18 JUILLET 1100, DEMEURE EN SUSPENS. CERTAINES
CHRONIQUES RELÈVENT LE CARACTÈRE SUSPECT DE CETTE MORT EN FAISANT MENTION D’UN ACTE D’EMPOISONNEMENT.

Patriarche latin de Jérusalem, leur grand maître, OBSÈQUES DE

dont ils avaient adopté la croix à quatre croisettes
GODEFROY DE
en souvenir des cinq plaies du Christ.
BOUILLON PAR
DES CHANOINES-COMBATTANTS ÉDOUARD CIBOT,
Dès le début du XIIe siècle, les chanoines-combat- 1799-1877
tants du Saint-Sépulcre participèrent aux combats
en compagnie d’un tiers ordre composé de soldats
qui portaient le nom de chevaliers. En effet, ces
religieux placés sous la règle de saint Augustin, en
1112, par le patriarche de Jérusalem, et confirmés
comme tels dix ans après par une bulle de Calixte
II, devint un ordre de chevalerie. À la fin du XIIIe
siècle, après la perte de la Terre Sainte, ses mem-
bres regagnèrent l’Europe : les chevaliers adoubés,
les chanoines réguliers et les confréries de laïques ses autonomes les uns par rapport aux autres. De
qui étaient rattachées à l’Ordre et facilitaient aux 1907 à 1949, le pape en était le grand maître, mais
pèlerins le voyage de Jérusalem. Cependant, la de nouveaux statuts furent accordés en 1949 et
dénomination d’Ordre du Saint-Sépulcre de Jéru- désormais la grande maîtrise est assurée par un
salem apparaîtra dans les textes, et notamment dans cardinal.
une charte qui fut, en 1549, déposée officiellement Tout au long de son histoire, l’Ordre s’est employé
à Jérusalem, au trésor du Saint-Sépulcre. à maintenir la présence catholique en Terre Sainte,
Le pape Innocent VIII (1484-1492) réunit les à faciliter les pèlerinages aux Lieux saints et à
chevaliers du Saint-Sépulcre aux Hospitaliers de œuvrer pour la propagation de la foi.
Saint-Jean, comme étant de mêmes vœux et règles,
ARMES DE GODEFROI DE BOUILLON. UNE FLÈCHE EMBROCHÉE DE TROIS
alors que ceux-ci étaient à Rhodes. Mais, dès 1496 ALÉRIONS (OISEAUX FABULEUX). LA DEVISE EST TIRÉE DE VIRGILE : DEDERITNE
Alexandre VI (Borgia) les sépara de nouveau, en VIAM CASUSVE DEUSVE ? C’EST-À-DIRE « EST-CE UN DIEU OU LE HASARD
transportant au Saint-Siège le pouvoir de conférer QUI NOUS MONTRE LA ROUTE ? »
cet ordre de chevalerie, et, déclara que ce pouvoir
serait délégué au vicaire général, gardien du Saint-
Sépulcre, et qu’il pourrait conférer cet ordre aux
pèlerins et voyageurs de Terre Sainte. „„„ Bibliographie „„
Depuis 1847, l’ordre est devenu un ordre éques-
„ Histoire des Ordres de Chevalerie et des distinctions
tre pontifical sans vrai rapport avec les anciens honorifiques en France par F. F. Steenackers, membre de la
chanoines-chevaliers. De l’ancien ordre militaire Société de l’Histoire de France, illustrations de Pierre Joubert,
ne subsistent que des monastères de chanoines- aux Éditions d’Art du Rameau d’Or, 1995

Templarium - 21
 „„ Ordre reliGieux

Saint Norbert de Xanten

et l’Ordre des Prémontrés
par
Jean-Luc Alias
Rédacteur en chef

LES CISTERCIENS ET LES BÉNÉDICTINS, L’ORDRE DE PRÉMONTRÉ, FONDÉ PAR SAINT

NORBERT, EN 1121, PRÈS DE LAON, A VIVEMENT CONTRIBUÉ À L’HISTOIRE RELI-

L
’Église d’alors est en pleine réforme - c’est le
temps de saint Bernard et de saint Bruno, de la
Croisade et de la Chartreuse - et elle cherche à
se dégager de l’emprise du pouvoir séculier. Digni-
taire de cette Église compromise avec le pouvoir,
Norbert découvre un beau jour qu’il n’a de « clerc
» que le nom, et que sa vie élégante ne ressemble
en rien à la suite radicale, évangélique, du Christ.
La « conversion » a lieu précisément un après-midi
d’orage, dans la forêt de Freden - qu’il traversait
en grand équipage pour aller courtiser une cousine
abbesse ! - quand la foudre ouvre un gouffre devant
son cheval : terrassé comme saint Paul, il entend
un appel du Seigneur à changer de vie. Dès lors, il
n’a de cesse que de répercuter cet appel divin à une
vie sainte et pauvre. Ordonné prêtre après quelques
semaines de méditation, il voudrait prêcher à la
terre entière (comme souvent les nouveaux con-
vertis) le feu qui l’habite, il voudrait aussi amener
les chanoines de son chapitre de Xanten à vivre
pauvrement et en vraie communauté régulière :
mais sa prédication est un échec.

VIE CLAUSTRALE
Depuis trois ans, Norbert ne quitte sa cellule que
pour aller solliciter les avis du bénédictin Conon,
abbé de Siegburg. Sous les pelisses et les four-
rures de son habit, il cache le cilice. Lors de son
ordination sacerdotale (Cologne, à la Noël 1115),
il dépouille solennellement ses habits précieux et
revêt un simple habit de peaux d’agneaux, puis,
avant de célébrer sa première messe, fait une
retraite de quarante jours à Siegburg.
Dès sa première messe, il prêche le néant du monde
et de ses richesses, faisant sentir à ses confrères
chanoines l’inconvenance de leur conduite et de
leur faste, ce qui lui vaut autant d’insultes que
de railleries ; il se confine alors dans sa cellule.
Les pieds nus, vêtu d’un manteau de pénitent, il
jeûne tous les jours, sauf le dimanche. En plus
des fréquents séjours à Siegburg et chez les cha-
noines réguliers de Rolduc, près de Maëstricht, il
visite souvent l’ermite Ludolphe. Il s’aménage une
grotte, plus propice à la méditation des Écritures et
à la prière que sa cellule canoniale.
NORBERT LE « RÉFORMATEUR »
Le clergé installé se défait mal des habitudes
de confort de Norbert et de ses liens avec les
puissants. Ses prédications jointes à une certaine
excentricité, lui attire de solides ennemis. En effet,
l’Église d’Allemagne s’inquiète bientôt de ces
prêches intempestives, et le défère au Concile de
Fritzlar, en 1118, où Norbert le « réformateur » est
taxé d’orgueil et sommé de justifier ses sermons
critiques ; il est accusé de prêcher sans mandat, de
trop attaquer le clergé dans ses diatribes et de vivre
en moine sans être agrégé à une communauté.
Sauvé par le légat Conon, chaud partisan de la
réforme grégorienne, Norbert échappe à ses juges,
mais il doit s’éloigner un temps. Il décide de quit-

22 - Templarium
 Saint Norbert de Xanten et l’Ordre des Prémontrés

nes, il regagne les pays germaniques. Pendant les

UNE EXISTENCE ITINÉRANTE
La première étape est Huy, sur la Meuse, entre
Liège et Namur, où il apprend que le pape Gélase
II avait dû fuir devant l’antipape, le français Gré-
goire VIII, créé par Henri V. Son objectif est de
rejoindre le pape fugitif à Saint-Gilles du Gard. Se
trouvant encore trop riche, il se dessaisit de sa mule
et du peu d’argent qui lui reste, et part vers la ville
languedocienne. Lorsqu’il arrive chez le pape, le
prélat souhaite le garder auprès de lui. Mais Nor-
bert obtient qu’on le laisse partir car il craint de
retrouver les dangers qu’il avait déjà connus dans
les cours séculières. Le pape lui accorde le pou-
voir de prêcher dans toutes les limites de l’Église
romaine.
Pendant quelques années, Norbert, pauvre, pèle-
rin, prédicateur itinérant, cherche sa voie, un peu
comme ces « fols en Christ » dans la Russie du
XIXe siècle. Il devient pauvre pour le Christ, brû-
lant d’annoncer l’Évangile, soucieux de la réforme
des mœurs du clergé de son temps et de la liberté
de l’Église - très liée alors au système féodal.
Comme Norbert ne parle guère les langues roma-
Rameaux, à Valenciennes, il prêche la Rédemption
et se fait miraculeusement comprendre de ses
auditeurs de langue d’oïl. Il tombe malade avec
ses deux serviteurs qui succombent au mal. Après
les avoir soignés, Norbert leur ferme les yeux et
pourvoit à leur sépulture. L’archevêque de Cam-
brai, Burchard, que Norbert a bien connu à la cour
impériale, fait alors une visite pastorale à Valen-
ciennes avec son chapelain, Hugues de Fosses. Ce
dernier tombe sous le charme de Norbert et le suit.
Ils parcoururent ensemble le Hainaut et le Brabant,
appelant à la pénitence, à la justice, à la charité
et au pardon des injures. Ils n’acceptent aucune
rétribution, se contentant de l’hospitalité et d’une
maigre pitance. Le surplus des offrandes de l’autel
est distribué aux pauvres.
LES ORIGINES DES PRÉMONTRÉS
Au Moyen-Âge, les cités étaient divisées : c’est
l’époque où l’Église instituait la trêve de Dieu.
Partout, le passage de Norbert amenait les réconci-
liations et le surnom d’Angelus pacis lui restait.
En octobre 1119, Norbert est à Reims où Calixte
II venait de réunir un concile. L’affluence est telle
que Norbert renonce à saluer le nouveau pape.
L’évêque de Laon, parent du pape, Barthélemy
il perfec-
tionne ses

Norbert de Xanten. Saint Norbert, né en 1080 à Xanten au bord du Rhin dans le duché de Clèves, au temps
de la féodalité et des Croisades, était un riche et brillant seigneur allemand, issu de familles apparentées aux souverains
d’Allemagne (l’empereur Henri IV d’Allemagne) et de Lorraine. Dès sa jeunesse mondaine et dissipée, le petit chanoine
de la belle collégiale de Xanten entreprit de sérieuses études qu’il complètera d’ailleurs après sa conversion. Il obtint
une prébende canoniale à Xanten dont il ne remplit pas les obligations, et c’est par ambition qu’il reçu le sous-diaconat.
D’abord au palais de l’archevêque de Cologne, il ne tarda pas à gagner la cour où sa prestance et sa belle mine lui valent
le meilleur accueil. Chapelain de l’empereur, Norbert accompagna Henri V à Rome (1111) où sa conscience se révolta
quand l’empereur extorqua au pape prisonnier l’investiture des évêques par la crosse et l’anneau. Il refusa l’archevêché
de Cambrai offert par l’empereur, et se résigna que peu à peu à quitter la cour et à rompre avec le prince excommunié.
À trente ans, Norbert est riche, beau, lettré et il vit à la cour, tout près du pouvoir. Une nuit d’orage de l’an 1115, alors
qu’il se dirigeait à cheval vers Wreden, en Westphalie, suivi de son écuyer, il fut surpris par un épouvantable orage. Désar-
çonner à cause de la foudre, il entendit une voix lui reprochant sa vie mondaine. Cette conversion foudroyante lui révéla
l’amour de Dieu et lui montra la légèreté de sa vie ; il rentra aussitôt à Xanten. Il renonça alors aux vanités du monde, et
se contenta d’une petite cellule donnant sur le cloître, pour se livrer à la prière et à la mortification.

Templarium - 23
 Ordre reliGIeux
Abbaye
Premontrés des
connaissances de dialectique, de grammaire et
de théologie. Lorsque Calixte II visite Laon, il
demande à Norbert de prendre la tête des chanoines
réguliers de l’abbaye Saint-Martin de Laon que
l’évêque voulait réformer. Après quelques échecs,
Norbert veut reprendre sa liberté pour chercher une
voie conciliable avec sa vocation apostolique, mais
Barthélemy de Joux qui entendait le garder dans
son diocèse, le conduit près de Coucy-le-Château,
dans une clairière jadis essartée par les moines de
Saint-Vincent de Laon où, après une nuit de priè-
res, Norbert décide de s’établir, en 1120. C’est la
grande époque des fondations nouvelles, la Char-
treuse, Camaldoli, Cîteaux, les ordres militaires,
etc. À son tour, Norbert de Xanten, encouragé
par l’évêque Barthélémy de Laon, fonde au début
de l’année 1120, dans l’actuelle forêt de Saint-
Gobain (Aisne), une maison pour les chercheurs
de Dieu. Le lieu-dit s’appelle Prémontré, c’est le
début d’une très grande aventure. Le prédicateur
itinérant, déjà connu pour son action missionnai-
re, réalise son idéal de communauté apostolique
encouragé par la réforme grégorienne, avec quel-
ques compagnons conquis par son charisme : les
fondements d’un nouveau genre de communauté,
basé sur la désappropriation, la mise en commun
des biens, le culte liturgique et la prédication.
UN ORDRE DANS LE RENOUVEAU DE L’ÉGLISE
Le nouvel ordre rivalise avec Cîteaux et saint
Norbert apparaît comme l’émule de saint Ber-
nard. Prémontré est-il une allusion à la vision
que Norbert eut durant la nuit qu’il passa en
prière, ou bien cette clairière portait-elle déjà ce
nom ? Il est difficile d’en décider. En tout cas,
aussitôt son dessein arrêté, le saint se met
en devoir de le réaliser. Il passe
l’hiver confiné dans une modeste
cellule, mais aux beaux jours il
prêche à Laon et dans les provin-
ces du Nord : sa parole enflammée
conquit de nombreux adeptes à son
nouveau genre de vie, et quand il
rentre à Prémontré, il est accompa-
gné de quarante disciples. Il n’est
pas facile de préciser le dessein du
24 - Templarium
Abbaye de
Prémontré.
Dessin à la
plume et
encre brune,
aquarelle.
Tavernier de
Jonquières.
XVIIIe siècle
NORBERT REÇOIT
fondateur qui a été arraché à son œuvre dès 1126 pour être
placé sur le siège épiscopal de Magdebourg. Le travail d’or-
ganisation est l’œuvre de son successeur, Hugues de Fosses,
qui s’inspira beaucoup des us de Cîteaux et de la charte de
charité. On sait les liens étroits qui unissaient Cîteaux et Pré-
montré, Bernard et Norbert, ce qui a déterminé les emprunts
de Hugues. Norbert est sollicité tout à la fois par la vie
bénédictine à Siegburg, la vie érémitique et la vie canoniale
à Rolduc ; c’est cette dernière forme et la règle de saint
Augustin, qu’il adopte, avec beaucoup de réminiscences
monastiques. Son attrait pour la vie érémitique détermina
son choix du site sauvage et écarté de Prémontré. Celui-ci,
dans l’esprit du fondateur était une pépinière de missionnai-
res pour régénérer le clergé et évangéliser le peuple.
FILIALES DE LA FAMILLE RELIGIEUSE
Dès le début et sous l’influence de Hugues de Fosses, l’abbé
de Prémontré avait droit de visite dans tous les monastères
et présidait le chapitre général qui se tenait annuellement à
Prémontré.
La fondation nouvelle a un vif succès : les recrues abondent.
Assez vite, d’autres maisons se fondent ou s’agrègent à la
famille de Prémontré grâce au rayonnement exceptionnel de
Norbert et de sa communauté.
Le saint voyage à travers toute l’Europe pour prêcher et
recruter des frères, pour établir de nouvelles maisons, pour
combattre les hérésies aussi - notamment celle de Tanchelin
à Anvers, en 1124.
De nombreuses filiales sont créées et la première est
Floreffe, près de Namur. En 1124, ce fut Anvers, fief de
l’hérétique Tanchelin que les disciples du saint défièrent.
L’extension prend les proportions de celles de Cîteaux et, du
vivant d’Hugues de Fosses, premier successeur de Norbert,
une centaine de monastères existait, répartis en vingt-neuf
circaries ou provinces. Parmi les postulants figuraient les
plus grands noms, tel Godefroy de Cappenberg, riche sei-
gneur westphalien, qui légua son château pour en faire un
monastère, entraîna au cloître son frère, sa femme et ses
deux sœurs qui fondèrent à leur tour d’autres abbayes. À
l’ordre proprement dit s’ajoute de bonne heure, une branche
féminine, qui faisait de Prémontré un monastère double ;
plus tard, les norbertines vécurent dans des monastères iso-
lés et s’adonnèrent à la vie contemplative, selon l’esprit de
leur fondateur.
Quelques années après la fondation, on compte plusieurs
centaines de frères, de sœurs et de convers laïcs à Prémontré,
 Saint Norbert de Xanten et l’Ordre des Prémontrés
LA RÈGLE DE SAINT AUGUSTIN
et l’abbaye-mère essaime ou s’agrège d’autres monastères
déjà existants.
En 1124, Norbert obtient l’approbation de deux légats du
pape présents à Noyon ; puis il part pour Rome en 1125, par
la Champagne, la Lorraine, l’Alsace et l’Allemagne. À la
mi-février 1126, il obtint d’Honorius II la bulle laudative. De
retour par la même route pendant le Carême, sans s’octroyer
aucune dispense du jeûne, il fut accueilli en Lorraine, près
de Pont-à-Mousson, par le duc en personne qui lui donna un
terrain pour fonder un monastère, Sainte-Marie-au-Bois.
FILS DE LA « RÉFORME GRÉGORIENNE »
Mais quelle vie Norbert a-t-il donc choisi pour ses frères et
pour cette nouvelle famille religieuse ? On lit dans la vie
ancienne de Norbert (la Vita A, contemporaine du saint) :
« Norbert avait reçu bien des conseils différents d’hommes
religieux, évêques ou abbés. L’un suggérait la vie anacho-
rétique, l’autre la vie érémitique, un troisième l’union avec
l’ordre de Cîteaux. Mais lui pensait que son œuvre et son
dessein venaient de Dieu. » En fait, Norbert a envie de faire
du neuf, mais pas sans racines. Par leur histoire personnelle,
Norbert et plusieurs de ses premiers compagnons appartien-
nent déjà à la vie canoniale, c’est-à-dire à cette vieille ins-
titution d’Église, organisée par la règle d’Aix-la-chapelle à
l’époque carolingienne, pour permettre aux clercs de desser-
vir ensemble les églises collégiales ou cathédrales. Norbert,
qui rêve d’un clergé parfait, pense qu’il doit rester fidèle à
l’institution canoniale, et fonder un ordre de clercs, mais en
permettant à ses nouveaux chanoines « réguliers », de vivre
une vie commune dans un idéal de perfection très élevée.
En cela, il est bien le fils de la « réforme grégorienne », qui
met en valeur le sacerdoce et demande aux clercs de vivre
une sainteté toute monastique. Norbert va donc proposer à
ses frères à la fois la vie religieuse austère telle qu’on peut la
vivre à Cîteaux, par exemple, et en même temps un apostolat
sacerdotal fécond s’ils le désirent.
Il choisit donc la règle d’Augustin - ou du moins ce règle-
ment adventice qu’il croit être la règle d’Augustin, qu’on
appelle aujourd’hui l’ordo monasterii, dont l’austérité lui
convient. Il pense qu’elle était la règle observée par les
clercs d’Hippone, et il se réjouit de donner à ses frères une
règle de vie apostolique, c’est-à-dire, comme on l’exprimait
alors ainsi, une vie copiée sur celle des apôtres, qui for-
maient la communauté de l’Église primitive.
Ceci explique pourquoi les premiers prémontrés vont mettre
l’accent si fortement sur le vœu de stabilité. En vrais cha-
© PHOTO STÉPHANE MAHIER
noines, ils s’engagent à desservir une église,
à faire retentir la louange et la Parole de Dieu
dans une église, et à y faire habiter la charité.
À Noël 1121 donc, les premiers « prémontrés »
s’engagent, et les formules primitives de la
profession qui nous ont été conservées disent
: « Moi, frère N., je m’offre à l’église de sainte
Marie et de saint Jean-Baptiste de Prémontré.
Je promets ma conversion morale et la stabi-
lité dans ce lieu selon l’Evangile du Christ,
l’institution apostolique et la règle canoniale
de saint Augustin... » Cette stabilité fait du
nouveau frère un membre pour toujours d’une
ecclesia, d’une église locale, au sens plus large
que celui d’une clôture monastique, puisque le
service de cette « église » peut, outre le service
liturgique de l’office canonial, l’entraîner à
prêcher, à enseigner, à distribuer les sacrements
au dehors.
Le débat primitif sur la couleur de l’habit
est également significatif de ce que cherche
Norbert. Tous les ordres nouveaux (chartreux,
camaldules, cisterciens…) s’en tiennent alors
à la laine écrue, non teinte, signe de pauvreté.
Certains compagnons de Norbert voudraient
garder le surplis de lin et la grande chape noire
des chanoines réguliers carolingiens. Mais
Norbert ne l’entend pas de cette oreille : « Je
sais une chose, c’est que les anges témoins de
la résurrection sont apparus vêtus de blanc. »
Dans la clarté de leur bel habit blanc - que les
prémontrés d’aujourd’hui portent toujours - les
chanoines de saint Norbert ont à signifier
une joie pascale, un attachement à la
lumière du Christ. Semblablement,
cette dévotion à l’humanité du
Christ - tellement typique du
XIIe siècle - passe par un amour
de l’autel et de l’Eucharistie. En
lisant les Actes des Apôtres, saint
Norbert découvre ce trait caractéris-
tique des premiers chrétiens : Ils étaient
assidus à la fraction du pain (Ac 11, 46),
et la vie de ses monastères s’organise
vite autour de la messe quoti-
dienne, enchâssée dans l’of-
fice divin, chanté solennel-
lement. Norbert aimait dire,
Templarium - 25
 Ordre reliGIeux

© PHOTO STÉPHANE MAHIER

paraît-il, aux frères : « C’est à l’autel qu’on D’où vient le nom « général annuel et l’unité liturgique de l’Ordre
montre sa foi et son amour de Dieu.» Prémontrés » ? avec la publication de l’Ordinarius, structure
qui devait se compléter par une division de
Une légende ra-
l’ordre en provinces appelées « circaries »
LE COMTE DE CHAMPAGNE, UN DESTIN conte qu’il y a bien (1320).
longtemps, une bête La vie conventuelle et l’ensemble de l’édifice
Thibaut, comte de Champagne, sollicite son féroce ravageait les norbertin bénéficièrent d’emprunts aux usages
admission à Prémontré, mais Norbert le ren- de Cîteaux. Cette influence cistercienne fut la
terres du seigneur
voie dans le monde, le marie à la nièce de source de conflits. On observa, dès lors, deux
Enguerrand 1er tendances dans l’Ordre : celle de Prémontré,
et terrorisait le surtout conventuelle, et celle de Magdebourg,
royaume. Ferme- plus immédiatement pastorale.
ment décidé à tuer D’une manière générale, on peut dire que les
trois premiers siècles de l’histoire de l’ordre
le monstre et à de Prémontré furent des siècles de grande
rétablir la paix sur prospérité qui produisirent de nombreux
ses terres, En- exemples de sainteté parmi lesquels on peut
guerrand 1er partit citer : l’abbé Godefroy de Cappenberg, saint
Évermode, évêque de Ratzbourg, et son suc-
à sa recherche dans cesseur, saint Isfrid, l’abbé Hermann-Joseph,
les profondeurs l’abbesse Gertrude, saint Gilbert, abbé de
d’une forêt sombre. Neufontaînes, Hugues de Fosses, premier
En route, il rencon- abbé de Prémontré, saint Ludolphe, évêque de
Ratzbourg. Cette période produisit également
se tient la diète du Saint-Empire à laquelle les tra un ermite lui des érudits et des savants comme Anselme
habitants de Magdebourg ont déféré le cas liti- indiquant l’endroit de Havelberg (1158), Philippe de Harvengt
gieux de l’élection de leur nouvel archevêque. exact où se cachait (1183), Vivien le Prémontré (1183), Adam
Bientôt le nom de Norbert est prononcé et ral- la bête... Mais en Scot (1212) et Pierre de Herentals (1390).
lie tous les suffrages que ratifient les légats et
voyant le monstre,
l’empereur. Le 18 juillet 1126 Norbert, pieds
nus, fait son entrée solennelle à Magdebourg il s’écria « tu me
où il est sacré huit jours plus tard. Cette fois, la de pré montré»
il quitte définitivement, ses frères, en leur qui reprochait à
laissant une sorte de testament spirituel, où il l’ermite de ne pas
les exhorte à la pratique de toutes les vertus
monastiques et surtout de la charité envers les l’avoir averti sur les
pauvres. En donnant sa démission d’abbé de dangers encourus...
Prémontré, il invite ses fils à faire choix d’Hu- Bien des siècles plus
gues de Fosses pour son successeur. tard, Saint Norbert
eut en apparition,
la vierge,qui lui
DEUX TENDANCES DANS L’ORDRE indiqua ce même
endroit pour établir
La communauté de Prémontré se développe
rapidement et, Hugues de Fosses devient un ordre religieux:
le successeur de Norbert. La collectivité se l’Ordre Blanc des
donne une structure fondée sur le chapitre Prémontrés.

26 - Templarium
 Saint Norbert de Xanten et l’Ordre des Prémontrés
CHARTE DE
FONDATION DE
L’ABBAYE DE
PRÉMONTRÉ,
ACTE PASSÉ À
LAON, AU CHA-
PITRE DE L’ÉGLISE
NOTRE-DAME
DE LAON, L’AN
DE L’INCARNA-
TION DU SEI-
GNEUR 1121,
INDICTION 14,
ÉPACT NUL,
CONCURRENT 5.

LA VIERGE PROTÉGEANT L’ORDRE DES PRÉMONTÉS, FRÈRES ET SŒURS

archidiacre intrigant et ambitieux, qui avait Dès la première année me et peut encore célébrer, le jeudi saint, pour
fort profité de la vacance épiscopale, soudoie qui suivit la fonda- consacrer le saint chrême, et à Pâques, mais
des assassins pour tuer le saint prélat, puis tion de Prémontré, au prix d’efforts inouïs. À la Pentecôte, dans
fomente une sédition contre lui. Pour se sous- Norbert se consacre la nuit du 5 au 6 juin 1134, il reçoit le saint
traire à la fureur populaire, Norbert se réfugie viatique et meurt peu après, épuisé par une vie
à l’expansion de sa
au manoir épiscopal de Gevenkenstein, d’où il sainte d’ascèse et d’activité.
lance l’interdit sur les rebelles qui, peu à peu, famille religieuse et À la fin de la vie de Norbert, 35 supérieurs
se calment ; au bout de six semaines l’évêque préside aux premières représentaient les maisons de l’Ordre au cha-
put rentrer à Magdebourg (1129). fondations à travers pitre général, tandis qu’à la fin du XIIIe siècle
Norbert qui a installé ses fils dans la collégiale l’Europe : Floreffe en il existait environ 600 maisons.
de Sainte-Marie, leur confie l’administration 1122, Cappenberg Les XVe et XVIe siècles furent des siècles
de l’Hôtel-Dieu et les engage dans l’évangéli- en 1123, Saint-Michel d’épreuves pour l’Ordre. Les guerres inces-
sation des Wendes qui occupent le nord de son santes amenèrent la destruction de nombreux
d’Anvers en 1124,
diocèse qu’ils pillent à intervalles réguliers et bâtiments et l’on peut dire qu’au cours de
qu’avec le secours de l’empereur Lothaire, il Saint-Martin de Laon cette période, il n’y eut pas une seule abbaye
avait vaincu en 1127. en 1124, Windeberg qui échappât à la destruction au moins par-
L’élection du successeur d’Honorius II met en en 1125, Sainte-Ma- tielle.
présence deux concurrents, Anaclet II et Inno- rie-au-Bois en 1126,
cent II. Désormais, il se bat aux côtés de saint Steinfeld en 1126,
Bernard pour assurer le bon droit d’Innocent Strahow en 1126,
II contre l’antipape Anaclet. Bonne-Espérance en
Tandis que le premier s’installe à Rome,
1127, Grimbergen
Innocent est reconnu par la France, au concile
d’Étampes, grâce à saint Bernard et à Pierre le en 1129, Le Parck en
Vénérable. Le fondateur de Prémontré, d’ac- 1129, Sainte-Marie
cord avec les abbés de Clairvaux et de Cluny, de Magdebourg en
rallie l’empereur et l’Allemagne au pape légi- 1129, Vicogne en
time qui décide une intervention armée pour 1129, Saint-Paul de
le ramener à Rome. Norbert est chargé d’en Verdun en 1131, pour
avertir le pape qui tient un concile à Reims.
ne citer que les plus
En qualité d’archichancelier de l’Empire, le
saint accompagne l’empereur Lothaire dans importantes. L’abbaye
son expédition, tandis que saint Bernard Saint-Martin de Laon
accompagne le pape. À Rome, Lothaire est va engendrer, direc-
sacré à Saint-Jean-de-Latran. Norbert reçoit tement ou indirecte-
le pallium et le titre de chancelier de l’Empire, ment, plus de 150
par suite de la vacance du siège de Cologne. filiales. Cent ans après „„„ Bibliographie „„„
la mort de Norbert, le
„ Prémontrés, histoire et spiritualité
territoire de l’actuelle par Bernard ARDURA, Publications de l’université de
France compte une Saint-Étienne, 1995.
centaine d’abbayes et „ Petite vie de saint Norbert
par Dominique-Marie DAUZET, Desclée De Brouwer, 1995.
le vieux continent, de „ La voie canoniale dans l’Eglise aujourd’hui
l’Angleterre à l’Espa- par Dominique-Marie DAUZET, collection Vie Consacrée,
LA MALARIA, MALADIE FATALE gne et jusqu’en Terre éd. Lessius, 1994.
„ (Extrait) Les Prémontrés - Hier et aujourd’hui
Sainte, environ 600 par Dominique-Marie DAUZET, bibliothécaire-archiviste
Mais en Italie, sa santé est irrémédiablement Abbaye Saint-Martin de Mondaye, www.assomption.org
maisons.
atteinte par la malaria. Il rentre pour le Carê-

Templarium - 27
 „„„ Architecture et chevalerie Mystique

« PAR LES ROUTES POUDREUSES, TOI QUI

par
CHANTAIT LE GRAAL SOUS LE CIEL DES ÉTOILES,
Sébastien
APPORTE NOUS ENCORE MOBILE CARAVANE,
Baudry
QUELQUES SOUFFLES DU TEMPLE EMPOURPRÉS
D’ALCHIMIE...QUELQUES SOUFFLES DU TEMPLE
EMPOURPRÉS D’ALCHIMIE ». J. BREYER Éditeur

L
’histoire de l’architecture au PAUVRES CHEVALIERS Syrie Justinienne à Montsaunès, en nous
Moyen-Âge suscite bien des MANIANT DES FOR- arrêtant sur l’influence du « vieux de la
interrogations et demande aux TUNES, LES TEMPLIERS montagne », nous déterminerons ce que
chercheurs une analyse minutieuse de ses ONT NOURRI LA LIT- l’on appelle « l’architecture mystique des
monuments. Certains d’entre eux ont dis- TÉRATURE HISTORIQUE Templiers ».
parus alors que d’autres ont été modifiés. ET ÉSOTÉRIQUE. AINSI,
Dès lors que la recherche se spécifie, il PLUSIEURS AUTEURS,
faut intégrer des données de contexte, DONT LOUIS CHAR- LES CONSTRUCTIONS TEMPLIÈRES
de traditions locales orales et de cons- PENTIER (MYSTÈRES
truction, pour tenter de comprendre les DE LA CATHÉDRALE L’étude des cartulaires et notamment celui
messages que recèlent ces lieux. DE CHARTRES ET DES du marquis d’Albon, nous informe de
Mais qu’en est-il des constructions Tem- MYSTÈRES TEMPLIERS) l’origine des possessions Templières. La
plières ? Leurs commanderies, manoirs, OU PATRICK RIVIÈRE plupart d’entre elles sont issues de dons
châteaux et édifices religieux, suivent-il SONT CONVAINCUS laïcs ce qui n’apportent rien à l’étude
les mêmes règles que celles utilisées pour QUE LES TEMPLIERS, architecturale puisque les Templiers ne
les constructions non Templières ? De QUI ONT VERSÉ LEUR sont pas à l’origine de leur création. Tout
leurs voyages en Orient, les Templiers SANG SUR LES CHAMPS au plus ils les adaptèrent à des besoins
apprirent-ils entre autre des secrets archi- DE BATAILLE DES CROI- plus pratiques.
tecturaux ? SADES, ÉTAIENT LES Dès lors, les commanderies restent
Ces lignes directrices vont nous mener « DÉPOSITAIRES DES avant tout des lieux fermiers dont les
au travers d’un voyage ou symbolique ARCANES MAJEURS DE bâtiments sont généralement disposés en
LA TRADITION PRIMOR- rectangle ou en carré et les Templiers les
DIALE », CONNAIS- entouraient d’un mur d’enceinte et d’une
SANCES QUI LEUR ONT entrée voûtée, si leurs emplacement se
PERMIS D’INSTRUIRE LES situait dans un environnement hostile. On
BÂTISSEURS. trouve même des souterrains reliant les
CHAPELLE DES
TEMPLIERS A LAON

PHOTO © JAN HOSTEN
commanderies les une aux autres. Ils sont
rares aujourd’hui à trouver mais on cons-
tate que les lieux dont la toponymie se
réfère à l’ « épine » en sont fréquemment
dotés. À titre d’exemple nous pouvons
citer les commanderies de Belle épine,
Épinay et celle située près de Dormelle
avec une galerie voûtée en berceau, lon-
gue de 9 Km.
Les tours, châteaux et autres maisons
suivent quand à elles un style architectu-
ral propre à leur époque de construction.
Nous le voyons bien, il n’y a aucune place
ici pour des constructions dans lesquelles
il se trouverait on ne sait quel secret ou
mystère architectural.
Les chapelles, les églises et les construc-
tions religieuses échappent à ces règles.
La construction se fait d’après des plans
octogonaux et on parle aussi de rotonde
Templière. Viollet le Duc explique –– à
tort –– que cette particularité est due à
la mémoire de la rotonde de Jérusalem,
alors que l’octogone est une imitation de
la chapelle du Rocher. Mais n’attribuons
pas aux Templiers la totalité des ces édi-
fices puisque, d’une part, ils ne leurs ont
pas tous appartenus et que, d’autre part,
ils apparaissent dès l’époque Constanti-
nienne pour se poursuivre des Mérovin-
giens aux Carolingiens.
L’ORIENTALISME TEMPLIER
Pour mieux comprendre l’influence de
l’orient dans les constructions occidenta-
les, faisons appel à Émile Mâle, éminent
archéologue. Dans son ouvrage Histoire
générale de l’Art, ce dernier explique que
les croisés apprirent des Arabes et des
Byzantins à fortifier un château alors que
cette technique date de l’Assyrie antique.
Il est vrai que es constructeurs Byzantins
se regroupaient dans des corporations fer-
mées et enseignaient à leurs membres les
L’architecture mystique des Templiers
symboles alchimiques.
Les Templiers eurent des contacts plus
soutenus avec la corporation des Tarouq
Musulmans qui avait été structurée et
organisée par les Assassins ou « hachi-
chins » du Vieux de la Montagne.
Ils recevaient au cours d’une initiation
des techniques architecturales datant de
l’ancienne Égypte.
À ce sujet, la hiérarchie des Templiers a
été comparée à celles des Fatimides qui
toutes deux procédaient du Pythagorisme
dérivant lui même des mystères égyptiens
et des lois du Maître de Samos.
Revenons au préalable à l’Ordre des
Assassins. Cet ordre était lié à la secte
LES BÂTISSEURS DE
Ismaélienne. D’origine Perse, leurs
JADIS ONT LAISSÉ LEURS
principes philosophiques reposaient sur
SIGNATURES, SUR DES
le mazdéisme. Hassan-Ibn-Sabbah, réu-
POUTRES OU DES PIER-
tilisera ces croyances zoroastriennes et
RES. ILS ÉTAIENT TRÈS
deviendra le Vieux de la Montagne. Ce
LIÉS AUX TEMPLIERS,
personnage avait été initié par le « Maî-
QUI LES AVAIENT INS-
tre inconnu de la Montagne » –– devons
TRUITS ET PRIS SOUS
nous y voir une pratique initiatique
LEUR PROTECTION.
néolithiques qui se déroulaient dans les
ET ON PEUT REMON-
grottes ? –– et appris à voir les dessous
TER PLUS LOIN. CAR des religions. Ensuite, lors de ses études
CES CONSTRUCTEURS
au Caire, il découvre que le haschich
PUISENT LEURS ORIGI-
avait un pouvoir qui faisait oublier tout
NES DANS LES ÉCO-
élément de prudence. Il décide alors de
LES INITIATIQUES DE
fonder un ordre religieux et militaire à la
L’ANCIENNE ÉGYPTE. forteresse d’Alamout (construite d’après
CERTAINS D’ENTRE une muraille qui dominait un précipice)
EUX ONT GARDÉ UNE
basé sur l’ismaélisme et la dévotion corps
TRADITION INITIATIQUE
et âmes de ses membres. Chacun des fidè-
ET MORALE DE SAVOIR-
les recevait un enseignement initiatique,
FAIRE ET DE « CHEVA-
et était revêtu d’une robe blanche à cein-
LERIE DE MÉTIER » EN
ture rouge. Étrange singularité avec les
REFUSANT, PAR EXEM-
Templiers qui eux étaient habillés d’un
PLE, DE CONSTRUIRE
manteau blanc à croix rouge. Les liens
DES FORTERESSES ET
entre Templiers et Assassins, pourraient
DES PRISONS, LEUR
avoir entre autre la recherche commune
ŒUVRE ÉTANT DÉVOLUE
du Graal. Assassin en arabe signifie gar-
AUX HOMMES LIBRES.
dien, et Von Esenbach faisait des Tem-
pliers les gardiens du Graal. D’autre part
Templarium - 29
 Architecture et chevalerie Mystique
SES POSSIBILITÉS) ET LE LAURIER (SYMBOLE D’IMMORTALITÉ).
PHOTOS © JAN HOSTEN
L’ARCHITECTURE TEMPLIÈRE A LAISSÉ DES NOMBREUX MESSAGES SYMBOLIQUES GRAVÉS DANS LA PIERRE.
Druzes dirigé par Ismail-el-Derrzi. Cet
ordre initiatique Syriaque était une fusion
des doctrines ismaélismes et fatimides,
qui se revendiquait d’origine Pythago-
ricienne. Il croyait en la transmigration
des âmes, mais surtout il accordait au «
Mal » un principe de prédominance sur
le « Bien ». Cela donnait lieu à des prati-
ques rituelles dans des tours, pourvues de
souterrains et où la communication avec
le monde du Mal était possible. Derrière
ces aspects, réapparaît la vieille tradition
issue de vieux textes syriaques qui parlait
d’une pierre si précieuse, qu’elle aurait
été la base du monde et cachée dans les
profondeurs de la Terre.
Il est certains que l’Orient influença les
Templiers tant spirituellement qu’archi-
tecturalement.
Dans ce domaine, c’est encore la Syrie,
mais cette fois-ci celle de Justinien, de par
la présence d’édifices à triple enceintes et
l’usage des formes octogonales. Militai-
rement parlant, l’importance de la triple
enceinte ne suscite aucune question. Mais
d’un point de vue symbolique, elle révèle
les premières marches de l’initiation et la
présence toujours sous jacente d’un her-
métisme helléno-égyptien teinté d’ésoté-
risme musulman et chrétien.
SYMBOLIQUE ET ARCHITECTURE SACRÉE
Parmi les églises templières, celle de
Montsaunès développe une iconographie
que seul l’initié comprendra et qui restera
étrangère au profane. La photo ci dessous
est celle que l’on trouve sur le chapiteau
de la porte nord.
Plus précisément, il faut demander à faire
ouvrir la porte de droite, sortir et regarder
au dessus. À première vue, on remar-
que que le corps du Christ est à moitié
immergé dans une cuve qui lorsque l’on
30 - Templarium
LES COMPAGNIES DES
FRANCS MESTIERS SERAIENT
ISSUES DES TEMPLIERS ET DE
LEURS FIDÈLES BÂTISSEURS,
LES CAGOTS. LES GÉZITAINS
(SYNONYME ÉRUDIT DU NOM
CAGOT, QUI FAISAIT RÉFÉ-
RENCE À LA LÈPRE), ÉTAIENT
APPELÉS AUSSI CHRESTIANS,
GAHETS, CAPOTS, AGOTS
ET DE BIEN D’AUTRES NOMS.
ILS N’EXERÇAIENT QUE
CERTAINES PROFESSIONS,
NOTAMMENT CELLES DE
CONSTRUCTEURS, CHARPEN-
TIER, BÛCHERON, MENUISIER,
TONNELIER, FABRICANT DE
CERCUEILS ... ; LE BOIS ÉTAIT
EN EFFET CENSÉ NE PAS
TRANSMETTRE LA CONTA-
GION. ILS POUVAIENT ÉGA-
LEMENT ÊTRE MAÇONS, VAN-
NIERS, TISSERANDS... MAIS
JAMAIS, ILS N’ONT OCCUPÉ
DE MÉTIERS EN RAPPORT AVEC
L’ALIMENTATION: MEUNIERS,
BOUCHERS, BOULANGERS...
IL LEUR ÉTAIT INTERDIT DE
TOUCHER LES ÉLÉMENTS
NATURELS, TERRE, EAU ET
FEU. C’EST POURQUOI ILS
AVAIENT LEUR FONTAINE DITE
« FONTAINE DES CAGOTS ».
EXEMPLAIRE CONTEMPORAIN
D’UN BÉNITIER DE CAGOTS
EN L’ÉGLISE DE SAINT SAVIN
PHOTO © JAN HOSTEN
CHAPITEAUX DE MONTSAUNÈS.
la regarde de plus près ressemble à un
calice. À ses côtés, deux femmes, dont
une agenouillée le servent.
Cette scène représente en fait une sage
femme aveugle qui, lorsqu’elle lava le
corps du Christ, recouvrit miraculeuse-
ment la vue. Or, cette description se trou-
ve uniquement dans les évangiles apocry-
phes, ce qui implique que les Templiers
avaient connaissance de textes hérétiques.
Sur la porte occidentale, on peut voir des
petites colonnes surmontées d’un minaret
arabe, puis à d’autres endroits apercevoir
un Christ habillé à l’Orientale qui tel la
Papesse dans le Tarot de Marseille tient
le livre de la doctrine cachée. Et que dire
de la fresque de la pesée des âmes qui est
officiée à la fois par Anubis d’un côté et
Saint Michel de l’autre ? Si ce n’est que
cette influence égyptienne est toujours
présente et adaptée à la tradition chré-
tienne. Cette église possédait autrefois
une Vierge Noire.
Les têtes coupées sont aussi un thème
récurent qui font référence au berger saint
Jean Baptiste. Initiatiquement parlant, ces
rituels sont directement issus du néolithi-
que avec les grottes où le néophyte allait
à la rencontre du digesteur divinisant qui
prenait la forme d’un ogre ou d’un dragon
–– églises Templières liée à saint Georges,
voire même d’un Basilic, dragon à corps
de serpent –– puis accédait à la lumière
au sommet de la montagne au terme d’un
long combat avec le grand Chasseur dont
l’enjeu était sa tête. Et de la tête cou-
pée, nous arrivons tout naturellement au
Baphomet des cryptes. On trouve aussi
d’autres symboles initiatiques tel un pied
boiteux –– les églises Saint Gilles, lieux
Templiers sur la route de Saint Jacques
–– ou les saints gémellaires Gervais et
Protais dans la recherche alchimique.
Signalons à ce propos, qu’à Paris l’église

PHOTOS © STUDIOLAGRUE
‘‘
CHAPELLES SAINT-CHRISTOPHE DE MOISSY-LE-TEMPLE ET DE MONT-DE-SOISSONS
Saint Gervais Saint Protais est chargée de symboles
alchimiques, et qu’elle se situe à l’emplacement d’une
ancienne chapelle Templière. Nous invitons d’ailleurs
nos lecteurs à comparer ces symboles avec l’église
Saint Gervais Saint Protais de Gisors.
Les Templiers nous ont laissé un message inscrit dans
les pierres de leurs églises et cathédrales. Nous savons
aussi que les Templiers étaient en étroite relation avec
ces artisans initiés. Le Voile d’Isis dans son numéro sur
le compagnonnage cite les compagnons, et « Maîtres
des pierres vives ».
Cependant, le style Gothique prédomine, et on ne peut
Charpenterie, architecte et tailleurs de pierre, Les cagots pro-
pagent grâce aux soins de l’ordre du Temple une nouvelle
forme d’architecture qui n’est autre que l’art gothique.
légitimement parler de cet art sans traiter des véritables
détenteurs de ses secrets : les Cagots.
LES SECRETS DE L’ART GOTHIQUE
Les Cagots participaient à la construction du temple
de Salomon. Comme ils travaillaient mal, Salomon fit
abattre sur eux une terrible malédiction : la lèpre. Cette
affirmation tient plus de la légende que de la réalité,
car ils étaient énormément sollicités dans les construc-
tions de forteresses. Spécialisés dans la charpenterie,
mais aussi comme architecte et tailleurs de pierre, ces
Canis Gotis –– chiens de Goths –– propagent grâce
aux soins de l’ordre du Temple une nouvelle forme
d’architecture qui n’est autre que l’art gothique.
Nous disposons de peu de documents sur les cagots, et
beaucoup de nos informations relèvent de nos études
et comparaisons des lieux qu’ils ont construits. En
tout cas, nous sommes à peu près sûr que ces cagots
auraient été ramenés par les Templiers de leurs voya-
ges en Orient et utilisés pour leurs compétences et con-
naissances de l’architecture. Cette théorie est étayée
par la fête des Cordiers du 25 Janvier. Les Cagots
pratiquaient cette fête de la conversion de saint Paul,
ce jour. Or en Syrie, le même jour se fête la conversion
du Soleil au seuil de la voie lactée.
L’architecture mystique des Templiers
MONTSAUNÈS SCULPTURE D’UN PASSAGE APOCRYPHE DE LA
BIBLE. LE CORPS DU CHRIST À MOITIÉ IMMERGÉ DANS UNE
CUVE, SORTE DE CALICE ; À SES CÔTÉS, DEUX FEMMES, DONT
UNE AGENOUILLÉE QUI LE SERT
’’
Un des symboles far des cagots est la patte d’oie. Ce
symbolisme très riche se retrouve chez la Reine de
Saba qui selon la tradition aurait eu un pied palmé.
Plus concrètement, la patte d’oie n’est autre qu’un
chrisme.
Mais à la destruction du Temple, ils furent persécutés
et se réfugièrent en sociétés secrètes. Il est intéressant
de rappeler que les premières loges maçonniques se
réunissaient dans des auberges à l’enseigne de l’oie.
L’architecture templière est donc une fusion de doctri-
nes Orientales et Occidentales qui trouve son équilibre
dans leurs constructions et qui avait, comme but, de
nous mettre en communication avec le monde d’en
haut. C’est en ça que leur architecture est mystique car
elle nous renvoie sans cesse à nous même.
„„„ BIBLIOGRAPHIE „„„
„ L’oratoire des Templiers de Metz
par M. de Saulcy, Memoires de l’Academie nationale de
Metz, 1835. 1. 16e année. 1834-1835.
„ Peintures à Fresques du XIVe siècle existant
à la chapelle de Metz
par M. de Saulcy, Memoires de l’Academie nationale de
Metz, 1835. 1. 16e année. 1834-1835.
„ Pierre tumulaire d’un templier
par M. Clerx, Bulletin de la Société d’archéologie de la
Moselle, 1861.
Templarium - 31
 „„„ Le Portail des Chevaliers

PREMIER FESTIVAL MÉDIÉVAL

DANS L’ANCIENNE COMMANDERIE DE RICHERENCHES

DE RICHERENCHES, LA PLUS ANCIENNE

DE PROVENCE, A CONNU UN FESTIVAL
MÉDIÉVAL REMARQUABLE LES 9 ET 10
AOÛT DERNIER EN DÉPIT DES JOURNÉES
TORRIDES. AU-DELÀ DU BEFFROI, DANS
L’ENCEINTE MOYENÂGEUSE, LES VISITEURS
CÔTOYAIENT LES CINQ COMPAGNIES ET
LES EXPOSANTS EN ART MÉDIÉVAL (CUIRS,
FORGE, SANDALES, HABITS, BIJOUX...)
QUI ANIMAIENT LES FESTIVITÉS. C’ÉTAIT
UNE SORTE DE DREAMING, « TEMPS DU
RÊVE », UNE FÊTE ORNÉE DE MYSTÈRES
OÙ VISIONS ET RÊVES SE MÊLAIENT DANS
UN DÉCOR OFFERT PAR L’ASPECT PER-
MANENT ET MULTIDIMENSIONNEL DE LA
COMMANDERIE.

32 - Templarium
 complÉtez votre collection avec les Anciens Numéros
Templarium n°1
■ Les moines chevaliers de l’Ordre Templarium n°7
du Temple ■ Les moines cheva-
liers de l’Ordre du Temple ■ Les « Les Templiers en
Templiers à Jérusalem ■ Llewelyn,
chevalier Templier ? ■ L’Ordre de Lorraine »
Saint-Lazare de Jérusalem ■ Ces
mystérieux Antonins ■ Le mysté- ■ Présence des
rieux trésor oriental des Templiers
■ La Compagnie Médiévale des Templiers en Lor-
Blancs Manteaux
raine ■ Les monu-
Templarium n°2
■ Les Templiers furent-ils coupa- ments templiers
bles ? ■ Templiers et Hospitaliers
en Auvergne au Moyen-Âge (1ère en Lorraine ■ Les
partie) ■ Les années prodigieuses
des Templiers ■ Raymond Lulle, Templiers à Chypre
le « Docteur illuminé » ■ L’Ordre
des chevaliers Teutoniques ■ Les ■ L’Ordre du Navi-
moines cisterciens ■ Les Templiers
et le Saint Graal ? ■ Estivales du re dit d’Outre-Mer
Larzac 2002
Templarium n°3
et du Double-Crois-
■ Rivalité entre Templiers et Hos-
pitaliers ■ Templiers et Hospita-
sant ■ L’Ordre des
liers en Auvergne au Moyen-Âge
(2ème partie) ■ Sur les traces des
Croisiers ou de la
Templiers en Hongrie ■ Hugues le
Pécheur ■ Hospitaliers de Saint-
Sainte-Croix ■ Le
Jean de Jérusalem ■ L’Ordre de
Grandmont ■ Le secret des pro-
Temple en majesté
phéties de Nostradamus ■ Mansio
Templi Parmensis

Templarium n°4 « Les Templiers
à Richerenches »
■ Rapide coup d’oeil sur l’his-
toire du Temple ■ Les Templiers
à Richerenches ■ Les Templiers
en Slovaquie ■ Guigues, prieur
de la Grande Chartreuse ■ Ces
mystérieux Antonins ■ l’Ordre
des chevaliers Croisés à l’Étoile
Rouge ■ Les Bénédictins ■ Le
secret des prophéties dites de
Nostradamus
■ Les Templiers dans le Quercy ■ Trois faits
historiques troublants ■ Sur les traces des
Templiers à Figeac ■ Architecture de l’Hôtel
Médiéval ■ Guide pratique de la visite de
l’Hôtel Médiéval de la commanderie des
Templiers ■ Les Templiers de la Pierre -
Fils aînés de l’Égypte ■ Tour du Griffon et
symbolique ■ l’avènement spirituel des pèle-
rinages vers Saint-Jacques-de-Compostelle
■ l’Église au Moyen-Âge.
Templarium HS n°1 « La commanderie
d’Arville »
■ Il était une fois... ■ Les Templiers
dans le Loir-&-Cher ■ La comman-
derie d’Arville ■ Visite guidée des
bâtiments ■ Portfolio. À l’ombre des
lumières ■ Muséologie. Centre d’His-
toire des Ordres de Chevalerie...
Templarium n°6 « La commanderie
de Figeac »
■ Le régime socio-économique
des Templiers ■ Les Templiers à
Montricoux ■ Chevauchée arago-
naise ■ Saint François et les ordres
mendiants ■ le Baphomet, miroir de
toutes les sagesses ■ La Compagnie
du Seigneur de Guerre au Baux de
Provence

Prix franco (7 € l’exemplaire) n°1 x ___ = ____ € / n°2 x ___ = ____ € / n°3 x ___ = ____ € / n°4 x ___ =_____ € /
n°5 x ___ = ____ € / n°HS1 x ___ = ____ € / n°6 x ___ = ____ € / n°7 x ___ = ____ €
us ez

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Templarium - 33
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Édition de l’Oxymore
Le stationnaire
► Sociétés Secrètes
Baudry édition
► Règle et statuts secrets des Templiers
de Maillard de Chambure
Cet ouvrage paru en 1840 se base sur deux docu-
ments inédits relatifs à la règle des frères initiés.
Ces deux documents ont fait l’objet d’une authen-
tification et sont datés du XII et XIIIe siècle. Rare
sez-vous introniser par leurs frères de plume. Matthieu Baumier vous réimpression De plus ces documents n’ont jamais
introduit dans l’Ordre des Templiers ; Robert Weinberg vous entraîne été mis entre les mains
à la poursuite des Enfants de Mai. Guillaume Roos ravive la secte des ni du Roi Philippe le
Germanites ; Jess Kaan est aux prises avec l’Opus Dei... ; Claire Ga- Bel, ni du pape, ni de
rand vous révèle les dessous surprenants du grand tremblement de l’inquisition. Il s’agit
terre de Lisbonne ; Bruce Holland Rogers vous emmène à la rencontre
de documents qui ont
d’une étrange assemblée au cours d’un carnaval à la Nouvelle Or-
leans; Ronan Quarez : suivez échappés à sept siècles
une dangereuse initiation au d’histoire.
sein de l’Ordre du Caducée. Format 15x22 cm
Avec en prime, un inédit de broché, impression ca-
Bram Stoker sur Cagliostro, hier et dos cousus579
un panorama de « l’influence pages3 illustrations
des sociétés secrètes dans la in texte (blason néo
littérature fantastique du XIXe
templier, caractères
et du XXe siècle » codifié par
Templier, fac-similé des
Thierry Acot-Mirande, et une
bibliographie riche en pistes manuscrits originaux .
de lecture. L’ensemble étant
soigneusement ordonné par
la plume scarificatrice de
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