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PierLuigi Zoccatelli

LE LIEVREQUI RUMINE
Autour de
RenéGuénon, Louis Charbonneau-Lassay
et la Fraternité du Paraclet

Avecdesdocumentsinédits

ARCIS
MILANO
r999
7

Résumé
duthème
Figure clé de l'ésotérisme au XX" siècle, René Guénon
(1886-1951)collabora de manière intense,durant les der-
nières.9nnéesqu'il passa en France - avant son départ
pour I'Egypte, en 1930,d'où il ne devait jamais revenii - à
la revue catholiqte Regnabit.Plus précisément,il y coliabo-
ra de 1925à 1927,soit à un moment où il avait déià publié
ou était sur le point de publier quelques-uns de éeslivres
les pius rmpotants. II s'agit donc d,une coilaboration _
jamais explorée dans son intégralité jusqu,à présent - qui
représentenn unicum qt'on ne saurait négtgeì
Fondée en 1921par le père Félix Anizan (1.87g-1944),la
revue Regnabif publiera en outre les études de Louis
Charbonneau-Lassay (1871,L946); c' esI précisément dans
cette revue que l'illustre spécialiste de iymbolique chré-
tienne mettra en chantier l'immense travail guiionnera
lieu ensuite au livre Le Bestiairedu Christ 1.Chàrbonneau-
Lassay sera aussi celui qui garantira la continuation de
Regnabiten dirigeant, de-1929à 1939,une autre revue, Le
Rayonnement lntellectuel

I Cf Louis Charbormeau-Lassay,
I e Bestiairedu Chnst, Bruges, Desclée
de Brouwer, 1940; reprint : Milan, Archè, 1924.En Italie, la iedécouver_
te récente de Charbonneau-Lassaya conduit à la publication de son
operaomnia,dont la direction éditoriale a été confièe au signataire de
ceslignes : cf.1d., ll Bestíaio del Cristo,Rome, Atkeios, 2 tJmes, 1994;
Id., Il Giardino del Cristoferito, Rome, Arkeios, 1995; et Id., Le pietre
Misteriosedel Cristo, Rome, Arkeios, 1,997(wn quatrième et derniet
volume est en préparation). Aux États-Unis u ju.rl .rrr" traduction.
inexplicablementamputéed'une bonne partie dei chapitres,du princi_
pal ouvrage de Charbonneau-l,assay: cf. Id., TheBestiaryof Chrtsl tra_
duit e-t-abrégépar D.M. Dooling, New york, parabola doót", feOf
1"t
a LrssiNew York, Arkana-Penguin Bo oks, 1992). Une version espagnole
a éga-lementparu : cf. Ià-, EI Bestiariode Cristo, trad. de Fr-ancrsco
Gutierrez, Barcelone-Palmade Majorque, JoséJ. De Olaneta Editor, 2
tomes, 1996-7997.
8

La collaboration de René Guénon à Regnabiffut voulue


par Louis Charbonneau-Lassay lui-mème, qui l,avait
conn-u par l'intermédiaire d'Olivier de Fremond (1.g50-
1940),son ami intime ainsi que collègue de la Sociétédes
Antiquaires de l'Ouest. Aupàravant, Fremond avait gravi-
té autour de la revue La FranceAntímagonnique,faisant
alors la connaissance de Guénor1 qui, comme on sait, col-
labora à cette publication.
La correspondance inédite - dont on lira plus loin cinq
-
lettres - se compose de vingt-six lettres de Rèné Guénon à
Louis Charbonneau-Lassay, lettres qui furent écrites
entte 1924et t929, donc à l'époque de la collaboration de
Guénon à Regnaúif.Cefte correspondance ne peut évidem-
ment que contribuer à l'approfondissement de l,étude de
relations qui, aujourd'hui encore, font l,obiet d,une vive
attmtion.
I/étude de cette correspondance se révèle précieuse et
ouvre des-pistes dans plus-ieurs domaines : approfondisse-
ment de thématiques inhérmtes au symbolisile, intérét de
Guénon pour certaines confréries hermético-mvstiques
avec lesquelles Charbonneau-Lassay était entré en coniact,
polémiques qui suivirent la prise de distance de Guénon
par rapport àtRegnabit,enfin épisodes de sa jeunesse qui
restent auiourd'hui encore, dans l,attente d,ètre définiti,ie-.
ment éclaircis, des "énigmes" biographiques.

RméGuénonet soneuore
Comme chacun sait, l'euvre doctrinale si complexe de
René Guénon et, plus généralemen! l,acception iouvelle
prise par le mot "ésotérisme" sur la base de ses travaux,
sont aujourd'hui au centre d'un vaste débat. Des discus-
sions approfondies sont en cours, tant sur le plan histo-
rique que sur ceux de la phénoménologie et de
l'herméneutiquez.Le lecteur qui àborde de nosJours l,im-
9

posantebibliogîaphie de RenéGuénon s'apergoitd,emblée


qu'elle comporte, d'une part, des ouvrages écrits du vivant
de l'auteur - souvent bàtis à partir d'articles retravaillés et
réunis autour d'un thème central - et, d'autre part, urr cer-
tain nombre de recueilsposthumes où sont repris les nom-
breux articles que Guénon avait fait paraître dans des
revues.Quelques-unsde cesarticles avaient paru dans des
revues d'intérèt général,comme La Reauehebdomadaire, La
Reauebleueou LeMondenouaeautauxquelles Guénon colla-
bora de fagon épisodique; il s'agit, prèsque exclusivement,
des premièresmoutures de chapitres de l'Introductiongéné-
rale à I'étudedesdoctríneshindoueset d'Oríent et Occident.
Parfois, les articles de Guénon - notamment ceux qui furent
publiés dans la revue Vient de paraître - sont dó simples
comptes rendus; à d'autres reprises, il s'agit d,interven-
tions sporadiques dans des revues corune les Cahiersdu
Sud, TheSpeculatíae Mason et Au Christ-Roi.On trouve en
revanche des contributions plus significatives dans La
Gnose, ,, revue consacrée à l'étude des sciences

2.Sans.prétendre à une bibliographie exhaustive concemant ces ques-


tions, iI nous semble que certains ouvrages font, mieux que d,autres, la
synthèse des diverses directions dans lesquelles s,oriente le débat
auquel nous venons de faire allusion ; cf. Jean-pierreL aurant,Le sms
cachédansI'eut:re de RenéGuénon,Lausarìne,L,Àge d,Homme, 1925;
Id., L'ésotérismechrétien en France au.Xlx, siècle,Lausanne, I/Àge
d'Homme, 1992;Marie-FranceJames, Ésotérisme et chistianismeautour
de RenéGuénon,Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1987; Ead., Ésotéris-
me,occultisme, franc-magonnerie et chrísti.anisme
aux XIX, et XX, siècles.
Erplorctions bia-bibliographiques, Paris, Nouvelles Éditions Latines,
1981; ]ean Toumi ac,Propossur RenéGumon, paris, Dervy-Livres, l9Z3 ;
Paul Chacomac, La Vie simple de René Guénon, paris, Éditions
Traditionnelles, 1958;JeanReyor, Pour un aboutissement de I'euore d.e
RenéGuénon,Mllzm, Archè, 3 tomes, 1988-1991; Id., A Ia suite de René
Guénon,P,aris,Éditions Traditionnelles, 2 tomes, 1989-1991;et lean
Borellra, Ésotérismeguénonienet mystèrc chrétien, Latsanne, L;Age
d'Homme. 1997.
10

ésotériques > et organe officiel de l"'Église gnostique uni-


verselle", revue à laquelle Guénon collàbora de L909à I9I2
sous le pseudonyme de < Palingenius >, ainsi que dans la
France Chrétieruze(devenue en 1910 La Franci Chrétienne
Antimagonniqueet en t9L1, La France Antímagonnique),ìt
laquelle Guénon donna des articles, signés < Le Sphinx >,
en 1913-19L4(mais il sernble qu,il ait éciit ,,officieusement,,
dans cette dernière revue dès l'annee 1909).euelques-uns
des articles parus dans les deux demières revues ritention-
nées ont été rassemblésdans le recueil p osÍhurrte Étudessur
Ia Franc-magonnerieet Ie Compagnonnagà11964).Mais on sait
que la paÉie la plus substantielle del,ceuvre de Guénon a
é-tépubliée, à partir de 1925,dans la revue Le Voile d,Isis,
devenue en 1936EtudesTraditiannelles. C'est là que Guénon
a dévelop-pétous les aspectsde sa peruée et qu,i a publié la
plupa{ des textes qui devaient former, après avoir été
remaniés, les ouvrages édités de son vivant ét bon nombre
de ses recueils posthumes.
Revenons à la collaboration de Guénon à Regnabit. Cette
collaboration (19 articles entre aoùt-septem-bre 1925 et
la:.ai192n3est contemporaine ou iégèremènt postérieure à
l-apublication des livies Introductión gmératàà létude des
doctrines hiniloues (1921), Le Théosophisme, histoire d'une
ftseudo-religion (192I), L'Erreur spiiite (1923), Orient et
Occident (.1924),L'Homme et son deaenir selon le Védùnta
(1925),L'Esotérismede Dante (1925),Le Roidu Monde (1927)
el Ia Crisedu mondemoderne(1922).

3 Cf. René Guénon,


,Étits pour Regnabit. Recueitposthumeétabli, présen_
tée et annoté par PierLuigi Zoccatelli,Milan-Turin 1999, Arché-Nino
Aragno Editore. I1 faut en outre signaler deux autres articles que
n. pour Regnabit,mais qui ne parurent que bien plus
!1eno1 nrgara
tard dans les Éfudestraditìonnelles: ,,Le grain àe sénevéi et ,,L Éìher
dans le cceur", qui.furent repris dans le recueil posthum e Sy,tnboles
fon_
aamentauxd.eta scietcesacrée,Paris, Gallimard, 1.962,respectivement
pp. 433-440et pp . 44r-448.
t.
,*

11

Pour résumer d'une phrase ce qui donne à ce recueil de


lettres son caractère particulier, nous emprunterons à
Guéno1 sespropres termes, quand il justifie sa participa-
Ltonà Regnabíten indiquant qu'il s'agit pour lui de se situer

< plus spécialement dans la "perspective,, de la tradition chrétien-


ne, avec l'intention d'en montrer te parfait accord avec les autres
formes de la tradition universelle.4
"

Par 1às'expiique sansdoute

fait, malgré tout étonnanl qu'il ne faisait jamais référence [dans


" Ie
Regnabitlà ses propres ouvrages consacrésaux doctrines hindoues,
alors que d'une fagon générale c,est dans ces doctrines que son ensei-
gnement prcnait sudout son point d,appui.s ',

Outre les aspectsévoquésjusqu'ici, à nul n'aura échap-


pé f importance de la formation intellectuelle soigneuse-
ment múrie de l'auteur qui écrit donc ces articles, airui que
leut-continuité conceptuelle et mème chronologique, púis-
qu'ils paraissent tous dans la mème "tribune,,.
Comme nous l'avons dit en commengant, la collabora-
tion de Guénon à Regnabitfut expressémentdemandée par
Louis Charbonneau-Lassay. Ce dernier étant un auteur
central pour la compréhension de l'opus,'guénonien,,,il
nous paraît nécessaire de fournir sur lui quelques informa-
tions biographiques6.

4 Id., "Le grain de sénevé" ÉtudesTraditíonnelles,


, rf 27l,ianvier-février
7949,p, 26; à présent in Id., Symbolesfondamentauxde Ii sciencesacrée,
op.cit.,p.433.
s Michel Vehan,Irid., Introduction, p. 14.
une biographie plus exhaustive du personnage, cf. Stefano
| lour
Salzani-P.L,Zoccatelli, Hermétismeet mtblématiquedu Christ dansla aie et.
dansl'ewne de LouisCharbonneau-lassay (1.571.-1940,pans-lWan, Edidit-
La uiesimpled'un maîtredela symboliquechrétimne
Louis-Charles-JosephCharborneau-Lassay naît à Loudun
le 18janvier 1871.Le nom des Charbonneau,dont une pre-
mière mention apparaît en 1087,est l'un des plus anciens
et des plus illustres de la province du Poitou. Animé d,une
profonde foi chrétienne dès sa prime jeunesse, ie futur
auteur du Besfioire du Christ choisit d'entrer comme novice
dans la congrégation des Frères de saint Gabriel à Ia mai-
son-mère de Saint-Laurent-sur-Sèvre, où il s'adonnera à
l'étude de la patrologie. Après son aruréede noviciat, il est
admis daru la congrégation et prend le nom de frère René.
Dès lors, il commence sa carrière professionnelle comrne
enseignant à Poitiers et à Moncoutànt.
Disciple du grand érudit local Moreau de 1a Ronde,
Louii Charbonneau-Lassayentreprend très tÒt l,étude de
plusieurs disciplines telles que l'archéologie, la numisma-
tique, l'héraldique, la sigillographie et le folklore. Il enta-
me dès 1892 une activité scientifique qui le conduira à
pubter des centaines d'articles dans la Rèauedu Bas-poitou
(dont il sera aussi le secrétaire, à partir de 1913), dans le
Bulletin de la SociétédesAntiquairesde l'Ouest - ètlaquelle il
est inscrit depuis l'année 1900et dont le questeur,lérudit
jésuite Camille de la Croix (1831-1911), seiraremplacépar
Charbonneau-Lassaylui-mème, en l.9l-2- et dans d,aut-res
revues spécialisées.C'est ainsi que sesrecherches,entre i.903
et L905,lui vaudront une collaboration à.la Reauede l,École
nationale d'anthropologiede Paris et son affiliation à la
Sociétéarchéologique de Nantes.
En 1903,en vertu de la loi de 1901,titre III sur les
congrégationssoumisesà autorisation parlementaire,

Archè, 1996; plus brièvement, notre article ,,Louis Charbonneau-


Lassay" , in jearr Servier (sous la direction de), Dictionnaire critisue de
I'ésotérisne,Paris, PrcssesUniversitaires de France, 1998,pp. g7-Zgg.
13

congrégation des Frères de saint Gabriel est dissoute, et


Louis Óharbonneau-Lassay décide de revenir à l'état
laique. En raison de ses études, il est coopté la mème
,#é" membre de I'Ordre romain des avocats de
"o**" et se voit honoré d'une médaille que lui remet
Saint-Pierre
la Société frangaise d'archéologie' Conservateur de trois
musées archéol,ogiques,correspbndant de l'Académie des
Beaux-Arts et co--Ilàborateurdu prestigieux dictionnaire
d'archéologie chrétienneet de lituigie desrnoines bénédic-
tins de Fainborough, il publie en 191'5l'ouvra-ge qui lui
-
vaudra une reconnaissanceacadémique officielle sanc-
tionnée en 1.931. par le titre d'Officier d'Académie : r:n livre
d'environ cinq cèntspages sur les chàteauxde Loudunz'
-màturité
Les annéei de la intellectuelle de Charbon-
neau-Lassay co'rncidentavec 1'acquisition d'une maîtrise
personnelle - y compris artistique, si l'on tient compte de
'son
habitude é'u""oàpug.t"r ses études de nombreux bois
-
sravés, une caractérislique qui contribuera à sa célébrité
iour siorienter dans f immensepatrimoine du symbolisme
àh.éti".,. Au début des années vingt, on assistait à une
renaissance de celui-ci, surtout en relation avec des cou-
rants de redécouverte de la spiritualité du Sacré4eur' Ce
-
n'est pas un hasard si ce thème fera d'ailleurs l'objet sur-
tout après la publication, le 15 mai 1956, de l'encyclique
-
Hauriàtis Aquasd,aPapePie )OI (1939-1958) d'interpréta-
tions fouillées des rapports entre théologie et symbolismes'
L-un des lieux "cléJ" où cette histoire se déroule a pour
centre le sanctuaire de Parayle-Monial, qui rappelle les
apparitions, au XVII" siècle, du Ceur de Jésus-à sainte
lr4irguerite-Marie Alacoque (1647-1690)'En 1873,le jésuite

7 Cf. L. Charbonn eat-Lassay, LesChîteaux de Loudun, d'aprèslesfouíIles


archéologiquesdeM. Moruu de la Ronde,Loudun, L' Blanchard, 1915'
8 Cf. Kil'Rahner, Zw Thalogie det Symbols(Schiftm zur Theologie'ÍY),
Einsiedeln, Benzin 8eî, L960,Pp ' 275'37L.
t4

Victor Drevon (1820-18g0)- qui sera plus tard vicel>osru-


lateur de la cause de béafification'du père Claude La
Colombière, s.j. (1,641.-1,682) - fonde à ÉarayJe_Monial,
avec le baron Séverin-Florentin Alexis de SaraÉhaga_Bilbao
y Lobanoff de Rostoff (1g40-191g)- noble espug.,lt Ue
pu.
sa mère à la cour impériale de Russieet appàre"ntépar son
père à sainte Thérèse d,Avila (1515_15g2);intéresjéaussi
bien par l'ésotérisme chrétien que par les íàe"s i" ,ègr,"
-la
social de Jésus-Christ et sur iommunion ".r.réparatrice
(idées que le Pape pie IX
[1,846-IgT}Uui_mémelà^.o,l.u-
gea àrépandre) - un centre d,études appeléHíéron du
Val
d'Or. De musée eucharístique,établi seion un plan
symbo-
lique bien précis, le Hiéroi deviendra en 1g7i une
société
Uutsexplicilss (la démonsrrariondes origines
li:Tl:Y]tr:
du christianisme dans la mythique Atlantide; Ia reconsti_
tution d'une tradition sacréeuiiverselle; la préparation
po.ur l'an 2000 d'un règne polirique et social dir Ctrist_noi
et l'enselgnement du nom sacréAor_Agni_ Lumière_feu _
comme clef de toute la connaissance)-etun but secret (la
lutte contre la magonnerie antichrétienne par lacréation
d'urte < magonnerie chrétienne du Granà Occident >.1.
Comme.on peut le constaterd,après q.rulqr", upurg*,
la docfrine du Hiéron n,était pas exemptè"", d"ihè*é" po...
le moins singuliers.
A.la mort-de Sarachaga,les époux Georges_Gabriel
,- de
Noaillat et Marthe De,ruis (7865--lgÌ6)."rta?e.rta nu.uy
réorientèrent le Hiéron dans une perspective nettement "t
qlu19r1ho!oxe, se dépensant poui l,institution de ia fète

r$:_-._Yl*,1':(qu'ils.obtiendrontdepienllsn-reiqp",
encycrrque(2uaspritns de 1925).pour sa part, leur
colla_
DoratnceJeanneLépine_Authelaine(1g4g_L926) _ décédée
en meme_temps
,que Marthe de Noaillat (toutes deux
rurent-asphyxiées le 5 féwier 1926 par les émmafioru
déié_
tères d'un poéle) - resta longtempjen relations épistolaires
avec Paul Le Cour (186L-1954),iondateur en tgàZdl
i,as_
15

sociation Atlantis, qui tenta de reprendre quelques thèmes


a
chers à Sarachaga(il hérita de l'anneau d'oràe celui-ci,
I legs où les partisans de Le Cour voient une sorte de suc-
)
cession).Mais après la disparition de ces trois personnes,
les activités du Hiéron du Val d'Or s'interrompirenr, non
I
s-ansavoir cependant laissé de multiples inspiiations que
i
d'autres recueilleront eruuiteg.
Ì
Au nombre de ceux qui fréquentaient le cenfre de paray-
le-Monial, on trouve le père Félix Anizan, oblat de Marie
Immaculée, qui depuis 1909avait centré son apostolat sur
la dévotion au Sacré-Cceuret Ia doctrine qui s;y rapporte.
Persuadéque < le Sacré-Ceur n'a pas dans la vie chrétien-
ne, dans 1apenséecatholique, la piace qui t,rt ..rri"r.,tro>, il
jugera nécessairede fonder une revue d,études traitanr ce
thème à tous les points de vue : dogmatique, moral et ascé-
tique, mystique, liturgique, artistique et historique. C,est
ainsi que paraîtra en juin 1921,Ie premier numéro de
Regnabít.Reaueunioerselledu Sacré-Coeur.parmi les tout
prerniers collaborateurs de la revue - qui est publiée sous Ie
parrainage d'un comité présidé par le cardinàl Louis-Emest
Dubois (7865-1,929),archevéqùe de paris, et de quinze
autres prélats de tous les continents, et qui recevra le
10 mars 1924une bénédiction apostolique spècialeenvoyée
au nom du Souverain Pontife par le iardinal pietro
Gasparri (1852-1934), alors secrétaiied,État -, on relève les

e Sur le Hiéron du Val d'Or, cf.


Patrick Lequet, ,,Le Hiéron du Val d,Or
et l'ésotérismechrétien autour de Parayle-Monial,,, politicaHermeticl.,
L2 (1998), pp. 79-98.Cf. aussi le numéro spécial d'Atlantis, 42/252.
mai-juin i969, pp.287-381,;J.-p.Laurang ,,Lé destin sacrédes peup.les,
race et occultismeau XIX" siècle :l,exemple du Hiéron de plray{e_
Morlj.al", PoliticaHermetica,2,1988,pp. 4&51 ; M .-F.Janes,Ésoténsme et
christianisffieautour de RenéGuénon,op, cit., pp. Z3Z-243;et Massrmo
Iúrovlgne, Il caryello del magu I nuovi mouimmti magici, dallo spiritismo
aI satanismo,Mjlan, SugarCo,7990,pp.324-326.
i0 Féux Anizan, "Un J après,,,
RegnàWt,t/tz,^ tgzz, p.530.
L6

noms du jésuite Auguste Hamon (1860-1939), du moine


bénédictin Dom Gaston Démaret (1864-1955),,del'abbaye
de Solesmes,de l'oblat de Marie Immaculée Émile Hoffet
(7873-1946),de Léon Cristia r (1.879-7971) et du secrétaire
du centre de Paray-le-Monial, Gabriel de Noaillat.
C'est sur l'invitation du cardinal Dubois que Louis
Charbonneau-Lassay entame sa collaboration à Iiegnabit ut
janvier 1922. Sa première contribution est consacrée aux
énigmatiques graffitis templiers découverts dans le donjon
du chàteau de Chinon. Redisons que c'est dans Regnabit
que Charbonneau-Lassay met en chantier son énorme tra-
vail de redécouverte du symbolisme chrétienrt, havail qui
connaîtra sa forme la plus élaboree en 1940avec son ouvra-
ge monumental sur la mystérieuse emblématique chrétien-
ne. Illustré par rien moins que 1157 bois gravés de l'auteu1,
Le Bestiaireilu C&nsf 12est un livre qui, de nos jours encore/
fait lunanimité parmi les spécialisfss gf tss passiormés.

RenéGuénoneúRegnabit
Ami intime de Charbonneau-Lassay,Olivier de Fremond
avait connu Guénon à l'époque de la collaboration de
celui-ci à La FranceChrétienneAntimagonnique,périodique
dirigé alors par Abel Clarin de la Rive (1855:1914),qui
avait pris, à la téte de la revue, la suite du fondateur de la
publication, Léo Taxil (1854-1902. Quant à la collaboration
de Guénon à Regnabit,on sait qu'elle connut une fin mou-
vementée, s'arrètant brutalement et débouchant sur une
mésentente assezvive entre les deux partiesl3. On en vou-
li Cf. P.L. Zoccatelli, "De Regtabit
at Bestiaíreilu Chns!. Uitinéraire
intellectuel d'un symboliste chrétien : Louis Charbonneau-Lassay
(187t-1946r' , Sociétéhistorique du pays de Louilunois,l (31 décembri
1998),pp.3a-a5.
12Cf.
fean-Pierre Brach, "Louis Charbonneau-Lassav et Ir Bestiaircil
Christ", ibín., pp. 465L.

.l
17

dra pour preuve la lettre de douze pages que Guénon


envoya à Charbon-neau-Lassay le 8 juin 1928,en réponse à
la lettre datée d'avril 1928 du second au premier (voir le
brouillon de la lettre en question dans l'annexe documen-
taire). Deux articles, déjà préts pour impression, ne furent
pas publiés; ils ne se_rontrepris que plusieurs annéesplus
tard dans la revue ÉtudesTradi{ionielles. Sans prétendre
epuiser la question, il n'est pas inutile de rappeler que
Guénon lui-méme attribua la responsabilitéde cette ruptu-
re à 1'" hostilité de certains mìlieux "néo-scolastiques,,
nous ayant obligé alors à cessernotre collaborationla >. Si
cette déclaration est indiscutablement fondée, il n'en faut
pas moins tenir compte du fait que l'étude de certains dos-
siers que nous avons pu consulterls révèle que la rupture
s'explique aussi par un ensemblecomplexe de divergences

13Une preuve en est foumie par l'extrait


suivart d,urì€ lettre inédite
de tr' Anizan à Louis Charbonleau-Lassay, en date du 22 septembre
L928 : < J'aurais quand méme été content que vous voyiez M. Guénon.
Il ne faudrait pas qu'il s'aigrisse.> Le climat ne dut pas se caLner très
rapidement, si l'on en juge par l,extrait suivant d,une lettre inédite
d'O. de Fremond à L. Charbonaeau-Lassay,en date du g décembre
1928 : < En vous retoumant la lettre de M. óuénon et en vous remer-
ciant de me l'avoir comrluniquée, je dois vous avouet que, un peu
comme touiours, certains points de ce qu'il écrit restent pour moi énig-
matiques. Que veut-il dire par exemple par ,,la multiplication de ques-
tions posées de tous cótés" ? [....] Que signifie enfin cette réticence, que
"spectateur quasi désintéressé", ces attaques, elles ne l,attergnenr
mème pas, et ne feraient que lui "donner toute liberté de haiter ceî-
taines questions auxquelles il s'abstient de toucher actue11ement,,,tan-
dis que "par contre 1esconséquencesà tirer de cetteprise de position
seraient bien regrettablespour Rome, et par suite pout tout le monde
occidental".
ia R. Guénon, "
"Le grain de sénevé,,,in Symboles fondamentauxde Ia
sc-ience sacrée,op. cit., p. 433.
t5 Cf. Controaerses, documentation conservée dans I'Archiaio generale
Oblati Maria lmmacolata,Rome, dont une copie se ttouve dans les
archivesprivées de l'auteur (docurnentinédit).
ft
18

entre le père Anizan et sa congrégation. Ces divergences


prenaient en grande partie la fónie d,une querele lur les
tondements théologiques de la dévotion au Sacré_Ceur,
q"l.:u," qù durait depuis 1923et qui allait s,aggravant, au
pomt cleprovoquer la cessationde la parution de la revue
en!929.
Ici, une question se pose avec force : comment se fait_il
qu'un auteur que l,on considère aujourd,hui, en règle
générale, comme non catholique, ait pu écrire dans
une
tgfte que Regnabit, qui se rangeaii explicitement sous
Jeyue
oju1-rt:1" cl.ela profession intégrale de la foi catholique,
11 oont re zèIe
er missionnaire était typique des milièux
opposésaux courants chrétiens progrlssiites de l,époque,
tant. s:r.r.1:plan politique que s.rr Ie plan religieu'x ?
On
peut d arlteursse poser la méme questionà própos
de la
participation de Guénon à La Franie AntimagLniique,
une
parti5ipatiglque Marcel Clavelle (1905-1988, procile colla_
G-uénon,plus connu sous l,qn de ses pseudo_
:_.111:"id":.Jeal
ly,mes Seyor), a eu, non sans quelquesraiso-ns,bien
oe ta perneà justifier :

" En fait, ia collaboration de Guénon à la F.A.M. est [...] énigma_


dq,"". t...] Résumons : quand Guénon est en relations,
qu,on sent ami_
cales, avec M. de la Rive, qui met sa revue à sa disposition
Guénon est
évéque gnostique et chef d.un Ordre du Tenple quand
; il commence a
collaborer régulièrement, il est Maqon régutiei
et musulman. [...]
Alors, quand on pense que la EA.M. était une revue _
un joumal plu_
t6t - ultra-catholique, ayant pour but d.e combattre
tous les occul_
tismes, toutes les sociétés secrètes,lu dans les
presbytères et les
sacristies, on reste perplexel6. ,

b Marcel Clavell e,
euelques souomirs sur Rmé Guénon et les ,,Études
Traditionnella", tg63 (document dactylograpnie naait
àe n plgo,'p. zO1.

I
19

Mais revenons à Regnabit et demandons-nous comment


il est possible d'expliquer la présence de Guénon parmi ses
collaborateurs
La réponse à cette question exigerait une longue analyse
du grand débat qui a agité le monde catholique à la fin du
siècledemier et au début du XX" siècle.A l'époque, les dif-
férentespousséesqui s'y faisaient sentir - vers le rationa-
lisme, vers la dévotion, vers l'approfondissement du
symbolisme - semblaient former un mouvement centrifu-
ge, inconscient de la nécessitéde recomposerun équilibre
entre les tensions. Dans ce cadre, on pourrait dire que c'est
le couraat rationaliste qui est soÉi victorieux du conflit. En
effet, le courant de ú dévotion sentimentale est resté
conune abandonné à lui-méme; quant au courant intéressé
par le symbolisme, il a été en par-tieabsorbépar le courant
"ésotériste" né à la mème époque, courant qui était à la
fois le rejeton historique et l'ennemi juré de l'occultisme et
du spiritisme de la France post-révolutionnaire et roman-
tique. Des tentatives de résistance à ce mouvement centri-
fuge, sur les plans religieux, culturel et politique, ne
manquèrent pas de se développer, surtout dans le camp
du symbolisme chrétien : il suffit de citer les noms du car-
dinal ]ean-Baptiste Pitra (1812-1,889)tt,de l'évèque Jean-
Sébastien-Adolphe Devoucoux (1804-1870)Is et du
chanoine Charles-Auguste Auber (1804-L892)tr.Précédée
par le Hiéron du Val d'Or et poursuivie par Le
RayonnementIntellectuel,l'expérience de Regnabitapparaît
u Cf.J.-P.Laurant,Symbolisme pitraet Ia "Ctef'de
et Éciture.k cardinnl
MélitondeSardu,Paris,Cerf,1988.
18 Cf.
Jean-SébastienDevoucoux, Ducription de t'église cathédrale
d'Autun dédiÉeà Saint-Lazane,Aut:;u:r,1845; et Edme Th omas, Histoire de
I'antique cité d'Autun €t Étuiles d'archéologie traditionnelle par
Mgr Dmwnux,M)lan, Archè 1992, (reprint).
ie Cf. Charles-Auguste Auber, Hrstoire-et tworie du symbolisme
religieux
uuant et depuisle Chr*títnisme,Mtlan,7977, Aîchè, 4 tomes, (reprint).
-->

20

comme un essai volontaire pour rétablir l'équilibre, et l'on


voit s'y associerdes personnagesreprésentatifsd'r:ne pro-
blématique qui les transcende.
C'est le cas du pi"e Anizan, de Charbonneau-Lassayet
de Guénon. Le premier, à partir d'une conception dévotion-
nelle centrée sur le culte du Sacré-Ceur, semble com-
prendre que l'emploi des symboles ouvre sur rm monde
qui n'est pas seulement celui du sentiment; le deuxième,
riche d'une érudition mùrie dans l'étude de la "philologie
des symboles", développe l'intuition selon laquelle tous ces
signes constituent un langage et oriente tout son discours
vers l'analyse de ce dernier; le troisième, enfiry en accord
avec les positions "relatives" des deux autres, ProPose une
clef de lecture du discours symbolique, dans le but - nous
l'avons rappelé en commenearit - < d'en montrer le parfait
accord avec les autres formes de la tradition universelle >'
On peut donc se dernander légitimement si Ie comité de
rédaction de Regnabitn'a pas tout simPlement fait preuve
de naiveté en ouvrant les pages de la revue à un collabora-
teur te1 que Guénon. Ou bien faut-il penser à la mise en
ceuvre d'une espècede stratégie dirigée confre un ennemi
commun - le rationalisme -, analogue à celle que Clarin de
la Rive paraît avoir appliquée, quelques annéesplus tÓt en
accueillant Guénort à In EranceChrétienneAntimagonnique?
La direction de Regnabitconrtaissait-elleles positions doc-
trinales authentiques de Guénon, ou bien ce dernier se
montra-t-il très habile pour s/y insérer, en faisant abstrac-
tion pendant un certain temps de certaines notions clés de
sa pensée? En somme, y eut-il véritablement alliance, ou
seulement une rencontre née du hasard et de contacts ami.
caux ? Qu'on ne s'étonne pas s'il est encore difficile d'ap-
porter une réponse définitive à cette question. Mais celle-ci
doit ètre posée et est posée - à ceux qui estiment qu'il
s'agit d'une discussionoiseuseou secondaire,nous répon-
dons que c'est au contraire une question fondamentale.
2L

Pour notre part, nous croyons que la réponse réside derriè-


re ces points d'interrogation et dans les "faits", qui sont
aussi et toujours, à leur manière,des réponses.
De toute faqon, par delà toutes les circonstances qui
iouèrent indéniabiement un róle dans la rupture entre
'Guénon
et la revue dirigée par Félix Anizan20, iI nous
apparaît que 1araison essentielle du désaccord - qui n'a
pas perdu de son actualité - est double : elle tient, d'une
par ,' -roFort complexe et déiicat du christianisme avec
i"'ésotérisrne cfuétien", d'autre part au sensqu'il faut don-
ner à la notion de "Tradition primordiale", avec toutes les
conséquencesdoctrinales et pratiques qui découlent d'une
telle conception, absolument centrale dans l'enseignement
"guénonien". Ce n'est pas ici le lieu pour approfondir des
problèmes aussi épineux. Toutefois, nous croyons qu'il
n'est pas superflu d'indiquer que le contextede la querelle
Guénon-Regnabif trouve sans doute un éclaircissement
dans le texte que le père Anizan a fait figurer en téte du
premier article publié par Guénon dans la revue catho-
lique. Pour définir les traditions qui ont précédé le ctristia-
nisme, le religieux les ramène en effet à la notion de
"pré-manifestation", suivant en cela une doctrine commu-
nè à toute la penséecatholiqudr.

inédite
Unecorrespondance
On dispose désormais d'un < éclairage> supplémentai-
re sur les rapports entre René Guénon et Louis
Charbonneau-Lassay : un recueil de 26 lettres, inédites,
20Sur la revue elle-mème, Guénon formuiera un jugement très clair :
< Il n'y a en effet rien d'intéressant dans Regnabiúen dehors de mes
articles et de ceux de Charbonneau > (lettre à Guido De Giorgio du
4 DnarsL929; cité dans G. De Giorgio, L'lnstant et l'Etemité et autres
textessur la Tradifiorz,Milan, Archè, 1987, p.290).
21Cf., par exemple,Augustin, Refractationes,I,Xfr,3.
T
adresséespar le premier au second entre le 24 novembre
1924 et le lL avril L929, recueil constituant un total de j.j.9
pages manuscritesz. Dans l'ensemble, il s'agit de maté-
riaux qui complètent de manière particulièrement efficace
Ies articles parus dans Regnabit et qui, parallèlement,
aident à mieux comprendre une périodè déiisive de la vie
de Guénon, à savoir la période immédiatement antérieure
à son départ pour Le Òaire, le 5 mars L930. Cette méme
correspondance conkibue également - et c,eet l,apremière
fois_quecela advient avec une source aussi sùre - à préci-
ser les relations qu'entretiennent Charbonneau-Lassay et
Guénon. Or ces relations ont fait et font mcore l,obiet dun
intérèt soutenu, mais aussi de certains malentendus et
équivoques plus ou moiru fortuits, coÍune le signataire de
ces lignes a pu le eonstater à plusieurs reprisesl .À,ce pro-
pos, il nous faut dire ici ce que nous devons à un stimulant
échange d'idées, d'opinions et d'informations avec nos
collègues de recherche et amis Stefano Salzani, Jean-pierre
Brach et Jean-PierreLaurant.
Les lettres de Guénon à Charbonneau-Lassav sont aussi
précieuses en ce qu'elles révèlent les liens d,estime et
d'amitié sincères et réciproques qui unissaient les deux
hommes. Le lecteur pouira y ghnèr toutes sortes d,infor-
mations, et plus particulièrement des renseignementssur
différents-aspectsde l'étude des symboles, sujet à propos
duquel Charbonneau-Lassay reconnaissait volontieri à
Guénon < son incontestable autorit# >, mème si, sur des
points imcoúrnts, leurs opinions ont parfois divergé assez
2 Cf. le site Intemet consacré à l'étude
de Louis Charbonneau-Lassav
(http:/ /www.paraclet.org), où la correspondance dont iI est ici que;-
tion est rcprcduite in extefiso,
23 L. Chaibonneau-Lassay, ,,I/iconographie
ancienne du Ceur de
jésus. A propos de deux Iivres récen ts', negwb;t, S A
, 1 lnovemúre 1925),
p. 390; à présent ia îd.., Étuites de symbotiquechrétienne, paris,
Gutenberg Reprints, 1981-1986,2 tomes, (4.I, p. 328).

t.
aa
23

Cette différence de vues est illustrée par le


sensiblement24.
9 propos suivant de Marcel Clavelle, qui a bien connu les
;_ deux hommes :

t,
< A vrai dire, je ne suis pas sùr que Ch.-L. [Charborureau-Lassay]
e ait lu tous les travaux de Guénon. Ce qui f intéressaitchez ce demier,
e c'est la notion de l'universalité du sprbolisme dans ies traditions pré-
e chrétiennes et cirétienneT.
"

t Les lettres dont nous nous occupons - et qui ne forment


1 qu'une partie de la correspondancede Guénon avec
t Charbonneau-Lassay - abordent évidemment plusieurs
3 points. L'un d'eux, que nous pensons ne pas devoir négli-
ger en raison de sa signification historique, est posé par la
; lettre du L9 février 1927. Réfutant à luste titre, avec la
s rigueur intellecfuelle qui 1ecaractérise,la position de Paul
Le Cour, Guénon écrit :

< C'est lui qui a "évolué", d'ailleurs heureusement pour lui car,
avalt cela, il s'occupait surtout de fai.re tourner les tables, ce qui ne
m'est jamais arivé.
"

On sait que Guénon a également affirmé :

2aCf. Id., "L"iconographie anciennedu Cceur de jésus. Uemblèrne du


Pélican dans l'iconographie chrétienne", Regnabit, 4 / 17 (avr\l 1925),
pp. 375-383.Dans cet article, l'auteur définit clairement la franc-
magornerie comme < la contre-Église ,r,
". " la Secte et considèrel'em-
ploi du symbolisme chrétien par les francs-magons corrtme
>
" biasphématotue (p. 381 et p. 383), contrairement à l'opinion de
GuénorL qui est suffisarrr:rrentcomue sur ce point pour n'avoir pas
besoin d'étre rappelée.
ó L€ttre du 4 décembre1976(inédite, copie dans les archives de l'au-
teur).
" Si nous avons dfi, a une certaine époque, pénétrer dans tel ou tels
milieu:i, c'est pour des raisons qui ne regardent riue nous26.>

En effet, il nous paraît difficile de soutenir la thèse selon


laquelle les expériences faites par Guénon, durant sa jeu-
nesse, dans les milieux occultistes de l'époque, auraient
une importance décisive et jamais démentie. On sait
d'ailleurs que Guénon eut recouts, contre ces milieux dont
il avait pourtant fait partie27,aux armes de la polémique
historique et doctrinale, comme l'attestent sei livres le
Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion,L'Eneur spirite et
nombre de ses autres écrits. Cela étant, la phrase citée de la
leftre à Charbonneau-Lassaynous paraît glisser sur l'épi-
sode constitué par l'expérience et la participation de
Guénon à l'affaire de l'Ordre du Temple Rénové (1908-
191I)n ' à savoir à cette série de communications médium-
niques par le biais de l'< écriture automatique >>que des
membres de l'Ordre Martiniste -. Louis Faugeron,
Alexandre Thomas (1866-191.4), lean Desjobert (1BBZ.:I914)
et René Guénon2s- regoivent des "ombres" de Jacquesde

%R. Guénon,Étudessurb.Franc-Magonnerie p aris,


etIeCompagnonage,
ÉSitions
taditionnelles,
2 tomes,1964(t.1,p. gn. "
27La reconstitution de cette période de la
vie de òuénon s'est enrichi.e
d'un nouvel acquis : des extraits de certaines de seslettres qui prou-
vent son affiliation, dans sa jeunesse, à la H.B. of l. (Hermetic
Brotherhood of Luxor) : cf. Ritsista di Studi Tradízíonali, 71, iuillet-
décembre 1990,pp. 83-84; texte rédité in : Pietro Nutrizio e altti, René
Guénone I'OccidmÉe,Lr:ni Ediirice, Mitano, 1999,pp. 10*110,
28Cf. Robert Amadou, "L'Erreur spirite
de Renè buénon ou l,affaire
du Temple Rénové" , Le Sphínx,3-4, atttomne 1978,pp. SZ-77,et S, pin-
temps 1979,pp. 45-60; et J.-P.Lauran! "René Guénon et l,Ordie du
Temple à travers la correspondance inédite de patrice Genty à paul
Charcomac", Travaux d.e la Loge nationale de recherchesVillard de
Honnecourt,73, 1986,pp. 3147.
2eEn plus desquels fuìent plus
tard cooptés une vingtaine d.emarti-
nistes, dont Victor Blanchard (1878-1953),patrice Genty (1883-1964),

I
Molay (demier grand maître des Templiers, 7ZM-731,4)d,e
Cagliostro (1743ot 1,749-1795), de Frèdéric II (1194_1250)
et d'Adam Weishaupt (1248-1830), le fondateur des
n Illuminés de Bavière, lesquels ordonnent la (re)fondation
t- d'un Ordre du Temple. Celui-ci commence à fonctionner
lt avec-un progîamme de quarante-cinq legons, parmi les_
it quelles on retrouve déjà de nombreux ihèmes bbiques du
it "guénonisme" postérieur,de concert avec desiàéàs plus
e c.urieusessur l'origine de la race jaune : elle descenúrait
d'hommes < qui venaient des airs (planèteVénus)
".
A propos de cette affaire, nous sommes pleinement
d'accord avecMassimo Introvigne lorsqu,il affiime que

< I'on aurait certainement tort de considérer que l,expérÍence


du
Temple Rénové fut décisive dans l,itinérai_recomplexe de Guénon;
mais el1ene fut pas non plus - comme de nombreux guénoniens, de
nos jours, voudraient le faire croire - absolument privée de sens.
Le
diplomate roumain Michel Vàlsan (!902-1,974),éiabli en France et
dépositaire (s'i1 est permis de s,exprimer ainsi) d,au moins une des
orthodoxies guénonierures,a en effet écrit [...] dans la revue Éfades
T?aditionnelles- dont il fut le directeur de 1960 à sa mort _ que l,Ordre
du Temple Rénové [...] avait été, après tout, le résultat d,authenuques
"interventions de l'ancim centre retiré de la tradition occidentale,,s. >

Nous ignorons l'opinion que Charbonneau_Lassay


pouvait avoir de ces expériences.Nous pouvons de toute
îaeon penser que ces événements du passé ne rentraient
pas dans le cadre de ses relations avec Guénon. En
revanche,on ne saurait en dire autant de la préoccupation
Marc Haven
.(pseudonyme d,Emmanuel Lalande [186g_1926])et
:l1t]:r, i|3nfh*d, qui avaient tous été radiés par Gérard Encausse
(1865-1916),.alias Papus, lequel ne voyait pas le groupe d,un bon ceil.
Keoourant d'y vou naître une révolte contre lui, i1y avait infiltré
son
fi^dèleCharlesDétré (1855-1918), dit Téder.
ru M. Introvigne, II
cappellodel mago,op. cit.,p.ZJg.
, l-,L- ::_-r--=:----:,F-*-:;*

de Charbonneau-Lassay - qui transparaît dans certains


passagesde la correspondanceà laquelle nous nous réfé-
rons - relativement à la position religieuse de Guénon.
Uétude des échanges qu'Olivier de Fremond eut avec
Charbonneau-Lassay suÌ cette questiory montre le premier
occupé à recueillir des informations sw la vie religieuse de
Guénon au Caire par l'intermédiaire du professeur Gabriel
Debien, qui y vivait aussi. Fremond finit par prendre acte
de la situation réelle et ne put que confirmer à son ami
Charborureau-Lassay la vérité de

<<votre propre phrase : "Il n'est pas scheikh et ne peut Pas l'étre;
mais il en a le rang par équivalence, en raison de son madage avec rne
fem:ne qui appartient à Ia descendance du Prophète". Ceci ensuite,
rapproché de la pratique de certains rites islamiques et de la recherche,
non pas seulement des traditions communes à toutes les religions,
pour les rapporter à la n6tre, mais pour en faire, vous le dites, "une
sorte de super-religion", n'y a-t-il pas de quoi se trouver hors de l'Égti-
se catholiqudl ? >

Le terme "super-religion" pour définir l'horizon de


Guénon revient chez Charbonneau-Lassay en au moins
une autre occasion. Nous nous référons à une lettre inédite
et adresséeà l'abbé André
de lui, datée du lTjanvier 194632
Gircourt (1907-1985)- plus connu parmi les lecteurs "gué-
noniens" sous le pseudonyme d'"abbé StéPhane"33.
r-"expéditeur y écrit :

31Lettre d'O. de Fremond à L. Charbormeau-Lassay, 25 octobre 1938.


32Cf. le texte intégral publié en appmdice du présent ouvrage.
33Cf. Abbé Henristéphatrre,Introd:uctionà l'ésotérismechrétien,Traité
annoté par Franqois Chenique, Dervy, Paris, tome I, 1979; tome II,
1983.
< C'estbien Ia thèse de R. Guénon: une super-religion réservée à
r:ne élite d'Initiés qui peuvent passer, sans inconvénient aucun, d'une
culte à l'autre.',

La lettre en question, écrite dans les demiers mois de la


vie de l'auteur du Bestiairedu Christ,contient en outre cer-
taines graves réservesexpriméespar Charbonneau-Lassay
à l'égard de Guénon, réserves qu'il n'avait jamais formu-
léesaussi clairement jusque{à. Ainsi quand il écrit :

jeunes. Il
" Non, la lecture de R. Guénon n'est pas à conseiller ar:x
dit très souvent des choses d'une incontestablejustesse [...], mais il
conduit en fin de compte à des résultats qui sont palfois déplorabies.
[...] son lecteur peut prendre goùt aux théories de l'auteur et vouloir
lire le reste de sesouvrages, ce qui peut conduire à des déviations d'es-
prit regrcttables. >

Ce qui frappe le plus, c'est que la lettre dont nous


venons de citer quelques exhaits, était adresséenon à l'un
des nombreux amis proches de Charbonneau-Lassay,mais
à un prètre qui, quelques jours plus t6t à peine (le
27 décembre 1945),avait regu des mains de Charbonneau-
Lassay l'investiture dans 1aFratemité du Paraclet, dont
nous allons nous occuPer.

Sur lessentiersde la gnosechrétienne

Un autre aspect qui ressort de ces lettres, le dernier


auquel nous ferons allusion parmi tous ceux que I'on
pourrait prendre en considération, c'est f intérèt - qui a
d'abord pris la forme d'une méfiance - de Guénon pour
I'allusion faite par Charbonneau-Lassayà certainesconfré-
ries hermético-rnystiques avec lesquelles il était en rela-
tions : I'Estoile Internelle et la Fratemité du Paraclet.
Guénon n'eut connaissancede ces confréries que lorsque
?a

Charbonneau-Lassay y fit référence pour la première fois


dans un article de Regnabits.Charbonneau-Lassay était
entré en contact avec elles en janvier 1926, qaandle chanoi-
ne de la cathédrale de Poitiers, Théophile Barbot (184L-
t927), alorsMajor de l'Estoile Internelle et chevalier-maître
de la Fratemité du Paraclet, lui confia par acte le dép6t de la
secondeet l'autorisa à éfudier les archives de la première.
Depuis sept décennies, de nombreuses rumeurs ont
couru sur ces confréries, jugées par Charbonneau-Lassay -
contraiîement à d'autres qu'il avait eu l'occasion de
connaître - < en parfait accord avec la plus stricte ortho-
doxie$ ". Nous avons amplement fait le point sur cette
question dans notre livre Hermétisme et emblématiauedu
Òhrist dansla oie et ilans l'euare de LouisChsrbonneaulLassay
(187L-1-946), où nous avons développé toute une série d'ar-
guments ainsi qu'une réflexioq tant historique que doctri-
nale, sur les origines et l'actualité de ces confréries. Depuis
lors, nous avons pu prendre connaissancede plusieurs mil-
liers de pages inédites qui ont appartenu à Charbonneau-
Lassay et à des persorures qui ont eu des relations avec ces
groupes : correspondances,joumaux intimes, notes, cahiers,
le tout constituant un véritable fonds qui demande à ètre
étudié attmtivement avant qu'il soit possible de se pronon-
cer à son zujet.
Pour l'instang il est possible d'actualiser les données de
référence concemant la Fratemité du Paraclet, qui fut réta-
blie dans toutes ses fonctions le 10 septembre i.938 par
Charbonneau-Lassay, assisté de Marcel Clavelle et de
Georges Tamos (alias Georges-Auguste Thomas, 1884-
1966, ancien rédacteur en chef du Voile d'Isls et, à un

34 Cf. L. Charbonneau-Lassay, "Uiconographie emblématique de


Jésus{hrist. La Colonbe" , Regnabit,S/ 8, janvier 7929,pp.77-80.
35Ibid..D.7s.
29

moment de sa vie, membre du cercleintérieur de 1aSociété


Théosophiqueen France)-
La Fraternité du Paraclet avait été fondée ou transfor_
mée en ordre de chevalerie entre 1500et 1510_ nous pou_
vons l'affirmer de source súre - par pierre Amelot, piétre
de Paris, avec l'appui de pierrè de Rohan (1451_1513),
maréchai de Gié, de Sieur des Combes, gentilhommé
limousiry de sceurAnne de Gourdon-Genouiilac, religieu_
se de l'Hospital Saint Jean de Jérusalem, de
Jacques
(l 1548), maître-imprimeur à paris, et de
\y",".a
Guillaume Brigonnet (I470-IS3,í),évèquede Meaux :6.
Pour plus de détails, .,ous ten,noyoìs le lecteur à notre
étude précédemment citée. La question reste toutefois
ouverte du "destin" de ces confréri,esqui _ pourquoi le dis_
simuler ? - ont représentépour de nombreìse,
i"rrorrrre,
la confirmation de l'existence, non seulement ei fait mars
en droit, d'un courant ésotérique en milieu chrétien _ ou,
pour mieux dire, catholique. Au risque de nous répéter,
nous tenons à dire que ce n,est pas ici le lieu pour foumir
une réponse définitive, ni mème provisoire, à èefte difficile
question.Cequi nous paraît certain,c,estque cesconfréries
(ia Fraternité du Paraclet tout au moins) oìt effectivement
dú connaître, après la mort de Charbonneau_Lassay,une
évolution, d'ailleurs fypique dans l,univers de l,ésotéiisme,
qui n'était peut-étre pas dans un accord parfait avec leurs
propres origines. Nous pouvons affirmei que tant que la
Chevalerie du Divin pàraclet resta entre les maiis de
Charbonneau-Lassay- un homme dont la totale catholicité
traditionnelle est très difficiie à mettre en doute _, elle
demeura r:ne réalité assurément mystérieuse, et néanmoins

36Pour u.ne diseussion


approfondie. doublée d,une reconstitution des
sources, cf. J.-P.Brach-P.L.Zoccatelli, ,,Courants renaissants de réforrrLe
spirituelle et leurs incidences,,,po litica Hermetica.,:1:-.,
lggz, 'pp.
(nous complétons ici Ia jiste des noms des fondateurs). ' 37-46
typique d'une modalité d,approfondissement
mystico_
symbolique des mystèresau'fà foi, ,"oa-.fite piopr"
mentatitémédiévaie3z a ru
(sa parricutarité ti;;à-Ji#;é.;;-
mentaufaitd,avoirsuòeair;"r!" r{;,ìiì"i.
de_mème "" È" rrrr_l
aprèsla mort de bfr"^r1""""""_Lìr'r'uuu
n ur,
délicat-de lé dire, mais l,impressi." À"à!""j",itg"r"tr"
de ceslignessuggèrequ.try a eu une certaine,,guénonisa_
tion" de la Cheùàleriedr, óirrir, p;;;"Èil;rfiI'oorr.
* mi.lieyrépondanteygr:mentaìí ".,
gé_
-l"lî de l,organisationinitiatique. f","à".ffi"
l:oj."Tu i"ài""ì ao",r_
mentaires semblentdu moins faire pencherln fìrrurr.
cettehypothèsesa. a"
faut égalementconstater,à la lumière des
,^lt io,"r
dont nous avonsconnais faits
;",j,'.trJ,f#l::*:l*::
l:ly_"pp*tquenous:Tffi
-l ql'lprès
11lilf-l de Charbonneau_Lassay,
]3 .mo_rt cette
conrrerre eut à souffrir des controverses nées dans les
"ésotéristes
guénoniens,,fr"r,.ophorer.Clli vaut
Tll*
ctu morns a partir de la querelle de 194gsw ,,mvstères
les
christiques-l
querelle o.à"oqr-J"p="-..-
Schuon (te07.-issl), a" H.r,i;"f
te';**ìè*"t"f"
ain" teqiret hil;àru
------1' a""
sacrements chrétiens était affirmé 3e.

37Espri! par
bien des trait+ fort différent de ta véritable ,,obsession
secret" qui paraît auiourd,hui domin*t". du
O;.;;;;;u ;;;;p.",rlru
le fait que Charbormeau-Lassay n,a
nullement hésité à firà, le 19 mars
1933_(documentinédit), au cours de
l" .e*,t"ì-"*"iu?ie'ia'societe
du Rayonnement interlectuel d"
Su;i;;;;-ì", ì"*i" a" r"
Confrérie des Chevaliers du Divin paraclet.
Voir dans f,*rrl*" ao",r_
mentaire les Statuts de la Fratemité
des Chevalilrs À ni.,liii"ru"f",
'"" urièresdela Fratemité
etla Réformation

{ffittu""), i" negt"
B Voir dans l,armexe le docurrrent inédit ,,La
Voie paraclétique,,
--'-a-- rédigé
lfl^!:.:g:r
-' \-r. rnmJotlg,os
enrapentecóre1942.
,,Mystères
schuon, christiqtes,,, ÉtudesTraditionnelles,69
(uin-ju.illet 19aS), pp. lsz:ZcB.
31,

Guénonfut régulièrementtenu au fait de cespro_


,blèmes
,5".é ainsi
que des méthodesde réalisationspirituelle
que certainsdiscipleschrétienstle Schuonappriient de ce
dernier (invocationde Jesu-Marin et méditatiónsur les six
thèmes suivants : mort, combat, paix, amour, discerne_
ment,union).

" S[chuon] en est venu à parler de son action à l,égard du


Christianisme; il a dit qu,iì ne considérait pas les Chrétiens qui
s'adressentà lui comme des ,,discip1es,,,ce qu,il vous avait déjà
écrit,
mais il a ajouté : "I1y a pouttant deux exceptions,, (e ne sais pas
au
juste comment il a voulu l,entendre). Il paraît qu,il
s,agit de l.abbé
Gircourt et de [***] dont vous m,avez parlé et qui a été regu dans
ie
Paracletpar l'abbé Chàtillon; mais alors je m,étonne qu,il n,y art pas
une troisième exception en ce qui concerne l,abbé Chàtillon lui_mème.
[...] Ce que je trouve beaucoupplus grave, c,estque S[c]ruonl a déclaré
que tout ce qu'il faisait dans cet otdre d,idées lui était ,,inspiré,, et
que,
méme s'il le voulait, il ne pourrait pas ne pas le faire; il palaît que
c,est
ansi, entre auhes choses,qu'il a écrit son traité sur l,,,Ave Maria,,
à la
suite d'une visite à la tombe de sa mère, où l,,,inspiration,, lui en
était
[venue? illisible] pendant qu,il priait en latin.-,, (letrre inédite de
R. Guénon, 23juiller 1950).

< D'un autre c6té, ce que vous me dites au sujet de


la pratique de
l"'Ave Maria" serait plutót de nature à confirmer l,existence
des
< exceptions ) en questions; mais je ne savais pas
qu,il y avait encore
un autre cas du mème geme à Bordeaux. et que c,est mème ià.qu,avait
été tiré le texte sur l"'Ave Maria,,. En ce qui conceme les memires
du
Paraclet, Clavelle m'a dit aussi que Tanos était fort mécontent qu,il
et
s€ proposait de les rappeter à l,ordre ou méme de les mettre en
demeu_
re de choisir, surtout l,abbé Chàtillon qui exercela fonction de
prévót
et qui a requ [***] en cette qualité. Clavelle m,a dit égalementla méme
chose que vous au sujet des autorités ecclésiastiquesqui auraient
en
mains certaines lettres de S[chuon]; il me semble donc bien, d,après
cela, qu'il y a eu des indiscÉtions de la part de certains des Catholiques
avec lesquels celui-ci est en correspondance, et cela encote n'est certes
pas rassurant; j'admire la tranqqillité avec laquelle on commet toutes
sortes d'imprudences sarìs se souciet le moins du monde de leurs
sonséquencespossibles. > (lettre inédite de R Guénoru 3 aoùt 1950).

< Je viens d'avoir quelques nouvelles de Nancy par [***l qui y est
allé demièr€ment et qui a vu [***] et quelques-uns de ses amis. [...] tr a
appris que l'abbé Chàtillon venait d'ètre nomné professeur d'histoire
du Moyen Àge à l'Institut Catholique de Paris, et aussi qu'un autre
abbé dont il ne connaît pas le nom, mais qui ne peut évidemnent étre
que l'abbé Gircourt, a des grands projets pour une rénovation de l'éso-
térisme chrétien m général et de l'initiation christique en partictrlier; il
n'est pas diffcile de deviner d'où l'idée lui en est venue. > (lettre inédi-
te de R Guénon, 21 noveribre 1950).

Quoi qu'il en soit, à la mort de Charborìneau-Lassay les


lecteurs de formation guénonienne à la recherche d'une
initiation en milieu chrétien, ou du moins occidental, se
trouvaient entre l'enclume et Ie marteau des polémiques,
ou bien confrontés à la disparition d'organisations qui
avaient existé autrefois. Cette situation semble imptcite-
ment évoquéepar Guénon lui-méme :

< Du reste, dans les circonstances présentes, la question se pose


d'une fagon beaucoup plus générale, sauf pour ceux qu'il pourrait y
avoir lieu de diriger vers la Magonnerie, puisque, de ce c6té du moins,
des possibilités vont se bouver ouvertes dès maintenant. Quant au
P[araclet], voici encore un nouvel ennui : d'après ce que me dit
Clavelle dans sa demière letbe, Tamos (à qui je venais justement
d'adresser cet ingénieur dont je vous ai parlé) demande qu'on ne lui
envoie plus personne jusqu'à nouvel ordre, étant swchargé de travail
et très fatigué; ainsi, il faudra attendre, soit qu'il prenne sa retraite, soit
qu'il puisse trouver avant cela une autre situation moins absorbante ?
Cette dernière éventualité pourrait se réaliser si une organisation corn-
33

Iues pagnonnique avec laquelle il est en relations et qui a actuellement son


:rtes siège à Lyon réussissait à le harsférer à Paris; mais, comme il m'a écrit
ules cela d'une fagon en quelque sorte confidentielle, il vaudra mieux, vis-
SLLTS à-vis de Clavelle ou de tout autre, que vous paraissiez n'en rien
savoir. > (Iettre inédite de R. Guénon, 13 mai 1942).

r est ( Je ne me rappelle plus du tout sije vous ai parlé à 2 reprises de


tra cet ingénieur nommé [***] qui voudrait pouvoir trouver une initiation
oLre courpatible avec le Catholicisme et qui demandait quelles possibilités
utre il y aurait pour lui du c6té du Compagnonnage, et que j'ai adresséà
étre Tamos pour ces 2 raisons. > (lethe inédite de R Guénon sans date).
éso-
C'est dans ce contexteque l'on pourait ranger quelques
édi- incidents de parcours qui conduiront, dans un premier
temps, certains membres de la Fraternité du Paraclet à la
quitter. Parmi eux, il y eut l'abbé André Gircourt - dont la
ies visite à Lausanne, chez Schuon, fut, semble-t-il, la cause de
lne sa rupture avec le Paracletro- et l'abbé Jean Chàtillon
.se (1912-1988),spécialisterenommé de la mystique de l'écoie
Les/ de saint Victorar. A propos de ce dernier, à un moment
:lui
aoUabbé Gircourt a pratiqué pendart quelques anr éesla méthode spi-
rituelle enseignéepar Schuon; et les relations des deux hommes. au
début, étaient boruies. Plus tard, vers I96G1967, dégupar la stérilité de
ose cette méthode et profondément réfractaire à l'ahnosphère d'" adora-
tion > qui entoulait la personne du maître Qe sheyl.k)- ce que
Gircourt nommait la < sheikolàtrie > -, iÌ a refusé de le revoir et a
ins, cesséd'entretenir toute relation avec lui, mais sans rejeter totalement
au Ia doctrine que Schuon exposait dans seslivres. (Nous soÍìmes en pos-
dit session d'une correspondance inédite qui nous permet de reconstituer,
ent ici très schématiquement, lttistoite de leurs relations.)
41 Né le 27 sepiembre 1912 à Epinai (Vosges); ordonné prétre le
lui
14 juillet 1935 à Metz; étudiant en Théologie à l'Institut Catholique de
rail
Toulouse. puis à Rome à compter du ler octobre 1935; professeur à
toit Saini-Clément de Metz (20 juillet 1938); vicaire à Saint-Vincent de
te? Metz (Ler octobre 1939);engagévolontaire en 1940;professeurau col-
)m- 1ège Saint-Sigisbert de Nancy en 794L; aum6nier du lycée Henri
donné-p:év6t de la Fratemité du paraclet et apparemment
favorable à un < ésotérisme mis à la portée' àe tous4z>,
Guénon dira ;
< Il est assezinconséquent, comme vous le
d.ites, et bien souvent à
c6té de la question; je m,étonne de son insistance à parler
de choses
qui auaient été "oubliees,, ou ,îégligées,, dans le Christianisme,
aÌors
que ce n'est pas du tout de cela qu,il s,agit et que nous
n.avons assuré
ment iamais rien dit de tel. A paÌt cela,j,ai de plus en plus
nettement
l'impression que, dans l,ensemble, iI est fortement iifluencé par
le
point de vue de S[chuon], mais cela ne veut cettes pas
dire ou,il le
comprenne entièrement; la singulière conception qu,il
se fait de l,éso_
téîisme suffhait d,ailleurs à prouver qu,il y a bien chez
lui de l,incom_
préhension. Assurémmt, il ne fait pas l,effet d,éke
mal intentionné,
mais je crois qu'il serait bien difficile de l,amener à ,,clarifier,,
urr peu
sesidées, ce dont il aurait pourtant grand besoin. > (lettre
inédite de
R. Guénon" 22 juin 1950).

La situation ne tarda pas à dégénérer e, dès 1950,


le
nouveau maître de la Chevalerie du Divin paraclet
(Georges-Auguste Thomas, assisté par
Bailly, Louis
Barmont, alias René Mutel et M. de CorLeror;
ftoíis Cros,
790&19941),dut adresser une < lettre encycliquà , à tous
les
membrespour leur rappeler qu,ils n,étaient a,rtorisés
( "prend-reparti", ouvertement ius à
ou nory dans le conflit qui
oppose Messieurs Guénon et Schuon depuis quelque

Poincaréde Nancy en 1942;aumónier du maquis de pont_à_Mousson


en 194; professeurà l,Institut paris ae tgll i pOz
_Catholiquedà ;
qr","{"" .:git" ? Parisle 1s juillet 1982j estnommé doy"n f,or,or.ir"
d" phìtosophiede l,Institut Catholiquede paris; décédé
l" î lullr.
rans le zy septembre
à
1999.
OeR. Guenon,6 novembre1950.A proposd.uparactet,
Í^î5," Xgf Lhahxol n'm dira pasmoinsplus tard: Lei sacrements
l,?D?.e J. de
r r,glse sont quelquechosed,infiniment supérieur" à tous
les rites que
transmetle Pataclet) (C'esttoujorr, ,r. iu
ir,eait"
que nous détenonsque nousnoui basonspour"o"."rporrdan""
cetteàhti;t

t
35

tempsa >. Peu après,le 3i. décembre1951,la Fraternité des


Chevaliers du Divin Paracletfut < mise en sommeilaa>. Ici
s'ouvre un nouveau chapitre de l'histoire, que pour l,ins-
tant, nous laissonsen suspens,nous contentant d,une plus
modeste contribution de nature documentaire.

43 "Lettre encyclique", inédite,


du 23 mai 1.959(cf. le texte intésral
pubiié. en appendice du présent ouvrage). Adressant copie de citte
lethe à l'abbé Gircourt, l,abbé Chàtillon écdvait : u
1...1le Maitre
[Tamos] qui sait tout et lit dans les astr€s a peut+tre entendu parler de
quelques voyages à Lausanne | ,, (lettre inéàite du 2Z mai 195b.Voir le
texte intégral dans l'fuinexe).
4 Cf. le document inédit,
publié dans l,Annexe du présent ouvrase.

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