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TEMPLARIUM

TEMPLARIUM

12 Août - Septembre Revue sur l’histoire, l’alchimie, la symbolique et la reconstitution médiévale

L’AFFAIRE DES TEMPLIERS Le secret des Templiers enfin dévoilé

L’Ordre du Temple,
au commencement du XIVe siècle

Le Procès des Templiers,


histoire apologétique et critique

Le Baphomet
Belgique 7 € - Luxembourg 7€ - Suisse : 12 FS - Italie 7€ - Andorre 6,10€

clé symbolique entre deux civilisations

Aux sources de l’Égypte


le Temple de Philae

La Compagnie de la Hure
TEMPLARIUM N°12

SOMMAIRE
p. 6 X L’ORDRE DU TEMPLE
AU COMMENCEMENT DU XIVE SIÈCLE

p. 10 X LES PRÉLIMINAIRES
DU PROCÈS DES TEMPLIERS

p. 12 X LE PROCÈS DES TEMPLIERS


PREMIÈRE PHASE, JUSQU’A L’ÉTE
DE 1308

p. 16 X LE PROCÈS DES TEMPLIERS


SECONDE PHASE, JUSQU’AU
CONCILE DE VIENNE

p. 22 X LE CONCILE DE VIENNE
ET L’ORDRE DU TEMPLE

p. 26 X ÉPILOGUE DE L ‘AFFAIRE
DES TEMPLIERS

p. 28 X ENQUÊTE CRITIQUE
SUR LA PAPAUTÉ
DE LA CHUTE DES TEMPLIERS

p. 32 X LE RENIEMENT
SYMBÔLE INCOMPRIS

p. 34 X LE BAPHOMET
CLÉ SYMBOLIQUE ENTRE DEUX
CIVILISATIONS

p. 40 X AUX SOURCES DE
L’ÉGYPTE
LE TEMPLE DE PHILAE

X PORTAIL DES CHEVALIERS LA COMPAGNIE DE LA HURE p.


46 X GUIDE INFORMATIONS p. 50
XABONNEMENT ANCIENS
NUMÉROS et ANNONCES p. 51 et 52

TEMPLARIUM N°12
N°12 - AOÛT / SEPTEMBRE 2004

l’Affaire des Templiers


TEMPLARIUM Chers lecteurs et lectrices,
est une revue bimestrielle publiée par
DAEG PRESSE ©
Commanderie des Templiers
BP 87 Je remercie Jean Luc Alias de me donner la parole à
41, rue Gambetta l’occasion de la sortie de votre nouveau numéro de
46103 FIGEAC cedex Templarium. Ce numéro 12, constitue une transition
tel 05 65 50 27 08
association loi 1901
pour la vie de la Société DAEG PRESSE, qui s’enrichit
d’une nouvelle équipe rédactionnelle. Le numéro du
daeg.presse@templarium.com mois d’octobre, abordera encore plus de sujets, encore
http://www.templarium.com plus variés qui tourneront tous, autour de la réalité du
Temple. Vous découvrirez, notamment que les dignes
SIRET 449 250 075 00016
successeurs du Temple sont, entre autres, les Compa-
gnons. Nous partirons ensemble à leur rencontre au
ADMINISTRATION cours des prochains mois. Les alchimistes, les enlumi-
Directeur de publication neurs, les symbolistes, les sorciers ou sourciers et bien
Jean-Luc Alias
Tel 05 65 50 27 08
d’autres, seront de la fête, pour nous permettre de
Portable 06 73 10 37 47 mieux comprendre ce Moyen-âge, si riche en couleur
Rédacteur en chef en nuance et en harmonie. Forcément plus de pages,
François Chabaud et « deux surprises de taille », vous attendent avec ce
Tel 05 65 50 27 08 numéro 13… Mais pour l’heure, vous avez rendez-
Secrétariat
Gisèle DEMOULINGER vous avec ce numéro d’Août que nous avons consacré
Éditorial
à l’Affaire du Temple. Jean Luc Alias a tout spéciale-
ABONNEMENTS ment choisi ce titre, car le procès des Templiers n’a
DAEG Presse jamais été un procès, tout au plus une parodie entre
Commanderie des Templiers
BP 87
les mains de l’Église et celles de Philippe Le Bel. Pour
41 rue Gambetta nous, la question n’est plus de savoir si le Temple est
46103 Figeac cedex coupable, mais plutôt de comprendre quelles ont été
Tel 05 65 50 27 08 les vraies raisons qui ont motivé leur condamnation
et la destruction de l’Ordre. L’Affaire du Temple doit
PUBLICITÉ
Tel 05 65 50 27 08 inéluctablement s’ouvrir sur le procès de l’Église.
Ce numéro 12 est lourd de signification, miroir du
FABRICATION nombre 21, il signifie symboliquement le passage de
Maquettiste : la porte. Et peut-être sommes-nous tous concernés
Info Graphiste
Photographies :
par le passage de cette porte soit individuellement,
Daeg Presse sauf mention con- soit collectivement. En tous les cas, je vous souhaite
traire très sincèrement, à nos
Impression : côtés, des jours à venir,
Imprimeries de Champagne à
Langres riches d’enseignement.

Cordialement
Diffusion : MLP
Export : Export Press François Chabaud
CPPAP : 0608 K 83219
ISSN : 1633-2105
Rédacteur en chef
Dépôt légal à parution
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comme accepté par la rédaction.
Ce numéro comporte un encart
d’abonnement.

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

‘Affaire
des
Templiers

Parmi les écrivains qui ont étudié l’histoire de la destruction


pas à la culpabilité de l’Ordre. En présence de ces contra-

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Boccace, De casibus (traduction Laurent de Premierfait), Lyon, XVe siècle. BNF Richelieu Manuscrits Français 229 Fol. 383

de l’Ordre du Temple, les uns croient, les autres ne croient


dictions, Napoléon 1er disait qu’on ne saurait jamais rien.

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

L’ORDRE DU TXIV
EMPLE
AU COMMENCEMENT DU E SIÈCLE
L’Ordre du Temple fut fondé après la première croisade. Le premier maître, Hugues de Payns,
voulut faire de ses « pauvres chevaliers du Christ » la gendarmerie de la Palestine. Il les établit dans
le voisinage du Temple de Jérusalem, d’où le nom de templiers. Au concile de Troyes, en 1128,
ils reçurent une règle brève et dure, dictée, dit-on, par saint Bernard ; tous les détails de la vie des
moines-soldats y sont prévus qu’ils aient des armes solides, mais simples ; ni or ni argent aux étriers
et aux éperons; qu’ils aient, par-dessus le haubert de mailles, un manteau d’uniforme, blanc pour
les chevaliers, noir ou roussâtre pour les sergents et les écuyers: Eugène III ajouta plus tard la croix
rouge au manteau blanc. Qu’ils mangent bien : ils ont besoin d’être vigoureux; les « abstinences
immodérées» sont interdites. L’ordre pourvoira ses membres de toutes choses nécessaires, mais
qu’ils n’aient rien à eux.
En résumé, la vie des premiers templiers était confortable, active, disciplinée, très peu mystique ;
c’était la vie d’hommes brutaux, pieux et simples d’esprit.
Le développement de l’institut des templiers fut rapide. Il acquit de vastes domaines en Asie et en
Europe ; des « Temples » innombrables s’élevèrent. Une hiérarchie s’organisa les chevaliers eurent
à leur service toute une clientèle de personnes affiliées à l’Ordre, sergents et chapelains, soldats et
prêtres; l’Ordre eut ses troupes et son clergé à lui, ses assemblées délibérantes ou chapitres. Enfin
le Saint-Siège épuisa sur les templiers, comme plus tard sur les mendiants, toutes ses faveurs spi-
rituelles : la bulle Omne datum optimum du 15 juin 1163 créa aux templiers une place privilégiée
dans l’Église.

À
OPÉRATIONS FINANCIÈRES DES TEMPLIERS
partir du milieu du XIIe siècle, l’Ordre eut,
Chevalier de la Compagnie des Blancs Manteaux

par conséquent, des destinées en partie


double. Il demeura en Orient, à l’avant-
garde des armées chrétiennes, où parfois il combattit
l’Islam avec plus de prudence que d’énergie. En Occi-
dent, et surtout en France, en Angleterre, en Aragon,
en Portugal et sur les bords du Rhin, les templiers
furent de grands propriétaires terriens. Mais cela n’eût
pas suffi à les mettre hors de pair. Moins largement
dotés que les cisterciens, et peut-être même que les
hospitaliers, ils se firent les trésoriers, les banquiers de
la Chrétienté. L’ordre avait toujours eu des tendances
pratiques, positives; les templiers étaient d’excellents
administrateurs ; leurs couvents étaient des édifices
inviolables, construits comme des forteresses. Tout
cela explique la confiance que les « Temples » inspirè-
rent aux possesseurs de capitaux. Les rois, les princes,
et même les particuliers, prirent l’habitude de considé-
rer les trésors des templiers comme des caisses où ils
pouvaient avec sécurité consigner en compte courant
des fonds considérables. Les chevaliers, de leur côté,
furent amenés à faire valoir l’argent des déposants au

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l’ordre du temple au commencement du XIVe siècle
Les apologistes catholiques se sont crus longtemps obligés de condamner
l’ordre, pour réhabiliter la mémoire du pape qui le condamna. II ne faut
pas, dit l’un deux, que le procès des Templiers serve de thème aux déclama-
tions des incrédules contre le Saint-Siège. Les apologistes de la monarchie
absolue, toujours prêts è justifier per fas et nefas les actes de l’autorité,
ont été dans les mêmes sentiments pour les historiens comme Dupuy. Les
templiers étaient coupables, car le gouvernement de Philippe le Bel n’a pas
pu commettre un crime.
Des sectes mystiques, hétérodoxes, comme les francs-maçons et les rose-
croix, ont glorifié les chevaliers du Temple d’une partie des crimes dont Phi-
lippe et Clément les ont chargés, afin de se rattacher à une tige ancienne;
elles ont voulu voir de la profondeur dans le symbolisme inepte que les
accusateurs du Temple ont décrit. Enfin, des penseurs indépendants comme
Wilcke, Hammer-Purgstall, Michelet, H. Martin, Loiseleur et Prutz, faute
d’avoir correctement interprété les textes, ou parce qu’ils étaient bien aises
de déclamer contre les « vices des moines », ont fait chorus avec les partisans
de l’infaillibilité papale et avec ceux de l’infaillibilité monarchique.
De bonne heure, quelques hommes ont vu clair dans cette affaire extra-
ordinaire. D’abord, beaucoup de contemporains des événements n’ont pas
été dupes. Le Jeune, Voltaire (dans l’Essai sur les mœurs), Raynouard,
Soldau, Havemann, Schottmüller, Lavocat, ont eu l’intuition de la vérité.
La lumière a été définitivement faite par H. C. Lea (au t. III de son History
of the Inquisition of the Middle Ages, 1888), dont J. Gmelin avait repris la
démonstration.

Les papes avaient eux-mêmes préparé leur captivité d’Avignon en nommant


depuis un siècle une foule de cardinaux français en haine de l’Empire. Les
rois de France se trouvèrent ainsi maîtres des élections papales. En 1305,
Philippe-le-Bel se rend dans une forêt de Saintonge, près de Saint-Jean-
d’Angely ; le Gascon Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, l’y attendait.
Là se fit un marché diabolique : le roi promit à Bertrand de Got de le faire
pape ; Bertrand promit tout ce que le roi voulut, de venir se mettre à sa dis-
crétion à Avignon, de condamner la papauté elle-même dans la personne de
Boniface VIII ; pour la dernière condition, elle était telle que Philippe exigea
Les Lombards que l’archevêque s’y soumit sans la connaître. Ce n’était pas moins que la
suppression de l’ordre des templiers, la ruine de quinze mille chevaliers chré-
lieu de l’immobiliser dans leurs coffres. Ils ouvrirent des tiens. Bertrand jura et fût pape sous le nom de Clément V. (J. Michelet)
crédits aux personnes solvables, se chargèrent de trans-
porter de grosses sommes d’une place commerciale à
une autre, soit matériellement, par des convois escortés,
soit au moyen de correspondances et de jeux d’écritures
entre leurs « maisons » des divers pays. Ils firent ainsi
concurrence aux juifs et aux Lombards.
Le bon renom de leur comptabilité leur permit bientôt
d’étendre le champ de leur activité financière et de faire,
pour le compte des rois, des princes et des seigneurs,
leurs clients, les opérations de trésorerie les plus com-
pliquées Au XIIIe siècle, les « Temples » de Paris et de
Londres — domaines enclos et fortifiés, qui ont laissé
leur nom à des quartiers de ces capitales — étaient des
établissements publics de crédit. C’était aux templiers
que les papes confiaient ordinairement le soin de recevoir
et d’administrer les sommes levées au profit de Saint-
Pierre ou de la croisade. Les templiers de Paris furent les
banquiers de Blanche de Castille, d’Alfonse de Poitiers,
de Robert d’Artois et d’une foule d’autres personnages.
Jean sans Terre et Henri III faisaient verser au Temple
de Londres le produit des contributions publiques. L’or-
dre fournit des ministres, des financiers à Jaime 1er, roi
d’Aragon, et à Charles 1er roi de Naples. Pendant plus

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

d’un siècle, de Philippe Auguste à Philippe le Bel, le tré- leur autorité dans l’élargissement indéfini des richesses et
sor du Temple de Paris fut le centre de l’administration de la clientèle de l’Ordre, dans sa « puissance exorbitante,
des finances de la royauté française. en dehors des nations, qui arrêtait le premier besoin du
temps, la formation de l’État », comme si les templiers

U
avaient été alors en mesure de fonder, aux dépens des
SITUATION DE L’ORDRE Â LA FIN DU XIIIE SIÈCLE royaumes d’Occident, des républiques cléricales, analo-
gues à celles des chevaliers teutoniques en Allemagne
n ordre de soldats grossiers n’avait pu se ou des jésuites au Paraguay. Mais c’est là une hypothèse
transformer en une république magnifique, gratuite. Le corps entier de l’Ordre, répandu de l’Irlande
riche en terres, riche en privilèges, enrichie à la Syrie, ne comprenait pas plus de quinze mille cheva-
encore par le commerce des métaux précieux et par le liers ou sergents, dont un tiers en France ; il n’eut jamais,
crédit, créancière des papes et des rois, sans se corrom- nulle part, la moindre velléité d’action politique. Il n’était
pre et sans exciter la malveillance. À la fin du siècle de dangereux pour personne; mais son orgueil et sa fortune
Saint-Louis, l’ordre — comme, d’ailleurs, la plupart des avaient suffi à le rendre odieux à tout le monde à ceux qui
autres ordres — avaient des ennemis et des vices. l’enviaient d’en bas ; aux princes qu’il obligeait ; au clergé
Le principal grief que l’on avait contre les chevaliers du des églises locales, naturellement hostile aux confréries
Temple, c’était leur avidité. « Chacun de vous, leur disait privilégiées par Rome ; aux papes eux-mêmes.
le cardinal Jacques de Vitri, fait profession de ne rien Clément IV rappelait aux templiers, en 1265, que, sans la
posséder en particulier, mais, en commun, vous voulez maternelle protection de l’Église de Rome, ils ne pour-
tout avoir. » Des légendes s’étaient formées pour expli- raient résister longtemps à « l’animosité publique qui se
quer leur opulence. On disait qu’ils spéculaient sur les déchaînerait contre eux ».
grains, qu’ils affamaient le peuple. Le bruit courait qu’ils Tant d’orgueil seyait mal, il est vrai, à un institut dont la
promettaient, le jour de leur réception, d’augmenter les prise des dernières forteresses chrétiennes de Syrie avait
biens de la communauté par tous les moyens, même illici- supprimé la raison d’être. Saint-Jean-d’Acre, le dernier
tes. Ces contes et d’autres, plus absurdes, trouvaient aisé- port de la Chrétienté latine en Asie, tomba en 1291 ; et,
ment créance dans les bas-fonds de la population. Quant bien que le maître du Temple, Guillaume de Beaujeu, eût
aux princes et aux rois, des modernes ont cru qu’ils été tué sur les murailles avec cinq cents de ses chevaliers,
voyaient, et qu’ils avaient raison de voir, un péril pour ce désastre causa, sans doute, en Europe, une recrudes-
cence de mépris pour les ordres militaires. Depuis cent
ans, l’Occident, affligé des continuels revers de la bonne
cause dans les pays d’outre-mer, avait appris à les attri-
buer à la décadence des templiers et des hospitaliers, à
leurs querelles, et même à leur traîtrise. On racontait que
le maître Guillaume de Beaujeu, le héros de Saint-Jean-
d’Acre, avait été l’ami des Sarrasins, et que « l’ordre avait
joui longtemps de la protection du soudan ».
Les chevaliers avaient donc accumulé contre eux des
préjugés opiniâtres. Or, ils n’étaient pas assez vertueux
pour décourager la calomnie. L’Ordre comptait dans ses
rangs beaucoup de frères dont la moralité était douteuse.
Règle et statuts Plusieurs avaient des vices de moines ; on dit encore
secrets des Templiers
aujourd’hui en France : « Boire comme un templier», et
de Maillard de Chambure
le vieux mot allemand Tempelhaus s’entend d’une maison
mal famée. Il paraît certain que dans leurs couvents, des
templiers s’amusaient parfois à des plaisanteries de corps
de garde. Et il n’est pas impossible qu’il y ait eu dans
le Temple quelques esprits forts, satisfaits d’étonner les
bonnes gens par une affectation de cynisme. Que devait-
on penser, en entendant ces défenseurs du Christ dire —
s’il est vrai que ces propos aient été tenus —, comme tel
chevalier bourguignon : « Cela ne tire pas à conséquence
de renier Jésus ; on le renie cent fois pour une puce dans
mon pays » ; ou, comme ce chevalier d’Angleterre : «
Cet ouvrage est en vente
au prix de 60 € chez
Les croyances des païens valent bien les nôtres. » Tout
DAEG PRESSE cela était pris au pied de la lettre, envenimé, généralisé,
Commanderie des Templiers et l’idée s’ancrait à fond que des doctrines diaboliques
BP 87 s’étaient introduites dans l’ordre durant son long séjour
41, rue Gambetta dans la patrie des hérésies et de l’islam.
46103 FIGEAC Cedex Une circonstance malheureuse aiguisait d’ailleurs les
Tel / Fax 05 65 50 27 08 soupçons. C’est que toutes les affaires du Temple étaient

8 - LE
TEMPLARIUM
MÉDIÉVISTE
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PRESSE
EDITION
l’ordre du temple au commencement du XIVe siècle
conduites dans le plus strict secret. La règle, si belle, si templiers ni d’hospitaliers en Europe. Pour leurs terres
pure, n’existait qu’à un petit nombre d’exemplaires; la situées en deçà de la Méditerranée, elles seront livrées à
lecture en était réservée aux seuls dignitaires; beaucoup ferme noble. On aura ainsi plus de huit cent mille livres
de templiers n’en avaient jamais eu connaissance. Raoul tournois par an, qui serviront à acheter des navires, des
de Presles, avocat du roi, entendit un jour le recteur du vivres et des équipements, de façon que les plus pauvres
Temple de Laon dire qu’il avait un livre secret des statuts pourront aller outremer. Les prieurés et commanderies
de l’ordre qu’il ne montrait à personne. « Nous avons des d’Europe seront utilisés : on y installera des écoles pour
articles, aurait dit un autre templier, que Dieu, le diable les garçons et les filles adoptés par l’œuvre des croisades,
et nous autres frères de l’Ordre, nous sommes seuls à où les arts mécaniques, la médecine, l’astronomie et les
connaître.» La règle elle-même recommandait le secret langues orientales seront simultanément enseignés... »
d’assemblées capitulaires. Or, le bon sens vulgaire croira Ce plan se réduit, comme on voit, à deux propositions
toujours que qui se cache a quelque chose à cacher. Les essentielles : se débarrasser, en Europe, des personnes
templiers tenaient leurs chapitres, et notamment les cha- des templiers et confisquer leurs biens. Ces projets du
pitres où la réception de nouveaux membres avait lieu, pamphlétaire sont intéressants, à titre de symptômes. Au
pendant la nuit, en salle close, gardée par des sentinelles. moment où l’on était disposé à tout croire, les gens du
« On les soupçonne au sujet de leurs réceptions, dit un roi, à court d’argent, et qui venaient de se faire la main
témoin, parce qu’ils ont l’air de ne pas vouloir qu’on contre Boniface et les juifs étaient prêts à tout oser.
sache ce qui s’y passe. » Quand les enquêteurs deman-
dèrent au précepteur d’Auvergne pourquoi l’on agissait Charles-Victor Langlois
en secret, si l’on ne faisait rien de mal, il répondit : « Par
bêtise.» C’était une faute, en effet, qu’aggravaient encore
ceux qui laissaient entendre aux profanes, par bravade,
que « les frères tueraient quiconque, fût-ce le roi, assiste-
rait à leurs chapitres.» Ceux qui avaient ou disaient avoir
risqué un coup d’œil aux fentes des salles capitulaires du
Temple revenaient avec des récits effroyables : ils avaient
vu des orgies sans nom, des scènes d’idolâtrie et de
débauche, « le sol piétiné comme après un sabbat ». En
résumé, l’opinion publique était préparée à tout croire au
sujet de l’ordre du Temple.

C
PROJETS DE RÉFORME DES ORDRES MILITAIRES
ependant les rumeurs hostiles au Temple ne
s’étaient guère propagées, au XII siècle, que
dans les rangs inférieurs de la société ; et, là,
des contes également défavorables circulaient sur les
hospitaliers, dont la règle n’était cependant point secrète,
et qui n’étaient pas des financiers. Mais les hommes les
plus éclairés reconnaissaient, de leur côté, la nécessité
d’une réforme des ordres militaires. Saint-Louis, Grégoi-
re X, le concile oecuménique de Lyon en 1274, avaient
recommandé, comme remède, la fusion du Temple et de
l’Hôpital en un seul corps. Nicolas IV et Boniface VIII
étudièrent cette mesure sans l’accomplir; pendant vingt-
cinq ans, elle fut à l’ordre du jour des questions qui pré-
occupaient l’Europe chrétienne. En 1306-1307, peu de
temps avant le procès qui devait aboutir à la destruction
du Temple, deux mémoires importants furent encore
composés sur ce sujet. L’un est de Jacques de Molay, maî-
tre de l’ordre ; il combat à la fois le principe et l’oppor-
tunité de la fusion, sans donner toutefois de raisons, si
ce n’est que les inconvénients d’un nouvel état de choses
seraient supérieurs aux avantages espérés. Le second est
de Pierre Dubois, le légiste de Coutances. Dubois ne fait
aucune allusion à ce qui se disait d’énorme au sujet des
templiers. Il se borne à constater qu’ils sont riches et que
leurs biens profitent peu à la défense des Lieux Saints.
« Rien de plus simple à corriger, dit-il ; il faut les forcer
à vivre en Orient des biens qu’ils y possèdent : plus de

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MÉDIÉVISTE - 9
DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

LES PRÉLIMINAIRES
DU PROCÈS DES TEMPLIERS

DANS L’HISTOIRE DES RELATIONS DE PHILIPPE LE BEL AVEC LES


TEMPLIERS, PENDANT LA PREMIÈRE PARTIE DE SON RÈGNE, IL
N’Y A PAS DE SIGNES AVANT-COUREURS DES SENTIMENTS QUI
SE RÉVÉLÈRENT BRUSQUEMENT PAR LE GUET-APENS D’OCTO-
BRE 1307. AU CONTRAIRE, PHILIPPE RÉCOMPENSA LE TEMPLE
DE L’APPUI MORAL QU’IL LUI PRÊTA PENDANT LE DIFFÉREND
AVEC BONIFACE PAR DES LETTRES DE PROTECTION ET DE PRI-
VILÈGES, EN 1303 ET EN 1304. LE TRÉSOR ROYAL, RETIRÉ
DU TEMPLE EN 1295, Y AVAIT ÉTÉ REPLACÉ EN 1303. ON
RACONTE, IL EST VRAI, QU’UNE SÉDITION S’ÉTANT ÉLEVÉE À
PARIS. EN 1306, LES MUTINS ASSIÉGÈRENT LA FORTERESSE
DU TEMPLE « OÙ LE ROI DE FRANCE ÉTAIT ALORS AVEC QUEL-
QUES-UNS DE SES BARONS ». LA LÉGENDE S’EST EMPARÉE DE
CE FAIT DIVERS. DES HISTORIENS ONT DIT QUE LES TEMPLIERS
FURENT NOTÉS POUR AVOIR CONTRIBUÉ À CETTE SÉDITION
», ET QUE LE ROI, « MIS À MÊME, PENDANT SON SÉJOUR
DERRIÈRE LES MURS DU TEMPLE, DE JUGER DES RICHESSES ET
DE LA PUISSANCE DES CHEVALIERS », MÉDITA DÈS LORS LEUR

A
PERTE. MAIS LE ROI ET SES GENS N’AVAIENT PAS BESOIN D’UN
TEL INCIDENT POUR SAVOIR À QUOI S’EN TENIR SUR LES RES-
JACQUES DE MOLAY EN FRANCE
SOURCES DU TEMPLE.
LE FAIT EST QUE L’ON NE SAIT NI POURQUOI, NI COMMENT,
u printemps de 1307, Philippe pressait
NI À QUELLE DATE NAQUIT, À LA COUR DE LA FRANCE, LE
le pape de lui accorder une entrevue :
PROJET DE DÉTRUIRE L’ORDRE DU TEMPLE. LE CHRONIQUEUR
l’affaire des templiers était au nombre
FLORENTIN VILLANI RACONTE QU’UN TEMPLIER, « PRIEUR DE
de celles qui devaient être traitées. Le grand-maî-
MONTFAUCON », ET NOFFO DEI, MARCHAND DE FLOREN-
tre du Temple, Jacques de Molay, venait justement
CE, HOMMES DE MAUVAISE VIE, EN PRISON DE TOULOUSE,
PENSÈRENT RECOUVRER LEUR LIBERTÉ EN DÉNONÇANT À DES
d’arriver d’Orient en France, avec une « retenue »
OFFICIERS DU ROI LES PRATIQUES DES TEMPLIERS. D’AUTRE
de soixante chevaliers, appelé par le pape pour l’in-
PART, UN CHAPELAIN D’URBAIN V, QUI ÉCRIVAIT VERS 1365,
former de ce qui se passait en Terre Sainte. Sa venue
RAPPORTE QU’UN TEMPLIER, À LA VEILLE D’ÊTRE EXÉCUTÉ
avait soulevé des commentaires sans fin : on disait
POUR SES MÉFAITS, CONFESSA DANS LA PRISON ROYALE DE
que le grand-maître allait établir son quartier général
TOULOUSE, À UN DE SES CODÉTENUS, NOMMÉ ESQUIU DE en Occident, qu’il avait apporté d’immenses trésors
BÉZIERS, CE QUI SE PASSAIT DANS SON ORDRE : ESQUIU SE dans ses bagages, etc. Clément V, qui savait, sans
SERAIT EMPRESSÉ DE DÉNONCER LA CHOSE AU ROI. UN SEUL
Autre version, également peu digne de foi, dans les
POINT EST CERTAIN, C’EST QUE, DÈS1305, DES HOMMES DE
Gestes des Chiprois (Genève, 1887), p. 329: Jacques
L’ENTOURAGE DU ROI PENSAIENT À FRAPPER LES TEMPLIERS.
de Molay aurait révoqué le trésorier du Temple de
ILS EN PARLÈRENT À CLÉMENT V, À L’ENTREVUE DE LYON.
Paris, trop complaisant pour Philippe le Bel, et aurait
PENDANT L’ANNÉE 1306, IL Y EUT, À CE SUJET, ENTRE LA répondu « autrement qu’il ne devait à la prière de tel
COUR DE FRANCE ET LA CURIE, DES CORRESPONDANCES homme comme est le roi ».
SECRÈTES, QUI N’ONT PAS LAISSÉ DE TRACES.

10 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


Les préliminaires du procès des Templiers
doute, ce que le roi voulait de lui, hésita misérable- logie en l’Université de Paris, mande, en octobre, au
ment. Ses lettres font pitié : il est malade, il s’excuse roi d’Aragon, qu’il a « assisté depuis six mois à des
sur les migraines et les saignées. Enfin l’entrevue réunions où la question des templiers a été débattue
eut lieu, à Poitiers. « Vous n’avez pas oublié, écrit dans le plus rigoureux mystère ». Le Conseil royal
Clément V, le 24 août 1307, qu’à Poitiers vous nous paraît avoir été, d’abord, divisé ; mais le parti de la
avez plusieurs fois entretenu des templiers. Nous ne violence prévalut. « L’an 1307, le 22 septembre, écrit
pouvions nous décider à croire ce qui nous était dit le rédacteur d’un des registres du Trésor des Chartes,
à ce propos, tant cela paraissait impossible. Cepen- le roi étant au monastère de Maubuisson, les sceaux
dant nous sommes forcé de douter et d’enquérir, furent confiés au seigneur Guillaume de Nogaret,
suivant le conseil de nos frères (les cardinaux), avec chevalier; on traita, ce jour-là, de l’arrestation des
un grand trouble au cœur. Attendu que le maître templiers. » On voit encore, à Maubuisson, les rui-
et plusieurs précepteurs du Temple, ayant appris nes du bâtiment où se tint cette séance du 22 sep-
la mauvaise opinion que vous avez manifestée sur tembre, qui plaça le sort du Temple entre les mains
eux à nous et à quelques princes, nous ont demandé inexorables de Nogaret. Les chevaliers étaient alors
de faire une enquête sur les crimes qui leur étaient, sans défiance. Jacques de Molay avait quitté le pape
disaient-ils, faussement attribués, nous avons résolu entièrement rassuré, persuadé qu’il avait justifié son
d’instituer, en effet, une information. » Tel était l’état ordre. Le 12 octobre, à Paris, il figura aux obsèques
des choses à la fin d’août 1307 : le pape, plusieurs de la comtesse de Valois, à côté du roi. Mais, le len-
princes, les chefs des templiers eux-mêmes savaient demain, Molay et tous les templiers de France furent
qu’il se tramait quelque chose ; le formidable assem- arrêtés, à la même heure, et les biens de l’ordre
blage de calomnies que Nogaret produisit plus tard furent saisis, au nom de l’inquisition, sous l’inculpa-
était déjà formé; le pape se disait prêt à instituer une tion d’hérésie. Nogaret avait préparé ce coup de filet
enquête sur les faits articulés. en expédiant à tous les officiers royaux des ordres
sous pli fermé, à ouvrir au jour fixé par d’autres let-

C
tres patentes. L’inquisiteur de France, Guillaume de
LE GUET-APENS D’OCTOBRE 1307 Paris, confesseur du roi, avait envoyé de son côté des
instructions à tous les prieurs dominicains pour leur
lément V avait fatigué Philippe de ses enjoindre de recevoir et d’interroger, au plus tôt, les
tergiversations. Il le priait encore, à la templiers qui leur seraient amenés. Nulle part les
fin de sa lettre du 24 août, de ne pas chevaliers ne résistèrent ; c’est à peine si quelques-
se presser de répondre au sujet du projet d’enquête uns réussirent à s’enfuir, « en habits de couleur ».
«parce que, sur le conseil de nos médecins, nous Nogaret voulut procéder en personne à l’arrestation
nous disposons à prendre quelques potions prépa- de ceux qui résidaient au Temple central de Paris.
ratoires, puis de nous purger en septembre, ce qui L’Inquisition, créée pour supprimer l’hérésie, deve-
nous sera fort utile ». Or, tandis que le pape espérait, nait donc en France, comme en Italie un instrument
comme un enfant, gagner du temps en gardant la pour détruire ceux qui avaient encouru la disgrâce
chambre, le roi, installé dans l’abbaye de Maubuis- ou la colère de l’autorité temporelle. Le 8 décembre
son, près Pontoise, préparait avec ses conseillers des 1301, Philippe le Bel, averti des abus commis par les
actes foudroyants. Un dominicain, régent de théo- inquisiteurs en Languedoc, avait écrit à l’évêque de
Toulouse : « Sous le couvert d’une répression licite,
ils ont osé des choses complètement illicites; sous
l’apparence de la piété, des choses impies ; sous pré-
texte de défendre la foi catholique, ils ont commis
des forfaits. » Maintenant, à l’instigation de Nogaret,
il faisait appel, lui-même, à la procédure infaillible du
Saint-Office. Il n’a pas tenu au garde des sceaux de
1307 que l’inquisition politique, à la mode des pays
du Midi, des princes guelfes d’Italie et des « Rois
Catholiques » d’Espagne, ne s’acclimatât chez nous.
Charles-Victor Langlois

ABBAYE DE MAUBUISSON, PRÈS PONTOISE


DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 11
DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

LE PROCÈS ,DES ’TEMPLIERS


’ 1308
PREMIÈRE PHASE JUSQU A L ÉTE DE

delà des limites de la nature; elle est troublée de voir une

C
race oublieuse de sa condition, ignorante de sa dignité,
LE MANIFESTE ROYAL CONTRE LES TEMPLIERS ne pas comprendre où est l’honneur. » L’auteur du mani-
feste continue longtemps sur ce ton, avec des élégances
uel monument que la proclamation dont lec- qui font frémir : « Elle a abandonné la fontaine de vie
ture fut donnée au peuple pour justifier l’ar- ; elle a changé sa gloire en l’adoration du Veau ; elle a
restation en masse du 13 octobre ! Il est de sacrifié aux idoles, cette race immonde et perfide dont
Nogaret, ce fils d’Albigeois, toujours prêt à diffamer ses les actes détestables et même les paroles souillent la terre
adversaires de l’accusation d’hérésie. Cela débute par un de leur ordure, suppriment les bienfaits de la rosée, infec-
préambule ronflant, surchargé, prétentieux : « Une chose tent la pureté des airs. » Il précise enfin, et, après tant de
amère, une chose déplorable, une chose terrible à penser, précautions oratoires, résume les accusations fangeuses
terrible à entendre, détestable, exécrable, abominable, ramassées par le gouvernement royal contre les frères
inhumaine, avait déjà retenti à nos oreilles, non sans du Temple qui, « cachant le loup sous l’apparence de
nous faire frémir d’une violente horreur. Une douleur l’agneau, supplicient Jésus-Christ une seconde fois ». Il
immense se développe en nous, en présence de crimes les accuse, entre autres choses, de s’obliger, par le vœu de
si nombreux et si atroces, qui aboutissent à l’offense de leur profession, à renier le Christ et à se livrer entre eux
la majesté divine, au détriment de la foi, au scandale de à d’ignobles désordres. Sans doute, il était audacieux de
tous. La raison souffre de voir des hommes s’exiler au- représenter ces crimes comme des points du règlement

12 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


le procès des Templiers - première phase
intérieur d’un ordre religieux ; mais Nogaret avait une
confiance illimitée dans la puissance du mensonge. Il
s’empresse, du reste, de protester que le roi a commencé
par attribuer les dénonciations « à l’envie, à la haine, à la
cupidité », plutôt qu’à « la ferveur de la foi », au « zèle
de la justice», ou à « un sentiment de charité», mais il a
bien fallu se rendre « aux motifs de croire légitimes »,
aux conjectures probables, surtout aux « constatations».
Le pape a été consulté, le roi a délibéré avec ses prélats
et avec ses barons; et c’est pourquoi il cède maintenant
« aux supplications de son bien-aimé en Notre-Seigneur,
frère Guillaume de Paris, inquisiteur de l’hérésie », qui a
spontanément invoqué le secours du bras séculier.
L’assentiment (supposé) du pape et l’initiative (suggérée)
de l’inquisiteur étaient destinés à légitimer, au point de
vue du droit, l’arrestation, la confiscation et toutes les
mesures à venir. De la sorte, l’opération arbitraire se
transformait en œuvre pie. « La colère de Dieu, conclut
Nogaret au nom du roi, s’abattra sur ces fils d’incrédulité
; car nous avons été établis par Dieu sur le poste élevé de
l’éminence royale pour la défense de la foi et de la liberté
de l’Église.»
L’emphatique discours fut lu publiquement en province.
À Paris, le dimanche 15 octobre, il y eut un « meeting
» populaire dans les jardins du palais royal ; ce fut une
nouvelle édition de la réunion publique de 1303 contre
Boniface. Des dominicains, des gens du roi, y brodèrent
sur le thème de la circulaire officielle.
La circulaire était pour le public, mais elle était accompa-
gnée d’une instruction confidentielle du roi à ses agents,
en style bref et tranchant. Les commissaires du souverain
sur le fait des templiers administreront les biens de l’or-
dre, dont ils dresseront inventaire ; ils « mettront les per-
sonnes sous bonne et sûre garde », ils les interrogeront,
et ce n’est qu’après ce premier interrogatoire qu’ils appel-
leront les commissaires de l’inquisiteur pour examiner la
vérité, « par torture, s’il en est besoin ». Ils feront écrire
les confessions de ceux qui auront avoué. Pour exhorter
les inculpés à confesser, on leur proposera l’alternative
du pardon ou de la mort. On les interrogera par paroles
générales jusqu’à ce que l’on tire d’eux la vérité — « la
vérité, c’est les aveux » — et « qu’ils y persévèrent ».
Ces instructions furent suivies à la lettre. En un mois,
frère Guillaume de Paris et ses auxiliaires expédièrent,
au Temple, cent trente-huit prisonniers. Les procès-ver-
baux de leurs assises et ceux des enquêtes faites par les
inquisiteurs en Champagne, en Normandie, en Quercy,
en Bigorre et en Languedoc, ont été conservés.

L
LES TEMPLIERS DEVANT LES INQUISITEURS
es templiers de Paris comparurent les uns
après les autres dans une salle basse de leur PHHIILLIIPP
PE, CCH
PPE HEEVVAL
ALIIEER ER
ERRA
RANT
NT
propre forteresse, devant les moines, assistés

DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 13


DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

précepteur de Normandie. Le précepteur de Normandie


reconnut qu’il avait renié le Christ et qu’un précepteur
d’Auvergne lui avait recommandé la sodomie ; interrogé
s’il avait craché sur la croix : « Je ne sais plus, nous nous
dépêchions. » Hugues de Pairaud s’abandonna tout à fait,
avoua que le reniement, le crachement sur la croix, fai-
saient partie des statuts, et qu’il avait lui-même conseillé
les mœurs infâmes; il déclara toutefois que tous les frères
n’avaient pas été reçus suivant ces rites détestables, mais,
après une suspension d’audience, il revint sur cette décla-
ration « J’ai mal compris, j’ai mal entendu ; je crois bien
que tous les frères sont reçus comme je l’ai été. » Quant
à Jacques de Molay, il avoua le reniement et les crachats.
Voilà de quelle façon se comportèrent les trois premiers
dignitaires de l’ordre. Comment ne pas excuser les subal-
ternes qui, pour plaire à leurs tourmenteurs, s’ingénièrent
à inventer des perfidies ce : Guillaume de Gi, qui raconta
ses rapports immondes avec le grand-maître ; ce Renier
de Larchant, qui suggéra aux inquisiteurs la pensée de
rechercher une allusion obscène dans les premiers mots
du Psaume des Degrés de David, Ecce quam bonum et quam
jucundum habitare fratres in unum, que les templiers chan-
taient le jour de leur profession ?
Comme les inquisiteurs de Paris, ceux de province firent
leur devoir en conscience. Ils récoltèrent aussi des aveux.
« À force de géhennes », ils ouvrirent les mâchoires les
plus rebelles. « Nos frères, écrivaient en 1310 les derniers
défenseurs de l’ordre, ont dit ce que voulaient les bour-
reaux, dixerunt voluntatem torquencium. »
Si Nogaret et ses collaborateurs, les dominicains de
Guillaume de Paris, n’avaient pas eu à compter avec
Clément V, jamais les cachots n’auraient entrebâillé leurs
de conseillers du roi (Hugues de la Celle, Simon de Mon- portes ; des templiers, comme de tant d’autres gens tra-
tigni), de greffiers, de bourreaux, et entourés d’une foule duits devant les tribunaux d’Inquisition, la postérité ne
de spectateurs, multi astantes. Les comptes rendus notariés connaîtrait que le sort final. Mais Clément V fut fort
n’enregistrent que les dépositions ; ils sont muets sur les offensé en apprenant le coup de main du 13 octobre,
tortures ; mais ces tortures préalables furent atroces, les accompli sous son nom (ou peu s’en faut) et, en réalité,
victimes l’ont déclaré plus tard. Jacques de Saci vit mou- sans sa permission. Si bas que ce pape valétudinaire fût
rir vingt-cinq frères des suites de la question. Ceux qui tombé, il prit la liberté d’écrire au roi (27 octobre) pour
ne furent pas mis à la gêne furent reclus au pain et à l’eau se plaindre d’un procédé précipité, outrageant. Il fallut
pendant un mois avant leur comparution. La meilleure négocier un compromis qui satisfît à la fois les suscep-
preuve de l’intensité des supplices, c’est, du reste, l’unani- tibilités du Saint-Siège et les desseins du gouvernement
mité des aveux, que presque tous les accusés rétractèrent royal. Dès le 22 novembre, tout parut arrangé dans sa
dès qu’ils se crurent devant des juges impartiaux. Sur lettre Pastoralis præeminentiae, de ce jour, Clément vante le
cent trente-huit frères qui passèrent à Paris par le fer et zèle de Philippe, rapporte les aveux des chefs de l’ordre,
le feu de l’Inquisition, il n’y eut que quelques cœurs iné- se déclare ébranlé, sinon convaincu, et enjoint à tous les
branlables. Tel fut Jean, dit de Paris, âgé de vingt-quatre princes chrétiens de saisir les templiers de leurs États.
ans ; il n’avoua rien, nihil dixit. Tel fut le frère Lambert Cependant, au commencement de 1308, tout est changé :
de Toisi, âgé de quarante ans : il dit qu’on lui avait fait le pape se dit incrédule, blâme la conduite des inquisiteurs
promettre, le jour de sa réception, d’observer beaucoup et des évêques de France, suspend leur procédure, évo-
de coutumes de l’ordre, « saintes et dévotes», et qu’ « il ne que à lui toute l’affaire. L’ordre était sauvé si le chef de
savait rien du reste ». l’Église avait persisté dans cette attitude énergique : déjà,
Parmi ceux qui avouèrent, il y avait des hommes très les templiers reprenaient courage ; le visiteur Hugues de
braves, par exemple le maître Jacques de Molay, Hugues Pairaud, que les deux cardinaux désignés par la Curie
de Pairaud, visiteur de France, et Geoffroi de Charnai, pour étudier l’affaire avaient « invité à dîner », rétractait

14 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


le procès des Templiers - première phase
ses aveux. Nogaret vit le danger. Il comprit que, pour
venir à bout du Temple, il était indispensable de réduire
Clément, d’abord. Il greffa aussitôt une campagne contre
Clément sur sa campagne contre le Temple.

L
CAMPAGNE CONTRE CLÉMENT
a campagne qui fut alors dirigée contre Clé-
ment est une des plus furibondes qu’on ait
vues. « Que le pape prenne garde, écrivait
Dubois : il est simoniaque; il donne, par affection du
sang, les bénéfices de la sainte Église de Dieu à ses pro-
ches parents ; il est pire que Boniface, qui n’a pas commis
autant de passe-droits. Il faut que cela lui suffise ; qu’il
ne vende pas la justice. On pourrait croire que c’est à
prix d’or qu’il protège les templiers, coupables et confès,
contre le zèle catholique du roi de France. Moïse, l’ami
de Dieu, nous a enseigné la conduite qu’il faut tenir vis-
à-vis des templiers, quand il a dit : « Que chacun prenne
son glaive et tue son plus proche voisin. » Moïse a fait
mettre à mort, pour l’exemple d’Israël, vingt-deux mille
personnes sans avoir demandé la permission d’Aaron,
que Dieu avait établi grand-prêtre... » Le peuple était
échauffé par des déclamations de ce genre, quand il fut
appelé à désigner des députés à l’assemblée convoquée
à Tours, pour le mois de mai 1308. La lettre de con-
vocation est encore une œuvre de Nogaret. Il y est dit
que le roi est l’ennemi-né des hérésies, le défenseur de «
cet incomparable trésor, la très précieuse perle de la foi saires appointés conjointement par le pape, les évêques
catholique ». Les abominables erreurs du Temple y sont diocésains et le roi. Quant aux crimes d’hérésie, Clément
énumérées de nouveau : « Le ciel et la terre sont agités en distingua deux sortes : crime de l’ordre en tant qu’or-
par le souffle d’un si grand crime. » C’est au peuple de dre ; crimes particuliers à chacun des membres de l’ordre.
France qu’il appartient d’en purger le monde. « Contre Le sort de l’ordre ne pouvait être réglé que par un concile
une peste si scélérate doivent se lever les lois et les armes, général : un concile fut convoqué, dans la ville de Vienne
les animaux même et les quatre éléments... Nous voulons en Dauphiné, pour le mois d’octobre 1310, et plusieurs
vous faire participer à cette œuvre, très fidèles chrétiens, commissaires furent désignés — entre autres l’archevê-
et nous vous ordonnons d’envoyer sans délai à Tours que de Narbonne, les évêques de Bayeux et de Mende
deux hommes d’une foi robuste, qui, au nom de vos — pour recueillir des documents propres à éclairer cette
communautés, nous assistent dans les mesures qu’il sera assemblée. Le procès contre les personnes des templiers,
opportun de prendre. » distinct du procès contre l’ordre du Temple, devait être
repris dans l’intervalle ; le pape en rendit la connais-

C
sance aux évêques diocésains et aux inquisiteurs. Seuls, le
SECONDE ENTREVUE DE POITIERS (1308) grand-maître et les hauts dignitaires furent personnelle-
ment réservés au jugement direct du Saint-Siège.
lément, menacé des armes empoisonnées La conclusion de ce pacte, qui a scellé le sort du Temple
qui avaient eu raison de Boniface, eut peur et des templiers, fut suivie d’une odieuse comédie. On
; il en revint aux tentatives de conciliation, amena devant le pape et le Sacré Collège soixante-douze
non sans multiplier encore les échappatoires et les délais, chevaliers extraits des prisons de Paris, assouplis par la
seules ressources de sa faiblesse. On convint enfin, dans torture, triés parmi les lâches, prêts à persister dans leurs
une seconde entrevue, qui eut lieu à Poitiers dans l’été confessions. Il semble que les gens du roi, après avoir
de 1308, que les templiers, jusque-là placés sous la main forcé Clément à se faire leur complice, aient eu, par-des-
du roi, seraient remis au pape, lequel en restituerait aus- sus le marché, la prétention de le convaincre.
sitôt la garde, au nom de l’Église romaine, aux officiers
Charles-Victor Langlois
royaux; les biens seraient administrés par des commis-

DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 15


DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

LE PROCÈS
, ’
DES TEMPLIERS
SECONDE PHASE JUSQU AU CONCILE DE VIENNE

LES DEUX PROCÈS SE POURSUIVIRENT PARALLÈLEMENT À PARTIR DE L’AUTOMNE DE 1308, DANS


TOUTE LA CHRÉTIENTÉ. JUSQU’AU FOND DE L’ACHAÏE, DES BALÉARES ET DE LA SARDAIGNE, DES
COURS ÉPISCOPALES S’ORGANISÈRENT POUR EXAMINER LES PERSONNES DES TEMPLIERS. L’ÉPISCOPAT
EUROPÉEN FUT OCCUPÉ À CETTE BESOGNE JUSQU’AU PRINTEMPS DE 1310. EN MÊME TEMPS, LE
PROCÈS CONTRE L’ORDRE S’OUVRIT ; LE 9 AOÛT 1309, LA COMMISSION PONTIFICALE, ASSEM-
BLÉE DANS L’ABBAYE DE SAINTE-GENEVIÈVE DE PARIS, FIT SAVOIR QU’ELLE ÉTAIT CONSTITUÉE ET
PRÊTE À RECEVOIR LES TÉMOIGNAGES DE TOUS. MAIS CETTE COMPAGNIE D’HOMMES MODÉRÉS,
RELATIVEMENT INDÉPENDANTS, COUVERTE PAR LE PRESTIGE DU SAINT-SIÈGE, HOSTILE À L’EMPLOI
DE LA QUESTION, ÉTAIT VUE AVEC MÉFIANCE PAR LES CONSEILLERS DU ROI. IL SEMBLE QU’ILS NE
L’AIENT LAISSÉE AGIR QUE QUAND ILS SE FURENT ASSURÉS D’AVOIR UN CONTRÔLE SUR ELLE. LES
AUDIENCES NE FURENT RÉELLEMENT INAUGURÉES QUE LE 26 NOVEMBRE. C’EST PAR LES PROCÈS-
VERBAUX DE CES AUDIENCES QUE L’ON VOIT LE MIEUX, DANS SA NAÏVETÉ PITOYABLE, L’ÉTAT D’ÂME
DES « PAUVRES CHEVALIERS DU TEMPLE », À PEU PRÈS LIBRES POUR LA PREMIÈRE FOIS, DEPUIS LEUR
ARRESTATION, DE PARLER DEVANT UN AUDITOIRE EN APPARENCE BIENVEILLANT, SANS CRAINTE
IMMÉDIATE DES CEPS ET DU CHEVALET, DE L’ENTONNOIR ET DU RÉCHAUD.

L
COMPARUTION DE JACQUES DE MOLAY
a première séance, du 26 novembre, fut
marquée par une scène caractéristique. Ce
jour-là, le grand-maître, Jacques de Molay, fut
amené, à sa requête, devant les commissaires installés
dans une chambre de l’évêché de Paris, derrière l’aula
episcopalis. On lui demanda s’il voulait « défendre l’Or-
dre», plaider coupable ou non coupable. « Je ne suis pas,
répondit-il, aussi sage qu’il faudrait ; cependant je suis
prêt à défendre l’Ordre de toutes mes forces, et je serais
bien vil si je ne le faisais pas, après en avoir reçu tant de
biens et d’honneurs. Mais il m’est difficile de défendre
convenablement, dans la position où je suis, prisonnier
du pape et du roi, n’ayant pas même quatre deniers à
dépenser à mon gré ! Je demande donc aide et conseil,
car je veux qu’on sache la vérité, non seulement par les
templiers eux-mêmes, mais par les rois, princes, prélats
et barons, bien que ceux de l’Ordre aient été plus d’une
fois trop raides, je le reconnais, envers quelques prélats,
pour la défense de leurs droits (Molay parlait devant des
évêques). Je m’en tiens au témoignage de ces prud’hom-
mes.» Les commissaires, un peu surpris, manifestèrent
aussitôt l’esprit qui les animait, une partialité cauteleuse
« Prenez garde, réfléchissez, songez aux aveux que vous

16 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


le procès des Templiers - seconde phase

avez déjà passés ! Nous sommes prêts à vous entendre


si vous persistez à défendre, et à vous accorder un délai
si vous voulez délibérer davantage. Nous vous rappelons
seulement qu’en matière d’hérésie et de foi, on procède
simplement, de plano, et sans noise d’avocats.» Ils ne vou-
laient évidemment pas que Molay prît position pour la
défense. Le voyant ébranlé par leurs exhortations à la
prudence, ils lui firent lire et traduire en langue vulgaire
cinq ou six pièces officielles, entre autres la liste des
aveux que les procureurs de la Cour romaine avaient
reçus ou affirmaient avoir reçus de sa bouche à l’époque
de la seconde entrevue de Poitiers. Durant cette lecture,
Molay donna les marques d’une vive stupéfaction et se
signa deux fois en disant « que, si les seigneurs commis-
saires étaient gens à entendre certaines paroles, il les leur
dirait à l’oreille ». « Nous ne sommes pas ici pour recevoir
le gage de bataille. » « Ce n’est pas ce que je veux dire,
mais plût à Dieu qu’on observât ici l’usage des Sarra-
sins, qui coupent la tête des pervers en la fendant par le
milieu. » « Souvenez-vous, repartit un commissaire sans
répondre à cette apostrophe, que l’Église romaine livre
les obstinés au bras séculier. » Molay, à bout d’arguments,
EXÉCUTION DES TEMPLIERS. BOCCACE, DE CASIBUS (TRADUC- regardait au fond de la salle. Il avisa un chevalier du roi
TION LAURENT DEPREMIERFAIT), BNF RICHELIEU MANUSCRITS
FRANÇAIS 236 , FOL. 215V, FRANCE, PARIS, XVE SIÈCLE.
de France, Guillaume de Plaisians, le second de Nogaret,
qui était là, sans l’aveu des commissaires, pour surveiller
leur procédure et la proie de son maître. Molay demanda
à lui parler en particulier : « Vous savez comme je vous
aime ! dit Guillaume. Nous sommes tous les deux cheva-
liers. Je ne veux pas que vous vous perdiez sans raison.
» Voilà le templier irrésolu, enveloppé par ces protesta-
tions mensongères : « Je vois bien que, si je ne délibère
pas, je pourrais courir des dangers. » Là-dessus, il requit
la commission de lui accorder un délai de douze jours.
Les commissaires, enchantés, auraient fixé volontiers un
terme encore plus éloigné, persuadés que plus les gens
du roi auraient de temps pour travailler le prisonnier, plus
sûrement ils le sauraient réduire.
Quelques jours après, le grand-maître reparut, à peu près
maté. Il débuta en remerciant la commission du délai
qu’elle lui avait imparti. On lui réitéra alors la question
: « Voulez-vous défendre l’Ordre ? » — « Je suis, dit-il,
un pauvre chevalier illettré. Dans une des lettres aposto-
liques qui m’ont été lues l’autre jour, j’ai entendu que le
seigneur pape m’a réservé, moi et quelques dignitaires
de l’ordre, à sa justice. Dans l’état où je suis, je préfère
m’abstenir. J’irai en présence du pape quand il plaira au
pape. Mais je vous prie de lui signifier que, étant mortel
et sûr seulement du moment présent, je souhaiterais qu’il
lui plût le plus tôt possible de m’entendre. Alors seule-
ment je dirai ce que je pourrai pour l’honneur du Christ
et de l’Église. » Tout semblait terminé par cette réponse
EXÉCUTION DES TEMPLIERS. BOCCACE, DE CASIBUS (TRADUC- ; mais, au moment de se retirer, le cœur du grand-maître
TION LAURENT DEPREMIERFAIT), BNF RICHELIEU MANUSCRITS se souleva ; il s’arrêta, et se tournant vers le tribunal : «
FRANÇAIS 226 , FOL. 265, FRANCE, PARIS, XVE SIÈCLE.
Pour libérer ma conscience, je veux vous dire pourtant

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS
RUE DU MARCHÉ PALU (huile sur toile 33x41cm).
Marc Peltzer (marc.peltzer@wanadoo.fr)
Plusieurs dépositions sont aussi intéressantes que celle-
là. Le « procès » fait défiler sous nos yeux des hommes
de toute sorte : des simples, des prudents, des beaux
parleurs, des lâches, des sincères, des exaltés. On voit les
malheureux trembler, mentir, combiner de pauvres peti-
tes habiletés, ou bien s’indigner, fondre en larmes.

L
PONSARD DE GISI
es plus naïfs, sans apercevoir, derrière les
commissaires, le Nogaret ou le Plaisians qui
les guettaient, crurent venu le jour de la sin-
cérité. Tel, frère Ponsard de Gisi. Dans un élan de con-
fiance, il déclara que ce que lui-même et les autres frères
trois choses au sujet de l’Ordre : la première, c’est que avaient avoué devant les inquisiteurs était faux et leur
je ne connais pas de religion [d’Ordre] dont les chapelles avait été arraché. « Avez-vous été torturé ? » Oui, trois
et les églises aient de plus beaux ornements que celles mois avant ma confession, on m’a lié les mains derrière
du Temple ; il n’y a que dans les cathédrales que le ser- le dos, si serré que le sang jaillissait des ongles, et on m’a
vice divin soit célébré plus richement. Secondement, je mis dans une fosse, attaché avec une longe. Si on me fait
ne connais pas de religion où l’on fasse plus largement subir encore de pareilles tortures, je nierai tout ce que je
l’aumône, car, dans toutes les maisons de l’Ordre, on dis maintenant, je dirai tout ce qu’on voudra. Je suis prêt
donne trois fois par semaine à quiconque demande. En à subir des supplices pourvu qu’ils soient courts ; qu’on
troisième lieu, il n’y a nulle sorte de gens qui aient tant me coupe la tête, qu’on me fasse bouillir pour l’honneur
versé de sang pour la foi chrétienne que les templiers et de l’Ordre, mais je ne peux pas supporter des supplices à
qui soient plus redoutés des infidèles. À Mansourah, le petit feu comme ceux qui m’ont été infligés depuis plus
comte d’Artois mit les templiers à l’avant-garde, et s’il les de deux ans en prison. » Ici, comme dans les séances où
avait crus... » Ici une voix interrompit : « Tout cela ne sert Jacques de Molay avait comparu, l’homme du roi inter-
en rien au salut, sans la foi. » « C’est vrai, dit Molay, mais rompit : il produisit une dénonciation contre le Temple,
je crois en Dieu, au Dieu en trois personnes, à toute la librement écrite jadis par ce même Ponsard de Gisi : « Je
foi catholique, unus Deus, una fides, una ecclesia. Je crois que, l’avoue, dit le coupable, j’ai écrit cette cédule ; mais c’était
quand l’âme sera séparée du corps, on distinguera le bon dans un jour de trouble contre l’Ordre, un jour que le tré-
du méchant et que nous saurons tous la vérité sur ce qui sorier du Temple m’avait injurié. » Il s’écria en s’en allant
se passe ici. » Sur ces entrefaites, Guillaume de Nogaret, : « Je crains bien que l’on ne m’aggrave ma prison, parce
chancelier du roi, qui était dans la salle, prit sans façon la que je veux défendre. »
parole : « Dans les chroniques qui sont à Saint-Denis, dit-

D
il, il est écrit qu’au temps de Saladin, sultan de Babylone,
un maître du Temple fit hommage audit Saladin, et que LES « DÉFENSEURS » DE L’ORDRE
le même sultan, apprenant un grand échec de ceux du
Temple, dit publiquement que cela leur était advenu en es centaines de templiers prirent la même
châtiment du vice infâme et de leur prévarication contre attitude que celui-là, mais d’une manière
la Loi. » Étrange document, qui fait voir l’état d’esprit encore plus virile et, la plupart du temps,
de celui qui s’en est servi ! Molay resta stupéfait : « Je sans phrases « Je veux défendre l’Ordre ; je n’y sais rien
n’ai jamais entendu dire cela, répondit-il. Je sais seule- de mal. » Le 28 mars 1310, cinq cent quarante-six tem-
ment que pendant que j’étais outremer, à l’époque de la pliers internés à Paris étaient défenseurs de l’Ordre. La
maîtrise de frère Guillaume de Beaujeu, moi et plusieurs commission, pour obtenir d’eux une constitution de
templiers qui étions jeunes et avides de voir des faits d’ar- procureurs, envoya ses notaires, à partir du 31 mars,
mes, nous murmurions contre le maître, parce qu’il avait dans chacune des maisons où ils étaient enfermés :
conclu une trêve avec le sultan. Mais nous vîmes bien chez Guillaume de La Huche, rue du Marché-Palu, au
ensuite qu’il n’aurait pas pu faire autrement.» Comme la Temple, au palais du comte de Savoie, à l’abbaye de
séance se prolongeait en pure perte, Molay y mit fin en Sainte-Geneviève, à l’abbaye de Saint-Magloire, etc. Tous
priant humblement les commissaires de lui permettre les prisonniers, au rapport des notaires, affirmèrent de
d’entendre la messe et d’avoir ses chapelains. Cela lui fut nouveau l’innocence de leur Ordre. Plusieurs remirent
octroyé. On loua sa dévotion. de longues suppliques, personnelles, collectives. Frère

18 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


le procès des Templiers - seconde phase
Élie Aimeri confia aux scribes de la commission, en les
priant de corriger ses barbarismes, une homélie qui com-
mence ainsi : « O Marie, étoile de la mer, conduis-nous
au port du salut... », morceaux de bréviaire et de litanies
qui, aux heures d’angoisse, étaient remontés à la surface
de la mémoire du pauvre homme. La cédule présentée
par Jean de Monréal aux commissaires, le 3 avril, au nom
d’un grand nombre de ses frères, est un plaidoyer où
les accusés manifestent leur désarroi par la plus bizarre
accumulation d’arguments excellents et puérils : « Dans
les églises du Temple, le plus grand autel était celui de
Notre-Dame... Les templiers faisaient de très belles pro-
cessions aux grandes fêtes... Notre sire le roi de France
et d’autres rois ont eu des templiers comme trésoriers
et comme aumôniers; les auraient-ils choisis si le Tem-
ple avait été coupable ?... Les épines de la couronne du
Sauveur, qui fleurissent le Vendredi Saint entre les mains
des chapelains du Temple, ne fleuriraient pas si les frères
étaient coupables... Il est mort plus de vingt mille frères
pour la foi de Dieu outremer... Nous sommes prêts à
combattre tous les adversaires du Temple, excepté les
gens de N. S. le roi et de N. S. le pape... » Les procureurs
élus, d’un commun accord, par les cinq cent quarante-six,
résumèrent, le 7 avril, devant la commission, toutes ces
cédules partielles dans leur grande adresse inaugurale, qui
est un beau morceau d’éloquence, simple, vigoureux et
logique.

L
LE GUET-APENS DE MAI 1310
es affaires des templiers semblaient donc en
bonne voie, vers le printemps de 1310. L’Or-
dre avait trouvé à Paris une légion de défen-
seurs, représentés par des procureurs réguliers. Pour ceux
qui voulaient étouffer la vérité, il n’était que temps d’agir.
Ils agirent, en effet : et ils n’avaient encore imaginé rien
d’aussi scandaleux que l’expédient dont ils usèrent. Ils
profitèrent de ce que les procès contre l’Ordre et contre
les personnes se poursuivaient parallèlement, et de ce que
les juges du procès contre les personnes étaient, à Paris,
à leur dévotion, pour effrayer mortellement les témoins
du procès contre l’Ordre. Le jugement des personnes,
dans l’évêché de Paris, appartenait, en vertu des lettres
du pape, au concile provincial, présidé par l’archevê-
que de Sens, métropolitain de Paris. Or, l’archevêque
de Sens était le frère de l’un des principaux ministres
du roi, Enguerrand de Marigny. Il assembla à Paris le
concile de sa province. Ce tribunal d’inquisition avait le
droit de condamner sans entendre les accusés et de faire
exécuter ses arrêts du jour au lendemain. Les procureurs
des prisonniers comprirent la terrible menace impliquée
dans la brusque convocation de cette assemblée. Ils la
signalèrent, dès le 10 mai, à la commission pontificale.

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

Mais le président de ladite commission, l’archevêque de feuillets d’une écriture compacte.


Narbonne, se retira dès qu’ils eurent dénoncé l’attentat

L
projeté, disant « qu’il avait à entendre ou à célébrer la
messe ». Les autres commissaires ne surent que répondre PRÉLIMINAIRES DU CONCILE DE VIENNE
: « Nous vous plaignons de tout notre cœur ; mais l’ar-
chevêque de Sens agit régulièrement contre les personnes e concile de Vienne, prorogé à plusieurs
; nous ne pouvons rien. » Le 12, ils essayèrent timidement reprises, avait été fixé en dernier lieu au
d’arrêter le bras suspendu du concile provincial par un mois d’octobre 1311. Clément V employa
message très raisonnable, très modéré ; mais, comme ils les mois qui précédèrent ce terme à réunir, contre ceux
l’avaient prévu, leur intervention fut inutile. Ce jour-là qu’il avait condamnés d’avance, un immense arsenal de
même, cinquante-quatre templiers qui, après avoir fait preuves. Il savait qu’on disait couramment en Occident
des aveux, s’étaient offerts à défendre l’Ordre, furent « Les templiers ont nié partout, excepté ceux qui ont été
condamnés comme relaps par l’archevêque de Sens et sous la poigne du roi de France ». Il fallait couper court
ses suffragants, empilés dans des charrettes, et brûlés à ces rumeurs; c’est pour cela qu’il rédigea alors des
publiquement entre le bois de Vincennes et le Moulin- bulles pour exhorter les rois d’Angleterre et d’Aragon à
à-Vent de Paris, hors de la porte Saint-Antoine. « Ils employer la torture, malgré les coutumes locales de leurs
souffrirent, dit un chroniqueur contemporain, avec une royaumes, qui interdisaient cette procédure. Des ordres
constance qui mit leurs âmes en grand péril de damna- de torture furent expédiés aussi, au dernier moment, en
tion, car elle induisit le peuple ignorant à les considérer Chypre et en Portugal. Il y eut encore, à cette occasion,
comme innocents. » des effusions de sang martyr. Nous avons la relation des
C’en était fait ; il n’était plus possible d’entretenir la supplices infligés en août et septembre 1311, par l’évêque
moindre illusion sur la liberté de la défense. Deux des de Nîmes et l’archevêque de Pise ; ces prélats n’envoyè-
procureurs élus, sur quatre, avaient disparu. La com- rent, du reste, au pape, que les dépositions agréables ; ils
mission n’en reprit pas moins, le 13, l’ironique comédie passèrent sous silence tes témoignages des obstinés.
de ses séances dans la chapelle Saint-Éloi. Mais quelque
chose était changé depuis la veille. L’apparition du pre- Charles-Victor Langlois
mier témoin qu’on introduisit fut émouvante. C’était un
chevalier du diocèse de Langres, Aimeri de Villiers-le-
Duc, âgé d’une cinquantaine d’années, templier depuis
vingt-huit ans. Comme on lui lisait les actes d’accusation,
il interrompit, « pâle et comme terrifié », protestant que,
s’il mentait, il voulait aller droit en enfer par mort subite,
se frappant la poitrine de ses poings, levant les bras vers
l’autel, les genoux en terre. « J’ai avoué, dit-il, quelques
articles à cause de tortures que m’ont infligées Guillaume
de Marcilli et Hugues de La Celle, chevaliers du roi, mais
tout est faux. Hier, j’ai vu cinquante-quatre de mes frères,
dans les fourgons, en route pour le bûcher, parce qu’ils
n’ont pas voulu avouer nos prétendues erreurs; j’ai pensé
que je ne pourrais jamais résister à la terreur du feu.
J’avouerais tout, je le sens; j’avouerais que j’ai tué Dieu, si
on voulait. » Et il supplia les commissaires et les notaires
de ne pas répéter ce qu’il venait de dire à ses gardiens, de
peur qu’il ne fût brûlé, lui aussi. Cette déposition tragique
fit assez d’impression sur les gens du pape pour qu’ils
se décidassent à surseoir provisoirement. Ils ne reprirent
leurs opérations, désormais fictives, qu’après six mois
d’interruption, et seulement pour la forme. Les témoins
entendus à partir de décembre 1310 furent tous des tem-
pliers réconciliés par les synodes provinciaux, c’est-à-dire
soumis, qui comparurent « sans manteau et barbe rase
». Quand l’enquête fut enfin close, on l’expédia en deux
exemplaires pour servir à l’édification des pères du pro-
chain concile de Vienne. Elle remplit deux cent dix-neuf

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le procès des Templiers - seconde phase

EXÉCUTION DES TEMPLIERS. BOCCACE, DE CASIBUS (TRA-


DUCTION LAURENT DE PREMIERFAIT), BNF RICHELIEU
MANUSCRITS FRANÇAIS 232 , FOL. 334, FRANCE DE
L’OUEST, XVE SIÈCLE

EXÉCUTION DES TEMPLIERS. BOCCACE, DE CASIBUS (TRA-


DUCTION LAURENT DE PREMIERFAIT), BNF RICHELIEU
MANUSCRITS FRANÇAIS 234 , FOL. 195, FRANCE, PARIS,
XVE SIÈCLE.

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

LE CONCILE’ DE VIENNE ET L ORDRE DU TEMPLE

Concile de Vienne.
Peinture à fresque,
exécutée dans la
Bibliothèque Vati-
cane par les ordres
du pape Pie V. XVIe
siècle

GUILLAUME LE MAIRE, ÉVÊQUE D’ANGERS, CONVOQUÉ AU CONCILE OECUMÉNIQUE DE VIENNE, COMME TOUS LES
PRÉLATS DE LA CHRÉTIENTÉ, RÉDIGEA SON « AVIS » PAR ÉCRIT, EN CES TERMES : « IL Y A, DIT L’ÉVÊQUE, DEUX OPINIONS
AU SUJET DES TEMPLIERS ; LES UNS VEULENT DÉTRUIRE L’ORDRE SANS TARDER, À CAUSE DU SCANDALE QU’IL A SUSCITÉ
DANS LA CHRÉTIENTÉ ET À CAUSE DES DEUX MILLE TÉMOINS QUI ONT ATTESTÉ SES ERREURS ; LES AUTRES DISENT QU’IL
FAUT PERMETTRE À L’ORDRE DE PRÉSENTER SA DÉFENSE, PARCE QU’IL EST MAUVAIS DE COUPER UN MEMBRE SI NOBLE DE
L’ÉGLISE SANS DISCUSSION PRÉALABLE. EH BIEN, JE CROIS, POUR MA PART, QUE NOTRE SEIGNEUR LE PAPE, USANT DE
SA PLEINE PUISSANCE, DOIT SUPPRIMER EX OFFICIO UN ORDRE QUI, AUTANT QU’IL A PU, A MIS LE NOM CHRÉTIEN EN
MAUVAISE ODEUR AUPRÈS DES INCRÉDULES ET QUI A FAIT CHANCELER DES FIDÈLES DANS LA STABILITÉ DE LEUR FOI. »
GUILLAUME LE MAIRE AVAIT SON SIÈGE FAIT. MAIS SUPPOSÉ QU’UN ÉVÊQUE, MOINS ZÉLÉ ROYALISTE, EÛT VOULU
S’ÉCLAIRER SINCÈREMENT AU MOMENT DE L’OUVERTURE DU PROCÈS, VOICI COMMENT LA QUESTION DE LA CULPABILITÉ
DU TEMPLE SE SERAIT POSÉE À SA CONSCIENCE.
L’ORDRE DU TEMPLE ÉTAIT ACCUSÉ D’ÊTRE TOUT ENTIER CORROMPU PAR DES SUPERSTITIONS IMPIES. D’APRÈS LES FOR-
MULAIRES D’ENQUÊTE PONTIFICAUX, QUI CONTIENNENT JUSQU’À CENT VINGT-SEPT RUBRIQUES, IL ÉTAIT NOTAMMENT
INCULPÉ D’IMPOSER À SES NÉOPHYTES, LORS DE LEUR RÉCEPTION, DES INSULTES VARIÉES AU CRUCIFIX, DES BAISERS
OBSCÈNES, ET D’AUTORISER LA SODOMIE. LES PRÊTRES, EN CÉLÉBRANT LA MESSE, AURAIENT OMIS VOLONTAIREMENT DE
CONSACRER LES HOSTIES ; ILS N’AURAIENT PAS CRU À L’EFFICACITÉ DES SACREMENTS. ENFIN LES TEMPLIERS AURAIENT
ÉTÉ ADONNÉS À L’ADORATION D’UNE IDOLE (EN FORME DE TÊTE HUMAINE) OU D’UN CHAT ; ILS AURAIENT PORTÉ NUIT
ET JOUR, SUR LEURS CHEMISES, DES CORDELETTES ENCHANTÉES PAR LE CONTACT DE CETTE IDOLE. TELLES ÉTAIENT LES
ACCUSATIONS MAJEURES. IL Y EN AVAIT D’AUTRES : LE GRAND-MAÎTRE ET LES AUTRES OFFICIERS DE L’ORDRE, QUOI-
QU’ILS NE FUSSENT PAS PRÊTRES, SE SERAIENT CRU LE DROIT D’ABSOUDRE LES FRÈRES DE LEURS PÉCHÉS ; LES BIENS
ÉTAIENT MAL ACQUIS, LES AUMÔNES MAL FAITES. LE RÉQUISITOIRE REPRÉSENTAIT TOUS CES CRIMES COMME COMMAN-
DÉS PAR UNE RÈGLE SECRÈTE.

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le concile de vienne et l’ordre du temple

L E DROIT D’ABSOUDRE LES FRÈRES DE LEURS PÉCHÉS EST UN GRIEF


QUI NE FIGURE PAS PARMI CEUX DONT L’INQUISITEUR GUILLAUME DE
PARIS COMMUNIQUA LA LISTE À SES SUBORDONNÉS EN 1307, MAIS
QUI EST FORMULÉE DANS LA BULLE FACIENS MISERICORDIAM DU 12 AOÛT 1308,
ET EXAMINÉE PAR H. C. LEA, THE ABSOLUTION FORMULA OF THE TEMPLARS (DANS
LES PUBLICATIONS DE L’AMERICAN CHURCH HISTORY SOCIETY, 1893). C’ÉTAIT UNE
PRATIQUE TRADITIONNELLE EN VIGUEUR, AU SU DE TOUT LE MONDE, CHEZ LES TEM-
PLIERS ET CHEZ LES CHEVALIERS TEUTONIQUES, DONT LES CANONISTES DISCUTAIENT
DEPUIS LONGTEMPS LA VALEUR, ET QU’ILS N’AVAIENT JAMAIS ÉTÉ, JUSQUE-LÀ,
EXPRESSÉMENT CONDAMNÉS.

D es bas-reliefs, couverts de figures obscènes et d’inscrip-


tions arabes, ont été découverts, quelques-uns dans le
voisinage d’anciennes commanderies du Temple. E.
Pfeiffer (Zwei vermeintliche Templerdenkmale, dans la Zeitschrift
für Kulturgeschichte, 1897, p. 386) croit que ces monuments, après
avoir appartenu à des sectes arabes qui continuaient les traditions
gnostiques, ont été importés d’Orient en France par des croisés, peut-
être des templiers. Mais les soi-disant inscriptions arabes d’Essarois,
le plus connu de ces monuments, ont été fabriquées certainement par
les gens qui savaient très mal l’arabe. D’après S. Reinach, ce sont des
faux. À quelle époque ces faux ont-ils été commis ? Au XIIIe siècle, ou
de nos jours ? Pourquoi ont-ils été commis ? Est-ce pour faire croire à
l’existence d’un culte secret, à tendances orgiastiques, ou bien est-ce
pour donner un aspect oriental à des objets réellement destinés aux
fidèles d’un culte de cette espèce ? On ne le sait pas encore.

Toute la preuve repose sur des témoignages oraux

I l va de soi que les officiers de Philippe le Bel


pratiquèrent dans tous les « Temples » de France
de sévères perquisitions, en vue d’y découvrir des
objets compromettants, à savoir : 1° des exemplaires de la
Règle Secrète ; 2° des idoles; 3° des livres hérétiques. Ils
ne trouvèrent (nous avons des inventaires) que quelques
ouvrages de piété et des livres de comptes, çà et là, des
exemplaires de la Règle irréprochable de Saint Bernard.
À Paris, Guillaume Pidoye, administrateur des biens
séquestrés, présenta aux commissaires de l’Inquisition
« une tête de femme en argent doré, qui renfermait des
fragments de crâne enveloppés dans un linge ». C’était
un de ces reliquaires comme il y en a dans la plupart des
trésors ecclésiastiques du XIIIe siècle ; il était exposé,
sans doute, les jours de fête, à la vénération des templiers,
et il n’est pas impossible que des chevaliers aient déposé
EXÉCUTION DES TEMPLIERS. BOCCACE, DE CASIBUS (TRADUC- dessus, pour les sanctifier, les cordelettes ou scapulaires
TION LAURENT DEPREMIERFAIT), BNF RICHELIEU MANUSCRITS dont la Règle primitive leur imposait de se ceindre, en
FRANÇAIS 230 , FOL. 264, FRANCE, PARIS, XVE SIÈCLE. signe de chasteté; mais il n’y pas là d’idole ni d’idolâtrie,

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

puisque les fidèles qui vont toucher, encore aujourd’hui, les « dolcinistes » d’Italie se sentaient fortifiés miracu-
des chapelets et des reliques ne passent point pour des leusement par la proclamation répétée et frénétique de
idolâtres. leurs doctrines. Chez les templiers, pas de joie sacrée, pas
L’enquête ne produisit donc contre l’Ordre aucun docu- de triomphe en présence du bourreau. C’est pour une
ment matériel, aucun « témoin muet » Toute la preuve négation qu’ils ont tout enduré. Si les templiers s’étaient
repose sur des témoignages oraux. réellement livrés aux excès, non seulement monstrueux,
Mais les dépositions à charge, si nombreuses qu’elles mais stupides, qui leur furent reprochés, tous, interrogés
soient, perdent toute valeur si l’on considère qu’elles l’un après l’autre, et forcés de confesser, auraient décrit
ont été arrachées par la procédure inquisitoriale. Le mot ces excès de la même manière. D’accord entre eux quand
d’Aimeri de Villiers-le-Duc est décisif : « J’avouerais que ils parlent des cérémonies légitimes de l’ordre, ils varient
j’ai tué Dieu.» Il ne reste donc qu’à examiner les faits grandement, au contraire, sur la définition des prétendus
allégués, au point de vue du bon sens. rituels blasphématoires. Michelet, qui croyait aux désor-
Si les templiers avaient réellement pratiqué les rites dres du Temple, a très bien observé « que les dénégations
et les superstitions qui leur sont attribués, ils auraient sont identiques, tandis que les aveux sont tous variés de
été des sectaires; et alors il se serait trouvé parmi eux, circonstances spéciales »; il en tire la conclusion « que les
comme dans toutes les communautés hétérodoxes, des dénégations étaient convenues d’avance et que les diffé-
enthousiastes pour affirmer leur foi en demandant à rences des aveux leur donnent un caractère particulier de
participer aux joies mystiques de la persécution. Or, pas véracité». Mais quoi ? Si les templiers étaient innocents,
un templier, au cours du procès, ne s’est obstiné dans les leurs réponses aux mêmes chefs imaginaires d’accusation
erreurs de sa prétendue secte. Tous ceux qui ont avoué le ne pouvaient pas ne pas être identiques ; s’ils étaient
reniement et l’idolâtrie se sont fait absoudre. coupables, leurs aveux auraient dû être pareillement
Chose surprenante, la doctrine hérétique du Temple identiques.
n’aurait pas eu un martyr ! Car les centaines de chevaliers L’invraisemblance des charges, la férocité des procédés
et de frères sergents qui sont morts dans les affres de la d’enquête, le caractère contradictoire des aveux étaient
prison, entre les mains des tortionnaires, ou sur le bûcher, sûrement de nature à inquiéter des juges, même des
ne se sont pas sacrifiés pour des croyances ; ils ont juges de ce temps-là. Et quels cœurs auraient résisté à la
mieux aimé mourir que d’avouer, ou, après avoir avoué comparution des suppliciés de l’enquête, à l’exhibition de
par force, que de persister dans leurs confessions. On a leurs plaies, à leurs protestations d’amour pour l’Église
supposé que les templiers étaient des cathares ; mais les persécutrice, à ces accents douloureux dont l’écho,
cathares, comme les anciens montanistes d’Asie, avaient recueilli par les notaires de la grande commission, émeut
la passion du supplice ; au temps même de Clément V,

Ainsi périt l’Ordre du Temple, supprimé, non con-


damné, égorgé sans résistance.

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le concile de vienne et l’ordre du temple
de Philippe le Bel qu’il y avait lieu de sortir l’ultima ratio
de la force. De Lyon, d’où il surveillait le concile, et où
il avait convoqué une nouvelle assemblée des prélats,
nobles et communautés du royaume « pour la défense de
la foi catholique», le roi se rendit à Vienne (mars 1312)
avec une armée. Il s’assit à côté du pape. Celui-ci, raf-
fermi, s’empressa de faire lire, devant les pères, une bulle
qu’il avait élaborée d’accord avec les conseillers royaux.
C’est la bulle Vox in excelso, du 3 avril 1312 le pape avoue
qu’il n’existe point contre l’Ordre de quoi justifier une
condamnation canonique ; mais il considère que l’Ordre
n’en est pas moins déshonoré, qu’il est odieux au roi de
France, que personne n’a « voulu » prendre sa défense,
que ses biens sont et seraient de plus en plus dilapidés au
grand dommage de la Terre Sainte pendant la durée d’un
procès dont on ne saurait prévoir la fin ; de là, la néces-
sité d’une solution provisoire. Il supprime donc l’Ordre
du Temple, non par voie de « sentence définitive», mais
par voie de provision ou de règlement apostolique, « avec
l’approbation du saint Concile ».

Les templiers de France n’ont pas eu la moindre velléité


de se servir de leurs armes. N’est-ce pas une preuve de
plus de la soumission de ces hommes que des modernes,
afin d’excuser à toute force un criant déni de justice, ont
gratuitement accusés d’avoir formé un État dans l’État et
d’avoir mis en péril l’unité de la monarchie française ?
Charles-Victor Langlois
et persuade encore ! Ceux qui avaient leurs raisons pour
que la lumière ne se fît pas devaient chercher par tous les
moyens, à supprimer, jusqu’au bout, les débats publics. EXÉCUTION DES TEMPLIERS.
Le bâillon qui fut mis, en effet, sur la bouche des der- CHRONIQUE DITE DE BAU-
DOUIN D’AVESNES, BELGI-
niers défenseurs de l’Ordre au concile de Vienne, réuni
QUE, FLANDRE, XVE SIÈCLE.
pour les entendre, est encore un argument en faveur des
MARQUE DE POSSESSION
templiers. POSTÉRIEURE, FRANCE, XVIE
L’histoire du concile de Vienne est mal connue. Mais on SIÈCLE, BNF RICHELIEU
devine des intrigues du roi de France pour forcer la main MANUSCRITS FRANÇAIS
du pape, du pape pour escamoter la sentence du concile. 279 , FOL. 274V, FRANCE,
Clément V était disposé à en finir; il disait, au rapport PARIS, XVE SIÈCLE.
d’Alberico da Rosate : « Si l’Ordre ne peut pas être détruit
per viam justitiæ, qu’il le soit per viam expedientiæ, pour que
notre cher fils le roi de France ne soit pas scandalisé.
» Mais il ne se sentait pas maître des trois cents pères
assemblés : il n’était sûr que des évêques français; ceux
d’Allemagne, d’Aragon, de Castille et d’Italie, qui avaient
presque tous acquitté les templiers de leurs circonscrip-
tions diocésaines, inclinaient à instituer une discussion
en règle. Pour comble d’embarras, neuf chevaliers du
Temple parurent inopinément dans Vienne, comme
représentants des templiers fugitifs qui erraient dans les
montagnes du Lyonnais; ils venaient « défendre » l’Ordre.
Il fallut que Clément fît enfermer, sans les écouter, ces
malencontreux défenseurs ce qui revenait à supprimer
une seconde fois la défense, en violation du droit. Des
prélats étrangers s’indignèrent. On comprit alors autour

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

ÉPILOGUE DE L ‘AFFAIRE DES TEMPLIERS

LA BULLE VOX IN EXCELSO LAISSA EN SUSPENS DEUX QUESTIONS DIFFICILES : LE SORT DES
TEMPLIERS PRISONNIERS, LE SORT DES BIENS DU TEMPLE SUPPRIMÉ.

L
LA CURÉE DES BIENS DU TEMPLE en obtenir la délivrance, durent indemniser la Cou-
ronne de ce qu’elle avait déboursé pour l’entretien
a curée des biens du Temple avait com- des templiers emprisonnés de 1307 à 1312 : frais de
mencé pendant le procès, en dépit de la geôle et de torture. Il paraît avéré, en résumé, que les
vigilance des administrateurs. L’appétit hospitaliers furent plutôt appauvris qu’enrichis par
des princes avait été aiguisé par cette affaire au le cadeau fait à leur Ordre.
point que quelques-uns songèrent à faire partager

R
le sort des templiers aux hospitaliers et aux che- SUPPLICE DU GRAND-MAÎTRE
valiers Porte-Glaive. L’ordre teutonique fut accusé
d’hérésie en 1307 par l’archevêque de Riga. C’est estaient les prisonniers. On relâcha ceux
déjà l’avidité spoliatrice des princes protecteurs de qui voulurent passer par l’humiliation des
la Réforme. Après le concile de Vienne, on procéda aveux. Parmi ces libérés, les uns vagabon-
au dépècement méthodique de la proie. En théorie, dèrent, d’autres essayèrent de gagner leur vie par des
toutes les propriétés de l’Ordre furent transférées travaux manuels ; quelques-uns entrèrent dans des
au Saint-Siège, qui les remit aux hospitaliers, mais ce couvents, et quelques-uns, dégoûtés du métier, se
transfert fictif n’empêcha pas la Couronne de rete- marièrent. Les impénitents et les relaps furent frap-
nir la meilleure part. D’abord les dettes du roi envers pés des châtiments de la loi inquisitoriale. Les plus
l’Ordre furent éteintes, car les canons défendaient célèbres de ces relaps de la dernière heure furent
de payer leur dû aux hérétiques. En outre, il avait deux des hauts dignitaires que le pape avait réservés
saisi tout le numéraire accumulé dans les banques à son jugement personnel : le grand-maître Jacques
du Temple. Il alla plus loin lorsque les dépouilles de Molay et le précepteur de Normandie, Geoffroi
des templiers eurent été officiellement attribuées à de Charnay. C’est seulement en décembre 1313 que
l’Hôpital : il prétendit que ses anciens comptes avec Clément V appointa trois cardinaux pour examiner
le Temple n’ayant pas été réglés, il restait créancier ces grands chefs, qui naguère, pour se sauver eux-
de l’Ordre pour des sommes considérables, dont il mêmes, avaient abandonné leurs frères. Le 18 mars
était d’ailleurs hors d’état de spécifier le montant. 1314, ils furent amenés au portail de Notre-Dame
Les hospitaliers, substitués aux droits et aux char- pour écouter leur sentence ; à savoir le « mur », la
ges du Temple, furent obligés de consentir, pour détention à perpétuité. Molay et Charnay avaient été
ce motif, à une transaction : ils payèrent deux cent soutenus jusque-là par l’assurance d’une délivrance
mille livres tournois, le 21 mars 1313 ; et ce sacrifice prochaine, plusieurs fois promise : ils étaient en pri-
ne les délivra même pas des réclamations de la Cou- son depuis sept ans; ils refusèrent d’y rentrer déses-
ronne, car ils plaidaient encore, à ce sujet, au temps pérés : « Nous ne sommes pas coupables, dirent-ils,
de Philippe le Long. Quant aux biens immobiliers, des choses dont on nous accuse, mais nous sommes
Philippe le Bel en perçut paisiblement les revenus coupables d’avoir bassement trahi l’ordre pour sau-
jusqu’à sa mort, et plus tard les hospitaliers, pour ver nos vies.

26 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


épilogue de l’affaire des templiers

« L’Ordre est pur, il est saint ; les accusations sont


absurdes, les confessions menteuses. »

Comme la foule remuait, les cardinaux livrèrent sans


délai au prévôt de Paris ces deux confesseurs tardifs
de la vérité ; le roi fut prévenu, et, le soir du même
jour, un échafaud se dressa, dans l’île des Juifs, en
face du quai des Augustins. Ils moururent avec un
courage qui frappa les assistants. Il était réservé à un
écrivain du XIXe siècle de dire que leur intrépidité
finale fut la marque de la forte prise que le démon
avait sur eux.

L
LE PROCÈS ET L’OPINION PUBLIQUE
es plus intelligents des contemporains de
Philippe le Bel n’ont pas cru à la culpabi-
lité des templiers ; ils ont été, à cet égard,
moins crédules que la postérité ne le fut longtemps,
quoiqu’ils aient eu moins de moyens de se faire une
opinion. Les grossières invraisemblances de la fable
imaginée par Nogaret ont suffi pour les avertir.
Aucun chroniqueur italien ne fut dupe : ni Villani,
ni Dino Compagni, ni Boccace (dont le père était
à Paris à l’époque du procès), ni l’auteur des Storie
Pistolesi, ni Dante. Tous ont goûté l’ironie d’une
aventure où périrent comme hérétiques les plus
fidèles serviteurs de la Cour romaine, les défenseurs
FUNÉRAILLES DE PHILIPPE LE BEL. BNF RICHELIEU MANUSCRITS les plus obstinés de la foi. Les écrivains français
FRANÇAIS 6465, FOL. 323. GRANDES CHRONIQUES DE
sont, naturellement, plus prudents ; ils n’osent pas
FRANCE, FRANCE, TOURS, XVE SIÈCLE, JEAN FOUQUET
s’inscrire en faux contre le pape et le roi, mais on
voit bien ce qu’ils en pensent.
LES ÉCRIVAINS FRANÇAIS PENSENT AINSI : Comme Clément V succomba, un mois après l’exé-
BIEN GAAINGNIÉ I’AVOIENT CELZ, cution de Molay, à une maladie affreuse ; comme
SE VOIRS ESTOIT QU’EN DISOIT D’ELZ1
Philippe le Bel, à son tour, disparut six mois plus tard,
PLUSIEURS, OU MONDE CONDAMPNEZ
SONT LASSUS AU CIEL COURONNEZ,
la légende se forma que Molay supplicié avait ajourné
ET LES AIME DIEX ET TIENT CHIERS. le pape et le roi au tribunal de Dieu. Guillaume de
MAIS ÇA AVAL2 EN CESTE EGLISE, Nogaret mourut aussi vers ce temps-là avant Clément,
NOUS CONVIENT TRESTOUZ3 LA DEVISE avant Philippe.
TENIR DU PAPE ET L’ORDINANCE...
L’EN PUET BIEN DECEVOIR4 L’EGLISE; Le bûcher du 18 mars flamboya d’un éclat sinistre
MES L’EN NE PUET EN NULE GUISE5 dans l’imagination populaire. Comme les temps
DIEX DECEVOIR ; JE N’EN DIS PLUS. étaient durs, on crut que la colère de Dieu s’appe-
QUI VOUDRA DIE LE SURPLUS. santissait pour venger le sang innocent.
1. SI CE QU’ON DISAIT D’EUX ÉTAIT VRAI. — 2. ICI-BAS.
Charles-Victor Langlois
— 3. IL NOUS FAUT TOUS. — 4. ON PEUT BIEN TROMPER.
— 5. AUCUNEMENT.

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

ENQUÊTE CRITIQUE SUR LA PAPAUTÉ


DE LA CHUTE DES TEMPLIERS

M . Finke, qui était professeur à l’Univer-


sité de Fribourg-en-Brisgau, avait tiré
des dépôts d’archives de Barcelone, si
fructueusement exploités déjà par lui, des nouveaux
documents inédits qui l’ont incité à écrire une Histoire
de la chute des Templiers et du rôle que joua le Saint-Siège
peut que répondre négativement à cette question ; aucu-
ne donnée nouvelle n’est venue contredire absolument ce
que l’on savait déjà, comme aussi les conclusions de M.
Finke, dans leur ensemble, s’accordent avec ce qu’avaient
affirmé la plupart des historiens du Temple les plus
récents ; seulement, il les avait fortifiées à l’aide nouvelles
dans l’anéantissement de cet ordre célèbre. Après tous pièces à l’appui. M. Finke posa, dès la préface (p. tx), la
les ouvrages publiés sur ce sujet depuis quatre siècles question de l’innocence ou de la culpabilité d’une façon
environ, après Dupuy, Wilkens, Raynouard, Michelet, parfaitement rationnelle et qui exclut toute ambiguïté. Le
Schottmüller, Gmelin, Lea, Esquieu, Prutz et autres, reniement du Christ, les crachats sur le crucifix, les invi-
moins importants, la tâche pouvait sembler presque tes à l’acte sodomique, l’adoration de l’idole Baphomet,
inutile. Les matériaux amassés jusqu’à ce jour n’étaient étaient-ils des procédures prescrites par la règle du Tem-
assurément pas complets ; mais en trouverait-on jamais ple et faisaient-ils partie de l’initiation des chevaliers ? Il
de suffisamment topiques pour mettre une bonne fois ne s’agit pas d’établir seulement que certains Templiers
fin à des controverses acharnées et séculaires, pour furent vicieux ou criminels, et que I’Ordre lui-même eut
remplacer par des faits les jugements subjectifs sur l’in- de graves fautes à se reprocher sur d’autres points de son
nocence ou la culpabilité des chevaliers du Temple ? M. activité religieuse, économique ou politique. On sera tout
Finke, avait retrouvé de nombreuses correspondances autant d’accord avec M F. pour proclamer que les aveux
royales, puis aussi pas mal de dossiers enterrés dans les arrachés à ces malheureux par la torture ne doivent peser
Archives royales d’Aragon ; il en avait cherché d’autres d’aucun poids dans 1a balance du juge d’aujourd’hui et
encore, dans les dépôts, souvent fouillés déjà, de Paris que les procédés connus des commissions inquisitoriales
et d’Avignon ; de ces rapports diplomatiques adressés empêchent d’accorder aucune créance aux confessions
au roi Jayme II d’Aragon, au roi Jayme I, de Majorque, qu’elles ont ainsi recueillies. D’ailleurs ces aveux mêmes
des actes de procédure recueillis à Paris, à Caen, Cahors, n’émanent que d’une fraction des chevaliers du Temple
Carcassonne, Chinon, Poitiers, Lérida, etc., il avait rem- et sont contrebalancés par les affirmations solennelles
pli tout son second volume. C’était donc bien en partie de beaucoup d’autres membres de l’Ordre, d’autant plus
sur des données nouvelles qu’il avait pu recommencer crédibles qu’il leur a fallu un courage héroïque pour res-
l’enquête critique du tome premier, et l’on ne saurait nier ter fidèles à la vérité. De plus, ces aveux sont indivisibles
qu’il ne fût pleinement autorisé à rouvrir, une fois encore, ; il n’y a point à choisir entre eux et si l’on croit aux actes
ces débats. contre nature et aux blasphèmes, il faut accepter aussi
Mais cet examen de la question dans son ensemble, l’existence des démons incubes et succubes auxquels se
poursuivi avec une patience et une compétence indiscu- sont livrés, d’après eux-mêmes, certains inculpés ; il faut
table, avait-il notablement changé les résultats considérés croire au Diable, qui leur est apparu, travesti en chat noir,
comme acquis jusqu’à ce jour par la majorité des critiques etc.
et spécialement par ses prédécesseurs immédiats ? On ne

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enquête critique sur la papauté

Mais, si les Templiers sont innocents des horreurs


qu’on leur impute, comment se fait-il que Philippe le
Bel et Clément V se soient coalisés pour réaliser leur
perte, et comment l’opinion publique a-t-elle pu être
tournée contre eux ? Il semble bien que pour le roi de
France, l’intérêt économique fut le motif dirigeant,
mais non pas avoué de ses actes. Est-i1 aussi certain
que pour le pape ce fut le mécontentement de voir
le Temple devenu trop indépendant du Saint-Siège,
grâce à la bulle d’Alexandre III (1163) ? Et doit-
on chercher dans la jalousie des autres Ordres de
chevalerie, dans l’insolence habituelle des Templiers
eux-mêmes, le motif profond de l’impopularité qui
facilita leur perte ?
Ce qui est certain en tout cas, c’est que l’antipathie
royale qui se manifeste tout à coup n’était pas de
date fort ancienne. Jusqu’en 1305, Philippe protégea
les Templiers, tout en les exploitant : il avait besoin
d’eux et de leur appui financier contre Boniface
VIII. À partir de ce moment les rapports changent
; assurément ce n’est pas leur négligence à remplir
leur devoir principal, la défense de la Terre-Sainte qui
offusquait la piété du roi ; était-ce leur grand nombre
(Ils étaient 2.000 en France, en 1308 (p. 72) qui l’in-
quiétait ? était-ce leurs richesses, exagérées encore par
la rumeur publique qui fascinaient son esprit cupide ?
C’était seulement contraint , jusqu’au moment où le
siège pontifical étant occupé par une de ses créatures,
par ce Bertrand de Got qu’il avait fait élire par le car-
dinal Napoléon Orsini, contre certaines promesses
d’obéissance peut-être, il pourrait aller de l’avant sans
Certains ont voulu voir dans l’attitude de Phillipe VI le Bel une réponse à l’attitude trop
craindre de voire la curie protéger contre lui la sainte
indépendante adoptée par l’Ordre à l’égard de la France, dès la fin du XIIe siècle.
milice chrétienne ? Questions délicates, auxquelles on
Mais cette opinion de Shottmüller et Prutz est repoussée par M. Finke (p. 43) et l’on
trouve d’autant moins une réponse certaine qu’on a
ne voit pas, en effet, d’actes qui la justifient. Assurément certains papes (Clément IV
par exemple) ont censuré le Temple pour avoir désobéi à leurs ordres (p. 53), mais il
tant de peine déjà à se faire une opinion positive sur
n’y a pas eu d’hostilité permanente vis-à-vis des athletæ Domini.
ce monarque, infiniment plus célèbre que vraiment
Cette impopularité dans le monde ecclésiastique et laïque semble incontestable,
connu. Était-il ce personnage inerte, apathique, pour
qu’elle fut méritée ou non. Quand on lit dans certaines procédures que les jours d’ini-
lequel travaillaient d’excellents ministres, alors que
tiation d’un nouveau chevalier, certains moines grimpaient sur les toits ou écoutaient lui-même est « passif à faire peur » ? Pourtant, M.
aux portes, dans l’espoir de surprendre quelques secrets honteux ou d’entendre au F. le croyait énergique, intelligent, sans « impatiente
moins des serments pornographiques (p. 67), on ne peut s’empêcher devoir là un initiative » froidement réfléchi, épris du but auquel
symptôme de déconsidération profonde dans l’opinion générale. il aspire, le développement de l’État français, d’une
Pierre Dubois dans son traité de recuperatione terre sancte, écrit en 1307, attribuait obstination irréductible, sans aucun penchant à des
aux Templiers et aux chevaliers de Saint-Jean, avec quelques exagérations sans mœurs légères, nullement ennemi de l’Église, d’ailleurs
doute, 800.000 livres tournois de revenus annuels, somme énorme pour l’époque et : tels étaient les principaux traits de caractère (dont
bien faite pour tenter les convoitise d’un prince âpre au gain et peu scrupuleux sur les quelques-uns légèrement contradictoires) relevés par
moyens de le réaliser. l’auteur chez Philippe le Bel. Vis-à-vis de lui un pape
Ni Philippe le Bel, ni surtout Clément V ne croyaient vraiment à la culpabilité des déjà malade (d’un cancer des intestins sans doute),
chevaliers ; ils n’ont pas été victimes d’une hallucination funeste, mais ils ont cédé, nature molle et conciliante à l’excès. Rien d’étonnant
l’un à sa convoitise de l’or, à la jalousie que lui inspirait une influence rivale, l’autre à la à ce que le roi ait su entraîner le souverain pontife,
peur et à la crainte de déplaire au maître qui l’avait fait chef de l’Église. non pas précisément à faire campagne avec lui, mais
M. Finke ne voulait pas que la cupidité du pape ait joué dans cette affaire un rôle à se laisser prendre à la remorque. Ce que M. F. a éta-
semblable à la cupidité du roi; il estimait que Clément a « simplement fait son devoir bli aussi, d’une façon définitive, c’est que le premier
en sauvant pour l’Église une partie des biens du Temple » (p. 170). dénonciateur du factum Templariorum, en 1305, fut un
certain Esquiu de Floyran, qui voulut vendre d’abord

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

le redoutable « secret » au roi Jayme d’Aragon, puis ses défenseurs, promit de se « croiser lui-même », mais
trouva plus lucratif de le révéler à Philippe le Bel. Malgré il se garda bien de le faire. Pour que leur confiscation
la dissimulation du roi, qui cherchait encore, après l’ex- parût moins odieuse, une part des biens du Temple fut
pulsion des Juifs, à emprunter de l’argent au Temple, en donnée aux chevaliers de Saint Jean de Jérusalem par la
1307, les chevaliers eurent vent de ce qu’on se racontait bulle du 2 mai, une autre fut réservée au Saint-Siège. Le
tout bas sur leur compte, et après l’entrevue de Poitiers gros de la succession passa, bien entendu, aux mains du
entre Philippe et Clément V (mai 1307), où l’on avait roi, dont « l’imagination rapace » (habgierige Phantasie)
sans doute beaucoup parlé d’eux, ils demandèrent, eux- refusa de verser la quote-part modeste, promise à l’Ordre
mêmes à ce qu’une enquête fût faite à ce sujet (p. 141). Le de Saint-Jean ; c’est seulement longtemps après la mort
roi répondit en faisant arrêter, le 14 septembre, tous les de Philippe qu’on leur accorda, comme « aumône », une
Templiers ; l’inquisition royale commence ; les résultats faible part de ce qui leur avait été promis. La clôture de la
en sont connus. Il fallait avouer ou se résigner à la mort, procédure eut lieu le 18 mars 1314 ; ce jour là, Jacques de
car on ne pouvait espérer (et encore !) que le choix entre Molay périssait sur le bûcher. Et « c’est ainsi — concluait,
la prison perpétuelle ou le dernier supplice aux tortures, l’auteur — que les autorités dominantes de la société du
féroces et répétées, presque tous les accusés avouèrent Moyen-âge, poussées par l’avarice et l’ambition, séduites
les blasphèmes qu’on leur reprochait pour trois quarts par une funeste erreur, ont détruit l’Ordre des Templiers
environ des baisers indécents au moment de la réception » (p. 386).
dans l’Ordre, pour un quart à peu près l’incitation à la On ne voit pas trop comment, après cette nouvelle et
sodomie. Mais à peu près tous repoussent avec horreur décisive démonstration de l’innocence des Templiers
l’accusation de ne l’avoir jamais pratiquée (p. 165). fournie par le savant professeur de Fribourg, on pourrait
M. F. était particulièrement sévère pour Jacques de Molay, jamais rouvrir cette vieille querelle et tenter de casser le
dont les aveux (du 25 octobre 1307) furent répandus verdict qu’il venait de formuler en le motivant de manière
partout ; tout dans son « attitude théâtrale », telle qu’on à convaincre les plus rebelles.
nous la raconte d’ordinaire, serait pure légende. L’auteur
l’affirmait ; on ne saurait dire qu’il le prouve.
Le pape fut effrayé tout d’abord de cette usurpation des M. Finre
fonctions réservées à l’Église ; il a évidemment incliné
d’abord à protéger le Temple et dans une lettre écrite
quinze jours après l’emprisonnement des Templiers,
il a dit sa façon de voir au roi avec une énergie tout à
fait exceptionnelle pour lui (p. 178). Mais déjà, dans la
bulle du 22 novembre, il parle un tout autre langage,
et quand la pression de Philippe s’accentue, le pauvre
homme constitue une commission pontificale composée
de créatures du monarque ; elle commence ses travaux
en 1309, et les évêques refont à peu près le travail des
tortionnaires royaux. Après des procédures non moins
indignes, cinquante-quatre Templiers sont brûlés vifs à
Paris, le 12 mai 1310.
Si nous connaissions à peu près, depuis longtemps, le
sort des chevaliers français, si grâce à M. F. nous con-
naissons aujourd’hui celui des chevaliers aragonais, qui
purent du moins se défendre dans leurs châteaux et ne
succombèrent pas sans gloire, nous ne savons toujours
pas grand chose sur la fin des Templiers d’Angleterre et
presque rien de ceux d’Allemagne, et sans doute nous
n’en saurons jamais davantage.
Le Concile de Vienne, réuni en 1311, n’eut plus qu’à rati-
fier les sentences déjà exécutées en partie, et à partager
le butin, enlevé aux victimes. Ce qui restait de l’Ordre
ne put pas s’y défendre (p. 355). Le 22 mars 1312, il
fut supprimé en Consistoire secret, et la sentence fut
promulguée le 3 avril ; le roi, pour apaiser les scrupules
du pape, qui voyait avec peine la Terre-Sainte privée de

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enquête critique sur la papauté

Doctrine secrète du Temple


par Henri Martin

À Troyes, à Bayeux, à Caen, à Pont-de-l’Arche, à Cahors, en Bigorre, à Carcassonne, à


Beauvais, beaucoup d’aveux confirmèrent ceux des templiers de Paris; les uns arrachés
par la torture, les autres obtenus sous promesse de pardon. Ces interrogatoires, surtout
l’enquête de Carcassonne, contiennent des faits très curieux et très obscurs. Un dignitaire
de l’Ordre (le précepteur d’Aquitaine) déclara qu’à sa réception, on lui avait fait jurer, sur
un certain livre, de croire en Dieu créateur, « qui n’est mort ni ne mourra », puis saluer
une idole dorée à barbe d’argent, devant laquelle on se prosternait par trois fois en
reniant par trois fois le Christ et en crachant trois fois sur la croix. Celui qui le recevait lui
avait dit que cette figure, ou l’être inconnu qu’elle représentait, « étoit un ami de Dieu,
qui parloit à Dieu quand il vouloit et qui étoit le protecteur de l’ordre ». Deux autres che-
valiers, dans des dépositions analogues, disent que cette idole était faite « en forme de
Baphomet » (in figuram Baphometi); l’un d’eux ajoute que le supérieur qui présidait à la
réception baisa cette figure, en prononçant le mot sarrasin d’ Yalla (Allah, le nom arabe
de Dieu).
Ce nom bizarre de Baphomet ou Baphumet a reçu une double interprétation. On n’y a vu,
le plus communément, qu’une altération de Mahomet, et, en effet, Baphom, Baphomerie,
sont quelque fois pris, dans les troubadours et dans les chroniqueurs, pour Mahom et
Mahomerie (culte musulman).
Suivant une autre opinion, Baphomet serait le « Dieu qui baptise selon l’esprit » ; le Dieu
des gnostiques et des manichéens. Ces deux versions signalent deux systèmes qui parais-
sent opposés sur ce qu’on a nommé « l’hérésie des templiers ». Ce qui est certain pour
nous, c’est qu’il faut d’abord écarter tout rapport, au moins direct, entre l’hétérodoxie
du Temple et la grande secte cathare ou albigeoise : le dieu ou le génie androgyne et
barbu, dont les images ont été retrouvées, ce sauveur matériel, maître des récompenses
terrestres, « de qui procède la puissance et l’opulence, qui fait produire la terre et germer
les plantes », et qui tolère chez ses adorateurs des voluptés immondes, n’est certes pas le
maître des purs esprits, le Christ céleste du manichéisme. Il ressemble bien plutôt à son
rival, au « grand Satan, père de ce monde ».
Les templiers n’ont point passé par le manichéisme albigeois. Ils commencèrent, selon
toute apparence, à s’écarter de Rome et de la voie commune par le mysticisme héroïque
et indépendant du Saint-Graal ; ils contractèrent quelques affinités avec la religion du
Saint-Esprit (leur grande fête était la Pentecôte) ; puis, quand vinrent les revers, le doute,
le relâchement, ils tombèrent des hauteurs de cet ascétisme, point romain, mais tout
chrétien, dans un vrai chaos moral et religieux. En contact perpétuel avec cette étrange
secte des Ismaéliens, qui, formée dans l’Islam, avait rompu avec l’orthodoxie de l’Islam,
ainsi qu’eux-mêmes tendaient secrètement à rompre avec le christianisme, ils subirent
l’influence des doctrines ismaéliennes, et se forgèrent sans doute un amalgame d’idées
et de rites empruntés moitié au récentes hérésies musulmanes, moitié à de vieilles héré-
sies chrétiennes qui ne s’étaient jamais éteintes complètement en Orient, amalgame où
dominait un sentiment de réaction contre la spiritualité chrétienne au profit d’une religion
de la force et de la matière. Ce sont des débris de gnosticisme, dénaturé et matérialisé,
qui ont fait croire à tort les templiers affiliés aux cathares. Ils gardaient, dans tous leurs
rites, des formules ternaires qu’ils ne comprenaient plus ; ils interdisaient aux prêtres de
leur ordre les paroles sacramentelles de la messe : « Ceci est mon corps », profanaient la
croix et respectaient l’Évangile sur lequel ils prêtaient serment ; spécialement l’Évangile
le plus spirituel, l’Évangile de saint Jean. Tout cela, en effet, semblait se rapprocher du
manichéisme, mais tout ce qui, là dedans, rappelle le culte de l’Esprit-Saint, était contra-
dictoire avec le caractère matérialiste de leur croyance dominante, de leur Sauveur ou
Baphomet. Il n’y avait pas là un grand système religieux comme dans le manichéisme,
mais une confusion, une dégénération qui explique la profondeur de leur chute morale.

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DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS

LE RENIEMENT
SYMBÔLE INCOMPRIS

M aintenant comment expli-


quer les variations du
grand-maître et sa déné-
gation finale ? Ne semble-t-il pas
que, par fidélité chevaleresque,
qui perdit le Temple. Ce ne fut pas
l’infamie des mœurs, elle n’était
pas générale ; autrement, com-
ment supposer que des templiers
auraient fait entrer dans l’Ordre
Le symbolisme occulte et suspect
du Temple n’avait rien à espérer
au moment où le symbolisme pon-
tifical, jusque-là révéré du monde
entier, était lui-même sans pou-
par orgueil militaire, il ait couvert leurs proches parents ? Ne faisons voir. La grande poésie mystique
à tout prix l’honneur de l’Ordre ? pas une telle injure à la nature de l’Unam sanctam (Celui saint),
Que la superbe du Temple se soit humaine. Ce ne fut pas l’hérésie, qui eût fait tressaillir tout le XIIème
réveillée au dernier moment ; que les doctrines gnostiques ; vraisem- siècle, ne disait plus rien aux con-
le vieux chevalier laissé sur la brè- blablement les chevaliers s’occu- temporains de Pierre Flotte et de
che comme dernier défenseur, ait paient peu de dogme. Nogaret. Le glaive spirituel était
voulu, au péril de son âme, rendre émoussé. Un âge prosaïque et
à jamais impossible le jugement La vraie cause de leur ruine, froid commençait, qui n’en sentait
de l’avenir sur cette obscure ques- celle qui mit tout le peuple plus le tranchant.
tion ? contre eux, qui ne leur laissa Ce qu’il y a de tragique ici, c’est
On peut dire aussi que les crimes pas un défenseur parmi tant que l’Église est tuée par l’Église.
reprochés à l’Ordre étaient parti- de familles nobles auxquelles Boniface est moins frappé par
culiers à telle province du Tem- ils appartenaient, ce fut cette le gantelet de Colonna que par
ple, à telle maison ; que l’Ordre monstrueuse accusation d’avoir l’adhésion des gallicans à l’ap-
en était innocent ; que Jacques renié et craché sur la croix. pel de Philippe-le-Bel. Le Temple
Molay, après avoir avoué comme est poursuivi par les dominicains,
homme, et par humilité, put nier Cette accusation est justement aboli par le pape ; les dépositions
comme grand-maître. celle qui fut avouée par le plus les plus graves contre les tem-
Mais il y a autre chose à dire. grand nombre. La simple énoncia- pliers sont celles des prêtres. Nul
Le principal chef d’accusation, le tion du fait éloignait d’eux tout le doute que le pouvoir d’absoudre,
reniement, reposait sur une équi- monde ; chacun se signait et ne qu’usurpaient les chefs de l’Ordre,
voque. Ils pouvaient avouer qu’ils voulait plus rien entendre. ne leur ait fait des ecclésiastiques
avaient renié, sans être en effet d’irréconciliables ennemis.
apostats. Ce reniement, plusieurs Ainsi l’Ordre qui avait repré- Quelle fut sur les hommes d’alors
le déclarèrent, était symbolique ; senté au plus haut degré le l’impression de ce grand suicide
c’était une imitation du reniement génie symbolique du Moyen- de l’Église ? Les inconsolables
de saint Pierre, une de ces pieuses âge, mourut d’un symbole non tristesses de Dante le disent assez.
comédies dont l’Église antique compris. Tout ce qu’on avait cru ou révéré,
entourait les actes les plus sérieux papauté, chevalerie, croisade, tout
de la religion, mais dont la tradi- Cet évènement n’est qu’un épiso- semblait finir. Le Moyen-âge est
tion commençait à se perdre au de de la guerre éternelle que sou- déjà une seconde antiquité qu’il
XIVe siècle. Que cette cérémonie tiennent l’un contre l’autre l’esprit faut avec Dante chercher chez les
ait été quelquefois accomplie avec et la lettre, la poésie et la prose. morts. Le dernier poète de l’âge
une légèreté coupable, ou même Rien n’est cruel, ingrat, comme la symbolique vit assez pour pou-
avec une dérision impie, c’était le prose, au moment où elle mécon- voir lire la prosaïque allégorie du
crime de quelques-uns, mais non naît les vieilles et vénérables for- Roman de la Rose. L’allégorie tue
la règle de l’Ordre. mes poétiques dans lesquelles elle le symbole, la prose la poésie.
Cette accusation est pourtant ce a grandi.
Michelet

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le reniement - symbôle incompris

Un des témoins dépose que, comme il se refusait à


renier Dieu et à cracher sur la croix, Raynaud de Bri-
gnolles qui le recevait, lui dit en riant : Sois tranquille,
ce n’est qu’une farce. « Non cures, quia non est nisi
quædam trufa. » L’importante déposition du précepteur
d’Aquitaine, a conservé, avec le récit d’une cérémonie
de ce genre, une tradition sur son origine :
Celui qui le recevait, l’ayant revêtu du manteau de
1’ordre lui montra sur un missel un crucifix, et lui dit
d’abjurer le Christ attaché en croix. Et lui tout effrayé
le refusa, s’écriant : « hélas ! Mon Dieu, pourquoi le
ferais-je ?je ne le ferai aucunement. — Fais-le sans
crainte, lui répondit l’autre. Je jure sur mon âme que
tu n’en éprouveras aucun dommage en ton âme et
ta conscience ; car c’est une c’est une cérémonie de
l’Ordre, introduite par un mauvais grand-maître, qui se
trouvait captif d’un soudan, et ne put obtenir sa liberté
qu’en jurant de faire ainsi abjurer le Christ à tous ceux
qui seraient reçus à l’avenir ; et cela fut toujours obser-
vé : c’est pourquoi tu peux bien le faire. » Et alors le
déposant ne le voulut faire, mais plutôt y contredit, et il
demanda où était son oncle et les autres bonnes gens
qui l’avaient conduit là., mais l’autre lui répondit : « Ils
sont partis, et il faut que tu fasses ce que je te prescris.
» Et il ne le voulut encore faire. Voyant sa résistance, le
chevalier lui dit encore : « Si tu voulais me jurer sur les
saints Évangiles de Dieu que tu diras à tous les frères
de l’Ordre que tu as fait ce que je t’ai prescrit, je t’en
ferais grâce. » Et le déposant le promit et jura. Et alors
il lui fit grâce, sauf toutefois que, couvrant de sa main
le crucifix, il le fit cracher sur sa main… adjuré de dire
d’où venait cet aveuglement étrange de renier le Christ
et de cracher sur la croix, il répondit sous serment :
« Certains de l’Ordre disent que ce fut un ordre de
ce grand-maître captif du soudan, comme on l’a dit
; d’antres, que c’est une des mauvaises introductions
et statuts de frère Procelin, autrefois grand-maître ;
d’autres, de détestables statuts et doctrines de frère
Thomas Bernard, jadis grand-maître ; d’autres, que
c’est l’imitation et en mémoire de saint Pierre, qui renia
trois fois le Christ. Dupuis, p. 314-316

LE RENIEMENT DE SAINT PIERRE

Ce reniement fait penser au mot plus sérieux qu’il ne semble : Offrez à Dieu votre Incrédulité. Les cérémo-
nies grotesques de la fête des idiots, fatuorum : « Le peuple élevait la voix. Il entrait, innombrable, tumul-
tueux, par tous les vomitoires de la cathédrale, avec sa grande voix confuse, géant enfant, comme le saint
Christophe de la légende, brut, ignorant, passionné, mais docile, implorant l’initiation, demandant à porter
le Christ sur ses épaules colossales. Il entrait, amenant dans l’église le hideux dragon du péché; il le traînait,
saoulé de victuailles, aux pieds du Sauveur, sous le coup de la prière qui doit l’immoler. Quelquefois aussi,
reconnaissant que la bestialité était en lui-même, il exposait dans des extravagances symboliques sa misère,
son infirmité. C’est ce qu’on appelait la fête des idiots, fatuorum. Cette imitation de l’orgie païenne, tolérée
par le christianisme, comme l’adieu de l’homme à la sensualité qu’il abjurait, se reproduisait aux fêtes de
l’enfance du Christ, à la Circoncision, aux Rois, aux Saints-Innocens.». Dans toute initiation, le récipiendaire
est présenté comme mauvais, afin que l’initiation ait l’honneur de sa régénération morale.

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„„„ chevalerie Mystique

CLÉ SYMBOLIQUE ENTRE DEUX CIVILISATIONS


Le Baphomet
LE BAPHOMET, IDOLE PRÊTÉE AUX TEMPLIERS, N’EST-IL PAS LA CLÉ SYMBOLIQUE ENTRE DEUX CIVILISA-
TIONS : L’ISLAM ET L’OCCIDENT ? LE TERME DE BAPTISTE NE DÉSIGNE T-IL PAS LE CHRIST EN SA QUA-
LITÉ D’« ÊTRE BAPTISÉ » AYANT REÇU LA BÉNÉDICTION DIVINE, PEUT-ÊTRE « CIEL ET TERRE » OU NOUT
ET GEB OU ENCORE ISIS ET OSIRIS DE L’ÉGYPTE ANCIENNE ? NE SOMMES NOUS PAS EN PRÉSENCE
DE LA RELIGION CHRÉTIENNE OU PLUS PRÉCISÉMENT DE SON HÉRITAGE ET DONC DE L’OCCIDENT ?
MAHOMET EN PAREIL CAS, NE REPRÉSENTE T-IL PAS L’ISLAM ? PAR AILLEURS, ÉTYMOLOGIQUEMENT, « BA
», PROVIENT DU GREC « BIO » ET QUALIFIE TOUT CE QUI EST VIVANT. « PHO » PROVIENT ÉGALEMENT
DU GREC « PHOS » ET SIGNIFIE LA LUMIÈRE. « MET » NOUS SUGGÈRE « MAT », QUI TIRE SON ORIGINE
DU LATIN MATTUS QUI VEUT DIRE HUMIDE, MAIS, MAT, C’EST SURTOUT CE QUI MANQUE D’ÉCLAT, CE
QUI EST POLI, QUI A PERDU SA BRILLANCE, SA LUMIÈRE. MAT EST L’ABSENCE DE LUMIÈRE, EN QUELQUE
SORTE, L’OPPOSÉ, LE MIROIR DE « PHOS » QUI SIGNIFIE LUMIÈRE. MAT DÉSIGNE DONC LES TÉNÈBRES.
BAPHOMET, SYMBOLISE LA VIE, QUI DOIT S’ÉLABORER, S’ÉQUILIBRER, ENTRE LA LUMIÈRE ET LES TÉNÈ-
BRES. DIEU AU PREMIER JOUR DE SA CRÉATION, N’A T-IL PAS SÉPARÉ LA LUMIÈRE DES TÉNÈBRES ? NE
FALLAIT-IL PAS ROMPRE L’UNITÉ AFIN DE PERMETTRE À LA VIE DE S’INCARNER DANS L’UNIVERS, SUR LA
TERRE ? SEULE CETTE DICHOTOMIE DES ÉNERGIES ANTAGONISTES, « LUMIÈRE ET TÉNÈBRE », EST CAPABLE
D’OFFRIR À L’HOMME LES MOYENS DE S’INCARNER. LE BAPHOMET EST DANS SA SYMBOLIQUE LA COPIE
CONFORME DE LA CROIX ANKHÉE ÉGYPTIENNE.

« Le chemin de la Lumière », parcours initiatique de tout un chacun,


qui souhaite recouvrer l’Unité originelle est en réalité, « le Chemin de la
lumière et des ténèbres ».

L’UNITÉ

L ’homme doit dans sa quête personnelle, partir à la


recherche de son Unité. Les civilisations, par la suite,
devront elles mêmes, réaliser leur propre Unité. L’Islam
et l’Occident sont deux civilisations miroir l’une de l’autre. La
Méditerranée, joue le rôle du miroir Physique pour ces deux
civilisations. Le croissant de lune n’est-il pas un symbole de
l’Islam ? En pareil cas l’Occident ne joue t- il pas le rôle du
soleil ? L’Amérique du Nord et la vieille Europe, sont égale-
ment deux civilisations miroirs… Symboliquement, ce sont
des civilisations antagonistes l’une pour l’autre, la lune et le
soleil, opposées, différentes, mais riches de leur différence dans
l’Unité accomplie. Tout comme le Griffon, est la clé qui ouvre
vers un deuxième état de conscience pour l’homme, le Bapho-
met symbolise pour les Templiers, la clé qui ouvre entre autre,
la porte de l’Unité entre la religion catholique et la religion
Le pesage des âmes, au jugement islamique, l’Islam et l’Occident.
dernier. Miniature du psautier de saint On est bien loin de l’esprit de 1099, au départ des premiè-
res Croisades, on est bien loin des motivations du Chevalier
Louis, ms du XIIIe siècle provenant du
Hugues de Paiens, « Premier Homme du Temple », quand
trésor de l’abbaye de Poissy ; n°147 T. 1 celui-ci partait en Terre Sainte pour aller libérer le tombeau
de la Bibliothèque de l’Arsenal du Christ. Il est à parier que pour ce preux chevalier, comme
pour tous ceux qui partirent en Croisade, ce furent leurs pre-
miers pas sur leur propre chemin de la lumière et des ténè-

34 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


bres. S’engager sur un chemin de pèlerinage, en toute foi ou
volonté, que ce soit vers Jérusalem, Rome ou Saint-Jacques de
Compostelle, hier ou aujourd’hui, c’est en tous les cas, faire
tout d’abord la rencontre avec soi-même, puis avec l’Unité.
Voilà ce que les Templiers ont découverts au terme de près de
deux siècles de contacts et de vie avec l’Islam. Voilà en tous
les cas, la philosophie qu’ils prônaient en secret, philosophie
qui libérait l’homme de la peur, de ses peurs et faisait de lui un
homme libre tout simplement. L’homme devenait un homme
franc, tout comme les communautés de franc-métiers que les
Templiers ont créées ou encore ces francs-maçons, compa-
gnons, tailleurs de pierre qui travaillaient pour leur compte.
Ils enseignaient cette philosophie en secret, car elle s’opposait
violemment aux préceptes de l’Église Catholique, qui prône le
concept du bien et du mal, ce qui lui, permet bien sûr, grâce
à cela, de maintenir l’homme dans la peur du pêcher et lui
interdit toute possibilité de devenir un homme libre. La croix
et l’adoration de la croix sont en soi une dérive psychologique
grave. La croix ne représente t’elle pas l’instrument de torture
sur lequel agonisa le Christ ? Ce concept ne peut qu’induire et
cultiver, pour les fidèles du Christ, de manière consciente ou
inconsciente, le désir de vengeance.

Ce serait en tous les cas justifié de LE DIABLE


dire, que le Monde est actuellement
Cette vue des faits permettrait en tous les cas de comprendre
entre les mains du diable, plus qu’il pourquoi se propagent les guerres de religion, qui s’en réfèrent
ne l’a jamais été, du fait des innom- toujours à Dieu du point de vue de chacun des protagonistes,
brables déséquilibres justement enfin chacun le sien, mais qui en réalité ne servent, que le
générés par l’homme et qui font de Diable. Et le Diable, toujours selon cette philosophie, vieille
lui, l’homme, l’unique et authentique pourtant comme le Monde, apparaît toujours, quand il y a
Diable de la Création. déséquilibre.
Il est plus facile de qualifier de diable ou de sorcier telle ou telle
Sans trop se tromper on devrait pou- personne qui dérange la normale à des fins de s’en débarrasser
ou tout simplement de la réduire au silence, en la discréditant
voir qualifier de diable, toute per-
aux yeux du peuple. Utiliser de surcroît notre crédulité et le tour
sonne qui de par son attitude ou ses
est joué. Le mauvais tour devrions nous dire, car au Moyen âge
propos nous renvoie à nos peurs et à l’Église torturait et brûlait ces mauvais diables qui osaient la
nos vérités personnelles, ce qui bien contredire et avaient le courage ou l’impudence de s’opposer

‘‘
sûr pour la plupart d’entre nous est à elle.…Le phénomène de cancérisation par exemple, est une
chose inacceptable. véritable diablerie en soi, non pas du fait de l’intervention du
diable, mais bel et bien du fait des déraillements chroniques en
Si l’on trouve des affinités à l’hérésie tout genre, physiques, organiques ou psychologiques, subis par
du Temple en Europe, ce n’est pas le malade lui-même, qu’il en soit l’acteur ou indirectement la
chez les cathares, mais chez cette victime. Il est grand temps que nous révisions notre position
sur le diable et que nous rendions à César ce qui appartient
secte des lucifériens, qui était l’an-
à César… La vérité est que les Templiers ont découvert en
tithèse des cathares, et qui adorait
Islam et tout précisément en Égypte, les véritables fondements
Satan ou Lucifer, Celui à qui on a fuit de notre réalité tout à la fois, d’être vivant et aussi celle d’être
tort, le créateur de la terre, injuste- conscient. Il ne s’agit plus d’opposer un vilain diable à un gentil
ment chassé du ciel. Cette secte a bon dieu, mais de tout penser et repenser avec présent à l’esprit
été quelque temps répandue en Alle- un seul précepte, celui de l’équilibre.
magne et chez les Slaves. Les Sta-

’’
dingues de la Basse-Allemagne, au
treizième siècle, avaient été en butte Tout est équilibre et tout doit le
peu près aux mêmes accusations
rester…
que les templiers. V. Raynald. Annal.
eccles. an. 1234. Les lucifériens se rat- L’ÉQUILIBRE
tachaient à une secte plus ancienne,
les ophites (ceux qui honorent le C’est ainsi que « ce dieu équilibre » fut symbolisé par le Bapho-
serpent). Selon la Doctrine secrète du met. Il n’y a pas de quoi en faire un plat me direz vous quand
Temple par Henri Martin. on sait que le sphinx, la croix de vie ou le Griffon jouent tous
trois un même rôle, à savoir équilibrer deux grands types
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m DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 35
„„„ chevalerie Mystique

de nous. Encore un peu de courage et nous voilà à affirmer


que le but à atteindre pour tout être vivant sur notre Terre et
surtout actuellement, est de trouver l’équilibre entre ces deux
entités qui nous habitent. N’avez-vous jamais entendu dire
à tel homme : « Laisse naître la femme qui est en toi », ou à
telle femme « laisse naître l’homme qui est en toi » ? La finalité
de cette grande manœuvre psycho affective, est bien sûr de
réaliser l’Unité, mais cela est une autre histoire dont je vous
entretiendrais une autre fois…
La conclusion s’impose d’elle-même : nous
devons trouver des équilibres entre les énergies
qui séparent les cieux de la terre, des équilibres
entre les énergies qui séparent les peuples entre
eux, des équilibres entre les énergies qui séparent
l’homme de la femme.
Quand à imaginer que Temple peut s’apparenter comme le
sous-entend Henri Martin dans son précédent article, à la secte
des lucifériens du fait de leur adoration au Baphomet, c’est
vraiment tout ignorer de la science symbolique. Je ne crois pas
à ma connaissance, que les lucifériens prêchent le concept de
l’équilibre, précepte qui par contre fut celui dont les templiers
se sont inspirés au travers du symbole du Baphomet. Mais alors
pourquoi ne pas avoir été plus transparent dans cette démar-
che vers l’équilibre et s’affubler d’un Baphomet « à l’allure peu
catholique »? La réponse me paraît simple à formuler : L’Église
chrétienne n’était pas, en tous les cas à cette époque dans une
mouvance d’équilibrage des forces quelles qu’elles soient.
J’apparente au contraire l’Église du Moyen-âge, à une forme
d’aristocratie, véritable secte, de par son fonctionnement, au
service de ses intérêts personnels et ceux du pouvoir politique.
Il était donc préférable pour le Temple de ne pas révéler ouver-

‘‘
tement au peuple ses découvertes en Égypte. Ces dernières, ne
Le Prince des ténèbres, d’après une pouvaient que consommer définitivement le divorce entre le
Temple et l’Église que les templiers servaient.
miniature du Saint-Graal, ms. du XVe
siècle. Biblioth. nat. de Paris. DE L’ORIENT À L’OCCIDENT
Les templiers étaient conscients d’avoir représenté la chré-
tienté en Islam pendant près de deux siècles. Ils furent les
d’énergies entre elles. Pour le Sphinx et le Griffon, il s’agit ambassadeurs de cette chrétienté et donc de l’Occident. Ils ont
d’unifier les énergies d’en haut avec celles d’en bas, « peuple œuvré au rapprochement de l’Islam et de l’Occident. Com-
énergétique cosmique » et « peuple énergétique tellurique », ment pouvaient-t-ils renier officiellement leur religion, même
pour le Baphomet, il s’agit d’unifier des énergies qui bougent en sachant que celle-ci était largement usurpée sinon déviée de
sur un plan horizontal, peuple d’Islam et peuple d’Occident. son sens premier par les prêtres et tous ceux qui la servaient,

’’
Quand à la croix ankhée, elle recèle en elle, toute la science sans risquer de discréditer l’ensemble de la chrétienté et donc

Tout devait donc demeurer caché et n’être révélé


qu’aux seuls « initiés »
de la vie. de l’Occident ? Voici, pour ma part la raison qui a fait garder
Un peu de symbolique nous permet de mieux interpréter le le silence aux templiers sur la réalité du Baphomet, même au
rôle de ce mystérieux Baphomet. Il est souvent encadré par plus fort de leurs supplices.
la lune et le soleil. Ces deux astres symbolisent des concepts
opposés, comme le principe mâle et le principe femelle. Ce LE ROI ET LE PAPE
curieux personnage, est également représenté avec des seins
de femme, sur un buste plutôt « macho ». Sans trop prendre Alors le Baphomet, ce ne serait que cela, une simple philo-
de risque interprétatif, on peut en conclure, que le principe sophie de vie, somme toute un enseignement sur l’art et la
féminin et le principe mâle sont tous deux ancrés en chacun manière de bâtir sur notre planète Terre ce fameux paradis,

36 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


Le Baphomet - Clé symbolique entre deux civilisations

Ce chapiteau de la Commanderie de Ruou,


symbolise les trois faces de la Déesse égyptienne
Hathor. Son visage a été volontairement trans-
formé et caché au regard de l’Eglise, pour que
l’on ne puisse pas le rattacher aux sources de
l’Egypte ancienne. A l’origine, sur les chapiteaux
des Temples égyptiens, sont représentés quatre
visages de la Déesse Hathor, scrutant les quatre
points cardinaux. La Déesse Hathor incarne en
réalité l’ensemble des énergies stellaires. C’est
la reine du château cosmique ou « Hat ». Elle
devient Hathor (Hat-hor) quand cette dernière
est fécondée par Horus, fils d’Osiris et d’Isis. Isis
est regardée comme déesse de la lune et Osiris
« gardien des portes de l’enfer ». Il faut entendre
en réalité qu’Isis représente les énergies élec-
tromagnétiques lunaires et Osiris les énergies
électromagnétiques terrestres. C’est ainsi qu’Ha-
thor est un pur produit énergétique, provenant
de la combinaison des énergies cosmiques et
terrestres. Les templiers étaient des initiés, en ce
sens qu’ils avaient eu accès, au cours de leur
long séjour en Islam (presque deux siècles), à la tant décrié et jamais rencontré, paradis qui serait entièrement
science de Thôt. Ils savaient que tout était éner- construit sur l’équilibre ? Rien que cela ? Il est à croire que
gie. Comme nous le suggèrent les quatre visa- oui, si ce n’est dans son concept somme toute banal, qu’il a
ges d’Hathor, nul ne peut échapper à l’influence servi de prétexte à exterminer 15 000 chevaliers français entre
de son regard « énergisant ». 1307 et 1314... Imaginez de nos jours, que pour des intérêts
purement politique et religieux, une poignée d’hommes décide
de faire passer 15000 gendarmes par les armes ? C’est exacte-
ment ce que deux compères ont choisi de faire en 1306/1307,
deux hommes qui ne comptaient pas en vies humaines des
Comme le déclare Michelet dans l’article précé-
dent : « Ainsi l’Ordre qui avait représenté au plus
haut degré le génie symbolique du Moyen-âge,
mourut d’un symbole non compris ».

autres, déjà à l’époque. Il s’agit bien sûr de Philippe le Bel, roi


de France et de l’évêque Bertrand de Gott. Le marché était
simple : « je vous fais élire Pape, vous m’aidez à faire condam-
ner le Temple pour hérésie ». La suite nous la connaissons,
Bertrand de Gott, est devenu le Pape Clément V et le Temple
fut éradiqué…

AUX SOURCES DE L’ÉGYPTE


Il est à penser qu’une telle philosophie, ne pouvait et ne peut
que déranger les esclavagistes en tout genre qui ne verraient pas
d’un bon œil, que le pouvoir leur soit ôté. Mieux vaut mainte-
nir les hommes dans la peur et l’ignorance…En tous les cas,
il eut été plus judicieux pour l’Église de présenter le Christ en
rédemption, bras tendus et mains tournés vers le soleil, éner-
gie primordiale qui, mariée à d’autres, est la seule capable de
régénérer l’homme, de le faire mourir psychiquement à la vie,
puis renaître à lui-même. Voilà en tous les cas de mon point de
vu, ce que le Christ devait espérer, pour peu qu’il l’ai souhaité,
de ceux qui prétendaient bâtir son Église. En tous les cas, les

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„„„ chevalerie Mystique

Templiers ne pouvaient pas survivre à de telles idées. L’Église cDéesse Hathor


se devait d’interdire ce courant de pensée puisé aux sources de
l’Égypte, au Temple de la déesse Isis à Philae. Le risque pour
l’Église était de perdre son hégémonie sur l’ensemble de la
chrétienté, au profit de ce qui pourrait bien devenir demain,
plus qu’une nouvelle religion, mais un véritable mode de vie,
déjà prôné hiéroglyphiquement par la religion égyptienne.
Il aura donc fallu brûler « les sorciers », les Templiers eux-
mêmes, en les salissant à l’extrême, en les accusant de tous les
dPsychostasis
maux de la société, des plus grotesques aux plus calomnieux. ou le jugement dernier
L’orgueil, outil de tous les temps, générateur du déséquilibre dans l’Égypte ancienne
planétaire en tout genre, allait accomplir sa mission de des-
truction de l’Ordre du Temple, vraisemblablement à partir de
1302 jusqu’en 1314, entre les mains principalement de Philippe
Le Bel et de celles de son compère Guillaume de Nogaret, à
moindre responsabilité dans celles du Pape Clément V.
Rapprocher l’Islam de L’Occident, découvrir dans la différence
de ces deux civilisations toute la richesse qui émanerait de cette
unification, voilà ce que fût dès la fin du XIIIème siècle, le sou-
hait des Templiers, voila ce qu’est encore de nos jours, le pari
de nombreux hommes de bonne volonté qui doivent encore
lutter contre ce véritable grand fléau qui se nomme Orgueil et
qui ne travaille lui, que pour diviser les hommes.

François Chabaud

38 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


Le Baphomet - Clé symbolique entre deux civilisations

DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 39


„„„ chronique

aux sources de
T
l’égypte
P LE EMPLE DE HILAE

NOUS SOMMES AU TOUT DÉBUT DU XIIIÈME SIÈCLE, QUAND LES TEMPLIERS ARRIVENT EN
ÉGYPTE, AUX CATARACTES DU NIL. ILS FONT DU TOURISME, ILS ONT ENTENDU PARLER DE CES
GIGANTESQUES CONSTRUCTIONS DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.

40 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


aux sources de l’égypte - le temple de philae

Ils veulent voir de leurs pro- Philae, non pas pour vérifier de
pres yeux, ces monuments qui semblables propos mais tout sim- Nous pénétrons ici sur le terri-
sont édifiés tout le long du Nil, plement pour faire moi aussi la toire de la déesse Isis.
depuis l’île de Philae, actuel rencontre avec cette mystérieuse
barrage d’Assouan, jusqu’au
delta du Nil ou surgit du désert
la grande pyramide de Kheops.
Terre d’Égypte. À vrai dire je ne
pensais pas retrouver les Tem-
pliers au barrage d’Assouan, mais
je sais depuis que la Déesse Maât,
L e Temple n’est plus à son
emplacement originel,
là où il fut édifié pour la
toute première fois. La construc-

E t puis ils veulent surtout


vérifier par eux-mêmes
si ce que l’on raconte est
vrai. Des bruits courent depuis
quelques temps déjà dans les
sait nous conduire sur les chemins
du hasard, précisément là où le
destin nous attend… Descendus
du bateau qui nous a transporté
de Karnak, vers les anciennes
tion du grand barrage d’Assouan
a nécessité le déplacement de
l’ensemble des temples de Philae
afin de les sauver « de la noyade ».
Ils ont été reconstruits sur l’île
dédalles du Temple de Jérusa- cataractes situées plus au nord de d’Agilkia. La magie, les ondes
lem. Ce ne sont peut-être que de l’Égypte, nous voici à présent sur ont changé, ce n’est plus le même
simples rumeurs, peut-être que une grosse barque que je partage contexte magnétique que lorsque
tout ce que l’on raconte n’est sans avec une vingtaine de touristes. le temple se trouvait au milieu des
doute dit que pour semer le doute Elle nous conduit d’Assouan sur cataractes, mais tout de même,
dans leur esprit : « Rendez vous au l’île de Philae. On n’échappe pas il est entouré par ce grand lac
temple de Philae et vous appren- à cette magie qui se dégage des formé par la retenue d’eau du
drez que l’Église nous ment »…ou grands monuments égyptiens. Le barrage. Désormais le Nil ne se
encore : « Vous croyez servir temple de Philae, pourrait être un transforme plus en dieu Happy,
Dieu, en réalité, c’est le Diable temple parmi tant d’autres, mais lorsque le décident les étoiles, au
que vous servez ! »… ce n’est pas le cas. Le temple de 14 juillet, avec l’arrivée de la cons-

C ’est probablement ainsi


que les évènements se
sont déroulés. En tous
les cas, je me suis moi-même
rendu en Égypte au Temple de
Philae possède sa propre person-
nalité, une histoire bien à elle, une
magie qui lui est bien spécifique.
C’est du reste le cas des autres
temples de la vallée du Nil.
tellation du chien, l’étoile Sirius,
non, maintenant ce ne sont plus
les dieux, mais les hommes qui
engrossent le Nil, plusieurs fois
par an, en ouvrant les vannes du

DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 41


„„„ chronique

barrage. Le résultat est que ce énergétique dont le seul but est en fonction de moments précis
Nil est désormais sans vie, sans de créer, de générer et régéné- tout au long de l’année. Ces per-
âme, car dépouillé à la fois de sa rer. sonnalités, nous l’avons compris
substance énergétique stellaire et sont soumises aux énergies pré-
de ses riches substances alluviales
provenant des hauts plateaux de
l’Afrique et charriés par le Nil du
Lac Victoria jusqu’aux cataractes.
Les substances énergétiques ont
V oilà ce que les templiers cédemment décrites. Ce qui fait
vont découvrir à Philae d’Isis, la Déesse de la fécondité
et par la suite au travers par excellence, la mère de toutes
de l’enseignement des hiérogly- les autres déesses. Les Chrétiens
phes. Pour marquer leur passage lui ont donné le nom de Vierge
été détournées par l’homme, les au Temple de Philae, ceux-ci ont Marie. Et Isis parturiente, revêt
énergies stellaires de la constel- gravé leurs signatures sur les pier- alors le nom de Happy. C’est le
lation du chien, ne se mélangent res de la façade, à même les hié- moment du cycle annuel où elle va
plus aux alluvions qui restent roglyphes, de chaque coté d’une donner la vie. C’est aussi le grand
bloqués tout au fond du fleuve, porte d’accès au Temple. Dès moment où elle fait la rencontre
en amont du barrage. Il semble que j’eus pénétré dans le Temple, avec son époux Osiris, qui est en
que désormais les dieux coulent ce que durent également faire les réalité, la constellation d’Orion,
une retraite anticipée. Les hom- Templiers, je cherchais la sculp- annoncé par Sirius l’Aboyeur.
mes eux-mêmes doivent payer le ture représentant la déesse Isis, Osiris apparaît également dans le
poids de leurs erreurs. Plus rien ne comme nous l’avait promis notre cycle lunaire mensuel à chaque
pousse sans l’intervention du Dieu guide. Mais quelle ne fut pas ma pleine lune… Bref, voilà notre
Engrais… surprise de découvrir que tous Saint Esprit qui va ordonner la
les bas reliefs qui représentaient naissance d’Horus, la naissance

O n parle de fertilité bien


entendu, car il s’agit
bien de cela, mais non
pas d’une fertilité qui ne s’intéres-
serait qu’aux poissons, aux plantes
la Déesse Isis avaient été sacca- du Christ. Ce saint Esprit, dans
gés, au niveau de son visage. Isis l’Égypte ancienne porte le nom
était défigurée. Notre guide nous d’énergies Horiennes. Toute cette
explique qu’en fait les chrétiens, réalité n’enlève en rien une autre
au IIème siècle, ont occupé le réalité, celle de la réalité même du
ou aux légumes, mais qui concerne Temple d’Isis, y vivaient et ont Christ, par contre elle condamne
l’homme dans sa propre évolution profané le lieu, peintures et sculp- l’Église, pour avoir détourné le
physique mais aussi évolution en tures. Pourquoi ne s’en être pris sens originel de ce grand ensei-
conscience. Et c’est là qu’in- qu’au seul visage d’Isis ? Peut- gnement qu’est celui de l’École
tervient l’Égypte avec tout son être ne voulait-on pas que l’on de Thot.
enseignement, son mode d’emploi puisse établir le rapprochement
en quelque sorte, sur l’art et la
manière de vivre, tous ensemble
dans l’harmonie. Le Nil devient
donc le Dieu Happy durant une
entre la Déesse Isis qui allaite sur
ses genoux, son enfant Horus et
la Vierge Marie allaitant l’enfant
J ’ai en quelque sorte suivi les
traces des Templiers en me
rendant à Philae et en péné-
Dieu, le Christ ? C’est au Musée trant, tout comme ils l’ont fait
dizaine de jours, au plus fort de la de Karnak que la preuve est faite : dans le Temple d’Isis. Avant mon
libération, des énergies de l’étoile Une vierge noire allaitant son fils, départ en Égypte, rien ne m’avait
Sirius. Mais ce ne sont pas que est en réalité Isis et le Dieu Horus. préparé à cette rencontre. Pourtant
les énergies de Sirius qui sont en Un cartel nous indique en langue sur le bateau qui nous transportait
cause, sont également sollicitées anglaise, que la religion chrétien- de Karnak à Philae, j’ai confié à
celles de la vache Hathor, qui est ne, s’est inspirée des divinités de mon ami, que tout au fond de
elle-même la résultante des éner- l’Égypte ancienne… moi, j’avais la certitude que nous
gies solaires, lunaires et terrestres retournions à la source…
et cosmiques.

Nous sommes en fait en pré-


sence d’une fabuleuse cuisine
L a Déesse Isis est une Dées-
se générique dans le fait
qu’elle se décline en plu-
sieurs personnalités qu’elle revêt N otre Dieu Happy, avec
ses seins volumineux,
son ventre lourd, nous

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aux sources de l’égypte - le temple de philae
Hapy, dieu égyptien de l’inonda-
tion, le Nil fécondé par Orion.

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„„„ chronique

fait étrangement penser au bapho- plus ni moins que du grand cycle du Monde, il s’agit assurément
met et il s’agit bien, en symbolique de la vie qui prend en compte comme nous le promet le phoe-
en tous les cas du baphomet deve- dans cette représentation allégori- nix, de la fin d’un Monde et de la
nu également Dieu de la fécondi- que du Moyen âge, l’enseignement naissance d’un nouveau Monde.
té. C’est la Déesse Isis, sous une de l’Ecole Égyptienne. Notre civi- Toutes ces années de lutte pour
personnalité énergétique déclinée. lisation ne considère que l’aspect vouloir sauver à tout prix le pou-
C’est encore l’Opus Magnum, matériel de notre monde, ce qui voir, au service d’une minorité,
des alchimistes, c’est-à-dire le feu nous fait avancer avec un seul n’aura servi à rien et ne servira
sacré qui contient la vie. Les alchi- œil ouvert, l’autre étant masqué plus à rien. « À la fin des temps,
mistes donne le nom de Mercure par un bandeau recouvert d’encre tout doit être dévoilé ». Armons
à ce feu sacré du ciel. de chine. Tout l’aspect spirituel, nous de patience, peut-être que
mais il faut désormais dire cosmo les chevaliers du Temple, « toutes
La Vierge Marie, a bénéficié énergétique a été volontairement ces sorcières et tous ces sorciers »
elle aussi de ce feu sacré, ce ou involontairement occulté. Le n’auront pas été sacrifiés en vain.
qui lui permet à son tour de résultat est que notre civilisation Peut être que demain, d’autres
concevoir le Lapis Monde, ou connaît ses derniers balbutie- chevaliers des temps modernes
fils de Dieu. ments. Le manque d’harmonie en conduiront l’humanité, non plus
toute chose, le défaut d’équilibre sur les chemins des croisades,

L a gravure représente l’Opus


Magnum de Jérôme Reus-
sner (Pandora, Bâle, 1582).
Toutes les énergies y sont repré-
sentées : L’arbre avec l’oiseau qui
en tout, ne peuvent conduire
qu’au chaos. C’est ce que nous
vivons en ce moment. L’Égypte
ancienne prônait l’harmonie et
l’équilibre, un concept qui lui a
mais sur les chemins de l’équilibre,
de l’harmonie et de l’amour. Le
Baphomet peut désormais, sortir
de l’ombre et avec lui, le Sphinx,
le Griffon, Happy, Isis et la Vierge
est le phoenix, c’est le sycomore, échappé…L’Église n’a pas su ou Marie. Tous ces personnages, sont
arbre égyptien qui contient la pas souhaité transmettre le relais, la promesse, que nous pouvons
déesse Hathor, donc les énergies pire elle a condamné au Moyen tous individuellement devenir des
cosmo telluriques ; le soleil et la âge, tous ceux qui ont voulu le Christ vivants, des Horus vivants,
lune, donc les énergies Horiennes, faire sous l’accusation d’hérésie. des enfants de Dieu.
Isiennes et Osiriennes ; La femme
couronnée symbolise la résultante Cette obstination de l’Église à Dans Philae on retrouve la raci-
de toutes les énergies mises en vouloir transformer en Diable ne de fils, à coup sûr, il s’agit
présence, c’est notre très pré- tout l’enseignement de l’Égyp- bien du lieu de la naissance du
cieuse Vierge ; L’oiseau phoenix, te ancienne qui est le seul fils cosmo tellurique qui, nous
c’est l’autre aspect du miroir, la à pouvoir réellement libérer l’avions tous compris, est un
possibilité de mourir et de renaître l’homme de son carcan maté- fils en conscience.
(en conscience). Les oiseaux qui riel, est de ce fait, responsable
François Chabaud
rejoignent la terre sont les âmes et tant mieux, de la naissance
qui s’incarnent, elles sont gérées de la symbolique au travers de
par Horus fils d’Osiris et d’Isis, l’alchimie et du compagnon-
ceux qui volent vers le ciel sont les nage.
âmes en désincarnation qui sont
gérées par Anubis, fils d’Osiris et
de Nephtys. Le feu sacré s’échappe
de chacune des mains de la Vierge,
ce sont les énergies horiennes. Ces
dernières vont travailler au grand
C ’est en effet grâce aux
alchimistes et aux compa-
gnons que ce merveilleux
savoir a été sauvé durant tous ces
siècles de persécution par l’Église,
œuvre de la vie, par une cuisson je dirais comme par miracle. En
lente au sein des athanors repré- tous les cas, si notre civilisa-
sentés sous ses pieds. Il s’agit ni tion connaît actuellement la fin

44 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


aux sources de l’égypte - le temple de philae

La gravure représente l’Opus


Magnum de Jérôme Reussner
(Pandora, Bâle, 1582).

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„„„ portail du chevalier

COMPAGNIE

Oyez ! Oyez ! Nobles seigneurs,


gentes dames, bourgeois et
vilains ! En ce jour d’huis, au
chant du coq, la Hure arrive !
Elle vous invite au XIVe siècle,
au sein de leur compagnie de
mercenaires, sans pitié mais
bon vivants, venus des quatre
coins d’un royaume de France
ravagé par la guerre et les épi-
démies. Préparez vous à vivre
avec eux, le destin des « gran-
des compagnies » de si triste
mémoire... !

46 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


la hure
DE MERCENAIRES ROUTIERS
DU XIVÈME SIÈCLE

DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 47


„„„ portail du chevalier

LA COMPAIGNE DE LA HURE
La compaigne de la Hure, au travers de la re-
constitution d’une route de la deuxième moitié
du XIVe siècle, propose de découvrir la vie de ces
hommes de guerre violents et sans scrupules qui
ont participé à faire sombrer l’esprit courtois du
XIIIe siècle.
En les regardant vivre dans leur campement on
peut se rendre compte que ces guerriers pro-
fessionnels, courageux, fidèles à leur capitaine
et sans pitié face à l’ennemi, étaient aussi sim-
plement des hommes, appréciant la musique, le
chant, la danse et la bonne chair.
Ils savaient s’entourer du savoir faire des
meilleurs artisans et étaient tous capables du pire
comme du meilleur...
Les membres de la Hure mettent en œuvre tous
leurs efforts de recherche historique dans la con-
fection des costumes et dans le choix des armes
utilisées afin de fournir une reconstitution fidèle à
la réalité.
Ils font en sorte qu’aucun anachronisme ne puisse
être relevé sur leur campement.
Lors des dialogues et discussions, des mots et ex-
pressions en Français, Béarnais et Breton du XIVe
sont utilisés en un sabir tel qu’il devait exister au
sein d’une troupe dont les hommes venaient de
différentes contrées.

DU GUESCLIN
COORDONNÉES
COMPAGNIE DE LA HURE
LOS FAYDITS COMPOSITION
LA VINOUZE ENVIRON 30 ARTISTES RECONSTITUTEURS ET ARTISANS :
82230 VERLHAC - LE CHEVALIER CAPITAINE ET SON DESTRIER CAPARA-
TEL. 06 17 41 20 81 ÇONNÉ
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48 - TEMPLARIUM © DAEG PRESSE


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DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 49


LE GUIDE DE
TEMPLARIUM

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Templarium n°11, l’auteur du texte
dans l’encadré de la page 26 est
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Pascal Cazottes inspiré de Jean-
Gabriel Jonin, « CORDES-SUR-CIEL
ou l’échine du Dragon », Tome I: « GUINHUT COSTUMIER vend Tenues
La Cité Cathare » (ed. MORDAGNE de Templier, 180€, comprenant camail
– 1991), et non pas Jean-Gabriel riveté, chemise et surcot.
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TEMPLARIUM Ź La Maison du Temple de Paris
de Henri de Curzon
Ź Règle et statuts secrets des
Templiers L’établissement religieux et seigneurial de la maison
du Temple à Paris dont l’histoire est relatée dans ce
de Maillard de Chambure
volume, n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir. L’am-
Cet ouvrage paru en 1840 bition de l’auteur a été de faire revivre, par une étude
se base sur deux documents approfondie de ces documents et à l’aide des rensei-
inédits relatifs à la règle des gnements précieux qu’il a eu le bonheur d’y découvrir,
frères initiés. Ces deux docu- tout ce que l’histoire de la maison peut présenter d’in-
ments ont fait l’objet d’une téressant, et surtout de restituer et de décrire les principaux édifices qui la
authentification et sont datés composaient. ed. M.C.O.R. CHRISTIENNE - prix 48 €
du XII et XIIIe siècle. Rare
réimpression De plus ces Ź En chemin avec Jeanne d’Arc
documents n’ont jamais été de Laurent Bonnet et Louis-Marie Blanchard
L’auteur a consacré ses recherches à explorer l’histoire
mis entre les mains ni du Roi
de Jeanne d’Arc, accompagné de son photographe sur
Philippe le Bel, ni du pape, ni tous les lieux où Jeanne d’Arc est allée et a combattu,
de l’inquisition. Il s’agit de s’attachant à restituer les paysages et les monuments
documents qui ont échappés à sept siècles d’histoire. tels qu’elle a pu les voir. ed. OUEST-FRANCE, prix 15 €
Format 15x22 cm broché, impression cahier et dos cousus
579 pages ; 3 illustrations in texte (blason néo templier,
caractères Templier, fac-similé des manuscrits originaux .

Cet ouvrage est en vente au prix de 60 € chez


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46103 FIGEAC Cedex hiers de la Bande Dessinée) ; LES PASSANTS DU CLAIR DE LUNE (Tome 2 :
Tel / Fax 05 65 50 27 08 Le Chant du Bouc) ; LE LINCEUL (Tome 1 : Les Ombres de la relique ;
Tome 2 : Le Cercle du Sydoine) éditions GLENAT - http://www.glenat.com/
LE GUIDE DE
TEMPLARIUM
&203/K7(=9275(&2//(&7,21$9(&/(6

Anciens Numéros
Templarium n°5
Templarium n°4 ŶLes Templiers dans le Quercy Ŷ Templarium n°6
Ŷ Rapide coup d’oeil sur Trois faits historiques troublants Régime socio-économi-
l’histoire du Temple Ŷ Les Ŷ Sur les traces des Templiers à que des Templiers Ŷ Les
Templiers à Richerenches Ŷ Figeac Ŷ Architecture de l’Hôtel Templiers à Montricoux
Les Templiers en Slovaquie Ŷ Médiéval Ŷ Guide pratique de la Ŷ Chevauchée arago-
Guigues, prieur de la Grande visite de l’Hôtel Médiéval de la naise ŶL’Ordre de Cala-
Chartreuse ŶCes mystérieux commanderie des Templiers Ŷ trava ŶSaint François et
Antonins Ŷ l’Ordre des Les Templiers de la Pierre - Fils les ordres mendiants Ŷ
chevaliers Croisés à l’Étoile aînés de l’Égypte ŶTour du Grif- le Baphomet, miroir de
Rouge Ŷ Les Bénédictins Ŷ fon et symbolique Ŷl’avènement toutes les sagesses Ŷ La
Le secret des prophéties dites spirituel des pèlerinages vers Compagnie du Seigneur
de Nostradamus Saint-Jacques-de-Compostelle de Guerre au Baux de
Ŷl’Église au Moyen-Âge. Provence

Templarium n°7 Templarium n°8 Templarium n°9


Ŷ Présence des Templiers en Ŷ L’Ordre du Temple dans Ŷ Mémoire de L’Ordre du
Lorraine Ŷ Les monuments l’Aisne Ŷ Les Templiers Temple ŶLe Templie Notre-
Templiers en Lorraine Ŷ Les à Laon Ŷ Les prodigieu- Dame à Douai Ŷ Les sceaux
Templiers à Chypre Ŷ L’Or- ses années Ŷ Godefroi de des Templiers et le Temple de
dre du Navire dit d’Outre- Bouillon et l’Ordre Hospi- Jérusalem ŶL’Ordre de Saint-
Mer et du Double-Croissant talier et Militaire du Saint- Samson de Constantinople dit
ŶL’Ordre des Croisiers ou de Sépulcre Ŷ Saint Norbert de Corinthe Ŷ l’Ordre des
la Sainte-Croix Ŷ Le Temple de Xanten et de l’Ordre des Trinitaires au Moyen-âge Ŷ
en majesté Ŷ Le Seigneur de Prémontrés Ŷ L’architecture Chronique du mort acceptée
Guerre et les Blancs Man- mystique des Templiers Ŷ Ŷ Jean-Luc Soubeyras et la
teaux Premier Festival Médiéval. forge médiévale.

Templarium HS n°1
Templarium n°10 Templarium n°11 Ŷ Il était une fois...
Ŷ Les débuts de l’Ordre du Ŷ La commanderie de Vaour Ŷ Les Templiers
Temple en France Ŷ Hugues Ŷ Le retour des Templiers Ŷ dans le Loir-&-Cher
de Payns fondateur et premier L’Ordre du Temple et la fin Ŷ La commanderie
maître de l’Ordre du Temple Ŷ des Croisades Ŷ Les ordres d’Arville Ŷ Visite
Jean Michaëlensis et la règle de chevalerie, une Institution guidée des bâtiments
du Temple Ŷ La Champagne ŶLes Templiers : des moines- Ŷ Portfolio. À l’om-
et les Templiers - Des origines banquiers Ŷ Cordes-sur-Ciel, bre des lumières Ŷ
au procès Ŷ L’Abraxas tem- une cité entre l’Orient et Muséologie. Centre
plier - Symbole gnostique Ŷ l’Occident Ŷ Les mystères de d’Histoire des Ordres
Entretien avec un arbalétrier Vaour : « Lieu sacré » voué au de Chevalerie...
: Serge Adrover culte de l’eau

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