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de Rome
Rădulescu Adrian, Lungu Virgil. Le christianisme en Scythie mineure à la lumière des dernières découvertes archéologiques.
In: Actes du XIe congrès international d'archéologie chrétienne. Lyon, Vienne, Grenoble, Genève, Aoste, 21-28 septembre
1986. Rome : École Française de Rome, 1989. pp. 2561-2615. (Publications de l'École française de Rome, 123);
https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1989_act_123_1_3624
1 Adv. Iudaeos, dans Izvoare privind Istoiria României, 1, Bucarest, 1964, p. 640.
2 Dans Math., comment., série 39, ad. Math., 24, 9, dans Izvoare privind istoria
României, 1, Bucarest, 1964, p. 717.
3 Hist, eccl., Ill, 1, dans Fontes Historiae Daco-Romanae, 2, Bucarest, 1970, p. 15.
4 J. Zeiller, Les origines chrétiennes dans les provinces de l'Empire romain, Paris, 1918,
p. 28-30.
2562 ADRIAN RÄDULESCU ET VIRGIL LUNGU
5I. Rämureanu, BOR, XCII, 1974, nos 7-8, p. 957-979; St. Nicolae, De la Dunàre la
Mare, marturii istorice si monumente de aria crestina, Galatz, 1977, p. 24-25.
6 A. Velcu, Contribuai la studiul crestinismului daco-roman, secolele I-IV d.Ch.,
Bucarest, 1936, p. 20; I. Popescu-Spineni, Vechimea crestinismului la Romani, Bucarest, 1934;
contra, voir aussi C. Daicoviciu, Exista monumente creatine în Dacia traiana din secolele
II-III e.n.?, Dacica, Cluj, 1969, p. 505-516.
7 D. Russo, Istros, 1, 2, 1934, p. 157-158; I. Barnea, Dacia, n.s., 1, 1967, p. 276.
8 J. et L. Robert, Bull, epigr., REG, LXXII, 1959, p. 211.
9 V. Pârvan, Contribuai epigrafice la istoria crestinismului daco-roman, Bucarest,
1911; D.M. Pippidi, Contributii la istoria veche a Romaniei, Bucarest, 1967, p. 481-486;
497-517; Idem, Studii de istoire a religiilor antice, Bucarest, 1969, p. 286; Em. Condurachi,
BOR, LV, 1937, p. 353; I. Barnea, Dacia, n.s., 12, 1968, p. 417 sqq.
10 Idem, Pontica, 5, 1972, p. 251 sqq.
11 M. Macrea, Viata în Dacia Romana, Bucarest, 1969, p. 478-479; I. Barnea, Les
monuments paléochrétiens de Roumanie, Roma, 1977, p. 23-24.
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2563
mm
PlanOGRANDE
de--LIMITE
Tomis
LIMITE
CHRÉTIENNE
BASILIQUE
avec
♦♦♦♦TOMBEAUX
+ TOMBEAUX
EST-OUEST
POSSIBLE
--ENCEINTE
localisation
b-BOULEVARD
c-RUE
S.
α-BOULEVARD
•O.ENCEINTE
EXTENSION
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VIe
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CONSTRUCTIONS
NÉCROPOLE
nécropoles
ROMAINE
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L'ENCEINTE
N.È.
1 DÉCEMBRE
DELABASILIQUE
N.È.
REPUBLIQUE
NÉCROPOLE
TARDIVE
AUet VIe
des
1918
EN
NOUVELLES
basiliques.
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2565
Tomis (Constantza)
17 L'image du poisson en tant que symbole chrétien apparaît sur divers objets, par
exemple sur une intaille en cornaline de Romula, datée de la fin du IIIe siècle de notre
ère; I. Barnea, Arta crestina în Romania, 1, Bucarest, 1979, p. 51, pi. 17/2; sur une boucle
d'un tombeau de Callatis, daté du IVe siècle de notre ère; C. Iconomu, Pontica, 2, 1969,
p. 105, fig. 124.
18 Idem, Opaite greco-romane, Constantza, 1967, p. 129, fig. 147, n° 660, daté de la fin
du IIIe siècle de notre ère ; S. Perlzweig, Lamps of the Roman period, vol. VII, Princeton,
New-Jersey, pi. 20, n° 945, datée dans la seconde moitié du IIIe siècle de notre ère et pi.
21, n° 946, datée de la fin du IIIe siècle -.
19 A. Sulzberger, Byzantion, 2, 1925; l'étude ne nous a pas été accessible mais voir C.
Daicoviciu, op. cit., p. 509, et les notes 15, 16.
20 C. Chera, V. Lungu, Pontica, 17, 1985, p. 123, pi. 5, T. 14.
2566 ADRIAN RADULESCU ET VIRGIL LUNGU
quée la lampe n'ont pas une signification païenne - mais nous ne leur
attribuons pas une telle signification - alors cet objet serait l'un des
premiers présentant le monogramme du Christ et, implicitement, une
preuve de l'existence des chrétiens à Tomis au IIIe siècle21.
6cm
chen Institut. 4, p. 125, n° 457, Taf. IV et p. 158, n° 1451, Taf. X; de même, sur le fond
d'une jatte en céramique de Dinogetia, datée du début du Ve siècle de notre ère,
apparaissent sept croix monogrammes : voir Gh. Stefan, Dacia, 11-12, 1945-1947, fig. 4/1.
"Cf. Math., 28, 19.
23 A. Ferma, RAC, LX, 1984, p. 216, inscription n° 7.
24 V. Lungu, C. Chera, Pontica, 15, 1983, p. 175-201; Idem, Pontica, 16, 1984, p. 215-
230.
2568 ADRIAN RÄDULESCU ET VIRGIL LUNGU
2cm.
27 A. Sz. Burger, Ada Arch., 18, 1966, p. 215, fig. 108, T. 194/2 et p. 219, fig. 112/12, T.
233.
28Eadem, Arch. Eri., 101, 1974, p. 67, fig. 3, T. 16/33.
29 C. Preda, op. cit., p. 176, pi. XLV, 6; C. Iconomu, Pontica, 2, 1969, p. 105, fig. 24.
30 Ν. Chelutä-Georgescu, Pontica, 10, 1977, p. 254-260, pi. I, I-la; I. Barnea, Ana
crestina in Romania, 1, Bucarest, 1979, p. 234, pi. 99/1-2.
31 Cela ne veut nullement dire que l'on ne rencontre pas également d'inscriptions à
caractère chrétien écrites en latin; voir par exemple une lampe avec Jésus-Christ et les
douze apôtres, portant sur le disque l'inscription : Pacem meam do vobis (cf. Em. Popes-
cu, op. cit. p. 90-91).
2570 ADRIAN RÄDULESCU ET VIRGIL LUNGU
couvercles de vases, des vases, ainsi que sur certaines constructions funéraires.
C'est encore à Tomis qu'on trouve une invocation de ce type sur deux blocs
calcaires, respectivement du IVe et des Ve- VIe siècles de notre ère32. Des
expressions identiques ou similaires sont connues à Histria 33, dans la nécropole
chrétienne de CallatisÌA, ainsi qu'à Ulmetum35.
Si les inscriptions passées ici en revue ont une datation incertaine,
l'inscription incisée sur la boucle trouvée à Tomis est, en revanche, bien datée; elle
est antérieure à bien des inscriptions contenant l'expression mentionnée et que
nous avons déjà énumérées plus haut36.
M*
42 Nous n'insistons pas sur ce problème vivement disputé, mais on renverra aux
études excellentes et riches de références de Em. Poescu, Dacia, n.s., 13, 1969, p. 403-415 et
Idem, Studii teologice, Π, 32, 1980, p. 590-605.
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2573
Dans la péninsule tornitane, on a fait rue Karl Marx une des plus
grandes découvertes d'archéologie chrétienne des dernières années. Il
s'agit d'un édifice grandiose de type basilical. La ruine a été
endommagée par les excavations pratiquées avec des engins mécaniques pour
creuser les fondations des nouveaux bâtiments. Les travaux ont détruit,
les murs sud et ouest de la basilique jusque sous le niveau du pavement
de briques; le mur nord, localisé probablement sous le niveau actuel de
la rue, n'a pas été dégagé. L'étude de l'édifice a commencé avec la
crypte découverte sous le pavement du sanctuaire.
La crypte, de forme rectangulaire, mesurait 1,52 m de long (côtés nord et
sud) sur 1,22 m de large (côtés est et ouest). La hauteur des quatre murs,
jusqu'à la limite de la voûte, atteignait 1,60 m, la hauteur maximum du plafond
voûte étant de 2,05 m. Une brèche accidentelle de la crypte du côté, ouest a mis
en évidence le mode de construction dans la couche d'argile, située à seulement
1,50 m du niveau d'utilisation antique. Les murs de la crypte, situés sous le
niveau de fondation de l'édifice, étaient réalisés en pierres liées au mortier,
alternant avec des rangées de briques, larges de 0,34 m, c'est-à-dire de
l'épaisseur des murs. Le mortier de couleur blanche, contenant beaucoup de chaux et
-au
ω
ε
ilο
οο
CO
Û \fOcm. E
2578 ADRIAN RÄDULESCU ET VIRGIL LUNGU
Axiopolis
funéraire est fait de terre bien tassée et tout l'intérieur est enduit d'un mélange
de terre glaise et de paille sur lequel a été appliquée de la peinture rouge. Celle-
ci montre une alternance de croix et d'arbres de différentes dimensions. Par
exemple, sur le mur ouest figure une croix byzantine aux hastes élargies aux
extrémités, encadrée par deux arbres, un de chaque côté (fig. 10); sur le mur
du Sud sont représentés schématiquement trois arbres (fig. 12), la même
peinture se retrouvant sur le mur nord. Sur le mur oriental sont peints à l'intérieur,
de part et d'autre de l'entrée, une croix aux hastes pattées et un arbre (fig. 12-
13). A la base, à droite de l'entrée, on a peint encore une croix, simple. A
l'entrée du caveau sont peints, toujours en rouge, deux lettres : Ο et Y, une croix
pattée (très effacée) et un arbre, également mal conservé. A l'entrée, immédia-
2580 ADRIAN RADULESCU ET VIRGIL LUNGU
A..r
Fig. 15 - Croix-pendentif. Fig. 16 - Grande boucle
d'oreille
Matériel en or.
d'Axiopolis. Fig. 17 d'oreille.
- Petite boucle
2584 ADRIAN RÄDULESCU ET VIRGIL LUNGU
59 1. Barnea, op. cit., p. 230, pi. 97/1 : petite croix en or, datée des Ve- VIe siècles, de
forme similaire à celle d'Axiopolis.
60 Ibidem, p. 228, pi. 96, datée du VIe siècle de notre ère, moins semblable en ce qui
concerne la forme mais analogue pour la pierre enchâssée milieu.
61 Information de N. Chelu^ä-Georgescu et El. Bîrladeanu.
62 C. Preda, op. cit., p. 151, pi. XVII, T. 123.
63 Ibidem, p. 151, pi. XVII, T. 163, T. 104, T. 171, T. 248.
64 V. Lungu, C. Chera, Pontica, 15, 1983, pi. 3/8, T. 14.
65 A. Burger, Ada Arch., 18, 1966, fig. 103, T. 140/3.
66 P. Alexandrescu, Histria, 2, 1966, p. 228, pi. 102, XVI 9, 1.
67 P. Aurelian, Materiale, 8, 1962, p. 582, fig. 20/2 - l'auteur des fouilles de Piatra Fre-
cäfei tend à attribuer une datation plus tardive aux bronzes des tombeaux de la fig. 19
dont font aussi partie deux boucles, une d'elles étant très semblable à notre exemplaire
de Cernavodä - par comparaison avec des pièces similaires découvertes à Chatki et
datées dans la seconde moitié du VIIe siècle de notre ère -.
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2585
Le couteau de fer (longueur 12 cm; largeur de la lame 2 cm) (fig. 20) a été
trouvé avec les restes fragmentaires de la cassette. Il faisait certainement partie
du contenu de la cassette, et était peut-être utilisé à des fins cosmétiques. Des
comparaisons, pour la forme et l'emploi, se rencontrent dans la nécropole de
Tîrgçor69 mais également dans des complexes appartenant à l'horizon culturel
Sîntana de Mures - Cerniahov70, datés du VIe siècle de notre ère. Pour ce
dernier siècle, la meilleure comparaison est fournie par le couteau découvert dans
un tombeau près de Topalu71.
Un anneau en bronze (d. 2,5 cm) a été trouvé fixé aux restes des vêtements
de l'une des femmes enterrées dans le caveau. En dehors de ces objets, nous
mentionnerons encore les restes fragmentaires d'une cassette en bois dont les
angles sont renforcés par de la tôle) (fig. 21).
72 C. Iconomu, op. cit., p. 102-104, fig. 21-23, caveau daté du IVe siècle de n.è. ; C.
Preda, op. cit., p. 16-17, T. 78, 316, 388, datés dans la première moitié du Ve siècle de n.è.
73 V. Barbu, SCIV, 22, 1, 1971, p. 60, fig. 9, type XV : caveau à une seule chambre et à
l'intérieur enduit de crépi; p. 60, fig. 10, type XXI à chambre funéraire et dromos, daté
du IVe siècle par une monnaie de l'époque de Constantin.
74 C. Chera-Märgineanu, Pontica, 11, 1978, p. 138-141, daté dans la seconde moitié du
IIe siècle de notre ère.
2588 ADRIAN RÄDULESCU ET VIRGIL LUNGU
II est évident que les caveaux, aussi bien que les basiliques d'époque roma-
no-byzantine, en empruntant certains éléments et plans quasi similaires à ceux
des constructions hellénistiques et romaines, les ont adaptés au culte chrétien.
Par exemple, parmi les éléments communs aux tombeaux hypogées, aux
constructions funéraires romaines et aux constructions chrétiennes on citera la
chambre voûtée et le dromos. Le caveau de Cernavodä ne comporte pas de dro-
mos ce qui pourrait s'expliquer par l'insuffisance de la pierre de construction,
abondante par ailleurs à Callatis, où la nécropole chrétienne comporte bien des
tombeaux en ciste de pierres et également des caveaux massifs. Pour la période
des Ve-VIe siècles on ne connaît pas de tombeaux-caveaux, les types rencontrés
à cette époque-là étant à une niche, à deux niches83 et chambre d'accès
commune ou à chambres funéraires disposées en croix et dromos84, tous hypogées.
Dans les deux lignes, le pronom est transcrit par une ligature, on traduira :
«Seigneur, aidez-moi et lavez-moi!» (dans le sens de «sauvez-moi!»).
L'originalité de la chambre funéraire consiste dans la présence à la
hauteur de l'entrée, sur les murs est et ouest, de quatre loculi, contenant les
dernières inhumations, au nombre de neuf. Chaque mur de la chambre comportait,
94 Les fouilles de sauvetage qui ont mené à la découverte du tombeau hypogée ont été
dirigées par N. Chelu^ä-Georgescu qui nous a aimablement fourni toutes les données et
les informations, et que nous tenons à remercier ici.
2592 ADRIAN RADULESCU ET VIRGIL LUNGU
dans la zone centrale, une croix peinte en rouge. Sur le mur ouest, à 1,20 m
au-dessus du sol, toujours peinte en rouge, figure une autre inscription
grecque :
t ΟΥ ΦΟΒΗΘΟΟΜΕ ΚΑ
t Ι ΚΥΡΙΕ
t ΚΑ ΟΤΙ CY ΜΕΤΕΜΟΥ
Par conséquent: όΰ φοβηθήσομε κάτι κνριε t κα όΐς σνμετ' έμδυ «je n'aurai pas
peur, Seigneur, puisque vous (êtes) avec moi».
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2593
les dimensions, le décor ou les inscriptions figurant sur certaines pièces. Toutes
les pièces présentent un cuilleron ovoïde allongé et des manches minces; de
section carrée elles sont décorées de cinq à huit cannelures longitudinales. Les
liaisons entre les cuillerons et les tiges se font par l'intermédiaire d'un orne-
—Φ
0 1 2 3 cm
ment, en forme de volute, sur lequel ont été réalisées, en pointillés, les
inscriptions BIKT, sur un exemplaire (fig. 24), ou NAZ, sur quatre pièces (fig. 25).
De telles pièces, nombreuses sur le territoire de l'Empire romano-byzantin,
apparaissant, le plus souvent, de façon isolée97, mais quelquefois elles entrent
dans la composition de dépôts d'argenterie, comme par exemple à Canoscio98
(Italie), Mildenhall " (Angleterre), Kaiseragst 10° (Suisse).
Sur le territoire de la Roumanie on connaît plusieurs exemplaires, la
plupart provenant de découvertes fortuites, telles les pièces découvertes à Dier-
na 101 et Botosani 102.
Les comparaisons plaident en faveur d'une datation dans la seconde motié
du IVe siècle de notre ère.
Quant aux inscriptions tracées sur les volutes de cinq exemplaires, elles
témoignent d'une pratique habituelle et répandue103. Dans notre cas,
l'inscription BIKT peut être facilement complétée pour donner l'anthroponyme
BIKT(op), probablement le nom du possesseur initial. Rappelons que ce nom,
également celui d'un propriétaire, a été trouvé sur des pièces semblables
découvertes à Rome104, Mayence105, Saint-Germain-en-Laye 106.
Dans le deuxième cas, l'inscription comprend seulement trois lettres qu'on
peut compléter pour obtenir le mot grec ΝΑΖ(αζ(ψεος), tiré de l'épithète de
Jésus, ce qui nous semble très probable, étant donnée la provenance orientale
des objets. Mais nous ne pouvons pas non plus exclure les formes latines
NAZ(arius), NAZ(arinus) ou NAZ(arianus) , noms proposés aussi pour compléter
une inscription de Tomis107; l'usage du latin est vraisemblable si l'inscription
été exécutée dans le milieu latin de Sucidava.
Puisque sur cinq des six petites cuillers qui entrent dans la composition de
notre trésor nous trouvons inscrits deux noms différents, nous sommes enclins
à croire qu'initialement, elles se seraient trouvées en possession de deux ou
plutôt de trois propriétaires, mais nous ne pouvons savoir si ceux-ci - même s'ils
étaient chrétiens - les ont employées pour l'Eucharistie ou comme de banals
couverts de table. L'inscription Φος que nous pensons pouvoir lire dans le cuil-
leron d'un des exemplaires, serait susceptible de constituer un indice
d'utilisation - et pas seulement de ce seul objet - pour l'eucharistie, comme on le
suggère dans la littérature spécialisée.
Sur les six exemplaires qui entrent dans la composition du trésor, quatre
ont une forme et des dimensions identiques: diam. : 16,5 cm; larg. : 17,3 cm.
(fig. 26-29). Le corps, travaillé par martelage et polissage, est
approximativement tronconique, légèrement arrondi vers la base, à fond plat, sur laquelle
était soudé un pied annulaire, relativement haut et évasé vers la base. Le
rebord plat, assez proéminent, a une circonférence arrondie, légèrement
surélevée, et descend ensuite presque parallèlement aux parois du vase. La coupe
présente, comme décor central, quatre cercles concentriques incisés. Le rebord
est décoré d'une bande de cannelures, disposées de façon radiale entre deux
lignes incisées; vers les bord apparaissent une succession de cannelures et de
moulures disposées de façon concentrique. Les quatre vases ont été marqués de
la même estampille appliquée au revers. L'estampille est de forme circulaire et
porte, au centre, une croix en relief et une inscription dont sont conservées les
lettres HC. ΧΙΟΥ (fig. 32, 1-4). Selon toute probabilité, l'inscription pourrait
être complétée HC[YJXIOY : «d'Esychios». Le nom au génitif pourrait indiquer
le fabricant du vase mais on ne saurait non plus exclure la possibilité que le
timbre en question ait été appliqué sur la feuille d'argent avant sa
transformation, comme une marque de la qualité du métal108.
Du point de vue de la forme, les quatre vases ressemblent beaucoup à
certains exemplaires du trésor de Kaiseraugst, daté du début de la seconde moitié
du IVe siècle109, tandis que le décor de cannelures disposées de façon radiale
apparaît sur le plat de Cesena, à la fin du même siècle110. Tenant compte de ces
111 Nous nous référons en particulier à L. Matzulewitsch, op. cit., passim, ainsi qu'à
certains ouvrages dans lesquels est publiée l'argenterie du VP siècle avec des pièces à
monogramme datant de la même période : N. Firatli, Akten des VII Internationalen Kon-
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2599
ne paraît pas être trop tardif, nous datons ces bols de Sucidave-lzvoarele de la
seconde moitié, éventuellement la fin du IVe siècle de notre ère.
Le cinquième bol (diam. : 21,5 cm et 8,7 cm de haut.) (fig. 30) est de
dimensions un peu plus grandes. Son corps est tronconique arrondi vers la base; le
fond est plat. Le rebord horizontal, largement débordant, présente sur son
extrémité une moulure pleine, légèrement surélevée. Le fond est décoré, dans
sa partie centrale, de trois cercles concentriques et le rebord, d'une bande de
cannelures disposées de façon radiale. L'extrémité de ces cannelures est
délimitée vers l'extérieur par une ligne pontillée. Le vase a été marqué, au revers,
d'une estampille de forme légèrement ellipsoïdale, contenant, dans sa partie
supérieure, écrit en relief, disposé en deux lignes, le nom EYC/EBIOY (fig. 32,5)
avec epsilon et sigma lunaires. Dans le registre inférieur a été figurée, toujours
en relief, une croix encadrée de deux petites étoiles à huit pointes. Puisque la
forme présente des différences minimes avec celle des quatre premiers bols et
que le décor est pratiquement identique, nous sommes enclins à croire que le
cinquième exemplaire peut être placé aussi du point de vue chronologique dans
la seconde moitié du IVe siècle. Evidemment, il n'est pas à exclure une certaine
différence chronologique pour la fabrication de cette pièce mais elle ne saurait
être trop importante. L'élément qui la différencie des autres pièces est
l'estampille qui, dans ce cas, indique un atelier.
Enfin, le sixième bol (diam. : 14,5 cm pour une hauteur de 5,7 cm) (fig. 31)
se distingue des autres tant par ses dimensions que par le décor. Il a un corps
en forme de tronc de cône, arrondi à la base et un fond plat. Le pied,
annulaire, relativement haut, est aussi tronconique et légèrement évasé. Le rebord
horizontal est très large et de profil courbe; il est décoré de trois cercles
concentriques incisés et d'une file de perles, réalisée par pressage. Trois cercles
concentriques dans la partie de la coupe complètent ce décor. Sur le bord
inférieur du pied a été tracée en pointillés l'inscription NAZ et au revers de la
coupe, a été tracé, maladroitement, le mot ZOH, «vie». Le vase ne porte pas
d'estampille.
L'inscription NAZ se complète, comme dans le cas des quatre cuillers
présentées plus haut, pour donner un anthroponyme comme ΝΑΖ(αρεως) ou
NAZ(arius), NAZ(arinus), NAZ(arianus) , déjà cités plus haut, indiquant
probablement le même possesseur. La graphie, différente de celle des cuillers, nous
incite à supposer soit une possible exécution du bol dans un autre atelier, soit
des inscriptions sur les deux catégories d'objets faites par des «mains»
différentes.
gresses für Christliche Archäologie, Trier, 1965, p. 523-525, fig. 4-6 et 11-12; T. Gherasimov,
Izvestiia na Archeologhiceskaia Institut, XIX, Sofia, 1967, p. 200-205; P.C. Finney, RAC,
LVIII, 1982, p. 383-407. Des ouvrages spécialisés sur ce sujet, par exemple Byzantine
Silver Stamps, ne nous ont pas été accessibles.
2600 ADRIAN RADULESCU ET VIRGIL LUNGU
Bien que, par ses dimensions et son décor, ce sixième bol se distingue des
autres, sa forme n'est guère différente. La ligne de demi-sphères (ce qu'on
appelle «décor-perlé» constitue un des motifs le plus souvent rencontrés parmi
les ornements de l'époque. Révélateur est en ce sens le trésor de Mildenhall,
daté du IVe siècle, dont la plupart des pièces portent le décor mentionné. Un
exemplaire identique à celui de Sucidava, découvert en Syrie, avec des mon-
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2601
112 H. Schlunk, Kunst der Spätantike im Mittelmeerraum, Berlin, 1939, p. 38-39, n° 105,
pl. 26; le vase présente en pointillés, l'inscription : ABAAATOC COPATICEN.
113 J. Le Gall, Un service eucharistique au IVe siècle à Alésia, dans Mélanges J. Carcopi-
no, Paris, 1966, p. 613-628, fig. 3.
2602 ADRIAN RADULESCU ET VIRGIL LUNGU
114 P. Diaconu, BOR, 81, 5-6, 1963, p. 546-548, fig. 1. Pour l'identification de la cité de
Sucidava comme centre episcopal, voir Em. Popescu, Studii Teologice, XXXII, 1980,
p. 590-605.
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2603
faite d'une épaisse feuille d'argent, présentant deux têtes de griffons aux
extrémités, a été décorée à la partie supérieure, par martelage, en forme de sarment
de vigne. Façonnée approximativement pour former un angle droit, décorée de
quatre cannelures longitudinales, elle descend presque verticalement.
L'extrémité inférieure, cordiforme, s'attache à la partie supérieure du vase. Le col est
décoré d'une succession de cannelures horizontales, disposées en trois
registres. L'objet n'est pas estampillé.
L'oenochoé de Sucidava-lzvoarele se rapproche, par ses dimensions et
forme, de celle qu'on a découvert à Water Newton, en Angleterre, qui est datée du
IVe siècle de notre ère115 mais s'en distingue par le décor. D'autre part, le
même type de vase - présentant une panse différente mais une anse semblable
115 K. S. Painter, RAC, LI, 1975, p. 333-345, fig. 4; Idem, The Water Newton Early
Christian Silver, Londres, 1977, p. 12-13, pi. 5.
2604 ADRIAN RÄDULESCU ET VIRGIL LUNGU
122 K. S. Painter, op. cit., p. 338, fig. 6; Idem, The Water Newton Early Christian Silver,
London, 1977, p. 13, pi. 7.
l" E. Giovagnoli, RAC, 12, 1935, p. 315, fig. 2.
2608 ADRIAN RÄDULESCU ET VIRGIL LUNGU
acquise
ère125,
techniques
croyons
notre
Il est d'exécution
ère,
difficile
separ
que
rapproche
enl'Eglise,
notre
tenant
d'établir
etexemplaire
également
pour
du si
point
décor
des
la pièce
raisons
de
ne
- de
compte
vue
saurait
avait
l'exemplaire
liées
des
duavoir
undimensions,
moment
à la
possesseur
été
pratique
de
exécuté
deSucidava-lzvoarele.
la
dedu
initial
constitution
laaprès
culte.
forme,
oule siVe
des
du
elle
siècle
dépôt.
aNous
été
de
s'adapte
l'objet
2,8
c'estcm.
côtés
différentes
àC'est
una6,2
la base
L'attache,
coffret
àété
lela
χ dernier
sont
6,6
feuillure
modelée
approximativement
cm.
: 6enχobjet
La
tôle
6,1
du
en hauteur
cm;
du
coffret
forme
d'argent,
trésor
à la(fig.
d'un
partie
atteint
de
parallélipipédique.
large
38).
Sucidava.
tronc
supérieure
5,5
Parcm.
de de
1,4
martelage,
pyramide,
Pièce
cm,
Leelles
couvercle
et
typiqument
Les
sont
travaillée
ladimensions
d'une
partie
légèrement
(6,5
hauteur
centrale
àchrétienne,
χla 6des
partie
6 cm)
de
133 P. Diaconu, op. cit., p. 546-548 et fig. 1 ; I. Barnea, op. cit., p. 161, fig. 55/1.
134 V. Culicä, Pontica, 2, 1969, p. 368-370, fig. 3/1, 4; P. Diaconu, Pontica, 17, 1984,
p. 162, fig. 5.
LE CHRISTIANISME EN SCYTHIE MINEURE 2613
fait qu'elle prévoit certaines conditions dont les cités doivent tenir
compte pour l'organisation des nouvelles circonscriptions
ecclésiastiques. Serait-ce le moment de la fondation d'un évêché à Sucidava?
Nous sommes enclins à répondre affirmativement. La découverte du
trésor d'argenterie le prouve : il ne pouvait appartenir qu'à une des
églises puissantes et riches de la ville, appuyée par une communauté
chrétienne bien constituée.
En conclusion, nous pouvons affirmer que le trésor de Sucidava-
Izvoarele représente le service eucharistique le plus complet découvert
jusqu'à présent sur le territoire de la Roumanie.
Niculitel