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TEMPLARIUM
L’Ordre du Temple,
au commencement du XIVe siècle
Le Baphomet
Belgique 7 € - Luxembourg 7€ - Suisse : 12 FS - Italie 7€ - Andorre 6,10€
La Compagnie de la Hure
TEMPLARIUM N°12
SOMMAIRE
p. 6 X L’ORDRE DU TEMPLE
AU COMMENCEMENT DU XIVE SIÈCLE
p. 10 X LES PRÉLIMINAIRES
DU PROCÈS DES TEMPLIERS
p. 22 X LE CONCILE DE VIENNE
ET L’ORDRE DU TEMPLE
p. 26 X ÉPILOGUE DE L ‘AFFAIRE
DES TEMPLIERS
p. 28 X ENQUÊTE CRITIQUE
SUR LA PAPAUTÉ
DE LA CHUTE DES TEMPLIERS
p. 32 X LE RENIEMENT
SYMBÔLE INCOMPRIS
p. 34 X LE BAPHOMET
CLÉ SYMBOLIQUE ENTRE DEUX
CIVILISATIONS
p. 40 X AUX SOURCES DE
L’ÉGYPTE
LE TEMPLE DE PHILAE
TEMPLARIUM N°12
N°12 - AOÛT / SEPTEMBRE 2004
Cordialement
Diffusion : MLP
Export : Export Press François Chabaud
CPPAP : 0608 K 83219
ISSN : 1633-2105
Rédacteur en chef
Dépôt légal à parution
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‘Affaire
des
Templiers
L’ORDRE DU TXIV
EMPLE
AU COMMENCEMENT DU E SIÈCLE
L’Ordre du Temple fut fondé après la première croisade. Le premier maître, Hugues de Payns,
voulut faire de ses « pauvres chevaliers du Christ » la gendarmerie de la Palestine. Il les établit dans
le voisinage du Temple de Jérusalem, d’où le nom de templiers. Au concile de Troyes, en 1128,
ils reçurent une règle brève et dure, dictée, dit-on, par saint Bernard ; tous les détails de la vie des
moines-soldats y sont prévus qu’ils aient des armes solides, mais simples ; ni or ni argent aux étriers
et aux éperons; qu’ils aient, par-dessus le haubert de mailles, un manteau d’uniforme, blanc pour
les chevaliers, noir ou roussâtre pour les sergents et les écuyers: Eugène III ajouta plus tard la croix
rouge au manteau blanc. Qu’ils mangent bien : ils ont besoin d’être vigoureux; les « abstinences
immodérées» sont interdites. L’ordre pourvoira ses membres de toutes choses nécessaires, mais
qu’ils n’aient rien à eux.
En résumé, la vie des premiers templiers était confortable, active, disciplinée, très peu mystique ;
c’était la vie d’hommes brutaux, pieux et simples d’esprit.
Le développement de l’institut des templiers fut rapide. Il acquit de vastes domaines en Asie et en
Europe ; des « Temples » innombrables s’élevèrent. Une hiérarchie s’organisa les chevaliers eurent
à leur service toute une clientèle de personnes affiliées à l’Ordre, sergents et chapelains, soldats et
prêtres; l’Ordre eut ses troupes et son clergé à lui, ses assemblées délibérantes ou chapitres. Enfin
le Saint-Siège épuisa sur les templiers, comme plus tard sur les mendiants, toutes ses faveurs spi-
rituelles : la bulle Omne datum optimum du 15 juin 1163 créa aux templiers une place privilégiée
dans l’Église.
À
OPÉRATIONS FINANCIÈRES DES TEMPLIERS
partir du milieu du XIIe siècle, l’Ordre eut,
Chevalier de la Compagnie des Blancs Manteaux
d’un siècle, de Philippe Auguste à Philippe le Bel, le tré- leur autorité dans l’élargissement indéfini des richesses et
sor du Temple de Paris fut le centre de l’administration de la clientèle de l’Ordre, dans sa « puissance exorbitante,
des finances de la royauté française. en dehors des nations, qui arrêtait le premier besoin du
temps, la formation de l’État », comme si les templiers
U
avaient été alors en mesure de fonder, aux dépens des
SITUATION DE L’ORDRE Â LA FIN DU XIIIE SIÈCLE royaumes d’Occident, des républiques cléricales, analo-
gues à celles des chevaliers teutoniques en Allemagne
n ordre de soldats grossiers n’avait pu se ou des jésuites au Paraguay. Mais c’est là une hypothèse
transformer en une république magnifique, gratuite. Le corps entier de l’Ordre, répandu de l’Irlande
riche en terres, riche en privilèges, enrichie à la Syrie, ne comprenait pas plus de quinze mille cheva-
encore par le commerce des métaux précieux et par le liers ou sergents, dont un tiers en France ; il n’eut jamais,
crédit, créancière des papes et des rois, sans se corrom- nulle part, la moindre velléité d’action politique. Il n’était
pre et sans exciter la malveillance. À la fin du siècle de dangereux pour personne; mais son orgueil et sa fortune
Saint-Louis, l’ordre — comme, d’ailleurs, la plupart des avaient suffi à le rendre odieux à tout le monde à ceux qui
autres ordres — avaient des ennemis et des vices. l’enviaient d’en bas ; aux princes qu’il obligeait ; au clergé
Le principal grief que l’on avait contre les chevaliers du des églises locales, naturellement hostile aux confréries
Temple, c’était leur avidité. « Chacun de vous, leur disait privilégiées par Rome ; aux papes eux-mêmes.
le cardinal Jacques de Vitri, fait profession de ne rien Clément IV rappelait aux templiers, en 1265, que, sans la
posséder en particulier, mais, en commun, vous voulez maternelle protection de l’Église de Rome, ils ne pour-
tout avoir. » Des légendes s’étaient formées pour expli- raient résister longtemps à « l’animosité publique qui se
quer leur opulence. On disait qu’ils spéculaient sur les déchaînerait contre eux ».
grains, qu’ils affamaient le peuple. Le bruit courait qu’ils Tant d’orgueil seyait mal, il est vrai, à un institut dont la
promettaient, le jour de leur réception, d’augmenter les prise des dernières forteresses chrétiennes de Syrie avait
biens de la communauté par tous les moyens, même illici- supprimé la raison d’être. Saint-Jean-d’Acre, le dernier
tes. Ces contes et d’autres, plus absurdes, trouvaient aisé- port de la Chrétienté latine en Asie, tomba en 1291 ; et,
ment créance dans les bas-fonds de la population. Quant bien que le maître du Temple, Guillaume de Beaujeu, eût
aux princes et aux rois, des modernes ont cru qu’ils été tué sur les murailles avec cinq cents de ses chevaliers,
voyaient, et qu’ils avaient raison de voir, un péril pour ce désastre causa, sans doute, en Europe, une recrudes-
cence de mépris pour les ordres militaires. Depuis cent
ans, l’Occident, affligé des continuels revers de la bonne
cause dans les pays d’outre-mer, avait appris à les attri-
buer à la décadence des templiers et des hospitaliers, à
leurs querelles, et même à leur traîtrise. On racontait que
le maître Guillaume de Beaujeu, le héros de Saint-Jean-
d’Acre, avait été l’ami des Sarrasins, et que « l’ordre avait
joui longtemps de la protection du soudan ».
Les chevaliers avaient donc accumulé contre eux des
préjugés opiniâtres. Or, ils n’étaient pas assez vertueux
pour décourager la calomnie. L’Ordre comptait dans ses
rangs beaucoup de frères dont la moralité était douteuse.
Règle et statuts Plusieurs avaient des vices de moines ; on dit encore
secrets des Templiers
aujourd’hui en France : « Boire comme un templier», et
de Maillard de Chambure
le vieux mot allemand Tempelhaus s’entend d’une maison
mal famée. Il paraît certain que dans leurs couvents, des
templiers s’amusaient parfois à des plaisanteries de corps
de garde. Et il n’est pas impossible qu’il y ait eu dans
le Temple quelques esprits forts, satisfaits d’étonner les
bonnes gens par une affectation de cynisme. Que devait-
on penser, en entendant ces défenseurs du Christ dire —
s’il est vrai que ces propos aient été tenus —, comme tel
chevalier bourguignon : « Cela ne tire pas à conséquence
de renier Jésus ; on le renie cent fois pour une puce dans
mon pays » ; ou, comme ce chevalier d’Angleterre : «
Cet ouvrage est en vente
au prix de 60 € chez
Les croyances des païens valent bien les nôtres. » Tout
DAEG PRESSE cela était pris au pied de la lettre, envenimé, généralisé,
Commanderie des Templiers et l’idée s’ancrait à fond que des doctrines diaboliques
BP 87 s’étaient introduites dans l’ordre durant son long séjour
41, rue Gambetta dans la patrie des hérésies et de l’islam.
46103 FIGEAC Cedex Une circonstance malheureuse aiguisait d’ailleurs les
Tel / Fax 05 65 50 27 08 soupçons. C’est que toutes les affaires du Temple étaient
8 - LE
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l’ordre du temple au commencement du XIVe siècle
conduites dans le plus strict secret. La règle, si belle, si templiers ni d’hospitaliers en Europe. Pour leurs terres
pure, n’existait qu’à un petit nombre d’exemplaires; la situées en deçà de la Méditerranée, elles seront livrées à
lecture en était réservée aux seuls dignitaires; beaucoup ferme noble. On aura ainsi plus de huit cent mille livres
de templiers n’en avaient jamais eu connaissance. Raoul tournois par an, qui serviront à acheter des navires, des
de Presles, avocat du roi, entendit un jour le recteur du vivres et des équipements, de façon que les plus pauvres
Temple de Laon dire qu’il avait un livre secret des statuts pourront aller outremer. Les prieurés et commanderies
de l’ordre qu’il ne montrait à personne. « Nous avons des d’Europe seront utilisés : on y installera des écoles pour
articles, aurait dit un autre templier, que Dieu, le diable les garçons et les filles adoptés par l’œuvre des croisades,
et nous autres frères de l’Ordre, nous sommes seuls à où les arts mécaniques, la médecine, l’astronomie et les
connaître.» La règle elle-même recommandait le secret langues orientales seront simultanément enseignés... »
d’assemblées capitulaires. Or, le bon sens vulgaire croira Ce plan se réduit, comme on voit, à deux propositions
toujours que qui se cache a quelque chose à cacher. Les essentielles : se débarrasser, en Europe, des personnes
templiers tenaient leurs chapitres, et notamment les cha- des templiers et confisquer leurs biens. Ces projets du
pitres où la réception de nouveaux membres avait lieu, pamphlétaire sont intéressants, à titre de symptômes. Au
pendant la nuit, en salle close, gardée par des sentinelles. moment où l’on était disposé à tout croire, les gens du
« On les soupçonne au sujet de leurs réceptions, dit un roi, à court d’argent, et qui venaient de se faire la main
témoin, parce qu’ils ont l’air de ne pas vouloir qu’on contre Boniface et les juifs étaient prêts à tout oser.
sache ce qui s’y passe. » Quand les enquêteurs deman-
dèrent au précepteur d’Auvergne pourquoi l’on agissait Charles-Victor Langlois
en secret, si l’on ne faisait rien de mal, il répondit : « Par
bêtise.» C’était une faute, en effet, qu’aggravaient encore
ceux qui laissaient entendre aux profanes, par bravade,
que « les frères tueraient quiconque, fût-ce le roi, assiste-
rait à leurs chapitres.» Ceux qui avaient ou disaient avoir
risqué un coup d’œil aux fentes des salles capitulaires du
Temple revenaient avec des récits effroyables : ils avaient
vu des orgies sans nom, des scènes d’idolâtrie et de
débauche, « le sol piétiné comme après un sabbat ». En
résumé, l’opinion publique était préparée à tout croire au
sujet de l’ordre du Temple.
C
PROJETS DE RÉFORME DES ORDRES MILITAIRES
ependant les rumeurs hostiles au Temple ne
s’étaient guère propagées, au XII siècle, que
dans les rangs inférieurs de la société ; et, là,
des contes également défavorables circulaient sur les
hospitaliers, dont la règle n’était cependant point secrète,
et qui n’étaient pas des financiers. Mais les hommes les
plus éclairés reconnaissaient, de leur côté, la nécessité
d’une réforme des ordres militaires. Saint-Louis, Grégoi-
re X, le concile oecuménique de Lyon en 1274, avaient
recommandé, comme remède, la fusion du Temple et de
l’Hôpital en un seul corps. Nicolas IV et Boniface VIII
étudièrent cette mesure sans l’accomplir; pendant vingt-
cinq ans, elle fut à l’ordre du jour des questions qui pré-
occupaient l’Europe chrétienne. En 1306-1307, peu de
temps avant le procès qui devait aboutir à la destruction
du Temple, deux mémoires importants furent encore
composés sur ce sujet. L’un est de Jacques de Molay, maî-
tre de l’ordre ; il combat à la fois le principe et l’oppor-
tunité de la fusion, sans donner toutefois de raisons, si
ce n’est que les inconvénients d’un nouvel état de choses
seraient supérieurs aux avantages espérés. Le second est
de Pierre Dubois, le légiste de Coutances. Dubois ne fait
aucune allusion à ce qui se disait d’énorme au sujet des
templiers. Il se borne à constater qu’ils sont riches et que
leurs biens profitent peu à la défense des Lieux Saints.
« Rien de plus simple à corriger, dit-il ; il faut les forcer
à vivre en Orient des biens qu’ils y possèdent : plus de
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MÉDIÉVISTE - 9
DOSSIER : L’AFFAIRE DES TEMPLIERS
LES PRÉLIMINAIRES
DU PROCÈS DES TEMPLIERS
A
PERTE. MAIS LE ROI ET SES GENS N’AVAIENT PAS BESOIN D’UN
TEL INCIDENT POUR SAVOIR À QUOI S’EN TENIR SUR LES RES-
JACQUES DE MOLAY EN FRANCE
SOURCES DU TEMPLE.
LE FAIT EST QUE L’ON NE SAIT NI POURQUOI, NI COMMENT,
u printemps de 1307, Philippe pressait
NI À QUELLE DATE NAQUIT, À LA COUR DE LA FRANCE, LE
le pape de lui accorder une entrevue :
PROJET DE DÉTRUIRE L’ORDRE DU TEMPLE. LE CHRONIQUEUR
l’affaire des templiers était au nombre
FLORENTIN VILLANI RACONTE QU’UN TEMPLIER, « PRIEUR DE
de celles qui devaient être traitées. Le grand-maî-
MONTFAUCON », ET NOFFO DEI, MARCHAND DE FLOREN-
tre du Temple, Jacques de Molay, venait justement
CE, HOMMES DE MAUVAISE VIE, EN PRISON DE TOULOUSE,
PENSÈRENT RECOUVRER LEUR LIBERTÉ EN DÉNONÇANT À DES
d’arriver d’Orient en France, avec une « retenue »
OFFICIERS DU ROI LES PRATIQUES DES TEMPLIERS. D’AUTRE
de soixante chevaliers, appelé par le pape pour l’in-
PART, UN CHAPELAIN D’URBAIN V, QUI ÉCRIVAIT VERS 1365,
former de ce qui se passait en Terre Sainte. Sa venue
RAPPORTE QU’UN TEMPLIER, À LA VEILLE D’ÊTRE EXÉCUTÉ
avait soulevé des commentaires sans fin : on disait
POUR SES MÉFAITS, CONFESSA DANS LA PRISON ROYALE DE
que le grand-maître allait établir son quartier général
TOULOUSE, À UN DE SES CODÉTENUS, NOMMÉ ESQUIU DE en Occident, qu’il avait apporté d’immenses trésors
BÉZIERS, CE QUI SE PASSAIT DANS SON ORDRE : ESQUIU SE dans ses bagages, etc. Clément V, qui savait, sans
SERAIT EMPRESSÉ DE DÉNONCER LA CHOSE AU ROI. UN SEUL
Autre version, également peu digne de foi, dans les
POINT EST CERTAIN, C’EST QUE, DÈS1305, DES HOMMES DE
Gestes des Chiprois (Genève, 1887), p. 329: Jacques
L’ENTOURAGE DU ROI PENSAIENT À FRAPPER LES TEMPLIERS.
de Molay aurait révoqué le trésorier du Temple de
ILS EN PARLÈRENT À CLÉMENT V, À L’ENTREVUE DE LYON.
Paris, trop complaisant pour Philippe le Bel, et aurait
PENDANT L’ANNÉE 1306, IL Y EUT, À CE SUJET, ENTRE LA répondu « autrement qu’il ne devait à la prière de tel
COUR DE FRANCE ET LA CURIE, DES CORRESPONDANCES homme comme est le roi ».
SECRÈTES, QUI N’ONT PAS LAISSÉ DE TRACES.
C
tres patentes. L’inquisiteur de France, Guillaume de
LE GUET-APENS D’OCTOBRE 1307 Paris, confesseur du roi, avait envoyé de son côté des
instructions à tous les prieurs dominicains pour leur
lément V avait fatigué Philippe de ses enjoindre de recevoir et d’interroger, au plus tôt, les
tergiversations. Il le priait encore, à la templiers qui leur seraient amenés. Nulle part les
fin de sa lettre du 24 août, de ne pas chevaliers ne résistèrent ; c’est à peine si quelques-
se presser de répondre au sujet du projet d’enquête uns réussirent à s’enfuir, « en habits de couleur ».
«parce que, sur le conseil de nos médecins, nous Nogaret voulut procéder en personne à l’arrestation
nous disposons à prendre quelques potions prépa- de ceux qui résidaient au Temple central de Paris.
ratoires, puis de nous purger en septembre, ce qui L’Inquisition, créée pour supprimer l’hérésie, deve-
nous sera fort utile ». Or, tandis que le pape espérait, nait donc en France, comme en Italie un instrument
comme un enfant, gagner du temps en gardant la pour détruire ceux qui avaient encouru la disgrâce
chambre, le roi, installé dans l’abbaye de Maubuis- ou la colère de l’autorité temporelle. Le 8 décembre
son, près Pontoise, préparait avec ses conseillers des 1301, Philippe le Bel, averti des abus commis par les
actes foudroyants. Un dominicain, régent de théo- inquisiteurs en Languedoc, avait écrit à l’évêque de
Toulouse : « Sous le couvert d’une répression licite,
ils ont osé des choses complètement illicites; sous
l’apparence de la piété, des choses impies ; sous pré-
texte de défendre la foi catholique, ils ont commis
des forfaits. » Maintenant, à l’instigation de Nogaret,
il faisait appel, lui-même, à la procédure infaillible du
Saint-Office. Il n’a pas tenu au garde des sceaux de
1307 que l’inquisition politique, à la mode des pays
du Midi, des princes guelfes d’Italie et des « Rois
Catholiques » d’Espagne, ne s’acclimatât chez nous.
Charles-Victor Langlois
C
race oublieuse de sa condition, ignorante de sa dignité,
LE MANIFESTE ROYAL CONTRE LES TEMPLIERS ne pas comprendre où est l’honneur. » L’auteur du mani-
feste continue longtemps sur ce ton, avec des élégances
uel monument que la proclamation dont lec- qui font frémir : « Elle a abandonné la fontaine de vie
ture fut donnée au peuple pour justifier l’ar- ; elle a changé sa gloire en l’adoration du Veau ; elle a
restation en masse du 13 octobre ! Il est de sacrifié aux idoles, cette race immonde et perfide dont
Nogaret, ce fils d’Albigeois, toujours prêt à diffamer ses les actes détestables et même les paroles souillent la terre
adversaires de l’accusation d’hérésie. Cela débute par un de leur ordure, suppriment les bienfaits de la rosée, infec-
préambule ronflant, surchargé, prétentieux : « Une chose tent la pureté des airs. » Il précise enfin, et, après tant de
amère, une chose déplorable, une chose terrible à penser, précautions oratoires, résume les accusations fangeuses
terrible à entendre, détestable, exécrable, abominable, ramassées par le gouvernement royal contre les frères
inhumaine, avait déjà retenti à nos oreilles, non sans du Temple qui, « cachant le loup sous l’apparence de
nous faire frémir d’une violente horreur. Une douleur l’agneau, supplicient Jésus-Christ une seconde fois ». Il
immense se développe en nous, en présence de crimes les accuse, entre autres choses, de s’obliger, par le vœu de
si nombreux et si atroces, qui aboutissent à l’offense de leur profession, à renier le Christ et à se livrer entre eux
la majesté divine, au détriment de la foi, au scandale de à d’ignobles désordres. Sans doute, il était audacieux de
tous. La raison souffre de voir des hommes s’exiler au- représenter ces crimes comme des points du règlement
L
LES TEMPLIERS DEVANT LES INQUISITEURS
es templiers de Paris comparurent les uns
après les autres dans une salle basse de leur PHHIILLIIPP
PE, CCH
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propre forteresse, devant les moines, assistés
L
CAMPAGNE CONTRE CLÉMENT
a campagne qui fut alors dirigée contre Clé-
ment est une des plus furibondes qu’on ait
vues. « Que le pape prenne garde, écrivait
Dubois : il est simoniaque; il donne, par affection du
sang, les bénéfices de la sainte Église de Dieu à ses pro-
ches parents ; il est pire que Boniface, qui n’a pas commis
autant de passe-droits. Il faut que cela lui suffise ; qu’il
ne vende pas la justice. On pourrait croire que c’est à
prix d’or qu’il protège les templiers, coupables et confès,
contre le zèle catholique du roi de France. Moïse, l’ami
de Dieu, nous a enseigné la conduite qu’il faut tenir vis-
à-vis des templiers, quand il a dit : « Que chacun prenne
son glaive et tue son plus proche voisin. » Moïse a fait
mettre à mort, pour l’exemple d’Israël, vingt-deux mille
personnes sans avoir demandé la permission d’Aaron,
que Dieu avait établi grand-prêtre... » Le peuple était
échauffé par des déclamations de ce genre, quand il fut
appelé à désigner des députés à l’assemblée convoquée
à Tours, pour le mois de mai 1308. La lettre de con-
vocation est encore une œuvre de Nogaret. Il y est dit
que le roi est l’ennemi-né des hérésies, le défenseur de «
cet incomparable trésor, la très précieuse perle de la foi saires appointés conjointement par le pape, les évêques
catholique ». Les abominables erreurs du Temple y sont diocésains et le roi. Quant aux crimes d’hérésie, Clément
énumérées de nouveau : « Le ciel et la terre sont agités en distingua deux sortes : crime de l’ordre en tant qu’or-
par le souffle d’un si grand crime. » C’est au peuple de dre ; crimes particuliers à chacun des membres de l’ordre.
France qu’il appartient d’en purger le monde. « Contre Le sort de l’ordre ne pouvait être réglé que par un concile
une peste si scélérate doivent se lever les lois et les armes, général : un concile fut convoqué, dans la ville de Vienne
les animaux même et les quatre éléments... Nous voulons en Dauphiné, pour le mois d’octobre 1310, et plusieurs
vous faire participer à cette œuvre, très fidèles chrétiens, commissaires furent désignés — entre autres l’archevê-
et nous vous ordonnons d’envoyer sans délai à Tours que de Narbonne, les évêques de Bayeux et de Mende
deux hommes d’une foi robuste, qui, au nom de vos — pour recueillir des documents propres à éclairer cette
communautés, nous assistent dans les mesures qu’il sera assemblée. Le procès contre les personnes des templiers,
opportun de prendre. » distinct du procès contre l’ordre du Temple, devait être
repris dans l’intervalle ; le pape en rendit la connais-
C
sance aux évêques diocésains et aux inquisiteurs. Seuls, le
SECONDE ENTREVUE DE POITIERS (1308) grand-maître et les hauts dignitaires furent personnelle-
ment réservés au jugement direct du Saint-Siège.
lément, menacé des armes empoisonnées La conclusion de ce pacte, qui a scellé le sort du Temple
qui avaient eu raison de Boniface, eut peur et des templiers, fut suivie d’une odieuse comédie. On
; il en revint aux tentatives de conciliation, amena devant le pape et le Sacré Collège soixante-douze
non sans multiplier encore les échappatoires et les délais, chevaliers extraits des prisons de Paris, assouplis par la
seules ressources de sa faiblesse. On convint enfin, dans torture, triés parmi les lâches, prêts à persister dans leurs
une seconde entrevue, qui eut lieu à Poitiers dans l’été confessions. Il semble que les gens du roi, après avoir
de 1308, que les templiers, jusque-là placés sous la main forcé Clément à se faire leur complice, aient eu, par-des-
du roi, seraient remis au pape, lequel en restituerait aus- sus le marché, la prétention de le convaincre.
sitôt la garde, au nom de l’Église romaine, aux officiers
Charles-Victor Langlois
royaux; les biens seraient administrés par des commis-
LE PROCÈS
, ’
DES TEMPLIERS
SECONDE PHASE JUSQU AU CONCILE DE VIENNE
L
COMPARUTION DE JACQUES DE MOLAY
a première séance, du 26 novembre, fut
marquée par une scène caractéristique. Ce
jour-là, le grand-maître, Jacques de Molay, fut
amené, à sa requête, devant les commissaires installés
dans une chambre de l’évêché de Paris, derrière l’aula
episcopalis. On lui demanda s’il voulait « défendre l’Or-
dre», plaider coupable ou non coupable. « Je ne suis pas,
répondit-il, aussi sage qu’il faudrait ; cependant je suis
prêt à défendre l’Ordre de toutes mes forces, et je serais
bien vil si je ne le faisais pas, après en avoir reçu tant de
biens et d’honneurs. Mais il m’est difficile de défendre
convenablement, dans la position où je suis, prisonnier
du pape et du roi, n’ayant pas même quatre deniers à
dépenser à mon gré ! Je demande donc aide et conseil,
car je veux qu’on sache la vérité, non seulement par les
templiers eux-mêmes, mais par les rois, princes, prélats
et barons, bien que ceux de l’Ordre aient été plus d’une
fois trop raides, je le reconnais, envers quelques prélats,
pour la défense de leurs droits (Molay parlait devant des
évêques). Je m’en tiens au témoignage de ces prud’hom-
mes.» Les commissaires, un peu surpris, manifestèrent
aussitôt l’esprit qui les animait, une partialité cauteleuse
« Prenez garde, réfléchissez, songez aux aveux que vous
L
PONSARD DE GISI
es plus naïfs, sans apercevoir, derrière les
commissaires, le Nogaret ou le Plaisians qui
les guettaient, crurent venu le jour de la sin-
cérité. Tel, frère Ponsard de Gisi. Dans un élan de con-
fiance, il déclara que ce que lui-même et les autres frères
trois choses au sujet de l’Ordre : la première, c’est que avaient avoué devant les inquisiteurs était faux et leur
je ne connais pas de religion [d’Ordre] dont les chapelles avait été arraché. « Avez-vous été torturé ? » Oui, trois
et les églises aient de plus beaux ornements que celles mois avant ma confession, on m’a lié les mains derrière
du Temple ; il n’y a que dans les cathédrales que le ser- le dos, si serré que le sang jaillissait des ongles, et on m’a
vice divin soit célébré plus richement. Secondement, je mis dans une fosse, attaché avec une longe. Si on me fait
ne connais pas de religion où l’on fasse plus largement subir encore de pareilles tortures, je nierai tout ce que je
l’aumône, car, dans toutes les maisons de l’Ordre, on dis maintenant, je dirai tout ce qu’on voudra. Je suis prêt
donne trois fois par semaine à quiconque demande. En à subir des supplices pourvu qu’ils soient courts ; qu’on
troisième lieu, il n’y a nulle sorte de gens qui aient tant me coupe la tête, qu’on me fasse bouillir pour l’honneur
versé de sang pour la foi chrétienne que les templiers et de l’Ordre, mais je ne peux pas supporter des supplices à
qui soient plus redoutés des infidèles. À Mansourah, le petit feu comme ceux qui m’ont été infligés depuis plus
comte d’Artois mit les templiers à l’avant-garde, et s’il les de deux ans en prison. » Ici, comme dans les séances où
avait crus... » Ici une voix interrompit : « Tout cela ne sert Jacques de Molay avait comparu, l’homme du roi inter-
en rien au salut, sans la foi. » « C’est vrai, dit Molay, mais rompit : il produisit une dénonciation contre le Temple,
je crois en Dieu, au Dieu en trois personnes, à toute la librement écrite jadis par ce même Ponsard de Gisi : « Je
foi catholique, unus Deus, una fides, una ecclesia. Je crois que, l’avoue, dit le coupable, j’ai écrit cette cédule ; mais c’était
quand l’âme sera séparée du corps, on distinguera le bon dans un jour de trouble contre l’Ordre, un jour que le tré-
du méchant et que nous saurons tous la vérité sur ce qui sorier du Temple m’avait injurié. » Il s’écria en s’en allant
se passe ici. » Sur ces entrefaites, Guillaume de Nogaret, : « Je crains bien que l’on ne m’aggrave ma prison, parce
chancelier du roi, qui était dans la salle, prit sans façon la que je veux défendre. »
parole : « Dans les chroniques qui sont à Saint-Denis, dit-
D
il, il est écrit qu’au temps de Saladin, sultan de Babylone,
un maître du Temple fit hommage audit Saladin, et que LES « DÉFENSEURS » DE L’ORDRE
le même sultan, apprenant un grand échec de ceux du
Temple, dit publiquement que cela leur était advenu en es centaines de templiers prirent la même
châtiment du vice infâme et de leur prévarication contre attitude que celui-là, mais d’une manière
la Loi. » Étrange document, qui fait voir l’état d’esprit encore plus virile et, la plupart du temps,
de celui qui s’en est servi ! Molay resta stupéfait : « Je sans phrases « Je veux défendre l’Ordre ; je n’y sais rien
n’ai jamais entendu dire cela, répondit-il. Je sais seule- de mal. » Le 28 mars 1310, cinq cent quarante-six tem-
ment que pendant que j’étais outremer, à l’époque de la pliers internés à Paris étaient défenseurs de l’Ordre. La
maîtrise de frère Guillaume de Beaujeu, moi et plusieurs commission, pour obtenir d’eux une constitution de
templiers qui étions jeunes et avides de voir des faits d’ar- procureurs, envoya ses notaires, à partir du 31 mars,
mes, nous murmurions contre le maître, parce qu’il avait dans chacune des maisons où ils étaient enfermés :
conclu une trêve avec le sultan. Mais nous vîmes bien chez Guillaume de La Huche, rue du Marché-Palu, au
ensuite qu’il n’aurait pas pu faire autrement.» Comme la Temple, au palais du comte de Savoie, à l’abbaye de
séance se prolongeait en pure perte, Molay y mit fin en Sainte-Geneviève, à l’abbaye de Saint-Magloire, etc. Tous
priant humblement les commissaires de lui permettre les prisonniers, au rapport des notaires, affirmèrent de
d’entendre la messe et d’avoir ses chapelains. Cela lui fut nouveau l’innocence de leur Ordre. Plusieurs remirent
octroyé. On loua sa dévotion. de longues suppliques, personnelles, collectives. Frère
L
LE GUET-APENS DE MAI 1310
es affaires des templiers semblaient donc en
bonne voie, vers le printemps de 1310. L’Or-
dre avait trouvé à Paris une légion de défen-
seurs, représentés par des procureurs réguliers. Pour ceux
qui voulaient étouffer la vérité, il n’était que temps d’agir.
Ils agirent, en effet : et ils n’avaient encore imaginé rien
d’aussi scandaleux que l’expédient dont ils usèrent. Ils
profitèrent de ce que les procès contre l’Ordre et contre
les personnes se poursuivaient parallèlement, et de ce que
les juges du procès contre les personnes étaient, à Paris,
à leur dévotion, pour effrayer mortellement les témoins
du procès contre l’Ordre. Le jugement des personnes,
dans l’évêché de Paris, appartenait, en vertu des lettres
du pape, au concile provincial, présidé par l’archevê-
que de Sens, métropolitain de Paris. Or, l’archevêque
de Sens était le frère de l’un des principaux ministres
du roi, Enguerrand de Marigny. Il assembla à Paris le
concile de sa province. Ce tribunal d’inquisition avait le
droit de condamner sans entendre les accusés et de faire
exécuter ses arrêts du jour au lendemain. Les procureurs
des prisonniers comprirent la terrible menace impliquée
dans la brusque convocation de cette assemblée. Ils la
signalèrent, dès le 10 mai, à la commission pontificale.
L
projeté, disant « qu’il avait à entendre ou à célébrer la
messe ». Les autres commissaires ne surent que répondre PRÉLIMINAIRES DU CONCILE DE VIENNE
: « Nous vous plaignons de tout notre cœur ; mais l’ar-
chevêque de Sens agit régulièrement contre les personnes e concile de Vienne, prorogé à plusieurs
; nous ne pouvons rien. » Le 12, ils essayèrent timidement reprises, avait été fixé en dernier lieu au
d’arrêter le bras suspendu du concile provincial par un mois d’octobre 1311. Clément V employa
message très raisonnable, très modéré ; mais, comme ils les mois qui précédèrent ce terme à réunir, contre ceux
l’avaient prévu, leur intervention fut inutile. Ce jour-là qu’il avait condamnés d’avance, un immense arsenal de
même, cinquante-quatre templiers qui, après avoir fait preuves. Il savait qu’on disait couramment en Occident
des aveux, s’étaient offerts à défendre l’Ordre, furent « Les templiers ont nié partout, excepté ceux qui ont été
condamnés comme relaps par l’archevêque de Sens et sous la poigne du roi de France ». Il fallait couper court
ses suffragants, empilés dans des charrettes, et brûlés à ces rumeurs; c’est pour cela qu’il rédigea alors des
publiquement entre le bois de Vincennes et le Moulin- bulles pour exhorter les rois d’Angleterre et d’Aragon à
à-Vent de Paris, hors de la porte Saint-Antoine. « Ils employer la torture, malgré les coutumes locales de leurs
souffrirent, dit un chroniqueur contemporain, avec une royaumes, qui interdisaient cette procédure. Des ordres
constance qui mit leurs âmes en grand péril de damna- de torture furent expédiés aussi, au dernier moment, en
tion, car elle induisit le peuple ignorant à les considérer Chypre et en Portugal. Il y eut encore, à cette occasion,
comme innocents. » des effusions de sang martyr. Nous avons la relation des
C’en était fait ; il n’était plus possible d’entretenir la supplices infligés en août et septembre 1311, par l’évêque
moindre illusion sur la liberté de la défense. Deux des de Nîmes et l’archevêque de Pise ; ces prélats n’envoyè-
procureurs élus, sur quatre, avaient disparu. La com- rent, du reste, au pape, que les dépositions agréables ; ils
mission n’en reprit pas moins, le 13, l’ironique comédie passèrent sous silence tes témoignages des obstinés.
de ses séances dans la chapelle Saint-Éloi. Mais quelque
chose était changé depuis la veille. L’apparition du pre- Charles-Victor Langlois
mier témoin qu’on introduisit fut émouvante. C’était un
chevalier du diocèse de Langres, Aimeri de Villiers-le-
Duc, âgé d’une cinquantaine d’années, templier depuis
vingt-huit ans. Comme on lui lisait les actes d’accusation,
il interrompit, « pâle et comme terrifié », protestant que,
s’il mentait, il voulait aller droit en enfer par mort subite,
se frappant la poitrine de ses poings, levant les bras vers
l’autel, les genoux en terre. « J’ai avoué, dit-il, quelques
articles à cause de tortures que m’ont infligées Guillaume
de Marcilli et Hugues de La Celle, chevaliers du roi, mais
tout est faux. Hier, j’ai vu cinquante-quatre de mes frères,
dans les fourgons, en route pour le bûcher, parce qu’ils
n’ont pas voulu avouer nos prétendues erreurs; j’ai pensé
que je ne pourrais jamais résister à la terreur du feu.
J’avouerais tout, je le sens; j’avouerais que j’ai tué Dieu, si
on voulait. » Et il supplia les commissaires et les notaires
de ne pas répéter ce qu’il venait de dire à ses gardiens, de
peur qu’il ne fût brûlé, lui aussi. Cette déposition tragique
fit assez d’impression sur les gens du pape pour qu’ils
se décidassent à surseoir provisoirement. Ils ne reprirent
leurs opérations, désormais fictives, qu’après six mois
d’interruption, et seulement pour la forme. Les témoins
entendus à partir de décembre 1310 furent tous des tem-
pliers réconciliés par les synodes provinciaux, c’est-à-dire
soumis, qui comparurent « sans manteau et barbe rase
». Quand l’enquête fut enfin close, on l’expédia en deux
exemplaires pour servir à l’édification des pères du pro-
chain concile de Vienne. Elle remplit deux cent dix-neuf
Concile de Vienne.
Peinture à fresque,
exécutée dans la
Bibliothèque Vati-
cane par les ordres
du pape Pie V. XVIe
siècle
GUILLAUME LE MAIRE, ÉVÊQUE D’ANGERS, CONVOQUÉ AU CONCILE OECUMÉNIQUE DE VIENNE, COMME TOUS LES
PRÉLATS DE LA CHRÉTIENTÉ, RÉDIGEA SON « AVIS » PAR ÉCRIT, EN CES TERMES : « IL Y A, DIT L’ÉVÊQUE, DEUX OPINIONS
AU SUJET DES TEMPLIERS ; LES UNS VEULENT DÉTRUIRE L’ORDRE SANS TARDER, À CAUSE DU SCANDALE QU’IL A SUSCITÉ
DANS LA CHRÉTIENTÉ ET À CAUSE DES DEUX MILLE TÉMOINS QUI ONT ATTESTÉ SES ERREURS ; LES AUTRES DISENT QU’IL
FAUT PERMETTRE À L’ORDRE DE PRÉSENTER SA DÉFENSE, PARCE QU’IL EST MAUVAIS DE COUPER UN MEMBRE SI NOBLE DE
L’ÉGLISE SANS DISCUSSION PRÉALABLE. EH BIEN, JE CROIS, POUR MA PART, QUE NOTRE SEIGNEUR LE PAPE, USANT DE
SA PLEINE PUISSANCE, DOIT SUPPRIMER EX OFFICIO UN ORDRE QUI, AUTANT QU’IL A PU, A MIS LE NOM CHRÉTIEN EN
MAUVAISE ODEUR AUPRÈS DES INCRÉDULES ET QUI A FAIT CHANCELER DES FIDÈLES DANS LA STABILITÉ DE LEUR FOI. »
GUILLAUME LE MAIRE AVAIT SON SIÈGE FAIT. MAIS SUPPOSÉ QU’UN ÉVÊQUE, MOINS ZÉLÉ ROYALISTE, EÛT VOULU
S’ÉCLAIRER SINCÈREMENT AU MOMENT DE L’OUVERTURE DU PROCÈS, VOICI COMMENT LA QUESTION DE LA CULPABILITÉ
DU TEMPLE SE SERAIT POSÉE À SA CONSCIENCE.
L’ORDRE DU TEMPLE ÉTAIT ACCUSÉ D’ÊTRE TOUT ENTIER CORROMPU PAR DES SUPERSTITIONS IMPIES. D’APRÈS LES FOR-
MULAIRES D’ENQUÊTE PONTIFICAUX, QUI CONTIENNENT JUSQU’À CENT VINGT-SEPT RUBRIQUES, IL ÉTAIT NOTAMMENT
INCULPÉ D’IMPOSER À SES NÉOPHYTES, LORS DE LEUR RÉCEPTION, DES INSULTES VARIÉES AU CRUCIFIX, DES BAISERS
OBSCÈNES, ET D’AUTORISER LA SODOMIE. LES PRÊTRES, EN CÉLÉBRANT LA MESSE, AURAIENT OMIS VOLONTAIREMENT DE
CONSACRER LES HOSTIES ; ILS N’AURAIENT PAS CRU À L’EFFICACITÉ DES SACREMENTS. ENFIN LES TEMPLIERS AURAIENT
ÉTÉ ADONNÉS À L’ADORATION D’UNE IDOLE (EN FORME DE TÊTE HUMAINE) OU D’UN CHAT ; ILS AURAIENT PORTÉ NUIT
ET JOUR, SUR LEURS CHEMISES, DES CORDELETTES ENCHANTÉES PAR LE CONTACT DE CETTE IDOLE. TELLES ÉTAIENT LES
ACCUSATIONS MAJEURES. IL Y EN AVAIT D’AUTRES : LE GRAND-MAÎTRE ET LES AUTRES OFFICIERS DE L’ORDRE, QUOI-
QU’ILS NE FUSSENT PAS PRÊTRES, SE SERAIENT CRU LE DROIT D’ABSOUDRE LES FRÈRES DE LEURS PÉCHÉS ; LES BIENS
ÉTAIENT MAL ACQUIS, LES AUMÔNES MAL FAITES. LE RÉQUISITOIRE REPRÉSENTAIT TOUS CES CRIMES COMME COMMAN-
DÉS PAR UNE RÈGLE SECRÈTE.
puisque les fidèles qui vont toucher, encore aujourd’hui, les « dolcinistes » d’Italie se sentaient fortifiés miracu-
des chapelets et des reliques ne passent point pour des leusement par la proclamation répétée et frénétique de
idolâtres. leurs doctrines. Chez les templiers, pas de joie sacrée, pas
L’enquête ne produisit donc contre l’Ordre aucun docu- de triomphe en présence du bourreau. C’est pour une
ment matériel, aucun « témoin muet » Toute la preuve négation qu’ils ont tout enduré. Si les templiers s’étaient
repose sur des témoignages oraux. réellement livrés aux excès, non seulement monstrueux,
Mais les dépositions à charge, si nombreuses qu’elles mais stupides, qui leur furent reprochés, tous, interrogés
soient, perdent toute valeur si l’on considère qu’elles l’un après l’autre, et forcés de confesser, auraient décrit
ont été arrachées par la procédure inquisitoriale. Le mot ces excès de la même manière. D’accord entre eux quand
d’Aimeri de Villiers-le-Duc est décisif : « J’avouerais que ils parlent des cérémonies légitimes de l’ordre, ils varient
j’ai tué Dieu.» Il ne reste donc qu’à examiner les faits grandement, au contraire, sur la définition des prétendus
allégués, au point de vue du bon sens. rituels blasphématoires. Michelet, qui croyait aux désor-
Si les templiers avaient réellement pratiqué les rites dres du Temple, a très bien observé « que les dénégations
et les superstitions qui leur sont attribués, ils auraient sont identiques, tandis que les aveux sont tous variés de
été des sectaires; et alors il se serait trouvé parmi eux, circonstances spéciales »; il en tire la conclusion « que les
comme dans toutes les communautés hétérodoxes, des dénégations étaient convenues d’avance et que les diffé-
enthousiastes pour affirmer leur foi en demandant à rences des aveux leur donnent un caractère particulier de
participer aux joies mystiques de la persécution. Or, pas véracité». Mais quoi ? Si les templiers étaient innocents,
un templier, au cours du procès, ne s’est obstiné dans les leurs réponses aux mêmes chefs imaginaires d’accusation
erreurs de sa prétendue secte. Tous ceux qui ont avoué le ne pouvaient pas ne pas être identiques ; s’ils étaient
reniement et l’idolâtrie se sont fait absoudre. coupables, leurs aveux auraient dû être pareillement
Chose surprenante, la doctrine hérétique du Temple identiques.
n’aurait pas eu un martyr ! Car les centaines de chevaliers L’invraisemblance des charges, la férocité des procédés
et de frères sergents qui sont morts dans les affres de la d’enquête, le caractère contradictoire des aveux étaient
prison, entre les mains des tortionnaires, ou sur le bûcher, sûrement de nature à inquiéter des juges, même des
ne se sont pas sacrifiés pour des croyances ; ils ont juges de ce temps-là. Et quels cœurs auraient résisté à la
mieux aimé mourir que d’avouer, ou, après avoir avoué comparution des suppliciés de l’enquête, à l’exhibition de
par force, que de persister dans leurs confessions. On a leurs plaies, à leurs protestations d’amour pour l’Église
supposé que les templiers étaient des cathares ; mais les persécutrice, à ces accents douloureux dont l’écho,
cathares, comme les anciens montanistes d’Asie, avaient recueilli par les notaires de la grande commission, émeut
la passion du supplice ; au temps même de Clément V,
LA BULLE VOX IN EXCELSO LAISSA EN SUSPENS DEUX QUESTIONS DIFFICILES : LE SORT DES
TEMPLIERS PRISONNIERS, LE SORT DES BIENS DU TEMPLE SUPPRIMÉ.
L
LA CURÉE DES BIENS DU TEMPLE en obtenir la délivrance, durent indemniser la Cou-
ronne de ce qu’elle avait déboursé pour l’entretien
a curée des biens du Temple avait com- des templiers emprisonnés de 1307 à 1312 : frais de
mencé pendant le procès, en dépit de la geôle et de torture. Il paraît avéré, en résumé, que les
vigilance des administrateurs. L’appétit hospitaliers furent plutôt appauvris qu’enrichis par
des princes avait été aiguisé par cette affaire au le cadeau fait à leur Ordre.
point que quelques-uns songèrent à faire partager
R
le sort des templiers aux hospitaliers et aux che- SUPPLICE DU GRAND-MAÎTRE
valiers Porte-Glaive. L’ordre teutonique fut accusé
d’hérésie en 1307 par l’archevêque de Riga. C’est estaient les prisonniers. On relâcha ceux
déjà l’avidité spoliatrice des princes protecteurs de qui voulurent passer par l’humiliation des
la Réforme. Après le concile de Vienne, on procéda aveux. Parmi ces libérés, les uns vagabon-
au dépècement méthodique de la proie. En théorie, dèrent, d’autres essayèrent de gagner leur vie par des
toutes les propriétés de l’Ordre furent transférées travaux manuels ; quelques-uns entrèrent dans des
au Saint-Siège, qui les remit aux hospitaliers, mais ce couvents, et quelques-uns, dégoûtés du métier, se
transfert fictif n’empêcha pas la Couronne de rete- marièrent. Les impénitents et les relaps furent frap-
nir la meilleure part. D’abord les dettes du roi envers pés des châtiments de la loi inquisitoriale. Les plus
l’Ordre furent éteintes, car les canons défendaient célèbres de ces relaps de la dernière heure furent
de payer leur dû aux hérétiques. En outre, il avait deux des hauts dignitaires que le pape avait réservés
saisi tout le numéraire accumulé dans les banques à son jugement personnel : le grand-maître Jacques
du Temple. Il alla plus loin lorsque les dépouilles de Molay et le précepteur de Normandie, Geoffroi
des templiers eurent été officiellement attribuées à de Charnay. C’est seulement en décembre 1313 que
l’Hôpital : il prétendit que ses anciens comptes avec Clément V appointa trois cardinaux pour examiner
le Temple n’ayant pas été réglés, il restait créancier ces grands chefs, qui naguère, pour se sauver eux-
de l’Ordre pour des sommes considérables, dont il mêmes, avaient abandonné leurs frères. Le 18 mars
était d’ailleurs hors d’état de spécifier le montant. 1314, ils furent amenés au portail de Notre-Dame
Les hospitaliers, substitués aux droits et aux char- pour écouter leur sentence ; à savoir le « mur », la
ges du Temple, furent obligés de consentir, pour détention à perpétuité. Molay et Charnay avaient été
ce motif, à une transaction : ils payèrent deux cent soutenus jusque-là par l’assurance d’une délivrance
mille livres tournois, le 21 mars 1313 ; et ce sacrifice prochaine, plusieurs fois promise : ils étaient en pri-
ne les délivra même pas des réclamations de la Cou- son depuis sept ans; ils refusèrent d’y rentrer déses-
ronne, car ils plaidaient encore, à ce sujet, au temps pérés : « Nous ne sommes pas coupables, dirent-ils,
de Philippe le Long. Quant aux biens immobiliers, des choses dont on nous accuse, mais nous sommes
Philippe le Bel en perçut paisiblement les revenus coupables d’avoir bassement trahi l’ordre pour sau-
jusqu’à sa mort, et plus tard les hospitaliers, pour ver nos vies.
L
LE PROCÈS ET L’OPINION PUBLIQUE
es plus intelligents des contemporains de
Philippe le Bel n’ont pas cru à la culpabi-
lité des templiers ; ils ont été, à cet égard,
moins crédules que la postérité ne le fut longtemps,
quoiqu’ils aient eu moins de moyens de se faire une
opinion. Les grossières invraisemblances de la fable
imaginée par Nogaret ont suffi pour les avertir.
Aucun chroniqueur italien ne fut dupe : ni Villani,
ni Dino Compagni, ni Boccace (dont le père était
à Paris à l’époque du procès), ni l’auteur des Storie
Pistolesi, ni Dante. Tous ont goûté l’ironie d’une
aventure où périrent comme hérétiques les plus
fidèles serviteurs de la Cour romaine, les défenseurs
FUNÉRAILLES DE PHILIPPE LE BEL. BNF RICHELIEU MANUSCRITS les plus obstinés de la foi. Les écrivains français
FRANÇAIS 6465, FOL. 323. GRANDES CHRONIQUES DE
sont, naturellement, plus prudents ; ils n’osent pas
FRANCE, FRANCE, TOURS, XVE SIÈCLE, JEAN FOUQUET
s’inscrire en faux contre le pape et le roi, mais on
voit bien ce qu’ils en pensent.
LES ÉCRIVAINS FRANÇAIS PENSENT AINSI : Comme Clément V succomba, un mois après l’exé-
BIEN GAAINGNIÉ I’AVOIENT CELZ, cution de Molay, à une maladie affreuse ; comme
SE VOIRS ESTOIT QU’EN DISOIT D’ELZ1
Philippe le Bel, à son tour, disparut six mois plus tard,
PLUSIEURS, OU MONDE CONDAMPNEZ
SONT LASSUS AU CIEL COURONNEZ,
la légende se forma que Molay supplicié avait ajourné
ET LES AIME DIEX ET TIENT CHIERS. le pape et le roi au tribunal de Dieu. Guillaume de
MAIS ÇA AVAL2 EN CESTE EGLISE, Nogaret mourut aussi vers ce temps-là avant Clément,
NOUS CONVIENT TRESTOUZ3 LA DEVISE avant Philippe.
TENIR DU PAPE ET L’ORDINANCE...
L’EN PUET BIEN DECEVOIR4 L’EGLISE; Le bûcher du 18 mars flamboya d’un éclat sinistre
MES L’EN NE PUET EN NULE GUISE5 dans l’imagination populaire. Comme les temps
DIEX DECEVOIR ; JE N’EN DIS PLUS. étaient durs, on crut que la colère de Dieu s’appe-
QUI VOUDRA DIE LE SURPLUS. santissait pour venger le sang innocent.
1. SI CE QU’ON DISAIT D’EUX ÉTAIT VRAI. — 2. ICI-BAS.
Charles-Victor Langlois
— 3. IL NOUS FAUT TOUS. — 4. ON PEUT BIEN TROMPER.
— 5. AUCUNEMENT.
le redoutable « secret » au roi Jayme d’Aragon, puis ses défenseurs, promit de se « croiser lui-même », mais
trouva plus lucratif de le révéler à Philippe le Bel. Malgré il se garda bien de le faire. Pour que leur confiscation
la dissimulation du roi, qui cherchait encore, après l’ex- parût moins odieuse, une part des biens du Temple fut
pulsion des Juifs, à emprunter de l’argent au Temple, en donnée aux chevaliers de Saint Jean de Jérusalem par la
1307, les chevaliers eurent vent de ce qu’on se racontait bulle du 2 mai, une autre fut réservée au Saint-Siège. Le
tout bas sur leur compte, et après l’entrevue de Poitiers gros de la succession passa, bien entendu, aux mains du
entre Philippe et Clément V (mai 1307), où l’on avait roi, dont « l’imagination rapace » (habgierige Phantasie)
sans doute beaucoup parlé d’eux, ils demandèrent, eux- refusa de verser la quote-part modeste, promise à l’Ordre
mêmes à ce qu’une enquête fût faite à ce sujet (p. 141). Le de Saint-Jean ; c’est seulement longtemps après la mort
roi répondit en faisant arrêter, le 14 septembre, tous les de Philippe qu’on leur accorda, comme « aumône », une
Templiers ; l’inquisition royale commence ; les résultats faible part de ce qui leur avait été promis. La clôture de la
en sont connus. Il fallait avouer ou se résigner à la mort, procédure eut lieu le 18 mars 1314 ; ce jour là, Jacques de
car on ne pouvait espérer (et encore !) que le choix entre Molay périssait sur le bûcher. Et « c’est ainsi — concluait,
la prison perpétuelle ou le dernier supplice aux tortures, l’auteur — que les autorités dominantes de la société du
féroces et répétées, presque tous les accusés avouèrent Moyen-âge, poussées par l’avarice et l’ambition, séduites
les blasphèmes qu’on leur reprochait pour trois quarts par une funeste erreur, ont détruit l’Ordre des Templiers
environ des baisers indécents au moment de la réception » (p. 386).
dans l’Ordre, pour un quart à peu près l’incitation à la On ne voit pas trop comment, après cette nouvelle et
sodomie. Mais à peu près tous repoussent avec horreur décisive démonstration de l’innocence des Templiers
l’accusation de ne l’avoir jamais pratiquée (p. 165). fournie par le savant professeur de Fribourg, on pourrait
M. F. était particulièrement sévère pour Jacques de Molay, jamais rouvrir cette vieille querelle et tenter de casser le
dont les aveux (du 25 octobre 1307) furent répandus verdict qu’il venait de formuler en le motivant de manière
partout ; tout dans son « attitude théâtrale », telle qu’on à convaincre les plus rebelles.
nous la raconte d’ordinaire, serait pure légende. L’auteur
l’affirmait ; on ne saurait dire qu’il le prouve.
Le pape fut effrayé tout d’abord de cette usurpation des M. Finre
fonctions réservées à l’Église ; il a évidemment incliné
d’abord à protéger le Temple et dans une lettre écrite
quinze jours après l’emprisonnement des Templiers,
il a dit sa façon de voir au roi avec une énergie tout à
fait exceptionnelle pour lui (p. 178). Mais déjà, dans la
bulle du 22 novembre, il parle un tout autre langage,
et quand la pression de Philippe s’accentue, le pauvre
homme constitue une commission pontificale composée
de créatures du monarque ; elle commence ses travaux
en 1309, et les évêques refont à peu près le travail des
tortionnaires royaux. Après des procédures non moins
indignes, cinquante-quatre Templiers sont brûlés vifs à
Paris, le 12 mai 1310.
Si nous connaissions à peu près, depuis longtemps, le
sort des chevaliers français, si grâce à M. F. nous con-
naissons aujourd’hui celui des chevaliers aragonais, qui
purent du moins se défendre dans leurs châteaux et ne
succombèrent pas sans gloire, nous ne savons toujours
pas grand chose sur la fin des Templiers d’Angleterre et
presque rien de ceux d’Allemagne, et sans doute nous
n’en saurons jamais davantage.
Le Concile de Vienne, réuni en 1311, n’eut plus qu’à rati-
fier les sentences déjà exécutées en partie, et à partager
le butin, enlevé aux victimes. Ce qui restait de l’Ordre
ne put pas s’y défendre (p. 355). Le 22 mars 1312, il
fut supprimé en Consistoire secret, et la sentence fut
promulguée le 3 avril ; le roi, pour apaiser les scrupules
du pape, qui voyait avec peine la Terre-Sainte privée de
LE RENIEMENT
SYMBÔLE INCOMPRIS
Ce reniement fait penser au mot plus sérieux qu’il ne semble : Offrez à Dieu votre Incrédulité. Les cérémo-
nies grotesques de la fête des idiots, fatuorum : « Le peuple élevait la voix. Il entrait, innombrable, tumul-
tueux, par tous les vomitoires de la cathédrale, avec sa grande voix confuse, géant enfant, comme le saint
Christophe de la légende, brut, ignorant, passionné, mais docile, implorant l’initiation, demandant à porter
le Christ sur ses épaules colossales. Il entrait, amenant dans l’église le hideux dragon du péché; il le traînait,
saoulé de victuailles, aux pieds du Sauveur, sous le coup de la prière qui doit l’immoler. Quelquefois aussi,
reconnaissant que la bestialité était en lui-même, il exposait dans des extravagances symboliques sa misère,
son infirmité. C’est ce qu’on appelait la fête des idiots, fatuorum. Cette imitation de l’orgie païenne, tolérée
par le christianisme, comme l’adieu de l’homme à la sensualité qu’il abjurait, se reproduisait aux fêtes de
l’enfance du Christ, à la Circoncision, aux Rois, aux Saints-Innocens.». Dans toute initiation, le récipiendaire
est présenté comme mauvais, afin que l’initiation ait l’honneur de sa régénération morale.
L’UNITÉ
‘‘
sûr pour la plupart d’entre nous est à elle.…Le phénomène de cancérisation par exemple, est une
chose inacceptable. véritable diablerie en soi, non pas du fait de l’intervention du
diable, mais bel et bien du fait des déraillements chroniques en
Si l’on trouve des affinités à l’hérésie tout genre, physiques, organiques ou psychologiques, subis par
du Temple en Europe, ce n’est pas le malade lui-même, qu’il en soit l’acteur ou indirectement la
chez les cathares, mais chez cette victime. Il est grand temps que nous révisions notre position
sur le diable et que nous rendions à César ce qui appartient
secte des lucifériens, qui était l’an-
à César… La vérité est que les Templiers ont découvert en
tithèse des cathares, et qui adorait
Islam et tout précisément en Égypte, les véritables fondements
Satan ou Lucifer, Celui à qui on a fuit de notre réalité tout à la fois, d’être vivant et aussi celle d’être
tort, le créateur de la terre, injuste- conscient. Il ne s’agit plus d’opposer un vilain diable à un gentil
ment chassé du ciel. Cette secte a bon dieu, mais de tout penser et repenser avec présent à l’esprit
été quelque temps répandue en Alle- un seul précepte, celui de l’équilibre.
magne et chez les Slaves. Les Sta-
’’
dingues de la Basse-Allemagne, au
treizième siècle, avaient été en butte Tout est équilibre et tout doit le
peu près aux mêmes accusations
rester…
que les templiers. V. Raynald. Annal.
eccles. an. 1234. Les lucifériens se rat- L’ÉQUILIBRE
tachaient à une secte plus ancienne,
les ophites (ceux qui honorent le C’est ainsi que « ce dieu équilibre » fut symbolisé par le Bapho-
serpent). Selon la Doctrine secrète du met. Il n’y a pas de quoi en faire un plat me direz vous quand
Temple par Henri Martin. on sait que le sphinx, la croix de vie ou le Griffon jouent tous
trois un même rôle, à savoir équilibrer deux grands types
Dessin Isi
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m DAEG PRESSE © TEMPLARIUM - 35
chevalerie Mystique
‘‘
tement au peuple ses découvertes en Égypte. Ces dernières, ne
Le Prince des ténèbres, d’après une pouvaient que consommer définitivement le divorce entre le
Temple et l’Église que les templiers servaient.
miniature du Saint-Graal, ms. du XVe
siècle. Biblioth. nat. de Paris. DE L’ORIENT À L’OCCIDENT
Les templiers étaient conscients d’avoir représenté la chré-
tienté en Islam pendant près de deux siècles. Ils furent les
d’énergies entre elles. Pour le Sphinx et le Griffon, il s’agit ambassadeurs de cette chrétienté et donc de l’Occident. Ils ont
d’unifier les énergies d’en haut avec celles d’en bas, « peuple œuvré au rapprochement de l’Islam et de l’Occident. Com-
énergétique cosmique » et « peuple énergétique tellurique », ment pouvaient-t-ils renier officiellement leur religion, même
pour le Baphomet, il s’agit d’unifier des énergies qui bougent en sachant que celle-ci était largement usurpée sinon déviée de
sur un plan horizontal, peuple d’Islam et peuple d’Occident. son sens premier par les prêtres et tous ceux qui la servaient,
’’
Quand à la croix ankhée, elle recèle en elle, toute la science sans risquer de discréditer l’ensemble de la chrétienté et donc
François Chabaud
aux sources de
T
l’égypte
P LE EMPLE DE HILAE
NOUS SOMMES AU TOUT DÉBUT DU XIIIÈME SIÈCLE, QUAND LES TEMPLIERS ARRIVENT EN
ÉGYPTE, AUX CATARACTES DU NIL. ILS FONT DU TOURISME, ILS ONT ENTENDU PARLER DE CES
GIGANTESQUES CONSTRUCTIONS DE L’ÉGYPTE ANCIENNE.
Ils veulent voir de leurs pro- Philae, non pas pour vérifier de
pres yeux, ces monuments qui semblables propos mais tout sim- Nous pénétrons ici sur le terri-
sont édifiés tout le long du Nil, plement pour faire moi aussi la toire de la déesse Isis.
depuis l’île de Philae, actuel rencontre avec cette mystérieuse
barrage d’Assouan, jusqu’au
delta du Nil ou surgit du désert
la grande pyramide de Kheops.
Terre d’Égypte. À vrai dire je ne
pensais pas retrouver les Tem-
pliers au barrage d’Assouan, mais
je sais depuis que la Déesse Maât,
L e Temple n’est plus à son
emplacement originel,
là où il fut édifié pour la
toute première fois. La construc-
barrage. Le résultat est que ce énergétique dont le seul but est en fonction de moments précis
Nil est désormais sans vie, sans de créer, de générer et régéné- tout au long de l’année. Ces per-
âme, car dépouillé à la fois de sa rer. sonnalités, nous l’avons compris
substance énergétique stellaire et sont soumises aux énergies pré-
de ses riches substances alluviales
provenant des hauts plateaux de
l’Afrique et charriés par le Nil du
Lac Victoria jusqu’aux cataractes.
Les substances énergétiques ont
V oilà ce que les templiers cédemment décrites. Ce qui fait
vont découvrir à Philae d’Isis, la Déesse de la fécondité
et par la suite au travers par excellence, la mère de toutes
de l’enseignement des hiérogly- les autres déesses. Les Chrétiens
phes. Pour marquer leur passage lui ont donné le nom de Vierge
été détournées par l’homme, les au Temple de Philae, ceux-ci ont Marie. Et Isis parturiente, revêt
énergies stellaires de la constel- gravé leurs signatures sur les pier- alors le nom de Happy. C’est le
lation du chien, ne se mélangent res de la façade, à même les hié- moment du cycle annuel où elle va
plus aux alluvions qui restent roglyphes, de chaque coté d’une donner la vie. C’est aussi le grand
bloqués tout au fond du fleuve, porte d’accès au Temple. Dès moment où elle fait la rencontre
en amont du barrage. Il semble que j’eus pénétré dans le Temple, avec son époux Osiris, qui est en
que désormais les dieux coulent ce que durent également faire les réalité, la constellation d’Orion,
une retraite anticipée. Les hom- Templiers, je cherchais la sculp- annoncé par Sirius l’Aboyeur.
mes eux-mêmes doivent payer le ture représentant la déesse Isis, Osiris apparaît également dans le
poids de leurs erreurs. Plus rien ne comme nous l’avait promis notre cycle lunaire mensuel à chaque
pousse sans l’intervention du Dieu guide. Mais quelle ne fut pas ma pleine lune… Bref, voilà notre
Engrais… surprise de découvrir que tous Saint Esprit qui va ordonner la
les bas reliefs qui représentaient naissance d’Horus, la naissance
fait étrangement penser au bapho- plus ni moins que du grand cycle du Monde, il s’agit assurément
met et il s’agit bien, en symbolique de la vie qui prend en compte comme nous le promet le phoe-
en tous les cas du baphomet deve- dans cette représentation allégori- nix, de la fin d’un Monde et de la
nu également Dieu de la fécondi- que du Moyen âge, l’enseignement naissance d’un nouveau Monde.
té. C’est la Déesse Isis, sous une de l’Ecole Égyptienne. Notre civi- Toutes ces années de lutte pour
personnalité énergétique déclinée. lisation ne considère que l’aspect vouloir sauver à tout prix le pou-
C’est encore l’Opus Magnum, matériel de notre monde, ce qui voir, au service d’une minorité,
des alchimistes, c’est-à-dire le feu nous fait avancer avec un seul n’aura servi à rien et ne servira
sacré qui contient la vie. Les alchi- œil ouvert, l’autre étant masqué plus à rien. « À la fin des temps,
mistes donne le nom de Mercure par un bandeau recouvert d’encre tout doit être dévoilé ». Armons
à ce feu sacré du ciel. de chine. Tout l’aspect spirituel, nous de patience, peut-être que
mais il faut désormais dire cosmo les chevaliers du Temple, « toutes
La Vierge Marie, a bénéficié énergétique a été volontairement ces sorcières et tous ces sorciers »
elle aussi de ce feu sacré, ce ou involontairement occulté. Le n’auront pas été sacrifiés en vain.
qui lui permet à son tour de résultat est que notre civilisation Peut être que demain, d’autres
concevoir le Lapis Monde, ou connaît ses derniers balbutie- chevaliers des temps modernes
fils de Dieu. ments. Le manque d’harmonie en conduiront l’humanité, non plus
toute chose, le défaut d’équilibre sur les chemins des croisades,
COMPAGNIE
LA COMPAIGNE DE LA HURE
La compaigne de la Hure, au travers de la re-
constitution d’une route de la deuxième moitié
du XIVe siècle, propose de découvrir la vie de ces
hommes de guerre violents et sans scrupules qui
ont participé à faire sombrer l’esprit courtois du
XIIIe siècle.
En les regardant vivre dans leur campement on
peut se rendre compte que ces guerriers pro-
fessionnels, courageux, fidèles à leur capitaine
et sans pitié face à l’ennemi, étaient aussi sim-
plement des hommes, appréciant la musique, le
chant, la danse et la bonne chair.
Ils savaient s’entourer du savoir faire des
meilleurs artisans et étaient tous capables du pire
comme du meilleur...
Les membres de la Hure mettent en œuvre tous
leurs efforts de recherche historique dans la con-
fection des costumes et dans le choix des armes
utilisées afin de fournir une reconstitution fidèle à
la réalité.
Ils font en sorte qu’aucun anachronisme ne puisse
être relevé sur leur campement.
Lors des dialogues et discussions, des mots et ex-
pressions en Français, Béarnais et Breton du XIVe
sont utilisés en un sabir tel qu’il devait exister au
sein d’une troupe dont les hommes venaient de
différentes contrées.
DU GUESCLIN
COORDONNÉES
COMPAGNIE DE LA HURE
LOS FAYDITS COMPOSITION
LA VINOUZE ENVIRON 30 ARTISTES RECONSTITUTEURS ET ARTISANS :
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CONÇU PAR UN MÉ- - LES MÉNÉTRIERS SONNEURS DE CORNEMUSE, DE GRAILLE
LANGE ALCHIMIQUE, ET DE FLÛTE
L’HYPOCRAS DE TORCHE- - LE TAMBOUR
GOULE POURRAIT ENTRE- - LES ROUTIERS FANTASSINS
TENIR DES HISTOIRES DE - LES ARCHERS ET ARBALÉTRIERS
MIRACLES LIÉS AU VIN. IL - LE VIVANDIER MARMITON
INSPIRERAIT DES FEMMES - LE FORGERON
DÉVOUÉES ET QUITTANT - LE BOISSELIER
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ou l’échine du Dragon », Tome I: « GUINHUT COSTUMIER vend Tenues
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Anciens Numéros
Templarium n°5
Templarium n°4 ŶLes Templiers dans le Quercy Ŷ Templarium n°6
Ŷ Rapide coup d’oeil sur Trois faits historiques troublants Régime socio-économi-
l’histoire du Temple Ŷ Les Ŷ Sur les traces des Templiers à que des Templiers Ŷ Les
Templiers à Richerenches Ŷ Figeac Ŷ Architecture de l’Hôtel Templiers à Montricoux
Les Templiers en Slovaquie Ŷ Médiéval Ŷ Guide pratique de la Ŷ Chevauchée arago-
Guigues, prieur de la Grande visite de l’Hôtel Médiéval de la naise ŶL’Ordre de Cala-
Chartreuse ŶCes mystérieux commanderie des Templiers Ŷ trava ŶSaint François et
Antonins Ŷ l’Ordre des Les Templiers de la Pierre - Fils les ordres mendiants Ŷ
chevaliers Croisés à l’Étoile aînés de l’Égypte ŶTour du Grif- le Baphomet, miroir de
Rouge Ŷ Les Bénédictins Ŷ fon et symbolique Ŷl’avènement toutes les sagesses Ŷ La
Le secret des prophéties dites spirituel des pèlerinages vers Compagnie du Seigneur
de Nostradamus Saint-Jacques-de-Compostelle de Guerre au Baux de
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Templarium HS n°1
Templarium n°10 Templarium n°11 Ŷ Il était une fois...
Ŷ Les débuts de l’Ordre du Ŷ La commanderie de Vaour Ŷ Les Templiers
Temple en France Ŷ Hugues Ŷ Le retour des Templiers Ŷ dans le Loir-&-Cher
de Payns fondateur et premier L’Ordre du Temple et la fin Ŷ La commanderie
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Jean Michaëlensis et la règle de chevalerie, une Institution guidée des bâtiments
du Temple Ŷ La Champagne ŶLes Templiers : des moines- Ŷ Portfolio. À l’om-
et les Templiers - Des origines banquiers Ŷ Cordes-sur-Ciel, bre des lumières Ŷ
au procès Ŷ L’Abraxas tem- une cité entre l’Orient et Muséologie. Centre
plier - Symbole gnostique Ŷ l’Occident Ŷ Les mystères de d’Histoire des Ordres
Entretien avec un arbalétrier Vaour : « Lieu sacré » voué au de Chevalerie...
: Serge Adrover culte de l’eau
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Commanderie des Templiers
BP 87 ............................. €
41, rue Gambetta Date et Signature obligatoires
46103 FIGEAC Cedex (France)