Numéro 1 La gazette de Laelith 4 de lestes semailles, A.R.D.

1016

TOUS LES DIEUX ASSEMBLÉS DANS LE CULTE DES ÉLÉMENTS PLEURENT À L’ANNONCE DE

La mort du roi-dieu teaphanerys XIV

annoncée par Vox dei
« Ô toi,

B
Croyant de la Ville sainte et du monde connu,
ienvenue à toi dans ce premier numéro de la Gazette de Laelith. Après le
Écoute ma parole,
fâcheux incendie d’origine accidentelle survenu hier soir, terrasse du Nuage,
Elle est la vérité proclamée.
dans les locaux du journal Salammatin (voir ci-dessous), notre très sainte cité
En cette aube bienheureuse, ne pouvait se résoudre à l’absence de publication des dernières nouvelles que tout
Le 4 de lestes semailles de l’an 1016, habitant respectable se doit de connaître. Et si cette simple raison ne suffisait pas
Après trente ans, quatre mois et dix jours de règne, à la création de la Gazette, le décès de notre bon Roi-Dieu Teaphanerys XIV nous
Rejoignant les Dieux dans leur auguste félicité, obligeait, nous, les gens de lettres, qui avons le souci du bien commun, à la publier.
Notre quatre fois saint Teaphanerys XIV Comme d’informer la population de l’organisation des funérailles, cérémonies et
A quitté cette vallée de larmes.
hommages sacrés qui seront organisés aujourd’hui et les jours suivants.
Désormais, il siège à leurs côtés.
— Ansar Allamra
Réjouis-toi de cette immense allégresse.
En cette aube recueillie,
Le 4 de lestes semailles de l’an 1016,
Souviens-toi de ses perfections qui ont offert à notre sainte Ville
Son plus beau rayonnement.
Teaphanerys XIV en sa gloire, revêtu du masque cérémoniel n°47, dit « La Corolle d'argent ».

Elles seront gravées dans ta mémoire

Pour les siècles à venir.
Désormais, tu en es le gardien.
Médite sur cet immense héritage.
En cette aube funeste,
Le 4 de lestes semailles de l’an 1016,
Débutent les cinq jours de deuil
Que commande notre loi millénaire.
Tu les respecteras avec ferveur
Dans le jeûne, la prière et la mortification.
Désormais, tu es orphelin.
Vis en toi cette immense détresse.
En cette aube radieuse,
Le 9 de lestes semailles de l’an 1016,
Se présentera à toi,
Ici même, en toute humilité,
Le quatre fois saint nouveau Roi-Dieu
De la Cité sainte de Laelith.
Alors, tu seras heureux.
Alors commenceront les festivités.
Ma parole est dite. La rédaction de la Gazette de Laelith tient à remercier Xenophial pour son aide et
Qu’elle soit désormais consignée dans le grand livre de chaque Temple. dédie ce premier numéro au règne du Roi-Dieu et aux Dieux de tous les mondes
Que ceci soit fait. » connus, et à l’équipe du Salammatin, et à tous les chasseurs de vérité, et à tous les
bienfaiteurs de la Cité sainte.
— Vox Dei, porte-parole du Roi-Dieu,
esplanade de la Demi-lune
 Horreur à salammatin !
3 de lestes semailles, A.R.D. 1016, peu avant minuit
« Vous aviez peut-être entendu dire que votre journal allait évoluer vers une
formule plus dense. Eh bien, je dois l’avouer, votre serviteur n’aurait jamais
imaginé que de terribles circonstances allaient précipiter cette mutation…
C’est en effet en milieu d’après-midi qu’une foule vindicative est venue
manifester sous les fenêtres de la petite demeure louée par la Bibliothèque
matérialiste universelle, au second étage duquel mes trois collègues étaient
occupés à recopier leurs articles. Le ton est rapidement monté et ces fauteurs
de troubles n’ont pas tardé à défoncer la porte du rez-de-chaussée et à
envahir nos locaux. Étant moi-même en déplacement au bord de la terrasse
du Châtiment, je ne sais pas encore ce qu’étaient leurs récriminations ni ce
qui s’est passé au cours de ces quelques minutes de folie meurtrière, mais
l’étage où se trouvait la rédaction a rapidement pris feu, entraînant le décès
Jour de deuil
Le douzième souverain de la dynastie du Dragon d’airain s’est éteint ce matin,
4 de lestes semailles 1016.
Peine et stupeur
Pour la grande majorité des Laelithiens, cette journée avait commencé comme
mille autres. Mais dès l’aube, les milieux les plus avisés pouvaient sentir le
parfum de l’Histoire se répandre sur notre sainte cité. Bien avant l’annonce
officielle du décès de Teaphanerys XIV en effet, les indices se multipliaient
pour manifester qu’un évènement extraordinaire s’était produit.
L’agitation fut d’abord sensible à travers les déplacements anormalement
nombreux des membres du haut clergé vers le Palais. Nous fûmes ensuite
informés de la prise de parole de Vox Dei tôt dans la matinée, ce qui nous
amena à retarder la parution du présent numéro.
Les rumeurs les plus folles ont alors circulé : on évoqua notamment le
soulèvement de Coraz, évidemment orchestré par le pouvoir souleÿnain.
Le retour dans le port d’une galère visiblement endommagée semblait
confirmer cette information.
Il n’en était rien, nous le savons maintenant. Après l’annonce officielle
de la mort du Roi-Dieu, les réactions sur l’esplanade de la Demi-Lune
mêlaient stupeur et peine. Certains craignaient cependant « l’horrible
guerre de succession » qui s’annonçait.
La fin d’une dynastie ?
Car en ce jour sombre, il nous faut néanmoins songer à l’avenir. Notre
prochain souverain apparaîtra prochainement. Le grand favori est sans
conteste Valdenath, du Temple du Crâne. Sa connaissance fine des relations
extérieures et son expérience en font le successeur évident. Mais le grand
prêtre de l’Oiseau de feu Servadax lui oppose jeunesse et audace. Il ne fait
aucun doute que la sagesse de Mitrias pèsera lourd dans la décision finale.
de cinq manifestants et de deux de mes collègues, tous brûlés vifs lors de
l’effondrement du plancher du second étage. Il semblerait toutefois que l’un
des courageux rédacteurs – dont je tairai le nom ici – ait pu s’échapper
en sautant par une fenêtre. C’est du moins ce que m’a confirmé un témoin
l’ayant vu s’enfuir avec plusieurs parchemins dans les bras.
Avec la mort des locaux du Salammatin, c’est une partie de l’âme de
notre ville qui s’envole, pleurant le sacrifice de deux intègres pionniers de
l’information qui avaient consacré trente années de leur vie à tout vous
dévoiler des petites affaires de notre sainte cité. Mais nul doute que le phénix
renaîtra de ses cendres et que d’autres rallumeront le flambeau de la Vérité.
En attendant, j’accroche sur ce mur ces premières nouvelles et vous tiendrai
rapidement au courant des suites à donner à cette affaire. »
— Xenophial, scribe à Salammatin
Soutiendra-t-il son expérimenté confrère malgré leurs divergences passées
? Ou se tournera-t-il vers la fougue d’une nouvelle génération ? Il y a fort
à parier que le grand prêtre du Poisson d’argent, Gamut Morénon, suivra
la décision de son homologue du Nuage.
Une période de troubles ?
Cette période de succession sera l’occasion pour des groupes séditieux de
se faire entendre. D’ailleurs, dès l’annonce du décès royal-divin par Vox
Dei, des troubles ont eu lieu au Grand Marché, et déjà des affiches hostiles
à la bienveillante autorité royale-divine ont été placardées terrasse de
la Main qui travaille. Nous nous sommes procuré un récent rapport du
Contrôle de l’Orthodoxie qui fait un bilan des menaces qui pèsent sur nos
institutions.
En voici les grandes lignes : « En premier lieu, il nous faut surveiller les
universitaires du Marbre, qui prônent plus ou moins ouvertement la
réforme des lois royales-divines. Ce sont essentiellement des intellectuels
Le feu de l’incendie n’éteindra pas la
flamme de l’information !
Au lendemain du drame qui a dévasté les locaux du Salammatin, tout
le quartier sentait encore la cendre et la mort. L’intensité du brasier a
carbonisé les corps des victimes et détruit les planches de caractères
en acacia d’Altalith (particulièrement odorant). Les fouineurs ignorent
l’origine exacte du sinistre.
La Gazette de Laelith a repris le flambeau. De nouveaux procédés secrets
mis au point par nos éditeurs gnomes nous permettront de diffuser coûte
que coûte toutes les informations qui vaudront d’être imprimées !
incapables de passer à l’action, mais ils pourraient toutefois pervertir
certains jeunes gens exaltés. […]
L’émergence de l’ordre de la Sous-Quintessence est plus inquiétante. Il
réunit des membres des quatre clergés et affirme œuvrer pour une plus
grande harmonie avec les Éléments, mais il ne fait nul doute que ce dogme
remettra rapidement en cause l’autorité du Roi-Dieu. […] »

La pierre-étincelle du souvenir
L’ultime cérémonie sera la pose d’une plaque mémorielle au cimetière
du palais, avant l’apparition du Roi-Dieu. Elle a lieu depuis 981 et le
décès de Teaphanerys XI l’Exalté. L’opaline quatre fois consacrée brille
de l’union des croyants : d’abord plongée dans le Bassin primordial du
Poisson d’argent, elle est ensuite gravée au Crâne avant d’être sublimée
par le feu du Brasier éternel et refroidie lors d’une ascension dans une
sphère du Nuage.

On pleure le Roi-Dieu de la Haute Terrasse à la Prospérité.

L’Apothéose de Teaphanerys XIV

Au matin du 4 de lestes semailles 1016, Sa Sainte Majesté Teaphanerys,
quatorzième du nom, a rejoint l’éternité des Quatre Éléments après un règne de
trente années qui lui a valu le surnom de « le Long ». La longueur de ce règne
justifie de rappeler ici ses points forts, que nos plus jeunes lecteurs pourraient ne
pas connaître et que nos plus anciens risquent d’avoir oubliés.
En 986, quand Teaphanerys XIV, douzième Roi-Dieu de la dynastie du Dragon
d’airain, monta sur le trône, il trouva parmi les nombreux problèmes de Laelith la
question du lithal, recréé par son prédécesseur Teaphanerys XIII durant sa courte
année de règne. Cette monnaie de papier lui sembla un excellent instrument pour
favoriser le développement économique de la cité, mais les bonnes intentions de
Sa Sainteté se heurtèrent au conservatisme des guildes de commerçants… et de
certains Temples, notamment du Crâne et du Poisson d’argent. C’est pourquoi le
lithal ne devait pas dépasser le statut de monnaie théorique de Laelith.
Le Roi-Dieu ne put trouver le temps de venir à bout des résistances et des
habitudes, car il était à l’ouvrage sur d’autres théâtres. Il avait en effet
d’importants projets de réformes et de constructions nouvelles.
Mais les affaires politiciennes devaient bientôt occuper la moindre de ses heures
et la plus fugace de ses pensées. Il dut ainsi faire face à ce que l’Histoire a baptisé
le Complot de Mirella. On se souvient que cette maléfique magicienne elfe noire,
usant de la puissance des Miroirs de vision qu’elle avait disséminés dans le monde
entier, parvint à faire croire à une partie du peuple que les saints offices de nos
cultes étaient des lieux de perdition. La civilisation elle-même était en péril sous
les coups assénés par Mirella et ses séides, dont le redoutable hypnotiseur Bargal
le Barbu. Mais l’union sacrée des quatre Temples et de leurs prêtres et adeptes se
fit autour de Teaphanerys. Après des années d’une lutte obscure, d’autant plus
difficile qu’elle se livrait dans les esprits mêmes du peuple, le culte des Éléments
fut rétabli.
Hélas, cette affaire semblait avoir épuisé les forces royales-divines. Au point que
hors de nos frontières, certains souverains des Six Provinces crurent bon de ne
plus respecter la bienveillante tutelle de Laelith, d’où divers incidents déplaisants
auxquels le prochain Roi-Dieu saura, n’en doutons pas, mettre bon ordre.
Mais le pire était à venir. Par trois fois, la Cité sainte faillit être détruite par
l’attaque de puissants ennemis (voir encadré). Qu’elle ait survécu alors que cédait
la trame même de la réalité est à mettre au crédit de notre divin souverain.
Célébrons donc, chers concitoyens de Laelith, l’ineffaçable mémoire de
Teaphanerys XIV le Protecteur comme celle de l’un des plus grands Rois-Dieux de
l’Histoire de Laelith.
Trois cataclysmes surmontés
À l’intérieur de nos murailles, bien des habitants purent croire de
bonne foi que Teaphanerys XIV ferait finalement partie des Rois-Dieux
auxquels la postérité a attaché le surnom infamant de « Fainéant ».
Rien n’était plus faux ! Mais il est des règnes frappés par le destin et des
événements dont il n’est pas toujours bon que le peuple soit informé.
Un jour fatal de 999, peu avant le premier Changement de Millénaire,
notre sainte cité faillit disparaître. Les Dieux voulurent qu’un cataclysme
naturel pire que le Châtiment de Tanith-Lenath menace de détruire le
monde entier. En 1006, ce fut une invasion de barbares venus d’une faille
entre notre univers et le leur. Et en 1011, une tentative de révolution
menée par des séditieux du Cloaque dut être jugulée dans la discrétion.
Par trois fois, la fermeté d’âme de Teaphanerys et l’aide de courageux
aventuriers évitèrent l’anéantissement de Laelith, dont l’autorité morale
rayonne à nouveau sur l’univers !
 Les clans halfelins de Laelith
L’histoire de l’implantation des pieds-légers à Laelith débute il y a bien longtemps.
Les premières familles étaient des marchands ou des saltimbanques, la mémoire Semio Doigts-agiles
collective diverge sur le nom et la profession du premier clan de la cité. Cela
Ce rhapsode de la Prospérité vit dans la Vallée. Jovial, toujours plein
entraîne parfois des discussions houleuses entre gens de négoce et gens du
d’allant, il joue avec brio de nombreux instruments. Mais il doit sa répu-
cirque… Une certaine inimitié perdure d’ailleurs à ce propos entre les familles
tation au violon. Il se produit dans de nombreuses taberges, rapportant
Deserpe et Ducol qui revendiquent toutes deux la première place.
les nouvelles de la ville. On le dit très bien informé.
Les Deserpe habitent le quartier de la Vallée, terrasse de la Prospérité. Autour Cerisette
d’une source se sont regroupés différents clans qui ont aménagé les alentours à la
Jeune femme taciturne, Cerisette est une artiste des roulottes : jongleuse,
manière de la contrée natale : ainsi, ils vivent dans des chaumines aux ouvertures
funambule, lanceuse de couteau, contorsionniste… Elle excelle dans
rondes et au toit végétalisé. Un petit cours d’eau serpente au milieu d’une rue
de nombreux domaines ! Avec son frère, Abricot, elle crée des numéros
pentue et herbeuse que toute la communauté entretient. L’eau doit en effet rester
époustouflants qui lui ont valu de monter sur les meilleures scènes de
claire puisqu’elle alimente les thermes de la Vallée, le seul établissement de bains
la ville. Elle va jusqu’à faire des représentations privées dans les hôtels
construit à l’échelle des petites gens. Ils sont ouverts à tous (mais le plafond est
particuliers de la Haute Terrasse.
bas !), même si la clientèle est essentiellement composée d’halfelins, de gnomes
et de nains. Bulo
Ce grand halfelin tient une maison de commerce sur les quais. Sa bou-
Le clan Ducol réside aux Trois Roulottes, terrasse de la Main qui travaille. Cette
tique, en apparence modeste, est en fait reliée par différents escaliers
placette située sur un petit promontoire s’est en effet construite autour de trois
et traverses à de nombreux entrepôts répartis sur plusieurs pâtés de
véhicules dont on peut encore deviner la présence dans les murs des bâtiments
maisons. Dans ce dédale, Bulo prétend posséder tout ce qu’un Laelithien
les plus anciens. On raconte que les premiers halfelins auraient voulu éviter
peut rechercher.
l’embouteillage de la rue des Chariots, déjà très encombrée à l’époque, et qu’ils
seraient restés bloqués à cet endroit. D’autres affirment que ce lieu rappelle les
collines de leur contrée natale. Plus pragmatique, une troisième version explique
que la surélévation de la place offrait une bonne visibilité au cirque qui y fut
monté. Car les Trois Roulottes réunissent de nombreuses familles d’artistes. Le spectacle
y est quotidien, sous un chapiteau permanent et les meilleures maisons de la ville
viennent y chercher des numéros inédits.

Les halfelins grands-sabots quant à eux ne s’occupent pas de savoir qui est
arrivé le premier (ils n’en disent mot, mais ils savent bien que c’est un de
leurs clans !). Ils se sont regroupés près des quais de la Chaussée du lac.
Commerçants et armateurs, ils se sont parfaitement intégrés aux mariniers
locaux. Ils jouissent même d’une excellente réputation de pilote sur les eaux
parfois tumultueuses du lac.

Quelle que soit leur rivalité, les halfelins de Laelith font preuve d’une grande
solidarité entre eux. Vivre au milieu d’une si grande ville pour une petite
communauté (on compte environ 3 000 résidents halfelins) nécessite de dépasser
les querelles intestines. Un halfelin trouvera toujours refuge chez un autre, peu
importe son clan.

Dans l’ensemble, les halfelins entretiennent de bonnes relations avec les autres
Laelithiens. Bien intégrés, on trouve des représentants de cette race dans de
nombreuses institutions.

Ours. Gazette de Laelith n°1. Auteurs : Jean-Marie Noël, Marc

Sautriot, Thomas Le Goareguer et Frank Stora. Maquette :
Chez monsieur Bulo, une mère n'y retrouverait pas ses petits, Damien Coltice. Illustrations : Didier Guiserix et Tanburci.
mais lui te trouveras tout ce dont tu as besoin.