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TEMPLARIUM

10 Avril - Mai Le premier Magazine des Moines-Chevaliers


Belgique 7 € - Luxembourg 7€ - Suisse : 12 FS - Italie 7€ - Andorre 6,10€

Les débuts de
l’Ordre du Temple
L’Abraxas Templier,
symbole gnostique

Hugues de Payns
fondateur et premier maître des Templiers

Jean Michaëlensis
et la règle du Temple

La Champagne & les Templiers


des origines au procès

Serge Adrover
entretien avec un arbalétrier
Sommaire
H ISTOIRE D’HIER & A UJOURD’HUI
P. 6 l’Ordre du Temple
EN FRANCE

P. 10 Hugues de Payns
FONDATEUR ET PREMIER MAÎTRE DE L’ORDRE DU TEMPLE
P. 14 Jean Michaëlensis
ET LA RÈGLE DU TEMPLE
P. 16 La Champagne & les Templiers
DES ORIGINES AU PROCÈS
P. 22 L’Abraxas Templier
SYMBOLE GNOSTIQUE
P. 26 entretien avec un arbalétrier :
SERGE ADROVER
2 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION
N°10 - AVRIL / MAI 2004
LES TEMPLIERS
Six à Troyes
TEMPLARIUM À la fin du XIe siècle, venus libérer les Lieux saints, les cheva-
liers croisés oublient peu à peu la fièvre originelle qui les ani-
est une revue bimestrielle publiée mait, et finissent par succomber aux délices du pouvoir et des
par DAEG EDITION © conquêtes. L’ardeur religieuse cède peu à peu à l’ambition.
BP 18 Le jour de la Saint-Hilaire, le 14 janvier 1128, la cathédrale
Rue de l’armurier
84360 Lauris de Troyes est illuminée pour l’ouverture d’un concile : celui de
tél. 04 90 08 30 11 consacrer l’existence des Templiers. Le clerc de l’assemblée, le
association loi 1901 moine Jean Michel, transcrit sur un parchemin les déclarations
daeg.presse@templarium.com des éminents théologiens, abbés, évêques et archevêques,
http://www.templarium.com
devant Hugues et ses cinq compagnons venus demander
SIRET 449 250 075 00016 humblement une règle pour leur nouvelle communauté.
Après avoir entendu l’exposé du grand maître plaidant pour
la consécration de l’ordre, les pères du concile ne ménagèrent
ADMINISTRATION pas leur approbation, et la règle fut élaborée pour le nouvel
Directeur de publication
Jean-Luc.ALIAS Ordre.
Tel 06 73 10 37 47 À cette époque, Bernard, malgré son goût de la solitude,
Rédacteur en chef prenait une part très active à la solution des grands problè-
Sébastien BAUDRY mes politiques et religieux qui se posaient, non seulement en
Tel 06 12 78 25 41
Secrétariat
France, mais dans le monde entier.
Gisèle DEMOULINGER Il n’est pas surprenant que les pères du concile lui aient confié
la besogne délicate d’asseoir le nouvel ordre sur une base
ABONNEMENTS solide. Saint Bernard connaissait les Templiers depuis leur fon-
Éditorial
DAEG Edition dation, ainsi que le prouve la lettre qu’il adressa plus tard au
BP 18
Rue de l’armurier comte Hugues de Champagne, quand celui-ci quitta ses terres
84360 Lauris pour entrer dans l’ordre du Temple. Dans ce message, l’abbé
tél. 04 90 08 30 01 de Clairvaux semble regretter que le nouveau Templier n’ait
Portable 06 73 10 37 47 pas choisi, de préférence, l’ordre de Cîteaux, mais le saint
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abbé tenait une haute estime pour la milice du Temple.
ATTACHÉE DE PRESSE Les pauvres chevaliers du Christ avaient grand besoin de
FRANÇOISE JASPART l’approbation ecclésiastique pour le recrutement de nom-
TEL 06 10 20 29 25 breux frères en France. On se méfiait, au début, d’un ordre
qui alliait les rigueurs militaires et l’ascèse monastique. On
FABRICATION
Maquettiste s’étonnait même, en ce siècle de croisades, de voir des reli-
Info Graphiste gieux s’engager à verser le sang pour suivre leur vocation.
Photographies Sans renier sa traditionnelle horreur des combats, l’Église
Daeg sauf mention contraire
Impression:
s’adaptait, une fois de plus, aux circonstances de temps et
Imprimeries de Champagne à de lieu : « Ne pouvant empêcher la guerre, elle avait fait du
Langres soldat, d’abord un chrétien, puis un moine, afin d’en faire un
saint. Assurément, nous sommes loin du temps où un Origène
et un Tertullien condamnaient l’état militaire comme incom-
Diffusion : MLP patible avec le caractère et la dignité du chrétien (Vacandard,
Export : Export Press
CPPAP : 0608 K 83219 vie de saint Bernard) »
ISSN : 1633-2105 Nous espérons que les rubriques du sommaire de ce numéro
Dépôt légal à parution 10 seront tout particulièrement apprécier.
Reproduction interdite
Crédits photos & illustrations :
reproduction interdite. Tous droits
Cordialement
réservés Jean-Luc Alias
La direction n’est pas responsable
des articles et photos qui n’engagent
que leurs auteurs.
Les manuscrits non sollicités par la
rédaction et non insérés ne sont pas
rendus et ne peuvent être considérés
comme accepté par la rédaction.
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d’abonnement.

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 3


« De tous les ordres de
Chevalerie, aucun n’eut un
destin aussi extraordinaire
que l’Ordre des Templiers,
aucun n’eut une telle
inÀuence sur la direction
du monde, inÀuence qui
durera longtemps après sa
disparition. » JULES MICHELET

DOSSIER : LES DÉBUTS


DE L’ORDRE

4 - TEMPLARIUM
LE MÉDIÉVISTE
©©DAEG
DAEG
EDITION
EDITION
DU TEMPLE

« Cheveux tondus, poils hérissés, souillés de poussière, noirs de fer, noir


de hâle et de soleil... Ils aiment les chevaux ardents et rapides, mais
non parés, bigarrés, caparaçonnés... Ce qui charme dans cette foule,
dans ce torrent qui coule à la Terre Sainte, c’est que vous n’y soyez que
des scélérats et des impies. Le Christ d’un ennemi se fait un champion,
du persécuteur Saül, il fait un Saint-Paul. » SAINT BERNARD, de Nova Militia.

DAEG EDITION©©LETEMPLARIUM
DAEGEDITION MÉDIÉVISTE - 5
DOSSIER : LES DÉBUTS DE L’ORDRE

L’ORDRE DU TEMPLE
F EN RANCE

GUILLAUME DE TYR ÉCRIVANT SA


CHRONIQUE DES CROISADES

DEUX CHEVALIERS, L’UN CHAMPENOIS, HUGUES DE PAYNS ET L’AUTRE FLAMAND, GODEFROI DE


SAINT-OMER FONDÈRENT L’ORDRE DU TEMPLE PROBABLEMENT EN 1119. IL EST VRAI QUE SELON G.
DE TYR, L’ANNÉE 1118 FUT COMMUNÉMENT ADMISE COMME DATE DE DÉBUT DU TEMPLE PUISQU’ELLE
SE PLAÇAIT L’ANNÉE DE L’AVÈNEMENT DE BAUDOIN II, ROI DE JÉRUSALEM. CEPENDANT, ON RETROUVE
LA DATE DE 1119 DANS LA « VIE DE SAINT BERNARD ». ET L’ACTE DE 1127, DONNÉ PAR LE COMTE
THIBAULT EN FAVEUR DES CHEVALIERS DU TEMPLE DE SALOMON, CITE UNE PRÉCISION SUPPLÉMENTAIRE:
« EN LA VEILLE DE LA TOUSSAINT EN LA HUITIÈME ANNÉE DE LA MILICE », C’EST-À-DIRE QU’IL PLACERAIT
LE DÉBUT EN 1119. CETTE DATE SE TROUVE CORROBORÉE PAR LA PHRASE DU RÉDACTEUR DU CONCILE
DE TROYES QUI STIPULAIT QUE L’ORDRE ÉTAIT DANS SA NEUVIÈME ANNÉE AU MOMENT DU CONCILE DE
1128.
« ILS FURENT DEUS FRÈRES CHEVALIERS DONT L’UN AVAIT POUR NOM

B
HUES DE PAIENS DE LES TROIES ET L’AUTRE GODEFROIZ DE SEINT-
audoin II les établit dans les dépendances de son OMER » ( GUILLAUME DE TYR.). LES DUX CHEVALIERS, HUGUES DE
palais, tout près de l’emplacement qu’occupait PAYNS ET GODEFROI DE SAINT-OMER © PHOTO JEAN-LUC ALIAS
jadis le Temple de Salomon. Ces chevaliers y vi-
vaient sans règle, se vêtaient d’habits séculiers et se nour-
rissaient d’aumônes. Il faut dire qu’en cette période, ce fut
la première fois que des moines soient appelés à mener
une vie militaire. Ils se destinaient à secourir, en Orient,
les pèlerins du monde entier.
Mais comment accomplir une telle tâche sans le secours
de la chrétienté ? Au préalable, il fallait que leur Ordre
puisse obtenir la reconnaissance du Saint-Siège. Alors,
pour ce faire, Hugues de Payns et ses premiers compa-
gnons repartirent en Europe.
Leur séjour Outre mer durera de 1127 à 1130. Ce qui
implique des démarches précises auxquelles Hugues de
Payns ne pouvait être étranger. Sa présence en Champa-
gne était donc impérative à cette date.
À vrai dire, nous ne savons que peu de choses quand à
l’itinéraire que suivirent les chevaliers à leur retour en
France. Nous pensons qu’Hugues de Payns se rendit pro-
bablement à Rome, en 1127, lorsqu’il revint de Palestine,
puisque nous avons la certitude qu’il eut une entrevue
avec le Pape Honorius III. Ensuite, il gagna la Champa-
gne et rendit visite à son Àls Thibault, Theobaldus de Pahens
Àlius Hugonis primi magistri Templi Hierusalem, in Rec des
Historiens TXII p288.
Il nous faut souligner un fait important concernant la
Champagne. Cette province a contribuée, avant toute
autre, à l’établissement des pauvres chevaliers en Occi-
dent, (Marquis d’Albon in Cart. Gén. de l’Ordre du Temple,
éd. Champion 1913). Ce sont d’ailleurs les évêques Cham-
penois qui ont établi et développés, dans leurs diocèses,

6 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


L’ORDRE DU TEMPLE EN FRANCE

TABLEAU DE FRANÇOIS MARIUS GRANET (1775-1849) QUI ILLUSTRE


LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE DE L’ORDRE DU TEMPLE PAR LE PAPE
HONORIUS II AU CONCILE DE TROYES EN 1128

les premières installations de la milice. Le Comte Hugues L’Ordre du Temple fut donc approuvé, et Hugues de Payns
était quelqu’un de riche et on ne peut guère douter qu’il entreprit d’y intéresser les États et les grandes familles de la
n’ait constitué au Temple un patrimoine à Payns, lieu de son Chrétienté. Ses démarches aboutirent en Angleterre auprès
origine — l’abbé Pétel a réfuté déÀnitivement l’attribution à du Comte Falque d’Anjou (cf. cart. d’Albon p XXIX, note
Hugues de Payns d’une origine Champenoise, in Commande- 5). Ce dernier se trouvait à Jérusalem lors de la fondation
rie de Payns p. II- p. XII — Cependant la Charte de cette do- du Temple, et il entretint une armée à ses frais pendant une
nation nous fait défaut mais cela n’a que peu d’importance année. Il entra ensuite dans le Temple après avoir marié son
car lorsque les premiers chevaliers Àrent la promesse au Pa- Àls Geoffroi avec l’impératrice Mathilde, Àlle du Roi d’An-
triarche de Jérusalem de protéger les pèlerins ; ils cédèrent gleterre Henri Ier.
leurs biens « en la mein du patriarche voerent chastée et obedience, Le Comte d’Anjou et Hugues de Payns descendirent en
et renoncièrent a toute propriété », (G de Tyr in Rec. des Hist. des Poitou, puis ils gagnèrent la Flandre. N’oublions pas que
croisades t. I p. 520). Le Père Jocelin, un des pères du Concile la Flandre avait fourni à l’armée des croisés ses principaux
de Troyes, disait : « Plus généreuses a été la charité avec laquelle chefs, et que Geoffroi de Saint-Omer en était originaire.
frère Hugues [...] avez prodigué [...] votre patrimoine… », (Marquis Certains diront qu’il était représenté sur le sceau du Tem-
d’Albon in Cart. Gén. de l’Ordre du Temple, p. 42-43 n° LIX). ple par l’un des deux cavaliers (in Grande chronique de Mat-
Nous voyons dès lors que ces cessions matérielles sont du thieu Paris, 1840 t. I p.275 n°1). Mais dans cette recherche
type monacal. d’élargissement, Geoffroi de Saint-Omer utilisa le cercle
Et à l’instar des confréries ou ordres religieux, le grand Maî- des relations qu’il entretenait à la cour. Dès ce moment, de
tre exposa lors du concile un genre de vie à adopter pour nombreuses donations furent octroyées à l’Ordre.
la milice, et posa les bases d’une règle qui se rapproche de Le recrutement du Temple en France, a été marqué par l’in-
celles des Augustins (cf. J de Vitry, Historia Hierosolimitana, tervention de saint Bernard. Dans son « Éloge de la nouvelle
éd. Bogars, t. I p. 1083). Les Pères du conciles lui substi- chevalerie », il faisait revivre l’idéal religieux des Templiers et
tuèrent des statuts inspirés de la Règle de saint Benoît, et se laissait à dire que les gentilshommes s’empressaient de
dont la rédaction fut conÀée à saint Bernard. Notons que le mettre leurs épées au service de Dieu. En fut-il réellement
patriarche, Étienne de Jérusalem, adapta la règle aux condi- ainsi ? Non, car le Temple attira plus de mécréants, ravis-
tions particulière de la vie en Palestine. La Règle déÀnitive seurs, scélérats, homicides…, que d’honnêtes gens. Mais
du Temple fut ainsi constituée en 1130 : « G Schnuerer Die saint Bernard y voyait là un double avantage plutôt qu’un
urspruengliche Tempelregel, p. 112-117 et p. 41, la règle connue une mal : « Le départ de ces gens-là est une délivrance pour le pays et
traduction française en 1180 mais était fort inexacte ». l’Orient se réjouira de leur arrivée à cause des prompts services qu’il

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 7


DOSSIER : LES DÉBUTS DE L’ORDRE
en attend » (Migne, in De laude novae militiæ ad milites templi liber, parce qu’ils alimentaient la guerre en Terre Sainte. Ce nouvel
Patr. lat. t. 182). Ordre, approuvé par les Pères du Concile, déclenchait un
Le recrutement de ces personnes n’exposaient-il pas cet intérêt pour tous. Chacun voulait y collaborer, l’aider à vivre
Ordre nouveau à dégénérer, car les accusations portées plus et à l’enrichir si possible.
tard à leur encontre, furent accueillies facilement par les di- Citons Mansuelt in Histoire critique et apologétique de l’Ordre des
vers protagonistes ? Peu importe, saint Bernard rajoutait sur Chevaliers du Temple de Jérusalem dit Templiers, Paris 1789 t. I
ces personnes que « le Christ sait tirer vengeance de ses ennemis : p.22 : « à peine sept ou huit ans s’étaient écoulés depuis la conÀrma-
non seulement il triomphe d’eux, mais il s’assure par eux un triomphe tion de l’Ordre, qu’on le vit s’étendre prodigieusement... Les donations
sans précédent. Il change ceux qui depuis longtemps l’oppriment en qu’on leur Àt n’étaient pas des terrains incultes ou à défricher, comme
défenseurs de sa cause, d’un ennemi il fait un chevalier, comme jadis ceux que recevaient les disciples de saint Norbert et de Saint Bernard,
d’un Saul persécuteur il a fait un Paul apôtre ». Puis, une question c’étaient des châteaux, des Àefs, des forts, des bourgades avec leur ap-
se posait, que faire de ces gens ? partenance. »
Beaucoup de ces personnes n’avaient pas été préparées Nous venons de voir et avons, je pense, sufÀsamment
au métier des armes, et il ne valait mieux pas songer à les prouvé et établi de quelle manière se sont implantées les
envoyer en Terre Sainte. Par contre, en France on pouvait premiers établissements Templiers. Certes nous pourrions
utiliser leur connaissance de l’agriculture et une certaine développer plus en avant ce thème sans Àn car l’étude des
aptitude au commerce en vue d’exploiter les propriétés de cartulaires est si précise qu’elle nous donne des détails allant
l’Ordre. Pour ces gens-là, l’Ordre sollicita des grands pro- jusqu’au quantité de grains, noms des personnes, lieux, etc.
priétaires, des monastères, d’autres domaines non exploités Cependant nous n’apporterions pas de nouveaux éléments
et des terres en friche. Des bois furent abattus, et les domai- sur ce sujet. Néanmoins, la mission des premiers chevaliers
nes d’exploitation rurale des Templiers virent le jour. ne s’arrêta pas là, puisque par l’intermédiaire de Hugues
Cependant, tout le personnel du Temple ne se consacrait Rigaud, l’Ordre du Temple pénétra au Portugal puis connut
pas aux travaux des champs. Ils étaient répartis en deux caté- un formidable développement au delà des Pyrénées. L’Or-
gories de religieux : les frères de couvent et les frères de mé- dre continua à croître et s’imposa, aux yeux de tous, comme
tier (in de Curzon, La règle du Temple, n°320). Parmi les frères une puissance Ànancière et militaire des plus importantes
de la première catégorie, on trouve les chapelains, chevaliers de leur époque, sans oublier que « l’église doit à la France la
et sergents en état de porter des armes. La seconde catégorie création des moines-soldats, et que dans l’histoire du monachisme, les
était composée de sergents attachés au service intérieur et Templiers ainsi que les Hospitaliers sont d’origines Françaises. À la
aux travaux manuels ; en fait, ils appartenaient au personnel fois religieux et militaires, ces deux ordres caractérisent éminemment les
domestique et agricole des commanderies, et occupaient un vertus de notre race, peu faite pour la contemplation mais croyante et
rang inférieur à ceux de la première. Mais une chose les re- chevaleresque » (V. Carrière)
liait : l’argent et le gain. Pas pour eux, bien au contraire, mais Sébastien Baudry

MAIS QUE FAISAIENT DONC HUGUES DE PAYNS, GEOFFROY DE SAINT-OMER ET LEURS COMPAGNONS À FOUILLER CETTE TERRE SAINTE PRÈS DE L’EMPLACEMENT
DE L’ANCIEN TEMPLE, SUR CE SOL DESION, NON LOIN DE LA MOSQUÉE D’OMAR… QU’ONT-ILS CHERCHÉ, TROUVÉ OU CRU DÉCOUVRIR ? LE SAINT GRAAL ? LES
SECRETS ARCHITECTURAUX QUI FERONT RAYONNER L’ART GOTHIQUE À PARTIR DE CE XIIE SIÈCLE ? L’ARCHE D’ALLIANCE ? QUELQUE SAVOIR ÉSOTÉRIQUE EN RAPPORT
AVEC L’ISLAM ? NUL NE LE SAIT ET NE PEUT ÊTRE AFFIRMATIF… UNE CHOSE EST CERTAINE : LA CRÉATION DE L’ORDRE DU TEMPLE NE S’EST PAS FAITE DANS LE BUT
UN PEU SIMPLISTE DE PROTÉGER LES PÈLERINS SUR LES ROUTES MAIS RÉPOND À UNE DÉMARCHE LONGUEMENT RÉFLÉCHIE, VOIRE UNE QUÊTE MYSTIQUE PLUS OU MOINS
COMMANDITÉE PAR LES MOINES CISTERCIENS, ÉTIENNE HARDING ET BERNARD DE CLAIRVAUX
LES NEUFS FUTURS TEMPLIERS SONT PARTIS CHERCHER QUELQUE CHOSE EN ORIENT DE PRIMORDIAL POUR LA RELIGION DE BERNARD ET ÉTIENNE ; QUELQUE CHOSE NE
POUVANT SE TROUVER QUE SUR LES LIEUX SAINTS ; QUELQUE CHOSE DE TELLEMENT SECRET QUE SEUL LE PAPE A DORÉNAVANT PRISE SUR L’ORDRE ; QUELQUE CHOSE
DE SI FABULEUX QUE SEULS LES LIENS DU SANG DES FONDATEURS PEUT LE PROTÉGER. TOUT S’EXPLIQUE ALORS. LES VOYAGES DE « RECONNAISSANCE » DE 1104
ET 1114 ; L’ÉTUDE DES TEXTES HÉBREUX EN 1115 À CÎTEAUX ; LES FOUILLES SOUS LE TEMPLE DE SALOMON À PARTIR DE 1118. EN 1126, ILS ONT TROUVÉ. LE
COMTE DE CHAMPAGNE ABANDONNE TOUT ET LES REJOINT EN 1127 : IL FAUT PROTÉGER LE SECRET. LE CONCILE DE TROYES REND LES TEMPLIERS INTOUCHABLES ET
LES TRANSFORME EN ARMÉE DE DÉFENSE DES LIEUX SAINTS.

dessin François Craenhals / couleurs Ornella Alias

8 - TEMPLARIUM
LE MÉDIÉVISTE
©©DAEG
DAEG
EDITION
EDITION
L’ORDRE DU TEMPLE EN FRANCE

PRISE DE JÉRUSALEM EN 1099.


HUILE SUR TOILE DE PIERRE SIGNOL, 1847

DAEG
DAEG
EDITION
EDITION
©©LETEMPLARIUM
MÉDIÉVISTE - 9
DOSSIER : LES DÉBUTS DE L’ORDRE

HUGUES DE PAYNS
FONDATEUR ET PREMIER MAÎTRE
DE L’ORDRE DU TEMPLE

L es conséquences de la première croisade nous sont


connues par ces hommes qui ont vécu les événe-
ments, ou qui les ont entendu relaté, et qui ont pris
soin de les coucher par écrit. Les principaux chroniqueurs
que l’on peut consulter pour cette période sont au nom-
bre quatre.
HUGHES DE PAYENS, Le patriarche jacobite Michel le Syrien, le chevalier
HUILE SUR TOILE Ernoul, Jacques de Vitry et Guillaume de Tyr. Jacques de
D’HENRI LEHMANN, Vitry mentionne « Des chevaliers agréables et dévoués
VERSAILLES à Dieu, brûlant de charité, renonçant au monde, et se
ET TRIANON consacrant au service du Christ, s’astreignirent par une
profession de foi et des vœux solennels, prêtés entre les
mains du Patriarche de Jérusalem, à défendre les pèlerins
L’HISTOIRE DES TEMPLIERS A FAIT COULER BEAUCOUP D’ENCRE. contre ces brigands et ces hommes de sang, à protéger les
D’INNOMBRABLES AUTEURS, AVIDES DE SENSATIONNEL ET DE routes publiques, à combattre pour le Souverain roi, en
SUBSIDES, ONT PUBLIÉ LES THÈSES LES PLUS FANTAISISTES, vivant, comme des chanoines réguliers, dans l’obéissance,
dans la chasteté et sans propriété». Les trois autres chroni-
QUANT À LA NAISSANCE, LA VIE ET LA MORT DE CET ORDRE
queurs nous précisent que ces chevaliers sont menés par
CÉLÈBRE. un certain Hugues de Payns.
TOUS LES LIVRES CONSACRÉS AUX TEMPLIERS MENTIONNENT En effet, vers 1114, des chevaliers laïques rassemblés par
LE NOM DU FONDATEUR. CERTAINS, LES MOINS SÉRIEUX COL-
Hugues de Payns, avec l’appui non négligeable du comte
Hugues de Champagne, se mettent au service des cha-
PORTENT LES HYPOTHÈSES LES PLUS FANTAISISTES REMETTANT
noines du Saint-Sépulcre pour défendre et protéger les
MÊME QUELQUEFOIS EN CAUSE DES ÉLÉMENTS DONT LA VÉRA- pèlerins venant se recueillir dans la Ville sainte. Ils sont
CITÉ EST PROUVÉE. UN AUTEUR EST ALLÉ JUSQU’À PRÉTENDRE probablement hébergés par les hospitaliers de l’Ordre de
— SANS TENIR COMPTE D’ARCHIVES POURTANT FIABLES Saint-Jean nouvellement créé.
Avant 1119, les compagnons construisent la tour de Des-
— QUE THIBAUD DE PAYNS N’ÉTAIT PAS LE FILS MAIS LE FRÈRE troit, un relais de sécurité surplombant le défilé nommé
D’HUGUES DE PAYNS. D’AUTRES AFFIRMENT DES FAITS QUI NE « pierre encise » sur le chemin des pèlerins entre Haïffa
SONT QUE DES SUPPOSITIONS. LES AUTEURS SÉRIEUX PARLENT et Césarée. Les voyageurs voulant se rendre à Jérusalem
prenaient régulièrement cette route et étaient souvent vic-
D’HUGUES COMME D’UN OBSCUR CHEVALIER CHAMPENOIS
times des bandes de pillards écumant la région. Plus tard,
DONT ON NE SAIT PAS GRAND CHOSE. RÉGINE PERNOUD dès 1218, les chevaliers du Temple construisirent une
DÉSIGNE SIMPLEMENT HUGUES, ORIGINAIRE DE PAYNS EN forteresse, appelée châtel-pèlerin en face de cette tour, de
CHAMPAGNE. LAURENT DAILLIEZ CITE HUGUES DE PAYENS, l’autre côté du défilé. Ce lieu se nomme de nos jours Ath-
lit et se trouve au sud d’Acre, à la hauteur de Nazareth.
ISSU DE LA FAMILLE DES COMTES DE CHAMPAGNE, [...] L’UN
L’entreprise des deux compagnons crée une protection
DES PLUS ILLUSTRES NOBLES DE SA PROVINCE. LE PROFESSEUR de la portion la plus dangereuse de la route de Jérusalem.
DEMURGER PENSE QU’HUGUES DE PAYNS ÉTAIT UN SEIGNEUR Pourtant ce n’est pas suffisant. Pour sécuriser l’ensemble
DE QUELQUE IMPORTANCE, UN HOMME DE LA MOYENNE ARIS-
des routes et construire des forteresses, il faut maintenant
constituer une troupe d’élite dévouée corps et âme à la
TOCRATIE. QUANT À GEORGES BORDONOVE, IL DÉCLARE : « sainte Cause. C’est pourquoi ils prononcent des vœux
DE CE HUGUES, ON NE SAIT PRESQUE RIEN, HORMIS QU’IL devant le Patriarche de Jérusalem, Gormond de Picquigny
ÉTAIT DE LA RÉGION DE TROYES ET APPARENTÉ AU COMTE DE en s’engageant à suivre les usages des chanoines réguliers
et à escorter les pèlerins. La troupe ainsi constituée prend
CHAMPAGNE. »
pour nom : les pauvres chevaliers du Christ qui devien-
MÊME SI UNE POIGNÉE D’IRRÉDUCTIBLES DONNENT À NOTRE dront plus tard l’Ordre du Temple ou Templiers.
PERSONNAGE DIFFÉRENTES ORIGINES TELLES QUE L’ITALIE, De 1120 à 1127, l’Ordre du Temple, ajoute à la protec-
L’ESPAGNE MAIS AUSSI LE LANGUEDOC, LA TOURAINE, LA
tion des pèlerins une nouvelle fonction : celle de mener
la guerre contre les Turcs aux côtés des rois. En Occi-
HAUTE-PROVENCE, LE FOREZ, LE VIVARAIS OU ENCORE LA dent, traditionnellement et contrairement aux juifs et
VILLE D’AVIGNON, DE NOS JOURS, TOUS LES HISTORIENS aux musulmans, les religieux chrétiens ne peuvent pas
SÉRIEUX SONT D’ACCORD POUR RECONNAÎTRE AUJOURD’HUI combattre.
QU’HUGUES DE PAYNS ÉTAIT BIEN D’ORIGINE CHAMPENOISE.
À l’automne 1127, Baudouin II et Gormond, le Patriar-
che de Jérusalem, envoient Hugues de Payns et cinq de
ses compagnons en Occident pour y chercher de l’aide.

10 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


Ż PAYNS : ANCIEN
MOULIN AUX BORDS DE
LA SEINE.

HONORIUS II
DÉTAIL D’UNE MOSAÏ-
QUE (XIIE SIÈCLE).
DANS L’APSIDE DE LA
BASILIQUE DE
SANTA MARIA À TRASTE-
VERE, ROME Ź

Tout d’abord, il faut organiser solidement la milice, lui trou- Au printemps 1129, l’Ordre Temple a enfin réuni toutes
ver l’appui nécessaire des autorités morales pour garantir les conditions nécessaires à son épanouissement. Il est doté
l’aspect religieux de l’initiative, puis recruter des hommes d’une règle et assuré du soutien de l’Église comme des plus
pour s’engager dans la milice ou combattre à son côté en grands princes et barons d’Occident. Les campagnes de
Orient et enfin développer les ressources logistiques indis- recrutement menées par Hugues de Payns et ses frères ont
pensables au soutien de l’action des Templiers. porté leurs fruits. Les pauvres chevaliers du Christ ont reçut
Le Pape Honorius II décide de convoquer un concile et et reçoivent encore des dons de toute nature qui leur per-
choisit la ville de Troyes en Champagne. Ce choix n’est pas mettent de s’implanter en Occident, du Portugal à l’Écosse,
innocent. Troyes est la ville d’Hugues de Champagne, c’est où beaucoup de chevaliers s’enrôlent pour porter secours à
le siège du diocèse où est implantée l’abbaye de Bernard de la Terre sainte. L’essor est fantastique. Suivant l’exemple des
Clairvaux. Mais Troyes est aussi la ville la plus proche du Grands, des donateurs de toutes conditions se présentent et
fief d’Hugues de Payns. font bénéficier l’Ordre de leurs libéralités.
C’est donc le jour de la saint Hilaire 1129, en cette cathé- D’après les chroniques, Hugues de Payns serait décédé en
drale romane que se déroule le fameux Concile de Troyes. 1136. L’obituaire du Temple de Reims précise que les che-
Le cardinal Mathieu d’Albano, légat du Pape, préside une valiers du Temple honoraient la mémoire de leur premier
assemblée de hauts dignitaires religieux et laïcs réunis en maître, tous les ans, le vingt-quatre mai.
ce lieu pour définir les statuts du nouvel Ordre des Tem-
pliers. HUGUES, SEIGNEUR DE PAYNS
Le maître Hugues de Payns raconte la fondation de son
Ordre, la vie et l’action de ses frères jusqu’à ce jour. Il Qui pouvait bien être ce fameux Hugues de Payns ? L’ex-
explique le code inspiré du modèle bénédictin que ses frè- pression Hues de Paiens de les Troies citée par Guillaume
res et lui ont suivi jusqu’à cette date, puis l’assemblée en de Tyr dans son Histoire des choses faites outre-mer indi-
discute chaque article et détermine la première règle des que clairement qu’il était originaire d’une localité proche
Templiers. de la ville de Troyes en Champagne. Or il existait bien un
Hugues de Payns vivant en Champagne à cette époque.
Le village de Payns, situé à douze kilomètres en aval de
Troyes au bord de la Seine, est connu depuis le IXe siècle.
Hugues de Payns est le premier seigneur de Payns mention-
né par les textes. Son patronyme et certains faits postérieurs
semblent indiquer qu’il soit né à Payns, d’une famille ins-
tallée dans ce lieu depuis les conquêtes franques. Fut-il un
descendant du carolingien Hildemar qui vendit une partie
de son territoire à l’abbaye champenoise de Montieramey
en 820 ?
Nous savons qu’il fut adoubé chevalier avant 1085-1090
puisqu’on le trouve mentionné, à cette époque, dans une
charte de l’abbaye de Molesme qui le cite comme seigneur
de Montigny (Hugo de Pedano, Montiniaci dominus).
Cette donation, faite devant le seigneur Hugues en 1085-
1090, confirmerait sa naissance vers 1070.
Hugues de Payns appartenait à la cour du comte Champa-
gne car il est cité comme témoin dans au moins cinq actes
émanant du comte entre 1085-90 et 1113. On ne sait s’il
participa à la première croisade mais il est sûr qu’il se rendit
en Terre sainte à plusieurs reprises en compagnie du comte
et qu’il s’établira à Jérusalem définitivement.

LA FAMILLE DE HUGUES DE PAYNS


Une charte datée de 1170, soit de trente-quatre ans posté-
rieure à la mort de Hugues de Payns, mentionne Élisabeth

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 11


DOSSIER : LES DÉBUTS DE L’ORDRE
de Payns, femme de Hugues de Payns. C’est de Payns. La fouille systématique de l’ensemble
grâce à cet acte, que nous connaissons le nom de ne fut pas retenue malgré l’importance primor-
l’épouse du fondateur des Templiers. diale que peut revêtir la commanderie de Payns
Hugues et Élisabeth se sont mariés entre 1108 et pour l’étude de l’Ordre des Templiers dans le
1114. Élisabeth, après avoir rempli son devoir de cadre de l’histoire médiévale.
donner naissance à des héritiers, aura sans doute L’archéologue décida le dégagement superficiel
cédé à l’extrême force de persuasion de son mari de l’ensemble de la chapelle pour en déterminer
ou à la raison d’état dictée par le comte de Cham- le plan. La semaine de sondage consista donc à
pagne, puisqu’elle du accepter la seule solution dégager, avec d’infinies précautions, l’ensemble
que le droit canon lui offrait : se retirer dans EN CONSULTANT LES des fondations de la chapelle.
un couvent. C’est à cette condition impérative Nous le savons maintenant, la chapelle de la com-
et incontournable qu’Hugues de Payns pouvait CHARTES ANCIENNES, manderie de Payns était de type « cella » rectangu-
entrer dans un ordre religieux. ON REMARQUE QUE
laire comme celles d’Avalleur et de Fresnoy ; elle
Par les annales de l’abbaye de Sainte-Colombe comportait trois travées et ses dimensions étaient
de Sens, nous savons qu’un certain « Thibaud de DU XIIE AU XIVE SIÈ- de 20 mètres 60 de longueur sur une largeur de
Payns, fils de Hugues premier maître du Temple CLE, DES SEIGNEURS 9 mètres avec des murs en craie, sur fondations
de Jérusalem » fut élu abbé‚ en l’an 1139. Thi- mixtes de craie et de silex, d’une épaisseur d’en-
baud serait né‚ selon notre hypothèse, entre 1108 DU NOM DE PAYNS viron 1 mètres 40. La comparaison des plans de
et 1114. Il serait donc devenu abbé‚ entre vingt- ces trois chapelles fait apparaître des similitudes
cinq et trente-et-un ans. En 1140, l’abbé participe POSSÉDAIENT‚ DES frappantes qui confirment la thèse selon laquelle
à Sens au Concile contre Abélard. Il y assiste à TERRES ET DES DROITS les Templiers n’adoptaient pas de caractéristi-
la condamnation du théologien par Bernard de ques architecturales particulières mais faisaient
Clairvaux. Puis il décide, en 1142, la reconstruc- DANS LA PROXIMITÉ construire leurs chapelles, selon les habitudes et
tion de l’église dédiée à Sainte-Colombe et en DE TROYES. CELA le goût de leur époque, par des maîtres d’œuvre
pose la première pierre. qui travaillaient aussi bien pour eux que pour le
En 1146, il laisse son monastère en pleine CONFIRME L’IMPLAN- clergé en général.
prospérité et part pour la seconde croisade à la TATION ANCIENNE L’étude des fondations montre des déborde-
recherche du même idéal que son père, non sans ments pierreux sur le côté nord de la chapelle
avoir causé quelques déboires à ses moines. DE LA FAMILLE DU qui donnent à penser qu’un bâtiment aux dimen-
La lecture des chartes nous apprend l’existence FONDATEUR DE L’OR- sions imposantes, d’après la largeur de ses murs
dans les années 1142-46 de Gibuin, Vicomte (près de 3 mètres), lui était accolé. Autour de la
de Payns (Gibuinus vicecomes), ainsi que celles DRE DU TEMPLE EN chapelle s’étendait le cimetière.
d’Isabelle (Isabellus) et de son mari Gui Bordel CHAMPAGNE MÉRI- On pourrait reconstituer l’intérieur de la chapelle
(Guido Bordellus). Il semble que Gibuin ait suc- grâce aux éléments décoratifs et architecturaux
cédé à Hugues de Payns à la tête de la seigneurie DIONALE. DE NOM- retrouvés dans les monticules de terres formés
et que Gui Bordel soit parti en Terre-sainte lors par le dégagement de la chapelle que l’on peut
de la deuxième croisade. Nous avons pu émettre BREUX ACTES CON- comparer à d’autres édifices de la région. Les
tout un faisceau d’hypothèses sur la famille de CERNANT LA FON- fragments de colonnettes proviennent certaine-
Payns mais nous n’avons pas le temps de les ment d’une porte, et les morceaux de verres et de
exposer ici. Après la mort de ses personnages, DATION DE L’ABBAYE plombs témoignent de l’existence de vitraux.
la famille de Payns reste active dans la région et DE LARRIVOUR MON- On a découvert un élément sculpté constitutif
les actes la mentionnent jusqu’au début du XIVe d’un arc trilobé qui surmontait peut-être une
siècle date à laquelle ses membres ne possédaient TRENT QUE LA FAMILLE piscine. D’autre part, comme il était d’usage à
plus la seigneurie de Payns. DE PAYNS ÉTAIT LIÉE l’époque, les murs de la chapelle de la comman-
derie de Payns étaient couverts de fresques. Des
LA COMMANDERIE DE PAYNS À CELLES DE CHAPPES fragments de peintures murales ont, en effet, été
ET DE VENDEUVRE.
découverts. Ils représentent des décors simples
Hugues de Payns avait fait don d’une partie de en faux joints ocre surlignés de marron évoquant
ses terres au Temple. Il avait abandonné sa fonc- ON NE CONNAÎT un appareillage fictif. Une telle sobriété est bien
tion seigneuriale, remis vraisemblablement son DE FAÇON CERTAINE en accord avec l’idéal de pauvreté commun aux
château à son fils aîné Gibuin, réussi à convain- Templiers et aux Cisterciens.
cre sa femme Élisabeth de renoncer au monde QU’UN SEUL FILS À Le dernier aspect de l’intérieur de la chapelle
et donné une partie de ses terres pour créer une que nous pouvons évoquer concerne le point de
commanderie. ÉLISABETH ET HUGUES départ de nos découvertes : le dallage multico-
Comme les autres établissements de ce type, la DE PAYNS. IL S’AGIT lore. Celui-ci est composé de carreaux vernissés
commanderie de Payns était une grande ferme de forme carrée d’environ 20 cm de côté et 4
dotée d’une chapelle en plusieurs points sem- DE THIBAUD, L’ABBÉ cm d’épaisseur. Leurs couleurs d’une infinie
blable à une grange cistercienne mais dont la DE SAINTE-COLOMBE variété — toutes les couleurs sont représentées
fonction principale était la production de biens — s’expliquent par les techniques de fabri-
destinés à soutenir l’armée templière combattant DE SENS. POURTANT cation et de cuisson d’une époque où il était
en Orient. Les bâtiments de cette commanderie IL EST FORT PROBA- pratiquement impossible d’obtenir deux fois la
s’étendaient sur trois hectares au centre d’un même teinte. On avait déjà retrouvé ce genre
vaste territoire de deux cents hectares sur le BLE QUE LE COUPLE de carreau vernissé typique du XIIe siècle dans
finage de Payns. AIT EU D’AUTRES
plusieurs établissements cisterciens mais jamais
En septembre 1998, un sondage archéologique à leur place d’origine. L’intérêt de la découverte
eut lieu sur le site de la commanderie d’Hugues ENFANTS. de Payns tient dans le fait que l’on ait retrouvé

12 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


HUGUES DE PAYNS, FONDATEUR ET PREMIER MAÏTRE

PHOTO AÉRIENNE DU SITE DE LA


ces carreaux, pour la première fois, dans leur disposition
COMMANDERIE DE PAYNS
originale. Les spécialistes s’étaient toujours demandés si les - SONDAGE ARCHÉOLOGIQUE À
carreleurs médiévaux disposaient ces carreaux de manière PAYNS - SITE DE LA COMMAN-
géométrique et, si oui, quels motifs représentait-on ? La DERIE DE PAYNS (1998), SUBS-
réponse donnée à Payns est claire. On disposait le pavage à TRUCTION DE LA CHAPELLE
la manière d’un patchwork d’une réelle beauté. - TROIS CLAVEAUX PROVENANT
Ces trouvailles faites à Payns nous permettent de nous faire DU SITE DE LA CMMANDERIE -
une idée de l’apparence que pouvait donner la chapelle DENIER DE LOUIS VII - DENIER
templière. On comprend aisément alors l’intérêt que pour- DE REIMS (?)

rait présenter une vraie fouille archéologique menée sur LE TRÉSOR DE PAYNS
LA COMMANDERIE ÉTAIT LOIN DE
l’ensemble de l’emplacement de la commanderie. D’autres
NOUS LIVRER TOUS SES TRÉSORS
tranchées ont permis de déceler la présence de bâtiments CAR, APRÈS LE REBOUCHAGE
annexes encore non identifiés mais pouvant être les granges DES TRANCHÉES, BERNARD
ou les écuries ainsi qu’une faible partie de l’emplacement du DELACOURT A EU LA CHANCE
mur d’enceinte. DE FAIRE UNE EXTRAORDINAIRE
Les bâtiments de la commanderie semblent être tombés en DÉCOUVERTE : UN ENSEMBLE
ruine dès le XVe siècle, peut être au cours de la guerre de DE 708 PIÈCES, DES DENIERS
Cent-ans. Aujourd’hui, il n’en reste que d’importants vesti- D’ARGENT MÉDIÉVAUX FRANÇAIS

ges archéologiques qu’il faudrait absolument sauvegarder. DU XIIE SIÈCLE ET DU DÉBUT DU

Maintenant, la commanderie de Payns, certainement la pre- XIIIE SIÈCLE FRAPPÉS SOUS LES
ROIS LOUIS VI LE GROS (1108-
mière des commanderies templières car fondée par le pre-
1137), LOUIS VII (1137-
mier maître des Templiers sur ses propres terres, est oubliée 1180) ET PHILIPPE AUGUSTE
des historiens et des archéologues. Les découvertes extraor- (1180-1223).
dinaires faites à la suite du sondage archéologique n’ont pas CERTAINS DENIERS SONT DES
été exploitées. Les services de l’archéologie régionale ont MONNAIES ROYALES, LES AUTRES
classé ce dossier sans suite faute de crédits et de volonté. DES MONNAIES FÉODALES
Ainsi, le berceau occidental de l’Ordre du Temple semble PROVENANT DE L’ENSEMBLE DU
être oublié, lui qui offrirait, au spécialiste qui voudrait bien TERRITOIRE FRANÇAIS. IL S’AGIT

se pencher sur la question, un terrain d’exploration privi- PEUT-ÊTRE D’UN TRÉSOR ENFOUI
PAR UN MARCHAND REVENANT
légié : les vestiges archéologiques du plus important site
DES FOIRES DE CHAMPAGNE OU
templier d’Occident resté vierge de toute atteinte du temps
PAR UN HOMME QUI VOYAGEAIT
depuis la suppression de l’ordre. BEAUCOUP.
CE
ÉPILOGUE TRÉSOR FUT CERTAINEMENT
ENFERMÉ DANS UN PETIT COFFRE
EN BOIS, DONT IL SUBSISTAIT LES
Les principaux protagonistes de la création de l’Ordre sont PARTIES MÉTALLIQUES TRÈS COR-
champenois ou ont vécus en Champagne : Urbain II, Ber- RODÉES, ET ENFOUI AU CENTRE
nard de Clairvaux et les comtes Hugues et Thibaud II. Le DE LA COMMANDERIE MAIS ASSEZ

concile fondateur eut lieu à Troyes même, et la Champagne LOIN DE LA CHAPELLE. CE QUI
PEUT FAIRE PENSER À UN VISITEUR
fut le siège de très nombreuses commanderies du Temple.
PLUTÔT QU’À UN MEMBRE DE
Il y eut à Payns une importante commanderie, ainsi l’origine
L’ORDRE DU TEMPLE LUI-MÊME.
champenoise du fondateur des Templiers est donc claire- CE DÉPÔT A ÉTÉ CONFIÉ, SELON
ment établie. LA LOI EN VIGUEUR, À LA DIREC-
Hugues de Payns fut le parfait exemple du preux chevalier, TION RÉGIONALE DES AFFAIRES
courageux au combat et prompt à défendre les faibles sans CULTURELLES POUR ÊTRE ÉTUDIÉ
chercher la gloire, puisqu’il renonce au monde. L’ensemble PAR UN SPÉCIALISTE DU DÉPARTE-
de ses mérites doublés d’une grande humilité ne pouvait MENT DES MÉDAILLES, MONNAIES
que lui valoir l’estime et la conÀance des grands comme il ET ANCIENS DE LA BIBLIOTHÈQUE

devrait lui valoir aujourd’hui, neuf siècles plus tard, l’intérêt NATIONALE DE PARIS. IL SERA
DÉPOSÉ AU MUSÉE SAINT-LOUP
des historiens.
DE TROYES MAIS VISIBLE AU
MUSÉE HUGUES DE PAYNS SOUS
Thierry Leroy FORME DE COPIES.

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 13


DOSSIER : LES DÉBUTS DE L’ORDRE

JEAN MICHAËLENSIS
ET LA RÈGLE DU TEMPLE
COPISTE, OU SECRÉTAIRE, JEAN
MICHAELENSIS ASSISTE AU CONCILE DE TROYES TENU EN 1128, ET
COMPOSE LA RÈGLE DES TEMPLIERS : « PAR LA GRÂCE DE DIEU, JE MÉRITAI D’ÊTRE L’HUMBLE ÉCRIVAIN
DE LA PRÉSENTE RÈGLE, COMME ME LE DEMANDA LE CONCILE ET LE VÉNÉRABLE PÈRE BERNARD, ABBÉ
DE CLAIRVAUX, QU’ON AVAIT CHARGÉ DE CE DIVIN TRAVAIL. »

T out ce que nous savons de Jean Michaëlensis,


c’est qu’il assista au mois de janvier de l’an
1128 à un concile tenu à Troyes, dans lequel
D. Mabillon dit qu’il fit la fonction de secrétaire. Effec-
tivement lui-même semble l’insinuer dans le prologue
tendre que Jean Michaëlensis ne se donne que la qualité
de secrétaire, et non d’auteur, nous les prions de nous
dire si la fonction que le concile de Troyes avait pro-
posée à saint Bernard n’était que celle de scribe ou de
secrétaire : or, Jean Michaëlensis témoigne qu’il a rempli
sur la règle des Templiers, qu’on lui attribue. Auber le la fonction dont on avait voulu charger ce saint abbé, et
Mire, qui a donné au public cette règle pour la première qui lui était due, cui creditum ac debitum hoc erat. Il a donc
fois, dans sa chronique de l’ordre de Cîteaux, sur un composé lui-même la règle, et n’a pas été un simple
manuscrit de l’abbaye de Saint-Victor de Paris, prétend copiste. Il faut néanmoins avouer qu’il y a dans le pre-
que saint Bernard est cet auteur : en quoi il a été suivi mier texte une certaine obscurité, qui a pu donner occa-
de tous ceux qui ont eu depuis occasion de parler des sion à le Mire, Manrique et autres, de se tromper ; mais
chevaliers du Temple et de leur règle. Hœften, après un peu d’attention leur eût fait éviter cette méprise.
Stellartius, remarque que cette règle leur a été donnée Pour ce qui est du second passage, il porte bien que le
par saint Bernard, mais dans un style très différent de concile de Troyes ordonna qu’on dresserait une règle
celui de ce saint docteur; et qu’on pourrait dire qu’il a pour les Templiers ; mais l’auteur de la règle n’y est
voulu se proportionner à la portée de ces bons che- désigné ni de loin, ni de près. M. de Villefore, dans la
valiers, si son discours adressé aux mêmes chevaliers vie de saint Bernard, dit que ce projet de donner une
n’était aussi éloquent que les autres ouvrages du saint règle à ces chevaliers parut vaste et merveilleux à tous
abbé. Manrique, sur l’an 1128, cite deux textes, pour les prélats assemblés, et que pour faire honneur aux let-
prouver que la règle en question est l’ouvrage de saint tres du pape Honorius et du patriarche de Jérusalem, ils
Bernard ; mais D. Mabillon fait voir dans l’avertis- invitèrent Bernard à composer la règle que ces cheva-
sement qu’il a mis à la tête d’un écrit de ce saint, de liers demandaient ; mais il ne jugea pas à propos, ajoute
Laude novœ militiœ, ad milites Templi, que les deux textes M. de Villefore, de se charger de ce soin et elle fut faite
n’ont rien de favorable à ce sentiment ; au contraire par un autre. Guillaume de Tyr et Jacques de Vitry font
ils le renversent absolument. Il paraît par le premier, mention de la règle donnée aux chevaliers du Temple
que le concile de Troyes ayant chargé saint Bernard dans le concile de Troyes. Si saint Bernard en avait été
de composer une règle pour les chevaliers du Temple, l’auteur, ces deux historiens auraient-ils manqué de le
le saint s’en déchargea sur Jean Michaëlensis. C’est ainsi dire ? Cependant ils gardent un profond silence sur
que l’expli- que D. MabiIlon, et c’est l’auteur. Un manuscrit de la bibliothèque Cottoniene
effectivement son vérita- porte que cette règle a été dressée et écrite par Jean
ble sens. On disputera, Michaëlensis, par ordre du concile et de saint Bernard.
si l’on veut, sur le terme D’ailleurs Albéric, moine de Cîteaux, dit qu’on donna
de scriba, on soutiendra à ces chevaliers la règle de saint Augustin ; aussi le
que Jean Michaëlensis n’a été Monasticon anglicartum les place-t-il sous l’ordre de saint
que copiste, ou secrétaire ; mais Augustin. Il serait assez surprenant qu’un moine de
du moins est-il certain, qu’il n’est Cîteaux, tel qu’Albéric, qui demeurait dans l’abbaye des
point fait mention dans le texte, Trois-Fontaines, peu éloignée de Clairvaux, eût ignoré
que saint Bernard n’ait composé que saint Bernard avait composé cette règle, s’il en eût
aucune règle pour les Templiers. réellement été l’auteur.
Quant à ceux qui pourraient pré- Mais ce qui démontre sans réplique que la règle des

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Templiers ne peut être l’ouvrage de saint Bernard, c’est
la différence qu’il y a entre le style de cette règle et
celui du saint abbé de Clairvaux. La règle est remplie
de termes barbares, et de la plus basse latinité ; on n’y
voit rien de cette élévation d’esprit, de cette noblesse
de style, de ce goût pour la piété, de cette onction
qui règnent dans tous les écrits de saint Bernard, et
caractérisent ses véritables productions. Nous ne nous
arrêterons pas davantage à combattre un sentiment qui
se détruit par lui-même ; et il suffit de jeter les yeux sur
l’ouvrage en question, pour se convaincre qu’il n’est
point de saint Bernard. Il est bien vrai que le concile
de Troyes, pour entrer dans les vues du pape Honorius
II, et du patriarche de Jérusalem, voulant dresser une
règle pour les Templiers, jeta les yeux sur saint Bernard
comme étant plus capable que tout autre de le bien faire.
Mais le saint abbé s’en déchargea sur Jean Michaëlensis,
qui la dressa pendant le concile même, puisqu’elle y fut
lue et approuvée, comme l’assure l’auteur. Mais il y a
eu depuis plusieurs additions. Elle consiste en soixante
et douze chapitres, autant qu’il y en a dans la règle de
saint Benoît, dont l’auteur a emprunté plusieurs choses.
Le but de cette règle est d’allier la vie monastique avec
INCIPIT DE L’ORIGINAL DE LA RÈGLE DU TEMPLE CONSERVÉ
la profession des armes. Il y est défendu de recevoir des
À LA BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE BRUGES
enfants, de crainte qu’ils ne vinssent dans la suite à se
repentir de leurs engagements. Les chevaliers du Tem-
LA RÈGLE DU TEMPLE ple n’étaient encore, en l’an 1128, que neuf dont six
Ź LE MANUSCRIT DES DUNES, PARCE QUE COPIÉ DIRECTE- se présentèrent au concile de Troyes, ayant à leur tête
MENT DES ORIGINAUX, REVÊT UNE CONSIDÉRABLE IMPORTANCE Hugues des Payns, leur premier grand-maître : il est à
HISTORIQUE. LA BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE BRUGES PEUT présumer qu’ils emportèrent avec eux en Palestine, où
S’ENORGUEILLIR DE POSSÉDER LE PLUS VIEIL EXEMPLAIRE CONNU, ils retournèrent l’année suivante, la règle qu’on leur
SINON L’ORIGINAL DE LA RÈGLE DES TEMPLIERS, UN PETIT IN- avait dressée. Elle a été publiée dans différents recueils.
QUARTO DE CENT CINQUANTE-HUIT FEUILLETS, PORTANT L’EX- André Favin l’a donnée dans son Théâtre d’honneur et
LIBRIS DES DUNES ET CATALOGUÉ SOUS LA COTE 131. de chevalerie, imprimé à Paris, chez Robert Fouet en
CE VOLUME EST LE SEUL VESTIGE QU’A CONSERVÉ BRUGES DE 1620, in-4°. L’éditeur l’attribue à saint Bernard, quoi-
SES CHEVALIERS TEMPLIERS. que, de son propre aveu, elle ne se trouve point parmi
ses œuvres. Elle a été imprimée dans le nécrologe de
l’Ordre de Cîteaux, avec une lettre de Baudouin, roi
NE SACHANT PAS LA VÉRITABLE INTERPRÉTATION DU de Jérusalem, par laquelle ce prince prie saint Bernard
NOM DE MICHAËLENSIS, IL EST PRÉFÉRABLE DE LE de donner une règle aux chevaliers du Temple ; dans
METTRE EN LATIN, TEL QU’ON LE TROUVE, QUE D’EN le Fasciculus sanctorum ordinis Cisterciensis de Chrysostôme
DONNER UNE TRADUCTION, QU’ON NE SAURAIT Henriquez ; dans le dixième volume des Conciles des
PAS EN ÉTAT DE JUSTIFIER. L’HISTORIEN M. FLEURY
Pères Labbe et Cossart, etc.
APPELLAIT CET AUTEUR, JEAN DE SAINT MICHEL. S’IL
M. Lebeuf, parlant des compositeurs de chant ecclé-
siastique dans le XIIe siècle, cite un certain Michalus,
EST PERMIS DE PROPOSER ICI UNE CONJECTURE, NE
fort vanté par le docteur Alain, comme ayant cor-
POURRAIT-ON PAS DIRE QUE MICHAËLENSIS VIENT
rigé les erreurs commises dans cet art : Musica lætatus
DE MICHAILLE ? LA MÈRE DU BIENHEUREUX LOUIS
Michalo doctore, suosque. Corrigit errores, tali dictante magistro.
ALLEMAN, ARCHEVÊQUE D’ARLES, MORT EN ODEUR Y aurait-il de la témérité à conjecturer que ce Michalus
DE SAINTETÉ L’AN 1450, S’APPELAIT MARIE DE pourrait être le même que notre Jean Michaëlensis ? Du
CHÂTILLON DE MICHAILLE. LA MICHAILLE, MICHA- reste ce musicien est absolument inconnu.
LIA, SELON L’ÉRUDIT BAUDRAN, EST UN PETIT LIEU,
QUI FAIT PARTIE DU BUGEY. C. de Saint-Maur

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 15


DOSSIER : LES DÉBUTS DE L’ORDRE

LA CHAMPAGNE &
LES TEMPLIERS
des orignies au procès
NÉ EN ORIENT DANS LE PREMIER QUART DU XIIE SIÈCLE, L’ORDRE DU
TEMPLE
TROUVE SES ORIGINES ET LES CONDITIONS DE SON ESSOR EN CHAMPAGNE MÉRI-
DIONALE, DANS LE SUD D’UN COMTÉ DONT LA CAPITALE TROYES CONSTITUE LE
PÔLE ATTRACTIF. SON FONDATEUR, HUGUES DE PAYNS Y EST NÉ ET A FAIT SES PRE-
MIÈRES ARMES DANS L’ENTOURAGE DU COMTE DE CHAMPAGNE. LE MÊME HUGUES
DE PAYNS OBTIENT DU PAPE LA TENUE À TROYES D’UN CONCILE CHARGÉ DE DOTER
SA FONDATION D’UNE RÈGLE MONASTIQUE PUIS SOLLICITE L’AIDE DE BERNARD DE
CLAIRVAUX QUI ASSURE LA PROMOTION DE L’ORDRE AVEC LE DE LAUDE NOVAE
MILITIAE. LA DÉCISION DU COMTE HUGUES DE CHAMPAGNE DE REJOINDRE LA
FONDATION DE SON VASSAL AINSI QUE LES LIBÉRALITÉS DE SES SUCCESSEURS
CONSOLIDENT ENFIN LA PRÉSENCE TEMPLIÈRE DANS CETTE PRINCIPAUTÉ.

L a naissance en 1120 à Jérusalem d’un ordre à la fois


religieux et militaire symbolise à la perfection l’idéal
qui avait motivé vingt-cinq ans plus tôt le pape
Urbain II à demander l’aide de la chevalerie occidentale pour
secourir la Terre sainte. Lorsqu’ils se présentent devant le roi
et aux moines de Molesmes (1102, « Hugo de Pedans »).
Cette proximité avec le pouvoir comtal explique que Hugues
ait accepté d’accompagner à deux reprises son suzerain sur la
route des lieux saints. Le premier voyage qu’il effectue entre
1104 et 1107 lui permet de prendre conscience de la situation
Baudouin II et le patriarche Gormond pour obtenir leur aval précaire des États latins d’Orient et de la nécessité d’y orga-
dans la fondation de la militia Christi, Hugues de Payns et niser une force permanente capable de suppléer à l’absence
Geoffroi de Saint-Omer promettent de protéger les pèlerins de renforts réguliers. Quelques temps après son retour en
empruntant les routes de Judée et, par extension, d’assurer la Champagne, Hugues devient seigneur de Payns puisque c’est
sécurité des États latins d’Orient. avec ce nouveau titre que son nom figure au bas d’une charte
comtale en faveur de Montiéramey (1113, « Hugo dominus
HUGUES, SEIGNEUR DE PAYNS, FONDATEUR DE L’ORDRE de Peans »). Au mois d’août 1114, il quitte sa femme Élisa-
beth et ses fils Gibouin et Thibaud pour suivre de nouveau
« Ils furent deux frères chevaliers dont l’un avait pour nom Hugues de Champagne en Terre sainte. Lorsque ce dernier
Hues de Paiens deles Troies et l’autre Godefroiz de Seint- revient à Troyes en 1115, Hugues de Payns est resté en
Omer ». Si la chronique de Guillaume de Tyr confirme Orient où il a décidé d’y établir avec quelques compagnons
l’origine champenoise de Hugues de Payns, les documents
sont rares qui permettent de connaître avec précision les pre-
mières années du fondateur de l’Ordre du Temple. Hugues
est né aux environs de 1070 dans une famille de la moyenne
aristocratie champenoise. Son père tient en effet en fief du
comte de Champagne le château de Payns, chef-lieu de châ-
tellenie situé à douze kilomètres au nord de Troyes, sur la rive
gauche de la Seine. Hugues n’est probablement pas l’aîné.
Les qualités intellectuelle et littéraire dont il fit preuve lors
de la rédaction de la règle de l’Ordre laissent imaginer qu’il
suivit d’abord une carrière ecclésiastique. Adoubé chevalier,
Hugues de Payns apparaît à plusieurs reprises dans l’entou-
rage du comte de Champagne au tout début du XIIe siècle.
Son nom figure en effet parmi les témoins du comte Hugues
de Champagne (1093-1125) et de son épouse Constance de BERNARD DE CLAIRVAUX,
France à l’occasion de diverses donations à l’abbaye Saint- JUSTIFIE AU MILIEU DE SES
FRÈRES LA FONCTION GUER-
Loup de Troyes (vers 1100, « Hugo de Paenciis »), au monas- RIÈRE DES TEMPLIERS DANS
tère de Montiéramey (21 octobre 1100, « Hugo de Peanz ») SON ÉLOGE DE LA NOUVELLE
CHEVALERIE (MUSÉE CONDÉ)

16 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


AINT BERNARD ET L’ÉLOGE
DE LA NOUVELLE MILICE
ENTRÉ À CÎTEAUX EN 1112 AVEC PLUSIEURS COMPAGNONS,
une chevalerie d’un genre nouveau. C’est là qu’il mourra en
1136, probablement le 24 mai si l’on en croit l’obituaire du
BERNARD DE FONTAINE AVAIT FONDÉ TROIS ANS PLUS TARD Temple de Reims qui célébrait au Moyen Âge son anniver-
UN MONASTÈRE CISTERCIEN DANS LE VAL D’ABSINTHE, SUR
saire à cette date.
LA RIVE GAUCHE DE L’AUBE, À LA DEMANDE D’ÉTIENNE
HARDING. L’ABBÉ DE CLAIRVAUX Y ACQUIERT ALORS UNE
RÉPUTATION TELLE QUE L’AFFLUX DES CLERCS ET DES LAÏCS
LE CONCILE DE TROYES ET L’ADOPTION DE LA RÈGLE
L’OBLIGE À ESSAIMER D’ABORD EN CHAMPAGNE PUIS DANS
L’ENSEMBLE DE L’EUROPE. LA RÉUSSITE DU MODÈLE CISTERCIEN
Installés par le roi de Jérusalem Baudouin II à l’emplacement
DOIT DONC BEAUCOUP À LA PERSONNALITÉ DE CELUI QUI EST présumé du Temple de Salomon, les pauvres chevaliers du
DEVENU AU FIL DU TEMPS L’UN DES PERSONNAGES LES PLUS Christ connaissent un succès rapide. En 1127, Hugues de
INFLUENTS DE LA CHRÉTIENTÉ. LORSQUE HUGUES DE PAYNS Payns quitte la Ville sainte avec cinq frères, Geoffroi de
REVIENT EN OCCIDENT EN 1127, LE RENOM DE L’ABBÉ DE Saint-Omer, Geoffroi Bisol, Archambaud de Saint-Amand,
CLAIRVAUX EST PARVENU JUSQU’À LUI. IL EST PROBABLE QU’IL Payen de Montdidier et Roland, pour se rendre en Occident
SOLLICITE SON AIDE DÈS CETTE ÉPOQUE PUIS À NOUVEAU LORS y trouver les appuis politiques et religieux nécessaires à la
DE LEUR RENCONTRE AU CONCILE DE TROYES (« CE N’EST PAS reconnaissance de la nouvelle fondation. À Rome, Hono-
UNE, MAIS DEUX, MAIS TROIS FOIS, SI JE NE ME TROMPE, MON rius II les écoute avec attention et leur promet de réunir un
CHER HUGUES, QUE VOUS M’AVEZ PRIÉ DE VOUS ÉCRIRE, À concile qui examinera les articles rédigés par les fondateurs
VOUS ET À VOS COMPAGNONS D’ARMES, QUELQUES PAROLES pour la règle de l’Ordre. Hugues et ses compagnons quittent
D’ENCOURAGEMENT, ET DE TOURNER MA PLUME, À DÉFAUT DE Rome assurés du soutien du pape. Commence alors une
LANCE, CONTRE NOTRE TYRANNIQUE ENNEMI, EN M’ASSURANT longue chevauchée sur les routes de France, d’Angleterre
QUE JE VOUS RENDRAIS UN GRAND SERVICE SI J’EXCITAIS PAR
et d’Écosse afin de faire connaître l’Ordre, recruter de nou-
MES PAROLES CEUX QUE JE NE PUIS EXCITER LES ARMES À LA
veaux membres et acquérir des terres pour les premières
MAIN »). FINALEMENT, VERS 1130-1131, HUGUES OBTIENT
commanderies. Hugues trouve en Champagne un écho favo-
DE SAINT BERNARD UN TRAITÉ FAISANT L’ÉLOGE DE SON
rable auprès du nouveau comte Thibaud II (1125-1152) et de
ORDRE, LE DE LAUDE NOVÆ MILITIÆ AD MILITES TEMPLI.
son aristocratie. Nous en reparlerons plus loin.
« ON ENTEND DIRE QU’UNE ARMÉE D’UN NOUVEAU GENRE
S’EST LEVÉE DE LA TERRE ET DANS CETTE RÉGION MÊME QUE
Pour l’heure, le légat pontifical en France, le cardinal Mat-
VISITA UN JOUR CELUI QUI SE LÈVE DU HAUT DES CIEUX, EN
thieu d’Albano, ancien prieur clunisien de Saint-Martin-des-
SORTE QUE LÀ MÊME OÙ IL A DISPERSÉ, DE SON BRAS PUISSANT,
LES PRINCES DES TÉNÈBRES, L’ÉPÉE DE CETTE BRAVE MILICE EN
EXTERMINERA BIENTÔT LES ENFANTS DE L’INFIDÉLITÉ ! ».
L’ÉLOGE DE LA NOUVELLE MILICE DÉVELOPPE D’ABORD UNE
RÉFLEXION PROFONDE SUR L’USAGE DE LA VIOLENCE DANS
LA SOCIÉTÉ DE SON TEMPS. SAINT BERNARD Y OPPOSE AVEC
FORCE UNE NOUVELLE CHEVALERIE, « SAINTE ET SÛRE », DONT
« LE SOLDAT REVÊT EN MÊME TEMPS SON ÂME DE LA CUIRASSE
DE LA FOI ET SON CORPS DE LA CUIRASSE DE FER », POUR QUI
« LA MORT EST UN GAIN », À LA CHEVALERIE TRADITIONNELLE,
LA « MALICE SÉCULIÈRE », QUI EXPOSE À LA FOIS SON CORPS
ET SON ÂME AU COMBAT (« TOUTES LES FOIS QUE VOUS MAR-
CHEZ À L’ENNEMI, VOUS AVEZ À CRAINDRE DE TUER VOTRE
ÂME DU MÊME COUP DONT VOUS DONNEZ LA MORT À VOTRE
ADVERSAIRE, OU DE LA RECEVOIR DE SA MAIN, DANS LE CORPS
ET DANS L’ÂME EN MÊME TEMPS »). PUIS, BERNARD DE CLAIR-
VAUX EXALTE LA MANIÈRE DE VIVRE DE CETTE NOUVELLE MILICE
ET TRACE UN PROGRAMME SPIRITUEL, JUSTIFIANT SA FONCTION
DE DÉFENSEUR DES PÈLERINS ET DES LIEUX SAINTS, APPELANT
LES TEMPLIERS À LA PRIÈRE ET À LA CONTEMPLATION, SURTOUT
EN CETTE TERRE OÙ LE CHRIST A VÉCU QU’IL DÉCRIT EN UNE
SORTE DE GUIDE SPIRITUEL DU VOYAGEUR. LA RÉCEPTION DU
MESSAGE DE SAINT BERNARD EST DIFFICILE À ÉVALUER. SI LES
VOLONTAIRES À L’ENTRÉE DANS L’ORDRE DU TEMPLE AFFLUENT
À PARTIR DES ANNÉES 1130, COMMENT DISTINGUER LES
RECRUES ENGENDRÉES PAR LE DE LAUDE DE CELLES PROVO-
QUÉES PAR LA CHEVAUCHÉE D’HUGUES DE PAYNS OU LE CON-
CILE DE TROYES ? D’AUTANT PLUS QUE L’ESSOR DE L’ORDRE
DU TEMPLE, AU-DELÀ DU SIMPLE RECRUTEMENT, SE MESURE
AUSSI À L’AMPLEUR DES DONS EFFECTUÉS ET QUI CONSTITUÈ-
RENT CE RÉSEAU DE COMMANDERIES OCCIDENTALES DESTINÉES
À FOURNIR UN SOUTIEN LOGISTIQUE AUX COMBATTANTS DE
TERRE SAINTE. SAINT BERNARD REMET À HUGUES DE PAYNS LA RÈGLE
DES TEMPLIERS
(GRAVURE XIXE)

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 17


DOSSIER : LES DÉBUTS DE L’ORDRE

eurent écouté attentivement Hugues de Payns leur lire, article


par article, la règle qu’il avait préparé avec ses compagnons,
chacun donna son avis (« Ensemble, nous entendîmes, de
la bouche même de frère Hugues de Payens, comment fut
établi cet ordre de chevalerie et, selon notre jugement, nous
louâmes ce qui nous sembla profitable ; tout ce qui nous
sembla superflu, nous le supprimâmes »). La règle primitive,
dite règle latine, qui est adoptée à l’issue du concile et qui sera
approuvée par la bulle Omne datum optimum d’Innocent II
en 1139, comprend soixante-douze articles définissant d’une
part des observances religieuses, inspirées pour l’essentiel des
règles de Saint-Augustin et de Saint-Benoît, et d’autre part
des observances à caractère militaire fondées sur l’expérience
d’Hugues de Payns et de ses chevaliers. Il est aujourd’hui
admis que les pères du concile ne firent qu’entériner, moyen-
nant quelques modifications, le texte proposé par Hugues de
Payns qui était probablement déjà très abouti. Si la règle con-
serve l’empreinte des idées cisterciennes, l’idée longtemps
répandue d’une écriture des articles par l’abbé de Clairvaux
lui-même doit être abandonnée. Ainsi que le remarque Alain
Demurger, « Saint Bernard fut assez sensible aux réalités de
la société de son temps pour ne pas exiger de tous que l’on
suivît son chemin ».

LES COMTES DE CHAMPAGNE ET LES TEMPLIERS


La réussite de l’Ordre du Temple tient aussi à l’écho favo-
rable rencontré par Hugues de Payns auprès des comtes
de Champagne et au soutien que ceux-ci lui apportèrent.
Il a été question plus haut des deux expéditions du comte
Champs de Paris, est arrivé à Troyes où doit se tenir, selon
Hugues de Champagne en 1104-1107 et en 1114-1115 aux-
la promesse d’Honorius II, l’assemblée chargée de donner
quelles Hugues de Payns participa. Fils du comte Thibaud
à Hugues de Payns et à ses frères une règle de vie monas-
Ier, Hugues succède à son frère aîné Eudes IV à la tête des
tique d’un genre nouveau. Le concile régional qui s’ouvre
comtés champenois en 1093. Son union avec Constance de
dans la cathédrale de Troyes le 13 janvier 1129 rassemble les
France, fille du roi Philippe Ier, ayant été annulée pour cause
meilleurs prélats champenois et bourguignons, plusieurs maî-
de consanguinité, Hugues de Champagne épouse en secon-
tres en théologie ainsi que quelques laïcs dont les noms sont
des noces Élisabeth de Varais, fille d’Étienne le Hardi, en
connus grâce au prologue de la règle de l’ordre du Temple.
1107. Rapidement, cependant, Hugues cherche les moyens
À côté de Matthieu d’Albano prennent place tout d’abord
de faire annuler cette union. Le motif de la séparation est
l’archevêque de Reims, Renaud de Martigné, et celui de Sens,
trouvé en 1125 lorsque le comte refuse de reconnaître Eudes,
Henri Sanglier, avec leurs suffragants de Chartres, de Sois-
le fils qu’Élisabeth avait mis au monde deux ans auparavant.
sons, de Paris, de Troyes, d’Orléans, de Châlons, de Laon et
Un chroniqueur anonyme rapporte la scène qui se déroule à
de Beauvais. Viennent ensuite des abbés, ceux de Vézelay, de
l’intérieur du palais de Troyes et au cours de laquelle le comte
Pontigny, de Trois-Fontaines, de Saint-Denis de Reims,
de Champagne, convaincu de sa stérilité par les médecins,
de Saint-Étienne de Dijon, de Molesmes
prend l’enfant et menace de le jeter au feu. Libéré des liens
mais surtout deux grandes figures cister-
du mariage, il renvoie sa femme, déshérite son fils, transmet
ciennes, Étienne Harding, abbé de
tout le patrimoine champenois à son neveu Thibaud de Blois
Cîteaux, et Bernard, abbé de Clair-
et gagne la Terre sainte où il revêt l’habit blanc des Templiers.
vaux. Le comte de Champagne
L’affaire doit certainement faire grand bruit en Occident où
Thibaud II est présent avec son
il n’est pas fréquent de voir un prince quitter le monde. Il
sénéchal, André de Baudement,
existe cependant le précédent du duc Hugues Ier de Bourgo-
de même que le comte de Nevers
gne qui avait choisi de rejoindre l’abbaye de Cluny, en 1078,
Guillaume II (1089-1147).
malgré les critiques de Grégoire VII en personne qui estimait
Après que les pères conciliaires
alors qu’un prince de cette puissance devait assumer son rôle
jusqu’au bout. Dans le cas de Hugues de Champagne, les
THIBAUD IV DE CHAMPAGNE, seules critiques qui nous soient parvenues sont celles de
DIT LE LE CHANSONNIER, saint Bernard qui écrit à son ami pour le féliciter de ce geste
DESSINÉ PAR FRIEDRICH d’humilité tout en regrettant qu’il n’ait pas choisi le chemin
BOUTERWEK (1830/1840)

18 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


LA CHAMPAGNE ET LES TEMPLIERS
de Clairvaux. Pour les Templiers en revanche, la décision du
comte de Champagne est une aubaine qui leur assure proba-
blement une renommée aussi efficace que le traité de saint
Bernard. Devenu un simple moine-soldat, Hugues tombe
également dans l’anonymat de la documentation. Une charte
de septembre 1130 où il arbitre un conflit entre Thibaud II
et l’évêque de Troyes nous permet cependant de savoir qu’il
vivait toujours à cette date.
Ayant réalisé pour la dernière fois l’union des comtés de Blois
et de Champagne, Thibaud II est présent, nous l’avons vu, au
concile de Troyes. La piété du nouveau comte égale peut-être
celle de son oncle au point qu’il pense à son tour à quitter le
monde pour rejoindre l’ordre des Prémontrés fondé par saint
Norbert de Xanten. Ce dernier l’ayant convaincu de rester à
la tête de ses possessions, Thibaud se montre très généreux
LA COMMANDERIE DE COULOMMIERS. durant tout son principat envers l’Ordre du Temple et cela
SCEAU DE HENRI LE LIBÉRAL (1168), avant même la tenue du concile à Troyes. Dès le 31 octobre
CHAN, PARIS, D 566. 1127 en effet, il rencontre à Provins Hugues de Payns et ses
cinq compagnons et leur cède un domaine de quinze hec-
SCEAU DE HUGUES IER, COMTE DE
tares à Barbonne, près de Sézanne, composé d’une maison,
CHAMPAGNE (ARCHIVES NATIONALES,
d’une grange, d’un pré et d’un champ. L’année suivante, Thi-
SERVICE DES SCEAUX, CH 51-2A).
baud II donne aux Templiers une maison à Coulommiers.
Cette commanderie, qui devint rapidement une des plus
importantes de la région, constitue encore aujourd’hui, avec
ses bâtiments du XIIIe siècle, un exceptionnel témoignage de
ce que furent ces exploitations foncières médiévales. L’essor
du commerce qu’ils favorisent sur leurs terres permet aux
comtes d’accorder à l’Ordre du Temple quelques-uns des
revenus engendrés par les activités des foires de Provins :
en 1164, Henri le Libéral (1152-1181) leur octroie le tonlieu
de la laine et du fil tandis qu’en 1214 Thibaud IV (1201-
1253) leur cède celui sur les animaux de boucherie. Il reste à
nuancer ces bienfaits des comtes de Champagne envers les
Templiers car, dans l’ensemble, ils sont moins importants
que ceux qu’ils accomplirent pour d’autres ordres religieux :
PREMIER SCEAU Thibaud II se montra autrement plus bienveillant envers les
DE THIBAUD IV Cisterciens ou les Prémontrés, Henri Ier multiplia les faveurs
(1226), CHAN, envers les chanoines séculiers tandis que Thibaud IV et Thi-
PARIS, D 572. baud V préférèrent encourager l’essor des ordres mendiants.
Néanmoins, l’exemple qu’ils donnèrent à leurs vassaux per-
met d’expliquer la rapidité avec laquelle l’Ordre s’étendit en
Champagne méridionale, à Troyes, Payns, Thors, Avalleur et
Bonlieu notamment où les Templiers établirent d’importan-
DESSIN PERSPECTIF DE LA FAÇADE DU PALAIS DES COMTES DE CHAMPAGNE À tes commanderies.
TROYES (A.-F. ARNAUD, VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE ET PITTORESQUE DANS LE Très tôt cependant, dès la fin du XIIe siècle, les comtes
DÉPARTEMENT DE L’AUBE, TROYES, 1837, P. 26). s’inquiétèrent de cet élan de générosité des seigneurs cham-
penois qu’ils avaient eux-mêmes initié, et tentèrent de limiter
l’expansion de l’Ordre du Temple sur leurs territoires. Alors
qu’il confirme, en 1191, l’ensemble des privilèges accor-
dés par ses prédécesseurs, Henri II (1181-1197) interdit
aux Templiers d’acquérir, dans son comté, des ensembles
fortifiés, qu’il s’agisse de villes ou bien de châteaux. Les
relations s’enveniment avec Thibaud IV le Chansonnier
lorsque celui-ci, engagé aux côtés de la régente Blanche de
Castille dans une guerre coûteuse contre les barons révoltés,
décide en 1228 de soumettre le Temple au paiement de la
mainmorte sur l’ensemble de ses fiefs. Devant le refus de
l’Ordre qui lui oppose le privilège de 1191, Thibaud IV fait

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 19


DOSSIER : LES DÉBUTS DE L’ORDRE

saisir tous les biens que les Templiers ont


acquis en Champagne depuis quarante ans.
L’arbitrage de 1229 donne raison aux reli-
gieux mais mécontente le comte qui refuse
de céder. Un accord intervient en 1241 qui
stipule que le Temple ne pourra désormais
plus rien acquérir en Champagne sans payer
les droits d’amortissement. Le règlement
définitif de l’affaire, sous le règne de Thi-
baud V (1253-1270), permet aux Templiers
champenois de conserver leurs biens mais
il leur est désormais interdit d’accepter de
nouveaux dons ou de procéder à des achats
au détriment du comte.
Les territoires champenois furent réunis très
tôt à la Couronne. En 1284, la comtesse
Jeanne de Navarre épouse l’héritier capétien
et monte avec lui l’année suivante sur le
trône de France. Le nouveau souverain sait
qu’il peut compter sur l’appui des seigneurs
et du clergé dans son projet de supprimer un
ordre dont il est difficile de justifier à la fois
l’existence et les privilèges depuis la chute,
en 1291, de Saint-Jean d’Acre. En effet, aux
prises avec le pouvoir laïc qui tentait de limi-
ter ses acquisitions, l’Ordre du Temple con-
naissait aussi de nombreux démêlés avec les
communautés religieuses, comme ces procès
incessants qui opposèrent au XIIIe siècle la
commanderie d’Avalleur aux monastères de
Mores ou de Molesmes. L’évêque de Troyes, TABLEAU D’ÉMILE SIGNOL REPRÉSENTANT SAINT BERNARD PRÊCHANT
comme l’ensemble du clergé séculier du LA SECONDE CROISADE SOUS LE ROI LOUIS VII, SA REINE ELÉONORE
royaume, voyait d’un mauvais œil la bulle de D’AQUITAINE, ET L’ABBÉ SUGER, À VÉZELAY, LE 31 MARS 1146, DIX
1139 qui exemptait les Templiers de toute ANS APRÈS LA MORT D’HUGUES DE PAYNS QUI AVAIT SOLLICTÉ CETTE
dîme et les affranchissait de sa juridiction. DEUXIÈME CROISADE, EN 1125, SUR INSTRUCTION DE BAUDOIN II
Le vendredi 13 octobre 1307, à l’aube, les
agents de Philippe le Bel se rendent dans
les commanderies de Troyes, de Payns et de ERNARD DE CLAIRVAUX QUI PRÊCHE LA CROISADE, A
Bonlieu et, arrêtent, comme partout ailleurs JOUÉ UN RÔLE ESSENTIEL DANS LA FIXATION DE LA
en France, les moines-soldats. Le procès SPIRITUALITÉ DES MOINES-GUERRIERS.
peut commencer. « UN NOUVEAU GENRE DE MILICE EST NE DANS LE
Arnaud Baudin PAYS MÊME QUE LE SOLEIL LEVANT EST VENU VISITER DU HAUT DES
CIEUX (…) LE GUERRIER QUI REVÊT EN MÊME TEMPS SON ÂME DE
LA CUIRASSE DE LA FOI ET SON CORPS D’UNE CUIRASSE DE FER NE
„„„ BIBLIOGRAPHIE „„„
„ Le concile de Troyes, 1128 ou la PEUT ÊTRE QU’INTRÉPIDE ET SÛR DE LUI SOUS SA DOUBLE ARMURE,
naissance de l’ordre du Temple EN EFFET, IL NE CRAINT NI HOMME NI DIABLE. IL NE REDOUTE PAS
par Valérie Alanièce et François Gilet, LA MORT IL LA DÉSIRE (…). LES GUERRIERS DU CHRIST (…) N’ONT
1664.
„ Les comtes de Champagne et les PAS À CRAINDRE D’OFFENSER DIEU EN TUANT UN ENNEMI ; S’ILS
Templiers SONT TUÉS EUX MÊMES, ILS NE COURENT AUCUN DANGER, PUISQUE
par Michel BUR, dans La Vie en Cham- C’EST POUR JÉSUS QU ILS DONNENT OU REÇOIVENT LE COUP MOR-
pagne, n° 8, octobre-décembre 1996, p.
15-19. TEL. CE N EST PAS EN VAIN QUE LE CHEVALIER DU CHRIST PORTE
„ Règle et statuts de l’ordre du Tem- L’ÉPÉE: IL EST MINISTRE DE DIEU, IL L’A REÇUE POUR EXÉCUTER
ple SES VENGEANCES. IL NE FAUDRAIT POURTANT PAS TUER TOUS LES
par Laurent DAILLIEZ, 2e éd., Paris, 1996.
„ Vie et mort de l’ordre du Temple PAÏENS, SI L’ON POURVOIT, PAR UN AUTRE MOYEN QUE LA MORT,
par Alain DEMURGER, Paris, 1989. LES EMPÊCHER D’INSULTER OU D’OPPRIMER LES FIDÈLES. MAIS POUR
„ Hugues, seigneur de Payns, pre- LE MOMENT, IL VAUT MIEUX LES FAIRE PÉRIR QUE DE LES LAISSER
mier maître de l’ordre du Temple
par Thierry LEROY, dans Mémoire de VIVRE POUR PORTER LA MAIN SUR LES JUSTES. EXTRAIT DE BERNARD
Champagne, t. 2, Actes du troisième mois DE CLAIRVAUX, ÉLOGE DE LA NOUVELLE MILICE, 1128
médiéval, Langres, 2000, p. 181-191.

20 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


LE MUSÉE DES TEMPLIERS - HUGUES DE PAYNS
Ź LA FONDATION HUGUES DE PAYNS, AVEC L’AIDE DE
LA COMMUNE DE PAYNS QUI A MIS À SA DISPOSITION UNE
SALLE DE LA MAISON COMMUNALE, A CRÉÉ LEMUSÉE DES
TEMPLIERS - HUGUES DE PAYNS. OUVERT À TOUS DEPUIS
MAI 1997, CELUI-CI PRÉSENTE DES MAQUETTES, CARTE
LUMINEUSE, MANNEQUIN, DES VESTIGES ARCHÉOLOGI-
QUES (PLUS DE CINQ CENTS OBJETS), UNE IMPORTANTE
COLLECTION DE REPRODUCTIONS PHOTOGRAPHIQUES,
UNE VIDÉO, ... RETRAÇANT L’HISTOIRE PASSIONNANTE
DES TEMPLIERS TOUT EN ÉVOQUANT L’IMPLANTATION
DU NOUVEAU CONCERNANT LE TRÉSOR
TEMPLIÈRE ET LES ÉDIFICES ROMANS DE CHAMPAGNE
DE LA COMMANDERIE DE PAYNS.
MÉRIDIONALE. DES MANIFESTATIONS SONT ÉGALEMENT
IL A ÉTÉ RESTITUÉ À SES PROPRIÉTAI-
ORGANISÉES AUTOUR DE CE MUSÉE DE MANIÈRE PONC-
RES ET SERA EXPOSÉ À PAYNS LORS
TUELLE.
D’UNE MANIFESTATION QUE NOUS
LE MUSÉE HUGUES DE PAYNS EST ANIMÉ PAR DES
PRÉPARONS. CETTE MANIFESTA-
MEMBRES DE NOTRE ASSOCIATION QUI ONT REÇU EN
TION AURA LIEU LES 23 ET 24
2000 LE PRIX DES BRAVOS DE L’ACCUEIL DÉCERNÉ PAR LES
OCTOBRE 2004. NOUS AURONS
INSTANCES RÉGIONALES DU TOURISME. DES NOMBREUX
LE CONCOURS DE SPÉCIALISTES DE
VISITEURS (PASSIONNÉS, CURIEUX OU ÉTUDIANTS) VIEN-
LA NUMISMATIQUE MÉDIÉVALE ET
NENT DE TOUS LES PAYS DU MONDE DEPUIS SA CRÉATION
UN BILAN DES TROUVAILLES FAITES
EN 1997.
LORS DU SONDAGE DE LA COM-

MANDERIE DE PAYNS EN 1998


SERA RÉALISÉ PAR THIERRY LEROY.
CET AUTEUR AIMEREZ BEAUCOUP

AUSSI ÊTRE EN CONTACT AVEC DES

ARCHÉOLOGUES SPÉCIALISTES DE

LA PÉRIODE MÉDIÉVALE, DES OR-

DRES RELIGIEUX OU AUTRE ÉTANT

INTÉRESSÉS PAR LA COMMANDERIE

DE PAYNS POUR RÉFLÉCHIR À UN

PROJET DE FOUILLES ARCHÉOLOGI-

QUES PROGRAMMÉES.

FONDATION HUGUES DE PAYNS


7, RUE NAUDET
10600 PAYNS
MAIL : hugues.depayns@wanadoo.fr
SITE : monsite.wanadoo.fr/le_1er_templier

L’AUTEUR DE CES LIGNES, PRÉSIDENT DE LA FONDATION HUGUES DE


PAYNS, A ÉCRIT CET OUVRAGE PUBLIÉ EN 1997, RÉÉDITÉ EN 2001,
PAR L’OFFICE CULTUREL DE LA VILLE DE TROYES
« LA MAISON DU BOULANGER ». IL S’INTITULE « HUGUES DE PAYNS,
CHEVALIER CHAMPENOIS, FONDATEUR DE L’ORDRE DES TEMPLIERS»,
ET A REÇU LE PRIX DES ARTS ET LETTRES 1999 DÉCERNÉ PAR LA SO-
CIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L’AUBE.
IL PRÉSENTE LE RÉSULTAT DE SES RECHERCHES EFFECTUÉES DEPUIS UNE
QUINZAINE D’ANNÉES.

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 21


CHEVALERIE MYSTIQUE

L’Abraxas templieR SYMBOLE GNOSTIQUE

DEUX SCEAUX TEMPLIERS, RÉPERTORIÉS PAR DOUET D’ARCQ AU


XIXE SIÈCLE, DONNENT UNE REPRÉSENTATION DE L’ABRAXAS.
L es seules représentations de l’Abraxas sont celles qui
nous sont données par les pierres dites basilidien-
nes, elles-mêmes souvent appelées des « abraxas »,
et qui servaient, semble-t-il, d’amulette et de talisman.
L’article « Abrasax » in Dictionnaire d’Archéologie chrétienne
LE PREMIER, QUI PORTE LE NUMÉRO 9860 DANS LE CATALO- précise que « Montfaucon a divisé toutes les pierres gnostiques
GUE, EST UN SCEAU ROND DE 24MM QUI MONTRE À L’AVERS en sept classes. La première, dit-il, sera des Abrasax à tête de coq.
« UN PETIT TEMPLE ROND À DEUX PORTES OUVERTES » ET, EN La seconde, de ceux qui ont la tête ou tout le corps de lion, dont
CONTRE-SCEAU, UNE « PIERRE GRAVÉE – UN ABRAXAS », AVEC l’inscription est quelquefois Mithra. La troisième, de ceux qui ont
L’INSCRIPTION « SECRETUM TEMPLI » QUE L’ON PEUT TRADUI- l’inscription ou la figure de Sérapis. La quatrième, des Anubis,
RE PAR « LE SECRET DU TEMPLE ». CE SCEAU EST APPENDU À des escarbots, des serpents, des sphinx et des singes. La cinquième,
UNE CHARTE DE « FRATER ANDREAS DE COLOORS, DOMORUM des figures humaines, soit avec ailes, soit sans ailes. La sixième,
TEMPLI EN FRANCIA PRECEPTOR [INTENDANT DES MAISONS DU des inscriptions sans figures et des inscriptions hébraïques. La
TEMPLE EN FRANCE], PAR LAQUELLE IL RECONNAÎT QU’IL NE septième de quelques Abrasax d’une espèce plus extraordinaire et
POURRA VENDRE, SANS LA PERMISSION DU ROI, LE BOIS QUE plus bizarre ».
LES TEMPLIERS POSSÈDENT ENTRE SENLIS ET VERNEUIL ». CE C’est la première classe qui retiendra notre attention, car
SCEAU EST DATÉ D’OCTOBRE 1214. LE SECOND SCEAU, l’Abraxas est le plus généralement figuré avec une tête
NUMÉROTÉ 9861, DE 1235, PRÉSENTE LES « MÊMES TYPES ET
de coq rayonnante, au buste d’homme portant la tunique
LÉGENDES QU’AU SCEAU PRÉCÉDENT ». SA FACTURE EST IDEN-
des soldats romains, un bras tenant un bouclier, l’autre
TIQUE À CELLE DU PREMIER SCEAU ET TOUT PORTE À CROIRE
un fouet, et dont les jambes sont formées par deux ser-
QUE LA MATRICE EST LA MÊME, BIEN QUE LE PERSONNAGE
pents. Parfois la foudre est figurée conventionnellement
FIGURÉ SOIT BEAUCOUP PLUS DIFFICILE À INTERPRÉTER.
en-dessous.
C’EST LE PREMIER SCEAU QUI PERMET UNE BONNE DESCRIP-
TION DE L’ABRAXAS : IL S’AGIT D’UN PERSONNAGE DONT
Le mot Abraxas n’est pas le seul qui soit gravé ; un ou
LA FORME DE LA TÊTE EST INDISTINCTE, AU BUSTE D’HOMME
deux autres noms peuvent parfois le compléter, par exem-
DONT UN BRAS PORTE UN BOUCLIER ET L’AUTRE UN BÂTON
ple : ƂƤƹƭƧ-ƂƢƱơƳơƮ (Adonè-Abrasax), ƂƢƱơƳơƮ-Ɗơƹ
(OU UN FOUET ?) ET DONT LES DEUX JAMBES SONT REMPLA- (Abrasax-Iao), ƍ[ƥ]ƩƨƱơƲ-ƂƢƱơƳơƮ-Ɗơƹ (M[e]ithras-Abra-
CÉES PAR CE QUI SEMBLE ÊTRE DEUX SERPENTS. EN FAIT, PAR sax-Iao), ou encore Ɗơƹ-ƂƢƱơƳơƮ-ƓơƢơƹƨ (Iao-Abrasax-
COMPARAISON AVEC LES REPRÉSENTATIONS D’ABRAXAS SUR Sabaoth). Il est à noter que le bouclier porte parfois les
DES PIERRES GNOSTIQUES, IL EST FACILE DE RECONSTITUER LES noms Iao et Sabaoth.
ATTRIBUTS DE L’ABRAXAS TEMPLIER ET IL FAUT ALORS PENSER D’autres inscriptions complètent souvent ces noms. Sur
QUE LA TÊTE EST CELLE D’UN COQ, QUE LE BÂTON EST UN une pierre, on lit d’un côté : Iao, Abrasax, Sabaoth, etc., et
FOUET ET QUE LES DEUX JAMBES SONT BIEN DEUX SERPENTS. de l’autres : « Donnez-moi la grâce et la victoire puisque
IL EST TOUTEFOIS NÉCESSAIRE DE FAIRE REMARQUER QU’IL j’ai prononcé votre nom caché et ineffable » ; ou encore :
EXISTE DE NOMBREUSES REPRÉSENTATIONS DE L’ABRAXAS, « Iao, Abrasax, Adonaï, saint nom, puissances favorables,
MAIS CELUI QUI FIGURE SUR LES DEUX SCEAUX SEMBLE BIEN gardez Vibie Pauline de tout mauvais démon. »
CORRESPONDRE À LA DESCRIPTION CI-DESSUS QUI EST LA PLUS Les influences planétaires sont rappelées, sur certaines
COURAMMENT ADMISE. pierres, par les sept lettres grecques du nom de Mithra,
BIEN DES OUVRAGES TRAITANT DE MAGIE OU DE DÉMONOLO- équivalant aux sept planètes traditionnelles.
GIE REPRODUISENT DES ABRAXAS DONNÉS COMME FIGURANT
Il semble y avoir une étroite parenté de la gnose basili-
SUR DES AMULETTES OU DES TALISMANS MAGIQUES. IL S’AGIT,
dienne avec les religions solaires. De nombreuses pierres
EN RÉALITÉ, D’UNE DÉGÉNÉRESCENCE ÉVIDENTE DE LA COM-
portent des figures qui, à peu près toutes, peuvent être
PRÉHENSION D’UN SYMBOLE INCONTESTABLEMENT GNOSTI-
rattachées à un symbolisme solaire : le coq, le lion, le ser-
QUE, MÊME SI DES ÉQUIVALENCES PEUVENT ÊTRE TROUVÉES
DANS D’AUTRES RELIGIONS.
pent, le char et ses coursiers, le fouet, Mithra ; ou encore
C’EST POURQUOI IL EST INDISPENSABLE DE CONNAÎTRE, MÊME à un symbolisme de la puissance comme la foudre.
RÉSUMÉE, LA GNOSE BASILIDIENNE QUI, DANS SES DÉVELOP-
D’après S. Hutin, Abraxas symbolise « l’être suprême et ses
PEMENTS, ATTRIBUE UN RÔLE NON NÉGLIGEABLE À UN DIEU cinq émanations divines : ce personnage fabuleux possède la tête
QU’ELLE NOMME ABRAXAS OU ABRASAX. d’un coq, symbole de la Phronesis («prévoyance» ou «intelligence»)

22 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


TRADUCTION DE LA CHARTE À LAQUELLE EST APPENDU
LE SCEAU PORTANT L’ABRAXAS (ARCHIVES NATIONA-
LES J731 – NOS 23-24)
«À TOUS CEUX QUI SE PROPOSENT DE CONSULTER
LA PRÉSENTE LETTRE, FRÈRE ANDREAS DE COLOORS,
INTENDANT DES MAISONS DU TEMPLE EN FRANCE,
NOUS LES SALUONS DANS LE SEIGNEUR.
TOUS APPRENDRONT QUE NOUS NE DEVONS NI NE POUVONS
et son corps humain se prolonge par deux serpents figurant le Noûs VENDRE LES PROPRIÉTÉS BOISÉES DU TEMPLE SISES ENTRE LA VILLE
et le Logos divins, correspondant respectivement au sens interne et à DE SENLIS ET CELLE DE VERNEUIL, SANS LA VOLONTÉ ET LE PER-
l’entendement actif ; les deux bras tiennent un bouclier (symbole de MISSION DE NOTRE SEIGNEUR, LE ROI DE FRANCE. NOUS AVONS
la sagesse, Sophia) et le fouet, symbole de la Force (Dynamis en grec), APPOSÉ MON SCEAU SUR LE PRÉSENT ACTE POUR TÉMOIGNER DE CE
autre attribut divin ».
FAIT.
EN L’AN 1214 DE L’INCARNATION DU SEIGNEUR, AU MOIS
L’allusion au Noûs et au Logos divins se retrouve chez Ter-
D’OCTOBRE. »
tullien qui écrit : « Vint Basilidès. Il proclama un Dieu suprême,
du nom d’Abrasax, par qui a été créé l’Esprit qu’il appelle, du grec,
ƭƯƵƭ [noûn]. De là, le Verbe [Logos] ; de celui-ci, la Providence, la
Vertu et la Sagesse ». Le bouclier est bien souvent une représentation de l’univers,
Détailler le symbolisme de chacun des attributs de l’Abraxas symbolisme souligné par les inscriptions qui figurent par-
permet de mieux saisir la richesse de ce qui est plus qu’une fois sur la représentation de l’Abraxas gnostique. L’article
simple représentation, fût-elle monstrueuse ou effrayante « bouclier » in Dictionnaire d’Archéologie chrétienne précise que
comme certains auteurs se sont plu à la décrire. « Toutes les raisons de vivre, toutes les beautés de l’univers, tous les
symboles de la force, de la richesse, de la joie sont mobilisés et concentrés
sur le bouclier d’Achille » car « Hephaïstos y a créé un décor multiple,
SYMBOLISME fruit de ses savants pensers ». Saint Paul parle encore du bouclier
de la Foi.
Le coq symbolise l’intelligence venue de Dieu et la saluta- Le fouet est un symbole de la foudre et, comme la foudre,
tion à la lumière, ainsi que la résurrection ; le coq est encore un symbole de l’énergie créatrice, « La foudre c’est la créa-
un emblème du Christ. tion qui surgit du néant à l’état encore chaotique ou qui
Le corps est l’homme lui-même et la tunique la nécessité s’anéantit dans un incendie d’Apocalypse » (in Dictionnaire
de lutter ; saint Paul ne recommande-t-il pas au chrétien d’Archéologie chrétienne). Il est d’ailleurs curieux de noter qu’en
d’endosser l’armure de Dieu (Éphésiens 6-13) et d’avoir la Afrique la foudre est le feu du démiurge.
Justice pour cuirasse (Éphésiens 6-14) ? De tous les vête- L’éclair, comme la foudre, symbolise le pouvoir fertilisant
ments, la tunique est celui qui se rapproche le plus, dans son et l’Élohim primitif est donné comme le dieu de la foudre.
symbolisme, de l’âme ; il est dit aussi que le corps est une Dans Jérémie (10, 12-13), le Dieu créateur du monde est le
tunique pour l’âme. Dieu du tonnerre et des éclairs :

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 23


EVALERIE MYSTIQUE

peut être fait à propos de ce que Henry Corbin dit des


« Amis de Dieu », dans le soufisme iranien, qui sont 360
autour du Suprême Roi Mage : « Nombreuses sont les traditions
qui réfèrent à ce peuple d’« initiés » inconnus des hommes dont ils
sont pourtant la sauvegarde […] Le plus souvent, le nombre en est
« Il a formé la terre par sa puissance fixé à 360, en correspondance avec les 360 Noms divins, les 360
« établi le monde par sa sagesse jours et nuits de l’année, les 360 degrés de la sphère mesurant la
« et par son intelligence étendu les cieux. durée du nycthémère. Toutes les variantes apportées à ce nombre ont
« Quand il donne de la voix, des significations symboliques. Pour en choisir une des formes les plus
« c’est un mugissement d’eaux dans le ciel ; simples, nous citerons celle-ci : «Dieu, écrit Rûzbehân, possède sur la
« il fait monter les nuages du bout de la terre ; Terre trois cents yeux ou personnes dont le cœur est conforme au cœur
« il produit les éclairs pour l’averse de Moïse ; sept dont le cœur est conforme au cœur d’Abraham ; cinq
« et tire le vent de ses réservoirs. » dont le cœur est conforme au cœur de Michaël ; une (le pôle) dont le
Quant aux deux serpents, s’ils représentent le Noûs et le cœur est conforme au cœur de Séraphiel. » Cet exemple de 356 per-
Logos, leur symbolisme est beaucoup plus complexe, lié sonnes est complété, pour atteindre le total de 360, par quatre figures
à l’ambivalence du symbole. Retenons seulement que si le de prophètes qui, pour l’ésotérisme islamique méditant la révélation
serpent est un symbole de résurrection, de connaissance, qoranique, présentent le trait commun d’avoir été enlevés vivants à la
de vie et de jeunesse divine, de fertilité, il est aussi Prince mort : Enoch (c’est-à-dire Edris, identifié avec Hermès), Khezr, Élie
des Ténèbres, symbole de l’orgueil et de la luxure. L’exis- et Christ » .
tence des deux serpents ne pourrait-elle symboliser la
nécessaire complémentarité qui assure l’harmonie ? C’est
le serpent qui supporte le disque solaire chez les Égyp- L’ABRAXAS TEMPLIER
tiens, et l’on connaît son importance chez certaines sectes
gnostiques, « Aucun être, proclament les Pérates, gnostiques du Puisque la représentation de l’Abraxas templier sur les deux
IIIe siècle, ni au ciel, ni sur la terre, ni dans les enfers, ne s’est sceaux mentionnés précédemment correspond en tous
formé sans le serpent » et les Ophites affirment « que Dieu l’a fait points à la description de l’Abraxas gnostique, tel qu’il peut
cause de la Gnose pour l’humanité » (in Dictionnaire d’Archéologie être relevé sur les pierres basilidiennes, parler d’Abraxas
chrétienne). « templier » est impropre car il est impossible de compren-
La somme de tous ces symboles donne à la figuration dre son symbolisme sans faire référence à la gnose basili-
de l’Abraxas une complexité symbolique extrême. Mais dienne dont il est un élément particulièrement important.
tout symbole n’est-il pas, par définition, difficile à appré- Par quelles voies mystérieuses ce symbole gnostique a-t-il
hender ? Malgré cette complexité, quelques caractères été incorporé dans la symbolique templière ? L’Abraxas
communs peuvent être dégagés : beaucoup des attribut fut-il le « secret du Temple » comme il est écrit sur les deux
de l’Abraxas sont des symboles de la puissance créatrice, sceaux ?
donc des attributs du Démiurge considéré en tant que Deux hypothèses peuvent être avancées : la première est
créateur et ordonnateur des mondes. Qu’il faille faire que le Temple a hérité, en totalité ou en partie, de la gnose
référence à plusieurs traditions pour arriver à expliciter basilidiennee dont l’Abraxas est inséparable ; la deuxième,
la représentation de l’Abraxas n’est pas pour nous sur- que l’Abraxas fut un symbole appartenant à un plus vaste
prendre car un symbole, pour être bien compris, doit être ensemble symbolique, en quelque sorte un « corpus symbo-
envisagé sous des aspects complémentaires, voire même lique » templier.
en apparence contradictoires. Pour étayer la première hypothèse, il faudrait pouvoir
démontrer que des sectes gnostiques basilidiennes ont per-
sisté jusqu’aux XIIe et XIIIe siècles, sectes avec lesquelles
L’ABRAXAS ET LES AUTRES RELIGIONS l’Ordre du Temple serait entré en relation. Arkon Daraul
suppose « la survivance clandestine en Terre Sainte de nombreu-
Tout au long de ce travail il a été fait état de nombreuses ses sectes hétérodoxes, gnostiques, manichéennes et autres, ainsi que
correspondances entre l’Abraxas et les autres religions : des croyances magiques et des superstitions » et n’exclut pas « la
celles de Mithra, des anciens Égyptiens, des Grecs ou possibilité que les Templiers en aient été contaminés ». Il est diffi-
encore des Romains. cile d’infirmer ou de corroborer cette affirmation, mais il
La figuration de l’Abraxas n’est pas étrangère à une sym- serait, dans cette perspective, particulièrement intéressant
bolique proprement solaire, en rapport avec le culte de de se pencher sur la question de survivances possibles de
Mithra, « Sol invictus », issu lui-même d’un mélange des la gnose basilidienne en Terre sainte lors de la constitution
religions perse et syrienne. de l’Ordre.
Il est dit dans le Sefer Raziel des cabalistes qu’il y a 365.000 La seule certitude, en ce domaine, est l’existence, à la même
anges, nombre qui n’est pas sans rappeler la valeur numé- époque, de la religion mandéenne encore subsistante au
rique d’Abraxas et de Mithra. Moyen-Orient (Irak, Iran) dont le dualisme n’est pas sans
Mais le rapprochement le plus intéressant est celui qui rappeler le manichéisme. Au monde de la Lumière, selon

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L’ABRAXAS TEMPLIER, symbole gnostique
TALISMANS RELEVÉS
le mandéisme, sont opposées les forces des Ténèbres dont D’APRÈS DES CAMÉES
le Roi « a une tête de lion, un corps de serpent, des ailes GNOSTIQUES
d’aigle, des flancs de tortue et des mains et des pieds de
Démon » (Article « Mandéens » in Dictionnaire Initiatique). Ż S. GENEVIÈVE
Ce que les mandéens disent de ce Roi des Ténèbres évoque
quelque peu la description de l’Abraxas et son rôle démiur-
gique, mais rien ne dit qu’il y ait eu un quelconque rapport
entre les deux ; l’Abraxas n’appartient pas, originellement, S. GENEVIÈVE Ź
au monde des Ténèbres, même si la démonologie chré-
tienne en fit un démon.
En tout état de cause, il est à craindre que cette première
hypothèse n’apparaisse que comme une solution de facilité.
Plus facile encore serait d’insister sur un point particulier
de la gnose basilidienne souligné par Tertullien : selon lui, Ż S. GENEVIÈVE
Basilide affirme « que le Christ a été envoyé non point par celui qui
a fait le monde, mais par cet Abrasax ; qu’il est venu en fantôme,
qu’il a été sans substance de chair ; qu’il n’a point souffert chez les
Juifs, mais qu’à sa place a été crucifié Simon, en sorte qu’il ne faut
pas croire en celui qui a été crucifié, car alors on confesserait que l’on
croit en Simon » (Article « Abraxas » in Dictionnaire d’Archéologie BEGER Ź
chrétienne). De là, à faire un rapprochement avec le reniement
de la croix lors de la réception d’un frère, dont l’Ordre fut
accusé, et à parler du « mortel secret des Templiers », la
tentation est forte !
La seconde hypothèse est d’approche moins facile car il
faudrait d’abord pouvoir mieux cerner ce que fut le corpus
symbolique templier. La présence de l’Abraxas dans la
symbolique templière témoigne, pour le moins, de spécu-
lations métaphysiques sur Dieu et l’univers, même si l’on Ż FABRATTE
admet que la gnose basilidienne ne fut adoptée en totalité
par l’Ordre ; spéculations qui n’ont pu être le fait, tant est
Ż LA CHAUSSE
complexe le symbolisme de l’Abraxas, que de quelques
frères regroupés en un ordre intérieur dont rien, pour ainsi
dire, n’a filtré. Le problème de l’existence de l’ésotérisme
templier se trouve alors posé en des termes qui devraient,
de toutes façons, faire rechercher du côté de mouvements
qu’il est parfois facile de qualifier d’« hétérodoxes », faute
d’une meilleure approche.
Quelle que soit l’hypothèse retenue, en symbolisme rien
Ÿź CHIFFLET Ÿź
n’est dû au hasard et le fait qu’un symbole appartenant
à la gnose basilidienne se retrouve sur deux sceaux très
« officiels » ne peut être, à l’évidence, fortuit. L’existence de
ces deux sceaux pose, à l’évidence, de multiples interroga-
tions et une question lancinante reste posée : pourquoi cet
Abraxas basilidien sur deux sceaux templiers ?
Il est à craindre qu’Abraxas, Démiurge du monde éthéré,
Archonte de l’Ogdoade, Dieu des 365 cieux, ne conserve à
jamais son secret.
Pierre Girard Augry

„„„ BIBLIOGRAPHIE „„„


„ Les sociétés secrètes
par Arkon Daraul, éd. Planète, Paris, 1970.
„ L’homme de lumière dans le soufisme iranien
par Henri Corbin,éd. Présence, Chambéry, 1971.
„ Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie
publié par le R.P. dom Fernand CABROL, Letouzey et Ané, éditeurs, Paris, 1907.
„ Dictionnaire initiatique
par Hervé Masson, éd. Pierre Belfond, Paris, 1970.

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 25


Au Moyen-Âge, l’arbalète fut si
terri¿ante par sa puissance, sa
précision et sa portée, que l’Église
en interdit l’usage dans les guerres
entre chrétiens au XIIe siècle. Cela
ne l’empêcha pas de devenir une
des principales armes des guerres
du Xe au XVIe siècle.

ENTRETIEN AVEC

26 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


UN ARBALÉTRIER :
SERGE ADROVER
À Bazauges en Charente-Maritime, dans
la région d’Aliénor d’Aquitaine, Serge
Adrover cultive l’art de la fabrication et
du maniement de l’arbalète. Ce minutieux
artisan de la « Terreur » et virtuose du car-
reau a atteint un haut degré de perfection
dans sa maîtrise formelle, extrêmement
recherchée, de la conception de l’arbalète.
Avec ses machines, répliques exactes du
temps jadis, il cherche à mieux faire com-
prendre l’utilité de cette arme en forme de
croix qui changea la pratique des guerres.

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 27


Entretien : SERGE ADROVER

À 38 ANS, SERGE ADROVER


BLE DU MÉDIÉVAL EN MATIÈRE D’ARBALÈTE.
EST DEVENU UNE FIGURE INCONTOURNA-
ÉTUDIANT AVEC PASSION LES
PLANS DE CONSTRUCTION DES ARBALÈTES DU XE AU XVE SIÈCLE, D’APRÈS
L’ENCYCLOPÉDIE MÉDIÉVALE QUI FUT SES PREMIÈRES RÉFÉRENCES, PUIS DE
NOMBREUX DOCUMENTS ET ÉCHANGES PLUS POINTUS, IL EXHUME DU PASSÉ CES ARMES
REDOUTABLES QUE FURENT LES ARBALÈTES, EN UNE RECONSTITUTION FIDÈLE, PRÉCISE ET
FONCTIONNELLE, EN Y AJOUTANT TOUTEFOIS, SA TOUCHE PERSONNELLE. IL COMPTE
ACTUELLEMENT À SON ACTIF 9 MODÈLES ALLANT DU XIE AU XVE.

Comment et quand avez-vous com- À quel moment avez-vous décidé Face à ces sollicitations et sortant du
mencé â vous intéresser à l’époque d’en faire en métier, d’en vivre ? cadre des spectacles, j’ai mis au point,
médiévale et plus précisément à S.A. : Très simplement à la suite en remplaçant les arcs en frêne par des
l’arbalète ? d’une invitation au Congrès d’Escrime arcs en acier, des arbalètes pouvant
S.A. : J’ai toujours été entouré d’adul- Médiéval à Beaucaire (en 1993) où j’ai atteindre une puissance de 100 livres
tes passionnés d’Histoire ; ma mère exposé mes premiers modèles fonc- (à 35 mètres, un carreau classique*en
m’emmenait régulièrement visiter des tionnels (construits d’après des plans). acier pénètre de 25mm une planche en
châteaux, ce qui m’a valu, à l’âge de 6 Devant l’enthousiasme et l’intérêt des bois, un carreau perce de 40 mm).
ans, une de mes plus grandes frayeurs, participants, je me suis rendu compte Par ailleurs, la mise en place des arcs
quant au détour d’un couloir du châ- qu’il y avait une vraie demande et que en acier a nécessité un renforcement
teau de Bouteville, en Charente, je peut-être j’allais pouvoir allier ma pas- du maintien de l’étrier* à l’arbrier* afin
tombai nez à nez avec une gigantesque sion à un métier. de supporter la forte tension que subit
armure. Mais ce fut mon grand-père, l’étrier lors des armements répétés.
le véritable artisan de ma passion en Quelles ont été les différentes Quant au tir, l’accroissement de puis-
me faisant découvrir un sous-terrain- étapes entre l’expérimentation et sance augmentant et la distance du jet,
refuge près d’une motte féodale. l’arme d’aujourd’hui destinée au et les risques de déviation du carreau,
Puis, c’est à 17 ans qu’influencé par les grand public ? il a fallu atteindre un réglage minutieux
épisodes de Guillaume Tel, nous déci- S.A. : II convient tout d’abord de de l’inclinaison de l’arc et une perpen-
dâmes, un ami et moi de construire, différencier les arbalètes de spectacles diculaire rigoureuse.
chacun, une arbalète. Il s’avéra que le qui sont de faible portée de celles plus La noix double*, en tant que pièce maî-
mécanisme de déclenchement fabriqué puissantes, vouées au tir de précision, tresse, requiert une attention extrême
par hasard était une parfaite reconstitu- aux expositions et aux parades. pour son positionnement au creux de
tion des mécanismes utilisés au XIe siè- J’ai commencé le métier d’arbalétrier la cavité, au millimètre près. En effet,
cle. Cinq ans après, un regain d’intérêt par la conception des arbalètes de spec- non seulement la précision du tir en
pour ces armes me poussa à m’atteler à tacles principalement munies d’arc en dépend mais plus grave, une noix mal
nouveau à la fabrication d’une arbalète frêne et de noix simple* qui réduisent calée peut faire se retourner un carreau
à levier. Les tirs furent extrêmement la portée de tir à environ 20 mètres. vers son utilisateur. Dans un troisième
puissants et, dues à un mauvais réglage Ces modèles permettent l’utilisation de cas, le carreau peut être brutalement
du mécanisme de déclenchement, les carreaux blunt (en caoutchouc) lors de éjecté verticalement ou encore prendre
pertes de carreaux* considérables. reconstitution de batailles historiques. une trajectoire ascensionnelle.
Insatisfait, je construisis alors un Testées tant au niveau de leur solidité Les divers tests opérés sur la fabrica-
troisième modèle qui lui, se montra (arc et cordage) que de leur précision tion de mes arbalètes m’ont amené à
très dangereux par la trajectoire en et leur aptitude à la conserver dans constater qu’une petite pièce comme la
vrille du carreau qui se retourna alors le temps, compte tenu de leur rude languette de maintien, à priori de moin-
et m’effleura (par chance) le visage. vie sur les campements (froid, pluie, dre fonction – elle sert à plaquer et à
Je compris alors que la construction choc...), j’ai dû, au fil des expériences maintenir, d’où son nom, le carreau sur
d’une arbalète répondait à des règles rapportées, augmenter la dureté des l’arbrier – joue un rôle dans la force du
strictes de proportion. C’est à partir de axes des noix, travailler sur le maintien tir. Plus elle appuie sur le carreau plus
ce moment que je me mis en quête de et l’équilibre de l’arc, chercher et trou- le tir est puissant et précis. Là aussi, si la
documents, plans, textes et commençai, ver un rapport proportionnel entre le côte de réglage entre la noix et l’appui
sans le savoir, à marcher sur les traces diamètre de la corde et sa mise sous de la languette sur le carreau n’est pas
des arbalétriers* (ou arbalétrieurs). Le tension, répondant ainsi à la demande respecté, les tirs souffriront de préci-
métier s’annonçait. grandissante des utilisateurs pour des sion (30 à 40 centimètres de déviation
arbalètes de plus grande puissance. verticale sur un tir à 30 mètres).

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L’ARBALÉTRIER

c d e

f g h

LE MUSÉE DES TEMPLIERS - HUGUES DE PAYNS


cŹ ARBALÈTE GUEULE DE DIABLE XIIE SIÈCLE, CROSSE RENFORCÉE, UTILISÉE DANS LES ARMÉES FRANÇAISES. ARC EN ACIER. LON-
GUEUR : 1,04 M. POIDS: 4 KG. PUISSANCE : 60 LIVRES dŹ ARBALÈTE DE CHASSE, XIIIE SIÈCLE, UTILISÉE LORS DES CHASSES À
COURRE, ELLES ÉTAIENT MANIÉES AUSSI BIEN PAR LES SEIGNEURS QUE PAR LES DAMES. ARC EN ACIER. LONGUEUR : 87 CM. POIDS:
3,10 KG. PUISSANCE : 60 LIVRES eŹ ARBALÈTE À BRIDE, XIIIE SIÈCLE, L’ARC EST RETENU PAR UNE LIGATURE DE CORDELLE DE
CHANVRE QUI NEUTRALISE LE CHOC DE DÉTENTE. ARC EN ACIER. LONGUEUR : 97 CM. POIDS : 3 KG. PUISSANCE : 60 LIVRES
fŹ ARBALÈTE DE MEURTRIÈRE, XIIIE SIÈCLE ET SA « FAUSSE CORDE D’ARBALÈTE » gŹ ARBALÈTE À TÊTE D’AIGLE. XIVE SIÈCLE.
ARBALÈTE DE DÉFENSE DE REMPARTS. ARC EN ACIER. LONGUEUR : 1M. POIDS : 3,50 KG. PUISSANCE : 60 LIVRES hŹ ARBALÈTE
DE GUERRE, XIVE SIÈCLE, UTILISÉE PRINCIPALEMENT SUR LES CHAMPS DE BATAILLE. ARC EN ACIER. LONGUEUR : 1,08 M. POIDS :
3,500 KG. PUISSANCE : 60 LIVRES

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 29


Entretien : SERGE ADROVER

trempes. Pour ce faire, j’ai construit


un four en argile de type gaulois dont
la partie inférieure, destinée à recevoir
les cendres et à laisser s’engouffrer
l’air, est faite d’une base de pierre avec
une entrée d’air en façade. Le dôme en
argile, lui aussi ouvert en façade, est
percé en son sommet prolongeant ainsi
l’appel d’air me permettant de travailler
sans soufflet.
J’y façonne, outre toutes les pièces
nécessaires à la fabrication des arbalè-
tes, les carreaux ainsi que les systèmes
d’armement.
Je forge huit types de carreaux : le car-
reau à pointe classique d moyenne de
6 cm ; le perce-maille plus effilé allant
jusqu’à 17 cm ; le pointeau d’une taille
intermédiaire de 10 à 12 cm, monté sur
un fuit en bois de l4mm de diamètre et
capable jadis de percer une armure à 90
mètres ; le matras (ou assommoir) d’un
La poignée (qui sert au déclenche- ticité et de la beauté de l’arme dans poids total de 80 g monté ; la feuille de
ment) s’est vue rallongée en fonction son ensemble. Pour cela, il m’a fallu
de la puissance, afin d’obtenir une plus redécouvrir des matériaux peu usités
grande souplesse de tir. Ceci explique tels que chanvre, aciers spéciaux, etc.,
certaines enluminures qui montrent éparpillés aux quatre coins du départe-
des arbalétriers en position de visée, ment et parfois de France. Les techni-
tenir, coude en l’air, la poignée à son ques de la forge à bois, telles qu’elles
extrémité. étaient pratiquées, et ses gestes ont fait
l’objet de longues heures de recherche
Vous êtes-vous confronté à des diffi- et d’apprentissage.
cultés, compte tenu de l’aspect peu
ordinaire voire insolite du métier ? Vous avez parlé de techniques de
S.A : Avez-vous déjà demandé à une forge, vous fabriquez donc toutes
compagnie d’assurance d’assurer un vos pièces vous-même ?
arbalétrier au XXIe siècle...! Ce problè- S.A : Oui, absolument. Je forge à l’an-
me enfin résolu, mon plus grand souci cienne et au bois uniquement, afin de
fut très vite l’alchimie de l’authen- ne pas brûler l’acier au moment des

laurier (carreau plat) destinée à la chas-


d se ; les deux carreaux tranchoirs (l’un
en forme de V et l’autre en forme de
spatule) destinés à trancher jarrets des
chevaux, rênes et cordages ; le vireton à
e la pointe en forme de double hameçon
tranchant, montée sur un fût en bois
très lourd et pourvu d’un empennage
de cuir ou bois, carreau célèbre s’il en
est, puisque c’est le même qui mit un
AU TEMPS DES CARREAUX D’ARBALÈTE... Les Carreaux
terme aux jours de Richard Cœur de
forgés : cŹ POINTE BLUNT dŹ POINTE BOIS eŹPOINTE INOX Lion à Chalus (Haute-Vienne).
Quant aux systèmes d’armement, j’en
ARBRIER DE L’ARBALÈTE DE MEURTRIÈRE, XIIIE SIÈCLE compte quatre : le crochet de ceinture
(CI-DESSUS EN HAUT ET À DROITE) en usage à partir du XIIe et XIIIe siè-

30 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


L’ARBALÉTRIER
c

PIÈCE D’ARMEMENT
Les Carreaux forgés : cŹ TRANCHOIR dŹ GOUJON eŹMATRAS fŹPOIN-
TEAU gŹVIRETON hŹPÉNÉTRANT

Ż ARBALÈTE DE POING « CRÉATION », FACILE À CAMOUFLER, ELLE RESTE UNE ARME


DÉFENSIVE POUR LES CAVALIERS ET MARCHANDS. LONGUEUR : 62 CM. ARC EN ACIER
POIDS : 2,10 KG. PUISSANCE : 40 LIVRES

CHEZ LES TEMPLIERS, LES ARBALÈTES SONT RÉQUISITIONNÉES LORS DU PROCÈS, EN 1308
cles ; le moufle appelé également rouet, (ARCHIVES DES BOUCHES-DU-RHONE) - SÉRIE B – COUR DES COMPTES DE PROVENCE
tour ou passot, en usage au XIVe siè-
cle ; le pied de biche en usage à partir
du XVe siècle ; le cric ou le crènekin en B. 151 (Registre). - In folio, 37 feuillets,
usage au XVe et XVIe siècles. papier bombax Ź 1308. - (R. TEMPLARIO-
RUM I.) – (…) LETTRES SECRÈTES DE CHARLES II
En 10 ans, avez-vous élargi votre ORDONNANT LA SAISIE IMMÉDIATE DES TEMPLIERS
batterie d’arbalètes ? DU RESSORT DE PERTUIS ET DE LEURS BIENS MEUBLES
S.A. : Jusqu’à l’année dernière, je pro-
ET IMMEUBLES. (…) AUX MAISONS DU TEMPLE DE
posais 7 modèles : l’arbalète à gueule
LIMAYE, OÙ ILS TROUVENT CINQ TEMPLIERS, ET
de diable du XIIe siècle, l’arbalète de
DE LA TOUR D’AIGUES, OÙ ILS N’EN TROUVENT
chasse pour dame et l’arbalète à bride
QU’UN.- INVENTAIRE DES EFFETS MOBILIERS DE
du XIIIe siècle, l’arbalète à tête d’aigle
CES MAISONS. - JAMBONS ENTAMÉS; - TON-
et l’arbalète de guerre du XIVe siècle,
l’arbalète de poing et l’arbalestriel NEAUX DE VIN À MOITIÉ PLEINS; - OBJET DE

(créations). Cette année a vu naître SACRISTIE ET D’ÉGLISE; - QUELQUES LIVRES


deux arbalètes, l’arbalète de Charavines DE PRIÈRES ; - DEUX OU TROIS ARBALÈTES ET
et l’arbalète de meurtrière. L’arbalète AUTANT DE BESACES, ETC. (…).
de Charavines est une reconstitution
du XIe siècle dont l’original a der- B. 154 (Registre). - In folio, 37 feuillets,
nièrement été retrouvé dans le lac de papier bombax Ź 1308. - (R. TEMPLARIO-
Charavines à Colletière (Isère). Sa par- RUM IV.) - INVENTAIRE DES BIENS ET DES RENTES
ticularité consiste en un déclenchement SAISIS SUR LES TEMPLIERS DU BAILLIAGE DE PUGET-THÉNIERS
(la poignée) sur l’arbrier contrairement (…). DESCENTES À L’IMPROVISTE AU CHÂTEAU DE RIGAUD, OU
aux autres modèles (déclenchement RÉSIDE ORDINAIREMENT UN CHEVALIER DU TEMPLE, ADMINISTRATEUR DE BIENS
sous l’arbrier). Pour ce qui est de QUE L’ORDRE Y POSSÈDE. - ILS N’Y TROUVENT QUE SON NEVEU, JEUNE
l’arbalète de meurtrière du XIIIe siè-
LAÏQUE, DU NOM DE MICHEL DES ROQUETTES, ET LE BAILLI DU TEMPLE. (…)
cle, elle a nécessité plus d’une année
INVENTAIRE TRÈS DÉTAILLÉ DES MEUBLES DU CHÂTEAU; - 1 MATELAS ET 3
de recherches, d’essais, de réglages et
COUSSINS DE PLUME ; - 1 LANCE ET 1 ARBALÈTE (…).
mises au point. Sa particularité est de
pouvoir tirer depuis une meurtrière ;
son déclenchement est donc cette
fois-ci sur le flanc droit de l’arbrier. Il

DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 31


Entretien : SERGE ADROVER

ŻL’ARBALÈTE DE COLLETIÈRE

ŻDÉTAILS DE L’ARBALÈTE DE COLLETIÈRE

ź FOUR EN ARGILE

ź L’ARBALESTRIEL « CRÉATION »
(CI-DESSOUS)

suffit alors de faire pivoter l’arbalète de l’arbalète pour les coupons ; mais il
d’un quart de tour, de manière à ce ne doit mie laisser la corde la nuit sans Les noms des arbalètes nous
l’arc se retrouve en position verticale congé ». semblent très évocateurs, sont-ils
– la poignée se retrouve sous l’arbrier Donc, cette fausse corde d’arbalète, authentiques ?
– permettant ainsi de pénétrer au plus qui s’apparente davantage à une ficelle S.A. : Non, je les ai moi-même bapti-
profond de la meurtrière. Cette arba- qu’à une corde, d’une longueur de 40 sées. À ma connaissance, elles n’avaient
lète répond à une question posée lors cm environ contre 75 pour la corde pas de désignation précise. J’ai pensé
d’une précédente interview quant à la principale, était fixée elle aussi sur l’arc qu’il était pertinent qu’elles aient cha-
difficulté de tirer depuis une archère. Je mais à l’avant et en parallèle à la corde. cune leur identité propre en fonction
me dois de préciser que cette arbalète Si la corde est le principal élément pour de leur utilisation ou utilisateur, voire
n’est pas équipée d’une languette de bander l’arc, la fausse corde ne servait de leur esthétique.
maintien, ce qui a fait l’objet de ques- qu’à maintenir le carreau. (voir photo).
tionnements, et a amené bon nombre
d’historiens à penser que le carreau
tenait à l’aide de graisse enduite à
même l’arbrier. Cependant, aux détours
de recherches, un ami, M. Tonetti, m’a
fait parvenir un extrait du livre La vie
des Templiers chez Gallimard (éd. 1994),
de Marion Melville qui déclare ceci
qui nous a fortement éclairés : « S’ils
veulent (Les templiers) organiser des
concours de tir à l’arc ou à l’arbalète,
ils ne doivent parier que des bricoles
qui n’ont coûté d’argent à personne,
telles que des piquets de tente, ou
une lanterne découverte... Et chaque
frère du Temple peut jouer contre un
autre, avec son arbalète, dix coupons
de chandelle sans congé mais nient
plus ; et tant peut-il perdre un jour.
Et peut mettre en gage la fausse corde

32 - TEMPLARIUM © DAEG EDITION


L’ARBALÉTRIER

Ź LE MOUFLE, APPELÉ
ÉGALEMENT ROUET, TOUR
OU PASSOT, ÉTAIT UTILI-
SÉ POUR ARMER L’ARBALÈ-
TE MILITAIRE DU XIVE SIÈ-
CLE, DOTÉE D’UN ARC TROP
PUISSANT. IL EST ADAPTA-
BLE SUR LES ARBALÈTES À
BRIDE, DE GUERRE, À TÊTE
D’AIGLE.

Ź LE PIED DE BICHE, EN USAGE À PAR- Ź LE CRIC, APPELÉ AUSSI, AU XVE ET


TIR DU XVE SIÈCLE, RESTE ANTÉRIEUR AU XVIE SIÈCLE, CRÉNEKIN ÉTAIT PLUS RAPIDE
CRIC. IL EST MUNI D’UN LEVIER RÉTRAC- À UTILISER QUE LE MOUFLE. IL EST ADAP-
TABLE, ET EST ADAPTABLE SUR LES ARBALÈ- TABLE SUR : ARBALÈTE DE GUERRE, À TÊTE
TES À BRIDE, DE GUERRE, À TÊTE D’AIGLE D’AIGLE ET DE POING.
ET DE POING.

GLOSSAIRE
Quels sont, aujourd’hui, les clients CARREAUX CLASSIQUE : PROJECTILE DE L’ARBALÈTE À
POINTE DE SECTION CARRÉE D’UNE LONGUEUR DE 6 CM.
pour un tel produit ?
CARREAU PERCE-MAILLE : MÊME PROJECTILE MAIS AVEC
S.A. : L’intérêt pour ce produit touche UNE POINTE D’UNE LONGUEUR DE 17 CM.
divers domaines. Les troupes médié- ARBALÉTRIER (ARBALÉTRIEUR) : PERSONNE QUI FABRI-
vales de reconstitution, les privés qui QUE LES ARBALÈTES.
en font l’acquisition, soit pour orner NOIX SIMPLE : PIÈCE EN MÉTAL CYLINDRIQUE AVEC ENCO-
leur demeure – château, entre autre CHE QUI SERT À RETENIR LA CORDE LORS DE L’ARMEMENT.

– soit pour s’essayer dans leur parc, les LE CARREAU VIENT EN BUTÉE CONTRE ELLE.
NOIX DOUBLE : MÊME PIÈCE MAIS PLUS LARGE ET CREUSÉE
passionnés de l’Histoire et des armes EN SON CENTRE, PERMETTANT AU CARREAU DE S’Y LOGER
médiévales, les musées. Pour ce qui est ET RENDANT AINSI LE TIR PLUS PUISSANT.
des animations, les fêtes médiévales ARBRIER : CORPS EN BOIS PRINCIPAL DE L’ARBALÈTE.
Nous avons parcouru ensemble le
sont friandes de ce genre de presta- ÉTRIER : PIÈCE MÉTALLIQUE FIXÉE EN BOUT D’ARBRIER
métier d’arbalète mais nous n’avons
tions. II s’agit alors d’expliquer aux SERVANT À Y PLACER LE PIED POUR POUVOIR BANDER
pas de détail quant à la fabrication LA CORDE.
visiteurs le maniement des arbalètes,
en elle-même de l’arbalète ?
explications agrémentées d’anecdotes
S.A : Les côtes, les chauffes du métal,
réelles, puis de faire tirer chacun et
les proportions font toute la perfor-
chacune dans des cibles aux allures
mance de ces armes redoutables et leur
de chevaliers, dragons et Templiers.
sécurité. Elles sont le fruit de plusieurs
Bien sûr, il s’agit d’arbalètes de faible
années de recherche, de travail et tel un
portée. Quant aux écoles, bon nombre
alchimiste dans son laboratoire, je teste,
de directeurs et directrices font appel à
essaie et recommence inlassablement
mes services pour des séances de demi-
jusqu’à ce que le détail qu’on croyait
journée.
insignifiant fasse toute la lumière.
L’animation se passe sur la motte féo-
Et ce sont là mes secrets d’artisan
dale de Siecq (Charente-Maritime), site
qu’effectivement je garde jalousement.
historique du Xe siècle. Les enfants
ont le bonheur d’apprendre à tirer
depuis une palissade et de s’adonner
à la frappe de monnaie. C’est aussi un SERGE ADROVER
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cours d’Histoire au creux des bois, et 17490 BAZAUGES
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DAEG EDITION © TEMPLARIUM - 33


LE GUIDE DE
TEMPLARIUM COMMANDERIE D’ARVILLE
ÉVÉNEMENTS 2004
À PROVINS
Route des Templiers - 41170 ARVILLE

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http://www.commanderiearville.com BP 44 - 77482 PROVINS cedex
Tél : 01 64 60 26 26 Fax : 01 64 60 11 97
info@provins.net http://www.provins.net
Avril à Mai :
• Les Aigles des remparts
; • À l’assaut des rem-
parts ; • La visite guidée
« Provins, Patrimoine
Mondial »

MARCHÉ MÉDIÉVAL
À LA COMMANDERIE D’ARVILLE
ANNO
Pour la cinquième année consécutive, le marché mé-
diéval de la commanderie se déroulera le dimanche
de Pentecôte : le 30 mai 2004. De 10h à 19h, les
visiteurs seront accueillis par les damoiselles de la
Commanderie et revivront, le temps d’une journée,
à l’époque du Moyen-âge. Ils pourront flâner dans
les allées d’Arville en découvrant les échoppes des COMPAGNIE MÉDIÉVALE XIIIe siècle, recherche compa-
artisans locaux d’art (bijoux médiévaux, poteries, gnons motivés pour participer aux fêtes médiévales. Différentes
peintures sur bois, maroquinerie, figurines en pierre activités de la vie quotidienne au Moyen-âge, entraînements à
minérales, paniers en osier, calligraphies…) et de l’escrime ancienne, etc.
bouche (miel, cidre, fromage, chocolat, viandes, Contacts: Anthony 06 60 13 69 67 / Nadja 06 09 54 50 37
pain…), le jardin médiéval et le parcours botanique
créé il y a peu, ainsi que les savoir-faire d’antan TEINTURERIE GUINHUT vend Tenues de Tem-
comme le ferrage des chevaux, la cuisson du pain à plier, 180€, comprenant camail riveté, chemise et
l’ancienne, la fabrication de cottes de mailles par les surcot.
haubergiers, les couteliers etc. Enfin, pour conjuguer Contacts: www.antikcostume.com
la fête à l’histoire des Templiers et des Croisades, 53 rue Levavasseur, 35800 Dinard
un diaporama sera proposé toute la journée dans le tél. 02 99 46 17 10 ou 06 63 85 17 10
pigeonnier ainsi que la visite du Centre d’Histoire des
Ordres de Chevalerie.

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30430 Rivières (France) depuis qu’ils se sont ralliés à la
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a formé le projet insensé d’aller
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Ŷ Les moines chevaliers de
Anciens Numéros
Templarium n°2
Ŷ Les Templiers furent-ils coupa-
Templarium n°3
Ŷ Rivalité entre Templiers et Hos-
l’Ordre du Temple Ŷ Les moines bles ? Ŷ Templiers et Hospitaliers pitaliers Ŷ Templiers et Hospita-
chevaliers de l’Ordre du Temple en Auvergne au Moyen-Âge (1ère liers en Auvergne au Moyen-Âge
Ŷ Les Templiers à Jérusalem Ŷ partie) Ŷ Les années prodigieuses (2ème partie) Ŷ Sur les traces des
Llewelyn, chevalier Templier ? Ŷ des Templiers Ŷ Raymond Lulle, Templiers en Hongrie Ŷ Hugues le
L’Ordre de Saint-Lazare de Jéru- le « Docteur illuminé » Ŷ L’Ordre Pécheur Ŷ Hospitaliers de Saint-
salem Ŷ Ces mystérieux Antonins des chevaliers Teutoniques Ŷ Les Jean de Jérusalem Ŷ L’Ordre de
Ŷ Le mystérieux trésor oriental moines cisterciens Ŷ Les Templiers Grandmont Ŷ Le secret des pro-
des Templiers Ŷ La Compagnie et le Saint Graal ? Ŷ Estivales du phéties de Nostradamus Ŷ Mansio
Médiévale des Blancs Manteaux Larzac 2002 Templi Parmensis
Templarium n°4 Templarium n°5 Templarium HS n°1
Ŷ Rapide coup Ŷ Les Templiers dans le Ŷ Il était une
d’oeil sur l’histoire Quercy Ŷ Trois faits his- fois... Ŷ Les
du Temple Ŷ Les toriques troublants Ŷ Sur Templiers dans
Templiers à Riche- les traces des Templiers le Loir-&-Cher
renches Ŷ Les à Figeac Ŷ Architecture Ŷ La comman-
Templiers en Slo- de l’Hôtel Médiéval Ŷ derie d’Arville
vaquie Ŷ Guigues, Guide pratique de la visite Ŷ Visite guidée
prieur de la Grande de l’Hôtel Médiéval de la des bâtiments
Chartreuse Ŷ Ces commanderie des Tem- Ŷ Portfolio. À
mystérieux Anto- pliers Ŷ Les Templiers l’ombre des
nins Ŷ l’Ordre des de la Pierre - Fils aînés lumières Ŷ
chevaliers Croisés de l’Égypte Ŷ Tour du Muséologie.
à l’Étoile Rouge Ŷ Griffon et symbolique Ŷ Centre d’Histoi-
Les Bénédictins l’avènement spirituel des re des Ordres de
Ŷ Le secret des pèlerinages vers Saint- Chevalerie...
prophéties dites de Jacques-de-Compostelle
Nostradamus Ŷ l’Église au Moyen-Âge.

Templarium n°6 Templarium n°7 Templarium n°8


Régime socio- Ŷ Présence des Tem- Ŷ L’Ordre du Temple
économique des pliers en Lorraine dans l’Aisne Ŷ Les
Templiers Ŷ Les Ŷ Les monuments Templiers à Laon
Templiers à Montri- Templiers en Lorraine Ŷ Les prodigieuses
coux Ŷ Chevauchée Ŷ Les Templiers à années Ŷ Godefroi
aragonaise Ŷ L’Or- Chypre Ŷ L’Ordre du de Bouillon et l’Or-
dre de Calatrava Ŷ Navire dit d’Outre- dre Hospitalier et
Saint François et les Mer et du Double- Militaire du Saint-
ordres mendiants Croissant Ŷ L’Ordre Sépulcre Ŷ Saint
Ŷ le Baphomet, des Croisiers ou de Norbert de Xanten
miroir de toutes les la Sainte-Croix Ŷ Le et de l’Ordre des
sagesses Ŷ La Com- Temple en majesté Prémontrés Ŷ L’ar-
pagnie du Seigneur Ŷ Le Seigneur de chitecture mystique
de Guerre au Baux Guerre et les Blancs des Templiers Ŷ
de Provence Manteaux Premier Festival
Médiéval.

Templarium n°9
Ŷ Mémoire de Prix franco (7 € l’exemplaire)
L’Ordre du Temple
Ŷ Le Templie Notre- n°1 x ___ = ____ € / n°2 x ___ = ____ € / n°3 x ___ = ____ € / n°4
Dame à Douai Ŷ Les
sceaux des Templiers
et le Temple de Jéru- x ___ =_____ € / n°5 x ___ = ____ € n°HS1 x ___ = ____ € / n°6
salem Ŷ L’Ordre de
Saint-Samson de x ___ = ____ € / n°7 x ___ = ____€ / n°8 x ___ = ____ € /
Constantinople dit
de Corinthe Ŷ l’Or- n°9 x ___ = ____ €
dre des Trinitaires
au Moyen-âge Ŷ
Chronique du mort
acceptée Ŷ Jean-
Luc Soubeyras et la
forge médiévale. BULLETIN D’ABONNEMENT
( à photocopier)
Je m’abonne à TEMPLARIUM, soit à 6 numéros pour 36,60 € (Étranger 42,00 €)
J’adresse mon règlement par
ˆ chèque bancaire ˆ chèque postal  ˆ mandat postal
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
...........................................................................................
Code Postal: . . . . . . . . . . Ville: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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BP 18 - Rue de l’armurier
84360 LAURIS (France) ............................. €
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