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I

DICTIONNAIRE
DE

\
1

ASCÉTIQUE ET MYSTIQUE
DOCTRINE ET HISTOIRE
FONDÉ PARM. VILLER, F. CAVAl,LERA, J. DE GUIBERT, S.J.

CONTINUÉ PAR ANDRÉ RAYEZ


E T C H A ll L E S B A U M G A R T N E R, S. J.
PROFESSEURS, A LA FACULTt DE Tlit0L00IE DE CHANTILLY
ASSISTES DE M. OLPHE - GALLIARD, S. J.
AVEC LE CONCOUR..S ,' D'UN GRAND NOMBRE
DE COLLABORATEURS


TOME IV

DEUXIÈME P AR.TIE .,
Espagne ,., Ezquerra

BEAUCHESNE
PARIS

..
' .
'•
f

NIHIL OBSTAT
.Remi,, die 13 Fchruarü 1961
J. MISSET, S. J.




• IMPRIMATUR
Lutetire Parisîorum, die 12 Mail 1961
J. HOTTOT, vie. gen.

1

1'oua droi11 do r,produc.lion . <l'mfo11t('iliQn CJl <fo ,M,fu11tfon r(i-~rué• pour toru pays.
Cop1rlgl11 1960, 1961, by JJEAUCHESNE•


DICTIONNAIRE
J
DE

SPIRITUALITÉ
.

'


ACHEVÉ D'IMPRIMER
LE 29 JUIN 1960
PAR FIRMIN-DIDO'r AU
MESNIL POUR GABRIEL
BEAUCHESNE . E'I' SES FILS
ÉDITEUR-$ . A PA.l\IS


L

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1 '
ESPAGNE. - I. Période patristique. - II. Période la Ti11gitane, les provinces qui Iormaient alors l'Espagne
médùiPale. - III. J.,'dge d'or : 1. Vitalité spirituelle; romaine (Tarraconaise, Galice, t.usitanie, Carthaginoise
2. Sources et courants; n. Déviations; 4. Auteurs spiri- et Bétique). Que là délégation la plus no1nbreuse soit
tuels. - IV. Période co,itetnporaine. - V. Pays de celle de la Bétique,~ cela peut s 'expliquer par Je lait
langu.e espagnole: Amérique <lu su.d. qu'elle était peut-être la province la plus christianisée,
mais aussi par aa proximité : Elvire (llliberis) est près
I . Pi:RIODE PATRISTIQUE
de ('lrenade. La carte ecclésiastique dos participants
Une étude d'onse1nble sur la sph•itualité dans la litté- au concile et sa célébration nième manifestent la vita-
rature patristique espagnole n'a pas encore é té tentée. lité du christianisme ibérique à la veille de ce qu'on
Ce que nous possédons se réduit à un ctirtain nombre de appelle traditionnellement l'édit de Constantin.
travaux monographiques sur dos auteurs et des théines
particuliers. Nous jugeons utile do signaler les plus 2. Écrivains des 4° et 5 6 siècles. - 1° La lisLe
notables de ces apports historiques et doctrinaux. C'est dos écrivains spirituels s'ouvre avec le nom d'Os9iu•
dans les articles spéciaux que seront amplifiées et (256-3a7), le célèbre évêque <le Cordoue (V. C. de Clercq,
complétées la bibliographie et les indications consign6os Ossiu..<1 of Cordova. A Contribution to the History of the
ici à titre d'orientation générale. (Jonstantinian •P eriod, Washington, 1954), conseiller de
l'empereur Constantin, a,ni de saint Athanase et qui
1. Évangélisatiort de l'Espagne. - 2. Écrioains du présida le concile de Nicée (325). Saint Isidore (De
8
4 et du 50 siècle. - ll. Le mouve,nent ascétique. Priséil- viris illustribus 5, PL 83, 1086a) lui attribue un De
lien. - 4. Le 1nonachisn1e H'isigothique. - 5. :Écri'1ains interpretationc Pestiuni sacerdotalium et une lettre De
du 6& et du 70 siècle. - 6. Liturgie hispanique. laude virginitatis, qui n'ont paa été conservés. Les
1. Évangélisation de l'Espagne. - Ce quo l'on qvara.n te-neuf sentences publiées par J. Pitra (Analecta
sait des origines et des trois premiers siècles du chris- · 11acra et elassica, t. 1, Paris, 1888, p. 117) sous le titre
tianisme dans la péninsule ibérique so réduit à p ou de de Doctrina Hosii episcopi de obser/latione disciplina(]
chose. Saint Paul a Indiqué l'Espagne comme le but domini:cae (cf Sigebert de Gembloux, De script<Jribus
désiré de son apostolat (Rom, 15, 24-28); de la réalisa- ecclesiastici.~ l.o.8, PL 160, 558c) ne sont pas authentiques.
tion de ce projet rendent tén1oignago le pape Cl6ment Cont.e1nporaln d'Ossius et comme lui adversairo <le l'aria• ,
(Lettre aux Corinth1:ens 5, 6) ot le Frag,n.e11L de Mura- nisme, bien qu'il soit ton1bé ensuite, semble•t-ll, dl;lni, les
filol.s chi l'hérésie, Potamiu1r (t vers 860), pra1nier é v~QtJê de •
tori. En revanche, il n 'existe aucune m ention a ntérieu1'0 Llsbo11110, est l'autour <le deux brefs opuscules : De La.taro
au ? 0 siècle d'une semblable mission attribuée à saint (PL 8, 1ft11-111.f,; 'éd. A. Wiln1art, dans Th8 Jour11al of thcolo-
Jacques le majeur. Indépendanunent de celle-ci, la giccd Strtdies, t. 19, 1918, p. 298-804) et De martyri<, lsaiai: pro• •
tn1dition relative à la prédication do sept cc personnages 1>het,1c (PL 8, 1<.15-1418; éd. A.-c. Vega, Opuscula 011111ic,
apostoliques ,, paraît plus recevable à la critique Pot(lm.ü olisipo11e11sis, El Escoriul, 1934, p . 85-86), rédigés dans
moderne, laquelle inclinerait de plus en plus à y voir un style obscu1· et {lftecté, ot d'une ltpistula de substantia
un noyau historique initial. Saint Irénée à la fin du PatriiJ c,t Filii et Spiritas SaT1cti (éd. Vega, p. 37-64, et PL
2e siècle (Adversus haore11es t, 10, P(} 7, 552-558) et Sup71l. 1, 202•216). Parmi les sources de Potan1ius figurent le
de Tertullien et l'apocryphe De
'l'ertullien au début du se (Adver8«s judaeos 7, PL 2,
De a11i1nq ascen8ÎO/i6 Jsaiae.

610c; éd. E. Kroymann, CSEL 70, 19~2, p. 275) se 2° .i\.u nombre des écrivains antia,·iens do cette
réfè1·ent de manière générale aux conimunautés chré- époque, et sans doute le plus ren1arquablo, il faut placer
tiennes d'Espagne. Il faut attendre encore un den1î- le lucifél'ien Gr6gol.re d'Elvire (1" après 392).
sièclo pour avoir des infor,nations pr6cises : elles sont Là ,·ciconstituliou de ijOII hnportant p8triinoine littéraire
fournies par une lettre de saint Cyprien (Ep . 67, éd. constitua un des succès de la recherche patristique 1noderne.
O. Hartel, CSEL 8, 1871, p. 735-748) adressée aux Ehl plus d'un De fulc ortliodoxa t()nlra arianos (PL 17, 5(,,9-568 ;
églises de Léon-Astorga et de Mérida, dont les évêqties cr Fr. rtcgina, il • De fidc • di Crecorio <l'Elvira, Naples, 1942),
respectifs Basilide et Martial avalent apostasié durant tn1.n.'!1nis sous divers no1ns, parmi le!lquels Phébado d'Agen et
la persécution de Dèce. Outi·e les églises destinataires, saint Orégolro do Nazianze, il co,nprend un opuscule occlllsio-
on y mentionne colle de Saragosse et on fait allusion logiq ue De arca NoP (éd. A. Wihnart, dans Re,,uc bénddiètine,
t. 26, 1909, p. 5-11, et PL Suppl. 1, 516·fl2S), uno Expositio
à d'autres sièges épiscopaux, suffisam1nent nombreux in ps. 91 (A. Wilmart, Fragments du pssudo,Qrigè,u: sur le
pour que leurs titulaires puissent se réunir en concile. psaum.l! xc, (l(ins itne collectio1l cspa,:nole, ibide11i, t. 29, 1912,
Les Àeltls de saint Fructueux: (éd. P. Franchi de' Cava- p. 27',-293, et PL Suppl. ,1, 62'•·526),'.six so1•1nons sur le Cnntique
lieri, Note agiografu;hq, fasc. 8, coll. Studi e Testi 65, dêll cttnl.iques, T ractai.us de ~pitllulamio (éd. A. Wihnart, Lca
Cité du Vatioan, 1935, p. 129-199), martyris6 à Tarra- • Tractatus • sur le Cantique attribùés à Gré,:oire d'EIPÎrè, dans
gone du1•ant la persécution de Valérien, e t des nombreux Bulletin de lütératu.ro eccléaia.~tiqu<,, t. 7, 1l/06, p. 237-248, et
martyrs que celle de Dioclétien nt en diverses villes, PL S,tppl. 1, 4.73-514), e(vingt hon1élies sur dlvo1·s pnssa,ges de
- Séville, Corduu~, Calahorra, Alcala, ltalica, Barce- l'ancion et du nouveau Test.amant, 1'raet11tus Origenùr de
libris SS. Scripturarum. (PL Suppl. 1, 358-472). A,•C. Vega a
lone et Gérone ~ , attestés surtout pa1• les hymnes de donné une lidition crit.i<Jue du De fido, dès 7'ractatus <le cpitha-
Prudence (Peristcphanon liber, texte et trad. de M. Lava- la111io et des Tractatus Origeriis (Espanc1 sa,:rada, t. 55, Mad1·id,
renne, Paris, 195'1 ), et les actes conservés dans le Pas- 1957).
sionnaire hispanique supposent une diltusion considé- A ctlté de sa théologie trinitaire (sur l'inhabitation du
rable de l'Évangile à la lin du 8<1 siècle. Cette impression Saint-Jtsp1•i t, voir S. Gonzalez, .las obras completas de
est confirmée pa1· les canons du concile d'Elvire (vers san Gregorio de El!!ira. Un aspecto de su e8piritualidad,
804), auquel prirent part douze évôques e t vingt-quatre dans lii:vist<L de espiritualiàad, t. 6, 1947, p. 177-186),
prêtres, r eprésentant, à l'exception des Baléares et de quelques aspects de sa doctrine christologique e t ecclé-
DICTIO NN AlllB DE arJR ITUALl'l' IL - T. IV. 35
1091 ESPAGNE. PÉRIODE PA'fRISTIQUE 1092

siologique m6ritont attention (J. Collan les I~ozano, prenant pour base l'~vangllo do saint Matthieu qu'il complète
Sa,1 Gregorio de ElYira. El!tudio sobre su eclesiowgta, occasionnellement par coux do saint Jean el do saint Luc. Ce
plus ancien poème épique de la latinité chr6Uonne, très lu et
Orenado, 1954). Il est le pre1nier à s'insplror d'Origène tort estimé au moyen âge, - Raban Maur l'inclut parmi los
et de saint Hippolyte, dont il dut êonnaître les co1nmen- livre11 qui doivent former les clercs -, connut dea îmil11lions
taires par des adaptations latines aujourd'hui disparues, jusqu'à la Renaissance (M. A, Norton, Ptosopography of
pour interpréter lo Cantique des cantiques comme uno J1;v11ncus, dans Folia, t. ~. 1950, p. 86·42). Saint Jorù111e
figuration allégorique des fiançailles mystiques du •(De Piris inlustribus 84, PL 23, 692b) signale une aulrà produc•
Christ et de l'}j}glise (cf DS, t. 2, col. 98). Ses homélies t.ion poéliquo aujourcl'hui disparue, codè111 111etro, ad sacramcn•
sur l'Écriture, un des plus anciens modèles de ce genl'e toru111 ordincn1 pertinentia, probablement de criractèro litur-
littéraire on Occident, illustrent dilîéronls aspects de gique.
la vie chrétienne et contiennent en particulier de pré- L'œuvre littéraire de PNctenoe (t après 405) est
cieux renseignements sur la discipline pénitentielle. beaucoup plus abondante et variée. Il en donne lui-
La doctrine des sept péchés capitaux en antithèse aux même les titres, à l'exception du Ditwchaeon, dans
\ sept dons du Saint-Esprit dépend do Tertullien (A. Wll- l'autobiogrâphie placée en tête de ses poèmes (PL 59-60;
1nart, dans Bulletin d' ancienn<J littérature chrétienne éd. J. Bergman, CSEL 61, 1926; textes et trad. de
l(ltine, t. 1, 1921-1928, p. 142-148; S. Gonzalez Rivas, M. Lavarenne, coll. Budé, 4 vol., Paria, 19'•3-1951 ). Le
La penitcncia en la primiti11a Iglèi!ia cspaf'wla, Sala- Cathenwri,1011, ou hymnairo du jour, est un ensemble
manque,·,1950, p. 70-71), Il utilise aussi Justin, Irénée, de poésies dont les six prerulères correspondent aux
Novatien, Minucius Félix, Lactnnce, Marius Victo- principales heures de la prière (ad galli cantum, rnatuti•
rinus et I-lilaire de Poitiers (cf H. Koch, 211, Gregors nus, ante cibum, post cibum, ad i11cc11su1n lucernae, a,,te
110n Elvira Schriftum u11d Quellcn, dans Zeitsohrift /iir somnum); les autres thèmes sont le jeOne (hymnus jeju-
Kirchengoschichte,1 t . 51, 1932, Ir.: 238-272), cc qui indi- nantium, post jejunium), les houres de la journée
que une culture ecclésiastique étendue et permet de (omnis horae), los défunts (circa exequias defuncti;
connal.t.rc un certain no1nbre des auteurs chrétiens dont cf O. Lazzati, I.a tra.9P,gura.zio11e della nu,rte in J>r1t-
les livres circulaient alors en EspagnQ~ . de11zio, dans Nuoyo Didaslca.leion, t. 1, 1947, p, 18-2?),
Noi.H et !'Épiphanie. Divors fragments entrèrent dans
3° Contemporain de Grégoire d'Elvire, avec lequel, les liturgies romaine et wisigothiquo. Le Peristephanon,
par son tempé.r ament pacifique et son esprit équilibré, ou poème des couronnes des martyrs, d'une exception-
il forn1e un vir conti'a':lte, saint Pacten, évêque de Barce- nelle valeur hagiographique, s'insère dans le courant
lone (t vers 390), a laissé un Sermo de bap1isrno (PL 13, de dévotion onvers les confesseurs de la foi et leurs
1089·1094; éd. L. Rubio, $. Paciano, Obras, Barcelone, sépultures. Ce courant se développe spécialement dès la
1958), modèle de catéchèse prébnptis1nalo, dans lequel seconde moitié du ,•.0 siècle ; 1,1n magnifique Lémo'in
avec clarté et précision théologique il expose le sort on est le co1npatriote de Prudence, le pape saint Damase,
de l'hom1ne après la chute, l'Incarnation et l'œuvre restauràteur des catacombes de Rome et inltiatour de
réde1nptl'ice du Christ, les effets du baptême, la rnort l'épigraphie chrétienne par les inscriptions (tituli)
au péché et la participation à la vie de la grâce. Ses qu'il fit graver sur les tombeaux des martyrs (A. Fer-
Epistulae très ad Sy,npronianum (105t-1 082) et sa rua, Epigra1n1nata da,nasiana, Cité du Vatican, 19112).
Paraenesis sive e:1:lwrtatorius libcllu.s ad poenite,uiam Sans doute écrita pour tltre lus durant la comm61noratio11
(1081-1090) ont une importance hors de pair pou•· lil\1rglque dans los églises Utulalres, les hyn1nes de Prudence
l'histoire de la p6nitenco dans la pritnitive église espa- rappellent par leur forme, - description du martyre sulvio
gnole (cf S. Gonzalez, La di.çciplina peni:tencial de la d'une supplique -, l'illatio (ou antique praefatio). On recon•
I glcsia espa,ïola fJ11 cl siglo 1v, dans Re,,i.~ta cspar1ola na1t cependant aussi, dans les discours de SAS hôros ot dans le
de teologta, t. 1, 1941, p. 389-360). Très explicite sur la ton général de l'œuvro, des intentions apologôtiquos et pané•
pénitence publique canonique, dont il décrit les élé- gyriques; on y rolôve enfin un goOt immodôrô du ro111anesque
ments essentiels (confession, satisfaction, et absolution et du n10rvoilloux, co1nparable à celui dos « Passions • contem·
por11ines, qui reflète indirecte1na11t l'exaltation nalve de la
réservée à l'évêque), Pacien ne dit rien de la pénitence dévotion populaire envers !Aa martyrs. Caractéristique de la
privée extra-canonique. On peut affi1•n1or la 1nêrne c spiritualité triomphale • de la gônératlon do 1'héodosa, les
chose de la littél'aturQ péninsulaire conte1nporainc, si descriptions du con1b11t dos 1nnrtyrs doivent 1nettra en rôlicf
nous exceptons peut-être un passage de De generibu.9 le triomphe de la toi qui s'étend à tous les peuplas et êmbrassc
lepraru.,n (PL 30, 2'16•247), attribué à Grégoire d'Elvire tous les pays : Prudence place aux côtés des martyrs espagnols
(J, Vaccari, Uno scritto di Gregorio d'Elvira tra gli et romains, qui tor1t1cnt los deux groupes principaux, l'a!ricain
spurii di S. Girolamo, dans Biblica, t. 3, 1922, p. 188- saint Cyprien, 6vûque de Carthage, le nordique saint Quirico,
193), mais d'authenlicilé douteuse. Les auteurs préférés év1lquo do Siscla, et l'oriental saint Romain, diacro do Césarée.
Il témoigna ainsi de l'éxtenaion du cuita do~ martyrs do toute la
de Pacien sont les deux africains 'l'ertullien et saint clirt'.ltiont6 dans l'Espagne contomporaino. ·
Cyprien. Le Cerinui ou Cervttlus, dans leq\1el est fusti•
gée ln coutume païenne (cervum facere) de fêter le pl'e- La 1nême intontion apologétique anime le Contra
mier jour de l'an par des divertissement,s licencieux, Symmachu.,n, éclio tardif de la bataille livrée par saint
mentionné par i;aint J érôme (De Yiris inl1tstribw, 106, Ambroise contre l'anêien préfet de Rome et sa relatio
PL 23, 704a; cf Paraenesis 1, PLi 13, 1081cd), n'a en faveur du rétablissement de l'autel de la Victoire.
pas été couservé. L' Apothcosis réfute les hérésies trinitaires et christo-
Iogiques, et célèbre dans la personne du Christ la divi-
4° Ses deux poètes, Juvencus et P1•uclence, ont donné nisation de la nature humaino; en s'unissant au Christ
• à l'Espagne la préé1uinence dans l'histoire de la poésie tous les hommes sont appelés à y participer par la foi
chrétienne naissante. et les bonnes œuvres. L'Ha,nartigenia, ou origine
JuPencus , vel'6 330, chanlo dans un grand poèma, BPange- du péché, a pour thème l'existence du mal, qui s'ex-
lior1un libri quatuor (PL 1\J, oâ-8~6; éd. J . Huomer, CSEL 21,, plique, une fois récusé le dualis1ne gnostique, par le
1891), la geste terrestre du Christ (11italia {J!•sta; préfa1ie, 19), libre arbitre de l'homme et l'action séductrice du démon
,.
l092 1093 · IVe ET yo SIÈCLES 1094
,plôtc ' Los transrormations qu'introduil dans lo ûOsmos et la nature lecteurs au moyen dgo et Jour assurèrent une Influence
,e. Co humaine le péché originel (v. 216 svv), les descriptions de sur lo développement de l'historiographie chrétienne.
lu et l'enfer (v. 824 svv) ot du paradis (v. 8~5 svv; cr .E. Rapisnrda, Nous <'levons encore à Orose une attaque de la première
ni les La rapp1·esenta:.io11e dell'oltre-tom.ba ii1 Pr11.dcnzio , dans Miscel-
ltio11s lanea di studi di lcttcratrtra cristiana a11tic,;, t. 1, 19~7, p. 41 -65) heure contre le pélagianisme, Liber apologeticus contra
,,y of sont dos pièces d'uno beauté \1niverselle1nont roconnuo ot 011 a Pelagium (PL 31, 1173-1212; CSEL 5, p. 603-664), écrit
lrOine nQtâ leur influence sur Danto ot Milton. duranL son séjour en Palestine au temps du conc:ile de
·oduc- Le contraste entre les thùrncs do l'Apother>sis et do l'llan1ar- Jérusaleu1 de 415 et 'l')Ù il utilise les DialQgue8 contre les
~IIU/n• 1igenia se transforme dnns la Psychomachia, ou lutte pour l'à111c, pélagiens do saint Jérôme. Avec son Conunonitoriurn de
litur• en un dra1naliq110 co1nbat enlro vices et vertus ( J>r1ulc111i<1, error1J pri:scillia111:staruni et origenistarum (PL 81, 1,21 'l-
Pati.entia, Mens hu111iti8, S()brfolM, Operatio, Concordia), 1-216; éd. G. Schepss, CSEL 18, 1889, p. 151-15?), il
) est guld6ea pnr la foi. Mi&e l'i part la question dos sources im1né- uvait précédemment intêressé Augustin (Ad Orosittm
diatos, parmi Josquolles il faut co1nptor 'l'artullion (P. de
i lui-
Labrlolle, Histoire cla la littérature lati111: chrétienne, B• é<l., cont.ra priscillianistas et oricenistas, PL 42; 669-{>78) aux
dans Paris, 19~7, p. ?18 svv), l'idée d'un combat allégorlquo <la11a questions suscitées en Espagne par cos nouveaux cou-
,9-60; loque) les vlcoa jouent le rôle d'agrossaurs apparait déjà dans rants hétérodoxes.
il. de Philon d'Alexandrie (cf M. W. ~loomfleld, A source of Pri1clc11• 60 Les voyages et les relations d'Orose l1ors de la
), Le tius' Psychomachia, dana Spe.mtlum,, t. 18, 191,3, p, 87-90), Le péninsule durant la brève période de sa vie que nous
,ml>le grand poème all6go1•iq11e de Pru<lence, sorlo d'6popôe trion1- connaissons {414•418) no sont pas, se1nl>le--t-il, un cas
~ aux
phalo do l'aacétis1ne chrétien, le pren1ier en son gonro, ost celui isolé. A travers les lettres d'Augustin, nous connaissons
qui a excrcu la plus grande influonco littéraire et arllstlquo. plusieurS de ses correspondants ibériques : Cérésius
1atuti• Avec ses quarante-neuf Inscriptions <lo5tinées pcut•êtro à
·, ante illustrer, on quoique église, autant dè t11blea.ux ou n1osaYques (Ep. 287; PL 88, 1034·1088; éd. A. Goldbacher,
. '
1 JCJU• CSEL 57, 1911, p. 526-582), Eudoxe, supériour des
qui représontoraient des scènes blbliq1.ws, lo Dittocluwo,i
urnée intéresse l'iconographie chrétienne. Lo poù1né sur hi créat.ion, moines do l'tlo de Cabrera dans los Baléares (Ep. 48 ;
uncti; lle:zamero11, cité par Gennade (Dt scriptoribus ecclesiasticis 13, PL 83, 187-189; CSEL 84, 1898, p. 187-140), et Consen-
P'ru- •PL 58, 1GGSa), est perdu, tius (Ep. 119-120; PL 33, 449-462; CSEL 84, p. , 698-
8-27) 1 7212; Bp. 205; PL 38, 9'12-9'19; CSEL 57, p. 828-839),
Dans l'ensernble, l'œuvre poétique de Prudence à 'qui H dédie son Co71tra mendaciu,n, réfutation d'une
da.os
1anon, offre une vision globale de la foi ot fa manière dont Libra du priscillien Dictinius, qui admet la licéité du
ptlon- elle. pouvait être comprise et vécue par un simple 1nensonge pour cacher ses croyances religieuses. Vers
,urant l;ilc (J. Rodrlguez, Poeta christianus, 1~rud11ritiu11' ti31, deux moines (?), Vital et Tonantius, correspon-
Aulfassung 110m W e.8e11 und von der Au/g1lbe des christ- daient avec le primat carthaginois Caprllolus à propos ,
loura
dès la lichen Dû:hters, Munich, 1986). Si son contenu théolo- du nestorianisme (A.-G. Vega, Vidal y Tonancio o un
1
émoin giq1.1e n'est pas original, - le poète doit beaucoup à caso de 11cstoria1ds1no e,1 Espar1a, dans Ciudad de Dios,
tmase, ~alnt Ambroise, Tertullien et Lactance, entre autres t. 152, 1986, p. '•12-~20).
(C. Raplsarda, Gli influssi classici e cristiani nclla
iu1' de Saint J érOme fut en reloJions épist,oJaires avec Lucinîus
'tituli) poqsia di Prudcnzio, Catane, 1941) - , il fournit de
pr~cieuses données aur lu vie et la spiritu,lilté chrétiennes (8p. ?1; P l~ 22, 669-6?2; éd. 1. Hilberg, CSEL 55, 1912, p.1-7),
.. Fer- - qui, pour avoir les traductions de la Bible, envoya exprès
dans leurs diverses manifestations. Sa profonde et des copistes en Palestine et reçut du rnattre adroiré un exem•
1942).
durable influence est due sans doute à sa haute inspi- plnîr<J du commentuire du sons littéral des viaions d'Isaie
oration ration et à sa parfaite n1attrise, ,nais aussi, et peut-ôtre (PL 2'1, 153-206) - , avec l'épouso de Luclnlus, Théodora,
:udenco davantage, à la synthèse des !orrnes poétiques du classl-
1 suivie
dève11uu veuve (Ep. 75; PL 22, 685-689; CSEL 55, p. 29-34),
, reç◊n- eisme paîen et de la pensée chrét.ienne, cl II vcc le prûtro Abigaus (Ep. 76; PL 22, 689-690; CSEL,
dam; lo p. a,,.aG). Au solltalre de Bethléem, le fils de snlnt Pacien,
On peut voir,un AXemple caractéristique d(l lu poé6ie not1velle Doxtor, dédia un ouvrage historique perdu, Historia onini•
,t pané• née de cette union d'ans le Con1.111onitoriu.1n (éd. R. l~llis, CSEL
masq ue 11ioda (Jérôme, De 1•iris i11lrt~tril>u,, 132, PL 23, 716a),- Parmi
16, 1888, p. 191-261) du poète Oric11tù1s; quello quo soit son ceux qui connurent personnellan10nt Jurôme on Orient, on
:onle1n• origine, Orientius est sans doute à idontiftor avec l'ôv<iqna compte la pr<ltre Vlgilll.riCO qui, au dire do Gc!1na~e. (De scripto-
i de la. d'Auch envoyé en 439 eo111me an1bnssadeu r pnr Théodoric 1or ribus ecclesias1icis 35, PL 58, 1078b), avait d1r1gé quoique
.e do la aux géné1•aux romains Aétius ot Litorius (1.. Duchesne, Fastes Lemps une église à Barc-elone. Recommandé par saint Paulin d_e
loso, les lpùcopac/X de l'ançicnnc Gaule, t. 2, Puris 1899, p. 96), Son Nole, Vigilance visita Jérôme vers 395. Peu aprè~, le chron1-
:n relie[ poème didaotiquo ot parénétique a to utt::s lès apparences d'on qucur Idnce, plus tord évêque de Chnves, ot Avit do Braga
lllbrw;se sermon versifié, suivirent son exernple.
:paguols C\l dernier e~t l'autour d'uno lettre ln1portantc, Episu,la ad
'ruricain 50 Né probal>lement (\ Braga, en <}alice, vers l'an ['11/cho11iu111 de reliquiis sancli Stephani (PL 41, 805-818; éd.
Quirico, 890, Paul Orose, disciple de saint .i\.ugustin, prés (le E. Vanclurlindon, dans Rc"ue des ét1ulcB by,; antincs, t. 4, 191,G,
Cûsarée. qui, chassé par les vandales, il s'était ré(uglé, écrivit p. 178-21 ?) ; cotte lettre est accompngnée de la relation de
t,;,uto ln des Historiae <ulvcrsus pagl!nos (PL 81, 663·117',; l'invenlion et do la translation à Minorque de ces reliques de
éd. C. Zangemoister, CSEL 5, 1882, p. 1-600), premier silint ~tienne (cf P. Peeters, u lré/on1ls oriental de l'hagiogra-
Contra ess;,ti d'histoire universelle par un chrétien. En étroite phie byzantine, Bruxelles, 1950, p. 50-58).
tr saint relation avec le troisièrne livre du De civitate Dei
relatio Purrni les pèlerins de 'l'orro sainte, figurent aussi
d'Augustin, qu'elles continuent et sin1plifient1 et forte•
ictoire. 'l'urribius d'Astorga et l'énigniaUque auteur de l'Itine-
ment influencées par les événements (M. Murtins,
~hristo- Correntes da fllosofia relig1:osa eni Brt,ga dos séculos IV a rarium Egeriae {éd. E. Franceschini et R. Weber, CC,
t. 175; texte et trad. l·l. Pétré, coll. Sources chrétiennes
la divi- vu, Porto, 1950, p. 183-2·14), cos flistorillJ ollrent moins
21 Pal'is, 1948; voir art. ÉTHlll\18 1 DS, t. 4).
1·Christ une histoire de l'humanit6 qu'une interprétation provi- ' .
.r la foi dentielle o·u, si l'on veu l, une théologie de l'histoire au 70 Ces déplacements jouent un rôle non négligeable
origine sens augustinien. Ce caractère religieux, .le symbolisme dans l.i diffusion des écrits et dos idées. Une preuve en
~i s'ox- mystique, les éléu1ents allégoriques, co1n1ne aussi le est dans la Cornrnonitorium (3; PL 81, 1214; CSEL 18,
par le fond apologétique, qui les feraient facilement passer p. 155-157). Orose y relate l'introductio_n des doctrines
démon pour. livre d'édification, Jour valurent de no1nbreux origénistes dans le nord-ouest de la péninsule par deux


1095 ESPAGNE PATRISTIQUE 1096
de ses cornpatriotes, appelés Avit (cf D. AILaner, APitu.q siocl6s do l'Église, Paris, 1918, p. 108). lvfalheureusement
110,i .Braga, dans Zeit,séhrift fiir Kirclwngeschiehte, t. 60, le De virginitate d'Ossius de Cordoue est perdu et Gré•
194.1, p. 4.56-4.68). L'un avait apporté à son rotour de goil·o d'Elvire no touche qu'incidemment au thème de
Rome les œuvres du rhéteur néoplatonisan LlVIarius Vic- la virginité (vg Tractatus Origeni., 10, éd. A.-C. Voga,
torin us (sur la connaissance do P laton dans la pénin- p . .256-.257). Les dispositions que prennenL les conciles
sule, rappelons la traduction et le conuoenLalre du de Saragosse (380) et do Tolède (400), - ce dernier
T1'.mé6 par Chalcidius, contemporain d'Ossius de Cor- s'occupe aussi des veuves, assimilées en quelque faç.on
doue, éd. J. Wrobel, Leipzig, 1876, p. 5-37~1), et l'autre, aux vierges (c. 9; éd. Mansi, t. 8, col. 1000) - , apportent
d'01•icnt, des traités d 'Origéne. Nous ignorons, - ce de nouvelles précisions it la discipline en vigueur. Dans
ne serait pac; invraiso1nblable - , si co dr:rnicr person- los actes de Saragosse apparaît pour la pre1nière fois le
nage n'était pas précisément l'ami et le confident de nom de monachus, appliqué à ceux auxquels, on 8841
saint Jétôrne (Ep. 79, 1; PL 22, 72'1; CSEL 55, p. 88; le pape Sirice fera aussi allusion dans sa lettre à l'évêque
Ep. 106, .2; PL .2.2, 838; CSEL, p . 248), à qui il envoya Hirnérius de Tarragone (6, PL 84, 632-633). D'autres
un oxornplairo dn sa traduction du Peri archon (Ep. 1.24; mentions sont fournies par saint Augustin (Ep. 1,8;
PL .22, 1059-1072; CSEL 56, 1918, p. 96-117), non sans PL 33, 187-189; CSEL 8(t, p. 137-140), Orose (Hisw•
le mettre en garde contre èertaines doctrines de riae vu, 36; PL 31, 1156ab; CSEL 5, p. 534), la lettre
l'ale'.llandl'in. de l'évêque Sévérus de Minorque (PL 20, 731-746;
Diverses so urces signalent déjà anf.ér•ieurernent la O. Segul Vidal, L.a carta e,iclclica del obispo Severo,
présence de courants hétérodoxes. A l'arianisme, qui Palma de Majorque, 1987, p. 156, 163, 174-t 75) et la
ne parait pas avoil' pénétré profondément dans la masse (Jhronique d'Idacc (PL 51, 885; Continuatio chronicoru,n
jusqu'à l'arrivée des wisigoths, il faut ajou Ler le mon ta- Jlwronymianorurn, éd. 'l'h. Mommsen, MGlf ÀUl)t.orllS
nia1ne de certains cercles, auxquels fait probablement antiqui..<111imi, t. 11, 1894, p. 2\J). Aucun de ces té1noi-
allusion le canon 43 du concile d'Elvi.11e. D'autres gnages ne perrnet de conclw•e à l'existence d'une vie
canons (13, 22, 51) se préoccupent des r elations des do co1nmunauté organisée et de parlei· de vrais 1nonas-
fidèles avec les dissidents, désignés sous le nom d'haere- tères. Encore que soit inexact cc qu'écrit saint Ildefonse
, tici. D'autre part, les écrits de saint' Pacien tévèlent (De viris iUustribus 4.-, PL 06, 200c) à propos do l'abbé
l'existence de 11ü lieux rigoristes adhérant à Novatien, africain Donatus (seconde moitié du 68 siècle) : Iste
auprès de qui les écrits montanistes de Tertullien étaient prior in Hispania,n monMticae observantiae usum et
en grande raveu~• ('l'ertulJianus post haeresixn, nain regulam dicitur aàdu.xisse, le monachia1ne autochtone
multa inde sumpsiatis, Ep. 3 ad Sympro1ti11,,ium 24, individuel dut prédominer jusqu'au cours du 58 siècle;
PL 13, 1079d). Los sectes gnostique et 1nanichéenne ce qui facilita sans doute grandement. la pénétratio'n
paraissent avoir été beaucoup plus répandues. Jérôme des doctrines priscillianistes dans les rnilieux spiritueLq,
(Ep. 133, '•; PL 22, 1158; CSEL 56, p. 248; cf De viris Cette alliance, certes temporaire et liniitée, se révélera
inlustribu11121, PL23, 712a; Ep. 75, 3; 120, 10; 120, 1), funeste.
Sulpice Sévère (Chronica 2, 46, PL 20, t55c) et Itace
d'Ossonoba (dans un passage d'une de ses œuvres
2° Priscillien. - 1) Doctrine. - Les sources 115s
plus dignes d'attention, conte1nporaines do Priscillien
1•apporté par saint Isidore, De viris illustribu,s 15, PL 83,
ou postél'icures à lui, signalent l'origine gnostico-mani•
1083, 1092a) attribuent il un certain l\'1arcos, égyptien,
la prédication d'une gno!ie manichéenne (voir cepen- chéenne de sa doctrine. Il est fort probable qu'il ne faut
pas mettre à son compte toutes les er·rou1·s cataloguées
dant G. Bardy, art. Pri:scillien, DTC, t. 13, 1936, col.
391-8\!2). Cet enseignement (cf V.C. de Clercq, Ossius dans la leLLre de saint L,éon à saint Turr ibius d'Astorga
(PL 54, 693-695) ou dans les dix-sept aoat,hèmes du
of Corllo,1a and the origins of .P1·i11cilli1.1nis1n, 'l'U 68,
concile de l3raga de 561 (11'.ansi, t. 9, col. 773-776;
1957, p. 601-606), si nous en croyons nos sources,
éd. C. W. Barlo,v, Martini bracare1111is opera 01nnia,
aurait été transmis à Pl'iscillien par ses disciples
Agapè et Helpidius. Vers 383, Pbilasl.l•o, évêquo do Ne,v Haven, 1950, p. 105-115); néanrnoins la quantité
Brescia, accusait (Divcrsaru,n ltereseon liber 84; PL 12, et la qualité dos témoins (vg plusieurs conciles,
saint Augustin, Sulpice Sévère, saint Jérôme) forcent à
1196a; éd. F. Marx, CSEL 38, 1898, ·p. ,s) précisément
admettre un contenu hérétique plus ou rooins étendu
do ces erreurs dos groupes d'abstinentes dissé1nin6s
dans la doctl'ine initiale de l'évôquo d'Avila.
dans les Gaules, l'Espagne et l'Aquit((ine. L 'aire
• géographique de diffusion ne permet pas do considérer Préciser ce qui lui appartient et co qu'auro.icnt hjoutô sea
que les docll'ines mises on question ne concernent que disciples n'est pas possible, rnêrnc uprôs la publication des
les seuls priscillianistes; elle suppose plutôt l'existence onic ilnportants traités (ôd. G. Schopss, CSEL 18, 1889,
p. 3-106), qui, s'ils ne sont pàS dé Priscillien, o.ppartiennenl au
d'autres 1nilieux voisins attachés aux 1n81nes convic- moins /.1. un de llBS prinêipaux disciples, Insto.ncius (O. Morin,
tions ascétiques et par1ni lesquels, pour ce qui concerne l'ro /11sta11cw, Contra l'a.ttribution à Prwcillien des opuscules du
l'Espagno, lo priscillianisme dut trouver ses précur- n1a11uscrit de Wurtzbourg, dans Rcc•uc bé11édfoti11e, t. 30, 1913,
seurs naturels eL ses 1neilleurs alliés. p. 153-1 78). Parrni ces traités figurent trois apologies ( Liber
apologetic1U1, Liber ad Dan1asum, l,iber de fidt! et apocryphis),
1;opt opuscules do caractère exégético-parénstique (Tract<itiu
3. Le mouvement ascétique. Priscillien. - Paschae, Tractcitrw Gcncsis, Tractatu.s Ji::i:odi, '.tractat1,s prirui
1° L'origine et les caractéristiques do l'asc6ttsmo psal111i, Tractatus tcrlii 11salrni, 1'raclatus a.cl P"fJ1duni 1, Trac-
p1•unttlf dans lâ péninsule nous sont inconnues. Les tat1ts cul pupulu1n 11, e t uno bônédlction, JJeile(#clio super
premières mentions montrent qu'il est déjà fort évolué. fulclcs), Il y faut t1jonl.er une œuvrc déJà connue nntérieuro-
rnent, les Ca11Q11es in epi.stolas Pa1ûi apostuli, brè1•0 thtiologio
Par ses. deux re1narquables canons 18 et 27 sui' la virgi- paulinienne on qnlllré•vingl-dix sentences refondues par un
nité, l"l concile d'Elvire tait allusion à une institution inconnu, l'évêque Pérégrinus (CSEL 18, p. 100-1r.7).
florissante; pout' arriver à fai1·e partie de cr:tte portion
choisie do l'Êglise un vœu solennel était 1·equis (J. Mar- Pour expliquer, dans tous ces écriLs, l'absence de$
tinez, L'ascétisme clu•étien pendant les trois prc,niers g1•aves e••rours imputées à l'hérésiarque, on s'est fondé

l
1096 · 1097 PRISCILLIEN 1098
1ement avec raison sur le cax·actère ésotérique d1:i la secte, qul veur à la lecture des f:critures, tout en les interprétant
1t Gré- allait jusqu'à adxnettre Je n1ensonge pour caohex· aux à leur fantaisie et en se servant des apocrypl1es; Hs
,me de non-initiés les secrets de la doctrine : jura, perjura, jel'lnent lo dhnanche, marchent pieds nus; durant Je
Vega, secretum prodere noli (S. Augustin, Ep. 287, 8-4; Pl, 33, carô1no et les vingt•et-un jours qui précèdent l'flpi•
1085-1086; CSEL 57, p. 527-528). Pour diffuser leurs phanie, ils vivent reclus dans des 1nai.so11s particulières
onciles
'
lern1er
. croyances, les priscillianistes se servil'ent abondamment ou se l'etirent en dos lieux écartés, sans assister aux
, façon de la littérature judéochrétienne d'inspiration parfois offices liturgiques; ils. célèbrent dos réunions secrètes
,ortent gnostique ( Ascenqio Isaiae, Apncalipsis Johanni,", pour lire et entendre cortaines instructions et comxnu-
. Dans Acta Tltontae, Acta .1!r1tlrea1:, Acta. Jo}uutnis, Mernoria nier à l'eucharistie qu'ils emportent de l'église. Leur
fois le aposl()lorian), qu'ils enrichirent encore d'autres livres autorit.o suprême et uniqi,1e est celle du<< doctor », doué
n 38ft, composés par eux (éd. D. Do Bruyne, dans Revue d'une science supél'Îelll'e et Iavorisô de dons cl1aris-
!vêque bénédictine, t. 24, 1907, p. 321-335; t. 37, 1925, p. 48-68; matiquos. Le sacerdoce est sous-estirné et placé au-
'autres éd. A. l-Iarnack, Der apokryphe Brie/ des Paulus- dossous de la profession ascétique; on exalte la virgi-
p. (t8; schi,ilèrs Titits De dispositione sanctùnonii, dans Sitzungs- nité au détx•imen t du xnariage.
(Histo- berichte der preu.98ÎHchen Akade,nû1 der Wissenschaft11n,
Berlin, 1925, p. 180-218). Co1n1ne les ariens l'avaient ;inonyu1c Cetlo dernière tendance so 111anit~ste dans un opuscule
l le~tre De 11irainitatc, présent6 couuno une Vità sanctao
11-7(.6; fait avant eux, ils utilisè1•ent des hyn1nos pour diffuser l{cliac (éd. G. Antolln, dnns .B(llctîn de la real Acailcn,.ic, de la
Se1>ero, leur doctrine; saint Augustin nous en a conservé un llistorùt, t. 54, 100U, p. 121-128); on le supposo écrit à la !ln du
,) et la curieux fragrnent dans lequel on prête au Christ cette ~• sièçlo ou dans lo. p1•oir1ière moitié du 5• (cf .Z. Gà.rcfa Villnda,
.'
icoru,n énigmatique déclaration : Verbo i11lusi cuncta, et non La ,,ùJ,, de santa IIclia. Tln tratatlo priscilianistQ contra el
uctores sum lusu.<1 in toturn, qu'Augustin commente d'une ,natrùn11;,io?, clans Estudios ecletJiMticos, t. 2, 1928, p. 270-279);
témoi- manièresarcast.iq11e (Ep. 237,9; PL 83, 1038; CSEL 57, l'orlgi1111 do cette fiction h~giographlque ne pnratt pas onco1·0
ine vie p. 582). Lo zèle de quelques évêques et diverses cam- suffisamment établie.
Nou8 ne snvons rien do précis sur l'organisntion des prôLon-
nonas- pagnes antihérétiquos firent disparaître à peu près dus n1e111.1stères priscillio.nlstes. La ra,neui,e règle Cons'ensoria
lefonse tous les écrits priscillianistes, tandis que disparaissait n1onachorun1, qua D. De .Bruyne (La llegula const11.çoria. Une
l'abbé aussi une grande partie de la littérature antipriscillia- ··règle des 111oi1181J. priscilliani~lc8, dans Rovue bJ11édfoti11e, t. 25,
: lste niste. C'est co qui augmente notre incertitude sur 1908, p. 86-88) croyait d'origine prlscilUnnisto, 11 été reportée
1um et Priscillien et empêche de suivre l'évolution doctrinale nu 7°-8• siècle.
chtone de la secte durant les deux siècles et demi qu'elle sur-
vécut à l'exécution de son chef (Trèves, 885). 3) La réaction provoquée par les exagérations pra- ,
siècle;
Lratlon Parmi los formules ou profcsslo111; do foi antipriscillianlslus,
tiques et doctrinales des disciples de Priscillien dans
le domaine de l'ascèse ne sut pas toujours se lhniter.

rituels. retenons celles de Pastor, évôq ue de '.Palencia, Li/Jcll1ui i11 Peut-être faut-il en voir un exemple chez le prêtre •
~vélera modum Symboli (od. ,J.-1\. de Aldarna, El Si,nbolo toleda110 1,
coll. Analecta grcgoriana ? , Ron1c, 198t,, p. 29-37) et les Vigilanco, dont les attaques contre le monachisme
Regulae definitionum contra hatreticos prolatae (éd. K. Künstle, et le célibat noua sont connues par saint J érô1ne (Contra
ces les 4!11iprucülia11a, Fribourg-en-BrilJgnu, 1905, p. 1"2-159) de Vigila11tium, PL 23, 339-352; Ep. 109; PL. 22, 906- •

scillien l'évêque galicien Syagrius; O. Morin (Paslor et Syagrius, deux 'J09; CSEL 55, p. 851-856; Ep. 61; PL 22, 602-606;
1-mani- lorivai11s ptrilus , du cinquièn1e siècle, dans llev11e b6Mdictine, CSEL :ï4, p. 575-582). Solon Sulpice Sévère (Clironica 11,
ne faut t. 10, 1893, p. 385-89t,) rovendîque pour Syagrius sopt truités 50; PL 20, 157-158; CSEL 1, p. 103), il no m~nqua
ou sor,nons De Trir1it1116 crul, 1111 moyen âge, furent allribués à pas de gens, tel l'évêque Itace d'Ossonoba, pour sus- ·
logµées dil?6rcnls aut011rs, pnrn1I lesquels s11int Augustin (Sermonss 118,
~storga PL 39, 1969-1971; 232, 2178-2176; 236-237, 2181-218t,, elc; pecter tous ceux qui professaient l'ascétisme. Semblable
nes du voir èepondant E. Dekkers, Clavis Pa1ru1n ltttinorum, Stoon- confusioxi, qui ù son excuse dans les abus prlscillia-
13-776; brugge, 1 951, n. 560). nistes, fit se Iamente1• le 1noine galicien Bachiarius
• (', 0 -5° siècle), - personnage un peu mystérieux adonné
omnia, A ln littérature symbolique qui fleurit si nbondno1ment en
uantité !iliipagne apparlio11t encore la Fides do saiul 'Valérien, évêque à l'idéal du monachisme itinérant, - dans son Libellus
Dnciles, de Cnlahorl'a (J, Madoz, Valeriano, obispo calagurritarw, de '{/,de (l>L 20, 1019-103,6), parvenu à travers une double
rcent à ~açritor del $+glo v, da,is Hispaniu sacra, t. a, 1950, p. 131-137), 1•édaction, la seconde ayant été réalisée après la n101·t
oontompornin de Prudence. de l'auteur par un disciple de saint Augu_sUn (J. Madoz,
étendu
2) Disciples. - Quoi qu'il on soiL de la doctrine de (Jna nue"a redaccion del « Libellus de fide » de Baq1tiari(),
oul6 SC$ Priscillien, le mouvoment dont il fut l'initiateur se dans Rec,ista espa,1.ola de teologla, t. 1, 19'i.1, p. (t57-
liou des présente dès le début avec un idôal ascéUqne. Sulpice 488).
1, 1889, Sévère décrit le fondateur conune un homme << de vie Do Bnchlarlus, nous possédons aussi un De reparationc lupsi
ment au austère, endurant fairn et soif, no (!ôsiraut rien et ad J1inu11rir,n1 (PL 20, 1087-1062), qui ost uno exhortation à un
. Morin, suprêmement sobre (utendi pal'cisshnus) » (Chronica 11, 111ys1ique.i diacre pécheur, deux lettres spirituelles (G. Morin, Dt1utJJ lettres
,eu/es du d'ru1~ a,,çcète e.spag,1ole, dnns Rc1>uc bénédictine, t. 1,0,
0, 1U18,
~6; PL 20, 155c; éd. C. 1-Ialm, CSEL 1, 1866, p. O'J); 1928, p. 289-310, et PL Suppl. 1, 1085-1044), où reparait une
1 (Liber
ses apologies (vg Liber ad Da1ru)sum) attl'iJJuent les des pr11tiques cond11mnées par le premier ·conoile do Saragosso
'l'IJp'hü), pel'pécutions ,qu'il subit, lui et ses disciples, de la part (ê. ,., éd. Mansi, t. !I, col. 6!1'1-685). La lettl'e de oondoloanco
·•ractatr,a
•' .
des xriembrei; du clergé et d'ôvôques, à la vie austère (6d. G. llilrtol, 011 appondico aux œuvrea de saint Cyprien,
t.B ·pr,mi et mortifiée qu'ils menaionl:, on contraste avec la con• CSEL a, 8' parue, p. 274-282), adressée à un certnîn Turnsiu.~
1, Trac- duite de leurs accusateurs. Ils s'appelaient los << élus » (J, Duhl', Une lettre de condoléance de Bachia:rius, JlHE, t. t.?,
io 6!lpsr et· urie perfection progressive ôtaiL pron)ise (alii nos- 1952, p. 530-585), est d'nuthentic.ité doutouse. Voir art. BA-
Lérieure- trum jam in ecclcsiis 1,J/,ecti I)eo, alii c>ita. elaborantcs ut c111,4111uR, DS, t.1, col. 1187-1188.
béologio
ppr un
t/ittere,nur, ·csEL 18, p. 35), moyennant l'obse!'vance Contemporain de Bachiarius, ma,is dont l'activité
de pratiques ascétiques. Les canons du premier con- paratL s'êLre dérot1lée au nord-est d~ la péninsule,
oilo do sa·ragosse nous en font connaître certaines et Je prêLre Eutr<Jpe, connu pal' une 1nent1on de Gennade
1co des lalss,ent entrevoir quelques présupposés qui les ron~.e~ (De scri'.ptoribus ecclesiasticis 49, PL 58, 1 087), est un
t fondé Lés disciples de Priscillien se livrent avec grande for- 6crîvain récemment appa1·u on patrologie.
••
'

1099 ESPA(iNE PATRlSTJQUE 1100


J. l',lo.doz (Herencia litcraria del presl)lte1°0 E tttropio, dan$ bable que la seconde partie de la lettre 211 de
Estudios eclesiâsticos, t. 16, 1942, p. 27-51,) lui 1•econnalt la saint Augustin (éd. A. Goldbaohor, CSEL 57, 1911,
pat0rnité do Lrois lettres, en formé do IJ•ailé, contre les mani- p. 856-371) représente, à l'intention des vierges, une
chéens : De coritcmncnda llaereditats (PL :JO, 45-50), JJe vera adaptation espagnole de sa Regula mo11achorum (of
circrtn1cisionc (t88-210), 1Je similitudinc carnis /Mc,:ati (éd. U. Domtnguez del Val, La regla da S. Agusttn y los
G. Morin,Études, textes et découvertes, Paris, 1918, p. 107-150,
et PL Suppl. 1, 529-55(), sous Je nom de s,1int Pilcien), Derniè• ultimos estudios so bra la rnisrna, dans R1Jv wta 113panôla de
rement on lui attribuait aussi l'écrit du pijeudo-Jér61no (PL 80, teolo{l_ia, t. 17, ·1957, p. 1,.81-520). Sous le titre de Regula
75-101,), rniil sous Jo non1 de Maxime do 'l'urin (PL 57, 933-958), puellar1un ou do Rcgula ad virgines, elle était connue
Ad a,nicu.n, a,igrotun, clc viro pcrfecto (P. Courcelle, Un 11ou1•eau en Espagne au rnoins dès la première moitié du 78 siècle
traite d'E(itropc, pr/Jtre aq1,1itai11, da11s Jlcvrœ des études an.cùin11es, (A.-C. Vega, Una adaptacù}n d<J la « Infor,natio regu-
t. 56, 195~, J). 3:i?-390), laris » de S. A gus tin antarior ai siglo IX, dans M iscél•
la11ea Giovanni Mercati, t. 2, coll, Studi e Tosti 122,
Théologien s tir et expert en la vie spirituelle (F. Caval- Cité du Vatican, 19',6, p. 84-56). Nous no savons rien, ·
lera, L'héritage littéraire et Bpirituel dU, prêtre Eutrope non plus, de la règle qu'aurait écrite, au dire de
(1v-v 0 s.), RAM, t. 24, 1948, p. 60-71), il no so contente saint Ildefonso (De viris illustribU{I 4, P L 96, 200c),
pas de réfuter le rnanichéismo en prenant position l'abbé africain Donat, qui, fuyant les vandales, arriva
contre le monachisn1e hétérodoxe, mais il expose, vers 569 dans la région do Valence avec soixante-dix
dans la ligne traditionnelle, les aspirations de l'ascé- moines. D'Eutrope, son disciple et succossour au rno11as-
tisme chrétien et les ,noyens pour réaliser sa fin, qui terium servitar1urn !ondé par Donat, et plus ta.rd évêque
est l'idéal do perfection évangélique. · de Valence, nous possédons uno Epistola de districtione
4. Le rnonachisrne wisigothique. - l,a crise monachorun1 et une Epistola de octo vitiis (PL 80,
priscillianiste, qui se prolongea jusqu'à la fin du 6 8 siè- 9-20; éd. M. Diaz y Diaz, Ar1ecdota 1,1 isigothica, t. 1,
cle, mit en évidence les graves dangers d'un ascétisme Salamanque, 'l 958, p. 9-85); cette dernière est extraite
sans cohés ion, incontrôlé et abandonné à l'initiative presque on entier des Conlatiortes de Cassien (U. Doo,ln-
individuelle. Bien que la contamin.ition n'ait pas été guez del Val, Eutropio dtJ Valencia y SU$ fuentes de
aussi générale qu'on l'a prétendu, puiequ'olle paraît infor1r1acwn, dans Re(Jista espa,1.ola de teologia, t. 14,
n'avoir affecté que les régions occidentales de la pénin- 1954, p. 369-392).
sule, elle n'en a pas rnoins contribué à discréditer los On no peut douter que la règle bénédictine ait été
formes anciennes de l'ascétisme individuel, tel qu'on connue dans la péninsule ; los Dialogi de vita et n1ira-
le pratiquait jusqu'alors, et à promouvoir le dévelo1>· culis patrum italicoru,n de saint Grégoire le Grand
ont été imités et largement utilisés par l'auteur des .,
poment du monachisrne cénobitique organisé.
Vitae sanctorum patru,n En1eritcrtsiurn (PL 80, 115-180;
1° Courant... mona11ttqv,01. - La transformation du AS, noven1bre, t. 1, p. 809-339; éd. ,J.-N. Garvin,
monachisme durant la période wisigothique {6c-7e siè- vVashington, ·1946) . L'ascendant du monachisme du
cles) doit être attribuée à divers facteurs; celui des sud des Gaules, formé et développé autour de Lérins,
influences extérieures n'est pas le moindre. Le rnona- semble avoir été notable sur les monastè1•es de la Tarra-
chisme oriental était connu on l.~spagne depuis long- conaise. Le fait que les conciles de Tarragone (516;
temps, mais les traductions des Aegyptiorum patrU,rn c. 11, PL 84, 812d) ot de Lérida (54.6; c. 8, PL 84,
sente11tiae (PL 7~, 881-398; éd. Barlow, p. 30-51) par 328ab) acceptent et reconnaissent les dispositions
saint }.-fartin de Braga (570-580) ot dos Verba scnior1un des conciles d'Agde (506) et d'Orléans (511) sur la
(PL 78, 1025-1062) par son disciple Paschasius nous dlsçipline monastique suppose d'étroites relations
offrent la première contribution littéraire in1portante d'idées et des affinités d'observances entre les céno-
sur l'idéal et les observances des n1oines d'Orient. bites des deux versants des Pyrénées. Par saint Mar-
Les écrits de Cassien jouèrent également un gra nd rôle. tin de Braga, le monachisme provençal a été connu en
Ils durent être connus et ample1nent utilisés, peut-être Galice. Il faut encore signaler dans la 111êrne ,•égion,
d~s Je 5° siècle, si la Regula Cassiani, faite d'extraits près de Mondofiedo, un monastère fondé par des èeltes,
des InstituiioneB, a été réellement composée, co,nme dont l'abbé, J\failloc de ]Jretagne, prit part au second
[ on l'a cru, en Espagne ou dans la Narbonnaise (li. Plen- concile de Braga en 572 (PL 81,, 569-573).
ko1·s, Unters11.chU,ngen. zur Ucbcrlieferu11gsgeBchichte der
ü.ltesten latei11ischen lrlonch$regcln, Munich, 1906, p. 70- 20 Règle■ monutlques. - L'infh1ence de ces cou•
84). Le principal apport du 1nonachis1ne oriental est ra nts, leurs conceptions et leurs réalisaUons ascé-
sans doute constitué par les écrits pacômiens dans la tiques se reflètent dans la litté1·aturo et la législaLion
traduction de saint J érô1ne; on les trouve en bloc et des rnonaslèl'es de la péninsule. Les règles pour les
presque on entier dans tous les manuscrits du Codex 1noines ot les vierges, écrites alors en Espagne, gardent
regularum wisigothique (A. Boon, Pachorniana latina, souvent à côté d'innovations originales, le caractère de 4

Louvain, 1982, p. x1-xv, xxv1-xxx1). Les règles de compilations doctrinales et disciplinaires qui, dans 1
saint Basile y figurent aussi parfois dans la version leurs lignes essentielles, constituent déjà le patrirnoine 1
de Rufin. Les contacts avec l'empire byzantin, - de commun du monachisme. Il faut rnentionnor le pré- (

cieux opuscule de saint Lé,\ndre de Séville, De i11sti- l


55~, à 624, une partie du t erritoire du sud de la pénin- 1
sule est alors incorporée à l'empire-, étaient fréquents tutio11e virginum (PL 72, 878-894), heureuse adaptation
(P. Goubert, Byzance et l'Espagne wisigothique (554- des doctrines ascétiques de saint Augustin et de
li
711), dans lJ:tudes byzantines, t. 2, 194/1, p. 5-78). saint J él'ôme. 1
Saint Léandre de Séville ilt trois fois le voyage nH1rithne J. ?.iadot, Varios c11ign1a$ de la rcgl<i de san Leandro rlcscÎ.• è
de Constantinople; Jean de Biclar y résida dix-sept ans frados 11or el estudio de SltS fuent,is , dans Miscellanca G, M crcati, J
0
et Licinien do Carthagène y mourut vers 602. t. t, Studi e Tcsti 121, Cité du Vt1tican, 19~6, p. 265-295. -
Dès saint Cyprien, l'Espagne fut en relation inin- A.•C. Vega, El • De ùLçtitutionc 1•irgi11u111 • de san I.,fandro de
Sevi/la con diez capll11-los y nu:dio i11c!ditos, El Escorial, 19~8, C
terrompue avoo l'Église d'Afrique du nord. Il <:st pro-
1100 1101 Jt-IONACHISME WISlfîOTHIQUE 1102
~ J. llfadoz, Una nucr1a tra11s111isi611 ilcl • Libellus de insti11~- remède à leurs abus) qu':ippartient la rùglo Consensoria tr11>11a-
!11 de 1io11c virgiru'11& • de san Lea11dro <le Se.villa, dans Ar1aleeta bolla11- clwr1un (éd. R. Arbesmnnn et W. I-Iürnp!nor, New-York;
1911, dia11a, t. 67 - Mélanges P. Poatera, t. 1, 1.949, p. 407-424. 1943; cf Ch. J. Bishko, The tl<Uè ar1d 1hc natitre of the i,pa11ish
s, une • Con.,cnsoria nwnaehoru1n ~. da.na The amcrie11n Journal of
1m (cf Plus qu'une règle propre1nent dite, c'est une exhor- 1d1il()/ogy, t. 69, 1948, p. 377-395); on la croyait jusqu'ici du
y los tation adressée à sa sœur Florentina, ofl il exalte l'excel- 5° i;ièclo et d'origine priscillianistli,
10/0. de lence de la virginité et donne de salutaires conseils On avait signalé com1no de provenançe espagnole possible
Regula pour développer la vie spirituelle. On pourrait dire la dilTûruntes règles anony,nos incorporées par saint Benoit
ronnue même chose de la Commoniti1tru;ula ad sorore,n (éd. d'Aniane dans son CocÎcx regularunt (PL 103, 4.35-452) : ainsi
! siècle A.-E. Anspach, coll. Scriptorès Ecclesiac hispano- la Re,:11la SS. Patruni Scrapionis, M acarii, Papl1r1utii <'t <Ûtc•
, regu- latîni '•• El Escorial, 1935); elle p1'6scnte des citations rius ftfacarii , les Rcgttla Il et 111: sa11ctol'111n Patru11t et la
!tliscel- explicites et des réminiscences de la règle bénédictine; Rcgula Macarii. En réalité, il s'agirait, pour les trou, prernières,
Li 122, si elle n'est pas de saint Isidore, elle paraît appartenb• non de règltls proprement dites, niais do décisions ôrnanant de
div01•s synodes abbatiaux, qui so tinront dans lo sud de la Gaule
1s rien, pour le moins à l'Espagne du 7° siècle (cr A. Vaccari, durant les 5• et 6• siècles (cf A. ?vlund6, Lea anciens synodes
ire ·de Un tratt4to a.1cetico attribuito a S. Girola,no, dans ab(u,tùHlX et les • Regulae SS. Patru1n •• dans Stiulia anselm.iana,
200c), Mélanges Cavallera, Toulouse, 1948, p. 1 1A7-162). Un t. t,4, 1958, p. 107-125). La Resula Tar11atcnsis (PL 66, 977•
arriva traité similaire do l'évêque Sévère de Malaga, .11nnulus 986), écrite probnblmncnt ·dans la région de Lyon ou en Pro•
1te-dix ($. Isidore, De 11iris illustribus 43, PL 88, 1105a), n'a vence, et la Rcgul<, P111di et Stepha.ni (Pl, 66, 9{.9-958; éd.
monas- pas été conservé. J.-Ill. Vilanova, coll. Scripta ot documenta 11, Moot.sorrat,
évêque La plus co1nplète et J.a 1nieux élaborée des règles 1\!5\l) qui est d'origine romaine, doivent lilré également oiccluei,
• •
rtcttone espagnoles pour houunes est la Regula ,nonachorum do l'air·o o~pagnole. De même, d'np1•ès les rl:sultats des dernières
~L 80, recherches, on ne peut plus considérer co1nmo hypothèse ·valn-
d'Isidore qui nous est parvenue à travers une double blc la p1·ôtondue origine esp~gnole de la Rcgula Magistri (PL 88,
i, t. '1 , rédaction (PL 88, 867-894; PL 103, 555-572). Il est 943-1052; éd. 1-1, Vanderhoven et F. Masai, Aux sourcq,q dit
1xtraite possible qu'Isidore ait connu et uUlisé la Regula ,nona- n1.011a.chi.sma bdmdictù1, t. 1 Reg,ûa Magistri, Bruxelles, 1953) et
Do1nin- chorum de saint Benoit (et J. Pérez de Urbel, Los nionjes son idontlflcalion avec la règle perdue do Joan do Biclar
111cs de espcziioles e,i la edad nicdia, t. 1, Madrid, 1945, p. 496- (S. Isidore, De viris illu.s1ribus, 44, PL 83, '.I 105•1106; et A. Lam•
t. 14; 508), mais on ne peut en aucune façon co11sidérer sa bi!l't, l,c, famille da saint Braulio et l'expa11sir>n ile là règle de
'
règle comn1e une sirnple adaptation l(R. Klee, Die J ca,1 ,fo Biclar, clans Revista Zurita, 1, Sarugosse, 1933, p. 65-
8(); M. Alamo, DHGE, t. 8, 1 \lêl5, èOl. 1421-1422).
ait été ~ Regula ,nonaclioruni » 1sido,:s von S'evilla und r'./1r
,t mira.- Vcrhiiltriis zu den übrige11 abe11dlü11disclien klor1ehsrc- 30 E11p1•1t et infiue~oe, - ~tant donnée la grande
Grand geln jener Zeit, dans Jaliresbericht des Kii,1. Gyn211asiu,n28 diversité de ses sources et de ses traditions, on com-
iur des •,'U lifarburg, t. 76, 1908-1909, p. 1-2G). Leurs coïn_ci-
prend que la vie monastique ibérique ne présente guère
15-180; doncos s'expliquent par des sources communes : saint d'ho111ogénéité dans les observances. Le grand nombre
()arvin, Pacôrne, saint Césaire d'Arles, Cassien, le De opere
,me du de règles et le d1•oit que reconnaissent aux évôque-
rnonachorurri do saint Augustin et le De ordi11e 1nonastcrii diveri, conciles (Lérida, 546; Arles, 554; Huesca, 598)
Lérins, (regula secunda Augu.stilâ), peut-être aussi l'6nigma- de déterminer la règle des mona.stères de leur juridic-
l 'l'arra-

tique Règle d1, Ma.Ure. Cette 1•ègle 1•ellète dans sa pru- tion ne contribuèrent pas à promouvoir l'uniformité,
e (516; dence l'idéal d'un style de vie éloigné de toute exagé- laquelle, d'ailleurs, préoccupait peu les anciens moines.
PL 84, ration. Cependant, pour la connaissance des caracté- Cc n'6lait pas tant Pobservance d'une règle particu-
ositions risUques du monachisme espagnol, les deux règles de lière qui comptait pour eux, que la fidélité à la tradi-
sur la saint Fructueux de Braga sont plus intéressantes :
eh,tions
:s céno-
Rcgula prima ou Com,pl1ltensis (PL 87, 1099-1110) et
tion et à l'esprit monastiques. Ordinairon1ent, leur
choix ne se portait pas sur une règle, mais sur un ensems
Regula secunda ou Comm1u1is (1111-1 t 27). l,a première bic f>lus ou moins varié de rè!rles qui formaient le
nt. Mar- lut écrite pour lo monastère de Complu to près d'Astorga,
>nnu on Liber ou Codex rcgularu.,n. Ce Codex, sorte d'encyclo-
la plus ancienne des fondations de Fructueux; bien pédie monastique, était le n1anuel de gouvernement
région, qu'elle s'inspire largement do la règle isidorienne,
s celtes, de l'abbé, qui, coonne le prescrit le Liber ordinum
elle s'en distinguo par une très gtande sévérité. La ,visigothique, devait lui être remis par l'évêque le jour
. second seconde (son authentîcité est discutée), destinée aux
monastères u doubles », nous fait connaître cette cu- do sa bénédiction. Saint F1•uctueux ordonne qu'on
rieuse variété d'organisation monastique qui, survi- le lise trois Cois par sernaine en communauté, coutume
ces cou- que plus tard saint Benoît d'Aniane rendra journalière
vant à l'invasion arabe, fleurit encore durant les premiers
s ascé- siècles de la reconquête (S. Hilpisch, Die Doppelklôster.
et propagera dans l'empire carolingien.
tislation Entstchung ttnd Organù;atiori, 11-Iunster, 1928). Si variées qu'aient pu être les formes du monachis,ne
~our les pènlosulaire durant la do1nination des ,visigoths, il
En appcndlèo à la lleg11la no1111n1.triis, on trouve un Pact,un, n'est pas moins certain que cc monachis1ne connut
gardent sorte de contrat ontro 1uoincs ot abbé, où sont établis droits et
'ctère de alors \1ne pé1·iode de vitalité e'Xtl'aordinaire et l'une
. devoirs mutuels. On l'a conslduré è01n1no l'élornent le plus
ù, dans singulier et le plus représentatif du n1onachis1no wisigothique des plus brillantes de son histoire. La majorité ~e~
trimoine (Ch. J. Bishko, Gallr.ga,1 pactiicil niona.s1icis1n in the repopulation évêques du 7° siècle eL les plus grands non1s de l'Église
· le prê- of Castille, dans E6tudi<>s <lc<lic(1dos II llfc11éndcz l'i'.dal, t. 2, espagnole sont sortis des monastères ou s'y sont formés.
,e insti- Madrld, 1951, p. 513-531). La présence dans un trùs ancion
manuscrit do L6i•ins, signalé par ,J. Mabillon (Anr1<1lcs Ordinis
En dépit des efTorts de la hiérarchie et des conciles
aptation pour intégrer dans ce courant cénobitique les ancienn~s
l' et de S. Bcnc1Ucti, t. 1, Lucques; 1739, p. 332), d'une rédaction plus Cormes de l'ascétisme individuel, celles-ci ne disparurent
sobre, suggère la possibilité d'uno origine isidorionno, peut-être pas. Les vies de saint Victorien d'Asan t 558 (AS, jan-
même an té rie ure au 7• siècle. Le lilO t paetu11i dans le sens vier, t. 1, p. 738-743), de saint ~milien (écrite par
,dro ,ù:sci- d'ongogoment sacré à une vio de rcnonce1nont êSt usité en U:~-
pagne dépuis longtemps ; dans le canon 13 du concilo d'Elviro Braulio de Saragosse, P L 80, 699-712; éd. J.,. Vâiquez
,,' M crcatt,.
i5•295. - on parlo du pactu111 11irgi11itatis (PL 84, 308c). de Parga, Madrid, 194.8), de saint Fr~ctueux (Vita
~andro ds C'est aux piotros n1ilia11x monastiques décrits dans la Regrtla sa11cti Fructuosi, éd. F . C. Nock, Washington, 191•6;
~lai, 1948, co111niu11i.s do sr1i11t Fructueux (elle se proposait d'llpportc1• cf l\f. Martins, O niona.cato de .'i. Fructuoso de Braga,
1103 ESPAGNE PATRISTIQUE 1104
Coï1nbre, 1950) et l'autobiographie de saint Valère de r1tstieol'um (Barlow, p. 188-208) est un modèle de
Bierzo (Ordo quaerinioniae; Replicatio eerrnonum; catéchèse pastorale et un document historique impor-
Quod de superioribu11 q1taerirno,1iis rcsiduu,n sequitur, tant pour connaître les croyances de la Galice dans
PL 87, 489-457, et éd. C.-M. Aherno, V<ilurio of Bùirzo, la seconde ,:noitié du 6° siècle (S. Il((ac Kenna, 1-'aganis,n
Washington, 1949, p. 69-159) attestent la sur·vi van ce a11d pagan sur"ivals i11 Spairi up to the fall of the visi-
d'un idéal é1'é1niLlque pratiqué dans la solitude, sans gothic Kingdom, Washington, 1938, p. 88-107). On doit
règle ni supérieur. Valère t 695 peut être considéré encore à Martin là prernière collection canonique de
comme $On plus l;ypiquo r eprésenta.nt. Outre son la. péninsule, Capitula Martini (PL 130, 575-588;
autobiographie, où se reflètent ses tendances ascétiques Darto,v, p. 128-144) eL une Epistula ad Bonifaciurrt
(cf J. fi"ornândez, Sobre la autobiograf La de san Valerio de trina mersio,~e (Barlow, p. 256-258), intéressante
y su ascctisnio, dans 11ispania sacra, t. 2, 1949, p. 259- pour la liLurgie baplis1nale.
284), il nous reste de lui divers opuscules surtout
2° Ce qu'avait 6té saint Martin de Braga pour les
d'édification, pa1·mi lesquels : De (Jana _sacculi sapientia,
suèves, :,aint Lbandre de Séville t 601 le fut pour les
Dicta ad beat1t1n Donadeum, De Bonello nionacho, De wisigoths. De son patrimoine littéraire qui compl'enalt
coelesti revelalio,io, De ,nonachorum pocnitentia, De divers écrits polémiques antiariens et un recueil de
septùno gencre ,nonachoru,n (PL 87, (,,25-439), Epistula lettres, rien ne nous est parvenu, saur la le ttre d6jà
de bcatissirnae E'gcriae laude (421-426; éd. Z.f (Jarcla
mentionnée à sa sœ\lr F lorentina et le discours prononcé
Villada, dans Analecta bollandia11a, t. 29, 1910, p. 377-
à la clôture du troisiè1ne concile de Tolède (589), De
899), et U:ne vaste compilaUon hagiographiquo (6d.
triumpho Ecclcsiac ob con(Jersione,n Gothoru,n (PL 72,
:Et. F'ornândez Pousa, Madrid, 1942; M. Diaz y Diaz,
893-898). Le Serm() in solernniis .!>'. Vincentii (éd. A.-
Sobre la compïlaciôn hagiogrdflca do Valerio del lJicrzo, C. Vega, dans Scriptores ecclesiastici hlspano-lat.ini
dans H ispania sacra, t. 4, 1951, p. 8-28), très lue dans
16-17, El Escorial, 19'18, p. 133-136) est d'un espagnol
les 1nilieux monastiques postérieurs; olle est extraite
inconnu, antérieur à la fin du 7° siècJe (cf li. de Oaiffier,
en n1ajeure partie des Vitae Patruni, de l'lfi.~toria
dans Analecta bollandia11a, t. 67 = Mélanges Peeters,
mona11ltorurrt de Rufin et des dialogues de Sulpice
Sévère. La grande place faite au monachism~•égyptien
t. 1, 19t.9, p. 281).
Saint Grégoire le Grand dédia à Léandre, qu'il connut
, révèle les préférences du solitaire de Bièrzo. Lui et
durant sa légation à Constantinople (580 -582), le livre
saint Martin de ll1'aga sont parmi ceux qui ont trans•
des Moralia in Job qui eut uno si gra.ndo audience en
mis avec éclat en Occident les enseignements et l'idéal
Espagne (L. Serrano, La obra « Morales de S. Gregorio •
du monachisme oriental primitif.
on la literatura lii.9pano-goda, dans Revista de archivos,
5. Autres écrivains des 50 et 70 siècles. - biblù1tecas y nilt8eos, t. 20, 1909, p. 401-411). La Reg1ûa
- Durant le 5° siècle, l'Espagne vécut sous la 1nenace pastoralis du pape n'eut pas une moindre Influence sur la
des invasions germaniques avec leurs conséquences format.ion et l'id6al de sainteté du clergé espagnol; ollo
politiques, économiques, .culturelles et religieuses. est l'objet d'une des trois lettres conservées (éd.
Les premiers à traverser les Pyrénées furent les v:in- J. Madoz, Liciniano de Cartagena y sus cartas, coll.
dales en 409, suivis des alains et des suèves. En t11(t, Estudlos Onienses, l'l1adrid, 1948) de Licinien de Cartha-
les wisigoths apparaissent on Tarraconaise. 'l'andis gène (582-602) : De libro regularuni ad (;regorium papam
Que les vandales et les alains abandonnaient le pays urbis Rom«e.
dès 429, les suèves s'installaient au nord-ouest, occu-
La lE1ttre 8,u diacre Epiphane, où Licinien défend la spiri-
pant la Galice et y fondant un royaume qui dura jus-
tualité de l'û.uul, roproacnle un écho de· la l:ontrovorso onlre
qu'en 585, date à laquelle il fut annexé par Léovigild Fauste do Rioz ot Claudion :r.:1an1ort (De stat1t a11i,11ae, PL sa,
à celui dos wisigoths. 607-780). La troisièrno loltre, Atl Vi11ce11tiu1n episcopuni Ebttsi•
1° Pa'îens à l'origine, convertis S\ICcessivement au tanas insulae, s'en prend à la crédulité do Vincent, évêque
catholicisme et à l'arianisme, les suèves trouvèrent d'lviça, qui avait clonn6 foi à une « loltro tombée du ciel •
leur apôtre en sai1.1t Mariin dé J:h:aga t 580, originaire (J.-A. Platcro Ramos, Licir1iano de Cartagena y st, <locfrir1a
de Pannonie. Après avoir embrassé la vie 1nonastiquo espiritualista, 01\a, 194'6; C. Brunel, Vcrsionll es1>agnole,
provençale et française de la lettre du Christ tombée 1lu ciel, dans
1 '
en Palestine et séjourné dans le sud des Gaules, où il Analecta bolla,uliana-, t. 68, 1950 .., Mélanges P. Pootcrs,
entra en contact avec les cercles monastiques proches t. 2, p. 383-396).
de saint Césaire d'Arles, l'l'Iartin était venu vers 550 Du 6• siècle m&11tionnons encore le Trar.1a111s in Apocalyp•
se fixer en G:ilîce. Homme d'action, il est aussi un écri- sim d'Aprù1gi118 de lJJja (éd. A.•C. Vega, El Escorial, 1941),
vain. En plus de la traduction des Sentences /Û$ 1-'tlre/J obscur personnago sur qui nous ne possédons que la notice
égyptiens déjà mentionnée, destinée à servir de règle d'Isidore (De ,,ir,'$ illustribtts 31, PL 83, 1098-1009), ot l'Expli•
aux moines dn mena.store de Dumio qu' il fonda près c<llio mystica i1i oantica canticoritfrl (PL 67, 061-991,) de J1utc de
de Braga, son œuvre littéraire co1nprend trois opus- Urgel (527·6',6), probablement aussi aut11ur d'un sermon sur
saint Vincent, publié par J. Villanueva (Viage litcrario a l<-18
cules àscético-moraux (PL 72, 31 •42; éd. C. W. Bar- iglesias de JJ:spana, t. 10, Valenoo, 1821, p. 219-221).
low, Mar.tini Bracarensis opera omnia, Ne,v l·laven,
• 1950, p. 65-79) : Pro rcpellenda jactantia, De superbia, 30 Le sièclo suivant est dominé par la figure do
Eœh.ortatio hu,nilitatis, influencés par les lnstitu,ti,onc.~ saint Ifridore de Sbvillo t 636. De sa • production
de Cassien. Le De ira et la Formula vitae honestae encyclopédique, qui einbrasse les connaissances pro-
(PL 72, 41-50, et 21-28; Barlo,v, p. 150-'168, 286-250) fanes et 1·ellgieuses de son temps (PL 81-88), no\ls
sont inspirés de Sénèque. Le premier est un extrait do intéressent surtout les livres 6-8 des Origines ou Étymo-
l'ouvrage du philosophe de Cordoue et le second parait logies (PL 82, 78-728), la plus caractéristique et la plus
avoir conservé la substance d'un autre écrit perdu du c6lèbre de ses œuvres, le second livre des Différenr.es,
stoïcien, le De officiis (cf A. Liefoogbe, Les idées nzorales De diUercntiis rcruni siPe ditJcre11tiae th11ologicac "el
de saùit Martin de Brctga, dans lvlélangcs de science spirituales (PL 88, 9-98), et la première s01n1ne théolo-
religieuse, t, 11, 1951t, p. 183-146). Le De correctionc gique, les trois livres des Sentences (537-738), qui eut

l
1104 1105 v1° ET v11° s1f:c1.Es 1106

.e de une si féconde postérité. Les Sentences sont un résumé p!iïo1111c c l :culture chrétienne), p. 807 (Culture antique rJ n
do, la doctrine théologique et mora.lo fondée princi- culturu 1nédl6vale).
npor•
dnns palement sur ~aint Augustin et saint Grégoire le Grand.
Isidore s~ trouve on plein dans la tradition patristique, 4° Disciple de saint Isidore de SéviJlo ot son intime
inism
..
visi- dont il fut un des grands vulga,•isateurs au n1oyen collahorateur, saint Braulio (631-651), évêque de
l doit âge, avec son De fide catlwlica (contra judaeos (449- .SaraKOSSe, écrivit une Vita 11ancti Aerniliani et une
1e de 588), interpl'étation christologique des prophéties de hyinnc liturgique en l'honneur du saint (PL 80, 699-
-588; l'ancien Testarnent, et avec ses traités exégétiques 7'16). Ses quai•ante-<l,eux lettres sont riches en données
wium (notamment Mysticortirn eicpo,qitiones s(1cramentoruni 11eu historiques, culturelles et spirituelles.
aante quae11ûones in c>etus Testa1ncntu1n, Liber nurnerorurn OS, t,. 1, col. 11125-1!!26; l. 8, col. 1078. - J. Pérez de Urhel,
qrti in ,5'aeris Saripturis ocattrrunt, Allegoriae quaedan-i nrt. S. Braulio, DHOEJ, t. 10, 1937, col. ~,1-~53. -
saçrae: Scripturae, PL 83, 207-424, 179-200, 99-130), Çh. 11. Ltnch, Saint Braulio, JJisliop of Sar(lgossa (1131-1151).
li' les ouvruges de typologie biblique qui exposent le sens !fis li/11 and writings, Washington, 1.988; mi$ à jour : Ch.
tir les Lynch ot P. Galindo, Sa11 Braulio, ol>ispo de Zaragoza. S1t
allégorique et mystique dell Bcrittu•os /lelon Origène H. Pida 11 susobr<ts, l\ladrld, 1950. - J. Madoz, Epislolario de sa11
renait et saint Augustin. Le Do ecclcsiasticis offeciis (737-826; JJrciulio clc Zarago~a, coll. Biblioleca do antiguos ei,critorea
)il de A. C. La,vson, The .s·ourccs of the « De eaclesiasticis cristin11os espniloles 1, Mndrid, 19'11.
1 déjà olficii:; " of S. Isidoro of Se.c>illo, dan/l ne()UIJ bénédictine,
noncé t. 50, '1988, p. 26-86, rési.uné d'une thèse inédite) Son successour immédiat, Taïon (651-683), continue
➔), De traite du culte, des sacre1nonts et de la liturgie, de la avec ses Sente11ûar11,m libri v le genre littéraire des sen-
L 72 hléral'cl1ie et de ses ,ninistres; destiné à devenir lo tcnc,~s inauguré pal' I$idore; cc vaste florilège est tiré
d. A.-' vade-mecurn des clercs, il contribua; plus que tout dans sa quasi totalité des écrits de saint Augustin et
•latini antre ouvrage, avec les Ety,nologiac, à la renommée de saint. Grégoire le Grand (PL 80, 727-990). l)'uno
1ngnol médiévale d'Isidore. œuvJ'è silnilaire, mais d'un contenu exégétique fondé
1iffter, De caractèro pénitontîel, los Synonym11, de lamenta- sur les traités g,·égoriens, - d'ailleurs inspirée vrai-
1eters, tione anirnae peccatrici.s (PL 83, 825-868), peut-êL1•e la semblablomont comrne la précédente par la compila-
plus personnelle des rouvres d'Isidore, annorl.cent en t~n de Patérius que 'l'aïon put connattro à Rome ~,
onliut quelque manière les 1néditations cl'u n saint Ansehno· une part considérable est peut-être conservée dans le
, livre ou d'un Jean de Fécamp, plus que l'lrnitation de Jésus- ms 2 de la cathé()1•ale do Lérida (éd. .A.-C. Vega, Esparïa
100 en
• Christ à qui on los a comparés. Au preinier livre, consa- sagrada, t. 57, Madrid, 1957, p. 271-399). Récemment,
gorio • cré à une plainte lyrique de l'Ame sur son péché, s'oppose on a aussi rovondiqué pour l'évêque de Saragosse la
ihi11os, le second où s'accumulent les préceptes moraux et paternité du commentàire du Cantique dos Cantiques,
tfègula ascétiques, dans un style qui rappelle à la fois Sénèque De allnigmatibus Salornoni8 (PL 67, 961-99~; éd.
1sur la et les livres sapientiaux de la Bible. Il conviendrait A.-C. Vega, ibi<lcm, p. 411-419; cf R. Etaix, ,Note L

11; ollo d'ajoutor oncoro la Rr.gula rnonaclu>rttni, dont on a sur l1! De acnigrnatibus Salomo11is, dans Mélanges de
~ (éd. déjà. fait menUon, et l'opuscule pédagogique lnstittt• science religieuse, t. 15, 1958, p. 187-142), communé-
·, coll. tionurn di$ciplinac (éd. P. Pascal, dans Traditio, t. 13, ment attribué à Juste do Tolède.
artba• 1957, p. 428 svv), si son origine isidoricnne no paraissait
paparn 50 Contemporaine de l'école de Saragosse, se déve-
P1lS fort douteuse. La doc.trine spirituelle d'Isidore loppe celle de Tolède, liée à saint Isidore par l'inter-
présente des aspects aussi divers que Io sont ses sourcès; médiaire de saint Ildefonse : ses représentants illus-
.a spirl- ses enseignements font d'ordloail'e écho à la tri,.dition trent la dernière période de l'Espagne wisigothique.
e onlre qu'il recuoillo, ordonne ot systématise; on y remarque P1•omier rnonurnent de la littérature rnariale en Espagne,
PL 53, curieuseinent des sul'vivances profanes qu'il doit à son le L ibellus de 11irginitate perpetua Beata,i Mariac contra
, Ebtisi• commerce suivi avec l'antiquité païenne. tres infidelcs (PL 96, 53-110; éd. V. Blanco Garcia,
ovêque
u olol • Nous possédons u ne n.~sez bonno monographiu sur lu spiri- Madrid, 1937) est l'œuvre la plus fameuse de saint
ioctrina ~uulité d'Isidore (P. J. Mullins, The q1>irit11al lifo according w Ildefonse de 'l'olède (657-667; cf A. Braogelmann, The
,agnole, sai11t l sitlor~ of SePiUo, Wa~hinl(lô11, 1\1'10), cxpos6 syntbé• life 1Lrtd ,i,ritù1gs of saint lldefonsus of Toledo, Washing•
cl, dans tiqua (précédé d,'unu éluda incô1nplèlo dos sources et de leur ton, '1942; J .-M. Cascaote, Doctrina maria11a de S. IldR·
Peolers, usago) dos truils les plus saillants do la spiritualité isidorienne: fonso de Toledo, Barcelone, 1958). Le Libe,llu~ a l'allure
la co111poncU011 et la pénitence (con1•crsio pénitentielle, sacre- d'unHcontroverse théologique surtout antiju1vo, encore
iocalyp• ment de pénitence; ibidem, p. 79•111; cf B. Poschmann, Die
abc1ullêi11<lischc K irchc11bussc in1 A 1i.sga111:1 des christlichcn
qu'elle soit plus affective quo spéculative. Pour l'histoire
, 19~1),
t notice Altcrtums, Munich, 1928, p. 278-299), la. viH dè la grAoo et les du catéchuménat et de la liturgie baptismale en
l'E:z;pli• vertus, Je rôle de )'Esprit Saint dans l'œuvrll d e sanctification ll)spagne, le Liber de cognitionc baptismi (PL 96, 111-~ 72)
Jtu1tc de et l'elllcncité des sncreroantii, an p11rU<:ulier l'euchari~tie revêt un exceptionnel intérêt; on a_prétendu sa_ns raison
non sur (J. l:lnvet, Lps tacre111ents et id r,Ue de l'E'sprit .Saint t.l'aprl:$ valable y voir une réplique du Liber responsionum ·ad
·io a las J~idore de S,Ji,il/8, danH l1pho111ori.des thcologicac lo11a11ie11ses, quemdam rusticum de interrogatis quaeftionibus, l'i.n~-
t 16, 1!l3!l, p. 32-93; J. R. Oclsclmann , Jsr:dor 1><111 Se()il/a und truclion prôbaptismale, perdue (S. Is1do1•e, De ,nris
das $acra111e11t der Eucharùuio, Munich, 1933), les divers élfils illustribus 83, PL 88, 1090-1100), de Justinien de
ure de do porrocUon, clcl'cs, laïcs ou religieux, l'union avec le Christ
iuotion (et J.-F. Sagücs, La doctrine, clcl cucrpo ml~tico e.n san Isidoro c/11 Vulence (t vers 548). Formant un tout avec le précé-
is pro- Sc11illct, dans Estu<lios cclesiâsticos, I;. 17, 191,a, p. 227-257, dent, le De itinFJrc: deserti (PL 96, 171-192) décrit los
1, nous 829-360, 51'?-lilo.6) Qt l<1 contemph1tiQn, îdt\1.11 de la vie chré- étapes de la vie spirituelle symbolisées dans la 1narche
Etymo- tienne et sommet de l'asèension spirituelle. - Voir Miscellanea du peu1,le hébreu au dés.e rt jusqu'à la Terre promise.
la plus J,idoriana, Rorr1e, 11136. - Sut· los 6lô1ncnts antiques dans h1 Le .[.,:&cllus de corona Virginis (PL 96, 285-318) et les
spiritualil6 isido1·icnnc, voir J. Fontaine, Isidore de Sé11ille et '14 serinons publiéi; SO\lS son nom (289-284.) ne sont. pas
érence11, la culture an1iq11c dans l'Espagne wi~ig(>tlu:que, 2 vol., Paris,
'.èae 11el cl'Jldefonse (Il. Barré, L e serrnon « Exhortatur 1, est-il de
1959, passim., el on par ticulier t. 2, p. 677 oL svv (Psychologie
tb~olo- et philosopbie n1oralA), p. 702 (Présence do la s11gesse stoï- 6 aint Jlde/onse?, dans Rei>uc btlnêdicti,ui, t . 67, 195 7,
qui eut cienne dans la n1ystiqne des Synonyma), p. 785 (Culture p. 10-33).
,

1107 ESPAGNE PATRISTIQUE 1108


6° De son :;;uccosseu1•, saint Julien (679-690), le t. 2, 1949, p. 459-484, et J .-M. Pinell, Boletin de liturgia
plus gl'and théologien et le plus original des écrivains hispa110-1,1isigotica (1949-1956), t. 9, 1956, p. 405-428),
wisigoths, 1nentionnons les Antilctiinienon libri duo Signalons les livros lès plus irnport!l°n f.s, en r(lison soit da l~ur
(PL 96, 595-70<t), interpréta Uon de passages obscurs formation indépendante, soit do leur contenu ; Jo Liber ordin1ut1
et apparemn1ent contradictoires de la Bible, un De en lisage dans l'Êglise ,visigothiquc ot moznra!Jo d'Espngno
remediis blaspltcmiae (1379-1386), contre ceux qui du 5° au 11° siècle (éd. M. Fu!'otln, coll. Monu1n0nla Ecclesiaa
affirment que les âmes ne recevraient rêcomponse ou liturgica 5, Paris, 1!lO~) et Le Liber n1qzarabic11s sacra111antoru111
ch~timent qu'après le jugement dernier, le Liber et les.11u.ii1uscrits 111r>:.c1r<1bcs (ibid-11111, t. 6, 1912), qui donnent
Progno,çticon futuri saeculi (458-524), ouvrage dogma - respeçtîven1ent les formules des sacrements dont l'adniinls•
tico-ascétique sur les fins dernières, du genra des sen- lration était réservée à l'évêque et les oraisons de la niesse;
lo Liber Cornniicu.~, c;ollaction des lectures bibliques de la messe
tences, d'a1n•ès les auto1•ités patristiques. Véritable et de l'olllca (éd. J. Pérez do Urbol et A. Ooninler., coll. Mont1-
tnanuel (A. Veiga, La doctrina cscatoltlgù;a de san 1nonta Hisp11niaa s111\ra, séria liturgique 2-S, Madrid, 1958-
Julian de 'l'oledo, Lugo, 19',0), les 152 manuscrits 1955; cf A. ~fundô, El Co111111icus Pali111sest, Pa,•is lat. 2269,
conservés prouvent sa diffusion au moyen âge. Les coll. Scripta et docunicnta 7, Montserrat, 1956, p. 151-277);
œuvres de Julien révèlent une connaissance patris- l'Hon'liliariiun ou Liber scr1non.1tn1, encore inédit, rùpcrtoire
tique peu con1munc (J. Mad oz, Fuentes tcologico- do lectures patristiques réunios dans le même but; le Pasio•
literarias de san Julid11 de Toledo, dans Gregoria.11uni, 11ario hi$pdnico qui contient les pa11sions ou vies des martyrs,
t. 33, 1952, p . 899-417), ce qui suppose l'existence d'une divisées en lactur8S po11r l'otllce et la ,nesse (éd. A. Fabrega
Grau, coll. llfonu111or1ta lils pQ1ÜQO Sàt:ri.l 6, 2 vol., :tvfadrid,
riche bibliothèque ù l'évêché de Tolède, où les auteurs 1953-1955); lo Liber hyninorrim fornié du 6° au 11• siècle, qui
ch1•étiens devaient être abondamment représentés (J.- réunit quelqt1e 200 hy1nnes, pour la plupart d'origine espagnole
N. -Hillgarth, St. Julian of 'l'okdo in the Middle Ages, (êd. C. Blu1nc, Die 1Jfozarabischè11 Hymnèll dès alt-spc11tiscltc11
dans Journal of the fVarburg and Courtauld lrtstitutes, Rittts, coll. Analecta hymnica medii aevi 27, Leipzig, 1897) et le
t. 21, 1958, p. 7-26) . J.,i/Jcr l)rationum avec sa double série d'oraisons pour l'office
Pour le fonds religieux qui prédo,nine dans une (éd. J. Vives, Oracional 1'Ï$ig6tico, coll. Monumenta Hilipanîae
grande partie de ses co111positions, on ne doit pas oublier s11çru, aêrie liturgiqt1e 1, Barcelone, 19'•6; A. Wilrnart et L. Brou,
le no1n d'Eugène de Tolt\dc (archevêque de 64G à 657), le The Psalter Collects, coll. l·l enry Bradshaw Society 83, Londros,
1 !l',!l).
seul vrai poète de l'époque ,visigothique, •qui, avec une
indicible tristesse, chante la paix, l'a,nour, la fragilité Tous les 1natériaux de ces co1npilations ne sont pas
de la vie humaine, la pour devant la 1nort, les angoisses originaux ni de pre1nière main. Des trace!l d'autres
do l'âme et l'h61•oîsme des saints (Carniina, ôd. Fr. liturgies occidentales, africaine et byzantine par
Voll1ner, MGH Auctores antiquissimi, t. 14, 1905, exemple, alllourent fréquemment; quelques pièces où
p. 281-270). se combinent curieusement des éléments hagiogra-
La littérature hagiog1•aphique est représontéo, on plus des phiques, théologiques ou ho1nilétiques, empruntés
Uluvros déjà citées, pnr la Vita Ildcfqnsi écrite par saint Julion à des sources et à des autours divers, se présentent
(Dibliotlleoa ha1;io,;rap/tic(z latit1a, t. 1, Bruxelles, 1898-1899, comme de vrais cantons.
n. 8917b), la vlo de Julion co,nposéo par Félix (o. 455,, ) et le La liturgie péninsulaire conserve cependant sa phy-
Liber de 1ransit1t S. lsidori du diacro Rédetnptus (n, 41,82). sionomie propre qui la distinguo nettement dans son
li1algré le ton panégyrlquo, lo fonds historique de ces récits fond et sa forme. Parmi les traits les plus saillants, rn,en-
parait suffisanunent garanti. On peut en dire autant, 1nais
nvec des réserves, do la Vita vel passio aa11cti Dcsidcrii <•piscopi
tionnons son caractèl'e dogmatique, trinitaire de pré-
Vie,uwnsis (éd. B. l{rusch, MOH Scriptores rer11111 11wr(l(IÙl• férence, l'insistance sur l'aspect rnoral, ascétique et
" gicaru,11, t. il, 1896, p. 630 -637) du roi Slsobut (612-620), vertueux de la vie chrétienne, le ton affectueux et la
auteur ùe poèml:ll! At. <le l1;1ttres. Dnns l'une (PL 80, 370-372; chaleur de sa piété, Ja large place réservée à l'élément
éd. W. Gundlach, M<}H l':pistolae nicroYingici et karolini ae'1i, sensible, extérieur, dramatique et symbolique, la rédac-
t. a, 1892, p. 069-671), il fllit l'éloge de ln vie 1nonastlquc, et tion solennelle, d'une splendeur et d'une opulence orien-
dans l'autre (PL 80, 372-378; ~10H, p. 671-675), adressée aux tales. Les conditions religieuses de l'Espagne et d'autres
souverains lonibards Adaloald eL Théoùalinde, il rérute circonstances extérieures ont sans doute contribué à la
l'hérésie arienne.
for1nation et au développement de ces tendances; il
6. Laliturgiehispano-wisigothique. -1o Livre• fau t au:;;si compter avec le tempéra1nent et la psycho-
Uturgtquo•. - Dans un exposé de la spil'itualité espa- logie des habitants. On ne peut oublier la part active
gnole à l'époque ,vislgothique, pour sommaire qu'il que les fidèles devaient prendre, dans l'esprit dAS orga-
soit, on ne peut 01nettre les œ u vres liturgiques, qui, nisat.eurs do cotte liturgie, aux principaux actes du
en grande partie, no sont pas plus qu'un prolongement culte, participaUon qui se dégage des textes et de la
de l'acUvité littéraire des auteurs cités. La tradition distribution des !onctions. L'adaptation de la liturgie
et les sources les meilleures signalent en elTet Léandre au 1nilieu était une condition indispensable de son
et Isidore de Séville, Draulio de Saragosse, Eugène, efficacité pastorale. Aucune aut1'e source contemporaine
lldetonse et Julien de Tolède, comme les principaux ne nous manifeste d'une manière aussi co1nplète et
artisans du « corpus liturgicum » wisigothique que aussi profonde la vie intérieure de r:eglise wisigothique
nous connaissons. Ils n'ont cependant pas été les seuls; que ses livres liturgiques : ils nous introduisent au
• on doit leur ussocier d'autres évêques, co1n1ne Pie1'1'e de cœur de la tlléologie, de la spiritualité et des pratiques
Lérida, Jean de Sa1•agosse, Conancius de Palencia, d'ascèse et de dévotion. Pour ce d ernier point, il fau-
Quiricus de Barcelone. Mais, dans la majorité d es cas, d1·ait rappeler le culte des saints, rnodèles et inter-
vu les indications imprécises et l'anonymat de presque cesseura (ce culte est déjà profondément enraciné à cette
toutes les pièces do cos livJ'es litu1'giques, il est impos- époque, bien qu'il s'adresse à un nombre relativement
sible de déter1nine1· avec certitude la part qui revient J'estreint de saints, cf J. Vives, Sanctoral 111'.sigodo en
à chaque auteur. La recherche moderne aboutit parfois cale11darios e inscripciones, dans Analecta sacra taraco-
à dos résultats convaincants (voir dans Hispania ruu1sia, t. 14, 1941 , p. 81-58), et certaines manifestations
1Jaçra, L. Brou, Bulletin de liturgie mozarabe, 1936-1948, typiques de la piété mariale (L. Brou, Les plus anciennes
1108 1109 LITURGIE. CONCILES 1110

irgia prières liturgiques adressées à la Vierge e11 Occident, dans expl'essions multiforn1es de la piété liturgique et privée,
8). Hù1pàriÎa /Jacra, t. 3, 1950, p. 871-381). A la diff6rence de saluer les premiers indices et les pre1niers fruit.s de
9 l@ur de la liturgie rornaine où le Verbe incru·né Lient surtout d6votions qui auront en Espagne un si brillant avenil',
!inum la placo de Médiateur entre Dieu et les hommes, c'est coino,e les dévotions mariale et euchadstiquc. Conjoin-
pagne à la Personne même de Jésus-Christ, plus qu'au Père, tement à un zèle très vif de l'orthodoxie et à un sons
:loslao que s'adresse d'ordinaire la prière liturgique wisigo- développé de la catl1olicité, notons enfin la nette ten-
tort,ni thique. La lutte séculaire ql1e l'Eglise espagnole eut à dance à une ascèse austère et l'élan mystique qui anime
nuent soutenir contre l'arianis1ne a dt\ sans doute contribuer cortains textes liturgiques et lit.téraires, expression d'une
uinîs• piété a1•dente et impétueuse. Autant de manifesta-
1esse; à éatte orientation étninemment christocentrique; celle-
me,$8 ci, à son tour, paraît avoir inlluencé les liturgies il·lan- tions qui caractériaent le christianisme ibé1•ique durant
1{onu- daise et franque (cf ,T.-A. Jungmann, Die antiaria• la période que nous avons parcourue,
t 953· nische Bewegung ùn Abendlande un<l die Wege ihrcr m. Pérez Pujol, .Historia de las institaciones 1u)ciales de la
2269, rcligios-kulturell,n1 Ausn-irkung, TU, t. 63, 1957, p. 633- Espcuici goda, Valence, i896. - E. Magnin, L')J:t;U.11e wisigo•
-277); 68/i ). tlliquc au vn• sûlcle, Paris, 1912. - z. Garcia Villada, /lis•
rtoire tori<1 eclesiâstica de Espana, 8 vol., Madrid, 1929-1936. -
Pasio• 2" L6ipslation conciliaire. - Dans la formation A. K. ½ioglor, Clturch a,11:l State i11 visigothic Spa.in, \:Vashington,
rtyrs, et l'évolution de la litul'gie, un rôle consid6rable revient 19ao. - A. d'Alès, Priscillie11 et l'Espagne cllréticn11c à la fin
brega aux conciles nationaux, en premier lieu aux dix-huit du ,v• siècle, Po.ris, 11936. - J. Pérez de Urbel, Los Mo11;es
~drid, conciles do Tolède tenus entre 1,00 et 701; leur action qspafiolcs c11 la edad n1edia, 2• éd., Madrid, 19/i5. - .J. Madoz,
o, qui unificatrice a cherché à réduire les difTérences assez Un dcccrii" ,~ estudios patrlsticos en Espatia (1931-1940), d a ns
,gn.ole considérables entre les diverses régions, à en juge,• Rcvi~f.<1 cspa1iota de teologla, t. 1, 19t,1, p. ll10-0G2; Seg11-ndo
iscllen dcccnio de est.t1dios sobre pc1trlstica espaffola (1941-1960), coll.
) et le par la tradition 1nanuscrite des principaux docun1ents.
La législation conciliaire ombrasse aussi des aspects Estudioa Onianses, Madl'ld, 1951; Literatura latino-cristianri,
'office dnn~ Historia t;e11erat de las litcraturas hi.spânicas, t. 1, Darce,

,an1~0 doctrinaux et disciplinaires. Les professions ou for- lone, 19',ll, p. 85-140. - T . Ayueo Marazuola, La Vctits la.ti,111
Brou, mules de foi de quelques-uns de ces conciles; par Jour hispa11a . .Prolcg6n1.crio8, t. 1, Madrid, 1958. - J. Fernândei,
ndros, perfection rédactionnelle et leur précision théologique, J.a cura pastoral en la Bspaila ron1ano11isigoda, Rome, 195::ï. -
occupent une place éminente dans la littérature des , U. Domlnguei del Val, C11atro anos de bibliografla sobre
t pas symboles (cf .J. Madoz, Le sy1nbole du x1 8 concile de patri.stica cspa,îola, dans Rs,,ista espa11ola de teolog!a, t. 15,
1utres Tolède, J.,ouvain, 1938; El simbolô del concilio x vI de 1955, p. 399.4~1,. - M. l'lfcnéndcz y Pelayo, Historia de los
par Toledo, coll. Estudios OnienseiJ, Madrid, 19(16). hetcr<uloxos C$p(J.l!oles, t. 1, Espar1à romana y visit;oda, 5• éd.,
ilS où
BAC, Madrid, 1956. - U. Domlnguoz del Val, Patrologf.a
Pour connatt~o J'orgnnisation et ln dîsciplino occlusiasUqucs espaiiola, 4• ûd., publiée en appendice à là 4• éd. de la trn-
ogra- èommo l'histoire des institutions religieus0H en Espagne, on lie duct.ion espagnole de B. Altnner, Pa-trologia, Madrid, 1956. -
unlés peut négliger les collections canoniques, surtout celles de A. Mund6, )l nion<1c/icsirno 11ella pe11isola iberica fino ai sec. vu,
ntent saint Martin de Braga, Capitula Martini, l'Epito,nc l1ispc111a dans Il monaclicsitno 11ell'alto 1ncdioe.vo c la fonnazio11e della
(cf PL 5G, 286-291) et la Collcctio hispana liée au no1n de Civil1<i occi<lc11tale, Spolèto, 1957, p. 73-117. - 1'1.-C. D laz
phy- saint Isidore (PL 114, 9::1-11411; éd. C. Garein Ooldaraz, J:,'l y Diaz, l11dex scriptôrt,111 la1.i11or11ni 1ncdii acvi hispanoru,n,
côdicil lttcence de la col6ccion canônica hisparlà1 3 vol., Ro111e- • •
s son Madrid, 1958.
m,en- f,{adrid, 195it; cf A. Arino Alatont, Colcccio11 ca,1611i(la his1>a11a, Cyprien BAnAur.
Avi.la, 1941). Très répandue à partir de la seconde ,noiliu du
pré- 7• sil\cle, 1nén1e hors d'Espagne, ln Collectio hispana jouit,
le et spécialement à partir dos ca rolingiens, d'un c,rédit incon1pa- II. PËlUODE MÉDIÉVALE
et la rnblo, donnant le jour à une nornbreuso descendance conime
iment l'Hi$pa11a gallica, l'Hispa11a d'Aut1u1, etc, et finalement à 1. Aux 8 6 et 9 8 siècles. - Lorsque le sol
'édac- la collection des Fauss~s décriltales pse1,do-i.sidoricnncs. espagnol passe presque tout entier sous la domination

>rien• En possession de la collection canonique la n1ieux co11stituée des n1usulmans, il faut attendre plus d'un siècle avant
1utres du 1noyen âge, il semble que l'Espagne n'1-1it éprouvé que très que lt➔S chrétiens, - on les appelait des mozarabes - ,
.é à la tnrd la nécessité des l'ct1itentiales, qui curent tant do succès donnent à nouveau témoignage. Ils acceptent Jo martyre
es; il aillours. Si on excepte le pénilantiol pscudohiéronyniicn (PL 30, et n1ôme s'y olT!'ent volontairenient, pour se montrer
,ycho- i2G-434), dont l'origine èspagnolo est douteuse, les pins les dignes dî&ciples du Christ. La spiritualité se rnaniftmte
1ctive ·nncions ont été co,nposés aux alentours de 800 (G. l,o Brns, alors dans la d6fense du 1nartyre et l'exaltation des
orga- Pé1ti1<J11.tiels espat;nols, dans Revue hii;toriq"c d11 droit français confesseurs de la foi, encore qu'il ne tnanque pas d'apolo•
lll du
et étrant;er, t. 10, 19a1, p. 115-131; S. Oonzalez, Los peniten•
ciales espaiiol6s, dans Esttulios edcsit1sticos, t. 16, 1 ll42, p. 78-98) gies repoussant los attaques portées contre les chrétiens.
de la et n'appartiennent donc plus à l'époque ,vii;îgoLhiquc. Saint Euloge est le meilleur té,noin de cette époque.
turgie A Cordoue, - l'unique ville sur laquelle nous possé-
e son Abondante et très variée, l'ancienne littérature dions des documents conte1nporains - , la chrétienté
>raine chrétienne péninsulaire pern1et, dans son onsomble, de continue à. tenir ses 6coles. Par elles, la doctt•ine et la
,te et se faire une idée assez exacte de là vie religieuse en foi de1neurent vivantes; les commentaires des Pères,
:hique Espagne durant les sept pl'e1niers siècles. La production surtout ceux de saint Isidore, les transmettent à chaque
nt au théologique met au premier plan le dog,ne tl'initairc et génération. Trois écoles basilicales, sans compte!' celles
tiques la christologie, conséquence de la réaction antiarienne des nombreux monastères voi6ins, maintiennent vivaces
l fau• et antipriscillianiste, ce qui ne laissa J)QS d'avoir de pro• la science et la fe1•veur. Certes, les écoles 1nusuln1ancs
intor• fondes r<,pe1•cussions spirituelles. Les sources contem- jouissent d'une ce1·taine renommée et la culture 1nusul-
t cette poraines nous donnent dos renseignements particu- mane éblouit quelque peu les rnozarabes; les écoles
ornent lièrement riches sur des thèmes allS$i importants que chrétiennes cependant, florissantes avant l'invasion,
,do e11
l'idéal de sainteté du clerc, la charge pastorale, la vie soutiennent leur réputation, si nous en croyons V. La-
araco- chrétienne et, en particulie1•, le développement, l'orga- fuente ,(/li:itoria de las universidades e.9paiiolas, l\1adrid,
o.tion.~ nisation ot los aspirations du monachisme. Ces sources 1884, p. 83-34.).
iennes nous perrnettent de r•ecueillir aussi, et ample1nent, los L'école la plus renommée, celle où se forn1è1•ent
1111 ESPAGNE MÉDIÉVALE 1112
saint Euloge et Paul Alvaro, était dirigée par Esperai,1- En ces 1nêrnes années vivait LéaPigild de Cordoue,
deo (Espérandieu) t 853. dont le De habitu clericoruni (vers 864) rappelle le sens
Ce maHre compo$a les Actas de los m11rtircs Adolfo y J1u,n, mystique des vêtements ecclésiastiques. - Les Epi-
ugorgés en 825 (Euloge en a conservé des passages drtns l!On gran1n1ata do l'archiprêtre Cyprien de Cordoue (ES,
M11111orialc $anctor1,1n), un Apologético dirigé contro la doctrine t. 11, p. 52 1~-528; PL 121, 567) étaient destinées sans
do 1'fahomet (un trngment du chapitra. 4 dans lo 111eniori<ilc) doute à servir d'épitaphes.
et un opuscule Co11tra /Jët/..'li qtti repousçe11t la Tri11itt! <!I la iiil'i•
nité du Christ (ûd. F. de Lorenzana, l'atrurr, .. , t. 2, J>. C.89-642; Fragments du DB habilu : F.18, t. 11, p. 522-52H; PL 121,
PL 115, 962-966). 6G5-irl.i6. - Le 1ns est à la bibliothèque de l'Escol'lit.l, salon
C¼. Antolln, dans Boletln de la roat A.cadcr11ia de la historia,.
Saint: Eulogc de Cordoue t 859 (ut l'â1uo de la t. 55, Madrid, 1909, p. 102 : L. SetrâJ111 a publié quasi intégra-
résistance spi1•iluelle. Dans son Mc,n.oriale sanctorum, lo1nant lo JJc /iabitu, ibi<lcni, t. 5,,, p. 500•518, d'après un ir1S>
il raconte la vie dos rnartyrs ot les défend contre les de lo. bibliothèque iabalburu de Madrid.
pusillanimes; son Apologetiou,n sanctoru1,n ,narty-
ru,n (857) glorifie lo 1na1·tyre, pou1• lequel il s'offre Ces espoirs littéraires et spirituels furent sans lende-
lui•mêrne; le Docume11tun1. rnartyrialo (851) exhorte les n1ain. Les mozarabes s'honorèrent do leurs marty1·s,
p1•isonniers à achever glorieusement le combat; on mais l'intérê t et les persécutions, nota1nment sous
conserve aussi cinq lettres d'Euloge. Abderran1an 1 (756-788), Moharned 1 {852•886) ot
Abderramf:tn 111 (912-961), provoquèrent de nombreuses
Éditio11s. - A1nbl'Olso de llforalos, Sa11cti Etûogii opera, apostasies. L'organisation ècclésiastique fut boule-
Akala, 157r.. - A. Schott roprodtût Morales dans se$ /fispa-
niae illw1tratae... scri]itorcs varii, t. 4, Francfol'L, 1C.08, p. 213· versée : on no pouvait guère réunir do conciles, des
372. - F. do Lorenzo.na, Patru111 ecclcsiae 1'oletanli<' opera, diocèses t'esLêrent sans évêques. L'islanlisation cultu-
t. 2, l\'la.drid, 1785, p. 391-642. - PL 1·15, 731-870. - A. Ruiz, relle et religieuse gagna du terrain (circoncision, a1>stl-
Obras conipù:tcis ds S. Eulogio, toxte et trad., Cordoun, 1.959. nence de viandes impures, polygamie, concubinat des
1'ravau.;i;, - W. W. de Baudissin, lJ:1.tlr>gius "nd .4/"ar. Eù1 clercs, etc). Beaucoup de chrétiens s'échappèrent,
Absch11itt $p<111ischer 1(ir<:licrigcscliiali1e, J_.,eipzig, 1872. - d'autres furent exilés en Afrique. ,Jusqu'à. la libération
J. P6rcz de Urbel, Sa11 E'ulogio de C6rdoba o la vidci <111dalu.za du territoire l'activit6 des mozarabes ne se déploiera
c11 cl siglo 1x, Madrid, 1028; trad. A Sai11t u11d._ct Il'!oslc11i Rule,
l\filwaukoo, 1937. que sous l'reil vigilant des califes.
Parmi les espagnols installés à l'étranger, il convient
L'inthne ami d'Euloge, Paul Alvaro t 861, e1,t 'aussi de n1entionnor le$ évêques 1'1léodulphe d'Orlêans t 821,
un enthousiaste défensou1· des martyrs. Son Iridiculus Claude do Turin t 827, Agobard de Lyon t 840, Pru-
lunii11osus (854) ranin1e la ferveur chrétienne et attaque dence Galindo de Troyes t 861.
la doctrine mahométane, qui atUrait les mozarabes; En dehors des llistoires ocdéaia.at.iques et littéraires concer- '
sa Vita Eulogii perpétue la mémoire de l'illlll!tre nant cett.e période (J. A111ador de los Rios, V. Laruonlo,
martyr; son Carmen de Philomela est composé de P.-B. Onm11, M. Menéndez y Pelayo, z. Garcia Villnda, etc),
dix morceaux poétiques en l'honneur des nîartyrs. on pout coru,ult{)r : •
li écrivit sa Confessio peu avant de mourir; il reste 1. Cordoue. - ES, t. 10, p. 344-471; t. 11, p. 1-10, 300-324, •
vingt lettres de lui, précieuses au point do vue littéraire 517•522. -J. Oomez Bra.vo, Gatti.logo do los obispos de C,Srrl1>/J(1,
et doctrinal. 2° éd., t. 2, Cordoue, 1778, p. 105-198. - A. de Morales,
CQrônica goneral de 6spalla, 3 vol., Alcala, 1674-1577; éd.
E. F'lôrez, d1111s Espanci sa,:rada ( = ES), t. 11, p. 62-299. de Madrid, t. 7, 1791, p. 256-407. - J. Bourret, De schol<1 Cor-
- PL 121 , 397-566. - La î'ita è'ulogii fut publléo par A. de 1l11b<1c cliristia11a su~ senti.~ Ornniadita.rum i,npcrio, Paris, 1855.
l\.[oralos, A. Sebou et F. do Lorooz11na au début dH leurs 2. A1itrcs rrlgions. - t,. Serrano, El obispado de Burgos y
éditions d' li)u loge; ég11l11ment dans : ES, t. 10, p. 565-587, 11vec
C,istilla prin1it.iva à,isde el 11iglo v cil x111, Jl,ladrid, 1935. -
l'hy1nna et l'épitaphe; AS, n1ru-s, t. 2, p. 89-95; J . Tn,uayo Sala- L. Araujo Costa, La literatnra e11 !ienipos d« Alfonso cl casto,
ia.r, Mar1yrologiun1 hispa11icun1., t. 2, Lyon, 1652, p. 167-175; dans Estudws sobre la n1011arqula aqturia.11a, Oviedo, 19r.9,
éd. A. Ruiz, citée ci-dessus, p. 1•!tll. p. 391-410.
L. Traube étudie et udiLo la production poétique d'Alvaro, 3. Mozarabes. - F. J. Shnonet, 1/istoria de los moz,lrabes de
1'{01-1 Poctae la1i11i acvi caroli11i, t. 8, 1896, p. 122-142. - Espana, M11drid, 1903, p. 319-487. - M. Gomoz Moreno,
C. Blum,e publie un poèmo et l'hymne d'Eulogo dans son J glosias ,noz6.rab~s, Madrid, 1919. - A. Gonzalez Paloncin,
Hyni11odia gotica, coll. Analecta hymnica. medii aevî 27,
los niozarabes de Toledo en /()s siglos XII y x111, a vol.,
l,eipzlg, 1897, p. 169-1 71 . - J. Madoz a donné uno édition ~fadrid, 1926-iOHO. -1. da IM Câjigas, Los M().wrabcs, Madrid,
<',ritiquo do l'Epi$tolario, Madrid, 19!.7. - G. l\.{. Sage, dans sa.
~947.
biographio, Pflul Alvar of Cordoba. .Studies on the life a11d
4 . .ll-fu.sulnia11s. - R. Dozy, Histoire des 1nus1ûmar1S d,'E$pa•
writi11gs, WMhlngton, 111r.3, étudie la Co11fessio et traduit lu
Vita E1tloaii. a118, 4 vol., Leyde, 186',; 2• éd., rovuo par FJ. Levy-Provençal,
1!132. - E. Lovy-Provençal, E'spana 1111.tR1./111Hu1a lu,st<i la
On a aU1·ibué à tort à Alvaro le Liber sci111illar1,ni de Dùlàn- tlrlLda del cali/ato de Côrdoba, 7. 11-1031, dans H. A(enéndei,
sor (PL 88 1 597-718). - DS, t. 1, col. r.10; t. 3, col. 88•\IO. Pidal, Hiswrici de EspalÎa, t. !t, Madrid, 1!150. - A. Ruiz.
l11troduocion à l'éd. citée ci-dossus, p. v111-Lv.
Contemporain d'Alvaro, Sanson (810-890), abbé
de Peîiarnelaria, p1·ès de Cordoue, écrivit un A polo- 2. Du 100 au 12e siècle. - Au début de
, geticu.m fidei, que nous signalons· pour rappeler l'in- cette période, dans le territoire occupé pa1· les musul-
fluence de l'h6résiarque qu'il attaque, li ostegesis, mans, la culture et la spiritualité chrétiennes sont pra-
évêque de Malaga (ES, t. 11, p. 825-516). Que nous tique1nent inexistantes. Ailleurs, lès laïques manient
suffise égalèrnent une allusion à, l'héi'ésie adoptianiste, l'épée et la charrue, tandi.s que les moines réorganisent
dont furent accusés le u1é tropolitain de Tolède, Élipand, leul'll monastères, qu'une minorité se préoccupe de
l'èvêquo d'Urgel, Félix, et l'andalou Mégèce; ils ren- lettres et maintient la science religieuse sur le sol recon-
contrèrent deux sérieux contradicteurs au noJ'd de la quis. I'a.r la V iia de saint Euloge nous s9:vons qu'en
péninsule, saint Béatus de Liébana, t vers 798 (il Navarre il y avait des communautés florissantes, et
composa un Co,nrnenla.irc de l'.1Jpocalypse), ot Él,érius, des écoles où los moines pouvaient alhnenter leur
évêque d'Osma. vie spirituelle .. Par d'autres documents nous connais-
1112 1113 DU xe AU XII 0 SIÈCLE 1114
loue, .sons les biblioLhèques 1nonastiques de Sahagun et da vitae consortiun1 inventuru1n se... non dubitet o (cité
.sens ·sainos (Léon), de Cardena ()t Silos (Castille), d'Albelda dans J. Gofii Gaztarnbide, loco cit. infra, p. 60-61).
Epi- (Navarre), de l~ipoll (Catalogne), etc, riches surtout de DéSOl'rnais, on conquiert et on travaille à la 1•estauration
(ES, livres liturgiques, historiques et po6Liques, qui n'app_o~- du pays reconquis in peccatorum remissioncm. Les
sans taient pas grande nouvea1.1té à l'ense1nble de la sp1r1• succe$S01Jl'S d'Urbain II renouvelleront et étendl'ont
tualité. li en reste de u1agnifiques manuscrits ornés ces indulgences. Aussi le clirnat religieux de ces équipée$
121, de somptueuses miniatu1·os que copiaient les artistes fera-t-il écrire au chrQniqueur de la bataille de las Navas
solon des monastèt'es. que les armées étrangères venaient << como en romerla
toria,. a salvarso de sus pecados » (Primera cronica general,
:égrn- 1° La rooonquillta connait. 6checs et succès : Valence
.n Ill!!- et Tolède (1084-1085), Saragosse et 'I'arragono (1118) éd. IL Menéndez Pidal, NBAE, t. ~. Madrid, 1906,
p. 692). Des historiens, J. Goiii Gaztarr1bide par exemple,
redeviennent libres. Ces dates indiquent à la fols un
renouveau politique, religieu.x. et spirituel. Il arrive n'hosif.e1•ont pas à parler d'une « stratéglA S})irltuelle
,nde- de la reco11quista ».
que des honimes de haute valeur ranitnent la vie
tyrs, pastorale, tels saint Olegario (<)llégah'e) t 1137, arche- La fondation, dans le sillage des cisterciens, des
SOllS vêque de 'l'arragone, Diego Gehnfrez, évêque do Compos- ordre1J niilitaires (Calatrava, Alcantara, Santiago, etc),
) et telle ou Arnauld de Per,ùta t 127'1, 6vôque de Valence coup sur coup approuvés par Alexandre 111 (1175-
,uses et de Saragosse. La. reconqui,~ta. $'étendra au sud après 1177; cf leurs règles dans PL 200), concrétise l'idéal
oule• la victoire de las Navas de Tolosa (1212) et la reprise de du chevalier chrétien et donne des bases spirituelles à
des Cordoue (1236) et de Séville (1248). ce mouvoment de « croisade ».
~ltu- 5° Il nous faudrait évoquer les relations sph•ituellea
bsti- 2° La reconquête inat1g·u1•e, en effet, une i,onovation
de l'Islam et d.\1 ohriatiAnismc. Son ôcole de traduc-
: des spirituelle clu olerg6 et dos ftdolos. Le nombre et l'irnpor-
teurs fait de 'l'olède, aux 11 8 et 121¼ siècles, un
rent, tanèe des conciles provinciaux en té,uoigrient; ils centre cuHUl'el, qu'anirne l'archevêque français Ray-
ttion jlllonnent l'histoh•e des provinces libres ou libérées.
rnond (de Sauvetat) de 'l'oléde (vers 1126-1151). Des
)iera Des conciles, co1nu1e ceux de Léon en 1020, de Coyanza
textes d'auteurs arabes et juifs sont traduits en
en 1050, do Con1posteJle eu 1060 ont exercé uno très
latin par les soins do Don1iniquo Gundisalvo, archi-
;ient grande influence sur la vie religieuse et spirituelle du
diacre de Ségovie, d'un certain Jean d'Espagne (fiù1pa-
821, pays. A ce profond renouveau, la l'éfor·me grégorienne
du 110 siècîe donna une vive hnpulsion. lensis), juif converti, do Marc, chanoine de Tolède,
Pru- et de bien d'autres. Ce sont surtout des œuvres aristoté-
Parallèlement, la réfor,ne 1nonastiquc s'étend. Réfor1ne
liciennes ou néoplatoniciennes qui sont divulguées
clunisienne d'abord, cp10 soutiennent Sanche de Navarre
ncer- (Al'istote, Avicenne t 1037, El Ghazali, t vers 1111,
(1000-1035) et Ferdinand de Castille (1037-1065);
cnte,
le concile de Coyanza prescrit aux monastères d'adopter l'arabe espagnol Ibn Badja t 1138, Averroès de Cor-
etc),
la règle de saint Benoît. Réfot>rne cistercienne ensuite; doue, t 1198, le juif Avicobron de Malaga t 1070,
los cisterciens n'occu})eront pas moins de 70 monastèl'es l\foïsc MaYmonide d() Cordoue t 1204, etc). Le résultat
-32'1, do cel. a1nalga1ne intellectuel ne peut nous retenir et
ioba, a la fin du 12° siècle. Tous ces monastères demeurent nous l'envoyons aux travaux d'Êtienne Gilson, de
ialos, partout des bastions de fidélité nationale et religieuse.
; éd. Un épisode de cette restauration restera longte,nps •r. et J. Cat•l"e1·as y Artau.
Cor• sensible aux cœurs des espagnols : la substitution de la Sans doute, nous arrêterions-nous volontiers au juif
1855. liturgie romaine à la liturgie hispanique ot 1noiarabe. Bahya Ibn l>aqOda, Juge dans un tribunal rabbinique
e Sévillè ou de Cordoue au 11° siècle. Son Introduc-
/OS
,.
'
-y Comn1encée en 1071 au n1onastère clunisien de San
Juan do la Pef\a (Aragon), la réforme sera définitive tion aa.a: de11oirs des cœurs est une œuvre spirituelle
do haute valeur (trad. française pal' A. Chouraqui,
sous Grégoil'e v11 t 108u. Lo Cronictin Burgense note
laconiquement en 10?8 : « Intravit romana lex in Paris, 1952; cf G. Vajda, L a théologie ascétique de
lJahya Ibn Paqtlda, Paris, 1947). On remarquera dans
,as de Hîspania » (mS, 't. 23, p. 809 et 872).
rcno, la noiuenclature des auteurs spiril,ttels, - nous n'y
ncin, s0
La vio chrétienne espagnole e13t friande do 1ner- mentionnons pas les simples apologistes -, plusieurs
vol., vollleux; le culte de• ••dnts a toujoUN; été particulière• juifs convertis: Pierre Alfonso t 1140, Saint Martin de
drid, 1nent en honneur en ~spagne : ainsi le pèlerinage au Léon t 1208, Raymond Marti t 1286, Alphonse de Car-
tombeau do saint Jacques à Cornposielle. A pa1-tir du thagène, etc. Nous n'avons pas à évoquer ici le pro-
i'6pa- 100 siècle, l'aflluence des pôl()rins étrangers y devient blèrne des conversos. ·'
nçal, considérable. J.,e << cheinin français >) est un bienfait
la la Auteurs spirituels. - A\1 10• t1iô0lo, - Le
écono1nique, il aide le pays à sorth• de son isole1nent, p1•êL1·e Raguel de Cordoue écrivit en 925 la Vita
ldoz,
iuiz. renouvelle la foi des bonnes gens et donne occasion c,el Passw sancti Pelagii martyri8 t 925 (éd. A. de Mo-
aux « hospitaliel's » d'exercer les œuvres de misé1•icorde. 'rales, loco cit., Alcala, 1574; A. Schott, Hispaniae
Le 'Liber Calixtinus, œuvre coinposite des environs de illustratae .. ,. t. 4, p. 348-350; ES, t. 23, p. 106-111). -
de 114°0 (Aymeric Picaud de Cluny y a collaboré) est aux
'frès discuté est l'auteur du Salve Rçgina. P. Santiago
1sul- mains des pèlerins un excellont, 1nanuel de piété,« compi• Navat'!'O a tenté de l'attribue,• à l>ierre M Mezonzo,
pra- ' lacion ascético-hist6rico-liturgica », comrne le caractériso (lbbê d'Antoaltares et évêque de Co1npostelle (985-
1ient R. Garcia Villoslada (}/istoria .. , t. 2, p. 506). Le pèle1•i-
sent 1002) (El autor de la Salve, dans Estudios t~tarianos,
nage contribue en effet à la conversion intérieure et à t. ?, 1 \lf.t8, p. 425-442) . - Salvo t 972, abbé cl Albelda,
, de l'alîermissement de la pratique religieuse. composa une règle pour des moniales, des oraisons et
con- Urbain II octroie,
4° Chovalorio ot << c1•oisade 11. - des hyrnnes liturgiques. J. Pérez de Urbel croit quo ces
u'en dans un docu1nent de 1096/1099, l' " indulgence de oraciones sont celles du ms do San Millan du Liber
1, et
croisade » à ceux qui co1nbattent les ,nusulmans (« Si Comniir:us (Madrid, 1950, p. CxL1v); pour les hy1nnes,
leur quis pro Dei et f1•aLJ'u1n suorum dilectione occubuerit, cr J. Pérez de Urbel, dans Bulletin hi.,panique, t. 28,
laÎS·
peccatorurn profecto suorurn indulgentiam et aeternae 1926, p. 67. La meilleure étude sur Salvo est celle de

1115 ESPAGNE MtDJÉVALE 1116


C. J. Bishko, déjà citée, qui donne dos extraits de la 1652, p. 27-35); Élw de Roda, une Vita sancti Ray,nund
R,èglo. - De Luculentius, inconnu par ailleurs, episcopi Barbastrcnsis, t 1126 (ms de l'église de Roda),
~ligne (PL 72, 808-860) publie 18 homélies. E. Anspach Saint Olegario t 1187, chanoine régulier de Sàint-
on a découvert plus do 200 autres dans les 1nss 17 et 21 Ruf et archevêque de Tarragone, nous ~ laissé un De
de l'Académie d'histoire de Madrid; elh.is couvrent adventu !Do,nini (6d. J. Villanueva, Viaje .. , t. 19,
l'année liturgique. Voir Z. Garcia Villada, Historia ... , p. 27·1-279; sa Vita fut composée par Renaud Oramâ-
t. 3, p. 385-386. - Rappelons enfin le conunentaire tiç_o (ES, t. 29, p. '•72-491) . - Le cistercien Richard
sur les noms divins trouvé pàr J. Leclercq dans un ms' de Huerta t 1169 a composé une Vua sancti Martini,
du 10° siècle de Cordoue (l1ispu.nia sacra, 1,. 2, 19~9, abbé de Sainte-Mario do 1-luerta (A. Yep!}s, Cordnica
p. 327-388). ge11eral de la Orden de san Benito, t. 7, Yrache, 1609,
f. 356, col. 4) et une Vita RoMrici archicpi.~copi Tole-
Au 11 8 siècle. - Oliva t 1046, abbé de ltipoll, fonda-
ta11i. - Le clunisien français, Bernard (de Sédirac), abbé
teur de ·Montserrat et évêque de Vieil, rut un anima-
de Sahagun et archevêque de Tolède, a laissé quatre
teur de la culture religieuse. Parmi ses œuvres on relève
sern,ons sur le Sttl"c Regina (PL 18't, 1059-1078),
des Laudes (ms, bibl. nat. de Paris, et Ripoll; éd. pa1•-
souvent attribués à saint Bernard. - On relève par1ni
tielle par J. Villanueva, Viaje .. , t. 6, p. 191-193 et les œuvres de saint Marti11 de Léo,i t 1203, a.bbé de
306-308); un Paneglrico en loor del 11a..nto m1irtir Narcillo
Saint-Isidore, une Concordia Veterig ac Nol'i Testa.menti,
et un récit <le la conversion de la bienheureuse Afra
(ES, t. 28, p. 265-274; PL 142, 591-598) lui sont attri-
composée de 5'•
sermons, de caractère apologétique et
asc6tique, sur le temporal (de l'a.vent à la 'frinité),
bués à tort (cf E. Junyont, AS'r, t. 20, 19r,7, p. 237.2r.a).
de 9 sermons sur le sanctoral et de 11 autres r;ur la
Sa correspondance est publiée dans ES et PL (L'abat
liturgie. Il laissa des commentaires' scripturaires
Oliva, par A. Albaroda, Montserrat, 1981 ; pur R. de d'allure également apologétique : Incipit explanatio
Aba.dal, B arcelone, '1948). - Le moine Gri,naldu.9 de
cpiswlae beati Jacobi, bcati Joann.ill, bcati P etri, libri
Silos 'I' 1090 compos,l une Vita beatiDo,ninici confessoris
Apocalipsill (éd. F. de Lorenr.ana, Ségovie, 1782; PL
Chri.sti t 1073 (6d. 8. de Vorgara, Madrid, 1736, dont 208, 31-1350; 209, 9-420; cf. A. Vifiayo Gonzalet,
s'inspira Gonzalve de Derceo (infra, c~l. 1'124). - Phi-
San Martin de Leon y /lu apologt!tica antijuàla, Madrid,
lippe do Huc.çca, à la fin du siècle, co,npostl l'hymne 19',8).
0 sacerdos gloriose en l'honneur de Dominiqur. de Silos,
chantée à l'office du saint (éd. J. Amador de los Rios, 1, Trt"'aux d'cnscnibl.e. - A, Fliéhë., La rt!/ornis grégor~cnnc ,
/-li.~torirL.. , t. 2, p. 200-201). - Os1no11à t 1096, évêque et 'la reco11qw!te chrétienne (101i7-11e8), coll. Fliohe et ::r.[artin,
d'Astorga, dans une lettre à Jda, femme du comte de Paris, 19r.O. - A. Gordon Uiggs, Diego Gclmircz, first archbi$• ,
Bologne, parle des reliques des varo11es (1.postôlicos hop of Co111p<>stcla, Washington, 19',9. - J, Pére1. de Vrbel,
(ES, t , 16, p. 474-475 et 198-194; cf J. Vives, Les Actas S11nclw el Mayor de Nac,arrci, Madrid, 1950. - A Oarcla Gallo,
El eoneilio de O,>yan:a, Madrid, 1951. - R. Garcia Villosludù,
de los varo11es apostôlioos, dans Miscella,1ea ... Mohlbert:, Historia de la 1slesia catolica, t. 2, BAC, Madrid, 19!13.
t. 1, Rome, 1948, p. 88-45). - J ean d6 Alcocflr, moine S. Mac 1{0111111, Pasa1ii8m and pasarl su.ri•iµa/,s in Spain,
(!'()na, rédigea la Vida y ,nilagros de sa,1 lnigo t 10G8 Washington, 1oas. - , .
et divers panégyl'iques du satnt (Saragosse, ·l 612) et 2. Monachisnrn. - J.-M. Escriva, ta abadesa de las lluolgas,
Jean de Léon une Vila sancti Froylani episcopi J..egio• ~Iadrid, 1944. - J. Pérez de Urbel, Los 111on;es espa11o!es en l(,
ne11sis t 905 (ES, t. ::1 11, app, 8, p. r.22 -r.25). cclctcl nicdia, 2 vol., 2• éd., Madrid, 191,5. - C.-J. Dishko,
Salvu./1 of Albokla and frontier 111011astieisni in tc11tli•ccnt1iry
Au 12• siècle. - Piarre Alfonso (Moîse Sefar,d i, Nav<irrc, dans Spceulu111, t. 2:1, 19',8, p. 559-590.
·J 062-1140), juif converti ('1106) de Huesca, composa 3. Lit1,rgic. - lit Férotln, Le Libcr ordlnttm en u.sage dans
une Disciplina clerit:ali.9, en forme do fabliau (éd. el1 l'Église wisigo1hiq1,c et mozarabe 'd'Espagnc·dr, v• a14 xi• siècle,
latin et vieux français, Paris, 1824, etc; PL 157, 671· Paris, 1.904. ~ F. Cabrol, art. Liturgie ,rw,Mal><1, DA.CL,
706; en latin ot espagnol, Madrid, 1948) et dei; .Dialogi t. t2, {9$5, col. 390-491. - P. David, Êludes hislorigues srtr
in quibus impiae judaeoru,m opinioncs... confutantur, la Galice et le Portugal dtl v1• au x11• siècle, Coïmbro, 1947, à
propos do l'nbolilion du rito hisp!inique. - A. Ubloto Arteta,
où il raconte sa conversion (Cologne, 1536; PL 157,
La_ introduccion del 'rito ro111ano en Aragon y 1Vavarra, AS'I',
535-672). - Lo catalan Renaud Gra,ndtico t 1145 t. 1, 1948, p. 209-a24. - I. G!lrèlli Alonso, La &lmir1istraai6n
écrivit une Vüa ,,el passio iian,:tae Eulaliae barcirio• clc sacrarricntos en '.Tol.edo dospuls dol can,bio de rito (siglos x11-
ncnsis, ae siècle (ES, t. 29, app. 8, p. 375-390) et Ra-0ul x111), dans SalmanticcliSis, t. 5, 1958, p. 3•79; ,El Manual
d6 Carridn des M iracula rnartyrill beati Zoili, 8° siècle tolcd<uw par<, la acl111.i11istraci611 de s1icrc111icrllos a t1·avtls de los
(ES, t. 10, app. 4, p. 502-520). - Pierre de Compos• siglos XIV•XVI, ibiilcrn, p. 351-450.
telle d6dia à son archevêque Bérenger un De consola- 4. Compottcllc. - J. Oudiol,Dc pcrcgri11s i peregri11ati;es rcli-
tione rationis (écrit entre 11 110 et 1150?), imitation giosos c11lalaM, AST, t. 8, 1927, J;l, 93-1,19. - P. David, Êtudes
de saint Isidore, de Boèce et de saint Augustin (éd. d'histoir,, .. , déjà cité. - L. Vâsq11e1. de Pargn, J . M. Lacarra
et J. Urla .Riu, Las peregri11acio11e11 a-Santiago de Compostela,
P. Soto Dlanco, '.Munster, 1912). - Do1ni11ique Gundi- 3 vol., 1'1odrid, 191,8-1949, la 1neillour ouvrage et le plus
salvo, archidiacre de Ségovie, en plus d.e ses nombreuses docum!lnté. - M. Ot\tourna11ux, Les Français en Espas11e
' traductions, rédigea un De anirna (éd. J. T. Muckle, aux x1• et xu• 11iècls11, Paris, 191,9. - J . Pérez de ùrbel ,
, dans Mediaeval Studies, t 2, 1940, p. 23-103) et un Orlse11es del culto de Sanûai;o en Espaiia, dans Hispania sacra,
De processio11e rnu,uli (é<l. M. Menéndez y Pelayo, t. 5, 1952; p, 1-31, ~ 1.-111:. G61noz, Nota en torno a• Los 01·ig1111es
lfistoria d11 llo11 hcterodo::cos.., t. 7, Madrid, 1948, p. 189- del culto d.s Santiago en Espafia •• dans H i11pania sacra; l. 7,
220), où se fait sentir l'influence des philosophes musul- 1 \!54, p. 487•490. - É. Lambert, ~ pMerinace de Co111postcllc,
mans. - Le moine Macaire, de San Juan do la P oila, Toulouso, 1959, ch. 2.
Liber s<111c1.i Jacobi, Codex Calixtinus, éd. W. Muir Whitchill,
composa les Acta .winctorum fratrum Voti el Felicis, Co1npostelle, 3 vol., 1944; fa11ss0rnont attribué à Calixte 11.
8e siècle (ES, t. SO, app. 4, p. 400-406); Ordono, moine - J. Vielliard, Guitul dll pèlerin de Saint•Jacgucs dt Co111pos-
d e Celanova, les .11ct<i sancti Ruàesindi epi.scopi Dumi11n- wllc, 2° éd., 1\11\con, 1950.
sis et lriensis, Cellae Novae abbati.~ , t 977 (éd. J. Ta- 5. Cheralerie et• croi,çad~. - Raymond Lulle t 1315, Libro de
mayo Salazar, Martyrologium hispanun1., t. 1, Lyon, la Orclc11 de caballer!a, dans Obras !iterariai,, BAC, Madrid,
1116 1117 OU Xlllê AU XV 0 Sl:Ü:CLE 1118

nund '1,948. - Junn Manuel t 1362, Libro del cabatlero e del csc1uloro, la for1nation chl'étienne et à la vitalité spirituelle dos
:oda). Madrid, 1928. fidèles. ·
Iaint- J . Caruana Gômei. dê Bilrréda, La Orde11 de Calatrcwci, dans Les <lévotions fleurissent, abondantes; dévotions à la
Al~a,iiz, t. 8, Téruol, 1952, p. 1-176. - F. Gutton, L'ordre de Passion, à la Croix, au Saint-Sacrement; p èlerinages à
h De Calatra(Ja, P aris, 1955. - i\faur Cocheril, Essai sur l'origine
. 19, Notre-Dame de Montserrat, confréries de toute sorte et
chs ordres niilitaires daris la pértirisrtlc ibérique, dans Co/leo-
'ama.- tanea ordinis cistcrcicnSÏltm rc/or11tcllOru111, t. 20, 1958, p. 3',6- notununent du Rosaire; dévotions aux saints, saint
'chard $61; L. 21, 1959, p. 228-250, 802,329. - J. Ooi\i Oaztambicle, J acquos, saint Matthieu, sainte Anne, aux anges gar-
1rtini, Historia clc la Bttlii de la Crit;ada c11 Espa11a, Vitoria, 1958. diens aussi ... Confréries et Jwrmaridadas ne se comptent
·dnica 6. Mouvcnicnt intellcctru,l, - É. Gilson, La philosophie au pas au moyen âge et le rolldore est très varié. Ca11cio11e-
1609, moyen â,gc, <les origines patristiques à la fin du x1v• siècle, ro8, cornedia.$ ot théâtre sont à l'ordinaire profondé1nent
Tole- , 2• éd., Paris, 1944, ch. f, f>hilo6ophie arabe et philosophio irnprégnés de christianisme. 'l'out cela, qui n'est pas
juive; ch. 7 Jn(Juence grêco-arabe a11 18• $Îèélà, p. s1a1,.s!l1. - sans n16lango évidemment, favorise la piété populaire et
, abbé T. et J. Cnrrerns y Artau, Historia ds la filosofia cspanola.
uatro Filoso/ia cristiana de los sifilos x111 al xv, t. 1, l\iadrid, 1989. onvre la voie souvent à uno vraie vie spirituelle.
078), A. Oonzâlez Paloncia, El arzobispo Don Rainuuulô d<, Tofotlo, 3° L'Espagne d'alors ne manque pas de ,nystiques

~a,rm1 Bârcelono-Madrld, 1942. - l\i. Alonso, Notas sobrt los lra,luc- cornme François Eximenis, d'ascètes comme Jacques de
bé do tores toledanos Don1ingo Gttndisa/ro y Jua,1 Hispa110, dnns Benavente ou de fougueux: prédicateurs à la saint Vin-
nenti, AI-Andalus, t. 8, 1911.3, p.155-188 ; TraducciQ11es .. , t.12, 19t,7, cent Ferrier. Des courants splrttueltl se dessinent.
1ue et p. 295-838. - M.-T. d'..\lverny et O. Vajcla, Marc de Tolède, Rayn1ond Lulle, homme de génie, apôtre de feu et
nité), traducteur <l'IIJ11 7'urnart, ibide1n, 1,. 1fi, 105'1, p. 9!l-1',0, 259-
30?; t. 17, 1952, p. 1-56. n1ystîque, trace à lui seul une voie spi ri luelle qui ne fora,
1ur la rn:tlgré les atlaquos, que s'afîormir et s'élargir. Du
raires 8. Du 138 au 15e siècle. - 10 La r econquôto 16q siècle notamment à nos jours, cette inOuence n'a
inatio pro~ressive rendit possible un progrès continu de lu fait que croitre. Il y a un courant de spiritualité lullienne
libri oultûro intellectuelle et religieuse. A l'école do la cathô• (art. It AYMONO Lo r.1.11).
; PL drale' de Compostelle, qu'avilit organisée l'archevêque L es courants spirituels sont polarisés par la vie dos
zâlez, Diego Gelmlrez au 120 siôclo et à celle de Léon ouverte oi:tJ,res religieux. Dés la On du 14e siècle et pendant tout
ldrid, à la même période, vinrent s'ajoute!' celles de Sala- le 15°, ,1n vent de réforme anhne les principaux, renou-
manque, de Palencia, d'Astorga, de Tolède et de Ségovie velle leu1· esprit ot. p ermet d'intensifier la vie spirituelle
pour le royaume de Caatille, celles de Saragosse, do do leurs disciples. Sans compter la participatiqn des

lfl81111C 'Barcelone, d'Urgel et de Gérone pour le royau1ne franciscains à la régulière Observance, dès le 14 ° siècle,
{arlin, d'Aragon. La culture r eligieuse trouve une vigoureuse
rchbis- l'un d'eux, Pie1·re de Villaorecos 'I' 1422, « organi!\e en ••
irnpulsion dans l'appa1·ition des ordl'es ,nendiants : los 1387 le premier noyau de vie é1·émitiquo conventuelle>>
Urbel,
Gallo, dominicains en 1217, les mercédaires en 1218, les fran- (DS, t. 8, col. 541), qui donnera naissance au « rnouve-
>slada, ciscains en 1219, les augusUns en 1.21_.4, los carmes vers ment et à la congrégation do Villacreces ». Lope de
la même époque. Les uns et les aut1•es ouvrent des Salinn.s fonda en 1458 le couvent San Esteban de Olmos,
écoles pour la formation de leurs sujets et pour celle qui devint l'âme de la réforme franciscaine. A la fin du •
des clercs; des chaires publiques lelll' sont confiées. 15° siècle, Jean de la Puebla et Jean de Guadalupe
uelgas, Avec la fondation des universités de Valladolid (1210),
·s en la poursuivront le mouvement (voir bibliographie, col.
de Palencia (vers 1212), de Salamanque (1215), de 1127, et début du chapitre 111). Bénédictins et donli-
llshko,
Lérida (1800), et avec l'envoi, largenlent répandu nlcainl'J connaissent eux aussi leurs réformes, réforme
:entury
dans les diocèses et los ord1•es religieux, d'étudiants aux de Valladolid et de Montserrat chez ceux-ci, réfor,ne de
•e ,/.anq universités étrangères les plus renon1n1ées, se constitue Salan1anque chez ceux-là. Nous en reparlerons au cha-
'
' siècle, peu à peu un personnel capable d'entreprendre des'études pitre sttivant. Cos r éformes, - on ne peut oublier le
DACL, · dans les divers do1na\nes de la science r eligieuse et qui fort courant d'érémitisme qui traverse l'Espagne - ,
,ts sur produira à l'âge d'or des fruits abondants.
19'17, à
tendaient à une vie plus recueillie, plus austère, plus
2° Cetto époque reste donc une époque de prépara- priunte, plus contemplative, sans rien négliger pour
,\rteta, tion. Cette renaissance manifeste la volonté d'un peuple
, AB'l', autant de l'activité apostolique accrue. La vie chré-
attaché à sa foi et engagé même dans la conve1·sion de tienno et la vie spirituelle ne pouvaient que bénéficier
lraci6n
!os x11- ceux que le destin a placés en son seip, maures et juifs. d'un tel renouveau qui préparait directement l'extraor-
fa11ual ' Le souci de l'évangéllsatton des pays étrangers dinail·e floraison de l'âge d'or.
de los s'affirme. Les origines do l'ordre des prêcheurs sont essen-
tiellement missionnaires : Dominique d o Ouzman et 40 Mouvements h6t6rodox1111. - L'Espagne parti-
re, rsli- l'évêque d'Osma vont s'offrir à Innocent 111 pour cipe, elle aussi, aux courants do fausse réformation qui
$1udes l'évangélisation des terres lointaines. Saint Raymond pa.ssionnèl'ent l'Occident du 18° au 15° siècle : violentes
,Rcl).rra de Penafort ouvrira un studiurn arabicum dominicain controverses sui• la pauvreté, réforme de l'Église et dos
postcla, réguliers, approche apocalyptique do la parousie. Ce
lo plus à Tunis dès 1250. Lo. retentissement de l'œuvre du
« docteur des missions », Raymond Lulle, à la fin du climat favorisait peu une vie splrituelJe·saine, mais au
rspagrie
1ao siècle, de ses faits et gestes en faveur d'institutions contraire les excès inten1postifs et la tendance à l'illu-
Urbel,
1 sacra, missionnaires, rut extraordinaire. Aussi l'activité
. '
m1n1s111e.

>N86ll8S débordante de l'Espagne pour les missions a u 16° siècle Lo pays ne rut pas à l'abri des albigeois et des catha-
~. t. 7, lie provoqua-t-elle aucun soubresaut. Les esprits y res, S\11•Lout on Aragon et en Catalogne. J acques I d'Ara-
iostellc, étaient préparés. gon ('1218-1276) batilille vigoureusement. Le concile
N'oublions pas qu'au rnêrne moment le travail apos- provincial de Tarragone de 1242 les vise directement.
1itchill, Luca.-; de 'l'uy t 1249 compose précisément contre eux
ixlo 11. u,lique réalisé dans les diocèses d'Espagne est ardent.
Le 4° concile du Latran (1215-1216) avait vivement l'un de ses traités.
insisté pour que los évêques fissent appel aux religieux Plus dangereux sans doute pour la vie spirituelle
;ibro de mendiants comme prédicateurs et confesseurs (cf DS, furent les groupes sporadiques de visionnaires, de
1Iadrid, t. 8, col. 1100), Cette mesure contribua pour sa part à béguins et de béguines, et de fraticelles qui répandaient
1119 ESPAGNE 1vif:Oil!VALE 1120
avec lerveut leurs docLrines plus ou moins hétérodoxes. ribus gestis religiosoru.m earrnclitaru.,n (ms, bibl. 1\rsenaJ,
L'historien franciscain J.-M. Pou y Marti les a étudiés Paris); cf Xiberta, ibidem, pat1sin1.
et sa 1noisson est abondante : disciples des « spiri Luels »
Pierre-Jean Olivi, qui habitait Narbonne, ot Joauhim de Au&'uettne. - Bernard Olilier 't 18118 1 évêque de
Flore, Pauvres Catholiques et leUl'S avatars, mysticisme I-Iuesca, de Barcelone et do 'I'ortosa, a composé un
d'Arnauld de Villeneuve t 1311, visionnaire et réfor- Excilatoriuni mentis ad Deu,rn (éd., avec trad. espagnole
mateur apocalyptique, béguins et béguines disciples de de 1478, par B. Fernândez, Madrid, 1911; trad. enta- ·
l'infant Philippe de 1\ilajorque t 1340/1 843, béguins du lane"tie 1458 publiée par O. Del'nat., Darcelone, 1929);
Roussillon, sujets du royaume de Majorque, béguins de Dll dil,inis officiis (1ns à l' Ambrosienne de l'vlilan);
Gérone, de Barcelone, de 'l'a1·1•agone, de Valence, etc. Tractat us de inq1ti1Jitione AntichrÎ{/ti (ms à l'Jilsco1•ial);
•Les procès nous font connaître leurs doctrine11 : les voir sa notice. - Lope Fer11d11dcz de Minaya, t après
œt1v1•es exégétiques et mystiques cl'A 1·nauld sont solen- 1475, a laissé un Espejo del alma, un Libro de la8 tribu-
ne1le1nent conda1nnées en nove1nb1·e 18'16 à 'l'an·agone, laciones et un .De la penitencia y dti la contricion (éd.
où se tient en février suivant un concile qui e:xco111munie M. Cerezal, El Escorial, 1928). - Martin de Cordoi~
ses disciples; s'ouvre en 1333 le procès du roussillonnals 't 1476, professeur à Salamanque, adressa à l'infante
Ai1nar de Mosset, t après 1355, etc. Isabelle un Jardtn de las nobles doncellas (Valladolid,
En raison môme des dangers de l'hérésie, Grégoire 1x, 1500; Madrid, 1956) et laissa des Corncnlarios a las
saus doute sui· les conseils de saint Raymond do Pefia- Epistolas de san Pablo (1ns à Saint-Benoit de Valla-
fort, invitait Espurrago de Barca t 1283, arclievêque de dolid). - Une Exposicion de lus psalrnos (Valence,
•rarragone, à sévir contre les hérétiques de son diocèse. 111811) fut co1nposéo par Jacques Pérez de Valence
Telle est l'humble origine de l'inquisition. Des irtquisi- t 1(..90, et un ln Canticiun cantieorurn (Valence, 1486).
teurs généraux seront bientôt nominés. Nicolas Ey1nc- - Sur les augustins, voir DS, t. 4, col. 1008·1010.
ric t 1399, dom.lnicain né à Gérone, sera l'un d'eux; dès Franciscains. - La grande figure du bienheureux
1876 il cornpose son classique Direcloriuni inquisitorurn. Rayrnorul Lulle (12·18-1315) domino en cotte période
Nous reparlerons au cha1)it.ro suivant de . l'inlluonce la famille franciscaine et mô1ne l'Espagne chrétienne.
religieuse de cette institution. 11 écrivit à peu près sur toutl N. Antonio (1, t. 2, p. 122-
140) énumère 322 ouvrages, dont 68 sur dea sujets
Auteurs spirituels. - BénédicUns. - Pierre spirituels; Jean A1ifio (Les obres autentiqucs del Beat
:A1arîn t 1293 compile les miracles de saint Donü- R arnon Llull, Barcelone, 1935)] en retient 239, dont
ilique de Silos t 1073 dans ses Miracolo11 ro1110.11zados, une cinquantaine sur. des thèmes spirituels, par111i les-
<1uels nous pouvons mentionner : Liber de dècertt modis '. 1
cûrno saco Santo Dorningo los cativos de la cativiùul
(éd. S. de Vergara, Ivladri<l, 1736). - L'hu1naniste conlemplandi De,~ni, Liber de raptu,, De conte,nplatione,
André Gutiérrez de Cerezo t 1503, abbé d'Ofia, co,npose JJlanquerna, De orationibus et conternplationibu.s intel- 1
une Vida, martiri1; y translacùJn de san Victores, t vors lectus, De eo,npendiosa contemplatione, De orationibf.1.8
850 (ES, t. 27, p. 823-831; Burgos, avant 1500) eL per d111;em regulas, De viis paradisi et 1Jiis inferni, De 1

des Pa1,Wissirni sudores in lauden1 Virginis 111ariae gaudiis Virginis, Planctus Dorninae nostrae, De placida C
11i8ione, De consolatio11e eremitica, De vita divina, etc.
(Venise, 1491).
Cha:rtroux. ---- Boniface }i'errier t 1417, frère de
Œuvres complètes : Strasbourg, 1609-1617; Mayence, '
1
1721-17~0; Palma, 1903·1.938, par J. Rosell6 et S. Gal- 1
saint Vincent, 'traduit la Bible en valencien pour la més, et B. Mendia, Bibliografla luliana conternpordnea 1
première fois; comme l'édition manque de noLeg, elle (1985-1950), dans Arehi11um. f ranci11canuni hi1;toricu1n, , l
ser·a brt'llée en 1. 478; il écrivit en outre plusieurs ouvra- t. 44, 195'1, p. 436-458. a'
ges à l'usage des chartreux, dont il fut le 1nattro g1~né1•al. Hugues Bariols composa un Llibre de vicis e de 11irtuts ,Il
- Bernard }'011to11a t 1460. - Jean Fort t 1<'.164. - on i 279 et une Explicacio de las set horas ca,ionicas 1,i
J aCTques Martl t 1503. - Consulter DS, t. 2, col. 762- (1ns à Ripoll). - A la fin du siècle, citons le franciscain 'R
il 764. Jean Gil de Za,nora. · JI
Carn111!i· - Guido 1'errena t 'l3'A2, de Perpigüan, théo- Tl est• pour l'Espagne du ta• siècle co qu'avait ét6 saint Isi• f
logien et géné1•al de l'ordre, évêque de l\ilajorquo et dore uu ?•, ce que seront au siècle d'or nos grands auteurs •• u
d'Elne, cornbattit activement les f1•aticelles; il éc1•ivit écrit avec quelque hyperbole l•. Fit1.1, qui l'a ressusçil.é (Bole- l
• \ln De per/ectione IIÎlae (ms de 1.333), un De concordia tln de la real Acad1unia de la hÎ-Qtoria, t. 7, 188~, p. 1r.2). Rete- 1·
e,,a,1geliorum (Cologne, 1681, publié avec une Expositio nons sa 1'raslaci611 ... del cuerpo de S. lldefo,iso, t 667 (éd. l'i
F. Fila, ibide111, t. G, 1885, p. 60-71), son Oftcw de la 'Virge,1 1
su,per tria càntica Novi 1',u,tamenti). cr B.-M. Xiberta, composé pour Alphonse lo savant (lid. F. Fita, Mon111ne11tos
C:
Guiu Terrena, carm.elita de Perpenyd, Barcelone, 1932, àlltig"os de la 1 glesia Co,npostelana, l\fadt•id, 1888, p. 158•188),
.A
et sa notice. - François Baco t 1372, théologien, a son Liber Mariac, tr.1ité spirituel à l'intention des 'théologiens ei
'
1

recueilli les pensées des Pères sur la prédication dans franciscains (ms, bibl. n.1t. de l\iadrid), son Liber do miraculis J,
son Reperloriurn praedicatorum (ms, bibl. des carmes, Virgi11is (perdu; cf 1", J."îta, dans Bolctl11 .. ,' t. 6, p. 409); 1;1.1 Ili
1 ',, Rome); cf B.-M. Xibetta, De scriptoribus schult1stici,11 Vida de sa11 Fen1a111/(J, t 1252 (ibi1Jc1n , t. 5, 1884, p. 308-328); se
saeculi x1v ex ordinc ear,nelitaru,n, Louvain, 1931, sa Leyenda de sa11 lsidoro (le laboureur, 't 1030), uttribuéo à
p. 394-418. - ,Jean Ballester (Ballistarius) 't 1374, Jean Dill.cre, éSt restituée à Gîl de Zarnora par F. Flta
(ibicl.cni, t. 9, 1886, p. 97-157). Voh• lo Da praeconiis Hispariicic sa
théologien et général de l'ordre, a laissé deux volumes <le Oil, éd. M. de C;:11,tro, Madrid, 1955.
de serinons (1nss, bibl. Vaticane) ot un De l111llo forli t.
militanti.s Ec1;ùisia1J llt Antichristi ipsu,n i,npugnaritis, Alvaro P elayo (1 275-1349), lllspano-portugals, évê- m
perdu. - François Ma.rit t 1890 composa un Cornpen- que dé Silves, composa un De statu et planetu Ecclesiae &J
diian veritatis conccptionis Y irgini.Y M ariae (l\<f adrld, (Ulm, 1'•7',), un Specu,lum rcg1tni, d6di6 à Alpl1onse x1 M
1648); cf 13.-M. Xiberta, ibid.cm, p. 452•46·1 . - Phi- (1ns, bibl. Vaticane), un Collyriu,n (!dei, pour gué1'ir 16
lippe Ribot t 1391 a laissé un De haeresi ,1t dti i,ifidc- les yeux des infidèles (ms, bibl nat. do Madrid), ~n dL
liu,n iticredulilate, ms, ot un De institutione el pecu.lia- Quinquagesilogiu,n ou collection de serinons (1ns, bibl. Ce
1120 1121 AUTEURS SPIRI1'UELS 1122
senal, d~Oxford) et un Commentaire de l'Évangile de saint Mat- (Bollltin de la real Academia de la ltistoria, t. 12, 1888,
lhwu (1ns, bibl. nat de Paris). Cf N. Iung, U1l francis- p. 215, svv; t. 13, 1888, p. 226 svv), composa de prolixes
cain, tltéologÙJn du; pouvoir !)Ontiflcal :au x,v 0 siècle, V ila.e sanctoru.m, sorte de sanctoral espagnol (rns, bibl.
10 de Alparo Pelayo, évêqr.re et pénitencier de Jean xxn univeJ-s. <l'Alcàla); quelques-unes sont dans ES (of
sé un (Paris, 1981). Voir sa notice. - On a beaucoup discuté J. Vives, Las (< Vitas sanctorum » del Cerratense, AS'f,
1gnole sur la l'atena (8 vol. mss, bibl. de San· Juan de los Reyes t. 21, 1!J/l8, p. 157-176). - Munio de Zan-iqra t 1300,
cata- do 'l'olède) de Ponce Carbonell t 1850, provincial général de J'ord1•e et..évêque de Palencia, a laissé une
1929); d'Aragon, souvent confondu avec le f'raticello Ponce Regula fratru,n et sororum de paenitentia B. Donzi•
iilan); Portugati; sa Catena est un florilège de commentaires n~CI,.
)riâl) ; de !'Écriture, pl'ésentés avec une tello n1aitrise qu'ils Il nous reste une Vita sancti Raymundi a Peilafort
après pnraissent provenir d'un même aut:eur; Je t. 7 repro- de P iet're Marsili 1' 1827, à moins qu'elle ne soit de son
tribu- 4ult la Catena aurea de saint Thomas d'Aquin. - confrère 1\.rnauld Bu1•guet, publiée par Fr. Diago,
n (éd. L'infant Pierre d'Aragon t 1881, entré chez les fran- Barcelone, 1601, - Jacques de .Bena,,ente t 1850 a
irdoue oiseains en 1358, a laissé des Sernwncs y profccia.9 l'édigé, entre autres ouvrages, un Vergel de consola-
1filnte (ms, bibl. Vaticane). Cf J .-lvI. Pou y 111artl, Visionarios .. , cion del almà o Viridario (Sévilte, 1 497), où il étudie
:dolid, ch. 10, p. 308-896. les _pénhés, reprend les vices, expose les vertus théolo-
a las Sur François Eœinzenis (1840-1409) évêque d'Elne et gales, hl vraie sagesse, etc. Au dire de J. Amador de
Valla- patriarche de :Jérusalem, un des .plus illustres mystiques los Rios (Ifistoria .. , t. ii, p. 888), lo Vergel a beaucoup
aence, franciscains, !voir sa notice. llappelons seulem.e nt /ses contribué à la forrnation littéraire. - Jean de Mon:un,
alence p1incipales œuv1·es. En catalan : El Crestta (il en reste t 1412, en plus d'ouvrages théologiques, écrivit des
1~86). 4 livres sur 12, qui traitent de la dignité du chrétien, Mlstico,s consideracioncs dél Ro!iario, inédites, un
10. du péché, des tentations, des vertus, des dons, etc\; Tractatus de conceptiontJ JJeatae 1,fariae Virginis, perdu,
1ureux Llibrc de les do11es ('l'arragone, -1485; version castillane, et des sel'mons (1ns au couvent de Valence). - San-
ériode V~ladolid, 1542 : Carro dé la,a do11es); Scala Dei o cho Porta t 1429 con1posa un Di11i11um ac proinde

Jenne. Tractat de la contemplacid (Barcelono, 1494), à la fois incwsti,nabile sed et 01nniu1n quac luicusque de Chris-
). 122- euchologe, exposé de vie chrétienne et traité de vio ·-tifera Virg,:ne scripta sunt, ou Mariale (Lyon, 1513),
sujets mystique; Vida de Jesttarist (rns. bibl. nat. de 1\>Iadrid); avec des lntroductiones ser11ioci11ales, et dos Sermones
l Beat Llibre dlll11 Angels (13arcelone, 1494; en castillan, pour lo te1nporal et le sanctoral (Lyon, 1517).
dont Burgos, 1490). En latin ; l'.qalterium laudatorium, Le g,·and thaumaturge, saint Vincent Ferrier (1346-
ni les- Eœposùio in psalnzos poenitentiales (Gérone, 1495) cr 1419) sera traité à part. ll a laissé des Ser111one11 de
modi.s notice; Pastorale (Barcelone, 1495). cr J. Mass6 y sanctis, dos Sermones a.estivales et hyeniales, un célèbro
itione, Torrents, dans A11uari dé t'l11stitut ld'cstudis catal(l.ns, De vita spirituali (Valence, 1616), un Tractatus val.de
i11tel- t. 8, Barcelone, 1909-191 o. utilis et consolatorittS in tentatione, un De fine niundi, '
inibu11 Jean Exüneno t 1420 com1~osaJune Quarentcna de un De sacrificio missae, une Expositio praeceptorum
ni, De contemplaci6 sur la pénitence (éd. dans Estudios fra11- Decalogi (Lyon, 1522), un TraatatU$ bre11is omni statui
ilacida ciscano11, t. 44, 1932, p. 339-888). - Des flom.iliae et christi(l.na.lJ religionis perutili8 (Cologne, 1510). Œuvres
~.· etc. ser,mo1zes 1nu)tiplices pro u11ù>ersis anni diebus (ms, complètes : Valence, 1591, Paris, 1902. - D'Antoine de
yence, bibl. Montésion de Palina) nous restent de Barthé- Canals t 1418, disciple de saint Vincent, on connaît
!. Gal- lemy Catany t 1162. - Le réformateur Lope de Salin<ZS un Trac.lat de confessid et une Scala de contemplaci<J,
orânea t 1468, fondateur do $an Esteban de ûlmos, près de inédits. - Alphonse de ,San Cristobal t 1440 a laissé
• Burgos, a composé : Reglas y for,nas de vii>ir, Espejo
riciun, (ms à )'Escorial) un Libro de vegecio de la Caralleria ...
de la religion, Escucla de la perfeccùJ11 rcgular hasta aconiodado al sentido c gu.crra espiritual. - Lè cardinal
virtute subir al perfecto amor de Dios, Anttdow de los abusos Jean de Torquemat!,a t 1'168, qu'il ne faut pas con-
1ô~icas y males (JltC rclaian la vida molid.stica, Carta11 doctrinales fondre avec Je fameux inquisiteur, a laissé des rouvres
,iscain par.a la direçcio,i del c11piritu etc (mss au couvent de no1nbreuses : lltleditationes (Rome, 1473), Quaestioncs
Najera). Voir DS, t. 3, col. 5~1, et su notice. - A la spiritualis con11ù,ii dt!licias praeferentes super Evangelii.<J
iut Isl- lin du siècle, le célèbre poôte Jfiigo de Mendoza composa. (Nuremberg, 1478), Expositio brevis et utilis s1-1,per toto
lOW'S •• un 'Poerna de vita Christi (Saragosse, 1482), La Cçna, psalterio (Saragosse, 1482), De veritate conceptioni-11
, (Bolc• La Pa.sien del Redentor, Coplas al Esptrit1t ,S,;rnto (Tolède, BeatissirnM Virgini.s (liome, 1547), Regul.a sancti
. Rete- 1486), Lamentacidn a la quinta angU,.9tia (ms à l'lllsco• Benedicti cum doctissimis et piissimis commentariis
51 (éd. rial), Cere,nonias de la Misa (Séville, 1499); éd. dans
Virge11, (Cologne, 1575), De salute ànimae (Londres, 1509),
Canoioncro'. c(l.stellano dél siglo xv, t. 1, NllAE, 1906. - Revelation.es B. Birgittae (Rorne, 1597; cf DS, t. 1,
:tmentos
18-188),
~lphonse de Fu.cntwuena t 1500 publia à Pampelune col. 19',6 svv), Expositio omnium ,S. Pauli episto-
>logions en 1499 un Titulo 11irginal de Nuestra Se11ora, et larum (Bâle, 1495), Tractat11.1J de reform.ationc (Venise,
irac1tli$ Jea~, de Guadalupe t 1502 des Statuta pro sua refor- 161.8). - Jacques Gr'.l t 1475, provincial d'Aragon et
,09); sa ~tio11e; ses Epistolae plures asceticac et mysticae maîtro du Sacré Palais, composa l'Officium TrantJfl-
18-828); semblent perdues. Cf DS, t 8, col. 541. · g1trationis (1ii57) et deux traités Contra impugnantes
ibuée //. pauperta.tis Christi saaramentum (1465 et 1467), dont
F. l•'ità ,Domlnioains. - La vie et l'œuv-re du fondateur,
~paniae les mss sont à la bibl. Vaticane; cf R. Creytens, Le11
saint Dominique de Guzman t 1221, ont été p1•ésen-tées, écrits de Jacques Git O. P., AFP, t. 10, 1940, p. 158-
t. 8, col. 1519-1532. - 1/insigne hébraîsant Ray- 168 . .... Jean L6pez t 1490, régent des études à Sala-
• •
11 eve- mond Marti t 1286 attacha son no1n à une œuvre manque, a publié \1n Libro d6 loB E11an.gelios (Zamora,
~cûisiae apologêtique, que nous signalons : Pugio fidei adversus 1490) et laissé (mss, bibl. nat. de 1\>Iadrid) un Trata-
1nse xi Mauros et JudMos (éd., en latin et en arabe, Paris, 1niento dt! la penitencia et une Historia de Nuestra
guérir 1642 et 1651); cf J,.J. Be,·thier, Un 111aUre orie11taliste Se,ïora. - D'un anony,ne du 13° siècle, L.-G.·A. Getino
id), ~n dri 13e si.èéle, AFP, t. 6, 19:16, p . .267-311. - Jlodrigue le a publié Los ntuivc rnodos de orar del se1ior santo Doniingo
1, bibl. Otrratense t 1290, connu grâce aux travaux: de F. F'ita (I,a Ciencia t<Jniista, t. 21, 1921, p. 6-17).
DlC'f lôNNAll\ll JJ~ Hl'IRJ1' UAL!l'{:. - 'l', IV, 3G
1123 ESPAGNE MÉO IJ!VALE 1124

Mercëdairo,s. ~ Saint PitJrre Pascal t 1300, évêque juicio, Los milagros de Nuestra Seflora (extraits, 2° éd.
de J aen mo1·t dans les prisons de Grenade, est revendiqué Saragosse, 1943), El duelo que hizo la Virgen cri dia
par mercédaires et trinitaires. On lui attribue une de la Pasi6n de su Hiio, Vida de sa,1ta Oria 11irgc11,
Biblia pU,r11a en limousin (Barcelone, 1492), un Libro t 1100, Vida de san Mill.dn de la Cogolla, t 574, Vida
de lcycndas religicsas,un Libro de Gamaliel sur la Passion, de santo Domingo de Silos, t 1073 (rééd. du ms de Berceo
une Glosa del Pater, contre les maures et les juifs (cf par A. Andrés, Madrid, 1958). Éditions: Madrid, t780;
R. Menéndez Pidal, Bulletin hispanique, t. li, 1902; A.-!,¼. Solalinde, Madrid, 1922. - Lucas de T(J,y t 1249,
p. 297-804). Œuvres co1nplètes : M.adrid, 1676; Rome, chanoine régulier do Saint-Isidoro de Léon, composa
1905-1908. ~ l>ierre de Amer t 1301, quatriè1ne général un De miracu.lis sancti lsidori t 636 (AS, avrll, t. 1,
de l'ordre, a écrit uno Vida de san Pedro Nolasco, t 1256, p. 358-864; on lui attribue la Vita, p. 330-352)·, uno
. inédite, et révisa les constitutions. - Ray1nond Ros Vita sancti Martini Lègionensis, t 1208 (trad. ei;pagnole,
t 1821 a laissé (mss à l'Escorial) Llaor de Santa Maria, Salamanque, 1525; PL, 208, 9-24; ES, t. 85, p. 379.1,07;
Del "1enysprcu del mon, avec quelques vies de saints; éd. et trad. de A. Vüiayo Gonzalez, San Martin de Leon,
tandis que Guillaume Vi11es, à la m ême épo~ue, corn• Madrid, 1948). - Au 188 siècle appartient Bernard de
posait une Vida de santa Marta dtJ Cervellô;1, t 1290, Brihuega, chanoine de Séville; sui• l'ordre d'Alphonse x,
' mercédaire (Rome, 1691), e t Antoine Tajal t 1417 il rocueillit les Lcyendas tk mdrtircs, un pou à la manière
une Rosa ad aurora,n sur l'immaculée Conception des Vitae Patrum (5 vol. mas, bibl. nat. de ~adrid). -
et un De institutiorie no11itiorun1, mas perdus comme le Guy Montcrroqueiro (de Montrocher) t 133l1, prêtre dé
De purfacticne quarti 11oti mercedari,orurn de Jean Martl- 'l'éruel, a composé un célèbre Enchiridion saoerdotum
nez t 1478. oninibus qui aacris Ùlitianti,r pracsertim iis quibus inoum-
bit cura ani1naru1n vaùle utile (Augsbourg, 1471); cl DS,
Hiéronymites. - Le fondateur des ermites de Saint•
t. 3, col. 1105.
,Jérôme, Pierre Fernandez Pccl1a t 137'~ écrivit des Alphorisc tk Valladolid t 1346, rabbin converti, a
Soliloqui.os entre el al1na y Dios, y 11l alrna consigo 1nisma, écrit en hébreu et traduit en espagnol un [.,ibro de las
perdus, et son trèro Alphonse, évêque de Jaeu devenu batallas de Dios, inédit, pour réfuter un rabbin. Il
hiéronymite, une Epistola 8olitarii sur le,9 r(iv6lations composa aussi un El mostrador de justicia, récit de sa
divines (Nuremberg, 1521). -:: I,ope d~· Olrnedo t 1433, conversion (1ns, bibl. nat. de Paris), un Libro de las
g6néral de l'ordre, laissa une· Vita S. Hieroriymi et des trcs crecncias (ms, bibl. nat. do Madrid; cf Paz y Melia,
Flores S. 1-licronymi (rnss à la Vaticane), une R11gula dans Re11ista de arohi11os, bibliotecas y rnuseos, t . 4, 1. 900;
monachorurn S. Hieronyrni {Lyon, 11530), des Statuta p. 535) qui est une d émonstration de sa foi, et ud
cu11i suis declaraticnibu-s (ms à !'Escorial), dos Adhor- Libro declarante a honra de Dios y de la fc catdlica
tationes contra octo principalia 11itia (ms à l'Ambrosienno (ms à }'Escorial). Il est le premier juif converti qui se
do Milan). Cf P. Sig(tenza, Historia de la Orden de sert do la langue espagnole pou1· défendre sa foi; il
San Jerônilno, 2e éd., Madrid, 1907. - Gonzalve d'Ocana donna une vive impulsion à la prédication à Burgos. -
t :f.t'.t42 traduisit les JJialoc_ues de saint Grégoire (Séville, En 1420, Garcia Gomez, prêtre do Tolède, a composé
1532), les Ifornélies s1~r Ez6chiel (ms, bibl. du chapitre un Carro de las dos 11idas, (ZCti11a y contsmplativa, Séville '
do Tolède), et compila le Flos sanctorum de J acques de 1500. - Piorre de Luna (Benoît. xn1) t 1423 a laissé
Voragine en une Vida y P(J,Sion de Nuestro Seri.or Jesu- des Vit(),è Jiurnanac ad11er1JUS omnes casus consolatio11es
cristo (Saragosse, 1516). - Alp11onso d'Oropesa t 1',78, (trad. espagnole du 15e siècle dans BAE, t. 1 5, 18601
général de l'ordre, écrivit une Lumen ad rc",ilationem p. 563-602), un Liber de conaolati.o,1c theowgi<le et un
gentium (ms, bibl. de l'univorsitô de SaJa,na.nque); Tractatua de horis dicendia pcr clericos {ms, bibl. Bar•
on a aussi 1:1.o lui des sermons et des le ttres de direction. - berini). - Pierre Martin a écrit on 1425 des Ser,nonei
Oundisalvo de Frias composa à la fin du 15e siècle en castillan, des dissertations sur les vices et les vertus,
deux volumes de sermons et un Super Cantica çanti• le Pater, los commandernents et les œuvres de misé.•
corurn '(ms, monastère do Parral, près do Ségovie). - ricorde (mss, bibl. nat. de Madrid), et 1-Iugues Llupia
A la même époque, un anonyme écrivait des Prepara• y Bagés t 1427, évêque do Valence, des Constitucione,
ciones para bien vivir y santamente morir (ms en possession sobre los oficios divinos (éd. J. Villanueva, Viaje.. , t. 1,
de J. Amador de los Rios, Madrid). p. 189-192). - Clément Sanchez del VtJrcial t 1434
Reli1rte119es. - Isabelle de Villena t 1490, abbesse archidiacre de Valderas (province de Léon), compo~
des trinitaires de Valence, rédigea on castillan une pour les prêtres un .S'acramental (Logrofio, 150t•) et un
Vita Christi (Valence, 1497), « pour que les gens simples Libro de los exeniplos (BAE, t. 51, p. 447-5 1,2; et dan3
et ignorants puissent contempler la vie et la mort Ron1ania, 1878). - Paul tk Sainte-Marie (Pablo de
do notre H.édempteur ». Santa Maria) t 1485, rabbin converti, évêque de Car•
Rapprochons d'Isabelle : Thérèse de Carthagè11e, tliagène et de Burgos, composa des Adicwncs a lo,
retirée au cloître dès sa jeunesse, qui con1posa une libros de la sagrada Escritura {Rome, 1471), cnuv11
Arboleda de los en/ermos pour aider les 1nalades à tirer renommée; un Scrutinium Scripturarum (Strasbourg1
fruit de leurs soufJrances, une Admiratio opcrum Dei, 1469), réfutation d'attaques eucharistiques et mario
exposé des faveurs du Seigneur, et un Vcneimiento logiques. - Son fils, Alphon1J1J de Carthagène {138'•
del mundo (mss à !'Escorial; !ragments p ubliés par 1456), baptisé en m ême temps que son père et son succes•
M. Serrano y Sani, dans Apu.ntes pt;Ira una biblicteca sour à Burgos, on plus d'ouvrages historiques et de tra,
de cscritorWJ espaflolas, t 1, Madrid, 1903, p. 218-232). ductions de Cicéron et de Sénèque, composa. un Defen,
Clergé sécullor, - Sur la Planeta de Diego Garcia sorium unitatis christia11ae (Madrid, 1943), un Doctrinal
caballeros (Burgos, 1487). un Mem,0rial tk virtudü
t 1217 /8, cl D8, t. !l, 871-873, - Gonzal11e de Bcrceo, de un Oracional avec une Ap~logta sobre el psal~
t après 1246, e1nploie le premier le castillan en poésie. (1635), Judica ,ne Deus et un Comcntar1<> al tratado da pen1•
Ses œuvtes sont profonclémont spirituelles : El martirio
tencia de Crisostomo {Murcie, 1487), un PWJtoral sobre
de san Lorenzo, El .9acrificio de la Misa, Los loorcs de
las reliquias de santa Juliana, inédit, un Sermon pro>,
Nuestra Senora, Los signos que aparecerari antes del
'

1124 ~125 AUTEURS SPIRll'UEl,S 1126

2° éd. noncé au concile de Bâle, nlSs. Cf. L. Serrano, Los De la inniortalidad <kl alma (Séville, 1508), Del ,nodo
en dta oo,nvcrsos D. Pablo de Santa Marta y JJ. Alfonso de del bien vi11ir en la religidn cristiana (Salamanque, 1515) j
Pirgen, Cartagena, Madrid, 1942; DS, t. 1, col. 85{.-355. il traduisit aussi les Sermons do saint Bernard (Logroiio,
,, 'Vida Antoine Caldés, errnite de }.>1ajorque, offre à 1511). - A la fln du 15° siècle, Fernand Diez de V àlence
Berc·eo Mario d'Aragon un Exercici. de la Santa Creu (1446). - écrivit avec ferveur un Immaculatac Virginùi Deip,irae
,1780; Alphonse de 1,1adrigal (Tostat, El Tosuulo) t 1455, éo11eeptionis ,nystcrium (Valence, 1485).
r 12{t9, évêque d'Avila et l'homme le plus entendu en sciences

,mposa ecclésiMtiques de son siècle, a beaucoup écrit. En Llll:c•. - Le roi de Castille, Alphonse x le savant
l, t. 1, plus do ses abondants commentaires sc1'îptul'ail'es, (1221-128/i), composa beaucoup d'œuvres littéraires,
1·), une notons : Co,ifcsional (Logl'ofio, 1529), Artes y i11struc- par1ni lesquelles des Cantigas a la Virgen Santa Maria
agnole, ci4n para todo fiel cristiano co1no lia de dezir Misa y su en langue galicienne, qui se chantaient dans les églises
19-407; Palor (Saragosse, 1503), Sobre la expos1'.ciôn de la Misa (l\'.ladrid, 1889). - J.-M. Blecua a édité deux œuvres de
e Ledn, (Salamanque, 1617), etc. Œuvres complètes, Venise, l'infant J ean Manuel t 1362 : le Libro infinido, écl'it
iard de ~507; cf sa biographie par J. Blâzquez 1-Iernândez. - pour l'éducation ·de son rua, et le Tractado de la Asun-
onse x, Antoine Bou t 1461, théologien, a laissé des Sermones cùJn (Grenade, 1952) ; le Libro del cavallero e delescu<kro,
nanière de ,anctis (ms bibl. cathédrale de Valence). - Alphonse déjà signalé. - Pierre Lapez de Ayala t 1~07 traduisit
rid). - Marttnez do 'l'olèdo t 1(1.70, archiprêtre de Talavera, les Morales de saint Grégoire (pour la première fois en
être de universelle,nent connu pour son El Corbacho, satire des espagnol), le S1tm1no bo110 de saint Isidore et Boéco
,rdoium lemmes, composa aussi des Vidas de san Ildefonso y san (IIlSs à !'Escorial). - Lo poète cordouan Jean de Mena

fncum- Isidoro (éd. J. Madoz, Madrid, 1952); il traduisit en cas- t 1456 co1nposa un Tratado de vicios y 11irtudes (Séville,
,·ct DS, tillan le Tratado de la oraciôn d'Isidore (ms, bibl. nat. de 1518), des Coplas de los siete pecado11 mortal11s (Sala-
Madrid),'.- f-todrîguo S,J,nchtJz de Arèvalo t 1470, évêque manque, 1500). Son Laberinto, imité de Dante, l'a
vorti, a d~Ovicdo et de Zamora, cotnposa un Speculu,n vitae rendu célèbre; cf NBAE, t. 19. - F'ernand Pérez de
) ck las kumanae, un des premiers livres imprimés à Rome (1468), Guzmà n t 1,60, hlstoJ'ien, moraliste et poète, composa
ibin. Il qui eut un très vif succès, un Vergel de los principes u~ E.1:posiciôn del Pater ,ioster y Ave Maria (Lisbonne,
lt de sa (Madrid, 1900) et un Libellus cle pauperta.te Christi et apos- . 15•1,t,}, des Canciones de NtM$tra Senora (1ns, à !'Esco-
,. de las tolorum (ms de 1467 à la Vaticane) contre les f1•aticelles, rial) et Las senten.cia.s por la.s cualcs pucde el hombre
y Melia, où sa doctrine de la royauté universelle du Christ cons- to,nar rcgla, cloctrir,a y cjemplo de buen 11ic1ir (Lisbonne,
4,1900, titue un chaînon important pour l'institution de la fête 1512). - Le pl'ofesseur de Salamanque, J ean Alphonse
1, et un du Christ Roi. Cf 'I'. Toni, La realeza de Jesucristo e,i de Benavente t 1478, à écrit un De jejunio (Salamanque,
un tratadv iné.dito del siglo xv, dans E stu<lios eclesiâs-
.acatdlica
..
qui se ticos, t.t 18, 1984, p. 369-898; Don llodrigo Sânchez
1/i66), un lJe potéstatc con/cssarii (ms à !'Escorial) et un
Tractatus de paenitentiis (Salamanque, 1502). - Geor- •
l roi; il de Arllvalo (1401'-1470) y 1u10 de sus 1na.11uscritos inci- ges 111 a.nrique 1' 1479 s'est immortalisé par ses Coplas
1rgos. ~ ditos, dans Ra.zd,i y fc, t. 105, 1984, p. 856-878, 507- por la 11-iuerte de 111.1, padre (Zamora, vers 11,80). - Rete-
~omposé 518; Don Rodrigo.. , Madrid, 1935. nons d li poète G(,rnez M anr1:que t 1{t 91 une Reprcsen-
, Séville, Pierre d'Osma t 1480, maître de Salamanque, composa tacion del Nacimi.ento d.c Nucstro Seri.or et des Lamcnl<L·
a laissé un De confessionc, dont les passages conservés contien- ciones para la Semana Santa; d'Alphonse de la Torre
olationes nei:tt des erreurs sur la pénitence, la contrition et l'infail- 't 1460 une î"isidn del.citable de la ft,lo.,ofla y artcs libe-
,5, 1860, libilité, condamnées par Sixte 1v; Denilnger, n. 724- rales, où la deuxième partie montre comment les vertus
~e et un 733. - Jean Ruiz de Corella t 1490 traduisit en valen- modèrent les passions (en catalan, Barcelone, 1{t8{t;
ibl. Bar- cien la Vita Christi de Ludolphe lo chartreux (Valence, cf M. Bataillon, dans Annuaire du Collège de France,
Sermones 1496); il composa un Tra.ctat de la concep~id {le la t. 51, 1951, p. 258-262).
s vertus, ,acrati.9ima Verge Marla (Valence, 1490) et une Conttrn• Parmi les anonymes du 15c siècle restent à signaler :
de misé.- placid a la sacrati.9irna Verge Maria tenint son fill Jesus Flor dfl virtude11, sorte de catéchisme mo1·al et religieux
a Llupia._ en la falda devellat de la Creu (Valence, 1498). - (ms, bibl. nat. de Madrid) ; El libro de los sietc dcnes del
1ituciones Michel Pérez t 1{t95 traduisît do latin en valencien Espirit1t Santo (ms à !'Escorial); De vicios y virtudes
,;11.. , t. 1, La imitacidn ·d,e Cristo (Barcelone, 1482) et compo$a (ms à l'Escorial); Esttmulo del amor divino, ou contem-
t 148{., ,une 'Vida y excelencias de Nuestra Seiiora (Séville, 1531, plation de la Passion (ms, à l'Escorial).
composa publiée d'abord on catalan, Barcelone, 1495). -
1, Cul1ure intellectuelle et rcligiciuc. - V. Beltrân de Heredia,
~{t) et un Piette Jiménez de Prexamo t 1495, chanoine do Tolède, Los dominicos y la snsriianza de là tc/Jloglà en cl rcino de Aragon,
; et dans · publia un Lucero de la vida cristiana (Salamanque, dans Estudis Franciscans, t. 84, 1924, p. 88·58; La faculdad clc
Pablo de 1495); Bernard Fenollar t 1498, une Historia de la teologia en la univcrsidad• de Toledo, dans Rcvùta cspaflola ile
e de Car• Passid de Nostre Senyor (Valence, 1/i93), des Alabanzas tcologia, t. 3, 1943, p. 201-21,7; La formacî611 intelectual del
ries a los q la sacratlsima Virgen Maria (Valence, 147{!). - clcro cr, Eipafia d"-l"ant~ los si,;los XII, XIII y XIV, ibideni,
), œuvre L'humaniste Pierre Dtaz de Tolède t 1r,99, évêque de t. 6, 1946, p. 318-857. - F. Martin Fiornandoz, Noticia de los
.rasbourg1 Malaga, composa un Diâlogo en la muerte del marqués de a111isuoB colegios universitarios espaflolu, dans Salr11antics11sis,
!t mario- Sa,1tillana, avec des réflexions spirituelles; îl traduis! t t. 6, 1959, p. 502-544.
rie (1384· les proverbes de Sénèque (Zamora, 1'l82) et laissa une 2. Vic cll.rêticnnc. - I,,e t. 28, 1955, d0s Analecta sar.ra tarra-
on succes- lntroduccidn au Phédon de Platon. - Jean de Luccna conc11sia , publié sous l ortuo do Collectanea offerts à
et de tra- t 1506, chanoine de Burgos, dans son dialogue classlqu o E. Serru Buixo, présonto quantité d'études intéressantes sur
un Defen- De beata vila, montre que la félicité ne se rencontre que los 1nanifoslalions de la piété populaire catalane, médiévale
Doctrinal dans le service et l'amour de Dieu (Zamora, 1'188). - ot n1odcr110. On souhaiterait de pareils 1nonun1onts pour d 'autres
provinces. - Voir, pur exe,nplo, A. Duran y Sanpero, La
li '1irtudes Rodrigue Ferndndez de Santaolla t 1509, confesseur des 'fiesta del Corpus, Barc8lono, 1948. - n. D. Donoval, 'J"hs
el psalmo rois catholiques, publia : A rte de bien morir (Saragosse, titurgicat Dra,r1a in ,nedieval Spa.in, 'l'oronto, 1958.
) de peni· 1481 ; en catalan, Barcelone, 1498), Saecrdotalis ins- Missions. - V.-D. Carro, Santo Do111i11s<> de Gu:.man ,
oral ·sobre lructio circa missa,n (Séville, 1499), Manual de doctrina fundador de la prim.era Orden u11i11ersitaria, apo8tolica y misio-
rm.on pro- necesaria al 11i11itador y a los clerigos (Séville, 1500) , nsra, dans La Cioncia tomista, t. 71, 191,6, p. 5-81, 282-829. -
1127 ESPAGNE. AGE D'OR 1128
R. Sugrany011 de Franch, Raymôr1cl Lulle, docteur des ,nissions reine Isabelle se préoccupe de la réforme morale et reli•
ch_o~ de textes traduiu, et annotés, coll. Noue Zoitschl'ift fü; gieuse. Elle choisit conune évêques des personnages
M1ss1onswlsscnSchatt 5, SchBneck-Beckenriod (Suisse), 195'•· dignes. Le cardinal al'chcvêque de Tolède, Fran,
$. Courants s,11irituc/$ et réformes roligieuse,q, - Fr. Cantera çois Jiménez de Cisneros (1486-1517), l'aide avec des
Burgos, Aloar Garata de Sa,11,, J1aria. 1/istoria de la juderta de pouvoirs étendus : il donne une impulsion à la réforme
JJ1u·ffos tl s1u1 co11c,er,10$ m.cls cgrcgios, Madrid, 1952. - Do,ni- dos ordres religieux, surtOllt. des franciscains, préludan1
nica,ns : V. BuH1'(1n de Heredia, Lcis corrio11t,1s.. cité infra à celle qu'entreprendra le concile do 'frente. Cettl
col. 1139; llistoria de la reforrr1a <le la prooincia ,to E;pa1ia ( 1,00: réforme s'enracine déjà au 15° siècle : que l'on s1
1550), ~01110, 1~89; Lo.~ co1nie11zos de la rcfor1na do1ni11icana souvienne de Pierre, de Villacreces t 1422, de Pier1·e d1
en Casttlla, part1,cular111e11to en el corw,m,to clc Sa,n Est.cban de
Sa~(lm<f1tc(I,! AFP, t. 28, 1938, p. 221-262; Documcntos pôflti·
Santoyo t ·1 481, de saint Pierre R egalado t 1456, d1
{lcws 11iéd1tos accrca de la rsfonna do1ni11ic<n1c, de la prooit1cia Lope de Salazar y Salinas t 1.463, de Jean de la l)uebl!
ile Aragon, p._ 26?· 297. - Bénédictins: 0.-M. Colon1bàs, Un t 1495, chez les franciscains (sur ce mouvement réfor
reforrrirulor .. , cité 1,nfra, col. 1136. - Fr1111c:iacains: 1. Omaeche- mateur, voir DS, t. 8, col. 540-543, et I' Introduccidn c
v_arrfa, Un plante/ de scrafic<t sa,ntidad en laR o.f1wrM <k .Burgos. la11 orlgenes de la Observancia, citée à la bibliographî1
.San Esteban de Olmos (1468-1838), dans Archic,o ibero-a111eri- précédente); du bienheureux Alvat'O de Cordoue t 142(
cano, t. 10! 1950, Jl. '151·898. - Introd,œcion a los ortgsnes de la et de Jeun de Torquemada t 1468, chez lea domini•
Obseroancia en llspal1a. Las r~form/1,S d.c los sialos XIV y XV cains; de Martin de Vargas t 1~46, chez les cisterciens
Madrid, 1958. - $nr l'érémitisme, voir 1:.~ arllcles d~
de J ean d'Ala1•06n, t vers 1451, cl1ez les ermites di
B. Guasp Golabcrt, pllr exémple: Ernûtatlos c,i Ma./lorca AST
t. 27, 1951,, p. t,5-58. - DS, lll't. Dils1tnTs, t. 3, col, 539-542'. Saint-Augustin; de Lo11e d'Olmedo (Inilieu 1,5e siècle)
cJ1ez les hiéronymites.
4. 111~1u1cmc~t.s hétérodoxes. - Lucas de 'l'liy t 1249, De Cisneros tente également, maia avec moins de succès
11,lleraC•tla fldt:tquc conlrovcrsiis ad{}el'BltB Albige11si1,111 errores
l!'rancfort, 1608, Cologne, 1618; ot <l1111s Ma:1:i,na bil,liotlt.ec~ la réforme du clergé séculiet'. Le concile de '!'rente Ji
{}e/eru1n Patrum, t. 25, Lyon, 1677, p. 19:~-251. - Nico- reprendra; plusieurs évêques espagnols s'attacheron
t
las Eymêrich 1399, Dirc<:torirun inquisitoriuni Barcolonc à la réaliser : saint 'l'homas de Villeneuve t 1555
150a; avec con11nm1L11iru de lir. Pet'\.a Ronic 1578.'- V. Vidai' Jean Bernai Diaz de Luco t 1556, Laurent Suàrez d1
Procès d'i11quisitio11 contre A.dlidrru,r' clc Jf~ssct ,wblc roi~sil~ Figueroa t 1605, et suint Jean de Ribera t 1611
lonnais, inculpé de bégui11is1nc (1332~J .13,J), da~s Rcouc ct'his· Avant et après le concile, l'œuvre du bienheureui
toirc de l' Êglisc de J?rance, t. 1., 1910, p. 555-589; 682-699, J ean d'Avila t 1569 Inérite d'être mentionnée.
711•724. - A, Dondaine, Aux origine.~ du. Valdéis,n&. {l11e
i>rlJfcssion de foi clc Valdès, AFP, t. 16, 1()',6, p. 191-235 ; 2° Littérature spirituelle. - Une rn,l)Litud
D11ra111l ile flues,,n. et la polénii-que anti-cathare, l. 29, 1959, de livres furent imp1•hnés sur l'ordre de Cisneros ;. de
P· ~28-276. - J .-1\t. fou y l\[nrtl, Jlisionarios, bcg1,inos y éditeurs l'imitèrent, aniinés par son exemple et son es·pri1
frat1celos catalanes (sigll)S Xlll•XV), Vich, 1930. - DS,
al't. ALBIOEOIS, l. 1, col. 289-294; APOS'l'OLIQUllS, col. 797-801. Cette production témoigne du 1·éveil et du reriouveai
Bibliographie généralq et qigl~s. - E. Florez, Espafla sagrada,
spirituels.
5_7 vo(,, Madrl_d, 1_771,-1957; = ES. - J. Villanuova, Viaje En 1504 paraît à Tolède l'Escala espiritual, traduc
l1tcrar_10_ a las 1glcs1as de Es paria, 22 vol., Mndrid, 1803-1852; tion de l'ouvrage de saint J ean Climaque; de 1502 :
= V 1a1c... - J. A,nador do los Rios, H ist,>ria arltiea de la 1508 Garcia de Rueda fait imprimer ù ses frais à Alcali
literatrtra espallola., 7 vol., Màdrid, 1862-1865. - 1". Vera, La en quatre volumes, la Vita Chri8ti do Ludolphe le chai
cultu.ra cspcdi.ola. nwdisoal, 2 vol., Madricl, 1 !!33. - Z. Gàr- treux, traduite pat' Ambroise de Montesino; le Contemp
cla Villada, Hi*ti>rilt. cclcsiastica d.c Espana, t. a, Madrid, 1936, tus mundi ou I1nitalion à6 Jésus-Christ est traduit pou
- M. :Mené~dez y Pelayo, Historia de los lwterodoxos cspcuiolcs, la preinièI'e fois en Espagne à Saragosse vers 11.90 e
8 vol., Madrid, 19~6-19148. - l\l.-C. Diaz y Diaz, Index script/J• souvent réédité; la Vida y milagros de la Eicnave11turad
r11.rri latil1oru111 metlii acc,i hispanorum Madrid 1958.
Bibliographie ,<les ordres religieux, 'infra, odl. 1186 IJVV.
santa Catalina de Sena, de Raymond de Capoue, es
AFP = Archunun fratrum pracdicatorwn, }'tome. - AS'l' = traduite par Antoine de la Pefta (Alcala, 1511; avec lE
A11alccta sacra ta,rraco11e11sia, Barcelon!). - IJAE, NBAEl = vies de la bienheureuse J eanno d'Orvieto et de sœur Mai
(Nucoa) Bibliotcca de autorcs espa,loles; Madrid, 1846-1880 guerite de Castell6); et en 1512 paraît une splendid
et 1906 svv. traduction des Epistolas y oraciones de la sainte; e
Cipriano Maria _GARCIA GAMBIN. 1510, à 'l'olède, était sorti le Libro à6 la gracia espiritr.u
de sainte Mechtilde et le Libro de la Bienaventurad
ID. L'AGE D'OR
Angela de Fulgino, suivi de la Règle de sainte Claire E
du Tradado dè la Vida espiritr.,al de saint Vincent F~J
I. GÉNÉRALITÉS rier (sans les chapitres 11-12); en 1513, Tolède ofl'ral
au public le Sol de contemplativos o mistica teologia d
A. GLJ ~1~:r RELIGIEUX. - On n,anque de mono-
graphies, sauf pour quelquos grands personnages, et Hugues de Balma, sous le nom de saint :Bonaventur1
D'autres œuvres, attribuées aussi à saint Bonaventur,
d'études, sur les courants :spil'ituéls des 168 et 17 8 aiè•
cles, en dépit d'exc(lllents essais tentés ici ou là. Les paraissent en espagnol : les Mcditaoionos sobre la vi4
facteurs qui permettraient d'expliquer le phénomène dè Nuestro Redentor y Salvador Jesucristo (Vo.lladoli<
1512); à Burgos, en 1517 El esttmulo de anior et 1
Illêrvellleux de la spiritualité espagnole, surtout au
16" siècle, n'ont pas Lous été étudiés : les « nouveaux
Soliloquio (déjà en 1497 à Séville); le E1.1pcjo de dise
chl'étiens », les béates, la réfor1ne des ordres 1·eligieux plina, en 1502 à Séville. Gonzalve d'Ocai1a traduisa:
l'ésclavage marial, la communion fréquente, certain~ en vers les Dialogos de saint Grégoire le Grand (Sévill1
1514) et Gonzalve de Santa Maria El librQ à6 los ouat,
foyers spirituels, l'influence exercée SUI' d'autres sph•i-
tualités, etc. Notons quelques faits qui pourront nous postrimeros trance3 de Denys le chartreux et les Viu
Patrum de saint Jérôme (Saragosse, 1'i!l1), etc.
orienter.
'
Pour los ouvrages liturgiques et apil'ilucls (notan1ment s1
1° Rélorma au temps des rois catholiques. - Ja,)n6ditation ~t l'orCtlson) imprimés à ?.1ont.serrat par 011
Los royaumes pacifiés et la reconquête tern1iilée, la cla èle Cisneros, cousin du caI·dinal, ·consulter o.-11. Colomb~
'
1128 .1129 CLIMAT RELIGIEUX 1130
: reli- Un rsfonnador .. ; p. 138·'.143; oito col. 1137, et DS, t. 2, col.
~ages 910-921. continuent leur évolution paisible, assimilant ce qui
~ran- J. Tarré, La tr11d1Mci6n esp(J,/Iol<, de la l l111itaciôn do C,·isto •• est assimilable de la renaissance et lui infusaüt l'ospi'it
o des dans Analecta sacra tarracon~risic,, t. 15, 1962, p, 101-127. - chrétien. Au cours de ces deux siècles, la culture acquiert
lorme j , Rubi6, Notas sobre los lib,.os ile lcct1tra espiriti,.al en IJarco- sa pleine matul'ité; bien qu'il existe des dilTérences
1dant /1>11a entra 1600 y 1680, dans t.lrd1ivu11i historicu.m Soeietati'.s entre le 16° siècle ot le 17•'.
Cette Jes1,, t. 25, 1956, p. fl17-:J27. 1) La musique. - La polypl1onie religieuse de la
on se . Voir M. Datilillon, E'rasn10 11 Esparu,, L. 1, p. 51-60. seconde moitié du f!5e siècle et do la pren)ière rnoiLié
rre de 3° Renouveau théologique. - L'université du 16" exprime avec une technique fort simple un
16, de d'Alcala, fondée par le cardinal Cisneros, et colle de dran1aLismc religieux peut-être jamais égalé. Cette
1uebla
Salamanqu e, dont l'ensoigno,nent th éologique avait proro ndeur religieuse et <::ette cla1•té des formes sa pro-
réfor- été rénové par François de 1Vitoria (cf R. G. Villoslada, longent jusqu'au milieu du 178 siècle.
cidn a La. Universidad de Pa.ris durant6 los e.studio1J de Fra11- Outre l'érnol.ion .inlàmie de Ch.rislophe do Morales (1600-
raphie cÛ!co· de Vitoria O. P. (1607-1622), coll. Analecta grego- 155:J), le doux rnystici.sme do F'.rnnç.ols Ouerrero (1~28·1600),
r 1420 riana 14, Rome, 1938, })'. 9 svv), donnaient une forma- tou$ dcu11; 'de Séville, lo dran1atû,n1e profond de 'l'hon1as-
omini• tion do choix à une partie du clorgé, ce qui aida au renou- Lo\1is do Victoria (vers 15~0-1611) d'Avila (cf E. L. Chavarrl,
:oien.s; veau religieux . On sait. l'inJluencc qu'ex ercèrent à Ca1t1cistno d~ ftistort'.a ile la 1n1.isica, i\ol,adrid, 19~~), rappelons
Les de Trente théologiens o t p1•élats espagnol-,. Grâce à ce Darlluilemy .1.!:sçobedo, de Z1,1mora (né en 1500), le n1atlr<i dn
1iècle), Victori:\; les grands maitres d'orgues de BurgQg Antoine
regain de faveur dea études, 1,ombre de mystiques
Cn~c,d,11 (151~-1566) ét François Salinas (1513-1500), i1n1nor-
fu1·ent aussi des théologiens, unissant la science à t11hsé par Lo uts de Lcôn; le catala.n Pierl'o Alberch Vila 1· 1582,
iuccès, l'~xpérionco mystique, et de gran.ds théologiens furent 1,1vec sa ter;hnlque !n1poccnblo, son lyrisrno et sou onction
mte la capables de guider avec stlroté les 1nystiquos (ce fut le rnyatiquo; et Joan-Baptiste Cornes de Velanco (1568-1648),
l)eront cas, par exoinplo, pour sainte Thérèse). dont lo style grandiose sera la baso de la niusique do lu seconde
1555, Par oJIJeurs, beaucoup de théologiens espagnols rnoilié du 17• siècle.
rez do enseignent à l'étranger et ce1•tain1:1 assument des res-
1611.. _>Il) L'architecture est d'abord dominée par celle
ponsabilités importantes dans l'Église (cf A. J'ére:i..
~ureux de )'Escorial, avec son ascétisme sévère, puis par le
Goyena, .Los 1naeetros de teologla l!,qpa11oles en nacio11es
style r.l'éé ·;vors·?160o··:par les premiers successeurs de
sxtranjeras en los siglos xv1 y xv11, dans Razo11 y /e,
t. 81, 1927, p. 518-582). Jean de llerrora t 1575. Cette architecture religieuse
ltitude sera celle .d es, cathédrales espagnoles d'Amérique (Mexico,
,s; des li° Courants de spiritualité. - Los courants et Puebla, Mérida, Guadalaja,·a, Cuzcô, etc).
1esprit. influences qui se croisent alors en Espagne ont contri- 3) ta aoulpt\U"o religieuse trouve son expression dans
ouveau bué à cette inquiétude et à cette efîervescenco religieuse les fa1neux rétables d'Alphonse Berruguete t 1561 et,
des années 1500. Ils seront étudiés plus loin. Ajoutons au 17° siècle, dans 'imagerie pathétique et douce de
lraduc- que, si les théologiens surent synthétise-r scolastique et Grégoire Hernândez (1573-1636) à Valladolid, de
1502 à humanisnie, le mouvement spirltuel s'enrichit des Martinaz MonLafiés (1568-1649) à Séville, de Pierre de •
'Alcala, éléments utilisables de la renaissance h\1maniste, sans Mena (1628-1688).
le char- rompre avec son esprit traditionnel. Le passage du ~) La P•inture. - La peinture du Greco t 1625, -
1ntemp• moyen âge aux te1nps modernes se fit sans solution de bien qu'il ne soit pas né en Espagne - , assimile parfai-
tlt pour continuité (cl R. G. Villoslada, Rc,1acimi611to y huma- tement l'esprit espagnol; il est, au dire du marquis de
1490 et nis,n.o, dans G. Diaz-Plaja, H istaria gene.ral de las litera- J~ozoya, « le plus grand peintre religieux de tous les
nturada luras hispd.nica:,, t. 2, Barcelone, 1951, p. 337). temps •· Citons cependant : Louis de Morales le divin
>ue, est 5° Unité de la foi. - l/lnfluence bienfaisante (1509-1586), J oseph Ribera t 1652, François Zurbaran
avëc les de l'unité de la foi sur la littérature spit•ituelle espagnole (1598-1664?), 11 le peintre idéaliste de l'ascèse, de la
1urMar- est évidente. L 'Europe à cette époque voit dans l'unité discipline monacale et du catholicisme batailleur
>léndide religieuse la garantie efficace de l'unité politique. Le cas espagnol »,•:cornmc le caractérise L. Ptandl; J1art11é-
1n te; en de l'Espagne n'est pas isolé. On ne peut quo reconnaitre, le1ny ll'lurillo (1618-1682), avec ses lrr1maculées et ses
1piritual pâr ailleurs, l'idéal religieux de justice inflexible de visions do saint Antoine ; Valdés l,eal (1622,1690), oLc.
,ntura:da P.hillppe n (cf L. Cristiani, L'Eglise à l'époque élu 5) Ln littérature, sous ses formes les plus variées,
Jlaire et c-onoile do Trente, coll. Fliche-J.Iartin, t. 17, 1948, p. ,31- apparaît, iroprégnée_de sentlrnent religieux.
ent Fer- 4~2; L. Pfandl, trad. espagnole, Cultura y è(J11tu1nbres
e olTrait Qu'il Jl'agisso do la poésie mystique de Louis do Lo6n t 1591
del pueblo 11,vpa,iol de los Biglos xvr y x v u, Barcelone, et de saint Jean de la Croix t 1591, de ln poésie dévolo, ingé•
,l,ogf.a de 1942, p. 49). Son intervention dans la 1•éforme d es ordres nuo ot simple, de Joseph de Yaldlviulso (1560-1688) dans son
ven.ture. ~ligieux fut salutaire; elle n'a rien d'anor1nal dans Ron1a1w,1ro espiritt'l1l, ou, auparavant, de celle d'Ambrolso Mon-
vcntur.e, l'Europe do son temps (cf L. Serrano, Correspondencia tcslno (début du 16° sièchi), auxquels on peut ajouter
, la l{ida dipwmatica e11tre E8pa11a y la Santa Sede dura11te cl Joan L<>poz de Ubeda (fin 16• siôclo), François d'Ocaiia,
illadolid, pontificado de S. Pio v, t. (1, Madrid, 1914, J). xxv111-1.). Fl'ançois d'Avila (début 17• siècle), Cosn1e G6moz 'l'ejada de
wr et le Cette unité accrut l'ardeur du peuple espagnol, qui los Tioycs (17• siècle) et surtout Félix Lope do Voga (1562-
de disci- se considérait volontiers co1n,ne le bras de Dieu : la 1635). Le lhéûlro, dans ses différentes manifestalions roll-
ro.duisait giousHa, es t bibliq uo, hagiographique, théologique ou légen•
Julie contro· l'hérésie renforçait sa fe1•veur et son atta- daire. l>ierre Calder6n do la Barca (1600-1681) 1111t plus intel-
(Séville, cliement à l'Église (cl Silverio de Santa Teresa, Fray lectuel dans ~011.thé/Hre, ot 'J'irso de Molina (1571-16~8) plus
'os cuatro Juan de la Cru.z, Doctor providcncial, dans Revi.sta de candide.
les Vitae espiritualidad, t. 1, 1942, p. 332-871; l'auteur décrit la
La tt·adilion sloicienne so rAflète dans le th6ûtre et lo
vie spirituelle de l'Espagne au 16° siècle). La question ron1an pioo.resque; son principal représcnt11nt eJlt, au aiôclo
1ment sur de l'inquisition sera reprise plus loin. du baroque, Ctùder6n, par exo,nplo dans son (;,an teatro del
pat'.' 0!).l'• mundo. JI occupe uno place égale à celle de François Qu0vedo
Colombâa B. VITALITÉ n&LICIEtJSE, - 1° Littérat'lll,4e et art
(1580-11Vi5) et de Balthasar nracian ('1584-1658). SI lo atot•
religieux, - un autro phénomène très espagnol - , oismo est sensible dans les drames do i.a maturité, on ne peut
l
1131 ESPAGNE. AGE D'OR 1132
(
faire abstraction cependant do l'influence biblique et théolo- la Pua,uc.. , p. 15). Références con1plètea 1 infra, col. 11.39, 1.1??, l
giquo. Le peasi111is1ne stoïi:ion se retrouvé dans 1A fi11,;ido On peut ajoutèt a.UJC précédent.,; le Co111pendio de doctril1a J
11erd<11lèro do Lope de Vega, dans le ro1nan picaresque ropr6• cristia11a de Louis do Grenade o p (Sala1nanque, 1586), los l
scnté pllr lo G1nm<l11 de Alfaraclle do Matthieu Alemlul {1547• C,>ml!rlla.rios sobra cl c4tcchisn10 christiano (Anvers, 1658) de ç
vers 1G13). B11rtl11ilomy de Carranza o p oL lo Diâlogo tk dontri,,a cristiana
(Alçala, 1529) de Jean de Valdés. Cos deux derniers, eo1nme la ?
li. Anglés, Hi$toria de lu 1nusica cspa/lo/a, dans J. Wolf, St1111a do Constantino, furent interdits par l'lnquisllion. 'rous
Historia de l,i 1nûsica, trad. de R. Gerhard, Barcelone, 1934,
p. 368 svv, 397 1;vv. - M11rquis de Lozoya, La cspiriti,alidad
trois figurent dans l'index de F. Vo.ldês de 1659. Lo Diâlogo
est déjà dans l'Jndex de 1551 (cf Domingo do Santa Teresa,
iJ
en el rcnacitniento hispâ11ico, dans Revista de cspiritualidad, Jrtan ,le Valdés, Ro1no 1 195?, ch. 4). Il
t. 5, 1946, p. 238-21,5. - É. Mdla, L'art religieux a.près le M. Bataillon a traité de cette • floraison de aootrines chrli•
concile d~ 1'l'entc, Po.ris, 1 'Jà2. - M. Monénder. y Pelayo, La t.iennes• (E'ras,noy Espaila, t. 2, p. 1.32-137; cité i11/ra, nol.1177), C
pocsi11 rnlstica en Esparia, dans Obras compltt<ts, t. 7, Santan- provoquée pll.l' la 81,ma de Constantino; comme il le note, ces Il
der, 19',1, p. 69-110. - J .·M. f>o,nûn et M. Hérl'ero, Surrta p11hli1:ations, auxquelles les dominicains prirent grande part, 1
poétioa, Madrid, BAC, 191,1,, introd. de J.-M. Pemnn. - répondaient à une nécessitli. li serait intérossant d'étudier
1 ' N. Ooniâlei Ruiz, Piczas 111acstrll$ del Teatro ·tcol&gico espa,ïol, l'aspect spirituel do cotte production litLoralre, comme l'a
2 vol., Madrid, 191,5, introd. - A. Valbuona Prat, Antolocîa de fait M. Bataillon pour l'érwnnisme. JI
poes!a sacra espanol11, 1'J40; Historia de la litcratura espnr,ol.:t, C
Darcelon11, 1 <J5a, p1ts.,i111. 2) Lecture d• l'i:ol'iture . - Le peuple espagnol (,
s'est toujours imprégné de la doctrine et de la spiritua- 1
2° Il y a grande floraison de sainteté, surtout lité bibliques, mê,ne aux époques où les bibles en à
au 16ç siècle : ré!ortnateurs, missionnaires et apôtres, langue vulgaire étaient rlgoureusement interdites : 1
conte1nplatifs, simples convers. La liste en est splendide: recueils de chants, Yita Chri8ti, évangiles et épitres )4
Ignace de Loyola (11,91-1556), Jlrançois•Xaviar {1506-1552 ), liturgiques, morceaux du texto sacré, en prose ou en I
François de Dorgia (1 510-1572), Alphonse Rodriguo11 (1.531- vers, incorpol'és dans les livres spirituels, étaient à la q
1617), Pierro Claver (1580-1G54) pour les jésuite$; - disposition de tous.
Pierre d' Alcaotara {1499-1.562), Pascal Baylon (1540-1 592),
François Solano (151,9•1610), Nicolas Factor (bienheu roux, l.ionéndez y Pelnyo, llistoria de los hetorodoxos .. , t,. 5, p. ,,19· · e
1520-1583), pour los franci8cains; - Louis Bertrand (1526- '12 11. L, Pfandl, Hist.oria d6 la titerat1'ra .. , p. 23-2\J. -
- d
1581) êL Jean h{asslas (bienheureux, t 161,5) pour les do111ini• M. Bata.ilion, l?ras1no y Espaila, t. 1, p. 51-55; t. 2, p. 1. 1,1-151. · e
cains; - 'rho1nas de Villonouve (11,88-1555) et Alphon~e de - J. Enciso, l'rohibicioncs espaiiolas de /(L$ oersiones bLbliccM g
Orozco (bian}U)u1•eux, 1500-1591 ), pour les errnilos d e Saint- en rom.ance antes clcl Trid,!11ti1w, dans Estudios bLblicos, t. 3, d
Augustin; - Thérèsé de Jésus (1515-1582), Joan de la Groix 194(,, p. 528-560. - l<J. Asonsio, El cras11iisn10 .. , p. 44-56. - }
(1542•1591) et Anne de Snint-Darthélen1y (bienhenreuso, Art. lîlcn1Ton& SAINTE, J{J• siècle, DS, L, 1,, col. 209-226. •• l'l
15f.19•162G), pour los carmes décluu1x; - le bienhou1;eux b:
Simon de Rojas (1552•162'•) pour les Lrinitah•es chaussés; - 3) Prédioatlon. - Il ne se mble exister aucune étude
saint, Michel des Saints (15'J1·1625) et lo bienheureux J ean- sur l'aspect spirituel de la prédication espagnole des
BapUsto de la Conception (156t-1G18), po11r los t1·ioitaires i 6° et 170 siècles. Pourtant, la prédication manifeste vi
déchaux; - CaLherine Thomas {1519-1574), chanoinesse de to\1jours de quelque manière les conceptions spiri- , PC
SainL-Augll!!l.in; - Marie-Anne de J6sus (15(,5-1624), bionheu- tuelles de celui qui parle et la vie spirituelle de son n<
rouso, pour his ,nercédairos déchaussées; - .T osoph Ca.la.sanz 1E
(1556 -1648), fondal,e11r des F.coles Pics;- 'L'11ribo de Mog-rovejo
auditoire. GI
On a remarqué que les idées de Sénèque apparaissent le
(15a8-j 1\06) et J en n do Rihor11 (1532-i 61 i), ot le bienheureux
J ean d'.l\.vilo. (11,ll\J?-1569) pour le clergé séculier; - enfin, aussi bien dans les traités ascéUquos que dans les fr.
bien qu'il ne soit. pa.~ espagnol, Jean de Dieu (i',95-1550), se1•1nonnaires (M.-J. Gonzalez-flaba eli a tenu compte di
londateur de l'ordre hospitalier qui porto son no,n, oLc. •- On dans son étude sur Sénèque et la spiritualité espagnole,
trouvera pins loin 1nentîon dos martyrs béatiOés. cf La angustia y la ilun1inacio1i del tienipo en la espiri-
tualidad cspa1ïola del xv1 y XVII, dans R1111ista de à1
8° L'enseignement de la doctrine !lst donné R
au peuple par les èatéchismes, la lecture de l'lllcri- cspiriiualidad, t. 11, 1952, p. 889-898). Herre1·0 Garcia,
dans son Ensayo histôrico sobre la oratoria sagrada 21
ture et la prédication. S,
espa,ïola de los siglos xv1 y XVII, qui commence son
1) cat6ohiamee. - Arrêtons-nous à ceux antérieu1•s $ern1onario ald.sico (Madrid, 1942), a ébauché les if
1 à 1600, qui s'en tiennent à l'explicat\on doctrinaln, et à caractères littéraires des sermonnaires. Les prédica, ~a
ceux qui, parfois (vg Meneses, Valtanas, Constantino, teurs ont touché beaucoup de thèmes spirituels, qui qt
Valdés), traitent aussi d'oraison. Il y aurait égalen1ent à reflètent dans une plus ou moins grande mesure leur lei
signaler les doctrina.-1 ou catéchisn1es composés en vers tl<
acquis biblique, patristique et spirituel.
pour être chantés (vg ceux de Fernand do Contreras re
A la. période hérolque, on trouve, outre Jean d'Avila, C8
t 1548 imprimé à Séville, 1582?, d'Antoine do Valen- 'i'ho1nas de Villonouve et Alphonse de Orozco, les deux gra.ndêil à,
zuela o f 1n, Doctrina cristia,ia para los ninas y para los figures d'Alphonse de Cabrera o p et de Fernand de Santiago,
hurnilde11, S~ùa,nanque, :t.556, et de Jean d'Avila). 1nercéd11iro, puis l'o.ngusLin Denii, Vazqucz, les frnnciseains et
Dalthasar Pachcco, Diego de ln Vegn, Antoin11 Alvarez et 12
' Pour los premiers, noUI; avon!l la Su111a de doctrin<t cri,uiana dB
Alphonse do la Croix, las do1ninica.ins Diego Jimenez Arlas et
de Constan tino Ponco de la f.'uenta (Sêvillo, 1.543), cello do
Do,ninlqne Solo op (Tolèd(l, 155'1), l'E11ôhiridio,1 o Manual clc snrt.011t Louis de o ,ro111ldo.
A l'âge d'or, proprement dit, citons : Diego l'liurillo et t:01
doctrinn christiaria do Diego Ji,nénoz o p (Lisbonne, 1552), la
Doctri11a christiana de Porniniquo de VRltan6s o p (Séville, Oiego d'Arce, lranciscnins; Martin de Peraza, cnrn101 ta1
Busile Ponce de Le6n, Piorro de Valderra,na, Christophe do 801
1555), la Ltt;r, ilet al11i1i cr(stian<1 co111ra la ccg11edad y ig,wrancia
r-11 lo que pcrl!i1tace 1, la fe y lcy de Dios (Vallaùolid, 1/i!V,) de
Fonseca et François de Castalleda, errnitos de Saint-Augustin; m,
Philîppo de ll!énesea o p, On soit co1nme11L A1neri(:O Castro Lauren t de Zan1ora, Michel Pérez Horodia et Ange l.{anriq11e,
cisternîens; Balth1.1.s ar .Al'ias, Thomas Sierra et 'fho,na.~ Ram6n,
F:
(Erasnw en ticnipo de Ccrc•antes, dans Ra1Jist.a de fUologici ~8'/,
cspanola, t. 18, 1931, p. 31,2 svv) et M. Bataillon (Erasmo y dominicains. (Ù
A la troi&ièrne époque (1.612-1633), le Lrinitaire Horlén•
Jtspana, t. 2, p. 1.33 svv) ont cru voir l'influence d'Éras,no dans COI
siuij Félix Parnvieino; les car,nes Chdstophe d'Avendeüo et pru
l'ouvrage do Menesos; elle est niée par Beltr(ln do Iieredia
Antoine Olivan Maldonndo; les franciscains Pierre Nuiu,lz do
(Las corrl-l!ntes .. , p. 1'19), a11ivi par C.-M. Abo.d (.l:,'t V. P. T.,ûs de •
. 1133 ENSEIGNEMENT ET DÉVO'fION 1134
1132
(lMtro, Jean-François de Collantes et Jé1'ô1no-Micl1ol Forror; ,nacslru Vc1ltnnas: dos critsrios distintos e11 la c~sliôn di.1p1ttacla
1, 117?, lé bll!lilien Diego Niseno; les dominicains André Pérez ot de la ,~hn1uni6ti frccucnrc, dans La Ciencia toniista, t. 84, 1 957,
octri11a /ean de Mat.il; l'ermite da Saint-Auguslin Jérôme d'Aldove1·a y p. 425-1,~7; texte de l'Apologia, p. 489-1,57).
16), los Mônsnlvo; Jo cislorcion Joseph Garcia; lo jé!iuito l<'ran- Lo franciscBin, Antoine de Santa Mal'la, est égale,nent un
:58) de çois Labata ot lo prêtre suculior Gasp!l1'd L6poz .Serrano. déCcnsoUI' de la co1nm11nion quotidienne à la suite de Louis dé
• •
·isttana Font partie do la quatrième période (1683-1664) : Manuol de Blois "t 156G (JI:ape;o espiritual sac(ido de las obras da L11.do-
~une la Nâjera, Jésuite; Diego Malo de Andueza, bénédlcLln; Fran - 11icu lJlosio, ifadrid, 158~)- Au non1bre des p artisans do la
1. Tous ÇOÎ3 de Lfaana et J ean de San Gabriel, 1nercodaires; Dcrnard do comn1union fl'équcnto, on compte encore Louis de Grenade op,
Didl,,go Paredès, carme; Michel do la Sierra Loiano, hiéronynlile; biego de Tapla o s a t'De ad,nirabili eulll,aristiac sacramcnw,
Teresa, Friinçois-Ignnce de Porres, prôLro séculier; Joseph Lainez, Salamanque, 1589) et ClU'lslopho Moreno o f m (Jor1111das p(ira
augllillin récollet. el at'.elo, Alcala, 1596). Thonias de Vllleneuvll et Alphonse de
s ohré• Ènfin; 1nontlonnons pour la dnquiè,ne pt'!riode : l\J anuel de Orozco propagent la communion hcbdo,nadaire (et J. Zarco,
. ti 77), Querra Rlbora, Lrinitairo; André Mondo, jésuite, et le cha- op. cit,, p. 81 avv) .
,te, ces noine de Tolède, prédlcaLour do Cha.ries 11, Joséph de BBrcin
.o part, y Zambrana. Au 17 8 siècle la co1nmunion quotidienne trouve de
6tudier
1me l'a 4° Dévotions. - 1) Communion fréquente. - Nul nornbl'eux partisans.
n'ignore la ferveur eucharistique de l'Espagne au 108 siè-
cle et comment elle la transmit aux Indes occidentales Anl.oina de Molina, chartreux (lnstrctccion de sacerdotes,
1608).
pa.gnol (et E. Ugarte do Ercilla, Espana Eucarl.$tica, Madrid, Les l,énédîcLins }>ierre-Vincent ?.farcillu (Mc1nori1ù compos•
1irltua- 1911, = traditions euchat•istiques; C. Bayle, El culto tcluno ciccrca cle la frec11e11cia co11 que es proi•eciloso « los scglarcs
les en tkl Santlsimo en l11àias, Madrid, 195'1; cf infra, col. recibir cl Sarntei,110 Sacrarnento, Sanlingo, 1611; Ailitic>11e.s al
lites : 1198). ,Au 17e siècle, les fêtes du Corpus Christi avec M e1r1orial, Saragosse, 1612 /1613) ol Alphonse Chinchilln,
épîtres les drames eucharisf.iques sont quelque chose d'unique. Oo11.9i,l«riwioncs lcol6gicas y espirituales acerca de la frecuencia.
ou en Distinguons la pratique de la communion froquonto ot de la "om1u1i6n, Valladolid, 1618 (cf DS, t. 2, col. 8',t,-845).
1t à la quotidienne, et los auteu1•!i qui s'en font les défenseurs. Chez le1:1 mercédaires, Jean Falconi (Tratado ckl pa,1 nttostro
a) La pratique ùe la corn,nunion quotidienne n'a cle cada dla, commencé en 1.624-1625) donne, d ans son ordre,
uno i111pulsion décisive or1 faveur de la cornmunion quotidienn e.
p.419· existé, au 168 siècle, que dans des cas isolés. Au début S<;ln l1·11ilé fut édité après sa mort p11r Bloise de Mendoza
1-29. - du 17°, on communiait déjà chaque jour en certains (Madrid, 1656; notnbre uses éditions, traducLions française et
1'41 -1 51. endroits. Cette pratique se développa. Si les ordres reli- ila.liennc; cr E. G61nei, Fr. J11.an F'alconi y Bu.stan1ante,
blblicas gieux continuèrent à suivre leurs constitutions, il y eut Mactrîn, 1956).
o~, t. S, des exceptions, comrne chez les déchaussées royales de llJn 1680, llatthieu Villarroel (Tratatlo de la ncccsidlld de la
,-56. - Madrid, les religieuses rriercédaires, los augustines oraci6n y frecuente oracio,1 y co111u11i611, Madrid), maitre de
(09 -226.
récollettines, les trinitaires déchaussées et en de nom- Falcoui, ot Molehior de los Reyes (Prudencia de co11fesorea en
ordcti a la co111uni6n cotidiana, Cadix) écrivent en faveur de la
i étude breux couvents de !l'anciscah1es. con1111union quotidienne; do 1nô,no P ierro Machado t 1002
.oie des Des abus s'introduisirellL. En 1GG8, Pascul d'AragQn, archll- ( De le, conu1ni611 cotidia11a.) et i'.lelchior Rodrlguoi do Torres
~nifeste yêque de 'l'olède, interdit, sous peine d'c:xco1n 111unicalio,\1 de (Rrr,pc11os d<•l alma a Dios, Burgos, 1611), Melchior Prieto
'
; spin- . porter le Saint,Saoren1ent secrètement. Fl'édéric Dor1•01n60, (l'saln1odia e.uc11rlstt'.ca, Madrid, 1622) et Pierre de M.edina
de son oonce en Espngnij, ét.end cette interdiction aux réguliers. En (Libro de la ver<I.ad, Perpignan, 1626). Plus tard écriront dans
16?0, la. Congrégation du concile publiait lo décret Gum ad Je mê1110 sens François Mendoza (A p<J/Qgia pro iJUOtitlia11a sacra
au,~s, approuvé par lnnoCflnt x1, qui visai t principalon1ent euchariRtiat su111ptiQ11e, Mad rid, 1663) et Berna.rd Santa.n.d er y
raissont lo rodrossomont des abus (cf J. Zorco, Espc,fla y la co11i11.nùln Barcenilla (Escu.da de pri11oipia11tes y aproc,echados en el ca,nino
!ans les /rcc1tc11te.. , p. 217 svv; J.-B. !~erreras, La coniu-ni6n frectLre11te y del ciolo, Madrid, 3 vol., 1671-1678).
compte diarla, p. 7',-78), Par111i les franciscains citons : Joseph do Santa Jlfal'ia
>agnolo, ( Apolo;:la cle la frecUBncia de la Sagrada Co111uni6n), Louis Fun•

i cspiri-
• • b) Pro111oteurs de la co1111nunio11 fréq11.cntc et quoti- doni ('.l'ratado del diPinlsimo Sacràmcnw del Cucrpo y Sangrc tk
•Î8lâ de
die11ne. - 16e siècle. - François d'Osuna (l~idèle de 1uicstra Scnor, Valence, 1614), Antoine Ferrer (A.rie de C<>noccr
Garcia, Rli~, Le Père J,'rançois d'Osllna .. , Paris, 1987, p. 221· y agradar a Jesus, Orihuela, 1631), Christophe belgadillo
sagrada 2~6) composa un Gracioso con.vite de las gracias del santo (1'ra.ctatus de 11e11era.bili l!tteliaristiae sacra.111e11t<>, Alcala , 1G60),
noe son Sacramento del altar (Séville, 1580), qui fut interdit en et los pères du couvonL Saint-Antoine do S6villc, qui vers les
1659 par l'Inqui$itîon. Bien qu'il se1uble 1·eco1nmander annl,cs 16~5 co,nposèrcnl une Apologi« cscola.st.ica y moral de
ohé los la /rcc11cntc y diaria comu.11i611 (cf Zarco, <Jp. cil., p. 1.51 svv).
prédica- sans restriction la corl'lmunion fréquente et môme
quotidienne, il détermine toutefois la fr6quenee : pour En 1624, Jean Sânchez, prêtre d'Avil11, publi11it à ifadrid
1els, qui ses Sclcctac et practicae disputatio11~a. Pour la communion
ure \eur ,1~ pr6tros, &auf empêchen1ent grave, célébration quo- quot.idienne il exigeait nniquernent l'absonco de péché 1norl.cl
tidienne de la n1esse; pour les religieux non prôtrei,, les et l'intention droite (à l'[ndex en 16ft2, • donoc corl'iga tur •,
religieuses et los chrétiens fel'vent.s co1nrnt1nion domini• on raison, semhle-t-il, de certainl)s tondanccs laxistes; encore
d'Avila, cale·; pour lés fidèles trois communions obligatoires : an 191,8). k:n 162ft àussi, Ill prêtre J6rôme Pérez avait déjà
it', K[!lndos à ijoël, à Pâques, à la Pentecôte. - Sur saint Ignace rédigé sa Su111a teol6gica (Madrid, 1628); parLisan do la
Santiago, conl1uunion quotidienne, son influence fut considérable sur
1nciscalns llt ses premiors compagnons, voir DS, t. 2, col. 1.270-
1271, et J. de Guibert, La spiritualité de la Corrtpagnie le Pan 111utstro de Falconi.
lvaroz et Le uicrcédairc François liiendoza donn() son Aprobaci6n
: .(\rias et ile Jésus, Rome, 1. 953, ch. 9. (vrai petit traité en faveur de la cornmunion quolldlenne) à la
L'Apologlr, de l<i frccucnt.aciô" da la Sacrosanta Eitcarist.la !I Rcsp1LC$la apologética, n1oral y escoldstica accrca clcl /rcettcntc
!urlllo et cpmuni611 (Séville, 1.558) du do1ninicain Do,nlnique de Val- (L.~<l d~ /ri co11fesi611 sacra,nental... y para ac<>nsciar la fremu.ncia ...
, cnrn10 i ta'nâs osL rcsLéo da ns l'ouhli. Il va plus loin que Jean d'Avila, ,Je la Rucaristta (Madrid, 1659) de Jean de Vega., prEltre sécu-
1topho de son ami. Le bionhouroux oxhorle à la communion (rëquenlo, lior, qui soutient com,ne trè.~ proba.ble l'opinion de ceux qui
i\uçustin; , mnis pas à la con11n union quotidienne (voir les nua.nces dans eonsci llc11l à tous la communion quotidionno, 1noyonnant
llanrique, F. Iriarte I?ornûndez, EPoli,citin y fue11tes principales de /.a 1'6lat de g1•ftoe cl l'in tention droite (p. G). Des prêtres avaient
,s Rim6n, tapiritualida<l cucti.ri.stic<; del cip6swl de 1!11da./ucla, dans RoP~ta d6jà ét:l'Ït en faveur de h.1 communion quotidienne: Antoine Ber-
ds espirit11alidaà, t. 17, '1958, p. 39-41). Valtanus va jusqu'à la naldo de Baruojo~ (Epi-logo o rscapit1ùaci6r1 clc los f u11d111iu11tDs
i J:torLon• communion quotidienne, pourvu quo lo co1nn1 unianl ne soH 11 ratQnr.., pri11cipales que hay para persuadir a loa fie/es la
1ndano et pas en étal do pô<:h{i mort.el (cf A. Huerga, El bcato A<'ila y cl comu11ùh1 ti,i cada dia a. ùnitaci6n <le la prù11itiPa 1gli!sia.,
Nuiioz de
1135 ESPAGNE. AGE D'OR '1136
Alcala, 1644), Balthasar d'Esoobnr (Al.:cntos de fl,orcs cspiri• renseigne sur l'osclavago chez los car1nes et ailleurs. l"rançois
tuales para la frecucntc cornu11i611, Naples, 1.G38) et Fru- écrivit une Esclavilltd de Nziestra Senora (r6ûd. dans J111i1nitad
tos Paton de Ayala (Ap o/o8la sacra c11 dcf~11;;a d11 la co1nu11ir~n cv,1 Maria, Madrid, 1954). La pratique de P astran11 devint
cotidiana, Madrid, 1640; trois car1nes déchaux, d ont un salman- loi pour les novices (cf Albert de la Vlrgen del Car1non, Curio•
ticansis, donnent lour approbation). 11idatles rnarianaa del Oarmen Descal~ , dans El Monle. Ca.rnielo,
Rappelons enfin lo clerc régullo1• Antoine :m. Volusquo:t Pinto t. ,,s, 1944, p. 85 svv). ,Joseph de San Juan se fit esclave do
(Tcsoro de los cristianos que para cada dta les dejô Cristo en el .lésus, Marie ot Jgseph, le 13 décembre 1 ?06 à Alcala (sa lettre
Pcr<lùdcro Mc1nâ scwrcinwntado, Madt·id, 1664). L 'ouvrago, qui d'es<ilavaga ost publiéo da_ns Mt111sajero de Sa11ta Teresa, t. 10,
eut grand succès, affirme quo la con1n1union quotidienne est "'1935, p. 137-138),
de droit divin J Antoine de Rojas (Lili de la 1wc/1c oScllra y
prt1para-0iô11 71ara bien,nol'ir, Madrid, 1.680) et Michel de Molinos L'Espagne prenait ainsi les devants dans le grand
(Breve tratado de la aon1u11i611 cotidia11a, Rom(1, 167;,) eux-mêmes rnouvement d'esclavagl'! marial.
se !oul Ios d efênse urs de la. co1nmunion quo tidi\1nne.
,f.-,R. Ferrerea, La cù fllll1ti611 frccucntr. y <liarit1. y la primcr<t Cl. Bur6n Alvarez, l?l P. Bartolo1111I de los Rtlls y sri Hierarchia
Mariana, Lérida, 1925, - Nazario Pér0z, La escla~itud d~
Côniunitln, 8• éd., Barcelone, 1911, p. 29-80. - J. Zarco,
Espana 11 la co1nzt1li6n frt1cu,111te y diaria e11 l-0;, 1<igloa xv1 1/
Nuestra Senora ssgtin los antigttos asceta.s espanolss, l\Iadrid,
xvu, El Escorial, 1912. - J. NouwilllS, Los autares espanoles 1929. - Matthias del Nino Jesûs, La csclavi1t«l mariana en si
y la disptlta de la conJ11ni6n frccacntc en los P ai.scs Dajos, dans Car,ncl<1, d ans El MQn/c C(trmclo, t. 45, 1944 , p. 15-17. -
A11(t/ttctcl ~acrci tcirrc1-0()11cn.sia, t. 25, 1952, p. 221•254. - Salvador Gutiérrez, La csclac•itud nuiri(tru, cil Sils fundarnc,itos
tcologicm, y forma ascdtica e Jâstârica scr;ti.11 !cl bcato 111.()ratf()rl
E:. 06mez donne deR renseignements sur la con1111union quoti-
y èl J>. Rios, 2• êd., Madrid, 191,5. - J .-A. de Aldarna, La
dionno uhez lêlj merc:éd11ir0s, dans son ouvrage sur Falconi. -
C.-M. Abad trailo do la conunun•ion fréquonLe clll!z la PuonLo, f6r11111la dd 11011.~agracicln a Nuestra Senora de la Cofradta
escla.p ifl•a dt1 Alcala, dans Salmanticcnsis, t. 6, 1959, p. 4 77•481.
et parle do la correspondanco do cè do:rnior avèe P.-V. l\farcilla
(El Vcncrablc P. Lllis cls la P1wnte, Cotnlllas, 1951,, p. 284-288); - S ur la piété 1uarîalo du pouplo, voir N. Pérez, Marie dans
la littérature s11pa,:11ole, d ans 1-1. du Manoir, Maria, t. 2, Pru·is,
cf A. P 6rez Goyena, dans Raz6n y 1~, t. 46, 1916, p. 322·326 : 1.952, p. 125-140; Piét,J niaJ'ialc clu. pca,plc cspag11ol, ibiclcm,
bénédictins observants; t. 53, 1919, p. 69-?2: morcédaires.
t. 4, 195G, p. 5'.l1-610.
2) Er.olavaga rn11ria:t. - C'est à Agnès d e San Pablo,
franciscaine concoptioniste, que l'on doit, entl'e 157 5 8) Nous aurions pu parler d'autres 1noyens de petfec-
et 1595, la prerniè1·e confrérie d 'esclavagé rnarial connue. tion; ce que nous avons dit suffit. Rappelons seulen1ent
Le 2 aoftt 1595, elle est érig6e ofllcie1lon1onl. au couvent la pratique des exel'cices spirituels do saint Ignace,
de Sainte-Ursule d'Alcala. Ses constitutions sont 8Xl)OS6e par I. Ipàrràguirre, l{Î$toria d<1 los Ejeroicios eu
refondues en 1608 par Jean des Anges o f m (Cofradta san ]gnar.:io, 2 vol., Bilbao-Rorne, 1946 et 1955 (et
y depociorL de las estJlaQa!l y escla11011 de N u(!stra Sen.ara la par exemple, C.-M. Abad, Un ëentro de Ejereieios esp.,-
Virgen Santtsima, publié par J.-B. Go111is, dans Verdad ritr.uûe!l en la antigua Com.panta. E l Colegio de Alcalâ,
y Vida, t. 4, 1946, p. 278-285, et dans Mlsticos francis- dans Manresa, t. 20, 1948, p. 158-180; t. 21, 1949,
canQs, t. 3, BAC, Madrid, 1949, p. 691-698). Melchiol' de p. 825-854) et le succès étonnant dos missions parois-
Cetina continue l'œuvre de son confrère et publie une siales (M. de San Roman, Expeditiones spiriluales SotJÎ.8•
Exhortacwn a lr.t. devoci<Jn de la Virgen Madre de Dios, tatis J esu, Lyon, 16411). . •
Alcala, 1618, dans Mtsticos .. , t. 8, p. 721·817). Il y 5° Esprit missionnaire. - On connait la pro-
établit définitivement la doctrine et la pratique de la
fondeur et les réallsaUons de l'esprit missionnaire
confrérie d'Alcala. espagnol à l'dgo d'or; un chapitre lui est consacré.
Un autre apôtre, Antoine d 'Alvarado o s b, fonde en
1612 à ·Saint-Benoit de Valladolid, la confrérie des
1 esulaves de la Vierge exilée. Pour stimuler la ferveur
C. RÉFOI\M i,S I\F.J.lGIEUSES ET NOUVHAU X ORl,lRP.S. -
10 Bénédictins de l'observance. - Le chapitre
ontl'e les esclaves du Saint-Sacre1nent et ceux de la de 1500, auquel assiste Garcia Jirnéoei: de Cisneros,
Vierge, il publie son Guta de los De/lotos y Escla11os del transforme en congrégation la r6forme de Valladolid,
Santtsirno Sacrarncnto y de la Virgcn Destcrrada (Valla- qui existait depuis plus d'un siècle. Les nouvelles cons-
dolid, 1613; rééd., 13arcelone, 1910) et son Ramillete de titution.a conservent l'esprit stl'icte1nent contemplatif,
~ores y e.1;celencias de Nuestra Se,ï.ora y Guia de los insistent sur la clôtul'e, élément le plu11 lYJlique de la
Esclavos erl su pcnoso destierro (Pampelune, 1618). réfor1ne, et imposent, - c'est une nouveauté -,
Voir DS, t. 1, col. 403-(.05. · l'oraison mentale quotidienne. L'accent mis sur les
Le bio11houreux Simon de RojilS t 162'1, trinilairo, Ost le études rendra possible la brillanté activité Jittél•aire
grand apôtro de l'csclavago 1narial on Elspagnû. Il tondo la que déploiel'a la congrégation (cf G.-111. Colo111bas, Un
con!rôric des osclnvcs du Nom de llint·io, approuvée par Paul v refQrmador.. , 011. 5 et 6; lo chapitre général de 1610
en 1616.
En 1615, Pierre de la Serna, mercédairo, publie à Séville les émancipera la congrégation de la 1naison mère de Valla-
Estatuto11 y Ço118titw,io11es q1ic lta11 de 8Uard(tr l,M Eaclapo.~ dl! dolid). Durant la première 1noitié du 16e siècle, cette
Nuestra Senora. de la Merced. activité se limite, presque exclusivernent, à des publi-
Darthôlon1y do los R ios, orniitG de Saint-Augus tin, gagno la cations concernant la vie de la congrégation. A la On
Dolgiquo on 1622 ot y 6rigo une cion!rârio d'osclavago au du siècle, elle s'étend à diverses sciences, y compris la
couvent de Saint-Augustin lo 15 août 1626. Sa propagande spiritualité. Elle atteint son apogée au 17° S!ècle .et dans
gagne l' Alletnngne, le Luxetnbourg, ln Pologne. En 1641 son la première moitié du 18 8 • Dans le dernier tiers du
ouvrage principal sur le sujet, Hforarâiia marùuu1, est édité à 16e (157~-1608) se produit un mouvement ~e renouveau
Anval'il.
Lo josulto Gaspm·d d o la F iguora parlo do l'osclavngo dans spirituel dans les maisons dites de recolecc1d11.
sa Suma ospiriuial (Valladolid, 1Ga5). $ur Cisneros (14 55-1.510), voir DS, t. 2, col. 910·921 èL t. a,
· Le oarme François de la Mad1•0 do Dios t 1665 Introduit la col. à86-387; njnu ler à la bibliographie : A.-1\f. Albarcda, ,
pratique de l'esclavage n1nrinl nu noviciat de Past.rana le /ntor110 alla sliuola di ora.zic>llt': metaclica st(tbilita a 111ontscrrato
2, mal'!! 1650; un peu plus tard , Antoine d e Santo 'l'ornns, dall' (tbate Oarsias J imé11ez de Cis11cr1>B ( 1493·1610) , dans
dans sa Marta ue1111rada en el Çarn1elo (p. 3, ch. 52, bibliothèque Arclti1•11n1 hisu,ric1i1n Soci<Jtatis Jes11, t. 25, 1956, p. 254-316,
nationale da Madrid , ml! 1$424), décrit la 1;érémonia et nous et 0 .-M. Colo1nbâs, cité infra. Pierre de Nâjora, nbbé général
[136 1137 Ill!FORMES RELIGIEUSES 1'138
JlÇOÎS da !!observance, il 1111ijSÎ son i111porlanco. Bien que, aelon
Colombâs, on ne poil;se parler d'école spiritnelle bénédict.ine
<Jn a voulu voir cllez los .dorninicains du 15e siècle
nilad
evint do Valladolid nu 16• sièclfi, rappoious l'érnsmisr,10 d' Al- deux courants Spirituels qui auraient eu pour chefs de
'urio- . phonse Ruiz de Virués (t vers 1545) et l'opinion de J011n de file Ca1•ranza et Cano; celui-ci intellectualiste et ascé-
rnelo, Roblcs t 1572, qni croyait 01>portune ln lecLure de 1'19v1111,:;ih1 tiqtH1, l'autre affectif et mystique. Pour résoudre conve-
rn do en langue vulgeira (Ra traduction, l!onaervéc à l'Escorinl, a ulé nablement ce problème co1nplexo, il faudl·ait tenir
lettre publiée à Mad1·id on •J 906). con1pte des circonstances. Los disciples du courant
t. 10, M. del Alanio, nrl.. Vc1llculolid (congrégation de Saint- affectif sont surtout Dominique de Valtant'ls 1· 1567 et
Benoit de), dans Espas1t, t. 66, 192\l, p. !130-1022. -
G.-M. Colombas et M.-M. Oost, Estu.dio.i s,>brc cl pri111t1r siglo
t
Louis de 01·enade 1588, puis Philippe de l'l'Ieneses
clc San BenitQ de Vcdlc1clolid, J\1ontscrrnt, 1 !1511. - G.•l\L C1.>lom-
"t 1572, Louis de la Croix, ,Tean de la Pena t 1568.
rand Ca1•rHllza est ouvert à tollil les courants rénovateurs,
b{ls, U11 refor,nad()r bcncdicti110 m1 tfompo de los Ffoycs cat,llin()8.
GarclaJim<lne:11(. Cisneros, abadde 11,JQntscrrat, Montserra t, 1955. sans trop se préoccuper de formulation théologique.
,rchia . Cano s'elTorce, lui, de sauvog~•der à toùt prix la pureté
id do 20 Réforme dominicaine. - En 1506, la con- de ltt foi, d'écarter tout illurninisme et de sauver la
idrid, grégation de l'observance et la province dominicaine piété t.1•aditionnelle. Pour V. Beltrân, Cano est l'authen•
en el d'Espagne fusionnent, ce qui facilite l'hnplantation de tique représentant de la spiritualité dominicaine, -
7. - l'observance. On peut distinguer plusieurs rnoments sans entench•e approuver toutes ses réalisations (con1-
ICTIIOS dans ce mouvement spirituel : depuis la béate de Pie- battu pal' M. Bataillon, dans Bulletin hispanique, t. 46,
,111/ort drahita, Marie de SainL-Dorninique (1 li.86-1524), et son 194'/i., p. 268· 274). Certains croiont voir l'opinion domi-
a, 1.a groupe, jusqu'à lvlelchior Cano t 1560, Barthélerriy de nante chez les dorninicains d'alors dans la censure de la
fradla
7-~81. Carranza t 1576 et les confesseurs de sainte Thérèse, en Vie de sainte Thérèse par Dominique Dâfiez et dans le
, dans pQSsa,,t par J ean Hu1•Lado t 1525 et l•'rançois de Vito• .Dicta,neri de l'icr1•e Jbâfiez; cotte tendance intellectua.-
Paris, ria t 1546. liste modérée s'écarte de l'extrémisme de Cano et du
,idem, 1Dès le début, l'esp1•it de Savonarolo s'impose. Celui 1nysticis1ne de Carrania (cf E. Colunga, J,iteltJotualista.s
de la béate a des tendances séparatistes. Sa spiritualité y ·111/.sticos o,i la teologta espa,ïola del siglo xv1, dans
est austère, mais comporte une part de révélations et La Cû:,wia toniista, t. 10, 1914, p. 232 svv).
1rfec•• de pi-oplléties, de volonté réformatrice de l'Église el un .. .°En 1514, se constitue la province d'Andalousie. Elle
ment accent personnol, qui ont été diversen1ent interprétés. conserve sa vitalité spirituelle. Un personnage impor-
11ace, tant, Dominique do Valtanas t 1567, est l'écho des
Pour les uns (cf D. Llorca, La Bcaia de Piedrahita fw! {) no
dtJ
:011
fuë aJ1c.1>1l>ratla?, dans Manroaa., t. 14, 1942, p. 46-62, 176-178; questions les plus brûlantes de l'époque. Partisan de
5 (et t, 16, 1944, p. 275-285; 1',I. Batuillon, Eras1110 y l111pcûia, t. 1, l'oraison, défenseur de l'usage de la langue vulgaire
espt•• p. 206 svv), li s'agit d'11ne illu1ninéH; V. Bollrén de Heredia dans las livres de spiritualité et l' Écriture, 6ctivain,
'-calâ, là nio (Las corrientes .. , çh, 1; lfistoria de let Rcfor111a .. , p. 136- grand prédicateur, ami de ,Jean d.'Avila et de la compa-
1949, 142; La beatc1 clc Pi.edral1ita 1io frié al1t11ibrad(,, dans La Cù:rfri" \

tondsta, t. 63, 191,2, p. 294-311). Certains traiL~ co1nn111os


gnie de Jésus naissante, il influence la formation de
,rois-
•tOCUl·
• avec los illuminés no ))or,nettent, guère do su prononcer. ?v!eis Louis de Grenade.
'qu'entend-on par alumbrados (cf H. Santla~o Ot.ero, E1> tor,w De la province d'Espagne l'élan rénovateur passe
. a los cùun1brados dc,l rci11C> d~ 1'olodr>, dans Sal111a111icc11.sis, t. 2, dans 1)elle d'Aragon, bien qu'elle n'ait a,~similé que très
pro- 1955, p. 623)? .J.-l',t, Blecua II réédi té le Libro de la oracio11 partiellement l'observance. Introduite à Valence par

nn1re y co11tc1>1pl<1cion de Sor 1l1aria de Santo ·norriingo, l\1ndrid, 1948 . Dominique de Montemayor en 1 530, elle rencontra. des
é.
Importante est la personnalité do ,Jean 1-Iurtado de difficultés, nées de l'interférence de plusieurs courants;
,8. - Mendozt\, d'abord adulirateur puis adversaire acharné aussi la réforme définitive n'èut-elle lieu qu'à la seconde
de la béate. Ses plans ultra-réforn1istes, suivant le mot génération, à l'époque de saint Louis Bertrand. Parrni
do V. Beltràn, ont été conçus avant l'alTaire de sœur ceux qui la préparèrent, remarquons Jean Mic6 t 1555
1pitre
1eros,
lolid, M_arie, mais ne furent réalisés qu'après sa solution. Il et Michel do Santo Domingo, qui formèrent saint Louis
cons- insiste sur une pauvreté rigoureuse, l'assiduité à l'orai- à la vie religieuse. A l'école du saint appartiennent,
,latif, s9n, la prédication, l'étude. La pre1nière fondation de entre autres, Cosme-Augustin Dornfnguez t 1589,
(le la stricte observance fut celle de Talavera de la Reina ''incent-,Justin .A.ntist, 1' vers 1600, Diego Mas t 1608,
Blaise \'erdù de Sanz t 1G20, G. Catal.à de Monsonla
.' -' (1520). Le second priorat de 1-Iurtado A Saint-ÉtiennA
de S9la1nanque (1522) y enracina l'esprit d'austérité et
t 1652, etc.
r les La r6forn1e de l\iajorque est liée à Louis Ilertrand.
irsire l'application à l'étude. Si l'on ajoute l'influence de ses
:, Un disciples, on entrevoit co que lui doit la J)Uissante vita- Les vénérables Antoine Creus et Barthélemy I-tiera
lité de la province don1inicaine au 16° siècle. t 1615, collabol'ateurs de PiArre Mârtir Coma t 1578/
f61 0 1580 <lsns cette entreprise, avaient ôté formés par le
raua- François de Vitoria est une gl'allde figuro de la renais- $QI nt.
cotte sance théologique. Sos éludes à Paris l'avaient 1nis en
contact avec des cou!'ants qui allaient enrichir la théo- Lou.is de Grenade (1504•1588), prédicateur extrême-
1ubli-
.a fin logie et là spiritualité. Son éras1nisme 1nitigé et équi- ment :i;élé et écrivain classique, est le dooilnicain le
ris la l~ré complète le savonarolisrne de l-lln•tado. Après son plus populaire du 16° siècle. En lui s'harmonisent les
dans cnselgnerrient à Valladolid (1523-1526) (Carrania, qui courants anciens et modernes d'oraison. 11 est donné
avait étudié à Alcala où triomphait l'érasmiso1e, arriva par Dieu <( pour lo plus grand bien universel des iln1es »,
~ du
,veau chez les do1niuicains do Valladolid en 1525), il devient lui écrit 'fhôrèse d'Avila en décembre 1575 (()bras,
professeur à Salamanque, où l'orientaLion donnée par éd. Silverio de Santa Teresa, t. 7, Burgos, 1922, p. 211).
l t. 8,'
Hurtado est p1·édo111inante. V. Beltran do 1-Iere<lia a Sos écr·its, surtout ascétiques, connurent une clilTusion
pu écrire : (< Scolasticisme 111édiéval, spi1•itnalisme savo- de extraordinaire (of O. de Arriaga, lfilltoria del Colegio
1toda,
:crràto narolien et une touche d'huma.nisn1e érasmien J)a('fai- ,Sa,, Grogorio de JTalladolid, éd. M.-Ivl. rloyos, t. 2,
dnns tement frères, sont les élén1onts que co1nporte la vie Valladolid, 1931, p. r.s).
,-316, dominicaine en ces centres de Castille » (J,as corrientvs .. , En plus de quuntité de Sermons, Loui.q de Orenado o. com-
6nérlll p. 50). posé : Libro de la oracion y mcdilaci6n, Salnmanquo, 1554;
1139 ESPAGNE. AGE D'OR 1140

Guirt de pecadoras, Lisbonn!l, 1566; lvlcmorial. de la vida Pierre de Salazar, Cor6;iica y lii.1t<1ria de la fundaci6ny progri:81>
Cristiana, Lisbonne, 1561; Adicwnes al Mcn1orial, $alan1anque, dt la Provincia de Casiilla <le la Orden de... S. Frarwisco, Madrid,
1!i74. - :gdlllon critiquo en 1'1 volumes pur J. Cuàl'VO, l\1adr.id, i 612. - André de Ouadah1pe, H iatoria de la santa l'rovinaia
1906-1908. D'autres textes inédits, des lettres en particulier, cle Los Angeles de la regular Obscri•ancia, l\.ladrid, i GG2. -
dans : D. Velu<lo Orafia, Dos cartas inéditas .. , dans Rc,,is1a de Alphonse Torres, Chr6nica de la santa PrQ11i11cia de Granada,
espiritualida<l, t. 7, 1948, p. 389•356; R. Robres Lluch el, ,J .-R. Madrid, 1683. - Antoine de Herrera, Chronica ssrâfica ck
Ç)rtol6., La tt1011ja de LisbQa. Epistolario inédil<> entre fi'ray /(1 santu Pr()(>Î11cia de Aragon, Saragosse, i 708. - Fidèle de
Lttis de Gra11ada y el palriarca Ribera, Cnstell6n de ll1 Plr1na, Ros, Un inspirateur da sainte TMrèse. La Frère lJernarclù1 ile
1947 ; fluerga, infra. - M. t,laneza, lJibliografia del V. l'. lvl. L<ircilo,i>aris, 191,a, p. 58-55. - Voir b$, t. 2, col. 2013 -2016; '
Fr. Lui.~ do Gra.11ada tlc la Orden do Prcdicadores, !, vol., Salo.• t. 3, col. 387-392, et art. Fnfo!IES ~IINEUJlS,
rnnnquo, 1926·1928. ,,0 Jésuites. - J,e 27 septernbre 1540, Paul 111,
Fidèle do nos, Los rnl81Îcos dol Norte y Fray Luis cle Gr1111Cula,
par la bulle Rcgirnirii ,nilitantia Ecclcsiae, confirme
dans Archivo ibcr1J-a111erica110, t. 7, 191,7, p. 5-.îO; Alg,.,1as
fuontos de Fray Luis de Granacla, do.na l!.'st11dios francÏS<:illtOS, canoniquement la compagnie de Jésus, L'idéal
L. 51, 1950, p. 161.-177. - A, Huorgu, Jrray Lili,; clc Gra11ada d'Ignace de Loyola à Manrèse (1522) et à Montmartre
c11 Esc(daceli, dllns 1/ispar,ia, t. ll, 1949, p. 432-1,79; t. 10, (1584) s'était peu à peu conc1·étisé en une fondation
1950, p. 2oa-aa5; avec deux lottrcs inédites; influence de éminemment apostolique, où l'esprit antiprotcstant
Jenn d'Avila, étudiée aussi par L. So.la Bnluat, Vfoisittulcs del n'est ni oxclusü ni le principal : rénover la vie chré•
• Audi filia , .. , di111a Bispa11ia sacra, t. 3, 1.950, p. 76•80; tienne dans l'Église, développe1· son sons n1issionnail'é,
l'linio en lei ,istdtica de l~ray L"is de Gra11ada, dans 1/clrrn!r,tica, tout en la défendant contre les hérétiques.
t. 1, 1950, p. 186-21.à, - D. Alonso, Sobre Eraanio y Fray Luis
Saint 1 griacc de Loyola. (1,/;91-1556) n aît ù l'époque
de Gra11ada, dans Cuadcr11i iber1J-a11ierica11i, t. 0, 195·1, p. 96-
où l'Espagne vit dans un clirnat do croisade et de rnis•
99.
J. C11ervo, lJiogra/ia de l•'ray Li,is dé Gra11ada, :t.fndrld, sion . Voué inconditionnolloment à la papauté, paladin
1895. de la ré.forme catholique, apôtre du peuple de Roine
V. Bcltran de Heredia, liisl<>ria de la r,1for111a do la provùtci<1 par sa catéchèse et ses œuvres charitables, et de toutes
da Es paria (1,60-1650 ), f{o1ne, 1939; Las corriantes de c:spiri- les classes sociales par ses Exercices, Ignace, fonda.tour
tualidad crilrc los do111i11icc>s clé Çastilla d11rant.c la prirr1era d'ordre, est, selon !l'L Menéndez y Pelayo, " la personni-
111itacl clcl $iglo xv1, Sala1no.nq110, 191,1. - J,-M .• de."ourgnntt1, fication la plus vivan t.e do l'esprit espagnol en son âge
Aportaci6n de los don1inicos de la provincia clc Arag611 a la d'or » (Historia de los hcterodoxos.. , t. 5, 1928, p. 395).
historia tle la espiritt,aliél,ul (sialos x1 v-x vn), do.na Estada .. , En lui cohabitent la tradition et l'esprit n1oderno, avec
p. 895-417, cité infra, col. 1178 et dans Tcoloala espiritual, prédornino.nce d e ce dernier; de$ liens spirituels le ratta-
t. 1, 1957, Valence, p. 89-112, - Voir OS, t. 2, col. 2016- chent fortement au 1noycn âge. Sa haute mystique a
2018; l. a, coL 397-399; et art. Fn~11P.s P11ÈcHEU11s,
été partîculièremeilt étudiée ces derniers temps.
3° Francieoains. - L'esprit franciscain se 1·enou- S11ir1t Ignace a co1npos des Eœarciccs sfJiritu11t~, t:onunoncés
velle ou, mieux peut-être, continue à se renouveler ou 1522, publiés à Rome 011 lo.Un, et app1·ouvûs par Paul 111;
(cf supra., col. 1118) . L'institution des couvenLs de rcco- las Co11stit1ttio11S de l'ordre, qui co1nportl)nt uué forte doctrine
lcccion le manîfeste; on y mène une vie austère, silen- spirituelle (écrit.es surtout entre 151,7 et 1550); un l)iario
cieuse, recueillie. Ils sont corr1rrul une roforme à l'inté- cspirit11al (2 février 1544 au 27 févrior 15115); Uni) AuLObio-
rieur 1nême do l'observance. Le supérieur gônéral grciphic ou Jlécit du ptllarin, dictée à lu fin do sa vie à l,011ia 0 011-
François Quiîiones t 1540 rédige en 1528 les statuts de zlllcz de <..:1'1111111·11; on fin une correspondance considér1\Llo,
la recoleccicJn. Le chapi Lre provincial de 152 1, eL, sur- nvcc nomhre do lcllres spirit1,elles. 11ld. Mo,11une111a ianatia.na,
coll. ?vlonuruento. historica Societatis J esu, 19 vol., Madl'id-
tout, le chapiti·e national do 1528 à Guadalajara, Rome, 1903-1951; éd. ,nnnuollo, ObrM conipletas, BAC,
s'employèrent ù rem6dier à certaines compro1nissions 'M11drid, 1952.
avec les illuminés. ,J. ,J uarnbolz, B ib/ioarafla sobre la i•ida, obras 11 cscritos /16
Michel-Ange, Lei i•ie franciscaine cri Espaa11e e11tre les dcwx: san Ignacio de Loyola. 1000-1960, ll{adrid, 1956. - J,-1''. Oil•
couronne,nents tlc Charles-Qttint, dan!! Revista de arcliii•os, 111011t et P. J)nmnn, Bibliographie ignatiennc (1891.-195'1 ),
bibliotccaa y rruueos, L, 28, 1910, p. 161-225. - Fidèle de Ros, Pat•is•LO\IVSJin, 1958. - R, O. Villoslada, /gnar.io de Lo11ola.
Un maitre de sainte Tlu!rêsc. Le Père François cl'Osurla, P(~ris, Uri cspa1lol a.l scrvÏ<:i(} rlel pontifi.cado, Saragosse, 1956. -
1937, ch. 3, p. 67-105. - ft Asenclo, El èras,nismo .. , p. 70; DS, t. 2, col. 202!t·2025 : eonte1nplo.tion ignalienno; t. 3, col.
relations entre l 'érusmisme et les franciscains, p. SG svv, - 11.15-1117: direction spiriluello; col. f267-1273 : discernement
Sur les ,naisons de recoleccidn, voir DS, t. 3, col. 51,2-51,'l. dos esprits; col. 1826-1.î27 : discrétion; t. 4, col. 41.7-1,21 :
~ons cccMsial.
Dans la pl'ovincc des Anges, autonome à pitrLir de
1518, l'esprit d'austérité et de recueillen1<int que lui Canoniquement e t spirituelle1nent, le nouvel ordre
avait inculqué son fondateur, Jean de la Puebla t 1495, heurte la mentalité de beaucoup : des vœux simplos f)t
do1neure, continué par Jean d~ Guadalupe t 1506 (DS, pe1•pétuels, ni chœur ni habit rellgie1,1x, pas de rrrortifi-
t. 3, col. 541). Dans la province de Saint-Gabriel, au cation extérieure particulière, enfin une oraison de
dire d'Alphonse de la Fuente, existent deux tendances, tendance apostolique (cf R. G. Villoslada, Ignacio de
colles d es n1ysUqucs ou « illurrlinés », des intellectuels Loyola, p. 155-157; M. Zalba, Las Con$tilucioncs de la
ou « relâchés )>, Saint Pierre d' Alcantara t 1562, supé• Co,npa11La de Jesûs en la. hüitoria del derecho de los . ruli-
rieur de la province de 1538 à 1542, la rarr1ènt• à la gio,Yos, dans Razo,i y /c, t. 153, 1956, p. 109-128).
rigueur de l'observance primitive. Au couvent de Quoi qu'il en soit, la $piritualité de cet ordre adapté
Ped1•osa, il pose les fond ements de la réform e alcanta- aux nécessités des temps nouveaux est orientée vers
rienne : pauv1•ot6 absolue dans le logement, la nourri- l'a pos tola t.
turo et le vêtentent, qu'il consigne dans dos constitutions O. Filogl'nssi, La spirit11ali1cl delta Cornp<igi1ia di Gesù,
très prudentes (col. 542). . dans La scuQfo cattotichc cli spiritualità, 84 éct., ?vlila11, 1\Ji9,
' L'ordre franciscain connaît une floraison spiriLuelle p. 123·166. - B. Dravo, Rasgos caractcrlstù:os da la cspiri•
intense dails l'Espagne du 16e siècle. Se reporter aux tualillad ;esrtltica, dans Sat terrae, l. 88, 1950, p. 512•521. -
deux O\lvrages essentiels de Fidèle de Ros Slll' .l•'ran- Ivl. Nicolau, iVotas de 111 espirittw!ulml i<•-~r,ltica, dans Mci11rcs11,
çois d'Osuna t 1540 et Bernardin do Laredo t •! 540. t. 25, 1953, p. 259-288. - .J. do Guibert, La spirit"a.lilé clé la
[140 1141 ORDRES NOUVEAUX 1142
'
,greiO
Co111pa1:nie de Jésus, Ro,nc, 195a, a, po.rLio. - I. Ipo.r1•aguirre, sités spirituelles du ternps. I l n'est ni lo seul ni le pre,
tdrid, Hiswria de los Ejcrcicios de sari lgncicw, t. 2, Roine, 1955,
'incia mier, rnais celui qui répond aux inquiétudes d'un monde
ch. 16-17, qui renaît.
t-
nada, On sait les attaques dont est l'objet lo nouvel institut. A. Astro.in, Ilistoria d1t la C()111pahla clc Jcsûs en la Asis-
:a tk tcnci1i de Espan"-, l. 1 Sa11 lg11aoio de LoyQla, t.iudrid, 1902. -
le de Tandis que les uns applaudissent, d'autres voient en lui R. G, Villoslada, Manual de hi.storia d~ la Oo1npai'/ia de Jcsû11,
li n ,te quelque chose de dangereux. L'attitude de Melchior Cano, 2° érl., Madrid, 1954..,- J. de Guibert, La spiritualité de l<,
i016; pnr exen1ple, n'a pas été unifor1nément interprétée (d'un côté Co11i!)ag11ie de JéSU$, Rome, 1953; trad. ospagnolo L4 C$piri•
R. G. Villoslo.do., <>p. cit., p. 208-30'1, ot F . Cere(:edu, Diego
111alidad de la Compc'1l!a de Jesl'A.s, Santander, 1!l55. - P. I~et.11-
Lain~: e11 la Europa reliiiosa de su tie111po (1512-1666), t. 1, riil, Leclu.rair ascétic!as '!/ lcttrtrcis m!atica.s enlrs los jesultas del
l Ill, 1,!41,drid, 191,5, p. 349-421; de l'autre, V. Dcltran do Heredia,
rirmo si;:lo xvr, dnna Archi'1i() italia110 pcr la storia deUa pisui, t. 2,
1M corrienres .. ,' p. 79 svv). Deux don1inicains 1>1·h·ent très
no,110, 1953, p. t-50; Cordeses, Mcrcr,riano, Colo.gio Ro11ia110
idéal totla d6Censo do la co1npugnie: Jean de lu Pel'lu et D. de Valtu- y lecturas ospiritu.al./!s de los fcxu!tas en cl siglo XVI, dans Archi-
artre nas (Apologla, Séville, 1556; cf P. Soinz Rodrlguez, Ur1<,
'1rim historic1J.11i Societatis Jes1J., t. 23, 1.954, p. ?6-118. -
il.lion apowgla ol1•idada de san 1 g11acîo y de l,1 Co111paliLa de Jl/SIÎR J?. (le Dainville, Pour l'histoire de l'lnde:i:. L'ortlo111111r1oc flr•
stant JI.Or fray D<>111i11go de Val1a11âs o p, dans Archi1,1u111 !iistoricu111
P . Jl,ferc14ria11 sur l'rwage des livres prohibés ( 1676) si so11 i11te.r-
$oçietalis Jesu, t . 25, 1!lo6, p. 156-1 78. prétatio11 lyonnaise en 169'1, do.ns Recherches cù science rsli-
chré- Adversaire du nouvel ord1·c et des Exercices de Saint Ignace,
1aire, gie1111i1, t. ~.2, 1951,, p. 86·98. - I. Ipnrraguirro, La oraci(ln
Joan 1'Iarllncz Oulja1·ro (dit Siliceo), archevêque de Tolède, en la, Cornpa,Ua 11acie11te, dans Arcllivum hiswricum. Societatis
nomme, en 1558, une commis.,ion, présirlêe pur Thomas de
1oque Jcsu, t. 25, 1956, p. 455.1,s7. - A1 , Nicolau, Espiritualidad
Pedroche o p, qui condnrnno dix-nouf p/lssnges des Exercices. il.f! l<L Cornparila do Jesûs en. la b'spa1la del sigfo XVI, do.os
mis- Cnno, lui, voit en eux des traces d'illu1ninis1ne. Les Exercices
ftfru,rcsa, t. 29, 1957, p. 217-2ll6. - Voir l)S, t. 2, col. 2023·
ladin ont nussi d'illustres npologi~les, notamrnèrll Barthélemy do
2029; t. 3, col. 915-916, 1116-1 119; et nrt. Jt:~UITRS,
lome •rorre~ (cf J. I pnrraguirro, II istoria de la prâctica de los Ejer-
outes cicios, t. 1, Bilbao-Ro1no 1 1946, ch. 3, § 1). 5° Carmel, - 1) Les carm6litea d6o:taa"••ooa. -
atour Il y eut à l'intérieur de l'ordre, en Espagne, des ten- Sainl,e Thérèse (1515-1582) commence la, r6forme chez
:onni- dances spirituelles moins authentiquement ignatiennes : l~s 1noniales le 24 aofit 1562 pal' la fondation du nlonas-
n âge ésprit érémitique et cartusien, rigol'is,ne en Andalousie, .. tèrc <le Saint-Joseph d'Avila. A sa mort elle laissera
895). à Gan()ie et à Valence; esprit de Jean d'Avila; désir seizti monnstères et les ca1•mes déchaux en posséde1·ont
, avec excessif des consolations spirituellQs et sure$time des · quatorze. Ello restaure la règle carmélitaine en la
ratta- dons et phéno1nènes mys tiques. l,a doctrine de Bal- vivant dans sa perfection (Vida, ch. 82-88, 85-86) et
iue a thasar Alvarez et d'Antoine Cordeses sur l'oraison en infusant à la vie contemplative l'idéal apostolique
atTective et de quiétude a déjà été exposée (DS, t. 1, (Ca.,nino, ch. 1). Elle se pl'opose <l'aider l'Église par la ••
:1oncés col. 405-406; t. 2, col. 2310-2322). Pour J. de Guibert, mol't.ification et l'oraison (Fundaciones, ch. · 1, n. ?).
.ul 111; ,André d'Oviedo et François Onfroy peuvent difficile- L'idéal thérésien est contemplatif et apostolique, sans •
1ctrine mont êtro disculpés d'un certain illun1inisme (La spiri- être lin1it6 à un aSJ)ect de contre-réfor1ne. Non seulernent
Diario tualité de la Compagnit! de Jésus, p. 398). L'infiltration les hététiques, mais les « indiens », les prêtres, les besoins
r,tobio- de ces éléments étrangers s'expliquerait, en partie, par de l'l!.lglise émeuvent son â1ne (Camino, ch. 3). Son
JI Gon-
le clitnat spirituel (cf I. Iparragnirre, Historia, de los exp{:rience et son enseignement mystiques ont fait
6rnlilc,
21iana, Ejcrcicios, t. 2, ch. 16) : le franciscain Jean de Texeda l'objet d'articles divers (infra).
[adrid- a influencé le groupe de Gandie, et Barnabé de Palma, Su réfor1ne influencera, par Anno do Jésus, la réfor1110 <les
BAC, par sa Via Spirituf!, Co1•cteses (cf P. Leturîa, Cordt!se11 .•, nug11stines récollettines; son 1nessago spiritual attolndra,
cité infra, et les articles de B. Bravo p(u•us dans Manrcsa., nottt1nrnent par lu bienheureuse Anne de Salnt-Bnrthéloniy,
itos de t. 31, 1959, p. 35-74, 115-188, 285-260, 385-852). la Fr11nce et lo. Belgique, Le cardinal de Bérulle sortira enrichi
[\', Çiil- de ~us contacts avec les car1nélites espagnoles (B. Ji1né•
,1967 ), ..L'ordonnanc0 d'Everard i\lcrcurlan, en 111ars 1575, sur les n ez Duque, La beata A11a de S . B<Ul()/Qrr1é, dans Rct•ist<l de
1..oyolà.• lècturcs d'aulours SJ)iritucls vise à éviter ces déviations (P. Lctu- cspiri~ualidad, t. 12, 1953, p. ar.1-342; dans Spiritualité car•
!ÎO, -
rla, Lcctura.s .. , p. 25, cité ilifra); peut-être a-t-elle uuslli quelque r11élita.inc, lo n. 8 est consacré ù AnM dd Sain.t-Bartluile111y,
1
81 col. rapport avec le succès des illuminés des provinces d'Estra- Chevremont, Belgique, 1949; DS, t. 1, col. 1541-151,2).
1on1ent mndure et de Jaen (uf V. Boltr/111 do Heredia, d ans La Cie11cia A.u l.our de suinte 'l'hérèse se meut une cohort.e choisie :
1-421 : tomi$ta, t. 81, 1951,, )J. 183 svv). Claudo Aquaviva (151,5- Anno rie J és11s, Anne de Saint-Augustin, Anne de Saint-Bar•
iGt5 ) tra11oho la question des relations cnlro les Exarcices ll11ile1ny, laabelle de Saint-Dominique, Marie de Saint-,Joaeph,
et la contcn1plation (cf DS, t. 1, col. 829-834; t. 2, col. 2029) ?ilnrill do Jésus, etc, qui revèlont l'attiran<:o de la saint-, et la
ordre et Il est le promoteur d'une littérature spirituelle propre à lo. hautcul' SJ)ll'itucllo do sa réCor,ne.
co,npagnie (J. de Guibert, lo<'IJ cit., p. 219-270). Le nouvel
plos et ordre ne se trouve pas, pour autnnt, dégagé de l'acc,u sution Thérèse d'Avila u laissé : Libro de la Vida, Ca1ni110 do par-
1orUfl- d'illuminismo; nussi adopto-t-il uno attitude prudente (1:C /cccion, L(l,S Moradas, Las cxcla111a.cioncs, Los conceptos de
on de M. ,Nicolau, dana Espiritualidad .. , p. 224 svv, cito i11fra). <•rr1or de Dios, L<z.s /ut1dacio11c.s, Mo,lo de 1•isitar los convcritos,
tcio de Pour l'érllllmls,no, la co,npagnlo suit la llg11e do son londa- Lo.~ r~laciQ,ic.~, Carta.9, Çonstituci<>nès de l(UJ car11u:litas dcs-
1 de la tour, dont la ferveur se 1·clroidit à la lecture de l' Enchiriilion cal:a.~, etc. ~1ditîon critiq1Je de Silverio de Santa Teresa, coll.
18 rcli- ot dont los règles • ad scntiendu,n cun1 Ecclosia • sont l'anti- J:lihlioleca. mlat.ica c:,rmelitana, t. 1-9, Burgos, 191 5-1921,;
1, thùsc de l'esprit éras1nien (et R. G. Villosladu, San Ignacio édition 11it111uello, a vol., BAC, Madrid, 1951, 1951,, t!l59; Bi-
tÙ Loyola y Erasmo de Rotterdam, do.os Est1uli()s cclcsiâsticos, blioarafla terasian.a dans le tome 1.
1dapté
.t. 16, 1942·, p. 235-264, 399-1,26; t. 17, 1943, p. ?5-108 ; art.
o vers ~RA8ME, DS, t . 1,, col. 925-936). 2) Le, carmo• déchaux - Saint Jean de la Croix
(154.2-1591 ), instl'Ui~ par la sainte (F11,ndacione11, ch. 13,
' La compagnie de Jésus, fondée par un espagnol, dont n. 5), et Antoine de Jésus (Heredia) inaugurent offi•
: (1esù,
1 1949, les premiers co1npagnon$ sont en g1•ando pa1·Lie des cielfrnnent la vie des carmos déchaux lo 28 ou le
c'spiri- espagnols (J. Nada!, J. Lainez, A. Sahneron, F. de 80 uoven1bre 1568 à Duruelo : vie d'austérité et de mor-
521. - Borgia, François-Xavier, etc), et aliment6e pendant tification, d'oraison et d'apostolat. I l s'agit de revenir
'a11resa, près d'un siècle, en ,naint endroit, pa1' des espagnols, à la l'ègle antérieure à la, 1nitigation d'Eugène 1v.
lé da la est le grand mouvement religieux qu'exigent les néces- Docteur de l'Église, Joan de la Croix est un maître
1143 .ESl>AGNE. AGE D'OR 1144
spiriLuel par son expérience et son enseignernent : José <lo ,Josûa Crur)ificado, El origen, raalizaci611 y fin de la
Sttbida. del Monte Car,nelo, Noche oscura, l'a.nticà espi- lle/or111a teresia11a en el a111bie111e de la Espaiia cat6lica del
ritual, Lla,na de amor viva, Cautelas y ,iviso11, Cartas, siglo xvI, dans El Jl,fonte Carnwlo, t. 61, 1958, p. 139•164,
PoeBiaB (éd. critique de Silverio de Santa Teresa, coll. 267-290. - Bx Jean-Baptiste do ln Conception, Obras, t. 8,
Rome, 1831, ch. 20 et 61, p. 44-45 et 238-237.
Biblioteca rnlstica car1nelitana, t. 10-18, Burgos, ·1 929· Voir DB, t. 2, col. 171-209 : nrt. C,\JIMBS DÉ CIIA.Ussts;
1981 }. On ne commença à publier sos écrits qu'en 1618. col. 2029-2086, 2056-2067 : nrt. CoNTRMrt,,\TION carn1élita.in0;
« En sainle Thérèse et saint Jean de la Croix la pensée t. 3,-col. 899-408 el 410-416 : influence dionysienue; col. 478-
chrétienne atteint son plein épanouissement " (.J. Cho- 1,84 : art. DnPoUJLLEMENT ~alou lé C11t111ol; col. 916-920 :
valio1•, H istoirc tlé let pensée, t. 2 La, pensée chrétiqnne, connuissanco 111ystiquc de Dieu; col. 1112-111 1, : direction
Paris, 1956, p. 70(,). On sait que les illu1ninés et les spil"iluelle,
quiétistes cherchèrent appui dans sa doctrine, a lors q1.1e
déjà il fait allusion aux illu1ninés J)Otu· les réfuter. 60 Autres réformes. - 1) Los ermites de Sair1t-
Augustili poursuivent leur rélorrne dans l'esprit de
B. Llorcn, Doc1imc1uo~ ir16,litos itltcrcsa.n.tcs sobre los aluni• Joan d' Alarc6n, t vers 1451, en Castille. Il y a déjà
br,ul{).~ de Sevilla de 1G23-1G28, dana EMudios ti:fosiastic,os,
quatre provinces de réfor1nés en 1505 : nou velle et
t. 11, 1982, p. 268-284:, 401-418. - Claudé da ,les(ls Crn()i(lc"do,
lnf!uencia 1f desarollo de la arttoridad y doctrina de san Juan vieille Castille, Léon et Andalousie. Leur centre est
d.e la Cr1iz ha$la lcui controvcrsias antiq1ûetistas, dans Rome• Salamanque. Dos missionnaires partent pour .l'Amé•
net.je de dcvociôrt y a.mor a sari J uari de la Cruz, doctor ile la rique. Lancée au Portugal pa1• Thomas de Jésus t 1582,
lglssia, Ségovie, 1928, p. 240-280. disciple de Louis de Montoya 't 1569, une nouvelle
Bibliographie danB Vida y obraq, 8° éd., BAC, Madrid, r éforme atteint l'Espagne avec la fondation du premier
1955, p. 134.8-1.362. couvent de recoleccw11 à Talavera. Les constitutions des
récollets sont rédigées par Louis de Lo6n; en 1622,
Prévalence de la conten1plation et apostolat extérieur, Grégoire xv autorise l'érection d'une cong1•égation de
il y eut toujours dans la réformo uniformité sui• ces récollets. Thomas de Villeneuve et Louis de Le6n sont
deu·x 1>oin ts. Jas deux personnalités les plus représentatives de l'ordre
Des divergences porlèrent sur l'extension do l'apostolat au 168 siècle .
.:t la conrortni té des 1nissions il. l'esprit du Car,ncl, cL se 1nu1ii- Saint 'l'lwrnas de Villc11cuvé (1488-1555), à la fin de
fcstùrent chez les deux premiers provinciaux : J 6rô1no Gra- 1516, prend l'habit. Religieux excellont et supérieur
cilln t 161'• et Nicolas Doria t 1~01,; elles distinguent les con• prudent, il influence notam1nent un groupe fervent
grégàtion!! espagnole (de Saint-Joseph) et italienne (de Saint-
Élie). Calle-ci, ôrigéo pnr Cl601onl vus (bref ln apostQlicae (dont le bienheureux Alphonse de Orozco, cr _DS, t. 1,
dig11itatÜI crdrninB, 13 novembre 1600), rut dirigéu par dos col. 392-395) de futurs missionnaires d'Amérique.
8spugnols de renonl: Pierre do la Mère do Dieu t 16011, Jean de Zélé prédicateur, - il sera prédicateu1• de Charles-
Jésus-Mario t 1615, ·Donliniquo de Jésus-Marie t 16aO, Fer- Quint - , et grand directeur d'âmes, il est non1n1é
nand do Snlnte-Mnrie 1' 1681 (cr Silverio de Santa Teresa, archevêque de Valenco on 1544. Pasteur infatigable et
Ifistoria .. , t. 8, 1986, p. 1-~11,). Sa.na entamer 1.n primauté· a~tère, il réfor·me son tl'oupeau et fonde en 1550 lo
de ln contemplnt.ion, elle donna plus de place à l'npostolat Colcgio Mayor de Valence. C'est un anlÎ de la co1npagnie
et ndnüt les missions (voir surtout ,Jean do JéHus-Marie, de Jésus (P. li ernandez, U,.,, t«11timon,io n,otabl~ de sa11to
Tracta/"$ q1tO reyscruntur nliRsiones .•, dans Opera 011,11ia, t. 3,
1'01nas de Villanucva en elogio de la Con1.puma de J e!.lu11,
Florence, 177'•• p. 270-277).
dans Razôn y f1J, t. fa6, 1916, p. 426-488).
li reste à rappeler l'aspect strictement contemplatü. Ses rouvres sont surto\1t des sermons, et l'un ou l'ilut.ro
Th ornas de Jésus t 1627, qui eut grande înlluence sur ouvrage spirituel, comme De. 111 /.ecci.o11, 1neclilaci6n, oraciôn.,
le dôveloppement de la vie carmélitaine, insista spécia- corttcmplaci611, Édition des Obra8, Munillo, 6 vol., 1881-1897;
éd. manuelle, BAC, 11.fudrid, 1952.
lement sur la contomplation au Carmel. Il avait néan- J. Vicénttl Ortl, Vicla, 'i>irtttdcs, milagros y /cstù1os cr,ltüs
moins fait vœu de travailler à la propagation de la roi de sa.nto Tonw.$ de Vil/a.11r,.cva, Valence, 1731 . - l\t Sal6n,
I
et il s'employa à fonder une congrégation de Saint-Paul Vicla de santo Torriâ,1; <le Villa11u~va, )m Eséorial, 1926. -
de carmes déchaux pour les missions, érigée par Paul v V. Cnplinaga, SarllQ To,nas de Villa11ue11a, Madrid, 191,.2,
(bulle Onus pastoralis of!icii, 2~ juillet 1608; supprisnée J-01û1t /((< J,èon (1527-1591) a déjà 6Lô plusieurs !ois présenté,
par le même pape, bulle Ro,nani Po11tificis proc,idcfi.tia, sans qu'il soit nécessairo d'y l'CVetlil' mninteno.nt. On sait son
7 1nars 1618). Pour la part que prit Thomas do J ésus inlluanœ aussi bien co1nme poète et prosateur, comme hurn11-
dans l'érection et l'organisation des déserts carrnéli- niste, ex~gèto, théologien et comme spirit11el. Voir DS, t. 2,
col. 2018-2020; t. i., col. 224-225; art. ERMITES DE SAINT•
tains, voir DS, t. 8, col. 585-586. Appelé dans l,1 congré- AuousT1ri, col. 1002 svv. ·
gation italienne en 1 ll07, 'l'homas introduisit p.lus tard
los carmes déchaux en France et surtout en Belgique, 2) Le bienheureux Jearl•Baptiste d1J la Conceptiori
oit il continua à stimuler l'esprit contemplatif ot aposto- t 1613 réforme les trinitaires (il laisse d'importants
lique. . traités spirituels, 8 vol., Rome, 1880-1831) et
Dès le début, la réforme carmélitaine accorda grande Alphonse de Monroy (·J544-1614) les 1nercédaires (cl
importance aux éludes e l établit ses collèges auprès des L. Serrano, Correspondencia diplomdtica entre Espatla y
universités (Alcala, Salarnanque, Baeza). La Cl)ngréga• la ,Santa Sede durànte cl ponti'fi,cadQ de Ban Pio v, t. '••
tion espagnùlo insista davantage sur l'aspect contempla- Madrid, 191'1, p. xxvnr-L). Voir Jesus de la Virgen del
tif et rogna la part de l'apostolat. Sa littérature spiri- Carmen, Los Trinitarios 1J8paiiole8 e/1 la cspiritualidad
tuelle est tout à fait re1narquable. On sait que la réforme c,-i.~tia11a, dans Esta.do .. , p. 573-GOO, et '.É. 06mez,
du Car1nel en influença d'autres, surtout la réforme des Espiritu-alidad mcrcedaria; ibidem, p. 505-529.
trinitaires. 3) De nouveaux ordres ou congrégations s'introdui•
sent en Espagne : les capucins (1578), les clercs ·régu-
Jlra11çoi$ do Sai11tc-J';[n.ric, etc, 13e/or111a de los ncRral:os de
Nuestra Sctiora clcl Car,r1e11, t. -:1-7, Mndrid, 161,4-1789. - liers nlineura de saint François Caracoiolo, les tbéa-
Sllvorio de Santa 'l'eresu, HiRt{)ria tl,1l Cannen D,1Rcatzo e11 tins '(1629), les oratoriens de saint Philippe Néri (1645),
Espana, Port1tgal y A111érica, 11, vol., Burgos, 19,15.191,s. - les camilliens, etc. Saint Jean de Dictt fonde à Grenade
1145 COURANTS SPIRITUELS 1146
los hospitaliers, qu'approuve Pic v en 1572 et qui l'êeolo car1néllLai110 du 17 9 siècle. Deg auteurs auraient tra-
1W (il croissent tapidernent. Saint Joseph Calasanz, espagnol, vaill6 li rompre l'unH6 do la vio spirituelle en introduisant
i del fonde à Rome la congrégation des Écoles Pies, approu- le concept de conte1nplation acquise, ouvrant ainsi la voie au
·16(,., quiétisme (cf J.-0. Arintero, Cucstioncs misticas, préa1nbulc 5,
t. 8, vôo par Paul v en 1617, quo Grégoire xv transforme 4° P.d., BAC, 11.laclrid, 1956, p, 56-67; La Ycrdadera niistica
en 1621 en ordre des pauvres clercs réguliers d6 la Mère tradicional, Snlurnnnque, 1925, ch. 10; cf comptes rendus très
16ÉS; de Dieu des Êcolcs Pics. La prenlière implantation en sévères do Thomas de Saint-Jean de la Croix, El P. J1uu1
aino; Espagne date de 1637, l'installation définitive de 1683. G, Arintero y la tradiai611 cspirit 1tal, da116 El M()ntc Carmelo,
478• Son but est l'apostolat par l'éducation; ses membres l. 61, 1953, p. 121-188~.S-o/lre. • Cuc,,tiones rn!sticas • del P. J14a11
120 : sont prêtres. Lo car1no déchaux espagnol ,Jean do .Tésus- G, Arintaro, ibide11i, t. 66, 1957, p. 341-887; t. 67, 1959, p. 3-38),
olion Marle eut grande part dans l'orientaLion spirituelle des Ce n'est pas le lieu de reprendre d'intor111inablus discussions,
Écoles Pies. · 1nais nous devions les mcnllontiér. Gabriel do SainLc-11nrio-
blacloleine a longue1nent exposé la question on cc qui concc1·no
~int- Cnlaso.nr. Bo.li, /li{)gr{).f!a rrltfoa d11 sa11 J,>~,f ;l~ Calasa.n:, les co.rmes, et DS, art. CAnriits, t. 2, col. 181-189; CON'rl! 11•
( de ~iadrid, 19'19. - V. Caballero, Orienta.cio11es pedag6,:icas de I'l,ATION, col. 2058-206?,
4(UI José de Calasanr:, Madrid, 1945. - A. Sapa, Teoweia
déj!\
e et apirilltala pcdagogica di san Giti.:;cppc Cal(ts<in.i io, Florence, ADOLFO DE LA MADRE DE Dros.
, est 1951. - G. Santha, Sa,1 José de Gala.sanz y su arni$tad co,1 los
Padrcs Carm.clitas D,isc;Jl,os, dans Revüta cala.~anoia, t. 1,
,mé~ 1955, p. 183-203; ,San Jost! de Calasanz. Su obra, cscrilos, 2, COURANTS SPIRITUELS ET SOURCES
,582, tstudio pedaeogico y sefooci.Jn da escritos, Mndl'id, 1956, -
velle Ç. Aguilera, Espiritualidad calasancia, du11s Estado .. , p. 111!)- A. COURANTS SPIRITUELS. - La spiritualité espa-
mier 43'1, gnole du 16° siècle se précise dés la réforme entreprise
~ des par le cardinal Jiménez de Cisneros. Celle-ci ne se limite
1622, ?0 A ce mouvement réformateur et à ce renouveau pas aux élén1ents extérieurs et j\11•idiques de la vie
n de on peut rattacher le bienheureux Jean d'Avila religieuse ou cléricale, elle a une profonde répercussion
sont (1499?-1569) et ses disciples. Apôtre de l'Andalousie, sur lu vie spirituelle, et nombre do prêtres, de religieux
>rdre Jeàn prêche avec un esprit ardent et évangélique; il surtout, pr•opagérent les pratiques de dévotion J)arrni
. compte a1) nombre de ses amis beaucollp de saints.. llls fidèles et dans les couvents. Ce fut Je point de départ
n de personnages : Jean de Dieu, Ignace de Loyola, Fran- de la floraison sph•ituelle.
rieur çois de Borgia, Thérèse de J êsus, Pierre d'Alcantara, Cette spiritualité ne rut pas une génération spontanée.
•vont Jean de l:1ibora, Fernand do Contreras, J.,ouis de Gre- Ses rnaîtres s'étaient formés dans les ouvrages médié-
t. 1, nade, etc. JI envoie des mé1noil•es au concile de Tr>ente vaux qui comrnençaient alors à circuler et qui, d'après
'
1que. et travaille constam1nent pour la réforme; il fonde dés une liste de P. Sainz Rodrfguez, p1•ovenalt en majeure
U'les- 1587-1588, à 0-rcnado, une école sacerdotale. I ,es tl'aits partie de l'étranger (cf s1tpra, col. 1128). Une spiri-
mmé fonda,nentaux de cette école (L. Sala Dalust, La escucla tualité naissante no peut quo subir l'influence d'autres
le et
1 saccrdQtal del B. M. P. Avila, dans El Beato, cité infra, formes spirituelles et se rnouler sur elles. Ce n'est pas
îO le p. 188-197) visent à fortifier l'esprit intérieur ; recueille- majorer cet apport étranger que de le reconnaître.
\gnie ment, confession et communion fréquentes, oraison Dans la première n1oitié du 16~ siècle, c'est la situation •
santo mentale, étude du nouveau Testament, lecture des générale en Espagne; peu à peu les auteur·s espagnols
·esus, saints Pères et des livres spirituels en langue vulgaire. arriveront à la maturité et à l'indépendance. Les trait.s
La spiritualité chl'istocentrique de Jean d'Avila est cai·actéristiques, le style, les modalités de ces courants
'autre austère, mais affective; son paulinisme est centl'é ·sur étrangers resteront cependant plus ou moins marquants
••
acion, le sang et les n1érites du Christ. tout au long du siècle. Ce qui ne signifie pas quo la
189?; De ses disciples, beaucoup entrent dans la co1npagnie spiritualité et la mystique espagnoles n'aient pas leurs
de Jésus et quelques-uns, phis Lal'd, aux carrnes déchaux. caracl,ôres propres. Au contraire.
c11ltos On trouve ù son école des prêtres très modestes et On a étudié les principaux autours et on a confronté
.• -
)&16n,
,0,
d'autres cultivés, des amis de la solitude et certains qui leur doctrine, ou encore on a cherché dans les écoles
cherchent des consolations dans l'oraison; quelques-uns étrangères des sources du n1yst.icisme espagnol; on a
sen té, frôleront l'illurninisme. enfin essayé de caractériser les courants spirituels
it son espagnols. Toutes ces études ont contribué à définir
Jean d'Avila a co,nposé un cor11n1entaire Au<li filia., des
lUIUQ• serinons, des exhortations spi!'ituollos, d!!s lettres, des 1'ra- et préciser ces courants, parmi lesquels nous retenons :
1 t, 2, 1ados del SS. Sacranicnto; il a tradu!L I'Iniita1io11. l'éraH1nisme, le courant biblique, l'italianisme, l'illurni-
IAINT· L, Sain Balust t•éédite les Obras conipletas d'u1ié laçon criti- nis,ne, le socratiBme chrétien, lo « Bénéquisme » et Je
que (BAC, hfndrid, 8 vol., 1us2-1953; tJ$ vol. à parattrè); cour,1.r1t 1Lrabo, los courants spirituels des ordres religieux.

1ptio1i
le t. i contient une Bibliogr<iphic de Jean d'Avila. Consulter
E'l llea10 MMstro P. Juan de Ac,ila, J\!ladrid, 1952, con!érencos 1° Éraamisme. L'érasmismc, considéré
-lants prononcôus à une semaine o.o.tionnJe sur Jean d'Avila, - comn1e un ·courant spirituel, a suscité bien des lnter-
) et. Voil' DS, l. 2, col. 2020-2022; t. 3, col. 392-894; et nrt. pr'étation.s. ]~Iles ont pour repré'sentants M. Bataillon
lS (et, JEAN u'AvlLA, d'une part, A. Castro et E. Asensio principalement,
rifla y On t\ parfois rCJ)roché à la mysliqua êl!pagnola da trop d'au l,t•e pa1•t. Ces divergences portent surtout sur le
t. 4, mettre l'accent su1· l'annlyso psychologiquu, ot, quoi qu'il en sens de l'éras1nis1ne. Ï!:rasme est très connu on Espagne
1n del soit de ses apports positifs, elle aurait contrlbu6 à faito dévier li partir de 1527, année de la ti•aduction espagnole de
uidad la coil<;Gption traditionnelle de ln vie théologo.le (A. Stolz, ses principaux livres spirituels; beaucoup de prêtres et
!>mez, Theoloçie der Mystik, Rutisbonno, -1936, ch. 7 et 11). Nos de religieux en font lel1r lecture favorite.
mys~iqucs n'ont pas nêgligé l'!ispect théologique, bien au L'érasmisme spirituel a pour caractéristique et ori-
·odui- contro.iro, et leur analyso psycliologique II apporté dea élé-
régu- ments nouveaux qui ont enrichi la tradition spirituolle (cf ginalité la réno:vation}'.et la [réforme intérieut'es du
A, Alo.ejos, Por u.na niîstica mâs espa,iola, 11ui11 111·ogresi"a, chrétien; il préconise l'austérité des vertus, le refus du
théa- por muy psicol6gica, dans Rcyista de espirit.rtalùlad, t, '•• 19'15, retour sur soi ou sur ses goüts personnels, la pratique
l645), p. 31-50). On a ct·u voir une autre déviation, notan11ncnt dans des enseignements de saint Paul, choisis co1nn1e le code
enade
1147 ESI'AGNE, AGE D'OR 1148
de vie spirituelle par excellence. En une époque O\'l y cl crasmismo, dans Rc,1is1a de fUologlc1 cipar11>la (Buenos
abondent folies et erreurs, cet esprit do réfo1•rne inté- Aire.'!), t. 2, 1940, p. 1·34; t. 4, 191,2, p. 1·66. - M. 'Bataillon,
rieure porte en soi un soume d'indépendance, qui L' /!.'spa,;11e relieicuse, dans J)ull,itin hispa11iqu,i, t. 52, 1!150,
;onduit au mépris des for1nes spirituelles ant1~ricures p. 6-26. - A. Castro, Asp<1ctos del vivir hispdnico, Sanllngo
du Chili, 1949. - El. Asonsio, El <1rcu11nis11u,.. , passi,n. - B.
jugées inelllcaces et sarls vie. C'est une manièro de réa~
Llorca, Erasmo y Espana, dans Salmanticcnsis, t. 1, 1954,
gir contre la corruption qui règne dans l'Église. Mais p. 183·191. - P. Groult, Les cour<111ts .. , p. 21.8-221. - R.
îilrasme accentue à ce point ces caractéristiques que O. Villosladn, nrt. ÉnASME, DS, t. 4, col. 925-936. - Voir
des spirituels et des réformateurs oux-rnêo1es l'accueil- Bibln>graphie plua complète, col. 117?.
lent sans bienveillance. D'où les interprétations contra-
dictoil•es de son action. Notons que le monvo,nent 2° Courant biblique. - La Bible est la source
érasmien déborde le courant spirituel éras,nien. Celui-ci profondo des spirituels do l'âge d'or, aussi sera-t-elle
a certains traits qui .f ont du 1nouvement luî-rnô1no lo présentée sous cet aspect un peu plus loin (col. 1154).
point de départ de nombreuses réformes spil'ituelles On ne peut cependant oublier que le retour à lu Bible,
qui préparent celles do concile de Trente. Cette distînc: si fécond au 16° siècle, a été sinon provoqué, du moins
tion p eut p1•évenir des erreurs d'interprétation. pl'ofondément influencé par l'érasmisme et les courants
Il est évident qu'il y eut en Espagne un intér(!t crois- apparentés.
sant pour 1'11:crituro, principalement pour saint Paul.
One rénovation clu·étienne fut tentée au milieu de 3° Italianisrne. - l,es études de V. Beltrân de
grandes déficiences spirituelles (1520-1556), et l'influence Heredia, de Robert Ricard, de Pierre Groult, de Domi-
des érasmions y est manifeste, par leur haute formation nique de Santa •reresa ont permis de déterminer
humaniste et leurs connaissances bibliques. Joan d •Avila, l'existence d'un cou1•ant italianisant dans la spiritualité
suspect d'illuminisme avant 1533, vit <le cet esprit, en espagnole. Parler d'influence ne suffir:.\it pas (E. Asenslo,
même temps que d'autres personnages illustres, quali- El erasmismo .. , p. 85-93). Cependant, les contacts
fiés érasmiens (M. Bataillon, loco cit. 1 t. 2, p. 50 svv). spirituels avec l'Italie ne nous sont connus que d'une
L'influenco érasmionne est évidente, par exe,nple, façon fragmentaire. Aussi y a-t-il quelque in1précision
sur la doctrine du recueillement intérieur, c;le l'oraison, à vouloir donner, comme le fait P. Groult (Les :co1tran1s..,
de l'esprit et do la valeur des œuv1•es. Ce qui peut p. ~19), co111me source de la spiritualité espagnole,
s'interp1•éte1· co,nn1e une réaction contre la dégéné- Savonarole, Baptiste do Crema, Séraphin de Fermo et
rescence spirituelle existant jusque dans les 1nonastères. Gilles de Viterbe.
Cette influence apparaît chez des 1nattres au tol'isés, Les manifestations de ce courant sont diverses. Los
_lois Louis de G1•enade, J. L6pez de Segura (cf DS, t. a, contacts relevés entre Seripando et la vie spirituelle
col. 894-895), J. L. Vivés dans ses Dialogos e.~pirituale8. espagnole restent superficiels. L'influence do Savonarole
Sainte 'l'hérèso ( Libro dtJ q11, vid<1,) s'oppose elle ,\ussi à a été beaucoup mieux étudiée. V. Beltran <le Heredia
ce style de vie dépourvu de spiritualité authentique, pa1·le d'une sorte d'invasiorl savonarolienne, qui affecta
contre lequel les érasmiens avaient lutté. la conception 1nême de la vie spirituelle ot les formes
Co courant qui ne méprisait pas les pratiques exté- d'oraison. On a cru y reconnaître une saveur éras-
rieures, n1 ne les condamnuit, en accentuant l'intériorité mienne (A. Castro, Aspcctos del vivir hispanico, p. 149),
aboutissait parfois au 1népris des for1nes; extél'ieures ; parce que, chez le célèbre Do1ninique de Monte,nayor,
ce n'était pas une conséquence de ses principes, mais de on découv1·e certaines affinités avèc l'érasrnis,ne.
l'adaptation aux circonstances. Il faut en dire autant E. Asensio (loco cit., p. 89-92) estime exagérée l'influence
do l'esprit d'indépendance; ses traces dans la vie spiri- de Savonarole; l'attitude et les tendances de Monte-
tuelle sont co,nme excusées par les circonstances, mais mayor s'expliquent dans le climat spirituel de l'époque.
non justifiées. . Les auteu1·s italiens les plus marquants de ce courant
Ces tendances avivèrent l'opposition entre él'asmiens sont Baptiste de Crema et Séraphin de Fermo. La
et autorités ecclésiastiques ou mqnastiques. Dans uno mystique, l'esprit d'oraison et le caractère enthousiaste
intention de ré!orme, on accentua l'insubo1•dination, de Crema se répandirent surtout par la traduption de
de nombreux rehgleux et prêtres dépassèrent les bornes. son Tratado de la 11ictoria cü, si mi8mo (Valladolid, 1550)
L'érasmiame 110 plaçait au nombre des sectes qui mena- faite par Melchior Cano. CC DS, t. 2, col. 75-76 et 153-
çaient le véritable esprit religieux. 156. Le prestige de Cano garantissait l'ascendant de
De ces vicissitudes et du ,nanque de documentation Cren1u et celui de Sétaphin, dont il laissait espérer la
sont nées des interprétations du courant éras1nien traduction. Cependant, Cano, plus tard, n'eut plus que
diffôrentcs et m ême contradictoil'es. Nous ne Bon1mes mépris pour Crema, dont il blâmait la promesse d'une
pas toujours d'accord avec M. Bataillon; car toute res- perfection trop rapide. La traduction espagnole des
semblance n'indique pas pour autant contact e·t œuv1•es de Séraphin do Fermo (Anvers, 1556) accuse
infh1oncc. encore le courant italianisant. Ce qui renforça l'influencq
Il ne fait aucun donte, en fin de cornpte, que l'éras- de l'Apologia de l'œuvre de Séraphin, écrite par Bona-
misme inaugure une rênovation et un esprit intérieur venture Cervantes y Morales; cc propagandiste enthou-
qui donneront des fruits abondants. siaste de la spiritualité italienne ofTrait de traduire tout
Crama (cf DS, t. 2, col. 156).
El. Doelnnor, Eras1nrw in Spanicn, dans J ahrbrtch far rom.a- L'Apologia semble toutefois décolorer Fermo. Elle
nische rtnd englischc LiùJralrtr, t. 4, 1862, p. 158-16!î. - atténue ses excès d'expression sur l'orgueil ou les
A. Bonilla y San ll1artJn, ErMmo en Espana. Episodio de la mérites des gons mariés, thème dont se méfiait l'Inqui-
liistoria del Rcnacir11icntQ, dans Rcc•uc liispanig11c, t. 17, 1907, siLion; elle propage et complète sa méthode d'oraison,
p. 8?9-5~8- - A. Castro, Era8mo e.n tie111po de Ccr11cu1.1cs, dans
Re.pista cle fUolo,;ta espa1iola, t. 18, 1931, p. 32fl-:389. - niais écarte certaines outrances sur l'oraison vocal o.
M. B(!lf1illon, Erasnw y Espa,ia, passi,n. - V. Hol1.rô,n cle Chez Ios franciscains espagnol,s, on rencontre de
Iicrcdla, Erasn10 y Es pari", dan,~ La Cicncia tonrista, l. 57, 1998, nonlbreuses r éminiscences italianisantes, notamment à
p. 544-582; Las corricrllcs .. , passirr1. - A. Cnstro, Lo hispdnico propos des méthodes d'oraison. li y a, au milieu d'eux,
148 1149 SOURCES 1150
mos quelques sympathisants de Savonarole et même conscience et soutient le combat spirituel; connais•
lon, d'Érasme. François d'Evia accepte la définition de sance théologique de la condition de créature et do la
950,
iago l'oraison donnée par Savonarole et dévoile des tendances dignité de l'âme, qui peut conduire à la connaissance
. B, à l'illuminisme (Libro llarnado llinerario de la oraei6n, de l'amour de Dieu. Il faudrait citer à peu près tous les
05ft, Medina del Campo, 1553; condamno par l'index do au tffurs spirituels classiques de l'époque, si l'on voulait
. R. Valdés, 1559) . énumérer ceux qui insistent sur ces aspects de la
Voir Alexis de Venegas t 1551,, chaud partisan do Séra- connaissance de soi. ~

phin de Fermo, accentué le courant iLalianlr;ant Dans R. Ricard, ,Sciirnc Thérèse dt le socratis111e chrétien, dan,,
son Epistola al lectol' il exalte Séraphin et son apo- llulleti11 de littérat1<re ecclésiastique, t. 1t6, 1945, p, 139•158;
1rce logiste 13. de Morales : ils offrent, en une bollo N1>tes et n1atériau.r, pour l't!ttldc dit • socr<i.tism.c chrétien • ch~2.
elle langue, une spiritualité si solide qu'elle supplantera une saÎ11t11 Thtlrâsc et les mystiques espagnols, dans Bulleti11 hispa•
54). litt6rature sans valeur doctrinale par sa simplicité, son nique, t. 49, 1947, p. 5-37, 170-204; t. 50, 1948, p. G-26; Cpmpl4•
ble, Intériorité, sa sincérité, son attrait pour la vie d'oraison. 111onts, t. 51, 19~9, p. 1,07-422. - Fidèle de Ros, Le Frire Ber-
lins nardi" de Laredo, Paris, 1948, append. 2 La co1u1alssanco do
1il.ts Gilles de Viterbe 't 1581, introduit par Denys Vâzquez t 153!! soi chez lelJ spirituel~ espagnols, p. ar.1-ar.1•• - J . Chovalie.r ,
qui avait suivi ij8S cours à Romo, out so. pu.rt d'lnfluonco dnns Hi$tot'.rc de la pensée, t. 2, Paris, 1956, ch. 8 append. Le socra•
cot italîanisrne osp11gnol, influonco copondant secondalro, car tisme chrétio11 dans ln tradition n16dlévalo et chei )1;13 apîri.
ello n11 por to quo sur la prôdlcallon. Vazquez, dans ses ser• tuols espagnols, p. 835-898.
de inons, Interprète l'~crlluro et donne la prinututé à la parole do
,mi- Dieu, à la n1aniére do son n1aîtro (.Scrrnt>rws, éd. 0.-1~. Olmodo, 2) Peut-on parler de aénéquisma chez les spiri-
lner coll.. Clâsicos Castellanos :128, i.1adrid, 19',l)). tuel'> de l'âge d'ôr, comme l'a fait, par exemple,
ilité E. Asensio (loco cit., p. 125-126), qui a voulu voir une ,nani- P. Sainz Rodrlguez (lntroducci6n a la historia.. ,
,sio, festation d'italianisme 'dans le fameux sonnot : No ma n1uePe, p. 180-182)? - Cette influence se manifeste clairement
lCtS mi Dios, [)ara q"ercrtc, penea quo c'est la n1oillouro tor1nulo do
l'esprit d'âba,ndon a Dieu ét qu'ello lls t d'origine italienne. a,1 16° siècle dans le dômaino moral et ascétique (voil•
une Il est ,ualo.isé do concluro, 1nOn10 si l'argument doctrinal est supra, col. 11 32). Au 17esiècle on note, on général, moins
;ion vàlable. d'affinité avec d'autres idéologies. La doctrine morale
;t,s •• , Nous pourrions nous de1nander si la dévotion andalouse db $6nèque, épurée et christianisée, est, en elTet, la
oie, nu nom de Jésus ne serait pas aussi d'origina italîenno (H. San-· source doctrinale de beaucoup de nos écrivains. Mais on
l et cho, Not(!$ liistôricas sobru la d,wooio11 al N1>n1br~ do Jesds 1/ti peut doute1• quo cette influence soit une ca,•actéristiquo
A11dalucla, d~n& A1·d1iuo ib~r1>-a1n4ricano, l. 4, 19ftâ, p. 871• prop1·e a la spiritualité espagnole.
Les a·so). ~fario Martins croit en l'lufluc,1co do Jacopone do •rocti
sur le poète portugais Andr6 Diaz. (bien qu'il appartienne an l.'inlluence de $énôque ronconlre un terrain prép11ré par lo
1ello 15° siècle, t 11,37; cr DS, t. 3, col. 856-857), propagateur de prefitigo dont jouissait le philosophe stolcien 11.u 15• sièclo• ot
role cette dévotion; ce que confirme R. Ricarcl. Que cette tor,no par ln~ pré(érencas do la cour littéraire d11 marquis de Sanlll•
idia poétiq11e soH pa~séo du Portugnl an Espngna s'explique aiso- lane. li:ras1ne publie en 1529 la prornière édition critique do
icta me'nt; à moins qu'elle ne soit a rrivée jusqu'à Dla:i. par l'lnter- Séru)quo et contribue forto,nont à la diffusion do la doctrine en
!OéS médlàira d'Quteurs èspilgnolsl En 1676, Oil publie à Lisbonne, EurOJ}IJ, En 14!!3 et 1551, on l'éédito a S6vllle la traduction da
ras- traduits Oil espagnol, les poèrnes do Jacopone : Cantôs m<>r(tles Boèce faite par le doruinicain Anlolno Oenebreda t i305,
49), sspiritriales y contoniplatiPos . Vergcl de con,solaci6n o Boecio, De co11solaci611, fortement
tein té de Sénèque. D'autres ouvrages du même genre appa-
yor, Cet italianisme espagnol se caractérise par la sin1pli- rals.~ent à èétto époque.
mo. cité et l'intériorité; c'est l'esprit mê,ne de la pointure Des auteurs donnèrent un caraotére spirituel à cot enseigne•
ince italienne de la renaissance, spirituel et profond, trans- ment ut lo proposèrent co1nme base dô 1'9.ScôUsme chrétien.
ate- Cla.~siquo à cet_ égard est le Tratado de la trib1ûaci~r1 de P. Ri~~-
posé dans l'e.nselgnenlont et la vie spirituelle, qui
1uc. répand sur tout un très grand respect de la divinité. cloneira (~fadr1d, .1589). Le carme J ôr6me Orac16.n, les 1Jp1r1-
:ant tuels da l'école augustinienne, toi Alphonse de Oro1.co, ou Jo
Sans entrer ici dans le détail, on peut affirmer que la dominicain Louis de Oronade esse.lent de « christianiser • cotte
La spiritualité espagnole participe en majeure partie à ce
aste philosophie païenne.
ca~~ctère italianisant, qui préparait la grande floraison L'lnfluenco de ce courant, en déllnitivo, senlble infime. li a
1 do
spirituelle. On retrouve, en efTet, de rtornbreuses contribué peut-ètro à faciliter la dlllusion d11 moralisrno
î50) influences, des contacts doctrinaux, littéraires et poéti- chrétien el de la doctrine ascétique de l'ÉglÎl!e. ,
153- q11es, qui expliquent ce courant.
: de Bruno de San José, El Senoquismo y sa11 Juan de la Creu,
P. S~inz Rodrlgoe:r., lrttr<1ducciô11 a la historia .., p. 217• dans J>;t Mo11to Carmelo, t. 50, 1942, p. S81-f.t2f.t. - M,•J, Oon•
r la zé.lcz• Haba, ,Stneca en la cspiritualidad espail.ola de los siglos
226. - M. D~taillon, Eras1n1> y Espa/'/a, pas$im. - V. Beltrân
quo do Horodia, Las corrîe11tts... - E. Asensic>, El era,91nismo .. , XVI y xvu, dans Rc~i~ta de fl/,osofla, t. 9, 1952, p. 287-802.
·une p. 85-03. - P. Oroult, Spiritu-cl<I d' Italie et d'lbérie, dans I~s
des laures ro,nanes, l. 7, 1953, p. 2'16-260. - liL Martins, éd. S) La longue présence des musulmans sur le sol de la
~use d'André Dias, Laudes e Ca11tigas apirituais, Lisbonne, 1951; péninsule et leurs contacts, tantôt pacifiques et_ tantôt
ince compte rendu do R. Rlcat•d, dans Les lettres roma.11c1, t. 7, belliqueux, avec les royaurnes chrétiens, conduisent à
>na- • 1953, p. 897-400. - Don1lnlquo do Santa Teresa, Ji,an de se demander si le my•Ucismo ial&Dltque a exercé une
lOU· Valdés, Rome, 1957, passim. - R. G. Villoslada, Re,1acirnion10 influence sur la spiritualité catholique en Espagne.
tout !/ l1umanismo, loco cie., p. 369•â70, Après avoir soulevé une pren1ière fois la question dans
4° Sooratism.e chrétien, « sénéquisme » El Isla.ni eristianizado (Madrid, 1981, p. 222-215 et
' 272-274) l'arabisant et théologien espagnol Miguel
Jilllo et courant arabisant. ~ 1) R. Ricard a 1nis en
les lumière un courant do socratismo chr6tlon à l't\ge Asin PaÎacios l'a étudiée en l'applic1uant au cas du
qui- d'or. La connaissance de soi est une notion tradition- qoup, ch<idltili Ibn 'Abblid (1~é à Ronda vers 1830,
so_n, nolle que les spirituels espagnols ont recueillie. Ils hli roort à Fès vers 1890) et de saint J ean de la Croix (Un
e. ont donné toute son importance : connaissance du précur1;1eur hispano-:nusulma1i d6 saint Jea1i de la Croix,
de tempérament, du caractère, des qualités, dos aptitudes, dans Études cartnélitaines, t. 17, 1, 1932, p. 118-167,
~t à des défauts pour jauger la force spirituelle de l'An1e; et Un precursor hispanomus1dmdn de san Juan de la
eux, connaissanco q\li iJnplique l'ex.anion régulier de la Cruz, dans Al-Andalus, t. 1, 1933, p. 7-79, repris dans
1151 ESPAGNE. AGE D'OR 1152
lluella.s del lslarn, Madrid, 1941, p. 285-304). Chez le d ans un illuminisme condamné i en fait, d'autres élé-
soufi, Asln met surtout en lurnière la doctrine du r enon- ments sont interven\Js. Certains illuminés, pat• exemple,
cement aux cllarismcs et souligne la place qu'y occupe sont aussi des érasmiens : B ernardin Tova,·, Jean de
le syn1bole de la nuit; purificatrice; il suggèr e l'hypo- Valdés 1· 1541, Michel d'Eguia t 1546, si tant est quo
thèse d'une tl'ansm1saion littéraire des sy1nboles chadhi• l'érasmismo ne puisse ê tre considéré comme source de
lites à l'école carmélitaine par• l' inter rnédia il'e des J'illu,niliisrne. Quoi qu'il en soit, avant ces aberrations,
rnorisques. il existait une tendance saine à la vie de conte1nplation,
'l'ont en r~connaissant l'in térllt. ut la técondilo de cette <l'ill"O mination s pir ituelle, qui donna plus Lal'd d'excel-
interprétation, Jean Baruzl (Su.1· une h/J!lOthèsc d'Aiiin J>alacios, lents fruits.
dans l'roblènies d'lliswir<, des religions, Paris, 1985, p. ·ti1•151) L'illuminisme espagnol, lorsqu'il est acceptable, est
n'a pas cru devoir la retenir, parce qu'une clén1onst.ration apparenté à d'autres formes d e spiriLualilé, notam-
rigoureuse lui parait împosai ble. A ses yeux, d'aill1111r,, aucune' rnent à la dcvotio mo<krna, ce qui n'exclut pas l'esprit
des analogies doctrinaleH et, des coîncidcnccs lcxicogrnphiquos biblique et le courant italianisant, favorables eux a ussi
alléguées n'in1poso uno idoo dl! filiation (p. ti.7), ot li ajouta : à la vie conte1nplative. L e renouveau s pirituel que
• Il y aura toujours des affinités profonde!! entre tou te doctl'ino patronait la devotio nu1dfrna favorisait la vie illumina-
qui si! fonclern s11r Dieu seul, qul élirnin(irn t<J11t ce quo nous
croyons Dim1 et qui n'es!. pns Dieu, qui se refusera à vo.i r Dieu tivo par une « dé vo Lion » élevée et aft1:) etive, à la
en cc qui nous parait être ses traces, et la doctrine do saint J·e an manière.franciscaine. La devotio moderna es t un facteur
de la Croix• (1>. 1',9). d'influence décisif pour \lno vie authentique d'oraison
Le problème a éto repris pnr Po.ut Nwyia s j (Ibn 'A.bbad de mentalo,
Ronda. ét J ean de la. Croire, dans Al-Atulaltts, t. 22, 1957, La Via spiritu.s, o de la pcrfcccion espiritual del alnia
p. 118-180), dont les concluslor1s sont résoh1ment négatives : (Séville, 1582, plusieurs r.é éditio.ns les années suivantes;
la doct.rine du renonoen1ent aux eharisn1es, du reste ,:.Ja.ssiq11e à. l'Ind ex en 1559) de Barnabé de Paln1a est l'ottvrage
en lslarn, n'est, pas la })iècc 1naîtrei;sa do la spiritualité classique sur l'illumination, malgré des tendance&
d'lbn •.,U,had et, cher. les n1ystiquos do )'écolo cha<fhilite, la
n 1111lt • 1>urificHLrico reste loin des puriflcaLlons cont.enues
hétérodoxes. Fidèle de Ros a laissé entendre que la Via
dans Jo syn1bolis111c d!ls nuits Rnnjuanisl.es. Quant IJ. lit diffusion pour1•ait êtl'e la source d'écrivains spirituels espagnols.
parmi les n1orlsqucs des théorie~ n1ystiq11es chadhlllLcs, Asfn E. Asensio (loco cit., p. 82-83) rnet en relief les points
l:l!!t le pre1nier à déclarer qua c'est un poi nt :,ur lcq11el nous no suspects de l'ouvrage : dépréciation de la vie active et
possédons pas de donnéos positives. 1 de l'oraison vocale, invîtation conslante à la quiétude
de l'esprit, tendance au r epos et à laisser œuvrer Diou,
D'un e manière plus générale, l'Islam a fait an ch1•is- préférence marquée donnée à l'oraiso n rnenta.Je e t à la
t ianis1ne, orthodoxe ou hétérodoxe, de si no111breux science spirituelle de l'dme (sur la docl.t'ine et l'influence
emprunts que, lot·squ 'on essaie de déceler une influence de la V ia spiritu1.1, voir les articles de B. B ravo, dans
de la spiritualité islarnique, on est toujoul's exposé ii. Manresa, t. 31, 1959, p. 85-74, 115-138, 235-260,
pl'endre pour des éléments musulmans des idées et des 335-352).
doctrines qui r elèvent en fait de la tradition chrétienne Les condamnations portées contre les hétérodoxes
ello-m.ô1ne. P eut-être, toutefois, marche•t-on sur un n'entravèrent que peu le courant de l'ilh1minis1ue spiri•
terrain plus ferme lorsqu'on envisage , comm(i le fait tuel. Les meilleurs traités sur l'oraison et la contempla-
Miguel Asfn P alacios lui-rnêrne (.Sii(lilies y aluntbrados, tion on sont le fruit ; les plus beaux chapitres des fran-
série d'a1·ticles posthumes, partiollemenL (! laborés, ciscains Alphonse de Madrid et Osuna, ou de Louis de
publiés dans Al-Andalu$ d o 19t,t,, à 1951), l'inlluence du (¼renade, ce qu'il y a de plus choisi da ns la spiritunlité
souflsine èhadhHite s ur le n1ouverr1ent des atu.,nbrados de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix. Et dès
et dejados, dont les racines demeurent néann1oins bien le début du 17,; siècle, la littérature spil'ituelle a pour
difficiles à discerner. hase l'illumination intél'ieure : l'école carmélitaine, par
exe1nple, a vec ses 1nultiples ouvrages sur la vie et la
5° Courant de l'illumination intérieure. ~ science de l'oraison et de la conten1plation, ou encore le
L'illuminisme spirituel a été interprété comn1e une franciscain Jean des Anges et ie ,carme observant
forme hétérodoxe de la vie spiriLuelle. Il l'esL certai• Michel de la Fuente, etc. I l suffirait enfin de 1•apJleler
n ement., pris d ans tout son contexte et duns le sens l'ascendant e t le prestige du pseudo-Aréopagite chez
univetsel et historique du terme. Il existe ce11ondant les spirituels espagnols, précisérnen t sur la doctrine do
des manifestations d'une tendance à l'illu nli nation l'illumination de l'âme. Voir DS, t. 8, col. 886-{Jt6.
spiri tu elle, qui ne frôle en rien l'hérésie ni l'interdit. t

A citer comme ouvrages de lo. mên1c tendance : 1'ratatlQ dt


Elle constitue une dominante de la vie d'ol'aison ùt de la oraai6n d u chano.ine Antoine de Porl'as, Alcala, 1552·; Chris-.
p erfection, qui conduil;it des spirituels au so1nn1e t de la tophè R uiz vera 1550 en pu blie un sous Je 1nê1ne titre; Joan Bllr•
1nystique. C'est à cette tèndance (la seule que nous nal Diaz dé Luco, .S-oliloquia. Suma brc,,c y com.penàwsa con la
retenions ici i les h étérodoxes seront étudiés pins Join) qual se piuclo despsrt.ar el aln1a cristiana o. contttnpla.r considc•
que se formèrent les 1naîtres espagnols; elle apparaît raci<•11cs niuy allas, 151,1 (cr DS, t. 3, çol. 857); Contcn1.pl11•
dans la prernière rnoitié du 16e siècle et s'épanouit dans <'.ÎOnts m1,y devotas... con irtn tratado de n1y8tica Tltcologi(1,
lu seconde. adre1;sé o.ux âmes retirées dans la vis solitaire co11te111plativ~
Alunihradn, dans son aens prenlier (on le trouve à. {p ublié 1;0111> le non1 de Pierre Ciruclo, Alcala, 151,3; DS, t. 2,
èûl. 'J10); et la Tl!~ologia n1y.~1ir.a. d'Augustin de Saint-Ildofonso,
l'état pu1· et st\ns gauchissement aucun dans la traduc- Alcala, 101, ,, (DS, t. 1, col. 1136).
tion des lettres de sainte Catherine de Sienne, Alcala,
1512), désignait un groupe ou genre de pen1onnes qui 6° Courants spirituels des ordres [reli-
cherchaient la perfection spirituelle .pur l'illumination gieux. - La._r éforn1e des ord1·es religieux en'Ll•epr iae à
intérieure, la pratique d os con.::eils évangôliques, l'âge d'or (l1·i11itaires déchaussés, rnercédaires, augus-
l'a,monr et l'humilité, $Urlou L par la vie d 'o,·aison et la Lios, .fra11cisc1.lins, etc) donne du relief à leurs doctrines
connaissance des Écritures. et à leurs enseigne1nenls. Si l'influence réformatrice
Beaucoup d'entre clics sont to,nbées, pal' la sui Le, de ce1•lains ordres se fit il peine sentir au dehors, -
,

!152 1153 SOURCES 1154


élé• 9.ll$Î ·est-il
difficile de les cataloguer parnli les écoles de bien de thèmes doctrinaux, empruntés mais incorporés
o.ple, spiritualité - , d'aut1•es réforrnes au contraire ont à not.re spiritualit6, dont nous voulons parler. Cepen-
1n 1lè imprimé à des ordres anciens un tel élan et un caractère dant, il faut met"tre à part et au-dessus do tout la source
que si personnel qu'elles ont constitué autant de nouveaux csscnt.ielle, qu'est la sainte l!Jcriture.
:e de coura,nts spirituels. A ces réfornîes s'ajoute l'apport
'ions, original des fondations nouvelles, cotnme celle des 1° L'Écriture. - L'âge d'or présente un carac-
jésuites. tère bibliq\1e aux aspects divers, 'l'andis qu'au 16e
tion, les ati teurS recherohODt dans les livres inspirés la source
x:cel- On ·peut distinguer comme trois tendances dans ces
reformes, nullernent hétérogènes l'une à l'autre, mais de leur enseignement, guidés par une exégèse ascétique
préférentielles : àQectiPe, intellectuelle, éclectique. et une interprétation toute prudente, au 178 un grand
' est nombre préfèrent l'allégorie et la métaphore, et espèrent
tarn- 1) La tendl\nco affective fait prédominer l'élément découvrir dans la Bible la confirmation des phénomènes,
~prit affectif et sensible sur l'élément intellectuel et mê1ne les plus élcvês et exti·aordinaires, de la vie
aussi spéculatif. Retenons ses traits essentiels : l'oraison spirituelle. ·La Bible devenait un livre de sagesse
que affective, principalement sur l'humanité du Christ et divino pour les théologiens et les savants, et un livre
oina- les mys,tères de la Passion; la considération du Christ- do règle de vie intérieure pour les spirituels. Ce dernier
à la Homme, objét de notre imitation ot cho1nin pour aspect nous intéresse davantage.
;teµr parvenir au Père. Les thèmes généraux sont les béati- Lo courant spirituel qui se développe avant 1565
1ison tudes et l'amour de Dieu. Il est représenté surtout par cherche dans la doctrine révélée un appui qui garan-
les aute1trs lrancisciüns, fidèles à la tradition de leur tisse ses diverses formes, et, - c'est là son mérite - ,
alnia ordre, tels Alphonse de Madrid, ·François d'Osuna vaut transmettre les richesses do la Bible : l'e:x.e1nple
ntes; t 15~0, Bei·nardin de Laredo t 1:v,o et Joan des Anges unique de Jésus-Christ d'abord, puis -l'attention aux
,rage t 1609, par quelques augustins èt no,nbre de jésuites ·onsr.ignementa de l'ancien Testament, enfin la pratique
mces fidèles aux sources de la spiritualité ignatienno. des vertus (patience de ,Job, obéissance d'Abraham, etc,
l Via
renoncement au monde, vie d'intimité avec Dieu,
:nols. 2) La tmdance intellectuelle maintient la pré•
ex.pliquée par la vie de Moïse, d'Ellie et d'rillisée, des
oints éminence de l'entendement sur la volonté, La consi- pâtriarches et des prophètes).
ve et dération de Dieu, la méditation des vérités éternelles Certains facteurs historiques expliquent l'influence
itude sont développées sous une forme rationnelle et théo•
de ce 1·enouveau scripturaire, tels la rnultiplicité des
Dieu, logique. Les affections spirituelles sont cornme des
chaires bibliques dans les universités et l'enseignement
, à la conséquences du caractère intellectuel de l'oraison. Ce mona$tique.
1ence courant. est celui de l'ordre donlinicain, auquel on peut
dans rattacher bien des jésuites et quelques bénédictins. A Valence, par exemple, dôs avant 154.0, un règlement
éhiboré sous la vigilante attention de saint Thornas de Ville- •
-260, 8) La tendance éclectique, est présentée par P. Sainz neuve, prévoit que l'enseignement théologique sera cooronné
RodrJguei comrne espagnole. Entendement et cœur par l'élude do la Bibl0 et des Lioux saint.~. Les Annotation.es
loxes jouent un mên1e rôle dans la vie spirituelle. Cette dcccm 1ul sa.cra11i Scripturani (Valence, 154.7) do Pierre- •
spiri- harmonie est colle de l'école carmélitaine; y prédontine Antoine Bouter en sont con11ne le fruit; chroniqueur et partisan
npla- la ten(lance mystique à l'illumination intérieu1·e, que d'idées do saveur érasrnienne, l'aute11r désire·éveiller chez les
!ran- étudiants le gollt spirlLuol dos Livres saints et lanc~r un o.ppcl
guide ce principe fondamental : dans la vie nîystique en faveur d'une rénovation biblique 'de la vie spirituelle,
is de connaissance et amour vont de pair, car la très haute
1alité A l'abbaye bénédictine de Sal1agun (Léon), c011tre renaissant
con.naissance est inspirée par l'amour et l'amour est comrno Burgos et Vnlladolid, l'abbé Frarlçols Ruiz publie
t dès comme le fruit d'une si haute connaissance. (Lyon, 1546; Paris, 154 ?) des Rcgulcui 383 intelligandi Scriptura11
pour sacras; ce n'est ni une propédeutique, ni un travail d'oxégéso,
11 par ~) En fonction d'autres modalité/$, on pourrait dis- 1n11is un 011vrage de cult11re qui donne un enseignement splri-
et la tinguer un courant d'action et un courant. de contem- Luol de la Bible vivant ot act.uel (E, Asensio, loco oit., p. 45•47),
ore le plation. L'aspect contemplatif p1·édon1ine, par exem-
rvant ple, chez les carrnes, les trinitaires réformés ou les Les deux universités d'Alcala et de Salamanque
,peler bénédictins. Ailleurs, l'accent est 1nis sur la vie active, dirigent le 1nouvement culturèl et spirituel commen-
chez notamment chez les dominicains, les franciscains, les çant, et leur rayonnement e$t in1portant. Elles s'effor-
ne de jésuites, chez Jean d'Avila et dans les instituts à but cent d'établir une tradition hébrafgué, qui maintiendrait
6. apostolique. La spiritualit6 de l'âge d'o1· harmonise, e,i l'inlluence de l'Écriture dans la vie chrétienne ot lui
oflot, action et contemplation, apostolat et vie d'orai- donnerait sa marque. Un Alphonse de Zamora t 1581,
:uto de
Chris-,, son. Thél'èse de J ésus en est le meilleur représentant. un Cy()rien de la Huerga t 1560, plus tard un Louis de
n Bor- Le6n t 1591 et un Benoit Arias Montano t 1598 en
con la B. Sounclls. - Déter1niner les sources doctrinales furent, de bons artisans; savants exégètes, ils se préoc-
1nside• do la spiritualité de l'âge d'or est complexe, sinon cupent d'alimenter la vie spirituelle de leurs auditeurs
m1pla- im~osslble. Le panorarna des multiples courants spil'i- et lectours,
ilogia, tucls, les interférences entre tant d'écrivains, les cir-
rtative Gauthier do T1•ejo t 1550 (In Sacroaancta Jesu Christi
con~tances hîstoriques de la formation de certains q11.atuor Evangclit,, Sél'lllc, 1554), conuncntaleur de saint P1111l,
1, L-2, maitres constituent un ensemble trop di\•e1·a pour qu'on
1lonse, est un rnodèle du genre. Il sait faire ressoi•lir l'offico.cite ëx81n-
puisse préciser los antécédents <l'une si riche spiritua• plaire lies Évangiles, renet dt.l l'action et de la vie do Jésus, et
lité. Il serait plus aisé de décrire ceux de certains auteurs, tirer proilt dea enseignement& dea Pères (Ambroise, Augustin,
'r eli- soit parce qu'ils signalent leuts ernprurits, soit parce Grégoir·u le Grand, oLc) co1nmo dtls outaurs mêdiévo.ux (les
,1•lse à que·certaines de leurs conceptions sont comme l'apanage vicLorius, Thornas d'Aquin, Duns Scot, oLc). Uno de ses idées
favori les est do consld6rer le chroUcn on niiles Ollristi; il
1ugus- d'une autre école, Or, une source doctrinale, à l'encontre développe le concept de milice, décrite par saint Paul, ré1Hllr1no
trines d'uno simple citation, indique une détern1ination de la les promesses du baptême, et âussi bien les récon1pcnscs cl les
atrice pensée, elle est cornme un sceau ilnp1•imê dans un châtlmnnts f11tur1,, I.e sens apîrit11el se poursuit ainsi dans tout
rs, - drocessus doctrinal sous une influence étrangère. C'est l'ouvrage, où pa,~se le style de la mystique et 111G1ne de la
DICTIONNAIRE DB sr!Rl'!'UALl"l'É, - T, IV. 37
1155 ESPAGNE. AGE D'OR 1156
r;colastiquo m6di6vales. Le mériti;i princîpâl do Trcjo n'est pas avant 1500 à leur quatrième édition (Burgos, Sala-
tant d'avoir été l'un des initiateurs do la spirituali lé biblique manque et Pampelune).
espagnole que d'avoir contribué il créer un climat favorable à Parmi los Pères latins les plus importants, pour nos
dos rouvres comme celles do Louis de Grenade, il' Alphonse spirituels, sont saint Ambroise, saint Jérôme, saint,
de Orozco, de LouÏll dé Le611 et de Jean de la Croix. Augustin, saint Léon le Grand et saint Gr6goire le
Certains auteurs vécurent profondément de ce Grand, sans omettre lo pseudo-Denys (DS, t. 3, col. 386-
courant biblique, mais suscitèrent l'opposition. Mel- 416).

chior Cano, par exe1nple, était ombrageux à l'égard do Jérôme, le dérenseur de la vie monaatique contre Vigilance,
ces théologiens de l'Ecritute, dont les interprétations est cité maintes (ois, de même q11e )el! lettrea et traités ascétiques
différaient de celles de leurs devanciers. Cano soup- du pseudo-Jérôrno. ta source patristiquo latino la plus innuente
çonna même d'esprit protestant quelques-uns de ces est la doctrine d' AugUiltin sur l'an1our do Diou ot la qhnrité,
maitres. Cette attitude ne fut guère imitée. son enseignement sur la vie d'C>raison ot la con tomplation, le3
Au 168 siècle, le paulinisme semble dominer. ))es pratiques de la vio spirituollo, la ponitonco et les vertus, enfin,
sa Règlo n1onastiquo. D'Ambroise on commente (Louia de.
auteurs comme Paul de Le6n (Gula del cülo, 1553), Grenade, par oxomple) de préférence les règles ascétiques sur
François d'Osuna, Jean d'Avila ( Audi f,,lia), Louis de la virginité et sur l'efficacité de ln prière. Grégoire ost, après·
Grenade, centrent une grande partie de leur enseigne- Augustin, l'autour qui suscite le plus d'intérêt, notam1nent
ment sur la doctrine de saint Paul : le niystère du par ses M<>rales (traductiC>n d'Alphonse Alvaro:t. de Tolède,,
Christ est source des biens, des richesses et des rnilrites Séville, 152'1 et Ui'19). On sait quo salnto Tllérôso les lut
surnaturels, c'est )e bienfait de l'âme, qu'elle vit dans (cf L. SerranC>, 'l'rad1tecio_MB caatoUanas dtt .Los llforalcs d~ sa11·
l'oraison et la méditation. En fait, pendant la première Gr~i;orio, dans Re1Jiata de arc11ivos, bibliotccas y mw1~os, 3• série,
moitié du siècle, les auteurs semblent utiliser de préfé- t. 25, 1911, p. 1189 svv). On traduisit les Hotniliet sur .iulchiel
ot sur l'Évangile (Valence, 1542). Voir 1upra, col. 1126, 1128,
rence les enseignements du nouveau Testament.
Alphonse de Madrid et Bernardin de Laredo, par La spiritualité n1édiévale est source de la spiritualité
exemple. Ensuite et jusqu'en 1650, on essaie d'expliquer espagnole, spécialement pendant le dernier tiers du
par la Bible les états spirituels; saintQ Thérèse et 1Ge siècle et la première moitié du 17e,
saint Jean de la Croix expose.nt leur ·enseignement
mystique à partir surtout de la Bible. A Barcelone, en 1499, on édite les Méditations do saint Ber,
nard, q\li 11ont do très grando irnportanco pour la spiritualité
Jean des Anges t 1609, fN\noiscain de tendnnco alToctive espognolo, bien que d'autres œuvres du saint soient fréquem•
pour qui l'onsoigno1ncnt bib)iq\le i,ur l'a,nour d•) Dieu est ment citées par Louis do Grenade, Pierre Mal6n de Cluùde
prirnordial, volt dans le Ci:lntique des C!lnliques le symbolll Jean do Angos ot Joan de la Croix. On peut en rapprochor sain~
do l'union de Dieu et de l'âme. Los ,nystiquos ct\l'mélitairu;, Ansclrno (Mcditationes muy <kvotas 11 mt~11 aontempla1ionea,
Jérôme Graoiàn t 1614, J ean do ,T6sus-?.larie t 1611>, Tho- Tolôde, 1504, 1567), saint Bonavantul'!;l ;et saint Thomas
1
n1o.s de Jésus t 1627, ,Joseph do Jés\ls-Marie t 1629, sont, sur d'Aquin, source indiscutable de la théologie spirltuollo ospa,
ce point, les dignes élèves de Jour mllttre Jean de l11 Croix. Ils gnole.
éti:lblisaent d'~près l'Elcrlturo les tondemènts do la contempla- Au nombre des sources principales il !aut ranger encore 11)!1
tion et do l'ilhunlnation spirituelle. Michel dé la Fuente t 1626, contemplati{a de l'écC>lo do Saint-Victor, Hugues et Richard,
carme observant, explique les textes inspirés solon la doctrine Fidèle de Ros 011 a 1nontré l'inlluonco sur la doctrine de l?ri\n,
1,!1nj11anlste, aussi bien au point de vue oxégôtiquo et littéra) çois d'Osuna et do Bernardin do Laredo; on li:I retrouvérall
que pastC>ral et mystique. Un grand nombre d'a\ltours, parmi i:lille,,rs. J} ln1i1a1ion devient un livre habituel de lecturll spiri
lesquels surtout des jésuites et des dC>rninicalns, utilisent aussi tuallo; à pou près tous les auteurs la citent, I'Arta para servir a
la Bible à titre d'exe,11plu111. Cette manière de so servir de Di-0s d'AlphC>nsc de Madrid lo prouve s11rabondan1n1ont (DS1
l'Éériture mériterait d'être étudltlo davantage (cf K. Ricard, t. 1, col. 389-1191).
Por1r r,nc histoire de l'11x111nplum dans la littér11t11r~ reli!Jierisc Corl.ains pointa devraient être étudies à loisir, si l'on voulait
11,odcrne, dans 1.es lettres romanes, t. 8, 1954, p. 199-223); al't. tr•altcr à tond lo. question do11 sourcos, par cxon1plo le Tr11ctr111u
Eitll Mlll,Ulf, DS, t. ,. de rcgr,lis ma11da1oru111 (Majorque, 1485, sous le nom d
Jean Oeroon) et la Scala cooli do Joannes Junior (Jean 1
Le climat favorable à un0 spiritualité biblique jeune; Séville, 1'197), car lo prestige de Oeroon était grand ot,la
existait en Espagne. Peut-être certains auteurs y valeur de la Scala qui exposi:\it la doctrine de la contomplation
ont-ila contribué plus quo d'autres, mais, à parler en n'était pas n6gllgeable. Bien des auteurs ont pulsé dans ces
général, il semble le fruit spontané do la vie et des traités auxquels on ne prête plus guèro attontlC>n.
courants spirituels rénovés.
On no saurait omettre de mentionner l'influenQ$
M. Bataillon, Eras1110 11 EtJpaila, passim. - E. Asllnsio, grandissante de l'école do Raymond Lulle: ses ouvrage
El erasmisr,w .. , p. 45-~8. - J, Vllnot, Bible et mystique chez spirituels sont imprimés, sa doctrine est expliquée, ses,
saint Jean de la Croix, coll. 8tudes carm6litaines, Paris, 1949;
compte rendu : E. Hoornaort, dans Les lettres ro111a11es, t. 7, méthodes sont répandues. Si le 178 siècle marque un
1953, p. 406-1,11. - P. Groult, Lea courants .. , passim. - sommet du lullîsme, on n'a pas manqué de rapprocher,
Domingo de Santa Teresa, Jr,an <k Valdds, Ro,no, 1957, de la spiritualité de Lulle des auteurs importants du
p. 829-330. - DS, art. ÉOI\ITURR SA.INTH, 16~ sièclt, t. 4, 16° siècle, tel saint Ignace de Loyola (cf les Anawgl<U
col. 209-226; 2', 8-258 : S. Jean de la Croix et la Dil.,le. biogrâficas et les A11aloglas doctrinales établies entre les
deux auteurs par J. Sabater, Palma de Majorque, 19551
20 La théologie patristique et médiévale a et Manresa, t. 28, 1956, p. 871-884). Voir DTC, t. O,
fourni de nombreux éléments doctrinaux aux écrivains col. 1134-114.0; DS, t. 2, côl. 1991; t. '•• col. 1120; et 1
de l'âge d'or, la première parvenant habituellement li. J-latzfeld, ln-fluence de Raimundo Lulio y Juan van 1
par le biais de la seconde. Ruysbroeck en cl languaje de los ml$ticos cspa,,oles, dans !
Bien que les Pères grecs aient passé à peu près EBtuaios literarioB sobre nitstica espa1lola, Madrid, 1955
inaperçus, les Règles rnonastiques de saint- Pacôme et de p. 83-143.
saint Basile, et les traités ascétiques de saint Joan Chry-
sostome jouirent d'une grande influence. Les Institu- 30 L'école mystique allemande a été considér~
tiones de moribus (ou Ascetica) de Basile })arvinrent comme une des sources pl'incipales de la mystiqu
1156 1157
1

SOURCES 1158
Sa.la-
espagnole de l'âge d'or. On a précisé son influence, sur• des thèmes de méditation, surtout l'importance donnée •
1r nos tout on ce qui concerne la vie d'oraison et la contem- à la passion, thème central de l'œuvre de Gérard Groot.
sa!nt platlon, et retenu les comparaisons employées par les La l'éforme spirituelle et psychologique tentée par
auteurs espagnols pour expliquer les états surnaturels nornbre d'auteurs au 16c siècle peut être à bon droit
ire le et décrire la vie 1nystique.
1. 886- considérée comme née du mouvement lancé par Gérard
Pour préciser cette influence, il faudrait examiner un de Zutphen qui enseignait et détaillait la méthode de
à,un1es textes et les expressions parallèles aussi bien purification de l'intlllligeoce, de la mémoire et de la
:llance, que l'esprit et le milieu dans lequel évoluent les auteurs volonté. On ne peut nier que la doctrine de saint Jean
itlque11 espagnols. Coux-ci ne s'inspirent pas seulement de de la Croix sur les trois puissances de l'âme, exposée
nuento pl)ges isolées ou de quelques textes do· mattres médiô-
,harité, dans la Subida del Monte, n'àit là un antécédent très
vaux de la mystique allemande, mals surtout do leur net qu'on peut considérer avec beaucoup de probabilité
ion, los
\ enfin, préférence pour la contemplation et l'illumination comme sa source.
,uis de ' intérieure; comme eux, ils ont tendance à considérer La de11otio modcrna est, en réalité, une source doc-
uos sur les états et la structure surnuturelle et psychologique trinale plus par son esprit et ses enséignemonts que par
:, nprèa de l'fuile com,ne Je fondement de la vie spirituelle. les thèmes qu'elle a transmis. Le renouveau de la vie
mment Co sens de la contemplation si essentiel à la doctrine d'oraison en Espagne est dû en grande partie à l'esprit
'l'olèdo, de Tauler et de Ruysbroeck so transmit à la spiritualité des frères do la Vle commune. Ce point a été plus parti•
l&a lut espagnole, qui vivait des mêmes aspirations. Fran- culièrement étudié en co qui concerne saint Ignace,
' "" BUTI' 9ola d'Osuna, par oxernple, Je recuoillo dans son trol· l'un des auteurs qui incarnent le mieux l'esprit du
i• s~rie,
~ucl,iel
alème Ab~c6daire, oli il fait ôcho à l'union spirituelle la renouveau spirituel espagnol (P. Leturia, La de11otio
1, 11.28, plus haute, l'union sans 1node ou rnodinescia, déjà moderna en el Mont$crrat de san 1 gnacio, dans Razdri y
décrite par Ruysbroeck. Co même esprit se retrouve fe, t. 111, 1986, p. 871-385; os, art. DÉVOTION
.t ualité oh~z l;lornardin de Laredo et Pierre l'v1alôn de Chaide; MODERNG, t. 3, col. 727-?t.7).
o~ du il passe à sainte 'l'hérèse qui lui donne élan et vitalité
nouvelle dans le Libro de su 11ida et dans les Moradas, :,0 L'Occident rencontre le platonisme par la renais-
ef à saint Jean de la Croix, qui en fuit com1ne la note sance italienhe, qui est fort accueillante à l'amour et
lnt Bor- dl~tlnctive do sa spiritualité. à la beauté. Déjà, les spirituels espagnols ont pris
ritualité contact avec le platonisme, en s'inspirant d'un Augustin
~quom-' L'école mystique allemande est bien uno source de
la mystique espagnole. J.,es éléments de contact sont ou d'un pseudo-Denys, qui avait tenté do christianiser
Cbaide, le syslè,ne platonicien. Par ailleurs, la théologie néo-
,cr saint' nomlireux : la dilTusion des principaux auteurs alle•
iationes, mo.nds (édités ou traduits en latin et en espagnol) et scolastique espagnole, bien quo fortement thomiste, se
Thomas l'usage qu'en font les ordres réformés ou nouveaux, qui, montrait favorable aux tendances platoniciennes. Le •
lo e5pa• ' faute de manuels propres à leur genre de vie, so nourris• platonisme, christianisé par l'Aréopagite ou exalté par
sènt do livres spirituels venus d'ailleurs. la renaissance (éditions, traductions et commentaires),
1coro les parvenait ainsi à la connaissance des spirituels.
Richard. a..J. WalJclaerL, Nota111la guacdani 11titis.~i,11a ir1 urdine ad Trois thèmes ont retenu particulièrement l'attention :
lo Fran- rit~ intelliganda opera scripturum contentplativor1,ni, dans la beauté de Dieu, la psychologie et la din1ension spiri-
~uverait- Col!otiones brugenses, t, 17, 1912. - O. ELchogoyen, L'amour
.r~ spiri-
tuelle de l'âmo, les idées sur l'a,nour,
àiPin. Es,ai sitr les sources de sainte Thérèse, Bordel\UX•Paris,
: sarvir a· 1928. - P. Oroult, Les 1nystiques des Pays-Bas et la littérature Louis de Grenade affirme qu'il puisa presque toutes ses
mt (DS, ,apasnol~ du scüièm4 siècle, Louvain, 1927. - P. S11inz Rodrl• idées su1· la beauté do Diou dans le Ball{luct do PlaLon, de même
guez, lntroducci6n a la historia __ , p. 115•138. - Crisogono de Jean des Anges (Triiinfoa d,il a1nor de Dios; et DS, t. 2,
1 voulait JeaOa Sacrnmentado, San J14an de la Cr,~. Sr, obra cie11tlfic11 col. 2015). Les !duos platoniciennes sur l'a1nour so r0tro1.1vent
rractatUII Il lu obra lit~raria, t. 1, Avila, 1ll2!1, p. 21·59; La cscr,ela 111btica surtout dans la Convarsion d,i la Magdalena do Piorro t.fa•
no1n de cormelitana, Avil1t, 1980, p. 37-50. - Fidèle de Ros, Le Père 16n do Cho.ide, qui exprilno bien la paychologlo do l'ârno
(Jean le François d'Osuna, Paris, 1937. - J . Sanchls Alventosa, La ùe'vant la forc0 de l'llmour divin. Louis de Le6n t 1591,
~nd et la ,a~~/1 mlstica ale1na11a y si,~ rclaèiones con n!lt81ros misticos Alphonso do Orozco t 1591, Jean,Eusèbo Nioronberg t 1658 et
nplation dtl llglo de oro, Madrid, 19,6. - Fldàlo do Ros, Le Frère surtout Christophe do Fonseca t t621 (Tratada dtl an1or · d,i
dans cos Bu1141'di·n dl: Laredo, Paris, 1948. - D. Garcia Rodrlguoz, Dios; cf DS, t. 2, col. 2020), eux aussi, • platonisont •· Il serait
faukro y 1a11 Juan ,le la Cruz, dans Vida sobrenatural; t- 50, intéressant de préciser si la doctrine de François d'Osuna aur
t9l9, p. 3fa9-862, 428•!.36. - Enrique dol Sngrado Coraz6n, l'amour, qui a exercé tant d'influence sur aainto Thtlrùse, a ùea
ofluence- Jàn van Ruusbroec, como fru,nte d6 i11fl~ncia posibùi en san affinilé8 platoniciennes. Saint Jean do la Croix, lui, a accepté
uvrages , Juan d,: la Cruz, dans Rcviata da 1111piritualidad, t. 9, 1!150, )a!j idées platoniciennes pllr l'intermédiaire d'Augustin, du
ruée, ses p. 288-809, 422·'•42. - C.•M, Abad, Et Penerable P . Lrlis de psaudo- Deny1J et des victorins.
rque un Ill Puente, Co1nillwi, 195~. p. 97-100. - DS, art. Spiritr,ali16
ALl,IIIANDI, t. 1, col. 328-381. P. Sanz Rodrfguor., I11troducci6n a la historiQ .. , p. 228-282.
,procher - L. Plandl, llistoria de la lit!!raturti.. , p. 82-42. - M. Menén-
ants dq
nàlogtas
,o La devotio moderna a exercé sur la .spiritualité dct y Pi::layo, lli-atoria d,i las id!!M cstéticas en Espaf'ia, t. 2,
Santander, 191,0, ch. 7. -C.-M. Abad, El vencrable P . Lui$ d~la
espagnole 1.1no influence qui n'a pas été suffisamment
entre les Puante, Comillas, 1954, p . 76-78.
élu~iée. Son expansion fut surprenante. Elle était
10, 1955, déjà bien connue en Espagne dès la réforme spirituelle 60 Expérience personnelle. - La spiritualité
:c, t . 9, dè Jiménez ds Cisneros. Le renouveau spirituel béné- espagnole de l'âge d'or n'est pas seulement un code de
l120; et dictin de Montserrat, comme les méthodes d'oraison ot doctrine, ou une simple syst6matis11Uon, mais elle est
·uan 11an de contemplation employées notarnment par Louis de une floraison de saintoté. Elle a été racontée par les
les, dans Oren!lde, ne sont pas séparables do la spiritualité de saint.'! eux-,nêmes. L'expérience fut leur meilleur n1aître.
:d, 1955, Win4eshelm. Sainte Thérèse elle-mê,ne nous transmet On pense surtout à sainte 'l'hérèse, dont l'expérience
des enseignements sur l'humilité et la passion du Christ rut une source abondante de connaissance qui se 1•eflète
1nsid6rée puisés indirectement à la mêmo source. en ses admirables livres; à saint Jean de la Croix, qui
'
nystique On peut considérer comme un héritage do la de11otio voit dans l'expérience comme la source première de
moderna : l'enseignement sur !l'oraison, la distribution connaissance aux diverses péripdes de la vie spirituelle;
1159 ESPAGNE. AGE D'OR
à saint I gnace de Loyola, qui, formé par son expérience mouvement de renouveau intérieur (supra, col. 1151),
de Manrèso, réalisa son code magnifique de règles
spirituelles dans les Exercices. On pourrait rappeler f!~~:~~!:~:a~~~~e~!e~!~\r~~~~~:~~:s.et:inà ~!~ ::
bien d'autres noms, particulièrement les principaux groupes, plus ou moins liés entre eux, se nouent; à
représentants de chaque école de spiritualité. Que cela l'occasion, on les accusera d'hétérodoxie et de sensua•
suffise pour 1nontrer l'importance de l'e:,;pâriencc dans lisme, et ils s'attacheront à de faux miracles ou à une
la vie spirituelle. 88.inteté hypocrite. On reconnait chez eux un élan
Les difJérent.s thèrnos quo nous avons évoqués ici ont ôté ou sincère et fervent de rénovation intérieure, la recherche
seront repris plus en détail dans le Dictionnaire, en présentant d'un chemin spirituel pour y parvenir, une intériorisa,
soit les principaux autours do l'âge d'or, soit los courants spiri- tion exagérée fondée exclusivement sur l'illuminatio11
tuels Jssut; des ord1·es religîsux (BitN il:01c-r1Ns, CA nMR!i, intérieure. En dehors de là, pas de doctt•ino ni de métho~
CJI ARTRP.IIX, Erul11'1lS DJ3 SA INT-Au o USTIN, FnÊl\llS MINRURS, des iinposées, et les dlllérences sont considérables.
FnÈRES PRÈCHllURS, J tsu rTl, S, :M11l\CÉDAIRES, et(:), ou des
points essentiels dA doc trine spirituelle (CONTEMPLATION, 2° Situation de l'il1,1min'\sme en Espagne. -
'fficruTURE SAINTR , ExTASs, etc). On distingue deux J>hases : la première a pour centre le
royaume do Tolède, la seconde l'Estrérna dure et l' Anda,
ENnIQUli DEI, SAGRA»o ConAZON.
lousie; la pre1nièro plus spontanée, plus ~uthentique
plus pure, moins abâtardie et moi.na sectaire; la seconde

3. D~VIATIONS SPIRITUELLES ET JNQU!SITION a l'allure d'une secte; c'est là qu'apparaisseni les béates;
il y a des pratiques spirituelles particulières et moins d•
A. ILJ,UMJNISME, - L'âge d'or atteignit des so1n1nets limpidité.
spirituels. Les courants troubles cependant no manquè-
rent pas, ni les 01nbrès. L'illuminisme fut. « l'ennemi 1) Tolède. - C'est dans le roya\1mo de Tolède que
intime de l'ort.hodoxie espagnole durant tout le 16° siè- se découvrent les prerniers alumbrados. Pour être juste,
cle >,, a écrit avec quelque exagération J\1. B ataillon il faudrait distinguer : a) les réformateurs visionnaires;
(t. '1, p. 72). Il n'était pas l'enne1ui dQ l'orthodoxie, ,nais b) les recueillis (recogidos); c) les abandonnés• (doiados)'.;
surtout de l'authentique spiritualité et do la moralité, d) le groupe de Françoise Hernândez.
car en Espagne il n'y avait pas relâche1nent. de la doc- a.) Ré/orrrtateurs oisionn<Lires. - « La b éate de Pie•
trine, 1nais bien des 1nœu1'S. De l'illuminis1ne nous drahita », Marie do Saint-Dominique, tertiaire do1nini,
n'avons qu'une connaissance frag,nentaire. Des procès caine, y occupe la pl'emière place. Elle n'a aucune rela
d'alunlbrados ont dispa1·u ; d'autres n'ont pas encore tion avec les autres groupes d'illuminés. Ses doctrinefï
été exhu1nés des archives et 1•évéleront peut-être de p1•atiques et révélations l'éloignent des abandonn48j
nouveaux foyers d'illuminisme. Nos documnnts donnent ses visions de réfor1ne apparentées à celles de Melcllio,
cependant une vision d'ensemble de ce 1nouvement la rapproc.heraient des recueillis. Les 1nanilestation,
complexe : un au dépar-t, il olîre bientôt des tendances sensuelles que relève son procès partial font songor à
divergentes, voire rivales; aussi l'examen de mêmes une déséquilibrée.
docurnenls a-t-il abouti parfois à des interprétaLions
Melcl1ior apparaît vers 1512. Personnage mystérioux,
opposées. extravagant, il est originaire de l311rgos et d'nscendanc0 juivè.
1° Origîne et nature. - On ne peut fixer la Éhiv6 à la col!r d'Angleterre, il y sont l'appel de Dieu à 11
date de naissance de l'illuminisme ni en préciser les réfor1ne et à la péitltence. Avec cotte hantise il sillonne l'Espa,
gnc. Il porte tour à tour l'hàùil do tous Isa ord1•os rcügieu
causes. D'aucuns en ont cherché l 'origine dans les niais il ne voit chez les n1oi11!ls que des esclaves des passio .
sectes médiévales : Albigeois, Bégards, etc. L'édit de li visite h.1 ùuate de Pîedrah.ita, alol'li qu'il litait peul•ê ,
1525 y fait allusion. On y ·a w l'influence d e la mystique don1inic(lin ; éllc le coofir1no dans ses révél11Lions et lui consei
nordique (M. Menéndez y P elayo), un gern1e protestant de prendre l'habit do Saint-François. Avec l'autoris11tlon
(J. Maldonado, 11. C. Lea, E. Boehmol'}, une résurgence général, il parco11rt les couvents do l'ordre, y prophétisant
d'idéologie juive (M. Bataillon, M. la PinLa Llorente) la 111nnlère de Charles de Bovelles (cr DS, t. i, col. 189!t•18951
ou musulmane (:tvl. Asin Palacios}. L'illuminisme est u ne
phase du· mouvement religieux eu1•opéen, qui cherchait Hom1ne dévot par ailleurs, austère, adonné à l'o1•aiso
à remé(lier à la dégénérescence de la chrétienté: perte de et, à ce qu'il semble, d'une grande humilité, le t1·è
prestige de la papauté, dégradation de la v ertu et de la Melchior exerce un ascendant considérable. Ses révéla
science dans le clergé, décadence des ordros religieux. tlons réformistes, son indépendance, son illu1nlnatîo
Cet état de choses favorisait un certain subjectivisme en intérieure « venue directernent de Dieu ,,, les foye
marge ou au 1népris de la hiérarchie et de tout ce qui d'illuminisme qui surgissent partou t où il passe le foù
la l'eprésentait (cérémonies, Sàcrements, rites, etc); considérer co1nme le pre1nier grand pontife du mou~
on r etl'OU'VO quelque analogie dans le mouve,nent de la ment.
deootio 1noderna aux Pays-Bas, dans le paulinisme de b) Recueillis (rccogidos). - Ce g1•oupe garde l'orth
Jean Colot en Angleter1•e, dans l'évangélis111e de Lefèvre doxle doctrinale, morale et spirituelle des d ébuts 4
d'Étaples en F .r ,1nce et dans le protestantisme de Luther 1nouvement. Plus que de doct1•ine, c'est de métho
en Allemagne. Les idées de réfor1ne lancées en Espagne d'oraison et de réorganisation spirituelle q u'il fa
cris tallisèrent un n1ouvement authentique de rénovation parler. Ce 1, recueillement » se pratique surtout chez 1
spirituelle, où les influences éLrangère.5 comptèrent sans franciscains : à La Salceda et à Pastrana dans la régi
doute pour peu. Cette situation explique lo rôle que de Guadalajara, à Esc8lona dans celle de, Tolède. c,•~
jouent des béates en grand 1•enom de sainteté et illu,- un 1nouvement spontané, d 'une spiritualité intérieu,
minées de visions, alu,nbradas (« Un nuevo género de personnelle, contemplative et ne s'attachant guère a
lat1•!a que ahora plilula », Pierre Martyr do Anglerià forinules. Fl'ançois d'Osuna parvient à donner a
t ·1526). (( recueillon1ent » une forn1e définitive dans son Ter
Né de la 1·éfor1ne de Cisneros conune un authentique Abeccdari-0, paru en 1527 . Précurseur de cette doctri
1161 ILLUMINISlVlE 1162
1160
~j importante dans la spiritualité espagnole, il est le surenl, pas éviter des imprudences et des exagérations
l151 ), meilleur représentant do la partie la plus saine des rétor- doctrinales (les supérieurs des franciscains condamnè-
n des mateurs franciscains (cr DS, t. 2, col. 201q), Car il no
u des rent au cachot ceux do leurs sujets qui ne quittaient pas
manque pas d'exaltés qui ajoutent d'tixcitantos exagé- les voies de l' « abandon »). En réalité, les inquisiteurs
,nt; à rations d'extases et de ravlsse111ents. 'l'ois Jean de n'av{tient pas vu de niai dans la doctrine.
msua- Olmillos, grand prédicateur, François d'Ocaiia, vision-
à une Au courant dos tondances du renouveau spirituel (procès
naire réformiste, François Ortiz, t vers 15'~7, dans son
élan aveuglement pour Françoise Hernâ.ndez. do lu héate de PledraJ.ita en 1511; into!'rogatoiro de Frnn-
ierche çoiso Hornandcz en 151 !l sàns cQn!léquenco nuc)unn; • recueil•
c) Les abandonnés ( dejados) sont les premiers illu- le1nont • dea franciscains), ils cQnnaissent lo n1011von1ont
iorisa- minés que l'inquisition poursuit en 1525, en les distin•
~ation d' AJcal'az, pour le moins dôs 1519, par les nccus1.1tions da la
guant des recueilli.~. Nous ne connaissons leur doctrine béate l\fari-Nûi\e1,, et la doctrine· publique d'lsabollo de la
nétho- que P?r le procès d'Alcaraz (1529), - celui d'Isa- CrQix, con1n1c celle d'Aloarnz. En 1524, lo~que les inquisite111•:;
.es. belle de la Croix a disparu - , et l'édit de 1525 . oxaminent la doçtrino à travers lo 1nouvement de Luthor, ils
18. - Les chers on sont Isabelle do la Croix, couturière d'urla y voient, en s'appuya.nt sur quantit6 do taux témoignages, un
humblé famille, et Pierre R,uiz de Alcaraz, son disciple, père danger, et. ils arrêtent Je rnattre. Le décret do Manrique, qui
otre le réitère l'interdiction absolue de li.re les ouvrages dés luthériens,
Anda- de dbc énfants, con1pl11ùlu d11 marquis de P riego, p11is prédi•
cateur partic11lier nu servico du marquis do Villena à Escalona. est sign6 le 12 avrîl 1525. Il dénonce le péril luthérien SQUS
1tique, Isabelle enseigne à pnrtlr do 1512. Cette date nous rarnène à couvcl't du groupe des • alu1nbradQa • d'Alcaraz.
1conde àfelchior. Tous deux s'adonnent à la lecture de la Ilibla et à
1éates; l'enseigne1nant d'\1n genre do vio el de doctrine qu'ils appellent d) J,•rançoise Hernd11dez, la béate de Canillas (Sala•
►ins de l'abandon (deja1nie11to). Le procès nous apprend quo la rnajo- manque), et son groupe sont en relations étroites avec
rlté des pros6Jytos sont• gente idiola y ain letras •· Ils ont leurs les fr,tnciscains. La béate jouit d'un grand renom. Il y
l'é\lnions et Jours • béateries •· Ils évitent de pa1•Jer avae qui- a on elle ce n1élango de sublime et do sensuel, qui lui
le que conque ne partage pa,s leurs idées; ils se singularisent dans leur attire des dévots (François Ortiz se laisse emprisonner
1 juste, vêt.ornent et leur attitude. 11.s sont opposés à touto d6votlon pour la défendre).
naires; exMrlouro. Alcaraz 1.1 011 horrour les exla8cs dos recueillis; Il Moins pure devait être, de l'aveu de la béate, l'inten-
'ados); se méfie do toute 1nan1C0stlltion visible de l'a,11our divin, qu'il tiôn do ce g1•oupe de clercs qui rôdaient autour d'elle
tient pour piège du démon, vanité ou oon1édle.
(Born,irdin Tovar, Cabrera, Christophe de Gurniel,
le Pie- L'édit de 1525 est lo premier document général offi- Oil Lôpez, Diego de Villareal, etc) et la quittèrent en
lomini- ciel de l'inquisition visant les alumbl'ados (édité par 1522. Le caa du èuré de Navarrete, le bachelier
1e rela- V.. Beltr:ln de Heredia, d'après un exemplaire du Antoine Medrano, est fort controvers6; ce1·tains le
ltrines, 170 siècle; Angela Solke en connàtt un du 1se; voir représentent comme un monstre do luxure (M. Serra.no
wnnés:; bibliographie), Signé le 23 septembre 1525 à Tolède par y Sanz, B. Llorca), d'autres (Angela Selke) lui sont plus
ilchior, l'inquisiteur général Alphonse Manl'ique t 1538, arche- favorables. Cet exalt6 se justifiait : les joies spirituel1es
tations vêque de Sévil1e, il condamne, en 48 propositions, la produisent un plaisir sensuel, tout co,nme les plai!lirs
1nger à doctrine de l' ,, abandon » enseignée par Alcaraz. Une charnols procurent uno joie spirituelle. La béate l'aurait

comparaison entre l'édit et le procès !àit apparaitre une aidé à cette sorte de sublhnation. Françoise Hornandoz
quasi.identité. C'est du quiétisme et certaines proposi- vécut toujours en renom de sainteté, sous lequel elle
lérleux, tfons sont hérétiques.
io Juive. cachait peut.être le vice. En prison en 1529, elle de.v int
leu à la .L'homme doit • s'abandonner totale1uont à l'amo11r da Dieu une informatrice de l'inquisition. Dans son groupe,
,l'Êspa• qui lui enseignera oe qu'il n à raire et à ne pas so préoccuper plus ou moins entaché d'illuminisme, apparaissent les
iligi(!UX, des choses ex;térieures, qui no sont que des attaches•·• L'amour prenlières poussées d'un sensualisme qui devait s'exacer-
IM$ÎOOS, de Diou dans l'homme ost Dieu... Il dirige los personnes de ber à Llerena.
,eul-ûtre telle manière qu'elles no pouvont pécher ni mortcll01nont ni Le procès intenté en 1582 contre Jean et Ma.rie Cazal1a
conseille véniellement • (prop. 9). Allo1• contre cet abandon à l'an1our n'aboutit pas. Attaqués par Alcaraz, dénoncés par
1Uon du dé Dieu est péché (prop, 40). L'abandon à Dieu est le but do Françoiso I·Iornandez, en confiance avec le frère Mel-
,tisant à la perfection. C'est une destruction et unè ar1nihîlation de la
,~-18116). volonté propre et de la liberté ln1nulino. h1ais c'est l'œuvre chio1•, les Cazalla épris do christianisme intérieur se
la plus haute que le libre arbitre puisse chobir. Tout ce qui est mêleront bientôt aux érasmiens.
'oraison abandon èst vertu, mô1no si on soi il yu péché, et inversement. 2) E•tr6madure. Groupe de Llorena (1570-1582). -
le frère Ainsi Alcaraz devient-li l'cnno111i <les dévotions exté1•ieuras tit V. Barrantes affirme de Pierre de Santa Maria, un
, révéla- , des cér61nonioi; (prop. 13-19), do la .confession (p1•op. 7-8) et des inculpés d'Estrémadure : cc Je le tiens pour le plus
1ination des prières vocales (prop. 20·22); d'où enc;ore son rejet do la fieffé ot le plus sagace de tous los alumbrados d'Estré-
1 loyers
hjérarchlo (prop. 27-28) et son attention aux n1auvaisos
pensées (prop. ~'•). 1nadu1·0, où il apporta peut-être de Castille 1'épidé1nie,
1 le font car il avait 63 ans ,, (loco cit. i11fra, t. 2, p. 856). Il est
L'nutodn!ô d'Alcarai: eut lieu on 1529 à 'l'olède. Il tut
mouve- condamné à la r6clusion perpétuelle et à ûtre touetté dans tous possible que l'on doive chercher les raisons de l'illu•
1~ liéllX où il avait • dog1n11tisé •· L'6dit de 1625 sera désormais miniso1e d'Estrémadure dans l'aITaiblissement de la vie
.l'ortho- Jo code de justice contre quiconque rôvcra de nouveauté chrétienne, qu'avait fait fleurir, dans le diocèse do
buts du daogoreuse. Badajot., le zèle de Jean d'Avlla et de Louis do Grenade
néthode '
· Que valait l'interprétation de sa doctrine? Dans aa sous les évêques Christophe de Rojas et saint Jean
1'il faut D6/6nse, Aloaraz expliquait que « l'abandon » n'impli• de Ribera.
chez les quait pas la liberté de péchor, mais « l'élimination de Alphonse de la Fuentc o p dénonce, en 1670, un vaslo 1no11-
la région la volonté du péché » et que cc l'amour do Dieu, s'il est ve1nent dont le foyer principal est à Llerena. Dans son zèle, il
do. C'est véritable, ne peut que fleurir en œuvres, de sorte qu'il gont1a les fait:!. S11r cette baso ot sur co qu'y ajoute le vlsllour
.térieure, dirige la personne qui lo possède vers une éthique par• Jean Ltipez de Montoyo., on établlt en 157(1 un catalogue
~ère aux faite ». d'erl'ours (insérô de.ni; l'édit do 1578).
nnor au . Il semble qu'on ne puisse mettre en doute la bonne
n 1'ercer Lé groupe soutient la doctrine des dejadQs, telle qu'elle
loi dos maîtres de l'abandon. Modèles de vertu, ils ne appara.it dana l'édit de 1525, 1uals acco1npagnée de phénoménos
doctrine
1163 ESPAGNE. AGE D'OR 1164
extraordinaires : visions, extases, délires, etc, qui devis1inenl renom de sainteté, « chef, maîtresse et foyer de la secte;
contagieux, et d'actions désllonnôtes ou obscènes. Lo prosé- formée à Baeza par le clerc Ojeda, qui fut ch:ltié pllll
lytls1ne suppose l'orga11lsation d'une secte. Il osl question, l'inquisition do Cordoue en 1593 conlme alumbrado ,
par exemple, de l'état do béate, meilleur que celui de mariage et le prêtre Jean de Villalpando. '
(d~ns lequel on no peut se sauver) lit quo la vie religieuse; on
fait vœ11 do chasteté. , Trois dorninicains dévoilent le11r do1:trine avec forco détails
Les chefs de file, onie ho1n1nos cl neuf ren1mes, sont condant• druis un monioire envoyé à l'lnquisitiott e1i 1625. A part quel•
nés, dans l'nutodo.fé de l,Jerona do 1519, aux gnlèrea, au fouet quai;. variantes, c'est celle, mais plus évoluée, dos groupes de
el à l'a,nende. J aen cl de Llerena. On puul on diro autant de leur vie n1orale,
Lo 28 février 1627, le procès a Hou à l'église des dominicain~ •
Cc foyer, des plus caractérisés et des mieux connus, Villalpando et Catherine do Jt\sus, en prison depuis 1622 0 soni
ne représente qu'un groupe; il serait inexact de juger condo.n1nés o.in~i que 29 autres. On n'usa pas de torture et on
de tout l'illu1ninisme d'après ce cas. n'infligea aucun!! peino gravo. Le danger de l11théri1nisme était-il
passé 7. Au dire du co1nmlssaire Dominiqu11 de Fnrfan, oq
8) Andalou•io. - Contemporain de celui d'Estré- trouvint chez tom; les nlumb1·ados sévillans lus œuvros do
maduro, ce mouvement lui est identique dans sa doc- .Jean de la Croix.
trine et ses procédés. Alphonse de la Fuente les d6non-
çait dans sa pl'ison de Séville. 1..e renouveau lancé pat• Il n'y a pas de définition de l'illuminisme qui con•
Jean d'Avila, en s'allaiblissant et se gauchissânt, vienne à tous et à chacun de ces groupes. Dans les
en fut probablement l'occasion; ses lettres ci,•culaient procès l'essentiel est la doctrine, l'aspect moral est
chez les illuminés vers 1578. C'est une injustice d'avoir secondaire. Le souci de combattre erreurs et hérésies
alors écrit que l'Auài Jt'ilia était « le pilier central de amène à exagérer habituellement les travers du mouve•
la secte ». ment. Ces condamnés de l'inquisition (à peu près t30),
a) Diocèse de Cordoue, Bacza et Ubeda. - Il est diffi· ne sont pas tous dos alumbrados ni non plus cette foule
cile de po1>1:er un juge1nent objectif sur les faits incri- qui s'enrôle avec les meilleures intentions et vit sincère•
1ninés dttns t}OS diocèses : à Cordoue, au dire de Martin de 1nent sa vie spirituelle. On lisait Jean d'Avila ou Jean de
Castaiieda, prieur des dominiêains, des conventicules la Croix, et d'autres auteurs spiriLuels du meilleur cru;
et des ravissome1_1ts; à Baeza, d'après ~ d(lyen de quant aux béates, elles ne furent pas toutes des simu•
Mejico, des imprudences au cor1fessionnal, etc. En brer, latrices d'extases.
les esprits jaloux sont échauffés.
On taxe d'illurr1inis1nc Carlehal, Diego Pérei de Valdiviil 1. GJn4ralités. - E. Colunga, Los alumbrad<>s, dans La
J)asllica tercsia,1a, t.. 6, Calatrava, 1919, p. 93.1,a, 81-88. -
et surtout Ojeda. Lo p1·ocèll est long et po.ssionn6. lis sont B. LlorOil., Los c,l"mbrados espanolcs cri los si:;los xv1 y xvu,
d'ailleurs disciples de Jean d'Avila et docteura en sciences
d(IIIS Razén y fc, t. 105, 1931,, p. 323-342, 467-1,85; Die spanische
ecclésh1stîq11es, iHl relations fréquentes (1579-1582) èL étroites
avec ua.int .féan do ln Croix, leur confesseur, et Pôrcz expose l11quisition u.r«l tlie • Alun1brados • ( 1600-1667 ), Dorlin-Bonn,
dans ses livl'oS une (loctritto diamétralement opposée à l'illu• 1935; refonte en espagnol : La I11quisiciôn cspanola y loi
minisme; on peut les te1ür pour d'nuthonUquos spirituels. a!unibraclos segun las actM originales de Madrid y olarôs archi;
vos, 1,,[adrid, 1936. - M. Bataillon, Erasmo y Espa,ia, ch. 1
b) Jaen. - L'illuminisme tourne Ici autour de rnaîti•e et 4, indication. à pou près exhaustive des sources man11l!crite,
Gaspard Lucas et des béates, qui ont à l~1ur tôte et de la bibliographie. - AL Monéndez y Pelayo, HiMoria
de los hctcrodoxos espanolcs , livre 5, ch. 1, BAC, Madrid, 1966,
Marie Rorncra. Elles pouvaient bien être 4000, deux !), 169-206. - Ro1nan de la, lnrnaculada, /JI fe116meno de lo,
~oi.s plus qu'à Baeza. cilrtn1brC1dos y stt intcrprctaciôn, dans Epllcn1erides carn1eliticae,
L'origine re111onto à 1566-1566, avec ~léonorc llernândez t. 9, 19ti8, p. 41-80.
de Pricgo, de doctrine perverse, et son disciple François do 2. Royau.111e de Tolède. - E. Doellmer, /<'ra11ziska llernandeJ
l),lonloro, clerc dugrn(lé ot condamné aux galures en 1588 . On ne ttncl Frai Franzùico Ortiz, Loip:tig, 1865. - M. Serrano y,
fit le procès qu'après la découverte du 1nouve1nent d'J~stré- Sanz, Francùica Hcrna11dez y el bachilltir Antonio de lf1cdranoa
1nadure. La visite eut llou en 1586. Après l'arrestaLion do Sus procesos por l,i Inquisicwn (1610-1532), dans Bolet/ta tÜ
la rtal Academici de la histôria, t. f,1, 1902, p. 105-138; Pt/ha
Go.spo.rd Lucas, • qui a créé et enseigné cett11 rnauvaiso doc•
trine, et de Mo.rie Ro1nera, la principale des béates •, on vit Jluiz de Alcara:, ilurninado alcarre110 dol siglo xv1, datts lîeu1'ata
que tout n'était que fal'CO et déshonnôteté. Ro1nèrfi, écrivait le de archivos, bibti.otecas y 1nt~CO$, 1903, t. 1, p. 1.-16, 126-137. -
visiteur en 1586, est orgueilleuso, rnédisante, envieuse, menteuse Michel-Ange, La 11ie franciscaine en Espag11e entre ks de,4
et vile; son moltre, avide d'urgent et d'honneurs ot de n1œ11ra couronnements de Charlc8•Qui11t, ibiclem, t. 16, 1912, p. 157,
2111, 81.~-lt01, ; l. 17, 1, 1913, p. 167-225; t. 17, 2, p. 1·63, 15?•
plus quo suspectes. ?.fis en occuso.tion publique avec sept autres,
le 21 janvier 1590, certains avouèrent leurs exto.ses feintes. 216, - B. Llorco., Sôbre cl espiritu. de los al1,n1braclos Fr<111cis~
Hcrna,ulez y Francisco Ortû, O. F. M., dans Estu.dios ccle1icfl~
1icos, t. 12, 1933, p. 353.,,or,.. - V. Boltrân de Heredia, BI
L'illuminisme de Jaen se ramène à un mysticisme cdicto contra los alurt1brados del rei,10 de Toledo (23 de Sep•
exacerbé, hypocrite et frauduleux qui couvrait une vie 1
ticrtibre 1626), daru; lle11ista cspa1iola de 1c<>l<1gla, t. 10, 19501
qui n'avait rien d'honnête, plus qu'à une crisEi doctri• p. 105-130. - Angela Selke de Sanchez, Algu110s datos ntu:~o,
nale, - bien que le mattre enseignait peut-être à ses Robre los primeros alu,11brados . .El edicto de 1625 y s1t rclaci6~
béates les doctrines des alu1nbrados. Seil adeptes, con el proccso de Alcarai, do.n!J .Bulletin hL~panique, t. 54, 1952,
presque tous des gens pauvres et incultes, n'étaient pas p. J~5-152 ; E? caso del_ btic!tillttr Antonio de Medrano, ilri1i1Ît1(Jd\
cpicu.rcc> delsiglo XVI, ,b1den1, l. 58, 1956, p. 395-420. - H . Sun,
nombreux. tiago Otcro, En torno a los alu.mbrados del rci110 de 1'oledoJ
( c) Séville. - Le 1nouvement mystique de S6ville, dans Sal1nanlicc11si.,, t . 2, 1955, p. 61 ',.-654. ·
morbide et plein de sensiblerie, existait avunt 1 620; 8. Estrém1,dure. - V. Bnrrnntes, Aparato bibliogra.fico par4 J
Séville, par sa position et son importance commerciale, la historia 1/e Extren1ad11ra, t. 2, Madrid, 1877, J), 327•872 j
rut un dea principaux foyers de luthéranisrno. Entre '•· Andalousie. --:- V. Beltrân do Heredi11, Los .cuµ1nbrado1 1
1620 et 1622, se 1naniCes te en ville et clans une Lren taine de la di6cesis de Jaén, do.ns Re11ista cspllnola de tcolagia, t 8, 1
de villages des environs un mouve1nent d'ahunbrados, 191, 8, p. r,.15-',.67; t. 9, 19',9, p. 161·222, ,,,.5-488.
vaste, très actif et au caractère aristocratique. Il est
RoMAN DE LA lNMACULADA •
représenté par Catherine de Jésus, à l'extraordinaire •
1164 1165 INQUlSITION 1166
secte, B. INQu1s1T10N. - Nous n'erîvisagoons ici que les bien intentionné (Jea,i d'Avila retrouvé, dans Bulletin
ié par Index espagnols et les ouvrages spirituels qui y figurent. hù1panique, t. 57, 1955, p. 27).
ado », Les ouvrages de Louis de Grenade ne parurent pas
10 Index. - On connatt huit index : Louvain
(15~6, que l'inquisition espagnole adopta et Ot réim-
non plus à un moment opportun; en outre, d'autres
détails primer plusieurs fois); Anvers (1571), composé par circonstances (vg la première partie do la Guide a en
·t quel- appendice la traduction du Sermon sur la Montagne et
dlftérenl8 théologiens sur l'ordre de Philippe 11; Madrid
1p01 de do la S1una de Cons,tantino) du1·ent jeter l'alarme. La
1.,612), autorisé par Bernard de Sandoval y Rojas, avec
norale. 1es appendices de Gaspard de Quiroga (1614) et raison principale de la mise à l'index semble avoir été
lcain$ : · l'emploi de la langue romane pour enseigner à tous
2, sont d'Antoine Zapata (1. 628); Séville (1682), dO à
Antoine Zapata; Madrid (1640 et 1667), dus à Antoine l'ol'aison et la contemplation. Il y avait peut-être aussi
e êt on quelques phrases inoins exactes. On peul en dire autant
•était-il de Sotomayor; enfin ceux plus anciens de Fernand de
·an, on Valdés (1559) et de Gaspard de Quiroga (1588). Il faut des ouvrages de François de Borgia. A partir de 1564,
rros do les éditions du Traité de l'oraison do Grenade expliquent
tenir compte des circonstances occasionnelles pour
juger ces Index. que lo livre est presque refait à nouveau.
Le Catalogu$ libroru,n gui prohibentur... de Valdés Les Comn1.Bntaires de Carranza paruront à Anvers en 1558.
11• con• Ils renrerment dos doctrines q11i ont des affinités avec lo. spiri•
e11t le plus typique et le plus célèbre. Il répond à line tunlit<I du Bcneficio di Cri,10 du bénédictin Benoit deJ Mantoue
1ns les i;iouvelle phase de l'action inquisitoriale, provoquée par (Venise, 1543; cf Do,ninique de So.nta Terosn, loco cit.); il y a
rai est la découverte des foyers luthéranisants de Séville et pnrCoii; des inexactitudes, dos phrases peu nuanc6es ou inco,n-
érésles de Valladolid. Les mesures antérieures sont jugées trop plètes. Dos amia de C(l)'rania sont signalés dans le Coyer luthô-
nouve- bénignes, d'où celle-ci plus trânchante. Le Catalogus ranisant de Valladolid. On no pout douter de l'orthodoxie de
s 1.30), éomporto différentes séries do livres prQhibés. l'archovâque de Tolède. Il sou,nit to11jours sa doctrine au
e foule jugen1ont de l'lnglise et ne donnait auc;un &ens hétérodoxe aux
lncère• 1,. lo. fin de la s6rio on langue romane, il est dit , • Los livros oo phrases consuréua, bien ilu con Lrairo. Sur son bruyant procès,
ean de langue.romane et los houros susdites sont interdits, parce qu'il voir l'(\fticlo do G. M.arai\6n, cité plus bas.
rio conv-iént pas qu'un certain no,nbro 60ient en langue ro,nline;
lr cru; d'autres, pnrce qu'ils conUennont des chosos vaines, curicusos, .' Deux passages du premier Abécédaire de Fran-
1simu- apocrypl1ea et superstitieuses; d'au tr1;1s, p:.irce qu'ils renforrnont çoL-, ù'Osuna devaient être expurgés, d'après l'index de
des etrours et deR hérésies • (et A. Sierra Corella, La ècns11ra 1640, et un du deuxième, d'après l'index de 1612. Au
dt li~ros .., cité infra, p. 233) . noml11·e des accusés de l' Jnquisition étudiés ces der•
.o.ns La
-88. - nière:; années, on trottve, avec Joan d'Avila et son
y XVII,
L'index et catalogus... de Quiroga est plus abondant disciple :Oiego Pérez de Valdivia t 1589, le fameux
1aniach11 et plus explici te. hnp1•i1neur Michel d'Egula t 1546.
n-Bonn, Le fait d'y trouver des livres de Tho,nas More, de Jeo.n Fis• Egula déploya son activitû à Alçala (1528-1537), Tolùdo
a y los her (RofJensls), do Louis de Grenade, de FtBllçùis de Borgia, (1524-1527), Valladolid (1524-1527), Logror'io (1528-1583)
s aré11i- dé J~an d'Avila, etc, no veut pas dire, explique l'Avis au et ltsl.elln (15!.6). ltnprimeur d'Érasme, - il n'imprima jamais
1, oh. t '4cttur, que ces autours se 11oient détournés do la vraio pensée •
fos Ol!lloq1,cs ou l' Êll!ge de l4 folie-, li tuL accusé d'ill11mînisme,
1u.,crites de l'Eglise; 1nnis cos livrés ont pu leur étre faussornont 11ltri- niais reconnu innocent. Son érdsn1is1no tut sarn; fanatisme,
• •
Hi8loria bu&., ou ils rentor,nont des interpolations dues soit à la négli- oL s'il admirait Êl'as1ne, il était éditeur du nouve11u 'l'estament,
d, 1950, . ~nce dœ imprimeurs soit à la malignité des hér6Uquos; ou autour de t.rnités de dévotion et promoteur d'une piété sincère.
.o ds los blon èncore l'emploi de la langue vulgnire ne convenait pru;; On no peut l'appeler avec M. Bataillon (Erasn10 y I!.'spana,
1eliticac, oil enfin des ennemis do la foi pourraient y trouver occasion t. 2, p. 67), • l'apôtre de l'illu1ni11isme érasmisnnL •• car il
de nulro (ibid~n1, p. 247 svv). imprhna aussi bien Pierre Ciruelo' (DS, t .- 2, col. 910) et l'unique
rrndndo.; livre quo l'on connaisse en espagnol, qui attaquât Éras1no,

rtano y 2Q Quelquesœttvres de !'Index de Valdés (cf la traduction de l' 111 locos lµcttbralionu,n 1Jariaru1n D. ~rasn1i
ledrano. A. Sierra Corella, op. cit., p. 228-233). - En plus des d'Albert Pio do Càrpi (èf JJJ. Asensio, El Eraa111is1110 .. , p. 78 svv).
oltll11 tù
s; Pedro Ôbras del cristiano de François do Borgia et de l' Itine•
r4rio ~ - oracid,1 de François d'Evia (cr E. Asensio, La 1nalice des terr1ps, dont parle !'Index de Quiroga,
! Re1Jis1a n'était pas un mythe, ni I' « hél'ésie n des alumbrados
,,13?. - Ill erasmismo .. , p. 96), on y trouve la Via spiritus de
Barnah6 de Palma (Séville, 1582, sous le titre de Libro un fantôme. Lo danger de l'illuminisme et du protes-
ks de=
p. 1.57- Ud,nado Via de la pcrfeccidn. espiritual del ani,na.. ; tantisn1e était réel. Le premier menaçait de corrompre
•68, 157• cr P. Sainz Jtodrlgnez, dans Archi'1urn historicum lo n1ilieu; le second guettait pour entrer en Espagne.
1,a11cisca Socitiatia Jesu, t. 23, 1954, p. 851-366), les Avisos y L'Inquisition empêcha peut-être l'un et l'autre. Pré-
ccleiia8- Rf8las cristianas ... Audi filia de Jean d'Avila, le Libro sorva-l-elle aussi le pays des funestes guerres de reli-
edia, El' gion? Quoi qu'il en soit, la paix maintenue l'endit pos-
de Ssp• dt la oracwn y meditaciôn. et la Gula de pecadores de
Louis de Grenade, les Comentarios sur le Câtéchisme de siblo la floraison spirituelle.
10, 1950,
1s niu:1108 Barthélemy Carranza. M. F1·. Mlguélcz, Un proc~so i11-q1â.sitorial a~ alu111brad1>s en
: rclacwn L'Audi fi.lia avoit été édité à Alcala en 1556, sans être Vall,ulolid, o vindicaci611 y 8f.lilblan::a de la Monja d11 Oarri611,
Val111dolid, 1890. - J. C11ervo, Fray Luis de Granatla y l<i
54, 1952, corrigé par son auteur, en un moment inoppor·tun. l,a l11qui.-.:c,ion, dans Romena;c a Mcndndez y Pelayo, t. 1, Madrid,
lumi11ado découverte des foyers de Séville ot de Valladolid ne lui 1899, p. 733-74:l; J?r. Luis d(I Granada rcrdadero y unie() autqr
• H. San• élait pas favorable; certains arnis ou dh;ciples du maitre
, 7'oledo, dêl Li/,ri> tic la oracion, ?.fndrid, 1919. - J. Zarco Cuevas, El
d'Avila étaient dénoncés. Lâ raison, du moins princi- proceso i11quisitQrial del ]>, Fr. /os~ de Sigücm,a (1591•1592),
ifico para pale, de la n1ise à l'index, fut l'inexactitude et l'ambi• dans llelir;ion y oulti,ra, t. 1, 1928, p. 38-59. - M. Menéndoz y
827-372, gulté de passages qui précisaient insuffisamment la Pelayo, Historia de los lwu:rocloxos .. , t. 5, Iiv. 5, épilogue. -
umbrados doctrine de la justification. Jean s'employa à corriger Fidùlo de Ros, Le P(.re Frarltois d'Os11na, Paris, 193?, p. 103,
,gta, t s·, son ouvrage, mais l'index devança l'édition retouchée 219, 291 -292, 318-319. - C.·M. Abad, El procaso de la /11q1Û·
sicion q111tra cl beato Juan de Avila, dans Miscelâ11ea Co111illa$,
qui ne vit le jour qu'en 1574. M. Bataillon pense que t. 6, 1!11,6, p. 95-167. - A Siêrra Corella, La censura de libros
l'édition de 1556 parut avec l'approbaLion de Jean et y papefo.~ e11 EspaJici 11 los lndices y ca.t«logos cspanoles de los
.DA. que la préface de l'édition posthurne est due à un disciple proliibidQs y e:~purgridos, Madrid, 19~7. - J. Ooi\i OazLa1nbido,
1167 ESPAGNE. AGE D'OR 1168
Et in1presor Jl,figucl de E1;1uîa, proccsado por la lnqiti-siciôn Jean de Palafox y Mendoza ('1600-1659). - Fran•
(c. 1496-151-6), dans Hispania s11cra, t. 1, 1948, p. 35-88. - çois Blasco de Lanuza (1595·1 664), plus tard bénédictin,
J.-M. Bancher. 06111ez, Un discipulll del P. ,Vltro. A11ilc1 c11 lri 11enefi,cios del glorioso angel de nuçstra guarda y efecws
lnq1ûsicicll1 de Cordoba. El Dr. Diooo Pérez de Val1lil'io., cate- del gobierno de Dios invisible, Saragosso, 1687. -
dratiCI) ,te JJaeza, dans Hispa11ia, t. 9, 194.\J, p. 1011-·134. - Diego Escolano, Exercicù1.9 y mcditaciones de la Pa~iôn
G. Maran6n, 1:fl Proccso clr.l ar:obispo Carr11nz<1, dan:; 8oletln
de ia real Acaclcniic1 de l1i f1istoria, t. 127, 1950, p. 1 lHi-178. - de Jesucriut.o Nucstro Rc<lentor y algunas advcrtencias
F. Cerecoùa, Episodio i11q,ûsitorial de S. Fr<uicisco de Boria, para..,9acar fruto dellos y meditar por treinta dlas, Sara•
dans Rawn 11 fc, t. 1(.2, 1950, p. 174.•191, 355-3GG; l. 11,3, gosse, 1666. - Mattl1ias Aguirre del Pozo (1683-1670),
1951, p. 277•29'L - L. Snht Balust, Vicisitudes del • Aiuli Co11suelo de pobres y rcmcdio de ricos, lluesca, 1664.. -
filia • d.cl Maestro A,,ila. Difcro11cias doctrinales de sus dos c,li- Grégoire Arroyo Sarm.ierito, Espejo para obispos 1J
ci.onos (l fj/JIJ-1674), Ùllrul llisp1uûc1 sacra, t. 3, 1950, p. 65•127; prelados, Grenade, 1674. - Pierre Alamin t 1685; DS,
Obras com.pletQS tJ,el beato J ua,1 ile Avila, t. 1, DAC, 1'1adrid, t. 1, col. 272. - Joseph Llord, Fonient de la pictat y
1952, p. 67-92. - M. Lil Pinta l,lorento, La lnq1ûsici611 espa- de11ociôn cristiana que se alcanza pcr lo exercici de /a,
nola y los proble111as de l1i cultura y de la intolcranéi/1., Madrid,
1953, ch. ll. - L. Sala Bnl11st, 0 11a censura dr. M~tchor Oa.,w sa11ta oracio niental, Barcelone, 1693. - F'rançois Bara111•
11 de Hr. Don1ingo clc Cuevas sobre algu.,ws cscritQS del P. A-ft.ro. bio l)cscalzo, Discursos fîloso(tcos, teolôgicos, rnorq,lcs y
Ac;ila, dans Salm<1ntice11sis, t. 2, 1955, p. 677-685. - Do1ni• 1nlsticos contra las proposici.Qnèt1 del doctor Molinos,
11iq1,1e do Santa 'l'eresa, .Juan de Valdés, Rotne, 1957, ch. 9·18. 2 vol., Mad1·id, 1691-1692. - Joseph MartLncz de las
Casas, La 11crdad en su centro y clara luz en su horizo11t.e
4. AUTUtTRS SPIRITUELS (ms, Archives hist. de Madrid). - Michel tle Molinos
(1628-1696); DS, t. 1, col. 80-81, 45-46; t. 2, col. 645•
La nomenclaturo ci-jointe énumère les noms et les 646, 1273-1274, 1450-1451, etc.
œuvres des auteurs qui n'ont ou n'auront pas do notice
individuelle dans le Dictionnaire. Les autres sont. se\llo- Ausuatin•• - On trouvel'a à l'article ERMIT.&S DB
ment mentionnés, avec un renvoi aux ondroits où il S,\INT-AUGUSTIN, t. '•• col. '10'10 svv, la liste des au•
serait déjà parlé d'eu,c. Los grand:; auLeurs du siècle teurs spirituels espagnols.
d'or ont été étudiés dans le chapitre précé'tlenL, aussi
leurs noms ne figurent pas ici. On se repol'tera. tout :S6nédiotina, - Alphonse Pérez de Vizcaya, début
naturelle1nent à ce chapitre et à leurs notices. du 16° siècle, El ,natri"ionio espiritual, Barcelone, 1508;
Év6quea et prêtres 1116oull.era. - Martin Navarro, DS, t.1, col. 1428. -Pierre de Chavcs, milieu du 16°siè·
Tratado del SfLnt/.sinw Nombr1J de Jes(J.s, Séville, 1525. - oie; DS, t. 2, col. 820. - Pierre do Navarra t 1561,
François de Mon.zon, Espejo del principe cristia110, Didlogos. de la prepar(J.ciori de la muerte, Saragosse, 156?;
Lisbonne, 1l>'tft. - Pierre Sânchez Ciru-0lo t 151,8; DS, DS, t. 1, col. 1428. - Piorro-Alphonse de Bu.rgo,
t. 2, col. 909-910. - Christophe Cabrera, Flores à8 t 1572; DS, t. 1, col. 809-810, 1(..28; t. 8, col. 844. -
consolacion, Valladolid, 1548; Co,npendium discretionis Sébastion de Villoslada t 1597, Cartas à8 dircccion;
spirituum, ms. bibl. Vaticane. - Inigo Abarca de Bolca,
milieu du 168 siècle; DS, t. 1, col. 49. -Antoine de Por•
Sormones y consi.deraciones piadosas, 4 vol., mss. -
J ean de Castaniza t 1599; DS, t. 2, col. 277-278.
..
ras, Tratado de la oracion, Alcala, 1552. - Jean J,iJpez de Alphonse dol Corral t 1607; DS, t. 2, col. 2403-2'iO&i
Segura, Libr() de instruccidn cristiana y de e;i:ercicios - Gaspard d'Ai1 ilé8 t 1614, Muerte cristiana y aviso,
1JSpiritualcs y preparacidn para la niisa y i,tiriet(t co,nu• para bien ,norir, Valladolid, 1603; DS, t. 1, col. 1428. -
nidn, Burgos, 1554; DS, t. 8, col. 8911-395. - Joan- Pierre-Vincent M arcilla t 1017; DS, t. 1, col. 1428;
Bernal Dta.z de Luco t 1556; DS, t. a, col. 857-858. - t. 2, col. 127ft. - Antoine d'Alvarado t 1617; DS, t. t,
Balthasar Pérez de Ca.~tillo, Discurso de la excelerieia y col. 408-405, 14.28; t. 2, col.175, 188. - Piet1•e de Sala•
dignidad del hombre, Alcala de lionares, 1566; .BstadQ zar t 1617, Ejercicios cspirituales y consi.dcracioncs IÜ
en que Dios llama a cada uno, Salamanque, 1578. - la Vida y J>t1sion de Oristo, Burgos, 161.5; DS, t. 1
col. '1428. - Léandre de Granada y Mendoza t 1626.'"'
1
Martin de Azpilcueta (Navarro; 1492-1586), Çornmento
de la oracidn, lioras canonicas y otros oficios divinos, Pélage de San Benito, Sumario de oracion parœ 1na1lan,
Coïmbre, 1545; en 1561, avec le tiLre Libro ... - y tarde, Burgos, 1626. - Jean de Salazar t 1628, Ar
Pierre Lapez de Montoya, De recto usu divitiarum, à8 ayudar y disponer a bien morir a todo génere de pe
Madrid, 1580; Libro de la buena educaciû,1 y enselianza sonas, Rome, 1608; DS, t. 1, col. 1428. - Alphonse dJ
tk los nobles, Madrid, 1.595. - Diego Pérez de Vaùlivia Chinchilla t 1681; DS, t. 2, col. 844-845. - Jean Br~
(ve1-s 1510-1589); DS, t. 3, col. 897. Martlnqz t 1682, Tratado del perfecto amor. - Pierre dé
Onuphre Manescal, Tratado de la oracion, Barcelone, llu.rgos y Valle, 1'ratado breve de lo., afectos que hem(>S
' 1607. - l)ominique Garcia, E ataeiones espirituales que proourar en la oraciôn y como se han de dilatar en l
dcbc hacer el percgrino cristia110 en esta jornada de su mi.smas 1neditacioncs de la via purgativa, iluminativà
vida para alcanzar a quella cclestial patria de l<i bicna- unitiva, y en las de la ,1ida de Cristo Nuestro Seiio~
vcnturanza a la que aspira, Saragosse, 1617. - li'ran- Barcelone, 1688. - Alphonse d'Arce t 1635, De
çois Pérez Carrillo, Via sacra y e;i:ercicio11 cspirituales naturaleza y propiedad de la oraciôn, De la educaciôn
y arte à8 bien ,norir, Saragosse, 1619. - Antoine lloj(l8, los nor>iciQs, mss. - Cyprien Pérez t 1637, Cornpend
première moitié du 17e siècle. - l\'Iichel-Ange Zara- brcvc de ejercicios espirituales, Barcelone, 161 lt; D
goza de Heredia t 1.623. - Vincent Sellan, Excclencias t. 1., col. 1428. - André de Salazar t 1688, Notae
del oficio divino y 1notivos para rezarlc con ,nayor devocion, regulamsancti Benedicti, Rome, 1614; DS, t.1, col.187
Saragosse, 1638. - Christophe L ozano t 166 7, Espejo - Alphonse de Loon t 16lt0; D$, t. 1, col. 357, 1427,
de curas, 1641; David per8egui.do y alivio à8 la.~timados, Grégoire d'Alfaro t 1.6'-6; DS, t. 1, col. 808-309.
3 vôl., Madrid, 1652, 1659, 1661. Augustin-Fulgence Benavente t 1650; DS, t. 1
Pierre Espinosa, A.rie de bien morir, Madrid, 1651.. - col. 1861. - Alphonse de San Vitorcs de la Port'
Diego Castejon y Fonseca t 1655, Discursos breves à8 los t 1660, El sol de Occidente, a vol., Madrid, 16'15-16~
trcs ca,ninos de la oracidn mental, Saragosse, 1651. - commentaire do la Règle de saint Benoît; DS, t.
1168 -1169 AU'rEURS SPIRITUELS 1170

li'ran- col. 1w.2?. J oser,h Saenz d' Aguù·re. t 1699; DS, t. 1,


- (Quiroga; 1562-1628); DS, t. 2, col. 175-1. 77, 18~-1 85,
lictin, col. 256.. - Diego de Carnbcro 1" 1 ?08; DS, t. 2, col. 116. '19t-t 92, 19~ ; t. 8, col. '614~415. - Alphonse de
rfectos - Jérôme-André d' Uztarroz, 178 siècle, Jardin espiri- Jésus-Marie (1565-1638); DS, t. 1, col. 856-857. - Diego
7. -
lual, Idea de bien 1norir para 1ncrecer la gloria, lndias de Jêsus (1570-1621), premier édite\1r 011 Espagne des
'asidn flirginales de Marla Santlsima, mss. œuvres de saint J ean de la Croix, y ajoute des

,nçuzs Cap~cins. - Archange de Tordesillas, Vcrgcl de .'lpuntamientos qui permettront d'interpréter justement
Sara- plantas diflinas, Barcelone, 1594, œuvre poético-1nys- les a)uvres du saint. - Nicolas do Saint-Joseph co,npos.e
1670), tique. - JérlJme de Ségorbc, Na11egaci6n segura para 011 t638 une Vidâ espiritual (bibl. nut. de Madrid,
,4. - el cielo, dontlc se er1se,îa11 y clcscubrcn ta,1to los p1terto11 uls 7004). - Jear1 de J é,9us-Marie (Robles ; 1560-164<.),
)OS y seguros, cuanto l-01J escollotJ y peligros detJte 11iage, Valence, E'pi.~tolario c-Ypiritual para personas do difcre11tes estados,
1; DS, t611. - Antoine de 1'eruel 1· '1665, Estirnulo de lei deCJO· Uclès, 1 G23; Guta interior para las pcrsonas espirituales
etat y ciôn e imitacidn de lotJ sa.ntos, sacado de la sagrada que ticncn trato y comunicat;idn con Dios Nuestro Serior
de la Eacritura., santos Padres y doctoretJ clâsicos, distribuulo (bibl. nat. de Madrid, ms 18496 et 7087); l~lâticas
'aram.· por mcses, Valence, 1668. - Augustin de Zamora, cspirituales (16 42; ms 6818). -FrariçoisdcSainte-ilfarie
·q.les y Devocién muy pro,,echosa con el E11piritu ,Santo, 28 éd., (.Pulgar; 1567-164~).
►lir10s, Madrid, 1678; La ,na.rga.rita precios<t del coraz6n hurna,10, 111/artin de la Mère de Dieu t 1656, Arbitrio espiritual,
de lets sus e:tcelencias y fineza8 d(I DiQs N !Lf!8lro Senor para con Saragosse, 16~9; Estaciories del ermitaiio de Cristo, Sa1·a-
•izonte 611 Madt•id, 1G78. - Isidore de Ledn t 1683, 111/tstico goss('), t65t; etc. -Nicolas de Jésus-Marte (Centurioni;
rolinos cielo en que se gozan los bienes del tilrna y c,ida de la t 1660), italien, vécut en Espagne, Phrasium mysticall
1. 61i5- vcrclad, Madrid, 1685. - Martin de Torrecilla t 1709, tlwologiac... f!lucidatio, Alcala, 1631; plusieurs traités
Consultas, apologLa.s, alegatos, qucstiones y c,arios tratados llpil·ituels en espagnol (bibl. nat. do Madrid, ms 71,81,
morales y c<Jnjutacion dc la._q mds principales proposici<Jnes 7726); J)S, t. 1, col. 165-166, 305; t. 2, col. 2011 . -
•ES DB del implo Molir1os, 2 vol., Madrid, 169~. - Aritoine de Jea.n de la Mère de Dieu, niilieu 1. 7" siècle, Brcc,e sutna
s QU• Fucnte la Peita t 1702?, rectifier le titre : Escuela de la de lei oraciôrt "uuital y de su exerçicio, conforrne se practica
verclad en qu,e se ensena a L use in.da y dabaxo de su nombrQ ~n ln,q no11iciados de los carmelitas descalzos, dernière éd.,
a Iodas las alrnas, que tocadas de la luz divina aspiran a.. 1'olède, 1926. - Françoi., de la Mèr1J de Dieri, t 1665. -
début là, perfeccidn, los niedios 11erdaderos que li.an de escogcr, y A ntoine de Saint-Matthias (1595-1668); DS, t. 1, col. 718.
,1508; los enga11os que han de dexar, para llegarla fclizmente a · - 1'1ichel de Saint-Joseph, Carta de marear para todos los
l6e siè- conseguir, 1700; DS, t. 1, col. 711 -712. - Antoine de lu, que n.avegamo.9 por el incierto nzCir de este mundo, Sara-
1567, Puebla t 1710, Pan floreado, Valladolid, 1693. - Gas· gosse, 1670. - Antoine de la Croi.-e t 1.670, Libro de la
,1567; pard de Viana, Pierre d' Aliaga et Ji'tJ/i:c de Alarnl11, fin co11tcrnplaci6n divina (.l)ibl. nat. do Madrid, ms 4'•61),
rJurgos du 17° siècle. en pa.rUe traduit dans Etudes carmélitaines, 1932-1934;
1,r.. - Lr:bro del ca,nino de la gracia, ms 8855; Libro de la •
cccidn; Carmes d6cbauss6s. - Jeari de Jésus-Marie (Ara- vida cri ùi mtterte y mutJrle en la l'ida, ms 1,397; Vida
lSS, ~ valles ; 1589-1609); DS, t . 2, col. 173, 180, 19ft; t. 8, .~alita.ria y eremttica, ms 3859; El perfccto perla.do,
l. col. 4.12. - Jérônie de la Mère de Dieu (Gt'acian; 151!5· 111s 3633; çf Revista de espiritttalidad, t . 14; 1955,
3-240/i. 1614); DS, t. 2, col.173, 191,194; t, 3, col. 410-412. - p. 17-36.
• Jeq,n de Jésus-Marie (Roca; 15i0-161/1), TractatU/1
' '"'l,$0$ ' François <k Marco/J laissa inédits : Cuestionario d{I
428. - ilarii exercitatio11ibus spiritualibus in quibus scrvarulus 1nistica teologta y oracidn infusa (1672); en 1677 :
,. 1'428; Ml ordo ut utiles sint et meritoriae, ms 1838 un.iversité Anatomta del alma, Pa.raiso· interior, Advert1rncias cspiri•
s, t. 1, d-e Barcelone. - Jean de la Misère t 1616, Vergel de t11,1ûf!,ç ; El h.o,nbrc interior (1678); ltinerario espiri-
.e Sala- dipcrsM flores, Dul modo d/! su, oracù;n, mss 13751 et tual. - François de Jésu.s-Maric t 1677. - Ga:bricl de
onea de 72~8, bibl. nat, de Madrid. - Joseph de Saint-François SrLint-Joseph t 1690, Compendio mistiço apologético
:l, ·t. 1, (1569-1685), lircve tratado c,, cl cual sc contiene loque ha (bibl. nat. d e l\1adrid, n1s 13430); Apunta,nientos sobre
626. - de guardar ·el que con CJera11 desea curnplir con su profc- let ,,ùlct de Di> Marla de Orozco (mss 13425 et 6995). -
naiiana aion, Regla y Constituciones segun las ocasioncs que se A.ntoine de Jé,Ytt.9·Maric t 1692, Antidoto coritra cl
:8, Arte le puedcn ofrec,1r, ms 18664, bibl. nat. de Madl'id, et 11e11eno de Molinos et Onorndstico, clac,c o 11ocabulario
de per- ms 81/,9 (avec des extraits de ses exhortations spiri- de lliolinos : Aper1diz al Anttdoto (bibl. nat. de Madrid,
onse de tuélles); Tratado de la ora.cion brc,10 11 cornpcr1dioso ms 131,37); il intercale, dans la traduction dos Siete
an Briz (m&s chez los carmes). - Barthélerny de Saint-Basile principios falsos ... de François ·de Paz t 1G04, une
ierre de (1548-1618), Tratad() de la oracion (1ns 8149, avec un digrnssion sur la vraio contomplation !(ms 4505}. -
emos de autre 'l'ratado de l,L oracidr, sous le nom do " f" . Relias », Jean de l'Annonciati'.on (1633,1 701), Consultatio et
r en las peut-être Élie de Saiote-Mai•le t 1610; cr Ephe,nerides re.çponsio de contcmplatione acquisita, l\1adrid, 1927;
1.ati11a 'JI carmcliticac, t. 8, 1957, p. 201). - Nicolas de Jésus- A11isos religiosos .. , Madrid, 1698. - François de
, Scilor, Marie (Doria; 1539-159t,.), italien, co1np.ose en espagnol Saini-Tltoma.s t 1707; DS, t. 2, col. 177,203. - Blaise
· De la un Tratado d.c la perfecciôn del carrnelita dcscalzo (uf de Sq,ir1t-Joscph t 1712, œuvros inédites; commen-
'iciôn de Analecta ordinis carmelitarun1 di11calceatorum, t. 10, taire de l'lrnitation : livre 1, Oc1,pacidn d1Jl r(Jtiro,
npondio 1985, p. 43-68). 1696 (bibl. nat. de Madrid, ms 8428); livre 3, ch. 1-24,
l4; D$, Innocent d1J Saint-André t 1620, 'l'eologla mlstièa Conzpail.i(I, tJn el retiro, 1687 (ms 8171); fin du livre 3,
Votae ad y e,pejo de la flida eterna, Roine, 1615 (sous le pseudo- Par<ti.so en el desierto, 1697 (ms 7066); livre 4, A lime11to
ol. 1874. nyme d'André Lucara y Crusate); DS, t. 2, col. 173. del ulmct, 1697 (ms 7052); Exclamaciones de sa.nta
l427. - - Jean de Jé:n,tS·Marw (le calagurritain; 156i-1 615); Teresa, 1696 (ms 6802), commentaire des Exclarnacioncs
~9. D8, t. 2, col. 174, 201-202; t. 3, col. 413. -Dominique de la sainte; Frutos de la gracia (1ns 6793), choix des
1, t, 1, de Jiaus-Marie (Ruzola; 1559-1680), général de l'ordre; Vies de L. Surius, auquel Blaise ajoute un EpUo,ne de 1-a
Portilla DS, t. 3, col.1532-1534. -Tllonias rl!1 J é8us t 1627; 11ida del amor; Memorial rl!1 meditaciones para la.s al,nas
4.5-1648, DS, t. 2, col. 174-175, 188-188, 1\J1, 1\J4, 195, 202, religiosas, 1700; Opusculos ,,arios y doctrinalf:a (16 opus-
)S, t. 1, 2061; t 3, col. 413-414.. - Joseph de J/1.vus-Marie cules, mss aux carmôl\tes de Madrid). - .Sigisrnond


1171 ESPAGNE. AGE D'OR 1172
du Saint-Esprit compose en 1698 des Con$ultas 1nlsticas 1>omlnioatn■ ,- Paul de Leo11, t vers 1528, Guia del
(bibl. univ. Barcelone, ms 826). ciclo, Alcala, 1558. - Augustin de Esbarroya t 155~,
Carmélites déchaus116es . - Bienheureuse ,1!11nc de De la oracidn mental,· Séville, 1550. - Jean Micd t 1555,
Sai11t-Barthélcmy (1549-1626); DS, t . 1, col. 676-677. - Melchior Cano t 1560; DS t. 2, col. 73-76 . ...!
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libros que hay en el universo, Tolède, 1540. - Phi•
lippe de la Torre; Instru.ccidn de un rcy cristia110 colcgida
..
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taciones de la c,erdad vestida, ,ntsticas, 1norales, alegc!• cias para ·e:rerc:Ît(lrse en ob,:as de m(lnera que sean a
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[176 XVIIIe SIÈCLE 1178
1177
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1. - Con1illa.s, t. 10, 19~8. p. 27-127, et lntroà1icci611 à son El
• • V. P . Lrti.s tlè la ('ue.11te. Sus libros y su d()Ctrina espirittHll,
1ic108 A comparer les deux siècles de l'âge d'or, on doit
iàad admettre quo le 16" est autrement riche on fait d'expé- Co1nillas, 1954. - E. Asensio, El crasmis,r10 y las corrièrlles
ile ' la' rience mystique, ,nais que le 17° ·a fait p1•og1·esse1• ta
cspirita(il<:8 af/.11e1t, dat1s Ro11ista ile fllologla espaiiola, t. 86,
1952, p. 81-99. - A. Valbucna Prat, Hùtoria de la litcratura
chet formulation systématique de la science spirituelle. cspaliola, ,,. éd., t. 1 ot 2, Barcelone, 1953. - P. Gro11lt, Les
,éolo- R~tenons comme caractéristique g6nnrale de la spiri- courants spirituels dans la Pé11i11sule i(l,!rique ar,x xv•, xv1•
tualité de l'âge d'or espagnol : et xv u• siècles, dans Les lettres ro1na11es, t. !l, 1955, p. 208·
e de a) Vie spirituelle in tcnse. Contemplation et zèle 225, - Estado actual ck los cstttdios de teoloaLa espiritual (cong1•ês
6. - apostolique, recueillement et lutte cont1·e J'hé1•ihsie vont de spiritualité do Snlnmanque, 19!F,), Barcolono, 1957. - I.
nacs- de pair, comme on le voit surtout dans les ordres reli- Behn, Spanisclu: lvlystik, D11lj$éldort, 1957. - Jos6 Mal'la de
1sa y gieux., ln Cruz Mollner, La historia a traflés de lii m.lstica, dans El
Mon.te C1irrr1clo, t.. 66, 1958, p. 165•216; Fuentes religiosas y
is de b) Importance dcnnée à l'oraison mentale. Les contro- pr///<1NM de 1u1estra titsratura n1istica., p. 258-299; .. Valores
1Jor- , verses sur la· pratique de l'oraison mentale le montrent, litcr<1rios de 11uestra ,nistica, p. 362-!tO?; Prese11oia ds 11uestros
.ence, elles aussi, à Jour 1nanièro. L'a1no11r est la loi qui régit r11lstfros en la literatura, dans Rcvista cle espiritualidad, t , 18,
icidn, la vie, spirituelle. La prédilection des 1nystiques pour 1959, 1,. 09.sr,, - Art. D1oc;11ArH1&s sP1a1Tlll!LLlls, DS, t. 1,
le Cantique des cantiques est révélatrice. Les titres col. 1 '195-1705.
: DS; des ouvrages en sont eux-1nê1nes un témoignage.
ilcgta c) Caractère pratique et réaliste, soit parce que celte ADOLFO DE LA MADRE DE D1os.
Juan spiritualité s'adresse à des groupes ou à des indivi-
18.- dualités, soit par la façon de traiter )Ils questions. Ces IV, DU 18• AU 20• SIÈCLE
é9rits ne sont pas pour autant de simples séries de
Dios conseils ,noraux : ils présentent toute la vie spirituello... •· Sur l'histoire de la spiritualité espagnole aux 1se et
acion Cette llpiritualité a par ailleurs un caractère actif, 19c siècles beaucoup do données nous échappent; vues
1672, réfractaire à tout nihilis1ne ; elle affirn10 vigoureusement d'ense1nble ot travaux de base manquent encore trop
et le pouvoir de la volonté humalr1e et le pouvoi1· absolu pour qu'il soit possible de déterminer avec certitude les
-
>, La
do la grâce; elle tend à hur,noniser oruiaon et action.
d) La mystique tro.uve alors son oxprossion la plus
courants spirituels et leurs richesses v1•aies. On trouvel'a
ici quelques jalons, des listes de personnages et d'ouvra-
lcala, liuute : profondeur théologique et nierveilleuse p ,~ychn- ges spirituels, qui entreront un jour dans une .synthèse.
:a del logie, respectant la mystique avec tous les phéno1nêne1:1 Lo contraste est fl'appant entre l'âge d'or et les
le los qui y sont rattachés; exaltation de la personne jusque siêclei:1 <1ul suivent : on est convenu do parler de déca•
Phi- dans les plus hautes manife1:1tations 1nystiques; carac- doncc en abordant le 188 siècle, aussi bien lorsqu'on •
'egida tore vital et expérimental; car,u;tère esthétique : la beauté 'évoque la situation 1norale que la spiritualité. Il est
1 doc- .de l'âme est chantée avec des accents incomparables. trop clair qu'en Espagne co1nme en d'autres pays,
9rtcn- . e) Enfin, a$pect littéraire. Nos plus exquis auteurs l'âge d'or des spirituels s'estompe dès la seconde
ian a spirituela sont en 111~me te,ops de grands littérateurs. moitié du 17° siècle.
Sara- « Toti, nos grands mystiques sont poètes, rnêrne quand ils
).
!amôn
- écrivent en prose » (M. 1\1enèndez y Pelayo, La possta 1nis1ica
en E6pafia, dans 01,ras cornpltt(.UJ, t. 7, Santander, 19'11, p. 93).
1. 1Se siècle. -
causes du déclin spirituel en Espagne au cours du
Les
18 cor•otàres généraux. -

lnÇ01$
• J. Cejador y F'ra11ca écrit à son tour : • Los livl'CS spirituel, 1 se siècle ne sont pas · sans relation avec celles de la
~iltribuont plus que d'nutrus à rondre ,plus national l'espa- décadence gét1éralo du pays.
tdrid, gnol llttéraito, à l'cnl'ichir et à l'l:larglr, ù le nuancer et à lui A l'avènement de la dynastie dos Bourbons (1700),
lalro exprimer los concepts los plus profonds et les plus élevés.
:a cas- Jamais la langue romane, co1nn1e à cette époque, ne parvint l'Espagne s'ouvre plus largen1ent aux cou1·ants qui
1cético11 à la grandeur et à la beauté, au brio et à J_i. cotileur, à 11.t purotû travaillent l'Eul'ope; la cout• devient un foyer d'idées
llamo, et à la popularité, car jamais la pensée et le sentin1ont no !uront nouvelles, dont la propagation est facilitée par l'admi-
'
, t. 66, 11ussi profonds et ne ij'élevèront ·111u1si haut quo chez los 1nys• ration de tout ce qui est français; comme l'écrit
c,onoras tiques et écrivains religieux ,, (H utoria de la lsngiia y litera· M.-J. Quintana, « au 188 siècle, nous mangions, nous·
, ordi• tw:a C<l6t<lla11a, t. S, :t.{adrîd, 1915, p. 2ft). nous habillions, nous pensions à la française "1
191,7.
aiiolcs, Bibliographie gtlllérale. - P. Rousselot, lès n1ys1iq11.es espa- L'ongouement dos classes di1•igeantes pour ces nou-
J.esûs rnols, Paris, 1867, - P. Saini Rodrlguei, .J111rod,iccitn1 a !a veautés explique en partie l'implantation du jansé-
•30. - hilwria de l<I litcr<Uur<I n1istica e11 Espatla, 'Madrid, 1927. - nîsn1e régalisto et la politique antiromalne de
li1a.11a, E. Allison Peers, Spu11ish n111~ti<1isn1, J~ondres, 1921•; trad. espa- Pierre d'Aranda et de Manuel de lloda, l'expulsion des
icos de gnole, El r,iisticisrno espailol, B\lenos-Airea, 19117. - L. Plandl, jésuites, les projets schismatiques de M. Urquijo ou, .à
(sialos Gëschiclitè ilcr spa11isclw11 N atùll1alliteratrtr iri ihrer BUi.tczeit, partir de 1720, le développement des logea maçonni-
a ospi- • Fribourg-en-Briaga\l, 1929; trad. J. :R11hî6 Balaguer, Jfistori(t
dt la llteratura 11acional espa11ola en la edad ck oro, Barcelone, ques (Gibraltar, 1726; Madrid, 1727). L'esprit de
Barce- I' Encyclopédie conquiél't les intellectuels; les grands
I de la 1\133, - M. Bataillon, Erasnie et l'Esp(igne. Recherches sur
ialidatÎ. ~'histoire spirituelùr du JQe siècle, Paris, 1937; trad. A. Alatorre, hornn1e$ sont l~ousseau, Voltaire, d'Ale1nbert et
Virgên .Et(Umo y Espaiia. Estudios sobre la historia espiritual del Diderot, dont de nombreuses éditions et traductions
cl cris- aiglo x.v1, 2 vol., Mexico et Buenos-Aires, 1950. - Cris6gono do paraissent, aussitôt mi.ses à l'index: .espagnol. . Los
Jesds Sncrn1;nc11tado, Car11ctcre/J de la espirituali<lad espa,ïola, retards do la science et de la })hilosoph,e sont 1111s au
1ailoùra dllllS Rcvwt<t de cspiritaaliila,l, t. 1, 191,1, p. 50-G5. - Rctiista compte de la scolastique, dont les esprits « éclairés »
iMnrln de cspiritaalidml,, n. 18-19, t. 5, 19~6. consacré à la 8plritunlité n'attondent plus rien. L'œuvre de aava11ts comme le
:, dans 4e l'dge d'or dans le climat du concile de 'l'rHnte. - M. };1cnéndcz bénédictin Benoît-Jérôme Feij6o t 1764 (soutenu par
y Pelayo, Hist()ria i.k los /te/erodoxos csp1uioles, a~ éd., 8 vol.,
,rio d~
Madrid, 194 6·1948; édî t.ion m{ln11elle, BAC, 11adrid, 1956. son ami Joseph-François clc Isla t 1781) ou !'augustin
'
1179 ESl>AGNE CONTEMPORAINE
Henri Florez t 1778 (son Espana sagrada commence à chez les franciscains avec Antoine Arbiol t 1726, che.,
paraître en 1747), ou le célèbre juriscoll$ulte catalan les carnles avec Antoine de Jésus-Marie -~ 1692, Manue\
Joseph Finestres y de Monsalvo t 1777, ou le lullisle de Saint-Jérôme t 1719 et Jean de Saint-Fornand t 1775,i
Antoine de Pascual t 1791, pour re1narquable qu'elle chez los oratoriens avec Vïncent de Calatayud t 1771,
soit, ne fait qu'amorcer le redressement nécessaire. chez les dominicains avec le bienheureux François Posa•
Le clergé et surtout los moines sont critiqués. Les das t 1718.
pratiques extérieures du culte paraissent un fardeau _ Par ailleurs, l'épicurisme que les encyclopédistes
pesant et archaïque. Tout est d'ailleurs sujet à révision. espagnols prônent comme la fin normale de l'homme
Le climat de frivolité et de sensualisme contraste avec provoque de la part des auteurs ascétiques la défense1
l'ambiance religieuse du 168 siècle. L'esprit nouveau de la 1noralo chrétienne. Ces réactions, en vérité, $'ins•
se répand dans la haute société; clergé et bourgeoisie crivont dans un mouvement plus vaste. Au phUoso•
n'en sont pas inde1nnes. Libertinage ot hétérodoxie phis,ne qui attaque religion et morale on répond par
progressent. La plus grande partie du peuple demeure des œuvres d'apologétique ou d'eudémonisme chrétien,
cependant attachée à son christianisme traditionnel et à
sa piété expansive. 3) Coniroverses. - Des controverses naissent et renais•
sent au cours du siècle, qui influencent les courants
20 Co~ant• •plrttu•l•. ~ Si le 18° siècle connaît spirituels. ll convient de rappeler celles qui concer-
une abondante production spirituelle, les autours nent la prière et les degrés d'oraison.
originaux se font rares et la valeur théologique de leurs a) La campagne contre les tenants de la contempla•
œuvres s'amenuise. tiotl âcquise se poursuivait depuis plus d'un demi-siècle1
De nombreux auteurs y avaient déjà pris part; rappd\
1) Itcrits my8tiques. - De telles affirmations, on
Ions, par exemple, lo carme Jean de !'Annonciation
en conviendra, doivent être fortement nuancées. En
Espagne comme ailleurs, le 18° siècle ne nous a guère
t 1701. On tenta au 188 siècle d'interdire les écrltà
révélé jusqu'ici les richesses des expériences spirituelles qui y étaient le plus favorables, depuis ceux de SaÎJ\J
Jean do la Croix jusqu'à ceux du vénérable Jean de
qu'il recèle ou même tous los traitlls spirituels de1neurés
PalaCox t 1655. L'école carmélitaino ôtait parllculiè
manuscrits. Deux personnalités, entre autres, qui ont
rement menacée. La Subida del al,na a Dios (1656)
bénéficié d'expériences mystiques peu communes, nous
du car,ne Joseph de Jésus-Marie (Quiroga, t 1626h
sont connues : le convers bénédictin Joseph de Saint• résumé de la doctrine de l'ordre, fut on effet condamnée.
Benoît t 1723, d.ont un conC1·ère, Benoît Argerich,
Parmi ceux qui défendirent l'orthodoxie de la contem-
publia à Madrid en 1746 la Vida interior y cartas espiri•
pla Uon acquise, le général des carmes déchauss~,
t1,ales, et Mario-Antoinette do Jésus (1709·1760),
épouse, mère de famille, puis carmélite déchaussée à Paul de la Conception t 1726, adressa au papo une
Alcala et à Compostelle, qui nous a laissé notamment apologie, et Manuel de la Sainte-Trinité, théologie11
une Autobiografta (écrite de 1738 à 1755) et un Edificio de Guadalajara, rédigea La Verdad defendida (175'1).
Contre certains déistes qui tentaient de réduire les
cspiritual (1756), dignes des réformateurs du CarmeJ.
phénomènes mystiques à <les n1a nifestations inférieur88
A la fin du siècle, nous rencontrons le bienheureux
Diego.Joseph de Cadix, capucin 1nystique. propres aux natures débiles et tarées, des auteurs déve,
loppèrent la doctrine traditionnelle : Manuel de Saint-
2) Ouvraies de théologie spirituelle. - A côté Jérôme o c d 1' 1719 dans sa Crisis nitstica (manusorito)
de rééditions de grandes rouvres, commo celles de et Benoît Poi'ialba o s b t 1744 dans La verdaàera
sainte 'l'hérêse et de saint Jean de la Croix, do nitstica, égalenlent manuscrite; Antoine Arbiol or m
Jean d'Avila et de Louis do Grenade, ou do traductions publia, lui, des Deseriga,los mLsticos en 1706, qui n'eure11t
de textes italiens et français, co1nme ceux de saint Fran- pas moins de treize éditions au 18c siècle.
çois de Sales, de J eân Croiset (L'année chréticrine et Un mouve1nent se dessine, surtout dans la second~
La dévotion au Sacré-Cœur) et do Joseph de GallîCet, moitié du siècle, en faveur d'un christianisme pl~
de Laurent Scupoli et de Jean-Baptiste Scaranlelli ou dépouillé. On visait par là,. los manifestations exubé:t
de saint Alphonse de Liguori, qui 11ttestent la perma• rantes d'une piété souvent formaliste et sans base
nonce des, préoccupatioIUJ fondamentales de la vie spi- doctrinale un peu solide, et les croyances superst~
rituelle, les traités de théologie mystique du 188 siècle tieuses. On voulait rovonir à la fois au bon sons et à lJ
no font guère que reprendre avec ordre et méthode les prière intérieure du cœur. J osèphe Amar y Borb6n,
doctrines exposées par )03 maitres des décades prècé- par exemple, expliquera aux jeunes filles qu'elle cher-
dentos. che à former : « C'est oftenser grande1nent la divinité
Le monu1nental Cursus theQlogiae mystica1;1 de que de croire qu'elle se contente d'un culte puremen~
Joseph du Saint-Esprit o c d (Séville, 1720•1740) vaut extérieur et d'un formulaire do dévotions où le cœur
à lui seul beaucoup d'œuvres mystiques de l'époque. a fort peu ou point de place >> (Diseurs<> 8obre la ed
La Medula ,ntstiea (2° édition remaniée en 1702) de cacidn /i8ica y moral de las mujeres, Madrid, 17991
François de Saint-Tho1nas o c d, le Cursus mystieus p. 198). Les cercles libéraux faisaient chorus, sur et
1nanuscrit de Jacques Baron o p t 173'• ou la reprise point, avec los cercles jansénisants, tel que celui où se
de la Mystica doctrina de Barthélemy des Martyrs par trouvait Joseph de Yercgui (1784-1805), le précepteur
Alphonse Manrique op font date et restent des manuels des infants. Des réactions s'ensuivaient; on on constai.
toujours utilisables, aussi bien que l'importante Pra:i;is tout au long du siècle, mais sporadiques. Des autorités,
theologiae mystieac (Rome, 17110) de Manuel-Ignace de en particulle1· Joseph Climont t 1781, évêque de Bar-
la Raguera .s j . celone, et Philippe Bertrân t 1783, évêque de Sala•
Les auteurs de ce t emps se font volontiers polé- 1nanque, so préoccupaient de restaurer et de préserver
mistes. La réaction antimolinosiste, par exe1nple, la dignité des manifestations de la piété traditionnelle
héritage du 178 siècle finissant, se poursuit dans une en essayant d'élaguer l'irrévérence et la superstition,
série de réfutations qui naissent un peu partout : On constate d'ailleurs, à cette époque, un certrun
1181 XVIIIe SitCLE 1182
1180
retour à la vie lilurgique; des traductions y aident apôtre en Espagne en est Augustin de Cardaveraz
,, chez les fidèles. s j t 1770. Après avoir lu le De cultu sacrosancti Cordis
lanuel JJci riustri (t 726) do ,J. de Gallifet, il emploie sa. "!'ie à
r1775, 4) Formation et ré11011ation cléricales et religieuses. -
.L.e souci de rétoi·me et de progrès spirituel anime répandr'e la dévotion, spécialement dans les provinces
1771, basques. Jea n de Loyola a j t 1762 le mit en relations
: Posa- vraiment les ordres et congrégations ainsi que le clergé
Jéoulior, dans la mesure pourtant ôù ils ne se sont pas avec Bernard de I·loyos, encoro novice jésuite (1711-
laissés contarniner par l'esprit philosophique et scep- 1735); celui-ci reçut des faveurs insignes du Cœur de
idistes Jésus ot se fit son apôtre infatigable.
omme tigue du siècle. Ce souci s'exprime abonda1nment dans
.éfense la littérature qui leur est destinée. Hoyos persuada Joan do Loyola do publier un Tesoro csconclùw
u1 cl sagrado Corazôn de Jes(u dcscubicrw ,, nri.cstra Espafia
, s'ins- On peut rctcnh•, par cxen1plo : lo Directorio de saccrdotcs
(Valladolid, 173~)- La n1ême _nnnéo, Pierre Calatnyud _fnis~,it
ll.iloso- (17~3) de Jean Pérez o s b, )'Oratorio de sacerd()tes ('I 750) de
François Romeu o f 1n, l'Est1ulio ... para los ordenados, c11.ras parllltrc à Murclo ses J ncendios de anior sa.grado, rcs pirac,on
td par a,norosa d-e las al111as de'1otas con cl Cora:wn ,le J csûs 8U cna•
l'étien. "4 qlmas y prcdicàdorcs (1713) de Thomas l.\fadalena y Don1ln-
guez o p, le Rttiro tspirituàl pcira Saccrdotcs (1802) do l'évôquo rnorado ot Piorro do Poflnlosa traduisait Le, 1l11!1otio11 a" Sacré-
ienais• capucin Mich11l Suarez, Cœur de Jés1u de Jean Croiset.
Sur la vie religicn1se on p1Jnt not11r, presque au hasard, quel• Dès lors, les jésuites espagnols multiplient les écrits sur la
urants dévotion : Historia de la dcPoci611 al Sa(Jrado Corazôn de J cs(1.S
:oncer- quo's autours : I? hiéro11y111itè J ~r~,n? de r.1?ncadn, le ca~me (S:1.Jnmnnq\18 , 1738) et Msditaciones del Sagrado Cora_zôn scgûn
Bàlthasar do S1unt-Josoph, lo tr1111la1ro Christophe de Sa1nt-
Mlohol, le jésuite Ilallhasar do Moncada, otc. et 111étodo de lo., Ejsrcicios <Ù son 1gnacio (Vnlladohd, 1739),
~mpZa- composôi; tous doux pllr Joan do Loyola; Sébastien Mendiburu
·Sièolo. On sait avec quelle violence, avec quelle perfidie (1708-1782) public on basque un gros volume s11r le Cœur de
Jcsus {1747); Onuphro li1artorell tradui te~ cn~alnn uno Hre"e
rappe- parfois, les abus des moines et du clergé sont pris à practica de la dovolion (Barcelone, 1745) d\l Jésuite Jose ph Muu-
iiation partie soit dans des pa,nphlels soit dans des attaques gori, etc. Des congrégntions pie\lij6~ du $acré-Cœur viront
écrits plu.s sourdes. Le célibat et la vie religieuse même sont bion lôl le jour (Loren, -t 734; Madrid, 173G, été). Consulter
, saint mis en cause aussi bien en raison do cos abus que de J. de Guibert, La spiritualité d~ la Co1npagnic d, Jésus, Ron1e,
ian de l'esprit frondeur du siècle. Ces abus sont d'ailleurs 19S3, p. 394-395 ; A. Ha1non, Il istoire de la dévotion ait Sacré•
:icullè· sévèrèment fustigés à l'intérieur de l'l!Jgliso, non pas Cœ11r, t. 4, Paris, 1081, p. 170-198.
(1656) seul9ment par la satire de Jean-François de Isla dans 30 Principaux peraoDDaa-ea aplrituolB, - De grands
1626), son Fray Geru11dio (1758), rnais plus gravement par porsonnagcs spirituels projettent 11ne v~ve lumière
tmnée. !'augustin Basile-'fhomas ltosell dans son El monacato
,ntem- - sur Cl:l siècle décadent. Fort peu, néan1no1ns, laissent
(1787): derrière eux une Institution; il n'y a guère de saints
lussés, De plus, des prélats, comn1e François Valero y Losa fondatours, comme on en rencontre alors en France
,e une, t 1720, archavôque de Tolède, ,Jean-Laurent de Iri- ou en I talle.
,logien goyen t 1778, évêque de Pampelune, F'rançoia Rodrl- Parmi les religieux, citons d'abord l'extraordinaire
175~). guez Chico t 1780, évêque de Téruel, Joseph Climent capocin Diego-Joseph de Cadix t 1801 (DS! t. 3, col. 87~-
Ire les t 1781, 6vêque de Barcelone, ou. l'a\1gustin François 878), l'apôtrè des missions andalouses; J?UlB André Ruiz -
rieures de Armaiia t 1803, évêque de Lugo, ouvrirent des sérni- (1719-1799), dominicain de J érez, mystique très réputé
1dév.e~ . naires ou entreprirent activement la réforme pastorale, et coufiden t de Diego-Joseph; le vénérable An toin~ Ber-
Saint• morale et spir°ituelle de leur clergé ou même des com- mejo t 1758 tertiaire franciscain; les jésuites Ber-
1scrite) munautés religieuses. nard de Jioyo~, dont la cause de béatification est intro•
dadera Un des point.,; les plus hourousoment soulignés dans duite et saint Joseph Pignatelli (1787-1811), qui,
or m ces essais de réror,ne rut le retour à la Bible, et à la
eurent
chassé d'Espag!J.e, travaillera à rétablir la compagnie
Bible sainement interprétée. On n'a pas oublié à quels de Jésus en J talle; le saint minime Diego Pérez (1655-
exèès parvenait le 11 gérondisme >>, par exemple; et l 'on 1705); le vénérable J érôme Abarrategui Y Figueroa,
econde b'en était pas toujours bien loin d ans les ouvrages
e plus rondal.eu1• du collège théatin de Salamanque (1688),
de, dévotion. L'lÎJcriture n'était plus une nourriture dont la vie fut 6crite par le célèbre Diego 'i'orres y
exubé- apll'ltuelle. 11 La meilleure et la plus haute préparation Villarroel t vers 1758 ·1 lo camillien Martin de Andrés
1 base à l'étùde de l'éthique chrétienne ( = à la manière de Pérez (1698-vers 1786) ; - des prltrcs séculiers : Gré-
.p ersti• vivre on chrétien) sera la lecture fréquente et la médi- goire ltidaura (16'•1-1704), bénéficier de Valence; -
et à la tation prolongée des saints Évangiles, qui contiennent des prillats : le cardinal Louis Belluga y Moncada t 174.3,
orb6n, son véritable code n, rappelle opportunément Gas-
, oher- évêque de Carthagène; Balthasar Bastero y Lledo,
pard~Melchior de Jovellanos aux éducateurs (Tratado t vors 1750 évêque de Gérone, etc.
.ivinité ttdrico-prdctico de e11seria11za, composé vers 1801, Au non1b;o des lemrnes en renom de sainteté, on
iement BAE, t. 45, Madrid, 1858, p. 260), J ovollanos, tout
1 cœur
peut retenir les religieuses : Marie-Thérèse do Sainte-
libéral Impénitent qu'il soit, insiste sur ce conseil Gortrudo mercédaire de Marquina (1737-1799), les
ra.eclu--. dàli$ son I11strucci6n a utl jdvcn tedlogo (ibidem, p. 277- cistercie~nes Anne-Mo.rie de la Conception (1667-
1790, 278) et dans son Plan d'4tudea du collège de Calatrava
sur ce 17'•6), Antoinette Alvarez (1639-~717), ~eanne-Marie
à Sàlamanquè (ibideni, p. 199-200). L'interdiction de des Douleurs (1696-1757), la carméhte Marie-Antoinette
. où se Uro-la Bible en langue vulgaire, on s'en souvient, avait
:epteul' de Jésus (1700-1760), la clarisse An~oi.no~te-Josèphe de
été levée en 1789. , Sainte-Claire (1673-1710), les do1n1n1ca1nes Oertru~o
>nstato
lorités, · 5) Dévotions. - Parmi les dévotions, qui ont toujours de Jé$US Oloriz y Arbiol (1672-1747) et Rose-Marie
lo Bar- été fort }lOpulaires en Espagne, plusieurs mériteraient March (1724.-1775), etc.
, Sala- notre attention, telle que celle au Chemin de la croix Ces quelques noms n'épuisent pas le cata_logue des
iserver (of DS, t. 2, col. 2595-2598) ou à la Vierge. Nous nous personnes spirituelles; ils montrent modestem~nt que,
~nnelle bornerons à celle qui est la plus caractéristique âu malgré le scepticisme de l'époque, la formation défi-
1titîon, 1se siècle, la dévotion au Sacré-Cœur. E lle atteint on ciente du clergé et des religieux, et les superstitions
certain èffet alors son plein 6pano,lis8ement. Le premier grand du temps, la sainteté abonde encore.
1183 ESPA(;NE CONTEMPORAINE
.
Touf.o 1nédaille a son revers, mais à quoi bon 1nuntionnol' los Un phénomène nouveau est la croissance de la litté•
pelits groupes d'alu1nbrados, dissunlinés à ll'avot~ l'Espagne? l'ature de piété populaire : li v1•ets, fe,1illots, manuels
Ni Marie Bcr,nejo, ni 19. bé9.le Cl9.i1•e de M9.d1•ld, qui n'élaient sont innombrables; s'ils n'ont laissé que peu de traces
que de vulgaires escrocs du divin, ni :Marie Herrâiz de Cuenca, dans la littérature religieuse, ils ont alimenté proton-
pauvre neurasthénîque quî prétendait que son corps était
changé au. corps du Christ, ni enfin la béate l)olores L6pe1., dément la piété du peuple chrétien.
ilhnninée aux mœul'll brotalea, ne peuvent ternir l'édut de Le renouveau des études spirituelles, qui gagne
sainteté <1ue la grâc:o fait. érilater on ce siècle, pourl,ant Rcep- l'.Espagne, est-il plus important à souligner? Il est
tiqua el • n1011dain ». Les quelques faitij de 1nê1110 genre qui indéniable en tout cas avec la publication de nouvelles
afilauroronl au 'l!l• siècle àuront rnoins d'itnporlîulCtl enCOl'O, 1·cvuos do spiritualité, telles San Juan de la Crus
Voil' M . .M:cnéndcz y Pelayo, Ilistoria d.11 los ha111rocloxos espci• (Ségovie, 1890), La Ciudad de Dias (El Escorial, 1891)
noies, 2e éd., t. Il, 111adrid, 1930, p. ,,75.,,92, et El Monte Car,nclo (Burgos, 1900); des 1nalsona
2. 198 siècle. - 1° Ca:rac~ro11 g6n6:rou,c. - L'his- d'édition comme la Librerîa l'Oligiosa de Barcelone
,.
toire religieuse du 19c siôcle en Espagne se déroule réimpriment volontiers les œuvres 1nystiql1es les plqs
dans une arnbiance antir·eligieuse et anUclél'icale. L'ins- Îlnportantes ou les plus célèbres. Ce courant ne lèta
tabilité de la vie politique, avec ses révolutions et que s'amplifier. Signalons spécialement la Vida sobrt-
coups d'état, provoque de fréquentes pôriodcs de crise, natura! (Salamanque, 192.2) et Manre8a (192(.). $br
chaque fois que libéraux et constitutionnels arrivent les collections espagnoles de Biblioteca de spirituali~,
au pouvoir. 1
voir DS, t. 2, col. 1105, 1114-1117; sur les congr~
do spiritualité, t. 2, col. 1509. Sont particulière1nen&
L''.Église se voit frappée dnns ses biens mntériols (ilnpOts,
dé$amortittsemont de 1835, abolition de lu dtme), da.ns ses l'emarquées les œuvres spirituellos de J. Seisdedos s j
relations 11.vec Rome dont on veut réd11îre l'inOuence (tenta• t 1928 et de J. G. Arintero o p t 1928; infl'a, col. 1190
livo de concile nat.îona.l, schîi;me janséniste de ,J osé Alonso, et 1191.
n1irlislro dll ln jusli(lll, durant la rl,gencll do B. Espal'lcro, 2) Forniation et l'énoPation clél'icales. - l\'1algré per-
18'11-18'13, rel:ènuo du Syllal,us), dans ses ordres religieux sécutions et exp11lsions, des religieux publient sur la
(constitution de 1820, cxclaustrnLlon de 1835, etc). Lors des vocation et la pe1•fection l'eligie1lses, par exemple :
troubles populaires (1822-1824, 1884, surtout•à la chute de la Antoine Esquivel o f m, une ExposioùJ1l chronohÎ8tor/ç4
roynut6 en 1868), couvents et églises sont••incendiés ou fermés, de la Regla (1820), Bernard Sala o s b, La Pocacid11
des religieux o.ssnssinés, des évêques expulsés ou (Hnprisonnéll.
A ces violences répondaient des profes.~ions d'~l.héisrna aux considerada bajo todos los aspectos; auxquels on p9ut
Cort,è,; (vg • lu séance dos blasphèm(is •• 26 a vril 186!!). Los joindre le travail manuscrit du trinitaire Michel Fer-
sociétés St!crèt.es ntteignent à leur apogée. Dans les dcrnlôl'CS rer, El trinitario instruido en sus dcbcres (·1826) .
décâdes du i,ièdtl, kuntîsmê, hégélia11isn10 envahissent l'cnsci• Les œuvres qui traitent de la pei-fection sa.ccrdotâi
t
gncrnont 1111ivorsit11iro; .Julien Sanz del Rio 18li9 1net à ln semblent bea\1coup plus nombreuses. On peut l'appolerl
1nodo lo panLhûisrno do Krause. JeDe vitae sanctitate in sacerdou, (1804) de Joachim Co~
Les vicissitudes des Jésuites espagnols illustrent l'étut tés s j, les articles sur la vie spirituelle de J acquos Bal,
d'insécurité de l'Église et les conditions dnnR lesquelles la vie 1nes t 1848, le Tesoro del saccrdotè (1861) de J osepll ~lac
chrétienne se déroulait: rétablie en 1814, la compvgnie de .Jésus
est chnssée en 1822; supprimée pa1· décret roy,-1 en 1835; s j, le Ma11ual del seminarista et les articles sur la Dise~
les jésuites rentrent à la faveur do concordat da 1851, rnais p!ina eclesiâstic<L du cardinal Antolln Monescillo
sont chassés par lu révolution de 1868; ils se rl,installcnt en 1' 1897, la Vida y honestidad de los clerigos (188ô) d
1880. Léon Carbonero t 1902, fondateur de la revue La Cr
Dans toutes les régions, la vie chrétienne demeure etc. Les clarétins publient un bon nombre d'ouvrag
cependant vivace, d'autant quo los catholiques olit à pour la formation spirituelle du clergé, tel Joseph Xitre
lutter pour leur foi et leurs libertés religieuses. CeLte Cleri sociu11 (1883) (voir DS, t. 2, col. 937-939).
lutte fut féconde. La seconde moitié du siècle marque Les contacts du clergé séculier avec les régulie
un renouveal,I. C'est alors qu'appataissenl, de grandes exclaustrés, dont certains devinrent curés ou p
personnalités spirituelles qui cherchent de nouvelles fesseurs de sén1inairo, contribuèrent efficacernent a
formes d'apostolat, créent de nombreuses congl'égations développernent de la cult\lre et de la vie spirituelle d
religieuses et institutions, et Ll•avalllent à l'énover les clei•gé. Manuel Domingo y Sol (1836-1909), après
vieilles traditions. avoir fondé son r11•emier 1, Collège Saint-Joseph » e
1873, fonda à Tortose en 188<t l'institut des ,c ouvrie
.2° Courant. ■pirl.iuela. - 1) Situation d6 la litté- diocésains », destiné à la forrnation des · séminaris
rature spirituelle. - Dans les premières décades du et du clergé. La Cl'éation (1890) du séminaire pontiflcW
siècle, très peu d'ouvl'ages paraissent et leu1• orientation plus tard université de Comillas, et celle, par l\fanu
est surtout apologétique. Beaucoup d'œuvres spiri- Domingo, du collège pontifical espagnol à Rom
tuelles derneurent à l'état de manuscrit Ce qu'on (1892) eurent une heureuse influence sur la quai!
publie est sans originalité -: Jacques Baltnes édite intellectuelle et spil'ituelle des clercs. Sur ce poin
(18',0 et 18~1) un recueil de maximes tirées de saint le 1 9e siècle est parvenu à de notables résulta
François de Sales et des inorceaux clloisls de mystiques Voii• A. '1'01•res Sanchez, Vida del 11ü,rv1, de D'
espagnols. D. ManuelD011iingo y Sol, 1'ortose, 1934; J .-M. A1nen
Après le concordat de 1851, la lîtté1•ature catholique El foniento dt voüaciones eclesid.stica., en Espa'ria dura ·
est plus fournie, mais les lllUvres 1nystiques ou les études la segunda niitad df:l siglo x1x, dans Semirt<Lrios, t. 1
de théologie spirituelle sont rares, sinon inexistantes. Salamanque, 1955, p. 58-83.
Si l'on ei, jug<i d'apros cc qui ost i1nprimc'l, la situation
de la rnystique est pire au 198 qu'au 18° r;iècle. Plus 3) Vi<i chrlJtwnnc. - Les dévotions à la Viel'ge e~
nombreux sont les livres ascétiques; parrni les plus so.iu t J of!eJih derneuren t très florissantes; copcndan
répandus, il y a les ouvrages du jésuite ,Joseph Mach le culte eucharistique et la dévotion au Sac1•é-Cœ
t 1885 et ceux du bénédictin de 1vionlHe1'1'aL, Michel de sont plus caractéristiques du 19° sièc.le. Ces deux C-O
Ailuntadas t 1885. rants tendet1t aloi's, sen1ble-t-îl, à s'unit• davan

1184 1185 XIX 8 SIÈCJ..E 1186


litté- qu'au siècle précédent. La J)ratique de la communion do J'J1n1naculée-Conception, fondé par J.-D. Costa y
nuels tré~ente, dont les promoteurs sont nombl'eUx déjà Dorras (1805-1864), évêque do l ,érida, puis archevêque
races à 11Age d'or, et la réparation eucharistique se ré pan dont de 'J'arragone, celui dos car1nélîtes missionnaites et édu-
oton- largement ; l'institution do l'ado1•ation perp6tuelle, caLl•ice!3, fondé en 1860 à Barcelone par François de
1~ archiconfréries du Cœur eucharistique, les congrès Jésus-Marie t 1872 et l'institut Saint-François-Xavier
~agne ' eucharistiques (Valence, 1883; Lugo, 1896) sont les de l3urgos fondé par Gérard Villota (1839-1906).
1 est témoins de ce courant dévoLionnel. Un sîgno f1•appant La vie charitable s.e concrétise également dans les
veUes de la profondeur de ce courant nous est donné dans le fonda !:ions religieuses : congrégations hospitalières,
Cruz développemenL extraordinaire des congrégations reli- congrégations éducatrices, qui souvent sont aussi
.
1891)
usons '
gieuses nouvelles vou.6es au culte de l'euchat·istie
ou du Sacré-Cœur.
orientées vers les rouvres de charité :
:elone Les sœurs hoapitalières oL enseignantes de Sâinte-Anne à
Par exemple, los ncloratrices, servantes du 8aint-Sac1'c1no11t Saragosse, qui ae rêclo.ment do Jeiln Bona! et de Mârie Rafols
plus et de la oharltll, - êg11lement éducatrices -, que fondo en
1

1 fera l839 sainte Maric-Micàëla d11 Saint-Sac1·01nont (Michèle Dcs-


t 1853; les sel'vantes de Marle, vouées au ijervice dos 1n!llades
à domicile, fondées à Madrid en 1851 par Michel llinrtlnez Sanz
sobre- malaière$, vicomtesse do Jorbalân, 1809·1865); les hospitalières ot 11,1 hhmheureusc Marie Soledad Torr6s y Acosta (1826-1887);
. Sur du Sacré-Cœ\1r fondées en 1880 près do Madrid par Benoit Menu les 1;c1111ra des Ancianos desamparados, tondéea à Barbastro
1alité, (t8~1-191~). le restaurateur dos frères de Saint-Jean de Dieu en 1872 par la bienhourousa 'fhérèse de Jésus Jornet sous
1µgrès én Espagne; loa salésiennes du Sàcré-C(Flur fondées on 1895 l'ilnpulsio11 du chanoine Saturnin L6pez de Novoa, à l'îmi•
par Pied ad Orli:t Raul, près de CarthAgènC{; les sœu1•s de 111 tation des petites sœurs des pauvrlls de Prance; los llllés de
1ment Ch$.rité du Sacr6-Coour, ou les réparatrices, fondéés par Mo.rie
os s j Saint-,Toseph ou .ToAallnas, fondées d ans le diocèse do Gorono
deJé,sue d'Oultremont 011 1857 et lmpo1•ttios do France. en 18713 par le jésuite François Duliîia pour le service dos
. 1190 1nr1lades et des pâuvrel!.
A côté de ce mouve,nent qui entra.tne ,nanifestcmont
ê per- les fidèles, le clergé, 10$ ordres et congrégations reli-
Corn me au 1. 68 siècle, l'ignorance religieuse est grande
~ur la gieuses vers le culte eucharistique, se prépare un renou- en ces périodes de libéralisme et de crises révolu-
1ple . : veau liturgique. Les bénédictins de Montserrat et de
tio,µnaires. Instruction et éducation chrétiennes attirent

,torwa Silos unissent leurs efforts aux abbayes de Solesmes .JeS' :1n10$ généreuses dans los nouvelles congrégations
caciô~ et de Mària Laach. Un Bowtln de Silos en expose les
6nseig11antes : carmélites de la charité, fondées à Vich
1 peut résultats dès 1888; au 20° siècle, d'importantes puhli-
en 1826 par sainte Joaquina de Vedruna t 185~ et le
1 Fer- caUons proposeront ù tous l'esprit .liturgique (voir capucin Étienne d'Olot t 1828; les scolopes fllles de
A. Rojo del Pozo, Evolttcidn historica de la liturgia,
'
Me,drid, 1935). Marie, fondées dans le diocèse de Gérone en 1829 par
dotale Paule Montait; les tertilfîres dominicaines de l'Annon-
peler :. La vie chrétienne et spirituelle dos niasses est sou- cîatîon, tondées par le dominicain François Coll (1812-
n Cor- tén\fc et approfondie par l'in1mense courant des missions 1875) à Vich en 1856 pour l'éducation et les rouvres
1s Bal- populàires, qui connaissent nlors une vit.alité renouvelée de charité; les tertiaires franciscaines de lu Di vina
1Mach grAoe au zèle de saint Antoine-Marie Claret (1807- l>astoi·a, fondées à Madrid en 1868 par Anna Fonteu-
Disoi~ 1870). Ses fils du Cœur J1n,naculé de l\1arie ou clarétins, bertu; les filles de Jésus (ou jésuitines), fondées à
escillo qu'il tonde en 1849, CQnstit.uent une congrégation de
Sata1nanque en 1871 par Candide-Marie de Jésus
80) de prêtres missionnaires, qui obUennent des succès spirî-
(Jeanne-J osèpho Cipitria t 1 912) i les servantes do
i C'ritz, iuela retentissants (cf [>S, t. 2, col. 032-937). A leurs Saint-,Joseph, fondées en 1874 à Salan1anque par
vrages côtés, travaillent Câpucins (:6:tienne d'Adoain, par F. l loUüa sous l'impulsion du Iutur co.rdînal Joa-
exemple) et jésuites. François de Paule 'l'arin (1847-
Xifré, chim Lluch t 1882, vouées à l'éducation et aux œuvres
1910), animateur <les jésuites, parcourt pendant plus
• de eha1•ité; les ancolies du Sacré-Cœur, fondées à Cordoue
guliers de vingt ans l'Andalousie, !'Estrémadure et la Castille, en 1876 par la bienheureuse Raphaèle Porras y Ayll6n
l pro- l'llmuant les foules par la reno1nmée do ses pénl Lances (1\1:arie du Sacré-Cœur, 1850-1925), vou6es à l'adoration
int au' ot de faits extraordinaires. Les fruil.s des ,nissions eucharistique et à l'enseignement; la con1pagnie de
elle du étaiènt rendus plus durables encore par quantité Sainte-Thérèse, fondée par 1'Tenri de Oss6 y Cervello
près y de brochures spirituelles, telles que : Pucrta del cielo (1840-1888) à Barcelone en 1876; les soours de charité
il u en (1849) de Joseph AJvarez, Escala para .~alir del pecado
de la l\1erci, fondées à Malaga en 1.8?8 par .J.-N. Zegro
uvriers (18?2) de V. Medrano, ou la Gula prac11:ca del jovcn
y Moreno; les sœurs trinitaires, fondées en 1885 par le
1aristes cristi4no de G. Tejado, etc. chanôine do Madrid, 1''rançois Méndez y Casariego
1Uflcal, 4) Essor de l' Égli..,e et vie spiriltœll1,1.' - L'Espagne
(1850-192<J); les joséphines trinitaires fondées à Pla-
~anuel a bénéficié du mouvement qui entraîna la chr6tienté sencia en 1886 par Elade Mozas Suntamera (1837-
Rome occidentale dès lo d6but du 19•1 siècle vo1·s les missions 1897) pour 1'6ducation et le soin des malades ; la pieuse
qualité en pays paYcn, vers l'éducation religieuse d'une jeunesso union ,les Teresianus, fondée en 1911 à Ma!lrid par
point, longtemps abandonnée et ve1·s le « christianisme Pierre Poveda Castroverde i 1874-1986).
;ultats. social ~. C'est on parUcipant à ce triple mouvement
L'enseigne1neilt de 111 dootrine chrétienne est le but de
e Dios que les chrétiens se sont dévoués, ont 1nanifesté leur l'institut des d&,nos catéchistes, fondé en 1870 par f>olorés
,menôs, sens ecclésial et se sonL sanctifiés. Nous retrouvons Rodriguez Sope1ia, et do la congrégation dos écolos de l' Avl)-
:lurante cette impulsion dans l'Église d'Espagne, au milieu M11riii., fondée en 1889, par André Manjon, prêtre de Burgos,
•S , t, 1,, même des difficultés qu'elle t.ravel'sait. 111ort en odo11r do sainteté (181,6-1028).
La préoccu,,ation des missions étrangères reparaît L'insl.j tut deR fllles de MQl'Je-I,n,naculée, fondé en 1876
comme au temps de fel'veur des 160 et 17° siècles. Déjà par l n bionhoureuije Vincente-ifarie L6paz y Vicuno. (iSt,7-
ge et à des religieux e:xclaustrés ou 11:xputsés 11vaient pris le 18\iOJ, ùL la congrégation des anges gardians, fond ée par
endant, chemin de l'Amérique du sud. Les consignes mission- Raphaèlc Iba1·1•1i do Villalongo. à Bilbao en 18!)1,, s'occupent
dn • service don1estiquc • ou des entant.'! abandonnés. Los F'illeR
é-Cœur naires des papes du 190 siècle susciteront <le nomb1·euses de Ill sainte l','laison de Nazareth et, las flls de la Saintc-Fa111illtl,
IX COU- vocation$ attirées par los in$Litu'Ls missionnaires, fondi1H on 1864 pru• Jose1>h '.1.111Iianet, y Vives (1833-1901) so
rantage anciens et nouveaux, tels celui des sœurs n1i$sionnaires vouenl, nu culte de la Sctinta-Familla et à la sauvegarde de
DJC'l 'IONNAllll! Dll Sl'll\l'l'UALITB . - T . IV, 38

I
1187 ESPi\(;NE CONTEMPORAINE
la famille chrétianno. Les nlissionnairos <los Sacrés-Cœurs t 1795, Leetiones morales de statu rcligioso, ms bibL
ont été fondés à Majorque en 1.890 par Joacl1itn Roselto y nat. de J\1a.drid. - An:~elme Petite, t après i 797;
Ferra (18SS-1909) pour travni.ller au progrès s1>irituel et à Conducta de las· alma$ an cl ca,nino de la sa.l11aoio111
l'éducation. Madrid, 1790; des glosas dQ afectos rnorales sur lœ
30 Personnalii6111 marquant••· - Le 1 !)Q siècle est psau1nes de la pénitence (Valladolid, 1784) et les
un siècle de saints, comme on l'a vu en déno1nbrant psaumes graduels (Madrid, 1787) . - Placide Rico
quelques-uns des fondateurs et des fondatricos béatifiés, Fontaura, t après 1805, Reglll/J de vida cris#ana1
canonisés ou non. L'Espagne d'alors co,npLe aussi 11:adrid, 1802. - Benott de Uria y Valdés t 181'0,
d'autres personnalités spirituelles marquantes. 1nstruccior1 cspceulati11a y prdctica de las obligacionu
On pourrait citer des prélats : le bienheul'eux Valen- de lo11 111onieil b1Jnedictinos, l\ofadrid, 1785; Meditaciolld
tin Ber1·io-C)choa, évêque dominicain, 111artyr au para todos los dias del ano, Madrid, 1785. - Anonyme d
Tonkin (1827-1801); Joachim Lluch y Garriga t 1882, Il1ontse1•1•at, 'l'ratado de avisos contra las tentaciones, rot
carme chaux, cardinal et archevêque de Séville, dont - Placide Vicente t 1816, Cantico el mds sublinic de la
l'action intellectuelle et sociale a été étonnante; Nar- sagra.da E scritura para instrueeion y cons11-elô de 19,
cisse J\,farUnez Izquierdo t 1886, évêque de Salamanque, fieles, Madrid, 1800. - Julien Martlncz t 1820, 1111,
puis de Mad1•id, zélé réformateur do la discipline truccion de un religio.9o joven que aspira a la perjeccidTJ
ecclésiastique; Thomas Camara (1847-1 !l04), ermite de su esta.do; Tratado de los votos, mss. - Bernard Sa/4
de Saint-Augustin et évêque de Salamanque (DS, t. 4, t 1885. - Michel de Muntadas t 1885, Tardes mornl#•
col. 1016), dont l'influence rut particulièrement déci- ticM, Manresa, 1871; 1'ardcs aseética6 o 8Bâ una apunta,
sive dans le domaine intellectuel; Joseph Vives y cion de los primeros documantos para llegar a la pe,,
Tut6 (1854-1918), capucin, dont les traités théolo• fer;cio,1 de la ,,ida cristiana, Ba1·celone, 1858.
gigues et spirituels ont fait autorité; Jose ph Torras y
Cl.sterclena. - Marianne de Jésus t 1731.
Dagés (1846-1916), évêquo de Vich, etc; et nornbre Antoine-Raymond Pascual (1708-1791 ), célèbre lullis
de personnâges représentatifs, tols : Michel Costa y
majorquin, Examen de la crisis del l'. Do11 Beni
Llobcra, prêtre 1najorquin (1854.-'l 922), dont l'influence
Geronim.o Feiido sobre el Arte luliana, 2 vol., Madrid,
a été considérable sur la poésie ..religieuse ; ,Joseph-
1749-1750; Vindiciae lullianae, 4 vol., Avignon, 1778
Marie Roquero (1879-1912), apôtre de Cha1nberi,
banlieue madrilène; Félix Sarda y $alvany (1844- Chartreux, - Voir au t. 2, col. 770-772 et 775:
.. 1
1916), fougueux apologiste. La personnalitù qui domine A. Nagore t 1706; F. André.'1 t 1706; A. Siirbano
cependant lo siècle est le prêtre catalan Jacques Balmes t '1750; L.-G. de Barrio t 1848; M. Garcta t 1903; 8
(1810-1848), dont la culture philosophique et théolo- les · ou vragcs anonymes.
gique et les réalisations sociales ont donné à l'l!}glise
Trinitlliro•· - RaphaiJl de Saint-Jean t 1'l03
une i1npulsion extraordinaire et durable. On sait quo
général de l'ordre, Camino real de la perfeccio,1 crist'
le grand rnusicien Santiago de ~Iasarnau (1805-1882),
atni d'Ozanan1, introduisit en Espagne les conférences por el cjcrcioio de las virtudetJ y de la oraciôn, t,,fadrid
de Saint-Vincent de Paul. t 691. - Ale:vandrc de la Mère de D icu t 1 708 ; OS, t11
Parmi les fenunes plus célèbres par leul' rayonne1nent col. 301. - Antoine de Saint-Gabriel t 1744, Sub'
spirituel on peut retenir : Carmen Sojo <le Ang1.1era del alrna a Dios por los grados de oracion, meditatidn
(1856-1890), Dorothée de Chopitea y do Villota (1816- contemplacion, 1713, explication ms de la doctrine d
1891}, qui fut la grande bienfaitrice do Barcelone, carme Josoph de Jésus-Marie. - Christoplic de Sain
Josèphe Naval Girbés de Algemesi (1820-1893). A M ichcl t 1786, commissaire général de 1'01•dre, ouvra
côté de la curieuse figure de Marie de los Dolorés y à l'usage des trinitaires : Ceremonial; Ritual; Manual
Patrocinio (1811-1891), conceptioniste, Marie des lnstruccional... J11struccion de los nopieios, 4 vol
Anges Sorazu, (1873-1921), concoptioniste également, Madrid, 1779. - Michel Ferrer, né à Majorque en 1(7
mérite une place à part on raison de ses écrits n1ystiques Carmos, - Antoine de l'Annonciation t 1714;
eL de la notoriété de sa sainteté. t. 1, col. 708-710. - Manu11l de Saint•Jérôn10 (16G
8. Auteurs spirituels des 18° et 190 siècles. - 1719), Crisis mystica ad11ersus corruptorcs doctrfn
On no trouvera pas ici les œuvres des auteurs qui ont sancti Joannis a Criice, ms. - François de Sai~
eu ou auront une notice particulière. - Los mission• Marie t 1720; Del gobierntJ de las al,nas, rns. - Jou
naires d'Amérique du Sud sont renvoyés au cllapitro dit Saint-Espri:t, l'andalou, t 1736; DS, t. 2, col. 17
suivant. 200-203. - Joseph de Saint•Thon1as (1688-1755
Bén6diotins. - Joseph de Saint-Benoit t 1723. - 'l'ratado de los tres votos religiosos. - Maric-Antoi11
Jean Lar,lito t 1728, ldea de una perfecta religiosa en de Jésus (1709-1760), Edi'(lcio espiritual, publié pour
la vida de santa Gertrudis la GrandlJ, Madrid, 1718. - première fois en 1954, à Saint-Jacques de Comp
Ange .Benito, t apl'èS 1723, Prâctica de la Regla de san telle. - Anastase de Sainte-Thérèse, t vers 1760; D
Benito, Madrid, 1706. - Jean Pérez, t après 1788, t. 1, col. 545-546. - Balthasar de Saint-Joseph t 176
Directorio de sacerdotes, Madrid, 1723. - Benoît .Pe,ïalba El rcligioso instruido, vers 1750. - Antoine de Sa'
t 174 '• , Oraeion de lo11 11tJt-0s rnonasticos ; La vcrdadera Joachini (1094-1775), frère de I-lenri Fl6rez, .
mlstica, 1nss. - Pierre Blanco t 1 750, Explicacidn de rcflexione,9 sobre la oraciôn, ms bibl._ nat. de Madrid
la .9anta Regla de 1V. P. san Be11ito, '• vol., l\iladrid, 1736- lnstruccion teresiana que enseria al âlrna donde y cJi
1741 ; Confcrcnc1:as y eiercicios espiritua.le.~ con que el ha de buscar a Dios, 3 vol., dont 2 inédits, bibl. fia
monjc puede tn brcvc cstablnc1Jrsc en la per/eccidn, de Madrid. - 111ichel de Cristo t t 784, Comentarios a
Madrid, 171.16. - Balthasar Dlaz t 1 776, Tratado de la At,isos <le s<t11ta Teresâ de Jesûs, ms. - Jean de Sai
oracidn, ms Silos. - Bernard Joyo, t après 1793, Ferna.nd t 1775, Drtbios mîsticos, 4 vol. 1Y1$S, bibl. nat.
Catecisnio ber1edictino, 1793, ms; Jdca de un benedicti110 Madrid. - François de Jésus-Marie (Palau y Qu
que vive cl cspiritu di; su Regla, O)S. - Isidore Rubia t 1872.
1188 1189 AUTEURS SPIRI'l'UELS 1190
bibl. Fruolsoains - Jean de Ascagorta; DS, t. 1, col. 935.
1797, Gran lazo del in"(l.erno. - Jean Gonzalez Arintero
-Diego de la lvlère de Dieu, t 1712; DS, t. 3, col. 874- t 1928; DS, t. 1, col. 855-859.
iciôn,. 895. -Antoine Arbiol y Diez t 1726 ; DS, t. 1, col. 88r.-
1r les 836. - · Jean Bldzq~z del Barco t 1726, Trcuado de Mercédlliree. - Piorre Ari.stoy, Abeja espirüual,
it les oracidn mental, Madrid, 1720. - f\:[atthias Diégucz, Madr-id, 1716. - Michel Echeverz y Eyta (1672-1715),
Rico De1Jenga1io caritativo, candnico, teologico, moral y ,nF.stico, Escala, del cwlo o devocùJn a la Virgen Marta, Murcie,
tiana, Saint-Sébastien, 1739; Antldoto espiritual, Compostelle. 1726 ; Llave del parai.J!o o del sacranicnto de la penitencia,
1810, - Louis Cruz, convers missionnaire au Mexique, Ora• Mad(·id, 1726 i, Pldtic.as do~trinales, 4 v~I.\ Madrid, 17~8;

~wnes torio sacro de soliloquios, Oratorio serdfu;o, Estltnulos Pltttu:as doctrinales para tlustrar a la Juclentud, M:adr1d,

~iones sente11ciosos, ouvrages publiés à l\fadrîd, 1741. - Michel- 1739 ; Pldticas do1ninicales, a vol., Madrid, 1755. -
mede Jérôme Torrero t 1758, Anatomia espiritual, Cadix. Marc de Sai11t-A.ntoinc, lncendîum caritatis-, Madrid,
s, 1ns. - François Romeu, t vers i 765, Oratorio de sacerdotes, 17ar.. - Diego Tello Laso de la Vega, Luces toologicas a
1de la Bnreelone, 1750. - Antoine E'squi11el, E:i;posicwn T eofila, Orihuela, 1761. - Bernard Lasstlrte, Cartilla
ie los thronolûstdrù;a de la Regla, Chili, 1820. - l'vlarie des de la oracidn sacada de los santos Padres y d-0ctores 1nts•
, lns- :Anges Sora..1i t 1891, Iranciscalne concepUoniste. - ticos, Pampelune, 1776. - J osoph Reig Estivill t 1869,
eccwn :Ambroise de Valencina t 1914, Cartas a TeofUa sobre .1-!uster vivificans, f-tome, 1865,
l Sala la '1Îda cspiritual, Madrid, 1893.
io'nds• AugutUns. - Voir art. EnM1·res DE SA1NT-Auaus-
n,nta- TIN, t . 4, col.1015 svv: pour J. Font t 1730; li'. d0Avilé11
Capuoina. - Jean de Zam.ora, El eélRsidstico perfecto, t 1781i.; A. do Ag,.tilar; A. Rwra t 1768; H. Florez
i per·
Madrid, 1781 . - Bienheur•eux Diego-Joseph de Cadix, t 1773; J . lJ(!rnaola t 1779; ,J. Diaz t 1798; M. ll,isco
t 1801; DS, t. 8, col. 875-878. - Raymond de Huesca t 1801; B.-T. Rosell t 1807; J. Alvarez t 1853; F. Cua-
.ulliste
1 -' t t810, Contra el vicio y la ociosidad, Sa1·agosse, i 782. - drado t 1887; M. Gutiérrez t 1893; M. Ugarte del J)ilar
Michel Sudroz (Michel de Santander) t 1831, évêquo t 1898; T. Cdmara t 1904.
Benito auxiliaire de Saragosse, Retiro espiritual para sacerdotes, .on Jlourrait ajouter : Gonsalve Boceta t 1717, Para
adrld, Madrid, 1802; Ejcrcicic8 espirituales para las religio- D'!011 11on10s y no 1nd8, ms. - Thomas Pérez t 1755,
1778. 8118, Madrid, 181!,. - Emmanuel Dlaz de Bedoya · DisertacùJn dog,ndtico-mtstica que evidencia lo que no es
775 :
t 1851, évêque auxiliaire de Compostelle_; DS, t. 8, ni puede ser la cons1t1nada y perfecta purgacio11 o morti-
col. 856-857. - Hia<;1Jnthc Martinez de Ponacerrada ficacio,i mtstica, Valence, 1758; qui est une attaque du
trbano , t 1878 publie à la Havane : El parai..'10 hallado en. /,a.v
O!l i et Divus 1'homa.s de V. Calatayud (174r.), à laquelle l'ota-
/lelîcias de la cucaristla, 1866; Tcsoros del a1nor virginal torion répondit par S.fl ., Verdad acrisolada (1753); cf
encerrados en el corazdn de la Madre de Dios, 1866; La DS, t. 2, col. 18-19. - ' Bonaventure Santa Marla de
1708, escuela del a,nor abierta a todos los lto,ribres en el Sagrado San José t 1830, El novicio instruîdo en el caniino espi•
.
'1s-eiana Co~azdn de J esus, 1867; à Madrid en 1868, Là Virgcn ritual, ms. - Nicolas Buadas t 1836, Opûsculos ascé-
fadrid, ~aria en sus rclaciones con Dios, co,t 1011 angcles y ticos, 111s. - Joseph Nunoz Capilla t 181i.O, Er1chiridion,
:!, t. 1,
,ubida
con los ho1nbrcs : su ,,ida y sus glorias, 3 vol. - Cardi-
Qal Joseph Vives y Tutd t 191 8.
1829, publié dans R evista agustlniana, t. 2, Valladolid,
1881. - Anonyme, Ejercicio de afectuosa contcmplaeidn,
-
cidn y DOinfnîolline. - Alp}1onse Manrique t 1711, Com.- Madrid, 1867. - Victor Rui~ de San José .t 1911. -
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vrages çois .Posadas t 1718. - Séraphin-Thomas Miguel
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, vol.,'
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Vj\l~nce, 1710, et plusieurs biographies do1ninicaines. - (1671-1717), Vida cristiana o prd.atica fac il de cntablarla,
11770 ,
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(1659- oiones de su noblo espiritua.l estado de esposa del Rey del logrados e11 cl buen uso de los cinco scntidos, Madrid,

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,). 1,77, mas Madalena y Do,nlnguez t 17!,6, Estudio de los cliris- t 1787, Alientos a la verdadera confianza en Dios,
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toinetta si11gularmente para los ordenados, curas tle almas y Escala ,nF.stica de Jacob, sur les excellences de la Vierge,
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'
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i , Dott
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radrld; Pi"ir en la milicîa de Jcsû Cristo, Darcolone, 1747. - t 1762, Dia felix en obsequio del amoroso Corazdn de
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>I. nat. en.la p,:dctica de sus votos; Vir1dicias del cstado regular, remanié par Casimir Diaz de Azevedo o l m, à partir de
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· Saint'• lwmbr,e y su perfeccionamiento con el aU$ilio de la gracia, niucho f ruto, Mexico, 1765. - Michel-Ignace Bosch
nat. d_e Vâl<lnco, 1780. - Mathias Atienza, Tratado de la dedi• t 1767, Locucion de Dios al alma, Valence, 1756. -
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llarcelone, 1882. - André-Marie Sol<, (1811 -1889) , Barcelone, 1763; El minÎIJtro de Jesucri1;1to taologica•
1191 ESPAGNE CONTEMPORAINE 1192
niente delineado sobre el capitule cuarto de l<t prùna. dtil L' lsspagne écla.iréc de la s1,<1Qllt/.f. n1nitié dtt 18• sùkfo, Paris, 1954,
.11postol a los Corintios, :Uarcelone, 17G5; El bu.en soldado 2. Réfornics ci vie t cligie11Ro. - J. Cli1ncnt, évêque de Bar,
colono, 111arulll1Qs... con algttnas instr11cèiur1CS Robro los votos
de Dios y del Rey, Barcelone, 1766. - Joseph-Lucas de de pobrcza, èastidd,<l y obedie11cia., y sobre lus vrincipales practicas
Anaya t 1771, Escu<,la de Christo, instrucciones fa.1ni- de lei vùlct rcligiosa, H11rcolonc, 1771,: visite canonique du cou-
liarcs, nlS. - Pierre Cqlatayu,t t 1773. DS, t. 2, col. 17- vent de Notre-Dame des Aliges de Barcelone. - D.-T. Rosell,
18. - ,Jean de P<U> t 1773, La virtiul en el est.rad(), El nwnctcato o tardes ,nnnasticas en qtw ltabl!.lndoso en g,meral
Salarnaoq\1c, 1789. - François-Xavier llcrnandez de. lfls 'tlbligacioiics y costu111bres de lus rnonjes se dcscic.rulc en
t 1777, El alnui victoriosa de lCL pasi6n doniina11te por partfrular <t las <le lns Agustinos, Valençe, 1787. - B. Onudonu,
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François de .Tsla t 1781, Ll'aduction de l'An.r1é1: chré- le l'. Isla., Paris, 18!l1. - P. Diaz Ploju, La çida cspa.11nla en el
$ÎglQ x.v111, Bnrcelono, 19~6. - N. Péroz, llistoria 111aria1U1
tienne do Jean Croiset, Aiio cristiano o cjcrcicios para de Espa1ia, Valladolid, 191,8, - J. Ellacurin Benscocchca,
todos los dto.s, 12 vol., Sala1nanquo, etc, 1753-1773. - Rear.ci611 espaiiola contra las itleas de Mii;uol de Molinos, Dilbao,
Joseph-François Clavera t 1788, frère coadjuteur et 1956; cf L. Sala Bnlust, Lo11 autores cspiri11,1.ales esp<ifio/a
médecin, puis pt•être, Mcniorias utilisiinas al esta.do contempor11ncos <le Fcij,Jn y las çiolencius cliabâlicas, dans Sal·
clerical y religio,qo, ms; Prâcticas para tener oracion 111anticcnsis, t. 5, 1958, p. 197-206.
111e.ntal y vocal, Venise, 1775; M<1dios para llegar ,i u,ia 8. Séniinaires et <•Îe u11iversita.irc, - L. Sala Balust, Don
grande H<uitidad cada 1.Lno e,1 su estadn; Venise, 1775; Felipe Bertrân, fundador del sc1niriario de S alam<111ca., Sala•
Maximas para q!M el religio80 Piva contento en su reli- manque, 194?; 1'enaz enipc,î.o del obispn JJertrarl 1)()r la fun•
daci611 del sen1i11ario do Stilamanca, dans Ilispania sacra, t. 9,
gio,1, Ferrare, 177~ ; R ecuerdos cristianos para vivir en 1956, p. 819-375; Visitas y rcform.as de los colcgios mayores ,ù
gracia d6 Dios, Bologne, 1785. - André-Manuel Ferrer Sala111anca en el rcir1ado de Carlos 111, dans Saln1a111.icall8~,
t 1807 . - Joachim Cortés t 1812, De sacrosancto t. 6, 195!l, J). 502-54&.. - Simon Roy, La fac1ilt<ul de teologia,
114'issae 11acri'fi,cio 88U de Pitae sanctitate i,i sacerdote, e11 la 11niversidad de Sl1lama11Ca en el sii;lo xv111, thèse de Sala•
Forli, 18011. - F élix Gonzdlcz Cumplido t 1872, El arte rnanque, 195?. - On t rouverait des trava11x analogues sur
d6 ser feliz, Madl'id, 1869. - Victor l'lledra110 t 1880, d'autres sôn1inaireR et univorSit6s.
Escala espiritual para Sfllir del pecado y subi, a la p<1r- A. Vàzquez Oarcla, El Padrc Câmara , figura prcclara tkl
fecci6n, 2e éd., Madrid, 1872'. - Joseph M'ach· t 1885. - cpiscopado espaflot y fu11dator <ifl los estudios cclcsiastiçq,
s11pcriorcs tlc Calatraça, dans Hisp<utia sacra, t. ?, 1954, p. 321•
Jérô1ne Seisdedos t 1923, Estudios eobre las obras de
858.
S. Teresa, Madrid, 1886; Principios fundame,itales de Cet a.rticle utilise un travail gracieusement conlrouniqué pa,
la mlstica, 5 vol., Madrid, 1913-1919. li{. le professeur L. Sain Bal11st.
Clarétln•• - Sur saint Antoine-Marie Claret 'I' 1870 JosÉ MARIA DE J.A Cnuz Mo1.tNEn. 1
et les auteurs spirituels clarétins (Jacques Clotet t 1898, j
Joseph Xi/ré t 1899, etc), voir DS, t. 2, col. 982-939. V. PAYS DE LANGUE ESPAGNOLE :
AMÊRIQUE DU Sm>

Autre• rellg'ioux. - Vincent Ferrer t 1789, laia.rîste.
- Vincent de Calatayud t 1771, oratorien; DS, t. 2, La vice-royauté du Pérou s'étendit du Panama au
col. 18-19. - Joseph llibot oratorien, Camino para la détroit de Magellan pendant deux des trois siècles do
perfecciân cristiana, Barcelone, 1729. lu domination espagnole en A1uérique du sud; deux
Clertr6 •éouller. - Narcisse Can2ps y Prats, Direc- autres furent créées au 18° siècle : celle de la Nouvelle-
Grenade en 1740 et celle du Rio de la Plata en 177.~
torio espiritual d<1 la Pida, Barcelone, 1701. - Jérôme Cos trois vice-!'oyaul.és demeurèrent indépendantes ej
Giribcts t 1744, Racituiales y afectuosas cer1tellas al
eurent pour capitales respectives Santa-Fé de l logota,
Altlsùno, Cervera, 1728; Formulario espiritual, rns. - Lima et Duenos-Airos, d'où naquir~nt., entre 1810 el
Charles P ascual, Gemrna mystica, Gérone, 1733. - ,\
1830, plusieur:, états : Colombie, Vénézuela, lî;quateur, a1
J oi;eph Rigual y Ferrer t 1795, Ejcrcicio cotidiano del
Péi·ou, Bolivie, Chili, Al'gontine, Uruguay et Pa.ragua,, Ill
cristiano, sacado de la sagrada Escrititra. - J oseph• Nous traiterons de leur histoire spirituelle du,•ant lff,
Paul Ballot y Torres t ·1821, A 'rte cle liablar con Dios en, te
trois siècles d'unité hispanique, soit des environs de Ill
la hora de la muert<1, Barcelone, 1821. - Joseph Roquer dJ
151 O, année où fu1·en t fond és la pre,nière ville et 11
"t 1835, Bon d6 la gloria, Valls, 1831 ; Bona nit, Valls, pre1nier évêché, Sainte-Marie de la Antigua du Daric11t le
1834; lJot1a so,·t, Vich, 1834. - Henri de Osso t 1896. - A
à 1810, année où commencèrent les 1nouvcrnents de
Antolin Monescillo t 1897, cardinal et archevêque de sécession. Nous excluons dç,nc los pays colonisés d'Am~ b1
Valence, puis de Tolède, M an,ual del se1nir1arista, Madrid, rique du nord et du centre; cr a!'t. LAs CASAS (Ilart~~
to
18',8, et G volun1es de sermons pour les dimanches et (S
fêtes, Jaen, 1868-1874. - :rvianuel Domingo y Sol t 1. 909, le1ny de), MEx1QOE, etc. a,
article!; de spiritualité dans Cot1grega11te et Corrco interior 1. Caractères généraux. - La spiritualité de tou1 t11
jo,qe(tr10. - Antolln .f.,6pez Pelaez t 1918, archevêque ces pays est assez uniforme et possède des ca1•actères q ID
ressemblent à ceux de la péninsule, dont elle est l'écho ou
de Tarragone, Los siete pecados capitales, 1911 . tfa
et le reflet; les variante1? sont. dues à la complexité d en
1. Tr,1(1a1tx s11r l'esprit du 18• siècle. - Raphaël de Vé.lez,
éàJ)UCin, /ivûque de Ceuta, Apolog!a dfll ,dtar y del trono o His- l'élé1neot humain, conquérants ot blancs de la cl.asù H,
tori<t de. las reformas heeli«s en EspatH1 c11 tie,npo ,le l<ll' lla111a- dirigeante, indiens autochtones, rnéLis e t esclaves noill
d,1s Çortes, 2 vol., Madrid, 1818 ; A.péndicC8.,, 182(). - impo1•tés. Si quelque différenciation peut être signalé da
r,1.-F. ?11igu6lez, Jans,,11îs1110 y rcg,ilisrnn e,1 Esp<tfià, Valladolid, c'est l'accent intensé1nent rnissionnaire qu'iinposait 1 bb
1895. Vélez et Miguélez, aussi partiaux l'un que l'aul.ro, sou• double nécessité de convertir les indiens encore infidèl
tiennent des thèses oppm;écs, - 1. C11sanovns, ,Tnsep l 1'i'.ncstr1,s. pa:
des forêts de l'Arnaione, du Rio de la Plata ou Pe
Estudis biografics, Jlaréclone, 1932, présente l'état in tcllectuol l'Orénoqoo, ot d'assin1iler ceux qui étaient déjà sou
et religiuux de ln Cat9.logne ,n1 18" siècle. - Paul Jl.lérimèe, et, générâlement, baptises; travail ardu et lent,
Co
L'in.flue,1ce frlln.çai.~e on Espagne 1111 JS 0 tiècle, Paris, 1936. -
l'indien répugnait à abandonner ses rites et ses mœ1' Plll
C. Pn.'lencia, El cardenal Lorenza.n a prüte<:ltlr d.c la. c11.Ll11ra en ]jlu
cl siglo x VIII (1722-180~), 'l'ulode, 1946. - J. Stirr11ilh, ancestrales pour adopter lu fornie de vie des blan
1192 1193 ESJ>AGNE ET AMf:RIQUE DU SlJD 1194
195~. NoU$ voyons alors des n1ystiques comrne Piorre Claver, Los lottres annuelles des jésuites du Rio do la Pinta nous
➔ Bar- François Soluno ou Louis Bertrand, engagés totalement appreunent qu'en 'l 735 la fcîLe <lu Cœur de Jésus sa èéléhrait
votos dans le travail apostolique auprès des indiens ou des à CordubQ <le 'l'uc\lman et à Duonos-Airos; celles de 1750 sig,1a-
• lent clans louLes les maisons do la êompt1gnie de Jésus dus
!cticas noirs.
Il COU• Pour les blancs J)éninsulaires, créoles ou métis, la congrégations ou des r.onfrél'ies du Saoré-C0:1ur. On conslalo
:to,oll, la mên1e chose, d'QprèHl!:ls rapports des jésuites, au Chili, au
spiritualité est bien celle de l'austère u1eseta castillane Pér-011, à Quito et on Nouvelle-Orenado. Uno rnaison d'Excr•
:cnsral ou des vergers andalous : 1n81ne insistance sui• l'oraison
,ide en Oi<!ea spirituols pour t01wt1eR est fondée à Lin1a vers 1.750 sous
1dcau, mentàle, même exigence de mort.iflcal,ion, 1nême abné- l'invocation du Cœur do Jésus. Les apôtl'OS de là dévotion
les st,r gation Jntérieure, n1~mo zèle des funes. La mystique et ful'ont en Argentine Manuel Vorgara, au Pérou Alt>honse Mes.~ia
a en el l1austé.rité d'un Pierra d'Alcantara, d'une Thérèse de Bedoya oL Balthasar l'iloncada, à. Quito Joseph-Mario Maugeri
arla1ui Jésus ou d'un Ignace do Loyola ont leur correspondant et lgn11èo Caironi dès 1739, à Pllilama Paul-Ignaco Peram(ls.
echea, américain en François Solano, Pierre Claver ou Rose de La dévotion pénétra jusque dans les missions indicrines et y
3ilbao, Lima. Prêtres et religieux qui passaient en masse aux était c~lôbréo avec grande solennité. Chet le!! Chiqul Los, uu
,al'lo~s Indes occidentales apportaient l'identité de sang, de village tut nonuné • Corazén de J esus ». En dehors du rayon
~a Sal• d'action des jésuites, le culte se répandait : en 1?53 et 1754
tradition, de culture et de spiritualité. Les galions au1e- 111 majeure partie dos évêques et des ohapltros de& sièges vacants
t, _Don naient chaque année les lîvres spil'ituels, comme les adre11sêrent des suppliques à Rome pour demander la conoes•
. Sala• livres de théologie, de Jittél'ature ou d'histoire, répandus sion de la fête du Sacr6-C1~ur.
!<1 fun- sur le continent. On sait que sainte Marianne de J ésus
~. t. 9, lisQ.itotreli.aait une Vida do J\!Iarie de Vela, damo d'Avila 4° J.,es confréries et 0011gr6gntions pieuses, no1n-
ores de de grande oraison et pénitence, d'esprit tout semblable breuses dans les villes hispaniques et dans les villttges
• •
indiens, fll.vorisèront beaucoup la vie spirituello. Cha.que
IÇCtl$1B, à oelui de la vierge de Quito.
rologta, ordre religieux. en possédait dans ses églises; il en exis-
e Bala- 1° D'autres traits resplendissent en Amérique avec tait, cornme celles do la Sainte-Charité, du Saint-Sacre-
ies sur un éclat tout spécial. La d6votion euc~aristique de ment ou des Ames du Purgatoire, dans Jes cathédrales
s~int Pascal J3ailon t 1592 no brilla pas moins chez et les paroisses. Elles ~ompronaient souvent des sec-
ira del saint Turibe do Mogrovejo t 1606, second archevêque tiohs spéciàles pour los indiens et les noirs. Des maisons
idsticOB de Lima; sentant la 1nort approcher au cours d'une
p. 827• ··d'Excrcices spirituels furent ouvertes, d'abord par les
visite pastorale, il so fit hun)blenrent porter à l'église jésuites, adoptées ensuite par les franciscains et d'autres
pour recevoir le viatique, cornme le faisaient les indiens. ordres; celles fondées à Rio de la Plata par la ·11 Mère
La ferveur eucharistique des créoles se 1nanifeste dans Antula "• la 11 béate des Exercices li, sont restées célèbres.·
l'éclat artistique des églises, couvertes de richesses, Le mouve1nent des Exercices.. fut très florissant au 't
n. débordantes de l'exubérance du baroque hispano- 180 siècle.
indien, - à l'image des forêts -, ou dans lea fastueuses
et pittoresques processions du COr()uS Christi. Dès 1711, 11 y eut à Lima deux mal.rjons d'El(ercietm pour
lu.>1nmes; celle dos tornrnes tut fondée vers 1750 par MQrii, Per-
2°'L• d6'11'otion espagnole à Mario passa en Amérique nândAz de Cordoba, sur une &uggestion de Baltllasar do Mon- •
ma au avec los conquérants; beaucoup portaient des images do cad11. 11 y en eut aussi à Cuzco, Arequipa, Chuqulsaca, la Paz;
iles de Marle sur Jeurs étendards; parfois des statues de cc Vier- do nouvelles maisons s'ouvrirent encore à partir de 180'1.
; deux ge!! conquérantes » commandaient les petites arn1ées. Eln 11iquat.eur, on signale dos rnaiaons à Quito, Cuenca, Loja,
uvelle- Leurs sanctuaires et leurs ermitages marials reinplissont Guayaquil et Rioban1ba; ail Chili, à. Santiago et à Concopclon;
1 1776. encore les coins les plus reculés des Andes à la Pata~ de mtîrne on Nouvelle-Grenade. Françô~ Retz, général do
1tes et gorue. la co1np1Jgnie, so félicitait , dans uno Jettri, du 25 mars 1771
logo ta, à B. Moncada, de voir les Exercices à co point norissants.
'
s10 et -Antoine de Alceùu cite, dans son Diccio11ario (/l!ô{/ra[lco-
A.ift6rico de las In1lias occide11tafos, plus de cinq ccnls hourg:-1.1!011 La « béate des Exercices », Marie-Antoinette de la
11ateur, aux $ppellations mariales, cL il énu,nèro une contalno de norns Paz y F iguoroa (1730-1799), née à Santiago del Estero,
·aguay. marials do rivières, de monLs, de caps, etc. D'après Cogolludo, fut formée par des directeurs jésuites. Après la sup-
aiit les Ioules los caLhédrolei; d'Amérique sont placêel! sous le patro- pressio1\ de la compagnie, elle travailla avec un zèle
ons de nage de la Vi8rga. Les sanctuaires n1at•ials, 011 majeure partie infatigable à tnaintenir l'œuvre des Exercices, aidée par
e et le d'origine hispanique, abondent, les uns de c1-11•act.àr11 national,
Darien, les autres particuliors à èortaines régions, provinces ou villes. do no1nhreux prêtres et religieux, principalement domi-
1nts de .Mnsi Chiquinquira (1555) ou las LajM (18• siècle) en Colom- nicains et mercédairos. En 1779, elle s'installe à Buenos-
bie; Corornato (1698) au Vénézuéla; ,Quincho ol Guopulo, Aires; en neuf ans, 70.000 personnes y font les Exer-
d'Amé-
3arthé- tous deux du 16• siècle, à Quito; 011adalupe de Pacasrn11yo cices. l)e rnênie au Paraguay. Elle laissait à sa mort.
({560) et CocharoM (1628) au Pérou; Copacabana en Bolivie, tr·ois maisons d'Exercices solidement établies, à Buenos-
avce une Oa11delaria sculptée par un indien (1588), lo sanc- Aires, A-fontevideo et Cordoba do 'l'ucu1nan.
d.e tous tual.ro Jo plus célèbre d'Amérique du sud 1111 t.emps des cspa-
Ires qui 111ols; Lujan on Argèntine (1630), avec une st11tue de l'Imma- 5° C'est surtout aux o,..4N• rousteux qu'il raut
l l'écht> ~ulêe•Conccpllon, coin,ne celle d'une caravane de l'expédi- attribue1• les résultats obtenus dans la christianisation
,xité de tion de la conquâlo (1581.i), vénérée à Asuncion du Paraguay; de l'Arnérique espagnole; dans les débuts, d'ailleurs, le
è11ilo, Andacollo (16'14) au Chili. cr. D Lôpoz do Cogolludo, clergé sé,culiel' était inexistant; augustins, franciscains,
t clasae His1oria ds Yucata11, Madrid, 1688 .
es noirs do1ninicains et carmes eurent seuls d'abord le privilôge
30 Le culte du Bnoi;-6-0œur se répandit en Amérique de passer aux Indes occidentales (cf bulle Omnimoda
ignalée,
dans la première moitié du 18° siècle, apporté v1•aisem- d'Adrion v1, 9 mai 1522), auxquels se joignirent les
osait la
blablement par les 1nissionnaires jésuites et entretenu m.ercédaires en qualité d'aumôniers des conquistadors.
.nfi.dèles
l ou de
par les llv1·~s espagnols de Jean de Loyola et de Pierre de Les jésuites, en 1566, et tous les autres ordres, en pa1•ti-
hüa\osa, ou la Practica de la devoci6n a lo1J Santisùnos culier les capucins, à partir du 171' siècle, pul'ent aussi
~ nes de Jestts y Maria (Ba1•celone, 1 ?43), publié s'y établir librement. L'expansion des religieux fut
\eu\, 'J/alJ8'f1I'Î, procweur de la pro vinco de Quito en con:l1,té1t-1.b/e; on comptait â Lima, au 11Jiüeu da J .1~siè -
8811 ;son passage â Barcelone (cl supret, col.1182). cle, onze cents religieux et un millier' de religieuses. C'est
~I
1195 ESPAGNE ET AMÉRIQUE DU SUD 1196
à leui•s spiritualités propl'es que les chl'ùliens fervents le plus souvent de vieilles Chroniques et des l{ù1toir.é1
s'alirnentaient. ecclêsiastiques, parfois Îlnprécisos.
L'ampleur des tâches apostoliques n'empêcha pas lu Sur ce qui vient d'être dit on trouvera des renseigne-
naissance de 1nouvements de réfor1ne au sein des divel's ments co1nplémentaires dans F. l\1ateos, En1.1ayo tiobr,
ordres; les couvents de recolecci6n (recueillen1ent) qui la espirilualidad en A mérica del Sttr ( 1510-1810), dailà
on naquirent furent de puissants foyol's de vio spiri- Missionalia hispanica, t. 15, 1958, p. 85-118.
tuelle. Ainsi le franciscain Barthéle1ny Rubi6 t 1612 1. Gérièralit,!s. - A. de Alcedo, Diccio11ario «eograftt11•
ouvre à Quito un de ces couvents en 15911; au début du hist-OricQ <le las Indias ()ccide11tales, 5 vol., l\fo.drld, 1786·1?8?,
1 7° siècle, les f1•anciscains de Colombie en installent - J. L6pez de Volasco, C:eo«ra/ia y descripcion u.nivcrsal'J;
deux autres à Bogota et à Carthagène, sous l'iinpulsion las Jndias, Madrid, 1s91,. - A. Vâzquez de Espinosa, Corn•
de Jean de Salazar et des provinciaux }Jouis de ?vlejo- pe.11dio y descripcion de las lndias occid-cntalcs, Washington
rada et Thomas Morales; encore en Colombie, signalons 1948. - Lewis :Ho.nkc, Colonisation et conscie,1ce chr~tie,n'nf
le n1ouve1nent de réforme des augustins inspiré par le au 16• siècle, trad. Fr. Durit, Paris, 195?.
prôtre ermite Diego de la Puente t 1688, qui aboutit à R. Ricard, Les origi1tcs de l'Église nud-a1116ricaine, d•
Revue d'histoire des rr1i6sillns, t . 9, 1932, p. ',1,!l-1,71,. ·
la fondation (160') d'un couvent de récollets déchaux. 2. Vic chrétienne.. - C. Bt1yle, El cu.lto del Santisimo ~
Lhna, Arequipa, Churcus, etc, virent naître à la rnêrne 1nclias, Madrid, 1951. - ,T.-?.I. Matovello, l11uigenes II sa.ntJ.,
époque des initiatives semblables. · rios célcbrcs de la Vir11en Santlsi111a, Quito, 1910. - C. Bayle, ,,
Santa ilfarla en lndias, Madrid, 1928, - Seve1·ino de S~k
2. Développement de la. vie spirituelle. - La 'l'eresa, Vlrgenes conq1ûstadorM gite s1u11<1 Teresa e.1wi~ a {l!i
vie spirituelle atteignit un développement considérable A.1114ricas, Vitoria, 1951: La Ir1rnaculada e 1t la conquistQ1 ,t
dans les cloîtres, le clergé et le laleat. On composa un coloniaje de A,nérica, Vitorio., 1954. - O. Bruno, La Vir(M
nombre res1>ectable d'ouvrages spirituels et on décrivit Gener~la, Roso.1•!0 (Argentine), 1954. - ~· Vo.rgaa Uga~~1
des expériences intérieures, rnais peu de livres Curent Historia del c11lUJ clc Maria en Jberoamér1ca, 8° éd., 2 vo~,
imprimés sur place, - en dehors de Lima, les imprimeries Madrid, 1956.
n'apparaissent qu'au 18° siècle à Quito, Bogota ot J.-T. Medino., Ensayo de 1u1a /Jibliogra/la de sant.os y VBÎII'
Cordoba. N'oublions pas que les troll! in-folios de J ac- rab/es a.mcricanos, Santh1go du Chili, 1919.
3. Ordres rcligk ux. - V. Maturana, Ifistoria gcncra.l ,le lèf
quos Alvarez do Paz t 1620 (De iita spiritUàli.. , cf DS, er111itarios ,le Sa11 Aguslln, 5 vol., Sonlio.go du Chili, 1912,1918,
t. 1, col. 407-409) Curent écrits au Pérou. - A. Sunz Pascual, Hietoria de los ag1tstinos cspaiiolcs, f.ladrid1
Quelques déviations doctrinales se manifestèrent et 1948, - Varll11es ilustres de la Compari.ia de Jcsûs, t. 4, Bilbao.
furent le fait, en général, de nouveaux cht'étiens descen- 1889. - O. Arcilo. Robledo, La orclcn franci.sca11a en la AmAiitl
dants de juifs. Les procès inquisitoriaux font connaît,•e, rticridional, Ro,nc, 1948. - S. Clo.vijo y Clavijo, La ob~ ,
par exemple, les erreurs de François de lu Croix, brOlé · la orden hospitalaria clc San J itan de Dios en América y Fil
en effigie au 16° siècle, et du prêtre J ean-l•'1•ançois Ulloa, pinas, Madl'id, 1950. - A. Rem6n, ElisUJria general ds
qui, avec ses disciples, tomba dans le 1nolinosisme; Il orde11 de N11cstra Scllora de la 1l1erced, 2 vol., l'r[ndrid, 1,618,
1633. - Pedro Nolasco Pérez, Religiosos de l<1 Marccd·9
entra dans la compagnie de Jésus au Chili, mais, après pasaron al<, A1nérica espa,iola ( 1$14-1117), Séville, 1.924.
,;a 1nort, rut brOlé en e!Ugie (1786). R. l,[o.rtlnez Vigil, La orden de Prcdicadorcs, Madrid, 1884f
La vie spirituelle de la chrétienté hispano-américaine Arl. BIOGRAJ'Rlll!l SPIRITUELLES, DS, t. 1, col. 1699•1?~
fut certainement marquée par la f1•équenco et le nombre
des morts violentes, au cours des expéditions mission- 8. Auteurs spirituels. - 10 Colombio. - ,
naires dans les régions insoumises ou lors des révoltes galerie hagiographique s'ouvre avec saint Louis Bcrtr~
dos t1'ibus indiennes. (1525-1581), dorninicain, né et mort à Valence en Espa
A titre d'exemple, dans la vice-royauté du Pérou, la partie gne. Parti en 1562 prêcher l'Évangile aux indiensi
1 la plus hispanisée de l'An1érique du s11d, le Houlèvemonl dos demeure en Nouvelle•Grenude sept ans, d'abord d~
indiens de la Pampa ciel Sacramento on 1?6011111ùno la 1nort do les (',a,mpagnes de Carthagène, puis dans le diocèse
13 trortcisciùns; 15 autres s11ccon1bcnt en 176G au rio Ucayali; Santa lvla1·ta.. A ses côtés figure saint J>icrre Cla
en l'espace de ces six onnllos, 78 franciscains. Les religieuses ('1580·1654), jésuite, originaire de Verdu (province d
n'étaient pas 6pnrgnées: au siège d'Osorno, lors de la grande Lérida). Il arriva en Nouvelle-Grenàde en 1610 i
révolte de 1598 au Chili, 7 ou 8 religieuses moururent de faim. vécut une quarantaine d'années à Carthagène 'd
li ne ruut pas oublier les indiens qui, pour litro d0vonus chré-
t.ion11, f11rent massacrés par leurs caciques, conuno lo rapporlo l ndes, principal port d'importation des noirs, où Il
l'évêque de Cuzco, Jean de Solano, en 15~1,, ou les Indiennes consacra à l'apostolat des esclaves; il en baptisa, selg
de .J uli (Péro1.1) qui résistèrent• plus dul'CS que des dian1ants • ses déclarations, plus de 300.000; cf A. Valticrra, '
à lu luxuril dès voyageurs ou des traiteurs blanc.,. santo que libcrt6 u11a raza, $an Pedro Claver, Bogo,t
1954.
Le bilan de la spiritualité en Amérique du sud est Jean de Quevedo t 1519, franciacain, prc1nier 6v~que 1
loin de pouvoir être établi, faute de documents suffi- Darien, célèbre par sn controverse sur l'osolavage des indi,
sants. ùe nombreux éléments devraient entrer en ligne avec ];larlhélo1ny de las Ca1;1.1R, q11i se déroula en 1519 à BA.
de cornpte. Un profond esprit missionnaire ànirna Jono devant Charles-Q11int. - Auguslln de Cortina (150
l'entreprise même de la conquête; prêtres et religieux 1590), provincial des augustins du Mexique, puis évOque
se donnaient pour tâche aussi bien lu catéchisation des Popayli1l en 1564, co1npus11, on plus d'ouvrages de• doèlrÎllt
indiens et leur lente christianisation que le maintien, - uno llclcici611 lti$t-Orica de la conqitista cspiritual de Chilapi '.
qui s'avéra difllcile - , de la vie chrétienne des coloni- '.l'lap11 et des Co11stitttcionc$ pari, IM religiosas a.g1wtinat
Popaya11 (Gllues, 16!H3). - Louis L6pez, do1ninicain, Inslli
sateu1-s. Aussi l'histoire spirituelle se confond-elle long- tori,un conscientiae, So.lan1anque, 1585; I nstr11ctoril,m Ill
ternps avec l'histoire religieuse. tiortun, 1580. - Bernardin d'Al,nansa, t 1633, né à Li '
A part les suints et bienheureux, nous nous bornerons évêque de Saint-Domingue en 1629, de Bogota en 16311
à mentionner les auteurs d'ouvrages spirituels, à l'excep- Vida II été écrite pa.r P. de Soifs Valonzuela (Lima, 16~7).'
tion des livres exposant la doctl'ine chrétienne. Ces Ag11ès de l'Incarnation (1556-1650), clo.ris.~e, Didloi:o cntii
données biographiques et bibliogrupl1iques sont Urées E11poso !I la csposa. - Alphonse de Sa11/ll)val (1576-16~
1196 1197 ESPAGNE ET AMltRIQlJE DU SUD 1198
Jésuite, maitre de sain 1. Pierre Claver dans la catéchèse des Célebr,1.~ irn<!ganes y sanctuarins de Nrtcstra Sofiora en Colonibia,
noir$, publia un De instauranda Acthiopurn sa,!11111 (Sévîlle, 28 éd., Chiquinquira, 1950.
,igne- 162?), contenant d'hnportants éléments de spiritualité rnission- a. Ut'dres rcligicttx, - P. Faho, Historie, clc lei provincia de la
nalro. -Christophe do 'l'orres (1573-1654), dominicain, évêque Candelaria de a,gustinos rccoletos, 2 vol., l\iadrid, 1914, -
sobre de Bogota en 1635, Scr,nones de santa T,1rcsa, Mod1•id 1 1627; J. Cassaoi, 1-littoria de la provincia de la CQ111pafHa 1lè Jcsrts
dans Cuna mlstica et Com.mcntariuni ascetinuni in cu1gelica111 ora- del Nuevo Reino ([11 Gra.nadci, Madrid, 1741. - l'.>. Restrepo,
lionem, imprimés à Madrid, 1GGG. - Franç()is de la Croix La. Co,npar1la de. Jcsus c11 Colonibia, Bogotu, '1940. -
rdfi.co- (1590-1060), dominiooin, Sobre las dos prinicras palabras M. Aguil·1•0 Elorriaga, .I,a Comparlia de Jssûs e1t Ve.ne:ucl(,,
•1789. dt{ P.adrs Nuestrr), Lin1a, 16',0; Ilistoria dd Rosario a coros, Cnrnca.~, 191,t. - ,1. Ribero, Historia de las misionss de los
•sal de Ale4ln, 1662; etc. Ll(1nos de Casanars, y loR rios Meta y Orinoco, Dogota, 1966.
Oom- François Romero (1634·1?22), don1irlicain, CfJ111pcndio de let - A. Jvfesanzo, Ap11ntes y dQcu1nent1>s s1>l>rc la orden do111ini-
ngton, doctrlµa cristia11a, Madrid, 1720; ÀPisos para el n.oviciado, ca11a en Colombia ( l<JS0-1030), Caracas, 1936. - A. de Zamora,
ltiihrn11 llladrid, 1722; Breve ço1npc11di/J para rnoPer las aimas aJ. santo ttso li istoria clc la pro11iricia de San Antonino del li'uevo Reino de
d.l ws Ejcrcicios, Séville, 1722. - Jean llibero (1681·1?36), Gra11ada, 4 vol., Dogota, 104!1. - Balthasar de Lodares, Los
, dans Jéliu.ite, Hilitoria de las 1nisio11cs clc los Lla11os de Casa11arc, franciscanos capu.chinos en JI snezusla, S vol., Caracaa, 1929·1931.
Bogota, 1883; Tcatro de dssenga1ios, con1portc une doctrine spiri-
mo en tuelle; sa Vida n été 6crltc par J. Oun1illa (1'lad1•ld, 1739). - 8(' Quito. - L'ancienne Présidence do Quito s'éten-
'an:tua• Fraw;oise-Josèplw de la Conception Castillo y Guevru•a (1671- dait sur un territoire beaucoup plus vaste que l'actuelle
Bayle, 11~2). c)atlsse de Tunja, co1nposn J'Jili t•ida, des Sc11tiniisntos
tfpiriiuolss (Bogota, 1843) et des Poésies ruligieuses. - Joseph république de l'ÊquaLeur; elle comprenait au sud de la
Santa Colon1bie le diocèse de Popayan et, à l'est, de grandes
, a la.t ()~millà (1686-1760), supérieur des jésuiLes de l'Orénoque,
tiuta y BI Ori11oco ilustrado y def,m,lirlo... y sobre todo se llallarâ11 étendues du bassin de l'An1azone, appartenant aujour-
Virgen panl>erswncs muy sinculares a 11u~str<1 santa fe y casos de muclla d'hui au Pérou. Le 17 8 siècle rut pour la Présidenèe de
Jgarte, tdificac/6n, Modrid, 17ti1; trad. française, Avignon, 1758. - Quito un siècle de floraison spirituelle. Commencent
2' vol., Braulio Herrera, do1ninicain mort avont 1770, au tour d'écrits alors les grandes 1nissions de l'A1nazone, avec les fran-
de dévotion. - Pierro Maaua1eg1~i (1681-vcrs 1770), do,nini- ciscains au nord et les jésuites au sud.
cain1 Nove11a à la Vierge do Chiquinquira, Séville, 1734; Once• La perle la plus précieuse est l'incotnparable sainte
11.111'4 a santo Do111ingo, Mad1•ld, 1768. - ~tarie-Françoise do
Arango y Angel (i 762·1815) écl'lvit, outré son autobiographie, Marittnnc de Jésus (1618-1645), née à Quito. Son père
' de lo.t
!-1913. ~,cala mtstica de a111Qr 1li11ino, Canciones de a111or dii1ino, Trùlu.o · étàit originail·e de Tolède, et la famille de sa mère, une
tÜ la mucrtc de Jesûs y orfa11<lacl de Maria. créole, de Guadalcazar et d'Alcala de Hénarès. Elle ne
1adrid1 fut j11n1ais religieuse; elle vécut héroîquoment d,ans
Bilbao,
ltn6rica 2° V6nozuela. - Le Vénézuela fit d'abord partie de l'exe1•<:ice de l'humilité, de l'oraison et de la mortifi-
>bra di l'Audionce de Santa-Fé do Bogota, puis de la vice- cation. Elle ne sortait que pour aller à l'église; Dieu
y Ji'ili- royauté de la Nouvelle-Grenade. Ce n'est qu'au 188 siè- la favorisa de dons rnystiques.
: de la ele qu'il parvint ù un certain déveloJ>peo1ent spirituel.
, 1618-' Josse de Ricke (1495-1575), franciscain flamand, envoyé à
Néanmoins, on y compte dès le début beaucoup de 1nar- Quito en 1584, rondo la pronliùro rnaison do l'ordre (et S. Dlrkx,
ied g1,e tyrs : en 1514, les dominicains François de Col'doue,
➔24. -
Étu4e 1,iographig1w, Saint-Trond, 1883). - Louis Ali•aroz de
884. - prêtre, et Jean Garcia, f1•ère lai, de l'expédition de 'l'nMdc (1531-1576), er1nite do Saint-Augul;ltin, composa dos •

9·1705. Diego de Hojeda; le franciscain Denis on 1520, quand Sert11on,,s et des Mcditaciones sobre las perfer.oioncs divinas.
échoue l'expédition · de Barthélemy de las Casas à - 'l' ho\rè!Je de Ccpccla (1570-1610), nièco de 'rhérèse d'Avila,
Oumana; les capucins, al'rivés dans la nlission en 1650, et dont. on conserve des Lettres spirituelles. - Le frère coadju-
- La teur f\irnand de Ribera ou de la Cruz t 1647, et Alphonse de
,rtra~ e_ur~nt de très nombreux religieux massacrés ou empoi-
aonné11. RojaR t '1647, jésuites, intervinrent dans la direct.ion de
Espa- sainte l\111ri11nne de Jésus; Rojas prononça son panégyrique qui
ens, il Matthieu d'Anguia110 écrivit la Vida du frèré lai capucin resté un doèt1ment de valeur (Lima, 1646). - Jean Maclla<lo de
l pans F11nfois de Pampelune (Mtidrid, 1704; dans lé monde Chavos t 16111, prêtre séculier, composa un Perfecto confesor de
èse de ll'lbùroé de Rodin, gouvèrneur d'Aragon, 1597-1651). - allnas sur· la direction spirituelle, - Joseph de Villan1ayor Jl1al-
Claver Jqssph de N1ljcra (1621-1084), capucin, missionnaire en donado t 1652, (1•anciscain, E'l nuis esr.0111lùlo rctiro clcl al,na,
I\Ce de Afrique, puis à Cumana .et Caracas, écrivit un Espcjo n,/.siico Sarogosse, 1649. - Pierre d' Urraca (1588-165?), le mission-
;10 et guc el lw111bre interior sc niira prdctica1ne11te il14Str11do,
Ill naire n1ercédaire le plus rc,narquablc par sa sainteté et ses
Madri4, 1672. - Jostph de Car1,b11ntcs (1028-1G9a), cap11cin, dons n1yatiques; Vicla publlée en 1657 au Pérou, où il mourut,
te des par l•'r. M'.esla. - Jean Camaclto 1' 166'•• le confesi;our jésuite le
t1 Il se 1.11ntra·en Espagne après lies missions de Cumona et do Cara<,ns :
Rèlaci<ln di: los progresos y fru,tos de las misfo1uis de los frailes plm; influant de :Marianne de Jésus, publia un abrégé du De r>ita
, selon IMnores capucl1inos de la provincia de A11d,ûucla en las l11dia,q spirituali d' Alvarez de Par. (Valence, 1655). - Alphùt1se de
·ra, ;El occidentales, Séville, 1666; Prdctica de 1nisioncs., rc111edio de la Pena Mo111e,1egro (1596-1687), évêque de Quito en 1653,
:ogota, p,cadore,, 2 vol., Léon, 1674; Leccio11es doctrirlcllcs y sermones so pruocc11pe de vie apirit,uelle dans son ltirtcrario de ptirrooo11
dominicales para Wtl<J cl ano, 2 vol., Madrid, 1687; sa Vida a 6t6 de lndios, Madrid, 1668; biographie par M. Bondln 1-Iormo
bite par D. Oonzâlez de Quiroga (l',ladrid, 1698). - Mat- (li[adl'id, 1051). - Pierre Merca,l.c (1618-1701), j6sultc, autour
que du thieu Rriiz Blanco, ob~ervant de Saint-François rnort après 1701, do no,nbroux ouvrages spirituell;l, parmi lesquels ; Dastrucciôn
indien commissoire provincial des missions du Pfrllu, publia De /.a del idolo, 9114 diran? et Método de obrar çon espCritu (hnprlmés à
, B/U'ce· converai6n c/e los I ndios Cu1na11agows, 1-Iadrid, 1690. Madrid, 1656), Prdctica de los 1nir1isterios eclesùlsiicos (Séville,
, (1508- 1676), Conservaci<ln del pecador con Cristo (Valence, 1680);
iqqe de Colombie et Vén4zui!la. - 1. Géru5ralit4s. - A. Caulln, des Obras espirilua,les publiées à Arnsterdam en 1699 contien-
~tritte •• Biatoria corogrâ{r.cli, natural y 1Wf.tllgélica <le la l\1rteva Anda,- nent d'autres traités.
iilapa y lùcla, Madrid, 1779; Bogota, 1958. - P. de Aguado, Historia de Jcallrw ,le Jés11s (1662-1708), tortiairo franciscaine, dont la
linaà de Saiiüi Marta 11 JVue"o Rcino de Granada, 2 vol,, Madrid, 1916· Vida a été écrite par le franciscain Antoine do Santa .t.fnrfa
lnstruo• t911, ~ J.-A. Sala1.ar, Los cstu.dios auperinr,1s eclesiâsticos c,1 Loaada (Lima, 1. 756). - Manuel d'Almeida (1646-vers 1707),
~ nego- d Nuevo Rsino de Gra11acl11 (J51)3.J810), l\fadrid, 1946. - tr11nciscai11 1 aute11r d'opuscules ascétiques et de poésies splrl-
l Lirn11, J,.fil. Fernundcz et R. Oranados, La obra civilizadora de la tuelles. - Gertrude de Saint-Ildefonso (1652•1709), clarisse;
681; sa I1k1ia en Colo,nbia,, Bogùl:a, 1936. - E. Navarro, Anales sa Vida (3 volun1os 1nss) par Martin de la Croix. - Hya-
)47), - ~,iasticos vcnc:wlanos, Car1u;ns, 1951. cinthe 111ortin y Butron (1668-1749), jésuite, principal biographe
entre cl 2. IJ'ie clir&ticnric. - Mora Diaz, flistori<: de los s,uictrtarios de Marianne do Jésus, La Azucena de Q1,i/o, 1, ima, 1702. -
5-1652,), marianos de Co/0111,bia, t. 1, Boya<J::i, 191,5, - A. Mesanza, Joseph-~laric Martceri ('1690-1759); cf s1~pra, col. 1'193. -

1
1199 ESPAC,NE ET AMÉRIQUE DlJ SUDj
1'ho111aa de la Trinité Bcrmco i' 1?65, n1ercédaire, (;u/a para et ret.onth;,5e111ent de son Do procu.rancla lncloruni s<ll11t.c, Sa!~
cielo et des poésies spirituelles. - Henri Fra,u,,n (1699·1767), rnanque, 1588 (Obras, ud. F . Mateos, Madrid, 195~). ei
nlissionnaù•e jési1ite di1 11-laynaa; via n1 an11scrite par partiêipalio11 uu 0011eilo de LinH\ de 1588. - Félicien de Sil
Jean d'Arteta. - Fernand de Jésus Larrea (1700•1773 ), dominical 11, n1or t avant 1606, écrivit, selon J. Melénde1., 111
lranciscnin, adress:1 de11 Leures spirituelles i>. Clô111onco Cayocd o De la naturale.za clc los clcmonios 6Ur les tentation 8. - Diego d
de Cali (in1primées au 19• siècle) ot publia un l1e111edio universal 1/ojcda (1571-1615), dominicain, auteur connu de la Cristlada,
en la Pa.sion tllJ 11'. S . Jeq11cristo, Lirna, 177L - Antoine• Séville, 1611. - Julien l,fa.rtcl t '1616, ermite de Saint-AugusU11i
Joseph del Buon Sn,;eso Calixto, fl'anciscain, écrivit un Teatro Descngaflo de la vida httma11a., Lima, 1605. - Rodrigue dl
util/,sirrw ile la« finezas d<J Cristo y /Ù! los medios de consogttir su. Loaysa, er1nite de Srunt•Aug11st.in, Viçtoria8 de Cristo, nues(11
unio11 (1ns, 1765), ijix serinons sui• la Passion (177ô) et un Rcdc11tor, Séville, 1618. - Jacques Alçarez de Paz (to'in-1619),
résurné de l'ôracion 9.Llribuéo à saint Pie1•rc d'Alcantan1. - jésuite; cr DS, t. ·1, col. 407·'•09; t. 2,. col.1527-1537, 1oa2-16B8,
Jl/ijeph Pérez Cala1na, évôquc de Quito en 1789, auteur d'écrits etc. - Jean•Alphonse Pér~z d'Ara11,lilla, josuilc, Devoci611 •
W;cét.iques et do pastoralo.:.... Catherine de Jésus Iferrer<, -t 1793, san José. - Jean~Sébai,tie_n d~ la Parl'a (1545-16~2), jësuite1
religiam;e, li1issa uno autobiographie. - Joseph de C1,sarr1ayot Del lit.en, cxcclc11r.1as y o(Jltgac1011es del eslado clerwal y saetr,
t 1810, 11ie1;êéd11h-c, écrivit la Vic du saint frère Augustin Rubiô, dotal, 2 vol., Sévillo, 1620. - Paul-Joseph d'Arriag11 (1563·
111orcédakc du 18" siècle. - Signalons on fin t rois jésuitm; 1622), jésuite; à sa nolico (DS, t. 1, col. 896) ajouter la 1110~-
frappés par le décret d'exil de Charles 111 et morts en I tulio : llon do 1nss : Libro do cjcrcicios cspiritaalcs y ,JePociones, In
Pierre lVIilancsi:o (1707-1788) auteur dé Doctrina.~ et dé Sernio11s J)cata Virgine, De angelo citstodo, etc.
de caractère spirituel; Dominique Coleti (1727-1798), Vida do Jean Mercado, dominicain m.o rt vars 1625, ll•aduisit ell
San Juan E"angt!li8ta (Lin1a, 17G1), d'11llu1·0 ascétique; quichua les œuvres spirituellm1 dH Louis do Grenade, 1621. -
Pierre Berroeta (1737-1821), auteur d'un poème, La Pàsion clc Jean•Louis Be.rtonio (1!5(i2-1G26), jésuite, traduisit en aymar
Cristo (Quito, 1930). la Vida de Crist.o (Juli, 1612) d'Alphonse do Villegas. -
1. Gé11éralitcs. - F. Gonzaloz Suârez, Historie, gcneral de la Jean fltl Castillo, dominicain ot médecin mort vers 1037,
republica del Ec1iador, 7 vol., Quito, 1892-1901. - Ji'. Vnsconei,, écrivit un livre do révélations, n1s. - François Vcr<lugo t 16S?J
llistoria de la litcratrtra cc1utloria,1a., t. 1, Quito, 1919. évêque de Huamanga en 1G22, de Mexico en 1.686; Vida pill
2. Ordres rcligic11,l;. - E. 'l'erân, (;itlci 1<:t plic11tù1a del r.on,,ento J. de Côrdoba l\1esla (Lhna, 1637). - Barthélemy de H1u1rv
clc San Ag14-Still, Q\rito, 1950. - M. Roclrlguez, l!l il1ara,1on y 1nente, franciscain, l'rimicia.fl del Pir(1 c11 $(u1tidad y letras, ...
Arriazon1is, Madrid, 1684. - J. Jouanen, Jl,i-storia de la Co,n• Diego do 1'orres Bollo (1550-1688), jé:n1it0, fonduléur des
panl<i ile Jcsûs e11 la antigi~a pro,,incia -de Quito, 2 vol., Quito, réductions du Paraguay, co1nposa les Carias an,ias dol Nue~
1941•1948. - l<'.-M'.. Compte, Varones ilustres do la orde11 11e!Jno del Paraquay y Chilc (années 1610, 161i et 1612), un
6cr6fic,1 en cl Ecuador, Quito, 1885. - J .. L. r.1on1•oy, El Rclaûone breve circa il fr11t10 chc $Î raoc,>glie con 11li 1 ndianl 41
co111Jento de la Merced de la ciudad de Cali, Colo,nbia, Quito, quel Rey110 (Ron10, 1603), qui eut grand succès, oL laissa mnnus,
1930; El convento de la Mcrccd ile Quito (16 ,1d- 1800), 2 vol., crite une Rclaéiort de ws suoesos de 111i vida. - Anello OliP4
Quito, 193i-19',3. - J,.r,'.I, Vargas, Historü, <lr, la pro11incia 't 1642, jésuite, C<11<ilogo 1le atr;u11os varones ilu.slrcs c,1 santida
de Santa Catalina, virgcn y n1arlir <lè Quito, Quito, 1942. Séville, 1682. - Jean de Côrdoba Mssia (1585-1655), jtisul .
Vida 1/11 fray Francisco Verdu!Jo t 1637 obispo de H1Jamantlli.
4.0 Pérou et Bolivie. - 11:tant donnée leur unité Lima, 1687; Constituciones de la congregacio,1 clc la O; Jlesla,
pendant les trois siècles de la domination espagnole, avisos espiritaale8 et Pldticas 11 confcrcncias espirituales donné ,
nous groupons ces deux pays dans une mêrne recension à la mémo congrégation. - Alphonse de Peilafl,el (15'Jli•165?
spirituelle. L'ancien Pérou, avec ses centres si vivants jésuite, Obligaciones y excelencias clc las Ires ordenes m.ililam
do Lima, Cuzco, Potosi et Cl1arcas (aujourd'J1ui Sucre), Santiago, Calatrava y Alcantara, ?,,Iadrid, 161,~. - Jean d
constitue la partie la plus hispaniséo de l'Amérique du Ro;a.,, morcédaire, Cadenas en cjemplo. - François llfcll~
mercédnire, composa la Villa de l'. Urraca 111orL à Quito e
sud et la sainteté y fleurit avec la culture.
1GG?, hnprirnéa la 1nên1c année.
Saint Turiba de Mogrove;o ('1538-1606) · devint en
Fernand Jlalver/Ù!, crnlite de Saint-AugusUn, écrivit une
1579 le second a1·chevêque de Lima; il fut un grand
Vida de Jesucristo (Lima, 1657), qui fut très lue.
réformateur dans l'esprit du concile de Trente et un Je9.n d'Alloza (1697-1666), né à Lima, jésuilo, Brc1•c of!cio
grand missionJlair•e; il tint plusieurs synodes et conciles non1bre /Ù! Maria, 4• éd., 1666; Afccto y devoci6,1 a sa11 J
provinciaux, dont celui de 1583 à Lilna llt date; cf Alcala, 1652; El ciclo cstrellado de Mari11, r.tadrid, 1654
Admirabilis 11it,1, par C. de Herrera (Roine, 1670) et Convivi1t1n cli,,ini a,noris, Lyon, 1665; El pcrfccto C()n9rscantt
C. Garcia lrigoyen, Santo Toribio (5 vol., Lima, 1906). Maria; sa Villa rut publiée pa1· F. de Jrlsnrri '. (Madrid, 171
On peut lui associer saint François Solano ('154.9-1610), et son Mcrnorial par N. d'Olea. - Pierre d'Al11a y A8tor
franciscain, qui passa en Amérique en 1589; il exerça (1602·1667), fr!lnciac11h1, quitta lo Pérou, où ses pm,n
l'amenèrent à 8 ans, pour l'Espagne en 1639; écrivain célè!/
son ministère à Tucuman pendant sept ans, avant de
il publia, on plus do ses monu1nents mt1riologlqucs, une vio
gagner le Pérou, où il mourut; c'est une âme profon- aoint François d'Assise, Intitulée Naturae prodigiu111 et gra(
dément n1ystique; et sa Vida par Diego de C6rdoba portent1ll» (Madrid, 1651, à l'index), et dei; Glorias aerâ{lc
(l'l!(ad1•id, 1643). Sainte Rose de Lima (1586-1617), - Cyprien de Herrera, ermite de Saint-Augustin, aule
créole, appa1•tenait au tiers ordre de saint Dominique; d'une Vita latine de saint Turibe (Rome, '1670). - F1•Mçois
elle vécut dans une cellule ou er1nitage de sa maison Varcas, errnite de Saint-Augustin, Regla11 y 111eioras del esp
dans l'oraison et la pénitence; elle fut favorisée de dons rit1,. - François del Cas1illo (1615-1673), Jo j6suiLo pén1vieo
mystiques. Mentionnons enfin les bienhr.uroux domi- plus côlèbro pour sa sainteté et dont on conso1•vo une auto
grapllio; Vicla par J. de Bllend(a (r.fad1;id, 1693).
nicains Jèari Maslas (1585-1645) et Martin de Porres
Diego d'Avencl,ûï<i (15911-1688), jésuite; 1>a1•1ni ses dix
(1579-1 G39), mulâ tre, Je plus populaire des saints au volumes, ont trait à la spiritualité son Epithal1,miun1 Chr'
Pérou (biographies no1nbreuses; cf celle de J. Tornero, cl sacriic spr>11sao, Lyon, 11V,3, et son A11iphithcatrun1 mi
Caracas, 1988). c/Jrdi<w, cxposilio psal111i 88, Lyon, 1666. - François do Cam
Jean rl'l?stacio t 1553, portugais, enLra choz les ernlites de cho (1.680-1698), hospltalie1• de Saint-Jean do DiHu, Vidci ~
Suint-Augustin à Suhunaoquo; il arl'i va au Pôrou en 1551; il Dominique do Soria (Madrid, 1833). - Loui!i Galini/4
Jai~Sll un Menioria.t de su vida sui• les faveurs spirituelles qu'îl San Ro111â11 (1G3'1•1704), mercédaire, Voces que da cl efllcni
avait rc~ues. - Jean Cajica t 1591, er1nite de Saint-Augustin, 1niento a la volundad (Lhna) et des poésies ruligil}uses.
autcu1• do no1nbreux ouvrages de doctrine co1nposés en languei; Nicolas d'Olc11 (1635-1705), jéi;uite, Declaraciôn ci las Co
Indigènes, nota1nn1ent une sorte de Ji'/Qs ,uawtQr1un. - 111ciones de le, otdcrl de /a. il1.t1rced, Me111oria! de lei c1ida
Joseph d'Acosta ('15',0-1600), jésuite, provinci:;il; on sait le 1>. Juan clc All/Jz<1, etc. - Josoph da Buendla ('16/1/t,1727
1200 1201 ESPAGNE ET J\.Mlil"{[QUE DU SUD 1202
'

Sala- jésullo, biographe de Fr. del Caslillo. - Alphoni;ij li.lesta 1Jedo11,1 li<1 u.~r1.clo co11relisiosa, indigr1a cspr>sa suya. - Jean Mar•
1.1110
1, • tine;; Alilu11at-e t 176',, 1ncrcédail'O, Co11stittu,ù111es del Orde11
1, et sa (1665-1732), jéouita, 1Jevoci6,~ ci IC1s Ires lwraa _c/Jr la a.goniC1
o Sil11a, de Cristo ,u,estrt> /letlenuir (Lirna, 1?37) ; Jlo~drZo de alaba.n;m.s Tcrt(:ro d-e Santa 111aria c/.c 1<1 Mcrccrl, avec des avis spirituels
doz, un o cspcciales sozos de N ucstro Se1,or Jesucrî.sto ; Senti,n1:cntos pour les turtiah'os. - Ignace Garcia (1696-175',.), jésuite,
llego de êspirituales; Nor,,ena.s de di,,crsos tanin~ ; Vida par J, de Salazar auteur de nornbrcux ouvrngflR, pnrnli losquols : Dese11gano
•isttada, (Lima, 1733). - Anloino Garriga (1 li62-17H3), jésuite, Il'I11t.cri(lS consejero, Litna, 1754; R(,S)1irnni611 del alma en afcctos de piado•
1gustio•, y 4Pisos i1nportantcs p11r,1 la. ,n~!litacitln ; Caudal de not.icia.s y sas l'irttidas, Lin1a, 1755, 2 vql.; El cultiva de las ,,irtudcs,
igue de mlsticas instr11ccioncs, - Balthasar ùe 11.loncada. (1688·1?68 ), Barcèlono, 1759; T csoro det a/111a en los sictc sacranicntos ;
nucstro jéijuite, .4rts de santiclail, Sévilin, 1753; Exa.,ncn clc co,1cicnci<t; Conte111plat:ion serâ/lctt s,;bre las psrfccciones divin as ; eto. -
~-1619),, La 111a11a11ita del ciclo; Las cu111r1> ruadas del cc1rro de la glilria do. Dolot'és Pcrtailillo, mysl.iquo dont on conserve une série de
1-2 -1633, Dios en la ticrr<1; Prâctit;a !lB las virtudcs rdigi.o,~as ; Vida !le ,.lettres, jusqu'en 1767, à son directeur, le jésuite Manuel-
•oci6n a doila .iltariC1 Fcr,1undcz de C,lrdoba, Séville, 1757, - Le frèrll Jôsç1>ll Alvarez. - J ér(}1110-Dcrnardin Boza y Solls (1 ?21-
jésuite, M8.11uol, 1ncrcédnire, mystiquo ùo la seconde 1noitié du 1 s• siècle, 1778'),., jésuite, dQnt on possède deux volun1es de ljermons
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1iait 00
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Maynas en 1805, puis do Lugo en Espagno on 1821 i blogra1>hie Josoph-MQ1•lo Roma, n1ercédaire, vi\f1111t encore eo 180fl,
.621. ..:... Dcvoei6n u ll[a.rla Sfl11ttsi111a bajo s1ts titulos il<? M(?rcedes,
aymarn par F. Qucccdo (Buenos-Aires, ·J9 1,2).
Dol1Jrc,s y P11.rlsi111/l et Vida 11 N ovena c/,e S<11Htl A!/'arLa Ma&d!I•
gas.
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B1tsta- çi6n eclesiâstica en cl Peri, 11 c 11 Chile ,ütra11te el pontificaclo clc lfist1Jrùt cclcsiâstiaa de Valparaiso, Valparaiso, 1600. - To1•i•
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nalia sacra peruviana, Ferrare, 1788. - B.. Va1•gas Ugarte,
60 Rio de l a Pl ata . - La r~publique argontine
Reg/as y
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)-1657)'; Oompaiiia d4 Jcstis èTI l,l pro11i11cia del Per(t, éd. F. Mateol!, sonL les pays sur lesquels il convient do por ter princi-
iititares, 2 vol., Madrid, 1944. - Diego de C6rdoba Salinas, Cronica palement son attention; l'Uruguay en eiTet, à la fin •
Jean dQ de la rcligiosisinH, pro1•i11cia d~ loa Doce Apostolcs del Pcrû, de la période hispaniquè, n'en était qu'à ses débuts, à
Mesta, , Lima, 1641. - Diego de Mendoz.a, Chr6nica de la proc•ùici<, l'exception du te1•rltoiro des missions au nord do la rive
1uito en d,i Sa.n Antonio ile los Charcas, l'ifadrid, 1661;, - B. Gento Sani, orientale; ce territoire, passé on g1;ande p~rtie au
'
San FrànciSCQ c11 Li,na, Li1u11, 1<J45, - V.-M. Barriga, Los Ilrésil au 190 siècle, reste 'inclus dans l'unité géogra-
vH une mcrccclarios en <tl Peril, sisl-0 x v1, a vol. , Rome et Al'aquipa,
phique de la spiriLualité du Rio de la Plata.
luo.
fù:io det
- 1939-1942; Mercedarios il1111trss en cl Pcrci., t. 1, Araquipà,
1943. - J·, Melénde1., 'l'esoros vcrdadcros cle la$ I11dias en la Co1nmo saint François Solano ne resta que sep t ans
provir1cia de Sa11 Juan 1JautistC1 clcl Perû, 3 vol., Ron1B, 1681· sur le terriLoire argentin, surtout à Tucuman, et qu'il
1n JosJ,
1651,; i682. demeura plus longtemps au Pérou, notre galerie spiri-
'gante de 5° Chili. - La vie spirituelle du Chili participn du tuello co1nmence avec les Lrols bienheureux martyrs
l, 1715) èarnctère épique de la conquête et de la périôde de la du Paraguay : Rôtit Gonzâlez de Santa Cruz (1576•
Astorga domination espagnole, q ui se heurta aux indiens Arau• 1628), créole d'Asuncion, parent du célèbre gouv0r-
parents cens, courageux et indomptables. Leur résistance ot neu1• l·lernandarias; prêtre séculier, jésuite à parti,•
célèbre, de 1609, grand tnlssionnaire des rios Parana et Uruguay,
0 vie de
leurs révoltés a1nenèrent la mort d'innombrables reli-
gieux et religieuses. il fonda de no,nbreuses réductions et fut 1na1•Lyris6
1 gratiae
dans le village de Todos Santos de Caaro, situé sur la
er~ficas: Rodrigu& Gonzâlez Marnwlcjo (1487-156t, ). pro1nior évê-
auteur que de Santiago en 1561; biographie pur C. Silva Cotapos
rive orientale. - Alphonllo 1t()drigucz (1598-1628),
nçois de (Santiago d11 Chili, 1918), - Sin1on de Lara, 11101·cédalre do de Zruno1•a en Espagne, Iut le compagnon do mart yre
iel espi~ 1$ pre1nièro n1oi ti6 du 17• siècle , J/elaci611 de 111srcedc1.rios i/11.s• de ftoch. - Jean del Ca1Jtillô (1596-1628), de Belmonte
uvien le Ires en santidad. - Louls-Jért.,1ne d'Oré (1554-16aOJ, frnncis• (province de Cuenca), jésui te lui aussi, fut mis à ,norL
ilUtobio• calo, évûque de Concepcion en 1620, é!lrivain abondant : par les mê1ner; indiens dans le village voisin d' Asuncion.
Oâ).
llx gros
- Stmbolo catolico incli11110 ; Coro11a de la saeratlsim.a V irgcn M ari(t ;
Vida de san Fr1u1cisco Sola110. - Joseph Rodrig1,c~ t 1.661,
Cf ,J .-M. Bh,tnco, Historia doc1,1,n1entada .. , (Buenos-
Aires , 1929) et L. ,faeger, Os tres mdrtires riograndenses
~ Christi jésuite, Nuncttpationcs Virsi nis (1691), - Gnsp&d de Villar• (Porto Alegre, 1951),
. miseri-
., roel t 1669, cr~Qle de Quito, auguslin, évêque de Conc:apcion
'
e ca,na- en 163?, d' Arequipa nn 1651 ot de la Plata en 1G59, autcut• Je:\n Sal1>11i (1529-15\19), jésuit.e, Vid<J pnr $. 'forrcs (20 éd .,
.Barr.nlono, 1893). - Louis n,>/11110.~ (1550-1629), franciscain,
'ida par notam1nent ù'un Gobuirno cclcsicistico par.!fico, Madrid, 1656-
!i11do de 165?, de corniuentilh•cs spirituels des évangiles et do serinons. premior tondalcur des 1·éd11ctions ùu PQl'Bguay (biographie,
entendi• Jean lJarre11ochea. 11 ,.,1/bis t 170?, ,nori:6dnirc, Rcst<111.raci611 BueflOS-Ail'CS, 1918), - Louis da Tejada, do1ninicain, Bl pore•
de la Inipcri<1l 1/ con.vcr~i6n dt'- ,û111aB irifieles et Lct.cinicl.s de lrt grino de lJC1bilc•nia., 011 il raconto sa con\forsion, - Marcel do
1 Cori/ltÎ,- vera Cru.z, in1prhnés à Lima. - Pierrè de Torres (1659-1?09 ), Lorcrrz<1nc~ (1566-1632), jésuite, cntl'CJ)r it en 1609 l'org1111isa-
vid,1 del Jésuite, Excclcr1cias cfo sa,1 Jo.s,!, Stlvillc, 1710. - Ursule Suarez lion des célèbres rèducLions do la co1np;ignie do Jésus. -
.~-1727), t 1?49, Rclcwion cle li1S si11g1.tlar,?.s miscricurdùis que el Senor I' icrrc d' E~pil1ot ,1 (1598-1 G,l',), jésuite n1artyr a11 rio Parana,
1203 ESI->AGNE - ESPÈCES INFUSES
éc1·lvit une relation des faveurs spirituelles qu'Jl l'BÇu t.. - réponse dépend la solution de cet autre problème :
Diego d'Alfaro y G1tzn1an (1596-1639), jésuite martyr à Canzapa- la conLemplation infuse des mystères de la foi est-elle,
gunzu, Poe111e de los n1isterios y prù>ilegios de let Virgen iVue$tra
Scliora. - Alexandre Faya (1566-1610), jésuite, Su111a de oui ou non, dans la voie norn1ale .de la sainteté?
ejeniplos de uirti,dcs y 11icios (2 vol., l,i!;bonne, 1632-·IGSS)
et. divers traités de dévotion inédits. - Antoine Rui;s de :r.10,1- 1. Les théologiens distinguent géné1·alen1ent les
toyn (1585-1652), jésuite, Conquista cspiritual, M:adl'id, 1639, espèces ou idées acqui$cs, que notre intelligence abat.rail ·
et Silex di11i11i an1oris (ms) traitant de ln contcn1plalion et de dos choses sensibles, et les espèces ou idées infuses
Res formes. - Diego de Boroa (1585-1657), jésuite, biographe qui ne· sont pas abstraites des choses sensibles, mais
du plusieurs ,uis.~ionnaires. - Gabriel do Gu.illéstegrt-i t 1G77, sont données par Dieu. Ils distinguent aussi ks idées de
lrnncù,cnin, évôtJue du Paraguay en 1666 et de la Paz en soi infuses {per se infusae), qui sont d'ordre angélique
1670, El tcrciario francisc;,no. - Christophe Gô,ncz (1610-
1680), jésuite, Elogia Sor.ie.l<ltis Jesu, Anvers, 16?7; 5 volù1ncs
et dont l'âme humaine peut se servir sans le concours
de Vies de saints jilsuites restés inédit..~; i11arLa en sits s!,nbolos, de l'imagination jusque dans son sonuneil, et les idées
et d'autres ouvrages spirituels. - Pie1•to Orti: de Z«r<1tc (1i:i28· aècidentellement infuses (per accidens infusae), qui
1688), prêtre séculier 1nartyr des Chil·igùa11âs; et J .-P. Grenon, auraient pu être abstraites des choses sensibles, niais
Los n1drtires ... Pedro Ortiz de Z,lratc y Juan A. Soli11as, Salta, qui de fait ont été données par Diou, celles par exemple
1942. qui furent données à Adam quand il fut créé à l'Age
,Joseph Serra110 (16a4-1713), jésuite, traduisit én guarani adulte, pour qu'il pflt connatLt·e au n1oins tout ce qu'un
ot fit ilnprhner i,ur place (1709) la Di/crc11cia entre lo tenqioral adulte connait naturellement. ·
y eterno do J.-El. Niere1nbcrg. - Joseph d'IT1sa11rralde (11lG3-
Les théologiens admettent aussi que les anges ont
17$0), jésuite, écrivit en guarani Ara 11Qra 1i giûguei (Du bon
usagé du te1nps), publié sur plaoo 0n 1759-1760. - l'loi•ro dos idées de soi infuses, qui ne sont pas obtenues par
Loza110 (1697-1752), jésuite, traduisit les Jl,Jcclitacioncs sobre abstraction, idées qui représentent des universels
la ,,ida <k Nuestro Seitor Jcsucristo para C(l(l(I dia del a;io, concrets et s'étendent jusqu'aux singuliers, <c usquo ad
de F.-A. Spinola (hfadrid, 1747) et les EjerciciQ,; cspiriti,alcs singularia )) 1 idéès infutJes d'autant plus uniCJer:selles,
de san l gna.cio, do Ch.-A. Cntaneo (Madrid, 1 ?6~); il corn posa dit saint Thomas (1a q, 55 a.8), que les anges sont plus
une Ilisltlrici de la Conipa1TLa de J c!iûs en la provi11aia licl l'urci• élevés, ont une intelligence phis forte et embrassent
guiiy (2 vol., Madrld, 1754-1755). - i\.nloine Mac//Qni, ou plus de choses d'un soul 1•egard. Ces idées angéliques
l\1accloni (167'1•175a), jésuite, /,as sictG estrellas e11 la m.anQ sont comme dos paysages, ou mieux comme des J)ano- ·
Ile Jcsus, vie do SOJ>l 111issionnaires du Paraguay (Cordoue,
1 ?82); Dia Virg!T1co o Sabado MaJ'ia110, Cordoue, 1 ?8~; JJl
ramas intelligible.s qui permettent de connaître des
11 ue110 1n,perior rcligioso insl/'!tÎdo en l,i prâctica y arte de ~ober-
régions plus ou moins étendues du rnonde intclligihle.·
11ar, Puerto <lo Santo. Maria, 1750. - Jean d'Esca11d.on (1G96- :Platon et Plotin l'avaient pressenti.
17?3), jésuilo, Pldtir.as a sus novicioa 11obre las Rcglas de la C'est encore une doctrine généralenlent reç,ue chez
Conzpa/ll(i (1ns à Loyola). - ?,,lanuel Oarcia (1715•1782), les théologiens qu'au moment où l'âme humaine est
jésuite, traduisit on es1i::1,gnol les rouvrës de J .-B. Scnrarnelll. - séparée de son corps et <le son imagination, elle reçoit
Joseph-Manuel J>era111dJ (1732-1798), jésuite, composa la vie des idées infuses donL elle peut se servit· sans le concours
d'une vingt.aine de saints n1issionnalros (Venise, 1?91; Vidci do l'imagination. Ils admettent aussi que le Christ, sur
y Ql,ra de 11eis 1/(lcerdctes paraguayos, Buenos-AirôS, 1946). - terre, reçut, au-dessous de la vision béatifique et nu-
Don1inlque Muriel (1718-1795), jésuite, traduisit la l'r,,ctica
de los ejercicios clc san I g11a,:io, de I. Diertlns (Faanzn, 1 ?72; dessus do sa science acquise, une science Infuse qui
et ))S, t. a, col. 880-881) êt las Pri11cipiQs clc la vida espirùual, compo1•Lo.iL des idées de soi infuses semblables à celles
oxtrnits do Joan-Joseph Surin (Cêi;ène, 17?8). - hfa1•io-Antoi- des anges.
notte de la Pa2, y Figucroa (1730-1790); cf Vid(I cloci,nicntada... Les idées de soi infuses reçues par le Christ et des
par ~--M, Blanco (Buenos-Aires, 1!)1,2). - Joscph•Ant.oi,,c de saints favorisés de visions intellecLuelles, par exomplè
San Alberto (1727-1804), cnrine, évtique de 'l'ucum.ln en t 778, de la Sainte Trinité, per1net tent, comme celles des
de Ja Plata en 1784, Cürtas pcislorales (Madrid, 1?83 et 1?93; anges, de connaiLre non pas seulement l'universel
Roine 1 ?93); Relox e$piritu.<tl para lùwar a DiQ.i presente. c,1 abstrait des choses sensibles, mais aussi le singulier,
Ioda h;irt~, ?,fad1•id, 1786; Voccs del Pastor en el retiro, Hunnos-
Aircs, 1789. los singuliers, de telle sorte qu'elles représentent l'uni-
versel concret, qui s'étend actuellement aux individus
1. G~11éralités. - R. Rojas, Historia de la literalura a.rgc,uina, ou aux personnes individuelles, Pierre et Paul.
Duonos-Aircs, 1918. - J.•A. Vordoguor, Hi'.8toria. cclcs1'.,fstica Ces disLinctions ont été admises pour expliquer la1
<lel Cuyo, l\1ila11 1 1951. - J .-C, Zurotli, Historia èClcsidst,ica
argenti11C1, Buenos-Aires, 191, 5. révélation proph6tique, qui le plus souvent se fait par le
2. Ordr~s religieux. - P . J,oznno, Historia de la Oorripanl<1 rapproclwment surnaturel (inspiré) de deux idées
ile Jesus c11 l<i provincia del l'<1ragu11.y , 2 vol., Mndrid, 175~- acquises pour former une énonciation, et par uno
1755. - Ji'.-X. de Charlevoix, Histoire dit Parasuay, 3 vol., luniière inf u.~e nécessaire pour j ugcr in.faillible nient
Paris, 1 ?56. - P. Pastolls ot l•'. Mateos, Historia de la Co,npa,iia do la Périté que Dieu révèle et de l'origine di,,ine de
clc Jesua e11 lo. pro11ir1cia d;il :Paraguay, 9 vol., Madrid, 19·12-'l 9i9. cetLe révélation. Quelquefois le rapproclwrn.ent ou la
- G. Furlong, Historia <lel cole(IÎO del Sall><tclor .. , e 11 la ciu,iad coordination des deu:x idées acquises (nécessaire pour
de Buenos-Aires (JQJ'l-1811), t. 1, Buenos-Aires, 1956. - for1ner une proposition ou vérité révélée) est connu
A . Santa Clllr!I Corlfoba, Le, ord;i11 fra11cisco.11ct en las r,1prt-
par quelqu'un qui n'est pas prophète (comn1e Pha,
. '
bli,:as del Plata, BuenQij·Aires, 1931,. - B. Toledo, Provincia
11iercedaria cl./J Santa. Bar/la.ra de Tu.crunan, 3 vol., Cordobn ac
•rucuman, 1919-1921.
raon) et le prophèLe reçoit la lurnière infu,9e pour juger
infaillible1nent du sens de la vérit6 1•évélée et de l'ori•
F'rançois :àfATEoS. gine divine do cetto révélation. Ainsi J osoph jugea,
interpréta les songes de Pharaon, qui no sa vaiL pas en •
découvrir le sens. Saint 'l'homas a profondément
ESPÈCES INFUSES. - 1. Nous verrons ce quo étudié ce problème (2a 2ae q. 178 a. 2).
les théologiens entendent par << espèces infuses », c:01n- Dans co de1•nier cas, la lumière in tellecLuelle infuse·
roent ils les divisenL en deux catégories; 2. nous ex:A1ni- donn6e au prophète pour juget' Infailliblement est
nerons ensuite le problème : la conto,nplation infuse des supérieure aux idées acquises rapprochées par Dieu
1nysLères de la foi exige-t-elle des espèces infuses. De Ja pour former une énonciation. La lumière infuse donne
104 1205 ESPÈCES INFUSES - ESPENCE 1206
,8 : ce qu'il y a de formel dans le jugement intellectuel; divina, non autern ut ipsa divina essentia imrnediate
Ue, les idées ou imagos rapp1•ochées par Dieu présentent videatur, et sic per gratiam videtur a contomplante
è01nme la matière de la connaissanco. Phal'aon les post sl.atum peccati, ql1amvi.s perfecUus in statu inno-
avait reçues, sans en saisir la signiflcaUon. La 1·évéla- centiuc ». - Dans la 2a 2a.e q. 173 a, 2, il ajoute que la
les tlon propl1étiquo peut se faii'e non pas seulement par r6véla1.ion prophôtiquo n'implique pas nécr.ssairoment

~ait le rapprochement surnaturel de deux idées acquises, dans le prophète des idées infuses, 1nais une lumière
ises mais par des idées de l1oi infuses, a,igéliques, ou encore infuse pour juger infailliblement. On peut dire : à plus
• par des idées accidentelle,nent infuses, coordonnées en forte r·aison en est-it de 1nême de la contemplation
1a1s
1M un jugement infuse, qui nous fait pénétrer et gol)ter les mystères de
1ue Quand sainte 'I'h61•,~se d'Avila décrit une de ses la foi déjà révélés, sans comporter une révélation
urs vi$ions intellectuelles de la Sainte Tl'init.é et qu'elle nouvelle. ·
Mes ;ijo,Jlte : « je vis la distinction réelle du Père et du Fils, D'après tous les textes de saint Thomas, de sainte
quj IJlleux que je ne vois celle du Père provincial et du Thôrèsn, de saint J oan do la Croix et des théologiens
1a1s Père priour », il se1nble bien qu'elle ait 1•eçu des idées thomii;tes que nous avons e:x.amlnéa, nous pouvons
1
ple do soi infuses ou angéliques (très supérieures à nos idées conclu1·e (loco cit., p. [19)), que la conten1plation infuse
~ge a)istraites), qui restaient cependant in ordin1J fidei est trèi; justement caractérisée (sans aucun recours aux
'un et donc très au-dessous de la vision béatifique, laquelle idées infuses) par trois notes essentielles : 1. 0 intuition
est absolument immérliate, sans l'inter1nédiaire d'au- sünple des mystères de la Coi, 2° intuition qui est
Dnt cune idée créée, soit hun1aine soit nngélîque. Seule la conruzi.~sa11ce aUective par connaturalité fondée sur la
par vision b6atiflque donne l'évidence intrinsèque du chal'i tù, 3° in tui Lion qui procôde, dans une obscu1•ité
,e1s l!IYStère révélé et montre ici que si Dieu n'était pas translurnineuse, d'une illu,nination spéciale ou inspira-
aa trirfe il ne serait PM Dieu. cr A. Saudreau, art. Phéno- tion d 11 Saint-Esprit qui nous fait ainsi pénétrer ot
les, mi,ies d'ordre ANGÉLIQUE, DS, t. 1, col. 573-578. gol)ter la parole de Dieu (cf S. 'l'homas, 2a 2ae q. 45
,l us a. 2). Il faut ajouter que nous ne pouvons nous procurer
ent 2. La contcrnplatiori in/ use des ,nystères dé la foi cotte inspiration spéciale du Saint-Esprit par notre
ues u;ige•t•clk d(IB idées infuses? - Si l'on répond affir1na- elTort personnel aidé de la g1•âce actuelle commune
no- Uvoment à cette question, il s'ensuivra que la contem- (coopérante); c'est le fruit d'une grdce opérante spéciale
~es plation infuse des myatè1·es de la foi n'ost pas dans la (cf 1a 2a,e q, 111 a. 2). En cotte contemplation, le mode
>le. voie normale de la sainteté; allo serait co1nme la propre de notre activité r:e811e pour faire place de p,us
prophétie une grâco gratis data, exceptionnelle, comme en plus au 1node su.prahuniain des dons du Saint-Esprit,
!\ez 11a pensé A. Farges (Les phénoniènes my$tiques, Paris, bien que les vertus théologales unies à ces dons s'exer•
est 1?20, p. 86-114; RA.111, t. 3, 1922, p. 280-282). cent toujours d'une façon plus éminente qu'aupal'a-
,oit Si au contraire la con teo1plation infuse ne requiert vant.
urs pas d'idées infuses, n1ais seulen1ont une inspiration et Pour bien entendre cette doctrine, il faut distinguer,
sur illumination spéciale du Saint-Esprit, alors la foi viv11 co1n,nt, le tait sainte Thérôse d'Avila, les consolations
lU• éclairée par les dons d'ùitellt'.gence et da. sagesse suffit sensibles et les gollts spirituels, qui sont bien plus
~ui à l'expliquer, et comme les vertus théologales et les 61ev6s et procèdent du don de sagesse (Le Clultcau
Iles ijOpt dons du Saint-l!Jsprlt sont en toute âme en ôtat intérieur, trad. des carmélites, t. 6, Paris, 19f0, index :
de grâce, la contemplation infuse pout être de soi dans gollts i;piritucls). Enfin il faut remarquer que l'inter,
ie!l la voie no1·male de la sainteté, bien qu'elle s'accompagne vention des dons est d'abord latc,itc; si l'on est fidèle,
pie quelquefois de paroles intérieures, ou do quelque vision elle devient manifeste et fréquente. Comme le dit Louis
les lntelleotuolle qui, elle, est de soi cxlraordinairtJ, comme Lallomant (La doctrine spirituelle, 48 principe, ch. 8,
sel la vision intellectuelle que reçut sainte Thérèse en a.3, § 2), souvent los dons sont comme des voiles lit!es
.er, entrant dans l'union transfor1nante; cotte vision est un par qu~lque attache au péché véniel, ensuite, si l'on est
• phénomène conconütant qui parfois accompagne
ni• fidèle, ils sont com,ne des voiles déployées. Ainsi la
lus !'.union transformante, mais elle n'est pas nécessaire à brise facilite d'abord le travilil des ran1eurs, un vent
ootte union : saint Jean de la Croix décrit longuement ta vorahle gonfle alol'S les voiles et dispense de rainer.
la cette union très élevée, sans mentionnor cette vision. Ces cornparaisons sont fréquentes chez les grands spi-
· le Ainsi se pose le problè1ne: la conte1nplation infuse des rituels. 'fout cela s'explique bien sans aucun recours
~es ffiiYStères do la foi requiert-elle nécessairement dos· aux espèces infuses, il suffit d'une inspiration spéciale
1ne espèces Infuses, des idées infuses? Nous l'épondons du Saint-Esprit plus ou moins élevée et régulatrice,
~nt' nlîgativement (Perfection chrétienne et contemplation, qui no11s fait de mieux en mieux pén6trer et golltor la
de . t, 1, Saint-Maximin, 1923, p. 829-387, et appendices, parole de Dieu.
la- ~- 2, p. [1}[44], (83)-(96)).
,ur ~s grands théologiens expliquent la contemplation Réginald GA na,oou-LAo RA Noe.
nu infuse des mystères de la foi par la foi vive éclairée
là• par les dons du Saint-Esprit, sans parler des idées ESPENCE (CLAUDE TOONIEL n '), 1511-1571.
:er infusos. Aucun dos textes de saint Thomas invoqués Claude 'l'ogniel d'Espence, né en 1511 à Châlons-sur-

aa
"
en

.
>l'l• p~r la thèse adverse ne peut so prendre en ce sens-là.
l!lo examinant les textes do sainte Thérèse et de saint
Jean de la Croix nous ar1•ivons à la n1ême conclusion.
Marne, se prépara au sacerdoce dans les collèges pari-
siens : humanités à Calvi, philosophie à Beauvais,
où il donna en 1534 devant l'évêque Charles de Villers
,nt Ils expliquent la contemplation infuse, non par des une Concio synodalis de officio pastorr,4m très remarquée,
espèces infuses, mais par une Iu1nlère infuse, par une ot, à partir de 1586, théologie à Navarre, En décembre
,se illumination ou inspiration spéciale du Saint-Esprit. 1540, avant son doctorat en théologie (15~2), il est 6lu
1st Voir en particulier S. 'l'homas, De Veritatc, q. 18 a. 1 recteur de l'université de Paris. Malgré des ennuis
eu ad 4 : « In contemplatione, Deus videtur per n1ediurn cons6cu l.ifs à sa prise de position contre l.i « 16gende
ne quod est lu,nen sapie11tiae, mentem elevans ad cernenda dorée» du culte des saints lors de son carême de 1543
1207 1!:SPENCE - ESPÉilANCE
à Saint-Me1·ry, c'est aussi un prédicateur réputé, ,nais ESPÉRANCE. -Nous nous attacherons à précise
qui abuse des réminiscences profanes. le rôle do l'espérance dans la vio spirituelle, 1tinsi qu
L't11ni tiô dos cnrdinnux J can ot Charles de Lorraine et ln los conditions de son exercice et de son développomenL
{aveur des rois lui ouvrent carrlù1•0 : f.'r:)nçois 1&r l'appelle à Il nous faudra rappeler les données ossontielles de
l'assembl6e de i\félun (15~4), qui devait discuter des questions théologie pour résoudre les problèmes de spirituali
à soumett1·0 au condle de '!'rente, et Henri II l'envoio à titre qui se rattachent à cette vertu. De ce point de vue il
de • théologien du roi • assister ses an1b11sso.çleurs au concile irnporto d'abord d'établir la valeur }>ropre de l'esp
tr1111Rfêrê à Bologne (154?); plus tard, aux états g6noraux rance : l'espérance n'est pas une des t aros que le (e
d'Orlé11ns (1560), nu colloquo de l>oissy ('1561) ot. à la conférence
de Saiut-Clermain (1562), il se distingue1·a par sHs intArventions des. purifications doit JJrûler, elle ne peut être ran~
modératrices. l!.lnt.re-te1nps, Charl011 de Lorraine l'a f:{it venir en un stade in(érieur de la vie spirituelle, car ello oong;
à la con1n1issio11 pour l'adnlissiuu en Franco de la compa- titue un des éléments nécessaires de la perfection à s
gnie de Jésus ot ernmené à Ro1nè (1555) où Paul 1v aurait. degrés les plus élevés. Ceci fait, et avant de considé
aongé à l'olovor 1111 co.rdinalat. Après Poisiiy, Espence, on butto l'espérance duns le déroulement de la vio spil•iLuell
aux attaques dos huguenots, not111n111e11t de Théodore de il faudra étudier sa nature et la situer, dans l'organism
Bèze, i;o consacre à la composition do sos ouvrages, jusqu'à surnaturel, ))Ql' tapport aux autres vertus.
sa 111ort le 5 octobre 1571.
1. Valeur propre da l'e8pérance. - 2. JVature
En dehors de sermons, qui n'ont pas tous été publiés, l'espérance et place dans l'organ1'.sme 8pirituel. .,..
de poèmei; laUns et de quelques traductions de serrnon• 3. E xcrèice de l'espérance.
naires anciens, les éc1•its d'Espence ressortissent à la
controverse et à la théologie positive. Noui; pouvons 1, VALEUR PROPRE DE L'ESPitRANCE
retenir, outre les collectes du temporal rnises en vers
latins (Paris, 1566), l'Instittttion d'un prince chre~tien 1° VALEUR DE L'ESPÉnANC8 ENSl.lIGNÉE PAR L'l!]cn,
(Puris, 15',8), dédiée à Henri li, où il y a un chapitre ·runE. - Allons à la source entendre le message d
excellent sur l'o/Jlce dr.t. roy en11ers Dû:tt; deux opuscules l':6:criture sur l'espérance et sa place dans lu vio roll,
que la faculté de Lhéologie consure1•a ~Il 1553, (Jonsola- gieuse.
tio,i en ad11ersité (Lyon, 1547) et Paraphrase ou médi- 1) La Bible, livre de l'espérance. - L'lîlorl•
tation sur l'Oraison doniiniaalc (t5,.7); surtout les trois ture inclut l'espétance au sommet de .la perfection
copieux commentaires d'épîLres de saint Paul, ln sur la te1·re, aussi bien que dans ses degrés inférieu
primani...' (Paris, 1561, avec une impor•tante dédicace Saint Paul, parmi les prérogatives du peuple juil
au cardinal Charles de Lorraine), In posteriorem ad souligne colle-ci : « eux qui sont israélites, à qui app
Tin1othe4m, (156~) et lri epistola111 ad 'l'itum (1568), tiénnent... les promessos ,, (Rom. 9, 4). Israël est le poupl
complétés par d'abondantes digrosslons. A côto de de la promesse; le livre qui raconte son histoire est 11
passages moins . heureux, voire de critiques (l' J n epis- livro do l'espérance (A. Gelin, Les idées mattresses t1,
tolam ad Titu,n sera un mo1nent frapp6 par l'index : l'Anoien Testa1nent, coll. Lectio divina 2, Paris, 19481
voir F.-l-1. Rouscb, Der Index der ilt1rbotenen Bücher, p. 27), parco que toute son l1istoire est tendue vers
t. 1, Bonn. 1888, p. S63-56(.), se rencontrent de sages et réalisation de la grande promesse, dont il est le premi
judicieux conseils et d'impérieux rappels sur les charges objet pour en litre ensuite le dépositaire, le bénéft
pastorales ou épiscopales, qui sont dans la ligne des ciaire, l'inst1·u1nent de sa réalisation.
décisions que prçnait alors le concilo de Trente, auquel Cette pro1nesse est colle faite à Abraluun ( Gen.12, 2·31
l'autour aurait particip6 cornrne théologien s'il n'en 18, 14-18), dans laquelle saint Paul nous apprend à ·
avait été ernpêch6 par sa santé. La pensée d'Espenco la promesse du Messie et do l'flglise ( Gal. 8, 6-9 et 15•1»)
n'avait jamais varié, puisque, dans su Co,1cio sy11oda- N'était-elle pas la reprise et une première précislo
li..9, il demandait 1déjà aux évêaues : grege1n Domini d'une promesse plus lointaine, celle d'une tédernptio·
pascerc vita, verbo et precibus; faite à l'hom1ne aussitôt après la chute ( Gen. 3, 15)?
Les Opera rl'Espenco (Y compris deux trait1\s posthumes, De Quoi qu'il en soit, le peuple d'Israël av~it conscience
eucharistia et ejus acloratione et De missa publica et ]Jrivat<1,) au rniliou de ses infidélités et dans les pires 1nalheU11
ont étô publiées po.r Gilbert Oônébrard (Paris, 1619, 1681 p. d'avoiI· été choisi par Dieu et d'accomplir, sous
in-folio). protection divine, une destinée supérieure : il avançai
,J. J,o.unoy, Regii Navarrac gy111n<I$ii parisicr1-ais historia, fermement appuyé sur cette promesse, ce qui ·
t. 1, P11ris, 1677, p. 8~4-856; t. 2, p. ?08-715. - Nlcéron, l'attitude de celui qui espère, 1nên1e si les mots .
llfbnoires pottr serPir à l'hisù>irc des honunes illustres, t. 13, l'expriment ne sont pas ceux qui désignent l'espérai!
Pnris, 1732, p. 183-209. - Michel de Saint-Joseph, IJiblio-
grapllia r.ritic1i, t. 2, Madrid, 1740, p. 21-21) et 288-284. - (cf sur cette question J. van der Ploeg, L'espérance da
El. da l:larthélemy, .itudes biographiqu.es sur 1,/,ç horr,",cs célè- l'Ancien 1'estarnent, dans Revue bibliqu.e, t. 61, 19~
bres nés dans le dcp<1rtenient de la Marne, Chû.Jons-sur-Marne, p. 481-507). Que l'israélite fftt convaincu de la réalisa
1853, p. 150-154. - P. Ful'Ot, La f<wulté de théologie <le l'«ris Lion de la promesso n'empêche nullement que son attell
et ses docteurs les plus célèbres, époque n1odcrne, t. 1, Pari1', 1900, ait été uno espérance : car il y avait boaucoup d'obsc~
p. 231-240; t. 2, p.1.01-117. - 1-1.-0. Evennet, Cla.uded'J.:spe11oe 1•iLé dans les conditions et les citconstances do cet •
et son • Discours du r.olloq,,c de Poissy », dans Rc,•iui historique, réalisation (ibidem, p. ~95), et cette réalisation à venù
t. 164, 1'.130, J). 10-78 (importnnt). - J. Leflon, dnns Diction- qui dllpendait de Dieu, polarisait sa volonté et orieoU!i
naire des lettres françaises, 16• sù)clc, Paris, 1!Hi1., p. 310. -·
P. Brm1t:in, L'éPlq11c dans la tradition pastorale du 16• sièc:lc, sa vie. C'est ce qui explique que si souvent !'Écriture
Paris, 1958, p. 81-82. - H.-l\f. Férel, dans Ca1holicisn1c, précisérnent à propos d'Abrahan1, lui Casso môrl
L. 4, 1956, nol. 445-446. - LTK, t. S, 1959, col. 1107. d'avoir cru (Rom. 4; sur Gcn.15, 6 que cite saint Paul
le traducteur de la Bible de Jérusale,n note : et Lat
Paul DAILLY. d'Abraham est la confiance en une promesse humain
ment irréalisable >)) : l'espérance dépend de la foi en
pi'omesse et cotto foi, s'il s'agiL d'une promesse divin
1208 1209 L'ESPÉRANCE DANS 1/ÉCRITlJRE 1210
iciser exclut tout doute; à une telle foi l'espé1•ance ést assez
' 2) De l'espérance juive à l'espé1·a:nce chré-
1 que
intimement liée pour pouvOÎI' être l\Omprise en elle, tienne. - Cette attitude d'llme que la Bible exprilne
nent. et pourtant, nous le verrons, « espérer » ajoute 1t com111e une constante du co1nportement religieux
de la «croire ,,. d' Js1·aël et. du pieux israélite, le nouveau Testament,
1nlité l'.,'osp6rance juive est essentielle1nent rnessinniquo.
·ue il et en cela consiste d'abord sa nouveauté sur ce point,
On di$tingue cornmunémcnt le messianisme 1•éel, donc on fait. une vertu, parnü les trois principales.
espé- los biens messianiques, c'est-à-dire les bienfaits de
l feu
Avant de soulign.cr cette nouveauté de l'espérance
l'ère messianique, et le rnessianisme personnel, dont chrét.ionne, il importe de marquer co1nbien elle est en
tngée i'objet est le l\{essie lui-1nôme (cf A.. Gelin, op. cit.,
~ons- conLinuité avec l'espérance juive. Co sont, en effet, les
p. 87). 1-"our l'un co1nn1e pour l'autre on constate un thèn,cs bihliquos do la confiance en Dieu, qui, dans leur
à ses progrès de la conscience religieuse juive. Le J\1:esaie est expl'ession littéraire, et aussi en eux-mtlmei;, ont passé
dérer d'âbord concrétisé sous la for1ne du roi d'Israël;
uelle, des psaumes dans le langage chrétien ; c'est d'abord
David en den1eure le parlait prototype et, au telnps de l'idée do se confier en Dieu (Ps. 91, 1 ; cf 1 C'or. 15, 19;
1isme Jésus, le peuple rêvait son rotour on la personne d'un 1 Tùn. 4, 10 et 5, 5, etc), et l'idée quo celui qui so confie
descendant au1'éol6 do son p1·estige. Il s'idéalise ensuite en Ilieu n'éprouvera pas de confusion au jour du juge-
'6 de soit dans l'é111ouvante figure. du serviteur do ment:, que son espoir ne sera pas déçu (Ps. 22, 6; 24, 8,
Yahvé d'Isaïe, soit sous los traits indistincts du « fils etc; Phil. 1, 20; Rom. 9, 33, où ce thème est expressé-
d'homme,, de Daniel, à moins qu'il ne s'évanouisse dans ment rapporté à Isa'iè; Rom. 5, 5 : <( L'espérance ne
les « psau1nes du règne », pour faire place à l'idée de déçoit. J)âs »). C'est le thème de la« ccrtit.udo do l'espé•
Yahvé-Roi établissant son règne sans le seéours d'un rance ,1 qui s'exprime encore, dans l'ancien com1ne dans
,, roi humain (cf Ps. 96-98). Parallèlement los <lescl'iptions le n<,nveau Testament, par l'affirmation réitérée de la
~CRI· dè l'ère messianique se font plus sob!'es et plus spiri- «fidélité»de Dieu (Deut.32,4;Ps.145,13; 1 Cor.1,9;
e de 'tualis tes. 10, 1 ::1; 1 Thess. 5, 24, etc).
reli- D'ailleurs, pour être principalement. messianique, Un autre principe de continuité, qui d'ailleurs
!'.espérance juive porte aussi sur des biens temporels : concerne on général le passage sans rupture, par 1node
~ .
~cr1- l'avenir glorieux de .la nation, la délivrance des 1naux - d'aC()01nplissement, do l'ancienne alliance à la nouvelle
ltion menaçants, la paix ot la prospérité. Israël espère en et qui porte spécialon1ent sur l'espérance, est le cas
ours. Diou et attend de lui tous les biens, parce qu'il se sait exernplail'e d'Abraham. C'est la promesse faite à
Juif, aimé de Dieu et dans la mesure où lui-môme aime Dieu Abruharn qui se réalise pleinement dans le Christ, de
,par- ou revient à lui : sorte que notre « foi », cette loi qui nous sauve, est dans
1uple Uno fois jo décrète, sur une nalion ou un royaurne, que je la ligne de celle d'Alirnham. Il a été dit plus l1aut
,s t le vals arrachèr, renverser et exterminer : 1nals si ccU.u nation com1nent cotte foi était prégnante d'espérance, puis-
1s de
cool.l'e laquelle j'ai parlé se convertit de sa n1échanccté, alors qu'olle n'étaiL pas seulen1ent adhésion de l'esprit à
,948, je me repens du 1nal que j'avais rêsolu de lui infliger. Une au tre une vérité, rnais décision de la volonté en fonction de
fois je décrète, sur une nation ou 1111 roy:unne, que jo vais
rs la lidlir et planter : mais cette nalion lait-elle ce qui me déplait la pr1)n1esse reçue et acceptée. De même la toi quo •

m1er en refusant d'écouter ma voix, alors jo 1nu ropena du bien que saint Paul exige du chrétien est la foi dans le Christ
néfi- j'entendais h1i fairo (Jér, 18, 7-10). Sauveur et espérance du salut par la mort et la résurrec-
tion clu Christ ; .
2-8; · Messianique, l'espérance juive apparaît d'abord col- '
Bspérnnt contre tolite espérance, il (Abraham) crut et devint
1 lire lective. Mais les biens qu'on espère, les maux que l'on ainsi père d'une multitude de peuples... Or, quand l'É?riture
·18). crairlt et dont on souhaite la délivrance, sont ressentis dit que sa foi lui fut c,nnptéc, ce n'est point pour hu ~0111;
ision par les personnes. Aussi, l'espérance s'individualise- elle nous vis11.it êgalen1ent, nous à qui la foi doit être comptée,
Uon, t-elle, et ce sont les innon1brables CJ'is de confiance en nous cp1i croyons en celui qui ress1.1scite d'entre los 1norls,
,)? Yahvé qui remplissent les 11sau1nes. J.,ù encore, il faut Jésns notro Soigneur, livrJ pour 110s fautes et ressuscitô pour
1nce, noter un approfondissernent du sens roligioux, l'espé- notre justification (Ro11i. '1, 18 et 23-25).
lUl'S, rance se portant d'abord sur un honheu1• terrestre,
3) L'objet de l'espérance chrétienne. -
s la puis visant un bien plus intirne ; « être avec Yahvé »
(Ps, 26, 8-9; 73, 25-28), débouchant cntln sur l'idée Dès lors qu'on parle du Christ, on marque la nouveauté
çait, de l'espérance chrétienne : elle est selon l'expression
est d'une rétribution au delà de cett,e te1•1·e (cf A. Gelin,
op. cit,, p. 61-63) . de l'épitre aux l·Iébreux, une « espérance meilleure »
qui• (Héb:?, 19),parce que celui vers qui se portait l'attente
ance Qu'il s'agisse d'Israël pris eollecUven1ent ou de
l'israélite pieux, l'espétance, !ondée sur les promesses confiante et impatiente d'Israël, le Messie, est déjà
ri.arts venu. Pourtant l'objet de l'espérance reste le même,
95't, faites aux pères du peuple, - Abraha1n, lsaac, Jacob,
Moïse le législateur, David le roi qui préfigure le Messie plus précis seulement, plus proche, déjà donné (« le
lisa- Christ notre espérance», 1 Tim. 1, 1), mais connu« dans
cnte - , anin1e tonte l'existence. (( Omnia in figura contin-
gebant illis », devait écrire saint Paul (1 Cor. 10, 11). un nliroir, d'une manière confuse" (1 Cor. 18, 12), et non
,scu- clairement vu encore : « Car notre salut est objet
:ette Il serait excessif de dire qu'ils avaient pleinement
conscience do la valeur prophétiq\1e dt~ (,ou I; ce qui leur d'espérance, et voir ce qu'on espère ce n'est plus
anir, l'espérer » (Ro,n. 8, 24). Cet ol>jet est essentiellement
,tait arrivait, rnais ils étaient tendus vers un avenir où se
réaliserait. la pro1nesse de Dieu, laquelle était, po,u• le le salut, non dans ce monde mais dans l'autre :
;ure,
~rite peuple et pour chacun de ses me111bres fidèles, une • Oui, la l6gôro tribulation d'un instant nous prépare, Litln
1 pro,nes:;e de salut. Nulle part on ne voit que l'amour, au delà do toulo 1ncsu1•e, une 1nasse éte1·nelle de gloiro. Aussi
aul, bien no regardons-nous pas aux choRoa visiblos, 1nais aux
1 foi même des plus gl'ands et des plus religieux, ait été gêné
par cette perspective d'uno récon1pense ; (< Je le crois, invisibles; les choses visibles en effet n'ont qu'un ten1ps, le.s
1ine- invisihlei; sont étnrnnU<:!a • (2 Cor. '1, 17-18). • Si c'est pour
,n la jo ver1·ai la bonté de Yahvé sur la terre des vivants. cAtto vie seulement que nous avons 1nîs noire espoir dans le
rine, Espère en Yahvé, prends cœur et prends courage, Christ, nous sornrnes les pins ,nalhouroux do tous les hommes •
espère en Yahvé ,, (i>s. 27, 13-14). (1 Ç11r. 1 r,, 19).
1211 ESPJ1RANCE
Saint Paul apparaît comme le grand Lhéorieien de rait l'opposition). L'inlorprutalion Lradilionnollo gardo ' t6µtt
la vertu d'espérance. 11 ne l'a pas invent6e et la pers- sa valeur : Paul, après avoir évoqué dans les phrasés piiêil-
pective du salut éclaire tout l'Évangile : (< Sois sans dentes les temps eschatologiques (v, 10), rovlcnt aux r6allt61
- crainte, petit ti•oupe,n1, car il a plu à votre Père de vous de la vie présente et conclut que pour l'instant ces trois
vertus demeurent (cf ,v.Orossouw, op. cit., p. 516-518),
donner le royaume» (Luc 12, 32). <• En vérité, je vous le
dis, nul n'aura quitt6 maison, frères .. , qu'il ne 1·eçolvo Il est une vertu que Paul ordinairement relia,,à
le centuple dès ntainLenant.. , et dans le temps à venir l'espérance : c'est la paUence, la constance dans les
la vie éternelle» (Marc 10, 29:30). Enfin, on no saurait épreuves et les tribulations. Le chrétien supporte les
on1ettre de rappeler l'annonce du jugement d<l1•nie1•, tribulations de l'heure présente en vue do la glQire
qui oriente la morale évangélique vers des perspectives future (Rom. 5, 3-',; 8, 23; 2 Tim. 2, 11-13), Enlln â)
de bonheur pour ceux qui l'auront observée, de 1nal- l'espérance est pleinement assurée, elle n'exclut pas.la
heur pour les autres : « Venez los h6nis do mon Pére, crainte : « 'l'ravaillez avec crainte et tremhlernent ~
recevei en héritage le royaume qui vous a été prépare accornplir votre salut 11 (Phil. 2, 12). En efTet, si la Paroi&
depuis la fondation du monde » (Mt. 25, 34). Si le do Dieu est indéfectible, l'homme, lui, peut faire
Christ ouvre aux hommes de telles perspectives, c'est défaut : <( Considère donc la bonté et la sévér.ité .de
pour fail'e naître en eux l'espérance, et il irnport.o peu Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, et envers
dès lors que celle-ci ne soit pas nommée (cf W. Gros- toi bonté, pourvu que tu demeures en cette bonlè;
sou,v, L'espérance dans le Nou!ltJau 1'esta,ncnt., dans autrement tu seras retranché toi aussi » (Roni. 11 , 2i).
RePue Biblique, t. 61, 1954, p. 531).
C'est saint Jean, chez qui pourtant l'attente escha- ConclttSion. - L'amour de Dieu, sous ses formes 'lit'
tologique tient moins de place que chez saint Paul plus haute~ au point absolu de la générosité, est ensei-
(cf W. Grossouw, ibickm), qui de la façon la plus claire gné par l'~criture, et principalement par le nouveau
a déterminé l'objet de l'espérance chrétienne : " Bien- Testament. Le mystique le plus exigeant n'a rien pu
ajouter à la prescription évang61ique de (< se renier
ailnés, dès maintenant nous so1nmes enfants do Dieu,
et co que nous serons n'a pas enco1·e été .manifesté. sol-même n (Mt.16,24) ou do«hn'irsa vie" (Jean 12,25)1
Nous savons que lors de celte manifestation nous lui il n'a rien pu Caire de plus qu' <( être crucillé avec le
serons semblables parce que nous le verl'ons tel qu'il Christ », comme saint Paul (Gal. 2, 19), et « demeurer
dans l'Amour >11 co1nme saint Jean (1 Jean t., 10). Il e4I
est 11 (·1 Jean 3, 2). ·
d'autant plus remarquable que ce scrupule de tant de
11 )Place de l'espérance dans la vio chré- mystiques, le scrupule do no pas aimer vraiment si pn
tienne. - C'est à saint Paul qu'il faut reveni1• pour espère une récon1pense de son amour, est ignoré det
savoir la place que tient l'espérance dans l'organisrne écrivains sacrés.
surnaturel. Nous lui devons la rnention, maintes fois • Ne savez-vous pas q 11ê dans les <iOur!iOS du stade, tous ~QU•
répétée, de la fameuse triade : foi, espérance, charit(i, rent, mnis un seul rumporto lo prix. Courez donc do manlàtt
qui apparaît comrne une formule courante, que l'Apôtre à le remporter • (1 Cor. 9, 2',). • Quiconque a cette esp6ranee
fait sienne, mais ne crée pas (W. Orossouw, op. cit., en lui (de dèvenir so,nblablc à Dieu parce que nous le verrona
p. 5·14), et dans laquelle on avait condensé l'attitude tel q11'il êst) se rénd pur comme celui-là est pur• (1 Jc(1n 8, 3).
chrétienne envers Dieu et enver$ le prochain. L' J<~vangilo on rocom1nandant la prière excite en nous l'es~
Nous avoni; vu com1nent, chez saint Paul, l'esp!'1rance ro1H;o d'ôlro cxaucôs parce que nous aimons : • En véri~,
en vôrilé, je vous le dis, ce que vous dern::inclerez nu Père,
et la foi étaie1it connexes au point d'être, pal'fois, il V'Ous le donnera en mon nom ... Le PèNl lui aussi vous a.ime,
appare·n)ment identifiées. C'est que l'espérance suppose parce que vous m'avez aimé et que vous a.voz cru que je sui!
qu'on a cru d'abo1•d en la pron1esse. Elle est poul'tant venu d'aupros de Dieu• (Jea1116, 23h ét 27). De irtArne dans lei
une att,it,udc distincte de l'âme, puisqu'on les é11u1nèr•e synoptiques : « Écoutez ce quo dit co juge inique. Et Dieu
distinctexnent. Quant à la charité, elle est donnée ne ferait pas justi<:11 à sas élus qui crient vers lui Jour et n)li~
plutôt com1ne le gage de notre espérance : « J!;t l'espé- tondis qu'il to1nporise à leur sujet. Je vous le dis, il leur t~~
1•ance no déçoit point, parce quo l'amour de Dieu a été prompte justice • (Lttc 18, 7•8).
répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous L'espérance nous est prescrite durant toute notffl
fut donné 11 (Rom. 5, 5), et aussi cornroe son principe : vie i elle est le ressort de n~tro détermination à vivre
<( La charité ... espère tout 1, (1 Cor. 18, 7).
selon le Christ et à supporter les épreuves; allo ~
Que l'espérance, comme la foi, doive selon saint Paul, parfaite1nent assµréo, étant fondée sur la promesse dè
disparaitre, qu'elle soi t une vertu pour le teoips du IJieu et sur la croix rédemptrice, ayant pour gage Il
passage, cela est trop clairement affirmé, spécialement résurrection du Christ, prémices de la nôtre (1 Cor. 16,
au ch. 8 de l'épitre aux Romains (18-25), pour qu'on 12-88); bien loin enfin d'être exclue par l'amour, é'est
puisse en, douter. Et tout ce qui a él6 dit de l'objet de l'amour qui la suscite et l'ani,ne au point que son acte
l'espérance selon le nouveltu Testament le confirme :
1nême, co1nme celui des autres vertus, peut lui être
Je justo doit entrer en possession de ce qui aujourd'hui
attribué ( " la charité espère », 1 Cor. 18, 7) : tel. est
est pour lui invisible et lointain, et c'est cette entrée en
l'enseigne1nent de !'Écriture.
possession que présentement il espère.
Rnppelons la célobre cllffic11lté dans l'interprétation de 1 C<>r. 2o MISE EN QUES'tlON DR L'ESPÉRANCE. - M
:13, 13 : • Bref (ou: présenternent), la foi, l'espérance et. ln cha- valeur de l'esp6rance et sa légitimité ont été plusieµra
rité do,neurent (µtvn) toutes los trois, mals la plus gràndo fois 1niaes en question au cours de l'hiBtôire.. Si l'Égllst
1 1
d'ont1•0 elles, c'est la ch1.1rité •· a tranché le débat en condamnant formellement toute,
Fau t-il entendre µAv•~ dans un sens eschutologiquc ot dii'o n1ésesti1ne, ot à plus forte raison tout mépris de cette
que les trois vertuli doiven t demeu rer 1111 lorrno de la destinée vertu, traditionnellement comptée par1ni les vertu~
chrétienne? Los 11rguments philologiquos ne suffisent pns o.
contre-bnlt1n<Jer l'objection que soulève celte interprétation théologales, il reste que de nombreux témoignages
en mettant Sâint Paul en opposition complète avec h1i-rnl;\rn0 existent, à toutes los époques et chez les spirituels lQS
(s'il s'::igit de la foi, c'est dans lo contexte immédiat qn'::ippa- plus authentiques, d'une certaine gône de l'âme chr~-
1212 J2l3 l\ilISE EN QUESTION DE L'ESPÉRANCE 1214
1'toute tienne <lovant, ce devoir qui lui est fai Lde penser à clic notre destruction, espérer que la justice divine se
pr.-écé- et à ~es intérêl.s, 1nêrnc los plu$ hauts. Rappeler briève- satisfera en nous et qu'elle reprendra tous ses droits
réalitê11 ment ces débats et les décisions qui les ont sanctionnés, sur nous» (L. Cognet, loco cit., p. 255).
18 trois examiner les principaux térnoignages pour en rechercher On a lo sentiment que c'est ce problème qui est au
). le sons et la portée nous permettra de préciser davan- centre des Maxirnes des saints. La solution proposée
'J.age la naturo de l'espérance et sa place dans la vie consiste à retrouver le désir de la béatitude, et donc
elie à spirituelle. · · l'espérance, à l'intérieur du pur amour, comme étant
ns les. On ne saurait trouver de cette rnise en question, voulue par Diou, - mais s'il no la voulait pas, on ne
~te les avec à la fois sa conclusion inacceptable et ses consi• l'en aimerait pas moins.
gloire déral).ts trot1blanta, une formulation plus précise que
din · si Il no vout la béatitude pour soi, qu'à causa qu'il sait que
la ne.uvi~me proposition conda,nnée d'Eckhart, telle Dieu la veut en lanl qu'alla est la chose la plus excel.hinte
pas la qu'on·Jn trouve dans la bulle ln agro do,ninico : pour nous ot la plus convonll.ble à sa glorifiêation en not1R, et
1ent à Ego nuper cogitavi, utru1n ego vellem aliquid reèipere a qu'il veut quo chacun do nous la vouillo do 1nârne pour sa
Parole Deo vel dei,iderare ; ego volo do hoc valdo bene dcllbêrare, gloire...
fairo guio, ubi ego essam accipiens a Dco, ibi essem ego sub co vol Diou ne peut manquer d'être ln béatitude de l'âme fidèle;
ité• de infra eum, sicut unus famulus vol servus, et îpse aicut Donii- 1n11is nllo peut l'llimer avoc un t.el désint.éressen1ent que cette
envers nus in d~ndo, et sic non deben1us esse in aotorna vîta (dans vuo do Dieu béatifiant 11'augn1ante or\ rien l'amour qu'elle n
bonté; l. de Guibert, Doc11-1nen1a ecclesiastica cliristianas perf,itlfrn1is, t>our lui sans ponsar à soi ot qu'èlle l'aimerait tout autant
1,22). Romo, 1931, n. 285, p. 163). s'il no dovail jamais taire sa béatitude (éd. A. Chérol, p. 137-
138).
~es les Tout Je problème tient en ces 1nots : par la chal'ité
ensei, Dleu se fait notre Père et notre Ami; par l'espérance Dans cette solution le lien ontro l'esp6ranco et la
,uveau nous ·le considérons comme un Maître dont nous charité n'est plus un lien intrinsèque, n1ais un lien de
ien pu attendons un salaire : n'y a-t-il pas antinomie entre fait : de soi l'amour n'appelle nullement l'ospéranco ot
renier CèS deux attitudes? il faut com,ne un elîort de réflexion, un rappel des
2, 25); · I,,aissant de côté l'h6ros.ie quiétiste, en raison des pro,nesses divines et donc de ses intentions manifestées,
1vec le aberrations manifestes qui réduisent la portée des .. pour quo l'ân10 aimante consente à espérer. Il y a là,
neurer problèmes de conscience dont elle prétendait fournil· co1111ne le note profondément Bossuet, une méconnais-
. Il est la solution (cf P. Du<lon, Le quiétiste espagnol sanco grave do la nature de la charité, qui n'ost pas un
ant de Michel lf1olinos, Paris, 1921), c'est dans la controverse sh)1plo an1our de bienveillance, 1nais tu1e amitié, co1np1•e-
t si on Bossuet-Fénelon qu'on pou t suivre tians Je détail le naut en son essence ·1a réciprocité (laquelle interdit de
ré des débat qui concerne l'espéranêe. Ce n'est pas le lieu peru;or que Dieu pourrai~ se refuser à l'âme aimante :
d'étudier l'hist.oil'e de cette controve1•se, qui, aujour- elle n'aimerait pas, de cette 1nanière du moins, s'il
,us cou- d'hui encore, provoque dos prises de position passion- n'airnait pas le premier et d'un a,nour qui se donne) :
Tlll.11Îèrll nées. Nous renvoyons à l'artic:le DÉsINTÉRESSEME:l'-iT, cc ne songer pas à lui 1>lait•o au fond ot ne le pas désirer
pérariéo l>S, t. 3, col. 577-586, n'examinant ici que le point de tout son cœur, c'est renoncer à cette a,ni tlé 1•écip1•0-
verrons précis de la valeur de l'espérance. quc, sans quoi il n'y a point de charité » (Instruction sur
1n 8, 8), Le !énelonismo tient dans la notion d'amour entière- les états d'oraison, liv. 18, n. 8, Paris, 1697, p. 296-297).
i l'espé- ment désint6ressé, Si nous revenons au problème de l'espérance et de sa
v6rit6, con1pa tibilité avec la charité, la solution do Fénelon
u Père., , _qui a llté nommé pur, pour taire entendre qu'il n'ost d'ordi-
.
1.s aime,
n~lre excit6 par aucun aut.ro 1nolif, que celui d'ain1cr uniquo- consiste à transpol'ter dans l'espérance la distinction
, je suis m?nt en ello-mêrne et pour ello-mê1no la sonveraine beauté do enb·c intéressée et désintéressée, de façon qu'au pur
~ana.les D1e1j. C'est ca qui! Jea Anciens ont exprirn6 en dL-sant qu'il a,nour corresponde une espérance désintéressée :
~t Dieu '1 a \rois états : Je prèmier est des justes qni craignent oncoro
Pal' .un reste d'esprit d'e$da,,<,gc. Le second est de ce\lX qui Par là on pout concilier co n10 semble la charité pure avec
èt nuit, l'espérance. Je puis attendre et désirer le royaume de ùieu,
1u1• fera espàront encore pour leur propre intérêt pat• un roste d'eRprit
1/U,rcena.ire. La troisièn10 osL de ceux qni m~rilcn t d!ôtre nom- c'est-il-dire l'espérer nvec autant de désintéressen1ent pour
més les enfants, parce qu'ils ahnont le Père sans aucun n1olit 1noi que pour 11n nutro. J A le désira en n1oi, ,nais non pas pour
injéressé, ni d'esptlranç(l, ni do crainlo • (R:1:1,licotion des n1axi- n1oi. .Je le désire pour aa pure gloire et pour l'accomplisse1nent
notre do son hûn plaisir qu'il m'a révélé... Cé désir est une espérance
l . Vivre mes des saints su.r la 11ie inldricurc, 6d. A. Cluirol, Paris, 1911,
g. 191,-135). forrnollo ou quelque choso do plus partait qui la renferme
:lie est 'Cotte pureté de l'a1nour, Fénelon, co1n1no Mm• Ouyon, é1nlncnunont et qui satisfait encore plus parCait\lment au
)sse dè l'exprirnait sous la Cornio de l'acceptation, au 1noi11s condi- proco!)lo quo l'ospéranco lnlurosséo (Explication des 1tr1icles
iage la Uonn~o, da la damnation, et c'est lui qui fit ajouter nux d'lssy, éd. A. Chére!, Paris, 1915, p. 6-7).
!or. 15, 411/clcs d'lsS'!J Jijll propositions 81, 32 et 33 qui s'y rapportent, Fénelon a-t-il rnodifié plus tard cotte solution (cr J,. Cognet,
r, c'est tout en sauvègardant (32) la vertu d'espérance (sur ootte Crép11.sc1tlo .. , p. 28~)? Il no semble pas que les explications
•dllition, cl L. Cognet., Crépusc11ls d"s ,nystiqucs, Paris, 1958, fournies soient substantlellen1ent dilTérentes, elles cornplù•
>n ac'te tent plutôt cette solution en montrant le pur arnour totale•
ui• être p. 290·302; vol!' p. 237-238 texto parallèle de Mm• Guyon).
ment indépendant de l'espérance, maia incit11nt à l'exercice
tel es't Cependant Fénelon connaissait trop bien la doctrine de celle-ci : « En cet état on espère. Mais ce n'élit plus l'espé•
de l'Eglise pour exclure de la perfection chrétienne la rance qui anime et qui soutient la charité. C'est la charité
vertu théologale d'espérance, et il n'y a aucune raison qui prévient, qui commande ot qui animo l'espérance, et on
- Lo. 11i111erait autant quand niôn10 on n'espérerait plull • (Jtxpli-
u'sleurs de sµspecter sa sincérité, lorsqu'il accepta Je premier cation des ,naximes .. , p. 184).
!'Jj)glise article d'Issy réafllrmant l'obligation d'exercer les
t toute voJltus de foi et d'ospél'ance. D'autre part, il était trop Ces textes n1anifestent la volonté de faire place à
e cette théologien (bit'ln que pout-1\tre il Cu t trahi par une l'espérance dans l'état de pur amour et témoignent
vertus insuffisante analyse théologique des notions en cause) en n1ê1ne temps de l'échec de l'entreprise. Fénelon
gnages pour résoudre l'opposition entro l'amour pur, tel qu'il n'arrive pas à distinguer cette espérance désintéressée,
1els les la concevait, ot l'espérance, pat' cette approximation de do l'a.1nout· qui llnalement est lui-même ce <c quelque
, èhré~ Mme Guyon: l'espérance, cc c'est vivro tians l'attente de chose de plus parfait », par quoi est accompli plus
1215 ESPÉRANCE
pa1•faitement le précepte d'espérel'. EL n1ê1no si on devons l'ai1ner uniquon1ent pour son a1nour. Le salut
reconnaissait quelque efficacité à · ces efforts (E:1:plica- n'est pas exclu, puisque la raison d'airner Dieu pour
tion des tnaxirnas .. , p.144-511.), li l'estorait quo l'exercice lui-miline est qu'il nous a aitnés pou1• notre propre bien,.
de cette espérance serait un comn1ande1nent tout à fait. - il est facile de retrouver dans l'œuv1·e de CassienJa
arbitraire : pourquoi s'imposer un acte inférieur à place de l'espérance des biens éternels (Collatio fO,
l'acte d'amour si celui-ci, qui suffit à la perfection, n'en 17, etc) - , pourtant, dans ses rappol'ts avec la charité,
a nul besoin?
J,e problème dont Fénelon cherche en vain la solu-
-
l'espérance se1nble n'avoh• qu'un rôle d'inLroduct1•ico
.
appelée à s'effacer (cf encore Collàtu, 1 o, 9).
tion n'est po,1rtant pas chirnérique. L'embarras do 30 LA VALEU!l J)Jl L'ESPÉRANCE A••••1RMP.E PJ.!
Dossuet en est une illustration éclatante; contraint de L'ÉCLISE. - L'enseignernent de l''.Écrituro est trop clair
suivre l'adversaire s 111• son terrain, il se prend aux J)Otll' qu'il puisse êLro in flr1né par quelques témoignages
miln1es filets. Il montre magistralement que le pur Uinotll' épars, d'ailleurs peu 0lah•s. AUS$i le magistère de
ne saurait exclure le désir de la béaLiLudo, puisque l'Église était-il fondé à rejeter et à condamner to_utè
Dieu veut pour le juste cotte béatitude. Mais il Qr\ vient prétention à une perfection excluant l'espé1•anco. Il
alors lui aussi à distinguer, - distinction qu'il attribue nous faut retenir de ces condamnations l'affirmation
à Cru;sien -, espérance intéressée et espérance désin- catégorique de la valeur et de la nécessité, à tous les
téressée (l11struction 81,J.r le$ états d'oraison, liv. û, n. 35, degrés de la vie chrétienne, du désir de la béat.itude
locn cit., p . 218-214). éte1t1elle et de l'espérance d'y parvenir po.r la grâce d,
Il dit ad1nil•ablomont que la béatitude est <1 au-dessus Diou.
de cc qu'on appelle intérêt, encore qu'elle le co1nprenne,
puL'lqu'elle comprend tout le bien et q\le l'intérêt en Oulro la 9° propo~ilion condamnée d'Eckharl, cil6e plus
haut, 1nentionnona lés propositions 7 et 12 du décret de coq,
ost une sorte» (liv. 10, n. 29, p. 460) . Il démontre que da.111nal!on de l\1olinos (citées à l'art. ABANDON, DS, t. 1, col. 35
le désir do salut, voulu par Dieu, est un acte de chàrité et a1). La cond111111111tion de l'Ei:piicati.on des n1aximcs tk, .
(liv. 8, n. 4-8, p. 277-286); mais après avoir ôté à. l'espé- saints cle Fénelon porte expressé1no11t sut• l'exclusion de wtll
rance elle-mêrne ce désir de Dieu, qui ~st le désir n1otif • intéross~ • de l'cspérnnco ol;, do cc fait, enseigne l'ohii•
<< désintéressé ,, du salut, il n'al'rive pas à ·lui assigner gation pour toul chrétien de s'inlc\resser à son propre solut;
uno place et un rôle spécifiques à côté de la charité. Lt\ proposit.iün 11 a été citéil au t. a, col. 585. ·voici la 61 :
Chez llli comme chez Fénelon, 'l'espérance désintéressée « ln hoe si111ctac indifTeréntiao slntu nolumua 11,1T1plius sa.iuteQI
n'est finalement pas autre chose que la charit6. ut salutli,n proprirun, ut lil,orationem aeternam, ut meroe,
Ainsi dès qu'on fixe son attention sur le désintéres- dc,n nostroru1n meritoru1n, ut nostr11111 iulorosse; scd ~am
volu1nus voluntate plcna, ut glorian1 ol bonoplacit11n1 o,1i
sement do l'amour, on se trouverait contraint à ne ut re,n quam ipse vuH, et quam nos vull vollo propter ipsum ,.
préserver l'espérance qu'en la perdant dans la charité?
N'est-ce pas la sacrifier ot ne la conserver que nomina- Que l'espérance nous soit prescrite par l'Écrituro e)1
lement, pour faire droit en apparence à la tradition? mê1no temps que l'amour, que l'Église nous impose de
On sait que Fénelon faisait appel à l'enseignement croil'e à sa valeur propre et, à sa néèessité, cela n'omp'e•
constant et à l'expérience des mystiques. On ne peut cho pas qu'il puisse être difficile de voir con11ne11t cèUe
cerle.s clou ter que la « mise en cp.1estion » do l'espérance vüleur subsiste dans la chaJour croissante de la eharitê
ne se rencontre, plus ou moins ouverte1nerit, chei et n'est pas finalement constunée par elle. Le 1nalaîse
beaucoup de n1ystiques, J)armi los plus grands. des spirituels doit être pris en considération ot il faut, en
On nH doit 11i ,nlnhnlscr, ni ext.r::ipoll)r h, ITH)t dà Saiut Fl'nn- préservant ce que ses raisons ont de valable, trouver le

çoia do Sales : • Il (le cœur indifférent) 11imorail ,nicux l'enfer 1noyen de le dissiper. Ceci de,nande. que soit précisôola
avec la volonle de Dieu que le Par11dis sans l a volont6 do Dleu: notion de l'espérance : r;a place dans la vie spiritueùt
oui, 1r11î1nc, il préférerait l'enter au Paradis, s'il savait qu'en
eolui_-là il y eut un pe\1 phlll du bo,i plnlsil' divin qu'eu celui-ci; apparaîtra alors.
en sorte que ~i, par i1T1agi1111Uon de chose hnpossible, il sav1;1il
que sa damnation fùl un peu plus ngréable à Dieu que sa sill- 2. NATURE DE L'ESPIZRANCE. SA PLACE DANS L'ORGANISAI
\
vation, il qu.ittorill~ sa. salvatiol_! et courrait à sa duuulation • SPllUTUEL
('Traité de l'a,nour de Dien, iiv, 9, ch. 4, t 5, Annoc:y, 18\Ht,
p. 122). t 0 NÉCP.SSITÉ DE L'.ESPf:RANCE. - TouLe ontroprisa
Cotte acceptation conditio,1néo do la da1nnation se trouve humaine co,iHnenco par le voulo.i r de la fin : c'est ce·q
bien souvent chez les mystiques non seulc1ncnt au cours d'une
épreuve, mais aussi co1n1110 une 1nanière d'exprin1er le désin- caractérise l'agent intelligent et volontaire, s'assign
tércsscn1ent clo l'1;1mour. Voir quelques textes cnractériat.iquHs une fin et y conduire toute une sério d'actions, souvon
cités par l°'' . Varnet, La spiritrtalité médiévale, f>ariH, 1929, dispa1·ates, mais ordonnées à elle et par ollo. Ce voulo
p. 162-163; sur lo désintéressement de l'amour 1:hoz sainto primordial comprend deux actes successifs : d'ab~
C11lhed110 do Gônes : L. Cognet, ]Je la dé11otion 111odcrnc à lei l'amour, ou le « simple vouloir », par lequel l'agent fijit
spirit11,alité frcinça.isc, Paria, 1958, p. ~G; sur ln spil'ituo.lité de cet le fin son bien; puis l'acte, pa1• lequol il se l'assigo
d'lh\dcwljch, toute centrée i;ur 1'0.1nou1• désintéressé, comme fin à poursuivre et à réaliser, l'intentio. Il nt
J.-D. Pol'lon, in(.rod, à l-larl,1wijcli d'Anvers, Paris, 1951,,
s'agit pas là d'un vain ralllnement d'analyse. Le« sinipl
Un auteul' lequel Fénelon s'appuie ùL dont
S\11' vouloir » ne suffit pas à déclencher l'action, étant an
l'exégèse de Bossuet défor1no la pensée est Cassieu. rieur à tout << vouloir agir ». C'est dans un second teml!I
Chez Cassien, la crainte, l'espérance et l'an1our sont que, placé on face de ce bien qu'il aime, l'agent volon
présentés co1nme t1•ois degrés dans la fuite du 1nal et la taire se décide à en faire la lin de son action, à le po
poursuite du bien (C'ollatio 11, 7). La raison que pro• suivre officace1nent.
pose Ca.ssien fait ressortir co1nbien l'espéranco parait L'i,u.e11ti!l suppose que l'ag~nl volontaire, par la raiso
malaisémenL coinpaLible avec le dési11téresse111enL de connatt que la fin peut être nlteinte et 1111'il possède un
l'amour : Dieu, dit-il, nous a ailn6s lo pre1nier sans conn~issancc générale de rnoycns qui rendent la fin accessible
égard à rien d'autre qu'à notre salut, et de n1il1ne nous concrètanHJIIL. L'intcntio ~a porte donc globakllncnt sur la fil
1 '
1216 1217 NATUTIE DE L'ESJlf:RANCE 1218
salut et sur l'onsemble des rnoyens : • furtur in Jlnern secundu1n 2° Û BJET DF. L'ESPÉnAN CF.. - Los di vers éléments
pour q11od acquiritur per ea quae sunt ad fi nen'I • (S. 'l'hon1as, 1•
2.é q. 12 Il. (a ad 8), cc qui ne requiert pna la délarminnti.on qui composent l'objet de l'espérance peuvent aisément
bien, précise de ces ·1noyens1 nl da çeh1i par lequel il va falloir r.-0m• êtro identifiés. Ce sera d'abord la béatitude surnaturelle,
en la 11\Cncer : • intontîo llnis esse potest no11d11n1 detcrnlÎnatia le Bien divin en tant que communiqué à l'homme,
> 1 o, llis qoae sunt ad finem quorurn est elcctio •(ibiclem). L'acte puisqu'elle est la fin dernière dont l'espérance est lo
tri té, d'inttntion po1•te sur les n1oyo11s indil•ecLllment, in obliqrio; voul1Jir. Non pas n'irnporto quel vouloir, mais. celui de la
1trice l'election nu contraire porte directement sur le moyen qui a fin à atteindr'e, ce <p1i suppose qu'elle n'est pas encore
~l.ô çhoisi.
obt:onue, qu'elle est à venir (sur• ce caractè1'e de l'objet
On notera encoro que le bien que l'on ahno ne devient une de l'espérance saint Thomas insiste particulièrement;
PAR fin quo lorsque l'acte d'intention ust. fait. Tant que l'agont
clahi volontaire n'n pas décidé de lo poursuivre, co bien n'est le Quacstione11 disputatae, De spc, a. t,). C'est un vouloir
1ages principe d'aucune acLio(.I, d'aucuno réalisation, il ne finalise etllcane, c'est-à-dire portant, en même te1nps que sur
e de rien; li n'est pas cause finale, sinon en acte premier. la fin, sur les 1noyens par lesquels elle est accessible.
loute Or, elle n'est accessible à l'homme qùe par le secours
Si ce vouloir do 111 fln so trouve au principe de toulè entre• de Dieu et non par une aide qui faciliterait seulement
e. Il prlso humnine, à plus forte raison est-il au point do départ
ation dol'entreprise humai11e primordiale, celle de l'l;lccompllsso111011 t. ses efforts ot qui se situerait comme un rnoyen parrni
,s les définitif de soi dans la b(lntitudc. En avançant dans la vie, d'autros; il s'agit d'un pur don, en dehors duquel tous
îtude l'homrné se précise Jo visage de la béatitude qu'il cherche à les eJTorts sont dérisoires : si le Dien infini ne se commu-
ce dé fénl~cr; 1naîa il y a nécossairomen t, au seuil do la vie cons- nique pas lui-même, il do1neure inaccessible à la créa-
ciente, un pNunier choix, qui, tant qu'il n'est pas répudié, turo qui lui est totaleinent disproportionnée. Cela
çOmmande toute l'activité volontaire subi;équente, IH choix exclut-il, avec les eliorts humains, le vouloir rnême de
, plus d'une certaine forme de béatitude vers la réalîsation de laquelle
1 con•
cette fi n qui est l1ors de notre portée? Nullement, car
1~ volonté so lénd, C'est l'inte11tion prin1ordiale, dont l'objet allo est vraiment pour l'homme une fin , c'est-à-dire un
:ol. 85 Oat la tin dernière (on trouvera dans R . Lo Senne, '.l'raÎ/6 clc
is des morale générale, Pu r is, 1947, p. 62~· 633, un exposé du pro- bien en raison de quoi il agit, dont ses actes le rappro-
i tout blorilo de I' • intention • en n1oralo, d'inspirâlion toute difré- chent et qu'un acte lui fera atteindre vitalement. Ce
l'obli• re.nto de celle de saint 'l'homas, rnais qui lit rejoint en plu- dQn <le Dieu commence à la source rnêrne de ses actes;
so.J.ut. sJcuri/ points). la: grâce 6lève la nature et les facultés au niveau de cet
a 6° : La volonté n'aurait b,isoin quo dè son énergie propre, s'il objet transcendant, et la communication de la béatitude
lutem s'agissait de ln fin à laqualle l'hon1n1c est ordonné par sa nature. divine sera le couronnement de ce don de la grâce en
~orce- Comme par définition uno t01!1;1 fi n olit été nccesslblé aux seules mêrne temps que le fruit du n1érite de l'homme, car le
, eam forces de la nature (avec lo socours d'une rnotion dlvinn, qui
, ù e!, don de Dieu a pour but d'abord do faire mériter ce qu'il
aurllit mls en éxercice les fucult,és natives), pour la vouloir veut donner. Il en 1•ésune que le vouloir efficace d'une
:+
iUll\ •, l'homme n'aurait ou à s'appuyer que sur lu conscience, mAme
l.rès vague, de ses énergies et de sa place dans le monde. Pour telle fin ne peut que s'appuyer sur la promesse du don
re en bcaue-0up d'entreprises plus p'llrl,icul.ières, au contraire, de Dieu, et sur les mérites acquis ou à acquéri1•,_puisquo
se de l'hom,110, pnradoxaio111llnt, et'it élé inoins sûr de lui, et le buL ces 1nérites sont le premier don de Dieu en tnê1ne temps
n1pe-• désiré, plus proche, n111is aussi 1noins parfnitemont • naturel •, que le fruit de la liberté hu1naine. •
cette se serait présenté à sa conscience cônlme difficllo à atteindre, Ainsi l'espérance apparaît-olle co1nme divisée entre
1arité exigeant ofrort, lutte parfois, et en outre bien souvent d(lpen- deux objets et, à travers eux, entre deux .tendances,
llaisè dant d'autrui. Alors cette • int1Jntion • aurait pris lu forn1e dont on hésite à dire laquelle est. prévalente : la béati-
originale do I' • espérance "· t11.cle d'une part, et la tendance correspondante qui est
1t, en
rer le Or, l'homme ne peut s'accomplir que daru; la béatitude le désir du bi<1n divin; le secours divin d'autre part, et
;ée la surnaturelle, la béatitude de Dieu à lui gracieusement la tendance correspondante qui est la confiance (sur
tuelle communiquée. Pour atteindre cette fin, les énergies cette opposition qui partage les théologiens, voir
Ph. Dolhaye et J. Boulangé, Espt!rar1ce et vie chrétienne,
naturelles no suffisent évidemxnent pas, ot pas davantage p. 181 -'199).
pour le vouloir. Il ressort de ce qui a été dit de l'inten-
tion.que cet acte de volonté précontient et ramasse en Ces deux aspects sont trop intimement liés pour
~SME qu'on puisse les séparer, et il est impossible que leur
lui à l'avance tou t l'ordre de l'exécution. Si celui-ci. est
surnaturel, le principe dont il procède, le vouloil' décidé cornbiuaison ne constitue pas un objet original, auquel
,prise de la fin, no peut être que surnaturel. Et comme la réponde un acte également original : la béatitude sur-
e qui béatitude su1•naturelle n'est accessible que par le secours naturùlle est Pou.lue par l'acte d'espérance. Or, olle n'est
igner divin, la volonté ne peut se porter efficacement vers et ne JJ~ut être voulue que comme donnée par Dieu, sous
1vent elle qu'en acceptant ce secours et on s'appuyant sur la forme de la grâce qui la fera mériter, puis du fruit
1uloir lui. Ainsi l'intention os t un ac te d'espérance. Mais puis- do ces 1nérites. Ainsi la béatitude est objet de l'espé-
tbord que la volonté n'est pas naturellement capable d'un rance, mais for1nellement en tant que don de Diou,
t tait tel note, il lui faut être surélevée par un habitus surna- alors que, en elle-même, elle est objet du désir.
signe turel infus, de même nature que l'acte, l'espérance. L'espérance est une vertu théologale, ayant Dieu pour
Il ne Le rôle de, l'espérance dans la vie ch1•étienne apparaît objet de deux manières : lo Bien divin fait la li'éatitude
1nple déjà indispensable : conunent pourrait-on tend1'e vers do l'homme, et c'est Dieu qui lo donne. A quel titre
nnté- la fin sans d'abord la vouloir? Vouloir la fin dernière est-elle tl1éologale? Si Dieu est la béatit1JIJ<- de l'homme,
emps surnaturelle, · c'est espérer. Si l'acte d'espérer fait c'est en tant que possédé par l'homme, et donc parti-
olon- l'objet d'un .précepte divin, c'est parce qu'il est, avec cipé, 8i parfaite que soit cette participation dans la
pour- la foi, la démarche initiale de l'homme vers Dieu, celle vision béatifiquo. Au contraire, c'est tel qu'il est en
qui inaugure nécessairement l'acoomplissen1ent do tous Iul-rnên1é qu'il est pour l'homme source do sa béatitude,
Deus a11,xilia11s.
niaon, les préceptes moraux: ordonnés à la vie éternelle, celle
i uno dont dépend la charité, principe et consommation do l,,e plus souvent saint 'l'hon1as indique la seconde rnnniêre;
2• 2•e q. i 7 a. 6 : • Spea nutem facit Deo adhaerete prout est
ssiblo tout le progrès 1noral. L'ho1n1ne doit ospér·er, parco qu'il ln nobiH prinoipium perfectaf:l bonltaLis • ; dnns le mti1illl sens :
ln fin dojt aller à Dieu par ses propres actes. 1• 2•e '1· 40 n. 7, à propos de la passion espoir; 1• 2• 8 q. 62
DICTIONNAIRE V E ~ r l l\ lTV ALl'l'B. - T. IV.
39
1219 ESPÉRANCE
a. ~. et aurtout De spt, tt, 1. Parrois il indique la premièl'e 1) L'espérance suppose la foi. - Le vouloir dè 1A
manière (vg 1• 2•0 q:62 a. 3; 2• 2•e q. 20 a. 2). S11r l'évolu• fin, auquel il !aut rattacher l'espérance, suppose que IJ
tion de saint Thomas sur cc point, cr S. Pinckaera, La naturé fin soit connue : « nil amutum nisi praecognitum •· O~,
Pcrtucusg de l'espérance, dans Revu~ tho1nis1c, t. 58, 1968, p. 623- la fin surnaturelle n'est connaissable que par la révéla•
644. tion divine, et donc d'une connaissance de foi, qui suppose
une vertu théologale infuse (cf art. Fo1). Ainsi l'esp~
En réalité, il y a une proportion si rigoureuse entre rance présuppose la foi d'abord, comme le vouloir d~
Dieu source et objot de notre béatitude que cos deux la fin suppos,e la connaissance de la fin.
,nanières dont Dieu est objet de l'espérance n'en font C'est un lien plus spécial et caractéristique que sou
qu'une. De même que la béatitude surnaturelle ne peut ligne l'usage biblique, lorsqu'il les prend fréquemment
ôtro donnée que par Dieu, le seul don qui corresponde l'une pour l'autre. L'espérance, disions-nous, a pou
vl'aiment à ce donateur c'est lui-même. Cortes, il peut objet le secours divin : mais ce secours divin, cominep
donner dea biens inférieurs : toute la création est don et l'ho1nme pourrait-il l'utteindrt:, s'il ne lui avait ê
tout le gouvornenlent du monde. Pourtànt, dans l'ordre promis? Comment saurait-il qu'il lui a été promilî si
nah1rel, l'acte de comptor sur !'Autour de la nature cette pro1nesse ne lui avait pas été révélée?
n'aurait pas été théologal: il aurait eu po111• objet direct Tout cela est contenu dans la connaissance do la fln
un bien disproportionné à la libéralité divine en ce surnaturelle. La Vérité, en Dieu, se confond avoo 11
qu'elle a d'unique, d'infini, et immédiatement propor- Bien, dans l'unité transcendante de l':E:tre divin. Dl
tionné par conséquent à un pouvoir et à uno libéralité ne peut révéler sa Vérité, la vérité de son ll:tre, sans , .
finis, sur lesquels aurait été fondée une espérance natu- révéler comme Bien, c'est-à-dire sans s'offrir comm
relle. Au pouvoir et à la libéralité de Dieu, seul le Bien fin. Et, selon du moins saint Thomas et son école, C'!Jf
divin est proportionné : l'objet de l'espérance c'est le par la connaissance do la vérité divine, parvenue d .
Bieil in'fl,ni se comrnuniquant soi-m81nt, ou plutôt, car la vision béatifique au terme d'elle-mên10, que seras ·
dans la mesure où il se communique il est déjà donné et le Bien divin, notre fin dernière.
possédé, c'est le Bien in/1,ni co1nme principe de la com- '
munication de B(Ji-ni&m.e, c'est-à-dire <ft;nirrw pouvant et 2) L'espérance n'est pas la foi. - De la·lo
11oular1t 86 cornmuniql,i(Jr soi-rnOme '(Jean de Saint-Tho- jaillit l'espérance. Mais on pourrait penser qu'elle
n1as, commentaire de la 2a 2 36 disp. '• a. 1, a 1nontré la confond avec elle : si Dieu se révèle en n1ême tell)
connexion intime entre ces deux éléments constitutifs coin,ne le Bien et comme le Vrai, n'est-ce pas un ac
de l'objet do l'espérance). Les biens tel'rcstres ne sont nuique quo de l'accepter con1me Vrai et conune Bien
pas exclus du domaine de l'espérance. Car Ils peuvent ,Il ne faut 1>as méconnaître pourtant les distinct\o '
servir à l'obtention de la béatitude, dans la nlesure où qui sont dans l'homme. La volonté n'est pa.c; l'intll
ils sont nécessaires à la vie temporelle, q\li prépare la gence, le vouloir n'est pas le connàître. On peut co
vie éternelle. Cependant cc rôle est ambivalent, aussi naître Dieu comme le Bien, la fln dernière, sans 1
leur appartenance à l'objet do l'esr,érance est-elle rela- prendre comme son Bien, comme sa fin, sans Je vouloit
tive et précaire. Il faudra finalement les perdre pou1· En fuit, le pécheur qui a la fol en est là.
que se 1·éalise l'espérance. Pou1·tant le pécheur peut av.o lr l'espérance théol
Il y a deux manières opposées de toanquer à l'espé- gale (cf 57c proposition condan1née de Quesnel : «)~
rance. Son objet étant Dieu nltime, on ne saurait tro1> est spes in Doo ubi non est a1nor Dei », Denziri
attendl'e Dieu ni trop attendre de lui, de sort.a que n. 1407). Connaissant, en effet, par la foi Dieu corn
l'objet de l'espérance ost un excès, l'excùs de la Bonté sa fin dernière, c'est-à-dire comme voulant se comn:i
de Dieu, et désirable et généreuse. Mais c'est notre niquer à lui, il pe\1t en 1nême temps refuser actuellem
manière de désirer Dieu ou do compter sur sa bonté qui cette communication en raison du bien créé auquel
peut pécher par excès ou par défaut. On peut lo consi- est atto.ché et se réserver pour plus tard de se retoul'll
dérer hors de nos prises et se détourner de lui comme vers Dieu. Cet état d'âme, nullement chhnériquo,
impossible : c'est lo déseBpoir. On peut inverse1nent comporte aucune confusion entre la foi _ot l'espéra~
sous-estimer sa transcendance et y prétendre comme à car il s'agit encore d'un vouloir de la fin, présenteln
un dfl, à un bien qu'il n'est pas nécessaire de mériter, inelllcace, qui est une sorte d'anticipation d'un voùï
Dieu ne pouvant pas no pas le donner : c'ost la préBonip- que l'imagination 1>rojette dans l'avenir.
tion. Dans les deux cas, l'objet de l'espéraoce est rejeté La foi se distingue si bien de co vouloir imparf
par la volonté : le désespoir repousse cc- Bien comme «entravé)), qu'elle ne l'hnplique pas n6ccssaireroen1'.
s'il n'était pas donné, la présomption con1me s'il n'était peut à la fois croire en la Bonté de Dieu, on sa P
pas un don, sance, en sa Miséricorde, et, soit se porter présompt11
soment vers le Bien divin comme s'il n'était pas un
a 0 · L' ESPÉRANCE ET L,\ FOI. - Le langage biblique
de grâce, soit so laisser décourager par sa transcend
aisément unit l'espérance et la foi dans un môme
co1nme si la grâce n'était pas offerte. Cette enflure ou
vocable. En fait., elles sont intimement liées. Il ne faut
abatte1nent sont favorisés par une inattention ~
pas se méprendre, en effet, sur le sens do nos analyses :
vérités de foi concernanL le salut. Ils no se réduisent
oxistentiellement le mouvement de l'âme vers Dieu est à cette inattention. Pour comprendre cette .dissocia
un, et si nous distinguons en lui la part de l'intelligence
entre foi et espérance, il faut falro appel à la disjoncU
et cello de la volonté, lu part de la foi et de l'espérance,
puis de la charité, c'est. pour les réintégl'el' àussltôt dans si fréquente, entre le connattre et le vouloir. La vola
l'unité de la démarche spirituelle. Or la 11ible présente nornlalement est réglée par la raison, et par la foi,d
volontiers cotte démarche en son unité vivante. Nous le domaine surnaturel. Mo.is elle peut, parce q1,1'.
est libre et défectible, se soustraire à cotte régulati
verrons, soit pour la foi, soit pour la cl1arité, que, dans
c'est le péché. Sur ce point du vouloir de la fin del'lli
cette unité, les l'apporta qu'elles soutiennent entre elles
surnaturelle, elle peut vouloir autrement que la (q
sont différents selon le point de vue où on se place et
selon la phase de la démarche spirituelle do l'homme. l'indique, et c'est pécher contre l'espérance.
1220 1221 ESPÉRANCE ET FOl 1222
do la 8) Certitude de l'espérance. - Cette différence parce que c'est en apparaissant comme celui dont nous
ue la èt cette connexion entre les deux vertus théologales attendons notre bien quo Dieu se fait aimer d'abord,
;, Or, apparaissent encore dans cotte propriétll qui leur est et à partir de là on est incliné à l'aime•• pour lui-même.
1véla- commune, de façon diverse, la certitude. La foi est Ce progrès accompli, la charité, lorsqu'ello est dans
~pose l!Ult;1ine : la vérité révélée est.certainement vraie (certi- l'ihne, rejaillit SUJ' l'espérance et la perfectionne. La
'espé'- tude objective), et celui qui croit est certain de la vérité cha1•ilé seule confère à l'espérance sa valeur vertueuse.
1ir de de ce-qu'il croit (certitude subjective). La certitude de Dès lors, pour saint !l'homas, l'opposition qu'on prétend
l'espéro.nce est autre. Elle est participée de celle de la voir entre l'amour intéressé que comporterait l'espé-
l SOU• foi : .connaissant avec certitude que Dieu est lo souve- rance et l'amour désintéressé qu'est la charité est
1ment 1'8.in Bien, qu'il veut se communiquer et se communique inexistante : la charité, loin de ch11$.se.r l'espérance,
pour par.les .moyens qu'il a détor1ninés, l'homme se donne ass11r-1l l'amour dont procède l'espérance (ef 211 2110
1m~nt pour lln ce Bien à J'ecevoîr de Dieu par ces moyens, et sa q. 17 a. 8; De 8pe, a. 3).
it été volonté s'attache à cotte fin .sans hésitation, cornme à
nis si la •lin pour laquelle il est fait et qui no saurait le déco- Que l'n1nour dont procède l'ospclrance formée soit la charité
VOtr. appnrntt clairen1011t dans ces deux grands textes, on particu-
lier dans le <ul 2 de la Sonune : • Spcs et omnîs motus appo-
la fin La difficulté est qu'il n'est pas de toi que cet homrne tlllvus ex nmore provenit aliquo, quo scilicot aliquis 11.mat
rec le parvie11dra à la béatitude. Lo doute qui subsiste, sur le bonurn oxper.tatum. Sed non omnis spes pl'Qvonit a caritate,
Die'll plan do la loi, ne saurait rejaillir sur l'espérance, parce aed solum motus spei lor1na tae : qua scilîcet aliquis sporat
llDB se quQ nul ne manque à se sauver que pour avoir manqué bonun, a Doo ut a.b amioo •· Aussi, parce que, à jW1te tHro,
omme à Dieu ot s'être détourné du Bien divin. Dès lors, pour saint Tho,nas, autre chose est l'espérance, autre chose
, c'est l'espérance est absolument certaù1c; elle ne peut déce- l'11mo11r dont l'cspôrance procède, la transformation do l'amour
, dans voir celui qui espère, elle peut seulement êtl'e trahie lrnparrait en amour parfait do chnrlté no change pas substan-
tiollement l'espérance qui procède de lui (sur cette interpré•
a. saisi p~ lui. 11 espère, en effet, que Dieu se donne à lui par talion <:lassique en thon1is111e, qui aurait 6vité à Bossuet et à
sa grâce, génératrice de mé1·ites, par lesquels il accédel'a F6nolon l'impo~3iblo notion d'espérance désintêreaséc, voir
au don plé.nier, à la source mên1e de la grâce. S'il so J lj.an do Saint-'l'homas, loco cit., t. 7, Paris, Vivès, p, 333).
la foi détournait du Bien divin, il se déroberait à la grâce et
3lle se nipousserait l'objet de son espérance. · La charité n'exclut pas l'arnour de soi, rnais l'intègre
temps et l'ordonne.
n acte ') L'espérance anixne la foi. - Si l'espérance 2) L'espérance avant la ch81'ité. - Si nous
Bien? est enracinée dans la foi, dont elle jaillit normalement, envisageons maintenant le cas d'une conversion qui se
1ctions fespérance, à son tour,« dynamise,, la foi. Nous faisions prépare, nous sommes -en présence d'actes de foi ·et ••
lntelli- l'f!marquor que Diou se révèlo comme Vrai suprême et d'espérance précédant la charité. Même pour croire il
t con- ultimo raison dos choses, cornme Bion parlait, ot que faut lo « pius credulitatis affectus », l'acte de foi compor-
ans le ~ creaturo à I qui Diou se révèle et qu'il appelle à lui tant un acte surnaturel de volonté qui est déjà ordina-
ouloir, doit trouver ~n lui son accomplissement. La foi n'est tion de l'âmo vers le bien divin. Encore plus est-il
donc pas une connaissance seulement théorique, elle nécessaire, pour l'acto d'espérance, qui est un acte de •
lhéolo- est principe d'action. Mais ello ne saurait être principe volonté dont l'objet est le Bien divin, qu'il y ait un
~ Non , ln_imédiat de l'agir, étant connaissance. Au principe acte d'amour de Dieu. Pourtant, par hypothèse, Dieu
zinger. de l'action il y a le vouloir : ce vouloir de la fln que la n'est pas ahné pour lui-même, puisque· l'âme n'a pas
;omme connaissance présente à la volonté et qu'êlle est impuis- encore la charité. C'est l'anwr imperfectus dont paJ'le
)ffimU• sante à lui imposer. Cet acl:e de vouloir la fin, qui, s'il saint 'l'homas, amour du Bien divin pour soi-,nêmo,
lament S'agit de la fin surnaturelle, ost l'acte ,nême de l'espé- amou1· de soi. Ce n'est évidemment pas un acte vicié, et
1quel il rance, confèl'e ù la foi ce dynamis1ne qu'elle réclame et par conséquent on ne saurait admettre quo dans cet
:ournel' qu'elle n'a pas toute seule. amou1• de soi le moi créé soit fin dernière. Il faut donc
1ue, ne recon11attre, comme dans le cas idéal de la première
érance, i? L'ESPÉRANcr:: .BT LA CJJAntTÉ. -
Un des problèmes
~ plus délicats que pose l'espérance est celui de ses démarche do l'être spil'ituel (cf ,f.- J.I. Nicolas, Amour de
toment tafports -avec la charité. - soi, am,our de Dieu, arnottr des autres, dans Revue tho-
vouloir mitJte, t. 56, 1956, J). 26-28), que cet a1nour do soi est
4) L'amour au principe de l'espérance. - ouvert à l'amour de Dieu par-dessus tout, lequel est
parlai~, L'espérance comporte l'amour du bien espéré et, dans impliqué en lui. Il on résulte que, la charité survenant,
3nt,. On le cas de l'espérance théologale, ce bien est Dieu. l'amour dont procéda l'espérance, cet amour du Bien
a Puis- Uam'oul' que comporte, ou tout au moins dont dépend divin à posséder, prond sa vraie dimension et son vrai
1ptueu..- l'eapéranco, est-il ia charité? sens en devenant lui-même un acte de charité, car la
un don Ce que l'espérance exige c'est quo le Bien divin soit charité consiste aussi à s'aimer soi-môme, en Dieu et
adance, oonaidéré par celui qui espère comme sa Fin dernière, pour Dieu (cf 26 2110 q. 25 a. 4).
~ ou cet 10ll80UPerait1 Bien. M'als la charité est bien autre chose: Ainsi l'a.,nour de soi est toujours au principe de l'espé-
)n aux ellè est une a1nitié avec Dieu, elle consiste à aimer Dieu rance, mais il n'est pas toujours et nécesaairoment
:en't pas pour lui-même et à vouloir son Bien, et non pas à aniour hnparfait ou de convoitise, saur chez celui qui n'a
>ciation attendre de lui notre Bien. Ainler un bien pour le possé- pas encore la charité, ou qui la possède au stade de la
>nction, der c'est l'arnour ùnparfait, .l'amour de convoitise. première dérnarche spirituellè, lorsque les actes do foi,
volonté Aimer un Etre bon, pour lui-même, parce qu'il est bon, d'espérance et de charité se succèdent selon leur ordre
toi.dans C''6t l'amour par/ait, l'amour d'amitié. Seule la pre- de croissante perfection.
qu'elle mière ~orte d'amour ost nécessaire à l'espérànce et '
8) ta charité survenant ne supprime pas
ulation. o'est polll'quoi celle-ci peut être présente sans la charité. l'espérance. - Cette distinction l'explique. A
iernière Cet amour dont celui qui espèl'e aime le bien divin l'amou1• imparfait succèdo l'amour parfait, mais celui-ci
Il. foi ne comme-son souverain bien exclut-il la charité? n'exclut, nullement l'amour de soi. De l'amour de soi,
L'espêrànce, note saint Thomas, conduit à la charité, lorsque la communication du blen divin est encore à

1223 ESPf;RANCE
venir,·jaillit l'espé1•ance, et cela d'autant plus fortement L'erreur des spirituels conton1pteurs de l'espérance
et purement que cet amo\11' procède d'une charité plus a été de croire que la convoitise était de l'essence même
vive : on peut .so désintéresser de tout quand on 1,1ime, de l'espérance; ils ne voyaient pas que la charité corn•
sauf d'être uni it l'aimé, ot plus on aime, étant aimé, · porte amour de soi et désu· de Dieu, assu1•ant de la sor!A
plus on est certain que l'aimé se donneta. Il est néces• à l'espérance le moteur essentiel, sans lequel elle ne
saire à la charité elle-mê1ne que l'espérance en jaillisse, saurait se concevoir, mais qui n'est pas l'égoisrne, môme
car tant quo dure l'éloigne,nent de la fin, elle continue le..plus noble. Dans la charité, Dieu est à la fois l'Ami
à dépendre de l'o.spérance qu'elle suscite. Elle est et le Bien dont la communication fonde et accomp~i
fondée, en effet, sur la communication que Dieu fait l'a1niti6. Pour désirer cette communion, l'âme n'a ·p~
de son bien, de sa béatitude (et 2" 2a.e q. 23 a. 1 ), et besoin de recourir à un amour Inférieur, au souci d'ail~
c'est en ce bien devenu commun que s'accomplit l'union n1êmo qu'il faudrait jalousement préserver au sein âes
d'amoul'. Or, dans la n1esure o,'l cette comrnunication plus hauts transports de l'amour : sa charité l'unit l
nécessaiI·e à la charité n'est pas encore faite, . elle est Diou affectlvement et tend de tout son poids vers 'la
" en espérance », et ne pas espérer serait p1•ivcr la charité réalisation allectlvo de cet.te union. En revanche, le
de sa base. mouvement même do cntte charité, qui la porte de pllll
en plus à ne s'aimer que pour Dieu, la déto\1rne de se
3. EXERCCE DE L'l!SPtRANCE complaire en cette communion 001nme on une exalta,
tion personnelle. Se perdre en Dù1u, c'est se trouver, m~
L'espérance est la plus haute dos vertus on deçà de on ne se perd pas pou.r Be trouver. On se perd parce qu'on
la charité : par elle la volonté se donne déjlt pour but
est pris par Dieu et uniquement occupé de lui.
le Bien divin à recevoir et à· obtenir, c'est-à-dire sa
Il faut dire la même chose de la perfection spirituelle
fin dernière à réaliser. Si la charité ne l'exclut pas, ni
ici-bM, puisqu'elle n'est qu'une ébauche et un commèn•
ne l'absorbe, mais lui confère sa pleine valeur, elle ne
ce1nent de la vie éterne1le, de la communion avec l>lo11
risque aucunement. d'être abolie au cours du J)rogrès en sa béatitude. Le progrès de la chal'ité conduit, non
vers la perfection chl'étionne, qui est le règne de la
diminuer le vouloir de perfection, 1nais à détourner tlè
charité. JJ y a cependant une manière imP,'lll'fnit.e d'espé-
l'exaltation du moi dans le sentiment de sa perfectldn t
1•er, q1,1e le progrès de la charité oblige à corriger. il attache l'â1ne à Dieu source de sa perfection, il li
1° lMl'El\l'ECTIONS DANS L'KSPilRANCE, - Les imper- détache d'elle-mê1ne qui ne s'aime plus qu'en Dieu,.p
fections de l'espérance du chrétien peuvent se rapporter l'acte même dont elle aimo Dieu. Si elle aime, cornine
soit à l'élément matériel de l'objet de l'espérance qui pourrait-elle ne pas tendre de toute son énergie ve
est Dieu notre béatitude, soit à l'élément formel, qui l' 8tre~avec Di.eu? Cette tension vers Dieu .soul, pour u
est Dieu se communiquant pour notre béatitude. part enëore lointain, c'est la for1ne pure de l'espéràn
1) Cc;,nvoitise sacrée. - Il existe dans la vie
spiritue1le, un attachement à soi, plus redoutable, en 2) Attachement aux œuvres. - D'au
un sens, que celui qui se n1a1lifeste dans le bonheur imperfections affectent l'espérance du point de Vl!8
terl'estre : plus subtil d'une part, il échappe aisément au son objet formel. Cette communion dans la béatitud
regard, se dissitnule sans peine derl'ièrc les déclarations Dieu seul y appelle et peut nous y conduire. C'est
et les sentiments d'hurnilité et de mépris de soi; incom- la promesse de son secours, que l'espérance théolog
parablement plus fort d'autl'e part, ca1• les valeurs se fonde pour vouloir comme fin dernière cette comm
spiri tuellos, pour celui qui les a expérin1entoes, sont nion. Mais Dieu se donne en se faisant mériter : là gr.
bien plu1:1 -grandes ot ex8,]tantos que les tcrnporelles. par laquelle s'accomplit peu à peu ce don jusqu'à s
De cet amour-propre on trouve en mille endroits la achèvement définitif dans la gloire, est le princi
dénoncia Uon chez les spirituels (cr AMo u.R-PROPRE, d'actes bons, surnaturels, par lesquels l'hon1me m~jl
DS, t. 1, coJ. 536-5',3). Que des chrétiens alont tendance les grâces subséquentes et 18 gloire, D'autre part, Oi
à comptnr leurs n1él'ites et à ot•ganiser leul' vie chré- donne cette grâce par des interxnédiaires crééa : l'Ég
t.ienne à la manière d'une habile entreprise où on ne sa prédication et s1.1s sacrements, le milieu de vie qu'
lâche que JleU pour obtênir beaucoup, qui Je conteste- procure, tout cela concrétisé dans des secours vlsjbl
rait? Et c'est à la vertu d'espérance que spontanément qui touchent l'imagix~ation et le cœur. Des deu.x C9
ils se l'éfèrent pour se justifier. peut se glisser l'in1perfection.
On voit aisément comment l'espérance à . ses dél)uts C'est d'abord la tentation de compter SUI' ses m~ril
permet cette méprise et comment, par son seul progrès, son passé d'efJorts et de sacrifices, sa situation présen
elle la corrige. A son principe, nous l'avons vu, il y a dans l'Église. Cette déviation est la persistance de
l'cunour de .~oi, et cet amour, mê1ne bon, et foncièrement confiance dans· les œuv1·es, dénoncée par saint
s\1hordonné à l'amour de Dieu, peut précéder la charité. ohez les pharisiens. Elle est à peu prés inévitable~
Nous disions que la charité survenant assume cet la grâce, sur laquelle seule il faut compter, suscite
a1nour de soi. Oui, mais la charité n'est pas parfaite du œuvres 'et des habitudes bonnes, une réputation
premier coup, elle n'occupe pas toute la volonté et par bonté et une sainteté réelle. S'appuyer sur ses œu
elle toute l'âme. A ce stade le chrétien continue de comme sur la cause de sa valeur religieuse et de
s'airner d'un (,lmour i,nparfait et pal' conséquent d'aimer sainteté, comme sur le gage de sa béatitude, c'est
Dieu de cet amour imparfait, l'a,nour de convoitise, qui détourner peu à peu de l'objet formel de l'espéran
déjà, sans la charité, est surnatu1•ol et suscite l'espérance le secours de Dieu; à la limite, ëe serait tomber dam
théologale; qui, par conséquent, peot se mêler encore à la présomption, qui est négation de l'espérance. S'appu
charité, quand celle-ci est venue conférer à l'espérance uniquen1ent sur la grâce, non pour négliger d'accom
son être vertueux. Cela veut dire aussi que la croissance les œuvres, mais comme sur . Je principe premier
~e la charité, en diminunnt jusqu'à l'éteindre cotte nécessaire dos bonnes œuvres, c'est l'espéràllce Y
forme irnparfaite de l'amour de soi e·t de l'amour de table. La différence, si ténue en apparence, si proto
Dieu, libère l'espérance de la convoitise. en réalité, apparaît on ceci : le saint, tout cil croy
1224 EXERCICE DE L'ESPÉRANCE 1226
rance (1118 ses bonnes œuvres lui ont 1nérité le ciel, no l'attend uccop ter les << déceptions » que la providence autorise
nêmè pourtant· que de la misérico!'de de Dieu, parce qu'il a ou cause. •< Quand mê,ne Dieu •me tuerait, j'espérerais
com+ conscience que ses wuvres sont un don de la grâce encore en lui )) 1 répétait sainte 'fhérèse de l'Enfant-
sorte avant d'être un fruit de sa liberté; parce qu'il 1,eut J ésus en reprenant une parole de Job {18, 15)..
le ne perdre par sa faute le 1né1·ite de ses œuvres JJassées et
même qu'il ne compte que sur la grâce pour persévérer. 2) Purification passive. - Qu'un tel effort ne
l'Ami puisse suffire à purifier con;iplète1nent l'espérance, cola
· • Non, (rôrcs, 6crit saint Paul, je ne ff10 fl11tte pu.s d'avoir
mplit J)J'ovient de la dlspràportion entre le mode humain de
dtljà aaisl; je dis sculo111011t c:eci : oubliant le chemin parcouru
a pas (• et tune ostendit quod deseruit, quia vol t.e1nporalia Juc;ra,l'acte et l'infinité de l'objet, Dieu. D'où la nécessité
l'elle- vol tomporalia bona, vel 1nerita pra1;1terita, quia non d1ibet des fions du Saint-Esprit par lesquels la faculté est
n <les homp .i:omparare Deo lllCl'iht pr11eterita •• conHHcnté Raint élevée par Dieu à un rnode suprahumain d'espérer
1nit à Thomas), je vais droit de l'avant, tendu de tout n1on êtril, et (cf a1•t. DONS, DS, t. Il, col. 1624-1627). Si les imperfec-
ers la
Je cours vers le b11t, en vue du prix que Dieu nous appollo à tions ne se mêlaient 1>as à la vertu théologale pour
recevoir là-haut, dans le Christ-Jésus " ( Phil. 3, 13; trad.
tie, le Bible, de ·Jé1•usalo111). l'en1barrasser et troubler son exercice, cotte interven-
e plus tion do l'Esprit développerait la vertu théologale sans
de se 8) C:~nflance en la créature. - D'autre part brisement ni souffrance. Mais ces hnperfections affec-
xalta.- oommont l'hon1nte ne serait-il pas tenté de s'attacher tent le mode humain d'exercice de la vertu ot gênent
' mais aux instr~rnents créés dont Dieu se sert pour lo conduire? cetto oJovatlon, qui ne peut se réaliser sans leu!' défaite.
qu'on Ce serait folie de rejeter les œuvres sous prétexte de Los soulTrances, qui accompagnent cette défaite, sont
s'appuyer sur la seule grâce, puisque la grâce fait causées, selon la vue si profonde de saint Jean do la
itùelle accomplir les œuvres, ce serait de même folie de rejeter Croix, 1>ar la lumière de Dieu, lumière douce eL bienfai-
imen- 1~ instru1nenLs dont Dieu se sert sous prétexte de no sante, qui pénètre dans une â1ne insuffisamment
: Dieu s1ap,puyer que sur la grâce dont ils sont le moyen. préparée à la recevoir et encore attachée à ses manières
non à C'est Dieu qui sauve et il ne faut pas r.onfondre la n1ain hum1ünes de penser, de vouloir et d'aimer.
1er de ~e Dieu, su1• laquelle seule il faut s'appuyer, avec los Le sens vrai do certaines crises, qu~ ressemblent au
ition : to,rmes sous lesquelles nous est offert son secours. Il y a . dèsespoir, et au cours desquelles des mystiques, dans un
, il la une manio,re in1par·faite de s'appuyer 1nên1e sur les acte héroïque, renoncent inê1ne aµ ciel, se rattache à
u, par ~crements, comme s'ils étalent une recette 011 un cette purification de l'espérance. Leurs formules hyper-
oment taiismàn, et cela explique les mises on garde de spiri- boliques exprin1ent mâl leur pens6e profonde. lis veu-
e vers tuels authentiques contre une façon désotdounée de lent renoncer au ciel considéré comme leur réussite
ir une courir aux sacren1ents (vg Tauler, 2e ser111on pour le personnelle, à leur 1mo~. considéré comme un centre
tance. ~aillt-Sacremont, trad. Hugueny-'l'h6ry-Corin, Ser- distinct de référence. Leur angoisse et leur cri disent
mo,is, t. 2, Paris, 1930, p. 90-101). suff1sa11unent qu'ils no renoncent pas à Dieu.
autres. Le progrès de l'espérance conslste, 11011 à rejeter los
me de intermé~iaires, mais à les traverser, duns la conscience 'l'auler rapporte le t6molgnagc d'uno persc;,nnt) qu'il connais-
titude, de plus en plus sore que c'est Dieu qui sauve et sanctifie. sait : ,, Si donc, disait-elle, vous vouloz ,ne tenir étl'lrnellement •
1st sur Quand bien mêrne toutes les créatures nous manque- en 1:at.t.a inRondable souffrance d'enter, on col11 je ,n'abandonne
co111plèooment, mon cher Seigneur, à votro volonté bien agréée.
,logale raient, Dieu ne nous manquera pas. - Et alors aile ae Hvra bien à fond, pour 1:6tornlté. MQis ell0
1mmu-
grâce, 20 PuRJPICATION DE L'ESPBRANCR. - Ces imperfec- s'était à peine livrée, que déjà elle était emportée bien loin
au,dessus de tout lnler1nédiaire et attirée complètement' dans
1'à son tions rendent nécessaire la purification de l'espérance. l'abtme divin • (Sermcns, locq cit., t. 1 p. 245).
1
rincipe Elle consiste dans la substitution de plus en plus
métite complète, à la racine de l'espérance, de l'amour parfait 3° PEnt·EcTION DE L'ESPÉRANCE. - Dès Je point de
:, Dieu ,à !!amour imparfait. ).,'âme qui n'aimerait et ne dési- départ de ce progrès, l'espérance per1net à l'homme
Église,, rerait le Bien divin que de chiirité, no l'attendrait aussi d'atteindre pal' son opération Dieu même, dans Je
qu'elle lJU8 de lui; en pénétrant parfaitement sa volonté, la mysllu·e de sa déité, dans l'intention ot dans l'acte
isibles, charité, loin d'en exclure l'espérance, rendrait celle-ci de se donner à la mesure do l'accueil qui lui est fait.
t côtés parfaite, jusqu'au mo1nent où l'union olfeétive avec La charité ost cet accueil; par elle le don que Diou fait
Dieu étant parfaite1nent réalisée, il ne resterait à la de soi est reçu (cr 1" q. 88 a. 1 et 2; q. 48.a 3). •routes
1érites, charité plus rien'à désirer. ces purifications la dégagent de· la gangue d'intentions
:ésente impures et d'illusions qui masquaient sa profonde
1) Purification active. - Dans la ligne du désir intention théologale.
1 de la. du Bien divin, la purification · active consiste à faire
t Paul Dans tout acte d'espérance, 1nême le plus imparfait,
effort pour fixer son attention et S\1rto11t son intention la na.Lure de cette vertu se retrouve : à travers les
ile, car sûr la seule union avec Dieu, et à se détacher de la impuretés, elle reste essentiellomont vouloir de la béati•
lte des satisfaction qu'eUe peut apporter. Ici interviennent t.ude surnaturolJo à recevoir de Dieu seul, par les moyens
ion de les direcUves de détachement à l'égard des consolations qu'il a choisis; elle est ucceptation de la promesse et
'
œuvres ou des faveurs spirituelles, et celles sur le profit des confiance absolue·en sa réalisation. Parler de l'espérance
de sâ humiliations et des échecs, pour ne point s'attarder partai te, c'est parler de l'attitude religieuse que l'e$pé-
:'est se aux premières communications du Ilien divin qui, rance détermine chez le chrétien. Parce que cette
érance, pour l!esseutiel, est encore à venir, et donc objet d'espé- attitude se dessine plus nettement et purernent chez
dans la rance, non de possession.
ppuyer celui qui est dégagé des imperrections, c'est à ce terme
Dans la ligne de la conflanco en le secours divin que du progrès spirituel qu'il convient de Ja considérer.
:omplir comporte l'espérance, l'effort consiste d'une part à
niet et expliciter le rapport à la providence divine de l'inter• 1) Espérer dans le Christ. - Selon lo mot de
e véri- lnédiaire qu'elle utilise (la soustraction de teJ ou tel saint Paul les chrétiens .sont << ceux qui par avance
:ofonde Intermédiaire ou la déception qu'ils causent parfois ont espéré dans le CJ11•ist » (Éph. 1, 12) . . La doctrine
:royant peuvent grandement nous aide1•) et d'aut1·e part à paulinienne de la justification par la foi est fondée sur
1227 ESPÉRANCE
cette affirmatidn multipliée : impuissance de l'homme, de l'Église, on sa force, en son organisation, en son
salut par le Christ. Non que les œuvres soient inutiles prestige, en ses œuvres qu'on 1netsa fierté et sa confiance.
ou superflues : « Aujourd'hui, libérés du péché et asser- A mesure qu'on pénètre dans son mystère, on est sni1i
vis à Dieu, vous fructifiez pour la sainteté, et l'aboutis- par la nécessaire disproportion entre ce qui paràll
sement c'est lu. vie éternelle » (Ro,n. 6, 22). Mais, bien d'elle à travers les hommes qui la représentent, et ce
loin qu'elles nous aient 1nérité Ja grâce, c'est la grâce qu'elle est, l'épouse sainte et imqiaculée de Jêsut
qui est au principe de nos œuvres bonnes, qui les fait Chtist, enti•e ce qu'elle fait, qui d6pend des contin•
et leur donne d'aboutir à la vie éternelle. La ûause de gences, et la g1·âce dont son action est porteuse. Apij,,
cette grâce est l'œuvre du Christ, sa passion, sa rnort avoir dépassé ces apparence.s et sur1nonté ces déchire.
et sa résurrection. Nos œuvres ne sont que participa- ments, notre espérance en l'Église prend son vrai sel).S,
tion à cette œuvre : « Ou bien ignorez-vous que, bap- Ca1·, telle que le Christ l'a voulue et constituée, socié~
tisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que tous visible et communauté spirituelle à la fois, form~
nous avons été baptisés? Nous avons donc (ité ense- d'hommes pécheurs, mais habitée et animée par le
velis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, Saint-Esprit, elle est la détentrice de l.a vorité, l'i.nà-
comme le Christ est res!luscité des morts par la gloire . tru1nent de la grâce et le lieu de la sainteté. Ello est
du Pôre, nous vivionr; nous aussi dans une vie nou velle» le moyen universel du salut par la vertu du Christ
(Rorn. 6, 3-9 ). qui est en elle et ne la quittera pas.
Quand le chrétien, dans la douloureuse expérience Ce qui paraît d 'elle, alors, aide l'espérance. Ello est
de l'échec et même du péché, et dans le aentiment la présence continuée du Christ ot, en elle, par ell&1
de ses limites, a pris conscience de son impuissance son œuvre de salut ne cesse de s'accomplir. Si les sac~
foncière, il éprouve la vérité 'de ce cri de saint Paul : monts ont été donnés, ce n'est pas uniquement pou,
« Malheureux homme que je suis I Qui me délivrera éprouver notre foi, c'est aussi pour lui fournir ua
de ce corps qui me voue à la mort? Grâces soient à Dieu support sensible qui no la détournât pas du mystère,
par Jésus-Christ notre Seigneur • (Ro,n. 7, 24-25). Ils fournissent à l'espérance ce support.
Alors il esporo vraiment dans le Christ. li ne compte Or, J'J;Jglise tout entière est << le sacrement de Jésus,
plus sur lui-même, ni sur sa vertu, ni sl)r son passé, Christ (H. do Lubac, ()p. cii., p. 185-203). C'est lui qui
mals uniquement sur cette justification que le Christ agit par elle, non seulement dans les sacre1nents, mais
opère par la vertu de son sang répandu. Cette vertu dans l'accomplissement de sa mission : quand 'èllt<
d'espérance ne le replie pas sur lui-même, mais le fait annonce r:mvangile, qu'elle détermine, proclàm~
sortir do soi pour entrer dans le grand dessein miséri- défend la foi, quand elle déploie les fastes de sa liturgit,
cordieux qui, dans le Christ, rassemble tous les élus : « Il quand allo acco1nplit les œuvres do miséricorde 0011-
nous a fait connattre le mystère de sa volonté, co ;dessein porelle, quand elle réglo la vie des chrétiens et tâche
bienveillant qu'il avait formé on lui par avance, pour de les préserver du ipal et de la violence des puissances
le réaliser quand los temps seraient accomplis : ramener adverses. Par cette action qui prolonge celle du Chr~I
toutes choses sous un seul Chef, le Christ » (Êph. 1, et que le Christ inspire par son Esprit, c'est la ~édem~
9-10). tion qui est présente au monde et agit. Notre es
De cette espérance le Christ est aussi le gago. A rance dans le Christ en est aidée ot stin1ulée.
mesure qu'il perd sa eonfiance dans les moye1V3 hurnains 8) Espérer contre toute espérance. - !if
et surtout en soi, le chrétien s'appuie davantage sur silence de Diou devant le triomphe do l'injustice e
ce signe éclatant et décisif de la miséricorde qu'est de la mort est parfois écrasant. La victoire du Chrii
l'incarnation rédemptrice:<< Dieu a tant aimé le monde a toutes les apparences d'une d6faite. Le chréti
qu'il lui a donné son Fils unique » (Jca,i 3, 16). Dans lndéfîniment aux prises avec les rnêmes forces ruau
ses ambitions apostoliques, beaucoup plus que sur les vaises, se demande si la grâce est une réalité. 11 fàu
moyens qu'il met en œuvre, c'est s ur la volontô rédemp• alors espérer << contre toute espérance » (Ro,n. li, 18
t1•ice du Christ qu'il fonde son espérance. Enfin, la en s'appuyant sur la promesse divine qui ne sau
victoire dont la perspective lui donne courage, victoire décevoir : « Il est fidèle lo Dieu pa1· qui vous a
sur le péché et sur la mor!, est la réaurrection promise été appelés à la communion de son Fils, J ésus-Chi'l$
dont celle du Christ constitue les prémices : « De même notre Seigneur 11 (1 Cor. 1, 9). La constance da
en effet que tous meurent en Adam, tous aussi revi- les tribulations qui affligent lii chrétien est lo fruit
vront dans le Christ. Mais chacun à son rang .: en tâte plus caractéristique do l'espérance, telle que saint P
le Christ, comme prémices, ensuite ceux qui seront au l'a décrite (cf plus haut, col. 1210).
Christ, lors de son avèl)ement » (1 Cor. 15, 22-28). 4) Abandon. - Parvenue à ce point, l'espéra~
Ainsi, de touto manière, le Christ est l'espérance du détermine l'abandon parfait (cf art. A»ANl>ON,
chrétien, parce que c'est en lui et par lut que Dieu t. 1, col. 2-~9). C'est par un étrange paradoxe que
se donne. thème a paru devoir entraîner le rejet de l'espéran
2) Espérer en l'Église. -Le Christ se manifeste ou tout au moins la dissolution de son caractère sp ·
dans et par l'Église. P arce qu'elle est l'universel moyen fique et sa fusion avec la charité dans le pur amo
de salut, elle est aussi, avec le Christ, notre espérance : L'abandon ne saurait exclure l'espérance, parce qu
• Ton espérance c'est l'Église. 'l'on refuge c'est l'lllglîse. est son fruit. S'abandonner totalement à Dieu c'
Elle est plus hauto que le ciel et plus large que la terre » faire à son amour une confiance absolue : u Credidim
(saint Jean Chrysostome, Ho,n. in Eutropiu,n 6, caritati » (1 J ea1i 4, 16).
L'amour est déjà possession, union avec l'êLre ai
PG 52, ~02).
Mettre son espérance dans l'Église ne va pas sans L'abandon suppose que l'on ne possède pas encore
heurt ni déchirement (cf li. de Lubac, Méàita.tio1i sur bien désiré, et mêrne qu'on peut le perdre. Il 11µpp
l'Église, coll. Théologie 27, Paris 1953, spécialement aussi qu'on ne peut l'obtenir pru.• $CS propres elTor
ch. 1 et 8). Au début c'est en la puissance terrestre On s'abandonne à celui qui peut nous faire parye
1229 PERFECTION DE L'f~SPÉRANCE 1230
11 so·n au bien et dont on ne doute pas qu'il le veuille. parce que fermement appuyée sur la certitude de
lance-, !;jertos le prînôipo do l'abandon est l'amour: en aimant l'amour et de la puissance du Christ :
( s.àisi Dle,u on éprouve son amou1' pour nous et celui qui aime N uus-,nllmea q11i posRédons les prémices de l'Esprit, no11s
Dieu · n'attend d'autre bien que Dieu mênie. Ma is, gé1nissons nous 1111ssi intérieurement dnns l'attente de la
~aratt
• dans la mesure où le chrétien est encore in via, donc rédc,nplion do notro corps. Car notre aal11t est l'objet d'espé·
et. ce rance; cl voir cci qu'on espère, ee n'est plus l'espérer: ce qu'on
éloigné de ce bien, il ne peut pas ne pas l'attendre,
rêsus- voit, co1nmcnt pourrai t-on l'espérer encore? M aÎIJ espérer
)Dtin- et de Dieu seul. Or, cette attente n'est pas un acte de la
cbârité mais de l'espér•ance, selon ce que dit saint Tho- ce quo nous ne voy011s pas, c'est l'aU,ontlre avec constancB
Après
chire-
mas de façon b·ès !ormelle et très suggestive : c<Spes (/1(),n. 8, 23-25),
faoit tendere in Deum sicut in quoddam bonum finale
. sens. 4. ESPDANCE THEOLOGALE ET ESPOm HUMAIN
adlplscendum, et sicuL in quoddam adjutorium elficax
ooiété
ad 'subveniendum. Sod caritns proprie faoit tendere J.i'idée ch1•é lienne de l'espérance a été et est violen1n1ent
1>rm~e
,ar le lp Deum, uniendo afîect\lm hominis Deo : \lt scilicet criU<~uée par les grands théoriciens modernes de la
l'ins, homo'non sibi vivat, sed Deo » {2a 2 1 0 q. 17 a. 6 ad 3). promotion humaine; elle serait une évasion hors des
Une erreur permanente du quiétis,ne est l'illusion tâches eL des responsabilités humaines. En revanche,
Ile est
Christ d'un état de contempla tion continue qi1i placerait les chrétiens qui se préoccupent de oette libération
)!Ame parlaite l1ors de l'é tat de voie. ot de cette promotion do l' homme étendraient volon-
Ile est C'est la persistante prétention à un 6tat d'lmpeccabllitô, Uers jusqu'à cet objectif te1·restre la vertu théologale
r elle, condamnée au concile de Vienne en 1311 (Denzinger, n. 471), d'espcranco.
sacre- reprise par l\lolinos (',?• proposition; n, 12??), nvec l'nffirmn• En réalité, l'osp()ir humain, si haut que soit son objet,
: pour üon corrélntive d'une perfection tern1innle dès ici,bn.~ : • Per ne saurait se confondre avec la vertu théologale, 1nais
•• vlam internrun pervenitur ad cont,inuum statum in1mobilen1 il no doit pas on ôtro séparé .
i1r un in pace imperturbabili • (62•, n. 1282). L'idée que Fénelon se
ri;tère. Leur objet est distinct. L'objet matériel est, dans un
taliiAit du pur 11.IDO\lr ¼ndai t aui;ai vers Ullè uniflcl;l.tion de cas, la béatitude éternelle, ultra-terrestre, et dans
la vie dans un acte continu do contcn1plation : • La coutern-
Jésus~ platlon passivo... ost un tissu d'actos do foi ot d'arnour si l'aut re lo bonheur t errestre, transitoiro. Leur objet

Ul qu1
• simples, si directs, si paisibles et si unlto1•n\es qu'ils no parais- . fhrrnel surtout est différent. C'est le secours de Dieu
, mais sent plus aux personnes ignorantes qu'un seul acte, ou 1nù1nc qui rend possible, et donc .capable d'être voulue; la
rl elle qu'ils ne paraissent faire aucun acte, mo.ia un repos de pure béat iLude; celle-ci est espérée comme la communi-
clame, union • (E:i:plicruion des rn(U;in1es des sain/$, 29• mnx., éd. cation que Dieu veut nous raire de son propre borlheur.
Ji,. Chérel, p. 262). Or, nous n'avons aucune promesse, et partant aucune
(urgie,
e cor- cerLiLude, d'un secou~ divin qui s'étendrait aussi à
On ne peut pas ne pas voir un lien entre cette sortie l'accomplissement du bonheur ter!'estre. Bien plus, à
tiîcl)e illusoire de l'état de voie e t l'exclusion de l'espérance.
sances con..c;idérer los choses dans les pures perspectives de
C'èst une situation paradoxale, à vrai dire çonLradic- la grâce, c'est par la croix que le chrétien s~ sait sauvé;
Christ 'toire, où l'on n'espérerait plus, parce qu'on n'au,·ait
demp- c'est en portant sa croix et en n1ourant avec le Christ
plus rien à attendre, mais où l'on ne posséderait pas qu'il marche vers l'objet de son espérance. L'espoir •
' espé- Dieu, parce que' ce que l'on attend de Dieu n'o. po.s d'un bonheur terrestre, individuel et collectif, n'est pas
encore été donné, tel se1·ait l'ctbandon par/ait, le pur exclu pour autant. La destinée terrestre que le chrétien
- Le amour. ' cllerche à réaliser n'est pas séparée de sa destinée
,ice et Cet état comporterait l'abolition radicale de l'amour éternelle. C'est en ordonnant la première à la seconde
Christ de sol, qui serait un i,npossible suicide métaphysique : qu'il assurera colle-ci. Dès lors que la poursuite de cet
J'étien, car tout être est attaché à soi dans la 1nesure où il est objeGtif terrestre entre dans l'accomplissement de la
. 11'.laU- Iron, le bien n'étant autre que l'être en tant quo !dési- destinée surnaturelle du chrétien, l'espoir· qui l'ani,ne
U faut rable (cr J .-H. Nicolas, loco cit., p. 22-26). Enfin, n'est pas é tranger à son espérance théologale. Non
(a, 18), l'abolition de tout amour de soi entraînerait nécessai- qu'il puisse compter avec certitude sur un succès qui
!aurait ·romont l'extinction d o tout amour de l'autre, fftt-il n'est pas promis, si surtout qu'il puisse considéret• les
s .avez Dieu. Comme le notait protondémenL sai~t 'l' ho1nas, tnoy«ins de grâce qui lui sont offerts comme intrinsè-
Christ, l'amour de soi est impliqué dans toute amitié, parce que,nent ordonnés à cela, car leur fin est a\ltro. Celui
i dans qu'on ne ipeut aimer l'ami que con1mo un autre soi- qui prie pour obtenir un bien ten1porel doit réserver les
truit l e même, ce qui suppose qu'on s'aime soi-même : « SicuL libres dispositions de la providence divine. Mais, com1ne
1t .Paul Unit.as est principium unionis, ita amor quo guis dili~it cette · providence 1nénage aussi les biens temporels en
seipsum esL fol'ma et radix an1icitiae. In hoc onlm ami- foncLion des biens spirituels, son espoir humain se
,éranoe oitiam habemus ad alios, quod ad eos nos l1a be1nus fonde aussi, par l'in te.rmédiah·e de l'espérance théolo-
~. DS, aicut ad nos ipsos » {2G 21\c q. 25 a. 4). gale à laquelle il ost subordonné, sur la Bonté surna-
que ce · Ainsi l'abandon véritable est l'attiLude do l'âme turelle de Dieu. ·
érance, aimante qui n'a pas encore son· bien, l'union définitive
~\'CC l'aimé, et qui attend de Dieu d'autant plus sùre•
i apéci- li. ESPt.R.4.NCE TlltOLOCALE ET ESPOIRS APOSTOLIQUES
amour, ment qu'elle l'aime davantage (« quia de a micis maxiine .
:e qu'il, speramus », .2• .2ac q. 1? a. 8). C'est l'attitude de la par• Il est des objectifs temporels qui relèvent directe-
u c'est .faite espérance, qui exclut tout souci do son propre ment de l'espérance théologale, ceux que poursuit
tidhnus Intérêt, non par l'i,npossil>le exclusion de touL Intérêt, l'Eglise en accompli.ssa nt sa mission.
mais ·parce qu'elle consiste à confier au Seigneur tous Dire que l 'objet de l'espérance est lo. béatitude, qui
e aimé. ses intérôts. Loin do contrarier l'amoul', c'est elle soule est personnelle, ne signifie nullement que ces grands
tcore le qui lµi tait le champ libre. Ainsi libérée de toute préoc- objectifs ecclésiaux seraient étrangers au chréUen.
;uppose cupation·personnelle, l'âme abandonnée peut beaucoup La béatitude, pour être personnelle, n'en est pas ,noins
efforts. a9ultrir, - r,ar elle esL enco1·e au temps do sa cruci- commune, car elle rasse1nble dans la sociêté des Per-

1arven1r fixion avec le Christ-, 1nais elle est à l'abri du trouble, sonn<:s divines la multitude des élus. Plus directemenL,
'
1231 ESPf:.RANCE
le moyen de grâce universel dont se sert la Bonté quo vo,1s mangez co pain et que vous buvez cette
divine pour se communiquer aux: ho1n111e1:1 rachetés coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à
est l'Église; la béatitude vers laquelle tend l'espéranée ce qu'il vienne n (1 Cor. 11, 26). Voir art. Esc11A1Ql
ne peut donc s'obtenil' que par et dans l'Ég.liso. J.,a sain• LOOII!.
teté d'une dme n'est pas séparable de la sainteté de
l'Église qu'elle intègre, et qui est une sainteté rayon- Conclusion. - L'espérance, vertu théologale, ~~
nante. Cette di1nension ecclésiale de l'objet de l'espé- plus qu'humaine; elle hausse le cœur de l'hom,ne à UJI
rance laisse place à la diversité des vocations à l'inté- -objet transcendant, auquel il ne peut s'adapter qu'4,u
rit:n1r de 1•(,:glise : elle empêche seulo1nen1. que l'/11ne, prix d'u,no longue ascension; elle opèl'e en lui une unift•
au no111 de la vertu d'espérar1ce, se fer1ne dans le souci cation douloureuse, parce qu'il n'est pas seulemenl
stérilisant do sa propre ré,1ssito spirituelle. étroit par nature, n1ais rétréci et faussé par le péché,
Cependant, ces objectifs ecclésiaux , po,11• être objet Vertu de la résolution il. l'égard d'une entrepriso de
de l'espérance théologale, ne bénéficient pas pleinen1e.nt perfeétion sul'naturelle, elle ne détourne pas le chrt
de la certitude de celle-ci. Par rapport à la fin de l'Église tion des objets de son activité terl'estre, mais les lui
ici-bas, ils constituent des snoyens; Dieu, qui a promis fait d6pa$$er ot l'en détache peu à peu. Ve1•tu en,fin
à l'Église son secours pour remplir sa 111ission jusqu'à. de la poursuite d'un idéal do communion avec :Qleu
la fin du monde, ne lui a pas promis la réussite en cha- et avec les autres, elle ne sau,r aît sal)s un.e d6viaM9q
cune de ses entreprises. De grandes 1•éalisa tions ecclé- fondamontalo inspirer ni justifier le retour égoïste' sur
siales ont été balayées. L'espérance de ceux que l'évé- soi. Son objet est le salut qui consiste à perdre so11 d~
nement dé9oit n'est pourtant pas vaine : elle les tend pour la trou11er.
ve1•s l'édification du corps du Christ. Nous avons la Lé livre de Ph. Dolhayc et J . Boulangé, .Espérance et PÎI
certitude qu'à travers échecs et tribulations le corps chrétienne, Tournai, 1958, contient un o e:x:l:&llento blbllograi
du Christ s'édifie, non pas sans nous, non pas sans phio (p. 297•313), à laqueile nouB renvoyons. On peut ajouter1
cet effort, dont l'intention lointaine et pl'incipalo se t. 'l',ixtes. - Les toxtcs principaux de saint 'l'hotnas so Lrou,
réalise do la manière que Dieu s.tit. vent 11u traltu de l'espé1'ance théologale : S,unm.a thcologi(o
Cette intention n'est-elle pas indissblublement liée 2• 200 «J. 17·22; Q11acstioncs cli,,pulatae, De SJ)fli dans la présen,
à l'édification du corps du Christ et l'échec de l'action tutivn dos vertus théologales : 1• 2•• q. 62. Cea léxtcs doiv.enl
apostolique n'enti·ave-t-il pas, par définition, la Cl'ois- ê tre lus 011 connexion avec l'ét\1de, dans le tràitû des p~
sance de ce corps, d'autant que la loi. de compensation sions, de l'espoir et du désespoir : 1• 2ao q. 40; trad. et commen,
tair•cs par M. Corvei, Les [>flssionf! de l'dnw, éd. Rev\1e dif
et de réparation mystérieuses des dom1.nages dans jounos, t. 3, Paris, 1952, p. '.l-38 et 248-246. Consulter aum
lo domaine de l'activité apostolique ne saurait êt1·e Jog 'grands comment~teurs dé lo. 2• 2•01 spéci0Jen1ent Cajotan,
énoncée comme certaine. Mais n'est-ce pas précisément Jean de Saint-1'hv111as ot los Sahnanticenses.
ce qui assure le réalisme de l'espérance apostolique? 2. Purification de l'cspéru11oe. - Se roportor à un texte,!\f
C'est de cette espérance quo procèdent l'aétion apos- h_nso : Philippe de la Sainte-'l'rinité, ~uninia 1/u:olc>giae !1'vt
tolique et tous les sentiments qu'elle entretient au ticae, Lyon, 1656, p. 1, tr. 2 (surtout d1Sc. 8, c. 8-9, et dise. l}
cœur du chrétien et de l'Église. Celui qui croit le but el tr. 3. On trouvera en outre des Indications dans !l'!.S tralUt
assuré ou perdu n'espère pas. L'apôtre, parce que do thôologic spi.rituelle, vg R . Garrigou-Lagrange, Les 110i
membre de l'Église, espère vrai1nent; le but qu'il tiges de la vie intéri~ure, Paris, 1988, 4° partie.
poursuit c'est l'édillcation du corps du Christ, en utili- 3. 'l'raoaux et étuclcs spirituelles. - G. Dosbuquois, L'es
sa.nt co1nme moyens les divers signes, intérieurs et rance, P11ris, 1934. - J. Pieper, Ueber die HoOrlltll(J, Leiprl~
extérieurs, de la volonté divine. 1935. - J. 1-léring, protnst1111t, Le ro11a1tmc clc Dieu e.t sa yenut
Quant au salut de cos âmes déterminées dont tel /J:tuda sur l'espérance <!e .lélJUR el de l'aplitrc Pa.ul, Po.ria, 1987,.
apôtre. se trouve spéciale1nent responsahlo, ce n'est L.-B. Gillon, Ccrtit1,dt1 de notre espérance, dans Revue tliom~
t. 1,5, 1939, p. 232-2t,8. - J acquos Leclerçq, ).!:spi/rance, Bl.'11!:
pas l'objet de l'espérance qui fait ici défallt à celui qui icelles, 1943. - J. Pin.sk, l/0Qruu1g auf Herrliehkeit, Colmar,
espère, car nul n'espère quo l'autre recevra la béatitude 1943; trad. Spes filoriac. L't,spérance et la f:Wire, Paris, 1951i
sans l'avoiJ• acceptée. (>n ne l'espère mê1ne pas pour - R. Nor1no.ndln, Une gra11ile oubliée. L'cspéranc,,, Otla"!~
soi : oe ne serait plus .de l'espérance, nu1is do la pré- 1948. - W. Day, Go<l's Grace a11d Man's Hope, New-Yo
somption. Le salut de l'autre est possible tant qu'il 19!, 9. - ,T. Pleper, Ue(Jer das Ende der Zcit, M'1111ich, 195Q
vit s ur la terre et donc tant qu'il ne cosse pas d'êtl'e, trad. La fin des tcrnps, Paris, 1968. - A. Brunner, Hofjmtnt
pour l'Église et ses me1nbres, objet d'espérance, dans Stimnwn dtir Zeit, t.1t,6, 1950, p. 401•41'1, -P. do Giv
d'efforts, de prières et de larmes. chy, Do l'espoir 111,rnain à l'espérance chrétienne, PQris, 1958.
F. Ortiz de Urtaran, Esperanza if ttiriclad en el N ucvo. Tet.
11Mnto, Vitoria, 1953. - J . Amado, Il ca.rni110 della sperà
8. ESPûANCE TJltOLOGALE ET ESCHATOLOGIQUE I-to1nc1 1954. - E. Brunner, Eù:r11al Hope, Philadelphie, 195
- J. E. Fison, 2'hs ehristian Flc>pe. 1'he presence and the p(U(I
La fin 1l terrestre » de l'lilglise, c'est-ù-di.t•e le tel'me sil,, Londres, 1!J5t,. - T . .A.. l{un t.onon, The chri.stia11 Ho
de son pèlerinage et de sa lutte, est lo 1< retour du Christ>>. Philadelphie, 1954. - P. S. Mineàr, Christian Ji()pe (lnd ·
Vors .lui était tondue l'espérance des pl'e1niers chré- sccot1d Oo1ning, Philadelphie, 195ft; The Timc of Hop~ in·1
tiens. Vers lui reste tenduo l'espérance de l'Église : Néw 1'tstamsnt, dans Scortish Joiirnal of t/1cowgy, t.. 6, 116
ses rites, ses sacrements, surtout l'eucharistie, rassen1- p. 037-!161. - E. Bloch, Daa Prinzip 1/oflriung, Berlin, 1954.
blent en une même évocation l'œuvre accomplie par R. Lo Senne, L,1 d6couverte de Dieu, Paris, 19!)5, p. 245•218
le Christ on son premier avènement, et l'accomplis- Introduction. à la description de l'espêr1111co . - P.
Entralga, La espera y la cspcr,Q11Za. Ilistoria 'Il teoria del cspe
sement de cette œuvl'e par son deuxième. Entre les deux huniano, l\>(adrid, 1957. - Régis Bern11rd, L'espêr1,ncc, Le Pu
se situe l'édification du corps du Christ. Ainsi, indisso- Pru•is, 1957. - Th. Urdanoz, Para 1,na filosofla y teoloJ
lublement, l'espérance se porte-t-elle sur la béatit,1do de la csperanza, dans La 'Cia11cia wm.ista, t. 84, '1957, p. M
éternelle et sur cet achèveroent de la mission terrestl'e 612. - $. Pinolcners, La nature vertueuse de l'espifranca, d
de l'lilglise, qui on est l'ultime f)l'éparation. Notre Revue thoniisw, t. (18, 1958, p. 405-4(;2, 628-61,4. - J. Leyte
espérance est escl1atologique : « Chaque fois en eltet Esp6rance et tUsi11téressement. A propos d8 la thcologio
r232 1233 ESPÉRANCE - J~SPRIT 1234
oette 141UJ/q11, dans Collccta11ca mcchlincnsia, t. ,.3, 1958, p. 469- '
la version G. Jordaens de l'Ornernent des noces spirt•
..
:q"u'à ~9t. - Ch.-A. Bernard, Éprcui•c et csp6rance, RAJ\1 1 t. 3", tuelks d.o Joan lluysbroeck. Les traductions françaises
ATO• 1958; p. 121-146. vin1·ent à une date un peu plus tardive, et c'est seule-
Parml les revues qui onL publié des numéros spéciaux sur
llespérruice: Lr,nu:n vitae, t. !J, n. 3, 191,5; Vita crislicuiu, t. 24, ment aux premières années du 17c siècle qùo les grandes
o, 2; Liimièrc et Pic, n. !t1, 195!!. œuv1•es du groupe sont données en notre langue. A ce
est
à un Voir les articles du DS: ADANOON, CoNI'IANC:11, OtsINTtnr,:s- moment, les thèmes rhéno-flamands sont familiers
BE/IIBNT, }1PRllUV&S SPIRIT UELLES, aux mo1nbres du milieu myst.icîsant de la contre-réforme
''u 'au
. ftançaise; la plupart <l'entre eux s'en inspirent volon-
1nifi- Jean-Hervé N1coLAs. tiers et les répandent, et leurs tendances nettement
nent platonisantos, vers une pure mystique des essences à
~ché. ESPRIT. - Lo mot H,~ prit est <l'usage constant. caractère b•ès rnétaphysique, autorisent à leur donner
e de chez la·plupart des auteu1•s spirituels français du 17e siè- lo nom d'école abstraite. })our eux, donc, lo terme
}hré~ cle; il s'agit d'un ternie si familier qu'on ne songe pres- d'esprit sous-entendra aisément le thème de l'esse
s lui que jamais à le définir. PolH'tant un examen un peu ideale, tel que nous l'avons formulé plus haut. De cette
enfin plus approfondi découvre sans peine que cetto apparente manière do voir, ils trouvaient, par exemple, un modèlo
DieM simplicité disshnule une réalité complexe. Le sens du dans là traduction de la fan1euse Perle évangélique,
l~ion mot esprit varie d'un auteur à l'autre, c;onsidérabloment publiéo en 1602 par le chartreux R. Beaucousin, 1111 des
~ sur
patfois,. et cos différences •nettent en cause t:ou t un représentants les plus illustres de ce 1nilieu. L'a1,rl:eur
dmo substrat religieux qu'il faut précise!'. D'autre part, de la Perle, en efîet, .définit très clàirernent ce qu'il
à l'Intérieur même d'une sr-ule œuvre, le terme revêt entend par esprit : 1, La mémoiro, l'entendement et
~, pie souvent plusieurs accepLions. Elles no sont pa.'l toutes la volonté sont la supérieure pa1·tie de l'ân1e... Elt ici
,ogra- également caractéristiques. C'est ainsi, par exemple, l'/lmc ost appelée esprit, parce que les forces supérieures
titar: que tout le monde s'accorde sur un certain sens intellec- devr1üent êtl'e toujours unies avec J'esprit de Diou »
trou·• tuaJisto courant, d'après lequel l'esprit est l'organe (Iiv. 1, ch. 10, f, 14b). Dieu réside en cette partie supé-
rogica et le·lleu de la 1,ensée. Mais d'autres sens, plus origi- rieure et« daigne y habiter et l'illuminer» (liv. 1, ch.11 ,
résèn- naux, ne sont point pour• autant exclusifs les uns des r.-" 16b), et les trois forces supérieures y reproduisent
1ivent autres et peuvent se rencontrer shnultanén1ent dans l'imago do la sainte Trinité (lôao eit.). Il nous est
pas- le même ouvrage. A cet égard, la comparaison entre d'ailleurs expliqué plus clairenient co1nment l'esprit
1moa- les textes latins et leurs traductions françaises est est l'irnage de Dieu : « Il n'y a rien ·si semblable à cette
o des
. "'
aussi significative: anùnus, sp1:ritus, ,ncns, ingeniu,n, peuvent, suprê1ne Sapience quo l'esprit raisonnable, lequel par
jetan, sui'van'L les cas, être rendus par esprit, et les traités la momoire, intelligence: et volonté consiste [derneure]
philosophiques posent, sur ce point, des problèmes en cette ineffable Trinité; mais il no peut consister
:to de pa11ticulièrement ardus. Sans sortir du domaine de la [demeurer] en icelle, sinon quand il a· souvenance
• littérature ·pieuse, il ne saurait être question de dresser d'icelle, qu'il la connaît et aime,, (liv. 1 , ch. 20, f. 29b) .
mys•
!so. 4) un inventaire complot, mais sirnplement de jalonner, Conune on le voit, là Perle rejoint ici un thème très connu
raltés

pa,r quelques exemples suffisamment nets, les diverses et dr. mouvance probablement augu,<Jlinienne. l\'Jais le -
' trOI-II lignes caractéristiques suivant lesquelles s'y est déve- platonis1ne dè son auteur se manifeste avec netteté
loppée l'histoire du mot espr1'.t. - 1. Le, sens ontologique. par la manière dont y est décrit l'itinéraire de l'âme :
!espé• - 2. Lo sens 11ital. c< Quiconque donc veut chercher Dieu et 'le trouver,
,ip:tlg, qu'il le cherohe·en soi•meme, savoir•est, au plus profond
,11nutt. 1. Le sens ontologique. - Dans ·une première de son âme, là où est l'hnage de Dieu, et fouisse le champ
37. - perspective, l'accent est mis sur l'aspect ontologique de son essence créée fort avant et, par ce moyen, il se
misu, du terme, sur le caractèl'e irnrnatériol, incorporel do trouvera soi-même idéalement incréé en l'essence
, Brur l'esprit; on ce sens, il tend souvent à se confondre di vine et en la nue essence de l'âme ,, (liv. 1, ch. 4,
itw~. •
1952;. avec l'âme. Cependant, con1me nouii le verrons, cer- r. 7a). Or, ce fond intime s'idontiflo avP-c l'esprit., et. la
:tawa, ~
tail)s auteurs.prennent soin de distinguer âm"e et esprit; Perle no manquera pas d'indiquer que, pour que l'image
York, malheureusement, il n'est point toujoul'::1 faeile de dis- divine s'y laisse découvrir, l'esprit doit nécessairement
1950, cerner d'une manière claire quelles sont les vues ant11ro- parvenir au total dépouillement, à la parfaite nudité :
'nung, pologiques auxquelles ils se réfèrent.. laes écrivains " Afin que la· snprô1ne. partie, c'est-à-dire l'esprit, qui
Hven, de cette tendance se rapprochent tous plus ou moins est la nue essence de l'âme, ne soit frustrée de son orne-
58,- de la thèso fonda1neiltale chère aux mystiques rhéno- ment,· il faut qu'il soit dénué de toll$ (sic) images et
Ttsta-
r111i.za,
llamands, aux yeux desquels une certaine continuité formos, ou figures, et qu'il demeure en son original
195'•· de la nature spirituelle unit l'ân1e I1umaine à Dieu. pl'inc:ipe ,, (liv. 8, ch. 13, f. 242b).
~arou• Cétto idée est interprét6o par la plupart des théori- L'œuvre majeure que nous ait laissée l'école abstraite
Ilop11, ciens du nord, avec diverses nuances d'ailleurs, en un est assurén1en't la R ègle de perfection du capucin Bcnott
~d the &e!ls platonicien. l/â1ne humaine JJI'éexisto en Dieu de Ca11feld, dont l'édition originale (Rouen, 1609) était
in the de toute éter1iité par son idée dans la, pensée divine; marquée par des audaces platonisantés qui furent
1954, cette Idée ou Imago divine, d'après laquelle ello existe atténuées l'année suivante dans l'édition officielle
54.-,- réeµement, est déposée en son centre ou som1neL ( ape.-c (Paris, f610), Canfeld no fait guère appel au thème de
i-276 : mentis); po\1r trouver. Dieu, il faut donc que l'âme l'c,çsc ideale et son vocabulaire n'est pas absolument
Lain
sperar rentre en elle-1nèmo pa.r' un mouven1ent d'introve1•- idenLitjue à cefui de la Perle. Le mot esprit a souvent chez
1 Puy- sion, de manière à rejoindre l'image divino pl'ésente lui un sons int0lloctuel assez banal; do cette n1aniiH'e,
1olog!a au plus profond d'elle-môme. L'esprit est ainsi envisagé par exemple, il alllrroe1·a que lès << actes de l'esprit "
1, 549. p;ir oux en relation avec sou êtro idéal, esse idcal.e. ne servent à rien pour parvenir au sommet de la vie
, dans Les idées chères aux n1ystiques du nord se répan- mystique {il" p., ch. 8), qu'il nomme cc vie suréminent.e ».
,ytens, dent très tôt en France par le véhicule des traductions Mais, ~:n fait, ce sens intellectuel est chez lui secondaire :
rie de ratines : dès 1512, Lefèvre d'l;lt,aples y faisait publier il désigne seulement une activité imparfaite do l'esprit,
1235 ESPRIT
lequel n'en demeure pas 1noins le lien entre l'homme le carme aveugle, le terme d'esprit recouvrait de v~rtl•
et l'essence divine : s'appuyant sur l'autorité de saint gineuses audaces 1nétaphysiques. ,
Bernard et de saint Bonaventure, Canfeld écrira que Sur Je point qui nous occupe, il faut ranger saint Fran•
,c le chef de notre esprit est l'intelligence, laquelle aux çois de Sales à côté des auteurs de l'école abstraite.
hommes saints est conjointe immédiatement à Dieu » Cela peut sembler surprenant lorsqu'on songe que ,le
(ibidem). Dans la vie suréminente, l'espril: est uni saint, à plus d'une reprise, a manifesté son peu de goOI
à la volonté essentielle de Dieu par une « plus haute pour les rhéno-flamands et pour Cnnrel~. Le fait estlà
capacité » qui lui pormot d'attoindro 1c lo suprême des pourtant : les idées de François de SaJes sur la structul'$
Esprits » (8 8 p., ch. 2), de telle sorte qu'il est alors de l'â1ne 1•appe1lent singulièrement les vues des théorl,
• granden1ont illuminé et subtil » (8° p., ch. ~). Co1nroe ciens du nord. Leu1• origine n'est point encore cla.iro.
ses devanciei·s, Canfold y mettra comme condition une ment établie, mais peut-être faut-il adoucir quelquo•P.OU
parfaite cc dénudation d'esprit», et, pour auto,•iser cette les conclusions entièrement négatives de certains
expression, invoquera Origène, saint Bernard, Bona et historiens, A. Liuima par exemple, qui nient toute
llarphius (épître au lecteur, avant la 8° partie). La défi- in1luence dos mystiques rhéno-fla1nands sur lo 1'raitA
nition qu'il en donne s'ini;c1;it exactement dans la de l' amaur de Dieu : il sernble bien difficile en eftel
tradition rhéno-flamande : c( Dénudation d'esprit est d'expliquer la penséo do François de Sales uniquemenl
une divine opération purifiant l'âme et la dépouillant par les textes d e saint, Augustin qu'il cite à ce propos,
entière1nent de toutes !or1nes et images des choses, tant Le saint évêque a bien senti, en effet, qu'il ne pouvafl
créées qu'incrééei;, la rendant ainsi toute simple et nue, préciser ses vues sur les relations qui unissent l'am0.ur
et la fait capable de contempler sans formes » (ae p., do Dieu à la vie contemplative sans indiquer de quelle
ch. 6). Cependant, il se rnontre relativement original manière il concovait la nature de l'âme, et il l'a fall
par la manière dont il insiste sur l'aspect passif de cette dès les premières pages du 'l'raité (liv. _1, ch. 11 e~.\21
dénudation, pour laquelle « l'opération de l'espl'it do en d es formules et des 1nétaphorei; qui sont parfots1 il
Dieu est nécessaire,, (ibidcni). Si donc Canfeld derneure faut l'avouer, assez embrouillées et qui ont pu égatèr
dans l'ensemble fidèle au schéma quo lui ont fourni certains com111entatours. 'I'out d'nbord, il distingue
les n1ystiques du nord, il 111anireste pourtitnt une indé- « deux portions de l'ân1e, l'inférieure et la supérieure ',j
niable tendance à on accentuer les asp'ècts in tellectuels et il les définit de la manière trllditionnelle : cc Cellè,là
et psychologiques; au reste, s'il atlénue qunlque peu est dite inférieure, qui discourt et fait ses conséquenè~
la hardiesse métaphysique de Ruysbroeck, il ne fait selon ce qu'elle apprend et expéritnente par los son~;
en cela que suivre l'exemple d'Harphius. et celle-là est dito supérieure qui discourt et fai l sœ
En revanche, les thèmes platoniciens des autollrs cons~quenccs selon la connaissance intellectuelle, qui
rhéno-flamands se retrouvent dans tout leur relief n'est point fondée sur l'expérience des sens, ains sur le
ohei le car'me JetJ.n de Saint-Samson. Il n'est que d'une discernement et jugement de l'esprit; aussi cette porU011.
dizaine d'années le cadet de Canfeld, mais son œuvre, supérieure est appelée communément esprit et pari.lé
tout entière posthu1ne, n'a été publiée que de 165'• à mentale d e l'âme, comme l'inférieul'e est ordinaircmenl
1659, vingt ans après sa mort, et sous une for1ne appelée le sens ou sentiment, et raison hun1aine •
considérablement remaniée. Même dans ce texte (ch. 11).
édulcoré, l'influence nordique, celle en particulier de Cèt osp1•it, identiflé avec la portion supérieure do Pâme, i4
Ruysl>roeck, est part.out discernable. Aussi le mot aubdivlse lui-mêrne on trois parties. Dans ln premièrB, l'activit!
esprit lui servira-t-il souvent poul' désigner la 1•6alité do l'esprit est disèurslve et s'exerce i,ur los réalités natUJ'-OUIIII
la plus intime do l'âme et cette sorte de continuité qui connues « selon les sciences humaines , , • solon la lumière
l'unit à l'essence divine. Pour parvenir à l'union, cc le naturelle, com,no ont fait lei! philosophes et tous ceux qul on!
chemin le plus court est le dedans de l'espl'il,, et c'est discouru par scioncc ». Dans la seconde, son activlw est oncoNI
discursive, mais elle n pour objet los réalités surnnturcllœ
l'esprit qui doit être comme l'âme de votre âine » connues et sillon ln foi •• • selon la Iu,nière surnaturelle. comme
(S.-1\1. Bouchereaux, La réfor1ru1 des car,nes e.n Fra.nec font les théologiens et chrélions, en tant qu'illl établmsen1; lem,
et Jean de Saint-Sanl$on, Paris, 1950, p. 199) . Pourtant, discours sur la foi et la parole de Dieu révélée, et encoro pl111
ailleurs, il semble distingµer l'esprit, avec ses trois particulièrc,nent ceux desquels l'esprit est conduit par dil
facultés, du sommet de l'âme, auquel il ne donne po.s particuli~res illustrations, inspirations et én1otions céloslCK1,
de no1n; mais cette dis tinction n'est pas nette, puisqu'à Il existe enfin une trolsiè1ne région où l'esprit n'agit plus s
ses yeux l'union suprême s'accomplit << nuo1nent et vant un 1node discursif : • Outro cela, il y n une certaine éml,
simplement, en suréminence de vue et d'essence, au nen(,e ot suprè1ttc pointe do la raison et faculté spirituellei
q 11i n'est point conduite par la lumlilre du discours ni .d~la
plus haut de l'esprit, par dessus l'o.sprit.. 1 on unité raison, mais par une simple vue do l'entendement et un sirppli
d'esprit, ou plutôt" en simplicité d'essence et d'esprit >i sentiment dè la volonté, par lequel l'esprit acquie6ce et .se
(p. 280). La perte de l'âme en son objet divin est décrite souruct à la vérité et à la volont6 de Dieu • (ch. 12).
en ces ternies : c< Dans la jouissance de ces amoureuses
accolades, qui se font d'esprit en esprit en l'unité Ainsi, la « suprêrne pointe » n'est pas discursive, el
jouissant e de l'esprit, on no sait si on a été ni si on est » seule la foi l'illumine. Elle est le lieu des verius thé,o!o•
(Les conte1npla.tions et les divins soliloques du vénérable gales et ses actes consistent essentiellement ~n âe
F. Jean tk Saint-San1.son, Paris, 1654, p. 460). Le "simples acquicsce1nents de la foi, de }~espérance et ~e
thè1ne de l'esse ideale et du retour à l'image lui est la charité ». Elle est en même temps la demeure de1
familier, 1nais il admet qu'il existe une union plus haute grâce, le champ par excellence de l'ac~ion divine : ell
encore que celle qui se réalise au mon1ent où l'âme, fait la« suprême pointe » n'entre en action que pour li
« en la suprême pointe de l'esprit.. obtient et possède cho;cs divines. Aux yeux de saint François de Sà~
son image idéale en similit.ude ,, : dans ce tel'me ineffa- les possibilités contei:,iplatives de l'homme ont donc,uq
ble, l'ân1e atteindrait l'essence divine en son unité, certain fonde1nent naturel dans la structure même dt
directement, immédiatement et au delà d'elle-mên1e son âme, mais leur exercice suppose évidemmen
(S.-M. Bouchereaux, loco cit., p. 282). On voit que, chez l'intervention do la grâoe. On voit que, s i cette théorie

1
,236 SENS ONTOLOGIQUE 1238
~rti- pl'llsente une certaine parent6 avec les vues des rhéno• certaine influence des auteurs espagnols, et particu-
' flamands, elle transpose dans une perspective essentiel- lièl'emont de saint Ignace, ait contribué à accréditer ce
ran-
'
lelÏl~nt psychologique ce qui chez eux était d'abord sens dans la littératu1•e spirituelle française; mais il y
aite. m4taphysique. recevra un développement original, sinon par ses
1e le ,· fonde1nents théologiques, au moins par lo place qui lui
~oftt Il faut ron1arquer en out.ro que H. Brernond <lOrnrnct une
l~ro orrour, dans sr.1 J>hilosophie de la prit!r11, on flt~ribuant sera attribuée dans l'équilibre de la vie intérieure. La
lt là base do ces vues, c'est.l'affirrnation, dont les racines sont
• ~raoçois de Sales l'expression « fine poinlo do l'ospril •, quo
ture 00 . dernier s0mble n'avçiir jamais employée. En réalité, pauliniennes, que le chrétien doit être m-0 par !'Esprit
~ori- o'esbsainte Joan no do Chantal qui parle de• pointe• ou de • fine de Dieu, qui s'identifie au Saint-Esprit, lequel peut être
lire- pointe do l'esprit • on dos tor,nulcs qui d'nillou1'S sc,nblent se considll1•é aussi comme !'Esprit de J ésus, A partir de là,
,peu rapprooho'r de !'écolo abstraite : • Mon esprit, en sa fine pointe, s'édifie toute une théorie du Saint-Esprit et de son action
.ains est dans une très sirnplu unité; il ne s'unit pas, C'ài•, quand 11 en 1'111110, qui se révèle du plus haut intérêt. Ces-idées
oute :veut fa.ire.des actes d'union, eo qu'il no veut quo trop souvent
eiseper de faire on cortainos occasions, il sent de l'effort et seront l'apanage majeur, mais non exclusif, de l'école
raité
voit cla.irement qu'il ne peut pas s'unir, mais demeurer uni• bérullienne.
~fret (le~ti'fl -~Il 29 juin 1621, Œu11r11s, t. 4, Paris 1877, p, 550). Il appartenait en elîet à Bérulle d'en dessiner avec
~ent D'~ÙJ.res_rois, elle utilise un vocabulaire plus netten1ent solé• v1gue\ll' les linéaments. Malheureusernent, les textes
pos, sien: <Au point du jour, Dieu n1'a tait goO.ter, mais presque de piété de Bél'ulle que nous pouvons dater avec
.vait lmporeeptiblement, 11ne petite lun1ière en la f.rèa 1Jo.11te suprême exactitude sont rares et dans l'ensemble assez tardifs.
1our pointe do mon esprit; tout le reste de mon dme et ses facultés 'l'out pormot cependant de croire que aa pensée sur ce
1elle n'en ont point joui ~ (lett.ro située pnr les éditrices en 161',, point était pleinement formée au moment de la fonda-
fa.it mals plus probablement de 1621, t. 4, p. 21).
tion dn l'Oratoire, en 1611.
, 12)
is, il D.ès le premier tiers du 170 siêc,e, les tendances trop De toutes 1nanières, c'est dans une circulaire nux oralorions,
:a rer métaphysiques de l'école abstraite sont l'objet de vives rédigée probablement en 1625, que nous en trouvons l'oxprcs-
igue attaqll,es, et, peu à peu, les thèmes platoniciens dispa- i;ion ln plus complète et la plus précise : • Nous devons tenir
re », rals'sent de la littérature de piété: les c;euvres de ,Jean de no~ 1nalsons comme écolos et exercices d'esprit, ninsi que les
le-là ~int-Samson ne sont que la nianifestation attardée . anciens en avaient pour les exercices du corps, et on icelles
nces d'un courant en pleine régression: D'autre part, les nous devons nous exercer aux vertus de l'esprit, no11s 110115 y
VUJ~cartésiennes sur la simplicité et l'unité de l'espl'it, rir devons e,cercer par l'cspl'it, et nous devons travailler à ncqué-
'
cns; l'esprit, source et origine de to11te vertu, qui ést l'esprit de
, ses co~ idpré comme aubstance pensante, rendent désuètes Dieu, l 'csprit do son Fils unique J ôsus-Chrisl, Notre-Seigneur,
qui les théories con1pliquées, du genre de celle qu'avait et nouH dépouiller de notre. èsprit, pour avoir cet esprit... Il
1r le él!Ü!ort\e saint François de Sales. De co que nous avons fau t que notre esprit reconnaisse un autre esprit, esprit incréé,
,uon ~~pelé le sens ontologique, une trace demeure cepen- esprit éternel, esprit dos esprits, lequel ils adorent et au con-
trtie dant, à laquelle du reste le cartésianisme ne contredit seil duquel ils se rendent... L'esprit de Jésus, vivant et i,ubsis-
11ent point. Assez souvent, les auteurs sph•ituels semblent tant en la divinité et par la divinité mê1no, l'esprit de ,fésus
18 »
cojltond)'e pratiquement esprit et :îrne et considèrent uni parsonnolle1nent à la divinité, nous veut faire /ltro et •
que Dieu est la fin ot le tout de l'homme en conséquence !lnbsi11t.ur en lui, veut s'o.ppliquer à nous et nous détacher des
choi;ei;, veut vivre et habiter 0n nous • (Œu11r11s dB piété, 182,
e, se
d'une certaine cornmunauté de la nature spirituelle. 10-1 2, éd. Migne, Paris, 185G, col. 12!t!t•1246). ·
:ivité' Cette perspective de mouvanr.e augustinienne est fort Ailleurs, Bérulle exprime encore plus nettement les perspec-
~elles courante. tives vitales dans lesquolles il envisage l'esprit : • Je veu,c,
nière On pourrait la trouver, pur exe1nple, dans l'lnstit.iaion spi• ucriL-il, que l'esprit de Jésus-Christ soit l'esprit do mon esprit et
l o.nt rurµlle de Ni.colas du Sault (1643), qui, ap!'ès avoir affirn16 la vie de 1na vie• (Grandeurs ch: Jésus, dise. 2, n. 12, col. 1.81).
lCOre • que les plaisirs de l'esprit sont incomparablement ))lus esprit D'nutl'CS textes précisent clairement l'identification entre cet
:elles parfaits quo (:eux des sens• (1•• p., 2• considérai.ion, p. 20), do Jés11s ut le Saint-Esprit : • Nous sommes lln la n111in
mme établit • quo les joies et les plaisirs de l'esprit sont on üieu du Saint-Esprit 11ui nous tire d11 péché, nous lie à ,Tésus connno
lêurs aeul •(~•cons., p. 27). C'est un des thèmes cc11traux des célè- esprit de Jésus, 6n1ané de lui, acquis par lui 0L envoyé par lui•
plus bm Délices de l'esprit (1658) · de Desn1arot.s de Sah1t-Sorlin, (Œu11rc~ ile piété, 143, 1, col. 1181).
des qili décrit ainsi l'union divine : • L'ân1e, en ce lieu-là, est faite
:es •· UJI lliênle esprit avec Dieu, cor l'union avec Dieu, c'est d'avoir Il s'agit là de citations prises un peu au h;u;ard, car
1 SUΕ l'esprit uni à, celui de Dieu. Ainsi, elle devient un pur esprit, les formules de ce genre abondent dans Bérulle, qui se
émi- qul,~omblo n'avoir rion à dérnèlor avo1: l'rln1e qui anime le corps; répète he9.ucoup. Il insiste en particulier sur le fait que
1elle, d'9li vient quo coux qui sont arrivé$ à cette union sont appelés c'est l'esprit de Jésus vivant en nous qui est la source
:le la çirit11els, et les spirituels sont bien aulrês que ceux qui n'ont de toute vertu et do toute sainteté, le mattre intérieur
rpple que l'A.me animale, qui no sait qu'anilncr le corps ot conduire qui doit nous guider et nous illuminer; ainsi Bérulle est
it s~ l'entendement dans les choses puren1ent hu,nnlncs • (2• p., amené à cette idée de la docilité au Saint-Esprit, qui est
~2• journée, p. 50).
!onda1nentale dans la piété du 17° siècle.
➔, et Dans l'ensemble, les bérulliens demeurent fidèles à
2, Le sens vital. - Dans une seconde acception
:olo- qui se développe parallèlen1ent à la précédente, l'accent ces oriento.tions initiales et, s'ils y ajoutent quelques
i' de eit mis sur le fait que l'esprit est principe d'action, nuanctis personnelles, elles sont ordinairement de peu
,t de>
8ource fondamentale de l'activité humaine, et que par d'importance. Le vocabulaire do .lo~r. Bourgoin.g rejoint
le la CQnséquent il lui donne son orientaLion géné1•ale, ce assez cxacteillent celui de Bérulle, mê1ne si sa pensée
: en
<jù'on poutrait appeler sa couleur d'ensemble. C'est en trahit ~:ù. et là un contact intime avec les rlléno-fla1nands.
r leii
ce.sens que, conformément à la formulo évangélique, Choz lui le sens vital du mot esprit englobe le sens
laies• .
011 opposera l'esprit à la chair, considérée elle-même intellectuel; il considère comme une disposition néces-
c un qomme un principe mauvais d'action. C'est en ce sens aaire à 1'01•aison « un renoncernent à nous-1Qêmes, à
e de qu'on parlera de bon et de mauvais esprit, ou, avec un notre esprit, à notre lumière, à notre raison, à notre
nent
se113 plus précis et restrictif, d'esprît de priê1•e, de senthnont, à notre goù.t, à not1·e opération, à notre
lorie péhltènce, de pauvreté, etc. Il est possible qu'une consolation, contentement, satisfaction et douceur ,,
1239 ESPRIT
(Les 11érités et excellences de J ésus-Christ, Notre-Seigneur, Mais, plus que son devancier, Saint-Cytan insiste
t. 1, Paris, 1630, p. 8; reproduit dans H. Bremond, sur l'importance des motions du Saint-Esprit dàns l•
1 ntroductio11 à la pltiloaophie d11 la prilire, Paris, 1929, vie intérieure. On sait l'impol'tance que revôt dans~
p. 293). Comme l'oraison est ù ses yeux << une infusion spiritualité l'idée de conversion à une vie plus parfaite
du Saint-Esprit », les conseils qu'il donnera pour cet or, il insiste souvent sur le fait qu'un tel " renouvelle-
exercice s'inscriront dans le schéma bérullien : ment >> est sans valeur s'il n'est provoqué par le mouv
• Afin donc, en prcnlicr Hou, de prior en l'osp,·it de ,Jésus,
no11s devons renoncer au nôtre et à tout co qui vient do nous... -
ment de !'Esprit :
« Il ne faut pas facilement et sans un particulier rnouvemon
Nous ne devons donc pa,~ entretenir et traller avcû Diou selon de Dieu passer d'un genre de vie à \ln aut.ra ... Pour raiN des
notro intelligencn, et selon la portée de notre esprit, nHtis il change1nents au gré de Dieu, il faut que son @spriL nous ls
flint dema.nder l'e3pri t de Notre-Seigneur Jésus-Ch.rL~t afin do fasse faire » (Lettres chrétie,1nes et 1q,irit!lelles, t. 1, Lyon,
prier fm lui, ou bien que ce soit lui qui nous instruise à prier, 1674, p. 94). A une correspondante malad0, il é<lrit : • Il lâo
qui nous fasse prier el, prie en nous et pour nous, par l'usage tâcher, en cela comme en toute autre chose, d'éviter not
divin qu'il fora de nous, 1,:iir lo S1Jint-Esprit qui est, l'esprit de esprit et de nous laisser conduire à cèluî du Dieu • (cité par
Jésus, a en nous un usage divin que nous empl!chom; et ruinons .1. l3rucker, .S-ailit-Cyran d'après ses leurcs i11étlitf.$, dam
par nos in1perfeclions • (VérÏtt!s, l. ·1 , p. xx1x; li . Bren,on<l, Reduirclies de science religieuse, l. '•• 191a, J>. 875). Uue note
fo(:c, cit., p. 301-302). On co1nprond qu'on offrtiuL son livre à 11n11Joguo d11ns uno loLtro à la nlèl'e Angélique, êgalon1,onl
l'Or~toir~, Bourgoing ait pu assurer qu'on y rott•ouvorait • la 111alado : « Jo vous prie de vous souvenir de trois chosei; : quo lt
vive imag~. quoique tirée par une 1naln trop grossloro, de pl'inciJ>al do la l'Oligion consiste 11 ne suivre pns les 111ouvcmenta
l'usprit ot de hi grâce de celui qui a été not1•e Père co1n1uun » de son propre esprit, qu'il n'y a point d~'vttnt Oiau une pJ\11
( l'érilés, t. 1, épitre). grande pénitence qtie celle-là, et qu'il fl)ut allor ù lui en Il'
ln.issant soi•mûn1e • (Lctt.rcs clir1iti1111,1es, t. 1, p. 376).
Le te1•me est peu fréquent dans les quelques textes
<lui nous restent do Ch. do Condri:n.. Cepondant, un Dans ses vues, la con version est symbolisée par 1
passage d'une de ses lettres aLLeste sa fidélité au sens don au fidèle d'un « cœu1· nouveau », qu'il identifie à~
bél'Ullien : « Quoi que nous fassions ou souffrions n'est fois au Saint-Esprit ot à la charité : 11 Ce cœu1· n'est rie
rien, si nous ne lo faisons et souffrodll avec Jésus- que son Esprit et sa g1·âce, par laquelle notre ârne.se
Christ, en la disposition de son esprît. Nous ne devons d6tacho des objets des sens et s'élève à Dieu par tou
rien estin1er, ni la vie ni la mort, mais vivre ou mourir 801·tes de bonnes pensées ot de saintes affections. ·
en l'esprit de Jésus est chose très précieuse <levant Dieu» Esprit et cette grâce, qui établit ce cœur nouveau,
(Lettres, éd. Auvray-J oufîrey, Paris, 194S, I'• 464). Le appelé dans l'Iilcriture du no1n de chaJ'ité et d'amour
biographe de Condren, D. Amelote, écrira do lui : « Il qui .est le plus e~cellent nom que ,Jésus lui donn~
était proprement une image et une expression de l'inté- (Œuvr~s chrétiennes et spirituelles, Lyon, 1679, p. ~8)
rie1.1r de Jésus-Christ, et le Père éternel l'avait fait Plus quo los autres bérulliens, Saint-Cyran insiste
oaître an nos jours afin de nous représenter une idée de cette identification avec la charit,6, au nom de laquo
l'esprit et des mœurs do son Fils 11 ( J/ie du P. Charlo.9 de il affirme l'absolue nécessité de ceL Esprit : « L'Egl
Condron, Paris, 165 7, p. 631) ; ailleurs, Atnelote insiste nous apprend que tout ce qu'il y a de bon hors de.no
sut• « l'esprit de victime >> dans lequel a vécu Condren en notre religion, et 1nê1ne le corps du Fils de Dieu,.
(p. 625). ne sert de rien à l'âme s'il ne produit l'Esprit de Di
Dans l'ensernble, le thèrne bérullien de l'Esprit do dans nous et ne procède de }'Esprit de Dieu ou n'œ
Jésus de1neure solidement ancré dans la piél.é do l'Ora- reçu dans l'o$prit de Diou, qui était auparavant d•
toire. Il ost intéressant de constate1· c1u'on le retrouve nous » (Lettres clirér.iennes, t. 3, p. 12).
1nê1ne chez un cartésien connue Malebranche. Sans doute C'est dans los muvros de Jean-Jacques Olier qµe 1
le mot esprit a généralement chez lui un sens intellec- tllèrne de !'Esprit de Jésus a reçu sans doute ses déve
tualiste. Bouvent il lui arrive d'insiste1· sur l'orientation loppomont.s les plus considérâbles et les plus origina
vers Dieu que donne à l'homme l'aspect spirituel de sa Dans une certaine n1esurc, Olier distingtte, au moi
nature; il dira dans une invocation à ln '1'1•ini l.é : << :I>' aHes par leurs opérations, l'Espi•it de Diou et l';Esprit
que ... mon esprit immortel ne s'attache qu'à vous .. , Jésus : ~ Il faut remarquer la différence qu'il y a en
la fin délicieuse et parfaite de tous les esprits quo vous l'Esprlt de Dieu et !'Esprit de Jésus : car, quolqu
avez créés à votre image et à votre ro!lsn1nblance » !'Esprit de Dieu et celui de Jésus ne soient qu'un
(Méditations pour so disposor à l'humilité er. à la pc!11i- néanmoins, à cause dos diverses opérations qu,
te11ce, Paris, 1914, p. 178). Mais ailleurs, il retrouve produit, il prend quelquefois le nom d'Esprit de Dieu
Bérulle dans une invocation au Saint-Esprit : et quelquefois le nom d'Esprit de J ésus-Chrîst » (In
• 0 Esprit do ,fésus, amour <lu :Père et du F'ils, répnndez duction à la vie et aux vortus çhréti~nnes (1657), ch, 3
vott•o charito dans nos cœurs, chassez <le nos esprits la. crainte éd·. F. Amiot, Paris, 1954, p. 19). Dans cette persp
servile... Venez, Esprit consolateur, adoucir par 111 déleètl)tion tive, les premières pages du Catéchisme ohrétie,i pouf
de ln grâce l'amertu,ne ot le dégoût quo nous trouvons dans 11io intériouro sont formelles : seul << mérite d'être ap
la pénitence • (p. 151); il roconunando d'adol'or « ,J ésui;-Christ, chrétien celui qui a en soi l'esprit de Jésus-Christ
com1ne chef de son Ii!gllse, répandant son Elsr,rit sur sa lequel s'identifie au « Saint-Esprit qui habitait en lui
sainte Mère et sur tous les saints» (p. 197); ou oncorc: « Conunu- et l'on reconnaît sa présence << aux inclinations qu'on
nions au sacrifice de Jésus, vidos de no11s•nlôn1cs et avce des
désirs ardents de nous remplir de son Esprit• (p. 1 \13). En fait, semblables aux siennes, en suite de quoi on vit oom
on pourrait cueillir dos 0xe1upl8s de c8 genre d:ins presque lui » (Catéi:hisme ohrétie,i (1656), 1e ·p., 1 8 leçon, ·
touto la liLtt\raturo oratorionno. ~ - F. Amiot, Paris, 1954, p. 11) . Sur le rôle de l'lilspri
dans la vie intérieure du Christ et dans celle du chrétien
Le bérullisme con1pte en dehors de l'Oratoire d'illus- ()lior se rnontre souvent plus précis que ses devanci
tres représentants chez qui on rencontre dns formules Il rappelle que « ce divin esp1·it est tout oppos~ Ir
exactement analogues. 'l'el est Je cas de Saint-Cyran, chair ,1, et que Jésus-Christ << nous rend dépositaires
ami de Bérulle et dans une certaine mesure son disciple. son esprit par le baptê1ne, et eftect.ivement il réal
...
1240 1241 SENS VITAL 1242

iatera. én nou$ pour nous conduire, pour nous éclairer eL pour Joan-Joseph Surin. Chez lui aussi, les traces 1•héno-
1ns la. DO\IIJ mouvoir à la gloire de Dieu » (Lettres spirituelles, fla1nandes sont assoi souvent visibles. Mais certaines
1118 sa. 193, ,Pal'is, 1862, t. 2, p. 247). C'est on co sens qu'il formules curieusen1ent hardies semblent évoquer une
faite, parlëra de« l'esprit du baptême, qui.nous e~sevelit ,on save111• cartésienne, même si l'esprit continue à y être
velle- la mort de Jésus-Christ » (Journce chrétienne, ed. considéré comme principe do vie et d'action. C'est le
ouve- F. :A:.mlot, p. 1~0), et qu'il affirrr1era : « L'esprit dos cas, par exemple, de su définition de l'homme spirituel :
saints mystères nous est donné par le baptêrne et Il est « Celui qui ne suit point los maximes de la nature, ne
opérant en nous des grâces eL des sentilnont.s qui ont s'encline point au c~ps et vit selon les lois de l'esprit
ement- rapport et conformité aux mystères de Jésus-Christ » et <le la raison ,, (Catéchis,ne spiritu,el, t. 2, 2° p., ch. 1,
·1'13 des (lhtroiluciion, ch. 2, p. 13). Aille1lrs, il parlera d'esprit Lyon, 1682, p. 1 ). Mais co pseudo-cartésianisme n'est
1us les. dé sacrifice, d'esprit de religion, d'esprit d'hostie au fond qu'une apparence, car, lorsque plus loin Surin
Lyon, nous e-x:pliquera cc qu'il entend par ces ,lois de l'esprit
11 faut. (oh.1, p. 9), et nul plus que lui n'insistera sur l'abandon
notre- à la direction intérieure du Saint-Esp1•it (cf l'opuscule et de la raison, il Jeu!' assignera trois exigences fondamen-
tll par· de A. de Bretonvilliers, L'esprit d'un direct{!ur d11,q dnW!J, tales : ,c S'accon1moder aux. maxi1nes du salut et non
daJ11> Paris, 1881). point à celles do cette vie », - « mettre tout son cœur,
e note De même, la formation oratorienne de saint son alTection et son estime en ce qui regarde l'être moral
.ement Jea11 Eudes explique que chez lui le rnot e11prit ait i,.ussi ot la pratique de la vertu », - « considérer .Diou, son
qµe Je, un sens ess·entiellement hérullien. intérêt, sa volonté sainte, en un mot tout ce qui le
IJnénl:& concerne, n'ayant autre 1notif an son esprit que celui-là,
.e plus ••llitont enfants de Dieu et n'étant qn'nn avec lé Fils de Dieu, rapportant tout ce qu'il fait à son bon plaisir "; aussi
en se comma les membres avec leur chef, il s'ensuit néccssairc1ncnt
g11e nous devons être animés du niêr:ne esprit... Do SOl'LO que le
peut-il conclu1·e : « Vivre en esprit et selon la foi se
Baint,&prit nous o. été donné ponr êtrfl l'osprit do notre trouve une rnêrt1e chose » (p. 7-9). Si, chez lui, l'esprit
lilr le• eiiprit, lo cœur de notre cœur, et l'ârne du notre Arue, et pour est essontiello1nont principe de vie, la vie dont H est la
e à la être iQujours avec nous et dedans nous • (i!.'titretiens intérieurs source se confond avec la pe1•fection chrétienne. Mais le
1t rien di, l'dme 'chréticr1ne a,,ec son Dfo11., Œ'u1Jres coniplàtcs, t. 2, Paris, thè1ne de l'esprit de Jésus lui est bien plus habituel
me S& 1924, p. 172). qb'il ne l'est à Lallemant. I>arfois, il ne donne à cette
(outes Alllew-s, il précise ca qml c.loit être en nous cet Esprit do expression qu'un sens rnoral assei élémentaire; pa.r
1. Cet
Jésus ; • Comme les mernbros sont anhués de l'esprit de leur exe1nplo, il identifie l'esprit de Jésus-Christ avoc ses
,u , eét
chef et vivant., da sn vio, aussi nous devons être animés de vertus (t. 2, 28 p., ch. 9, p. 105) et, d'une action de
l'esprit de Jésus, vlvro de sa vie, marcher clans ses voies, âtre saint François, il dit qu'elle est « conforme à la douceur
rnour. rovêt\18 de ses scntirnents et inclinations, f!lire toutes nos
nne » ~ctions dans los dispositions et. intent.ions c.l11ns losquolles il de l'esprit de Notre-Seigneur» (t. 1, 78 p., ch. 4, Pa1•is,
,. 78). fa\4~il los siennes; en un n1ot continuer et 11cico111pllr la vie, la 1661, p. 544). Souvent pourtant, il rejoint le sens bérul-
te sur religion ot la dévotion q11'il n exercêe sur la Lûrrc • (Le Roya1unc lien. _l!)n des pages prolixes et désordonnées, mais magni•
uejle da)uus, 2• p.,§ 1, Œ1,11res, t. 1, 192'1, p. 162). tique$, îl analyse Je rôle du Saint-Esprit dans Ja vie
iglise- intérieure et il décrit les étapes suivant lesquelles
,. nOUjl, On reconnaît là les p1•éoccupations apostoliques de !'Esprit envahit progressivement l'âme fidèle; au terme •
5ieu..• saint Jean Eudes, soucieux de traduire le bérlùlisme en de la vie rnystique, l'âme possède ,c Dieu substantié
, Dieu foimules érnine1nment pratiques; les mêmes perspec- dans son iond », c'est-à-dire que c, Dieu a pris une telle
n'est tives ,se manifestent dans la rnanière concrète dont il posse:;sion de ces âmes par son Saint-Esprit qu'il s'est
, dans oppose l'esp1·it do Jésus, qui est l'esprit de Dien, à l'esprit rendu le principe de leurs opérations·» (t. 1, 8° p., ch. 7,
du monde, qui est l'espl'it de Satan (2" p., § 7, p. 180). p. 635). Or Surin frut plus d'une fois remarquer qu'en
iue le Une acception analogue se retrouve, avec sans fuit c'est,Jésus qui prond possession de l'ân1e par son
déve- doute .bien moins <l'insistance, on des auteurs qui Esprit, et que rnêrne les phénomènes les plus extraordi-
lnaux. n'anpartiennent point au courant bé1•ullion. Tel est le naires de la vie mystique proéèdent de lui : (( Le principe
moins cas pour le groupe mystique de la co1npagnie do ,Jésus de toutes ces opérations est !'Esprit de Jésus-Çhrist
rit de centré- sur Louis I.allc1n1znt. A la vérité, sa Doctrine résidant en l'lio1nJ'ne » (ch. 6, p. 622).
. entre ,pirituelle (1694) a été rédigée quelque sojxante ans J.,e sens vital du mot esprit est représenté plus
1oique après sa mort, à une époque où èertaines expressions abonda1nment encore dans les écrits trop souvent
iu'un, iss.ues de Bérulle étaient devenues n1onnaie courante, indigestes, rnaia si intéressants, de François GuiUoré.
qu'il et il est màlaisé de dire dans quelle mesure Làllernant Ce de1•nier envisage da[IS la vie spirituelle deux princi-
Dieu, les a efJecLivement employées. Dans les textes qui nous pes d't1ction. L'un est néfi,.ste; il n'est « autre quo notre
lntro• sont parvenus, certaines formules rappellAnt le climat esp1•it propre et particulier, qui vout animer toutes
ch. 3., rhéno-!lamand, comn1e par exemple lorsqu'il t'ecom• chose~, et-qui leur iilllinuo la corruption, sitôt qu'il leur
,r spec- mande « cette parfaite nudiLé d'esp1•it où doivent êtro donne le mouvement », car « l'essonco de notre espl•it
our la les âmes que le Saint-Esprit veut l'emplir de ses dons >1 est toute superbe, toute irnpureté, toute composée de
lppelé (])Qctrin1J spirit11.elle, ac principe, ch. 2, art. 6, § 1, ce qui peut faire la corruption lu plus intAme et la plus
rist », Paris1 1924, p. 160). Il développe longuement sa théorie c1•ilninelle n (Les · progrès de la vie spirituclk, liv. 1,
1 lui », des, dons du Saint-Esprit sans le considérer comme instr. 4, Paris, 1675, p. 63). L'autre principe est !'Esprit
11'on a Esprit de Jésus, quoiqu'il 1•appAllc ailleurs que « le de Dieu, qui peut s'appeler aussi Esprit de Jésus°Christ,
omme Saint-Esprit à gouverné toute la Sllite ot l'économie et qui s'identifie avec le saint-Esprit. ·
n, éd. des actions de Jésus-Christ ,,, et qu'il doit être aussi
1 le principe de notre conduite >> (6'-' pr., ch. 2, art. 5,
H faut ro,narqucr quo souvent Ouilloré on parle en des
Esprit forrnulos auxquelles des termes çommo celui d'adhéren1:e
rétien, § t et 2, p. 885). Au fond le tl1ème de l'J~_SJ)rit de Jésus donnent uno couleur spécifiquement bérulllenne : • Voici hi
nciers. ne lui est pas familier, et cette seule constatation fin du christianisn1e, comme celle ùo Jôsus, qui o. été de nous
é à la suffirait à n1ontrer <1ue Lallemant n'est point url anltnor de son esprit, et de fairo uniquement notre vie ... Vous
res de- bërullien. êtes o.nhnés de l't-lRprit de Jésus lorsque son J<Jsprit Saint
réside Il en faut dire autant de son plus illustre disciple, influe en toutes vos opérations et quo soul il leur c.lonno le
1243 ESPRIT

mouvomont ... Et cette adhérence intérieure, r,etle union nvec cette action en des termes qui trahissent une c~r
l'ahnablo Jésus, fait qu'nlors son Esprit Saint donne la vie à influence de l'école abstraite : « Dans cet état, les se
tout ce quo nous faisons, et, s'insinuant da.ns nos plus petitas soit intérieurs, soit extérieurs, n'ont point de p
actions, les règle, les anime et lea diviniso... Nous sornrncs non plus que le discours de l'entendement; toutes leµ
obligés de n'agir que dans !'Esprit do Jésus-Christ, par union opérations se perdent et s'anéantissent dans ce fq/id
et par adhérence continuelle avoc lui ... Slngullère1nent, nous
sommes chrétiens par !'Esprit de Jésus-ChrisL co1nrnc par une où Dieu même agit et où son divin Esprit op.ère» (p. 1173)
espèce de canas inforn11inlo • (Maximes spirituelles, l. 1, liv. 3, En décl'ivant ses propres états d'âme, elle mention
max. 13, f>1,ris, 1687, p. 080-6110). Du resto une certaine~ constamment le lait que l'Esprit de Dieu exerçait~
innuoncn do Bérullo sur Guillorù est assez vraisemblable. elle une sorte. de pression intérieure et elle insiste to
En rava11che, il est curieux de constater quo ce thèm1,1 llSt sur leur aspect passif.
pratiq1101nent ù. pou prôs absent do l'œuvro do J ,•B, Saint-Jure, '
• Il me fallait suivre l'inspiration de Notre-Soigneur,,.
qui pourtant on avait ou connaissance par son dirigé Oaston da
Renty. quelquo temps qu'il me l'envoyât... Jo 1no son tais portée par
autre esprit 11ue le mian. Et il 1no lo fallait suivre en toul
C'est dans la même ligne que s'inscrivent Jean de aulr8111ent, j'eusse eu dans l'lnlôrleur un reproclte qui n'
pas croyable • (Ecrits spirituels cl historiques, éd. A. J11mè
Bernières et le groupo mystique qui gravite autour de t. 1, Paris-Québec, p. 174-175). Et aîlleurs elle ajoulora
lui, et sur lesquels d'ailleurs une ce,•taine emprise • Lorsque j'avais ainsi obéi à l'E11prit de la grllèo, il so rond
bérullienne ost quasi certaine. Les textes qui nous profus en nouvelles raveura en mon endroit• (t. 2, 1980, p. 2J21
sont parvenus sous le nom do Bernières parlent souvent Rien d'étonnant donc de la voir consoillo:r à Claude Mo.r~il
do !'Esprit de Jésus-Cht'Îst : « C'est chose pitoyable son fila, l'abandon au Saint-Esprit : • N'ayei point de volon
que l'aveuglement des hom1nes, qui ne se laissent. l!liSaêz-vous conduiro ù. son divin Esprit; c'est ce qu'il domaq,
posséder que par l'esprit de nature et du monde; de vous, soit pour lo spirituel, soit pour les emplois oxtéri~u~
l'Esprit de Jésus n'agit point en eux, et c'est néanmoins (Lettres, t. 2, p. 356). :;
le vtal esprit qui donne la vie à nos lunes » (Œu11res Cet esprit est en l'âme la source de toute vertu,
spirituelles, Liège, 1676, p. 209). Mais, suivant les << les vertus lui sont données provonantes de l'Espri
perspectives chères à Ilernièl'es et qui marquent sa de Jésus-Christ,. (Écrits, t. 2, p. 208). C'est là, on p
spiritualité d'1~ne nuance bien p~rsànnclle, cet Esprit culier, qu'elle volt la sourco de sa propre voca'tio
· conduit d'abord l'âme aux: états humiliôs, pauvres et missionnaire : « C'était une émanation do l'esp .
abjects, de Jésus-Christ, à .« l'amour des abjections et apostolique, qui n'était autre que l'Esprit do J~
des soulTrances .. , où l'esprit de la nature et du monde Christ, lequel s'.empara de mon esprit, pour qu'il n'.el
trouve son supplice, et où au contraire l'Esprit do Jésus plus de vie que dans le sie11 et par le sien... Mon co
trouve son plaisir» (ibidem). était dans notre monastère, 111ais 1nôn esp1•it.qui é '
C'ést là une idéo sur laquelle Bernières nimo il. revenir, en dos lié à l'Espl'it de Jésus ne pouvait être enfer1né. Ce
forrnules qui parfois no manquent point do roliel : • L'Esprit Esprit me portait en esprit dans les Indes, au Japon ...
do J 6sus-Christ... ne tra.va.ille qu'à dépouiller ceux qui s'aban• (t. 2, p. ato). Il lui arrive assez fréquemrnent d'employ.
donnent à lui... pour les rernplir do pauvreté, d'abjections, de l'expression, plutôt 1•are ailleurs, d' (( Esprit du Ve~
souiTrances... De aorto quo quiconquo ost chl'étien, s'il veut incarné » : (< Le présent le plus précieux en tout. "'
vivre conséquemrnent à sa grâce ot ù. l'ospril qui le fait chré- l'Esprit du sacré Verbe incarné, quand il le donne dju
tien, il doit tenclro incessaniment à l'anéantissement et aux façon sublime » (t. 4, 1939, p. 255). Très probableineli
soufTro.nceR, clon11110 .Jâsus-Christ, qui en csl l'aulour et l'exem• les pren1ièros expériences de Marie de l'lncarn~tio
pla.iro » (Le chrJt.i11n intérieur, t, 2, liv. 1, ch. 6, Paris, 1690,
p. 152-15$). Et il résu1no sa pensée : • Jésus-Christ ve1Jt que ont eu lieu avant qu'elle ait lu Bérulle, mais sans aucu
lo ch ré Lion qui d6slro vivre do son esprit soi l tout duna lt)s doute ce dernier l'a aidée à formuler ot à préciser so
èroix,· è'ei;t-à-dlro qu'il soit con1mo nlort civilement, n'ét1111t vocabulaire.
plus et no vivant plus dans l'espri t des hornmea ~ (p. 151,). Ces quelques exen)ples permettent de mesurer l'axte
Ce qui lui per,net de dire que œt 11sprit est• l'esprit do la croix sion d'un sens qu'on pour,·ait nominer hérullien, t~
et do l'anéantissement » {ibickn1); car • nous n'avons non l3érulle et ses disciples ont contribué ·à l'accréditer
plus du vrai esprit do Jésus-Christ quo nous avons de vrai Naturellement, à mesure que le siècle pr6gresse et quel
o.néantifl!lemont de nous-,JDllrnes • (t. 1, liv. 1, ch. 5, Paris, 1684, cartésianisme gagne du terrain, l'acception intellectue
p. 20).
L'intime ami do Bernières, Gaston de Renty, vécut d'une du mot esprit se fait de plus en plus envahissante,,
spiritualité analogue; décrivant l'état do • n1ort myatiqu0 st tout en demeurant d'ailleurs, chez les écrivains
d'anéantissoment • où se trouvait l'âme de R11 nty, Saint-,Turo piété; assez banale et sans grand intérêt, sinon p
note quo • son enlendement et ses autros fa1:11ltôs spirituelles l'opposition qui s'établit entre l'esprit, domaine in
et èorporollos étaient nettoyées et animénH de l'esprit de lectuel, et le cœur, dornaine affectif : qu'on p~nse
Jésus-Christ, pour opérer non pas selon 111 nature gâtée, ni dominicain G. do Contenson et à sa Theologia n1t11t'
selon la nature toute pure, mais selon la naturo élovéo par la et cordis (1668). J,.e sens vital subit une certaine ré
grâce et sanctifiée par Jésus-Christ » (J .-B. Saint-Juro, La vie sion, mais de solides ascendances pauliniennes, e
,le M. de Renty, t,.• p., ch. 9, Rouen, 1650, p. aso).
patristiques prolongent son existence. Dans le milieu d
Le mot esprit est un de ceux qui l'ovient le plus · Port-Royâl, le thème demeure familier et on le trou
souvent sous la plu1ne d'une autre cor1·espondanle de incidemment chez Pascal.
Bel'nières, la célèbre ursuline Mario de l'Incarnation. li est, par exo111plo, turiouscn1ent décrit pur P. Nicolo
Elle lui donne parfois une acception assez générale, • Saint Paul nous représente... deux diftéren!J; principes d
comme par e:x:ernple lorsqu'elle no1nn1e la vie mystique actions dos hon1mos, l'esprit et la chair, qui sonl comme de
« vie contlnuello do l'esprit", ou encore« voie de l'esprit» poids différents, dont ohncun tend à on trainer lo coour dos
côtô, l'esprit vors le ciel, la chair vers !il. torro • (Essais ,le mo
(Lettres de la Ré11êrende Mère Marie de l'lncar11ation, t. 1ll, 1767, Paris, p. 2). Souvent, il précise que œt espritq
éd. Richaudeau, t. 2, Tournai, 187G, p. 72). Mai.c; pour 1nout les chrétiens 1,J'id0ntift8 au Sainl-Esprit : • (Jaspri\
elle aussi c'est l'action même du Saint-Esprit qui est Dieu, quand il est dans lo cœur, le pousse et le fait.agit.
le principe de la' vie intérieure, et parfois elle décrit devient le principe da sos aclions et les rapporto à de$
\

1244 1245 ESPRIT - ESPRJ'f SAINT 1246


If.aine dltnes.de lui. .. Cet 1/lsprit dt! Dieu e5t en même temps !'Esprit Esprit dans les écrits de sai11t Jean-Bapt1~te de la Salle, Paris,
sens, de Jésus-Christ, ot !'Esprit de ,Jésus-Christ produit en nous les 1952. - Julien-Eyrnard d'Angers, Pascal et ses précurseurs,
part, mômos inclinations et los 1nê111os sentirnent.q qu'il n produits Paris, 1954, - F. J eltô, La voie de la saintet4 d'après Marie de
leurs dans 'J~us-Chrlst, et nous fait wn1or los 1nô1nes objets • (l. 12, t'J11ca.r11atio11, Ottawa, 1951., - L. Cognet, De la Dti1101.ion
p. at9,aio). Moderne à la spiril!'<ilité fra11çai:ic, Paris, 1958, - J, Oroibal,
fqnd, bêii expressions semblables se retrouvent dans P. Quesnel : La rencontre du Carmet thérésfon a(•ec lts mystiques drt Nord,
~73). • ll•n'appartient qu'à !'Esprit de Dieu, c'ost-à.-diro à !'Esprit Paris, 1959. - A. l,iuima, Ait~ sottrccs clri Trait.é de l'amorir de
'
1onne d'11mour ou à la grâce de Jésus-Christ, de Caire 1nourir le Diert de saint P'ra,1çoj,q de Sales, Rome, 1959. - L. Reypons,
,t sur, pêohê dans le cœur et de lui faire porter des fruits de vie ... On art. AMll (strrtct11re), :0$, t. 1, col. t,$$-1,69, 3urtotit 463-lt66.
l fort agit comme enfl\nt do Dieu quand on ngit par son Esprit...
Il n'y a quo les ehrétions qui adorent et qui prient Dieu comme LOllÎS COGNET.
un pèI'(l, parco qu'il n'y a qu'eux qui soient adoptés pour
1r, en enfants· dé Diou dans son Fils uniquo, qui aiont droit ù son
iarun &,prit et en qui cet Esprit opèro co quo lo Porc eéloslo dernando ESPRIT SAINT. - I . Dans l'Écriture. - II.
tout : ~•e~lc 1 (Rdflsxions morales, eommentairo sur lloni. 8, 1a,-15,
n'.8$t Chez les Pères de l'Église. - III. Dans la liturgie. -
Piris, 1699), Même note chez J ,.J, Du Guet : • Vous v1v~z IV. L'Esprit Saint d1tuJ de l'Eglise. - V. Action du
amilt, d'Un principe intérieur, qtli est l'amour de Dieu, ou l'Espr1t
lér~ : do Pi~u qui habite lin vous,.. 'l'oua ceux en qui !'Esprit de Saint-Esprit dan11 /e,'i dmes. - VI. Le Saint-Esprit danB
1ndai_t J6sus-Ch1•lst n'habite pas no sont pllS ses rnembrêR et ne peu- la spiritualité des Églises séparées.
, 2j2). vent' IQI appartonlt • (Explication de l' ltpttrs a11-.r. Ro111ains,
artin, Avignon, 1756, p. 264),
,Ionté, I, DANS L'ÉCRITURE

nandt1 En revanche, l'expression est rare chez d'autres 1. Synibolas bibliques d11 l' Esprit. - 2. A.ction de
leur~• auteurs où l'on se ftit attendu à la roncontror plus l'Esprit dans l'ancien Testarncnt. - 3. Les évangiles. -
aouv41nt, et qui l'employant seulement d'une 1nanière '•· Les Àct(ls des apôtres. - 5. Saint Paul.
1, car tout à fait accidentelle : tel est par exemple le cas pour Principe et animateur de la vie spirituelle en l'homme,
lsprit Bossuet' (cr Œuvres cornplètcs, éd. Lachat-Vivès, t. 9,
)arti- l'Esprit Sui.nt a sa façon propre de se révéler, non pas
Paris, 1862, p. 601) ou pour Fénelon (cf Œuvres complè- ptus n,ystôriouse que celle du Père et du Fils, mais plus
a'ti9n 188, éd, Gosselin, t. 6, Paris, 1850, p. 118); il en va un
1sprit inattendue pour nous. Le Fils s'offre à nous dans son
péu do même pour saint .Jean-Baptiste de la Salle, qui
ésus- humanité, identique à la nôtre; à travers ses mots,
illlliste longuement sur la dévotion au Saint-Esprit, ses gE1stes, ses silences, sos regards, il nous· livre le
n'ellt mals restreint souvent le 111ot esprit au sens intellectuel. secret de son être : il est le Fils unique et bien-aimé.
Dorps Au contraire, Mme Guyon retrouvo parfois des formules
était Du môm(I coup il nous livre celui qu'il ne cesse de fixer,
qui nous rappellent qu'elle a beaucoup pratiqué Ber-
, Cet son P•~re, il nous le rend visible si nous savons regarder
ntères et Marie de l'lncarnalion : (( Le vrai Esprit dA le Fils:« Qui nl'a vu a vu le Père» (Jean 14, 9), L'Esprit
ln ••• » Jésus-Christ se communique par l'intin1e de l'âJne;
loyer mais ses communications, bien loin d'agiter, tranquil- n'a ni visage ni nom susceptible d'évoquer une figure
Terbë hu,rHline. Dans toutes les langues son nom (hébreu
lisent; ce sont des co,n1nunications d'esprit à esprit, •
,t est ruah, grec p11euma, latin 11piritus) est tln nom commun,
dë èœur à cœur, qui n'ont hosoin d'aucun signe exté-
l'une rieur... Car l'Esprlt du Verbe n'est point inquiet, mais emprunté aux phénomènes naturels du vent et de la
nent, respiration, JI est aussi personnel quo le Père et le
doui, tranquille et paisible » (Liures chrétiennes et
ation Fils, on ne peut cependant se mettre en face de lui,
spirituéllcs, t. 4, Londres, 1768, p. '•83}. suivre ses gestes et contempler ses traits. Il faut,
ucun ·Enfin il faut signaler en terminant que la seconde
r son pour le connaître, rentrer en soi-même et l'y découvrir,
moitié du 17 8 siècle verra nattro, en n1arge des accep- car son action, si elle se manifeste et parfois de façon
tioJI$ quo nous vononi-i d'étudier et dans leur prolon- irrésistible par des signes extérieurs, est finalement
1ten- gement, un sens relativement nouveau du mot esprit,
tan~ intérieure : « Vous lo connaissez parce qu'il demeure en
considéré comme la quintessence intêllectueUe et n1orale
iiter. vous >> (Jean 14, 17).
d'une œuvre, d'un autour, voire mêrne d'une institu-
(Ue Je tion : c'est ainsi qu'un pan1phlet du pasteur P. Jurieu 1. Symboles bibliques del'Esprit. - Cette prise
;üelle s'intitulera L'esprit de M. Arnaukl (1684) et que de conscience est constamment ôclairée dans la Bible
e, - Montesquieu écrira L'esprit des lois (1748), Au 18~ siècle par l'évocation de grands syml>oles naturels, l'eau, le
1s de la littérature de piété elle-1nême bénéfioièra d'une feu et le vent. Ces symboles sont moins destinés à
1 par téndance qui deviendra uno véritable mode et qui nous nous faire comprendre ce qu'est l'Esp:it 7u'à ~veiller
intel- vâudra1 entr'autres, L'esprit de M. Nicole (par l'abbé en nous l'attitude propre à accueillir 1 Esprit. On
1e, a\l Cerveau, 1765), L'esprit de M. 1Ju Guet (par l'abbé n'explique pas plus !'Esprit qu'on n'apprend à un
ientis André,-1764), L'esprit de $ainte Thérèse (par M. Émery, enfanL à respirer ou à ahne1• ses parents; on tâche de
1grea- 1?75), fournir de l'air à ses poumons, une atmosphère de
1s •et famlllo à son cœur. Aussi !'Écriture ne nous présonte-
~u de En plus des ouvrages classiques de l·L Bremond et do
• P. Pourrat, on peut consulter : J _ Laporte, La doctrine de t-elle nulle part un portrait de !'Esprit de Dieu; elle
·ouve le montre toujours à l'œuvre dans les cœurs et le n1011de,
Port-Royat, t. 1, Sai11t•Cyran, Paris, 1923. - A. Oardeil, Le,
1trllèlure de l'd.me et l'e:r.péricn<•c mystique, Paris, 1927. - en Israël et dàns l'Église. Elle en parle presque toujours
coto : J, Huybcn, Aux source.~ de là spiritua.lit4 fra11ça1'.se du dans le langage des symboles. · .
IS des ~vu• sidcle, VSS, déc. à rnai 1931. - Cil. Lebrun, La 11piri- Le grand symbole de l'Esprit est le soume, celui de
deux 1ualîtd da saint Jean E11dss, Parù;, {938. - CI. Taveau, Le la respiration ou celui d~ vent.: « Le ve1~t s~ufl!e o~
le son w4inal de Bt!r1,lle maitre de 11ie apiritu,:lf<,, Paris, 1933. - il veut, tu entends sa voix, màlB tu ne sais n1 ~ où 11
lorak,, P. Renaudin, Mciric de l'lnca.rna,tio11. l]$saî de psychologie
·it qui nligieuse, P1,1ria, 1935. - Optat do Veghol, Renott de Ga11ficld, vient ni où il va" (Jean 3, 8). Capable dans sa Vlolence
rit de Rome, 1949. - S.-1',{. Bo11chereaux, La réfor-11111 des carmés en d'abattre les 1naisons, les cèdres, les navires <~e l~aute
~r. Il Franca et Jean -de Sai11t-Samsoti, Paris, 1950. - Clément- mer (Éz. 18, 13; 27, 26), capable aussi de s'1ns1nuor
1s fins Mai'œl, Par le 1nouvement de l'Esprit. La dévotior,. au Sai11t- partout sans un murmure (1 Rois 19, 12), tantôt torride
1247 ESI->RJT SAINT
et tantôt rafraîchissant, insaisissable dans sa puissance attention ir1térieure, sur une co1n1n,1nication direote
comme dans sa légèreté, invulnérable, infatigable, do Dieu à ses serviteurs. La vie spirituelle, en sa ·pra,
il habite, avec la pluie et la foudre, les régions mysté- tique, est vécue et décrite bien avant que soit reconnue
rieuses où Dieu seul règne (ProtJ. 80, 4; Job 28, 25). sa source, l'Esprit Saint. ·
Venu du ciel, il agit sur la terre et la transforme. Tantôt 1° !/Esprit de Diou, de son côté, n'est pas i1nmédl11lt-
1
il la dessèche de son souffle brl)lant (Ex. 1 1, 21; /11. ment reconnu comine Saint et principe de sanctifioa,
30, 27-33; Osée 13, 15), tantôt il balaye conune fétus tion. Les manifestations les plus anciennes attribuécsà
de paille toutes les constructions h11maines (Js. '17, 13; l'Eaprit de Dieu se1nhlont remonter à la période des
41, 16; J ér. 13, 24; 22, 22), tantôt il amène la pluie sur Juges. Ce sont d'une part les transes extatiques dea
le sol desséché et le rend capable de produite (1 Roi,s nabis (Ex. 15, 20; Nomb. 11, 25-27; 1 .'ia1n. _10, G;
18, t~5). A la terre, inerte et i;térile, lo vent s'oppose 1 Roi11 18, 22), d'autre part les interventions divines
par sa légèreté ailée, sa puissance cle vie et de fécondité. qui, d'un siinple fils de paysan, \ln Samson, un Gédéon,
Cornrne le vent, la respiration est urle irnage de un Samuel, font un héros et un libérateur d~ peuplt
)•Esprit. De môme que le vent apporte la vie à la terre (Ju,ge8 6, 31,; 15, 14; 1 Sa,n. 10, 10; 11, 6). Dans·les
dess6chée, ainsi le souffle respiratoire, appare,nmont deux cas, des ho1nmes sont soulevés au-dessus d'eux,
fragile et vacillant., ost la force qui soulève le corps et mêmes, rendus èapables de gestes inouïs. Transrorma•
sa masse, le rend vivant et actif. De nième l 'eau tion relativement superficielle chei les nabis, et provo•
Jiqnide, transparente, pu,•e et purifiante, l'ouu qui quée par des pratiques extérieures et une sorte de
to1nbe du ciel pour abreuver, ranilner et féconder un contagion collectl ve, transfo1•mation beaucoup nlus
sol ine1-to et até,•ile, symbolise spontanérnent l'action profonde chez les juges, indépendante de tout procédé
d e Dieu. J.,a pluie, source de toute vie, en Palestine préparatoire et atteignant toute la personnalité, 0111
plus visiblernent qu'ailleurs, est dans l'ancien 'l'est.a• transformations ne sont pas pourtant nécessairein~nl
ment, l'une des images privilégiées de la gratuité celles que nous nommons spirituelles. Si la Bible lit
divine (Deut. 11, 11-17; 28, 12; ls . 5, 6). L'association attribue à l'Esprit de Dieu, c'est stu·tout, sans doute,
entre !'Esprit et l'eau est fl•équente et, pour annoncer parce que cette forco soudaine, et déjà intério~
le don do l'Esprit, les prophètes parlent de son effusion : d'une part ne provient ni de l'hon1me ni d'aucun a~nl
« Jo ferai sur vous une asporsion d'eaux pures » (Ez. naturel, et d'a\ltre part produit des effets qui sonl
36, 25), " Je répandrai des eaux sur la terre ... .T ü répan- · évide1n1nenL voulus par Dieu, conformes à ses exigences
drai mon Esprit sur ta postérité » (/s. ,, ,,, 3; cf Joël et à ses promesses : la liberté et la fidélité de soli
3, 1-2). peuple.
Ces symboles sont spontanément suggestifs, ils
peuvent être équivoques; l'Esprit de Dieu n'est pas 2° Chez les propb.bto•, la vie spirituelle, la conscience
une sorte , de nlllieu nourricier, d'atmosphère divine d'avoir été saisi par Diou, d'avoir à écouter con~tam•
qu'il s'agirait d'aspirer, un rayonnement de pul'eté et ment son appel et à Jui répondre, de pouvoir défaillll'
d e fraîcheur dont on se laisserait envahir comme par une et cependant d'être conduit par une force souveraine,
1nusique. L'Esprit n'est pas un élément naturol, il est d'être mis par ello au contact et au service de la saintel6
au uontraire celui qui n'appartient pas à notre in onde, divine, devient une expérience essentielle. Sous une
et la force s\lggcstive de ces sy1nboles est précisément forme ou so\ls une autre, tous les p)\ls grands la con•
de nous ouvrir à une présence et à une action totale- naissent et la décrivont: Êlie (1 Rois 17, 2·6; 19,9-18),
ment différentes de celles de la nature. Tour; cos sy1n- Amos (3, 7; 7, 14), Osée (1·3), Miuhée (3, 8; 7, 7),
boles opposent au inonde de la terre et du corps, [saïe (6), .Jérémie (1; 15, 10-21; 20, 7-18), Ézécbitl
rnassif, inerte, résistant, stérile, une force venue d'en (3, 12; 8, 3; 11, 5). Il est rare ceper~dant qu'ils nommenl
haut, du ciel, de la lumière. Force dont l'hornme ne Esprit cette force divine, sans doute pour marq\ler Jour
peut se passer, mais s ur laquelle il ne peut rien, [orce indépendance par rapport aux nr.ibis, car s'ils se voie,l\l
qui l'envallit et le fai t vivre, sans qu'elle vienne de contraints d'annoncer la parole divine, c'est toujôùil
lui. Cette faiblesse radicale de l'homme ot dc: toute en pleine possession d'eux-mêmes, et souvent dans la
créature, c'est pour la Bible la chair. La chair, c'est révolte de tout leur être. Isaïe (8, 11) et JérêmiJ
d'abol'd ce que nous ·nommôns le corps, niais hi COl'PS (1, 9; 15, 17) parlent de la main qui les a saisis et nel111
promis à la mort, toujours n1enacé ( Gen. 6, a; Is. '!0, 6), lâche plus, los maintenant fidèles à leur vocation. ];)éjl
ce sont aussi toutes les constructions do l'homme, qui s'affirme le parallélls.m e qui remplit la Bible, entre a
devant Dieu ne sont rien. Toujours la chair est fai- Parole de Dieu et son Esp1•it. Pour entendre la Parole,
blesse (Jér. 17, 5; Job 10, ~). Dieu, lui, est Esprit pour l'exécuter, pour l'annoncer, l'homme doit ê~
(lt1. 31, 8) : il peut tout dans le monde. animé par !'Esprit.
Ce qu'il peut, ce qu'il fait, il le révèle clans la J1ible, à 30 l.,e M essie doit être l'héritier des libératellJJ
• travers l'histoire de son peuple; il le révèle en lui fai- d'Israël, c'est lui qui rendra justice aux pauvres tl
sant mener une vie spirituelle, et en so manifestant détruira le 1nal dans le pays, c'est lui qui accompllrà
co1nn1e la source de cette vie. l'œuvre de Dieu; il y parviendra dans la puissance ~O
2. Ancien T eatam.ent. - Bien avant d'avoil'nommé !'Esprit et sera en permanence investi par l'Espr)t r
l'ESJ)l'it do Dieu et d'avoir pris conscience de If~ trans- « Sur lui repose l'Esprit de Yahvé, Esprit do sagesu
forrr,aUon intérieure qu'il opt'lro, l'ancien Testa,nent et d'intelligence, Esprit de conseil et de (orce, Esp'
sait que l'horn1ne est capable de reconnaître en son cœur de connaissance et de crainte do Yahvé 11 (/s. 11, 2),
l'action de Dieu, d'éco\lter sa parole, d'adhornr à sa Ce texte servira de base à la doctrine des dons, du
volonté, bref d'avoir one vie spirituelle. La foi d'Abra- Saint-Esprit; clans 11,1. pensée du prophète, il signjije
ham, la fidélité de Joseph, l'obéissance do Moïse, telles d'abord que le Messie doit concentrer en sa personn
quo les décrivent les récits les plus anciens, roposent tous les dons accordés par Die\l à ceux qu'il avait
bea\looup moins sur des int.orvontions visibles 01'.1 Dieu chargés de conduire son peuple : la sagesse de Salomon.
manifeste sa volonté comrne du dehors, que sur une la force de David, la connaissance et la crainte de Diell
1248 1249 ESPRIT SAINT DANS L'AN(:IEN TESTAMENT 1250
directe
1a. pra- dé Motse et des p1·ophètes. Le Messie doit être à la fois substituerait au:ic gestes de l'llommo l'action de Die\1. :
connue un héros national, un gr,1nd ·politique et un hom1ne de ,, Moi, je vous baptise dans l'eau en vue du repentir.. ,
Dleu, pour l'établir Israël dans la paix et la jus Lice de lui vous baptisera dans !'Esprit Saint et le Feu» (Mt. 8,
Dieu., Il sera tout cela dan$ l'Esprit de Dieu. 11). Des syinboles traditionnels, l'eau, le vent, l'l1uilo, le
é~ate-
La mission du Serviteur de Yahv,~ dans le second feu, .1 ean retient lo plus inaccessible à l'l1ommo : le feu.
ctifica• leaîe est plus dépouillée de toute grande1lr humaine,
)uées à Sans répudier cette annonce, ,Jésus l'accomplit d'une
mais elle s'acconiplira égale1nent dans !'Esprit : façon qui conrond J'ean et révèle la vraie personnaJit6
<Jo des c Voici mon serviteur que je aoutions, n1on élu, Ja joie
1es des de l'J1:sprit, la vraie nature de son action.
de mon âme. J'ai 1nis sur lui 1non Esprit })Our qu'il
,1.0, 6; apporte aux nations le droit.. .' I l ne ro1npt pas le ro$eau 1° :t'Esprit en Jésu1. ...:. Toutes los pro,nesses de
:l.ivine,S l'Espi•it s'accomplissent en Jésus. Il est le Messie et il
broyé, il n'éteint pas la flarnme vncillantc >) (Is. 42,
féâéon, possède en pl6nitude les dons prédits par Isaîe (11, 2) :
1-8). Comme le Messie d'Isaïe, il se tournera vers les
peuple pauvres et les afUigés, mais pas avec la sagesse du plus grand que David (.lJ,It. 22, (i.5), plus sage que Salo-
11ns les n1on (12, l12), plus fort que la tempête (8, 27) et c1ue
politique ou avec la puissance du tl'io1nphatoul' : sa
d'eux- Sf\ta11 lui-même (12, 28), seul à connaître lo Père (11,
force est dans sa patience (49, 5; 50, 7), sa soulîrance
forma• (50, 6,; 52, 13-53, 12), sa compassion (61, 1-3). 27). Il est le Ptophète envoyé aux pauvres et aux
provo- affiigl'is (/s. 61, 1-8), et sa présence délivre de la maladie,
l)te de L'expérience des prophètes, celle de .J érérnie surtout,
leur découvre que Diou n'accomplira son œuvre de du péché, de la mo1•t. Il est le Serviteur bien-ahné
~ plus
salut et de régénération quo s'il atteint son peuple (42, ·l ), venu donner sa vie pour racheter des Olttlti-
,1·océdé
té, ces
au point le plus p1•ofond, à la racine do l'être, au cœur. tudes (Maro 10, 45). Jusqu'à lui, les prophètes, et Jean-
Les prophètes peuvent l'appeler la Parole do Dieu, le Baptiste lui-même, tenaient leur vocation de l'Espl'it.
romer,.t Serviteur ofirir sa vie en sacl.'i fice, rien ne sera fait Jésus lui doit sa conception, tout ce qu'il est (Luc
ble los tant que le cœur d'Israël l'estera loin de Dieu (ls. 29, 1, 85). De là vient quo sa façon de posséder l'Esprit
doute, esL bien différente de la leur. Les signes qui manifes-
1rieure, 13), 1nfldèlo et déloyal (Ps. 78, 87), incirconcis (Deut.
10, 16). Pour atteindre ce cœu1• tern1é, dur comrne la taient en eux la pI'ésence de !'Esprit sont los mê,nes
1 agent
pierre, et le transrorrner en un cœur do chair, capable eho1. lui : autorité et efficacité de la parole, 1niracles de
1.i sont puissance, accès di.rect aux confidences divines. Non
d'aooueillir la Parole et la Loi de Dieu, il faut l'action
igences seulon10nt ils se rnultiplicnt en lui, mais ils sont pour
:le son de PEsprit (Jér. 81, 33-34; Êz. 11, 19-20). C'est une
action mystérieuse, invisible, sensible soul1:nnent dans lui des conditions nor1naler;. Su,· les juges et les prophètes
ses efTef.s. Semblable à la pluie qui rend la vie à la terre l'Esprit s'abattait conHne une force étrangère; gardant
1cience alUréè (Js. 82, 15; 44 ,' 3; Éz. 86, 25; Joel a, i-2), au toute lout• t8te, se défitïnt dos états anormaux, ils se
11Sta.m- souille de vie qui vient ranin101• les ossements désséch6s savai(!ntnéanmoinssaisis par un plus Cort qu'e\IX, étranger
.é faillir (lz. 87), !'Esprit rait surgir d'êtres déchus et inertes à eux. Rien de tel en Jésus : aucune trace en lui d'une
ere.ine, des ctéatures nouvelles, spontan61nent sensibles à là contrainte. Le 1niracle naît de lui, co1nrne de nous le
!inteté voix de Dfeu, fidèles à sa !'arole (1s. 59, 21; Ps. 143, geste le plus simple. Sa parole la ,noins calculée, ses •
1s une 10) ot à son 1.1lliance (Ei. 36, 27), capables de supplier réflexes spontanés, d'une vérité inépuisable, s'irnposent
.a con- (Zach. 12, 10) et de louer (Ps. 51, 17) . à toutt)S les consciences. Il no reçoit pas les confidences
119-18), ' de Dieu, il est toujours avec Dieu, dans une intin1ité
7, 7), i 0 L'Esprit Sàint dans l'ancien •restament est sur- totale. P arce que la présence de !'Esprit est ainsi natu-
zéchiel tout une promoaae. Sans do\1 Le sait-on que, depuis relle on Jésus, les évangiles ne la soulîgnent pas fré-
nment longtemps, il était à l'muvre en Israël, agissant en que1nrnent; ils la mottent seul~rnent en valeur aux
er leur Morse et .lui faisant conduire le peuple (1s. Ga, t0-18). momen t.5 décisifs, pour montrer quo cette présence
voient Et chaque fois que surgissait un homme consacré aceoinpagne J ésus tout au long de son existence et
,u jours à l'œu'\lre do Dieu, animé de sa force, on savait que cet explique son action. AuS$i est-ce au début de cette
l~ns )a homme, juge, roi, prophète, devait sa puissance à existence que paraît !'Esprit Saint, lors de la concep-
éréll'.)ie l'Eyprit. Mais on savait aussi que ces inte1·ventions tion do J ésus, de son baptême et de sa tentation.
, no les fulgurantes s'éteignaient quand disp:u•aissaient ltiS
1) L'annonce b. Marie : « L'Esprit Saint viendra sur•
1. I>éjà porteurs de !'Esprit, et l'on savait d'où venait la pl'éca- toi et la puissance du 'l'rès-llaut te prendra sous son
1tre la rilé de co don : des révoltes et des résistances qu'on lui ombre; c'est poul'quoi l'enfant sera saint et sera appelé
~arole, opposo,it; au moment mê1ne où il so manifestait,
Fils de .. Dieu il (Luc 1 , 35), explique pourquoi Jésus est
:t être hr111Jl « contristait !'Esprit Saint i1 (68, 10) et pt\ralysait
son aQtion. toujours do plain-pied avec l'Esprit et pourquoi
!'Esprit Saint ne trouve ,jamais en ,T ésus ni surprise ni
A cotte situation, apparem,nent sans issue, il n'est
·atours qu'un remède : que le don se fasse total et définitif, résistance : il ost toujours chez lui en Jésus, puisque
·res' et qu'il manifeste le secret 111ême de Dleu, qu'il crée entre Jésus t'lSt tout entier son œuv1•e, totalement saint. Ce
mplil'a Dieu ot sa.créatu1•e un lien indostructiblo : ~ Ott sont ta n1ot l'évèle aussi ce qu'est l'Esprit ot ce qu'il !ait :
nce de il fait ôtl'o saint, il fait être Fils de Dieu, et il fait cela
Jalousie et ta puissance, le frémissement de tes en trailles? ..
sprit : Abraham ne nous reconnaît pas.. , c'est toi Yahvé qui en agissant sur une Cernme, à travers les processus natu-
1agesse es notre Père... Pourquoi, Yahvé, nous laisses-tu er1'or rels de la conception ot de la naissance, par un 1niracle;
Esprit le miraclo nA dét1·ui t pas la na.turo, il la transforme et
loin de tes voies et nos cœurs s'enclu1•cir contre ta
11, 2). cralntè ?.. Ah I si tu déchirais les cieux et si tu descen- lui donne une fécondité nouvelle. L'Esprit est saint
1ns du dâls... » (63, 15-19). Les oionx ouverts, un Dieu Père et son teuvre est sain te, consacrée à Dieu, tout 01•ien Lée
1ignifle vers lui seul; !'Esprit de Dieu« ren1plit toute la terre •1
et venu sur la terre, des cœuts conve1tis, la prière de (.\'ag. 1, 7) et peut, de toute sa création, faite q1;1elqu0
rsonne l'ancien Tostarnent est exaucée en Jésus-Christ, par le
avàit don d!) l'Elsprit Saint. chose de saint, pénétré et transfiguré pur la gloire du
:omon, Seigneur, lo royaume de Dieu.
e Dieu 3, Évangiles. - Jcan-Daptisto, attendant le Messie, 2) Le bapt~1ne de Jésus révèle lui aussi à la fois le
attendait en mên1e ternps l'Esp1•it et sa puissance, qui Fils et l' Espl'it, et par conséquent le Père. Joan atten-
DlC1'10NNAIRll D~ SPIRITVAJ,11'Ji , - 1'. IV, 40
1251 ESPRIT SAINT DANS L'ÉCRITURE
d ait l'Esprit co1nme un feu redoutable (Mt. 3, 11); on reconnaisse d'où elle vient. Aussi Jésus ne parle•
il se manifeste sous une Corme à la fois ti•1~s simple et aux siens de !'Esprit qu'au mo,nent où il se s6p
divine, associé à l'eau mais aussi au vent, dans la d'eu;,c, que ce soit pour une mission temporaire,. (M
vision de la colombe, l'oiseau ra,nilier, et au ciel qui 10, 20) ou pour un départ définitif (Marc 13, 11; Je
s'ouvre. Toujours !'Esprit vient d'en haut, il apporte 1~, 16, 26). L'Esprit doit remplacer Jésus, jouer aup,
ù l'homme la puissance de Dieu. Ici pourtant cette des siens, une fols qu'il aura disparu, le rôle do R
puissance ne paraît pas agir; sitôt en possession de •clet, les accompagner, les éclairer, les garder unls
l'Wsprit, les inspirés de l'ancien TesLa1ntint couraient torts. Chez les synoptiques ce rôle semble se réduire·a
à leur t~che : Jésus demeure Immobile, ne parnlt subir cri.ses décisives et aux persécutions. Mais les con Odon
aucune trans!orntation. Que fait donc )'.Esprit en lui? du Discours après la Cène vont beaucoup plus loin
A1>parcm1nent rien : le Fils agit et se fait baptiser, l'hostilité du inonde pour Jésus n'est pas quelque.cJI
le Pê1•e parle au Fils, !'Esprit ne parlo ni n'agit. Sa d'accidentel, tous les jours les disciples sentiront p
présence doit pourtant être nécessaire, })Our qu'elle sur eux sa menace (Jean 15, 18 svv). Do même q
soit soulignée par la vision de la colombe. Elle est en pal' toute son existence, Jésus a confessé son Père
effet nécessaire a u dialogue entre le Père et le Fils, à montrant au inonde co1nmont vivait le Fils, ainsi
cette rencontre à laquelle il est seul à prendre part, disciples, expos6s à tous les regards, auront const
les témoins et Jean lui-1nême n'ayant vu la scène quo 1nent à rendre témoignage au Seigneur. Tant ·
d e l'extérieur (Jean 1, 32). Nécessah·e, il demeure Jésus vivait auprès d 'eu:ic, ils ne craignaient ri~n,
cependant muet et en apparence inactif; il ne joint pas était toujours là pour prendre Jaur défense -et
sa voix à celle du Père, il ne joint aucun geste à celui tirer d'affaire (17, 1.2). Lui parti, !'Esprit; au cont ,.
de J ésus. Que fait-il donc? Simplement que s'accom- « demeu1·era auprès d'eux à j amais " (14, 16). ~om
plisse la rencontre entro le Père et lo Fils. A J ésus il J ésus, il ne se bornera pas à un soutien extér1eur1
communique la parole de complaisance qui lui vient mettra dans la lumière et donnera la vérité (14, 17, 2
du Père, il la !ait rotontir en lui, il lui apporte l'a1nour iLoin de leur faire oublier Jésus et do los éloigner de~
du Père et le met dans son attitude ~e Fils. Non que 11 les ramènera toujours à son souvenir, leur rêvé!
Jésus puiss~ être jamais au tre chos'e que le Fils, mais il os · prorondeurs· de ses gestes et de ses pnrolesJ ~
ne l'est ja1nais que dans l'Esprl t. 13), leur donnera pour toujours sa présence vivan
Saint Luc (10, 21) a bien rnontré ce rôle de !'Esprit (16, 22), tout co ·qu'il est. · ,
unissant le Père et le Fils, on spéci fiant quo lc trossaille-
n1ent de joie en Jl~sus « rendant grâce à son Père d'avoir ~· 4. Les Actes des apôtres. - Mort et ressusc)
révélé cela aux tout petits » était né de l'EspriL Saint. J ésus accomplit sa pro1nesse : mis en possession
Dans ce texto où, plus explicite1nent qu'ailleurs, est l'Esprit, il en fait don à l'Église (Actes 2, 33). D&
affirmée l'originalité absolue de l'inthnité t~ntre le Père chair ressuscitée rayonne l'Esprit qui régén~re,
et le F ils, si !'Esprit Saint est présent, cu ne peut être inonde (Jca,~ 20, 22-23). Une création nouvelle surgi
quo s'il a part à cette intimité, et s'il y a part entière. l'Église. F:llo ne nait pas do !'Esprit seul, ma~
En lui, dans sa puissance et sa transparence, dans l'Esprit joint à l'eau (3, 5), c'est-à-dire au baptême.
l'élan et la joie de l'a1nour, le P ère et le Fils se rencon- au:x sacre1nents, car l'Église, avant la Pentecôte,
trent et s'unissent. d'abord été 1'assc1nbléo par le Seigneur ressuséi~
elle reste toujours son corps, ,nais ce corps serait in
3) La pre1nièrc manifestation de l'J•:sprit en Jés us sans l'Espri t.
est de le ,, pousser » au désert et à la tentation (JIil arc Les 1nani!estations de !'Esprit aux prenliers jou.n
1, 12-13). C'est d'abord devant Satan q ue s'elTir•me l'Église frappent par leur aspect merveilleux : ii:is
la vraie nature de Jésus, le secret de sa personne, sa saisis de tl'ansports (Actes 2, 4; 10, 46), ma!ad!A
quallt.6 de Fils, incapable de S() nourrir d'autre chose possédé$ délivrés (8, 7; 5, 12), disciples remplis sou
que de la volonté de son Père, de so séparer un instun t d'une assurance héroïque (4, 13; 5, 20; 10, 2P),
de la voix intérieure q_ui lui dicte son devoir. La tenta- réa lité, ces merveilles sont toute.'J des signes écln
t ion révèle la puissance du Père sur Jésus et l'impuis- du roêmo fait : dans l'Église vit maintonànt J
sance de Satan; elle révèle en môme ten11>s par quelles puisque l'Église refait l es gestes do J ésus. Puisque de~
voies Dieu a choisi d'arracher le monde à Satan : les mêmes tribunaux et exposée à la même mott
par l'humilité et l'obéissance du Fils. l,l\ victoire de porte le mêm~ témoignage que lui, puisqu'elle ann
Jésus sur Satan est ainsi la victoire de )'Esprit, qui sa parole (4, SO; 5, 42; 6, 7; 9, 20; 18, 5; 19, 1Q,
donne au Christ d'être et de rester, faco à tou Les les redit sa prière (7, 59-60), perpétue son action do
tentations, le Fils. dans la fraction du pain (2; t.2; 20, 7), de~eufe
De cette victoire, le fruit va se manüester dans la vie dans la charité fraternelle (2, (o.2; 4, 32), se réJou1~
publique, par la puissance exercée par ,Jésus sur les rejoindre en sa souftrance (5, '•1; 7, 59), puil!q
démons. S'ils ne peuvent tenir à son approche, c'est l'absence de son Maître, elle marche spontan~
qu'il est <1 le Saint da Diou » (Marc 1, 2"1 ), « le J.,'ils de sur ses traces, c'est qu'elle possède en plénitu4è 1
Dieu » (5, 7), c'est-à-dire qu'il agit par ~ l'Esprit do prit du Seigneur. Car sa fidélité ne vient pas de ln~
Dien » (Mt. 12, 28). t.ance des habitudes prises à son contact, ni de la vpl
délibérée de reproduire son e:xistencç. Tant que J
2° Jésus promet l'Esprit. - Re1npli de l'Esprit et avait vécu avec ses disciples, leur n1ouven1ent·spon
()'agissant que par lui, J ésus pourtant !l'on parle guère avait été de résister aux orientations qu'il leur
sait et il avait fallu toute la force de sa personn
duranl; sa vie. Il le manifeste pa1• tous se~ gestes, ,nais
il ne peut, tant qu'il vit sur terre, la montre1· distinct pou~ les gnrder et les conduire par so~ pr~pre çh,~
do lui. Pour que !'Esprit soit répandu e t reconnu pour Maintenant qu'ils ne le voient plus, s'ils lui sont·•D
ce qu'il est, il raut que Jésus disparaissll (Jean 7, 39; ù ce point, c'est que sa force est en eux, c'est q,1'ili
16, 7) e t qu'à voir se déployer sa puissance dans l'l!lglise onvallis par son Esprit.
1252 1253 SAINT PAUL 1254
rle-t-il li. Sàint Paul. - L'Esprit Saint est pour saint Paul \
sépare habite en lui » (Roni. 8, 9-11; 1 Cor. 3, 16; 6, 19), la
aussi essentiel à la vie chrétienne que J ésus-Cllrist. victoire est assurée, l'esprit naguère soumis à la chair
3 (Mt. Vi:vre, c'est pour lui le Christ (Gal. 2, 20) et c'est aussi
; Jea;n bien !'Esprit; le Seigneur lui-même, pour qui se conver-
est délivré du péché, capable de faire le bien dont il
auprès rêvait. Dés sa première action dans l'ltomme, l'Esprit
\Jt à lui et l'a connu, ce n'est plus « le Christ selon la
Para- ohair » (2 Cor. 5, 16), « c'est ,J'Esprit » (8, 17). Non est donc source d'une vie droite et juste, lumière
1nis et et force de la conscience.
qu'ils soient idenf.iquos, mais, depuis quo !'Esprit de
,re aux sainteté a ressuscité Jésus et l'a manifesté dans la Cette délivrance n'est cependant qu'un point de
dences puÏ$$ance et la gloire de Dieu (Ro1n. 1, ~), le Christ et départ, cette consécration est d'abord une exigence.
loin, l !'Esprit sont inséparables. Connaître Jésus-Christ, Sans doute, pour le chrétien, « il n'y a plus de condam-
1 cho,!'le o'est ·nécessaire1nent connaître Je Père (2 Cor. '•• 6; nation .. , la loi de l'Esprit qui donne la vie l'a .affranchi
l peser cf Jean 14, 9), c'est nécessairement aussi ôtre trans- de la loi du péché et de la mort» (Rom. 8, 1-2); le clu·é•
e que, formé par !'Esprit (2 Cor. 3, 18). tien es~ fort pour triompher de la chair, mais il lui faut
'ère' en 4'outa la vie chrétienne est l'œuvro de !'Esprit et, durement lutter pour résister aux pensées de la chair,
nsi les tout·au long de cette vie, les traits de l'l;Jsprit se retrou- pour « faire mourir par l'Esprit les œuvres du corps n
~stam- '\'&nt Identiques. Il y a ccpendan t une distance consi• charnel (8, 13). Sans l'Espl'it, la bataille est perdue
1t que dérable entre la premièr•e action de l'Esp1'it chez les d'avance et c'est chimère d'engager la lutte. Situation
rien1 il nou:veauic convertis et la comn1union constante avec douloureuse, déchirante, et dont beaucoup finissent
et J.es l1Esprit des chrétiens parfaits, Il y a des étapes dans la par s'A.ccommoder. La condition du chrétien est toute
ntraire vi11 de l'Esprit chez les chrétiens, il y a des structures dilTérento : déllvré do l'esclavage, il est armé pal' l'Es-
:om'1Ile propre.s dans so11 dévoloppon1ent, jusqu'à l'heure où prit (cf Éph. 6, 11-1 ?) , non pour vivre dans le confort,
.eur, ,i l tout.ce qu'il y a de mortel en nous deviendra vie ot mais dans la lumière et la force .
7 1 26) . resurrection dans l'Esprit. Cette force lui est donnée et il doit sans trêve l'exer-
de lui, cor pour triompher de la chair. J..orsqu'il pa1•le de )'Es-
ivélera 1° :tes 6tnpea de ln vie fJpiritueUe. - Au poi11t prit, saint Paul mêle constam1nent aux indicatifs qui
)S (1.6, de départ de la vie chrétienne il y a l'rnsprit. La pré- _atrilmcnt sa présence los impératifs qui proclan,ont ses
•ivan:te 8énce de· l']J1sprit fait que l'initiation chrétienne n'est exigences.
ni un rite magique ou 1nystérique ni un geste social • Puisqu0 !'Esprit esL notre vi(l, quo !'Esprit nous ta,s.5e
d'affiliation à une co1n111unautè, rnais un sacrement de 11\1~si t1git• • (Gal. 5, 25). • Qui sème dans l'Espl'it: l'écoltera
1uscité, Jésus,Cl1rist, c'est-à-dire un geste du Seigneur produit d11ns l'Nsprlt la vie éternelle... Ne nous lassons pniJ de fr1ir·e
,i on de dans son '.eglise et transfor1nant le fond 1nême de lo bien • (6, 8·9). • Vou11 n'ê~es pas d1u111 la chair, 1nais dans
Pesa l'hoJQme. Le baptême chrétien est l'œuv1•e de l'Esprit; !'Esprit.. , si par l'Esprit vous faites mourir leiJ œuvros <ln corps,
1ère le vous vivrez • (Rom, 8, 9, 1$). • Ne contristez pas lo SainL-
Uconstitue le corps du Christ et il atteint chacun jus- Es1>riL <lo Oieu qui vous a 111arqués de son sceau • (Éph. r., 80;
1urgit : l{Ulà l'âme : « Nous avons tous ét6 baptisés dans un cf 1 Tlicss. 5, 19).
1àis de '8ul corps et tous nous avons bu d'un seul Esprit »
ême et •
(1 Cor. f2, 18). « C'est Dieu qui nous a oints et qui nous Bion des chrétiens demeurent sourds à ces appels.
:ôte, a a marqués d'un sceau, et qui nous a donné le gago de Au lieu de devenir « des )tommes spirituels », ils 1'8Stent
cité et !'Esprit dans nos cœurs » (2 Cor. 1, .21-22; cf Eph. 1, « des êtres de chair, des petits enfanta dans le Christ ,.
t inerte t,). « Dieu .nous a sauvés par le bain de r·égénération et (1 Cor. :3, 1) et n'accèdent jamais à la perfection, qui
par le renouvellen1ent qui vient de l'gsprit Saint, vers6 est une vie vraiment spirituelle (2, 6).
l)Ul'S dé aur, nous magnifiquen1ent par Jésus-Christ )> (Tite
nspir~s • Le ch rétien parfait... n'ost pas l'homme qui a t~utes Ios
8, 5-6). Qu'un geste extèrieur, bain, signe, onction, vol'tus, cr.lui qui n'éprouve plus la lutte de la cluur et do
ldes et puis.se atteindre l'intôrieur de l'hon1rne, sa propre por- l'esprit. C'est celui qui ne cède plus, normalement, a ux forces
;oudain sonn·o, et la faire viv1,e, c'est la pulssancA de Dieu en charnolks ot qui est docile, no.rmalomont, aux 1.1ppels del'Espri t..
(0). En Jésus-Chrillt, mais une puissance capable d'agir à Il a dévùloppô dans la lutte son organisme spirituel, il s'est
:latan~ ~Vel's le monde des corps et d'habiter l'esprit de 1111trnlné il a g1•andi, il ost adulte. Parce qu'il ost fidèle, il
J éS\l~, l'homme, c'est la puis.5ance de l'~sprit Saint. · ést dev~nu capable do co1npr0ndre le mystère do . Dieu, de
devant Dês l'initiation baptismale, !'Esprit exerce sur le discerner le bien et le mal, d'éprouvor et· de suivre l'alt.rait de
ort elle !'Esprit,, (,1, Mouroux, L'expérience clirétie1111ll, p. 134),
chretien l'emprise la plus personnelle (régéné!'ation,
Lnnonce renouvelle.ment, purification, consécration) en môme
10, 20), 20 L'exp6rte-,.oo de l'E• vrit. - CetLe expérience
temps qu'il l'incorpore à l'.Bglise, faisant de la comn1u- n'est jamais directe. Si haut qu'il soit, si pure que soit
1 grâces nauté chrétienne tout entière un seul temple de Diou :
1re unie en lui l'action de !'Esprit, le chrétien demeure dans la
1 Vous ~tes (tous ense1nble) le temple de Dieu... et foi non dans la vision (2 Cor. 5, 6-7), et c'est dans la toi
1it de le !'Esprit de Dieu habite en (chacun de) vous " (1 Cor.
1isqu•~n qu:il fait l'ex.périence de l'Esprit. C'est une expérience
81 16-1'7). Et si « vos col'ps sont le temple du Saint- réelle, non une conclusion déduite das faits. Saint Paul
nément Esprit qui est en vous », ce n'est pas pou1• qu'ils pro-
le l'Es• rappelle aux Galatos ce qu'ils ont vécu : ~ Est-ce pour
tbgent jalousement ce privilège, c'est pour qu'ils « ne avoir J)l'atiqué la loi que vous âvez roçu l'll!sprit? .»
t persis- s'appartiennent pas» (6, 19), mais qu'ils appartiennont
volonté ( Gal. 8, 2; c( 8, 5). De même, aux 'l'hessalon1c1ens, 1I
àDieu\ dans le Christ et dans l''.Église. rappelle co quo fut chez oux la force <le l'Évangile,
e Jésus Dôs cette premil'lre ernprise aussi, l'Esprit manifeste
pontané « qui no vous est pas arrivé seule1nent en parole, maill
co qu'il est et ce qu'il fait, en s'opposant à la chair, en puissance, en Esprit Saint, en pleine assurance...
r impo- c'.est-à-diro à tout ce qui dans l'ho1n1ne est pe!lantour,
onnalité Et vous vous êtes devenus nos imitateurs et ceux du
Inertie; ·résistance à Dieu. ,Jusqu'à lu venue de l'Esprit, Seigncu1:, on accueillant la Parole au milieu des éprouves
chemin. l'~om,ne sen.t bien qu'il y a en lui autre chose que la
t fidèles avoc Ja joie de !'Esprit Saint 1) (1 Thess. 1, 5-6). Double
chair. Il voudrait faire le JJien, et il ne peut y réussh•, expérience, celle de l'apôtre qui éprouve on l'at~nonçan~
'ils sont cé,r «·le péché habite » en lui et le soumet à son escla- la forco do son message, et colle des clu•ébens qui
vage (Ro1ri. ?, 15-20). Mais dés lo mon1ent où << l'Esprit 1'6prouvùnt en l'accueillant et en la vivant à leur tour.
1255 ESPRIT SAINT DANS L'ÉCRITURE
de tous les charismes, << la voie la plus I1aute • (1 C
Expérience certaine, mai$ non immédiate; expérience
12, 81), la charité, est en mêrne temps l'âme des d
d'une présence, ,nais à travers des signe::i, à travers divers qui concourent à construire l'l!Jglise, et· si
« les dons qoe Dieu nous a faits » (1 Cor. :.!, 12); expé•
charité fait l'unité du corps, c'est qu'elle est la che.:
rience d'une personne, mais à travers le té1noignage
do l'unique Esprit (Rom. 15, 80). Si )'Esprit n'est do
qu'elle nous donne d'elle-même. I}Esprit « atteste n
(Ro1n. 8, 16), il" intercède» (8, 26), il 1< habite» (8, 11)
que dans l'lîlglise, si les charismes ·sont à npp
) uivant l'utilité de la cornrnunauté (1 Cor. 1(., 12, 2
en nous, il <1 se joint à notre esprit » (l'l, '16), chaque
jour sa voix se fait plus personnelle, sa pr6sence plus c'est qu'il n'existe qu' <1 un seul Corps et un i;eul Esp~
intime. Toujours cependant subsiste un voile, une (Éph. ~. 4) ot que le lien suprême de cette uniM \lJt
distance, l'espérance de la possession parfaite (8, 2~). charité (Col. 8, 14).
Parce quo l'Esp1•it n'est encore possédé quo dans la Si la cl1arité est dès maintenant la présence en n
Coi, nous n'en tenons encore que « les arrhes » (2 Cor. de la gloire, c'est qu'elle ost la oho.rité de Jésus
1, 22 ; 5, 5; Éph. 1, ·14.) ou les <1 prémices » (llo,n. 8, 23; 1nême, l'amour du Fils pour son Père et pour ses r
cf H éb. 6, 5); parce qu'il est l'Esprit, la p1'6sence dans La charité n'est pas un don spécial qtti s'ajou
le inonde de la vie et de la gloire du Dieu vivant à notre .filiation divine, elle est l'attitude filiale ~v~·
(2 Cor. 8, 8, 18}, le chrétien déjà. le possède réellement
en nous par l'Esprit, l'attittide du Christ en raco de
et est réellement traosformé par lui. Parcù que l'expé- Père (Ron~. 8, 15; Gal. 4, 6). Le secret de là vie o
rience de l'Espl'i t est \Ille expérience da111, la foi, elle tienne est le secret même de Jésus. Il est le Fils uni
est toujours un discetne,ncnt, l'interprétation d'un et bien-aimé, venu vivre en Fils notre existence d'~
dooné, la reconnaissance d'une présence derl'ièro les mes ot tout son iilvangile tient en un 1not : « so)'.èi1
grâces reçues. Pat'ce que c'est l'expérienct) d'un don et fils de votre Père» (Mt. 5, ~5). La preuve qu'il nes
d'une possession, ce discer-ne1nent n'est pas une option pas seulement d'un oxe1nple lointain à reprod
fond1~c sur des critères extérieu1·s, il est une adhésion à mais d'un mouvement éteroel dans lequel nous som
l'Esprit lui-111êmri. Adhésion réfléchie, donnée <tans la introduits, c'ost que J ésus nous a donné son
lun1iére de l'intelligence eL la ftdélJL6 Jl l'Église et à la et que nous nous savons les fils du Père.
foi, adhésion certaioe d'atteindre celui qu'~lle saisit, Possédant l'Esprit, rien ne nous u:ianque ' (1
1, 7), << rien ne peut nous sépal'er de l'amour de P'
parce qu'elle Be sait elle-n1ême o~uvre de l'Bsprit qui l'a
(Rom. 8, 39). 'toutefois, juste1nont parce que l'
saisie. nous fait connaître Dieu, il nous fait en mê1no te
• Ciil'liLude directe, jaillissant da 1'6lan spirituel et adhérant mesurer là disto.nco qui nous sépare encoro de l11i ét
éll'Oitcinent à lui, étreignant non JHIS un objet , mais le sons
d'une croissunço spi rituelle.. , appuy6e d'11ne part à l'inébran- certitude ost aussi un gémissement, une aspira
lable roc do lu fol, et d'autre pnl'L à l'in1prévlsiblo et souveraine douloureuse (8, 26). Ce gémissement est encore une
action de !'Esprit; (:01nportant nlnsi en cllil•n1'11110 un élé1nont messe, car il a pour objet non seulement no_tro
d'abando11, d'Ôttento, de crainte confiante, d'il n1erveillo1nont, mais,1 la rédemption de notre corps » et la libéra
un élénu:1nt de dépossession do soi-mê1nc, parce 4uo son origine de toute lo. création (8, 21-25). Rien ne doit échap
n'est p11s on nous et no dépend p~ de nous • (J. hfouroux, la gloire de Dieu, « toutes choses doivent être soli '
op, çit., p. 160). au) Fils! pour qu'il les remette lui-même à son,
30 L'Esprit, pr611011ce do la gloire divine. - « l,e (1lCor. 1.5, 28), toute la création doit être envahie
règne de Pieu n'est ni aliment ni breuvage, niais jus- l'Espr\t. Nous savons notre faiblesse, jusque dans
tice, paix et joie dans !'Esprit Saint n (Rom. 14, 17), gestes les plus saints et dans la prière que nous r
Le règne de Dieu, tel que Je décrit ici saint Paul, co monter vers Dieu; aussi ce n'est pas sur nous que
n'est pas seulement cet état de joie et de paix d'une comptons, nous savons que rien. no peut n~us sé
ân1e fidèle à D.ieu et docile à l'Esprit, c'est« le Règne de de nos deux intercesseurs : le Christ, à •la droite du
Dieu tel qu'il est dans le ciel », transporté dans l'âme (Rom. 8, 84), et l'Esprit qui, en nous-mêmes,• intê
pour y faire naître les fruits do l'Espri t (L. Corfau:,c, pour nous en des gé1nissements ineffables , (8, 26),
L'Église et le Règne ie Dieu d'après saint Paul, dans Que ce langage si typiquement paulinien et qui
Ep/1,11merides theowgic;ae lopanicnses, t. 2, 1925, p. 192). d'une façon si vivante le cœur passionné de l'a
L'Esprit est celui qui ,, établit la liai.son entre le ciel aoit aussi l'expression de la- foi commune -de l'
et la terre» (ibidem), qui est sur la terl'e la présence du un mot de saint Pierre dans sa première épître lep
monde nouveau, vivifié par la gloire divine. « L'Esprit ,, l-le\1reu:x: si vous ôtes outragés pour le Christ,
de Celui qui n. ressuscité Jésus» (Rom.. 8, 1.1) et a fait de l'Esprit de gloire l'Esprit de Dieu repose sur v
lui<< \ln espl'it vivifiant» (1 Cor. 15, 45), è1lt dans le chré- (4, 14). Le ohrétie~qui souffre pour Jésus voits'acco
tien vie (J1om.. 8, 2, 10} et création nouvelle (2 Cor. la béatitude du Seigneur, et cet accompllsse1n~nt
5, t ?), force de gloire en action dans la nouvelle alliance présence de l'Esprit qui reposait .sur ,Jésus à la
(a, û, 11). Par rapport au passé, à la chair, à la lettre, figuration, le préparant à sa passion e~ ,à ~a réa
à la loI, l'Esprit est délivrance, nouveauté, liberté. tian. L'Esprit de gloire repose sur l Église P9
Il est tout cela, parce qu'il est d'abord la gloire du Sei- raire 1•eviv1'e la passion et connaître la résUf"
gneur ressuscité, vivant dans son lîlglii,e et transfor- 1. Tra,,atl,(t d'c,isemble. - H. B. Swe t.e, The lloly'Sp
1nant les siens à son i1nage, c1 de gloire on gloire" (8, 18). the New Tcstan1cnt, 2• éd., Londr!}S, 1912, - F. '.Büells~
Cette gloire indéfectible est celle de l a clla1'ité. Entl•e Goi$t Cottes i,n N cu1111 Testa.,nent, <)ü tersloh, 1926. - C. K.
lll charité et l'Esprlt le rapport est immédiat: <1 L'amour l'ett, 'l'he Holy .Spirit a11d t.he Gospe~ '.Tradition, l,ondref!, t
de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint- - l!Jphrem Bardy, Lo Saint•ESJ!rit en ,;ous et da/1$ l'
Rsprit » (Roni. 5, 5). Comme l'Esprit agit à travers la d'1,près le 1101wca1i Testament, Albi, 1950, - J, Guillet, La
divel'sité dos doos et des charismes, conùne de tous les latinn prQgressi<•e dit S a.i,1t-Espl'Ît dans l' 1f:critur~, dalll
men1bres il constitue l'unique corps du Chl'ist (1 Cor. 12, c,itae, t. 8, n. '.l, 1953, p. 18-02. - ?.L·l?· Doismard, La
tion de t' Esprit-Sai1i1., dl\JlH Rcv1u tllom.,st.e, t. 55, 1955, P,
4, 12), << la cha1•ité construit» (8, 1), (1llc bâtit l'Église, - Art. Pneu.ma, dans J(itLol, t. 6, 1éJ5G-1957, p. SS0,6
réalise la croissanC\e du corps (Éph. 4, 16). Au-dessus
1257, ESPRIT SAINT CF·IEZ LES PÈRES 1258
1256
Th. àlacrlons, Lr- ,q1>t1.fflc et l'Esprit de Die11, dans • EPangile • sonnelle, de co1nmunication substantielle, là où Ja
1 Cor. ~4, 1954, p. 9.1,9; L' Esprit qui donne la 11ic, ibidem, 17, 1955,
! dons p. ?•6~. - . M.-A. Chuvallier, L'Esprit et le M11s11ie claM le bas- scolastique latine envist1ge plus volontiers la g1·âce,
,' si la judal811i.e et le no1,vcau 1'esta111e111, tbèse de la facu!Lé de U1éologic habitus S\lrnatqrel, don créé. Les experts discutent
~harité protestanto de StrMbourg, Paris, 1958, p. 5a-110. - J, Ouil- pour Ba voir si la doctrine clt1$Sique do l'appropriation
donné le!, Bapl4,rie el Esprit, dnns Lu,nière. 111 11ie. 26, 1956, p. 86-104; rend i;uffisarn1nent compte de la tradition grecque,
L'1Japrit ds 1Ji<1u, dnns J'OUVl'l.lfl'C collocl.ir Griu,d.s tho,nes bibli• qu'il faut concilier aveu l'unité d'opération divine ad
~récier flit•, Paris, 1958, p. 1 ?\1·188; ce ll'f1v11il n 6t6 utilisé dans le
2, 2,6), extra. ·Notre propos n'_flst J)aS d'entrer dans cette contro-
préaent ohapitro du OS. verse, qui l'elève de la théologie systématique, mais de
lsprit • 2. Ancien Testan11mt. - P. van I111scho()t, J,'<lction. de l'J,;sprit
, est la rasso1nhler et classer les allusions, d'orien l.ations si
th Jah1•é dans l'ancien T<•stan1cnt, daus J/1wuc des sciences diverses, grâce au:.,cquellos on peut reconstituer les
p/1il~sophiq11es et tl11!oli>giq11.1,s, t. 2à, 1934, p. 558-587; L'Esprit perspectives familières à l'Église ancienne lorsqu'elle
n nous d, Jah11d ,source d8 vie da.ri$ l'ancien 2'esta111.e11t, dans Jlcvu,1
us lui- fais a ît intervenir l 'Esprit.
bib!iq11c,' t. t,,4, 19à5, p. 481-501; J,' Esprit d.e .lah11é 1,t l'allia.nce

frères. nouvelle . dans l'ancien 1'estam1111t, dans Ephe111erid~.• t.lwolo• Nous pouvons renvoyel' à des monographies sur la
uterait iicac lova11iense.,, t. 13, 1936, p. 201-220. - n. ICoch, Gci$t plupart dos Pères; il était donc plus profitable de tenter
l11eillée WUl Mcssi~. lJeitrag ;,ur biblische11 1'/le()lflgic des A. 1'., l•'ri- une synLhèse et d'esquisser le développement des
de son bo11rg-on•Brisgnu, 1950. - E. Jacob, 1'11,!ologic de l'a11cie11 théines principaux. Par la force des choses, avant IO$
Testame1~, Neuchât.ol, 1055, p. 98-102. précisions dogrnatiq\1es du quatrième siècle, les allu-
c chré-
unique ~- lf11angiw11. - W. Miohnëlis, Reich Gotte,q 1,11/t Gcist GotteR sions r•npides prêtent souvent le flanc à quelque cri-
d'hoDl• nach ~m Ncuc11 T11stams11t, Râle, 1981. - F.-M. Brnun, L'eau tique; c'est parce qu'elles expriment avec force un point
,yez les "!'Esprit, dnna Re1111e thoniiste, t. 49, 1011\J, p. 5-30. - C. K. de vun donné, élément important de la tradiUon, et
Barrou, 'l'he Holy Spirit in the fourth Gospel, dnns The Jou.rn.al qu'un équilibre parfait oxige souvent des formules
e s'agit of 1/uiological Studics, nouv. sûrie, t,. 1, 1950, P.· 1-15. -1~.-x.
•odui:fe, abstraites, éloignées de la vie. No\ls n'hésiterons pas li
Durrwoll, La ri§surrection de J 4sus niystè~c de eaJut, 2° éd., souligner ces tendances diverses, laissant à d'autres le
;ommes Le Puy, 1951, passi,n. - 0.W.H: La111pe, Th,: f/oly Spirit in the
Esprit Writings of St Lu/ce, dana S11tclics in the V,Mpd8. Essaya i11 souui apologétique de marquer l'accord roncier de la
M.,mory of R. H . Lightfoot, Oxford, 1955, p. 159-200. - Pietro tradition.
(1 Cor. dell11M11dre di Dio, Lo Sp1'.rito S(111w ncl IV VançelQ, dnns Ephe- Nous parlerons d'abord de la nature de l'Esprit ou,
1 Dieu 11 muides carnuliticac, t. 7, Rorne, 1956, p. 401-527. si l'on veut, de ses relations avec les autres porsonnes
l'Jîlspl'it ~- ,$pitres. - l'. Oachter, Zu,n P11eu111abcgriD p,es hl. l'au.l1t$, divines, et nous étudierons : 1. les formules les plus
i temps
~ans Zcitschrift /ilr katlwlisclte Theologfo, t. r.:i, 1929, p. 845· archaïque$, qui considèrent !'Esprit comme un • ange »,
ui et sa ,os. - E.-B. Allo, Sagesse et l'ncunia dans la prcrnièra opttro un envoyé, Instrument par lequel Dieu sanctifie le
au~ Corinthiens, dnns Revue hibliqu.c, t. 48, 1984, p. 321•846. monde, et sernblcnt avoir un relent de subordinatia-
piration ,_ E. G, Sèlwyn, The first Epistlt: of S t. Peter, Londres, 1947,
1ne pro- nisrne; 2. les for1nules homoousiennes cl'Athanase ou
p. 222·224, 256-25?. - J. l\fouroux, L'expérience cl1rdlicnnc,
re âme, coll, Tbôologie 26, Pnris, 1952, p. 91-188. - H. D. Wendlnnd, d'Éphrom, qui par réaction frôlent pa1·fois le dangel'
t>ératîon Dq, Wirken ·dtts lleililJen Ocisle/J in den Gl,~ubigcn•nach Paulus, d'esto1nper la personnalité distincte de l'Espril.. Nous
1apper à d"'18 ,Th,ologisclui Literat1,rzcitung, t. 77, 1952, col. 457-470. passerons ensuite aux activités de }'Esprit dans lo •
umises • - n. Schnnckenburg, Dir. Joh,u,nesbriofe, coll. l:Jerders theo- rnonde : a. dans leur aspect individuel, qui se manifeste
on Pèr~ logisOher Kommentar 2111n Neucn Tosta,nent, Fribourg-en- dans l'élaboration d'une anth.ropologîo tripartite,
Brisgàu, 1958, p. 187•191. - S. t,yonnct, LiherM chrétienne l'homme étant composé d'.Esprit, d'âme et de corps;
~hie par ,1lolmi l'Esprit selon saint Paul, dans Christus r., 195t., p. 1•27.
tans nos 4. dans leur aspect social, qui met l'Esprit en connexion
- N. Q. IIamilton, The H oly Spirit an,l Eschatolot;y i11 ~Cltd, avec l'Église et les sacrements. Enfin, viençlront les
1 raisons 8dimbourg, 1957.
1uo nous textes qui in$ÎSLent 5, Slll' l'ascèse, 6, sur la gnose et
Art. CnAn1s111Ks, DS t. 2, col. 503-507. - ConPs MYsT1Qve,
. sépnrer 1. ,2, col. 2402-2403. - DISGEIINJIIIIENT nF.R 'F.SJ>RITS, che; la 1nyst.ique. Ces deux derniers chapitres intéressent
du Père f. Paul, t. 8, col. 1238-1241,. - Doc1L1Ti: Au S. Esr111r, dans visiblernent notre sujet, mais les p'réoédonts n'en tou-
ntercède rlclilttrd, t. s, '<()I, 1472-1482. - EAV, figure de l'E~prit, t. 4, chent pas moins de près au domaine de la spiritualité
, 26). col.18·19. - Fsu, etc. et il ost nécessaire de los examiner, si l'on veut passe,•
ui reflète Jacq\le.6 GUILLET. en revue l'ensemble dos sources ot. se taire une idée juste
,
l'apôtre de l'équilibre des diverses orientations.
l'Ëglise, . Nous avons tenu compte des plus anciens doctou1•s
n. L'ESPRIT SANCTlFICATEUB 01•ientaux, Aphraato et Éphrem. D'autre part, Il rie
:prouve: DANS LA SPIRI'l'UALITÉ DES PÈRES
ll'ist, car nous a .Pas ét6 permis do descendre au-delà des Pères
lr VOUS -» A. PbES GRECS qui 6tahlissent la doctrine classique do !'Esprit, Athanase
1ccompllr et Ba.':lile. Pour les générations qui suivent imrnédinte-
C'est seulement au temps d'Athanaso et de Bnsile ment, nous donnerons quelques indications bibliogra-
int est la que l'atte"ntion se concentre exprcssé1nent sur la nature
la tra,ifJ• phiques. Quant à l'évolution ultérieure de la piéLé
et l'action de l'J,:spriL, devenuo$ objet de controvorse; byzantine, c'est un monde plein d'intérêt, mais encore
résurrec- auparàvant les allusions sont abondantes, 1nais plutôt
pour lui peu exploré.
oœasîonnelles. Los thèmes bibliques restent trè$ Ln bihliographio générnle est groupee. en tête do l'a rticle,
irrection. vlvant.s; les formules de l'ancien Testarnent, interpré- n()us y renvoyons ensuite d'\1no !nçon obrégêe. Les 1•êtêrunces
!oos à la lumière du nouveau, peuvent pourtant garder visont h:ihituellement la :Patrologie de Migne; ,le spûcialiste
1 Spirit in
lcb,qel, Der àussi un sens général, selon lequel Diou est Esprit. ut.lllscra sans peine les éditious critiques, sur losquelles notro
C. K. Bar- Des réminiscences stol'ciennes, qui viennent à l'occasion texte est bas6. Nous nous inspirons souvent dos traduct.lons
1ras, 19~7. donner au mot un tour cosmiqu.e, ne prévalent pas franç.nise.~ classiques, comme colles dll!l Sources chrétiennes,
ns l'Église contre l'évocation du Dieu personnel et souverain de la ou celles des ouvrages de P. Galtlcr et J. Lebroton; les cita-
it, La. r411d• révélation. tions seront en général 11brégées1 rùduitos aux élé,nonl.s qlli
ln& LurmJn inléroRc~ent la doctrine de l'Esprit.
La r411éla-
On s'accorde à le reconnattre, les Pères grecs présen- La première aynthùso sur notre sujet, qui n'est pas la 1noins
55, p. 5-21. len\ le Saint-Esprit comme le principal ot véritable p6nétl•anhi, est due à D. Polau (Petavius) 1· 1652, De Trù1üatc,
180-~63. - auteur de notre sanctification, et parlent d'union por- lib. 8, c. 4-7 (= Dogmatatluiologir.a, t. 8, Pnris, 18G6, p. 153,495).
1259 ESPRI'f SAINT CHEZ LES PÈRES
C'est une amr1nat.ion do l'action porso11nolle de !'Esprit dàns traduit;.pnr B. Pruche, coll. Sources chrétiennes 1 ?, P
la sa_nctifico.tion du chrétien; elle à trouvé beaucoup d'ôeho : 19~?. La pneumatologie basilienne s'est développé0 on dlQJÔg
dos théologiens comn1e L. 'fhomassin t 1695, M. J. Schoeben avec l'initiateur de l'ascétisme dans le Pont, Eustalhe·
t i888, Th. de Régnon t 1898 ot G.•F. Waflel11crl 1981 en t Séba.s to. li. Dôl'rios, De Spirit" Saricto. Der lJeitrag tlcs B
litts zu1n Abscllluss des trinitarischc11 Dog111aa, coll. Abhan
ont dégagé dos théories spéculatives, qui l'ont poul-ôtro trop
durcie. La littérature à co sujet est rassombléo par P. Oaltier, lungen der Akaderuio der Wisllenschatlon in Oüttiijg
Le Saint•Esprit en nous d'après les Pères greès, coll. Analecta Phil.-hlst. Klasse, 111, 89, Oôttlngen, 1956, en donnant~
grogoriana, série thtiologique 85, Rorno, 19'16. Cet ouvrago analyse ehronologiquo très soignée des dilTérentes œu\'.
fourni t un dossier ot une analyae :,errée do tous los textos i111po1·• l>asillenne~, 11. dég-ligu dans les chapitres centraux du Tra
Lanta; co,nrno l'o. relevé G. Philips, Le Sai11t•Esprit en nous. dri S11irtt-Esprit le protocole d'un dialogue de deux jours CD
A propos d'ru, li(>rc récent, dans Eplwrncrides theolosicae loi•a- Basile ot Elustnthe (Juin S?2), ot 11 souligné le caractère mon
nienses, t, 24, 1948, p. 127-135, c'est dommage 11110 P. Galtior tique de lit théologie basilienno. '•
viso si exclusivement une conclusion négative, 1•6!ulor l'attri-
bution à !'Esprit d'une activité • hypostatique • si personnelle Nysse, de Didyme, de Théodore de Mopsucsto, do Jean Ch.r
.
Au s uJ ot d'Épiphane, do Grégoire dtiNazianzc, de Grégoire'
qu'elle prétende exclura lo rôle sanctificatour des autres per- Loino et de Cyrille d'Alexandrie, dont nous ne parlons·pM,
sonnes divines. Il est facile d'écarter cette théorie, cnricaturo peut se référer à P. Gallier. Pour Didyme, aignalons ,a
de ln thèse do Petau; innis pour rendro coinpte des amrrna• E. L. Heston, The ,Spiritual Life and tlic Rote of 1M H
tion1;1 insislantcs dos Pères, il faut reconnaitre que chacune Oho$t in the SanctifwatiQn of tlie Soul, as Dèscribed in the JV~
des personnes a son mode de co1n1nunlcation propre; • co ne ,>f Didynius of A lexandria ( Lhèao imprimée de l'Univeral
sont pas là ... de pures relations avec lo dehors, puisqu'aussi Grégorienne), Roma, 1988; et pour Cyrillo, H. du tt1nnoir,
bièn la grâce nous fait pénéll·or roolloinent <ul intra Dei • (Phi- Juaye, Dog111c et spiritr,alilê elle. sai11t Cyrille d' A/cran ,
lips, 1>, 184). coll. Étu<les dé théologie et d'hi~toire de la spiritu9lité
La Dictionnaire, d~s son tome a, a déjà] accordé beaucoup Paris, 191,r., p. 221-256. ·
~
d'ottent.ion à Jal doctrine grecque! do !'Esprit xanctificateur.
lvlentio1\I\Ons les:nrt,iclel'I DIRBCT!ON SPI RITVJlLl,E, col. 1015- 1. L'Esprit dane la hiérarchie céleste. _,;
1017, 1025, 101,9-10.'IO (I. 1-lo.usherr, orienté [su~tout vers lo écrits chl'étiens les plus archaïques, notam1nant l'Asc,_
n1onacllisme grec; ln mê1no ûtude a paru aous uuo forn10 plus sien d' /saie e t le livre d'Hermas, font une place co
développée dam, los Orientalia Cliristiana,. Analectci 11,r. : dérahlo à r,r ange de l'Esprit Saint », appelé pàfJ
Direction spirituelle en Orient a1,trcfois, .ltomè, -1955, avec éu Gabriel. h•énée lui-1nê1ne ot Origène reconnaissent
particulier, aux pogos '15-55, une histoire du n,üt pne"malik<M);
DISC&llNRMENT D BS ESPRITS, col. 12'17-1254 (O. Bardy); Verbe et l'Esprit dans les chérubins ou les sérap
D1v1N1sAT10N, col. 1 â77, 1881-138'1 (1.-11. Dalmnis); Doc1L11'É qui chantent la gloire de Dieu. Pas plus que le te
Au $A1N·1·-E sPRIT, col. 1{.82-1',85 (J. Lôcuyer); Oo~s ou SAJWT- d'Esprlt, celui d'Ange n'implique de soi une assjm
E~1•1u·1·, col. 1 579-1581, (G. Bardy). Nous n'avons p11s à reve- t ~on indue à la créature (cf J. Lebreton, loco cit., t:
nir sur les textes et la bibliogi•aphle déjà signalés ùans ccs_nrti- p. x1v-xx1, et G. J,,. Prestige, Cod in Patristio Tho'lfl
clos. Londres, 1986, p. 80-86); il s'explique par un re,Co
Le D'l'C consacre de nombreuses êt11d0s à la p neun1atologio aux catégories de la pensée j\lÎve et exprime lape~
de chacun des Pàrcs grecs; on les retrouvera a isément grâce nalité distincte de l'Esprit, sa mission, sa connaiss~n
aux Tables ,:éneralcs, art. Esprit Saint, col. 1255-12!\6 (Paris, privilégiée de la p1•ofondeur mystérieuse de Dieu:
i 956; d'autros 1·6!érences paraitront à l'article 'fri11ité). Lo
volume '• d es Études cle théologie positive s"r la sciinte. Trinité, son activité puissante ici-bas pour le salut. do l'l!l
da 'l'h. du Régnon, Paris, 1898, classe par sujot.i; un a bondan t et la sainteté des chrétiens (voir J. Paniélou, Th~olo
n1atériel, et. n1ô1•ite encore d'être consulté, n1algré un certain du Judéo-Christianisn1.e, Paris, 1958, p. 17?·198
manquo do sen-'l hist.orique. J. Lcbrclon, H isttlir1: dit tlogrnc dci 413•418).
la Trinité, t. 2, Paris, 1928, fournit un juger110nt érudit et Dans la 111ême ligne de pensée, avec l'intention .
prudent sur les out.ours du second siècle. nette d'écarter les intermédiaires céle$tes im ·
Du point de vue des influences philosophiques, on recourra par les gnostiques et de 1narquer la transcend
à G. Verbeke, L't!volution de la ,loètri/1.C du l'n~u111a du stoicÎ$llle 1>arfaite de Dieu, Irénée aime à présenter le Verbe
'
à Saint Auguçtin, coll. Bibliothèque de l'Inslilut supérie11r
de philosophie, Louvain, 1945, et à M. $pan11out, Le stoïcisme l'Esprit comme les mains mêmes du Père, auxqu
des Pères del' Église, do Clclment ~ Rome à Clé111cnl d' Alc:ta11dri.e, s'adresse le « Faisons l'homme » de la Genèse (les te
coll. Patristica Sorbonensi;l 1, Paris, 1957. sont groupés et commentés par J. Lebreton, t .. 2,
576-580); sur cette conception se branche une a~
?l{Bntionnons encore les 1nonographies consacr,)es aux Pères
qui ont le plus parlé de l'Elspril. P. Nau tin, Je ,:roi~ à l' Esprit pologie qui exige que l'homme vive pal' la partiel
Saint da.ns la Sainte Eglise po"r la Résurrccti/ÎII de la cliair, tion de l'Esprit, et dont nous-• parlerons· plus, 1
attribue à l;(ippolyte, disciple d'Irénée, les développements du Cette perspective anti-gnostique interdit d'ex.
troisième article du sy1nbole (coll. Unam Sanct.am 1 7, Paris, la subordination au Père, impliquée par la métap ·
1!l'17). A. d'Alès tl,su1no La doctrine de l'Esprit mi saint lré11éc des " mains »; le sens de cette ,nétaphore, _c 'est quo l'
dans les Rccll(lrclies de science roligicu.se, t .. 1'•• 192'1, p. 4.97- prlt est l'instrument conjoint par lequel Dieu co
538. L,es alexandrins sont n1oins féconds pour parler do !'Esprit, nique la sanctification à sa créature.
ils o.tt.ribu!)llt plu lût au Verbe l'activité Invisible de Dieu; Toujours dans la mê,ne ligne, Origène coJ\â
nons devons néan1noins renvoyer à Il. do Lubac, Histoire et
Esprit, coll. Théologie 16, Paris, 1950, au sujet d'Origène.
une synthèse théologique (Peri archôn 1, 3, 5-8; i>G
Nous citerons à plusieurs reprises un syrien, J•1usêbe, évôquo 150-155 ; éd. P. l{oetschau, GCS 5, 1913, p. 54-&Sf,
d'~1nôse do 830 à 860, parce qu'il nous renseignll sur 111 ,nontn- semble, en réduisant l'Esprit à un rôle de sanctl
llt6 des n1ilie11x sorni-arlons, et que son muvro ost jusqu'ici teu1•, limiter son champ d'action. P. Galtiel' (p. 98·
totate,nent ignorée de l'histoire des dog1n8s, lui ayant élé donne une excellente analyse tle co texte impor,
reRtituée récemment par In.-M. Buylaort : Eusèbe 1l' Én1,lse. que nous résumerons. Origène établit une hié
JJiscours conser,1és e1• latin, coll. Spicilcgium Sacr\1m L ova- entre le Père, qui donne l'être à toute c1•éat1J!e
nionsc 26· 27, J,011v11in, 1.953 ol 1 957, Ensuite vinnt Ath11.naso, Logos qui communique la raison aux ôtres intelli
dont les T,cttrc8 d Sérapion, traduites et présentées par ,J. Lebon, et libres, et l'Esprit qui opère seule1nent dailli
coll. So\trces 1:hrélicnnes 15, Paris, 19'•7, écri tes vers 359,
représen tent la preinière réaction ni(:éenno aux négations saints. Co1nmuniqué par les apôtres ou, 111ieux,._p
pneumatornaques. Enfin Ballile et .son 'l'raiM dr, Saint•Esprit, S~igneur lui-même après sa résurrection, cet Esprl
'
1260 1261 l'ÈRES (i-RECS 1262
, Pafis, crée un peuple nouvea\1 et renouvelle la face de la terre, Quant à concevoir la mission sanctificatrice de
ilalQgue Iorsg}le, par sa grâce, on dépose lo vieil homme avec l'Esp1'it comme dépendante, en un certain sens, de
1the iie ees ,œuvres pour marchor dans une vie nouvelle. Le l'initiutivo du Père, source de la divinité, ce n'est pas
" Ba1i• Père et le Fils ont eux aussi leur part dans les minis- non plus inacceptable. li est clair par exemple que toute
lhha,;rd~ ~ et lés opérations des saints, selon 1 Cor. 12, '•·6; la tradition patristique ignore la prière à l'Espt'it
ttingep, mals• c'est pat• la participation au Saint-Esprit que les
ant une (sauf une ligne d'exception, Origène, Sur le Lé"itiqu<1
créatures, qui ne sont pas saintes substantiellement, 1, 1; PG 1 Z, 406a; éd. W. A, Baehrens, GCS 6, 1920,
œuvrea pou.veht le devenir (for1nule destinée à un grand succès
1 Traits p. 281), mais s'adres!e au Père pour qu'il envoie l 'Esprit
ira entre d\ 1111,la théologie d'Athanase ot de Basile; on la 1·otrouve (épiclèse). Par ailleurs, Basile le concède à Eustathe, li
, monas• ~anf Peri arclwn 1, 8, 3; PG 11, 1?8c; GCS, p. 100). est rnçu d'employer ln formule « en l'Esprit >>, et de
Cotte savante subordination main tient d'ailleurs considérer par là l'Esprit comn1e le lieu ou l'instrument
jgolre de l'uni~ de l'opération divine : l'Esprit sanctifie en com- de l'action, plus que son sujet actif et sa cause ultime.
Cll.rfsos- muniquant le Christ. << Purifié par la participation de Basile du resto co1n1nento aussitôt avec brio, en énumé-
1pas, on l'l!lsprit, digne de la grâce do sainteté du Verbe, l'être rant les catégories de la langue philosophique et en
ne amal reçu de ,DJou par le P ère devient alors tel qu'il convient tnont rant les multiples sens légitimes de la formule :
the Holy à ,Dieu 1nême, liltre pur et parfait. 'l'olle est l'opéra-
le Work, tîon du Père, du Fils et de l'Esp1•it dans les saints, On dit que la for1no est dc1ns la matière, la puissance da119
niverslté dans là mesure où nous pouvons · conten1plor la vie le réceptacle, la manière d'être dans Je suJei qu'elle afféct11,
anoli de sainte et éternelle "· Si l'on prend gardo à ne pas trans- etc. Eh !Jion I Le Saint-Esprit a raison do for"1.c, en tant qu'il
~i:antlriè, perf ect.ionne les êtres ralsonn~_hles en paraèhev!lnt leur oxccl-
ualité 2, porter cette gradation sur le plan de ta nature divine, lance, - on donne le non1 do Rpiritue.l à celui qui ne vit plus
on ])eut soutenir qu'elle mot on œuvre des affir1nations selon la chair, 1nai1:1 sous la ,notion de !'Esprit de Dieu ... Ou
traditionnelles, sur lesquelles s'appuieront les doc- bien, de mOn10 que la facu.lM <le voir se trouve dans l'œil
. -Les téul'S lès plus orthodoxes du quatrièn1e siècle. sain, ni nsl l'opération de )'Esprit dnruJ l'âme purifiée.. : • les
,l 'Asce~- . Dans la théologie arianisante d'Eusèbe <l'ltroèse, yeux illumin6s dans !'Esprit do sngesse •· Puis, comme l'habi•

:e cons1- J'Esprit est de nouveau considéré dans lo cadre d'une tus do l'art den1curo en celui qui l'a acquis, do n14nie la grdce
, ,parfois eonooption du monde quelque peu platonisanto, où de !'Esprit en celui qui l'a reçue, toujours préscnto, rnais non
une:hiérarchie d'êtres spirituels 1nène au Diou suprême. pas toujoul'S agissante... Encore, do rnê.me que 1a santé, la
lsaent le chaleur ou toute autre 'disposit.ion passogère se trouvo 1h1ns
~rapblns Eusè,be s'élève à 1'11.mo, aux anges, puîa arrive à l'Esprit. les coi•ps, ainsi de !'Esprit : il est souvent, sans y don11;111rer,
le terme C'est ~ui. qui sanctifie, sans rien perdre de son unité, dans !'Ame de ceux qui, par instabilité, repoussent la ·gréce
1.ssimila- eomme le feu qui se communique sans s'alîaiblir reçue (De l'Esprit .Saint 26, PO 82, 180bd),
iit., t. 2, (ll-1\1. -Duytaert, locô cit., t. 1, p. 138-189). Le même
ThouJht, ilsp'tlt qui a empli les douze, los soixante-douze, les Toutes ces dlstinctions sur les modes d'être dans
, J'eCOUl'S cinq ~pnts frères, l'univers entier, e.m plit aussi les anges !'Esprit sont classées selon les divers degrés de l'ascèse
l per&on- et les archanges, lesquels ne lui sont d'aucune façon chrétienne, et à ce point de vue le toxte anticipe sur
11i.issance C0"1J?arables (p. 1',0-141), Quoiquo Eusèbe subordonne nos paragraphes à venir. Ce qui nous intéresse actuel-
Dieu 1 et net-tement !'Esprit au Fils (p. 148 et 199-200), il le lemont, c'est la façon dont Basile reçoit, et interprète
, l'Églisè dUJtingue aussi hion des créatures angéliques et sur- en un sens orthodoxe, les formules traditionnelles
rhtlologt<1 tout reconnàtt son action sanctificatrice universelle. dont les ariens voulnion t tirer parti.
1-198 et Cyrille de Jérusalem, après avoir célébré les 1nerveilles
de !'Esprit dans l'Église, airnera aussi à évoquer los 2. L'Esprit, rayonnement du Père, - Dans
'
tion très hiérarchies célestes : « Élève-toi par la pensée jusqu'au l'ancion Testament, l'Esprit pouvait être un nom
imaginés pre1Dier ciel, contemple-moi les ar1nécs innombrables divin, et les fo1•n1ules qui ne distinguaient guère l'Esprit
cendance des anges; dépasse-les, vois les archanges, les esprits, et Dieu étaient légitimement restées en usago. Par
Verbe et les vert1,1s, les principautés, les puissances, les trônes, ailleurs, le succès du vocabulaire du prologue johanni•
1~quellè8 les 4omina~ions : leur chef de par Dieu, leu1· ,naître, quo e L des livres sapientiaux fit passer au compte du
:e s textes ~!µi qlji les sanctifie, c'est !'Esprit Saint » (Catéchèse Verbe ou de la Sagesse un certain nomb1•e des carac-
t. 2, p. 16, 23, PG 33, 9'l9-952). Basile lui-rnê,ne, lorsqu'il téristiques do l'Esprit; d'où souvent un certain flotte-
1 anthro- ve1,1t conquérir son arni scmi-arie11 Eustathe, use du ment dans la distinction entre la seconde et la Lroisième
►articip,a­ milmo procédé : Personne (M. Spanneut, Le stoicis,ne des Pères del' 1:,'gli,'111,
,lus ·' loin. ~ puiSl!ances supra-costniques, intelligentes oL pures, sont p. 881-382; li. E. W. Turner, The Pattern of Chrù,tian
!exagérer appol/ies a11.inte1,,,it Je sont vrai1ne11t, parce que snneLifiées par Truth,. Londres, 195r,, index, au 1not Dynaniic Binita-
1étaphore la grâçc que l'E&prit Saint a répandue en elles... Dà1œ l'acte rian is1n}. Pour dégager la conception antique de
qui les a créées, aaisis le Père comn1e caoso principiolltl <le tout
que l'li1s- ce qui est fait, le Christ con1n10 cause dérniurgique, !'Esprit l'action sanctificatrice de l'Esprit divin, il serait donc
. commur comma cause perfectionnanto. Les ospl'ib; serviteurs subsistent nécessf1ire d'étendre l'enquête à bien des textes• qui
p.i, ln· volont6 du Père, arrivent à l'ôtro p11r l'acte du Fils, mentionnent la Sagesse·· ou rnêmo le Logos, surtout
construit rèçolvent leur pel'fèction de la présence <le !'Esprit, Or la à propos d'auteurs co1nme Clément et Origène, qui
!; PG tt, peif~etion des anges, o'èst leur sainteté et lèur permanence recoul'aient plus volontiers à ce vocabulaire qu'à celui
~-68), quJ en .c~t état (De l'Esprit Saint 16, PO 82, 13Gab; ce pass<1ge de Pneuma.
anctiflca• ach♦ve la première journée du dialogue do Sôbaste et corres- Dan$ la plupart de ses ouvrages, Athanase suit la
iP- 98•99) pond à une puissnn te péroraison où Basile réussit à en tr1\tner
IOD Interlocuteur).
1nên1e Ll'adition alexandrine ot ne fait guère intervenir
nportant, !'Esprit. Obligé enfin d e réfuter l'orre\t l' pneumato-
~ié_rarchie L.e patronage d e tels docteurs montre que ce rappro- n1aqun, qui interprétait au sons strict les formules
\ature. le ohem.ent avec les esprit/; célestes est susceptible d'en- subol'dinatiennes que nous avons étudiées plus haut, il
~telligents tre~ dans une théologie orthodoxe, où l'évocation des va si loin dans sa réaction, qu'il semble parfois amenui-
dans lea anges_sanctifl6s par !'Esprit sert notam1nent à exprimer ser quoique peu la personnalité distincte do !'Esprit
l~, .P"'11 1$ aveç force l'aspiration des ascètes à participer à la en le considérant comn1e une qualité ou \1ne présence
Esprit a, sainteté angélique. de Dieu.
1263 ESPRIT SAINT CHEZ LES PÈRES
Lo Père étant lumière et lo Fils étant son éclat.., on peut. voir mot Geist). Les hymnes 78 et 7ft, qui se font sui~,
aussi, .dans le Fils,.. l'Esprit pur lequel nous so111111cs illuminé3.. , d6veloppent la co1nparaison du Père avec le soleil,
(citations). Encore, le Père éU111l source ot lo Fils 6tant vppela dont le !~ils est la lunlière et l'Esprit la chaleur (le
fleuve, on dit que nous buvons l'Esprit... Encore, nlors quu lo même thème apparaît déjà esquissé on 40, 1). L'Espril
ll'ils est la vrai Fils, nous, on recevant.l'Espril, nous so111n1cs est donc représenté comme une activité de la substance j
faits fils ... Le Père étant soul sage, la Fils est sn Sllgnsso.. , ot divine. J~n 6voquan t les efîets vivifiants de la chaleur
nous, on recevant l'Espl'it de sngesse, nous possédons lo Fils l
et, on lui, nous devenons sages... l..'Esp·rit nous étant donn6 .. , estivale, Épbl'em chante l'Esprit, sans lo sépurer aucu• ]
Dieu (le Père) oat en nous .. , et le l•"ils aussi est en nous ... Puis, ne1nent oflu Père et du Fils (74, 4-5). « Il réchauffe oellli 1
tondis quo le J?ils osl la vie.. , nous so1nmos dit.~ vivifiés par qui, co1nme Adam, est nu » (7'•• 6), il fait JrucUllor•les C
l'Esprit.. : le Christ lui-même Asl: dit vivl'e en nous ... Puis encore, bonnes œuvres (14, ?). Comn1e la chaleur rend l~agllit6
los rouvres qua faisait Je Fils, c'était lo Père qui les opérait.. ; J
aux doigts glacés, ainsi l'Esprit pou1• les âmes (74,,9i 1
de même, c11 ·quo Paul opérnit dans ln force <lo l'Esprit, il of E. Beck, Die 'J'heologie des hl. Ephrac,n, coll. Studîll
disait que c'otaicnl los rouvres du Christ (l're,nièrc lettre à anselmiana 21, Rome, 1949, p. ~2 et 81-8'1).
Sérapio11 19, PG 26,_573c-!'i76d). Comme on le constate chez Athunàse, Éphrem et leurs
.
C'est toujours la même affi1•mation, sous de multi- successeurs, un souci exclusif d'affirmer 11égalitô par-
ples variantes fournies p,1r la Bible : cc qui est vrai faite de l'Esprit avec le Père risque d'avoir pour consé-
de l'Esprit l'est égale,nen t du Père et du Fils; les !.l'ois quence un certain oubli, en pratique, d.e son activité
Personnes partagent les ,nêmcs attributs, dont le propre. S'il est en tout semblable au Père, on no yolt 0
Père est la source ultime et que l'Esprit imp1'Ïn10 dans plus très bien quel rôle lui est_réservé dans la sancÛft, 'J
nos cœurs. Ce dernier se disti,lgue en ce qu'il noui; est cation do l'flglise; les !.l'ois Personnes sont interchan- f
donné. Athanase se rend compte cependant que cela geables. Saint Basile réussit mieux à rasse1nbler ,l'béri, Il
peut paraître insu-lfisant : << Quelqu'un dira peut-t\t.re : tage des différents courants tro.diUonnels.-- ,,, cl
comment, l'Esprit étant en nous, dit-on que le Fil:; est n
en nous et, le Fils étant en nous, dit-on que le Père est
en nous? » Il l'épond pttr une comparaison qui laisse
8. L'Esprit, l'âme et le oorps. - Sous diver-
ses modalités, les philosophies et la gnose envlsago~cnl 1

subsister,l'équivoque: << Quo celui-là. con1mence p_ar s6pa- volontiers la présence dans l'homme d'un élément plut
rer l'éclat de la lumière et la sagesse du sage» (20, 577a).
Puis il se cor1·ige en recourant, non plus à l'union de
ou moins divin, supérieur au corps et à l'âme. Saint
Paul; qui parle souvent d'habitation de l'Esprit d•
i
q1
qu&,\ités avec une substance, mais au thème de l'ilnage, Dieu, ayant énurnéré une fois « !'Esprit, l'âme et le 81
inconnu de l'lllcriture à propos de l'Esprit et devcinu c-0rps ,, du chrétien (1 Thess. 5, 23), les Pères se ·trou• tl
fa1nilier à l'évêque d'Alexandrie par les controverses vèrent en.1>.ossession d'une formule trichotomique, donl ~
au sujet du Verbe : « Do 1nême que le ·Fils est dans l'élément supérieur était le Pncuma biblique. li "t
l'Esprit, commè en son image propre, ainsi le Père souvent difficile de savoir si, dans ce contexte, ils veu-
est aussi dans le Fils... Une est la sanctification, qui lent qu'on écrive l'esprit avec ou sans maj_usculo.
se fait du Père par le Fils dans l'Esprit Saint » (57?bc). M. Spanneut (L11 8toicisme des Pères de l'Eglise, p. 135-
D'après le Discours après la Cène, l'Esprit est défini 176) expose lo détail, assez complexe, de la plus anéiepne
co1nme « la vivante efficience sanctificatrice et illu1ni- anthropologie chrétienne. Nous ne mentionnons que lei
natrice, dont le Christ fait don » (580a); et cette sanc- étapes les plus significatives. Justin sen1ble bien conal-
Ullcation n'est rien d'autre que l'applicn,tion aux fid èles dérer comrno créé l'esprit vivifiant, co,nmuniqué .par
de la divinité du Verbe:« L'l!lsprit est appelé vivifiant.. , Diou à Adaxn. •ration, qui voit l'Esprit co1nrne source
mais le Seigneu.r est la Vie en soi et !'Auteur de la vie ... de vie et de connaissance pour ceux qui vivent dans1'
Si !'Esprit est l'onoUon et le sceau dont le Verbe oint justice, tranche moins nettement. « L'ârne monte veis
et 1narque toutes choses, quelle peut être sa ressern- les régions où la guide !'Esprit, car la demeure ~e colu,î,
blanoe avec les êtres qui sont oints et scellés? .. L'onr,tion eirt en l1aut, l'origine de colle-là est en bas; !'Esprit
et le sceau sont propres au Verbe qui oint et rnarque du fit compagnon de l'â1ne d\\.s le début, mals il l'abandonn
sceau » (23, 58~b-585a) • .En somme, « le Père cl'ée et si elle ne veut pas le suivre » (Discours contre 14s c ·
renouvelle toutes choses par \c Verbe dans l'Esprit 13, PO 6, 833b). Quant à Irénée, il réagit contre
Saint • (24, 588a). Ces thèmes sont longue1nent déve- gnose, selon laquelle le Pncuma, émanation divlne
lopp6s, à l'aide notamment des épîtres de Jean et, de tombée dans la chair, devait se libérer du corpsi
Pierre et· de l'épitre aux 1-Iôbroux, sources que n'exploi- élabore une théorie à laquelle il rovient souven
tent guère les autres Pè1•es de l'Église. Une telle insis- (A. d'Alès, La doctrine di: l'Esprit en saint l~énh,
tance sur la consubstantialité de l'Esprit traduit de p. 502), et où l'Esprit·est, sans doute possible, l'Esprlt
toute évid.encn une conception très haute de son action Dieu :
divinisante; bien loin d'être un pur jeu n1étaphysique, L'homme parrait e11t cornpos6 de trois olén1enta, la ch
elle so rattache à l'expérience d'une vie chré.Lieone l'ûn10 et l'Esprit; l'un qui sauve et, informe, c'est !'Esprit;
intense. l'autre qui est uni et informé, c'est la chair; entre deux, l'Am
De saint Athanase on peut rapprocher saint Éphre1n. qui tantôt, s'attachant à !'Esprit, e6t élevée par lui, el tant6
Le docteur syrien est lui aussi resté longtemps sàlis cédant à la chair, tombe dans lei; désirs torrostreR. Doauoou
guère parler de !'Esprit, pendant son àotivité à Nisibe. d'homnies ne possédant pas l'.Esprit qui sauve et i.olorme,
Dans les hyrnnes Contre les hérésies, ou Sur le Paradis, sont eux que Paul appelle ohnir et sang (et qui n'hùriteron
pas 10. vio ôlorncllo) ... Mrus tous ceux qui craignent l)ièll
ou mê1ne dans les Discours sur la foi, on n'en relève qui croient à l'avono1nent <le son Fils, et qui, par la foi, 11i.
pas une n1ention. Dans les liy1n11es sur la foi, au con• blissent dans Jeurs cœurs !'Esprit de Dieu, coux,Jà m6rito1
traire, qui datent du séjour à '.Édesse, la polémique d'être nppol<ls spirituels, car ils ont l'Esprlt du P.èro,· q
pneumatomaque a introduit, non seulement des allu- puriflo l'llomme et l'élève à la · vie de Diou... L'infirmité
sions clai.rsomées, mais l'hymne 74 en entier (éd. E. Beck, ln chair, absorbée, manifè.sto la puissance do l'Esprlt; etl'Es
Des hl. Ephraem des Syrers lfymnen de '{ide, CSCO 154• à i,on tour, absorbant l'infirmité, posaède la chair en hérlt
155, Louvain, 1955; voir l'index de la traduction au De cea d0ux élémcnt.R est compo.sé l'homme vivant, ·vlv
PÈRES GRECS 1266
suite, gràce à, la parliciµa tion de I' J~sprit, hon1me par la ~llbsh1nco 14, écrite en aaG; êd. ,1. Parisot, Patrologie syriaque, 1.. 1,
soleil, de ·sn chai!' (Contre les ht!résfos v, 9, 1·2; PO 7, 11'1'•·'11',5; Pnris, 1894., col. 2!lêl; co1npn.rez 22, 15-18, col. 102a-1027,
eur (le 6d. \V. Harvoy, t. 2, Ca1ubrid1,01 1857, p. 3'•2·34:l). et l'introduction de Parisot, p. tv1).
'Eisprit Ce don de !'Esprit, quA nous appellerions surnaturel, L'ESJ)rit du Ch~ist, dans ce texte, nous est si bien
>stance est dilltingué du soume, qui rentl l'homme animal donné qu'il devient ce qu'il y a de plus spirituel en
:hal ~ur h\ 12, 2, 1.152a; éd. Harvey, p. 850). !)ès la création, nous-mê,nes, notre vrai moi. Il As t vi•ai qu'Aphraate
~ auc:u-
!'Esprit était présent et actif pottl' par(aire l'homme, conçoit l'Esprit d'uno 1nanière assez peu personnello
re celui lui donner la ressemblance de Dieu et le v1,ten1ent (E. Beck, Ephra1JnÎ.~ lly1n11en aber tlas J>àratlies, coll.
,1\ev les d'immortali té (111 1 2:J, 5, 96:lb; éd. Harvey, 111 1 35, 1, S tndi.a ansehniana 26, Rome, 1951, p. 12G), tout cônune
.' agilité p. 128); perdu par Adam, il revienL dans l'Église pour 'l'a.Lien.
(74, 9; ·ronouvoler l'humanilé. Saint Basile lui-1nê1ne, au ch. 16 du 1'raité du, Saint-
Studia l'our Origène, voir les toxte.s dans 11. llahner, Das E.~prit, fait encore allusion à une conception analogue
Mensclu:,1bild des OrigeT1eR, clans E,.a,ios-Jahrbu.ch, t. 15, a vecJ de curieusos précisions sur la présence persé-
et leurs 19i7, p. 197-248. I.'intél'8t de cette doctrine, jusqu'An vérante de l'I~spr•it auprès du chrétien pécheu1· :
té par• ses hô$itations, est bien 1nis en relief pur l-1. de Lubac,
, consé- Cèux: qui ont, chagriné le Saint-Esprit par li~ porversité de
Histoire et E sprit, p. 157 : Jourti 1uoours 1 ou qui n'ont pas fait rructifior lo don reçu, sel'ont
1ctivité
r\e voit Quant au nvirllria, si la noUon en est s/ difficile il préciser, dépi:,ss6dtls.. ; d'après l'un des évangéllsLos, ils seront entière•
c'ost qu'elle otrro dans sa penséo... une a1nbiguilé fond1u110nt11le.· n1c,nt coupés 011 doux (il!ll, 24, 51), Ccol doit s'entêndre d'11n0
anctifl• TIUlùiL il semble qu'on rloive Je préserver do 111 porversion, con1plète séparation d'11vec l'l~8prit... Maintonant, hian que
~rchan- et tantôt il parait hors d'nlteinte <lu niai, la <Pux·~ seulo uLanL l'l!,sprit no soiL pas rnâlé aux indignes, il sen1ble pou1·La11t qu' il
, l'héri- suscoptiblo d'in<Jliuor dans un sens ou dans l'autJ"e. C'est que re-5te présent d'uno cortaiua 1111111ière à coux qui furent un jour
~•uno cortnine 1na11ièr1i.il rio fo.it qu'un o.veo l'1ln1e clle-n1én1e, n1 arr1ués du sceau, 11Uond11nt patiemment leur sâlut grâce à
mais d'une autre 111u11iàre il la déborde, parce qu'il déborde leur conversion; 1nuis 11lor1, il sera totalen1cnt coupa d'avec
1 diver- touL l'homme, tout l'être créé en t<1nt que tel, étant partiel• l't\mo qui aura profll.110 sa grdce (PO 32, 141c).
geaient patlon à l'Esprit do Diou. • LH 1:entre de gravité de l'hon1me
se trouve en dehors do lui • (1-I. R1~hner) ... C'est pourquoi, P.1rfois n1aladroite ou a1nbiguë 1 l'antique liberté
nt plus quand on parle de l'ho1nn10, on µHut en oert<1in$ ca,~ mettre . d'nxpression marquait admirablement la pro:x.lnüté de
. Saint !'Esprit, pour ainsi parle1•, ontro pitrenthÀseij. Ln trichotomie, J'Ei,prit, ou mieux, la transfor1nalion du cl1rétien et
prit de qul ne peut être comp1•lso quo dans hi perspective d'une son entrée dans la vie personnelle de Dieu. Elle com-
e et le anthropologie dynamique et non pa~ co1111no descripl.ion wt.11• porte des él61nents authentiquement traditionnels.
1e t'i'OU• Uquo d'une osaenco, n'es·t donc pus inco1npatible avec la dis-
e, don.t tinction classiquo .iî111t1•corps. 4. L'Esprit et l'Église. - Un des a.spoct.s les
Jl est plus remarquables de'J'ancienne pneumatologie gl'ecque,
ils vau• Méthode d'OJympe considère co1nn10 la plus gran<le c'esL le lien étroit qui l'unit à l'ecclésiologie. Dans le
0, supériorité des vierges, que !'Esprit habite dans leur syrnbole lui-même proposé par Hippolyte, P. Nautin
p. 185• Ame,puro (Banquet 11, 8; PG 18, 216bc; éd. G. N. Bon- a mo!1tré qu'~l fallait lire; <c Je crois a~1 Saint-~sprit dans
r1cienne
que. les
wetsch, GCS, 1917, p. 138). A mesure que l'orthodoxie
précise1a diflércnce cnlro l'rnsp1•it et la créature, on en
la sainte :Elghse ,, (loco cit.). Même s1 l'on suit B. Botte,
lorsqu'il rattache cette mention de l':f:g\ise à 1a t1•iple
-
1 cons1-
• viont de plus en plus nettement à considérer l'Espril confession de loi, plutôt qu'à la. se\lle mention de l'Es•
1ué par djvin comme un hôte parfaitement distinct, et spon• !>l'it (Note sur le symbole baptismal de sairll Hippolyte,
source tanément le vocabulaire tend à éviter toute amphi- dans Mél<lnges J. de Ghellinck, t. 1, coll. Museum les•
dans la bol9gio. Ainsi chez saint Éphrem, qui illustre la 'l'rinilé sianu1n 13, Gernbloux, 1951, p. 189-200), on ne peut
1te vers par les trois élé1nents constitutifs de l'honune; mais ignorer le dossier do textes anciens rassemblés par
celui-ci tandis. qu'au Père cor1•espond notre esprit, c'est noti•e r~. N·autin à l'appui de son interprétat ion.
sprît se èorps (troisiême élérnentl) qui est mis en parallêle avec Un dossier plus vaste encore constitue le chapitre 3 :
ndonne le Saint-Esprit (Hyrnnes De fldc, èd. JJ;. neck, 18, 4-5). 1,'Église spiritu.alle, gnose et ch(J.rÙJn1es (p. 125-181), de
es grecs Pour retrouver, nu r,e siéclè, des form11Jes n1oins noues, il La tluJol&gù: de l' ÉglitJe de saint Clénwnt de Jl&nie à
1ntre la faut s'adresser à Ensùbo d'É1nès0 : 11 Lorsque notL~ penchons s1tir1t Irénée, de G. Bardy (coll. l Jnain Sancla1n 13,
divlne ,vers le.~ Cho.ira, OOU$ SOll\lilOS appelés chair par J'Éorlturc; Paris, 1945). Nous n'avons pas le loisir de par<.:ourir
)rps; il lorsquu no\Jlj montons vers l'â1no, nous sonunes dits ho1nmc ces textes, mais il i1npo1·te de les évoquer pour montrer
;ouvent animal; quand nous dépassons la naturû, on nous 11.ppelle quo, si l'Esptil s'oppose à la chair, il ne s'en co1n1nutü·
Irénér,, hommo spirituol. .. Ne 1nettons pas notl'O confiance 011 l'âme que 1ius moins dan.s la ligne de l'incarnation. P<1r oppo•
s:eulo, car !'roi!, sa.os lu111ière, reste ténébrellx, ot do 111û1110 l'in- sition au caracLère extravagant et sectaire des ,nanifes-
sprî~ de tclligonco, sans une fort;e supérleure, cherche (Hl vain i1 voir;
sans l'op6ration de l' E!!pril, alle tâtonne à l'avouglatta et tatious pseudo-charismatiques, la vraie opération de
tombe dans l'idolâtrie • (éd. lt-1t. Buytacrt, L. 2 1 p. ·1',7}. )'Esprit s'identifie à la simplicité de la foi, ell0 consiste
là chair,
!'Esprit; à vivifier l'Église par les sacrements et les fonctions
Mioux: encore, le syrien Aphraate, ~ l<1 théologie archa1santo, sacrées de chacun des membres. Tout cela est stricte•
1t1 l'âme, tràs influencée par 't'aticn :
l tantôt, Nous auasi, nous avons reçu l'Esµrit dn Christ.. ; préparons mont. su1•naturel, parce qu'extension ~o l'œuvre du
oaucoup donc on nous des t01nples à l'Esp1•it du Christ et ne le oontrls• Chdst, par le moyen dos apôtres el de leurs successeul's.
orme, ce tons pas, de pour qu'il ne se 1•etire do nol.lii ... Noua l'avons reçu La foi, nous la conservons couune nous l'nvons reçue de
lriteron·t au baptème; au ,norncint. où les prêtres font l'invocHtion, il l'Bgliso; continuellement, sous l'action de l'Eaprit dii Dieu,
1t Diou, ouvN) lea cieux et dcscond ... li reRt(l Join en elTot de tous Coux co11111w uua liqueur de prix conservée dans un vase précieux,
foi, ôta• qui sont nés du oorps, jusqu'à co qu'ils viennent à la régéné- clic rajeunit ot 1111îu10 fait rajeunir Je vaso qui la conticul. •
méritent ration par llll, eaux... Et lorsquo los hom,n(is meurent, l'espr!L L'~glise en efJut :,•e~t vu confier Je don de Dieu, de 111Ôll\O quo
ôro, qui animal osl enterré avec le corps ot privé de Rena; mnis !'Esprit Dieu ll confié lo souffla il la chair n1odelée pour que tous· les
•mlt6 · de oélesto qu'ils ont reçu s'en va ,\ sa nature, vers le Christ.. , n1embre.s en reçoivent ln vîo; on elle u été disposée la co1ninu•
:l'Esprît selon co quo dit l'Apl\tra : Quand T1ous quillons le corps, nion chi Christ, c'esl-à-dil•o l'Esprit S11inl,' (cf P. Nautin, loco cit;,
l16ritagé. nous niions vers lo Soignaur. (:'est dono vers lo Soigneur quo v11 p. /il\), gnge d'incorl't1plibilité, a1T0rrnissement de notre foi,
, viva,nt !'Esprit du Christ, qu'ont reç11 les spirituels (Déllio11at1·11tio11 6, écholle d'ascension vers Dieu. Car c1ê11t dans i'l;Jglise, selon
ESPRIT SAIN1' CI-IEZ LES PJtRES 1268
l'.l!.êriLure, que Dieu a titabli les apôtres, les prophètes, les theologicM loe>anie11ses, t. ·23, 1947, p. 521-556; t. 241 d
docteurs, et tous les autres etTet,a dil l'opôration de l'Ei,pril., 1948, p. 23-58). ' l'
auquel ~0\1 : auxquels) n'ont pas do pa1•t ceux qui ne courent Plus le temps passe, plus l'accent est mis sur l'aspel!t I!
pas à l'Egliso. Car là où est l'Élglise, là est aussi l'lilsprit do Dieu, 81
sacramentel de la grâce de !'Esprit. Cyrille de JérùSa· 0:
et là où est !'Esprit de Dieu, là est l'Élgllse et toute graco (Irénée,
Con.1re les hérésies 111, 24, 1; PG 7, 966; éd. Harvey, 111, as, 1,
lem promet à ses catéchumènes que !'Esprit baptis~ra a
entièrement l'Ame qui entre en lui, comme l'eau entom:e d
p. 131-132).
le baptisé, comme le feu entre et agit dans le fer (PG 33i 8
L'action vivifiante et unificatrice <lu Pn.euma dans 9850). Éphrem, qui songe si rarement à mentionner
l'univers, thème stoïcien courant (M. Spanneut, loco l'Esprit, le fait spontanément dès qu'il s'aîit des sacro• d
cit., p. 382-3{i(t), trouve un éclio chez plusieurs Pères 1nents(cf E. Beck, Le baptlme chez saint Ephrem, dans Il
et peut se 1naricr fort heureusement aux ré,ninisoenccs L'Orient syrien, t, 1, 1956, p. 111-136; Die Euchar.is{ie p
a
bibliques : bci Ephra,n, dans Orien11 christianus, t. 38, 1954, p. 5~ s
L'EspriL est descendu sur les disciples à la PQnlecôte, le11r 58). Alors qu'Origène laissait les sacrements dam b
donnant le pouvoir d'hil1•oduire toutes los nations à ln Vie l'ombre, les li0111élies pascales da11s la tradition d'Orig~,re le
el d'inaugurer le Tcstnn1ent nouvuau; c'c.s t pourquoi, dans (6d. P. Nautin, coll. Sources chrétiennes 3G, Patis,
l'accord de toutes les langues, ils chantaient une hy,nnc à 1953) le complètent sur ce point (voir l'introduction
Dieu, )'Esprit l'ainenant à l'uniLu les races dispo!'lléea et offrant de Nautin, p. '•2-',7) : « Le Seigneur nous a donné son
nu Père les pré1nlces de toutes los nations. C'est que le Sëignc,ur corps (eucharistique) pour qu'en nous 111êlant à lui
avait pro,nis d'envoyor le Paraclet qui nous unirait à Dieu. nous nous mêlions à !'Esprit Saint. En effet, toute lü
Cnr, com1ne In Carine iiècho ne peut snns eau dovonlr une seule
pâlo, un soul bain, ainsi nous tous, nous ne pouvions pas non ,r
raison pour laquelle le erbe <le Dieu s'est fait chair,
plus dévenlr un dnns le Christ Jésus 11an11 l'oau qui vient du ciel.., c'est que nous participions à lui comme chair, en appl'O•
Nos corps par le bain du baptên1e ont reçu l'unité qui les rend priant à sa chair spirituelle la nôtre et à son Esptil
inc;orruptibles, et nos 1linos l'ont reçue par l'Esprl t (Irén(rn, notre esprit, en devenant des temples de l'Esprit...
ibide11i, 111, 17, 2; PG 7, '.120•930; éd. Harvey, 111, 18, 1, p. 92- Par ce 1nélange avec l'Esprit du Christ, les corps
'J3). deviennent choses à traiter avec sainteté~ (p. 91 11 1:6
Les dernières lignes de ce beau texte ratta(lllen't aux à 03, 't; cf p. 88, 2-4). A son tour, Cyrille d'Alexanc\rîe
sacre1nents l'action de l'Esprit dans l'Église. Il appar- développera ce thème de l'union de la chair à !'Esprit,
tient à une autre section du présent article d'étudier par l'incarnation et les sacrements.
la place faite dans la liturgie à !'Esprit sauctificat.eur.
Nous devons au moins signaler la place que prend ee 5. L'Esprit et l'ascèse. - Irénée se repx·ésof\to
thème dans la religion des Pères. encore les cllarismcs co,nme répnrtis dans la oomniu-
nauté; mais peu à peu la marche de l'histoire crée ut\è
IIippolyte, par excin1plc, co1nn1ontant le bain de Suzanuo, spécialisation et distingue des membres partioulièi'o•
exhol'te ses laèteurs : • FaiteH vos déllces du Jardin (l'Égliso),
meht soumis à l'action de l'l:lsprit. Jlippolyte pense ~q
lavez-vous dans l'eau intarissable .. , sanctiflez-vous duns préférence aux mnrtyrs : « L'Esprit du I'ère enseigne
l'Huile célai;lo • (Comn1e11taire sur Daniel 1, 33, éd. M. Lefèvre,
aux 1nartyrs à« méditer,, (la Parole de Die1,1 ), les consolë
coll. Sourcss chrétiennes 11,, Pal'is, 194.7, p. 126; l'huile rcpré•
sente les puissances de )'Esprit Saint, d'après 1, 16, p. 10ù);et les exhorte à mépriser la mort d'ici-bas, pour se
et dans l'anaphore de la Tradition <Lpostolique : • Nous vou~ hâter d'atteindre aux biens célestes. lJn homme prîvil
• den1a11dons d'envoyer votre Esprit Saint sur 1'01T1·nnde <le ladu Saint-Esp1•it s'effraie de la lutte.. , ne voit plus qu!
le monde d'ici-bas.. , parce qu'il n'est pas doté de la
Rainw Église, en rllsso1nblnnt cfanR l'unitti tous les aoinls 11ui
co,n111unient; qu'ils soiont re1nplis da !'Esprit Saint pour nlT01·-
« roroe céleste "• il a vite tait de se perdre ,, (Com.mtntaift
n1ir leur Coi danij la vérité, nfln quo nous vous louionR et Kluri•
sur Daniel u, 21, éd. :h-L Lefèvre, p. 156; of 11, 191 81
fiions ... • (éd. B. Dottc, coll. Sources chrétiennl)R 11, Plil·is,
p. 154). Une telle opposition entre le monde et les biehs
1946, p. 32-:-1:-1).
célestes, objet principal do l'enseignênten t de l'Esprii,
On cotnprcnd que l'épiclèse (non pas nécessairement laisse déjà prévoir l'orienl.ation de ce Lhème vol'!i la
une épiclèse consécratoire) joue un rôle èssent.iel dans vie ascétique, qui va se dessiner de plus eu plus. W. Vol:
la conception grecque des saol'e,nents, et qu'I-Iippo- ker (Das Vollkommer1heitsideal MIi Origenes, cou.
lyte tienne à ce qu'on soit • zélé pour a!Jer Il l'assemblée BeiLriige zur historisohen 'l'hcologie 7, 'l'u bingue, 1931)1
de prière, où l'Esprit produit du fruit» (p. 66). dans son chapitre 8 sur la Vie active, parle continuelle•
La relation entre !'Esprit et l'liglise n'est donc pas ment de l'ascèse du « pneumatique ,,, quoique les textes
seulen1ent négative, en ce sens que les hérétiques St►nL qu'il cite ne semblent pas justifier une telle préfére.nce
privés de l'~sprit, mais positive, impliquant la sanc- pour ce vocabulaire. Méthode d'Olympe cite le livre de
tification de la cornmunauté et orientant l'efilol'esoence la Sagesse en l'ema1•quant que le Saint-Esprit y attire
spirituelle de chacun vers le service charismatique (pas déjà ,sans détou1·s à l'èyxp&.Tct,x et à la 1JW<ppoe1~
nécessaire,nent dans le seul cadre de la hiérarchie) (Ba11quet t, 3; PQ 18, 4(tb; 6d. OCS, p. 12). .
de la co1nu1unnut6. Ceci reste con::;cient même choz Cyrille de J érusalem, particulièrement heureu~
un Eusèbe d'É,nèse, qui, concluant une homélié par dans son propos de tisser, devant ses catéchu,nènes,
une confession trinitaire : ,, Un seul Dieu ... \ln seul une synthèse de · cc qu'enseigne la Bible sur l'Esprit
Monogène... », glose spontané1nent : ,, Un seul Esp.l'it Saint, se laisse visiblement influencer par les déve-
Saint.; joignez-vous à l'Église et ne vous dispersez pas 1 loppements de l'ascétisme :
Un se,11 baptême, ne constituez pas une ,; caverne » Pourquoi le Saigneur n•t-il cornp11ré l'eau jaillissl!.nto. à la
• (de voleurs? allusion à Mt. 21, 18?) ,, (Buytaèrt, loco grâce de l'ERprit? Parce que l'eau est ln force qui unit !;0111
cit., t. 1, 150). I,es Pères prenaient tellement o.u sél'i(:ux (1·é1niniscence stoïcienne); aile ongcndl'e plantes ot animaux ..,

la xnission de l'EHprit sur les apôtres à Pâques ou à Une soulo source irrigue tout le Pal'adis.. : allo doviont blanche
la P entecôte, qu'ils n'hésitaient pas à la r6server à dans le lys, rouge dnni, ln rose .. , autre dans lo palmier, a11l:o
l''.Église du nouveau Testa,nent (G. Philips, La grâce dans la vigne.. ; elle s'adapte à la nature de ceux: qui la reçoivonl
des justes de l'an.cien Testament, dans Ephe,nerides Ainsi !'Esprit Saint, unique, sin1ple, indivisible; à oltacun 11
1268 1269 Pf:RES GRECS 1270
dja,lril,)ue la grâce conuno il lui plait. Con1me un bols desséché, Hippolyte aussi pense que u personne n'est capable
l'dmo pécheresse que la pénitence a rendue digne du Saint- d'exposer les mystères célestes et de les interpréter,
1pect Esprl~ so rnot_à produire des fruits <li) j11stîce.. : la pal'olo do
., ààgesso, la lumière de la prophétie: .. Ici il affermit dans la s'll ne participe au Saint-Esprit » (Comnie11taire sur
rUJ,à- Daniel u, 1-2, éd. M. Lefèvre, p. 180). Origène surtout
çhastoté, là dans la bienfaisance. L'un est incliné 1111 joOne et
:iserà aux pratiques de l'asc;èi,e, l'autre apprend à mépriser les biens est fécond sur ce thème. « C'est par !'Esprit de Dieu
;pure du corps, l'aulro so prépare au 111arLyro (Catéchèse 1 t}, 12, PO que les Écritures ont étô données ... Quoique toute la
J 3.3, as, 982·983). loi soit spirituelle, les choses qu'elle signifie spirituel-
1nner ,Shjamnis entre en toi une pensée de chasteté ou do virginité, lement ne sont p~ connues de tous, ,nais de ceux.-Ià
acre• c'ê$t u,n enseignement <l11 l'Elsprit. Combien de fois une jeuna seul'l à qui la grâce de !'Esprit est donnée dans une parole
-dans Olle, (Thècle?) a•L•ello pl'ia lu fuite, à la veille de ses noces, de s:,gesse et do science » (Peri archôn, préf., 8; PG 11,
•• •
r.isti.e p~e qu'il lui enseignait la virginit.ô? un hon1n10 de distinction 119b; éd. GCS, p. 14}. Dana un beau chapitre d'lli-stoir6
51-• a•~ll m~prisê richesses cL honiulul'II, enseigné par l'Espl'il
Saint? un a.dolescent a-t-il fcrnul lea yeu"l( au")( séductions de la et lti,prit, H. do Lubac présente un dossier de textes
I,
dan$ lleàulo?.. Bien qu'il y ait dans Jo inonde tant de concupiscences qui donnent uo sens fort à cette inspiration biblique
igène les chrétiens vivent pauvres.. , (1G, 19, ()1, 1,-945}. et en 1nontrent le rapport direct à la vie spirituelle
>aris, Ll
de ùhaque chrétien (p. 270-271 et 295•835), lesquels
:ction Du ,reste, c'est dans la communauté de l'Église que participent, chacun à sa place, à ce don perpétuel de
? son s'exercent ces charismes, dont Cyrille acbnire la variété: l'Esprlt. L'inspiration du prophète n'est pas conçue
~ lui t,. travers toutes les nations, vois que d'évêque.'!, de prêtres, par Origène comme un tl'ansport incontrôlable, rnais
.të la de .4la.,crcs, <lo 111oines, do vierges, de ll<lèles la1q11es; vols-Je à conune • intériorité parfaite» (de Lubac, p. 300, d'après
:hair, leur tète qui préside et distribue à chacun les charis1nes I A
travers le 1nondo entièr, à. l'un il accorde la pureté, à l'autre la l-1. Urs von Balthasar), et l'inte1•p1•élation est spiri-
ppro• vll'girilté pcrp6Luclle, à d'autres le don do 1niséricorde, il d'a11- tuelle parce q_u'elle est propren1ent cello que « !'Esprit
:sprit lrés encore l'arnour de la pauvreté ou le pouvoir <lê (ihal!lïer les donne dans l'Eglise» (Ho,n. sur le Lévitique 5, 5; PO 12,
>rit... \!l!pdts mauvais. Tout c(lmme la Jun1iôro, d'un seul rayon, 45',d; éd. GCS, p. 848).
corps ,claire touL,Jc Saint-Esprit éclaire tous ceux qui onL des yeux Saint Basilo s'ost souvent expliqué sur cet aspect
l, 16 (1.6, 22, 949). nlystiquo de l'action sanctifiante de !'Esprit. Il s'ins-
nc\rio lt1usèbe d'Émèso a des formules analogues, quoique.. pire volontiers des pages où Pl_otin rattachait à l'A1ne
;prit, 'moins belles. Unique eL indivisible, l'Esprî t se 1nanifeste du 1uondo la richesse intérieure de l'intelligence (voir
en do multiples opérations. " Il réside dans les âmes, les rapproche,nents de P. I-lenry, Études plotiniennei;,
sente ~mpllt l'âme, est source de piété, de justice, de gno80, t. 1 l,es état& du texte de Plotin, Paris, 1988, p. 159-196),
111nu- dè chasteté, d'honnêteté, de cl1arité, de foi et d'espé- mais la profession do foi pure1nent biblique qu'il for-
rance i, (Buytaert, loco cit., t. 1, p. ',',). mulait dès sa jeuness.e ,montre dès lors sa prédilection
i une
lière- · Basile également rattache l'action sanctifiante à pour ce rôle illunlinateur do l'Espl'it :
se do l'Jl:glise. « L'Esprit se conçoit cornme un tout en ses Nous c::royQns... en un seul Es1>rlL Sllint, le Paraclet, l'Esprit
parties, suivant la distribution des charis1nes. Car nous de "Jrùé en leqllel nous recevons Je sceau pour le jour do la
èiine sommos tous mernbres los uns des autres, avec des rédcn1pl.iou; )'Esprit de filiation en lequel nous crions Abba,
nsole
~r se charismes différents.. ; les 1nen1bres tous onse1nhle Pêrc; qui opère 1011 charismes divins, lüs <livisant à chacun
con1n10 il J'o11Lor1d; qui e11Scig1,c et rcnién1ore ~out ce qu'il entend
privé composent le corps du Christ, dans l'unité de !'Esprit, de ln part du Fils; !'Esprit bon, qui conduit â toute 11érité et

l Q\lQ
ot se ronclent 1nutuellement les se1.•vices nécessaires ,, forl.iOo tous fos croyants en vue d'une gnose stlre ainsi que
(Du Saint-E~prit 26, PO 32,. 181 ab). Ce principe fonde d'une confession oxucto ot <l'une adoration en esprit et e,~ vdriw
de la
1taire aans .l'Ascéticon les conclusions les plus concl'èles sur <le DiP.u le Père et do son Fili; monogène no tre Soigneur et
19, ·s, la structul'e ùu cénobitisn10, l'obéissance, l'orientation Dieu Jésus-Christ (De fide, prologue, PO 31, 685bc).
cl)arltable du travail monasLique, le renoncement total
biens Jliun entendu, une telle gnose n'a rien de fantaisisto 1
iprit, (D. Amand, I~'ascè11e m.onastique de saint llaeile, Mared•
sous, 19',8, J). 118-144). portant essentiellement sur la connaissance orthodoxe
,r s la de l'Abba, Père, et de son Fils monogène.
. Vtil- ·s. L'Esprit, lum.iè:re de guose. - Nous l'avons C'fü;t la 1nêrne conception qui, dans le dialogue avec
coll. déjà signalé à la suite de G. Bardy, l'Es1H•l_t s'est tou- Eustathe inséré dans le 1'rciité du Saint-Esprit, s'exprin1a
981), jours manifesté dans l'flglise comrne source de prophé- en termes nooplatoniciens :
uelle~ tie et de gnose. Son nom est notam1nont évoqué à Q11and, sous l'lnlluonco d'uno puissance illuminatrice, on
extes l'ciccasion de !'Écriture qu'il a inspil'éO eL que seul il fixe les yeux sur la beaut6 de l'ltnage du Dieu invisible, et quo
rence peut Interpréter. « C'est lo seul et 1nêrne Esprit de Diou par ell•i on s'élève jusqu'au spectacle ravissant de l'Archétypo,
re de qui d'abord chez les prophètes a proclamé ce que serait l'Ei;prit de conno.issnnce est là, lnsép1.1rahlo111ent présent,
lttire la venuo du Seigneur, et ensuite chez les anciens (les ollrant en soi la force de voir l'ln1agc à ceux qui ai,nent regarder
OOU\l'lj traducteurs de la Septante} a bien Lraduit ce qui avait la vérité; U ne ln fait pas découvrir du dehors, 1nais il amêne
été bien prophétis() » (Irénée, Contre le$ ltéréaiee 111, à la roconnattre on lui... 1,n route de la connaissance <le Dieu
ll'OUX 21, 4; PG 7, 950a; éd. Harvey 111, 25, 1, p. 115). Irénée va dono do l'EspriL un, par le F'ils un, au Père un; ot en sens

1enes, inverse, la bonté essentielle, la so.inteté naturelle, la dlgnit6
11e lie pourtant pas !'Esprit à la Bible au point d'ignorer royale s'ocouh:nt du Père, pnr la l'rJonogène, jusqu'à l'Esprit
lsprit son action dans la prtidication de l'lilglise : cc A cette (18, rc: az, 15aab).
déve- (tradition Ol'ale) ont donné leur assenti.r nent beaucoup t,es derniers n1omonts du 1nô1no dialogue reviennent au
de peuples barbares qui croient au Chriat; ils possèdent 111Gn1e sujet :
le salut, écrit sans encre ni papier par !'Esprit Saint NouH parlona d'une adoration dans le Fils conuna dans une
e à la
t tout dans le?tr cœur ,, (111, 4, 2, 855c; éd. llarvey, nr, 4, 1, irnage do Diou Je Père ; de même, pouvons-nous pal'ler d'une
1aux... p. 16). L'action de l'Esprit porte esi;entielle1nent sur adoration du,is !'Esprit, comme dans celui"qui 1nontro on lui-
le cœur, !'Écriture n'est q\l'un intermédiaire, mais n'a<lol'<• n1ôn10 la déltu du Seig110ur... Car si l'on est hors de lui, on
:o.ncl10 pas du tout, et si l'on ost en lui, on ne le sépare aucune•
autre cet in,termédiaire garantit que la gnose se développe ment de Dieu, pas plus qu'on n'écarte la lumière des objets
,ivont. selon Je donné révélé, à l'exclusion des prétentions q1Je l'Qn voit. linposslblo de voir l'irnage du bieu invisible,
.cun. il hérétiques. sinon dans l'illumination do )'Esprit (Z6, tB:5b) .
1271 1:<:Sf>RlT SAINT CHEZ LES PÈRES

Basile s'inspire des I..ettrm1 èi Sérapion d' Athanase, stéréotypée, où !'Esprit se définit trop aisément d'un
oitées plus Jiaut, mais il 1nontro son originalité en attri- façon négative par l'omission de toute qualité sensll.ile
buant à l'Espl'it un rayonnenlent ar-tif, et en tirant certains t~aducteurs tondent à transcrire en un néolo-
un e:Kcellent parLi de la distinction d'hypostases plo- gisme : le saint Pneuma. Quoi que choisisse fln~omen
tiliiennes, qui sauvegardait tout ense1nl>Je l'i1nmobi- la langue, chacun doit faire l'elTort de restituer ~
lité de J'Un et l'activité de l'Ame du monde, et les 1no Ls la fra.tcheur do leur jeunesse. .
unissait., par l'inLerrnédiaire de l'Intellignnco, en une Les forrnules traditionnelles se rêsumont en dçµx
relation étroite de génération et d'élan a111oureux. 1nouvcments; l'un descendant, selon lequel le Pète
'f'ous ces thè1nes sont repris dans le ch. 9 du Traité, nous crée pa.r le Fils et nous parfait dans l'Espril•
écrit plus tard q\le le dialogue des ch. 10-27 et qui l'autre ascendant, par leq,11~! nous rendons gloire a~
constitue le dernier n1ot de Dasilo. Père par le Fils, dans !'Esprit Saint. L'Esprit est nette•
Colul qui a'éll'lnCo on pensée vers ln plus haute essenèa 1nen t distinct, en tant qu'il est envoyé d'en•haut el
(!'Esprit) a nôcossniron1ent dan& l'idéo une substance intolli• donné à l'Église, qu'il devient le plus intime dlli
gente, infinie on puissance, illiruitéo en granctour, échappant personnalité nouvelle de chaque baptisé. Son én~rgl(
à ln ruasuro des temps et des siècles, prodigue do nos p1·op1·es n'er;L pas désordonnée, elle anime la vie 1nê1ne de l'Église;
biaflil. Vers lui se tournunt tous ceux qui ont besoin de sancti• soit dans le cadre de la co1nmunauté groupée autour
flcation, vers lui s'élance le désir de toos eaux t1ui vivent selc>n de l'évêque, soit dans les prenüers essais de monachisme,
la vertu et (Jlli so1\t co1nme rarratc;hia pur son _soume, secourus La lumière qu'elle apporte au cœur s'identifie à Ja:tôl
dans l.a pc>ursuito d'une On Conforme à leur nature. Capllhlo do elle-mên1e, à l'intelligence de la révêlation bibliqlié;
parfaire los uutrcs, lui•mllrne ne rnanque de rien : non pns
vivant qui doive refaire ses forces, mais c:horègo do vie .. . elle porte esse11tiellen1ent sur Je Père comme Abtia1
Source de sanctiOcation, lumière Intelligible, il fournit par lui• sur le Fils comme Monogèno, et sur les conséquenc11
rnâ,110, à toute puissanc11 rationnelle, pour la d~1couverto de la libératrices, dans la conduite morale du chrétien, d•
vérito, co1nme une sorte de clarté, Inaccessihlu par na ture , il cette entrée adoptive dans l'intimité de la via di~jn~
so laisse comprendre à cause do sa bonté. Il ron1plit tout de 8[1 JEA N G·RIDOMONT.
puissance, mai11 n!l so comn1unique qu'à ceux•H1 seuls qui on
sont dignes, non pas suivant une nresura unlquo, mais en disl.ri•
buant ll~n opération 11 proportion do 'la fCI! (9, 108hc). B. PtltES LATINS
Jusqu'ici l'exposé représente un enseigne1nent 1>uhlic « Lorsqu'il s'agit du dogme de la 'l'rinité, l'Occid.enl
et courant, qui trouve son correspondant dans l'homé- a devancé l'Orient dans les essais de systé1natis!ltiO
lie De fl,dc (PO 31, 't69); on aura noté qu'il reprend la 1néthodique » (O. Bardy, art. 'l'rinitl:, DTC, t. 15, 1g50,
conception de la sanctification chèro à Origène, ,nais en col. 1681). En pneµmatologie, ce qui caractérise cet
la combinant avoc une présence universelle (( par la systématisation occident.ale c'est l'effort réalisé po
puissanco », qui corrige les restrictions du Peri arehû11.' établir les rapports entre le caractère propre du S~nl
La fin du même chapitre, avec son insistance ploti• Esprit et sa fonction sanctificatrice; cet elTort attejn\
nienne sur la gnose et la divinisation, semble ne plus son point ouhniriant dans la doctrine augusUnienno
s'adresser qu'à un disciple · privilégié, Amphiloque !'Esprit-Charité. On esquissera ce doveloppemen
(voir I-1. Dorrios, De Spiritu Sancto, p. 52-56, 99-100, sans entrer plus qu'il n'est nécessaire dans la degma
121-128, 153, 159) : . tique concerna.nt l'Esprit Saint.
\;
Quant. à J'inti111e union do !'Esprit, à l'ârnc, ullc ne consiRta 1. Jusqu'au concile de Nicée (325). - Conllf
pas dans un rapp1·ochon1ont local.., mnia dans l'exclusion deij Praxéas, qui identifiait le Fils avec le l?èro, TerttiU'
passions... $8 puriOor de la laideur ùontractée par les viées, est amené à parler du Saint-Esprit par besoin d'harD\onq
revenir à ln boautu de sa natura, roslituor po11r ainsi dire it plus que de polémique (Adve.rsus Praxcan 2, 1-4; PL,2
l'irnngo royale sa forme prin1itive par la pureté; à cutto condi•
1.56-157, et CC 2, 1160-1161) . Dans le baptôme, no
lion soule on s'approche du Paraclot. Et lui, conuno lo soleil
s'o1nparant d'un œil très pur, te montrera an h1i•1nô1ne l'im11ge avons confessé !'Esprit comme un ,c troisiè1ne 11 (8·9
de l'invisible; dans la bionheurouije conternplalion de l'imoga, PL 2, 163-164, et CC 2, 1168s1169). .
tu verras l'ineffe.blo boau\é de l'Archétypa. Par lui (l'Esprit), Cet espri t, « qui anime toutes choses » (Apologetic
les cœurs s'élèv8nt, les faibles sont conduit.s par la mnii1, 48, 7; PL 1, 524, et CC 1, 167; cf M. Spanneut, •
les progrcssants deviennent pa,•taits... Com1n0 his corps stoicisnu1 dos Pères de l'Église de Cl611ie11t de Romo
lin1pi.dos et transparents deviennent étincelants lorsqu'un Clénien.t d'Alexandrw, Paris, 1957, p. 889), agissal
rayon lumineux las trappe, oL par eux-mêrnt:s dilTusont un dans la création du premier homme, comme le minis
autre éclat, ainsi les âtnos qui portent l'l!1sprit, ïllumlnées pnr
!'Esprit, deviennent apiriluolles et répandent sur les outres lu
confidentiel de Dieu le Père (Adver,9US Praxean 12, 8
grâce. De IA là prévision de l'avenir, l'intelligenco des mystères, PL 2,168, et CC 2, 1173). Il était donné à Adam,'
la compréhension clos choses cachées, la disll'lbutlon des ch1:1- pourtant le perdait par son péché (De baptismo 51 7
riHnws, la participation à la via du ciol, le chant en chœur uvoc PL 1, 1206a, et CC 1, 282). Mais il repose sur le nou
les anges, la joie sans lin, la d!lrnoure permanente on Diou, Adan1, le Christ (Advers"s Marcionem .111, 17, ,8-i
la resso,nblance avec f>ieo; 011 un mot, lo suprême déi;ireblo : PL 2, 844-345, et CC 1, 580), qui, après sa g1orificatlb
d0vtlnir Diou (109!1h). •·épand sur les siens ce don, ,nunus, et cette onction
L'flglise ancienne pade souvent de l'Esprit, là où lui-1nê1ne a reçue du Père (Advcrsus Pra:uan 30,
on aurait pu, en comptanL sur la doctrine théologique F•L 2, 196, et CC 2, 1204; De praescriptwr1e }iaeretico
de l'unité de l'action divine•ad extra, s'attendre à voir 13, 5; l">L 2, 26-27, et CC 1, 198). Au baptômo, oupl
mentionner seulement le nom de Dieu. Le recours à exacte1nent par l'hnpositlon des nuuns qui -suit
!'Esprit n'est pas seulement l'effet de 1·éminiscencos baptême, cet Esprit est donné aux tldèlos (De baplil
sc1•ipLuràires; il exprime la conscience d'une présence 7-8; PL 1, 1206-1209, et CC 1, 282-288) comme u
et d'une action personnelles, d'un Souille invisible onction pour lo combat (Ad martyras 3, 4; PL 1,620
mais puissant. Pour en rendre toute la for<:,l:l, osée dans et CC 1, 5), co1no1e l'héritage paternel (De pudicitia 9, 9
notl'e vocabulaire par la fréquence d'une expression PL 2, 997c, et CC 2, 1297), comme la lumière ·
'
1•27-2 12-7,3 PÈRES LA1'INS 1274
l'une laquelle nous connaissons Je Ch1•ist et le Père (De non1 de Par11clet. Quoi qu'il en soit, cette m11nière de parler a
;ihle, anima 1, 4; PL 2, 647b, et CC 2, 782). Abreuvés de cet pe~é lourdement a\lr la doctrine du ,;iêcfo !luivant. Pour
.éo}o· E$prit unique, les chrétiens sont constitués frères Cyprien (?), • le Saint-Jilsprit li'est revêtu dé chair, 1> (QU()d
men~ (.4.pologeticum 39, 9; PI., ·1 , 6'71, et CC 1, 151; De paeni- idola dii non silit 11; PL t,, 578b, ot CSEL 3,1, p. 28), et plu-
' aux siour,; <icril.s <lu psoudo-Cyprion sorr1blont ignorer toute dis•
lentia 10, 4; PL 1, 1245a, et CC 1,337). tincLion entre !'Esprit Saint et celui qui s'est incarné (De.
Ces idées que 'l'ert\1Jlien puise dans saint Irénée seront n1ontib1œ Sina et Si11ai 3-4; PL 4, 910· 912, et CSEL 3,2, p. 106·
deµx reprises r,ar un Novatien, un saioL Gyp1•ien, un Phébade 108 ; Ad Vigili,un 7; fL 6, 540, et CSEL 3 18, p. 128). Le point
)?ère d'igen; un Grégoire d'Elvire et par les traités du c11hninant de cette identification est atteint che1. L11c,tance
;prît; p~éudo-Cyprien. Mais, tandis quo 'l'ortullien, en ses (Dic,ir1<ic institti.tioncs 1v, 6, 1, et 8, 1; PL 6, 46111, t,65-1,66;
•e au œuvrès 1nontanistes surtout, insiste sui· le rôle de éd. S. Br11ndt, CSJ!ll., 19, 1890, p. 286, 29fl), à qui Sllint Jôrôrne
lette• 11~prit dans l'~glise entière et d,1ns un christianisrne on tnra grief (111 épistolam ad Oalatas 2, t,, PL 26, 373c; Ep.
ut et tQujours plus parfait (De 11irginibtJ.~ Pelandis 1, t,. 7 ; 8'•, ? ; Pl,.. 22, 748, et éd. I. Hilberg, CSElL 55, 1912, p. 128),
tle la ot Burtout dans le llymbohi attribué au concile occidental de
• ·PL 2, 889-890, et CC 2, 1209-1210), Novatien, dans une Sardiquo (31,3) : • Nous c!'oyons et acceptons le Paraclet, le
1erg1e page magnifique, le clilèbro comme la source des vertus S11lnt-Espl'it. .. Cc n'est pa,~ lui qui a sou!Jert, mais l'hun1nH1
:glil;1e, Individuelles (.De Trinita.te 29; PL 2, 91;.l;.-9116; éd. dont il s'est revôtu. •
11to1.Jr W. Y. Fausset, Cambridge, 1909, p . 110-111). Cyprien 'l'r:iduction grecque dans 'rhéodoret, Histoire 11c,:Msiastiq1u: 11,

1sme. ~pprofondit la doct1•ino du rôle unifiant de !'Esprit 8 (f>), 48; PO 82, 101Gb; éd. L. Pllrmantiér, GCS, 1911, p. 117.
la foi dans ,l'Église. Parce que tous sont " anilnés ~ par cot Lu tuxw latin, qui aémblè unè rétrovo1-slon du grec, a renrlu Je
ique; Esprit (1Jd Doriaturn 4; PL 4, 201a; éd. G. I·fattel, passal{O cuubigu, intontionnollo1ncnt sans doute, cf C. H. Turner,
1.bba, CSEL 8,1, 1868, p. 6; De catlwlicac l!,'cclesiae uniuae 5; Ecclcsiac occidcntalis nu11iunic11ttt ;uris a11tiquissitna, t. 1,
'
ence/; fuse. 2, pars,,, oxrord, 1939, p. 653. Le 8y01bole 11 éla J)lltronn6
PL ·4, 502a; CSEL 3,1, p. 214), tous sont tanus à .la et pcut-ôtre con1posé p11r Ossiua de Cordoue, et V. de Clcrcq,
n, d.e
• • concorde (De dotninica oratwnc 23; PL 4, 5S5bc, et Ossius of Cordova, Wa,~hington, 1951,, p. 362-376.
lV1ne. C,SEL 3,1, p. 281.). Cett:e unité n'et1t pas seulAment
morale : elle a une portée 111ystique, car elle découle dtl 2. Autour de 360 : le propre de 11Esprit. -
cette unité divine, par laquelle le Père, le Fils et !'Esprit Des traces de cette ambiguïté se trouvent jusqu'à la
ne font qu'un, unu,n (De crith. Er.cksine unit. 6; PL t,. Jin rlu 1, 0 siècle et contraignent les docteurS catholiques
à ré/léchir sur ce qui est propre au Saint-Esprit. Cette
50t.a, et CSEL 8,1, p. 215; Ep. 74, 4; PL a, 1'131ab, et
:ideflt CSEb 3,2, p. 802). réflexion se montre singulière1nent féconde.
iation Tertullitln, suivi par Novatien, essaie de pénétI"el' la Iru,~1,be de Verceil roconnatt que Je nom de saint et
1950, relo.tion de !'Esprit avec Je Père et avec Je Fils. L'Esprit <l'esprit convient à touLe la 'l'rinité. CependanL, le
cette est donné aux hom1nes par .lo fl'ils, qni le reçoit du Père. Saînt-Esp1·it ost bien ,une Personne disUncLe du Père
pour H occupe lo. troisième place, c'est donc qu'il prend et du J?ils. Il n'engondro pas, il ne naît pas, 1nais il
laint• origine du Fils, con1n10 celui-ci du Père : ,1 L'Esprit 11 procède du Père », c'est sa propriété (De Tri11itate i,
tteint ,procède du Père par Je Fils » (Ad,,tl1wus Prn.:r.e,in ~. 1; 5'1-fi2; I-'L 62, 248d-244â, et CC 9, 15; 4, 30, PL 62,
ne de PL 2, 159b, et CC 2, 1162). Aussi 'l'ertullien donne,t-il 2G71\-268a, et; CC 9, 64). D'autre part, la réflexion sur
ment, \lne extension nouvelle à la co1nparaison déjà tradi• le nom du Saint-Esprit semble avoir aidé Eusèbe à
>gma- tionnelle, du soleil et de son rayon, <le la source et du forrnuler vigoureusement la doctrine de la périchorèse
fleuve : <les personnes : comme le Père est dans le Fils et I.e Fils
dans le Père, 1< le Saint-Esprit lui aussi est dans le Père
:ontre Car l'Esp1•lt est le troisiè,nc à po.rlir du Pè1•c et du Fils, et da.ns le Fils mutuellement et subsistant en lui-même»
ullÎ(ln com·me le fl'Uit issu du rejeton est trolsiè1nc depuis la racine, (5, 'Jc6; PL 62, 274c, ot, CC 9, 76). Car l'Esprit Saint n'a
nonie comme le ·canal dérivant du fleuve est troisième depuis J3 rien, - son nom l'insinue - , qui ne soit dans le Père
PL'2., source, con1n1e l'extr6n1it,é du r;iyon est. troisièn1e depuis le
1K>loil. )',lais il n'est p11s différent de son origine (n1atrix), dont eL le Fils.
~érivent a11s propriétos. Ainsi la 'l'rinité, qui, pur <les dogr6s Hilaire de Poitiers part également de l'obse!'vation
lntirYJamont liés, prond son origino du Père, ne nuit pas à la que, selon l'usage <le !'Ecriture, le Père et Je Fils peuvent
monarchie et s9.uvcgarde l'ccono,nle (de la distinction des l6giti1nemcnt être appelés esptiL et saint (De Trinitate 2,
ticum personnes) (ibidem, 8, 7; PL 2, 16!ta, et CC 2, 11~8). 30, PL 10, 70-71), tandis que le Sai~t-Esprlt est, « sur
1t, Le Les trois sont des sujets distinct~ (ali1J.S), m11is indivisihle- l'autorité du Père et du Fils eu.x-mêmes », un Lrolsième
,me à ljlent \lnis (unum) par l'identité de substance (ibidcn1, 25, ·1 ; avee eux (2, 29, 69a; << Patre et Fillo a:uctoribus >> ne se
issaît, l'L 2, 187-188, et CC 2, 1195; cf Nov1)tit111, De '.J'ri11itate 1G, traduit pas <c le .Pè1•e et le Fils sont les auteurs du
nistre PL S, 91(,-917, at éd. citée, p. 55-56, cornparâ à 15, PL 3, 911,
et éd. citée, p. 52; Phébado d'Ago,i, Co11tra arianos 22, PL 20, Saint-Esprit », comrne le fait A. Palmieri, DT.C, t. 5,
12, S; col. 800). L'lllvangile de J ean dit que l'Esp1•it procède
SOab).
~. qui du l)ère; cette procession n'est pas une naissance, car
5, 7; Après des déclarations aussi nette.'! st•r !'Esprit troi~ième il n'y a qu'un seul Fils (12, 55-56, 469-471). Mais
,ouvel Personne, - les citations pourraient Ill.ru n1ultipliées -, on l'flvangile ajoute qu'il reçoit du FilB. Or, l'Esprit étant
. 8-{.; est étonné de lire des pw;sngo.'l, 01) l'Espri t semble ido,itifié à la divin ne peut rien recevoir d'accidentel. Il ne reçoit que
ation, <livinlté du Chrfot. • 1.,•gsprit est dans la Parole • et lui donne
çonsistanc;e (A.dversus J'ra:r.ean 7, 3-'1, et 8, 1,; PL 2, 1629., cette substance divine, que le Fils reçoit du Père. Ici
n que 16Rb, et CC 2, 1166-1167). Lo Diou qui s'est inc11rné n'est .p11s I-lilaire rejoint la fo1•1n11le de Tertullien : le Saint-Esprit
10, 5, lo Pèro, eonuno Jo voudraient les sabelliea.s, • 1n11ls la P11role pt•occ\dc du Père par le Fils (8, 19-20, 250-252 ; cf
~oru,n et l'Esptit qui, avec la P11role, est né <le la volonté du Père • Arnbrosiaster, Liber quaestionuni i,eteris et noPi Testa-
11 plus (27,6;PL2, 190c,et CC 2,1'199; cf 26, 3.1,; PL 2, 189a, et CC 2, rnenti 125, 2-8; PL 35, 2878-2874; éd. A. Bouter, CSEL
1
dt le 1196-1197). Cette manière do porler refièto-t-ollo uno concep- 50, 1908, p. 385-387).

,tisrno tion • binit::tire • ou est-elle une Hiniple équivoque, le 111ot Pour décrire lâ propriété personnelle du Sa.int-Esp1•it,
e une l.ilsprit pouvant l!Îgnifler ou la truisiinne Personne ou la nature I-Iilüire dispose encore du norn de cc don », munus. Il est
624b, divin8'?
Nous no pouvons onlro,; dans co problèrne. Pour Terf.ullien, lo " don universel » de l'(lsplirance parfaite, com1nuni-
Il 9, 9 j la seconde répollso sorllblc plus p1•obilble. Il ·est significatif quo qu6 aux fidèles. En ce don, nous avons « la jouissance >>,
e par dans cos passagcil il n'use pas du composé Saint-Espl'it, ni du usus, de Dieu et de la vie éternelle (De 1'tin.itate 1, 86,
1275 ESPRIT SAINT CHEZ LES PÈRES
:PL 10, 48c; 2, 1, 51a; 2, 29, 70ab). Cet Esprit-Don, qui une philosophie de type néoplatonicien. Dieu (le Pêlé
a rempli le Christ, est par lui répandu sur nous; il est est l'Un, qui transcende toute détermination (Advèrs
la semence de notre régénération, la lumiér1.1 de notre Ariuni 4, 19, PL 8, 1127), qui se circonscrit lui-mê.m
foi et l'onguent q\1i nous embrase. Il nous rend parti- « seipsum circumterminavit >> (·1 , 31, 1064a), et se•p'
cipants de la nature divine, nous constitue temples do en Vie, - la Personne du Fils - , et en Intelligence1 ~
Dieu, nous fait adorer le Père en connaissance et en le Saint-Esprit : « Vivro, c'ost le Christ; comprondre;
liberté et nous donne Je gage de la vie éternelle (2, 81-85, c'1 st l'Esprit » (1, 13, 1048b). D'accord avec le prh\cl
71a-75a, et ailleurs). Ces fruits de !'Esprit se rotrouvent néoplatonicien, d'après lequel de l'Un ne saur
chez tous les auteurs do l'époque, Eusèbe de Verceil, prendre origine qu'unB seule procei;sion, Victorin
Zénon rlo Vérone, <}régoit•e (l'Elvire, Daxnase, l'Axnbro- affirme que le Fils eL l'Esprit procèdent d'un selll
siaster. :tviais le no1.11 de don reste à peu près oxclusivo- mouvement divin (ibidem,). D'autre part cependant
ment propre à 1-Iîlairo : soul Grégoire d'Elvire l'ernploie il distingue le Fil'3 et l'J<Jsprit com,ne progrs$$~ t\
('l'ractatu11 20, éd. A.-C. Vega, El Escorial, 1944, p. 200), regr<Jssru,, descente et 1nontée (De Tri11üate hyn1nus 81
avant qu'Augustin ne le reprenne. 1144a; cf Adversus Ari1un 1, 51, 1080ub). Sa conception
Une autre appellation semble avoir joui d'une cer- 0$t san$ doute r.elle-ci : le Père engendre son Fils en
taine faveur. 1-lilaire avait appelé le Saint-Esprit Vie divine. Mais toute vie spirituelle consiste, d1apki.
<< l'unité » ou u le lien de la Trinité » (Opus ltistoricurn le principe plotinien, dans lo retournement par rélle~on
Il 11, 11, 4; PL 10, 6560; éd. A. Fedor, CSEL 65, 1916, vers sa source et dans l'union avec elle (R. Arnou,
p. 158; Hymntts dè (JhristiJ, ibideni, p. 223); des expres- désir de Dieu dans la philosophie de Plotin, Paris, 192f,
sions semblables se lisent chez Marius Victorinus et p. 84-85). Ainsi le Fils, né du Père, vit en s'unissant·a
d'autres. Père par la connaissance. Ce retourne1nent du Fj~i
Leur origine eat ince.rtuine. Chez les grec.~. U))rès Allu\nagoro c'est lu Personne do l'Esprit Saint. L'appellàtiod dé
(Sttppticatio 10, PO G, 909a) ét av11nt Épiphane (11ncori1tus 7,1; « connexion du Fère et du Fils », donnée au Sain'
PG r..a, 28ab; éd. IC 1-Ioll, GCS 1, 191 r>, p. 13; = Pctnarion Esprit (De Trinitate hyrn11i 1 et 3, 1189d, 1143d, 1~46b)1
1,xx1v, 11, 7; PO 42, 4960, ot GCS a, 1031, p. 329 ; c;f r.x11, ost à entendre en co sons.
4, 2; PO 41, 1053d, et GCS 2, 1922, p. 392), oit 110 trouve rion
do semblo.ble. Peut-être Je tait quo bon noit'lbro do tés exp,•es- Quoi qu'il en soit de la valeur de ces spéculaU0111
sions appartiennent~ des textes poétiques J>cuL-il fail·o poosur elles ont stimulé la réflexion do Victorinus sur le rôle de
à une réminiscence litnrgique; mnia ln date de lu cluusulo « in J'lï:sprlt dans l'œuvre du salut. Notre salut consist~
unitato Spiritus Sancti • est controvArsée (J. A. J11ng1nann, èe que « noua retournons vers le Père et vel's l'origln, ,
dans Zciu1chrift /ür lratholische 'l'heologie, t. 72, 1 \)50, p. 481- (111 cpistola,n ad Galatas 11, 5, 18, 1191c), par une .
4.86; B. Botte, dans La Maison-Dieu 2a, 1050, p. 40-!;S; 11u spil•ituelle, qui est : « penser à Dieu, espérer on Di
dQ!!sier réuni po.r D. Botte ajouter : ChrO(llQtius d'Aquilée, avoir l'â1ne tendue vers Dieu, aspirer au Père, connait
Praefatù, Or<1tio,1is dom.iriica.c, PL 74, 10930, ot CC 9, 4',7; la voie de l'i1n1nortalité qui est le Christ» (/11 episto
$. Augustin, De <livcrsis q11<1cstioriibua LXXXIII, 67, 1, PL 40, ad Ephesios I, 2, 11, 1256d).
GGC; De Ge11esi ad litter(lnl f, 2, .Pl, 84, 221ab). ·
Le principe de cette vie est le Saint-Esprit, qui opè
Le sens de ces expressions n'est pas moins obscur. notre régénération dans le baptême (Adversus Arium
Parfois on pot11'rail, y voir l'ancienne confusion entre 16, 1111-1112), nous fait connaître le Père (ln c;,.
la Personne de l'Esprit Saint et la divinité r.ommune. c:alatas 11, 4, 9, 1180) et ainsi for1ne le Christ en no
Le plus souvent il s'agit nettement de la troisiè1ne (n, 4, 19, 1184). Car si la vie véritable du Fils col)SiB
l'orsonne, conçue comme le lien d'unité entre Père et en ceLLe connaissance qui sa tourne vel's le Pèro, nQUI
Fils. En réfléchissant sur ce nom d'Esprit Saint., devenons, nous aussi, par cette connaissance, dés
qui pouvait convenir à chaque Personne, y aurait.on adoptifs, c( fils par le .Fils 1> et c< dans le Fils ,,, « en ve
déco\1Vel't l'indice que le P1)re et lti Fils trouvent en lui du Sain t-J~sprit, que le Père envoie dans nos cœura,
une unité d'ordre personnel? Le Saint-Esprit, qui pro- par lequel nous nous hâtons vers le Père » (11, 4,
cède des deux, serait comme une sorte de point de 1178bc; cf ln cp. ad Eplu:sios 1, 1, 8, 1237cd).
rencontre personnelle. L'idée d'un échange vital entre LH Christ parce qu'il conni1tt Dieu, est lo Vorbo do Dl
le Père et; le Fils, par lequel le Fils naissant du Père lilt l'msprît, parce que le Christ nous osL ùonné, nous donnodi
se retourne vers lui, n'était pas nouvelle en théologie connattro Dieu pflr Iui-mô,no. Il s'ensuit quo nous aussil no
latine (Novatien; De 'l'rinitatc 81, PL 3, 91, 9-952, et so,n1nes vcrbo, (orientés) vm•s le Christ et vers Dieu. C'
éd. Fausset, p. 122), et à cette époque ell~ revient, pourquoi nous sommes appelés connnissnn ts (cognito~
gnostiques?). Mais, puisque Je connaissant appartient à ~
associée à la Personne du Saint-Esprit, sous la plume qui est connu, Il sult que celui qui est connu est père, ~t
de Victorinus, do Zénon et du pseudo-Vigile. connaissant fils, Si cela est vrai, parce qua nous conn~isso
• Co Père, tout en conservant son proprè éti1t, a engendré le Père par Jésus, nous devenons son verbo en vortu do ce
le Fils conunc un null·o Jui-n1ê1ne (totu,n so ruûiprocuvit in cQnnaissance, et par conséquent, en flls, nous crions: Abba)~
Filium) ... Et l'un exulte dnns l'autre, rcsplcndiss11nt avec Ill (ln ep. ad Galatas 11, 4, G, 1179ab).
plénitude du Saint-Esprit duns la coéternité une ot originelle • En nous faisant connaître le Père, l'Ei,prit n
(Zénon, Tràél,ati,s 11, 3, PL 11, 391b·892a; pour l'oxultation
divine clans l'~lsprit: ,, 2, 9, 2?9-280; 11, 5, 1, 898-t,OO).
constitue fils de Dieu et l'unique co1•ps de l'Ég
$nit la c;omparaison de deux océi1ris qui, tout en restant (In ep. ad Ephcsiôs 1 3, 6, 1264ab; ln ep. ad P4ü'
di.slincls, 111élangant Jours Ilots on un échange de largesse et penses 2, 1, 120~ab), qui est le Christ lui-même: «J~e
ainsi rehaussent Jour benuté. L'autour ùu 8• livre du Dt vaut l'Esprit du Christ, vous êtes 1111, vous .êtes 1
Tririitatc, édité sous le non1 de Vigile do 'fhapso,. a une compa- Christ» (Jn cp. ad Galatas 11, a, 28-29, 1178). « Le Sain
raison uno.logue : Je Suint-Esprit procède du Pèro et du Fils, Esprit est la consommation, la porrection, la plein
r.omme do deux pièce8 de boi,~ embrasées j nilliL uno 1!01111110 libération ,, (ln ep. ad Ephesios 1, 1, 13, 121l6), po,
unique (Dn Trù1itate 8, 9; PL 62, 287b, et CC 9, 116-117). qu'il est notre union au Fils et, dans le Fils, au Rè
lrlarius Victorinu.v, dans los mêmes années qu'I-Iilaire, 8. Sous l'influence grecque (vers ~00)1
essaie de scruter le 1nystère de la Trinité, en utilisant J.,e premier auteur latin à écrire tout un ouvrage sur
1276 1277 PÈRES LATINS 1278

Père) Saint-Esprit est saint Anibroi8!1, Dans son tl'aité Sur 15, I)L 16, 1117b); !'Esprit nous met en état de sohro
r1ersus ~ foi, il avait vigoureusement affir1né que le Père, ébrj6té et nous rend .s tables dans le Christ (De sacra•
nême, 1~ Ji:ils et le Saint-Esprit, bien quo trois Personnes dis- rnentis v, 8, 17; PL 16, 449-450, et CSEL 73, p. 65).
1 pose tinctes, ne sont qu'un seul Dieu (De fitle 1v, 8, 91, PL 16, Enfin, l'l~sprit opère cotto paix, qui est l'~glise (Exp.
ce,- 634-635) et que leur unité n 'alîeute pas seulement e11a11.g. sec . .Lucarn ir, 3, '.)2; Pl.i 15, 1587b, et CC 14,
~ndre, quelque aspect particulier, n1ais ombrasse la to talité 73-7!i) et une participation à cette unité divine, qlli
incip, de l'être divin (v, 3, 44, 658c). Peu après, dans son unit le Père et le Fils (De Paradiso 5, 26; PL 14, 285bd;
11.urait Uvre Sur l'Esprit Saint, il s'efforce do démontrol' la éd. C. Schenkl, CS:eL 31, 1, 1897, p. 283; dans ce texte,

1r1nus v~ritable. « divinité du Saint-Esprit >> (Ep. 1, 7-9, 878- nulle ,nention du Saint-Esprit) .
seul 899).
1 Dan~ l'œuvro d'Arnbroiso les rén1iniscences de la trRdition
idant, La préoccupation polémique qui lui vient du monde latino sont p0u iin1>orlantes : !'Esprit est donné (De pa11ni-
rio et groo, 011 la dispute avec Macédonius battait son plein, te11tia n, '1, 2'1; PL 16, 503b, et CSEL 73, p. 174; D~ Spiritu
itM 8, n!était pas favorable au développe,nent de la doctrine Sa.ncto 1, 18, PL 1ô, 708,709), il eRt « bon , , parco quo, • bien,
ip tion sur la propriété personnelle de !'Esprit Saint. Ambroise qu'inaccesslble par n ature, il sa rend par honlB recevable
ils en sait'que l'Esprit procède du l'ère ot du l<'ils (De Spi- (rec,:ptibilis) par nous • (De Spiriti, Sancto 1, 5, 72, 722a;
rflr. Sançto 11 11, 120, PL 16, 733a; cf Expositio in ps. S. Jérôme, Jntcrpretatio Didynii 5, PL 23, 10701 et le pseudo-
'après Vigile, JJe 'J'rinitate rx, 32, CC 9, 141, diront capabilis) ; il
lexion ' 61, 9; PL 1(t, 1170c; éd. M. Petschenig, CSEL 64,
1919, p. 888), et qu'il reçoit du Fils (Expositio 1J11angelii insista sur le tait quo )'Esprit se donne (De Spiri1r, Sa11cto 1,
,u, Le 18, PL 16, 709; Apologi(, prophctae. Dac>id 1'1, ?t; PL 1'•• 879c,
1921, 1ec. Lucam v111, 18, 66; PI., 15, 1785c, et CC 14,828), ot CSEL a2,2, p. 3~7). On croit entendra onèoro un écho do la
nt au mais il en conclut unique,nent l'unité de substance et L1•adillon latine, quand Ambroise parlo de la copula Trinitatis
. '
Fils, il no voudrait voir que l'économie du sa.lut dans le n1ot (Exp. in ps. l 18, 19, 37; PL 15, 1',81.a, ot CSEL 62, p. 441;
>n de évangélique << l'Esprit recevant du Christ » (De Spiritu De S pirite, Sa11cto 1, 4, 55, PL 1G, 718a), rnals c'est l'unique
~aint-' Sa11cto 111, 16, 11.5, I'L 16, 804a). L'Esprit ost le lleuve substance (livine qui ast désignlio et non plus !'Esprit Saint.
l(;.6b), qui sort de la source du Père; et .A1nbrolse se ht1te
d'ajouter que le no1n de source convient aussi à l'Esprit, L'o~uvro d'Ambroise est d'une grande importance
tions, c~mme celui do flouvo au Père (1, 15-16, 1.52-161,. dans le développement de la pneu,natologie latine. Il a
5Jè de ?39-741). Que le Saint-Esprit ait opéré la conception ti•aqu6 sans relâche les derniers vestiges de subordina-
1te en de la chair du Christ et la régénération baptismale, ne tian i1:11ne. Il a fortement souligné que )'Esprit Saint fait
gine » sert qu'à démontrer sa forco créatrice et son égalité au tout ce que font le Pêre et Fils, que leur opération, et

,e vu~ P.ère et au Fils (11, 5, 41, 751b; 111, 1.0, 6'~-65, 7'.>1). Cette on conséquenue leur substance, est unique et identique .
Dieu, préoccupation risque de niveler toutes les expressions Cette préoccupation r~uèle ce})endant Jo danger do
1aître qui pourraient exprin1er la propriété de chaquo }'>cr- réduire à une apparence tout ce que l'Écl'iture et la
tolam -sonne. tradition attribuaient en propro à la Personne du Saint.
Anibroise écrit cependant de belles pages sur l'œuvre Esprit : « Partout lo Père, le Fils et le Saint-Esprit,
opère du. Saint-Esprit. Au co111mencement, le Père, avec le une opération, une sanctifiuation, quoique quelqlle
11,m 4, Fils. et l'E$pt•it, a formé l'homme à l'image de l 'image chof\o 3ernble être co1n1ne spéciale ... » (De sacra.1nentis vt,
p. ad et lui a insuillé la grâce de l'Esprit. L'hornme ayant 2, 5; PL 16, 455b, et CSEL 73, p. 73-74). Ambroise ne
nous p~rdu ce don, l'Image s'est faite ho1nme e t après sa dispose pas d'un apparat théologique suffisant pour
risiste iésul'rection a conllllllniqué son Esprit aux dl~ciples exp.liquer que, da'.ns une opél'ation identique, il y a des
nous (Expositio in ps. 118, 10, '16•17; PL 15, 1385-1336; attributions propres à chaque Personne, qui laissent
,s fils éd. M. Petschonig, CSEL 62, 1913, p. 212-214). Cot entre voir sa pr opriété pe••sonnollo. La seule p1·opriété
V8l'tU
Esprit descend sur l'eau bapliiln1ale et féconde l'Églioe de l'Esprit Saint qu'Ambroise reconnaît, est la proces-
rs, et (Exp. evang. sec. Lucani 11, 1, 7; PL 15, 1555b, et CC 1(t, sion du P ère et du Fils, sans être d'ailleurs aucunement
4, 6, ?3;Dcsacranu:r1tis 11 , 5, 14; PL 16, ',27cd; éd. O. l<'aller, rniso en reliof. Sous 1'lnlh1enco de lu problé1natique
CSEL 78, 1955, p. 31). Il opère notre sanctification grecque, la tradition latine est ,nenacée d'étoulîement. ·
(Do 11acrarnentis ,, 5, 15; PL 16, 422â, et CSEL 73, T1•ôs caractéristique est le petit traité de N ict:tas
Dieu.
,ne do ' H· 22), restaure la similitude originollo (Exp. cvang. sec. de Rémésiana (De Spiritu Sancto, PL 52, 853-861,.;
i nous 1.ucarn 1, J, 87; I.>L 1.5, 15',,Sc, et CC 1 '•, 25), nous éd. A.-E. Burn, Cambridge, 1905, p. 18-88). Les cl~a•
C'ost Qonslitue fila adoptifs et teniples de Dieu (De Spiritu pitros 7-16 résument avec originalité l'argumentation
)t'OS= Saricto 11, 7, 64-67, PL 16, 756-757; cf r, 11, 122-12:l, d'A,nbroise. L'exposé sur la propriété personnelle
, celui 788c). de 1~8sprit Saint se lit dans les chapitres précédênts
et le Par la g1·âeo du Saint-Esprit nous uonuaisson.s le il procède du Père d'une manière inell'able, qui n'est
lssons Christ et en lui le f'ère (ibidern, 111, 22, 1.67, 814-815). pas une génération, et il est le sanctificateur de toutes
· cette L'Esprlt est la nuée lumineuse qui n'obscurcit pas, choses (o. 2-5; Pl, 52, 853-857, et éd. citée, p. 19-25;
u Père
mais infuse. la foi et révèle les seurets divins (Exp . cf D,i Synibolo 7-9; PL 52, 870-871, et éd citée, p. 45•
epang. sec. Lueam vu, 9, 19; PL 15, 1704c, et CC 14, 47). La juxtaposition des deux parties est flaarante
nous 221). JJ est le sceau qui nous imprin1e l'e1npreinle cle (cf 6, 857ab et p. 25) : tradition latine et problérn~1-
~glise l'In1age (De virginibltS 1, 8, 48, PL 16, 202ab) et, nous tique grecque se trouvent côto à côte, sans être récon•
kilip- signant avec lo don soptiforn10, nous donne de vivre ciliéell.
Rece- spirituellen1ent et selon l'J 1nage (De sacramentis n,,
:es Je 2·, 8; PL 16, 43tia, et CSEL 73, p. 42; uf E.'Cp. in ps . .l 1$, Ctwz plusieul'3 conta1nporalns, qui ùôpondent del! grec,3 ou
!aint• ù' An1bl'olse to1)to trace do la doctrino latine a disparu. Il êll
19, 28; PL 15, 1477-1478, ot CSEL 62, p . 436) . "Toute rusullo ce qu'on pourrait appeler un nominaliJ;me trinitaire :
,Je.l na grâce es t. dans !'Esprit Saint» (De Spiritu Sancto 1, 12, on pr•ofesse la distinction des Personnes, nuüs on n'arrive pas
pnrcê 127, PL 10, 73(tb), ·car cette uharité du Père et du Fils, à donner un contenu réel à la propriét.é perJ;Jonnelle do l'Esprit
Père. qui nous est communiquée par l'incarnation et lu Saint. Ainsi Ru.fin d'Aquiléo (Co1n1nc11t(lrius in Symbolu'!1 35,
.
1u1·
-le croix, est le f1•11it de l'Espr•it (128-131, 734-735). Celui
donc <( qui reçoit !'Esprit e1nbra.sse le ChrL~t >> (Ep. 41,
PL 21, 872-87a), Victrico do Itouen (De taitde s111ict.orurn 4,
PL :io, t,46), Pierre ,Chrysologue (Serrno 57-62, PL 52, 857-
'
1279 ESPRIT SAINT CiiEZ LES PÈRES
375). Saint Jérô1no, dans un conunontairo sur lo ,nan<lut devant le concile d'Hippone (398), se trouve u n pnss•
bp.ptismal, est for1nel (Tractatus <le ps . 91, CC 78, t,28), Do ces fondarnentàl pour sa pneumatologie. I l a appris, dlt-il
11.ut.aurs, seul Victrice répète que Je Saint-Esprit p!'ocùdo du de ses prédécesseurs que le propre ùu Saint-:Elsp.ri\
Pc)ro et ilu Fibi (le t.n-xto de f-tulln a été interpolo ; cr éd.
es1. d'être le don de Dieu, qui procède du Père sans éll
J. N.D. l{elly, coll. Ancient Christit1n Writers 20, Wnstminster,
h-lary lan<l, 1!l55, p. 1;1r,, n. 216). être fils, et il ajoute que quelques-uns ont vu en lui Il
communion m~mo du Père et du Fils, l a déité communt
4. Saint Augustin : le Saint-Esprit Charité. et la chatlté qu'ils se portent mut.uellt3ment (De 'fidfc
- 1° En étudiant la doctrine LriniLai1.•e d'A.ugustin, at ·symbolo 9, 18·19, PL 40, '190-192). On r•econnatt Il
on s'expose à de graves rnéprises, si on l'isole de ses les thèmes de la tradition latine; seu l celui de cbarlt6
nnt1tres latins ou si on isole le De 'l' rinitate du r csto est nouveau eL il se,nble qu' A.ugnst.in y ait instincU.
do son œu v1•e. Baptisé par Ambroise, Augustin a vement synthétisé les thè111es traditionnels. Essayons
hérité dé lui la préoccupation de sauvegarder l'unité de dégager les lignes, qui, entrelacées indéflnirnen~
de Dieu, qui so manifeste dans l'insopal'abilitô de l'opé- ont convergé vers cette conception de l'Esprit-Charit4
ration c1•éat1•ice et sancLifleatrice des trois f>ersonnes. et qui no cessent de la renforcer.
Le })ut principtù du De Trinitate est ùe justifier ,1 l'unité Pour Augustin, " !'Esprit Saint est le don ùe Die
de la Trinité » (1, 3, 5, PL 42, 822c). Cette unité est en tant que donné à ceux q1)i pa1• lui aiment 'Dieu,
le principal point d e co1npa1·aison des analog il1s psycho- (D11 'l'rinitate xv, 19, 35, PL 42, 1085-·1086; argumon•
logiques elles-1nê1nes (1v, 21, 30, 909-910; cf Serrno 52, tation scripturaire : 33-86, 1.088-1086; cf Scrtno 71, t
6-10, PL 38, 860-364). 26, PL 38, 459; De Trinitate V, 15, 16, PL 1,2, 921 : solu,
On l'econnaît en outre des ré,niniscence:; d'l~usèbe de tion des difficultés inhérentes à cette notion). Do
Verceil et surtout d'Hilaire. L'influence dn celui-ci concept de don plusieurs lignes conduisent à celui ae
ne se restreint pas à Ja citation de la ra,neu:;u (otxnule Charité. D'abord le don suprême esL bien celui de l1
tl'initail'e (De Tririùate v1, 10, 11, I'L 42, 931). Les charité pa1• laquelle nous aimons Dieu ~t notre pro,
expressions hiluriennes (ael<Jrriitas, 1:1p1wù1.~, donrun, ohain : sans elle tous les au Lî•es dons no valent rien e
usus) reviennent dnpuis los p1•enlie1·a jusqu'aux d er- par elle, nos péchés sont rernis, nous sommes libt\rœ
niers ouvrages d'Augustin (vg Ep. ,1, ."3-4; PL 33, réconciliés avec Dieu, el: no11s jouissons de lui (De Tr
76-77, ot éd ..A. Goldbachor, CSEL 34, 1, 1895, p. 27-28; nitatc xv, ·18, 82, PL 42, 1082-1083). D'autl'o part, en
.De ci11itate Dei XI, 24-25 et 28; PL 41, 337-339 et 84·1- cet Espdt-Don le Père ot le Fils se donnent eux-même,:
342 : CC !18, 843-Bt,5 et 347-349). lJon,~rn ost la déno- il est le gage, ou plutôt les arrhes, par lesquelles-no
mination de beaucoup la plus f1•équenLo (l'olevé par possédons le Père et le Fils, et nous reposons en·e
F. Cavallel'a, da.os Recherches de théologie ancienne et (v, 12, 13, 919-920; Scr,rw 23, 8-9, PL 38, 158-159),
1nédiévalc, t. 2, 1. 930, p. 368-370). Nous trouvons encore, L 'Esprit Saint est co,nrnu,nion. Augustin négli
dans des ouvx•ages an1.t~l•ieu1•s au De Trinitat<J, la concep- l'identification entre !'Esprit et la doi l;é. 11 n1aintienl
tion dtl Saint-Esprit coxnme ,, lien » entre Père et Fils, qu'il est << la co1n1nunauté des deux » et « eo un certai
l eur ,, concorde >,, leur • communion », leur " union "· sens la société du Pl~re e t d\1 Fils " (In Joannis evang1-
Dans ce con texte, 1>éLi'i de rénli niscet1ces J;;1 Lin es, le lium 99, 7; PL 35, 1889; CC 86, 586; Ser,no 71, 20, 881
nom de Charité so lit une douzaine d'annôùs avant PL 38, 4G3-fi6(.). Non seule mont il porte un nom co1nmuo
qu'Augustin o'enLreprenne son De Tri11itate (l>ti 1n1wica n1ais il est !'Esprit de chacun d'eux, procéd ant du R
v1, 17, 56, PL 82, 1191c; De agoflC chriiJtiano 16, 18, 11 principalement ,, et du Fils en vertu de sa génératlo
PL 40, 300a; De /Ide et synibolo 8, 19, PL 1,0, 191d; (De Trinitate xv, 17, 29, PL 42, 1081a). C'est préc
De qua11tit1ite aniniac 34, 77, PL 32, 1077d). ment parce qu'il est l a communion divine, qu'il ell
I l y a enfin l'influence de Mal'ius Victorinus, dont notre communion avec Dieu et entre nous : << Le ~
l'exe,nple a stimulé Augustin à apptofondi1· le dog,ne et le Fils ont voulo que nous ayons communion entre
trinitaire à l'aide d'analogies rnélaphysiques. nous ot avec eux: par ce qui leur est commun, et
Car, et c'est la seconde remarque préli1ninah•c, il ont voulu nous rassembler en l'unité par ce don,
s'agit pour Augustin d'analogies inéLapllysiques plu- leur est commun » (Surrru, 71, 12, 18, PL 38, ~5,b),
tôt que de psychologie .trinitaire. Le De Trinitate, Augustin retrouve la conception de Cyprien :
avec sa, riche analyse psychologique, est chronologi- com1nunion dos fidèles dans l'Église découle de la
que1nent encadré de textes, qui che1•chent les vestiges communion trinitaire; invorsemont, la communion
de la Trinité dans la structure trinilttire de l'être créé. e<',clésiastique, organisée et hiéJ'archique, est Io ,1 sac
J\ comparer des textos cités (comme ce1.1x du D e 1n!l,8ica, 1nent >> de l'unité do l'Esprit. C'est pourquoi le mot d
v1, 17, 56, eL Epist. 11, 8,avecDe Trinitate v,, 10, 12, paix, lourden)ent chargé d'associations canoniqu
PL 42, 982, et De civitate Dei xi, 24; PL 41, 337-338; peuL désigner Je Saint-Esprit. Non seulement il es~
CC '•8, 3/,1, ), la sti•ucture de la pensée s-este liornogène. paix qui nous l'éconcilie avec le Père et le Fils (Ep'
E n conséquence, la vé1·itable intention du De Trinitate tolac ad Ronianos inchoata e:f!po1Jiti<J t j, PL 35, 2096)
s'éclaire : l'analyse psychologique ne sert que do manu- mais encore " la paix de l'unité ))' qui unit Père et Ri
duction J)(IUI' aider les fldèles à découvrit cette structure (In Joanneni 14, 9; PL 35, 1508, et CC 36, 14?; De T-r'
trinitaire de l'être créé dans cette suprême image créée nitat.e v1, 9, 1 o, PL 42, 930-931; très caractérlsti
de Dieu, qui est la fine pointe de l'~mA, t.rnnsparente l'appJicaUon à la vie trinitaire d' Éph. 4, 8, dans
à ella- mônle et lllt11ninoe par Dieu. Trinitate v1, 5, 7, 928a). l i n'y a plus qu'un pas à t
De ces deux obaervaUons découle une conclusion pour atteindre !'Esprit-Charité. Car le noyau intérieur
importante : la. doctrine de l'Esprlt-Charlté a. ses fon- la rea, de la communion ecclésiàstique est la chafi
de1nents, non dans la psychologie, q ui n'intervient et il n'y a pas de pal'fl:lite communication entre 1
qu'en auxiliaire, mais dans une métaphysique et dans personnes qui ne soit charité.
la tradition latine, à. laquelle Augustin tl'ouve de solides En troisième lieu, )'Esprit Saint est jouissance, 1
bases scripturaires. 1wus d'I-Iilaire. Ici, les considérations motaphysiqu
2° Dans le sermon que, prêtre, Augustin donnait et psychologiques jouent un rôle plus prononcé. E
280 1281 P8RES LATINS 1282
111age tilut· être, Augustin reconnait une sorte de loi de gravi-
.it-il, tatiôn, par laquelle il cherche sa place et l'6quilibre tin, la vie surnaturelle est une véritable participation
sprit de ses éléments po11r s'y reposer (Do niu.sica v1, 17, à la vie trinitaire; et cétte pàrticlpation consiste dans
sen 56, PL 82, 1191; Ep. 11, 3, loco cit.; De Trinitate v1,
la co1nmunication amoureuse de l,i' com,nunion qui est
11i la « la cha1'ité substantielle et cpnsubstantielle » du Père
10, 12, l>L 42, 932). Lo ·principe d'harmonie et de bien-
11une et du Fils (Jn J oanni.8 evang, 105, 8; PL 85, 1904d;
être, --:- avec toutm; les nuances do ce 1not - , dans les cc 36, 604).
-P,de êtres spirituels, c'est lc111• a1nour: « Mon poids, c'est 1non
lt là amour; où que je sois porté, c'est lui qui m'omporto » Cotte propriété p'êrsonoellc du Saint-Esprit explique
arité (Confessiones .xin, 9, 10, PL 82, 849a; cf De civitate son rôle dans l'économie du salut. Celui qui conjoint
ncti- le Pèro et le Fils entre eux « nous étàblit dans leur
Dei xï, 28; PL 41, 841-342, et CC 48, 348). Cet amour, union, utrumque conjungens' nosque subjungens »
iy ons par lequel nous sommes élovés vers .Dieu et en qui nous
o.ent, (De Trinitate vu, 3, G, PL (e2, 938d). Et parce que toute
tl'ouvons notre 1•epos, c'est !'Esprit Saint, <c le don en
1àri-té saintoté consiste dans l'union à Dieu, <c H n'y a pas de
qui noUB jouissons du repos, en qui nous jouissons do sancLification divine et véritable qui ne vienne de
Vous~ (Confessiones, loco cit., 848d; cf Ep. 11, ~; PL 33,
Dieu, !'Esprit Saint » (Sormo, coll. Frangipane, 1, 17, dans
16-77, et CSEL 34, 1, p. 28). On ne so repose et on ne
l8U »
jouit, en effet, que dans ce qu'on aime (De fido et syrn- M isc,dlanea agostinian~, t, 1, Rome, 1980, p. 18ft).
men- bolo 9, 19, PL 40, 192; De Trinitate xv, 26, 47, PL ~.2, Sur le rôle du Saint-Esprit dans l'Égliso, il n'est
' 16, t094), Et voici la transposition à la vio divine : pas hosoln d'insister. C'est l'amour divin qui, comme
solu- le préfigure la Pentecôte (Serrno 266, 2, PL 88, 1225,
Du Ainsi, l'inellabla ernbra'lSoment du Père et do !'Image ne vn otc), rassemble les fidèles. L'unité et la vie do l'Église
1i de p~ sana jouissance, sans charité, sans joie. Cotte dilection, ce ont pour source cette « âme n, qu'est le Dieu-Charité
ie la nlalsir, cette félicité .. , Hilaire l'a appelé do façon concise (267, 4, 1281).
pro- joki.isa11ce, et c'est, dans la 'l'rinité, le Saint-J.Jsp1•H. Non Le rôle du Saint-Esprit dans l'incarnation devient
,n et,
eggendr6, il est la suavité du géné1•atèur et do !'engendré, il alors con1préhensihle : l'union hypoatatique, par laquelle
Inonde de sa libéralité, de son llbondanco iin1ncnso, toutes los
1érés, créatures selon leu1• CApacHé (De Tri11italll v1, 10, 11, PL ~2, le J.<'ils de Dieu devient hom1ne, est la grâce absolue,
Tri- 982u). pfototype et so,u•ce de toute grâce, et le don suprême
t, en do Dieu (Enchiridion 40, 12, PL 40, 252; 87, 11, 251;
mes : Enfin Augustin donne une justification scripturaire De fida et syrnbolo 4, 8, PL 40, 186; De Tririitate xv,
nous explicite du nom de Charité (De Tririitate xv, 17, 27-32, 26, 4-6, PL 42, 1093-1094),
1eux 1079-1083; 19, 37, 1086·1087; cf De fide et sy,nboù, 9, Ces textes appellent une dernière réflexion, qui
159). 19, PL 40, 192; Sermo 265, 9, PL 38, 1223c ; De civitate éclaire le 1nystère de la grâce de !'Esprit. Par l'onction
lglige Dei x1, 24; PL 41, 387-338, et CC 48, 31,3-844) : du Saint-Esprit, l'J1umanité de Jésus est assumée dans
tient saint Jean nous diL que 1< Dieu est charité » et quo « la la personne du Fils, car l'Esprit Saint est la << dona-
rtain charité est de Dieu». La cl1arité <lonc est Dieu de Dieu. bilité ,, divine et, par conséquent, le principe de com-
inge- Ma.is cette qualification convient aù Fils et à !'Esprit. 1nunication des autres Personnes. L'incarnation con-
1, 88, siste en ce que le Père engendre son Fils dans l'huma- •
Duquel parle•t-il donc? L'apôtre poursuit : l'an1our que
mun, Dleu nous porte nous fait 1:1imer notre proch1:1in et, en nité, c'est-à-dire qu'il étend à l'humanité l'amour
Père aimant le prochain, le Dieu-Charité habite en nous. Or, paternel qu'il a pour son Fils : c'est là répandre le Saint-
ation ojest la possession du Saint-Esprit <Jui nous assure de la Esprit sur cette humanité. Le Fils, d'autre part, en
~cisê· présence de Dieu. << C'est donc ce Saint-Esprit, de qui s'unissant librement la nature humaine, étend sur elle
ll est il nous donne, qui nous fait demeurer en Dieu et qui son amoul' envers son Père, qui est toute· la volonté
Père fait demeurer Dieu en nous : or, c'est là l'œuvre de du Fils. Par l'onction du Saint-EsJ)rit, lo Père donne
antre l'amour. C'est donc le Saint-Esp1•it qui est le Dieu- son Fils à l'hurnanité, et le Fils vivifie cette humanité
et ils. Amour » (Do Trinitate xv, 17, 31, PL 42, 1082c; cf In de sa propre vie filiale, · c'est-à-dire <le sa vie tout
, qui îpistolam Joa11nis 7, G, PL 35, 2031-2032) . orientùe vers le Père. L'union, par laquelle l'humanité
54b). Là chal'ité fraternelle est l'œuvre en nous <lu Dieu- est unie à la Personno du Fils, la constitue dans un
: ,la rapport filial au Père; cette union et filiation sont iden-
Charité; lequel nous est donné par la charité de Dieu
lo la à notro égard. C'osL ce que lit encore Augustin dans tîquo1nent effusion de l'Esprit Saint. L'opération de la
1nion Rom. 5, 5 sur l'amour 'de Dieu répandu dans nos crours. 'l'rinité est inséparable. Et notre participation à la grâce
àCre- Dans la controverse pélagienne, ce verset servira à du Christ obéit à la 1nême loi. Le Père aime on nous
ot de démontrer que notre amour envers Dieu est un don son Fils (In .!oannis cv,1rig. 110, 51 PL 85, 1923; 111,
ques, de la grâce. Dans nos contextes, l'expression conserve 5, 1929; CC 86, 626 et 632) et le Fils vit en nous sa vie
1st li.l son ambiguîté : · l'amour de Dieu c'est l'arnour de d'amour envers le Père. C'est l'effu!lion du Saint-Esprit
Epi.9- Dieu pour nous, arnour-don identifié à l'Esp1·it Saint, qui nous constitue membres du Flls et nous tait avoir
:095), e~, èn m~me ten1ps, c'est notre amour pour Dieu, œuvre son Père pour Père. Se laisser guider par !'Esprit Saint
; Fils en nous de l'effusion du Dieu-A,nour: « Le Saint-Esprit, c'est vivre en union avec le Christ et aller filialement
1 Tri- au Pèro.
Dieu qui procède do Dieu, une fois donné à l'homme,
tique l'embrase d'amou1· pour Dieu et pour le prochain,
1s De étant lui-même a,nopr. L'hon1me, en effet, n'a pas en Voir plu.s haut, col. 1259-1260, les référencos gênéroles àu
raire rôle s(lnctificatèur de l'Elsprit. - CC = Corpus chrislianorun1.
lui de quoi ain1er Dieu, s'il ne le reçoit de Dieu » M. Schmaus, Di8 ps1jchôlogische Trinitiùslehre des hl. Augu.s-
rieur, (De Tririitate xv, 17, 81, PL 42, 1082cd).
1arité tinu.s, coll. Münsteriache Beitrage zur Theologie 11, Munster,
Partout la même djalectiquc. L'arr1our par lequel 1927, - S. Tro1np, De Spiritit Sa.net() a11lma OorptJris 11l1J8lici,
:e les le Père et le Fils s'emb1•assent eL comn1uniqucnt entre 11 Testi1111)nic, sclccta e patrib!lB lali11i11, coll. Toxtus et docu•
éuxj so t'épand en nous, nous fait aimer Dieu ot co111mu- menta 7, Rome, 1982. - P.-Th. Can1elot, La 1radition latine
)e, le niquer avec nos frères dans l'~glise. Et cet amour ,fur l<1 procession di, Saint-ltsprit • a Filio ; Olt • ab utrQque ••
iques fraternel, effusion en nous de l'Esprit-Amour, nous tlans Jlussie et cllréticnl<l, 1950, p. 179-192. - M. Sîmonottl,
1. E n La processwne dcllo Spirito Sanw nei Padri Latini, dans
rêvole la propriété personnelle de l'Esprit. Pour Augus- Maïa, nouv. $érie, t. 7, 1956, p. 308-824.
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reproduit, an Jo développant légi)r1llncnt, un article paru dl!III
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compte rend11 par H. l(O(:h, dans 7'IU1ologisclrn Literàtur:eu11ng,
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1"I. Schn\aus, dans Thcologische Rc,•u1J, t. a2, 193!!, col. 345- Saint dans la rédemption lorsqu'elle commémore· les
858, oL de P. l·lcnry, NRT, t. 59, 1932, p. 915-919. - .pha$es de la vie du Christ oil la Bible met son aoJio
P. Séjourné, art. Victorinus, D'I'C, t. 15, 1950, col. 2887-295'1. en relief, et finalement l'envoi de l'Esprit au cin~n
- J. Vergar11, Lei taolosla del Esp!ritu Santo en J1,J1,rio Victo• tième jour après la résurrection. L'intérêt do cet
rino. Explicaci6n teol&gico•/llos6fica, dans Ecclesiastita Xavc• constatation est double : d'une part, la Hturgie se rév
riana (Bogota, Colombie), t. 6, 1966, p. 3!5-125. en étroite dépendance de la Bible dont elle proclame)
A. Beck, Die Trinitlillllchrc des hl. Hilarius von P<>itiers, coll.
Forschungon zur christllchen Litcratur- und Dogmenguschiohte événements majeurs au cours de son cycle annuel
8 /2, i\-layence, 1llOa. - P. Srnulders, La doctri,1e trinitaire de de l'autre, elle révèle que la vie ordinaire du péup
saint Jlilaire dd Poitiers, coll. Analm:ta gl'ogorianu 32, Rome, fidèle n'est paa purement pratique morale et saorame~
19'•"· - Ph. \Vild, 'l'hB Divinization of M a1l accorditig t.o telle, 1nais aussi contemplation des mystères rédQm
Saint llila,.y of Poitiers, S. Mary, Illinois, 195~. teurs,
C. Martini, Ambrosiastcr, coll. Spicllegium PonUficiî Athc•
1° Le récit de l'Annonctation selon Luc 1, 26-38, 1
n1\ol Antonianl 4, Rome, 19'•'*·
Th. Sohor1nann, Die gricchischen Qucllcn des hl. ;l,nbrosittS comme évangile le 25 màrS, souligne que, dans la conce
in T,L. 111 do Spirit1, Sanctl>, Munich, 1902. -F. Hon,es 'D udden, tion de JéSU$1 tout vient de Dieu et de son Esprl~
The Life a,1cl 'l'im,IIS of St. A,nbrosc, 2 vol., Oxford, 1985. - << L'Elsprit Saint viendra sur toi, et la puissance du T
W. Solbel, Fleisch und, Geist beim Ill. A 1nbro~iu$, coll. l'llUnche- Haut te prendra sous son ombre; c'est pourquoi l'cnfan
ner thcologi6(;hc Studien 14, Munich, 1958. .sera saint et sera appelé Fils de Dieu».
M. Schma1,1s, op. oit. - F . Cavallet•a, Les prc111ièrcs for1nulos
trinitaires de saint Auqrutin, dans B1illcti11 de littérat"re eèclé• Cette fête, importée d'Odcnt ert Occident, date du ?• si
sia~tique, t. 81, 1980, p. 97-128; La d1>ctrine do sainr. Augrtstin (cf M. Jugie, La prc111i,lre fdtc mariale èn Oriom r.t en 0cc'
s1tr l'Esprit Scii11t li propos dtt De Tririitatè, dans Rc<:IMrches de t'APont pri111itif, dans l'tchos (l'Orient, t. 22, 1923, p. f29:1fl,S
11,éoloi;ie ancicn11s et nièdif.,,ale, t. 2, 1980, p. 365-387 ; t. 3, Avant cett11 époque, uno mémoire liturgiquo do l'Annoncla,i
1931, p. 5-19. - De Tri11itate, éd. et traduction, dans Œ1,vrcs existait le ,norcredi des quatre-temps d'avartt,~où., alors corn
de saint A"g1,stin, coll. Bibllothèqua augustinienno 15•16, aujourd'hui, lo récit dé Luc est lu à l'évangile. li a 6t6 ·N
Paria, 1955, introd. E. Hendrikx, notes !IL Mellet, P.-Th. Came- plus tard, en outre, pour la messe motive do la Vierge pend
lot, P. Agaësso, J. Moingt. - R. 'l'r01nblay, Les 111·occssio11s du co temps.
verbe et de l'a111our hu1nain chez saint Attgcisti,1, dunf; Rc"«e de L'oraison qui suit le Salvc Regina à. la fin de l'office quoUd'
l'11nivcrsil(! d'Ottawa, t. 24, 1954, p. 93•117. - F. Cayré, La pcr <11111u11i rappelle !'Annonciation où, par l'Esprlt Sain~
contcrnplation attg1tstinicnnc, 2• éd., Paris, 1951,. - S. J. Ota• corps el l'âme de Marie devinrent dignes d'6tro l'hablùiclll
bo,vski, The Churr,h. A,1 1,11rod11.ction to the Thcology of du Christ.
St. Ausiistillé, St. Louis, 1957. - F.-J. Thonnard, 1'railé de
2° Le bapt.6me du. Christ fut l'accomplissemenl
la 11ie spirituelle li l'écQ/c d4 saint Attgustin, Paris, 1959.
certaines prophéties de l'ancien 'l'estament parlant
; Pierre SMULOllRS, l'onction du Messie par l'Esprit de Yahvé (notamm
I saïe 11, 2; 42, 1; 61, 1-2; etc). Cet épisode est év
en quelques pièces de la liturgie de l'Épiphanio ·et
lll, DANS LA LITURGIE jours suivants : Hodie in Jordane a Joanne Cbria
(t

baptizari voluit ut salvarot nos >> (antlenno, M. '


La liturgie s'inspire étroitement de la Bible dans le cat, 2ea vêpres). Mais c'est le 18 janvier, ancien J
choix de la plupart de ses textes. Suivant en quelque octave de la fête, aujourd'hui Com,nenioratio Bap ·
sorte, au cours de l'année, le cycle des événements D. N: J. Christi, que la célébration du baptême
réde1npteurs, la place qu'elle accorde à l'Esprit,Saint Christ est faite plus explicitement. La péricope év
y prolonge celle qu'on découvre déjà dans la Bible. lique est prise à Jean 1, 29·3,.; récit de la consécra
La liturgie envisage spontanément l'Esprit Saint dans messianique de Jésus : « Celui sur qui tu verras l'Ea
la vie de l'Église et dans celle des fidèles, plus que descendre ot demeurer, c'est lui qui bapti.60
dans son ôtre et sa vie trinitaire. Cet être et cette vie l'Esp1•it Saint » (v. 38). L'Esprit reposant sûr lui
ne sont aLteints qu'à travers son àction. C'1}st ce qui Christ pourra à son tour le donner aux hommes,'
explique la marche de cet exposé qui part de la place après sa glorification seulement (cf Jca,1 7, 39; 161 2
de l'Esprit Saint dans la rédemption et s'achève par la 20, 22; Actes 2). Des pièces de chant pour un an
vio tri ni taire. office du 13 janvier reprennent des phrases de l'éVQll
Ca èhapitre s'en liont à la liturgie romaino. Les textes sui' voir J. Len1arié, Les ar1tienncs ... dt.t jour octa11c de'l"I
lesquàls il s'appuie sont ceux des livres liturgiques aetuols phanie.. , dansi EpJw,nerides liturgicac, t. 72, 1
(pour lo Rituel, éd. de 1952). Jîlvontuellement, Il scl'a fait appel p. 3-38.
aux sources et à l'histoire de ces textes; rnais Je point do vue
30 L'accomplissement de cette promesse sera l'
n'est pas propr(l1nont historique.
1284 1285 ESPRIT SAINT DANS J,A LITURGIE 1286
'
1ist in nement majeur du cinquantième jour après Pâques, pour la prédication, aide dans le combat spirituel : Accondo
l1•33, la PtAtec6te. La liturgie de ce jour, au bréviaire et au lumen sensib\1s/Infundo arnorem cordlbus/Infirma nostri cor-
1 dans missel, ne peut êtro considérée cependant co1nn1e une poris/Vil•tute firmans perpeti.
laub11, l?hymno da tierce pour le l'este de l'annto,Nuna Sancte nobis
, ,lella , fête de l'Esprit Saint », indépendante de l'événement
survenu au cénacle. Dès les origines en eJTet, la cinquan- Spirit11.s, rappelle que cctto heure tut celle do la Pei1tecôte et
1957,
Elsprlt Wné pascale n'était qu'un temps de joie indi!Térencié fait clemander le!J mêmes
.
Fl11mrnescat lgne Clll'ltas. .
dons, surtout celui de l'amour :
·célébrant per moàu,n u,iiuJ1 les 1nystères de la rédemp-
L11 ~équenco do la ntessc, Ve11i Sancte Spiritus, souJignA en
tion sans on suivre los étapes chronologiques. Ce n'est p1u·tic11lier l'œuvro de !'Esprit dan11 la perfoction progressive du
que vers le 48 siècle qu'on conunença à distinguer le fid~lll : Lava quod est sordidurn/Rîga quod est arldun1/Sana
!1(4.uùm de la pa~ion et do la résurrection, l'ascension et quod est saucium... /Flecte quod eat rigidum/Fove quod est
l'envoi do l'Esprit Saint au cinquantièrne jour. Ce jour frlgidu111/Rege quod eat deviunl.
est devenu alors la mérnoiro <l'un événement : l'envoi Lo dôn de l'aniour, le plus haut après celui do la grdce, llSt
1n la de l'Ersprit, et non une fôto abstraito hol's du déroule- celui quo fait de1nandor par les fldèlos l'antienno Ye11i S<,ncts
~sprit
lJ\8nt' temporel. Spiritus, r,111le tu.r>ru.n1 corda f/tlclium et tui amoris in eis igncnJ
accen,ü,, utilisée notamn1cnt comme verset alleluiatlquo de la
:e les C, ltfnrmion, Le Cliri.•t dans ses 1nystcrcs, lt1aredsous, 1919, n1es.~o pendant l'octave.
lotion oh, 17, - O. Casol, Art 1a11l Sinn des llltcstc11 christlichcn Oster-
t{Uan- f•~l', dAns J<1hrbuch /llr Litt,rgi-llwiss(!Mcliaft, t. 14, 1938, Ces textos montrent que la liturgie ne tait pas abstrac•
cette p. 1;79, - F. Vandcnbroucl<e, Les origines de l'octave [J(l-!lccil-s., Lion do la vie concrète des fidèles. Leur contemplàtion
révèle daQftLcs questio,1$ lil1,rgiq11es et pciroissia/es, t. 27, 19'16, p. 138· liturgique s'achève en prière pour que !'Esprit les aide
t,7. - D. Dan,otti, Il nd.stero cristiano ncll'<1nno liturgico, dans leur progrès spirituel. Cette prière s'acco1npagne
ne les Florence, 1951; Vic n1ystiq11e et tnystère liturgr:quc, 1.r. fr.,
Lnuel; coll, J.,ex orandi 16, Paris, 1954 , 5° partie. - E. Flicoteuux, d'une prise de conscience des efforts à faire pour ce pro-
,euple 1# tri11rr1pl,e de Paques. La cinquar1taine pa,t~alc, Pat·is, 1957, grès, cl'une résolution meilleure pour que ce progrès soit
lmen- p.11-15; Lo rayo11nen1er1t de la R11ntccô1e, Paria, 1954, p. 83-85. réalité et déjà d'une ébauche de réalisation effective.
lemp- - 0, Kretschmar, lJi,nmcl/ahrt 1111d; 1:'/ingsten, dans Zcitschri/t
/IJrKircliengcschichte, t. 66, 195',-1955, p. 209-253. - A. Ro1rn, L'hy1une f'e11i Creator Spiritus serait du 9•-10• siôcle et de
Âipects ~ l<1 Pentecôte, dans Les gucseions liturgiques et pr.t>venanco anglaise; cr A. S. Walpole, h'c4rly latin Hyn11i.s,
~8, lu paftilssiallls, t. 39, 1958, p. 101-11'1. Cambridge, 11122, n. 118, p. 373-376, et A. Wi!mart, Auteurs
,ncep- spitit"cl.s et textes <lc!/Jots di, nwye11 ûgc latin, Paris, 1932, p. 37•
La, Pentecôte fut l'accornplissement do la Pâque dans 45. - 1,'hymno 1Vu11c Sancte 11Qbis Spiritus est peut-ôlro de
1prit : saint Arnbrolso; cf Walpole, op. oit. , n. 16, p. 108-110. - La
Très- !'Esprit. Or cetto prernièro venus de !'Esprit sur l'll:glise s6quoncf) Vcr1i Sancte Spirittu1 ëst l'œi1vr.e probable d'Ji;tienno
lnfant eet vécue à not1veau dans la liturgie. Sur le plan collec- Lang Lou, 1.1rchcvûquo do Gântorbéry, t 1228; cf If. 'rhurston,
tit d'abord, car c'est par !'Esprit, affirrno une oraison dans T'he Mo,tth, juin 1913, p. 602-616, traducllon d11n1J Rc1•1u1
1 siècle du Missale Rornani,ni, que l'Eglise a r':Lé rassomblée : du clergé français, t. 84, 191.5, p. 208-22'1. -1Jantlonne Veni
1Cidcrlt, 1 Da quaesumus, Ecclesiae tuao, misericors Deus : ut Sar1ctc Spiritus n'existait pas encore au Il• sîèçle; cf R.-J. Hes•
9-1.52). Sanct-0 Spiritu cungregata, hostili nullatonus incursiono bert, i lntipho11ale rnissaruni se.tt1,plsx, Bruxelles, 1935.
lurbotùr » (vendredi, quatro-t01nps, Pentecôte; proces- •
clation
comm,e sion tempore belli, Rituel, tit. x, c. 11, n. 2; cette orai- 2. Liturgie de l'initiation chrétienne. - La
i repris son so lit· déjà dans le sacramon taire léonien; éd. L. C. place du Saint-Esprit dans la liturgie de l'initiation
endant Mohlberg, Sacramentariutn Veronert.9e, Rome, 1956, cl1rétianne· est très importante. Elle ne peut so com-
P127, n. 211). C'est en ce jour quo les apôtres ont reçu prendre sans recourh• aux thèm~ bibliques qui lui sont
otidion sous-jacents. Se reporter particulièrement à l'art.
~in t, le !'Esprit Saint : " Deus qui Apostolis tuis Sanctu1n
de~istl Spiritum, concedo plebi tuae... » (lundi de Pen- EAu, § 2 L'eau vive, figure de !'Esprit Saint, t. 4, col. 18-
:aculr,m 19.
lecôte,!oraison). C'est !'Esprit Saint qui dirige et sancti-
fie désormais tout le corps do l'.ftJglise : « 01nuipotons
int de sempiterne Deus, cujus Spiritu totum corpus Eccleslae 1o L" utur,rie hapt.ilPtlftlos'éclaire par les textes pro•
lnt de. sanctillcatur et regitur... » (vendredi saint, 3e des orai- phétiquos qui lient l'avène1nen t de l'ère 1nessianique
nment à la JH11·iflcation spirituelle du peuple idéal, le « reste ,1
sons solennelles; Orationes divers(l.e 3, pro omni gradti
,voqué Ecc.lesiao}. sauvé, et au don de !'Esprit. Ezéchiel a entrevu·, sans
et des Sur le plan individuel, la Pentecôte est vécue aussi. percevoir toute la portée que le christianisme attribue
b.ristus 1
C8$t Je fait do chaque baptisé recevant la conflr1nation à cet oracle, ce quo doit être un jour lo retour du peuple
agnifl- el oiême en un sens celui do !'ordinand (voir ir~fra). de Dieu_: « J o vous ramènerai vers votre pays. Je répan-
n jour Pour ceux qui ont déjà reçu sacramonte1Je1nent l'Esprit, drai sut' vous une eau pure... >> (36, 24•27; cité DS, t. 4,
1ptismi là participation à la liturgie de ce jour leur en donne col. ~5). La liturgie donne à ce texte une portée baptls-
me du une effusion nouvelle. C'est ce qui ressort do nombreuses n,ale : elle l'utilise co1nmo introît le mercredi dit du
vangé• ,c grand scrutin >> (4 8 semaine de carême) et à Ja vigile
oraisons <lu missel, dont toute une doctrine do la vie
,ration , dans !'Esprit » se dégage. do la Pentecôte. Le Rituel (11, 4, 2) du baptême des
'Esprit adultes s'on sert con1me antienne du psaume prépa-
1 dans
L'ôraison du jour de la Pentecôte, reprise le Joudi suivant et ratoire : « Effundam super vos... »
lui, le àla mes.se votive du Saint•E!!prit, do1ilifl quelques uapects de La fin de l'ancien Testarnent a vu se n1ultiplier les
•• celle nou:velle récllption: « Dous qui hodiorna die co1•da fl<leliuol rites do purification spirituelle par inlmersion dans
11 màlS BanoU Spiritus iUostratione docuisti, da nobis in eoden1 $pîritu
6, 7-8; l'eau. ].\,fais le ,, baptême dans l'eau » de Jean-Baptiste

recta sapêre, et de oju11 semper conaolatlono gau<lerc •· On y
ancien remarquo la place do la • sagesse • et cella · de son socoura n'opère pas encore la synthèse des aspects divors
angile; lcollfolatio, équivalent latin de nocc>i:\tl710,i;, co qua donne le ontrevus prophétiquement par lllzéchiel (cf art. EAV,
, l' Êpi,- , Paraclet •, l'Esprit co11so/a/c,11.r). § 3 L'ean signe sacré, col. 19-25). Celui du Christ et de
1958, P~rmi les auLres t.oxlcs da ln Ponlèéllte et de son octave, l'f'lglise sera ,, baptême dans !'Esprit ot dans l'eau »
l'hymne pour tierce, h.euro de h\ venue da I' l1l$prlt au cénacle (cr Mt. :J, 11; Jean 1, 33; 8, 5; Acte., 1, 5; 11, 16; etc).
j.tc/11 2, 15), et pour les vépres, V(ini Creator Spiritus, insiste De ce baptême découlent à la fois la purification inlé-
l l'éyé- llll'les dons de ]'Esprit.: lunlièro de l'inlelligencl!, amour, ardeur rieure et la plénitt1de spirituelle pour l'Église. Cetto
1287 ESPRIT SAINT DANS LA LITURGIE
plénitude tire sa source do la vie de Dieu : les fidèles ne quon1 dedisti : ut oorpore ot mente renovatl,
donneront à Dieu un sacrifice valable que s'illl sont ,, de e:xhlbeant aervitutem •·
unitate Patris et Filii et Spiritus sanoti plebs adunata 1>1 En résumé, le baptême fait du fidèle ,, le temple
selon le 1not de saint Cyprien (De oratiotte do,ninioa 23, Dieu vivant ,,. Il lui donne l' « Esprit d'adoption
PL (1, 536a). A cette plénitude s'agrège chaque fidèle Le lion mystérieux qui existe en ce rite, entre l'eau
par et dans le baptême du Christ, accompli au nom des !'Esprit, est celui que suggèrent le récit de la créa·
trois Personnes de la 'frinit6, rite qui suppose et confère d'if monde et, avec plus de précision, l'oracle d'lllz~çhl
en mê1ne temps la foi en elles (DS, t. 4, col. 22 et 24) , (36). Mais ce n'est plus un rite de pu1•iflcation seulemén
L'origine du sy,nbole dit des apôtres est inti,namont liée comme celui de Jean. Il est lié au don do l'Esprlt et
à la triple protes.qion de foi haptismalo, ancienne • Corme • celui de la toi, et en même temps à la confession trl
(et Tradition apostoliq1uJ 11, 21, trad. B. Botte, coll. Sources ta.ire de la roi.
chrétiennes 11, Paris, t9i.6, p. 50-51) encore per,niso par lo Sur le baptè1nc, voir B. )3otlc, L' i11terpréta1ion lks ·
Rituel et auivio des troll! im1iu:,rsions qui constituaient l'acte baptis1na1ix, dans La Maison-Dieu 32, 1052, p. 18-39, -
sacramentel (,node autorisé, Rilitel, 11 1, iO). bapt~mc chrt!tien, fiches publiées ptir l'abbaye du Mont·
B. C1:1pelle, La symbole romain au second siècle, do.na Re11ue
lit!11é.dicti118.J. t. 39, 1.92?, p. 33-45. - A. ChavâSSC, D1t peitple de
Louvain, 1953.- B. Neunhouser, Taufe und Firniung, Fribo
Die" à l'JSglï.$c !lit Christ, dans La Maison•Dic,i $2, 1!)52, on•Brlsgau, 1956. - J . Guillet, .8aptd111c et Espril, dans LU!II'
p. 40-52. - J. Süluuilt, Bapt~ms et conu111u1aut1! d'après lei et vie 26, 1950, p. 85-10~. - J, Lécuyor, La prière consic
daa cau.i-, dans La Maison-Die,, 1191 1957, p. 71-95. - .J.Oaill
pri,niti~a pc11sée apoa1oliq1w, il!idenl, p. 58-73.
art. EA.u, DS, t. 4., col. 8-29.
C'est dans cette ligne biblique que doit se comprendl'e 20 Lo. conflrnio.Uon, selon une tradition rcprésen
la bénédiction des fonts baptismaux au cours de la par de nombreux Pères de l'église, est liée à l'ono ·
veillée pascale. Elle interprète les mots et spiritus Dei prophétique d\l Christ par l'Esprit, lors de son bap
ferebatur super aquas co1nme regardant l'J~sprit Saint, dans le .Jourdain (cf Luc 3, 21-22; Mt. 8, 13-17; M
qui a donné dès cc 1noment aux eaux leur virtu,j saneti•
'ficati()nis. L'eau devient le « sein » dans lequel L'Église 1, 9-11).
• li sc1nb!e qu'il taille ad1nct tre, dans la vie tcrrestiè
enfante à la grâce (DS, t. (1, col. 28). J és\1a, doux onctions sac1wdotales, coinme o.us$i deux
La triple irnn1orsion du cierge pascal dans les fonl.8, l'insuflla- sl!nces; dès le début, Jésus est prêtre, il on o. los sentlmen
tion des eaux ot l'infusion du chrê,ne accentuent lu lion entra Maiil il y a une deuxiè1nc naissance, ot auaai uno deux!
l'.I\Jsprit ot l'eau : • D81!Ct!ndat in hanc plenitudinom fontis onction sacordotale : naissance à la vie publique, ono
vîrtus Spiritus sancU. Tot.arnque hujui, &quac substantia.n1 donnée visiblement par la desc0nto de !'Esprit sous la lo
regano1•andi foecuodllt olloctu •· La pr4facë affirme ailleurs d'uné colombe, tandis que la p1•omièro s'ôtait Qpél'l\e in •
quo la purification b1:1ptùlmalo n'est pas lo ralt de cette eau blcment i,u sein dé Marie • (J. Lécuyer, Mystère de la·.11
consacrée par elle-fiui,1101 1nais de !'Esprit Saint : « ,1 t onu10s hoc côte et apostoliaitil de la ,niasion d<l t' .E.'glist, dans Élud#
lava01·0 Ro.lutitero diluondi, operante in cls Spiri Lu sancto, le B<icrenicnt de l'Ordrc, coll. Lex orandi 22, Pariii, 1957, p, t
pcrtcctae p111•gationis indulgentiam cQnsequantur ». 19'•; cr A.-0. Martlmort, La co11firniatio11, dans Co111m
solennelle et J1rofessio11 d8 foi, coll. Lox orandi 14., Parie, t
' Le rite même du baptême met en relief son caractère p. 159-201).
<l'ablution spirituello, introduisant dans le peuple des
croyants. La tr-iple profession de foi en chacune des A ces deux onctions du Christ correspondent les,d
Personnes de la Trinité accompagnait jaclilJ la triple onctions du disciple : celle du baptême et cèlle d
imn\e1•sion; le Rituel actuel, en dissociant p1•ofession confirmation. Cette dernière lui donne, - comme
de foi et baptême proprement dit, a conservé cependant seconde onction donnait au Christ - , de de
le ca1·actèr'e trinitaire de l'une et de l'autre. En dehors té1no\n, u martyr », prophète, héraut de la bonne N
de ces moments, le Rituel ne (ait guère allusion au vclle. Cet aspect est mis en relief dans les premienf
Saint-Esprit, sinon au cours des exorcismes : « Elxi ab pitres des .4ctes (1, 8; 1, 21-23 ; 4, 33; 5, 32, etc), ~i
eo, immunde spiritus, et da locum Spiritui sancto que saint Pierre voit dans l'e1Y,1sion de !'Esprit au 1
Paraclito » (n, 2, 3 et 12 pour le baptême dos enfants; do la Pentecôte l'accomplissement de la prophetl,
u, ch. 4, n. 8, 1. 9, 25, 27, 83 et 37, pour celui des adultes). Jo1\l (8, 1-5; Aote.9 2, 17-21), laissant entrevoir
De semblables Cor1nules, assez fréquentes dans les universalité extraordinaire du don de la " prophé
exorcismes, quels qu'ils soient, et mê1ne on de simples Ce qui se réalisa d'ailleurs (et 8, 1{t-1?; 10, 4.4.-i?;
bénédictions, montrent que le catéchurnène .a entrepris 15; 15, 8-9; 19, 6, oto).
un combat contre Satan dont la victoire est attribuée Il en résulte que c< le sacrement de confirmation
volontiers à la 'l'rinité et plus 11péciale1nen t au Saint- celui qui nous donne l'Esprit Saint pour faire den
Esprit. des témoins d,1 Christ devant les hon1mes et nous f
La grâce baptisrnale fait du baptisé le ta,nplum Dei fier dans cette mission jusqu'au martyre » (A.-G. M
11iPi. Il est habité par !'Esprit (Rituel, 11, 2, 12). Il a reçu mort loco èÎt., p. 188). Saint Thomas disait:« ita
le spir#us ad-Optioni11 (cf Rom. 8, 15; Gal. 4, 5-6), ainsi matu's accipit potestatem publice fldem Christ!
que l'indique l'orai.5011 qui ouvre la bénédiction de11 profitendl, quasi ;ex o!lloio » • (So,nme théolog
eaux baptismale$ (elle se lit dans le. Gélasien ancien, q. ?2 a.5 ad 2). Si le don du Saint-Esprit n'est pas
11 44, éd. H. A. Wilson, Oxfo1•d, 1894, p. St,) : fique do la confirmation, celle-ci donne !'Esprit en
• On1nipQtens scrnpiterno Deus, adesto n1agnae' pietatis d'une mission précise qui fait du chrétien un pro
tuac mysteriîs, adcsto sai;raniontis : et ad rec!'candos novos de la parole de Dieu. La confirmation peut àillsl
populos, q11os libi fons b1:1ptisn1atis parturH, Spiriuun adop· considérée légitimement co,nmo une cer~ne p
tionis emiLte; ut quod nostrao h11miiitati$ gorendum ê~t pation nouvelle au sacerdoce du Christ dans sa ili
1ninisteriq, virtulls tuae irnpleatur ellect11 •· prophétique.
L'oraiaQll de. la niosse do la veill~e pasc1:1l0, venant o.près la
bénédiction des Conts et le baptême d~a caléchun1ènes, adrèsso Sur la con Ormatlon et sa place par rappol't au baptêm
â Dieu cutto prière, qui tait écho à la préo6dente : • Deus.. ,
L. Bouyer La signification clc la confir11iatio11, VSS 291
conserva in nova ra,niliao tune progenio adoptionis Spiritu,n, p. 162-179 (elle ost l'achèvemènt de l'initiation cbré
1288 LITURGIE DE L'INITIATION 1290
.
m tibi aan,plus}; A.-G. Marti mort, art. citl!, et P. Anciau:,c dans Ch.ri11t<>
1lf111Ui (Louvain, 1951,) y voient au ,;ontrairo lo sacrement de 20 L'ordre. - Les antécédonts bibliques de la confir•
l'qe chrétien adullo, et donc du l6n1oignage. L. S . 'l'hornlon, mation éclairent ceux de l'ordre. « Il est possible do
~le du Confirmation, Its Place in the baptî,;nial Mystery, Westminster, rattacher au mys tère de la P entecôte et à celui de l'onc-
(ion ,. 1954, compare sa relation au haptêmo à colle qui rolie la Pen- tion du Christ au ,J ou1·dain, à la rois, ot sans los confon-
sau et tecôte ~ Pâques et tond à restreindre le baptê1no à un rite dre, le sacl'ement de la conflrmatioo, et celui de l'ordre
éatJon purinoateur préalable au don de l'Esprit; c'est s'inspiror do dans son degré supérieur, l'épiscopat » (J. Lécuyer,
~écliiel O, Dix, The Theology of Confirn1ati<>,i in relatio,1 to IJaptis,n, Mystérc de la Pcnte.~te .. , loco cit., p. 198).
Woetmlostcr, 19r.6. Voir cncor0 P.-'l'h. Ca1nolot, Sur la lhéologie
nneil.t, tl, /q ~n/irmation, d:~ns Rev1w des sciences 1>hilos<>phi9ues et
Le rituel des ordinations, au Pontifical, fait de brèves
it et à ~giqu~s, t. as, 1951,, p. 637-657. allusions à l'Esprit Saint à propos des 01·dres inférieurs
1 trini- et; du sous-diaconat : pour que le cle1·c tonsuré possède
• La bénédiction du chrême s'accomplit au cours d'une les vortus de son nouvel état, que l'exorciste combatte
I terettl 1 messe chrismale >> spéciale, le jeudi saint, dans les
efficaoement le démon et que le sous-diacre reçoive
.-~
t•César,
capiédrales (on la lit dans le Gélasien ancien). La pré-
face propre, qui était sans doute autrefois celle do la
les sept dons. - Les mentions de !'Esprit Saint sont
beaucoup plus formelles au cours dos préfaces qui,
1ibou.rg- bénédiction du cbrêrne, ne ,net pus do rapport formel avec l'i1nposiLion des mains, constituent le rite essentiel
~wnijre, entre l' <i onc,Uon » qui donnera le chl'ême au:x: fidèles de l'o1•dination des diacres eL des prêtres, et de la consé-
!crqtoiro et l'Esprit Saint. Le lien est plu$ net dans la bénédic- cration des évêques. Il est frappant que la demande
faillard.
tion du cbrômo à la fin du canon. L'oxorcisrne initial de l 'Espi•it fy est chaque fois nlise en relation avec les
•'adresse au chrêrne et prie pour qu'il soit dôlivré de cxigetices de sainteLé personnelle, do force et de fidélité
asentée tout« pbantasrna Satanae.. , ut fias ornnihus qui ex t e dans l'accomplissernent du ministère qui leur est confié.
>n(}ti'on vnguendi sunt, in adoptionern filiorum, per Spiritu m Pour Je diacro : « Acclpe Spiritum Snnctum, ad robur, et ad
lptême Sanctum ». La préface consécratoil·e qui fait suite rosistendun1 diabolo et tentationibus ojua : in no1nine Donlini.
; Marc (restàurée en 1955 à peu près dans sa teneur prirnitive), Ernitte in eum, quaesumus Domine, Spiritum Sanctun1, quo
parle de l'onction de l'Esprit Saint qui out lieu lors du in opu11 ,ninisterii tui lldelltor exsequondi sept.lforn1is grotia8
baptême du ChI'ist. Cotte onction devient maintenant, tu1.1e nrunore robo!'otur. Abundet in eo totius forma virtutis •·
estre de ·Pour le prlltre : « ... Jnnova in vi.\aceribus oj us Spirltu111 sancU-
1x nais- par le chriBma salutis, celle des fidèles renati ex aqua taUs : ut ucoeptu1n a le, Deus, socund.i meriti munus ohtineat,
!ments ... Il Spiritu _Sancto. Par elle, ils sont a.cternae ()itae parti- ctinsuramque moru1n exemplo suao convorsa.tionis insinuet ».
euxième oipµ et coekBtis gratiae ... c<>rlSortè11. Cette onction est
onctioA 11188i celle dont furent oints les 8acerd<>tcs, reges, pro- Le Vcni Creator a été introduit avant l'onction des
la formo PM/46 et ,nartyrc11.
o invisi- mains et la tradition de~ instruments, à une époque où
'a J.>ent11- L'usage prert1ier du chra1ne el!t :donc de servir à cêtte 9nction, cette (lernière éLait considérée comme le rite essentiel.
udes SUI' àla tolB sacerdotale, royale èt prophétique. C'est par èxtension Sernblable invocation se voit fréquemment en des cir-
1, p. 198- qqe d'autres rit$$ de consécration onl adopté dos onctions constances similaires (sacre des évêques, des rois, etc),
nmunion a,eo le chrême. La dernière irnposition des mains, accompagnée des
ris, 1952• Sur cette bénédiction, voir J . Rogues, La préface èonsé.cra-
loiro du chr~1nc, dans La Maison-lJieu 49, 1957, p. 35-49. -
rnots : « Accipe Spiritum Sanctum; quorum remiseris -
poccata, remittuntur eis; et quorum retinueris, retenta
Sur la mi8sa chris111alis, voir L. Bouyer, Le jeudi ile la Cèni!, sunt "• n'apparaît pas avant le 18° siècle et reflète
les deux IJiidem, 45, 1956, p. 50-v9.
le de la li est à remarquer que le Rituel de la conflrtnntion se scrl cetto même idée que l'Esprit Saint ost à l'origine d es
mroe la de formulos f.tèR générales : on prie pour que le fidèlo devienne pouvoirs sacerdotaux de la hiéral'chie.
devenir (fmp/um gloriae suac (du Saint-Esprit] ot qu'il reçoivii Iea sept Au sacre épiscopal, la mention do !'Esprit Saint est
ne Nou• dons, '- co qui ne caractédije pas la co11fir1natlon telle que claire, lorsque, avant la préface, a lieu l'ilnposition en
iers cha- i. lai8Jlent définir la Bible, lell l'ères et lu consécration du silence du livre des évangiles super cer()ic11,n et scapulas;
chnlmo.
.- après quoi les évêques co,consécrateurs disent Accipc
i, si b ien
, au jour Spiritu,n Sanctuni en touchant l'élu des deu:x: mains.
8. ;Liturgie qui accompagne la oroissance de Ce rite, d'après des tén1oins anciens, sernble bien
hètie .de l'fglise. - Cette croissance est assurée par \IJle double
roir une indique1• la puissanoe <le l'lî:vangile qui doit pénétrer
génération : celle que sanctifie le 1nariàge et celle qui l'évêque en mô1ne ternps qu'il reçoit l'Esprit. L'onction
phétie •· crto la hiérarchie des successeurs des apôtres.
t-l~7i 11, du chrême sur la tête est celle de )'Esprit : « ut tui Spi-
fo Le Rituel du marillgo no comporte pas de tnention ritus virtus et interiora ejus replcat, et cxteriora
ition eist expresse de l'ESJprit Saint, sinon pou1· la bénédiction ch•ctuntegat »; elle donnera les vertus pastorales
de nous de l'anneau, qui, oom1ne toutes les bénédictions, se lait requis<l!': << ad r·egendum Ecclosianl tuam, et plebom slbi .
>us torti- 111 nomine Patris, etc. com1ni:;:;am i,. L'accent est mis, plus exclUBivement quo
l. Marti- dans les rit.ue.ls d'ordination du diacre et du prêtre,
ltUme caronco duns la bénédiction nuptialo. La H(,t1cdic1io sur los charges pastorales.
ta cotifu- qudlsris praegnantis est un pou plus expllcilo : 011 y rappelle,
:t i ver.bis dàns l'oraison Domine Dc4$ 0111ni111n Crecitor, fortis et tcirribilis, Voir Études 8Ur le aacreme111 de l'ordre, op. cit.; on particulier:
iiq:ue, s• que o'ost 111anu Spiritus Lui quo Di0u a • aanctlllé nos pères • B. Bol!c, L'ordre d'après les prières d'ordination, p. 13•li5, et
,as spéci- (dans l'ancien 1'esta,nonl); que c'ost p11r l'l!lsprit Saint. que Je Car,,ctilrc eolMaial <lu presbytérat et di! l'épiscopat, p. 97•12(.. -
it en ·vue wrps et l'â1ne d(l Mario ont été dignes de devenir l'liabitaculu1n F. Vandenb1•oucko, Esprit Saint et structure ecclésiale scion la
prophète du Christ; quo c'est lui qui 11 " renlpli • Jll11.n-Baptlsto dès le la'.t11ri;ie, dans Les questiOtlil liturgiqu.e.s et parQÎSSiales, L. 39, '.1958,
1111n ~atornel ot l'y a fait tro!isaillir. Co sont là des évooallollB
p. 115-1$1.
linsi être
~ partioi- de-çertaines maternités célùbro..~ dans la Blblo, mais nullon1ont
rattributîon d'un rôle quelco11q1111 de l'EsprH Saint dans la Deux conclusions s'imposent : 1) Les évêquos sont,
a mission 'maierruté actuelle (Rituel, v111, 5). Celle-cl sorait plutôt attri- par le don de )'Esprit, les successeurs <les apôtres pour
buée au c Fils de Marie », scion la .8cncdict.io 1nulieris poilt gouverner l'Église et l' <c édifier >>. Prêtres et diacres

1têine, voif. ~lum : • Ingredero in templu1n Dei, adora Filiuu1 beatae les aident et reçoivent eux. aussi !'Esprit en vue de cette
1 29, 195i, itariae Virginis, qui tlbl fœcunditale1n t ribuit prolit; • (vnr, œuvre apostolique. Si les premiers, seuls, sont associés
chrétienne- ,, J).
au sacerdoce de. l'évêque, ot si les autres sont des« servi-
1291 ESPRIT SAIN1' DANS LA LITURGIE
teul'$ », leur tâche n'est pas uniquement cultuelle : le et agendi » (oraison du se dhnanche après la Pentecôte);
gouvernement pastoral et l'édification de l'Église, la une virtus qui purifie le cœur et protège des adversiUI
prédication de la parole de Dieu, la sainteté perso11nolle, (oraison du mardi do Pentecôte}; l'illumination et la
sont réclamés d'eux:, et los préfaces consécratoires connaissance du Christ {88 et 58 o!'aisons do la bénédic-
demandent le don de l' Esprit pour qu'il en soit ainsi. tion des cierges, 2 février; Orationes diversae 29, ad
2) L'examen du Rituel et du Pontifical rév~lo un postulanda1n oaritatem, postcommunion); l'illllStr~tio
lion très étroit entre le « don » de l'Elsprit Saint et la (Pentgcôte; vigile de la Pentecôte, oraison et secrôu);
collation des trois sacrements qui « impriment » dans la sagesse : ,1 Mentibus nostrla quaesumus, Doml11e,
!'dine un « caractère indélébile », baptême, con fi1•ma- Spiritum Sanctum benignus in!unde : cujus et sapionlla
Lion, ordre : il rend tcmplu,n Dei ,,ivi le baptisé; il conditi sumus, et providontia gubernamur 11 (1° ornison
habilite à l'édiflcaUon de l'Église le confirn11\ qui du samedi des quatre-temps de P entecôte; et commun
devient héraut de l'Évangile; il rend !'ordonné héraut des souverains P ontifes, 3 juillet, oraison); la vraie
lui aussi, à un titre spécial, car il lui confie des pouvoi1•s componction (3° oraison de la bénédiction des Cendres;
« d'ordre ,, qui, au moins dans le cas du prêti·o et de Orationes divorsae 21, pro potitione lacrimatulllt
l'évêque, sont irréductibles à ceux dos autres fidèles. postcommunion); la pureté : ,1 Ure igne Sancti Spiritus
Le << caractère 11 de ces sacrements est cornpris par la renes nostros, et cor nostrutn, Domine... » (OraUonea
liturgie comme une prise do possession par l'b:sprit, diversae 2G, ad postulandam continentiam; litanie1
inaliénable mêrne si la grâce sanctifiante vient à faire des saints).
défaut. Mais cette prise de possession est, par elle-même, Nous lui devons d'ailleurs, do façon l>eaucoup plus
un « titre oxigitif ~ orientant vers l'amitio divit)o de la profonde, l'origine même de ses dons, qui est la grâce:
grâce celui qui déjà est temple do !'Esprit Saint, lloraut « Mulllplica, quaesumus Domine, in Ecclosia tua splrl•
do l'Évangile et ministre hiérarchique du Chl'ist et do tu1n gratlae, quem dedisti... 11 (postcommunion da
l'~glise, l'orientant en un 1not vers la sainteté chré- commun des souverains Pontifes; déjà partiellemell
t ienne de son état. dans le Léonien, éd. citée, p. 128, n. 1002). Il est l'aul
• de l'adoption divine (cf Roni. 8, 15; oraison, S. Jérôm
~- Liturgie et vie chrétienne quotidienne, - 11:miiien, 20 juillet; supra, col. 1287, à propos
1° La liturgie de l'eucbarlaUe et le Rituel de ln p6ni- baptême). Mario a éLé l'habitaculum de l'Esprit (or'IWIOlj
tmce n'ont aucune mention caractéristique do l'Esprit de la PrésontaUon, 21 novembre; du Cœur Immaoul
Saint. 22 aot\t). Nous le sommes aussi par sa grâce, ot il faut
La liturglo orientale comporto une tormulo d'invocation à prier pour résister aux tentations qui souilleralen
l'Esp1•it Saint pour que soit opâréo 111 trans.,ubstan tietlon; cotte présence : u ••• libera corda nostra de mallll'II
d'après cert.ains historions Il y aurait des traces d'épiclèse tentationibus cogitationum; ut Suncli Spiritus dignu
sernblable dans la prière Supplices du canon ro,nain, eu qui e,;t fleri habitaculum mereamur » (Orationos divorsae·
difficile à étnblir. Certains ont vu dans le goslo d'éLundro la ad repellenda.~ malo.s cogitationes; messo votive a
muln vers Jo pénitent, on prononçant les parole., do l'absolu• postulandam gratia1n Spiritus Sancti, secrète).
tion, un vestige possible d'uuo invocation ù'épicltlsc. inf usio est purifiante : « puriflca per infusionem San
D. BoLte, L ' ange ritl sacrifice et l'épiclèse de la 111c~se ro111ainc
au n1oyen âge, dans ·11echcrcltes clc th~owgic a11cicn1te et 1né.clit!valc, Spiritus cogitationes cordis nostri. .. » (messe ad pos
t. 1, 192\i, p. 285-308. - C. Vagogginl, op. cit., p. 1 90-·19 1. landam gratiam Spiritus Sancti, oraison); ou encore
,1 Sancti Spiritus, Domine, corda nostra mundet infusio
20 Lee oraison• du rnl•sel, en revanche, olTrcnt uno et sui roris intima asporsione fœcundet » (vigile de
doctrine très complète sut• los « dons )> qu'apporte Pent,ocôte, Pentecôte, jeudi do la Pentecôte, m
à l'ho,nme, dans sa vie quotidienne, la présence de votive du Saint-Esprit).
!'Esprit. La doct1•ine qui se dégage de ces tex.tes, particuliê
Lo principal do ceR dons est l'amour : • Splriturn nobiR, ment significatifs dans l'octave do la Pentecôte, tejoîn
Dotnine, lune carltatia in/undo, ut, quos uno pane coelesli (ou en une langue qui n'a pas la précision de la théologl
sacrarnonUs paschalibus) snt.iasU, tua fncins pietate concordus • les principales vérités qu'enseignent:)a Bible et le do
(po11t.communion du vondrodl âprès les Cendres, do la vei116o l'inhabitatlon de !'Esprit et ses dons, - qui no se réd
pasc1do, de Pâques ot du lundi do Pdquos; OralioneR clivorsao sont nullement aux« sept dons» entrés dans la spéc
9, pro concordia). Ou encore : • Deus qui caritatls ùonll. per Lion théologique sur la base d'lsaiu 11, 2 (selon lc •tel
grntiam Snnoti Spiritus tuorum lldeliurn cordibus inruùistl ... •
(Orationes d.lversae 30, pro dovotis anlicis; et 29, aù poatu- de la Vulgate}. Ces II dons», la liturgie les met en lum
landan1 uaritatem, postcommunion). et leur attache au moins autant d'importance ~u
l'inhabitation de l'Esprit dans l'âme ou à son acl'
L'Esprit Saint est aussi l'auteur de la ferveur spiri- dans l'~glise. Parmi ces dons, noter la place de pre
tuelle : Deus innocenUae restitutor et amator, dirige ad plan de l'an1our, de l'intelligence, de la force et de
te tuorum corda servor,1m : ut spiritus tui fervore pureté.
concept.o, et in flde inveniantur stabiles, et in opera L'examen do ces oraiaons, telles qu'elles sont doqn
efficaces 11 (oraison super populum, mercredi de la dans le missel et en plus d'un cas au cours do l'o
2e semaine de carê,ne). Il nous brftlo du feu que le Christ divin, doit tenir compte du tait que, pour la litu
a !'épandu au r la terre et veut voir se répandre (cf Luc ron1aine, !'Esprit, depuis la Pentecô lo, ne supp)
12, 49) : « Illo nos igno, quaesumus, Domine, Spi1•itus nullernent le Christ dans son œuvra de nlédiaU
Sanc!.us influm1net : quen1 Oominus nost,cr J esus Celui-ci reste toujours médiateur entre nous et Di
Christus misit in terram, et volu.it vehementer accondi » toutes les oraisons s'adressent au Père per Domin
(2° oraison du samedi des quatre-temps de Pentecôte; nostrum J esuni Christurn F iliuni tuuni qi,i tecum p'
cf secrète du vendredi). On peut en rapp,•ocher la et rcgnat in uuitatc Spiritus Sancti Deus. Si les dom de
sobria pro/11,sio Spiritus dont parle une byn1ne ambro- grâce et des vertus sont volontiers attribués à l'Es
sienne du hréviaire (laudes du lundi, en été). Saint, le Christ en reste cependant l'auteur, en
L'Esprit donne la grâce « cogitandi quae reeln sunt... qu'il envole ce même Esprit et accorde ses dons par
1

1292 1293 LITURGIE: ET VIE CI-IRltTIENNE 1294


côte); Pour la doctrine de l'Esprit Saint dans les oraisons En somme, ces fotmules révèlent une certaine carence
irsités tlu mjssel, on peut s'aider de Pl. Bruylants, Les oraisons de doctrine ferme. Un co1·tain opportunisme ou un
et la du missel romain. T exte et histoire, t. 1, Louvain, 19G2, certain llasard fait que !'Esprit Sa.int ost tantôt oublié,
nédic- p. 273. tantôt invoqué. On le prie volontiers, quand le rite
:9, ad so·Lea aacrameutawi. jouent un t•ôle irnportant dans revêt une plus grande solennité, quand il s'agit de
9tratio
-, la vie quotidienne du fidèle. La place que leur Rituel lut.t.er contre le démon ou quand on attend de !'Esprit
:rète); un don spécial.
attribue à !'Esprit Saint n'est pas toujours explicite.
,mine, Lour ~Uure générale pe\1t se 1•ésurner de la manière sui- 40 Le llituel des• ans d01'nièrea 1net souvent en oppo-
..
1ièntia
raison
vante. sition les acteurs du combat entre Satan et l'Esp1·l t
Saint Toutefois, l'ordQ niinistra,uli cxtremarn unctio•
lll'mun ' 1) Les trois Personnes de la Trinité sont régulière-
ment invoquées dans les b1:11édictio1111 et aspersions. nern est très sobre sur !'Esprit.
vraie Uno seule ullusion attribue à sa grlicê la guérison 6vcntuollo
ndres; Parfois la bénédiction est !aiLo virt11.t8 Spiritus Sc1ncti ou du n1aladc : • Cura, quneJ1un1us, Rodomptor noster, gratla
.a tum, sotis une for,na équivalente. En des circonst.Qnces plus solen- Sancti Spiritus lo.nguores isti11s infirn1i... • (oraison Domine
piritus 11011~ , le Veni Crdator eRt chiuité (bénédiction ot pose cle ln
Deu.9 qui per Apostoluni tuuni Jacobum; vr, 2, 12). Le chapitre
1tiones ~l'llliiÎère pierre d'une église, dédicace, érection du che,r,in de (4) De ,,i~itation~ ce cura infir11ioru'1n est muet sur l'Esprit Saint.
là ct0p;, ~te_). Le Sain_l-Espril ost invo~ué a!-1 débul du synode. La b6nédiction apostoliquo in artioulo 1nortis (6) n'est pas plus
itanies La /lanedictlo sollemnior donu1s scholarJ.$ (Rituel, IX, 6, 7) COlll•
menoe par des oraisons dont los doux pr011:1îèrea sont adressées OXJ>rossivo. L'Orrb> C()mmcndationis a1ii111~ (7) est ,\ peino plus
p plus au Saint-Esprit : Deus gui corda fideli11.n1 ot Deus cui orn,ic cor expllcito : cett0 co111111c11,latù>, surtout oxprî,née dans l'oraison
Pro[,.cisccrc (n. 4), est faite au uo1n do chacune d.es trois
rrâce : patct, on rai.son du but de l'ét.iblissemont boni. cr DS, t. 4, Personnes; o'esl l'uniq1,10 allusion notablo. Il est fait mention
1 sp1ri• col. 25-26. cependant de la foi du 1nourant dans les trois Peraonnei,, -
>n du La pracsèntia sancti Spirit1ts est liée aussi à l'asperi;ion de on songe au triple credo du baptême : cette foi esl dl! nature à
.ement l'eau bénite; Jointe à la prière, son action est co1np11rn,blo à co111ponsllr ses péchés (oraison CQ111111erula"11tS),
~lie dos exorcisn1cs (dor,1ièro oraison de la bonédic Lion dt)
àuteur l'eau bénite; Rit,wl, 1x, 2, 3). L'intercession des anges, des saînti; et de l\iarlo, est trè~
érômé souvent alléguée, et surtout l'aide du Christ; l'.lilsprlt Saint, qui
os du 2) Los exorcismes se font en général au no1n des troi!} ,est depuis la Pentecôte notre• Paraclot •• l' Assistunt, n'est pas
,raison 'évoqué.
Personnes de la Trinité. Parfois, Us adjurent le démon
1aculè, de,taire place à !'Esprit Saint; ainsi aux exorcismes avant 5. Liturgie, vie trinitaire et louange eooléeiale.
il faut le baptême. Les exorcismes sur les posi;6dés (Rituel, xn) - L'activit6 attribuée à !'Esprit Saint se découvre
iraient contiennent des adjurations au dé1non, au nom de dans la manière dont la litul'gie pal'le aux llommes de la
ilarum !'Esprit Saint, mais aussi au no1n des autros Personnes vie 1•édernptrièe du Chi:ist et dont elle entoure les étapes
lignum (vg xn, 2, 4). Sur la lutte contre lo d6mon dans la litur- et les circonstances de leur vie chrétienne. On a dit que
iae · ~5, gie, voir C. Vaguggini, op. c:it., p. 832-339. cetlc manière respecte la médiation du Chr·ist. Il faut
ive ad ajouter une autre constatation : l'activité attribuée
a) Un don spécial de !'Esprit sep tiforme est attaché au
). Son Cft,dro du cttlte ettehari$tigue : voh· à ce propos lo Rituel par la liturgie à l' Esprit respecte le dog,ne de l'unité
Sancti de la dédicace de l'église (préface, P<1ntifical, 2° p., des f>orsonnes de la Trinité dans leur action ad extra. •
postu- do la consécration de l'autel (verset Veni Sancte S'pi- La liturgie affirme cette unité en d'innombrables cir-
1corc : ritus et oraison Descendat quaesurnu,s; ibidem), et de la constances, no se1·ait-ce (Jue par lès doxologies des
1fusio : cloche, bénite pour qu'elle invite los fidèles ad prac- hymnes et ·surtout par le Glôria Patri et Filio et Spi-
i de la ritui ,S'ancto qui achève p1•esque tous les psaumes de
miu,n (oraison Deus qtti pcr beat1un Moy:u:n; Rituel, 1x,
messe ~. 11). l'office divin.
)Ulière- '4) Bénédiction de pcrso11nes. Une oraison solennelle Cotte forme de la doxologio trinitaire nccentuo l'égo.lite des
~ejoint, adressée au Saint-Ei,prit se trouve, après d'autres trois Porsonnos 1nieux que la torm0 plus ancienne Gloria Patri
'adressées au Père et au Christ, dans le rite sirnple de la pcr Filùu,~ i,i Spirittt Sat1cto. Le Gloria Patri n'a été introduit
,ologie, sans douto qu'au 5• siède et on pout y voir lo souci de réagir
logme: bénédiction d'un abbé (J>ontific(l.l, 1 c p.).
. contre tout reproche do trithéisme. Voir P. Dlanchard, La
• rédui- Ljl préface de la Dc11edic1io .a~C/.()ritc,tc, ctpostol~ca. co~nrnence corrtt8Jll>r11lcincc apocryp/1,11 dit Pap~ Darnasc et de S. Jér(i111e $ttr
pécula• par les mQtli : • amuento,n Sp1r1turn t.uae bened1ction1s super le ps,u1tier ~/. le chant da l'Alleluia, ùana Ephcmcridas lituri;icae,
e texte .hune !a1nulum tuum, nobis orantihua, propitius infundo ». t. G:l, t 91,9, p, 376-388 .
,umière li en est do rnêmo dans ln profession 111onastîque, où une oraison
e qu'à au Saint-Esprit suit deux autres adressées 11.u Père et au Christ: 1° L'unité trinit.airo et la consubstantialiLé des
action c;étnit sans doute l'uijnge de Cluny (voir H. Frank, Untarstt· Pers·onnes sont surtout affirmées dans la liturgie de là
• cluu1gcn zttr Geschichtc der bcncdiktinisclun1 Profcssliturgic ini fête de la sahlto Trinita, Cette fête ne so présente
>rem1er fraT,c,1 ll{iuclalter, d1u1s Stuilicn und Mitteilunt;en zur Oescfâchtc
t de la pas, ainsi que colles du temporal, dans son fond le -plus
des Bencdihtincr-Ordens, t. 63, 1951, p. 1a1, note 11.t'i). On authentique, co1nme celle d'un « événeinent » rédemp-
demande dans ces oraiso11s, pour l'11hbé et le 1noino, 111 grâce teur. La dévotion à la Trinité est cependant fort
lonnées d'une s11.inteté confor1nc à lù dignité et aux 1·csponsahilités
l'oirtce do lour état. ancienne; ainsi une hymne comme le Te Deum, œuvre
On demanda aussi à l'EspriL Saint lea vertus de la viBrgc probable de )~icétas de Rémésiana (début 5e siècle},
liturgie
iplante consacr6o, au <:ours de la prâli1Co co11sticr11toire (Pontifical, con1pot·te une partie nette1nent trinitaire.
liation. t• p.; déjà prôsonto avo1: des variuntcs dans les sanrament.iires). Uuu dévotion plus expllcito parait d'origine tranquo, il
Dieu: L'anneau des vicrg0s est le signaculun1, Spiritus Sa11cti; sn l'upoque èQrolinsienne. On en a com,no indice, parmi d'autres,
tradition, avec cette for,nule, se voit au 10° sièclo dans lé pon ti· les 01>usculos d'Alcuin De flik sa11ctae et i11dù,irlu.ac Tririitatis
•niinum fioal ro1nnno-gcnnuniquu de llfnyence, (PL 101, 11-58), De Trit1it<?le cul Predar;is11.1n quaestiQ11Cs .2Q
• •
:ni- vivtt Ill. Gerbert, Monunu1nta veleri11 ltllirgi(l.c A.lcrnc1nnicae, t. 2, (5 ?-(il, ). On doit à Alcuin une messe de la T1•inilé, qui est à peu
ns de1a BaintBlo.isê; 1779, p. 97, - P. <le Puniot, Le i'ontifical ron1ain, près celle du missel do Pie v, toujours eu usage. On peut suivre
l'.Esprit t. 2, P.irls-Louvnin, p, 148•178. - R.. l\{etz, La C(l1l$écra.tio11- des la dilfuRion de ·cette 1ncssc votive pour le dlmaricho dans de
in tant 9icrges dctns l' E'1Jli,9C ro111cûnc. Êtu.da d'histoire de frt litu.rcic, noruureux livres liturgiques jusqu'au t1• siècle; et, à partir du
par lui. Puris, 1954, surtout p. 849,362 ot. 206, 10". c:elle d'une fête, introduite à Liège pur l'évêque :guenne
1295 ESPRIT SAINT DANS LA LITURGIE
(903-920), dotée de la messo et d'un office propre qui fut retou- chrétien. C'est ce qui rond difficile d'établir une doc-
ché par-ci par-là avant d'antror dans le hroviairo do Pio v. ttine de la place de l'Esprit dans la vie trinitaire •à
Rome, avec plu$ioul'$ liturgislcs, avaient fait dos rosorvos sur partir des t extes liturgiques.
la di!Tuslon do cotte fôto, nulis Jean xx11 l'ndoptn pour toute Enfin, les textes où l'unité trinitaire so trouve le
l'~gliso on 1832. Excellent résumé des sources ot des t.ravaux
par A-P. Frutnz, art. Trinilà, § 6 Liturgia, ~JC, t. 12, ~95(&, mieux soulignée par la liturgie, - Gloria in excelsû,
col. 541-544. finale du canon, fête de la Trinité, Gloria Patri des
psaumes - , sont ceux Ol't l'atmosphère de louange es~
La préface de cette f.ête, reprise Lous les dilnanches le plue en évidence. La vie chrétienne est destinée à
per annum, insiste s·u r la consubstantialité dos Per- s'achever dans la louange de la 'rrinité, et ici-bas
sonnes : « in unius Trinltate sub$tantiae... sine difte- déjà, selon l'esprit de la liturgie, la louange n'en dissooiè
rontia discretionis sentirnus ... » Cette préface se lit pas les Personnes. Beaucoup do textes s'expliquent
déjà au 7° $iècle dans le sacramentaire gélasien avec co1nme si la liturgie voyait la 'l'rinité dans son unité,
s,:rio difjerontia et discretione (au nloins selon Je ms là où elle porto les regards de sa contemplation ou de $~
Zürich Rheinau 80), ce qui exprime encore 1nieux louange vers la 'l'rinité; mais commo si, par ailleurs,
l'unito. elle accentuait le rôle propre des Personnes, - média,
On pout y joindro los affir1nalions dos sy1nbolos dont la tion du Verbe incarné, action de l'Esprit dans la croÎ!•
liturgie do la mosso et de l'office se sert: le Symbolum a.posto• sance de l'Église et la vie du chrétien - , lorsquielle
licrini (Donzlngor, 2), lo symbole de Nicôc-Constaolinoplo considère ce que la Bible et la tradition ensoigne'nt
(Doniingor, 54 et 86; utilisé à Ja meBSe romaine depuis le sur l'œuvre rédemptrice et salvatrice de Dieu da°'
11 • siècle et en dehora de !'tome depuh, le 8° siècle) et celui l'humanité. ·
dit de saint Athanaao ou Quicwnque : François VAND BN UROUCKE.
• Patris et Filii et Spiritus Sancti una est divinitaa, aequalis
gloria, coaeterna majeatns... I ta Deua Pnter, Deus Filius,
ûeu~ SpirituB S11nctus. Et tarniu\ 1ion tres Dii, sed uuus est IV. L'ESPRX1' SAINT AME DE L'i:GLXSll
Deus... Spiritus Sanctus a Patl'o ot Filio, non tactus, nec
croatus, noc gonitus, sed procodons • (Denzinger, 8\1). La doctrine du Saint-Esprit â1ne de l'Église est con•
Lo Quicunique etait récité à prhne le dlman_ebe dès le tenue implicitement dans l'~criture (vg 1 Cor. 12, 11·18;
90 siècle; rouvre possible de Vincent de Lérins ou née dans son 1:Îph. 2, 22; ,., 8); les P ères en grand nombre, et surtout
entourage. Cf J. Madoz, Urt trcltado dcseu,10<,ido de sa11 Vi.ccnic saint Augustin, l'ont exposée d'une façon plus ou mollla
d~ Làriil.s, dans Gr11gorianu1n, t. 21, 19~0. p. 75-9'•: l\rl. des explicite; beaucoup do théologiens l'ont enseignée,
8 11:ccrpta Vincentii Lirinon$ÎS, ll{adrid, 1940. sans toutetois l'amene1· à son plein développemont,
20 Dans l'ordinairo do la moeeo, la mention de elle est énoncée en propres termes dans les encycliques
l'Esprit Saint est relativement rare. Elle apparaît de Léon x111, Di(linurn illud (9 1nài 1897), et de Pie xn,
fugitivement dans le Gloria in excelsis : cc Quonh\1n tu Mystici Corporis (29 juin 19'-3).
solus sanctus, tu solu$ Dominus, tu solus altissimus : En plus de colle image de !'Esprit âme de l'~glise, on a-aussi
J esu Chris te, cum Sancto Spiritu : in gloria Dei Pa tris ,,. einployé colle de cœur du corps mystiquri. Cette dernièro à élé
On sait que le texte du Codex alexandrinus 01net la utilis6o par saint Thomas (J)e, r•critate q. 29 a. '• ad 7 :· Summa
mention du Saint-Esprit à la fin, mais la situe au milieu, 1lieolo11ica a~ q. 8 a. 1 ad 3). Cependant le doctour angéllqù.e
après Jesu Christc, de manière à rendre christologique mnplole ou insinue beaucoup plus souvent l'in1ago do l'âme
de l'Église (vg 1,1111 Se111. 13 q. 2 Q. 2 qu. li sol. 2; Do symbolo
toute la seconde partie. La forme en usage aujour·• ciposiolor14rn , De ]~eclesi11; lJe veritate q. 2!1 a. 4c; Su/11"'4
d'hui a accentué l'unité trinitaire. Sur los formes tfwologica 2• 2•8 q. 183 a. 2; In Evang. Joanni.s, o. 1, lect. 10,
anciennes cle ce tex.te, voil' B. DoLte et Ch. Morh,nann, n. 1: /11 (?pist. ad R01na11os, c. 8, !col. 2; In Col., c. 1, loot,.5),
L'()rdinairc de la Messe, Paris-Louvain, 1958, p. 64. L'image de 1'1îrn0 l'crnportc do beaucoup sur celle du cœur,
Le canon de la messe romaine s'achève par une doxo- d'autant que seul le Verbe, et non l'Esprit, s'est tait co.-po-
logie nette1nent trinitaire : « Per ipsum, et cun, ipso, rellemant Hérnblable à nous.
et in ipso est tibi Deo Patri 01nnipotenti, in unilate
Spiritus $ancti, omnis honor et gloria ,,. L'flgli$c, organisme surno.tul'el, peut être consid4tée
de deux façons, ou constituant u11e seule personne
La forinule i,i u,1it.atc Spiritus Sa11cti, exclusivement latine, mystique avec le Christ qui est sa Tôte, ou épousé ~u
ne paraît pa.~ avant ~20 et se présenta aous une for,no aasez
ditiérente dans la tradition milanaise (13. Botte, Le ca11011 de la Christ, formant une personne 1nystiquo distincto du
n1esse ron1ai11e, Edition crit.i.que, Louvain, 1935, p. 22 cl 69} i Christ. Dans l'un ou l'autre cas, nos affir1nations gar,
ollo provient pout-êtro d'uno église d'Italio et a voulu uffirmcr deront presque toujours la 1nê1ne valour.
l'union intiino des Porsonnos, peut:titrc pour 1•01>ondre à L'ilnage du S;1int-Esprit, ân1e de l'Église, doit é.tre
l'a.ccusution de trith{,is1n0. I!llle apporto ainsi uno corlainè préci- comprise en confor,nité avec l'analogie de la foi. Eli
sion à la tor1nulo plus anolonno dos doxologies cum Spiritii conséquence 1) l'union réalisée par cette' « t1rnQ 1
Sarwto (voit· Dotto-Mohr,uaon, op. cit., p. 133-13\J, à propos de n'est jamais substantielle, mais se situe dans ·l'ord11
discussions récentes tendant à donner à cette formtile une accidentel; 2) toute opération du Saint-Esprit en l'Église
portée ecclésiologique).
dans l'ordre des causes eftlcient,ès est toujours une
Les affirmations de l'unité trinitaire des Personnes action co1nmune aux trois personnes divines ~voir
divines peuvent s'illustrer· encore par les non1bl'euses in/ ra, § v).
formules, déjà citées, du Rituel des sàère1nents et Nous considérerons ici le Saint-Esprit comme bàbl,
des sacramentaux, qui ne dissocient pas l'Esprit des tant dans l'Église-société et non en chaque âmo parti•
autres Personnes. Cependant en un grand nombre de culière : !'Esprit informe, unit, vivifie cet organlsm
cas, la liturgie y « approprie n une action particulière fondé par le Christ, formé de nombreux membres hom
à !'Esprit Saint; pour cela olle s'appuie toujours, gènes et h étérogènes, - l'lÎlglise ou le Corps mystlq
non sur la nature des relations d'ol'igine et les pro- du Christ ~ , et que l'Esprit rend capable d'établir
priétés personnelles de l'Esprit Saint, mais sur les d'une façon permanente l'œuvre de salut quo le Chris
effets de son action dans l'Eglise et dans la vio du nous acquit.
l296 ESPRIT SAINT AME l)E L'ÉGLISE I 1298
doc- 1. LJEsprit du Christ. - Cet Esprit, qui infor1ne première communication du Saint-Esprit, mais une
il'e à l'organisme de l'Église, est appelé l' Esprit du Christ, co1n,nunication spéciale, elle a été enrichie des dons et
pour plusieurs raisons : 1° il habite en son absolue des charismes particuliers indispensables à sa manHes-
re le plénitude on la seule humanité du Christ; 20 il a mani- tation et à la prédicaUon dans le monde entier. Des
elsi:8, featé et comme rendu visible la messianité du Christ; chari:,1nes nüraculeux lui étaient plus immédiatement
1
des 8° c'est le Christ qui a demandé pour nous'î'Esprit; néces8aires, car elle ne pouvait présenter encore le
a est Il nou11 l'a mérilé par l'elTusion do son sang et nous l'a miracle de son unité, de son expansion, de sa stabilité
tée à envoyé..d'une manière visible; 4° il ne cesse de l'infuser et do sa fécondit~ qui sont aujourd'hui un motif
i-bas à 1'11lg~e, ot 5° lui-mên1e s'olTre à Dieu par l'Esprit de perpétuelle cr(ldihilité ot un témoignage irrèfragable

80010 (Habr. 9, 1',); G0 c'est par l'Esprit quo l'F.gllae est do sa divine légation (Deniinger, 179~) .
uent unie au Christ, rendue contorme à lui pour pouvoir Il en est de l'effusion du Saint-Esprit à la croix par
:nité, continuer comme Christ 1nystique son muvre salvillque, rapport à celle de la Pentecôte, com1ne il en est du
ile sa et 7°, tenant la place du Christ, il donne toujours baptô1ne par rapport à la confirmation. Bien que conféré
.eul'S, témoignage .de lui et assiste l'Église, au point quo dos au l)(lptême, l'Esprit l'est cependant d'une façon spéciale
6dia- Pères' disont qu'il est vicaire du Christ. Aussi compre- à la confirmation, - (ul robur. L'Église peut égale1nent

,ro1s• nons-nous aisément pourquoi saint Paul (Rom. 8, 9-10} être comparée avec celui qui est sa Tête. En sa concep-
1'elle emploie . équivalemment Christ et Esprit du Christ, Uon, le Cl1rist reçut Ja plénitude do l'onction du Saint-
rnent Esprit; mais au début de sa pt'édlcation, Jésus vit
dans • 2. Quand l'Esprit a -t- il été infusé à l'Église? descondre sur lui l'Esprit sous la forme d'une colombe,
- L'Espri-L du Christ, considéré con1me le principe pour signifier que dès lors le Messie commencerait à
dernier de toutes les grâces, dons et charismes, a été se manifester par tous les charis1nes 1niraculeux {Luc
donné à l'Église une fois pour toutes et de,neurera en 3, 22). On co1nprend qu'on dise parfois quo l'f:glise est
elle jusqu'à la conson1mation des siècles. Cependant, née i1 la Pentecôte, car, conçue et viva.n te à la croix,
!'Esprit est accordé à l'Église chaque fois qu'elle reçoit c'est au jour de la Pentecôte qu'elle est sortie pour
con- un don particulier, comme il est dit. en J ean 20, 23, ainsi dire du sein où elle était cachée pour apparaitre
1-18; ou lorsque, par oxemple, un concile œcuméniquo se q• la lu mière.
rtout réunit sou., l'assistance du Saint-Esprit.
noins L'Église a reçu pour la pren1ière fois l'Eaprit, lors- 3. L 'Esprit Saint principe d'unité. - . L'Esprit
gnée, qu'elle succéda Il. la synagogue, à l'heure mêmo où du Christ, principe intérieur d'unité, rond l'flglise
11ent; le Christ cxph·ant, le voiJe du temple se déchira : distincte de · toute autro société pa.tfaito. be n1ême,
iques !'Esprit s'est alors retiré de l'ancienne alliance pour en effet, qu'une seule (!t même ârne se trouve dans le
3 XII , venir habiter dans la. nouvelle, comme le déclare corp$ et tout entiè1'e en chacrue organe, de mên1e !'Esprit
saint Augustin (De pecr.ato origi,1ali 25, 29, PL 44, 400). Saint est tout entier dans l'f:glise et en chacun de ses
,aussi Le fait de la naissance de l'J;lgliso sur la croix a été membres, sans toutefois contracter d'union substan-
à été afflriné par de nombreux papes depuis saint Hormisdas tiP-llc ou hypost:atique. En plus de cette union physique,
~111ma
~lique
Jusqµ'à Pie x11 (textes dans S. Tro1np, Commentaire
de Mystfoi Corporis, 3° éd., 1958, p. 100-104) et par
quoique accidentelle, !'Esprit réalise l'union morale
do tout lo corps mystique par des grâces créées de foi,
-
l'âme quantité d'écrits patristiques. L'Écriture tout d'abord, d'espl,rance et de concorde, qui 1naintien11ent cc l'unité
mbolo et spécialement saint Paul (15plt. 2, 15), nous enseigne de !'Esprit par le lien de la paix » (Êph. 4, 8-5). A ces
ru11mà que le Christ, n1ourant sur la croix, a réuni en lui- dons (que certains, dans une terminologie n1oins heu-
:t. 10, même, on un seul corps, gentils et juifs, pour on faire
ot. 5). reuse, aimeraient appeler l'âme créée de l'Église)
cœur, un s~ul homme nouveau, qui est le Christ n1ystique. s'opposent essentiellement l'hérésie et le schisme.
:orpo- Cette création nouvelle compo1•Lo l'efîusion du Sa.int- Co n'est pas ici le lieu d'entrer dans des discussions
Esprit. En effet, 1° d'après l'enseignement do saint théologiques sur l'explication de cette union physique
Paul une nouvelle création ne peut se produiJ•e que rnais accidentelle. Signalons seulement deux explica-
dérée par la grâce de !'Esprit; 2° le Christ élevé en croix tions opposées. Dans la première, cetto union a })Ollr
1onne attire tout à lui, ./ea.n 12, 32; eL c'est par I,a grâce de soul fonden1ent l'opération par laquelle Je Saint-Esprit
ie d_u !'Esprit que la Christ atth·e (cf S. Thomas, ln E11ang. produit dans 1-'Église ces dons surnaturels; dans l'autre
e du Joannis, c. 12, lect.5, n. 8); a0 c'est sur la ct·oix, d'après (qui a nos préférences), le Saint-Esprit s'unit avec
1 gar- les Pères, que se ftnncèren t le Christ et l'Église, llan- l'flgliso personnellement: dans une unio11 d'a1nour : et
9aillos qui supposent une dot; 4° le Christ mort, naît cet arnour exige quel 'Église, con1n1e Épouse du Christ
; êtro l'~gllse céleste, qui comporte dans la •vision la plénitude et l\1ére des fidèles, soit ornée de tous los dons, qui
i. Eln àbsoluo do l'l!lsprit (luo 23, 43; Su,n,nci thcolog. 3" q. 52 répondent à sa dignité céleste.
.me » a,/i ad 8) et en conséquence l'effusion de !'Esprit dans
ordre l'~glise terrestre, puisqu'e!Je est nécessaire à l'établis- 4. L 'Eaprit Saint principe d'accroissement.
~gtise semont de l'Église céleste. - L'IJ:sprit du Christ est un principe intérieur d'accrois-
1 une Boni!ace 1x (Ab origine mundi, 7 octobre 1391), sement, auquel, à l'oxtét•ieur, correspond la prédication.
(voir Cal~to 111 (Sum-niu.11 Pontifex, 1er janvier 1456), Pie Il $i pa•· la prédication les hommes sont en quelquè façon
(Triumphans Pastor, 22 avril 1459), Innocent x1 mangés et ingérés dans le corps (image réaliste, que
habi- (Trlum.phans Pastor, a octobre 1678) et Pie x11, pour les Pères emploient on se reportant à la vision do saint
p.arti- montrer que l'll:glise a été fondée par la communica- Piorrn, Actes 10, 13; 11, 7); l'Esprit Saint est celui qui
nisme tion du Saint•Espl'it, enseignent que le Christ, par le assirnile au corps mystique cette nourriture que. la
1omo- sa.orifice de la croix, l'a fondéP-, consacrée et établie prédication lui présente. L'Esprit non se11loment est
1tique éternellement disponsat1•ice de la grâce. Or il no peut principe « infol'mateur », mais pa1· son action il assimile
tablîr y avoir de consécration sans la grâce du Saint-Esprit et r·éunit au corps ce qui n'est pàs encore inforn1é.
~hrist (cf Pie xu, enc. MediatorDci, AAS, t. 3~, 191.7, p. 527). L'influx de !'Esprit Saint, âme de l'Église, s'étend ainsi
Au jour de la Pentecôte, l'Église n'a pas reçu la hors c.!e l'Église, non en:<< informant », mais pour assi-
1299 ESPRIT SAINT AME DE L'ÉGLISE 18Q0 1
miler. C'est ce quo dit, en d'autres termes, saint Augu$- fructueuse la pénétration des mystères (Donzinger, 11
tin, Enarr. in ps. 85, 15, PL 37, 1092, lorsqu'il distingue: 1796); la sagesse, qui fait voir toutes choses dans la d
conduire da1l8 le Christ, deducere in Christo, et amener lumière de l'éternité. Au gouvernement correspond le 0
au Chri8t, porducore ad Christum. conseil qui permet une application prudente des prip, 8
cipes, la force qui soutient dans les t,·avaux du gouver, d
5. Le Saint-Esprit principe de Vie. - Il nen1ent et ses fatigues, la crainte de Dieu qui fait C'
n'est pas de vrai mernbre de l'Église qui no soit on quel- 1n6priser le respect huinaîn, et la piét6 qui rend misé, d
J que façon sou$ l'influx vital de l'Esprit Saint. Les rnern- ricordieux.- Au 1ninistère du culte et à l'adrninistration d
bres Lolale1nent morts sont ceux-là souls qui avec lu des sacrements convient la piété, qui est alTection ~
foi surnaturelle ont tout perdu. Saint Augustin a raison
l de dire cependant (cf S. Tromp, Corpus Christi quod
1llialo à l'égard de Dieu, et rend 1nédiateur,s entre Dieu
et les fidèles.
cl
d,
est Ecclesia, 28 éd., p. 185 $VV) quo dans le corps du Aux dive1·ses fonctions de la l1iérarclùe répondent d1
Christ la grâce est ce qu'est la santé dans le corps aussi certains charismes pauliniens. Pour le ministère lo
hurnain, mais là où la santé fait défaut toute vie n'e:;t du prêtre, 1·appelon1> le charisme de l'irnposition des et
pas éteinte. En réalité, n1êrne dans les membres privés de mains (1 Tini. 4, 1'A et 2 7'im. 1, 6). Ajoutons« la parole
la charité, !'Esprit Saint est encol'e présent par les de science » et « de sagesse » (sermo scientiae, sapien- o'
vel'tus théologales de foi et d'espérance (cf Deniinger, tiae) et le charisme de gouvernement (gubernation~) de
808 et 838), co1nme il opère aussi en eux par les mouvc- (1 Cor. 12, 8 et 28), ceux d'administration, d'exhorta, C.
n1ents de pénitence et les autres aspirations au salut. Uon et d'enseignernent (Rom. 12). Aussi n'est-il pas Cl
Notons bien que, par analogie avec le corps humain, étonnant que des Pères rapprochent les dons d'Isaïe el 18
l'Esprît Saint peut agir, dans le corps mystique, par les charismes de saint Paul (vg Tertullien, Adversru p(
l'entremise d'organes surnaturellement sains ou mala- Marcio11em 5, 8, PL 2, 490a; Conunentaires de Cyr•lllè Cl'
des, et même morts, comme par des instruments er,1- d'Alexandrie, de 'l'héodoret et de Pl'ocope sur Isa.Cd 811
pruntés d'ailleurs. Un prôtre ;ipostat peut consacrer, 11, 1-3).
un juif peut baptiser; dans le corps hu1nain, sous l'inllux
de l'â me, dos résultats peuvent être obtenus av(I.C \Hl 2•l Comme elles i;ont intimement liées aux prl,cé,
bras artificiel ou une plume. · <lentes, les fonctions ecclésiastiques do ceux qui sont
chargés de la prédication, du soin des ârnes, de la forrn~•
6. Organes du corps mystique et dons corres- tion du clergé, profitent également des charismes
pondants de l'Eeprit Saint. - Il s'agit iui pauliniens. li en est de n1ême de ceux qui s'adonnent
de ces dons, qui no sont pas ordonnés tout d'abord au aux études sacrées pour le bien de l'Église. L'Apôtro
bien de celui qui les l'eçoit, ,nais visent l'accroissement ne réserve nuJ!ernen t tous cos dons à la hiérarchie.
en quantité et en qualité du corps entier, ou encore a0 Il y a également des charisn1es appropriés ,à
de ces activités qui procèdent des diverses parties du l'état con;ugal, qui sert à l'accroissernent du nombre des
corps suivant leurs fonctions divergentes en vue d11 fldèles et pourvoit à l'éducation chrétienne, comrn~ l
bien con1mun. l'état religieux, sous les diverses rorrnes qu'il revêt pour
Pour prévenir tout malentondu, comprenons bien que exercer les œuvres de 1niséricordo spirituelle et te1npo-
le corps mystique est un organisme social, ce qui esl: relle, sans quoi la prédication de l'Évangile serait
dire plus qu'organisme juridique. L.,.Église, il est vrai, condamnée ù la stéril.ité. Saint Paul (1 Cor. 7, 1)
possède une solide structure juridique, 1nais celle-ci appelle charismes divins et le 1nariage et la conUnence
ne suffit pas à caractériser son aspect social. Los seules (voir aussi S. Augustin, Scr,no 267, ~. PL 38, 1281).
institutions juridiques ne définissent pas totalement un
État; il en est d'autres, d'ordre ad1ninist.ratif, providen- 4° L'action catholique pern1et aux laîcs de collaborer
tiel et culturel. Aux divers organes et aux diverses avec la hiérarchie pour pron1ouvoir le 1•oyoun10 d~
fonctions sociales de l'Église correspondent des doni; Dieu. Participant ainsi, ù leur manière, ù l'apostolat,
et des chari$mr.s de }'Esprit Saint. les laïcs ont part également à leur manière, aux don&
promis à la hiérarchie pour réaliser cet apostolat.
10 Organes hiérarchiques, ou cetpc. du magistère, dn
gouvernement et du ministère. - Les sept d1J11s 5° li existe des emplois d'ordre séculier, - comme
(pneumata) de l'l~spr·it Saint et plusieurs charismes enseignant.a, infirmiers, inédecins, juges, 1nagi.str4~
pti.uliniens leur sont destinés. Ordinairement on voit etc - , qui requièrent, pour être e:xerc,és dans un CSP.1'11
dans les sept dons des grâces accordées pour le bien chl'éUen, une vocation spéciale de Dieu. Ceux qui y sonl
de celui qui les reçoit plutôt que des charismes ordonnlis appelés peuvent., eux aussi, escompter des charismes
au bien de l'l!Jglise entière. Cependant, dans le text.o particuliers. Ces emplois, on effet, conLl'ibuent ofllca•
bien connu d'lsaie 11, S, ces pneiunata sonL donnù:; cernenL au bien du corps 1nystique tout entier : « si
avant tout au 11essie en vue du gouvernement du c'est l'exhortation, en exhortant; si c'est l'aumô11e,
1·oyaume messianique, pour qu'il règne en justice, sans arrière-pensée; si c'est le comrnande1nent, da~ la
sollicitude; si c'est la rniséricorde, dans la joie » (Rom. (1)
cquité et douceur. Le concile de Trente déclare, dans
sa session 21, qu'il est 1< un synode instruit par l'Esprit 12, 7-8). Voir aussi l'allocution de Pie x11 aux profes-
Saint, qui est l'Esp1•it de sagesse ot d'intelligence, seurs catholiques, 4 novembre 1945, dans Osservawn
Esprit de conseil et de piété » (Denzinger, 930). Egnlf:- Ro,nano, 5-6 novembre;" tr·ad. franç. dans Docu111e11tatw11
ment, des l')ères de l'l!Jglise considèrent les sept dous caûtolique, t. l13, 1946, col. 129-135.
comme des charismes; cf aussi Bellarmin, De grati<t t!t 60 L'Esprit Saint, enfin, suivant les te1nps, agit dpns
libero arbitrio, l. 1, o. 10, éd. J. Fèvre, Opera omnia, t. fi, l'Église pa1· dos charismes extraordinaires et miraculeux,
Paris, Vivès, 1878, p. 522-5211. Ajoutons que les don!l Ceux-ci, nous l'avons dit, fur·ent particulièremen
s'expliquent fa.cile1nent con1me des cho,rismes. Au magis- nécessaires au début de l'Ii}glise. En plus de la préso~
tère correspond la science, qui fait apprendre ce qui est de la Vie1•ge, mère de Dieu, 1nontionnons les apôtres.
contenu dans le dépôt de la foij l'intelligence, qui rend admirables « porteurs de charis1nos ~. les auteuta
.1300 1301 ESPRIT SAINT AME OE L'~GLISE 1302
inger1 Inspirés des Livres saints, sans oublier lo miracle même l{. l\lac Ca1-tby, La n1.issio11 tlc l'Esprit Sai11t dans les dines,
1ns la delaPentecôte.On peutaussiserétô1•erà 1 Cor.12,9-11, Pari~, 1887. - M. d'Herbigny, Theologica de J.!:cclesia, t. 2
,nd le où il ,est question du charisme des miracles, du don de De l>co catholicam Ecclcsfr,111 orga11ice viviflcante, S• ôd., Paris,
l_)rîn- périson, -du pouvoir des miracles, du discernement 1928. - IC. Eschweiler, J. A. Moehlcrs Kirche11be,;riff, Drauns-
,uver- berg, 1930.
d~ osprits, de l'interprétation des langues. Jarnais ces S. Tromp, De nati~itate Ecclesiae ex Corde Jcst, in crticc, dans
,i fait charismes n'ont 1nanqué à l'Église; toujours il y eut Gtcgoria11u»1, t. 13, 1932, p. 489-527: Corp ri,// Christi quo1l est
misé• dl)l! prêtres, des docteurs, des fondateurs d'ordres, E,;clcsia. l11trodttctio, Roine, 1937; 2~ éd., 1946. - H. ~chaut,
ra't'10n des laïcs, vél'itables thaurnaturges doués de lumières Die F.i11wl)ltnu111J des lll:'Gsisœs, Frlbourg-cn,Brlsgau,t1941. -
9ction œlestes; ainsi en fut-il après le concile de Trente. Des J. <loyevaarts, De a11in1a Corporis niystici, dans Collcctanta
, Dieu chrétiens très souvent étl•angel's à la lliérarchie, gratifiés 111echliniensia, t. 15, 191,.5, p. 2?2·279. - J. M. Cirarda, La
de charis111es, ont exercé fréquemment ,1no influence asisuncia del Espiritit Santo a la Santa l',fadrc I glesi(1, dans
ndont llevista espariola de Tcologla, t. 7, 1947, p. 47-78. - F.l. Vautl1ier,
débisivo sur la vie de l'Église. Signalons 1nê1ne des Le Sai11t-Esprit principe <l'ttrtitd de I'Égli$C d'aprè$ saint Tho•
1istère localités p1•ivilégiées, (t à miracles "• comme Lourdes
n des nias d'Aqriiri, dans ll'lélanges ile 8ain1ce reli,;ieuse, t. 5, 1948,
et· Fatima. p. f?5•196 ; t. 6, 19l,9, p. /i7-8e. - J. Bounior, Der lleiligc
~arole • Et tout cola, conune il est dit en 1 Cor. 12, 11, Gci:,t, die Se.ck d,Jr Kirche, dans Thoologic un1l Glaubc, t. SO,

lpten- c'est le seul et 1nê1ne Esprit qui l'opère, dîstrib1Jant ses 1949, p. 249-267.
iones) dons à chacun en particulier, co1n1ne il l'entend ». J. Pollet, art. Charis111e, dans Cat.l,olici.•rn.c, t. 2, 1949, col,
~orta- Ces pneumata et charismes, par ailleurs, sont conférés 950-959. - J. Drosch, Charismcn 1u11l Acnit.cr Îll ;lr.r 1J rkirclte,
tl pas • selon que le Christ a mesuré ses dons » (1i'ph. r., 7), Do uu,1951. - Ch. Journet, L'Égliseila Verbci11car11t!, t.2,Parls,
aîe et selon le jeu régulier de chacune des parues (4, 16), 1951. - .r.t-L. Guérard des Lauriers, L~ Sai11t-Esprit, d111c de
Pers.us l'Êglisc l\fonastère de la Croix, 1952. - Y.-M. Congar, Le
~oür quo le corps mystiqne ne cesse de s'édifier et de Saint-Esprit et le corps ap<Jstolique ri/alisateurs de l'«u-••,:c dit
:yrilie croitre en qualité et quantité à la gloire de la 'l'rinité eL Christ, dans Revue des sciences philosophiques et t1uiolog1.qucs,
Isate en vue du salut des âmes. t. 36, 1952, p. 613·625; t. 37, f958, p. 21,.t,,8.-H. Stlrnin1ann,
L'onoyclique Mystici Corporis résume ainsi tout ce Die Kirchc a111l dèr éeist èhristi, dans Divtts Thoma,;, t. 31,
précé- 9u,& nous venons d'exposer. Fribourg, 1953, p. 3-17. - T. Zapolona, De Ecclcsia Christi,
i sont • C'est à cet Bsprit du Christ, co1n1ne à un J>rincipe invisible,
t. 2, 2• éll., Ro11111, 1954. - K. Rahner, Das Charismatische
orma- qu'il taut attribuer que toutes les parties du corpa soient 'ï11 d<" l{frche, dans Stin1n1en der Zcit, t. 160, 1956-1957,
• p.1 IH-f86. - M. Varsisni dos Anjos, De Spirit1, Sancto, a1ii111a
~1smes Nli6es, aussi bien entre elles qu'avec leur noble Tète, puisqu'il Cor1,ori.~ 111ystici, Drésil, 1957, - A. Piolanti, li Mistero della
nnent ré.sida tout entier d11ns la Tête, tout . onUor dans Jo corps,
tou_t' ontiçr dans chacun cle ses n1en1bres; et scion leurs Co11111.11io11e dei Santi, no1ne, 1957, p. 431-455. - fo'. l\f~lmberg,
,pôtre Et!11 Lichaa111 eri ééri Occst, Utrecht, 1958. - S. Trornp, SS. Cor
• :l. diverses !onctions ot obligations, selon le degré plus ou u1oit1s
,U Jesrt et Ecclcsia, Corplt!I -èt Sponsa ,Salvatoris, dans Cor Jcstt,
parfait de santû spfriluolle <lont ils jouissent, il vai·io sa t. 1, no1nc, 1958, p. 243-267; CorpWI Christi quod est Ecclcsia,
•iés à ma11.lère d'ctrc présent et dè prêter ijOn assistance. C'est lui
qui, en insufllant la vlo surnaturelle <luns toutes les parties t. 3 De Spiritu Sa11cto a11in1a, R.omo, 1960.
re des Sébastien 1'ROMP.
1me' à du corps, doit être considé1•ci conuno lo principe de toute
acllon vitale et vra iment salutaire. C'est lui qui, tout, on étant
\ pour présent en personne llans tous les mc1nbrès et en y exerçant •
~mpo- V. X.'ACTION DU SAINT-ESPRIT DANS LES AMES
son action divine, agit pourtant dans les 1nc11ibres inférieurs
se1•ait pa~ lo 1ninistèrf> lies membres sup6rieurs; c'ôst lui enfin Après l'investigation sur la place du Saint-Esprit
7, 7) qui, donnant chaque jour à son li)gUse, sous Je souille de la dans la vie spirituelle, selon l'Écriture, les Pères et la
nenoe gràco, do nouveaux accroissernent.s, refuse cependant d'hiibiler liturgie, présentons une synthèse su,• l'action de !'Esprit.
~1). avoo sa grâce sanctifi11nto dans lei; rnembres totalc1nc11t coupés
du corps. Notre docto ot i1n1nortel prédécesseur Léon x111, A l'esquisse précédente sur l'Esprit Saint iime de l'Église
ù>orer dans sa lettre encyclique Dit1inu11i illutl, exprime cotte pré- (§ 1v), ajoutons quelques déve!oppen,ents su_r le rôle
11e de sente 'et cette opération do !'Esprit d e ,Jésus-Christ par ces de !'Esprit dans l'âme du chrétien. Sans détailler tous
,tolat, pàroles concises et nerveuses : • Qu'il suffise d'nflirmer que, les problè1nes que pose la présence ou l'habitation du
dons al· le Christ est la 'l'ête de l'Église, le Saint-EspriL en eat Saint-Esprit, nous nous appuierons sur les en~eig~e-
ll. t. l'âmQ • (AAS, t. 85, 191,s, p. 2'19-220; trad. officielle). men ts des théologiens pour expliquer cotto hab1tat1on
pmme Il n'y a 1.1uc11ne difficulté à appeler âine de l'lngliae les grâces, et poui' en décril·e los effets spirituels. . .
,trats, dons,'êh(ll'ismès, vertua de l'Baprit Saint pris dans )our ensanible, , 1. M issio,is et habitation des riersonncs du•ines,
comme on lo tait dana le Catéckis"'4 de Pic x; 1nais parler de 11plicialerr1.et1t de l'E'sprit, dans l'drne. - 2. Effets de l'ha-
esprit deux dn1os do l'lngliso, l'une créée; l'autre incréée, tnènc à des
y sont bitation clu Saint-Esprit.
confusions et détruit l'idée grandiose de saint Paul : • un corps
.·ismes et un esprit •· Dire que 1'111110 de l'~gliae n'est pas aut1·0 chosô JJ [bliolJraphie génârale. Léon XIII, encyc;I. Di11i11un1 illtul
effica- que ln grâce sanctifianlè conduirait à de graves confusions. 1nu1111 8 , 9 rnai 1897, 2• p.: mission invisiblo de !'Esprit dan_s los
(11110s; ASS, t. 29, 1897, p. 644-658; dans Lettres Apostoliques
si
: <( Voir DS, art, CUAl\lSMlls, Coat>s MYSTIQUll, DONS DU de Léon x111, t. 5, Pnris, s d, p. 151-·1 65; trad. dans Le
mône, $AINT•EarRtT, avec la bibliog1•a1>hio. Consulter les con1111en• Sa.int-Esprit, àttlettr dé la ,,i,: spirituelle, dans Cahiel'6 de la
ans la lairea dea épitres de saint Paul aux Ro1nains, uux Corinthiens Vie spirituelle, Pari5, 194t,, p. 59-66. - Une soctlon de la 2_° par-
(Ro,n. (1), 'aux ~phésiens. tie de )'encycl. Mys1ici corporis (29 Juin 1943) ~e P,rn x.11
,rotes- Pour ln doctrine de l'Église et la tradition patristique, cf traite de l'union au Christ p11r l'inhabitatlon du Saint-Esprit,
'Patore $. 'l'rotnp, l.,ittcrae encyclicac de l,fystico J eau C!iri$ti Corporc, AAS, t. 35, 194il, p. 225 svv. - Voir Je trav()il synthéliq uo
a• éd., Rom~, f9(18, qui comporte do no1nbro11x documents; do A. Miché!, nrL. 'J'rinit4 (Missions et habtta.tion des Pcrson-
,tatio,i et De Spiritu Sa11cto a11i1na corporis mystici : l. 1 Patres {Jrtle,:i, nos) , DTC, L. 15, 1950, col. 1830-1855,
20 éd., Roine, 1~148; t. 2 Patres latini, 2• éd., Ron1e, 1952.
l dans J, llloohler, Die Einheit i11 d,Jr K.irchc, Tubinguo, 1825; 1. Missions et habitation des Personnes
uleux. trad. A, de Lilienfold, L'u.nité dans l' Égli:,c ou. le principe clr,
èiJ,i/wlicismc d'a,près l'esprit des )•i!res de.s trois prcrnicrs siècles,
divines, spécialement de l'Esprit Saint, dans
ement l'âme. ·- Un rappel de la tradition théologique répon,
âsénce çoll. Unan1 Sancta1n 2, Pa1•is, 1938. - :M.,l. Scheeben, Han1l•
b«ch der lr<1tlwlischcn Dogm.atik, t. G Gnatlenlehre, 3• éd. par dra son\1nalrement (voit• art. QnAcE et IN11An1TAT10N
,ôtrea, R. Schauf, J,'ribourg•en-Brlsgau, 1957. - 1-I. Manning, The DIVINE) àux questions qui se posent; _ici : quelles P?r•
llteurs temporal · 1lfissio11 of the Holy Ghost, Londres, 1865; trad. sonnos divines sont l'objet d'une 1n1ssion ot le suJet
1303 ESPRIT SAIN1' DANS LES AMES
de l'habitation en l'âme? Quel est le n1ode de cette connaissance ot do l'amour est nouveau par rapport
mission, de cette habitation? Le Saint-Esprit y est-il au. lien métaphysique qui rattache l'effet à sa cause •
présent d'une manière particulière? Les mis,9ior1,9 de,c; (Dondaine, op. cit., p. 482). Seule la créature raison•
Personnes de la Trinité sont on général exposées par les nable peut être lo terme d'une telle nlission, car en elle
théologiens à partir de saint Thocnas, 1 .~ent. dist. soule ~ on ·dit que Dieu existe comme le connu dans lé
14-18; surtout Sornmc théologique, 1" q. 43 (traduction connaissant et l'aimé dans l'aimant, sicut cognit11m i11
et co1nrnentalte de I·l .-F. Dondaine, La Trinité, t. 2, cognoscente et amat"m in amante ,,. De la sorte, Dieu
coll. Revue des J euncs, Paris, 1950, p. 266·804, 888- habite on elle « comme dans son temple ». Il n'y a pas
454). d'auti·e ratio de cette vérité que la grâce sanctifiante,
don dans lequel « c'est le Saint-Esprit que l'on possède
1° Notions BOJDDlairee. - Comme dans la vie trini- et qui habite en l'homme ,,.
taire toute l'influence d'une Personne se réduit à la Cette mission no peut être celle du l'ère (a. 4), mata
procession d'origine, on doit exclure que lo P1)re, elle convient au Fils et à l'Esprit (a. 5). La Trinité
principe sans principe, puisse être envoyé. La ,nisslon certes habite dans l'âme par la gl'âce sanctifian~
est donc propre au Fils et à !'Esprit. Cependant toute (Jea,i 14, 23: Ad cttrn. veni{Jm.us el mansioncrn apud oum
œuvre (1.d llxtr,1, est commune, puisque les trois Per~onnes facicrnus). Mais seuls le Fils et l'Esprit sont te envoyés,,
l'ont sanctionnée (cf notamment 11 8 concile de Tolède <.)n co1nprend dès lors qu'en bénéficient uniquement 1811
en 675; 46 concile de Latran en 1215; le Decraturn pro ho1nmes qui participent à la grâce et dans lesquels se
jaoobiti~~ du concile do Florence en 11,41; Denzinger, réalise (< un ce1·tain caractère de nouveauté dans l'œuvre
284, 428 et 704). C'est ce qui explique certaines hési- de la grâce, innovatio quaedam per gratiu.m » (a. 6) . .En
tations do théologiens, à propos des missions propres à un sens, toutes les missions sont à attribuer au Salht-
toile où telle Personne divine, et notamment à propo·s Esprit, à titre de dons, car l'Esprit, «en tant qu'Amour,
d'une habitation subséquente de l'Esprit Saint dans a le caractère de premier Don »; « par appropriation 1
l'âme. Oil attribue au Fils los dons (( qui ont trait à l'intellect 1
Ces 1nissions sont ditos visibles, si la Personne nnvoyée (a. 5 ad 1). Los missions du Fils et de l'Esprlt se confoo,
acquiert un mode « visible » d'être, de p_rése11ce ou dent in radice gratiae, mais so distinguent par Jours offel8
d'activité (incarnation, envoi do l'Esprit 'à la Pentecôte de grâce, la mission du Verbe so tel'mînant à « l'illuml•
sous rorrne de langues de feu). Elles sont invisibles, nation de l'intellectus » et celle de l'Esprit à «l'embrase•
s'il s'agit d'effets intérieurs (habitation dans l'ânte, 1nent de l'affection » (a. 5 ad 3). ·
cf Jca,i 14, 28; illumination, révélation, inspiration, Il n'y a pas de définition fornicllo du rnll.gi3tèro touohanl
justlflcation, expé1·ience mystique, etc). los niissions divinea. Quelques indices copend11nt 3ont à glaner
Les théologiens, en s'appuyant sur l'flcriture, dis- dans les déclarations conciliaires. Solon lo 11 • con()ile de 'folèd&,
tinguent trois ou quatre missions visibles du Saint- • lo Saint-Esprit eat envoyé par le Père ot lo Fils, comme
Esprit, « purement rep1•ésentatives » (P. Galtier, 1),. SS. lo Fils l'ost par lo Père• (Oenzinger, 277); le d~cret pro armenil
Tri,iiiate in se et in nobis, 28 éd., Rome, 1958, n. 466-467): affirn10 quo, daos la confirmation, le Saint-Esprit est don!lf
envoi visible de l'Esprit lors du baptê1no du Christ cul robur com1ne aux apôtrés à la Pentecôte (Donzingor, 697);
sous la forme d'une colombe (Mt. 3, 16; M arc 1, 10; le concile do Trente dit que la l 1ils a été • envoyé • par lo Pwt
pour notre rédoniplion (Danzinger, 794) et quo lo Saint.Esprit
Lue a, 22); peut-être, selon l'opinion .de certains théo- est donné par l'ordinnlion (Denzinger, 964).
logiens, à la 1'ransllgtn•ation sous la fornle d'une nuée
lu1nineuso (Mt, 17, 5; Marc 9, 6; Luc 9, 84-85; Z Pierre 2<> L'habitation dea Pel'■onne11 divme11 dans le Jute. -
1, 17; Galtior, n. 467); après la résurrection, lorsque La mission invisible aboutit à une présence selon, 1111
l'EsJ>rit tut donné aux apôtres par un souille sensible modo qlli dépasse celui de la présence cr6atl'ice ordi,
(Jean 20, 22); enfin à la Pentecôte sous la forme de no.ire. Cette présence particulière par la grâce eat une
langues do feu (Actes 2, 3-4), à qlloi on peut rattacher vérité de foi, appuyée sut• des témoignages scripturnirea
la prédication miraculeuse,nent efficace des a.pô t1•es et traditionnels. I.,e mode de cette « habitation » sou,
et les manifestations charismatiques de l'Église à ses lève des con ti·overses, que nous ne faisons qu 'esqul~r.
débuts. ;
Les solutions proposées doivent tenir co1npte de de~
Parmi les nlissions invisibles du Sai1\t-Espl'it la éléments : la grâce créée, inhérente à l'âme et causo da
principale est la sanctification des Cimes. On a dit, la justification (cf concile de Trente; Denzingor, 799);
à propos du Saint-Esprit dans l'J1:criture, à p1•opos du la présence des Personnes divines.
baptê,no et de la confirmation, co1n1nent elle était Certaines solutions ont négligé l'un ou l'autre de e~
pressentie par l'ancien Testament et accomplie dans le élé1nents. Pierre Lombard ideritifl,e l'E11prit Saint et 1,
nouvoa.11 (col. 1286). L'enaemblo des textes montre quo don de la aliarité et considère que la présence de ce don
!'Esprit est l'auteur propre et immédiat de la sainteté, établit une dllTérence radicale avec celui qui ne l'a P1II
sans cependant exclure le Pèro et le Fils. Les Pères de (dans lequel cependant l'Esprit est présent, comme·en
l'Église ont repris ot expliqué cette donnée scrlpf.uraire toute créature). JI concède que l'Esprit peut être donné
J
(vg DTC, t. 15, col. 1885-1889; DS, sttpra, § 11); la « plus ou n1oins 11 et il semble entrevoir quo cos degj'ê4
lîturgio, ollo aussi, accontuo pa1•fois lo rôle de )'Esprit, n'ont do possibilité d'exister quo par leu1·s efiets (dolll
co1nmo dans le cas des sacren1ents « à caractère ». créés) : magis vel 1ninus datur vel hnbetur; sicut
Saint Thomas (q. 43 a.8) explique que le mode nou- Deus dicitur magnificari et cxaltari in nobis, qui tame
veau do pr6sonce do la Porsonno divine envoy6e invisi- in so nec magniflcatur nec exaltatul' (1 Sent. d. 17 c. 5,
blement ne peut exister « qu'en raison de la grâce t. 1, Quaracchi, 1916, p. 111) . Saint Thomas a réagi
sanctifiante, secundu1n sola,n gratiam gratr,u n f(J.cientcrn »: contre cette explication trop simple. La Somme théo/oi
la présence dos Personnes divines n'a, en efTet, .de modo gique ne conçoit pas cette présence sans la grâce sapcU,
« nouveau », par 1·apport à la présence créatrice « par fiante (1a q. 43 a. 3). A l'opposé, on ne peut davan
essence, puissance et présence •, que par la gràt'.C sanc- accepter les solutions qui négligent la présenco d
tifiante, comme, dit-il, « le commerce spirituel de la Personnes divines au profit de la seule grâce créée.
304 1305 MISSIONS ET HABITATION 1306
port ,D'autres thêologions ont che1•ché à établir une pré- u ontologique >) (P. Galtier, L'habitation.. , p. 214).
IBé » 1,nœ ,ubstantielle des Personnes divines. Il ne peut être Cette présence assure à l'âme une certaine «possession»
son- question, sous peine de panthéisme, de faire de l'Esprit de Dieu, et en même temps elle exerce une causalité
elle le principe formel et unique de la sanctification du d'ordre formol et exemplaire dans l'œuvre de ·la justi-
llJ le Juste·; il ne peut davantage être question de négliger fication (A. Michel, art. cité, col. 1850-1851).
n in une certaine pr6sence des Personnes divines. Cette l'rolongeant cette explication, inspirée par l'Écritute,
Dieu présence n'est pas, à prendre dans leur teneur les les Pères et la liturgie, des théologiens ont cherché à
, pas textes de l'icriture, une shnplc (( présence par les effets». rendre compte de · tous les t extes en attribuant spéci-
ll)te, La tradition autorise à parler de « divinisation » par la tlquement au Saint-Esprit cette présence« ontologique»,
~de grâce (att. D1v1N1SAT10N, DS, t. :i, col. 1 370-1459; ceLte possession, cette causalité d'ordre formel et
s11int Thomas la conçoit en s'éclairant de la notion oxc1nplaire. Dans leur pens6e, il s'agit de bien plus
IXlais de « participation », col. 1426-14112). qu'une simple « àppropr·iatlon » : les autres Personnes
inité La notion de « présence substantielle » a semblé à divines ne sont données à l'âme qt1e parce qu'elle!! sont
ante plusieurs théologiens rendre compte de cos données insépar[lbles de }'Esprit, auquel la sanctification de
·eum fCripturaires et traditi()nnelles. lls en ont propos6 l'd1no est attribuée comme une propriété peraonnelle,
·és ». diverses explications. Saint Tho1nas la considère conune cou\1ne au Père est attribuée la paternité et au Fils la
t les réalisée 1c par voie de connaissance et d'amour • (1a
1s se
uvre
4. ,s a. 8).
Cette manière de voir a été reprise dans ses lignes générales
filiation.
Il Remble que ce soit la ponsoe de saint Bernard; cf M. Caliaro,
Lo Spi.ritQ Sa1110 11ella Pita spirituale sccon1lo S . lJer11ardo, dans
, En P$1' Fr. Suarez, De Tri11itatc, lib. xu, c. 5, n. 10•18, éd. Vivès, Dic•,,.s Tho1nas, t. 51, Plaisance, 1948, p. 304-3111; E. IGeinei-
dnt• t. 1, ParÎl!, 1856, p. 810-811 (exposé dans P. Oaltior, L'hc1bi• dam, Da/J l.Yirl,en des }Il. Ocistes in der 111.enschliehen· Secle
1our, !/Ûion en 11ous <les lrOÎ$ Pcr$ô111u:s, 2• éd., Roine, 1950, p. 153), nacli Hr::rnlla.rd von Clairc,ami:, dans Theolo(lie und Seelsorge
.on )> par J.-B. 'ferrien, Let grâce et la gloire, t. 1, Paris, 1897, liv. '•• (= 'l'heologjè und Glaube) t. 1, i 9~3, 24-35 .
ch. li L'union par les acteR de l'llme, p. 252•269, et B. Froget, A l'llpoquo n1odcrnc, les prin(:ipaux noms attaché!! à cettè
ect » De l'habitation du Sai11t-ERprit tian.~ les a,ncs jct$tès d'aprè.~ la concoption sont ceux de Denys Pot.au, Dogmata tlleolo,;iea.
ifon-, iloctrinedesaint 'l'ho,nas d'Aq1,i11, PariH, 1937, ch. 4, p. 137 svv. JJe '.l'rinitate, llb. vin, c. 6, n. li-9, éd. Vivès, t. S, Paris, 11165,
ffets .. · p. 484 svv; cr H. Rondet, La divit1isatio11 d,, chrétie,1. 1 Mys•
Il.mi• On saisit toutefois avec poino c()mment cette exi- tère et problèmes, NR'l', t.. 71, 1949, p. 449-1176; de L. 'rho,nas-
~Me- gence d'amour produit eltective1nent et nôcessairement sin, Dog"1atci tltclllllfiica. De lnc11r,udio11e, lib. v,, c. 10-11. Voir
une« pré$ence » nouvelle, même si l'un des termes de là P. Galtie1•, L'l11il/itation.. , 1• p., ch. 2, p. 2;1-88.
,hnnt relation est Dieu. Aussi Jean de Saint-Thomas s'est-il Pour M.-J. Sehoobon, le Saint-Esprit,• lo don par excellence,
laner orienté dans une autre voie : la connaissance et l'a1nour le doo divin, p1·écôdorqit...en quelque sorto en nous le don acci- .,
lède, no sont pas causes d'une nouyello présence divine; dentel et créé, oL c'est en lui, à cause de lui, que ln 'l'rinilé
mme tout entière s'établirait dans notro û1no. Alors, mailJ alors seu-

celle-ci est cause de celles-là. Los justes ont la perception lement, - pour aut.a nt qu'il est possible à l'esprit d'introduil'e
~tlU8 4e cette présence, g1·âce à la foi, à la cl1arité, aux dons une succossion dans cette opéraUon instantanée-, s'acco,npli-
onné du Saint-gsprit (surtout la sagesse). Sans que ce soit rait. la Lransror1nation de not1·c nature par la grûco sancti-
597);
Pèro· ~éjà la vision, c'est uno présence u objecUve », com1ne fiant.a » (P. Galt.ior, L'habitation .. , 1• éd., Paris, 19211, p. !19• -
:sprit expérimentale, qui est la perception vécue de la présence 1()0; cf M. J. Donnelly, The lnd,c,clli11g of tli.e lloly Spirit
substantielle de la grâce (Cur11u.., theowgû:1,1,11, t 11o q. 43 a,:cordin,; to M. J. Scheeben, dans Theolo,;ical Studios, t. 7,
disp.17 a. 8 n.11-20, éd. Vivès, t. 4, Paris, 188'1, p. 472- 19',G, p. 244-280). Voir Die Mysicrie11 <ks Christentums, § 80,
9. --- 481; of A. Ga1•deil, La structure de l' drne et l'expérience Cologne, 1865; Ji'ribourg-cn-Drisgnu, 1951, p. 141•147; trad.
un A. l{orkvoorde, Les n1ystèros du Cliri8l, Pâris, 1948, p. 173-182.
1 mystique, t. 2, Paris, 1927, p. 6-87; M. Cuervo, La Th. do Régnon (Études de tlwolllgie , positi'1c sur la Sai11,e
>rdi- inhabitaciôn de las divinas Perso11a.s e11 ioda al,na e11 1'rinitt, 4 vol., Paris, 1892-1898) reprend lo. pensée de Petau
ui:ie c~acia segun Jua,1 de Sto. 'l'omd..~, dans La Cic,1cia en l'élargîs5ant quoique pe11 : il admet une présence substiln-
:lires tomista, t. 69, 1945, p. 11(.-220). tîella des Pm·sonnes, 111::iis chaéuno y jouo un rôle ot exe1·co
SOU• . Les auteurs mystiques sa sont engagés spontanément \lnll influence distincte : • De même que c'est lo Fils, non le
sser. dans cette voie (vg A. Poulàin, Les grdccs d'oraison, '.Père ou lo Saint-Esprit, qui nous a rachètés, de même chaque
leux 10° éd., Paris, 1922, ch. '•·6), quoiqu'ils sachent la Personne, habitant la juste, y exerce uno inOuonce propre à
e de 1:111 Personne, de telle so1•te que dens l'unique état surnaturel,
différence entre l'union « expérirnentale » de la contetn-
199); plation e.t celle qui est commune aux justes. Précisément qui provient to1.1t entier de cha11ue Personne, nous acquérons
dos J'elations réelles et ré01Jen1ent dlstinctes avoc los trois
ce double mode. d'union constitue la principale objec- PcrBonnes réellenrent distin<:t<ls do l'unique Dieu • (t. 4, p.
i ces tion qu'on peut faire à Jean de Saint-Thomas. A. Gardeil 552•553). Ce qui est dO a11 Suint-Esprit, c'est son trait strlcte-
et le a résolu l'objection en alllrmant que tout juste, même n1ent personnel, la sainteté (discussion des opinjons de Schee-
don l'entant privé de l'usage de la raison, est « capable » ben et de Régnon, dallJ! ~- Galtler, L'habitation .. , 2• éd., p. 100·
, pas do la saisie expérimentale do Dieu (op. cit., p. 189-141; 132; exposé et discussion de ln thèse voi.sine do Mgr Wafteiaert,
e en cf S. Thomas, 1 Sent. d. 15 q. t• a. :t ad 1). p, 183-148). Cette concoption d'un envoi et d'une habitation
)nné Les difficultés auxquelles se heurte la formule tho- propre au Saint-Esprit est reprise par D. Barsotti, Il Mi.$tero
1grés cristi<11111 11ell'a11110 liturgico, Florence, 1951, p. 2fi1.-263; trad.
miste sicut cognitum in. cogn·oscente 61 amantem in Vie ,nystigu:c et 111ystère lit1irgique, coll. Lex orandi 16, Paris,
~ons a,nantc, même amendée en sirnple capacité d'expé- 19!\I,, 5e p., ch. 1-4.
1icut rience, ont orienté des théologiens vers une nouvelle
.men explication : la présence des Personnes divines dans Cotte solution respecte les données scripturaires,
c. 5, l'âme par le fait de la gtâce, sans mettre en cause les liturgiques et patl'istiques sur une présence pal'ticu-
:éagi facultés. D. Petau (suivi par Th. de Régnon) a recueilli lière de l'Esprit. En rendre compte par l'« appropriation»
tolo- les témoignages pa t1•istiques selon lesquels les Per• seule paraît, de ce fait, trop pauvre (voir sur la doctrine
ncti- sonnes divines sont appliquées à la substance 1nê1ne do de l'appropriation, l'exposé de 11.-F. Dondaine, op. cil.,
.tage l'llme et y 1narquent leur ompi:einte. La grâce ne réalise p. 409-423, d'après Somme théologique, 1.a q. 39 a. 7-8,
des ainsi ni une union 1c substantielle », ni une union acci- et ses antécédent.s historiques : Abélard, saint Bernard,
dentelle. On a proposé de l'appeler union ou présence Pierre Lombard). L'habitation« substantielle» par voie
• 1307 ESPRI'f SAINT DANS LES AMES
do connaissance et d'amour pùràtt également trop p{tU• Il semble, compte t.enu des diverses données sorip•
vre. La solution d'une présence << ontologique » des Per- turaires sur les dons et les fruits do l'Esprit, comme
sonnes serâit la ruoins boileuse et la plus solide, qui Lte aussi de la conception quo retlèten t la liturgie, les Pères
à laisser en suspens si une habitation particulière du et la plupart des auteurs spirituels, que l'Esprit Saint
Saint-Esprit relève un'ique1nent d'une « appropriation » est l'auteur de « dons 1> qu'il serait vain d'enclore dans
(qui risque de n'être que verbale) ou d'une présence la liste des dons messianiques d'lsaïe 11.J. 2. Les manl•
ontologique particulière. No serait-ce pas, d'ailleurs, festations de l'Esprit dans la vie de l'.l!Jglise et dans
la nlanière de voir de l,éorl xnr (Divinum illud muniis, celle des· âmes sont d'une richesse qui déborde ctl
trac!. citêe, p. 155-157; trad. Le Saint-Esprit auteur <le schème; il impo1•te aussi dé reconnaître aux « dons •
la 11ù.1 spirituellt, p. 62) : une simplicité et, en quelque sorte, une unité : celle
• Cotte admirable union, 11pp0lé0 i11habitation, - qui lié de l'amour; cf irl/ ra.
diffère qua par la <liVOl'$Îl,ô dus conditions do l'tllQt dos habi-
tant.~ du ciol auxquels Diou donna Je ho11hou1· on los orubras- 2° E•prit 8aint ot cc OIU'AoUro )) aaorainent•l. - La
sQJit -, est cependant produité lrès l'éùllomont par la présence liturgie (supra, col. 1283), tnet en relief à la Cois l'action
do Loule la Trlnilô: Nou,s '1icnclrons 011 l1û et nous ferons c11 lu.,: du Saint-I!lsprit dans l'lilglise et dans l'âme. Elle n'atteint
notro dcn1eura (Jaan 14, 23), Elle est attribuée néann1oins
d'une façon spéciale nu Saînt-Esprit. En effet, des traces rle qu'à travers son action histo1•ique l'être et la vie
la puissance et de la sagesse divines se manifestent même chez trinitaire de l'Esprit. Cette action dans l'Église est
un homme pervers; mais le juste · seul participe à l'a1no11r, éclatante, corume le montre la liturgie do la Pentecôte;
qui est la cnractéristiq11e d11 Saint-1!:aprit. Ce qui le conllr1ne, l'œuvre de l'Esprit dans l'â1ne se ,nanifeste dans l~
c'est qae cet Esprit est 1;1ppelâ Saint, parce qu'étant lo pre,nîor liturgie des sacrements <1 à caracLèl'e ». Si l'habitation
1
et le suprèrne Arnour, il conduit los û111os ù lu saintot6 t111i, de }'Esprit est liée à. la justification et à. la présenoe dé
en dernière annlyi;e, eonsisto dans l'amour do Diou, C'csl la grâce sanctifiante, les textes de la liturgie sacramen•
pourquoi l'Apôtre, 1:1ppolant lés justes lfunplcs do Dieu, no los telle semblent étendre cette perspective et accepter
appelle pâs 0xprêss6111cnt lc,nplcis du Pèro ou du Fils, mals du
Sainl-Espril : Ne sa.1•ez-1•otts pr1.s que vos 1ne1nbrcs sont las tcni• une présence de l'Esprit dans le haptisô, le confirmé et
ples d1, Saint•Esprii qui est en ,,ou.s, qu.c 1101i.s ,u,c;; rcç1t 11, Dfru.l l'ordonné, inaliénable comme l'est le ca1·actère de ces
(1 Cor, 6, 19). L'abondance des biens célestes qul résultont sacre1nents. Eu conséquence, le fidèle en état de péché
de la présence du Saint-Esprit dans les dmes pieuses se mani• mortel-perd la grâce sanctifiante, mais non une certaint
teste do beaucoup de m.nnières ». présence de l'Esprit Saint, liée au caractère sacramentel.
CcUo solution a 6té défendue par P. Gallier, L'habitation.. , Cette présence inaliénable est autre que l'habitation
et De SS. Trinitatc ir1 se et in 11obis, p. 293-350. Un exposé << ontologique » dont il a été question; on peut se doman•
récent de la conception thomiste a 6t6 fait par J,. Cha1nbat, der ce qui l'en distingue exactement. La tradltioµ
Les 1nissio11s de$ Pcrs1>1111cs de la Sai11tc Trir1ité, Saint-Wandrille, théologique à présenté des opinions diverses sur li
19/i{;. Voir encore 1\1. Retaîllenu, La Saî11tc Tri11i1é tla11s fos nature du caractére. Saint 'l'homas y voit une partici•
d111es ;,,stes, Angers, 1932. - 'l'h. J. Fitzgerald, De i11hahi• paUon au sacei'doce du Christ (Sa q. Ga a. S et 5; q. 65
t.atio1111 Spiritus Sa11cti doctri11a S. T}w1na11 Aquinatis, Mundo•
loin, Illinois, 1!J/,9. - F. Cunningham, The l11dwelling of a. 3 ad S); eu mêrue temps il mot l'accent sur les pou-
the 'l'ri11it11- A Il istorico-Doctrinal St11dy of the 'l'heory of St. voirs cultuels q\1e donne lo carac~ère (q. 68 a. 4-5),
'l'homas Aqui11as, Duhuquo, 1!l5ô; in1portflnt pour lès sources perspecli ve qui aboutirait à ne distinguer le caractère
du lhorrais1110. - Sui· la th6ologio tl'initulr-o do S. Thornns : que · par ses pouvoirs spécifiques. tJne autre manière
I·I.-F. Dondaine, op . cit. - A. Malet, Personnes et amour dans de voir se dessine chei certains théologiens du 1noyen
la théologie trinitaire de S. Thomas d'Aqtûri, coll. Bibllothè(1ue âge, pour qui la spécificité du caractère est dans tel
thon1isto 32, Paris, 1956. - P. Vnnior, Th~ologie trinitaire ou toi aspect du Ch1•ist auquel le fidèle est configuré :
chez S1ti11t Tlwrr1as tl'Aqui11. Évolution 1lu concept il'(l.c/iori le baptêrne est une configuration au Christ-Tête du
,1otio11,wlle., coll. J>nblicntlons de l'Institut d'études n1lH.li6·

vales 13, Montréal-Paris, 1953. Corps mystique, la confirmation, au Christ Prophèffi
ot noi, l'o1•dro, au Christ Prêtre d_e la nouvelle a!Jiancti,
2. Effets de l'habitation du Saint-Esprit Saint 1'hornas avait vu le lien étroit qui rattache le
dans l'âme, - Parler des effets de !'Esprit, c'est caractère au Christ : il on fait des potcntiae qui unissént
parler de la grlico sanctifiante, (Jos dons et des fruits à son sacerdoce et habilitent aux actes du culte. D"
de l'Esprit, du caractère sacra1nentel, de l'a1nou1•, de théologiens modernes ont senti, cependant, que res•
la foi, de la vie mystique. treindre la notion de caractère à un pouvoir « saèrê ,
10 Gràce sanctifiante, dons et fruits de l'Esprit. - risquerait de l'appauvrir. !vl.-J. Scheeben définit le
On a rernarqué le lien de concomitance entre le don créé caractère comme un mystère dont l'essence et la signl•
do la grl\ce sanctifiante et l'habitation des Personries fication ne sont pas à déterminer seulement par 1111
divines, spécialernent att1•lbuée ou appropriée à l'Esprit pouvoirs sacrés qui en résultent, mais d'apr'ès le mystère
Saint. Si l'Esprit, nous l'avons dit, no peut être le de l'Homme-Diou, so prolongeant on celui de l'Eglise.
principe unique de la sanctification, la présence divine Pour Scheeben le caractère « consacre ~ les membres
ne se réduit cependant pa~ à une présence par ses seuls du corps mystique, l'lilglise, en réalisant en eux un
cITcls. Elle est" ontologique ,;. Les rapports entre habi- rapport au Verbe analogue à l'union hypostatique el
tation divine et grâc1~ snnctiflante seront exposés à fondé sur elle. Com1ne l'Esprlt donne à l'.Êgliso son
l'art. G11ACl.l. Des dons, elTets de la p1·ésence de l'Esprit, unité et sa fécondité, dè rnême il « marque » de sop
il a déjà été longuement traité à l'art. DoNs nu SArN-r- « sceau 1> les âmes et les confit,'1..lre à des titres divers
EsPnJT (t. 3, col. 1579-1641). Il convient, de rapprocher au sacerdoce du Christ :
de la doctrine des dons celle des fruits de l'Esprit,
d'après C:al. 5, 22-23 : « Le fruit de l'Esprit est chnrité, • Dans lo corps humain une seulo et 1nllmo dme forme les
n1e1nbres par sa puissance pla,~tique en n1ême temps qu'elle
joio, paix, longanimité, serviabilité, bonté, con fian ce leur nonne la vie. Dans le corps myijtiq111J le mêm1J Eiiprit
dans les autres, douceur, 1nattrise de soi » (A. Viard, imprime aux membres le sceau de leur Chat et leu~ apporte
Le fruit de l'Esprit, VS, t. 88, 1958, p. 451•"70) . Voir ln vie divine de la grdce. Bien qu'en soi l'a,np,·einté d0$ mem•
art. FnurTs DÉ t'EsPn1T, bres soit le caractère du Oltrist, on l'appelle cependant le sceau
808 1309 HABITA1'ION 1310
)rip- du Saint-Esprit, parce que c'est l'Esprit Saint qui l'lniprimo Sanctus Amor est »; Horn. 30 i,t Evangclia 1, PL 76,
éll llOus. En réalité, c'est plutôt la grâce ou la charité qui est 1220b). Saint 'l'homas voit dans l'amour un no1n propre
nme
le sceau d11 $aint-ERprit, ,parce (Jll8 c'est elle avant tout qui du S11.int-Esprlt (1n q. 37 a. 1). Il découvre rnême dans
'ère!! txfrlmo son essence, l'ardeur da &a vie et de aon amour.
aint cettt1 propriété de l'Esprit le fondement de tous les
Mw cos doux scoaux aont tollan11int connexes q\1'ils vont.
li>,11$ normalomont ensc,1thlo ot sont d.iistinés l'un à l'antru; ils dons, mais aussitôt réserve au Fils l'appropriation de$
' '
.an1- forment pour ainsi dire lé sceau, l'onction unique du $aînt- donr; intellectuels (1 6 q, 43 a. 5 ad 1).
l\lns Esprlt L'hnprosslon du ca1'actôre onLl'utne nor1110Je,nont, Quelle que soit la valeur de ces 11 appropriations »,
, ce sauf obstacle, la grâce et Jo Saint-Esprit lui-mû,no, qui viont l'l!lcrituro enseigne ·que la présence de l'Esprit est le
ns • eo nous aveo la grâce. Le caractère est achevé par la grâco, fruit, de l'amour uliséricordieux de Dieu : « L'amour
~elle de même que, inversement, ln grâce du Saint-Esprit et le de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-
Stliot-Esprit lui-même sont uni.a de la n1anière la plus solide Esprit qui nous fut donné » (Roni. 5, 5). Il s'agit là de
et la plue intime à .l'âme par le caractère • (Mystcricn .. , § ai,, l'a1nour dont Dieu nous aime : « le Saint-Esprit en est
p. 46?, trad. A. Kerkvoorde, L1,s 1nystèt(,s du chri.stiartisrne,
La .P~is, 101,0, p. 59'1-5!15, ou L,! 111ystère de l' .Êglise et de ses un gage ot, par sa présence activo .en nous, un témoin»
tion 1atrs11is11ts, coll. Un11111 Sanct11n1 15, 2• éd. Poris, 1956, p.186- (not1:1, Bible de J érusalem). VoiI· encol'e Roni. 15, 30;
eint 131; cl§ 29•80, p. 184-147, trad. Les mystères .. , p. 161,-182). Col. 1, 8.
vie Sur la doctrine du caractère scion saint Thon1as et Schoobcn, On peut se demandai· si le 11 don ,, de l'amour est à
est· voir É, Boularand, Caractère sacra-mentcl et mystèra di, Christ, « attribuer » au Saint-Esprit seul. 1c Dieu est amour ,,,
ôte; ,Nl\'l'i t. 82, 1950, p. 252-274. - L'encyclique Mc,liator Dei dit l'Ji:criture (1 .Tean 4, 8 et 16), sans restreindre cette
s la d~ Pie xn, du 20 novembre 19~7, déclare que le caractère définition à une Petsonne détertninée. J_.'« attribution »
aacramentol configure 1\11 Christ cor11rrid l'rétrc clc lei 1101,,•cllcdu don de l'a,nour à !'Esprit seul s'appuie sui• des
tion alliance (n. 41 et r.2; AAS, t. 89, 1947, p. 539) et met cet aspect
a dè en ,vidèiH)ll avant 111 députation t\11x ll.Ct1Js dn c\1lte. textes scripturaires commo ceux qui viennent d'être
~en- cités eL a pris un essol' considérable avec la théologie
pter En résumé, on peut voir dans le caractère une parti• augustinienne. On aurait tort de croire cependant
;é et clpation au sacerdoce du Christ et le mettre on relation que celle-ci a exercé un monopole : on a vu au cours
ces aveo l'« onction de l'Esprit » sur le Christ lors de l'incar- de l'histoire d'autl'es tyJ)es de théologie trinitaire,
iché nation: l'elîusion de !'Esprit, dans les disciples du Christ, . n"ot11.n1ment celle do Richard de Saint-Victor, selon
aine aboutit à faire _dos baptisés le peuple de rois et de pl'êtres, laquelle lés deux p1•ocessions sont toutes deux des
1tel. évoqué par !'Apocalypse (1, 6; 5, 10; 20, 6; 22, 5), processions d'amour (cf A.-M. Ethier, Le 11 De Trinitata »
tion • la race élue, le sacerdoce royal, la nation sain te, le de R ichard dn Saint-Victor, coll. Publications de l'Inst.
1an- peuple acquis • (1 Pierre 2, 9); puis le pouple de hél'aU ts d'Études médiévales 9, Pa1·is-Ottawa 1 1939).
tio~. de la bonne Nouvelle et d'envoyés pour le salut du monde Par ailleurs, dans la liturgie et la ·spiritualité, le
r la que sont les confirmés et les ol'donnés à la suite de la Sain t-l~sprit se voit continuellement attribué un don
tlci- Pentoc~te. Le caractère apparait ainsi comme une d'11 illunlination », qui, dans la logique do la théologie
. 65 certaine prise de possession de l'ârne par l'Esprit Saint, augustinienne suivie par saint Thonlas, devrait être
>OU• . qui la fait participer au sacerdoce du Christ et lui donne attribué plutôt au Fils. La spéculation théologique a
incontestable1nent entraîné ici un gauchissement ou, •
l-5), divel'ses capaci tés cultuelles.
tère L'habitation de l'Esprit étant par ailleurs cause tout au moins, une locture trop unilatérale des textes de
1ière formelle do la grâce crééo, l',1 état do grâce ,, est l'état l'ÉcriLure et de la liturgie.
,yen normal du baptisé, du conflr111é ou de !'ordonné. S'il Il rosto vrai que l'amour est la vertu par excellence
, tel né l'a pas, le caractère, toujours présent on lui, est une du chrétien : l'amour de Diou est le premier com1nan-
1ré : invitation per1nanente, un « titre exigitif >> à retrouver deme11 t. Celui du prochain lui est semblable; c'est lo
du l'amitié divine par la grâce sanctifiante. D'où les expres- conunandement nouveau, lo <( charisme ,, qui dépasse
ilète sions de la t1•adiUon spirituelle, signifiant l'« invitation», tous les autres (cf J11t. 22, 84-40; Marc 12, 28-81; Luc
nce. l!c inspiration » de !'Esprit à lu conversion, à l'action 10, 25-28; Jean 18, 84-85; 15, 12-17; 1 Cor. 13; 1 Jean
1
1e le vertueuse, à la 11 docilité à sa voix »; ou, à l'inverse, 2, 8; 8, 12, 24; 4, 7 à 5, 4). Le principal eJTet de l'Esp1 it
~ent dénonçant le péché qui « attl'iste » !'Esprit présent dans la vie du chrétien sera précisément d'acco1nplir
Des dans l'âme. ' co double con1mandement, surtout le second : « A ceci
res- tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet
,r é » 30 Amour, oi1p6r11noo ot prière. - 1) Le$ t6moigna- a1nour que vous aurez les uns pour les autres » (Jean
t le ges de la littérature patristique, théologique et spiri- 18, 85). La présence de !'Esprit Saint par lo caractère
gni- tuelle, donnant au Saint-Esprit le norn d'Amoztr sont baptismal, - com1ne, à des ULres plus dirootoment
les inn.ombrables. apostoliques, par celui do la confirmation et de l'ordre-,
tère Saint Augustin 11 01nploy6 Je pren1ier, aemhla-L-il, cetto dispose à vivre logique1nent dans l'observation de ce
lise. appellation, qui, si elle n'est pas dans l'IBcrituro, est bien la double commandement. On conçoit ainsi que le premier
ores con.séquence loglqu(} do sa théologlo trinitaire. don de !'Esprit, pour la pratique de la vie cllrétienne,
un , D'!lprès los saintes ÊorHures, Il n'est pas seulement !'Esprit sera celui de cette vertu théologale, caractéristique de la
e et du Père, ni seulon1cnL !'Esprit du Fils : il est !'Esprit des doux, lol nouvelle et résumé do la loi ancienne (cf Rom. 13,
son et par là il nous insinue la con1n1unc ch1.trité dont s'ailnent 8-10; Mt. 22, 34-40; etc}.
entré llux le Père et le Fils. Mais, pour C1tërccr notro intclli- Dans cc don de l'amour le fidèle trouve la ,1 liberté
son gonoo, la parole divine nous donne à scrute!' à force de labeur chrotionne » exaltée par saint Paul (vg ubi Spiritus Domi-
vers des rilalltés qui ne tombent pas aous notre regard : il nous
faut les chercher dans le secret oi1 elles SE) cachent et les en ni, ibi libertas, 2 Cor. 3, 17; cf Gal. 4, 31; 5, 1 et 18}.
tirer. L'Écriture na nous dit donc p11R : • le Saint-Esprit e~t Saint Tho1nns a bien décrit ln liberté chrétienne 11éo do
~ les la,charité •· Si 11110 l'avait dit, la présontè onqu!ito i;orait hion !'Esprit et do l'a1nour : • L'Esprit Saint orionlo par arnour
1'e)le abrégée» (De Tri11itate xv, 17, 27, PL 42, 108011).
;prit notre volonté vers le vrll.i bien auquol elle est naturollc1nent
,ort!3 ol'icnt6c; aussi bien nous délivre-t-il tont de la servitude qui
lén\•
Cette page a marqué la théologie et la spiritualité nous lnit ngir, esoloses de l:l passion ot des suites du péché,
coau occidentales (vg S. Grégoire le Grand, 11 Ipse Spiritus contre l'orientation de ln volonté, que do la servitude qui nous
1311 ESPRIT SAINT DANS LES AMES
fait agir, soµniis à la lQi, CQntre le mouvement de notre nous en des gémissomeuls inotlables, èt Celui qui sonde
volonté, non poinl conuuo des a.inis 1naia comme des esclaves • cœu1·s sait quel csl lo dôsit do !'Esprit et quo son intereasai
(Contra ge11tiles 1v, 22, tl'ad. R . Bernier, Paris, 1957, p. 11,3). pour les saints correspond aux vœux do Dieu• (flo,n. e, 26-tl
Muis les conséquoncos du péché origi11el ne donnent pas au Le catêchi11mo de Trente y fait écho : Spirit1u1 Sanciu,
chrétien une liberté totale : son agit• reslê subordonné il des troru,n orationurr1 <11«.tc>r est(~• p., c. 7, n, 5),
nor1nes morales el à une autorité hiéra1·chiquemont 1n11nd11téo PQ1'1ni les tômoignagea llttéraîres lea plus célèbres, reten
par le Christ dans l'Église, et do d1•oiL naturel dans li\ soci6l6 l'interpl'6tntion donnée il la Questc del Saint· Graal pnr ~. Oil
civile, qui s'impose pour assurer le bien conunun el calui dos (.Les_ idê11s et les lettres, Pari1;, 1932, p. 59-91 ; cf A. Pauph'
individus (cf .Rcir11. 13, 1•7; Hébr. 18, 17, etc). Études sur la Queste del Saint Graal attribuée à Gautier M
J. Lécuyer, PètltCCcÎtc et loi nottvclle, VS, l. 88, 1ll53, p. 471- Paris, 1921) : Il s'ogil'ait do la roûhorcl10 do la grAco du·SaJn
490. - i\L-L. Ouérard des Lauriers, La libcrw spirituelle, dans Esprit, c'est-à-dire de la charil6 ot, au somn1cl, do l'un!
L'Esprit Saint, aute;ir <l<t la Pie spirituelle, p. 130-152. - art, rnyatique; on a proposé d'autres inlorprélations de la Qut1M
Ai11in1CANtsMv., DS, t,. 1., col. 480·'•82, sur de dllngcrcuscs 1111 pal'ticulier celle qui y volt le désir de !'Époux ou qui 1
conceptions 1noclurnes do la liberté chrétlonnc, ùonne une portée mariale,
La pratique de l'i:nnour théologal a cela de cnractéria- 3) L'amour du prochain peut aussi être consid
tique que, quel que soit son objet ,natériel, toujours dans cette perspectiYc. Flappolons la s6qucnce dQ
son objet formel ou 1notif est Dieu. En outre, l'objet Pentecôte (Qupra, col, 1286), qui fait demande!' à l'Espn
matériel pre1nier de l'amour théologal est bien Diett la pe1•fection des vertus. Celles-ci ne regardent pas,
lui-rniJme. Nous n'avons pas à revenir sur les pi•oblèmes quement les rapports avec Dieu, mais surtout les ra
historiques et spéculatifs posés par la charité envers ports avec autrui. La charité envers le prochain ~t
Dieu, décrits dans art. CHARITÉ, t. 2, col. rio?-691. 1neilleur test révélant la réalité de la cl1arité env
Dieu (cf i Je(J.n 4, 20). Le Pater nous fait prier poil!'
2) On pourrait insister sur la place de l'Espl'it Saint pardon des offenses. La charité étant le vincul
dans la pratique de l'amour de Dieu. Des textes scrip- perfectionis (Col. a, 14), la plenitudo legis (Rorn. 18, 10
turaires montrent, en effet, un lion entre la présence et le c, don ii qu'on peut attribuer par excellonco à l'
de !'Esprit on nous ot la prière. En lui, nous nou1:1 adres- prit Saint, il est aisé de conclure que la pratique_de
sons à l)ieu co1n1ne un Fils à son Père : • charité fràtcrnellc ot colle de toutes les autres ver\
'
Q 'l'ous ceux qu'anime !'Esprit de Diou sont fils do Diou. qui ont pour objet Je prochain, sont informées par
Aussi bien n'avez-vous pas reçu un esprit d'esclaves pour don. Cette charité est essentiellement une attitud
1·eL01nbor duns la crainte; vous avei re~.u un ·esprit de fils oblative jusqu'au sacrifice do la vie (cf Jean 15, 18).
adoptifs qui nous f11il nous acrier : Abbal Père! • (Rom,, 8, sacrifice ne peut se contente•' d'êtl•e un souhait vell
14-15). « La preuve que vous ~tes deR /lis, c'eet qnR Dieu a tail•e _: J'exe1nple du Christ, qui lui a donné une por
envoyé dans nos coours l'Espril de son F'ils qui crie : Ahbal
Père! AU$Si n'es-lu plus esclave, mais fils; fils, et don() héritier rédetnptrice, atteste qu'il doit pouvoir être elTèctil.
de par Oieu • (Gal. '•, 6-7). Le sacl'lfice de sol par amour devient ainsi, dan$
état Je plus haut, un c< martyre » : don de la vie èn mê
De tels textes éclairent le lien qui existe outl'o l'adop- temps que tc témoignage >> rendu au commundeme
tion divine ot la prière : ce lien est l'Esprit, qui d'un d'an1oul' dt1 Christ et, de façon plus générale, à la v ·
côté est une réalité « ontologique)> en nous et nous fait de la I.Jonne Nouvelle. La liturgie, s'inspirant de no
cc fils i, ; de l'autre nous 1net SUI' les lèvres la prière 1nême broux to:xtos néotesLa1nen Lah·es, des Act~s en partie ·
du Christ à Gethsé1nar1i :,<cAbbal Père! ii (cf Maril 14, 86), suivie par le 1nagistère et la théologie, considère
et nous suggère celle que le Christ nous a enseignée, cc 1nartyre » comme possible, et même comrr1e la gr
le Pater (sans doute co,nmençait-il en a111a.rée11 préci- sacramentelle p1•op1•e de la conOr1nation et do l'ordre
sément par Abba; cr Jltlt. 6, 9-13; Luc 11, 2-4). le fidèle et le clerc reçoivent la force d'En-Haut po
Ces textes dévoilent quelles son t les p1•i11cipales être témoins, hérauts, prédicateurs, « apôtres », en d'a
orientations de la prière anitnée par l'Esprit Saint . tros mots, pour mener la vie tc apostolique», où amoura
la gloriClcaUon de Dieu(« que ton Nom soit sanctifi6 li),' espérance du royaume de Dieu sont confondus dans u
en laquelle on peut placer tout à la fois ce qoe nous même perspective oblative. Comme dans le cas
appelons louange, adoratio)l et action de g1·ftces ; la Christ, le ,c t émoignage ii du chrétien sera avant to
reconnaissance de son domaine souverain (" que ta celui de sa charité (cf art. DoN DE s01, t, 3, col 156
volonté soit faite sur la terre comme au ciel ll); le désir 15?ll).
de son royaume, qui confond en une 1nême perspec- 4) L'amour théologal inclut l'aniour de soi. Cet amo
tive eschatologique, l'espérance de l'âme cherchant Dieu n'atteint sa plus haute qualité que s'il est propter De
et ceJie de l'avènement do son royaume dans le monde (cf surtout S. Bernard, De diliga11do Deo 10, PL 182, 9
(" que ton 11.ogne arrive >>); l'espérance et la demande 992). A ce som1not, l'an1ou1· de soi no peut faire oh3ta
du soutien indispensable pour la vie matôrielle et spiri- à l'amour de Dieu et du prochain (voir une solutl
tuelle (c< donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien ll), heureuse à cet antagonisme éventuel dans l'art. G
pour la vie dans l'amiti6 avec Dieu (<c remets-nous nos n1Tt, t. 2, col. .. 661-691). I...'a1nour chrétien de soi
dettes ll) et avec le pl'ochain (« commo nous-mêmes porte vers le tc te1nple du Saint-Esprit>> qu'est l'hom
avons re1nis à nos débiteurs»), pour 6viter la tentation corps et âme, par l'initiation chrétienne: « L'a.mom
et Satan (,, et ne nous sou1nets pas à la tentation, mais soi dans lo Christ ,,, qui est l'amour de cc l'image do Di
délivre-nous du Mauvais ll). réalisée en nous par la gr•Ace », devient, situé dans
On pour1·ait alléguer d 'innombrablea tém<)ignages perspective de l'action de !'Esprit, l'amour de !':Es~
de la tradition illvstrant ce lien entre la présence de Saint présent dans l'âme; et cet amour répond au d
l'Esprit Saint dans l'îune, l'amour, l'espérance et la d'amour que cet Esprit nous fait en nous rendant
pl'ièl'e. sa présence <c fils de Diou >,, « héritiers de Dieu et coh
Saint Paul en résume la roalité : • L'Esprit viont au secours tiers d1J Christ ».
de notre faiblesse; car nous ne savo11s que) d(imancler pour L'Esprit Saint habitant dans l'l1ïne unifie en quolq
prier cornme il faut; n1ttis l'EsprH lui-niê,ne intercède pour sorte les ,c objets matériels » qui s'offrent à son amo
l312 1318 HABITATION 1314
.de lea en lui, l'amour se porte à la fois vers Dieu, car Il nous
t. a, col. 1003-1214, surtout 1183-1185; DraoEnNEMBNT
:eulon aidé à remonte1· à lui et à crier " Abba I Père 1.»; vers le DB$ ESPRITS, col. 1222-1291).
16-2?). prochain, car le dynamisme de sa présence entraine
, no,- Il n'y a pas à considérer seulement les cas où un
4'4mo ·vers tous les hommes qui sont ou peuvent être fidèlB attend du Saint-Esprit la lumière pour diriger
• temples de l'Es1)rit Saint » et objet de son œuvre ou pour discerner quel 1< esprit » guide son pl'ochain.
tenons aanctiflcatrlce dans l'a1nour; et enfin vel's elle-même,
Gilson Il peut réclamer la lu1nière pour lui-même. •Il faut
philet, , temples de l'Esprit Saint ». En l'1'Jsprit, les vertus
apprendre à se guider avec le secours divin normaJ,
, Map, thêo1ogales d'amour et d'espérance trouvent l'unité quitte à recourir à un directeur compétent dans les
Baint-- ae leur dynamisme surnaturel, de leur objet formel et
cas particuliers. Demeure le risque de se flc1• téméraire-
'union même ·de leur objet InatérioL
ment à sôn inspiration, en suivant, inconsciemment
11.4este : Cettè doctrine nous fait 1nieux comprendre les consé- .ou non, soit l 'ég0Ys1ne, l 'esprit du monde, ln concupis-
iui lui quences ascétiques de la présence de l'Espri-t. Se portant cence, soit ses propres complexes, ses transferts, ses
,ers le « temple do !'Esprit Saint n, l'a.mour de soi est i nsatisfactîoni; (voir les règles du D1scBl\NEMENT,
si(léré Gigence de pureté : ,, Ne savez-vous pas que vos corps t. 8, col. 1266-1275; a1•t. lLLu~nNJSME). '1'héoriquement
de la 'IOnt des membres du Christ? • ~ Ne savez-vous pas que au moins, on peut y pallier par la docilité aux inspira-
l!lsprit "fO~ corps est un temple du Saint-Esprit, qui est en

s uni- tions de l'Esprit (art. DocILITR Au SAINT-ESPRIT,
"fOuS et que vous tenez de Dieu, et que vous ne vous
s rap• Jppartenez pas? ,, (1 Cor. 6, 15 et 19). Cette réalité t . 3, ùol. 11t71-1497). On retiendra que la docilité à
est le !'Esprit est pratiquement identifiée à celle vis-à-vi~
Invite les J)rédicateurs à agil' comme de véritables
invefa de l'li:glh,e (col. 1482), que ses pier1·es de touche sont
.a-eoopérateurs de Dieu », dans le respec t de leurs audi-
ourle la charité, l'hurnilit6 (ainsi la Règle de saint Benoit,
-teurs: • Si quelqu'un dét1•uit le ten1ple de Dieu, celui-là, col. 1486; saint Thomas, col. 1489), le d étache,nent
culum eu le détruira. Car le temple de Dieu est sacré, et
3, 10) des vues personnelles, des plaisirs et des passion13,
temple, c'est vous » (1 Cor. 3, 16·17). Il faut aussi lo silence et la '.solitude intérieure (saint Jean de la
l l'ES• 11 garder-de toute « idolâtrie » : « Quel accord entre le Croix, col. 1491).
, de l!l iamplo do Dieu et les idoles? Or, c'est nous qui le soin-
rertus ,llles, le temple du Dieu vivant n (2 Cor. 6, 16). Ces deux
>ar ce iletlliers textes peuvent se comprendre collectivement
50 v10 mystique. - l,a vie mystique est, selon une
titude tradition très constante, au n\oins d epuis le moyen
l'église de Corinthe; on voi t cependant quelles exi- âge, un fruit du don do sagesse; les dons de science
3). Ce nœs de pureté, d'autl1enticité apostoliquo et d'oubli
velléi- et d 'in telllgence lui sont parfois liés : cr art. DoNs (12e.
«idoles» impose l'habitation de !'Esprit ou de Dieu. :t3° siècles, DS, t. a, col. 1591-1598; Ruysbroeck, col.
~ortée e11t à peine dépasser la pensée de saint Paul que d'y 1598; Denys le cl\artréux, col. 1599-1600; François
tif. olr le 1ondement de tout progrès spirituel. d'Osuna, col. :t 602; saint Thomas, col. 1628; voir a ussi
11s son En résumé, l'habitation du Saint-Esprit est le fondc- P.-Th. Dehau, Les dons du Saint-Esprit et la conrempla-
même ent ontologique du don de l'amour. Celui-ci unifie
ament tio1l, dans Le Saint-Espl'it auteur de la 11ie spirituelle,
vie chJ'étienne : a1nour et espérance, JH'ière, amour de p. 9~-107).
:vétité ieu, des.autres et de soi, progrès, vie ascétique e Llabeur A ces témoignages, qui reflètent une doctrine assez
nom- postolique. Ln « vie dans l'Espl'iL » est l't':panôuissement générale, quoique relativement tar~ve, on peut jofn-
culler, illmu!Lané de tous ces aspects de la vie spirituelle.
\11e ce
dre ce qui a été dit de Jean de Saint-Thomas, suivi
A. Onrdcll, Le Sair1t•Esprit da,is la vie r.hr<!tr'.cnne, Puris, 1!!311. par A. Gardeîl, accordant aux justes une· certaine
grâce H.-J, Oerl11ud, L'esprit Saint, amc de la vie chréti1111,1c, dans perception expérimentale au moins potentielle de la
1rdre : Sainl-Etprit auteur tlc lei vie spiritu.clù, p. 84.·93. - E. Leen, pr6sence de Dieu dans l'âme (cf col.1682). Pour non)bre
1 pour Holy G!lost and ils ,,,or!, in s1>1tls, Londres, 1937; trad.
, d'au- , P6ghàite, La Pentecâtc continue, Puris-Montré11l, 1!!52. -
d'auteurs mystiques l'expérience de Dieu n'est autre
,our et ..JI. Lavocut, L'Esprit cl'Ar11011r. Essai de ;;yntlièse ~ le, que celle do sa présence dans l'âme ou, plus précif:ié•
iM catholique sur le Saint-Esprit. 1 L'activitt! drt Sai11t- ment, de la présence en elle de l':Eaprit Saint (vg
11s une H. Paissac, Le Saint-Esprit dan.s la d-0ctrinc de sainte
as du p1i/, Paris, 1950. - D. Bnrsotll, -Vic 1r1ystiq11e et m.ystère
fÏg!lf, 5• p., ch. 5-15, p. 26'1-337. Catherine de Si.enne, dans Le Saint-Esprit auteur de la
t tout
1567- '° ,,umlllx-e de lot. - L'examen des textes bibli-
88, notamment à propos du baptême eL de la conflr-
• i•ie spirituelle, p. 108-121). Il ne faudrait pas généraliser
sans prudence; sainte 'l'l\él'êse d'Avîla, parlant de la
présence de Dieu et des exigences de cette réalité pour
imour tibn, puis des textes liturgiques, a 1nontr6 que la la vie d'oraison, ne semble songer qu'au Christ, et non
Deum dltion de l'lJJglise n'a pas ltésité à attribuer à l'Esprit à l'Esprit; saint Jean de la Croix est plus explicite
1, 990- don d'« illumination >• de l'intelligence. Parmi les (cf DS, t. 8, col. 1602-1608).
istaole rismes rapportés au Saint-Esprit un certain nombre L'intuition fondamentale de Jean de Saint-Tl1omas
1, ution ent notre compréhe1)sion des Inystères chrétiens est exacte : 1~ présence ontologique des Personnes divi-
CuA• lepr transmission : parole de sagesse, parole de nes, et plus spécialement de !'Esprit, ne peut échapper
soi 3e nce, foi (,c gnosis »), prophétie, discernement des à une perception, au moins in potentia. Cette perception
>mme, ls, interprétation des langues (1 Cor. 12, 8-10), est-elle le résultat d'un « don ~ spécial? Sans doute,
>ur de igne1nent, oxhortation (Ro,n. 12, 6-8). La liste 1nals au même titre que toute faveur qui n'est pas re·quise
3 Dieu que des dons (Isaïe 11, 2) en offre un Cêrtaîn strictement par l'intervention ordinaire de la Provi-
ans la bte de type « intellectuel " : sagesse, intelligence, dence. Ce « don » forme-t-il une entité identifiable,
Esprit ·, scjence (voir l'ouvra.go du protestant Th. Preiss, <c isolabl,~ », distincte? IJa tradition ne s'est pas pronon-
,u dan tlmoignage intérieur d1i Saint-Esprit, Neuchâtel- cée; toute répon!Je affirmative a la valeur d es spécula-
11t par ' 1946), La liturgie invoque l 'Esprit Saint dans tions qui l'appuient.
:ohéri• circonstances où une « hunière ~ est requise, son Tout au plus accordera-t-on une mention spéciale
piratlou » nécessaire, où il s'agît de discerner l'Esprit au don de « sagesse », en vertu. d'une tradition relative-
1elque lumière de l'esprit des ténèbres, de ,1 diriger • le Inent récente : « Le don qu'il faut considérer cornmc le
nour: ain qui cherche (cf art. DIRECTION SPIRITUELLE, don propre et le principe inunédiat de la vie myatique,
DICTIONNAIRE Dl! Sl'IRITUALITR. - •r. !V. ~2
ESPRIT SAINT DANS LES AMES
1315
Ir., Vic 1nystique.. , 5e p., ch. 7 : Mystique de la Trinité
c'est lo don de sagesse. Il nous donne de goOtcr et do Voir art. E XPÉRIENCE SPll\lTUJ:i LJ.E.
voir la v6rité surnaturelle en Dieu même. lî1tant donné
qu'il repose sur notre parenté de nature avec le divin, a. Dévotion au Saint-Esprit. - 1° Faits. -
il augmente avec la charité » (A.. Stolz, Theolugie der dévotion à l'Espl'it s'est généralisée au cours des sièol
Mystik, Ratisbonne, 1986, p. 200; tr. 1.'héologie de la mais surtout dans l'élite chrétienne, les masse~ pop
mystique, Chevetogne, 1939, p. 205). Les dons du Saint- laires préférant les « dévouons ,1 au Christ, à Marie
Espr.it prédisposent aux motions de )'Esprit et sont aux saints. Les ,na11ifestatio1111 de cette dovoU011:so1
indispensables au sa.lut. cependant multiples. Un ensemble de témoign
On sera plus conforme, semble-t-il, aux données a été recueilli dans l'art. DoNS (Les dons dans la, P
scripturaires en situant l'expérience mystique dans la des saints, t. 3, col. 1635-1641). On a souligné en .p
ligne du don par excellence de l'Esprit Saint : l'amour. culier la place de la dévotion a,1 17 8 siècle (col. 16
« \lita contc111plativa, dit saint Tho1nas, dicitur u1anere 1610).
ratlone caritatis in qua habet et principium ot finem » 1) Ordre.~ et Confréries. Un certain nombre de aon/rt!r,ia
(26 zno q. 180 a. 8 ad 1). Cette perspective 1:1il.ue l'ex- Sai11t•Esprit sont néos dès lo 13° siècle, en liaison avec l'• o
périence mystique dans le développement 01•dinaire hospitalier du Saint-Esprit •· Les plus connues sont I'
du dynamisn1e de la grâce, et plus spéciale1nent de 1ionfrérie Sa.,110 SpiriU> i11 Sat1Sia (ét.ointe), puis cellos de Lon
la vertu théologale de charité, sans que cette expé- de Vienno, de Knoohtsledon (lt de lJollnnde. La fondation
rience s'accompagne nécessairement de phénon1ènes ces dernières s•~chelonncnt enlro le 1s• et le débul du
irl'éducUbles aux lois de la psychologie humaine siècle. Des or<lres dIL Saint-Esprit sont nés, dont l' • ordrc-hoijil
norrn8le: lier du Saint-Esprit ;, association de laïc.~ for1née à Montp
L'homme perçoit mieux, (< goflte >> la présonce de ù la fin dt1 12• siècle ot approuv6a 1>01· Jnnocent 111 en 12
Dieu, qu'il connaissait déjà par la foi; l'aide de la tin autre rut fondé à Coutances en 1209. P. Brune, H/41oir,
grâce, l' « iospiration » de l'Esprit ont aidé ses f,tcult:6s l'ordre h~spitalicr d1, Saint-Esprit, Paris, 1892; P. Hél
dans Jeu1· exercice. S'il lui arrive do " sen tir n, d' <( expé- Dicti1>11nairc iles Ordres religici~, t. 2, P:.iris, 18',9, col. 202•!
rimenter » la présence do l'Esprit Saint, d' .« éprouver » ·on a vu aussi des chanoines r6gulicrs di, Saint·E~prit et
l'amour de Dieu pour lui et de lui pou,• ·Dièu, on pourra chc~aliers <lit Saint-Esprit, fond6s au 1ü• siècle par Henri
discuter pour déterminer dans quelle mesore cela do France, aujourd'hui disparus (Hélyot, t. 2, col. 18~•20
)?Juslcurs congrégations religieuses ont él.6 mises so\11
relève d'\l'.1 (< don » particulier; nHl.ÎS on sera J)tudent voèablo du Saint-Esprit. La « Compagnh1 du Saint-E.'lpri
poUl' attribuer à cette « expérience » un caractè1·c supra- subsiste sollS le 1101n de « Frères de Saint-Gabriel •i les•
norn1al ou miraculeux : il existe de no1nbreuses analo- sionnaires ou Pères dl• Saint-l~sprit •, fondés en 1703
gies, dans leu1· n1écanisme psychologique, entre l'expé- C. Poullûl't des Places ~ Paris, fusionnèrent en 1s1,s ,aveQ
rience du divin et des expériences humaines norrnaJes; • congrégation du Cœur de Marie • fondée p::ir F.•M.-P. ·
on sait aussi cc que l'expérience mystique doit. parfois 1nann. Plusieurs congrégations féminines sont misos so
à la (< psychologie des profondeurs ». vocable du Saint-Esprit (Sain l-Brieue, Bretagne; I•'arsoh\V,
L'expérience my11tique n'est pas réductible d'ailleurs près de Motz; Marionhof, près de Coblence; etc). Voir H,
à la seule expérience de l'amour divin. Elle peut co'in· Wondlandt, art. Geist (fleiligcr), LTIC, t. 4, 11182, col. 3
eider avec une << perception » meilleure, i>lus aiguë, de 351,. 2) lco1101Jraphic. Du 10• siècle au iG~, la 'frinité a été
l'objl;lt de la foi, en rapport a voc les dons intellectuels sent.ée sous la for1ne de trois porsonnes Jnnnaines idoriUq
de l'Esprit Saint (cf 1 Cor.12, 8-11). La« lumière de roi» ce qui s'inspil'O de la vision del! trois jeunes hommes
prend en elle un caractère d'intensité qui donne à celui Ahr11ha1n o. 111an1bré ( Gcn. 18, 2). La reprôscntalion sé
qui lu reçoit un sentiroent de passi~lté tel qun le dyna• du Snint-J!lsprit sous une for1ne humaine 11 été i11terdi00>
misn1e normal de sa vie lui paratt dépil-Ssé. En fait, Benoît x1v (lettre à l'évêquo d' Augsbourg, 1 "' oclobro i?
con1u1e dans l'exarnen du dynanüsme de l'an1our dans conunc in~olile et sans fondon1ent suffisant. Celle déle
la vie 1nystiq\1e, l' « expérience 1, do la foi n'est pus élé rcnouvoléc par le Saint-Office lo '16 rn111·s 1928 (AA.S, L
nécessairement irréductible à celle do tout autre acte 1028, p. 103; cf DS, t. 3, col. 792-798). Los ropr
tiona du Snint-E~prit sont symboliques ot s'insplreal
intellectuel : le mécanisine naturel de celui-cî n'est !'Écriture; lo. colombe est la roprésentalion la plus ancien
détruit ni par la foi ni par l'expérience mysliquc (au ln plus généralisée. Dans le cas do représcntotions 4f
moins dans ses formes non miraculeuses); rnais la Trinité, cotto colo1nbc piano nu-dcss11R des doux fig
grâce, ou plutôt l'inspiration de l'Esprit Saint, aide huuHlines roprésentnnt le Pore et le }?ils; ce dernier
le dynamisme psychologique normal de l'i1\telligence de l'Oprês011l'ation trinitaire s'est développé s11rtout à
à mieux percevoir la vérité de la Parole do Dieu et, du 16• siècle. Parfois aussi on voit l'Esprit roprésenl6
finalement, à acquiescer à celle-ci comme telle. Il est. la forme de langues de feu, pour illustrer 11.1 scène
exceptionnel que celte <( inspiration » fournisse à l'intel- Pentecôt<i.
A. f'nbre, L'iconographie d~ la Pe111ecôtc, dans Gaulll
ligence de$ vérités qu'elle ne possédait pas. Le témoi- bca11l;-ar1s, 1923, t, 2, p. 33.1,2. ~ K. l{UnsUo, /konq(l'f
gnage de nombreux convertis éclaire ce qui se passe der cli.ris1.lichcn ](un.si, t. 1, Fribourg-ên•Bris~au, 19281p. ·
en l'â1ne du (< mystique ii qui, aidé par les « dons >• de 239. - II. l{iiches, Der Ill. Ocist in der J(1at.St, 1928. -F.
l'Esprit, expél'i,nente le contenu de la ParolA de Dieu Jing, Die Taube als rcligioscs Symbol i,11 christlic/u:11 A
et découvre sa Présence dans l'amour. Fribourg-en-Brisgau, 1980. 1 '
Par cc côté intellectuel, on comprend les all1rmations
de nombreux auteurs, pour qui l'expériencn mystique 2° Le /01tde1nent de la dévotion est exposé
n'est pas un simple élat d'func sans autre ,·éalité que l'encyclique Divin11.m illucl ,nunus. Léon x111 a
1

sa propre sensation; elle possède un contenu, lequel avoir .rappelé la place de l'Esprit dans la vie trin!
ne peut que subir l'empreinte de son objet., la 'l'rinité, et dans nos âmes, exho.rto d'abord les fidèles à m
et celle de ses soutiens sacramentels, surtout l'eucha- connaitre le Saint-l~$prit :
ristie ·: la mystique chrétienne est trinitaire et sacra- Beaucoup ne 1:onnail!aAnt pas cet ERprit; Us le nom
mentelle (cl A. Stolz, Theologie der Mystilr, p. 291-244; souvent dans leurs exercices de piété, mais avoe une fol
pAU éclairée. :h1n conséquence, quo !oil prédicateurs el
trad. rr., p. 250-253; D. Barsotti, Il Misiero ,., trad.
1316 Df:VOTION A L'ESPRI'l' SAINT 1318
rinité) ceux qui ont charge <l'dmes se aouvionrrnn t quo l13ur lncoruhe
dévotion au Sait1t•Esprit, Paris, 1958. - J. Oa)Qt, L'Esprit
le devoir de transn1ettre avec zèle et on détail tout ce qui
OOllCèrne lo Saint-Esprit, en écartnnt toutefois les contro- /l'amour, coll. M11seu1n le-i;sinnurn, Paris-Bruges, 1959. - DS,
-La vc~8$.., Il importe plutôt. de rappolor clairement los bienfaits art. Doc11.1ril Au SAJNT-EsrRJT, t. 3, col. 1(,94-1497.
;iè9.les, 1ans nombre qui ne cossent do <lécoule1· sur nous de c~tte François VANDENDllOUCKF..
pqpu• sourco divine; 11insi, ils dill!lipcront entière1nont l'errour et
l'ignorance indignes des fils <le l1u11ière,
U'Î8 ou
VI. LE SAXNT-ESPNIT DANS LES l::GLlSES Sm'AI\ÉES
n sont Le pape invite ensuite los fidèles à mieux aimer !'Es- •
gnages prit Sain L : non seulement « parce qu'il est Dieu », mais 1) Toutes Ios nuances qui caractérisent la vie de la
la JIÛI Coi solon la ltéforme concordent on Ceci qu'elles rejet-
, pslrti- , on doit nussl l'aimer parce qu'il est l'Amour prernicr, suhs- tenl, la médiation essentielle de l'f:glise dans l'obtention
. 1604- tantlol, éternel, et rien n'est plus ai1nahle que 1'1:unour; on doit
l'aimer d'nutant plus qu'il 110115 a cornblés do plus grands du salut. Ce point ·do départ, fondamental et subcons-
~i~ntruts qui té1nolgnent de sa rnunificonco ot nppollent nob•o cient., entraîna par voie de conséquence une nouvelle
éries du gratitude, Cot nn1our... nous oxcilern à acquérir clioque j our conf:eption de la justification, de la sanctification et de
l', Qi'dre unê éonnalssnnce plus complète de l'],1spril $oint... et il nou.s l'int,arnaLion, et donc de l'œuvre du Saint-Esprit.
l'archi• tccotdera ses dQns célostos en abondance ... Il !a.ut vclllér à ce 2) Le lien qui unit l'œuvre du Saint-Esprit à la révé-
,ondrea, que cot 11rnour no se borno pa.~ à 11110 aride connaissanco ni lal,io,1 do Dieu en Jésus-Christ représente pour le
ltlon de à un hommago p11remcnt extérieur; qu'il soit, au contraire,
du 20• protestant, on raison de son rejet de l'autorité de
prompt à agir ot surtout qu'il évite lo péch.é, qui of'fenso par- 1•J;JgJise, le lien qui l'unit à la Parole écrite de Dieu.
tleullèrornentle Saii1t-Esprlt, En effet, tout ce que noua son1mos,
hOll_pita- llpu~ le sornrnes pru• la bonté divine , qui est nttribuéo spécia- Les fidèles des l!:glises protestantes tiennent fermement
~tpellier lement au Saint-Esprit. à ce lion et y trouvent un critère objectif pour discerner,
Ill 1204; dans uno certaine mesure, la conduite individuelle
ttoire 1k L'amour de l'Esprit Sa.lot doit aboutir à la sa.in- de }'Esprit des tromperies du démon ou de la, volonté
Hélyot, teté: péch11resse.
102-222. 3) Dès ses origines ou à peu près, la Réforme s-e dressa
·i- ot des Puisque !'Esprit Saint habite lln nous ainsi qu'en un temple,
lcnri 111 U fq_ut rappeler le précepte de l'Apôtro : Ne contriste::. pc!S , contro tes sectes aussi violemment que contre l' « Église
84-202), l'Esj,rit de Di11tt do11t 1>ous J>Qrtc.• le aigtle. (Êph. 4, 30). Il ne de t to1ne ». Aussi convient-il de réserver aux sectes
. sous le aumt pas d'évito1• le mal, 1naia le chrotien doit briller do l'ûcla.t un chapitre particulier.
Esprit • de toutl!A les vertus, afin do plaire à un hôto si grand ot si
bienfaisant; au PI'iHllier rang, doivent se trouvor 111 pureté Une_ secte cliréticn11c pr?testn11f.e est une comm~nauté qui,
~s • Mis- ei la saintolo, qualités qui conviennent à un temple. contr111rc1nent li touto Eg11se, n'entend pas s'enraciner dans la
708 par doctrine et lit vie de l'Église dos premiers siècles, ne reconnait
avec la ll)nfin, L6on x111 invite à prier l'Esprit Saint : ni fonctions occ!ésiost.iquos, ni confeasions de Coi, ni saere•
>. Liber- menl:s (sauf h11bitucllen1ent le baptême comme signe syrnho-
sous le If n'est personne qui n'ait le plus grand besoin de son aide liquc), rnnis so fonde uniquernent sur la conduite lndividuolle
ihweiler, et do son secours. Con1n10 nous sonHnes tous dépourvus .de et intérieure d o !'Esprit Saint 11t sur !'Écriture, pour autant
,ir H. C. ~ e ot de fo1·cc, aGcablés par· los 6preuves, portés nu rnal, qu'elle concordo avec colle-là. Une Église chr1!ticnne est une
~ol. 852• nous devona tous Cllllrch.er un refuge auprès do Célui qui ost cominunauté qui prûtond ôtro enracinée dans la doctrln0
la source éternelle do la, lumi6ro, de la forcu, de la consolation, et la "ic de l'Église des premiers si éclos et reconnait das fonc-
,té re-pré- del~ sainteté. C'est à lui surtout qu'il Câut demander ce bien tions ccclé~i.astiques, dos confessions de toi plus ou moins
antiques, lndispensublo 11ux homri1ils, la rornil!-~ion dos pêchés : « IH pro- normativos de là fQi et de.s sacrements (au moins lo haptêlno
,mes par pro de !'Esprit Snint ost d'être Je don du Père et du l?i18; et l'eu<:hnristie),
i sé1~arée la n!inission dos Péch.és so fait par l'Esprit Saint., en tont que
rdite pu Dieu• /So;;11ne théologique, 3• q. 3· a. 8 ad 3), C'est <le cet E sprit, 4) Les doctrines de Luther et de Calvin sont fonda-
ro 1 ?~li), que la littJrgie dit exprcsséril~n t : il est la r<in1issio11 ,le tous l,,.~ mentales pour connaître la place du Saint-Esprit dans
létens o a pldl4s (Mi$el ro1nain, n1al'di après la Pontecôto). Conunant la th<:ologie et la spil•itualité des ~glisos protestantes.
\$, t , 20, faut,il lo prier? L'11l,;lise nous l'enselgno trôs clair-amont, êlle D'au lant qu'aujou1•d'hui la théologie protestan Le
présenta- qlli le supplia et l'adjure pal' los noms los plus doux : Vc;icz,
Pire -dès pauvres ... Ello le conjure de louur, de purifier, do rélléchit do plus en plus sur la pensée des réformateurs,
1irent de sans souhaiter un pur et simple " l'etour au passé ,,.
cienne ~t balgnor nos esprit.~ et nos ciœurs... Enfin, il fllut h\i den1ander
1s d•è la ~~ùment et avec conllan1;e de nous éclniror de plus on plus, 5} Les modifications survenues dans les doctrines
, figu,es de nous hrOler des feux do son aniour ... luthériennes et calvinistes au cours de leur his.toiro
,ier type C, Marmion, LB Christ vit1 d(! l'<înie, l\1aredsous, 1914, f Q p.,
présentent un tel parallélis1ne qu'll pal'ait possible
à partir do lei; exposer ensemble. Dans le dernier demi-siècle,
ch. 6; k Christ dans ses n1yRtr.r<,s, 1919, ch, 17; Cot1Sécratio11
lnté SOUi cl 14 Sainte Trinité, 19g6, aij p.; Le Christ icldc1l du prêtre, 1051, aussi · bien dans les l!:glises luthériennes que dans
ne do· la oh.'16. - Mgr M. L andrieux, Le. cli1,in 111,fr.,,nnu, Paris, 1 !121. ccllûs de type }>lus ou rnoins calviniste, le mouvement
-J, Rutché, L'élite ~t lc1 dc11oll'on au, Sai11t-Esprit, Gembloux, oecurnénique donna un nouvol accent à la théologio
4~1
la,;~tte 1926; Le Saint-Esprit et l'éducatitin, Paris, 1928; L'apostolat et à la spiritualité en fonction do l'action du Saint-
n.ographÎI
8;P• 221·
.i /ii déuo1io11a,, Sai11t-8sprit, Paris, 1929. - A. Oardeil, Esp1•it.
Lt Saint-Esprit dans la 11ie chrétie11n<:, Paris, 1934. - V. Dll• 1 . L'action tlu Saint-E6prit chez Luther. - 2. Chez
- .F, Stlh- làt1!, Au Di111, il1connu, Paris, 1938. - L. Bouyer, LB sens de la
,.4Ztertum, ,i, mo11i1111ig11e, •rurnhout, 1950, 1• p., ch. 6, - A. I{iaud,
Cal/Jirt. - a. Évolution tlant1 le luthéranisme, le calvi-
l.'actio;1 du Saint-Esprit dans nos tfnies, Paris, 1953. - El. Fli- nisrne et l<J 111ou/Jement ô1Jcunuinù1ue, - 4. les sectes.
>sé dans cotoa_ux, Lè rayonne111ent de la Pcntcclite, coll. L'esprit, liturgique
7, Paris, 1954. - .B. Wclte, V o;n Geist des Christcntu.nM, 1. Doctrine et spiritualité de Luther. 1 -
11, après Luther a toujours accepté et propagé de n1aniêre ortho-
Fnnctort, J 955; trad. l{, Tandonn.et, L' Etq1rit, 1•io des chrétiens,
triniiaiJ'è eoll, Orans ch.rislianu~. Pal'ia, 1959, - Y. Arsène-Henry, doxe la doctrine de la 'l'rinité; il parle de la création
à n1ieux u, plUli beaux te:ttcs sur le Saint-Esprit, Pal'is, 1957, notam- comme d.e l'œuvre de la Trinité, au sein de laquelle la
ment textes liturgiques et textes du n1ogislère. - 011s• conservation de la création dans l'amour a été attri-
nominent pard Lefebvre, L'Esprit de Dieu dans la s11ù1ta liturgie, Paris, buée an Saint-Esprit; il reconnaît que l'ôt1·e personnel
1e foi très 1958. - ,L.-M. b-Iarlinez, El 1•.'~!Jiritu Sa;110, I La Vcrdcidera do l'Esprit est fondé dans l'être propro et éternel do
'S -et ti>UI D,t,ocion al Esplritu S<ulto, l\fexico; Le Sai11t•Esprit, 1 La 1•raie Dieu, mais il en a lié exclusivement la connaissance
1319 ESPR1T SAINT ET ÉGLISES SÉPARÉES
que nous en avons à sa fonction dans l'œuvre de la • place par ln confor,nitas c1an Christo que seul l'Esptlt
accomplit per -{idem Christi (c'est-à-dire la justice do
rédemption (WA, t. 7, p. 218). Christ, qui, dans la roi, est accordée comnie don.um à
10 Action du Satnt-E•prit dana 1011 àlnea. -
l'honune justifié; WA, t. 56, p. 860; t. 10, 1, p, 49j
1) Cornme arrière-plan au travail du Saint-Esprit dans t. 40, 1, p. 290). .
De ce per fide,n Christi, de cette union à la jusUca
les â.1ncs, il y a la corruption irrérnédiable de l'hornmo
par le péché. La con,:1.tpiscenti<L (comprise comme du Christ dans la foi seule, Luther se sert comnie d'11ne
arnle contre l'unw mystica. J~a justice du Christ nolll
le d6tournen1ent de la volonté désormâili contraire à est bien imputée, elle recouvre notre injustice, mai
Dieu, par un i,npetu. ,. naturalis) est invincible; aussi,
elle reste toujours justitia alie11a, la justice étrangère,
après le péché originel toute .action humaine est, par
qui nous est Intimement unie •nais n'est point deveput
elle-même, péché. Luther n1arque netterr1eot le paral-
lèle entre l'activité c11éatrice et 1'(1ctivité rédemptrice nôtre : il n'y a aucune élévation et, sur le plan divinj
du Saint-Esprit. Pans les deux cas, il s'agirait d'une aucune activité laissée à la nature de l'homme rac~e~
tout au plus y a-t-il une présence protectrice et en
« œuvre à partir de rien ».
Dans l'activité réde,nptrice, !'Esprit n'est pas seule- loppante.
8) L'ho1nme justifié est mis ch"..quc fois en conta
roent à l'œuvre par sa force créal,l'ice, rnais il est d'une
avec la Christ, mort et ressuscité pour lui personn
manière spéciale présent dans l'homme à jui,tifier et
mont, par !'Esprit Saint qui habite en lui; ainsi .ea
crée en lui une vio nouvelle. :rnn toute rigueur, on ne
chaque lois provoqué à une réponse personnelle :
peut pas dil'e qu'il éveille les mo,·ts à la vie : le pécheur
répon1>e première de la foi pleine do. confiance, ~t dt
reste pécheur. Rien dans le vieil homme n'est vrai-
l'espérance portant. sur l' " hon11no nouveau » qu'il ·
ment utilisable pour former l'homme nouveau, l'homme en promesse; en 1nême temps, par la fuies Chri81i,
pneurna.tique, l'ho1n1ne glol'ifié en espérance. L'Esprit l'amour du Cltrist qui se donne et est saisi dans la loi
rend présent dans le pécheur, par son activité crt::1trice,
l' Jl:sprit Je pousse à l'amour de Dieu, qui s'expri
!e Christ, c'est-à-dire le Deus absco1lditus in carne dans des actes d'<1,mour · gratuit du prochain (Lu
.(WA, t. ,t, p. 6 et 94). Il accomplit cette lâohe par les insiste ici sur le travail professionnel). Ces actes 'so
instl'urnents ou les signes que constituent' la parole des actes salutaires dans la mesure où ils sont aotè$
et les sacrernents; il . n1et le pécheur en possession,
l'Esprit, péchés, dans la masure où ils so~t act113
dans la toi, de cette « 1·6vélation dans l'obsCUl'it.é "· Bien l'homme. Le justifié est sin1u,l justus l!t peccaJ.Or, A
que Luther enseigne l'union absolue de l'œuvre du Saint- s'éclaire le travail de l'Esprit dans notre sanctificaf
Esprit aux signes certai1U1 de la promesse du salut, coux- Pou,· Luther, le combat entre l'homme nouveau et
ci n'agissent jamais ex opere operato, mais ubi et quando
vieil homme n'est pas un combat entre l'homme p
visum cstDeo (WA, t . 18, p.139, 602,781; t.1,, p. 681). cipant ontologiquement à la grâce du Christ ,et
Cette réserve s'explique par l'accent mis par Luther « chair » révoltée, n1ais un co1nbat entre le Christ
SUI' la souveraineté de !'Esprit à l'égard do ces s.ignes.
ment présent dans la foi et l'honnne concret qui,
Cet.te présence du Christ est et reste toujours une
entier, est pécheur, et de façon irréparable. Sou
présence da.ns la foi. C'est-à-dire que !'Esprit ne nous
unit pM à la nature hun1runo divinisée du Christ de J.,uther présente ce combat comrne une lutte enti,
Christ et le diable, à qui <c enfourchera la bête
talle manière que quelque chose de la vie divine nous
deviendrait propre. Luther liait le concept d'union som1ne "·
La sanctification ne peut donc signifier le pr
au Christ dans la foi à sa doctrine de l'impulation
extérieure, persuadé que l'homn1e justifié possède
de la propre justice du justifié, car rien no lui est dev
propre (WA, t. 8, p. 92). Le justifié ne peut que
la certitude absolue, - de par sa conviction de foi que
le Christ vivant en lui lui est véritablement uni dans rnenoer sans cesse : sans cesse briser, à travers le d
poir, son état de péché et saish· dans la foi la j
la foi - , quo la justice du Chl'ist peut être appelée sa
étrangère du Christ. Aussi, la vie de prière est f
justice. Pour cet homme, la « justice de Dieu » cesse chez Luther sur la justification : c'est une œum
d'être la sa.i ntetô de Dieu ~;,cigeant le parfait accom-
plissement de la loi et donnant la 1nort, mais devient la 4) .foi (WA, t. 56, p. 268; cr t. ~o. 1, p. 536).
La sanctification, selon Luther, n'est jamaia
la gratia ou f r,,vor Dei, la bienveillance de Dieu, poul'
lui offrir l'Agapè, l'amour incarné dans le Christ, fait qu'on peut constater. Il est radicalement ir~p
de savoir si on se trouve en état de tiédeur ou d'ab;n
réelle1nent uni à lui dans la· roi ot qui recouVl',o de sa
spirituel. Ceci tient au caractère paradoxal des mQ
justice sa propre injustice (WA, t. 56, p. 280). C'est
de salut utilisés par Dieu. Le 1c Dieu caché » révèle
le point central " de la découverte libératrice » de
colère dans la loi réclamant une obéissance p
Luther : <c Justus ex fide vivlt » (Rom. 1, 17).
2) Cependant, cette conception d'une certai11e union ,(son opu.s ·alienum), 1nais il cache son .opus propr'
le don de la grâce dans le Christ. Luther éclaire t,e
au Christ, conduisant par l'activité du Saint-Esprit
doxe : il est nécessaire au pécheur d'avoir une co
à une « assimilation au Christ » (WA, t. 20, p. 6~6;
profonde de son pééhé, avant que celle de son 1:11
t. t10, 1, p. 650), no rnène en aucune façon Luther jus• puisse pénétrer en lui. J.,e Saint-Esprit intllrvieni
qu'à \lne mystique du Christ, dQns laquelle on recber-
charait une unio 1nystica cuni Christo. Sans doute, le com1ne Consoùz.tor, pour nous aider chaque fols à
jeune Luther est influencé par les ,nystiques allemands arracher, à travers le désespoir, à notre état de
du moyen âgo (Tauler et la Thcologia Deutsch) et par et à nous confier au Christ.
5) Enfin, l'Esprit est pour Luther JlluminalO
saint Bernard. Il emploie la terminologie de Ja mys-
tique nuptiale, lorsqu'il parle de l'union de l'il.n1e avec l'intelligence : son <c témoignage in torne » indl
nous fait discerner la te lettre » de !'Écriture (l'exp
le Christ, mais il reste étranger à une unio ,nystica onto-
logique. Il rejette une irnitatio Christi, qui suggèrerait de la loi de Dieu, telle que tout hornroe •· ch
peut la percevoir) de l' 1c esprit >> (le message qui
une activité propre issue d'une union ontologique avec
le Christ (WA, t. 110, 1, p. 5~6; t. 5, p. 128). li la rem- vre du « légalisme » par l'acceptation plein
,320 1321 DOCTRINE DE LUTHER 1322
;prlt confiante de la justice que nous offre le Clu·ist). Sans
, du ernhrasés par l'action do !'Esprit; c'est !'Esprit qui,
ce testimonium intcrnum, donc sans la possession de où et quand il veut, rayonne sa lumière à travers lour
ini ,à l'Esprit, on ne J)eut rien apprendre de l'Bcriture,
49; obscurité permanente. Ainsi, d'après Luther, la souve-
mesS11ge évangélique (WA, t. 7, p. 5116). C'est ce qui raineté de Dieu resterait sauve : il se révèle co,n,ne
permet de comprendre les affirrnations do Luther il lo veut dans ces signes librement choisis, où et qua,id
stice aelon lesquelles des illettrés qui possèdent !'Esprit
l'une il le veut, à travers ces signes qui par eux-mê1pes ne
portent sur le sens de !'Écriture un juge,nent plus peuvent être que fics voiles. La voio qui conduirait
nous exaèt quo le pape dans toute sa science (WA, t. 11,
mai, vers Dieu se trouve, précisément à cause de la révéla•
p. 128 ;· déjà t. 2, p. 509). I.itl ther estimait que sa rnission tion par les signes, radicalement fermée. L'ho.mn1e
gère. êt11it de Iaire connaître la situa tion immédiate et per-
·enue n'est pas maître, par ces signes, d'accéder à Dieu.
sonnelle de l'individu à l'égard de Dieu et de !'Esprit,
li"vin. sa,ns passer par la médiation do l'l!:glise. C'nst de celte n1anif)re que Luther a cherché, nprès 1525, à
heté, L'œuvre du Saint-Esprit dans les â1nes a dans la assurar sa doctrine contra deuic adve1•salros : d'une part contre
3nve-. les • Schwarmer •,les• Jibor tina •, qui, rejetant l'l;\crit11re et les
théologie de l,uther uno 11lace bien plus g1•ande que so.crc1uonta, penanient se fonder uniquement sur le té1noign11ge
celle de son activité dans l'Église considél'ée comme de l'Es1H·iL eu chacun, d'autre part contre les catholiquei; qui
ntact un tout. Cetto doctrine a marqué le protestantisme.
nelle• enselgnaiont, en ,natière de snlut, la médiation essentielle do
l'Église et en faisaient ainsi la maitresse des aigne,, au détri-
.est-il 2~ I.'Eeprit Stùnt ot l'Égllse. - L'lilglîse est rnenf. de lo. souvorainoté de Dieu.
t : la nommée par Luther la mère des croyants, dans la ,nesure
et de otJ, par sa prédication, elle porte à trave1·s les temps
0 :est
1 Dans ces conditions, on compl'end que Luther mette
• le Verbe de Dieu et cc engendre et nourrit par ce Verbe» forte,nent en valeur l'aspect eschatologique de l'Église.
.. •
,ti, -
.01-,
les. croyants. Mais c'est le Saint-Esprit « qui révèle
le Verbe de Dieu, éclaire et onflam,ne les cœurs des
Elle est le peuple · de Dieu, que l'action actuAlle du
Saint-Esprit suscito et assemble, par la prédication
prime hommes pour qu'ils lo co1nprennent, le reçoivent, y et les sacroments. Les membres do ce peuple acquièrent
,uther adhçr~nt et y demeurent» (art. 8 du symbole; WA, t. 80, <lans la Coi le pardon des péchés, et !'Esprit prépare
1 sont 1, p. 488). Ce langage caractérise Luther : les signes . en eux là résurrection de la chair ot la vie éternelle.
tes-de extérieurs de la foi (la prédication, l'administration L'l!lglîse, peuple de Dieu en marche, jouit de la présonce
:es de des sacrements) doivent précéder l'œuvre intérieure du Christ par !'Esprit, tnais elle reste entié1•e1nent
.A.insi d~ l'~sprit; la foi doit suivre (cf aussi les articles d.e pécheresse et ne partagera pas, avant le dernier jour,
1ation. Schmalkalde; \1/A, t. 50, p. 245). La prédication de la sainteté définitive du Christ.
1 et le l'Eglise, pas plus que !'Écriture et les sacrements, Aussi n'y a-t-il auôune place chez Luther pour
parti- n'est, par elle-même, la révélation; elle ne le dec,ient l'Église cc corps mystique du Christ ». Si nous trouvons
et la q11e par l'action actuelle de !'Esprit dans la prédication chez le jeune Luther quelque notion d'une Église hiérar-
réelle- ~t dans le cœur des auditeurs (WA, t. 14, p. 681). chiquement ordonnée en tant que corps mystique du
i, tout Ainsi l'Ji:glise en annonçant l'Évangile est indisso-
,uvent lublement unie au Saint-Esprit. 1vlais elle n'est que le
Christ, pou après 1517, cette notion deviendra la com-
muna uté invisible et spirituelle des saints (WA, t. 17,
-
1trê le lieu o~ !'Esprit rend présente l'œuvre rédemptrice 1, p. 191.i), L'Église, épouse du Christ, a une place
~te de du Christ par la prédication et les sacrements (cf WA, molndl'e encore que l'Êglise, corps mystique du Christ.
t. 81, 2, p. 450). tiors de l'Église, pas de sanctification Le personnalisme du salut, propre à Luther, et son
1rogrès (WA, t. 80, 1, p. 93), mais aussi : là où est à l'œuvre
levenu dédain pour l'unité organisée do l''.Église le conduisent
l'Esprlt, là est l'lilglise (p. 92). L'Esprit se Cl'ée ainsi à appliquer aux fidèles pris individuellement les textes
recom- l'Église comme le 11écessaire présupposé de son activité
déses- concernant l'll:glise épouse du Christ. Parce que la
ultérieure en chaque fldèlo; l'Église doit donc moins sainteté ne peut jamais, sur terre, devenir en propre
justice l'.Of)evqir le nom d'instituLiôlî que celui de c1 peuple de
fondée celle de l'Église, celle-ci ne peut être considérée con1me
Dieu · •• constamment appelé à l'unité par !'Esprit l'épouse distincto du Christ et lui répondant dans
,v re 4e Saint (p. 190). Nous n'avons pas affaire ici à une doc- l'amour. Si l'Église ne participe pas au plérôme du
. trine individualiste du salut personnel, c'lu· chaque Christ., si le Christ, tllto et col'ps, exclut môme l'autv-
tais un Odèle, dans l'acconlplisse,nent de Ja tâche du Saint-
tossible nonlie dépendante du corps du Christ, on ne peut plus
Esprit, - sanctifier l'humanité en rendant p1•ésente parler d'une réalité pneumatiquo en race du Christ.
bandon l'œuvre rédemptrice du Christ-, est assun1é cou1me un La se.ule place qui reste pour une 1nystiquo nuptiale
moyens membre de ce u peuple de Dieu )) : encore quo le fidèle réside dans l'abandon personnel et confiant de chaque
vèle sa ne.puisse y prendre part de _façon fructueuse par une
>arfaite fidèle à la Personne du Christ. On en trouve de beaux
' acl,lvité qui lui serait propre. Finalement, c'est l'Esprit exemples duna quelques cantiques de Luther, encol'e
priu~ : qui acco1nplit seul toute l'œuvre du salut. Lut11er parle chantés aujourd'hui.
:e para• de çooperatio (WA, t. 18, p. 754), mais celle-ci consiste
lscience Enlin, si l'Église, malgré son unité interne, n'est pas
l r.endre disponible la « la1•ve " (sic), ou la forme dans une réalité pneumatique en face du Christ, on ne peut
rachat laquelle l'Eaprit révèle et voile à la fois son œuyre pas non plus appeler !'Esprit Sai1tt l' c< âme )1 qui unit
·i ent ici en ce monde : la << larve >> est passive au point do vue
à noua
et vivifie dans l'unité le corps visible et invisible de
de reJJet surnaturel, et même, de soi, elle no peut que l'Église. L'action unifiant.a de l'Esprit no vaut essen-
e péché voiler. Ceci, selon Luth01·, vaut aussi bien dans le cas tiollen1ont que pour l'Êglise invisible. Elle est une par
de l'Église que dans celui de tout fidèle. la participation commune au seul Christ, en qui tous
kator · de Du même coup, l'Église so voit refuser toute influence
llividuel croient. Coci peut s'accorder avec un état de diyision
• salvitlque qui lui soit propre. Les signes sont nécessaires extérieure. Le rejet de la médiation essentielle de l'Jl:glise,
pression ·dans leur rôle de voile, car la rencont1•e du Deus nudus joint aux a1,1tres facteurs indiqués, condulsit J.,uther à
llarnel • entraînerait la mort. Dans leu1· fonction révélante, opposer la« communauté des croyants», une et invisible,
IJUÎ déll- Ils rèstent entièrement dépendants do l'emprise actuelle
inement aux nualtlples Églises visibles, l'honln1e u intérleur »
de l?E1Jprit : ils ne sont pas lumineux et transparents, à l'homme c< extérieur », le juste au pécheur, le témoi-
1323 ESPRIT SAlNT ET ÉGLISES SÉPAR:Ë.ES
gnage intérieur de l'Espl'Ît à son témoignngo extérieur, dont té1noigne l'Écriture et que !'Esprit scello on nio
la loi à l'~vanglle. Il n'y a pas là une vraie ayn thèse, mais cœur (lnstitutiones 1, 9, 8). Calvin parle en outre d'11b.
une paradoxale implication de tous ces éléments. Calvin union, comn1ençant sur ter1'e, avec le Christ par 1
oJTre cette synLhèso, mais sa doctrine e1nprunl:o presque Saint-Espl'it, et il pouvait écrire, à propos do l'aotio
toutes ses idées fondamentales à Luther. particulière de }'Esprit : << l-Iuc surnma redit, Spirit
Sànctum vinculu,n esse quo nos sibi efficacit.er devinel
2. Doctrine et spiritualité de Calvh1. - Cal- Clt1•îstus 11 (111, 1, 1). Mais il n'accepte pas de lien on
vin, comme LuUier, a toujours accepté et propagé de logique avec le Christ, cal' il l'ejette tout changeoien
manière orthodoxe la doctrine de la Tl'inité. Il convient ontologique dans l'ho111me gracié. Dieu, il ost vrai
de lo défendre sur co point,.car, dès la pl'emit:ro édition se l'end présent, d'une façon nouvelle, dans le justi
de ses J nstitutio11es rcligioni,s christiariac, on l'accusa mais on ne peut admettre d'oftet créé qui transfo
d'arianisme. Si Calvin aime désigner le Saint-Esprit 1nerait l'ho1nme intérieurcrnent. Co n'est qu'en vtH
co1nme la virtus J)ei et s'il en1ploie de ptéférence au de la pro,nesse (Opera, t. 55, col. 71-72) que l'hom
mot per.~onnc les ex.pressions de proprietas ou d'hypos• atteint l'union véritable avoc Dieu. Cetto proin·
l<z,qis, il présente dans ses lnstitutiones de 1559 une est fondée immédiatement sui· la prédestination 4,
doctrine trinitaire plus élaborée (1, 13) et ortl1odoxe. nelle de Dieu. Dans ce tcstimoniuni Spiritus SanCI
Aussi bien, a-t-il toujours n1is au premier plan le rôle actuel qui concerne le bon plaisir do Dieu sur m
<lu Saint-Esprit : dans la création et la conservation maintenant, je saisis immédiatement la décision é
du cosmos, dans le gouvernement du genre humain, nelle et irn m,1able de J)ieu sur ma prédestinatfo
dans le rôle de guide et de protecteur do l'Église du En elTet, la promesse scellée actuellement par l'Esp •
Christ (cf Opera, t. 8, col. 8(19). En tout cela, l'Esprit dans le cœur de l'hom1nc est fixée une fois pour tou
apparaît comme la « force do Dieu » qui réalise le des• et aucune infidélité ne peut l'anéanLir. Le testimotli
sein de la création et de la rédemption. Lc rejet des strictement individ,1el, est donc fondé sur la préa
subtilit6s de la scolastique décadente l'incite t\ se méfier Unation radîcalen1ent individuelle.
des considérations sur la Personne di\ Saint-Esprit Calvin saisi.ra progressiverne11t que ce t-estim()ni
considérée en elle-même, bien qu!il ·aecopto cette n'est qu'un aspect de l'action particulière de l'EspJI
conception do la pensée chrétienne primitive en accord qui a pour tâche d'appliquer aux fidèles le salut mini
avec les données de l'Écriture. par le Christ (Institutione/J 111, 1, 8-~). II né s'agit p
Avant d'étudier l'action pa1•ticulière dtJ l'Esprit, uniquement ici de la justification qui accompag11e
bornons-nous à cette remarque sur son action générale : prem,ière attestation de la pro1nesse divine au mome
quo l'honune soit resté homme après la chute, qu'il de l'accueil do la foi. Calvin connaît aussi la sancli
soit encore capable de grand~s réalisations artistiques cation progressive, dans laquelle l'hornme gràcié pt
ou scientifiques, n'est pas pour Calvin la conséquence expérimenter do plus en plus profondément l'aoU
de sa nàture, ,nais doit être attribué à l'emprise salvi- de la grâce de l'Esprit (Opera, t. 51, col. 155; t. 81 c
fique de Diou, qui soutient l'homme (Insti:tutwncs 11, 'l88). 'Ainsi, le testimoniu,n rentre-t-il dans la 1
2, 17). Cette emprise constitue l'acUon générale du trise do !'Esprit ,,, qui va jusqu'à englober la san
Sainl-füsprit dans l'humanité déchue, - sauvant la fication et l'action générale sur le cosmos et l'humani
volonté et l'intelligence, suscitant des actes relative- S'il n'attribuait pas un si grand rôle à !'Esprit, Cal
1nent bons, vrais et beaux-, bien que tout ct la demeure craindrait de léser l'activité exclusive de Diou. 1'
<< entre parenthèsefl », los parenthèses du péché. La l'ôalise soul, dans une libert.é totale, chaque détll,il
même chose s'applique au bien relàtif atteint dans la son plan Cl'éateur et rédempteur, même lorsqu'il u
société : lois hu1naines, aptitudes au gouvernement, lise des ,, instruments 11 0,1 exige de ses créatures r ·
dispositions professionnelles en général, ce sont là nahles une libre ob6issance. Cette doctrine de la 1
des dons de l'Esprît, par lesquels l'humanité, dans la trise,, implique que l'activité du Saint-Esprit agit a ·
profondeur de sa chute, est maintenue en certaines une liberté absolue. 1/Esprit est totale1nent indép
limites (Opera, t. 88, col. 599; aussi Institutiones 1v, dant des moyens qu'il e1nploie. << Vray est, dît Cal
20, 8). De l'Écriture, on he peut certainement pas faire dans un de ses serinons, que la. grâce de Dieu n'
dériver cette conception, mais, chez Calvin, (:)118 est une point attachée, et la vertu de son Esprit n'est po
conséquence de sa doctrine sur la co1•ruption générale. enclose ni aux sacrements, ni à toutes choses oxtern
1 ° Action du Samt-Jnaprlt dàll8 les • lhne8, - qu'il ne puisse besongner, quand il y luy pl
Calvin, plus que Luther, met en haut relie[ la fonction sans nul moyen" (Opera, t. 8, col. 414). On pou
de l'Église dans l'œuvre rédemptrice; aussi pourrait-on entendre par là que l'Esp1,it peut directernent sau
croire que chez lui l'action du Saint-.Esprit dans l'Église l'homme en dehors des moyens prescrits par tii
a le pas sur l'action do l'Esprit dans le fidèle. En fait, lorsqu'il n'y a point faute de l'hom1ne, On P.eul
d'après Calvin, l'action de l'Esprît dans l'acquisition voir affirmer encore que ces xnoyons n'ont auc
du salut ne s'exerce pas d'abord et principalement efficacité si !'Esprit n'agit par eux. Calvin va plus 1
sur la cornmunauté, et ausl:lî imrnédiate1nent, mais cependant : l'Er;prit est libre, car il peut priver dé
en second lieu, sur le croyant. L'action d<,! l'Esprit a efficacité des moyens prescrits par Dieu, et faire onco.
pour fin première le croyant, îndépendamn1ent do la la damnation à l'homme qui se croit sauvé, à su}î
communauté; le testimoni1tm SpiritU$ Sa.ncti est stJ'lr.- que sa damnation soit décrétée (lnstitutiones 111,
te1nent indivîduel. Ce testimonium à la rois atteste 11, et 24, 8). Sa pracdcstinatio ad damnationem, en dé
la vérité do l'Écriture (Opera, t. 1, col. 295-296) et des actes de l'homxne, le contraignait à une con,
donne à l'âme une certitude parfaite, intérieure et pel'- sion qui no tenait plus cornpte de la parole ni
sonnelle, de la promesse divine; cette certitude est sacrements (1u, 21, 7).
fondée sur la fidélité . absolue de Dieu è stl pro,nesso. ~-Lavie apirltuelle du cnlviniste e$l principale1nont déterril
Le testi,nonium crée donc en moi la certitude de mon par cette âctivité du Saint-Esprit, quo noua vanons d'ébe.u
A côté do la conscience de la corruption fonclt\ro de l'ho
salut éternel; elle a pour garant la promesse de Diou,
824 1325 DOCTRINE DE CALVIN 1326
on \fouve, colle c?nfinnoe inubranl11hl6 en ln pro1nosso reçue tatio Chrfsti, '.{Il~ réalise !'Esprit. Calvin n'a pas vu quo la
mon ~ans l_a foi et scollee duns le cœu1• par l'Eaprit. Il n'est pas rare résurrccLion s1gn11le la fin des temps anciens et commonco
'une què- de celle pro1nesi,0 naissent uno vio de vertus en 1·econ- mo.nifos L01nunt los nouveaux pat• l'asconsion : temps nou-
ir le nalssance du salut ot une obéissance au St1igne11r de l'alliance. vea_ux où la n11ture humaine demouro ossontiellement la mô1nc,
:tion Dloti la solidité ot la virili lô de ln piété calvilÏiste. 1',1o.is de1neuro mais 1nanlrcsté cependant d'une 1nanlèro glorieuse les effets
itum laque~tion angoissante: suis-je sOr d'avoir accepté réellement de son éléva Uon, en gern1e dès l'incarnation.
incit l~-Chr,s~ d!lns la fol? Ne_ serais-je pas déjà marqué pa.r
1nto- 1emp1'01nt? ,de lft. da1nnat,,un? L'histoire do la piété et de
la .théologa~ calVJn1stes 1•ov1011t toujours sur les signea de ln 2) Calvin s'oppose néann1oins énergiquement à une
nen,t
p~édesllnat1on et prouve qu' il est dilllcilo de lairo taire cette exclusi/Je activi lé de }'Esprit. Pour lui, comme pour
vrai, réllexion angoii;sante, ~uthet•, l'Églœe est (< la mère :des croyants » (Institu-
tiflé, t,.ones IV, 1, 4; Oper<J., t. 5, col. 394); il songo et à
stor• l'J!lglise invisible (univers11s clcctorurn nllmerus, Opera,
11crtu 2° Act101;1 du Snint-EsprJt dan11 l'É1tliee. - 1) Le
mme Saint-Esprit agit dans 1'1iJglise exclusivement en t. 1, eol. 72), et à la visible. L'Église visible et invisible
envoyé, du. ~i!5 fait homme. Calvin distingue nette- n'est pourtant « 1nère » que dans la mesure où }'Esprit
nesse·'' oxcrr.e en elle son activité propre. L'flglise n'exerce pas
étér- mont 1activ1te g6nérale de }'Esprit dans le cosmos
et l'humanité, et son activité particulière dans l'œuvre sur la génération de l'ho1nme nouveau une causnlit6
'ancti
rédempt~ice, donc dans l'Église et dans le croyant. surnaturelle : Dieu seul la produit (Opera, t. 6, col. 254).
1no1• J,.,a J>1·ovidence, dans sa souveraine liberté, a établi
éter- La deuxième mission, pour los seuls élus et pour la
BQ.ule 1/:glise invisible des lHUs (le Christ n'ei;t n1ort que une connexion extrinsèque entre les œuvres de l'homme
ttion. (c'ost-à-dh·e de l'Église) et la force de l'Esprit. Calvin
lsprit pol}r eux), est effectuée par Jésus-Ghrist 1nédiateur.
Lo Fils de Dieu fait homme est pour Calvin uniquement défend ce lien contre les (( libe1-tins », qui voudraient
outes dissocier 1•adicale1nent l'acUvité particulièro de l'Esprit
le médiateur, qui réconcilie les prédestinés avec Dieu
et qui envoie !'Esprit pour leur appliquer complète- et le rôle de l'Église (Institutione~ IV, 1, 5; Opera, t. 45,
ment, mais ù eux soul<;, les fruits de cette œuvre ,nédia- col. 31,9). l/action de l'Esprit, pour Calvin, est liée
,nî1.tm trlce. En rétrécissant le but de l'incarnation, il élargit en premier lieu à la Parole de l'1iJeriture, en second lieu
sprlt, au même coup le rôle do !'Esprit (tout en parlant . à•la Parole divine prêchée par l'Église (lnstitutioncs IV,
oërité d'aUleut'I! d'une manière orthodoxe du rôle de l'Esprit 1, 4). L'iinportance de ces liens est fondée principale•
lt pas dans l'incarnation; Opera, t. 2, col. 35G). ment sur le fait que la 1/0èatio e:i;tcrna de la Parole
En conséquence, · il restreint la fonction du Christ divine s'adresse à tous et que la vocatio intern(l, que fa.i t
:ne la
)ment glpriflé. Il n'y a pas entre Je Christ glorifl6 et l'Église entendre <( le témoignage intérieur de !'Esprit-Saint »,
ncti-/1,• Yisible et invisible cette (( intériorité personnelle réci- scello personnelle1nent te salut des élus. " La vocation
peut proque» .du Ch~i~t ~otnl (< 'J'ête et 1ne1nbres ,, par laquelle extérieure >> et (( la vocation intérieure· » s'impliquent
~ction se constitue 1 :6lghse, avec comme principe d'union nlutuollemont. Se détacher do celle-cl pour ne s'appuyer
S, '-ool. Incréé !'Esprit, qui est son (( âme n. Mais le Christ que sur celle-là, c'est ,néconnaître l'éconoinie du rachat.
l ffiQΕ glorifié de1neure localement au ciel, l'Église visible et Ce rapport des deux <, vocations >> fonde 6galemont,
1anctl• Invisible dos pécheurs derneure sur terre. Calvin accen- dans leur unité intérieure, la distinytion radicale de
tanité•. iue cette distance, parce qu'il se représente le corps l'Église visible et de l'Illglise invisible.
Calvïn gl~r.iflé du Christ co~me .assujetti aux lois du te,nps Cal vin détend encore, contre les « libertins », que
Dieu q111 précède sa glor,fication (Opera, t. 9, col. 169 · l'activité de !'Esprit est liée à l'administration des
:a.il de lMtilutiones 1v, 17, 12). Ne saisissant pas les proprié: sacreinonts, mais ce lien est aussi nrbitrairo et extrin-
il uti- tés d~ corps pneu,natique du Christ, il rnaintient que, sèque : là où l'Évangile. est prêché dans sa. pureté et
~aison- jusqu à la seconde venue du Christ, sa présence corpo- les sacrements administrés comme il convient, là est
« mat- relle sur terre est exclue (d'où la seule présence vir- l'action de l'f~sprit, et donc la véritable Église. Il ne
.t avec tuelle dans l'eucharistie). La distance entre le Christ s'ensuit pas que l'Esprit travaille eri tous ceux à qui
~épen- glorifié, localernent au ciel, et l'humanité péchorosse ost adressée cette prédication et qui reçoivent ces sacre-
Calvin sur tèrre n'est franchie que par !'Esprit. Celui-ci fol'rne rnent~. Dans la véritable )!)glise visible il faut distinguer
1 n'est l'tglise invisible des prédestinés en les fttisant par- l'flgliso invisible (le nianerus elector·u,n connu de Dieu
; .point t.lc1per aux mérites du Clirlst; l'Église visible a une seul), en laquelle s'exerce seule l'action régénératrice
ternes, !onction intermédiaire sans instrumentalité surna- de !'Esprit. En d'autres te,·mes, ni dans cette prédi-
plaira, turelle; pour les réprouvés, appartenant ou non à cation do l'Évangile, ni dans cette administration
outrait Piglise, il n'a reçu aucune mission propre. des sàcrements, l'Bglise n'exerce une influence direc"
sauver toment salutaire.
Qu.and l'Êglise catholique ol Calvin parlent de ln présence 8) Calvin fait plus grande place que Luther à l'Église
Dieu, du Christ glorifié f!irtutc Spiritus Sanr.ti, c'est dans un sens
peût y visible. Il distingue toutefois << l'esprit · d'adoption »,
tout différent. .f>o11r la première, il s'agit du lien ontologique qui rôalise la nouvelle naissance, et « l'esprit des cha-
a.uounè d'unil6 quo rénliso l'Eaprit entre le Christ glorifié et l'Église,
lus• loin en sorte quo é'est le corps pneumatique du Christ qui rouvre ris1nes », qui donne aux représentants de l'Église les
de leur dans l'~glise virtut~ Spirit"s Sancti. Pour Culvin, il s'agit d'une charismes nécessaires (Opera, t. 1,.7, col. 438-440).
ncourll'• présone-0, auprèli des prédestinés, de la« forco du corps glorifié• " l}adoption >> confère le sacerdoce universel; il n'y a
1pposer du Ch'.lst, quo r6illiso h1 force de l'Espril; pa.r ootlo présence, pas de sacerdoce particulier. L'Esprit ne co1;1duit
Ill, 21
1~ Christ exerce son hégémonie sur l'Église. Un lion ontolo- l'flgliso que par les charismes. De ce fait, la prédica-
J14UO entre co co1•ps glorifiâ ot les éh1A, qui sont l'Église no so tion de l'Eglise a bien quelque autorité, rnais Calvin
in dépit réàlille )>aa (/nstitiaionos u, 15, 3; Opera, t. 45, col. 568;° t. 15,
conclu- n'adn1et pas une direction imn1édiate, infaillible, des
èol, 728).
ni des :Au sujet de l'eucharlstio, Calvin pilrle en général d'une
chefs do la communauté cornme tels par le Saint-Esprit
pl'ésonco, gralia Spiritus Sancti ou ~irtute et aralia Spirit,~ (lnstilu11:011es IV, 8, 10). Un concile peut se tromper,
terminée Sancli (I11sti1ut_il)1!e$ rv, 1?, 26; 01;1ora, t. '15, col. 695; t. t,?, c'est, ::tffirme-t-il, le cas de nombreux conciles (1v, 9,
banche!!. col. BG4-3G5); il ignore tout autre genro do pni~e1u;e. F:nl.re 1 t). La présomption toutefois joue en faveur de l'Église
.'homme, l'asconsion et la parousie il ne peut y avoir l{lt'une repracsc11- d::tns l'interprétation exacte de l'Écrituro. En consé•
1327 [ESPRIT SAINT ET ÉGLISES SÉPARÉES
quence, Calvin exige le respect de la doctrine de l'Égliso après l'incarnation, indépendamment de l'humaniij
(1v, 9, 8; 9, 2 et 13). En d6finitive, la d6cision n'en du Christ, demeure activement présent dans la création
revient pas 1noins au croyant, qui, dans sa prière, et dans l'humanité. Les luthériens y opposaiont léut
juge suivant le témoignage individuel de l'Esprit doctrine de l'ubiquité du corps glorifié du Christ.
(1v, 9, 12). Les restrictions apportées à l'indc\pendance 2° Divergences et controverses curent leur contre•
du test1:motti1an Spiritu.9 Sancti individuel ue signifient coup sur la vie spirituelle. Les piititJtes, au 180 slèole
donc pas un change1nent essentiel. notamment, mirent l'accent, aussi bien dans leur as6èsJ
que dans leur mystique, sur la conduite personnelle
(l) li en est de nuîine do la docb•ine du corps m.ystiquc. do l'Esprit Saint, sàns saisir toujours le rapport per•
Calvin enseigne bien que, dès que l'homrno croit, il so 1nanent ontre 1c le témoignage interne » et « lo tt\010J•
trouve • implanté dans le Christ •, d9.lls « le corps du Christ • gnage ex terne » de !'Esprit, que sont la Parole et l!ll
(Opera, t. 48, col. !11 1,). !liais, lorsqu'il traite rla l'unito du Christ sacrements. lis essayèrent . cependant de maintenir
11voc l'~glisa,. pâr exemple dans son comment9.ii'O de Éph. 5, l'orthodoxie des relations entre l' Esprit et le Chr~t,
28-30, 11 exphquo ; cet.te conununauté <1vèc lo Christ« He fai t et par là Ils se détachaient des « libei•t.ins », pour qiû
en la vertu do son S. Flsprit, et non pas on la substance do son la lumière intérieure de l'Esprit était tout.
corps. Voilà donc Jésllii-Clu•ist qlli ost faiot vrti.Y ho1n1no
et qui. a pris
' une mesmij naluro hum11h10 quo ln no~1.r0 : 1nais' 30 Pas plus les protestants traditionnels que les piê•
cela n'ost point de 1111Luro que nous so1nn1os sa ch1li1' et ses tistes ne furent en mesure d'at•rêtcr la vague ra1io-
os : car nous né sonuncs point doseondus de luy, quant à sa ru1listc du 18° siècle. L'activité du Christ fut alors
propre substance: 111ais c'est de s11 vertu divine n (Opera, t. ()1, conçue comme totalement séparé·e de celle de l'Esprlt:
col. 768), le Christ devint uniquement un exornple 1noral (quoi
qu'il on fût de sa représentation sy1nbolique ou my$U•
Seule la force de l'humanité glorifiée dù Chl'ist nous que) et l'Esprit ne fut guère qu'une « for•ce divine ,1
est rendùe présonte par !'Esprit, à nous üt à touto 'flJO dédaignait de plus en plus « l'esprit illuminé dQ
l'Église, mais il n'y a pas de lien ontologique avec le l'homme >), Autrement dit, le testilnonium i111er11um
corps pneumatique personnel du Christ. En d'autres de !'Esprit Saint et le testinioniu,n externuni soli,
termes, le plérôme du Ch1·ist n'appartient pas il l'Église: totalement séparés, et le(< témoignage in terne »se trouv
l'Église comme corps mystique n'a pas lle réalité toujours davantage identifié avec l'intelligence humain
pneumatique personnelle, distincte, dans son unité L'idéalisme du 198 siècle approfondit bien la notion
înthne, du Christ lui-mêmo. Dès lors, il n'y a pas d'l!jglise de l'Esprit, mais l'Allgeist impersonnel de He
définitivement sainte, participant à la sainteté défini- restait loin de la troisièrne Pe1·sonne de la Trini
tiv-e du Christ, pas de prêtres participant au sacer- Il n'y avait plus aucun lien entre l'activité de l'Espri
doce du Christ, r,as
d'autorité ecclésiale infaillible. et la révélation historique.
L'Église n'est pas non plus l'épouse du Christ, si l'épouse Frédéric Schleiermacher (1768-1834) essaiera d
doit participer à la sainteté de son Époux. L'Esprit démontrer que l'expérience religieuse, inattaquab
eqgendre l'Église par l'adoption et la dirige par les par la raison humaine, était l'objet de la véritljb
charismes, mais il ne peut être son « Ame >>, car l'Église théologie. Pour lui, chaque 11:glise est une expressio
ne possède pas de réalité pneumatique propre. ca1·actéristique de l'esprit chrétien; lequel représen
Le Royau1ne du Fils de Dieu fait homme se termine l'esprit hu1nain dans son expérience religieuse lâ pl
au jugement : la fonction de médiateu1• est ter1ninée élevée. Mais rien ne reste do là personnalité divin
ot la sainto 1-lumaniLé du Christ n'a pas de fonction dans du Saint-Esprit (voir F.D.E. Schleiermacher,
l'éternité (t. 49, col. 5~9). Mais l'activité de !'Esprit christliche Gla14be nach den Grundsiitz~n der ec1a11gt
de1neure toujours en nous (t. 28, col. 9-10). Dans la sclien Kirche, t.1, Berlin, 1821, § 15-19). Dans chaq
synthèse do Calvin, cotte (< 1naîtl'iso de l'E$prit » est chrétien se réalise une certaine « incarnation clo Dieu
son apport théologique le plus original; cette doctrine par le <( Saint-Esprit ». Cette « incarnation » consi&
aux écoutes de l'Esprit et de !'Écriture a rnarqué la dans la prise cle conscience de $U dépendance' abs9l
spiritualité calviniste. Cet élargissement de la fonction de Dieu, et l'incarnation du Christ est « l'effioaoi
du Saint-Esprit dans l'œuvre réden1pt1•ice est cepen- continuelle de la conscience de sa divinité, qui en l
dant réalisé aux dépens· de fhumaniLé du Christ, et était un véritable être-Dieu >> ( § 94) . D'où lo plaidoy
donc de l'Église. do Schleiermacher pour une Geist-Christologie, qU
3. Évolution de la doctrine pneumatologique reinplace la doctrine des deux natures définie au co
(l,~tltéran.i.sme, calvinis1n1J, œctunénisme}. - 1° La pneu- cile de Chalcédoine.
1natologie de Calvin correspond à sa chl'lstologie (de Une· Ver111iulungstlleologie se dévoloppora pl11s t11rd, p
type antiochien). Celle-ci accentue plus ou moins 1·éooncilier toi et raiso11, niais souvent en abandonn11nL lad
exclusive1nent la distinction de l'activit6 propte à trine trhtltalro. Albert Ritschl (1822-1889) donnfl à ce
chaque nature, l' bJsprit Saint en étant lo 1, trait tendance uno nette orientation : les anciennes forrnulali
d'union ». La christologie de Luthel' est plutôt de type dogmatiques n'auraieni qu'une valeur hlstoriq11e, à. rcspoo
johannique (alex.andrin), où. l'unité d'action des deux cert85, 1nals sans force oontraigna11lo pour la gôn6ra
natures en fonction do l'union hypostatique est a,ccen• actuelle. Cotte opinion tut notanuiulnt celle d'AdolphQ
tuée (ce que no nie pas l'autre tendanc4:l) et souligne Harnack on Alle,nagne et d'Auguste SabuLio1• on F~
Un certain renouvoau, non sans Uen avec le plétisine,
moins l'activité de !'Esprit. Ces distinctions so retrou- cc)nlre cet am0nuisoment de la r6v6lation par le ration '
v~nt dans rinte1·p1•étation de toute l'œuvre rédemp- radical ou mitigé ; le J1éveil du 19• aièclu, qui, de (l~nilve,
trice. Elles demeurent plus ou rnoins vives, à travers roJ>andit eu Suisse, en l•'ranûo, en AJlernugno et aux Pays,B
l'évolution du luthéranisme et du ciùvinis1ne. La diver- Cc piétismà,.assez souv0nt 1nôlé c,l'éU1111è11ts mystiques, 1
gence atteignit son point culminant dans l'e.~tra calvi- tait avec torco sur la (:onduite personnelle de l'f~ijprit
nisticum. Ce mot, lancé au 17c siècle pat lei: luthériens, encore qu'il n'y mtt plijl l'accent antidog1natique qui oarao
désigne la doctrine calviniste selon laquelle le Verbe, risait ordinairoment les plôtlstes des 17e et 18° i;iàclcs.
L328 1329 ÉVOLUTION DOCTRINALE 1330
•nité . 4° La victoire $Ur- le ra.tionalisme 1'evit;nt, au 1noins 1) L.'aspira"tion vers l'unité a mis au premiet• plan
l).tion on Europe, et encore pas radicale111ent, à la théologie l'acLion du Saint-Esprit dans l' :Égliso considérée comme
leur dialectique, qui s'en prend d'ailleurs aussi violemment le corps du Christ, à l'encontre des interprétations
t. à la 1tendance my$tiCo-piétiste qu'à la théologie individualistes du protestantisme du 19° siècle.
ntre- libérale (cr E. Brunner, Die Mystilc u,id da.v Wort, 2) L'influence de l' ,, actualis1ne 1> barthien a conduit
!iêole Tubingue, 1924). A la place de la théologie libérale do no1nbreux théologiens oecuméniques à concevoir
1scêse immanentiste, apparaît chez Karl Barth, Je grand pro- cette action de (Esprit comme un (\ événe1nent »,
lnèlle phète de cette nouvelle doctrine, la théologie du Dieu for111ant à. tout mo1nent les. croyants à la comm11-
per- transcendant, qui, dans l'œuv,·e de la réden1ption, na11 l.é unique du Christ dans le Saint-Esprit, qui
amol- malntienL la distance quitlitative infinie qui sépare s'a,;compagno do la négation plus ou 1noins radicale
~t les Dieu de la cr6ature, malgré l'cxinanitio du Fils de Dieu d'une pa1•ticipation continue au Christ glorifié, ~ œuvre
ltenir fait homme et l'exaltatio qui en fut la consôquence. de l'Esprit - , par l':G:giiso et son autorité. L'aposto-
,h tiàt, Dans cette théologie, la docll'ino traditionnelle sui· licité do l'Église est co,n prise sirnplement cornme
1r qui la Trinité se trouve rernise 1~n honneu1·, - !'Esprit l'ill'1J)ulsion niissionnaire universelle, produite })a1•
œdevient la tl'oisiè111e Personne - , encore que IC. Barth l' Ei;pl'it et suscitée sans cosse : il arrive que l'êtl'e de
préfère parler de " 1nanière d'ôt.ro >> plutôt que de l':G:g!ise soit i<lentifié à cette apostolicité dynarnique.
,s pié- c personno ». V{. A. Visser't Hooft (entre autres dans Le renouveau
'
ratw• Rudolr Bult,nann, lo théologien di:Jlectique, diffère de de l'Église) peut ôtre considéré co1nme le repl'ésenlant
alors K. Barth sur co point et inclina il. prolonger la théologie libé• do cotte pnelnnatologie (( actuelle ».
1prit : ralei le Saint-Esprit est lo non1 qu'il donno i111 1110,nent trana- 3) Une autre tendance insiste sur l'action du Saint-
(quoi cendant dans la connâissanco que l'ho1111110 prend dti lni- Esprit dans les fonction.s et les sacl'e1nen ls el accorde
rnysti- mémo. Sa théQlogio s'oŒorce do contrihuGr à cotte nouvelle ain::;i un intél'êt particulier à l'élément institutionnel
rine », wmpréhension de soi pru• la d61nythologisatio11 : la purifi- dans l'Église.
:n é de e11lîon du message évangôliquo kol'ygrnatiquo pur rapport
ern.um aux 61érnant.~ humains qui y sont mûlé.s, pour rondro ainsi L'npostolicité de l'1:~gllse reste l'in1pulsion missionnaire
. sont présont à l'homme m.oderne le Christ de la toi, - u11 « Christ toujourH t1ct11elle, mais est liée·à la continuité dans la fonction
do la foi • qui cesse d'êt.re Dieu et Mesi,ie. · ·ccclùsiusth1110. Elle tâche cependant, en s'appuyant sur
trou'18 l'inlpulaion actuelle du Saint-Esprit, de surmonter les diffé•
rnaine. K. Barth développa très tôt une pneumatologie 1•oncos de dé110111ination par l'i111crco111,n.u11io et même par la
notion fondée sur 2 Cor. 8, 17, co1npris comme l'ex1>1'e1JSioo réunion institutionnelle d'Égli.50R ~ont les conceptions en
aeiet de la souvcrainot(l de l'Esprit Saint, c'est-à-dire de sa riiàtièrc do Conotious liccléaiB,Stiques aont fort différentes.
~tlnité. domination personnelle sur la création et l'humanité. Reprc\scnlo ooUé t0t1dil}ic8 Leslili Newbigin, 01itr0 uutras
'Esp.r lt Le vieil ho1n1ne, dit le jouno Barth, l\Vec ses actions et dans The ],/ou.se-hold of Cod.
ses tendnnces, doit être jeté sous Je juge1nent accablant 4) A l'extrême gauche, un groupe d'Églises, qui se
,ra de de Dieu pour que l'ho1nrr1e nouveau, en qui habite rapprochent des sectes, 1nontre très peu de co,npré•
.q uable l'Esprlt, vive par pure grâce et fasse ainsi apparaîtl'e ]1ension 1>our l'édification du corps du Chri$t par !'Esprit
,ritable l'absolue souveraineté de !'Esprit. Cependant, le point Saint et l'est,e assez souvent attacl1é à la théologie
ression central de cette théologie se déplace peu à peu de lihén1le. A l'extrême droite, !'International League
résente· l'homme à racheter, placé sous le jugement divin, for apostolic Faith and Order représente les tendances
là plus vers Je Christ, déj/t jugé et glorifié. Dans le Christ ,1 ésns, " haute Église » à l'intérieur du Conseil mondial des
divine Dieu a réconcilié le monde avec Ju·i. Cette ouvel'tur·e Églises et estime nécessaire l'ôpiseopat, insUtué par
,r , D,r de Dieu dans Je Ch1'ist est crue dans l'Esprit Saint. le Christ et transmis par la succession apostolique
,angeli• K. Barth insiste de plus en plus sur le fait que l'œuvre et, soumis, co1111ne autorité, à là conduite do: !'Esprit
cha.qu~ de Ja réùe1nption est déjà r6aliséo dans le Christ (Barth Saint.
, Dieu• résel,'ve le mot « réde1nption » pour l'achèvement de 5) A travers ces tendances et les Églises du Conseil
~o"siste l'œuvre rédetnptrice après le jugement dernier et mondial une spiritualité oecuménique se développe.
absolue emploie ici en réalité le terme de« l'éconciliatlon objec- On peut ln caractériser comme une spiritualité de la
tRcacité tive»). Cotte CQUvre était <léjà établie de toute éternit6 nostalgie de l'unité perdue, ou même, surtout dans les
1 en lui d~ns l,1. libre décision concernant le Christ pr6oxistant, « jeunes Églises », comme une spiritualité qui cherche
laidoy,er de.sorte que sa théologie 0n acq\1iel't un caractè1·e chris- à édifier une nouvello unité, don de !'Esprit Saint.
rie,

qui• tologique excessif. La !'éde1nption subjective (co quo Non. par iudHTérentis1no libéral, mais par reconnais-
au con• B'arth appelle la (( réconciliation subjective ») n'est sa,ice de l'œuvre de l'Esprit dans les autres Eglises,
autre chose quo (< connaître, 1·econnaître et confesser » char.une doit chercher à enrichir son bien propre
11td pour
l'a.cte salutaire de Dieu, déjà rôalis6 dans le Clu·lst, par celui qu'acco1nplit !'Esprit Saint dans les autres.
,t la doo- m q11i nous sommes déjà l'<( ho1nme nouveau >> (Die D'où des activit.6s co1nmunos,des conversations intor-
à ·cette ki1chlicl1e Dogmatik, t. 4, 1e p., p. 839). L'Esprit Saint, confAssionneUes, une prière commune et l'intel'co,n•
nulaUona habitant da~s l'homme justifi6, no cause que cette ,nunto. .
respecter connàissance, reconnaissance et confession.
êpératlon ,So L'apparition du <( Mouvement œcum6nique >1 4. Doctrine et spiritualité des sectes. -
lBh~ VOA parmi les chrétiens non-catholiques a amené, dans la Dans les <( sectes >> chrétiennes protestantes, telles que
, }i'ran_ce, pneumatologie .p rotestante, quelques glisse1nenl:s symp• nous les avons définies (col. 1818), l'e( activité du Saint-
Ile, réagi& lom~tiques. Si l'on tient co111pte du fait que le << l\>fou- Esprit dans l'lnglise >) ne signifie plus rien; soule demeure
iionalisme
lenève, se vement », surtout depuis lo congrès d'Atnstet'darn en l'activité dans Io croyant. Cependant 1( secte» et <c Église>>
P!9's-13a,s, 1948, est devenu presque exclusivernent l'expression sont en ,·elation l'une avec l'autre. Bon gré 111al gré,
11es, insia• du protostanti$me olondlal, - en dépit de la partici- chaque socte se meut con1mo un satellite autour de
,rit Saint, pation des « orthodoxes » orientaux - , on peut carac- l'Église dont elle s'est séparée ou à l'ombre de laquelle
ti caraot6• tériser comme suit cette <c pneu1natologie oecu1né• elle est née. On peut ainsi parler phénoménologique-
,les. nique » :, men L de secte catholique, orthodoxe ou protestante.
F:SPRIT SAINT ET ÉGLISES SÉPARÉES 1332 1.
1331
Les sectes catholiques sont rares et peu développées; nent parfois à des réunions on silence complet, l'atten• N
les protestantes sont nombreuses et souvent fort tion étant toute concentrée sur lat<lumière intérieure»,
hnporlantes. Cetto différence s'exrjliquc. La Réfor1ne ou bien elles nl.ternent avec d'autres où un assistant, Cl
défend avec vigueur le lion entre le té1noignage exté- au hasard, exprime son illumination prophétique ,per• p,
Tl
rieur et le témoignage intérieur du Suint-Esprll, mais sonnelle. Tels sont les types de r6unions dos quakers, c,
ne le fonde pas dans l'essence rnême de ces témoignages, des ,voodbrookcrs. Dans d'autres sectes, l'activité des Pi
cornme le fait l'Église catholique. Aussi, le caractère fidèles s'expli,cite par les chants et la profession de toi •r.t
arbitraire do ce lien trouve-t-il le protestantisn1e beau- communautaire, qui alternent aussi avec les témoi• Tl
coup plus dé1nuni contre les sciai;ions. gnagcs personnels, souvent après réception de eha• s,
L.' haerasis (le ,, choix » qui puise dans la plénitude de ris1nes particulieJ'I;. 22
la révélation de Diou) est propre à toute J;iglise protes- G) L'attention à 1'1':!crit.ure, au r;acrcment et à la c,
tant,e, n1ais elle est poussée par les sectes protestantes fonction, est pour ainsi dire remplacée par l'attention ,a.
du
jusqu'à l'exclusivité d'un ou de plusieurs élé1nents aux charismes part.iculicrs du Saint-Esprit, daru; la
mesure où Ils peuvent (itrc donnés indépendamment
de la révélatio n. Ce choix est d'ailleurs souvent déter·
n1in6 par la perte supposée de ce ou de ces éléments de la fonction (dons de prophétie, des langues et d~
,.,.
dans l'Église contre laquelle on se dresse. Il constitue guérison). Les socles pensent ainsi avoir re1nis en bon, 18
Île
dès lors un appel à la conscience de cette Église. Les neur une réalité chrétienne oub'.iée depuis les temps M1
sectes protestantes s'ellorcont le plus s9uvent do corri• apostoliques. Chez les pentecôtistes, plus purticullè- p~
ger l'haere11i11 de leur Église-,nère par l'ha.crcsis contraire; rernen t dans les sectes de guérison (Christian Science, ai1
dans cette mesure, elles manifestent parfois un rappro· et. autres) que l'on peut à peine dire encore protestantes, Pa
chement vers ccrtai11,; points do la doctrine catholique. le don de guérison occupe une place prépondérante. 2•
Ces sectes se J1eurtent souvent à la sola fldc et à la Leurs offices de guérison ont très souvent un caraç~ 1'"11
11ola gratia co1nprlses selon l'interprétation protes- Lère trop suggestif et trop contraignant pour ne pas Ne
oa&
tante. Prisonnières d'une exôgèse protestante, elles laisser place au dol! te.
6) Ces sectes mettent l'accent sur le caractère escha- pi,
ne voient pas d'autre justification de leur critique 1•
qu'un appel à une « révélation . particulière ,,. . Ainsi, tologique de l'activité du Saint-Esprit. Cette activité
la sola Scriptura ost également sacrifiée et l'activité est co1nmun6ment considérée comme la préparation
du Saint-Esprit plus ou moins radicalement dissociée de la fin très prochaine. Jlln fait, !'Écriture envisage
<le son lien avec lu Parole et le sacren1ent. toujours l'œuvre de l'Esprit dans une perspective
.,
191
tl,i

of '
Nous pouvons résumer de la sorte les lignes maî- eschatologique (vg Actes 2, 17; Éph. 4, 80; Apoc. 2:, 198
tresses de la pneumatologie des sectes : 7-8; 22, 17). .fflf
1) Le Saint-Esprit est en g6néral accepté comme la Beaucoup rie sect.cs cherchent à préciser dav!'inLagc l'heure ~
troisiè1ne Personne do la Trinité. .Dans beaucoup do do cet.le tin et font fréquemrnenl appel ô. <les rév6lntions p!U.-
soctes, la notion de Trinité est cependant .très estompée ticulièrcs d1i Saint-Esprit, où cc jour aurait 61.{: annonce: En
,,.
orlj

et même quelquefois entièrement sacrifiée (ainsi c11ez outre, la prédiction sy1nboliquo de l'Écrituro concernant le ila1
:tYI
les témoins de Jé11ovah et la secto adventiste des royaum.e 111illonaire donna Hou, en certaines seotes, à des
« amis de l'hon1me ,,). spét,;ulations sur un royaume paradisiaquB, qui s'instauroralt
2) La fonction de l'ESJ)rît dans la réde1nption no sur torro à partir d'un jour rcvélé il leur prophète (par éxom•
pie, chez los advonti1:1tes ol sous uno forme plus grossh\re
consiste plus à rendre le Christ présent, comme chez cher. les té1noins de Jéhovah).
-

~c:41
les réformateurs, rnaia en l' ,c illumination intérieure ,, coril
du fidèle ou en la réalisation de son « union mystique ,, Une action du Saint-Esprit dans les Églises proi ll,q
a'/ec l'Esprit ou avec Dieu. Lo rôle du Chl'ist glorifié tcstantes et dans beaucoup de sectes est une réallté,
dans l'œu v1'e l'édemptrice est plus ou moins radica- En fait, des incompréhensions et des faitilesses humaines
lement laissé à l'a1'rièrc-plu11. obscurcissent cette œuvre et empêchent le plein rayon• 1
3) Le rejet de toute autorité <l'Église et, par l'accep- nement du rôle de l'Esprit : faire l'unité dans le Chrlst. LIBI
tation d'une « révélation particulière », le rejet assez ,c Aussi bien est-ce on un seul Esprit que nous tous nous
fréquent de l'autorité absolue de •♦Écriture amènent avons ét6 baptisés pour ne former qu'un seul corP.s, E
les sectes à accentuer l'expérience dfJ la aond1titc indi· juifs ou grecs, esclaves ou hommes libres, et tous no,1J COii
Piduelle du Sai11t•Esprit. Le nom des disciples de avons été abreuvés d'un seul l~sprit >> (1 Cor. 12, 18),
George Fox (1.62~-1691), les trembleurs (quakers), . Le protestant a été baptisé en un seul Esprit; il est Il
exp1•ime cc caractère émotionnel, qui est en général appelé à entrer dans l'unique corps du Chris·t, L'actioJI
le propre de la spiritualité des sectes. de !'Esprit dans ces '.Églises et dans ces sectes ne pdul •••
Ln • révolu lion pal'liculière • d'un ou do plusieurs • proplui- qu'attirer vers la véritable unit6 on l'Église du Christ,
tes • a souvànL élô considérée co1111no un con1plément de la 1. Luther. - Los œuvres de Luther sont citéos d'après
Bible; parfois, clic ne servit qu'à expliciter 11,vèc autorilé l'êd!Uon· de Weimar, Jl.lartin Luthers Wcrl,c, 1883 $VV,
son " s11ns profond •· Lil oti fait dô!aut le contrôle objectif W. Wagner, Die Kirclie (l/11 Corpus Christi Mysticu111
du témoignllgo intérieu r d11 l' f:spl'il, la voie est ouvorlo aux boi,11 jungcn Luther, dans Zcitsohrift fü.r 1,atholisch~ 1'haowgie;
interprétations les 11J11s axLravagantes. Ainsi, au lo1nps de t. 61, 1937, p. 29-98. - Y.-M.-J. Congar, Pensêa cctli•
la Réfor1ne, ohe~. los unub111iUstes. P(II' contre, los tncnnonitos, siologiqi,c de Luther, dans 'Vraie et {r111ase r6/ormc da~•
qui rcjotnient aussi radicalo111ent louta aulo1•H6 d'Égliae,
l' 1$glisc, coll. Unam Sanctarn, 20, Paris, 1950, p. 87?-~28. -
1nontrè1·ent ,1ne piété inté1·ieur(i H(lroino. Les sectes modernes J(.-0. Sclunldt, Lutlier/J Lehre 1•ont Heîligen Geist, dans Sèhri/1
comme les ndvonlîstcs, les tomoins de J6hovah et tous los !U1<LJJ~kenn1riis, FestachrUt S. Sch!lffel, 'Berlin, 1950, p.1115 svv.
1nillénru-istes, après avoir n1ani!es lé de pnrcillos oxlrava- - R. Pronter, Spirituq Crcato,r, Studien zur Lialu:rs Th~ologù,
gancea, reviennent progressiverncnt Il une exrôrienco plus l'vfunich, t 954 (e:x:cellent exposé de la pne11n1alologie de Lulhèrl,
paisjble do l'Esprit.
2. Cal,,i11. - Les rouvres de Calvin sont cit~es d'aprôs l'edi•
4) Là où l'essentiel est d'écouter le Saint-Esprit en !.ion du Corpus rcform1iwru111, Brunswick, 186$ svv; la tomai,
soi, le culte est réduit à l'ext!'ê1ne. Les offices se bor• son est celle des œuvres de Ca.Ivin. Les J nstir.utiones christia.no,
'
1333 ESPRIT SAINT - ESSENCE DE DIEU 1334
en- rtlitioni.t sont cit.ées d'11près l'édition de 1559, t. 2 dus Opera. régiront sa vie spirituelle, resteront substantielle1nent
e », t P8nnier, Le tt!,noignage du Saint-R8pril, Paris, 1893. - celles qui régissent le co1nportement de tous les conten1-
1nt, Ch. Lellùvro, • La 111allrisd de l' Es pr1'.t •· 888ai critique sur ld platifs.
1er, principe /onda11uintaJ de la théologie de Calpin, C1,hors, 1901. - Sans portée pratique im1nédiate, la q\1estion présente
~rs, Tb, Prclss, Le té11wig11agB intérieur du Saint-ltsJll'it, coll.
un intérêt théorique certain. Supposons que la vision
dés Cahiers lhèologlqucs do l'àèlualité protest11nl1J 18, Neuchâtel-
Paris, 19~6. - E. Grln, Quelques aspects de la pensée de Calvin ait été effectivement accordée à quelques privilégiés.
foi Ne faudrait-il pas,. 1nalgré son caractère tout à fait
114r le Sai11t•Esprit et leurs e11sei1:11e111e11ts pour· 1wr1,s, dans
lOΕ oxcopt.Jonnel, la considérer co1nme le somn1et de la
Tl,cologischc Zcio1chrift, t. a, 19'1?. - F. Wendel, Calvin.
ha, ~ourccs et évolution de sa pensée rclit;ie1tSe, Paris; 1 ()50, p. 175- conternplation infuse et le couronnement de la vie
220. - W, l(rusche, Das W irl.cn des IIeiligen Ceistes bei mystique? Et dès lors, in1possible pour les théoriciens
. la Oql9in, Ooetlingen, 1957 (cxccllonl). - J, Boissot, Sagesse et de l'oraison de ne pas en tenir coxnpte dans l'interpré-

;ion 111;intetd tla11s la pcnsdc de J can Calvin, Essai sur l' /111111a11i.t11w tation et l'intelligence de la contemplation infuse;
la du r~/Qrrnattur /runçaill, Paris, 1959. celln-cî, à tous ses dogrôs, aurait à être con1priso comme
1ent 8. Ifi1olution. - M. l{ll.hlér, Das schri/tgen1assc Bckc11,1tr1i1; un <1Cherni,101nent plua ou rnoina lointain à l'intuition,
de iuin Gcistc Christi, dans Dog111atische Zeit/rage11, t. 1, Leipzig, possible dès ici-bas, de l'essence divine. On a dit de
lOn• 1898, p. 137 svv (excellent), - IC et H. Burth, Zur Lehr,: ,,,irn la contemplation qu'elle était « la foi, atteignant,
IIIPS lleiligcn Geist, cahier coinplomontalre 1 à Zwischcn den Zeiten,
Mùnstor, 1930; conb·overse sur l'ldé!ilismé êt lé nouveau dani; le 1nilieu de sa propre lumière, l'auteur et l'objet
1fiè- de cette illumination » (M. do la Taille, L' oraisor.
11ce, protos.tanlisme. - P. ?.1énégoz, Le problè11ui de la pri~re. Prin-
cipe d!rine révision de lr, 111~tlwilc lluiologiqrte, 20 éd., Strasbourg. conlernplatiPè, dans Recherche11 de 8cience religieuse,
1,es~ Paris, 1932. - E. f3runner, Vom Wer!t des 1/eiligen Geistes, t. 9, 1919, p. 275); ainsi, la conte1nplation ne donnerait
nte. 2, éd., Tubinguo, 1935. - R. Prentcr, Le Saint-Esprit et le qu'une connaissance médiate do Dteu. Aux yeux des
rac- rçnô1wca11 de l'Êglise, coll. Cahiers théol. do l'acl. prol. 2a-2r., tenants d'une vision possible, non seulexnent cette
pas Neuchâtel-Paris, t949. - l<. Barth, La prière d'après les définition serait trop étroite (puisque n'y pourrait
catéchismes de la Réfor111atio11, coll. Cahiers lhéol. do l'acl. rentrer la vision i1nmôdiate qu'ils reconnaissent),
Jha- pivt. 26, Neuchûlol-Paris, 191,9; Die kirthliche Dog,nati!t, t. 1,
1• p,, 5• éd,, Zurich, 19'17, § 12; t. 4, 1° p., 1961, § 62; 2• p., mai~ elle méconnaîtrait la note spécifique véritable
.v ité 'de la contemplation infuse à tous ses degrés, qui est
tion 19.56, § 67. - L. Bouyor, 'l'he Spirit ("Ul Forma of Protestan.'
1isi11, Londres, 1956. - \V.-A. VisAer't Hooft, Le renouveau cellu d'une préparation, d'une appl'oche réelle do la
sage 1h l'Eglise, Oenève, 1950. - Losliii Newbigin, The /lo!tsehold vision.
:tlve of'God, Lectur~s on the natrtra of thB Churnll, 2• éd,, Londres La théologie chrétienne, autorise-t-elle l'idée d'une
,. 2r 1957. - J.. J. vou Allmen, Le Sai11t-Esprit et li, culte, dans; vision posi,iblo? Aux tol'mes de l':Écl'ituro et do l'onsei•
Rovuc de théologit et <k philosophie, 1969, p. 12-27. gne1uent constant dé l'Église, la vie présente de1neuro
1eu1•e 4, '$tctes. - O. Welter, Histoire des f;cclcs chrétiennes d.r.8 pour tout homme l'âge do la foi et de l'espérance, l'âge
, par• origines d nos jours, Pari.s, 1950. - EJ.-V. Hol?, L'Eglise et les aussi de l'épreuve méritoire, qui 01•donne e!Ilcacoment
~. En 1ccics, 1051. - R. A. Knox (èatholiqu0), EntluuiiCUJm, A chapter au royaume, 1nais n'y fait pas pénétl'er (2 Cor. 5, 7;
.nt le in the history of reltgio11, wi:th spccial re/erence to tlia XVII and 1 Cor. 18, 12). Si donc on croit pouvoir admettre la
l dim XVIII centrtries, Oxford, 1951. - M. Colînon, (catholique),
Faux prophètes et 11ectr.s ,l'ciujo1trd'li1ti, Paris, 1953; Le phé110-
possibilité de la vision ici-bas, il faudra toujou1·s réussir
rerrut à la diITéroncier de la vision béatifique. Il faudra aussi
,xem- 1Mnc des sectes au 20• siècle, Paris, 1959. - M.•B, Lavaud
ssière (catholique), Sect~s 1nodcri'lcs el /o,i catholique, Paris, 195',. - la considérer comme exceptionnelle, au moins en ce
J, Seg11y (catholique), Les sectes protestantes da11s la France sens qu'on ne la tiendra pas pour normalement offerte
conttmpor<1i11c, Paris, 1966. - E. Ilutlon, Seller, Grübler, au chrétien, ftlt-ce mên1e sous des conditiôns restric-
pro- En(husiMtc11, 5• 6d., St11t.tgart, 1958 (lrès complet), tives difficiles à réaliser; on ne pourra admettre, en
llité. d'autres termes, que l'exercice de la contemplation,
~Ines Jean-L. W1TTE. pratiqué avec l'aide de lagrâco ordinaire (ou 1nême avec
1yon- l'aide d'une grâce miraculeuse, n1ais qui serait toujours
ElSPRIT (FRÈRP.s uu LIBRE). Voir FRÈRES nu
1rist. UBR& ESPRIT.
otTert.o), doive infailliblement, une fois atteint un cer•
nous tain niveau de perfection, hausser le rnystique jusqu'en
orps, face de Dieu. Car si la vision, môme inférieure à la
ESPRITS {LES »Eux). Voîl' art DÉMON, t. 3 vision béatifique, devenait ainsi le terme normal de la
nous eol. 160-168.
! 1.8). Cônltintplation, il serait malaisé de maintenir la vue
il est scrip,turairc selon laquollo la ,, résidence on ce corps •
·ESPRITS (DrsCERNEMENT DES). Voir D1scEnNE•
.ction MENT X) es ESPRITS.
<lemeure un « exil loin du Seigneur » (2 Cor. 5, 6). -
peüt 1. l'ossibilité de la vision. - 2. Existence d~ la vision.
hrist. 1. Possibilité de la vi11ion. - Ces précaulions
ESSENCE DE DIEU (v1s10N uJ; L'). - La vision
de ressence di vine est-elle possible icî-has? Question prises, la théologie ne condan1ne pas la thèse de la vision
4ue les conseillel's spirituels ne sont sans doute pas possible. C'est bien à tort que d'aucuns ont cru lire

111oum anxieux de voir résoudre. Coux-là n1êmes des théolo- cette condamnation dans la tradition patristique et
)loq_iB, ~e~~ qui donnent .u~e réponse affirmative s'en1pressent dans l'enseignement do saint Thomas. Au contraire,
ccclé• il est établi que saint Augustin o~ saint Thomas, pour
tians d~.out~r que la v1s1on est réservée à une zone absolu-
mçnt privilégiée de la vie de l'esprit, où plus rien ne no citer que les •deux J>lus grands, ont envisagé posi-
is. - subsiste .de l'initiative humaine. Non seulen1ent le tivernont l'ôventualité de la vision. J. Maréchal en a
Schri.fi
,5 svv. contemplatif n'a le droit ni de la désirer ni de l'espérer fourni une démonstration décisive, dont nous allons
ologie, Dieu n~ l'ayant point proxnise, mais il n'a pas à l~ reproduire les ôtapos majeures (Études sur la psycho•
1ther), rechercher et, le forait-il, son effort serait vain : point logie des mystiques, t. 2, Bruxelles-Paris, 1987, p. 145•
; l'édl• de méthode ni directe ni indirecte pour la lui obtenir, 189, i 98-254).
~omal• ne fO.t-ce que l'espace d'un éclair. Que si d'aventure 1° Saint Auaustln. - Choz saint Augustin, il est vrru,
1tiana11 Ula reçoit do Dieu, les règles qui, après cette faveur, ce qu'on a appelé l'imprégnation platonicienne de sa
1335 ESSENCE DE DIEU
pensée le prédisposait à accorder aux con tomplatifs que saint Thoxnas exige une démonstration par preuves
chrétiens, dès la vie présente, la possibilité d'une vision scripturaires ou par giu•anties ecclésiastiques; il donne
de Dieu aussi p1•ochaine et aussi parfaite que Je per- au contraire Il. penser que pourraient éventuellement
mettaient la tradition catholique et les Écritures : selon suffire les témoignages des mystiques, du moins de
Plotin, le voue;, dans l'extase et au bout de la x&Oœpot~, ceux-là dont l'autorité morale serait incontostaJ1l~,
atteint la (( source u1ême de la vie » (En,iéatlç.~ VI, 9, 9). et exceptionnelle l'exp~rience (Quodlibct 1 q. 1 a. te).
Toutefois, le motif q\1i détermina Augustin fut exclusi- r~ d'autres termes, les applications particulièr~s du
vement chrétien et scripturaire : la vision do Dieu lui privilège do la vision 6ont r.ommandées pa1' le 3eul
~ppar?t possible, . parce qu'i_l en lisa!t, ou Groyait on bon plaisir de Dieu et ne se laissent pas, en droit, réduire
hre 1 existence dans l'Ecr1turo meme, c:.he:i. deux à une série close.
voyants dont l'exernple deviendra classique après lui; La vision ainsi envisagée ici-bas est bien la « visio Del
chez Moïse, dont il ost dit" Et gloriarn Don1ini vidit 11 per essenliatn )), du mêrne ordre que la vision béatifique
(No,nb. 12, 8), et chez saint Paul dist\nt de lui-1nê1ne dos élus: acte dans lequel l'essence n1êrne de Diou investit
qu'il fut " ravi jusqu'au ti•oisième ciel » (2 (:or. 12, 2). l'intelllgence tlnie ù la u)anièro d'une (( fotme intolll•
Cert.os, privilège extraordinaire, ho1·s de toute loi gible ))' se faisant par là tout ensemble principe spécl•
co1nmune, en dépendance exclusive d'une initiative flcatcur immanent ( q110) et objet de r.onnaissanct
imprévisible de Dieu, mais point tellement réservé (quod) (Contra gcntiles IIT, 51).
aux doux voyants mentionnés qu'Augustin n'en con- Cependïrnt, cette identité du mode fondan1~nt:al
çoive la possibilité chez d'autres saints : (< non sit laisse place à des différences considél'ables, et non P8'
inoredibile quibusdam sanctis n (Ep. 147, De vidcndo seule1nent à. des diJTérences d'intensité (comme celles
.Deo 31, PL 83, 610c). Ni point hétérogène oux degrés qui affectent les visions des divers élus), nuds à det
précédents de la contemplation, comme s'il fallait dilTérences essentielles.
dresser une cloison étanche entre ces cas singuliers de Dilîérences par rapport à la béatitude : ici-bà$ 1
vision et. la contemplation augustinienne; il sernhle bien vision ne sera jamais un état de béatitude, elle est ua
au contraire que, pour Augustin, le cai exceptionnel ar.te béatifiant. Jan1ais le contemplatif n'est hablli
s'insère dans une perspective d'ensemble qui« commence intérieuren1ent à la vision par une disposition pcrmll!
ici-bas pour s'achever dans la patrie céleste >1 ( /n. ,1er1te; il y est simplement élevé transitoirement p
.loannis Evang. 124, 5, PJ, 35, 1972-1975), de sorte une opération mh'aculeuse et comme extrinsèqu
que l'intuition de Dieu se place au sorn1not de la vie grâce ù laquelle il participe à l'acte, et non pas cnco
contemplative terrestre. Cependant, elle est soumise au don habituel de la béaUtude; en son1me, d'un cô
à une conditior\ rigoureuse : elle no s'effectue que dans (ici-bas), participation précaire à l'acte du -bonhe
l'état do ravissement, dans l'extase, dans une sorte et de l'autre côté (là-haut), possession stable do l'habit
d'arrachement divin qui suspend momentanément les béatifiant (~ Sent. 49 q.: 2 a. 7c et ad 4; De ver'
actes de la vie Sé1lslble (De Genesi ad litteram xu, q. 12 a. 6; So1n112e ihéol. 2& 2ae q.175 a. 8 ad S; a. 5c
27, 55, PL 34, 477-478). Et dans aucun ças, il n'y a, ad 1). Sans doute, le <( ravissernent » qui lui vaut
proprexnen t, vision béatifique : entre cette vision ter- possibilité de cette vision intol'rompt miraculeusemen
restre, qui passe, et la condition durable des bien- sa vie pr6sente : le st.atus viae est d6passé en quel
heureux après la résurrection, subsiste une différence, mesure, Je voyant est ,nort à la vie sensible (Sommet
non pas seulénlent dans la durée, mais dans la pléni- 2a 2.-.e q. 17 5 a.'~), mais cette rnort relative n'enlève p
tude actuelle de l'état béatifiant; ca1•, si r.01nplète que son imperfection à sa béatitude. Il faudrait, pour
soit l'exLase, le corps, dans la vie présente, n'en continue que toute la puissance de son esprit rot captivée p
pas moins à peser sur l'â1ne; et c'est pourquoi la vision l'objet divin; con1ment le serait-elle aussi longtem
n'apaise pas encore totalexnent l'inquiétude sourde du que l'âme, assujettie à la condition terrestre du cot
désir; au contraire, dans la vie céleste, lti corps glori• demeure alourdie de n1al,iHt'e et livrée aux vic~itud
fié, coxnparable aux nat,uros angéliques, {ipporte à d\1 temps; le ravissement laisse encore agir la sollicl
l'esprit une aide positive à ses opérations los plus hautes ta.Lion sourde de xnultiples fonctions corporelles p
et contribue par son concours à coxnbler notre appétit sistantes; l'â1ne n'est libérée qu'en son sommet;
de bonheur (xn, 35, 68, 483-484). ne saurâit s'abandonner tout entière à l'empriso
Dieu et donc, également, sa l)éat.itudo ne saurait ê
20 Saiut Thomas diA.q\i.tn-:-= C'est à saint Tho1nas ni plénié1•e ni saturante (De veritate q. 8 a. 2 ad 2).
que nous de1nanderons l'expression précise 'dos carac• Diff6rence par rapport à la lumière de gloire :
tères et des conditions de la vision possible. « lurnen gloriao », perfection finie adaptant l'intelligen
1) 117ature de la 11it,ion. - Il semble bieu que saint. cr6éo à la vision, est, de sol, compal'able aux habitila
1'homas n'ait pas toujours tenu la possibilîté de la c'e1,t une forme Inhérente et permanente. Dam
vision, 1nêmo à titre d'exception (3 Sent. d. 3/i q. 2 a. 2). vision d'ici-bas, il est simplement le terme actuel d'
Cependant, très tôt, et sans doute sous l'influence action transitive étrangère et il ne fait guère qu'cffleu
d'Augustin, non pus seulement la possibilité, mais le l'âme, à la manière d'une passion transitoire (De
lait en es t admis et régulièrement envisagé : cotte ta,tc q. 18 a. 2c). D'où résulte encore une différence
faveur a été accordée à 1\1oïse et à saint Paul (t.. SP.nt. durée entre les deux visions : celle d'ici-bas est,
d. 1,9 q. 2 a. 5c et atl 4-5). Pourtant, ces deux cas n'épui- aussi, con1mc son principe, essentiellerr1ent t.ransito
sent J)as les exceptions esthnées possibles (De vcl'itate et précaire, cc qui pourtant ne s1gn1fio pas· qu'elle
q. 10 a. 11c; q. 12 a. 6 ad 12) . Sans doute, la présomp- nécessairement de durée fort brève (Somme 1
tion g6nérale prévaut contre la réalité de la vision : 211 2&0 q. 1so a. 8).
« Si aliquis vidons Deum, intellexit q\1od vidit, non Différence, enfin, par rapport à la foi surnatul'$
ipsum vidit, sed aliquid eorum quae sunt ej11s » (So1nrn11 tandis que la vision béatifique clôt sous tous rappo
théologique 2a. 2&e q. 180 a. 5 ad 1). Cela signifie que l'Age de la foi, la visioq terrestre suspend la foi sel
l'exception doi t être dé1nontl'ée. Aucun texte n'indique l'acte et non pas selon l'habitus (De 1>eri1atc q. 18 a.
1337 POSSIBILITÉ DE LA VISION 1338
336
ad 5). Au reste, suspension de l'acte fort remarquable Att•dessus d'elle, que peut-on encore concevoiI', sinon
uves en oUo-rnêrne : tandis que dans le Christ (( simul viator
>nne justement, la visio Dei per cssentiam? Ici, subsiste
tt comprehensor n, saint 1'homas aperçoit la possibilité encore le nieditan sub quo, et c'est, dans l'espèce, la
nent d'un dédoublement psychologique, la coexistence de
1 d& hunlète de gloire, octroyée par manière de passion
l'in~uition hn1nédlate de Dieu avec les autres activités transitoire; mais plus de ,ncdium in quo, ni de rn.edium
lble, de ses facultés humaines (q. 10 a. 11 ad 3), il ne semble
~c). qa<J : c'est l'essence divine elle-même qui se constitue
pas concevoir (du moins pas positivement) pour le fo1·,ne intelligible de l'âme et qui par là même réalise,
1 du :voyant d'ici-bas d'autre activité psychologique que
.seul pour elle, la condition d'une saisie immédiate. Contem-
sa vision mê1ne; autrement dit, la vision qu'il lui concède plation qui n'est plus naturelle, en aucun sens, qui est
luire ne s'effectue pas seulement à la fine pointe do l'esprit, toute miraculeuse : la «visio in patria », ne dérogeant
, Dei elle bloque con1plète1nent les autres opéralions de pâs a,1x conditions de l'état habituel de l'être, n'est
l'Ame. Aussi la suspension de l'acte de foi est-elle pas un rniracle; saint 'fhomas n'hésite pas à la déclarer
lqu& absolue; la vision exclut tout exercice de la foi simul-
estit « naturelle )) (D11 veritaie q. 18 a. 1 ad 1); il en va tout
tané, non pas seulement celui qui porterait sur l'objet autro,nent de la vision i.m médiate sur terro : ici, l'action
telli- pNcis de la vision, mais sur quelque objet que ce soit
péci- divioe, ne suscitant dans l'âme qu'une (( lumière de
jq, 13 a. Sc). gloire >> passagère, lui refuse par là même la disposition
ance
Déjà éclairée par sa comparaison avec la vision qui la proportionnerait habituellerne11t à la vision; aussi
1µtal b~atiftquo, la nature de cette vision terrestre acl1èvera cotl.e dernière soustrait-elle le voyant, au moins par•
pas de nous apparaître par comparaison avec les degrés tiellement., aux conditions nornuùes de son temps
elles lri(~rieurs de la contemplation. d 'épreuve.
des A 1'6cholon le plur; bas, la contc,nplation acquise, C'est uno conte,nplation néan,noins. Saint Thomas
que donne déjà la grâce ordinaire cle foi et l'exercice lui applique fermement co terme, comme aussi d'ailleurs
11!la commun du don d o sagesse; elle interpose entre le sujet à la vision céleste (So,nrne tli~ol. 2" 2»e q. 180 a. 5c; a. 8
t un o·t l'objet un triple intermédiaire : medium, sub quo, ad 1). Et par là, comme saint Augustin, il groupe et
>ilité la lumière qui éclaire l'objet; mediu11i quo, la similitude ordonne, lui aussi, dans la perspective souveraine de la
~ma- intentionnelle de l'objet; n1edium a quo, le 1nilieu danr; .'Vision toutes les étapes de l'union à Dieu; la vision de
par lequel l'objet est connu : par exemple dans la connais~ Dieu est comme l'asymptot,o vers laquelle s'oriente
,que, sance rationnelle, l'elTet directe,nent perçu, d 1011 est l'onchaînement·de tous les états mystiques; à to\ls les
tcore inférée la cause; et, puisqu'il s'agit ici de la contempla- degrés, il y a, recherche ardente progressive de la même
côté tion do Diou, le 111ediuni ti quo (ou in quo) désigne la fin dernière surnaturelle.
)eur, créature, saisie rorn1ellement comn)e telle, c'est•à-dire 2) Coriditw11s de la vision. - Sur les r.onditiori.s pro•
oitus d!lnà sa dépendance de Dieu; ce 'qui signifie que, dans chaines, il y a d'abord à observer qu'elles ne sont pas
iitate la contemplation acquise, Dieu est connu non pas seu- au pouvoir du contemplatif. L'inspiration néo-plato-
5c et lement analogiquement, mais discursivement, comn1e nicienne a.u rait suggéré au théoricien de la 1nystique
~t la cauae d'un effet créé (De 11oritate q. 18 a. 1 ad ·t; 2 Sent. chrétienne .l'idée do chercher, dans l'achèvement de
ment d. 28 q. 2 a. 1c; pour ces degrés de la vie conte1n- la cath,irsis, la pl'éparation immédiate à l'intuition de •

,lque l)lative chez saint Thomas, voir J. Maréchal, <>p. cit., Dieu. Saint Thomas résiste à cette tentation. A ses
tliéol. p. 216·217). Connaissance surnaturelle en ce sens qu'elle yo\l x, ne disposent prochainement à la vision ni la
, pas est fruit de la grâce, toute naturelle en cet autre sens purification morale, ni la purification spéculative,
cela, gij1elle ne déroge pas au type· psyc]1ologiquc d'opéta- entendant par celle•ci la s,1ppression de tout écran
, par tion qui convient à la nature de l'cspl'it créé: la grâce cognitif, de tout voile d'analogie (symbole sonslblo,
3mps ordin\l,Ïl'e respecte et utilise les mécanismes naturels. mais aussi, plus généralement, tout contenu positif
orps, Au degré suivant, voici que nous accédons déjà à la de pensée, toute détermination objective qui ne serait
;udes contemplation infuse et 1nystiquo : ici, plus de rn.ediurn pas l'essence divine). Écartés tous ces intermédiaires
>llici- iiiquQ, plus de discours, mais outre le mediurn sub qu<>, ((( ornni velamine re1noto >l), la disproportion subsiste
per- qui est l'illurnination su1•naturelle de la grâce, il reste encore entre l'intelligence airu;i pu1•iflée et l'intelligibi-
: elle un rnedium quo, une similitude spirituelle, une espèce lité propre de Dieu; elle n'est levée que par le don tout
e de vicariante : touche divine, signe et empreinte do la à tait gratuit do la lumière de gloire (Dé ()eritate q. 10
être &~gesse de Dieu, ou do sa justice (sous forn1e d'un a. 11 ad 7 et 9). Autrement dit, la condition prochaine
reproche) ou do sa majesté; sans doute, cette sirnili- de la vision reste exclusivement au pouvoir d'une
: le tude . est <( infuse », suseitée par l'opération de Diou favl~tr divine absolument libre.
rance même, et non par l'activité naturelle de l'esprit (d'où Cotte condition môme, - la lumière de gloire - ,
;itus; le nom do conteinplation infuse), et sans doute encore, Dieu ne la pose qu'en élevant le contemplatif à l'état
1s la cetto ernpreinte de Dieu n'est, pas saisie sans quo soit du i< ravissement>). Dans sa signification la plus générale,
l'u:ne salàie silnultanément la 111•ésence. d e Dieu lui-rn81ne ce r11ot désigne l'extase, la condition de l'liômme jeté
eurer (d 10'!1 1 précisément, l'absence de medium in gu.o, l'elîa- hors de soi, en suite de quoi, il y a dans son activité
veri•• coment de toute inférence et de tout discouri;); il spéculative, suspension, totalo ou partielle, du jeu
,e de n'en reste pas moins que Dieu n'est connu que moyeu- des facultés sensibles (sens extérieurs et, le cas échéant,
, elle .n~nt un terme dis~inct de lui; il n'y a plus siinplen1ent, imagination) et aussi, du moins quelquefois, du jeu
,toire si l'on veut, <( idée de Diou », représentation objectivo, des facultés intellectuelles. Le « raptus » ajoute à
, soit m11is H n'y a pas encore expérience directe, saisie de l'oxtaso un élément de 11iolènte, ce mot n'ayant point
1hf>ol. Dieu en lui-môme. De cette contemplation infuse, saint une signification descriptive, mais philosophique :
Thoqias pout•tait dire, comme de la première, qu'elle il désigne l'effet d'une action extérieure qui s'hnpose
elle : e.,t naturelle, elle aussi, dans toute la mesure où il à l'inclinatio'1 du patient (S<>mrne théol. 2a 2" 8 q, 175
ports a4mettrait quo. tous les chrétiens y sont appelés; car, a. 1c). Les causes do cet état et de l'inhibition qu'il
~elon alors, ello n'est pas une dérogation aux: conditions de comporte peuvent être diverses: pathologiques, médica-
a. 2 leur état présent, à leur statut dé « viatores ». menteuses, oniriques; dans tous ces cas, le patient est
1339 ESSENCE DE DIEU
placé do.ns une condition inférieure à sa dignité humaine représentatives, qui ne réalisent pas encore les conditloill
(Do 11eritate q. 12 a. 9). Dans le cas qui nous occupe, do la conscience actuelle. Justernent, pour mettre
.la cause est la i,irtus divina (Somme théol. 2a. 2no q. 173 <1 apeciea » en " acte second ,1, pour rendre pleinem~pl
a. ac; q. 175 a. 1c); aussi faut-il parler do cc ravisse- conscient leur contenu, une nouvelle transposition dol
ment d'origine divine en termes d'élévation : il y a ici a'elfectuer : elle consistera ù rapporter, à incorporer l
pour le contemplatif, non pas aba.isscmenl, n1,ais représentations intelligibles à des représentatlont
exaltation au-dessus d0 sa valeur propre. l,a suspen- concrètes de la sensibilité que le sujet possédait déjà
sion des puissances due à cette extase divine est. suscep- préalablement dans son imagination et dans sa mémolrt;
tible dl! plusieurs degrés; lorsque Dieu 6lève le con te1n- alol'S les 1< species 1) pouri'on t se traduire dans le
platif jusqu'à la vision de son essence, la suspension cours (De 11eritatc q, 18 a. 8 ad ,., ; cf q. 8 a.. 5 ad
est complète : l'âme er;t dégagée de toute diversité 5 et 6; Somrneth~ol. 1A q.12 a. 9 ad2; 2• 21• 0 q.1,s:a14
sensible et intelligible; plus <l'idées, plus ,.l'espèce:; ad 8). •li
intelligibles, ni acquh;es, ni même infuses : cc serait l i est à penser que ce n16canisme de transposlUo,
la cessation mêrne de la pensée si la présence de Dieu joue non pas seulement dans le cas de la vision imm6'
ne venait combler le vide total qu'elle creuse. diate de Dieu, rnais pour toute contemplation infus11:en
Pourquoi la présence immédiate de l'essence divine général. La relation verbale ou écrite des états IV>'t
exigc-t-elle un arrachement aussi radical? Saint 'L'ho1nas tiques 1nê1ne inférieurs les traduit au n1oyen de rep.ri•
lisait dans l'lÎlcriture : « L'ho1nn1e ne peut rno voir et sentations do1\t l'exactitude et la richesse d6ponderl
viv1•e » (Ex. 33, 20). A défaut de la 1nort physique, au de l'expérience antérieure du contemplaUr. Par. Jà1
moins faut-il cette mort psychologique qu'est lo ravis- la faveur divine est livrée largement aux interpré~•
sen1ent. Il s'appliquait ensuite à fonder ce qu'il consi- tions subjectives, avec les risques d'erreu1• quo colfès,cl
dérait comme une affirmation sci•ipturaire sur une co1npo1•tent. En dehors des cas où, comme chez ltW
raison intrinsèque, dé<\uite de la nature mê111e de la voyants de !'Écriture, la contemplation intéreijS8 .e
vision (Somma tlu:ol. 211 2118 q.175 a. t,c). L' •1 intcntio », concerne la révélation publique, la parole que P,ieq
l'attention, la fonction apcrceptive requise par tout adresse à son peuple, on ne voit pas que Dieu ~lv
acte de connaissance est foncièrement une ; « Non toujours garantir la valeur et l'inerrance du symbolis
potest (intentio) fcrri ad 1nulta sin1ul', nlsi forte illa essen liellemen t hurnain où lo mystique s'ex.P,rlm
multa hoc 1nodo sint ad invicem ordinata, ut; nccipian- finalement. Dans ces conditions, n'a-t-on pas à .O
tul' quasi unun1 » (De 1•eriiate q. 18 a. 8c) : des ter,nes den1ander si le conte1nplatif ne pourrait être expoaé
multiples ne peuvent occuper le champ de la conscience interpréter.on ter!'Tle~ de '1ision. în1~édiate de Di~u,,,a
s'ils ne sont pas reliés entre eux dans un ce1•tain ordre. schè1ne,s d'1mméd1ation, des gi•aces infuses de s01 .1nf~
Mais supposons qu'un des termes accapare totale1nent, riouros à la vision de l'essence? Supposons que
à lui seul, l' cc · intentio » : ell ce cas, la réduction des conte1nplatif, doublé d'un théologien, ait con1~u 1,
autres termes à uno unité d'ordre devient, hnpossible. textes de saint 'l'homas oit s'énonçait la possiblll
Or, dans les condiUons psychologiques de la vi1) t erres- absolue de l'intuition directe, est-il inconcovabl
tre (ce n'est pas le cas che:t les élus), saint Tho1nas que ces souvenirs d'école agissent sur sot) ex1>ressi9
estiu\e que la prt'lsentation de l'essence dîvinn doit et ses énoncés, le sollicitant à assimiler à l'intuitlo
précisément absorber intégralement l' « inl..e"tio ». directe uno expérience qui n'atteignait pas à ce niveau?
l,a vision Îlnn1édiate de Dieu ne laisse donc, en l'esprit
. humain, aucone réserve d'énergie actuelleinent dispo- 2. Existence de la vision. - Ainsi son1mes-no
nible pour coordonner à l'objet divin, dan:; l'unité a1nenés naturellement ù poser la question de là réàll
de la conscionce (du rnoins de la conscience claire), historique de la vision de l'essence divine. Théologl
quelque autre objet quo co soit. Il n'y aura donc aucun que,nent. possible, nous venons do le voir, a-t-elle ja111 •
exercice de l'imagination et de l'entendement concep- été véri06e? Les deux exe1nples classiques da MoYse e
tuel accompagnant la vision dont jouit la fine pointe de saint Paul ne sen1hlcnt pàs <lavoir tltrc rcten11s.
de l'espl'it Et qu'on sera-t-il des faculté$ végëtatives texte biblique n'iinpose pas l'interpr6tation qu'èl\ 1
(nutrition, 1nouve1nent, irri.tabilité, etc)? L'exol'cice do donnée Augustin, dont on nous dit qu'elle est~ auji;lù
cos dornièros ne requiert pas une part de cette cc inlen- cl'hui abandonnée par la plupart des tl1éologions et d
tio » qu'absorbe, chei le voyant, l'objet transcendant. exégètes ,, (J. Lebreton, art. CONTEMPLATION dan,
Bible, DS, t. 2, col. 1702). On doit avouor que cet~
Il n'y aura pas inhibition fonctionnelle de la sphère
végétative, ni co1n1ne ·condition ni comme . contre- pre1nière constatation est déjà assez trooblante
coup du ravissement (De veritato q.13 a. 4; Sonune tlwol. si les deux cas, sans lesquels la théorie de la possiblll
2a 2ae q. 175 a. 5 ad 3). n'e'Ot sans doute jamais été constituée, sont contr,ou
vés, l'authent.icité d'autres cas éventuels en pa
3) Témoigrtage possible du co11tonu de la v,:.~ion. - bien menacée. Pourtant, on a recensé ici même (L: Re
Une dernière question se posait : comment le voyant, pens, art. Connaissance rnystiqtte de D1E u, DS, t. 8
apl'ès l'extase, peut-il s'en représenter le contenu, col. 883-929) un certain no1nbre de contemplatifs
alors que c0lui-çi ne se laisse reproduire pal' aucune auraient joui de cette faveur, parmi lesquels saint Ji
similitude finie et que l'état d'absorption effaçait da la Croix (c'est aussi l'avis de J. Maréchal, op. cil.
toute diversité i~naginatlve ot conceptuelle? 0ntre le p. 338-351;), ot. surtout, chez les mystiques germ~n
lllOmenf de la vision et le souvenir distinct, exprhné néerlandais, Ruusbroec et son école. Chez Ruusbro
par des 1nots, en t.ômoignage du contenu de la vision, pour ne retenir que lui, nous croyons, en elTet, que
saint Thon1as estime nôcossaira uno double transposi- vision immédiate do Dieu est présentée comnie
tion. La première rarnène le contenu à des représenta- somil\et de la contemplation d'ici-bas. L. Rcypens ·
tions intelligiblos, à des « species », rrag1nenlalres et bien montré qu'ainsi le comprenait son disciple
analogiques, elTet.ci que la vision laisse après elle dans plus éminent .Jean Dirkx de Schoonhoven, dans 11
l'intelloct possible; ce ne sont, au reste, que vil•tualit6s « Défense ,, de l'tuusbroec (vers 1406) où l'auteur re
340 1'341 EXISTENCE DE I,A VISION 1342

:tons voie, pour appuyer son tnaître, aux textes thomistes blirait, cl1ez le contemplatif, entre la vue de l'essence
1 ces sur la possibilité de la vision (cf L. Reypens, Le som.met divine et le domaine entier de ln connaissance natu-
nent de la cor1t1unplatio11 mystique, RAM, t. 4, 1928, p. 259- relle »; bien entendu, celle-ci serait encore « pulsée
doit 262). Cette interpl'étatlon de ln tradition immédiate a à ses sources naturelles, mais voici qu'en outre elle
r les naturellement une grande préso1nption d'authenticité. serait ordonnée à l'objet suprême de la vision pa1• la
:ions Après cela, reste oncoro à savoir si le mystique de lurnière é1nanée de cet objet, et par là elle trouverait .
déjà V:auvert (et d'autre1:1 encore) n'aurait pas, peut-ôLro pluce avec lui dans l'unité surnaturellement élargie
oire··
. 1 précisément sous l'action des textes thomisle1:1 1 111ajoré d'une seule ineeritfb ». Ce qui reviendrait à dire qu'à un
dis• iildOmont la pol'tée de son expérience, d'ailleurs nouveau titre les voyants de l'essence divine pourraient
5 ad très haute. Nous avons dit qu'à priori une telle majora- quelquefois (sans manquer à l'exigence thomiste de
:a.~

tion n'avait rien d'impossible, le mystique n'étant pas ù l'unité intentionnelle) surmonter los inhibitions de
l'abri de toute e1·1•eur dans l'interprétation de ses états. l'extase et retrouver l'usage de leurs facultés psycho-
ition Fln fait, l'erreur se serait-elle glissée ici? Il est un peu logiques inférieures : et ici, non plus seulement par
1mé- inquiétant d'entendre Ruusbroec conférer à ce qu'il Q\11.omaUsn1e plus ou moins inconscient, tnais par
;9 en a,ppelle équivale1nment la vision terrestre de Dieu débordement (a per rodundantiam »), dans la conscience
inys- des traits qui no s'accordent pu.s, du n1oins pas positive- mthno, « de la sout•ce p1'en1ière de toute intelligibilité
,,pré.:. ment, avoc ceux que nous prescrivait plus haut la sur· les objets de ces facultés » (ibidc,n, p. 2fo.6).
dent théologie thon1iste. Influencé (peut-être) pa1• stünL Ainsi, saint 'fhomas laisserait ouvertes deux possi-
1 là, 'llllomas dans la simple àff\r111ation de la possibilité bilil.és d'un exercice persistant des facultés sensibles
r,éta- et do la vériLé de la vision, l'luusbrooc so soustr:;iit. à et de l'entendement conceptuel au mo1nent mênie de la
lei;~oi ;<leUe influence dans la déter1nination de certains de ses vision, autrement dit, deux possibilités d'associer
~ les caractères. On nous dit, par exemple, que nulle part pn1·adoxale1nent une activité extérieure parfaite1nent
,e et R11usbroec ne rnen tionne le ravissement, coin me si, normale avec une intuition immédiate habituelle de
Dieu à ses yeux, il ne pà!!sait pas pour la condition de la l'essence di vine. C'est cette association dont on trou-
loi"e vision. Sans doute, colle-ci reste un rare privilège, mais ve1·aiL le té1noignage cl1ez bon nombre d'auteurs mys-
li sme une fois 1•eçue, elle suscite, dans le sujet, une disposi- _•tiques.
1rlme tion habituelle, grâce à laquelle elle peut se reprci• J1:nfin, contre ces 1nystiques, il n'y aurait pas lieu
à se duiro souvent. Non pa$ qu'.ellc soit permanente : la d'articuler, au nom de saint Thon1as, la dernière objec-
>Sé à présence du corps eL « les so\1cis de la vie » ne le lui tion quo voici : saint 'l'homas, dil'ait-on, a considéré la
~. en permettent pas; néan1noins, elle e:;t toujours là, au vision de Dieu ici-bas coo11ne une« gratin gratis data 1•,
inté- moins en cc sens que, quand il le veut, le contemplatif « dont l'utilité apostolique motive seulo Je don privi-
L~ ce pout y porte!' son l'egard. Et L. ftoypons , sur la foi légié ,, (,J. l\faréchal, ibi-acm, p. 253). Or, chez ces mys-
1 les 1duquel nous avons cité tous ces h·aits, va jusqu'à dire
tiques, la vision de Dieu, devenue comme une habitude,
~ilité qu'•après tout 1• cette faveur ne serait pas un miracle, offre tous les caractères d'uno <( gratin gratu1n faciens »,
rable pas plus quo la connaissance supra-hu1naine de l'expé- n'intéressant guère prochainement que leur sancti-
ssion rience mystique or<linah·e "• parce q lle, si je vois bien, ficaLion personnelle. A quoi, l'on répond : « depuis la
tition Diè11 no l'a<;cordol'ait qu'après dos purifications héroï- fin du moyen âge jusqu'à nos jours, s'est affirmée de
1eau?
ques vi·oiinen·t dispositive:; (DS, t. 3, col. 909 et 928). plu::; on plus, dans la conscience des mystiques chré-
,nous Ici, il est vrai, les tenants de là vision torrestro tiens, l'association normale do la sanctification person-
pourraient no pas so laissor émouvoir par cotte in fidé- nelle ot de la charité apostolique.. , la solidarité entre
~alité lité de leut's écrivains mystiques à la pen1:1ée de saint
>logi- l'aspect individuel et l'aspect social du salut 1>. Ils sont
'llllornas, pour la raison, diraient-ils, qu'elle est plus et ils se sont compris de plus .en plus co1n1ne les coopé-
lmnis apparente quo roelle. Sans doute, saint. 'l'homas appuio
tse et l'atnut'S <le Dieu, et non pas seulernent par leur action
fortement su,· la conditlou du ravisse,nent, mais rien extérieure bienfaisante, mais surtout pal' « l'intention
s. De ne montre qu'il ait exclu deux possibilités élargissantes. apostolique de la contemplation mô1ne 1>, in ter\Lion
'en a D'abord, l'état extatique est parfaile1nent compatible
:J• our- d'autant plus ofllcace que, s'intériorisanL davantage
avec un jeu nuto,nntique persistant, inçonscient ou en Dieu, elle se confond plus complètement avec
,t des
subconscient, des facultés sensibles et de l'entendement l'aniour même dont le Créateur aitno le monde. Or,
ns la inférieur, sans que cotte activité soit l'attachée for1nel•
cette nullH pa1•t l'union à Dieu et à son arnour rédempteur
!ornent à l'unité radicale de l' « intentio », à l'unité n'est plus étroite que dans la vision de l'essence divine.
1te : aperceptive suprêrne. Le principe thomiste do l'unité
bilité Ainsi, on recevant dès ici-bas cotte vision, les contem-
intentionnelle n'exige de coordination qu'entre« les élé- platifs ne pouvaient pas ne pas la porter en eux comme
,trou- monts explicite,nent rapporLés à l'unité suprêrne de la
>aralt la faveur los habilitant souverainemont à l'an1our de
conscience; il ne prononce rien touchant la possibilité to\ll; les hon1mes (p. 25fo.). ·
Rey-
t. 8, ou l'impossibilité d'une activité psychique Inférieure Plaidoyer fervent, dont on doute qu'il gagnera les
forganisant à part sous une unité rnoins étroite que adh<~sions. Saint 'l'homas laisse-t-il ouverte chez le
s' qui
cell~ de la pleine aperception intellectuelle " (on nous conte1nplatil, cornme on l'affirme, la possibilité d'asso-
Jean donne, comme oxe1nple, « l'unité des sensibles qom•
. cii., cier vision et action psychologique inférieure? F~n ce
m11ns ou de quelque schème dynamique »; J. Maréchal, cas, il devrait aussi, semble-t-11, laisser ouverte la
11éÎ.no- op, cit., p. 2fo.5).
)roec, possibilité d'unir la vision et l'acte de foi; or, nous avons
S1,1rtout, pourquoi la vue de l'essence divine ne pour- vu qu'à ses yeux la vision terrestre éventuelle, si elle
iUe la rait-elle devenir quelquefois, << dès ici-bas (pal' exemple, consel'vait l'habitus de foi, en suspendait très certaine-
ne le précisément, dans certains cas privilégiés d'union n1en t l'exercice.
ens a transformante), le principe, au moins confus, d'une Au surplus, les tenants do la vision habituelle possî•
>le le
s une connaissance nouvelle des choses, connaissance des ble chez les 1nystiques ne résolvent pas la difficulté,
r ren- el?e18 créés dans et par la cause créatrice »? En ce cas, assez grave, que pose le statut d'épreuve méritoire
~ par voie descendante, une liâison intelligible s'éta- dans lequel les contemplatifs doivent demeurer. On le
1343 ESSENCE DE DIEU
'
sait, do soi, la vision de Dieu abolit la possibilité du que nous leur avons refusé l'authenticité de la vi.si
mérite. Celui-ci requiert la « libertas a necess ita Le », la de l'essence, comment allons-nous interpréter leurs d
possibilité d'opter pour un terme ou pour son r;ontraire; au sujet d'une vision de la sainte Trinité? I ci, il no
or, l'acte de cha1•ité suscité, dans la volonté, par la faut remettre en mémoire la conception que so ton
vision, est un acte nécessail'O : l'amour dont le voyant aujourd'hui non1bre de théologiens de la contemplatio
aime Dieu en suite et en raison de son intuition intnlé- infuse : l'âme chrétienne, nous <lisent-il1:1, y de\'1enl
diate est un amour qui ne peut se refuser. Aussi faut-il directement et im,nédiatement consciente des dona
diro que le Christ, dans sa vie tel'rcstro, n'a pu 1nérlter surnt\turèls de la gràce. Auparavant, dans le simple
qu'en raison de la pcr$istance, en lui, d'une activité état de conte1nplatio11 acquise, ces dons étaient bieir
cognitive inférieure, indopondante de sa vi~ion de sa isis en quelques-uns de leurs effets : une lumière, une
l'essence divine; cotte connaissance de " viator » lais- force que le chrétien interprète raisonnablement commé
sait place à lu possibilité d'un acte de charité vraiment un fruit de l'action divine. Maintenant, voici que le doo.
libre, vraiment exempt de nécessité (encore que cet.te est app1•éhendé en lui-n1ême et dans l'acte mêmo où il
Ube1•té ne füt pas une liberté de contrariété, - · faculté est donné, de talle sorte que Dieu, le donateur, èst s~
de choisir entre le bien et le mal - , rnais selilcment une lui également, co1n1ne présent et comme agissant.
faculté d'option entre deux biens, d'ailleurs inégaux. Ce n'est pas intuition Immédiate de l'essence : il y a
:ll:t chez le contemplatif que nous supposerions favorisé, miroir, ,nedium objectif, Dieu n'étant connu quo dans
d ès ici-bas, de la vision de Dieu ? Ou bien cott.o vision ses dons, rnais on peut dire néan,noins qu'il y a intùl•
est transitoire, et dans ce cas nulle difficulté : sans doute tion de la présence et de l'action divine. Or, un des do111
l'acte de charité né de cette vision est nécesi,ail·e, la surnaturels susceptible d'être ainsi saisi dirootemebl
liberté exigée par la possibilité du mérite lui fait défaut, est l'union de l'âme avec la sainte '!' 1·inité, l'inhabita-
la contemplatif est soustrait au statut d'épreuve, pour tion dos trois Personnes. Dans ce cas privilégié, le
un court instant se\1]e,nent; aussitôt apros le ravisse- contact de substance à subs tance entre Dieu ot l'âma
ment, Je voilll rendu aux conditions de l'an10111• 1néri- (contact en quoi consiste la grâce sanctifiante) énl.te
t,1nt, d'un amour qu'intensifierait d'ailleurs pul$sam- de façon consciente dans le champ de l'oraison,« comm
rrient Je souvenir de la g râce reçue. Cet>cndant si, le foyer de lun1ièro ou le 1nilieu embrasé, dans lequi
comme on le voudrait, la vision persistàit en .lui '? Dans l'âmo vise l'objet divin ». A cc sommet, l'union diroc
cette hypothèse, on ne pourra it plus lui asstu·er la d'essence à essence termine, à titre de moyen infotina-
possibilité de mériter et 10 stâtut d'épreuve qu'en lui teur, le regard de l'esprit. « Je dis l'union, je ne dis
reconnaissant, comme dans le Christ, en CO(ixistence le terme de l'union. L'union est quelque ol1ose do érêé;
avec la vision, une activité cognitive inférieure. Que c'est )a, grâce habituelle. Lo ternie de l'union, c'est
pourrait être celle-ci'? Notons-le bien; elle doit êti·e Trinité, incréée. L'habitation de la T.rinité, la présen
telle qu'elle lui laisserait la lîberté de conirclriété, la ou commu11ication de la 'l'rinité ne se confond pas·a
liberté de ·choix. entre le bien et le mal, car, à la dilTé- la Trinité, dont elle n'a ni l'éternité ni l'immutabilité
rence du Christ, le contemplatif ne peut pas être (Ai. de la 'faille, Théories ,nystiques. A pr<1pos d'un li~
dépouillé h<Lbituelk1nent de la possibilité d'un certain 1·écant, dans Recherches de scie11ce religieuse, t. 18, 1928
péché : il g:.:u•de au moins le pouvoir du péché véniel p. 804). On le voit : ces théologiens, de même qu ·
indélibéré. Dès lors, il semble bien que la connaissance ne reconnaissent. pas, au so,nmet de la vie mystique
inférieure requise ne saurait avoir qu'un no1t1 : elle une vision imtnédiate de l'essence divine, pareillemen
et
sel'ait l'acte l'exercice de la foi; co n'ost qu'en étant refusent une vision <le la sainte Trinité. Cependan
ajoutent-ils, les contemplatifs, dans l a percepti01i
dans la foi, què la volonté de l'homme possùdo tout
ensemble et la possibilité de so donner à Dieu 1n6ri• l'union ot de l'habitation (créée) des trois Personnet
toirement et celle de se refuser à lui dans Je péché. accèdent à un 1node nouveau de co11na.îtrc la Tr1nl
Dès lors aussi, nous voilà revenus à la coexL,;tcnce, môme, la procession des Pel'sonnes et leur circu
que saint 'l'homas jugeait impossible, de l'acte de foi cession (« jam apparat ipsa Trinitas modo prora
et de la vision do l'essence divine. J~t do toute 111anière, novo », J. de Guibert, Thcologia spiritualis ascet~li
so croirait-on mê,ne autorisé à mettre en doute cette rnystica, 38 éd., Rome, 19'•6, n. l.t03, p. 3(10) e't c'ea
impossibilité, on devra convenir qu'il y a, dans lo statut ce mode nouveau qu'ils énoncent, à . tort, en term
' d'épreuve méritoire des conte1nplatits, la souree d'une d'immédlation. Puisque nous avons, nous égalemen
difficulté dont les tenants de la vision immédiate préféré ne pas accorder aux 1nystiques une vision illllll
(habituollo) n'ont pa.11 jusqu'ici fourni la solution. dia.te de l'essence divine, il nous faut bien, dans la qu
En l'attendant, nous préférons penser que les ,nys- tion de la connaissance de la Trinité, nous ralli
tiquos, en s'attribuant une vision de Dieu, ont majoré pareillement à cette interprétation des Pères de
la porl:60 do leurs expériences. S'ils se bo1•naient à Taille et de Guibert. -?\<lais reconnaissons que, dans
relater une vision transitoire, leur témoigna1-te serait état actuel, cette théorie demeure bien insuffisante •
recevable; dans la mesure où ils en parlent on termès en quoi consiste ce « mode nouveau » de connaître
d'état, en cc cas, force nous est bien de mettre en doute Trinité, mode qui n'est plùs la silnple connaiss!IJI
leur interprétation. de la foi com1nuno et qui ne serait pas encore la V.lai
Reconnaissons-le d'ailleurs, notre pJ'éférenco et notre n1êmo? Rien <le précis ne nous est dit à son propos
choix ne sont pas confortables sous tous rapports. En l'aurait-on fait, res te1•ait encol'e à se demander si
mê1ne temps qu'ils nous parlent de vision de l'essence, théorie, élaborée dans l' a;bstrl:li t, 1•éussi t à rançon
les 1nysLiques nous parlent aussi d'une vision d e la la t eneur concrète des textes mystiques. .
procession des Personnes et de leur cjrcumincession : Du moins, pouvons-nous aisément surmonter
fait qui n'a rien pour nous surprendre, puisqu'aussi dernièt•e difficulté qu'on pourrait. élever contre
bien entre essence et Personnes, il] n'y a point réelle négation cle la vision de l'essence. On pourrait dire
distinction (voil· quelques-unes de leurs assertions dans pour avoir refusé de couronner la vie mystique p
L. Reypens, DS, t. 3, col. 898, 905, 908, 919). Dès là l'intuition immédiàte, vous cessez d'unifier les div
S44
1345 ESSENCE DE DIEU - ESSEN'flEI, 1346
1ion
ires degrés de la contemplation acquise et infuse et de les gencos, portant par exemple sur l'alliance, le mariage,
OUB COIJlpr<!ndre co,nme autant d'acheminement,.., progres- la guerre. Pour expliquer ces différences, on insiste
'o nt sifs vers la plénitude de la vie spirituelle; ils n'apparais- sur le caractère incon)plet et tendancieux des descrip-
lion sent plus que co,n,ne des épisodes juxtaposés sans lien tions de Philon et de Josèphe, ou on fait appel à une
lent organique. Il faut répondre que s'il n'y a pas vision évolu Lion de la socte des esséniens, ou bien on parle
:o ns ici-pas, du rnoins y a-t-il vision céleste; l'hom1ne est de plusieurs branches à l'intérieur de ce mouvement.
1ple promis, dans l'au-delà, à cette suprôme condescen- Quelle que soit la stllution exacte qui sera donnée à ce
>ien dance, elle lui fait signe et l'attire dès à présent et problème (sans doute faudra-t-il retenir quelque chose
une o'est vers elle qu'il monte à travol'S tous ses acco1nplis- de chacune do ces e)(.plioations), notre connaissance des
)me sements; et ainsi, de toute manière, la vision de Dieu, esséniens s'en trouve assez bouleversée. Tant que les
don comme ter1ne béatifiant, coordonne sous l'unité de sa manuscrits de Qumrân n'auront pas été tous publiés
,ù il loi toutes les lumières et tous les bons vouloirs des et quo des études précises n'auront pas éclairci le lien
aisi-1 chrétiens. de J~ communauté de Qumrl1n avec les esséniens,
ant. Voir les études ciwoa 1111 cours do cat srticle: J. llfarôch11l, l'histoire do la secte, et la valeur des informations de
Y a M. ilo 111 'l'(lille, J, do Guibert. NombrèuSes in(lkations biblio- Philon ot de Josèphe, il serait téméraire ·et imprudent
lans BfOphlques dans L. RoypenH, art. AMR (structure clc l'), DS, do consacrer à la sph•itualité des esséniens un article
1tui- 1, i, col. 1,33.1,69; art. DIEU (co,1111iissa11c11 1nystiq11è ile), t. il, qui serait dépassé avant même sa publication. C'est
~ons col, 888-929, J)MSim. - Voir aussi art. CON'l'r.111rLATION, pourquoi nous réservons pou1· l'article QuMRAN l'étude
1,)8, t. 2, col. 161, 3-2198.
nent do la sph·itualité des esséniens. A ce moment-là, selon
~ita- l,éopold ~IALEVEZ,
les résultats des recherches, on pou1•ra, dans un paral-
~. le lèlo toujours instructif, distinguer, si c'est pécessaire,
'âme ESSÉNIENS. - Bien que les esséniens ne so·ient la spiritualité de Qumrân et colle des ;esséniens, ou,
1ntre mentionnés ni dans le nouveau Testament, ni dans le s'il est démontré que la communauté de Qumrân est
mme Talmud, cependant cette secte juive, contemporaine bien r.ssénienne, on pourra pal' les manuscrits de Qum-
1quel du Christ, nous était depuis longtemps connue. Quel- r~n enrichir profondétnent et vivifier les données trop
reete qt!ea indications de Pli no l'ancien (Histoire naturelle V, souvent superficielles et rapides de Philon et de Josè-
rma- t5, 78), et surtout des informations assez abondantes phe.
1 pas Cournics par Philon (Quod omnis probus liber sit XII-
XIII, ?5-91; Apologia pro judaeis, citée par Eusèbe Pour le m.o ment on peut C()nsult.cr les bibliographies établies
créé ; par L. Marchal (art. Esséniens, DllS, t. 21 col. 1109-1132)
st la de Césal'ée, Praeparatio evangelica VJII, 11) et Flavius et J. Cnrmignao (DTC, !fables, col. 1266-1277 EsBclnicns);
sence losèphe (Guerre des juifs I, 111, 5, 78-80; II, vu, 3,113; le prcn1lor auteur (1934) s'en Uont aux esséniens do Philon
aveo Il, Y{II, 2-13, 119-161; Il, XX, 4, 567; III, 11, 1, 11; et Jo:;èphc, la second (1957) utilise Qu1nrù.m pour 6clairer les
lité )) V, iV, 2; 145; Antiquités jrulafqucs XIII, v, 9, 171·173; esséniens (nous lui empruntons les référencoo ci-dessus).
livre XIII, x, 6,298; XIII, XI, 2, 811-313; XV, x, 4-5, 371-
l 9Zft, 87~i XVII, XIII, a, 846-3't7; XVIII, 1, 2 et 5; 11 et Paul LA MARCHE,

1u'ils 18·22; Vie 10-11), ainsi que des renseignements secon-


.ique, dait-es donnés par Hippolyte (Ele11c}1os IX, 18-28), ESSENTIEL (SUPEJ\ESS.ENTJEL, SUJ\ESSENTIEL) •
ment Porphyre (cité pàr Eusèbe, Praeparali<J e11ang. IX, 8), - C'est dans l'école mystique flamande, à partir du
da.nt, !pipliane (Pa,iarion I, x-xu,; xrx, 1-6; xx, a; xxx, 1, 3; 14c siècle, que la terminologie 11 essentielle» et« suressen~
n ae uu, 1), et Synésius (Dion 8, PO, 66, 1120c) nous per- tlelle » trouve son épanouissement ot sa plus riohe
nne»1 mettaient de connaître les traits essentiels de la secte; application. Ruu,&broec est le premjer auteur spirituel
rinité e~ depuis longto1nps on se posait la question de l'in- du nord à employer cette terminologie dans dos traités

1min- nuenoe possible des esséniens sur les premières conlmu- mystiques proprement dits. Les disciples i.mmédiats
·orsus naul6,e chrétiennes, spéciale1nent sur le 1nonachisme du bienheureux continueront à l'utiliser dans un même
ica et des premiers siècles. contexte idéologique. Avec He1•p, qui lui donna sa
è'est Depuis 1947, au bord de la Mer l\'Iorte, dos d,écou vertes diftusion européenne, l'attention se dirige davantage•
~rmes se .sont succédé, livrant beaucoup de manuscrits issus vers les constituantes psychologiques de l'expérience
ment, des grottes proches des ruines do Qurnrlln. Les fouilles mystique appelée<< union essentielle» et <1.suressentielle »,
mmé- 011! IÎlis au joui' les restes d'un vérita.ble monastère, et. ce$ désignations deviendront pour ainsi dire des
ques• dont d6pendaient très C(ll'talnement les grottes environ- terrnes techniques pour certains degrés et états mys-
rallier nantes et les manuscrits. Or la place de ce monastère tique1-:. l)ésorn)ais, lorsque ces traités seront lus, non
de la corre~pond à celle que Pline assignait à un centre essé- plus coniulè des explications d'un état d'âme, d'une
ts son nien, au-dessus, c'est-à-dire on amont, d'Engaddi. expérience, mais co1nme des exposés théologiques ou
1nte : La vie et la doctl'ine de cette com1nunauté de Qurnrân, mêmn des manuels de niéthode d'oraison, et quo leurs·
tre la telles qu'on peut les reconstituer à partir des manus- expreBsions seront assumôes avec le sens qu'elles
;sance crits de ces grottes, correspondent en grando partie prennont dans une philosophie thomiste, on les trou-
vision aux descriptions esséniennes de Plùlon et de J osèpho. vera. suspects et dangereux. Dans les traductions, les
?è>S et Des doux côtés par exemple, on retrouve la même orga- tern1es sont de plus en plus remplacés· par « éminent »
1 si la nlaatJon cornmunautaire, avec postulat et noviciat, et <1 suréminent », vagues à souhait. Entre-te1nps,
()ntrer mise èn commun des biens, vie de prière, de t1•avail et chez los 1nystiquos germaniques qui continuent à
d'étude do la loi; ,nêmo idéal de sainteté et d'ascèse. employel' 11 essentiel » et « surcssentiel », s'opérait une
rune C'est pourquoi la plup11.1•L des spécialistes de Qumrân évoh1Lion analogue : ce ne sont souvent plus que des
~re la rattachent cette co,nmunauté à la secte des esséniens. qualificatifs qui' indiquent un degré stable, non sujet
dire : Uné faut pas cacher cependant que plusieurs savants aux v:n•iations du sentiment, de Poxpérience mystique,
l8 par restent opposés à cotte identification. Il existe, en à 1noius qu'ils ne deviennent, par une sorte d'inflation
divers effet, entre les 1nanuscrits de Qumrân et les relaLions verbale suivie do dévaluation, des synonymes . do
de Philon ot de Josèphe un certain nombre de divcr- 11 1nystique » et 1nên1e de « contemplatif », comme il
n 1cT10NNA1111,; Dt: Sl'IRl 'fUA LITÉ. - T, IV , 1,3
1347 ESSENTIEL
arrive dès la fin du 169 siècle. 113 prêteront à confusion Ma.'l:ime, dont la conception de la vie contemplatl
et seront combattus pour les erreurs où ils menacent paraît la plus proche de la mystique « essentielle
de conduire les ~rnes. Ils disparaissent lentement au n'emploie le terme qu'au sens philosophique ou· llOnl
cours du 17° siècle. Chez quelques auteurs, mais non mun; il l'applique à la vie divine, ja1nais à la vie s~lrl
des moindres, ils gardent un sens technique : chez les tuello. Mais on le rencontre dans la « connaiss
auteurs del' E"angelischo Peerlc et Vanden 1'etnpel onser essen tiello » (yvwoLt; oôaLw8'fli;) d' É '1agre le pon\i.
Siele,1, chez; Frans Vervoo!'t, Benoît de Canfield, dont iea écriLc; restèrent inconnus aux mystiques d
Jean de Saint-Sa1nson, lviaria Petyt, et même chez des nord (éd. W. Frankonberg, Berlin, 1912; cr J. Lom;ÎI
vulgarisateurs com1ne ~lichiel Zaclunoorter. Les dia- art. CONTEMPLATION chez les orwntazt.'I: chrétieni,
t1•ibes d'un Jérôme do la Mère de Dieu et les 6crits t. 2, col. 1838-1843). Chez flvo.gre déjà, il ne faut p
polémiques de Thomas do Jésus, qui avait conunencé comprendre par « connaissance essentielle » uno int
par emprunter des élé1nenLs substantieL'> à cotte spiri- tion directe de l'essence divine, le terme s'appllquan
tualité, réussiront tout au plus à donner à la t.er1nino- à l'expérience spirituelle (chez Ruusbroec, il ne s'appll
logie « essentielle » un regain de prestige; à son déclin quera pas à la connaissance mais à l'union).
contribuent bien davantage une remarque malicieuse Denys l'Aréopagite ignore l'application du ' ~
de sainte Thérèse, le sourire et l'effroi moqunur de << essentiel " à la vie spirituelle. Il est d'autant p
saint François de Sales; on aura quoique honte, dès généreux, il est vrai, avec lo « suressentiel "· Est-ce
lors, à désignèr un état d'oraison en termes aussi second terme qui a suscité la floraison tardive du p
élevés et« philosophiques». En effet, au fur et à mesure 1nier? Ou tout sin1ploment ce qu'on pourrait app
que lo. philosophie de l'acte et de la puissan1)e, de le langage « philosophique com1nun »? Sans doute
l'essence et de l'existence, se répandit, l'emploi <le la pseudo:Denys emploie-t-U le terme « suros$ontlel
terminologie essentielle dans une tout auti•e pnrspec- dans un sons plus philosophique ou mystérique q
tive, 11 existentielle 1> dirions-nous, ne pouvait que mystique, désignant une transcendance absolue
susciter des rnulenLendus. Un des deux emploi~, le surnaturel et le vidant par là do tout contenu pons!lb
plus vigoureux, le plus systéma.tique,nent.• ensnigné, J, Vannes le, Le ntystère de Dieu.. Essai sur la structure NIi'
était destin6 à évincer l'autre. - Notre 'travail a uno nolle clc la doclrirtè 1nystiquc dt, paeudo-Dc,1ys l'A riopu. '
portée limitée : nous ne pt•ésentons qu'une étude séman- coll. Muaeuu\ lessianu,n, Bruges, 1959. - Pour le ayslèmo
tique et ne vii;ons pas directement le point de vue doc• Denys el pour sa théorio de lo. conto1nplation, ,;r R. Roq
L' U11ii,ers dionysîe11. Strr,cturc hiJrarchi(Juc du monde t,
trinal. le pseudo-Denys, coll. Théologie 29, Paris, 195'•i DllNYS L'Aat
1. Jusqii'au 13e siècle. - 2. Ritusbroec. - a. Après rAOJTE, DS, t. 3, col. 244-286; CoNTE1t1PLA'r10N : Et,111.1,
RUU$brocc. téndbre selon lo pseuclo-De11y11, DS, t. 2, col. 1885-1911. Po
ômcouaCc.>, F. Ruello a noté quo, parmi les Lraductours l~li
1. JUSQ U' AU 13C SlÈCLE Robert Orossetosto, Albert le Grand et Thomas d'Aquin o
aupersitbsU111tiali/.8r (traduction que ne ro!)rend pas R
Les auteurs, chez qui la terminologie te essentielle ii hrooc), Scot Iilrigène et Thon1as 0111lus s1ipr.re.ssent/al'
acquiert un sens spirituel et n1ystiquo, sont rares avant (fttak du ternie ' Ayo:&û86~K da11s quelques commontaîres
le 13e siècle. Elle est presquo toujours 1·éservée à la i,au..-c rlcs J\'orns Di,,i,1s, dans Recherches de théologie ancù~II,
structure théologique ou philosophique sous-ja.ccnte 1néclié1•<1fo, t. 2'•• 1957, p. 264),
à lo. doct1•ino spil·ituelle, mais non à celle-ci.
Si on croit connaître ainsi la filiation du te
1° Pour indiquer le contexte idéologique, cette << suressen Uel 11, l'itinéraire du terme « essentiel'• ••
structure ontologique où elle se1•a greffée, il llE! serait itinéraire il y a_, n'est pas connu. Il reste étran
pas inutile de rappelel' le fonds conunun d'idées pla- d'ailleurs, quo l'auteur qui se1nble da vantago è'ê
toniciennes etnéo- platonioiennes, dont le$ auteurs inspiré du système pse\ldo-dionysien pour la struct
chrétiens 011t emprunté nornbre de vues et de ro,•,nula- sous-jacente à son expoi;é de la vie contempl11-.U
tions (<;f R . Arnou, .Le désir de Dieu, da,.s la philosophie Ruusbrooc, n't\it pas de place dans sa mystique pb
de Plotin, Paris, 1921; art... CoNTEMl'LATION ,,hcz les l'extase.
anciens philosophes du inonde grl:co-ro1nai11, DB, t . 2, 20 ()n considère Eckhart t 1327 /8 comme lep
col. 1716-1742). Pour Platon déjà, l'a1nour « est à la de la rnysUquo ger1nanique 1< essentielle i>, Il est di.fil
fois un principe moteur et un principe de connaissance >i de dégager de son œuvre sa doctrine spil'ituello,, pl
(L. Robin, cité dans DS, t. 2,·col. 1722); la vioio11 ploti- encore sos vues sut· l'oraison. Il présuppose l'expérien
nienne ost, plutôt que connaissance intellectuelle, 1nystique plutôt qu'il no l'expose (R.·L. Oeèlis
contact, union de vies, reçue d'en haut et dépassant o.rt. J~cKnAnT, D$, t. 4, col. 93-116). A par~ quel411
l'initiative lnunaino, « une présence préférable à ln thèses hardies on tl'ouvera le schème général de cel
science », non pas absorption, 1nais union " de deux doctrine cliez la plupart des mystiques du nord (str
qui ne font qu'un » ( textes à l'appui, col. 1728•17 82). ture sous-jacente ontologique et psychologiquq d
Il semble que c'est pour désignai· l'1~lément unitif d'une J.,. Reypens, art. AMR, DS, t. 1, col. 433-~69, et l>11
expérience d'a1noul' analogue que les mystiques du t . 3, col. 883-929). C'est sur le système néo-platonî
nord fel'OnL appel aux ler1nes u essentiel» et<< suressen- et aug\lstinien, son exemplnrisn1e, son double mou
Liel i,. La réalité désignée par eux ne diffère pas de ment eL sa finalité, que se greffe la doctrine splrlt11
« l'identité par grâce » de saiul l\'Iaxime le confesseur cc essentielle i,. Poul' Eckhart, doux constatations s'
(~ x°''t'a x&piv o:ù't'6't"lJi; Acl 1'halassiuni, q. 25, PG 90, posent :
338a), de la « connaissance de l'amour i> de saint Gré- '
goire le Grand (Moralia x, 8, 13, PL 75, 927d), de 1) Au n1oment où il exerce son influence, ceUo d
l'unus spiritus cum Deo de saint Bernard (Scrn1.ones de trine est déja un bien spirituel conunun, on Rhé~
di11crsis 4, 3, PL 183, 553a), etc; soul diffère le système comme aux Pays-Bas.
conceptuel auquel les.auteurs font appol pour l'expri- Ella est ù la base des Sevon nu111ieren 1,1111 n1in11a (éd, J,,,
mer. pens et J. van Mierlo, Louvain, J!l26) do Béalrice do~
1348 1349 ESSENTIEL 1350
lative ,eth t j268 (et DS, t. 1, col. 1810-1814), dos poèmes et dos
la viosplrituelle. Sous !orme do question ot de réponso,
ille •• lotll'e$ (Visiocnen, tld. J. van Mierlo, Louvain, 1924; Stro-
p4'8èhc gedicht<trl, 2• éd., 2 vol., 1942; JJri~Pcn, 2 vol., a d; et Sui;o explique co qu'il entend par « un 1101nme essen-
com-
spiri• introducllon da J.-D. Pol'lon à son Ha<lewiich à'Ar1Pers, Paris, tiel » : celui qui est constant dans la vertu, qui ne se
sance 1954) de Hadewych d'Anvers, t vers 1250; on la retrouva chez laisse pas abattre par la désola Lion; « in-essentiel »
l,ampreoht do Ratisbonne, t vers 1.270, ainsi que dûris une est. celui dont la vie intérieure est .changeante, qui n'a
tique, poéeie lyrique allornnndo vers la fin du siècle, qui constitue, avec
lB du
pas conquis la stabilité fidèle comme une seconde nature;
les ~oèmes do l[ndewych, un dos sommets do la poéslo 1nys- bien que traitée cômme supérieure au « ravlssernent on
1.aitre, liqùe de l'Occident, le J)rcifaltiglt<!Îtslfrcl (éd. K . Bnrtsch, Die
, DS, Diun de l'amour jubilant », on ne voit pas quo cette
Erl8~ang mit cinsr A uswahl gcistlicher Di<dttungon, dans Biblio- disposition doive être un don mystique (p. 174, 14 svv).
1t pas rhak der ge8a11i1r1ton de111scl1ën National-Liwratttr Pon der iiltcs• •
intui- un .bis au/ die neuers Ztit, t. 37, rase. 1, Quedllnbourg-Leipzig,
1850, p. 193-195 i éd. O. Karrer, Meister F.clccl,art. Das Systcni
r,.° Choz Jean Tauler t 1361 on trouve to1,t d'abord
11uant les 1nê1nes applications que chez Suso, tant, pour la
appli- 1,/11,r i-eligili$c11 Leh.ro und Lcbensweisheit, Munich, 1926,
p. 298), qui donne, dans 1111r1 applicat.ion vivante èl vécue, structure sous-jacente que pour la vio spirituelle; la.
le résumé lo plu1;1 l!\lccinct dos éléments do cette doctrine. « pauvreté essentielle "• expression qui fera fort.une,
terme Nous renvoyons à la blbllographie de St. Axters (Ceschie- est le détachement total et l'adhésion à Dieu seul
: plus ienie va11 de vroo,nheid i,1 clc Nederlan.//c11, t. 2, Anvers, 195H, (F'. Veiter, Die l'redigte11 Taulcrs, Berlin, 1910, p. 86,
-ce ce p. ~86-ta9t) sur la diffusion do la doctrine nc\o-platQniclenno. 25 )JVVi p. 197, 13; cf DS, t. 8, col. 1,73-474). Parfois,
1 pre- On sait qu'à' la génération suivante uno dng causos qui incitèrent cornmo chei. Ruusbroec, « essentiel » est e1nployé
ppeler Ruusbroec à rédiger ses premiers traités lut Je désir de p1·é• en opposition à « actif 11 (cr infra), mais bien plus ràrc-
11te le &el\Ver les ân1e1:1 conte1nplulives des erreurs d'uno béguine,
taus.se mystique, Bloe1nardinne de Bruxelles (t 1385; cC DS, 1nen t (p. 1.59, 18 svv). De mêtno l' « introversion essen-
tiel 11 tielle » (p. 68) et l' « amour essentiel » que no\I!i rencon-
a que 1.1, èol. 1780) et qu'il usa s,.ns doute d'une langue et d'une
wrminolegio !àrnilières à ses lecteurs. troi·ons cl1ez Ruusbroec, et donL Taulor donne lu des-
1e du cription; on notera, pour l'intelligence : lumière qui
sable. 2) En même te1nps cependant, si on distingue cntl'e est perception de présence mais qui rejette l'e$prit
ration• la structure ontologique, psychologique et thoologique, oda.ns son impuissance; pour la volonté : elle défaille
pagil,(I, gous-jacente et la doctrine spirituelle, ni Déatrice de ·eu union d'amour et Dieu doit agir en elle (p. 251).
1mo de Natareth, ni 1-Iadewych, ni l'auteur anonyme du Drei- Ln 1r suressentiel 1, (überu1esenlich, les traductions
:oques, faltigkeitslied, ni enfin, pour uutanL qu'on en peut lati1\es ont supcrsubsta11tialis) est ahondam1nent appli-
, Bcl<>n jugor, Eckhart, n'appliquent la terrninologie ,, essen-
'An:i!o- qué à Dieu en Lant que cause exemplaire et finale;
tielle » et ,, suressentielle ,, à la vie spirituelle. aussi, mais rareme)!t, à la vie mystique : l'homine
tas11 !JI
. Pour Les 9uelr111es textes do l'édition de Fr. PfeilTor (Leipzig, transformé « do manière suressontielle 11 doyien L « déi-
111.tlns, ,1914), où on croit reconnaître leur application à la vie spiri- lor1ne 11, la description que 'l'auler en donne correspond
1in ont tuelle dans la' sens qu'on l.ro11vera choz R\lusbrocc et se6 à ,, l'union transformante » (p. 175 svv). En même
Ruus- e,qçcw~seurs, sont cm1x dont l'authenticitv n'est pas assurûa; temps cependant, 'l'auler est le premier grand mystique
1tialit11r Il l$udra attendre que l'édition clrit.ique (Die de111schc11 Werlœ, qui réagit contre l'usage abusif de ce ternie, ce qui
~dié• Sluttgart-Dcrlin, 1931, svv) soit uchevéc pour formuler un
Jµg~ment définitif. Eckhart parle de la weseltcllc istil,eit de démontre à la fois sa diffusion et les déviations donL il
annc et éLait rnenacé (p. 200, 6 svv ; p. 204, 15 svv; p. 210·,
Dieu, du wcsc11 da l'âme, de l'llber11111cbcndcs wesc11 (1, p. 19, 1;
400, 1): pour la vie spiriluollu il préfère parler do • l\llnièl'ê 88 sv, etc). l,orsque, au 16° et au début du 17e siècle,
terme simple •• d' • amou1· 1111 », d' • unitti ». la « vie suressentielle » fera fureur dans les milieux
J »1 si L-08 quelques toxlos, où, on pourrui l voir lt la rig11enr une dévots de l'Europe, c'est à tort qu'on attribuera à
.range, application à la vie spfriluelle, décri vont. un ordre ontologique: Taulor la paternité de cette mode« taul6rienne >>i c'est
s'être ,,.J). â4, 6 à 85, i i ,, p. 1115, 5-15. que dans les l11stitutiones, éditées par Canisius on 1.543,
ucture Dans d'11utres texte.~, 11etten1ent spirituels, tf,csenlich n'a plis sous le nom de Tauler, avaient passé dos chapitres
1ative, · de sens lcchnique, il signifie ,, réellon1ont., tondnn1entalo111011t •
o~ « devenu com,ne uno soèondo nature • (vg 1, p. 95, 6, ot cf d'Eckhart, de Ruusbroec, do ses successeurs iJnu1édiuts,
~ p,our del' Rvangelwche Pecrle ot du Va,ulen 'l'empel onser Siclen.
/J'auler, Prcdigten, p. 1.0, 3 svv; r, p. 276, 1-3).
• (cr J. Huijben, N<>g cen vergeten n1.ystiekc grootheid,
e père 8° Chei 1-Ienri Suso t ·1361, « $lll'é);lsentiel 11 se ren• OClF;, t. 2, 1928, p. 861-392; t. 3, 1929, p. 60-70,
lifficile contre fréquemment dans la structure onlologiquo 11,t,.·I 6'i; i. 4, 1980, p. 5-26, (.28-478).
l, plus (Suso ·aime nominer Diou 1, le soleil su1•essentiel 1>) el
au~i, surtout dans la Vie, dans l'exposé des états spiri• r,u li faut citer enfin, dans les prernièros années du
,rience 1 't" :iiècle, la Glose sur le Notre Pèra du tnystiquo fla-
chslin, t11els, mais jamais appliqué à la spiritualité eHe-mêmo;
l'ién, dans les passages les plus in1portants, qui fasse 111and Gheraort Appelmans t 1350 (éd. L. R.ey-
1elques pons, OGE, t. 1, 1927, p. 81-107, 118-141; cf DS, t. 1,
l cette ~origer à la« vie suressentielle 11 de Ruusbroec, ni tnême
en toute rigueur à on état n1ysUque : bien que l'homme col. 809-810), manuscrit de niystique trinitaire, d'une
(struc- limpidité et profondeur théologiques rares, d'une pré-
l dans y:poit appelé engei.stct, on peut les comprendre tout aussi
bien de la pratique no1•n1ale do la dévotion (vg l(. Bihl- cision de langage inégalée et, croyons-nous, très in1por-
Dn~u, lant pour la q1~èstion qui nous occupe. Appehnans, sans
onicien meyer, Heinrich Se.use. Dact'8che Schriften, Stuttgart,
1907, p. 182, 14 sv). Dans la conclusion de la Vie, parler do mystique suressentielle, donne simplement la
nouve- strucl.111•e doctl'inale dont la vie spirituelle est prise de
rltu~llé système idéologique ot doctrine spirituelle se recou-
,.
,S S lnl• vrent; nous y trouvons le fonde1nent de co quo sera la con$r:ience.
r vie suressentiolle ,1 de f{uusbroec, mais oncoro, à Il crnploie duux fois Je mot oPerbliven là oit nuusbroec
part le,, ste1•en \vider in 1,, rien ne sugg1~1•e la contempla.- etnploie1·a overwessn. Or, wcse.11 est à la fois le verbe « être ••
;e doc- lion passive : le texte pou1·1·ait tout aussi bien proposer l'infloiti! employé substantivement et lo substantif« esscnco »i
1énanie la vérité snrnaturolle conune sujet de 1néditatior'I (p. 191, blic•c11 est unlquo1nont, s1111a possibilité d'6quivoque, verbo ol
30 sv). conserve toujours son sens existentiel., Au n1oyen âge il
L. Rey- signille • être ., on l'cn1ploiot11 de plus en plus co1urr10 verbe
Weslich ou 1,vese11(t)lich, en revanche, sont employés 11uxiliaire du 1nodc passif, puis il évoluera vors lu signiflcntion
& Naza• soit pour l'exposé do la structtu•o ontologique, soit pour qu'il a en néerlandais n1oderno : le verbe neutre • rester •
ESSENTIEL 1352
1351
(6crit actuellen1ent blij1>e.n). L'équivoque ne date-L•elle p11s Dieu est dans son essence simple, sans opération, repos
du jour où l' intraduisible wesclic a élô traduit en lutin ot a éternel, tônèbre sans 1node, /ltrè inno1nmé, superessenœ de
toutes les créatures et bqatitude sim))lc et, infinie dè Oieu el de
donné essc1aia/is? toua les saints (Sept dcgrc/$ de l'échelle d'a111our spirituel, in,
Cette mystique parlait de vie, d'union existentielle, p. 270, 15 à 271, 1; trad., 1, p. 264•26::i).
et non de visions essentielles ou de fusion des essences. D'é1nbléc · nons avons les deux groupes de ter,nos q'ùi
1~t. les polémistes les plus acharnés contre ces unions s'opi1oso»0nt tout en se supposant dans les traités de Ruus•
essentielles et suressentielles n'y ont plus vu l'appli- broec oL la 1nyatique finniande aprùs lui. Lci11t· opposition même
cation vécue <l'une doctrine qu'ils auraient pu retrou- lei! éclaire ; ·
dans le groupo do la tern,i,1ologie « esSontielle • nous ren•
ver chei saint Thomas : cont.roâs gronclcloese 111:innc = aniour sans fond , o,1tsheestt11 ,.
In essiintiam non intrat niai illo qui dat esse, scilicoL Deus litl:érnle,nent expirent, c(:nhtit /i.c1crs we.~ens ><= unité do Iegr
creator, qui habet inlrinseca1n osscntiae opera.tioricni (2 Sc11t. esijence, gro11clr.loos abys = nblme sans fond, eenvuldighl
dist. 8 q. 1 a. 5 ad 3). - Quamdiu lgHur ,·as habct e.s8e, llundiu $al8eheit - béatitude sin,pl~, cc11igh wcsc11 = une seule
oport,tlt quod Deus adsit ei i;ecundum rnoduni quo 11sse habet; essence, onse overwcsen = notro supercssence, ghebr1,kc11 =
cssi, 11ulom est illuù quod esl 1nagis intiinum cuiliùol ot quod joulss.1nce, weseleker S(tleghcit. = bélltitude eijsonliclle, semp,1
profundlus o,nniùus inest.. , unde opQrlcl quod Deus sil in weson sonder ,fierc - l!irnplc essence s11ns opération, lcdcghoi! =
omnibus rebua el intime (Sonznie théologique 1• q. 8 a. 1). repos, wi.seloesc dccrn.sterheit = tô11obre .!lans 1node, 011gh,,
11aenidc isteeheit ""' ôtre innomn1é, overwescn = superessenco;
d.1ns l'at1tre groupe : Pcrsone, ,,roclitbaerro ,1atuere ..
2. EsS8NTIEL ET SUPEll.ESSlilNTIEL CHEZ RuusBIIOllC nature féconde, 1'a<ler = Père, a.ln1,cchtegh => tot1t-puissnnt,
sceppcrc = créateur, 111al.cre = auteur, ute qijnre 11atusrs '=
Pour définir la signification spirituelle des t er1nes do sa nature, ghèbaert hi = il engendre;
es11entiel et s11,pcrcsse11tiel chez Ruusbroec, il est néces- seul, • substance • poul se présenter dans les deux group~a.
saire d'examiner le contexte dans lequel il les emploie;
Même opposition : Roya.u.m~ des amants de Dieu, ,r, p. 72,
malheureusement l'étude de son vocabulaire reste 3•5; t.rad., n , 1!18; Orn.cm.ent des noces spirituelles, 1, p. 248,
toujours t1 fiüre. • 33 à 2119, 5; trad., Ill, p. 21<); Degrés, 111, 266, 19-29; tr$a,,
Tout d'abol'd ,vcselic-essentiel peut . s'appliquer, 1, p. 2GO, où se to.it la distinction entre Cod = Dieu et Godlieil
comme u1ese11, dont il est dérivé, en général i,. l'être ... divinil6; Livre de la. plus haut,, ,,sriw, 111, p. 289, 6-20;
(actus essendi), l'essence, et tel être concl'et; à côté de trad., 11, p. 21.!>.
l'e1nploi courant, Ruusb1·oec use l e plus souvent de ces
termes dans un sens technique, qui n'est pas celui de 2° Créateur et créature. - Ruusbroec englobt
l'essence et de l'essentit1l scolastiques. les consid~rations naturelles et surnaturelles dans une
J.1n van Ruusbroec, Werk~n, 2• éd., '• vol., Tielt, 1944· même vue. Il affirme l'identité ontologique do« ~àture•
19'18, cité 1, 11, 111 ou 1v. - Œri~rcs de Ruysbroeck l'aùniira- et d' ,, èssenco ».(Douze béguines, 1v, p . 62, 6-15, et p. 68,
ble, trad. des bénédictins de Wisques, G vol., Bruxelles-Paris, 12-18). Lo. création est appropriée au Père, et d'après
1921-1988, cité trad., suivi de la to1naison, r (3° éd.), 11 (2• éd.), l'image du Fils. Dans la naissance éternelle du Verbe
111, 1v ou v. Notre traducti«>n est plus littérale. ( 0Per1nids die eewighe gheboert) les créatures ont. une
préexistonce en Dieu, avant d'être créées dans le temps.
1° Dieu. - Irnprégnée de vues néo-platonioienr\OS et Notre être créé c( reste suspendu » (hanghen) à et en
dionysiennes, la forrnulation systématique de la doc-
cet être éternel, qui est notre cause exemplaire el
trine de Ruusbroec s'inspire du double mouvement de
l'univers, sortant de Dieu pour retourne1· à lui. L'univers finale.
e1>t rait à l'ilnago de Dieu; l'homme aussi, qui a son La traduction essc11ce est ici plus usuelle, mais il eat"bon dt
image primordiale · et son être incréé (Ruusbroec dégager ce terme de la signifiüation qu'il a dans l'ÉcOlé;
emploie le mot lf'esl'ln = essence dans un sens actif) l'essenco pour Ruusbr«>oc et les 111ystlques flamands est.Pu.
En cette hnage divine tout.es les créatures ont uno vie éi.:-
en Dieu de toute éternité. Son être créé dans le te,nps
nelle, en dehors d'alios-mêmes, comrno en leur exemplalN
reçoit son existence de Dieu et est destiné. à parfaire étornol; et c'est à C(~tto image éternelle ot à cette 1·esscmblt!1C1
on lui la similitude créée av~c son image inc1•é1~0. la que nous a créés la Sainl.e Trinité (Noces, 1, p. 2'15; trad.,
\ portant i,. une resse1nblanoe et à une unité toujours JJJ, p. 215).
plus grandes. ].,'homme a son hnage dans le Verbe,
image du Père, et. c'est par l'œuvre do l'Esp1•i1, qu'il Les deux aspects de nob•e essence dominent le ~e111
sel'a assiniUé au Verbe. Dans la formulation de ce et le mouvement de notre vie : l'image, qui est en Diéu,
mouvement universel, paraissent, en tension polaire mrus à laquelle nous participons comme à notre cause
l'une par ,•apport à l'autre, une terminologie esstnti.elle exemplaire et finale; la resse,nblance: cette n1êrne imagt
et une tei·n)inologie qu'on pourrait appeler acti,,e en tant qu'elle est impri,née et réalisée dans notro être
(sans pour autant rejoindre l'opposition thomiste). créé, en .tant que distinct de Dieu. Participant à~
La ter1ninologie es8enticlle s'applique à Dieu potll' tout pl'emière, nous l'avons en nous (< coinme dans u~ miro)I'
ce qui désigne l'unité en tttnt quo jouissance, amour vivant»; n ous n'avons donc pas une double ex1sten_ce:
consommé, repos qui est l'achèveroent de toute acti- notre vie dans l'image incréée se fait présente à noltt
vité; et ces constellations de t ernies resteront asso- être créé; cette présence,•;unité sans identité, est appelée
ciées dans toute l'œuvrr.. weselijck, " essentielle ». On poui•rait déflnir Ja aignift•
cation du ter1ne, dans ce contexte, comme le m
Ch~que esprit; ont un ch;1rhon ardent.. .. Et toua flnscmble
nous scHillllOS un brasier enllannné.,, avec lfl Père eL lo Fils, de présence de la superessence à l'essence créée. « Essen•
dans l'union du Suiot-Esprit, là oil les divines PerHOrHlCS sont itiel >> indique, dans l'cspl'it créé, l'immanence active da
ravies ollés-mêmea dans l'unité de leur essence ... Là, on ne transcendant. J,e mode de présence de notre superee,
nomme ni le PèrR, ni le Fila, ni le Saint-Esprit, ni auéune créa- scnce est " essentiel » par rapport à Dieu, u supeM!
ture, 11H1is une ijaulo essence, qui est, lu substance n1(\me di,s sentiel » par rapport à nous. Cf Miroir du sàl
Personnos divines. Là, nous so,nmes tous réunis avant. n1êmo étcrn6l, 1u, p. 166, 7 à 167, 6; trad., 1, p. 87-88; firi#j
d'êtra créés : c'est notre l!upel'essence. Là, toute jouissancè 111, p. 290, 21 à 291, 2; trad., 11, p. 217-218.
est conao,nméo ot parfaite d11ns ln béutilude essillltle lle, Là,
1352 1353 CI-IEZ RUUSI{ROEC 1354
repos no L'homme considéré en soi. - La terminolo- bienheu1·eux ", <1 c'est pourtant la promiôro cause de
Lee de gie ~ essentielle » se présonto à tous les niveaux de toute sainteté et de toute béatitude », cr Noces, 1,
1 ·et de l'être spirituel et elle y prend tou1• à tour une signifi- p. 204, 5-15 et 207, 13-18; et trad,, 111, p. 164, 168.
Bl, 111, cation philosophique ou religieuse.
2) E ssence et pu,i.9sances. - Sous « l'essence de l'être >1
,s. qui .. 1) E,9Scnce de l'dnie et unit-l de l',:sprit. - Le point
d'lnsettion, où l'acte créateui• donne l'être à la créature
Ruusbroec plaçait « l'unité do l'esprit », identique à
l'essence; d'après l'excmplarisrno trinitaire, oUe est il
Ruu11- spirituelle, s'appelle l'easence (u1ese11) de l'ârne. Les son tour la plus ltuute de trois " unités », qui sont en
même successeurs flamands de Ruusbroec p1•éféreront l'expres- nous par nature.
1B r.,,n-
sion « fond de l'âme » ( gront). Suivant l'exemplarisn10,
qtù concevait en l)ieu, pour une môme réalité ontolo- l,a pre1niè1>o et la plus haute unité de l'homme èst en Dieu.. ,
rtt:n = No,1s possédons cella unité en nous-n1ômes et néanmoins nu•
te lei.il' giquo, l' « essence » en tant q1.1'unitr. sans 1nodes et lu des8us de nous-n1êm_as, 1:omme le principe et lo aoutien de notre
1
ddishe 1 nature » en tant que féconde et opérante, le principo êt.r<l et, de nol.rc vie. Uns seconde union ... C'est l'unité des
1 11oulo de l'activité humaine se situe sous cette (< essence », puisij:inces supérieures, où elles p\1i6ent leur origine naturelle
ken - bien qu'ontologiqueo)ent identique, et s'appelle« l'unité selon le mode de l'opération (werckelijckcr•wijs), dons l'unité
!lemp11l de notrè esprit » ( eeniclwit on.~ gheests). Englobant do mit eijprit ou de la haute mémoire. C'est toujours la même
•heit -
1

onqhe-
• ces deu:ic aspects, unité on tant que repos et principe uni Lé qua nous possédons en Diou, mals ici on l'envisage
d~ l'activité, dans une uHîrne appellation, l1uusbroec activement, et, .là essentiellement.. , et d'elle procèdont la
1ce; les nomine « l'unité essentielle de l'esprit » (1,Peselijcke n1é1uoirc, l'lntolligence, l(l. volonté et toule po~sibilité d'acti-
,r11 - vité spirituelle, Ici l'âme se nomme esprit. La troil!ième unit6...
d.siiant, unichei-t ons gheests) (Cf Noce11, J, 195, 19-33; trad., e~t le don1aine dos puissances inférieures dans 11 111\ité du cœur
icrd = 111,·p. 151-152). , (N(>ces, r, p. 144, 27 il 145, 30; trad., ,111, p. 85-86; 1;f Son,.nui
Dans cette unité u1ême, l'esprit, - exe1nplariaine tltiologiquc t• q. 18 a. 4 11.d 1), L'application de la gràce suit
roupea. quelque peu subtil -, possède trois propriétés, qui no cet, ordre (Noces, 1, )). 178, 28 à 185, 21; trad,, 111, p. 130·137).
p. 7:1, il)nt pas los puissances, 1nais leurs sources, là où elles
&'Ont encore unifiées, d'où elles sortit•ont et Ott elles Il somblo que, selon une perspective dionysienno, la
p. '24.8,
; trad., .-entreront dans l'unité : ce sont trois ressernblanccs .tcr1ninologie c< essentielle II soit associée uux tern1es
Otitlhèit qui permettent aux puissances supérieures, dans leur ·d'unité et d'introversion (l'entrée dionysienne appliquée
'• 6·20; sortie, de poursuivre une plus grande 1•essen1blance au mouvement psychologique), et qu'elle indique cet.te
à l'image : wesen, sien, rieyglten. Miroir, u1, p. 198, 18 unité en tant qu'originairo ou achevée, nulis toujours
à 199, 1; trad., r, p, 124. · en l.ant que possession acquise, repos, en deçà et au
nglobe
, delit de l'opération ; donc en opposition polaire avec
nê une En un passage du 11:Iiroir Ruusbroae nuanétl bien sa termi• ,activité transitoire,- •différenciation, sortie : ivesen,
ature• nologlo, 111, p. 1G7, 16 à 168, 13; trad,, 1, p. 88-110 : ecnit:lteit, inlceer s'opposent à werc, onder.9eheet, ute-
La partio ilupérièure de notre ân1e ( dat overste onaer ti1:l,n1)
p,.
68, eat toujoura prêt.o, purçe qu'elle est toute dépouillée Ill !iùns Ploe.yen. Il est indéniable que Ruusbroec s'est inspiré
l'4près lm!lieS; elle conten1plo (11i~ndè) sans cesse et s'incline (nei- de la terminologie « essentielle » de cette perspective
Verbe 1"4nde) vers son principe: Elt c'est pourquoi eue est un 1niroir philosophique. Limitons-nous à établir les éléments
lt une 6kmel et vivant do Diou, recevant toujours sans interruption indispensables qui permettent de nous éclairer sur le
temps. I• .nwance ( ghcboort) éternelle du Fils, l'lmagtl do la sain té sens spirituel de cette terminologie.
et en Trilllté, en qui Dieu so connait, tout ce qu'il est scion l'essenco
ûre et ,t 1811 Personnes; car l'iruago eat dnna l'cssonco et, on chaque 4° Vie spirituelle et myatique. - On retrouve
Pmonne, tout ce que cctttl Perqonne eijt de par sa nature... l' « essentiel » dans la vie d'oraison, qui est l'ascension
Dans notre être-créé (gh-ascapenheit) cette image est superes• do l'âme à travers ses trois « unités », par l'introver-
"bon de aence de notre e1JSence et vio éternelle. De là vient que la sion, grâce à une ressemblance croissante, de l' « union
l'lncole; aul!itanco d~ notre âme (de subaia11tie 011ser siclc,i) a trois essentielle » Initiale avec son image jusqu'à l' (< union
!t
proprlét6s, qui ne font qu'un dans 111 nature. essentielle » achevée ou assimilation.
rie""'·
éte,.._ ta ,pre111ièr0 propriété de l'ilmo est uno nudité essentielle
,mplllire sana imagos ( on chebeeld~ wcsclckc bloocthllit), Par là nous 1) Caractère général. - Les puissances ,intérieures
nblnnce aommos ressemblants (ghelijn) et aussi unis (ghùenecht) s'lntrovertissent et s'unifient dans « l'unité du cœur »,
; triid., au Père et à sa nature divine. La seconde prop,i6lé pout ôtro les puissances spirituelles (mémoire, intelligence, volonté)
QP,polée la raison supérieure de l'ôrne (de oVcrstc redcn-a), ,dans « l'unité de l'esprit ,,, l'unité du cœur et l'unité de
o'etl-à-dir,e une clnrt6 de n1iroir ( ei:11c spicghclckc claarhcil).
le aens Là nous rocevon11 lo Fils de Dlcu, Ill vérîté éternelle. Oans cette l'esprit dans leur fond ( gront) commun, ontologique-
11 Dieu, clarté nollll lui sommes semblables ( g/zelijo); m11is dans l'acte ment identique à « l'essence de l'âme ». Par l'union
~ cause de recevoir (in den ()ntfanc) nous son11nos 11n avec lui. Ln troi- ave,j son image l'essence (active) de l'âme est capable

, image sième propriété, nous l'appelons l'étincelle de l11hne (tic ,,onkc d'être élevée à l'union superessentielle avec cotte
(re être w 1iclcn), c'est-à-dire tendance naturcllo de l'lunè vel'lj sa image, dans la grâce. Lo prograanme spirituel se déve-
$011J'Ce, Là nous rocevona le Saint-Esprit, l'amour do Dieu. loppera donc : d'après la vie acti"e, ifierkende le"en, -
lt à la Dans ln tendance nous lui sornmes semblables ( ghlllijc), mois
miroir il s'agit avant tout de l'activité dans la vie d'oraison
1
dana l'acte do recovolr (in de11 011tfa11~) nous devenons un ot do la pratique des vertus pour autant que celle-ci
1tence : esprit et un amour avoc Dieu. Ces trois propriétés sont une est indispensable, Ruusbroec n'écrivant pas de traité
~ notre seule substance lndivis6e dtl l',îrne, un fond vivant, domaine
11.ppeléè dee puissances supérleu1•0s. Cette ressemblance ( ghclijcheit) sur la perfection, mais sur la vie de pl'ière; d'aprèi; la
signift• aveo,l'union (rnct der ccninghen) est an nom, tous par nature. vie <( désireuse », begheerliieke le11e11, appelée aussi, en
, mode tant qu'elle reçoit la grâce de l'union affective dans
Essen- Seule, la première propriété nous rend « semblables son« fond simplifié», innigh leven, ou vie inti111e; enfin,
ttve du el unis ~, elle est nommée <c essentielle »; los deux autl'es d'après la vie superesse11tieUe contemplative do Dieu,
uperes• rendent l'homme u semblable », 1na.is seulement « un » o"erH1eselijcke godseou;Ponde le11e11, celle-ci préparée par
,uperes- , dans l'acte de recovoi1• » ( dans la noblesse de la nature la contemplation par entendement éclairé, het scouwe,1
:,, salue humaine ost préOgurée la possibilité de recevoir la met Perlichte rede11e, qui comporte ün aspect intellectuel
VériU, 8t'àoe). Ces propriétés sont en nous par nature, ,•a11 et un aspect affectif.
11atutren, et, en soi, ne nous rendent « ni sQints ni C'est dans (( l'unité du cœur » que coanmence l'ascen-
1355 ESSENTIEL
sion et qu'elle s'achève uux plus hautes gr,1ços mys- d'autre part nous attire vers l'intérieur ( ir1trect), m
tiques, lorsque l'hornme sera devenu un horrune com- au-dessus de ce double mouvement est (< essentielle
mun, ee,i ghqmeyn 1nensch<1, tellement assimilé au et « imrnerge » l'âme dans la jouissance fruitlve (11
Christ que, sans perdre en son Ame l'union supcrcssen- p. 222; trad., 111, p. 188).
tielle, il est capable de s'adonner à tou les les activités, 'fout autant que la c, saisie essentielle » dép~
la grâce les opé1•ant en lui et par lui. l'entendement, « l'amour de notre esprit » ( die minn,
Rien en tout ceci ne différencie le mystique, dans la on;2 geests) dépasse << nos désirs sensibles ». ll uusbroeo
réalité surnaturelle, du commun des chrétiens; R\1U$· donne une définition de ce qu'il ontend par c< amo~
broec répète fréquemment que u tous les bons chrétiens » essentiel 1, en tant qu'expérience intérieure, contre-
possèdent cette vie; le mystique ne s'en distingue que partie spirituelle et 1nystiquo de son sens plus ou moiu
par la grâce d'une conscience expérimentale. Cf Noce,9, philosophique dans le mouve1nent, de l'univers diooy,
1, p. 10'•• 16-17, 27-35; trad., 11 1, p. 87. sien (,u livre du Tabernacle spirituel, 11, p. 65-66, 22-80;
L'ascension de l'â1ne est l'œuvre de la grâce; aussi trad., 1v, p. 95; comparer Noces, 1, p. 200, 27 à 201, 26i
certains, qui
. .
<c par inclination de leur nature » se sentent
appelés à une << vie essentielle naturelle », to1nben t-ils
trad., 111, p. 158-160; Tabernacle, Il, 77, 81-35; trad.
1v, p. 110, où l'amour simple est appelé « sans-po'lit-
facilernen t clans le panthéisme et le quiétisrne (Vérité, quoi, sonder ,vaeronune, qui nous rend heul'eux essen•
ru, p. 278, 29 à 280, '• et 281, 1 -13; trad., n, p. 203- tiellernen t »).
20"-). Ruusbroec synthétise sa doctrine sur cet état MY' 1

Le 1nouvement vers l'unité <188Cntiellè et celui vers la tique.
ressc,nblance àCtive se rencontrent à tous les degrés, Lorsqu'un homme qui vit ainsi s'élève VûJ'S Dieu de tou~
même les plus élevés, complémentaires, siml1ltanés et lui-m6n1e et de toutes ses forces et s'y applique (a) avec Qll
réciproquement nécessaires (à l'imago do la vie trini- a,nour 11if agissa11t (111et leC>erukr <f1crkclijckar niirinc), il ,enl
taire, exe1nplaire divin); cf Livre M8 sept clôtures, (ghe11oclt Ili) (b) quo cet amour, dails son fond (i11 hann
111, p. 91, 3-17; trad., 1, 163-16~. gronde), lit oi, il conu11cncc et finît, est jortisstUII et 80118 fond.
S'il veut ensuilc al'cc so11 a1no1,r agissant. pénétrer plus avànl
Si on veut transposer la.1.èrminologie « ossonUollc •en terrnes do.ns cet a111our jou.iss(int, ulora toutes los plliRsanCéS (crac/tien/,
qui nous soient plus tamiliers, l'actri1llil>n créée par l'11cù: i,tcréJ de son û.1no doivent céder (wiken), stlbir (liden) ot so110rit
de M. do la 'l'aille (dans Recherclics ,le science religic1U1c, t. 18, ( r;lu:!loe(lhen) cette pénétrante vérlt6 et bonté qui est Dlev
1928, p. 253-268) y est particulièrement adaptée. La grtl.ce est lui-rnê1nc... Lorsque los puissances supéricl ures s'introvertl$.
en nilin10 temps • moyen et chemin • on tant qu'eJle nous dîs- sent uvcc un a1nour acUC (inkccrèll 11wt werkclijc/(cr mi,in,nj
poso à plt1s IJ'l'ande « ressemblance •, et « essentielle • on tant Ruusbroec se soucio n1oins du parall6li1nuo dionysion que dc_!a
quo« lumi~ro simple habitée par Dieu» au delà de ln gl'ûco dans dosoription de l'union umourouse), elles sont unie$ à D1en
l'ôtre nu do notre i\rno. Voir Noces, 1, p. 216, 2-22; trad., 111, sans interrnédiairo en r111c co1111aiesancs simple de touto vérll
p. 179; Degrés, 111, p. 259-261 ; tl·ad., r, p. 252-254. et !lll se11ti111ent et goût ~sse11t.iels ( ecn'1ulilich w11t11n: wuclij,
glu:cioèf.cn e11IÙI sn1akc11) dé tout bien. Ce simple connalssa'noo-
2) Introversion dans l'unité de l'c.9prit et vùJ i1itin1{;. - et-sentirnont de Dieu ost possédé (en néeI'iandals les deut
,c Essentiel » continue à désigner une réalité plliloso- élén1enls font fonction do sujet unique) da11s l'amour csseilii4
phique, 1nais acquiert en 1nême temps un sens nette- (weselijck11 n1.innc), et est exercé et gardé pa1• l'an,.our actf/1
ment mystique, c'est-à-dire psychologique, - prise do r~t pour coin c'est accide11tel <iwt pttissa11ces (dc11 cracltten l?f"
conscience, expérience de la présence do Dieu passi vo- "allich == se surujou tan I aux puissances) par introve~!on
mcnt reçoo. 1nourunte dans l '111nour, l\fais «l't\'ise1we c'est essentiel et pèrm'li
C'est dans l'unité de l'esprit que l'ârne rencontre Dieu 111111t (Vérité, 111, p. 285, ~3 à 286, 22; trad., u, p. 211-~U),

i,~ den i111:selijch6n begripe (Surius : in ipso essentiae


3) Cor1ttmplation « rzvcc entendenzent éclairé » (sco
captu; traduction f1•ançaise : au fo11d niêrn1: de notre
Jtre), littéralement: dans lsi saisie essentielle; expression wen ,net vcrlic:htc redene) da1111 l'u,iion affective. - I;ôra•
obscure, qui semble suggérer une connaissance prop1•e à que Dieu élève <( l'homme inLirne 1, à la vie conte!Dpla-

l'amour (Noces, 1, p. 206 et 146; trad., 11r, p. 166-167 Uve, (< l'entendernent éclair·é » et « l'amour agissant•
et 87). Ruusbroec est un spéculatif de l'amour : cette (wcrhelijckn ,ninne) ro1•1nent un intermédiaire enLrt
saisie essentielle, cachée· à l'intelligence si ce n'est Dieu et l'âme;' celle-éi cependant, au-dessus de ca
co1nme intuition à laquelle elle participe en tant double moyen (boven rniddel) se voit, en mêrne temps,
qu'uniftée et introvertie en l'unité de l'esprit, cette élevée à « une conternplatîon nue, dans un amour
clarté essentielle ( wcselijche claerh6it), qui rayonne de essentiel ». •
l'unité de Dieu (uter ecnicheit Gods) dans l'être essen- •< Là il est un esprit ot un an1our ;tvèc Dieu ... Dans cet a11111111
tiel de l'homme ( in sinen n1eselijckan sine), n'e$t-clle cssc11tiet; il dépasse infinilnont son intelligence par cette unio~
pas une description de I'anior illuniintitus, dans lequel csseritiello qu'il a avec Dieu. E:t c'est là une vie normale d,e,
l'â1ne perçoit que la présence sentie est celle de Dieu? conto1nplat1rs • (Vérité, 111, p. 287, 8-18; tr(l.d. , u, p.-~t8)t
~a description de " l'oi•aison lnthne », innù:hste oefe- H,t1usbrocc n'appliquo le term1:1 de • contemph1lif • qu'~Qt
111ystiqucs dont l'oraison passive a acquis le c11ruclùre d'unlo.11
ninghe, confirn1e cette exégèse d'une terminologie per1nancnte. Cf aussi L'a1111eau oit la pierre briU1111te; 111
ob:icure : la « lumière essentielle ,; y investit « la ten- p. 39, 5-1.6; t.rad., 111, p. 269, o ù Ruusbroec 1H•éciso que
dance rrui tive », elle est appel qui nous <( enveloppe qu'il déc1·ît. !lst une • exp6rieilèO • : • Là 01l 11ow1 sc11tOll8} '
d'amour » (Noces, 1, p . 222, 84 à 22'i, 14; trad., 111, rinitd, 110116 s01n111es un être oL une vie oL une béatit\ldè av
p. 187-189). . Dieu (,:en weseri crule eei1 l,wcn cride. et11e zalichcdc) •·
Dans cette étape de l'ascension mystique, l'associa-
tion de la te1•minologie essentielle avec la desc:iription de Ruusbroec, entraîné par l'excès d'une jubilatio
l'union affective l'ernporte sur son application à la in téJ•ieure, ne trace pas toujours clairement les !tQD
contemplation intellectuelle : dans cette dernière, elle tières entre cette << contemplation avec en'londomen
est associée à la lu1nière, obscure pour l'e11,tendoment, éclairé )) 1 (< dons l'amour essentiel », et la conternplatlo
qui est <( irradiation de Pieu », ot qui d'une part(< nous « superessentielle ))' où l'âme contemple (c dans la lumiê
incite, nous meut à do nouvolles œuvres vertueuses », divine selon le mode de Dieu » ( overwesclijc schouwe11 '
356 1357 CHEZ RUUSBROEC 1358
IJlail- todlijckan licliw na die wise Gods). Nous avons pour- Il faudrait comparer trois descriptions: 1° Le Royaume,
lle • tant rospecté cette délimitation, pour montrer que la œuvre d'un seul jet, qui suit de près son intuition
3 (J, terminologie essentielle s'applique aux différents degrés fondamentale; 2° Les noces, œuvre plus mOre, plus
de l'unio'n mystique, nu9ncée, plus prudente dans l'expression; 3° La Pierre
,asse 011 aura constaté que la corrélation entre los terrnes brillante, résumé de sa doctrine mystique.
inne 1 essentiel - entrée en Dieu » et « opéront - sortie de Dnns le Royaume le rôle do la lumière semble subordonné à
roec Dieu » ne garde plus l'équilibre (relatif lui aussi) l'a111our, 111e11cr à " l'i,111mcrsion , : • Sous cette inforniation (de
llOUl' qu~ollrait encore la présentation philosophique de la huuièrè simple) l'6111c 6'apcrçoit bien de la 11e11ue de ccl"i qu'elle
1tre- l'univers, sous-jacente à la formulation de l'expé- ainw; car f.lle. reçoit dans l'unité de fruiti()n plus qu'elle ne peut
1oj.ns rlence mystique; en outre, à l'înt6rieur de cette der- souhuilor » (1, p. 74, 22-24; trad. 11 1 p. 167).
l>n-y - nière, la terminologie << essentielle » appliquée à l'union Lus Noces distinguent plus claircn1cnl los deux éléments.
:-80; affective (en tant qu'expérience vitale d'union perma- • Quand le contHmplatif intinie a de cotte maniôro atteint soit
, 26 i nente) l'emportait do loin sur son application à la i n1~1ro étorndle et, en cette pureté, a ôt6 1nis par le Fils en
rad., contemplation intellectuelle, qui d'ailleurs, là où. cotte possession du sein du Père, il est éclairé de la lumière divlnè;
terminologie est employée, n'apparaît que con11ne lln il reço lt à toute li cure do nouvouu l'éternelle gén6ration et il
OUl'p sort., selon le niode de la lu1nière, en une contemplation divine.
1/SOD• élément de la prernière. C'ei;t, ici l'origine du qufitriùme et dernier élément, rencontre
an1ourc1~c IJIÛ constitue principale111ent notre béatitude la plus
nys- ~) Vie superesscritiellc, conteniplati11e de Dieu (lwt haute (1, p, 247; trad,, 111, p. 217). C'est à l'11mour que sont
01Jerwes~lijckc, god~coui11ende leven). - De cette union con~ut:réaR les dernières pages sur l'union 6\tperessentlelle,
au-~essui; de la raison, dans l'esprit introverti en la • la 111crveille incon1préhensiblc qui giL en tél amour• (ibi<lcrr1),
tout superessence, Ruusbroec donne de nornbreuses descrip-
ç un tions. Il appelle transforrnation par Dieu l'expérience Le résumé le moins obscur se trouve dans la Pierre
,en~ mystique de l'hon1me qui, do la « conte1nplation avec brillante. Nous avons déjà vu comn1ent l'hornrne intime
1aren étai l élevé, « avec la foi »; à la con lemplation superessen•
fond. entendernent éclairé » et du « sentirnent que notre vie
tv ant créée s'écoule toujours essentiellement dans sa vio tiellc. Les éléments de cette contemplation sont (111,
~tcn) éternelle 1,, esl élevé ,, au-dessus de la raison »; il la p. 215, 1 à 28, 8; trad., 111, p. 254-256) :
Ut/'f!Î'I' décrit dans son aspect de conterr1plation et dans sort a) • un e;i:er.cfrc <lmourcux sans n1ode »; è'est le rôle du • rayon
Dieu aspect d'union, rnais les deux sont accol'dés 011ermids si111plo de clorté divine• de nous y porter: • il nous entraine
ertls- m.inne, par l'amour. Cf Pierre brillante, 111 1 p. 23, 3· en <lohors <le nous-mêmes jusqu'à la suporossence et l'englou-
1nen, i4; 24, 22-35; 30, 12-20; lrad., 111, p. 251-254: tissctncnt do l'arnour. La conséquence en esl toujours un
de la exercice aniourcu:x qui no connnlt ])Oint de mode •· - • L'Ea-
Dieu ~I nous voulons goiltcr lJieu, ou faire l'expérience ( ghevoe-
prit divin... nous consume en son être propre, c'est-à-dire en ,.
l,n) on nous de la vie éternelle, nous devons, dépassant la
rérité-c l'amour superessenliol, avèc lequel nous ne faisons qu'un •·
8cltjc
raison (boven rede11~), entrer en Dieu ctve.c rwtre foi (n1et onsen
ghclovc; ootto précision do Ruusbroec aide à l'exégèse de son b) • Cet te possession (dans 111 contemplation supcrossontielle)
llnee- iiyle imagé et de par sa nature susceptible d'interprétations est, ,a1 gollt 6'În1,ple et sans 1nosuro », • nous y s9mmcs englouti~,
deux au-<lossua et, en dehors do la raison, en la profonde tranquillité
~ntiel divergentes); et puis dorncurer Il\, shnple1;1, dépouillés, libres
d'imnges (ccrwuldich, ledich, Oll(!htbeelt) tit /levés fJ(ir l'cin1our de la divinité •·
actif. c) « Act.ifs en nous,niêmcs, nous i;on1m011 ~n Dieu tout en
1 tOB•
jusqu'à la nudité ouvcrLe dl) notre haute rnémoire. Car lorsque repos. C'ei,t pour l'éternité, car sons exercice d'amour Il n'y a
rsîon 11ou~ dépassons toutes thOsè& da11s l'an1m,r et 1no1,r<•t1s ù toute
consid4ratio11 dans un non-savoir èl dans l'obscurité, nous y janiais poSsession <le Dieu •· • Ainsi 1>Ü•o11s-no11$ tout c11 Dieu,
1rnia• où nous nous exerçons à l'amour envol'& Dieu ... N(l11,S 11'aP<>11s
212). s11biasons l'action (wcrclen ghawracht) ol nous y sommes
Informés (()Vtr/Qrm,) par le Vol'bo utorntJI, qui <!St l'irnoge du pour1-ant qu'une seule 11ie ».
PéN, Et dans l'être dénudé do notre ésprit (ledeglle11 silw) d) le r<ile de la clarté : • Cette clarté, nous la suivons sans
ICOU• cesse jusqu'à l'oblnie d'où elle vient. Et là nous ne sontoJJs
,ors- nous recevons la clarté incon1préhcnsiblc, qui nous ènveloppe nutte chose que dofaillunce de notre esprit el lm1nersion sans
et noua pénètre con1me l'air est pénétré do la ela1·té du soleil,
1pla- Et cetlè clarté n'est nutre chose quo 1·cgarder ol conlornpler retour dans l'aniour siniplc ol irnmense •·
,nt » 6QDS rond : co que l\OUS son1mes, nous le regardons, ot cc que
e) a11101~r J,11bitucl, qui en ta nt q11'i11nne.rsio11 essentielle ne
,ntl'.e nous regardons, nous lA son,mea; cor notre esprit et noll'C vlo co11f,'re pas de mérite; mais elle peul ètre &ource ou réco1n•
et notre être csl élavé d'une n1anière sinlple et 1Jni à la v61•H6 peni,c : • ello nous m3int.ient dans la possëssiun de Dieu et de
e ce tous les biens que nous y nvons reçus •·
rnps, qui est Dieu. AuS$i, tnl ce regard sirnple, no\ls son1n1es une vie f) la. con11aissa11ce dans /'u11io11 S<tpcrcssc,iticlle est perc~pt/Qn
nour. et u11 esprit avec Dieu. Lorsquo pnr l 11unour no11s 11.dhérons à <lti Tlicn•Aùné et co11scie11ce d<J son altériM. • [L'ilnmersiôn]
Dieu, nous exerçons la 111cillouro part; 1nuis lorsquti nous n'est a\1tre chose qu'une perpéluelle sortie de nous-mllmcs
passon.q ô la co11tcmplation supcressentie/lo; nQus pos.~t!dons Die11- avec· une clail'e prévision (voersie11e.; la traduction suit Jor-
mour lout entier,
daens : pre<•isio; Surius : prospectus1; l'idée : un regard projeté
,nion en nvant) pour entrei· en un autre, vers lequel nous tendons,
e des Çe texte semble, à première vue, attribuer la priorité
à l'intelligence, du moins si nous y trouvons la distinc- f.q1_1t hqrs de nous, co1nn10 vors 111 bé11til.11de, Nous nous sen•
218).
.
1'aux
,
1n1on
tion scolastique, ou l'opposition d'intelligence et do
volonté, de conternplation et d'amour. Pour Ruus-
to11s, en effet, co111i1111ellcn1cnt entrai11és ,,ers quelque chu~o
d'autre qu.e 11ous-,nanics •·
, 111, broec, les puissances, mémoire, intelligence, volonté, Alîn de dissiper toute équivoque, Ruusbi•oec précise
~e ce, ont dans leu,· sirnplification, cédé la place à une activité qu'en traitant de la contemplation superessentielle,
1 CBU4',
a:veo, unifiée, exercée sous l'actuation de la grdce; dans leur il n'a pas on tondu y in lroduire de « vision de l'essence»
unité elles sont parfois appelées hauto lllétnoire (verha• béatifique (1n, p, 33, 116-20; trad., 111, p. 263). Dans les
Pen gliedacltte), parCois rond (gl'ont) ou unité de l'es- dilTé.,entes l'édactiôns de la (< contemplation superessen-
ltion prit (eenicheit des ghecsts), ou bien en tant qu'enracinées tiellll » il semble que l'auteur soit resté fidèle à son
rron- dans leur origine commune, ivesen. Nous voyons opposés intuition initiale : « l'âme s'aperçoit bien de la venue de .
111ent àla fin de ce texte l'amour en tant qu'actif et lu« posses- celui qu'elle airne ». Aussi est-co dans la description
ltion sion -» ll'ultive de Dieu, non l'intellîgonco et la volonté. de l'arnour que la terminologie essentielle abonde. Le
nière Pour éclairer la pensée de n.uusb,•oec, voyons ce terme • superessontiel » est e1nployé en association
~n in q:u'il .entend par « conte1nplatio11 supcrcsscnticllc ». avec ghestild = satisfait, sat11eit = rassasiement,
'
1359 ESSENTIEL
te nieuto in ,ninnen = anéanti on amour, goddelijc Des ouvragea célèbres, comme le De paupcriate p
ghcvocùtn ""' se11tin1ent divin, salecheü = béaLit.ude, ~uul❖rien et lu '.('heologùi 1eutsch, malgré leur dillusioQ
1
011t11loten-sijn == ôtro écoulé, 11erloren = , perdu, sonder 1111lu0nco et leur rl)lo do cible facile lor11 de&controver.s,
ondersohee.t = sans difîérence. Lo terme perd toute 178 siùclo, no so dislinguont que pur l<iur slylu riloine tocl1olq
des énoncés plus passionnés at dos expressions exce.1al
spécification possible ou plutôt désigne po1•ception une ccrlnlnc soif, on somn10, d'nné1.1ntisson1cnt • osscnUel
d'union au-dessus de toute spécification, cornpréhen- qui ne compense pas llo rnnnque de formation tl1éologl
sion, description ou mode. Le nom d' « unité sans (cr J. Paquier, L'orthodoxie dc:la Théologie gorma,1iqu~, P
différence ,, de l'union superessentielle, <c dans la jouis- 1922; Le lii,rs d6 la l•ic parfaite, Paris, 1928; J. Orolblll,
sa11ce de l'essence », ost appliqué it une expérience renc<)n.lrc du Carnu:l théré11icr1 avec les m.ystiqucs d11 N
vitale, non à un Ol'dre physique ou métaphysique des Paris, 1959).
ôtres (Rm.1aume, 11 p. 78, 25-34; tract., u, p. 160). l=tuus-
broec précise souvent qu'il entend décrire une expé· 1° Dans l'Eutope entière la spiritualité « su
rience do l'âme, e.en ghe11oelen, uno unité d'union amou- tiolle., so réclame do I-Iendrik Herp t 11,77 (Harphi
reuse (Noae8, 1, p. 244, 4; trad., 111, p .' 213; M,:roir, Son chof-d'œuvre, abrégé do son Eden, id est paraill
Ill, p. 216, 21 à 217, 3; trad., 11 p. 1411; Degrés, Ill, contempla.ti11orun~, est le Spieghel der Vofoomd11
p. 270, 26-27; trad., 1, p. 26 1,). (éd. L. Verschueren, 2 vol., Anvers, 1931).
Ruusbroec a puisé sa ter1ninologie dans le système Là pluJ\11rt da :;os truiLôs turent traduit~ on latin par
dio11ysien. Lui a-t-il conservé son sens « dionyslen " churll·oux Dire Loor t 1557 _ol Piorro Dloomcvecn t5 t
dans la description de la vie mystique? Il garde la for- sous le titre do Theologia n1ys1.ica (cf DS, l. 1, col. 1738), Ce
n1ulation de la sortie et de l'entrée, du double mouve- traduction, après certaines condamnations locn.les, rut milé
rnent siinultané, sortant de l'unité essentielle et la l'index du concile de Trente; une édition corrigée rut prêp
rojoignant. Jamais, dans son œuvre, le terme << essen- à Rome (1583-1586), On peut regretter qu'aucune •ê
tiel 11 n'est associé à la foi ou à l'espérancti, mals très approfondie n'ait encore été consacrée à 11a doctrine
souvent à l'amour; Ruusbroec, qui affirme que lo. plus tuelle (voir L. VefSchueren, Lf!c,èn en wcrke11 van H
Hèrp, dans Col/catanea n~erla11dica fra11cincana, t. 2, )0
haute union avec Dieu se fait dans l'ordr<l de la foi, p. 8'15-398). P0ut-étril l'entreprise esl-illlil aussi tenJu
,net onsen ghelo11e, no connatt pas l'exJ'rès:-;ion ll'eiJelijo qua décevante. On ,iroit so trouver dâvant ull cnrlain no
ghclovc ou weselijcke hope. Le terme èst réservé au voca- d'a01rrnntions qui S'(;lxcluont r11ulucllornont. L'autour s'lll
bulaire unitif-affectif. contredit? Pas consciomn1ont sans doute. Mals structure on
. Si, après en avoir fait le relevé « technique >1, on se logiquù et expéricnco vécue ne se distinguent plus. li y 1
,demande quel est le sens du message religieux, au fond Herp qui, en termes théologiques ou philosophiques, dil
de cet usage multiple et abondant de la terminologie cho~es fort hardies, et un Herp qui hm atténue dana une e
«essentielle"• il semble bien que l'auteur ail. avant tout càtion ultérieure.
voulu souligner la priorité absolue de Dieu ,!.a.ns l'amour
et les conséquences immédiates qui découlent du fait C'est sous réserve qu'on essaie de résumer la doo
que l'initiative est divine. Cet a1nour est éternel, de Herp sur la vie essentielle· et suressentielle. · .
constant, inébranlable, quoi que l'homrne tasse, et il ques remarques s'imposent.
continuera à l'étreindre « essentiellement "; dès que a.) Jusqu'à preuve du contraire, nous croyons quo H
l'homme se retourne vers Dieu il est élevé, au delà de malgré une structure psychologique 6ou11-jncente idontlq
toute capacité finie, transformô par le Verbe ùuns l'assi- pris le ll'c8cn ruusbroeckien pour I' c8s~nct da la philo,o
milation au Christ, con:,ors di11inae naturae, et portant thomiste. JI arrive donc Il une • vision do l'ossonco , : le
en son A.me le ciel qu'est la vie trinitaire. Cotte doctrine tique o. bien reçu Io. vision ea.,en liulle de 1-loïso et de sal!'f
spirituelle, sous son apparence « spéculative » se résume (p. 41.6, 18 sv; (,20, 61 sv: 871, 26), et doil logiquement
dans la prise do conscience, expôrimontale, accordée à une• union des el;U!0nce11 •, qu'il n'affirme pourtant pose
sément; reprenant l'ancienno imngo dos deux miroirs ap
par ta grâce, au tond même et au delà de toutes autres le rnystiquo rovîllu do la Iuniiéro de gloire et Dieu qui s'r
expériences et consciences particulières, que « Dieu il dit qu'ils sont unis • beaucoup plus parf11itomont: que
est amour • et qu'il s'est révélé amour qui nous fait miroirs extérieurs. Car les miN)irs extériouri; roston·t
naître à notre« vraie vie J> (le11ende le11en). Voir A. Ampe, dans leur essence• (p. 195, 89 svv; p. 237, 66 sv), ot bi8)1
Kernproblemen u.it de lecr 11arl Russbrocc, 3 vol., Tielt, l'auteur ne continue pas s11 phr(l.l;è en tcrn1cs • essentiels
1951-1957). conchrsion logique s'in1poso.
b) Dans lo toxto original, on l'a déjà remarqué p<>ur 1\
broec, la di~t.inction entre • ossontiel • et « sureSJJentiel • 11
a. TEI\MlNOLOCle « ESSENT[ELLE )) Al'l\ÈS Ruusnnoec pas Rtrinternent observée. Lo traducteur latin a rodl1$&6
rnanque de conséq11011co toruiinologlque (p. 4.07, 16-1? 1t
Les disciples immédiats de Rnusbroer., .fan van 20-21).
Leeuwcn t 1378 (Een /Jloemlazing uit zijn ,verlcen, éd. c) L'attention des correcteurs romains :;'est porléo
St. Axtors, Anvers, 19il3) dans les Pays-Ih1s 1néridio- ln vision , les textes mentionnant la cor1cesslon du lu
naux, 1-Iendrlk Mande t 1431 au nord, suivent de près gloriac sur terre ont été expurgé11; les ternies d'nnéanllssem
sa doctrine et son el(pres!;ion. Nous devons leur ajouter adoucis; pour les• grâces, expérirnentalos on a prér6ré •d·
le poèle inconnu ùes Mengeldichten 17-29 (les Menge.l- certains avcrtissen1ents de Herp conlro Ios hon1n1cs de 8d
dichtcrl 1-16 sont de Ho.dewych, les aut.l'es d'un auteur incapables d'entendre cela ont l!Lé enlovés. - • Essenüél
contemporain de Ruusbroec; l'applicalioo fie la termi• « suressentiel ,., sont pllrlOul ro1nplncés par • eminena t
nologie « essentielle ,> à la vio mystique Je dilîérencie de •< supererninons •; visiblo1nent cotte correct.ion 11 6Lô fai\e
Hadewych; éd. J. van Mierlo, coll. Lcuvcnse Studiën souci d'unification terminologique, afin d'écllrtor co t
devenu 1.unbigu, el non sur examen doctrinnl : do sorte
en 'fekatuitgaven 15, Louvain, 2° éd., 1952), qui consti- 111 flnalilô de l'intelligence ne chercl1e plus ù voir'
Luent le plus re,no.rquablo témoignage lyrique sui• la • ossenlialiter • (p. 41~. 84), et mêmll dans 111 vie trlni
, vie essentielle ,,. Bornons-nous aux auteurs qui, tl'ai- l'essence divine embraa.~e les Pêt!ioi1llès dans l'unité de
tant do la vie essentielle et suressentielle, r;e distinguent nature fruitil,o ample:c1t in en1inenti amorc, mais non, d
par un apport nouveau dans la doctrine spirituelle. an1our essentiel.
1360 1361. CHEZ HEl"lP 1362
,seudo• bes dons du Saint-Esprit disposent l'âme à' recevoir les esprits bienheureux, dans une béatit-ode simple,
n, leur l'union essentielle ot su1•esseutielle. La disposition fonda- essentielle (p. 407-409), accompagnée de lumière
,se11 du mentale de l'ho1nrne est lo renoncernent à la volonté
1niq'µe, intoll.ectuelle dans le miroir de l'âme « aussi soudaine
prQpro pour la fondre dans la volonté divine : c'est lo et brève qu'un éclair >) (p. 411, 60 sv).
issives,
,ritiél • point que Benoît de Can field développera dans sa doc- Le Fils opè1·e par un tractus dans l'intelligence en
loglquè trlne. do la volonté essentielle, 1nais, si chez 11el'p on tan L que miroir : Dieu ne s'y montre pas lui-même, mais
, Parts, trouve déjù les mêmes expressions d'anéanUssement, la seulement en im~es surnaturelles et intuitions sur
,al, La terminologie u essentielle 11 n'y est ja1nais appliquée à la la foi, la vérité cucli.6e, !'Unité et la Trinité. CApendant,
N1>rtl, volonté : c'est à << l'amour essentiel 1, quo cette volonté au-dessus de l'intelligence, l'â1ne reçoit parfois « un
anéantie s'unit (p. 258-255). En consoquence de cet reg.trd simple, ouvert sur l'opération des puissances
abandon de la volonté à lu volonté divine, "essentiel ,1 an1atives 11 que le regard de l'intelligence veut mais
·essen. d~igno, comn,e chez Suso et 'l'auler, la stabilité au- ne peut suivre, - ici Herp Introduit un véritable
,hius). dessus des vo.riations psychologiques ot des vicissitudes intl'llcctu1;1 a.n1oris (p. 414 1 (13-55).
di$um de la vie spirituelle, car l'homme y adhère à Dieu, non I ,e Père opère dans la « rnémoire » dénudée et élevée
ènheic à ses dons; l-Ie1•p nomn10 a.usai cet amour essentiel par une lumière intellectuelle incompréhensible pour
• amour intellectuel >> : sen li1nent de p1·ésence et oxpé- touto intelligence; cette expérience est comparée
pal' les rience d'union sans satisfaction pour les facultés à c:1,lle de Moïse, qui l'avait obtenue après l'avoir
r 1sa6 humaines (sens que le ter1ne aura habituelle1nent den1andée en vain (p. 416, 13-14). Cette Iurnière est
. Cette chez Maria Petyt). un " moyen glorifié », Dieu ne se montrant pas tel
mise à Le deg1·é mystique non11n6 « vie essentielle » suppose qu'il est dans sa gloire ineffable (p. ~17-419; clarificatum
~~parée non seulement la i:;ôparalion entre l'esprit et l'âme ,netlium pour een verclacrt middel; vcrclaèrt au 15" siècle
•étude (principe vital des puissances inférieures), mais élève veu 1. dir-e « glorifl6 »). Cette même lumière a été
• •
1 spin• 1 parfois » l'esprit à se séparer de lui-n1ê1ne, et s'accom-
rendrih annoncée par l'auteur comme un lumen glorlae (p. 896,
pagne, - élérnent inco1inu chez H.uusbroec - , des 41-r.i). Cet état est comparé à l'extase de saint Paul
~!)31, pliénomènes psychologiques du ravissement et de
nt&,nte (p. 1,18, 49-56).
tombre l'extase (p. 319-821, opghetoghen, opclinuninghr.n). •
La v\e essentielle apporte à l'intelligence un enseigne: · 2° La Devotio inoderna 6vite l'emploi de la
s'est-il terruinologie (( essentielle 1>. Denys le chartreux a ôté
1 onto• ment sur la natul'e divine et la Trinité, connaissance
y a un surnaturelle « en images spirituelles, 1nais non de le premier, en gardant la doctrine, à écarter ces ter1nes
iit des manière e13sentielle ,. {p. 331-333); pour la volonté, devonus ambigus et à les remplace1· par « emlnens »
1 expli• l'élé,vation à l'équilibre supérieur AO tre l'amour opérant, et « superominens >> dans leur application à la vie spiri-
passionné, et l'a1nour fruitif, repos en Dieu : c'est tuelle. Il continue à s'ên se1•vir pour la structure on to-
l'/llll()r 81tptrfervldus (p. 337-839). loglt1ue. Dans son De co11te1nplatione il réussit un long
ctrine lilntre vie essentielle et vie suressentielle, 1-Ierp résumé dol.a doctrine de Ruusbl'Oec sans faire appel une
Quel- Introduit les tact1«1, tuck ofe;, treck {p. 841), transforma- soulo !ois à cette terrpinologie (2, 9, Opera, t. 41 1 'l'ournai,
191 2, p. 247-251; cr DS, t . a, col. 439-440).
~

tions brèves et passagères avec caractère de ravisse-


mont, « par le moyen de la lumière de grâce ou de la Dans la pre111ière moitié du 169 siècle, l'Evangeli8ch.e
Hel'p, Peerle et Van,len Tenipel onser Sielen apportent,. sinon
ique, a lumière do gloire " (p. 848). Si d'une part, l'homme ne
,aophle p6nètro pas jusqu'à l'origine de cette toucl1c, ni n 'expé- un développe1nent (ils se situent plus près de_RuU$broec
°' mys- rimente « ce qu'esL l'amour on soi ))' mais qu'elle est que de 1-Ierp), du moins un enrichissement à la doctrine
tl Paul 1 le dernier întorn1édiaire entre Dieu et l'esprit, ontr·e de la vie essentielle. Un élément qui, après les états dQ
lll'l'lver opérer et se reposer ou être opéré n (ghewrocl1t l<l werden, la vie active, semblait manquer choz J,Jerp, redevient
IXPNlB• p. 845, 5q-55), d'auti'e part la touche « excitat et elevat central : les doux. ouvrages exposent . uqo doctrine
►pos~, lote~ectum ad cognoscendum Deum in sua essentiall spirituelle et n,ystique pleinement christocentrique.
rènéte, La " vie essentielle ,, consiste à être assin,ilé au. Christ;
ue des claritato et trahit supremam amaUva1n vim ad per-
~pares· fl'.llendum Deo essontialiter sine medio 1, (p. 3,,,l, 50-52). il el)L vrai que les auteurs affectionnent un vocabulaire
en que D'autres noms pour l'amour « essentiel » ~n ce degré <1 extrême 1,, d6J)assant l'« essentiel >1 dans une 1nystique
ls· »,: Ill sont : amour actif et fruitif, amour 6Ievé, amour nu, de nôgations : « Ici l'âme devient sans être, sans activité
pur amour (p. 349-851 ). La lumièl'e qu'y reçoit l'intcl- ot sans désir, ici olle devient sans volonté, ici elle devient
Ruul).- ligen'ce est nommée : ténèbres, une tranquillité séré- sans amour, ici elle devient sans conn~issance. Ende
• n'est nissime, un rien (p. 361.-365). hier .,vort die siele ,veseloos, ,verckeloos ende beghere-
,saé oe La vie suressentîelJe consiste tout d'abord en une loos, hier ,vort si willeloos, hier wort si mln'neloos,
i ~()5,
1
s~l'le de dispositions produites par la grâce pou!' en hier ,vort si kenneloos >> (Peerle, liv. 2, ch. 55). D'autre
rendre l'ho1nn1e capable : paix véri!Jlble enti•e Dieu et part, le wesen ruusbroeckien y est repris, non dans le sens
60 sur l'âme, repos dans le Bien-Aimé, sommeil bienheureux, d'essence philosophique, mais dans le sens existentiel
lumen de " vio » (Te,npel, ch. 13). Dans lo 'l'c,npel renaît en
1ement contemplation de la t6nèbre, hun1ilité et imitaLion de
dons •l J'ésus souffrant, anéantissement de la volonté, et on ploino vigueur la docttine do la naissance de Dieu
1oience même temps désirs passionnés et insistance violente dans l'âm~o (cf 1.1. Rahner, Die Gottesgeburt. Die Lehrc
ièl II et de la « puissance umative 1> (,nit da,:rdriftighe begheerten, der K irchen1,tüer 1•on der Geburt Christi ùn H cr:u:n
~$ • e~ mil ecnre gheif1elt, p. 408-405); suit l'élévation propre- der (;/ii11,bige11, dans Zcitschrift f Ur katholische 'l'lwologie,
îte par ment dite : l'union suressentielle est attribuée aux trois t. 59, 1935, p. 833-1t'l8), c'est même une caract6tistique
torn1e P.ersonnes divines, opérant dans los t1•ols puissances de la vie suressentielle (Te,npel, oh. 42). La vie suressen-
to quo supérieures de l'âme. tiello inclot donc participation à la vie trinitaire par
' Dieu l'inc.1tnalion (ch. 51 et 54).
nitaire L'Esprit Saint, dernière Personne dans l'ordre des
le leur processions divines, so volt attribuer, la première, une 8° Les capucins, et en particulier Ben.oit de Can.-
1 d'un opération qui concel'ne l'homme : il opère, dans la flelcl, renouvellent le sens, ou plutôt l'emploi, de lu
minnende cracht, l'influx, avec le Père et le Fils, et tous terrninologio, au co1nmoncement du 17° siècle. Mals
1363 ESSENTIEL
dès avant cette dah1, ces ter1nes semblent s'<':tre vidés de co111e11iplatio11 essentielle, 1u1ù>r1 et fruition, de Die11, amour~
leur contenu spécillque. Lorsque les supét'ieu rs dos capu- tif, tramforrnation. en Die1,. Canficld en donne une doscrlp
cins s'inquiètent d'une certaine mystique à tendance plus conceptuelle :
• Ceste volont6 Essentielle est p11Ien1ent 11sp1·it et v,le1 lo
quiétiste, deux décret$ (1594 et 1603) pour les provinces lcment 11bstraile, espurée (d'cllo-meame) et dénuée 'de
des Pays-Bas ordonnent que ,1 les novices soient formes et images deR choses créées, corporéllcs ou spirj\ ·
instruits uniqueinent dans la voie de l'humilité, de temporollés ou ét.ernellaH; et n'est nppréhondée pur le' ~Ill'
la pauvreté et de la mortification, pa1• la rnôditation de ~nr le juge1nent de l'honunc, ny par )il raison humaine;
la vie et des souffrances du Christ et de la Vierge.. , est hors de tout.e cupucil6, et pnr dessus tout entendelllonl
à moins que Diou ne les attire suressentielle1nent » ho1r11ncs, pource qu'elle n'est nuire chose que Dieu ni
(Optat de Veghel, De ·spiritualitcit van de (;apUèijne11 ollc n'est chose n_y sépnrée, ny éncores joinnte, ny unlo
Dieu, mais Dieu n1cs1ne, et son Essence • (3• p., cl.. 1., ij
in de Nederlandcn, Bruxelles, 1948, p. <J7). Dans ce Douai, 1.632, p. 269), puisque la volonté en Diou o'osl
document officie], la voie suressentielle désigne siinple- distincte de !'Essence.
rnent la disposition à l'oraison contemplaUve, alîective,
par opposition aux efforts de la méditation active et Cette union ù la volonté de Dieu, passivement
méthodique. Nous sommes uinsi a ve1·tis de ne pua vouloi1• au delà de toute capacité humaine, pour que D
chercher à tout prix un sens spécial et très élevé à ce désormais agisse en nous, est habituelle; ot Can
terrne, dans les ouvrages du 16'-' et du début du 17° siècle. la distingue par là de l'union 11irnple :
La prorusion dos oraisons << sul'essentielles » et « su1•6- • D'icy donc, et do ceste simplEJ el constante C()nvê
1ninontcs » a pt-ovoquo à bon droit la réaction de saint Diou [par l'an1our infus], vient ce11te J1abiludc d'union ou
François de Sales (Introduction à la vie dévottl, ae p., nuclle nssistan(',e de !'Essence divine. La difTérence do oo ·
ch. 2; cr J. 01•eihal, La rencontre du Carn1cl thérésien ut do l'autre de dénudation d'<lRprit, est principalcmen
avec les niystiques du Nord, Paris, 1959, p. 15-16 et lanl que l'nutre n'est que l'union shnple, mai& on oost
notes). Q\telqucs grands auteurs mystique:, po\lrtant osl l'habitude e l conllnunt.ion d'icollo n (3• p., cl,. 1; p.
a2?).
font exception à la règle générale. L'homme y 1nène ce que RuusbrQec appelle la ,
Résumer ou intel'préter la « volonLé essentielle » commune •• active et contcn1plative ~ la fois : • Et 1
dans la R eiglc de Perfection. (Paris, 1"610) de Bcnott vraye vio active et contc1nplative, non pas sépurel!â
dé Çanfield, est dH!lcîlc, après les controverses du 17° siè- quelq1Jos-11ns pensent, niais joincles en un me3mo•
cle et les jugements 1node1•nes si divergents. 'l'euons- pource que la vie active de telle porso1111e est nu6si conl
nous-en aux conclusions d'Optat de Ve!{hel {llenoU tive • (ibiclern, p. sa·1).
de Ca11field (1562-1610 ), Sa 11ie, sa doctrine et son La connaissance de l'àn1e en cet état, dépass;\nt
infl,f-'lncc, Rome, 1949). Dans la Reigle la vie dans « la
capacité humaine, est à comparer à la cl vision 1
vol on t6 do Dieu essen'lielle », le plus l\au t degré de la vie .Herp, à la fin de la 11 vie essentielle )), qui continue,
mystique, appelé ici vie surémincnte, se place a.près la
l'inte!ligence, dans la ,c vie SUl'essentielle » pour au
vie dans « la volonté do Dieu intél'ioure •· <)n connaît
que l'âme n'y reçoit pas ce« regard sinlple sur l'amo
l'idée fondamentale de Canfield : le bonheur et la qui reste d'ailleur$ incompréhensible à l'in.tcÙi
perfection consistent dans l'union parfaite lie la volonté
Les cc ténèbres, tranquillité sérénissime, le rien» ile
humaine à la volonté divine (aspect de <' l' union essen-
ncnt chez Can field« vacuité ou nihilaité », mais au
tielle ii cléjà vu chez Ruusbroec). L'ho1nroe, en épousant
de cette luo1ière se trouve déjà, identique
parfaitement cette volonté, l'enonce à sa volonté propre,
mais la retrouve de 1nanière suréminente, puisque Dieu l'a1nou1•:
l'unit à la sienne. C'est une grâce niystique : Dieu Elle de1neure en l'oraison, cor11111e suspçndue en une i
purifie l'ho1nme par l' « anéantîsscmen t >> de tout ce vàculté ou nihi\11.ilé, sans pouvoir bien voir, ny çomp
choso aucune, ny olle mesme quand elle y ost. parlalote
qui vient de l'iniUa.tivo humaine et opère désor1na.is laquelle infinie vacuité, 9u nihilaité, rf;lijsemblc à la 4
en lui tous ces àctes, auxquels l'hornme a rononcé par du ciel aans aucun n11oge, et est une déi!orn10 lumière,
a mour : ce sera la vie transforrn6c en la volonté esson- ceste lu1niô1·e est aussi l'aniour (non co1nme une aulrt
tiollo de Dieu. qui doucement entlâmmc, bruslo et allume l'âme (p.
A part " une certaine confusion et obscurité en la
structure », on constate aussi, précisén11int au seuil La visio11 y est toujours co1111aissa11ce de la foi (cq.
do la troisième partie, traitant de cotte volonté essen- Cette union, si elle est habituelle, n'est pas néce
tielle, " une confusion regrettable entre l'ordre onto- ment pern,anente : dans cette même vie sUiémlo
logique et l'ordre psychologique >) (Optai: do Veghel, à côté d'une vie mystique purement pas.~ivo, Gan
loco cit., p. 267, 273). Si on tient compte des idées introduit, pour les temps où celte action totale
1nattres$es de Canfield : union avec la volonté de Dieu grâce se retire, " quelques industries de l'âme » (
extérieure, avec la volonté de Dieu inté1·iuure, avec la ch. 8). L'anéantissement passif est docilitô à l'
volonté de Dieu essentielle, il est 6vident que ces diffé- de Dieu; lorsque l'âinc ne se sent pas dirigée p
rentes volontés n'existent comme telles qun par rapport Bien-Aimé, elle a le devoir d'agir selon ses luro
à l'expérience vécue. Cette ,1 vie suréminente en la volont6 esse
Dans la 11 volonté de Dieu intérieure )), l'ho1nmo de Dieu )) désigne l'expérience vécue de l'âme,
reçoit, par une grâce déjà. mystique, atTer.tive, le disce1•- Dieu dans une perception de présenqe vivan
nement de Ja volonté de Dieu : il apprend /1 la connaître dans un arnour tel qu'elle est incapable de p
aux états expé1•imcntaux de son âme. ()n pourrait quelque initiative que ce soit ou de détourner son
définil• r.e degré co1n1no une syndél'èse, une science do la tion de la présence perçue, de sorte que dans soJI
distinction dos esprits, obtenue sous la conduite d'une ligence, dénudée de toute image, et dans sa vo
union affective, développée par des « al.Louchements totalement soumise par arnour et rejoignant p~
divins >> (cf les tactus de l-lerp). volonté et sa liberté véritàbles, qui est identiqu
La • volonté eaoéuliclle • est ausi;i non1n1ée rn11riaee spirituel, la volonté de Dieu sur elle, Dien devient le p '
vraie et par/aile co11tcnipl«tÎQn, pure et nue 1:0111e11ipla1ioi1, de toute iniliatîvo.
1364 ESSENTIEL - ESTELLA 1366
ur fnd· i 0 Les tl'aits les plus importants de la doctrine spiri- ronci<ire et les différences do nuance entre la « vie essentielle •
:ripUon tuelle de Jean de Saint-Samson t 1686 dérivent et l' • npex n1entis •, l' « amour nu •, las « états • borulliens, ln
dlrëcternent do Ruusbroec; su mystique s'en distinguo • fine pointe de l'ûmo •• etc, entre la • vie auressenliolle • et les
o, tota- r,ar l'intérêt porté aux aspects psychologiquci; de di1Té1·ontos descriptions do l'union transformante, du n1aril1ge
toutes lexpérieilce, par une soif, d'absolu et la passion de spirif,uol, ou rie la vie « <léîformo •; co t.r11vail débordorait 108
ltuelles, limites do cet article.
sens ny 11• an6antisscmcnt ». Jean ne parlo plus de « vie essen-
1e; aina tièll~ li; celle-ci, comme la " vie Slll't1S$entiellc ", sont A bon droit, le bienheureux Ruusbroec donne à son
1ent (les englobées dans la vie ,, suréminente », Le tern1e "sures•
~~me: 1entiel », toutefois, reste réservé aux descl'iptions de chef-d'œuvre, qui est aussi le chet-d'œuvre de cotte
1ie aveo l'union, transfo1•mante, avec les ca.ractéristiques qu'on mystique « essentielle )) et « suressentielle », le titre de
, éd. de << nor.es spirituelles )). Si cette mystiqué s'allie presque
lui ~ttribue depuis sainte 'rhél'èSe : Dieu (( transfor- loujours à une mystique trinitaire, et fortement
est pas mant' l'âme par sa très spirituelle agitaUon, actu6e
en suressentielle unité »; l'A1ne est u transformée pat chrislocentrique chez ses plus grands représentants,
elle n'en devient pas plus " spéculative » : pour ces
, reçue, l'acte continuel de Dieu mê,ne en sa mêmoté suressen- auteurs, comme pour tout chrétien, la 1•évélation du
~ Dieu , U,Ue, (Miroir de cortscience, 1 8 p., ch, 7, p. 162).
rnyslère de la Trinit6 est l'unique fondement, la der-
anfteld 'ŒUl.lrt1s spirituP./fos et mystiques, 2 vol,, Rennes, 1658-1659; ni6re explication de l'amour, la source véritable <Jui,
cl 8.•!I. Boucheroal)x, I-a ré/or111e des1, C11rmcs en France et seule, confère à l'union affective sa réa,lité,
,r11ion à J,an 11e Saint-Samson, Poris, 1950. Jcàn de Snint,Sa1nson, lvI. $andaeus, composant son Pro theologia rnystica
,u contl• qui f~t le grand ,nystique de la 1•éformo do 'l'ouraine, n'a
pourtant guère exo1·cé ù'iliOuenoe sur la s1>iritu11lité olllcielle Cla1>is (Cologne, 16',0) (Ûors que la 1•éaction conti•e ces
;e (\egr~ ter1nes devenus a1nbigus était déjà victorio\1se, 1nontre
nent en decolt,o réfqrmo (I<, J. l[oaly, Methods of Prayer i11 the JJircc•
1stuy.oy lory of the Car11u:litc Rcfornz of Touraine, Rome, 1956). par sos classifications, pour chargées qu'elles soient de
p. 826· terminologie scolastique, qu'il ne les entend guère
Appartenant au courant spirituel issu de la réforme dans un sens spéculatif : il y voit des expressions dos
i •

Vl8
de Touraine, mais héritière de la grande écolo mystique degr(:s de l'union affective. Tandis qu'il considère
voilà la Oamande, la tertiaire carmélite Maria Petyt t 1677 l'él601ent cognitif de la vision •< essentielle )) com1ne
comme donne èncore la description de son expérience d'après l'-équivalont de la contomplatlon de " sÎlnple 1·egard ')',
temps, la terminologie « essentielle )). « Essentiel », appliqué à c'est au ,not Amor qu'il expose le vocabulaire •< essen-
1templa• l'homme, désigne dans ses écrits toute expérience ou tiel i> et « suressentiel >), parce qu'ils désignent des
6tat tle,vie intériou1•e, qui se passe au dolà de la capacité 1nodes de l'amour mystique, Cette union affective
1t toute des puissances (Ilet Leven vanda Weerdighe Jliloeder n'est pas dénuée de conr)aissancc, mais dépasse l'intel-
» cl1ez Mlll'ia a Sta Teresia, (alias) Petyt .. , t. 2, Gand, 1688, lîgence, et les lumièl'OS reçues en cos états sont encore ;,

1e, pour p, ~), ou ia !qualité de la vertu devenue seconde nature, une intuition donnée par l'an1our : obsc\1rité par
aùtant ou les expériences 1nystiques perçues par les puissances, dépassomenL, et non par inactivité, pour l'intellect,
mais les dépassant, venant do l)ieu dans lo fond ( gront) véritable cognitic:,. amoris, conscience de l'union avec
mow •• de l'esprit. Maria Petyt a donc des associations, incon- le Dien-Aimé.
Ugonce,
devien- nués aux flamands du 14e siècle, telles que « foi ossen-
Albert DEBLAERE,
~u fond «elle ~ synony,ne de « foi nue » à côté de « contempla-
l8IDQJ1t1
tion; P,abc, union, amoul' essentiels » dans le sens tradi-
tionnel. :Attribué à la perception de Dieu, wesentlijck ESTELLA (D1EG0 Cn1sT6DAL}, franciscain
DE SAN
signifie simple1nent « d'après son Essence )>, et non de l'ob$ervance, 1524-1578. - 1. Vic. - 2. Œuvrcs et
,n1mense d'âprès ses attributs ou manifestations ( t. 1, p. 218). doctrine spirituelkJ. - 8. Sources et influence.
1prcl),di'e
lcmont: Maria Petyt, qui décrit son expérience avec un don
sérénité d'observation rare, ne s'abandonne jamais aux débau- 1. T'ie. - Diego de San Crislhha.l y Cruzat est né à
,. Or 'e n ches terminologiques (< suressentielles » et « surémi- f'1stelh1 (en Navarre), en 1524, apparenté sans doute à
e cl1oso) nentes » de la génération précédente. Elle évite le mot saint François-Xavier, Jeune encore, il poursuit ses
p. 828), «Ju~essentiel ». Pour décrire les degrés les plus élevés études à SaJa,nanque, peut-êt.re aussi it 'l'oulouse.
de l'union mystique, elle emprunte les e?KJ)ressions C'est en cette ville qu'il entre chez , Jos franciscains,
ch. t.2). ofidrPorminglie (transformation) et godvor,nigh lcven à dix-sept ans. Il sera désormais connu sous le nom de

essa1re- !vie déitorm'O). Diego de Estella. Il passe, avec Ruy G6mez de Silva,
1inente, quelque te1nps au Portugal, trés probablement de 1554
lanfteld ,Bi une pre1nière classification, se référât-elle it la ù 1560) où il commence à écrire et à publier. li est ensuite
e de la présentation plutôt qu'au rond, permet de départager et pour un te1np1:1 notable à Tolède et à Madrid, où il
1(8 8 p., lee é,crits mystiques entre sp6culatifs et affectifs, les est (( J>rédicateur de la cour » de Philippe u. En raison
l'action ouvrages de la mystique (< essentielle " et (( suressen- de son zèle et de son intransigeance apostolique, rnên1e
par son lielle », µu 1noins coux des grands auteurs, se rangent à l'égard des dignitaires ecclésiastiques, en raison a\lssi
1mières. parmi les affectifs. Seule une d6viation, qui finit d'ail- de son attitude imprudente (il contribue à l'ave1•tisse-
:entielle leurs ~ans le panthéisme (1'1 8 siècle) ou le quiétisme 1nent quo Pie v donne à Fresneda, franciscain, évêque
unie à 111? siècle), octroie à cette terminologie un sens ,, spé- do Cuenca et confesseur du roi), il est compromis et
nte, et eul,atit » pur, Par,ni les mystiques affectifs, on peut impliqué dans dos procès, 1565-1569. Malgr6 tout, il
prendre dlatl~guer les auteurs qui décrivent surtout les effets 1·eprend rapidement son infatigable activité de prédi-
~ atten- de l'union affective dans l'âme, ses difî6rents états, ses cateur et d'écrivain. Son Cornmentaire de saint Luc
n intel• réactions, ses mouve1nents, ot les auteui;s, - par1ni l'engag<:: dans un procès, long et ennuyeux, avec
rolonté, eux.se r,1ngent pl'écisêmon.t les u essentiels » - , qui !'Inquisition, et l'ouv1•age ne sera déflnitive1nent mis
1r là sa cbQrohent rr1oins à décril'e les effets que l'union, sa en vente qu'~près sa rnort. Le caractère énergique et
uement n~ture et ses 6l61nents fond amen taux. , co1nbaLt.if de Diego lui p111·mi t de surn1onter c-0s an1er-
)rincipe Il nous faudrait normnlon1cnt conclure pnr toute 11110 série tu1nes, de maîntenh• son travail d'écrivain et son 1ninis-
dt rapprochornents et do paritllèlas, n1ontrant l'oquîvulonce tère apostolique, qui le fit considét•er co1nrne l'un des
1367 ES'l'ELLA

rneilleurs orateurs sacrés do son temps. Le 29 scpte1n- M odu,q concionandi-; elle comprend six sermo~
bro 1573, il prl\cha., à la demande de salnte '1 'hèrèse, carê1ne prêchés à Salamanque. On y retrouve l'ense
pour la fondation du second carmel de Salnn1anque. des idées ascétiques et morales des œuvres antérl.e
Il mourut en 1578. La doctrine spirituello d'Estella est surtout conte11
dans le Libro et les Meditaciones; les Gomment.airu
2. Œuc,ras et doctrù11i spirituellfJ. - 1° Tratado da la saint Luc en répètent, en elTet, substantiellement
c,ùl1x, loores y exeelencias del glorioso a.pôstol y bie,uic,en-
turado evangelista S1ln Juan , el mâs a,na<lo y q1u1rulo idées.
ce· qui semble fonda1nen taJ dans la splriL\I
disclpulo de Christo nue,çtro Salvador (Lisbonne, 155~ ;
d'Estella et la caractérise au 1nieux, c'est l'ail)
Valonce, 1 595) ; sorte de panégyrique qui n'eut qu'un absolu de Dieu seul. Ce qu'on pourrait appeler sad
succès lîmi té. trine spirituelle revient à ceci : enseigner à toua
2° Lïbro de la c,anidad del 1nundo (120 chapiLl'eS; rnépris du terresil'e, lequel est pure <1 vanité », p
Tolède, 1562), 1•efondu en '1574 (300 chapitres; Sala• élever plus aisément l'entendement il la contomp
manque). En trois parties d'allure ascétique, Jo Libro tion du céleste et mouvOll' la volonté à l'arnour do
a pour but do provoquer !e mépris du<< n1onde >• et d'ins- seul, l'unique Dien. Estella insiste d'une manière· p
pirer la rechel'cho de Dieu seul. Cette doctrine est un culière sur les inco,npatibilités de l'arnour de ~jeu
chaînon essentiel de la spiritualité d'Estella. L'ouvrage de tout ce qui n'est pas Dieu, deux amours .qui
eut un énorn1e succès, comme en té1noignent les nom- peuvent coexister en un cœur. Ces deux aspects, n
breuses éditioni; et traductions. Lif et positif, sont re1;pectivement exposés dans
'fraductions : italienne (Florence, 1573 él 1581), anglaise Libro et les Mcditaciones.
(Douai, 1581,), latine (D(l contemncndis 11uu1di 11a.nit<11.ib14-t, = Si lo fonds doctrinal des œuvres d'Estella relève
120 chapitrell, par P . Bourguignon, Cologne, 1585 ; C"11ten1p- do1naine commun de la spiritualité traditionnelle, 1
tu.9 11anitatu111 nu,ndi, 1617), fl'ançaise (La 11anité du n,(Jr,de, = mérite est dans la conviction profonde qui transp
120 chapitres, Lyon, 1580; L'a:u.,,re e11tier et par/<1it de fr, 11a11i11J partout, dans l'accent forme et alTectif à la fois, p
du, mor1d1?, trad. O. Çhàppuls, PariR, 1587), ullen1and0 (Cologne, tés avec de rares qualités littéraires. Estella ne a
1586), polonaise (1611), arabe (17:l!l-171,0), flam:;i,nd,o, Lellèque, matiso pas, il alllrme; il est tout en élans et ses Il
oto. J .-M. Vosté signale une traduction du texto Hrabo en prolongent son langage oratoire. Il ne prend pas le te
syri aq\le en 1724 (Catalogue des 111ss s,vro•chaltléens r.on$cr1,és
• dans la bibliotllAque épiscopale de 'Aqra ( Iraq) , OCP 5, 1939, do nuancer sa pensée, il parle de l'abondance du
p. 899.
et on se tromperait à vouloir toujours serrer le sens
ses 1nots, qu'on ne peut guèro séparer de leur con
30 [Tl sacrosanctum Jesu Christi Do,nini No11tri e1Ja11• ni du _climat litt6ra,ire et spirituel du 168 siècle. li
gelium secundiun Lucam enarrationes, 2 vol., Sala- cependant établir les distinétions nécessaires I•
manque; 1 574-1575. En .cette sorte d'arsenal dù textes, volonté propre est une source empoisonnée », mais•
Diego manifeste ses qualités exégétiques, théologiques volonté hurnaine est la plus noble faculté de l'Alllt
et patristiques; il cherche à faciliter la tA,che des prédi- Vanidad, liv. B, ch. 15).
cateurs. Les E narrationes coïncident souvent avec les Diego ·insiste sans se lasser sur la purification in
développements et ml\me la lettre du L ibro de la P<ini- rieure des facultés, la droiture d'intention, le co
dad. Estella y attaque vigoureusen1ent les hérésies, spirituel ; il propose la contemplation des att ·
surtout le protestantisme; il réprouve avec aurlaco les et des bienfaits do Dieu, de l'Humanité et du Cœ\lr
vices du te1nps, des ecclésiastiques et surtout des pré• Christ; il compare vie active et vie contemplaü'Vt
lats. C'est ce qui explique que M. Bataillon se soit Incite à prétérer cette dernière dans le repos en
pormis, avec quelque exagération d'ailleurs, do quali- ( ociosidad); il conduit, de degrô on degré, J
fier cotte œuvrc de « livre frère des premiers grands l'arnour de Dieu seul et aux actes de pur amour:
livres d'J;}rasme » (Ér1UJme et l'Espagne, p. so:J). Pour y parvenons ,1 quelquefois >•, cependant • noua
'I
des raisons dog,natiques et disciplinaires, l'inquisition persévérons pas » (Meditaciones, oh. 74). Il n'y a
en censura successivement l~s deux premières éditions trace sérieuse de quiétisme chet 'Estella. Mala Il
(H. Reusoh, Der Index de11 c,erbotenen Bilcher, t. 1, choisir : ou Dieu ou soi; quant à Diego, il nous entrai
Bonn, 1883, p. 571) . Mis enfin en vente, il se répandit « Caminas para la càsa de tu Padro » ( Vanida(l, liv,
en E$pagne et au dehors pendant los 16e et 17c siècles. oh. 37). L'amour déjà nous transforme en lui (M '
40 Meditaciones dec,otissitnas del amor de Dios (Sala- ciones, ch. 76).
n1anque, 1576); cette œuvre, fondamentale p_ôur bien
connaître la doctrine d'E$tella, complète le L1bro de lri a. Sottrces et inP,uence. - La doctrine spirit11
d'Estella n'est pa,<; foncière1nent 01•iginale. Ramen
i'a11iclad. Moins austères quo ce dernier, plus a!Tectives
ses lignes fondamentales, elle n'est guère qu'une ant
et toujours émine1no1ent prat.iques, ces cent élévations
logie de la pensée chrétienne. Cependant, si gén
sont uo appel de feu à l'amour de Dieu seul. Aveo lo
qu'elle soit et en parfait accord avec les orienta
Libro c'est l'ouvrttge le plus répandu d'Estella (traduc-
tion italienne, 1 584.; française par G. Chappuis, Paris, traditionnelles de la spiritualité, on en trouve les so
dans des écrits antérieurs célébres. Deux su·rtout
1 586; latine, 1602; alle1nande, 1607 ; anglaise, 1873).
exercé une influence îmmédia.te sur Estella : la-'(h
50 Modo de predicar; Modus concionandi (Salan1anque, naturelle ou Liber creaturaru,n de lla):rnond $e
1570-1576); le texte espagnol servit de baso _au texte t 1lt86 et l'imitation de Thomas a I(empis. Les
latin (voir l'édition de P. Sabrüés Azcona, l'vladr,d, 1951). aspects, négatif et positif, de la doctrine d'Estella
Sans doute faut-il aussi attribuer à Diego les Avisos ont été netternent marqués, comme l'ont so
para predicadores et los Avisos provechoso.v para los I. S. Révah et P. Oroult. Si on cherchait plus 1
que comiençan a predicar (ibide,n). d'autres attaches tangibles, on se rendrait compte
60 Explanatio in ,Ps. 186 super flu,nina llt.ifnJlonis la doctrine sur Dieu et sur l'amo\1r de Dieu ~p
(Salamanque, 1 576), ordinairement éditée avec le fréquemrnent saint Augustin et sa.int Bernard. P
1368 1869 ESTELLA - ESl'llJS 1370
10,s de le~ent, de manière beanco\lp ·plus profonde et sans dit xvio siècle, Pltrls, 1937, p. 797-~08; trll,d. esp1.1gnole par
iembltt dout'e moins consciente, 11 convien<lrt'li t de signaler la A. AlalOl'l'e, Eras1110 y Esp<11ia. Estudiôs sobre la historia
ieurest présence, dans l'ascèse d'Estella, du filon doctrinal espiril11<1l ciel siglo xvr, llfexico, 1950, p. a7~-382. - ?if. ?ile1uin-
ntenue de Sénèque, qui a inlluencé en pa1•t,ie la littérature d1iz Pelayo, H i8torfri de lets i:dcas estéticas en Es pana, t. 2,
•es 'BUr apwituôlle cspagnolo des 16° et 17 8 siècles, co1nrne Sunl:Rnder 19/i7; compte rendu do J.-B. Go1nis, dans Jlerdad
ntt les y Vitf(J, t. 7, 191,9, p. 99-120. - A. Andrés, Fray ·Disgo c/.e
l'a démontré IVI.-J. Gonzalez-Haba. Estella. Causas, incid1n1tts y flr1 <le un priJccs(), dans ArchiPo
On ronconlro aussi des connexions idéologiques et n1êmc lbero-.4111erioa11ô, 2° Hérie, t, 2, 1942, p. 145-158. - J.-B. Oon1is,
tuali.té Sociolo11ia sobrenatural del P • .Li'111ella (1624-16'18), dans Rc,•istci
amour lil~ràlcs onll'o les écrits d'E~tulla et le~ 1ltferlitatù>11és 1•iissirr1M
Ùtognitions hu111a11as conditio11i11 du pseudo-Bernl'lrd (l, L 181,, intsrnacional de solliologia, n. 10, 1945, p. 4?9·495; n. 11-12,
,a doc- •85,508), les .Ssrniones ad fratres in sre,no, du pi,011do-Aug11stin p. :l6I -l'l97. - P. SQgütls Azeona, Fr. Dis!J() de E'st.ella, n1aeslr()
.ous le (PL ~o; 1285-1358; = Geoffroy Babion, 12• sièclè, cf DS, de scii;rcula slocuencia, do.ns Verdad y Vida, 1944-19'i5, repris
, pour t. i, col. 1180·1131), le De co11toniptu nuaidi sive dit niiseria dans l'éd. du ll1odo clo predicar; Fray Die{JO de Estella (1524-
empla- GOtt1ti1io11is l1unuu1ae d'lnnoccnL ill (PL 217, 70'1-71,G), l'Ar/8 16'18). A.pu.nies para 1u1a biog,·afia critica, Madrid, 1950. -
e Dieu p<!la 8trPir a l)iôs, 1521, d'Alonso de Madl'ld, eL quclquos P. ,lobit, Un prédécesseur de sa,int François de Sales: li'ray
, parti- . lextès du biènheureux Joan d'Avila (cf Obr<1.s cqrnplct<1.s, éd. Diego de E t lèll<l (1624-16'18), dans Cahiers de l'éd11cat-011r, t. 5,
L. Sala B81ust, t. 2, Madrid, 1953, p. 18. Cr C.-M. Abad, El 1950, p. 201 -206, 270-277, 833-SS?, 523•529; t. 6, 1951, p. 82•
>Jeu et 88, 1'i 2-14G, 275-282, 335.;1,,2. - l'ide! de Lejarzn, Nucvos
qui ne Y,narablc P. Luis de .L a l'11e11tf. Sus libros y 8/l doctriria 11$fiη
ruual, Comlllas, 1954, p. 9; ~f. Balailion, loci) r.it., p. ?98). cst.tulios sobre Jtr. Diego de Estella, dans Archipo lbcto·Atneri•
, néga- Unè étude un peu poussée mettrait on relief la n)osaïque doH e<ino, 2• sél'io, L. 11, 1951, p. a59-377. - P. Oroult, l/11 disciple
an1> le tex~ émprunlés. V$]Jag11ul clc Thonias a l{s111pis: Diego de Estella, dana Lf.$
lettres romcines, t. 5, 1951, p. 287-304; L 6, 1952, p. 23-5G, 107-
~ve du Il conviendrait de signaler encore d'aut1•es sources, '128. - 11.-J. Gonzftlez-}lo.ba, .Séner.a .en la espiritualida,l
e, leur moim1 signillcatives cependant, qui révéleraient chez espai'l.<,lci cle los siglos XVI y XVII, dans Revista de filo,qofta,
1patalt Estella un.lettré habile à utiliser les matériaux d!autrui. t , 11, 1952, p. 287-302. - P. Sagüés Azcona, A prop6sit.o de
>ri11en- Al°'i:.en est-il do sa sérieuse connaissance de l'Éc1·i Lure. 1,.1ws cstu,dius sobre Fray Diego cls Estella, dans El Eco Fran-
Aveo son tempé1•a1nenL austère et porté aux extrêmes, ci,qoanfl, t. 70, 1953, p. 2?4•282. - 1, S. Révah, Une source cle
systé- la\spirituali/4 vt!11ù1Sctlairc a1i xv1° siècle: la • Théologie natu-
1 livres àvec-,ses dons remarquables d'écrivain et de prédica- retl,1,. de Rayn10,ul Sebond, Lisbonne, 1953. - P. Joblt, art
temps teur, en contact direct avec un monde dur et immoral, E .,tella, dans C(ltli.olioisn1.è, t. 4, 195~, col. 508-509. - Donato
1 cœu1' il \!Ompose en u11e ro1·rne neuve et brillante qui captive do l.fonlérns, Dio,q, ;,l lton1/Jrc y cl mun.do en Alonso clc llfadrid
:e ns de et donne l'apparence d'une vraie originalité. Los princi- y Die~o de E8tella, dans Colkcta11ca fra11ciscana, t. 2?, 195?,
ntexte pales œuvres d'Estella jouirent d'une popula.l'iLé e:xtraor- p. 2aa-231, 345-384; t. 28, 1958, p. 155-210; tirage à part
Il sait
(« la
diril\Ïro. Il est cependant difncne de 1nontrer en quoi
a'exer,ça leur influence. Parn1i les auteurs qui se récla-
(thèse), Rorno, 1958.
' DONAT DE lVloNLEnAs.
..
lis • la ment de sa doctrine et le tiennent An haute estime,
Ame•• retenons saint François de Sales et Fénelon. ESTIENNE (AM&ROJSE ), do1ninîcain, 1610-1695. -
P. Roussolot, Les tnystiques espag,wls, Paris, 186?; trad. Lorrain, Ambroise Estienne, né en 1610, fit profession
Il inté• Loa mfsticos espanoles, t. 1, Barcelone, 190?, p. 142 svv. - au çonvent dominicain de Langres le 8 février 1631.
:o mbat Àrchivo lbero-An1ericano, t. 22, 192'•• p. 286. - M. Menéndez Il en rut sous-prieur (1678) ainsi que du couvent de
tributs Pel$)'.O, }listoria de las idea.s estéticas en l!.'spa.i!a, t. 2, Santan- Poligny. Quelques écrits, manuscrits ou publiés,
ettt du der, 1947, p. 143. - P. Jobit, Un prédécesseur de saint Ji'ra11- témoignent de son zèle pour la rég\1larité religieuse,
live et 90i1 "de Sales: Fray Diego de Estella, citd i11fra. - P. Oroult,
lm cil., infra, p. 12?•128. expriJné égale1nent dans lo bret éloge que lui décerne
1 bleu le livre de sacristie de son couvent c< vir bonus, observon-
usqu'à La gloire la plus pure d'Estella est peut-êtro à. rochor- tiao zclato1•, ot doctissimus ,,. Il mourut à Langres le
: nous ther dans son influence diffuse à t1•avers l'Europe 31 Illal'S 1695.
IJ8 n'y catholique des 16c et 17 8 siècles; sa doctrine constitue Il a publié Advis au.-i; pères et ,nères pour élePe1· leurs
a· pas alors un chaînon important de courants traditionnels en/ans en la crailite et en l' a1no1tr de Dictt, Langres,
il raut de la spiritualité : " vanité ,, du monde et " Dieu seul ». 167',; llrie/ traitt(! dts o/Jligatio11s des règi.(!tJ et cortstitu,-
~aine: C'est .enfin par Estella que les mystiques .des Pays- tions des Ordres religieux de Pierre Dierkens, Langres,
llv. \1, Bas ont trouv,~ un de leurs che1nins pour passer en 1678 (DS, t. 8, col. 879), ouvrage plus parénétique et
'l-edita• France. spjl'ituel que canonique.
Meditacio,ios dePottsi1na.~ del a1111>r de r>io.~, dernière rééd. En 1688 Estienne soumit il ln censure de l'ordre un gros
parJ.-B. Go1nis, î1voc i11Lrod., p. 41-54, qui est un panégyrique, ouvrage de bibliographie dominienine : Athenae Praedicatoriao,
rituelle dans Misticos Franciscano.~ espai!Qles, BAC, t. 3, Madrid, 1949, sil's IJibliotheca Patru.m sacri ordi11is Prasdicatoru111. J. Qutitif,
.enêe à p. $5•Jl67. Le Prologo à l'ôdiLion de Madrid, 1920, par Riol1arct censeur, tout en louant l'application do l'nulour, déclara l'ou•
1nthro- Le6n est remarquable. - P. Sagüés Azcona, • Modo de pr<,di- vrage nette1nent insuffisant nu point de vue c1•itique. Rcslô-
~nérale car • y « Jl,[od11.:1 cunciC1ncu1.di •· Estudio d.octrinal y ecliciân i:l'ltica, rent égnlernont inèdits d'au tres opuscules mentionnés par
tatiorui 1 yot., Madrî.d, f951. J. Échard, et dont on so,nble avoir perdu la traco, notamment:
IOUl'êes E~t,idio llist6rico èrltico sobre la vida y obras cls Ji'r. Dior;o de Act11is ,l une jeu11.e religieuse qui oherche <l s'i11struirc tlç c11 gi/ellc
ut ont· Ettèlkl, suivi de la Bibliografla, dans ArcliiPo lbsro-A1neri- rlCJit /ai:re po1~r vi~re contente en religion t!t y acquéri)' la perfec-
ta110, t. 22 (n\lmr\ro du centenaire), 1921,, 1>. 5-278, 38~-388; tion.
iowgi{J t: 24, 1925, p. 883-886; Fidèle de Ros, Goniplcnicnto biblio-
leb.o nd Qu61.it-Ecl111rd, t. 2, p. 7'15. - AnLoino Oo.nteL, 11'témnirtR
trô~oo, sérlo 2, t. 13, 1953, p. 110-1'12. - A. Palau y Dulcet, po11r le co1w11nt de Lc1ngrcs, 1760 (Ron10, archives génûralcs do
s deux M/11\ulll del librero hispano-an1erica110 , t. 5, Barcolono, 1951, l'ordre. Ileg, Hhll; copie au Saulchoir, archives de la province
ella en p. 177-182. de France, fonds Chapotin, t, 1~, p. 1'1? svv),
ndignè J..zo.lba, Fra.y Diego de Estella, Pa111pelune, 1924. - J. Pérez
avant de Urbel, Fr<iy Diego clc Estella, dans RePista eclesidsti.ca, And1·6 Duv Ar..
,te que ~ 28, 1924, p. 217-223. - Fra11 Diego de Estella y sit
IV Cente11ariQ, Estella, 1924. - E. Allison Peers, Studios of the
lppelle ESTIUS (Gu1LLAU MS), 1542-1613. - Né à Gorcum
Spanish Mysticl!, t. 2, Londres, 1930, p. 220-249. - ?vL Batail•
'âta:llè- Ion, Érasr,ia et l'Espagne. Red1erclles St1.r l'histiJirc spirituelle (aujou1•rl'hni Goringhe1n, Hollande méridionale) en
1371 ESTIUS - ÉTAT
1542, Guillaume Hessels van Est fit ses humanités B. Arias Mon tano, NoC1tun 1'eRtanientr11n f/raaéa, p
à Utrecht chez Ios hiéronymites, sa philosophie et sa 158a.-- C. de Visch, Bil,,lil)theca acriptorit1n sacri ordlnil
théologie à Louvain, oit il rut élève de Baïus et devint cie11sia, 2• éd., Cologne, 1656, p. 240-241. - N. An
docteur en théologie (1580). Professeur (.le philosophie 1Jiblio1hcca hi8pa11a no11a, t. 2, l\{adrid, 1788, p. 38. - La
du 12 lévrier 1557 e~t rop1·oduito nota1n1nent dnns le$~
dès 1568, puis de théologie, et meml>1·e rlu conseil de nienta it:na.tia,1a, 4° aérie Scri.pta de sancto lgnatio 4o Lo
l'université de Louvain (1579.), il est envoyé à Douai t. 2, l\ladrld, 1918, p. '12-71; d'o.ut.rcs lctt.res sont signal
en 1582 par Philippe 11. li y enseigne la Lhéologie, A . .Astrnin, HistQria de la Co1npa1iia de Jcsûs en ta Al
dirige le séminaire et, à deux reprises (1592 et 1602), de Esp<ïfla, t. 2, l\1aùrid, 1905, p. 101-103. - DGHB,
est recteur do l'université. Il mourut à Douai le 20 sep• 1930, col. 136-137 Arias el la compagnie de Jés11s. -P.
te,nbre 1613. Plus que ses commentaires, f;Ouvent réédi- 1'riaa, En et 1v Centenario d{; la M uèrle de San l gnaciod,
tés, ln quatuor libros Sententiarum (Douai, 1615) et (1666-1956), Carla laudatori:a del P. Rr. Luis de Estràdà,
cistcraicnse de Santa ftfciria <le /{11.~rta (155'1), dans q·
ln omnes bea.ti Pau,li et alioruni apostôlorurn epistolas t. 8, 19561 Il. ',6,
(2 vol., Douai, 161'1-1 616; Je second, C)OmpléLé par
Camillo HôN'l'OIR,
Barthélemy Peoters), qui lui ont valu une grande répu-
ta Lion de Lhéologien et d'exégète, nous retiendrons
d'Estius, en raison de ses judicieux conseils, les Ora-
2. ESTRADA GIJON (,JEAN DE), pi'élno
tiones theologicae (Douai, 161 ~), on particulier la pro•
mière ( Unde contomptus ordinis eoclcsiastici), et les
t 1679. - Joan de Estrada, prémontré du mon
de Santa Maria de llortis (Espagne), obtint lo
Annotationcs in p.raccipua ac difficiliora Sacrae Scrip-
de <loctour en théologie et devint abbé-préslden
turao loca (Douai, 1621). Ajoutons uno biographie
latine des martyrs de Gorcum (Douai, 1603; trad. collège Saint-Norbert à Salarnanque, de 166ft à t
Il mourut en 1679. Estrada, célèbre prédicateur, lu
française, 1606), dont l'un, saint Nicolas Pieck, était
rervon t zélateur de l'immaculée Conception; ses
le frère de sa 1nêre; cet ouvrage sera uLilisé au procès
de béatification sous Clérnent X (1675) et S(:n·a r•epro- ments historiques ne semblent pourtant pas ex
d'exagérations. Des professeurs de Louvain s'a
duit dans los Acta sanctoruni (juillet, t. 2, Anvers, 1721, rent à lui en vue de faire pression sur l'entoura
p. 754-838). .
roi d'Espagne pour que celui-ci ne publiât pas
Doux trèros d'Estius c1nb1'ass1:rcnt ln cru•riôt'I., ccolésinstique : décisions rornaines au sujet des disputes janst\
Arnould, récollet, professeur de théologie nu couvent de Lou• Ouvrngea édilés : Arte de prcdicar la palabra. de Dios, M
vain et ministre de la province des Pays-.8ns; A.drien, pré- 1067; Sernionoa para /a,., /crias 1nayores de Q11arèsmà, M
montr6 à .M:arionweerd, sous-prieur et maHre ùus novices 1670; Serinonos varias, y pa11esyriaos, a vol., Mo.atjd,
à l'abbaye du Parc, priour on 1590 à Saint-JHichol d'Anvors, Ser111ones para las Fiestas de la Purlsima Virgcn y M
· Oll il meurt le 1or ùé<.J01'nbre 1592. Dios Maria Scnora nucstra, Ma.<lriù, 1672. - Ouvrag~~
crils: Contra Jud<ièos; Co11silia politico•christic111a; llefpO
Notices dans les diver& dictionnaires et llncyclopéùièH. - st1rcnù1simmn V cnetor1,J.111 llem,publicam pro c11!t11 lmm@
T. Leuridan, dans R,w11e des sciences ecclAsiastiqrtes, t. 77 1 Coilccptio11is. ·
1895, p, 120·131, 326-3/aO, 1,81-495. - R. v1111 Waotolghorn,
Le tl<l<irologe ile t'abbay,? dit Parc, Bruxollos, 1909, p. 471,.r.76. L. Ooova11rt.s, 1;;c,ivai11s, artistes et s<1c1ants de l'O
Préniontrê, t.. 1, 13ruxolles, 1899, p. 2',2•243. - P. do N
Paul BAILLY. Disscrtatio apologetica 1nariano•canclicl<i, S11lumanque1
p. 1,0, 78-79. - L. Ccyssens, Ja11sè11istioa, l. 1, Maline,,
p. 108.
1 . ESTRADA (S·r11A11A; Lou,s 111,: ) 1 cistercien, .l oan-Baptiste VAI,VBitI;KB,
1
vers 1520-1588. - Louis do Estrada est né à Avila, en
Vieille-Castille, vers 1520. 11 entra chez los cisterciens
de 1-Iuerta, diocèse de Siguenza, où il SE~ nt re1narque1· ÉTAT. -Le mot état, très fréquent dans lel
par sa piété, sa science et son éloquence; il brilla surtout chrétien, surLout dans celui des autours spiritu
cotnme exégète : « sacrorum Bibliorum scrutator dili• 'l 7" siècle, vient du latin st,xtus et sigolflo, de
gens », dit son épitaphe. Il t'emplit les fo11ctions d'abbé générale, \1ne 1nanière d'être, une situation pérm
do Huerta à partir de 1557, de définiteur général de la et durable. On dit étal par opposlUon à mouve
congrégation do Vieille-Castille, de conseiller de Phi- à devenir; non pas que lo mot implique nécessai
lippe u et cle beaucoup de prélats ot ~rands person- absenco do toute opération ou changement, mals
nages. Il établit près de l'université d'Ali.:ala un collège qu'alors la muJUplicité des opéraUons, le dcve ·
pour les 1•eligîeux de sa congrégation. Il mourut à ,nême « est considéré en bloc, dans ce qu'il a·de
Huerta en 1588. Son estime pour Ignace de Loyola tant et par suito de stable » (A. Lah:1.ndc, Voca~
est, exprimée dans une lettre adressée uux Pères de technique et critique de la philosophie, Paris, 7•
Shnancas le 12 février 1557 à l'occasion de la mort du 1956, p. 303). Il est e1nployé avec des nuances dl
saint : à Les grands fruits que les sainw Exercices ont selon les formules dans lesquelles il se trouve,
proclui t parmi les porsonnr,g do di versos conditions ne oxomplo : ,, état de nature pure •, •< état d'lnno
sauraient se raconter... La cha1•ité du béni Ignace « état de péché ", ,< état de grâce »; " état dé s
n'avait pas de moindre an1bition que de s'étendre à « état de damna Lion ,, ; « état 1,assit ou mystl
toute la chrétienté ,i. Il avait défendu la compagnie « état d'oraison », « éLat d'anéantisse1nent »ï•
contre les attaques d'Arîas 11ontano. E:;trada écrivit : d'état », " devoir d'état », « état do perfection,,
Ea:positio11 ,noralo de la Règlo, n1s espagnol, LradniL en de consolation ou do désolation », etc.
latin 5111• l'ordre du cl1apitre général; Jl,fodo de rczar Dans cet article, qui no saurait être exhn
(de n1odo recitandi) el Rot,ario de nuestra S6iiora (.Alcala, s'agira do préciser les principaux de ces S8ll81
1570; rééd. à Madrid et à Barcelone); Do laudibus dégager les élémonts comniu11s et d'en signal
sancti Eugenii Toletani episcopi (Tolède, 1 578); iS'cr• emplois les plus irnportants dans la litt<irature
mo11es de temporo; de sar1ctis; Lllttres. tuelle à travers les âges, surtout au 17 8 siècle. A
1372 1873 ~TAT 1374
préface, fin, \'ordre chronologique sera suivi : 1. Nôu(lea;u Testa· la disposition dans le sujet. Souvent il sert à définir la
".t c'Ùtt:,... /M/lt, - 2. Époque patristique. - a. Théolo[!ie scolas• XCXTCY.O'îCXO te;,
,ntonio, li~.. - 4. 16 8 et 17e sièclc.1. ~oM étu~es do i\f. Viller, Awi: sources de la spirùu.alitt! de
,a lettre
. Monu- sai11l ,11 a,ume. Les œuores 1l' Êvagre lB Pontiquc, RAl\f, t. 1t,
t Le nouveau Testament olTre peu de chose 19ao, p. 156-18~, 28!1-268, et I. Hausherr, ~ trait6 de l'oraison
Lo.yola, aur la notion d'état spirituel, au sens où nous l'entendons d'Êva11re le Po111iqtu1 (Pse1,1do-Nil), t. 15, 193',, p. 84-93, 118-
lées par aujourd'hui. Les trois substantifs qui s'en rapprochent
• • 170, ùl Conimcnt priaient tc,t Pères, t. 82, ~956, p. 33-58, 284•
1isf11ncaa
le plus sont o-.rxoit; au sens très n1atériel d'acte de 290, apportent d'utilirs hunières sur cetto question, et nous
m, t. ~, nous on inspirons.
,Blanco iubsister, par exemple, « \108 tente qui continuo de
liul)siater », ë·n -.lj,; np©T'l)t; aK'l)vijt; sxoôa'I)~ a-.rxotv
, Loyola
'
~. mon111
. (Hébr. 9, 8); KOt.Trxcr'C"l)µa: au sons de maintien ou co,npor• Pat•foi~ Koc.-rrx~-.oc.o_tç sera employé on un sens large,
tt:rcium, lement ext6rieur: èv xoc.Tcxo't"liµcx-.i [e:ponpe:1.e:îç (Tite pou.r désigner 1 attitude de la prière, la façon de prier
Z, 8); !l;.tç au sens plus prochain d'uno habit1Lde m.orale : (Origène, De oratione 1 et 8, PO 11, 417b et "'•ib), ou
:Il. • [Les parfaits] qui, par l'hàbitude, ont le sens moral enco1•t1 le degré de la vie spil'ituclle, la disposition
exercé au discernement du bien et du mal », Bu¼. -.~v t\!l;.iv morale de l'âme ou shnplement l'apaisement d'une
(Hébr. 5, 1r,). ém?tio? (S. Dot•othée, Doctrina 17, 2, PG 88, 1801c).
1ontré, Déjà en ces vocables on peut noter l'idée de stabi- Mais a1lleurs, chez lJJvagre le pontique, chez Maxime
\astère lité. Le verbe la'C"l)µt expri,nera plus clairement enèoro le confesseur, il prend un sens précis ot tecl1niquo
grade cebte idéo, li sel'a Créque1n111ent appliqué à la vie spiri- il dé~igne l'état par excellence, c'est-à-dire « l'état
~nt du tuelle : persévérer dans la foi, dans la vertu, dans la d'oraison ou de p1;ière ,, uu sens fort du mot ot r.om1ne
l1657, grâce (~ea11 8, (1/t; 1 (~or. 15, 1 ; 2 Cor. 1, 28; Rüm. 5, 2). sominet de la vie spirituelle. C'est la prière par tltat.
fut un Ce1dern1or texte de Ro,n. 5, :.i n'est pas sans relation avec Cet ". état d'oraison ,,, Évagre (t,,0 siècle) le définit
1 argu- notre· forrnule moderne d'6ta,t de grdce: « [Jésus-Christl un Ju1b1tus :, Koc.-.rxa-.occr!,; lo-.i itpoosoxljç ~!;iç «noc.O~c;,
:ernpts qui nous a donné d'avoir accès, par la foi, à cotte grâce !!p<•>T•. &>tpo-.oc-.<j> e:!c; /.ltjioc; \IO'l)Tbv &pn:&~ouocx Tb\l cptÀ6croqiov
dressè- en laquelle nous so1n1nes établis n, el~ -.·qv xrxptv -.oc.OT'l)\I èv ><cxt n:ve:u1.L0t.T11tb11 voüv. • L'état d'oraison est un
age du fi wrl}1tcx1,1,sv. habil.11s irnpassible qui par un amour suprênle ravit
~s des Enfin, d'a\lh'es passages de l'lJJèriture, où ni le subs- · sur les cimos intellectuelles l'intelligence éprise de
nistes.
1
tantlf ni le verbe ne se trou vont, contiennent aussi la sagesse et spirituelle » (De oratione 52, J:'G ?9, 1.177;
~iadrld, notion d'état au sc,1s de condition stable de "ic, soit trad. I. Hausherr, RAM, t. 15, 1984, p. 8',,). L'état
~ndrld, pour le fidèle en parUculier, comme lorsqu'il s'agit, d'oraison n'est donc pa.,; une série d'actes 1110.is une
, 16?0; ch,z saint Paul, de l'état de mariage O\l de virginité disposition profonde et stable, dans la ligne de la
'adr11 tü (1 Cor. 7, 7-9, 25-28), de la condition d 'esclave ou qualité, et <( qui, de quelque raçon, mérite Je nom de
manua• d'homme libre (7, 17-211), de l'état d'homme charnel, prière par elle-même, en dehors dos actes qu'elle produit
,11,io ad plus 011 moins fréquemment,, (J. I-Iausherr, RA?\1, t. 32,
2c1tlatas ànim'àl ou spirituel (2, 14-15; ::!, 2 : d'après Cassien
CoUationes 1v, 19, PL 49, 605-607, et M. SandaAus'. 1956, p. 42). Los degrés inférieurs de la vie spirituelle
Pro thcologia mystica cla"is, Cologne, 161,0, p. 335, sont aussi des états, ruais qui réalisent de manière moins
rdrB d11 partai Le la notion d'état, cal' en eu:x: la paix intérieure
$tatU8); soit encore pour l'humanH,é tout entière, quand
foriega, , et la stabilité des dJsposiUons de l'âme sont plus fra-
1728, il est question des quat1•e états de l'homme avant la
loi, sous la loi, sous la grâce et dans la paix, c'est•à- giles. Comme le remarque encore l. J,Jausherr, « cette
s, 1950, nuanc;e de stabilité, de tranquille posses.,;ion s'explicite
dira dans la vision bienheureuse (Ro,n. 5-8; 2, 17 !JVV;
·s. Gal: 5, 18 svv : d'après les commentaires de saint souvent <Jn une épithète, Lelle que e:!p71vtx·I), paisible,
Augustin, PL 85, 2065-2066, 2138-2189, et Œ1u•res pacifique (c( Nil, Discours ascétiques 21, PG 79, 748a;
dt Messire Àrllôine 1lrria,.t ld, t. 1;, Paris-Lausanne, 41, 769~ ; ?2, ~05b;, Ammonas, PO 11, p. t,85, 16),
tngage 1?96, p. 774-781; t. 13, p. 33a-S59). ou par l adJonct1on d un autre substantif, par exernple,
1els d,u Les formules em1,loyées par l'f:criture en ces divers xoc.Trx<>TiXcrtç xa:t n:p,xo.-l)c; (Arnmonas, p. '•66, 13), 1nais le
façon endroits sont habituellement très concrètes, beau- rnot <:atastasis sans plus suffit à ex1,rhner ce sons ,,
anente coup plus que no lo per1nett1•ait l'usage du mot état, (p. 4·1). Exprime-t -il o.ussi, par lui-rnêrne, lo caractère
ement, par exemple 1 Cor. 7, 2<'.t : « Quo chacun, frères, demeure de pfl$$ÏviLé dans l'oraison? M. Viller r6pond qu'il est
·ement dëvant Diell, dans l'éuit où l'~ trouvé son appel ", irnpo:-;sible de le dire; par ailleurs d'autres affirmations
1 parce lx«oToç èv è]'> t><À~871, &SeÀqio(, èv TOIJT(:> t.itvtTW nocpà. 0e<~>. d'f:vagre inclineraient à le croire, surtout quand il
tir lui-' On voit quand 1nê1ne, en tous ces passages, qu'il enseigne que ce suprê1ne degré d'oraison n'est pas au
• cons- s'agit de conditions stables, de situations permanentes, pouvoir de l'horrune (1\1. Viller, Aux sources .. , p. 254).
bulaire qui ne pourraient être changées sans l'intervention Enfin, divo1>s noms, solon des points de vue difl'érents,
lé ëd., d'événements considérables; c'est pourquoi t,raducteurs seront donnés it ce parfait état d'oraison : « état d'im-
verse,s, et commentateurs emploient spontan61nent le mot pa,ssil,ilité », (( état de paix ,,, (( état angélique ou primi-
e, par 1/a.t, - Voir F. Zorell, ,Lexicon graec111n NoCJi '1'1111ta- tif », parce qu'il est le retour à la condition pre1nière
ance », m~n1i, Paris, 1931, et G. l{ittel, p1.1$si1n. de l'hornn1e, « éLat de la prière pure,,, c'est-à-diI•e de la
alut », ptièr11 (( au-dessus des formes ot de toute pensée ,, (cf
:q ue », 2, J:lpoque . patristique. - Chez les Pères, sur- De oratio11e 55-57; trad, et comn1entaire de I. 1-Iatisberr
grAce tout elle;: cert::uns partni les greci:;, on retrouve claire- RAl\1, t. 15, ·1934, p. 86-87). '
« état ment expriméo l'idée d'état spirituel, et cela sous les Avant flvagre, Clén1ent d'Alexandri.e (vers 150-216)
doux vocables : xoc.Trxcr-.oc.ot~, état, condi Lion, constitu- avait déjà utilisé le ,not Œl;.1ç pour ex.primer l'état de Ja
stif, il tion; ~~te;, habitus, manière d'être, qualité. Le prernicr conte1nplation gnostique, sans image ni discours
, d'en falt voir l'origino éLy1nologique : xoc.81Cf'C"l)p.t, placer, (Strornate.~ VII, 7, 44, PO 9, lt68a; v11, 11, 62, 4880, ·1
Ier les Vil, 111, 86, 52.1a),
fixer, mctt1•e une chose en son lieu, se tenir en son lieu;
• •
sp1r1• le second, d'autre part, a l'avantage <l'être un terme Av::111t lui, 'Plulon, J ans sos Jornier& dialogues (1'in1ée 42d,
~ cette te'chnique, indiquant la ferrneté et la permanence de 47o; l'hilèbc 11 d, S2e, 41c, i.sc, 62a; I4is 79·1a, 792d), avait
,
1375 É'fAT
aussi d6l1ni la béatitude corr11l1e une l!f;,ç de l'tlrne : un dtat do cle, avec l'évolution des conditions souiales, que l'u
conLc1nplalion, et un état actif, selon A.-J. J•'e;:tugiilra : s'en e1>t 1nultiplié. Souvent synonyme d'ordo, il 'n'
Il me pnratt corlain quo tt,, n'n pns seul0mm1t ici le sens retient cependant pas la nuance sac1•ôA : l'idée d'
restreint de • puissance que l'on pogsèclo, muis qui n'est pas nondit.ion stable s'y alrlrme plus que celle de la corif
actuellement on acte •• conime choz lo Sl.ngil'ile. L'e;,, dn_.. 1nité nu plan divin (cf l'v.L-D. Chenu, La théolcgi~
Pliilèbe suppose uno xp·~oc.; elle équi van 1: /\ l'l.•1épyt1-'.IC d' Aris-
douziè,ne siècle, Paris, 1957, p. 241-2', 2).
tote, cf Burnot, ad Eth. ;Vic., 1x, 13, 1158b 10. En c1lct, cct.l:11
«l;cç sera définie une <pp6v11ncç, un 111:l.ll do pensée th6or6-
Analysons ce mot dans l'c:.cuvre de saint 'l'homas
tiq1.10 ordonné à l'objet le plus vrni. li:lle a'idcntilic à la conterr1- nous y découvrirons d'utiles pl'écisions. En son se
platio11 qui est, à coup &O r, a1;tivilé, cl 1nê1nc le s,anm.,,111 do matériel et premier, lo 1not état désigne le prédicame
l'uctivilé (Cuntcrrtplation et ,iie contem.plativc selon l'laton, situs et exige deux conditions : la connaLuralit6 et
Pnris, 2~ éd., 1950, p. 292, note 8). certaine i1n1nobilité. « L'état ( status), au sens prop
c'est une position particulière, qua,ndam posîtio
.Au 7" siècle, 1\-Iaxime le nonfesscur reprendra à pAU
pt'ès sans changen1ent la noLion évagricnne de l'c< état dilTcrentiam, non paq quelconque, mais conforino à
d'oraison >1 : « Qn dit, éc.rira-t-il, et c'esL aussi na propre naLu1·e de l'homme et avec une certaine stabill
secundu1n modum suae naturae, quasi in quada
pensée, que le suprê1no ut,tt de la prière est celui dans
hnmobilitate >1 (21\ 2"0 q. 188 u. 1). Appliqué à la
lequel l'esprit, dépà.ssanL la chair et. le monde, se Lrouvo
dans la prière entièrement im1natériel et sans forme ». spil'ituclle et morale, le concept d'état requiort
rr1ê1nes conditions; mais, sur ce plan, la connatura)l
T~v 'OÎ' 1tpo.,euxiji; &xpoTOC'î'l)V xa.-.ixo-.oco1v, -ra.ÔTî)V tlvrx1
).l:youot, -.o i!~(.,) oo:p1<0~ xrx! x6qµou 1 evs0'0a.i -rov voüv, xrx! peut se réaliser soit par mode positif (statu.a gratia,)
soit par mode négatif (statu.~ peccati). 'foutcfois,
i!<llÀov ncivni xoc1 ix11&tôcov iv T<i> 1tpoaeôxeoOoct (De chari-
tate 11, 61,, PO 90, 1003c; cf M. Viller, loco cit., p. 250).
mode le plus parfait est le premier, et à ce sujet
Au 5° siècle, Càssien avait e1nploy6 aussi l'expres- Suarez notera: a [Status pcccati) -videri autem pot
sion : oration,ù, statuil (Collatio,ics x, 111., J>L (,9, 81,2a), deficere a ratione stutus, quia in eo potius homo ja
1nais en un sell!l 1noins technique, rnoins pure1nent quarn stet, quia in eo non habet positione1n (ut
inLelloct\lol et plus accessible à tout ;oorét.ion. Chez lui, dicam) secundum naturam, sed contra illam • (
statu pBr/cctionis, lib. 1, c. 'I , n. 11, éd. Vivès, t, t
I' <c éLat d'oraison ij• c'est sirnple1neriL l'ùtat do l'âme
Paris, 1859, p. 5) . Saint Tho1nas prend chez Gratle
fixée on Dieu par un constant souvenir de Dieu, ali-
(Decrctum, causa 11 q, 6 c. 40; cf 26 2ae q. 188 a. 1
1nenté de formules brèves et a1·dentos, nos modernes
cont1•a: Quadlibcturn 111 q. 6 a. 17) la notion d'é
oraisons jaculatoires. qu'il applique à la vie spil·ituelle; il en conserve l'élém
S. llfllrslli, Gi•O<•a1111i Caeqiano ed Evagrio Pu11tic(). Dottrina fondamental : condition d'esclave et condition d'ho
su-lia carità e C()11te11iplazione, coll. Studla ansehniana 5, .florna
1936. - O. Békés, lJB co11ti1uia orationc Clc"1ci1tis ;J/e:l;a11dri11i
libre, - analogie qui avait dt'ljà servi à saint Fa
doctrirui, coll. Stu<lia ansolminoa 14, .Rome, 19',2. - L. Th. (Rom. 6, 20-22) - , puis il conclut qu'il en eat de m
A. Lorié, Spiritual tor1ni11ology i11 the lati11 trat1Rla1io11s o; the dans la vie spirituelle,
Vita A11to11ii, coll. Latinitas chri~tianioru1n 1)rilnnevn 11, Pour le dt•oit civil, l'exclusion du sénat ne représente pu
Nimègue, 1955. - DS : O. :Bardy, APA'tllEJA, t. 1, col. 72?• perta d'un étal (statrl$) mal$ d'nnt) dignité. Il semble donc
7~6; M. Olphe-Gnlliard, CASSJP.N, t:, 2, col. 21',-276; J; Lebreton cela soul inllll'osso l'état d'un hornmo (st.atrim l11>minîs)
CLP.MllN 'I' d'ALllXANl)lll&, col. !J50-!J61; J. Lon1att1·e, CONTll M: regarde l'obligation de la personne 1nô1ne, suivant qu'olle
l'LA'l'F>N : • iUysUque cataatatiquo ou 1nystique de ln lumière», rnattrasso d'elle•même ou qu'elle <lépond .d'autrui. Encore ta
col. 1830,1855. · il quo cc soit à titre perrnanent ot non pa,~ pour quoique
rutilo ou passagère. C'est dirè qu'll s'agit de Ubertô ou de
3. Théologie scolastique. -Saint Bonaventure, tudo. La notion d'état (slatu,) est donc corrélative à celle$
saint 'fhomas, Duns Scot et plusieurs autres parmi les libort6 ou de servitude, soit dans l'ordre apirituol soit d
auteurs scolastiques utilisent le terme ét(it. Chez saint l'ordre civil (2• 2•• q. 183 a. 1).
Bonaventure, il signifie habituelle1nent une condition
,\insi, dans la pensée du doctou1· angélique, i
stable de vie ;
signifie essentielle1nent quelque chose do stable,
. Status, co11jug1'1is cl virgi11alis, saecularis ~t rcligios1!s (ln 1v permanent, de dyna1nique, qui affecte la condition
.Sent. d. a7 a. 1. q. 2 conc1. at a<l 1), status i•iac et p11triac (1 n. 11
0
la pe1·sonne ln1maine. Et ce qui affecte le plus p1•ofon
Suit. d. 23 a. 2 q. !l Sèd co.ntrll 6), st(1tu.s vicitoris, statltS cn111- ment la condition de la personne hunlainc, sur lo p
pr~hcn_sori~ (111 111_ Sont. d. 12 a. 2 q. 1 ad la), SIQ/(1.s IJloriae,
nnscr1ac, 11111ocB11tiao (In II Sent. d. 17 a. 2 q. B concl. J; pour spirituel, c'est ou bien la servitude du péché, «
bion faire voir l'élément de st.ahilité nécésS11lro 1J11 concopt aliquis ex l1ahitu peccali ad 111alu1n inclinatur ,,
d'état, Houaventure note à propos du purgatoire : « Possot bion la li!J1:n·Lé à l'égard du péché, « cum aliquis
etiarn dicî quod pocna purgatoria non dicit al:1 Lurn, sad 111agii, inclinatione pcccati non superatur, (sed e contra]
transil.uol de statu in stat11m • (ln 1v Sent. d. 20 p. 1 art. un. habitu justltiae ad bonum inclinatur " (q. 183 a.
'1· 1 ad fi). En conséquence, les états spirituels premiers sero
Plus lard, chez .T11an Duns Scot, on trouver:\ une définition l' « état de grâce », qui constitue l'état de la,
plus personnelle du n1ot titat llppli<JUé à la condition humaine. liberté, et l' c< état de péché», qui est l'état d'uneauJh
Etat se dira par opposition à na.turc, et en 1·clntion nvcc les
lois de la divine $11gcss!l : • Status non videtur osse nisi stabilis
tique servitude« conti•a naturale1n rationl~m 11 (ibi'dem
pern1::ir1en li1;1 lugibus divinae sapien tiae fi rn11ita • (Op u.., O~·Q11iP.11.J,1J Poursuivant son ,u1alyse, saint Thomas distin
J d. $ q. a art ult.). Ainsi, par exernplo, l'inlellecl, hu111ai11 i;erail ensuite le conncpt d'ût<it de celui d'oflice et de de&
condamn6 au mode abstractit do connaitro, uon pllr naturo, l'office se dit pa1• 1·apport à l'acte, à la fonction q~•
à cause de sa présencà dans un corps, inais propter statttni doit remplir; le degté concorne proprement l'ordre
aliqiwrn, en r.1ison d'un cortair1 état dépendant de la libre supétiorité et d'infériorilé; tandis qu'à l'état co
volonté de Dien (ûf E. Gilson, Jcc1n Duris Scut. Introtl11ctioll pond forn1elle1nent l'aspect d'iin1nobilité dans la con
d ses positio11s fo1ulamo111.alos, r.1ris , 1952, p. 61 svv). Lion de la personne. ·
Origioelle1ncnt toutefois, le voco.ble .~tatus possède • L'office se rapporte il l'11cto. Le grll.<le évoque l'idée
une signification juridique et profane. C'est au 12e siè- i,upérioriL6 et d'infériorité. L'ulat requiert l'irnn1obilité d
1876 1371 DA:t'fS LA 'SCOLASTIQUl.: 1378
·u sàge la condition de la personne, ad statum 1•equîritur imn1obilit11s
ln oo quod portinat ad condHionam person1.1e , (q. 183 a. 1 4. Aux 16° et 17° siècles. ~ Sous la plu,ne
, n'en
d'une aa ~)- . des spirituels modernes, le mot état revient quasi conti-
P.-M. Pas.5erini Cait remarquer ici que la division par état,, nuellenlent, et cela s'explique, en partie du rnoins,
lnfor- par le ca1·actère plus réflexe de le\1r spirj.tualité. S'ana-
tient cornpto olle-niê1ne d'une cc1•taine aètivll6 ou opération,
rie au mals qu'elle considèro eatta o.ctivlt6 sub rationc boni operantis ; lysant eux-mômes ou dirigeant de très près certaines
• sta:tus etia.m distlnguuntur pcr hoc qnod hon1inos ud opera ân1e:, dans leur marche vors Dieu, ils ont besoin d'un
>mas; vitae activae vel contemplativac inunobilitor deputantur; mot coinmode, uni.verse), élttstique 1nôme et suscep-
1sens 8ed respiciunt opera ut Runt 1>erCoeUones opol'antis •· Au tible de nombreuses nuances, qui puisse exprimer les
trnent co11tralrc, la division par ofllc~s se rondo toujours sur une o.cti- dispositions intérieures d'une ârne au:x différents stades
,tune vllë accomplie en faveur du prochain : • actiones portinunt ad
officium ut r&spiciunt bo11111n nlioru,n. Sic Judex 1·0Rpicit de sa 1nontée spirituelle. Ce rnot so présente de lui-mêrne
ropre, à le\Jr esprit, c'est lo vocable état. Qu'on lise, par exem-
,tionis aèUonem ut est bonum Reipublioae ... ot cloctor dcput11tur
ad docendum alios • (De ho111i,11un statibus e.t 1>/flciis inspec· ple, pour s'en convaincre, quelques pages des Œupres
3 à la lioMs morales, Ro1na, 1663, ln 2• 2•• q. 183 a. a n. 8). spirituelles de MonsitJu•r de JJqrnières Louvigni (Paris,
bilité, , 1670), on y récoltera en grande abondance des formules
,adam Enfin, en relalion avec la perfection de la vie splri• co,nrnc celles-ci : « état de peines et de ténèbres », « état
la vie tuelle, . on tel'a une nouvelle disLinction on L1•e état d'anl':antissement », • .état do souffrance ,, " état de
rt les inttrr111 et état c:r.terne : pur runour », ,, état d'exil ", r< état do désoccupation dos
1ralité créatures », " état de sin1plicité », 1, état de stupidité
ttiae), L'état (status) enror1no à proprotnont parler l'idoo do condi-
,is, le tlon libre ou serve. Or, dans l'homme, la liberté ou la servitude et do destitution d'esprit », etc. Le sens est clair; il
spirituelles se pouvant pr6sont!)r sous doux forrnes, l'une inté• s'agit. d'une disposition de l'ârne d'une certaine durée,
Bt Fr. rloure, l'autre oxt.érieure. • Le11 hommos, est-il écrit (1 Roî.$ qui donne à la vie intérioure une teinte particulière, aussi
>oteat , 6, 7), ne voient 1111e cc qul parait o.u d11hors, tandis que Oieu longl.e1nps qu'elle persiste.
jacet regarde le cœur •· Aussi la disposition intérieure de l'hornrne L'élémenL de peitnanence sernblo donc être le plus
ut sic déto~mine•t•elle un état spiritual ($eoundu111 in terlorcm homi- fonda1nental : pour qu'il y ait état, la disposition doit
» (De nis dlspo11itionen1 111cr:ipitur co11ditio [spiritualis :statris in
tq,ujours êtro d'une certaine durée. Les états, afflrmel'a
,t . 1:;, homlne) à l'égard du jugement do l}ieu, tandis que sos actes
J;-J. Surin, sont " des choses stables et permanentes ,,
ratien exijrle11rs lui valent de possédc1• un état sph•ltuèl (spiritual~
"41us) dovunt l'Égll;;e (2• 2•• q. 18', u.:4). (Catéchis,ne spirituel, i. 1, Paris, 1663, p. i85). On a
1Sed môm(l vu dans cette notion d'état-disposition perma-
d'état L'état de perfection externe se divisera en deux nente une explication possible des " renouvellements »
~ment classes : status perfectionis aoquirendae, par exemJ)le sai11t-cy1·aniens. La conversion du pécheur devant être,
omme l'état religieux, et status per/eetionis acqui11itae et pour Haint-Cy1•an, Je passage de soi définitif de l'état de
Pau) commu11icandae, tel l'6tat épiscopal (c! Suarez, op. cit., péché à l'état de grâce, il conviendrait, pour atteindre
même llb-. 1,.c. 14, t. 15, p. 67-71). L'état de perfection interne ce but, qu'on réduise d'abord le pêcheur à un vérilablo
se divisera aussi, ,nais en trois classes, selon los L,·ois état dl? pénitent;
pas-Ja degrés de la ollari té ;
et cela, • en le 1•0Lirant pour quelque tcrnps de l'usage des
ne que Dans ce service (le justice ou du péché l'honuuo a'engngo sacremont.s, spécialonuir1t de la conununion, pour lui lairo
~J qui pa,·ea propre 111Qnière d'agir... Oans tout<i entrepl'is0 hu,nainc, toucher lo fond de sa 1nisèro et p1•ovoquer on lui le choe psycho•
ille est l'on èht fondo à distinguer 10 commenco,nent, Je miliou et la logique oi1 iin conso1n1nera la rupture avec lia vie p11s.5êe.
e taut- On, Donc dans l'état de so1•vltude et do liberté spirituelles Après quoi, le pénitent sera réconcilié par l 111bsolutlo11 et,
raison lllaiu, spirituali;i St'.lrvltutis ot libertatis) aussi, IJOUS distin- ropren11t·a l'usage des sacrornents, tout en continunnt à dot1nar

, serv,- guerons : le commo,1cèment, auquel appa1•lient l'état des à 11a vi,1 un ca.r actère do pénite~co, qui préservera les grâces
,iles df) commenç11nl.à (stc1t11s i,ir.ipicnticun), le 1nilieu, auquel app11r- reçues et assurera la pern11111ence de cotte ferveur en jugulanl
t dans tientl'état des progrossunL~ (statua proflcù;nti1u11) et le lcr1no, lit conr.uplsconce • (L. Cognet, La spirituulité fra11çfûsc au
•~quel appal'tient l'état des pa1·tait.s ( Sti1tus perf~C/Qriun) xv11• siècle, Parlll, 1949, p. 99-100).
,, état lt2••q. 188 a. '•i cf q. 24 11. 9).
PlusiAura auteurs ajoutent à l'élément de durée,
Le, de Sur quoi Cajetan ajoute que ·seul le dernio1· état, dans la notion d'état spi1•ituel, celui de progrès d'un
ion de celui des pal'faits, réalise pleinement la notion d'état : état par rapport à l'aut1•e. Alors, tltat devient à peu près
fondé- Btlltus tao1 lnc:ipientitun qu11111 proflcièntiurn non nisi irnper- synonyn1e de degré (par exemple, Noël Courbon,
e plan lecle habet rationorn sto.tus; et propteroa non e.~t 1nîrun1 si l nstrucûons faniilières sur l'oraison nientalc, Paris,
« cum aterque deflciat a pro pria ralio11ê stntus. Sun t eniln hl stat.us 1685), ou do vie ou voifJ (par exemple, J.-B. ·Rousseau,
)!, ou in gcnoro slo.tus sicut forrnaoj in e111bryone1n succedentcs· sunt Aciis ,Y1l.1· les di-(Jérènts états de l'oraison mtJntaù, Paris,
ais ab ÎD goooi·e viventium. Non eoitn ount vclut SJl!;lCÎes de por se,
iéd ut.viuo ad aliud. Et simililar atatus incipiontium et profl. ·1710), ou do den1eure, comme dans ce texte de J. Surin:
ra] ex
().. 4). cienUun1, u.t ipsa cor-urn nomina ostP,ndunt, viurn ad aliud, « Il faut se figu,·er qu'il y a dans l'âme, comme dans un
hoc est ad perfectlonon1, sou pe1•fcclionis statun:t, signlflcant palais, divars appartements ou étages, dont les uns
seront (lq 2• 2u q. 183 a. 1 n. a). sont plus profonds et plus intérieurs que les autres.
, vraie
Les étaw intél'ieurs consLituent donc beaucoup plus Ce sont, en effet, divers états ou dispositions perma-
uthen- nentes, selon los diverses faculLés de l'âme ou l'étendue
idern,J. , des âegré8 que des états, l'immobilité, la stabilité propre d'une 1nême faculté " (Dialogues spirieuel.s, t. 2, Paris,
tingue à la parfaite libe1•té chrétienne n'étant atteinte qu'à 1704, liv1•e 3, ch. 9, p. 193-194).
degré: l'ultime degré de la charité.
qu'on
Si l1ùu veut pénéLrer profondé1nent le concept d'état
L. Schütz, Tho11ias-Le:r.ikon, Paderborn et New York, 1805, Rpirituel, chez les modernes, il faut aller plus avant et
dre de p. 7'2•?75, Statu11. - R. J. Deforrari, A laxicon'o/ St. Tlw111as
l'étudier chez les a.u teurs où son emploi est vrairnent
corres- .igu111as, lil1l<l. 5, 'rVashington, 19',9, p. 1052-1053, Status.
J,•A, Robillard, S1,r la notio11 de co11ditio,1 {stat1t.11) en S. Tlto- caractéristique : Bérulle, Marie de l'Incarnation,
condi- l'ursuline, Fénelon et Bossuet.
llOI; dans R eYL"J des sciences philosophiques et théolngiques,
L25, 1.936, p. 1011-107. - J.-M. Aube1·l, Le droit ro11iai11 dttns 1° Bl:ru-lle et l'école 1uirullienne. - Nous n'avons pas à
idéo do l'œuPre de sttint 'l'h1>1nM, eoll. Bibllothèque thomiste 30,
té dans
parler, pour eux-mê1nes, des « étals de Jésus » selon
Paris1 1-955, p. 2s-a1. Bérulle, mais nous devons exr,liquer le sens hérullien
DIC'tlO NNAIIIII DU SPIRITUALl 'l 'É. - T JV.
44
,
1 •

1379 ltTAT
du mot état en des expressions co1n1ne celles-ci : << pl'ier « disposition permanente n, un " potentiel d'énergie 'i
pàr état », « adorer Dieu par état », « adhérer à lui pat qui serait à l'acte à peu près ce qu'est l'habitus à l'égard
état ». Voir i11/ra, col. 1~03-1~06. de l'action (Le cardi11al d1J Bérull/J maitre de "ie spÎr~
Lu théorie bérullienne des états, on Je sait auj(1\1r- tuell//, Paris, 1938, p. 109). Il est dit <1 psychologique 1 l
d'hui, ne rut pas créée de toutes pièces par le fondateur pur opposition à un autro genre d'état })érullien, non
de l'Oratoire. J. Huijbon la re~rouve, sans le norn, dans plus dans l'ordre do l'habitw; ou de l'agir, màis daM
la Perle évangélique et, à tràvers cet ouvrage, dao;; la celui do J'être, l' « état ontologique » (p. 111-118),
n1ystique médiévale des Pays-Bas et du Rbln, et jusque car, cori1me l'enséigno encoro Bérulle, • tout co qui e;it ~'Nlct.
dans la scolastique (AttX sources de la 8piritualité /ran- dant de Dieu regarde Dieu et rend honneur à Dieu.., Aiml
çaise du xvn 8 siècle, VSS. mai 1931, p. 115). Pou1• sa l'ordre des séraphins adore par son 6tal séro.phlque, qui c'sl.1111
part, H. Dl'emond la voit intimement liée à la doctrine ulal d'11n1our, l'tunour incréé dont il est émané. Ainsi l'otdl't
salésienne de la '{/,ne pointe de l'âme, l'état n'étant autre des chérubins adoro po.r son état, qnl est un état de lumiffl,
chose que l'activité propre de .la fine pointe (t. 7, 1928, la lumière incrééo dont il ost issu... Ainsi l'être et la vlo dil
choaas existantus et vivantes adoro l'ûtre et la vie do Dieu,
p. 127-139). qui est sa cti.uso et aon principe •·
Bérulle enseigne qu'il y a doux voies, deux fa(,:ons Et Dérulle r,rocise : • Nom~ plll'lons d'uno ado1•allon <Ill.\, es!
d'honorer Dieu, l'une par action et l'autre par ùtat. pti.r éto.t, ot non par action; d'une adoration qui n'est pas àlm•
La seconde est plus noble, plus spirituelle et plus par- piémont érnanante des facultés de l'esprit, et d6pend$nte dt
faite que la prernière, car elle est permanente et plus ses pensées; mais qui est solide, per111o.nente el lndépendanlt
profonde (cf Gra.nde"rs de Jésus, dise. x1, § 5 , dans dos puissances et des actions, et qui est vive1nent imprlm
Œùvrcs co,nplètes, éd. tvligne, Paris, 1856, col. :162; dans le fond de l'ûtre créé et dans la condition de son état 1
Opuscules de piété, n. 72, col. 1062). Qu'est-Co à dire (Grantkurs do J4sus, diijc. xi,§ 5-6, col. 362-363; cf Opulc
honorer Dieu, ou J ésus, par état? Saint J ean E udes, da pÎét4, n. 148, col. 1191).
disciple de Bérulle, répond : En somn1e, c'est ici l'illust1•ation du verset du psa\l
1:'u1· état,, c'est-il-<liro, lorsque nous honorons les mystèros de 18 CaeZi cnarrant gloriant Dei. Toute créature, par
Jésus non s\lulement par quolques actions extérieurea,ou qucl- être mê,ne do créature, par son état de créature, est
quos actes intérieurs qui sont p::i_ss.igcrs, 1nais lorsque nous louange à Dieu. Cel't,es, dans la créature raisonnab
11ommcs dans un état qui est st,1ble ot pern1anont, et qui de cet état ontologique d'adoration on appelle un aut
soi-n1é1n0 va conLinueJle,nont honorant q1.1elque état ot ,nys-
tôre de Jésus. Pa1' ex1;1mplc, si vous Otes da11s un ét1it do pa\1- psychologique et moral; il est à la base du parfait éta
vretô intérieure ou ex.t6rieure, et quo vous portiez cet. <ttnt do servitude décrit par Bourgoing. Ici, seul noUB in
avec patlenoo et soumission à Dieu, vous honorét. par l1tat rosse ce dernier état, psychologique et ,noral. A
la pti.uvret,é do Jésus, c'est-à-dire qua vous êtes dans un ulat sujet naît un pt·oblème d'importance, qu'on soupçon
qui de soi va conlinuollernenl honorant l'état do p::1\1vtolé déjà et qu'il faut maintenant claire1nent poser.
dans lequol Jésus a été réduit volontalromant, pendant qu'il état est•il pur habitus, pure puissance, ou constituo,t,
était en la terra (Le royaunie de J,Js11s, 3° p., § s, dans Q•:11vre11 déjà par lui-Ioême une certaine activité? 1-1. Bremo
co11ip/ètes, t. 1, Paris, 1':1211, p. 3:10),
affil'me sans hésiter :
On le voit, état icî ne signifie pas inertie ou passivité Le.~ vrais • états • sont • agissants •· Opposition non
pure, mais une atLitude pe1•sistante au fond do l'tune, enLre nc:livilé et passivité; nlai.1, enL1·e deux ordres d'aç(ltl
qui s'ex.prirne à certains 1no1nonts pa1• un acte très (t. ?, p. 132, note 1). Il no s'agit donc pas, cornme lea an
silnple de patience, de soumission à Dieu, d'adhôsion 1nystiqucs s'oùsUnent à lo croire, d'opposer le repos à l'àcU
à sa volonté. " Pendant qne nos facultés, c'est-ù-dü•e, niais un 1nod0 d'activité à un uulre; l'activité intense, mals
pondant que. la surface de l'âme, écrit H. Ilremond, act.es, solide, massive, continue, des élal.s, aux actes inte
ton L!; el successi!s des puis.~anccs, Ce qui n'eat du res\o qu'
pa1•ait à peu près immobile, ce qu'il y a chez nous de nouvelle façon moins métaphorique, plus profonde,
plus nous-mômes, de plus vivant, a.git avec une inten- Re1i1ble-t,-il, el en 1nê1ne ternps plus lumineuse, d'oppow
sité d'autant plus g1•ande qu'elle est plus paisible. Los fine poinlo ou cimo do l'â,nc aux uclivlléa do surface. Les tl
quelques actes qui restent nécessaires, - et qui 1•clèvent so (orn1ent à lu fine poi11to, ils sont les att.itu<los de la
de l'ascèse - , ont uniquement pour but de n1otl,ro en point.a (p. 1$3).
branle, d'entrainer, puis (l'entretenir et au besoin de
renouveler ces activit6s meilleures» (t. a, 1921, p. 1'17). Dans le même sens, M.-M. Gorce· écrit, au sujet
Et c'est dans le même sons que Fr. Bourgoing parle de la théorie de l'abandon chez Alexandre Piny (t6
l'état de s1Jrvitude, idéal du béru\lisme : 1709), qu'il ne s'agit pus là « d'une oisiveté mais ~•
L'état do servitude est una manière sp6ciale d'appartenance, activité supérieure ». Puis il ajoute;:· « Cet état reste
qui ne <iunsiste pas tant à Youloir, à désirer, à prot.e~Lcr cet.l.Q acte» (D'l'C, t. 12, 1935, col. 2121). Sur quoi M: 01
scrvit.udo, qu'en une quulilè et disposition permanoute quo Oalliard rait remarquer : • Ne choq\lora-t-il pàa
Nolro-Scitcneur hnpri1110 et met on l'âmo, afin de la rendre esprits quelq\10 peu sensibles à la rigueur des torm
toute sienne par co titre. Au 1noyen d.o quoi l'ân'1ê renonce à Les 1nystiques sentent des choses qu'un vocabJJI
toute propriôtll, et au droit qu'elle a sur ses actions, 1né,na à sa trop précis {risque parfois de rendre complète
propro libort.o, pour so llvror à la puiasancc et 1), la souvnrai11olé inintelligibles " (RAM, t. 15, 193ft, p. 322). Qu'o
<lu Dieu, qui opère cola en elle, et se l'approprie on son Otro et rappelle les comrncntalres précédents sur Jilvag\'81
on toutes ses opô1·ationa. Il faut romarq11èr que par cette Platon, et l'on verra que le problème él'\t ancien et
dlspo11ition l'on 110 donno pas saulement los fruits, ,nais ltJ
fonds; non 6oulcment los accldènts, mais la substa,1c.o; non réel. A.-J. Festugière insistait pour traduire l'~ic
seule,nont les actions, los paroles ot les souflrances, niais aussi Platon, un état actif; I. l·lausherr affirmait gue,
l'être, l'essonco ot l'inthno de l'â1no; que ce n'est pas une obla• quelque raçon, l'état de prière évagrien u mérlt
lion pr6p:;i.raloire, mais une donation parfaite et entière (prôracc nom de priè1·0 par lui-même "• qu'il constitue une
aux Œu~rcs co111pMtes de Bclrulle, col. 87-88). de " prière implicite », qu'il est II comme un acte pr'
' proxirnus, toujours prompt à devenir prièro expli
L'état bérullien ainsi présenté,. Cl. 'l'aveau le qualifie (RAM, t. 32, 1956, p. 42-~8); et même à pro
d' 1< état psychologique ». Il constitue, selon lui, une
.380 1381 XVJe El' XVIIe SIÈCLE
1382
:le », l'état thomiste, J .•l\f, Aubert note que l'irnmobilité
gard dQnt Il est question « n'a rien do statique, mais qu'ellf) encoro plus clairernent si nous parcourons l'ù1dex
• • qu'elle a rédigé elle•mênle de ses treize états :
!)U'i- est avant tout dynarnique, orientation permanente de
[tle , la vie, tension spirituolle 1nême » (op. cit., p. 80). « l>J'cmior état d'oraison, par lequel Dieu rail perdre ù l'âmo
non A ce problèrne, ,J. fluîjbon suggère timidement une l'afrocUon <les choses vaines ... Second état d'oraison .. , par
dans solûtion : peut-ôlre l'état serait-il une activité do la lequel Diou illumine l'dtno, lui faisant voir la dilrornlito clc sa
), vie p11.~$éO... Troisième état d'oraison, par loque! Diou lui
Polunt@ ut natura, de la sirnplex intelli'.gentia, du n1e11s? donuo un osprit do pénitence intorieure et extérieure cxtr.i.or-
,rocé- Puis il finit par dire qu'après tout, « 1nême chez Bérulle, <linairo... Soptièmo état d'oraison, par lequel la trés sainte
Ainei Il n'est pas toujours facile de discerner si p1;1 r ét,it il 'l'rlnit<i se découvre de nouveau à. l'âme... Huitième état
st un ,ntend un habitus ou bien une activité proprement <l'oraison, où est co1npris co que Diou opéra en l'thne dans ce
ordre di~, ,quoique réduite à sa plus 11irr1plo expression » nouvel 6tnt do ,•ie... • (lettro <ln 26 octobre 1653, p.0 33·89).
nière, (art. cité, p. 115, note 2). Cf A. Molion, Le cardinal de '
:e des B6rullc1 t. 1, Paris, 19'•7, p. 177-188; Art. Btnuttl>, A plusieurs repri.,;es, on a tenté de définir ce que la
Dieu, DS, t·. 1, col. ·1589-1581. 111èro de l'Incarnation entend par (( état d'oraison ».
Claude ?11artin, son fils, dit quo ce sont des• dispositions
d est 2° Marie de l'l11car,1a.tion, l'ursuline (1599-1672). - dilTél'cntes )), qui se succèdent (( les unes aux autres »
1 Sim• La oélèbre mystiquo 1nissionnaire aldera-t-elle à éclai- et « tl1ndent toujours à un plus haut degré de pureté
.te de rer ce problè,ne? Certains la rattachent à la famille et do perfection" (La C>Ù.1 de la Vénérable Mè,·e Marie de
danto spirituelle de Bérulle. Co1nme lui, ello place le sommet
,rimée l'Incarnation, }'.>aris, 1677, p. 704; cité par A. ,J arnet,
de là vie d'oraison dans l'état de servitude, ou (( état Écrit$, t. 1, 1929, p. 38). A. Jamot reconnaît à son tour
état•
11oul611
de victime et vraie pauvreté spirituelle et substantielle>, ce cal'actère de progression : (< Chacun d'eux, écrit-il,
(fcritâ spirituels et historiques, éd. A. J arnet, t. 2, Paris- marque un progrès sur celui qui l'a précédé; ils sont en
Québec, 1930, p. 452); comole lui, elle a sa vie toute ascension constante et nécessaire » (.icrits, t. 4, p. 149,
aume ~ntrée .s ur le Verbe incarné; co1nrr1e lui encore, elle a note ~::!). Auparavant il avait noté l'aspect de pern1a-
Il'son connu ce don d'oraison qui consiste on « une liaison à nence des états, par opposition à la discontinuité des
1t une Notre-Seigneur Jésus-Christ touchant ses sacrés n1ys- grAcos et faits extraordinaires : « Elle a le sentiment que
1âble, lé~s » (p. 190). Elle parle aussi, comn1e Bérulle, des · sa· vie spil'ituello est beaucoup plus une suite d'états,
tutre, 1 états de cet ado1•able Maîtro >> (t, t, , 1939, p. 257). qu'uno suite de grâces et de faits extraordinaires "
t état Et pourtant, chez elle, là ol) l'emploi du 1not état est (t. 2, p. 182). En 1935, M.-T.-L. Penido proposera la
inté- le plus caractéristique, c'est dans la division de sa d6il ni lion $Uivan te : « L'état est un ensemble très
l 110n propre vie intél'icure en treize états d'oraison. État ici coxnploxo, muis tl'ès 01•ganisé, d'éléments psychiques,
çonne possède une signification plus vaste, plus or·ganique se dévl!IOppant pendant une période parfois longue, et
•, Cet que .chez Bérulle. Il s'agit encore do dispositions psycho- donnant à la vie ,nentalo une coloration très particu-
ue-t-il logiques et morales permanentes, rnais qui constituent lière » (La conscience religieuse, Paris, p. 197, note 85).
,mond en mêmo temp$ de vrais degrés do vie spirituello : Enfin, Paul I-tenaudin résume le tout dans cette sin1ple
ce qu'on ne rencontre pâs chez le fondateur de l'Ora- formule : « Un état d'oraison, pour Mario, c'est l'ensem-
loife. ble des dispositions où se trouve son Arne pendant une
ln pu
1ctivité lJ'où vient à l\-farie de l'Incarnation cette forrnulo : pérîod() de sa vio, sous l'action de l'Esprit Saint •
s· o.nti- 1 étât d'oraison »? Il serait bien difficile de lo dire. (Jl'la.rie cle l'Incarnation, Ursuli11e, coll. Maîtres de la •
11.ction, Elle-mê,ne sernblo l'employer apontané1nent, sans spiritualité chrétienne, Paris, 1942, p. 29). Puis il
lis ,itws l'avoir chorchée ni avoi1• réfléchi de façon particulière ajoute trois remarques : 1) Le chiffre treize, chez Marie
termi~ sur ello.
de l'Inearnation, n'est (< ni symbolique, ni arbitraire 1•;
qu'une
le, me Voici pai• exon1plo ce qu'olle écf'it nu sujet de la cornposition il répond à la 1•éalité, ,nais à une réalité porsonnnlle,
oaer la do la 1ld11tion lllJtoblogl'apllique de 165~ : • Faisant ruos exer- celle dti sa p1•opre vie int61•ieure. 2) <( C'est Dieu qui
!Sétats cices spirituel8 depuis !'Ascension jusqu'à la Pont.ecôtc, dans la fait changer d'élat 1>, Elle« y est surtout passive.. ;
la fine les ré0ox1ona quo je taisais sur nH1i-mê1na j'eus des vues tort elle ne fait, pour sa part, quo correspondre, avec fidé-
partioullôroo touchant les tltat11 d'ora.i,ço11 et de grâce que la divine lité, avec amour, it cos opérations de l'Esprit Saint en
Haj115té m'a communiqués depuis que j'ai l'usage <lé r.i.i~on •· son Arne ». 3) Ces états correspondent substantielle-
1jet de .EMu.ite, sur l'ordre de Jôrômo Lallen1nnt, son directeur,
ello , demando à Noire-Seigneur cc qu'il veut d'ello avant 1nont anx divisions plus clMsiquos de la :vie spirituelle :
(1639- qu'elle no meure : • Après avoir fait n1u prière par obéissance, les sept demeures du Château de l'dme, les degrés de la
. d'une je n'eus que deux vues : la pl'o1nîère dll rn'oJI1·ir en holoc1111ste sainte rnontagne, les trois voies; « c'est lo détail seule-
!&te un à la djvi11e Majesté pour êtro consumée en la façon qu'il le 1nent qni en est varié par le tempérament d'un chacun
Olphe- voudrait ordonner pour tout co désolé pays [le Canada]; et ou pa1• :;a grâce particulière" (ibidem). Ces observations
oas les f!ulre, que j'eusse à rédiger par écrit la conduite qu'elle av11it sont juste$: l'état d'oraison, chez l'ursuline, est surtout
~mes? .. ünue sur rnoi dopui11 qu'alla n1'av11,it appelée à la vie int<l- passif ou n1ystique; il in1primo à l'dme une' certaine
bulalre !lellhl • (lettre à son fils, 26 octobre 1653, clan& L~ttrcs de <( color,i t.ion i• ou rnanière spéciale de se comporter avec

tement Marie d~ l'l11carr1atio11, éd. Richaudeau, L 2, 'fourn11i-Pal'ls,


f876, p. 28-29). Dieu; il est de durée plus ou moins longue : quelques
1'on se Dans une loure subséquente, du 9 aoot 16Gt,, à son fils, la rnvis ou quelques années; enfin, il indique une véritable
re, sur Jllêro. do l'Incarnation ac,;ole ef1sen1blo los rnots t!tat:, et exp,!• progression dans la vie spirituelle,
et très rilnoos: • Vous J>Cnijerez peut•êtro qu'il y II pou d'écrits pour Une derniôre question reste à voir : cet 6tat, chez la
f~u; de tant d'ann~es de vie aplritu(!l!O, f1<1ndant lesquollos la divine n1ère do l'Incarnation, signifle-t-il surtouL dispo1;ition
1ue1 de Bonlil m'a !rut passer par hêaucoup d'états et d'oxpôrienccs • statique ou activité protonde de l'âme? En d'autres
(p. 44)i
irite. le • termes, l'état d'oraison est-il de fait, èhez elle, une
to sorte oraison par état? Plsons tout de suite qu'elle ne s'est
primw Déjà nous pouvons relever le caractl)re passif ou
m)'l!tique do l'état d'oraison chez l'ursuline : c'est Dieu jamais arrêtée à pareille question. Elle ne cherche
,licite • pas une eonnaissance métaphysique do la vie intérieure;
>po$ de qui« communique » à l'âme cos états, ils sont olTets de
cla conduite de Dieu sur elle >•. Et ce caractère apparait elle se contente de vivre celle-ci et utilise pour la décrire
los 1nots qui lui paraissent les plus justes et se })résen-


1383 (~TAT 1384


tont d'eux-mômes à son esprit 'fouteîois, si nous lisons i11ti1no union. Soit qu'ello se trouve ù l!l psalmodie, soit qu'ellt
attentivement ses deux Relatior1s, nous découv1•ons o.xa1nine aes Inules et ses actions, ou qu'elle lasso quoi que ce
vite quo sous sa plume la formule « état d'oraisoJ1 1 soit, tout va d'un 1;1~1110 air, o'ost•l1.-dir11 q1,d l'ânic 11'intcrro111pl
signiflo une sorte d'ol'aison à peu près continue, une poi11t son <Jtnour actuel. Voilà un petit croyon de la disposiUoa
où cotte /11110 denroure par état; et c'est aa grtico prédominante
amoureuse familiU1'ité avoc Diou, qui se pou1-suit (lettre n11 P. Poncet, 17 septembre i fi70, dans .ùllrts, t. 2,
presque sans a1•1•ùt au centro de !'il.me ot va toujours p. 462 ; cr p. 472-474, 517-520).
se sin1plifiant. Cl1l.te simplification progressive et les ~

vuos particulières do l'Esprit Saint expliquent qu'une Ainsi, pour la grande ursuline, l'état d'oraison n'oat à
1nê1no ân10 doive pa$$cr pnr plusieurs états spirituels propremont parler ni un habitus ni un acte, au sons vul·
ou ,c façons d'ôtre avoc Diou>> (Ecrits, t.1, p. 235), avu.nt gairo du mot, mais une façon mystique, permanente
d'arriver à son état flnal. Voici deux exemples. Le pre• comme l'habitus et qua.,,i toujours en éveil comme l'acte
mier décrit le cantique <.l'amour que la vénérable le plus vivant, d'être avec Pieu dans le contre do l'âme;
chante sans cosse en son cœur, après avoir t•eçu la grâce c'est, à son som1net, un a1nour très sirr1plo et ·toujoun
du mariage spirituel. C'est au septième état d'orai!;on. actuol, une sorte do respir intérieur qui ne finit poinL
Quoique!! années plus u.ird, le fils de la v6n6rable,
Ilion dmo C.it si habituée à pw·ler ainsi, quo 1nôme la nuil., en
m'uvoillunt et étant oncore à derni-endor,uie, j'entends ces Claude Martin, donnera lui aussi de l'oraison de slm•
paroles au /011d do mon âme : 0 mon Diou I ou les au tres n~pi- plicité une définition presque identique ;
rutlons que j'ai ruppoJ'téoR ci-dessus [vK O Arnourl O gr:i.n<l El, pou r dire en un mot ce que c'est que l'oraison [ùo slm-
A,nourl Vous ûtes tout et Je ne suis rien ! 0 mon Diou, O mon pliciLô], c'est une vue de Dieu i;hnple, douc(1, amo11rouso, qui
grund Diou I iloyez béni do tout.es languos, soyez aimô de l,u us na po.sse pas en un mo,nont, - com1110 font les o.cl.Os do toi,
les cœurs I] Quelq1,1erois, iilles ,n'éveillen t s i fort quo jo i;uis d'a1not1r, d'humilité quo nous taisons quelquotols, - mais qui
contrainte do prior n1on Dien-Aitné avoc toulo confiuncn do so soutient et qui dure hnbituollen1ont pendant l'orniaon, et
nie l11issc r dor,nir, à couse du besoin que j'ai de ropos (É"i:rits, n1ême plus longtemps. Ello n'est ni un pur acte, ni une pure
t. 1, p . 222). habit.udc. l~llo est un act.o et une habitude tout en6emble:
Sur quoi dorn Claude rernarq11e : • ~fuis ce qui est oncore un acte, pareo quo c'ollt une ponsûo do l'en tendem ent et un
plus incon1préhcnsihlo, iJ y avait <les te,nps auxquels' l'en ten- a1nour do ta volonté; et une h111Jitt1de, parce qu'elle no paae
<lernont ot ln volonté gnrdaient lo silenoe, et il so,nblait que co point Pour tout dire en un mol;, c'est une union ;ictuelle et
fût le fond de l'Ame qui chaut4t cc oonlique, non qu'il cho nlû.t habituelle, tout enscmblo do l'anlond ernont et do la volont.l,
on ottot, parce qua l'âme 110 p11ut agir que pal' ses puissances, avec Dieu (Co,1ft!rcnœs a1citiqucs, éd. n.-J. Hesbort, l t,
niais acs paroles a11mblaic111 ~Ire tellernc,11. impri111,œ "'' sa Puris, 1'.l56, con!6rènco 8, p. 1.27). ·
su.bstanco, que sans parler ollo dis<1it : • .l'!lon Dieu, n1on J.>ieu, Toulofois, on ce passage, Clau de ne montion no pas le mot
1non grand Dieu! • (J/ic .. , p. 131-182, cité dans Écrits, t. 1, état. '
p. 222).
H. Dremond, t. 6, 1922, p. 137-176. - J, Klein, L'itinérai,.
Lo second exe,nple r.oncerno le treizième et dernier rnystiquc lit! la. Vé111irable Mère Mari4 de l'l11carna1ion, Paria,
6tat d'oraison, alors que toule la vie de l'ursuline, son 1938, - F. J otté, La voifl de la sainûlté d'aprds Maria de 1'111-
1.6le r.om1ne sa priôre, est devenue d'une exLrôme carnatiQn, Ottnwa, 1054; .l,'iti11éraire spirituel de Mcrrit d,
l'l nearnatio,1, VS, t. !12, 1055, p. G18•6r.3 . - M. Aloysl11
si1npliciL6 : Oonzaga L'Huuroux, The 111ystir.al l'oo<1bu./C1,ry of Venera61,
Ln volon Ill ay!ln l pnrùu son an1ourcuse ;:icll vi lei, l'ltn1e ùans Mère i\laric dB l' f11carntJ.lion n11d its probfo=, WruihiilgloD,
son 11nit6 oL dans son centre, dcme11ro, dans iu1 a1nour t1t:l,rwl, 1\156.
dnne lœ a,ubrllSS01nents de !'Époux, la suradorable Vorba
l ncarnê. c~, état 11st un re$pir ,wu:i: et amcr,rcllX qrû ne fi11iL 8° Bos1Juet et Fénelon, - La ([Ucrelle sur lo quiéUame,
p1Jit1t. C'1ist un con1111orce d'esprit ù esprit et <l'esprit dans qui met en présence doux mentalités bion dilTôrent-.
l'esprit, jo no puis uu lremun t rn 'oxprin1cr, qui rait qt,o lus
pnrolcs do saint P (lul se vérifient, lor~qu'il ôil : • J ésus-Ch rist per111et de constater à nouveau l'extrê1no complexlt6
osL 111a vio et ma vio est .J6sus-Christ. Co n'eRt pns moi qui vi8, do la notion d'état,« tcrrne sur lequel on fait tant d'efforla
rno.is Jéstr&-Chrisl. qui vit en moi • (Gal. 2, 20) ... ?,fou ûn10 inutiles et de subtilités », gémit Mme Guyon (Les Ju,tl.
oxpôrimento qu'étant dans l'in ti me union avec lui [le Vorhe ficatiorl.S de Mad. J . Jll. B. de la Motho Guion écr•
Incarné], ollo en est de 1nôme avec.lo Pôre Étornol et le Saintr prLr elle-nwnic, t. 3, Cologne, -1 720, p. 345). Pourlaal
Esprit... .ltt je 11uis sans cc,~se da11., cc diçin co111mcrcc, <l'une ello-mêmc y a sa large part de responsabilité. Bila
façon et manière si délicato, sio1ple ot intense, qu'elle nu peut utilise le 1not en des sons q\li lui attirent, et avec rai.son,
portor l'expreesion. Ce n'est pas u11 acte, ee n'est pas ttlt rcs1,ir, les censures de Dossuet. Tantôt en effet, cc qu'elle vœ
e'c.~t un o.ir si dc1u: da11a le centro de l'âttlll où est la deulc uro du dans l'état, - il s'agit Ici, comme en toute cette qu
Dieu, quu, corn,nc j'11i déjà dit, jo no puis trouver <lu tcrrnus
pour 1n 'exprimor (Écrits, t. 2, p. ~59-t,63). tion, de 1'6tut passif - , c'est une totale immobllit6
Les corumunications divines sont souvent passogàres
Co texte est de 165✓, . A la fin de sa vie, on ·1o70, courtes; elles vont, alios viunnent; Dieu les donne, il les 0
puis en 1671 , Ma1•io de l'Incarnation décrira c,ncore Co n'es t point là l'état. L'état, c'est l'hnmobilllé do l'
oot état final, et avec des expressions à peu près sem- Loujou1oi; pure et dôt.achée ùe to ut ce qui n'est pM Diou, to
blables. jours égalo1nunt t.runquillc, soit que l'esprit soufilo ou
souffla pas pour les oo rnrnunicaUons distinctes, toujours 11
Avec tout cela Diou tait corupalir avec çot ôtut [<lo ponvrot6 lon1e11t pasi;ivo pour se 1>rôter à toutes les op6rotions di
intérieure] c.:oltri d' union qui mo tien t liée à sa divine Majos t6 Voi.111 l'état (p. 3', 9).
depuis plu8iet1rs annéeff, so.rts en sortir un se1i,l 11wmc11t. SI !As
atT1.1iros, ijoit n()cessoires, soit indifférentes, font p11~ser quelques Ailleurs, elle semble assimiler l'état à une sorte d'a
ohjels dans l'iuiaginallon, cc ne sont que de petits nuages conUnu. Par e.x:omple, il suffit, solon .ello, quo 1'4me
so1nblablos à ceux qui pru1ijullt 11ous le 11oleil, ot qui n'en Otent donne une fois à Dieu, pour quo son acte s ·
lu vuo que pour quelque petit rnoment, le lalssant nu!ISitôt
en son ,nôme Jour. Et oncore, <lul'ant cet espace, Diou lui t au toujours, tant que dure sa conversion :
fond do l'â1no, qui est comme dans l'attente, ninsl qu'une L'àrne no doit pn., su rueltrc on peine de cl11wcher ccl
J>crsonne qu'on intcrrorupt lorsqu'elle porlo à une a11 t.ro, et pour le fornier, parce qu'il Hubsiste; elle trouve mêmo qu'
11ui o 11ôunn1oins la vue do celui à qui ello parlait. J•:llo est se tire de son 6tat eous prôtoxte de le choroher, co qu'elle
con1n1c l'altolldllnt en silenc11, puis elle retourne dons son doit jamais fairo, puisqu'il sobsist.o en habitude, et qu

l384 1385 xv11° sm<.:t..E 1386


u'elle ~lie est-dans la conversion <lt dans 1111 ainour habituel (Muycn
ue ce qui est pcr1nanent, qui n'a jamais besoin d'être r6itéré,
COU!', ch. 22, cité par J.-D. Bossuet, l11str1,ction sur les cstcu.s ot qui subsiste toujours par lui-n1ême, à moins qu'il
,.omps d'oraison, llv. ,, § 25, Paris, 1G97, p. 81 ).
siti<>n ne soit révoqué par quelque acte contraire » (Explica-
nante L'évêque de l\1eaux n'a jnn1ais pu accepter pareil tion .. , art. 25, p. 182). Entre l'ac:te pat·fait de contom-
t. 2, langage. Uno imrnobilité sans ac:t.e est ù ses youx une plat.ion, qui ne peut être que de courte dur6e, et. l'habi-
pUti! oisiveté. « 'Mais quolle perfection espérez-vous tude purement statique par laquelle Bossuet définit
'est. à ilans la cessation de tant d'exccllonts actes do la l'état d'oraison, Fénelon voit un intermédiairo: « l'orai-
1 vul• de,man(le, ao la. confiance, do l'acLion de grâces? .. son perpétuollo rocom1nandée pur J ésus-Chrlst ». Celle-
11ente L'excuse de l'hnpuissancc n'est pas recevable.. ; celle ci est " un état habituel, non entièrement invariable,
l'acte du ri!ssasieruent. .. est une erreur : on ne voit rien do ol'I les {unes les plus parfait.os font toutes leurs actions
'âme,; semblàble dans !'Écriture, ni dans la tradition, ni dans délibérées on p1•ésence de Dieu ot pour l'an1our de lui >•
1joun1 les exo1nples approuvés •> (llittre à l\-f 111 w Onyon, 4 mars (p. 1'79). JTin oet état, l'ân1e «fait.tantôt les actes simples
1691, dans Corrcspondan.çc, é'd. lTrhain et Levesquo, QI: i,idi$Lînots qu'on non1me quiétude ou contomplation;
ooint.

rablo, t, 6, Paris, 1912, p. 177) . tan tôt elle fa-ît les actes distincts dos vertus con vena-
1sim• Quant à la possibilit6 d'un acte qui duro toujours, bles :i. son état. Mai$ elle fait les uns at les au tl'es d'une
4'un acte qui soit un ét,zt, Uossuet voit là une erreur n1aniél'e également passive, c'est-à-dire paiiiible et.
identique ù cello do ,r. Fulconi, qui voulait « met.t1•0 df!sintéressée " (art. 30, f). 209-210). Quant aux actes
le sim- siinples do la quiétude ou contomplalion, ils n'ont
1e, qui
la perfection de cette vie dans un acte qui ne convient
de foi, qu'à la vie fut.ure » : l'acte continué do conten1plation <c rir,n rie 1niraculeux » :
11.is qv.i et d'amour, en quoi consiste la vie des bienheureux C'ost un tissu d'actes de toi ot d'u.111011r si simples, si directs,
;on, et esprits (J nstr11.ction sur le.~ estais d' orai.son, liv. r, § 20, si 1>nisiblês et 1,i uniformes, qu'ils 111i pRr11issont. plus faire qu'un
.e pliNl p, 26).- ' soul acte, 011 mênle qu'ils no J)Qraissent plus fail•e aucun acte,
mble: n1afo un ropoi, de pure union. C'est ce qui fait que saint Fran-
, et un $i l'on :voulait. dire soule1nc,1t, comme l'enseigna la philo• çois do Sales ne veut pas qu'on l'appello union, de peur d'ex-
, passe sophie, que souvent par 1111 seul aclo Lrt\s fort on lll'ùduit 1111e rrimcr un mouven1ent ou it.ction pour s'unir, 1nnis une simple
.elle et hllbitude, on ne dirait rien que de conunun, n1ais on voul que .\!t pure unité. Do lil vient que les uns, connno saint l•'r11nçois
olonté, l'aci~ s11,bQi$k:; et enco,·o qu'il y ait bo9.ucoup d'lgnoraneo à. d'A~sise dans son gr9.nd cantique, ont dil qu'ils ne pouvaient
croire qu'il subsiste en habitude, puisque l'ac;te et. l'habitudo plus faire d'actes; et que d'1111tres, conune Grégoire Lopez,
' t, i, 10nt ohosils distinctes, on ne laisRe pas d'assurur que cet amour ont dit qu'ils fnlsalen t un acte continuel pendant toute leur
Je mot qu'o,o. nomn1e ha/Jit14cl, est â la fois actuel, puisque c'est un vie. Les unR et les nutrês, [)ar des expressions qui se1nblcnt
IICW (liv. 1, § 25, p. 31-32). opposées, veulent dire la n1ôn10 choaH. Us no font plus d'actes
en1prci!Sés et 111Rr<J\1és p~ar uno secousse inquiète : ils font des
in4raire Afin de clarifier le problèn1P., le docte évôquo appor- ncteiJ si paisibles et si uniforn1cs, que ces actes, quoique très
, Paris, tera donc dos définitions précises : ,, Nous appelons réels, très succossifs, et même lntorro111pus, leur paraissent
ds l'.ln• u'n état d'orai:;on l'habitude fixe et perrnanente, qui ou un seul acte sans int~rruption, ou un ropos continuel. Oa là •
lal'it 4s pl'1lpare l'âme à la faire d'uno façon plutôt que d'une vienl. qu'on a nomn1é cette contemplation oraison de silancè
Uoyeius autre, et lui en donno l'inclination avec la facilité » ou do quiétude; do là vient enfin qu'on l'a appelâe passive.
ct1erabl11 A Diou ne plaise qu'on Ill no,nme jamais ainsi pour <lit exclure
1ington, . (liv. vu,§ 14, p. 2'18). Puis il explique, à la lumièt•e de l'action réelle, positive ot rnéritoire du libre o.rbitro, ni los actes
cette formule, que l'oraison passive, brève et de courte réels ot i;uccessifs qu'il faut réitérer à chaque 1.uomontl Elle
duréo en elle-ruêmo, dovien L ainsi " 11xe et perpétuelle n'est appelée pMsive quo pour exclure l'nc.tivlté ou ompresse-
étisroe, à ~a manière », c'est-à-dire d,tns sos effets, et " corn pose mcnl. inLérossé des ô.mes, Jorsqu'ollea veulent encore s'agiter
\rentes, ce' qui s'appelle un état "· l)e lui-111ême en/ln, ajoute- pou1· sentir et po11r voir leur opé,•ation, qui serait moins n1ar-
1pleËté t-11, cet état u n'est pas rnéritoire, n'étant pas un acte; quée $Î ollo ûtllil: plus simplo ol plus unie (art. 29, p. 201-201,).
l'efforts mais (Il] prépare l'ârne à produiro faeile1nent, et de plus Ainsi, l'état passif chez Fénolon signifierait quelque
, Justi• en plus les actes les plus parlai Ls » (ibidem). chose do plus souple, de plus ample, de plus dynamique
1 6crît.el Fénelon, très intéressé h1i-mê1ne au débat, 1·econn:dt que chez Bossuet; il innlurait tous les actos dolillél'és
o~rtant volontiers chez Mwr, Guyon de dango1·ouses équivoques des {unes parfaitos, qu'ils soient actes de quiétude et
;é. Elle de langage; par ailleurs, H ti•ouve que les tlllh•1nations
• conttimplat.ion ou actes néccssait•es des vertus distinc-
: raison, de M. de .l\:1oaux ne sont .pas suffisamn1on t nuancées. tes. En conséquence aussi, cet état, contrairon1en t à
ille voit Lui aussi, comme Bossuet, condamno cet ét.at qui sorait r.oh1i déflni par Bossuet, serait méritoire.
te ques- p11re immobilité et rejet de toute opération; n1ais il Dans la suito, la définition de nossuet, parce que
obillté : distingue entre opération ot opération, et ne cesse de plus c:Iaire et plus comn1ode, se1nhle ussoz oommuné-
1gèN)S et tépéter que« l'état 11assif... exclut non les actes paisibles 1nen 1. admise. On la retrouve, par exemple, c}\ez Honoré
1 188 ôte. et désintéressés, mais seulement l'activité, ou les actes de Sainte-Marie : « Il faut entendre pur l'état })assit
de l'âme Inquiets et emp1·essés ,. (Explicatiori des n1axin1es des
1jeu1 tou- une c:ortaine habitude, ou si !;nation fixe et per1nanente,
le ou ne
,aints, art. 30, Paris, 1697, p. 209); que « le terme de qui pl'épare l'âme spirituelle à contempler d'une façon
)Ul'S fidè• pas,ivité est opposé à celui d'activité !leulement, et on plutüt quo d'une autre, et qui lui en donne l'inc:lina-
1 divines. ne pourrait l'opposer à celui d'actio,1 ou d'actes, sans tion et la facilité ,, (1'radition. des Pères et des auteurs
jeter les ân1es dans une oisiveté intérieure qui s01•ait ecclé11iast.iques sur la co11te1nplatio11, t. 2, P aris, 1708,
L~ d'acte
l'o:x:tinoUon de toute vie chrétienne » (Jnstru.ction
pastorale, 15 sopten1bre 1697, n. 17, dans Œu11res de
r,. 102-103); choz J.-B. Rousseau l'état passif ,1 con-
siste dans une disposition habituelle à recevoir
l'âme fie Fénelon, t. 2, Paris, 1848, p. 2\18); et que c'est pour l'influence du Saint-Esprit, pour faire oraison d'une
subsiste cette raison qu'il a do1nandé qu'on ajot1tî1t le 120 des manii,re particulioro... Ainsi, l'état passif ne consist.e
articles d'lssy (cf Réponse à la Déclaration des trois point dans un acté continu. N'étant point un acte,
r cet note ~gues; n. 89, .ibideni, l'· 866). il n'est d'aucun 1nérite, et il ne rend ni plus saint ni
6e qu'elle En second lieu, et d'accord avec Ilossuet, l'arche- plus vo1·tueux » (Avis sur les différents états de l'oraison
qu~ene ne vêque de Cambrai rejette aussi la possibilité d'un me.11tale, Paris, 1710, lettre 20, p. 250-251); et chez
,i- qu\alors acte continu de contemplation, « acte sin1ple et unique plusintu•s auteurs contemporains, tel l't. Garrigou-
1387 ÉTAT - É'fAT DE VIE (CHOIX)
Lagrange : « État pas11ij ou rnysLiquo. Ces termes dôsi• Le second caractè1•0 est celui do la connaturalitA :
gnent soit l'oraison infuse de quelque durée, c'est ulo1•s l'état sera habituellement une manière d'être conna-
un acte prolongé - [1-lonol'é do Sainte-1\ilario ot llous- Lurel, qui ira dans le sens do la perfection du sujeL
se<1u acceptent aussi cette slgniOcation) - soit une En grec déjà on peut relever cet aspect : xcxT<ia-rixo1~,
facilité à cet; acte, une disposition prochaine à reeevoir c< collocatio 1•ei in sua sede », ainsi que traduit E. F. Leo•
l'illtunination du Saint-Esprit, principe de cet acte » pold (Lcxico,i Craeco-Latinu,n ni.a., u,alc, Leipzig, 19iil,
(Les troi1.1 tiges de la vie intérieure, t. 2, Paris, 1938, c'cst-ù-dit•e position de la chose on son lieu, là où ·elle
table, p. 863). doit être. Saint. Thon)aS inclut cet él6ment da~· ~a
Faut-il pour autant rejeter tout it fait la notion définition (2& 2nc q. 188 a. 1), citée sitpra, col. 1376,
fénelonienne? Il ne le sernble pas. lvfoins précise pcut- Un troisième caractère scra'it pout-être celui de la
être, rnai.~ plus prochti du langage et de l'expérie nce pa..vsivité, non pas au sen$ d'indifférence ou d'inactiviU
des saints, elle per1net, si elle est bien comprise, de absolue, mais en ce sens que normûle1nent, dans la
saisir certains uspecl.s très réels do la vie profonde vie intérieure, l'âme passive, squs la conduito babl•
des mystiques. Le Bossuet directeur d'âtnes, et non tuelle du Saint-Esprit, est une An1e pacifiée, sillll
plus le controversiste, n'était peut-être pas loin de agitation, et si calme, si tranquille dans sa manière
penser ainsi lorsque, vraisen1blablement en 1 t.97, il de se comporter avec Dieu qu'Alle laisse au dehQ~
adressait à sa" premièro fille i,, l\1Im 0 d'Albert, cet adrni- une impression d'irrunobilité et de pern1a.nence. Au88i
i•able billet : l'expression « état d'oraison » est-elle r6sorvêe de pré-
Je me suis bien souvenu, ma fille, de l'état quo vouR 1n'avie1, férence aux états 1nystiquO$.
représontô: j'ai même trouvé la lettre. Je ,no suis souvenu aussl Enfin, s'il s'agit de définir ce qu'on entend par
que déjà jusqu'à deux fois vous avez eu do pareilles diapositlons, « état d'oraison ,,, il nous semble qu'une formule gén6•
et cela tovenait par inlorvallo, n1aia faibles d'abord Il 1:01npa• raie, coinmo celle suggérée par Mario de l' 1ncarnation1
raison de celles-c;i, ot peu durables: ainsi cet état no ,n'a point qui englobe et l\u;te et la disposition, est plus j\lSIA!,
surpris; vous y pouvc1, nu1rcher sans crainte. JI nil faut point plus réaliste qu'une définition trop restreinte, du
quo mon livre [J nstruction sur les estats d'oraisonl vous en robuto, genre de celle proposée pal' Bossuet. C'est d'ailleurs à
il est fait pour o,npôoher quo l'on en abuse; mais on,Ùo pQnt pas des formules semblableii que s'en tient par oxemplO
on1pôober Diou de tirer les â,ncs à lui par les voies qn'il vaut. M. Sandaeus : 1< Stat'US. lntordum hoc nomcn signift~at
Je vous dirai, comme disait saint J?rançois de Sales : Soyez
active, passive ou pationto, comme Dieu voudra. Ce qilon certuin vitae gen\ls firmiter constitutu1n i, (op. cil.,
appell6 ccssatio11 d'actes n'est après tcut qu'un.t1 co11ce11trct1io11 p. 385); ou encore : <c Aliquando hoc nomine designatur
des actes au dedans. Lai6flez-vous conduh·e à Diou. Tant que je apud mysticos modus aliquis . peculiaris, quo in vit
ne vous verrai point indifférente à la damnation, vous na sorez mysticil., ac conte1nplationis exercitio versatur anima•
point du nombre des quiétistes que je réprouve. l)u reste, (p. 836).
l'orai$on do quiét11de est uno oro.ison on sol vraimi,nt divine;
et vous savez bien que loin de la rejct.llr, j'en ai donné los prin- On peut ajouter con1n10 supplé1ncnt bibliog-raphique, •oil!
cipcls dans les livres vu et v111. Vivoz donc en paix. Notre• ouvrages déjà cités : Dictio11,iaire d8 Tré,,<>1,x, t. 3, Pari60711
Soigneur soit avec vous ù jarnais (Corrcsponda11ce, t. 8, 1911,, col. 888-891. - Du Cange, Glossarium 111ediac et i11f/ma~Î!fÙ,;
p. 227-228). 11itatis, t. 7, Paris, 1988, p. 589-590, Status. - AlberL.B1i1se.
Diatio11nairc ta1in-fr11nç(1.is des auteurs chrétiens, Strasbourg,
l••énolon, Explication d.es c1rticles d'lssy, 6d. A. Chércl, Parii, 195i, p. 771,-775, Status.
1915; Le Gnostique IÙl saint Clcit11e11t d'Alexarnlrie, éd. P. Dudon,
Paris, 1930. - II. Bremond, Apologie p()ttr Jrénalon, Paris,
Fernand JETTÉ.
1910, p. 4./,8- 1, 1,~. - P. do Caussade , l1istr11ctîons spirituelles
en forme d~ dialogues sur leq divers étrtts d'oraison, 811-Ù•ant la
doctrine (fo M. Doss1wt, evesque de Mcciux, Po,•pignan, 17'11, ÉTAT DE VIE (C1101x). - Choisir un état de vie,
1·ééd. par JI. Bl'en1ond, Paris, 1931. c'est se décider à adopter une forrne d'existence ~
Conclusion. Do ces divers jalons historiques, il laquelle Dieu nous appelle. La question compô ,
semble possible do dégàger certaines conclusions, sur- deux faces : d'une part la vocation divine, d'au
tout en ce qui concerne les éléments principaux du part la libre réponse de l'hoinmo. La premier aspec~
concept d'état. • • dans sa liaison avec l'appel de l'Église et dans sa nàtU
Lo premier élément, et le plus fondamental, est pr·opre, sora repris à l'article VocA•r10N. Nous n'
sans contredit celui de permanence et do stabilit,!. traiterons qu'en fonction du second, qui soulève le
L'état est essentiellement quelque chose de durahle problème du choix spirituel et par ln fait 1nêmo cel
et, quand les auteurs opposent l' acte à l'état, ils le [ont du discernement des esprits. Voir art. DrscllnN&ME!I
for111el101nont sous cet aspect de stabilitê, de pel'manonce, Nous ne l'aborderons qu'indirectement. Do ~l
et non pas sous l'aspect propre de l'actuation. Cotte nous no retiendrons de la tradition, que quolqu
seconde opposition n'est qu'une conséquence de la au leurs; l'enquête sur ce point semble d'ailleurs: n'av
pre,nière; l'acte te1•restro de la créature hu1naine étunL jamais été tentôc.
ossentielle1nont passager, on conclut qu'il y a incom• 1. A travers la tradition. - 2. Méthode de saint lgfl
patibilité entre acte et état. Ce qui risque parfois d'être <le I.;oyola. - a. Période rnodcrnll et contempora1
fort équivoque, on l'a vu à propos de la querelle <lu
quiétisme. 1. A TnAv•:ns LA TRADITION. - Il conviond
Andr6 Lalande lo ron1arq11e également dans son Voc11b1'laire d'interroger au préalable les lilcritures, si la r6p1:,
technique et critique de la philosophie: • Cette exp1·cssion [•état à notre question n'y paraissait à la foiS simple et CO
clo conscienoa »] s'appliq11e, dans lo lang!1ge philo$ophiquo plexe. D'Abraham à saint Paul, l'histoire du peu
courant, à n'hnportc quai fn,il psychiqui, conscient (8on6alion, d'Israël et du peuple chrétien est jalonnée d'avp
sentiment, volition). JUlle n'esLpas he11re11so on ce sens, car clic de Dieu. Il s'agit de répondre à la volonté que 1 DJ
semble j111pliqucr que ûes faits n'ont qu'un caractèrn exclusi• mani[este sans mên10 qu'on l'ait cherchée. Les proçé
vement passif et statique. Cc q11e l'on oppelle ordinairo1nent employés po\lr s'assurer de la réalité do l'appel:
État de co11scicncc ser1;1it 1nieux désigné par le tor111u Fait de
c<>11science [ =- Fait psychique con6cient) • (p. 303).
c'est la seule question qui demeure - , peuvent van
1389 ÉTAT DE VIE 1390
•• ou la grâce subjugue et emporte comme on un clin exhortations de saints personnngcs, nous sommes brûlâs d1,1
l· d'œil la décision, - Abraham, Matthieu, Paul - , désir du salut ,. Beaucoup de solitaires et de moines ont été
t. ou le « dialogue • avec Dièu est possible et il éclaire les ainsi atlirlis par Dieu.
.

)•
modalités do l'appel, - c'est le cas de certains rirophè-
téa et aussi celui do la Vierge ?vlarie - , ou enfin l'âme
Enfin, • 111 troisième sorte de vocation viont de la nécessité.
Captifs rlcs richesses et des plaisirs do co monde, soudain
), refuse de reconnaître la légitimité de l'appel, - cornrne l'épreuve rond sur nous : c'est un danger do mort qui nous
le firent le j eune hornmo riche et les juifs endurcis. rnenace, la pértl'l de nos bions ou ln proscl'lplion qui nous
le portent ·un gr1111d coup, lit n1ort de ceux qui nous sont chcl's
ta 4.0 Si nous passons de l'Écrituro au te:mps des qui no11F; porco do douleur, Nous avions dédaigné do suivre
5. Pères, il semble qu'il y ait Iiion continuité. Diu11 dnns la prospérité, du 1noins sommes-nous contraints,
la L'histoire des rnoines nous apprend que souvent ,nalgr~ nous, do nous hâter vers lui • (Conlalio a, â-5, PL 49,
té 561-563 ), Si l'on a répondu selon lo troisième 1node, il importe,
~es homines et dos fem1nes ont décidé de leur vie dit CassiP.n, d'approndre à vivre avec des motifs plus élevés
la à la suite de voix entendues. Saint Antoine répond et d'atteindre à la forvour,
allllsitôt à la lecture do l'évangile, - qùi est pou1· lui
1S la iVOIX de Dieu - : « Si tu veux ôt1•e parfait, vends tout 20 Il n'est guère possible d'eillourer le problème de
re
l'S
~que tu as... » ( Vita Antonii 2, PG 26, 841bc; cf L. Bou- l'engage1nent dans un état do vie tel qu'il se posait au
yer, loco cit. infra, p. 't3·'t6). Les Apoplttegrnes des moyen âge. Si les docu1nentl, semblent rares, et mêrne
Pèr~ mentionent souvent ces 1Joix. exceptionnels, sur le choix de la vie dans le monde, nous
Le choix des évêques par la 1Joix du peuple chrétien savons, en revanche, que des milliers et des milliers
a provoqué seniblable réponse de la part des ,, élus », de chréf.ions et de chrétiennes choisirent délibérément
ar encore laïcs, qui reconnaissaient là la voix de Dieu. un état de vie parfai te dans les ordres religieux. Sou-
é- C'est ce que saint Ambroise, par exemple, explique vent môn101 lHl second choix s'imposait, le transilus
n, aux habitants do VorceiJ, en leur rappelant la sainte ad vita,n. arctiore,n, nota1nrnent le 'passage à une forme
;e, vie de leur évôque Elusèbe (Ep . 63, PL 16, 1189-1.220). de vie érémitique. En fait, la réflexion du chrétien
lu A côté de cas relativement fréquents qui emportent des temps patristiques et le choix spirituel décrit par
à un prompt acquioseement, on doit aussitôt mentionner Cassien i;e prolongent et se retrouvent à peu près tels
,le l1111 longues et d1•amatiques hésitations de nombre quels au moyen âge. Sans doute y découvrons-nous
at
..ur
:, d'autres « appelés ,,, que décrivent, entre autl'os, le
D, sacerdotio de saint Je.a n Chrysosto1ne ou les Confes•
une p1•éoccupation a1)ostolique plus consciente. Le
problèrnc de l'engagement demeure. Demandons à
1i.ones de saint Augustin. saint Bernard el à saint 'l'ho1nas d'Aquin comment
•ta LQ chrétien fervent, à fo1'Liori les ascètes, les viet'ges ils le résolvent; placés dans un contexte différent, ils
l » et les moines cherchaien t ù connaître et à réaliser la nous donnent la réponse· de leur temps.
volonté de Diou. « Je cherche la volonté de Diou >>,
ux l'l\pétait Pacôme (Les Yws coptes de saint Pç.cônze, 1) Dans ses lettres, saint B ernard donne à i;es corres-
11, p. 60-61; cr S. ,Joan Clirnaque, Scç.la Paradisi, PG 88, pondants la solution de leur cas personnel, tandis
ilΕ t058b; so reporle1· aussi à l'article DrnRC'l'JON sp1n1- que son De con11ersia11e ad clericos est en quelquo sorte
se, TUJjtLB en Orient, OS, t. :J, col. 1008-1060). Pour
un petit traité de la vocation et de la recherche de la
rg,
par.tlciper à la« vie angélique», à la ,, Jérusalem céleste 1>, volonté de Dieu : « Vita in voluntato ejus (Dei) »,
« Voluntas ojus conversio nostra » (1, PL 182, 834b).
l la « convel'satio in coelis », - c'était cela vivre en Cette conversion signifie aussi bien le changement
chrôtien - , il fallait tout quitter. Le n1artyro 1•appor-
Wt cent pour un et la virginité soixante, 'l'oute déli- des mceurs que l'engage1nent dans un état de vie plus
bération sui• le <1 trésor céleste » était à priori orientée parlait. l~lle 1·épond à un appel de Dieu, opus divinae
le, ,ers le choix des conseils évangéliques. On se t1•ouvait vocis, non humanae (2, 835b; cf Ep. 107, 18, PL 182,
à d'ailleurs entrainé par la générosité de ceux: qui déjà 248d). La voùc do Dieu, qu'est-ce à dire (vox ipsa se
~te avaient choisi. Voir no1nbre d'exen1J)les dans l'H i.stoire offert; 3, 835d)? C'est ordinairement pour Bernard
~re l4U,iaque. l'illu1nination de la conscience que procure la pénétl'a-
it, leân Cassien caractérise les difTérentos dé1nprchos tion de la p:u•ole de Dieu recueillie dans les l1lcriturës.
1re llltérieuros des chrétiens devant co choix spirituel Elle peu L être aussi un 1nouvement intérieur, une
en dans un te:xte demeuré classique. « pa1·ole )1 intérieure. Quellës que soient son origine
le et sa moda.lité, elle nous fait découvrir et désirer « le
lui Iiobut do Cassien, on oxpos(lnt troi,; sortes de VOCfll.ion, n'est centuple, qui, dans ce monde, est montré aux contemp-
IT, pas do préparer ses auditeurs à choisir, car ils sont en fait teurs du ·monde n (25, 848a). Voyez d'ailleurs ceux
1s, eogag~s, mais ù se souvenir dr.s n1odalités de leur appel pour que la p){:nitude divine a rassasiés, ils vous précèdent
~ Uror un profit spirituel:• Si, en oftut, nous reconnaissons
188 et vous appellent.
• • ·1a manière dont nous !ùmes appoh\s uu culte du Dieu,
DU' lt genre do voèution le plus élevé, nous aurons à régler notre A cet appel absolurnent clair, - ce n'est pas l'ho1nme
lÎe de telle sorte qu'elle s'har,nonise à la sublimité do notre qui appollu, rnais c'est Dieu qui Incline les volontés -,
IICB conversion. Do sublimes con1n1encements no servh·aiont de il est hnpossible do se soustraire.
"6. rien, si nous no 1nnnit1~5tions pas u11e tln se1nblable nux débuts n, Saint Bernard écrit tout net à l'abbé de Saint-Dortin au
L'abbé I'aphnuco explique ensuite la preniière sorte do R11jat du jeuno n1oine 'fhom:.11,, qui voulait p!Uiijer à Clalr-vaux :
ait 'D.®tîon : • Elle vient de l)ieu, cl1aqu11 fois qu'uno inspiration • Vocntus llSt Thon1as 1100 a me sed ab oo qui vooat.. , non
188 dlvlno a pénétré en nous, parfois mê1ne lol'flque nous dormons, ab homina neque pcr hominem, sed a Do111h10 tnctum est
m- qui nous èxcit.e au désir do la vie étcrnclla et du salut, et nous istud. Non enim homo sed Deus est qui operalur in cordibus
~le presso, par un sentiment très salutaire do componction à suivre ho1ninu,11 ad inclinandas oorum voluntntes quocumque
els Dieu et à adhêrer à ses p1•éceptea •· Il s'agit là soit d'une voluerlt. A Do1nino, inqua1n, factum est istud et ideo non
• )ilel'Ventlon dirocla de Dieu, à laquelle on peut co1npnrer solum 111irahile sed i1nn1utnbilc esse dobet • (Ep. 382, 2, PL 182,
1eu Ji vooallon d'Abràham, soit d'une 11oix perçuè :11 travers dos 585-586).
clés p,nsées et dos sonllmonta spirituels,
- • ha seconde so1'to do vocation est eelle qui so produit par
lotermédialre. hu1nain, lomque, anln1és par l'oxernple et les
Les réponses de Bernard à ceux qui aspirent à un
état de vio plus parfait, ou y sont appelés, sont habi-

1
J
'

É1'AT DE VIE (CliOIX) '1'392 139:


1391
d'autres qui vont à ses fins. Une grande vigilance app,
-tuellement fort prudontes. Avec netteté, il pose la not1
s'itnpose dono. Toute suggestion d'entrer en roligion1
question : utrum vocatio Dei an non sit. de I:
qui aurait le diable ou un hom1ne pour instigato111
Bruno, 6vûquc élu do Cologne, lo consulte en lui rncontQnt et qui ne viendrait pas de Dieu, n'aul'ait aucune effica• Sil!
sa vie. Borno.rd, perplexe, én1111101·0 les appels directi; que ancl
!'Écriture rapportii, n\nis le c1:1s de Bruno leu1• ressemblo-t-117 cité. Il est trop clair que nous avons besoin de réfléchir
• Je na puis prononcer avec c.iarlllude, lor:;quo Je ne suis pn,~ et de consulter, lorsque no\lS s01n1nes engagés en dee (ch.
certain • (Ep. 8, PL 11!2, jiJ5-107). Il s'agit bien en <ifteL de afl'aires qui eqtràt11eraiont des périls immédiats. A
discornor la volonté d(} l)iBu. De quel esprit procèùo, par On pourrait retrouver dans ce commentatre de Jli,OI
ex.en1plc, Je dé6ir ùc ccttl) moniale qui voudrQIL se raire or1nite : saint Thomas les caractéristiques des démarches lnté• être
üoi;itQns atq,~o rocogitnns quo quido1n spirih1 conccperis, r·ieu1'es de Cassien et de saint Ilernard. 1.
facile judico.ro non audeo. El il finit par conclure au serpen- L()u
t.inum virus (Ep. 115, PL 182, 261-262). A Étienno, abbé dH 30 A la fin du moyen âge, les auteurs spirituel& W1u
Saint-Jean do Chartres, qui parle d'un pôlerinagH ù Jér11sa- précisent peu à peu ces démarches intérieures ot s'ache- Tex
lc1n, il laissa entendra une suggostion de « l'ange de Sa.tan nlinent. vers des règles du discernement de la volonté trad
sous los apparences dB l'L\nge da lu1niùro » (F,p. 82, 20::Jc). éd.
de Dieu.
L'abbé de Clairvaux ne décide donc pas à la place 1) Il ne serait pas malaisé cle trouver des élémenlà de Pari
do l'appelé; il l'éclaire, s'il le peut; il insiste sur la méLhode pour le choix d'un état do vie en certainœ Pari
œuvre$ de Rayn1.ond Lulle t 18t5. Dans Blanquer11a, 2.
« puritas cordis >>. Mais, en revanche, 'il secoue les ht'lsi- l'an,
tants. Avec ceux-ci, les arg\1ments sont r6pétés à par exemple, les parents de l'ermite discutent entre tual1
satiété, sans réplique et donnés parfois avec quelque eux des raisons pour et contre leur entrée dam la p. 21
rudesse. On entre au monastère causa suae salutis vie religieose. Le Félix o llibrtJ de niera,,alle,9 insiste S!!r Pari
(Ep. 6/i, PL 182, 169b; Ep. 10(1,, 286-240; Ep. 111, la rectitude d'intention qui s'irnposo aux hommes ell
25tid; Ep. 41"'-, 623a; Ep. 422, 680a, et.c; Guigues le tous le\ll'S choix.
•~u.
An,
chartreux fait égah)ment allusion au propositttm 2) Thornas u I{en1pis nous a laissé, dans sa Vit~ Mal
aetern.ae saluti.9, lcco oi:t. i,1,fra, p. 348). Lu friga Htu::culi Gèrardi Magni (Opera, éd. M. J. Pohl, t. 7, Fribourg- s.
,, fi
s'irnpose à qui veut se sauver; il faut choisir la vie.•au en-Brisgau, 1924), quelque chose cornme la conclusion
monastère, in schola pietatis sub magistro J esù, à la d'une clectio, faite par (;éru.rd Grontc t 1884, l'initiate11r
mort dans le n1onde : quomodo vivere potes, ubi mori de la Dcvotio 1noderna : « Ad gloriam et honorem et
,.
(14ct/

diJ l
non audos (Ep. 105-106, PL 182). Cornm.e te dit avec servitium Dei intondo vita1n meam ordinare et ad JIES
humour et véhénlence le novice que ni.et en scène salutem ani1nao meae ». Groote a le souci do plaire à
Aelred : il faudrait être fou pour hésiter entre les deux Dieu en se soumettant à sa volonté et de repousser 2
états! (Spccu.lrtm çharitatis 11, 17, PL 195, 562-566) . tout ce qui l'en détournerait, (< salva quiete mentis et
puritate et libortate voluntatis >> (ch. 18).
-a ri
2) Au iemps de saint Thornas d'Aquin, en pleine que-
relle entre séculiers et rnendiants, le problème du choix S) Lo chartreux Nicolas Kempf de Strasbourg t 149?, mé1
do l'état de perfection se posa avec acuité. Saint Thornas tout aussi traditionnel, est beaucoup plus précis. li t~it ant
se fit le défenseur de la vie religieuse, notamment dans dialoguer la et théologie » et un jeune clerc qui ne sait des
son Contra pestifera1n doctrinam retrahentiu,n ho1nine6 quel état de vie choisi~ : théologie, droit, médecine, cha
a rcligionis ingressu. Ses adversaires insistaient avec enseignement... Il voudrait des bénéfices ecclésiastiques let
quelque intention mtùigne : l'entrée en religion exJgc pour vivre I Il avait entendu déjà la divina vocatio el géll
de longues réflexions et force conseils; éprouver les l'inspiratio à la -vie teligleuse, mais l'a,nor mundi, leu:
esprits qui nous 1neL1vent s'iinposo. Saint Thomas honoris et gloriae ac httmani favoris l'avait emporté plu
décèle et réfute avec vigueur les sophismes de ses (pars 1, ch. 9). Son interlocutrice l'invite à tout.lais~et opt
contradicteurs. Si l'appel a la neLteté de celui qu'enten- pour 1( vaquer à Dieu 11 duns l'état religieux, « le chemin aali
dirent les apôtres,« rien d'humain ne doit nous reta1•dor le plus facile, le plus s(\r; le plus court et le plus pàrfalt
• vie
au service de Dieu 1> (ch. 9). S'agit-il d'un appel inLé- pour parvenir à la perfection » (pars 2, ch. 27; pars S, de
rieur, d'un in.siinctu., divi11us 't I()i le docteur angéliquu ch. 14). Dieu <( choisit et appelle >> ( elegit et vocat) par en
distingue doux cas. Diou parle -et appelle par sa une grâce prévenante. Cette grâco, ou instinctus Spirµu, spil
parole, qu'est l'l!lcriture; co1nbie11 furent bouleversé:, Sancii, - à la fois appel et délibél'ation -, meut inté, li
par les Livres sainLs et ont tout quitté pour le Seigneur 1 rioure,nent et sti1nule à l'observation des consoils 2. I
Pour eux, il n'y avait pas d'hésitation possible. Qu'en (pars 8, ch. 15). Con11nont savoh· avec certitude an e~ n'ai
sera-t-il lorsque l'appel se ramènera à une sorte dti Deo l'it vcl diabolo? Il faut considérer lu qualité de l'o~
" parole intérieure ))? Au Saint-Esprit qui t1•aosforme l'appel et sa fréquence. Les cas de Paul ot de Matthieu de
l'âine, - qu.icunique S pirÙ1t Dei aguntttr (Ro,n. 8, 14) sont plutôt extraordinaires; habituellernent, le Sel, plei
- , on no doit pas résistel', mais obéir sans hésiter. gneur et se tient à lu porte et ftappo, si quelqu'un à·d
I'eut-êL1-e dos questions se poseront-alles; n'interrogez entend.. , il entre ... >> Il faut prendre garde ensuite à IOn
vie
alol's ni parents ni au1is trop intéressés; écoutez Jo l'état do l'âme : se trouvo-t-elle dans u11 te,nps tran, de
conseil do !'Ecclésiastique (37,12) : <l euro viro sancto quille, en dehors de toute sollicitation passionnelle, I
irréfléchie ou intéressée, vit-elle enfin dans un climat
assiduus esto •· la
Tout de 1nê1ne, ne conviendrait-il pas d'examiner de pl'ière et d'oO'rande de soi à Dieu? La pureLé d'inten- On
l'origine de ces esprits qui enLratnont vers l'état reli- tion s'impose, totale: l' «appelé,, ne cherche plus quo la tati
gieux? Non, s'il y a certitude intél'ieure de la pal't du volonté de son Seigneur, « propter Dei honorem et par
sujet; d'ailleurs, !'Esprit a inspiré à la fois le propo- propriam salutom » (ch. 17), « pl'o suo honore et laude, tala
situm et fait la délibération. A ceux qui reçoivent uo et pro tua sulute et utilitate )), ~ pro Dei laude et honore tola
Ma
tel « appelé » d'examiner ses intentions et son idonéité. et pro animao tuae snlute • (ch. 19). Daf\S ces condi•
Certes, Satan se déb>'Uise en ange de lumière I Il devie11t tions, et si l'âme a rejeté tout affe<;tus charnel (ch. 21li
en vérité-dangereux, au mo1nent où il essaie, pal' l'inter- illicite et mêrne licite, alors il n'y a pas à hé~iter1
médiaire . de bonnes suggestions, de nous en proposer l'instinctus internus ost bien la voix de Oieu, et so11 qu
1392 1393 DANS l,A TRAI) ITION· 1394
ililnoe appel est sans cause, c'ost-à-dil'e sans ,nél'ite aucun do la pre1nîère condition pour pouvoir choisir lin état de
• •
igton, notre part. Qu'un tel appel soit l'œuvre du démon ou vie, c'est de disposer de sa pcr.9on,ie, « de n'être ni rnarié,
:ateur de la nature humaine serait hautement invraisemblaJ1le. ni religieux )> (lJirectoria, p. !l0-91). Cette remarque qui
effie.a- Si quelque doute surgissait, 1•ecourir aux conseils d'un sen-1hle1•ait supet'llue, vise non seulement une situation
~échir ancien prud011t et b'ien au fait des dêrnarches do l'.~SIH'it malhrielle, 1nais des capacités l1un1aines et psycholo-
n des (ch. 15). giques dont la nécessité est soulignée dans los annota-
Avec Nicolas l{en,pf nous sornrnes prochos du tion:, qui se tr·ouv_t)ut au début des Exerc,:ces. 11 Si le
re de mo1nent oî1 lea règles du choix de l'état do vio pourTont dire~teur voit que lo 1•otraitant eat de faible constitu-
inté- titre synthétisées. tion ou de faihlt~s capacités naturelles, et qu'il n'y a pas
i. Les Vie.~ Côpt~s tf(t Raint PcwliômC1, trod. L.-Th. Lefort, à on atLendre beaucoup de fruit, il est plus utile de lui
rltuels Louvnln, 191,3. - l.. JlonyP.r, J,<l vfr 1fo S<t.int Ant-oi11e, Saint- proposer quelques exol'cices faciles, jusqu'à ce qu'il
'ache- Wandrillo, 1950. - Hi.~tqr1'.r1. lausi(tcc1., éd. C, DuUer, coll. fasso la confession de ses pécl1és ... Il ne faut pas s'enga.
Texts and Studios 6, C11111brid~o, 1904. - les Pères drt dés,1rt, ger plus avant dans les questions de l'élection)> (E:i:. 18),
~lonté trad. R. Draguct, Paris, 19~9. - ,Jean Cassien, Conférences, c'est-à-dire du choix dt) l'ûto.t de vie. La méthode sup-
é11, et. trad, E. Piche1·y, coll, Sources chrétianr:ios 42, t. 1, poso, on ofîot, que l'on ait aIT::üre à des esprits sulllsa1n-
nts dé P~ris, 1955. - A,• J , Fcstugièl'C, Ant.ioclld pa!e1n1e et chrcr.icnno, 1na11 (, riches pour entreprcndl'O l'oxp6l'ience intérieure
·tilînee Paris, 1959, p. 189 sv,, ; conuncntait'c du textH de Cassien,
proposée, suffisamment cultivés pour qu'on ne soit
uerna, 2. A. Wilmart., L'appel à la. 1•ic carltl$icn11e s1tic.•a11t Ouig,w.~
entre l'ancù,n, RAi•f, L 11,, 1933, p. 337.31,s, •- Fr. Petit, La Rpiri- pas al'rôL6 pa1• des explications qui troubloraient cette
lualité des Frbnontrés aux XII O et x111• sùlclss, Puris, 191, 7, expùdence, suffisamment libros pou.,• se juger eux•
lns la p. 20? et pa.ssim, - A. Dimior, Sai11t Hcr11(lrcl pOcheu,r de Die 11, 1nô1nos et pour no pas adhérer irnmédiatc111ont à
1te sur Paris, 195a. - J ca11 Léèlorcq, Lellres d~ PQc!ttion à la vie 11ui1iris- leurii in1puL5iori.5 et à leurs d6sirs. Cot aspect se trouve
ies en lÎq111J dans Studia a11sel1nia11a 37, 1955, p. 169-197. - J, Snbal.or, souligné dans los règles de l'élection, lorsqu'on suggère
Jl11~logl(~ doctrinales entr<l S . J gnacio y Ram.6n. L/1tll, dans au 1·ctl'aitant de suivre les conseils qu'il donnerait à
l Vita Jl,fa11resa, t. 28, 1956, p. 378-380,
un inconnu se trouvant dans la même situation que
bourg- a. Nicolas Kornpt, Dia.logus de recto s1udior1l//l fl,11c ac 1Jrclir1c tui (E:i:. 185). Si col.:te condition n'est pas réalisée,
:lusion e~ f1tgie1uli.~ vita(, sacèu/11.ris 11a.nilatib11s, 011. ll, f>ei, B/bliotltccn
·jamais il ne set•a possible de che1·chor la volonté de
iiateur ascctica, t. '1, Ratisbonne, 1724, p. 259-','.l2. ·
4. Jcnn LeclerGq, Lrt <•ic parfaite. Poin.t.9 do ,,u.c s1,r l'e.sscn.cc Di.e11 , qui, étant en moi, est aussi dilîérent de moi qu'il
-em et est possible. On pourrait ol)jecter quo la recherche
de l'étai rcligi.tnix, 1"urnhout, 1.948. - Art. D1scP.flNEM&N T
et ad
laire à
P&5 BSPRl'l'S, DS, t. $, co1. 1251, 1255-1266. et la découverte de la volonté do Dieu vont précisé1nent
,o usser à conduire à une lilJération, mê1n e dans l'ordre psycho-
2, MÉTHODE DE SATNT lONACE DE LOYOLA t 1556. logique, et qu'ainsi la condition posée est en fait un
r1tis et - L'originalité de saint Ignaco réside dans le fait qu'il résultat. Il reste vrai que le sujet doit être capable de
a .rassemblé en un corps do doctrine et résumé on une ceLt.o libél'aLion et qu'il lui faut en possèder déjà los
: 1~97, méthode cohérente tous les éléments do la tradition pre,niers éléments.
Il tait
antériouro. On peut sans doute rotrouver ailleurs bien Seconde condition. Celui qui se trouve libre << de
l8 sait
de,c; parties de l'édifice, n1ais la situation respocti ve do di$pùse,• de aa personne » doit être, << en quelque façon,
fecine , chacune est son œuvre propre. Aut1•e. trait distinctif':
1tiquces , dans l'angoisse et dans le dquta avec le désir do sal!oir
atio et los auteurs spirituels, qui l'ont précédé, s'adressont on ce qn'il doit faii·e de sa personne » (Directoria, p. 90).
général aux moines, soit pour les fairo so souveoi1· <le li.:n psychologue averti, saint Ignace sait hion que
nundi, leur vocation, soit pour qu'ils y demeurent fidèles, et
nporté l'hornme ne fera de gi•ands efforts quo pour sortir
plus rarement à des personnes qui n'ont pas enco1'e d'uno situaUon inconfortable. Pou1' encourager it faire
laisser opté pour un état · de vie déterminé, alors que
:hemin les .TJxerciccs, le texte cité conseille de « donner des
aaint Ignace a pour but de faire pa$Ser d'un état do exe1nplcs do cotJX qui, s'étant trouvés Lraca.<;sés et
parfait vie à un autre. Notons quo la recherr.;he do la volon Lé d6sulôs, rurent consolés ensui t.e >) ou encore de « faire
pars 8, de Dieu et, on particuliel', le désir de disposer sa vie
it) par entendre la paix qui reste dans l'âme do coux qui
én fonction de la volonté divine caractérisen L cette les ont bien faits )> (p. 92) . Ainsi, cotte n1éthode appa•
piritus ~piritualité. '
1t inté• raît-olle comn1e le moyon de passer de l'inquiétude
à la paix, par la découverte de lu volonté de Dieu
onseils Noos allons voil': 1. Cornrnent,se fait la pl'épnrution 1111 choix;
et par soun1ission à celle,ci.
, an eœ 2. Les troi8 nuu1ièrcs do choisir; S. Le rôle du diroctuur; nous
n'aborclerons qu'en passant la qnostion do savofr ,mrnrnent '1'1'oisièn10 condition. Celui qui veut choisir no doit
lité de
ttthieu l'on peut. 1.ransposer cotte ,nc\thode à toutes los clrconHt:1nuos pa$ ~tre << si attaché à u ne chose qu'il soit dilncile de
.e Sei- do ln vio. ll o!!t clair quo lout ce qui sera dit ne pr0nd ROil l'an1nnel' à se placer devant Dion en pal'tait équilibre >l
1lqu'un plein Sans que dans le contoxto dus l:::ter1iù;cs spiritrMls, n'est- (Directdria, p. 90). Lo choiic deviendrait en oftet irnpos-
à•diro dans un tf.lmps privllugiu do prière, où nous rupas- siblc dans le cas où un attachement quelconque inter-
1uite à sons pat· los grands Jl\oments do l'histoire du salut et do la dirait au retraitant la disponibilité à l'égard de Dieu.
;; tràn• vie de Notro-Soignaur. Il semble pourtant légitime de déga!{or
,nnelle, Si nous tenons à une chose avant que Dieu nous ait
de ce con tcxté les lignes principales do lu méthode. iudiqué à cc sujet sa volonté, notre attache1nent devient
climat Les rôCôroncos aux Exercices ("" Ex.) sont données d'après
l'inten- la numérotation habitufllle aux éditcut•s et traducteurs. - une sorte de préjugé qui fausse toute délibération.
, que la On trouve dans la colloction ùes l',fonun1cntn historien Soc.io- J>ar là, nous r,rétendons quo Dieu vienne à notre volonté
rem et latis Jesu l'édition des Directoria F.xcrc,itioru,n spiri11tali11ni et non pas nous à la sienne. Nous sommes alors victi1nes
, la,ude, par ·1. Iparraguirre, t. 2, Ro,no, 1955, = n,:rccwria; los li"pis• de ce quo saint Ignace appelle un attache1nent désor-
Ullàc et ins1ructio11e.s sa,wti J gncitii, t, 4. Mn.drld, 1906 = Jtpi,s- donné. rc Pou1· que le Créateur et Seigneur agisse plus
honore tôl11c; les Con.stitutio11es Socictatis Ja.~u, t. 'l, Roine, 1931,, sü1'e,nen t dans sa créat.u1·0, s'il se trouve que l'â1ne
· condi- Jl,fo11u1ncnta Co11.~titulÎô/ll4'11 pracvia; lo Ghronico11 de J, Nuùul.
ih. 21), ait pour quelque chose un attachemènt ou une incli•
nation qui no soit pas dans l'ordre, il lui est très utile
~é~iter, 1° La préparation au choix. - Con11no le re1nar- de O•ouvoir toutes sos forces pour se porter à l'opposé
et son que un directoire tiré de notes dictées par saint Ignace, de l'objet de son attar.;he mauvaise )> (El:. 16). C'est
1395 ÉLEC'l'ION SELON S. IGNACE 1396 139,
dans cette perspective qu'il faut co,nprendre les expres• s;on état antérieur et l'instant où l'intervention de quel
sions ignationnes d'agcrc contra et de vinccrc scipsuni. J)ieu n été perçue. Co qui se pâSse, et qui pout ne durer déi,ol
Ces conditions, prénlnhfoa li la décision, ont pour but de quo le temps d'un éclair, apparaît nette1nent comme COl)_Sc
faire ces$er \1ne inclination unilatérale qui interdit à ùieu de t'.:l,ant d'un autre ordre que celui de la psychologie; qu'w
choisir en nous dans un sons ou dans le sens conlrairo. Ai;:ir il y a une distance qualitative infinie entro ce que l'on tout'
contre un aU11chernonL d6sordonné cl se vnincro soi-rnôrrui, n. expérimenté et ce qoe l'on est. Second signe : là en li
c'est sa prépnrûr à so tendra l0Lalc1ncnl llllt'O d'o.dlioror à une certitude. « Sans dotlter ni pouvoir douter ll, l'âtne tristE
chose ou /1 s01i opposé, cL à exclure Loule dl:tcrnlinaLion a,1Lû- reconnaît qu'un AuLre l'attire. La 1notion intérieure L'âm
rlouro à l'indication divine. Si nous nous laissons conduire :;'accompagne d'une Iu111ière telle qu'elle lève toutes va Cs
po.r une in)pulsion ilnn1édiate, c'est que nous avons perdu les hésitations ; et la certitude porte sur le fait que ~ent
l'équilibre; pour Je rétablir, po111' ren1lre à notre libre arbitre voulc
sa forco et son pouvoir, il faut se mettre à désirer 11110 impul• i'i1npulsion ressentle est aussitôt reconnue comme
sion inverse. Cela n1é1ne n'est pas en notre pouvoir, à 1110.ins venant de J)ieu, ot non pa'> des mouvements toujours dépa:
que la grâce de Dieu ne vienne peu :\ peu créer en nous 11ne douteux de la r•aison et de la psychologie humaine. efTetti
attir;ince contraire li la prernière. C'est dans lu. prière que nqus ·1,:nfin troisiè1ne signe : grâce à la force de cette motion durai
allons do1nunder à Diuu ,, d'ordonner nos désirs ol do clu1ngûl' divine et dans la vue claire quo c'est le Seigneur qui Véritl
l'att11chernont prernim· n (Ex. 16). Si quoiqu'un est altacho, parle, « l'âme généreuse suit ce qui lui est rnontré »; Chris
par oxe111ple, à la 1•ichcssc 1 qu'il dc1nande à Dieu la pauvrclé •~Ile adhère pleine,nent à Dieu, rnêrne si elle no sait pas quen·
(Ex. 157). Pour saint Ignace, chacun des deux possibles pare
encore exactement où elle sera conduite.
devant lesquels se trouve placé le libre arbitre est le signe A vrai dire, en ce premier 1< te1nps », il n'y a pas de devrc
concret soit d'une attirance vers le haut, soit d'une ;1ttiranço Inve1
vers le bas, si bien quo, çroyant choisir en l.l'è ce.ci et celu, choix au sens ordinaire, c'est-à-dire précédé d'un doute
je choisis, en réalité, entre lu volonté do Dieu et la rnienne. et d'une délibération, puisque l'âme ne peut hésiter si ell
Il est donc indispensable, si noua voulons obéir li Dieu, qua ot qu'elle répond iln1nédiaten1ent à l'appel immédiat entra
• le motif po11r désirer 011 détenir 11110 chose ou unu auLré soil c\e Dieu; il y a pourtant un choix, par le rait que l'homme Coi
uniquement le servke, l'honnour ot la gloiru do Ili divine ratifie le choix de Diou. C'est 1nême, dans ce premier tem1>1
Majeal.é • (Hx. 16). t.e1nps, que la liberté humaine atteint d'un seul coup a pa1
sa perfection, car le doute et la délibération no sont avoir
Nous voyons donc que notro liberté pa_rcourt t'rois grave
jamais que des rnoyens d'accéder à l'obéissance à Dieu,
stades : 1) attachement désordonné à une chose, ce et à
qui lie notre pouvoir de choix; 2) rétablissement de On a beaucoup discuté pour savoir si co premier tempa él.fllt
uxll'aOl'dlnah·e et excûplionnol. Nous no pouvons entrer dans toujo
l'équilibre par l'atUranco contraire sous l'effet do la l'expi
uclle polémique. Contentons-nous do citer un comn1entaleur,
grâce; 8) choix de la chose ou de son contraire selon la dont nous nous in.spircns par ailleurs : • Non aeulèrnonL parmi çapit1
motion do l'amour divin (Ex. 18(.; saint Ignace se réfère les âmes ferventes et très ravoriséos de Dieu, 111ais aussi pru'mi pal:x
souvent à ces t1·ois situations fondamentales de l'A1nc los débutants, il se rencontre plus d'un cas où l'on pcut, pres• l'alte1
on quête de Dieu, E;i;, 20, 41.t, 63, 87, 322). Si l'on n'a IJUe à coup sOr, reconnattre uno élection du • pro1nicr ton1ps •: et l'a,
pas com1noncê par découvrir l'attachement désordonné cas d'un adolescent brutlllcmont s11iai par l'évidence d'Atro
et si on ne l'a pas neutralisé, il e$t impossible que la appelé au sacerdoce et qui ne peut plus so refuser à Diou Ili, a1
s(lns iltre certain de fuir alors sa volonté; eas d'une âme anxieuse Iumiè
volonté de Diou nous apparaisse, par contre, ces deux se rw
conditions étant 1·emp)ies, il est peu concevable que ou hositanlo qui voit Loul à coup s'olablir la lumière, sans
aucun 1notir qui puisse l'expliquer; cas d'un homme dont la à unc
nous ne la percevions pas. car li Lude religienRe vacillo et qui reconnait en un instant la plus,
C'est par Io mot d'ùtdiUérence (Ex. 23, 157, 170, v1uülé des motifs qui l'e1npêchs.iè11l d'ôtre à Dieu sans réserve. « pre1
179) que se t1·ouve désignée cetto attitude d'équilibre, l{n lous ces cas, rion n'explique le caractère 1,oudain ot imRé· un u •
de disponibilité à l'égard de Dieu, et cette volonté rioux de la certitude, si ce n'est l'a,nour gratuit de Dieu, dont réul;li1
ferme de choisir co qu'il indiquera être sa volonté. l'ttbsolu et la transcendance se n1anifeslêllt en déjouant et de
Il n'est pas question d'une sorte de d6sint6rôt, dont 1.oulcs les prôparations et tous les chon1inon1cnts : • C'ost
le propre du Créateur, dit saint Jgn11co, d'entrer dans l'liulc, pas ijC
l'origine serait la froideur et la séchoresso do cœur, l'A.me
mais do l'attente active de celui qui ahne et cherche d'en sortir, de la mouvoir, en l'enlrnlnant to11to à l'amour
do ali divine ?,îajesté • (Ex. 330) (M. Oiuliani, ,Se décider sous la tion ,
uniquement à ,répondre à l'appel do l'µmour. L'indif• la pu
1111>tit>n di~itic, dans Christus 1~, 1~57, p. 172-173).
férent est éelui dont la passion inté1•ieure mobilise perso1
los forces, rejetant tout préjugé, et qui est prêt à II no faut donc pas exclul'o la possiblité de ce pre- Saires
s'engager sans restriction, lorsqu'il aura entendu la n1ier <1 ten1ps n; si on ne le rencontre jamais, c'est peut• Po1
voix de Dieu. Par l'indUTértlnce ainsi définie, la prépa- i3L1•e faute d'avoir su le discerner. saint
ration au choix s'achève. 2) u Dans le dcu,t:ième tc,nps, l'i'lmc trouve Msez de suffit
2° Les trois :manières de choisir. - 1) Saint i:larté et de connaissance par l'expérience des conso- au vb
Ignace distinguo tl•ois « ternps >> ou moments, dans lations ot des désolations, et par l'expérience du dis- toute
lesquels on pet1 t 1< fail•o une bonne et saine élection i, cernement des divers esprits » (Ex. 176). Dans l'un d.e qui li
(Ex. 175). sils directoires, saint Ignace relie ainsi les deux pré• de co
« Dans lo prernier wrnps, Dieu Notre-Seigneur n1euf; 1niers 1< te1nps ,, : 1< Si Dieu ne meut pas dans le premier po:ie l
et attire la volonté de telle sorte quo, sans douter ni l.emps, il raut faire instance dans le second, où il s'agit prése1
pouvoir douter, l'ânui livrée à Dieu suit ce qui lui <le connaître sa vocation par l'expérience des conso- et un
est montr6. Ainsi se comportèrent saint Paul et lations et des désolations >> (Directoria, p. 76). C'esL un a,
saint Matthieu quand ils suivirent le Chrœt Not,re- r1f!lrmer que, môme au cours des Exercices, l'â1ne peu,t Notre
Seigneur n (Ex. 175). On peut remarquer à trois signes être appelée instantanément ot ilnn1édiaternent par volon
que cetto première manière de choisir est réalisée. Diou, que c'est là une voie possible qui doit d'abot,d soit ,
Tout d'abord, c'e,r;t Piou qui « meut et attire » sans t:t,·e considérée. Si Dieu n'a pas parl6 de la sorte, il veuill1
aucun intermédiaire humain, sans l'aide de pensées faut l'ecourir à une voie rnoins parfaite : << Avançant et pai
ou do sentiments pouvànt favoriser cette action divine. dans les 1néditationa du Christ Notre-Seigneur, que traire
L'âme, en ce cas, est frappée de la discontinuité entre l'on considère, quand on se trouve on consolation, à qui nc
1396 1897 ÉTAT DE VIE (CHOIX) 1398
ion de quel parti Dieu rneut le rell'aitant, et do mê1ne en Cette méthode très shnple, saint Ignace suggère
durer dês,olation. Et l'on doi.t hlen expliquer ce qu'est la qu'lllle peut s'appliquer non seule1nent à la recherèhe
~mme consolation, qui est aussi bien allégresse spil'it.uelle de l'état de vie, 1nais à des choix de plus en plus parti-
,logle; qu'amour, espérance des choses d'en haut, lar,nes et culiers : « Co sur quoi l'on se propose de délibérer est
1e l'on toue 'mouvement intérlet11• qui laisse l'â,ne consolée 1) do savoil' si on doit sulvl'è les conseils ou les pré-
e : la ell Notre-Soigneur. Son cont1•aire est la d6solation : ceptes; 2) dans Je càs où on choisit les conseils, sera-co
l'âme tl'ÎStesse, défiance, manque d'arnour, sécherei,se, etc ». da.n8 l'état religieux ou en dehors de lui; 3) si c'est

,r 1eure L'âme, dans la prière, mais égalemenL au long des jours, dans l'état religieux, dans quel ordre; 4) ensuite, quand
toutes va faire l'expérience d'un certain nombre de « rnouve- et de quelle manière. Si au contraire on choisit les
.t que ments iiltérieurs ,, (Ex. 316) qui naissent, non de son précnptes, dans quel état ou manière de vivre, etc »
omme ,oilloir ot de sa liberté (.E1r.. 32), 1nais de forces qui la (p. 7û-78). Ces indications étendent à toutes les cir-
lljOU1'8 dépassent et qu'ollo va devoir discerner à travers les constances do la vie ce qui est valable pour le choix
naine. e~ets qu'elles produisent. Tout ce qui est lumière plus i.lnpo1·tant de l'état de vie. On en verra un exemple
11otion durable, force d'fln1e, courage, paix profonde, joie chez saint Ignace dans lu lettre qu'il écrivit à saint Fran-
~r qui• véritable, repentir pour les péchés, attirance vers le çois de Borgia qui ne savait pas s'il devait. accepter
ltré »; Christ, etc, !.out eela vient du bon esprit; par consé- ou ,·efuse1· le cardinalat (Epistolae, t. 4, p. 283-285).
1it pas quent les pensées qui accompagnent ces ,notions, Il est évident que ce qui est dit ici du ,t second temps ,,
par exemple, l'idée de suivre les conseils évangéliques, l'est également pour l(ls doux autres. Nous ne revien-
,.~as de devront ôtre considérées comme venant do Dieu. drons pas sur ce poi nt, tellement ce texte et l'enr,emble
doute Invors')ment, elles viennent flnalen1ont ·du dé1non, de l'œuvre de l'auteur des Exercices mon trent à l'évi-
tésiter si elles sont accomP,agnécs de toul ce qui alîaiblit, den<:o qu'il a utilisé et fait utiliser ces méthodes en
11édiat entrave et obscurcit l'âtne. tou I.e circonstance.
omme <::ontrairernent à ce qui se passo dans le (< pre1nier 8) <( Le troisième tc1nps est tranquille. Considérant
:emier temps •• 01i la rnotion divine, la conviction que Dieu d'abo1•d pourquoi l'hom1ne est créé, à savoir louer
. coup a parlé et la réponse sont lnstant:'lnées, il no peut y :Oieu Notre-Seigneur et sauver son Ame, c'est cela qu'on
~ sont avoir ici do certitude ponctuelle et l'on se tromperait. désire, et l'on choisit pour moyen un genre de vie ou
Dieu. gravement en Caiso.nt confiance à une seule consolation un (:f.at autorisé par l'Église, en vue d'y · trouver une
IS étâit ~t à la pensée qui l'accornpagne, car le démon peut aide pour le service de son Seigneur, et pour Je salut
,r dans toujours tromper un mo1nont. La durée est pour de son âme. Je dis temps tranquille. L'âme n'y est pas
tateur, l'expérience du (( second te1nps » d'une importance agitùo par divers esprits, ot ollo exerce sos puissances
, ~armi Cllpitale. C'est pou à peu que le retraitant va, dans une natllrelles, libre1nent é t tranquillement » (Ex. 177).
1 parmi pàix croissante, découvrir que l'un des membres de Il n'est plus question d'éprouver les motions des divers
~. P,res• l'alternative se trouve toujours lié à la consolation
n1ps •: esprit.s, 1nais d'user libl•ement de ses facultés qui sont
d'être etl'aùtre toujours à la désolation. 'fout se passe con1me la mémoire, l'intel1igence et la volonté. Il faudra d'abord
l ))ieu si, nprès un laps de t.omps plus ou moins long, les se souvenir de la conduite do Diou sur nous, afin que
11dèU$e lumières divines ot los ténèbres du Prince de ce monde la d(!ciaion qui va être prise, si originale qu'el1e· puh:1se
,, sans se rassemblaient en un faîscoau et conduisaient l'ilme paraître, so trouve en continuité avec les grâces anté-
Lont la à une certitude unique et unifiée ne lui laissant pas l'ieuJ•es que Dieu nous a données. L'intelligence devra
tant la pl\18 de doute quo l'ârne généreuse n'en avait dans le ensuite parcourir, sous Je regard de Dieu, les divers
éserve. , premier temps ». La durée semble se concentrer on aspect.<; do sa vie spirituelle, les conditions psychiques
: lmpé• un instant où lumière et force divines se trouvent
1, dont
et physiques. dans lesquelles va devoir se réaliser la
jouant téµllies. Cette alternance douloureuse de consolations volonté do Dieu. Il y aura aussi à analyser la situation
, C'est et do d6solations, par laqüolle on est passé, n'indique dans laquelle on se trouve, les be.soins de l'Église et
l'âme, pas se\ùernent peu à pou la volonté do Dieu, elle pu!'ifie du service de Dieu, les nécessités d e ceux qui nous sont
amour l'âme de tou t co qui n'était pas encore en elle accepta- proches ou lointains. Enfin, la volonté devra s'attacher
sous la tion et soumission, c'est-à-dire qu'elle forgo en l'âme à r,orraspondre en tout au seul amour qui vient d'en
la puissance d'accueil, de te11e sorto qu'au te!'me la haut (Ex. 184). Il est ilnportant de remarquer que ces
e pre-
personne a reçu de Dieu la lumi6re et la force néces• diverses activités doivent être tranquilles, c'est-à -dire
saires pour répondre. qu'ellos supposent uno personne sans aucune incli-
peut- Pour comprendre le sens du lion établi par natio.n désordonnée. A travers le jeu libre de nos
saint Ignace entr·e consolation et volonté de Dieu, il " puîssances naturelles n qui se meuvent dans la lumière
1ez de Buffit de bien saisir quo la soumission do la créalure
~onso- et la force divines, les arguments et les motifs vont peu
au vouloir do son Créateur épanouit celle-ci. A l'inverse, à peu se regrouper : d'une part il y aura ceux qui
u dis-
toute opposition à Dieu cl'ée en l'ân1e une distorsion 1·elèvent de la «chair et du sang» et d'autre part ceux
un de
qui la désole et la détruit. Cette remarque pern1ettra qui sont proprernent surnaturels et évangéliques.
c pro- de comprendre pourquoi le directoire déjà cité trans- ()Q. retrouve ici, transposé, ce que nous avions dêcou-
:emier
pQse le « second temps » sous cette forme : « On pourra vert au te second temps,,, où les mouvernents des esprits
s'agit
présenter à Dieu un jour un m(lmbre de l'alternative convergeaient pour laisser apparaître l'action de Dieu
~Ulll30·
et un jour l'autre, par exemple un jour les conseils et et l'action de Satan. La liberté, cette fois encore, se
C'est 11n autre jour les préceptes, puis observer où Dieu
1peut t,•ouvtl aux prises avec les forces contraires et elle doit
Notre-Seigneur donne davantage de signes de sa divine juger quelles sont celles qui viennent de Dieu pour les
t par volonté » (Directoria, p. 76). A supposer que quelqu'un ar.ceptcr ot les vouloir. On pourra trouver un exemple
abord
soit appelé aux conseils et que, devant Dieu, il les de cette so1·te d'élection dans la « délibération de
rte, il ~euille, son âme va s'établir dans le vrai et dans l'ordre,
1nçé\nt saint Ignace sur la pauvreté » (Constitutioncs, t. 1,
et par le fait même elle sera consolée. Dans le cas con- p. 78-81).
·, .que traire, elle se place dans Je mensonge et le désordre,
ion, à Ce troisième temps qui est, selon saint Ignace, celui
qui ne peuvent pas ne pas la débiliter. do la « raison >>, - faculté spirituelle sur laquello agit
1390 ÉTAT DE VIE (CHOIX) 1400 14

le bon esprit (Ex. 814) - , n'est pa.s CAlui où les puis- l'influence d'une mère autoritaire, une ·a ttirance abs•
traite pour la perreciion absolue, une répulsion contre COI
sances naturelles so livrer.lient, elles seules, à une froide
analyse et à une ft•oide d6duction. ~Iême si cela n'est les aspects concrets du 111ariage, la révolte contre le en
pas r essenti comme tel, c'esL en Dieu que jouent nos rnilieu a n1bia nt, otc. Tant que ces élé111e11ts n'ont
facultés, en lui qu'elles sont peu à peu éclairées et diri- pas été décelés et acceptés, soit dans des conversations, COI
'
soit dans la priè1·e, tant que lt\ conscience n'est pas ail]
gées vel's là solution à adopter. Ç'est pourquoi les Exer•
devenue udulte par le courage de la vérité, il est inutile poi
cices, explicitant lo contenu de ce« ttoisié1ue teinps >>,
di.sent qu'il faut cc demander il Dieu Notre-Seiirneur -
de passer outre, le choix serait vicié radicalement. Par toi
de
qu'il veuille 1nou"oir 111a volonté et 1nottro en 1non contre, si le di1•ect.0ur réussit à uider le retraitant à dei
â1ne ce quo je dois fuire » (E;i:. 180), eL que c, l'an1011r franchir cette étape, il lui i'a1.1t :dors éclairer les divers tio
qui rue 1neut et Ille fait choisir tel objet doit descendre 1nouve1nent.s qui habitent l' â,ne (cr art. DrscenNllMBNT le :
d'en haut, de l'amour de I>ie u » (Ex. 184). Saint Ignace DES Esrn1TS). Une des qualités maîtresses du directeur, lat
réinh·oduiL ainsi en cc « troisièrne temps>> la« passivité>> c'est la 1né1noire. Ordinairement le retraitant ost tout m(
il l'égard de Dieu, qui él.ait un éUnnont. constitutif entier à l'expét•iAnco actuelle, il manque de recul; c'est l'~]
.des deux premiers. On ne sat11•ait faire de co temps mê1ne souhaitable pour qu'il ne gêne pas par trop de
tranquille, une 1nanière de choisir où l'hornrrie se décide réflexion son expérien ce. Le directeur lui découvrira 1
~lJ
seul en face de ltti-1nê1ne. 1ci, con11no ailleurs, c'est Dieu la cohérence progressive de l'action de Dieu et lui
se<
qui doit mouvoir l'ân1e, u1etil'e en elle ce que l'ho1n1no donnera la signification de co qui est éprouvé aujour-
doit 1·a ti fi er, car chaque fois que nous choisisso1is, d'hui en fonction de la conduite antorieur fl do Diou.
za
même si nous u'en avons pas la conscience claire, nous Une a uL,•e qualité n1ujeure, c'est l'hu1nble souplesse de
pa
es1
devons flnaloment choisir ce que Dieu a choisi en nous. jugo1nont. Il lui arr-ive do se tro1nper dans son interpré-
le1
D~1ns cette petspecLive, il n'est guère besoin d'insister tation présonl:o. En ce cas, les expériences postérieures
du reti·aitant vont intlrmer celle-ci et faire compren-
toi
sur l'unité des trois « tenip:; ». Ce qui e$L caracl:61•isti- le2
que de ces rné(;hodos, c'est que Dieu y e:,t toujours dra <l'une autre façon l'enseml)le d os motions divines
«(
celui qui appelle e t aLLil•e l'ihne, celui qui lu me4.t à et des réactions de celui qui est aidé. •rant que la per- •
sonne qui choisit n'a pas abouti, à travers sa prière
rie
choisir; quant à l' honune, il doit d'abord déGotrvrir di1
où Dieu le ,neuL eL ensuite ratifier cette préférence et ses épreuves, à une certitude tranquille et inéhran•
divine par sa r éponse et le don de lui-même. Cette lahle, l'élection doit so poursuivre.
ne
J.,e rôle du directeur est au$si important que délicat.
pr
s(ructi11•e unique dos trois ternps se di1T1·acte dans l'â,nc
qu
hu1naine, coin ,ne en un prisme; le premier touche le Il est d'autant plus rnalaisé qu'il doit être très res•
m:
centre, la pointe ou l'essence de l'âmo; lo second se pectueux du t1•avail de Dieu : il serait facile de suggérer
les décisions qul doivent être prises ou de disparaitre
te
produit à la racine des facultés, dans leur unité et leur bi
jaillisse1nent ; le troisième atteint les facultés di.s- pou1• laissor le dirigé à lul-1nême ; il est infiniment
te
tinetes dans leur exercice. Si bien quo cos trois manières malaisé d'éduquer peu à peu à • la liberté spirituelle
de choisir, se référant aux trois étages de notre être, en partant de l'état présent de celui dont on a la charge,
pern1ettent à tout l'ho1n1ne d'obéir à Dieu et elles Cette pédagogie, dont les conditions id6ales sont réa•
lîséos dans le temps des Eœcrcices, peut être appliquée
ci,•
pour1•ont., comn10 le suggèrent certains directoires, m
êtr·e utilisées toutos los trois pour le n1ê111e clioix, efl deho1•s d'une retraite, à t.1•ave1'S la direction spiri•
afin que l'adhésion à Dieu passe . dans. toute la per- tuclle. Le choix pourra s'étendre alors sur des mois PE
ou môme des années. Los normes édictées ci-dessU8
ol!
sonne. m
reste,·ont toujours valables.
8° Le rôle du directeur. - Ces 1néthode1;1
l'<
J ,•F, Oihnont et P. Dumun, RibliQgraz>hie i1:natienne, Paris• al
ne sont pas applicables sans guide. J.,e directeur ne doit Louvain, 1058, p. 137•138, Rîgnnleot Ios études sur 1'6Jection q1
ja1nais pousser le retraitant au choix rli dans un sens ignut.ienno parue$ de 1894 à 1957. - Christu.s u oonsacré vl
ni.dans l'autre; Dieu soul doit faire connaître sa volonté. son n. 1,,, 1 <J57, au thèrne Volonté da Dic1t et clécisio,~~ fu,,11ai11es, ea.
« Lo directeur ne doit pas se t.ournor ou incliner vers - DS,~ r:trt. Drnr,:r.TION SPll\lTUF.~Lll, D1scF.RNF.atRNT DEB
un parti ou vers un autre; rnais, se trouvant en équi- P.Sl'Rl'l'li.
L
libre entre les deux comme une balance, il doit laisser (t
3. l3 P. RIODE MO()P.RNE ET CONTEMl'OllAJNP.. - «
le Croatour agir suns inter1r1édiaite avec la crèature,
1° Directoires et commentaires des Exercices, d'
et la c1•éature avec son Créateur et Seigneul' >> (IT:c. 1:iJ.
(c
Cependant, son l'ôle ne se borne pas à une pure attente,· - Saint I gnace avait ou l'intention de co1nposer un
ca1• il n'est pas facile au retraitant de se disposAr à directoire des Exercices. On possi\,do des fragrnents q1
de ses diverses tentatives. De inu1Liple$ rédactions 11
laisser Dieu agi r en lni. rroute l'activité de celui qui
01
donno les E'œcrcices a pour but d'écarter les obstacles et discussions d'un J)J'Oj ot de directoire officiel abo11•
tirent en 1599. lî:voquons brièven1ent l'interprétation di
à ce dialogua seul à seul avec Dieu. Il devra donc v6rifior
do l'élection que donnent ces rédactions. Le premier di
si les condiLions préalables au choix sont :re,nplies. En
particulier, il devra découvrir au retraitant sos attache- " te rnps >> est indiqué à titre do mérnoire. la
n1ents désordonnés, car c'est de cela que dépend d'abord
F
le succès de l'élection. Or, très souv ent, ces attachements Jean :Poluuco dit qu'il faut " l'oxposcr en p:;iss;int •• decla- re
ra,uJ;, pri1nun1 obiicr (Dircctoria, p. a11) et O. Oonzf\laz DavUa, 81
ne sont même pas soupçonné:; pal' celui qui veut choi-
sir; il faut parfois beaucoup de te111p1:1 et une pe1•spi- dont, los }>hrases i,ont reproduites proijqua toxtucllcmcnt le
par le directoire oflldol, affir1ne : • Au sujot du pron1ie1• temps, h•
cacité p.e u comrnuile pour las n1el;tro au jour. Le désir il y il peu ù dire, c,1r c'est une chose extraordinaire et qui l}G B
ou le r·efus do la vie religieuse, par exe1nple, peuvent to111Lc pas sous hi règle; on n•e doît. mêinc pas den1undor à p
être le fruit d'uoe ,nultitude d'éléments inco1\sûien ti; Dion s01nblable manière de choisir. Il ost vrai que nous lîsons
ou que l'â1ne veut lt\isser daos l'inconscient par crainte
ti
0t voyons quelques cas de vo<:1)tions avec de tels signes de
ni
de les r egarder en faco et de devoir en Liter certainor; Dieu et une tollo sat.isfactîon do l'â1ne, qui ne luisdonl,
sc:Hnble•t•il, i.1uc11no place a11 dout.o • (p. 516). D
conséquences. Ce se1·a, par 0x.01npl e, la peur de la vie,
1400 1401 ÉLECTION SEl,ON S. IGNACE 1402
e abs- Le second et le troisième temps sont exposés beau- 2° Principaux ouvrages consacrés au choix
contre CO\IJ)plus longuon1ent et l'on s'offo1·ce de voir le lien d'un état de vie . - De nombreux ouvrages
1tre le entre les deux. s'inapirent de l'élection ignatienne. Ils omettent par-
n'on~ • La troi!Jième manière, ficrit Oonzàlez Uavpa, çonij~rve et fois do signaler le premier temps ou n'y insistent guère,
~tions, confirme ordin11irement l11 seoonde, bien qu'elle ijQit par et vnt tendance à considé1•er le troisième comme
st p~ t,îllelll'll confirmée par elle-mê1ne • (p. 518). C'r.st là un deij beaucoup plus sOr et pratiquement suffisant.
lnutile- poin~. les plus intéress11nta du ces direcloiros, qui donnent 1) Auteurs j6suites. - Adrien Adrlacnssens t j580, Van
Ioule 6ll pla,çe à ce que saint lgnace no1111ne 111 <,onflrmation Di11spl'eken des lleere1'i., Louvain, 1570; trad. De divinis inspi-
.t. Par
tant à
de l'lllèèliou du lroi11iè1110 • blrnps • (Ex. 183). Aut(linil Cor- rationibus, Cologno, i601; cr analyse dans DS, t. a, col. ·1107•
doS-OS noto : • Si, daus lu socoud tc1111>s, il n'y a pas ou d'éloc- 1I08. - J6rOn10 Plattl (Platus) t 1591, Do bono stat<4$ rcligiosi,
divers. üon, ot que, après avoh• rait l'ùloclion suivant le trolsiô1no, Cologne, 1590, 3• partie, ch. 86; trad. par Antoine Oirard,
~ll(ENT lo rotraitant sont do grilndcs illu1ninaUons, rnotlons ou con.go. Dr, bonheur de la vie religieuse, 2 vol., Lyon, 1859. - Ber•
:cteur, lalions, qui confir1nent l'ulccUon, ùtant entendu que de telles nardin nosignoli t 1618, De disciplinii cliri.9ticir1ac pcrfc<:tio,1is,
t to1,1t motions viennent de Diou, c'est une preuve ilnportante que Ingolstadt, 1600, livre a, ch. 10-13; l.,yon, 16011. - J::ic•
; c'est l'élection est conrorn1e à la volonté de Dieu • (p. 557). ques Alvarez de Pa1. t 1620, D~ vita spirituali e;usque J>t!r-
:op dê f,it!!i,,,1,c, IJyon, 1608; Opcrr1., t,. 1, éd. Vivil~, Paris, 1875, livre 1,
uvrira Chemin faisant, toutefois, on semble perdre de t:h. ·I 3 ; cf DS, t. 1, c"I. t,07-1,09. - Antoino lo Guudior t 1G22,
et lui vue l'importance du premier temps et n1inimiser le De p1:rfectio11d vitae apirituatis, P11l'iS, 1643, t. 2, pars 5, socl. 6.
second. c, La ti•oisiè,ne n1éLho<le d'élection, note Gon- - Lùonard Lessius t 1G23, De statrt vitae eligcndo et religionis
ujour- in;;r,:ss1t, Anvers, 1613; trad. ))QI' Abel Gaveau, Le ch-0ix
Dieu. zâl~z Davila, quoique moin1:1 parfaite q1.1e la précédente,
parce qu'elle ne vient pas d'un principe aussi élevé, d'un état de 1Jie Olt l'entrée 011 religion, Tours, 1873. - Fran•
sse de çois Suarez t 1624, De 1Jolu11tari-0 et involontario, disp, 8 De
:erpré- est d'ordinaire plus st\1•e » ( p. 518) . Définissant par all-
olccLiono ot conscnsu, Opera, lid. Vivès, t. 4, Po.ris, 1856, p. 256-
rieures lèurs le troisiè1ne teu1ps de façon restrictive, le direc- 260; De religions, livro 5, ch. 8, t. 15, 1859, p. 330-334. -
11prèn- toire" officiel, qui reprend celte phrase de (ioniâ- Théuphilo Do1·11a1·di11 t 1625, Cynosu,rc ou l'EstQilc des ch,.cs•
livines lez Davila, accenLue cette orienta,tion en ornettant le tiens, n ouon, 1616; l1•ad. Jnstiuaio vitae sive tJ.e QJ>ti11u) vitae
.a per- rd'or\linuire )> et en ajoutant un adjectif : " Sed poste• st<1/.11. ccrtii dcliberamli via, A.nvers, 16211. - Loui~ l\Io.lte-
prière rior via (la trolsièrne), nempe per l'atiocinaLionen1 et ~lijdo i' 1680, Den Lustlw/ der gl1ccstelicke oe.fe11i11ge11, Anve1-s,
disçursurn, est securior et tutior u (p. 701). Certes, on· 160(1, - Gaspard Dl'uzblcki t 1662, Modus diri,;~ndi atl
~bran- s/.aturn rcligios11m, Sainl-ttlenne, 1870, = ch. 8 de la Vila
no saurait trop insister sui· la diffic\1lLo de bien inte1'-
préter le second « te1nps >) et sur le risque d'illusion P. (f;,sparis Drr,;;bir.ki publiée par D. Pawlowski vers 1670;
.élicat. cf DS, t. 8, col. 1723 et 1785. - J oan-Josoph Surin t 1665,
s res- qu'il cornporte. 1iais il convient aussi de souligner les Dial,>t,UJ!S .,pirituels, Na ntes, 170'1, livre 6, ch. 2. - Anonyrno,
ggérer multiples erreurs qtli peuvent accompagne1' lo troisièn10 .11.etltodus certi ,,jtae stat!LQ deligendi practica, Dillingen, 1676.
lràltre temps. Il art'ive que, sous l'apparence de raisonnernents - J acqutis :r.rasonius t 1681, Dux viaa ad vit<ini puran1, pit1111,
1iment bien•conduits, dos attac11ements secrets 01.1 dos éti•oi- perf,:cta111, per Exercitia s11irituaUa, Troves, :1 66 7 ; /11troduc•
ltueUe tœsos do vue gui,lenL not1·e choix. tion à la r>ie spiritw,lle, lrad. Z.-C. J ou1•dalll, Paris, 1892,
Menlionnons très brièvement l'un ou l'autre trait p . 707-731 : Traltô de l'élection. - Daniel Bartoli t 1685,
barge. E'tcl'nùa consigliera, Dologno, 1653, 2e p., ch. 1 . - Louis le
1t réa• de l'opinion dos plus grands co1nmentateurs des E:r:8r-
cièu~. Achille Gagliardi (1537-1607) estime que le pre- Val()iS t 1?00, Œuvres spirit1<cllcs, t. 2, Poris, 1706, p. 826·
tiquée as7 : LolLriis sur le choix d 'un état do vie. - Annibal Léonar-
mier. « temps » se fait p cr di11ina1n rer1elationeni. Il
spiri- dolll t 1702, Le vcrc sorti da maneggiarsi per elegger bitona
. mois ~énsc qt.Hl, si l'Ol't) suiL celte for1ne d'élection, tout sol'tc 11el prc,ulerc stato di vit<,, Bologne, 1683. - Charles, Oré-
dessus choix vé1•itabl1;1 participe d'une certaine façon de ce goir..: nosignoli 'l' 1707, L ' clczionc dcllo stato oYcro alc1,11i
mode surnaturel. Il nol.e, entre autres choses, que a.v1•erti11w11û pcr beri' clcggcre w stalo della vita, ?ifilo.n, 1670;
l'on peut faire élecUon dani:; l'oraison ou in quac1unque trad. De bonc1 et prtulc."tia 11crae rcgrilis conformi cfo<iti<>ne,
, Paris- alia pia et s<tnct<i occnpatione et quo l'on 11ou t appli- Aug~bourg, 1728, et Di, choix cl'1111 état de vie, Avignon , 1826.
•leotion quer les règles ignat.i11nnes pour le choix de l'état de - ,1 acq\1es Desmothes t 1725, Vocation chrétienne sur le
insacré vie licl alicujus n egotii ditficilis (Conunenta.rii seu clwi.r: d'i.,.n 6tat de <1ie où l'on pui.~.~e fo.ir~ SQll salut, Rouen,
nainf/s. 1721,, - .Joan Croise t, t 17118, JIJ,Jlfu,d.e pour clu,isir un gc11rc
e;1iplanatio11es ill Exercitia spiritttalia S. l'. I gncitii de
[T DES de IJÛJ agréable à Dwu, Douui, 1721. - André Eschcnbrender
Loyola, Bruges, 1882, p. 92-98). JJouis de la Palma t 1739, J11atructio pro tlit;endo vitae statu, Pado..born, 1717;
(1560-16,1) insiste sur le premier et le second ten1ps : réud. con1plèléo pour los directeurs, Cologno, 1733;• trad.
« que l'élection faite par inspiration divine a beancuu;:i Ahul Gavoau, Instructions poi,r le choix d'1t11 tltat de vie, Paris,
)ÎC8S, d'avantages sur colle faite par porsuasion hu1n1.line » san:; dulo; cr DS, t. 4, col. 1060 - Antoine-J oseph Regono
(oh. 1~ du (to livre de son Ca,nino aspiritual de la n1a11cra 1 t V•II'~ 1816, Regole siartre per una saggia clczionc, Parme,
:er --un
gue lo e1isefla ... san I g1ta.cio en ... los Ejercicios, Alcala, 1797. - Augusto Damnnel t 1892, Règles pour le dwi:,,; ,l'u,i
·ments
1626; cf liv. 2, ch. 30). Deux grands commentaires tlta.1 de 1Ji.e, Tournai, 186\1; !lf<u1ucl portr le clwix d'un état de 1>ie,
.ctions Tournai, 1878.
abou- ont 1nis en valeur chacun à leur manière l'in11)ortance
2) Arttcu.rs non-jés1ûtcs. - Jean le Jo.u, t 1631, C/w111i11
tation du premier temps. flric Prt.Y\VOJ'a 1nont1·e que l'inuné• royal pou.r co,ulrtirc les dmcs <i fuire. <ifoctiun d'u11 ge11re de 11ic .. ,
remier diatet6 du prernier « tell\ps se cache au troisième daris
)J
Pari,;, 102tl, a• partie, p. 697•769. -Anonyme, De t'i111porta11cc
la médiateté du créé ('1'/u;ol11gic der Exerzitien, L. 2, et d,: l<i rncinièrc de co11,1aitr<, S<• vocatio11, Liège, 1819 (11on\-
Fribourg-en-B1•isgau, 1939, p. 188) et Gaston Fessard bre1».:os réédit,io11s). - Jean l.,uqu~t, t 1 858, De la 1>-0ca.tio11
, decla- rapprochant Je J!l'tHltier << temps » de la consolation t. 2, Po.ris, '.l85?, p. 357-391; : Moyon de rocon11att.ro en soi les
Davlla, sans cause (Ex. 386) explique qu'il co1nmande <1 toute caro<\l.ères rl'uno voc11tio11 selon Diou. - Jean-Louis Retorno.z,
~ement la conception qu'Ignace se fait du 1•apport de la liberté cha,rl.reux, t 1861, lltlgles de l'élect.i-On et dit cli-0ix d'u11 i tat
temp11, humaine ot de la liberté divine » (L<t diale<JtuJue des de ,,fo, Paris, 1858, bo·n co1n1ncntaire des règles ignationnes
qui ne E:,;ercièes spirituels de saint I gnacè, coll. 'rhéologie 85, 11uxq1101les l'àu tour ajoulo un q11atrièmo inoyen tiré do
,n der à .Toau Clin111quo : doinandcr ù un hon1n1e spfrit.1_1el quelle est la
Paris, 1956, p. 74). Il est cc1rtain que la méthode igna• volonL6 du Dieu sur soi et suivre sa décision. - .Je1111-Buptisto
s lisons
:i;ui/1 de
tienne n'est 1>as seulement a.~cétiquo et raisonnable, Ilci'Lhicr t 1908, mi.ssionna.irc do la Soletlo, Des . états de vie
l,Îîl,$9'1!. t, mais introduit tout l'homme dans Je diarogue avec chrétienne cl clc lci 1,uç<1tiQ11, Ron1E.1, 187'•; il• éd., Salr1l-Dlzier,
Dieu. 1883, p. 2',8 -260; cr DS, t. 1, col. 1529-1r.i31.
1403 ÉTAT DE VIE (CHOIX) - ÉTATS DE Jf:SUS
8) Types d'élection. - Nous pouvons saisir la mise en du cardinal de Bérulle, plus précîsén1ont do la doctrine
pratique de la méthode ignatienne dans les notes do chrisLologique bérullicnno. Lo n1ot vient, habituelle,
retraite qui nous sont parvenues. Ainsi l'élection selon 1nent, pour rendra compte de la parfaite adoration etde
le premier temps de Jérôme Nada! t 1580 (cf lspistolae la parfaite médiation du Verbe incarné :
P. Nadal, Cltronicon, t. 1, :tvladrid, 1898, p. 13-18); , Il y a on Jés~s-Ch:ist états ot actions, l'11n et l'autre digne&
celle du cardinal Pierre do Bérulle (1575-1629) faite à d un honne11r s1nguher et do touto l'atlenti<1n et afYeoti9n de
Verdun avec Laurent Maggio s j on 1602 (Œuc,r1:s corn• nos ,cœu~~· Mais_ces états s~nt particulièto1nént 1\ p~ser, {anl
plètes, éd. Migne, Paris, 1856, col. 1800-1307); celle pnrc1l qu da contiennent plusieurs mouve1nllnts at actions, qu'à
de Claude-François Poullart clos Places (167'.1-1709), cause quo par eux-mêmes, ot en cette qualilé d'ut~!$ de Jé;siis,
fondateur de la société du Saint-Esprit et de I' 1m ,naculéo ils r.endent un hom1nage infini à Dieu et sont d'une tl'ès grandè
Vierge, qui fit une retraîto au noviciat des jésuiles utilité aux hon11nes (Œuvrcs de piété, n. 82, dans Œuvru;
co111pMt~s, t\d. Migno, P11ris, 185G, col. 1062).
de f>aris en 1700, sous la direction do N.-lîl. Hanadon
s j (V. J.,lthn,l'd, ,Spiritualité spiritaine, Pari:-;, 193fl, Ces lignes suffisent à n1ontrcr que, pour l'auteur
p. 20-82); celle enfin do Maximo Douillard s .i t 191. 9 lu notion d'états est complexe et qu'il y a lieu de distin!
(Notes d'une retraite d'élection, l1A1vT, t. 11 , 1930, p, 286· gucr non seulement. entre actes et états, mais en\ra
295). états et états.
3° Autres manières da choisir un état do vie . 1. État$ psychologiques. - En opposition aux aotos
- Il n'existe pas, semblc-t-il, d'autres méthodes, au toujours transitoires, cc sont des dîspo$Hions perma!
sens strict du 1not, pour amener le sujet à reconnaître ncntcs, des tendances habituelles et ptoroudes, qui
la volonté do Diou sur le choix de son état do vie. Une constituent le principe de réflexes psychologiques. De
méthode rigoureuse n'est d'ailleurs pas nécessaire; il façon générale, c'est ainsi qu'on est poète ou 'phill),
arrive fréquemment que, le sujet s'étant toujours vu
sophe, et qu'on est conduit à réagir en poète o~ en
dans tel état, la question d'un choix ne se po::;o prati- philosophe. Ainsi encore qu'on est patient ou coléreux.
quement pas, ou que la d6cision se prenne saH~ tlébat
De mêmo dans l'ordre religieux. Adorer Dieu par•état,
après do longues années de 1naturation intérieure, ou
oe sera donc adorer Dieu spontanément, à propos de
que les consails du confesseur, du directet11· ou d'un tiers, tout, comme par réflexe, et donc habituellement :
mêmo à leur insu, facilitent la décision. Parfois encore,
le sujet fait, pendant une période plus ou moins longue, Le Fils de Dieu, _dès le pre~ier moinen t de sa vie 011 sa M.,.,
une véritable élect.lon selon le trohiième te,nr,s igna:- so consacre à la VlO, à la cro11c, à la mort qui s'ensuivra -Ra!I
tien, etc. après. Jnt cette oblation et volonté première de Jésus est une
action no11 passngèril com1110 las nôtros, m!IÎ8 perma'nente
Mais, si certaine que puisse apparattro au sujet la eonune tonant do la naturo at du l'é tat do l'éternité. C'est une
décision prise, l'J!lgliso prévoit un temps d'expérimen- aclion ot volonté porpétuollc qui n'a junu:iis cossô ni jour ni
tation et de confir1nation avant l'engageme11t défi- nuit, qui n'a jan1ais été d1verlio ni intcrro1npuo par aucune
nitif : fiançailles, pre1rüè1•es années de sérninaire, autre action, qui a été toujours on son Qctualit,i dans son cœur
noviciat. ( Vic ile Jdsu.s, ch. 26, Œu,1rcs, col. 487).
En général, les auLe\11'$ non-ignutiens insistent sur
les préparatifs nécessaires à la décision, pul'oté d'inten• Suus cet a<;1>ect, l'état bérullien cot1·espond, en somme
tîon, prière plus fervente, etc, sur la con$irlération à la vertu parfaite. Voir art. lilTAT, DS, t. 4, col. 1079'.
dos aptitudes requises eL de l'attrait personnel, qui 2. i:tats ontologique.9. - <)n nA rondrait co,npte
doivent permettre au sujet de connaitre la volonté que trèr; .superficielle1nent de la notion d'élat ' si .l'on
de Dieu. Il lui 1•este alors à franchir le pas. en restait à ces considérations morales. Par-dessous
$(tint 1"r11nçois do Sales nous donne une sorte do pL,tit traité lo dyna,nlsme psychologique, il !au t aller jusqu•~u
du diacernllrnont des inspirations divines qu'on peut a ppliquer statisrne de l'être :
au choix d'un état de vie ('l'raité de l'cunour de Dieu., livre 8,
ch, 10-14, Œuvrts aonipldtes, t. 5, Annecy, 189'1, p. 8!1-107),
Je supplie le lecteur de prendre garde con1.me je ne dis°pù
On peut voir encore par oxen1ple : Joan-Jacques Olier t 1657, a01.ilament que le Fila de Diell eat a.dora.nt par aea propret
T rcûti iles sai,rts ordres, Paris, '1676, ch. 10 Des 111arqucs de
pllnfi(!Os cotto Jlliation (divine), 1nais que je dis que par co mys-
la vocation à l'état occl6slastlque. - Louis Tronson t 1700, tère (de la filial.ion h111111ti110) il ost on un é.t.a t ot a uno quali16
Forma cleri, t. 1, Paris, 1669, pnrij 1, oh. 3 Do vocntione. - qui d'olle ,mêrne adoro lo Pùro éternel en qualit6 de Père, et
t
Jean Oir11rd do Villethierry 1?09, '.l'raittf de la vocation à t'dtat qui adore la n(liss~nco divine do son Fils unique, et sa filiation
ec1J/ésiastiqu~, Pa1•is, 169!i, ch. 2!;-2G. - Saint Alphouse-M'.ario éternelle. ·
t
de Liguori 1787, diverses lettres dà direction, Œ,wres, éd. Ce point ei;t grand ot nu\rito d'être bien entendu, et eat fond6
Vivès, t. 1!1, Paris, 1879, p. 188-103, 237-257; Sclvtt, ch. 10, sur \tllO proposition gr1111do et universelle, qui doit servir erJlo
tonde1nent il. nos discours, et de règle à nos 1n<11urs : quo tout
De la vocation au aacerdoco, t. 12; 1879, p. 150-167. - Jmui-
t
Daplisto Malou 1861,, Règles portr le choix d'u11 c!tat de vie, ce qui ést procédant do Dieu regarde Dieu ot rond honn,ut à
Druxollos, 1860. - Loul8 Dra11cho1•eau p as t 1!11:~, Do la Diou ( Grandeurs de J és11$, diac. 11, ri. 5, Œ'upres, êOI. 862).
vocatio fl saccrtl.otale, Paris, 1896; cf DS, t. 1, col. i \l2a-1924. En cc sens, les états se l'a}>portcnt à cc que Cl. Taveau
- Joseph Coppin, rôdc1nptoriste t 1915, La tiocatiofl art
désigne sous le nom de ay1nbôlisme d'honneur, l'uniVOl'I
mc1.ricigc, au célibat, à la vie religieuse, au sacerdoce, 2° éd.,
Rouler11, 190l.l, 3• partie, titre 2. - (Vital Lohodoy 'I' 1948), honorant Dieu non seulomont par ses activités, mals
Directoire spiri11wl à l'u.~ag/J des cistercien8 réform&N, 2• éd., par son être rn(hne. C'est ainsi que Jésus sera religion
· Brîcquoboc, 1\131, p. 65-?3. - Francis Mugnicr, Petit 1na11ual substantielle ; que les divers moments de sa vie, lef
tMolo1;iq1w et pratique. de ta voca.tion, Paris, 1928. diverses situations de son être, que son être mêmo cons-
Ftançois RousTANG.
tituoront par eux-1nêmes, et indépenda1nment
mouveinents multiples et divers do sa pensée, des hom,
d-
mages et des adorations; à la manière, en quelquo sort,,
ÉTATS DE JÉSUS. - Nous Louchons it un élé- dont un enfant glorifie son père par le fait même qu'il
ment caractéristique du vocabulaire et de la pensée existe et par ses qua.lités objectives.
.404 l{Q5 f:TATS DE Jf:SUS - É'l'A1'S DE VIE 1406
~rine De ce point de v ue Ilérulle a considéré les princi- leur vertu, et leur vèrtu 110 paai,e jnmais, ni l'an1our ne passera
p~ux mystères de la vie du Verbe incarné. Mais il a ja1nnis avoc loque! ils ont ulô aeco1npli11. L'esprit donc, l'état.,
:e lle-
it de d'abord conte1nplé le mystoro fondan1ental de l'incar- la V(•rLu, lo n1éri to du 1nysLùro, est toujours présent (Œ11-1•rcs de
nation qui soutient les autres. piétû, n. 77, col. 1052),
Par aa nature hurnaine, Jésus, de môn1e que tout
lgnos homme, est un abrégé de l'u~ivors, un « sujet auquel Co1nrnent le chrétien pourra-t-il s'approprier la vel'Ltt
in do par les divers degrés et conditions de son être toutes de ces 6tats déifiés? Par cet elTort spirituel d'adhérence,
tant qui est au cœur da l'ascèse bérullienne, et qui tond à
gu'à les créatures sont récapitulées » (dise. 4, n. 10, col.
és.us, 2-25). D'autre part, en sa personnali té divine, co1nmo livrer l'âme aux influences do la grâce. Mals, quand il
ai;ide seconde Personne de la Trinité, « il a un rapport conti- s'agit de J3érulle, on ne doit pas oublier que l'effort
~!'1'1J8 nuel de tout ce qu'il est vers son P(~re, et son être et spiriluel suit notrnalen1ent le rythme dos célébrations
sa vie consistent en ce rappo1•t; 1ntî1ne, à proprement liturgiques. Car c'est dans l'Église que se perpétuent
parler, sa vie n'est qu'une vie substantielle1nen t et les ,nyslères de la vie du Christ, et c'est suivant le
ieur, personnellement relative de cc qu'il est vers son prin- cycle des célébrations que normalement leur vertu
1tin- cipe unique » (dise. 5, n. 9, col. 238). Il s'ensuit que nouf. est applîqu/ie.
ntre totft dans le Christ est mouven1ent vers Dieu : « L'uni• La célébl'aUon annuelle des 1nystères n 'est pns, en
vers même, qui est sorti de Dieu, retourne à Dieu, eITel., une simple commémoraison d'événen1ents anciens,
Jtès, étant réuni et conjoint à Dieu ... pat· ce divin mystère » auxquels notre attention donnerait une actualité
'ma- (dise. 4, n. 10 col. 225). En la créature hun1aine déjà nou volJe qui ne dépendrait en so1n,ne que de nous;
qui pouvait s'accomplir, par la vertu do l'ascèse, une véri- elle concerne des réalités 1nyatiquement permanentes,
table asson1ption do la chair par l'esprit. En J 6sus, donl nous avons à nous faire activement participants
De et non pas seul.etnent spectateurs. On découvre dans
1ilo'- par la grâce unique de l'union hypostatique, corps
en et âme sont pris ot entraînés dans le mouvement du Bérulle une n1ystique réaliste de ln Parole de Die,1
Verbe vers le l'ère, ot il se réalise une assomption do et de la liturgie, qui se retrouve chez C. Marmion (cf
1
eux.
1tat• la matière mêrne vers Dieu, en une religion vrahnent ' notn,nment L<J Christ dans ses niystères, Maredsous,
1 de substantielle. S'étant abaissé jusqu'à la créature en la 191!1), mais égalen1ent dans l'école contemporaine
lt : Personne du Fils, Dieu rapporte toute la créature en· de i\1aria-Laach (Odo Casel, Damase Winzen, etc).
l.a nature humaine de Jésus : Lo premier a pu la recevoir par l'intermédiaire de Mgr
(ère, Ch. C¼ay; les autres y sont sans doute parvenus par la
P,ar
Coµtèmplant cles hauts mystères, nous voyons con1me Je fréquentation des mêmes sources bibliques ot patris-
une Fils uniquo do Diau recevant de son Père sa propre essence
veut avec so~ Pè:! ~•un vouloir nécesanire la con1111uniquo1: tiques.
ente au SalnL,Espr1t... El 11 vcuL encore en la plénitude des lo1nps,
une par un vouloir Jlbro et digno d'une re1.:onnaissance Infinie, H. Bremond, t. 3, 1921, p. 64.-74. - Cl. Taveau, Le cardinal
do1Jner son essence à une nature croéo, et s'unir à sa créalln'e de Birulle 111aîlre de ,,ù, 11pirit1,elle, Paris, 1983, p. t08·1t3. -
1r ni
~une par Ba propre substance et subslstcnco·. Et Jésus s'avançant O. Rot,uroau, Introduction aux Opuscule.~ di! piété du cardinal
:œur do llérullo, coll. Maîtres do la spiritualilé chr6lienne, Paris,
dan$ les voies de son amour et de sa bon lé, ot Sil voyant porter
en $Qi-1nème la comm\1nication ineliablo de la diviuilé à notre 1\)/1~, p. ~8-51.
1me, hull\Ql)ilô, veut porter cette humanité u·nio à sa divinité dans Gaston RoTUREAU.
nos oœurs ot nos corps pour les sanctifier en lui et nous unir à
B79. lui. Et Josus s'unissant ninai à noua, nous unil à son hu1nanit.é,
1pte ~t par son hunu1nitô à sa divinité, et par aoi,mêlnc à son Père. ÉTATS DE VIE. l)ans l'article D1,1vorn
l'on Voilà lo cours ot lo progrès, voilà l'i~sue et Je rolou1' du voynge D' ÉTAT, dont Célui-ci n'est qu'uil développement,
iOUS du Verbo éternel sortant du sein de son Pèro, et descendant, nous avons élabor6 une classification dos états à. laquollo
1'au du plus haut d es cioux pour s'abaisser en terre et s'unir à noui; 1·e11voyùns (t. 3, col. 672-679). Nous n'avons
notre humanité... Voilà l'état et l11 lln du mystère do l'lnc11r- donc pas à revenir sur les « états de vie sociale ,, ou
11ntion... Et aussi nous voyons conuno le Verbl! incarn6 toucho profnssions exercées dans la société civile ou ecclésias-
pas la \erre et la nunctiflc par son hun1anit6, et toucho le ciel et le
glorifie par an divinité (dise. 7, n. 4, col. 269). t.ique, légalisées ou 11011 pai• un statut juridique. Si
t>res- la profession intéresse grandement la vie 11pirituelle, ce
nys- 8; My~tère.~ dtJ 11ie. - Bérulle pusse uis~mcnt de la n'est pas on raison de la réalité terrestre qu'elle mobilise,
1lité notion d étaL à celle de mystère. Pour lui, le înystère et qui pourrait rester étrangôro au régne racheté et
1, et
Lion est un état du Christ susceptible de s'établir en nous élevé où le Christ l'appelle., rnais en raison des valeurs
par la vertu en quelque sorte sacramentelle do l'act e de sainteté que la profession, voulue par Dieu, dirigée
ndé ·qui l'a oxprhné dans l'histoire. pa.l' la charité, doit réalise.l'. Or, sous ce 11001 tradition-
~ de Tous ces l:lats ot 1nystères sont déifiés, et parlant ont una nel de ,c devoir d'état», c'est de ce progranunc de sainteté
;out dJgnité divine, uno puisstuiCe suprilme, une opération sah1Lé, pro/11ssion,1clle que nous avons traité, en distinguant
Ir à et sont accomplls pour li! gloire de Dieu et pour notre uLilil6
62).
son double aspect d'œuv!'e à élever vers Dieu et de
particulière... .Elt Je conseil de DiBu est que ces états soient situation particulière et individuelle, selon le sens très
êau honorés, soient appropriés, soiont appliqués à nos :\mes; et élargi que donne au « devoir d'état >• la spiritualité
llOnune il p.irtage ses dons oL ~os grûceR, il partage aussi ses chré Lienoe (col. 673).
re~ élats ot 1nyatères entre les horn1ncs (Œuvres de pie.lé, n. 17,
1ais col. 940), Par « états de vio », l'iglise entend avant tout les
ion ti·oi.c; situations publiques des chrétiens, ou états do
le1;1 Passés, en quelque sorte, les événements de la vie pers1.1nnes , sur lesquels est élevé, comme sur ses « fon-
,nst du Christ 13ont donc, en un sens plus profond d'une de111euts angulail·es, l'édifice de la loi ecclésiastique »
des aolualité perroaneilte : ' (Pie xu, ProCJida Mater Ecclesia, 2 février 1. 947, AAS,
1m- 11 faul pèser la perpétuité do cos mystères en une certaine t. 3~, 19li.7, p. 116) : clercs, religieux, laïcs.
rte, aorte: car lis sont passés en certaines clrconstancos, el iln durent Il est clair que le prêtre et le religieux, en raison des
u'il et sont présents ot perpétuels an certaine autre rnan ière. Ils engagements particuliers qu'ils prennent et des buts
sont passés quant à l'ex:écution, mais ils sont présents quant à ou aclivités qu'ils poursuivent (vie strictement contem-
1407 ÉTA'l'S bE VIE 1408
platlve ou active, apostolals 1nnltiples, etc), se trouvent gurée sans doute dès les origines chrétiennes, s'e$t
dans des conditions très différentes de vie sph•ituelle. un jour clairement manifestée. Nous proposerona
A. leUI" tour, les laies, pour autant qu'on les distingue ensuite un certain no1nbro do conséquences spirituelles.
non seulement des prêtres, mais encore do l'état reli- Los • sph•itualités • ùivcl'scs sont ou aéront étudiées en des
gieux, assument dans Je monde divel'S « devoirs d'état", at•Ucles spéciaux : spil'iluallté des chrétîens ongagt\s dans les
ceux do leurs pl'ofessions et souvent ceux du 1nariai;<:i. lions du M.1.111,1.çr., dans les respon.sahilités de la clUl terre6lre
A to us ces titres, on pourra pa1·ler de (< spiritualités )1 ot des état.~ de via soclo.le, art. DF.vo111 d't·rATi spirituwité
diverses. · do ln vie centemplativo ou apostolique, art. CONTEMPLATION
et L,1.1c,1.1,; spiritualité de la viil clérlcalo, art. DIACONAT,
On peut se de1nander si ces << spécialisufions >i, que SACEl\l)OCP., ou dos CONSlllJ-S ÉVAN<ltLIQUllS, ou mo11ostiq~o,
rnotivent dos (< dovoirs d'état )) diITérents, atteignent le (1ft. 1"10NA1;a1shi1J; spiritualîté à tondances dominant~·s, art.
plan profond de l'être chrétion où se tient la classi 11- ACTION Df: llltAOllS, VJP. (;oMMUNAU'fAIRll, Ji11'11'ANÇR SPIRI•
co.tion canonique. . Avant de considé1•e1• les trois ét(ll::i TUEJ, LP., etc; s1>lritualit6 dês !111n.lllcs roligieusos, offertes
de personnes dans la diversité n1ultiple des exlst.cnci~s <l'11ille11rs à tous (ru•ticles cousac1·6s aux diftérents ordres), -
concrètes, il convient de s'arrêter à ce qui fait leur <.:onsultor au préalable l'al'tlcle ÉCOLR nR sr1a1tuALI'l'i,
unité, cette vio surnaturelle du corps mystique, racine
commune d'où surgit le peuple de Dieu comn1e 11n l. APERÇU JUSTOlUQUE
unique tronc à trois branches. Tous les 1ne1nbres du
Christ ne nourrissent-ils pas ossenticllon1ent leur vie
spirituelle à la n1êmo sève? « Je suis la Vigno et vous 1° La << conlJXlunauté des saints ». - A la
êtes les sarn1ents )) (Jean 15, 5). première iniUative de Diou on vue du salut, -,- appel
Dès l'abo,·d, des faits évidents plaident en faveur au patriarche Abraham - , est intimement liée l'id6e
de cette unité profonde. Ainsi l'état de 1na1•iago ne. se de << peuple de Dieu»:« Je forai de toi un gi•and peuple 1
confond nullement avec le laîcat. Sans rappeler 1nên10 ( Gen. 1?, ü). De ce peuple élu <le l'ancienne alliance à
que le prêtre oriental peut être 1na1·ié, il serait dans la l'Israël nouveau, « peuple que Dieu s'est acquis 1
ligne du << la'ica t » do voir un baptisé vouer on privé (1 J>ierre 2, 9), la contiJ1uité biblique est parfaite,
.Je programme de perfection évangélique des.• trois 1na.lgré les brusques transfor1na Uons de la Pentecôtl,
conseils et adopto1· ainsi << une pettection chrétienne à et les heUl'l:s inévitables qui se produisent dans ..la
quoi rien ne fait défaut » (Pie x11, 9 déce1nbro 19[;7, com1nunuuté judéo-chrétienne, dès qu'on y pNnd
AAS, t. 50, 1958, p. 36). J;ie1· laïcat et mariage serait conscience de la nouveauté du levain évangélique,
inconscie1nn1ent orienter vers l'état conjµgal tous les En cette histoire biblique, c'est le peuple, plus tard
jeunes chrétiens et chrétiennes. Or, au contraire, .l'f.lglise, la communauté, qui paraît lu réalité promière;
comxne on le pressent, le baptême tend tout naturnl- cette con1rinÎ.nauté qu'aujourd'hui on appellerait Je
lement à l'état religieux et persiste dans le prêt.ra laïcat, à condition èependant d'en distinguer les clercs,
après qu'il a reçu le sacrement de l'ordre. Au moment mais sans oublier que la charge que ceux-cl accomplis•
où elle propose sa division tripartite des personnns, sent ne les prive ni ne les dispense de leur qualité de
la loi canonique déclare que << les laïcs co1nme les clercs membres !'achetés du peuple de Dieù. .,,
J)euvent être des religieux ,, (c. 107). Un bon non1hre Dès les débuts, les chefs sont mis au' premier rang
d~ relig-ietix ot toutes les religieuses, pour le droit do de la co1n1nunauté. Les fonctions qu'assument 1~
l'Eglise, sont des laïcs. l\. opposer hnpruden1mcnt les conducteurs d'Israël varient au cours de la Iongué
trôis étal:$ de persunnos, on risquerait d'inte1'préte1• la progression du peuple élu : patriarches, juges, rois;
classification canonique au rebours do sa signification. la séparation des .pouvoirs politiques et religieux
Des docurnenls ro1nains ont rappelé à plusieurs s'elTectue alors et l'éserve ceux-ci aux prêtres. Lorsque
reprises cette signification, mottant en relief nn autre le peuple de Dieu atteint dans le Christ sa perfection
fait qui co1·robo1·0 cette unilé profonde. Les deux pre- ultimo, la séparation de l'Église et de la société terrestre
miers états doivent Jour distinction à la constitution est en principe conE;on1mée : << nendez à César ce qui est
xnê1ne de l'lîlglise, qui, de par son institution, est. hiérar• à César, et à Dieu ce qui est à Dieu )) (111't. 22, 21).
chique. Au contraire, l'état religieux n'introduit pas une Les chefs, Pierre et le collège des apôtres, que le Chris_t
distinction de strnct.ure. Il doit son existence au fa.it a n1ls à part, et, après eux, les presbytres et les épiscopes,
qu'il est orienté << de 1nanière toute spéciale à la fin détiendront, en v0l'tu d'un rite sacramentel, des pou•
de l'_Égllse, c'est-à-dire ù )a sanctification et aux voh'S spirituels beaucoup plus impo1'tants, parce qu'in•
moyens Ios plùS adaptés pour y tendl'e l• (Provida k[aie.r dispensables o.u salut, pour la cornn1unauté ét chacun
Ecclesia, p. 116). Or, la fin do l'Église est la 1nê1ne pour do ses 1nembros : pouvoirs de sanctification et de consé-
tous; la sanctification intéresse tous lt'.s chrétiens s<1ns cration, d'enseignement et de gouve1·nement; ces pou•
distînction et, phis que tous, les prêtt•es, Il semblerait voirs les distingueront nettement des autres fidèles.
donc vain d'opposer laies ou prêtres à reli'gle\1X, puisque, C'est l'assemblée pourtant, la « com1nunauté dee
selon ces docu1nonts, ce ne sont pas d'abord des devoirs saints J), qui, durant les premiers siècles, demeure à
particuliers qui caractérisent l'état religieux, niais la l'avant-plan de l'Église, et non la · distinction clergé-
tendance à la sainteté, par los « moyens adéquats )>, laïquos (O. Seromelroth, Das geistliche Arne, Francfort,
,- tendance et moyens à proposer à tous les me1nbi-es 1958, p. 29). L'Église est le corps de sainteté, où ch~que
du corps mystique, 1nôme si les 1noyens comportent chrétien reçoit et exerce lu vie divine. Les prêtres soilt
« dàns le siôclo » des applications différentes. dos membres de lu co1nmunauté; ils y re1npli.ssent le
Quelles que soiont leurs diversités, nous rechercl1e- service même que le Christ avait accompli au milieu
rons les éléments d'union et <l'interdépendance dAs dos Douze. lis représentent le Christ, tiennent sa place,
trois << états do personnes >) sur le plan de la spiritualiLé. le figurent, dirigent en son norn. Mais ils apparaissent
De cette intel'dépendo.nce, nous découvrirons d'abord à tous très intégrés à la comrnunauté. On reconnaU
les lnanifestations historiques en rappelant brièvc• là sans doute l'influence très vivante de cette u p~rson•
ment les moments où -la division des trois états, préli• no.lité corporative » si présente à la pensée sémite ei à
Fascicules, 28-29. - 29 juin 1960.)

t
LA VITA Jf.P0STO~ICA
•. ' l
. 1410
408 l
.•~ ~}ble tout.,.entière (cf J. De Fraine, Adam 6t son -' ~ " nur.as to~Ï: en ,eo1nmun ,ave~ ~ t\1.fr~re. repNnd la 'i
1'est ·lig~g~;J>arµi -Bruges, 1959). , 1Jtd,ttcltè a la .fin du J!.romier sl~clo à' 1radresse,q~ ~hilJîl~ caté• i

ions f~ e~ ~st de:'. î_Ilême da c~~x qu'o!I appallè alo.111 les · f h~1nè~, et tu 1:e diras p~ que .quelqtîo ~bose !'.~PP.~ t!ent
llèS. aacèt~.•le~,o;o n~nents,, les vuirges : ils vi;vent au~ ur en P.!'~Pre. .Car. SJ ;;vous part~~, _ensotnblo !CS )nûill.1.!I li!è,n!ï
, des de. lâ . eom'!llUnauté. Bref, aux deux premiers J iècles splriL'ù!ls, com~i~n p:fus part~g~rez-vous·les bi~ns pérlss!i'blos •
, les BJll''il}Ut, on aJ:'iinpressioil dtune·coinmunauté trës . ((v, 8). Çontr111r~mènt 11u:it_ Jt11~s. f!UI ne c~nsaor9i1ont _q~o la
'Lell .tùtu-res .divi' · , , tl · i;1 1 • , 1.1nie. clhne de leur av~ir, •.f:<>ut ce qui teur appartu,nt, é~ri.t l_rênée à
istre , . sions s Y._ esis.nen~, mais, c;om~ ~ans propos des chrétiens;1ls le consacrent-a\l)!: u,sages du Se1k11eur,
!(lité un o~an1sme en évolut1?n, ell_es son~ encore éat hées· (Contra haares11s ,v, 1a, PG ?, 1025a). 'rertullien1 à ln ffn du
rlON 4~M:; .ta. profondeur du tissu vivant. Le peuple fldèle sr.cond siècle, affit1ne sans hésiter : , Totiâ lèlj bie'ls eont com-
NAT, r~~ µn tout, Ota les ' distinctions ne sont pas des rnuns entre les chrétiens, à poxception_ <lu niaria(tê•f (Apola-
que, iép~ations. · c111ioµ,n 391 J.?.t, 1, 472).
art;
•1n1- 'A vr,i dire, cette communau,té. para:tt n'avoir encore . . . •· - .
au6un -besoin de séparation. Ce fait n'est P.as sans Sans énu1nérer les _nombreu;e t~rt101gnages qui r?n•
irtes écl~(8J la: théologie spiçituelle <les trois· états: dent le même so_n (_voir les textes ci.tés pâ_r E. Jacq~u~r,
,ITB. J_,a sépiu:ation actuelle très accusé'8 entre laïques l,es Actes des _Apotres, coll. liltudes blb!!qu~~• ~ar1s,
viva9t i:lau,,le monde et l'état religieux s'explique géné- 1926, p., 15?) ,_tl faut. se de.m ander ce _qu dl! s1gn1ftent.
falemel\t par lè programnu des«. obligations,, assumées AuJ_ourd hui, s~sceptibles c~~me nb~s sommes sur le
publlquemertt; d'un •côté, Il s'agit des seuls« préceptes», <!roi~ de_ prop~1étê, nous cro1r1ons qu on no\!s parl~ .da
de l'autre on ajoute l'o,bligation .des« conseils,, : « prae- 1,o?hgatlon d y renoncer, et nous ne com~r~ll~rions
Ja ter communia praecepta, avangelica quoque consilia I as. A ce moment,. on constate_ que dans 1 lilgl1$e on
~pel servanda... éusèipiunt » (canon 487). Le, traités de morale propose à tous de simple~ conseils comme la règ!e, ,ou
idée in,istent avant tout sur les << obligations » qui s'ajoutent n1ômc co_mmc des « devohs » (cf Rom. 15, 27) ., D après
>le » officillllement à la vie séculière et mettent les reli , c~s. témo1~nages, nous nous trouvons on face dune tra-
ie à à part. · · gieux dition qui suppo,e qua le chrétien pratique ~~e .« ~ise
is » 9 r, aux premiers siècles, cette séparation n'existait , en commun. » (a~pel?ns-la de ce nom) à l im1tat1on
ùtè, pas : les fidèles constituaient une seule comm té plus ou moins parfaite do 1a première communauté
}ôte Beaucoup cependant adoptaient une manière u;:uvi~ de Jérusalem, qui elle-mê1ne répondait à l'exemple
1 .la èimplement conseillée, donnaient leurs biens aux· exprès de J~s~s. . .
·end P!lUvres et pratiquaient la virginité. Quo ces chrétiens Cette trad1.t10~ 1 on la r~sum~ra1t sans doute as11ez
1ue. ~e-nt pu vivre avec les autres, recevant les mêmes ins• cxact?me~t a1n~1 ; un cl1rétien n use pas de ses biens en
:ard tructions spirituelles, participant aux mêmes réunions, pr0Rriét~1re, puisque, << entre frère~, tout est commun ».
ère, sQumls .à la même organisation, cela suppose une très A l intérieur_ de la communauté, l aumône est suppo,4e
; le granile ferveur de l'ensemble proche de la Pent côt d~ règle, mais une aumône qui est un partage. Et cette ..
ires, èt ~ l'ère des màrtyrs. ' · e e ouse en con1muu s'al?pelle d'un n·om qui se I?erpétuera
>lis- 1 , De fait (infra, col. 1410), Il apparaît que la morale l~ngt~n1ps dan~ l'Éghsf et résumera tout.1.1}'1 pr?_g~amme,
i de ch.l'é'tienne s'e~primait. <levant tous avec son exigence l,'. « vie apostohque », c est-à-dire la for~e de v1~ 1?augu:
totale. -Sans ignoi•er les obligations suffisantes, on ensei- rue par f ~~us .avec les Douze et ense1B:née par c~ux-c1.
àng gnait l'idéal, lequel correspondait aux ,, conseils ». au_x chretiens de Jérusalem. Cette « v1~ apostfl~qu~ »
les En d'autres termes, l'appel à la perfection était la base a Jo~1é u~ rôle prépondérant dans ·la su:tte. de l lustoire
gue de .renseignement commun. Pensons à cos formules de 1 Église.
ois; audacieuses de saint Paul sur la délivrance de la loi. Do celle • vio npostoliquo •• saint Paul ne donne-t-il pas la
eux S'il n'y a plus de loi pour le chr~tlen, c'est qu'il est t11r1nulo, lorsque, parlanl dos aumônes à recueillir pour les
que supposé se diriger selon les requêtes (libres) de la charité tr·c\res de Jé~usalo1n, Il écrit : • Il n!l s'agH pas pour soulager
lion (ci S. Lyonnet, Liberté chrétienne et loi de l'Esprit llL\lrui de vous réduil'c à la gùno: Cil qu'il faut, c'est l'égalit6 ••
~tre selon saint Paul, dans CliristlUI 4, 1954 , p. 6). L'état el. !'Apôtre invoque le texto de !'Exode (16, 18) sur la n\anne
est • • d rt,partie selon les besoins de chacun et dont personne ne pou-
d esprit es pre1niers chrétiens devant les biens ter- v~it garder un surplus, : « Ainsi régnera l'égalité selon ce qui
Z1). restres et là virginité est tout à fait significatif. osl écrit. : Celui qui avait beaucoup rec 11eilli n'eut rien de trop, •
rist oL celui qui avait peu rocuoilli ,ne manqua de"rien • J2 Cor. ~.
~es, 2° La « vita apostolica ». - On sait l'idéal 130t15). -
rou- oommunautair~, difficile d'ailleurs à préciser, que, ~crivant aux Romains et expliquant la n\01ne au1nôno,
,' in- selon les Actes, s'étaient librement ~signé les chré- P<11ù d6olare : • Il n'est quo Juste qu'ayant reçu en partiel•
cun tiens de Jérusalem. A consulber les écrits de saint Paul, p,1Uon des saints de Jérusalem les biens spi.rituels, vous les
lSé• ensu,1te la f?idv.chè et les textos des Pères apostoliques, fn ssie1, participer maintenant à vos biens matériels • (Rom, 15,
0U•
1 OJI s aperçoit que la pratique de Jérusalem, qui dépasse 21). Ce sont les mots même repris dans la Dida.chè (comparez
,les. avAc Actes déjà cités, Gat. 6, 6, etc).
à {!évidence l'ordre des préceptes, est restée pendant
'
des les deux premiers siècles la lettre de la catéchèse Comment dès lors nous représenter concrètemertt la
e il enseignée à tous. règle proposée aux chrétif)ns dos deux premiers siècles?
rgé- 1) « Communauté de biens». - Un idéal de fraternité En son1me, l'Église continue à pratiquer l'idéal de la
ort, parfaite, admis par tous les frères, un amour mutuel communauté de Jérusalem. Cet idéal est celui d'une
que ~-ardent», shnple conséquence du baptême (cf 1 Pierre 1, charité-partage. On ne songe pas à discuter la pro•
ont 19-21),· conduisent l'ensemble des chrétiens à une cer- priété des possédants, ni à la revendiquer pour ceux qui
t le taine « communauté de biens •~. Le lien entre l'amour n'ont rien, - ce qui ne fait nullement songer au com-
lieu ,mutuel et ce régime des )>iens est très clairement marqué munisme contemporain. Saint Pierre ne dit-il pas à
~ce, q11ns les Actes : ,, lis n'avaient qu'un cœur et qu'une ~nanie : « N'avais-îu pas le droit de garder ton champ
.e nt Ame. Nul n'appelait sien ce qui lui ap_parte~ait » 011, l'ayant vendu, de disposer du prix à ton gré?. •
lalt (4, 82; comparez 2, 4.2-47; 5, 1-11; 6, 1-4). Or, cet idéal (Actes 5, 4). D'ailleµl'!I la propriété est réglée par les
.on- rea-~ .p.résent à toute l'Êglise : lois civiles. Le droit romain et les lois Juives sont précis.
.
1t à l>lé'r10NN4,Rll DE SPIRITUALITÉ. - T. IV, ,s

1411 ÉTATS DE VIE 1412


Pendant les premiers siècles, le pouvoir civil représente les ascètes, les continents, les vierges, etc, par los éloges
le persécuteur. Comment songel'ait-on à porter la ques- nt la vénération dont ils étaient l'objet, commencèrent
tion du régime c}H•étien des biens sur le terrain de la :i apparaître •< dans le sein de la société ecclésiastique,
propriété? Non, celui qui a des biens a le bonheur et la c.omme un ordre, une classe sociale reconnue » (Provida
chance de donnor. Le mên1e point de vue inspire e1icore 111.uter Ecclcsia, p. 115). Il ne pouvait en être autrc-
les discours de $9.int Basile, qui nous étonnent aujour- 1nent, puisque, comn1e les textes on témoignent, le
d'hui par leur audace (vg 1101n. in dir,ites, PO 31, 277• programme de vie que Jésus avait enseigné était très
ao~). Mais, et c'est l'important, cette aumône est 1;i,nplement proposé devant tous. Ceux qui l'adoptaient
consid61•ée comme un partage entre frères. Ainsi restaient dans la communauté, même si, souvent, les
s'expliquent les mots de Tertullien : <1 'fout est co,nmun vierges habitaient. sans doute ensemble (voir saint
entre nous ». Cela veut dire : pour les chrétiens, tous les Ignace d'Antioche, Aux Smyrttiôtcs 13), et aussi los
biens sont toujours prêts à être partagés. prêtres non mariés, groupés dans le presbytérium. Les
Sur ce tableau de détachement effectir et d'amour laïques ou les prêtres, qui s'étaient défaits de leurs biens
fraternel, n'oublions pas de projeter les lueurs des per- selon l'Évangile, vivaient dans la communo.uté,soutenus
sécutions. Dans l'atmosphère de menaces qui étreint par la caisse commune (E. Jacquier, loco cit.), et ils secou-
les vies, la u mise en commun » des biens entre les pe1•sé- l'aiont les pauvres involontaires. Eux aussi sans dout~
cutés va comme de soi et personne n'éprouve la tenta- demeuraient parfois sous le même toit. Mais l'Église ne
tion de s'installe1• dans la richesse. Cet espoir du retour jouissait d'aucune liberté publique et les chrétiens ne
prochain de Jésus, qui, au début, a poussé la commu• pouvaient se déclarer au grand jour.
nauté de Jérusalen1 à rompre avec la propriété el à
prendre un visage eschatologique, no grandissait-il s0 Séparations latentes ou déclarées. .!....
pas encore au sein de la tourmente, qui semblait pré• Avec l'accroissement numérique de l'Église, cette pers-
sager les derniers jours? Quand les supplices et la perte pective d'unité, où les futures divisions : clergé-laïcat
de tout dessinent la perspective quotidienne, le pro• d'une part, vie religieuse-clergé-laïcat d'autre part, ne
blèmo du régin1e des biens n'a plus d'intérêt. sont pas encore des sépa1•ations, va changer.
C'est sans doute l'expression de saint Irénée, citée 1) Clergé 1( séparé "· - Nous voyons d'abord s'affir-
ci-dessus, qui rend le mieux l'idée des chrétiens sur les, n1cr, face i, la communauté, les signes distitïctifs du
biena de ce monde : on les considérait co,nme voués· ülergé. LA fait, qui se vérifie partout, est facile, somble•t•
« aux usages du Seigneur », ad usus dôrniriicôs. Cela il, à expliquer. Au milieu d'une grande assemblée, le
ne découlait-il pas du baptême? Traosfor1né en offrande prêtre n'est plus le frère uni avec ses fi•èrcs autour de la
au Seigneur, le baptisé no se regardait plus, ni ses biens, table commune; celui qui prononce l'action do grâces
co,nme profanes. En des ·t extes comme 1 Pie,·re 1, 19 et les ,nots consécratoires, quand les autres membres do
à 2, 10, et en tant d'autres, les pre1nières communautés la communauté, les. " la'lques », ont, parlé. La <1 table»,
considèrent la vie entière comme vouée au règne de qu'approchent désorn1ais les seuls prêtres ot les « ser-
Dieu. N'est-ce pas, malgré des différences d'application, vants», les diacres, accuse les traits qui en ont toujours
l'idéal q11e le moine mettra bient<",l en œuvre? Tant que fait un autel. << Mis à, part », ils l'étaient déjà depuis
l'ensemble pensait et parlait ainsi, pou,•quoi les fer• l'appel révélateur des Douze : 11 Il appela à lui ceux qu'il
vef\ts se sépareraient-ils? Coux qui renonçaient à leurs voulut, eL .il en institua douze " (Marc 3, 1 :l-14);
biens pour le Christ avaient leur place ,narguée au « Mettez à part Paul et Barnabé » (Acles, 18, 2). Main-
cœur de celte fan1illc fraternelle (cf Provida Mater tenant l es prêtres, et surtout l'évêque, se détachent ·
Ecclesia, p. 115 ). tout à fait.
2) Tout nous montre que la ,,irginilé était inti1ne- Cette séparation de la << portion du Seigneur », au
ment présente aux pren1iers ens~ignements chrétiens. sein de la communauté, ne pouvait entraîner aucunê
D'après un des plua anciens textes du nouveau Tesl.a- 1·11pture, aucun éloignement. Serviteurs de l'autel, les
ment, la première épître aux Col'inthiens, saint Paul, pl'êtres lo sont au se.r vica du peuple de Dieu. Telle est
vers 50, la propose à ses auditelll'S avec une toile leur 111ission ossentielle. Le Christ les en avait avertis,
netteté (il reste cl1e1. eux dix-huit rrlois, A.çteR 18, 11) non sans insister sur le danger qui les menaçait. l\1is au
qu'on l'interroge ensuite, par lettre, pour savoir si le p1•emior rang pa1• los pouvoii·s de sanctification dont
mariage est pei•n,is. On connaît la téponsô : " ;r o souhaite ils sont po1•teurs, ils auraient aussi le pouvoir de go-µ-
que tous vous soye~ co1n1ne moil >> (1 Cor. 7, 7). A quoi vernernen L. Comme les chefs de la terl'e, ils éprouve•
la lat l.re aux :flphésiens ajo11tera l'explication de la l'».ient lu tentation de doriiinel'. « Non, pour vous, il
valeur positive du ma!'iage chrétien, rnagruan sa,crarnen- n'en va pas ainsi; mais que celui qui gouverne soit -
t1Lm (5, 32), sans t'èLract.or le conseil, qui imprégnera
<:<)mme celui qui sert » (L uc 22, 26). Cette place, à la
profondé1nent la corn1nunauté des premiers siècles. fois la première et la plus htnnble, au milieu eL au
contact des chrétiens, n'a.llait•elle pas créer certains
')'elle l!S ~ bien la po1·tée, pnr exernplo, au 1nilicu du douxièrno problèmes, le jour où ces chrétiens se mêleraient davan-
siècle, du témoignage de sliinl Jus lin converti, simple laïc,
qui 1nont1·c à ses lect.Hura païens con11110 un 11rg11ment irré- tage <( au siècle », s'y établiraient, se disperseraient,
frugnblo les • très no1nbroux • chrétiens dea deux soxos, dont attirant leurs pusteur·s avec eux? Nous retrouverotts ce
beaucoup déjà (lgés, qui observent la vîrginité d epuis Jour problème.
1uüssance (Apologia 1, 15, PO 6, 349). Celte présence vivnnte 2) Jltlon<tchis1nc. - One autre séparation, qui prendra
de l'appel virginal ne gêne p~s. au conlrllirc,. la catéchèse h1 forrrle d'une rupture, so prépare, dont il nous faut
sereine du 11\ariage. De n1!lme, nous voyons Tertullien pré- saisir le sens historique et théologique. C'est surtout
senter onso,nblc la p11ret.é do 1'01nour chrétien et 111 ,nervoillo nu courant du troisième siècle, durant les accalmies ·
• dès vierges deg deux sexes, dont il nffirm e lui aussi Jo ll'èS plus Jongues qui sépar·ent les persécutions, que les histo•
grand no,nbre (A1>olo8eti'.c111n 40, PL 1, t, 87). riens placen L l'inévitable atTaiblissement de la ferveur
Pourquoi cette co1n1nunauté songerait-elle à une cL de l'idéal commun, conséquence de la multiplication
séparation'? Dès les premiers temps du christianisme, des chrétiens. Jusqu'alors, le « conseil » est annoncé

1
2
141.3 StJ.'>ARATIONS LATENTES OU DÉCLARÉES 1414
,s
.t e.t pratiqué au milieu de tous; sans offusquer ceux qui vertu maîtresse sera l' (( amabilité >>; qu'ils ne sauraient
no l'adoptent pas. Maintenant l'état de perfection SH llancti f!P.1· sans $8 livrer au colloque spirituel et qu'en
évangélique sera mis à part d'une manière beaucoup elTet la co,nmunaulé fl'aternelle se réalise dès les
plus visible face à la co,nmunauté. dëbuts de cet ,, érémitisme », Antoine est souvent en
13 Sans a1•riê1·e-pensée, les historiens catholiques décri- r•oute pottr visiter ses frères.
s vent le ,nonachismo comme une 1, force nouvelle ,,,
JI y avai t dans la 1nontagno co,nmo dos tabernacles rc,nplis
t «création la plus originale de l' histoire de la spiritualité do chœurs divins d'hornrnos chantant dos psau,nes, étudiant,
8 ·chrétienne » (Daniel-Rops, L'Église des Apotres et des jcùoant, priant, Ool(Ultant dans l'espérance des biens futurs
t martyrs, Paris, 1948, p. 60',). Cl'éation originale, com1ne cL L.rava.illant pour faire l'aumône. Parmi ellx régnaient
s le christianisme lui-mê1ne, dont elle n'est que la mani- l'tunour mutuel et la concorde. On pouvait vraiment voir
s festation claire au milieu du monde, mais plus encore C•)m111e une région à part, d(;l piété êt de justice. Pers(lllliè
retour aux sources évangéliques, à. la tradition, à. la qui conntit ou souffrit. l'injustice; nul ne s'y plaign!lit du collec-
's première inspîration. tûllr d'impôts. Une n1ultitude d'ascètes étaient tendus d'un
n1~me effort veN.1 la vertu. En voyant los 111011w;tères on
- Des protestants ont daté do l'apparition du 1nona-
chisme les graves déviations de l'Église catholique, à s',\criait : • Elles s'étendant co111mc des vallées au bord d'un
fleuve, qu'elles sont belles tes tentes, ô Jacob, tes derncures,
savoir la prétention de l'homme à la sainteté personnelle, ô Israël • (Non1brcs 21., 5) (PG 26, 908ab, cité dans L. Bouyer,
l'accaparement, au profit de l'homme, de la grdce et des loco cit,, p. 153),
mérites du Christ. N'auraient-ils pas raison, si le départ
'vers los déserts avait éclaté comme une pure nouveauté? Il ne s'agit pas là d'une nouveauté, d'une vocation
Dos catholiques ont tiré du mouvement vers les solitudes d'exception vers une perfection individuelle, qui aliéne-
• une conclusion assez semblable, bien qu'apparetnment rait le solitaire d'avec la communautô, mais d'un retour
plus respectueuse de l'Église. Franchement novateur, à la société évangélique. Ce qui anirne ce 1nouve1nent,
le monachisme auràÎt obéi à des influoncos d'origine eu n'est pas avant tout le désir de renoncer à l' <( enga-
hellénique, mystiques ot contemplatives, difficiles à gement » terrestre, c'est l'appel positif, J)ieo qu'eoco,•e
• harmoniser avec le précepte évangéliq~e de la charité irnplicite, vers une '.Église pleinement réàlisée, selon le
L mutuelle. Aussi, née du monachisme, la vie religieuse n1odèle des premiers jours, idéal impossible à pratiquer·
• ~e serait-elle trouvée mal à l'aise avec la char•ité aposto-· au milieu d'une communauté chrétienne qui n'espè1•e
ligue; pour s'adapter a\lx exigences conteulporaines do plus transfor1ner l'oi·dre social ambiant, qu'elle adopte.
l'action, elle aurait besoin d'une refonte, qui la puri- Ces séparés, au lieu de donne1· prise aux critiques, du
fierait de ses attaches monastiques, pour la centrer n1oins de la part des chefs des communautés, sont
sur le don au prochain (voir infra, col. 1,, 2·1, ce que nous universelle1nent loués ot admirés : coux qu'ils ont
pensons do cette opinion). En fait, louée et recommandée délaissés reconnaissent dans leur manière de vivr•e la
par l'Église, la vie religie)lse découlerait-elle d'une vùa <tpostolica de Jérusalem, Aucune hostilité ne
simple déviation, ou le sons missionnaire de l'Église 1•t':$Ulte de leur « ruptu1•e » : on voit en eux des conti•
serait-il inconciliable avec le départ vers les solitudes, nu,iteurs de la co,ntnunauté. Des prêtres les visite•
•ou plutôt, fa\ldrai t-il voir dans l'exode do l' « ermite » r,)nt et, bientôt, il y aura des prêtres dans leurs rangs.
•comme dans ses combats, - cont1·0 lui-1nê1ne et le Ceux: qui pa1-tent lldoptent complèten1ent désoi·mais
dén1on - , l'entreprise la plus missionnaire des troi• le régime évangélique de vie avec toutes ses consé-
iiième et quatrlè,ne siècles? En apparence paradoxale, quences. Presque aussitôt ce genre de vie révélera ses
cette vue n'est, peut-être, qu'une saisie plus profonde trois composantes, qui ne seront formulées con1me
de la réalité du règne de bie\1. (( triple conseil » que plus tard : dessaisissement des
L'étude de Ja Vita Anto,iii a démasqué plus d'une hions, virginité, communauté et unité SOllS un père
~qulvoque et rnontré le sens vrai de cotte <( nouveauté » spirituel. Ce faisant, les 1noines n'ont pas conscience
•(et L. Bouyer, La i•ic de saint Antoin(!, Saint-Wandrille, d'innover, et on comprend le sentiment qui plus tard
1950, dont nous résumons les conclusions). Converti ani1nera le h6nédictin : la vie n1onastique c'est la vie
• vers 270, Antoine, en partant vers les désertq, obéit chrétienne. Au conL1•ai1•e, ceux qui 1.· estent clans le
à la nostalgie de la première communauté de ,lél'usalem. « siècle » innoveraient, dans la mesure où ils oublie-
II ne fuit pas le martyre; il revient mêrne à Alexandrie raion t. l'appel à la communauté parfaite, qui a nourri
lorsqu'il apprend que la persécution s'y est rallumée. lt1!) aspiraUons de l'ense,nble pendant les deux pre-
Il ne fuit point la communauté chl'étienne, où il n1icrs siècles.
essaie il cette occasion do ramanet' la paix. Il quitte De toute façon, la séparation désormais consom,née
la cornmunauté (<affadie», que défigure une installation a été jugée nécessaire. L'Église l'a 1naintenue à travers
excessive dans les biens, qui remplace désor·mais les les siècles, L'indépendance de la communauté de per-
généreuses aspirations dos prem iers chrétiens. Aucun f1,t)tion vis-à-vis de celle des chrétiens établis dans (< le
mysticis111e païen, aucun ltellénisrne dans sa décision; siècle » a paru la condition de son existence. Voit•
il suit le Christ ; (( Vends tes biens et donne-les aux par exemple les textes de Pie x11 dans IJa vil'! reli-
pauvres» (Mt. '19, 21). Où ira-t-il s'il ne peut pratiquer gieuse,, Paris, 1959, p. 137-175.
èelî1 au sein de la co1n1nunauté chrétienne? Impossiblo 3) Vic apostolique des clercs? - Beaucoup plus
de se rendr·e da,is le domaine, âpromont défendu, des Ir.nt.a, plus laborieuse et plus confuse que la distinction
païens. Il fallait donc gagner le (< désert ». Il faut elercs-laïcs, apparaît au cours de l 'histoire la distinc-
d'ailleurs une rupture. Les demi-mesures ne suffiraient tion vie sacerdotale-communauté do perfection. Au
pas; il faut 1•eco1nn,encer. C'est la vita apostolica qui, d1~but, la viut apostolica était. liée dans tous les esprits
en fait, attire Antoine, et ceux qui l'ont précédé et le avec la pel'sonne des apôtres, donc aussi avec ceux qu'ils
suivront. établissaient, en leur imposant les mains, pour faire
Tout celll, c'est le texte de la Vita Antonii. Et cc: qu'ils avaient fait eux-1nê1nes : présider et consacrer,
saint Athanase dit encore quo Ios «solitaires» se retrou- expliquer la Parole, veiller sur la conlmunauté, la gou-
vent au désert; que, selon les directives d'Antoine, leur verner. Là où il exista, le presbytérium était un collègo

1415 ÉTATS DE VIE


sacerdotal, et, plus d'une fois aussi, une communauté à Nicola.a II t
1061 de fa\re de la vie commune la loi
înspirêe de la vita apostolica, où était plus ou moins universelle du clergé, ce que le pape fut bien p~
exigée la mise en commun des biens. La communauté d'imposer (voir Vie . CoMMUNAUTA,11\E, col. 1159-11.&Q),
tout entière restait d'ailleurs imprégnée de cet idéal Ce courant trouve sa raison d'exister dans les dangel')I
évangélique. La vita. apo8tolica, qu'une partie de la con1- de. la vie cléricale, quand manquaient souvent la for-
munauté pratiquait à la lettre, était un bien de toute 1nation préalable, la facilité des relations, la v,igilanc,
l'l1lglise. Comrnent ceux qui la dirigeaient auraient-ils des chefs de diocèses. Mais la présence au milieu dll
éc)1appé à cette a.n1biance? peuple deiait l'emporter au concile de Trente, ®i
Cependant, les pouvoirs et les responsabilités conflôs donna un statut pleinement légal au clergé séculier:
aux presbytres restèrent indépendants de la vie de avant le concile le fait étàit depuis longtemps établi
pe1•fection et spécialernent de l'adoption complète de sans conteste.
la vita apostolica. Souvent, pour_ veiller 11ur la cooi-
munauté, des « anciens » ont été choisis qui étaient
mariés et continuaient leur vie de famille. L'l1lglise 2. CONSÉQUENCES SPIRITUELLES
distinguait déjà la question de la validité ou du fruit.
des sacrernen t:. et celle de l'état de vie du nlinistre. 1° Peuple de Dieu, peuple de frères. - .L'hja.
En partant de ces premières constatations, si on toire du règne de :Oieu est dominée par la création d'un
essaie de voir en son ensemble l'évolution de la dis- peuple nouveau, le peuple saint, la famille de Dieu.
tinction clergé-vie apostolique jusqu'au moyen li.go, On y entre par une nouvelle naissance, le baptême,
on s'aperçoit que les témoignages •ofTrent une double Enfants de Dieu, los chrétiens sont identiquement des
• perspective. Les uns, relatant l'adoption par de non1- frèl'es. Cette « ardente µ fraternité, selon le mot ~
breux évêques, pour eux-rnê1nes et leur clergé, de la saint Pierre, leur permet de vivre et de révéler aux
« vie commune », en parlent comme d'une rnesure digne autres, en témoins do la vérité, leur filiation adoptive,
de louange qui ne s'imposait pas et était pour le cler•g6 si profonde, si réelle, exigeante autant que béati6ante.
une nouveauté institutionnelle. C'est que, tel saint Parlant des trois états de vie, dans lesquels ae par-
Ambroise racontant la décision de saint Eusèbe do Ver• tage le corps de 1'11lglise, nôus mettons en relief fil
ceil, imitée, dit-il, par un bon nombre d'évêqu;s E!ll caractère social du règne do Dieu. Ceci ne comporte
.Jtaliè, ils comparent cette« vie commune• à la manière aucune mésestime de la sainteté personnelle, condition
de. vivre des 1< moines » désormais connue dans 1•:i;Jglise : manifeste de la sainteté du corps. Il n'en est pas moins
in hac sancta Ecclesia eosdem nionachos instituit esse quos vrai que c'est seulement dans le corps du Christ. que
clericos (PL 17, 720b). Les autres, comme saint Augus- la sainteté personnelle existe : le corps du Christ esta
tin, se rattachent directement à la vita apostolica. A source et son ,sens.
leurs yeux, l'adoption de la vie commune est un simple La vocation surnaturelle de l'humanité est auaaf
retour aux origines, à l'esprit et à l'institution d<:s fraternelle que filiale. « En obéissant à la vérité, vous
apôtres ; en conséquence, c'est un« devoir », au sens de la avez, purifié vos Aines, pour vous aimer sincèrement
catéchèse des premiers siècles, où le 1t devoir )> est ce qui comme des frères. Aimez-vous donc ardemment,.. et
est conforme à l'ÉvangiJo. D'après ce que nous avons édifiez-vous en maison spirituelle» (1 Pierre 1, 22, et
dit, Augustin a raison de déclarer : les apôtres ont véc:u 2, 5). Ces paroles prolongent la première prédicatio.n
ainsi. Aussi refuse-t-il d'ordonner pr•être celui qui ne de ,J érusale1:n, dont nous avo11s vu le résultat dans. les
s'engagerait pas à partager la vie conHnune avec l'évêque cornnlunautés prinliUves. Elles sont l'écho direct de
et à n'avoir rien en propre. li ne voit cependant pas de l'affirrnation de saint J ean1 définissant l'œuvre r<idBmp•
- faute » dans la pratique contraire, puisqu'il cédera à trice par le rassemblement des hommes : « li devait
certaines instances. mourir pour réunir les enfants de Dieu qui étaleut
Nous retrouvons cette double perspective au long dispersés ii (Jeart 11, 52). Cette vocation surnaturellè,
du moyen âge, et la controverse restera ouverte ju,;- idéal des chrétiens en marche, glorification plé11ière
qu'au concile de Trente entre défenseurs et adversaires de la Trinité, ouvre devant leurs yeux les pèrapectivea
de l'obligation de la vie commune (témoignages aux d'une union incroyable, grâce à la révélation du COJ'llt
articles : Vie CoMMUNAUTAlllR daris le clergé diocésain, mystique du Christ : • Vous avez été appelés en un seul
CnANOlNES •RIÎOULIEns, sur lesquels nous no11s corps>> (Col. 8, 15).
appuyons). D'une part, en beaucoup de cas, le clergé • De cet idéal d'unité auquel le Christ les appelle, qu•
n·e pratique pas la vie commune. A quoi il y a de toute pourront réaliser les chrétiens? .En rai:.on de la nature
façon deux raisons : d'abord le mariage des prêtrés tombée, les ho1111nes sont profondément désunÎII.
(P,rohibé en Occident à partir du décret du pape Sirice Imprégnés d'égoîsme, ils ont cherché et cherchent en~ore
eil 886, 1nais dont l'application est progressive), ensuito, à s'établir dans un ordre, une paix, toujours instables.
la formation des paroisses rurales et la présence du C'est de cet ordre « blessé » qui ne répond pas à la
prêtre au milieu des populations (rnotiC quo l'Égli:;e vocation baptismale, que les .chrétiens doivent part~,
reconnaît déjà et reconnaitra de plus en plus). D'autre pour créer, par la grâce, la nouvelle société des eruanf.
part, des conciles locaux transforment la recomrnan- de Dieu, à laquelle le (( germe incorruptible » qu'ils Qnt
dation de la vie comn1une en obligation. D'après de reçu les fait aspirer.
nombreux témoignages, dès qu'un mouven1ent de Cette tension conlmune, si vivante dans les pi-em,ie,11
réforme du clergé apparaît, on de1nande à tous J~s siècles, cette espérance qui travaille les membres de
clercs la vie commune ou vie « càno1îique » (selon les l'Église pour passer de l'ordre terrestre à la parfalte
canons); aussi bien, toute nouvelle prescription impo- fraternité, expliquent, aujourd'hui comme alors, que
sant la vie commune est conçue comme un retour à la le peuple de Dieu se soit divisé en deux groupes : llun,
dignité de la vie cléricale, à la ferveur des débuts, à une minorité, peut tendre dès maintenant vers un
la vita apostolica. 1,Jn des efforts les plus mémorables idéal de vie entièrement fràternel, révélé dana le
fut celui de saint P.ierre Damien t 1072, qui demanda Christ, tandis que l'autre reste mêlé au • siècle •• qu'il
'
1417 LE BAPTtME SACREMENT
'
DE SAINTET~ 1418
loi doit transfor1ner, pour le conduire spirituellement au n1unauté fraterneUe. Cortes, le chrétien doit se donner
,rèll même terme. à la tl\che qu'il accomplit. Pourtant, à aucun moment,
10), L'1ilg!ise a compris la sécession des ermiteiJ•cénohites U ne pourra se laisser intégrer au ~ monde 1,. ·Le nou-
-ers oomtne-\ln retour à la cc vie apostolique 1, essentiellement veau Testament est formel (vg JfJan 17, 9, 14 et 16;
·or- communautaire. Il ne s'agit donc pa.s seulement d'une 1 Jean 2, 16). 11 s'ag-lt du inonde en t ant que mêlé au
llCe soif subite do pure contemplation et de solitude, ni niai et identifié aux concupisccneos mauvaises; il
du sur.tout d'une volonté d'éloignement des hom1nes. Sans s'agît aussi de l'appel à un mond.e plus parfait, en vue

11111 doute s'agit-il de cc trouver Dieu », de « suivre le Christ » duquel les chrét.iens devront purifier, élever, même lo
.er; directement, îl est question d'une rupture, qui repré• n1ariage : ,c Le temps est court, que ceux qui ont femme
lhli fiente un effort renouvelé vers cette communauté vivent comme s'ils n'en avaient point » (1 Cor. 7, 29);
exemplaire dont l'idéal avait été proposé à tous les précisément le sacrement de mariage permet aux
baptÎ/iés. Paradoxe apparent I L'orientation réelle conjoints de vivre en baptisés.
4e la spiritualité de ces c< e1•miLes 11, dont Athanase est Enfin, rien peut-être ne montre mieux l'identité
le témoin en plein 4 8 siècle, est "\Ill programme à ten- foncière de la vocation et de la visée dernière de tous
dance fraternelle. On comprend « que le cénobitisme les bap tisés que leur commune élévation au « sacerdoce
tia- pachômien ait pu sortir de l'anachorétisme primitif... dos fidèles ~. c'est-à-dire à ce qu'il y a de plus élevé
'u n par une évolution de certains éléments intérieurs et dans l'idéal chrétien (cf P. Dabin, Le 8acerdocfJ royal
PU, JJ1ême de réalisations extérieures qu'il comportait déjà» des fidèles, Paris, 1950).
ne. (L.'llouyer, lcco cit., p. 128).
:les tlelisoni1 la préface de la consécration du saint chrême,
A considé1·er ainsi la division canonique, aujourd'hui dont s1Jront oin ts les baptisés : • Nous vo\1s en a11pplions,
di, pleinement codifiée, d\1 peuple de Dieu en « laïcat 1, s~ignenr saint, Père tout-pui8$ant, T)ieu âternel, par le rn.ême
,U X et état (public) de perfection, n'arriverait-on pas aux Jôsns-Christ votre F' ils, notro Soigneur, daignez sanctifier
ve, oopclusions suivantes, qu'il nous faudra préciser et do votre bénédiction cette huilo, votre cré11turli, et lui infuser
.te. justifier : d'une part, pour être fidèle aux origines, 111 vertu du Saint-Esprit par la côopération d à votré Pils le
ar- l'é~at do perfection ne doit-il pas être interprété avant Christ. C'est du S9.int no111 du Christ quo l'on a déno,nmé Cil
'lè tout comme la pri$e en charge do la rêalisation de chrô1no, duquel vous avei oint les prûtres, les rois, les pro•
rte phùtos et les martyrs. Confirmez donc co chrême, votre créa-
l'iglise et la voie la plus efllcace pour servir le rnonde? · ture, en saere1nent de vie et de salut parlait pour ceux que
ion ~vous êtes le sel de la terre,, (Mt. 5, 18). N'est-ce pàs là
iu vous avoi ronouvolos dans le baptême de l'ablution spiri•
le 'Irai sens de la / uite du monde et l'explication du t,wne, en sorte qu'imprégné de l'onction sanctifiante, délivrê
1ue ser11ice per,nane11t, qu'a ét é et que d oit être l'état de de lo. corruption de 1;1 première naissance,· chncun d'eux,
sa perfection évangélique sous ses diverses (ormes? devenu un t0n1plo saint, r6p11ndo lo pQrfuin do la purclAI d'uno
D'autre part, le laïcat qui reste dans le siècle devra vie agréée, an sorte que, selon lo 1nystè1•0 do votre dessein
881
• préétabli, pénétrés do la dignité royQ]o, saccrdotalo, et pro-
organiser sa vie spirituelle, on l'a reconnu dès le début,
1118 en 'vue de ses 1nultiples tâches dans le monde. J\lfais sa phétique, ils soient rov~tus du vète1ncnt do leur office.incorrup•
,nt visée profonde, celle qui inspire et entraîne son mou-
tihlo • (ibide111, p. 602,608).
et vement spirituel, ne saurait être différente de celle 'l'eJlo qu'ello vient d 'être décrite, l'unité foncière du
et de l' cc état de perfection évangélique 1,. Le prétendre,
,.
OJ}

de
serait lui faire perdre une richesse originelle, dont rien
n'autorise à le priyer, que rien ne saurait remplacer, si
peuple _de Dieu ne peut q1Jo rehausser la dignité et la
dostinée des laïcs vivant dans le monde. Cepe.ndant,
nlise sur la même ligno que l'état religieux, 1~ vocation
l'9n veut que le laïcat devienne, lui aussi, par sa pré- de ces laïcs ne risque-t-elle pas de paraître frappée dès
ip- sence et son action, le sel de la terre.
9.i t le départ d'une dépréciation dép1·imante ou d 'entre-
,2° Le baptême, sacrement de sainteté. - t~nir des sentiments de culpabilité et d'infériorité,
1nt Au centre de la spiritualité d u peuple de Dieu, nous
le, qui entraveraient la conquête du mondo?
trouvons le baptême. Le baptême appelle à la '
Ire sainteté qui est participation à la vie trinitaire; il 30 Sainteté personnelle. - A la base de ces
res appelle en mên1e temps à la comm1\naut.é fraternelle. questions, on doit s'aU.endre à rencontrer inévitable•
'PS D'un côté, cette cc vie apostolique », proposée à to,1s nient la problématique de la sainteté personnelle. On ne
iul d\lrant les premiers siècles , - l'effort des errnites• pourra supprimer les expressions de saint Paul : cc Bene
cénobites pour reprendre de façon plus décisive la facit, melius facit » (1 Cor. ?, 88), et l'effort de. progrès
ue vie apostolique, - le monachisme médiéval convaincu qu'elles créent en ceux qui les entendent. Nous avons
1re de réaliser la vocation chrétienne, - l'état de perfec- f11it a lh1sion à la catéchèse des premiers temps : devant

.18, tion d'aujourd'hui, héritier direct de tous ces devan• tous, elle exprimait le même appel à tout l 'Évangile .
,re ciem, n'ont besoin q\1e du baptême pour expliquer El.: cet appel se révélait par la présence continuelle, dans .
es. leur spiritualité de base. Les trois conseils évangéliques, lu co1nmunauté, de ceux qui embrassaient les conseils.
la leur valeur personnelle et communautaire, ne sont que 11 n'y ovait alors qu'une seule communauté.
la mise en œuvre de la filiation d'adoption. Il y a là Cette tension est celle de l'a1nour, inhérente à la vie
une donnée très ferme de· toute la trad ition spirituelle chrétienne. L'ouverture sur les conseils, l 'asph•ation
(art. CoNsE1Ls ÉVANGÉLIQUES, DS, t . 2,..col. 1592-1609; au progrès, c'est la loi même do l'amour (voir O. Gille-
R. Carpenlier, 7'émoins de la Citii de Dieu, Paris, n1an, Le prirn.at de la charité f}n théo{qgie rn.orale, 2" éd.,
),l'II P aris-Bruges, 1954, p. 255-257). Le chrétien qui 1•efu-
1958, ch. 4).
de D'autre part, on ne saurait conclure à une limitation serait de s'orienter vers l'imitation parfaite du Christ
ite des richesses et dos exigences du baptême, du fait que renoncerait praUquement à l'amour. D'autre part,
.ue Je baptisé demeure un laïc mêlé au monde. De nombreux intégrer dans nos vies la t endance au mieux signifie
1n, textes du nouveau Testament, adressés à tous (vg aller au Chl'ist et à nos frères dans et par notre destinée
un 1 Pierre 1 1 22 à 2, 5, déjà cité), relient irnmédiatement pl'opre. C'est au niveau de notre vocation personnelle
le à f'excellence do la filiation d'adoption la vie la plus quu cet appel doit être entendu et pratîqué.
1'il parfaite et l'appel à l'esprit des conseils et à la corn• Une attitude sereine fondée sur lfJ fait providentiel
' · 1419 ÉTATS DE VIE 1420
doit donc exister on tout baptisé. No,1s avons montré publique. Du coup, on s'aperçoit que l'Église construit
déj~ (art. DBvo111 n'ÉTAT, t. a, col. 690), dans la ,, per- ses co1n1nunautés religieuses comme ses cellules les plus
fection do fait », le véritable l>ut de chacun. En raison vivantes, les plus évoluées : la vita apostqlica et son
de cette << perfection de fait », qui, dans le plan de la u régime des biens », l'exode des ermites au désert, 111
création rachetée, repl'ésente la volonté d'a1nour du l'éalisation monastique do la communauté parfaite,
Père, toute vocation de baptisé a valeur pleine,nent tout cela s'éclait•e. Il s'agit certes de témoigner de la
positive. cité future. Mais l')j)glise organise aussi sa Co1n1n\1nautê
Avant donc de considérer la division des vocations en religieuse com111e une société nouvelle idéale, ayant ses
« étau; ,, de vie, on doit établi,• quo la vocation de tous institutions, aes activités, et sur un tout autre plan
à la sainteté personnelle est première. Cet•les, la grâce que la société terrestre. La cité éternelle est préfigurée,
n'appelle pas tous les « saints » au même type de vertu ÔI', quelle Ast la substance de cet ordre noùveau?
et l'appel à l'état de perfection constitue par lui-même Qu'a proposé le Ch.rl.s t pour réunir les homme$ en une
une grâce personnelle do choix. Mais au don primor- unité visible et rayonnante? La vita apostolica. « J9
dial de la vie divine, les baptisés sont appelés ù donner leu.r ai donné ma gloit•e, cette gloire quo j'ai en Toi depuis
la réponse essentielle· de la saintelé de Jour vie, c'est-ù- le commencement », c'est-à-dire l'amour f1lial du Fils
dire l'habitude de l'acte chrétien en toutes chose$. Cette unique. Donné en participation aux apôtres, il les unit
sainteté ~st, en un sens ~rès vrai, indépendante de on une communauté fraternelle, qui resplendit devant
l'état de vie. Elle est en chac\1n la conséquence de. la les hommes. « Afln qu'ils soient un ... et quo les hommes
grâce personnelle et de la générosité humaine. Elle croient que tu m'as envoyé>> (Jean 17, 22-28). L'amour
n'exclut à p1•io1•i aucun usage honnête des créatures, nouveau, l'agapè, victorieuse de toutes les désunions, ost
car un tel usage n'e1npêche pas l'acte chrétien de tout le seul signe divin.
sanctifier. L'esprit des conseils évangéliques est ici Souvent on ne concède au triple conseil qu'un sena
indispensable : il s'identifie à l'imitation du Christ. de perfection individuelle. Certes, il est juste de voir eq
Les états de perfection montrent. donc la voie. Ceux qui lui le 1nerveiHeux programme de la vie filiale : gente de
y sont appelés savent que, pour eux aussi, l'espl'it des vie choisi par le Fils unique et. seul témoin complet de
conseils est essentiel. , la perfection proposée aux enfants d'adoption. Mais pré-
cisément, le corps ·1nystique est la réunion d'innom-
qo Vocation collltnwtautaira du chrétien brables membres. Le gen1·e de vie filiale est' identi-
dans l'Égliee. - l,e baptême demande à tous une quement la forn1ule d'un 01•dre fraternel. Aussi les
réponse de sainteté personnelle et une réponse collec- conseils ne s'expliquent-ils pleinement que comme · -
tive, qui n'est autre que la réalisation du peuple de condition8 ré,,élée$ de l'ordre co1n1nunautairc évangéliqWJ.
Dieu, du corps mys tique du Christ, de la cité de Dieu. Sur l'orientation' co1nrnunautait•e de la « pauvreté
Réponses étroiternent liées l'une à l'autre, mais cepen- évangélique >r, voir supra, col. 1409. On conçoit
dant distinctes, en raison de l'état d'inachèvement facilement la portée unique de l'amour virginal pour
du règne de Die\1. créer cette société nouvelle, où la charité sera un jour
La réponse co1nn1unautaire est r6alisée dans l'Église la seule loi. L'obéissance entend guérir l'orgueil,
,nllitante en deux degrés, inégale1nent parfaits : le l'obstacle le plus profond à l'union fratiirnelle; elle
laïcat et l'état religieux. En raison du co,n1nun appel met les vouloirs en communion d'une manière perma-
"
du baptême, ces deux états pouvont être coordonnés, nente; elle est le conseil com1nunautaire par excel•
sans gue le li.lïcat ait à subir de mésest.ime. lence. Ces trois conditions d'une entente parfaite sont
L'Église apparait à beaucoup com1ne une société adoptées, dans un acte officiel, détlnitif, en un état
de prière, une fraternité (<religieuse», spirituelle. On lui ecclésial reconnu et sanctionné par une consécration
reconnatt une organisation extérieure, sous des chefs publique (voir l'.t. Carpentier, Témoins de la Cité di
hiérarchisés, un enseignernent officiel, l'exercice en Dieu, ch. 5-6; et A11pect./J communautaires des vœuœ
commun d\1 culte, des rouvres de charité et d'apostolat.. et des observances, dans La Vie comrnu11e, coll. Pro~
A la société civile on réserve les institutions sociales blè1nes do la religieuse d'aujourd'hui, Paris, 1956; p,
qui doivent coordonner juridiquement les citoyens. 159-179) .
Mals l'ld6al chrétien tend, lui,, vers uf1 ordre public, qui
serait essentiellement une soclélo dirigée par la charité. 6° État de perfection et laîoat. - Nous pou-
• Le Christ II fondé un règ110 d'amour; les hommes ont été vons maintenant résoudre l'apparente antinomie entre
crééR el surtout recréés, pour Cornier une famille, qui repro- l'état religieux ot. l'état des autres baptisés.
duise l'imiige et participe au bonheur de l'Amour tri11it11iro. L'tglise est en marche vers la société fraternelle
Il n'y à dê glorificalion divine, il n'y a donc de salut, de réde,np- parfaite. Mais que d'obstacles I Dans la première fer-
tion, de perfection pour l'homn1e, finalement il n'y a de Règne veur des temps apostoliques et dans l'espoir du retour
do Dieu lei-bas que dans la mesure où natt, grandit et se per•
foclionne la communa11té d'amo11r in Christo • (R. Carpon• du Christ, dans l'atrnosphère des persécutions, un essai
tier, Fontlcmcnls at~étito-théoloi;iq11es de la profession tlcs a été tenté. Bientôt il apparut que la co1nmunaut6
C011$ti/$ éva111Jéliqu~1J, di:111s Acta et doc1111U11'ita congrcssri.s gcne• fraternelle ne se réa.liserait pleinement qu'à la fin des
raliB de $/atîbu.~ perffctionia (1950), t. 1 , Rome, 1952, p. 164). temps. A tous l'Évangile montrait la pleine réussite
eschatologique, le royaume des èieux. « Ils seiont
L'Église ne cherche•t-elle pas à instaurer cette société tous comme des anges dans le ciel » (Mt. 22, 30). Mals
idéale dans l' « état public de perfection évangélique»? dès aujourd'hui, en son état de perfection, l'Église
5° L'état de perfection, ébauche de l'idéal témoigne, devant ses enfants et la société terrestre,
ecclésial. - Dans l'ambiance favorable do l'état des condit.ions parfaites de la cité de Dieu. Ce témoi-
de perfection, chacun tend à la sainteté personnelle. gnage est une mission officielle, autant que l'état de vie
Encore faut-il bien entendre cette affirmation. La marche qui en est chargé. Lea chrétiens, qui ont à vivre dans
vers la sainteté introduit pleinement le fidèle dans le leur état au milieu du monde, sont invités par l'Église
corps mystique et dans l'Eglise, laquelle est visible et à prendre l'esprit des troia conseils communautaires,
10 1421 LAICAT ET :ÉTAT DE PERFECTION 1422

it pour accéder dans leur situation à la sainteté et pour ses moyens - , l'état religieux ne met cependant en
18 aider la société humaine à se rapprochel' de l'Évangile. reuvre que la voca tion de tous les chrétiens. ·C'est
ID Il n;y a pas dans l'Église un état qui serait « arrivé », pourquoi l'esprit des conseils est pour tous.
la et des laïques, dont, à l'avance, on saurait qu'ils n'arri- Récipl'oquoment, l'état des chrétiens dans le inonde
0, veront jamais. Il n'y a pour tous qu'un même élan est nécessaire à l'état religieux en m~me te1nps qu'il
la vers le môme but. L'état public de perfection indique, cherche en lui l'inspiration de ses progrès spirituels.
lé • par son existence mê1no, lo sons et le devoir de l'effort J ,a plus belle finalité du foyer chrétien n'est-elle pas do
Bi commun. Il n'y a pas là « négation du inonde ». La voir l':unour al,i.outil' à cette réalisation ecclésiale de
\D vita apostolica fait preuve d'un réalis1ne profond. chal'it.6 parfaite qu'est la consécration à Dieu dans la
e. Nous avons vu les ern1ites reconstituer au désert la vi1•ginité? En donnant leurs enfants, les parents chré-
1? communauté priinitive, c< priant ensemble, étudiant, tiens construisent la. communauté do perfection -à la
1e jel'.lnanl:, travaillant pour faire l'aumône ))' (c dans la gloire du Père et du Fils et de !'Esprit. D'ailleurs, le
[e concorde et dans la jusUce », bref institue1• déjà la cité petit troupeau, 01'l la stricte communauté de biens maté-
ie nouvelle de charité et d'adoration dans l'entente et le riels rend visible la communion des crours, serait-il
ls travail (Pie x11, encyclique Fulgens r<tdiatur, 21 mars possible si le reste du peuple chrétien ne produisait
it 1947, AAS, t. 39, 191,7, p. 18?). Dans la suite, loin de ces biens, dont il voue une pa1•tio on cc héritage du Soi-
1t quitter le ,c monde », lei; religieux servent les hommes, gneur »? En un mot, la communauté do perfection
!S les aident dans leur llme et leur corps, cultivent toutes f;~ra-t-elle jamais autre chose que le CJ'uit mt'l1• du peuple
1r les valeurs authentiques d'ici-bas. La ,1 fuite du monde n de Dieu tout ontier? Ce buL, que, de toute évidence,
st les éloigne seulement du rnal qui est. dans le monda ot le Christ et l'Église assignent à la famille des baptisés
des structures terrestres qui s'oppose1·aient à une co,n- serait rendu presque ilnpossible, si le laYquo vivant dans
lS munauté entière1nent fraternelle. Je n1onde ot le religieux n'étaient étroitement associés
ID Ce qui importe, c'est donc que tous les chrétiens dans la construction du règne de Dieu.
le soient en progrès, en " passage n, polariaés vers le but. La distinction canonique de l'état 1·oligieux et des
le De ce point de vue, qui est. le vrai, l'essentiel, tactivité laïques vivant dans le inonde, indispensable dans
de l'Église apparait une en ses diven; états : passer avoc, l'organisation (le l'Église, ne l'ésulte donc pas d'une
le Christ, par la croix, de notre vie blessée à la résurl'eC-' différence fonda1nentale dans la théologie spirituelle
i- tion. Or, ce passage incessant, c'est. en l'Église que nous de ces deux états. Mâ.lg,·é les moyens dilTél'ents mis en
lS l'accomplissons. Le peuple de Dieu doit vivre en o:uvro, l'un et l'autre vivent du même baptêrne; ils
19 ascension. De là, d'une part, le rôle au cœur de l'Église, nou1•risscnt les mêmes aspirations de filiation ado1>tive
de la vita apostolù;o,, que l'éta,t religieux adopte publi- ti L de fraternité parfaite, et construisent ensemble la
:é querr1cnt1 ei aujou1·d'hui les instituts séculiers, à leur 1nême Église. i

it manière.
,r Co Ue mission, indispensable au servîce de l'lliglise, fi souvent
7;, Sacerdoce et état de perfection. - Il fau-
li' 6lê mise en relier : • L'tglise, épouse du Christ, no répondrait d1·alt tenter maintenant de situer spirituellement le
l, pas pleinon1ent aux vœux du Chrisl Notre-Soigneur, et les prêtre, en nous tenant au niveau de -la division des
le yeux des homn1es ne Sfl lèveraient pas vers ollo pleins d'cspé• trois états de personnes. Ici nous nous trouvons devant
rance, comn1e vers • le Rigne dressé pour los nations• (lsa.ie 11, une nouvelle antinomie. D'un côté, les deux sacren1ents
12), si on n'y t.ro1,v1.ü t. des hon11nos qui, par l'exemple de leur on présence, lQ baptême et l'ordre, sont Ol'ientés, l'un
vie plos encore qoe par leurs paroles, reflètent avec un éclat vers la sanctification du sujet, l'autre vers la sanctifi-
spécial la beauté de l'~vangHo • (Pie XII, 11 février 1958, 1;ation d'autrui; d'autre part, le sacrement de l'ordre
11ux supériours généraux d'ordl'CS, AAS, t. 50, 1958, p. 154). n'en crée pas moins l'exigence la plus forta de sancti-
D'autre part, le laïque, qui s'est décidé devant Dieu llr,ation personnelle.
pour la vie chrétienne dans le monde, ,c lève vers l'Église 1) Baptérne et ordre, sacrc,nenil! de sancti~cation. -
de saiateté, des yeux pleins d'espérance ,, (ibideni). J.,e bap tê1ne est le sacrement de la sanctification per-
Non seule1nent il chel'Che la mf.,mo sainteté évangé- sonnelle eL communautaire. Il est en chaque membre du
lique personnelle, 1nais encore il appeJle les hommes à. Christ et pour le corps tout enlier l'appel à la vie trini-
une fraternité plus consciente et plus· ptofonde, qui taire. La confirmation co1nplète cet appel ; enfant
l• s'épanouira dans la société bienheureuse. Cette vision d'adoption, le confirmé est consacré apôtre, c'est-à-
'9 de la communion céleste, dont l'état religieux est une <lire diffuseur de la sainteté qu'il porte en lui. Pour cette
image terrestre, lui trace à la foill l'objet de son espé• roission, il reçoit force et 1nandat. Telles sont l'orien-
rance et l'inspiration directrice de son apostolat. tation spirituelle de tous les baptisés-confirmés et leur
La communauté de perfection et la communauté urgente réponse de sanctification personnelle et corn•
1r des baptisés vivant dans le monde apparaissent donc 111unautaire ; « La volonté de Dieu, c'est votre sancti-
lÎ étroitement solidai.res. Avec le Christ de Pâques, le llcation n (1 'l'ltCSs . 4, 8). Cette orientation est commune
:é peuple de Dieu cc passe » de la mort à )a vie, de la cité tl tout le peuple de Dieu; l'état public de perfection a
IS ter1•est1·e à la cité de Dieu, de l'égoïsme à l'amour. cependant pour 1nission fondamentale de manifester
:e Pour èhaquè baptisé, qu'il vive ou non dans le siècle, clans l'Église la réponse la plus totale, Individuelle et
1t même effort et mê1ne itinéraire fondamenta,l, bien que i;ùciale, à l'appel du baptême et de la confirmation. « La
1s ~ l'usage du siècle " comporte des obstacles. Le groupe classe des religieux, écrit Pie x11 dans Provida Mater
:e de& états de perfection montre plus clairement le terme Ecclesia (p. 116), qui peut être commune ta.nt aux
,,
'
ét développe en tous Je désir d'y parvenir. Ses me1nbres clorcs qu'aux; laïques, dérive tout entière de l'étroite
et particulière relation de cet ét,at à la poursuite effi•
l· n'en cheminent pas rr1oins com1ne tous leurs frères,
.,e soumis aux mêmes lois do sainteté personnelle. Chargé 'cace, par les moyens adéquats, de la fin de l'Église,
18 de maintenir par une institution publique le potentiel savoir la sanctification ».
e ).,'ordre, en revanche, consacro pour rendre capable
,, de l'effort chrétien vers la sanctification, - il n'y
réussit que parce qu'il est autre et plus parfait dans de consacrer. Il est essentiellement destiné à donner
1423 :f:TATS DE VIE
les pouvoirs qui .sanctifieront sacramentellement les ainsi l'équivalent d'un « état. de perfection »; et' cette
fidèles. Celui qui a reçu ces pouvoirs ne peut se les appro- spiritualité était dès lors tout naturellement la spiri•
prier. Ils sont orientés vers les autres. Le caractère tualité du clergé diocésain, càractérif:lée par la V{llori•
sacerdotal, écrit en substance 1-I.-M. Schillebeeckx, à la sation du seul sacerdoce, ou de la seule « mission aposto•
différence du caractère baptismal, est fondamenta- lîque », qui se confondait avec la•mission diocésaine.
lement orienté vers autrui (De Sacra,nentale Heilseco• IJa réflexion théologique, éolairée par les enseigne•
nomw, Anvers, 1952, p. 644). « L'ordre est établi pure- monts de la hiérarchie, a dirimé les difficultés. D1abord1
ment et simplement pour donner... , pour extérioriser on a mieux vu li\, distinction entre sacerdoce et clergé
et conférer le don divin .. , pour administrer officiel- « diocésain ,,. Il n'y a qu'un seul f:lacerdoce (Pic xu,
lement les moyens de grâce » (l't. Laurentin, Marie, 8 décembre 1950, au 1or congrès des états de perfection,
l'Églù111 et le sacerdoce, t. 2, Paris,, 1958, p. 2011). Direc- AAS, t . '•3, 1951, p. 27-28). On ne peut opposer fie
tement, les grâces sac1·a1nontelles de l'ordre aident le prêtre qui n'est que prêtre et celui qui le serait, pour
ministre dans l'accornplissement de son ministère. . ainsi dire ,, indirectement ,,, en tant que religieux. 'roua
On n'a donc pas à recevoir le sacrement pour répondre les prêtres doivent « exercer leur mirustère pi·opre ,en
à l'appel vers Ja sanctification. · ao,ciHaires de l'évêque et sous sa dépendance», bien qqe
2) Ordre et 8ainteté persotuiclle du pr~trc. - Or, malgré ce « ratt~chement à l'évêque » comporte, pour l'utililé
cette essentielle orientation vers autrui, le f;lacerdoce de l'flglise, des différences concrètes .(ibidem) . Si l'on
ministériel créo l'obligation la plus exigeante, la plus voulaiL parler d'une spiritualité du clergé diocésain, il

haute de tendl'e à la sanctification personnelle. Tant la faudrait y voir la spiritualité do la mission diocésaine;
proximité de l'eucharistie, dont la consécration, la le clergé diocésain s'enga.ge sarui doute davantage dans.la
garde et la distribution constituent sa tâche spécifique, mission diocésaine, mais celle-ci est ouverte à tous,
que la responsabilit6 pastorale, qui lui confie le té,noi- pr,~tres, fidèles et religieux. Tous les fidèles en effet
gn~g(l de Dieu auprès des )lommes, ne laissent aucun se trouvent toujours, pour Jeu1· vie chrétienne et leur
doute sur l'urgente obligation de répondre personnel- apostolat, dans un dioêèSe et ils sont toujours allllBi
lement à l'appel sanctificateur du Christ. Cette anti- les ,, diocésains ,, du pape.
nomie a été sou-vent remarquée. A.insi dégagée, la question de la perfection 1>ropre du
L8 caractère sacerdotal fait de l'ho1111ne qui le roçoit une prêtre peut être abordée ditecte1nent, à la. lumière des
, choso sacrôo ., mais • le so.cerdoce de l'ôvôquo ot dos prûtres enseignements pontificaux. Bien que le clerc ait• à
qui l'entourent, n'est p11s à propre1nont parler, dna~ l'ordre obsorvei· diverses obligations de porrection, comine la
do ln participation du chrétien à la grâce du Christ, une dignité chasteté parfaite, l'état clérical n'est pas un état de
plus haute • (H. do Lubac, Mcdii<Uwri sur l't.'glise, 2• éd., perfection. Il n'y a en effet aucun lien précis entre
Paris, 1953, 1>. 117), Le sacrement de l'ordre n'est donc pas l'état clérical et le · programme proposé par l'flglise
dei,tiné a opére1• efficacement en celui qui lo roçoit la • sanc• da.ns les états de perfection. Le prêtl'e est libre de prendrè
l tîftçation do réponse •· Il n'est pas davantago un • super- sur lui ces ,< liens » à titre privé ou dans un état de per-
baplllmo • (ibidcrn), ni \ln degré plus 6levé du sacerdoce
interne, • commun à touij et indapassable, mais un sacerdoce fection, par exemple un institut séculier. D'autre part,
externe réservé à quelques-uns• (p. 119; of Pie x11, encyclique Jer; prêtres, qui sont dans un état de perfection, n'y sont
Mediatot Dei, AAS, t. 89, 1947, p. 588), pas en raison de leur sacerdoce, mais comme membre
• En cela résidé l'excellence • (du sacrement de l'ordro) et d'un état de perfection.
aussi ce que l'oli peut appeler son infériorit.é : son uxc1:11lonco Ces distinctions semblent nous engager, selon la
dans l'ordre de la fonction qu'il donno, son infériorité dans position traditionnelle rappelée plus haut, à ne pas
l'ordre do la sainteté qu'il c;onfère. JI ilsl , un sacrement qui fairo de l'ordre un sacrement qui ait pour but propre
donne Io pouvoir de les donner tous, 111.als li ne confôro pas
uno salntolé .proportionnée à cetto univorsalit6 » (É. Mersch, la sanctification personnelle. Il n'est pas question de
La thllologic clii corps mystÙJue, t. 2 1 p. 312-313). mùconnaître les grâces de sanctification offertes au
prùtre, et on ne peut douter qu'elles no soient propor•
Quelque solution qu'on apporte à cette antinomie, tior\nées à sa n1ission sacerdotale (art. SAcrtnnoc11).
on voit racUement sa nécessité I Elle est requise par la Mais ici nous nous demandons si ces grâces séparent le
transcendance de l'ceuvre divine, - car l'opus operatuni prôtre do ses fidèles, en lui assignant •une spiritualité
sacramentel doit apparaître supérieur irtfiniment aux q\1 i lui soit propre, ou si, au contraire, elles no font
actes du ministre - , et par la miséricorde divine qui qu'accentuer la grâce fondamentale de toute sainteté
veut assorer, indépendamment de la sainteté des inter- personnelle, celle de la filiation divine, qu'il a reçue en
médiaires, la validité des grâces conférées, la sécurité pal'Lage avec tous les baptisés. Il n'est pas question
•a
de doctrine, la garantie de la direction. L'l!lglise n'a noi1 plus de négliger tout ce qu'il est loisible de ranger
jamais varié sur ce point. Le prêtre est d'ailleurs bien sous le nom de " spiritualité sacerdotale» : les urgentes
consoie,nt de cet abîme creusé toujours davantage entre in viLations à la sainte Lé que les écrivains inspirés, les •
la. grandeur de ce qui passe pai· lui ot sa misère person- Pères et les auteurs spirituels n'ont. cessé d'adresser au
nelle. A ses yeux et aux yeux des fidèles, il import1;1 prôtre, en s'appuyant sur la nature du sacrement, la
que cette dissociation des pouvoirs rninistériels et de p~ternité spil'.ituelle q_u'il est appelé à exe~ccr et les
l'homme apparaisse en pleine clarté. C'est la condition 101s que l'f:ghse étabht pour régler son régime de vie
Indispensable pour que se diffusent ici-bas les effets de (art. SACERDOCE) . Nous nous demandons seulement
l'incarnaUon du Verbe. " Le prêtre n'a pas à recevoir, si les grâces propres du sacerdoce créent, chez le prêtre,
en vertu de l'ordre, une sainteté qui le sanctifierait en une sorte de sanctification spécifiquement différente
lui-même à titre de sanctificateur proprernent dit » · de celle du peuple de Dieu, et différente en particu,lier
(ibid(!('!, p. 814). du prog1•amme de saint eté que l'l!lglise assigne aux
3) Etat clérical, état de perfection? - Comment états de perfection. A cette question les enseignements
résoudre alors l'antinomie? Des discussions ont porté p<tnlificaux répondent négativement. Et c'est préci,
naguère sur êette question. On voulut dégager une spiri• sé1nent ce qui permet au prêtre de concilier les anti-
tualité propremont sacerdotale : l'état clérical devenait nomies qui sont en lui.

14 1425 , SACERDOCE E'f f:TAT DE PERFECTION 1426
te 4) « Spirituali.té sacerdotale >> et sacerdoce des f/.dèleB. - grâce, je suis entraîné dès ici,bas dans la vie des trois
Le prêtre est un consacré, donc un séparé, pour repré- Personnes et, par l'activité de la gloire, j'entrerai en
senter devant Dieu ·le peuple fidèle. A la séparation qui participation du bonheur divin. Cette activité surnatu-
déco1.de de sa consécration, le prêtre doit nécessaire1nent relle est de. Dieu, mais aussi réellement de l'homme.
joindré un ardent désir de rapprochement.« Non moins Chaque baptisé a sa grâce, ses mérites; un jour il aura
e- que l'hom1ne de Dieu, il est l'homme tlos hommes... :ia gloire, so11 degré personnel de gloire. Tout autre
d, Un homme profondément humain, un homme profon- apparaît l'activité sacerdotale dans le ministre du
fé dément engagé dans l'hu1nanité, voilà ce que demande Christ. Elle ne. lui appartient on aucune façon. Elle
:1, le sacerdoce » (J . de Finance, L'idée d1,1, 11acerdoce chré• reste la propriété exclusive de l'fiomme-Dieu. Incom•
rl, lien, RAM, t. 23, t9lA7, p. 121-122). Il y a donc dans la municable, elle se donne à travers l'instrument humain,
le personne du prêtl'e deu.1.; aspects irréductibles, et la tra- totalement indépendante de sa valeur personnelle. Pas
ar dition les a toujours pleinement saisis. ,, C'est peut-être plus que l'enfant d'adoption ne i;ongerait à s'approprier
18 là que que se joue Je dram.e le plus déchirant du sacer- la grâce personnelle du Fils unique, pour en faire la
1n doce » (ibidern). hase de sa vie spirituelle, le prêtre n,e saurait prétendre,
18 D'une part le prêtre est sur terre le représentant du ~t s'approprier, pour on faire l'idéal et la règle de son
~ o-,.ris,t. On l'appelle souvent « un autre Christ». A vrai tilTort spirituel, la plus petite parcelle de ses actes
,n dire, cotte appellation convient à tous les enrants de sacerdotaux, qui sont ceux du Christ.
il Dieu, elle fait penser davantage à la communication Qui ne voit que son union instrumentale aux pou-
'1 de la grâce du Christ, à la vocation à la vie trinitaire voirs du Christ orée en lui un titre admirable à l'assimi-
la qui on est la conséquence, à la sanctification filiale et lation à Jésus ot à l'union filiale à la vie de la Trinité?
s, fraternelle, privilège du baptisé. « Autre Christ », le 'l'cnant la place du Christ, comment ne chercherait-il
tt prêtre l'est d'une manière toute différente : il a les pas de tot1tes ses forces à, lui ressernbler et con1ment
ir pouvoirs du Christ et en remplit le rôle. Or ces pouvoirs n'en aurait-il pas la grâce? Spécialement il faut rappe-·
IÎ et ce rôle sont proprement divins. On ne saurait les Ier ici le sacerdoce royal des fidèles. li découle du
e:xp~quer par une « participation analogique », qui sup- Garactère baptismal, fal est communicable et com1nun à
u poserait une dégradation $i minime qu'elle soit. Quand tous les baptisés,
18 Il absout ou consacre, il prête au Christ sa voix, .son•
Le prêtre • se déllnil par une relation de t,ype i11strum11n1al
à intention. Mais il ne peut s'attribuer qu'une causalité ~elon laqucllo un agir hu1nain i1nperson11t!l est nssumé par· le
a· instru,ncritalc. La consécration sacerdotale ne crée qu'un VArbe... (pour n1cttre on œuvro) un pouvoir initiateur et créa-
.e instrument. L'effica'cité divine de ses pouvoirs est à tnur, qui d1,1nne 1,1bjectiven1ent à la lorro lo divin sacrifice...
8 ce p1·ix. l•l iinpliqu8 l'exercice des pouvoirs théandrlquos ». Lo sacer-
8 Pour la vie spirituelle du prêtre, la conséquence doce de l'~gliso ou -de ln Vierge et de.~ fldôlos • se définit pat•
e s'in1pose. Si, dans ses actes, c'est le Christ qui réellerrrent 11110 rclallon de Lype faniilial, impliquant appnrtcnanco dos
agit, Je prêtre devra à tou~ prix laisser passer, sans rion pe1\Sonnes, de ielll'S sacrificès et de leurs mérites. Il se définit
.,i en retenir, oc qu'il ne produit aucunement lui-1nê1ne. par uno capacil6 d'accuoil et da coopération • (R. Laurentin,
loco i,it., p. 1?2), Aussi est-il saccrdocu actif de réception
t S'appropl'ier, con1me val~ur spirituelle personnelle, les {cr Y. Congar, Jalo,is pour une tJu!ologie du lalllat, Paris, 1953.,
e pouvoirs sace1·dotaux et en faire la marque di$tinctive p. 242) : grtlce à lui, Je chrétien s'offre potll' âtrè offert par
de sa spiritualité, ne serait-ce pas intolérable? Co1nrne 111 Christ.
Il <loivent le faire Jes Hdèles à son égard, le prêtre, en pleine
8 humilité et confusion, vénérera en lui-même la co1nmu- Plus que tout autre, le prêtre ministériel peut et doit
13 nication du Christ, qui lui a imprimé le caractère sacer- vivre de ce ,1 sacerdoce » dn Marie et. de l'l!igllse. Quand
a dotal; pas un instant, Il ne songerait à s'approprier ce lo prôtre s'unit à sa messe, quand il cherche à s'adapter
l caractère. il ce qu'il fait, i111i1ami11i quod tr(lclatis, à s'otTrir avec
N'est-ce pas ce gue saint 'l'homas oxp1•ime dans son l'offrande souveraine et efl1cace d1, Chl'ist, il le lait en
• interprétation i;ubtile de l'idée du pseudo-Denys sur vertu du sacel'doce des fidèles. Tel e;,t sans doute le
• l'état de perfection >) des évêques? L'état religieux et cmur de sa spiritualité sacerdotale, il en vivra plus
• l'élal épiscopal», déclare•t•il, ne se comparent pas selon que tout autre, et cette spiritualité ne le séparera pas
la 1nê1ne 11 perfection )>, Dans le promieP, il s'agit de la du peuple de Dieu, do son peuple.
perfection« aèquire,1da », et dans le second, de la perfec- C'est là un résultat essentiel. Toute l'aspiration du
tion ,, comniunicanda >) (et non « acguisita »). La diffé- prêtre va dans ce sens, comme aussi, plus profondé1n·ent,
rence paraît radicale. La perfection " communicable » la doctrine fondamentale de l'incarnation rédemptrice.
résulte dos pouvoirs divins et non de la sainteté person- De môme que le Verbe s'est fait l'un de nous, ainsi lo
nelle (et 2n 230 q, 186 a. 3 ad 5). Ainsi le prêtre se pt·être, (idèle à l'impulsion de son sacerdoce, et bien que
distingue expressément ~ui-même, sa vort1,1, sa p1'op1·e dépositaire de pouvoirs qui n'ont rien d'humain, appar-
· personne, de la puissance qui passe à travers lui. tient au peuple fldè.Ie. Au 1nilieu des enfants de Diou, il
Pour mieux faire comprendre cette attitude délicate, sera le plus pa1·laitement possib,e l'exemple et le modèle
il n'est' que de considérer, dans la vie sacerdotale, du fils.
l'aspêct de sainteté personnelle. ltien de plus grand, de L?antinomie inhérente au sacerdoce se trouve ainsi
plus efficace pour fonde1• la saoctification, que l'entrée r,\solue. Non seulement justifiée et oxpliquéE1 en elle-
en· participation de la vie trinitaire, l'assimilation au rr1ê'me, tellement conforme au plan de Dieu qu'elle lui
Verbe inca1·né, qui fait enfant du Père et unit au Saint- est indispensable, elle se montre encore, dans ses effets,.
Esprit, l'amour 1nutuel du l>ère· et du F'ils. Or, compa- 111 vrai stimulant de la sanctification sacerdotale. Plus
rons les effets du c.iractère bar,Us1nal à ceux du carac- le ()l'être découvre, par la grâce de son sacerdoce (1 Tim.
tère sacel'dotal, du point de vue de la spiritualité per- 2, 6), la transcendance absolue des pouvoirs qui lui
sonnelle. La filiation adoptive est vraiment mienn~. sont confiés, plus il se sent le ti'èS humble instrument
parce qu'elle est adoptive. l~lle 1n'est com1nuniquée d'une activilé divine, et plus il conclut à l'obligation de
dans une qualité créée, la grâce. Par l'activité de la vivre le programme · évangélique d'assimilation au
\
'

1427 l3:1'ATS DE VIE ÉTATS-UNIS 1428


Christ, plus il vit avec Je Christ en enfant du Père. J . Do Froino, Aclc1.m et SQII lir;nags, coll. Museum lesijÎl!nurn,
Ainsi, la conviction croissante d'une grandeur inacce11- Paris-Bruxollos, 1959.
sible, dont il n'est que le dépositaire, le garde dans Voir aussi Le rile. de la religieuse dcins t'Église, ch. 2 Les
leçon..• de la tkéolor;ie, par Y.-1',1.-J. Congar, p . 29-57; éh. 5 Les
l'humilité et lui perrnet d'être l'homme des hommes. /cçttn.s du. Droit ca11oniqu.e, par R, Carpentier, p. 87-107, Pnri~,
Ellie maintient aussi en lui l'ho1nme de Dieu. S'U fait 191i0.
partie du peuple de Dieu, r.'est par son âme d'enfant de B. Articles du DS. - F. Vc1•net, ArosT01.1QuEs, L. 1, col. ?96-
Dieu, c'est .pour se sanûtifier com,ne tous les enfants 8ô'I.. - A. Smith, CHANOINES néGULJRRs, t. 2, col. 46à-475. -
de Dieu pa1' l'espl'it d('ls conseils évangéliques, et t1•a- lvf. Villor, Vie Co111MUNAUTAIRll, t. 2, col. 1156-1184. -
vailler de toutes ses forces à orienter l'humanité vers la rt. C3rpentiiir, DHVOIR D'.ÉT/.T, ,.. $, col. f,72-702, - J. Lér,uyer,
communauté de charité et de culte. Pour répond1•0 à la .J~r,scorAT, t. '•• col. 879-907. - C. Lie.Une ot P. Doyèro,
transcendance du Christ ql!i habite en lui, il doit donner Ë111iMl1'1SMH, t. ,,, col. 937 -9'•3 ét 951, -957, - J. Q(l}ot, EsCUA•
à son existence un sens p1•ofondé1nent religieux et sa TOl,00 1~, t. 4, col. 1020-1.059. - FuOA /t!UNOJ , L,1AICAT, MONA•
mission doit toujours rester une rnission d'an1our. c111sM ll, PAUVRF.T/\, SAcHnoocii, etc,
Ministre instrumental des sacrements et apôtre spécia- René CAnPENTIEII, •
lement chargé du témoignage, " la sainteté personnelle
que l'ordre réclan1e de lui et hii conflwe est une sainteté ÉTATS-UNIS. - Quelques re1narques prélimi-
de 1nemb1•e, de confirmé >> (f:. Mersch, lnco cit., t . 2, naires expliq11eront l'allure particulière des colonnes
p. 815). Le prêt,~e est à la fois tout autre, parce qu'il qui suivent. - 1) Les territoires qui forment actuelle·
est dépositaire des pouvoirs du Christ, et profondérnent 1nunt les États-Unis, et dont nous nous occupons ici,
semblable, parce quo, cornrne ses frères, H se sanctifie représen te11t d'anciennes possessions coloniales de
en enfant de Dieu avec: le Christ, en frère de tous les l'Angleterre, de l'Espagne et de la F'rance. Sans lien
membres du Christ. entre elles avant leur entrée dans les États-Unis, elles
Au niveau de la division canonique des tl'ois états de tiennon t Jours traditions et leur vie religieuse des pays
personnes, la vie spirjt.11Alle de l'Eglise reste une. Ce qui les on L rno<ielées à leurs origines. Si certaines des
qui domine le peuple fidèle, c'est Je bapt~me, l'œuvre anciennes possessions espagnoles ot françaises ont 6tê
de la sanctification filiale et fraternelle, la polarisation annexées vers l'époque de l'indépendance, celles qui
vers l'esprit de la ,,ita apostolica. Au Ctl:lur de l'Églîse, ont été enlevées au Mexique n'ont été réunies que vers
celle-ci n'a jamais cessé d'orienter les hommes de bonne le 1nilieu du 19° siècle (nous négligeons la partie con testée
volonté vors le rassernblernent parfait du peuple de ar,glo-américaine de l'Orégon-Colombie). - 2) Ces
Dieu. territoires sont encore, à la fin du f ?r. siècle, dans une
pé1•iodc de forrnation et de défrichement, aussi tau<;lra•
Voir la bibliographie de J'iirtiole Ù&vo1n n'ÉTAT. t-il constater la mëdiocrité de leur appo1·t à l'histoire
1. Doa11111e11ts pontifica:q,x. - Pie xu, ConRt.Ît,utîon aposlo- de la spiritualité. - 3) Par ailleùrs, S1;>ule nous a retenus
lique l'rooida Mater Ecclcsia, 2 février 191,?, AAS, t. 39, la vie religieuse des co1nmunautés catholiques; on ne
1947, p, 114-124; Exhortation apoatoliqué Menti Nostrcic, trouvera donc aucun développement sur l'implantation
23 septe1nbre 1950, t. 42, 1950, p. 657-702; Discours aux membres du protestantis1ne 1nultiforrne ni sur son évolution
du premier congrès général dos étals de !)CJ'!ocUon, 8 décem-
bre 1950, t. 43, 1951, p. 21\-36; Discours... o.u second congrèR.,., spirituollc. - 4') Nous distinguons aussi netten1ent que
9 déce1nbre 195?, t.. 50, 1958, p. 34-43. possible l'évangélisation des dilîéronts groupes cthni-
quns, los ,1 indiens», les colons, les immigrants. - 5) Nous
Recueils de textes pontificaux. - I\Igr Pierre Ve11illot, iVotre
sacerdoce (do Pio x à nos jours), 2 vol., Paris, 195'1. - Le
coru;totons enfin l'abseoce à pou près complète de
la.lcat, coll. Enseignements pont.iflcaux, Tournai-Paris., 1956. trav;,iux sur' la vie $pirituelle aux f:tats-Unis, avant
- G. Courtois, Les étclls dé p(:rfe.r.titni (dà Léon XIII à nos jours) co1nrne après !'Indépendance. Autrernent dit, nous nous
Paris, 1958. - R. Corpentier, La vie religieuse. Docu,ru,ntq bornons à trace1• Je cadre dans loque! il sera possible
pontificaux dti règt1e de Pie x11, Patis, 1959. un jour d'écrire l'histoire de la spiritualité aux États•
2. Tra'1aux récents. - Joan Leclercq, La ,,ie par/aile. Unis. - I. A'1a11t l'lndépertdur1ce (1776). - II. De
Poi11ts de vue sur l'essence de l'état rcUgiewx, •rurnhoul, 191,8. l' 1 ndépe11da.11ce à 1108 jt>urs.
- L. Bouyer, La i•ic de s<1i11t A11toi11e, coll. Figures 1nonastl-
quos, Saint-Wandrille, 1950; LP. se11s de la 'vie 11wnastùJuc, 1. AVANT L'JNDm'ENDANCE (1776)
Turnhout, 1950. - P. Dabin, L e sacel'docc royc,l des fi,l(liP.R
d,n,s la tradition a1Mic1111e et 111oder11c, coll. Museum lesRianum, Les remarques précédentes s'appliquent plus parti-
Parîs-Bruxolles, 1950. - J.-M. d'Amb1·ières, Le sac~rdoce di, culièrement à l'époque des origines. Le caractère
peuplt! chrétic11, coll. Prése11cs ds l'Église, Po.ris, 1952 (bonne sporadique de l'évangélisation entraîne le morcQlage de
présentation du précédénl). - Y. -M. Coogar, Jaw11s pour ttnc
théologie du larcat, coll, Untun So.not.am 23, Paris, 1953. -
l'ex.posé.
H. de Lubac, Méditatùin sur l'Église, coll. 'l'heologie 27, 2• éd,, 1. Les anciennes possessions anglaises. - Lea
Paris, 19118, - R. Carpentier, Vers u11e nioralc de lei charité, trl:li1.e colonies primitives ne peuvent donner lieu à une
dans Grsgoria.nttni, t. 34, 1958, p. 32-56; Mission ccclésialè de 61.ude d'ensemble. Leur statut politique dltTérent, la
l'iiat • canonique • de perfcc1io11, NRT, L. 78, 1956, p. 915-936; dllllculté des relations, leur diver•sité sociale, leur
Térrwins de la Cité de Dù:u, çoll. l,1usou1n lossianum, 6° éd., évangélisation aux multiples vicissitudes font presque
Paris-Bruxelles, 1.958; T.l!éolot;ie des Ordcnss1.a11dcs un1l Hei-
liglcc:it dès L c1icr1, dans Gei.,t und Lcbcn , t. 32, 1959, p. 433-441.
de chacune un monde clos. Certains groupements pour-
- O. Philips, Le rôle di, lalca.1 dc1ns t' Églis6, coll. Cahiers de tant sont possibles.
l'actualité religiousé, Paris, 1954. - lli. Mersch, La théowgic 1<> Grt>upe du nord : Massachwietts, Ne,c,-Hampshire,
cli, corps 11111stiq1tc, coll. Museum lossianu1n, 1,0 6d., 2 vol., Rhode-Jslund, Ct>r111ecticut. - De ces quatre territoires,
Po.rls-Druxollos, 1955. ~ Jean Leclercq, L'a,no11r des lettres le Massachusetts est prépondérant. L'esprit des puri-
~t le désir de Die 11. J 11itiatio11 aitx a.u.teu.rs mo,1astiqu.es du
tains de la May-Flower anime toute la vie religie11so. et
rnoycn dgc, Paris, 1957. - Paroisse et mission, n. ? Trilogie:
pretrcs, laies, moines, P11ris, 1957 (paroisse Sa-int-Séveri11). - politique. La colonie est une cité de Diou puritaine.
O. Semmelroth, Das geistlichc Ami, Francfort, 1958. - Pou ou point do catholiques. Ceux dont on trouve
18 1429 .'ÉTATS-UNIS 1430
'
men t ion sont d es gens de passage ou de malheureux d'exception sont appliquée.s p ondant tout lo 18° siècle.
émigrants irlandais- plus qu'à domi esclaves. L es lois TJn l'apport de Mgr J ohn. Carroll, en date de 1785, tait
S8
anticatholiqüos son t 1naintenues, voire rnêrne renforcées é tat de 200 catholiques connus en Virginie; la messe est
S8
s, quand une vague d'irnmigrants semble menacer la célébrée quatre ou cinq fois par an : los prêtres vienn ent
prépondérance totalitaire dos puritains. Le nationa- du Maryhind ou de P ennsylvanie,
lisme aide à l 'intolé1•a nce : du cûf.é du Maine, le Massa•
Dam, les deux Cf\rolines, on na connait. pas de catholiques
-- c)lu$etts se sent ,neoacé par les français du Canada.
Le Now-Han1pshirc est une sorte de proloogen1en t
groupés. Les inuaigranls de la Clll'olinê du nord sontdea bernois,
6cossais, 1norave9or hollandais; on Caroline du s ud des écossais
politique et religieux du Massachusetts. Les catholiques d'lr•lande et dos français. Tous sont protestants.
n'y deviendront, en lait, des citoyens à égalité de droif.s
50 La Gét>tgie, rondée 6eulernent 1;1n 1,782, est une colonie
qu'en 1786. L e Rhode-Island, qui o fTre u n échantil- do propriétaireij; elle eRt i,urtou t destinée à fai~e _race aux e_spa-
lonnage assez complet des sectes dissidentes, n'a pas, gnols de Floride. E lle adrnet la tolérance rehg1euae, pap11,tea
dit-on, un seul catholique en 1680. Le ConnecLicu t uxcap lés. On n'y <:Onnaît pas de catholiques.
tor,ne une communauté stricte d e puritains « congréga•
tionnalistes ", qui ne 1·econnaît aucun droit aux autrAs ô" La colonie du Maryland a une histoire singulière .
• confessions chl'étiennes, En 1835, on ne compta it. encore L'idée de sa fondation est due à Geol'ge Calvert, qui fu t
l•
)S que 720 catholiques dans cet :Ëtat. secrétaire d'état anglais de 1619 à 1625. Il se convertit
3- .Les copfins canadiens cornporlent des villages de alors au catholicisme, r ésigna ses fon ct ions et. r eçut
,1• , mi$sion. Les gens du 1.'lassachusetts · y envoient des le titre de lol'd Baltirnot·e. Il obtint de Charles 1er une
le expéditions chargées do détruire los huttes indiennes charte lui concédant un vaste territoire pris en partie
,n et les églises. En 1724, le jésuite Sébastien Rasle, qui :;ur celui do la Virginie. La charte de fondation èléfi-
cnco11rage ses hurons à la lutte contre les angl ais pro- llÎssait la colonie co,nme un « palatinat », à l'irnitalion
lS
,s testants, est m.assacr6 au cou1·s d 'une de ces expéditions. de celui de Durham : structures Iéodales, pouvoir
p1·e:,que a bi;olu donné ati prop1•iét8ire. Le premie1•
!S 20 Lo groupe Ne1v-York et New-J ersey. - A l'époque
;é lord Baltimore mourut en 1632, avant d'avoir vu l'enre-
do la restauraUou des Stuarts (1660-·1688) en Angleterre,
g isti•oment de sa charte. Son fils, égale~ent catholique
li qui est la période d'implan totion anglaise aux f:tats .. 1
!'S
Cecilius Calvert, lui succéda et organisa la fondation .
Unis, les catholiques jouissent d'un e certaine tolérance:
18
11 s'agissait, notamrnent, d e fournir en Arnérique une
New-York aura même pour gouver,,eur un catholique, l.erro d e refugA aux gentlemen anglais catholiques.
IS en 1682. La ••évolution anglaise de 1688 marqll8 une
,e Le prernier convoi, qui pa,·tit en 1633, comprenait un e
poussée d'intolérance protestante. Les prêtres sont
l•
vingtaine de ces gentlemen ~atholiques, avec trois _c e~ts
proscrit.s. En 17'l1, un maître d'école catholique (prê-
sorviteu1•s , lahourours, artJSans, on grande maJor1té
'8 tre?), John lJi•y, sera exécuté. New-York abrite un
protestan ts . Deux jésuites les acco mpagnaient. Lord l3al7
18 ~ertaîn nombre de catholiques : n1arins installés,
1e tilnore, pour éviter les complications, avait st:itu_é ·q~e la
émigrants, noirs venus des domaines espagnols, acad iens
Jihei'Lé religieuse serait totale dans la colonie. Mais les
n au ternps du grand d,é 1•angemeo t (1755). Il semble qu'un
n protestants du pre,nier contingent ayant été convertis
service 1·eligieux intern1ittcnt. ait pu être assuré. La
i8
par lAs jésuites, il se trouva que le Maryland, à ses
première rnention d'une céré1nonie cultuelle non clan-

l•
origines, fut catholique. Cette prépondérance ne dura pas.
destine remon le à 1781 . Mais nulle organisation fixe, J)o nouveaux colons, puritains ceux-là, s'installèrent et
IS ni prêtre résidant.
!.entèren t de supplanter les fondateurs e t le catholi-
.e I Le New-,ler.sey est peuplé de diss idents J)ro tes-
cisme. Les Calvert conservèrent, saur de brefs inter-
1t tants : puritains, quakers, presbytériens, etc. Nulle
va lles, leu r autorité. L o- catholicisme put vivre. De
IS présence catholique connue.
:e nouveaux jésuites v int•ent aider les premie1•s; il$ furent
8° La Pennsylvanie et. le Dela,vare. - La P ennsyl- abondamment dotés en terres ; quelques franciscains
I• vanie fu L créée pour être le rcfugo des quakers . Moqués,
le 1:1'inslaUèrent aussi.
battus, pourchassés, les quakel's avaient acquis un Les suites de la Révolu Lion de 1688 se firent sentir
certain esprit de tolérance religieuse. ,villiam Penn durement et, pou r co111ble d'infol'tune, le qua triè1ne
(164', -1718) avait adhéré à la déclaration. de tolérance de lord Baltimore passa à l'anglicanisme. L'Église angli-
Jacques n. Mais, au cou1•s du 188 siècle, l'influence des cane Cu t établie a u Maryland en 1692. Les catholiques
i- quakers dans la colo nie diminua progressivement, pour fnront exceptés de la tolérance religieuse (1702) :
s'effondrer au temps de la guerre de Sept ans. L'atmos- in tordiction leur fut faite de donner une instruction
phère traditionnelle de tolérance, l'affiux d'immigrants ctttholique à. leurs enfa nts, d e les onvoyer à l'étranger
de toute provenance permirent aux catholiqu es de (170'•-1715); les biens des jésuites Curent confi~qués
mener en Pennsylvanie uno vie ,noins difficile qu'ail- (1754), etc. Le no,nbre des protestants ne cessa d aug-
1$
leurs. Ces catholiques sont des immigrants irlandais et n1onter : ils étaient déjà les neuf dixiè1nes de la popu-
e allemands. lTn e1nbryon d'organisation apparaît à
a la Uon en 1 688. On vit se dessiner chez les catholiques
partir de 1720, et uno p a roisse catholique se constitue à du Maryland, au milieu du 180 siècle, un mouve~ent
,r
Philadelphie. La cornrnunauté catholique aug,nente d'émigration. Pourtant, d'assez nombreuses tam1Bes
e •
dans la seconde moitié du siècle, par l'arrivée de nou- demeurèren t et, par leur attitude au moment de la
·- veaux immigrants irlandais, environ trois mille (1787). guerre d'Indépendance, favorisèrent, ~e mouvement
Le nombre dos prêtres augrnen t e aussi à partir de 1792, g1\néral d es états v ers la tolérance r ehg1euse; ce fut le
avec l'arrivée de prêtres français chassés pal' la Révo- e:ts de la farnille Carroll. Les catholiques conservèrent
lution. la possibilité d'un culte r eligieux avec dos prêtres
4o· Virginiè et Carolù1es. - Le milieu ost h o$tile aux é tablis sur place.
catholiques, surtou t en Virginie, pa r opposiUou a vec le Au temps de pleine liberté, les jésuites entrepr~ent
Maryland. Dès 1687, los autorités donnent ordre de des missions chez les indiens. Des villages chrétiens
rechercher ot d e livrer les prêtres à la jui;tice. Les lois furent fondés et lè lord propriétaire les dota.
'
1431 ÉîAtS-UNIS . 1432
Lo ~ilan do cetto préhis~oire du catholicisme dans les 1 n'était reliée à la Sonora pllr aucune route; elle ne disposait
colonies anglaises est mmce. Intolérance des sectes ni de ressources pécuniaires; ni do !orces militaires auf111111nt":
protestantes, annihilation pratique du catholicisme en Les franciscains n1a11qualent do missionnaires. Pourtant la
mission fut fondl11}, ot les événements <lonnoront raison aux
milieu anglais, tolérance rel~tive en Pennsylvanie et au deux « toua • t Galvcz et Serra.
Maryland, voilà 1>our le climat. Quelques milliers de
catholiques (44.500, dit-on, en 1785, soit 1 % de la Serra a été le prestigieux fondateur et l'organisateur
population), isolé$, sans hiérarchie (le premier préfet des missions de Californie, où son nom est demeuié•
apostolique, John Carroll, sera no1nmé en 178 1,), sans extrêmemcnt,.populaire, peut-être un peu au détriment
recru tement sacerdotal local, sans établissement d' ensei- de ses collaborateurs et de ses successeurs. Majorquin '
gnement, $81\S lien otganlqoe. Au mieux, l'espoir d'une d'origine, entré chez les franciscains en 1780, il avait été
tolérance; nulle vol on té ni même nulle possibilité d'un professeu1· do théologie, puis avait choisi les 1nisslons.
épanouissement. Apparemment, ce n'est plus qu'une Arrivé en 1749, il avait été employé aux missions dans
simple survie. la Sierra Oorda et venait d'être nominé préfet do la
basse Californie (1.767). Très humble; il ét11,it capable de
2. Les anciennes possessions espagnoles surmonter les pires misères physiques et il avait une
torment trois groupes territoriaux: la haute Californie, âme de saint. Prodigieux homme d'action, il crée une
cédée aux États-Unis en 1848; l'onsemble Nevada, Utah, équipe, qui lui demeureru presque unanimement
Colorado, Nouveau-Mexique, Texas, Rio Oila, cédé par fld@le; il lui donne une indispensable, mais difficilè
le Mexique entre 1845 et 1853; la Floride vendue par col1ésion, discute pied à pied avec les représentants du
l'Espagne en 1819. Ce monde immense, surtout peuplé pouvoir civil, dont certains sont 1nédiocres et d'autres,
d'indiens, possède, du point de vue religieux, une en tachés de fébronianlsme, voir.e francs-1naçons, cher-
, ce1·tain0 unité, parce quo l'évangélisation en fut confléA chent à se débarrasser des l'eligieux. Dans un esprit
à un seul ordre religieux, les franciscains. d'obéissance indiscutable, Serra 1nène à sa façon son ·
Après les temps héroïques de la conq1,10te spirituelle entreprise missionnàire, n1algré les réticences de ses
au MexiquA, l'élan missionnaire, qui s'était alTaibli, supérieurs du collège Saint-Ferdinand. Il meurt en 178~.
renaît à la fin <Ju 17° siècle, et Jes missions du n9rd Son œuvre sera continoéo dans l'esprit, qu'il lui avait
mexicain sont filles de cette renaissance. · donné.
En 1680, un franciscain établi au Mexique, Antoine Lli- En Californie, l'œuvro essentielle est lu ,nission indigène.
nas (1685-1693), voulut renouveler l'esprit et les Lès indiens qu'on y rencon tre sont des no,nades chasoouril et
méthodes missionnaires du nouveau 1nonde espagnol. pôcllours. Ils vivent êll tl'ibus distinctes, aux dialectes divel'S,
11 vint en Europe, et obtint de son supérieur général Ils pratiquent un animisme, 1nèlé do sorcellerie chanianiste.
et du pape Innocent x1 (1682) •l'autorisation de rondel' Pl\!' référence à. la morale chrûlicnne, leur co111porlo1nent est
des collèges en Espagne et en Amérique. Ces collèges déplorable : polygamie, rnariage temporaire, péd6rastle .à ~eu
seraient des maisons exclusivement missionnaires : à près institutionnelle. A l'égard des eijpagnols ol des mu;.,1on,
naires, Jour attitude est sans agressivité. Ils dc1nandent surtout
direction unique et indépendantes des provinces à ,nanger. Une tois sédentl\l'il!-Os, ils roclament 11ne protection
franciscaines, ils seraient rattachés à la congrégation efficace contre lês lltlaques de11 tribus rivales.
de la Propagande et sans lien gênant avec le Patronat
royal. Chacun de ces collèges aurait son champ d'action. Les fran ciscains appliquent les niéthodes en usage
l,e recrutement serait assuré par des Cranciscains espa- ailleurs, notamment celles de basse Calüornie ; appri-
gnols qui s'engageraient pour dix ans et commence- voiser les indiens en leur donnant à manger; les défendre
raiènt par un stage d'initiation dans ces collèges. contre les brutalités de la soldatesque et les contraintes
Le pre.miercollèSe futouvllrt on 1683 à Quorotaro, au llexiquil;
du travail forcé; éviter les représailles sanglantes en cas
six 11utros le furent on Espagne ontro 1686 et 1693. Pour la do soulèvements et de massacres; être bon, ot les prépa:
région qui nous intôrcsso, Il faut noter, en plus de la fondation re1· ainsi à recevoir l')j)vangile. Los missionnaire$ bapti•
do Querclâro, celle des collèges do Zacatecas en 1704 et de sent facilement les enfants qu'on leur confie. Ils admet•
Saint-Ferdinand de Mexico en t 7!!1. Les 1nisslonnaircs de ces tent les adultes au baptême après un catéchuménat
trois collègea assurèrent, au 18• siècle, l'ossonliel d_o l'év11ngéli- do trois mois et seulement sur leur demande. L'un des
a11tion du paya. Cepondanl, 01lllgrt\ l'unilfo d'inspiration el une missionnaires avoue bonnement que« le maïs des pères
certaine hornogénéitô do rcèrutc1nont, l'histoire de Cils réglons contribue beaucoup à le leur' faire désirer •·
est assez diverse. Consulter M. B, Mcl,oskey, The for1nc1tivc Comme c'était l'habitude de l'ordre, chaque mission
Ycars of the Miss,:onary Collé.gc ôf Sc111ia Cruz of Quaretaro, 1683-
1788, Washington, 1955. est un couvent en miniature. Autour d'elle, se groupe le
village d'indiens baptisés : tout y est comn1unautalro,
1o La haute Californie. - C'est à pal'tir do 1768 que le travail, les récréations, les exercices religieux, la
l'Espagne s'y installa. L0 décisipn fut prise pal' J os6 cuisine; la vie quotidienne est rythmée au s~n de la
de Galvez, visiteur général au Mexique (1765-1771 ). Il cloche; la mission fournit les vêtements, soigne les
s'agissait, avant tout, d'éviter l'.implantation russe malades. Chaque tnission abrite do 1.000 à 1.500 indiens.
menàçante; aussi, mission, installation militaire ot Los espagnols n'y sont pas admis, sauf les soldats indis•
politiqué devaient-elles être conjointes. Dès lors, $El pensables à la protection et q11elques artisans spécialisés.
trouvèrent associés, dans un semblable élan d'cnthou- Les franciscains les veulent mariés.
siasrne et une pareille ténacité, Galvez et le préfot L'instructiQn religieuse est assurée par des ·catéchis•
·rranciscain des missions de basse Californie, Junl- 1nes et des prédications. Le catéchis1ne est fait autant
pero Serra. que possible en langue indigène; on utilise le manu~l du
Los !ranciscuins <la basse Californie dêpenda,iant du collège jés1üte Barthélemy Castano t 1672. Les catéchistes
do Saint-Ferdinand, Lo pré!et ctu collège, Rllpha.ël Verger, sont dos espagnoles pour les filles, et des jeunes gens do
jugoa,il !ou lo projet de !onder de nô111hrousos missions en la rnis.'Jion pour les garçons. La vie religieuse et sacra-
liauto' ëail!ornlc. Les franciscains venuionl tout juste de re111- mon taire est souvent intense. Il ne paraît pas quo 1~~
placor les Jésuites expulsés (1767); lo pays était inexploré.
peuplé d'indiens inconnus, saus doute hostiles; l'expédition franciscains aient songé à un recru tement sacerdotal
,

2
1433 ÉTATS-lJNIS 1434
.i t ou religieux indigène. Les cérémonios religieuses sont bl\laya tous ces établissements. La mission no put
8. nombreuses et fort vivantes. 'l'out le monde doit assis- reprenâre qu'une vie très réduite : les anglais n'étaient
la ter aux cérémonies lit11rgiqu~s ou para-liturgiques; les guère plus favorables que les apaches. En 1768, la
IX représentations théâttales, d,u type des « mystères )>, Ploride devint possession anglaise, mals on ne trouva
y sont en grand honneur. aucun prêtre irlandais ou écossais pour y implanter une
A diverses reprises, les autorités espagnoles cherche- mission. Elle redevint espagnole en 1788. Les mission-
1r
'e
ront à hispaniser et à séculariser los villages de mission. naires appelés, franciscains puis capucins, ne vinrent pns.
Elles rêvent de les transforµier en paroisses, de créer
1t un diocèse californien, do faire cohabiter espagnols et Aucun de ce~ trois groupes de chrétientés n'apporte
n, d'élérnent religieux original : elles sont dépendantes de
indiens, d'initier les indiens au style de vie et au lan-
:é la spiritualité rnissionnaire franciscaine, , telle qu'elle
;. g!).ge d'Espagne. Elles savent que des curés isolés
s'épanouit dans l'empire espagnql d'Amérique. On peut
seraient plus maniables que des franciscains groupés,
retenir que, 1nê1ne incorporées aux États-Unis, elles
18
a
gui en réfèrcn t à leurs sup~riours. Les f~a~cîscain~
ont conservé des souvenirs de l'époque colonialè, ne
s'opposent à ceLte transformation de Jeurs m1ss1ons, qui
le !lerait ce que les « jeux n sacrés des indiens catholiques
0

re
résteron t jusqu'à la fl.n « \1ne république chrétienne de
type communautail'e ». du Nouvea\1-Mexique, qui r•eproduisaient à la fin du
:e Le bilan de cette activité nous est bien connu par les t 9° siècle, les anciens « mystères ij créés par les francis-
1t cains, et qui étaient l'un des éléments importants de
rapports annuels de chaque rnission. Quelques chiffres leur instruction religieuse.
!e
en fixeront les grandes_ lignes. Il y a vingt et une mis-
u sions (la dornièl'e, San Francisco Solano, a étô fondée en
1, 3. La Louisiane. - l.,e nom do Louisiane désigne
1823), I..,e réseau couvre pratiquement toute la Califor- d'abord l'inlmense territoire, d'appartenance française,
·- nie; elles sont ordinairement distantes d'une journée qui comprend tout Je bassin du Mississipi et do ses
it
dè marche l'une de l'a~tre. Oo estime que la presque aliluents. Au traité do Paris (1768), la France cède à
n
totalité des indiens a été convertie. Les derniers chilTres, l'Angleterre le terl'itoire à l'est du Mississipi, sauf uno
.1,1$ en 1800, font état de 10. 700 chrétiens. A cette date, la hànde côtière au sud; elle transfère le reste à l'Ei;pagne.
Californie comptait 1.200 espagnols ou métis, presque En 1800, l'FJspagne rétrocède la Louisiane à la Franl'e,
it tous soldats, avec leurs ra1nilles. .' 1nais celle-ci n'en pr•end pas possession; en 1803, Napo-
Les missions turent détruîtes en 1888, par ordre· du léon la vend aux Etats-Unis.
gouverne1nent mexicain, On y avait, depuis l'origine Le peuplernen t louisianais est co111posit.e. Il comprend en
(1769), !ait cent mille baptêmes, et cent quaran te-six l(ros deux élén1én ts : les i ndiéns de la prlllrie, les établlssornents
franciscains y étaient venus. Les indiens retournèrent européens du golto. Ceux.ci sont eux-mêmes tort complexes
presque tous à la vie nomade. ul én perpétuelle QVOlution, comn1e il est norrnal dans une
.2° Nouvcau-Jl!e:i:ique et Tex!M. - Los prernières mis- colonio en formation. JI y a des français plus ou rnoins indési•
1·ablos, des acadiens réfugiés en 1767, des alsaciens et des
si<;>ns tranci.scaines au Nouveau-Mexique, précédées de Jo1·rains, dos irlandais venus du Maryland pour éviter 1811 per•
:t
n voyages de reconnaissance, remontent à 1598. Missions ~é,:utions religieuses, dos espagnols apr~s 1763, enfin des
de « frontière n, qui se révèleront singulîère1nent fruc- citoyens des ttats-Unis qui pouplent les terres de la rive gauche
tueuses: un rapport do 1630 fait état de 80.000 baptisés. du Mi!l8issipi et refoulent les Indiana. Les ·esclaves noirs sont un
a On dit 1nême 100.000, avec trente-trois stations princi- èlé1nent numérlque,nent importa.nt.
pales et 150' églises. Cette Pentecôte a,urait été préparée
par des apparitions mystérieuses, celles d'une femme Au point de vue religieux, même complexité. On
qui, transportée par un ange, prêchait aux indiens en aurait voulu créer un diocèse louisianllis au temps de la
leur langue, et en laquelle les franciscains reconnaîtront (:Olonisation fra,nçaise; le projet n'aboutit pas. La Loui-
• la mystique Marie d'Agréda (1602-1665). siane fut englobée dans le diocèse de Québec, ce qui se
• Tout disparut. en tre 1670 et 1680, - attaques des 1:omprenait quand il n'était question quo des missions
apaches, soulèvements, peste - , et. lut repris on 1683; <les Tamarois et des l{a$kakias. L'évêque do Québec
tout faillit périr à nouveau en 1696, au cours do la révolte donnait dos patentes do vicaire géné1•al à un missionnaire
indienne (cinq franciscains furent massacrés). La reprise <lu sud, parfois à plusieurs, d'où des conflits. On fi.nit
des missions du Nouveau-Mexique · tut· assurée, quel- par établir un modus vivendi, en divisant la Louisiane
ques années plus tard, concurremment pàr les francis- en secteurs d'activités. Le séminaire des Missions étrnn-
cains des provinces mexicaines et ceux qui venaient gères de Paris et de Québec qui devait fournir des prêtres
d'Espagne, par le collège de Zaoatecas et celui de Que- n'avait pas le personnel suffisant. Finalement la. Loui-
retaro: Au milieu du 18° siècle, les franciscains ont évan • siane fut partagée entre les jésuites et les capucins, qui
'
l gélisé les apaches; en 1773, ils co1nmoncent à relier leurs rostèrent seuls après l'expulsion des jésuites. La Lo\li-
l missions du Nouvea\1-Mex.iquo à celles do Californie. siane, devenue espagnole, fut incorporée au diocèse de
1 Le Texas fut atteint en 1691 , après l'expédition de Santiago de Cuba, qui envoya cinq capucins espagnols à
reconnaissance d'Alfonso de Léon (1690). Le collège la Nouvelle-Orléans. En 1781, un auxiliaire de l'évêque
• dé Querotaro fournit quatre missionnaires, dix l'année de Cuba fut installé on I..,ouisiano. En 1787, la Loui-
suivante. A travers bien des vicissitudes, ces missions siane est comprise dans le diocèse de Saint-Christophe
prospérèrent : vingt-huit s tations centrales et trente- de la Havane, dé1nembré de Santiago. Enfin, en 1793,
quatre pueblos en 1787. :i;,:tablissements do même type l,• Nouvelle-Orléans devient siège épiscopal résidentiel.
que les ·« missions » de Californie, mais moins rigoureuse- Mal fournie de prêtres dès le temps du régime fran-
ment organisés. çaill (séculiers, prêtres du sémînail'e des Missions
étrangères, capucins, jésuites), desservie au temps du
3° La Floride. - Les franciscains avaient en Floride, régime espagnol par un clergé bigarré comportant dos
en 163',, quarante-quatre stations de missions et trente capucins français dèmourés sur ,place, des capucins
mille fldèlès. Ils tentèrent de pousser vers le nord, pour espagnols, des prêtres irlandais envoyés par le collège
1
évangéliser les apaches. En 1657, une révolte indienne irlandais, la ·Louisiar J souffrit de mille à-coups et de
1
'
• É'l'A'fS-UNlS 14.36
1435
mille dispu tes cl6r.icales. Lf.l. diversité du peuple,nent, in americ<tll Cliurch Ilistory, sous la direction de P. Ouilday,
2 vol., ~VaRhin(:tOn, 1922, 1940. - M. A. R(ly, A,nerican
l'indilîérence réligieuse des colons, Je style de vie reli- Opi,1.io11 of ro,nan C«.tholiciMn in the cightccnt/1 Century, New-
gieuse espagnol si différent du style français, tout York, 1936.
contribue à rendre impossible une définition de la per-
a) 'rcrritoires espagnols. - Bibliographie d'ensernblo dans'
sonnalité religieuse de la Louisiane. A. Cut•tis Wilgus, The De1>elopm,int of hispanic An1crica,
11 faut pourtant retenir, parce que c'est l'un dei; 5° éd ., New-York, 1952, p. 20\J-21'•; en français, dans Histoire
éléments les plus stables, et le plus efficace sans doute, u.niw:rsdJe des n1i.ssiQ11s, t. 2, Les 1nissio11s 111oderncs, xvn• et
l'influence exercée par les urs\11incs françuises. En xvu1• siècles, Paris, 1957, p. 409•410 (E. Jarry). Pour la
1727, elles prirent en charge l'instruction des filles Cnliforniè iill particulrer, o. Englebert, Le dernier ilcil èùllqui111a-
(instruction populaire, instruction des ,i demoiselles ,, dors, .lunipero S~rra, Paris, 1954, p. 825-329.
<le la société) et l'hôpital; elles devaient accueillir et 4) t11uisiano. - Bibliographies dans les articles Louisiana,
garder jusqu'à leur mariage les jeunes filles envoyées Mo/,ik , New Orlcuns, de la Catholic E11cycwpedia (New-York,
dans la colonie. 1907-1 922). - M. Oir1111d, }li.stoirc de la Louisiane fra11çoiss,
En dehors des missions indiennes, qui finirent pat' t, 1 Le règne <le Louis XIV (1698-1715); L. 2 Anr14~a de tran•
grouper à peu près tout l'élément indigène, la colonie sition, 1716-1717, Paris, 1953 et 1958.
européenne était divisée en paroisses, de type fN.tnçais, 5) Missions jt!sµites et franciscai11es. - C. de Rochen10111.êix 1
avec curé résidant. Les noirs étaient évangélisés, un Les jés1âtcs d,; /.a. Nouv0Uc•Fra11ce au xvu• siède, S vol., Paris,
peu au hasard, à la !ois par les jésuites et par les 189;1-1896; Les jésuites ile la Notiw1llc•Fr1t11Ce au x v111• siècle,
Paris, 1906. - A. Astro.in, Historia ile la Co1npaii ia de Jesl'J.8 1
capucins. en la asi-slenciu de ltspa1)a, 7 vol., Madrid, 1902-1925. -
1
A l'aube de l'indépendance, les résultats de1:1 efforts J, . l ,eromens, Gcschichte der Frr.t1ui~kan_er11~issio11cn, Mu?~ler, \
192(). - J. Del(lngloz, The french 1esu1111 111 lower Lou1s1ana 1
d'évangélisation sur les divers terl'itoires destinés à 1
(1700-17/JS), Nouvello-Orléana, 1995. - M. Oeiger, 1'he fran•
former les États-Unis apparaissent ,nédiollrcs. Cepen- ci.,can Conq1wst of Fwrida (1673-1618), Wa~hingt,on, 1!l37, 1
dant, à côté de ces pauvres résultats, il y a la fécondité Eugène JARRY . 1
spirituelle de nornbreuses vies dônnées, en pa1·tlculier 1
celle!l des martyrs de la roi, béatifié$ ou non : elle 1
demeure le n1eilleur fondement de l'Église d'Amérique Il. DE L'INDti>ENDANCE A NOS JOURS
]
du nord. lfn fait do1nin0 .l'histoire des États-Unis au 19° siècle: 1
Citons, par exemple : les franciscains Jean de la croissance ininterrotnpue tant de la population q,10 1
Pa<lilla,, J ean de la Cruz et Louis de Ubeda t 1542 ou du territoire. Cett.c crois!lance se retrouve dans l'histoire 1
1544 dans Je Nouveau-Mexique; Je dominicain Louis du t:atholicis,ne. 1
Cancer, ami de Barthélemy de Jas Casas, et ses compa- 1
gnons rnartyrisês en Floride en 151,9; égalemenL en 1. Origines de la communauté catholique. - (
Florid0, les jésuites Pierre Martinez t 1566, Jean- La plus ancienne co1nmunauté catholique a1né1•icainc rut \ (
Baptiste Segur.a et, Louis de Quiros 't 1570; les saints fondée par lord Baltimore au Maryland, comme on vient 1
Isaac J ogues, Jean Lalande et René ()oupîl ,nartyrisés de le voir (.qu-prt;t, col. 1430). Lors de l'Jndépendance,
par les Iroquois, en 1642 et 1646, dans l',;tat actuel de les catholiques, surtout anglais, étaient forL peu nom-
New-Yol'k; les franciscaini, Zénobe Ma1nbré, Maxirne
le Clerc et le sulpicien M. Chefdeville, au Texas en
breux. Vers 1790, le clerg6, une quarantaine de prêt1·es, ·
côtnprenait à peu prôs unique1nent d'anciens jésuites
'1
1687; le capucin Christôphe PlunkeLl, qui meurt en anglais, irlandais eL allemands, qui administraient los •
1
1697 dans les p,•isons anglaises do Virginie; le francis- sat 1·ements à ,111 troupeau de quelques milliers de 1
cain Louis ,J ayme, r.,·remicr ,nartyr de Californie, vers fidèle~ tl'ès dispersés. Le niilieu américain était, hos-
1775; etc. LilH aux papis tes et le besoin le plus \1rgent était do
En plus du témoignage <lu sang, des grâces de vie s'u,•ganiscr pour SUl'Vivre.
chrétienne et de sainteté fieu,·irent. Chez les Iroquois l)ans le sud, colonies espagnoles et françaises, encore
oux-mên1es, il faut signaler la véné1•ablc Catherine en dehors de l'Union, étaient théoriquement catholi-
Tekakwitlia (1656-1680), appelée « ~he lily of the ••
ques (cl' sttpra); la suppression de la co,npagnie de 1
Moha,vks" pou1• sa pureté, sa pénitence eL sa vie d'or,ti- .r éi;us eL plus tard l'expulsion des franciscain:; pal' le 1
son. Souhaitons qu'elle soit la pra,nierc 'indigène des go11vernerne,1 t mexicain (182:l) po:rLèl'ent des coops (
f:tats-Unls à ôtre canonisée. trè,; rudes à la vie chrétienne dans ces régions. Pendant l
F.O. Holweck, A ,i America.n Miirtyrolofiy, dans The Catholic la première n1oitié do '191' siècle, le 1naintien d\1 catho- 1
historical Revicw, t. 6, 1920-1'.121, p. 1,1,5-516. - J . li. Coda, licisine fut d'ant.ant plus diffh:île qu'il fut l'œuvre de (
The co111rib ution of ,Rurope to holit1(?t., in A,ncrfra, çit.é infra. prùlres non espag11ols, alors q•.10 la majorité de la popu-
Chu1dè Chnuchet,ièra, La vie 11,, la B . Cathcri11,, Tefialtollita, lat.ion était de mœurs el de langue espagnoles. Le clergé
àite à présct,t te, .~ainct.a SC/.11.V<lgesse, n\s (entre 1685 ot 1695); in<ligèno semble avoir été [ol'L iudolent et $0\!Vent côr- 1
édité à 100 exemplaires, Albr1ny, 1887. ro1npu : l'évoque de Santa Fe (Nouveau-Mexique), 1
Jean-Baptiste 1,,amy, duL se résoudre à suspendre d'on 1
1) Sources et biblio(if'a.phic gc!nArale. - R. Streit, Bi.bliotheca (
missionun,, t. 2-3, Aix-la-Chnpelle, 1921, , 1927, - Hibliogra.fii; seul coup tout son clergé; les 1noille11rs furent. gardés • (
1nissiort11.rfrt, l&ola-Roine, depuis 11)36, à la rubriquo " Stnti après tunendement el des missionnaires de Franco
U niti e Canada •· - J. T. E llis, A1nerica11 Ç(ttf1olicis,n, Chicago, pe,·nliront à l'évêque de 1•oprendre l'évangélisation. 1
:i.956, p. , 11)1-192; Documents of i11ncri1:a11 ca.tholic Hi$tory, La faiblesse de la vie chréLienne dans ces territoires 1
M;ilwoukea, 1956. explique pollrquoi, ù leur eutrée dans la république 1
atr1éricaine, ils n 'exerceront qu'une innuence médiôcre f
2) Colonies (t11glrtises. - J. Cl. Sheil, Cc;tholic 1',1issions (
a111ong the i11dir1n Tribes of the (Jnited ptat.cs, 1629-1864, New- sur le catholicisme.
York, 1855. - A. White, Narratic,e of a c,Qyage to Maryla11d, J
2. Croissance et unification. - Le rôle détormi• f
6d. E . A. Dalrynlple, Jlaltirnore, 1874. - W. T. nussell,
Maryland. 1'he La11d of .Sanctuary, Brutimore, 1907. - S11ulie.s nan 1. dans l'acc.1·oisse1nent numérique de l'flglise ainé• E

6 1437 ÉTATS-UNIS 1438
r, ricaine revient cortainement aux Îlnmigrants européens c:opaux scron t groupés en quatol'ze provinces ecclésias•
n dont la masse fut forn1ée ,.d'abord par les irlandais :
7•
tiques.
de quelque c'inquante mille en 1800, les fidèles attei-
gnaient un million et demi au miliA\l du siècle, A partir 8° Très significatlve au point de vue de la vie s))it·i-
il de 18118, un fort courant d'immigrants allemands, puis 1.uelle, l'œuv1·e des conciles locaux fournit aussi une
italiens vint grossir le courant auglo-saxon et fiL dou- oxcAllente source de docurnentation S\Jr les structures
bler en dix ans (1860-1870) la populaUon catholique, do l'Église américaine en constant dévelop))ement.
A la fin <hl siée.le, celle-ci comptait plus do dix millions A partir de 1791, dato du premier synode diocésain f

de fidèles, et elle devait faire un nouveau bo,,d en avant do Baltiinore, ~pt conciles provinciaux se réuniront
au début du 20° siècle grâce à l'arrivée de nombreux :'t Baltimore, de 1829 à 1849. Lo pre1nier concile plénier
immigrés d'Europe centrale et orientale. des Etats-Unis se tint on 1852; mais cc $Ont les second
(1866) et troisième (1884) conciles pléniers de Ba.lti-
1° L'immigration des catholiques européens, sou- n1ore qui jouèrent le rôle déterminant dans l'organisa•
vent a.ccon1pagnés de leur clergé, ne pouvait constituer tion, l'unification et la, discipline ecclésiastique. Le
d'etnblée une communauté catholique américaine et 8ocond, sous la direction de Mgr M. J. SJ)alding t 1872,
homogène. Ce fait fut partioulièromen t évident quand, c'!dicta un véritable droit canonique pour les l!Jtats-Unis;
.,' aux anglo-saxons, s'ajoutèront les gerrnaniques et les le troisièn1e, sous la direction de Mgr J. Gibbons t 1921,
latins. Le deuxième concile plénier de Baltimore (1866) adapta aux normes romaines les décisions du second;
prit la décision d'institutionaliser la pratique déjà ces 319 articles, promulgués en 1886 comma loi ecclé•
èouranto, semble-t-il, des paroisses nationales. Avec siastiqua des l!}tats-Uni$, régiront l'1!.lglise atnéricaine
,,• loul'S écoles, leurs associations multiples, elles grou- j11$qu'aü code de Droit canonique de 1917 (011 trouvera
pèrent les nouveaux venus, non plus sur une base les textes des conciles locaux ot ))léniers dans la Col-
territoriale, 1nais ethnique; elles permirent une tl'ans- lc1:tio lace.nsis).
plantation sociale et l'eligieuse moins bru tale, et sur-
tout la con Linuité de leur vie ùhrétienne, du moins ,.
0
Uu des traits don1inants de la vie chrétienne aux
chez la plupart des imn1igran ts cathol.iquos. Toutefois, l~tats-Unis, durant cette période d'ilnplantation, est
cette juxtaposition de divers groupements, assez isolés cortaine1nent l'élan créateur que le clergé sut inspirer
les uns des autres, fit apparaître ù la longue bien des-' (it soutenir chez les fidèles, pour la plupart ouvriers ,
••
désavi1nt,1ges; une n1ê1ne foi, une liturgie se1nblable pauvres, en faveur de la construction et de l'entretien
l
pour l'essentiel, une rnêrne hiérarchie assuraient l'unité; ,1 os écoles paroissiales et des églises. Durant le 19e siècle,
mais la diversité des langues, les diverses formes de surtout dans sa deuxième tnoitié, plus de 10.000 églises,
piété, lea coutumes et IQS sensibilités religie\1ses pal'ti· 3,800 écolos paroissiales, près de ?00 collèges et 75 sémi-
c1ùières risquaienl: de devenir autant d'obstacles; les naires ont été édifiés. Si importante qu'ait ))\1 être

catholiques étaient surtout concenttés dans les villes, l'aide financière de l'Europe catholique, la plus grosse
t part des sacrifices et toute l'initiatîve reviennent aux:
t on voyait dans une mllme cité se côtoyer des pratiques
et des esprits l,rt)s dilîérents. catholiques arr1éricains : ils ont vraiment construit
• Cetto juxtaposition, nécessaire au d~but, devenait l'l~glise aux l!Jtats-Unis. •
un obstacle au dévAloppe,nent de l'l!.:gliso aux États- Il fa.ut noter que l'enseignement supérieur no fut
•; Unis. L'impulsion de la hiérarc"fiie, - le cardinal d,lveloppé que tardivomont. A côté de l'ancien collège
J, Gibbon:; et l'archev~que de Saiot-Paul, J. lreland, jésuite do Georgeto,vn devenu université et celle do
1>ar exemple-, l'œuv,•e unificatrice des conciles locaux, Notre-Dame (Indiana) tenue par les Pères do Sainte-
l
. le temps surtout et une histoire con1n1une, ont peu à peu Croix, l'université catholique de Washington fut fondée
«américanisé i, le clergé ot les co.1nn1unautés catholiques. en 1888 par l'évêque de Peoria, ,1. L. Spa.lding, avec
La première guerre rnondiale amena la population l'aide du cardinal Gibbon$; elle progressa lente,nen t.
américaine d'origine allcn1ande à réagir devant les A la fin du siècle, les universités càthollques an1éri-
événen,ents d'une n1aniùre, non plus allemande, 1nais cainos n'avaient pas, de loin, l'impo1•tance des protes-
américaine. Cette prise de conscience ne fut pas seule- tantes; il faut p-robablcmcnt en chercher la raison
, ment celle d'une unité nationale, mais aussi du carac- d:.ins le fait que los cal:holiques ,lppartenant à la classe
tè1•e américain do l 'l!.:glise. Aujourd 'hut, les har1•ières aisée ou moyenne sont restés longtemps très pe'u nom-
. ethniques sont ton1hées et l'homogénéit,é de la corn• bl'r.ux.

munaul.é catholique est rnanifosto (si l'on excepte les
))ortoricains de langue espagnole dans les grandes villes 3. Ordres et congrégations religieuses. - Bien
et les groupes mAxicains d,uls le sud-ouest). quo les ouvrages retraçant les pren1ières implantations
aux États-{Jnis des dive,•ses· l'tunilles roligieuses n'étu-
2° Au lllfulq11e d'homogénéité des catholiques, s'ajou- dient guère la vie spirituelle do ces fondations , mais
tait le problème quo posait la croissance continue dt+ surtout le rôle apostolique qu'elles jouèrent, on J>eut
territoire; la mi=i1•che veri; l'ouest des in11nigrants et le penser quo ces gro\1pes de re· igieux et de religieuses
rattachement progressH dos vastes territoires du sud vnnus cl 'Europe rorrnèren t les p1•e1nlers foyers de la vie
(Floride, 1821; 'J'eXA$, 18',6; Nouveau-Mexique et spirituelle dans le pays, en vivant leur spiritualité
' Californie, 18',8) étendaieut sans cesse et dé,nesuré- propre.
menl; le charnp d'action. C'est ce crui explique la multi- 1,e prernier collège catholique fut ouvert par d'anciens
J)lica tion des évêchés durant ton t le 19" siècle. En jésuites à Georgetown (1789) et la compagnie de Jésus
1790, n'existait que l'évêché de Baltimore, auquel s'y reforma en 1806. Le premier séminail•e s'ouvrit à
fut rattachée en 1806 toute la Louisiane; en 1808, on B;:iltin1ore e,, 1791, grâce à Jacques-André Êmery,
en sépara les évêchés de Lo\1isville, Boston, Philadel- i;upérieur général do Saint-Sulpice, qui persuada
phie et Ne\v-York; en 18'15, celui do la Nouvelle-Orléans l'ëvôque John Carroll d'accepter quelques sulpiciens
fut rétabli. En 1850, on comptait déjà six archevêchés frança is pour la formation du clergé; faute de vocations,
et vingt-sept évêchés; à la fin du siècle, 94 sièges épis- Je séminaire v6géta longternps, car l'accroissement du
1439 f:TATS-UNIS 1440
clergé américain dans la première moitié du 19° siècle Orléans, L'archevêque de New-York, Jobn Hughes t 1864,
cul
obtint une nouvèlle législation des biens d'égli&e pour son éta~,
est dO. notamment à l'a1•rivée des prêtres immigrants. qui fut peu à pou adoptée par los autre8 états. Quo pareille
slo,

IIll.l
Dominicains (1806), lazaristes (1816), pères do Sainte- quc~t.ion ait considérablement pesé sur 111 vio paroissiale jus;
Croix (18Ei1), frères de la Doctrine chrétieone (18Ei6) c'e:
qu'au 1nilieu du siècle s'explique a11.,e1, par la présence 'de prêtrés de
vinrent seconder jésuite$ et sulpiciens, surtout dans le indiHcipHnés, et, par l'exemple de la ,najorlté protelit11nte : le C
clomaine de l'enseignernen L et de l'évangélisation. Le trus Ll:lsme n'était en ollet qu'une imitation du système ad1nlnls• l'-a;
premier monastère an1éricain, la trappe de Gethsémani tratif des églises protestante,; d' Arnérique. soc
(Kentuèky), fondée en 18118 par les ,nolne$ de Melleraye '
înt
(Bretagne), re$ta longten1ps sans recevoir d'autres Conciles provinctaux et lettres pastorales reviennent
périodique1nent sur ces quelques problèmes 1najeurs. «(
recrues quo celles de l'abbaye-mère. ne1
• Dès 1727, un couvent d'ursulines existait à la Nou- Plu~ intéressants pour l'histoire de la vie chrétienne1
velle-Orléans; mais dans les États-Unis de cette époque, les décrets du deuxièrne concile plénie1' de Baltirnore coi
clél
la première cornrnunaut6 religieuse de fem1nes fut (18t\6) présentent une série de directives sur la prédi• de
un couvent de contemplaUves : des carrnélites belges ca.Lion (Collcctio lac1Jnsis, t. 8, col. 1,33.441); la préd.i•
cation doit être à la portée des chrétiens sans culture, - poJ
s'établirent au Maryland (1790) à la demande de Léo-
nard Neale, bientôt coadjuteur de John Carroll. Neale c'était l'irnmense majorité des fidèles - , et exposer gai

!tQI
facilita aussi l'établissillnent dos visitandines à George- fortement les points de la foi catholique contestés pilf l
town {1808). A la même époque, Élisabeth-Anno Scton les églises protestantes. Suivent des chapitres sur la
vie des clercs on paroisse (1141-448) eL dans les sé1nl- l'É
(177~-1821), convertie de l'anglicanisme, fonde une la,
congrégation (1809), bientôt agrégée aux filles de la naires (449-452). Co qui touche aux sacren1ents, à la ac1
Charité. En 1812, deux autres congrégations de$tinées 1nei;se et à l'apostolat sacerdotal constitue un ensemble
Côl
à l'enseignement sont fondées : les sœurs de Lorette · spirituel fort riche. Le concile traite encore des missions
et les sœurs do Nazareth. Les darnes du Sacré-Cœur paroissiales (525-526), des associations pieuses (526·
COI
(1818), les sœurs de Saint-Joseph (1886) a1·rlvèrent 52\l), de la presse et du livre catholique (584-588). Cett.o tri,
d'Europe, et bien d'autres congrégations après elles. somme de décrets derneure un document de premier
L'activité dos religieuses fut. surtout éducatrice et cha- orclro sur la vie chrétienne aux '.États-Unis au milieu Fa
La
ritable; dans ces domaines les besoins étaient immenses; ,' du 19° siècle : vie centrée sur la pa1•oisse, son culte ot un
les formes de vie contemplatives attiraient 1noins et sos œuvres nombreuses.
se développèi'ent très lentement. L'accroissement numé- Ba
2° liccker et Gibbons. - La deuxième moitié du 18'
rique des religieuses dans la seconde moitié du siècle sièele fnt fortement influencée par la pensée et Je tra-
est remarquable (50.000 en 1900), car, plus que l'accrois- aio
vail d'Isaac Hecker (1819-1888). Né aux :Ëtats-Unl$ et
sement du clergé, il est dû aux vocations locales. Actuel- de parents allemands, il se convertit en 18'•(. et l'nnnée
lement, la grande majorité des ordres et congrégations suivanLe entrait dans la congrégation du Très-Salnt- Gi
ont leur branche a,néricaine. A.
ftédompteur. Après sa for1nation en Europe, Hecker 1. 9:
4. Vie spirituelle. - Co domaine de l'hÎstoire du se rendit compte de l'inadaptation de l'apostolat do 19:
catholicisme aux :f.:tats-Unis ost encore à pell près sa congrégation, trop européenne, au milieu a1néri-
inexploré, sen1ble-t-îl. Probablernent parce que les tâches caln. Il fonda en 1858, avec la permission de Pic 1x,
du ministère direct étaient urgentes, on n'écrivait guère; la congrégation missionnaire de Saint-Paul (Missionary Jo
s'il existe des autobiographies spirituelles, elles n'ont Society of S't. Paul). L'idée 1naîtresse d'Isaac Hecker lie;
pas été publiées. Les livres dont on se servait venaient éto.iL de prêcher et de vivre le catholicisme d'une façon pr,
d'Europe, apportés par les membres des dilYérentes adaptée à la vie américaine. C'est ce que manifestent ID<
congrégations qùi s'alimentaient ainsi de leur spiritua• ses écrits, son apostolat et sa manière de vivre; très Jo
lité propre. Les jésuites répandirent dans leurs paroisses apostolique, il concentra son attention sur la conversion an
ou dans leurs 1nii;sions paroissiales la dévotion au Sacré- des protestants et donna une vive impt1lsion à la presse Tl
Cœur; les sulpiciens formèrenL le clergé local dans catholique. Son activité·fut plus tard l'occasion, ot non lis
l'esprit de Saint-Sulpice. La trame spirituelle que· l'on la calls.e, d'une doctrine aux prolongement.~ erronés 78
découvre est ·de source directement européenne; il (voir art. AMtn1cANJSMP., DS, t. 1, col. 1,75-488). Hecker 801
ne pouvait guère en Atre autrement dans les premiers fui. une personnalité de pre1nier plan; il perçut le besoin foi
ten1ps : l'Église américaine avait d'abord à s'implanter. d'u ne culture catholique . proprement américnino bè,
(~1• Elliott, The Life of Father Heclcer, New-York, B~
On ne peut donc parler, dans l'état actuel de nos
connaissances, de courants spirituels originaux, ni de 18~1; trad. française par F. Klein, Paris, 1897). Une (J.
grands spirituels. noUce lui sera consacrée. G1
James Gibbons (188~-1921 ), archevêque de Balti- m«
1° Les décrets d\1 premier concile provincial de Bal- more et cardinal (1886), fut, penoant plus de trente ans, ra,
timore (1829) montrent quels étaient alors tes princi- le véritable cheC et le représentant du catholicismo év
paux problèrnes de la vie chrétienne : ils traitent essen- aux Êta.ts-Unis. Au troisième concile plénier .de Balti- tit
tiellement de l'administration des sacrements, de l'uni- more, qui se réunit sous sa direction, il fit partager
formisation de la discipline d'un clergé qui provenait sa préoccupation de lutter contre les pa1-ticularismes
Li
19
de vingt nations difTérentes; ils précisent aussi quelle df:s différent.es communautés d'immigrants. Gibbons, gh
est la version anglaise cat;holique de la Bible (c. 9). cornme llecker, voulait hâter l'américanisation du (S
L'autorité des curés sur les syndics laYcs des paroisses est catholicisme; on doit voir là une des raisons qui déter- 18
proclamée. Les syndics, ou • trustees "• ayant do par la loi minèrent le concile à supprimer progressivement les "î<
civile plein pouvoir eur l'administration 11nanciôre et matérielle pl•.fOisses nationales et à les remplacer par des paroisses
do la parOÎij68, prétiln<lalent en bien des localités avoir le droit territoriales où les divers éléments ethniques se ron-
de choisir leur curé ou celui do refuser le curé nommé par drFiiont. Des oppositions surgirent; l'nrchevêq1.10 do 17
l'évêque; avec l'aide de prêtres rebelles, ces • trustoes • provo• Ne
quèrent des achlsmes, surtout à Philadelphie et à la Nouvelle- Saint-Paul, John l reland, se heurta durement au par.ti- th
,O 1441 :É'l'A1'8-U NIS 1442
,.1t, ' cularisme dos co1nmunautl~S germaniques. Mais l'impul- évêque de Dubuque (L. de Cailly, Life of Bishop Lora11,
sion était donnée, et Gibbons avait joué un rôle détor- Nf.nv-York, 1887; M. M. .1-lofimann, The Church Foun-
le minan t dans l'unification do l'Église dans son pays;
s- dt,r•s of the Northwcst, Loras .. , Milwaukee, 1937). -
es è'est sous son épiscopat que la dépendance can~nique John Neun1ann (1811-1860), rédemptoriste, évêq11e de
le de la Propagande fut supprirnée (1908). Philadelphio, fondateur d'une éongrégation de francis-
!• Gibbons exe1•ç,a aussi une influence profonde Slll' caines du Tiers-Ordre (J. Berger, Life of R. R. Joltn
l'attitude de l'épisr.opaL américain dans le domaine N . Neu,nann, New-York, 1884; M. J, Curley, Venerable
. social, en particulier dans les conl1its du travail. Son J . Neu~rinn, Washington, 1952). - John Hughes
1t il)tervention en faveu1• d'un i;yndicat catholique, les (1'7 97-1864). archëvêque de Ne,v-Yor~ et défenseur des
s. « Chevaliers du travail ll, soupçonnés <le franc-rnaçon- in-11nigrunts catholiques irlandais (H. A. Braun, Life
e, nerle, dénonr.és à Rorne et déjà conda1nnés par l'épis- of Mgr flughes, Ne,v-York, 1892). - M. J. Spa/ding
re copat canadierl, permit d'éviter une condamnation t ·t 872, archevêque de Baltimore (J. L. Spalding,. Lifc

l• détlnitive (1887). Dans son rapport à la congrégation of 1lf«r Spalding, New-York, 1873). - Oreste Augu1;1tus
,1- de la Propagande, Gibbons expliquait que les racines Brownsori (1803-1876), converti du protestantisme,
- poeulait•es du catholicis1ne aux :Eltats•Unis étalon L lé
g.ige le plus sftr de son avenir (mémoire publié en Iran•
philosophe apologiste (JJroifJnson's Worlcs, éditées par
1-1. F. Brownson, Detroit, 1883-1887; Brownsoh's Li/e,
ç.iis dans l'Association catholique, 15 n1ai-15 juin 188?). 2 vol., Dotrolt, 1898-1900; 'l'h. Maynard, Oreste.9 .11rown-
Persuadé des bienfait~ d'une séparation loy.ile do son, Yankee, Radical, Catholic, New-York, 1943). -

I• l'lllglise et do l'mtal., et de la liberté vraie qll'ussurait Charles -Jean ,Seghers t 1886, archevêqlte rnissionnairc
la la constitution àuiéricaino, Gibbons exerça une heureuse en Alaska (M. de Baets, The Apo8tle of Alaska. The Life
le action dans le monde polil.ique, et il fit reculer lo préjugé of... C. J. Seghers, Paterson, 1943).
lS courant d'un catholicisrne religion étrangère. La mèro Madeleine Bentivuglio 1' 1905, fondatrice
5- Enfin, Gibbons fut un auteur très lu :et sos ouvrages des clarisses (M. Fiege, The Pri11cess of Po1JtJrty, Evans,
to contribuèrent à nourrir la vie spil•il.uolle de ses compa• ville, 1909; Cl. li'. Po1vel's, A Wontan Qf the Be11tivoglios,
t•riotes. ReLenons en particulier : The Faith of our Notro-J)ame, Indiana, 1921 ). - Sainte J,'rançoi.~e-
FatMrs (Ball.imore, 187<i; 280 éditions et traductions; }{avùJr Cabrini (1850-1917), fondatrice des sœurs
La foi de nos pères, trad. A. Saurol, Paris, 1886), qui est 1nissionnait'os du Sacré-Cœur, son activité s'étendit
un o.xposé de la foi catholique; Our Christian fi eritage, aussi à l'Arnérique du sud, canonisée en 1946 (Th. May-
Baltimore, 1889; The Arnbass<Ldor of Chrù;t, Bal tirnore, nor'll, Too Sniall a WQrld : The Life of Mother Cabrini,
1897 (trad. française, Paris, 1897), qui retrace la n1is- l'vlihvaukee, 191,5; L. Papin Borden, Fra11cesca Cabrini,

1S
sîon du pr/\tre dans \11\ esprit à la fois très apostolique Witho,Lt Sta,ff or Scrip, New-York, 1945). - f,Valt(!r
18 ot salésieh. Cf J. T. Ellis, 1'hf1 ..T.iffl of Jarnes CCLrdinal Ellioit (1842-1928), - paHliste, disciple ot successeur
t- Gibbons .. , 2 vol., Mihvaukee, 1952; voir encore : d'Isaac rlecker, aute\lr spirituel et apôtre de la presse;
~r
A. S. Will, Life of caràin.al Gibbons, 2" éd., New-York, voil' DS, t. 4, col. 601.
1922; Lrad. Vie du CardiT1al (Jibbon!f, 2° éd., Paris,
!e 1925, G. L 'évangéliaation des indiens et des noirs. -
5. Personnalités dominantes. - l,a figure de Pt:ndant tout le 19 8 siècle, la c< ltontière n recule vers
John Carroll (1735·1815) domine les~débuts du catho• l'ouest sous la poussée des immigrants. Les missions
1,111 JH'ès des lodiens, surtout animées par des prêtres
licisme aux États-lJnis: anciAn jé$Uit,e,.formé on Eu1'1>pe,
prétet apostolique en 178t,. et .prenlier évêque de Balti- fraoç,üs, recueillirent des résultats souvent remarqua-
more en 1789 (J. Carroll Brent, Biographical sketch of ... bles, mais elles étaient vouées à l 'échcr, à plus ou· n1oi ns
John Carroll, Ba.lti1nore, -18'•3; P. G\tilday, The .l..iftJ longue échéance : l'hnpossibîlité pour les tribus de se
and 'l'imes of John c:arroll, New-York, 1922. Voir aussi fixer, l'hostilito des colons, l'e1nploi de la force pour
The Catholic E'nLo.yclopedia, t. a, 1908, p. 381 -88'•• et la réduire los résistances indiennes déciml}rent les peu·
liste de ses ouvrages dans _So1n,nervogel, t. 2, col. 779- pludes indigènes. Aux côtés des évêques Si,non-Oabriel
782). - .l..11011ard Neale t 1817, coadjuteur et succes- Bruté de Rémur t 1889 et Mathias Loras t 1858, le
seur de J. Carroll. - Élù1abeth-Annè ~eton t 1821 , missionnaire le plus célèbi•e fut le jésuite belge Pio1•re-
ln fondatrice dos scoui•s de Charité (A, 1vL Melville, Bliza• ,J 0;1n De S,net (1801-1878) dont les lettres et les récits
,e béth Baillly Setor1, New-York, 1951). - Sùnon:Gabriel de ,voyage sont la source principale qui permet de
'c,
Bruté de Rénu,r t 1889, pl'e1nie1• ovôcp10 do Vinr,ennes rctracor l'histoi1•0 des con1n1una11 tés indiennes chré•
18
(J. Roosovelt IJayley, Me,noirs of the R. R. Sirn.(1T1
tiennes au 19° siècle (P. Laveillc, L11 P . De Srnet,
Gabriel Bruté .. , Novv•York, 1855; M. S, Godecker, Si- Li,~ge-Arras, 1918) . l,a bienheu1•euse Rose•I''hilîp-
i- 111011 Bruté de Réniur, first 11ishop of VinctJnnr1s, St. Mein-
pi11ê Duchesne (1769--1852). qui avait introduit les
s rad, Indiana, 1931). - John Englcuul i' 1842, pre1niel' darnes du Sacré-Cœur en Louisiane (1818), obtint de
,e' évêque de Charleston ; pl'édir.atour do renom, il combat- pa,·t.i1•-pour les missions indiennes à la fin de sa vie et
tit pour la liberté du catltolicisrne (P. Guilday, 1'he y ,noul'Ut (L. Bau1H\rd, Histoire de Mr1da1ne Duchesne,
Life and Tùncs of J. England .. , 2 vol., New-Yor-k, Paris, 1901; M. Erskine, Motlu1r Phr:tippine Duchesne,
1927). - Déniétriu.B Gallitzù! 'I' 18'•4, a.pôti•o des Alle• Ne1-i•-Yotk, 1926). Parqués dans leurs réserves, les
s, gho,nics, fonda l'Ii:glise de Pennsylvanie occidentale indiens catholiques étaient secourus, en 1890, par cinq
(S. M. Bro,vnson, Li/~ of Dc1netrius c:allitzin,. New-Yorl<, mir;sions jésuites 01·ganisées et de nombreux prêtros
1873; D. Sargent, Mitri. The Story ,of Prince .. , Ne,v- de divol'ses congrégations.
)l$
York, 1 \)t,5). Voir J, 0. Shoa, IIistory of the catholic M i8sion.s among the
lS t,a ,nère Tlt6odurci Gtu!rirt, des sœurs de la' Providence, i,ulic,.n Tribcs, 1/i2fl. J81id, Ncw•York, 1855; sur l'état des
1798••.1856 (.Life and Works of Mother Theodorc Guérin, n1iR ,ions nctuellcs, J. B. 1'ennelly, A JIal/ Century:1 of Progrc$S.
0

I.e New-York, 1904; Journals and .letters .. , St. Mary-of- J11tlira1 1l(is.~ion Work, ·d~na T/ie lnrlian. Sentine!, t. SO, ~1. 1,
the-Woods, Indiana, 1986). - llfathias Loras t 1858, W~shington, 1950.
DICTIONNAIRF. DFl SPllllTUALl'l' ÎL - 'f. IV,

ÉTATS-UNIS 1.444
1443
Jusqu'à la guer1•c de Sécession (1861-1865), la faib~e d'hommes et <le !em1nes les laïques qui font annueJle•
j

P.Q.PUlation.•noir~ catholique. des él~t~ du Sud pouvait 1nent une retraite. Si les jésuites en furent los premiers j
prornoteura, plusieurs congrégations religieuses so sont
~é'ralement suivre la pr~t1que ~elig1euse d~s 1nat~res
filancs. Mais l'évangélisation éta,t presque impossible depuis engagées dans cet apostolat, en particulier le~ ,
j

du rait de l'opposition des planteu1·s non catholiques, religieuses de Notre-Dame du Cénacle qui ont ouvert j
qÜi détenaient la roajo1•ité des esclaves noirs. L'é1nanci- des utaisons pour les retraites féminines. Grâce à .ce
pation qui suivit la fin de la guerre n'amé.liora, pa~ la 1nouvemont 1 Je sens de la prière personnelle et de la j

situation : livrés à une liberté à laquelle ils n étaient uuîditation s'intensifie. Les missions paroissialœ ont 1
nussi bénéficié 1:lu développement des retraites; ell~s i
pas préparés, une bonne partie des noirs calholiquos
abandonna toute ptatique; ceux qui demeuraient iiu;istent à leur tour, clans les exercices proposés aux
fidèles n'ôtaient pas toujours bien accueillis dans les fidèles, aur l'or11ison mentale.
paroisses par leurs anciens maîtres. L'aboliti~n do 2° La liturgie. - Le renouvean de la liturgie on j

l'esclavage provoqua donc une chute spectaculaire de Jsul'ope a atteint les États-lJnis grâce uux bénédictins 1
la vie chrétienne chez les noirs catholiques, déjà peu qui publient depuis 1925 la revue mensuelle Orate
nornbreux. La situation ne put s'améliorer, fauLe de Praires (abbaye Saint-Jean, Collegeville, Minnesota), J'
prêtres : le sud no donnait pas de vocaUons, le notd réintituléo Worship en 1951. L'intérêt pour le renou-
n'en avait pas assez pour lui-mêrne. Alors que l'éman- veau liturgique se généralise dans les paroisses et suscite J
cipation donnait enfin libre accès aux missionnairel! nn particulier une participation plus ectivo des ildèlCII 1
j
catholiques, il est clair que l'elTort entrep1•is auprès it la liturgie et le sens de l'année liturgique.

dea· noirs fut très insuffisant, 1nalgr6 les appels du 8° Lcs 11eMvaines. - Ces neuvaines semblent être 1
deuxième concile plénier de J3altilnore (cf Collectio une forme de piété plus répàndue aux '.États-Unis 1
la.con.sis, t. 3, col. 529-531 ). Le tl'oisièmo concile plénier qu'en Europe, et en cc sons au moins elles sont typiques
déc1•éta une collecte annuelle pour les missions noires, de ta vio chrétienne atnéricainc.
et institua une corr111lission permanente polir les rnis- Leur pratique est trôs varinbl8 : soîl neuf jours do suite,
sions auprôs des peuples do couleur (1884). Entre- :;oit un jour fixo pondant neuf semaines; on certaîn~i; églises,
ten1ps un eJTort pour l'évang~lisation des '!1illions ~e ,ixiste1Jt dês niluva.ines perpétuollos (un jour fixa pàr an). Les
noirs américains ôtait entrepris par l'oratorien anglais" neuvain!ls les plus importantes sont celles du Sacré•Cœur, de '
Herbert Vaughan (1832-1901), futur cardinal de West- 1'1'Jnfant-J6sus de Pr11gue, do la. Médo.ille miraculeuse, de s11int
.ludo, sainte Annê, saint Fl'nnçois-Xavior; cette dernlèro
minster, qui, au cours d'un voyage aux Ëtats-Unis,
rassemble dos foules t1·/Js nombr8uses. Le centre de ces ncuvni•
comprit l'urgence et l'importance du problème. Il ncs est souvent un lieu de pèlerinago, une imoge vénérée, uue •
fonda en Angleterre la société missionnau·e Saint- 1·oliqué de saint. La t;\\lébration do la neuvaine coniporte habi-
Joseph de Mill-Hill qui destine ses prêtl'es au service 1.nêllomcnt prédîca.tion, chants et prières, bénédiction du
doo catholiques de couleur et dont quatre membres Huint-Sncrement, voire des paraliturgies. L'attrait qu'8xercont
partirent pour l'Amérique (18?1). En 1892, ces 1nis• 1:os neuvaines a pa.rfois suscité des critiques, mnis cette formo
$Îonnaires anglais fondèrent uo institut exclusiverr1eut Llo ln piét.é populaire est désormais traditionnelle.
consacré à l'apostolat auprès des noirs américains, Il existo aussi, co1n1:ne partout dans l'Église, un grand
la Société de Saint-Joseph. A leur côté, quelques pères nombre d'associations dispensant une for1nation spiri-
du Saiot-J~sprit v~nref1L do France (1872). C'était tuelle (tiers-ordrês divers, congrégations mariales,
peu et tardif; aujourd'hui encore, l'évangélisation des légi0n de Marie, ligue du Sacré-Cœur dont la revue
noirs est une des tâches principales de l'Église aux États- 'l'he Mcsse11ger of the Sacred Ifeart, fondée en 1866,
Uuis. a près de aoo.ooo abonnés, ,1 Professional sodalitiea »
Voir J. T. Oill11rù, C<lli>1,recl C,ulwlics in tlic U11ited States, groupant les adultes selon leur métier, etc).
Baltimore 19"1 · The Negro A1ncrica11. A ./lllissio1t Jnvostigci• Contrairernent 8.lt pAtit 1101nbre des ouvrages parus
' ' .
tio11, '•• éd., Cincinnati, 19'18. <luran.t le 19e siècle, il existe de nos jours une litt6rature
spirituelle assez abondante. Signalons deux revues
7. Conclusion. - Le début du 20° sièele voit spirituelles : Cro,gs and Cro1f1n, publiée à Saini-Lo11is
s'achever la pé1·iodo d'implantation, d'unification et. par les do1ninicains (19(t0) et Spiritual Life par les
d'organisation de l'Église aux :f.:tat~-~nis. li .est ~rop c:ar111es déchaux (Mihvaukee, 1 955).
tôt. onco1•e pour parler ()A r,ouran ts sp1r1tuels qu1 sera1nnt Dans les deux dernières décades se sont rnaniCestés
r nés dans le pays, ou de formes de piél,6 et de dévotions enfin un mouvernent fa,1nilial et un fort cotu•ant vers la
spécifiquornen t arnéricaines. Mais oî1 peu t déceler des vie conte1nplative. Le mouve1nent !arrlilial, animé
traits typiques de la vie chretienno. par des équipes de foyers, tend à 1niel1x connaître et
Pendant plvs d'un siècle, l'effort principal a été de réaliser l'idéol chrétien de la. vie conjugale eL familiale,
ro.sse,nbler les n<lèles d8ns les pa.roisses et de leur donner ,it à rnettre en honneur la prière et la litu1·gie dans la
urie vie sacra,nen taire réelle. Les paroisses appal'ais- l'a mille. Mais surtout, et cola est un pl'1éno1nène nouveau
sent do nos jours comrne los vrais centres de Ja vie aux ÉLat.5-Ünis, la vie conteinplative exerce depuis la
chrétienne; elles constitue!\ t des co1nmunautés très nn de la deuxièn1e guerre rnondlale un attrait que ira-
vivantes, qui anirnent noinbre d'.,ctivités a~osto!i~ues, duit l'afflux des vocations, on particulier vers la vie
enseignantes, charitables et culturelles. La vu:1 rehg,euse cistercienne; il y a aujourd'lnli douze trappes groupant
américaine est n1nrqu6{1 on outre par trois mouve1nents plus de ,nille moines. En 1951, la première chartreuse
hnportants : les retraites, la liturgie ot les neuvaines. :;'ouvre dans le Vermont, et les ca,naldules fond-ont une
10 Les retraites. - A partir de 1910, le mouve,nent co1n1nunanté en Californie (1958).
dœ retraites fermées fut lancé par le jésuite Terence Le triple essor d'une littérature spirituelle, de la
J. Shealy (1.868-1922) . .li s'est étendu dans tout le pays fol'n1ation chrétienne del! laïques (associations, êquipèS
qui compte actuellement plus de 150 maisons de de foyers) et de la vie contemplative sont la preuve
retraites; on estime à plusieurs centaines de milliers quo l']!]glise aux Jttats-Unis est entrée dans sà n1alurit6.
i44 1445 lt. fA'fS-UNIS
. - JtTHELWOLD 1446
lle- i) Sources. - Collectio la.censis, t. 3 Acta et clcércta sacror!ln1 de l':Évangile, de l'ensemble de la doct1•ine chrétienne
iets C!lnçilÎQru1n quaè ab opiscopis A111ericllll sep1e11trio11<1lis .. , cela· et des vertus qu'elle impliqiie.
ont brata sunt, Fribourg,en-Brlsgau, 1875. - R. Guilday, Tltt 11a1io•
nal Pastorals of IJM am<:rican Hierarchy. 1792-1919, 2 VQI., Messager du Cœur de Jé8u1t, t. 58, Toulouse, 1890, p. 663-
les 6f>6. -So1nmc1•vogol, t. a, col. t,74-4.76; t, 9, col. 801-302. -
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11011 New-York, depuis 1882. ÉTHELWOLD (saint), évêque de Winchester
rux 2) Travaux d'e118emble. - ,T, O. Shea, History of tlie catlwlic eL bénédictin, vers 909-98(1. - E thehvold naquit à
Church in t11~ United Suacs, 4 vol., Ne,v-York, 1.886-1892. - vVinchestor dans Je royaurne d':f:douard l'ancien, à
en Mrr Henry Oabriels, évêque d'Ogdensburg, Le 1iatlwlicismc pou pl'èS à. la 1nêrne époque que saint Dunstan, vers
,1ns aux l11a11J-l]nis ,Jurant le JO• siècle, dans Le Çorri:SpQndat1t, 909. Il passa quolquos années de sa jeunesse à la cour
•ate t, 205, 1001, p. 8-8?. - J, Dllhoh 1Jegi11ni11i;s of the catllolic royale, où il r•encontra Dunstan, avec qui il allait Jon-
Ohurch in the Uni~d States, Washington, 1922. - J. li. Code, g11oment collaborer à la réfor1no de la vie religieuse;
(a), Dic1lor1ary of the a111erican HicrarcltiJ, Now-York, 1040; 7'he
l>U·
ils furent tonsur6s ensemble par l'évêque Aelfheah de
contribution of Europe to holines~ ù1 Arr,crica, dans M iscellanea. vVinchestor, en 935 ou aux environs de 935. Aolfheah,
~ite historica,., Alberti De Meyer, t. 2, Louvain-Bruxelles, 19!t6,
Iles p, 121?-1236. - Th. llfaynard, Tlle StnnJ of a111t:rican C<.Ulloli- cr11nme Dunstan et Éthelwold, était moine sans 1nonas-
cism, New-York, 1941; trad. françaiso, Pàris, 191,8. - J. '{'. Ellis, tère. Déjà sous le règne d'Aothelstan, on connaissait,
American Catholiois1r1, Chicago, 1956, donne une bonne biblio- à la cour, quoique chose du 1nouve1nent de r6for1ne
1tre
lnis graplùe, - Co1ts11fter The C!ltholic Encyclopctlia, 15 vol. et monastique fr•anc, et plusieurs hommes d '.I!:glise,
suppléments, Now-York, 1907-1922; une nouvello édition pnr1ni les plus respectables, avaient été gagnés à cette
ues a été com1noncéil on 1936. - The Eneyclopetlia ameri.cana, idée. Les rois anglais, cependant, furent lents à se laisser
80 vol., New-York et Chicago, 1922. convaincre. Ce n'est qu'aux environs de 9110 qu'Edmond,
1ito, 8) 11tudcs parliculidres. -Svr l'école catholique: J . A. Durns, qui venait d'échapper miraculeusement à la mort,
sos, Tha Growtl1 at1d· Dcvelopn1cnt of tlle catholic sd10,il Systc,11 iri t.hc choisit Dunstan com,ne abbé du monastère royal de
Les United States, New-York, 1912. - Sur los paroisses nutionalca:
, de Glastonbury. Éthehvold accompagna l'abbé. Dunstan
V. J, Fcelulr, A Study Qj the Movcnicnt for ger111a11 nati()nal · ne pouvait r6former l'abbaye conHne il l'elit fallu;
\ÎJ)t
ParishcB in Philadelphia 1111d Baltimore, coll, Al'lélêèla gregQ- n11i;.~i, en 95{1, Éthehvold désirait-il se rendre sur le
ière riaoa ?7, Ronio, 1955. -S\\r loA concilcg: P. Oullday, A 1/istory
val- pf ~ Ctlunc:ils of .Dalti,nore (1791-1884), Ne,v•York, 1932. c,,ntinent pour chercher cc uno discipline monastique
une - Sur divers ordres religieux : C, G. Herberrnann, The Sulpi• plus parfaite "· $ans doute songeait-il à Fleury-sur-
Ù>Î- clan, i11. the United St/lies, No,v-York, 1916. - 'f. Hughes, Loiro, car• il y en verra plus tard ·un do ses moines
du Biswry of 1lie Society of Jesus i!I Nort/1 Americci, 4 vol., Londres, co,npléter sa forrnation. Dunstan persuada le roi Eadred
:ont 190?•1917, - J, J, Walsh, A11ieriî:a11 Jcsuits, New-York, 1034. dü garder :f:thelwold en Angleter1·e et de lui ofTrit• los
imo - D. 'l'. Mc Colgan, A Ccntllry of Charity : 1,'hc flrst Olle lu,ndrcd tnrres du 1nona,sLèl'e abandonné et obscur d'Abingdon,
years of thd Society of St Vincent de l'aul .. , 2 vol., 1'1ilwaukeo, oi1 il pour1·ait établir une communauté selon s~n cœur.
tnd 11151.
• •
Sous le gouvernement d'Ëthelwold, Abingdon devint
11'1• f&) Situ4'io11 actuelle, - G. Woigel, Ji'tûth a11il Uridc:rSta.ntlin,: uno des plus grandes abbayes du royaume. Entre cette
les, in Americ1;1, New-Yol'k, 1959. - L. H.. 'l'Vard, Cath.olic Lifc sorte de résurrection et le départ d'.11.:thelwold pour le
,ue USA, Conte.m.porary L<iy Moven1ents, St. Louis, 1959. si~ge de \1/inchcster on 963, le saint rnodela une géné-
66, Gustave 'vVErGEL. ra Lion do 1noines capables de réfortner par lou1' enseigne-
:s » 1Y1erlt et leur exernple d'autres monastères en décadence.
Peu 11près la nomination d'Éthelwold à l'abbatiat, Eadred
rus ETCHEVERRY (J usT1N), jésuite, 1815-'1890. - 'Né 1no11r11t; l'un aprôa l'nu tre, ses neveux, Eadwig et Edgar,
ure à Sames (Basses-Pyrénées) le 5 avril 1815, Jus Lin Ti:tche- lui succ6dùront, Eadwig J)rit en averaiQn Dunstan, qu'il exilu
ues verry avait déjà enseîgn6 la rhétotique au petit sémi• à Saint-Picr,·o do Gand; il se,nhlé avoir 011 égard à ÉU1olwol<l
,uis oaire, quand, p1'être du diocèse de Bayonne, il entra el lui confia l'éducation de son jeune frèro. Doux 11n11 plus tard,
.les dans la compagnie de Jésus le 10 juillet 1850. Envoyé Eadwig s'aliéna l'esprit de ROS sujets on no sait trop pourquoi
ot l'An.glotorro du nord do 111 'l'arnise cl1oisit Edgru• couürHi roi,
cinq ans plus tard à la J.léunion, puis· ('.1875) à l'île q1,i, à la 1nort d'Eadwig Cl!\ 050, devint roi de tout le pays.
1tés 1/Iaurice, il est sueceflsivernent professeur d 'humanitos Av ec lui, les rnoines accédaient au pouvoir. DunRtan fut no1nr11é
1 la et de rhétorique, recteur du collègo Sainte-1\ofarie de 11r1>hevêque de Cantorbéry, son protégé, Oswald, nouveJJe1nonL
mé Beaumont, sup6rieur de la 1nission et, eo rnêrne temps, nr,:ivé do l<'leury, évôr1tio de \.Y9rcester ot Élholwold évèquo
et directQu1• trè1;1 apprécié du clergé, Il n1our11t à. Port- de Winchester.
lle, Louis (Maurice) lo a octobre 1890. << Prédicateur d'une 11:dgar favori~é la r<lforrno monastique, Son 1nailré, Elthel-
1 la haute distinct.ion », écrivait L' Unir>ers (6 octobro 1890), \Vold, devenu son ))rincipal corl!rniller, le persuada d'cnlrer en
poète à soa heures (voir le Jl!lcssagcr dtt Cœur de Jésus co ,11pagne contre les clercs ,narlés el bénéficiera, qui occupai<ln t
lt\U
hl 111ajel1re partie ries ter1·es de l'Église d'Angleterre. 'Une sorte
: la à }>artir de 1862), musiciAn mê1ne (on lui doit un recueil de docret générlll, revendiquant terres ol roveuus pour les
:l'a·- de cantiques, la Lyre angélique, Paris, 1851), il composa 111oi110s, fut prontulgué au concile tenu à Pâques 964, prob;ible•

vie ontre autres ouvrages spirituels : Les niystère,ç et les munt à Winchester. L'expansion du monachisme b6nodictin
~nt trésors de la r>ie cachée (Paris, 1803), La dér>otion ait ne rut J>a.s li1nitéo auno,nbrc do ruonastères occupés ,par llls
use Cœur de J ésu.9, ,,on histoire, sa doctrine et sa pratiqrui n1oine3. JÎlthelwolcl remplaça les clercs tnariés du chapHro
1ne (Paria, 1879, avec un chapitre sur la dévotion au Cœur di: la <l1.1thédr11lll da Winchester par de.s n1olncs d'Abingdon.
de Marie), surtout des Méditation,9 pour tous les jours E11 doui.o 1nois, il rutornta la second gr11nd mona.stèrc de Wi11-
et toutc.9 les fêtes de l'année (Paris, 1877, 4 vol. avec une cllùslc1-, New l'ilinster, puis Cherisey ot l\1ilton. A la fin do sa
la vie', il en avait rétornté un bon nonibre, notamment Peterbo-
pes introduction sur l'oraison; 2° éd., revue, 1882), qui rough, 'l'horney, Ely, Crowland et Saint-Alban. }'.:11 réalité,
lVC offrent, pour le din1anche, d'uLiles réflexions sur l'évan- les plus gr1,1nds 1nouastères anglllis médiévaux 1·e1nonte11 t au
ité. gilo du jour et, pour la sernaine, un rappel, à la lun1ière rùgno d'Edèar et à la r'étorrne d'l<ithelwold.
1447 ÉTHELWOLD - ÉTHÉRIE i448
Éthelwold dut assurer los moyens de subsistance de E'thelwold, dans The R11glish rlistorical 1le~iew, t. 6?, 19~2, C
ses moines. Grâco à la faveur l'Oyale, il obliint une série p. ::181-891; D. Whitijlock, loco cil. , p. 881 svv. - Vita samli C
Oswaldi, anonyme, éd. J. Raine, dans coll. Rerum brit11nnl•
sans précédent de concessions de terres et de libertés, c11rum.. , The Historians of the Cllurch of York, t. 1, Londres,
dont l'histoire n'a pas enco1·e été totalement élucidée. 1tt?9, p. 399.1,75, - JJiblictÎleca hagiographiaa latina, t. i, 1
Beaucoup plus qu'hornme d'affaires, il était à la tête )3ruxelles, 1898-1899, p. 898·899.
du renouveau intr.llcctuel, qui constit.uait une des pièces JJ:tudes. F. M. Stenton, Early HistlJNJ of tho Abbey of Abins•
rnaîtressos de la réfor1nc. La Regularis côncordia, don, Oxford, 1918. - H, W . Keim, AethelwoLd t'11d die M/Jnchl•
interprétation de la Règle de saint. Benott, et cotnme rc/orm ir~ E!'lglandJ.. dans "41il!lia, t. 89, 1917, p. 405.1,1,s. -
son complé,nent., établie en Angletetre vers 970, est à Il. DrUgere1t, da1is Areh,v far fJrla1n<lcnforschttnt5, t. 13,
peu pl'ès certaine1nent son œuvre. Une tradition du 1!135, p. r,16 svv. - O. Marsot, art. Éthclw1Jl4, dans Catlwli·
monaatèrA <l'Ely, sans doute exacte, lui attribue une ci,,,ne, t. 4, 195!., col. 561,-565. - E. S. Duckett, St. DuMtan
·trQ.duction anglaise de la Règle. 11 est admis désormais ()j Ca11terbury, Londres, 1955; compto rendu do É. John,
daus Downsiclc Rcc•iew, t. 71,, 1956, p. 172•176. - É. John,
que l'important récit, bien qu'incomplet, fait en anglais, St. Oswalcl <trld· the '1'011th•Century /leformation , dans Journal
de la fondation des monastères, qu'on trouve dans le of Ecclcsias/ical Jlistor·y, t. 9, 1958, p. 159 svv; The Kinq and
mê1ne 1nanuscl'it que la traduction p•rénédentr., est t.l,.r, ~'(()11ks in the Tenth•C~11tury Refor1n<1tior1, dan1;1 bullclin o/
aussi de lui. Une soigneuse recherche des chartes des the John Rylands J,ibr(1ry, t.112, 1959, p. 61·87. - J. Warrilow,
• dixiè1.na et onzièrne siècles, en dehors des ordo11na1\ces, art. S. DUNSTAN, DS, t. a, col. 1818-182t.
révélerait d'importants développements de la diplo• Eric JORft.
1natique ,,11g\aise i\ Winchester sous TIJ thelwold. En
raison do sa position à la cour, il est probable qu'il ÉTHÉRIE (Éo,:n1E}, fin 4e ou début :,e siècle. -
eut une ce1•taine influence, - à moins qu'il ne les rédi· 1. Texte. - 2. Doctrù1e.
goa - , sur des codes de lois d'Edgar. ll peut aussi
avoir 1nis la n1ain à un cert.ain nombre de diplô1nes de 1. Texte - Le texte de l'ltirierariunt d'fJthérie,
lu cha11cellerie royttle. Son influence li t.térairo rut plus cùnservé par un seul 1nanuscrit, (lriginaire du Mont•
grande que celle de ses écrits et n'est pas encol'e ploine- Cassin, qui fut découvert à Arezzo en 1881, par J.·F.
rnent .connue. Il fut le n1aîtro d'J\elfric, la plus grando (lan1ur1·ini, soulève bien des questions encore non
figure du renouveau littéraire et intellectuel, · ce qui.' 1'c'1solues. Il a été 1•édigé, au cours d'un pèlerinage aux
Vêu.t dire que l'ho1.nélist.e Wulfstan fal t aussi partie lieux saints, par une pieuse femme, à l'intention de ses
de son cercle d'influence. o sœurs » d'un lointain monasLèr.o, probable1nenl: espa•
L'action réformatrice d'Éthelwold s'est trouvée gnol. L'auteur, d'abord désigné par Oamurrini du nom
éclipsée pal' le grand intérêt porté à Dunstan, dont de Silvia, a été idenHflé en 1908 par M. Férotin av.ec
Ja position dans le rnouvoment de la réforme a été mal une vietgo espagnole, intrépide voyageuse, dont un
co,nprise. Des trois moines•évêques du règne d'Edga1•, 1noine de Galice, Valerius (7° siècle), a laissé un éloge
Dunstan esL celui qui a l'expérience la plus courte de la c,,thousiastc. Entre les divors noms proposés par une
vie monastique. A pal'I; les quelques n1ois passés à tradition manuscrite incertaine, 11{. Férotin avait
Gand, il ne connut cette vie qu'à Glastonbury, encoi•e <:hoisi.celui de A11th11ria. Depuis les al'ticles de A. Lam•
était-elle en1b1•yonnairc, et il fu L Je conseiller d'un be1•t, qui reprenait, avec preuves nouvelli>,r; à l'tippui,
législateur malade,. l~adrerl. Il appartient à la catégorie une I1ypolhèse plus ancien1le, on tend plutôt aujour-
des hom,nes d'~ghse devenus grands homn1es d'Etat, d'hui à adopter la forn1e Egerüi. lÎ:gérie serait, d'a1>rès
saint Oda de Cant,ol'héry et sail\t ,t\elfheah de Winches- ;\, Lan1bert, la sœur de la Galla dont parle saint .Jérôme
tel', qui préparèrent les voies aux moines expérimentés, (Ep. '133, 4, 3). .
Éthehvold et ()sv,ald, les 1'éalisateurs du renouveau. La date qe l'ouvrage n'a pas soulevé 1noins de cliscus•
Quand Dunslan n1011rut. en 988, la Chronique linglo- f,ions. Los dates cou)rnunéinent admises se situent tOU·
saxonrui mentionne la 1nort de « l'archevêque ». Lorsque tefois autour rie l'an t100 : 3Y3-396 pour G. Morin; vers
rneurt Ét.hohvold en 98<i, deux recensions de 1nonastères 1,15 pour A. Lal'nbert; date précisée par E. Dekkcrs
qui n'étaient pas associés à sa l'éformo signalent la 1noi't (le séjour à Jérusalem serait. de 417). Nous avons donc
du « père des moines "· Il ne pouvait avoir meilleure là un document datant de la fin du 4~ ou du début <lu
épitaphe ni plus rnériLée. La fête de ~aint Éthelwold !>•' siècle.
est célébrée le 1 '" aoô. t. . M. _F6rotln, J,c véri!-,a(tte ,auter,r de la • Pcrcgrinat~o Sili'.i-ae ~·
ŒuPrcs. Sur la lleg11laris cof!êOrdia, voir DS, t. a,col. 1819· La vwrgc csp(1g111Jfo J~thérr,a, dans Revue des questions l118tor1•
1821. Cf Orein-Wülkcr, Dit! <Ul(Jclsüal111isc}wn Prosabc<~rb1?itu11g1?1l qri.cs, t. 14, 1903, p. 367-397. - O. Morin, U11 passage ~nic111a•
der l.8e.1Mdiktinerrcgcl, t. 1, Harriliou1·g, 1885, p. v svv; t. 2, tü11ic d<? fl(lÎIII Jét•d11w cof!trc la pèleri11e espagriolc E11clwria,
1888, p. x111 svv, - M. ~1anitius, Geschich.1.c der lo.teù1isclien dans R<?l'tie bénédictine, l. 80, 1913, p. 171,-186. - A. L!imbcrt,
Literatur des Miucl11lters, t. 2, Munich, 1923, p. G75-676 . - ./,gcria.. Notes critiqrws Sttr la tradition àe son nom. et celle de
Relation on Iang\l(l vnl{l'airo de l'Establis/1111e11t of Monas• l'.l1.il1erariiun, dans Rcc,ue. Mabillon, t. 26, 1936, p. 71·91•;
tcri.cs, éd. tians coll. Roru1n britannî<:11.ru,n. 1ncdii acvi scrip• l~géria, sœttr de Gctlla, t. 27, 1937, p. 1. 1,2; L'l1il1erarium Ege•
tores, O. Cockayno, Lecchtlom.s, Wortc1inning and Starcraft, riae vers tS14-rt16, t. 28, 1!)38, p. 1,9-69. - ID. l)ekkers, De daum1
t, 3, Lon<lrss, 1866, p . 1,32.~1,1,, uf. dans D. Whitelock, /Jnglish der pcrcgrinatio Jleerr'.ae en Ilet Fccst van Ons llccr Hevacl·
H isu,rical Doc1uncnt...,, t. 1, Londres, 1955, n, 288. - Sur Jo c•aart, dans Sacris er11diri, l. 1, 19!.8, p. 181-205. - A. Vaccari,
;< lti,1eraril1111 Egeriaa •, dans S critti di erudizione c ,li filologia,
Bé11ddiction11airc dît: <lH saint Êthclwold, voir J, DnudoL,
DACL, t. 2, 1910, col. 785-73~. 1., 2, Ro,no, 1958, p. 259-269 (= Biblica, t. 24, 191,3, p : 388·
:l97).
Biogrr,r;hies. Aclfl'Ïc, Viu: tancti Aetlielwoldi, éd. J. Stever1•
son, dans coll. Rerum britannicntulll.. , ChrQ11icon 111onas1.erii Le texte, d'ailleurs rnutilé, se <li vise en deux par•
de Abingdon, t. 2, Londrès, 185!!, p. 255-266. - Wulfstnn, t.ies : la prernièt'e (ch. 1 ·23) est propremen L ,1n récit de
'/lita sa1JCti Acthelwoldi, A.8, aoüt, t. 1, p . 88·98, et PL 187, voyage : pèlerinages au Sinaï (le début 1nanque) avec
81-10!.. La parenté da ces deux vieg est discuU:o; et J. Arniitage
Robinson, The Life and Times of St. D1tnsta.n, Londres, 1923, retour à Jérusalem par la terre de (lossr.n; au mont
p. 168 svv; D. Y. J. FlRher, 'l'ho Early Biographers of St. Nébo; en terre d'Ausitîs, pays de Job; en MésopotamiQ
1.449 ÉTI-IÉl\JE 1450
S2,
icti Qt retour à Constantinople par Tarse, Séleucie, Chalcé- t~st à peine ressentie, tant est vive la joie quo procure
ni• doine. La seconde partie (ch. 21,. 49) est une description ltt satisfaction du désir (3, 2; 18, 1). Cotte re1narque
es, (incomplète ello aussi) do la liturgie à Jérusalem : évoque le ù1 eo quod amatur aut ho,i labora_tur au.t et
1, samoJne liturgique, année li LUl'gique. z,.,.bor aniatur de saint Augustin (De bono c,idu,itatis
De ce texte extrên1e1nent riche, surtout au poln t 2'1, 26, PL 1,0, t,t,Sh).
de vue archéologique, liturgique et même philologique,
on peut dégager quelques données, sinon d'une doc- Ouvotions. - Il s'agit essentiellen1ent de la dévo-
.2°
-
,a, trine spirituelle, du rnoins d'une spiritualité vécue :
to la spiritualité du " pèle1'i.nage »; 2° les dévotions;
tion ad loca sancta, lieux qui peuvent être répa1·tis en
trûis groupes : toux qui rappellent les u1ystères do la
•li· 80'la vie 1nonastique. vie du Christ, en pat·ticulier sa passion; ceux ll.Uxquels
:a n s'attache Je souvenir des hommes et des événements
m, 2, Doctrine. - 1° Spiritualité du « pèlerinage "·
de l'ancien Testament; los rnernoriae des saints chrétiens,
lil, -: 1) Ce qui meut notl'e voyageuse, cornme tous les presque tous 1nal'ty1·s.
1al pèlerins, c'est avant tout l e désir de voir les lieux
:n d consacrés pat' quelque grand sou venir• rEJJigieux , dés ir ·1) Lt; Christ. -
C'est dans la seconde partie du texte
of fréquemment e.x.prirné. Curiosité htunaine ou désir (,tescripUon de la liturgie do ,Jél'usale,n) qu'apparaît
>W, !:t dévotion aux mystè1•es de la vie du Christ, princi•
spirituel? L'évêque d'Édesse rend à J;lthério ce témoi-
gnage quo c'est par pi6té (19, 5 : gratia religionis) paiement la passion; la · r ésurrection et l'ascension.
qu'elle s'est in1 posé de si grandes fatigues. Elle c1·oit 11 s'agit donc d' une dévotion propre1nent liturgique,
obéir à une inspiration divine (cf la formule jubente Deo ruais où la piêté porsonnolle trouve à se manifester.
employée 7 fois, .où A. Lambert voudrait trouver « un Cette dôvotion est caractérisée par le désir de rcviv1·e
é1:ho des afll1'mations d'inspil'aLion perllonnelJe de avec le Christ, par la lecture des textes sacrés, parti-
Ptillcillien », loco cit., 1937, p. 80). Selon la recommanda- culièrement des évangiles, faite sur les lieux mêmes,
·1•e, lr:s événements que l'on commémore dans leur S\tccession
it• tion paulinienne (Éph. 5, 20; Col. 3, 1.7), elle fait tout
«au nom du Seigneur Jésus » (in no,nine Dei : 12, 11; liistorique. Ceci est surtout frappant dans la liturgie
-F. de la semaine pascale, dite " la gr·ande semttino ", oil
on 17, 1; 18, 2 et 3; in ,ioniinc Christi: 18, 1; 19, 2; 23, 10).
ux Sur l'esprit dans lequel on 011trElpro,1ait les pèlerinages a ux dopuis l'arrivée de Jêsus ù Béthanie,,, six jours avant la
1es p~miors siècles chr6Ucns, consullor Bornhnrd Kotting, Fere- · Pâque », jusqu'à son apparition a.ux apôLres, le soir de
,a- srinaiio religiosa. Wallfarhi un1l Pilgerwesen in Antilte u11d la résurrection, on suit, jour pa1· jour et heure par heure,
>m
A/lé~Kfrche, coll. Forschungen zur Volkskunde 88-85, :Muns• ln détail der; événe1nents. La dévotion au Christ dont
t~r; 1950, en particulier p. 287-312, qui donne de nombreuses tt'i,noigne notre texte ost donc orientée ve1's une évoca-
rec r6f~tences cntril ùutros à saiill Jérô,ne, 11p. '1G et ·1 08. tion très concrète, plus historique que théologique, des
un
ige 2) Son but essentiel est la prière. C'est pour prior n1ystè1'0S du Christ.t Les grands lieux de culte à ,T êru-
,ne (gratia orationis) qu'elle veut se l'endre au toinbeau s;rle,n sont les sanctuaires du mont dos Oliviers (Inibo-
de Job (13, 1), à celui de saint 'fhornas à Édesse (17, 1), 111.0111 Eleona, Gcthsé1t1a,1i), l'église de Sion, mais surtout
lit
m- à celui de saint Jean à Éphèse (23, 10) et en général l'ensemble dos constructions (Crux, Martyriurn, Anas-
dâns tous los Houx saints (1?, _1). liJlle prête la 1nê1ne t1,1sû,) élevées par Constantin sur l'emplacement de la
ui, ntort et de la résurrection du Christ. On se rend volon•
1r- intention a ux sainf.s 1noines qui ae rendent à Jérusalem
rès (13, 1.), aux pèlerins de ,Jérusalem qui ne manquent pas tiers en p1'ocession de l'un à l'autre et cette dévotion
d'aller jusq11' à Édesse (17, 2) . De fait, chacune des itinérante est peut-être uné prernière ébauche du chemin
me du croix (cf art. Cno1x (cheniin de), t. 2, col. 2577),
haltes des pèlerins est OHtrquée par la prière.
• C'était toujo1)rll notre habitude, el\ effet, toutes les fois La dévotion à la passion p1'end un cal'actère de corn-
~s-
>U- que nous pouvions attoin<lre dea lieux désirés, d'ubord d'y pas.<;ion douloureuse qui sera celui du rnoyen âge.
f11lre uno j)rioru, ensuilo do lire 111 lac:turo tirée du livre (c<1rle:t Elle s'exprime p!lr des cria ( rugitus e.t niugùus) et des lar,ncs :
ers • , la bible), do dire aussi un psau,no approprié à la circons-
Brs • A chaqu9 locture et il chnquo prit'!re, t.out le monde est dans
tance et de faire une seconde priè,•c • (1.0, 7). Cos prières (ora.- 1111tel étal ot pousso da tels g6111issemenls qu e c'es t extraor-
,ne ifonea) devaient vr11ise1nbl11biement rl~gager le sens spirituel din:üre; car il n'y a pe1•.~onne, grand ou petit, qui, ce jour-la;
du dé$ lectures biblîquos, <les tivénen,ants dont Je lien çommé- pondant cos trois heures (le vend1'edi saint, de ln 6• à la '.l•
moro lo sou venir. hm,re), ne se h1mente à 11n point incroyable que le Seigneur ail
s ~- , 8) L'action de grdces tient une grande place dans truitsoull8rl ()Our 11011s • (ll7, 7; cf 211, 10; :)t, ; 36, 9).
•ri- l'état d'âme d'Éthérie qui no cesso de prendre à son E lle s'étend aux. insl.ru,nen Ls de la passion : la colonne
11%• compte Je gratias ag1Jnte1t pro om.nibus de Éph. 5, 20 dn la flagellation devant laquelle on vient prier le matin
·la. (cf 5, 12; 10, 7; 16, 2 et 7; 19, 5; 21, 3; 23, 5, 8 et 9) ...
irt, du vendredi suint, et surtout. la croix dont Éthérie
Elle se considère en ctlet con1n10 6tant l'objet do grdcès dôcrit l'adoral,ion liturgique, l'après-rnidi du mêrne joui';
dit
94;
abonda.ni.as et non méritées : • Je sais bien que je dols toujours 011 s'incline, on baise le bois sacré, quo surveillent les
et en toutes choses rendre grâ.ces à Dieu; et, je ne veux 1>as
(jB• diacres depuis le jour où un fidèle, dans sa pieuse
parlor soulo,ncnt do tunL do ,::r11n<l11s griicus qn'il a daigné .me
um talro on 1nc pcr,nottanL, à moi qui suis indigne ot snna mérites, avidité, en a, d'un ooup de dent, détaché une parcelle
wl· (37, 2). L'évêque aOlrmc la foi des chrétiens dans la
do parcourir tous les lieux que Je no 1nérituls pas <le voir » (rt,
iri, 12;·cr 23, 5, 8 et 9). v. dcu1' salutaire du culte rendu au bois de la croix
r,ic,,
La grâce do Dieu lui a procuré le " vouloil' • et le • tairo • : (8G, 5 : ad salutc1n sibi u11usqui.squc nostrurn crcdcns
88- non solu111 11olu111at81n eu11di s11d et. facultlit/frn pr.rarr1bula111li qru1c profutururn).
desidorabam (2a, 8; cf Phil. 2, 13).
2) Les <
! saint.s "de l'a.11cic11 1'e.9tament. - Une seconde
ac- '1) La pénitence n'est pas Ancore, r.01nn1e elle le devien- d l':votion dont l.émpigna Él,hérie est celle qui a pour
de dra au moyen âge, un rriotif de pèlerinage, encore que ohjet les " saints » de l'ancien Testarnent, dévotion
rec soit souvent signalée la gral)de fatigue do ces 1nal'ches qui a le même cal'actère concret et localisé dans l'espaco.
>Dt et do ces voyages plus ou 1noins incomrnodes (1,iag11us, mn Égypte, à namess/Js, on 1nontro deux statues qui rcpré-

1110 1naxinius labor). Cette fatigue, si grande soit-elle, ijentent, dit-on, les saints ?.foïse et Aaron (8, 2). Notl'e voyageuse

\
14.51 ÉTHÉRIE
rolrouvo stu• son chemin les lraccs de saint llfoîse, on parli•
ouller aux deux aourc0s dont on lui attribua l'origine, près du
il parle sont essenUellement celles des innombrables
n1oines qu'Éthérie rencontre en ses voyages. Vie a(lon-

B

SinaY (5, 6) ot près du 1nont Nébo (10, 8 à 11 , 3). Dans l'église ,iùo à la prière el; à la pénitence, plus ou moins solitaire, -
du mont Nébo, elle vénère, sinon son to,nboau (le texte nst eL qui ne ê01Ùporte, en fait de conversations, que des
obscur), du 1noins le souvHnir do s11 1nort et de son enRevelis• ont1•etiens graves et pieux (2-0, 13),
se,nent par les anges (12, 1-:i).
Sur la routo qoi cc)nduit do Jérusaletn à Cll,J'néus, la ville do 1) Sur la prière 1n•ivée des moines et des vierges,
Job, elle vÀnèra, à 'l'hesb6, le tombeno de saint Jopht6 ot la !i:thorio no nous renseigne pas, ,nais elle nous apprend
grotte du saint prophète Élie (16, 'l); puis, dans la vallée du qu'ils f)rennent tu1e pa1·t importante à la prière publique,
Corrll, lo lieu où .lo prophète recevait sa nourriture d'un corbeau sur!out à Jérusalern ou aux. environs (Betlùéem,
et buvait l'oau du torrent (16, 2-3). Au ton1boau de Job 011 r
allo arrive ensuite, una église, inachcvéo, contient un autol D6UJanie), où est signalée leur participation active aux l
sous lequel repoRe le (:orpi; avec la pierre qui la raçouvro, offices litu,•giques (211, 1-2; 25, 2, 7 et 12; 29, 4), <
gravée à son nom (1G, 5-G). :.!) Quant à la pénitence, la seule pratique sur laque).le l
En Mésopotamie, t)ouril lo cullo do la famille d' Abr11hn1n : notre texte donne des indications est le jeûne, tel que
à Cnrrhes, 11no église est construite snr l'er11placo1nent de la Ir: pratiquaient les aputactitae (hommes et femmes)
maison da suint Abrahan1 (20, 8); on ,nontro lo puits où sainte df;J la région de Jérusalem.
• R.eboooa venait puiser da l'eau (20, 4); à six milles da là, c'esl l
lo puits où saint Jacob avait 1non6 boire les troupeaux de sainte Pondant le carême, les phis intrépides font des semaines
Rachel (21, 1 ). entières de ja(lna (on les nomn1e cbclomadarii), c'est-à-dire
MelchÎI!édech a lui aussi son culte et, tout• p11ïon • qu'il est, qu'après lo repas qui suit la 1ncsse du dimanche, ila ne mQJJ•
eat gratifié do 1'6pithète sanctus, A Sédirna (Salc,n), une église gont plus jusqu'au sa1ncdi matin après la 111esso (27, 9 ot 28,
est construite en son honne11r (13, 3 à 1'•• 8). 1-2). D'autres partagent ln semaine en deux; d'autres font des
A ces cultes on peut rattacher celui du dernier des prophètes, jc,Ones de deux jours; en On certains mangent une fois par jo11r,
saint Joan-Baptiste, localis6 à Aonon, prés de Salem. On y l(• soir. En dehors même du çarâr11e, l'unique repas journ$lier
montrait le bas.~in 011 Jenn bapllsait, et on y baptisait an<:ore, est la règle pour to11s (28, 3). Co rapas est composé, du lilQlns
au temps de Pâques, los nouveaux chrétiens de la région en carême, seulement d'oau ot do bouillie de farine (28, ~).
(15, 1-6). 3) L'hospitalité, forme de charité, est la vertu que
La dévotion envers ces saints se traduit par les . n1et le plus en relief notre texte, qu'il s'agisse des moines
011 du clergé : prêtres et évêques, dont plusieurs d'àiJ.
constructions (ton1beaux, églises) qui perpétuent leur
souvenir et deviennent lieux de pèlerinage et de prière. leurs sont d'anciens moines, lllthérie reçoit, des moines
Il s'agit donc d'une formé de piété presque populaire aussi bien que des évêques, le meilleur accueil : on
qui témoigne, non seule1nent chez 11:thérie, mais chez viAnt à sa rencontre, les moines valides l'accompagnent
beaucoup do chrétiens de cette époque, d'une connais- dàns ses pieuses excursions et, lui servant de guidea,
sance familière de l'ancien Testament. rôpondent sans se•Iâaser à ses questions. Ils l'assoclén't
à leur prière et lui donnent au départ des eulogi8!1
8) Le8 apôtres et les martyrs. - C'est sans doute (:J, 1 i 5, 10-12; 8, 4-5; 11 i 20, 18; 21, 8).
à titre de n1artyrs quo les apôtres sont objet de <lévo-
t.ion: ainsi l'apôtte Jean a-t-il son nu1rtyrit,rn à JÎlphèse Lo .!ournal de voyage d'Éthérie, s'il n'apporte aucune
(23, 10) . 'Notre texte s'étend longue1nent sur le culte doctrine spirituelle proprement dite, est un témoi·
de l'apôtre saint 'l'homas à ~dosse, lié à la curieuse gnage vécu et, à ce titre, J>récieux, de la piété et de
lt~gende de la lettre envoyée par Jésus au roi Abgar l'intense vio religieuse dans le proche Orient autour
(17, 1-2; 19, 2-19). de l'année 400.
' 1. La dernière édition (1958) a élo !alto, sous le titre llîne·
Outre de no1nbre11x ,nartyria 11nonyn1cs, Éthérie signale parti• ra.rirtm. E'gcriM, par El. Francosohini et R. Weber, dans le
culièrement trois lioux do culte en l'honneur des martyrs. CQrpus cflristianoru,n, t. 175, p. 21-90. Elle co1nporte uno
C'est d'abord à Carrhcs, en Mésopotamie, le rr1artyriu1n du Bililiographia selecta qui indique l'essentiel des llditions, tra•

moine liclpidius (n1.1.rtyr inconnu), dont le corps repose clans
unè église constr1IÎte, disait-on, sur l'ê111plàce111ont do la 1na.ison dnc;tions ot éludes. Parmi le11 éditions antérieures, la pl\18
d'Abraham. A Sôleucio d'lsaurio est localisé le culte de sainte usuollo 6tait celle de P. Oeyer, C$EL 39, ltincra Hie,o,oly•
Thècle, lu• protornartyre • dont les Acte$ de P<,ul ont conservé la ,ni1anc1. sacculi 1v-v111, 1898, p. 85-101. Les autres éditions
légende (23, 1-5), et, à Chalcédoine, ceh1i de ljainte E11phé1nio, sont celles da .J.-F. Garnurrinl (Rome, 188? et 1888), J. Pomla•
martyrisée clnos cette ville dans les premières 11111100s du r.• l<nvsky (Saint-Pétersbourg, 1889), J. H. Bernard (Londres,
siècle (23, 7). 1891), El. A. Boehtol (Chicago, 1902), W. Her11eus (Holdolborg,
1 !!08; 6° éd. par O. Prini, 1960), lil. Franceschini (Pàdouc, 191,0).
Comme pour les saints de l'ancien Testament, la PL Suppl. 1, 104 7-1092 a repr0d11it lo tex Lo criliquo édité
par H. Pétré. Voir aussi C. Baro.ut, Bibliogra/ia egerian4,
dévotion aux martyrs se manifeste par des pèlerinages, da11s llispania S(lèra, t. 7, 195'•• p. 20l3-215. '
au cours desquels on vient au m,,,riyriunt pour y prier, •
évoquer par des lectures le souvenil' du saint. Moines 2. La soulo traduction française com~lète est ccllo de
li. Pétra, coll. Sources chrétiennes 21 : Ethurlll, Journal de
et vierges choisissent souvent ces lieux pour y établir 1•011ace, texle latin, introduction et lraducLion, Paris, 1948;
leur rnonas Lère. Il existe des traductions rueae (J. Po,nlalowsky, 1889), ita•
Ainsi la piété des chrétiens que nous fait connaitre lionne (Marinoni, 1890), anglaises (J.H. Bernard, 189t; M.L.Mc
Éthérie apparaît-elle comme contrée d'abord sur le Clure et C. 1,. Feltoe, 1919), grecque ( K. Koikoulides, 1908),
Christ, sous une forn1e essentiellement liturgique; ~llemandes (fi. R.itcher, 1919; J{, Dausend, 1933; K. Vretska,
puis sur les personnages bibliques, donc nourrie par 1:158), espagnoles (P. Galindo Romeo, 1924; 13. Avila, 1930).
l'l!lcrituro; enfin sur les premiers saints et martyrs , S. Ouvragos oxclusivement oonaacr4s à notre texte. F. Cabrol,
chrétiens, on vertu de traditions plus ou moins authen• J~'tiule s1u- la Pcrcgrinatit> SilPiae. Les lft;lises de Jlfrusalem, /(1
tiques, mais séduisantes pour l'iruagination populaire. discipline et la liturgie ait 1v• siècle, Paris, 1895. - A. Blu•
dau, Die Pilgcrreise tkr Aethcria, coll. Studlon zur Oeschlchte
3° Vie monastique. - L'idéal de la perfection chré- und l(ultur _dea Altertums 15, Paderborn, 1927 ; cr comptè
tienne s'identifie dans notre texte, com,ne il est naturel ron du de A. Baumstark, dans Oru:na chriatianus, t. 31, t 934, p.
à cette époque, avec la vie monastique : les vertus dont 116,122. - E. Lofstedt, Philologiltcher Komnuntar JIii' P~n•
,2 i463 ÉTI-IÉRIE - f:'fIIIOPIE 1454
18 1rinatio Aetlieriae. Unte.rsuchungcrl :iur Geschicht11 der lat11ini- Pitnti Ili vieta sitlla sw,-ia dcll' Etiopia, dans 'Alti .. , 1ll60,
l• 80Mri Sprache, Upsoh1, 1911; 3° éd. 1952 (étude philologique). p. :.-27. - U. llfonnorct do Villard, Pcr1;/w la Chiesa Abissina
a, - :W. van Oo1'do, L11œilron .'1el/1erirt111,1.1n, Amsterdan1, 1930. dipc11dc11a dal Patrh1rcat() <li A.lcssa11tlr1:a, dan~ Oriente Maderno,
V9ir aussi : M. Férolln et II. Leclercq, 11rt,. éthéric, DACL, t. l.'a, 191,s, p. 3os.311..
~ t. 5, 11122, 'col. 552-584. - H. Lcclcrcq, La lilurpie à ,férusa-
lcm, l. 7, 1927, col. 23 74-239 2 ; J,,c pclcri11ag11 d'E'tlulria, t . 11,, 2. Croyances et rnonophysisme éthiopien. -
1989, col. 92-110. - J. Ziegler, Die P1,rcgrinalio Acthcriae itnd 1° Croyances. - La pauvreté de$ docu1nonts ne perrnet
dicHl. Schrift, dans JJiblica, t. 12, 1981, p, 162-198. - D. Gorce, guùre de pt·éciser les croyances de l'Église éthiopienne.
ar~, Égérie, DI·IGE, t. 15, 11lG1, col. 1-5. Le:, livres de thé2logie sont NU'8S et souvent inédits;
Les nombreux nrlicfos publiés dans diver1,ea revues concer- les florilèges dogn1atiques pe1·rnettent. d'affirmer la
nent en général l'idontillcnlion do l'nuteur, la datatîon de reco,,oaissance des t.rois premiers conciles œcuméniques
l'ouvrage, l'établissement du , texte et quolqucs questions (Niûée en 325, Constantinople on 381 et J;Jphèse en 431),
de détail; ils !l'apportent à peu près aucuno cont1•lbulion à
l'étude do ln splrîtuàlité. à l'exclusion de celui de Chalcédoine (r..5:l) et des sui-
llélène PÉTRÉ, vau ls. Le symbole de Nicée est reçu, saur la clausule
du Jfilioque, postérieu1•e à la séparation des monophy-
sitûs d'avec Rome (cf L. Guerrie1•, Un texte éthiopien
ÉTHIOPIE. - I. L'Eglise éthiopù.111n8. - II. Litté- du synibok de 1Jaint Athanase, ROC, t. 20, 19'15-1917,
18 rl.lture roligiclJ.ilo éthiopienne.
p. 68-76, 133-1 li1; F.H. I-lâllok, The Ethiopie Version
è
I• L L'WLISE tTHIOPIENNE of the Mystagogia, dans Le Muséon, t. 53, 1940, p. 67-76).
1, Les éthiopiens considèrent la Bible, d'après le canon
t. Origine.- La conversion de l'lilthiopie au copte, commo la première autorité en matière de foi;
,
Il christianisme et la premlôre .constitution hiérarchique
ils 1•econnaissent, depuis la révision faite au 14<l siècle,
.. do l'J1lglise éthiopienne ont été l'œuvre de saint Fru•
tous les livres canoniques des deux Testaments, sauf

1.
mence, syrien de Tyr.
Selon 111 tradition c<:>n11ervée par Rutin, un bateau qui reve-
celui des Maccabées, mais ajoutent certains apocry-
phe1> : les Paralipon1èn811 de Baruch, l' Ascension d'Isaïe,
nait dos Indes fut attaqué le long du littoral éthiopien. Deux le livre d'Hé,ioch, le Livre des jubilés (Mashafa lcufale},
a jeunes syriens, Frumonco et Aedosius, cnpturés et offert.~
Il los d0,1x livres attribués à Esdras, correspondant l'un
comme 811clavos à la cour d'Axoum, réussirent à y acquérir
- une position privilégiée. Frumonco outra en relation avec des
marchands gréco-romo.ins chrétiens éto.blls dans le pays. Son
• à !'Apocalypse et l'autre' au premier livre d'Elsdras dans
les Septante, le Pasteur d'Her1nas. Pans l'interprétation
apostolat gaglla des éthiopiens et le Jeune roi Ézana. Quolquas de !' Écriture, les éthiopiens recourent de préférence awc
,années plus tard, Aadesius se retiro. à Ty1•, où Rulln lo rencontra Pères grecs, en particulier à saint Basile, à saint Gré•
(l'hîstorien est donc un t61noln direct), tandis que Frumence, goire de Nazianze, à saint Grégoire de Nysse, à saint
parti en .Égypte prèsentor la situation réligiouso de !'.Éthiopie, jean Chrysostome et à saint Cyrille d'Alexandrie.
élllit conijacré premier n1étropolllo d'Axouin par saint Atha-
nase, sans doute peu o.près l'élcclion (328) dà celui-ci su 20 Lo ,:noilophy•iamo ét.hiopten.~L'Église étl1iopîenne
patriarcat d'Alexàndrie. Une lettre écrite un pou avant 366 professe la doctrine monophysite. Elle se récla1ne de
par l'empereur CollSta~ce a11:x; princes d'Éthiopie demanda Dioi;co1•e et considère Nestorius comme un dangereux
• que Frumence, consacr(i par AthanWJe et donc anti-arion, hérétique. On ne peut indiquer avec précision la date
l soit renvoyé d'Éthiopie en In~yplo et qu'à ~a place on accepte du passage au monophysisme. Il est assoz vraisemblable
•' un évêque qui partagerait Ios syn1pathies ariennes de l'empe- quB ce tut à la suite de l'Église d'Alexandrie, dont elle
l'é\lr,
Lo fonda tour do 1'1!1glise d'Éthiopie est vénéré con11110 • Père était tributaire; la dilTusion du monophysisme a sans
• de la pnlx • ot • Révéla.tetn· de la lumièl'e •· doute 6té facilitée par l'arrivée d'un groupe de rpoin~s
J syJ'iens, obligés de q,1itt:er l'empire byzantin pour avou•
Ces débuts étaient de grando cons6quence : l'Église adhéré à la doctrine de la natu1•0 unique; arrivés en
'
• éthiopienne était rattachée hiérarchiquement à l'J;lgliso Éthiopie probablement au début du oe siècle, ils furent
1 d'Alexandrie et la succession apostolique par Frumence appelés << les neu! saints ».
ot Athanase assurée jusqu'à saint Marc, fondateur Selon la doctrine officiellem()nt reçue, il y eut dans le
reconnu de l'Église alexandrine. On a supposé que Christ<< unification " (tarflâl].edo) de la nature divine avec
Frumence, quoique sy1'ien, avait préféré demander 1ft nature humaine, qui ne sont plus reconnaissables
sa consécration à Alexandrie plutôt qu'à ,Antioche, dist.iocternent. Toutefois, la chair que le Verbe a revêtue
qui se montrait favorable aux thèsos arlanisaotes de était pleinement humaine et donc passible. Cette doc•
Constance. On a én1is a11ssi l'hypothèse de relations trine a été précisée pendant les discussions provoquées
qui auraient existé, avant Frurnence, entre les première.~ pa1, les 1nouvemenl.5 hél'étiques locaux ou par les autres
chrétientés gréco-romaines de la ·côte éthiopienne et Eglises chrétiennes de l'extérieur (le monophysisme
l'évêché de Coptos en haute Égypte : ce qui para1t sépare l'Église êthiopienne aussi bien de l'Église catho-
moins acceptable. liQLH:l que des Églises protestantes et des Églises grecques
Sources. - Rulln, HÏ$toriaecclesiaatica1, 9, PL 21, 478-480., et russes). L'argument principal invoqué par les mono-
aource unique des autres hlstol'lens chrétiens de l'époque ph.vsi tes éthiopiens a toujours été til'é de la vox de
ancienne. - S. Athnna8e, Apologia ad Consta111iu1n, PO 25, coelis qui au baptême et à la transfiguration déclara :
686-687. - Philoalorge, H iswria ccclesiastica a, 4-6, PO 65, J-1 ic est J,'ilius meus difoctus (Mt. 3, 17; 17, 5), « L'unité
r.81-r.s\J. - Cosma.s lndicopleustès, Topographia ch,-ietian.a, des deux apparut sur le '11 abor », selon un hy1nne éthio-
PO 88, 98-107; cf J. W. Mc Crîndle, Tho Christian Topography pien. D'autre part, l'argument majeur il l'encontre du
of Cosmas, an Egyptian Monk, Londres, 1897.
diphysisme est celui de la xévc.:icrLr; du Verbe incarné
É~des historiques. - I. Guidi, La Chiesa Abiesina, dana
OriBnte Maderno, t. 2, 1922-1923, p. 123-128, 186-190, 252-256.
(surtout Phil. 2, 7•8 et passages correspondants) :
- C. Conti Rossini, Storia d'$tiQiiia, Rome, 1928, p. 1',8-166. « l'avilissement 11 (,verdat) du semetipsu,n e:xinani'1it
- E. Corulli, La littérature étliiopir.nne dans l'histoire de la est. interprété cornrne une manifestation prodigieuse
cU,,w-o ,mdiévalc, dans Annuaire de l'J11a1i111t de philologùi et de la xcxpL<; de la nature unique à l'ôgard de l'humanité
d'hùtoirc orientales, t. 14, Bruxelles, 11)5',-11)57, p. 17-85; qun le Verbe devait sauver.
1455 ÉTHIOPJE 1456 i4l
L'l!}glise éthiopienne, qui diffère sur ce point de celle chair du Christ, comme au moment do 1'6piclllae, à .de
d'Alexandrie, accepta aussi le f.1•ad\1cianisme : l'âme l'invocation du célébrant, le Saint-Esprit« tl'anssubstan• rls1
indlviduell.e n'esL pas créée par Dieu au rnôment de la ti,~ ,, los espèces eucharistiques, Les « unionistes •, ;iu (6•
naissance, elle est héritée de l'âme des parents. Cette contraire, accusaient leurs adversaires d'arianisme car pN
doctrine est appliquée au Verbe, 1< qui a prîs son corps les << onctionistes » paraissaient ad1nettt·e que le Verbe tro
de la chah• tros pure do Notre Dan1e Matie et son âme no pouvait s'incarner sâns la coopération du Saint• ces
de l'Ame de Marie ,>. Le tr'f.tducianisme a pour base I•!:;prit et professaient que l'union du Vet•be et de la pb1
principale Cc,t. 2, 2 : si .Dcu..9 ruq1,1,iel'it <Lb 1.1.riiverso chair était l'œuvre du Verbe seul, - l'onction de l'ffisprit lin•
opcre q1,1,od pn.tra,·n.t, on ne peut supposer qu'il renouvelle restituait simplement son ,1 honneur • à la chair on elTa- eXI
un acte créaLeu1· à chaque naissance en créant ex nihilo Çil.nt, le péché originel héréditaire à l'instant oil le Verbe pN
une ârne. la revêtait. La deroièl'e fôr1nulatlon de cette doctrine uti
fut celle des " Couteaux ,1 au 18 8 siècle : elle afJlrmait pai
M. Jugie, art. il1011/lpliy.~i$1ne, DTC, t. tO, 1929, col. 2216·22!i1 ;
Église copte n1011opliysilfl, col. 2251-2306. - 1)). Cerulli, il <pie « le Vet•be ne 1•eçoit JHlS d'une autre Personne
Miiltcro della Tri11ita . 111a1111a./e di teologia d,?lta Chiesa etiopica CL\ qu'il a en lui-mèrne; il est l'OinL, celui qui oint et
tor
111or1Qf/.sita, OCP 12, 19',6, J), '•7-129; Scriui toologici. etiopici l'C)nction "·
dei secoli xvr-xvn, coll. Stu<li e 'festi 198 et .204, .2 vol., Cité
du VaLiè1111, 1058-J 060. Dt1ns lo prmnié!re moiliô du 19• siàclo, la polémique reprit rai
oul.ro partisans dos• doux naissances• oL dos• trois nuissance$ ,. vir
3. Hérésies et discussions théologiques. - On Pour les premiers, le Verbe était né du Père ab aetsrno ot do rai
n'a plus de documents sui• les doctl'ines de l'Église tion); Mnrie (à la Noël il y avait. 011 11nion deij deux natures par !'one,, tN!
les autres :.ijoutaient à la naissance ab aete.r11<> et à celle
éthiopienne des premiers siècles; mais au 148 siècle, do Noël (sans l'onction) une troisièuiO nalssRnce, lor~que la SQJ
on a identifié un groupe d'ouvrages inspirés d'idées cl1alr du ChrisL, on recevant !Qgrûco do l'onction du $alnt•E$prit, La
go os tiques (et probahlotnont néo-1nanichéennes), qui dùvonalL pri1nogo11itu.s 011i11is creatu.rae. CotLo docLrine dos trois diE
nous ont élé conservés. On peut citer la Vie dti sainte naissances, adoptoc surloul par• lès n1onasLùros de l'gthiopie tè1
Anne, le Livre des 1nystèrcs, le Roman chrétien d'.Alexa.n• niéridionalo et particulièren1ent par celui de Dabra LibAnos, es1
dre le Gra,ul (où Alexandre est Ill héros de la pul'eté), etc. fut acCU$éO de tendances diphysites, car elle semblait introdulN! At
'
Sur cotte littérature se gl'elTent les deux principales une cerl(lina distinction, très v11gue d'ailletirs, dans l'union tr~
hérésies qui ont agité l'l!}glise éthiopienne du 11J 6 au · Cornplète des deux natures. Sous Théodore 11 (1855-1868), pa
les adepLas dss Lrois naissances furènt sévèren,ent peM!écutés
168 siècle : celle des mikaélites et celle des stépl\anites. ot la doclrino flnolomont rûpudiéo, rriô1llli dans le sud aprè~ l'a
Les mikaélites pal'ten't de l'incognoscibilité de Dieu l'expédition do Jean 1v en 1878. ca·
(appuyée sur Jca11 1 1 18 [et 1 Jean 4, 12) : Deum ne,no tN
vidit unquam, et sur 1 Titn. 6, 16 : Dominus quem·nullus A. Dilhnann, Ueber die Regieru.ng, i,isbssondere die l{irchin• 00
ho1no vidit nec vidcre potest) poi1r am1•1ner qu'on ne peut ord111,ng des Konigs. Zar'a•Jacob, Berlin, 188ft, p. ft2-',7. '- ép
1{. Wendt, Das MU$1i"afa Bcrhrt11 und Ma,ihafa Milad, dans
s'approcher de cette connaissance suprême que par Orin11talia, t. 3, 1931,, p.19-39, 2611 svv. -C. Conti Ros.~ini,D1ui nu
degr6s et avec des maîtres en qui !'Esprit s'est répan- c(tpitoU tkl libro del il!/i$tero di Giorgio da Sagld, RSE, t. ?, rit
du. On reprochait aussi aux 1nikaélitos « la négation 1'J',8, p. 13-53, - E. Corulli, ll libro etiopico dei iW:iraooli ga
de la Cène sur lo Moot Sion ))' ce qui paraît une allusion di Jl,laria, Ro1no, 191,3, p. 94-121; Scritti teologici etiopici, wc11 m•
à doa doutes :;ur la transsubstantiation, mais nous cit., t, 1, p. VJl•X VI el 1•152; La littérature étliiopie11ne dan,
n'avons pas do document.s ce1•1.:ai ns sur ce poinl. l'histoire de la c1dturc médiévale, et Pu11ti di vista suUa storia
tl,dl' Etivpia, déjà cités. - IC Wendt, Die 1.hcologisch6n r81
Los sLéphaniLcs sonL • dos éî111en1is do Marie • et, do l11 nroix. A useilu111dcrsctz1u1gc11 i11 der iilhiopischci1 Kircltc zc" Zeii âar
Ils adoptent le sy1nbolc • Mal'iO - Pol'lo • : uvunt lü <Jrôütion du R,•fon11mt dos xv. .!ahrf;u11dert8, dans Alti... , 1960, p. 1~7-146. ce:
inondé, Dieu cré::i. l::i. Perlé (- possibillLé de salul [ par la ftè
Connaissance]) ot posn cet.te Perle dans le co1·ps d' Ada1n qui lt, Culte. - 1° Linos liturgiques. - La langue fu
la lransrnlt à ~es deac;ondants, jusqu'(lu mon1ent où, • à la [01
pleine lune de la Parle •, s11inte Anne l'engendra dRna la per• liturgique est encore aujoUl'd'hol l'éthiopien classique AJ
sonne de Marie. Dôjà ll1orso avilit reçu l'ordre de construire (l.;e'ei; prononcé : guè7,e) , à l'exclusion d.es langues par• en
l'arche de l'alliunco sur le modèle do l'arche parfaite qui 6taiL lées actuelles. Les livres liturgiques traduits dirocte-
au ciel; il donnait ainsi u11x hon1n1es une possibilité de salut ot, rrtent du grec à ,l'époque la plus ancienne, <>n no1nposés au
com1no Mario 6LalL identifiée à l'arche, on obtenait, l'équution è :i; 11ovo on Éthiopie, sont do date relativement ancienne. en
~ Perle =< llfario = Ar<:1111 d11 l'nllîanne " et' l'appellnUon do l,a litllrgie alexandrine et la langue grecque ont été qt
• $ion • pour la Vierge. Cos quolquos olérnents sa dé1h1ii;ont longternps en usage. gr
de l11 litté1•at.ure déjà cHée, 1nais le dévuloppe,nent de cette L'Église éthiopienne utilise dix-sept anaphores, be
hérésie ilst ancore obscur. CO
roçues d'autres Églises ou rédigées en Éthiopie môme :
.L8l! mikaélites et les stéphanitos fUl'OuL duro1110nt p1irséculés de Notre-Seigneur, de Notre Dame (2), rle saint Jean qt
au 1~• siècle pàr le roi Zara Yaqob; les mi kaélites, dans la
douxiènre ,noitîé <lu 16° siècle, intervenaient encore dans la l'c'ivangéliste, de saint Jacques, frère du Seigneur, de
discussion entro I' l~glise éthiopienne et les missionnaires saint IYia.rc l'évangéliste, « patriarche d'Alexandrie », ég
catholiques; c'esL ù ceLle intervention que nous devon6 la des 818 Pères de Niéée, de saint Athanase, do saint Ilasile, m,
conservation de trois opuscules sur leur dontrina. d11 saint Grégoi1•e de ·Nysse, de saint Épiphane, de sain.t lai
Jtian Chrysosto1ne, de saint Cyrille d'Alexandrie (2), de
. L'Église éthiopienne fut aussi divisée (du 18° siècle do .r acques de Saroug, de Dioscore d'Alexandrie, do le
à la deuxièrue moitié du 19") par la polé1nique de« l'onc- G1•c\goi1•e d'Arménie. Une des anaphores tt la Vierge et da
tion et do l'union ». La lol.1.o, qui dégénérera plusieurs ûulle de saint. Marc sont de rédaction éthiopienne. Ces et
fois en épisodes sanglant~, portait sur l'interprétation anaphores BOnt contenues dans le Qetldasiti ou n1issel. Al
Ull
do Actes 1 U, 88 : Deus un:cit èr.tnt Spiril1.1. Sa net~ 0t Les principaux livres de plain-chant sont : 1) le ét:
virtute, et sur la valeur do ceLte << onction » du Chrh;L .Deggua, antiphonaire pou!' l'année, excepté le carômc; da
par le Saint-Esprit dans l 1écono1nie de l'incarnation 2) le $01na Deggua, antiphonaire du carê1ne; 3) le lot
récle1nptrice .. Lê13 1, onctionistes II déclaraient que cette .llf1:1-va.~e'ct, livre de répons p_our l'année; ',) le Me'eraf, (1:
onction avait été la cause de l'u.nion du Verbe et de la corn.1nun de l'olnce ou psautier distribué selon les fêtes ÎDI
I

156 1407 CUI,TI:~ 1458


'• à
de l'année liturgique; 5) le Zonunarié, hymnaire eucha• elles rcprl!so11wnt des scàruis évangéliqut1s, la vie d e ln Vier1::1;1
,an- ristique. La tradition attribue ces livres à Yared ou des saints niltiona~.
au (6° siècle), vénéré cornme un saint, qui a\11•ait l'eçu, d'a- 1. Lituririo, voir infra, col. 1472•1478,
car proo Je Livre d' Aksourn, la révélation du texte et des
,rbe trois modes n1usicaux (guè1.e, ezl et araraï), dans lesquels 2, PlcUn-ohnnt. - M. Villotoau, De la tn.1,siqu.c des A byssins
cos textes sont exécutés. Ces liv1·os sont sans doute <>tt étl1iopicrr-i1, clans Description de l'1i.'t;t/l>lf., 2• éd. C.L.F.
int- Panckoucke, t. 14, Paris, 1826, p. 270-299. - [,j_ Wellcsz,
. la plus récents. Ils portent une notation musicale inter- St,utien z1;r ,1thùipisclu;n .Kirc.lwrimu.sik, dans Orio11s christia1111t,
~ri t linéaire formée surtout d e lettres; on n'en connaît pas l. 9, 1920, p. 7'•·1.Q6. - C. Mondon• Vidailhct, La n~usiq11e
' exactement la valeur. L':f.:cril.uro sainte (psauLiet, è.ll1ù1piennc, dans A. Lavignac, E1rny11lop6dic de la 1nrtSigua,
ffa-
,rbe prophètes, Évangile) et les apocryphes y sont largement 1 ° p., t. 5, Pal'is, 1922, p. 3179-3196. - $. liluringer, An,nsr-
~lne utilisés; la répétition des textes est parfois relevée Io,,.f!rJn z1, Studicn zu.r iithiopischcri Kirchenm11sik, d!lns Orù:rte
1ait par quelques détails emprunt6s à l'hagiographie locale. ,:hri.~ti,1111,s, t. 10-11, 1923, p. 151-15'•· - A. Doray, Le cha11t
liturgique eri Éthiopie., dans R<,1•1,c dtt chant grsgorisn, t. 40,
n.ne 2° SQOromonts. ~ L'Église éthiopienne admet l'exis• 19:lG, p. 13/a-13?, 182-18r.. - IV(. Cohen, Sar la notation ,nusi-
, et cal<' éthiopienns, dans Stud.i orienta/istir.i it1 ()llorc cli G. Levi
tence do sopt sacren1ents.
Le b(l.ptê111e est éonfêré par trois in11ncrsions, lo qua- tlclln Vida, t. 1, no1ne, 1956, p. i!Hl-206.
prit C. Conti H.oijsini, Liber A:1:un1.11c, CSCO 51,, 190!1; Acta Yared
rantlè1ne jour après la naissance des gal'çons, le quatre- et Pa11takwo11, CSCO 26, 190ft.
3S •• vingtième pour los lllles. Les haptên1es d'adultes sont
, de :1. Églil!loliJ. - Jv[. Griuule, Rèt;lc8 ile l'églù,c {docu,nents
>no•
rarea. La r.onfil'lnation suit Je baptême; ollo est adminis-
trée par le prêtre. Elle est souvent o,nise, en raison, ,Jtf,.i<,picns) , dans Journal asiatiqrui, l. 221, 19~2, p. 1-r. 2, sur
:elle ln ~ymbolique des églises. - U. Ilfonnorèl de Villa,rd, L'origine
san'!I doute, de la dilllculté de se p1;ocurer le saint chrême. ilei più a11tichi tipi di cllicS<t abissir1c, dans Attl del 1'erzo Co11-
' la La me8Se est célébrée les dimanches ot fêtes, lo~ mercre-
>rlt, f!r,-.~Mi d.i Studi Colo11iali, t. 4, Florence, 1937, p. 137-1(i1;
rois dis et vendredis dans les grandes pa1•oisse$ et les monas- (/ 11. tipo di chiesa abissina, dans A/ric(t Jictlùu1a, t. 6, 1985;
>plo tères. La présence (le deux prêtres et de trois diacres Pr,,ble111i sulla st-0ria retigiosa ddl' Abi~stnia, dans Ra.ssegna•
10s, estrequise. Les fidèles comn1unient sous les doux espècAs. So(1ùtlc clcll' A/rica Itcûiana, L. 5, 191,.2, p. 8-11. - J:,1. CeruUi,
uire Aucun dou te ne sc1nhle exister ,naintenant sur la .ll" Gt!Sri. r,erc:osso • tidl'artc ct.iopica c le srw origi11i nettE11ropa ·

uon trao.ssubstant.iation. t,e sacternent de pénitence ne paraît del xv s11colô, RSFJ, t. 6, 191,?, p. 109·129. - J.-?11. HansHenij
68), el A. f{flt!H, Une collection d.e 'J',2/Jots au. Muséc ·chréticn de la
J)(IS obliga.Loit•e à date fixe, mais tous se confessent à
~tés Jiit,lioth~q11s f,'aticane, OCP 17, 1951 , p. 435-li.50, avec 1•oproduc-
01ÔS Jlarticle de la mort. L'absolution revêt la for1ne dépré- tio11;; cl hnportanto bibliographie.
Câtive. L' extr1:m#-onction ne sernble plus guère adminis-
trée. Le 111ario.ge, célébré en présence du prêtre, n'est 5. Contacts avec les religions étrangères. -
considéré co111me indissolublo que lorsque les deux °
1 Paganisme. - L'Église éthiopienne depuis Je' début a
.ans époux communient à la 1nesse qui suit la bé11édiclion éti'i en contact avec èleux religions païennes : d'abord
Ouc n11ptiale. )/ordre est conféré par le métropolite selon le celle d'origine sud-arabique, qui ôtait dans l'antiquité
(.
ooli
loco
'' rite copte. On ordonne fréquom1n ent. diacres do jeunes
garçons, car la présP.nce de. diacres est r1écessaire /.1. la
messe ot à la prépal'ation des espèces eucharistiques.
la religion otl1ciolle du souverain; le toi se déclarait
dans son protocole 11 fils du dieu Mahrem qui n'est pas
vaincu par l'ennemi •>, revendiquant ainsi une origine
!.ana divine, parco que Mahrem dans Je panthéon païen était
3° :tglifle111. - Les églises Ios plus anciennes sont id,:nt.iflé avec l'Arès des grecs. Ensuite et jusqu'à nos
rectangulaires, leul' a,•chiLecture a été êomparée à jo11rs le paganisme des populations couchitiques (Agaou,
,.' e-olle des ba~iliques syriennes; l'autel était visible aux Sidama, Galla, etc), qui a été de plus en plus l'efoulé
fidèles. Plus tard l'abside, toujours è plan rectangulaire, vol's le sud et l'ouest du plal;eau pal' l'action des mission-
~

rue tut fermée à la vue du pu!Jlic par un 1nur qui avait la naires chrétiens éthiopiens, surtout des moines. Le
JU8
fonction de l'iconostase des autres églises orion laies. paganisme couchitique adorait co1n1ne (livinil,é suprême
ar- Après le 14é siècle probablo,nent, l'autel fut totalement la Voüte du Ciel, la Dieu-Cial, dont le soleil était l'œil.
1te- enfermé dans une sort.o de sa11cta sa11ctor1un résorvé
aux célébl'ants et au souverain. Lu présence du tabot 10 Judai'~o. - Au nord du lac 'fana un groupe autre-
sé,s fois non1breux de populations Agaou adopta la l'eligion
ne. en fait un lieu saint. Le t,ibot est uno planchette de bois
qui correspond à la pierre d'autel du rite latin; il porto judaïque; l'épocrue de Jeut conversion et l'origine de
été leur judaïsn1e sont encore contestées. On a pensé anx
gravé!'! les traits du saint à qui l'égliso est dédiée. Sym-
bole de l'arche d'allianco, parfois cle la Vierge, il est con1munautés judaïques du Yomen ou à celles d'Égypte.
~es, Çes Agaou judaïsants, ou Falachas, ont défendu. pon-
te : consacré pat• le n1étropolite. Il ne peut être vu et touché
que par Je clergé; il est l'objet d'un culte d'adoration. da,i t des aiècles leur indépendance, surtout après la
,an grande expédition de l'omporour lvfalak Sagad (deuxième
<te A côté de l'église rectangulaire ba.~ilicalo on construisit d11s 1n<,itié du 16° sil)cle); ils ont été oornplètement soun1is.
1 )) 1
dglilles. à plan circul.iire, type Je plus répandu dans los tornps Depuis les pre1niers voyages d'occidentaux en Éthio-
ile, modornos. On a r11pproché ln. construction des églises circu• pie, on attr·ibue à l'influence du j\1da'is1ne certaines
int lalros (qui ont. t.011jo11ra lo Rruwu, snnctc>rttm) à l'architecture parl,icularités de la chr6tient6 él.11iopienne (circoncision,
2) des huUos rondes des villages abyssins. fi raut aussi remarquer
fêle du surnedi, viandes pures et impures, calendrier,
'
de' le stylo tout à tait particulillr des églises monolithiques creusées
rit11 de la Saint-.T ean, etc). Contre cel;te hypothèse
et dans le roc. La clillusion do co typo d'ôglis0 e n ltthiopifl contra le
et méridionale (jusqu'à cel)e do Yakka Mikü'ël pros d 'Addis s'élûvait déjà le rôdacteur du docurnent (éthiopien)
jes co11nu en Europe au 16° siècle sous le nom de Con/e.~sio
Aboba et aux égliP.eR deH Arussi et du lac i\Iarghcrita) préscnlo
u,n problô1110 très inl.lirossant pour l'archéologie médiévale Clo.udii re.gis Aethiopicw (cf L. Lozza, La Con/c.~1Jione di
le éthiopl8nnc. Le groupa lo plus nornhrenx e11t celui de t,alibela, (Jla<Mi.Îo re d'E'tiopi,i, 1.$40-1,559. Stu,dio storico-dog1natico,
118 ; dans la région du Lasta en Ethiopie cent.raie, 011 la tra dition Pah)1•me, 1959).
le locale·a attribué ces construclions aux rois do 111 dynastie Zagu6
·af, (12-18• siècles). On a cru aussi quo celte technique avait été go L'lf!Iiun a cherché, depuis le 7° siècle, à s'implanter.
tes lnflyèocée pnr )'art indien. J)e splendides fresques los décorent ; L'histoire est dominée pendant des siècles par la lutte
l
1

1459 ÉTI·IIOPIE 1460 14


entre éthiopiens chrétiens e t 1nusulmans du aud et. de d'Elle ou la Présentation au temple), le a du mois dé
ll, m1
l'est. Au 198 siècle, un nouveau cours;lnt d'islamisation tahsâs; Kidana Mc]Jrat (« le Pacte de Miséricorde •• Ll
partant du Soudan a gagné les régions occidentales du la p1•01nosse de J ésns à Marie de sauver ceux qui ont
plateau. recours à son inLercession), le 17 yakkdtit; Fel8at4
(« le transittis >•), le 17 du 1nois de nahase, fête précédée
r.0 La magie eL les pratiques magiques, qui ont une <l'un je'llne de quinze jours. P lusieurs empereurs, on
longue tradition en ELhiopie, révélent une influence parLiculior Ghebra-Masqal (558-581A), Lalibela (1182·
directe de la 1nagic arabe et, peut-être indirecte, do 1220), Zara Yaqob (143<--1',68), passent pour do grands
la magie judaïque. $ervitcurs de )1arie, Les éthiopiens imposent très Iré•
1. Paganisme. - C. Conti Rossini, ll'otc su.gli Agait, dans que1n1nent à leurs enfants un nom rappelant leuf
Gioniawdellasocict<i asi(1tica italiana., t. 18, 1905, p.109-12:l, - appartenance à 11arie : Promesse de Mario, Serviteur de m
E. Cerulli, Sonuilia, t. 1, f-to1110, 1957, p. 1.77-186. Marie, etc, L es lieux de pèlerinage marials sont nom• dE
2. Judl\ÛIDle, - C. Conti Rossini, Appu11ti di storia e lcttcra• breux. La poésie ,nariale occupe une place importante m
tura Falascici, RSO, l. 8, 1919-1920, p. 563-610; Nuo1•i «.pp1u1ti dans la littérature. Le Livre des miracles de Marie re
siii Giuclci d'AbiQsinia, nRAL, 5• série, t. 31, 1922, p. 221-2'10. ar.(fl1it une tellA importance, dans l'histoire éthiopienne, vl
- S. Strelcyn, Sur une pri~rc • Falacha • p1<bliéc par C. Conti qu'il fut considéré presque comme l'équivalent de le
Rossi11i dans les Appr'111i .., RSE, t. B, 1949, p. 63,82. - W. Les- « l'Évangile de son Fils • et que des kctiones en furent
ln.u, )1alasha Anthology, New, Haven, 1951. - Ill. UllonclorfT, ti,
liebraic-Jewisli Ek1t1ents in Abyssinia11 Christianity, dans insérées dans la liturgie. Voir infra, col. 1'•74.
C(
Jor,rnal of Sc1nitio Studios, t. 1, 19ti6, p. 216-256. 7. Constitution de l'Église nationale.
Sargis d'Aberga (controverse judéo-chrétienne), éd. cL 1° L'Éirll■e etl't:tat. - Les éthiopiens ont toujours consi, ol
trad. rrançaiso S. Grébaut, PO, t. a, 1909, p. 5ti6-643; ,L. 13, déré leur souverain con1me le promoteur et le défenseur
d1
1915, p. 1-109; cette apologie du christianis.me aous forn1e de
do la foi. Plusieurs empereurs furent, en elTet, do grands le
controverso, par un certain Jacob, juif converti, est un ron1anie- se
ment éthiopien du texte groc do la Dill<iscalir. de Jacob (?• siè- bieotaitours et de puissants soutiens de l'Église, par
exemple, Kaleb (début du 68 siècle), Ghebra-Masqal, p
cle), éd. ot trad. F. Nau, PO, t. 8, 1912, p. 711-780; cf éd. p
N. Bonwet.~ch, Doctrina Jacobi nuper baptiza.ti, Berlin, 1010. Lalibela, Zara Yaqob.
l
8. I■la.m, - E. Cerulli, Dociimcnti arabi per la storia d,ll' 2° Clergé. - A côté du négus et immédiatenien~- 91
-Etiopia, MRAL, 1.931, p. 87•101; Ca11ti a111arici dei Mus11l111àni après lui, l'abo{.Lna ou métropolite est le plus haut dignl• p
di Abissinia, RRAL, 6• s6rie, t. 2, 1926, p. 4g3.447, - S. •rri-
mingham, lsla111 in Etliiopia, Oxford, 1952. taire de l'l!.lglise. Il est sacré pat• le patriarche d'Alexan• u
driè, qui le choisissait parmi les moines égyptiens, d
lt, Mo.gle. - Enseii;nemcnlS dê JésliS-Christ à ses di.~ciples 'selon le 42° canon du concile de Nicée (canon apocryphe tl
èt prière!! 111agiques, trad. R. Bassét, coll. Les apoc;ryphos
éthiopiens 7, Paris, 1896. - D. Lifchitz, Textes éthiopiens composé au moyen âge). ,L'abo1tna, ignorant lo guèze, B
magico-relii;ieux, Paris, 1\l<,O (édition et traduction); cf coinpte langue piturgique, et l'amharique par.Jé par les fldoles, ]]

rendu, RSE, t. 1, 1941, p. 212-218, - W. H. Worrell, Stu<licn demeurait un étranger. Depuis 1951, l'Église éthiopienne ]]
zun1 abcssini.sclle11 Zauberwesen, ZAVG, t. 23, 1909, p. 149-183; a un métropolite national, qui toutefois est consacré t
t. 24, 1910, p. 59-96; t. 29, 1911,-1915, p. 85-1q1. - A.Z, par le patria1•clHl d'Alexandl'ie. li.
Ae§coly, Les n<1m.s magiq,ics dans les apocryphes chrt!tiens dos C
d1hiopiens, dans Journal asiatique, L. 220, 1932, p. 87-137, - Traité avec de grands 6gards à l.i. cour, nanll d'avnntagos
S. Orébaul, 1Vonis ésoMtiques de Diart, dans A.,itliiopica, t. 2, substantiels, l'c,bouna n'exorco pao de ,nagisLôro doctrinal;
mais il couronne l'ernporeur, ordonno prôtres et dia.cres, C
1931,, p. 117 svv. - C. Conti Rossini, L<> Awda Nagast, scriUo .
diPinatorio etiopici11, HSE, L 1, 19~1, p. 127-145. - S, Strol- consacre les tabots, frappe d'exco1n1nunication lea h~rlltiques C
cyn, Prières 1nagiques qthiopicnncs pour délier les charmes, dans ôu rnôme, à ln den1unde du nég\ls, los fidèles en rébellion contre e
Rocznih Orie.11talist11czny, t, 18, Va.rsovio, 1955, p. 76-f,98 ; La l'autorité impériale. Il nomrno désol'mniR et ·consacre le& i
magic é.tltfopie1111e, dans Aui.. , 1960, p. 141-165. évêques, qui sont actuellernont au nombre de quinze.
L'Église éthiopienne cornpto un grand nonibrc de prêt~s.
6. Caractères principaux. - La vie religieuse Pouvant se marier, ils se succèdent parfois de père en rus.
des éthiopiens semble sa concentrer sur l'accomplisse- Ils sont ento11r\ls d'un gl'and respect, jouissent dfl privilège~
ment des 1•ite$ et donne, de ce fait, à première vue, considérables el jouent un rôle social in1portanl, sauf dans los l
régions i\ 1najorit6 1nus1.1lmanc. J
l'impression d'être plutôt formaliste. li serait injuste
C
de le croire. II n'en est pas moins vrai que le peuple, 3° MouaobU1me. - L'introduction de la vie monM• l
raisonneur ot subtil, exprin1e sa foi par des manifesta- tique da te dos premiers temps du christianisme éthiopien. 1
tions e1npreintos d'une affectivité touchante, auxquelles La règle de saint Pac01ne fut traduite du grec à l'époque 1
il est profondé1nent attaché et pour lesquelles il sait ancienne, probablement aussi la J/ie de saint Antoine j
combatt1•e. Lo culte eucharistique et le culte marial par saint Athanase et la Vie de saint P,Lul cr1niu, livres
en portent té1noignage. essentiels du n1onachis1ne oriental. Le ,nonachisme se
1° Culte eucharisttquo. - !./eucharistie, qui est pour développa puissamment et assuma courageusement la
les éthiopiens le Sacrement ( M estir) par excellence; mission d'6vangéliser les régions paiennos do l'lllthlopie
a une valeur fondamentale pour la vie religieuse. Elle centrale et m6ridionale. Nous avons des documents
est administrée sous les deux espèces, après la consécra- de donations de biens fonciers on propriété ou en fiel
tion faite dans le Sancta s<u1ctoruni. Déjà Zara Yaqob à des inonastères ainsi dotés par les 1•ois de la dyn!llltio
(1 t,.31,.1 '•68) avait rédigé un code très sévè1•e pour " la Zagué au 13° siècle. Le prestige du 1nonachisme à la
garde de l'eucharistie >> (Ta'aqebo Mestir), c'est-à-dire fin du 1a0 siècle est prouvé par le .rôle joué par l'abbé
p our l'ad1ninistration et la garde des espèces eucha1·is- lyasus Mo'a du couvent de Saint-Étienne de I:I~yq
tiques. en 1 270 en faveur de l'accession au trône do l'empereur'
2° Cult• mlU'ial, - fl.lat>ie est l'objet d'une très grande salomonide Yekuno Aml~k. Cette action de I yasusMo'a,
vénération; l'Éthiopie est appelée~ l'héritage de Marion vénéré comme saint par l':Église éthiopienne, fit recon•
(resta Màryà,n). Plusieurs fêtes sont célébrées en son naitre la suprématie de l'abbé de Saint-Étienne aur le
honneur, dont les principales sont : Ba'ata (« l'entr ée clergé séculier. Cette suprématie passa, dans la deuxième

460 t46i LITTÉRATURE R.l~LIGIEUSE 1462


1 de moitié du 15e siècle, à l'abbé du monastère de Dabra 11a1sel), de gros tambours (kebero), de battements
,e », Libànos (du Choa), qui l'exerce encore de nos jou1'S. de rnains et de danses.
ont lie chef du 1nonachlsn1e, ainsi hiérarchisé, a le titre
'sat4 '.l•'orrnés dans dos écoles apécialea du Gôdjarir · èt du Choa,
d'etchegllié, Il est élu par le chapitre du monastère de où ils 6Ludicnt la grarnmnire, le chant liturgique, les Pllres
Idée Dabra Libanos et nomme par l'emper!lur. Le fait que de l'Eglise, l a théologie rnorlllo ot asc6Liquo, ils dispensent
en )~ chot du clergé régulior fut, pendant de longs siècles, b611évole1ncnL leur savoir là où Il n'y a pas d'école. Certaines
l82· un prélat national, tandis que le métropolite était un varoissos J>ossèdent des centaines do dabtara. Les églises de
Lnds égyptien, renforçait le prestige du n1onachis1ne dans ,la carripagne en ont a\1 rnuins six. Dans les églises coovent,uelles,
fré• vio du pays. les moines en exorcènL los fonctions . Comme les prêtres et lés
leur De.~ com1nunautés fé1ninit1es ont existé, ordinaire- m oines, les dalitara jouissent de certains privilèges llt participent
rdé ment rattachées, canoniquement et spirituelJomont, à aux dotations faites aux églism;. Cf B. VolaL, Chantres, poèus ,
,om- pr<1/ns$eurs : les clabictra éthiopiens, dans Cahiers coptes, n. 5,
dœ monastères d'hommes, un peu à la manière des 19r;1,, p. 21·29. Voit• nussi M. Griaule, Le liPrc de rcccllcs
tnte
' .
arie
monastères-doubles médiévaux. On a, par ailleurs, [rnagiquos] d'tin dabtara abyssin, Po.ris , 1930.
rencontré de tout temps des femmes consacrées à Dieu
one, . seules dans la prière, la lecture de la Dible et'
vivant IL UTŒRATURE IU,t.lGIEUSE
de le JéOne.
rent Les vœux religieux constituent la l>ase de la vie monas- 1,a littérature éthiopienne a une double in1portance :
tique, sans qu'il y ait profession proprement dite. La a.) littérature de traduction, elle nous a conservé,
-.
-
IJlSl•
communauté de biens semble stricto. Les 1noinol;i doivent traduit en éthiopien, plusieurs ouvrages des littératures
obéissance à l'abbé (mamher) . Avant d'être admis chrétiennes d'Orient qui n'existent plus dans la langue
définitivement, les novices reçoivent, en trois étapes, originale ou seule1nent en état fragmentaire ou en ver-
1eur
tnds le quentit ou cordon, le qob ou bonnet blanc, l'a,qkëniâ, siou plus récente; - b) littérature originale, ses ouvra-
par sorte de scapulaire. 1~es moines doivent réciter le ges de théologie contiennent parfois l'expl'ession d'une
1qal, psautier. Les lteures canoniales ont été recueillies en pensée assoz singulière et typique de la mentalité du
plusieurs rédactions, encore insuffisamment étudiées. pays; et ses ouvrages d'hagiographie transmettent
L'office e1;1t chanté dans la nuit du samedi au dhnanche des données Intéressantes sur l'histoire do la spiri-
1ent et dans la nuit qui précède les grandes fêtes. La vio ' tualité et les luttes de l'Église pour maintenir son indi-
gtti- pénitente est rigoureuse au monastère; elle comporte :vid ualité vis-à-vis du pouvoir civil.
can- u.n grand nombre do jours de jeOne. Les 1nort10cations Au cours de la période axou1nite (5°-7° siècles),
ens, de certains moines rappellent celles des Pères du désert, les traductions sont faites sur des originaux grecs, ainsi
'phe flagellations, chatnes de ter, silence absolu, abstinence la Tilblo, les apocryphes et les Pères. Dans la seconde
èze, sévère, récitation quotidienne de plusieurs psautiers, période qui s'étend. de la restauration des salomonides
~)es, métanies, œ retraites 1, solitaires en ermitage, etc. Les (fin 12e siècle) jusqu'à la fin dù 17° et englobe les temps
1nn'8 moines se livrent au t1·avail nianuel; cultures, construc- troublés de l'invasion musulmane et de l'arrivée des
ocré t~ons, service intérieur d'entretien, très large hospita- 1nissionnaires, on traduit ordinairement de l'arabe.
hté; ou, les lettrés, à l'étude et à la copie de manuscrit.a, Les productions les plus abondantes se situent ~
,agea dont quelques monastères sont fort bien pourvus. a.) sous l'abouna Salama, métropolite de 1350 à 1390,
i1'al; L'influence des rr1onastères a été considérable dans la qui donne une vive impulsion aux traductions hagio-
cres, culture et la vie intellectuelles du pays. Les 1nolnes graphiques; - b) sous le règne de Zara Yaqob (1q,8q,•
quos demeurent les gardiens d'un patri1noine, littéraire et 11.1,R), qui s'e1nploie à donner une règle de foi à son
,ntre artistique, de grande valeul', rept'ésentants d'une vie peu pie et légifère au no,n de l'lÏlglise; - c) au 17°
, les intellectuelle intense. siècle, où l.a venue des missionnaires jésuites est l'occa-
sion de discussions théologiques et où les contacts
trea. E. Corulli, Il monachism,o in Etiopia, dàns Il 1nonachisn10 avr.ic l'Europe ont d'heureuses conséquences su.r la
fils, oriemak, OCA 153. 1!158, p. 259•278.
lèges
littérature éthiopienne; l'in Y'QSion musulmane en ce
C, Conti Rossini, Il Gadlf, Taklrt H,,,yn1<u1ot, éd. et trad. siècle n'arrête pas la publication des rituels, la révision
s les italienno, Ro,no, 18!JG. -· E. A. Wallis Budge, Th!! Life and
Miraclu of Takla llayma1101, Lorulros, 1!JOG. - Il Gadla FilpoR des traductions de la Bible et des livres de chant; -
sd il Gadla Yoh11nnes cliDabra llizan, l'lfRAL, 1901, p. 61-170. - d) ,~nfin, pondant la réaction monophysite du 188 siècle.
nas• E. Cerulli, Gli abbati di Dabrci Libdnos capi del monachisn10 Le classement de la littérature éthiopienne est diffi-
,ien. ctiopico, scconclo la lisut· ri,r1au, , dans Oricrnalici, t. 12, 1948, ciln; auteurs et traducteurs n'obéissent pas aux lois
,que p. 226-253; t. 18, 1941,, p. 187-182; Gli al)bali ... sccor11li1 le des genres. Nous trouvons un enseigne1nent doctrinal
oinc lute recenti, ibidem, t. 11a, 19',!'i, p. tt,3-171. et spirituel disséminé à ttavers los Actes de martyrs, les
Y'res Mauro da Loonissa, La Per11io11e etfopica dei ca11011i apocrifl biographies de fondateurs, les tex tes apocryphes, les
e se del concilio di Nicea, RSE, t. 2, 194.2, p. 2\l-89. hyrnoes liturgiques ou mê1ne les codes de lois. Tout
:t la 4° Les dabtara. - Ils forment une classe inle1•1né- sert à enseigner, à édifier, à prier. Beaucoup des ouvra-
ople diaire entl'e le clergé et les fidèles. Leur rôle est de grande gfls que nous allons signale,• étaient utilisés comme
ents importance dans l'exercice du culte. Ils règlent le li\lres d'édification aussi bien chez les 1noines quo chez
fief déroulement des cérémol)ies (ofHce et me$Se). Spécia- les fidèles, qui en entendaient lire de nombreux pas-
tstle listes du chant ecclésiastique, ils connaissent parfai- sages aux offices liturgiques. En plus dos exemples qu'ils
à la tement les livres de plain-chant : texte, notation musi- fournissaient, ces livres consUtuaient de véritables
1b bé cale et rubriques. Les dabtara sont des poètes : ils 801nmes du savoir et de la vie religieuse.
ayq composent des qcné, d'une seule stl'ophe à rime unique, On sait que les discussions religieuses avec les mis-
~eur dont la longueur s'étend de deux à onze vers et portent sionnaires eurent une conséquence importante : l'emploi
' '
,o a, des noms différents d'après le ·nombre de vers et leur litl.éraire de l'amharique. Jusqu'alors, lang\le popu-
}00• plàce dans la liturgie. Ils les chantent au cours de laire parlée, il ne pouvait rivaliser avec la langue litté-
1r le l'office, selon dif'férentes cadences avec accompagne- rait•e et liturgique, Je guèze. Les missionnaires s'àdres-
/!me ment de bâtons de prières (meqo,nia), de sistres (tse- sèrent directement aux fidèles, discutèrent avec les



1463 ÉTHIOPIE
t46f
Perel
savants et lettrés éthiopiens dans leur propre langue, fil>i$si11e i,1 Eiiropa, RRAL, s(wlc 5, t. 8, 1899, p. 606·687; franç
.! 111a11oscriui etiopici della Missionc Cattolica <li Chcre11; t. t3,
composèrent des ouvrages d'édification et des catéchis-
mes. L'usage de l'arnharique s'ilnplanla ainsi lente- t !J0'1, p. 283-255, 261 ·286. - N. Rhodokanakia, Die ilthiopifaMn <- 1
Perei
ment dans le domaine littéraire. On peut relever encore .flnndschriftcn d,·r Hofbibliotltek •tt Wie11, Vianne, 11106, - et tr
H. Turaiov, !Vlonument.~ d;, la litMrature t!thiopie1111c, 8. Manu,• Le .E
au 19° siècle plusieurs œ uvros roligieuses in1portantos ,:rit.~ ,Jthit>f/ie.11.~ de Saint-Pr!tersbourg, Saint-Pétersbourg, 1906,
en amharique ; Je Mestira Sellase ou Mystère de la Tri- édit.i
p. 1,7-102; en russo. -C. Conti Rossini, Notice scir les rnanttScritl 1.860
rtité, rédigé en 1911 (traduction italienne par E. Cerulli, r'thiopiens de la collectio,i d' Abbadic, Paris, 1.914; paru dan• Da,
<< Il Mistero della, 'l'rinitd )), déjà cité). Cf l\'C. Cohen, Journal a.siatique'- 1912-1915. - M. Ctiatne, Cata/osW! da 6thic
La naissance d'une littérature i1nprùnée en a,nhariquc, 111anuscrits t!thiopic11s de la tollcctit>II A 1!1<1i11e il'Abbadie (et trad1
dans J otirruil asiatiqu.c, t. 206, 1925, p. 348-863. i;upplémont à Zotcnborg), Paris, 1912; J11vfl111aire sommair,
En conséquence, et pour ton tes cos raisons, nous dc,s n1.1IIUl$Crits otl1iopie11s dn Bertin a.cq1âs depuis 187/J, ROC, Cc
présenterons successivernent les œuvr·es éthiopiennes 1.. 1?, 191.2, p. (dl-68. - S. Grébau t, Les 1na1111.scrit" dthiopitn, inm
,1,, /l'I. É. Delor111e, ROC, t 17, 1912, p. 113•132; t.19, 19U, dm
qui concernent l'flcriture sainte, l'hagiographie, la p.17-21), 171,.182, 31,7-857; l. 20, 1915-1917, p. 82,91, 408·415; Sul~
théologie et la patristique auxquelles no\1a Joindrons 1.. 21, 1\118-1919, p. 187-147. - M. Ch!ltne, OatalogW! dl, ZA'\I
la litlérature apocry phe, la théologie n1orale et spiri- J1ic11u,scrits êthiopic,,s <le la <l<iUectio11 ilfondon-Vidailhet, Paris, IIAA
tuelle, la législation religieuse et monastique, la litur- ·1913; C<llfllr>r;u" des n1a1111scri-ts Jthiopie11s des bibliothdqWli tl , Sc
gie et la littérature mariale. 11ua,d,:R di! Paris, des départe111ents et de collections privées, ROC, Bi.bl
1.. 1 o, 191'1, p. 3-10, 2'17-265. - S. Grébaut, Ma111tScri1S étl1io- Sclu.
1. Ouvraa-es et articles d'ensemble sur la littérature reli~ pia11.s appartc11ant ,i M. N. Bcrgcy, ROC, t. 22, 1920-1921, 869-
irteus• éthioptonno. ~ G. Fu1nogalli, Biblior;rafia etiopica, p. t,26-'142; t. 25, 1925-1926, p. 196-219. 2
Milan, 18.93. - C. Conti nossinl, Note par la storia letteraria O. l,l!fgren, Die abe.•.•i11iHch,n1 Ha1ul..•cllrijt;in der E~a11gcliska
abissina, RRAL, t. 8· 9, 1899-1900, p. 197 svv, 263 svv. - f,'o stcrla11ds-S1iftclscn, Stoolcholm, dans Le Monde oriental, t. 23, plac
E , Littmnnn, Gcs<,hichtc der iithiopischcn Litcratur, Leipiig, •I929, p. 1-22. - ,1. Simon, llspertoire d;is bibliothèques publlqùu est
1 907. - I. Ouidi, Ct>lltributi fi/lei storia lcttcr<iric, di Abissùii<t, i,l pric1f.eB co11te11ant des 111a1111scrits 1/t.hiopicns; ROC, t. 28, em1
RRAL, t. 81, 1922. - J. l',[. R11rden, An Jntrorl1;ctiQ11 to 1931-1932, p. 178-196. - S. Grôbaut, Catalogue des ,nan144crlt, que
Ethiopie Christian Litera/ure, Londres, 1926. - C. Conti ithiopiens d;i la bibliothèq1,c Arnbrosictltw, ROC, t . 29, 1983-195&, trin
Rossini, Di alcuni scritti etiopï'.ci i11editi, RRAL, t. a6, 1927, r,. 3-82. - S. Grébnut et E. Tisserant, Codices aethiopici Yali·
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1982. - S. Zanutto, Bibliografia ctiopica, a rase., nome, Çatc1/og1;c iles lllf'111tSnrits c!thiopie11s de la collection Gria11ls, t, 1, tra•
1929-1986; suite à O. Fun1t1go.lli. - C. Conti Rossini, Biblio• l'aris, 1938; t . 2, 191,1; t. a, 191,4; t. 4, 195'1 (Gt6baut-Strolcyn). me1
graf/,a eliopica, dans Ae,,um., t. 10, 1936, p. 467-586; Pubbli• - E. Cerulli, / 11ianoscritti etiopici della bibliolcca 11a.~ionrdo 4i éth
ca:io11i etiopiche da! 19J(J al 1945, HSE, t. 4, 191,1,-1945, Atene, RSEJ, t. 2, 19112, p. 181 -188; l nianoscritti ctiopici ckllà le •E
p. 1·182. - J. Shnon, Bibliographie cthiopie11110 (194IJ-1951), JJibliothèg1u: royc1lc <le Bruxelles, RAL, 195 1,, ('.). 516-521, - sa,1
do.us Oricntalia, t. 21, 1952, p. 47-69, 209-280. - E. Llttn10.nn, B. Ullendorfl, CataJogttc of Ethiopian Ma11uscripts in the Pat
Dié a1l1iopiscl1e Litt,r<1t1;r, dans Hatulbru:h der Oricntalistik, llodlcia11 Library, 2 vol., Oxford, 1951; The Ethiopie Manu;,
,~ript11 in the ]loyal Library, Wind.ior Castle, RSE, t. 12, 1958,
t. S, · Leyde, 19114, p. 8711-885. - E . Cerulli, Storia della
lettcratura etiopica, Mila.n, 1956; L a littérature dthiopicnnc
dans l'hiswire de la c1<lt11re 1ntldié11ale, art. ciM, p. 17-!15. -
p. 71-7\J. - ConsulLor G. Orfl.f, Gcschichic der christ.liche11 ara•
biscl,on Litcratur, 5 vol., coll. Studi e Testi, Cité d11 Vaticll!I,
'
BiOI
les
M. li{. MOl'CllO, Letteratu.ra ctiopica, dans La Civiltà dell'Oriente, 194'1-1958. ud
L. 2, Roine, 1957, p. 25-58. 1. Écritwe sainte. - On admet communémeni tèr
Extrai.ts de textes religinux dnns A. Dilhnnnn, Chrcstoniathia que le premier texte traduit en guèie tut l'Évangile; dé
<ù:thiopica, f,eipzig, 1866; rééd., 194t; cité : Chrcstonic11l1ia.. lü1•sque le clu•istianismc fut suffisamment répandu, sur
cr J. Sirnon , 1Votes biblioqraphique.1 .~11r les iP.xtcs dr. lrl Cltrcsto· vers la seconde nloi Lié du 5° siècle, le besoin d.'._une tril• Bai
111athia aethiopica, da1lS Orie1ltalia, t. 10, 19'11, p. 28f>-311. <luction se fit sentir. D'après la tradition, c'est en on
·2. PrincipQux OQtaloguos do mnnuscrits- - On 6UÎt (i78 ql1e $'achève la t1•aduction de la Bible par le livre du
combien Il irnporte de consulter ces catalogues qui signo.ltînt <le l'Ecclésiastiqu.e. Les moines syriens monophysites sut
et parfois o.nnlysent nombre de textes encoJ'c inédits. furent sans doute au !lornbre des pre,niers traducteurs ao1
1 'l'h. Pell Platt, <Jatalr>gttô of/ the· Etliùîf)ÎC Biblic,ll 11-l,niuscripts du nouveau 'l'estament, la présence d'expressions syria• ter
in the Royat Library of Paris, and in the librf11'y of the British
and Foreign Dibl. Society, also sonis Acco1111t of those i11 the ques dans la tr;i,duction guèze tend à le prouver. lis Pit
Vatican Library cit Rome; with Rcntarlcs and E.rtracts, Londrès, utilisèrent ordinaire,nent non pas le texto d'Hôsyohius pN
1823. - Ji. F.wn.ltl, {!<,ber tlic fl<,thiopisclicn rl<t1idschriftcn zu (fin r,e siècle), reçu dans le patriarcat d'Alexandrie, gr1
1'tlbing~n, dans Zcitsr.flrift Jar die h'.1u1rlc des ll'lurgcnla.fidcs, l. 5, 1nais lo texte syro-occidcntal de Lucien (début ~1
18'1'1, p. 161,-201; U,1ber ei11e :weit,1 Samn1l1,11g ,ictliiopischcr i;iècle), reçu dans le pat1•ia1•cat d'Antiocl1e. La valeur re,
J.Jandschriften i11 1'11binr;en, ZDJ\10, t. 1, 181,7, p. 1-',3. - clc cette traduction, exécutée à d.es époques dlfTérentes
A. Dillmann, Ca.talo1r11s codic11111 1nanuscriptor1un orie11tati1un. qu
J1A1' des auteurs di!Téronts, varie selon les livres. Elle de
gai in M11sao Britannico assarva11tttr, a• p. Codices Aethiopioi, :1 élé l'objet de plusieurs révisions, s111-tout a partir
Londres, 18~ 7. - Ccit«log1;c raiso11ri<i des 11i1u1uscrit.1 éthiopiens co:
a1ipartena111 à A,u<ii11c tl'Abhadfo, P al'is , 1.859. - :H. Zotcnbe1·g, du 14e siècle. et
Catalor;1w des 111anttscrits ,!tflùlpùms de l,2 Jlil>lioth<il)1,c 11(dio,1alc, On peut se reporter aux édHioru; da A. Dilhnann, Biblia du
Pâris, 1877, - '1,V. Vl'ril-(ht, Catalo!fUS of the Jithfopitl Ma1111.,~- l'c,tcri.:; Te:stam<?llti (1.c,tliir>p.:na , 5 vol. (le 5• donné los o.pocryphts), fol
cripts i11 the lJritish 1Hu.seuni acquired si11ce the 11ear 1847, J,eipzig-Berlin, 1853-1897; dti •r1i. Pell Pie tL, Nov1un Teslamcn•
Londres, 1877. - A. Dillnrnnn, Dia Flandschriftan-Verzeichni,1se 111111 Dmni11i nostri 8t Sa/Paloris Jesu Christi aethiopicc, Londres, 01
der ktJniglichc11 JJibliotl1ck ~,, Bcrlùt, Berlin, 1878. - L. Gold- •J 830; Loipiig, 189\l; ou à colles 6ditées p:,r leij cattioliques à
et,
sèhrnidt, Die a/Jessi11ische11 Ha11d.~Dl1rifte11 der .'iu,dtbibliothck ;:u AsnHu'n, re11pective1nent en 1 915-1918 et 1912.
Ji'rankfttrt a111 j',!Jain, Berlin, 1897. - K. V. ZelJ(~l'l!téfin, .Die .De nombreuses éditioos et. tradur.tions partielli!s çxlstoni. lit
abcssinischc1i Ilands,,Jt.ri/ten d;ir k. U11iversitl1tsbiblioth,?k :u H(itenir les ôditions anciennes du 1'estaniontuni Nov11m, Pat sa
Vpsala , ZDl>JG, t. 53, 1899, p. 508-5211. 'l':1sfa Sayon, flome, 151,8-151,!l, du J>salteril,ni Davidi.-J cl C(ln• éc
]ll. l,,it.tmann, Dù, iithiopisch.c11 Hculdsch.ri/t.cn im grioch.ischen tica aliqua biblica a8thiopico, par Jean Potl,cn·, Rome, 1513, 90
J{l1>ster 34 'Je.ru.~afom, ZAVO, t. t5, 1900•190'1, p. 133·161; et du Psalteritt111 Davidis acthiopicc et latine, par J. Ludql(, Le
Au.a den abessi11faahe11 J(l,ïstern i11 .rerusalern , t.. 1 r,, 1902, Francfort, 1701. Les éditions critiques auivnntes ont été publiées A,
p. 108•12'1, 368-388. - C. Conti l{ossini, Ma11l).~critti cil operc (!°ans lo. I'O : Le L.il•rc de Job, éd. et trad. fr11nçaiao par F.M.E.
!464 1460 HAGIOGRAJ>I-I IE 1466
J>e~lra, t. 2, 1905, p. 568°688; Le LiC1re cL'Esther, éd. èt t rad. deux: textes iµ-abès issus du grec : les M iraelel) dt, saint
,687;
' frap9ai.se p~r Poreiro.; t. Il, 1911, p. 3-56; Lo 8• Li"re d'Esdras Gecll'ges, œuvre de 'l'hêodose, évêque de J érusalen1,
. 13, (= Esdras· et N éh61nio canoniques), ud. et trad. française par
,chcn et l'Enconiium du saint, œuvre de Théodote d'Ancyre,
..
inus-
- Porolra, t. 1à, 1918, p. 64à•78!1; l,cs Par1iliporr1èncs 1 et 2, éd.
et trad. frnnçaiso pnr 8. Orébaut, t. 23, 1932, p. 528-??1. -
Le Pasteur d'Herm(l&, livre C(lnonique pour les éthiopien&, f11t
au:x cruels on ajouta le récit d'événements 1nil•ac11leux
concernant l'Jilgypte et l'l'.llthiopie. Les Actes dtJ Ta.kla
.906, édité, P,Ollr la première fois par A. d'Abbadie, à Lilipzig, on Al/<t, abba de Dahra Dima (« le Mont Calvaire 1>), en
rcrits 1860, accornpagn6 d'une traduction la lino. - J. 1-lorovitr,, Éthiopie centrale, rédigés au temps do l'invasion mt1sul-
lians Da, /lthi<>11iQch11 Maccabiiorbuch (non-canonique pou1• les rr1ane; ils nous décrivent los angoisses des communaulés
diJ8 étlùoplèns), ZAVG, l. 19, 190G, p. 194°238 (lcxto éthiopien et
, (et religieuses, les brtganclages et autres sévices dont le
traduction allc1nandc). pay$ eut à souffrir. En 1679-1674, un moine rédigea les
1aire
:oc, Consulter J. Ouidi, .La. prùn(, etan1pa de.l, N1tQ110 Tes1an1e1110 Acles de Walatta Petros t 16(i1, cette femme, devenue

,uns in atiopico fatta ù1 Rvma 11el 16,/8-1649, Rome, 1886; Le tra- moniale, qui s'opposa avec fougue au mouvement
914, d111ioni degli l!,'vangeli in arabo e in etiopico, f-to1no, 1888; catholique et au relâchement de la discipline monas-
î15; Sulla 11ersi,111e e $u/la rl!VÎRÎ-01111 delle sacre Scriuuro i,1 etiopico, tique.
dos ZAY(), t. 10, 18!!5, p. 236-241. - S. Gr6bàut, Manuscrits
·aria, tlthiopiBns appartenant à ,li., 1V. lJcrgcy, déjà cit6. - S, Euringel', 1. Synax.aire bthiopion : éd et trac!. française I. Guidi,
tB 11, • Sclwpfcrischc Ex~gcsc • ùn iitlliopi$Ohc11 Tfr>li11nliede, dans PO, t. 1, 190?, p. 521-?05; t. 7, 1911, p. 205-1,56; t. 9, 1 018,
(OC, Bib/ica, t. 17, 1936, p. 32?-sr.1,, la?9-500: Ein 1ïlliiopische1· p. 2:➔ 7-1•87; cont. par 8. (;lr ébaut, PO, t. 15, 1926, p. 5fi5 -798;
thio• Scholie11kom111entar z111n Hohenlied, t. 18, 1937, p. 257-276, t, 26, 19!15, p. 3-113. - 'fraduc:tion anglaise avec itnportanlo
921 , 869-882. intn)duct ion par E. A. Wallis Budgo, Tho Book of the Sctints
of the F.thiopia11 Chtlrch, 1. vol., Cambridge, 1928.
ïska ' 2. Hagiographie. · - L'bagiograpl1ie occupe un(l 1L Ùué11sing, Licfcrt ,las iith.iopischc Syna:r.ar Materialien
. 28, placo considérablo dans la littérature éthiopienne. Elle :ur Geschichtc Abcssc11icns ?, Ooet tingue, 1900; compte rendu
gtl/18 est caractérisée pa1· beaucoup d'oncl.ion et un a.bondant do !'éd. du Syria:raire, dans Thco/ogisahe Literalt(rzeitung, t,
28, emploi du merveilleux; si elle a peu de valeUl' histori- aa, 1908, col. 1191-498. - J. Ouidi, The ethiopicSenkessar, dans

cr,'8 que, son cachet littéraire est réel. Elle intéresse la doc- Th" Jo,.,,r11al of the Royal Asiatic Sooiet//, 1911, p. 789-758;
934, trine, la vie monasLique ot sph•ituelle. 19j2, p. 261-262. - F . Nau, Le Synaxairc éthiopien , ROC,
'ati.. t. 18, 1918, p. 328,330. - S. Grébaut, Le propre tlu Syna:raire
aut, 1° Pendant la période axoumlte, on l'a vu, furent •éthiopian, dans Ac,t/1iops, t, 1, 1922, p. 28 svv.
t. 1, traduites sur le grec trois rouvres rnona.stiques fonda- on peut com,ulter :m. Amélinea\1, Les Ar.tes d(1,q 111ar1yrs de
yil). rnentales : la Vie de saint Paul errnite, dont le texte I' Êglisc CQptc, Paris, 1890. - B. 'l'uraiev, lJe fo11tibus historiae
' d'' éthiopien cornporte un fl'ag1nent qui n'existo pas dans Acthiopia1, hagio/ogi.cis diasertatio, Saint-Pélorsbourg, 1902,
8
klla on t'URSA, et Mo11u1ne11ta Aethiopiae hagiologica, a f(lSC, , 1902-
le grec et aurait été ajouté postérieure,nenl., la Vù1 de 1905. - JJibliothaca ha.giogrctpliièa oricntc,lis, J3r\lxelles, 191 O.
saint A.nt.oinc par saint Athunase et la Règle de saint '
the 2. Los " neuf filaintâ 1,. - 1) 7,a-tl'likael Aragnwi (1. Oui<li,
1US·
Pacdn1e.
Il Cadlct 1lrcig(11.,i, éd. et tra<l. it.ll.lienne abrégée, MH.AL, 1896,
~58, 2° La fin du 1.48 siècle connut la prodigieuse impul- p, 1·98, et M.-A. van den Oudenrijn, La 1•i.e CÙI saint Za•Mikacl
ara• sion du métropolite Salama. Son but était de 1•e1;se1•1•e1' Ar11.gawi, Pribourg, 193!!; 2) Pa11talswon (C. Conti Rossini,
ann, les liens avec Alexandrie et de détourner des idées Ac11t Yared et Pantalswon, CSCO 26, 1904; 8) l$aac Ga,•ima·;
• dissidentes » qui se répandaient à travers les monas- r.) Afst! (et C, Conti Rossini, La lcggcnda ili cibbci Afsê i11 Etiopia,
,e nt t-0res. Do cotte époque datent les traductions de la Vi6 dans 111rJlan.:;cs s.vricris R. Dti.ssctrtll, t. 1, Paria, 1989, p. 151-166)·;
ile; de saint Alex Ï,ç (Cabra l(restos) , des Actes des rnartyrs, 5) G1tba; 6) AM/; 7) Yc1natc1.; 8) Li/Jl111os (cf (;. Conti Rossini,
Ri,·ordi di 1u1 soggior110 i11 /Jritrea., t. 1, Asrnarii, 1903, p. 25•
.du, surtout du Sy11a;r:aire.. Le Synaxair11 r6su1ne -la vie des 41); 9) Scluna.
tra- saints pour chaque jour de l'année i au cours de l'office •
en on lit ce qui se rapporte au saint du jour. Siméon, venu ,L Los fondatoura . - 'l'ekla H:.1ymanot,, cf r.ol. 11,fl1. -
:vre du couvent égyptien de Saint-Antoine, lo traduisit Acta. S. Ba•sàlotc, Jlf.ikaèl (fln 13• siècle), composés fln 14° s.,
ites sur le texte arabe utilisé par l'Église cop Le. Le Synaxa.ire éd. G. Conti H.OS$ini, CSCO 28, 1905. - Acta ,S. Aaron.is cl
S. l'hilippi, discipleij de Da-salolû, éd. D. Turaiev, CSCO 30,
,urs actuel co1nporto dos vies do saints éthiopiens qui n'exis- 1908. - C. B cizold, Abba Gabra il'larifcis Qccld,.,,~, coll. N achrich-

l'la- tent pas dans le copto et des interpolations dues ù tun dur Gosollsc.hart. der Wissenschaften, Ooattinguo, 1916. -
lls l'imagination des éthiopiens. La l.radnction du Synaxairè A c11i S. Eust1tlT1ii (Oadla Q!!ddus lTiwostatewos, 14° s.), éd.
1tus provoqua la composition de nornbreuses œuvres hagio- D. Turaiov, Saint-PéterijbOurg, 1905; trad. latine, CSCO 82,
rie, graphiques. 1906, - C. Conti Rossini, Nots di agiogra(ia ctiopica : Abiya-
4~ Egc.i, Arkaledes c Gabra Jyasus, RSO, t. 1?, 1938, p. 1,09-',52.
8° Au 158 siècle, la lilté1•at111'0 hagiographique
eur 1·evêt un caractère national. On rédige la vie des rois, 4. i\.utreii slÜllts. - F'. 111. E. Pèrtlira, Ac1<1 martyru111,
1tes qui ont laissé une renomn1ée do sainteté, en particulier CSCO 3?, 1.907, éd. et trad. latiné: S. BMilldc, L1•ad. p(lt' l'abba
~llo do Lalibela et de Na'akueto la'Ab, los biog1•aphies, Sin1éon sous Dawit 101 (1882-1~11); SS. Juste, Abuloios et
itir 'l'hcioclée, trad . pnr abba Sahuna, 1r.• siècle; S. Th'éodore d'Anû-
conse1•vées jusqu'alors oralen1ent, des << neu[ saints >1 tolio; SS. Apater et Irène; S. Claude, trad, p(lr :.ibba Sahuna;
et des grands 'fondateurs de monastères : Iyasus Mo'a, $ . Victor; $. Sislnnl us.
~lia du n1onastère de Dabl'a Dam1no, Takla I·[ay1nanot, 1". M. El. Pereira, Viclci clo S. J'ar,/o d() 'J'liebas, éd, éthio-
es), fondateur de Dabra Libru1os, et son disciple Philippe, picuno, Lisbonne, 1903; tr(ld. portugaii;il, Coï1nbrc, 1904;
'1n- Vil/ci clo abb1i Scunucl do 1110.•teiro do Kala111on, cd. éthiopienne,
ios, Gabra Manfas Qedflus, fondateur du couvent de Zuquala,
etc. Li$bonne 1894.; Samuel, fondateur do l(alamon, couveot copte
sà cl'J•:gypte, vi,•ait à lu fin du 7• siècle; cr J . Sitnon, Saint Sa11u1el
Parmi los textes plus irnportar1I.$ pour• l'hisl.oi1·0
(le /(ala111on et son 111onastèrc clans la liU~raturc, A1/1.iopien11e 1
rnJ. littéraire et religieuse, il faut signaler : les Acte$ de dans Aethiopica, L. 1, 19aà, p. 36•4.0. - E. A. \IVallis Budge,
par saint Sébastien, p1•en1ière traduction éthiopienne d'un 'l'/w [,ives of il'laba Seyo1t and G<1bra Kre.sl<>s, Londros, 1898;
:in•- écrit rédigé en latin par un pseudo-A1nbroi$e a.vant le George of Lyihlc1. The Patron Saint of l!.'ngland. A Stucly of
13, 98 siècle, J.,a traduction date au plus tard du 1G8 siècle. the Cultus of St, George i11 )ft/!iopia, Londrcis, 1\laû. - Mira-
)lt, Les Miracles de i,aint Georges, traduits peu après les c1,lorum sa,1eti Georgii 111egalo-111artyris col/.cctio aucr(t, éd, V.
ées .Actes précédents, proviennent de la juxtaposition de Arras, CSCO 188, 1959. - E. Corulli, Gli Atti cli Talcla Alfa,
.'E.
1467 ÊTI-IIC>PIE i468 14
de.ns A1111ali del R. lstitiao 81,1,criore Orientale, nouv. série, Sur le PhysiologuR, voir B. E. Perry, dans Pauly-WIB!I01\'a, 190
t. 2, 1942, p. 1-87. - C. Conti Rossini, Acta sancti Takla Real-Enci1cloplltlie dsr classischen Altortiimil<visscnchaft, t. 20, S. 1
Hawaryat, CSCO 57, 1910, moine à Dabra Llb1\noa à la fin du rnsc. 1, 1941, col. 1074•1129. - C. Conti Rossini, li /t'isioloto 1ia11
15• $iècle, éd. et trad. latine. - C. Conti Rossini et C. ,Taegor, ('tiopico, RSE, t. 10, 1951, p. 5-51. - La première traducllon Der
Acta sanctac TValatla Petros (1$04-1644), CSCO 68, 1912.
- En rapprocher : E. Col'ulli, Gli 4.tti di Ilatra Màryam,
allemande du I'hysiologus éthiopien est due à F. Rommel,
Leipzig, 1877-
-of j
RSE, t. 4, 19',4-1945, p. 133-11, t,; t. 5, 1946, p. 42·66; Oli 20 Lltt6rntv.ro apocryphe et apocalyptique . ~ Ce l
AUi di Zena Maryani, monaca etiopica dsl sccolo x1v, RSO, éd.
t. 21, 1946, p. 121-156, et Atti di KrBBtos Sa,nrâ, 1nonialo gnnl'A a toujours rencontré grande vogue en ]!}tlüople, COIJ
du 15• s., con1posés à la fin du sièclo, CSCO 164, 1956; Atti ,li particulièremenJ; à la fin du 13° et au début du 148 avo
Giulio tl{ Aqf<lll$, martyr égyptien de la fin du 3• siècle, trad . siècle. Nous retiendrons : Jal
éthiopienne du 17•-18• slèclo, CSCO 190, 1959. 1. Le Masha/(t K idan ou livre du Testa,rnrnt de 19t
On peut signaler cnco.re : C. Co,1tl Rossini , Acta sa11oti iVotre-Seig11eur, t1•aduit de l'arabe; 2. l'Apocalypse de pro
Mcraurii~ n10Jnc, t 1419, disciple do S. Eustathe, CSCO 33, Pierre, do nt le texte éthiopien a pu combler les lacunes taU
190'1 ; Acta sancti J/01wrii, 1noino, t 1374, CSCO 29, 1905.; di.
Acta sancti Abakcra:1'1t, slâphanlte, 'I" 1471, CSCO 57, 1910, du texte grec; a. 'le Qalémentos (Clé1nent), comportant colt
od. et trad. lat.ine; L'autobiografl.(, di Pawlos 1nonaco cibissitlQ :,ept livres dans le!;qucls saint Pierre raconte à Clément
tle Rorne la créai.ion et la naissance de la Vierge, tout 2
del secolo xv1, RRAL, 5• série, t. 27, 1918, p. 279-296; Un Nat
aa11to eritreo : lJ1trulc An1l,1k ('lfa• siê(!)o), RRAL, 6• s(!rie, l. 14, ce que le Christ lui a personnellement appris sur 10$" p.1
' 1938, p. a -50. - I . Wajnberg, Das Lcbcrt des hl. .la/qorcina rnystéres et les hérésies de Sirnon le ,nagiclen; lt. Je PO
'Egzi', du 14• siècle, t.ext.o olhioplen ot trad. alle,nande, OCA li'eklcaré lyaslls, ou explù:ation de Jésus à ses disciple/! 19~
106, 1936. - R. du Santis, Il Gadla Taàdo1Pos di Dabr(t Bar- sur la fin du inonde et ses calamités; 5. la Vision de No1
tarwa. Un co11tributo allo str,dic> della leu.eratur(l agi1>graflaa r;1tcno1ttc, sur le jugement dernier et la condamnation 191
etiopica, dans Anr1<1li Lc,wra11e11si, t. 6, 1942, fondateur au en
1~• sièclo du monastère de Barlatwa. - L. Ricei, Le Vito des hérétiques; 6. le Livre des ,nystères du ciel el de la
terre, ou recueil de révélations faites au 15° siôclo par litt,
di E,nbaqo,n c di Yoltan11eR abbati di Dabra Li/J«nos di Scioa, lrru
16&siècle, RSE, t. 13, 195',, p. 91·120. - l\1. Allolte de la 1111 ange à Ba-Hayle Mikael, maître du ,noine Isaac;
l
Fuye, Acte~ de J,'ih11ona (Philémon), CSCO 181, 1958, moine l'auteul' du livre, qui ont trait à la création, à l'angélo- Au
êthiopien du 11,• siècle, neveu de 'l'addowos; Actes composa..~ logie, à la vi$ion d'Ézéchiel, à l'interprétation ésoté• d8J
au début du 15• si~cle. - P. Peeto1'S, S. Ar1toinc le 111!Q-111artyr,
dans Analecta bollandiana, t. 31, 1912, introduct.ion (!t texto
rique de !'Apocalypse de saint Jean, otc; en ce Lîvro,
parfois aride par ses énurnérations et ses subtilités,
-din
6ihloplen, p. 410-440. pm
Ranger au nombre dos hagiogl'aphie11 légendaires le • ron1an •
bouddhiste de Barlaam et J oc,saph, dont on connait le succèl!
difficile aussi p11.r l'abus du symbolisme, on retrouve
le mythe, rréquent dans la littérature éthiopienne ,~
Ou,
univorsol. La traduction éthiopiênnc, d'après une version do tendance gnostique, da la perle immaculée, qui de
gônl'wation en génération se trananlit d'Adam à Marie Frl
arabo antérieure au 13• sièclo, rut faite par E,nbi1ko1n, on
1558, on pleine réac:tion musuhnane. Cf E. A. Wallis Budgo, (ut E. Cerulli, Storîa .. , p. 50-52; supra, col. 1455). ~
Baralâ,n a11d Yqwllsef being 1hc Ethiopie Jlersio11 of a chris• lêg
1ia11ized recension of the Burldllisl Legend of the ButJ,U1a a1ul Généralitils. - J ,•D. F1•ey, art. Adarn (apocryphes), DBS, C'IJ.
1he Bodhisauwa, Ca1nbri(lgij, 1923, 2 vol. L 1, 1928, col. 101-134; J .-B. Frey et Jt Amann, o.rl. ou
;ipocryphcs, col. 354·533. Ap
3. Théologie et patristique. - Il étai.t, na tul'el 89,
1. Anolen Testaxnent. - Le co,nbat d'Adan& et d'l!va,
que l'Église éthiopienne 0l1erchat à posséder en sa t\d. par J~. •rrumpp, l\[u11iclt, 1881; lrad. allcmando par A. Dlll- pru
langue les textes des Pères en mê,ne t.en1ps que la mo.n n, Das chri.ttlicho Atlarnbtwh des Morgcnlanclcs, Ooettlnguo, ~d
i.ain le l!.:cl'ituro. A l'époque plus ancienne, cette litté- 1853; lrad. française dans Dil:ti1>1111aire des apocrypl,cs, t. 1, Rli
rature théologiqtic l'Cv~t un caractère franchement Paris, Migne, 1856, col. 297-388; trad. anglaise p11r S. C. Malan, et
apocalyptique, tandis qu'au 16° siècle, époque de Londres, 1882. •
l'invasion musulmane et de la venue des jésuites, elle Apocalypse ou 4• u,,re d' Esdras, 6d. ot trad. lallno par R. Lau- 191
1·P.nce, OxfQrd, 1820 ; éd. critiquo pa1• A. Dillmann, Berlin, 1894; da1
est plus polérniqu,e. 191
l,rad. latine dans A. F. 0!1•001•01•, Prophctac vctcrcs psorukpi-
1° Pntri11ttque. - J.,o Qcrillos, t1•aduit sur le grec 1:raplii, Stuttgart, 18110 ; trad. française dans l)ictio11nairc des ll l
pend,ant lu période axoumi tc, est une con1pilation 11.pocryphcs, t. 1, col. 579-6', 8; par R. Dasset, coll. Las npocry• !
d'écl'its patristiques qui regardent surtou L les ques- pl\es éthiopiens 9, Paris, 1899; lrad. aJlo,nande par B. Violet, sot
tions ch1•isLologiquos. Cet ouvtage, le ,plus ancien qui l ,eip1.ig, 1923. - Lo Livre de Baruch et lei légende cle J drdmie, 1 9(
ait été utilisé pour l'enseignement de la théologie en Lrad. B.. Bllilset, coll. citée, n. 1, 1893. - L'A sccm,,ion d'laale, 19(
~thiopio, doit son no1n au fait qu'il débul,e par le D(l éd. ot trad. nnglaiso par It Laurence, Oxford, 1819, et pàr la
rt I-I. Charles, J, on<lres, 1900 ; trad. lat.1110 par J. Oieijeler, 1 91
recta fid11 de saint Cyl'ille d'Alexandrie. Il co,n()rend, Ooettingue, 1882, reproduite dans A. F. Gtroerot, loco cit.,
de Cyrille aussi, le Prnspho11eticus ad regi,1as et le Quod tel'
ri. 1·55; trad. ul101nando pa1• H. J olowicz, Die Jlùn111el/ahrt Qa,
Chri.f!tt(il sit unus, puis un l'ecueil d'hon1élies el: d'ext1•aits r,nd Vi.~Îll1& des Prophete11 I esciici, Leipzig, 1854; éd. ot trad. p.
de Pères grecs (Gr'égoîrc le thaun,aturge, Épiphane de alle111a11de t>ill' A. Dlllmann, Leipzig, 1877 ; ftrad. trançalso t. '
Salamine, Sévérie11 de Gabala, Théodotc d'Ancyre, duns Dictionnaire des <ipocryplUJs, t. 1, col. 6'- 7-674 (la disscr• t. !
J uvénal de J érushle111, etc). Les textes ch1•i$Lologiqucs talion de R. Laurence, qui accompagne son édition, est tr11duite, 11'.
se réfè1·ent au concile d'Éphèse et insistent sur l'unité ,~ol. 673-696); par l'l,. liasset, coll. citée, n. 3, 189'1; par El. Tis,
de nature dans le Ch1•ist. Ils ont été adaptés it l'ensei- i;erant, Paris, 1909, 11,voc uno llnportanto introduction. pu

Le Livre d'l:lénoch : l1'ad. anglaise (jusqu'alors soul to:do Sel
gnement du mo11ophysis1ne. On sait que Je céléhl'o connu) publiée par n. Laurence, Oxford, 1821, qui édita lo 191
écrit . syriaque du pseudo-Épiphane de Sala1nine, le toxto ulhiopicn en 1808; trad. allemande p11r A. C. Hoffmann, tell
Physiologus, a ét~ traduit en é U1iopien, saris doute dans Iéna, 1838; t.rad. latine dans O!roorot, loco dt.; !Id. (Leipzig, 1.g
un but d'édification. 1851), tr!.ld. alle,nando at com1non tairo par A. Dillmann, LolP.-' .J.
Édition partielle du Qorillos dans 111 Chrestonlàlhia; plusieur8 ûg, 1853; éd. par J. Flom,ning, 'l'U 22, 1902, et par R. H. Char• édi
homélies du Qerillos, égaJen1ent dan11 la Chrcstomathia, ont titi, los, Oxford, 1906 (la plus complète), et trad. anglaise, Oxford, Û.I
t.raduiléS en français par S. Orûbaut, ROC, 1910-1011. - 1912; l1•ad. r,•ançaise dans Dictio1111afre des apr,cn_1plte6, t. 11
M. Rodlnson, L'hon,dlie $Ur la foi en l<l ·Trinitt! de Sé~tlrien de col. 425•514 (la dissertation do Lauron()<!, qui accompagne
Gabala, dans A11i... , 1960, p. 381-396. f;on édition, est traduite, col. 997-'12'1); par Fr. MarUn, Paris, la
-
·- 1470
i468 1469 THÉOLOGIE E1' PATRISTIQUE
~ow.a, f906, avec importante introduction. - Voir El1u1nllnuelo da l' Jsla1n, 1'éfuto les « hérésies », défend le monophysisme
t . 20, 8, Marco, Jl concettc di giustizia dell'Eiioc etiopico c S. Paolo, et, insiste sur l'attachement à la foi.
1iolo10 (fane Biblica, t. 18, 1937, p. 277-1102, 383-417. - E. Sjtlberg, ·t) Le Livre du 1nystère (Mashafa M e11eir) ost une
1ctlon Dor M~~chs11sohn ini iithiopisehèn , Her1oehb1,ch, Lund. 191,G.
1nmel, - D. Ullendorll, An aram"ié • Vorl<1(1e • of the ethiopic text œuvre compilée en 142~ pàr un certaio Georges de
of Erwch?, dans Atti... , 1960, p. 259-267. Saglll, qui l'aurait rédigée à la suite d'une controverse
Lê Li~re des iubilés (ou Petite Genèse, Mashaf,i Ku/ale), avec un européen. Ce volumineux traité combat les
- Ce éd. ~t trad. al101na11do par A. Dillmann, l(iel, 1851; éd. plus ,, hérésies )> trinitaires et chriatologiques et rapporte les
opie, compluto par R. I·I. Charles, 011:rord, 1695, et trad. anglaiso doctrines d' Arius, de Sabellius, de Nestorius, d'Euty-
1 14e avec com1nontaîre, Londres, 1. 902; cf Fr. !,fartin, Le LiPro des chèii, corn1ne celles d'Ol'igène et du concile de Chalcé-
Jubi~3, but et procédés do l'11ute11r, dans Re~ua bibliq,u:, t. 8, doine. Ce Livre a s 1·ande importance pour l'histoire
lt de 1911, p. 321-St,4, 502-583. - Il se)nblo quo la .L<tgendc ,lu d e la théologie en l!lthiopie.
Be de prophAto Habacuc soit la plus ancienne traduction éthiopionno
laité sur texte arttbG {1263). Cf C. Conti Rossini, La leggcnda 2) Zara Yaqob 't 1468 a écrit ou tait écrire plusieurs
:unes
a{Ha.bacuch nolla ~orsiono ctiopica, dans S1!1.di etiopici rac- co1npilations, mal composées d'ailleurs, où l'idolâtrie
rtant coltida C. Conti Rossini, Rome, 1946, p. 17-',0. est combattue, la 1nagie et la sorcellerie jugulées, les
ment hérésies réfutées (en particulier celles des stéphanites
tout 2. Nouvoau Tostamo:n~. - Le Testament eii Oalil,fo de
Noird•Soignc!4r, éd. ·ot trac!. par L. ()uerrier, PO, l. 9, 1912, et des mikaélites), la sanctification du sabbat rendue
Il' les
p. 141, 286. - les miracli:s de Jésus, éd. et trad. par S. Gr6baut, obligatoire au même titre que lo dimanche, la réception
4. le PO, t. 12, 1\H7, p. 5!\3-652; t. 14, 1920, p. 769-855; t. 17, d~! l'euchal'isUe réglemen Lée, les fêtes en l'honneur de
liples 192,, p. ?85-857; et S. Grôbaut, Aperçu s1tr les Miradr.s d"
,n de lil Vierge, des anges et des saints, augrnentées ou renou-
Noire-Seigneur, ROC, t. 16, 1911, p. 255-265, 356-367; t. 21, velées, la fidélité au roi recommandée, etc.
lltlon 1918·1919, p. 94·99. - Le Fckkaré Jyasus a été 6dit.é et traduit
on russe et on latin par V. Wajnberg, 1.:011. :r.1011u1nonts do la Ces livres sont le M«shq;/a Berha11 ou Li(lrc de la
de la
littérature éthiopienne 6, Saint-Pétersbourg, 1907, et en lu1nière, qu'est le Christ, le Mashafa Milaà ou Livrfl
, par
français par R. Ba.~set, coll. cit., n. 11, 1909. de la naissance de Notre-Seigneur et le Livre de la garde •
saac,
gélo- Les Acte9 de~ Ap,ltres (Gadla Iiawaryat) ; I. Ouidi, Gli de l'euoharistitJ.
Aui apoari'{i degli Apostoli nei tasti copti, arabi cd e.tiopici, :·1) A l'époque de l'invasion musulmane et de la venue
sotli- d9.0B Giornale della socictà 1isiatic(i it1ilia,1a, t. 2, t888, p . 1-66.
'
,içre,
'
- td. et trad. anglaise par E. A. Walli!J Budge, 1'Jui Conten- dec1 roissionnaires appartiennent les co1npilations sui-
lités, dings of the A.postlcs, 2 vQl., LontlreR, 1899-1901, el rééd. vantes : - le Fekkaré Malakot ( Interprétation M la
ouve partielle, Oxford, 19a5; cr M. lt..ln1noa, dans 'l'he Jo11rnal of divi,tité) est une œuvre d'un " dissident » mikaélite.
enne theologic,&l S1u1lù1R, t. 3, t902, p. 286-29'1. - llf.•A, van den .A l'occasion des discussions théologiq\les, les disciples
1i de Oudeorijn, Gan1aliet. Aet/1iopisclie Tc.ttc :.1,r Pilat,,,.~literatur, ùu moine Za-Mil<ael, dont Zara Yaqob avait
Carie Frlbol.li'g, SuL~so, 1959. co,nbattu l'hétérodoxie, en profitent. pour soutenir
3. Apocryphes marials. - Plusieurs se rattachent à la l'incognoscibilité. de· Dieu; un certain gnosticisme
lôgende d'1Ù1 séjour do la sainto Famille en Éf.hiopie. Apo- aflleure dans tout l'ouvrage. De lect.\Jre volontair01nent
DDS crypha de JJeata M1iriu Virgiric : Lib11r 1Va1ivitatis Jlllariae diJricile, le Fekkaré contient de fort belles pages litté-
art.' ou Protôvangile do Jacques, l,ibcr d<; transitu Yirgi11is Ma.rias, raires. E. Cerulli l'a édité et .traduit en même temps
Apoc1dypsis Sei, <•isii> M,1ria,1 Virginia, 6d. M. Chaino, CSCO quo le }Jamara, Na/s (Le 11avirc de l'â,ne) et le Mars
'hve, 89, 1909. - Pridrcs de la Vforse à Bartos et a.tt Golgotha , tracl.
par R. Busset, r,()tl. cit., 11. 5, 1895 ; cr C. Conti Rossini, La. Anûn ( Le port Msuré}, œuv,·es mil<aélites qui exposent
Pill- les mômes doctrines. - L'Haymanota Abaw ( Foi <les
1&-uê, r1i1laiwne etfopica della pre{llliera della Vcrgiru: /r(i i ('arli,
t. 1, RRAL, t. 5, 1896, p. 1,57.1,79, - La Vi$iOn 1le 'J.'héopltile; 1Jaintfl ,Pères) est une grande compilation copte des
lian, éf C. Conti Rossini, Il diseorso sul Af()fl/e Cos,1arn attribtdto Pères de l'Église, traduite sous le roi Claude (15110-
a Too{Uo d'Alcssandritl ncllll ('c:rsùn1c etiopfoa, RRAL, t. 21, 1559); ses no1I1breux textes sur lu Trinité et l'incarna•
l.,au, 1912, p. a95•471. - P. Peeter!J, La lét;endl' de Saldnaia,, tiûn ont pour but d'6tayor la doctrine monophysite
,894; dans Analecta /,Q/la11,tia11a, t.. 25, 1906, p. 187-157; t. 51, danii lei; cont1·ove1•ses avec les missionnaire$. Formée
lspi- 1933, p. 434-486; sur la 1n&ue légende, voir aussi E. Corulli, surtout d'emprunts tl ùei; docteurs aloxandrins
1 des ll_libro ~ti.)pico dei Miracoli .. , p. 231•290, cité ir1fr<1.
(saint Athanase, etc), à saint Grégoire le thaumaturge, à
1ory- 4. Littornturo p•oudo-clbmentlne. - $ . Orébuut a lrnduit saint. Grégoire de Nysse, à saint Éphren1, cotto antho-
olet, sous lo titre de Litiératuré éthiopim111,i pseudo-clé,nentino (ROC, logia est la. pri1)cipa.le source des connaissances patris-
ln1ie, 1907 à '1928) : lo MystArcl du iugen1e11t des péch~urs (fiOC, t. 12,
·sale, tiques des écoles religieuses; elle a été révisée plusieurs
190?, p. 288-297, 380-392; t. 13, 1908, p. 166·180, 314-320), fois selon les vicissitudes des luttes théologiques.
par la Seco11de ~en11e du Christ ot Ici résu,.rcct.ion iles nt,<>1·ts (t. 15,
eler, 1010, p. 109-21'•• 807-823, 1125-439; présent[ltÎOn des deux - L'Anqa.tsa A 1nin ( Pr,rte cle la foi) . l/aut.eur eHt
c.it., lexlos, t. 12, 1907, p. 189-15'1) ou Apnnalypse da Pierre, ol lo un arttbe, converti au christianisme, devenu abbé du
fa/irt Qalémenlos (t. '16,
'
191.1, p. 78-84, 1f,7-175, 225-233;. l. 17, 1912,
.
couvent; de Dabra Libanos sous le nom d'Embakom
:rad. p. 16-81, '1 33-144, 2l,4-21i2, SS7-3',/i; t '18, 1(113, p. 69-78;
'

(Habacuc). Il résigna aa charge en 1526 pour s'adonne1·


)aisa t 19, 1914, p. 324-8 30; t. 20, 1915-1917, p. 83-37, 424-430; à 1'6tude. Son œuvre est de grande valeur; c'est une
ISOr- t. 21, 1918-1919, p. 21,G-262; l. 22, 1920-1921, p, 22-28, 113· apologie do la foi qui utilise des passages du Coran
~ite, 117, 395.1,00; t. 26, 1027-19~8, p. 22-31.
'l'is- pour démontrer Ja vérité du christianisn1e et l'univer-
Sur la Vision de CJwnotitc, et A. Orohm11nn, Dis inl aethio-
pischen, arabischcn uncl koptische11 erhalteneii Visio11e11 Apa salité de l'l!lvangile à l'encontre du caractère naliona-
exte SchenUUJ's Pon Atripe, ZOM(¼, t. 67, 1913, p. 187-207; t. 08, lisl.A do l'Isla1n. Œuvre encore inédite. - Lo Mazgah<L
a le 1914, p. 1•46. - La Lipre des 111ystères di, ciel et de h, terre, l/(ï.y1na11ot (Trésor d1J la foi) rappo1'Le l'histoire des
lDn, texte éthiopien et tntd. JHU• J. Porruchon, PO, t. 1, 1. !10?, p. qu,ttre premiers è\>riCiles à l'occasion d'un débat sur
1zig, 1-97; continu{, par S. Grébaut, t. 6, 1.9'11, p. 8:ï9-1,61,; i;t la christologie entre le clergé et les missionnaires, tenu

81p- J. Slu1on, dans Diblica, t. 18, 1937, p. 1',3-1(.G, sur cûtle on présence du roi Claude, entre 1555 et 1559.
119.r· tiditlon ot collo do E. A. W. Budge, The Hooft of the 1nys1erios.. ,
ord, Le fragnient antiehalcédonicn de, Mwhafa Mestir, trad. par
Oxford, 1935.
i. 1, L. Guerrier et S. 01•ûbaut, dans Acthiops, t. 3, 1930, p. 17•20. -
gne 30 La lit~ratu.re apologbtique et po16mlqu.e montre Sur l'H11ymanota A.baw, voir (), Oraf, Zwci !log,natisclu: Flori•
ll'ÙI, la supériorité du christianis,ne sur le paganisme et lcgicn der Kopte11, OCP, t. 3, 1937, p. 31,!)-402.

1471 1472 14
Le Fckkar6 Malakot est édité par E. Cerulli d'après le ms plusieurs ont été recueillis par E. Cerulli (Etiopi in jol
Eth. 119 de la bibliothèque 11at.ionalo do Paris; et traduit l'alestina, t. 2, p. 880-481). Te
en italien : Scritti tsoÙ>cici stiopici d,ii secoli xv1-xv11, t. 1 de
'l're opw;coli dei Mikaeliti, 'coll. Studi e Testi 198, Cité du 20 IJa DidaJJcalie des ap6tres ou Constitutions apos·
Vo.ticnn, 1958, p. 1•152; suivi de l'édition et de la 1,ro.duction toli'.ques et le Senodos sont la source du droit cànoni• Cb
du Ha,nara No.fs, p. 153-231, et du il1aro A,nin, p. 21)3-81~; que. Le Scnodos est une compilation pa$1!6e do l'arab'a
le t. 2 La Storia dei quattro roncili ed altri opttscoli n1onofisiti,
en éthiopien vraise1nblablement sous le règne de Zara Bt
1060, lldito Jo Mazgaba llüym;1not ot lo traduit on italien, Yaqoh; il comprend des canons apocryphes, les uns àr
p. 1-101; éd. ot trad. ital. du Sawanct Na/$, ou Co11s/Jlation attribués au Christ et aux apôtrAs, d'autres reçus Qll on
de l'dme, p, 103-185, composé par Newaya Mo.sqo.l en 1603·160'• Christ par saln1:-Clément de R.ome, des canons conci- 3)
pour défendre la christologie de l'Église é!.hiopionne; éd. et de
trad. ital. du MaRhiit1, La/,/Juncï, 011 Miroir de l' intellicsncs, liah·es (Nicée, Gangres, Sardes, Antioche, Néo-Césarée, au
p. 187-186, cornposs ail 1621-1622, qui reprond les princl• Ancyre, Laodicée) et d'autres écrits eccléaiastiques. re,
pales tluisos n1ooophysites ôthiopionues; 6d. ot trad. Hal. de l ,e texte original est en 1nelchite; le traducteur a
l'Asarttt Ta.sê'elot4t, ou los Dix qitestions, p. 187-236, dialogue soin d'éviter ce qui serait de nature à diviser melcl\ites de:
populo.Ire, composé au 179 siècle, sur les problèn1es de la (oi. et monophysites; il 01not les décisions du concile do qu
m◄
~- Théologie :morale et spirituelle. - Trois Chalc1\doine. (A
ouvrages sont considérés comme fondarnentaux pour 3° LiCJre de la garde de l'eucharistie (Ta'aqebo Mestir);
Q<J
la formation dos moines. D'origine syriaque, ils ont été voir supra, col. 1~59.
traduits de l'arabe sous Lebna Dengel (1508-15 1,0). t,0 Lo Jt'ctha Naga,qt (Législation d.e8 roù1) est uo livra de
1 ° Le Jt'ilkesyus (Philoxène) est un traité attribué fonda1nent1.d pour l'enseigne1nenl du droit. C'est la Al
à Philoxène de J\-labboug t 523 sur la vio monas- vt1rsion éthiopienne- du texte arabe du No111oca11on rai
tique des Pères du désert, sous fornle de questio11s et cl' Abou Ibn al-Assai, compose dans la prenüère moitié du
do réponses. Voir art. Pltil<Jxtlnc de Mabboug, DTC, d 11 13° siècle et introduit en Éthiopie au 17°. L'ouvrage be
t. 12, 1Y35, col. 1521-1522. 2° J..e Vieillard spirituel ost comporte une partie réservée au droit cîvil, une seconde de
formé d'œuvres ascétiques de Jean Saba, cet ouvrage ~1 la disciplinA ecclé$ia,9tique; son U$9.ge ne su1>Plaota m◄
date de 550 environ. Il se compose de trente-sept pas célui du droit coutumier. La traduction est fort me
leçons sur des sujets de morale et de vie spirituelle : • éloignée de l'original, par suite de la difllcultê que pré• rai
blasphème, fornication, garde de :,ol po\11· ar1•ive1• à la sontent les ter1nes techniques. ve
perfection, etc; et de quarante-huit lettres de Saba. ~dition da la llo11le de Pac6n1s, dam,; la Chr,istomathia; Les du
3° Le Traité 81Lr l'a,qcèse d'Isaac do Ninive (Mar Ishaq). règles auribuéss à saint PalthtJnis, trad. par R. Basset, coll. Les Sa
78 siècle, édlt,é en aml1ariq11e à Acldls Ahoba on 1928. orocryphes éthiopiens 8, 1896.
On peut rapprocher de ces ouvrages le Fa,Ps Ma.1ifa- 'l'h. Pell Platt a édité et traduit en anglais les 22 premiers pa
chapitres de la Didascalie, The Ethiopie Didascalia, Lond~. M1
sà,t11i ou médecine· spirituelle, composé pàr l\ilichel, 18:14; J. Françon a continué, en français, la traduct,ion, ROC,
évêque d'Ahib et do Malig (Égypto), ot traduit vors t, 16, 1911, p. 164-166, 266-270; t. 17, 1012, p. 100-203, 28G- M.
1680. Divisé en trente-cinq chapitres, il renforrne des /la
2\J3; t. 19, 1914, p. 1811·187, - · J. M. liardera, 7'hs sthiopic ibi
préceptes sur les péchés et se termine par des enseigne- ,tirtasc(tlia, New-York, 1920,
1nents sui· le hapU\Jno, les églises et la disciplino du Se.11oil<>S, éd. par 'l'h. Pell Platt, Londres, 1834, - I. Guidi, s.
clergé. l.>;r ilt/1iopüc/le • Senodos •• ZJ)MO, t. 55, 1901, p. 495-502. - et
Il conviendrait cle rappeler la traduction d'innombra- <:. Conti H.ossinî, Il • SenQtlo,~ • ctiopico, dans Rc11diconti du
bles textes patristîques qui rolèvAnt aussi bien du dogme ddla R. Accadentia /taliana, Sol'ic1 7, t. 8, 1943, p. 41-~8- m;
C, Conti Rossini, Il libro di re Zara Yaqob suUa custodia 18:
que de la spiritualité, par exe1nple des ho1nélie.s dA elt.:t Mistcro, RBE, t. 3, 1948, p, 148•166. •
suint Jean Chrysostotne et en particulier son Corn,ncn.- cf,
1. Ouidi, Il Fctl1a Nagast o Lcgislcizionc dei Re, éd. et trnd. Mil
taire aux lfébrcux, édité en amharique à Addis Abeba il.Hl., Rome, 189?, 1899. - J\1auro da Leonissa, Tc~li <li diriuo ni.e
en 1923 (un certain norobre de r.es l1on1élies onL été antichi (e nioderni) riguartla,ui gli Etiopi, coll. Codillca1,iQne La
éditées et traduites par E. Pereir·a de 1910 à 191 ~), ca11onica Orio11tàlcl. Font.i, fasc;. 5 et G, Cité du Vatic1Jn, 1981 da1
des homélies de 'l'imothée l1llure, patriarche d'Alexan• c,1: 1.932; l'cnsc1nblo dos oxtrails sont tirés du )roeha iYagas,. -
drle, un Comnientaire des ÉCJangiles, sans dout,e de Denys Jl. da MatU'dll, Va/ore giiiridico delle consttetttdini stiopiche, M,
clans Atti ... , 1960, p. 211 ·222, - L, Guorrler, C11no,w pdni•
Bar S9.libi. 'Jl.

On traduisit également de l'arabe le De octo vitiosis 1t,mtie/,q, texte éthiopien, trad, e.t commentaire, ROC, t. 21,
'J18-1\119, p. 5-211, ll/115-8155. pu
cogitationibu..~ d'Ev!lgre le pontique; traduction f1•a.n- da
çaise par S. Orébau t, Exhortation. aux a.n.achorète.s, 6. Liturgie. - C'est du 14" siècle que datent lll.'l sui
ROC, t. 18, 1918, p. 817-825. v.lus anciennes rédactions des textes liturgiques. On :
t.raduisit alors les rituels sacran1entaux, tout d'abord da:
5. Législation religieuse et :monastique. - ceux du baptômo et de la con fl1•1nation, l'office du cri
Parmi les livres de droit canonique et do discipline rn;1tin ( K,:ddri za-,iageh.), les norr1breuses anaphores E.
tellgieuse nous intéressent , des li vl'es coptes, l' Horologio,t copte, ou office do jour ph,
1° La Règle de 1Jaù1t .Pac6n1e; l'ouvrage fut traduit et de nuit, dont l'autour serait abba Glyorgis de Gnset- p.
sur le grec dès la période f.lxoumite à l'usage des nom- r.ha, le rituel de la vêture des 1noines, le Masliafa
breuses com,nunautés religieuses. A ceLle traduction <Jenza.t ou rituel des funérailles; c'est la traduction
fut ajoutée, dans la seconde 1noitié du 1(\ siècle sans tl'un rituel copte-arabe, qui co111porte des prières appro-
8 pu•
doute, une troisièrne partie, texte original éthiopien priées aux di!Téront.es catégories de personnes : prêtres, Ch
Ra
do caractère apocalyptique qui raconte une vision de 1n1)ines, laïcs, enfants, ètc ; en outre, sept bénédictions Qe.
PacônH). D'autres règlos n1onasUques, encore inédite,;, pour les défunts, attribuées à un ahba Sa,nue.l, et Jl'a
sont connues, nota1nment une conipilation dénorrunée une homélie attribuée à Jacques de Saroug pour les
Règle de s(tint Antoine, les Apophteg1nes des f>èl'es et lo 1,rêtros et les diac1·e1,, etc. Sous l'impulsion du mêlro•
Paradis-de Pallade. Dos sortes de" coutumiers>> propres polite Salarna fut traduit le Glu:bra lfentiunat ou lec-
à tel ou tel monaslè1•e existent en g1•1u1d no1nbre; tionnaire de la so1naine sain te, qu! contient pour chaque
i,72 1473 LITTÉRA"fURE MARIALE
jour, en plus des passages de l'ancien et du nouveau Saiut-Péterilboorg, 1.897; éd. A. van L1.1ntschoot, Horolop,iu111
'l'estament concernant la passion et du Livre des miracles aethiopicu., n iuxta recensione,n Alexandrina1n Coptica1n, Cité du
108• de Marie, des textes de saint, Jean Chrysostome, de Vntican, 1940, - S. Sala ville, La pridre ds 1-0111.ss les heures dans
• Chenou te, de :ra<lques de Saroug, etc. lei liUér<iture éthiopic11nc, VSS, t. 48, 1936, )), 111•127.
1n1-
lbe .Aux 15° et 16° Biècles ont été composés: 'l) le Mashafa Il. Ouvrage, d'o.n •omblo. - S,A,B, Mercer, T)1c /?tlliopic
ara Bahrey (Vie de l'essence), sorte de rituel formé de prioro$ Liturgy. lts Süi<rccs, Dcvclopmcnt otid Prcsc11t For11i, Milwnu-
à réciter sur un malade entre sa confession et l'extrêrne- ken, 1915. - H. Duensing, Der actlliopiscl~ Text der Kirche11-
llns onlnung des Hipf.Jolyt, Ooet,tingne, 1946, - A. A. King, 1'he
du 9nction; 2) le 11,fashafa Qeder, ou livre de l'impureté;
Riles of Easter11 ChniMe.ndQ111, t. 1, Rome, 191, 7, p. 1,97•658. -

lOl· 3) le Mashafa Ncsseha, ou livre de la pénitonco. Ces deux Voir aussi C. Conti Rossini, L'arcanç;elo A fnin nella lcttcratlira
•ée, derniers ouvrages l'enferment los rites pénilentiels ctiopica, dans A11a/dcta bollandiana, t. 68, 1950, p. 424•435. •-
1es. auxquels doivent être soumis les chrétiens renégats S. Sainville, De ritii a.ethiopico.. , dans Stiuli<1 ori<:ntalia li/11.r•
, a tevenant de l'Isla111 ot les ch1·étiennes qui avaient épousé gii:t'J•t/wologica, Roine, 1\150, p. 1116•200. - 1.-JJ, Oalmt1is,
,tes des musu]1nans. C'est vraisemblablement au 17e siècle Lr.s litttrgics d'Oricrtt, Paris, 1959.
de que parvinrent à leur forrne actuelle le rituel des sacre- ConR11lter l'importante bibliographie sur le flit<1 éthiopien
lllents de pénitence (Mashafa Nuzaze), <l11 n1ariage rm:ueillie dnna A . .Ba11mst11rk, Liturgie co11iparée, 3~ 6d,, Che•
(Mashafa '1'11/rlil) et de l'extrèmc-oncl,ion ( Jl;Jasluif(t votogno, 1058, p. 252-256.
rJ: Qandil). 7. Littérature mariale. -On sait que la doctrine
Au 16 siècle, le texto du De.ggua. et des autres livres
8
1na,•iale der; éLhiopieos e$t Loute proche de la doctrine
vre de plain-chant rut révisé pour obtenir un tex l:e uniforme.
la catholique, à part certaines exagétaUons populaires.
Au 18° siècle, on révisa la notation musicale. La litté- L' 1rnmaculéo Conception, la maternité divine, l'a.sso1np-
ion ratul'e des llyrnnes ( qer1é) est. très abondante. A partir·
itié tic111, la royautf:i de l\fa1•ie, la médiation corédemptrice
du 15e siècle, des recueils sont constitués. Les plus sont très nettement affirmées. Nous renvoyons à l'excel-
1ge holles hymnes chantent la Vierge. Cependant, le livre
ide lont articlo de (J. Nollet, qui donne un choix abondant
de Zemm.arié ou re(lUell d'hymnes eucharistiques cle textes.
11ta mérite d'ôtro particulièrernent n1cntionoé. Cei, psal-
ort modies à )'e!rain, composées s,11'1.out de textes scriptu- ·l O Nous ne pouvons passer sous i;ilence, en raison
,ré- raires, sont chant6os par le chœur des dabtara successi- do sos origines, <le la plac.o qu'il occupe dans la Jitté1•a-
vement à la louange du pain devenu la chaii' du Christ, Lu1"e et la liturgie éthiopiennes, le .l, i1•ri: das rniracles
Les du c11lice cor1tenant le précieux Sang et de l'Esprit de Murie ('l'a'arnra Mllryl1,1n), objet d'une étude de
Les Saint qui habite dan$ le comu1uniant.. l'él,hiopisant E . . Cerulli. Co livre d'origine franç,aise,
est un Oorilège des miracles accornplis par l'interces•
1. Rituel•. - Ed. et trad, allc1na11de du ritnal baptismal
iers par E. Trumpp, Da11 1'a,,/b1,ch d.;ir asthiopisclM11 Kirt;/1~, sion de Marie à l'occasion du mal des ardents (1128-
l'OS,
Munich, 1878. - Rituel du bapl<!nic, éd, ot lrad. 111.tine pnr 11 :!ri). 11 chernina â. travers l'Europe, s'enrichit d e
)C, ré1:i t.s ,nerveilleux nés auprès des sanctuah•es marials
M. ChaJne, dans Bcssarione, t. 17, f(ISC. 1, 1913, p. 38-71; Riti,el
86· d'J~spagno, d'Italie et d'ailleurs, Par l'intel'inédiaire
IÙI la confirn1alitJn et da mariaç;e, ad. et tracl. latine par :l',f. Chaine,
,pic
ibide1n, lasc. 2, 1913, p. a78 svv; Liber lompaclis, Rituel de des l\l'Oisés, il passa en Palestine. 1'raduit en arabe
idi,
l'oxtrdmc•orictio11, p. '•20·'i51; l. 18, !asc. 1, 1914, p. 12•4:1. - au 13° siècle, il gagna l':8gypte et l'ltthiopie, 01i le roi
S. Grébaul a udil,é el traduit en !rançais lo rît11el clu ba1>tô1ne Da\vit 1er (1382 •'1441) le fit traduire en guèze: les récits
,nti et de la conllrn,ation, dont Tasfa Scyon avait publié une tra• d 'ol'igine européenne ftu·ent remaniés par les traduc-
d11ct,ioo lutine à Rourn en 1 r,1,9, Ordre dit ba.ptbne et de la r.011flt-
ma1w11 <ia,is l'Église éthiopie1111e., ROC, t. 26, 1927-1928, p. 10:,- teurs qui ajoutèrent des traditions locales ot des pas•
<lia' sages d'c:cuvres éthiopiennes perdues par ailleurs.
189. - Hituel des tunôrailfos, éd. pll.l' J. Ouidi, Roine, 1908;
et_ 1. Guidi, Il • M,t;t$l,.ci/ct Go11zat •, dansJ Misc,cllcinca Ccriani, Za,•a Yaqob t t', 68, en ayant ordonné la lecture à
ad.
itto Milan, 1910, p. 633-639. - . T. l\1, Sa111h11rt1y Selirn, De s<1cr<t• l'office, l'uniforrnité des récits s'imposait. Au milieu
~ne mc11ti.s sec1indu1n riti,n1 llCtliiopicuni, Rorue 1981. - F.. Cerulll, du 17(' sièclo se constitua la collection canonique dP.s
~31 .La fcstu clcl battcsi11io ,i l'cu<:(trcstia in Etiopia 11t1l scr.o/Q xv , trente-L1·ois récits. Les 1nanuscrits postérieurs n'en
dnns Àll(Ûcc:tc, bollandiana, t . 68, 1950, p, t,36-1,52. continuèrent pus moins 11 donner les autres récits mira•
,lie, 2, Mosso. - J\~. Chaine, La co11.~1kraih•ri <'' l'<'fJiclcsc clans le culeux à la suite de la collection canonique. Ces relations
lni- . 1lfù;scl éthiopien, dnns Bcssarione, l. 11,, 1910, p. 181· 209, - éthiopiennes, très vivantes, rédigées peu aprê!i lf:s
21, 'r. M. Scmharay Selirn, .l.,(I. messe éthiopie1111c:: l;l.ome, 1987;
publié d'abord dans ROC, t. 29, 1933-193'• svv. - Mai·io
évt'.!uernents, renseignenL sur les prodiges accomplis,
da Abiy-Addi, La dottri110. (ldl<,, Chiesa etiopica dissid,,t1tc: sur la vie religieuse, ses 1nanHesLations, ses tendances,
les sull'unio11e. ipostuticci, Rouie, 1956. et. h:\ignenL dans 1111 clhnat do foi profonde.
On 3. Anaphores. - La liLlérat.ure su,• les anaphores est abon- 2° H11n1nologie ,nariale. - JAt dévotion mariale,
•rd danlo; presque toutes b61u\llcient à ce joui• d'une édition qui don1ouro une dos plus grandes gloires de l''f:glise
du criliquo. Consulter la bibliographie eichaustive publi6c pur éthiopienne et lui a perrnis de résister à l'Islam et an
res E. Ha1n1norschmidt, Zar ])ibliographic (ithi/Jpischer Ana- protostantisme, a donné naissance il. une po<isie alTecUve
1ur plwrcn, dans Ostkirehlid1c Stiulion, l. 5, W11rl.zboul'g, ·t 956, ad,nirable; les œuvros poétiques éthiopiennes les plus
et- p. 285·290.
ren1arquables sont consacrées Il la glorification de Mario.
1,f4 ~- Hyxnnos. - 1. Guidi, Qene ô i1111i a(,issù1i, RRDL, t. \J, Dans l'abondance des textes, rappelons, pour leur valeur
.on 1900; t. 16, 1907. - Cf iS, Grébaut, 1\lote .~1,r l(l poésie éthio• et leu•· hnpo11 tance lil:111'giquo, en plus des anaphores
ro- pie1111c, ROC, t. 1 1,, 1909, p, \J0-98. - E. Cerulli, l,111.i de/lei mariales; 1) le Weddasé Maryani (J.,ouanges de M arie),
es, Chiesa abi.ssina,, RSO , t. 12, '1930, p. '• svv. - 'lit M. M'orono,
Raccolta di Qcuc, éd. cl trad., Ron1e, 19/15. - M. Kau,il, Die attribué à saint JÎlphrem 't 373 ou à Si,néon de Gel\hit·
1ns Qc11C. Eine 11.thiopi-ochc Lùid.iJrgatti,11g, dans B ri.llctin of the (6e i;it\<lle) (tl'aduotion éthiopienne de l'arabe, lequel
et Fac"lty of Arts, Le Cail'e, niai 191,8. - 1;1. Velat, Hym.ncs cuc/r.c1- est traduit du copte); ce sont des louanges pour los
les ris1iqucs ëthiopie1111e11, dans Ryth111es du 111011de, nouv. sél'ie, sept jours de la sernàine, Le livre jouit d'une gr,ülde
1'0· t. 1, 1953, p, 26-SG. favm,r et inspira no1nbre d'c:cuvres poétiques; il est
~e- 5. Offloe ot prières. - L'office du rnntin est édité dans la récité avec le psaut.ier; 2) l'Arganona Maryarn {l{arpe
ue Chre1t<imc1thia. -Horologiuni, éd. et trnd. rosse par B. Turaiev, de Ivlaria), composé par un 1noine en 1{l',0, est un pané-
DI CTIONNAIRE Dll 8PIRITUAl,ITÉ. - T. IV. '17
1475 ÉTHIOPIE 1476· 1.47
gyrique de la Vierge, sous forme de paraphrase sèrip- naissant, se détél'iOt'1\ront ot aboutir·ent à une lutte •
,ni,,
turaire, pour chaque joui' de la sen1aine; 3) lo M aHhafa ouvel'te au moment où une puissance éthiopienne J~al
Kûlana M'crhat (Livre du pactt1 de la ,niséricorde), 1nusul111ane devenait rivrùe de l'empire chrôtien. Cette p. ~
écrit en prose rÎlnée par un moine du couvent du lac !nt.te se poursuivit pendant dos siècles. Des rois d'Éthio- (16S
Tsana sous Naod {1 i9{.-1508), r,1ppolle los nombreux pie firent enfin appel à Rome. Th.
miracles accomplis par hilarie en faveur de l'Éthiopie Uri goupe d'éthiopiens se présenLa au concîle de Flo• dei
ronce ('1441). venant de Jérusalem {lettre de présontà• à!
et de ses rois depuis la période d' Axourn; 4) le très lyri• ,uc.
que Anqatsa Berhan (Porte dR l<L l11,niwre); 5) le Laha (.ion de Nicodème, supér·ieu1' de la communauté éthio- df J
Marya,rn, ou lamentations qui se 1}hantent le vendredi pienne de Jérur,alem). Le pape Eugène IV signa un S.
saint, es{. encore utilisé avec le Wcddasé Ma.ryarn clùcret d'union avec les coptes {1tit12). En 1~50, tout pic/
dans l'olflce divin; G) cerla.ins Mal/rée. Los MalkéfJ dé1}rel, éLait rejeté par l'Églifle d'Alexandrie, dont dépen- t:Ci.o
{effigie, image) sont des poèrnes de stror)hes de cinq
vers, co1nportant ohac\tnü une invocation aux membres
dait l'Églii:;e étlliopionne. En 1520, arrivait en Éthiopie
l<'rançois Alvàrez, chapelain d'une mission diplomatique
-
et aux organes du corps pour exalte1• les vertus el, du PorLugal auprès de l'Éthiopie. Le Portugal s'enga- •
a,m
les 1néritcs dont ils sont les instrurnents. Des Malkée geait à fou1•nit• des armes au pays fabuleux du Prêtre 19~
honorenl; la Vierge, los saints ou tout héros dont on ,J oan et l'l!lthiopie acr.eptait des missionoalrP.s qui tra• (
raconte la vie. Les Salani, en une ou plusieurs strophos, vailleraiont à la réunion. En 1525, le n1usuhnan Grân Jtei.,
los salu.ant avec lyrisrne, s'en1pare d'une grande partie du pays, brûle églises din
E. Cerulli, 1l tibro etiopico dei :Atfiracoli di Maria e lc suc fonti c,t Livres saiots, to1'Lt11•0 nombre de chl'étiens. L'~mpè· lite,
nette leuerature del Medio Evo Latino, Ro1no, 19,.3; .Swri<1 .. , l'l:lUr f9,it appel au pape. Les portugais, commandés 8iè1
p. 105-1a1. - A. Grohmann, Acl11iopi..schc Marwnhyn1nen, pur Christophe de Gama (fils d o Vasco), aident les du
Loipiig, 1\119. - IC Fries, 1VcddMc Nl<1rya1r1. l~i11 üthiopischer ôthiopiens, qui obligent les musuhnans à so replier. Le 1
Lobgcsang cu1 ./1,/aricl, Upsnla•Leipiig, 1892. - 1. Ouicli, roi Claude, une fois délivré de (Jr~n. adopte une a.tti~ude sert
Wcdda.c M<1rycun, Vcdd(l$C 1va-01ina11, Horne, 1900. - prudente à l'égard des catholiques. En 1555, la 1nis- Ro
S. Orébn\1t, 111an1Jseril.$ (!thit>pie1rn appartenant à M. N. Bergey $iûn envoyée JJal' saint. Jgnace de Loyola arrivait en l)e:
(Wedda.~e JIilarya111 et ~Veddase wa-Gena:v), ROC, t. 22, 1\120, J.
J,~thlopie avec André Oviedo pour supérie\1r. Les Co,
p. (,26-111,2. - Ta·aduelion anglaiso du Wcddcisc Maryam, dans jésuites fonL p1•euvo d'une prodigieuse activité soit dans
E . A. W. Dudgo, Legcnd.s of Ou.r Lady Mary the Pcrpctt~al' l
11irgin and her Moihcr Hculri11, Oxford, 1933, p. 279-296. - ln ,ninistère apostolique ot leurs savantes discussions E.
cr C. Conti Ros~ini, .l/. Convcnto Ili Tsana in Aliissini.a e le sue avec les Lhéologiens éthiopiens, soit pour pro1nouvoir
lciudi alla Vergùie., l'll;tAL, 5• série, t . 19, 1910, p. 581-621 ; lü progrèl:I culturel du pays. Le Pè1•e f>aez obtient, en
-
édition de lauÙe8 à la Viorgc. - Lè Wcddasc Maryam n ôté 1 f,07, la conversion du roi Susenyos (1606-1632) et do
()dîlé on a1nhru·iquo à Addis Abeba on 1928. - Éd. et traduc• l'union avec l'Église universelle est p1•ocla1née. Le Eti
lion latine de l'Arga.nonà MànJurn, l,eip1,ig, 1922; trad . alle- patriarche Alphonse Mendez, par des mesu1•es sévères, a.
1nandc par S. Euringer, dans Orim1s chris1ia11us, t. 21,.28, j 11stiflées, du nioins en partie, par la nécessité de déve- J.-,
1927·1. 931; une l,radur,f,ion néHrlandaiso, d'11près l'allo1nn11de, loppe1• l'union, se tr·ouve dôbordé par un fort mouve• s"
parut, il Bois-le- One en 1951 . - Voir aussi las Litanies adressées lia
à Jés11s-Clirist par t'entreniise de 1'faric, éd. ol lrad. frnnçai.sc 1nent d'opposition. A la rnort do Susenyos, en t682, do.1
p:ir S. Grébaut, dans Aothiopicci, t. 8, 1935, p. 145-153. son fils Fasiladas chasse le clergé cat.holique et ferme ,in
F. S. Mneller, Die 1.tnbefieckte En1p/lln1piis der hl. Jun,;/ratt li! pays a.ux occidentaux. goi
i1n .Re.ke11n111is.~e der lroptischen und iithiopischen J{irclie, clnns Au rnilietr du 19" siècle reprit l'évangélisation oatho• p.
Orientalia christiana, t. 35, 1934, p. 157-1\12, - S. Eu1•ingor, liquo, oil s'illusLl'êrent deux missionnai.1•es italiens, un Ca
Das 1-1ohelied des llundes der Erbarmr,ng, dans Oricns christia • l:~r.al'iste, le futur bienheureux Justin de J acobis, un art
nits, t. a5, 1988, p. 71-101., 1 92-213; t. 86, 1939, p, 68-?8. Gr
capucin, le futur cardinal Guillll.umo Massaia: Jacobis Y.
- G. Nollcl, Le culte 1k i11.aric c11 Ét./1iupic, ctana H. du ~1anoir, c:omprit la nécessit(1 d'un clergé indigène do rite oriental.
Maria, t. 1, Paris, 1949, p. 363-413. - Oabra J~~(I~ H11ilù, p..
Ex litcratura aethio pica dn Maria coredenqitrice nuuiai : de
J >e son oôté, 1'1assaia, de rite latin, exerçait son zèle pie.
/(1.CIQ 01>retle1np1ioni.,, dans Marianu1n, t. 11,, 1952, p. 38'1-',12; cH1 Éthiopie du sud et auprès des (lallas. L'action pou Ae
• Pactuni 1nisericordias • sscrtnduni literaturam acthiopicani, spectaculaire des d<lux missionnaires fut heureuse ol 191
t. 15, 1963, p. (.6-55. - G. Lnnczkowskl, Zur èi/.hiopischc11 dtn'ablo. En 1930, était sacré le premier évêque de fa,
MadonncT1<1crchru.ng, ctnns Zeitschrift /Ur K irclu111gcsd1ich1u, t. 66, r·ile éthiopien, tandis que le culte du bienheureux Gabrà Ar
1954•1955, p. 25•38. - P. 'J'zadua , J11fU'ia 11cÎlla ,vessa i11 rito lVGkael t 1855 veoait d'être ap1)1•ouvô (1. 927). t. '
cilcssa11dro-e1iopfro, dana i11arianu,n, t. 16, 195'1, p. 362-378. Le pays, dont l'étenduo dépasse un 1nillion de kilo-
- C. Hayoi, Porlt'ait de A1.arie. <.:o,nplaùue de la, Vierge. Pa
111ètrei'! ca1•1•és et la population attoint 16 rnillions d'habi- qol
l)<lltX po,!.~ie,ç ,nariales élhiopie1111es inédites, Fribourg, Suisse,
1956. - E, Cérulli, La /esta etiopica del Pa.tto di Misericordia
tants, possède aujourd'hui quatre évêques catholiques, Str
e le sue fonti nel greco Liber de Transita e nel racconto latino soit deux exarques éthiopions et deux évêques mission- Re
dei Cinque Dolori cli Mcirici, dans Sillogc biiantin1i in onorc di naires. Le clergé éthiopien compte une soixantaine G~
S. G. Mercaû, Ron1e, 1957, p. 53-71,. - Mal'io da Abiy•Addi, dû pNltres. Ils sont aidés par des religieux capucins, ûir.
Il culto ,,,,,ria,w 11clla Cliicstl Etiopic1), clans M11riru11un, t. 19, jù!:lult.es, lazal'Îstes, et par dos religieu$8S (sœurs de COI
1957, p. 2!i4-265. - ,J. St.ophan, Einir;il 111a.riensy111/1ole d,?R Saint-Vincent do r•aul, Francisr.aines, Filles de Marie) . dei
alten 1'estanie11ts in !ler llthiopische11 Lituraie, Cilrl du Vatiçan, Depuis '1957, les l'elat.ions diplo1naUq11es avec le Saint-
1957. - M.-A. van dan Oudanrijn, Ve cultr, Beatae iVIariae Siège ont ét.ô renouées. Mc
'Virginia apttd Aethiopes, dans .'lngolicu.m, t. 37, 1!JGO, J). 3-18;
1!,'in iithiopi.sclws Stabat 111.ater, dans Atti.. , 1960, p 297 -322 , E. Cerulli, L' 1.~•1iopia del sc•colo x v in nuovi docu1nen1i
M. Chaîne,), Répertoire des Salani et Malke'e contenus dans str>rfri, dans A/rica l1alia,1a, t. 5, 1\laa, p. 57-112; Eu{/eni.o IV
ùis manrtscrits éthiopiens des bibliothèques d'Europe, ROC, t. 18, c gli Etiopi at Concilio Ili Firenu ncl 1441, RH.AL, 6° série,
1913, p. 183·208, 337.357, - Bibliogrnphie sur les il1alkéc 1.. 9, 1 ()33, p, 31,1°368. - G, Hofmann, Kopten 11.nd Actlliopwn
ctans J. SimQIJ, Oric11talia, t. JO, 19~1., p. 307-908. h11/ tünn ](on.il !!Olt Florenz, OCP 8, •l\ll12, p. 5-â9. - I, Ortlz
ùu Urbina, L'Etiopia e la Sa11trt S<1tlr.11el secolo XV J, dans Cioiltà, sp
Conclusion. - J1 icissitudes du christianisrne - Les C.:attolica, 1934, t . 11, p, a82·398. - A. Dl'OU, Sai11t Jr;1= et la
relations, d'abord pacifiques entre l'Éthiopie ot l'lsla1n 1ni.ssio1i <l'Éthiopie (JIJl,6-1656), ÙQOS Rc,1ae dé l'histoire des im
1

1477 ÉTHIOPJE - S. l~~TIJ<:NNE 1~78


utte n1iaBi'.ona, t. 13, 1986, p. 3111•356. - M. Chaine, Le patriarche martyr. A peine entrevoyons-nous son action à travers
1nne Jean Jler,nudttz il' ff:tlli,>tJi& (1G40.1/J'IQ), UOC, l. 14, 1909, Ier; 1•6cits des Actes, notre unique source de ronseigne-
ette p. a21-a29, - A. Figns, eliopia Il Rorrui $0110 Ur/Jc,no Vlll rnc:n Ls authent.iq·11es. l,e$ traits les mieux dessinés de
hio• (16SS-I844),. DiSSèrt., Institut orient~!, Rome, 19112. - sa personnalité sont ceux qui ressortent des circons-
Th, Somigli de S. Dotolo, Etiopia Fra1wm1cana 11ei dncutr1enti
doi Si:COli XVII (' XVIII, t. 1 Cil 2 vol., Q1111racchi, 1928. tances du dernier témoignage qu'il rendit à ,lésus,
Ei'l o- avant de mourir sous les pierres do ceux, qui jugeaient
:1,ta,. M. Chaîne, Un ,nonastèrc êthiopien à llo1ne au xv• et xv1•
s~clll, San St,if,1111> dei Mor,:, dans Mélanges de l' Unic,ersité blasphématoires l'audace et la liberté de sa parole.
o.io- de•fleyrouth, t. 5, fnRc. 1., 1911, p. 1-36. - Mauro da L0oniss11, ()n peut d'ab_ord croiro qu'l!ltionne s'était d6jà
un S. Stefano Ma1u;iore d,i({li Aliissini c rcl<i.ûorii roniano-etio- irt1posé à l'attention de la co1nnlunauté chrétienne de
,out pichc, CH6 du Vatican, 1929. - R. Lefèvre, .Ro111<1 c la conu,nità Jérusalen1 lorsqu'il Iut préposé, avec six autres respon-
)8Jl- ~tiopica ,li Cipro nci secoli xv e xv1, RSbl, 1,. 1,1 94.1 , p. 7-1-86,
• sables, au « service " ( dùik,inia) de bienfaisance par
>pie - E. é:efulli, Etiopi ir1 Palestina. Storia d,1lla no1t1tJ11il,l ctio• lequel la gén.érosi té co1n1nune s'éfforçait de subvenir
.q ue pica di G<in,safonu,w, 2 vol., Roine, 194.3-1!J/17. - R . Lefèvre,
Rifli!ssi etio),ii:i 11(1//<1 <J11.ltura cu.r opca del il!ledioe,,o e del Jl1'.11as- quotidiennement aux nécessités des <( disciples ~ los
1ga-
cimcnto, dans A1111ali Latera12<:11si, t. 8, 1944, p. 9-89; L. 9, plus dé1nunis, en particulier, à c<11Jos des veuves.
être
1945, p. 331-444; L 11, 19'17, p. 25/'i-31,2. 1.a preinière quaJHé reqoise do collège des Sept avait
tra- O. Ma3~aia, l 111.ici trcn1aci11q1te anni di M i.•sio11e 11cll'A lt,1 étt1 celle d'ullé <( bonne réputation n (6, $). L'office était
frân Btiopia, 12 vol., Rorne-Milan, 1885-1891. - P. Streit et R. Din- en lui-môme délicat, et il importait, non soulen1ent
lse.s dingcr, Dibliotheca 111issio11u1n, t. 15-20 Afril,anische Missions- qull les plaintoi; antérieures fu8ser\t apaisées (6, 1),
1pe- lilcratur, Fribourg-en-Brisgau, 1951-1954, rolaUons du Sai1\t- 1nai:; encore que l'équité dei; soin:; ro.t en quelque sorte
tdés $iège avec l'Éthiopie do 1053 à 1940, et bibliographie générale
du catholicisn1c on ÉUùopiu. par avance garantie. Ainsi ramènerait-on la conftunce
les en t.re les« assc-nnblées" et los groupes.
Le Bibliogrciphie ,ré11t!ralr1. - <..:. .Beccari, licruni ciet.hiopicarzun 11 es'L nialheureuse,nent plus difficile de se rendre
:u de scriptl>r<,s occiclcntalos i11editi a sae,:ulo xv1 ciel XIX, 15 vol.,
co1npte de lu portée exacte d'une seconde notation du
nis- n-0me, 1903-1917, a l'OUlli des docnrnen ts inclispengables. -
rér.it. : les intendant.~ do la bienfaisance chrétienne
, en Des ouvrnges nnci.ens }>ubllés sur l' blthiopîe, îl fnut retenir
Les J. Ludolf, Hist,>rit, actltiopi'.cci, Francfort-sur-le-'lvfain, 1681; devaient a,,oir déjà donné des signes que l' « Espl'it. »
Commenta.r ius ad sua1ti hi;,tc)ricun. acthiopica111, 1 G91 . était avec eux, et, en conséquence, leur « sagesse )>
lans I. Guidi, art .4byssi>1fr, OHOE, t. 1, 1909, col. 210-227. - ne devait pas être priso on défaut (6, 3). Sans qu'on
ions E. Coulbeaux, art. Ethiopi<!, D'l'C, t. 5, 1 ~ia, col. !J22-!JG!J .

\TOlr
pui:;se l'affirnler avec uoe entière certitude, il est pro-
- H. l.,eclercq, art. Ethiopie, DA(;L, t.. r., 1922 , col. 584•62t, . bahle, néanmoins, d'après les indico.tions que Luc a
, en - ~!. Chaine, le, chronologie des te,nps chrétfon$ 1l,1 l' égypt(r et. rar;se,nbléos autour d'ÉtionnA, que nette condition
et de l''BthiopiB, Pari~, 1925. - E. 1\. Wallis Budgè, A lf1:~111"'J nf
Ethiopia, Nz,bia and Aby.1.sinia, 2 vol., Londros, 1928. -
ét.r,it motivée p11,1• les 1·equ~tes très particulières dos
Le
res, H. M. HyaLt, The Chttrclt nf Al1yssi11ici, Londres, 1928. - rel:iUon:; avec<< ceux du dehors"·
J.-B: (:oulbeaux, lli.stoire 1>olitiqu;: e.t rcl,:gici,sc de l'Abyssinie, Les préposés au « service ,, de distribution se trou-
l-:ve-
3 vol., Pa.riR, •J929. - I. Guidi, art. Etiopia, ilo.ns E11(:iclopcclù1 vaient, on efîet, rnis en 1~vldence par leur fonction même.
1ve-
)32,
ltaliana, 1935, t . 11,, 1932, p. t,59-'185. - Jttiopia r~ligi1Js11, A l' intérieur, ils avaient besoin de l'élan qui devait
dans La Ci'1iltà cau,;li<:,;,., 1935, vol. 4, p. B!J-105; ll ,:ristiane- leur permettre de s'acquitter do leur tâche avec désin-
rme simo clcgli Abissi11i, p. 3ti6-377, 471J.l,tl7 . .._ M. Porh11rn, 7'/w t6rossemon f, et eflicaci té. Mais, à l'extét'ieur, ils avaient
govtrnmcnt of Ethiopia, ch. 7 The Church, Londres, 191,8, surtout besoin d'un certain prestige et d'une très for1no
(ho- p. 101·137. - El. Corulli, otc, art. Etiopia, dà1\S Enciclopeclia
« 1;agosse 1>. Car l'étroito fusion sociale de « ceux qui
un Cattq/ica, t. 5, 1950, col. 683-707. - E. Cernlli, D. Vol11l, èlc,
un art. Aetlliopic,,, LTIC, t. 1, 1957, col. 998 -1007, - H.ovuo a va.iêot cru » dans la 1nasse co,nplexe du judaîsmo
>bis Gran.d.s lacs, n. i90, Na,nur, 1!J57, É'thiopfo, par J, Dorcsso, de la Ville sainte ne pouvait pas ne pas los 1nettre
1ta). Y. Ch111npail1Ar et Il. Vclat (Lo christiani.~r,1,, <erl. Éthiopie, chaque jour dans l'obligation de 1·<1ndr0 compte sur le
zèle p. 25-48). - J. DorAs~e. (,'cnipirc dtt l'r,Jtrr1-J,;a11 . 1. L'Éthio• cht111).J) du partieulai•is111e <le certaines de leurs attitudes
pic ,111tiq1te, 2. )) Éthio11ic rruiclr:évalc, Pa1·is, 105 7. - Art. et de certains de leurs usages. Il était nécessaire qu'ils
peu Aet/jir,picn, dans Lexilu,n d,;r Mari<!ll./((1,r.clc, L. 1, RatishonnP.,
et fusl';cnt alors en mesure de s'explique1'. l)'elle-rnême,
1
1957, col. 56-6:J. - G. Lanczko,vski, A111hiopic1, dans Jahrbuch uno vérit.able fonction de la « pa,·ole )> s'ajoutait ainsi
d·e far AntikiJ u.11,l Cltristcntzun, t. 1, l\{unster, 19!'i8, p. 134•153, - au ,1 service >) de la bienraisance.
bra Art. COPTE, DR, t. 2, col. 2266·2278; arL. ÉovrTr.: CRII ÉTll:IN NR,
t. 4, col. 532-5'18. • C'est dans cette perspective, semhlc-t-il, qu'il fauL
Abrilvia.1i1111s principales ; UOC = Re111,.,; ,te l'Orient chrétie11, co1np1'0nd1'e l'act.ion d'fi:I;ienne. Quoi que les inter-
:llo- priites aient pu suggérer, Luc ne dit nulle part, et il
tbi- Paris; RRA(, (MRA.T,, RAL) = Jlendfo111Hi (ou ilfcmorie)
qcllc1 (Reale) Accacte,ni<i dei l,ù,cci, Ron\e; f-tSlll = l{cisscg,1<1 cli n'insinue même pas, qu'.fütienne se soit livré A lo. << p1•é-
188,
Stu1li EtirJpici, Rozne; RSO = Rivista dn,rli S111di Orù:r1tali, dicùtion » (lcérugrna), procla1nation de la <c bonne nou-
ion- Rome; ZAYG = ZeitRchri/t far 1issyriologie u11d <1e.r<vii11eltc
• velle 1> du royaume en Jésus, Christ et Seigneur. 'J'out.
11ne· Gebiete., Leipzig; ZDMG = Ze.itsdirift für ·c1cu1,,che1l 111orgr111- ce qu'il indique ot laisse entendre, c'est qu'Étienne•
ins-, 1ii.ndis!!h1?11 Gcscllschaft, Leipzig. - rJUi .. , 1960 = Aui d,;l I
de S<l l.rûuva Cûura.11111\el\t engagé, par son 11 service ",
conve,rno i11Mr11aûoritt.lc di stucli etiopici (1.959), Roine, Acca -
ie). dcruia dei Lincei, Ron1e, 1\JGO .
da11s des 1, discussions 1, (comparer 9, 29, à propos do,
int- l'aul) qui le 1niront aux pris11s, en particulier, avec ,c des
Nons exprimons toute n1)tre grntiludc à so,t ElxcAll,;tnç-e geil!:l de la synagogue dite des affranchis, des cyrénéens,
Monsieur Bnrico GBnUi.L1 pour sa hianveillo.nlo collabora.tion. des alexandrins, et d·'autres de Cilicie et d'Asie " (6, 9).
.tJnti Bernard VELAT, Sa" prédication» d1~1nA111•A une pure et sin1ple suggo.cit.ion
~ l'V rla la. pal't dos inte,•p rètes dtl récit des Act11s, et spécialo-
ilrie, 111e11l il n'est pas pern,is de voir dans le discours que
pion
1. ÉTIENNE (saint), pre,nie1' 1nartyr, -t vers 3fi.
- 1. Renseigne;nvnts biographiques. - 2; P,1r8onr1alité Lu,: met sur les lèvres d':6:tienite à l'occasion de sa
1rtiz
~iltà 6pirùuelle. - 3. Tradition. cornparution devant le Sanhédrin un exe1nple de sa
,t la parole ordinaire, qui devait être, en réalité, d'un tout.
1. Renseignements b iographiques. - Il est autre style (6, 13-15). '!'out ce qu'il est raisonnable d~·
.des.
impossible do pal'ler d'une « vie ~ d'Étienne, premier croire, c'est que la défense d'Étienne en cette circons-•
1479 S. ÉTIENNE 1480
tance particulière l'eprésentait la ligne générale de sa d'A.ntioche (11, 19-26). Chez l' «helléniste>> de la Ville 8
pensée, ou, si l'on veut, quelques-unes de ses justifica- :;ainte, I,uc semble avoir vu avant tout le germe spi- F
tions profondes, implicites et explicit,es. rituel de l'élan qui devait, suivant le dessein de Dieu, 1
emporter bientôt l'évangile au delà des frontières de
2. Pe1'1:1onnalité spirituelle. - C'est dans cette la n1:1tion. L'un des premiers à coup stir, le premier I
voie, au surplus, qu'on a chance d'apercevoir les traits peut-être parmi les disciples, Étienne avait accepté C
distinctifs de sa physionornie spirituelle. " Apercevoil' », los nécessâires alî1•anchissements : cc Le T1·ès-Ha11t, ./,
car l'ambiUon doit l'\tre ici modeste. Qu'avons-nous, ,•appelait-il, n'habite pas dans des do1neures faites de 7
en effet, pour en juger? Une apologie qui peul tenir main d'hornme-», At ceux qui ont 1·eç11 ta loi sans pou•
en deu:x ou trois pages, et qui, dn rostc, dans la. pensée voir l'observer sont particulièrement rnal venus do
de l'auteur des Actes, ne prétendait certes pas à l'exac- prétendre en faire la condition indispensable de l'espoh•
til.ude sténographique. Cotte pénurie docu1nent.aire en Dieu (7, 1,8, ot implicitement, 7, 58). Ayant eu fa
a de quoi faire hésiter. Un horilme ne s'enferme pas lucidité de voir ces choses et la sincérité de les admettre,
dans un gei;le, si hoau qu'il soit, ni non plus en deux ou Él:ienne a trouvé aussi dans sa foi en ,Jésus Je courage r,
trois paroles, si décisivos qu'on les suppose. de les dire. Ce courage lui cotita la via : une vie qu'il l'
Il est vrai que certains, encore récemment, onl voulu donna sans colèi•e et sans amerturne, dans la douceur .-1
tourner en piu•t.ie la difficulté. Jls ont en effet pensé ,,,t, lo pardon, à l'exemple da celui dont il s'était fait t
tJ
rejoindre le vérit.ahlc f!}tienne par la voie indirecte de le ténloin (7, 60).
son appartenance au « ùO\ll'A.nt helléniste », Ad1not.tons C'est tout cela, et non seulernent sa mort, qui a faH
qu'une tello apparternu1ce soit assurée, ,\vec quoi d'f:tîenne le « pre1nle1• martyr " : cc té1noin » lucide et
allons-nous donner corps à l'" hellénis,no » d'lî:tienné? atidaciAux, " témoin » de l'avenir comn1e du passé, Il
1
Il ost clair dès l'abord que la reconstitution sera à peu " témoin )> des justes continuités et des nécessaires
près entièrernent hypothétique. Dés lors, quels seront a ITranchissernen ts.
les gains vrainie,11: dignes de considération? Si l'on est Du point de vue oil nous nous plaçon~ ici, la prinéipalo
décidé à ne pas se laisser prendre il son propre jeu, on rét6ronco demeure la récit do Luc, Actes 6-?, a11 sujat duquel
s'en tiendra au minimun1 et l'on reviendra, pour nnir, on pourra consulter les coniniontaires classiquos : E. Jacquier; l
T,e.s Actes des .r1pdtrcs, coll. Étude!! hibliquos, Paris, 1.926; Èl
au texte de Luc. '
Nous ne possédons, au fond, qu'une seule donnée K. L1Jkê ot J-1. L. Cadbury, 7'/ie beJJinnings of christia11i1y, f
solide sur l'orientation et la pensée d'~tienne, en dehors 1 • p., 1'he Acts of the Apostlé$, t. r. 1'ranslation anil C()1t11tie111ary, E
de ce que celui-ci devait partager avec l'ensernble spécialementLondres, 1933. Parmi les publico.tions récentes, on rèliendra t,
pour leurs suggestions : A. F. J. l{lijn, Stephen's C
do la cornmunaulé chrétienne de Jérusalem et avec la Spce.ch - Acts v11. 2-58, dans New 'l'esta1nent Sttirlfrs, t. 4,
masse du judaîsrne de l'époque et du milieu. Encore 19::i?, p. 25-31. - O. Cullmann, L'opposition contre le tc111ple 4s c
faut-il reconnaître que cette unique donnée demeure .férusalem, mctif comm1a1 tle la thtlolor;ie johannique i# du monda 1
1,
vague. Il est cependant raisonnable d'inférer du chef a111biant, ibùlcrn, t. 5, 1959, )). 157-17â, surtout 161-tGt,. -
s'
d'accusation mis en avant par ses adversaires qu' f:tienne 1\1. Simon, Sl. Stephen and the llellenis1$ in the l'ri111itive Church,
tirait de sa foi en Jésus des conséquences assez neuves Londl'es, t 958.
et assez audacieuses quant à la permanence du culte t
d,1 temple et quant i1 l'avenir de l'héritage ,nosaïque. 3. Saint Étienne dans la tradition. ~ Vers la è
« Nous l'avons entendu dire, dt~clarèrent les té1noins,
lin du '•'; siècle ou au début du 5e, la légende s'est C

quo Jésus, ce nai.aréon, détruira ce lieu-ci et changera e1nparée de la tlgure d'lÎltienne, truJJant à son habitude 1
les usages que Moïse nous a légués )) (6, ·11,). t...'atfir1na• les rares données de la tradition d'une multitude de ~
tion est, globale, mussiv1:i. C'est une accusation. On dé la ils fantaisistes. Voir H. Vincent et F.=M. Aboi, I
peut penser qu'à co titre elle fol'ce les faits plutôt Jéru.sale11i, t. 2 Jérusaletn 11ou11elle, vol. 2, ch. 29 : 1.4 l
q\J'ollo ne les atténue. li est re1narquable, cependant, .~a,1ctuaire de la lapidation de sctint Étienne, Paris, t
que, dans sa défense, telle q1_1û la tradition du ,•écit 1~126, p. 7113•765; F.-M. Abel, Étic,1ne (Sa.ùit), DB$, 'j

des Actes l'avait reconstituée, Étienne ne tente oi de t. 2, 193', , ùOI. 1'L82-1146; H. Leclercq, Étien11e (Mar- s
rejeter l'allégation clos témoins, ni 1nêtllO d'introduire tyre et sépulture dll 1Jaint), DACL, t. 5, col. 6211-671. C
des nuances dans l'inle1•pr6tation dEi.q raits supposés ()utre les références données à l'art. CnAIHTÉ (D8, a
par eux. C'est donc que l'accusation correspond ai L, t. 2, col. 568), on peut retenil' pt11•1ni les principaux <l
on substance, à .l'orientation générale de sa pensée et comrnentaires et les homélies sur saint Êtienne :
:t) Comrne11taires des Actes. - S. Jean Chry$OStome, In 6
de son action.
Cela suffit-il pour faire d'Étienne, comrne on l'a . Acta Apostclorrtm 18, PG 60, 1 ',.1-1 ',2, 146. - S. Cyrille 11

parfois écrit, le « 1natt.re ij de Paul? Ce se1•ai t sans doute d'Alexandrie, Fragm1u1ta in Acta A po$tolor1trr1, PG 74, d
dépasser la réalité des fait.<;. Car Paul lui-rnê1ne n'a pas 765-766. - Oecumenius, ln Acta ,1postolor1un 8, PO
l
cornmencé par s'en prendre au temple, aussi lointain ·1'18, 125-182, 1 1,9-156.

pour lui que pour la plupart de ses audit.01.1rs des syna- 2) Scrnions, homélies et traités. - Tet'l;utlion, Do
gogues de la dispersion, et son premier rnouvo1nent n'a po.tù:ntia, 14, PL 1, 1270. - S. Augustin, Serrrw 491
pas été non plus de mettre ~n cause la loi de :tvloïse. 'l 0·11, PL 38, 825-826; Ser,nones 31 lt-319, PL 38,
C
Hon attitude, à. cel égard, semble plu tôt s'être précisée 1'125-1442. - Pseudo-Augui;;tin, Sermo11e,q 210·~17., I
de façon autonorne, sous la double pression de son Pl, 39, 2187-2149. - S. Ma:ximo de Turin, Ilomélit
expérience apostolique el de sa réflexion personneHe. 64, PL 57, 379-38'•· - S. Fulgence do l'.tuspe, Scr,no 3,
En revanche, il n'est que juste de souligner le parallé- PL 65, ?29-732. - S. Pierre Chrysologue, Sermo 154,
lisme des oriental.ions fondamentales. PL 52, 608. - Raoul l'ardent, Ho,nélie 3, PL 155, t
d
Dans la personnalité et dans l'action d'ÉUenna, il '1308-1318. - Pseudo-Hildeberg du Mans, Sermo ?81 l
n'est pas douteux, en effet, que le narrateur des Actes PL171, ?1.5-720 = Pier1•0 Lombard; 79, 720-728 =
a recherché les Ol'îginos, et déjà la préfiguration des GeofTroy Bahion. - Pierre Abélard, Ser,no 82, PL 178,
caractères distinctifs, de la communauté chrétienne 573-582. - Nicolas de Clairvaux, ,Scrrno, PL 1. 8~, I
l480 1481 S. ÉTIENNE - ÉTIENNE BAR SOUDAILI 1482
Ville 8~5-850 (PL 144, 853-857, faussement attribué à rodoxe, nous som1nes renseignés principalement par
spi- Pierre Damien). - Adam Scot, Ser,nones 29-32, PL une lettre quo Plûloxène, évêque de Mabboug, envoya,
)ieu, 198, 265-299. vers 512-515, à deux prêtres d'Édesse, Abraham et
s de On trouve.ra. d'nbondnnt.es bibliographies dans OACl,, Oreste, pour Ios 1nettre en garde contre les erreurs qu'il
mier DBS. - Catl1ôlici$rné, t. 4, 1956, col. 571-57',. - JJ:nciclop~dia propageai!;. Cette lettre a été éditée par A. l,. Frothing-
:epté Oattolica, t. 11, 1958, col. 1298-1.30~. - Vies des Saints et des harn (cité infra, p. 28-48). D'autres écrivains syriaques
[aut, Dwnheureuz, par las bénérlictim1 de Paris, l. 12, 1950, p. 687- nous fournissen t <les renseignements complémentaires.
·s de 702.
Originaire d'ÉdeiSe, devenu moine-, il s'attacha un
pou- Pour les ancionno~ Vitae, les inventions, ti·anslations et
miracles,!voir Dibliothoca hagiographica Latina, t. 2, Bruxelles, certain ternps a un p0rsonnage, fauteur d'hérésio, que
1 de
1900-1901, n. 7848 -78\15; sup1>lé1nenl, 1911, p. 2A3; Bib/,:o- Philoxènc appelle J ean l'égyptien. Co détail ne suffit
1poir
i/,fca hagiograpllic,1 gr,i ci:!I,, :)• éd., t. 2, Druxèlles, 1957, n. pas pour que l'on puisse affirmer, com1ne on le fait
1u 1a t64~x-1665h; et Ribliothe,,11 ltagi(,gr<1phica orienlalis, Bruxal- co1nrnu11ément à la suite de Frothingham, qu'Êtionno
,t tre, los, 1910, n. 1086-1097. - Diver.s textes J)alrisUquos ont blé fit pondant sa jeunesse un séjour on flgypte. Ce Jean
1rage rassomblés dons PL 1a1, 80!i-8!\I,. l.,' 6pistolci Luciaiii a fait po11r1•ait être l'hérétique .Jean d'A.pa1née, qui avait
qu'il l'objet d'une 6dilion criliquii : S. Yanderlindon. Rc11cla1io 1,éjourué à Alexandrie et dont les idées, fortement
1ceur S. Step/11111i (BHL 7850-6), dans lln11ue.dt1.~ étwte.s byza111i11cs,
iulluencées par los systèmes gnostiques et connues de
fait t. 4, j946, p.'118 •217; cf J. r.1ru•ti11, Die ReC1elatio S. Stephani
no11:; surtout grâce à Théodore Bar l(ônî, furent préci-
und VerwandM.~, <l(lnij Tii..~toris/J/i.cs Jahrbuch, t. 77, 19ti8,
p. 419-',38. Voir aussi art. F,vopr,, DS, t. 1,, col. 1789. $é1nen t co1nbattues par Philoxène (cf Chro,iique de
'fait l\1ichel le syrien, rx, 30). Il était sans doute jeune encore,
le et ◊Jl ij8 reportera à ce qui a déjà élé dit d'Btienne dnna lei,
articlllll D1A1:0NAT (DS, t. S, col. 799 -802) et (a111our des) EN!'lE· quand .Jacques dè Saroug 'I' 521. lui envoya une lettre
assé, qui nous a été conservée (F'rothingharn, p. 10-27) et
aires IIIS (t. 4 , col. 761 ).
.Jean-Pa.ul Aul>J:\T. dans laquelle, tolJ t en louant son zèle et sa piété, il
le hlârnait pour les opinions qu'il avait expriinées concer-
:lpalo nant la durée li1nit6e de$ châthnents infernaux et. dos
1quel 2, ÉTIENNE D 'ADOAIN, capucin, 1808-1880. -
Fr11nçols Maruuello y Zubalza, né la 1 t octob1·e 1808, réco1npanses célestes.
1wer,
1926; àAdoain en Navarre, ont.1•a choi les capucins en 1828 et Devenu suspect d'héi•ésio, Islien110 dnt, quitter son pays. Sur
• co clôpart ln Chroniq1œ do Michel le syrien (éd. J .·B. Cho.bot,
111,ty, fut ordonné p1•êire eo 18::12. Obligé de quitter J'JJ)spagno
1tary, en raison de la persécution en 1835, il exerça sou rninis, L. 2, Pnris, 1901, p. 249-250) rapporta quelques détails O.'!-~ez
1ndl'a !ère en Italie de ~Sri!) à 18',2, puis dans les missions ro111anosq uos. );:tienne serait allé trouver Philoxène • pour
•luin.', du Vénézuela. En 18',9, JI fut envoyé à Cuba; apôtre le ,:éduire cL lui faire dire, comme lui, qu'il y aurait un lor100
t. 4, do l'ile, il coHahora avec suint Antoine Claret jusqu'en 11u châtiment •• quo los poinès, co111ma aussi les récompenses,
,le de ne dureraient qu'un tem))s, après quoi justes et péchoul'S
1onda 1856. Il passa ensuito au Gl!até1nala, d'où il est exilé soruienl confondus, selon la parole de P1111l, • alln que Dieu
'le 7 juin 1872; il r•etiLl'e en Europe en 1873. 'l'outo sa soit loul on tous • (1 C<>r. 15, 28). Philoxèno lui ayant dit que
,urch, vio, il se <lisUngue par ses initiatives apostollq\tes, il c'était là l'hérésie pour laquelle Origène avait été condarnné,
supporte persécutions ot en1prisonnernents, il obtient • H prit ses livros pên<lant la nuit et s'enfuit on Palostino •·
une efficacité sociale et religieuse n1erveilleuso. A partir C'est là qu'il se trouvo, depuis quelque temps, exactement
,r s la de 1877, il se voue à l'apostolat en plllsieurs provinces • dans la région de Jérusalo1n •, quand Philoxèneécrit à Abraham
s'est d'Espagne et favorise la restauration des capucins. et Oreste. Ln venue d'Étienne dans la région do Jérusalem
tude osl. snns doute à mettre en rapport âv8é la présence de moines
Une r6putation de sainteté l'accon1pagnait JJa1'Lout, ot·if{énistHs, 11ttest.ée dès co 1no1nont-là. C'ost, an effet, vers
e de que confir1naient ses vertus et ses œuvres extraordi•
,be~, cctLe date, ot1 51r., qu'éclate à la Nouvo!lo Laure lo prornier
naires. Resplendissait en lui la spiritualité franciscaine. incident provoqué par 1~. pl'ésence de tels rnoincs (cr Cyrille
: Le Il ne so préoccupait que du salut dos â1nes et il 1nontl'a de Scythopolis, Vie de sai11t Sabas, éd. E. Sch\Vat•tz, TU lt9,
aris, une force héroïque dans· los ép1•euve1:1. II rnourut le 2, J,eipzig, 1\139, p. 121,.125), dont. las activités allaient prof on•
))3$, dén111nt troubler les monasLàros de P11lastine jusqu'à ln condam-
7 octobre ·1880, laissnnt <Juelques lettres et quolquos
~ar- sermons 1nanusr.rits. Le procès do béatification rut nation otllciolle de l'origénisrno au concile œcuménique da
558.
· con1mencé en 1924; les écrits sont approuvés, Je décret
[DS, de non cultu promulgué et le procès apostolique intro-
,aux ( )n ne sait jusqu'à quel moment Étienne resta en
duit (1960). Palestine. II serait retou1•né à Édesse, s'il faut en croire
18 :
Ildéfonse de Ciaurriz, Vida del sier,10 de Dios l'. Fr. Este· Barhébraeus qui, d.a.ns son llistoire ecclésià.9tÛJue (éd.
11 Jr,, ban de Adoai1t, Bnrcelone, 191a. - A,ialecta ordinis fratr,un
·rilJe Abbeloos et Lan1y, t. 1, Louvain, 1872, col. 221),
minorunt capuccinorunt, t. 51, 1941, p; 35; t. 76, 1960, p. 179. le rait vivre dans cette ville au temps où Serge était
74, - Gu1ncrsindo da lilRtelln, H Î$loria 11 e11ipresa,9 apoR1,Jlicas
PG del sicr~o de Dios l'. /J'st<Jban de A.clo1iin, Parnpelune, 191,11. patriarche d'Antioche, soit en 541-548. II est saris doute
_L~xico,i capuccintun, Roruo, 1951, col. 1630-1631. 1norf; peu après cette date.
:it loigné d'l!Jdesse, l!Jtienne n'avait pas renoncé à y
De M1;tcH1on n E PoBLA ou Il A. répand.re ses idées. C'est a.près avoir app1•is qu'il venait
49, d'y fai,:,e apporter secrètement des livres composés
88, 3. ÉTIENNE AGAZZARI (bienheureux),
chanoine régulier du Saint-Sauvetu', 1354-1433. Voil' par lui quo Philoxêne écrivit à Abraham et Oreste.
t17,
DS, t. 2, col. '•71-'t72. D'après Philoxène, Étienne profes.~ait une sorte de
lélie pa11l,héisme eschatologiquo, alHrmant que tout doit
() 8, devenir un jour identique à Dieu. Aussi bien, aur<1it-il
.5,, 4,. ÉTIENNE BAR SOUDAÏLi (ou '5ot10AïLi),
t vers 548. - 1. Vie et actù•ilé littérairl!. - 2. Le Livra affirmé, ,, tout est une seule naturo <1voc Dieu ». Des
55, gens avaient rapport6 à Philoxène qu'entrant un jol!r
,78, de lfiérothée. - 3. Pl1icc du, Lù•re de Hiérothée d()ll/J
.... l'histoire de la spirittialitti. dans la cellule d'Etienne, ils avaient lu cette inscription
tracée sur le Inur : « Toute nature est counaturelle
1. Vie et activité littéraire. - Sur f:tionno do l'Essence (divine) »; à la suite de leur indignation
Bar l)oudaïll, célèbre écrivain 1nystique syrien hété- et des protestations des moines du voisinage, Etienne
1483 ~;-r11<~NNE BAR SO(JDAILI 14.84
l'avait elTacéo, mais, ajoute Philoxène, 1i pour l'introduire bien attestée, peut êlNl considérée comme certait1e, maigri
à couvert dans ses livres». Si toutes les créatures étaient los arguments, mal fondés, que Y. Ry1>ael ~ chérèhô à lail'e
appolées à devenir une se\ile substance avec Dieu, dès valoir coutre elle (Das • Buch iles Hierotheos •, dans Zeitsèhri/t
far Kircheni;eschichlc, t. fO, 1889, p. 15G-158). Elle est conflr-
lors le baptême, les autres sacra1nonts, les labeuri; de 1néè, on outre, par les afllnitéa étroites qui exist.ent entre la
la vie ascétique perdaient toute raison d',~tl•o, un m~rne doctrine d'Étienne tt;!lle qu'elle nous est connue par P.hiloxène
sort étant promis, eu définit.ive, aux païens eL aux chré- éL colle expoRée da.ns le Livre de Hiérôtli<!c.
tienij, aul( i1npios ot aux saints. EL si les hom111es
pouvaient deveuir consnhs tantiels avec l' IJ:ssnnco 2. Le Livre de Hiérothée. - Édité avec traduc-
di vine, l'incarnation elle-1nê1ne était superflue. tion anglaise par F. S. Marsh, en 1927, J'ouvrage, dont
Précisant le$ idées d'Étienne en 1naLiê1'e d'eschatolo- le titre cornplet, tel qu'il nous a été transmis par lo
gie, Philoxène lui repl'ochait d'avoir adopté les idées patriarche Théodose (cr infra), ost « De saint l-Iiérothée.
millénarisLos juives, en plaçant après la résurrecLion Sur les rnystè1•es ()achés de là l\oiaison de Dieu», est divisé
deux rétl'ibutions successives, qu'il ap pelait, l'un,: le en cinq parties qui, quant à la rnatière, peu vent se
1i repos » (ou " liberté ») , l',n1t1•0 la « perfection ,, (ou
rarnenel' à trois : r, cosrnologie; 11-111-rv, l'ascension de
" divinité u). Cette concepUon repo:;a'iL sur une in Ler• l'intellect vers sa perfection; v, eschaLologi\>.. Il présent~
l)l'élation 1nyst.iq1,1e dos jours de la sernaine, ce rnonde-ci dès l'abord un caractère ésotérique très ina\•qué :
étant le vendrëdi ou sixièn1e joui', le « repos » étan 1, le l'auteur, qui va 1·évéler, aasure-t-il, cc que Paul n'a pas
samedi ou sabbut, la cunsoo)mation onlln étanL le osé dire (2 Cor. 12, 4), demande à son coi•respondant
dhnanche, pren1ic1• et huitièrne jour de la se1naine, ou do garder le plus g,•a.nd secret sur ce qui ne peut ôtl'I!
encore« tro.isiêrne jour», par rapport ù « aujourd'hui i> et cou11nuniqué qu'à des intellects purillés. Aussi bien, ces
ù « demaiu )>, selon les ter1nes pris à .Lac 13, 82. Dan~ la. vérités, qu'il tient d'une vision directe, no peuvent être
période de «repos», les justes jouiraient des técompensos eon1prisos que de ceux qui ont ou part aux 1nê1nes rêvé•
pronüses et les ilnpief; subiraiont Je châtiment de leurs lations.
fautes, de telle sorte que le ChrisL finisse par ôtre " tout Le prcnùer secret concarno la raison de l'actuelle <liiltiûction
en tous 1,, après quoi vienclruit la cunso,nmation, des l\tros : ce n'eRt, pas la Bien qui est respons(lble <las inêgalités
l'éternité, ot1 « Dieu (et non plus seulement le Chri:;t) entre les êtres, c11r li n'a pu que vouloir tout faire 001nme lui•
serait. tout en tous ,1, où toutes les créatures, les 'dérnons inême, c'e,Rt.-il-diro dans l'égalité et l'idenLité. La cause de la
distinct.ion asl lo • mouvement prenritlr • ou 1nouvement « des•
eux-mên1as, ne seraient qu'une substance avec lui el. 01) ceudant •, par lequel l'intellect, du fait do .sa négligence, ésl
cesserait toute distinction, au point q110 la distincLion sorti do sa nature et e~t t.01nb6 (u, 3). Aux rlitTérenLs degr/Js
mê1ne des trois I'ersonnes divines serait abolie. do chute corrospondont dif!érentes sortes d'ètrus : anges,
La pensée d'~lianue, tâllê qu'elle est présentée pnr Philoxiine, homnies, t1nitn1111x, d61nons. A la suit.a da cotte chute ont éts
a subi, do Louto évldonco, l'influence d'Évagre le ~ontiquo. produit!! l'finie, • vôto,ncnt de l'inl:allact •, ot le corps, « mai$on
Phllo:xèno noto cruo c'est au • n1oine Évagr1J • q\1'ElLia1ine a de l'à1n1i,. (11, ta). Toile e8t la co11diUon actuelle de l'intellect,
ernprunt6 sa conception du • mouvernant » (11ie1hzi'ân1U.hct "" de !11quollo il va se relever.
,
x!vl)o,ç). Lo • mouvement , est, solon l!ivagro, l'.1cto 1>ar lequel
!flA AtrP.R raisonnnblus se soul dutournés do !'Unité, à lu P.Uit.e Au cours de son ascension, décrite spécialernont dans
de qnoi, ayant reçu dans lùur chute des inondes et des corps les parues cent1•alos du livre, l'intellect est assailli
divers, ils doivenl s'î1SLroindrc à )a pra.Tr1,:kè, Jaquolle SA ~it,1_111 s11ccossiven1ent pat· l.l•ois essences démoniaques, qui
po,u· l'honuno nu• sixiùrnc jour•, c'est•à·dh·o dans C\l mondH-ci. se trouvent. à des hautE:'turs différentes entre ciel et
Lo syrnbolls1no des trois Jours et l'eschatologie cl'~tienrw, e,1 terre (11, 10, 13). f'arvenu t\u-dessus du firmament, U
deux étapes, viennent. d'Jivagre, réserve faite des noLtos f)l'é• est guidé par des anges qui, à des po_stes écholonnés,
cautions prises p::ir co dernior vis-à-vis du panth6lsmo. Les sont con,n1e autant de« gal'diens de la Maison de Dieu•
t.extea 11cripl.\1raires invocprés à l'appui de cette eschatologie (n, 15). L'intellect s'élève ainsi de« doineure • en« de-
sont ceux-1!1 1nll1nes qu'invoquait Evagro, notan1n1ent lue
13, 32 ot 1 Cor. 15, 28. meure "• nourri en chacune d'un pain ,nystérioux,
eucharistie 1nystique, qui ral11,11no on lui le désir de
Quelle fut, l'activité littéraire d'Étienne Bar Soudaïlt progresser toujours vers le Bien. Alors l'intellect subit,
et que nous en HS l,-il resté? PhiloxêOI;! dit avoir lu de de la part des anges, une crucifixion rnystique, qui a poùr
lui un comn1entaire sur quelque:, psaun1es, lectul'e /1 la but de le purifier (11, 21). C'est la mort mystique de
suiLe de la.quelle il lui aur,~it écrit (Frotl1ingharn, p. 46). l'intellect. .Ap1•às trois jours passils dans le tombeau,
Il mentionne, en outre, à plusieurs l'èprises, des lettres, se produit la résurl'ection mystique (objet spéciale-
livres et traités co111pos1'is par Étienne, notaonriont rnent de la 81' partie). L'ir)tellect ramène à la vie son âme
ceux que co dernier avuit fait parvenh• à Abrahan1 eL à et son corps, les purifie, les rend bl'illants et réalise leur
Oreste. Des fruits de cette activité littéraire rien ne nous unitloation complète avec lui. Tout le 1nal subsista.nt
est parvenu sous le no1n d'Étienne. Mais c'est ù ce der- se rasse1nble alo1'S et prend la for,ne d'un grand Arbre,
nier qu'il faut al.trihuor un ouvrage important qui nous contre lequel l'intellect se met lt luttai'. Cl a beau le
a été conservé, en sy1•iaque, sou::1 le Litre do Livro de briser et on couper les l)J•anches, l'Arbre repousse
II iérothée. toujours, si bien que l'intellect so rond compte qu'il
Barhébr·ncus, en 1ifl'et., au ta 0 siècle, asllurait que ca livre faut lo déraciner et par conséquent redescendra pour
avait été 1.:omposè p11r mticnnc (Cc111cléla(1re du Sa11c1uair~ 1v, atteindre ses racines (111, 2). D'où une redescente do
pa.Rsage cité par F1·0Lhingha111, p. 6$; le J:.ux.Lo a ûté ré(,dité l'intellect (u 1, 3), laquelle se fait dans la souffrance et
par F. Nau, d'après un anl.ra 111111111scriL, PO 13, 1911>, p. '.!63). les larmes. Au cou1'S do ce nouveau voyago, l'intellect
CctLc opinion, loin rle lui lltre person11ollc, Bnrhébrneu~ l'avait repasse par le firrnamen t, par la terre, pum sous terre;
trouvée formulée dans u11 autour du 8° siècle, Cyrinqua, p11l.riar• lù il est assailli par les dérnoos et il succomberait si le
che d'Antioche (H11rhobraeus, JVornoca11011 v11, 9, texte dans Christ, • le grand Jntolloct )), ne venait à son sccoul'S.
Frothingha,rn, p, 65). Toi était aui;.~i l'aviB da .Je11n, 6vêqt11l de Entrainé par ce dernier, il regagne les hauteuni
Dara (8•-9• sièdc), dans son Traité sur la r4surroct.ion clcs t:Qrpi/
1v, 21 (of Frothingham, p. 66). L'atL1•ibution du Liur" d~ (= deuxiè1ne ascension) et s'aperçoit que l'Atbre
lli4rothéc ù Étienne, quî repose sur une lradi.tion anciennHet du mal est llnéanti.
484 1485 ÉTIENNE BAR SOUDAILI 1486
~gré L'auteur pose la nécessité du bàptên1e pour êtro rnême le nom de « DlvinHé » (tv, 21). Les inte.llecls
fiûre sauvé. Mais il y a, out1'e le baptême d'eau, un « second cl ivinisés sont au-dessus de l'union, car il ne faut plus
hrift baptême », que l'intellect doit recevoir âu-dessus des parlai' alo1•s d'(< union» (hedayathâ), mais de(< mélange»
nfir• ( hebîlctlthd), parce que le mot « union >> inlplique encore
te la cieux : le baptême d'esprit et do feu, dont le baptême
t'ène d'eau n'est que le symbole et q\li seul peut réaliser une certaine distinction entre ceux qui sont unis.
l'union avec le Bien (111, 4). Après ce baptême, au cours Ceux qui ont été unis pouvont êtro séparés, mais non (ltl
duquel !'Esprit est desoond~1 sui• lui, l'in tel!eet est en qui a été mélangé. Il s'àgit d'ùn riiélango ê01nparaLle à celui
luc- tout pareil an Ghl'ist, an point qu'il dépose son appella- dn l'eau qui, contenue d'abord dans plusieurs r6cipiont8 oL
tont tion d'« intellect» et qu'il est appelé désormais « Christ 1, par là divisée, est toute n1ise ensen1ble, - ou aux rayons do
r le (111, 5). 111,nlèro qui so divisent en passant à travers plusieurs ouver-
née. tures et redeviennen t, une seu le lumière qiuind on enlève cet
visé Devenu Christ, l' intellect régne sur tous ceux qui sont encore ét~ran matériel. Car c'est Loujouri; quelquè chosu de rnatériel
dans le i;orpR (111, 6) et. surtout il accon1plit lt1 fonction qui est qui divise: si on l'enlève, il i1'y a plllli <le division. Co1n1ne le feu
( se par excellenc11 e11llo cl li C"J1rist, qui est rie consacrer; il entre dans q 11 i était un, avant d'être sép!iré ell plusieurs toyors, et qui sera
t de Je Saint des saints pour y acco111plir le sacrifice mystique et do nouveau un, ainsi est le Bien (1v, 21), Cotte oonso1nmatio11
inte distribuer l'cucharisLlé aux (ulgés. Cc pain mystiqué n'êst autre du tout on un est spéciale1nent exposée dans la cinq uion1e cL
té : que la science pa1·faite, dont l'intellect est devenu digne cl dètnlère partie, où la pensée de l'aut.eur, (',omn,e il en a bien
pas qu'il comm\1nique à ceux qui sont au-dessous de lui (111, 7). c,)nscicnce, se tait port,iculièrernant a11tlaci111.1so. Rien, dît-il,
lant Lo pain eucharîstjque d'ici-bas n'est que le symbole de ce pain nn doit être ané11nti, ,nais tout est dostinê à être rest1111rê,
stre oucharislique colasto. Ainsi on est-il nussi pour lo vin. L'1u1to11r ril uni nt mélangé dans le Père, Cil sorte quo Sérâ acco,npliô la
oes précise d'ailleurs quo l'oucharisLio avec le pain nuilérial parole : • Dieu sc1•a tout en Lous •· Les en[ers passeront, les
convient à ceux qui vivent cnco1·c dan~ un corps, quand blcn chûliinonts prendront fin, les démomJ seront graciés e11 1nêmc
~tre même leur intellect aurait déjà eu part au sacrc1ncnt céleste. L1.,1nps que tous les homm.es, les réprouvés eux-mêmes, recevront
lv'é- le pardon. Les ronct.ions angéliq1res <;esseront avec toutes les
A cc point de son ascension, l'i nlellticL a alLeiol hi61•archies, et toute distinction diHp11raltra.
tîon l'« Essence universelle ,,, qui lui communique alors les
lités trois secrets, on lesquels se r6su1no la docl1•ine exposée 'rout sera absôrbé dans !'Uni té. JJes nonis aussi
lui• dans le 1iv1•e. :tvtais il n'est pas encore au bout de sei, s'olfacoront, au point que (( I>ieu lui-mên1e passera,
e h.\ épreuves. Il a accédé au paradis, lequel est il. entendre q u•~la Christ sera aboli et que l'Espl'it no se1•a plus appelé
des• de raçon spirituelle; là se t1·ouve J'Arb1•e de Vie, donL E;sprit ». Telle sera la conso1n1nation de tout.
, est la vision est, « l'accomplis:;e1nent de toute vision et
grés 3. Place du Livre de Hiérothée dans l'his-
la terme du 1nystère » (1v, 2). L'intellect y est un moment toire de la spiritualité. Ro.pportQ aPe.c les êcrit.s
gas,
séduit par lu (< nature adverse », qui pl'ond les appal'oncos
' été
de l'Arbro do Vie; Il en est libéré pa1· le Christ qui détruit p.w:udo-dionysicns. - On n'a ja1nais 1nis en doute que le
ison Il iérothée sous le nom do qui le Li/Jrc da H il:rothl:c a été
lect, cotte nature fallacieuse et conduit l'intellect vers le
vrai Arbre de Vie (1v, 3). Apparait alors à l'intolloct t1·ansniis est bien Je pel'sonnage in.en Lion né dans les
l'Épée mystiquo : il est in viLé à .la f)rendre et à descendre é<~rits pseudo-dionysiens com1ne ayant été le 1naître
:QtlS du Denys (Nom(! divins n, 9-'10, l)G 8, 648a-649a;
de nouveau combattre les dérnons (1v, 4). Contrairement
àilli n1, 2, 681a-684a; 1v, 15-17, 713ad). Gela résulte du reste
à la précédente, cette nouvollo doscento so fait aver. joie,
qui a:-;sez clah•ement de la préface du 1( traducteur•>, mise en
et l'intellect pass13 pa1• les 1nêrnes étapes, à travers le
: et firmament et devant les anges gardiens; aux portes tôle du livre. La question s'est posée de savoir si Je
t, il de l'Abîme, où sont los démons, il combat conLre eux porsonnage que Denys appelle Hiérolhée est bien l'auteur
~és, d t1 noLre LiYrtJ d4 11 i.érothl:e, c'est-à-dire 11ltionne Bar
et triomphe. li h.lUt' a1>paraît coniuie une brillante
~u » lumière et ces intellects déchus voient leurs ténébres ~oudaïlî, ou si ce 1,iPre n'est, par rapport au1'. écrits
de• p:;eudo-dionysiens, qu'un pseudépigraphe, 1nis abusi-
se dissiper (1v, .7). Los 1•6gions infé1·ietu·es sont eniplies
,ux, de lumièl'e el les dé1nons ùe l'enfer supplient l'intellect ve,nent, par l'auteur ou quoiqu'un d'autre après lui,
de d'avoir pitié d'eux et de les unir à lui. Toutefois cette sous le no,n du rnaître de Denys. J.,a pl'emière hypolbèse
bit, réde,nption par l'inteller.t-Christ n'est pas absolument fut soutenue pa1· Frothingharn, le pre1oie1· <l'entre les
our complète : y échappe, en elîeL, l'(< essence inoensible », rnodernes qui ait étudié le Li/Jrc de Hiérothée. Si elle
de reléguée à l'e:xlrênie fond des enfers et '{Ui, d'intellect devait être retenue, elle serait do grando conséquonco,
fâ.U, qu'elle était d'abord, est, par une suite de dégradations, car si notre Li/Jre était la source de Denys, on pour1•ait
ale- to,nbée au-dessous n1êrne des détr,ons, au poin L de se dil'e (Ille de cet ouvrage singulier est issue la doctrine
lme stir laquelle (< toute la théologie $eolastiquo et le mysti-
vide!' complèterneJ)L de sa naLure et de se perdre irré•
leur ci~1-ne · 1nédiéval sont fondés n (Frothiogham, p. 6).
médlable111ent (1v, 13). L'intellect ron1onto alo1's tl'ion1-
,a nt pbant (1v, 14) et Pl'Oùla.1ne la l'éSUl'l'eCLion (1v, 15).
c,,s CôJ)Clusions ont été repl'ises et orchestrées par
l>re, L'auteul' p1•écise que cette résurrection opérée pal' A. Ivlerx (ldec u.nd c:ru.ndli11ien einer allgenwinert (Je-
1 le schiahte dfJt .fl;lystik, Heidelberg, 1893). Depuis la publi-
l'intellect purifié no concel'no quo los intellects déchus
lSSe cal,ion de F. S. l\1ar$h ot l'étude que lui a consacrée
qui proviennent de la lllêrn.e essence que lui. Les autres
,u 'il rossusclteront quand des intellects provenant do la I. I-Iausherr cette opinion n'est plus soutenable: la conl•
1

0\11' mê,ne essence qu'eux so1•ont pa1•vent1s à la perfection. position du Li/Jre de Hitlrothéc, au u1oins sous la Ior,ne
de En dr.scendant dans les profondeurs, l'intellect oü il nous e1:1t pat•venu, est. à coup sOr postél'ieure à la
~ et déeouvl'e la 1nê111e Essence lurnineuse que celle qu'il date d'apptu·ition des écrits pseudo-dionysiens.
lect a:vait vue au sommet des hauteurs (1v, t 7). Aussi hien, L'attribution à Hiérothée réa1.1lto d'un arlifico : pour la
rre; n'y a-t-il plus pou!' lui ni hautou1• ni proroncleur. li ne re1tdre vraisemblable, uuo profaco a olo ,niso au début du
1i le connaît au.cune 1i1nite (1v, 18). Il dépose le 11on1 n1êrne livre, ai;sur1111L quo eo dernier a été traduit du grec. J\,lais il
e61; évident quo l'on a affaire à un écrit. syriaque original,
111'8, de «Christ», car désornulis il n'est plus nommé du tout co mrnê le prouvent, entre autre!! indiens, les (:iti\ti11ns acriptu-
iurs (1v, 19). L'intellect parfait. va jusque par delà l'amour, 1·airos faites d'après la pe.~hitta et acco1np11gnées parfois de
·bre car celui-ci suppose encore une distinction entre le d(!voloppements qui ne convieullellt qu'au texto do cetlo ver•
sujet qui ai1ne et l'ob,jet aimé (1v, 20). Il abandonne si,,n, l'emploi de certains torrncs (ainsi la dis tinction établie
·14.87 ÉTIENNE BAR. S(>ODAILI - É1'IENNE DE (~I-IALME1'
'
ontro los deux mots syriaques sig11ifianl • démons •• sh~d!1 et du Lex.ta. A la. fin du 13 8 siècle, Barhéb!'aeus, 1c ,naphrieo • è
da.iw8). ln con1position dé l'&vo.nt-dernicr chapitre (v, 3), de l'Orient, s'intéressa lui aussi à ce livre. J;ltonné par Jj
formé d'autant do sontoocos qu'il y a de lettres dans l'alphabaL l'ol'dr•o singulie1• dans lequel les événe1nents do la vio (
syriaque, etc. Ri11n n'indique wérne, comme le prétendait du Christ y i;ont ,nentionnés, il en conclut que la compo- (
Barhtibraeus, que c'est Étienne qui a IIIÎs son livro sous le
noIIr de llit\rolh6e. En dehors dP. la prôfoco oL dos Lih'cs, on ne sition originale avait été troublée et en donna une édition C

trouve rien qui rappellt) 1.:eLto aLlribuLlon, aucune allusion 0(1 la ,natièl'e était soi-disant ro1niso on ordre ot d'où (

étaient exclus un certain no1nbre de passages jugés trop ]


à Donys et à son mpll.re, nulle trace surtout des • extrait.~ •
dos livres de Hiérot.hlie cités p111• Donys, qu'un faussaire n'o1)t audacieux. Quand Barhébracus 11t co travail, nous 1
pas n1anqué d'introùuiro. Il p,.u·aH légitime de penser, A lu savons que dèjà les exeo\plait·es du Li11re de Hiirothéè 1
~u!te _do Mrtrsh (f>- 23'1 et 2t,5), g~e la préface et les titres ont éta.ient fort rares en Orient, et le rnanuscrit dont li •1
ete aJoutés posLcrlcut•ement à Etienne, - s1111s douLo pou de s'est i;ervi est celui-là qui aujourd'hui oncoro est notre
1:~mps ap rès lui, 1>uisquc le titre cle livr(? de Jliérotl1ée est déjà principal témoin <lu texte (Lond1·es, British IY[useum,
connu de Cyriaque cl' Antioche au 8• siiwlé. Celte alll'ibution
11cLivo est vraisemblnhlernent. Ill fait de quelqu'un qui a voulu A.dd. 7189). Co fait prouve que le LiCJrc de Hwrothée, en
sauver l'ouvrago, à 111 doctrine foncièron1ent hétérodoxe, en dépit de son titre prestigieux, fu Lassez peu lu. I. Haus•
le couvrant d'un non1 quo la vogue rapide des écrHs diony- herr a montré qu'il n'avait pas exert:é sur Je grand
siens 11v11it réndu véné1·able. ,nystique syrien Isaac de Ninive l'influence que Marsh
avait cru déceler. L'int1\rilt réel que présente l'ouvrage
Ainsi les rapporLs nntro le Livre de Hiérothée eL les pour l'historien de la spil'itualité né UenL donc pas,
écl'ils dionysiens sont infiuiJnen L moins étroits qu'il ne CC>1nn10 on l'a cru d'abord, à son influence, s01nme toutq
paraîL au prf:lmier abord. asse.r. réduite. JI tient hion pl11Lôt au fait quo le LiCJre
Telle ei;t bi(1n aussi l'in1prcssion que laisse l'exan,en de li iérothéa est le lieu de rencontre <le traditions mys•
co1nparé des doctrines. CerLes, l'influenco du pseudo- tiques assez dive1•$eS et sul'tout le point d'évolution le
Denys se Ll'ahit par plusieurs traits, que }.i{a1•sh a soi- plus extrêrue de la rnystique origéniste, telle qu'elle
gneusement relevéi; dans son édition. Elle transparait a. 1\l.é $Y$1:ématisée par flvagre le pontique.
notamment, somble•t •il, dans la teprésontal.ion que A. JJ. Frothingham, Steph1!11 Bar Sudaili the Syria11 Mysti.c
l'auteur se faiL <le la hiérarchie céleste (1, 10-12), encore anll the llQ(>k Qj Hil!rotheos, Laytltl, 1886. - F. S. 11arsh, Tlit
que la division en neu{ 01•d1•es ne soit, pas exclusivetntnlL Bo(>k. whfrh i.~ called 'l'he Book of the lioly li icrot/,cos wit/1
dionysienne. Le rappel fréquent de la consigne du e:1;1racts fro111 the Prolego111ena and ConuncntanJ of Theod.Quios
secret, l'appel, non 1noins fréquent, ll l'expérience, of Antioch and front the a Book of Exccrpts • !Ultl ot!wr works of
privilège des intelleuts purifiés, créent aussi entre ce C:regory JJar•llcbraects, éd, et trad., 1,,orulrea et Oxford, 1927.
livre et les écrits pseudo-dionysiens une l'éelle afllnîté. - f. linusl1er1', De dü(:tri11a spirituali christianoruni orient~ium
l\1ais il esL une influence à laquelle, co1nrne I. l-Iaushel'1' q1,ti.cstio1w,~ et scripta , ,, § '• L'influence clct • Lii•re de sàinl flié •
rQth.,fl! •, clans Orieiitalia christiana, t. 30, 3, Ron1e, 1933, p.
a eu le rnérite de le signaler, il convient de faire une
176-211. - DS , t. s, col. 251-252.
place autrement importante : c'est celle d'Évagro le
pontique. CeLl,e intluenco est particulière,nent neLte Antoine GurLLAUMONT.
dans la prernièrc et dans la del'nièro parties.
5 . ÉTIENNE DE BOURBON, do1ninicain, "I' 1251
La cos1nologio d'Étienne vient en tlroilo ligno d'Évagre, Voil' art. 11xEMPLUM, DS, t. 4, col. '18\)(t.
comme l'avait déj:\ rernarcpr(i Philoxèno à p1•opos de la notion
de• n1ouvement •; c'est, de part oL ù'aut.ro, la 1nê1no conception
d'i ntellects déchus da Jour puroté prenlièro pm· suite do leur 6. ÉTIENNE DE CÉSÈNE, capucin, 1686•1771.
néi;ligonco, dovonus îunos, l'CVôtus do corpij et. aya.nt reçu dus - Étienne Bernardi, né à Césène en 1.686, entJ•a choz
' 1
nonis divers, solon le degré de leur çhute, - état da disllnc• les capucins de la province de Bologne. It est connu
lion et de divel'sité dont ils doivent. d'ailleurs se lib6ror pour surtout co,nrne p1•édicateur. Il a laissé des Esercizi
retourner à l'llnité. L'oschatologin d'l!llienno esL aussi, avec spiritu.rili riisposti pc1• dicci giorni, Césètle, t 779. L'ou-'
une ferveur panth(iiRLe plus marquuo, colle 1nê1ne d'Évagre, vrage co1nprend <l'abord vingt méditations (deux pat
pour qui le retour à !'Unité, s'il ne doit pas abolir la condition jour) qui ont pour objet. IA!i Jlns dernières, le péché
de crôaturo, irnplic1uo copondant l'abolition de toute distinc- 1no1'tol et l'amour de Dieu, ensuite vingt instructions
lion et do toute dénon1ination.
A cette influence fondamentale, qui f11i.t <lu LiPre clc llicro• (deux pal' jour) qui traitent des péché:; de pensée, de la
thé~ le point d'aboutissement de h1 11,y~Liquo orlgéniste trnns• calomnie, de l'a1nour des ennemis, de la correction
mise par ~vHgre, se sont ajouLucs d'autres influences, trèR fra te1·nolle, du péché véniel, de la 1nesso, d1~ la comn1u-
diverses, qui 11ppar11issonL surtout dans la partie centrale du nio11 et de la persévérance. Il contient en outre des
livre. La description de l'ascension de l'intellect empr11nto ùe instructions pour les ecclésiastiques. Le Lou t reste
no1nhroux trails au thèn10 gnostique bien connu du • voyage :,Lrictement. dans les confiilS de la tnorale et de l'ascèse.
do l'ân10 •, avoc les gal'dions des sphères célei;tes devant lesqt'rêb Nous avons aussi de cet écrivain, publiés à Césène,
l'â1nc doit passer. D'autres trnit.s, notan,ment dans la desconlo des Prediche qttaresi,nali, 2 vol., 1777; Di.~i:orsi catcchis-
' de l'intellect, paraissent provenir du 1I11111ichéisn10 (luLLo contr•c
i, !'Archon, Arhre et. racines du !ilal, rv, 12). La vision du Trône tic,:, 2 vol.., 1. 778; Pa,uigirici sacri, 1780. Il ,nourut ~
1' (1v, 6) est un thtinre repris de 1111nystlque juive. Ancône en 177"1.
I'
Il est probable que, sans l'audacieux subtel'fuge qui Distinguer not.re aut.eur do son hon1onyme, Étienne de
Césène, ministre génôrul dl)S capucins, 1605-1682.
l'a fa.it passel' pont' lo 1, Livre do 1:-Iiérothée "• cet ouvrage
aurait disparu assez tôt <le la tradit.ion syriaque. Le DIIOE, t. 8, 1985, col. 781. - Dornardin de Lapedona, It
com1nentaîre qu'en fit au 9° siècle le J)atriat•che dos P. S1c/11r10 Bcrllf)rdi da Cesena., niÙ;sionario apo~/rilico ,i1tf)!)Ucci110,
dans Ju,li,i fra11cisca11a, L, 24-, 1949, p. ·163-tf,8. - Lexicon
jacobitos 'l'héodoso, qui semblo avoir cru sincèren\ent c«pucci111.111i, Roine; 1951, col. 1632.
au rnythe de Hiérothée co1n1ne au mythe de Denys,
a sans doute beaucoup contribué à accrédiLer le livre. JuLfP,N-EYMARD o'ANGEIIS.
Ce co1n1nentaire (dont dos oxtl'aits ont été publiés eL
traduits par Marsl1, op. cù., p. 131 *-1 59* et 143-172) 7. ÉTIENNE DE CHALMET, chartreux,
trahit une certaine préoccupation d'atténuel' les ,n1dacos t 1177. - ÉLienne de Chalrnet est entré à la chartreu~e
1489 ÉTIENNE DE CI-IALME'f - S. ÉTIENNE I-IARDING 1490
des Portes en 1135, oil so trouvait déjà son frère Jean, ôtalJlissant à Tart en prernler monastère do ,noniales cister•
len » ciot111cs (PL 185, 1410),
par appelé parfois Jean de M1)ntmédy (ou de Mont1noyen),
• qui était peu t-êtro lo lieu d'origine dos deux frère~.
v1e f~lienne fait face à tout, sermo11e co,nis, fo.r,ie iocundus,
tpo- On a conservé d'Étienne uno lettre De perscvcrantu1 (uiitno se111.per i11 Dornino la<ltus (Guillaume de l\1almcs-
Uon ordinis adressée aux novices du monastère ciste1•cion b111•y, loco cit., 337, PL 179, 1289d). Personnalité :;édui-
l'où de Saint-Sulpice-en-Bugey (PL 153, 931-93ft). Dans sn•lLe, c'est un hou11ne sage, discret, pacifique, ainsi
;rop PL j 53, on trouve, col. 899-918, la lettre pressante que que l'appelle Innocent 11 (Epist. 64, 86, 183, PL, 179,
IOUS lui adresse son frèro J eün, pour l'incitor à quitter le 112b, 125c, 176c).:. Religionis, paupertati8, disciplinequn
thé~ monde et à le rejoind,•e en chartreuse, Ces textes avaient rcr;ula.ris ardcntissitnus ania.tor, fi<lclissirni+s ernulator,
1t il èté publiés pour la prernière fois par P.-Fr. Chifllot dit. de lui I'E a.:ordiurn Cistercii (u) . L'Exordium pari,1tm
otre (Manu.ale solit()rior,.un ex c1eter1un pn.tr11,m cartusianoruni le ,:aractérise corïllllê aniator rcgule et loci (xvn). Presque
um, cilllis dcpro,npiu,n, D~jon, 1657, p. 1,37-4!15 eL 81,9-885). aveugle, il dHmanda à êLre 1·elové de sa charge (1188).
, en La tr'adoction do la lettre de ,Jean a été donnée par Lorsqu'il rnourul le 28 mars 1134, l'humble monastère
lUS• d. le Roy, abbé de J-lautefontaine, dans La solitude d f: 1098 se trouvait muè en chef d'ordre groupant
and chrétienne (t. 2, Paris, 1659, p. 1171-542). D'après plus de 70 maisons, répanduos dans les principaux
n•sb l'llistoirR li1tlir1Lire de la Fran,r.11 (t. 12, Paris, 1869, pays d'Europe.
·age p. 420-426, surtout. p. (125-426; cf ChlOJet, p. 25-28), l~tionne fut bientôt co1npté parrrîi les saints. Il fallut
pas, Êtionno aurait laissé d'auti•es lettres et des opuscules cependant attendre le 17° sioclo pour que sa fêto fût
1ute de piété, donL on no trouve phu; l.,•anfl. célébrée Iilurgiquon1ent, le 17 a.v1•il d'abord (cl1apltre

ivre L.-H. Cot:tin011u, Répertoir(, tQpQ-hibliocraphiquc des ci!Jbayes g{,né1•al de 1628, st. 1,5), puis le 16 juillet (cho.pilre
1ys- et />rieur,!s, t. 2, fl1ucon, 1937, col. 28\!7. gunéral de '1683, st. 87).
ll le André RA VF.Z.
elle 2. Écrits. - Étienne ne laisse que ro1·t peu d'écrits.
Il est, à ce point do vue, totale,nent éclipsé pa1· le plus
8. ÉTIENNE HARDING (saint), abbé dé Ci-
illustre de ses u1oines, saint Bernard, dont il sut discer-
istic teaux, 'I' '1'134. -1. Vie. - 2. Écl'its.
The n1:r les dons excepLionnels.
q,ith 1. Vie. - Né en Angletorre avant 1066, Étienne Il n'y a aucune ch(lnce pour q110 soient t\uthenliqutJS les

)$1,()8
Harding entra fort jeune chez. les bénédictîns de Sher- tf!r1tH!ij du discours quo (h1illa11111ê dé h-1altnosbury lui ,not sur
es of borne (Dcn·set.); 1nais, c11.,n adolescenlern seciili r.trticti lu:; lùv1•cs, tandis qu'on discutuil à MolC$tne 11' légitirnitu d'ohser-
927. sollicitarct (Guillau1ne de Malmflshnry, Gcsta regu,n v,1r'1ces ajoutées à lt1 rogfo (loco cit., 384, PL t 7\l, 1287C•1288a);
1•
,~Um
Angloru,n 1v, 3311, PL '17\l, 'l287a), il abandonna l'habit sans doute y trouvons-nous quelque choso de son esprit., aou-
flié• cit111x de logique et de. clnrté. La Ruilo dos événeme~ts alla\t
1, p. rnonustique et part.it étudier en Écosse, puis en F1•ance.
Il entreprit uo rnéritoire pèlerinage à I-tome, au retotll' prouver qua l'hontmo, au tempt'lrauwnt quelque peu 111tra11s1-
duquel il se fixa au mora1stère de Jv[olesme (diocèse de gr.a11t, ùlait l.onf!CC et peraévèrarlt. .
Est Inauthentique le senno in obif.11. prae<ler.essoris s11.i (8.
Langres), récemn1ont l'ondé par l'abbé Robert. l,e succès Alb6rle), reproduit, d1.1ns PL 166, 1(17(,-1376, d'aprôs A. 1',!an•
?51 do cette fondation sernble avoir modifié assez tôL ri•1ue, ,1nnair.s cistercisnscs , ad annum 1109, c. 1, n. 9, t. 1,
son ol'ientation prin1itive. Il s'y c1·éa alf)l'S un mouve- Lyon, 1642, p. rio.
ment en faveur d'une vie plus fidèle à la Règle de saint 10 Deux textes d'Étienne sont en rapport avec les
171. Donott. <~ui en eut l'initiative, rtohert ou fltienne? tr11vaux entrepris pur la pre,niore génération cistercienne
hez
1 Celui-ci en fut, en tout cas, un des plus ardents prota• pour se dounet• des textes liturgiques « authentiques ».
rinu gonistes. Au:,r;i, lOI'Sque vingl:-doux moines se décidèI'ent. 1) Un rnoniturn, uoe censura de aliqu.ot lor.is Bibliorun1,,
'CtZt à quitter Molesme où la « réforrue >> ne pouvait se réa- de 1109, f)Ù -gtienne expose co1nment fut établi le nou •
'ou- liser, nous trouvons .l!.:tiAnne parmi les partants (ma1·s veau texte d'une Iliblo latine qu'on voulait parfaiternent.
par 1098) avec R obert et le p1•ieur 1\lbéric (Aubry). Ils lldùle à la" vérité héb1 aïquo ot chaldéenne ( = ara1néen-
1

ché s'établi11Ant à Citeaux, au sutl de Dijon {diocèse de 11e) », et où il recorn11la11de, 11,1ithorilate D ei et nostra.e
.ons Chalon). Moins d'un an après, Robert, SUI' l'ordre du cu,igregationis, de no rien retoucher•. La méthode reste
e la pape, réintégra lvfolesmo qui souffrait trop de soo départ. le tèmoîgnage d'un profond souci d'authenticité.
;ion Albéric lui succéda (voir art. ALuÉ1t1c, US, t. 'I, col. 276•
nu- 277). 'l'exto dans C. da Visch, Auctariu1n ad hibliothecani scrip·
toru,n S . O. Ci#tJrr.iensis, 6d. J,•M. Canivez dans Cistcrcie11.scr-
des A la mort d'Albéric, Étienne fut appelé à gouverner Chronik, t . 89, 1927, p. 44, et dans PL 166, 1373-1376.
~ste la comrnunauto, sans doute en 1107. Il n'euL d'aut,ro L'ol'iginal est II la bibliothèque ,nunicipalo do Dijon, rns 13,
èse. souci que d'alîer1niI: hl << réfor1n e >>. Pour assurer une r. 1sov.
,ne, rnellleure s(lparation du monde, il interdit aux seigneurs, Cette • .Rible do S. Étienne •• constituée par les actuels ,nss
his- entre autres à l'insigne bienfaiteur le duc de Bourgogrle, 1·1-'15 de Dijon, ost le joynu principal d'un lot de niss olstcr-
t à de tenir leur cour au rnonastère; il insista sui• la pauvreté cions do la prerniè1·e époque. C. Oursel estime l!itiennc • res•
et le dépouillon1ent du mobilier et du vesUaire lih11•giquAS ponsable de cette floraison du scriptoriurn do Clto_aux, dès ~es
prc,nl~res années du Nouveau MonaRt.èro • (La Bi!Jlc de saint
de (Exordilun par,, u.m x Vu). J!:1,icnnc H arili11g et le scriptori!'1n de Clteaiix ( 1 109-11(,r$ l J 34),
Dopuis la fondation, le recrutenlent :tvait, él.o pratiquomont dans Ctte.rtux, t. 10, 1959, p. 40).
t, Il nul. Di.en plus, Je nombre init.i(II. des fondateurs s'ut8.lt an1enuisé. On i,ait les goûts bibliophîlos d'~tionno : en 1125, 1Hl visite

1,no, Les u p(luvres du Christ • ét.nient bien près du décour(lgement an monastère bénédictin do Saint-VaMt, îl sollicite du rnoine
icon (E:1:l)r/liu1n Cistercii 11), lorst1u'u1\ 1112 l'entrée de Bern(lrd de 11.rtisto onlun1in(lur Osbert le commentaire dè Joromio par saint
Fonl11inus et d'uno tronlflino do co1np(lgnona (ln1orc;0 un reer11- Jérô1ne, l'actuel ,ns tao do Dijon.
te1nent extraordl11airo (art. S. B EnNi1.no, DS, t. 1, col. 1454- 2) Une préface (date probable, 1109-1113) à l'hyrn-
149\l). Douze fondations se firent du vivunl d'Etionno, la naire quo, pour pouvoir obéir ponctuellement à la
dernière en 11a1 au diocèse de Oênes, Haint-Andru de Sestri.
tUX, D'autre part, vers 1125, !~tienne donna lës statuts et usages Règle demandant de chante1· les hymnes arnbrosiennes,
,use de Citeaux (lllX religieuses venues de J ully•les•Nonnains, les les cistercien:; ét.aiont allés copiel' à ~Iilan. Étienne
1491 S. ÉTIENNE HARDING 1492
recommande ici encore de ne rien modifier désor1na!s : est établi qua1n cano11ic(!, quanta. auctoritaie, a quibus
hii tantu.1n nullique aiù'. canantur; ... hos hymnos inrâola-
biliJ.er tcnc,.itis.
etiarn personis quibusgue tcmporibus, cenobilun et tenor
Pite illorum exor<lium su'lnpsorit. Le fond spirituel de EP
'1
(
Le texte, qui ae trouve à la bibliolhèc1uo 1nuni1;îpolo de c'est le souci de la fldé!Jté à ln règle, considérée comme
Nan los, ms 9, f. 11,1o, a été publié, pour la pronilèro fois par code éprouvé de vie parfaite. Les expressions puril(I.I
P. Blancl1f1rd, d1111s J/ac111e lu!11,!dititi.11i,, t. 31, 1914•191\l, p. 38; rcgttlae, rectùudo rcgulae, et d'autres analogues, y sont
par B. Kaul, Lo psautier r.faterciini, dans Collcc1a.ne<1., t. 10, 1948, caractéristiques. La règle, pour ces moines, ne crée pàs
p. 100, cl par S. 11arOSSzéki, Les origine.~ du â11,ri( cistercien
au. xn• siècle, dans Analecta., L. 8, 1952, p. 9 (quelques n1ols seulernen t le cadre de vio, elle est source de vie si on
5/.IUté~). veut la vivre en tout (volr P. Salmon, L'ascèQf! n1onasti-
que et les origines <le Cîteaux, dans Mêlangcs Saint
Le 1nê1ue souci de l'« authentique » poussa les cister- Bernard, Dijon, 1954, p, 268-283).
ciens à aller copier, pou1• le gtaduel et l'antiphonail'e, 2) '.Étienne eut la part p1•épondérante dans l'élabora-
les manusel'its réputés les meilleurs, ceux de Metz : tion de CC, hiAn qu'il fît volontiers mention des déli-
ut in diPinis frittdibu.9 id cantarent quod 1nagis authenti- bérations avec ses frères. I'our sauvegarder l'obser•
1:urn in,,eniretur (S. Ilel'nard, Prologus sitper antiphona- vanr.e ch~la seule maison de Citeaux, Albéric avait obtenu
ri!~ni, PL 182, 1121). <le Pascal II le " p1•ivilège romain )) (E'.P x,v; cf l)S, t. 11
Il ne 1•oslo quo lros pou do choso de cette réfol'mo dilo do col. 276). Mais cornrnent assurer parto1,t l'Oh$érvance
S. Étienne : voir F. l(ovacs, J~,.a.gmentR d11 cha,it cistercien de la l'ègle? CC répond : non par l'indépendance totâle
prin,ilif, dans A 1tcl.lecl<i, l. 6, 1950, p. -1',0-150.
On a découvort récen1mont uu bréviairo cisLoroien des envi- <les 111aisons, ni par une centralisation trop pOU$Séo,
rons do 1130-1132 : K. Koch, Vollsli,11digcr BroPier aua der nH.1is par une large autonomie de chaque abbaye, contrô-
Schreibst11be d-es hl. S1epha11s, dnna A,11alcwu1, t. 2, 1946 (paru lée par une visite annuelle de l'abbé de la rnaison fonda-
en 1950), p. 1116•1~7. C'est l'111:L1rnl ,ns 1,02 do la Wcsl-Doutsclw trice et par le chapiLre général annuel de ton$ les abbés
Bibliothek do Ma1•burg-L11hn, dont H. Oriesser préparo l'édi- t1 Citeaux. Pas de redevances d'une abbaye à l'autre,
tion : Stand. der Vorarbeiten z11r Au,1gabt! d,is Stcpllansbravicrs, roais souci efllcace de progrès spirituel, de concorda.
do.ns Cistcrcicnser•Chronik, l. 66, 1ll5!l, p. 62. ·unifor1nité d'observances comme moyon et signe d'une
2° Deux autres écrits sont on relation avec l'expal\- nnité dans la charité do tous les mernbres de l'ordre.
sion do la réforme cistel'cienne : l'Exordiu.,n parvu,n et ln a.ctibUli no.stri.~ nulla sit discor<lùi scd tuia ca.ritate,
la Carta caritatis, statut fondamental do l'« Orch•e )), una regula sirnilibusque vivanu,UJ moribus (CC 111). On Il
peine, dit EC, à tl'ouver dans CC rien qui se rapporte
Ces deux documenti, sont l'objet de discussions. L' Ea:or- au précepte : "N'ayez de dette avec personne, sinon celle
dium parvum, (= EP), - à distinguer de l'Exor1liu11i n1agnrun,
compilation de la fin du 129 sièclo -, ust un récit des origines de l'amour rnutuel » (EC 11) .
cisterciennes. Il est atll•ibu6 à Éllonno, depuis lo 1?• aiècle, selon Cc docu1nent juridico-spirituel original parut d'uno toila
une conjecture de B. Tissie1' acceptée par l'ensernhle des his- sagesse quo plusiaurs familles religieuses s'en insJ>irllrcnl,
1.oriens. rtécemment J .-;\. I.,efovre s'est inscrit vigoureusernent quelquefoi~ do lros près : bénédictins, chartreux, chanoines
on faux contre cette attrih1,1tion. Pour lui, EP est un écrit réguliers de Pré111ontrô, d'Arruuaise, du V:.il des Choux, eto.
des environs do 1I52, dont les parties 1111.rrntives seraient nette- Voir A. Dimicr, A propos de la Charte de Charité, ÇUeautt et
ment tendancieuses, o. la dlfféronco dHs pièces diplomatiques <:Ju,trû,ç, do.os CQl/cct1111c1t, l. 8, I9t,6, p. 241-25G, oL P. Vermeer,
insérées, parfaiten1ent authonliquos. Un uul.rfl récit nnonyn10, Lie i1tc1locid i•a11 de • Cart<i c11rit<tt.is • van Citeau~ op de statutsn
l'E:cordiarn Cistcrcü (,.,. EC), dalan t de 1119 selon J.-A. ,,an Pré111011tri!, dans Strulù, (!<t,tlloliea, t. 26, 1951, p. G5-?7.
Lefèvre, serait seul digne do foi. Au t, o c:oncilH du Lo.t.ran, en 1215, Innocent 111 6tendil à tous
Quant à la Carla ,~arilalili (= CC), on a essayé do disco,·nor lus ordres religieux le i;yat.ème des chapitres généraux cistcr•
cerlalnos sources (V11llon1hreùsel); on chercl1e surtout à cicns (décret 12 ln sin1J11lis, l\ii1nsi, t. 22, col, 999-1000; décret
savoir quoi texto a élu approuvé par Calixte 11, le 23 décen1bro inséré dans le Corpus J11ris canonici, lih. 3, t.it. 85 De statu
1119, et quelles furent los ôlupas chi l'évolution, indéniable rnonachoru.111, c. 7),
désormais, sub.io pa,• CC dopuis ses origi111is jusqu'au texte La part prise par E)Uonne dans l'élaboriltion dt!s autreij
de CC posli:rior ('l 165 ?) . ,r101111.tric11ts prirriitifs cislc1•cicns est diffidlo à détarniiner; ils
Nous ad,nettons la valeur de EP mémo com1no sourca font l'objet de recherches c.ritiques. Ne sont pus son rouvre
narrative; Illtién110, iluteur principal, dut l'écrire aux cnvil·ons psrsonnillle les lettreR li5 à L,ouis le Oros, et 49 à Honorius n
de 1119, pcut-ôlro pour introduira CC. Pour CC, nous ne rote• (inter epistolas bernardinas, PL 182, 1,. 9-152 et. 1[>?-158), dans
nons que l'inspil'aUon fonc:ièra qui son1hle a;voîr p1·ésidé à l'éla- la suscri))Lion dosq uolles paru il le norn d' Él.ienna.
boration première. 3° ·vers 1131-1.132, Étienne écrivit aux n1oinea de
EP : éd. C. Noschitzka, dans Analt?cla, t. 6, 1950, p. 6•16. - 8hel'bo1•oe one lettre d'amitié et d'encouragement
EC; éd. J ,•A,Lcfèvl'O, dans Collecta11ea, t. 16, 1951,, p. 9ï-98. .(éd. C. H. Talbot, An unpuhli.~hed, letter of St. Stephen,
- Summa CC: éd. J,•A. Lc!èvro, ibide,n, p. 99-101. - CC
prior : éd. C. NoschHzka, dans Analecta, l. G, 1950, p. 16-22,
dan$ Cotle.ctanea, t. 3, 1936, p. 66-69). Très courte, on
Ces quatre t.extes ont été publiés égalomanL, sûlot1 d'autr~~ mss y sent Étienne au déclin do la vie, l'âtna apaisée, et
génér11le11rnnt, en uoe édition non critique, 1nals d'un manie- reconn9,issan t à Dieu des merveilles dont il rut le té,noln
111ent très co,nrnode, par J.-H. V(ln Dan1m.e, Documenta pro eL l'instrument. On y retrouve les deux mots importants:
ci:itcrcicnsis ordinis hiatoriae ac juriR st11dio, Westlnalle, 1959. pauvreté, charité. Bien des cl1osea avaient changé
- CC postcrior : no,nbrousus tldiUons, vg Ph. Guignard, Les depuis Ja fonda Lion ou changeraient, 1nê1ne de celles
1no1t1t111crits prini.ieifs de la Ttèr;le e1'.steroien1te, l)ijon, 1878, qu'Étienne avait fixélls : l'hymnairll, le chant, la lit.urgio,
p. ?9-81,; No"utsticon cistcrciensc, éd. I-1. Séjalon, Solesrnea, etc. La pol'sonnaJilé de saint Btirnard prenait dti 1>lus
1892, p. 68-?$; Su,ttJ./(), c:1,pit.u.loru.m gcncrct.li11,m ordinis cister-
eùinsis, éd. .l.-M. Canivin., t. 1, LOUVllin, 1933, p. XXVl•X XXI.
on plus d'lJnportance : sans vouloir opposer à l'excès
l'abbé de Cîteaux et celui de Clairvaux, on devine
, 1) f:ticnne eL ses con1pagnons, nos cistercienses primi pourtant entre eux une différence d'esprit. Étienne,
huius ecclesie fundatores, ont voulu que leurs succes- g6nial interprète de la prernière génération cistercienne,
seurs connussent la vérité de leu1's Ol'igines, eL lussent a fixé les traits essentiels de la spiritualité de son ordre:
par là encou1•agés à tel\Ü' iotégralernent et striètement authentique fldé.l ité à la règle, pallvreté et sul'tout
la règle. lis citent dans EP les pièces officielles : aiosi charité.
492 1493 S. ÉTJENNE 1-IARDJ NG - ÉT IENNE DE LANDSI{RON 1.494

ibus 1. Notices bibli1>graplliquP.s. - C. de Visclt, Bil>liotheca au rnêrne Étienne un courl traité g1•ec, lacunaire d'ail-
eno,. scriptorUffl sat;ri 1>r<lù1i.~ cisterciensis, 2° éd., Cologno, 1656, lonrs, réfutant les agnoètes. Si tentante qu'elle soit, cotte
p. 801 -802. - U. Chev111ior, 1Jio-bibliogri1pliie, t. 1 Puris, 1905, identité d'au Leur reste encore problématique.
1EP col. 1378-1 $79. - A. lo Dail, Dibli<if{raphie de S. Êtien.n.c.
nme Hartli11e, dans Collectanea, t. 1, 1931,, p. 56-61t; numéro F.. Dickan1p, A nfller.ta patristica, coll. Orierllâlin christinna
rit<U consacré à lntiennc J:Ia1•ding. - No,nhreux ùrllcles dans C4Mr- an alecta 1.17, Rome, 1938, p. 155-:IGO. - P. Peelcrs, S«intr.
sont ciqnser-Chron.ik, t. 46, 1934 , lorH du 8$ centenaire de 111. rnorl Grili11tl~u.r.h, 111artyre 71erss (t J/J juill6r. 6111). dnns Atitlfor.ta.
bQl/1111dfrt1ta, t. f,2, 19'1'1, p. 74 -125. - IC. l{el,elidie, Etuidebi
pas du saint. ·
;,,,,i,: k' flrt'uti literaturis i-atoriidan, t. 8, Tiflis, 1955, p. 197-250
i on 2. Biographie~. - A.S, 11vril, L. 2, Anvors, 1675, p. 1,oG-501, (p. 210-227 : édition ùo la vorsion géorgienne). - O. G11rilto,
(Ulti- et PL 166, 1361-1/\71, . - J.-D. Dalgairni,, Lif,1 of St. Stephen l.n .Passion aéorgicn11c clc. S(lintc GQli11d{)µalt, dans Analecta.
'aint H(ll'ding, a/1/101 of Citea.11-1,, Londrel!, 1R:,1,. fi y cul d'autres bollandiana, t. 74, 1956, p. 405-t, t.O (p. '126-',l,O : traduction
éditiQns et plusiilurs Lraductions (OS, 1.. 3, col. 7). latir1c).
or a• Notices. W. Ilun L, art . .li<1rclùtg, dans The Dictior,ary of J ean J(JRCHMEYEn.
iéli- National 1Jioaraph11, t. 8, p. 1217-121 !l. - J ,•M. Cnnivoz, 11rt.
Citeaux, DHGE, 1:. 12, 1953, c;ol. 65',-856 cL 874•888. - 8. Loni;- 10. ÉTIENNE LE JEUNE (saint) , ?15-764. -
1ser- san, liagiologù,ni c1:s1,,r.:ù:11s1!, l. 1, Tilbourg, 191,S, p. 9-1 2. -
;enu M.~B. Brar<l, S. Éti.nt11e de Citeau", clnnij Catholicisn1c, t. 4, Né en 715 à COrlSlarlt.inoplo, l!.:tienne se présenta tout
t. 4, 1956, col. 57 6-578. jouno à l'eruütage d'un 1noine ,l ean avec lequel il
tnce 3. Bible de S . Etienne, - J\. Lang, lJie Ilibel Stcphiin lfr,r- vc\cut jusqu'à 28 ans. D'autres moines vinrent vivre à
,t ale di11gs, dans Cistcrcic11scr·C/1r{)11ik, L. 51, 1939, p. 2~7-256, sr,s côtés et il fut élu hlgo\1mènc du nouveau u1ona.<;tére
:sée, 275•281, 294-298; t. (i2, 191,0, p. G-ta, 17-28, 33-37. - C. Oursel, 8ainl:-Auxonce, à l'est de Chalcôdoine. Après le conci-
trô- Les prirwipcs "t l'e.~pril des ,niniaturcs priff1iti111?~ de Ci.ttJaux, )ial,ule de lliéria, en ?58, :fltienne fut somxné de répudier
1da- dans Oiler,ux in dP. lVederlanclen, t. 6, 19!ift, p. 1G1-172. les saintes images; S\11• son 1•efus, on l'exila à Proconnése
>hés .Br,J1,1iaire ti1?S . f:cienne . 1(. Koch, Da~ l(a/.ender des Stephan.• e11 760. !~.appelé peu après à Constantinople, il co1nparut
1tre, JJrcvierJJ, clans Cis1arcienscr-Chro11ik, t. 57, 1950, p. 115-96. - d11van 1: Constantin v qui Je laissa massacrer par la
E. Grosjil1111, llré11iairc de siii11t É1ie1111e, on appendice à E. Wil-
rde. l éms, Esq1i.isse hisloriqu.c d" l'Ordre de Cicc(l11", t. 2, Poris- populace. La Vie écrite par le diaex•e Étienne vers 809
une Vervicrs, 1958, p. 252-260. pl'ésonte d'étroites analogies avec celle de saint EuLhyrne
dre. 4. EP (:t CC. - L,es l.ra vùux do J .•A. Lefèvre ont re11ùu l 'inti.p- él':1•ite par Cyrille de Seythopolis. Malgré ce procédé
1aie, préciable service de ,neUrc au jour t1111,1 l.rès irnporlaulù docu- bien byzantin, elle garde une certaine vaJeu1· historique;
ln 8 mentation m11n1.1scriLe. Toutefois les conclusions quo l'ùulcur lc.::-; indications de dates et la plupart des iloi1lS se vé1•i-
orte croit pouvoir on Urcr rencontrent de très sédeuses objections. fle11t. L'auteur a voulu faire ressortir les vertus du
1elle Voir bibliographie dans J.-A. Lefèvre et B. Lucet, J,cs cadi• n1oine reclus et son in6hranlable fidélité à la tradition.
fications cistcrcic1111es au:r; XII~ Ot x111• ,;iècle.s d'après les tradi-
tions mcintt,Sc:ril(,.~, d1,1ns Analecta., t. 15, 1959, p. 6 -6. Ajouler 111 Vita. sa.ncti Stcpl,.a.ni junù>riR 111011achi et martyris czur.tore
telle suite et Jin des art.iclos do J.-B. van Daunne, Autour des S111phano cliacono .. , PO 100, ·1067-11116, - J. Pargoire, Le
'ent, origines cisldrcie11nes, dans Collcr.ta11ea, 'l. 20, 1958, J>. a74-êl90; lJ,Jont Sa.int•Au:ccnc:e, ,fti,de /11~, toriq11c et topc>graphique, dans
1ines t. 21, 1959, p. 70-86, 137-156; Ç. Dcreine, l,cz fo ,ulcition clc R,wuc clc l'Orfo,1.t (1/1r,!1ie11, 1.. 8, 1l!Oà, p. 25j-266 (étudia Ili valeur
etc. Clteau.x d'a.près l'E:,1>rdi111n Cistercii et L'Jù;;ordi11.1;, pclr1•11ni, hi;.,loriq11e <le la J/it1). - J. Glll, A riote <>11 the Life of Stephen
IX et t/111 l'ou.ngcr by Sy1neon 111etaphrastcs, dans .Ryzantinische
dans Citeaux, t. 10, 1959, p. 125-1a9 ; J,. Grill, D,1r hl. Bern•
l88l', z ,~itschrift, t. 39, 1939, p. 382-38G; The Lifc of Stephen the l ' oun-
hard ais bishcr u11crka1111tP.I' Ver/assc,r 11,is E'xordiun1 Cistc,rcii
uten ge,· by Stephen the D/!ar.on, OCP, t. 6, 1940, p. 111,-:139 (les
und der Sun,.ma Ct1rtn.e caritatis, dans Cistercienser-Chronik,
,.77. dl'UX articles conc0rnant Je problènte littéraire des o,npri.:nts).
tous t. 66, 1959, p. t,:}-~7. - F. Halkin, Ril.lliotl1eca hagiogrcipliica eraeca, 3• éd., Bruxelles,
1ter• 5. Gén,Jralit,Js, - J. Of.hou (Ducournaau), Les origi11es 1\157, n. 1G66, 1GG6a. - H.•O. 13eck, Kirch6 iind tlicolot;i$alte
,cret ci11tcrcicn11cs, dans R<,c,ue 111abillon, t. 22, 19à2, p. 1aà-161t, l. ii,:ratur ùn bttz"ntinisclu:n. Reich, J\1unlch, 1959, p. 508.
:taiu 288-252; t. 23, 1933, p. 1-32, 81•111, 153-189. - R. Duvernay,
Oiieamt, Vallorttbrcu.~e et Etienne Harding, dans .1lncûcct11, t. 8, Jean DA.nnouzils.
1tl'ilS 1952, p. 379.1,95_ - IC. Spahr, ,Die. Re.gtdà.1,.~lc,gt.J.11g irn • Nm,-
; ils klost1;r », d:,n~ J•'estschri/t zum. 800-./ ahrged,Zdt1,1is tics '!'odes
ivre Bernhards Pon Clairvcu1,:r., Viouue et Munich, 19!13, p. 22-30. 1 1. ÉTIENNEDELAND SKRON (LAN'1'7.KfiANA),
8 Il Anal6cta = Annlcctn ~ncri otdinis cisl.ercieosis; ()ollecta,1ea ocn cJ1anoinc régulier do Saint-Augustin, t 1477. - Nous
!ans Collcctnnca ordinis cistercim1si11 rn 1·otormnt,or11111. connaissons peu sa vie. 1\ux environs do 1480, :fltienne
• de Landskron {lt profession chez les chanoioes de Saint•
Maur S1•ANDAEnT.
Augustin au 1nonastère de Sainte-Dorothée à Vienne
de en At1h•i()he. Ce 1nonastère, fondé pour appuyer l a
.ent r(:forn1e ecclésiastique et l'eligieuse, devint le chan1pion
l.cn 9. ÉTIENNE II DE H IÉRAPOLIS (J\ILl.n!louc),
on' 6° siècle. - L'hi$LOl'ien Évag1•e (/Ji:;t<iria ecclesiastica v1, du cen t.ro réforxnateur de Raud ni t.z et le gerrne de la
, ·e t 20; PO 86, 2872-2873, et éd . Bidez-P,1r1nentior, Londres, r<:s td1uration des chanoines 1•éguliers. Il s'agissait nota1n-
1oin 1898, p. 235) rnen l.ionne co1n1nc auteur d'une Pa.s.~ion 1uent de procéder à la visite des monastères. C'est à
llts: do sa.inte. Golin<lou.ch t 591 un évêque de Hiérapolis cntte tâche quo fut occupé Él.icnne pour le con1ptc et à la
ngé .l!ltiennc, qui vécut dans les dernières années du 6" siècle. JJ lace do son 1,tr périour. A l'occasion d'une visite, il fut
iles CeUe PaRsion, cléjà conn ue partiellement en gTec grâco élu duyc1n du 1nonasté1•e <le Chie1nsee; quelque te1nps
gie, surtout aux amplificatio11s qu'en a donni~os Eustrate de après, il revint à Sainte-Dç11•ol.hée pour rempli!' la
,lus Cons i.an tinoplo (cf DS, t. 4, col. 17'18), n'exislo p lus que chaJ'ge do doyen. J!]n 1457, il fit la visite du xnonastére
cès dans \Ille ver:;ion géorgienne dont le texte sernble de chanoinos réguliers de Noustift, pr~~s do Brixen. Le
ine reposer, d'après P. Peeters et C¼. Gaf'itte, sur un original 1 !i aoùt de cette année, il était élu cinquième prévôt
ne, syriàque. J•!ticnno y apparaît comrne u n hagiogrà.phe do Sainto-DoroUiée. f:tienne est connu pour sa grande
ne, Sél'ieux, a,s:;ez sobre pou1· l'éJ)oquo, soucieux de ,net tr·e érudition et sa conduite h·1•éprochable; il administra
en œuvre ses souvenirs personnels et les té1noignages dos sagen1ent et fit p1'ospêrer sa 1naison. Il mourut le
ut contampo1•aù1s de la ,nartyre perse. 29 novembre 1477.
Des coavergeuces cl1ronologiques invitent à rattache1• )~tienne est l'auteur d'écrits ascétiques et niystiquos.
1495 É'l'IENNE DE LANDSK!{ON - ÉTIENNE LANGTON 1496
Son œuvre la plus iinpol'tanle et la plus intéressante remuant archidiacre Si1non. JI apparaît à Paris dans les
est son Hùn,nelstrass (Augsbourg, 1484, 1501, 1510). années 1180 com1ne maître en th6ologie, pourvu d'un
C'est uno sorte do co1npé11di111u do théologie populaire, en canonicat it Notre-Dame et d'une prébende à York.
52 instrucUons spirHuellus. Co111111u l5lionnc l'uxplique, - dans La date cle sa naissance co1n1ne colle de son entrée d(IJlS les
l'ouvrage on le retrouve sous lo no,n do SLofian - , il a puisé école~ parisiennes a donné lieu à. dos éonjectures, aAlon qu'il est
libre,nent, che1. les auteurs spirituels et le.~ ser1nonnn.ircs, des considéré cornme disciple do Pierre le Chi.ultre (Powicke) ou
instructions qui indiqueraient au x gens shnplcs le cho1nin du do Pierre Comestor (I, <1con1be, Lottin). On assiste 11ujo11rd'hui
ciel. Il commence p;1r clos chapitres 8Ur la roi, l'espérance el à un retour en faveur de la pren1ièrc (Voal), Sa doctrine est
l'Bglise. JI s'att11ch~ ensuite à des instructions sur la confession. dans la ligno tle ces deux théologiens cl ne lo cè<lo 011 rien à la
lo péché ut lu vrai repentir. Ruit. 1111 chnpitro Rnr l'amour· clo J)ieu leur. Il so1nbla r11iaonn11ble d'admettre quo LangLon naquit
ptu•-dossus toutes chmms. L'exposâ sur les dix com1nando1nonl.K vers 1150-1155. A Pa ris, où il avait rl'abo1·d enseigné los arts
(ch, 10·21), qui rét>onù parfaile,uenL au gcnru classique dû~ JilJ61•aux, il du t être 0,1 rëlutlous avec dea hon1mes tels quo Pierre
• n1anucls de confession d'après los co1nn1andou1onts •, ostrové- cle Poitiers, Alexandre Nockh11n1, Guillaume rie Leicester (futur
h1t.et1r fies mœurs populaires du to1nps. Vlonnont alors le:, cl\ancelier de Lincoln), Robert do Courson, Lothaire de Segni
chapit.res sur les sept péchés capiluux, los six péché:; con Lr1, (fut.ur Innocent 111), Pier1·e do Capoue, Prévolin <le Crémonij,
lo Suint-Esprit, lo~ neuf péchés contre le pl'ochain, cles instruc- Par1ni ses disciples, on doit citer Richard Poore et 'l'homRS
Llons sur los cinq sens, los s11cre11u111 ts, los n111vres do rép;1rat.io11, do 1.furlborouf\'h, respectivon1ent appelés au siùgo de Salisbury
la prière, su1•LouL Sur le Putor lit !'Ave. Lès <larniers chapitrés cl à l'ubbatiat ù'Evashll.rn, Godefroi de Poitiers dont la Somme
onl trait aux quntorzo articles de fol, aux sopL œuvras do 1nisé- 1·oflotc dirocto1nonL l'onseigne,nent de J,,ington, et Henri de
ri1}orde, a11x: sept dons du Saint-Esprit ot onflJl à la ,nort dan,; Sanford, futur a1•chidiacro do CunLorbéry, s'il faut voir eo lui
la grâce. !./ouvrage se ter1nine pat• des pri&res pour les 1nalades. le maitre Ti. qui supc1·vlsa la eompilaLion du remroil quasi
Deux a-utres làuvres ont été irnpri1nées : Tr(ictatu:, ofllciel des Questions ehéologiques.
de quatuor noc,issi,nis, dcdié à l'évôque de Chiernsee, Pr6conis6 cardinal au titre <le Saint-Chrysogono
Sylvest1•e, publié par B. Pei, Bibliotheca ascetica, t. 1, (22 juin 120G), Langton abandonne sa chaire parisienne
Ratisbonne, 1728, p. 27-156. L'ouvrage en 29 chapit1•es, pour Rome. Peu après, l'élection con testée du succe3,;
achevé on t(i.65, se co1npose de considél'alions sui· lf1 seur cl' 1. lube1•t Gautiel' t 1205 au siège do Cantorbéry
prépat·aLion it la 1nort, le jugernent dernier, l'épouvante ayant susuité l'intervention du papo, Langton rut élu
de l'enfer, la joie dos 6lns au ciel ot lo pul'gatoire.• l ,o pur une délégation du chapiL1•e 1nandée corani papa
tout ost appuyé sur de no1nbreusos citations patristiques, (déco,nb1•e 120G) et sacré par Innocent 111 (Viterhe1
surtout saint Augustin, saint (}régoiro lo Grand et saint 17 juin '1207). Jeun sans 'f'erro lui refusa l'ace,)$ de
Bernard. La deuxi61ne pa1't.io du tl'a.itô est une instruc- l' Anglot.or1•e et tint pour eone1ni public quiconque le
tion pratique sur la n1aniêre de vaiot:re les tentations reconnaîLrait pour archevêque. Il devait. do1ncuror 1,ix
et do pl'og1·esse1· <la11s la vie spirituelle. -- Rcsponsio ad ans en exil et. trouver asile à Pontigny.
epistula,n sc,·upulosi (éd. IL DuoUius, Mis,:~lla,n.ea, t.. 1, La crise marquée par Je grand interdit (1208) et
Augsbourg, 1728, p. 218-220), ce sCrllJ)uleux. craignait l'e.x.co1r11nunication du roi le trouvèrent fcrmo sur les
d'être ordonné par un évêque simoniaque. principes mais actif à rechercher la paix. I ,a convention
Les autres œuvros <l'l5tianna sont restéAR man11scrite8 do Do11Vl'8S q1.IÏ flt da l'Angleterre un royau1ne vassal du
Ex positio miss(ic, Coll(Uio in coe11a Drnni11i, t::i:pti.<1i1io R1:(p1.la,: Saint-Siège n'est t11\ aucune manière son œuvrc. Ce n'ost
D. Augu.sûni, .De tribus substantialibus seu esse,1tialibus 11tatue pas le Hou de rctraco1• son action prépondérante dans
religiosi, De ingrn.tit.1ulinc, de h1unili1ate aliique serniones a.sco-
tù:i, VQ11 etleù:llr,r1 nü1gc11 ,lie (illcifl dy gcistlichcn pcrilcrcn. la recho1•nhe d'un act101•d entre Jean st~ns '!'erre et les
Sp'ie(Jel der J(lt>RMrl&ut, U12terwcis1u1g ,lcr Kloswr/r1uwr1. barons, action qui 111ena il l'élaboration et à la pr•ornul-
gation de la Grande Charte (15 juin 12'15). Un tel tôle
R. Duellius, J1i.scclla.nea., L. 1, Augsbourg, 1723, proo01ni11111,
n. 15. - J .·A, F'abricius, BibUothcca latina, t. &, Padouo, 1751, , relève de la cha1·ge du pri1nat et Langton le remplit
p. 209. - 1,. Hain, Rcpcrtoriiun bibliographic111n, L. 3, SluLlgarL, dans la ligne tracée par ses précédossours saint Anselme
183&, 11. 9898. - Max Fischer, l>as Gcwcsc11a Sti/t von St. Doro et. saint 'l'homas necket, dont li ne cessa de se récJa.
thea, durls Stelzhammer, Top1Jgr!lp/iio des Erzhcr::,ogturri.s Ocswr rner. Mais lnnocenL 111 s'interposa : pour avoir omis de
rcich.. , t. 15, Vion no, 18:-!G, p. 58-G8. - .r. C¼Affcken, Der Biltler• dénoncer nornrnément les barons comme exoommuniéa,
C(ttcdiismus des flln/:wl111ten Jalir/i.u.nlterts, l. 1 bie ze/111 G,,bot,!. le primat fut frappé do suspense à l'heurH où il s'e1nbar-
Leip1,ig, 1855, p. 106-11\J oxLNIÎl.s d~ l'lli111111els1rass. - quai t pour le concile du LaLran (1215).
Fr. 1"11lk, Die ilctdschcfl Stcrbcbi/.chlein, Cologne, 1890, p. 65- Lorsqu'à son retour Langton réintégra son siège
&&; Zur llltere11 Volkslitcr(llttr : H imniclstr(tss itncl Scclcr1trost .
1
Werk u11d Verfasser, dans Hi$tQri:1Ch•politù;cfu; Blüt/.cr, t. 108, (n1ai 1218), il avait gagné l'a1nitlé d'Ilonorius 111, el,
18111, p. 206-212; 1Jr,1i Bei:cht/Jii.chlci11 11ach den zch,1 Gcbot<'11,_ en Anglete1·1•e, l'avêneme1\t d'l-:lenri 111 ouvrl,it une
Munster, 1907. - I. Ziber,nayr, Die .l,.?gatio11 des Kardi1111l:: ère de paix. Ce fut l'apogée du pontificat, 1narqué par
1Yikolaus Cusanus und dfo Orde11sreforn1 in der Kircl1enpro,1ir,;. de grandes solennités : couronne1nent l'üyal, canonisa,
Sulzburg, Munstor, 191 , . - K. Langosçh, Die deuts11/u, Lite.r11-
1 tion de saint Hugues de Lincoln, translation de saint
lur ,les Mittelalters. Perfasserlexi'.lron, L. 1, , Berlin, '1953, col. 2?2· Thomas Becket ('1220), nouveau séjour à la curie (1220-
2?1;, notice cle Slcplia.11 1•on La11d.slcrona par 1-1. G11111bel. - 1221), concile d'O-xford qui fait date dani, la législation
W. l(osch, Pcut.sclu,s Litcratrir-Lc:r:ikon, L. ,,, BHrr'lé, 195G, cononique de l'Angleterre (1222). Cheville ouvrière des
p. 28',5.
\.Yalter S1MEK . réformes ccclésia$tiquoi;, gar•ant de l'unité nationale
autour du roi dans le 1"enouvelle1nent solennel do la
12. ÉTIENNE LANGTON, ca..dioal, archevêque Grande Charte (1225), Langton s'éteignit a Slindon
do Cantorb61'y, t 1228. -1.. Vie. - 2. Œuc•rcs. - 3. 1Jor:- (Sussex) le 6 juillet 1228.
1ri11e spirituelle. Doc1uncr11.s. - M. et C. Dick.son,Le cardit1al Robertd-11Co1irson.
1. Vie. - Él,ienne Langton, originaire du Lincoln- Su vie, pièces justificatives 2 et 5, dans Archives d'hiseoirs doc•
trinalt 1# littéré•irc du 111oycn (lgc (AHDLMA), t, 9, 1984, p.135-
shire, vraisernblable1nent de Langton-by-\•Vragby, appar- 13?. -Anta Stezihani Ltu1gtor1, éd. l{. Major, Oxford, 1950. -
tient à une famille do la gGntry qui lui doit son premier lloyal Letters, Close Rolls, J>atc11t Roi/$. - L,,ttrcs 1l'l1112oae1u tu,
lustre. Il aidera à la promotion de son frère cadet, le PL 21~-216. - P. Pressuti, Regesta Ho11orii papae 111, 2 vol.,
i96 1497 ÉTIENNE LANGTON 1498
les Rome, 1888-1895. - F. Wilkins, Ço11cili(l 1n<,gr1<1c Britariniaè Commentnîre des liipttres pauliniennes (,l1agr1a Glossati,ra) de
et lliberniae, l. 2, Londres, 1737, p. 685-593. l'iorro le Chan t.re.
'un Sortrccs 11<trratives, publiées dans los Rolls Series, Londres : 11 ost difficile d'assigner dos dates précises à la con1posilion
Gervais de Cantorbéry, Gcsta Rcg11.m, Continrtatio et Chronique tle ces oouvl'êS. G. Laeon1be el D. S111alley onl tenté d'litablir,
1011 d~ Ca111orbt!ry (mAme vol., npp. à la préface), 1879-1 880; d'après l'évidence inlcrne et les références, un 01•dre do succes•
esL Roger do We11dover, a vol., 1886-1889; Matthie11 de Paris, r.ion : les gloses 11ur les Synoptl(rues, l'Heptateuque et l'Ecclé-
ou Chronica 111ajora, 1872-1883; f,taoul de CoggP-shall, 1 S75; ~iasl.ique pourraient lltre antérieures à f 187; des çomrnentaires
hui Annales llfo11a,9tici. ·· isolés sur les Livres Rt1pientiaux et les poti~ Prophètes r:iuraienl
est Tra1•<irt:r.. - F. J\L Po,vicke, St~pluJtt Langton, Oxford, 1028; drcul<, très l.c'>t et joui d'une grnnclu vogua; _les Postille super
~ la The Bull• Miram1tr plurim1tm • and a. lett.er to Archbishop Ste- Apost-0l111n auraient. été co111poséé!l de 1200 à 1203. L'œuvro
iu it 11he11 LangM11, 6 Sè/ifomber 1216, dans English historical Review, ,,xégûtiquo de Langlon esl antérieure à 1206, mais li n'esl pas
ll't.5 t. r.r., 192!1, p. 87-98; Bio{lrapliùlr,l ••<ile 1>11 rcccnt work 1tpor1 t,)(clu qu'il y oit 1•0,nls lo 1nain pendanl son exil, notnnunent
1rre Stephen Langt-011, l. 48, 1!183, p. 551, -557. - l'IL Oihhs et J. 1,(lng, à Pontigny.
Lur Bishops <1-nd Refor111, 1215-127:t, Oxford, f 9,1',. - D. Kno,vles, List6 des 111ss el incipits. - F. SLég1nüllor, Repertorirtm
gn1• The Cc111tcrb1tr!I clccti<n1 of 1205-12()6, dans Engli11h llist<>rÏf:(ll biblic1un 111edii aePi, l. 5, 1'Iadrid, 1955, p. 232-302. - P. Glo•
no. Rc,,icw, t. 53, 1938, p. 211·220. - C. n. Chonoy, J/'ro111 Becket l'ieux, lll'pcrtoirc des m.11.îtrcs en. thé.ol<>gic de P<1ris o:u x111• sièck,
nas IO La11gio11. Rnglish Chv.rch Govcr11m,cnt, 1171)-1213, Oxford, Paris, 1933, n. 101,. - O. Lacomhl'l et, B. Smalley, I11dice.~,
~ry 1055; 1'he earliest J!.°11{1liRh Di-0N111an su,111.tcs, dnns .Er1glish hisw-
AH Dl.MA, t. :;, 1931, p. 18::1-220. - Extrails dans Laco111ba
,,ne rical lleview, l. 75, 19GO, p. 1-2!1. et ~,nalley, S111dids 011 the Co,nmen/.a.r ies of Cardinal Stephe11
de Langton, ibidmn, J), 5-182.
lui 2. Œuvres. - Langton a laiss1~ la réputaLion d' un
théologien célèbr•e en i;ol\ le111ps, et d'un glossateur Tra1•a.1,x. - 0. Scl11nid, (/ ber vcrschicdc,,c E intcilur1gcr1 der
.asl hl. Schrift, bcsondcrs Stephan L<i11gt<>n.s, Orntz, 1892. - J. l(tlr-
de toute la Bible : 1Anger, Ncucrc [i't)r$cl11,nl(~il t11r E:i:P.ge.~e de11 KardÎl1a/1J Stephan
• ... super ornnos sui tampori!! no111inatus theologus, qui J,a11gton, dans Biblica, t. 13, 1932, p. 38:ï-398.
ne
ne rnultns exposiiionss theologicns recit et scripsit, et libr•os ad
memoriarn postaris reliquit., ex quibus unum super Ys(lia1n, 20 .'fi:1:rù1;1 tlléologique.~. - Langton a laissé trois séries
as- el a.lium super duodeciru prophetas, et supAr epistoi(lll P(lu]i tl 'écrits théologiques : si d'aucuns (Landg1·af, Lottin,
1ry quasdnrn postilll'ls • (Aubry de 'l'rois-fo'ontnines, 122R, MOH J>. van den Eynde) lui dénient aujo urd'hui la Su,nrn<t
\lu Scriptorcs, t. 23, 18711, p. 922). Othon do Süint-Bluisu al.t11sto tlutologiall à lui attribuée dans le manuscrit de Bam-
pa qu'il n glosé égnlement le Psautier (1206; ibid.0111, p. 886);' berg (Patr. 136) de tendancè porréLaine, du n1oins
le, et Nicoh1s 'l'rivel. (A 1111afos sc:t rcgum. Angli<1c, éd. Th. Hog, lui a-t-on restitué une brève S1an1na récernment décelée
de Londres, 181,5, p. 216) l:o,noigna de ln tradition selon laquelle cla.ns Ca1nbridgl~, St. ,John's College, ms 57 (,... C), où
le Langton esl. le principal rusponsabla de lr1 division dea livre.$
• de la Bible en chnpitl'C8, qu'il nurail inlroduilè con11110 fruit elle précède les Quoeiir.iones theologicae. Celles-ci, conser-
llX
d'11nA longue expérience à la fin de sn ca1·rière d'cnseigno,nonl. vées dans une dizaine de mss, nous sont parvenues
Soucieux dé systématisation pédagogique, Langton groupa los sous <les rAcensions· plus ou moins complètes qui pré•
et livros bibliques dHlls un ordre qui est approximntive1ncnl sentent des différences notables dans l'ord1•e e t la tenet11'
lès celui que nous (IVOns ,nainton u : historiquos, sapientiaux, clos dillércntcs questions. Enfin, un Corrunentaritts in
on prophéliques. Seritentias de Pierre Lombar•d, égalen1ent sous diverses
du recensions. I l ne nous appartient pas d'insister ici sur
1st •Jo (:ornrncntcLire., bibl1:q11.f;1s. - A l'exception de son 1'0311 vr•e (:héologique de Langton ni sur les problèmes
ns conlloentaire du Psautier, nous possédons les gloses qu'elle pose (datation, transmission, authenticité).
le s de Langton sur l'ancien 'l'osta1n en t.. Quant au nouveau, (Juoi qu'il en soit, les Quaestiones ont eu une grande
d- ou t.re ses con11nen taireii sur les Épîtres qui nous sont i11fluonee sut' l'enselgnerncnt théologique, principale-
1le parve!lùS, il u'est pas exclu qu'il ait égalc;u nont glos6 111e11t ù l'université de Paris. Utilis6es par H.ohert do
lit les i.'v<ingiles, con1me sern hlent l'in<liq11er d'anciens Courson dans sa Sumrrut avant 1208 et pi{r Godefroi
r1e catalogues des biblivthèques de Christchurch à Cantor- tle Poitiers dans ses propres Quaestior1cs avant 1218,
.a- béry et à Oxford. Des gloses anonyrnes filll' les Synop- elles ont eu un certain reten!.issement auprès d'Alexan-
de tiques, conservées rlans ceriai11s ,nanuscrits de ses ((r1~ Neckhatn, do Guy d'Orchelles, de Guillaume
œuvres (Avranches, 1ns 3G; Arsenal, mss 87 A et 64), sont d'Auxerrè, d'l-lugues de Saint-Chor, do Roland de
peut-être elTecUvernent de lui. Quoiqu'il en soit, 011 ne Crémone.
saurait exagéror l'importanco du labeuc exégélique de
~e Langton, réalisé en vue de l'enseignement et en conne- Lüte de11 111s.~ et in,:ipits. -F. Slcg1nüHcr, Rcpcrtorùu,i corn·
it, xion avec ses lectures théologiques, il une époque où les 111e11tarioru111 in Se11te11tias Petri Lo111ba.rdi, t., 1, Wurt.zbourg,
111éthodes pédagogiqnos on vogue à Pa1·is étaient en 1 1J/17, n. 824-82!1. - P. Glorieux, .Répcrtoir(!.. , n. 1,0~. - A. L .
118
pleine évolution, où la glose de !'Ecriture, d'abord conçu~) Gl'ogory, lncliccs of Rubrics of tlte principal Manuscripts of the
a.r (i11cstioncs of Stcpltcri Lang1011, AT·IDL1\1A, t. 5, 1!131, p. 221-
à- directe1nent sur le texte original, s'6tablissait déso1'1nais 206.
llt en ronclion des n1anuel.s eo1nposés par Pierre Lombard Bclitions. - A. M. Lanclgl'nr, Der So11tenze1ik-01111ncntcir <les
O- et Pierre Comestor. Aussi trouve-t-on dans l'ceu Vt'e de .l(ür(linals Stcpha11 La11gton, llfunsler, 1952. - F. M. Powicl,e,
in Langton doux sortos de con11nentair·es, selon qu'il Stephen Langton, App. 3.
es s'agit du texte de l'Éi;riture ou des classiques de la TraPar1.x . - ,J. de Ghcllinck, La So,nrnc 1Jirfologiq1,e d' :É.'1ie.n1ie
le Bible : l,angt.on, dans Recherches ile scic1icc rcligieu$e, t. li, 191::1, p. 255-
la 2.(i2. - O. Lot Lin, L'1utt.hcriticitê de / (1 ,, S11m111a.•d'Étienne La11{1-
,n Les l'ostilfo sitpcr Bibliutlwtani con1prcnnenl le Pentateuque, t,,11, dans Recherches 1/.c théologù, a11,:ie1111e et 111édiévale, l. 1,
Josué, les Ji,ge.~, R,;th, !As Rr)i.~, le.~ /l!laccabécs, les Paralipo• 1 \1~9, p. ~97.501, ; L,~ ,, S,unma • attribuée à Eti'l:nnc L11.ngton,
mènes; les qualra grands l'rr,ph~te.~; IAS douze petits Prophètes; dnns l'.~ydwlogir! P.t nwralt! aux x11 9 et x111• sièdcs, t. 6,
11, Tobie, J 1idith, Estlter, Esdras ul Nélzéntie; les Lil,rr~s sapientia11:r; ; 00111bloux, 1960, p. 125-'1 36. - G. Lacombe, 1'he Qiu;.~ti-01111.~
•()- probnble111ent les Évan,;ile.9; cortuinement )eij Actes (dont of Cardinal Stephen La.11gt-0n, dans Ne.u, S cltolasticisn1, t. 8,
5- a11baiatent quatre n1anuscrils anciens); 011011, les ltpttr~s ca11Q• 1929, p. 1-18; G. Lacombo et A. lit L.1ndgraf, The Qu.estio11es .. ,
-
li 1
niques.
Lll Olo11sa i11 H istori<u" s<,holastica,n de Pierre Co,ncstor.
ibide111, p. '113-158; A. M. Lnndgr(lf, J:chtheitsfragen bei Stephan
"an Langton , dnns Pllilosophisches .Tahrbitch, t. '• 7, 1927,
1.' Los Postille super A /"l.<;tolu,n, nulrernont dil la glose sur lo p. 30\i,311; Sorne itnk110,.,n writings of the carly sclwlust.ic
1499 ÉTI ENNE LANGl'ON 1500
Period, dans New Seholrutici.s1n, t. ~. 1930, p. 1-122; O. L11co1n- principall!S, pru·aH ôtl'il envisagée dnns la coll. Publications
bc1 The Artthcntieity of the Su.1t1.n,a ()f Cardinal La11gton,'ibide1n, h1 Mcdioval Studies de l'université No tre Da.me, Indiana
p. 100·108. - A. L. Gregory, The ()a,nbrid(Je 111anuscript of (A. ?,{. Lanclgrn!, Ei11führung .. , p. 127).
the Q11cSlÏQll<'8 of Step/ien l.,a11gton, ibide1n, p. 165-226. - ·
A.. M.. La.ndgrn.t, Zur Ohronologis der Werlrc S tcp/11111 La11gto118, 3. Doctrine spirituelle. - Il peut paraître hasar-
d11ns Recilerclt11.~ d;i théologie ancienne et n1édié1•alc, t. 3, 19:1 L deux de se prononcer sur la spiritualité de Langton
p. 67-71; Ka11nte Langton das Original der Colfoçtr,11ea tle.~ alors quo son œuvre horoilétique, si 1~onsidérable,
Lo111barden?, p. 72-75; Quelqrws collections clc Q1wstin11«s ile l,1 derneure inédite et n'a pas été étudiée. Il se111ble toute-
seconde 111oitié du xll'' siècle, t. 6, '1934, p, 368-393, fi\t t . ? , 19H5, fois que, &d'ores et déjà, on puisse dégager quelques
p. 1ta-128; Scntcnzcnglossc11 <le$ /,,cgi11nentl~11 13. J ahr/u,n- traits donlinants.
<lcrts, t. 10, 1938, p. 40-, 2; Tite Fir$l ,'ient11nce-Co1111nentc1r.1f
in cearly Scliolc,stfrisrr1, d8.ns Nell' Scholasticis111, t, ta, 1\l!J \l, 1.0 Exégèse biblique et sens moral de l'É1:ril1trc. - Là
p. 102-132; Cocl. .B,1.rr1b,1rg 136, Cod. l'aris Nat, lat. 323'1 111ul spiritualité langtonionne est esse11tiellen1ellt scriptu•
1for 1l1.<111iMe.r A.la11,,.~, dans Philosophisch.cs Jahrbuch, t. 1,1,, 1•airo. Son adn1irable i;üience da I'É criture, notam,neot
191'1 , p. t,?(i-4 90 ; Caritas und VV idcrstan<l gcgcr1 clic Jl'cr:at.• de l'ancien ·rest.ament, le rend fa,nilier des images ot
cluu1ge11 nach der Lehr,1 des a.1igchc11dcn 12. 1t11cl bcgin,wndr.n 13.
des exe1n.pla bibliques, lesqnols abondent en aea écrit$
J altrh1t11derts, dl;lllS Crogoriaruun, t , 24., 1943, p. 50-61 ÉtiHnne
Langton ; Einfilh.r1t11g in die Gcest:/iii:/ttc, der theologischen Li'!a• théologiques et en ses serinons. l\llieux encore, il s'apprO·
ratur der Friihscholc1stik, R8.tisbonne, 191,8. prie fréque1n1nont dos modes de pensée et des enseigne,
ments n1oraux di reùte1non t tirés de la Bible, à t.ol point
30 Se.nnons (!l npu.~cules divers. - On déoou1b1·e qu'il rejoint parfois, dans l'homélie, le genre didactique
âctuellement plus de 500 Se.rn1.nn8 dont fltienne Langton de la glose.
ost l'autour certain. l i fut en son ten1ps à Paris un pré<li- f{o mpu à toute$ les fù1•1nes de gloses (littérnle ou
oateur en vogue co1n1ne l'attestent le rns 1367 de la historiquo comme celle qu'll écriv it sur l'Histoire sco-
bibliothèque rnurücir>ale de 1'toyes et le ms ?8 de 11agtla- lastique de Pier1•e Comestor, spirituelle comme celle
len CoJlege, ()xford. Des recueils systérnatiques fln'ent qu'il a donnée sur la Gra11de Gl11.w1 de Pierre Lombard),
tnê,ne établis, t1~J celui <les Ser,nonas dc,ninicaüis il à cOu\posé le e(nnmen taire intégral des Livres hibli•
(La1nh. f'al., ms 71). ques dans ses Posti:lle 1Jr.tper Bibliothecam, ùorno1entairo
Devenu urchovriq uo do C11nlorbéry, il pronon(/1\ .divers qui fl, t plus tard dis80Ci1~ pat' dos romanieurs pour
sor11·1uns en des circlonslanccs histo1•iques : par exernplo lo les besoins de l'enseignement. La forrne originalo de
Ser,11011 sttr le grand interdit (Saint-Paul de Londres, 25 août sa glose est attestée dans les inss de Cambridge (Peter-
121a); le serrrwn sur ln Tra11sla1.ir>n de saint 'J'lio1nas (Cantorbél'y, house, 112), Paris (bibl. na t. lat. 381,) et Chartres (294).
7 Jllillet 1220); un autre aur le 111èr110 111artyi•, à Ron1e devon 1. Dans son prologue au commentaire sur le Li1,1re dtJ la
llonori\1$ 111 al la cour ponLificalc (probablement l(l 29 clcice111-
Gen èse, il distingue netta1nent, à propos du nom
hre 1220); on fin, l'oraison funèbre de Ouil.laume le '.Maréchal.
lJn jeu d!l niot facile fi nit par voiler l'iclent.it.é <lu nH1îlrc pari• rnêrne de Jé1•usalem, les quatre senil de !'Écriture,
~10,1 do la chaire ; Stcp/11,,,118 .Li11guato11a1M. jadis définis par Cassien (ConlatiQ 111, 8-11, PL i9,
91>2-97',) : « .. . historiee est illa civitas 1naterlalls,
Des œuvrei; <le r.aracl.èrû 1nofal, homilétique ou liLu r•- allegorice ITI1~clesia militans, tr(>pologicA anima fldelis,
gique lui ont été restituées. Les principales sont u11e anagogice Eeele1:1ia t.1•iun1phans "· Cependan~, il inclut
S'um1na (L11 11itiis et Pirttttibtts, un Con'{lictu.s (Jitiorurn 1:t générale1nont le sens anagogiqno ou mystique dans
virtutu1n, un Psalterilun 11u1rial11 et la prose Veni San,.:te l'explication tror1ologique, c'est-lt-di,•e 1110,•alo ou spiri•
Spiritus qui devait, uu 16e siècle, dt~ll'ônor dans la lîtur• t uello, qui suit l'explication littérale e'l théologiquo.
gie pentecu:;tale, l'antique séquence : « SancLi Spil'if:ur; J a,nais sa gloso n'est désintéressée : dans ses co1n1neo-
assit nobis gratia ,,. Langton avait écrit d'autres ouvra- taircs bibliques co1n1ne dans ses serrnon&', il vise essen•
ges, aujo\1r<l'hui perdus, Il fut l'auteur• d'une corr,:.~• tielle1nent. Il. l'édification soit dos futurs prélats qu'il
ponda11ce irnportante dont il no subsist e pas 10 lett-i'~i\l. enseigne soil du 1,euple chrétien qu'il oxhorte, dans
Dans le cours du te,nps, plusieurs écrits lui ont été l'esprit du 1nouven\ent réformateur dont l.o Cloitre
attribués (<li vers commentuires bibliques, un trai Lé Noti•e-Dan1e est alors le sanctuaire, à l'exe1npla ~\l
De poenite11tia su,IJ per.~0,111, lli'agdalene, quelq ues poè1nns veilleur fidèle dont J onatha11 au J,i1Jr11 des Maccabées
tel le De co11te1nptu 111 itndi, etc), que la criUque HO est le prototy1Je, at Thomas Becket l'ex.en1plaire. On a
se1nbla pas devoir retenir, • pu d i1•e que les gloses de Langto n constitu,IÎeflt la per,
Liste des 01.s s et incipits, - P. Glorieux, llépertoirc .. , n. 101,. fection de l'exposé du sens rnoral dans la lt:ctio parisienne
- Pour· los Scrll1011c~, F.M. Powicke, Stephen L c,ngto11 , app. 2, (B. Smalley, The St.udy of the Bible, p. 2(1~1).
et A. M. Landgraf, lfil1fahrung .. , p. 126-127. .
Éditio11s. - J)eux serrnons souloinpnl sont publiés : o,, C. Spicq, Hsqttissc d'11.nc ht'.sttJir<? dt! l'exéFtlse _latine au-!11oytn
Tra.11sl<1tù,11c JJ . Thon1ae Mar111ris, PL1 \.10 1 407-',24; G. .Lacoml,e, clgc, coll. Bibliolhèquc lhon1iste 26, Paris 194~, passim. -
A.11 u11pul,,li$hed 1Jocument on the Great lntcrdiat , dans 'l'/w T.,ncombe et S111allcy, St11rlù,s 1111 the Co1111ne1Haries... - B. Smill-
c,u.Jllolic liistorical lle,,iew, L. 15, 1929-1930, p, 408-1, 20. - Psau- ley, Stephen Langtori (t11rt the fôur senscs of Sçripture, dans
tier 1narial, d1UlS G. M. Dre\Ve8, f'8a/t,;ria rytlunica, l, :.15, S/1ectd1un, t. 6, 193'1, p. 60-7G; Eil:c1nplci ir, thci (;ommentaries
Leipzig, 1!lOO, p, 153-171. ô/ St.eplu,n Langto1,, d1111s Bulletin of the Jolt11 Rylands Librll,Ye
1··, avaux. - H. 'l'hurston, Note.~ on l•'a111itiar Prciycrs. 1'/w t. 17, 1933, p. 121-12!1; 'l'/,.c St11cl11 of tlte JJib/6 in the Midd~
Veni Sancte Spiritu:, of Crtrdinal Stephe11 Langton, dans 7.'!t(, Ages, 2• éd., Oxford, 1952. - H, de IA1h11c, ExégiJsc médi~9a/e.
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1lrucktc liturgisclie Abhandlung clcs Kcirtlir•<•ls Stt!plta11 "un 20 Théologie sacranzentelle. Le, pé11iie11ce. - Plus
Langltln, clans 1'heologie 1uul Gl(lUb<,, t. 15, 1923, p. 258-21.i7. grund exégèta que grand théologien, Langton n'on a
- M. Dulong_, Elicnnc L1t1l;J1011 <,e,sifit-ateur, dtinS Méla.111:cs pas moins apporté une contribution essentielle à l'un dœ
Mandonnet, coll. Bibliothèque thu111isl;ti 1',, L. 2, Pari.$, 19:10,
p. 18a-190. - A. Wilmnrt., Aut,;urs spirit.u.als et tcxtc8 ddvou, ,lu, probHun es théologiques de son ten1ps : la recherche
1noycn âge l<1tù1, Pnrîr;, 19:l2, p. 3\l svv, 519. d'une définition des sacre,nents susceptible de l'endre
Ln n1njeure partie dHS oouvros de Langton demeure encoro compte, du point da vue de la foi, et de rond_re raison, d~
inédite. 'l'o11tefuis, urto ôdiUon d'ensemble, au rnuins pour les point de vuo de l'enseignement, de la doctrine du scpte•
500 1501 ~TIENNB LANGTON - ÉTIENNE DE LEXING'fON 1502
ioµs naire qui s'établit définitive1nelit à lu suite de la querelle Sa piété revêt un accent n1oral et pastoral on étroite
QüQ des .Investitures. Cela, dans lu puro orthodoxie aprè.q Ill dépendance de l'orientation de sa pensée théologique.
crise hérengarienne, et dans une perspective pastorale. Los rares sermons ot lettres de Langton actuellement
1ar- C'est danii l'analyse· dos sn.crem.ents d'eucharistie (doctrine accessibles ont Ja 1nê1ne résonance que ses Co,nmen.taires
ton dela transsuhstantiation) ot de pénitence, qu'lnlionne Langton el. sos Questions, dont un très grand noxnbre abordent
>le, approoho do l11 perfection d,111s l'expression théologique da la dîr·ecte111ent ou indirocte1nant Je problème du péché,
doctrine:• Elxterior contritio signu,n O$t interio1•is ot sacr1unen- dn la peine, de la satisfaction, de la rémission. On y
1te- tum; interlor sacramentun1 est ron1issionis peccaLi, oL quia
ues dt':eèle aisé1ne11t un double 1nouvement correspondant à
sacramentun1 est, h11het similitudlno,n cum re sua... Est orgo Ct\lui de la conscU:!nce éclairée par la lurnière d.'en haut :
slmilitu.do exterioris contrif,ionis o.d inLeriorem, et interioris
« Si igitur ad claritatem hujus luminîs acc0dan1us,
La ad remis$ionen1 pccc11Li. '.Prima est sacrau1antum t.antum;
media Sàcr{lmentum tc1•LII èt ras primi, sicut in Cormn panis nH1lurr1 quod in nobis prius vidore nequi'Vimus, ejus
tu- beneficio cognosein1us •>. Il prend en considération à la
el}.t et Corpore Christi et unit11te Ecclesiae. Elxlorior contrif.io
non semper efl\cit. quod flgUl'lll, scilicot remissione1n p1mcs.ti i. fois la justice et la rniséricorde divines, lo péché et la
et (q. 96), contrition, la satisfaction et la 1'01nise de la peine :
~its u Synderesis enim in nullo viatore extinguitur » (Corn•
ro• -On ne saurait trop insist.e1• sur la théologio de la péiii- nu1T1taire sur les ,S'e11te11ces, d. 25, n. 211). Cette tension
[l('l•
tence chez Langton, eL parce qu'elle occupe une place est recherche d'équilibre vers le haut ; appel à la com-
int éminente dans la série dos. Quae11tiones theologicac, ot ponction At à la pénitence, à la charité parfaite (ci tanta
[Ue parce qu'il 111érite d'ôti•o considéré comn1e la docteur fuif. caritas in Magdalena >>... ) qui efface la peine en
par excellence do ln pénitence et do la ré1nission des 1oê1ne ternps que la faute, parcA qu'elle suscite une co11tri-
ou péchés (q. 3, '•• 77, Y6; q. 5, Ds cla{libu8) . Si l'on so rap- tion correspondante. ln vocation des saints qui nous sont
CO· pelle que l'obligation de la confession annuelle n'e:;t joie, l'ègle exe1nplaire, illumination ot fel'veur, secours
1lle devenue de précepte dans l'Église unive1•selle qu'à dater dans l'accomplissr.,nent du bien. Solidal'ité dans le
d), du ,!e concile du Lutran (12j 5), on mesure l'elîort de pt':chô, dans la peine due au péché, ot dans le salut.
ili- rechel'Che et de d6te1•1ni11ation fourni pa1' les rnattres L'oucasion s'offrit à Btionne Langton de donner à sa
ire parisiens, principale1nent Pierre IA Chantre et Langton, réllexion théologique su,· la notion de ré1nission, à une
!Ur en vuo de préciser les éléments constitutifs du sac1•en1ent époque où l'indulgence de croisade l'avait déjà généra•
de (valeur de la con l.1•iLion seule, rôle de la confession lii;ée, une forme qui, pour être directeinen L issue de
er- en tant qu'acte pénitentiel et satœfactoire, nécessité l'cxégè.5e scripl:ur•ai1•e et ,nodelée sur le contenu spirituel
4). de la satisfactioli, remise de la peine éto1•ne1Je par la d 11 nooveau 'l'estarnent, n'en constitutlit pus n1oins une
la contrition, eus où la 1>eine éternelJo est conanuée en nouvet1uté tlans l'flglise. Lo ? juillet 1220 en etfot, pré-
1m peine temporelle, cas où touto peine peut se trouvo1' sidant à la solennité de la f,1•anslation des re$tes de
re, remise; effet du péché n101·lel (reat11..ç) ot du pécJ1é 'l'hn1nas Bl~cket, il dégageait du thème scripturaire de
,9, véniel (obscurcisse,nent de ht charit.6), déter111inutio11 l'aucienne loi l'idée de jubilé avec les grâces sph•ituollcs

18, dea clés (scîonco du discernemenf; eLpouvoir, c'est-à-dire qu'ollo préfigurait, pou•· l'appliquer à la valéür satisfac-
is, juridiction) aLlachéos aux: Oi•dres, déniées aux. laïques, toire du n1al'Lyre et aux grâces, assurément très la1·ges,
ut encore qu'ils puîi;sent posséder le disce1·ne1nent. de rérnission qu'il mérite èt obtient. Ce faisant, Langton
ns Il y u plus. lei encore, nulJe séparation entre la doc- revôt~1it d'un cai·actèl'e institutionnel le jubilé chréUen,
ri- trine du rnaître et l'exhortation du pasteu1·. Il sernble q11aLre-vingts ans avant la promulgation, par Boni•
10. que la pensée de l,angton sur le péché, la pénitence ot face v111, du premict• jubilé romain.
Il• lu ré,nission, ait été très directen1ent influoncôe pa1• Je
:n• O. Lottin, Les preniiers li11Ja111e111s d1.1, traiM de la sy11iUr1lsi1
sons de Dieu et du péché dans l'Êcriture, particulière• eu, n1oycn âge, dans R evue néo-scolastique, l. 28, 102G, p. 1,22-~5~.
'il ,nent duns l'ancien Testament, et que ce mêmo sans - A, Wihnatt, op. cit. - n. Forl,lvillu, 1-e Jubilé de saint
ns ait informé la 111orale qu'il préconise, co1nn1e sa spiritua- 'fh1Jm.as Br.c.kct dtt x111• au .~v• siècle (J:t20-1470), Paris, 1959.
:re lité personnelle.
.l.u Jtaymondo !t'onEVILLE .
A. Teetac!'L, La allllf<,ssion au.x lalqu.es ilcuis l' Êglisc latine
·es depuis li: 8• jusqu'a.tt 14• si1ldc, B1•ugcs-Pnl'is, 1926. - J, Spit:dc,
a SacranMnU,1l Pcn<1.nco i,i th<, twclfth and tltirlé<'11ÛI cc11turics, 13. ÉTIENNE DE LEXINGTON, eist.ercion,
Il'· WiiShington, 1947. - P. Ancio.uic, La tl11iolo1:ie du s1wrcrru:nt de t 1260. - Né d'une gi•ai\de ra,nille anglaise, il étudia à
18 pêniience au xu• siècle, Louvoin, 1949. - D. vau den l~ynde, P:u·is eL Oxford avant d'en1brnsser la vie monastique
Les <lé finitions dr:i; sacr1,mcnts pendant /(l prcniièro p6riode d<1 l a au 1nonastère de Qua1•r (îlo de Wight), en 1221 . lllln, peu
théologie scolastique (10!i0-lft40), f-tome, 1950, - L. B. Antl, ap.rès, abbé de Stanley (fille de Qual'r dans le Wiltshire,
Stepllcri Langton's prùtciplc of deterrnining the Essence of Sac1'a- diol:èse de Salisbury), il fit la « visite " des monastères
mel1l, dans l!ra11ci.~ca11 Studios, l. 12, 1952, p. 151-175; t. 11,,
ù- ciste1•ciens d' h•l11ndè on 1228. Pro,nu au siège de Savigny,
1054, p. 337-373; réimpression sous Corme de thoso par
nil
l'Antonianum, Ronw, 1954. - J, F. Vaal, The S <icra.,ncntal
trùs important 1nonastère de Norn1andie, en 1229, il
'IOS
Theolo(Jy of Stcpltcn Lan[J/1>11 ,,11,J. the influence 11111>11 hini of reçut de Grégoire 1x plusieurs missions (entre autres,
'Y, Peter the Cltoiucr, Roine, 19/i(>. réforme du 1nnnastore bénédictin de Redon en Bretagne,
litt en t231, pacification de l'ordre de Grandmont en 1238).
le. 3° Pit:ll: et vùi chrétienne. - Un .Psautier en l'honneur En 12',3, il est élu abbé do Clairvaux. Do ce dernier
de la 'Vierge, selon la tradition des Ga1tdc,q, ou· Joies ahhatiat, l'histoire a retenu surtout l'établi.ssement du
lS. do Notre-Dame, et un sermon (ou comrnentaire?) sur collège Saint-Bernard près de l'université de Paris, dès
a les paroles de l'Ave Maris Stella altestent la J)iété 1244. Il quitta son siège après une quinzaine d'années,
es rnarialo de Lan~ton. La t'ichesse spirituelle de la oc sé• t1'ùs prohablcmontdéposé en 1255-1257 . Itetiré au n1onas-
le quence d'or ", où le 1naître parisien a su exprhner, avec tère d 'Oursca1np (diocèse de Noyon), il y n1ourut eli
re une suprême délicatesse de touche, l'infusion multiror,ne 1260.
lu et sanctifiante de !'Esprit Saint, procède d'une ârne h:n 1665, C. de Visoh ne connait d'Étienne qu'un seul
• intérieure.
e- éc.r it, dont on a perdu actuellernent les traces, conservé
1503 ÉTIENNE DE LEXIN<}TON - S. ÉTIENNE DE MURET
à cc mo,nent, assul'e•t•il, à Citeaux : les statuts du (cr, -150, 155). La leLLre 150 est fort belle. Étienne
collège Saint-Bel'nard (incipit : Fratres, in Proc,erbii$ rappelle sa fidèle anlitié au vieil évêque et l'invite à nè
scriptum 1nemini1nus). Aujourd'hui on conoa'it le pas abandonnet· le labeur au déclin de sa vie, mais à
ms Turin .Bibl. nat. D vr 25, dll 13ç siècle : Regt'.stru,n embrasser avec joie la croix du Seigneur : aioai se11,le-
epistolarr.un, dont JJ. Oricsser a donné une excellente 1nen L ae p1•épare la félicité éternelle.
édition. L'irrfiuence d'Étienne sur l'ordre de Citeaux fui
Une première partie livre un lot de pièces ren1ontant au
considérable par la (ondation du collège de Paris., Il
temps oi• liJtienno était 11bbé do Stanley et concernnnl. à pou n'esL pas sans intérêt de noter qu'un homme de'son
près ex<;h1sivo1nent la visite ètl Irlande (éd. citée infra, p. 1-118, envergure opta résolun10nt en faveur des él.udes uni-
pièces 1111111él'otées 1-cx111). Une deuxième p11.rti1i co1nporte detl versitaires pour des rnoines.
piècHS des annêAs 1230-1238 (abbati11t de Savigny), numérotées Déjà en Jrlnncla, il 6LüiL frappé du • mancp1a d'hommes ,:
1-163 (p. 181-378); Grlcssei· les présente on cinq blocs: 1) stn- " roligioni1:1 nosl:r11e ruinan1 et excidi11m 111i1111tur, et merîto,
tuLs dos vfoites rligullères des rnonasLèrcs d'hon1mes dans la dl)fect.us perso11aru1n ». Il faut des supérieurs • Lam vita quanl
filiation de Savigny; 2) concernant les moniales; 3) diverses litteris êô111u1ondabiles • (xxxv11). Atu;si exigora-t-il des candi\
affaires <la l'ordre de Citeaux; 4) réfo1·me de Redon; 6) lottrcs ù1.1Ls à la vie 1nonastiqt1e en Irh111do qu'avant d'entrer ils
à dAa 6Lrangero. Cet i111porLant O()rp1;t <:onstiLuo une source passent par de bonnes écoles: Paris, Oxford, ou ailleurs (xxxv1,
historique de touto prcn1ière valeur, pour l'ordre de Citeaux 1., xxxv), Abbé <le Savigny, il veille à ce que d1.1ns sa Dlia(ion
surtout. }<~n particulier, leR docurr\euts ayant trait nux visitus soit1nt prornus des abbés de vnleur (xcv111, xc1x, cr 91, 92);
des abbayes, inLci•prélés jutliciouso1ncnt, donnent des aperçus il fera à l'abbé de Pontigny une tlôclaraLion dans le même &"el\$
sur la vie réelle des monu~u,..cs. (Ap1>cndice 1° p., éd. Oriesser, p. 118). Arrivé à Clairvaux,
il dut considérer co1nn1e providentielle l'initiative d'un do ses
La pol'sonnalité d'Étienne se dégage de ces lettres, pré<léceRije1.1rs, l!lvrard, qui avait obtenu d'envoyor des clerc4
imposante. J-lomme d'ordl'e, intègre, réaliste, cumprè- à Paris (chapitre général 123?, atat.ut 9). mucnne n'épar«Ji,
• hensif mais fer1ne, ()apable de [H'O.rnptitude corn rne de 11ucuru1 puino pour assurer à l'instit11tion los appuis de l'ori!re
patience, canoniste pr\ldent, adniirtistrateul' avisé, cit du papo.
ayant un sens aigu de l'au toritô et un attaol11.irr1en l Dibliographie (l:inR El. Grièsser, Rcgistr1t1T1 <!J)iMolarwn Ste•
passionné à son ordre, délicat avec ses a1nis, maniant phani de Le.,;i11lll11, d11111; Anawcta ~<tt)ri ordinis cisterciens/,,
quelquefois l'humour (anglais, il sen1ble avoii• partagé t. 2, ·1946, p. 1-118; t. 8, 1.952, p. 181-378; Ein.c j1"idi4c//~
certains seuti1nents courants chez ses cotnpalrioles l 11str1lkti11n Uber das Vorgchcr1 bei ei11er )(losl<1rreform. in piip$IIΕ
à l'égard des irlandais, en cette pétlode tl'oublée où che.11 Auftrag, dans Zcits<,hrift der Savigny Sti/1c1ns ... Kan.
Abt., t. 70, 1953, p. 4.34-4/,2; Briefform.1d11rc aw1 tlcm K/oaftf
l'invasion anglo-normande poursuit la conquùt.e de
Savigny in ci11cr Jicilsbro1111er Ils., dans Cistcrcù:nser-Chronik,
l'ile). t, 68, 1956, p. 1i8-65 (p. G2-63, • lettre de consol11tion • à Jean,
-t. Cornroe visiteur extraordin1Lire à Redon, el f.lll'tO\It prieur cle Gran<l1nonl d6n1issionnaire); Stephan Lexington, Abl
en Irlande, Étienne trouve des situations difficiles. " Inte- vull Sct1,ig1111, ais Visitator der iltrn 1111terstehenden Frauc11kliis1'r,
rius oinnia dissoluta, exterius temporalia fere universa ibidclfi, t. 67, 1960, p. 14-34.
dilapida ta .. , ibi de ordine nichîl est nisi habitus vost.iu1n C. do Visch, Auctari1un ad bibliotlicccur1 s,;riptorwn S. 0,
Cistarciensie, éd, ,J.-1'.{. Canlvo2., dao/! Cistercienser-Chronik,
tant.um » (xxx1); "Un;.t et sola i•elîgionis lex erat, HceL t. 39, 1927, p. 1,5.1,a. - Statldct capituloru,n generali11111 ordinu
in habit.u cisterciensi, videlicet hec : quicqui<l libet cistcrcicnsis .. , é<l. J .-1!. Cflnive1,, t. 2, Louvain, 1934.
licet » (xxxrn). Il prendra dos mesures ûEUlOffiquos Claude Anvry, t après 171.2, Histoire de la congrégation di!
énergiques (changernonts de paternité pour plusieurs S<tr•igny, éd. A. Lavoillc, t. 3, Rouun-Paris, 1898, p. 325-813,
maisons, 1·01nplacemeot d'abbés irlandais par des anglais, - O. Müllor, Crllnclung iles St. Der11hardkol/.cgiu111s ~u Pari,-,
et.c); au spiril,uel, il ne peut faire beaucoup plus qu'inci- dans Cietercicnscr•Chronik, t. 20, 1 \108, p . 1-14, 38·50. -
ter à la pénitence, en appeler à la crainte des châtirnents E. Kwantcn, le collège Saint-1Jcr11ccrd cl ,J>aris, sa fondation Cl
ses débuts, RH 1<1, t. 1,3, 191,s, )), 4'•3 -4?2.
divins, 1•ap1)eler l'enfant lH'odigue, évoquer l'honneur
de l'ordre, de l'f~glise, de Dieu (vg Lxxr, Lxxx1v). Maur STANDAEnT.
2. Con11ne P1'.siteur ordi,iaire des abbayes sou,nises il
son autorité d'abbé de 8avigriy (éd. Griesser, 2" p., 14. ÉTIENNE MACONI, ùha1'~1·eux, t 1424.
1 et n), sa physionornie ou sa doctrine spirih1nlle ne Voir M AùONI (Étienne), eL DS, t. 2, col. 756.
percent guèr1! dava,ntage. La naLuro des doctunen ti,
ne s'y prête pas. Du reste, certains poinLs rappelés assez 15. ÉTIENNE DE MURET (saint), fondateur
souvent, co1n1no la confession hebdomadaire, la sohriétc de 1'01•dre de Grandmont., t 1124. - i. Vie. - 2. lA
dans l'ornernenLatlon, ont fait l'objet de statoLs des Liber sententiarnm. - 8. Ordre de Gr(u1d1nont.
chapitres géncraux (1231, 8; 1232, 8). Des lettres à des 1. Vie. - Étienne, fils d'un vico1nte do '!'hiers en
abbés de sa [ùiation le rnootren t moins officiel (lottros .Auvergne, est un er1nite mort Jilus que septuagén~ire
38, t,0, 1,5, 60-62 à l'abbé de Cluunpagne, diocèse du à Jvluret (comrnune d'Ambazac, 1-Jauto-'Vienne), , lé
l'vlans; 105 à. )'abbé des Vaux-de-Cernay, dioc:l':sc de 8 février 1j 2't, auquel l'ordre li1nousin de Grandmon,l
Pa1•is). doit ses originel!. Le quatrième 1.11•ieur de l'ordre, ÉUenpe
3. On ai11101•ai t. saîsîr ~Lien ne du,is sa propre co,nrntt· de Liciac (1139 -1163), loi attribue une règlo qui s'inspire
na.utê. 1,a let tre 3G, écrite d'1\nglete1•ra, rccor11111ande prîncipale,nen 1: d'un recueil d'enseignen1eots (Libtr
il ses fils de Savigny la eoncorde, l'union dans le Christ ser1te1ttiaru1n) rasse,nblés par les disciples de l'ermîto;
1nédiateur vivant au milieu des siens. L'hurnble obéis- ù cette règle s'ajouta dans le mêrne temps une Vie
sance est le sîgne eL le gage de cet a,nour pour le Réde1np- du saint ho.1nmo.
teur. Compte tenu do menues erreUJ'S chronologiques et
4. Q,1elques lettres ii. dl!,ç a,nis le révèlent sous un jour d'exagér~tions possibles, on peut adxnettre qu'Etienoe
très attirant, en partienliel' celles à l'archidiacre de fut en contact, dans sa jeunesse, avec le bienheureux
Wiltshire (xL1, 1,1x, 1-!i.7 et 149) et surtout il R.iehal'd Milon (107 4•1. 07 5), partisan de Ja réfo1'me grégorienne
le Poor, évêque de Salisbury (xL), puis de Durham et archevêque do Bénévent, qu'il udnüra {01t des cr!lll•
504
1505 S. ~TIENNE I>E MURET 1506
rnne
~ ne tes calo.bro.is installés dans le diocèse de Bénévent et. cadre avec les ensoîgnemonts adressés aux religieux
is à qu'après un séj our d1:1 quelques années dans la Romo ( l-40 environ).
ule- de 0l'égoire vu, il se consacra à Dieu vers la trenLaine Le novice est mis en den1eure de choisi•· entre la
dans la solitude boisée de ~Iuret. Les visiteurs ne lui croix et la pauvreté d6finitive d'une part, c'est-à-dire
!ut manquèl'ont pas; il leur orrrait conseils et prières en l.1 perte de la liberté et les t.ravaux pénibles dans quel-
1. Il échange de leu1's dons qu'il distribuait aux plus rnisé- que solitude boisée, et d'autre part la vie des monas-
son téux. En revanche, los novices furen t plus tirnidcs; tti,•es bien pourvus, où lAS religieux chantent des ilnpré-
• ils élaienL effrayés par ses austérités, bien que l'ermite
llDJ• cations contre leurs enne,nis au lieu de les convertir

~ .
:
rito,
ne leur irnposdt pàs d'emblée son propre régime.
Le Liber ser1t.cntiar1.un et. la Vie laissent entrevoir en
fltienne de l\'Juret un ernüte austère, un conseiller
par leur désintéressement. L'idéal religieux est ptésen Lé
C<>rrune un ,·atour à l'état d'Adam jouissant de la paix
<le l'a1nour divin tant qu'il se contentait du nécessaire;
u111n discret et 110n dénué d'hun1our, u n ho1n1ne pénétré la poursuite de cet idéal comporte la vie com1nune à
ndi- do1l'flvangile eL connaissant la pensée de saint Ôrôgoiro l'ûeole d'un pasteur anquel on appa1•t.iont complète•
i ils le Grand. Son cas ressortit à deux phéno1nènos corJ'élaLifs nient et qui proncl soin de tous, ,nême 1natériellemont;
XVI•
qui affectèrent la vie rcligionso à son époque; d'une part, dn plus, l'obéissance mutuelle est due entre disciples,
tion
02);
un mouvement érén1itique représenté en Limousin Lout co1n111e le bon exemple et la correction fraternelle.
sens par ttienne de Muret, saint Gooffroy du Cha.lard
t 1025, saint Gaucher d',Au,•eil t '11110, saint 2) .Le.~ sér.11,licr.~. - La seconde partie des enseignc-
AUX,
, ses Êtienne d'Obazine t 1159, etc, en Poitou et Périgord n1ent1:1 ('11-GS environ) s'adrosse plutôt aux séculiers
ercii par saint Géraud de Sales 'I' 1120, plus loin, par l'er,niLe qui sont l'objet d'une réelle solliciL11de, ca.l', s'il est bien
-gna itinérant et prêcheur, saint l'toberL d'A1·brissel 'I' 11'1 7, dn se ga1•dor du mal en quittant le siècle, il y a porfcc-
~dre et ses discip1es de la forêt de Craon ; d'autre pa1•t, une tion plus grande à ar•racher a1.1trui au service du dia-
crise du cénobitisme traditionnel, encore peu étudiée. ble (11 8).
Stc- Les conseils portent la trace d ea pr6occupi1Lio11s 1noro.lcs
ists, °
2, Le Liber sentontiar'lllll - 1 Huguo11 do J;acorta dn l'époque, par exemple à propos de l'usure (GO) , du po.ic1ncnt
selle
stli-
t 1157. - bans le peLit groupe que la sagesse et la doc- d n la dime (122), do la fa~:on de fniro la guorl'o (63), de garder
t1·lne d'Étienne formèrent peu à peu figure, vers 1109, le,; dén1enta (66) ou d'écvutor la pi!rolo d o Dieu (71), On trouve
'La.n, un chevalier limousin d'111,e quurantaine d'années, cl!!s échos (i'un te,nps de r ôfor1nè occl6siasUque, telle l'invH11-
,stcr tion à ne pus critiq uer les clol'CS , car, si c~ux-ci pèchent 1i1algré
nik, Hugues de l,acer L1:1, qui devint le con fid ent eL le bra.-;
droit de l'ermite, sans pou1• au Lan t partager toutes Jaur connaissanco des Iîlcrituros, les autres peuvent péchor Lout
,nn, aulanL contre I'« Écriture du cœur • que Dieu 11 uüso en eux (67).
Abt ses vues. Ce disciple est Je p1•incip,d responsable de la
1tcr, rédaction du J,i/Jer sententiariun, qui constiLue, plus
3) Enseignem{!nt-s gént!rau.t. - La dernière partie
sOrement que la Vie, la source de nos connaissances sur du recueil rasse1nble des enseignements sur l'a1nonr
o. les enseignements spil'iLuels d'ÉUenne. Ces enseigne-
11ik, do l) iou et la prière, le salu t éternel, les différences
ments portent la nHu·que du chevalier qui a l'eten11 les en t.re le sage et l'insensé, etc. Ils sont présentés de pré-
inis
con1paraisons àscéti4:uc:, on1prun lées à l'art ,nilitaire; férence sous le biais de la pratique de la vie spirituelle
leur recueil est l'œuvre d' un llornme sans culturo (illit-
1de el sans grand souci do cohérence, anilnés de petits dia-
178. teratus) et âgé, dont la m6moire passe d'une idée à une loguas ou éclairés de co1nparaisons qui descenden L
autre par l'interm6diaire d'un ,not et qui rapporte
jlll:l<fU'aux détails de la vie journalière (80, 2; cf 6, 6;
en langue vulgaire des avis qu'un clerc a transcril,,-, 9, 6; 11 , 4). Le ton rappelle celui des Verba senior1.un.
dans un latin à peine correct ; c'osL l'œttvl'e d'un l1omrne
à la vocation ta,,divo, sévère dans ses principes pour 30 Prlncipnuxthoines. - Malgré leur rédaction 86$0?,
lui et pour les autres, Ivialgr6 la f\dô lilé avec Jaqnelle lûohe, les onsoîgnomonts d'Étienne de Muret ne sont
Hugues a suivi l'idéal d'Étienne de l\o1uret, toutes ces pas sans reposet sur quelques grands thè1nes 1nyst.i•
données doivent entrai• en ligne de con1pte dans l'appré- q1,os ou ascétiques.
ciation des enselgne1nents conservés dans h~ .Liber;
néaninoins, si 1-Iugues a pu défOt'n1er inconscieuHnent 'I) Arnour de Dieu et prière. -- 111 est plus parUeuliè-
tel ou tel aspect do la pensée de son maitre, on a peu ren1ent traité de la prière dans los chapitres 102-107-
~ur
de raisons do croire qu'il ait inventé grand chose. La prière l't~quiort avant tout la présence à soi-rnême
Le
et à Dieu, puisque c'ost Dieu qu'il faut rechercher
2° Lo& dostinatalres . - La doctrine d'fltienne 61:ait plu t(,t que la prière elle-1nême (80, 2); l'attitude phy-
en proposée à ceux qui le fréquent.aient habituellernent skjue ou le lieu Ïlnportent peu (49 et 70). La vraie prière

1re on Je visitaient occasîonnellernent; elle avait aussi un a.enompagne continuellement nos bonnes œuvres,
le aspect 11lus général et une portée con11nune. La disf)ù- psalmodie c;on1prise, et leur vaut l'aide divine; elle doit
sition des chapitres du Lif11ir se11tent.iar1un reflète sa f:tre faite avec nne soumission con1plête à la volonté
►nt
1ne destination. l>iHnfaisante de Dieu, au point quo l'hon1me de bien
ire 1) Les di.~ciples. - Étienne de Jvf11ret ne pa1•alt pas préférera, à la demande, la louange qui est le minis•
ber s'être soucié de leur laisser des instructions ( Vita 40). tèl'(\ dos anges et des élus (t15). D'autre part, si l'hurni-
te; Le préambule du Liber lui prête la pensée que, ,lés11s- litù est la condition essentielle de la prière et de l'a1nour
1 i,e Christ étant le seul Sauveur, l'l!lvangilo, et noLarnmenL de I>ieu, l'ot·g\1Ail est, avec la paJ'esse, l'ennemi de la
le précepte de ne pas faire à autrui ce qu'on ne veut charité; car, dans la charité parfaite, plus on ombrasse
et pas subir soi-même, est. la seule règle nécess.iire au salut., DiHu par le désir de l'e$prlt, plus on a l'inîpression dt'l
celle dont toutes lei! autres sont dos succt~danés plus le perdre et de s'éloigner de lui (35). Enfin, les ensei-
ux ou 1noins prolixes et compliqués; aussi bien, la béati- gnu1nents, qui 111on trent dans l'amour de Dieu le seul
,ne Lude promise aux pa11vres en esprit est-elle le fonde- bi(,11 qui puisse remplir le cœur (1 9), insistent sur la

01• ment de l'institution rnon.istique. Cette argu1nenta- grande douceur de cet amour (89; 101, 3 et passim :
tîon, expliciternent dirigéo cont.re la règle bénédictine, dul<:crio Dei).
DICTIONN AI IIJ; Oil SPIRITtJA LIT~. - î, JV ,
1507 S. J~'fIENNE ·DE MURET 1508
2) Pauvreté et éloigne,ncnt du cc siècle ». - Ces deux Les divergences sont 'lisibles, notan1ment dans l'interprél!l-
thèmes sont corrélativement ordonnés à l'adhésion tion du conseil évaugôliquo de « haîr sa vie • (Liber 94, 1, et
de l'âme à Dieu. L'irnportance du aecond, qoHlque peu /11terrogatio 154, P L 10a, 540), ou à propos du promior com•
atténuée par la latitude de rt:cevoir des vii,ites du dehors, 1nand0111ent (prologue du Liber, clans J. Becquet, Lis premurs
écrivains .. , ciré infr11, et (11/err. 1, f>L 108,488), ou sur unpoinl
est en moindre relief que celle du premier; la îuçon assez ,nince, tel que leR aent.irnents du .Odôlo qui communie
dont les eoseigneinents envisagent la pauvreté situent (Liber 94, 1, et Iriwrr. 185, r.ol. 536). Aussi doil-on ne voir, dans
leur auteur en particulière lumière par rapport au l'allusion à la R<!gle de s1ünt Basile quo fait co prologue, qu'ün
1nesi,age évangéliquQ. shnpJo écho de ta Rqgle bénédictlno (73) principalement mise en
Les hieni; rnatériels sont des dons de I> ieu, faits cause.
• par surcroît à ceux qui l'aiment "; ils ne sont pas Des sondages chez les principaux auteurs n1on11stiques sonl
conda1nnaJ:JJes; on reste « pauvre d'esp1•it si on les désire aussi décevants, Cassien fait de l'aumône un devoir pour les
moines, ce qui n'est pas tout à fait le cas r.huz ÉLion110 do Murol
simplen1ent pour servir Dieu, sans t:11 prendre occasion (1..iber 37, cl Conlationcs xx, 8, 6, 6<1. l\1. PoLschonig, CSEI., 13,
pour faire tort à autrui ou s'éloigner de la loi divine » 188G, p. 568); l'explical.ion du ce11luple évangélique est diffé-
(42); t:ncore J'aut-il les poss\\de1• à Juste t.itl'ü (62) et l'OUle clans le J.ifi~r At les Cont6tc11ccs (Liber 16, et Ct)tt!. x-x;rv,
on user sans prodigalité (60, 1). La légitin1il.t1 de Jeur• 26, p. ?04-711). S11int J6rôrno no parait paa avoir oxerco d'in,
possession ne doit pas faire oublier leur danger spirituel Jluence visiblli sur los onseignement.s, quçiique l'on lrouvonait
(1:.!l, 2), ci:u• l'o1•gneil fatigue par lo désir d'acquisitions dt1ns son œuvro el dans ceHe de l'ermite da Murel d~s pointa de
toujours nouvelles (20, 2); de plu::., l'amou,· de l) ie\1 vue ids11tiquùS, conunc la préférence accordoo au don .de soi
est incompatible avec tout autre (19); l'honune cupide rail à Diou plutôt qu'aux aurnô,uis failos aux pauvres (c( Pi
n'a pas les <c yeux spiritut'lls » ouverts, quand il lui An lin, a.rt. c,it<• ilL/ra, p. 79, eL Liber 36-37); le lhème du relf)ur
au paradis par la via religlous(), nlis au début du .T,i/Mr, esL cbor
faut choisir le bien à faire (120, 2). à Jérôme, sans lui êtro particulier (Liber 2, 1, et <irl. oiM, p. ?5•
C'est pourquoi Jésus-Christ a déchargé sei; disciples 77 et 92; J. Leclorcq, La Pie pa.rfclitc, Turnnout-Paris, 19,81
du soin de l'argent pendant sa vie et des souc:is du siè- p. 161-169).
cle après sa mort (89, 3; 25, 2); aussi le religieux véri- t~nfîn, l'un des 1)lus sl!'icts théoriciens da l'ido11l 111onasllque
table est-il \Ill cc pauvre du Ch1•ist "· Cette pauvreté à l'époque grégorienne, saint Pierre Darnian, prône des llngel•
doit cependant per1nett1·e de trou vet le flécc:i;sah•e au lations dont ni le Li/Jçr, nî la Vie ne fonl honneur à Étienn,;
service du Seigneur (10, 5); celui-ci se fera le " dispen- do n1ê1ne sui· la pro.tiqua du silence, sur los conditions et los
sateur» de ses fidèles en sorte qu'ils n'aient pa:; à retour- difficu!Lés do la chasteté.
ner au siècle (22). On conviendra que la litt.érature spirituelle monas•
Une telle garantie u'engage pas seuleniell.1, à 1nener tique a été peu utilisée par Étienne de Muret.
une vie de travail rude et d'inconfort, mais elle per1net 2) Sciirtl Augustin et sa.int Grégoire le Grand. - Gté,
a.ux " pauvres du Chl'ist », qui ne s'appa1•tienncnt plus, goire est le seul personnage non biblique non1mé, une
d'attendre les aumônes plutôt que d'aller chtit•che1• les fois, dans le Liber ( vrai prologue). Cette uier\Lion, qui
1noyens d'en faire eux-mê1nos; il y a là une perfection correspond à des silnilitudes de vocabulaire (par exe,n•
plus grun<le, car on évite ain$l la vaine glOÎl'C et rien pie, Je coupla pastor-religiosus pour dé$igner les prota-
n'engendre la volonté de bien faire connue la pauvreté gonistes <le la vie religieuse), met sur la voie de réell8'
en esprit. Jés11s-Christ n'a-t-il pas refusé a Ivlarthe analogies do 1Je11sée.
l'aide de Ivlarie qui l'écoutait (36)7 Toutefoi,:;, le pas- Toutefois on trouverait dans le Liber nornbro d'exprcs•
teur évil:ara de fairo tort à ses disciples par des libéra- sions et quelques thè1nes qui paraissent venir de sain(
lités incon:,.idéréos envers Jcs « pauvres du dehors » Augustin. t•armi ces thè1nes, ~ignalons la nécessité
(38 ). absolue de .la grâce pou1' tout mérite (97, 2), la corré•
4° Souroe11. - Le ,node de tran$mission del': enscigne- lation entre l,t délectati.on de l'homme en Dieu et la
1n.ent:s d'lJltienne rend délicate la recherche dos sources pra.Lique des bonnes œuvres (9, 5; 72, 1 ; 109, 1, etc).
de sa docl.1•ino. La Vie présente le fondateur comme un Il y a cependant assez de disparates entre le dootour
diacre, au fait des usages canoniaux, monastiques et d'I-lippone et l'eruiiLe de Muret pour qu'on ne puisse
é1•b1nitiques, lisant il ses disciples les Po.~sions, los Vics presse•• la dépendance. Ou LJ'e des écarts de vocaliu•
des Pèrell et d'autres écrits édifiants (13 et 21,.). Cepen- hüre (vg exclusion du terme 1ne11s par le J,iber au profit
dant le Lilier se,1t1)ntiaruni so1nblo avoir gardé beaucoup du terme biblique cor), on voit des r,1pprochements
U\oins de traces de la littérature 1nonastiq110 que de suggestifs se résoudre en divergences appréciables.
l'Évangilo et de saint Grégoire le Grand. Le Liber S(Jt1tient, comrno Augustin, le droit dos lsraéüles
1) Les sources rw. setnblcnt pas mo11astiques . .:_ Malgré sur les dépouilles d'liigypto, ,nais il explique autrornoot lo sens
spirituel de c;eR dépouilles (Liber 101, '.l, ot D,)ctrina clirùliana
quelques réminiscence.c; de la Règle bénédictine (L1'.ber 11, 41, 62, Pl, St,, ft~); ailleurs, \ID point de vue idontique sur
2, 2, et llegula 52; Liber 10, 1, et R 11gula 4; Liber 10, le cantiquo nouveau dos élus, appuyé sur une 1nôn1c citation
4-5, et Regul(I. (,()), on est frappé de l'abseuce toLale, johnnniquu, sort dé point de dépnrt à uno argumentalio~
dans le Liber, du vucabulait•e ,isuel au,, désert" (ere,nus, diîtéranto (Liber 107, et Sc,nnô 31,, 2, PL 38, 207-208; Liber 63,
erqmita, desertu,n, solitudo, solitarius, celltL, .Patres a, oL Sernw 113, 1, 648, au sujuL do l'aumône faite avec le
Acgypti). Il serait Len tant de vouloir retrouver dans les produit dos rapines); aill1;111rll 1n1êorc, une n,ê1ne opinion sut
enseignements une doctrine venue dos crmite8 calabrais l'aLliludc corporelle ù garder pendant la prière sa rondo sut
.l'eneontl'és par 1iltienne, niais on ne sait riùn de ces deux séries d'exernplos scripturaires rlifTérents (Liber 10i,
1·4, et: D,i dic>ersis quacstionibu.s 2, 4, PL 110, 144; cf, à propod
er1nites, tout nu plus peut-on coujecLul'eI' leur OI'igine de 1(1 prière, Liber ao, 2, et E,1arr. in ps. 85, 7, PL 37, 1086).
grecque et leur appa1•tenance basilienne.
S'il. est vrai que le Liber el, la llègle latine de saint Si Étienne a fréquenté Augu:;Lin dans des ilorilèg~~.
Ba.<sile compilée par Rufin ont des points co1n,ouns, ceci il était diffu.:ile que le mode de trans1nissioo de soo
est dO. aux îréquenl,$ recours laits Il l'Évangile par l'un ens0ignen1oots laissât subsistai• le mou vemant et les
eL fautre texte, par exe,nple à propos de la correction nuances d'une pensée.aussi proronde que celle du grand
fraternelle. docteur. Il est vraise1nhlable que <les éléincnts impor•
508 f-509 S. ÉTIENNE DE MURET \
1510
:êt11- tants de la docLriae augustinienne ont touché l'el'mile œil qu'une paille de l'œil d'auLrul (3'1); du fai.t que Dieu n'exige
l, et par l'Jntermédiuire de GrégoiJ'e le G1•and. pas que l'on soit riche, noble ot éloquêllt pour être sauvé (20).
,om- Quelques rapprochemonts suggiirent cette hypothèse : le On a vu l'importance accordée à la pauvreté; le

iiers repos de la divine dilection ((pseudo-Augustin], Dialo&1"'1 q,u,cs-
ro jnt respect. de la vérité est un autre tra'it d'inspiration
1io11um ·r.2, PL 40, ?47; MQrcûia XVIII, 51,, 98, PL 76, 96 ; Li(,cr
évttngélique. La Vic (34 et 'l0) d'Étienne voit dans la
llll~O 99, 2); le l11,it de plaire d'autant plus à Dieu qu'on su déplait
lans à soi-mê1110 (St1rn1-0 49, -5, Pl., 38, 322, cl Enarr. in ps. '11, 12, pauvrot.6 la 11ia 11eritatis que l'ermite indique, en n1ou-
~•un PL 36, '172; 110111. i11 JZz11diir.lcn, I, 10, 43, PL 76, 'J0 1,; Liber r;u1t, à ses disciples. La vie religieuse établit l'homn10
een 34, 2). d-tns la vérité (I.1i.ber 2), tandis que le siècle est le lieu
Le tbèn1c de 119.rtlte et ~larie invite/\ voir, dans les ensoigno• du 1nensonge (109, 3). Mais on peut être 1nenteur tout
sont ments d'Étienne do Murol, uno certaine préférence pour· ln en prêchant la parole de Dieu, ai on ne la pratique pas
r les présentation de la doctrine augnsl:inienne dans les encires (28); au con"tt•airo, c'ef!t en restant dans la .vérité que
uret venus de Grégoire. Le Lib'er (ao, 2) donna un éçho t,rès net.
, 13, Suzanne a triomphé do sos accusateurs (119). Cette
d'-un sermon d'A,ugusUn qui éc1lrlo l'l<léa d'une nr11inte c;le ln verité, difficile an dl¾but, est plus facile que le mensonge
Hlé• part de M11rie à la suite des récrinünations de )\,farU1e (Ser1110
XIV1 fO~, 1, PL 38, 6:16); or, lii docteur d'Hippono utilisa lo eus ùes
et devient douce pour l'éternité ('11, 2; 'l2, 2; 21).
l'in- deux sœors eo1nn10 exemple de cieux niveaux: do vie splrltuollo, ()utre la pauvreté et l'amour du vrai, d'autres leçons
ira.it mais sans crnployer à leur propos, ni ailleurs, les lcrmcs Yita. évangéliques se retrouvent dans les enseignements
i. do ci>ntctnplc!tiva., Yita activa, dont se sert le Lil)er (10, 4) à la suite d ' fltienne, si bien présentées qu'elles apparaissent
, sol de Grégoire (l/oni. in Ezcch. 1, 3, 9, et 11, 2, 9, Pla ?6, 809 et corn1ne !"écho direct d'une doot1•ine vécue.
t P. 953-9!\t,), auquel il reprend la précision du carRctèrl.l prépara- Ainsi en va•t •il du conseil do sfi • couper les membres •
tour toire -de la vie nef.ive par rnppol't à la vio contamplRt.ivo. ct·av~c le siècle (1, 2; 68, 2), du précepte da 111 rt'!concilintion
cher 11 vHOt l',olîranda à Dieu, comn1cnl6 par l'ox<01nple du Christ
?5- Si, dans lo .l,iluir, les Lraces d'Augustin sont assez
vagues, celles de Grégoire sont plus nettes et fol'menL pl'Îant pour Ill!~ bourreaux: sans atlcndru què ce1nc-ci le lui
94'8,
un ensemble dont lo té1noignage est difficilement récu- do111a1ule11t (Gfi, 2), de la comparaison du novice, encore peu
s1,irituèl d9.ns sils jngementa, avec les apôti•os qui consoillent
lquo sable. à Jésus d'éviter la 1nort (9, 5-7). On. pourrait citer encore le cas
1gol• ctu faux religieux: dont l'œll no peut voir clairement le bien dans
1ne; l,a oompnraison des progrès de sili11.t Pi4lrre avec la semence
montée en épi est passéo d'un au leur à l'autre, légèrement défor- un frère (11, 2), et surtout ln Cairn et la soif de la justice que
i les Diun entretiont dnns ce siècle on ceux qu'il aime po\1r mieux
1Ïlél), mail! au service de la 1nén10 idéo (Liber as, 1, et Moralia
xxu, ·20, fa 6,PI, 76, 241); ln • discorde • quo Jo péché nuit Je.:; rassusier eosuite da aon amour (35, !t).
1as- ontro Diou et noua (Liber 80, 1 ; 87, 1, et Hom. in Evangelia 11, 'l'out indique que l'Évangile est la principale source
32, 5, PL 76, 1286); l'incon vénient:\ vouloir êtro n1atL1'0 avnnt dc1s enseigne1nents d'Étienne do Muret.
d'avoir été disciple (Liber 'J, 1, et Moralia xxv, 16, 40, PL 76,
Iré- 8~7-348), la uéoossité do se quittar après avoir q11itté se6 biens 50 Conception de l 'érômitlsmo. - S'il est Vl'ai que
une (Liber 86, 2 ; 37, 1•2, et Iiom. in Evan,;. u, 32, 1, PL 76, 1232- le mouve1neut érén1itique de la période grégorienne
qui 128:1.). Leij d eux auteurs constatent quo r:mcl'iture n'ernpèche se caractérise par le t•efus <les possessions et lo travail
pas cl'ai111er aea proches, mais invitent à ne pas Je taire • char- r'11anuel (C. Oereine, Chanoi11c11, col. 38',,, art. cité infra),
>ta- nelloniont • (Liber (,8, t, et Ho,n. i11 Evang. 11, 27, 1, P L 76, 011 peut affir1ner qu'fltionne de Muret fit partie .de ce
,Hes l205); Étionne prête aux pauvres une aide n1atérielle ot spiri- mc)\lVOment.
.tuollc como10 lo cü1u;eille Grégoire (cf Dicta et /acta 8 1 PL :!04,
t071l, ot Mor.alia xx1 1 19, 29, PL 76, 206-207., ou Honi. in
Sa conception de la vie roligieuse compol'te le dépas-
res- scn1ent, au nom de l'Évangile, des réalisations monas-
ùnt Evang. n, 40, 10, PL 76, 1309).
tlr]Ues auxquelles la richesse matériollo assure un cer-
sité Pour Grégoire, los doux principaux vices sont la tain confort. Néanmoins, cotte conception sau:ve.garde
rré- supet•be et la vaine gloire; ce sont les doux souls vices l'essentiel de ces formules de vie religieuse. En effet,
; la stigmatisés corn1ne tels dans le Liber (cf Liber 10, 2, et si les terrnes ,nonachus et r,1,onaslèriµ,n désignent tou-
te.). 86, 2; Moralia XXXIV, 23, 47, PL 76, 744}. Enfin, la jours, dans la Liber, d'autres religietlx que les disciples
eur iatte c&nLre le diable est très importante pour 'Étienne, dn l'erinite, on relève, -<lans la pratique journalière de
1888 cornme pour Grégoire; on rotro11ve chez le prernier ceux-ci, la psalmodie (104, 4), la clôture (claWJtruni)
bu- les lignes maîtresses et jusqu'aux expressions du second où se déroule la vie de co1n1nunauLé (co1i'1e11tus; 6, 6;
oflt dans sa docLrine de la tentation (Liber 1~o. 1, et 91, 2; 10, 2; 13, 1; 69, 2; 70, 3) dans une obéissance aussi
n'ts Moralia xxxnI., 1, '3, otc). On pouf'raiL en dire autant absolue, en théorie, qu'elle est paternollement imposée
des épreuves préparé.es JJar Dieu pour stimuler les pro- (1 et 2). La Vie, plus tardive, ,nontre le saint faisant
ll't es grès de aes élus. au réfoctoire la lecture aux frères, ,, comme c'est l'usage
ions
.;ana 3) L' É"angili.:. - Les citations évangéliques font de' la vie religieuse » (Vita 211), et 1n&1ne les appelant
·pr.ès de la 1noitié des citations scripturaires du .Li{Jur; au chapit1·e da la façon usitée dans ies monastères (28;
sur or, la proportion est d'environ une sur quatre pour lei, Dicta et / acta, un peu plus tardifs que la V Î.(!, font
Uon 1a R~gl6 bénédictine. Mêrne si Étienne a remarqué
tion mention d'un hospitiu,m où l'on recevait, entre autres,
· 63, certaines de ces citations dans un contexte pall'isLique d1i,; 1•eligiaux, 7, PJJ 204, 1071:icd).
c le qui los n1etta.it on relief, il senible leur avoir donné Si, dans les enseignements, le devoir du travail 1nanuel
B\lr un en11,Ivl particulièreinent attrayant. n'exclut nullement Je prollL des au,nôoes, il •est à remar•
sur Parfois, lo rappol ost sitnplernent pittoresque (25: 72, 1; quer que l'abse11ce d'allusion à la discipline du silence
104, ·48, 1: 98) . .Ailleurs, le bon sons va jusqu'à ·l 'lnunonr: -la c;louce11r va de pair avec la recommandation do donnor la bonne
1
>pos des commandeme11ts est prouvée par l'hourous8 surprise des parole aux visiteur1;. Dans la réi•Jisation érémi Uque
). tillintes feunnes qui t.rouvent ,roulée ln pierre du sépulcre cl pilr du Mu1·et, deux facteu1·s devaient, se111ble-t-il, s'·équi-
la tlanquillilé d'e.~ptit <les ap◊tree qui n'ont plus à craindre de
res, mang.01• el de boire matérlellemen t le corpa et le sang ·du Sei•
Jihrer, dans une proportion qui nous échappe, polir
ses gneur (12, 1}. De mô1ne 1 la {9.cilJUi des conunandements resijort crôer nno a·mbianco d'.ausliél'i'bé « raisonnable » (Liber
les du fai.t -qu'il ·e st ,p lus pratique d'ontror ,d9.ns ln bergerie pur 10) et de ferveul' accueillante : la personnalité du« pas-
lUd '1a porte que par,de11sus le n1ur (21), plus ,conimodo de pr.ler •soaa teur » et le cadre d'une organisation monastique
)Or• quo devant tous {20), plue aisé d'enlev.e r une poutre do ·son ernbryonnaire.
'
1511 S. Éî'IENNE DE MURET
3. Ordre de Grandmont.-Ap1•ès la mort d'Étienne C'est v1'aiso1nhlable1.11e11t d'après lo ms Paris B•. N,
de Muret (1124), ses disciples retirés dans la solitude lat. 12798 (ancien Saint-Germain /106, olim 816) que
boisée de Gl'andmont (commune actuelle de Saint-Syl• Martène et Durand ont édité lo Liber de dootrina nQPÏ•
vestrc, canton d' Arnbazac) gardèren_t leur indépeu.danco tiortun de Guillaume Pellicier dans leur Thesauru,
vls-à-vis des organisaLions monastiques et canoniales no(!us anecdotorum, t. 5, Paris, 1717, col. 1828,18~4;
auxquelles se ralliaient la J)lùpal't des groupes i:l'émiti• Je 1ns Paris B. N. lat. 12705 contient des extraits moder,
quos. Leur règle très austère leur assurait un graod nes de ce Liber.
renonl; l'appui d'Henri II Ph1ntagenet et de Louis vu F1-.ançois de Neu"ille : Discours utile et néccssair,
facilita leur x-apido expansion, de l'Angleter/'11 à la pour touB les estats sur la. vie, de.9 hom,nes illustres de la
Provonçe et de la Cha1npagne au comté do Toulouse. gt!néalogie de JVostra Seigneur Jésus ChrÎ,91 proposée p~
'tvlais la règlo accordait aux conv(lrs toutt, aulor•ité au nostre nière l'Eglù1e en l'Evangile de la Nativité de la
temporel et les clercs se lassèrent de cette sujétion; Vierge sa ,nèrc, I-'aris, 1577; .le Droguicr de l'd1ne chm-
des discordes naquirent, qui durèrent jui,qu'au milieu tienne, Paris, 15?7; De l'origù1e et institutio11 des fi~
du 1(( 8 aièclo. A la faveur d'un.a accalmie, le suptiémo et solernnités ecclés ÙJ.stique.9 ; extniit tant de la Sainù
prieur, Gérar·d 11.hior (1188-1198), lit approuver la règle .Rible et Nottveau Tcstarnent que des anciens pères et doc-
)Hll' le Saint-Siège, l'année même de la canonisation teurs de l'Bgli.9e Catholique, Paris, 1582.
du fondal:onr ('l 189), <)n doit à cc prieur paci li natour Charles Frêmon ost l'auteur de L'Esprit de l'Ordrt
un « 1-Hroir de Gtand1nont n ( Specul!.1,m Gtandùnontis) <k Gr,Ln.drnont, cité par 1,.-J:l. Cottineau; cet ouvrage
où il a rassemblé la Vie, los Enseignements et la Règle eut une édition dès 1664 et une autro en 1666 (Pe,ris1
de sain 1. Étienne; il y ajout,ii t ses propres trait.t':s spiri- Bibl. Nat., go Ld18 8). La Vic de Frérnon par Roclµas,
tuels encore inédits, saur un qu'il ,, ompruntail » à éditée par l'abbé Lecler en ·1910 d'après le ms Bibl.
I:l uguos do Saint-Victor. mun. l,i,11oges 1,7, est représentée par des copies ou
Jean xxll réol'ganisa l'ordre en nornmant son pre1nier adaptations dans les lllSS Paris Bibl. Saioto-Oeneviève
a.bbé, Guillaume Pellicier (1817-1336), docteur on droit 18?8, ParL~ Bibl. Nut., Fr. 19682, et Charleville ~~5.
et précédetnrncnt préposé à l'une des maisons de l'ol'dro. Voir notice Fnl'tMoN.
Ouillaurne co1nposa un Liber de doctril1a novilior1un., seul Un recueil anonyrne (17c siècle), conservé aux arélîi•
docu1nont qui nous reste au1• la spiritualité grand,non- vos de la Haute-Vienne (ois du séminaire 84 bis), 1:n
taine 1nédléval~. il part ceux do 12 8 siècle. Ce petit dévotions particulières de l'ordre de Grandmont, signale
traité, qui s'adresse directement au candidat à ,.~ « pro• les dévotions à la Trinité, l\ la sainte Fa111ille, ~ trinité
fession érémitique », cite surtout saint Aug111:,l.in et créée», et à une « trinité de saints>> : l!ltienne de Muret,
saint Bernard, une seule fojg le .Liber d':Eltionne de Muret J ean-Baptisto, Madeleine.
(ch. 15). Le chapitre consacré à la prière reco1nmande François Tho1nas, successeur d'Alexandre Frémon,
trois opérations préalables : le rappel des sens ( 11en111L11,m Pensées et réflexions ehrestiennes sur l'oraison dominkalt,
revocatio), la considération de sa p1•01n•o bassesse, un par un religieux do l'Estroite Observa.nec de !'Ordre
amour fervent du Christ rédernptetir; le i;ouvenir de Grandmont, Paris, 1702.
détaillé des soulT1·ances de la passion est le rernèdo 1. Vio. - Les textes primitifs concc,•nant Grandmont
ordinaire proposé contre les tentations diverses. l1n onl étll réédités dans Pl, 201, : col. 1005-1046, Vita, reeùolllle
cl1apitre spécial (ch. 2) se l'éfère aux statuts dn l'ordre pllr Go~p,rd Ithier dans son Spsculuni Grandirr10111is, d'apNS
et au concile du Latran de 1215 po,1r imposer la confes- E. J,,Jartène et TJ. Durand, Vetsr11m scrif,toru1n ... a1nplis1i,rio
sion hebdo,nadaire et, annuellernonl, la confession c()/foctio, t,. 6, Paris, 172<J,· col. 10~5-1087; - col. 1045•10?2,
générale; on considère la confnssion quotidienne comme Mirricula, par Gérard Ithier, d'après M9.1'lène-Ourand,
un idéal. La com1nunion est oblig,i toire chaque 1nois, col.1087•1118 ; - col, 1071-1086, Dictaet facta S. St<Jpilani, pàf
Etliinné do Liciac, dans Mârtèno-Durand, col. 1118-118~; -
conseillée chaque ditnanche, en se préparant dès le col. 1085-1136, Lil)er se11te11tiaruni seu rat.ionum sancti Stephani;
vendredi par la ruédilation, ot lo samedi par le jo-One le prologutl Multis 1nodis (1085-1087) est un.e reprise, postérieure
et le silennc. Le traité se ter1nino par doux chapitres à la règle, so11ü,lo-t-il, du vrai prologue consc1·vé dall-S 110
sur la pauv,•eté qui ne doivent rien au Liber do l'ermite co1111uentniro inédit de Gérard lthier; 08 prologue, édité, en
do Muret, semhle-t-il; lo dernier institue un parallèle appondlco d'un article de critique oxtorno, par J. Becque~
entr•e le religieux qui quitte· tout ot le séculier qui fa it Les prBmicr/J écric•ai11s,., p. 135-136, garde le titre prlmltll
au moins l'aumône. du recueil ( D1Jctri11a), appelé de façon plus acolair0, au coure
Si l'abbé général de Grandmont François de Nouville du 12• Il,, Liber sententiar1t1n sc1, rc1tior11.11ri; - col. 1185•1162,
Rcgula sancti Stephani, d'après l'édition paruo à Diîon, en
(1561-1596), ancien clerc de Lilnoges, a publié t1'ois t 645 (réôùitéo à Clermont en 1663 11t à Rouen en 1671),
petits ouvr ages d'édification, il faut attendre la. réforme par !As soins do Ch, Frémon (pour 111 llecu-la mitigée et àpprou•
ca tholiquo françai,,;e du 178 siècle pour que hi grand- vée par Innocent 1v en 121,7, voir los co,nplèmenf.s éditée par
1nontain t.ourangean, Charles Fré1non (1 !l'i 0-1689), ,J. Bocquet, l,r JJullaire .. , 1958, p, '•1•48): on la trouve aussi
frère de l'abbé général Alexandre Frémon (1f:,71l -1687), dans E. Mart,ènfèl, De antiq1tis Ecclcsi<~ riti/HtS, t . 4, Anvel'J,
s'attache à restaurer, il l'usage d'une ,1 étroite obser- 1761,, p. 808-317.
vance», l'idéal du fondateur de l'ordl'e. .L'ordre dn (}rand- Autres biographios bt traductions. Ch. Fré,uon, La Plo, /.i
m.orl et les niiracles de S. Es1ic1111c, ç()11fesse1tr, fondrttcur rJ,
mont devait être S\lpprimé par la co1nrnisi:-iun des l'Ordre de Gra11d111ont, Dijon, 164?. - Nicolas du Sà~l~
Réguliers ('1766) et aucune tentative dil restauration Tablea1t de pcr/cctioll tir~ dt! la 11ie et des ma,ûmc$ d~ iaint
n'a été faite depuis lors. E:ticnnc clc M<trct, dans (Eu.Pres spirituelles, t. 2, Pa.ris, 165t,
J!!n plus de sa notice, voir, $\Il' Géra1•d 1thier, I{, Baron, p, 275.371, ; cf OS, t. 3, col. 1845. - Ch. I<'ré1non, L'esprit tù
l'Or,lre de Gra11d111ont, Clermont, 1664, 1666 (avoc loxte lt\tlil
}Jugue11 de, Saint-Victor est-il l'auteur d'un corn1nentair11 de la règle ()t co,n,nantaire, Clermont, 1663); La règle de GNIM·
de la Règle de Saint Augustin?, dans Recherches d<? science n1ont tirée des inùintio11$, instructions et ordonnancc6 de ,ailll
religieuse, t. 43, i 955, p. 350; J. Decquet, La pre1nière i:1ienne, Dijon, 1669, avec traduction de la règle. - Adrien
crise de l'Ordre de Grandlliont, dans Bulletin ... du. .Limou- Baillot, traduction des Maximes de saint Éticn11c, inqtituteur tù
sin, t. 87, 1960, p. 283-321,. t'Ordrc <le Gr<u1<I111011t, Paris, 1701, ot 170?, avec texte latin du

512 1513 S. ÉTIENNE DE MURET - ÉrfIENNE DE NJCOMÉDIE 1514


Liber scntcntiarun1 c l Lo.bic dos nu:ixirues (93 pages); cf /1'01~.~ d" l'abbciyc de Grand111ont, d11ns .Bil>liotlwql.LC de l'Écolc des
, N. sur lès MM:imeu de S. Étienne de Gra11dn10111 .. , dans lm, Mé- clu1rt1,s, t. 62, 1901, p. 362-373 (inventaire du 15• siècle).
que moires de Trt!vo11.3:, déce1nbro 1704, p. 2184-2185. - H , da lu J . Becquet, Les ,:nstit11tio11B do !'Ordre de Gra11d111onl au

t0'1t• Marche de Parnac, Lo. 1•fr d1, saint Étienne, /ondatsur de l'Ordre m,>ve11 age, d ans Revue Mabil/.on, l. 42, 1952, p. 31-42 (rés11mé
IU'U8 IÙJ Gra11d111011t, Poris, 1?0t,, 171.2. - Abbaye de Ligugé, trnduc• d' un diplôme : R1ichcrchcs sur les instit11.tions reli[JiliiMes dg.. ,
B~/,; Hon el l11dt!x perboru11~ int\rlitR du Libi,r .~<?11/r.lltirJrum.. uux urchivea départementales de la Hauto-Vienno); L' • l11s-
der• Lo séjour d'Eti~nno do Murèt auprès du fondn.teur c1,1noni~l tit.1t.tion •, pre111ier cnutu111ier dé l'Ordrc clc Grand111ont, l. 46,
sainl Gaucher d'Auroil n'ust connu quo par 11110 source uniq11e, 1 U5G, p. 15-32 ; Le Bullairt? de l'Ordrc <le Grci11clniont, t. 46, 1956,
• peu expiicito et inédite (Paris, Dibl. NaL., 1111; lat. 10891, l. sa, J). 82-93, 156-168, 189-201; t. '•7, 1957, p. 34-43, 245-257;
raire c. 12). Voir aussi J . Decqual, Saint Etienne de Muret et l'arche- t. ~a. 1\158, p. ,,o-5'8, 176-196, 258-268; t. 49, 1959, p. 77•9i,
le la c,dq11è d11 .8ér1évc11t Mil~r1, dans Bullctir1 de la Société historiqri.e 1/i2-171; t. 50, 19(i0, p. 21-29, 8',-!J7, 145-15!,, 184-204; L11
par d,,
tt Qrc/11!,>l!>IJÎ'JllC Lin,ausiri, t. 86, Lin)oges, 1957, p. 403 •'10\I. /l,?L<fo de Grrinclm.ont., dans Bulletin ... du Li111ouRi11, t. 87, 1958,
le la .Sur l'ér(nnit.isme, phi~ ou moin3 prédicant, contemporain p. !J-36.
1,res• d'llltionne do Murat, voir .J. von Walter, Die ersten Wcuul1,r- Jean BECQUET.
f8tes ·prodiger Fra11lireichs, 2 vol., Leipzig, ·I 90:l; t.r111luct.io11 fran-
tÏtlttJ çaise do.ns Bulletin de la Co111mission historique de la Mayen11e,
tloc- t. .23-25, 1901-1909. Sur les rnppol'ts de cèt éron1itis1nc ttvcc 16. ÉTIENNE DE NICOMÉDIE, mét1•opolite,
los (ôrmes da vie religifl\JRe exiRtanf.es, voir : C. Dereine, art. fiu 10"-déhut 1 'I O sièclo. - Étienne est conn u grâce
Chanoines, DHGE, t. 12, [1950]-1953, col. Sfi8-40!'i. - ,J. LP,•
lrdre à quelques 1nentiuus, duut la principale concerne
olercq ot J. -P. Donnes, On ,nattre de la Pio spirituelle au xi• siè-
rage cle : Jc1in de Foccunp, coll. Etudes do théologie ol d'hisloiro do son opposition à Syméon le nouveau 'l'hêologien. En
arls, lnapiritualité 9, P o.riii, 1946. - J. Leclercq, Pierre le Véru!riiblc 976, il est envoyé par l'en1pereu1• Basile H à Ba1·daa
lliaa, et l'érérnitisme du11isie11, do.ns Petr11.s Ve11cru.bilis, coll. Studia S.:lôros 1•évolté (PG 122, 153a); en 997, il signe le tome
3ibl. anselmii,11111 40, Rome, 191i6, p. 99-t 20. de Sisinnius (P<} 119, 728-71(1), <)11 connaît quelques
1 ou Divers tr11va11x çoncer nent Étienne d~ M11ret i,ur tont co1nme lel.L1•es qui lui furent adressées pur Nicéphore Ouranos;
autéur dé 1~ Règle ,nise i;ous son 110111 : El,nidio d'A1molî, La. il est probable qu'un écrit de $y,néon le nouveau Théo-
iève
vita spiritt,ale a11teriore a S. Jtra.11.cesco, dans Collecta1Ma fra.11- logien, destiné soi-disant à un moine, vise le rnétropo•
(J.25.
eiseana, t. 2, 1\132, p. 5.31•. - Andr6 Lacroix, Un prédécesseur
limousi,, de sa,:nt François ,l'Ass,:se, dana Journ11l iles Débats,
li l,H de Nicon1édie.
rchi- S février 1939. - Léopold Oénicot, l'rtJsc111aliô11 de sai11t li nous reste des fragments attribués à Étienne; les
Les Étiéc1111e d<1 Mr,rct cl de /,1 pru1'1rtit,!, d11ns La RrJvr,e nouvelle, dr,ux p lus anciens manuscri ta sont les Parisi,ii gr. 1162
:na.le t, 19, Tournai, ·1951,, p. 578-&89. et 150t1. Ce ne sont que des not es très succinctes 1) sitr
inité le11 trot'$ p,1rtie., de l'drn11, 2) .~ur la di"'ision des passions,
2. Enseignements. - La Vit, de H\lgues de 1,acerta o. été
11ret, écrite entre 1163 et 1.170 par 11n p rêtre de l'ordre, Uu,llaume de
3) sur la division et la subdù•ision des facultés de l'd1nc,
Suint-Savin, qui n'avait p as connu Huguo.s pori;onnollo,nonL, 11) sur le libre a1·bitrc. Les deux manuscrits sont d 'accord
non, mais qui est soucieux de 1101111r10r sos L6n1oins ol n1ô1110 do pré- pour ces quatre .frag1nents; n1ais le P/l.ris. gr. 1162
:cale, ciser la chronologie da la Vie d'~liènoe do A,1utet qu'il uliliso ajoute un paragl'aphe reepl rectpctxp-fia1:wç 1 suivi d'un
1rdre (PL 204, t18t-1222 ; d'après Mo.rlènc-Du1•nnd 1 11etcru,n.. , ré:;u111é de la foi cl1rétienne édité parmi los spuria de
t. 6, col. 1143-1186); Ch. Fn\01on l'utilise dans son 1lddilion saint Athanase (PG 28, 140id-1405a: ,Syneagma 'Ocpi(-
' à La vie ... de S. Estienne (p. 387-441) : De la vie du Bù:11hcureu:,; Ào!Le11 1tLO'-reûeL11), qui ne se1nble paa appartenir à Étienne;
mont Hr,gucs son très elwr discipfo. li reco11rt largement au Liber il est donc préférable de s'en tenir à l'accord des deux
1êlllle sentênticirr"n en idontiflant Hugues o.vecle disciple interrogeant.
manuscrits. Par ailleurs, le pal'agraphe s ur le libre arbi-
après l'ermite (aux références indiquées dans PL ajouter le rapproche-
,aima ment entre Vita Huaoni.q 9 et Liber 49 , 2; 70, 1 ; 101, 2, au sujet tre 'O 0ebç -.bv &110po>1tov a.ù-ie:~oÛaLov, qui est certaine-
1072, dus pèlerinages à J ôrusaloul). Questions et 1•éponscs no délonncnl ment d'l1ltionne, a été édil:ô aussi sous le nom d'Atha-
rand, " on tlon par rappo1·t au reste du Liber; do plus, le fo.it que na:-;o (PG 28, 1401bd) et plus réce1n1nent sous celui
i, par Hugues nit élé, dès la niort de son malt1·e, préposé à Jn direc- de Nicétas Stéthatos (Le Paradis spirituel, éd. M. Cha-
!j - tion d'une celle éloignée de plusieurs journées de mo.rohe d e lendard, coll. Sources chrétiennes 8, Paris, 1943, p. 61).
~ani; Grandmont et qu'il y nit vécu jusq11'à sa mort, 11ngmente les C'est bien la (Jire 1nésaveuture qui pouvait survenir
'ieure garanties d'inrlépend<1nce de son té,noignaga dans le Liber. au 1nétropolite de Nicomédie d'être édité sous lo nom
,s un On notoro., dl.lns celui-ci, la Lraco do souvcnh·s visuels (55, 2)
du biographe do Syméon , son advei·saire déclaré : d'ot1
é, en ou audilifs (100; 101, a).
quot, Sur les sources possibles des enseignement.~, voir quelques l'i111portance dtl térnoignage des rnanuscrits de Paris
lmltif t.ravnux récents : P. Antin, 1,e morl/J.chisn,c selti,1 saint JtJrô111e, qui sont du 11 •1 et du 12c, siècles.
cours dans Mdla11gcs bé11(!ilicti11s, Suint-Wandrille, 101,7, p. 71-113. JI serait présomptueux de j\1ger \Jn auteur sur les
1162, - J?ridolin Dressler, Petrus Da1niani. Leben und Werk, coll. qu:ltre ou cinq pagea qui nous restent de lui; il hnporte
~. en Studia ansahuil.llla 3'1, 1954. - A.-M. l u Donnttrdièro, 11,f arthc surtout de so uligner qu e, par r apport à Syméon le
.67i), et !lfarie, figures de l'Église d'aprcs sciint A u.gustin, VS, t. 86, nl_vstique, Étienn e représent.e un courant rationaliste,
prou• 1952, }), 1,04-427.
ou. si l'on veut, l'enseig11en1ent philosophique tradi-
il pal'
3. Ordro do Grnndmont.-Los Indications bibliog1•aphiquos 1.iùnnel. Syméon ad1n et difilcilAment la distinction
aussi
1vers, cssontiellos sont données par L. -H. Coltineo.u, Répertoire de,; deux dornaines de la raison et de l a foi, et il suhor-
lopo •bibliogrllphiqrte des 1,bbaycs tt prieurés, t, 1, t,Jâcon, 1936, do11ne tout à la vision de Dieu et au sentiment de la
col. 1326-1828. Rappelons ou ajo11t.1)nR lea suivantes : possession de la grâce par l'âme. Les fra.gments d'ins-
it, la Jean Levesq11e, A1111ales orrU11is Ora11di111011tia, Troyes,
ur d6 tructions du 111étropolite de Nicodé1nie font r es-
1662. - Stat r1.U1. fralrru11 Gra,1di111011te11si111n strictioris obser-
hu.'d t, sortir la profonde originalité do son adversaire, dont la.
vantiao, Lyon, 169lL -- E. Mo..rtène publia, <le façon incomplè~e
saint pe11sée n'ad,net gnèt'e les cadres cl'no enseigne111ent
et sans critique , des St<lluu, do <lrandmont., dans sas De antiquis
1651, l!.'adesiae ritit,us, t. '•, Anvers, 1761,, p. 321-341. oflîeiel.
rit (~Il Louis Guibert, Destruction de l'Ordre et do l'a.bbayc de Grnntl• ,\ux fragu1cnl.s édiLus sous d'auLrcs 110111s 4lt cités plus haut,
lo.tîn mont, Paris-Li111ogcs, 1877. -- A. Lcclc1•, 1/istoirc 11<: l'abb11ye 011 poul ajoulcl' quelques pal'allolos choi lo psoudo.-gphro,n
rand- ile Gr1111d11wn1., dans Bulletù1 ... du L in1.ousin, t. 57-60, ~ 907-191 O. et ,J oa.n Dama.~cène (cf DS, t. 3, col. 810, n. 16).
-saint A. Hauréau, Sur qu.clques écrii1(ûr1s ,fo l'Ordri: de (Jra11d111t)11/, 1. .H ausherl', éd. de la Vic de Sy1ruJ011 le 11011.i•cri.u TluJologieri
.drlen dans Notices et extnU:t.• ,les 11,ani,:,1:rits de la /Jibliothtlque natiônale, p1.1.1· Nicétas $téthal.os, OC, t. ·12, 11. 1,5, Homo, 1.928, p. 1,1-1.v,,
,ur de t. 24, 2• p., 1876, p. 2!,7-26?. - C. Coudert, Les n1an11scrits 1.x1 u-1.xx . - H. G. Beck, J(irche u11d theolo[Jisclrn literatur
l11 du
'
1515 ÉTIENN·J~ DE NIC0~1ÉùIE - :f:TIENNE D'OLOT 1!'>16
im byza,11ii11is,J11:n Reich,, Muniéh, 195.9, p, 531-532, - J, Dar- A la fois très dur de ton et très beau d'inspiration, son
rouzès, Épisrolier,,byzantins du xO siècle, Paris, 1961. attribution à Étiertne n'est pas hors de conteste, -
Jean DARROUZÈS, 7) Tràctatus de corporc Christi, 1415-1(.16, !'esté man11$•
crit et d'attribution douteuse. - 8) Enfin une ApoÙJgia
17. ÉTIENNE D'OLMUTZ (ou de Dolan, de pro sacris religionibus rn.onasticis ,,<111,ir,sus 111 ickleflwn
Dolany), ehart,·eux t 11.21. - Né au n1ilieu du 148 siècle, aliosqu'! haereticas, publié par B. Pe,,. dani, sa Biblio•
Éti.enno appartenait à une rarniHe nobie de Bohême, theca ascctica, t. 4, p. 85-11 o., qui est un petit traité
dont on ne semble pas avoir retenu le oo,n. Maitr" de vie religieuse.

ès-arts, il or.cup~ un haut ernploi à la r.hancellerie <lu 1.. Rensei«nenie11ts biot;raphiqucs. - Étienne d'Olmulz est
royaume; sur cei; en Lr•efait.es, il entre à la charLreusr, n peine nommé dans lus. Iliswircs, An11olc~•, Chroniques cartu-
de Prague. Or, h~ chartreuse de Leitomischl venail. siaunes Ùf) lu Vasseur, le Couteulx, Molin, eté. Dêrnatd Pez
d'être transférée , on 1.88?, à Dolan, près d'()Jmut1. dit l'essentiel da cc.que nous savonR d.a:ns BR Dissertatio isagogica
(Olomouc); Étienne en est. p1•esque aussitôt (1388) du -lowe 4 de son Thcsauru$ (t11r.,:dotoru11i, Augsbourg, 1.723,
p. 11-16, et au to1ne '• do aa Bibliotlu1ca ascctica, 11.atîsbonno,
nonuné prieur, en ren1place1nent de Joan de La,nbauh. 1724, pl'étace, u. 3. SanR doute Pez. a-t-il simplement reproduit
Il y meuFt le 27 juin 1421. Le rnonasl:ore, dévasté par la document.ntion q1Je lui avait en:voy6e le chartraux Léopold
les hussites en 1437, sora rétabli dans lei; faubourg1; Vi'ydem.nnn, qua 1:ului-ci avait prohablen1ent puiséè dans le
d'Ohnutz en 1444. Etienne avait co1nposé plusieurs L iber do111us Vallis Josaphcit O~d. Çartl)JI. prope Olomu.~. in
ouvrages écrits en pleine mêlée du mouve1nont hussite; J)o/ano, nlll co1nposé avant 11.37, - Oe no111breux docu1nents
ils lui valurent Je surnom de rnalleus hussitari,m. Dans concarua11t la chartrc11,~c de Dolan, au len1ps d'Étienne. et
ces ouvrages de controverse avec Hus t 1415 et ses avant le sac de 1(137, ont él.é recueillis pat Wydemann et
partisans, J'histoit•o religieuse aurait. beaucoup à gla- publiés dans B. Pez, Thesaurus .. , t. 6, Coclc3; tliplomatiCll-
historico-episL.oluris, pnrs 3, Augsbourg, 1729. Ch. lo Coule!llx
ner; nous n'avons pas à y insister ici; mais les dévelop- lus reproduit dans ses Annales ordinis cartusic,isi.~ ( 1081-1429),
pements spirituels y sont assez nombreux ot importanti; t. ll cl 7, Montreuil, i890.
pour que nous 1l'hésitions pas à les signaler. liltienne Ét.uclcs. - ·oes chron.1qu8uts et historiens confouùont parlois
s'adresse aux chrétiens pécheurs ou en rupture de Étienne d'()lmutz avec son contco1po1·nin Étienne Palec, do:,icn
ban avec l'l!.:glise, il les enseigne avec les texte~ d n de ln fa1;ulti! de théologie de Prague, lui aussi adversaire de
l'Illcriture et des Pè1•es, il prie pour eux et avec eux, il Hus, qui curnpos11 égalo1ncnl un A.ntihu.~.
les reprend avec vigueu,· et les invective. Son sens do B. l~iilhin11s, llohBniia docu,., éd. !{, Ung11r, 2• pa.i·Ue, Prague,
l'Église est vif ot profond : blesser l'l!Jglise, c'est Jo 1778, p. 172-17a; a• partie, 1 780, p. G2-ll6, 94, 144, -
l,. Kru1n1nol, Gcscliich~ der Hohm,ischen Reformation irtt xv.
blesser. J ahrhundcrt, Gotha, 1866. - J. Loserth, Die littrarisc"411
Bernard Pez a publié la plupart des ouvragc1; fVidcrsache.r iles Hus i,i Miirhen. 1. Stcpllfln 110n, Dolein, Brno
d'Étienne; L6opold Wyde,nann, chartreux, les avail. (Brunn), 1897; extrait de Zcitschrift d~s Vereines far di~ Gt-
découverts et préparéi;. Plusieurs sont datés; ils sont Sèhicltte M,1hrens und Schlesiens, t. 1, 1897'. - C.-H, ttetel~
tous posté1•ieurs à 1400. et ·H . Laclercq, lliswirc clcs conciws, L. 7, 1° part.ie, Pari~,
1916, p. 131-1;32, 141, 150. - M. Ja11a. Ilusi Korc,sp011d,mœ
1) ]k[edulla tritù:i ScHt .'1ntùvilcle-011..9, 1408·1~.11 ; a Document//, éd, V, Novotny, Pra~uo, 1920, lettre t,1, p. 120,
John \:Viclef était ,nort on 1384 (Thesauru.R, t. q, 121, protestation de fluR contre Etienne. - P. de Vooght,
28 partie, col. 1 tk9·!l60) : traite de ]'eucharistie, dei-; L'htfrtfsie de Jean H,t~.~. Louvain, 1960, p. 220-222, 21lâ, 316•
ordres religieux, de l'tisagc chrétien des biens. - - 817; lfussicu,.a, Lo,1vain, 1960, p. 115-116.
2) Antihu1111us, 1412 (col. 361-'130). J·l us s'était plaint. do
l'attitude d'hostHit6 d' .13:tienue dans une lettre adres:;é,~ André RA Y 87..

à la chartreuse de Dolan (col. 364-365); !~tienne lui
1•é.pond. ; « O I-lusska care, noli ni mis alte volare.. , 18. ÉTIENNE D'OLOT, capucin espagnol, 177'1·
poteris co111Jn1re.re pennas n; c'est uo ttailé de l'obéissance 1828. - :El.tienne Fabriga est né à Olot le 20 septembre
aux supérieurs. et à la Sancta Mater Ecclesia. - 8) Dia- 177~; il prit l'habit des capucin.9, dans la province do
logu.9 volatilis inter ctucarn ([/uHs = ,, oie ») et paH.~erern Catalogne en 1789. Après avoir é,lé professeu11 dans les
adversus HWJsum, 11.14. (col. t,31-502) : les fruits dn coll6ges de l'ordre de 1799 à 1805, il s'adonna totale•
l'eucharistie et soun\ission à l'l!]glist, « Deo ipsi resistil ment au ministère apostolique, pour lequel il était
qui ejus vicario resistit » (col. t167-469). - ,,.) .r.ibe.r doué et auquel il se sentait in·ésist.ibloment appelé.
epistolaris ad l{u.~s1:tas, 11117 (col. 503-706) : sur le cull~1 En raison de sa défense des droits de l'Église bafoués
dos images, la vita apostolica des r{'ligieux, la r.ommu- par lei; pouvoirs publics, il rut emprisonné pendant la
nion sou1:1 uoe seule espèce, la soumli;sion à l':G:glise et a11 période révolutioonairo· {1820-1823). Le peuple lo
concile do Constance. - 5) H ornilia iri ill,.i.d Luc. , vénérait comme un saint et lui attribuait des prodiges
Exsu,rgens Maria abiit, etc, d.e sa.c:raniento altaris et des grâces exl1•aordinaires. Avec sainte J oaquina
advcrsus Hussitas; Pez parle du rns d'Olmut.z où elle Sl1 Vedruna Mas t 1854, il fonda l'institut des sœurs car-
trouve, annonce qu'il 1(.\ fera paraître, ,nnis no semble n1élites. de la charité, qui a pour but l'enseignomenL
pas l'avoir fait. - 6) Epistola invectiva Matris Ecclc.~iaf) de la jeunesse et l'assistance des cnalades. Il en composa
in corite,uicntcs de papalu, con1posée sans doute pendan l les, constit\1tians, dont l'autographe est à la maison-
le concile de Const.ance (Thesaurus, t. 6, pars 3, p. 130- 1nère (Vieil)•; il y définit les orientations spirituelles
1{1,4) : sorte de planct1ui Eéclesiae, qui commence aini;i : de la congrégation : chal'ité, oraison, pénitence et humi•
11 Alma Mater, catl1olica et apostolica Ecclesia, unica tit lité. La doctrine en est solide et traditionnelle. II motr•
virgo sine ruga, sponsaque honi Pastoris Jes\1 Clu•îsti rut le 14 juillet 1828.
illibata ,1, L'Église s'adresse à Dieu, puis aux trois pape:--, Cnndido de Monreal, Héroos de 1111tstro ea111po. Fr1,y Es16b1111
en p(u'ticulier au pseudo-Jean xxn, en fuite, et les de Olct, dans A<lalid s~rd.fico, t. 1, 1900, p. 280-282. - Jaime
supplie de se convertir : ~ Quis demum Seden1 Petri JHll' Nonell, Vicl1i y 1•irt1tdes del P. Esteban de Olot, Barcelone, 1892;
vestram ambitione,n tri partit.am resarclet » (p. 131)? Vida y '1iriudes de la vcncrable Madre Joaq(ûna de Vedrunu
Ce morceau est rempli d'allusions aux événe1nents. de Mas, t. 1, Manresa, 1905, p. 11,0-146 et passini; t. 2, 1906,
1517 Jt'fJENNE D'OLO'f - ÉTIENNE DE S.-FRANÇOIS-XAVIER 1518
.5d6
p. 379-882. - Lcxit:Qrl c11puccinum,. Rorne, 1951, col. 1683. - En comparaison de son influence personnelle, sa
80Ji C. Serna, Jtspiritualidad dt: santa Joaquina dt Vc(lru11a de Mllll, produclion littéraire est minin1e. Il a laissé des Livr(ls
-
o·us-
Baroelone, 1960.
d,1 Sernwcs, qui n'ont jamais été publiés, et des Cart.a.ç
rJC,Î/1, MELCl!lôR DE PoBLADURA . J?spirituais; quelques lettres ont été publiées par ses
1um biog1•aphes, surtout par J. P èt'eh•a de Santana qui en
~lio- 19. ÉTIENNE DE PATRINGTON, car1ne donne dix-sept. La plus grande partîo de la correspon-
'aité anglais, t 1417. - Né dans le comté d.'York, Étienne dance est dispersée ou perdue. Nous possédons, enfin,
do PatringLon fit ses études à Oxford. En 1389, li 11n court récit de ses Ea:ercioes spirituels journaliers,
fut autorisé à ensoigneJ· et à prêcher à la cathédrale publié égalemen,t par ses biographes. 11 y insiste beau-
1 est de Lincoln ; il enLl'ait peu après au cou vent des carmes cnup sur la conten1plation affecl.lve de la passion de
lJ'tU• do Londres. Il fut élu prieur provincial en 1399. Le .1 ésus, des cinq plaies surtou L, s u,· la d6vo'tion à Notre-
Pez 1er février 1415, il était nonuné évêque de Saiut-David I>ame et aux noms de Jésus et de Marie. II faisait
11,ina
,':123,
au pays de Galles et, en 14'16, t1·ansféré il Chichestor. grand usage des oraisons jaculatoi,·es sous la fo1•me popu-
nne,, li !ut farnilier du duc de .L ancastre et du roi 1:Ienri 1v, lail'e de ,, rosaires » : rosail'e de J ésus, du 'frés Saint-
idu[t et confessour d' li eori v. Il prit une part notable dans 8acreme1\t, du No1n de Jésus, etc.
pold la controver:;e avec les v,iclelltes ; Shirley le croit autet11• Lufs de Mértola, 'Vida e nil)rù: do P. Ji'r. F.s11!11Üo da Purifl-
is le des Fascicul,: zizaniuru,m, qui sont peut-êLl'e de çi,çâo, Lisbonne, '1621. - Pedro da Cruz ,Juzarte, 'l'rasl'll-
S, in Thomas Nettor de Walden 1' '1 480, carme et successeur da<iâo do Venerac,~l R1ulrc l•'r, J.i'111t!1Jâo d11 Purificaçâo, Lisbonne,
81itB d'Étienno co1n1ne provincial. On conserve d'fltionne 1li62; écrits d'li:tienno, p. 34-56, 1l16•2â8. - José Pereira
e. et deux Repertoria de qu1,stionfl scolastiques (ms 103 SL du Sar:itana, Cr1S11ica dos Carn1eti1as, t. 2, Lislioone, 1751,
Il et )1. 155-236; écrits, p. 162·16lt, 170-177, 179-180, 182-191,
tico•
John's College, Ca1nbrld1re; ms 280 Saint-Marc, Venise),
Les bibliographes lui attribuent ordinairement un 1 \15 -201,, 209-210, 218 -219, 231 -236. - M8nuel de Sâ, Menu.Jria.,
eulx Jfistori.cas dos.,. Arcobispos, Dispos e Escrilorcs Rorlltgueses
li9,) , De /1tnctio11e sai:xirdutuli, un 111 cpistolam ad Tituni, et dn Orde,n de N<Jss/1 Se11hora <lo Carmo, Lisbonne, 1724, p. 10!,-
divers Ser,no,uis de sanctis et de tempore, qui ne semblent 13!1, liililîogr:iphio.
r,lois pas avoir survécu,
131en
Mf\rio ·MAnTJNS.
J, Balo, A11r;lorum fleliades, n1s HarlA_y 3888, Britlsh}fusoum,
111 de Londres, - J,'a,i,1iculi ~iianioru., n ,nagistri Iohanni.s Wyr.lef
cwn tritico, 6<l. W. \.Yacldington Shirley, coll. Rerun1 brll8nni-
21. ETIENNE DE SAINT-FRANÇOIS-
cnrum mcdii aevi scriptores, Londres, 1858. - Acta capitu- XAVIER, carme, t 1685. - François-Xavier do Launay,
loru1n 811 ncralit4ni ordi.11is frutruni li. M. V. de lrf onlc C1ir1nelo, fil:; d'un n1e1nbl'e du purle1nent de Rennes, naquit à
xv. éd. G. Wesse.1s, L. 1, Rorne, :l 9t.2, p, 12U-130, 1ll9. - Jl. à'IcCaf. ftenncs et e1\tra au couvent des carmes réformés do
cMn lroy, 1'he White Friars. A11 outli11c Ccirmclito history, IJublin, la province de 'l'ouraine de cette mê,ne ville. li fi L
lrno 1926. - Cosrno de Villiers; L. 2, col. 761,-767,
a~ profession le 24 juin 1641. Bon théologien, exact obser-
ifele Barthélemy X1n&11TA.
vateur de la régie, il occupa à ph1$ieu1•s reprises los
ms, e;hargtis de prieur, de définiteur et deux fois ceIJe de
uncc provinciàl (t672 et 1684); il fut vicaire général des
l20"• 20. ÉTIENNE DE LA PURIFICATION, carmélites de Rennes ot de Ploërmel. Il mourut à Pari$,
ght, carme, 1571-'1617. - N,é à ~Joura (Portugal). le nu couvent du Saint.Sacrement, le 20 octobre 1685.
it46- 14 février 1571, :Gltion ne Rodrigues Co tel entra chez Sa dévotion envers la Vie1·ge, envers sainte Marie-
les carmes de Vidigueira et suivit le cours· do philo- tvladeleine de Pazzi dont il avait vénéré le corps à Flo-
sophie de Lisbonne. En 1595, il commença ses études de rence, et surf.out son grand amour de la réglo s'expriment
théologie à Co'Jmbl'e, dans le collège des carmes, ol'I clans sos éctiLs, et Cette Itégle est notre loi, dit-il, elle
il !ut l'élève de ,fi'rançois Suare1., el, où il se lia <l'a1nitié ~ist co,nxne notre ~vangile ,,. C'est elle qui forme lo suj.et.
r74.- avec Amador Arrais, lo fa1neux auteur carme des Diâ- dti ses deux ouv1·ages : Le 1'iers ordre de Nostre Da,ne du
1bl'e wgos (Coïmbre, 1589). Prédicato1u•, conCesseur et sur- 111unt Carmel ... expliqué en faveur <les frères e.t des sœurs
, de lout directour spirituel, il til'a grand profit d'une affii- q,,1,î le p1·ofesserit (Pa1·is, 1672) ot les Exhortations muna.~-
les geante « maladie » de scrupules (c'est l'expl'ession d'une t1:ques sur la Règle (Rennes, 1687).
ale- de ses lettres). Devenu sourd à ti•ente-cinq ans, los Commentant le texto do la règle, il expose que son
tait austérités prircn t une plus large part <laps sa vie. Dieu or•clre est voué à la conte,nplation :
1elë. l'appola à la contemplation n'lystique. D'après sa cor• L 'orQlSô1l !!lit t.out.e nolro vio... l.Tn vrni religieux carme e.st
,ués respondance, saint Augustin, sa in t Bernard, saint jour eL nuit occupé de Dieu... Nous sommes toujours c()mme
t la François d'Assise et sainte 'J'hérèse eul'ont gl'ande dnns une Cairn insatiable, con1n1c dQns \1ne soir do Diou 0xtrê-
le influence sur sa vie s ph•il.uelle; rnais il fut surtout aidé n1ement ardente... Nous ne sonunos P!ls oiseux à l'extérieur..,
1ges par la !ecture du Conip~ndio de la Doc!rina_ Espîritua.l mais nous rcsscn Lons toujours ... colto inc;lînation qui nous porto

11na de Louis de (Jrenade. Elt1onne de la Pur1flcat1011 s'adon- ô Dieu ... C'est pour cette raison qua dans les entretiens inLô-
~ar- nait beaucoup à la p1•iére vocale méditée. Il guidait rio11ra que nous avons avec sa Majesté nôus 11.gissons pou do
1ent les â,nes dans cotte voie, en los détachant de J'sunour l'm;prit.. , afln quo notre regarc! étant plus silnple, il l!Oit moins
,Qsa désordonné des consolations spirituelles. Une petite ir1 torrompu par les actions extérieures. C'ost de là que snfnte
:on- Thorèse, que sainte Marie-Madeleine de Pazil, que le B. Jean de
êcole de spiritualité s'est ainsi forinée autour de lui, la Croix, que .le vén6rablo frère Jean do S. S81nson, que i·e
,lles composée soit de carmes soit de personnes appartenant v6nérQble père D0111inlqùo de $. Albert et tous nos autreA

·m l• à tous les 1•angs de la sociélé. Il seco1u•ait volontiers u,ystiqucs ne 11'arrêtanL ))Oint il. nou& donner des prôcoptei;
:ou- les pauvres, les n1alades et les pr·isonuiers. Dans con11nuns pour l'ornison n1cntalù, lis tâchent seulen1cnt do
u11 élan tout f1•iu,ci:;cain, il étendait sa Lendresse noua disposer il. goûter ce que c'est qua Dieu (Tiers ordre,
jusqu'aux oiseaux. Il est mor t au couvent de Colares ch. 6, art. 2).
• le 17 nove1nbre 1617. On rapporto no1nbre de 1niracles
~1118 Ailleurs, tout en citant les mênlés modèles, choisis
192; obtenus par son intercession; son procès de béati- dans lrois branches de la rauülle carmélitaine, il précise
·u.na fication fut con1mencé sous Urbain v111. que l'oraison 1< laboriéuse et industrie\lse » et l'orâison
906,
1519 ÉTIENNE DE s.-FRANÇOIS-XAV IEf\ - ~TIENNE
'
DE s.-SABAS
/
1520
« înfuse" font proprement 11 le double esprit 11 do l'ordre des rnesures contre le relâchen1ent de leurs couvents.
et sont con1prises dans les paroles que Dieu adresse fltienne de Saint-François-Xavier ne [ait que les suivre
a Élie : 11 Cachez-vous dans le torrent de Carith, qui est qua.nd il adresse des reproches à ceux qui vivent « dans
Cl)ntre le J ourdain, et là vous boirez de l'eau du to1•rent la religion cotno1e des étrangers » (1, p. t,) et quand il
(3 Rois, 17, 3-4) » (Exhortations, ô, p. t,5). les adjure d'être fidèles il lo1trs vœux.
Sa 1n6thodc d'oraiaon comprend trois degrés : la Cos1110 de Villiers; t. 2, col. 7G!l-770 , - S.-l'lf. Boucheroaux
tnèditation, l'aspiration (te1•01e cher à la Réforr11e de (S.-111. Michel), L!l Rtl/or111c des carnies cri France et Jean d~
Touraine depuis JeArl de Saint-Sainson) et l'lruion , Sai11t-Sa111son, Paris, 1 gr,o.
décrite « 001n1no un coup dont l'ârne esL subitement ' Su1.anne-P. :tvhcnEL,
blessée, com111e 1.1n regard ùon Lollo est pénétrée, corn me
un rayon de lurnière dont elle est éclai1•ée" (Tiers ordre, 22. ÉTIENNE DE SAINT- SAB A S (saint),
ch. 12, 81't. '•), langage 01) l'on recor111aît le 1naîtrü spi- 1noine et thaurn:i.t:urge, 1' 7\14. - La vio d'Étienoe a été
1•i l,ucl de la Réfo1•1ne. ;\ ceux qui sont dans ce?; di ve1~ racontée en détail par son disciple Léone~. D'origine
étal..'> d'oraison, ln solitu<lo est nécessai1•e. 1, Nous coH11ab- paysanne, Étienne entra très jeuno à la laure de Saint-
sons lei, chO$AS par la séparation, par l'union et par la Sabas, entraîné pa1• l'exen1ple de son oncle paternel,
réflexion, noui; connaissons les <wéatures par la S{'.para- en qui on a voulu voir, à tort, s.iint Jean Damascène.
Uon; nous connaissons Dieu par l'union; nous nons Son novi1)iat achevé, il ren1plit diverses chatges dans le
connaii;sons par la réfle~ ion. Et c'est dans la solitude ,nonastère; puis, cédant à l'appel de la solitude, il
que nous son11nos sép.1rés dos créaturei1, quo nous s'enfer1na d'ubord dans uno cellule, et se rot.ira ensuite
so1n1nos unis à Dieu, et que nous pouvons tire1• de l)ieu en plein désert, du côté de la 1ner Morte, où des disciples
et des c1•éatures les v(Jl'i l.ables espèces (idées) de 11ou:,- ne tardèrent pas à le rejoindre. U 1nourut le 81 1na1'S 79t
mêmes » (Exhortations, r,9, p. 892). Solitude, silence, Ses no1nbreux 111iracles lui ont valu le su1•nom de thau-
pauvreté, vertu$ t•Aligieuses, cha1'ité, humilité sans maturge.
laquelle la chasteté ne r;a\11•ait être agréable à Dieu Si là première pa1•tio de la V ie (1-1 ·l 4) a per1nis ~
(J'ùir.9 ordre, oh. 2'1 , nrt. 27), toutes ces vertus, dont Léonce do réunir un certain non1hre de tén1oignages
il to1npt'lre la pratique de discrétion lorsqu'il s'adressa contemporains sur le pouvoir thaumaturgique d'Étienne,
aux terLiai1•es, ressorLJssent à 1in enseignom~nt asse.1 la seconde partie (115-188) nous fait entrer davantage
classique. dans l'â1ne d'un saint et d'un père qui a su allier les
lttienne de SnirtL-l~rançois•Xàvi(H' devient plus ori- intransige,1nces de la vie solitaire et le souei <l'aider
ginal lorsqu'il lutte cont1'e les défauts dans l'observa- les aut1•es dans leur vocation n1onaatiquo. Léonce, qlli
tion de la règle et des coostitu (,ions et laisse voir lo s'étend avec complaisance sur les charisrnea de son 1nal•
souci constant que lui causent les dél'aillances 1nulliples tre, en particulier celui de lire dans les consciences,
dont il èi;t témoin. C'est. au fond le sujet des Exhorta.- rernarque cependant (·186) que la g1•ande vertu de co
tions ,nor1astiques. L'éditeur, Placide de SninL-Josoph, solitaire a éLé ce don de sympathie, qui lui faisait par-
a cru devoir l'eu excuser (préface) . Lo ton est parfois tager d'instinct les misères physiques et r;pirituellea,
assez vif, bien qu'J!:tien nn se retranche constarnn1ent et savait miraculeusan1ent Jes guérit•.
derrière l'autoril,6 des Pères ot des docLeu1'S, snrtout La Viti a été éditée p(lr .1 . Pion, AS, juillet, t. 8, Anvers, 1723,
de saint Bernard qu'il cite abondamment. Ainf;i s'es- p. 531-61fl , <l'après le Coislin 303 (cet unique témoin grec
quisse la physionornie d'on religieux aust.ôre et zélé que con1porte uno lacun(I irnportanto au début), - J<'r. Hàlkln,
la crainte d'agg1•aver les 1nal1x qu'il dénonce 1•encl pru- Bibli<>th,ica ha.giographfra gra.eca,, 3° éd., l. 2, Br11x(.llles, 1951,
dent, sinon tirnide. n. 1670. - S. Vailhé, Date de lei ,nort de saint Jean 1Ja11w11cènc,
dani, Echos cl'Orie111, t. 9, 1906, p. 28·80. : l'1111tou1• identill.~
'l',u)lôl il peint eus • libertins •, qui • di.sent quo 111 rôglo
n'obligo point en <lonsolence, parce qu'ils n'ont point <le co11s- Étienno le sab~ite avec Jo neveu de Joan Damascàno. - Rober~
ciunco ot qu'ils veulell t ignorer le pùcho alln (le péchê.r plus l'. Blako, Dcu:r. lacunes eonibld11~ dans la Pas8io xx mo11acho•
ru.in sab/J,Î/(J,ru111, dMS A11alecta bo/1(111tlia11a, t. 68, 1050,
libren1ent • (9, p. 7a). Tante", il rail voir • ces religioux qui no )). 40•!.2 (Mélungos P. Peeters, t. 2), - G. Gal'itte, Un extrait
sont, l.lélns, qu'on trop gr(lnd 1101nbre dans nos n1onast,)t•es.. , géor&ùrn de ta Vic d' Étie1111c le s(,/Jarte, dans Le Muséon, t, 6?,
qui dernourcnt inutiles el vHgabonds (!ans <les salles, dnns dos l95t,, p. 71-92; Le dé/>11-t clc l!i Vie de sa.int Étie11110 le $!lbal/e
jardins ot dnns des cloîtres, quand ils se doivent rr.t.iriu• Jan$ retrouPé en arab;i au Si11cû , dans Ana.lccta l1olla.n<lu11,a , t. 77,
Jours collules: qlli sonl à courir dan~ une ville, quand ils doivent
195!), 1>, 332-369. - I. Hausherr, urt. Biographies spirituell6s 1
11ssislo1· à vêpres et à l'oraison: qui Jorrnent quand ils doivent
tlpoquc by.-1J.11ti11e, DS, t. 1, col. 1637-1638.
chanter nH1.f,ines nvcc la cornrnunauté; qui parlan t avuc une
égale liberl,ô duns tous les tern 1)S • (11, p. 87), Voici ceux q1,1i J ea.n DAnnouiàs.
sont avirleR de dispenses et qui forcent la 111uin du sup~rienr,
et CP.UX qui n'obéissant <lu'li lotll' volonté propt'ü se livi·ont 1'.I
de$ a11Rtlirités snns permission et devi(lnfulnt les • tn(lrt,yrs du 2 3. ÊTIENNE DE SAINT- SABAS , n1oine, ha-
diable " (1H, p. 105). Voici ces religieux • proprlétairAR • qu'il glographe et 1nélo<le, fin du 8'' siècle. - Le Syna:i;aire
rant oxcomn1unier (87), ceux qui rnurrnur•ont et RÀnH:nt la donne à Étienne le titre de co1npositeur et voit en lui
discorde, ceux qui veulent vivre indépcndnnl,R et dont il dit : un neveu de saint Jean Da1nascène, rnais on a souvent
• L'œil devient. 111onsll•ucux quand il n'est plus 1111ch1îs:st, dans confondu ce n1oine avec ul\ ho1nony1n13 qui lui est un
la tête et le reli1,ieux n'est qu'un n1onstre quand il n'c•i;t pas pou antérieur. Le dernier biographe d'Étienne le mélode,
uni à son corps , {'12, p. 99). S. Mustratiadès, distingue bien deux. Etienne, mais
Les repr'ùches ahondon t et il n'iIOp<)l'f.1-l guère <le les considère lu Vit~ éditéo sous le nom clu thaurnaturge
connaître to11s. Les Exhortations ont dû êtl'e prononcées con1rne celle <lu neveu do Darnascône : d'o\) d'inextri-
dans los annéliS ,.670 à '1680. L'observance avait connu ùables rnép1•is1~s . D'après l'histori~1n du couvent de
ses plus h/.laux jours vel's 1630. Dès avant la. 1u(H•t du Saint-Sabas, C, Phocylidès, Je ,nélode se,•ait mort avant
réformateur, Philippe Thiba.u.11., en -1688, Jean de :-;aint• 807; l'œu v1•e qui le date est sa Pa.ssion des vingt 1noine1
Sarnaon en 1684 et T.,1~on de Saint-Jean en 1 635 joLaiont. ,na.rtyrs, écrite a.p1•t'ls 797 (cf F'. Halkin, Bibliot/ieca
l'alarme. En 1.650 et en 1668, les provinciaux prennent hagiographica graeca, ac
éd., t. 2, Bruxelles, 1957,
10 1521 ÉTIENNE DE S.-SABAS - (~TIENNE DE SALLAY 1522
s. n. 1200, p. 96). Il est aussi l'auteur d'une Vie dfl saint
re Craveo (Yorkshire), aux confins du Lancashire. En
Ro,nain le ;eune. 12:34, il e~t abbé de Newminstor (Northumberland),
\S Son œuvre paraît avoir été surtout liturgique. Dans d'où était issu Sallay. Enfin en 12',7, Fountains, 1naison-
il son cataloguo des 1nélodes, C. Éme!'ea.u distingue pru- n1 ù1•e de Nev,minste1•, l'élit abbé. La inort le surprend
de,nment trois Étienne, Je Pten1ier sans surno,n, le le li septembre 1252, tandis qu'il se trouve dans une
IX second ha.giopolito, IA (.1'(1lsiè1ne sabaïte. Eustratiadès rn,tison-fllle de Fountoins, Vaudey (Linoolnshh·e).
le n'en adrnet qu'un, bien que l'on ne puisse prouver que
Ill qu'il ful enterré, au chapitre, 1,bi ,niraauli.s chorusaat.,
toutes los œu vres signées :fi tienne duns les livJ'eS Iitur• ditC'ost la chronique de Fountains (Me,norials of the abbmJ of
gigues soient du mAme auteur. Lo n1élode a composé sa,:,1,-1l1ary of Fc11uttains, Surtees Society 42, ôd. J. R. Wal-
des hirrnoi (hyn1nes-types, dont le l'ytlune sert do 1nodè]e br,1n, t. 1, 18G3, p. 1.37-138).
à d'autres); certains d'entre eux présentent la parti- Avant les travaux cie A, '1-Vihn~rt on nè trouve guere le non1
cularité (l'être I'œuvro corn1nune d'un J ean(= Damas- d'l:ll.îEJnne de Sallay. ~,es répertoires littéraires anglais ne Je
cène) et d'un Étienne. Sont oncore de lui los r.an.011s cilont pa.~; C. do Visc:11 ne le 1nen t.ionno pas dans sa Biblio•
pour la ci1•co11cision (1 ".. janvier), saint (lrégoire ('12 thr.ca 8criptorurn sacri ordinis cisterr.icn1sis. Seul U. Chevalier le
1nars), les vingt n1oines rnartyrs (20 n1a.rs), saint Georges slg1111le !urtiven1ent dans sa Bio-/Jibliogri~phie ( lli!pcrioira de.9
de lfitylèno (7 avl'il), saint Savinien et ses compagnons $01,rccs lii.9t1>riqucs cl1, n1011e11 <Îg<,), t. 1, Paris, 1905, col. 1389.
.e (25 septembre), Cyriuquo l'anachorète (29 septeuibre),
l•:n 1 \!29, A. Wihnart publiait Les rnéditations d' fi:tien-
il ÉUenne le sabaîtc (28 septembre), sai.nte Barbe et sninL ne de Sallai .91Lr les joi,•s de la Sairtte v,:erge. Ces 1nédita•
e Jean Dama$Cène ((t décomhl'e). ()n lui doit ennn des
,s tions, trouvées dans sept mairuscrits, do11t plusiour:;
idio,nèles (hy1nnes qui n'onL pas servi de 1nodèle). anony,nes ou psoudépigruphiques, sont publiées d'après
1. dos versets et aut.1•e:, pièces éparses dans le Triodion, te rus Pa1•isBN 10358. l!Jtien,10 les coinposa à la de1nande
1- le Pentécostarion et les M·énées.
d'un n1oine inconnu, dont les instances finirent pa1•
On ne peut guére t.ire1' de ces œuvros une connais- AVc.,ir raison do sa t•ép ugnance à truitor ce sujet si $Ubli1ne.
à. sance de la pel'S01tnalité spirituelle d'Étienne, de sa ParcG que la joie de l\-Iarie est un profond 111ystèro,
s doctrine, de i;on style, cu1• les éditions sont partielles porsonne ne peut prétendre l'épuiser:« nen10 ad plenun1
ou insu/Tisantes; elles pe,·mettent surtout de conclure no vit, diversi diversis modis 1oeditantu1•de his gaudtis ,,.
e à l'existence d'un 1nouvement impor•ta.ot de prière et • Pour hü, ad simpliciu,n aodiflcationem (p. 892), il
s d'art liturgique issu de Saint-Sabas sous l'ilnpulsion
gr•oupera ses réflexions en trois Caiscoaux de cinq joies,
r do saint Jean Damascène et de ses disciple$.
.i in tres quina.rios, pour qu'on puisse les interrompre
JJ:ditionfl. - 1) Vic de saint Rolliain, éll géorgîen, édilée faciloment : •1 ne pariat, ut assoleL, copia congesta fasti-
par A. Khakhanov, 1l1aterialy 7u, gruzirwlwj a.giologii, dnns diun1 » (RAM, t.10, p. 392-39a). Après chaque quinari,.1..1,
1'r1,dy po 11ostokoo~d,J11iju., rase. 31, MùHçou, 1910, p. 25-r.6;
B traduite en latin p11r P. Peeters, S. lloniain le 11coniartyr (t
un résumé de$ joies que l'on vient do inéditer assure un
I mai 780) cl'après un rloMunc,rlt géorgien, dans A,ialccta bol-
répit dans la prièro.
la11diana, t. 30, 1\111, p. r.09-427; une ti•aduclion ru6se sui• un Cos quinze ml:ditalîôns Ront construi les sur le mên1e plan :
' aul!•à té1noîn 1nanuscril a été donnée par C. IC0kelid1.e, Novoo- 1. La rneditati(> d'abord conaidè1•e une joie do :Marie; 2. u11
tkrytyj agiologif.e.skij pclmjat11ilr ik,11wb(Jrécskoj èpoxi, cl.1ns les g1,i,dii,m ensuite propose sucdncto1nenL cette joie on s'adressant
Trci'1aux d.e l'Acadé111ie. ecclésiastique de Kic,v, juin 1910, p. 201· il lfl Viel'ge; a. ontln la pcticio sollicite une grâce correspondant
'
I} 238. à la joie que l'on vient de méditer, et conclut le tout par I'Are
' 2) Pass ion des 11i11g1 moinr,s sabailes : éclif.❖e dans AS, 1n11r8, à Murie, selon la formule en usage à l'époque dans le Yorkshire.
' l. 3, p. 2*·1'•* (apponclîço), réédiléo par A. Papaclopoulos- Ain,;i son l envisagées les joies de la Vierge dopuîs sa naissanco
Ker11,m1;1us, I:u).).oy,\ rr«ÀataT!"'l, >«<l oup,a><I\~ ay,0Àoy(<X1;, t. 1, jusrru'à celle du Sauvour, puîs jusqu'à la passion de Jésus el
Saint-Péttirsbourg, 1 \107, p. 1-'i 1. l'n.~somplion de Mo.rie (Etienne procla1üe l'asson1pLion•çorpo-
rnlln de la Mère de Dieu). C'est dire qu'il faut compte!'
3) Œuvrcs litu.rgiq1,e.s S. Euslralîadès, E!mtoÀ6ytov, l!lLionne parnü los précu!'scurs de la dévotion au Rosaîre,
ChAnnevières-sur-Marna, 1932, pàssim; rro,,,Tal ><al ôµvoycâ,;,,H hériLière de la dévotion aux joies de Mo.1·io (M. Mahé, Au.t,
' Tli<: 6p6o86tou ixx>-·nolo:~, L. 1 (seul paru, roprand des arliclos sources de ,u,tre Rosaire, VS$, t. '•• 1\151, p. 101-120).
' do Nea Si,;n de 1\lâà ol 1931,), ,Jérusalen1, 1940, p. 392-376
(=- 476). . ' Noter ~1ue nous nous trouvons devant de véritables • n1édi•
l11lions •• annonçant à coup sûr le souci <là méthode appelé ù
Éludes. - P. Peeters, art. <:ir.é siipra, p. 393-409. - C. Eme- to.nl do retentissomènt.
/ reau, Hymnograplii b11zt111tù1i, dans F.:chos d'Orient, l. 2'i,
1925, p. 173•17'•· - .1. Phoc:yHdés, '1-1 ltpa. >.adp0< I:â6o: ;-oil
•hy1aaµ.tvou, Alexandrie, 1927. - Hoberl P . Dlako, JJcux làcttnes A. Wihna.rt -1ttribuaît avec l'aison à Jl:tienne quelques
co,nblées dan.~ la P cissio x x 111onaclir>rilln sa.baitaru,n, dans auLres u1éditations plus cotirtes, conservées dans deux
Ana.lecta bolla11rlir11ict, t. 68, 1050, p. 27-43 : distingua les cieux des sept manuscrits dont il a été question plus haut,
Étienne, le thanmat11rge dont nous pOijSP.dons la Vie, l'hagîo- santi titre. II les publia en 1930 sous Io no1n de 2'riple
graphc cl ulélode dont on no connaît que les rouvres et. la 6:t,ercice, pour exprimer leur indéniable caractère
parenté avoc .ru11n Damascène. - Il. O. Beclc, J(irche 1i11d d',, oxorcice i> spirituel. Ces rnéditations semblenL s'adres-
tlle<,/c>gischc Literatur irn l>yz<uiti,.ischen Jleich, Munich, 1959, ser au 1nêrne dostinatuire que celui dos Joies, qu'elles
p. 507-508.
ont vraisemhlableu1ent précédées. L'auteur no los a pas
Jean DAnnolJz,'.:s. données de gaîté do cœur, cat• en ce don1aine il vaut
n1ie11x se tuire que p,lrlor, parler qu'1\c.1•ire:" hujusn1odi
24. ÉTlENNE DE SALJ'..AY (SALLEY, SALLAi, spiriluulia st.udia n1agis sapiunt m.editata quam dicta,
SAWLKY), 1' 1252, abbli eistercien, appel6 aussi Étienne magis etia1n dicta quarn sc1·ipta >>, Final1nneot, il s'of;t,
d'Easton (du lieu de sf\ naissanc(), dans le district de résolu à Irlettre par écrit ce qu'il avait dit c< de modo ora•
Cleveland, Yorkshire), Êtienne de Ne,vminsto1' ou de tioois et n1editalionis ... ad simpliciuru aedificatiooern "
F'ounLains (rnonustères oit il fut abbé). - .ÉLienue entra (R.i\.l\-f, t. 11, p. a6'1 ). Ces méditations portent sur Diou,
au monastèro de Fountains (Yol'k$hire); il y romplit St;)$ dùns, ses grt'ices; s111' la Vierge; sur la félicité dans
dura,nt. plu~ieurs années les fonctions do cellérier. la. Jérusaloin d'en haut (les gl'oupes de bienheureux
En 1223, on le trouve abbé à Salluy, dans le doyenné de défilent û01r1111e autant de réussites des dons de Dieu :
'
ÉTIENNE DE SAJ.,LAY É1'IENNE DE SIOUNlE 1524
1523
E. Mikkers a découvert doux autrus petits traites dont,ù
anges, patriarches, prophètes, Jean-Baptiste, apôtres, attribue la paternité ù Étienne, et dont il prépare l'éditioii:
martyrs, confesseurs, vierges). De i11for111a,1ionè, n!ent~s circa psaln1odiam di<,i ac 11octis, parlant
Ces deux séries de méditations, si elles sont avant tout surt,out do la me<litat.ion de la passion du Christ durant l'offiœ,
l'exp1•ession de sentirnents dévots envers )Heu, le et Ds co11fcssione, reprenant pow· ainsi dira lo chapitre promlor
Christ, Marie, ne 1nanquent pas de 1>erspective théolo- du Spcculu.111.
gique. La Trinité, l'incarnation, les sacrenients y ont
1\. ~il,111arL, .Les 1nddi1atioris d'Étienne de Sallal Rur les foîu
leur place. Étienne n'est pas un théologien ni un autour <le la Jainte Vierge, RAM, t. 10, 1929, p. 868,1,1.!i; reproquî\
spirituel très original, mais il ost un bon témoin de ee av~~ q110lques mo<lificalions ~011s le titre Les m4ditatio"'
que fut, à son époq\18, dans son milieu, la ~ cultu1·e d'Étienne de Sallt'/f s1tr Ici; J<>fr.~ de la Vierge Marie, dans Aute~
spiri tut~lle 1nonastique )). L'Écriture, la liturgfo, les .~piritucls et textes dévots du. 111oyen âge latin, Paris 1932 p. Si?•
Pères l'ont marqué, comnle en témoi!,{ne son équilibre a60 (abonda11tc bibliogruphio); T,é triple exercic; ,l' tâenns dt
spirituel. , Salh1.i., HA!\{, t. 11, 19!10, p. 355-3711. - J. 1'lcNlÙl,y, StepMn
Le Miroir du novièe, publié en 19116 pl:lr E. Mikkers ot oJ Jia~ton, Abbot of Sallcy, Ncw1ni,1ster ctrnl Fo11ntains dant
J'Qrkshire Ardiaeological Journal, t. a1, 1931, p. ',9-6i; Tk
que, pour des motifs de critique interne valables, il Çllartulary of the Cist,crci(J,n Abbey of St. Jl!ary of Scdl~y ia
attribuait à J~tienne, esL d'allure Msez clilTéreJ1 Le. Une Cra_ven, coll. The YorkRhira Archaoologiclll Society, ReeOl'd
1
partie de cc texte (un tiers t,nviron) était déjà sous le Sertes 90, t. 2, \,Vnkeflel<l, 19a4, p. 192-19a. •- J. Cox Russell,
1 l· no1n de Doctri,1a Ber11ardi pùr1lli les apocryphos ber- S1cphen of Easton, duui; llicti.011(1.r/j of Writcrs of the thir~all/A
nardins depuis l'édition des rouvres complètes de 1515 Ce.11tury Eriglanrl, Spccial Supplt,nncnt n. 3 to the Bulletin ol
(PL 184, 1177-1182 : Alia doci~me,,ta vitatJ religi.osa.e.). the Institut(! of lristorico.l Resourch, T, ondras, 1986, p. {66·
E. Mikkers le publie d'après Je ms de Bruxellr,s Bibl. 157. - E, Mikkers, (/11 • Speculum. no<>it.ii • inédit <l'Étiennedt
R. 2724-39 (16 8 s.). L'auteur y proposr. un di,•ectoire Salle.y, d1111s Collcctanea. ordinis cisterciensiitni re.formatorum,
spirituel au novice cistercien, qu'il guide dans tour, les t. 8, 191,G, p. 17•68. - Traduction française de la 15e médita•
tion a,1r lès joies da Murie (l'A~somption) dans L'AssompMn
exercices de la journée. L'exa1nen de conaci,>.nce du <le Nolro-Dam,c. •rextas choisis et présentés pllr P,.J. Heaberi
chapitl'e pre111ier ot la liste des remèdes contre le:; tenta- et Iil. Dcrto.ud, Paris, 1952, p. 229-282.
tions au dernier chapitre (24) sont extrême1nn11t révé-
lateurs de la vie interne de conimunauté. O;~ns l'en- Maur STANDAERT,

semble, l1:tieune insiste sut la dévotion au•Chri1:1l souf-


frant et la méditation de tous les mystères de Jésus, 25. ÉTIENNE DE SIOUNIE, écrivnin arme•
tant à l'office divin que dans la prière privée et (1 urantles nien, t vers 7a5. - D'après la tradition, Étienne est né
dive1•sos oceupa.tions de la jou1•née. Il piu•le aussi de la à Douina, au nord d'Artachat, l'ancienne caJ)italc de
dévotion à la Trinité, aux cinq plaies du Christ, à Marie, l'Arl!1éuie J)arthique (cr H. 1-Iübschmann, Die J.llla,,•
au signe de (',roix. Il sait que la n1aniëre qu'il présente menisehtn Ortsncune11, Strasbourg, 190'•• p. (l22); il
ne constitue pas le sornmet de ltl prière, 1nais, dit-il, appartenait à une faniîlle sacerdotale. Après do premiè•
il faut s'en tenir à cet hut11ble début aussi longte1np$ ros études au monastère de Mark'onik', il entra à la
que la ~â<:e n'invite pas à 111onter davantagH : « hoc célèbre école des vardapets de Siou nie, que dirigeaît
modo sis oontentus, et esto ibi, osque dun, dicatur h-Ioïse; p1•omu docteu1• en théologie, il y occupa la chai~e
tibi : 11 A.socnde superius », id est ad subtilio1•01; et supe- d'exégèse biblique; puis, choisi par Moïse corn me coa<J.,
J•iores de ipsa doitate contemplationos ». Il venait de juteur avec droit de succession, il pl'éféra se fixer
citer \1n mot d'Aelred de Rievaulx (Sp1wul1un carita- auprès tlu catholicos de Oouine pour y continuer ~oil
tis ·1, 5) : << donec plun1oscas sub alis n1atris gratiae ,1. enseignement de l'l!.:criture sainte. Face aux querelles
En ce qui. conceri\e la lecture, ~tienne con:icillc le christologiques, il sut garder une position modérée,
Iivr•e De usibus do l'ordre, l'antiphonair•e, les vies des sinon peut,êL1·e orthodoxe. Pour parfaire sa culturo philo-
Pères (du désert), les Dialoguçs de saint, Grégoire. sophique, il se rendit à Constantinople, où il séjourna
Lorsque le novice sera un peu plus avancé, il prundra une quinze ans. Rentré en Siounie, il y fut élu catholicoa,
nou1'1'it.ure plus solide : l'ancien et le nouveau Testa- ,nais il mourul. peu après (735?), assassiné J)ar·,uoe
ment. Par ailleurs, :gtienne recomn1ande saint Benoît, fe1nmo de mœurs légères qu'il s'elTorçait. de convertir. -
les Confes,qions de saint Augustin et ses co1n1nontaires Ces données biographiques restent, aujourd'hui encore1
de Psaumes, Cassien, certa.ines lettreR de saint J érôrne a!i$OZ problématiques.
et, par1ili les auteurs cistercien.$, Guillau1no do Saint- Peu de choses ont survéou de la production liU.ér.ûre
'l'hierry 1' 1148, Aelrcd t 1166, Gilbert do lloyland t 1172. d']Î;tienne : quelques fragrnents d'une Explication du
Re1narquons que saint Bernard n'est pas mentionné, bréviaire, des Hymnes eri l'honneur de la résu.rrcction
alors qu'Étienne le cite à plusieurs reprises, · ot entre du Chl'ist, et vraisemblablement l'opuscule Sur l'incor-
au t~es au sujet de la manière de lire : non pour sa voh•, ruptibilité d,e la chair, trans111is sous le noin d'l1ltienne
vanuas, ou poui;- cor1·igor ceux qu'on n'airne pas, ini- le philosophe (éd. O. Te1•".l\>fokertlschian, dans Ararat,
quitas, mais poür se corriger soi-1nê1na. Il fuut éviter t. 85, 1902, p. 868- 1,00). Étienne passe pour avoir. co111>
les questions disputér.s et les sophis1nes, tant on 111aUère monté le livre de Job et les prophotes Ézéchiel etDanid.
profane que sacrée, « quia tranquillitatern 8piritus et Sou séjour à l'étranger le ,nit en con tact avec les Pères
S\1avit~tcm tul'bant, inio aliquoties ctian1 penitus grecs, et en collahoral;ion avec David de lla1•k, il tradul•
exter1111oan t ». sit un Co111n1entaire (anonyme) du J.Jic,itique, le De 11atuni
JI 11e peut que ce Sp;iculu1n ait précédé les médit,ntions sur lea lw,ni,u:H de Némésius d'Émèse, J)l·usicurs ouvrages
joies et lo Tripli! exercice. En tout cas, il ajoute réellement ù d' Athanase ot de Cyrille d'Alexandrie, et les écrita da
notro connnis11sncfJ de la monièra d'Êtienne et aus;:i de la vie pseudo-Denys l'aréopagito avec une partie du commen•
splrH~elle à l'i1lLériour d'un nionastère cisLCJ'cien nnglais du taire de Maxime le confesseur. Quelles qu'aient étil la
1a• siècle. Suns doute est-oo au patronage de snint Dcr·nard, valeur de ces traductions et la contribution personnelle
sous, leqnel ont circulé dos fragments du Spcc1.1l1un, que ce d'Étienne, cetl.e activité littéraire dénote un osprl~
dernier dolL d'avoir exercé une influence ccrt1.1ino sui• la spiri-
tualité anglaise, par l'intermédiaire do nichard Rolle, ouvert, assimilateur et soucieux de faire connaitre
k' 1625 ÉTIENNE DE SIOUNIE - ÉTIENNE DE TOUI-lNAI 1526
l sans exclusivisrne les richesses de la tra<liLlon de l'Église en reste ttès libre; il es·I: beaucoup plus question do
ancienne. t1~nue extérieure, dans les sorties, les· repas, à la psalmo-
t
1, P. Sukias S0111al, Quadro dellt. <ipcrc cli ,•<iri autori anticame11te die, au coucher, dans les visites, les réceptions d'hôtes ;
r tradotlè ii1 a,rni.eno, Vonlse, t825, p. 29-32: Quadro della storia t.nus ces conseils vis1;1nt plutôt l'anachorète. vivant
letteraria di Armcr1ia, Voniso, 1829, 'p. r,7-r.9. - lit Brosset, avec quelques compagnons occasionnels que des céno-
Histoire de la Siounfr p(u• S1.épcu1os Orbélian, lrud. fr11nç.., bites.
B 2 vol., Saint-Pétershourg, 1864-1866. - J(. Zarbhan01i11n,
t Catalogue des ancz'.e111ws trad1u)tÙ)rts a,rrndnicnnes, Venlso, 1889, 1/édition ot lii crit.iq11e 1lu texte rcsl(Hlt à taire. Bian que
8 p. 871 et 62\J-632 (on arménien). - l,. Alishan, Sissakan oit l'hypothèse de Dyobouniotis &oit improbable; il faut expliquer
8 Descri1)tion. clc la propince de Sanilc, Venise, 1898, p. 66·70, 128 1111ssi pourquoi ce 1/Qlbain n'oHt pa.a connu des recueils autêrioura
(on arrnénien}. - J. Dashio.n, Kurze- bibliographiRDhe Slltdic1i, nu 11• siècle. Oo signnle des versions géQrgicnncs el ara.bes;
Vienne, 1895, p. 1-16 (en artnénien). - P. Vottor, Stephan cr G. Garilte, Cau,lfJguc <les 111c1nuscrr'.ts gt!orgù:ns lill.ifrciires du
von Sanikh, dans J. 1-Iergenrot,her-F. Kaulcn, /(irchenlexilron, m<1nt Sinaï, CSCO 11,r,, 1956, p. 111, et Le 1l1uRt!o11, t. 67, 1954,
2•éd., t.11, Fribourg-en-Brisgau, 1899, col. 768-770. - F. Tour- p. 77• 78, n. 19. - O. Ornr, G<,schù,hte der christliche11 ara(,ischcn
nehi~e, Histoire pol'itique et rt?ligif.ute dt. l'Armc!n.:C, Paris, 1\110, l,i1c,rat11,r, coll. Studi e TeRti, t. 1, Cité d'u Vatican, 19r,1,, p. fi1~;
p. 140-162. - K. lCiberian, Jlistoire de l'ancie111rn littérfl/(tl'f. 1:. 2, 191,7, p . 4\17-498; L. r,, 1951, p. R.
arménienne, t. 1, Venise, 1944, p. 198-201 (<in iirrnéni:enJ. - J ean DAnnouzils.
N. Akinlan, Der Philosoplt Dfu1ùl. (ttJ~ liark', dans 1/a.ndës
Amsoryc,, t. 70, 1\!56, toi. 12il-16il, 301 -320; t . 71, 1957, col.181•
159, 267-28:t (en a1•ménion). - DS, l. 1, col. 863-86'•·
27. ÉTIENNE DE TOURNAI, évêque, 11.28-
1208. - Né à (>rléans le 18 février 1128, Étienne, après
B
Joseph l{A111:1T. dr:s études littéraires ù Orléans et jul'idiques ii Bologne, so
1, faiL cl1anoine régulier vicLorin à Saint-Euverto d'01•Iéans
26. ËTIENNE LE THÉBAIN, moine. - I~n vers 1155; il poursuit la théologie à Chal'tres, devient
ri divers rnanuscrits se rencontrent des opuscules attribués abbé de Saint-Euverte en t167, puis de Sainto-Oone-
t à un Êtienne le thébain. Trois titres apparaissent : viève de Paris on 1176, enfin évêque de 'l'oun1ai en
1) DrecplXVOU µovaxov 0'1)6,x(ou Àoyo,; IX<TK'l)ri'LK6ç. Ilp&-rov 1191 /1192. Il intéresse surtout l'histoire de l'Église et
µév, -réxvov, &.no-r&.ooou -.cj> x6aµcr, .. , dons J>ari,qinus gr. l'hisl.oit•e du droit canoniq111➔, ruais s(\ qualité do supé-
1066, !. 86-94. Un autre n1a.n\1sc1•i t f)Olll'l'ait avoir le 1nême rieur plein d'exp6rience, son zèle pour la. r6forn1e et la
texte intitulé logo:; : .La.vra. 248 (1, 8). di:icipline ecelésiastique, sa situation hnportante dans
2) .ÔL(X't'O(;Lc; 'l'OÎ> ,iy(ou l;,e;cpixvou 1têicn µovaxot,;. Ilpo .le royaurne de Philippe-Auguste à la fin du 12° siècle
donnent une certaine valeur à ce que l'on peuL entrevoir
1t«ll'l'(J)V XP-fi~oµe:v ..-~v rraite:Lvocppocrov'l)v ... , dans .l.aurcn-
de ses conceptions sur la vie religieuse. Il 1neurt en 1203.
tia11us 1x, 16, I. 79v-81, dont le contenu recouvre exac-
tement le Ser1no12 3 d'Isaïe de Gaza (PO 40, 1108-1112); (,:tienne est un conservateu!' en religion comme en
l politique. Chartreux, cisterciens, chanoines réguliers
• on le trouve encore dans. Mosqu.ensis 350 (Vladimir)
et dan.s. H icrosolyrrâtanus S. Sab. :17·8. Ce dernier, du lui pa1·11issent g<1r.intir un cadte solide et austère aux
l
1se siècle, fait d'ÉUenne un sahaïto et d(ln1\e à cette caudidats à la vie religieuse, d'autant qu'il ad1net,
t co,n.mo on le faisait depuis saint Bernard, le droit de
l diatc;I:i;is le titre du morceau suivant.
pa:;$er à une religion t)lus st!'icte; mais il n'a que
• 3) l:-re;<p&vou (:-)1)Ôot:(Qu tV't'OÀ«t -.o rc; CX'!rO't'O(O"O'Oµé1101,;. 1nùllance, et même nlépris, pour l'autorité ilnpru-
r Ilp<7>'t'OV 1,1.èv (J.'~ t)(E XôLvcovlocv µetrcx yuvaLxwv ... , dans Pari.- d131n1nen t laissée aux laïcs dans l'ordre de Grandmont.
l sinus Supplérncnl gr. 1329, f. 12{tv-126v. Ce texto est (Ep. 1, éd. Dosilve, p. 8-16). Néanmoins, il s'incline
s assez couran L, niais le titre peut rocouvril' les opuscules d'assez bonne grâce dev.int la vocal.ion exceptionnelle
2 et 3. Voir Aihoncnscs 89, 3766, '•~'•9·, lt528; Athenicnsis à l'éré1nitis1ne que son confrère de Saint-Euvorte,
440; Vatopcdi 1,72; If ùirosolyniitani Patriarch. 170, 215; Guillaume, s'était trouvée après quaranto ans de vie
a S. Safi. 162; Mosquensis (Vladimir) 850, 1133. Cette cxnmplaire au cloitre, et la lettre q11'il lui adresse le situe
\1 œnvre apparait tiussi dans quelques collections d'apoph- lui-rnêrne il l'égard do l'ér•émiUa,ne (Ep. 188, p. 230-
e tegmes : l'arisinus gr. 1.5~ 8, I. 135rv (attribuLion à 231,.).
,,- l'abbé 11.:tienne anachorète ) ; Bur111-'1Jar1us 50, t. 2, f. 125v-
126 (abbé Étienne, premier logos des co1n1nanden1ents). Si 11:tienne pense être plus favorisé que lea gens n1ariés,
Une partie do cct.to œu vre a été éditée. par C. Dyobou- 1n,tlgré S8S chargea de gouver11e1nonl, il sa juge inférieur aux
er1rütes: il n'oOt p11s conseillé à son o.rnl d'e,nhraaaer leur vie,
niotis, d'après un O\anuscrit du monastère de la Chozo- mnis il no lui consoille pas d1l la quitter, car ollo est plus pure
biotiS$a (Amorgos) dans la revuo 'Itpoc; l:ov8Eaµoç, et plus dure (alciora et arciora). l''élicitations et oncourage-
n. 192-198, 1913; l'édition coin prend les textes 2-3 et rncnts adressés à Ouillau1no sont d'uo épistolier habile à 1nanier
•• une prière 8\1 Christ qui semble du mê1ne anteur. les formules heureuses et les r6rniniscences bibliques. M8.is il.ne
L'éditeur émet l'hypothèse que cet Étienne n'est autre lui rnénage pa.~ les conseils d'une prudence assez concrôlo.
que saint fltienne le aabâite; mais il est boaucoup plus Point n'ust besoin d'égaler les jcOncs des Pères de Nitrie ou de
facile d'expliquer la transforlinalion de Thébaïtès en Gern1ah1 d'Auxerre; la n1esurc (mediocritas) de a1,1int Augustin
1. est. pré!érttblc. Il faut éviter aussi les prières trop longues et les
Sabaitès au 18" sièclo, PA.l' un copiste de Jérusalem, etr1111ions dramaliques, n18:s p1111ser sageme.nt do la prièrè (oratio)
s que l'apparition d'un Théba,ios dans les ,nanuscrits il la lect.ure, puis à la r6fioxion (me.ditatio); et si uuo lecture
l- anciens, où la distinction ost. trè$ nette. Ln Vie d'itienne trop longue étourdit I'er1nito, qu'il oille se promener au 1nlllou
a le sabaïte (cf AS, juillet, t. 3, 1728, p. 599 svv §159-160) do l11. verdure. Les derniers 111ots de la lettre pron1et tent au
s n'offre aucun point cornrnun avec cos textes. dc1:linatair0 au échange de ses suffrages et de ses exen,ples, non
u Le pre1nier opuscule est un recueil assez décousu do pus l'équivalont, 111ais un souvenir • là où le Fil$ est offert au
l- conseils adressés au t1ls spirituel qui s'initie à la vil~ Père, ot où le péchêur supplie le Sauveur dans l'otTrando du
a salut ».
monastique : l'enoncer au rnonde, pratique1• l'!lscèse des
le vcrl:us, se ter)ir dans sa ccllnlo, chasser les pensées .l ,a Su.1n1naDccrcti no peut être complètement négligée
it mauvaises. Le deuxiè1ne et le troisième ne s'adres$en t par l'historien de la spiritualité. Ph. Delh11ye a j oste-
e plus au co1nn1ençant !'nais aux moines, la conlposition mcnt fait 1'e1narquer qu'Etienne<• pl'ésente la perfection
1527 ÉTIENNE DE TOURNAI ~ ÉTRENNES 1528
1norale co1nme un édifice qui s'élève lenLenhHlt à la mascarader; et de festins souvent licencieux. J.,11 coutun1e
gloire de Dieu », que la vie 1norale est pour lui « touL 1 des strenae se retrouve aussi, par exemple, en Gau I.e dans
entière centrée sur Dieu, qu'elle est épanouissement et le rite do la cueillette du gui au cri de Au gui l'an 11mif /
expression de la grâce di vine, rh~ la participation à la Leur origine paîonne, leur caractère supe1•$t.Hieux et
vie théandrique elle-,nême >, (1lloral1; .. , p. 445-!146). licencieux rendt~ien t les strcnae suspectes au chrisUa-
Les serinons, - 011 en connaît aujourd'hui soixante- nis,ne.
douz.e, potll' la f>lupart enco,•e inôdit,g - , 1nonLront Ellus so1\t 1•éprouvéeR en t.ern'lllS véhén1cnls tant par leR
l'itnportance qu'(~tienne attachait à la discipline eL écrivains chrétien8, 'l'ert.11llian (De idololat.ric, 10 et 14, PL 1,
à la 1•éformo des religieux ot dos chanoines ••égnliers G7',b él 68:lb):Prurlence (Contra Sy111.nH1.cl11,n1 1, 237 svv,
(vg leltre 21>8, p. 332 -336; voiI· ausl-li la lettre d'auLh13n- PL 60, 1a9-140) ou saint Pacion de Barcelone (traité intitulé
Ucité douteus,~, p. fd1-l,,l9), Ccrvus ou C1?r11ul11s, aujourd'hui perdu, mois connu ùu Siliilt
Jérôme., TJe ,,iris inlttstrib1w 106, PIJ 23, 7041.1, t!l iluquol Pacicn
Les Lcitrcs d'Ét.ian,n> ùc To urnai Ront dans PL 211, 809-625, faiL alluRion au ùobu Ldo sa Pcirt:u:ntJ$i8 ad poenitentia,n, PL 13,
reproduisant l'édition do Cl. du l\Iolinet, Paris, 167\J, et un sup- 10S·lc), quo par los évêque:! dans le11rs ho111éliés de calcrulis
plément publié par J .•J. Ilrial, dans Notices cl c,1,;traitR des j<tnr,ariis (voir A. Blaise, Dictionnaire latin-français iles 111tl-<:ur$
rna1111.~cri1s de la Biblio1l11fqw1 du roi, t. 10, 2• p., Paris, 1818, chrétiens, Strasbotu·g, 19!V,, p. 777).
p. 78-121; édition criti11uo dos Lctr.rc~ pnr .J. Dasilvo, Vnlc,n- Ainsi, en Orient, Aslèra ù'A1naséo (PG 1,.0, '..11n-2i!i) el J~an
cionnes-Parill, 1893. - Un sermon synotlul est reproduit Chrysost.on1e (l' G 1,8, '.l53-\J62); en Occident, Auguslin (PL 38,
dans Pl, 211, 507-574, qui njou t.e lo so1nn1alro de 30 a\1tres; 102'1·1026), Piarro Chrysologue (PL 52, GOll-G11), ll-l11xhnc de
Desilve 11u!Jlio un aut.re 11ern1on, p. 426-'134. - 1". Schu!Lc, Turin (PL 57, 255-258 et 51, 3. 51,t,) et Cusairè d'Arles (CC 104,
1Jie Su.111,ma des !iMj>hanus Torr1cwcnsis ii.ber das Decrctran p. 779-780). Au 7° siècle, sain t ~loi, cvêquc do Noyon, s'ô,!rivo
Gratiani, Gieas11n, 1891. à no11veau contro cos ,i;,fanda et ridicul1Jsc1- (PL 87, 52Sh), 11110
J .•J, BrioJ, Histoire littéraire de la ft'rance, l.15, Pat·is, 1869, ùénoncc encore, au siècle suivant, saint Bonifac11 d11ns une.
p. 524-587 . - A. Wauters, d ans llio:;raphic ,u1tfonale, t. G, latLrc (PL 89, 74 7a) au papo Zacharie,
1878, col. 719-725, - P. }<'êr1it., L'abbaye de Sci.i111e-Ge11e11i~11e,
t. 1, Parili, 1tltla, p. 125-1!,?. - J. \,Varlchcz, Étiernie de 1'ourna.i ,1 L'attrait de ces fêtAs était tel que bien des chréliens
et so11 tc1nps, 1128-1203, 'l'ournai-Paris, 193?, él,uùe d'onsc1nble s'y Jaissa,iont entraîner >> ( fi'. Cabrol, Les origines
la plus compli)ta. - C:. Lcpointe, art. Étienne 1W Tournai,
dansDictiQnnaire de Droit ca11Q11ique, t. 5, 1953, col. 48?-492. - liturgique1J, cité infra, p. 203-204) . D'où l'institution
Ph. J)alhayc, Morale et tlroit canonique dans ltt • S1un111~ • par l'l!lglise d'une solennité ad prohibendu.ni ab idolis,
Il' étie11ne de To11rnai, danr; Studia Grc1tia11(,, t,. 1, Bologne, do11t la célébration le 1er janvier so généralise en
" 1953, p. 435.449; art. Êtiennc clc To11rr1<Û, dans Catholici~,ric., Occident, - les 1nissels le prouvent-, ent,•e le 4° et le
·t. 1,, 1951,, col. 595-597. 78 siècle, avant de cé_d er alors la place à la fête dt3 la
Jean Iler:QUET. Circoncision.
laes textos liturgiques flétrissant la vct11stas, la 1,rofo.nitas
ÉTIVAL (abbé d'EsT1vA1, ou d'), t 1682. Voir Louvs et la per11ersit.a,s des rites p11ïons. L'oraison (1.cl p<>f'11l,un du sàcta-
(Épiphane). 1nonlairo gélasien (7• sièclo) reprend une secrète, quelque peu
antérieure, d,, sacr111nentai1•e léonien ; • O,nnipolons se1npi-
ÉTRENNES. - 1. i:trennes l'l!ligùuis11s. - 2. Le.s terne De\1s, (Jui tuao mensne pllrtidl)f!S a diabollco jubes ahsti-
nere convivio, da quaeRttmus plebi tuae, ut gustu mortiferae
étrennes drJ,11.s les congrégations rnarialcs. profaniLatis abjccto, puris menti!Jus ad cpulns neternae s1d11Lis
acceda l • (éd. H. /\, Wilson, Oxford, 18\!4, p. 9).
I. ÉTRENNES RELIGIEUSES
1 c:, Origine. - Le substan tir la Lin str11rui, qui a Des conciles régionaux 1-lO sont occupés des strcnae
donné en français « éLrenne ,,, dérive de Stronia ou (la plupart do leurs ca111)nS sont rappelés au 11 8 siècle
Strenua, déesse de la santé et de la fol'cc chez les sabins. dans les Decre.ta do Burchard de Worms, PL 140,
Prin1it.ivement, le phH•iol strcnae est l'éS(H'Vt\ aux 835-836) :
cadea:ux du jour de l'au, fête d<1 Strenia, avec la nuanco • Celui qui gardA ,111elqua chose de In gentilité, déclare le
de « présage favorable " qu'aura str,n1a employé pur 28 concile de 'l'ours (567), ne peut être dit, pleinarnont chrétien•
Plaute. Selon Sy1nn1aque (l!.'pistola tO, fin du 1,1, siècle (c. 22, Mansi, t. \J, col. 803). - • A11x cnlondcs do janvier, pré-
après J .-G.), les ro111ains avaient adopté un usage cise lo concile d'Auxerre (578), il n'lisL pas permis d e se tra-
1·omontant au roi sabin Tatius, •contemporain de veRtir en 11etula ou en ccrvolu,s ni <la pralic1uor les strenas di.abo-
lfra.q et l'on ne doit pas fnirH plus de J)résents q1111 les auLl'CS
Ron1ulus : aux calendes de janvier, eu gage de prospé• jours • (c. 1, Mansi, t . 9, col. 912). - Le 1, 0 con1,:ile tlo Tolède
rité et de bonheur, ils portait:Jn l. aux magistrats et à (G33) domande l::1 at.1ppressio1l de l'nlloluia à 11.1 1nasso du 1 •r jan·
leurs amis des strenae, c'est-à-dire des brindilles de vicr qui, proptt:r ,i,•rormn gontilitatis, Ber~ on jour do jeOne et
verveine cueillies dans le bois sacr6 de Strenia i, l'en t1•éA ù'ii.bstincnce (c. 11, Mansi, t. 10, col. 622). - Un concile clo
de la "ia sacra. Phu; tard, pour rnieux :;y111bolisAr le vœu Rouen (milieu du 7• siècle) prononce l'unuLhùrno contre qui-
qu'il n'arrive « rien que d'agréable et de doux dans le conque, in kalendis ia,nriariis, atiquid feccrir. quocl o. pa8anis
reste de l'an néo», A la verveine, au laurier et à l'olivier, irwcr1tu1n e.•t (c. 111, 11-fnnsi, t. 10, col. 1202), - I.e concil0
s'ajoutent, puis se substituent, du nliel blanc et des romain in Trullo (692) prohibe" les tlèrniors vestiges do supursti-
fruits, parfois recouverts de polit.~ filets d'or. Sous tions priïouncs, les fêtes des culondcs •• leu rs dei:;uiscincnts et
l)(ln(fuèLS (c. 62, Hefolo-Loclércq, /iist.oire dP.s conciles, t. 3,
J'e111pire, - l'e1nptn•our tire des strenae de substantiels P11ris, 1\!09, p. 570). - Un autre concile t.enu 11 no1nc (?1,$)
revenu~ -, apparaissenL des terres cuites et des 1nédail- unath61natise cei1x 1pü useraient célébrP.r les culondes de janvier
les d'or, d'argent ou de bron1.e avor, des inscriptions ritu pag,Jnoruni (û. !J, 1wlansi, t,. 12, col. 38 1,).
comme .11nnu.1n no,1 u.ni, /1.ius/.1an, felù;,P.111,. .. (A.. -C. de
Caylus, R11c)ueil tl'antiqui:tés .. , t. ,,, Paris, 17GO, p. 286). Les L1•acol-l de paganii;1ne llnissen t par s'eston1pc1• et,
A cette époque, ,Tanus, qui a sou a\1t.el sur le mont Tar- si les étrennes sui•vivcnt, rares son L ceux qui songent
péo, partage, s'il 11',1 déjà. supplanté, le culte l'endu à encore à la déesse Stronia 1n1 à une quelconque divinité.
SLrenia; la fêto dos strenae n'en continue pas 111oins do Sans doute, d{1n$ lüs fabliaux et la littérature rnéd iévalc,
jouir d'une faveur accrue et de s'accompagner de e.8trèn11 implique toujours l'idée de 11 chance, fortune,
1529 ÉTRENNES 1530
~e
llS
hasard 1> (fi'. Clodefroy, Dictionnaire de l'ancier1nR I >S, t. 8, col. 03). - En 1616, l'éditeur }Jarisien du
fi /angf~e française.. , t. 3, Paris, 1884, p. 650), mais Je 111.iroir de.8 œuprcs chrestiennes dtt R. P. Jt'rançois dP.
sens du mot s'étend. llorgr:a, sans en alté1·er la pensée, tl'ansfor1ne Je titre
et
L'eatrenn.c (cstreine, eiurain.c), ce sern le• clébul. • d'un règne, d' un des traités en Estrenri(!II pour l'drne chrestiennc qui
d'uno année ou d'un jour, puig lo « prt\sent • of!urt à un autro dé11ire conunenccr lu:1,rell,{lernent l'arinée._.. (p. 33-61). -
pour s'associer à sa joie an un « dôùut. " souhailé heureux l)t~ 1662 à 1711, Jacques Corot (1631·1'721} s j écrit
(P, R.obcrL, JJi< :liunnciire alplu,b<ftique et. analogique de la Lang""
fra11F1isc, L. 1, Paris, 1951, p. 1 ??3), voire une "sorte de rede-
<;haque année une E'trène... à l'intention moins des
vance <1u'on uxigenit sous le non1 do pru1;un t, • (Ch, du Cange, congrégations mariales que d'un public plus étendu
Clossari1un 1nedia,1 <•I infimae latirtit<uis, l. 9, Nioi•l, 188 7, ( DS, t. 2, col. 2326-2327).
p, 1!Jt). Les clocunrnnts ecclésiasti1111es utlllsou l stren,1.1, el a:onia Citons tHl.core au 17° .9iècle : les Estrennes sp irit11,elles
(cc dernier est dans la Vulgate: Er.cli. 20, 31), par exempl11 t>ou,· 1.·1 réciproques Llii ciel et de la terre, données et publù!es à
désigner les petits cadeaux d'usagu à chnquo promolion cardi- l'oitiers l~ pr1Jn1ier jour de l'an11ée 1824 par François dt)
nalice (Ch. du Cnngc, l. ?, 1886, p. ü11 -612), ,1 oncoux o p; - une .'itrena pioru,n sicie lncito.tion.es a.d
rs
Sauf po111• 1nettre on garde con (,re les abus eL les sricrosancturn N onie.n J esu unica a1nandurn, 11en.erandu1n
et invocand11.1n (Munich, 1637) de Goo1•ge:; Stengcl s j
Ill dépenses trop onéreuse:; (L. li'o1•1•aris, .8iblio1heca cano•
8, nicti, ju.rùlioa, nzoralis, tluu1logica, t. 7, Rome, 18\)1., (1585-1 ti51}; - une Strena, qu(u: ab horninibus alterius
.,
le
'
re
p. 797-798), l'Église ne :;'inquièt() plus des éLrennes.
D'aillen1•s, :;a cond11,mnation ne visait que le pouvoir
rnftndt'. o(Jertur ornnibus àmat.oribus hujus 1nundi et
cjusdem conte,ntoribttS (Monàter, 161,3) par Josse And ries
( 1588-1 fj58) !s j, extraite de son .Faustus annu,•, niensis,
attribué aux strena.e et non les cadeaux; elle avait to\l-
18 h,!bdo1nas, dies ... (DS, t. 1, col. 557-558); -le .Portrait du
1e . jours toléré, entre le bapLii;é, ou sos parrain ot lllarraine, s~rviteur fugitif de Dieu fig1,re dans la personne <k
et Je cé.léhraut, )•~change d'olT!'andes et souvenirs que Jo,tctS el prél'lenté pour <1,,trenne (Donai, 1645) pal' Jean-
J.-B. de f-tossi appelle« ôLrennes haptisrr1alcs » (Bulletin r;:ral'd Foullon (1 GOY-1668) s j; - une réédition,
IS d'archéologie chrétienne, t. 5, Tielley, 1_868, p. 27).
ch.ristianis adolescentibu.s r.ollegiorurn S. J. <û1im,11is
Pour concrétisor les vœux, los étrennes prennenl des formes tnu1irL1n (Pa1·is, 16t,8), de lu Vl,ra horninis christ.iani
n diverses, Imagiers et graveurs s'y 11donncnt à l'envi (A. Spn-, ph.ilosophia ... do Charles 1\1usart ('l 582-1653} s j; - la
nier, Das kleine A rtda.cht.~bi/d vo111. x I v. liis zun'I x x. J ahrh1111- Scic,1tia sanctonun ... do Jacques Boy1nau (1605-1(169)
n La Rerrnisijnnco 111nll.ra à la lnode
tlel't, lliunich, 1930, p , 1,1,.!_;0J.
è l'estrcnr1c en vers : • pelll poèine acèorupngnnnL un r.ndeau fuit s j, d'abord in felicern niorl<~libtts 01nnibus strenarn
.a à l'occasion du r>rèrrlier jour <le l'an•, nulrr1e si" les dons ollorls (Cologne, 1651,) et, devenuo A11tidotur,i salutis ve;,a since-
pnr le poète ne soul p::i.~ toujonrR n1atériels » (I-1. Charn(lrd, r,,quc contritio (1681), aurea strena; - les Entretiens
Etrenne, dans Dictionnaire d<•s lettres frcinçaise,ç, t. 1 Le 16• .~iiJ, spir ,:t11,el,,ç (2 8 êd., Mon:;) de Pierre Pennequin ('1588-
cle, .F'(l.)'iS, 1951, p. 3Hi). 11ili8) s j, clon11és pour CSlrennes de. l'an J(jtJ7; - 1'.1lccord
Telles les 5 1, l.i'1Ur("1-tics dtt Clén1c1iL l\t!lrol t 1!it,4, ccllüs de (l/11.our,:1.1,x ent.re l' arnour de J és11..s 1Jt de 1'1arie au sujet des
poètes de la Pléiade et. les duux cstrcrtcs données ù Catherine de ,nistiricordieuscs intercesswns d11 la Vierge ... donné pour
?vlédlcis al, nu J>Clit <lue son fils par F'rani:ois Hnbcrl d' IA$OUdun P.slrennes (l)ouai, 1675) o.ua; DéPot.s de la Vierge p<J.r un
(t 1574), qui les joint il sa Nouvelle Juno (L.yon, 15'1!\); de théologien ,narialc (sic), Ferdinand Je I-Iennin, récollet
niElrne, en lntin, les 21, pièces de circonst11nce, pélillnntes
d'esprit, conslitoant les l{alen<lac ja11u,;ria6 (1!i97) do l'humn- d<) Lille. '
nisle Jean Pass<irnt 1' 1602 il Henri de Mesrnos. Au 188 siècle et après, divers t,·aités polémiques
adrO$$éS pro .tenio aux protest.anta par Martin Szent-
e Pourquoi s'étonner alor•s de voi,· des ouvrages inLi- 1vany (1633-1705) s j : Viginti quatu,or dubia ... ('l'y1·nau,
e 1.uléa " étrennes spil•ih1elles 11 ? Les plus nombreux 1700), Qu,inqu.aginta r11,tior1es et rnotiva cur ... Holâ religio
1, sont los ~e11ia dos congrégations 1nariales (voir infr<L), rorna.110-catholica .~it eUgenda (t 702), Lutherar1ic1un nihr:t
mais il en est (!'autres. ad rc,n, nr:hil ad proposit.1un ... (1703); - Ier; conunen•
8' t11i1•es de Jean Dirckinck {1641-'l 716) s j sut' les Cano11es
2° Développ0tneot. - En 161 3, est in1prirnè che1.
• Plan Un à Anvors \Ill Spirit.u(tliuni ,~lrenarrun ac variartan
dirr.ctiPi confralernitatis sar.erdot1t11i Bona.e JIoluntat.ù;
• (Cologne, 1709), déjà offerts annis praecedentibus
• concionurn nian1:pul1is (2 8 éd., 1620), dédié <lllX 1nagis- s11,ccc11siPe... in strenanz (DS, t. 3, col. 1000); - une
• trats d'Alost pat• I-Ienri Culens, docteur en théologie S1re11a calcndariuni exhibcns et in eo n,;,ctlwdurn pra,cticarn
5 et euro de Granunont. L\1,uteur propose le fruit de son btin.e vivendi et 1noriendi e:vemplis sanctoru.1n in si11gulos
l e.x,périence : 1< Serva vi annis aliquot... hanc legem ut, anni dies illu,Stratuni (Varsovie, 1728); - les Êtrenne.9
juxta quorumda1n concionatorun1 laudal)île1n consuetu- s1•.irituelles d'un jésuite anonyrne pour aider à sanct.ifier
t dinern, kalendis ,januarii spirituales $lrenas et 1noralia
D chrtqu,: a.nnee ou le bon e.,nploi du t11rr1.ps (Dol, 173{,); -
quaedam dona in suggostu populo 1neo distribueri1n ». IH:. Étrennes dfl Salo,non eonte11ant aut<1nt de sontences
Quelques années plus tôt, Jean Winibroot t 1625, qu.'il y ti de jours dans l'année, en tlistiques français
cistercien de Clairn1arais, avait publié <les Etrennes (l'aris, 1741) du dQctrinaire ,Joan-Philippe Valette (DS,
spiritu<Jlles, « dédiées l\ 'Mm" de Pellhoye, abbesse de t. 3, col. 15'11); - des E'trennes spirit11,elles dédùJe.v au.'IJ
t \VoesLine, e l, nu 43(' abbé do Clairn1a1'ais .. (3 parties,
Saint-On1er, 160ô-1t.08). d(l1n.es, contenant l'of-(ioe lat.in et français (Paris, 1760;
' réôd. Nouvel/us t!tr,;1nnes .. , '1 ?78), en môme temps que
1 C'est à cette coutume que se référera un prédicateur d'autres dédiées à il1gr lP. dauphin; - Les étrennes
r
anversois, Henl'i Engrlgrave (1(i10-t670) s j, pour pré- chrrJtiennes ou la déc,otion à J ésus-Christ s'ùnrnol(ttil
senter, dans sa Lua; e.vangelr:ca, (,\nvers, 16',8} et son pcn<ia1Zt i<t 1ncsse <!t nourrissant IZOtre âr1111 par la cor,zniu-
1
Coctuni llnzpyr1i1.:u1n (Cologne, 16(\8), l' « e1nblème » ni<111 (Paris, '1 7\J·I ) et des Étrennes P,OUr les fidèles déPoués
,
L de la Circoncision kalendis januarù i'.n strenan'i (voir DS, à Jésus, à ;lia.rie <it a.ux saints ('l808) d11 sulpicien
t. "• col. 71,8-749). - Saint François de Sales t 1622 ,Jean-Bap tiste Lasausse (17',0-1826); - les ,\'trenae
envoie un Sacré Carh!l da Desfy à nies chères Filles de la .N,)rbertcae (Parii;, 1827), traduction en vers français par
Visitation .Sain.t.e-A1arie en honno è.~trenne pour cette J can-llaptisLe l'f.lcuy (17{,0-183'•), dernier• abbè de
unnee 161,t (Œuvre,q, t. 25, Anne<'ly, 1931, p. '191-500; P•·~n11ontré avant J[t Révolution, d'une élégie latine de
.
ÉTRENNES 1532
1531
2. F~te de la Circo11cision. - L. '.l'ho,nassin, Traite! historl•
Charles Werpen (1595-1666) s j sur la conversion de qrws et dog1natig1ws sur dic,ers points de la diseiplilie de l' .iglist
saint Norbert (Sommervogel, t. 8, col. 1080-108'1) . <'I dit la 1norale cllrestien.n.c, t. 2, Paris, 1683, p. 2119-260. -
PeodantJe 18" siècle, à côté de ces étrennes spiritiiellcs, .1. Bü<like1•, De .~acris et l•fJliS s11b anni in.iti11.11i a christianis ficri
pullulèrent, sous le norn d'étrennes, des sortés d'ahna- solitis, Cologne, 1686. - Fl. Marténe, 1'racta111s de antiqua
nachs servant en général de véhio\1les aux: idées philo- Ecclcsiac disciplina, Lyon, 170·7, p. 1.03 -105. - Benoit x1v,
sophiques ou politiques (Barbier, Dictionnaire d<1s De fcstis JJ. N. Jcsu Christi et B. Mariae Virgin.is, dans Opera
ou11r1J,ges ano11:111nes, 30 6d., t. 2, Paris, 1882, col. 306-3'16). omnia., t. 9, Pl'ato, 18118, p. 9-11. - F. Cabrol, Les OJ•icincs
La Restauration utilisera les êt1·ennes imprirr1ées -dans liturgiques, Parb, 1906, p. 203-210 (arllcle de la Rec,uo d11
un but de propagande rnonarchique et catholique <=lcrgé français, t. 45, 1906, p. 262-270). - F. B1lnger, (ieschichtc
der Neiijah.rs/cicr i11 der Kirclle, Ooatlingue, 1911, p.1a svv. -
(L'A.,ni de la Religion., t. 5q, 1$28, p. '128 et 160). I•'. Cabrol, (lrt. (F§tc de li,} <Jircon.cisio11, DACL, t, 3, 191',,
Outre, à Litre do curiosité, les Êtrennes pù:11.ses présentées nol. 1717-1728,
par les prison1liers à leurs bienfaiteurs l'ail 1792, impri-
n1ées à Liègo, retenoni;, r;i l'on veoL, h,s Étrenne$ reli- 2. LES tTRENNES DANS LES CONClU:.CATIONS MARIALES
gieuses lancées par les abbés F.-M. Bige.x. (futur évêque
d1:1 Pignerol et archt~vôque do Chambéry) et Detend, to Origine. Valeur spirituelle. -1) Qn1c1NK.-
parues à J,,yon de '1788 à 1810 el de 181? à 1825 au 011 sait. comrr1e11t, à la suite de Jean Leunis (1533-1584)
1noins. 13t de François Coster (1532-1619), les congrégations
Plus près de nous, il ne faut passer sous sile1\ce ni les 'i
u,a1'iales (DS, t. 2, col. 1 ?9-'l t,91) contribuèrent à
Étrennes chrétiennes prolestantes, publi(ies à Genève et. éveiller une élite de chrétiens qui s'avérèrent dos arti•
J.,a11sanne à pal'Wt' <le 1874 par UHl1 réuniOil. de pasteurs !':a,ns du renouveau càtholique au lendemain de la CJ'Î$8
et de fidèles, ni certains recueils de « 1nélanges ", déno1n- de la l't6forrne. « J,a coïncidence est frappante » quand on
més xenia: considère une curle d'Eu1•ope centrale après Je:, traités
Xen.ia Bcr11ardina (Vienne, 1891, '1 vol.), p;ir :O. Gsell el, de \1/estphalie (1648) limitant, à travers le dédale des
L. J anauscher.k, participai.ion des cisterciens d'Autriche- frontières politique1J, les zones d'influence des deux
Hongrie à la préparation du 8" centenaire de la naissance do religions : les régions que le catholicis1ne a reconquises
saint Bernard; - Xe.nia A1tstriachc1. (Vien no, 1893, 2 vok), ou gardées sont celles où, dès le dernier tiers du 1611 siè-
pour la "2• rôunion des philologues et prllfesscurs allemands à cle, « les congrégatious ont. fleuri »; àU contraire, là où,
Vienne; - ,YC11ia Ro111a11a (Rome-l\ilila11, 1907), pour le à. l'époque, il n'existait que peu, sinon pas, de congré-
2• cougrùs de la société Italienne pour la diffusion des études gations, le protestantisme est demeuré le ma.ttre
classiques; - Xenia 1Vicolaitana (Leipzig, 1912), pour la
400• anniversaire do la fondation de l'école "Nicolaî à Leipzig; (É. Villaret, op. cit. infra, p. 125).
~ SENIA (Athùnes, 1912), hom1nage international à l'\1nivêt• Le mérite' d'a"oir ainsi ~nrayê l'essor de l'hérésie
sité de ()rècii pour son 75e anniversaire; - Xenic, Tlio111faticct revient pour une part notable à l'action ,Ile saint Pierre
(Rome, 1'J25, 3 vol.), pour Je 6• centonaire de la canonisation Canisius (152-1 -1597). Nonnné en 1 556 provincial des
de saint ThomaR d'Aquin; - Xe nia J>iana (coll. Miscollanen jésuites en Allen1agne, Canisius n'a cessé d'y promouvoir
hialoriao pontitlciae, nome, 1.943), pour lo jubilé épiscopal de l'éducatioo chrétienne pa1' l'ouverlu1•e de collègos,
Plo xn. pépinières de congi•égations. De plus, ayant frayé la voie
De nos jo11rs aussi, cl\ls étrennes séraphigl).1.,s : vu•' cc,,tcnairt! avec son catéchisme (Summa d-0ctrinM christianac,
d.fl le, rnort de sai11t François (Gcu1bloux-l'aris, 1927) et 1..e
bic11l1cureu:ll Jr1·a11çois ile Oa,npfJrfJSSQ (1930). Vienne, 1551,), il reste persuadé, comn1e il l'écrit
d'Ingolstadt. (23 avril 1558) à so11 supérieur général
}1n plus des articles <le di,:lionnaires et d'encyclopédies, J acques Laynez, que,« dttns ce pays, un écrivain est do
consultor : ' plus grand pri_x enco,.•e que dix: professeurs )> (Epistulae
tJt acta, t. 2, Fribourg-en-Drisgau, 1898, p. 259), et il
1. S1.rcnae romain88 et étrennes en gtlnérid. - ,A. du Chesne,
J anuariao calendac scu de sole,nn.itatc r101>i anni tain ctl1r1ic(1 préconisera toujours la cornposition et la diffusion
quam christian.a, PariR, 1602. - J. Bos!!o, J anotaûtw si,,,! de méthodique d'ouvrages aptes à. éclairer les esprits
$1rtna, Milan, 162'1; réé<l. dans A.-H. do Sallcngre, No,itts (O. Braunsl)el'ger, Deutsche Schriftstellerei u1ld Buch•
thesaurrtS cn1tiquitatum roma,1ar,un, t. 2, La Haye, 1718, druclcerei de,n ro,n.ischen Stuhle enip/ohlen. Eitic Denk-
col. 1409-j 1,,,8. - P. 1-Iorst, J>e strenis votif que jan,~ariis, Iéna, schrift 11011: Jahre 1566, dans Historisches Jahrbuch,
1632, - H. Bau1nann, /JtJ calendis jcui1,ariis, Wittenberg, t. 30, 1908, p. G2-72).
1666, - 1\1. Lipenius, Strenaru111 ci,1 iliu1n et 11cclesiastic11ru111
hi$toria, Leipzig, •1672; réû<l. dans J .-(.}. Graevius, Tllcsai,ru.s Le plan da Canisius sera repris par ses confrol'CS so11s f(n•me
a11tiquitat1un rùrr1a11aru111, l. 12, Venise, 1737, col. <..09-552. - d'organisrnus do presse et d'adition : en 1G1t,, la Gi,lden Atmu•
J . Spon, Rcchcrchès crtricuscs il'untiquittl, Lyon, 1683, p. 485- sen (A\11110ue d'or), fon<ltio à Munich so11s le patronage de
t,95, Des cstrc1111es (trad. latine dans ,J. Gronovlus, Thesaurus saint J ean-Daptiste par En11ncran Walser (1560 -1618; D. Duhr,
graecarum. a11tiqttitatltm., t. 9, La Hayè, 1750, col. 207-212). - GtiRchichte .. , t. 2, 2• p., 1918, p. 5'•-5\J); en 1690, l'Acailcmia
G. Bcl'gner, De iis q11.ac ciroa pri,num anni clicrr1 et ro11ianis et amoris do Guy Schèllur (1648-1717) à Bresla,u (II. Hollmimn,
christiania observata f1tcrint, Brnndobout'g, 1690. - J.-C. \.Ven• dans Arclii11i.m historic11m Societatis J cs ,1, t. 5, nome, 1986,
zel, De ritu no1•urrl ru111u111 cclcbrc1111li, Altenbourg, 16\18, - p. 177-202); en 1696, la bibliothèque cat.éch6Uquo S(linta-Anne
Kirchntaior, De calc11dis janiu,riis ac potis de 111unerib11s tunr. de Vienne (B. Duhr, Ge.~chiclue.. , t. 4, 1• p., 1928, p. 357-358;
oUcrri solitis, Vv'ittenhcrg, 1700. - H..-,J. de Tournemi11t1, J. Hofînger, Geschicltt,: des J(atc<:his111us in Oestèrreich, Inns·
flistoire des cstre11es, dt1ns Mérrioires de '.l'rll110111i:, janvier 170'•• bruck, 1 \l37, p, 5-18); en 1710, celle do Gratz (J-3. Duhr, G8·
p. 11'.J-127 (rëponso à Lipeniu8 f)I. Spou). - S.-G. Wagner, JJe schichte .. , L. 4, 1• p., p. 38\J).
ritib11s vrim.ae a11ni dici sole11111ibus inter priSCl>S Ro111a11os, D'autres initiativus shnilaires apparaitront au 18° sièclo ;
Brunswick, 1727. - E.- rl. Sitnon, Nc11jc1hrsfcier und deren uilù revue d'info1·1nalion missioun9.Ïl'O qui doit beaucoup 11ux
Urspr1u1g, Nure1nborg, 1799. Lett,rcs édi.fia111es et turfouses, le N eu11r Wclt.-Bott, 19.llcé à
L. Deubner, St.ren.ci, dans Glotta, t. à, Ooetting110, 1 \l12, Augsbot1rg en 1726 par Joseph Stoeckleiil (1676 -1733) ot conti-
p. a!.4 svv. - F. Engeran<l, Curiositts et <1rnUS1?11rn11ts archéo- nué à û rat:i. et Vienne jusqu'en 1761 (Die kat/1Qli.~c/re11 Missio-
logiq11es, Paris, 1\18!., p, 121-151, - O. de Berthier<la Sauvigny, 11ti11, li'.-ibourg-en• Brisgau, t. aa, 1901,-1905, p. 1.-'1, a0-33, 80·
Le • jour de l'an.• de 111>s ancêtres, dans Historia, janvier 1958, 83 e l 10:l-107; J.,. Koch, Jcsui1e11lexilco11, f>~dorbo1•n, 198~,
Paris, p. \l1-\l!t. col. 18!17-1838; SonunOl'VOgel, t. 7, col. 1585-1586); - doux
1532 1533 Ë'fRENNES MARIALES
'ftori- essais de périodiques dans lo gon,•o des M,!tnoirc8 ,,c Trévoux : 1.ica (Cologno, 16/1~), il1aria sol 111ysticus (1636), Maria fortttna
rBtis11 la prèmier, simple ébauche, à ~1unic:h 1111 milieu du siècle diristia,wrum (1644), Astrologia 1naria11a et Mari<, 1no11s 111ys-
o. - (B. Dubr, dans J'twrirrw,1 der Zcit, l, 107, 10211, p. 158-j60); le tim,.s (1650).
1 fieri seoond, à Vionne peu avant la supprûssion de la c:ornpagnie de
tiqua Jéllus (B. Duhr, dans Zeitschrifl Jür k<1tholillchc Tlioolo1;ie, t. 50, Toutefois, même ou t.1·e-Rhin où elles tendront à se
XtV, 1926, p. 475-4SO). .
g6néraliser pendant un siècle et demi, les diatr'lbutions
)pera
(Ji'{lBI/ Les congrégations a.ppor-lei'Ont à l'entreprise un de xenia ne se rencontrent dans les congrégutions avant
àu ·J 650 qu'à l'éta t de<< débuts isolés» (B. Duhr, Geschr:chte ..,
111 appoint non négligeable par des livres destinés <l'abord à l.. 2, 2e p., p. 111):
,ichttl lo1,1rs mernbres, rnais, eu égo.rd au no,nbre et à l'impol'-
V, - tance des til'age;;, /\!)pelés à rayonner. En pren1ie1' lieu, Un Alphabe.t1un Christi de Jean Nioss (158'1-1681'; DS, t. 1.,
1'91. 4, col. 353), me11i11112 de leur préfet, Fréd6ric,Guillaume de ·•rea•
le LilHdlu.~ soda.litatis (1." éd., Biilla ... c1.un piû; et chris-
tianis institutionibus in us1un sodalitatis.. , Cologne, ehon, aux congréganistoa de Munich en 1'618; un Sa.cra te,npc
8cu de sacro c:vercitioruni seces8u de Pierre Mnnriquo oJTert à
15?6) de F. Coster, rnaintes fois réédité et udapté lngolstacll on 1622 (rééd. coll. Biblîot.hèque des E xercices 26,
(notan11nent 'l'lwsauriis .. , Ingolstadt, 1578, et (Jhri,Y- l':\ris, 1910, sous lû 11on1 do Guilluurno Bat.he, 1564-1614); u!l
tianae institution/!.~, .~trena d' I·Iei<lelberg en 1 71; 1), et le ,némorial de la canonisation cl'Ignaco de Loyola et do F1•nn-
584) i}lanuale ,Yodalitati.s (Pont-à,-Mou$son, t608; xcniurn •;ois Xuvier, oJTert pro xc,,io lt IngolsLadt en 1623; lt1 Rclatù.>
\iona de Mayence en 1749) do François Veron (1578-1649). de la Cocincina de Chri11t.ophe Borri (158/1-1623), traduit.~ de
1t à l'un ou l'aut.re entre le:; 111.1111s de tous le$ congréganistes. l'italien par JeaJ'1 Bucelleni (1600-1669), pro strGna li Vioune en
Coux-ci $Otlt encore redevables il Coster d'un Enchi- ·163â; u11 ,Yenioluni tithurcicu111, .1r1criflcii1"t nussae facturis,
arti- 11v.diturill, pcru.tilc (Munster, 1635), t.iré de l'E,1chiriilion indus-
orise ridio11 controi'crsi(J,1•u,n1, praecipuar1un nostri tf111iporis
1ria,•u111 de Ghristian Mayer (1584-16311); l'éloge funèbre do
don (Cologne, 'I 585) et du De '1illi "' l1Ludi:{ni,Y Deiparac Fordina.nd II t 1637, congréganiste da Gra.tz .(Vienne, 1688;
iités Virgini., 111ariac rrwdita,tionlll, (Anvers, 1587; DS, t. 2, Linz, 1678; Gr11tz, 1.687 et 1715), pâr Gulllaurne de Lamor•
des col. 2417-2418). 111ah1i (1570-16',8).
leux Quelque pou post.érieur nuüs 110n ,noins répancju en Alle- Hors d'Al10111ag110 .: la Vera lwminis christian.i .Philosophia ...
iises m11gne, le Sodalis parthenius (Ingolsladt, 1621; strena dfl Neu- cle Charles Musal'L, xe11iu111 de bouai en 1621 cl de Paris en
16'18, l' BQcl(l,,agc il.es dévots d4 la B. V. Marie, cmpcricre dit
'si~- bourg, 1722, Florus niaria111.i..~ si,•c sod<ûis partlienius offioiis et'
1no11de.. , attribué à Murlin ·Couvreur (1576-16',6; P. Delalt.ro,
1 où, exemplis ... in/orn1atu11, et 'l'rèves, 1155) de Gaspard Lechner
(158'1-1684), qui dosUno à ln congrégation de Dlllingen un lt AM, t. 30, 1954, p. 848-360), • nouvol il.ù » de l-Iuy en 1629, et
1gré- un ano11y1110 J,,'pitaplliu111 homirtis christiani vitae regula,n e.j:pri-
dtre Dig#us Dei in bic,io sÙ•e tractatus dP. l'roc1idc11tici ... (1619), ins-
mcns, xcnirun d« Liège en '1630.
piré do Louis de ln Puont<J. Nous n'y reviendrons pas, ni sur
l'Enchiridion piaru,n mcdit(IÛonum. (l\.fayence, 1606) de 1n grati<,111. j uventutis Partllenioru1n ir1111rùnii soda.lirun, Mar-
i'ésie Jo1~n 'Busée (1547-1611), dont les éditions abondont (DS, t.. 1, tin Merz t 1652, prieur dos pr(unonl:rés de Roth, publie (Dillln•
lerre col. 1081,). guu, ·1630) l'Aur,iurn lhuribulun, si,nplicis dePotioriis .. , œuvrc
des i:,osthun\e de son confrère Ouillaun10 Eiselin {1(;61,-1588;
L , Goovaort.s, JJ:crivainR ... diJ l'or//re de Prémontré, 't. ·1, Bruxel-
:volr En outrn, chaque congrégation reçoit des ouvrages les, 18'.J'.J, p. 238-289).
Iges,
. composés ou t\daptés, - en latio s,tuf très rares cxce.p-
V.Oie tions - , sinon simplement traduits ou réédités, à son 2} VAJ,Eun SPIRITUELLE. - La no,nenclature des
:nae, intention par son directeur : cadeaux de Noël ou du jour xe.11ia, présentée ci-dessous, ,nontrera à l'évidence
~crit do l'an, surtout en Alle,nagne, ils portent, d'ordinaire , combien les congrégations mariales avalent au plus haut
1éral hnprimé en sous-titre avec lii vocable de Ja congrégation poiiit le souci de la fo1•mation religieuse et spirituelle
1t de et l'ilnnée, le nom de ,çtrflna ou plus souvent xeni1,1.m de leurs mo1nb1·os, - prêtres, religieux et laYC$ cte toute
iulac {quelquefois xeniolu,n), racine du substantif allemund p,•ofession. Aucun aspect do la doctrine chrétienne,
et il Xe11ic. Les pre,niers se1nhlen t être les petits traités ui non plus aucun moment <le la vie quotidienne ne sont

SIOD rem!$ :i.:enioli loco par le jésuite f'hilippc Bobius (1569- nôgligés. Solidité, sérieux, profondeur se rencontrent.
>rits 1637) à ses congl'ég:anistes de Cologne : erl ces opuscules, au for1naL très comrnode et 1111 but
'J.Ch- Port<i coeli (1616), Scalii 11irtr1t1un (16'18), Pra::,;is bc>niirum toujours concrel:,
enk- i11ts11tit1n1,m (1610), 111(1/Jus pic c•i1•endi (1620), Tri,,iu1n coclcstc · L'eüseigne1ne11t scripturaire se ret!'ouva partout :
,uch, (1621), Diacta. salutis (1622), F/Qrcs m.editptionun1 (16213), éditions et commentaires patl'istiques des différents
'Thronus j1;.~ti.ticic (162~). J'chQla a(Jcctttum (162'1), An1id<>t11.,n livres de l'.P!crilure, thèmes d'oraison et d'élévations,
•gcncrale (1626) , Aphoris,ni ... et Ars ,,itoe s<uictiori.s sive scientia
orllié mystica spiritali8 (1627) , E1>8«Ycxo(cx s,;tt dr. pracpc1rationc ad s<~ntences pour chaque jour ou chatyue événement
l.lnru• /l!liccrn morte111 et .Phocni.-r. rcdivivus (1628). Tout n'y est pus de i1nportant. L'âme baigne dans un climat biblique et le
o do BebiuB qui n puisé chei Louis do Gren11d0, AriaR, Alvarez do ChrlsL y e:;t Che!, Roi et Soigneur. Le .cycle liturgique
iuhr, Paz, Rod1•iguoz, ln Puent·e, Bellar1nin, Busâa, etc. !orme la base ordinaire dei; liv.res de méditations, avec
cmia Xenia de Cologne encore : en 16a7, l'lter vitae Re?./. Oratio se~ 'Lexbea essentiels des dimanches et des fêtes, comme
1ann, domini.ca et. .1lvc, sa.lutatio a11gr.lica, sous rormo do co1111nent11ire
l9SQ, avec ses principales dévotions. L'eucharistie et la
par Joan llolthe (151!8'-1658); en 161,6, le Gai1di11n1 h1'jus vitae pcînitAnce sont les ·sacrernents avec lesquels les congré-
\.nnê pèrpctuum fu11dr1tiun i11 spe /uturorum, ::i.nonyn10.
85'8 ; ganistes sont le plus fa1nilio.t•lsés. Ceux-ci pratiquent
lnns• Deux j6suites éminent, dès celte époque, ,au service habituellement 1'01·ai:,on quotidienne et vivent en la
, Ge• des congrégations : Dte.xelius et Sandao\1s. pr·ésence de Dieu. Leur ascèse est vigoureuse et lr.s
prépare à l'union divine.
cle : Jéré1nio Dre){el (158'1 ·16à8; D$, t. :i, col. 1714-1715) dédie 11 conviendrait de présenter à loisir• la n1ariologiede ces
âl,ll{ aux c;ongréga(rÎ5Les de haute Allornaguo son H,)rologium au,-r.i• livres d'étrennes, où s'harmonisent pratiques dévotion••
Dé à lia.ris tutelari~· c1n,:eli (Jlfu nich, 1622), son NiaetaR et son Tris•
onti• mcgi.stus r.hristi(lnt1.s (162',J. Maxilnilion Vàil der Snndt (1!176- ne lies et doctrine théologique. Le fils reconniiJt., ad mire
[sSÎO• 1656) rcâlise 1.1ne i1nportant0 OJttvre mnl'iale : APiariuni 111aria- et défend les privilèges de sa Mèr·e, dont il telld ,nême à
, 80- •11um (Mayence, 1628), Maria floi; 1nysticu.s (1629), Maria !:le J'aire l' <c esclave n.
193~. patrona (1630), M1u11lus faUa:i: et JVlari<I gcrnrna mystica (163i), Ainsi, cotte noinenclature, rnalgré sa sécheresse,
ileuoc Mariac crcaiurar111n Dornina.e n1a11cipi11ni et Maria lrtna. mys- se,·a-t-eile utile à l'histoire de la spiritualité des difl'é-
1
1535 ÉTRENNES 1536
a
rents états de vie· et déjà un appoint à l'arLicle L1vnEs (l\1ayencr, 1705), fldélitê do ~layonce 8\1 élilholicisme; - C
DE PIÉTÉ,
11 ùitorico•polcmi~a brevis instruc1io, .. ('V'urtzboutg, 171.9-1?20;
P,~~sau, 1723), E;lrreurs do Quesnel et qnorollo do la bulle (JniQD·
Il a élé possible de reporer pins d'un ,nillior de xcni<1 <le nit.11.s ; - JJ::i:positio propositio1111.111 da111natar1111i, ., itctt.a decrcta )
congrégations. En drosser le cataloguo chronologique et. topo- A.lc:can,lri vu, lnnoccntii xi Cl· Alexandri v1u (~iaycncc, (
graphique, f(ltalement incoruplet ot où abonde1·aient des répé- 1 •11,0-1 ?',1; l'liolsheim, 171,$-17'1',), pa1·ue d'abord à Venise en (
titions, sernble hors <lo propos. Mieux vaut tenter un classe- 1728, par Dldace Dunrte of 111; - sur un terrain proche de 1
ment p:jr maLioro, on s'clT01·çanl de déclJitJrer, pnrtois sous des l'histoire, la Gcogra1,hia politico-111or<ilis (Vïenne, 170$) da 1
titres difTérenLs, l'anonyn1at très fréquent, Co111rr1e quelques Daniel Dartoli (16(18-16 85 ; DS, t. 1, col. 12?2). t
congrégaLions, cello do '.Molsheim notnmment, n'irnpl'l1nalent.
1
pas sur place leurs xcnic1., clan!! le.Il listes l'i-dessous les noms de /l1J Ouvrages de formation chrétienne . - Faco (
villes se référeront à la congréga t.ion et non au llèu de l'édit.ion. ,lu protestantisme allernand, les xenia se devaient
Les dates d'un auteur ne iiguront qu'à la prc1nière ment.ion du d'apporter des bases solides, 1nais ils visent d'abord à
cet auteur. (
(lc">nncw, par la connaissance et le goùt do l'lilcrituro
C
2° Ouvrages de formation gé:aérale destinés à s,ünte, \lllfl profonde formation doctrinale et spirituelle.
l
éveiller aux préoccupations religièll$0S. '1) Pour l'Éû1HTUHE SAINTE, on doit, à cause de son (
Des chronologies plus ou ,noius 6lcndues : Breviarizun chr()• c:x tension à tous les liVJ'OS de la Bible, 1nettre au preinier 1
nolo,;icri111 Vota~is 'l'esla111cnti (Linz, 1 ?'28, avoci lo De l'critot<, rang l'Explica.tio Sacrae Sr.ripti,rlU! (Bamberg, 1733· (

religionis catholic1ic de J ,•D, BOijS\11.lt, 1627-1704; Molsheirn, 1 ')59 et 1773-1792; éd. réduite au Psallcrilun Davidis, 1
1781-i ?82, publié par Miçhel Ù!!rtuer; Vicnno, 1739-17',0; i\1olshoim, 1779-1782, et 1826), inspirée de Cornelius a J
Heidelberg, 1774-1775); - li revis histori<1 chr1n1olosi.ca... aû Lapide : les quatre pren1ie1·s volumes sont de Gcor-
a11num. 1694 (Linz, 1!\0',), Catena u:,nporc,m Veteris et Nol'i gns Mais (1677-1735); les vingt-six derniers au 1no.ins
' 1
1
Te.stan1e111i ... ad a1111111n Christi 1(/f/R (Wurtzhourg, 1698) ou
Conipe11diu111 chro11ologiae sacrc1c et profa11ne (Tyrnnu, 1701, d'Adarn Reizer (171li-1791}. - L'Explicatio avait été (

in str11na111 pascha/11111); - Fa.1: chro11olvgica ad on1nigcnan1 his- précédée par une Sacra Eiblia c1tni au.gusto apparat«
toria111 sacra,n et pro/11ric,111 (Mayence, 1707-1708) et un A.ppMt• sno .. , chrortologico, theologico, historico et go<>graphico l
dix (1709) pnr Jean-Dominique J\.(11sc.111li (1634-1 691,J; - (J:larnberg, 1697-1699) et dt:S Fontes biblici (1698). -
Gcncrc1lis t.cmporctm notio (Linz, 1736) par Pierre-Louis Dancs Parmi d'autres com1nentaires pal'l,iels : l'Expticatio
(1684-1736) ;-Ecole6ia 11asce11s (Mayence, 1730-1783), uhrono- JV1,nieror1trn et Deuterononûi (Molsheiln, 1741) el
logie des origines çhrétiannes, par Paul Ho.rrings. .Josu.e, Ju.dicu,m- et Ruth (17li2) édités par Jean Scn-
Des manuels d'histoire del' Égli:111 ou de son enseigne- d11lbach (170l.l-1752), et Libri Sapientiae (1775-1776); -
1nent : Notitiae (Jcclcsiastica,e (Bamberg, 'l 7'12•1720; l'Explicatio Peniateuchi (I?ulda, 1. 71,5-171, 9) de
1-Ieidelberg, 1735-171,3). ,lubilaeu1n Ecclesiae catlwlicac l ,ouis Eachbor•n (1708-1753); -r I' Expl(tnatio in ps(Lltnos
per sepu:niilccim saecula (Molshelm, ·1723-1729) eL ( Dusseldorf, 1761-1765) de Robert Bellarmin (1 51,2-
Cornpendiun1. an11aliuni ccclcsia.sticorr,ni (vVurtzbourg, 1 G21); - les Dac,idi.s suspiria et les Axiornata, evange.lica
1724 svv) d'après les Annale,ç du cardinal César Baro- <.:hrù;ti et Apostolorum (Vieone, 1669; Cologne, 1673)
nius (1538-1607); - Historia eccle,çiastù:<L (l\{olsheini, de Pierre des Champnenfs (1602-1675); - le 1-l.eg11ur11
1789-1791) pa1· Ignace-IJyacinthe Amat de (¼raveson l >ei seu dis,wirtaiiones in libro.~ Re.gu,n (Vienne, 1715)
o p (16?0•1788); - Vitae poniificuni ronianorurn e:i; de Nicolas Caussin (1588-16li1); - les Axior;uaa Sapil!n-
a11tiqui.s 1no111irnentis (Wt11•tzhourg, 1741-17/,.3, suivies Û(te di11in1u1 scii sententiae divina.c ex Sal,0rnonis libris
de Disputationcs hi.storicae, t 71,1,; Fulda, 1752-1751,; collectae (Ingolstadt, 172l.l; Munich, ·1 767) de Christo-
1"Iayenc(-l, 1Jô0-1 762) par Antoine Sandini ('1698-175'1), phe Froelich (1722-1775) . - Du psaume 100, Jean-
à qui l'on doit aussi lHle lfi,storÙL Familiae Sacrae ex Antoine VolBzquez (1585-1669) fi tiré De optiini prin-
antiq11,iB n1onunu1ntis (\-Vurtzbourg, 1736; Gratz, 1753); c:ipis opti,no ad1nin,~~tro rnorales adnot1Ltiontis (Vie11ne,
- Rornanoru.rn. po11tificum brevis notitia (Lini, 1750) et 1729).
OnoniàSlicon etyniologic1un locorun1. obscurioru.rn quae in Initiation 1111.x oludes 1lcript,1raires : Disciplina populi Dei
Mi1;1sali, 8revù;.rio el J.ltlarl!yrologio ... continentur (1751) ,:,1 Vi!teri ... (Vienne, 1 7117; Lin:1,, 1748•1?1,9) et in Novo Tc~-
par (~uillaume de Bury (1618-1700); - Sacra Eccl'Jsiae u1n1ento ( Klagcnrurt., 17',H; Mayence, 1775), traduction, fait.a
pur un Jésuite, des Mœurs des isro.élites et... des chrétiens (Pa.ris,
concilia (J3amberg, 1725), histoire des r..onciles œcu1né- ·1681-1682) de Çlaudo Fleury (1640-172:-1); - Sci.cra veterwn
11iques; - Ortus et progr11.91Jus ... ritu.u.rn et 'caeremoniartun tcn1p(lr11m historia in r,piwmcn contracta (Linz, 171:13-1784);
circa varia a,l religione1n pertinertiia '(Oratz, 1714; • .. /11tinuale co111r1idictiQ1tcurt in 91âb11scl11n1 Sacrae Scrip1t1rac
C)lmuti, 176?) . ,,,:çtibu..~ apparcntium., in vero sensit c<>11cortl1111tiu11i (Molsheim,
Des aperçus hisloi•iques lin1ités : Historia apostolica (\Vurt,z- 1'711), vraise,nblablement de Jacques Hartenfels (1663•17 37);
bourg, 17a7) do Snndini, sur l'Église prinlitive; - Notit.ia sa11c- ·- Selectae ac êariosae quaestion.cs ... ex <1e11esi (Linz, 1755)
toru1n Pa.tri,m qtti du.obi,$ prùnis Ecclesiac SCl-cculis '{/.orueru11t de Benoît Poroyra (1!1!15-1610); - suri.out, car elle se1·a réim-
(Ty1•nau, 1760) par ,J enn Prileszki (1709-1?90); - .Praestan- prin11\o au siècle s\1ivanl, l'An11lysis billtica (Heidelberg, 1773
ti-11sim(Jru.n1. .F.,~nlesiae Patruni ingcni()sae cositatfoncs (Linz, e t 1776-1779) <l'H1i11ri Kilber (1710-1783) .
1 ?80) par üorninique Bouhours (1628-1 ?02); - De vita et 2) Se ri1pportent à la THto1,0GIE : Epitonie rP.l1:gio11is
,,irt,,tibus S. Ausustin.i (Passau, 17?0) par Ncb1·idius de ~Jî11-
delhein1, ch1111oino 1·égulie1·; - Leclio spil'ituali.s sci, vitae s1nw- .se.u rf:gni Christi sern.1iit<irru1 stabilit<UI (Molshcirn, 1765) ,
t 1rr11n 8 1,cciac patr!lfiùrutr, (l,inz, 169\l), à l'occasion <le l'arrivée la divinilé de l'Église pro11véc par son Iiistoire; -
d'6lèvos suédois; - Historia. saorc1.rum ln1agin1111t (Bonn cL l)rdina,ta ilitrod1ictio at.l Vtwam fide,n (Heidelbe1·g, 1725)
Mayence, 17?1-1772) par Joan ~lolanus (1533-1585); - li isto· r.iL $On con1plérne11 t : Rcclesiac ca.tholic.(1.e fidcs et doctrina
ria refonnationis rsligiortis i,1 Styria ... (Klagenfurt, 1769) par ,:irca. 1:,,nt,•oCJersos hodi.e <Lrticulos (t 726); - Quaestiones
Marc Hansfa (1683-1766); - Ca11ones et 1lccrctci.. , Concilii at responsa erudiu,rurn plcraqufJ ad rnorale,n d,011trina.1n
1'riden.tin.i (Klagenfurt, 1.787); - Il. P. Petrus Ca.n isius ... ,:L ,:nstitutionern pertir1c,1tia (l\,lt1nster, s d), sor te de
elogiis mc1,g 1wrurn <>iror1u11 111irifics il/w;/.rc1111.s (l•'ribourg, 1656); eaLéchlsmo; - E:t!positi.o tnissae historico-trlorctli.s in
- L1,na Otto111annica ... in llungctrù, (~1ayence, 1717), progrès
et déclin de l'lsla111 en Hongrie; - ln1a1;0 saec1tli ... dccimi /Jrevcrn synopsini c:O/Hracta (lJildeshein), 1697) .
septimi (Bamberg, 1702; Paderborn, 1?10 ); - A11rc11111og1t1llia A côté de cei, œuvres anonyrnes, on retrouve des
1537 ÉTRENNES l\1ARIALES 1538
au.tours de noto1•i6t\\ incontestée (la pre1nière liste est (16211-1696) o s b, ln11oceriti<1. vindicata (Gratz, 1.708),
120; celle des auteurs jésuites) : dù1non trant que saint Thonu:1s n'a ja,nais été opposé à

iue• :Edmond Campion (1589-1581 ), rnartyr- de la Ioi en l' 1mn1aculée Conception; - ,Juste (,Jean-Calvin) Ba1·0-
reta Angleterre, Ra.tione,y decfl1n.... ad di.9p1tta.ndu1n de fidt: n i11s, de Xanten, Pro sa.crosancta catholica Ro,nana
~ce, (Vienne, 1682); - Léonard Les~ius (155t1-1623), Ecclesi<i... apologia et lettres (I-leide!berg, 1 756),
, en Co11sultatio quae fidt:s et rcligii, sit eapessenda (Fulda, t(:n,oignage d'un IuLhérien conve1•ti sous Clément v1J1
, de 1708); - Beeanus ( = Jvlar•lin van der .Boeck, 1563- t 1605 (voir Historisches Jahrbuch, t. 22, 1901, r- 298-
de f62~). <)ornpenditan 1nanualis contro()ersia.rurn hujus 3'1 6).
te1nporui de fide ac religion,i (Tyt•nau, 'l 789; l·loidolbcrg, •
1759); - César de la Couture (15'.J8-'IG5t), E pùo111e 8) l\lfonAI,F. F.'r PAS'rûnAI,E . - La r11orale esC 1'8pt·é-
ace St•ntée par tif) résu1né de h!Iario Bettini (1582-1657),
eilt controvoraiaru,n fidci (Fulda, 'l 709; l{lagenfurt, 1785);
- Mathias 'Nennichen (1590-11)56). lJbi scripturn ~;st? E'thicac christianac partes quatuor : De interna anùni
l à pa.ctJ, Ex recto affectu1u11 uB1,, De ve,·a ho11iinis felicitate,
ure Catholicorunt c,er<t non ta1nen de.bita, acatholicor1un
obstrusa sed fri()ola re.sponsio (\,V111•l:zbourg, 1668; E',c intcriorc regno CJirtutis (\.Vurtzbourg, 1718), et des
Ue. t.1·ait.és pratiques de ,lacqnes l lart.onfels, déjà cif.6 :
hiayence, 168'1; Fuld.1, 17?'.l), :;ur là tr~dition; -
~on Charles do J(roitzcn (1607-1660) , l'etr<i inexpu.gnabilt'.s, E'thica polùica-111.ariana ad politico christiano cù,ilitcr
lier g1tod sola Roniana Eccle.sÙI sù u,n(L, san(:ta, cathQl,;c<L, ,,ivlindtun (Bamberg, 1706, in dcbitae gratittulinis
S8- apostolica (1Yfolsheirn, 1687; lleidelberg, 1?12), réfu- tesser(un; Molshehn, 1707), Sper.u,lum ethicae ... (1708) et
lù1, tation de 1~uther; - .Jacques Goodwin (1601-166 7), Ho,nini.s christl'.ano-politici cynosura (1709). Ajoutons
sa l)c reguli.s juri,s tanonici (Linz, 1 ?45) de Phaobeus
Lapis lydius controversiaru.111 niodernariun (Tyrnau,
,or- 1713 et 1 730), sur l'interprétation de l'Écriture; - (= François-An t<>Jne Fehel, 1652-1701)) et Introduct.io
1ins Wenceslas Schvverlfer (1617-1680), Judiciurn gr,1vH u brmn's in jus canonicuni (B.1mberg, 1704).
été dorn<> Dei 01nnibu.s... dehonestatoribus for11iida.11d11,1n f{.elèven L de la pastoralf; ! .llrepi,s n<>titia eorum qu.ali
aiu (Wttrtz,bourg, 1?39), sur le respect d'fl aux choses St,:tu CJcl ruwcssatia ()Cl c,alde utilia sunt confessariis
. p.; 1agenf\H't, 1733) pa1• ,loseph Agostini (1573-1643);
1ico saintes; - Jacques Ma:;en (1606-1681), JVopa pra.1:is
-
1tio
orthodoxae fidei (Linz, 1 ?52), proposée aux protestants
et aux et,tholiques; -1\ilarlin S?.ent-lvany, Analysi..~ ...
Quinqu.age.na casu1un... sacra11ie11ti poenitentiae
,ul,ninistratoribus ('I'yrnau, 1724) par Laurent Tupolc-
et praecipuoriun crr<>neor1un dog1nat1un (Cologne et 1Ylun:;- saoyi (16û'.J-1 ?2'.l); - Cu.1·a 111edica a.ni111.a,e si"e de ,nalo
en- ter, 170~); - Balthasar !i'rancolini (1650-1709), Cala.- nuilique eau.sis et rcrnediis (Vienne, 1702; Linz, 1702 et
logu.s controc,ersiar1un circa fideni (Fribourg, 1720), 17(i1; C¼taLi, 1718 et 1781 ; 'fy1•nat1, 1752 et 1754, avec
de Tyrociniurn tlu,ologi.cu.rn (1"folsheim, 1751; Passau, une lettre de François de Sales de rnodo concionan.di)
nôs 1754), sut les divorses bran1; hos do la théologie, et. et. .l11,gu1n gr<J.Pe supf,r onines fliios Adam (Linz, 1704),
4i2- Manuale theologiae pole,nicae (l(lagenful'L, 1758); - par Adalbert Tylkow~ki (1625-1695); - Paul Segnori
",ica Alexandre Szoreny (1661,-1719), Philippicae sacrae (162'1-1694), J ,islrttctio poenit.entis (Gratz, 1696;
78) (Kre,ns, 17.21), con Lre les « 01-thodoxos » et les détrac- M.olshei1n, 171 1, ; fu lda, 1721 ; Vienne, 17',2) ou J.>ocni•
um teurs de la piété; - Je,\11 Raiseani (1670-1783), ltinera- ·ll'ns instructus (Pass.1u, 1716), pour bien se confesser,
15) rùun athei a<l ,,eritati.~ viarn <ieducti (Vienne, 1704), Confe.s:;a,ri1,1,s instructus (Passau, 1716; complété par
en- réponse dialoguée aux objections; - Jacques Longueval :NI ax Rassler, 1645-1719 : lnstitutio pa.rochi, Linz, 1 7?6-

1r1,S 1?78) et. Jncr11tiulus non cxcusabilis (Heidelberg,
(1680-1735), Tracta,tua de schis,n,itc (Fulda, 1 ?20); -
to- François-Xavier Mannhart (1696-1773), Jdea 111agni 1 764-1765).
11.n- Dei adversus athcis,nurn hujus cu1c,i (Linz, 1767) et Anti• 4° Ouvrages de formation plus im:m.édia-
qu.itates chri.stia.11.oru.ni (WurLzbourg, 1769); - Dans une to1nent spirituelle. - Ces Jii-;les co1nprennont tont
Assi:rlio bipartita ()eritati.s cathohcae (Vienne, 1721 ; d'abord des Lra(luct.ion$ et (los rééditions diverses(§ 1),
Grati, 1736), 'l'homas \1/intor (1654 -1733) s'appuie sur onsuito des ouvrage~ don L loua le$ auteurs sont des
Dei des argu,nents du juri~coosu.lt.e Arnold Go1•vi11us t 1.680 jt''i:\•.tites (§ 2-.5).
,,èS• et do ,Josse Coccius (1581-1622) s j, théologien eL cano-
lite niste. 'l ) Ril: ~:DITIONS ou TRADUC'flONS d'auteurs diVCl'S,
ris, Pierre-Loui::; Dan es, docL~iur do Louvai11, J11stitutio11es anciens et ,nodernes. - Eusèbe d'Émèse, llo,niliae in.
'U1U
doctri11ac cltristicinae (Linz, '1 786-1787), LraiLé tlu R11<Lngeliu (Molshehn, ·178.5-1788); - S. ,1 érôme, Epis•
lit) ;
ira~ théologie dognH1tiq11c et morale; - ,Jacques Boudart tvlae se.lectae (?i:folsheim, 1768-1770) et Epù,tolae ,ûiquot
im, (1621 -1702), égale men 1, docLetll' <Ili Lou vain, Calf/• da ptirsonis qu.ibusdan·i illustribus (Linz, 1781); -
i?) ; chis1nus theologicus (Ciratz, 'l 737) ; - Ponce-1\.ugus- S.- Augustin, l\!J'eclitationes, Sol,;/oq,.iia cl Manuale
55) tin 1\.lletz (1703-1785), Le,i:idion theologicrun (1-Ieidel- (l{oshice, 1739; 1\:Lo.lsheîn1, 'l 778), Scr1no11e~ de f,,,stis
im- berg, 1768-1 ?70) avec un supplément (17?1); - [Jo11ûni ((}ratz, 1749) et De 11.tilitate ,:redtndi (Mayenee,
773 Jacques-Bénigne Bossuet, llistoria doctrinae Prote1.1 - 1 ?611); - Uoèce, De consolatione philo11ophiae (Lay.
tanti1.1,ni... contr1uiictio11ibus... ()at'iatae (Vienne, ·1 73'•· hach, 1743; Molshoin,, 1757); - Cassiodore, Tractatus
• 1?35; Linz, 17113-174/1; a vec Litl'A diIT.éren L, l{h:igenfu1•t, d,i an1.ù:iti11, ('' ienne, 1672); - Salvien, Do prô()identia
nis
,5)' t 771 ), d'après une traduetion abrégée parue à Wurtz· D,:i (Vienne, 1706, pro ()ô/O anni et 1nore calendarun1;
-2;j) bourg en 1718; - Jean Gonesti t 16!'i2, célestin, (Jhri..5lus
pro urnnibus etia,n reprobis niortuus (Baroberg, 172'l),
J_,inz, 'I ?63); - S. E11cho1', De con.tc1nptu ,nundi, dans
le J.,ibellu,9 trip/.c.t (Dillingen, 175?); - S. Grégoire le
in.a paru à Paris en 16'• 7 sous le titre Prolu.sio theologica de ùrand, De c11.ra pastorali (Jvlolsheiln, 178lo); - S. Ber-
rl,(!I/ 1norte l'hristi pro reprnbi.5; - Nicolas du Bois t 1696, nard, Sl1nnones et honiiliae cle laudibus B. 111.ariae ((,ratz,
a,n théologien de Louvain, Defensio Beatissùnae Virginis 1 ?48; Vienne, 1756) et De co1111idcrationc (Molshein,,
de Mariae ... contra. libcllu.rn intitulatum Monita suluturia ·I 'J 72; 1-ieidelberg, 'l 788); - S. Thomas d'A.quin, Ser•
. B. V. Mariac ad cultores suos indiscreto,ç (Vienne, 1682; 1none,v pii ... pro donûnici8 (Gratz, 1743) et pro /e.,tis
in
avec extraits do l-lenri de Cerf et Paul Segneri, Vienne, (1 ?4't); - f.'.l. Bon.1ventu.re, .Psalttu·iurn JJ. V. Mariae
ies 1713, et Linz, 17'15); - Ca1•dinal Célesf.in Sfondroti (Cologne, 1 ?57); - Nicol.1s de 1-Ianapes t 129'1 o p,
DICTIO NNAIR E DE $ PIRITIJAI,1Tf::. - T. IV, '19
1.539 ÉTRENNES 1540
,
/t'lores biblicae (Vienne, 171'.t9), étude sur les vertus gationum (Vienne, 1654); - Exege11is super sacramenti
morales avec exemples pris dans !'Écriture; -Thomas a ,n1zritz,1i formularn (Cologne, 1658) pà:r Georges Stengel;
Kempis, Cogitationes salutis viatoris christia11i (Li11z, - Sum-marium legum commur1ium et indulgentiarum
1698) et De ltnitatio11e Christi (Vienne, 1717; Molsheim, congrcgatio11is (Molsheim, 1668); - Palaestra i;;hristianac
1733, suivant le texte établi par 1-lenri de Somn1al pietatis (Poznan, 1669) et Cor sa11ctum. 'J.'heophili (Munster
t 1619; Linz, 17','l); - ,Juste Lipse (1547-1606), De s d; Cologne, 171'.t 7) pa1; Jean Morawski (1688-1700); -
co1111tantia (Linz, 1690; Klagenfurt, 1711); - S. F1•nn• Sodali.ç 1nariar1us de beata morte sollicitus (I-leiligenstadt,
çois de Sales, J ntroductio ad 11ita1n devota,n (Vien11e, 1671); - Ardore/J tJ<1raphici in sodali maria,10 (Cologne,
1687; Linz, '1698 et 176'•; Molshein1, 1721; Gratz, 175\l), 167',); - · Ephenwris rnuria11a seu Manuale 111arianum
extraits divers (Principia. 11erae derotionis , Linz, 16\)2) in exercitia 8piritualia (Vienne, 1675), inspiré sans doute
et De amorll D,1i (Wurtzbourg, 1767); - An toi ne de do l'Eplt.enwris seu Kalendariuni d'Antoine de Balin-
Molina t 1617, chartreux, De emiri,uttissitna saccrdot111n ghern (t571-1630); - Aspiratior1es sacrae sodalis
dignitate (Molsheim, 1766) et De perf<1ctione vita,1 et ,nariani (Vienne, 1676) par Christophe Weiss (1616·
sanctitate... (1 7 67). 1682); - Clieriil marianus (Vienne, 1679; Passau, 1686),
Blaise Pt1hna ('I 577-1635), barnabite, Thesaurus De11otus Mariae Virginis (Molsheim, 1712; Ingolstadt,
iride{iciens smt actus ùiterni virtut1un (Fribourg, 1685; I(lagenfurt et Vienne, 1759; J.,inz, 1759 et 1768) ou
Grat,z, 1707); - Janus Nicius Erytlu·aeus (= Je11n- Sodalis instructus (Passau, 1720), titres différent.,; do la
Victor Rossi, 1577-16'•'•), Ea:ellipla virtut1un et vitioriu11 traduction du Il devoto di Maria Vcrgine istruito de
(Gratz, 171'.t6); - Jacques 11erlo de Horst, (1597-1 tv.1,), Paul Segneri par Jean Fo:resi (162',-1682); - Sodali•
Flores se/R.ctis.~ùnaru,n preeutn (Gratz, 171!•), ex.trait$ tatis ... o;tus, legcs, privilegia (Munster, 1687); - lns•
de son P aradi.su.11 animne chri.~tiantw; - Cardi,1,1) tructio sodali8 niariani... ad vitarn pie du.ccnda,n (MOI$·
Jean Uona (1609-1674; DS, t. 1, col. 17G2-t766), feuil- hein1, 1696) par Jean Schneidler (1644-1705); -Pratiosa
lant, Pri11cipia et documenta vitae christi'.anac (Li11:i:, occupatio sodnli.~ rnariani ('l'yrnau, 1696); - Cultus
1679 et 1701; Grat11, 1733), De sacrificio rnis:,ac partheniu,s co11gregationis (Vienne et Linz, 1698).
(Molsheim, 1690; Heidelberg, 172~), Manuductio ad Brt:viariurn sodalis mariani (l1iOsbruck, 1711; Linz,
coelum continen.s medull,im sa,1ctoru1n l'atrurn et ve.111- 1734); - J n11tructio practica sodalis parthenii (Linz,
rum philosoplwrum. (Dillingen , 1770 ; Molsheitn, • 17?7) 1716); - Monita sodalitatis pro feriis auttunr1alibus
et Testam.entum quo se pra,,parabat ad tnortern (Munich (lnnsb1•uck, 1717; Munich, 1728) et Pactum n1arianum
ot Munster, 1701'.t); - Louis-F'1•ançois d'Argentnn mortuale (Munich, 1726) pa,, Clu•istophe Wahl (1676·
(1615-1680)°, capucin, J,1citarnc11ta ad cultu,n parthe- 1738);-Sodalis ,nariani gazophylaciuni (Nei$$e, 1721);
nium (Salzbourg, ·17',9), tirés de ses Gra11deurs <le Marie; - Catalogu11 novtis /ocderis rnariani (Ingolstadt, 1725),
- Cardinal Célestin S!ondn~ti O $ b, Quindena mciriar1a promesse de S<\ir1te n1ort pou1• le congréganiste fidèle;
(Salzbourg, 1752), sermons sur la Vierge; - Henri T3ou- - Leges et stntt4la cun1 variis prl!cibus (St,raubing,
don (1624-1702), Deus solus... ((}ratz, 1678 et 17~ 5; 1725); - Mat<1r 11,dniirabilis hoc est a~trniranda Sa11ctis11i-
Munster, 1688 et 171'.t6•1747; Munich, 1. 691; Molsheim, 1nae JJei Matris erga sodale.s providentitL (Augsbourg,
t 718; l(oshicA, t 789), sur l'amour de Dieu, trad uiL p:1r 1726); - Corona stellarutn <luc<lecitn sic,11 duodccim
Nicolas Avaucin (1Gt2-1 t,81>); - JYfiçhel Boutauld pietati'.s officia (Trèves , 1728 At 1757); - AdolesceM
(1601,-1680), (Jor11;ilùi ,Sapienliae se.u epitonie. axionui- marianus (Augsbourg, 1733); - Adole.scens rnaria110•
tiirr1 Salotnoni.s ne.ces8aria ad vitarn pruclanter instit1/.f<11- acadetnicus in 1Juis legibus pic instraetus (Vienne, 1736
dam (Linz; 1733), traduction de Sirnon H.ett.enbacher et. 1745); ~ lnterpres pacti n1ariani (Molsheim, 1746);
(1634-1706) o s b; - Luc üpalinski (1612-1672), rnar6- - I de,a c1~ltu11 ni.ariani sodalitatibus Deiparae, consccra-
chal de Pologne, Dti offecùs honiinis christiat,i (Vienne, tis proprii (Munich, 17ll7; Molsheim, 1761; Munster,
167g, et 1700; 'l'yrnau, 1703); - Benoit XIV t 17:i8, 1762) par• F'rançois Neum.1yr (16~7-1765); - commen•
De fcistis Jesu Chrit1t,: (Molshei1n, 1747-1749; P assau, taire de lu bulla au.rea de Benoît x1v sur les cong,•éga-
t 773-1774) , De festt$ B. Mar,:ae Virgini,9 (Molsheiln, 1.ions (Porrentruy, 1759); - Lege..~ sodalitatis (Tyrnau,
1750; Passao, 1772), De sanctissùno sacrifi,cio ,n.i.9,<IIP. 1760); - Officia sodalis rnar1'.a11i ,(Sul11bo\ll'g, 1763); -
(Molsheiin, 175(..-1755) et. Dr, scrvorutn Dei beatificatfr,ne Dcwotio pa.rt/ienia (Lucerne, 1768) par Ferdinand i:tei-
(Mayence, 1765) d'après la Sy11<1.p8is d':E1nmanuol de saeh (1721-après 1773); - Bre11i.~ notitùi dt! sodalitate
Azovedo (1713-17!lfi). B. V. Jvlariae (Vienne, 17?9) par Joseph Eng$Uer (1?26·
lJne Jdea fabri'.cae 1na.rù:u1ae (Ingolstadt, 17:15), 1811); - Leges rn.arian.ae in f ragllientis E,1a11gelii
contenant trois séries de cent se1î ter1ces des P,\.res de (Munich, 179'1) par Louis Seccar<l (1736-1806).
l'flglise et d'autres auteurs 8Vfl() le De Peru nobilit(l.te -Quelquefois en sont <los sortos de livre6 d'or : Poma 11ova
de Philon, uno J nstitutio paraenetica ad sacerdotes de et C>c/.cra ( EJichst.nP.Lt ut I ngolsLadL, 1.677); - Sa,wul1un ,naria•
Jean Dirckinck s j eL Je De vera sapientia de Pétrarque. 111un (ViennA, 1.678) de Jean Forcsi ou (1.129) rio 'l'ho111as \Vln-
Mentionnons encore le Seneca christianu.~ (Linz, 1652 t Ar P.t Ancore ('l'ronLè, 1727) de Jcan-l'lapl.iste Hofor {1677•
et 1686; Tyrnau, 1700), recueil de pensées tirées d~~ 1760) avec une Jdca pcrfc<•ti ,,,Jdali.,, consacreù au souvenir
Sénéque, par Jean-Baplhite Schellenherg (1586·161.[j) d'un congréganiste défunt, J ea n-H aptistè de Schulthaus;-
De orti, et progrcssri sod,,liUt/Î.~ rna joris li11 cc11sis (Lini, 1726); -
s j, et des Senl11ntùirum hieropoliticaruni 1nono.9tù:h11 Albun, sodali1t1tis m(l.joris (Vionnc1, 173!)-17', 0) par Martin l-lqel-
(Linz, ·1708). Jcr (169ll•1.751 ); -Alln,111111arian1u11 (Donn, J 71,6) ; - E11chiri-
• <lio11 sotl<ilît;.rn. Congret:ationis brixincn.sis (Rrixen , 1770); -
2)MANU I",$ DE CONl,nF.GATIONS ET MA Nu~: 1.,$ IIH Commenlarius asceiic11s d11oriu11 S(1.r.tuloru111 (Munich, 1779;
Pl~TÉ. - a) Le11 niQnuels de congrér.atlone s'inspirt•n t 2• parl.io, 1782) et un au tre A.lbu111 111arian,111i {1780) par
dans une certaine mesure de ceux. de Cost.er•, Ver•on et Louis Soccard.
Lechner (supra, col. 1533), adaptés ,1ux conditioos d'fli~e.
de situation ou de lieu. - fi'ascicultts observationu,n, h) Eucoloa-os. - Il cônvienl: de signaler d'abord lo.~
preca.tionulli et ùuiulgcntiarurn con,gregationis (Va1•.sovie, " années >> de Joan Nadasi {1.613-1679) ; Ann1tS coelestis
1645) par Paul l(oilowski (1592-1651); - Leges congr(i- J esu .Hegis et Ma,·iae Regin,~,1 (Vienne, 1648-16119 ot
l540 1541 ÉTRENNES MARIALES 1542
ruinti 1687; Cologne, 16'4~; Gratz, 167? ; !\-tayenco, 1746- 1naritina (1738), qui est p eut-être un extrait <le l'Hebdo-
1gel; " 1748 et 1766-1769) ou Calendarium novum. ad be11e 1nada ,nariana de Richard Stanyhurst (1547-1618),
ir~m rnori,endu,n perquam utile (Wurtzbourg, 1665; Molsheim, père de Guillau1ne; - Jacques Zwei!Tel (1722-après
anae 1'670), aspirations et 1•éllexions pour chaque jour; 1771), Exercitia spiritus (l,ucorne, 1775), pour chaque
1ster Aspiratio11es tlwologicae (Prague, 1666; Dillingeo, 1757; jour du mois.
1·-
' Munster, 1761), extra.ites 'de son Annus Sanctissi,nae Beaucoup <le ces livres de prières restent anonyme8 :
;a.dt, Trinitatis, JJOur les dirnanches; Annus Cru.ci'{ixi Dei J esu Societas amoris scu spiritualis animae Deu1n aniantis
gne, (!J.'yrnau, 1650}, pour les vendredis; Annus eucharis- eum Dco a-~so<;jatio (Breslau, 166:1; Munster, 1691);
num ticw; (1651), pou1· les jeudis; Orati.o ar1gelir.a (16 7'1), - Ex11rcitium dcvotionis <J,d, reeole1idos sacros cruciatus
~ute mois des anges; Hebdo,nalla n1.editanda.e aeter11itatis tit adoranda Jcstt Chri$ti Pu.lnera (Munster, 166'1),
lllin- magistro divi,io a.more (Dillîngen, 1671; 'l'yrnau, 1675), d'après l'JiJcriture, la lit111'gie, les PèJ'es; - .S'irenes
ialis Lilia coele8tia alliciendi.8 ad a.eternitaû,q paradisu,m partheniae nive hymni (WurttJ)ourg, 1664); - ,Hebdo" tas
6t6- piis mentibus porrccta (Vienne, 1655) et florti "flores et sacra (Vienne, 1682); - Ann.i aeterni hcbdo,nadae 62 ...
186), coronac r.oeli;.9ü1.~ ('l'yrnau, 1657), sur les fins del'nièrcs, 1:uni itinerario anùnae piac (Linz, 11182); - Co,1sta.ns
,adt, sujet déjà abordé dans ;vfaria, ,na.te,· a.goniz(l11tium pietQ., erga SS. 'l'rinitateni, TJ. V. Maria,m, et SS. a11gclos
1 ou (Gratz, 1640; Neisse, 1642; Cologne, 1754) et repris tutelares (1683); - Ofltci1un defunr.torum (Lucerne 1688;
le la dans Vitae praedestinoruni sig1111,1n magnum S. Maria Molsheîrn, 1764; réé<!. par L. Seccar(), Munich, 1787);
> de Mater Boni Consilii (Ingolstadt, 1687; Gratz, 1698); - Manualc quotulianae de11otÙJTiÏS in De1un iJt çoelites
lcui- Theophilus ,narùuui,s (Munster, 1671), 1nois de lvlarie. (Oratz, 1691) ; - Dulcedo m(!llfJ(J, in qtt0tulianum sola-
l n8- Gabriel l·Ievenesi (1656-1 ?15) connaît un 6gal succès tittnt et spiritualeni r1:/ectione1n (Linz, 1696, pro beato
[ols• avec son Ars bo11ae niortis sù,e quotidiana fJrga SanctÎs- 11011i anni auspicio), ioapil•ée do S. Bernard; - Exer-
:iosa simam Dei Matre,n Maricun pietas, ou simplentenf, cices et pratiques de vertu et de piété (Lille, 1699, en
,lius Pietas quotùliana erga.. . (Vienne, 1695 et 174'*; étrèn1J); - Pietas quotidiana ,yar.crdotunt (Lucerne, 1699);
Gratz, 1703 et 1726; Cologne e t P assau, 1708; Linz, - l'antiques 11pirituals (Liège, 1706); - E·:tcrcitia pie-

,1nz, 1713 et 1740; Ingolstadt, 1721 et 1726; Fulda, 1724- tatis non soda.libus accom,nodatci a<l leges sodalitaturrt
,inz, 1725 ; Presbourg, 1737; l,\1cornc, 1748; Dîllingen, 17:it,.; (Luee1·ne, 1. 708); - /ielectarun1, preèutn f asciculus ad
ibU$ Munich, 176'1-1765), exercices quotidiens de piété /Jci et Deiparae h.onor11rn (Linz, t 723); _;, 'l'lwsaurus
iu,n envers la Vierge, et ses Scirititliui ignatia.nac (Vienfle, seler.tar1ini precu,n ad Deiparae sanctoru,nque cultu,n
676- 1705; Gratz, 1712 et 1725; Lo.ybach, 1718; J{lagcnfurt, (Grati, 172',); - Dies S(tncti seu. q1iotidiana sanctorurn
21); 1749), pensées de saint Ignace de Loyola pùllt' chaque ,:nvoca.tio... (Aix -la -Chapelle, 1726); - Exercitia pic-
25), jour. Do lui encore un Calendaritun ,narian1an (Grall,, l!lti.~ irt s.ingulos a.n11i dominicu.s (l) aderbor11, 1728); -
.è le; 1685), un Cal1111dari11,ni e11,çharisticum (Vienne, 1708; Oratio don1,inic11 ·rnulLiplici paraphra8i 11:r.posita ( f!eidel•
ing, 'J'yrnau, 1709; Munster, 1721 et 17:iG) et de pt;1Lit.s herg, 1730); - E.1:rir1:itia sacraru,n precu.m praecipuis
• •
issi- traités do <l(ivotion : .Spl:cultun irtr1oce1i.tiae (Gl'ati, r.hristianruJ religio1tis officiis (1731. ot 1764) et un supplé-
urg,
. 1691) à l'école de l,ouii; de {J()nzague, Spiritu11lis 1nen t ('I 77'1) ; - Pra:ces opera quotidiana bene pcragendi
!Cim ar,natttl'(t fortùan siile cura innoce11tiae (Vienne, 1. 71 '•; ('Munster, 1733); - Ma.nuale precu1n (GraLz, 1717); -
cens Molshehu, 1752) , PP.r.r:flti P.xtr!rminiuni (Dillingen, 1721), E.1:eri;itiurn hcbdomadarium pie sancteque viPendi
ino- souvent .joint au précédent, Bipartit1un innoc11r1tùi<i (Porrentruy, 17511); - Piurn vadeniecu,n (Lin z, 1756),
.786 praP.sid,ium (Linz, 1730), c'est-à-d ire prière et leclure po\11' la semaine.
'16); spirituelle, et Auc1,pitun i1111ocenliafl (Pr(lsbourg, 1734) .
cra- u Horloges » de piété. - P ierre Canisins, Exerciti.,.1, c) Ici, ta. pl'ièrc est plus direcle1nent mariale. -
:ter, qu,otidianfJ HfJIJ. d,evotionr!B varia,1 (Vienne, 1701); - Barthélerny J acquino t; (1569-1647), A11nu.s fa.ustus
1en- Guîllaurnc de Lt\rtdsheere (1605-1666), Dia.rùun lu1rni- sod(llium (l\o[unster, 1686), uiéLhode po1.11• so sanctifier
~ga- n1:.1 pie c!tri..~tiani (Ypres, 1653); - \Venceslas Schwei•t- chaque joul' $lliv11nt los règles de la cù11gl'éga Uon; -
lQU, fer, Diariu.,n hrnninis r:hristiani (Linz, 1687); - François de lu Croix (1583-·16'•4) , flortulus ,na.rr:an.us
. G·corges Menlz. (1602-1668), Dies chrir;t1:(J,nu.s (Lucerne, sive praxes (la1•iae colendi B. V. Ma,riani (Vienne, 1637
'R.ei- 16la6; Bamhorg, 1666; Laybach, ·1750), <l'après la Cour et 1743; Gratz, 1640; Bamberg, 1715; sa.ns doute
itate sainte de Nicolas Caussin, et Nor,n.a christianc ac un extrait, Treute, 1.725); - Maximilien Sch111idt
126- d1:vote vivendi (Passau, 1688; Molshei.111, 1688 et 1758), (1590-1625), /Jypcrdulia sacret ,no.rian(l (Munich, 1676;
relii inspirée fl o François do Sales ; - Georges I·Ieser (1009- Lucerne, 1679 et 16\17; Munster, 1682), celit exercices
1686), llebdo,nas of/iciosae. pietati.• (vVurtzbourg, 1657); .de piét,o; - Laurent Chiffiet (15()8-1658; DS, t. 2,
1oc1a - Nicolas Ellîcn (1626-1706; DS, t. 4, col. 559), Panis col. 842·84.3), [d,a,1a praecipuorurn af!ectuu,ni ad in110•
,rÎ(l• coeli (Vienne, 1714-1715 et 17fi3; Layhach , ·1 764; r.a,11d1,un Dei ac nu'.sericordia.P. '/lllatrent (Munster, 1677);
Vîn- 1.,inz, 1765); - Barthélorny le M,~ist1·e (l 61,2-16?9), - L éona1•d ]3ar,hin (1602-1665), Coron(}, nzariana
577- Vera pieta!I .w1u 11irtr.ttnni, dcvutio,turrt, uctionu1n c:i:cr- 1:011iplccte11s duodecùn Piridarii pa.rtlwnil: lilia (Munich,
·onir •1716); - 'J'homas Aurieinrna (16'1'1-1671; DS, t. 1,
r.itatio (Passau, 1726; Gratz, 1729 ; Vienne, 1757),
sur la pratiqur. dos vorl;us. ~ Paul Segnel'i, PatP.r I\OI. 1138), Co11tin1t1i Bcatissirnae V, Maria11 nuimori11.
;-
'oel• ,iostcr... ad ,na.jore,n de.<1otione1n 1:on.1:ipif111dc1rrt (Cologne, in qru1tiditi11is acûonibu,j (Dillingen, 1 724; Cologne,
'i fri- 8 d); - Libofro Siniscalchî (167~-1742), Die.s ... (Linz, 1730), p1'1~codommo11t dans un Fa,scinulits rnarituii
t 739) el, A nnus san.ctificattis Do,ni11.o ('l 7110); - Fran- a1noris (Vienne, 170',), publié par François-Xavier J aco-
77') · çois Moliudes (1678-17t,8), J>ieta.~ quotidiana tir~a ... let (1681 -1746), qui s'en est servi aussi pour son Men.sis
par' J,1.~11,m cr1icifixurn ('' ieu11e, 1722; Linz, 1?2t, et 1758; ,narianuB (Dillingen, 1724); - François-Stanislas F onicki
Lucerne ·17 3,;i; Munillh, 1759-•J 760); - J ean Seott.i (1592-1652), /l,fag11a, Ilungariac lJornina. (Tyrnau, 1. 702),
(1681-175!,), Dies sacra pP.r loci;, sacrae Scriptura.e Hx tr•ait do son Mariae ,nanoipil.un, ou manière de devenir
les ,, esclave» de Mario ; - Jean Frings (1666-1716), Via
:stis progrediens (Linz, 1761; Molsheitn, 176',; Munich,
1773; Klagentul'L, 1781); - Antoine Z,vicklin (1696- /.ru:tcu ,nariana. si<1e tres r.e11t1triac favorurn B. Virgi11ù1
1 e·t
176',), Hcbdon1as sacra. (Augsbourg, 1737) et Hcbdo,nas erg(l s1tos r.lic,1.tes (lvlolsheitn, 170', ; ... c1>tttinua.ta, 1706);
' '

1543 É'fRENNES 1544


- Ch~rles PfellTersberg (1671-17(.1), J;'asciculus ,nariani de r;es Epist,olae (Linz, 1753), une série de considérations
amoris (Gratz, 1705 et 1735); - François de Seedorf sur su Charitas (Wurtz.bourg, 1662), Vita ,.jt cult11,s ...
(1691-1758), Officirtm B. V. Mariac perpetua para- (1'Iayonco, 1714), Medicus thaum,aturgus in. necessitate
phrasi (Ingolstadt, 1732; Gra tz, 17(.1; lvlunich, 1785); hanor(1.tuR ... (Bamberg, t 7j r.) et, en vue de développer
- Fréd6ric de ReilTenberg (1719-17611), Panoplia les « dix vendredis » en son honneur, Pr<LXi.9 geminaa
adolescentù1 parthenii (Cologne, 1757); - LoUI$ Wage- dec,otioni.s ... (Tyrnau, 1695; Oratz, 1696; Lini, 1706) par
mann (1713-1792), L ucerna ,nariana (Lucerne, 1758) , l-toch An1pach (1636-'1 709), Methodu,s xac,erianae pie-
prières 1ritu•iales des congréganistes de Lucorno; - tatis (Osnabruck, 1698; Linz, 1699) par F'rançois Frey•
Louis Seccar<l, Diaeta niariana sivc prccunt fornuûa e tag (1658-1109) et Syna:res xal'erianae (1-lildesheim,
(Munich , 1797). 1731; Muni<:h , 173',) pa,r ,Jean Lambertz (1682-1757);
Auteur'$ non identifiés : Sabbat1un dù,ae Virgini - de Larnbertz ellcore, pour S. Jean-F'ra.nçois Régis,
sacrurn (J.\-1unich, 16(t8, sub aiu;piciurn riovi (tnni .. , kalen- S,unit,L salutis pretiosis ... vestigii.s pariter et doctrinis
dis ianuarii); - Eloque,uia pietatis (Porrentruy, 1660); signata (Cologne, 1738) et, pour f.;, ,Jean Népomucène,
- Diarirun cordis n1.a.riani (l!:ichstaett, 1670; Mayence, c:ult1LS... (Innsbruck, 1722); pour le 1nême saint,
1706), textes scripturaires pour· chaque jour. - Maria Antoine-François Mariani ('l 680-1751) c-0n1pose un
coronata sive Jfosarii nutrùuii ,nysteria ga,utiiosa (Muns• Cultus specia.t,:.~ per boru.trn lingufLC usu,n exhibendtts ...
ter, 1678); - .Die.~ p<Lrthcnius (Gratz, 169t1; Vienne, (ll{aycnce, 1725) et un Cult us... 1101,end,iali.~ (Munich,
1709); - Libellus... c1ûtuni nuLriariurn in 12 1ne11ses 1768).
dist1·ibu11n11 (Linz, 1697); - Annus rnarianus sodltlis
3) L1v11us f>B M.ÉDITATIONS ET DE RETRAITES,
(Gratz, 1707; Jngolstarlt, 1751; Noustadt, 1752); -
lfyrnnus chronologicus dR Jnun,1c1tlata Concepr.ione a) A peu d'exceptions prés, comme le$ Lectiora Scriptu•
(Lucerne, 1710); - Scptcna jubila, B. Virginù.1 soda- rae Sacra.t: lurnina... in tLSu1n 1n.edita,tio11u1n. et aspfra-
litati sacra in huiu,s saeculi tenipus ac ftttu,:i beatani tionum (ll·l unster, 1705), les 1•ecueils do méditations
aetcrnit0,wrr1, distributa secund1un /esta 1nagnae Dorriinae quotidiennes qui se trouvent parrni les xe.nia sont des
sole1n11ia (Dusseldorf, 1719); - Preces laetitl.~ùn<LH rééditiOllS d'au t.eu1's connus: J can-Baptiste de Saint-Ju1·e
(1588-1657), 1,1edita.tiones de praecipttis ac gravissimis
sodali.s mariani (Gratz, 1730); - l'reces selectae in
us,tm adolescer1tis 1ruiriani (Lioz, 1762). •
cieritatibus ficu:i acco1n1nodatae ad tres c,ia.s, purgativam,
illu1n.inati1'a1n et ,~niti/"Lm (Paderborn, 1701; Munster,
Rapprochons de ces ouvrages de dévotiôn quelques 1702), traduction de Michel Covelier (1600-1651); -
traités do mariologie : Philosophia rn.ariana (Vienne, Guillaume Stanyhurst (1601-1663), Quotidia111i
1668); - Étienne Binet (1569-1639), Tessera saluti.s christia11i ,niliti.~ tesscra (Fulda, '1710-1713); -
(Linz, 1709), traduction de sa Marque de prédestination, Georg-es Heser, Vitae D. N. Je,qu (,'ltristi Monotessa•
par Christophe Holtzlentner (1563-1620); - De ctffectu ron e1,arigelicu1rt (Oratz, 17'11); - Nicolas A vancin,
et arnore erga M<Lriarn (Vienne, 1691 et 1695) de J ean- Vita et doctrù1.a J e,q1L Christi (Passau, 1718); -
Eusèbe Niereu1herg (1595-1658), d'après la traduction ,Jean Crasset (1618-1692; DS, L. 2, col. 2511-2520),
de Martin Sibonius (160~-1668); - sepl. considérations No1ia fornui nuiditatio,iutn (Oratz, 1739; Lir11,, 1762),
de Jean-Pierre Pina1nonti (16ll2-1703) sur le Sanc- Consideratio11es selectae (Munster, 1778) ot Meditcuio,ie.s
tùJi,i,nurn cor Mariae. (Ingol:;tad t, 1722 et 1726; I{lagen- in sitigulos anni dies (Linz, 1775); - Paul Segneri,
Iurt, 1727; Gratz, '1 728; Fulda, 1751); - .De 1:1epteni M anna a11in1a.e (1-Ieidel))erg, 1 7(.-1-17(.6); - Do1ni-
vRrbi..9 B. V. Mariae. de.quR virtu,tibus in iis rclttcentibu.s niquo Bouhours (DS, t. 1, col. 1896), Ciroulus merMtruus
(Olrnu ti, 1- 755) do J can lvlalobiczky (1620-1683); - chriRtiana1·u1n cogitation1un (Cologne, 1676; Linr., 1685;
De imitatione. B. V. 11'/ariae (Vienne, 17(.4; Passa,1, Constance, 1689; Ollnu tz, 1693; lviolshcim, · 1698, suivi
1746; Molsheim, 1783) <le Françoi$ A1•ills (1533-1605); - d'nn CirctÛttS menstru1LS parthe-nio-n1.arianarum rnedi•
1 rnitatio Sa.nctissiniae V irgi11is (Vienne, 1783) tationu,n, 1699); - Nicolas le Paulmier (1637-1702),
d'Alexandre de Rouville (d'llt~rouvillo), traductiôn <le Scriptura Sacra in formani nLcditatio,uun redacta
Joseph Engsl:lor. (Munich, 1771•1778); - Pierre Mr.<laillo (1638-1709),
Aux confins rle l'nrL ol, do la prièl'e, le$ P.lr>15ia ,na.riana M111(/.1Llla sacrarun-i meditationurn (Molsheh11, 1758-
(Dn1nberg, 167$, nodalibtts pa.rt.hc1ti.i-, <1! -~Lrcnu~ <'Îrt11tu1n stu- 1759), tradncUon d'lgnaco Fries (1702-1760); -
diu.m dc1:r,rrant in strena,ni obl<1t<1) d'HortfjnKît.rs P11llavicino Fr•~nçois Ncpveu (1639-1708), Cogitationes sivc co11si•
(1608-1fi91), le:; .1lntorcs nu1ricu1i (l~inr., 16\lO) d e :Melchior Gut• derationes chrisûariac (Vienne, 1719-1720 et 1737;
wirt.11 (1G2G-1705), le$ F,lesia~ 111aria11a.e (Fribourg, 1756) de Linz, 1720-1721 et 1732; l·leidolberg, 172(.-1725;
J<'ro.nçois Noël (1651 ·1729) el la Genesis 1nc1rùu1<1 ico11ib11.s
illustrata (Grnti, 1101) de Charles 1-Iollner (1667•1724). Molsheim, 173(.-1 737), traduction d'André Leuckart
(16(.9-1713); - Jean Chappuis {1656-1738), Panis
d) La place fuite an culte des saints vaut d'être quotidi<lnus ani,nae (Vienne, 1726-1728; Linz, 1 ?52
remarquée. - Christia11oru1n. in sanctos S<Lnètonunque et 1770-1772), traduction d'Ignace J aus (1GY9-1739).
Ilegincirn... propt:n.sa dei•otio (Fulda, 1752) par Pour le carê1ne : Quadrag11sinia sancta ou Quadrage•
De11oît Piazza (1677-1761) ; - S<Lr1CJttts Josephus illus- sùna Chr,:sto patienti sacra (Vie,1ne, 1710 et 1745;
tris i11 terris, illustrior in coelis (l\'Iunster, '169?) et Linz, 1712; G·raLz, 1713 et 1755; J{lagenfurt, 1713 et
Vit11, S. Josephi (Molsheiln, -17116); - Ji'oedus rna,·iano- 1751; Passau, 1730; Tyrnau, 1712; Bonn, 175(.; Mols•
josephinu,m ('l'rcntc, 1773) de Chr•istian Vilgratcr (1720· heinl, 1763) d e Gabriel Flevenesi; - Pa118in 11t n1ors
1788); - .Fnrnia christianae Pitae ... ternpore sepleridialis Christi (lvlayence, 1726), d'après Nicolas ù.:u1cicios
in honore,n lJ. V. 1lfaria.,e aut 11o"endialis in hono1·e1n. (1574-1652), ,Jean-Baptiste de Saint-,1111'1~ (1588-165?),
8. Antonii de Padua aut de.r.end,ù;.lis i,i lto,iorem.... Jean Bourgeois (1574 -16511) et Gaspard D1;uzbicki
S. J,'ra11cisci ,Yaverii instituendae (Munster, :l 738). - (1589-1660); - P a,çsin 1). N. Jesu Christi (Munich,
Pour$. Ignace de Loyola, r;on (Jfficium (Dillingen, 1667) 17(l3), peut-ôtre de François Neu1nayr·; - JJiae cogi-
et un Thesaurus spirituctlis in dec,oto r.ultu S. 1gnatii tationes de Christo patiente (Vienne, 1744; Linz, 17',8);
(Mayence, 1713); - pour$. François Xavier, un choix - Passio et niors Christi (Bamberg, 1756), dans la
1545 É'fRENNES MARI AtES 1546
colléction Explicatio saor,1e Scriplurac d'Adam Reizel'. pro quolibet die merisis (Fulda, 1743) avec une retraite
Pour cornpléter la connaissance do l'Évangile acquise d.,! dix jours,
te par la méditation : Vita Christi sacratissimaeque lljusdcrn D'autres ont spécialement en vuo Je clergé : Rega.le
fa111iliae (Vienna, 17 1d'l) do Pierre de f-tibadeneyra saoerdoti1un Bive de vacatione, virtutibu.s et afficii.~ saccr•
le dat,~,n (Cologne, 1716; Munster, 1740) de Je.an Malo-
(1527-1611); - une autre vie anony1no, De claritate
U' biczky; - Septintan.a devotioni.~ sacordotis ... e sacris
et gloria Jf!su Christi D. N. durn i11 terris versarctur
(~urtzbourg, 1738); - ln Pa.rabole de l'enfant prodigu11 .Dii,inae Scripturae pagiriis (Cologne, 1G79; Munster,
(Liège, 1705); - De septc1n verb,~~ a Christo in crucc 1 (i89; Grat1., 169Q. et, cas très rare au 190 siècle, Soleure,
pr_olatis (Vienne 1753; Linz, 1754) de RoberL Bell1.1r- 1fl28, ~~eniun1. ju,xta pristinurn congr11gationis usurn)
m1n. di: J.i'rod6ric Lambel'ti (1632-17111); - lnsta1,ratio sar.ra
• Le saint du jour est présenté conune lhè1ne dans le hurninis chri.stiani ut 1na.xinze vere sacerdotis theophili
i8 i11 curti anirnaru1n agfintis (l(rems, 17/AO) de Charles Pfeif-
Diariurn sanctoru,n (Vienne, 1701 -1704; Gratz, 170',;
!, fen;berg; - V iator ch.riBtia,nus ad coelestem. patriam
Wurtzbourg, 1707-1710; Linz, 1773-177', ) de Joan•
t, Étienne Grosoz (161,2-17·18) et dans Se1nita vitae saric" pt,r e:t:ercitia spiritualia direr.tus (Tyrnau, 1752) avec
n dus aperçus ascétiques do Jean Raic.~ani; - <Jctiduana
toru111 (Wurtzbou,·g, 1 fj90-1693; l!'uida, 1696-1.699;
.. H?idolhorg, 1692 et 1717; !vlayence, 1701-170',), ou recallf:1:tio ccclesia.sticorum (Laybach, 1745).
l,
Vitae sanctorum .~acrin ... nu::ditcilionibu.s (Molsheiin, r.) Lo• triduums, surtout durant la semaine sainte,
1700-1703), inspirés de (frosei. - l:tédigés en forme de ne se comptent pas : Triduitrn a11nuae re,x,llectionis
,nédit.ations : la Vita. B . V. Mariae (Gtatz, 1711) de (Cologne, 1693) de Charles do Grobhondoncq (1600-
J eao-Augn$l8 Cù11falonio1·i (1558-1639), - les Pietat,;s 1 !i?2); - Triduuni mariarnun (Osnabruck, 1697) de
obseq1iia Deo, Deip<u·ae, 1:of!litibus (()ratz, 1717 et 1738; F rançois F'1·oytag ; - ~l'riviurrt sacrurn sacerdotal
B Layhach, 1717; Liuz, 1722; Neisse, 173', ) do Charles• ('l' yrnau, 1700), inspiré de P. Segneri, par J.lifax Rassler;
s Grégoire Rosignoli (1631-1707), - les Micae e,,ange- - - Triduu.ni siicriun an,;mae pictati consecratrun (Ingol-
e licaè (Munich, '1749 et 1791) de F1·ançois N'oumayr, ~ stadt, 1747); - une courte Triduana spiritttS recollectio
s les F esta, sole1nnia Dornini et 111atris Do,nini (Gral,z, (J ,inz, 1761); - Emi11cns scientia D, N. Jt:su Chri,sti
1768) de Guillaun11~ Jonan1y {1726-1781,) - et les
',
'
Cogitationes christia11ae in singuloR mensin dies (Bude,
eru.cifi;vi (Ratisbonne, 174G) de Charles Stoecken (1698-
' 1753); - Vi11eo, e(!a1tgelica (FribO\ll'g-en-Brisgau,
1763) d'Adam J(oreskenyi {1713•1777). 1749 et 1762; Dillingen, 1767), Gravitas peccati in se
De manière plus brève une pensée est proposée dan$ (J nnsbruck, 1. 767) et in suis et}ectibu.s (1768), Bonu.~
de petits calendrierii : A nn,i.,q astrologic1,s in dies singu.- latro (1769) et Fide.~, spcs, caritas, trùi haec (1770)
• los feliciter agendos distributus (Constance, 1630), - ù e François Fischer (1721-1782); - Fil,:us prodigus
Annu,9 /austus (Paderborn, 1684), - Ephernerides sive in se reversu11 a,d patre,n conver,q1.is (Mayence, 1752)
Axio1nata vitae christianae ex Scriptura, SS. J>airibus el, ,RHr.ollectt'.o spil'ituR... ex pritna he.bdornada, asceseos
, el aureo Kc,npcnsi.s libcllo e:tcerpta (l\:lunster, s d), - i~natianae (175'1) de Joseph Engelrnohr (1710-après
Bori a11 présenté à la fl.eurissantc jeunesse liégeoise 1.165); -. S acra anirni rccollectio triduaria (Innsbruck,
' co,igrégée sou.bs le titre de la Purification de la B. V. 1756) d e lî'rançois 1-Ioraz (1705-1757); - 1'riduum
Marie (l, iège, 1?•: siècle), - Novus a1i11us incolu,ni.v iuu)rtun (Munich, 1740 et 17/i.1; l\!lolsheim, 17GO) de
'• cl sa11us seu ars bene diuque 11alendi Q,r. vivendi (Oratz, J•'rançois Neurnayr-, \111 autre (Vienne, 1768) do Joseph
1688) d'après Louis Cornaro (1467-1565), adapté par Engstler , un troisiè1ne (Vienne, 1770) de Georges
• Less1us, - Calllndaritini asct:tico-hi.sloricuni... sù1e lVlaister (1717-1795), enfin un e 1'ruluana , spiritu1.1
'i 11elcata vitae christia11ae (Heidelberg, 1703), -· r,.? no,,atio (Constance, 1770) de François-Xavier
. Calendariuni l,,ene nwriendi sive acta sa11ctoru1n ad bene Schetler (1729-1788); - de Nou111ayr encore, Exter-
vi"cndu,n proposita (!vlayence, 1711 ), - Çiil,:11dariu.rn 1n.i11i1un actdia.e fr"ctus cxhortationis D. 1V, Jcsii Christi
sinir,l riO(!u1n cl antiqu1t1n. ad claude11do11 feliciter i11
(,\ugslJ0\11'g, 1755; Munich, 1788).
decretorio ,nortis 1nonic11to vitae a11n.os (Hîldesheirn, Pri11cipia thl!ologiae ascetica-e sacra triduo expe11sa
1713, « in felix novi anni auspiciu1n »), - J~cl~c novus (~1unich, 1762; Ingolstadt, 1772) de '.l<'rançois-Xavie1•
annus seu solidus ac fact'.lis 1n.odus, non solu,n pr(J,e!/en• Sau Le1•n1eistor (1725-1801); - VirtttS chrislianôrurn
tern annu,n, 86d tot1J.n1 etiam rcliquam vitâ1n curn 1nagna lwroica (Muniûh, 1767) et Fu,ndanzenla virtutrun (1768)
anirni tranquillitate ac la.etitia transigendi (Gl'atz 1722 · d11 Christophe Froelich; - Foedus 111edium sodalium
Dillingon, 1781) de Tobie Lohner (1619-1697), - 'Annti; (Innsbruck, 1771), ou l'union entre congréganistes
novus et sanctu:; .~ù,,1 praxis lixcroitiortun spiritua.liurn vivants et défunts, et Spccul1u1i 110n jflllax (1772),
(Fulda, 1726) de Sébastien Izcgiierdo (1601-1681), pour les quatre-te,nps de printemps, par François-
- Calendariu,n politù:o-chri.slutnurn (Vienne 171,t, · Xavier Waldner (172(.-1794); - Paulus ad Colossenses
. 17 57) de Geor-ges Seisei• -(160'1-1665).
L1nz, ' '
(i\1 unich, 1783), Philosophia Jobi (1.787), l-Jymnus
b) Retraites. - CorLainos s'adressent. à tous les ,St<tbat Mater (1788) et .Passio,tes nostrae ad pasi;ic11eni
congréganistes, pour qui la pl'a.tiqno dos exercices spiri- Doniini atte111perat,ie ('l 795) de Louis $occard. - Leii
tuels ôtait ra1nilière : <)ctidua11a spirit.us e.~ercitia (Mols- T1 crita.teH aet11rnae (Gratz, 1760-1782) de Joseph Mais-
heim, 1û67 et 1671) d'Augustin Borler 1' 1698' - tnr ('i 71'J.•1791, ) constituent un ensemble unique do
Sace.r rccessus (Vienne, 1703; Molsheiol, 1'J!l8) de Fran- 21 lriduurns prêchés (sauf on 1768 où il fut suppléé pa1·
çois Nopvou; - E:-ccrcùia spirüualia octiduQ.11a ((;ratz, André l-Ieckol, 1725-1. 7?0) au début de la semaine
'l ?09; Klagenfurt, 1715) ou Scintilla cor<lis e;i: libello sainte : il. pa1'Ur d'un fait évang6liquo, d'un passage de
Exercitioru,n... (l\:loli;hei1n, 1720) de Nicolas ElfTen; saint Paul ou du rappel d'une grande v6rité, c'est
- Excrcitia spiritualia pritn.ae hebdornadae (IngolsLadt, c haque fois, en six méditations, un sti,nulan t vers la
1727) de Paul ZeU (1679-1740); - Excrcitia spiritualùJ. r•nühcrche d'une vie do plus en plus unie~ Dieu.
S . Patris lgnati,: (Gratz., 1730) de J acquofl Nouet Quelques autroR exhortations ou sarrnons : Conccpttt8
(1605-1680); - Spiritus B, Pauli seu. ... considerationcs lleatissimac.,, Mariae solc,nnit(l.ti/ius praecipttis (Wurtzbourg,
1547 ÉTRENNES 1548
1677) dé Wolfgang Schwan (1604•1686); - Sor11io11os ad sodales Fax a,qçetica ad rcctarn vit1J.e semita,n et fclicem viae
parthenios (Dillingen, 1709), publiés après la n1ort do Je11n- terrnin1un praelur.ens (Dillingen, 1741).
Bapti.~to F1·oolich (165'1-1706); - S<,rniu1ics brc~cs cle offecio
hom,iriis christiani ot 1na.ria11i tlùmti~ (lnnsbruck, 1715) pat'
.Tean-Pier1•e Pinamon ti, Vera sapùintia, traduction
Jean Banholzer (161,5-'1727); - l•'e.~1.a 1naria11a ccfobriora pcr de Max Rasslor (Dillingen, 1677; Linz, 1684; Molsheim,
a11111;m (Heidelberg, 1778), SérniOns prononcés d.,, 1773 à 1718), llnuni necessariu,n, salc,a anim1un tuam (Trêves,
1776 par André Bissing (1730-1\prùs 1788); - Sylvulae pane• 1726 et 1741; Dussoldo1•f, 1733) ou Cogitationu,n ,naxima
,:yricae (Muniç h, 1.796) pour des têtes <le s11intH p:1r L,ouis per duolkr.ùn utili-ssùnas consùlerationes (Ingolstadt,
Secoor<l; - 111.agnali<J _Dci•Hominis Jasu Christi (Augsbourg, 1718), ln/ernus. apertus ho,ninibus ch1·istiani.s cum poto
1799), publiéi; par 0Réto.n Herz, sinon co1nposés par lui, et ut in illum descendant viventcs 11e descendant nwrientcs
Magnalia lJ. V. Mariné (1805). (Munich, 1706; Molshein1, 171 7) et Via co1.di con1.planata
(Ingolstadt, 1724-1725; Gratz et Linz, 1781; Passau,
4) TnAtTgs S1'11\l'l'U 1-:1,s. - L'absence de tel ou t el ·1738 ; Vienne, 1755; 1-Ieidelb<wg, :1762); - J oan
grand spirituel risquerait de surpron(l1•0 si l'on oubliait Mora,vski, Pretiosa mors sa.nctoruni (Neisse, 1714); - .
qu'on s'adresse à dos r.hrétiens vivant dans le monde, Antoine Bonnet (1634-1700), De timore pocniwnw
non à des religieux. ou à des an:.tchorètes. JI s'agissait (Passau, 1724) ; - Dan1ien l\>Iandt (:16~2-16fl7), Pia mors
de 1•épond1•r à des préoccupations préûises. C'est pour- o.<1t1111sa., optata, oblata in xsnir,,,i (Molshehn, 1688); -
quoi les xenici r.ontrihuèr1~nt (t à orier\ter beaucoup dos ,1 ean Barna (j 670-1731), Sanctissùnac Trin.itatis ... ctdtus
écrivain!l jésuites vers des ouvrages moins spéculatifs, qu,i eHt 11,nica et sola, c>era et oerta, tata et racla ad, çoeluni
·plus soucieux de conseils immédiate1nent pratiques !lia (Dude, 1727); - ,Joseph Prola (1658-1732), Dies 11er<UJ
pour le travail quotidien de lutte contre soi-même, do vùae consccrat,.1,// preparati:011i ad san.cta,n 1norte11i (Fulda,
recuoillon11~nt et d'union il Dieu, que do hautes considé- 1736); - Aloys Bellecius (1704-1757; DS, t. 1, col.
rations qui auraient sans doute dépassé nombre de :l a5a) , Chri.stian11,f; pie ,no,·iens seu. adju11ie11ta pro•
ces congréganistes)> (J. de Guibert, op . cit. infrll,, p. 291 ), cura11dae bon.ae niortis (Fribourg-en-Brisgau, 1 7',8-1. 749),
La pensée de l'éternité est abordée par la plupart des Noua n'avons pu localiser avec certiti1do pa1•n1i los
auteurs. - Saint H.obert .Bellarrnin, De aeterna fclici- :1:enia. le De bo,1a T1Wrte d'And1•é Esclienhl'ender (167G-
tatc sar1ctQrrtni (1\-lolsheiln, 1718) et De arte bene 11ii1e.ndi t 739; OS, t. ,,, col. 1060) qu'un de ses contemporains
et moriendi (Linz, 17 79);- François Poiré (1584-1637),• (J. I-I.-rtz.heirn, B iblwtltccn colonien.sù,, Cologne, 17!i.7,
traduit par lienri de La1normuiui (1575-16',7), Ar,q p. 16) alllrme avoir été subinde pro strena int.er sodalcs
artirtm seu rnodus dispo11endi se ad bene nu1riendu1n rnarianos di,su•ibutus. - Un certain non1bre de traitos
(Passau, 1696); - Paul de llal'ry (1587-1661; DS, t. 1, restent anonymes : Meditaûo o,ete.rnitatis (Douai, 166~).
col. 1253), Doctrina coelestis ... exh.ibens c,ia,n ac ll'Ultho- -- V irt1.1,t1.1,ni praecipuaru,n actus prctetiosa 1norie11ti11.n1
dum procuranda.e saluti-s facilcni ac brHIJHm (G,ratz, occu,pafi:o (Munster, 1665), - Philosophia christiana
1701), tirée do son Pensez-y bien; - Jacques Lobbet ad beate 11ivend1.un e.t 111oriendum i,1 quocu,nque statu
de Lanthin (1 592-tli72), édité par Thomas Winter, (\.Yu1'tibot1rg, 1669; Mayence, 1712), - Via, salutis
De fortit1tdine et constr.uitia chri.~tia,na (Vienne, 1723; /u.ndata iri titnore et amQre Doniini (Vienile, 1675; Linz,
Linz, 1768) et Via 11ilaR mortisqu.e (Vienne, 1732); ·I 681; Dilllngen, 1760), - Via vitae ad secura,n ,nortc,n et
- Jean-Eusèbe Nierernberg, JJi.w:rirnen tt1mporis et Sale>us conductus in coclu1n s i,,e ad f eliceni aelernitate111-
acternita,ti.s (Vienne, 1677; Munster, 1718), traduit pa1• s,icur11rr1 iter (Linz, 1. 69(,), - JIile1ne11t-0 1nori sic,e cogita•
J_,ou ii, Janin (1590-1672), et Recta ad coelu,m se,nita tiones salut.ares de ,norte (:l'iiunster, 1707), - Cotnpcn.diosa
(Constance, 17il2); - ,1 oan Bu ce lien i (DS, t, 1, col. ,,t facili,s ad coelu,n via, (1720), - A.rs rect<1 cre.dendi, 11ere
1775}, St1J,tU8 anùnarurn pu1·gatorii (Vienne, 1688); p1111niu.1ndi, pie 11ivendi, bene 111oriendi (Bamberg, 1726;
- Guillaume Stanyhurst, Vaniu.is vanito.tu,n sacro l\'Iolsheitn, 1745), - Praxis bunae 11iLae et mortis per
laconi.smo expressa (Anver'$, 165G, Dei cultorib1.1,,9 a.c .~anctorum ,i:cen1.pla (Laybach, 1734), - Me111oria
.D6iparae flodalibus strena), sur l'enfer, ou Vcteris h.o,ninis noC1issimoru1n ad iter atit.ernitati.s seeurc ir1cund11.ni
per c.t.pensa quatuor rlovissirna rneLaniorphol!Ùi! et novi ( J{oshice, 1740).
genesis (()Jm1itz, 1713; Vienne, '171111).
Ll~Opold 1\-Iancini (1G05-1673), Pùte aspz'.rationR,q ex 5) ·v,E cuntT1~:NNE- - Ces ouvrages, quel$ que soienL
hac lacry1n.arum c,alle ad coèlesl1:rn patri<1.1n suspiranti.s leurs Litres, ont une orientation nettement spirituelle,
a,iirnae "(Munir.Il, 1659; l\1ol:;hein1, 1 G93; Heidelberg, ou plus ascétique ou plus mystique, selon le liut de
1723) ; - Jacques Mu1nford (1606-1666), DR ,nù;eri- l'au te111•_
cordia 'fl,delibus def1u1ctis 1::chib11nrln (Molshei1n, 1716 François Arias (DS, t. 1, col. 845), E;-1;crcitiu,n divinun1
et 1762; Vienne, 1725); - Jean-Baptiste l\llanni (1606- <lv pr1iesc,1tia Dei (Vienne, 17'•?); - 11.obei•t Bellarmin,
1682), Qua,tcrna axi.ornata philosophiae christianae I>e asccnsionc ,nantis in Deu,n per scalas rcru111 creatarurn
ha,1.1,,9ta Q considerat1:one aeternitaiis una cu,n clave aurea (Nlayoncc, •J 758); - ,Joan Pcler.yus (1545-1623), AUec-
pro ape.riendi.s portis p<lr1uli.si (Linz, 1688; Munster, 1.nu,n h1un11nor1;,ni,. 1norbor1unque cura (Mol:;heim, 1715);
1693 ot 17 53) on (Jireulr.i.~ aetern.itati8 (Constance, 1690); • - Léonard Lessiui;, Fla,n,nae divini a,nori.s e perfec•
- llenri Balde (1619-1690), Veritates chri.stianae quae U:onibus divinis clicita,! (Ingolstadt, -1626; Munster,
modum e:.r.hibenl ben,: (JÎoeruli ,:t ber,e ,noriendi (Gratz, :1.638 ; Lucel'oe, 1710) et ltil1e.rariu,n lw,nù1i,s abeuntis
1697 eL 17t, O; Laybaèli, 1730; Linz, 1738 et 1769; s,: ad Deurn (\.Vurtzbourg, 1660); - Louis de la l>ucntc
Mayence, 1750; Molsheim, 1753); - .racq11es Boyrr1an, (·l 55',-162', ), D11 perfectio,111 !101111:nis chrù1tia11i (Ileidel-
Dies saluti,s (Munich, 1688, in /11lir.Rm ann.um ... strcnac herg, 1744-1755), <l'après la traduction de Melchior
nominé oblatus) et plusie\11'$ éditions de la Seier1tù1, Trevinnius ('1554-1628); - ,Jacques Alvarez do Paz
sanctorum nosse ,nori... ' '
per (Jtrluturn .
praectpuaruni ('1560-1620; DS, t. 1, col, 407), De virtutibus (Vienne,
excrcitium (Soleure, 169', ; Lin1., 1710; Molsheim, 1713, 1695; (iratz, 1750; Passau, 1754-); - Jérémie Drexel,
Ea:1Jrcitiu,n praecipuaru,n virtut1un; Lucerne, 1722; 7,odiachus christian1.1,,~ (Vienne, 16~2) ou de la prédesLi•
Heidelberg, 1728) ou Mqnuductio ,1ni1nae ad coelu,n nation; -Alphonse Gianotti (1596-1649), Heliotropiu111
('l'yrnau, ·1753); - Jean l{wiatkiewicz (1680-1708), ,nyl!tù:urn (Gratz, 1699), sur l'union à Diou;- ttionno
•48 1549 ÉTRENNES MARIALES 1.550
Luzvic (1567-tG~.O), Cor Deo devotum (Mayence, 1715; de,:linandum a nialo et facic11du1n bonuni (Vienne, 16 72;
Cologne, ·l ?25) , traduit par Musart; -Clu:irles Musart, Laybac11, 1722), d'après Antoine Sucquet (1574-1 627);

100 Liliurn rnarian.uni (Cologne, 171 't; Linz, 1737) ou Lilio- - - f'aul Zetl, Sodal1'$ contr·itus (Ingolstadt, 1725),
im, lum... fVienne, 163'1c; Prague, 1680), sur la chasteté, considérations sur le péché, et Lactio spiritu.alis sodalis
•es, abrégé dll précédent; - ;Nicolas Caussin (OS, t. 2, literati (Cons tance, 1755), considérations sur les perfec-
ma col. 872), Boetiu,s sir.1e Chri.~tù1,nus sancte polr:ticu.~ tions divines; - F1·ançois-Xaviet Zech (1692-1 772),
dt, (Vienne, 1 ?53; Linz, 1782), extrait de la Cour sainte };;i:ercitiu,n pr11.cticurn r.1irtutu1n th(!olo(Ju.:artttn (Const.ance,
'Oto traduit par Henri de La1nor1n.aini. 1729); - Josepb 1''ittcror (1695-1781), Ars proficiendi
1tes Ét.ienne Binet (DS, t.. 1, col. 162:l), Virtus vcrti h.crninis in conscicntia et scientia (Innsbruck, 1738), conseils
ata felicitas (Constance, 1700), traduction r,artielle de sa pour sanctifier toutes les actions ; - François Neumayr,
~u, Jt'leur des Psa1in1.,1s; - Georges St.cngel, Declina. a m11.lo J/1:ligio prude11tum (Constance, Heidelbel'g et Linz, 1766;
,an et fac bonurn (l11gols tadt, 16(,,6; l\1olsheim, 1685), Barnherg, 1769; Dillinge.n, 1773; busseldorr, 1??5).
-nte aphorisrnes; - (}aspard Dr•uzhicki (DS, L. 3, col.
1725-·l 728), 1Vegociatio spirituali,q seu xxx i1tdustriae
::!ans norn d'au teur : l'ietas in'{lanun.at11. instru.ctione
el oratiorie quotidiana per gradus triplicis p1!r/cction ù;
ors per ordiriaria piari1ni actionu,n exf!rr,itùL plurirntun (Cologne, 1660); - S1ipie11tia .w1,1u1tor1un c.-i: ti111ore et.
-tus augendi n11irita (Dillini,;er), 1738); - Scipion Sgambata
(1595-1652), I nstitutio 11itae ad e.:J-:e1nplar J>assioni.s D. N.
1111,ore De,: c111nparata (J\1olsheirn, 1.1372); - Gloriosus
cororu1/.ac i,1 coelis virtutis Zodiacus (Lin;,,, 1695), peut-
rtm Jel/1t Christi (WurLzbQnrg, 1715); - J ean-Eusèbe être tiré de l) rexel, avec exemples de dévots à la Vierge;
rae Niere1nbe1·g, Dicta,nina ,qeit scita variae doctrinae, poli- - Consiliarius intùnus et indir.1idu,1~ suggere,1s consilù1
ticae, rnoralis, stoicae, cltri..~tia.nae et spiritualis (Vienne, e.l doc1.1,n1enta (1700); - Pharr.1.$ ju()Cntutù; 11e!l ae/i1tis uiae
ia
:ol.' 1686 et 1696; GraLi, 1692; Linz, 1705, 1711 et 1732), d.1.i;t (Gratz, 1703); - Viator christianr.til in pa.triatn tGTL·
ro- De adoratione in spiritu et cieritatc (Bamberg, 1722 ; dP.n.• debiti,s viae praesidii,s pic 1nunitu8 (Bamberg,
9). Tyrnau, 1723) et Theopoliticu.s sù,e brevis illucidatio... 1 7·13) ; - Dism.1,r11us 1norales de dignitate atque oflioio
les dù1inoru1n operutrl (Vienne, 1767) , sur la ProvidAnr-e; homini.s christian.i (Linz, 'l 717); - Vade ,ntcurn sive
76- - Laurent Chiffiet, Praxis dù•ini sacrificii et co11vù•ii 1,ir1tor1:,q r-hristia.ni Ra.phael (Fulda, 1718); - Colloqu.ia
lns pie obeurtdi pro fidelibus defur1ctis (Munster, 1675) ;, /<irniliaria ... 1.'rlrn 1'hcophilo aniico, pri()atae 1iitae 1:itltore
17, - Philippe l·lannotel (1600-1687), Sapie1Hia l1ujus (Linz, ·171s); - Via 11iri in a.dolcscentia s1J1l jiu>entuti.•
les mandi stult1'.tia apttd De uni (I(lugenfurt., 1692) . ,·,1« a,,ia. de"ùu:" reductio (Cologne, 1725; Linz,.1751); -
Lés Conl'ad Calmeleth (1G05-1658), Signa casti anioris (:cruu.s super ,nontcs arornatun1. sali,ins (Linz, 1726),
~)' seu pa.ctae J eszi a,niciti'.ae fides... firtna.ta (Fribourg, i; 111• la croiss~nt:e dan$ l'amour de Dieu; - lnstitu.tio
tm 165'• et '1695), ini:ipirû do 'l'hornas a l(ernpis; - Paul hom.injs christiani per pr11,ecipua fi.dei 11irtittu,rn docu-
na de Barry, Foedus huma110-divinu,n (Linz, 1703) , traduit 111.enta ('l 727); - PrincipùJ. ... de .~tudio placendi, de
itu par Chris tophe Ott (1 612·'16811) ; - .Jean-Baptiste de ,,,i,111, fiilucia et 1.in1.ore anioribusque çreaturarzan ab
t~ Cornitin (1606-1686), J nitit,ni tlt ~11is sapientiae : tirnor J,ominc i1l Deu.1n transf1:r,111dis (Cologne, 174?), sur la
1.z, et an1or Dei sive de /uga peccati et su,,inii boni dilectionc pratique de l'amour de Dieu; - Pugna ,qpiritualis
et (Linz, 1707; Vienne, 1761) ; --: Alphonse de Sarasa (l\folsheim, 1771 ), traduction du Con~bat spirituel do
(1618-166?) , Ars semper gaudendi ... ex sola co11siderationc J,aurent Scupoli.
di"inae Proiiidenticw (Molsheirn, 1671; Vienne, 1683; Sur le choix d' nn état do vie : Methotitts certi 11itac
Munster, 1687; Lioi, 1.691 et 1746-1747; Gratz, 1741), :<tatu.s deligertdi practica (Dillingen, 1676); - Libellus
probable1nent d'après Antoine de Halinghen; - Geor•ges tripl,:x (Dillingt1n, 175?) uvec le De cont.ernptu 111.11,ndi
1-loser, T homa.s a .Kernpis seu s1un1na theologiac rnyst.ica.e de sAint Euchcr, évGcg10 de Lyon, le D6 f,.iga et horrorl!
(Munich, 1793), réédité par' l ,ouis Seccurll; - Adalbert 11111:1:ati de Jean-Baptiste de CorniLin (DS, t. 2, col. 11 1,2)
'l'ylkov,ski, Soliloquia christiana (Neisse, 1714); - et del! A spiratiories t.h!fologicllc de J ean N adasi.
Camille Ettori (1631.-1 700; DS, t. 4, co l. 1551), Consi- Le présen L l,l'avail semblera linril:6 aux pays de. langue
derationes christi(u1ae curn regulis quibu..çdan1. practicis ,1llenlf1ndo. 11 ne pouvai t en ~tre uutl'ement: sans <lout.e
christia110 homini ad "itanl recte in.~tittterularn utilis-~imae ailleurs los congrégation$ ont-elles eu aussi Jeul'I;
nt (Olmutz, 1752); - Charles-Grégoire Rosignoli, M odus livres, et en grand nombre, ruais ce ne sont pas des
le, colendi et dèriierertdi sanct1tm rncnstruûni (Ingolstad t, ét.ren11es,
de 1712; Munich, 1715), Electio amici si"e pro bona et Signalons tot1 t.efois qu'à Anvers les congrégations mariales
çontra ntalarn societale"' (Vienne et l{Jagenfu rt, 1723; ùistribuent 11 l.itro de Nicwv-.!aer ùos ouvrages fl111nands
Laybach, 1727), Bonae cogitationis 1tsus et fru ctus co1nposés par les divers directeurs : Gilles de Smidt (1581t-
Il), (Vienne, IUt\genfurt ot lJinz, 'l 725) et Panaéea allr.1ersus Hj7Q), Pierre Polgro1n (1627-167()), Gislaln Perduyn (1630-
:m tria 1n11rb11rurn gen.era., lùigua,r, ubscoenarn, c11n1,f!rsa- 1708), Ch1ill11111110 van den Racle (1621-1692), l>aniel van
,c- Papenbroec:k (1 628 -1 714), Ot1illaun10 Vlnck (1659-1724), GuiJ-
tione1n prava,n et ·ùnmcdtv·atum lu.su,n (l ngolstadt, 1729); lru11n11 Harts (1671-1731), Jean-Baptiste van Caukercke
i) ; - ,Jacques Coret, Tr,:plex tritun a.11i1nae potentiaru111, (16?!i-1755), JacqueR Buts (1 69 4-1760), Joseph van Aude-
nicmoriae , intcllectus et. r.1oluntati11 , sacrun-i Deo foedu11 naercle (16\11 •1 756), Henri van Loy (1687-1.?52), Joan Delvigno
lr, (Munster, 1684.), t.raduct.ion de son étrèntJ de l'an 16'/0. (1705-1780) et Churles van dén Abeele (t691-177G}. Voir T.h. vt111
iis J ean-Piorre I•inarnon Li, 1l1 ir(tc1û1un n1iracr.tl11rurn l.erius, J(ronyk ,,an de Soilalit.cit ilcr G,itrowden u, Antw1,rpe11,
te (Ingolstadt, 1720 ot 1731; DU$$Aldorf, · 1784.), sur la AnvôrS, 1862; L. Duplacc, I,cs anr.iennes co11grég11tion.~ de l<i
~1- messe, avec extrai Ls sur le Cœur de Marie et lo De pretio 1'. S. Vir.rge dans la. ville d'Anvers, dar1s Précis hi$/Oriquc.,,
or an.imae rationa.lis, réuni$ en un Opusaulu.1n tripartiturn DruxeUes, t . 31, 1882, p . 209-217, 21,1-258 et 827-ll',5.
az Même iln Allon1ngne, les œenia no constituent pHs toute l1.1
(Linz, 1730); - Benoît Rogacci (16'•6-1719), traduction prodtu:t ion liltéruire et spirituollo des congrégalions. 11 faudruit
1e, partielle sous le Litre .4rs sanctitatis (Lini, 1760) de
el, au rnoins joindre le théâtril ascétique de la congr6gaUon Jutino
son Uno 1u1ces.~ario, ou de la connaissance, de l'an1ou1• et dA ~1unich où, nu 18• siùclc, sont représentées Sùr la scène do
ti- du service <le Oie\!; - Jean Dirckinck, Scrnita perfec- véritables conten1plations, couvres de Fr1.111çols Lang (165t,.
:,n tionis (Paderborn, 1706) suivant les trois voies ; - J ean- 172f>), Oeorges Arnold (1685-173?), François Ncurnriyr,
rie Baptiste Plengg (1620,1670), Piae consid,irationes ad F1·anç.ois•X.1vier Gachct (1 ?10-1.1priiB 1773), Joseph Ps,nblc
1551 ÉTRE NNES - ETTORI
(1717-1781) 9t Louis Seccard, dont on peut r11pprocher les italiennes : 1704, 1711 ; 1718 (avec lo nom de l'auteur)1
Dclicù,e sacrae (xeniu1n de 1, inz, 1726) de Jacques Ri(ieJ·mann 1728, 1740, 1758.
(1578-1689). Voir B. D11hr, Ocscltichtc .. , t. 4, 2• p., p . 271\-280;
J, , l{och, Jesuitenlexiko11, P11derhorn, 1\Jai,, col. 17ll'i-17r.'i; '
L'ot1vrage se dlvlso on quatro ou cinq parlies. Ln première,
J. de Ouibert, op. cit. infra, p. 1,20-421. à lirGavant la retraite, est un oxposé général sur les extrc~1el
rai 1, conrlllîtro IP.~ règles à observer. La seconde prêsente IC!IJ
Les xe11ia ne survécurent guère à la suppression d o points do n11\dib1,lion d'après l'ordre du livro do saint Ignace.
la co1npagni,1 <le Jé6us (1773). •rout en n'ignoran t pas l,c direelour donne de11x fois le jour n1éditations, locturo spiri•
leurs irnperfections et leur vnleur inégale, il convient tuelle cl. considuraLlons. Pour allliger son travail et viser à uno
de leur roconnatt1•e, cc par leur ad,tptation et leur spùcia- plus grande efficacilo, il romaL au retraitant, sur feuilles
lisal:ion .. , une efficacité considérablo et une grande volllntes, des textes adaplés à chacun. On conserve encore deJ
recuoils d!l fm1illeR distribuées à des roLrilitllrils 11ovicas :
iinportauce, sinon toujours dan:; l'histoire de la Jît.té- JVotitia apparte1w11ti à gli Escr1,itii spiritu.ali di S. lgnalio
ra ture, dn 1noins dans celle de la sanctification olTnc Uve !.oiola (Bologne, 1G8G-1G87; rééd. li Vel\ise, 1791, iVoti,is.,i
des funes >> (J , de (luibert, op. cit. infra, p. 309). Le rôle il Ori8tiu.no ritirato a /are ali J!s,ir,:itii spirit,uit,: .. , Venise, 1689,
qui fut le leur est continué aujourd'hui, au sein dos publié par An toine Ric.cardi; Il Crt'.stianfl ost plus complet
congrégations, col.te fois un peu partout dans hl n,onde quo le prc\câdenL; Bruno Lanteri les r6édlto à Turin en 1829,
en lier, par des périodiques. Escrci;,i spirittia.ti ... col Direttorio). La troisième parlie proposo
des considérations harmoniséos 11ver. les th èmes <:les méditations
Sommervogol, passi,n (nums d'~utm.1 rR ou de ville,,). - quol.idiennes. La qualrièmc fournit les lectures 1,pirituell~
1:l. Dtthr, Gcschfrhte cler Jesu.it.en in d,in Lün1l1,r11 di:ut:;,,/rcr appropriées il chaque catégorie dû 1·etr11.ltar1ts. La clnqulènl!t
Z,.1111;,i, I;. 2, 2• p., F.rlboui•g-cn-Drisgau, 1!)13, p. 1·10 -11 1, ; t. t,, l)fll'tio, dégagé0 du reste (lu livre à partil• do 1711, donno, à
2• p., Rnl:iRhonn cJ, 1928, p. 276-278 et passi,n. - Scliroha, l'i ntention des diroèteurs, un exposé clair de la méthode d'Etto•
Zur Gescltiduc d1,r obcrrh-0inisd1.c11 J csu.itenprovinz i.,n 17 ri, • si détaillée, oxpllqualt-il, qu'on ne pouvait, guère espérè~
nnd 18 J ahrh,~ndt,rt, dani; Frcibu.rgcr Diozesan-Archiv, 1.. 1,5, dav11nt11ge • (1° partio, ch. 1, 1,), " Je na dirai 1111s R.utre ch~
p. 247 svv. - O. Kolb, Jl,Cùtcil1u1g(,r1 aber das 1V il'f1cn der q11e r.e que j'ai vu à Bologne dans la congrtlgalion des ètudiRnlJ
J cs1ûtcn itnd der 111arian1:.~r.hen K011grcgatiûncn in Linz wiihrend do la fau1eu~e université, congrégation que dirigoâlt les pèm
clcr t1 1u1d 18 Jalirhuntleris, Linz, 1908, p. 207-228. - J, Drue, de la con1pagnie <le ,Jésus"· li s'agit (le co qu'il raisail lui-m6me,
ker, [.(, Compagnie de Jéstts, Paris, 1919, p. ?65-766. -J. Oass, com1ne le rapporte il Cristia110 ritiral(, (p. 2tiv-263).
Strassbu.rgs Brttderschaften u11d Sodalitllte11 cior i/1,r fl.cvolu.1.io11, Cette méthode, publiée pour la première fois dana l'édition
dans Archic• für cl.siissischc Kirchengeschicht,?, 1.. 2, StrasJ,ourg, du RitiNnncnto de 1686 (p. 2-37 do 111 ,,, parl.io), rut adoptée en
1927, p . 225-230. - G. Vi'ch, Das PresseapostfJlat tl,1r 11./1c11. l ta lie et. au dehors, co1nn1e l'attostonl les traductions. H. Wat.rl-
111arianis,1hen Kor1grcg(it.ior1cn, dans Priisides- Korresponde11i gan l, par exemple, en a reproduit une lradueUon lallno, <l'aprts
/ilr 111aria.11isolte Kongrcgiltil)11.cr1, Vienne, t. 24, 1!J30, p. 1;5-G\J. H. Hoinsborg, et 11110 tr11(1uction française inédil<l,
- B. Fleischlin, Die gros.~e lateitiischc Kongrcgation.. . zu.
L1tzcrn, nouv. éd. cornplét.ée pR.r vV. Schnyder, Lucerne: La n1éthodo con1me le succès des retraites données
1935, p. 61, nolo 11,. - A. Suhrot. t, Da.s Geb,:tbuch in iü·r Zcit par ll~ltoti 1nériteruient de retenir l'attention. Son soucl
1lcr laltl10lischcn Restauration, d1111s Zeitschrift. für kitf.holischi, d'adaptation est frappant; la 1ninutie de la méLllodè
1'11110/ogù,, t. 61, 1 \la?, p. 229-28',. - l!l. Villaro t, Le.~ 1:1)1i;;ré1Jil• ne peut donner le change. Ettori n'est pas un esprit
tions 111arinlc,;,, Pnris, 1\147, p. 48a.1,92, - J . <lH Guiha1·t, La foro1ali!;Le; il répète sans cesse au directeur d'adopter
spirit,ialit,! d1, /Il C11//lf)(tgr1ic ile Jésus, Ro111e, 1\J53, p. 290-291,
• (109-310, 1,20.1, 21 f.lt p<tssirn. ce qui lui paraît le plus oppol'tun; in1portent seuls. ln
Pa11I 13,\11.1.Y. réfo1•n1e intérieure et le profit du retrai tant. ,i Le direc-
teur, pour qui j 'écris, prendra garde à ce qui peut être
con1mun aux uns et aux autres, et à ce qui est propre
ETTORI (CAMILLE; Erronnr, l·fEcronr.us), jésuiLe, à chacun .. , conui1e un médecin attentif à chacun de
1681 -1700. - Ca1nille E LLori est né à Imola le 14 sep• ses rnalades" (t. 2, p. 268, 273). Lui-mê1ne sait présentet
le1n br>e 1631; entré dans lu compagnie de Jé$11:- en lo$ Exe1•cices aux: coounençants comme aux âmos plu$
octobre 1646, il mourut à Bologne le 11 juillet 1700 avancées. - Ettori connaît les co1nmentat.0urs, ses
après avoir passo la plus grande partie de su vie reli- devanciers espagnols, italiens, français; il s'en inspire
gieuse cornme professeur au collège Sainte-Lucie de sans vergogne. 11 donne au besoin des extraits de Daniel
Bologile : humanités, rhétorique, Éc1•it111•0 sainte. Bar•loli ou de J acques Alvarez de Paz. Ses méditations
f'ropagateur infatigable des Exercices spirituels sont cependant profondément imprégnées d'ÉcriLure
do sainL lgnaoe, il introduisit à Bologne la pratique sainte; les leclu t•es con.seilléès sont sou vent des passages
de retraites spécialisées à la !ln du carême, ce que d'au- de la Bible choisis en fonction des thomcs de la retraite.
tres villes s'empressèrent d'i1niter. De lui sernble dater La formation spirituollo q11'il donnaiL aux oongréga.
l'ul:lage de solennelles actions de gràces à la lli1 do nistes avait, d'ailleurs, pour base !'Écriture; c'est à
chaque année. En 1677, Ettori dirige la oongrégatiou l'intention de ces dorniers qu'il fait i1np1•iJne1· à Bologne
<l,i l' Asaornption, la plus importante des trois congré- en 1693 Trecento sessa.nta.sei pratiche i•erità cai•ate d11'
gations exist,1nt alors à Sainto-Lucio; elle étaiL rt,set·- libri della Sagra Scrittura.,
vée aux étudiants de l'université. Il y établit la pralique Le succos d'E ttori fut étonnant. l)A grands apôtres
de la relraiLe annuelle qui réussit au delà de toute avaiont préparé Je terrain, tels sainl Charles Borromée
espérance. Il donna le fruit de son expérier,ce dansi iJorl à Milan, t 158',, le vénérable Alexandre Luzzago à
Ritiramcnto spi:rituale per i111piegare i,1 bene dell' a.,1ùna Brescia, t 1602 , sain l. Grégoir·e Uarharigo it Padoue,
ollo overo die.ci giorni 11ella consideratione delle 1•t•rità t 1697, ou le vél\érable Georges C½iustiniani, jésuite, à
eterne, all'idea degli Escrcitii spirituali di Sant'lg11atio Bologne même, 't 1644. C'est pourtant à Ettori qu'il
Loiola, rcso facilissirno all(: pe-rso11e ta11to secolari q11.anto conviont d'al;tri huer, pour une large part, la pratiquè
religiose, édité pour la prerniére lois à Venise en ·I 685, de la retraite en nornbre de villes <l'Italie centrale.
en un volume de 400 pages par un prêtre do Vél'one, Lo Ritira11ie11to CuL l1•a<l11iL, nol!lllllnèlll on l11ti11, Solitudo
1\ndré Cavia.ri. Du vivant d'ELto1•i, toute:; les éditions s<icr(t (Cologne, 1715-1716) 1>ar H. Ho!nsbcrg, cl 011 allomand,
sont anonynles : 1686, 1689, 1693 (2 vol.) , 1697, niais Heiligc Ei11odc (Cologne, 1722), d'après l'édition latino; u.no
bénéficient d'accroissements succossifs. Autres 6di l.ions traduction française est restée inédite, sauf les pages publîéll(f
1552 1553 El'TORI - EUCHARISTIE 1554

~eur), par H, Watrigant. Des extraits de tout gcnro furent fil.ils : 1 ° Signification, - Le verbe, à propos de la prière,
lo, Bricçc i,1/ormationc di quel chc sicino gli Escrcizi spirit1iali signille s'appliquo1• è., être assidu, 11:poax<XpTE:pe!v (1, 14;
(Venise, 1685) est une partie du livre 'l: les Co11siilcra;ior1i pcr 2, 42). Les Actes décrivent le culte de la co,n,nunauté
rnlùr0, 1~ per$01ie religin.~,, in ietn/1(> de.gli e..~èr(:izi ~piritu.ali (Bologne,
1720) osL lu lroisiè1ne suution de h1. Lroisi!\1na p11rtie: déjà
r•rimitive, qui constitue sa préoccupation essentielle
lcès et 11t sa vie spit•iluella, et les éléments qui cimentent sa
t0 les Ill. Rasslcr avalL Lraduit en laLin cos considéraUous (Dillingen,
rna.ce. 1712); un servile do Ivlarlo pu bile une od!tlon la Lino du Riti- vie con1111une, Ce culte, dirigé par les apôtres (6, 4),
llpiri- ramcnto à l'usage des téguliors (Pl'aguo, 1718), ote, se composait de quatre éléments que le texte lie deux
à une Nous no pouvons insisLur ici sur un ouvrag11 assez vol111ni- li deux : 1>l'édicalion et co1nmunauté, fraction du pain
,uilJos noux d'Eltori, qui lui l'ésorvc uno plnco dans la luLLo conL1'1'1l11 ot prières,
ie des litlél'ature baroque do l'Italie au 11• siècle. Il prit, on clToL, rail La pr<ldlcaUon, 613:xx-/i, n'e.,t pas l'annonce missionnaire de
!ces : et oause pour Dominique Bouhours dans Il buon gusto nci l'Évangile, mais la proclamation de la Parole incarnée, qui
'
r11at~o COlll{'()IJÙll.<•llli rctlori(,,:, opcrc1. ll<d/11 qu<1lc con alcu11c <'Cric con.s,:- ronvoque l'assemblée et préside à la réunion. lla11thentiçité
' ' •• ;
~Z&e dcrazioni si 1,wRir11 ùi t:llt! co,1si$111 il l'<•r() ·buon gu./itu (Bologne, (le cetf.a réunion n1essianique est garantie par les apôtres, êll-
1689, 1696, 6DO pages). Sur l!Jt.tori littér11t0ur, signalon$ seulement. : voyâs pour rassernblur 10 vrai pouplo do Diou oL lui Lransn10Urc
nplet G. Tolluuin, L'eredità cll'!t Jlinascin1e11U> in A rr.adia, Bologne, I" docLrino du Soigneur, telle qu'ils l'ont reçue (et l'épisode
1829, 1923, p, 69-80; L'Arcadia, Dolognc, 11l',6, p. 33-36. de Paul à Tro()..~, A.t:tes 20, 7). Sur l'tK0,qa!oc·a.~semblée, voir
~p0S9 :,rt. Mr.1,tRP., OS, t.. (,, col. 1170-~8(,, ot L. Bouy11r, La vil? d.e la
1tîons San$ doute faul.-il attribuo1• à Etto1·i le J.W.odo facile li1,1rgie, Paris, 195G, p. 1,1,, Los Acles associonL à la didachè
lelles per dare ouo o dieci giorni agli esercisi spiritttali di b ><owwvfo:. Ce Lor1no hellénique, chargé d'harn1oniques bibli•
1ièrne S, Ignazio, publié à Bologne en 1682 et 1686, sous forme qucs, - inconnu de l'Itvangilo - , est ù rapprocher de xow6;
118, à (Acte~ 2, t,1,; 4, ,32), ,co,vo,vo,;, ><o,vo,•,!oc, propres à Paul (1- Cm·.
d'un recueil de feuill es d e n1édital.ions. - Pour appl'é-
Eltto- 10, 'IR; 10, 16). ùans le contexte du cultu, il s<unble désignor
pérer cier le succès d'Ettori, voir dans l'ouvrage suivant le
nombre imposant de retraites qui se donn,}ren t à Bo.lo- 1111 uclo co111:rel du corn1nuni1ulo, uno o!Trando, unu diskibuCion,
;IJose Cc qui Jaisso supposer qu'une o!Trandc au prolll dl~ la con1n1u•
ianta gne quelques 1nois ap1•ès sa rn ort. uàulé était liée à la f1•action du pain,
pèr(IS Jcan•Anloinc Det•1Hl.rdi, Spirit1ialia S. I gnatii Exerr.itia in
.ôme, Les deux; aut.res termei, ui,sociés sont la fraction du pain ~,.
proçi,icit, Vcncl<l (tnno ~1occ1, Pa1•1uo, 1701, - N. Faùrlni, los prièri?s. Le suùslauLif ><>,d<a"; ,où &p,ou né su Ll'Ouvo quo chez
Uri tlQ<!<llll<,nto bQlog,wsi: ùtcliito su. le scuolc dei Gcsuiti, Roine,• J,uc, à propos du puin ro111pu f)f.lr fo Ressuscité aux disciples
itîon 1956. <l'g111111aüs (L1<.e 21,, 35), oL ici. Le verbe esL omployo par Paul,
ie en S01111norvogel, t.. ll, col. li 78-481 ; t. 9, col. 302-303; Rivièt·e,
'atri- èn parlant de l'oucharistie (1 Cor. ·tO, 16 ; • le pain quo nous
Additio11s.. , ri. 13~8. - H. WnLrig1111t, De l,z direr.1io11 tle.~ 1·om.pons • e/lt la communion, ><o,vo,v!«; cf 1 Çr,r, 11, 24 J et
lprèa retraites collecti11es pa.r te)>, C. Ett.ori S. J., Lcxlo el introduction pnr les synoptiques, à propos de la 1nultiplicalion des pains
dan6 Collection de la Bibliothèque des Exel'cices 5, Enghicn- (11ft. 14, 19; 15, a6i et il'larc l.l, 6 cl 19) et de la dcrniôre cène
Pa.riJJ, 1906. - J.,, Ferrari, Orw1n.11sticQ11., l\lilan, 191, 7, ( clft., 26, 26; ,l1c1rc 14, ·22: L1,c 22, 19) , Luc emploie le verbe ou
r1êes
ln sub8tantif à propos d'une • fraction • particulière d'un pain
ouci Pierte P11u11. ~r>ocin.l. Cortnins exégètes panson t 1nème à un n1ot, de pass11
tode pour les initiés du rnystère de 111 cène (J, ,fèrè111ÎàS, Abend-
1prit EUCHARISTIE . - 1. 1vly8tère eucharistique. mahlsworte Jesu, 2• l\d., GooLLlnguo, 19'19, p, '17-'18).
pter II. llfystique eucharistique. - II L Dévotion eue/taris• L'expression évoq11a le rite qui ouvre le repa.s juif, où le
s la tiqué. A. Esquis11~ hù,toriq1.1.e; B. MagÛJtère. 111alt,re do 1nuison ro111pt lo pùin à sos co1ninens11ux, ce qui lui
.r ec- <lonnllit une signification cultuolle. Lo torrne des Act.es, éclairé
iltre I. MYSTllRE EUCHARISTlQUJ:: par lcs piirallèles pauliniens, désigne le repas di, Seigneur
>pre Éludions le 1nyst,\ re t~ucharistique, tel qu'il apparaît 11ue lçs convives conso,n,ncnL (1 Cor, 11, aa, co1nparer avec
1 de aux origines du chrislianis,ne; nous analyserons ensuite srûnt Ignace d'Antioche, At~"° É[Jhésicil$ 20, 2). '
~ter sa signification, en d6gageant ses emprunts au passé l,e contexte du repaR reHgie11x, qui com1nande la rit11el de la
~lus jtlif et sa radicale no uvea uté; nous aper·cevl'ons alors cone, expliq1.1a 111. dArnièro exprAssion : 1tpon<1>xocL IJans lès
,ses 1·01111iuns r11ligiuuses d'lsraül (culLo synHgOgiil, pr0Cl1i111l¼Lion de
s(t valeur spirituelle. Nous renvoyons tout de suite à l'11lliiu1co, etc), los juifs répondaien t par une pl'ioro do louange,
pire l'art. COMMUNION FllÉQUENTE, avec loque! le nôt.re ne d'action de griceg et de i,uppl.ication (L, Bouyer, L« vi" de
hiel fait pas doub le en1ploi. /,, liturgùi, p. 15\l-1 60). Dnns la comn1un,tul.é apostolique, los
Ions ficlèlos ne ~a co11Le11La11t p11s de recevoir la pain rornpu, ils y

\ure A. ORIO IN E. rûpondent 1>ar des prières, hérltées de la synagoguë, qui cxpri•
tges 111cnL l'action de gri\ccs pour !'rouvre 1•oalisée par le Christ.
1. LA FRACTION DU PAIN SELON LES ACTES DES APOTRES.
1l te.
,ga- - l !attestation la plu!> ancienne de la célébration Le verset 46 est ht suite naturelle du verset 42 ; « Jour
t à eucharistique est au livre des Actes. Si la rédaction de 1(près jour, d'un 1nên10 cœur, ils fréquentaient assi-
gne ce livre est postérieure aux écrils de saint Paul, la dû111ent le te1nple ou rônîpaienl le pain dans leur 1naison,
da' description du culte de l..t com111unauté primitive fait J>renant leur nourriture avec allégresse et si111plicité
partie des somn1ai1'es que saint Luc a ti·ou vés rédigés de cu~ur; ils louaient Dieu et avaient la. favetir du
(1•es sui• la vie de l'~!glii;e naissante (cf L. CtJ1·faux, La pre- peuple >), Luc 111et en parallèle les réunions religieuses
née rnière conununauté chrétienne lt J éru.sctle,n, dans Rec1teil juives (au temple) et chrétiennes (à domicile). Les
) à Lucie,i Cerfaux, t . 2, <)embloux, 195', , p. 125-'156). Le r hrétiens parlager\t une noul'riture qui leur est distri-
,ue, vocabulail'e et le :,tyle d'Actes 2, 42, t16-47, sont, en buée par la co1nrr1u11(tuté et qui provenait de la rnise
:!, à efTet, archaïques. Ce texte semble avoir été augmenté n1\ en1111nun do leurs biens (Actes 2, 45). Il s'agit d'un
u'il postérieurement des versets 48-45, qui brisent le rythme repas vél'itable, organisé avec les otTrandes, au cours
ot l'unité dos descriptions. << Ils so 1nontraient assidus duquel les fidèles eélèbl'enl la cène eucharistique
:JU8
it l'enseigneulent des apôtres, fidèles à la corr11nunauté, ( 1 Cor. 11, 26·34), la fraction du pain, qui s'oppose
à la fraction du pain et aux 11riéros >1 (v. t,2). On est :tu cuJ te du ten1ple.
udo
illd, porté à ctoire.que l'auteur rappol'te le récit des prefnière:; 20 L'allégresse prend une signification technique
une assen1blées de la liturgie chrétienne. Il emploie des ter- dans les célébration$ lituJ'giques de la ùô10,nunauté
iées mes techniques, qu'il i111porto de 1n'l\ciser. prin1itive. Le rr1ot traduit chez les Septante la joie
1555 MYSTÈRE EUCHARISTIQUE
religieuse de ceux qui célèbrent les œuvres de Dieu rassasiés et louant Dieu. Dans cette communaut6:
(Ps. 51, 14), ot il évolue vers l'allégresse eschatolo- du désert (selon le Deutéronome 15, 4 et 7-11), il ne doit
gique, anticipée dans le culte (Ps. 96, 11; 97, t et 8; pJua y avoir de pauvre : la Ponter.ôte chrétionne sera
126, 2 et G; lsaCc 12, 6; 25, 9; Tcstarncnt des 12 patriar- une joie universelle, où Je lévite et l'étranger, l'orpbeliD
.chcs, Lâçi 18, '14). Liée à un repas, la joie prend on sons et la veuve sont invités (16, 11) .
plus précis, religieux. Elle est sous-jacente au terrne La charité des assemblées liturgiques de l'l:!lglise
rç<Xpp1Jal« (.Actes 4, 29), qui exprin10 lo tranquille courage apostolique s'appuie sur l'action sacra1nentelle du
des fidèles, leur pe1·n1ettant d'alT!'onte1· le tl'ibunal <lu flosauscité, Je grand rassembleur de la communauté
,non<le, grâce ù. l'assistance du Seigneur. 0 Cullmann et le diffuseur de la charité du Père. Sa présence té111oi,
justifie cotte allégresse p;1r le souvenir des dorniets gne que les prornosses sont accomplies, ce qui développe
repas que les apôl.i'es ont pl'is avec le Ressuscité (Actes chez les fidèles l'action de grâces, la joie et la louange.
10, 41) . Cette joie est fondée su1' la certitude do la 1•ésu1•- La cène messianique ritualise l'œuvre du salut et a11lî•
rection, sur la pro,nesse du tetour glorieux auquel les cipc le repas eschatologique que le P ère prépare dans
fidèles partkliperont, et sur l'union entre eux et avec son royau1ne. J oie à la fois profond ément personnelle,
le Seigneur, au non1 duquel ils sont réunis ( l:e culte qui provient de l'élection de chacun, et profondément
dtiri.s l'Église prilniti"11, coll. Cahiers théologic1ues de commune, puisque le rassemblement universel s'orga-
!'actualité protestante 8, 2e éd., Neuchât11l-I.,aris, nise autour du Kyrios glorifié, invisiblement présen~
1945, p. 14-16). L'explication gagn<-ll'ait en dirnr.nsion, à la fraction du pain.
si on 1•app1•ochait la fl'action du pain du repas ,nessia-
nique, où pécheurs et pauvres sont invités (lac 14, 2. LE REPAS DU SI:;IGNEUR : l CORINTHIENS, - La pre:-
12-13), où les barl'ières du péché sont enlevéc:r; et la 1nièro épitre aux Corintlr\ens, vers l'an 50, riche en
communauté avec Dieu restaurée, et sui-tout si on la renseigne1nonts liturgiques, situe l'euchariatie dans la
rapprochait de la dernière cèn<-l (cf Y. da Mon 1.cheuil, vie d'une con11nunauté apost.oliquo. Paul ne répon~
Jl-télangcs tlu:ologiqrui,q, Paris, 1!14.6, J). 39-40). N'est-ce pas à une difficulté doctrinale, ,nais à un problème de
pas la fidélité à ce dernier repas qui porte la première vie. Il invoque d'abord la tradition : il n'est pas
co1nn1unauté à célébrer l'eucharistie au ,cours d'un d'Église sans eucharl$lle.
repas? • 1° Les textes. - L'épitre parle do l'eucharistie à
Ce que les disciples ne perçoivent qu'obsc11rément plusieUl'S reprises (10, 1-5 et 14-21; 11, 17-36).
au soir de la cène, s'éclaire dans los ropas qu'ils p,·ennent Lo pl'cnlier texte aJ>ijQCie l'eucharistie au bitplchne (10, l•S)
avec le Rossilscité. Le Seigneur expose aux ciisciples cL plo.ce le rite du peuple nouveau dans le J>rolongomen\ du
d'Emmaüs cette merveilleuse continuité (Luc 24, 25• peuple de l'Exodo, qui lo pré!igurait : • 118 ont été baptisés en
26) : la gloire du Ressuscité n'était qu<-l l'achc':ve1nont .ll·l oYse ùi~ns la nuée et dans la n1er; t,ous ont mangé le même
d'une voi<-l doulotireuse. alin1011L spirituel; ils buvaient. en effet li un rocher splrlluel
Les repas avec le Ressuscité ne s'opposent pas à ceux qui les accornpognnit, ot c:o rocher, c'ûlaiL le Chri$t •· Ce teJ•le
do la vie mortelle. Mort et résurrection sont inLhne- est à rapprocher ùu l'11ffirtnaLio11 expliclto (1 Cor. 5, 7) : • Le
Christ, notre pllquo, a été Îln1nol6 ».
ment, inséparablement. liées dans la fol des disciples.
Les discours de Pier1·e que rapportent les Acles, co1nme L'apôtl'e, de nouve1n1, p11rlll do l'eucharistie à propos ·des
l'Évangile, prouvent quo los apôtres co1nprenaient la idolothytes, vi11nda~ s1,1c:rilléos sur l'o.utcl, devant le templ~
Il pe1·n1et aux chrét101is ùo los consonuner dans les repas ordi•
vie do ,Jésus, du bapt~nne à la résu1'1'ectiou, co1nn1e un naireij, mai!! non dans les o(xo1, qui entouraient le templ~. 1A
t,ou t, acco,nplissant les prophéties messianiq 110s. La con1pnraison nnLithutiquc entre l'eucharisf.ia et là6 repu
Joie liturgique de la communauté s'explique par l'o.tten te aacrilldols prouve qu'il s'agit bien d'un repas sacrificiel, d'lll
du rotour glorieux du Ressuscité, au cours d'un repas t<pt!o~ (sinon la comparaison tomberait li faux), où lo chrétien
eucharistique, qui en était l'anticipation. Co1n1nent ne rûçoit le « corps » et le • s11ng " du SoignolH' (v. 16). Par là, il
pas rapprocher cet.te attente de la pro,nesse faite po.r s'unit à la personne vivante du Christ.
Jésus au cours du de1·nler l"epas : cc Je ne hoir.li plus Si les sacrifices paYens prenaient leur caro.cLc\rc sacré sui lt
désormais du fruit de la vigne, jusqu'à ce que le royaun10 oua1«a'<i)p1<.>v, la c0rps ut lo sang de la victin1e duJ calvaire 110nl
de Dieu soit arrivé 11 (L1,c 22, 18). Avec la f1•ac:l,ion du r,onsncrés sur la 1'P«nei;« 1'00 Koptov (v. 2·1 ; et Actes 16, 31),
pain, le royaume est ~~01nrnencé (P. Benoît, J..,e récü de L'unique pain rassemble l'Église et ra.mène la muHlpHcll6
des uHHnbrcs à l'unité, car, mêrne ro,nr,u, lo pain demeU?e
la r.èrte dans Luc xx11, 15-20, dans R evu,e biblique, t. 48, idoalou1ont un : le corps du ChriHI.. Lo prc1nicr énoncé de la
193\1, p. 357 -393). doctrine du corps ùu Christ esL ainsi étroite111enl lié à la commu•
nion eucharistique. On dirait <1uc l'eucharistie rait percé\folt
3° Présence du Ressuscité. - La frac'tion du à P11.11l quo nous for1nons un seul corpi, vivant de la vie du
pain est d'abord le sacro1nent de la présence du 1:tessus• Christ.
cité, autour de qui sont téunis les chrétiens. L'eucharis- Le dernier texte (11, 17-34) se trouve au milieu de pre$crip•
tie crée une co1nmunauté, qui va jusqu'à la 111ise en tion11 sur les asso1nblécs liturgiques. Au r.ours du repas, qui
cornmun des biens, la prise en Ch(u•ge des btls<>i ns des noruu1lo111ont précédo.it lo. célébration ùe l'eucharlsUo, df
nécessiteux. Cette action s'eITectue en liaison avec le corinthiens abuHaient, c;le nourriture et ùe vin. Paul en appeU.,
sacrifice du Cl1rist, puisque l'offrande dos fidèles s'insère contl'e eux, à la t.radit.ion : ~ ,J'ui roçu, co1n1no venant du Sei•
dans lo culto de la con11nunauté. Les apôtres i111posent gneur, ce que je vouH ai Lransnlis •· L'exégèse catholique voil
les mains aux diacrei;, afin d'insérer leur mission dans li\ un appel à une tradition que Paul a pui6il0 dans les
la vie sacrau1entaiI·e et cultuelle de l'Église. coniniunaut6s où il est déjà paHi;e, DernHs, Antioche, Jérusalem
(cl aussi O. Cullmann, Paradosis et J{yrios. Le problèt1il: 414
La raison profonde de cette vie eucharistique est q~1e 1.r<1<lition da11s le pautinis11i.e, dans Revue ;l'histoire el d,
la communauté apostolique a conscience d'être l'Église philosQ)ihir. religieu.s,1s, t. 30, 1951), p. 12-30).
1nessianique, inaugurée par l'effusion de l'lilsprit.
Joël avait décrit la restauration d'Israël sous les cou- Ces textos per1nettent les conclusions suivantes :
leurs d'une restauration paradisiaque, où les hommes, 1) L'eucharistie se rattache formellement à la dernière
au tour d'un plantu,·eux festin, seront dans la joie, cène ot à la volonté du Seigneur de la réitérer. .,..
;a i557 REPAS DU SEIGNEUR D.ANS S. J>AUL 1558

1~ 2) Le repas sacrificiel est à la fois un mémorial (au sens au point de départ, s'appliquent à la célébration ellcha-
>it p0$itlt qui rend présent ot agissant; cf' Avixµv'Y)aLç, dans ristique sont inOéchis par saint Paul dans le sens de
ra Kittel, t. 1, p. 351-352), actuellernent procla1né par la l'apo1;tolat ou du culte intérieur : les chrétiens s'offrent
in célébration eucharistique, de la mort du Christ (la sans cesse « comme une oblation vivante, sainte,
dernière cène en était l'anticipatioo), et une pr·ophétie agréable à Dieu » (Rom. 12, 1). Voir A. Hamman,
38 de siin retour glorieux (11, 2/i-26). - 8) Au lieu d'être L'a.po.,tolat du, chrétien, Pa1•is, 1956, p. 181-184.
iu l'occasion d'uno union dans l'unique cor·ps, l'attitude Con1me il suppose la réunion des frères pour signifier
.té des corinthiens est une insulte au << corps du Chrii;t ». le corps du Christ, 1~ culte chrétien doit se prolonger
)Î- - 4) La comn1union exige dos dispositions inté• en vie, afin de témoigner efficacement du iriystère
pe rieures et suppose un lucide exa1nen de conscience. et1ùhari$tiq11c. ConllO\lllie1• au corps du Christ est plus
~e. 2° Fruits spirituels de l'eucharistie. - De q u'un l'ite, c'est. une exiger\Ce : c'est vivre la diaconie
U- l'épitre de Paul nou.s pouvons rnaintonant dégager sa d 11 H•:ignour, S'y dérober ou ne point la discernai',
ns doctrine des fruil,s spil'ituels de l'euchari.stie. serait 1nange1• sa condarnnation ot trahir le mystère
le, 1) Le Christ s'identifie aux élé1nents qui servent à la auquel nous participons.
nt celébration oucharîstiquo; par Je pain ot. Je vin, il scelle 1,'at.l.onto de la paro\18ie doit, prûu1ouvoir 111 Rouci ot le service
la nouvelle alliance. Aussi fid èle à sa sotél'iologie, Paul des aul.rcs. Paul y puise 11110 raison d'annoncer avec une hâte
nt approfondit le 11en11 de In croix, condition de la gloire plus g,·ande l'Évnngila ùo Ju.~us (O. Çulhnâlln, Le caractère
de là résurrection. i\llort et résurrection constituent un cschatolugiqi.u; du d1ic,oir 11iissio,Hi<ûre et de la cortscic1we. aposto-
liq1u, ,1,, Slli11t Paul, dans 1llc!lr1nges théologique$ publiés à la
mAmo mystè1•e. S'il insiste iHH' la c1•oix, lui qui n'a ,ném.oir" de C. Ba.ltlerisp<,rg<,r, Str11sbou1•g, 1936, p. 210). Par•
'e- connu que le Seigneur en gloire, c'est que l'identification
~n t.ager lo repas du Seigneur irnpuse o.u chrétien do parf.ager
la du chrétien au Christ exige d'accepter et de réaliser avHc les a u tres le pain <le Dieu, Je terrestre et. lo culcst.e. Il n'y
1d la totalité de son ,nyi;tère; pour donner à l'espérance a pa$ de solution de conlinuiLô entre ln cèi1a et ln vie (voir
chrétienne sa valeur et son fondement. Les esprits E.-D. Allo, P rcn1i<lrc ,Jp!lre aux Corir1thie.11s, coll. Études bibli-
ie ques, Paris, 198'1, p. ao2-aoil; F . AruioL, L 'cns<,ig11e111ent de
as 3Qperflciels se1•aient dispùsés à par-Licipel' au repas du
Ressuscité, en faisant hou mart:hé des conditions préli• s<t-itit l'uul, t. 2, P aris, 1938, p. 1,7-40).
minaires. Mutiler l'oucharistio c'est rnul,iler le inyst.èl'O :,, LA DERNIÈRE et.NE CHEl LES SYNOPT(QUES. - Chro-
à du Christ, le COJ'JJS du Chrii,t. 11ologiq 1.1 tlmen t, le récit de la cène chez. les synop-
2) L'eucharislie 1nene ü sa perfection le corps 1nyst.i- 1.iques appartient à la partie la plus ancienne de la t1•a-
,5) que du Christ.« J.,'cucharistio fa it l'.l!lgliso » ( 11. de Lubac, dition {1vangélique. Le texLe est. lié à ce qui précède
lu Méditation sur l'.Église, coll. Théologie 27, Parhi, 1 Y5a, et il cu qui suit, la passion, à laqnelle Paul lui-1nôme
~n p. 116). La participution au sacrifice du Seigneur 110110 la tradition reçue : « Dans la nuit où il fu.t livré ... »
rie (1 Cor. 11, 23). La rédaction des évangiles est; postérieure
1el r6.U•o IR commnnauto avec le Christ et entre les fidèles,
.to ~ parce que le pair\ est on, 11ùtu; sonl1nes un seul corps, au son1rnaire des A1:t1:11 , rapporh.1n t la fraction du pain,
l,e la n1ultitude que nous som1nes, nous participons tous et au récit de Paul. Ella ost également postérieure
à un pain unique» ('.l Cor. 10, 17). Cottn incorporai.ion i\ l'usal{e liturgique des co1n1uunautés. Ce qui rend
os au cor•ps do Christ, réali.sée pa1· le baptê,ne, devient plus vraise1nblable l'absence, chez Marc e1; Matthieu, de
le. i~time en se développant pa1· << le repas du Soignour• ». l'ol'dre de l'éitération (P. Benott, Le récit de l(I, cène .. ,
li- Cc.lui-ci fait prendre consciEtnce au <:onunoniant de lul?O ci.l., 1 Ya9, p. 386).
'~a toutes les obliga.tiuus conurètes de solidarité et de charité ).,'institution eut lieu au oours d'un repas, qui f11 t
as qui en découlent. en 111ê1ne te1nps un repus d'adieux (Mt. 26, 26; Marc 14,
111 28). Beaucoup d'auteurs admettent que ce repas nvitit
Le fruit personnel de l'eucharistie, loin d'êt1•e di1ninué,
!D
il trouve ainsi sa vraie dirnension. Appuyée sur ,< la mort on caraetére religieux à structure liturgique. La dernière
du Seigneur», la pâque chrétienne accon1plit ce qu'avait cène s' insère dans un rituel qui fait apparaître la conti•
. figuré la pâque juive. Le c,onHnuniant, par Je rnystère nuité ontre les repas rituAls juifs et l'eucharistie, et
le leur (·.onft~re un sens nouveau (voir 1 Cor. 11, 20;
rit ~ucharisLique, est progressiverneut libéré de l'esclavage
de Satan et de ses satellites, la mort et le péché. De la Luc 2~, 20). De toute façon, la cène est célébt•ée dans
').
té mort, parce qu'il trouve dans la victi1ne vjvante et une pnrspective pascale. La proxi11üté do la fête est
ro ressuscitée le gage de sa propl'e résurrection; du péché, cert.ai111;1 (A ..laubert, La dat.e de la Cène, Paris, 1957) .
la parce qu'en lui l'œuvre rédemptrice de la croix s'ac)lève. La sortie de l'Égypte est intime1nent lié11 chez. les juifs
u- Saint Paul souligne l'a$pécL eschatologique de à ton 1, ropas rituel. La pre1nière tradition chrétienne
1ir l'eucharistie : « Vous annoncerez la 1nort du Seigneur ne 111a.11quera pas do faire le rapprochernent (1 Cor. 5, 7).
lu jusqu'à cc qu'il vionne ,, (1. (Jor. 11, 26). Ji ne s'agit pas Au 1noment où les synoptiques rédigent le récit do
de déco1nposér les élén1ents du 111ystère, d'isoler la l'institution, l'usage liturgique atteste la foi de la corn·
p- mort de la résurrection. L'acto dA la 1no1t est l'envers munaulé. L'écono1nie nouvolle est instaurée. La der-
ui nièi.·e <;ôno suppose tout l'évangile avec laquelle il fait
es nécessaire de la résurl'ection. Paul voit dans l'euc:ha1•i.~tie,
:e•, comme sur le chenlin de Da,nas, le Christ glorifié. corps el qui explique les for,n ules de l'institution
U• C'est vers le ICyr•ios, dans la gloil'e, qo'e$1, orientée la (P. Benoît, Le récit de la cène .. , loco cit,, p. 886). C'est
1it foi des fid èles, e~ cette teusi.011 est co111111e sacralisée ainsi que la fraction était un gesl:e familier de J ésus,
es par<< le repus du Seigneur ». Les chrétiens la reçoivent auquel .les disciples d'E n1maüs pouvaient le reconnaîtl'e.
m dans une perspective do joie, d'attente nt do triomphe Nous pouvons dégage1• les idées maîtresses de la cène
la (of Y. de J\l[on tcheuil, M élanges théolcgiques, loco cit., au c6nacle.
rie p. 84). Le retou r glorieux du Christ consommera le 1° Cène, repas d'adieux. - Non seulement dans
rassemblement universel et l'union des lldèles avoc le le tem ps, 1nais dans la pen.sée et la préoccupation de


Christ et entre eux. Jésus, la cène est do1ninée par la pensée do la mort.« J'ai
re 3) La Ut1,1rgio 01.1cbaristl{l1,lo commande toute la vio cbro- désiré d'un grand désir cette pâque a11ant de souOrir >>
- Umn•. - Les termes r•ituels de diaconie., d.e liturgie, qui, 1 (Lue 22, 15; cf 22, 21-23; /11ure 17, 25; Mt . 26, 29).

,1
1559 MYSTÈRI~ EUCI-IARlSTIQlJE 1560
C'est l'aboutissen1ent d'avertissements de plus e11 pltu; Le sacrifice du Christ est obéissance et charité. Sa
précis (Mar,: 8, 31-88; 9, 30-82; 10, 82-84). ,fésus se mort volontaire ramasse toute son existence ot la ftxe
voue à la n1ort et en explique le sens en l'inscri va11t. dans le déllnitif. 1,.,0 Christ porte le péché eL la souffrance,
dans le rite qu'il institue. Gestes et prières, Jésus les dans une charité infinie, fidèle et obéissant à son Père
emprunte à son milieu on leur imprimant une signifi- et à sa mission do réconciliation ot do restauration;
cat,ion nouvt~IIEJ. par là, il p1•6r,are l'unité da.ns une communion univer-
Pain et vin évoquent le sacrifice de Melchisùdecll, selle.
par leqtlel les fl·uit.s de la torro pcr,nettent de eon1n1unier 3° Ile banquet eucharistique. - Par sa mission
eotre ho,nrne$, ,nais at1ssi avec « le Créateur du , : i,➔l et Jésus est lié à une histoire qui réalise le dessein du
de la terre 11 ((-:en. 14, 19; ll!Jt. 11, 25). L'un et l'autre salut dont h, fin est d'inaugurer la coxnmunauté
syn1bolisent le corps et lû sang du Christ dans l'oblation messianique. Dans cotte porspoctive, il va à la mot~,
de sa 1nort (cor11s livré; sang ,·épandu). Le l'ile :111cien avec la conviction que $On n,notu· trio,nphera de la haine,
devient nouveau, parce que désormais il roprùsente sa fidélité du péché.
l<l sacriflc<l sanglant offert lihrAmAnt pour les sinns et De m~nte quo la cène achève los promesses et les
pour la 111ultilude. , figurtis de l'ancien Israël, dB n1ên1e elle annonce et anti•
Le rite du corps et du sang exprirne l'alliance nouvelle, cipe le festin eschatologique. Dans la pensée de tue
st;ellée dans le sang; fin donnant a.11 1not diathélai ln sens la promesse de .r ésus est liée à lu pratique de lu commu-
de libl'e disposiLion dont Dieu prend l'initiative. Jésus uauté aposLolique : 1c ,Je vous donne on testament lo
y révèle la disposition de salut et de xniséricorde de son
royaume comrne n1on Père rne l'a légué.Je veux que vous
Père. Les for,nulos dif1\~ront dans los divers récits, 1nais mangioz ot buviez à ma table en mon roy,1ume et que
la pensée est si claii·e qu'elle peuL s'expl'i1ner so11s des vous siégiez sur- les tr-t.,nes pour juger les douze trib11s
formes multiples. d'Israël,, ()Jt,c 22, 29-30). Les prophètes avaient a,lnoncé
1\.u pied du Sinaï, au rnoment 011 le peuple devient autonome les biens rnHssianiques At eschatologiquos sous l'image
et reçoit la loi, par l'intermédiaire de MoYRe, l'allianc:o onf.rll d'un banquet (Isaïe 55, 1-9), partlculièr•ement préparé
Yahvé et la peupla est scellée dans le sang de la vicli,110, un pour les pauvres, les clients de Dieu (Proç,, 9, 1-oi
pllrtitl répandu sur l'autel du Sllcrillce, en· partie u.tili$u pour Luc 14, t:.l-13). Ce thè1ne d\l rest.in évolue vers celui d(IS
asporgo1• la foulo. • Voici lo sang do l'alliance que Y,d1v6 a
conclue avec vous, à condition que vous gardiez tou t.cs seij noces célébrant l'alliance de Yahvé et de son J>euple
paroles • (tr;i;. 21,, 8). l,a disposition hienveillante de Dieu a (Osée, Jér61nie, Cantiqt~e des cantiqu.cs). Nous le retrou•
co1r11n41 cont.repartio l'nh(1iss11ncm du peuple. vons dans les paraboles (Mt. 22, 1-'IO).
Jurcirnio annonce • ullo alliance nouvollo, non co1n1ne l'nlliance La Htlùrature apoc0Jyptiq11e précis1;1 que le rep11s n'ost pas
quo je conclus tl vcc lcut•s pè1·es, le Jour oil je les saisis par la seulen1cnt pri~ en pré~ence dll Y11hv6, 11111is avoc lo Messle
main pour les raire sortir d'Égypte• (J<ir. 31, Sj-31,; cf /1,. Rii, (Hérioch 62, 14), ce qui se trouve dans Luc:• Je vous prépare
25-30 ; z,,di. 9, 11). Cett.e alli(lnce nouvellA Ast dns1.iné10 à 11n royaume c:0111111e 111011 Père nie l'a prépal'é, afin que voua
réparer l'infldélit{i corn miae à l'endroit de la loi; toute iulùrieuro, m1tngiez et buviei dans tnon royaume • (22, 29). Cet aspe_cL
elle ser11 i11scrilt1tians les cn1urs. Elle rojoinl l'alliance llOi\Chiquo traditionnel du banquet n'échappe pa_s 811 Christ da1is lù dornlo
(Gen. 8, 20-22; cr(;, 18 ; 9, 9-·1 ?) cl Jo sacrifice d'Ahl'aham repas (/111. 26, 29; ('11.!ir,: 14, 25; Luc 22, 16).
(Gcn. 22., <1ui vaut pa1• sa disposition intérieure); el le serti Alo1·s que Matthieu (2G, 29) ot 111arc (1'1, 25) placent dal\e
v1•(1iscn1blablc1nonl universelle (11 to11s connatlronl »). un lointain esch11lologiq110 lo royaun10 oil les disciples b\liront
Je vin no\1ve8u, L1tc ducrlt le même roya11me coTT1ma une ré~lil6
Le sang do l'alliance nouvelle esl versé pour la 111ulli- terreRtre et prochaine (P. Benoît, loco cil., p. 388-300). Il
t11de (Mt. 21>, 28; Marc 11,, 21,J. L'expression est cn1prun• ralouc:ho lo toxle do Marc et supprime 1~ breuvage nouveau,
Lée à Isaïe (53, 11) pour signifier les hom,nes de touto Il se conlonto d'affirmer q11a Jésus nê boira plus de vin dans
I nation (Mt. 20, 28; 24, 11 -12). J.\iltttthieu est :;eu! à 88 condition terrestre. 1,eR repas pris avec Jésus après la résur-
c1xpliciter, d'ap!'ès JérénU:e (3·1, 3-'.), cc pour la rémission rucUon accomplisRent loR pro1nesscs de lous les repas, ~n
des péchés ,>. Il se réfère it l'ense1n ble de son évangile t•éunissant autour da la lil.blc eucharistique leR lldèlus qui
(5, 11 et 27-30; 6, 12; 7, 11 ; 9, '1 -8; 11, 19; 1~, 31; co1nmunienl à la frac Lion du pain (T,,,,; 22, 18).
16, 19; 18, 18 ot 23-3S). Do cott.o n1ultitude le sac:rifice Il appar~ient à. l'essence du sacrifice de Jusus d'inau•
du Christ; fera le peuple nouv_eau, signiflé par l'11nique gurer le sacrement du rassemblement univet'sel da
paio ro1npu, groupé au tour de 19 table <h1 Heignour l'Israël nouveau. C'est le n1ouve,nent. impliqué dans la
(1l1arc :1, 14, 16, 35; 9, 86-87; 111t. 5, ·13-16; 1G, l8-19; cène que célébre l'eucharistie. Cette certitude lui donne
Luc 1,0, 20; t2, 32). son caractère de joie et do triomphe. La vie de Jésu.s
2ù L'accomplissement messianique. - Le riLe s'achève dans sà résurrection, qui instaure l'alliance
nouveau est lié il la personne et à .l'œuv,·e du Christ nouvello. Son action entraîne irrésistiblernenl l'humanité
(Luc 17, 20). Il fait un avec lui : tnon corps, m.011. 1-lang. dans ce 1nouvement victol'ieux. La lumière pascale
Il est ln f,081.arn,~nl; rie Dieu apporté par le Christ. L'his- éclaire désor1nais le calvaire. La co1n1nu11aulé aposto,
toire du salut s'achève en lui et s'accon1plit dans le tique emporte de la cène eucharistique uo sentiment
sac,rifice de la croix : c'est le baptên1e quEJ Je Christ, d'action de grâces et déCOll v1•e l'économie nouvelle
doit 1•ecevoir, la coupe qu'il doit boire. Il ost le lV1essie de l'alliance déllnitivo dans le sang du Christ. Car il
prornis, le Serviteur souffrant, auquel les pai•ole:s de la n'est !Hl$ d'allianee sans elîusion de sang (HiJbr. 9,
cène font allusion. li est vonu expier et enlever lti péché 18-21).
du inonde, l'obstacle à la réconciliation. Lo Christ " donne De cette écono1nie nouvelle le Christ est l'ouvrier.
sa vie en rançon pour la 111ultitude ». l,e saerillcû do la L'Église va creuser la po1•t;ée des paroles : le pain donné,
croix quo la cèno ri tualise no fait qu'achever, dans la brisé, le saog rép1uulu, et ap pliquer au Christ les prophé-
nudité de son action, la vie eL l'enseignement. do .fésus: ties d'lsaïe, oil le Juste sauve le peuple par sa soulîranc~.
les repas avec les pêcheu1·s (./1:'lt. ~, 10; Marc ~. 15; Dans son sang, le Christ ,nédiateur scelle l'allianco de
Luè 11, 82), la n1ultiplication des pains, les llotJeS de la conHnunau té messianique.
Cana sy,nbolisent le$ épot1sailles du Clu•ist et dol' Église. Dans J'eucharisLie Je Christ est, pou1• los fidèles, pain,
1561 LE PAIN DE VIE DANS S. JEAN 1562
560
vin, done nourriture. Ceux qui mangeaient l'agneau la parousie. Le verbe &!aspxoµou unit los doux ven1ies,
Sa pascal participaient aux fruits de la délivrance. La sacramentollo ot eschatologique (S, 20) . La joie (~yoO,Àt-
fixe pâque chréLienne a1·,·ache, par Je sacrifice du Christ, é:iµev; .f.!pQc. 19, 7), l'espérance, l'assurance des assen1-
11ce, 1~ monde au péché, constitue autour du l~ossuscité le hlées liturgiques des Actes expriment, dans !'Apocalypse,
>èro peuple des enfants de Dieu ot anticipe le 1•ass0mble1nen L avec plus do puissance, la foi de l'Église en la seigneurie
Ion; universel dans l'action de grâce et l'attente de son do ,1 ésus. Dans la nies ure où le culte chrétien anticipe
l'èr- Relour. celui du ciel, il alimente au cœur dQs fidèles, asseroblés
au nom du Rossuscito, l'audace et l'attente qui " an-
f. LE PAIN DE VIE I SAINT JEAN, - Derniers en da l,o
1ion par,ni les livres inspirés, l'Apoca.lypse, 18$ épîtres et nonc:enl >l l'accon1plisse1nent définitif du rassemblement
du u1iiversel.
l'évangile da saint ,Joan perrnetlent lie ,nesurer la conti-
1uté nuilé docti•inale et l'approfondissement qu'appor•t(l ao '.! 0 Évangile et lettres johanniques. - Saint
,ort, ,nessage primitif l'expérience occléslale et personnelle Jean exprin1c dans SQS écrits la vie sacra,nentaire et
ine, du disciple bien-ai1né. L'i,nportance de l'enseignernont ccelôsiale de la co,r11nunauté chrétienne, qui constitue
johanniq·ue vient de ce qu'il n'est ni uni~ gnose, ni jt1~qu'au cadre de son évangile.
les une spêculation, n1ais uno expérience spirituelle.
.nti- t) Ou culte julf au culte en esprit et en vât·itb. - I>ans
Luc 1° L' Apocalypse. - L' l1.pocalypse se déroule dans l'év:.1ngile de J ea,\, le Christ opère ses grands n1iracles
mu- le cadre du cult.o chrétien. Le voyant silue sa vision ,, le on liaison avec les principales fêtes et mên1e da ns le
t le jour du Seigneur », au ,norneni où la co1n1nunau1,,; te1nple. Il se situe dans le cadre des institutions juives
'ÔUS est asse,nblée pour célébrer la victoire pai;cale par le pour définir• la 1•eligion en esprit et en véritt!. Le culte
que repas eucharistique. l.,a vision lui ouvre, pour comprendre nouveau n'est plus alors centré sur lo temple mais sur
ibus la liturgie, une nouvelle dimension, colle do l'éternilé. sa personne. C'est i11.1ton1• do la pâque que s'ordonne
1ncé L'expression " jour seigneurial )) avait l'avantage lo récit évangélique (2, 13; 6, 4; 11, 55). La fin do l'évan-
1a.ge d'exprin1er la trir,le référence au jour passé de la résur- gile est encadrée par la fête. L'agneau pascal '>livre el,
>aré rection du Christ, au mystère présent, céléb1•é dans la fenno lo récit. La vie de J ésus est placée entre les deux
1-5; communauté, ot au 1nystère eschatologique de la parou- n1nnifestaLions de !'Agneau : la présentation du précur-
des sie lu ture. seur l'introduit (1, 86), l'exaltation sur la croix le 1nène
.1plé Les allusions à la liturgie prirnitive i,ont non1breuscs ; lo~ à la gloire (19, 36) .
rou- ncclnmations 1.1<:,o, an11011co11t l'ouverture solennelle des D'une pâque l\ l'autre, le quatrième évangile resserre
anaphores: la prio1·e d'action do grâcos cornrnence, corn me dans le sens de la p~quo chrétienne. La r,âque du pain de
los prières pauliniennes, par ~üxlei,10-r<>!Jµ~v (11, 17-18) ; les vie annonce la pâque nouvelle, qui acco,nplit la manne
pas acclamations, l'usage cle l'alleluia, le n'1C1,r<iri<1 tha,, là lécturé eL f.l igrlifle 1, la chair donnée pour la vie du monde ,,
essie du livre, In n1nnduc11tion de la rnanne, J•::i~sociaUon do l'Agnoau (6, 51), - ullusion au sacrifie() de la croix. Jean précise
pare à l'adoration divine sont ant:'lnt cl'Àft>ment.~ qui devraient
vous 11ppnrtenir au culte prhnllif at accorder l:'I liturgie terrestre
quù du côt1~ de Jé1f\\S c< sortit le sang et l'eau)) (19, 8'!),
pect il la liturgie célcslc. Voir nrt. Dt MA NG1111,, qui figurent les deux sacrements par ot. dans lesquels
:ni~r nalt et vit l'l!lgliso. L'épisode de Cana i;yrnbolise le
fans
1) Do ln pl\que de l 'Exode à la pàque chratien1:10. - La =
caract1\re à la fois de sacrifice ( ./1101~ heure ma mort)
ront célébration du eulle se réfère à la délivrance d'Israël. et tle cornmunion (repas nuptial) de l'eucharistie.
alité Lfl libération eschatologiquo quo l,is persécutés at- L'ofl'rande de la cl'oix est le fonde,nent historique et
I• I 1 tendent est le pend an I; de la.libération juive. Ce caract1~ro spiritt1el du 1nystère eucharistique.
'8 aU, pascal rel.lendra l'attention de saint Irénée (A.d1,,,irsus 2) Le plan sacramentaire de l'avangilo. - Ce caractère
il.ans haP.reses rv, 30, PG ?, 10611-·1068). do ru1e à l'évangile johannique son st.ylA liturgique. A
lsur- Le Dieu do I' Exode accueille le lecteur (/Jpoc. 1, ,, ), aucun n101nen t .J ean ne per<l de vue les sacrernents de
' en fait do la cor[)rnunauté chrétienne un royau1ne, des l'lJ:glii;u : ils prolongent les événements de la vie de
, qui prêtres (E;i:, 19, 6). Le privilège d'Jsra.ël passe au peuple J ésus, ils sont les gestes du Verbe incarné, tl'ansllgn1•é
nouveau. I-tien n'est plus significatif t1ue l'imago do par· la gloire; ils pe·r,nl.lttant à la foi de la cornmunauté
lau- )'Agneau 1nenl.ionné viugt-neuf fois, sans jarnais être de 1•ajoind1•e Je Christ de l'histoire. O. Cullrnann s'est
de expliquée, parce quo universellornon t connue. Lil figure eJîllrCé d'expliquer la structure du qnat.rièmo évangile
1s la unit deux idées : la victinH1 égorgée, dont parle lochant par lo rapport qui unit l'histoire et le sacrement, les
1nne du S01•viteur (Isaïe 53, 7), appliquée traditionnelle,nent évùne1ner1ts du la vie tle Jésus et le culte de la commu-
ésus fi J'œ11v1'e du Christ, l'imago du chof vintoi·ieux qui dérive nauté (Les saerc1nenl.~ dan.~ l'éc,a,ngile ioluuini.que, Paris,
tnce de la littérature apoc:alypt.ique (J Enoch; Testanwnt des '19!i1 ). Quoi qu'il !.ln soiL de celte thèse, sans doute trop
nité 12 patriarches). La figure ra mass() tout le rnystère i;y:;Lérr1atique, .Jean n'est pas soucieux do d61nontror,
cale pascal : 1'1\gneau, debout., vàinqueur, portant les stig- n1ais do n1ont.rer. Son exposé esL nourri d'une expérience
sto- mates de sa passion (Apoc. 5, 6). sac:ran1entaire. L'eucharistie appartient à la vie et à
1ent La desc,•iption de la Jérusalo1n future perineL de l'expérience spirituelle do l'Eglise.
relle discerner la continuitô do 1•m:xode juif à !'Exode chrétien.
L'histoire du salut soulève, de part et d'autre, l'hostililé :1) L" promièro lettro de Jean apparaît con1mo une
lril
. 9' des forces ennernios ('11, 8). 1\ussi le c:ha.n Ldes élus fait-il catéchèse à pa1•1.i1• de l'agapè eucharistique. Le terine de
écho à celui de ~loYse, célébrant le passage rniraculcux Kot'J<o>v!oc: qt11~ J ean n'e1nploie qu'ici a une résonance
rier. de la n1or 1•ouge. La continuité des œuvres de l)ieu (:u l tu elle. Eucharistie et joie sont liées (1, 4), co1nmo dans
' appelle une 1nê1ne action do grâces. les ,1ct.es. Lo sang de ,Jésus, victime de proJ)itial.ion,
nnc.,
ra1nonr. l'a t.tentiün sur le sacl'ifice de Jésus, donnant sa
phé- 2) Liturgie et p=ou;,ia. ~ Dans l'eucharisl.ie, les ehré- vie pour le monde (1, 7; 2, 2; 4, 10) . L'agapè trouve son
nce. tiens possèdent le sacrement de l'a ttonte. Le 1naran1.1. expression dans la n1(u'L du Christ (3, 16; li, 9). J.,'allusion
3 <le tha toujours lié à la fraction du pain prend ici toutQ $a au Christ qui vient rendre témoignage« par l'eau et par
signification. Chaque célébration eucharistique anticipe le sang )1 est une évocation do l'eucharistie, rattachée
,

1563 MYSTÈ .R.J◄; EUCiiARISTIQUE 156~ '


à .la mol't sur la croix:, lorsque du côt6 coulèrent l'eau consomme l'incarnation rédempt.,•ice et lui fait porter
et lo sang (5, 6). ' ses fruits. Celui qui la reçoit est comme stabilisé dans
La charité qui unît les chrétiens entre eux. constitue la vie de Dieu : « Qui mange ce pain de,neure en moi
le comniandement nouveau de la communauté. Elle et moi en lui ,, (Jean 6, 56). Par cal.te eompénétration,
s'enracine dans l'amour de Jésus, toujours actualisé le fidèle, comme l'Église, est « incorporé » au Fils de
par l'eucharistie, référence à l'oblation du ChrisL (n_, 1 ). Dieu.
Comme J acques, Jean tnsiste sur le caractère prallque Il ne s'agit pas do solidarité hunuünc ou d'asshnila,
de la charité qui prolonge la Jitu1•gîo dans la vie (enlploî tioo n,orale. J é$US ost la vie néeessaire du chrétien.
fréquent du mot 11:ottîv dans son évangile). L'a111our Tout homme est appelé à cette union physique avec
des fl'èrcs est la garantie que l'agapè de Dieu hahite dans le Ch1•ist, à devenir me111bre de son corps, rameau du
la co,n munauté et oxprin1e le 1nystère qui lui a dnnné cep unique qui not11 1•it la vigne de David. Cette union
1

naissance et vie : il 1nanifosto le Ve1·be incarné. L'eui;ha- réelle, mais spirituelle, se réalise dans la foi. Elle n'est
ristie a ainsi chei Jean un tdple carae,tère occlôsial, perçue, e,omme la présence du Christ dans l'eucharistie,
expérinlental et pascal. que par la foi; c'est l ui qui communique âtl corps ot à
l'âme du chrétien le gertne de la vie et de la résurrec-
s. CONCLUSION , JEAN 6. - Mên1e si la cène n'avail, pas tion.
été une célébration pascale, elle n'en setai.t pas rnoins Cette union hnplique l'unité de tous le$ membres
int iinernent liée au contexte pascal juif. Elle achi\vo la nourris par la mê,ne i;ève. Dans la prière sacerdotale,
,nission de Jésus : ee quo l'Exode p1•éflgure, l'Évan- ,Jésus prie et pour les disciples 1,résents, qui préfigurent
gile l'acco,nplit, le sacre111én t le prolonge dans la conti- le nouvel Israël, et pour tous ceux qui « croiront on moi
nuité (l'une mê,ne économie. Les allusions dispersoes, à cause de leur parole » (J1Jan 17, 20), donc pour la
1•encontrée1> chez saint Paul (1 Cor. 5, 7, et 10, 1,-5), totalité des membres de la conununauté messianique.
saint Pierre (1, 2, 1-10), dt\ns l'Apocalypse et l'évangile L'eucharistie polarise l'ilnmonso n1ouve1nent ascon•
johannique permettent de conclure à une catéchèse, sionnel de .tous c~ux qui sont attirés par Je Seigneur.
qui présente le baptê,ne et l'eucharistie conlme un L'initiative vien L toujou1•s dn Père, unie à l'action de
nouvel Exode. l'Esprit, ne faisant qu'un a ver. elle.
Ce qui constit.ue la nouveauté de la pâque chrétif;l110e Cetl,a union v ivifiante se réalise par la 1nort rédemp-
c'est qu'elle soit rat.tachée « all passage du Christ i, trice (c< Si le grain 1\8 ,neurt ... ", Jean 12 , 2t.). Le rap•
de ce inonde à son Père par la paMsion et la morl.. Lo port do l'eucharistie à la croix est essentiel et les reton-
ri te ancien 1na1•quo la continuité avec l'ère dos figures. tis:ie,nenls de cette relation sont ineo1n1nensurables.
La pâque chrétienne apparait d'abord corrune un 1•c:pas, Conune le hapUi1ne, l'eucharistie tend à faire mourir
où le pain accomplit éminenunent la promesse de la lo chrétien à tou t ce qui n'est pas vie, elle le soumet à
1nanne du dései•t (Jean G, 3t-32, 119, 58) . Le vin, au delà l'action divine qui émonde pour dégager les forces
du sacel'doce aa.ronique, rappelle Il·lelchisédech, figure de vie. Il dépend désormais du comrnunia.nl. que le
du Christ, qui réalise l'otîrande eosnlic~uc et donne au sacremen t soit pour lui efficace ou sté1·ile, conda,nna-
repas, autruel tous les peuples sont c,onvi.é~, nn car~,:tère tion ou vie éternelle.
universel. Buvez-en toits, Tout y parle de ehar1 1U: et Cette option reLenLit sur la commun au Lé. La r.harité
d'unité (vigno ot ce11) , qui forgent l'lsraël nouveau. habite lo lldèle et la co,n,nunau t:è pour se répandre.
Ce t·epas pascal e$t sacrifie,iel et. annonce la passion : ,< C'est à ceci que nous avons reconnu l'a,nour, c'est
pain et vin séparés, paroles conséùratoiros, corps liPre, qu'il a donné sa vie pou1' nous. Nous aussi, nous devons
sang c,ersé, di:;;cours d'adieux. La n1ort d\1 Christ repré- do11nel' nol.ro vie pour nos frères » (1 .Jean 3, 16), Les
sente le rejet <lu lVfossie par son peuple, 1nais au:-.1;i la frères doivent achever avec le Christ la l'édomption
lutte contre le prince des ténèbres. L~e repas pasc:i I est <l u inonde.
enlln trio1nphant. La victoire comn1ence au r.alvaire, L'eucha!'istio prolonge l'incarnation du Verbe en
où l'a,nour vainc la haine et libè1•0 dans le sang nt. la étublissl\nt les fidèle$ dans son a,nour corn ,ne il est lui-
mort le peuple messianique. L'hu manité est entrainé<~ 1nêmo dans l'amour du Pore. Cette réciprocité exige
dans le n1ou venlont qui mÀno le Chris t vers la gloire. la sou,n ission à la volonté div ino. En éoht{nge, elle
l!:n doflnitive, la pâque fête _la grande délivranf;c de accorde paix, joie, assurance, qui 1;ont l'expérience
l'histoire du salut. l~llo est avanl. tout euchari:;tie, vi~cue do l'amour du Chl'ist l)artagé entre fi'tH'es. Jean
action de grâces. Elle célèh1•e le passage de la figure 11'ig1101•e ni les assauts du dé,non, ni la haine du inonde,
tl la rôalité, de l'ancienne Ct la flou voile allittuûe, l'ar.<:<in1- ni la faiblesse hu1naine. Mais il sait que les forces hos;
plissenlent de.la pro111essH messianique. tile$ sont impuissantes cont.ro celui qui possède les,
Tout en rnarqua.nt l'aceès à la plénitude, la p:1que paroles de la vie et se nourrit du pain qui donne la vio
eucharistique n'en conserve pas 1noins quelque chose du Christ ressuscité,
du mouvernent et de la tension de la première pùque, Com.plhnnlt biblio11raphiq1,c. - 13. Mari11ni, De srwriµcio
non plus vers son accon1plisse1nen t, mais vers 1;a r.on- a Jl'1.<1(ar,hia praediclo, dans A11to11ia11111n, l. 9, 193!, , p. 108•
so1111nation. 242, 8(i1-382, 451-471,, - O. Hnrdy, ilfelchiscd<•q d!UIS la lradi•
Lo chapitre () do l'évangile do .T eau Cournit la caté- tion patriatiqttc, dans Re11u,1 bibli.qus, l. 53, 1926, p. 1,0G-509;
chèse la plus achevée des fruits de la pâque chrétii:nne. L. !,t, , 1927, p. \!5•45. - l',,l. da 'fuya, L<i <loct.rùia eucaristica
L'eucharistie est proposée dans la perspective de de los Sinopt,icos , dans La Cie11cia. tomisr.<i, t . 81,, 1957, p, 217·
- R. D . Rir.hards()!l, 1'hc pl<icc <•/ L uke in the e11ch<1risti4
l'incarnation: la !!'ils de Dieu est le pain vivant descendu 1281. .radition, 'l'IJ 7!!, 1959, p . 66~·67!i. - X. Léon-Dufour, Le
du ciel, qui donne la vio au rnonde. Le pain est vél'il.;~blc, 111ystèr<• di, l'ain de Vic ( J c<trl v,), d1111s llcchcrûics de. science
pur con1paraison aux llgures, couune la manne qui 1le rcligii,1,.•,r., t. r,(i, 1958, p. t,81-52!1, avoc la bibliographie. -
donnait que la vie périss,{ble; le pain de vie 1•assasie G. Ru111110, L 'E1warisr.ia.1wl Nuovo 1'esta,1ncnt,o, dans A. Piolunll,
éternelle1nont toute faim hun1aine. ,J ésus se donne f,'!?ucariscia., non1e, 19/i?, p. 31-114, o.vcc la hibliographlc.
tout entier sous la forrne $QCra1nenlelle du pain l1t du - L1uni,Jre et a,ic 31 , 19117, L'euchari.stic tla,is le nottlleai, Tesla•
vin. L'eucharislie dans la perspective joha.n11ique m,nil : J. Dclorm~, La cène et la p1iq11c <l<tt1S le 110uPea11 Testa·
1565 LITURGIE EUCHA llISTlQUE
rter ment, p. 9-48; P. Benoit, Les récils de l'institution et leur portée, hotu1iltls qui la. reçoivent • (L. Uouyer, La ,,i,: de la liturgi.c
ans p. 49-76; J, Dupont, Le rcpM (}.' Err1rr1aas, p. 77-92; E. Boiamard, p. 162). Tel est lo message quo la lecture des Livres sacrés et les
L'sucharûtic selon suir1t P<tul, p. 93-106; D. r.Iollat, Le alu;,.pitrc gestes dos rilos proclament (1 Oor. 11, 26) dan$ ln 11ynaite eucha•
11101•
v1• de iailU Jca11, p. 1.07-119. - C. Spi(:q, AgapA dans ~ ristique (Didachè 10, a) ,
:on, vol., coll. l!:tudes bibliques, Paris, 1058-
11ou9ca11 Tc1tim1cnt, S l .'nuoharisUe, - terme technique pour déslg1Hlr tout le
de 1959. - A. Ha.mman, La pri<lre. Le nou116au 1'es1a1nent, Tournal- 1nyHLt\re - , me.t l'accent sur .l a prière d'action do grâces. Lo
Paris, 1959. - A. Feuillet, Les thèmes bibliques n1ajcttrs d,i Christ, l'Ad11m nouve11.11, el!t à la fois Parole de Dieu et r6ponso
ila- d~9coura sur le pai11 d.e vie, NRT, L. 112, 1960, p. IIOa-822, 918• do l'hornrnn; llt1r la. tlroix, il a accompli l'action de grâces quo
ien. 980, 10~0-1062. l'ho1111110 doit à Diou. Soule 111 présence d4! ,Jésus et de son sacri•
vec W. Go0888llS, Les origirics de l'c~ucharistic, S(tcrcmcnt cl sacri· lice confàra au rite wi l'gglise son rê111isme et son efficacité.
du fics, Gcrr,bloux-Paris, 1931. - R. Otto, R~ich Coties u11,l
• Msnsclwnsohn, ~Iunich, 1940. - 11.-M. Ji'éret, La messe, ra.9- P,n quoi consistait la prière d'action de grâces da
lOil l'Eglise primitive? Dans los traditions juives, le service
somblcmc11t de l(l cc>n11nunauttl, dans La ,nesse et sa caltlchèse,
'est coll. Lex ornndi ?, f>a.ris, 19t,7, p. 205-283. - F.-,J. Launhardt, 1•eligieux cuhninait dans la prière du président, qui
tie, Le sacrcmcrll d(, la Rai111e Oene, N1iul\l11î.tol-Pàris, 191,8. - Ph. Sol- expliquait le sens du don reçu ou du sacrifice offert
1t à densticker, Ll'.llendiges Opfer ( liihn 12, 1): Ein lJcitrag zur ot do,nandait la réalisation des pro,netises, transmises
~ec- TMologie des Apostsls Pariliis, Munster, 1954. - P. Neuon- par J éré1nie et Éiéchiel (Voil' 2 Esdras 8, 17, et 13, 1 ),
zeit, Das llerrenmahl. Studio" ,.,;r p(lu.lir1.isd1c" E,,chari:1• Ces éléments devaient constituer le thème essentiel
,res twauf}assrtng, lliunich, 1960. do la prière eucharistique ot consêcratoire. Ras:;ernblée
ùe, B. L'EXPtRIENCE DE L'ÉGLISE iiul.our du Ressuscité invisîble1nent présent, la commu-
ant nauté, unie au président qui rendait grAces, exprimait
noi Co1nn1ent les communautés chrétiennes ont-elles
èotl.o communion, dans une p1·ière alternée, e1npruntée
, la conservé la Lradition l'eçuo'? Dos t6moignagos frag,nen- à la synagogue, en l'épondant Arne,~. Dès !'Apocalypse
,u e. tairos, parfois mystérieux, perinetlent de voir• la place et la Didachè, nous trouvons le Marana tha, le Iiosan-
' occupée ()ar' l'eucharistie dans la vie de l'Église. Nous
en- na.h, le Sursurri corda (voir J. A. Jung1uann, Missetru,n
1ur. no11s efforcerons n1oins d'en fail'e un inven.Laire que de sole,nnia, t. 1, Vienne, 1948, p. 22).
de découvrir une expérience et une réflexion dont les La pl'ièro d'action de grâces t•e1nerciait pour les
auteurs té111oignenL spontan61nent. œuvres de Dieu, qui rnanirestaient le dessein du salut,
lp- 1. PlRIODE ANTÉNICtENNE. - données théologiques
ÎJ\l$ 'création, rédemption, résurrection; la résurrection,
lp- de la t.radition sur le sacrifice et le sacrement sont do11t. Ili souvenir ôtait lié au repas pris avec le Ressus-
on- exposées en dèi, d!ct.ionnail'es spécialisés. Nous déga- cité, était co1n11té1norée spécialement le jour du Soi-
les. gerons ici la doctrine spi ri Lu elle, en suivant. trois pistes gneur et à chaque célébration eucharistique. l.,a prière
1rir convergentes : la vie de la liturgie, l'enseignemenL de:; s'anhevait sur la do1nando eschatologique de la fw;ion
,t à pastéul'l:l, le térnoignagf.l du peuple chrétien. dans la t:harité de l'Église venue « des quatre vents ",
'Ces · ot l'accomplissement de sa perfection (Didachè 1 O, 5).
le 10 Vie de la l itu1•gie. - Il est difficile, faute de l .'aspecL collecl.if ne minimise carte:; pas l'aspect
na- documents, de nous fait·e \1111~ idôe exacte do la litul'gie personnel, car chacun pénètre dans le mystère avec
eucharistique primitive. On peut cependant alfir1ner lo sons de son péché, dont il demande le pardon, avec
iité qu'elle de1neurait Ll'ibut.airo du culte des synagogues la volonté de réconciliation qui donne au rite eucharis-
lre. et des repas religieux « dans le cadre desquels le Christ tique son efficacité pour chaque mernbre de la con1-
'est lui-1nê111e l'avait insl.it.uéc ,, (L. Bouyer, La. ciie de la mt111at1 Lé (Didachè t4; cf 1 Cor. 1:1, 28). Quelle que
illlS liturgie, coll. Lexor,tndi 20, Pari$, t95ü, p. 157). U!ssayons soit la valeur eucharistique des ()rières de la Didachè,
'c.es de discerner la signification spirituelle des rites, d'aprèa nous y percevons l'écho de la liturgie prirpitive,
ion la Didachè, saint. Justin ot. la 1'raditio,i. 1tpostoliq11e. l'influence <les ril.es juifs, los él61nents et les prières qui
J) Didachè. - Un prenlier fait s'inl pose, nous l'avons con1posaient la fraction du pain, la place irnportante
en vu : l'eucharistie est liée ù un repas, qui l'achève ou laii:;séo aux charismes des prophètes (Didachè 10, 7}.
luj- qu'elle âchève (.41:tes 20, 7; 1 Cor. ·11, 17-34). Ainsi Cf .J.-P. Audet, .l.a Didachà. I n,qt,.,u:tions des apôtres,
:j.ge los forn1ules ernployées par la Didachè, à la fln du prc- coll, l!ltudes bibliques, Paris, 1958; art. D10ACHB, DS,
~Ile 1nier siècle, pouvont s'appliquer soit au repas d'agapè, t . a, col. 860-862.
llCe soit ù l'eucharist.ie. La Did,whè, néo en milieu judéo-
~an 2) Saint Justin t 165 /166. - Ces élérnents suggérés
chrotion, conn,dt le ri Lut'I des repas juifs. Il n'est pal' la Dùlachi': se retrouvent dans la description de
.de, ja111ah1 quesUon d'abus au cours de ces repas. Ceux de
10s- Justin. Son objecUvit(~ est assur•ée par sa volonté de
Corinthe se passent dans une église pagano-chrétienne, justifier le rite devant les païens. L'importance. de
les, n1oins sensibilisée ù h\ qualité religieuse de ces agapes.

Vl8
l'eucharistie clans la vio de l':f.lgliso est toile qu'il y
Nourriture et boisson apparaissent dans la Didachè roviont à plusieurs reprises (1 8 Apologie 65-67, PG 6,
co1nn1e des dons ùe Dieu que la pt'irnitive Église ainsi t,28-1,32; cf 13, ar,5.3,,s; Dialogue aPec 1'ryphon 40, 1
'icio que le pieux israélite reçoivent avec bth1èdiction (le à 4 L, 4, PG 6, 561-561, ; 70, 4, t,t,1a; 117, 1-5, 71,5.
:93· ter1ne hébreu :;igniflo b6n6diclion et action de grâces).
idi• 71,9).
Bénir c'est reconnaîLr·e l'action crt':Rtrice do Die\1 et l\apl.G1ne et eucharistie appartiennent à un n1ême
i09;
ren,plir ses dons de sa bénédiction, lu parole de béné- cycle de l'initiation chrél.ie1111e. J./eucharistie se ••êfère
tica
117- diction ayant LuujOlll'S vale1n• consécratoire. L'action à II n Ol'dro roçu du Christ (1" Apologie 66, 3, 429a) ,
istic de gl'âcos répond au don reçu (Dida.chli '10, 3) . traru,rnis par le$ apôtres, accueilli pur les chrétiens, lors-
Le Crét1f,ion et récle111ption sonl inti1ncn1ent rnêlées. Les chrétienR qu'ils accornplisser1t ce l'ile (Dialogue ?O, r,; 1.17, 1).
savent que le Christ osl vonu ncco1nplir et achever l'œuvro du Cet.t~) tradition est entérinée par les Mémoires (Évangiles)
salut. En lui, « la Parole de Dieu ollo-n1ême s'approprie rnnin- des Apôtres. liJt ,Jus tin se reporte à la dernière cène,
nti, tennnt 1'110Uon do grâce$ q11e l'homme célohre sur le rnoncle
hie. darlS lequel et par lequel îl d.oit vivre; le monda lul-nui1nu, 1>ar on citant les paroles de l'insLiLution (1° Apologù: 66, 3).
sta-· sullc, csl n1t1intennnt rmnpli, selon lu voio sacrainontollo, pat• 11 alli1•1ne que dans l'eucharistie <t les clu·éUens co1n-
sta- la Parole inct1rnée; If\ Parole y assi,nile à ellc-môn10 tous le$ mérnorent la passion qua souffrit pour eux le Fils de
- ..
1567 MYSTÈRE EUCHARISTIQlJE 1568
Dieu » (Dialogue 117, 8, 74.5c; cf 70, 4, Gt,.1.a). S'il ne d'un autre office, ,nodelé sut· celui de la syn;igogue, 3.vec lequel
rapproche pas l'eucharistîe de l' Agneau pascal, il Hippolyte éviterait toute coYnciden<Je {J. A .•Jungmann, Missa•
cite d'autres figures de l'ancien Testament. dont. seuls r1,ni s<>lcmni(i, op. oit., t. 1, p. 41). 'J'elle quelle, l'anaphore
d'Hippolyte, malgré aR slruçtura christologique (111 création osb
les chrétiens, dans l'eucharistie qui àCC0111plit la prn- attribuée a.11 Verbe de Dieu), rejoint presquo point par point
pl1étie de l\,ialachio, sonL les légitimes héritiers (117, 1, l'enseignernent. da Justin (G, Dix, Tlui sh.cipc of the liturg,J,
?t,.5b; 40, ·t, 561-56'i; (ti, 2-a, 564.cd). Pa1• son sacrifier), Wostrnlnstor, G• éd., 1954, p. 158-160) ; récit de l'institution,
le Christ, « grand prôtro crucifié », fonde, dans la récon- eucharislie-ana,nnoso, actualisation de la mort, et de la ré.sur•
ciliation, " la race archiprêtresse de Dieu » (116, 74. ',- rectio11. Lc:i structure t1·initaire (que lui donna peut-être
745). HippolyLu) .attribue au Père l'envoi du Fils, au F'il11 le salut,
La célébl'alion s'ouvre par la leclurè des deux 'l'cst,amc11 l.s à l'Es1n•lt. le rassen1blement de l'~glise (l'epiclèse àpparait
à G, Dix comme une inaert.ion du ,,. siècle, ce 4110 conteste
(apôtres et pl'ophèt.es). L'ho1nélio, faite J>ar le président, e~t B. Botte). l ,OR prières de curr11n1111ion (Tradition 7, dontl'authen•
suivie d'llne prière lit.nuiquo, qui est une prière comm11ne aux licito est con\.P.stée) soulignent l'arnbivalonce do la réception,
<lhnonsions du monde. lei s'achève l'office synagogal. Puis, qui dépend des dispositions.
le baiser de paix snelle la frii.Lê1•nité. L'olîrande de clous au bé11é•
flc.e de la <Jorn11111n1111té intègre le souci so()ial à la célébration
eucharistiquo (1• l'ip<>logic 13, 1, 8/11.ih; 67, 6, t,32a; voir aui:si La Traditi'.on apostolique fournit de plus une confir,
Bo Reickù, Dia}w11ic, Fes1./re11.de 1t.11d Zelos i11 Vcrbinclu11g 111it 1nation et uno précision, Des dons étaient olTerts, huile,
del' altchristlichcn Agripe11feier, UpsfJla, 1951, p. 42-&S). Lo fron1age, olives. Aux néophytes on offrait spéciale•
pain ot le vin !!ont. 11pportés. Le pl'6sidont pron.once une pl'ii·ro ment du luit et du miel, sy,nboles de la te1•1•e de la Pro,
eucharistique l)t. çonsécrat.oiré, dans laquelle il célèbre lo Pi,ro messe dans laqucllo ils pénétraient par l'eucharistie
de l'univers (cf ClérnenL do Ron1c, A<L Curi11thio.~ 20, PG 1, 2;,:J) (Tradition. 23). Le symbolisme du lait et du miel
et rend gr:lcos r,our los bienfaits reçus; le plus grand c'est le exprin10 la douceur du Christ et la« suavité <le sa parole,
Christ; le prôslden t rapporte 1,1lors, vralSélllblii.blcmcnt, las succédant à l'amertume, co qui nous rau1ène au thème
paroles de l'institu tion que Justin <Jit,!l de mé1noire, co1nn1e dans
une prîèr8 iulproviséc. Cette prière, qui ae111ble avoir déjà unA de !'Exode, la sortie de l'Égypte ét:an t coinme lo retour
ordonnunco Lrinit(lire (1• Apologie 65, 3, PG 6, 428(1), rait, du au paradis. On y ajoutait une offrande d'eau, signe do
puîn et de )(1 coupe • h1 chair ilt lê sang du Clu•ist, incarnù • purification intél'ieu1•e. Les néophytes recevaient ces
166, 2, 429a). Le ter,uo d'a.na.111nesis revient deux fois d1111s dons entre « le pain céleste dans le Ch1•ist Jésus» et le
uno acceplion t.ar,hniquo do représentation (Diator;ue ,r,1, 1, vin sacré, c, le sang versé pour tous ceux qui ont foi en
et 70, 4, ü61,h et 6 1,1a). lui ii (28, 1).
De cette célébration Justin dégage une <l(1ctrine dont En recevant l'eucharistie, le comrnuniant répondait
plusieurs élén)ents on L trait à la vie chrétienne. 1/eucha- A111en pour· exprimer son acquiesce,nent au mystôre.
ristie suppose une co1n1nunauté rassemblée, hiér111·- Il retournait ensuite à sa vie quotidienne, duns la pra-
chisée, unie dans une seule oblation. )..,'A,ncn. scelle tique dos bonnes œuvres, présent.ée com,no un service
l'unité. Le pain eucharistié est porté aux ahsen ts de Dieu (23, 12). Cf llippolyte de Rome, La tradition
par les diacres, en signe de com1nunion. Ainsi s't\cco111- apostolique, trad. B. Bot.te, coll. 8ou1•cos chrétiennes
plit la rn;ophétie de l\ilalachie, ciléo ici con1n1e dans la 11, Paris, 1946.
Dida.èhè. Les fl'ères <loivent exprirner leur• unil.1~ pa1• 2° Enseignement des pasteurs. - li faut
le baiser de puix el la prouve-.• par l'olîrande de dons. situer la doctrir1e euchnrisUque des 6vi'lquos ot des goc•
La description de .Justin affirrne plus explicitP.n1ent Leurs, nécessairen1ent fragmentaire, dans le contexto
que la Didachè la liaison Antre la création et la réde(n1:i- de la liturgie qu'elle expliquo ot prolonge.
tion. Le Pèro de l'univers est le Père du Fils de Ilieu, Dès la fin du premier siècle, Clé111e11t <k Ron1e (t vers
lo Logos incarné (JJialoguc 117, 5, 74Yà). Nous trouvons, 101) nous donne uno idée de la prière lita nique. La
ébauchée, une théologie où le huitième jour, cou11néo10- liturgie est un acte hiérarchique (Ad Corinihios 40-42,
rant la résurrection, coïncide avec le premier jour de PC¼ ·J, 288-294). Clément souligne sa continuit.é avec
la semaine juive, qui ost l'anniversaire de la c1·éa t.iun, les saürifices de l'ancien Testatnent, en conformlt4
La résurrection, célébrée pn1• 1'11ucharistie do1ni11icate, avoc la tradition apostolique. li 1•11.ppello les prescrip·
apparaît con1me ·l'achève1oent, de la création. Ce que !.ions concernant le terri pS e L Je lieu, les conditions
les mosaïques byzantines représentent en inontrant imposées aux ministres de l'autel, les fruits de la com-
le ncssuscité des enfers tirant. A.dam et Ève dans 1111 munion qui rend « het11•e,1x, agréable à Dieu >) (40,
ressaisisse1nont universel ((il, 1,, 561,-565). 289a). Cf OS, t. 1, col. ?90-79G; L. 2, col. 962.
La célébration eucharistique, selon Justin, doit êt.re Au début <h1 second siècle, saint J gna.ce d'A ntiocltc
soutenue et prolollgée par << uno vie selon les précepl.c>s (t vors 110) donne sans doute l'enseignement eucharis-
du Christ)> (1 c Apologie 65, ti28a). Si l'att.P,nt.e eschato- tique le plus riche, inspiré par la pensée johannique.
logique est 1noins amtmée, la conduite 111orale est nel.t.o- Celle-ci occupe une place centrale en presque toutes
rnent exposée au néophyte ; connaissance de lu véri l,1\ les letL1•es d'Ignace, et il e11 développe l'aspoct spirituel
pratique de la ve1•tu, fidélité aux coo\n1an<lemonts, (Au:c Éphésiens 5, 2; 18, 1; 20, 2; Au,1: Mo.gné,,9ier1s
1c afin de recevoir le salut étornol u (ibid,i1n; ,;r 13, 31, :i). 7, 1-2; 9, 1; Aux Ro,na,in.s ?, 3; / iu.t Philadelphie11s 11;
8) :t.a Tradition apostoliquo représente une <lorniùre Au:i: S1nyrnù,tcs 7, 1; s, 1-2).
étape avant la ranüficaLion des liturgies. Elle rl()U$ Cet enseignement est. essontiellement christologique :
fournit le seul texte liturgique connu (1 •: moitié du Je Christ est au cœur de sa pensée et de su vie. Ignace
3e siècle) antérieo1• au concile de Nicée. A une lipo<1 uc affir1ne l'unité do la sarx et du pncu111(1., <ll\H$ lo réalisme
où l'improvisation consel'V0 encore toute sa Iiberl.1\ de la naissance virginale, dans la pàssio,1, la ,nort ot
la rédaction d'Hippolyte offre une espèce de canevas, la 1•ésurrcction. Chair et 8ang du Christ (Att;t: Ro1n.ai11s
où transparaissent tes idées familières de l'au l:f'iu1• 7, 3; A u:r. Srnyrniote.s 7, 1 ), l'eucharistie est le mystère
( V crbum inscpara.bile .. , e.1;te1idit rnanus). du Christ : la roi en la réalité do sa chair eucharistique
Jungmo.nn croit pouvoir expliquer l'absence de l'én111116- est la 1nê1nc que la loi er, sa chair sacrifiée.
ration de! ,nirabilia de Dieu et du Sa11ct11s p,1r l'oxistcncc L'eucha,•istie ra.ssemble les croyanl.s autour do l'unique
S68 '
1569 ENSEIGNEMENT DES PASTEURS 1570
rue!
180• autel et de l'unique évêque, symboles visibles de Fils du C1·éateur, donne à Ja tetre d'abord la tige, puis
1ore l'unité du ChtisL et de l'Égliso. Ignace en Ure une leçon l'épi, puis le froment; pat sa chair, il donne à l'homme
est d'unité pour la communauté, dans une même foi, un l'incorrt1ptibilité, comme Je hlé jeLé en terre lève en
,int rnê1ne esprit, visible et spirituel, comme le Christ et vie nouvelle (18, 4, 1027b).
~gy, l'oucharist.ie. L'unité s'ali1nente . et se résume dans la ]./oblation ecclésia.le des prémices de la terre mani-
10n, toi et la charité qui déflnissen t l'euuharistie, au point
1ur- feste d'abo1•d que l'homme reconnait le Dieu vivant
1i.re gue agapè pa1•ait en être le synonyme (A 1.tx Srnyrnioies con1roe le Seigneur et l'aute·ur de ce monde ctéé, qui
lut, 8, 1-2). Il en conclut ;le devoir de venir en aide à la nourrit le corps pae,le pain." Nous nous ,nontrons pleins
r~t~ , cornmunauté (6, 2). <l'a,tions de gràces, envori; notre Créateur » (ibidem,
isto La célôhraLion eucl1aristiquo a lieu le dirnanohe, jour 'l 026c), qui est. en même te1nps l'au Leur de l'écono-
1on- do la résurrection (Aux Jl,Jagné.sù1r1s 9, 1). L'eucharistie, mie, du salut l'éalisé par le Vc1•be incarné, déjà « sa
lon, faisant participer à la résurrection du Christ, nous n1ai n » dans la création.
accorde J'in11nortàlité (Aux Smyrniotes 7, 1; Aux !Je pain, créature de Dieu, con$titue Ja nouvelle
Éphésiens 20, 2). Les fidèles y puisent aussi la victoire oll'rnndo d' « aliments donnés par Dieu » et qui lui font
flr- sur le démon, la confirrnation de la foi, l'espé1•ance,
lle, l'Al.nur. L'action de grâces du Chl'ist a consacré le paîn
la charité, Ja joiû (Au.1: Mag116si.e11s 7 , 1 ). et lt! vin en son corps et en son sang; pa1• cette action
ùe-
L'eucharistie, aliment do la vie chrétienne, soutient de grâcos conséeratoire, l'lî:glise olTre les prén1icos
ro- plus purticulioremen.t le rnartyr, qui est l'imitation de 1.i. nouvelle alliance, qui achève et récapitule tous les
1tie la plus par!ail.e du Christ et la reproduction de sa mort.
Liel sac1·iflccs du passé. Qu 'est-ce à dire? L' Iiom1ne-Dieu réca-
Le rnartyre est une eucharisl.ie ; il réalise l'unité défi- pit1ilola longue chaîne des êtres. li est le centre et la source
le~ nitive avec le Cln•i$!., û011111)encée dans la commu-
me . do l'humanité, à qui il donne la vie nouvelle, en la nou1•ris-
n1on. sant de son co1•ps et de son sang. Il 1•6capitule la uréa-
)ur
de Le parallélis1nc onlro auchnrist,ie et marly1·e se rcl1•ouvc dans tion, figu!'ée par les éléments du pain et du vin, ce qui
ces les Passions. Celle de Polyc11rpo cornrnonce par une prière perinet de discernc1• la dimension uosmique de son œu-
litanlque pour l'J<~glise univcrscllo. S ur lo bflcher, Polyçarpe vre. Il récapitule, enfin, « dans los prémices de sa résur-
; le prononco uuo prière à i;tructure litur•giquc qui rapprocho l'of-
en rec1inn », la récolte, l'eng1•angement prôrnis par la main
frande du 1narlyre <le celle de l'aulcl, l'une achevant l'aulrr:i. des anges, dans toute la durée de l'histoire. L'eucharis-
Nous sommes c11 présence de la pas.'lion du Christ. Ignace et
ait Polycarpe se fonl d'ailleurs écho: • ,Je suis le froment de Dieu; tie est cet engl'ange,nent anticipé, ce qui lui commu-
,re.. quo je sois n1oulu par la dcn l <los fnuv,is pour deveuir le pain nicf111,r son dynamisme intt!wieur, son 1nouvemont vers
pur du Christ• (Au~: Roniains 4, 1). - « Jo le bénis pour rn'nvoir l'achèvement; elle esl le sacrement de l'incorporation

106 jugé digne do eu jour et de cetl.e heure, digne d'êLr1: co1npLi: au au Christ et à la conrorrnation au Fils rle Dieu. L'Esprit
~on nombre de tes nlflrLyrs at de p articiper au calice de Lon Christ ram1\ne de la sorte à l'unité la dispersion et offre à
pour ressusciter à la via él,nrnelle de l'àn1e et du corps dans Dieu les prémices des nations en rendant possible à
1es l'incorruptibilité du Sainl-Esprit ► (111artyre. de Polycarpe 14, 2). tous la co1nmunton avec Dieu.
Lo martyre introduit profondérnent. dans le mystère du
corps brisé, du Rang répandu et dans l'espérarlco de ln résurre,:- Cllernin faisant., Irénée affir1no : Nous offrons les prénliccs
tion {voir l\. Hamman, Signification Mctrinale des Actes des afin de portêr à notre tour les fruils de la charité, aur lesquels
martyrs, NRT, l. 75, 1953, p. 742•745). Cf P.-Th. Camelot, nous serons jugés. • Ne pas venir au secours des besoins il'autrui,
Ignace d'Antioche et Polycr,rpc de S1nyrnc, coll. Sources chré- c'est renier l'agapè du Seigneur » (éd. \V. W. H~rvey, t, 2,
tiennes, 2° éd., Paris, 19fr1. Cambridge, 1857, p. t,77). La. vale11r du sacrifice Intérieur est
ars dan~ l'ofîraode joyeuse do l'honirne libre. l,e service do Diou
La Irénée de Lyon (t vers 200-202) est té1noin do la, tra- glorills le Saigneur et, en 1nôn1e lon1ps, honore l'hoipme :
.rec.,
'9
' dition, et en même temps 11n Lhéologien vigoureux,
soucieux d'affirmet la foi en face du dualisme gnostique
Gloria Dei ,,i<,ens hmno, ,,iu, 1u~1.c m lt.oniinis visfo Dei {A.<lvcrsus
l1<u1rcsl/s 1v, 20, 7; P(¼ 7, 1037b ; éd. Harvty, 1v, 8',, 7, t. 2,
p. 21\1).
ité et de l'idéallsrne docète : le sacrillco eucharistique
'
1p- a rendu caducs les sacriflces juifs, depuis que le Christ Saint Cyprian t 258, dans $Q lettre 63 à Caocilîus,
11ns a institué l'oblation de la nouvelle alliance. En réponse écrit un véritable traité de l'eucharistie. Il réagit contre
m- aux marcioni Les et aux valentiniens, il situe l'eucharis- l'abus dos aquariens qui utilisent à la messe l'eau sans
1cO, tie au cœur de sa vision du inonde et (le l'hisloire vin. Il rattache le sacrifice eucharistique, qui est la
(Acl11ersus hu.enise,q 1v, 1 7-18, PG 7, 1019·1029). Comme le passion et la 1•ésurrection du Christ, à l'institution de
Christ a assu,né la nature humaino dans son intégrité la 1:ène. Par,ni les figures de l'ancien Testament il

18· et $Q totalité, - prémices pour toute la race -, ainai cite Melchisédech, qui se retrouvera dans le canon
Je. l'offrande du pain et du vin sont les élérnents du sacri• ron1 tlin.
~es fice de Ja nouvelle alliance, par l<isqnels l'Bglise ollre Outre l'ivresse spirituelle et ,la joie (J. Ziegler, Dul-
1el à Dieu la nouvollo obla Lion, da.us le rnonde entier. acdo lJei, ~funster, 1937), Cyprien, comme Ignace
rns L'eucharistie constitue, en effet, les prémicos do la d' Arr Uoohe, dégage de l'eucharisLle Ja leçon d'unité.
création, parue que le pain et lo yin sont des é.lé1ne11ts Celle-ci provient de notre inclt1sion 1nystique dans le
du n1onde créé. Le Chl'ist, pre1nie1•-1)é dans l'ordre de Christ; ; « Le Christ nous portait tous en lui >> (Ep. 63,
e: la créati.on, est aussi le pre1nier-né d'ont.1•0 le$ morts, et ·1 a, PL 4, 383b). Cette formule, qui explicitait la doc-
lC8 donc les prémices do talli11noe nouvelle. Celle-ci syrn- trino des deux Ada1ns, fera fortune : nous sommes
ne bolise ain!;i, pa1• le pain et le vin consacrés, les prémices dans le ChrisL et le Christ est en nous.
et de la t.e1·re nouvelle où s'établit le royaurne futur. Cyprien interprète le symbolisme du pain, non plus,
Nous retrouvons ici, mais élaborée, la coitoeption, comme saint Paul, d1>. l'unique pain rompu pour tous,
rencontrée dans la liturgie primitive, de la correspon- 1nais à la$Uîte de la Didacllè, des nombreux grains réunis,
dance entr•e l'ordre de la créa lion et l'ordre do la réde1np- qui forrr1ent le corps du Christ et Je peuple chrétien.
tion, avec la progression de l'un à l'autre, qu'expriine Cet1.n interprétation se ret,·ouvera dans la littérature
ue l'unité du ChrisL dans la dualité de nature. Le Christ lati11e jusqu'au 1noyen âge. L'év~que de Carthage y
es1. la oie( de votite de toute l'écononriGdivine. Le Verbe, ajoute le symbolisme de l'eau, mêlée au vin de façon
DICTJONNAlnll Ili, SP!l\lTU ALITÉ. - T. IV. 50
1571 MYS'l':ÈRE EUCHARIS'fl(JUE 1572
indissoluble, et qui représente les fidèles. L'eucha:risl,ic raissent qu'avec le De sacranientis d'Ambroise. En
n'est ni le Christ sans nous, ni nous sans le Christ, m,lis Orient, au contraite, nous assistons à une floraison
« les deux réunis n, foru1ant (< un seul corps » (68, 1 B, exttê1nen1ent variée.
384). L'eucharistie non seule1nent fait l'Église, ,nais L'utilisation théologique des textes est d'un manie•
ollo ost l'Êglise. Ce ,ny$lère d'unité exige uno charité ment délicat, car si la part laissée à l'i1nprovisation
' ' concrète. Cyprien tance une noble rnatroile qui vient resLe grando, il faut se garder de conclure à partir de
1 Il à la messe saoa ùiîl'ande. Elle appauv1•it le sacrifice textes influencés sans cesse par les controverses et les
11 de la part qui revient aux pauvres (De opere et &leerno•
sinis 15, P L,,, 6·12-613). Cf DS , L. 2, col. 2661-266(1.
définitions.
-
Les anaphores, sous des (orn1es diverses, exprin1ent.
une doctrine identiq\Je. L'Orient, plus analytique et
8° Voix du peuple chrétien. - Liturgie et prê• plus historique, déveloJ)po l'économie chrétienne, do
dicution ne son L pas los seuls té111oins de la tradition, lu création à la 1•estauration. L'Occident, plus synthé-
if ilnpo1•tc d'y joindre Je té1noignage des lldèles. Les Liquo, se concentre sur le mystère du Christ, co1nmo on
rares vestiges conservés de leu1· foi sont d'autant plu:, le voit déjà dans la Tradition apostôlique. Le n1ystère
précieux. eucharistique achève l'muvre du salut; par ce mystère,
Les inscriptions et lei; 1~pitaphcs portent de nombreuses le Christ, « livré à une SO\llîrunce librernent acceptée •,
allusions Jitui-giqucs. Elles sollt inspirées pur les confns- est venu (( détruire la 1norL, foul er aux pieds l'eorer,
sions de foi, le tl'isagion de la rnesse, los doxologiel:i. illuminer les justes, établir le testament et manifester
L,'6pltapho de Léoiitios ( vg dans A. Hamroan, Prii':rt?S sa résurrection» (Tradition apostolique 4.).
des pre,niers chrètù:ns, Paris, 1952, p. 189-140, voir aussi
1) L'c,.ction purificatrice ot llltu\Ctlftcatrice de l'eucha-
les suivantes), p9.l' oxAmple, 1nani[este l'influence de~
textes lit,111•giqucs. Deux autres inscriptions sont d'ins- ristie ost accomplie par !'Esprit sanctificateut'.
piration nette1n1~nt eucharistique, celles de Pectorius A lui esl aUl'ibuéc la transfor1nntion dos oblats au <.:orps et au
d' Aut,un et d'Abercius d'lliérapolis (2 8 -30 siècle). Si Sang du Christ; il• rarisemhlo dans l'unité tous ceux qui commu-
le second est évt\quc, le premier est un sirnple fidèle . niant • (Tradition aprMtolique '•); il apporte au x co1n111uniants
« ln purillcation de l'li1no, la rémission des péchés, la plénlludo
L'une et l'au t,•e apportent un_ térnoignage de vie :,u du roynumo,l'aosuranco et non Je jugementàt hl condamnation 1
dognle de l'eucharistie. JJ'inscriptron de Pectoriu~ à lu (Liturgie de saint Jean Chrysosto111c, dans A. l{an11nan, Prière,.. ,
mémoire de sa more défunte situe la mort par rapp<H' t p. 392), la plénitude de ln foi, le mnintien do la piété, l'établis-
au mystère eucharistique. Les défu11ts 1•eposont << dans sement dans la vérit.é (Oo11stitutions apostoliq,ic,1, ibid6m,
la paix de l'Ichtys ». La vie immortelle puisée dans p. 171). • Ainsi c'est le mAmè et unique Esprit qui, dans la Pâque
l'euchat'istle prend dans la 1no1•t sa pleine significat.ion ouchnristique, anima 1·éollo1nont tout, le corps du Christ,
do mystère d'espérance. établissant entre la Tôto et les membres, con1m0 entre les mem•
Les actes des martyrs accentuent ce caractère d'éter- bres lea uns avec les autres, une unité vivante • (H.-M. Féret,
La m~sse, rassemblcmerit d<? la conununa1ùé, dans l,<, messe et
nité. Depuis le récit de la 111ort d'liltienne, l'ÉgJi::;13 sa catéchèse, Paris, 19t,?, p. 281). Cf F. Vnndenbrouckè, arl.
se plaît à situer les Pa.~Hionfl dans le contexte de lu mort EsPnrT SAINT et liturgie, DS, t. 4, col.. 1283-1296.
du Christ. Lo martyr i(Oite la passio11 du Seigneur,
ritualisée par l'eucharistie. 1/accent est placé, au long du déroulen1ent de la
liturgie, sur l'action purificatrice de l'eucharistie. Là
Cette conçAption, rencontrée déjà. chez Ignace d'Antiod1e cène chrétienne est le sacrement de la rédemption, elle
et duns Je 1narty1•0 de PolycRr!)O, so l'etrouve df{ns la rccit
de la persucution do l,yon. Sanctus • persévérait à conrus,;01• procla111e le salut acco,npli par Je Christ à un monde
sa loi. .. Lo Christ soulîr!lit on lui et le glorifl!lit grandement. •· indifférent, neutre ou hostile. Le fidèle •doit sans cesse
Blandine • était hm1reus0 et enthousiaste do son prochnin se soustraire à la contagion du monde et demander
d6part, pln,~ semblable à une invitée qui so rond à un repas de la guérison. .L'e\lcharistie vient gué1•ir. La liturgie
noces qu'à une vicU1110 jetée aux fauves • (lrad. A. I-lamman, de1nande cette grâco de guérison.
La ge.qte du sang, Paris, 19ti3, p. 50-57).
La passion des martyrs parSll.S cx1>licite r.a rapprocho1nc,nt. 2) La fréquentation des ,, divins mystères n découvre
Gustazad a été exécuté Jo jeudi saint. llévèqull Siméon .-p1i au ohr6tlen aon 6tat do p6ohour. La prise de conscience
mourra le jour da Pâques co1nn1ente : • Venez et célébrons sa d11 péché est le fruit d'un mürissernent spirituel. L'esprit
mémoire dans la joie, unissons sa pil.quo à colle du Christ Jésus; de la .liturgie révèle à l'ho1nrne son incapacité d'accéder
particîpons dans la joie au corps al au sang de l'agneau du viu, à Dieu, l'entière gratuité du don q\l'il roçoit. Le sacre•
qui Ote Jo péché du monda. Il 11ous a communiqué dans ses ,nent de la rédemption libère progressiveme1rL le chro\•
1nysloros le mystllre de son oblation • (l'alrologie syriciquc, t.. 2,
Pal'is, 1907, col. 905-906). tien de toute contrainte, de tout asservissement, de
toute complaisance, en le faisan t passer par la mort
. ExL,;Lence c:hrétienne, 111ort, 1nartyre, sont au Lant crucifiante à la vie ressuscitée.
d'étapes, où l'eucharistie, reçue dans le mystère, sou-
tient le c:hrétien. Pour 1;11t.to raison, le souci du pardon cl de la rémi1Jsion des
péchés ost constant dans toutes los liturgies. • 1'~pa.rgne-nous,
2. ORGANISATION DES LtTORGIES ET ENSEIGNJ::MENT DES S8ig,iour Dieu, ou plutôt solon ta grande miséricordâ : nous
CA"ŒCIŒSES, - Il ne peuL être question d'analysor t'oJTrons, Seigneur, ce redoutable s!lcriflco non-sanglant;
nous te prions, ni! nous traite pas l!elon 110s p6chés... Ne rejette
toutes les liturgies à uno époque où elles so ramifient, pas, ô Oie11 do bonté, ton peuple, à causo do moi ou de mes
ni de passer en revue les témoins de la tradition, pôchéa • (Liturgie ile sai11t Jacqu,es, dans A. Hnmman, Pridres ..,
quise 1nultipliont à l'âge d'or de lo. patristique. Il S\llHl'a p. 319).
d'en dégager l'enselgnen1ont spirituel. 1 La liturgie Ryri11nno rondo le pardon sur l'action rédemptrice
du Chri6t dont l'ouchnristie prolonge ot rllualise les fruits :
1.0 Organisation de la litw·gie, - Si nous com- • Un Re1.1l êtro lut trouvé sana péché sur la terre, ton Fils unique,
parons la liLurgio du 3e siècle avec celles qui apparais- notre Soigneur Jésus-Christ, lo grand puriOcateur de notM
sent aux 4e et 50 siècles, nous enregistrons, à partir raco, par lui nous espéron~ ll•ouver la miséricorde ot la romls•
d'ùlé1nenLs ossentiels co1n1nuns, une transformation sion dos péchés pour nous et pour eux. Le peuple : Pardonne,
et uu enrichissen1ent. Les textes de l'Occident n'ap()a• eJTace nos péclu\s • (ibidem, p. 339-3'•0).
,,

.572 1573 CA1'ÉCH~SE EUCIIARISTIQUE 1574


En 8) Les liturgies insistent sur l'uu.tto frAterueue . Los D" 1nyst11riis 8, 47-48, PL 16, 404-405; De sacran1c11tiR 1v, li, 8,
.ison prières qui accompagnent le baiser de paix, la fraction fallila ; 1v, 5, 2'1, t,44b. - Grégoire de Nysse, De vita Moysi~ u,
136-140, PO 44, 868. - Cyrille d'Alexandrie, Adversus Nasto•
du pain, rendent plus parlante la leçon d'unité, de
rirun 1v, 5, PO 76, 196·19?.
tnie• paix, de fraternité, qui sont les fruits 'de l'eucha.1•istio. l\mbroise rappro,ihfl de la manne 1'6pisode où Molse fait.
,t ion L'unH6 est Inscrite dans la symbolis1ne sacramentel. L' f!.'1;a1J- jaillir l'eau du rocher (Ds mysteriis 8, 48, PL 16, 405a). Cyprioll,
r de loge de Sérapion J'affirme en roprenant le thème d11 la .Dida- clans h1 controvorso avec los aquariens, explique la baptôrno
~ les chè: « Comme ce pain, au trofois dissén1iné sur les montagnes, (lt11. G3, 8, PL'•• 379-380), Méthoded'Olympe,çomm0A1nbrolse,
a été recueilli pour devflnir un, rasse1nble ainsi ta Raintè Eglise, groupe trois figures : le côté d'Adam, 111 pierre du doscrt, la
1ent de toute race, de tout pays, do toute cité, d e tout bourg, do blcssw•e du Christ en croix ( Ranquet des dix ,,i11r~11s a, 8, PO 18,
let toute m11iso11, et fais d'elle l'Église une, vivante, catholique • ?3ad; cf Hilaire, J'rfl1llflt"··9 111yRterioru1n a, éd. citée, p. 76-81),
(p. 189). Les Co11sti11uirnl$ cipo~toliques fo11ùont cette unité
de par uno affir1nalion paulinienne : • lJn seul Saint, un _seul Une autre figul'e, fréquente également chez les Pères
th.é- Soigneur, un seul Jés us-Chri~t, pour la gloire de Dieu, le Père, (vg Cyrillo de- Jêrusalexn, Caiechèse my.~tagogique 4,
l on b6nl dans les siècles • (iilit111n1, p. 171). 6, PG a8, 1108), est celle dos pains de proposition (Ex .
tère 25 -:lO) : la loi ancienne ordonnait qu'on offrît des pains,
:ère, Le me,nbre comme la co1n1nunau té ost attiré par sy,nbolo du corps et du sang du Christ, ot q\l'on immolât
~e », l'eucharistie dans on immense rnouve,nen t, qui ras• un agneau, symbole de !'Agneau parfait.
1fer, semble le peuple de Dieu et entraine par la force vie• A ce fond commun, on peut ajouter la béné<licUon
1ster torleuae du n.el)suscitê, sous l'acLion do l'Esprit. Par d<: ,Juda (Cyprien, Ep. 63, 6, PL 4, 378b) : R Il lavera
leur structure, en insérant chaque célébration dans :;011 xnantoau dans le vin" ( Gcn. 49, 11).{Justin (Dialogue
l'histoire du salut et du peuple do Dieu, les liturgies ai•ec Tryphon 52, 2, PG 6, 589c) et Irénée (Dénionstra-
accentuent cot élément dynamique 411 sacren1enL. tion de la prédication évangélique 57, trad. L.-M. Froide-
Chaque com1nunion rait participer l'assemblée au mys• vaux, coll, Sot1l'COS chrétiennes 62, Paris, 1959, p. 120·
!tau tère du llessuscité et lui fait réaliser, dans sa propre 1.22) l'appliquent à la passion. Cypl'ion, rapproche
IIDU· vie et son corps, la passion du Christ Cet immense
ante (l\'p, 63, 3, PJ,, r., 375b) l'ivresse de Noé do l'eucharistie;
tude
chemin de croix rnène le peuple de Dieu à la résur1•ec- il y découvre la suavité du Seigneur, thème fort exploité
Ion• tion promise. chez los Pères. L'agneau pascal n'est pas une figure
res .. • Tous ces fruits eucharistiques ont une saveur escha- traditionnelle do l'eucharistie, mais de la passion. Nous
blis, tologique. Dans la mesure où les chrétiens entrent on trouvons uéaou1oins un exemple chez Cyprien (Ep.
kll~, dans l'action eucharistique, ils ressentent la tension 63, 16, PL 4, 387a) . Voir aussi Com1nodien, Car,ner•
lque des mystères vers leur consommation, dans « la grande apologeticllm (p. 137), PL Suppl. 1, St1, et surtout Gré-
œist, espérance de la ré6urrecLion et la vie nouvelle dans lo
11en1- goire d'Elvire, T racta/IL..~ de libris Scripturarum 9,
royaume» (Eiteüloge de Sérapion 13). PL Sitppl. 1, 411.
irot,
,t ei 2° Enseignement des catéchèses. - 1) X.a Il faudrait aussi mentionner les pso.urnes que la litur•
art. catéchèse myatRgogique sa situe dans la nuit pas- gio associe à la célébration eucharistique.
cale; elle fait revivre liturgiquement et. spirituellexnent l's. 10!1, 15 (A1nbroiso, De "'ystcrii~ 9, 58, PL 16, ~09a.:
le mystère du Christ 1nort et ressuscité. Baptême et Cyrille clo Jérusalom, Caléc/iè,;c mystagogig1'c '•• 9, PG 83, 1104c);
3 la ps. 1,2, r., qui somblo a.ccomp::1gnt1r les néophytes du bQptistère
La eucharistie initient progressivement los catéchuxnènes,
La catéchèse s'elTorce do donner l'intelligence de ce à l'11utol (Ambroise, De rnysteriis 8, '13, '103b); ph. 49, 14, et
elle 5, 2, ass.ociés par Eusèbe (Dé1nons1ratio11 évangélique 1, 10,
►nde
mystère par l'enseigne1nent d.e l'~criture et par l'expli- PG 22, 92c); ps. 33, 9, qui se111hlo acco,npagnor la. communio11
esse cation des rites sacramentels. Cette double analyse du peuple (Cyrille do Jérusàlo1n, Caléchèi!c "iys1ag1Jgiq1Je 5, 20,
~der permet de dégager la th6ologie eucharistique des Pères. pn 33, 1121,h). Lo ps. 22 appartient à la procei;sion dos néo,
lrgie a) La partie scripturair11 commente les textes du nou- pl1yles le sa,nodl saint; il est à lt1i seul unecatéchèsedol'eucha-
veau 'l'estament, en comxnençant par le récit de l'ins• rii;tie el, à ce Utt•e, sana cesse cor11111enté (Anibroise, De ,ny,-
titution et le discours sur le pain de vie, Com1no pour teriis 8, 43, PL 1.6, t,OSb; De sacramcntis v, 8, 448·449; Eusèbe,
11111'8 Di"aonstration dvan~tlliqua 1, 10, PO 22, 89d; Grégoire dè Nysse,
1 le baptême, la catéchèse eucharistique recourt à la S"r111011 pour l'Ascension, PO 46, 692ah). Ps. 22, 9, on même
ence typologie dos toxtes de l'ancien Testament. Cette typo-
1prlt to,11ps quo Prov, 9, 1-5, per111ettent llllX Pôros d'établir ,1n
logie s'enracine dans les écrits néotestaroentairos. Elle porallèlo entre t1nion aacra111e11tollo et union mystique, entro
éder est traditionnelle dans l'Église dos le 2" siècle (J. Danié- sa.eroment et perfection. Co thème sera développé pllr los
tcre- lo,u, La cat6chè1JI! eucharisiique chez l11s Pères de l'Église, co1nmentaires du Cantique dos cantiques (Ambroise, De mya-
~1ré- dans La rnesse et sa catéc/w:;a, p. 33-72). lcriis 9, 55-58, PL 16, 407-409: De sacra111entis v, 2, 447-448).
de L'11exateuque fournit les principaux types, Les pre- ·Les Pères onL appliqué l'image 'de l'union con.jugale
no1·t . mières et principales figures sont Melchisédech ( Gcn. ou du 1nariage tantôt à l'union du Verbe et de la nature
14, 18) ot la n1anne (Ex. 16). Nous trouvons Melchisé- hun1aine, tantôt à celle du Christ et de l'Église (vg
1des dech déjà chez saint Cyprien (Ep. 63, 4, PL 4, 875-876), G1•!'!goire d'Elvire, Tractatu,fl de epithalarnio, PL Suppl.
~ous, puis chez d'autres latins (Ambroise, D6 myst11riis 8, 45, 1), Du plan collectif, l'iinage passa au plan individuel,
noua PL 16, 404a; Augustin, De ci11itate Dei xvx, 22, PL (i.1, pour signifier l'union du Christ avec l'â1ne (avec pré-
lant;
,jette 500; etc). Son offrande préfigux·e celle du Chl'ist. Le féronco accordée aux vierges, vg Actas de Thomas,
mes texte du psaurne 110 et de 1'6pitre àux Hébreux (5, 6) Méthode d'C)lympe). Le Cantique des cantiques appa-
ir cSu, ont permis de développer la figure sacerdotale du Christ, rait chez Origène et Gt•égoiro de Nysse comxne l'allégorie
« constitué p1•Gtro par Dieu pour toutes los nations », d 11 l'union du Christ avec l'Église ou avec l'â1ne. Or,
,Îrice La manne se trouvait chez saint J ean (G, 31-34) pour l'eucharistie, achevant le cycle des sacrements d'ini•
lits : alllrmer la supériorité des sacremonts de la nouvelle tiation, est com1ne le sacrement de la consom1nation,
ique, alliance. L'allusion est fréquente en Orient et on Occi- dB la téléiû11is. Les paraboles du banquet de noces et
~otre le réalisn1e du corps favori.sent le passage du plan
lmis- dent.
inne, llilaire, Tractait!$ mystcriorum 40, 6d. J.-P. BriS1Jo11, coll. conjugal au plan sacramentel. Dans la théologie orien,
Sources chrétiennes, Paris, 1947, p. 136-1.39, - A1nbroiso, lai~, en particulier, l'eucharistie est lo sacrement et
1575 i1YS'l'ÈR E EUCI-IARJSl'IQ.UE 1576
le principe de l'union mystique et de la vie u11.i Uve. Sinne nüt der Eucharistie, dans A11tikt! 1t11d Christen-
L'ivresse spirituelle du vin eucharistiquo produit la tiim, t. a, Munster, 1932, p. 231-2'•" ). '
joie et l'extase, qui anticipent la béatitude de l'éter- Théodore de Mopsueste conunente Iongue1nent le
nité. Voir le chapitre suivant, .col. 1586-1621. sens de la comm,1nlon (Hornélies catéchétiques 16, 30·
Otlgèno, ln cantica cc&T1ticor1111i Ill, 2, 4, PO 13, 151,-155; tar., loèo cit., p. 581-605). Il en déduit le sens do l'unité
éd. vV. A. Baehrcns, OCS 8, 1925, p. 181, -186; où il associe au et développe los conditions requises pour pa.tUciper
Cant.ique l'invitation de 1:i, Sagesse, Proo. Il, 5, et le J'CJ)M du à la liturgie : soumission à Dieu, éloignement du mal; '
pasteur, l's. 22. -.A.mbroisa,Deaacra111entis v, a, PL 16, ,,,,9ab; 1n isér~o1•de au prochain, souci des choses célestes
cf v, 2, t,t, 7-'148 . - Grégoire do Nysse, Com111cT1Uûrc .~ur le (cf O. Case!, DaB MyBt.erùuigediichtnis ,ler Messliturgl~
Cantique 10, PC¼ ,,~, 989. - Voir au.ssi M. Lot.-Borodi110, La ini Lichte der Tradition, dans Jahrbuch fii.r Liturgie,
grâce déifiante des sacrcnicnts d'après Nicolait Cabasilas, dans
Revue des sciences phi/o$ophiqttêS et lll<!lllogiques, l. 25, 1936,
,vissenschaft, t.. 6, 1926, p. 113·20!l).
surtout p. 326 svv. - H. l,.l!wy, Sobria ebrieta.JJ, Glosscn. 1929. 2) ;Llgno• or,aent.telles de l'enseipement patriaUque,
• - a.) Los catéchèses eucharistiques a.fllr1nent d'abora
b) Les rites, à leur tour, permettent do découvrir que par J'ana.pho1•e consécratoire Je pain et le vin devien-
les richesses de l'eucharistie et forit l'ol>jet prinClîpal nent le corps et le sang du Ch1•ist.
de la ca.téch1~se n1ystagogiquc chez Cyrille de J érn- • Accodlt sanctificatio, et ponis ille erit corpus Chrisü
salem ou Théodore de Mopsueste et, plus tard, dans ot vlnu1n illud orit sanguia Christi• (Augustin, Scr1110 [Ouer(el•
l 'E'xplication de la sai11te liturgie de Nicolas Cabasilas. by tan us] ?, 1, éd. O. :r.torin, dans Miscellan.ca agostiniana,
La. n1esse des fidèles Clomn1onco par la préparation t. 1, .Rome, 1930, p. 1,G2, ot PL Stippl. 2). Jean Chrysostome
des oblats, le lavement des mains et le baiser de paix. établit l'équation entro corps eucharistique c:lu Chriat et corps
Cos deux derniers rîtes signifient la purlflcat.ion et historique (Co1111nentaire ,u.r S. Jean 46, 3, PO 69, 261bo;
l'union, nécessaires po\11' offrir le sacrifice (Cyrille de Sur S . 111atthier, 82, 4, PO 58, 743bc; cf .A.n1broiso, De mys•
Jérusalem, Catéchèse 1nystagogique 5, 3, PG 33, 1112ab; œriis Il, 58, PL 16, 40?a). Ambroise eoseigno quo la parole du
'l'héodore de 1'topsucste, Homélies catéchétiques 15, r.0- Christ op/Jro la consécration (De sacra,nentis 1v, 4, 14•15,
440a; voir aussi Grégoire dé Nyssü, Disco1,rs c<itéclu!1iq11e. 87,
111, trad. R. Torineau 1~L R. Devrocssc, coll. Studi e PO 45, col, 96-97).
Testi 145, Cité du Vatican, 1949, p. 523-525). Com1nence
ensuite la grande anaphore qui consacre l~s obla.l.s. Nous sommes au cœur du n1ystère. Le Christ Logos
Le célébrant, qui parle toujours au pluriel, est « la est la.· pal'ole c1·6atrice de Dieu. Incarnée, cette Parôlq
langue commune de l'Église », qua.n<l u il 0JT1•e l'obla• opère la création nouvelle, proclamée par l'JÎJ_glise;
tion et immole le sacrifice do la communauté » ('rhéo- réalîs6o par l'eucharistie, qui divinise les fidèles. L'Elglise
dore, ibide1n, t6, 5, p. 5'i1). La prière consécratoire est s'elTa.ce et laisse à la Parole le soin d'opé1·er le miracle
louange et adoration de Dieu, dont le trisagion exprime consé cratoite. Mais jamais les liturgies. orientales n'ont
le n1ystére tl'inita.ire (16, 5-6, p. 541-545). Cette contem- détaché la Parole du Clirist de l'action do grâces ana-
pla.tior1 dispose à considérer la grandeur du don divin phorique avec laquelle elle forme un tout (voir L. Bouyor,
avec révérence et crainte. Cette considé1•ation, qui La vie de la liturgie, J). 175-176).
1•evient souvent chez 'l'héodore et le pseudo-f>enys, Le pain et le vin eucharistiés conservent leur appa,
crée l'atmosphère sacrale p1•opre à la célébration des rence. Les Pères les désignent avec les expressions qu'il$
mystères. tro1.1 vent dans les liturgies (Typos, an.titypos, specles,
Le pontife pot1rsui1, en développant l'économie réa- sùnilitudo). Loin de n1înimiser le réalisme eucharisti•
lisée par le Christ. Puis il invoque !'Esprit Saint sur quo, ces expressions le supposent. Tertullien fait la
les dons et sur !As lldèles, « atln que, co1n1ne par la réflexion pertinente : « Il n'y aurait, pas de figure, s'il
nouvelle naissance ils ont été pilrfaits en un seul n'y avait pas de corps réel. Une chose sans substance
corps, ils soiont maintenant aussi a1Ter1nis coin ,ne en ne peut avoir de figure » (All()P.rsu,9 Marcionen1 4, ~O,
un seul corps pilr la communion au corps de Notre- pJ,., 2, 1160-461 ).
Seigneur et que, dans la concorde, la paix et l'applica- Ce n'est pas seulement le corps et le sang du Christ,
tion au bien, ils en viennent à ne Jaire qu'un» (Théodore, mais son sacrifice, ritualisé à la cène, qui est pr~ent
ibidem, 16, 13, p. 555). dans l'eucharistie.
Suivent la traction du J)ain·et le Pater, lequel, récité • Chaque fois qu'est offert le sacrifice du Christ, la mort du
par l'assemblée, suscite les dispositions de pa1•fion et Seigneur, sa résurrect.ion, son âScenslon et la rémissi.on des
d'unité pour ,, recevoir la communion des saints inys- péchés sont signifiées • (Arnbroiso, De sacrami:nti,ç v, t,, i5,
tères » (Liturgie 11estorie,ine, dans F. E. Brightman,Litur• PL 16, 452c; Augustin, De divcrsis q1,acsti,>1iibuq G1, PL ,o,
gies ea,9tarn artd western, Oxford, 1896, p. 291,-295). col. 49) . .A.mbrôisè vlso ici l'anamnèse : le ancdfico do la Cl'Olx
Le pseudo-Denys co,nmente : u Si nous désirons parti- n'y est pas séulo1nont rappelé, mais rendu présent ot cffiolon~
ciper à sa co1nmunîon, il faut que nous flxioll$ notre dans sa réalité, pal' los signes sacrarnentels.
Joan Chrysostome en rait un cornrnèr1Lall'o saisissant:« ~ous
regard sur la. vie div'ine du Diou incarné, que nous pre- l'ollrons, mais en faisant l'a111uni1èso do sa nlort. Et çelle-cl
nions corrune 111odèle sa sainte ilnpcccabilîté, de façon est unique, non ruultiplo... II ost oliert une fois, ~,ôrnme Il est
à tondre vers la pureté parfaite d'une durable dôifica- entré une fois dans lo saint des sainw. L'anarnnèso est OgU1'8
tion » (De la hiérarohie ecclésiastique 111, 12, PG 3, 444b ; de sa rnort. C'est le n1ôme sacrifice quo nous ollrons, non 11gn
trad. M. de Gt1ndillac, Paris, 19'13, p. 279). aujourd'hui, l'autre demain... Un soul ChrlsL partout, entier
Le p1•être dit Sancta sanetis, et le peuple r·épond : partout, un aeul çorps. Çornrne pàrLOut un corps.., pàrl.oul
« Un seul est saint:, un seul est le Seigneur, Jésus- un sacrillce. Notre grand 1>rôtro a olJert un sacrifice... C'~I
ce sacrifice quo nous olJrons encore ma_inlonant. .. C'est le
Christ ». Cyrille de Jél'usalem ajoute : « Nous aussi Hans do l'anamnèse.. , nous opérons l'a11a111nèso du sacrifice•
nous sommes saints, non par nature, n1ais par partici- (Con11nen1airc Sttr l'ér,ttrc aux Hébreux 17, 3, PO 63, iStc).
pation, par l'ascèse et la prière >> (Catéchèse ,nystago-
gigue 5, 19, PG 33, 1121,b). Cyrille et boaucoup d'autres J.'euchiu·istie est donc le sacranientum redeniptionis,
Pères attestent la coutume de la signati-0 avec lû pain le sacre1nent de l'action rédemptrice du Christ, qui le
et le vin consacrés (cf F. J. Dolger, Das Segnen der mène de la mort à la gloire. Jamais les Pères n'ont
76 1577 CATÉCI-IÈSE EUCHARISTIQUE 1578
n• séparé mort et résurrection, par lesquelles los fidèles J.,n doctrine eucharistique des Pères est tl'ès cohé-
puisent dans l'euchal'isUe Ill ré.mission des pécllés, la rente : ils la situent dans le contexte de la foi dont elle
le Tésurrection et l'imn1ortalité (Théodore de Mopsueste, est le sacrement vivant; la dunamis de l'eucharistie
O• Hornr!lies caléahétiqites 15, 6, loeo ail., p. 471). Amln•oise mènll à l'union mystique et à l'accomplissement escha-
té affirrne 1nê1ne que le Christ continue à offrir sa mort tologique, tout en consacrant l'existencè des cl1rétiens.
ar pour les hommes (/11 ps. 39 enarratio 8, PL 14, 1060d). l,u systématisation théologique médiévale du 1nys-
tl, Augustin va plus loin. J.,f.l 11ymholi1.1me de la me1;1ija n'exprime tère eucharistique est longuement et parfaitement
es

pas seula,nent l'offrande du calv11ire, celle de 111 'l'ête, mais exposée dans los di,ctionnaires et n1anuels spécialisés.
te onco,·o co11e du l'fl,tlÎll8 et du corps n1ystiq110. S11r l'aut.ol, c'est NouiJ n'avons pas à lu présenter. En revanche, l'expé-
e- lo corps mystiquo tout ontior, ChoC ot ,nornbres, qui olTrH et rionr.,~ de la mystique eucharistique, telle qu'elle res-
qui s'offre. Lo. Cité de Dicit déctit l'unique so.crlfice de lo. cité
s01'L des texte de théologiens et des auteur,'> spil'ituels,
rachetée : • Voici le sacrillce des chrétiens : être tous un seul
corpa en Jésu~-Ghriljt. C'est le my1.1tère que l'Égli1.1e célèbre nota,nment au moyen t.î.ge, est résurnée au ch. 2 de cet
dans le sacre,nent de l'a11tel, où èlle apprend à R'oflrîr elle- artic;lo : My,qtiqu,e 11ucharistiq11.e; la dévotion eucharis-
nulmo dans l'oblation qu'ollc fuit à Diou ,, (De ciPitate JJei x, tique, à partir de ses manireslations ,nédiévales, et
G, PL 41, 284c). les documents du magistère qui la concernent est
,ti esquissée au ch. a.
b) L'efficacité, collective et personnelle, du mystère
,1.
eucharistique a souvent. ét.é développée par les Pères. Co,~plérr1c111 bif;lir>gr(J.f)hique. - :t. Textes. - J. Quasten,
a, De vigoureux exposés sont consacrés il l'incorpora- 1lfo11,u11c11ta c1,1charistiaa fll litu.rgioa vetitsti8si111a, ? fasc., coll.
1.e Florilegiu111 patristicu,n, Bonn, 1935-1987.1 - J. Solano,
)8 tion au Christ et à l'unité de r:i;Jglise. 1'exto8 eucarlsticos primiti'1os (IncrlLure ot Pères de l'Ingllso
Hilaire de Poitiers, le premier, développe l'union intilno, jusqu'au 8• sièclo), éd. bilingue, 2 vol., BAC, ?viadrid, 1952•
réelle, qui s'établit entre le Christ et les communiants. Il la 1954. - A. Hamn1an, Prières Iles vrcrr1icrs cllréticns, Paris,
compare à celle de ln nourriture assirnilëe, en précisant que 1952 ; Prières c1ic/i(J.rwtiqitcs d,e,s prcrnicrs siècles, Bruges-Paris,
la ~y,nbiose s'effectue entre deux vivanf.q (cf ~1. ,J. Scheeben, 1957.
Die Myslerien des Chrietenlutns, Côlog11è, 1865, § 71; trad. 2. Étude• liturgique11. - L. Duchesne, Les origines dit
A. Korkvoo,•de, Les n1.ystères dit c/irist,ianisnw, Drugos-Paris, culte "hrdtic11, Pariij, 1889; 5• éct., 1925. - P. Batillol, I-cço111J
1948, p. 487-488). • Le Christ libère l'âme de la tyrannie des ~1r lo. t/lC,jSe, Paria, 1919. - O. J)ix, The .,hape of th~ liturgy,
1s vices, passe outre aux anciennes fautes et nous renouvelle dans Wost.1nin~ter, 19',li; 6• éd., 1954. - J. A. J11ngn1a11n, Missaru,n
le une viu nouve1le, nous tr:1m1forrne en 11n hoIJune nouveau, en sol,in111ia. Eine i;enetisclui Erkliirung der rl/111isclien M esse,
l, nous constituant dans le corps de sa chair. il est lui-,nême Vienne, 1948; 8• ôd., 1958; trad. française, a vol., coll. Théo-
:e l'~gliso, la porto.nt tout ontièro pe.r lo se.crernonL do so,1 corps • logio 19-21, Paris, 1951-1954. - A. Bo.umstark, Lititrgic
(Hilaire, Tractat1t$ in ps. 126, 6, PL 9, 6881>). oor11p11rc!c, s• éd. rev110 par H. Botte, Ctuivetogne, 1953. - CourH
?011r décrire cette fusion, les Ptlre1.1 ,1tilÎl!ent tQur à tour la et conférences des sè1naines litursiques dè Louvain, notamment
COulpâraison du Cau et <lu corps, <la l'hô te et de la de1ne11re, t. 1, 2, 5, G. - Dos rovues spôcie.llsôos sont à consulter : La
du choC ot dos 1111Hnbros, do l'éJ)Oux ot du l'opouso (on so réfé- Maison-Dieu, par oxo,uplo.
rant à la naissance d'Elvo do la côto d'Adam, • che.lr do sa
chair•• ou à l'idéal matrimonial, • doux en une seule chair •J. ll. Études patristiques. - 'vV. Bièdor, Das Abs11d111ahl ù11
L• 1'héodorot écrit :. • J<~n mangeant los rnembreij de l'~poux et christlichen Lebensz11ea11inienhang bei 1 gnati11s 110n Antiochia,
dans Evangolisclle Tlleologio, t. 16, 1956, p. 75•97. - M. Goguol,
ls en buvant so n sang nuptii\!, ils s'unissent à lui • (Cr>111,11c11-
L'Eui,/iaristic des origirics à J1"1tin martyr, Paris, 1910. -
r, taire du Cantique 11, 3, 11, PG 81, 128a).
O. P>Jrler, Logos url/l Eitcharistic nacli Jitstir11ts I Âpol. c. 66,
l- L'eucharistie, qui nous transror·me, est le sacrement dans ni<,us Tlioma1.1, Fribourg, t. 1.8, 1940, p. 296-316. -
a de la divinisation. Hilaire, avant le pseudo-Denys, a Otilio d1:1l Nino J est'!a, Doatri11a eucarlstiaa de san J usti110,
il montré comment la communion fait pénétrer lo fidèle filosofo y nidrtir, do.Ils Revisla espaiiola de teologla, t. 4, A944,
0 au plus intime du ,nyslère de Dieu. p. :i-58. - A. d'Alès, La doctrine c11,cllaristiq1«1 de saint Irénée,
1, ' dans Rcchcrclles de science religieuse, t. 18, 1923, p. 24·46. -
« J.,e Père est d an.!! le Chriat et le Christ est en nQ11s. Si m.nin- A. 'vV. Ziegler, Das Brot '10n uri//crcn Fclckrn, Ein Bcitrag
tonan l quelq11'11n veut niur quo lo Chris t ost réo11e,nant (11at1,- ;ur B11churi..,ticlchrc ,les Ill. Jrcn,1us, dans Pro n1u11di '1ita.
raliter) dans Jo P~ro, qu'il nio d'abord quo lui-1nô1no ost d'abord Fc.~t.t,:hrift zur eucharistische11 Weltkongress, Munich, 1960,
t réellement dans le Christ et que le Christ est réellement en p. 21.,,a.
lui, car co qui nous fait un dans le Père et. dans le J<'ils, c'est A. <l'Alùs, La théologie de Tcrtitllicn , Paris, 1905. - J. Boran,
u que le Père est dans le Chrii;t et que le Christ est. en nous. De ordinc missaq sccundum Tcrt11lliani Apologctic1,m, dans
,fj Conuné lè Christ a pris la chair dè notre corps et qu'il est vrai- Misccllr,nca liturgica ... L. O. Mol1lberg, t , 2, Rome, p. ?-32.
1nont ho,nmo no do Me.rio, nous pronons, sous los saintos ospècos - E. Beck, Die El,lc/iaristi~ bei Ephr/J111, dallli Orie/18 chris-
'• (s11b mystcrio), la chair do son corps, nous dovonons un, le
1, tia,111.~, t. 98, 195',, p. 41-67. - St. Lisiocki, Q11id sanctus
iC Père étant en lui et lui en nous • (De Tri11itatc 8, 13, PL 10, Ar11[)ro.,iu., ds sanctissi,na ettcharietia docueril, Drosle.u, 1910.
246nb). Aussi Nicolas Cabasilas pourra•t·il ajouter : • Po.r - C. Fitzgore.ld, De sacrificio coelesti sccunditm sancliim
,' l'euchtll'istie nous &ommes plus fils de Dieu que de nos parentl.l • Arnbrosi11n1, Mun~cloin, 1944. - M. S. Weglewicz, Doctri111,
~
(De 11ita in ChriR!o 4, PO 150, 600c). sancti Hicronymi <le sanclW$ În1a cu.cllari.stia, Rome, 1931. -
a• J. Maier, l)ic Tf;uchari,~ti<,lellr,1 de., drei grossen Kappado:if.r,
, Augustin a plus particulièrenlent développé l'aspect
t Fribourg-en-Brisgau, 1915. - A. Naeglo, Die Eûcliaristislehre
8
social : l'êucharistie fait l'Église, elle est le sacrement rk.~ hl. J ohan11es Chrysosto,nus, des Doctor Eucllaristiae, F rlbourg-
~
du corps mystiquo. en-Brisgllu, 1900.
r • C'est votre mystère à vous qui est posé sur la table du F. J. Roino, Tlle c1&clla,ris1ic doctrine and liturgy of 1tllc niys•
t · Seigneur; c'est votre mystère que vouR recevez. C'est à l'afTlr• 1ag111,i'.cal catechosc of Theodorc of M()psttC:,ti<,, Washington,
t ,nation do co que vous ètos, quo vous rôpond0z A,nen, 0t votre 19,,2, - I(. Adam, Dié Huchari.ytielehre des hl. Augus1i,1us,
e réponse est eo1nmo votre signature• (Sermo 272, PL 88, 1247a). Paderborn, 1908, et complé1nents dans 1'/ieolo,:ische Quar•
• A.ugustin en tire une leçon concrète pour une vie do charité,
d'l1nité, de paix, dans la fusion des coours (Scn11c, [Ouelr!'lr-
t(J.l.~,1hri.f1, t. 112, 1981, p. 490-536. - G. Locordier, I,a doctrine
de l'1,1.,d1aristie chez saint A11gustin, Paris, 1980. - P.•Th. Carne-
bytanus] 7, loco cil., p. 1,63). Jean ChrysoslOnlè, en un 11.dn1irable lot, Jldalisme et symbolisme d<lflil la ,lootrinc c1icl,aristiguc de
oxpos6, ,nontro quo eo n1ystèro d'unité doit o.llor do pair avoe saint Augttstin, dans Revue des sciences plrilo$ophiqucs et th~o-
e' une charité vécue (Commen1airc de l'épttrc a1,:c Romains 15, logiqucs, t. 31, 194?, p. 391,.1,10. - A. F. Kruéger, Synthcsis
t 6, PO 60, 547-548). of s<r,r:ri{lcc acc:ordi11s to sainl Augustine. A study of tlle sacra-
1579 MYSTÈJiE EUCHARISTIQUE 1580
mcntality of $acrifice, Mundolcin, 1950. - A. Struck111ann, dans les siècles » (Dida.chè 9, 4). Cette unité dans la
Die Eu,;Jiaril!tielehre des hl. Cyrill vo,1 Aleœa11drien, Padèrborn, dispersion de l'espace fut symbolisée par la fractio et le
1910. - H, du 11e.nolt, Dogme et ipiritualité chc:. S. CyriUe f11rmentu1n, l'unité dans la succession du te1nps figurée
d'Alexa11drie, Pàrls, 1944; DS, t. 2, r.ol. 2679·2680. - É. Bon· par le rite des 8ancta.
larand, L'e1icharistic 1l'apr~11 le pseudo-Denys l' Aré<11)11gite, Cette unité réalisée pa 1• l'unique pain tloiL à son tour
dans Bulletin 1k lüt,Jrr,,ture ecclésiastique, t. 58, 1957, p. 1 ()H-217;
se manifester en charité, afin que le monde découvre
L. 59, 1958, p. 129-169. - J. R. G.oisclmann, Die Abe11d111ahls-
lchrc an der ~Vr,tu.le der christliclu:n Spiila11tikc z.u111 l•'r/1 h111it• en ce signo la présence du Christ.
tclaltcr. Jsi(ll)r c1,n1 SeviUa 1,ncl clas Sakrame11t der h'ucharistic, Le pain et le vin, utilisés co,nmo figures de l'économie
Muo!!ter, 1933. - J. DcLz, Die Eucharistie in der Zc" t),;r chrétienne, signifie11t l'intégration du cos1nos dans l'œu-
griechischen Viiter, t. 1 Die Aktualprl1se11z der Pcrson u1ul vre de resta11ration. L'univers, solidaire de l'homme,
des lloilsworkcs Jcsu im Abcnd111afll nach der vorcplwsi,1.ische11 avait perdu sa q\1alité de signe; lo péché de l'homme
gricschischcn Patristik, Frihourg-en-Drisgau, 1955. - Divijrs l'avait rendu opaque, entraîné qu'il était. par la chute.
articles sur l'euchal"îstie choz les Pères dans A. P iolanU, La consécration du pain et du vin signifient la consé-
L'Er<caristia, Rome, 1057, p. 115-171, etj dam! Conc1iviu11i
c1·ation de toutes choses par l'hu manité du Christ;
rlomiùicu,n, Catane; 1959.
elle s'étend à l'univers et fonde l'économie sacru,nen,
C. ESSAf DE SYNTHÈSE hùre : intégi·ation progressive de toutes choses duœ
l'unité du Christ. L'univers chante la gloire do
Pour synthétiser les éléments qui cornposent la
riCl\8S$e de l'eucharistie, nüeux vaut partir d'une Dieu!
découverte. 2. Le sacrifice du Christ. - La fraction du pain
1. Fraction du pain. - La première con\11\uuau té implique déjà l'action de J ésus, qui la rend elllcace.
chrétienne a d'abord découvert clans l'eucharis tio le Le signe est le sacrameritu,n d'un sacrifice. L'Église1
don de Dieu fait à l'homme, Dieu étant don par défi- dès les origines, a eu conscience d'offrir une oblation
nition. D'où le nonl prerniet' de /raction du pain : sacri flciello.
un pain rompu pour être partagé (Acte8 2, 42). Cr. signe Si la démarche de Dieu dans Je Ch,·ist qui rompt le
utilisé par Jésus et légué aux siens était co,nme lei signe pain est prernière, elle n'épuise pas tout le 1nystère.
de son être et de sa 111iasion. Il était le pain dè l'homme E lle permet cependant de pénétrer au cœur de la mis-
venu du ciel. Tel est l'enseignen1ent du discou1-s après sion messianique, de découvrir le sens et la valeur dè
la multiplication d es pains, Je sens des paroles dn Jésus l'existence et de l'action du Cht•ist. L'eucharistie est,
lors de l'institution, la doctrine de saint Paul (1 Cor. selon la liturgie romaine, l'opus rede,nptio,iis.
10, 1?; 11, 24-84). L'ernp loi des ter1nes sacrificiels provient, non de la
La fraction du pain évoque la ,n ulUplicaLion dos r6férence à la croix, 1nais aux sacrifices de l'ancienne
11ains et les repas de J és\1S, au cours de sa vie terrestre alliance, qui représentaient une figuration providon•
et ap1•ès sa résurrection, ot1 il dévoile la présence de tielle, COO'lmo l'explique l'épître de Barnabé. L'épitre
Dieu en sa création et la signification de cetLe CJ'éation aux 1-lébreux fournit une présentt\tion sacrificielle
comme don de Dieu. L'o1•dre de la création est lui-rnê,ne de la croix, par référence à la liturgie juive, dans le
la figure de l'ordre du salut, co,nrne le rléveloppr. saint. cadre des sacrifices d'hwaël.
Irénée: dans l'un et l'autre, le Christ est l'ho1n1n11 de la [,'oblation de la croix se situe au cœur de l'écono,nie
fraction, la " main >> et Je don du Père, nourriture des du Clu·isL dont parlent les Pères pour exposer le
horn,nes. dessein de salut qui se réalise par sa rnédiation. Elle
L'eucharisUe n1ultiplio ,1 sa présence subst,111tielle exprirno le sens de son exL~tence. ½c Christ révèle en
à Lravel's le temps et l'espace », mais elle est aussi Je même te1nps le sens profond de la création. Ce inonde
sacrernenL Loujoln'S agissant de son action. ll:Jle 1)st un dont il est solidaire, il le porte en sa chair et en son sang,
ropas fraternel dans lequel los hommes partici pent à il lui ,nanifeste sa finalité qui est la gloire de Diou.
un bien co1nmun. Ici la réalisation dépa.sso infiniment Saint Irénée a merveilleusement décrit comment le
la figure : le long processus de ger1nination du f1·oment Christ était les prémices du n1onde, que l'Église offrar~
et de la vigne aboutit par la transsubstautialion « au dans l'oblation du monde nouveau.
rnysLore de tout ce pain et de- tout r.e vin qui, à travers Là vie comme l'enseignement de ,Jésus signifient,
l'hlirnensité do l'espace et du lernps, ne subsistent plus dans une dé1na.rche visible, le retour de la création au
qu'en l'existence de la sainte humanité de Jésus » Créateur, Dieu vivant qui se révèle en son œuvre. Soli•
(H.-M. Féret, La ni.esse rassemblement de la conunu- daire du monde créé, le Christ exprime par son existence
nauté, dans La messe et sa catéchèse, p. 275), les dispositions profondes de reconnaL,;sance, de soumis-
Chaque foL~ que les chrétiens communient, ils se sion eL d'amour qui constitu e11t l'~ssence de sa religion.
trouvent rattachés à cette unique existenr,e du corps De par sa nature, il est l'oint, le consacré, le saint de Dieu
et du sang de ,Jésus. L'eucharistie prolonge l'acLion en qui ,Jean-Jacques Olier aimera découvrir <, le parfait
envahissante et uniflante du Christ, qui opère ell lui religieux du Père ». « Me voici, pour faire, 0 Dleui ta
la récapitulation de toute l'Église. volonté» (llébr. 10, 9).
La Lable dressée est donc une figure de la ,.:hari Lé En sa personne, le Christ unifie l'humanité. Il l'intè-
fraternelle qui doit unh· les c hrétiens. La même nourr·i- gre et elle lui sort en quelque sorte de corps. Il récapi•
ture distribuée à tous, signe de la bonté divine, exige tulo en lui la longue histoire humaine, dont il réalise
l' unité et: la charité des convives : « Parce qu'il n'y a les aspirations religieuses. <1 Pour ce qui est du sacrifice
tru'ur\ seul pain, nous sommes tous un seul corp~, nous de la nouvelle Loi, écrit Charles de Condren, qui est le
tous qui participons à ce pain unique >> (t Cor. 1 o, 17). sacrifice de Jésus-Christ, il faut savoir que toute s~
<, Co1nme cc pain rompu fut d'abord dissémin6 sur les vie, depuis le premier moment de l'incarna.Lion jusque
collines, puis, rasse,nblé, devint un, rasse1nble ainsi ton dans l'éternité, 1st le sac1•ifice véritable figuré par ceux
:egJise des extréxnités de la terre dans ton royau1ne; de la Loi ancienne et par tous les autres » (L'idée du
ca1• à toi sont la gloire et la puissance, pa1· Jésus-Christ sacerdoc11 et du- sacrifice <le Jésus-Christ, Paris, 16??1
1581 SYN'fHÈSE 1582

la 28 p., § 15, p. 80; cf J. Galy, Le su.1:rific:c dans l'École l' ÉKlise ne fait que redire ses paroles et refaire ses
le fran,çaise de spiritualité, I•arîs, 1951). gestes, en rendant présente et efficiente son oblation
~e JI épouso la condition péchAresso, il porte le péché et uni vorselle.
son salaire, la mor t. Il expérirnente Je drame du péché. Si la 1nesse n'ajoute rien à la croix, elle demou1·e action.
Cette solidarité avec la race humaine niène Je Christ Cyrille de J érusalern l'appelait duna,nis. L'eucharistie
à la croix et à la mort, qui est, selon saint Thon1as, i1nprtigno l'existence de son caractère sacrificiel : ,1 Toui
« l'heure de la consommation du sacl'iflce ». La mort rcdc1npta civitas ... uni,,er,qalc sacri'{icium oJTeratur Deo
sur la croix est l'acte supl'êrno, le moment privilégié de per sacerdotem magnurtl qiii 8~ipsurn obtulit » (S. Augus-
la vie du Christ, celui qui livre Je sens de sa 1nissio11: tin, De civitate Dei• x, 6, PL (11, 284a).
l'offrande unique et définitive du Christ à son ,Pôre Sacrement du sacl'iflco du Chef, la messe ost le
pour le salut du 1no11ùe. sac,·en1ent du sacrifice des 1nembres. L'oblation de la
L'efrusion du sang et la uiort sont l'élément matériel croix expriinait la forme parfaite clu culte intérieur,
1- de son amoureuse soumisSi(ln à son Père et à ses f1•è1•es. on osprit et en vérité, r•éclamé par les pl'ophétos et
,,.
,
A la croix, les deux aspects,' int(~rieur et extérieur, de apporté par le Christ. Les Pères ai1nont y voir réalisée
l• son existence et de sa mission sont indissoluble1nont la prophétie de Malachie (1, 11; 3, 3-tl), qui annonçait,
iS unis. avec l'effusion de l'Espi>it., le renouveau du culte, la
e L,a mort de Jésus est passage, retour à Dieu. Elle puri flcation du temple, 1'0Jî1•an<le du vrai sacri floo,
accomplit le sons premier de la rnort, à une profondeur l'oblation incessante et universelle.
jamais atteinte, puii,qu'ollo donne la vie éternelle : 8aint Paul emploie les te1•1nes sacrificiels pour parler
n elle est r6surrection et vie. des oJTl'andes faites aux pauvres de Jérusalem ou pour
•" Le sacrifice de la croix s'achève pa1• la r6surrection décrire son rninisLère ot ses vicissitudes (voir A. Ham-
I; et l'ascension, qui décrivent le retour de l'humanité ina n, L'apostolat du. chrétien p. 181-184). Les 1nartyrs
Il libérée dans la gloire de Dieu. Là s'achève l'œuvre d e ont vu dans la messe le principe do leur oblation,
Jésus. 11 se1nbla donc, à scruter les liturgies et la tra- " dû quo martyriurn surnpsit omne principiu1n >> (secrète
8 dition théologique, que résurrection et ascension font du jeudi a.prés le 3e dirnanche de carême). Les Acllls
,. partie intég••anto de l'oblatio1i sacerdotale de Jésus, do Polycarpe déCl'ivent l'évêque sur le hücher, debout
du « sacrernent pascal », selon l'expression de Grégoire •co1nn1e à l'autel. L'existence r,hrétienne devenait une
d'I<:lvire, auquel elles comnn1niquent le caractère oblation, où s'exprin1ait le sacerdoce spirituel du peuple
• triomphal et vicLorleux. La mort du Christ est une vic- chl'r\tien. ~ Chacun de nous, écrit Origène, possède un
toire qui entraîne, non seulement l'hurnanité, niais la holocauste en lui-même, et il doit y mettre le reu pour
1•ésurrection universelle. Le d og1no de la résurrection brfder sans cesse» (1-/omélics sur le 1-évitiquc 9, 9, PG 1.2,
des corps exprime le mystère tle ce 1·essaisisscmont 521 ri; · éd. W. A. Baehrens, GCS 6, 1920, p. '•36). Le
• intégral de la ,nalièl'e et do l'univers dans une v ie renoncement, la chasteté, la cha1•itô « font de r,hacun
glorieuse (voir H.-M. Féret, La rn.es.~e rassc1nble,nent de lo prêtre de l'host ie qu'il est lui-mêrne >> (Origène, ibide,n,
la co,n,nunauté, p. 254-258). 522a).
J,a tradition a souligné l'i1npol'Lance des dispositions
(}ascension dans la gloire consommo d1u1s l'éternité de du com1nuniant. Le sacrifice n'est efficace pour le chré-
f>ieu le s(lcrifice do la croix,• puisque j11aq110 dans là ciel et dans
l'êtat de gloire, li y est co1n1ne agneau et 1;1gnaau do Dieu • tien que s'il le dispose à s'ofTtir, dans le Christ, comme
(P. da Bérullu, Des cxccllcnccs du très saint Sacrem.cnt et tle. la une oblation sainte. L'eucharistie implique l'échange
religion chrétien.ne., n. 1, (li:uvras do piété, n. 80; éd. Migne, 1nerveiHeux du Dieu qui se donne et de l'homme qui
P(l)'iS, 1856, CQI. 1056). répond a.u don reçu. Saint nonaventure a vu dans
Charles de Condren dôcrlL admiN1blemenl ce sncrifico céleste, l'nf;cension du Mont J-Ioreb par le prophète fllie la
où Jésus-Christ s'offre ot offre avec lui tous ses rnorubres à 1(1 figure de la spiritualité eucharistique, qui soutient la
'l'rinitt\, où• los saints s'offrent. aussi et avèc· aux offrent Jésus- n1arche du chrétien, depuis l'arrach e1nent initial jusqu'à
Christ, leur chef... Or ce grand sacl'lfico que Jésus-Christ tait
" à Diou dnns le ciel ovoc ses snints on s'offrant lui-m~me avec
la ,·enconti•e divine (Sernw 3 De sanctissi"10 corporc
,,' eux, el!t le mê,ne sacrifice que les prêtres et touto l'~glise Christi, Opera, t . 5, Quaracchi, 1891, p. 553-566). Dans
offrent sur la terre dt\ns ln S(li.nte mP.RRe • (L'idée di, sacerdoce .. , l'eucharistie le lldole mange le ,ny:;itère de sa propre
loco cit., § 24, 25, p. 106). • n1(11't, de la mort à tout ce qui s'oppose à la vie en esprit,
à l'entrée en communion a.ver, les homrnes et avec Dieu.
Lo sacrifice du Clu·ist est un acte de culte, un 1nouve- Cornmuniant à la victoire du Ch1·ist, le chrétien ne
rnent ascensionnel; il est en 1nê1ne t11mp.9 une descente re1lou ta pas la n1ort corporelle, qui n'est qu'un passage
divine, un sacte1nent. social. La notion de sacrifice à la résurteclion.
achève colle de fraction du pain.
Le Christ est essentiellement n1édlat.eur, il s'offre 3. Eucharistie. - Le terme que l'iglise a, dès les
à notre place et nous o!Tre avec lui : Nos omnes portabat. origines, appliqué à la, /raction du pain, et que nous
Il est prôtrc selon l'ordre de Melchisédech, son sacer- trouvons dans le nouveau Testa1nent, est celui d'eucha-
doce possède un caractère universel. Il est donc Prêtre ristie ou action de grâces. Celle-cl trouve sorl expression
unique et univel'sel, en qui s'achèvent les sacerdoces dans la prière consécratolre, prononcée par le président
anciens. La 11n de son sacerdoce et de son offrande do l'assemb}é~. Les textes liturgiques permettent de
est celle-là 1nê1ne de son incarnation rédemptl'ir,e, former saisi!' le sens dynamique de cette reconnaissance,
un soul corps. puisque l'action de grâce opère la consécration d\1
L'eucharistie est de ce rait Je sacrement du sacrifice pain et du vin au corps et au sang du Christ, que Justin
du Christ Lola!. Elle est, comn1e la cène, le rite du mys- app,~lle simplement " le pain et Je vin euchal'istiés ».
tère rédempteur. Au cénacle, Jésus a donné à l'Égliso Cette action de grâces, c'est le Christ, Je Fils bien-ailné,
le sac1•01nent nouveau qui lui pel'n1et de communier la vivante gloire du Père, qui non seulement est la vie,
à son sacrifice. 11 demeure à la n1es:;e le prêL1•e unique rn,lia donne la vie, restaure la vie. Cette action de
et souverain, olTrant à Dieu l'unique sacrifice ag1•éé; grâces est ritualisée dans l'eucharistie, où le Christ
1583 MYSTÈRE EUCI-IAllISTIQUE 1584
apparait sous forme de pain; il consacre la matière est qu'elle ritualise le passage réalis1\ une Cois pour toutes
dont il fait son corps et son sang. f>ar là, il assun1e l'uni- par le Christ, de la mort à la vie, à travers la croix,
vers tout entier. jusqu'à la résurrection (l,. Bouyer, L(I,, 11ie de la liturgie,
Cette a assomption>> n'a rien de fortuit. Le Chrisl p. 117). Ce passage parfait et définitif accomplit toute
est « la main du Pèt·e » selon lo 1not d'lrén6e, l'ouvrier l'histoire hu1naine, déchirée par le péché, restaurée par
de Dieu. cc Par lui le monde a été fait 11 à son image, la croix et portée on prémices jusqu'à la gloire de Dieu.
Cotte image n'est pas ét1·angèro au n1o<lèle; c'est une Elle exprime la fécondité de l'œuvre du Christ, Elle
in1age vivanl;e, en qui le modèle est présent. Ternie par révèle l'agapè du Père, qui se dévoile dans l'offrande
le péché, l'ünagc est resta orée par le Christ, qui lui du Christ à lb. croix. « L'amoul' consiste en ceci: co n'est
rend sa v,ùeur théo1>hanique. pas nous qui avons aimé Dieu; non, c'est lui qui nous
L'cucha,rii;tie, qui consacre le pain et le vin, cnnsn,- a ain\és et qui a envoyé son Fils com1nt) vicLhne d'expia•
c:re aussi le 1nondo : elle lui comn1unique sa sainteté, tion pour nos péchés >1 (1 Jean r.,, 10). L'agneau de Diou
lui rend sa réft~rence à Dieu. [/action de grâces, qui révèle ainsi le dessein de Dieu, conçu dès avant les
consacre Je pain et le vin au ùôrps et au i,alig du Ch,•i:;l, origines (Apoc. 1.a, 8), de ramener, cr quand les temps
- saere1nent de l'op,,s 1·e.dc1nptionis - , est l'essence se1·ont révolus, Lous les êtres dans le Christ " (Êph. 1,
de l'anaphore, qui, i, travers les liturgies orientales, 9-10).
développe les thèrnes ici esqui:;sés. Elle célèbre la, pro- L'œu vre du Ch1•ist s'actualîse dans los sac1'e1nenLs el
fusion n1erveilleuse eL universelle de la g1·âc:e, qui spécialement dans le sacrement eucharistique; ollo
« restaure ,, 10 inonde et l'hun1anité en une création et constitue l'essence et la va11~ur de la liturgie. J..,'Église,
une humanité nouvelles. !/Église appelle le jour de la par l'eucharistie, procJa1ne la parole ot l'action du
1•ésu1•rection le ltuitiè11111 jour, celui qui achève J'œu vre de Christ, la Parolo de Dieu et l'action de g1·âces de l'homme.
la création. D'où ce caractère de jubilation et de louange L'alliance décrite par lf.ts prophètes sous la Ogure de
qui enveloppe la c616bralion litul'gique. Cette joie, l'a ,n our et du mariage se réalise dans le sacrement do
expression de la foi heureuse en l'écono1n ie du salut, la nouvelle alliance.
transflg1.1re l'existenco chrétienne. Cett.e action uniflante entre les homn1es et .Dieu
L'action de grâces est l'attitude fondamentale de llt entre tous los honunes s'accomplit sous l'action
!':Église et de se'.q n1e1nbres en présence de Dieu. C~st de l'Espl'it vivificateur. Coinrnencé sur l'initiative du
la prière de !'Esprit on nous, C'est l'amen, la confossion Père, qui attire tout à Jésus, le mystè1•e s'achève dans
de la foi chrétienne, qui, de la messe, se prolonge dans l'Esprit. L'enseigoe,nent de la liturgie, qui dans ses
la vie et fait de char:rue fidèle un eùxOGpLCNoç (Col. 3, 15). anaphores célèbre le concours des trois Pe1•sonnes divi•
4 . Ananmèse. - L'eucharistie consécratoiro se nes, répond à celui de$ Pères, et dévoile l'unité de l'action
présente sous formé d'une anamnèse, qui rend présente trio.itaire.
et ·agissante l'offrande de la croix, et aussi toute la vie L'Esprit est l'agent du sacrifice intérieur de l'Église,
du Christ. Elle est le mémorial de tout ce qui a pré- com1ne il opère la transsubstantiation sacrificielle.
cédé et préparé la vie du Christ, depuis les offrandes Les textes litul'giques 111ettent en pa!'allèle ces deux actions
d'Abel et d'J\hrahatn jusqu'aux sacrifices du peuple de qui s'inst:rivent dans uno 1nèn1e économie : • Envoie ton Esprit
Dieu, mais aussi le 1nén101•i11I de l'histoire de l'l!:glise, sur nous et sur les dons lei présents, et fais de co pt1in la précieux
depuis l'effusion de !'Esprit, jusqu'à son achévernent corps du Christ, en le changeant par ton Esprit Saint, et de C6
dans lu consommation. calico, lo sang du Christ, on le changeant par ton Esprit Saint,
Cc cal'act,è,•e de mémorial permet d'établir le lien ann qu'ils doviannent pour ceux qui y part.icipent purification
de l'dmo, rérnlssion de leurs péchus, co111munion do l'Elsprit
1 entre la, liturgie do la parole et celle de l'eucharistie. Saint., plénitude du royaume, ussuranco devant toi, et non jugo-
De l'une à l'autre se développe l'histoire du salut, rnont et conda1nnaLlon • (A.11aphorc de saint Basile, dans
se déroule la suite dos rnirabilia de Dieu, qui trouvent A. Ilarnman, Prit1res tles pretniers chrétiens, p. 330).
Jour achèvement dan11 le Christ, suprêrne manifestation
de la Parole de Dieu faite chair, et leur sacreroent dans L'Esprit est sanctificateur; il achève l'œuv1·e de
l'eucharist.ie, à la fois parole et action de Dieu dans et ,J osus. Pour le fidèle com1ne pour l'Église, il réalise
par le Christ. l'uilion mystique de l'lÎlpoux et de l'épouse, chaotéo
Cette perspoclive <le la litul'gie permet de synthétiser, par los conHnenlateurs du Cantique des cantiques en
dans une 1.nên1e action, le passé, le présent et l'avenir. l'appliquant à l'eucharistie. Collective ou personnelle,
L'eucharistie m,11tiplie dans le temps et dans l'espace cette action uniflante n'est jamais achevée.
l'œuvre unique à laquelle elle eniprunto sa valeur et Pnr la Pâquo êu<iharistique, en ellol, ne cossa de so réaliser,
son sens. La présenca euchuristiqu1J met le Chri$t efl d11ns l'univers ot dans les ân1es innornbrablea du Peuplo ·do
relation avec les cl1rétiens, par la voîo du sensible, Dieu en marche vors lu cfol une pr6sonee dé !'Esprit Saint donl
et leur por1net de communier dans le Christ lt l'humani Lé l'n11t.eu1· inspiré du livre da la Sagesse no pouvait soupçonner
rac:hetée. l'nrnpleur ni le réallsn1e. Et c'est ainsi, dans èt par !'Esprit
Saint, que, par le moyen de la Pâque eucharistlquo,se consomme
La cène est. de ce rait le principe d'un processus à la cette réeapitulati9n et unificalion de tous les niombras du
· fois de signification ot d'efficience. Elle est le signe peuple de Diou ot finalement de toulos choses dans le n1ysl~ré
ofllcace qui produit et signifio. Mystère d'espérance, du Christ (1-1.-M. Férel., La t/l.c8sc, rassen1blen1~111 de le, commu-
parce qu'elle réalise lu transformation du fidèle et naut,I, p. 282),
de l'flgliso, corps du Christ, jusqu'à la perfection de la
communion des sainb:1, Cette réunion universelle et totale, ce rassemble1nont
dos il.mes et des corps, cette transfiguration du cos1nos
5. Le mystère. -- 'l'ous ces élé1nonLs acheminent se l'eron t quand Dieu sera « tout on tous •· C'est l'œuvrc
vors le ,nystèrc qui ltis déborde et les approfondit tous. du mystèro eucharistique, jusqu'à ce que revienne la
L'Église 01•ien tale déflnissai L l'euchal'istie comme Seigneu·r.
(J.UcrT1Jptov, terrne consorvé par saint liilaire.
1. MaK"istère - Los LoxLes émanés du 1nàgiillère et les
La réalité la plus prnrondo rlu 1nystère eucharistique travaux los concernant pourruié!ll (ltre fort noinbi·oux. Rappe-
l584 1585 E lJCHARISl'IE ET EXPÉRIENCE AtlYSTIQUE 1586
tutes Ions quo tous ceux qui ont trait à la co1nn1union ont été donnés /,,ma- f'erk1t.11ilig1tng. Keryr;n1att"$chc Frage11, Fribourg-en-Bris-
' • etexpoSéij à l'art. COMMUNION FRF,QUEN1'E, t. 2, col.1234-1292, gau, 1963, travaux offerts à J. A. Jungmann.
'OlX
.'
rgw,
et plusieurs lieront repris au ch. 3 <le ce pr6sent art.îctc : Dé<,o-
tion cuchciristiq1ic. Adalbert I·IAMMAN.
oute Voir spéch1lement : A. D11val, l,c concite <le Trente el le culte
par eucharistique, clnna St.udia eu.cllaristica, Anvers, 1946, p. 379. Il. EUCHARISTIE ET EXPÉRIENCE MYSTIQUE
• 414. - A. Zigrossi, L'Eucariatia ncl mag1'.sterio della Olifosa,
11eu. L'eucharistie est le principe sacramentel de l'expé •
mue dans A. Piolanti, L'JJ1waristia., H.ome, 1957, p. 185-217. -
D, Bcrlotto, Il Magistcro cucaristico di Pio x11, Turin, 1!157. 1·ieoce 111ystique, de ses débuts à ses plus hauts sommets.
nde I'résence personnelle du Christ, elle constitue, comine
1'est 2. Études d6 théologie positive. - P. .Batifîol, L'e1i.chari11- oblation et sacrifice de l'Église, le culte en esprit
lOUS 1ui, {~ présc11cc réelle et l11 lranss,ibstantiation,' Paris, 1905 ;)!)(• li<l., td., en vérité qu'accepte la Trinit6 (Jean 4, 23). Consi -
[)ia• 1930. - ,J. R., Goisol111ann, Dia Eucharistielehre der VQrsclu>-
dérée com1ne sacrement, elle achève l'incorporation
Heu lastik, Padorhorn, 1!12G. - ~f. Lepin, L'idée du sacriflc1, de la
au Christ commencée au beptê,ne (Ront. 6, 3). Si hautes
les messe d'après le8 tlwolo,:ien.~ depui8 l'Qriginc jusqu'à nos jou.rs,
Paris, 1!120. - 1-i. Liotz,nnnn, 111essc u11d Ifcrrcn,nahl, Bonn, :;ont les communications surnaturelles qui provionneo t
nps 1926; Berlin, 1955, - H, do Lubac, Cor{'us rriysticuni. L'eucha- clc l'cuchJll'iBLie, que le pain de vie 1·éalise 1nême norma-
. 1, ruilie ot l'Église au. nwycn dge, coll, 'fhéologio 3, Paris, 19411; 1<:rr\ent, lorsqu'il 1•oncontre les conditions requises
2° éd., '19(, 9. - J. Pascher, Ettcharistia .. Gestalt und VoUzrtg, d'adhérence et de fidélité totale au Christ (Jean 14, 21),
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fice dd la croix, Druge8, 1957. d,1 te1nps et l11 n1onde ne 1nc verra plus, ,nais vous, vous
du 111e verrez, pa.rce que je vis et que vous i•ivrez. En cQ io1,r-là,
me. 3. Étu<1e1.1 do théologie en liaison avec lA 11pirltualité. - ,,o,~s connaîtrez que je suis en 1n.011 J>IJre tJt i-ous en 1noi
de ~!. de la 'l'aillo, 1'4yskritun fldci, Paris, 1921; a• 6d., 19:{·I ; el 1noi en vous. Celui qui a, n1e11 com1na11de1n.cn.1.s et qui
de Esquisse dit niyst~re de la foi, Paris, 1921,. - A. d'Alès, Eucha- l,w garde, c'est celui-là qui m'aùn.c; et celui qui 1n'ai1nc
ristie, Paris, 1930. - E. lifasnre, Le sacrifice !lu chef, Paris, s,tra ailné de nwn Père et nwi je l'aimerai et je 1n.e marti-
ieu 19â2; rééd., 1957. -H. do Lubac, Oathotio1'.R1ne. /,es cispccts f,,sterai à lui>> (Jecut 14, 19-2·l),
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$8$
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Vi• tomista, t. St,, 1957, f}. 345•ll98. - . n, G, Rodrlguaz, I,i, E1,ca•
ion l'tiucharistie consiste dans la connaissance expérimentale
ris/la c11 la. vi11r.1daci6n del hvmbre cün Dios, ibide1n, p. 399-424. d II Christ et, dans le Christ, de la 'I'rinité elle-même.
- R. Laurunl.in, .l 'Euca.ri.s/ict. o la f'crginc, dans A. Piolilnti,
L' fi:ucaristia, Ron1e, 1957, 629-6',8. - R. Spiazii, Spirilltalità I ,e Christ habite dans l'âme par la foi (Éph. a, 17) et
e11oari.stùu1., ibid,!n1, p. 1065-1087, - 11:. .8 01darand, La -Vierge par l'aniour de Dieu répandu da11s nos cœurs par l'Esprit
et t'eu.charislic, RAM, t. 34, 1958, p. a-27, 361-392. ,,11.int qui 11ou.~ ,1. été donné (Ro,n. 5, 5). Il se commu-
>DS nique de plus personnellen\ont par le don de l'eucha-
trit li. Étudos pastorales. - Parrni las très nombreuses ôLudos
,ux l'istle. L'inhabitation de la Trinité et la présence spiri-
pastorales parues récom monL, nous pou vona retenir : tuelle et sacramentelle du Christ constituent le fondement
ce O. Casol, Das Gcdli chtriis des llorr11 i11 der <1ltcl1ristlichcn
nt, ontologique des expériences et des ascensions mystiques
Li11,rgic, Fribourg-en-Briagau, 19'18; trad. Le 111t!J11orictl clu
!on Seig1u,1tr tlar1s la litu.rgie de l'antiquité chrétien11e, coll. Lax (J, Duperray, ]4 Christ dans la vie chrétie1111c d'après
rit orandi 2, Pnri8, 19li5; - Das christlialw K 1,/tm.ysteri1tni, l:t11tis- suint Pattl, 10° éd., Paris, 1933, p. 31-182; A. Stolz,
ro- bonno, 1932; 3° éd., 191t8; trad. Le 1nys1~re <lit culte dans le 'l'lwologie der Mystik, rtatisbonne, 1936; trad. Théo -
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se eucharistie fait!i and pr(lc/icc cpa,ngelical and c,,1110/ic,, trad.
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réalisont déjà une connaissance fruiUve si haute et une
➔n Paris, 1937. - 0, Chovrot, Noire messe, · Paris, 191,1. - union si étroite avec Dieu que saint Bonaventure
.e, L. Bouyer, La m,11stère. pascal, coll. Lex orandi 4, Paris, 1945; évoque à leur sujet le rnariage spirituel (11 Sent., d. -29,
5• éd,, 1957. - P. PariB, Liturgie et niesse. « Nou.s souvenant a.1, q. 1, Opera., t. 2, Quaracchi, 1885, p. 695-696; /Jrei-i-
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leure i11tcllige11r.e de la n1ess1i, Louvain, 1946; 2• éd., 1955. - l'enseignement for1nel de la révt\lation, notamment.
La 111esse et sa c,1téchilse, coll. l,el( orandi 7, P,1ris, 19(, 7. - d':i.près saint Paul et saint J ean, ces réalités surnatu-
A.-M. 'Roguet, Lf1 111,csse. ApproclMS du 11iys1èrc, Paris, 1952. relles sont perçues concrètement dans une expérience
- J. ,Tuglar, Le sacrific:c de louange, coll. Lex orandi 15, Pàris,
1953, - 1. l(ologrivof, l ,c sa.cron11111t d'unité ,:1 fic i•ic, Bruges, in l:orieure et une connaissance sapienticlle, dont les
1954. - L. '.Bouyor, La l'ic tlc la liturgie, coll. Lex orandi 20, théologiens modernes ont fixé le contenu et les condi-
Poris, .-1956. - J\L 1'h11ri11n, .l 'cucharisti.e, Neuchâtel-f;>aris, tions.
1959. - A.-0. MarLlrnort, Les sig11cs de la nouvell,1 allia,ioe, Cott0 sllii,ie rruitivo • n'est pas 111111 vision; c'est uno connais-
Paris, 1959, p. 193-277, Sjl l\CO d'arnour vécue dans la fol . Et cependant, cotte sorte
d'i11tuition profonde, cetto expérience translumineuse, cetto
5. Générolitée. - M, Brillant, Eur.llaristùi, encyclopédi<i perception concrète do notre vie en Dieu, tout cola est chose
populail•o, Pa.ris, 1934. - A. PiolanLI, L'EucariRLÎ(t. Tl rriistcro si notte qua vraiment, nous chrétiéns, nous savons que nous
dcll' a.ltarc ncl pcnsi'.cro e 11,!llll <•Îl<l della Chiesa, Roma, 195?. sonirnos en Dieu et l)ieu et nous• (J. Mourou~, L 'c:cpérie11ce
- J\i. Maurice-Denis et R. Boul~t, F,1tèl1C1riste 011. la niesee dans chriJticnne, coll. 'l'héologie 26, Paris, 1952, p. 187).
s~s ,,arit!tt!.~, son histoire et soit origine., Pnris, 1953, cr J, Huby, Mystiques par,linic1111c et ioha1111i11.1.e, Paris,
A. l\fayer, .1. Quasten et D. Ne1111heu11er, Vonl christlichen 10!,il, p. 99-106, - V.-M. Broton, L1, ,,ic de prière, Paris, 191,8,
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I• O. Case!. - F.-X. Arnold et B. Fischer, Die Messe in dr.r Gl1111• salutis, 2• éd., P11ril!, 1954, p. 141,-1 1,7, 181-1$5.
1587 EUCHARIS1'IE E1' EXPÉRIENCE MYSTIQUE 1588
L'expérience mystique, qu'elle 1•elèvo de la contempla- mente] de toutes ces expériences nlystiquos. Le plus sou-
tion ou do l'eucharistie, se situe dans le développement vent, elle agit dans J'acto même de la communion au
régulier et normal de cette expé1•ionce chrétienne fonda- corps du Christ, Mystiques et théologiens se limitent
mentale; elle ne s'en distingue pas spécifique,nenl.. d'ordinaire à considérer son influence, sous cet aspect,
Après s'être plié plus ou ,noins longternps aux conditions en tant que sacrement. •routefois, l'hagiographie
ordinaires d.e l'activité surnaturelle et après avoir étë atteste égale1nent que le rayonnement mystique do
l'agent inaperçu de la vie intérieu1•e, le Christ da11s ]"eucharistie se produit au cours du sacrifice de la messe
l'eucharistie, ou l'EspriL du Soigneur dans la content• ou du fait de la seule présence de l'hostie, le plus souvent
plation, " aya_nL enfin trouvé le cha1np libre ou aya11t accompugrié de p'hénomènes externes. Il importe donc
lui-rnêmo écarté les obstacles», s'e,npar·e, par un mouve- de retenir les faits connus par les textes biographiques
ment gratuit:, clo l'â,ne et de ses puissances d'a1no11r pour définir plus rigoureuae,nenl; le rôle de l'eucharistie
et d'intuition; il la réduit pur étapes on passivité ou dans l'expérience 1nystique.
plutôt il « l'agit "• selon les te.1•1ncs do suint Paul (Ront. 8,
i.1.), et la surélève au plus haut point de l'uctivil.c\ z. $A U:G111MfŒ. - Qne l'eucharistie soit apte de soi
intérieure dégagée de la sensibilité et des reptésontatious à réaliser l'expérience mystique ou le senti,nent de
qui en dépendent (sursu,nactio, dit suill't Bonaventure; présence, il er;t à la fois délieat et urgent d'en suggérai•
cf A. J urnet, .Le tl:llwignage de Jv/11-rie de l'lncarnaûon, .les prouves théologiques. Le thème en e!Tet n'a pas été
Paris, 1982, introd., p. xx11-xxv1). Du fait de cette traité, dans le passé, d'une façon systématique et
présence agissante par mode cl'onction et d.e Ju1nièro complète; il parait même oublié dans la spiritualito
infiJscs, l'âme l'eçoit d'abord une « i1npression » (Marie 1nodernc, quoiquè, après saint Bonaventure, Jean Gerson
de l'Incarnation) qu'elle perçoit au mouvement du ait déjà nettement observé l'effieucité privllégiéo de
cœur (S. Bernard, In Cantir.a 74, PL 188, 1144.ah), l'eucharistie dans l'expérience ,nysUque (A. Combes,
au recueillement qui la fixe dans l'adoration silencieuse Jea,i Gerson, co1n1ne11tat6u.r dionysien, coll. Études de
et à la réduction des actes discursifs. Cette <c impression 1, phîlosoplùe 1nédiévalo 30, Paris, 19'AO, p. 219, note 3),
s'accompagne d'un senthnent de présence de l'l-Iôl,e Ce l'apport étroit avec l'expérience rnystiquo s'expli-
intérieur dont il est impossible de douter. que d'abord du fait que l'eucharistie est le sacrement
Au début, explique Catherine Ranquet, 1nys't,iq11e de la présence pe1•sonnelle du ChrL~t (S. Bonuventu1'e,
du 17e siècle, cc cela se passe si douce1nent et subtile1ne11 t 1v Sent., d. 10, p. 1, a. 1, q. 1, Opera, t. '•• Qua1•acchi,
que, pendant ce temps-là, je ne rn'en aperçois presque 1889, p. 216-218).
pas, nlais seulement quand il est passé " (H. Bremond, • Si Jésus a inst.11.ué l'uucharistio, écrit P. Benoit, c'est po11r
t. 6, 1922, p. 335). Mais bientôt la connaissance expéJ'i- resU1r avec les honunes jusqu'à la fin du monde, non seulement
men1.alo, souvent conditionnée et promue, dans un par son esprit, m11is par son corps, et non seulcn1cnt par son
mouvement · d'alternance, par la conscience doulou- corps, n1ais pn,r ca corps qui a été crucifi6 ot ressuscité pour
reuse de l'absence ou de l'éloigne,nent cle Dieu (1;!' eu,:, ce corps d'ol'I jaillit, com,ne d'une source toute leur vie
P. 131anchard, Prësen,:e et absence de Dieu dan1J l'expé• nouvelle •· Pour exprimer 111 voleur théologique de co 1nystère,
rience niy.~tique, dans 1.'A nnée théologique, t 1, 195·1, il faut tenir • qu'il procure d'abord • une • présence • actuelle
p. 87-40), s'intensifie dans une suite d'états, - quié- • dans le temps entre lo pass6 de la croix et l'avenir de nolro
tude, union, extase - , où coopèrent dans une infran- gloire céleste •, une • présence dans l'espace, c'est•à-dire une
présence sensible qui touche notre corps• et qui est• l'expres-
gible unité \'agir et le pâtir, et où souvent« il semble quo sion strprênio de la pro:ximit.6 sensible de Dieu », une présence
c'est l'amour qui engendre lu lurnière 1> (A. Jamct, physiqu,i où, sous les symboles du pain et du vin, sont • réelle•
1 1 Le témoignage .. , p. ?6). Dan$ cotte montée, l'âme jouit rnont, encore que d'unè !àçon 1nystérieuse, lo,001•ps et le sang
du Christ et Je possède ,c com,ne une personne en possè<le de Jésus•Chriat •• une présence réelle du • corps spirituel ou
une autre en tout.a p11rot.é et sainteté >> (J .-J. Surin, pneumatique du Clil'ist ressuscité, qui 11st porteur de vie •, uno
Questions ... sur l'aniou,r <k Dieu, liv. !l, ch. 8, Paris, présenc11 collocUve où nou~ rencontrons, dans ln Christ, tout
1980, p. 153); to\11.os les prornesses évangéliques s'ao- 1e corps èCclésial, une présence por1nanente p~r le sacrifice de
co1nplissent alors chez les contemplatifs cc et à la lettre»; la messe qui prolon,;a l'in1molation d11 Calvail'O (Les récits
de l'instit1~1ion et !ettr portée, dans Lu.,nièrc et Vie 31, 1057,
le Christ se manifeste (Jer;zn 1,., 21); l'âme finale1ne11t surtout, p. G0-76; cr J.•J. Olier, La joitrnéc chrétù:11ne, plll't. 1,
expérimente ses affinités avec les Personnes divines dans Œttcires cfJm.plètc,~. éd. l.1igne, Paris, i856, col. 200-212).
dans le mariage spirituel et est élevée dans le rapt jusqu'à Du tait de cette toute-présence du Christ dans l'hostie,
une saisie et à une intuition irnmédiatc, bien que paSf;l'l- • j'àl donc tout. Que rna resle•l•il à désirer, écrit Dossuet, sinon
gèrc et par ,nodo d'éclair, de la Trinité, qui annonce do voir ce que jo tiens, de percer le voile, de voir clairemoht
la vision facitùe de l'au-delà. et par une mRnifeste vision ce que je sais bien que j'ai, m11îs
Ainsi définie comme la rencontre personnelle et la ce que je ne vois pas? l.1ais il n'y 1• qu'il. don1eurer en lui, car
aiosi il demeurera en nous. Et il ne dornandc qu'à être vu, q11'à
manifestation intérieure du Christ et, dans le Christ être p11rfaiten1ont possédé, q1.1'à jouir pnrfaite,nent de nous en
médiateur, de la Trinité, l'expérience eucharistique nous donnant tous ses biens êl lui-n1ême pour en jouir, cnnn
d'ordre mystique exclut de sa notion précise les 1n11l- d'âtre connu comme il connaît, c'est•à-dira à être connu clni-
tiples phéno,nènes qui apparaissent con,n1e le rejuillis- ro1nent, vivement, étornollement, sans obscurité, au-dessus
se1nent des états 'intérieurs sur l'imagination, l'atTecti- do toute vision ~ (MéditatifJTl8 sttr l' t,,a11gile. La Cène, 49• jôur,
vité et la sensibilité (A. Poulain, Des grâces d'oraison , éd. Garnier, PRris, 1>. 428).
100 éd., Paris, 1922, ch. 18, p. 172-1 83) . Néanmoins,
il semble légitime de considérer comme ,c la substance Si tels sont« le fruit, la vérité, l'entière consomrnation
même de la contemplation à son degré supérieur » la du 1nystère de l'eucharistie » (ibidèni) dans l'au-delà,
vision intellectuelle de la Trinité et du Verbe incarné, p\1isque le Christ ccne demande qu'à être vu et possédé))'
co1nrno le propose à l'encontre de la plupart des mysti- l'eucharisUo, présence personnelle du Seigneur, est
ques rnôdernes J. Maréchal (Étude.9 sur la ps11chologfri apte de soi, de par sa nature et son institution, il procu-
de~ mystiques, t. 2, P;iris, 1937, p. 33, not.e 1 ). · J'el' le sentiment de présence ou la ,nanifestation inté-
L'eucharistie se présente comme le principe sac1•a- rieure promise par le Chri,~t (Jean 14, 21), qui est
1589 POSITION DU Pll0BL'.È1ME 1590
l'essence ,nêrne de l'expérience mystique; là se trouve a. :1, q. 1, ad, 8, p. 290). A ce titre, de par aa nature
ici-bas "la consommation du 1nystèr0 de l'eucharistie ». affective, l'euch[lristie se révèle encore comme le sacre•
L'eucharist.ie est en outre« le mystère de la jouissance, ment de l'union passive.
,, le mystère ùe l'Époux et de 1'1!Jpouse » (Bossuet, ibidém,
24 8 jour, p. 363) : "Là, dit le bit1nheureux Pierl'e-Julien 2. :SCRITURE. ET TRADITION
Eymard, chaque jour, se célèbrent les noces de Jésus- l,es théologiens et ·los contemplatifs qui voient dans
Christ avec l'âme chrétienne i, (La dic,inc Euch1lri11tic,
I' oucharislie la source sacramentelle de l'union 1nystique
28 série, La sair,te c<J1nn1un.ion., ~ 8 éd., Paris, 1880,
n'ont pas élaboré systématiquement la preuve scriptu-
p. 151-156; cf J.-J. Olier, Ca,téclii.s1nc chrétien, p. 2, raire qui légitime leur attitude. La plupart se bornent
leç. 4, dans Œuc,res, col. 489-490). à ci(.er Jea.n. 1(t, 21, où est promise la manifestation du
, C'ést là, en effet, 1p1e notre ullian,;Q avec Jésus-Christ Seigneur, sans s'expliquer davantage.
aUolnt lei-bas s11 J>arfac:tion dernière, 110n intimité suprên1e.
Nulle pm•L ailleurs, on no trouve la donation personnelle 1Jt .J. Sulian t 161,t, De cunor1, Dei, lib, 11, c. 12, Pnris, 163-1,

1 totale de l'Époux et do l'épouse qui constitué com,ne l'essenco p. 5(i!>. - .T .-,1. Surin t 1665, Q1icslio,~~--- .~ur l'nm<>rlr dr. Dieu,
de l'union mntrimoniale ... JJ'euclH1ristie est conuno le nœud llv. :{, ch. 8, loco cit., p. '152-155. - .T. Nonat t ·1680, L'ho,nms
du lion 11111trirnoni11l qui no\lR nU,ucho ici-bu.~ uu Verbe incarné• tl'ornison.. Sa condrtita dans les ,•ows cle Dwi,, Jiv. 6, cntr, 16, t. 2,
•'
(Jean-Julien Bella1ny, Les effets de la cllnu11unio11, P!1ri11, 1900, Paris, 1674, p. 44.8. - Antoine du Saint-Esprit 1' 16?!t, Dirc<,-
p. 162; Lei vie s1irna.turellc considérée da11s sôn principe, 1891; toriian ,nystÎc1,in, trnct. t,, di~p. 5, sect. 1, n. 526, Venise, 1697,
2• éd., Paria, 1895, p. 218-289, t,61-1,.71), p. 100, ot o<l. BBrnard du Saint-$11cra111ent, Paris, 190'1, p. 621-
La tradition pat,ristiq\1() est un!lnim.e à reconnnttre dnn~ 622.
l'eucharislio cotte grâce d'union privilégiée (M. de lu 'l'nille,
Mystcrium fidci, 3• éd., Paris, 1931, eluc. 30, p. r.76-r.82). Les 1. J!.cRITURE. - 1. Saint Jean. - Pour découvrir
mystiques n'hésitent pas non plus, à la suite de G. Viizquez le raisonnement implicite des th6ologions et des contem-
l (Commentarii i,1 $•m partcm S. Thomae, disp. 201,.., e. 4, t. à, plai.ifs et établir de quelle 1naoière l'Évangile /onde
Lyon, 1620, p. 284-286), t\ !1<.lmottro quo la com1nunion opère leur sentiment, il faut entendre J .-,J. Surin. Lui seul a

lo mariage spirituel du Christ et de l'ân1e (J.•J. Surin, Les ind'il1ué la voie. •
lonclcm,cnts de la. 11ie spirit.u.elle, Paris, 166?, p. 233; J.-13.
Saint-Jure, De la connciissa.ncc et cle l'an1our du Pils de Dieu, Quoiquo Lous lès bo11s reçoivent NoLrc-Selgneur dans toutes
Paris, 1636, liv. O, ch. 10, p. 211), 'ce8 .-, ualiLés, 116an1noins les îuncs pures et pcrtccLionnécs pat• los
vertus jusques t\ posséder son étroite fumiliarité le sentent en
De cet enseignen1en t traditionnel, il paraît légitime l'usage d() ces mêmes qunlit.és d'une f(lçon ai différente qu'il
d'inférer que l'eucharistie, - qui por1not 1nê1n0 ,< de n'y li prusque point <le co111para.iRon : si bien qu'elles l'exp6ri-
tenir quelque rang dans l'ét.aL d'union div.ine eL hyposta- mcn tc,nt, pronliore1nont co111111e un hOto do <1ui clics sontont
ln pl'ésence, con1me un compagnon de qui elles reçoivent entre•
tique » selon Je cardinal de Bérulle (Di.~cours 3 sur let tiP.n, cornme un omi qui. leltr fait n1ille biens, et comme un
prése11ce rûelle, n. 9, dans Œuc,ras, éd. Migne, Pat'is, 1856, époux qui lea embrasa11 et, cores-5e merveilleusement. Nous
, col. 722) - , est de soi le pd1\oipe i1111nédiat de l'ex.pé- avous <lit ailleurs que 111 félicité <le la vio présente consi~-te
rience chréLienne ; l'union sponsale que la communion en l'union avec Dieu par arnour, co qui s'ellocluo, quand il
1 eucharistique opère directement s'achève, au som1net, veut, muis singulière1nent en la sainte euchuristie, où est, au
l dans l'union oxtatiq\lc~ et le 1nariage spirituel selon le dire d'un grnnd théologien, ln consommntion du mariage spi-
développernent régulier de la grâce sacramentelle et ritn ol. Nous diRc>na que l'âme, qui, dana la participatiQn <lu 'l'rès
• Sain t-Sacre1nent, vient jusqueR à ce point clé bonheur que <la
d'après son ca1•actère disl,inc t.if. Sê voir non seul8nlénL uniê à Jésus-Christ par la foi, 1nals encore
li est possil>le d'arriver ü la 1nê1ne conclusion si l'on dan:., une toi si l'Olcvéo c1u'cllc éprouve et sent que vi\ritablc•
considère que,, l'eucharistie est le sacrement de l'amour ment. il est son bôte habitant en elle, dès ce monde jouit, d'une
par excollonco », qu'elle 1, est amour, rien qu'amour » part.iA de lu félicité des saints, en ce que manifestement elle
(Pierre-Julien Eymard, La saint.c conununion, op. cit., seuL quo :Dieu est on elle et, connult. c;Hln pur unu intérieure
p. 96, 201). Ainsi que l'expliquent saint Bonaventure et oxpôrience, qui r0111plit non seullllnont ses facullés 1n11is l'inon<lo
•' la plupart des scolastiques, l'eucbal'istie s'appelle la 1nên,c dans sa substance et dall8 son fonds; do sorte qu'en
grâco s11pl'ê1ne pa1· ce qu'elle contient et par ce qu'elle suit.r, de cette comn1unication de Dieu ln11nunisé, fuit viande
de )':!me, elle trouvA l'accompli1;sement de çette parole de Jésus-
opère (1v Sent., d. 8, p. 1, dub. 2, Op,:l'a, t. (t, p. 188). Christ : E't 11tanifestabo ei 111eipsu., n, et Cilla pW' un tel don et
Sous le prerrlier aspect, elle contient l'auteur de la grâce lcllc app,·ocho et Lol avcino1no11L do Jésus-Christ en ollo, qu'elle
avec la plénitude de ses chari1.11nea (De r.orpore Chri.$tÎ, dit ovoc vér.i té: Dieu est en 1noi, Jésus est en moi. Ainsi s'effec-
n. 30-31, Opera., t. 5, p. 563); pur suite, elle est assimilée tue ce qu'il n dit: Q1û marigc rn.a èhair et boit mon sa11g, dcm~l./.rt
étroitement à l'amour dans son objAt et sa fin, et tend, e ,1 ,,,,ii ,,t nioi t11 l11.i, et cette résidence de Jésus-Christ est une
comme la dilecLion, à l'union fruitive. Du !ait qu'elle assur1111ce à cette âme qu'il eHt, et qu'il est en elle conune son
donne l'Humanité du Christ, qui est un charbon ardent bien i;ouverii,Îll, conformément 11ussi à cette parolê : Ad eu,n
11e11i,1111us et 1na11sio11ent apud ~um facien1ui,. Cela SO talt par
(1v Sent., p. 188, et dist. 10, p. 1, q. 1, ad 4, p. 218), l 'abundanco do la grûce Ill por l'oucha.ristle qui amène Jésus-
l'eucharistie, considérée sous le second aspect, opère ChrisL à l'honuno, el quand Il no s01•all point en terre le loge
dans l'â1ne sept effets principaux, ordonnôs al.) progrès chei lui (l,cs /onclcmcnt.s de la vie spirituelle, Paris, 166?, p. 229·
do la charité, particulière1nent la vive ilanlme d'amour 231).
(flli expérimente lo. présence du Seigneur (ad 4, p. 218)
et la délectation intérioure ( rv Sen.t., p. 1. 88; Dre1•iloquiu1n, D'après ce texto, l'eucharistie est le sacrement de
p. 6, c. 9, ()p11rfl, t. 5, p. 274a), qui s'épanouit, ~lie, en l'expt~rience 1nystique parce qu'elle réalise los promesses •
sensations spirituelles ou perceptions mystiques (Brec,i- de "Notre-Seigneur contenues dans le Di11cou,r11 à l(l-
loquium, p. 6, c. 6, p. 255a). Il ne saurait en ôt.re autre- c?:110 et la Prière sciccrdotalc, notamment Jean 1(t, 12-26;
ment, si l'on observe en outre, que le Saint-Sacre,nent, 15, ·1-12; 1?, 20-26, tels que les interprètent les grands
en tant. que sacrifice, est le mémorial de la passion du contemplatifs, apparem1nent à la suite de sail)t Cyrille
Christ, qui affecte directement lo goOt, inté1'ieur, fac11Jté d'Aloxandrio (Commentaire sur l'éc,, de S. Je<tn 14, 21,
par excellence de l'expé1•ience ,nystiq ue, puisqu'il est PG 7't, 285b; tt,, 23, 290c; cf N_ Pô1•ez 1 dans A. Sorazu,
l'acLe même du don de sagesse (1v ,S'ent., d. 12, p. 2, L<t Pida cspiritual, Valladolid, 19211 1 p. 120, note 1,
I
1591. EUCHARIS1'IE E'l' EXPÉRIENCE MYSTIQUE 1592
et p. 169, note 1; Corneille à Lapide, Co,nmentarii p. 171-173, ot trad., p. 891-893; Vi11e fianune d'a,nou,r,
in c11angeli<L, Lyon, 1685, tablo). prologue et str.1, éd., t. '1, p.106 et 117; trad. p. 908et
En eflet dans le Discours sur le pain de Pie (Jea11 928-924. Jean Vilnot l'a démonti'é (Bible et mystique
6, 5'1-58), - qui semble un commentaire du Discou.rs chez !Jaint Jean de la Croix, coll. Études car111élitaines,
de la càT1e, et }Jourrait avoi r sa 1, place touto prôto à Paris, 19'19, p. 118-120) :
côté de l'allégorie de la vigne » (G. Bl'illet., J,r, l,a possession do Diou, c'est l'union LranstorrnaoLo. Les
Sau11cur, t. 2 Le 1ninistèrc galiléen de Jésus, Paris, 1957, synoptiques ont ouvert l'horizon jusqu'à colle pcrSpcctive
p. 109-110), - l'eucharistie se 1•6vèle co1nme la source inou'itl. 1,'évnngile do suint Jean en parle on tcrn10s clairs :
de la vie dans le Christ, la cause de l'union la plu1;1 haute ainsi l'a lu saint ,J01111 de la Croix ... T.,e Christ l'n promiA : Oelui
on Diou, « puisqu'elle a son prototype dans les relations qrti m.'a.ùne sera ainré de 1110n P~re 1/t je l'ain1erfcli et je me n1a11ifes•
qui nniS$en t le propre Fils de Dien à son Pè1•e ", et le t1,rc!i à lui (Jcar111,, 21 i il1011tée, lh•. 2, ch. 21,, éd. Silvorlo, t, 2,
principe de la résidence réciproque de l'âme en Jésus p. 209). L'nin1or c'est souf!l'ir sans dûsiror aucune r6compense;
le voir se m,tni(ester, c'est jouit• de la faveur surnaturelle des
et du Ch1•ist dans l'ân10; son olTot est une consécration alto11che1nents, réponse d'amour do .Dieu à l'dn,e a in10.nte.
totale au service du Seigneur (l\'.l.-J . Lagrange, TJ:1,an- Il s'agit là des plus hautes grâces 1nysti<p.1es : le Cantique spi-
gilc sclorl saint Jea11, coll. Études bibliques, '1 ~ éd., rit.11.el on a trouvé l'éXJ)ression abondantè dans l'évangilo 1nys-
Paris, 1927, p. 18'1-186; A . Durand, Ê/Jangile selon l.iq11 e ; li se com plait à le 1·edire. Dès Je pre,nier ver;i : si le t?ilij
saint J ean, coll. Verburn saluth;, 11 8 éd., Pal'is, 1927, da l) ieu est• caché l\U sein rlu Père•, c'est po11r pouvoir dévoi-
p. 207). Il importe de le constater : Jean 6, 57, Celu.i lor à l'â1ua, dans l'union conso1n1néa, les "gr1111daurs • insoup•
qui mange m1L chair el bail rnon .vang dcrneur() c,t rnoi ç.onnuos résorvéos pur Diou al annoncuos pur la Christ do.os son
.Discoars après la cène. Lo chnpilro 17 do saint Jonn s'est trouvé
et ,noi en lui, est étroiLeo1enL pa,•allèle à J ean 1(., 20, en r.et to strophe 38 du Cc!,uic:c, d'une gro.ni:le p1·écision dans sa
et aussi à Apoc. 3, 20. Entre la réalisation et la prou1esse, simplicil.é purernent évangélique. L'union transfornuulte ost
il existe donc une liaison r6olle. 1< Le chapitre 6 do saint alllrmée si rêelle et si intime qu'elle rend vérit11bleu1ent l'âme
,Joan n'a pas d'autre sells que d'i11diquer le 1noyen de • Disu •; lrli.nsformation par pa,rtidpation saulon,ont, ollc assi•
la présonco et do la manifestation promise, Jean 1'1, 1nile copondanL si 6L1·oito1nont l'â1no au Flls que celle,ci peut
20 » (V,,M. Breton, Lettres inédites). Ül', ce que pro,neL produire avec lui, au soin do ln Trinité, par l'acte d'un amour
le Christ à la cène, ce n'est pa:; aeule1nen t l'inhabita- co,nmun, la Personne du Snint-t,spril.: ln• spiration du i;ouffie •·
tion de la Trinité ot l'envoi du Paraclet (Jean 1~, .L 'alllrmation in dubitable est si claire et si inoula quo d'aucuns
ont cru devoir y êchapper en considêranl Je langage des 1nysti•
12-17), mais tout l'ordl'e des expériences mystiques : ques co111111ê hypèrùolique ... Mais saint Jè8.11 do la Croix prétend
• Je sais bien, ecrit J .-J. Surin, qt1e les interprètes expli- bien n'ôt1•0 quo l'écho i1npersonnel du Christ... JI ae placij
quent cela (Jean 11,, 21) de la grâce, 1nals il llSt certain aussi résolument sur le terrain de !'Écriture.
quo les 1nysliqucs l'onlcnden t de l'elTective con1munication
quo Diou tait de soi-mê1ne dans une foi haute, une espérance Toi est l'ineffable prof u11du1n que les colite1nplatifs
vive, et une charité privilégiée et qui unit l'homme à son attribuent aux pro,nesses du Christ contenues dans le
principe par un effet ind1.1bit11ble • (Queations ... aur l'a,nour Discours après la cène, ainsi qu'à niaints Lextes de saint
d~ Die.u, liv. 3, ch. 8, J). 153; Caulchis1110 apiritusl, l, 1, Paris, Paul (.r. Vilnet, ibidem, p. 123-128). Si l'on sous-entend
1()63, 2• parl., ch. G, ot 7~ parl., ch. 8; t. 2, 6• part., ch. 5) , cette constante interprétation des mystiques, il devient
Los grands contemplatifs d'Orient ou d'Occident n1anifesto que l'eucharistie est, d'après l'Évangile,
sont d'accord à ce sujet. le principe sacr•amen t.el des ascensions passives, puis-
Gragoiro do Nysso t 3'.I'•• lloni. sur l1, 4• béati'.tudc, PO 44, qu'elle réalise dans leur plus haute peropective les pro•
12',Sb; cr J, Daniélou, Pla.tonis,nc et théologie n1.yslique, /)oc· messos du Seigneur à la cène.
\ trine spirituelle ,le sairit Grégc)Îrc d1, 1Vy.,sc, coll. 'l'héolngie 2, 2i Apocalypse. - Pou1• être complot: il importe
2• éd., Paris, 1954, p. 257-258. - M11xim 0 la confesseur (7• siè-
ole), Cc11turic$: sur la charit~ 1v, 69-80, PG 90, 106',-1068, el d'ajouter que plusieurs mystiques font aussi appel a
coll. Sources chrétiennes, éd. J. Pagon, Paris, 1943, p. 167-170. A poo. S, 20 : « Voici qtie je ,ne tiens à la porte et je frapp e,
- Synulon lo nouvoau Lhoologion t 1022, Discours 4, PG 120, Si quelqu'un écoute nia 11oi:i.: et ou/Ire la parte, j'entrerai
836-tl',2; Discours 19, ~02; Discour.~ 21., 414-415, et.c; cr chez lui, ie tlîncrai avec lui et lui apec moi ».
1
J, Tycink, Wcgc {islli11her 7'heôl()gie, Bonn, 1946, p. 86-87. - Ainsi saint Bonaventura, Con1.rne11tariu$ in c11cing. l,11ca~ 21,,
Angèle de Foligno t 1300, Le livre do l'e,i:périenc11 dos vrais 38, Opera, t . 7, 1895, p. 597a; J, .J, Surin, Cat&cliis,ne spiri111Bl,
fidèles, trad. ~L-J. Forr6, Paris, 1\127, p.· 12-18; cr 284-242, 2• part., ch. G, t. 1, 1668, p. 195svv; Marie de l'Incarnation,
26',-265, 270, - Jcan1nuysbrocck 'I' 1381,' Le li1•rc ilt la plus Retraite, ûd. citée, t. 2, p. 100, etc. Ca texto, parallôlo à Jea11
hara.c vérité, trad. des .b énédiotins, 2• éd., BruxelleJJ, 1921, 1~, 20 et à 6 , 56, a une sav01.1r eucharistique, d'après plusieurs
t
p. 222-221,. - ,Je11n des Anges 1609, Manu.al de 11ida psrfecta,
ex;égètes. « li s'agit de l'entrtlo secrète dans le cœur suivie dos
dinl. 4, § 7-8, Madrid , 1608, al d11n11 Obras niietieae, éd. J, Sala,
joies de ln grâno ot, plus spûcinlomen t sans doute, de l'eucha•
c;oll. Nu0v11 biblioteca do autorcs espai'toles, t. 1, Madrid, 191.2,
ristie. li n'est aucuoo hnago, dans toutes ces Lettres, qui ait
p. 221-222. - Mario de l'Incarnation 1" 1672, Retraite clc l11ût 1111 caractilrll plus inllme, plus individuel et plus touchant •
;ours, a• jour, 8• 1néd,, dnns Écrits spirilu.r.l.~, t. 2, p. 98-101;
(El.-D. Allo, L'Apocalypsc, coll. };t11des ùibliques, 4• éd.,
Rcl<1ti()11 de 1654, p. 28!\-286, e t.c. - 'l'bérèse d'Avila t1582, Pal'iS, 1933, p. 56; H.B. $wete, 'l'he Apocalypse of S. Joll11.
Relacî611 G, à A . Velaz1.1uaz, dans Obras, 6d. Silverio, l. 2,
Burgos, 1915, J), 42. -Angèle Soraiu t 1921, La vida cspiritaal, The Grcc:k te:r.t, 4• éd., Loodros, 1922, p. 67; Ch. Brütsch,
éd. cités, p1•ologuo, p. 12•14 ; cr L. Villasante, A11gclcs Sr>r(i.a. Clcirt,J de l'Apocalypse, '•' od., Gonove, 1955, p. ,67; François
de Jés11s-l'.t11rie (Suhnanlicensis), Com"1cr1tari1'$ litterarius et
Estudio niistico clc su vùlt1, t. 1, Oilat.e, 1950, p , 5, 163-165,
t
251, 313-317. - V.-M . .Hraton 1957, la spiritualité c/ir4tienne nioralis in Apocal11psi1n, Lyon, 1648, p , 71 ·78).
rant<111c!e à son fonde111ent, le Christ, dans La. France francisca.r'.no, 3. Plus rarement l'épisode des disciples d'Em-
L B, 1925, p. 205-251t, su1·tout p. 212-213, 246·24.7,
maüs, qui aperçoivent le Seigneur à la .fraction du
Ce sentin1ent a t.l'ouvé son expression parfaite chez pain, ost invoqué pour 1narquer le rôle illuminateur
saint J ean de la Croix t 1591 : .l, a montée du Çarrnel, de l'eucharistie qui favorise sp1h:iale,nent la contem•
liv. 2, ch. 24 (26), éd. Silverio, t. 2, Burgos, 1929, p. 78, plation.
et trad. (.}régoire de Saint-.Toseph, Œu11res spirituelles, S. Donnvonture, Ç()1r11ne11tari1ts in cvc11-ig. Lur.ae 21,, 38,
Paris, 1 \1'17, p. 265; C'a.ntique spirituel, str. 38, éd., t. a, p. 597 : • Ad veram Christi conto1nplationem et speculationom
1593 TRADI'J'lON PA'l'RISTIQUE I 1594
ur, non pervenit quis nisi ad 1ncnsa111 ujus sadeat •. - J . Oel'son, L'eucharistie, en tant que sign!Oée par le vit1 ou par
Sermo i11 fesu, l'ascllcic, Opera, t. 8, Anv8rs, 170fi, col. ·1.210, le " calice enivî'ant », opè1•e spirituellement des effet.'!
;et et Sornw in die corpflri.~ Cltri.sti, col, 1289, - D. Cacc:ia1,,uerra, analogues à ceux du vin, mais non comme ceux du vin
1ue 1'rat1ato della co1nu11iflne, l-tome, 155?: De /rcq1w,ui conu111,- profane. L'ivi•osso que cause le vin eucharistique est
'
es, nio11e, ColognCl, 1586, lib. 1, c. s, p. 171-172 ot 200; trad. Fr.
dé Dellef<>reijt, Tra.ité clc /a très sainte coniniunioii, l"aris, 15771 une (C sobre iv1•esse » (sobria ebrietas, lllJcp&)..~ot; i-tÉOlJ)·
p, 2s cL 47. , Gntte expression antithétique, - tout comme los fol'-
~e» Co scnlîruaut. e~t d'autant plus acccplable que plusieurs thêo- mules paradoxales analogues, la cc ténèbre-lurrlière »,
'
IV0
s; logiens, à la suite da saint. Augustin, rattachcntj à l'cucharlslie le « son)1neil-veille », ou <( la vie-mort 11 - , désigne
lui une grâce parliculière d'intuition (M.-J, Lagrange, ÊPangifo l'tixta.se propren1ênt dito : elle est traditionnelle clepuh;
c$• sew11 Sf,tilll L1œ, coll. Eludos bibliquP.R, 5° é(I., Paris, 1\1111, Philon, auquel Ül'igène l'a ernpruntée.
p. 608-609) et que des oxégolos ,noderués considèrent la /ra,:ti(J
2, p1111is co,nrne le Rigne qui permet la roconnaisi;a11<:fl du Chris!; Hans Lowy èn II fnit 111 preuve définitive {S(Jbria cbru:tas.
58;
les vivant et ressuscité (J, Dupont, Le repas d'En1111ails, <laus U11tcrs11.chungen :ur Geschichte der a11tike11 Mys1ik, Giessen,
L1imièro et Fie 31, 195?, p. 77-92). 19i(I, p. 1•108) cL sos conclusions ont été lioceptées par les
.te.
pi- 2. TRADmON. - La tradition afflrn1o J'or•igine eucharis- pnt.rologues les plus autorisés : J. Daniélou, lJibl,1 et liturgie,
yii- tique de l'oxpéril,nce rnyr;tique. Les contemplatifs p. 247-258; .l'lato11isn1e et th~olQgic mystiq11-e, 2• éd., p. 2711-277,
'Us
et,;.; \V, VOlkor, Gregor Pon Nyssa als !.1.y$t(k~r, Wiesbaden, 1955,
d'autrefois n'ont, pas été en rnesure d'explorer les caté• p. 2-1 2. 215, 274 • 27 8; J, QuasLcn, Sobria ebrieta.s in A,nbrosius
ol- chèses et les liturgies antiques, aussi se sont-lis bot•nés, D i: .~acra,ne11tis, dan11 Misccllaruu, litu.rgica ... L. C. i1Johlberr;,
1p- lorsqu'ils interrogent. lo J)assé, à citer les textes les plus L. 1, Rorne, 1948, p. 117.125,
on réalistes des Pères gr'O<'.S, de saint Cyrille d'Alexandrie

sa surtout, sur l'union réalîséo par la co1n1nunion, tels Si cotte ivre$SO ou fJ'Ul tlon extatique est produite
1st Antoine du Saint-Esprit (Direct()riun1, 1nysticu1n, tract. lie, pa1•fois par la contemplation du Verbe ou la manduca-
ne disp. 5, secL. 1, n. 527, éd. citée, p. 100 et 622-628). tion spirituelle, comme l'enseignen t Origène et l'école
si- qui 1•6sumo d'ailleu1·s 'l'homas de Jésus, et Antoinette d'Alexandrie (I-1. Lewy, Sobria ebrieta.9, p. 113-1 t5),
ut de Jésus t 11178 (.l.a Vie. d~ la mère Antoir1ette de Jésus, elle est causée d'ordinnirll pa1• la communion sacrarnen•
',ns..
Ul' chanoinesse de l'ordre d,1 ,S . .1ittgu11tin, Paris, :1685, p. telle (p. 115-118).
109-112); mais cos allégations ne const.ituent pas une
preuve suffisante, car il n'est pas question dans ces La figure de l'eucharistie, écrit saint Cyprien, est cxp1 hnéc 1

ti- dr•ns les psau1ncs pur Jo Saînt-T~sprit, quand il tait menLion


nd textlls do la connaissance oxp1~rin1entale du Chl'i$L d11 calice du Soigneur;« Votre calice qui enivre est admirable•·
.00 ou du sentinlent de sa p1•ésence qu'in1plique l'union Maiij.,. le calice du Seigneur enivre en ellet dé telle façon qu'il
mystique. Il faut procéder autrernent. laisi;o 111 rniaon; il amène les âmes à la sagossCl splrltu81le; par
1. Les Pères ont considéré lo psaume 22 co1nme lui chacun revient du 1:roclt dea choses profanes à l'intclli-
ifs l'annonce prophétique do l'initiation éhrétienne. Cette gc,,1co d<l.~ chosos do Dlilu ... L'u.age dù sang salutaire et du
le interpréta Li on se i•encon tre chez Origène et saint CHlice du Seigneur bannit lo souvonir du vieil homme, donne
nt Anibroise, Didy1ne d'Alexandrie et sain·t <)régoire de l'oubli de la vie profane et met à l'a!so, on y 1uotta11t la joie
1d Nysse. da la divine bonté, le cœur triste et sombre qu'accablait aupa-
nt ravant lo poids du péché (Ep. 6S, 11, PL 4, 382°888; et
Le ))ienhe11re11x J.Javid, écrit saint Cyrille de J 6rusalo1n, J, Daniélou, Bible et liturgie, p. 249-250; H. Lewy, Sobri11
e, te toit c<>nnnttre hi vr!rl,11 du sacremént de l'eucharistie, en cbriclM, p, 136•146),
S· diRant : • 'l'u nH préparé une table devant mes yeux en face de
0- èeux qui rue pi!rsécutent •· Que déaign~-t-il par là, RinQn la tnl:>le
sacrauienLelle êL splrlluelle qucJ Dieu nous II prêparée?" 'l'u f'lus explicite encore est le té1noignage de Grégoire do
as oint ma Lêle d'huile •· Il a oinL La lêlo sur Jo front p11r la Ny:;se (l-1. Lewy, p. 132-187; J. Daniélou, Plqtonisme .. ,
to sphrctgis de Die11 que t.u as reçue pour que tu dovicnnos c1nprelnL p. 274-277).
à de la .~phragi$, consécruti<>n :\ Dieu. lllt tu vois aussi qu'il est Dans sa 5° If()tn/!lie sur le Cantique clcs Cantiques,
question du calic1i, sur lequel le Christ n dit oprêR avoir rendu il écrit : « La vigne dont il est ici question, c'est celle
grâcos : • ceci csl lo calice de ,non sâng • (Catéchèse 111y.~tafiogique dont« le vin, qui réjouit le cœu1• <le l'hom1ne ))' remplira
~. 7, I'O aa, 1101Rl>•1104a; cf J. Daniélo u, Bible et liturgie, un joui'<< la coupe de la sagesse)) et sera offert aux eonvi-
coll. Lex oran(li 11, l"aria, ·1\Hi't, p. 240). vr.s pal' un appel d'en haut, en vue d'une bonne et sob1•e
4,
tl, Pour ce 1notir, le psaun1e 22 était chanté durant la iv,·esse (.:ti; &yocO·~v x<Xl vl)cpixÀiov ,~é6'1)v). Je veux
ri. nuit pascale et les catéohu1nènes l'app11enâient par cœur parler de cotte ivl'esse qui produit chez les hommes
1n à l'occasion de la traditio. Dans cette perspective exé- l'nx.tase des choses hu,naines à la réalité divine. Pour
r8 gétique los différents vol'sots du psaume reçurent una le rno,nent, la vigne est seulement en fleurs et exhale
es inte1•p1•él.ation typologique distincte; les Pères ,·etr<'lu- une vapeur parfumée, (louce et suave, mêlée à l'E~prit
a- vèrent les sàcrernents du baptême et de confirmation
1it q\ii l'environne » (PG 44, 873ab; analyse da ce texte
dans los v0rsots du d6but., mais « davantage encore les dans ,J. Daniélou, J>latonisme .. , p. 244, 270-27·1 ; et
1
• derniers vel'$els leur paru,·ent uoe figure du banquet Il. L8\VY, p. 133-1 3(1).
..n.' eucharistique )), Les catéchèses sacramentaires, chez Dans la oe J/o,n.élie (989c), comn1entant ces 1nots du
Cyrille do ,) érusalen1 ot (1régoire de Nysse, A1nbroise at. Cantique : « Comedite, p1•opinqui rnei, et inebriamini »,
Théodore de. Mopsoeste, développent ce thèrne. « Si (¼l'é)tOÎl'ê dit enCOI'e : (< Pour ceux qui connaissent les
la table dressée par le pasteur est considérée co1nmo paroles cachées de l'flvangilo, il n'y a pas de différence
fig\1re du l'epas llncha1•ist.iqull, il on llSt bien plus enco,•e entre ce qui 8$t dit ici et la 111yi;tagogie faite là aux dis-
-u ainsi de la " coupe débordante )) ou, con1111e traduisent
les Septi1nte, <( du caliùe eni vra.11 t )> qu'il propose aux
ciples... En ellet, ce à quoi le Verbe invite ici ses arnis,
lü il l'opère par ses actes, puisque d'Ol'dinaire toute
lt siens 11 (J. Daniélou, op. cil., p. 247-248). ùopuis ()ri- ivresse produit une sortie de l'esprit hors do soi sous
gène et Cyprien, Ier; Pèl'llS voient dans « ce calice eni- l'inHuence du vin. 01·, ce qui est une invitai.ion ici, cela
vrant n le symbole pa,· excellence de l'eucharistie et s'est produit alors et continue d'être produit par cotte
B, l'annonce do la g1•:lcc particulière qu'elle confère. Cet di vina no11!'1'ituro et boisson, le changement du 1noins
Ill
elTet propre c'est l'extase 1nystique. bon au ,neilleur et la sortie de l'un à l'autre accompa-

1595 EUCHARISTIE El' EXPÉRIENCE MYSTIQUE 1596


gnant la nourriture et la boisson » (J. Daniélou, p. 244- co1nme une figure des sacrements; ils y découvrent le
245, 271-272; I-J. Lawy, 1>. 1.3/i-135). baptême, la confil'mation et l'eucharistie. C'est par
Ce texte est de haute importance. 19, communion que se réalise l'invitation de l'Époux
« Nous y trouvons rapprochés les deux élérneiltll au banquet de$ noces; là le Bien-Airné donne à l'â1ne
cal'acLéristiques de l'exl;ase: d'une part, olle est en son le baiser de sa bouche ((Jant. 1, 1.). Amhroi$c (De sacra•
fond un transport, une sortie hors de ce que Grégoire rnentis v, 2, 5, PL 1 G, 4.4 7c) et sur Lou t Théodoret do
ll.})polle ici le 1noins l)on et qui est synonyme de terrestre Cyr signalent cet effet spécial de l'eucharistie (J,1 Can•
ou d'Jiu,nain pour pl\sser au ,neilleur, c'est-à-dire au ticum 1, PG 81, 53c). Il existe donc « un rapport effec-
divin. Le vin eucharistique figure cette extase, la pro- tif de l'euchâristio et de la vie n1ystique. L a théologie
priété du vin é~ant. <le produil•e l'ivresse, qui est sortie des sacre,nents rejoint la th6ologio des états mystiques
da soi. Et c'est pourquoi le geste du Christ, tendant ot ouvre aux ârnes chréUennes Jes voies de l'u nion et
aux Apôtres la coupe eucharistique, figure ce qu'il de la divinisation ,, (J. Daniélou, Eucharistie et Ca11-
opéte, c'est-à-di11e une trans(or,nation de l'âme en ziquc des (}antiques, dans Irénikori, t. 23, 'l950, p. 2?7,
Dieu. C'est là un aspect du syrr1bole euchari.':ltique 01'1 et dans Bible et liturgie, p. 280, reprenant une phrase
se réalise pat•faitement la notion du sacrement, c'est-à- de ilL Lot-Dol'odino, citée infra).
1 dire d'un s igne efficace. Mais 1~11 1nl\1no temps l'image 3. Selon les Pères en fin, l'expérience de la dou-
de l'ivresse décrit l'extase psychologique : elle i1npliquo ceur de Dieu, symbol ii;ée d 'ordinair•e par le lai L et Je
1 quo l'esprit est con1mo vaincu (Kexpa:'TT)µtvYj) et e1npo1•lé miel , est norn1alo dans le développerneut de la vie
hors de la vie natul'elle... CeLLe indication serait à rap- intérieure. CeLte perception relève du sens spirituel
procher de nornbreux traits de la vie des saints, où du goô.t. Selon Origène et Gl'égoire de Nysse, elle n'appar-
1 nous voyons l'extase en relation avec la co111nlu1\ion. Ueo t pas au stade élevé de la vie intérieure qu'esL
Nous en aurions ici un des plus anciens t~~1noignages. l'extase, mais à ce degré inférieur qu'est " la. connais-
Il permettrait d'établir la relation spéciale de l'extase sance do Diou dans le miroir de l'âme », néan1noins
et de 1.'euchal'istie e L en gént~ral le caractère sacramentel elle se situe à l'i.nUwieur do la vie mystique (J. Danié •
de la rnystique chrétienne. Or, on sait que c'est un trait lou, Platonisrnc .. , p. 242-245). Or, il existe une liaison
que la mystique orientale ultérieure développera abon- entre l'expérience de lu suavité divine et l'eucharistie,
damment. Qu'il sulllse de citer Diadoque do Photicé' et c< et pat' auite entre l'eucharistie ot la vio mystique •·
Nicolas Cabasilas i, (J. Daniélou, Platonisme .. , p. 271- L os liturgies anciennes l'ont marqué exi>licitement :
272). le chant, exécuté pendant la co111munion à la 1nesse
J.,a 1nêrne doctrine se retrouve chez Grégoire de Nysse solennelle, du Gu;,tate et vitù:lt; q1.1.011iarn suavis Do1ninus
dans sou Honiélie sur l'ascension (PG ~6, 692bc; cf (Ps. 84, 9) se rencontre dès le quatt•iè1ne et le cînquièn1c
J. Daniélou, p. 277; H. L ewy, p. 135-136). Il y retrace s iècle, dans la plupart des grandes église.'i de la chrétien té
les étapes de l'initiation chrétienne d'après le psaume 22. (L. Duchesne, Origine., du culte chrétien, 58 éd., Paris,
Les verts pdturages figurent la catéchèse, l'ombre mor- 1925, passirn). Que les« vieux sainLs » aient joui de cette
telle, le baptôme, qui est ensevelissement dans le Christ; connaissance expérimentale de la suavité divine dans
la table dressée représente l'eucharistie; l'onctio,i d'huile l'eucharistie, il est ditllcilc de l'établir, niais il existe
la Confirmation : chez eux des accents qui ne tro1npent pas (O. Bardy,
• Et ajoutant le vin qui réjouit Je c:n111r da l'ho1111110 1 il En li-sant le11 Pl.:res, 2e éd., Paris, 1933, p. 216-217)
produit d11ns l'ilrne çette sorte d'ivresse, tra1~sporta11t l'esprit et les Actes de sainte Perpétue et de Quartillosa, itnmo-
dès chosês passagères aux oternolles. Celui qui a goüté une lée en Afrique sous Valérien, révèlent des expériences
tollo ivrosse a c1lang6 l'éternel contre l'éphémère, étendant peu communes en rapport avec la ,, coupe de lait li, ·
à do long!! jours son habitation dans la maison du Seigneur •· l'eucharistie, qui leur est apportée. Denys l'Aréopa-
Ce passage est l'un des plus cnrnctorîstiquas. Nous y retrou- gite en appelle précisément à cette expérience fruitive
vons les gro11pementll ordinaires : la sobre ivresse est rapprochée,
pour faire comprendre la grandeur du ,, sacrement de
comrnè Chilz Origène, du vin eucharlstlquo, du vin qui réjouit
le cœur de l'hô1n111Q (l>s. 10a, 15) et enfin de la coupe débor- la réunion ».
dante (l's. 22, 5). Il fait de l'ivre!l-~e, provoquée par le vin Ceux qui par malice ne veulent pas prendre part (1111x 1nys-
eucharistique, Je terme de l'initiation. Comme le dit bièrl Lewy, tùrcs), pas même les rag11rder, no èôlébroronl jan1ais tours bion-
1
• avec la réception du Saint-Sacra,nont, co,n,nonco, d'après faits infinis. Aussi l'Arllopaglte... leur lanco-t-11 un appel
Grégoire, la vie éternelle, dont la ploino béalitudo 110 peut étre inspiré : l'invitation du psaume ... Goatcz et 1•oyc~ combien le
attendu6 que dani; l'étèrnité, 1nals dont la saveur des éléments Saigneur est bon (34, 9) ... et la communion à l'oucharistie
eucharistiques èst, dès ici-bas, dans l'instant de l'extase de la co1n1ne le moyen parfait de parvenir à son in!èlligence. A la
cornrnunion, un avant-got'lt, •fUr die Momente der Konnnu- fin do ce très beau chapitre sur le sacre1ne11t. da la rA1,nion,
nionsokstaso • (J. Daniélou, PlatQnismc.. , p. 277; Bibl~ et!litur- sa contemplation 1nyatiquo s'aehùve on action do grâce è. Diou
~ie, p. 251). et en o:xh.ortation I\UX hornmes do faire l'oxpérlanco de la dou-
ceur du Christ (ll Boule.rand, L'Euch<u-istic d'après le psc™lo·
Ainsi, l'expérience 1nystique, l'extase proprement Denys l'Aréopagite, dans Bullctiri de littérclturc cccl<'si(istiqric,
dite, est explicitement rrlÎse en rapport avec la co1n1nu- t. 59, 1958, p. 169).
nion pa.1• les Pè1•es, lorsqu'ils considèrent l'eucharistie
syrnbolisée par le vin eL le calice enivrant du Soigneur. Si l'on considè1•e cas usages liturgiques et ces faits
Cette doctrine devint à ee point reçue que Jean Chrysos- dans leur contexte théologique, n'eat-H pas rnanlfeste
I tome l'enseigne, sans explication aucune et dans les qu e selon la tradition le sentiment de suavité perçu
ternies les plus siln1,1les (lforn. sur la résurrectio,1 2, à la corn1nunion par les sens spirituels no soit d'ordre
PG 50, 486a; cf J. Daniélou, Biblil et liturgie, p. 251, expériment:.11 et infus et que par suiLe l'euchari,~tie
note 2). ne soit au fond le véritable sacrement mystique?
2. L'influence rnystique do l'eucharistie est encore De toutes ces données, il résulte ind ubitablemenL que
suggérée ot afllrmée par les Pères lorsqu'ils interprétant l'eucharistie a été considérée par l'Église des P ères
certains textos du Cantique des Cantiques. Tout corn,ne un principe d'expériences mystiques aux princi-
comme le psaume 22, lo Cantique leur apparaît pales étapes de la vie unitive. Ce sent1·m ent s'est parti-
i697 TRADI'fION MtDI~~VALE 159
culiè1'e1nent consel'vé dans la 1oystique orientale pos- d'Auxerr0 exercera une lnOuonco notable sur la 1nystlque
t4rieure, qui, avec Diadoque de Photicé, :tvfaxime le eucharistique.
oonfessour, Sy rnéon le nouveau théologien et Nicolas 2. l,e « docteur eucliarlstique » d'alors est Guiard de
Cabasilas, a toujours vu dans l'eucharistie le sacrement Laon, chancelier de l'u niversité de Paris et évêque de •
«qui parfait le chrétien », ot par suite a n1arqué davan- Cambrai (P. C. 13oeron, La c,ic cl les œuc,rcs de Guiard de
tàge « le caractère sacra,nentel de la niystique chr'é- l ,aon., 1110-12r1S, La. lJaye, 1956). En rappol't avec
tienne » (J. Daniélou, Platonisrnc .. , p. 272). ,Tulienne du l\1ont-Cornillon et le mouve1nont euchâris•
H. Urs von l3althasar, K()srni~chc Lit«rgic. M<,xùnus d<?r f.icg1e do Liège, il a i;6digo, pout-être avant 1222, un
1Jel1en1uir, Fribourg-en-Brisg1111, 1.!141; trad. Liturgie con111ù1.ue. De x11 fruct.ibus venerabilis sacranienti, édité en par~ie
ilfaxin1e lo confesseur, coll. Th6ologie 11, Paris, 10~7, p. 21,g_ (p. 820-327), et divers textes sur le même thème (p. 111 ·
253, - N. Cabasilas, Explication de la diviflc liturgui, inlrod.
par S. Sainville, coll. Sources chrétiennes, Paris, 1943 p. 22, 118, 2:11-235, 242-259). Lorsqu'il décrit « le quatl'iéme
l.2-G1. - M. Lot-Jlorodine, l 11itiatio11 à lei 111-y~tiq«t! sr1cra1ncn- ternaire d e fruits» que produit la co1111nunion, il admet
taire de t'Orie11t, dans Rr.(11,e tl,,.~ Rr~ienr.es r,hilnsophiqu.es èl théo- que l'ù11charistie, à cause de ses trois éléments, le corps,
logiq11.cs, l. 21,, 1953, p. GGl, .(j75; utc. l'ârne ti t la diviniLé du Christ., procu,·e à t< l'â1ne ravie
et dévote » u ne triple puissance fruitive : (< le go(lt de
3. THÉOl.OOIENS ET CONTEMPLA.TIFS l'im1nortalité parfaite, le sentiment de la sainteté
Au cours de la tradition, théologiens et conte1nplatifs pat·fail.e, la dégustation de la suavité parfaite» (p. 324).
ont fréquemment affirmé le rôle de l'eucharistie dans Il est uisé de reconnaître dans ce goût de la suavité par-
la vie mystique, notamment dans les hauts états de faite uno expérience d'ordre mystique. Cette jouissance
l'extase et du ,nariage spiriluel. Leurs té1noignages en elTe t st1 présente co1n1ne une participation à la frui-
établissent, à n'en pas douter, que cette doctrine fait tion glo1·ieuse dont Dieu jouit dans la contemplation
partie intégrante do Ja théologie mystique tradition - do son ~tre, à la vision béatifique du Christ dès l'instant
nelle. On notera ici les principaux, de l'incarnation et au transport dont ful'ent gratifiés
1. MOYEN ACE. - La théologie et la piélé eucha1·istiques
les apüt.res au Thabor (p. 326); elle est accordée à ceux
s'étaient ti•ès développées dans le haut moyen âge (cf qui sont experts dans la voie de l'a1nour ot la reçoivent
chap. suivant: Dévotion eucharistique). l);n mô1ne te1nps, d'e,p lun1t gl'atuitement; le rejaillissement de cette
sous l'influence de saint A11seln1e, de saint Bernard perception amoureuse sur les puissances inférieures
et de Ouillaumo do $aint-'l'h1erry, la théologie des est cl'e:;sence extatique. Ainsi le fl'uit le plus haut de la
sens spirituels s'était élaborée et avait pénétré dans co1111nuuion est une expérience mylltique qui annonce
les spéculations dévotes (K. Rahner, La doctrine des la béatitude de l'au-delà, au sentiment de Guiard ùe
sens .9piritucls au rn(Jycn dgc, en particulier chez saint Laon.
Bona11enture, RAM, t. 1'l, 1933, p. 263-299). 8. Saint Bonaventure t 1274 a traité avec une
1. Par la suite, au début du 1ao siècle, Guillaume singulière onction des elîets de l'eucha.rJstie et de la
d'Auxerre t 1231 découvrit un rappo1't profond entre messe, notamment dans son De sa11ctissimo corpore
l'eucharistie et les sens inlérieurs : l'in,~tituUon de Chrii,ti, composé lors de l'institution de la Fête-Dieu
l'eucharistie est légitime du fait, entre autres motifs, (Opera, t. 5, Quaracchi, 1891, p. 553-566). Sa spiri-
qu'elle permet l'exercice des sens spirituels ou l'expé- tualité eucl1aristique a attiré l'attention des médié-
rience mystique. vistes (F. X. Kattum, DÜJ EucharÎ$tielehre des hl. Bona-
Sumrr1a artrea, Paris, 1500, lib. 4 Do sacran;ientis, vcnturct, Munich-Freisingen, 1920, p. 173-188; :i;;, Long-
tract. 5, c. 1, r, 16bc: « De isto autenl pane verissilne pré, 1-'ertcharistie et l'union mystique selon la spiri-
dicitur quod l1abet 01nne delectarnentum in se; delectat tualité franciscaine, RAM, t, 25, 1949, p. 306-333) : Il
onim visum spiritualom por pulcritudinom (Pli. lt4, 3) ... importe d'observer d'abord que, selon Bonaventure,
Delectat auditum spil'itua.le,n per melodian1 (Ps. 89, 9) .. . l'euchHi'istle esL assilnilée directement. à l'amour qui
Delectat olfactum spirituale1n per odorem (Gant. 1, 3) .. . unit à Dieu (1v Sent., d, 8, p. 1, dub. 2, Opera, t. '-,
Deloctat gustum spiritualem per dulcedincm (ibidc,n) ... 1889, p. 188) et par suite fait percevoir le Christ immolé
Delectat tacl:um spil•itualem per suavita.tem (Ps. 31,, 9) ... dans l'hostie, non pas do loin, mais de près, concrète•
Delectat ut divitiae, quia in co omnes thesauri sàpien- rnent (1v Sent., d. 12, p. 2, a.1, q.1, p. 290b : « non quasi
tia.e et scion tîa.e sun t ab$condi tî (Col. 8, 3) ... ». En speculatione sed quadam experientia »), et enfin que
outre, Guillaun1e se souvient de la théorie de la sobria l'e:x:pé1·ience mystique n'est autro quo la connaissance
ebrietas, lorsqu'il décrit les similitudes qui existent expérirnentale de Dieu, le goOt de la suavité divine
entre le vin et le pr•écieux. sang : « Quia aicut vinum sous l'influence du don de sagesse (111 Sent., d. 35, a. 1,
Iaetificat, ita sanguis Christi laetificat et ùiebriat bona q. 1, t. 3, 1887, p. 77'1; et ad 5, p. 775; cf fl. Longpré,
ebrietate; 1.1nde : Calix: mo1.1$ inebrians quam praecla- loco cil., p. 310-318).
rus est >> (!. 16c), Bon.l.ven'Lul'e, p1•enant comme point de départ les
Le rappel du cali:r i11ebria11s se lit aussi èhëz P ierre Lorub~d, six grandes figures eucl1aristlques de l'ancien 'festa-
1v Sent.., d. s , c. 6-7, t. 2, Quaracchi, 1916, p. 792, ol lo pseudo- ment llxées par la tradition (De corpore Christi, n. 2,
Hugues do Saint-Victo1•, Su.nima Scntcntic1rum 6, 3, PL 176, t. 5, p. 55/a), expose que sous ces aspects et sous toutes
189·1.ltO. ces représentations l'eucharistie se révèle le grand sacre-
Ces textes furent reproduit.~ par Herbert, d'Auxerre t 1259, ment do l'oxpérience mystique. Comme le symbolise
dans su Sum.,na al>breviata Gutli.eln1i Altissiodorensi.s [t 123t] d'abOl'<I la graisse des vict.imes qui attise la flamme de
(Paris, Bibl. Nat., tonds latin, ,ns 3427). Dle,t qu'il so récla,ne l'holocauste, l'eucharistie produit le l'avissement on
do Gl'égoirc le Grand, Raoul do Biberach (·I· vers 1350) sernble Dieu et fait éclater l'esprit en jubilation (n. 5-6, p. 555-
connattre la Su,nm<i (cf De scplcrri iti11cribus actcr11it1ttis v,,
dist. 6, dans Opera 011111ia S. Bo11ac,e11trlrae, (ld. A.-C. Peltier, 556 : « Sic corpus Christi, cum animam roploverit pin-
t. 8, P11ris, 1866, p. 460). Denys le chartreux t 11,71 reproduit guetudine devotionis, eructat exterius in labiis ea;v,l-
à la letlro Ouilla,no (1v Sent., d , 8, q. li, dans Opera oninia, tati(Jr1i.~ ))). Si l'on considère l'eucharistie sous la figure
t. 24, Tournai, 1904, p, 211). Par cetto voie, Guillaurne du pain qui soutient le prophète dans son voyage vors

1599 EUCHARISTIE E'l' EXPÉRIENCE MYS'fIQTJE 1.600


le mont floreb, son efficacité paraît plus grande encor,! : p. 228-248). Il faut sans cesse conte1nplel' ce sacrement
" Elle fortifie l'action; elle soul(lve jusqu'à l a contern• 11 \It homo fldelis nihil aliud gaudeat seire nec habere •
plation et dispose aux 1•1~vélaLions divines; elle cmbraso (p. 224); rien de plus haut que ce mystère (p. 229 :
l'ârne du rnépris du rnon<l\l et du désir des biens étr.i r- (( Est in culmine majestatis ot gloriae a tque in pleni-
nels •l (n, 13, p. 55?). L'I-Iorob et le Sinaï syrnbolisent t udine salutis et in fine pulctitudinis )); cf Opus terti1ini,
en effet constarnmen t chei Bonaventure et les mvsti- ,. Fragrnent inédit, éd. P . Duhem, Q\1aracchi, 1909,
ques du ,noyeri âge la haute con tornplation de Jl,Ioïg~ p. 1 ?8). Si le Christ est voilé sous les espèces, en voici
et d'Êlie (n. 14, p. 558) : la raison : « Nam sustinere sensibiliter majestatem non
• EL perPenit ad 1no11te11, J)r.i, in quo nolalur sublovat.io possemus -sed deficeremus penit.us prop ter reverentia111
1nonlis ad coclcstla, EL ibi apparuit ei fl<i111inus, quia ex lune et devotionem et admira tionern ... Et hoc probamus
datur anin10.e aclus conlcrnplalionis. Apparuit ei aute n1 ;,, per experientiam. ·Narn illi qui exercitant so in ftde et.
/la1,u11a igni,9. lgnis ho.bel calefaccro et illun1inar0 ad signill-
candum quod, qu11ndo 11nima pervenit ad gralia1n cont01n- amore istius sacramenti, non possunt sustinere devo•
platio11is, ilt intellectus haurit. lumen cogitationls ol a lTocLus tionern, quae ex piu•a flde nascitur, quin defluant in
incondlun1 cliloclionis •· Cf Con11nm1t. i11 e1•<u1g. (,"c<1c, c, \/, lacrimas, ot dulcedine devotionis tôtaliter liqu.e:;c,~t
n. ~6. t. 7, p. 231 : CollC1,tiones in llexae111ero11 1, n, 32, t.. li, 11,ni1nU1J s11,per se elevtttus, nesciens 11,bi sit nec de quibus »
p. 33li; 2, 11. 38, p. 31,2, et, 9, n, 11, p. 3?4; Scnno 2 in do111 . 2 (p, 231-232), ·
AdPe11t11s, l. ~. p. t,8. A la n1ô1ne époque, le chartreux Guigues du Pont
C'est donc à l'expérience n1ystique la plus privi t 1297 rappelle a ussi le rôle de l'eucharistie dans la vie
légiée qu'est ordonnée l'<,n1chal'is t.ie (De corpore, 11, 15, 1nystique (De eonternplatione, 1279 /1285), La contem•
p. 558). Dans ce transport, où elle voit la beauté et plation infuse qui cherche Dieu, per speeulum dioina-
l'infini de Dieu, l'âme ne souhrito p lus , i,n o,,;iio spelu.n• rum infusion1un, présente trois degr6s, dont le dernie1•,
éae, q\Hl la so1·tie de ce monde et l'éternité (n. 16, p. 558). 1'i11vc11ier1s conte,n.platio, correspond à l'excessus mentis.
Il n'en est pas autrement si l'on considère l'eucha1•is- Dix voies rnènent à la vision ou _c ontemplation de Dieu.
tie sous le symbole du miel (1 .Roi$ <i , 27). Le corps d u La cinquième est la communion eucharistique : véri-
Ch1•ist purifie l'intuition du cœur, illumine l'esprit; table saisie de Dieu, supérieure à celle que procure la
qui s'en approche avec ferveur et dévot.ion progresso foi ou 1n ême la vue du Verbe incarné, mals inférieure
en lumière. ce qui dispose directement à la contempla- aux ascensions anagogiques, a u rap t ou à l'extase, où
tion (n. 17, p. 558; n. 21, p. 559-560.); à la manière du se réalise la vision immédiate do l'essence divino
miel, l'eucharistie délecte le gofl t intérieur (n. 1? , (J .-P. Grausexn, Le De conternplationu d,1,1, chartreu:i:
p. 558); plus on y accède dignement, plus la délecta- Guigues dit Pont, ltAM, t. 10, 1929, p. 259-289;
tion ou la dégustation croît sous l'action du don de cf J. Maréchal, É tudes s1tr la psychologie des niystiqucs,
sagesse (n. 23,-p. 560); olle provoque la suspension dos t. 2, B1•uxelles-Paris, 193?, p. 279).
puissances, la mort mys tique (n, 25, p, 560; cr Itinera- La bienheureuse .,<1ngùle df; .Foligno t 1309, au contact
rium n1.e11tis in. Deu1n., c, 7, n. 6, t. 5, p. 313b). L'eucha- de l'hostîe, expél'hnente l'i11enarrabile senti11ie11turn Dei
ristie est encore figurée par l'agneau pasC'.al, A condition ( le lù1re de l'expérience des vrai,s 'fidèles, éd. M.-J. Ferr•é,
d'apport.01• les d ispositions intérieurei; que syn1bolise11t Pari,;, 1927, sect, 64, p . 134). Comme l'a observé J . Maré-
les prescl'Ïptions lég,des, celui qui mange le corps du chal (loco cit., t. 2, p . 293), l'une de ses visions intellec-
Christ et boit son sang fait la Pâque mystique (n. 28, t\1elles de la Trinité dans la ténèbre insondable se passe
p. 562; cf .ltinerarùan 1nenti,~ in Deiun, c. 7, n. 6, p. 31 :J, à l'.'tpprocho de la co1n1nunion (aect, 78-81, p. 163-169).
et 11. 2, p. 812). Au sentin1ent do saint Bonaventure, A l'élévation de l'hostie, l'envol extatique lui survient
l'eucharistie ei;t normalen1ent la voie aacra 1nen telle fréque,nrnent (sect. 50 et 185, p. 90.-95, 290-299).
de l'union rnystiq ue jusqu'aux expériences les plus Par allusion à Emmatls ot à la fraction du pain, Angèle
élevées; l'autre voie qui conduit(<à la paix et aux ravi~- se plaît à appeler Pèlerin le Christ qui se manifeste
sements extatiques <le la sagesse chrétienne n'est aot.r·e dans l'onction et par l'étreinte (sect. 88-88, p. 169-1 ?7).
que la médilation et l'arden te contemplation du Cru- 5. Selon Raoul de Biberaoh (t vers 1.350) (De
cifié » (ltinerari 1irn, prologue, n. a, p. 295). scptcrn i.tincribu.~ acternitatù1_, loco cit,; cf É. Longpré,
~. On doit à Roger Bacon "t , 1294 •< une des plus L'euchu.ristie et l'union mystiquc, p. i:122-32?), sept routes
belles pages qui ait é té écrite au moyen âge sui• le sac1·1)- conduisent à la contemplation béatifique du Verbe
ment de l'eucharistie, la plus touchante peut-êl.l'e Éternel, dans et par son Jlumanité. La voie la plus
avant l' I niitation » (É, Gilson, Les rnétarnorphüses de let élevée, qui p1•écède !a fruition de là vision béatifiquo,
cité de Dieu, })aris-Louvain, 1952, p. 87, note 1 ). est l'expérience savoureuse do l'eucharistie (vr, d ist.1-7,
Résu1nant la théologie de Roger Bacon d'après les p. 464-478). La, grâce d'expérin1ente1· le Christ est la
écrits jusqu'alors édités (Opus rnajus, éd. ,1. H. Bridges, frui.t dis tinctif de l'eucharistie (dist. 5, p. 467b : <c Jesua
t. 2, Londres, 1900, p. 396-',03; Opus tertiu,n, éd. J. S. in sacrarnento est verus cibus et vere gustahilis, ut
Brewer, Londres, 1859, p. 145-148, etc}, Raoul Carton per gustum corporis ojus perveniatur ad gustum divi-
pouvait écrire : 1, L'eucharistie nous déifie et nous chris- nitatis ejus »). Dans ce sacrernent, le Sttuveur est la voie
tifle, et pa1·ce qu'elle nous édifie ainsi en Dieu et un d'accès à la saisie expérimentale de la Divinité (p. 11.67·
son Christ, elle favorise rnerveilleusement les vues de 468b: "Ego su,n ostiiun intellectui per fidern perfectan1
la conte1nplation ... L'eucharistie est Ja grande ))O\Jl'· reseratuni... Ego surn ostiurn voluntati, per .charita-
voyeuse des illnniinaLlons spil•i Lo elles e t des ilh11nin,1- te n1 fervidarn apertum, gustatum ot inhabitatu1n »).
tions les plus parfaitei; de toutes, celles de l'ext,\se » Qui mange le corps du Christ lui est incorporé; il l'atteint
(L'expérience rnystiquc de l' itlrunination intérieure chez et l'expori1nente (p. t..68h). Pa1•ce quo l'oucha.ristio
Roger Baoon, Patis, 'I 02 1,, p. 288). est le pain supersubstantiel qui contient toute suavité
Ces thèses se retro uvent dans le traité du sacrernerit et que le goût est le 1nodo le pins élevé de saisir Dieu,
de l'autel, qui tel'rnine la 4e partie de la Philüsophic la connaissance expérimentale atteint ici son plus haut
1nora.le (Moralis philosophia, éd, E. Massa, Zul'ich, 195a, degré ; tous les sens spirituels sont affectés par la grâce
i601 , TRADITION M~DIÉVALE 1602
eucharistique (dist. 6, p. 468-~72); tous concourent Il 'fhél'y-Corin, t. 2, Paris, 1930, p. 102-114'), il reconnaît,
la perception du Christ, mais l'embrasement mystique qu'il est' possible d'expérimenter la r.ichesse de l'eucha-
jusqu'à l'extase s'obtient par lo·tact et plus encore par ristie et parfois même de l'atteindre par l'acte qu'il
Je gpftt intérieur dans les flammes de l'amo\1r (ibidem). appnllo l'essence do l'âme et qui n'est autre que !'intel .-
D,u coup, l'âme est disposée à ei:tendre l'appel divin Ject dans sa fonction supérieure ; l'intuition.
que ie Christ lui adresse par les mots du Cantique (2, 1 O): On trouve malheureusement beaucoup de gens, aux 11.pp11•
$1.trg(I, pr_opcra, arnica rnea, et qui l'invite à la vision rencûs religieuses,- qui ... demeurant totalement en eux-nrèmes,
béatifique, ter,ne de l'oxpérience eucharistique (dist,. 7, danR la vie de sensibilité et la diversité des exercices.. , ne peu-
p. 472 : (< Ad rnearn experimentale,n cohabit;itionem, vent rien 8(1Voir, eux, de cette riéhesse, ni got'lter et exp_érlmen•
ad experientiae tuae consumffi:ationern »). La route ve1'S ter ùfl noble et préèleux trésor, pQl'CC qu'ils ne pouvont rien
oprouvor quo r>ar 1naniè1·e d'in1pressions sensibles. Quant à
!'Horeb éternel est assurée : l'expérience mystique donL celui qui veut expérimenter, en vérité, cette indicible et lnçon-
' jouissent les Il.rues aux sen,s spi1•i tuels exercés dans la ccv'able noblesse, il doit se tenir détaché de tout; passif, uni-
sainte çommunion (dist. 4, p. 466; dist. 6, p. 471b-r.72) fié et intériorisé (p. 104-105).
s'achève « dans l'expérience plénière de l'éternité ».
Cette synthèse de Raoul de Biberach, grâce au prestige Les sermons authentiques de Tauler paraissent avoir
de saint Bonaventure, a exercé une influence considé- été moiris utilisés que les Institutions (Œu"res complètes,
rable dans l'école franciscaine et au-delà, notamment trad. E.-P. Noël, t. 8, Paris, 1913, ch. 89, p. 875-396;
auprès des théologiens carmes (Philippe de la Trinité, cf Philippe de la 'l'rlnlté, op. cit., p, 448, et t. 3, p. 863-
Summâ tkeolôgia.e rnysticae, p. 3, tract. 8, dise. 2, a1•t. 6, 36(,.). Cotte œuvre reflète les milieux dominicains et
Lyon, 1656, p. ,,,,7, et t. 8, Paris, 1874, p. 859-860; 1aên1e, d'après Surins, le chapit~e 89 serait d'Eckpart
cf É: Longpré, L'eucharisti(1 et l'union rnystique, p. 827• (p. 375). D'après les ln6tit1,1,tionll, l'eucharistie élève
328). . l'âme au-dessus de tout ce qui n'est pas Dieu,« l'entraine
Dorothée de Montau t 189~ atteste non moins expli- jusqu'à la douceur de sa propre divinité » et « supprime
citement le rôle mystique de l'eucharistie dans ses en n1iime temps tout ce qui pourrait, s'opposer à la
communications écrites par son directeur, Jean de conh11npJation do la vérité divine et à la jouissance
Marlenwerder (DS, t. 3, col. 16tV,-1668). Elle a connu de lu. suavité divine » (3" fruit, p. 880). Au son1met
et décrit une variété extraordinah'e d'expériences eucha- ("12c fruit, p. 395), la communion produit une union
ristiques, dans des termes spéciaux qu'elle définit inl!éparable avec Dieu, « sorte d'avant-goilt ineffable
(Septi-lilium, tracL. ,8 De eucha,ri.stia, c. 7-8, éd. F. Hipler, do toute cette béatitude dont l'âme jouirà toujours au-
dans Analecta bolla11dia11a, t. 8, 188,., p. ,.18-1,28). dessus do tout rnode et de tout temps dans cette
Ces expériences sont simples · ou cornplexes, selon que union bienheureuse avec Dieu ».
l'Ame éprot~ve un ou plusieurs effets qe l'eucharistie 7. Avéc Jean <lerson t 14'29, la théologie spiri-
(c. 12-18, p. 427-4.34.; cf A. Olbrisch, Di.e !Jedeutung tuollc qui se plaît à unir contemplation et vie eucbaris-
von Busssakrarn.ent und Eucharistie itn Voll1on1,n1enlwits- tiqu n atteint un sommet (cf A. Suquia Guicoochea,
strebtn der .~el. Dorothea "on Montau, Rome, 1941). La santa misa en la cspiritttalidad de san I g11acio de
Après la communion, Dorothée expérimente l'union J.,oyula, Madrid, 1950, p. 99-103). Sans doute, Gerson
transformante (c. 27, p. 4116); parfois dans des touches a-t-il connu les œuvres de Bonaventure et de l'taoul de
rapides du Seigneur qu'elle range dans la série des Biberach, et a-t-il utilisé parfois explicitement Guil-
visites déiflques, elle jouit de l'ivresse mystique, comme laun1e d'Auvergne qui a effleuré le thème (De rlietorica
si elle était déjà parvenue au ciel (c. 22, p. 441); souvent divina, c. 33-84, dans Opera omnia, t. 1, Pari.s, 1674,
la faveur du rapt lui est accordée (c. 19, p. 488-4'39). p. 372-373; DfJ 11acrarne11tis. De sacrarnento eucharistiae,
Aussi Jean de Marienwe1•de1· peut-il conclure:" Dominus c. 7, p. 449), rnais il a développé sa pensée selon ses
locutus fuit tune animae, non per verbum exterius conceptions mystiques et dans certaines perspectives
sonans, sed interiora penetrans, nec per formum in1a- dionysiennes (L. Salo1nbier, DTC, t. 6, 1914, col. 1321,.
ginarian1 se ostendit, prout alias aliquando fuit, sed 1826; A. Combes, Jean Gerson, commentateur dionysien,
sine omni effigie se praesentavit aninlae, cujus faciem Paris, 191,0, p. 219). Selon ll)_i, l'eucha1·istio est par excel-
laetitlcavit coelesti munere, et variavit gustum suae lence la voie qui mène à la <( théologie rny$tique », c'est-
praesentiae persuavem juxta suam dîgnationem et à-diro « à la perception expérimentale de Dieu » et au
desideriorum anirnae qualitate,n >> (c. 27, p. 4li8). ravissemon t spirituel ( lJuperment<Ilis cxcessus). « Per
De tels textes éclairent singulièrernent la 1nystique mJ.iu,1 tamen sacrae cornrnunionis frequentationem super
eucharistique du moyen âge, oninùi fit homo de11otus et habilis ad theologiam mysticam,
6. Les grands xnysUques de l'ordre de saint Domi- si vitam et mores huic r;alutifero sacramento confor-
nique, notamment Jean Tauler t 1361 et 1-Ienri Suso marr. non ornitt.at » (De rnystica theologia et ejWJ èlucida-
t 1865, ùnt marqué le rôle de l'ouchil.ristio dans la vie tione, consid. 10, Opera omnia, éd. E. du Pin, t. 3,
chrétienne (l{. Boeckl,Die Eu.charistielehre der deutschen Anvers, 1706, col. 426).
Mystiker des Mittclaltcrs, Munich, 1928, p. 74-122; Cn rôle prééminent de l'eucharist.ie dans la vie mys-
J. Ancelet-1-Iustache, l.A Jl. flenri SuHo. Œu"rcs, Paris, tiqu1.!, Gerson ne cessa jamais do le proclamer. Ainsi
191,3, p. 418-482; Eckhart, Traités et Sermons, introd. dans le De su,9ceptione hunianitatis Christi (Opera, t. 1,
par 1\,f. de Qandillao, Paris, 1942, p. 51-54); en général col. 1,54 : <( Susceptio talis mystica nutritur ma:,;im(J et
ils ne signalent pas son 'i nlh1ence pr•oprement my~tique. roboratur per susceptionem dign?,m benedictae eucha-
Néanmoins dans lès cloitres des moniales dominicaines. ristiao sac1•a1nenti >•); de même dans les Notulae super
les ~anifostations eucharistiques àbondent (J. Ancelet- quae,lam verba D'ionysii, qui reflètent sa pensée : « super
Hustache, l,e8 Vit<Ie sororitm d' U rtterlinden, dans Archi- ornnia ju"<lt nos ad sursum elevationexn » (A. Combes,
"es d'histoire doctri,1ale et littéraire du nunJen âge; t. 5, loco cil., p. 2-t 9). Par suite, le chancelier ne se borne pas à
Paris, 1931, p. 852-853, 858, 382, 391, 398, 442-444,). De traite,· souvent des effets habituels de la communion
plus, ;Jean 'l'auler est explicite dans ses sermons sur le (Tractatus ad digne 11uscipiendum Corpus Dominicum.,
Saint-Sacrement. Au 3° (Sermons, t.rad. J-tugueny- t. 2, col. 312-314) ou à s!gpaler les phénomènes mysti-
»1cr10NNA1n11 1)11 SPIRITUALITF., - T, IV,
, 51
1'

1603 ElJCHARISTIE E'f EXJ>É•R IENCE MYSTIQUE 1604


ques. qu'elle oècasJonne ,parfoh1 (t. S, col. 1241, 1289d, Josu. Unde talis comparatur olloctus, taus rofocUo, talls dor-
1291d; t. 4, col. 417, etc). Dans un de ses sermons du mitio, quics te.lis in pace in idipsum (Ps. 4, 9) (col. 406-408).
jeudi saint (L. 3, col. 113 11-·11 1,2), il décrit l'itinéraire Ces expériences eucharistiques, la Vierge, « Mère
eucharistique par lequel l'âme passe de ce monde au de _l'eucharistie » (col. 418a), les a éprouvées au degré
Père (Jean 13, 1). Il faut se poser d'abord sur la pierre éminent (col. 898bc); selon Gerson, sa contemplation
qui ~st .le Christ au Saint-Sacr,e1nent, car.seul îl est la eucharistique fut sans égale (col. '118-'129); aussi a-t-elle
voie et le viatique (col. 1135); la Coi au Christ crucifié 1•eçu les douze fruits de l'eucharistie et expérimenté
présent dans l'hostie est le premier appui (Gerson l'union et le .sommeil mystique (col. 429c-446b). Le
insiste- sur ce point, comme Bonaventure, col. 1136); chancelier a écrit sur ce thème des pages délicieuses
le second est l'amour qui transcende la connaissance que des écrivains se sont plu à reproduire (vg Bernar•
et cause l'union n1ysti<rue (col. 1189) : din de Paris, La communion de Marie, Mère de Dieu,
Att\l.men pes an1oriil dflxter subli1nlus sompor 0xtondi potosL rece1,ant le corps de son propre fi,l.s en l' Eucharistie, Paris,
pro hac vita quam sinislor. liacc est thoologla n1ystlca, id est 1672).
ocoulla; haec sclenlia proprla catholicorum, hoc manna abscon• Il est de la plus haute importance d'observer l'accord
ditum, hic calculus in quo est nomen novum quod nemo
novit nisi qui accipit (Apoa. 2, 7), 1'1aac a1nbulalio ad Dourn, doctrinal des plus grands représentants de la théolo-
ox0rnplo Moysl 111 1nonlo ol divina caliglne, quac ambulatio gie contemplative, Bonaventure et Gerson, sur le rôle
me.gis potcst suo.dori qua1n doceri. Ita enim monuit Prophota : éminent de l'eucharistie dans la vie mystique.
Gu$tatc et '1i<ktc (Ps. 33, 9), ac si pro re noatra dicèretur: vadite A côté de J ean Gerson ou après lui, il n'est pas san$
et videte, nai:n q1_1orsui:n et quousque valéât attillgèr8 r,es 1.11no- intérêt de signaler Mathias de Janow t 1393 (Regulae
ris, solo oµnùi experimento cognosciLur. <Jeteris et noCJi Testamenti, éd. V. I{ybal, t. 1, Innsbruck,
Cette doctrine se renconll'e aussi ·dans deux. opuscules 1.908, tract. 2), Tienri de Ht1rp t 1'k60 (TheowgÎ<L mystica,
célèbres de Gerson, l'Anagogicu,n. de vcrbo et hy,nno liv. 1, c. 87, Rome, 1586, p. 218-220), qui repl'oduit en
gloriae (l. , 4, col. 5~1t1c-5t,,5a) et le Sympsalma super partie Raoul do Biberach, ot surtout Denys la chartreua;
Cantica canticoru,n, où l'ébriété mystique est mise en t 11.71,
rapport avoc l'eucharistie ot le dernier discours de la cène 8. Denys le ohartreux, le (< docteur extatique ~,
(t. ~, col. 53-54). 11 faut inte1•roger surtollt son 7'ractat"9 a rédig6 six sermons sur l'eucharistie (Opera, t. 85,
super Magnificat (t. tJ, col. 229-512). Dès le t1•aité 2, Tournai, 1908, p. 455-4?6), destinés à Mechlilde de
Oel'l!on observe que l'o11culum sacramentale provoque Nimègue et à d'autres extatiques de son temps. Pour lui,
l'union mystique (col. 252) : « Felix anima... (quao) Jo Saint-Sacreinent est le~ sacramcntum maximae spiri-
rost esum et potum inebriantis et laetilicantis et confor- Lualitatls » (p. 470a); il exerce tous les sens s pirituels
ta.ntis praeclarissiini hujus sacramenti, hujus bene- (ln xv Sent., d. 8, q. S, t. 24, 190t1, p. 211-212). Dans
dicti fructus virginei, potest ex l!ententia dicere : l'hostie, le Christ se communique dans la plénitude de
Sub umbra ill_ius que,n desiderabam sedi (Gant. 2, 13) la lumière et avec les ardeu1·s extatiques de l'amour,
per otiurn conten1plativae quielis ». Au traité 9, lors- s'il ne rencontre pas d'obstacle :
qu'il établit. quo l'eucharistie rassasie les affamés Sic igitur ingrediens Christ~ ln te coenablt tecu111 (Apoc. 3,
{Luc 1, 53), il décrit longuement les expériences eucha- 20), etlan1 anto prandium, ot soipsum proponot tlbi in toreulum
ristiques, en utilisant les textes du Cantique que citent dicens : Comcdo, an1l00, ot bibe, et inebrinro, Clll'is.~ime (Ca11t.
5, 1); comede panem hune vitae et intellectus, degusta et vide
d'ordinah•e les mystiques. Gorson a expérimenté la quam dulcis sum ego. Nullus corruptibilia cibus ita delectat,
sobria ebrietas que cause l'eucharistie. confortat, impinguat, extendit carnem rnort1.1lem, que1nad-
Dedit nobi-'i panem da çoelo ver\1m aul.> ni:nhraculo s11.cro• 1nodu1n cont01nplatio, degustatio .et interna ista refectlo
llll.ncti euchariatiae i,acramenti, dedit et nobis ahunùe 0111nia sapientiao, quao est Christus, .lldoüssimam animdm immor•
aù frueùdu,11 ill hoc benedicto fructu vontrls lui, o benodiclis.• talen1. Porro ex istajam_luoida intuitione Sapientiae aeternalis,
sin1a Coeminnru,n I Fas tibi est, o anhna mon, ras gloriari et protinus vehementer acoendetur ni:nore ip3iu,~ tuus affectus,
ex toto diccre : Sub umbra illiu,s quem dcsùlcraba,n 1Jadi et /rue· nt tune vère deifice ac supernaturaliter in Christum mutaberis
tus cjus dulcis gutturi mco (Ca,11 . 2, 3)... Ecce s,;b umbra isti,;s ... Apex menlîs prorsus 11bsorbetur atq ue demergilur in ipsam
aedes, aub RacrÎ.lJ eucharistiaa syrnbolis; os aperi par avidita- deitatls nbyssun1 ... (469a).
tom dèvotionis, et attrahe spiritum charitatis; dilata os tr,um
(Ps. 80, 11) por dosldol'ii rorvorcm; ipso s0C11ndurn promlssum
Qu'il en soit ainsi, il n'y à pas lieu d'en douter; l'hagio-
suum hnploblt lllud ... ~it purum, sanctum, nllldius oleo laeti- graphie le démontre, ru;sure Denys (p. 469b). Aussi
tiae guttur tuum, ait vinum optimum, dignum dilecto ad biben- blâ1ne-l-il les confesseurs qui écartent les laïques de
dui:n et labiis illius et dentibw, ad rurninandun1. Jixperieris la communion fl'équente (Ser,no 5, p. 470, 472, 474) .
certe vici$si1udineni Dilecti, quia dulcis est gutturi tuo fruct11s Aux â.1nes éprises de l'eucharistie, ot souvent extatiques,
ejus (Gant. 2, 3) ... Sede vacans libl et sibl soli. Senties, affirniu, il raut au cont1·aire en faciliter l'accès (p. 475a : « Prae-
quid sapiat vorbum illud : Et frr,ctus illius dr,lcis guttr,ri 1ne11, veniuntur a Spiritu Sancto.. , abstrahuntur et alienan-
Oustabis !taque, o anima n1ea, quonian1 auavis est Domlnus · tur a se ipsis et rapiuntur in Deum, tamque vehementer
gustabis bonun1 verhum ejua et virtutel! futuri Raeculi; credo;
Sapientîae ùe se ilh1 praeconizanti (E'ccli, 21,, 27) : Spiritu.s intentae et suspensae sunt in eum, quod aliud ni!
meus sriper nwl d 11lcis et hereditas ,nea super mal et favuni .. . advcrt.unt nisi ipsum ot illa quao ipsis ostenduntur
Securo sede sub umbro. so.crorum oucharistio.e volaminu,n. el quae ipsae vident in spirilu ...»).
E1cparlcris s<,nc gratulabundaque oantabis : Et fructu11 cjus dr,l• La plupart des auteurs qui ont traité des rapports
c~s ~utturi n1eo ... En ips6 eat vitii; vera, cujuij vinum generat de l'eucharistie avec l'exp6rienco mystique se réfèrent
Ytrg1nes, nec solu111-{:éllùl'Ql scd inipro.ognat. Dot lpsè vinun1 aux tex tes de Deoy.s, tels Tho1nas de Jésus, Antoine du
illud, dot blboro sobri<1-m ebricta~om splritus. / ntroducat ,ne in Saint-Esprit, Philippe de la Trinité et André de la Gua-
ccllam '1inc,riani ... Ecce jam fructun1 edere non quaeris· suaven1 deloupe. Lorsqu'il décrit « la parfaite union de l'âme
gutturi tuo, non cellam vinariai:n introire, non tulciri fioribus
non stip1;1ri malis, sed cota in totu1n lapaa el collapaa, tota complé.o:~ a.vec Dieu dans le Saint-Sacrement», Jacques Nouet les
• 1

sua111J1t111w,
• •

serenr.ssu110 et casto
• • •

1n BJUB sinu
• • •

consop1ta qu1eso1s. traduit littéralexnent (L'llo1n11ie d'oraison. Sa conduite


0 quam beatus ot efficax et felix est cibus istc fructuosus. dans lei; 11oies de Dieu, entr. 15, t. 2, Paris, 1674, p. 453·
Vinun1 est vivacis.~imum corporill et sanguini.s tui, Ch.rislo /l06).

f
;(i)4 {605 PÉRIODE MODERNE 1606
lor- a, "11}0DE MODERNE 116• ~ 11• SIECLES. -1, Écolè car- qu'olle avait expérhnenté lea plua hautes grâces eucha-
mélitaiae. - 1° Saint Jea,i de la Croix ne marque risLiques (Relatio,l 89, trad., t. 2 , p. 26~). L a co1n1nunion
pas explicitement le rôle de l'eucharistie dans l'expé- la ,< fit revenir à. olle », après quelques infidélités à
ère rience mystique, bien que ses interprètes signalent la l'oraison (Vida, ch. 19, éd. Silverio, p-. 146; trad., t. 1,
[;!'ré p. 238); avant que Dieu l'eQt tavQrisée de ravisse1nents,
' place que le Christ, « livre vivant et complet de l'expé-
LOD
rience,mystique », occupe selon lui dans la vie intérieure « j 'en revenais à prendre mes délices avec cet aimable
1110
(J. Vilnet, ]Jible et mystique, p. 145-148; H. Sanson, Seigneur, com1ne j'en avais l'habitude, (lUrtout au
1té moment de la communion » (Vida; ch. 22, éd. Silverio,
L'esprit hu,nain selon aai11t Jean de la Croix, Paris,
Le p. 168; trad., p. 27'6). Très tôt, l'eucharistie opéra ·on elle
1958, p. 156-157), et traitent au passage de la Qommu-
108 les effets les plus extl"aordlnaires (Relation 1, trad.,
nion. Toutefois, le saint, qui « avait une grande dévo-
u·- tion au Saint-Sac1•e1nent et passait de longues heures t. 2, p. 209; cr Vida, ch. 14, trad., t. 1, p. 186j et ch. 38,
du jour et de la nuit sur les· marches de l'autel », a t. 2, p. 118-115; éd. Silverio, p. 115-116 et · 814-81~).
SQUvent reç.u, à. la messe surtout, des grâces analogues «Sur le point de communier» ou après la communion, elle
aux expériences eucharistiques de saint Philippe Néri est enlevée au delà de la simple union passive, dans
(CC Saint Jeari de la Croix. QueÙJ_ues traits de sa vie l'extase ou le ravisse1nent, qui opérait en elle « à l'inté-
d.'apr.ès le témoignage de ses contemporains, dans No11a et rieur et à l'extérieur» ( Vida, ch. 20, trad., t. 1, p. 2'11;
,le
vetera, t. 82, 1957, p. 61-68). éd. Silverio, p. 148). Les faits de ce genre sont inno1n-
brables.
ns 20 Sainte Thérèue d'Avila souligne discrètement les
.Au cours de ses extases, la sainte eut souvent des
:i:e rapports entre l'eucharistio ot les cqmmunications pas-
k, sives. Après la communion, si l'ân1e pratique l'oraison de visions imaginaires du Christ : « Parfois, Notre-Seigneur
a, recueillement actif que décrit la sainte dans Le chc,nin
se présente avec une telle majesté que nul ne saurait
en révoquer en doute que ce ne soit le Seigneur lui-même.
ck la perfectio11 (ch. 28-29, dans Œuvres, trad. des car•
Cela arriye spécialement après l'a communion, à cet
141 mélites, t. 5, Paris, 1910, p. 202-215; Obras, éd. Sil-
lwtant où nous le savons réellement présent, puisque
verio, Burgos, 1939, ch. 27-28, p. 429-436), il est normal
», que le Seigneur se manifeste, m~mo totalen1ent, à ses la roi nous le dit. Il se montre alors tellement maître de
l'â1ne devenue sa demeure qu'elle en reste comme anéan-
5, amis q1.1i le désirent beaucoup (que mucho lo desean).
le Cet enseignement est le thème du chapitre 34 du Che- tie. Elle se voit toute perdue dans le Christ » (Vida,
li, ch. 28, trad., t . 1, p. 858; éd. Silverio, p. 215). Ce
niin de la perfection où Thérèse se livl'e à des confidences
des plus précieuses sur sa vie eucharistique (trad. fut aussi après avoir communié que Thérèse atteignit
ls le !:\Omn1ot de l'expérience mystique : la vision intellec-
p. 247-255; Obras, ch. 84, p. 455-460). Malgré lo voile
tuelle de la 1'rinité (RelationB :14 et 15; trad., t. 2, p. 285•
lS dos espèces eucharistiques., ~ à ceux qu'il sait devoir
le profiter de sa présence il daigne so découvrir, et s'il 288; cf lt8, J). 266-26,7 ; Relation 36, p. 262 : « Le jour
r, de saint Augustin, au moment où je venais do commu•
ne se lait pas voir à eux des yeux du corps, il trouve
nier, je compris, je pourrais presque dire je vis ... com•
bien des manières de se montrer à leur âme, soit par
mont les trois Personnes de la très sainte Trinité, que
a, de grands sentiments intérieurs, soit par d'autres voies»
je porte gravées dans mon âme, sont une môme chose»).
n (trad., p. 258; Obras, p. 459). « Le divin Maître ne se
t. dissimulera pas tellement qu'il ne se révèle à vous de Ce rut également après avoir communié des mains
·e bien des manières et à proportion du désir que vous do ,Jean de la Croix (novembre 1572) que lui fut ll.ccor-
aurez de le voir .. , vous pourrez 1nême le désirer avec dén la faveur du 1nariage spirituel (Relation 25, p. 246·
• 247; cr Chdteatt intérieur, 7° demeure, cll. 2, trad.,
tant d'ardeur qu'il se découvrira entièrement à vous »
> t. 6, p. 28'•· 292; éd. Silverio, p. 629-634). C'es.t de la
• (trad., p. 25't; Obras, p. (tGO). L'eucharistie est ainsi le
sacrement de la 1nanifestation intérieure du Seigneur. sorte que selon sainte 1'hérèse "notre intérieur renferme
'·· Il n'y a pas lieu d'en douter : sainte Thérèse « par un de si grands mystères à l'heure de la co1n1nunion »
''•
réalisme très sain » n'a ja1nals négligé ~ la réalité sen- (Relation 48, trad., t. 2, p. 267).
'
l
1
sible de Jésus-Christ et surtout sa présonco réelle au
Saint -Sacren1ent » (M. Lêpée, Sain.te Thérèse d'Avila.
[,q réalis1J1,c chréûen, coll. .lttudos carmélitaines, Paris,
'l'hérèse n'est d'ailleurs pas la seule, dans son milieu,
à J'ecevoir do pareilles grâces. L'un de ses directeurs,
le don1inlcain Pierre Ibaiiez t 1565, « ar>rès avoir


l 1947, p. 178; P. de Juvigny, Sainte Thérèse de Jésus r.616bré la messe, restait longtemps en extase sans
8 à l't!col.e dii Cl11·ist, Paris, 19'18). L'itinérai.r e n1ystiquo pouvoir s;en défendre » ( Vida, ch. 38, éd. Silverio,
'

part « do l'union à Jésus-Christ, au J êsus-Christ de la p. 312; trad., t. 2, p. 110); voir aussi Catherine de
communion, à l'I-lomme-Dieu » et s'achève dans« l'union Saint-Albert t 1576, au carmel de Béas (dans Œuvres
' au Dieu,Trinité, au Diou vivant », mais toujours par de ~te Thérèse, t. 4, p. 302).
• le « Verbe incarné, à qui l'âme doit s'unir pour faire Lors de la fondation du carme) de Grenade, au t6moignage
avec lui 1·etour au Père en l'unité du Saint•Esprit » d'Anne de Jésus t 1621 (DB, t. 1, col. 6?8·-675) , • Nous sentions
(M. Lépée, op. cit., p .. 171-172). que ln personne de Notre-Seigneur Jésua-Chrl!lt ·nou.s tenait
coinpagnia dans lo très Saînt-Sacremont de l'autel. Et ce
Bi des âmes i;'éloignont de l'Humanité du Christ, • à tout sentiment était tel qu'ilj nous rendait comme sensiblo la pré-
le moins, dit 1;11into Thorèso, je'leur affirme qu'elles n'entreront sence corporolle de ce divin Mattro... Nous disions quo nulle
po.., dans les deux dernières demeures. Manquant du vrai guide p11rt alllours le très Saint-Sacroment ne semblait avoir produit
. qui est le bon Jésus, elles n'en trouveront pas lo chemin; ce sur nous pareil elTet. Cotte· joie spirituelle common9a dès qll' il

sera déjà beaucoup ai elles restent on assurance dans les fut pincé dans lo tabernacle, et elle dure encore à présent chèz
autres demeuJ'ell • (Chdleau intérieur, 6° demeure, ch. 7, trad., quelques-unes.• (trad., ibitk1n, t. 4, p. 241-.242; cf A. Manrique,
t. 6, p. 232; Obras, éd. Silverio, p. 597-598; Vida, cil. 27, La peinture raccourciet de la V<fn, M. Anne de /'8u11, cliscip~
trad., t. i, p. 8a9, ot éd. Silverio, p. 20~; et M. Lop6o, op. cit., et conipag~ de S. 'l'hérèse, Anvers, 1685, p. 47-52).
p. 562). a° Ce fut à partir des expériences de sainte 'l'hérèse
Sainte Thérèse rejoint ainsi la doctrine de .Bonaven- que les théowgiens carmes élaborèrent la thèse longtemps
ture, de Jean Gerson et de Denys le chartreux, parce classique de l'union fruitivo et extatique dans les états
1607 EUCI-IARISTIE El' EXPÉRIENCE MYSTIQUE
les plus élevés de la vie mystique. C'est ce que reconnaît éd. A. Piolanti, coll. Laterani.un, Rome, 1947). Ce sonti•
expljciteµient Philippe de la Trinité (Su,n,na theolt,giae ment a été accepté par nombre de mystiques et 4e
mystica11, -p,, 8, tract. 8, dise. 2, art. 2, Lyon, 1656, théologiens,• en Espagne surtout, mais il est rejeté pàr
p. 'A38, eL L. 3, Paris, 1874, p. 886). d'autres (cf bJ ..Longpré, L~eucharistie et l'union, mystigJui,
Cette t.hèRe a été élaborée par Tho1na8 de Jésus t 1627 p. 331-832). '
(De oraiionq ài,,ina, lib. 4, c. 27 -80, Opera 01nnia, t. 2, Cologne, Dans cette haute communication, l'intellect, illuminé
1684, p. 353-:-166), en dépendo.nce étroite do Raoul de Bibe- par la foi et _lei,; dons du Saint-Esprit, perçoit immédia.
racli, do Joan 1'auler, de Jean Oe!'son et de Denys le chartreux. tement la Pl'ésence du Christ eucharistique, sans possr.
Elle a été repti~e par Philippe de la 'frinité t 1671 (Sumn1a .. , l>ilit6- d'en douter; il peut s'élever parfois à une vue de
p. 3, tract. 8, dise. 2, art. 1-6, Lyon, 1656, p. 486-449, ot t. a,
Paria, 1874, p. ·826·864 ; Do sanetÎ!l!limo euchadstine sacra- la Trinité, non sans rapport avec la vision béatifique
1110.ilto quo celebratur matrimoniurn spirituale). lialthaso.r de (Antoine du Saint-Esprit,Dircctorium .. , n. 530 et p, 62~).
Sainte-Catherine de Sienne t 1678 suit ce -dernier (Spkndc>ri li ne se borne pas à cette saisie existentielle; il expé•
riflessi di sapienza. ce/este ... sopra il castello interiore ,i mùtico rimente le Christ, en outre, en tant qu'itnn1édiatemeq~
giardino, Bologne, 1671, p. 686a; cf DS, t. 1, col. 1210-1217), uni. De son côté, la volonté e:xpétimente immédia,
et Joseph du Saint-Esprit t 1739 suit 'rho1nus de Josus (Cur- tement le Christ dans un goOt inénarrable (n. 581 et
SllS tlicologicic myatico•scholasticae, 8111 pr., diijp. 23, <1 - 2, § 1, p. 627), De la sorte, le contact yital et immédiat qu'opè~
n. 42, et disp. 24, q. 3, n. 29, éd. Anastase du Soint-Pnul, t. 4, la com1nunion est la rencontre suprême du Christ
Drug0s, 1931, p. 130 et 197). ·
' eucha1•istiq1,1e soµs l'aspect d'Époux divin (Thomas de
D'après Antoine du Saint-Esprit t 1674 (Directoritun Jésus, op. çit., c. 27, p. 854).
rnysticiun, tract. 4, disp. 5; sect. 1-2, n. 518-540, Vonise, La doctrine des théologiens carmes, synthèse do la inysll•
'169?, p. 99-102, et Paris, 1904, p. 616-637), il e:x.isLe que eucharistique du moyen âge, a été largement acceptée,
entre l'eucharistie et l'âme une simple union affective sauf sur le détail mentionné plus haut, notamment par Jean de,
et une union réelle et iJnmédiate. La première s'opère Anges (Lucha espiritual y amorosa entre Dios y el alma, p. 2,
r;. 12-13, dans Obr1U1 mlsticas, éd. J. Sala, t,. i, Madrid, i9i2,
par amour, rnais sans la perception de la présence du p. 3(. 1,-851), André de la Guadcloupo (Mystica t/leologi11 super-
Christ; elle n'est pas rigoureusement réelle (n. 520 et nauu-alis infusa, c. 12, Madrid, 1664, p. 226-282; cr Ê. Long-
p. 617). Dans l'oraison d'union ~t ses autres 6tapos, pré, L'c"charisiitJ.. , p. 828-838), J. Saliun, J . Nouet ot, solon
l'extase, le rapt et le mariage spirituel, l'union au Melchior de Poblu.dura, par Louis de Flundro (Varii dialogi
conLraire est réelle, immédiate, expérimentale; il en et catcclicscs de intir11a, reali et i11t1ûti"a conjunctiorlc ditill
est précisément de même à la réception de l'eucharistie co,r1mu11îcantibll8 cu.,n ani,na Christi Do111ini, Valence, 1785:
chez les parfaits (n. 520 et p. 617-618; cf n. 540 et 1>- 686- cr Collecta11ea 1ranciscana, t. 4, 1934, p. 597).
687). De soi, en effet, l'eucharistie est apte à produire '
cette union cc;,ncrète expérimentale. Thomas do Jésus 2. Avec Louis Chardon t 1651, l'école dominicaine
(op. cit., c. 29, p. 309) et Antoine du· Saint-Esprit rappelle avec une grande élévation le rôle mystiqu'e
l'alllrment en termes explicites(« Rarissimi tamen admit- de l'eucharist,ie (La Croi,:x cle 'JésWJ, éd. F. Florand,
tuntur ob defectum disposiUonis. Bibunt namquo amici Paris, 198?). Sacrement de « l'amour transportant •
sed solum. charisshni inebriantur », n. 582 et JJ. 630). (p. f 88), l'eucharistie est le lieu privilégié de la rencontr.e
Le plus souvent, cette union expérimentale n'est point de l'amour pratique et do l'amour truitlf (2 8 entr.,
donnée, même à ceux qui 1•eçoivent dignement la com- 1 ch. 8, p. 802-808; cf c. 7, p. 295-301). Dans cette étreinte,,
l'a1nour acLif expire..
n1union, se\1le l'union xnoralese :réalise (n. 522 et p. 618).
Des â1nes enivrées d'amour du Christ peuvent parvenir C'est l'amour l1·uiUr et passif et non plus l'amour pratique,
à l'expérience immédiat,e et I"éelle du Christ eucharis- Ce n'est plus la dilection d'exercice, d'11ction et d'opération.
tique (n. 521 et p. 619). Cette communication, où se li n'y a plus'de mouvement, mals un trés sin1ple repoij .., rnal.
consomme parfois le mariage spirituel, est une pure un très profond et très ravissant sllcneo (p. aoo) .., L'lirno en
cet étèt... n'est phu1 pour elle-mên10 ni on blle-rnôrno; non,
grâce; mais tel est l'an1our du Seigneur qu'il ne 1•ésiste elle est toute où elle aimo... '!'out ceci se pnsse dans l'intérieur,
pas aux véhé1nents désirs des âmes très purifiée:, (Tho- de l'âme, avec uno joie èulant excessive que profonde, de
mas de Jésus, op. cit., c. 29, p. 301). 1n«nière qu'il lui semble qu'elle soH déjà parvenue à la fin des
Cette saisie expérilnentalo pout être, ainsi déorite : • Haee désirs, où l'on savoure sans got\t, où l'on sent sans sentir les
!itlicisshna unio nihil aliud est quam lpslus Chrieti praAsentiae délicieuses ot 1•avissar1les lln.rnmes du pur amour, en son lieu
ln lioc sacramento latentis intima manltostaUo, non tarn per naturel et en sa source prirr1itive (p. 307-308), '
visionem aut revelation01n quam per complcxus dulcissln1os,
qutbus animrun ita inotfabillLer ac suaviter ndstringit ut ipso. 8. Du n1oyen âge au 17° siècle, les mystiques de
ejus realem praescntiam por oscula et arnpleitus certis.~imo l'ordre séraphique affirment d'ordinaire l'efficacité
parcipiat. Erît igitur, si proprio loquarnur, vîlalis s~nsus et mystique de l'eucharistie. Bernardin de Lared-0 t 1540
gustusJpsius Chri!lti in sacran1ento oxistentill, par quem ijensum dans la seconde rédaction de La Subida del Monte $id~
sivo divlnlsslmu1n contacturn ejus praescntla roâliler percipî- (part. 8, ch. 82-89, dans Mtstico.9 franciscanos espanoles,
t.ur, ejus bonltas et inallabilîa dulcedo in suo tonto gu~tatur • t. 2,' Madrid, 1948, éd. J .-B. Go mis, p. 392-409) observe
(n. 525 et p, 619).
que les conte,nplatlfsles plus élevés sont ceux qui s'ap-
Cette union est secrète, presque inertable, et peut-être pi•ochentle plus do la communion (ch. 82, p. 392-395);
incroyable à ceux qui n'en ont pas joui (f:>hiJippe de les illuminations intérieures qu'elle répand (ch. 'as,
la Trinité, Siunnia theologiae rnysticae, tract. 8, clisc. 2, p. 400) s'accompagnent parfois de la oonnaissanoo'
a. 6, t. 3, p. 358) . De plus, selon 1'homas de Jésus, elle expérimentale de Dieu chez les An1es parvenues à
Implique un contact réel, im1nédlat avec la chair glori- l'entière pureté du cœur (ch. 36, p. 402). « Cette connais-
fiée du Christ sous les espèces eucharistiques (11p. cit., sance e:xpérlment,ale et cachée dans l'âme dépasse touie
c. 80, t. 2, p. 863-365; Antoine du Salnt-Eaprit, loco raison e.t tout entendement humain, puisqu'elle est la
cit., sèct. 2, n. 584-540 et p. 682-687). Sur ce point, connaissance spirituelle et la théologie mystique qué
les mystiques carn1es s'inspirent du cardinal F1·ançois )'Esprit Saint opère au plus profond du cœur pur;
de Mendoza t 1566 (De naturali curn Christo unitate, elle n'est donnée que de temps à autre et pas toujours;
'
>08
i6W PÉRIODE Mûl)ERNE 1610
~ti•
de Di~u l;ordonne ainsi dans sa bonté infinie pour que les trouvé là la source des plus hautes communications
par ânïés élevées à cette dignité s'humilient en eJles-mêmes » (H.-M. Boudon, L'hQmrrUJ de Dieu en la personne du
rue (p. 403). R . P. J. Seurin, Paris, 1689; ~ur,res, éd. Mlgne, t . 8,
fi.u 17e siècle, J eanno de la Croix t 1673 en I talio, Pads, 1856, col. 102-109) . E n raison de cette expérience,
iné Co1.1~tantin de Barbanson t 1631, J ean Aumont t 1689 il s'est fait l'àpôtre sans égal et le héraut infatigable
li.a- et Victorin Aubel'tin t 1669 en F rance continuent entre de cette doctrine.
181•
• plusieurs autres 'la tradition de Bernardin de Laredo. Cat1fohi61tlc spirituel, 2• éd., 1• p., ch. 7, t. f., Parla; 1:667, p. 73•
' 75; a• p., ch. 7, p. 304°302; 6' p., ch. 5, p. 496-498;,QtJcstions...
de Sur Jeanne de la Croiil;, cr A. I1nbort-Gourbeyre, La ~tig,na-
tuation, l'e3:tase divine et ks 111iraclcs de L ourdes, t, 1, Cierrifont- sur l'a,nour de 1Jic'fl., liv. 3, oh. 8, Paris, 1930, p. 151-·155; Les
rue fondements de la vie spirituelle, liv. 3, oh, 9, Paris, 1667, p. 228•
.6). ,errand, 1894, p. 325-338; 'f'. Rn.r.oni, Una vita incdita del Ven .
OioPanna Maria della Crocn; dans St.u4i franècscani, t. 25, 240; éd. F. Cavalloro., P11ris, 1~30 , p. 189-196; Lettres inédites,
Dé• éd. 1!'. Cavallcra, RAM, t. 30, 195'•• p. 53, 51-59, 64'-66.
' 1928, p. 806-346; A. Core th, Die Mystik der Klarissin Giovannc,
int llf!l('ia dtlla Crocè, dans Jl{ystische T heologie, t. 1, Munich,
•• Comme on l'a vu, col. 1590, Surin argumente toujours
1a- 1955, p. 285-296.
ot d'après l'~vangile, où il trouve la promesse forrnelle
Do Constantin de Barba118011, voir Les secrets sentiers de des expériences mystiques ·qu'opèrent !.'eucharistie
Ire l'amour di"in, 2° p., oh. 1a, Colog1,o, 1628, et Paris-Tournal,
1st 1982, p. 907-817; cf DS, t. 2, ool.168~-16',1.
ou l'oraison. « Il faut savoir qu'il n'est pas ici que1$tion
de de ce que reçoit de J ésus-Christ, par le Saint-Sacren1ent,
Jean Aum.ont est peut-être à identifier avec le« vigne- l'ân1e qui est en grâce seulement, mais de ce que sent
1ti- ron de Montmorency»; membre du tiers ordre régulier, la personne qui est dans son étroite tamiliariié ... Les
êo, .disciple do Jean•Chrysos tôme de Saint-Lô, convers, âmes pures et perfectionnées... l'expérimentent comme
los et enfin séculier dans le n1onde, il a publié L'our,erture un hôte.. , coJI1me un compagnon.., comme un ami..,
2, intérieure du royaume de l'Agneau occis .. , Paris, 1660, co1n1ne un époux ... » (Les fo11dement11 de la vie spirituelle,
l2, auquel fait suite un Abrégé pratique de l'orai8on de p. 229). L'essentiel de sa doctrine semble se trouver au
~r- recueillerne11t i11térie1tr en J ésu8 crucifié. ch. 8 du livre 3 de ses Questw11s ... sur l'amour de Dieu :
1g- « Dieu rend bien souvent son opération manifeste
on c Il survient en l'ârne 11.ucunes (ois un ccrtal11 attouche1nènt
,g,• sècré de la substa11ce divino et humaine de co pain savoureux ,à l'âme, mais cache sa personne, accomplissant ce qu'il
et Ineffablement déllcioux ot péntltrant, avec éclat do gloire a dit : Manifestabo ei meipsum... Dans le cours ordl- 1
ne •
5; et de majesté, qui produit dans 1'1'hn1;1 une notion admirable nah·e d'une correspondance exacte à la grâce, par ses
et inexplicable et tout ensemble rodoutablo et majestueuse inspirations et bienfaits, ce fruit de l'amour dont je
deH trois dlvhlèil Personnes de la plus adorable Trinité, niais parle ne va que jusqu'à ce point, quo l'homme ·ayant
l8 d'uno manibro immonso ot ineffable, sinpn que l'd1ne comprend reçu Jésus-Christ sent en soi qu'il est un principe vital
18 assez distinctement comme le Pèro, le Verbe et le Saint-Esprit de la communication· ot du conlrnerce ordinaire qu'il
li, sont une seule et unique essence on Trinité de pel'IJonnes, et là, a avec lui, et le sent comme sa propre viande [nourri-
en ce moment, l'âme connait do si grandes choses de Oieu, dans
» Dieu nuime, qu'il faudrait, être Die•u pour les oxpriiner • (tr. G•, turo], ot comme son Époux intime, ayant par cette
ch. a, sect. 61 p. 847-848); cf H. J3remond, t. 7, p. 321-373 ; lib<,ralil.é qu'il' lait de soi•mé111e en ce sacrement uno
., DB, t. 1, col. 1136-1138; t. 2, col. 885. union avec l'âme que .ta langue ne saurait décrire,
mais par laquelle elle sent qu'elle jouit de lui et le
Victorin A1tberti11, récollet, a composé Le chrétieri ttrii poi;sède... comme. une personne une aut11e en toute
â Jé111u1-Christ du fond du cœur pour l'y adorer 11n esprit pureté et sainteté... C'est que Dieu fait sentir à l'âme
o. <le foi et .d'a.,nottr, P ttris, 1667.
~.
1
qui ost son épouse comment il est vraiment possédé par
ello et comme il la possède et entre en un commerce
IS On peut .ajouter à ces autou.rs : - Sài11t Charle.9 de Sez.:e
n t 1670 : Àutobiografla o,1, 1cr<J i fiorciti di /ra Carlo raoontati général et confus, par lequel ils demeurent en cet
!, da lui ,nedesi,no, éd. $. Oori, Rome, 1959; Souenarii sacri embrassement et cette mutuelle jouissance l'un de
1r ov'vero n1cditation f p ie, Ronia, 1666, p. 443-447;, et DS, t. 2, l'autre, et outre cela, particulière et distincte on toutes
.1'e t
col. 701-708. - Séverin Rubéric; rôc:ollel, vers 1640 : L(I. choses. Et comme Notre-Seigneur a dit que son P ère
18 conduite des dn1es fld~les depuis lertr conversion du ptlché à la
viendrait avec lui, l'âme entre en l'état que dit saint
IS grâce jusques au sonunet dt la pcrfcclion, Paris, 1631, p: 561-
u 572; La voie d'a,no11r. E:rercioes sacrds tic l'a,vo11r de J ésus, Joan« de société avec le Père, aussi bien qu'avec Jêsus-
Paris, 162?,p. 267•28à, et ôd. M. Lekaux, Paris, 192?, p. 252-267. Cb.d st », et quelquefois même elle sent la plénitude des
D'o.près les écrit.s (Les œ11vrcs spiritu,elles de M. de Bernières- perfections divines, qui est une chose très haute et qui,
'Louvii;ny, Paris, 1670; L e chrétien intiricur, 2 vol. , Rouen, par un sens relevé, semble passer la foi; mais de l'autre
1660, ouvrage très renlanié par Louis-François d'Argon tan c'e:;t sous le voile de cette même foi que l'on ne peut
t 1680 ; cf DS, t. 1, col. 1522-1527) de Jean de Bernières f 1659, mieux expliquer que par un brandon de la gloire qui
tortla.lro do Saint-François dirigé pnr Jenn-Chrysostôme do vient heurter, comme' une lampe qui paraît au travers
Saint-Lô, l'eucharisUo donne la connaissance expérimentale des chassis ou papiers qui l'environnent. 'I'ous ces biens
de Jésu.s-Christ, de sès mystères et,do son intérieur : • JI m'est
' quelquefois arrivé d11ns la sainte comn1union quo .. , 1non !lr.ne si grand~ sont néanmoins les prom'esses de Jésus-Christ.
adlü\rant à toutos ses adorations, à tous lles sacrifices ot à tout Car. comme j'ai dit souvent, il a aeqi.Jis la grâce aux
' l'amour que (Jésus) avait pour lo Pèr~ éternel, était toute pas- ho,umes pour cela, ot a dit que « son Père et lui vien-
' sive corri1no l'auto! sur loquai Jésus' fait. tout ce qu'il lui plait, draient en l'ârne et qu'ils so manifesteraient ».
'). tant o.u regard de lo. Divinité qu'au regard dos hommes • (Le 1,ouis Lallerna.nt t 1685, très attentir à' l'incarnation
l
cllréiien intérieur, liv, 5, ch. 4, Paris, 1662, p. 42<J; to1de$ ana- et il l'eucharistie, ne rappelle qu'au passage l'extase
logués .da11s Les œuvres spirillltl/cs, 1670, t, 2, p. 2·3, 25-28, eucharistique et les transports que les âmes pures
198•204, etc); et R. Heurté'\fent, L'œuvre spirituelle ,le Jean de
Bernières, Paris, 1938. On peut en rapprocher J.-B. Saint-Jure,
ressentent parfois à la visite du Saint-Sacrement (La vi6
. J,a Pic de M. de Renty, Paris, 1'651. 1 ~t la doct.ri11e spirituellB du P. Louis l.(illemant, éd .
P. Champion, Paris, 1694; Vic, p. 16 ; Doctrine, 6e prin•
4. ·A la suite de Bonaventure et de Gerson, nul n'a cipe, scct. 2, ch. 2,,art. 1-4, p. 898·'•07). Mais doux autres
plus étroiteJI1ent rattaché l'expérience chrétienne à jésuites seraient à citer : Jacques ,Salian t 1'641 et
l'eucharistie que J ean-Joseph Surin t 1665. Il avait Jal:ques NoUiit t 1680. Salian résume excellemment
1611 EUCHARISTIE ET EXPJ;;RIENCE MYSTIQUE
(De arn.ore Dei, Paris, 1631, p. 567-570) Thon1as de est assurée qu'elle possède sa vio. Non seulement la loi vlve:lui
J ésus. Ceux qui enseignent, dit-il, que l'eucJ1aristio dit mai11 il lui lait expérimenter quo c'est lui, ,par uno liaison el
union d'a1nour dont il 111 !tût jouir d'une mnnièro !noxplioabl~...
produit une union singu lière, réelle, Immédiate avec Après toutes n1es fatigues que je prenais pour lo service du
le Christ chez des âmes de choix, sont des théologiens prochain, n1on corp$ brisé de pénitences reprenait ses forcas
mystiqu es de haut savoir qui ont dO. expéri1nenter par la manducRtion do ce divin pRin et un nouven,1 ·courâgè
cette grâce. Nouët trait.a do" la par!afte union de l'ân1e pour recommencer tout de nouveau, co que naturellement je
avec Dieu dans le Saint-Sacrement" (L'homnie d'oraison. n'auraÙI pu. Mais, quoique j'eusse, avec une certitude de foj
Sa conduite dans le11 11oics de Dieu, llv. 6, entr. 15, t . 2, et de-fruition, joui dans la sainte con1munion de mon Bien•
Paris, 16?6, p. (!29-4'68) d'après Tho1nas de Jésus, non Aimé, néanmoins, après la consommation des espèces, mo,~
sans avoir pris contact, senlble-t-il, avec Gerson. âme retournait en Ra tendance de le posséder sans reto\lifi
ile qui 1ne donnait do très grands désirs de mourir • (t. 2,
5. Saint François de Sales t 1622 a certaine- p. 222-228).
ment été favorisé d'expériences eucharistiques. De
nombreuses dépos'Îtions en font foi (P. Sérouet, De la A cette époque, explique Claude Martin, son fils et
1,ùi dé1JottJ à la 1Jie rny.çtique. Sainte 7'hérèse d'A11 ila biographe, « ce divin Sauveur rut véritablement ,pour
et saint François de Sales, coll. 1!:tudes carmélitaines, elle le rayon de n1iel qui lui ouvrit les yeux, pour lui
Paris, 1958, p. 262). Son TraÎM de l'aniour d11 Di.eu faire voir à nu les vérités qui y étaient cachées (au
signale le rôle de l'eucharistie au seuil de la contempla- Saint-Sacre1nent), en sorte que le mystère n'était quosi
tion. plus un mystère pour elle • (Écrits, t . 1, p. 171). C'est
L e recueillemenL do l'â1ne • peut être pratiqué par imita- dans la communion et à la messe que la vénérable
tion entre ceux qui ayant communié sentent pnr la cortiLude puisait « miraculeusement de nouvelles forces » (t. 'i,
de la toi ce _què non la chair ni lo sang, mais le Père céleste p. 1 ?1) et recevait « les plus signalées faveurs » (t. 2,
leur a révélé (Mt. 16, 1?), que lèur Sauveur eat en corj,s ot en p. 283-286, p. 482; cr H. Cuzin, op. cit., p. 7t-74;
ftme présent d'une trés réelle présence à leur corps CL à 'leur J. Klein, op. oit., p. 62-66) . Apl'ès avoir été élevée au
lime par cc très adorable iui,cromcnt... Vous noterez soigneWJe- mariage spirituel :
ment, Th6otin1e, qu'en son1me tout ce recueillement .se fait par « J e ne saurais exprimer la force ni la douceur de
l'•amour qui, sentant la présence du Bion-Aimé Pat les attraits l'union de mon âme avec Notre-Seigneur, principale,.
qu'il répand, Rn tnilieu du cœur, ramasse ot rapporta toute
l'â_me vers icelui par une très amiable inèllnatioii, par un très ment par la sninte communion. Et, comme c'était
doux contournement o\ par un délicieux repli do toutes les d'ordinaire après cette action que j'allais vaquer aux
facultés du· côté· du Bien-Ain1é, qui les attire à soi par la force affaires de mon frère, ni le bruit des rues, ni ce que j'avais
de sa suavité, ave() laquollo li lie et tire les cœurs • (liv. li, ch. 7, à traiter avec les marchands, ni tous les soins dont j'étl\ÎS
Œuvres, t. 4, Annecy, 1894, p. S28-92!l). ' chargée ne mo pouvaient tirer de la liaison intérieu~
que j'av!ûs avec la Divinité. Je me sentais remplie
Ce t exte marque avec autorité la place de l'eucharistie
à l'éveil de la vie mystique; sur son rôle dans l'oraison
de l'1.1nité de Dieu au fond de l'âme par le moyen de ce
sacre1nent d'amour, ~t quoique j'en eusse la présence
d'union, cf liv, 7, ch. 2, t. 5, p. 11... habituelle, c'était néanmoins d'une manière tout autre.
6. Marie de l'Incarnation t 16?2 est au premier Cela ,no causait une faim continuelle de communier
rang des 1nystiques eucharistiques. Son témoignage sans cesse, s'il m'etit été possible, parce que j'expéri-
est d'une valeul' exceptionnelle. « Pou1• elle, écrit A. J a- mentais que c'est là où l'on jouit vraiment de Dieu.
rnet, l'e1.1charistie est surtout l'aliment de la vie chré- Quelquefois, plus de cinq ou six heures après avoir
tienne, principalement sous sa forme la plus haute : la communié et vaqué à b'eauco1.1p d'affaires des plm
vie d'oraison. Pareille idée n'était pas courante, même distrayantes du monde, et parlé sans cesse, y étant
chet les théologiens, à cette époque » (Écrits spirituels nécessitée , je sentais si fort cette liaison intérieure qu'il
et historique11, t. 1, Québec-Paris, 1929, p. 1 ?0 1 note a; me fallait taire violence pour prendre ma réfection ,
cf l-I. Cuzin, Du Christ à la Trinité d'après l'expérience (t. t ., p. 215). .
mystique de Marie de l'IncarnatilJn, Lyon, 1936, p. 92- « La seule cornn,union, dit Claude 1',1artin, où elle
99). Ainsi que l'attestent ses Relations de 163:l et de avait trouvé du ,soulage1nent lorsqu'elle aspirait au
t65(t, dès sa jeunesse, sa vie intérieure se développe mariage spirituel, était a ussi le .se\il remède qui la
et atteint les sommets par lû piété eucharistique et la soulageait lorsqu'elle en désirait la consommation ,.
vie liturgique intense (Écrits, t. 1, p. 170-t ?H; t. 2,
J'étais un peu soulagée par la sainte communion, m'en
p. 165, 167, 170-172, 180). approchanl avec un désir extrô1ne d'en1braaser, do chérir et de
Notre-Seigneur me liait toujours de plua en plus à lui. caresser le sacré Verbe incarné, on attendant la parlai te consom•
Une 1 fois, étEtnt en oraillon devant le, très Saint-Sacrement, mation de l'union, car, l'ayant reçu, je ne saurais exprimer la
- c'ét.eit environ deux ana aprM ma conversion - .. , il me tut manière on laquelle je le possédais et il roe possôdnit, me.fa~nl
montré que... comme la 1nor no souffre rien d'impur, mo.ia sentir par expérienèe eL par ses touches quo c'était lui, lui,
qu'ollc lo jet te hors de sol-1néme, ainsi ceLlo grande mar de dis-Je, qui est l'An1ou1· et le Maitre des coours. Après 1n'avolr
pureté qui est Dieu, ne voulait rien que do pur (t. 1, p. 158• tenue longtemps dans une gr11ndê union, je demeur.(lis dàœ la
154; cf J. Klein, L'itinéraire »iystiquc de la 11,fnérable 111èrc vue et la jouissance de la J)ivinlté ot de toute la Trinité que
Mari~ th ?'Incarnation, Isso\1d11n-P81'is, 1938, p. S0·',0). je connâls!fais être en ce divin sacrement; cai-, bien que je
le visso appartenir au sacré Verbe incarné, j'avais nllSlli une
Marie de l'Inca1·nation gardera jusqu'à la fin cet.te connaissance que, la Divlnlt6 étant indivisible ot les Pei,;onnet
improssion de la Pureté divine, éprouvée sous le rayon- inséparables, jo possédais tout cela dan!! cc sacrement d'amour.
nement de l'hostie. Dans J'attente du mariage spirituel, Oh I qùe l'on connatt là de gr$ndos vérités... On no saurait
qui advint à la Pentecôte de 1627, elle ne se soutient jamais dire ce que Dieu découvre à mon dme quand Il se donQB
que par la communion quotidienne (1.. 1, p. 170-172; à elle dans ce sacrement ndo~ablo (t. 1, p. 227-228) . .
t. 2, p. 222-224).
L'expérience eucharistique ne cessera plus désormais
• Le plua grand soulagement quo l'âme trQuve • dans cet
état de liaison à Jésus-Christ et dans Je 8entiment habituel (t. 1, p. 29.9 -300; .t. 2, p. 815-816, 853-35(!). Dans UQe
de. sa présence, • est dlUI& la communion joutnalièro, où elle , lettre de conscience à Raymond de Saint-Berna!ld,
1612 16t3 PÉRIODE MC>DERNE 1614

ve. lui écrite à Tours mais non datée, Marie de l'Inca rnation arrêter; ·à son avis, cette doctrinè est • plausible •• sans plus
1onet atteste : (I'raa:is theowgiat ,nysticae, lib. 2, q. 3, seet. 7, n. 397, t. 1,
wle ... Rome, 17'10, p. 539). - J.-B. Avrillon i' 172?, minime, évite
Toutes lus !ois quo, j'ai !ait la sainte communion, je vf;lux tout exposo d'allure théologique dans ses Méilitation, et 8enti-
lé du diré'depuls le premier de l'o.n, j'o.i si fort. senti l'amQur de Notr0- nwnts sur la sainte communion, Pari&, 1714, et ses Rtlflcxions et
:orcaa $elgnour en ce divin sacrement que je ne puis dire tout ce qu'a
IU'ago scr,timcrlls d'1,n solitaire c11 retraite penda11t l'octave dtt Très
senti mon cœur... C'est un feu a1no11reux qui !ail quo l'âme s,,i,1t-Sacrcn1e11t, Paris, 1782; of DB, t. 1, col. 1185-1186 ;
,n t je expérimente les po.rolei; de Notre;Saig11eur : Apprenez de moi il parle cependant d'une hnpresslon de la divine présence,
le foi quo je suis doux et. humble de C<Ilur (Mt. 11, 2\J), J 'ai pilti une distincte des au'Lros grAccs, que les mystiques entendent
Bien- si grande paix, mnis quelquufois plus c1u'à l'ordinaire, que je d ·ordinaire comme· une touche intérieure de nature pollllive,
môn ne ln puis exprimer, ot onsuHo do cola j'ai été si fort liée à Die11, u110 lunüère infuse (cf Réflexio1rs•. , 1732, 2• jour,§ r.-7, p. 47•
,t our, allant et venant à 1nes o.clions, que quelquefois mes grands 59; 5• jour, § 2, p. 107-108; Méditations .. , 1786, 9• méd.,
[t. 2, embrassements se font en chemin (t. 1, p. 352-853), p, 163-169; 11° .méù. 1 p. 197-198).
Lorsqu'elle décrit, à la fin de sa Relation de 1688, Plus explicite est Pierre-,J oseph de Clorivière (1785-
1s et l'état où elle est parvenue et où elle expérimente la 1820) dans sa Méditation .~ur J ésus-Christ derncura'rit en
~our pi•ésence du Christ, c'est toujours t\ l'eucliaristie qu'elle noiui au Saint-Sacrernent, rédigée en 1771 : « Heureuse
r lui attribue les plus grands effets (t. 1, p. SS~). Elle ter1nine J 'tune qui, dans le sacrement du Christ, est ad1nise à
{au de même sa Relation de 165'• (t. 2, p. ti6~) : n Je pâtis ses embrassernents par l'union expérimentale. Trans-
uasi une impression en l'âme... Je suis en Dieu, possédée de
'
~•e13t formée en Jé'sus, elle reçoit comll}t1nication de tous ses
Dieu ·et c'est Dieu qui m'aurait bientôt consommée binns et une familiarité avec lui qui ravit les esprits
àb1e par sa subtilité et elncacité amoureuse, si je n'étais ëélestes eux-mêmes » (Médîuttions sur la passion,
(. i, soutenue par une autre hnpression ... Sans ce temp6ra-
1. 2 1 l'c.< uèharistie, le Sacré-Cœur, Paris, 192'i, p. 188).
ment de cette autre impression, qui a toujours son rap-
-7·4; port au sura.dorable Verbe incarné, mon divin flpoux, 3. PfilUODE CONTEMPORAINE. - 1. Au 19e siècle, le
l "8.U
jo no saurais subsister, mon ânie ne se trouvant avoir bionheureux Pierre-Julien Eyme.rd t 1868 . fut le
vie qu'en lui, dans mon état foncier d'amour, jour et gl'and apôtre du Saint-Sacrement '(E.-C. Ntiîlez et J .,F.
~ de nuit et à tout moment )>. . Bêrubé, La spiritualité du P. Pierre-Julien Eyrnard,
1alè- Si l'on · apprécie exacternent· la clarté et la plénitude flo me, 1956; F. Trochu, Le bienheureu.1: Pierre-Julien
tait de ces textes fulgurants, il est manifeste que le témoi- Eymardf Paris-Lyon, 1949, p. ~1<t•417). Il for•mule ce
aux gnage de Marie de l'lnnarnation ost unique dans la principe : 1~ co,ntnunion « nous révèle par impression

vais
littérature mystique de l'ÉSlise. · plntôt que par raisonnement tout ce qu'est Notre•
tais S1'.igneur >) (La. divine Eucharistie, 28 série, La sainte
►Ul'e 7. Autres xnystiques. - A la suite de Marie de co,n,nu,iion, 8° éd., Paris, 1877, p. 96; ou La sainte
plie l'Incarnation, on peut cite1• un certain nombre de eucharistie, t. 2, Patis-Montréal, 1953, p. 249).
'~
tDCe'
mystiques qui ont connu des expériences euchari$-
tiques.
• C'est là, q\1e nous avons avec lui les rapporÜ! les plus
iotimes, rapports qui produisent la connaissance vraio et
tre. J eanoe Delelo~ t 1660, bénédictine; voir nota,nnicnt des profondé do ee qu'il est; c'est Ill que Jésus so mani!osto lo plus

ll81' ex.traits éle ses conimunications dans B. Sodar, La 1nèrc Jcan11t cou1plèlemont à nous. La foi e&t ùne lurnlèro : la communion
éri• Deltloh. Vie, corresponda.nce et commu'nica.tiot1, spiritu.eltcs, esl une lumièro·et un ·s entiment• (1877, p. .88; 1953, p. 216·217).
iou. coll.. Pax, Paris-Maredsous, 1925, p. 237, 258-260; DS, t. S, • L 'â1no humble et recueillie sent en son Ame un certain tre1,-
roit ool. 125-126. - Anne-?riarguerite Cl.é11K11t t 1661, visitandine ; saillement cnusé po.r lo. présence do Jésus-Chri.s t.. ; eUe éprouve
,lus et A. Saudreau, Leif/ tendresses d1, Stig11e11.r pour une dine fù/Jle un bien-être, \lne llgilité, une suavité, une force d'union,
011 Vic clc mère Anne-Marguerite Clément, Paris-Angllr$, 1\116, d'adhé&ion à Diilu, qui ne vient pas d'elle-mô1ne; elle sont Jésus
ant en tout son être '• (p. 85). Lumière et expérience, l'ouebarlstie
p. 390-393, 415-416, 448-453, '183·'•8'1, etc; DS, t. 2, col. 947-948.
u'il - Catherine Ranquet t 1651, ursuline; c! G. Guoudr6, Cathcrit1c esl, 111 1nanlfostation la plus çomplète • que Jésus nous a fait
n» Ranquet, 111ystiq1U1 et éducatrice, 1602-1651, Paris, 1952, p. 208- du lul-n1ême •• 1>nr lui-même (18?7, p. 87•\J5; 1953, p. 249•259).
218; 11:crits spiritttels, Pl\l'iS, 1953, p. 60 -61, ?0, 84-85. - Mar- • Notre-Seigneur ne se fait bien connaître que par lui-même •
~Jle guerite Rom<1,nct t 1668 ; cf ? : Renoudin, Le jardin ,nystique (1 87?, p. 11,7; 1958, p. 228).
,.au de la France. Choi:x; d,: te.i:tes des 1nysti1ues français dit zr• ait
la 19• silcle, Paris, 1938, p. 271-273; li. B1·omond1 t. 6, p. 320. - De ces t extos, entre beaucoup d'autres, il .est permis
». Fr4nçois11 d,: la Mère de Dieu t 1671, cal'1nélite ;' et P. Renaudin, de conclure que Pierre-Julien Eymard rattache à
op. oit,, p. '19-51, 252. - Jeanne de Matel t 1670; cf P. Renau-
1

l'nucharistie la connaissance concrète expériinentale


1'en din, p. 207-210, et surtout P.-G. Penaud, La 11d11érable mère do Notre-Seigneur, qui fait le rond de l'expérience
: de Jeanne de Matcl, fondàt'ricr: tle l'ordre dtt 'Verbe-Incarné et du
>m- chrétienne et mystique.
Trè11 Saint•S<•crcm.cnt, t. i, P11ris, 1883, p. 357-870; t. 2, p. 275-
r la 290. - Mo.do.me au Verger, dont J.-.J. Surin ·a !ait connaltro 2. li faut enfin mentionner· une grande mystique
ant les grdoos eucharistiques; cf P. Renaudin, op, cit.. , p. 228•230. moderne, 1< dame du inonde et mère de famille», 11 Lucie-
lui, - Marie Ht!lynt; cf ,J. Crassot, La vie de ,na.dama lfélyot,
rolr Christine » (1844-1908) (M. Savigny-Vesco, Lucie-
2• éd,, Paris, 1688, p. 2ft, 11t2-11ta, 270-274; DS, t. 2, col. 2511- Christine, L'o11u:nsoir sous le voile, Paris, 1948), dont les
1,la 2520. - Antoinette de Jésus i' 16?8, chanoinesse de Saint.
J\18 Augustin; cf La vie de la nwrc A n1.oineue de Jéaus .. , avec un confidences ont é té publiées par A, Poulain : Journal
1je abrégé de IJCS lcllrcs, Paris, 1685, p. 10l'i-115, 126, 235-236, 11p1:ritucl de Lucie-Christine (Paris, 1910). Depuis
1no 245-247, etc; H. Brllmond, t. 6, p. 339-373; DS, t. 1, col. 724. Marie de l'Innarnation, nul oontemplaUf n'a plus
nes at!lrmé l'influence de l'eucharistie dans la vie mystique.
,ur. Dès la fin du 17° siècle, la doct1•jne qui considère Élnvée aux plus hauts états dës l'âge de 29 ana, l,ucie-
·ait l'eucharistie comme le sacrement de l'expérience Christine confie en 1877 :
IDO mystique semble s'estomper. Les traités de théologie
'
spirituelle la passent sous silence; à peine qu<llquos Un Jour, dans la trèa so.inte co1n111unlqn 1 nion âme, t riinspor-
téo d'an1our, voulant encore parler à Notre-Seigne\lr, sé trouva
ais .auteurs font-ils encore écho à la thèse traditionnelle. dans l'impuissance de le tairé et reconnut qu'alla n'avait plus
ilè Emmtl:lluel de la Raguera t 1?47 rappelle la doctrine de (Ir, pnroles ... Je c6mpr1s quo, dans cet état d1;1 rocuolllement IJÎ
rd, Thomas,de Jésus et de Jacques S11lian, qu'il a lu sans trop s'y profond, il y avait uno grande gi•dce et une grâce bien elllcace

1615 EUCHARISTIE ET EXPÉRIENCE MYSTIQUE


pour la vie spirituelle. Jo remol'cial mon Diou bien-airné el 10 Il est admis, depuis Paul Sabatier, que pour FranJ
renouvelai mon entier abandon onlro ses mains. Et lui, dopul$ çois d'Assise t 1226 « le culte du Çorpus Christi a eu un
ce jour, ohaquo fois qu'il entre dans mon dme indigne par la rôle prépondérant dans la genèse de sa pensée religieuse
sainte Gommunion, s'1;1mpare d'elle et la met dans cet ét.a1: et qu'il avait été on quoique sor.te l'âme de sa « piété o
p~it, p11r 11110 n1isôricord0 que je ne puis con(:evoir (3• éd.,
1916; p. 17-18; cl p. 1'15-1'16) . (Speculum perfectio.nis, c. 4 , § 65, Paria, 1898, p. 120,
note 1).
4. EXPIDUENCE EUCHARISTIQUE DANS L'HAGIOGRAPIDE
J
A la suite de la théologie, l'hagiographie atteste que É. Longpré, L'eucharistie et l'union ,nystiqWJ, p. 808. -
K. Esser, D.fl,11 Testament des hl. Fran.iskus 110n Assisi,
l'eucharistie est le grand sacrement de l'expérience Munster, 1.948, p. 146-1'52. - :Q. Cornet, Le De rcvcrcntia
chrétienne : les faits confirment la doctrine. Corporis Christi. {J::i:llortatio11s et kttres de saint Francois, dans
La plupart des saint1:1 et des ser·viteurs de Dieu ont. Etudes francis caines, 2 9 série, t. 6, 1955, p. 65-91, 168-180;
en effet trouvé dans le sacrement eucharistique le t. 7, 1956, p. 20-88, 155-171; t. 8, 1957, p. 83-68. • La présonèl)
contre d e Jour vie intérieure, il en est ainsi parce que eucharistique... pour lui... c'est la saisie do l'lnsaislssablo..,
l'eucharistie occupe ce rang suprên,e dans les intentions l'extal!e délicate dans la Joie • (ibi<lcni, t. 8, p. 57-58).
divines (c! E.-C. Nûôez et J.-F. Bérubé, La spiritualité .13onaventure ntt.este que l<' rançoia entrait d'ordinaire en
du P. Pierre-Julien. Eyrnard, p. 179-188). « C'est pour transport extaHqua lorsqu'il recevait le corps du Chris'l
(Lcgcnda sancti Francisai, c. 9, 2 1 Opera, t. 8, Quaracchl, 1898,
nous comn1uniquer la vie intérieure, écrit J .-J. Olier, p. 580, • quasi spiritu ebriue, ln mentis ut pluritnum rapiobatur
que Jésus-Christ est au très Saint-Sacrernent de l'autel, exceSBu m •; cf Barthélemy de Pise, De co,1/ormitatc ,,itac bcati
c'est pour nous remplir de ses sentiments ,, (Mérnoires, Franci$aÎ ad vz'.tan1 Do,nini Jè8U, liv. 2, fruct. 8, dans A.na/cet~
sect. t1, § 5, dans Œuvrea, éd. Migne, Paris, 1856, frqncisca11a, t. 6, Quaracchi, 1912, p. 80, 850.
col. 11 t10). Ils ont éprouvé au cours de la messe, à la
cornmilnion ou simplement en présence do l'hostie, 2° A l'époque de François et de Claire d'Assise, qui
des expôrionces les plus variées et parfois« leurs mornents met en fuite (t240) les sarrasins par· sâ foi au Saint-
les plus intenses ». Le lait est généralement admis, au Sacremen't (A. Fortint, Â88isi nel m.edio IJl'o, Roine,
point que l'eucharistie est appelée << le sacrement par 1940, p. 161-173; Thomas de Celano, Legenda sanctae
excellence générateur do l'extase » (A,. I1nbert-Gour- Clarac, c. 21, trad. M. Havard de la Montagne, Sai11te

beyre, La stigmatisation .. , t. 2, p. 2118). • Clair1J d'Assise, Paris, 1917, p. 92-95), se développe le
Fréquemment, cette. saisie de Dieu s'est réalisée. avec ,nouveni.en.t eucharistique de Liège autour de Marie
un déploiement prodigieux de phénomènes extraor- d'Oignios t ·1218 et do ,Julienne du Mont-Cornillon t 1258
dinaires, qu'il faut renoncer à. évoquer Ici. Sans doute, (déjà esquissé, DS, .t. 2, col. 1'26'•·1266). Jam ais l'eucha•
il n'y a aucune identité entr·e le sentiment de présence ristie n'a donné origine à un mouvement extatique et
causée par l'hostie et « ces manifestations accidentelles à des expériences eucharistiques analogues dans l'his-
ou complémentaires », d'ordre charismatique, « qui en toire de l'lJlglise. Il est important do noter quo ce
SOf\t co1nme le rayonnernent à. l'extérieur, surtout pour cou1·ant a été observé et dirigé, jusqu'à. l'institution de
l'édification des fidèles ,,. Néanmoins, il serait excessif la Fête-Dieu par Urbain 1v, en 12611, par des hornmes de
de les dissocier totalement, car « l'eucharistie est le haute valeur : t.els Foulques, évêque de '1'oulouse,
théâtre ordinaire des n1anitestal.ions corporelles de Jacques de Vitry, l-Iugues de Saint-Cher et Guiard de
Notre-Seigneur,, (A. Farges, Les phéno,nènes ,nystiqucs, Laon (P.-C. Bocren, La vie et les œuvres de Guiard de
Paris, :l925, p. 281 ot 116). .l aort, op. oit., p. 87; F. Callaey, Origine e sPiluppo
Le tabernacle ou la con\rnunion est l'endroit de choix della /esta del Corpus Do,nini, dans A. Piolanti, Euca-
des principales apparitions du Sacré-Cœur aux grandes ri.~tia, l'.tome, 1957, p. 908-916); co qui ajoute notable•
voyantes : ,Jeanne de la Croix (A. Coreth, Di1J My8tili ment à. sa significatiol)' spirituelle. •
der Klarî.$sin Giovanna Jvlaria d(!lla Croce, art. oité, p. 269· 3° Ce mouvement eucharistique atteint son s01nrnet
275), Jeanne Deleloë (B. Sodar, La Mère Jeanne avec GérlrudtJ la Grands t t802 (Lo Hérattt de l'A,nottr
Dèleloë, loco c:it., p. 258-261) et sainte J.\,{ arguerite-Marie. divin. R éiiélations de sainte Gertrude, 'l'ours, 1921 ; cf
De plus, les phéno,nènes, « principalement ceux qui K. Boeckl, Die Eucliari.stielelire, p. 51-70). Au contact
concernent le couronnement de la vie ,nystique, de l'hostie, paroles intérieures, apparitions, n1anifes-
commencent, se maintiennent et se• consomment dans tatîons du Sacré-Cœur se multiplient (liv. 4, ch. 28,
l'eucharistio et par l'eucharistie)> (J. Rlbet, La. mystique. 25, 44, t. 2, p. 99-107, 109-118, 162-164.); elle en roçoît
divine, 28 éd., t. 1, Paris, 1895, p. 846; A. Farges, op. cil., la blessure d'amour (liv. 2, ch. 5, t. 1 , p. 78-81). Pendant
p. 280). De la sorte, les mystiques eucharistiques attos- la messe, le Seigneu1' <( la tait reposer avec une incroyable
tont, par leur vie in térie11l'e et leurs expériences consi- tendresse sur la blessure a,noureuse de son sacré Côté •
dérées .daris leu~ totalité concrete et compl_e xe, que (liv. 11, ch. 18, t . 2, p. 68); c'est par la réception du
l'hostie est le sacrement de la manifestation du Christ <( sacren1ent vivifiant " que se renouvelle son mariage

promise dans l'Évangile. .. spirituel (liv. t1, ch. 29, p. 128). Sainte Gertrude $e
1. Moyen dge. - Dès le haut moyen âge, les mysti• place au pren1ior rang des grandes mystiques eucha•
· ques eucharistiques s'annoncent avec Gér(J.rd cf,e Cl11,ny ris tiques.
qu'a célébré Pi(lr1'e le vénél'able (U. DerHère, L'ascèse 4° Plus d'un siècle après, voici sainte Colette do Corbie
bénédictine des origines à la fin dit 12e siècle, Paris• t 144.7 (Ubald d'Alençon, Les Vies de sainte Colette.
Maredsous, 1927, p. ·154-15.5) et sainte Hildegarde do Boylet de Corbie, réforma.tric(! des Fr~res Mi11ettrs et des
Bingen étudiée spécialement par I(. Boeckl (Di(J Eucha· Clarisses, 1881•1447, Paris-Couvin, 1:911 ). Le chapitre 12
risti.elehre der deut.sch.en Mystiker des J.,Jitte.lalt.ers, de sa Vio par Pierre de Reims, dit de Vaux, serait
Munich, 1923, p. 1·18; Berlière, op. cit., p. 155-157). à citer en entier (p. 97-102), do même que plusieurs
Le 1811 siècle présente saint François d' ..\ssiso, les conten1- pages des l!ahiers de Perrine de la Roche (p,•250-254.).
plat.ives eucharistiques qui constituent (( le rnouvement A l'élévation particulièrement,• souvonto fols son cuer domo.
extatique de Liège» (P. :tvlaréchal, Etudes .. , t. 2, p. 285) roil sy tres ardanl el enflanHné on la très partaitte an1our do
et sainte .Gertrude la Grande. Diou ot son esprit oslové ot parfaitement conjoinct à ly qu'il
I

\
1617 HAGIOGRAPHIE ET EXP~Rll<~l\lCE EUC,HARISTIQUE 1618
riJ samplojt qu'elle tust comme toute transflguréo en ly et llUr de Bréchard ,, sortait de la communion, elle tombait
1n nature ravie et cessoient tous ses sons naturoli à l'usage de leur dans une défaillance presque entière par l'ardeur de
18 office... • (p. 101). En témoin oculaire, sœur Perrine ajoute : l'arnour q.u i la consumait ,1 (t. 2, p. 242).
)) • J'ay oy ilire... que nostre dicte Mère avait 11y merveilleuse et
grand cognoissanco de la digne excellence et très sacrée pré• Les historien~ ont raconté longuement les expériences
o, sence de Notre-Soigneur au dit sacronlent do l'a.ut!ll que phi- eucharistiques de sainte Marguerite-Marie Alacoque
sieurs fois ceulx qui estoient presons oslimoicnt veritablemen t t 1.690 (cc Vie• par les oontemporaines, dans F.-L.
qu'il ·se manitestoit et monstroit /J. ollo par graco especiale ot Gauthey, Vw et Œurres de la . bienheureuse.. , t. 1,
,,,• aprèa son adoration souvente fois son esprit estolt ot do1nouroll J.>aris, 1915, n. 213-221, p. 193-200; cf n. ~7, p. 107;

ia ravi " (p. 25i). n. 125-128, p. 121-128; n. 281,282, p. 265-266; n. 296,
lS
En définitive, les gro.ndes heures de la vie de Colotte p. 281-288, etc). Les apparitions du Sacré-Cœur eurent
);
sont d'ordinaire marqu6os d'expériences eucharistiques lien lorsqu'elle se trouvait en adoration devant le
18
Saint-Sacrement.
., (Douillet, Sainte Colette. Sa ,,ie, ses œuvres, son culte
La grande révélation du 16 juin 1675; "Étant devant
et soh in'{luence, Paris, '1884, p. 253-257).
2. Los mystiques du Saint-Sacro1nent ne manquent le Haint-Sacrement, un jour de son octave, je reçus de
rlloli Dieu des grâces excessives de son amour et mo
pas à l'époque de la Contre-Réform.e. Con1me l'atteste
son Journal spirituel (coll. Monilmenta historica sentis touchée du désir de quelque retour, et de lui
Sooiotatis Jcsu, Monumcr1ta ig11atiana, Con11titutiones, rendre amour pour amour, et il rne dit : « 'l'u ne 1n'en
b. 1, Rome, 1986, p. 86-158; trad. M. Oiuliani, coll. peux rendre un plus grand qu'en faisant ce que je t'ai
Christus, Paris-Bruges, 1959'), suint Ig11ace de Loyola tant de fois demandé ». Puis, me découvrant son
t 1556 a reçu, pendant et à l'occasion de la messe, « des divin Cœur: "Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes,
li grâces d'atnour infus et de grandes lu1nières sùr Dieu ,, ; qu'il n'a rien épargné jusqu'à s'épuiser ot se consommer
,• sa vie intérieure est alors ,, en même temps que trini- po111'. leur témoigner son amour ,1 (t. 2, p. 102); le
taire essentiellement eucharistique» (J. de Guibert, La Seigneur demande alors ·de« communier... pour réparer
spiritualité de la Co111pagnie de Jt!sus, Rome, 1953, les indignités qu'il a reçues pendant le temps qu'il a
p. 85-38; cf A. Suquia Goicoechea, La santa m,:sa en été exposé sur les autels ~. ,
la espiritualidad de san Ignacio de Loyola, Madrid, 1950, , r. . Co1nme aux époques précédentes, les saints
p. 161-180), Après lui, nous pourrions citer saint Phi- dep1tis le 18° siècle jusqu'à nos jours, ont trouvé dans
lippe Néri t 1595 (L. Ponnello et L. Bordet, Saint l'eucharistie la source de leur vie 1nysUquo, - ainsi
• Philippe Néri et la .~ociété romaine de son te,nps, 1515• quo dans l'oraison.
t 1595, Paris, 1928, p. 68-69, 76-77, 4.67-4.69), sainte Sainte Vt!ro11iq1U1 Giidiani t 1?27. • Ce quo j'ai éprouvé à la
con1munion, je ne puis l'oxprhner. .Le SeignellJ' s'adressait
• Marie-Madeleine de Pazzi t 1607 et saint Laurent de lnti111ement à mon âme et lui communiquait des cbosos lnella-
Brindes t 1619 (cf Sari Lorenzo da Brindisi. Stud'i, dans blos. Je pénétr11ÎI! un peu son amour, sa ch&itê immonso sa
Mwcellanea laurentiana, Padoue; '195'1). grandour. Il n'articulait qu'une parole : • C'llst moi'r ~ Et du
A cos personnages oxtraordlnairos fait suite une longue coup j'avais connalssanco de lui et de mol • (Diario, Prato,
s6tlc do serviteurs de Dieu qui ont expérlmonlJ à la mes.5e 189!i; Ar#obiographiB. Extraits de ,e, ~uvrc~, par Dôairê des
'l gr4cés passives de quiétude où ravissements : tels lo bienheu- Pl11nohés, Paris; 1929, p. 99; cf p. 5<., 58-60, 102, 127, etc).
reux Nicolas Fnctor t 1588 (B. Bareizi, Chroni4ue des Frères Après elltJ et t1prè3 la bienheurouse Marie-Madeleine Ml.ll"ii-
1 . Mineurs, trad. J. Blancone, 4•. p., liv. 8, ch. 28-24·, Paris, 1609, nenl{o t :1736 (et Ladislas de Vannos, Vi11, Paris, 1901, p. 1'87-
p. 648-651), Claude Bernard (de BrQqu11, Ola,~dc Bcrr1ard dit 1'•7), voici suint Paul de la Croi.X t 1716 (C. Aimeras, S. Paul
le pauvre prétre, 1588-1641, Paris, 1913, p. 59-61), Michel le de la Croi.-c, Paris, 1957, p. 50-51, 62-65; J . Lobreton, Tu Solu.s
Noblatz t 1652 (F. Ronaud; il1ichel lo Nobletz et le.t niissions Sâ11(:tus, JésU$ ,,ivant dans tes aain/$1 Paris, 1948, p. 21?,
bretonnes, Paris, 1954, p.102), saint Josoph do Cuperlif\o t 1663 222, 225; J. de Guibert, Journal ~ retraite clc Saini Paul de
(D'. Bernlno, Vita del P. Gi"scppc da Copcrtino, Ro,no, 1722; la Croix, J-tAM, t. 6, 1925, p. 30-48) ot saint Alphonse de Llg11vri


trnd. tranç. abrégée, Paris, 1899, p. 300), snint Jean-Baptiste t 1787 (C. de Villecourt,, Vic ot Institut ~ 8ainl Alphonse-
de ln Sallet 1?19 (J .-J;l. Hl11.in, La vie de Mo116ù1ur Jca11•Ba.ptisto Maria da Liguori, t'. 4, 'l'ournai, 1864, p. 216).
d11 la Sail(! instit1Jteur des Frères des écoles ohrétie11nr.R, liv. 1,
', eh·. 4, t. 1, Rouon, 17a3) et lo bionhouroux Tho1nas de Cori Au-dessus de toua ces saints brille peut-êlre le bien-
t 1729 (dans Léon de Clarny, Auréolé sérà.phiquc, l. 1, Paris, heuroux Benott-Joseph Labre t 1788. Il semble que
1882, p. 494). • l'eucharistie ait manifesté en lui toutes ses possibilités
de grâce (Fr. Gaquère, Benott-Joseph L(Lbre, Avignon,
Quant à sainte 111arie-M,idelciitc de Pazzi, il suffit de 1936, p. 293-295). Adorateur du Saint-Sacrement . il
rappeler les faveur$ dont elle fut l'objet à la suite de sa était tellemènt absorbé dans sa contemplation, qui se
profession, du 27 mai 1584 au 6 juillet : chaque matin, prclongoait des nuits entières, qu'il semblait voir le
après la communion, elle entra,it on extase (et S. l\1ada~ Christ dans l'hostie, môme des yeux du corps : extases,
lena de' Pazzi, I quaranta giorni, lntrod. par ,Otgor ravissements lui •~laient habituels à l'élévation d e la
Sleggink, nome, 1952; 1\1:. Vaussard, Extases et lettres messe (p. ~97-299).
de sainte Mario-Madelein(I de Pazzi, Pal'ÎS, 1945, p. 4.6• 5, Au 196 siècle, il est juste de citer saint A11toine-
50, 75·, 14.7, etc; (E1u,1res, tracl. A Bruniaux, t. 1., Paris, Morie Claret t 1870 (cf C. Fernandez et I. Lorente,
1878, p. 828-825; t. 2, p. 118·119, etc). ·S. Antonio Maria Claret, Rome, 1950, P.· .158, 21,
3. A .u 17° siècll! sainte Jeanne de Chantal t 1641 270-274.), la privilégiée do l'Jmmaculée, sainte Bernadett;
atteignit d'abord l'union 1nystigue dans la prière, ,, mais So1d,irtnlS t 1879 (F. Trochu, Sainte Bernadette, la
cet état extraordinaire que la sainte n'avait éprouvé voyante de Lourd11s, Paris-Lyon, 1953, p. 503-506) et
d'abord qu'à, !'oraison, elle ne tarda pas à l'éprouver sah1Le Thérèse de l'E'r1faru-Jésl.l$ t 1897· (A. Combes, Der
à la sainte messe, à la communion, pendant l'office, geistige Weg der hl. Theresia voni Kindc Jcstl. Von der
souvent même .le long du jour » (É. Bougaud, Histoire Euchari.~tie zur Mystik, dans Mystische Theologie, t. 2,
de sainte Jeanne de Chantal et des origiries de la Visitation, Vienne, 1956, p. 22-38, et t. 8, 1957, p. 97-109). D'autres
se éd., t. 1, Paris, 1868, p. 518). Ces grâces ,uystiques pèri;onnt\ges ne peuvent êLre oubliés, notamment la
furent fréquentes à la .,Visitation. Lorsque Charlotte fondatrice de lt1 Société de Marie-Réparatrice t 1878
1619 EUCHARJSTIE E'l' EXPi;;RIENCE MYSTIQUE 1.620
(P. Suau, 1.,a m~re Marie de Jésus, Émi.li,e d'Oultrenu,nt, voyantes de l'l!Jglise, Thérèse d'Avila et Marie de l'Incar-
1818-1878, fondatrice .. , 48 éd., Paris-'rournai, 1 1JZ8, nation; l'ursuline, auxquelles il est juste d'adjoindre
p. (,22-427) et Cha.rie$ de Foucauld t 1916, qui r6vait Marguerite-Marie Alacoque; les Relations qu'elles ont
d'évangélisation « par la présence du très Saint-Sacre- laissées suffiraient à elles seules à légithner la mystique
ment » (cf J .-Fr. Six, Itinéraire spirituel de Chailtis de sacramentelle et à en révéler l'excellence. Ce quo
Foucauld, Paris, 1958, p. 884-346). l'hagiographie ajoute aux exégèses typologiques des
Il convient de terminai· cette liste de mystiques eu,~ha- Pères et aux enseignements des tliéologiens contempla•
ristiques ·par saint Jean-klarie Vianney, curé d'Ars. tifs est .pratiquement inépllisable : elle prouve à l'évi-
dence que le moyen privilégié de l'extase est le sâcriflce
• Vors le 1nilieu de sa vie, vers 1s1.7 environ, écrit B. Nodct, eucharistique et la sainte comrnunion.
lo Bon Dieu donne à ?il. Vianney la grtlce vralnlent extraor- Passée sous silence par les théologiens néo-scolastiques
dinaire de sentir la présence de Notre-Seigneur au tabern(l.cle.
Cette impression était tellement forte quo, d'après des tén1oins et les techniciens de la spiritualité, la doctrine eucha-
sérieux, le bon curé perdaît 111 notion des choses, qunnd il so ristique qui se rattache à Grégoire de Nysse et à Bona-
trouv11lt dans le petit chœur do son église; aussi 11vait-il de la venture a été remise on honneur récemment par Anselme
peine à parler et il • bredouillait • souvent quàlid on lui posait, Stolz os b (t 1942) et Valentin-M. Breton o t m (t 1957).
une quest.ion si près du Seigneur • (Jean-Marre Viiu111cy, r.,iré A. Stolz soutient que la saisie mystique est t( l'expé•
d'Ar8 . .S-ap~nstle. Son cœ11.r, Le Puy, 1958, p. 25). 1•ience de l'insertion du fidèle dans le courant de la vio
divine, à laquelle on accède par les sacre1nents, par
1 Au dire de l'abbé •roccanier, « l'opinion générale à Al's l'eucharistie surtout » (La théologie de la ,nystique,
était qu'il jouissait do la présence visible du Sauveur 2° éd., Chevetogne, 1947, p. 255); enracinée dans la vie
dans l'eucharistie » (F. 'frochu, Le Curé d'Ars, 2c éd., sacramentelle .et liturgique, l'expérience rnystique est
Lyon-Paris, 1926, p. 619); d'aucuns hésitent à l'ad1nul tro de ce chef le prolongement intérieur do la vie chrétienne
(Il. Nodet, wco oit., p. 4/t). Voir les Méditations cucha- et son achèvement au i;ens propre du rnot (p. 258-260).
,ristigues, extraites des écrits et des cattlchi!mes... du Cur6 Toutefois, A. Stolz a excédé notablement en opposant
d'J\rs par 1-I. Convert, se éd., Lyon-Paris, 1921, p . 14. la mystique sacramentaire et liturgique à la « mystique
Ct iri.fra, col. 1647. d'introspection 11 du 15e et du 17e siècle et en éliminant
• pratiquement cette de1·nière : les deux mystiques s'intè-
5. CONCLUSION
grent parfaitement, Corrune l'a établi justement Augùs•
, Po ce qui précède, et de l'enseignement traditionnel lin Léonard o p (Recherches phéno,nénologiques autour
sur l'oraison, il ~ésulte que deux voies conduisent à de l'expérwnce my8tique, VSS, n. 28, 1952, p. 4.55-g59;
l'expérience mystique. La ·première, d'ordre surtout cf aussi Ch. Baumgartner, art. CONTEMPLATION, DS,
psychologique, est la coatemp'lation. Cet itinéraire t. 2, col. Z185-2i86). V.-M. Breton s'est étonné que« les
a été décrit par les plus hauts mystiques : Bonaventure, théoriciens de la conta1nplation ignorent l'eucharistie »
Jean de la Croix, Thél'èse d' A:vila. Les rnattres les plus et que • jamais ils n'en parlent comme moyen de s'unir
autorisés de la spiritualité contemporaine ont prùJ)OSé à Dieu » (La vie de pri~re, Paris, 1948, p. 106). Aussi
cette méthode d' une façon systé1natique et avec tant propose-t-il la com1nunion comme le rrioyen privilégié
d'art qu'ils op.t laissé très peu à élucider aux 1·echerchos de l'expérience in-térieure pro1nise par le Christ dans Je
ultérieures. La seconde voie, la voie sacramentelle el Discours de la Cène (p. 79-107; cr
La spirituo.lité fran-
liturgique, a, été, au contraire, presque totale1nent ciscaine, 2 8 éd., Paris, 19't8, p. 89, 42; Y. Bougé, Lt
négligée, eil dépit des essais do systématisation l:nntés Père Valentin-M. Breton, 18'17-1957, Paris, 1958, p. 285-
par 'fhomas de Jésus et ses disciples, et ce fut une sur- 237). •
prise, dans la plupart des milieux spirituels modernes, L'influence mystique de l'oucharistie est a\l!llc!Î reconnue prb-
lorsque, sur les indications de saint Bonaventuro, le sentement par Tho,nas l\{erton, The living Bread, Néw-York,
sentiment qui voit dans l'euc]iaristie la seconde source 195G, p. 112-115; trad. Tadié, u Pain ,,iPant, Paris, 195?,
de l'expérience 1nystiquc fut proposé expliciternent. p. 121-123, et surtout par S. Paoi o C m (L'Eucaristia e la
Cette doctrine pourla1i t est authentiquement tradi- mûtic,i, dans A. Piolanli, b'ucaristia, Rome, 195?, p. 1089-
tionnelle. Appuyée sur l'Évangile et notamment su,· les 111.4) et par A ..Piolanti ( Cli efletti del sacran1e11to del,!.' Eucaris•
tiq, ibide11h p. 1,GO-'i61). Cotte dootrîne a été exposée et reçue
promesses du Ch-rist à la cène" (Jean 14, 8-28), selon avec bienveillance au congl'ès eucharistiqutl de Barcelone
l'inte1•prétation unanime des mystiques de toute école, (Ê. Longpré, L'eucharistie est le sacrenient de la paix mystique,
,
elle se rattache solidement à la mystique sacramentelle dans XXXV Con.grcso Jt11,caristico lnterna.cional 1962, t. 1,
et liturgique des Pères, depuis Grégoire de Nysse. Barcelone, 1958, p. 158-162).
Grâce au renouveau des études patristiques, la dén1ons-
tration en a été faite d'une manière définitive, ~ ce qui En retrouvant d'ailleurs l'11ne des voies traditionnelles
faisait jadis défaut. Depuis l'avènement du mouvement de l'union mystique, il ne saurait êtro question d'opposer
scola,;Uque, les grands théologiens conte,nplatifs ont un moyen à un autre. Oraison active ou passive et
su rejoindre et conserver la tradition patristique avec communion se soutiennent mutuellement; elles s'asso-
de multiples approfondissernents : tels Bonaventure, cient dans un même itinéraire vers la Trinité par le
Jean Gerson, Denys le chartreux, Thomas de J t'lsus et Christ Jésus, commo l'attestent F rançois de Sales,
Jean-Jose ph Surin. Comme l'a justement ob~e.rvé Surin, Ambroise de Lornbez, et tant d'autres. Le Christ
Jacques Salian (De amore Dei, llb. 11, c. 12, p. 5(;7), (et., en lui et par lui, la Trinité) se communique et se
leur enseignement spirituel est d'autant plus autorisé révèle tantôt dans la contemplation, tantôt par l'eucha-
qu'ils ont expérimenté eux-mêmes les grâces eucharis- ristie selon ses libres vouloirs. Il paraît donc souhaitable
tiques d'union passive et qu'ils se sont trouvés po.rfois de réintégrer dans ]a spiritualité contemporaine la
en rapport avéc des mystiques du Saint-Sacrement, tels doctrine traditionnelle qui' voit dans l'hostie sainte la
sans doute Guiard de Laon, Bonaventure, Denys lo seconde source de l'expérience mystique et de la propo•
chartreux et Surin. Près de ces maitres incompara.bles ser aux limes intérieures. La preuve théologique est
a des voies de Dieu », se trouvent los deux plus gra ndès suffisatnmen t élaborée pour assurer q\le la saisie per-
I
;20 1621 DÉVOTION EUCIIAR1S1'IQUE 1622
. '
IQl'• sonnelle et expérimentale du Christ, dans toutes ses neuf messes. Walafrid Strabon t 849, qui nous rapporte
dre étapes, de la quiétude à l'extase et au mariage spirituel, le fait, conclut:.« Nec semol hostias per diem ilnmolantes
ont s'opère normalement aussi par l'euch aristie. L'efflores- putent -suae '1dei subtllitatem potius quam superiorum
[U8 cence n,iys tique, la plus accessible et la plus élevée à la dovotionem divinis aoceptam 1 » (De ccclesi().Sticarum
iue !ois, est la grâce suprême du $aint-Sac1·ement.. reru,n exordiis 21, PL 114, 943bd).

des La législation 'finit par limiter cette célébration
.Jllphrem LoNGPn~.
>111--. dévotionnelle qui pouvait prêter à des abus. Le concile
\v,i- do Selingenstad t (1022), par exemple, interdit de célé-
floe Ill. Dt:VOTION EUCHAaIST IQlJE h1•or plus de trois messes par jour (Mansi, t. 19, -col.
L'eucharistie est à l'origine et au centre du culte ll97c). Alexandre nt 1073 exigea qu'on ·s•en ttnt à une
ues chrétien, elle est a\1ssi au centl'e de la vie intérieure de soule : « Non 1nodica res est unam missam Iacere et
ha- tout fidèle, nous venons do le voir d11,ns los deux chapi- valde felix est qui unam digne celebraro potest » (PL 146,
na- tres précédents. Les formes dévotionnelles qu'elle a 1 11'1 Oc). Au 12° siècle, la 1nême règle, dans les mêmes
,m e engendrées, inspirées par !'Esprit Saint, ont nécessaire- tormes, est inscrite au Décret de Gratien (lJc con.sccra•
!?) . ment évolué au cours de l'histoire; le magistère de ti.one, dist. 1, c. 58, PL 187, 1728a), renouvelée ensuite
pé- 1'11:glise les a englobées rlans la liturgie ou en a autorisé par les papes et les conciles.
vie l'utilisation pl'ivée. C'est ce double aspect historique 2° Réserve eucharistique. - La célébration ter•
,~.
par

VlC
et 1nagistériel qu'il nous reste à exposer.

A, ESQUISSE HISTORIQUE
1ninée et la communion distribuée, l'usage s'établit de
conserver une partie dos saintes espèces. Durant les
promie1'S siècles, en raison de la rareté des églises et do
est l'u tillsation habituelle des maisons particulières, cet
ine 1. Périôde patristiqiu, et haut ,noyen dge. - 2. Effl.o·
10). rescence. - 3. Culte liturgiqu.c. - 4. Littérature et al't. usage prit néccssairemen t une forme privée. Ainsi,
mt - 5. Martifestations institittionne.lles. - 6. Bien/ails dans son Apologie adressée en 150 à l'empereur Antonin,
1ue spirituels. - 7. La déc,otio11 eucharistique dan11 le11 saint Justin t 168 dit que los diacros ôtaient chargés
Eglu,es d'Orie11t. - S. Attitude de l'anglicanilJ,ne. de la porter aux absents (1, 67, PO 6, 429c). De nombreux
lnt • témoignages attestent également que, jusqu'à la, f\n
,tè- t. PIDUODE PATRISTIQUE ET HAUT MOYEN AGE. - La du 4e siècle, les chrétiens pouvaient emporter chez eux
us- dévotion eucharistique telle qu'elle existe de nos jours l'oucharisl:ie, afir, de se comrnunier eux-mêmes ou
~ur n'est apparue que tardivement. Ce11endan t, dès l'époque l'e rnporter en voyage comme gage de protection (voh•
59; patristique et surtout au haut rnoyen âge, certaines l \S, t. 2, col. 1288). .
)8, manifestations de dévotion annoncent colles qui s'épa- Avec la fin des persécutions la réserve eucharistique
les nouiront au 1noyen âge. · e~t entourée peu à peu de plus de solennité. Les Cônsti-
..
.e »
n1r 1° Céléb ration dévotio11nelle . - La célébration ttttio11s apostoliques (fin du 4° siècle ou début du 5e)
• de l'eucharistie, fixée au dimanche, devint l'acte essen- ordonnent au diacre de porter ce qui reste des saintes
tiel de la liturgie dominicale '(voir art. D1MANCliE, espèces après la communion des fidèles iilc; 't'a l't'ŒOToq>6p1cx,
1881
gié
i le DS, t. 3, col. 953) . En dehors de cette célébration c'est-à-dire au sacrarium ou au trésor (vnr, 18, PG 1,
rin• hebdomadaire, tôt considérée ·comme obligatoire, 1109b; cf DACL, t. 18, 1938, col. 2390-2891). On
apparatt au teinps de Tertullien (t vers 220) une conservait mêmo'partois le vin consacré; dans une lettre
ke
85-
\ célébration plus fréquente et mé,ne quotidienne. La à Innocent 1°r, saint Jean Chr ysostome t ·407 fait
1nesse et la com1nunion de chaque jour sont l'ui;age allusion au précieux sang profané dans le lieu où étaient
général aux 3° et 4,11 siècles (voi1• a1•t. COMMUNION, conservées les sain tes espèces, !vOcx -rœ &yt« l1thc111-ro \
)r,é-
DS, t. 2, col. 123?"1243). ·!\,fais un fléchissement se pro- (PG 52, 538c). Au 6 siècle, un synode de Vc1•dun prescrit
8
1rk, do conserver l'a11cha1•istie dans « un J!eu éminent et
151, duit et la communion des fidèles resto1•a peu fréquente
·' la au haut moyen âge. En revanche, alors que, au dire honnête, et, si les facultés (= ressources) de l'l!lglise le
189- de saint Léon t 461 (Ep. fJ ad Dioscoru,n, PL 511, 626c- permettent, il doit toujours y avoir, devant, une lampe
ris• 627a), on réitérait la 1nesse aux jours de grande solen- alluméè ,, (C. Cha1•don, J{ist'1ire des sacrements, t. 2,
çue nité et seulement quand l'affiuance du peuple l'exigeait, P <1ris, 171.-5, p. 25t,). L'usa~e de la larnpe du sanctuaire

, ~.
one

t.,
on célébrera aussi par 11ure dévotion, même plusieurs deviendra par la suite obligatoire. Au 90 siècle, Léon rv
lois par jour. Le 128 concile de •rolèdo (681) enjoint aux t 855 indique expressément que l'on conserve le Saint-
priltres qui célèbrent ainsi plusieul'S messes qu'ils doivent Sacrement Stl r l'au tel : « Super al tare nihil ponatur
communier à chacune (1-fefele-Leclercq, Histoire MB nisi capsae et reliquiao et quatuor evangelia et pixis
Iles conailes, t . 3, Paris, 1909, p. 544). On tenta cependant cum COl'pore Domini ad vlatlcunl infirn1is » (PL 115,
ser de s'opposer à cet usage. l,es Excerptio11,is du pseudo· 677a) .
et Egbert, sans doute au 98 siècle (DS, t. 4, col. 340), décla- On possède encore 11n certain nombre de pyxides ayant servi
80• rent _qu'il suffit au prêtre de célébrè1· une fois par jour dans l'antiquité chrétienne à conserver le pain consacré ou
à cause de l'unique sacrifice du Christ, ,c quia Christus 111ôn1e le précieux sang (H. Leclercq, 111t. Py~id~, DACL, t. 1~,
le 1'.148, col. 1983-1996). On se servit également de colomrn,a
les, semel passus es t et totutn 1nundum redemit >> (54, PL 89, eucharistiques ùont Tertullien êvoq11e dêjll le symbolisme :
~ist 886b). Ce désir de renouveler le saint sacrifice le plus • Amat figura Spiritus Sancti Orienle1n, Christi figuram ·•
, 88 souvent possible fut à l'origine des messes basses, - (J,i/Jcr adPcrsua Valon1in.ianos -8, PL 2, 545a), et dont l'usage
a.a- abrégé de la messe papale - , et ·amena la création du es t attesté au ternps de Silvestre 1•• t 385; cl L. Duchesne,
ble missel plénier dont los premiers éléments remontent Le Lib,1r PontiflcaliR, t. 1, Paris, 1886, p, 1?6.
~a au 7° siècle (H. Lecle1·cq, art. Messe, DACL, t. 11, 1933, ll° Culte d'adoration. - La réserve ouch9,1•istique,
la col. 764-766). Pour satisfaire à la dévotion privée, à laqueHe on témoig11e beaucoup de respect, avait
~o- Alcuin t 804 compose son Liber sacra,ncntcrum qui d' abord pour but, dans l'ant iquité chrétienne et au
est prévoit deux messes chaque jour (PL 101, t,t,5-t,66). 111oyen dge, do permettre aux fidèles de se communier
er- Saint Léon 111 t 816 célébrait souvent sept et même ou do distribuer la co1nmunion aux malades. La dévo-
,
i
1623 DÉVQ1'.ION EUCHARIS'V IQUE 1624
c,
tion à la présence du Chriqt comme telle se développera Au :t 1° siècle, les controverses se renouvellent. Béren- tr
p~us tard. Cependant, dèi; cette époque, le cul te d'ado- ger t 1088 pousse le syrnbolisme jusqu'à l'hérésie et p.
!'ation est nettement :iffir1nê, surtout lors de ta célébra.• nie la transsubstantiation. Le réalisme sacramentel p1
tîoQ .et au moment de la communion. Cette ado1•atlon est de nouveau mis en 1·elief par Lanfranc,. Ouitmond
est obligatoire et elle se concrétise en des inclinations d' i\.versa, Alger de Liège. Cette réaction stimule la dévo-
et des prostrations. Saint Augustin t 480 en témoigne : t.ion envers la présence réelle. C'est l'époque où Lanfranc SC
«.Nemo illan1 carne1n inandùcat, nisi prius adoraverit.. , t ·1089, archevêque de Cantorbéry, institue on sa cathé- Cl
non solurn non peccemus adorando, sed peccemus drale une procession du Saint-Sacre1nent le dimanche des d
non adorando... Cum te inclinas atque pl'ostetnis, l'tnmcaux pour célébrer le triomphe du Christ. Au chant r<
non quasi terrain intuearis, sed illum Snnctum cujus de l'a.n tienne Occurrunt tu.rbae deux prêtres revêtus 1'1
pedum scabellum est quod adoras, propter ipsum d'aubes sortent portant le brancard (feretruni) où L
enim adoras » (Enarr. in ps. 98, 9, PL 37, 1264c). 1·e1>1)Se le corps du Christ. Une procossion s'organise ai
Comme le déclare le sacramentaire léonien (70 siècle), avec des acclamations trio,nphales. Tous doivent fléchir· 1'
c'est touto la personne du Christ, avec sa nature d.ivine los genoux au passage du Saint-Sacrement (Decreta, d,
et sa nature humaine, que l'on adore dans l'eucharistie : pro ord,:ne S. Benedicii ,,, PL 150, 456-457). Au 12° siècle, b
« Presta... sacramentum hoc in aecclesiis tuis indiffl• - l'Ancren Rirvle (DS, t. 1, col. 548-5'•.9) est probable- el
denter intollogi, ut unus Christus in Dei àdque ho1ninis ment de cette époque - , la dévotion à la présence II
verltate nec a oostra divisus natura, nec a tua discretus ré~ille est particulièrement indiqu6o aux rocluses qui ·E
adoretur essentia » (Sacramc11tariurn Vcroncn11e, éd. vivent près de l'église. Dès le lever, la règle leur prescrit : ri
L.-C. Mohlberg, l'.tome, 1956, n. 1328). Le geste d'ado- cc l'ortant vvs pensées vers la sainte eucharistie que l'on Ili
ration est mentionné dans les Ordùies, par exemple conserve au maître-auto! de votre églisç, adorez-la en L
dans une rédaction carolingienne de l'Ordo 1, où, au dh;ant à genoux, tournées vers elle : « Salut, principe t.I
début de la tonction liturgique, le pontife adore les de notre création I Salut, rançon de notre rachat! d
sat1cta qu'on lui présente : « lnclinato capite ad altaro, Salut, viatique de notre pèlerinage I Salut, récompense u:
primo adorat Sancta, et stat semper inclinatus usque atl:endue et désirée 1 " (La llègle des recluses , trad. d.
ad :versum prophetalem » (J ean Mabiilon, Jlllttseutn G. Meunier, Tours, 1928, p. 16). ti
italicum, t . .2, Paris, 17i4, p. 43, n. '•; cf DACL, t. 5, h•
40 Pratiques diversea. - Outre l'usage d'e1npor- êt
col. 137,3). Enfin, au mo1nent de la communion, cer• te)• l'eucharistie O'l'I voyage, l'antiquité et le haut moyen
taines liturgies anciennes signalent une élévation ot'l rt
âge ont connu certaines pratiques eucharistiques dis-
los éléments consacrés sont montrés aux fidèles avec parues depuis lors.
ces paroles : Ta &.ytoc -roîc; iiy(otc; ou Sancta sanctis
(F. Cabrol, art. Élévatt'.on, DACL, t. 4, 1921, col. 2668- On déposait l'oucharislic dans la bouche dos morts. Cet usnge t
a 1,u ôtro inspiré par lo rite pa!on de mettre une obole dans la à
2665). Ce rite et ces for,nules sont une invitation indi- p,
recte à l'adoration, comme l'indique ta magnifique bouche du défunt pour payer le pM!lage d\1Sty:c et de l' Achéron
(cf J. Corblet,.Hisioirc de l'ê14tllari,,tie, t , 1, Paris, 1885, p. 3HO), 81
antienne de communion usitée dans les liturgies ambro- Ou encore on dépoa.a it l'hostie dans lo cercueil (E. Martêno, q·
sienn,e et gallicane : << Venite, populi, ad sacrun1 et D1: antiquis Bcclesiae ritibus, t. 1, Rouen, 1700, p. 652-653), il
imrnortale mysterium et libamen agendum .. , quonian1 l)':1prè:; sa Vfo attribuée à A111philoquo, Sâint Dasl10 t 879, j(
Agnus Dei propter nos Patî•i sacrificiurn propositurn nprès avoir célébré, conserva. une partie du pain consacré b:
est; lpsunl solun1 adoremus... " (F. Cabrol, Le li"rc <le pour ètra ensovolio avec lui (AS, juin, t. a, Paris, 1867, p. 435a). SI
la prière a11tiquc, Paris-Poitiers, 1900, p. 51, 2). De rnârno là corps d'un jeu110 molno, enfui du monastère et.
11iorL 10 jour niên1c, ayant ètè rejeté du sépulcre, saint Benoit CE
En dehors des !onctions liturgiques, la présence réelle p.
n.é ~omble pas avoir été alors l'objet d'un culte ·p articu- t 5'17 donne Il ses parents une hostie consacrée pour la mett.ra
lier. Los premie1•s indices apparaissent à l'époque caro- sur· sa poitrine en remettant le mort en terre (PL 66, 18Qd- P'
18'1.a). Ces usages Jurent interdits par les conciles, tels ceux à
!lnglenne. Ce culte est sans doute une conséquence
,des controverses eucharistiques qui se développent au
de Carthage en 398 et 525 (Mansi, t,. 3, col. 919d, c. 3; t. 8,
col. ,;r.sc). '
t
d,
9" siècle. Réalisme et symbolisrne s'affrontent et tendon t On peut ciler égalouierlt l'usage de déposer• dos parcelles M
à. se dissocier. Au sy1nbolisn1e de Rutrun1ne s'oppose le d'hostlo consacJ'éC dans le sépulcre de l'autel. L'Orflo 42, qui d:
• l réalisme de Paschasc lladbe1•t qui affirm·o résolument, roprûsonto la disclpllno ro1nalno fixée dès le milieu du 8° 11iècle, gi
peut-être pas toujours avec les nuances nécessaires, J)rt•scrlt au pontife, lors de la consécrat.ion de l'1.u1tel : •-Ponit
trcs portiones corporis Domini intus in confe1111ione et tres do di
l'identité du Christ eucharistique avec te Christ historique J:
(De corpore et sanguinu Doniini 1, PL 120, 1269b). Cette incenso et reoludu.nt.ur reliquiae int\1a in èonfossiono •
(M. Andrieu, l,,e8 Ordi11e,q r o111a,1i du haut n1oyen dge, t. 4, Lou- te
tendance avivera la dévotion à Jésus présent dans l'hos- vain, 1956, p. 1, 00, n. 11). Au 9• siècle, les dpeunlênls iiUcstont e,
tie; cf DS, t. 2, col. 1258. La dovotion à la présence la coutume de joindre trois parcelles do l'hostio consacl'éC et la
réelle pouvait être pratiquée tout particulière1nent t.rois grains d'encens aux reliques que l'on rnot dans lo sépulcre. di
par les reclus; c\ès cette époque, leur.cellule était conti- Binn qua déconseilléè par les· cat1onislos, cette pratique se p1
guë à réglise, et par l'hagiqscope, ouverture donnant 1nHintint jusqu'au 14e siècle (P. do Puniet, Le pon.t.iflcal ron1ain,
sur l'auiel, ils assistaient à la me1:1se, et aux offices et L 2, Paris-Louvain, 19a1, p. 279). ...
tt
cornrnuniaient (L. Oougaud , Etude sur la réclusion 2. EFFLORESCENCE DU C.ULTE EUCHARISTIQUE, - 1 o Ori- er
religieuse, dans Revue Mabillon, t. 13, 1923, p. 86-87) . gine. - Le mouvement de dévotion eucharistiquo
La plus ancienne règle des reclus, la Regula solitarioru,n qui se manifestait do plus en plus vigoureusement
de Orimlaïc (fin du 9° siècle ou début du 1oe), évoque chez. les fidèles comme chez les théolpgions s'épanouit
déjà ce quo pouvait être la dévotion oucharistiqî1c du au 13° siècle.
reclus vivant toujours en présence du Christ : « Delecta- '
C'est la, r6llexion. d'Herbert Thurston ·: • On peut 11filrmer
tioni spectaculorum praescntium, incomparabiliter 1111~, à partir do 1200, la pensée et le culte de l'eucharistiè
anteponat sui Creatoris lntuitum » (12, PL 103, 589cd). deviennent, dans presque toute l'J<~glise, un objet constant
Grimlaïc recommande en outre au reclus de célébrer lu et i,nmédiat de sollicitude. On n'est plus surpris d'aTolr à
rnes$e ou do comm11nier chaque jour (84, 625bc). constater, un de1ni-siècle plus tard, l'institution dâ la fête du
1625 ORIGINE ET DÉVl<.:LOPPEMENT
. . 1626
Goi•ps du ChrisL, l11 Fùte-Diou » (L'eu.chciri,tic et I.e Sa.int-Graal, 1 crits daa bibliothèques publiques de F'ra,tcc, t. 1, Paria, 1.934,
tro.d, A. Boudinhon, dàna lleuue du ckrs6 français, t. 56, 1908, p. 1,XXXIX-xc).
et p. 555). Voir É, Du1nout0L, Corpus Do,rtini. Aux sources de la. André Renard à publié Un opuscule. théologique sur l'Jns•
tel piétf eucharisiiq1tc ,rniclùiuale, Paris, 191, 2, p. 18-~ 7. titatio1t 1/.c la Ftte-l>ieit .(Revue du 111oye11 âge lc1tin, t. 2, 1946,
nd p. 269·276), qu'on peut dater de 1270-1272 et qui explicitf;l
'0· C'est de Belgiquo surtù\lt que rayonne cette ferve\1r loi; raisons de la solennité.
no soiis l'emprise de laquelle se constituera peu à peu le 3° Développement du culte. - La nouvelle fête
lé• C\llte eucharistique tel que nous le connaissons aujour- semblait abandonnée, loraquè Clémept ,v t 1814,, dans
les d'hui. Il y avait alors à Liège des rnoniales particuliè- le èontexte du con-0ile de Vienne, promulguà ~e nouveau
nt rement attirées vers le Saint-Sacrement, comme on la bulle d'U1•bain 1v et que Jean xx11 l'inséra dans les
l'a déjà noté (DS, t. · 2, col. 1268-J 264,; cf S . Roisin, Chf1nenti11es en 131 ?, instituant une octave et ordonnant
us
'
)U
. L'hagiographie tistercie11ne dans le diocèse de Liège un e pl'ocession. Les diocèses et les ordres religieux
se au J.~e 11iècl{1, Louvain-Bruxelles, 19~7, p. 112-114,, l'accueillirent alors les unr, âprès los autres.
1ir 178-184,). Sainte Julienne (1193-1258), première abbesse
des augustines du Mont-Cornillon, sera l'insf,l'Ulnent de Cluny l'adopte on 1315, Citeaux ot les chartreux vers 1818,
'ta les franciscains en 131 !l, les augustins avRnt 13Z6, Chez lés
le, Pieu pour la propagation de la dévotion. Dès 1208, dornlnlcains, ln réte est proposée en 1804, adoptée l'année sui-
e, elle est favorisée de visions qui concernent l'établisse- vante, rojctue ensuite, approuvée à nouveau en 1622; en 1824,
ce ment d'une fête en l'honneur du $aint-Sact·ement. Rllo est côlébréa d11ni, 1.'ordrc entier.
ui ·En 1280 seulernent; elle en f~it part à deux arnies, la Mn France, on la trouve dans un bréviaire do Meaux on 1 S09.
t •
' . recluse Ève de Liège et Isabelle, béguine à Huy, puis Ella est mf;lntionnée à Rouen entre 1812 et 1818, à PQris en
111 moniale au Mont-Cornillon. Celle•cî avertit J ean de 1Îl'l 8, à Rennes vers 1318, à Metz on 132f, à Chartres vers 1~21,
Lausanne, du chapitre de Saint-Martin à Liège. Des à Chûlons-sur-Marne on 1!1'25, etc (V, Leroquais, Les bréviaires
)8 théologiens consultés se déclarent favorables. En vue m.a.nuscrits .. , t, 1, p, xè1-xc:v; Les sacramt1ntaire.s et le., missels
rnc,nuscrits de.s bibliothèque,r p1tbliq1tes de Fra11ce, t. 2, Paris,
tl d'une célébration éventuelle, Julienne lait composer 191.',, p, 206-209).
se un premier office. Mais des oppositions se font jour Hors do France, la Fête-Dieu est adoptée à Rome le
d. dans Je chapitl'e de la cathédrale et le clergé : la célébra- 1er novcnrbrè 1817, date de la promulgation dos CMmc111i11e.~
tion quotidienne de la messe ne suffisait-elle pas à (V. 1.-eroquais, Les bréviaires 11U211uscriis .. , t. 1, p. cxv1). En
honorer le Corps du Christ (C. Hontoir, Sainte Julienne A111-:leterre, l'évclque d'Exetcr de,nancle en 1820 à la prieure
r-
et les cisterciens, dans Collectanea ordinis cisterciensium de Polslo • que Jo serviei du corps et du sank notre Soigneur
n refonnatorurn, t. 8, 1946, p. '109-1_11). Jhcsu Cristsoit tait de grandesolcmpnité entrevous, chcscun an,
s- le joudi })rochain après la 'l'rinité et par los oytnves suivantes•
20 Attitude de la hiérarchie. - Jean d'Eppes (É. Du1noutet, us origi11es de la (etc et de la protte88Ù>rl du.
t 1288, évêque de Liège, ne semble pas s'être intéressé Sair1t-Sâ,crcn1ent, dans La uie et les arts liturgiques, t. 11, 1925,
à la question. Robert de Torote, élu à lu fin de 12~0, p. :l ,S). Dans les Pays-Bas, la telle apparatt à Ull'eeht en 181,7,
1

taudis qu'en Europe centrale êllo est l.\doptée à Cologné entra


peu favorable dès l'abord, change d'attitude après un 18:.!3 et 1626, à TràV8$ en 1838 et à Pr(l{r\18 en 1355 (A. Mollon,
entretien avec Julienne. C'est probable1nent en juin 1246 Le culte renà1i à l'hostie, dans E1,charistia, p. 818), Au milieu du
qu'il publie un mandcmen t ( Inter alia mira) par lequel 1.l1 ° siècle, ln nouvelle solénnitê se trouvo établie dans la plu-
il établissait la fête du Saint-Sacrement et la fixait au pa1·t des églises.
0

joudi àprès l'octave de la l?entecôte. Il nleurt le 16 octo-


3, CULTE LITURGIQUE. - L'établissen1ent de la solennité
bre suivant à Fosses, aprèi; avoir fait célébrer la, fête en
sa présence. Les chanoines do Saint-M:artin de Liège la du Saint-Sacrement parmi les plus grandes fêtes do I

cél6b1·èrent en 124,7, Les oppositions paraissent triom- l'année liturgique a donpé à la dévotion eucharistique
pher pendant qt1elque te1nps et Julienne dut, s'éloigner 11n caractère officiel. Nous nous arrêterons ici a1)x élé-
pour toujours. Cependant, à l'at.1tomne de 1251, passe ments con1plémentaires de cette dévotion, qui constî-
à J,;iège le cardinal dominicain I-lugues de Saint-Cher tur:n t, à des titres divers, l'ensemble du cul te eucharis-
t 1264, légat d'lnnocent tv pô,ur !'-Allemagne. Il décide tique.
de célébrer lui-même aussitôt la nouvelle fête à Saint- ,, o L'élévation. ~ Le désir de voir l'hostie, qui,
,a
1i Ma1'tin et Je 29 décembre 1252 il la rendait obligatoire dèi:; le début du 1se siècle, est un'e des manifestations
,, dans toute l'étendue do sa légaUon (décret...Dum humani de la dévotion au Saint-Sacrement, a provo·qué Je rite
t generis). Le 80 novembr•e 1254, son successeur, le car- de l'élévation de l'hostie et du calice après la ·consécra-
e dinal Pierre Capocci, contlrmait cette décision. Enfin, tion. Des rites analogues existaient : par exemple, dans
• Jacques de Troyes, qui avait connu sainte Julienne au la liturgie ron1aino à la fin du canon ou 1 dans les ancien.
' temps où il était archidiacre de Campine, devenu pape net;, litu1-gies, l'élévation des espèces consacrées accom-
t en 1261 sous le nom d'Urbain rv, publü:üt le 11 aoflt 1264 pagnée de la formule Sancta sa,ictis, avant la communion
la bulle 1'ra11situr1,1,.,9 de hoc rnundo qui étendait la fête des fidèles. Ces gestes n'avaient pas pour but la contem-
clu Saint-Sacrernent à l'Êglise unive,•selle. JI en avertit pla ~ion et l'adoration; telle est au contraire la fin essen-
personnellernent '.Ève la l'ecluse le 8 septembre (« Laetare tielle du nouveau rite. Le plus ancien dqcumeil~ que
,.. quia ornnipotens Deus tribuit tibi deside1•ium cordis l'on possède .sur l'élévation de l'hostie est le décret
tui >>), la prévenant que la fôte venait. <l'être célébrée d'Eudes de Sully, évêque de Paris de 1196 à 1.208,
• en sa présence. précisant au pl'êtr•e la prescription d'élever l'hostie
api·ès la consécration pour la 1nontrer aux fidèle$
Le pape décédé (le 2 octohrA), la bulle resta lottro n1orte une (M:u1si, t. 22, col. 682, n. 28; cf art. EuDEs DE Su1.r.v,
cinquantaine d'années. Tandis que l'ordonnanc(\ do riobert <le DS, t. (t, col. 1679). L'élévation de l'hostie était prati-
Tôrot(;l est insé1·ée dans les statuts du diocèse de 'Liège en 12.!18,
seules q1,elques églises adoptent la fête (par exemple, Apt on qu<:e chez les c!ster·ciens avant 12f0; à l'a fin du 13c siècle,
1277,. Venise en 1295, Wurtibow,g én 1298, .Amiens avant daus tout l'Occident (DACL, t, 4, col. 2667); celle du
1806); l'ordre des carm_el! l'ado))t.e on 1ll06 (C. Hontoir, loc1> ci!,; calice, un peu plus tardive, apparut à la fin du 138 siècle
C, Lambot él 1. Fransen,. L'1>fficc de la F~te-Dieu priniitive, (É. Dun1outet, Hi.stoire du rite de l'élé,vation, dans
Maredsous, 1946, p. 10-20; V. Leroquals, Les bréviaires ,r1a11us- Eur,haristia, p. 354,), Elle est mentionnée par Durand

)
1627 DÉVO'fION EUCHARISTIQUE 1628

de Mende t 1296 (Rationale, Lyon, 1605, f. 177v-178r) . comme dans les Offices des saints ... dans lo11 monàstèrcs ...
Elle rut communémont reçue (rubrique$ du missel do l'Ordre de S. Benott, Paris,. 1696, p. ·1-16, et dans
romain de 1570), sans cependant devenir absolument Offl.cia votiva p11r anrlum, Malines, 1805, p . 100-13~.
universelle, puisque les chartreux, par exemple, ne Inspirés des grands offices, mais composés au gré do
l'ont pas adoptée (P. Lohrun, E:i:plication ..• des prières ... chacun, des petits offices ont . été constitués pour être
de la nuissc, t. 1, Pal'is, 1726, p. 494). Ce désir de voir récités le jeudi, jour conaacré au Saint-Sacrement. 01\
l'hostie sera plus ardent en certaines périodes, ainsi les rencontre dès la fin du 1,. 0 siècle dans les livres

au 1711 siècle, au dire do H. Bremond (t. 9, p. 287-240). d'heures et les psautiers.


Pie x a indulgencié (18 1nai 1906) la pratique de regarder -
V. Leroquais, [4s li11res d'heures maniuori1$ dc la .Biblio•
l'hostie à l'élévation. ihèque nationa/.C', t. 1, Paris, 1927, p. 1, Heures ol missel Iran•
2° Offices du Saint-Sacrement. - DisUnguons
ci~cains (1880); p. 177, Houres de ·rournlti (2• moitié du 14• s.);
au 15° siècle, p. 2~9, Iieures de Liniogos (1449); p. 2001
les offtcos liturgiques et los offices de dévotion. Les Heures de Parls (?) (début du 16• s.) i p. 2'J9, Heures ot
premiers ont uno histoire colnplexe, qui n'est pas encore prièrP.a (17• s.).
entièrement débrouillée (traditions liégeoise, cister- V. Loroquals, Les pQautiers manuscrits latins <ks bibliothèques
cienne, romaine); il semble qu'on puisse la schématiser publiques de Fran~~. t. 1, Macon, 1940-t ll41, p. 232, à Lyon,
da la sorte. Psautier-Heures de Paris (début du 15• s.); p. 109, à Brive,
Psautier-Heures do Limoges (fin du 15• s.).
1) Offices de la P~tc-Dieu. - Qut\nd rut institué le Ces petits offices ont continué à ôtro en usng«i dans lès livres
1'
1
Fesium eucharù1tiae, un premier office ( Animarum cibu11) imprimés, tels que : Etreroice spirituel conte11ant la 111anièrc
fut composé par Jean du Mont-Cornillon, jeune religieux d'e,nployer toutes les lleures dit jour au service dc Dictt, 1661,;
augustin, sur les conseils de sainte Julienne. On a L' Ange cond1te~ur dans la dé1,01iort chrtiienne do Jacques Col"!lt,
retrouyê récemment le texte des antiennes et des répons Liège, 1688, p. 122-131 (cf DS, t. 2, col. 2326•2327); le Caelest~
(ms de la collégiale de 'l'ongres, fin du 13° siècle). Palmetiim de Ouillau1ne Nakatenus, Cologne, 166?, p. 215-21?
D'autres textes avaient été déjà relevés. L'auteur a fait (no111brouses éditions et traductions).
de nombreux emptunts au traité d'Alger do Liège, 8) Offices de la réparation. - Le désir d'oxpier les
De sacramento altaris. Les hymnes sont de facture moins outrages et sacrilèges à l'égard du Saint-Sacrement
impersonnelle. Jean avait également composé une 1nesse a inspiré plusieurs offices, comme celui des bénédictines
propre qui comprenait la séquence Laureàta plebs du Saint-Sacrement et celui de Saint-Merry à Paris
'fldclis. Ce premier office, tout imparfait qu'il ~lit, (l·I. Bremond, t. 9, p. 220-222). II existe aussi de petits
n'en était pas moins _« un nionument vénérable de la offices de la réparation, ainsi dans Luc Vauhert (Exer-
dévotion eucharistique à un tourna.nt de son histoire » cices de piété pour les as11ocids de l'adoration perpétuel/q
(C. Lambot et I. Fransen, L'office de la F~te-Di~u pri• du Saint-.S'acrement, Paris, 1699, reproduit dans La
rnitùie .. , p. 21-37). dévotion à. Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'eucharistie,
Urbain 1v avait approuvé cet office. Mais quand il 1 '706, t. 2). Au même genre se rattochent los offices
voulut inst.it.uor la Fête-Dieu, il préféra, à ce qu'il commémoratifs du miracle des Billettes concernant
semble, s'udresse1• à Thomas d'Aquin t 1274. D'après l'hostie profanée par un juif (V. P aget, Le miracle des
le témoignage de Tolomée de Lucques (biographe du Billettes èt Paris, 1290, dans la revue L'Eucharistie,
saint entre 1318 ot 1323), le saint docteur rédigea t. 8, Paris, 1912, p. 291-292, 424-'128). Voir aussi E. Pirol•
l'office en utilisant un texto romain antérieur, auquel loy, L'Hostie sauvée des flammes [Faverney], Paris, 1950,
il emprunta une bonne partie des leçons qu_i provenaient et l\i. Vloborg, Les miracles eucharistiques. Histoire et
1 elles-mêmes du travail de Jean de Cornillon. iconotraphie d'hosties miraculeuses, dans Sa1ictuaires et
Cet office ron10.in est conservé dans le ms O.E.l. 7 (brévlo.ire pèkrinages, n. 2, Paris, 1955, p. 7-26.
de la fin du 1a• siècle) (le l'abbayo des prémontrés do Strahov
à Praguo ot dans le ms 1974 de Troye11 (bréviaire du 1a• siècle), 3° Ostensions et saluts. ~ C'est l'élévation qui
provonant de l'abbaye' bénédictine de l'rionlior-la•Celle. L'orai- provoqua l'exposition du Saint-Sacre1nent, les fidèles
son et los hyrnnos do l'office de Struhov sont les mêmes quû dél:lirant conte1npler l'hostie d'une manière prolongée
dans l'office '1Ctuol. Elles peuvent cependant être l'œuvro do ou mê1ne permanente. On exposa d'abord, exception•
saint 'rhomas qui les aur11.it déjà composées pour son office. Dans nellement d'ailleurs, des hosties miraculeuses. Les plus
ce dernier, on ne peut néanmoins lui attrlb\1er avoc certitude anciennes rnonstrances datent du 1S0 siècle. Depuis
quo los antlcnne11, les répons, Je serti!<> : l111n1e11sa divi11ac largi- le 14e siècle, de nombreux documents signalent · des
tatis ot d 'autros pièc8s secondaires. De l'office primitif de
saint Thomas l!eules subsistent, du 13• siècle, certaines pè.rtles, monstrances servant à la fois pour Jes reliques et l'expo-
répons et leçons, dans un recueil litùrgiquo des don1lnicalnos sition de l'hostie; ce double usage est interdit depuis le
de Marienthal (Luxembourg), le 1ns de Bruxelles, Biblioth/Jque 180 siècle (M. Andrieu, Aux origines du culte du Saint-
royale 13ll, et dans un recueil do Passions et de Vies de saints Sacreme11t. Reliquaires et nionstrar1ces eucharistiques, dans
disposé pour l'office, Je n1s latin 755 do la Bibliothèque nationale Analecta bollandiana, t. 68 = Mélanges Paul Peeters,
de Pàris (V. Leroquais, l..es bré11iaircs manuscrits .. , t. 4, 1934, 1.950, p. 397-4.18). Depuis le 16° siècle, prévaut l'osten-
p. 369-373). soir en forme de soleil (É. Dumoutet, L' Exposition du
Le texte complet so trouve dans le bréviaire de Meaux do Saint-Sacrem111tt et l'ostènsoir, dans Eucharistia, p. 354•
1809 (Bibl. nat., ms latin 1266, V. Loroquais, Lts bréPiaircs
manU$crits .. , t. 9, 1984, p. 92-95). Cetto date permet d'affir- 860). C'est à l'occasion de la !?&te-Dieu q110 s'organisa la
mer qu'en rl!tâbllssant la fêta Clémont v a repris sans lo modi• cêré1nonie compol'tant l'exposition avan.t la procession
!1er l'offico do saint 'l'ho111as, lequel conserva. sa physionomie et la bénédiction après. On rencontre cet usage à Wurtz-
priinitivo jusqu'à la réforme de saint Pie v, qui en modifia bourg en 1881. Avant la fin du 146 siècle, il rut transposo
les. répons et surtout les leçons (C. La1nbot, L'of/ic~ de la aux messes du jepdi, puis aux autres jours (~. Dumoutet,
FAte•Dicu, Aperçus nouvc<1U-(~ 84r qes origines, dans Revue b4né• Aux origines des saluts du Saint-Sacrement, p. '•28-429).
dictinc, t. li', , 191,2, p. 6'.l-94). Il faut aussi noter l'influence des ,, saluts » à la Vierge,
2) Offl.ees de dévotion. - L'offiëe de la Fôte-Dieu est offices populaires du soir, connus dès le 13° siècle, qui
repris plus ou moins· librement dans les offices votifs flnaloment fusionnèrent avec les « saluts » au Saint~
628 t629 LITT~RATu,nE EU(:HARISTIQUE 1630
es••• Sacrement, fusion facilitée par l'institution des saluts Sumnie sacerdos du rnÙjsel romain, une des plus belles
1ana sans exposition usités aux 16° et 170 siècles. Dès lors, formules de prière privée, est attribuée à Jean de
lS~. ce double olnce jouit d'une vogue considérable (l!.l. Du- Fé1}amp t 1078 par A. Wilmatt (Auteurs spirituels et
de moutet, ibidem, p. 536-5{12; Saluts et vÏ$ites au Saint- tea:tes dévots du rnoyen dgc latin, Paris, 1982, p. 101-125).
~tre Sacrement, dans Euchari.9tia, p. 828-326). Au 12° siècle on peut citer de saint Anselme t 1109
On une prière avant la corrununion (Opera om,1ia, éd.
4. Ll'IT4RATURE ET .UT DE DtVOTION EUCHARISTIQUE. -
~l'es La dévotion eucharistique s'est exprimée dans une F. S. Schmitt, t. a, Edimbourg, 19'•6, p. 10), des Admo-
multitude do textos qui révèlent en mêrne temps les nitions à /fugues l'anachorète surtout au sujet de l'euclta•
ilio- élans de foi qu'elle a suscités et les immenses bienfaits ri.çtie, d'un prêtre Robert qui écrivait entre 11(t0· et
r~n- que les fidèles y ont trouvés. Aussi est-il nécessaire d'en 12t5 (F. Vernet, La littérature latine médiévale, dans
1s.); donner un apel'ç\l. Pal' aille\trs, l'art religieux a contribué E11,clia.ristia, Jl. 787), les méditations eucharistiques
~60,
ot également à entretenir et à exprimer cette dévotion. d'Arnauld de Bonneval, t après 1166, publiées par
Il convient de se repo1·ter au chapitre r de cet article ,J. Leclercq (Recherches de théologie ancienne et médU-
1

où sont mentionnés les textes patristiques et au chapi- · vale, t. 13, 1946, p. 40-56).
tre n où sont présentés les textes des principaux auteurs 2) Bas moycri dge et temps mfJdernes. - A partir du
spirituels du moyen âge et des temps modernes. Déjà, 13° siècle, les te:x tes de dévotion se rr1ultiplient.
à l'article COMMUNION FRÉQUENTE, on pourrait lire L' Adora te est « une de ces compositions harmonieuses
vres nombre de textes eucharistiqU'es de théologiens, de et géniales, tout ensemble riches et shnples, qui ont
1i6rc spirituels, de prédicateurs (vg t. 2, col. 1265-1268 : servi, plua que bien des livres, à former la piété catho-
i04;
,ret, textes de Tauler, de Gerson, do Biel, de la Dévotion lique » (A. Wihnart, Auteurs spirituels,., p. 861).
rem moderne); voir aussi la notice de DOROTHÉE DE l\{oNTAU , L'attribution à saint 'l'homaa en est 6Incertaine. C'est •
t. 8, col. 1661,-1668. l'Orationale· Augiense (Reichenau, 14 -150 siècle) qui
•247
1° Littérature eucharistique. - Si la grande contient la plus vaste collection d'hymnes eucharisti-
efflorescence de la dévotion euchuristique ne date que qua:; : vingt-six pièces, parmi lesquelles l'A"c "erum,
les du 188 siècle, celle-ci s'est manifestée cependant dès plus populaire encore au moyen âge que l'Adoro te.
ent les premiers écrits consacr6s à l'eucharistie. Bien que Con1me beaucollp d'autres, ce ftrt à l'origine une
ne~ d'expression collective, ceux-ci n'en révèlent pas moins priùre pou1· le n101nent de l'élévation, dont le rite so
lris les sentiments des fidèles, d'autant plus que l'inspira- répandait précisément au 13° siècle.
tits ' tion de celui qui les prononçait vouvait alors se dévelop- On rencontre l'A11c verum comme toi dans un missel do Cluny
~er- per librement. Les forrnules liturgiques une fois fixées, (2• ,noitié du 14• aiècle; V. Leroquais, Les saoramèntaircs et les
111a111iscrita.. , t. 2, p. 351), dRna un mia.~el d' A.ngers
elle l'lnspll'atlon privée ne s'épanouira guère que dans les n1issels (1f> s., t. 8, p. 72), Il so trouve plus fréqua,nment dnna des
0
La textes destinés à la dévotion ·particulière.
'
ttc., livres d'Houres, aveo d'autres pri~res du même genre. Il appa•
ces 1) Période patristique et ha.ut moyen dge. - Les rait dans les documents ·suivants ! }lllurè$ de Montieri1mey
!int documents liturgiques contiennent alors en grand nom• (1~'l7), V. Leroquaia, Les liPres d'HeurBS manuscrits.. , t . .1,
q88 bre des textes qui sont souvent d'une somptueuse p. 1,1, He\1_rea du Mans (15• s.), p. 1.22, Heures do Paris (1.5• s.),
tie, magnificence, notarnment ceux qui ont trait à la parti- p. 139-160, Hedrea de âome, p.151, Heures do Poitiers, p. 158,
101- cipation des fidèles au 1nystère eucharistique, par L'O salutaris figure parfois comme prière d'élévation,
50, oxomple dans la DidachiJ (fin .du 1or siècle), la Tradition par exemple dans des Heures de Paris (15 6 s.), p. 194.
, et' apastalique do saint l·Iippolyte (30 siècle), !'Eucologe Parrni les plus belles prières qui ont égelemen-t servi
1 et de Sérapion (4° siècle). Un choix de textes a été donné po111• l'élévation, mentionnons I' Ave preciosissiniu,n et
par A. Iiamn1an (Prières euc/ia.ristique$ des pre,niers sa11ctissi1nu1n corpus !]oniini nostri Jhesu Christi dans
siècles, Paris, 1957, p. 113-153). La liturgie éthiopienne des I-leures do Paris (début du 15° siècle), ibidem, t. 2,
JUÎ comporte mêrne un recueil d'hymnes eucharistiques p. :3 1,'l, une poésie l!'ançaise de deux strophes, le te salu,
iles (Zemmari4), destiilées à litre chantées à la fin de la Saulveur de tout le monde, dans les Heures de Macé Pros-
tée tnesse; ce livre, attribué à saint Yared (6 8 siècle), est tesaille (1475), p. 322, otun poème latin de sept strophes,
>n• sans doute de composition plus récente (voir l~. Vélat, Sal(,11 ,'lancta oaro Dei, dans des Heures de Roine (fin
lus Hymne.9 eucharistiques éthiopie111ics, dons Rythmes du du 156 s.), p. 848-849.
uis inonde, DOUV, série, t. 1, 1953, p·. 26-36; art. ÉTHIOPIE 1 C'est surtout aux 140 et 15u siècles que se multiplient
ies DS, t. {i, col. 1473). les recueils de p1•ières (Pre.ces, Piae preces, Libellus
DO• A la .fin du 7 siècle, l'antiphonaire irlandais de Ban-
8 prtic1un, etc), où la place de la dévotion eucharistique
1le gor contient une hymne eucharistique, Sancti "enitc, qui est.rie plus en plus grande. En marge de cette littérature
nt- restera· presque la seule jusqu'au 12° siècle (PL 72, dévotionnelle, il convient de ne pas oublier le courant
1ns 587-588). Au 9° siècle apparaissent des prières de dévo- de romans pieux qui a donné naissance à deux gr•andes
1rs, tion dans le De psal1noru1n usu d'un pseudo-Alcuin, œtrvres eucharistiques : La quetJte del saint Graal
ln• vers 850 (PL 101 , 508bd), et dans la Missa. lati11a, qui (entre 1214 et 1227), attribuée avec vraisemblance
d11, est peut-être l'oouvre d'Alcuin t 804 (PL 188, 1882· à un cistercien et qui a pour centre l'eucharistie et le
'iii- 1384; sur cette Missa, voir F. Cabrol, art. Flaoiue calice de la messe (cf H. Thurston, The bl/J$llcd
. '
.la Illyricus, DACL, t. 5, 1923, col. 1630-1684). La prière Sacrament and the holy Gra.il, dans The M"nth, t. 110,
on Domine Jcsu Cliri.9ttJ, Fili Dei vi"i, qui se trouve dans 1907, p. 617-632; trac;I. A. Doudinhon, L'eucharistie
tz- ces deux recueils, a été &doptée par la liturgie. En marge et le Saùlt- Graal, dans Rev11,e du clergé français, t. 56,
>sé dos controverses eucharistiques des 9e.11 e siècles, 1908, p. 549-565); et le Pèlerir,age de "ùi humaine
et, retenons les belles prières avant la 1nesse et la commu- (1330•1383) du cistercien Guillaume de Digulleville
9). nion que Paschase Radbert t 865 ajoute à la fin de son 't 1.360, pour qui « la viande du pèlerin » c'est l'eucha-
~e, De corpore et sanguine Domini (PL 120, 1847b-1850d). ristie.
(UÏ Saint Jean Gualbert t 1073 compose deux prières avant J)ans la littérature religieuse du moyen. âge, I'exem-
lt- et après la co1n1nunion (PL 146, 978ab). La prière plu,n eucharistique est fréquent. Il occupe une large
'

1631 DÉVOTION EUCHARISTIQUE 1632


place dans les recueils de miracles et de faits merveil- âmes se purifient dans un baïn mystique (t. 2, p. 1'•5-
leux, depuis ·le De miraoulilJ d'I·Ierbe1·t de Clairvaux, ·188) .
cornposé en 1'178 (PL 1~5, 1278-1884) jusqu'au Dialo- Il. MANIFiS'rATIONS INSTITUTIONNELLiS, Depuis le
-
gus.1nir(J.Culor11,ni (1223) de Césaire d'Heisterbach (t vers f8Q siècle, la dévotion eucharistique a donné naissance
1240; éd; J. Strange, Cologne, 185:1; cf C. Hontoir,
à des confréries ou à des ordres et congrégations reli-
La dévotion au Saint•Sacre,nent chez les premiers cister- gieuses, lnstiL'Ués pour promouvoir le culte du Saint,
ciens, dans Studia euohari&tica, p. 1'i1-144; DS, t. 2, Sacrement. Depuis le dernier quart du 198 siècle, des
col. 430-482; t. 4, col. 1898.
congrès eucharistiques se tiennent périodiquement.
Au 16° siècle, ,Jacques Amyot t 1598 compose pour .
le roi de France deux Oraù1011s pour dire de,,ant et 1tpràs '1 ° Confréries eucharistiques. - Les confréries
la co1n1nunion (J. Morienval, L'eucharistie dans la du Saint-Sacrernen t ont commencé à se répandl'O avant
littérat,~re moderne, dans Eucharistia, p . 808). Avec mêrne l'institution de la Fête-Dieu; colle des Pénitents
Je 17° siècle, la dévotion à l'eucharistie se développe gris d'Avignon remonte en effet à 1226, - ot sans doute
davantage encore. L'adoration réparatrice provoque n'est-elle pas la première - , et a pour but de répare1'
la composition de p1·atiques appropriées, toiles que le:i sacrilèges des albigeois. Dès la fin du 18'' siècle, on
!'Horloge pour l'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement signale des conf,·éries en France, en BeJgicrue, on 1-lol-
et les Litanies de la réparation du Saint-Sacre,ne11t lande, en Italie, etc. Leurs activités ont déjà été pl'ésen-
(cf 1·1. Bremond, t. \), La 11ie chrétienne sous l'ancien tées: accompagner le Saint-Sacrement porté aux malades
rég&ne, Paris, 1932, p. 214•220); apparaissent en même on dans les processions, assurer l'adoration eucharis-
temps los Chapelets du Saint-Sacrenwnt (DS, t. 2, tique, répare1• les outrages faits à l'l-Iostie (DS, t. 2,
col. t,81-4.82). Dans sa Journée chrétienne (Paris, 1655), col. 1471.1-1475). Les différentes confl'éries eucharis•
' , Jean-Jacques Olier t 1657 insère des Actes pour la tiques ont été agrégées en une archiconfrérie du Saint-
communion (Œuvres, Pa.1•is, 1856, col. 191-198) et un Sacrement par la bulle Domi,~us noster Jes!l,S Christus
Exercice pour la visite du Tr~•Sai11t-Sacrement (col. 208- de Paul 111 (80 nove,nbre 1589), qui en est la cha rte.
216). On peut en rapproch'e r la célèb1•e compagnie du Saint-
Parmi les texte11 les plus connus· on peut citer Le trésor cf.es Sacren1ent, qui, sans être, à proprement parler, une
,:randf bi~ns d~ la Tras Sainte Eucharistie, par ·Jacques de confrérie eucharistique, avait cependant mis l'euchariR-
}.{acbault t 16?6 (Paris, 1661), L'amour de Jdsus a,~ Très· tie au centre de son apostolat et de sa vie spirituelle
Sa,i nt•Sacrenie,11, I1lvroux, 1662, par Henri Bondon t 1702 (DS, t. 2, col. 1301-1811).
(DS, t, 1, col. 1890-1892), les cantiques de saint l,ouis Grignon Ces confréries d'antan, pour la plupart dispa1·ues, sont
de Montfort t 1716 (éd. Fradet, Paria, 192\l, p, 73•101), Entre• rernplacées aujourd'hui par l'Agrégation du Saint-
ti~ns iivec JdstU/•Christ <lru~ le Très-Saint-Sacrement de l'autel
(5 vol, Toulouse, 1701-1708) par Jean-Paul du Sault t 1724,
Sacrement (du Bx Julien Eymard), la Ga1•de d'honneur,
les Visit~s /1(1. Saiut-Sacrement (enlro 1745 ot 1748) de saint !'Heure sainte, etc. Voir Fr. Veuillot, Les œuc,res·eucha-
Alphonse de Liguori t 1787 (DS, l. 1, col. 867), Je Froment des ristiques, da ns Eucharistia, p. 86'3 svv.
élus, Troyès, 1823, par Claude Arvisenet t ,j831 (DS, t. 1, 20 Ordres et congrégations eucharistiques.
çol. 935). A signaler spécialement les l\nony,ner; J,'ta1111nulas
am,0ris eucharistici sert PÎ$itantÎll SS. Eucharistia1n salutationes .. ,
- Dès 1828, le cistercien André di Paolo fonde les
Augsbourg, 1690. •moines blancs ou frères du Saint-Sacrement pour honorer
de toutes 1nanièresleChrist euchl}rîstique; cette congré-
20 Art eucharistique. - Bornons-nous à indiq\181' gation fusionna avec les bénédictins olivétains en 1582.
les principaux thè,nes utilisés pour stimuler la dévotion. A partir du 17 6 siècle notamment, diverses ton tati:vcs
1) Figures bibliques. - Plusieurs scènes de la Bible furent faites pour fonder des congrégations •où l'adora-
ont -été représentées comme des symboles de l'eucha- tion du Saint-Sacre1nent serait perpétuelle, On connait
ristie : le sacriflce d'Abel, de Melchisédech, d'Abraham, l'essai, retentissant et éphémère, de Sébastien Zamet
la rnonne, les noces de Cana, la multiplication des pains, t 1655, évêque de J.,angres, et d' Angélique Arnauld
' etc (M. Vloborg, L'eucharistie dans l'art, t. 1, Paris, t 1. 661. L'institut échoua rapidement (1688-1688).
•J9r.6, p. 27-',2). Voir Louis ~1•unel, Sébastien Zamct, Paris, 'l 9'12,
p. 287-288. De son côté, Christophe d' Authier de Sls-
2) La Cène et les disciples d'Enunaûs. - C'est au gaud (1609-1667) , évêque de J3ethléem, fondai t l'insti-
6° siècle, à Ravenne, qu'apparait la représentàtion tut des l'rêtres du Saint-Sacrement fN. Borely, La vi1J
de lµ Cène que .lanl de chcfs-d'œuvre illust reron t de ,nm,sire Christophe d'Authier .. , Lyon, 1 ?03). Au mê1ne
(Maurice Allemand, L'.art du v 8 au xv1° siècle, dans moment, le dominicain Antoine l,o Quien (1601-1676;
Eucharistia, p, 8{15-864; Germaine Maillet, ...depuis An toin·e du Saint-Sacrement) tondait à Marseille en
le xv1(! siècle, p. 865-896). Le l'epas des disciples 1689 dei; religieuses sacramentincs vouées à l'adoration
d'E1nmatis, dont le u mystère » se répand à partir du perpétuelle (DS, t. 1, .col. 719); la 01ême année, Jeanne '
·1,2 e siècle, n'avait sans doute pas par lui-même de sens Chézard de Matel t 1670 ouv1'ait la première maison de
eucharistique. Cependant, dans les œuvres d'art, le l'ordre du Vet•be incarné et du Saint-Sacre1nont (DS,
Çhrist y apparaît avec la même attitude qu'à la Cène t. 2, col. 887-840). ·
· (M. Vloberg, L'eucharistie dans l'art, t. 1, p. 125-133). La fondation la plus caractéristique reste celle des
3) •L'eucha.ri..9tie et la .passi:011. - Le saint sacrifice bénédictines dt1 Saint-Sacrement, - ((( adoratrices,
étant le 1némorial de la passion, il était naturel qllo réparatrices, victi1nes ») - , fuite à Paris, en 1652, sut•
l'art rapprochât les deux sujets. Tantôt le calice est les conseils de Jean de Bernières, par Ca.thorine de Bar
associé •à la crucifixion pour recueillir le sang du Christ. (Mechtilde du Saint-Sacrement. t 1698). En présence
.4.illeurs', Jésus est ·représenté sous le pressoir mystique de la reine Anne d'.Autriche, qui prononçait l'â1nende
ou sous la forme do !'Agneau irrunolé versant son sang honorable, l'adoration perpétùelle était établie le
dans un calice. Enfin, avec la « Fontaine de vie », lo 12 mars 165'•· Voir Le véritable llSprit des religieusés
sang du Christ est recueilli dans une vasque où les adoratrices perpétuelles du Très-Saint-Sacrement d//
, 1'

l632 1633 MANIFESTATIONS INS'J'JTUTIONNELLES 1634


145- l'autel, Paris, ·1682 (cf Trois cents ans de prière, Paris, Cla.il'e d'Assise mettant 011 fuite les troupes de
1953, ,p. 56-63). Frédéric Barberousse en avançant à leur rencontre
s le :flln :1.715, Pierre Vigne, pastou1• converli, fondé à Ro1n1;1ns les nvoc la pyxide euc1larÎ$tiquc. Plus tard, à Rotterdan1,
sœurii du Soint-Sacron1ent, qui p1•aUquent l'adoration perpé- \ln prêtre apaise une émeute on élevant une hostie
1nce
L11~lla; en 1767, Joaeph Hély fonde au diocèse do Coiro, en (,1. 1-Iuizinga, Le déclin dtt 1noyen dge, trad. J. BasUn,
reli- SuiSsê, les religiei1nes rle Saint-Norbert; en 1807, la francis-
lint- Paris, 1948, p. 215). Cette dévotion n'est pas toujours
cai11C J\1arie-Madel!)ine de l'Incarnation fonde les adoratrices exempte dé déviations (cf G. Schni1l'er, J(irché und
des porp6(uollos d\l $aint-Sl\,:r1Hnent ou sacran1entines. ?'i1ais déjà, l(rtltur im Mittelalter, t. 3, Paderborn, 1929, p. 2113;
• sous l'hnpulsion do .rose ph Grise! t 1787, supérieur cccl6sia.s• h•1Jd. G. CastelTit, t. 3, Paris, 1988, p. 838•889). La
tique, et du blonheureult Nicolai; Verron t 1792, les religieuses
lries de Sai.nte-Aurc, à Pa.ris, s'iltaient transforrnées (1718) en l)évotion moderne qui contribua tant à vulgariser la
,ant « adoratrices perpétuelles du Sac!'é-Cniur de ,Jésus •. Rt doctrine et les pratiques de la piété aux 1fic& et 1"58 siè-
ent.'l Pierre Coudrin (1768-1887) 6lablissnil il Poitiers à la fin de l!I cles est particulièl'en1ont att11•ée p9r l'oucharistio; le
~ute R.êvolution, avec Henriette Ayn\cr de Ill Chevillerie, les reli- livre 4 de l'l,nitation de Jésus-Christ en est le rru\t
are'1• gieuses des Sncrés•Cccurs et de l'adoration pôrpétuélle (da (,;f DS, t. 2, col. 1267-1268; t. 3, col. 734).
, on Picpus), institut essentielle1nent eucharistique ot d'adoration On sait la place que le concile de Trente (15115-1568)
rlol- réparatrice (DS, t. 2, col. 21,111,J. 1·{:serva à l'eucharistie (sessions ·1a, 21 et 22). Dans le
sen, renouveau religieux du 16° siècle, la dévoti.on eucharis-
On n'ex.agé1·erait guère en disant que l'cnseinble des 1.ique apparut comme une sotirco de vie intérieure et
\des congrégations fondées au 19° siècle, - adoratl'Îces,
d'act,lon apostolique; les Oratorio del divino a.1nore,
réparatrices, onsoignantos ou missionnaires - , profes•
:. 2, les confréries du Saint-Sacrement, 1les congrégations
• sent un culte spécial envers l'eucharistie : ado1•at.ion
1r1s- . 111ariales et quantité d'autres institutions, comme les
perpétuelle, longues hoùros d'adoration cornnnine
1int- ou individuelle, exercices de dévotion devant le Saint• <~luu·ant.e )Jeures, on témoignent abondaxnment (voir
':St!,U npéciulement P. Tacchi Venturi, 1.,a vi:ta religiosa
Sacrernent exposé, etc.
1Pte. i:n Jtaliç, durantc la prirna ctà della Co1npag11ia di
int- On a déj/1 signalé les fondations espagnoles (DS, l. ,,, col. 1·I 84- Gesù., t. 1, 28 éd., Rome, 1930, p. 2-1 7-290).
·llne 1187), RoLcnons saulemont les fondations du bionheureux Urbain 1v, duus sa bulle de 1261i, fixait com1ne but
lJ!iS- Julion-Ey1na!'d (1811-1868), los congrégations des Prûlrcs et dcS' spirituel à la F'&tc-Dieu l'adoration, l'action de grâces,
Servantes du Trùs-Saint-Sacroment (1856 et 1858), vouées à
lelle l'apostolat cucharistiquo et à l'adora_tion perpétuelle; celle do
la réparation et la supplication. Les chrétiens ont
lu société de liial'ie-Réparatrico, en 1857, 1) Strasbourg, vouée 1•épondu à cet oppel de là hiérarchie dans une mesure
sont à l'!ldorntion eucharistique (par liJ111ilie d'Oultre111ont, Marie de qu'il n'est pas possible d'apprécier. Les articles comn1e
int- ·Jésus, 1818-1878). Et com1nent no pas citér les r aligiom,es de ceux de COMMUNION FRt:QIIENTE, COMMUNION SPII\I•
eur, Mario-Auxiliatrice (fondées à Toulouse en 1864 par lu' hienheu- 1'UELLE , Cmun SACIIÉ DE JÉS US, Eucr-iARIST[QUt.:
~ho,- rouso Marie-Thérèse de Soubfrnn i' 1889), les sœurs do l'adora- (Cœur), V1sl'rv. At/ 8ArNT-SAcnE_MKNT, peuvent ou
tion répa.ratrlcè (fondées à Paris en 1849 par Th6odclinde pourront à peine en donner quelque idée. N'est•ce pas
Dul>ouché "t 186a; et DS, t. 3, col. 1743-1745) ou les Pères du dans Je cadre du sacrifice de la 1nesse et do la présence
(88. Sacré•Cœür (Condés à Suint-Quentin en 1878 par Léon Dehon, du Saint-Sacl'ement quo l~ mystique eucharistique s'est
les 1848-1925; cf DS, t. a, col. ·105-115).
manifestée et rnagnifiquemont épanouie? Le chapitre
~rer t1ui précède 1nontre au mieux les bienfait.c; spirituels et
[P'é- 3° Congrès eucharistiques. - L'idée p1'on1ière 'do
ces congràl:l est due à f:milio 'l'A1nisier (18tA3·1. 9"1 O). rnys tiques de l'eucharistie, vio, nourriture e~ présence,
S82.

l'VeS Novice, elle qu1tto les ser•van tefi du Très-Sain t•Sacremen t t:ol. 1586-1621. Les spirituels O\édiévaux aimaient à
pour promouvoir dans le monde le culte de l'ouchal'i$tie. retrouver dans la,coritemplation du Christ eucùari$tiquc
~r~- nn avant-gotlt èle la béatitude : ,, Accordez-nous,
11aît Elle susc.ita d'abord des polorinogos eucharistique.:; de
187'ic à 1878 : A.vignon, Faverney, Douai. L'idée de Seigneur tout-puissant, de vôir un jour fa.ce à face et
met tel -qu'il est, de J)OSSéder vré.iment et réellement dAns
lUld congrès se p1•écisait, ruais la réalisation s'avérait <lifficil.e.
88). Aidé avec ferveur par l\fgi• GasLQn de Ségur t 188"1, los cieux celui que uous voyons et recevons ici-bas
~1- 2,
Philibert Vrau t 1904 fait abot1lir le projet et le premier sous les espèces eucharistiques » (oraison de l'Ancren
Sî~- congrès eucharistique international se réunit à J.,îllo on Riwlc).
lsti- 1881 (L. Baunard, Les <ku;r, frèrf!s ... •Philibert Vrau,
Ca,nille J,'ér.on• 'Vrau, t 1, Paris, 1911, p. 104-125; 7. Di'.VOTION EUCHARISTIQUE DANS LES t<ll.lSES D'O~ENT,
i,,ie - Les l!.lglises orientales séparées n'ont.pas adopté les
t. 2, p. 121-1.58). Jusqu'en 1960, trente-sept cong1•ès
~me p,•atiques Cfll'a fait naitre en Occident l'efflorescence du
,76; se sont :;uccédé à travo1•s le monde. Sans avoir le reten•
culte eucharistique, culte que le protestantisme a, de
tissement de$ congrès internationaux, un grand no·1nbro
eri 1 !:>ùO côté, rejeté. En revanche, les lllglises Orien ta.les
Uon de congrès nationaux, régionaux ou diocésains ont éga-
lem!lnt contribué à l'épandre la dévotion oucharistiqnc catholiques les ont large1nent suivies.
nne En rapport avec le rile de l'élévation, le Salnt-Sacrc-
l de et sos bienfaits.
rnenl est présenté plusieurs lois à l'adoration dès fidèl es
DS, 8. BIENFAITS SPIRITUELS. Nous n'avons pas à
- au cours de la 1nesse grecque; avant la comm\1nion du
exposer ici les bienfaits spidtuels de l~ dévotion au prêtre, le célébrant élève les saintes espèces, tandis que
des Saint-Sacrement. La vie spirituelle au moyen Age est les fidèles se prosternent; après avoiJ' communié, Je
ées, caractérisée par une tendre dévotion à l'hurnanité du prêtre, le calice dans les mains, invite les assistant">
sur Christ. Saint Bernard on était déjà tout pénétré. Elle à la communion; enfin, en se rendant de ljautel princi-
Bar s'a.1nplifie et s'attache de préférence au myi;tèro do la. pal it l'autel lat6rol, le prêtre s'arrête a\1 milieu de la
,nc,e passion et au culte de l'euchai•istie. Ce culte fait mieux porte sainte et présente le calice au peuple qui s'incline
nde comprendre la sainteté q_u 'exige la participation au fJOur adorer (Mgr Grég_ oire Jouset, Le oultc eucharistique
le sacrifice eucharistique comme aussi la grandeur et les dans la liturgie grecque, dans Congrès des œu11rcs cucha-
exigences du s~cerdoco. Le respect pour le sacrernent ri:Stiques tenu à Jérusale,n, 1893, Paris, 1906, p. 387-388).
est Immense. L'iconographie a -retenu le cas de sainte La plupart des t~glises orientales ont adopté un office
D ICTIONNAIRII DE Sl'I RITUALITf!. - 1\ IV. 52
1635 ' DÉVOTION EUCHARISTIQUE 1636
du Saint-Sacrement, .Les ita.lo•grecs ont une fête J1eim, Eucharistischer lùût 11rid Mcssopfer. Ein llcitra1; zur
spéciale ave<:: un office propte dont on a une rédaction C:cschîchte des Wandela der cttcharistiscluin Frt11n11iickeit, dans
dans l''Av8oÀoyLov d'Antoine Arcoudios (16 8 siècle; .1lfi.~cdla1rna Pio Paschini, t. 1, Rome, 19(,8, p. 237-268.
1;'. Browo, Die Vcrchru11g d~r ll'ucharistie in, Mittclaltcr,
S. Salaville, Liturgie des Églises orientales, dans Eacha- J'l.1unich, 1 oaa; Die ci;cTtarislischen J,Vitndcr des Mittelalters,
ristia, p. 596). En 1737, lviaxime Hakin, archevêque l!reslau, 1988. - J. Duhr, art. COMMUNION FRflQV R NTP.,
grec catholique d'Alep, composa un office qui fut DS, t. 2, col. 1231,-1292. .
adopté pa1• les diocèses cl' Antioche, d'Alexandrie, de Malgré ses outrances, on peut consulter encore J.-B. Thiers,
,Jérusalem et }Jar les monastères basiliens du Liban Traité <l.cs super8titions qiti regardent le:; S(1Crc111c11ta selon l'.i:cri-
et de Sy1•ie (G. Jousef, J,e culte er.u:haristique .. , p. 392). t.<u·e sainte et les lf/!11ti1nents des saints Pare~, Paris, 17'11.
Les Inelkites, .les ruthènes, les a.rn1énlens, les rnarooites, 2. Fôto-Diou. - G. Morin, L'off!ce. ci,tercion pour la Fête•
los syriens et les coptes unis ont adopté les saluts du J)ietJ. con1paré a,•cc celui de S. 1'ho111aa d'Aqui,1,, dans RcPue
Saint-Sacrement (S. Salaville, loco cit., p. 596-598) , l11!,1~,ü,:1i1w, t. 27, 1910, p . 236-21,G. - C. Lambot, L'office rie
D'une n1anière analogue aux congrégations occidentales, Ir, Jl~te-Diert. Apcr<ius 11ouveaux siir ses origines, ibidc,r1, t. 51,,
la co1n1nunau té dos sœurs euahciristiries do Salonique 191,2, p. 61-123. - O. Simenon, La Fètc•Dicu et sa significa-
tion, <lans Lli Vic euahariatiqttc de l'Église, coll. Cours el confli•
<< a pour but de faire connaîLI'e, aimai' eL servir Notrt>-Sei~
runces des semainos lilurgiques (Liège, 1981,), t. 12, Louvrun,
gneur dans la. Sainte Eucharistie, soit par l'éducation 1935, p. 10il-120. - C. Hontoir, La dévotion ait Sai,11 ..Sacre-
et l'instruction dos IUies at des femmes bulgares, soit 111.<,nt elle;: les prsniiers cis1crci1?118 ( 12•-18• siècles), dans Studia
par l'entretien des églises pauvres du vicariat» (Allou Li, i,11.d,aristica, p. 182-156. - F. Baix et C. Lambot, déjà cilés.
Les Bulgares et la M<icédoine, l'eueharisti.e et les sœurs - C. Larnbot et 1. Ji'ransett, L'office de la F4te-Di11u 1>ri1nitiv11.
euch1lristir1es, dans Congrès .. , tenu à Jérusalem.. , 'l'extes et niélo<lics retrouvés, Marcdsous, 191,6. - C. Lambot,
p, 684.). La bulle d' Urbai11 1v à !Svc de Sai11t-Martin sur l'institrd.ion
de la Fêw-Dfou, dans Scripwrium, t. 2, 104.8, p. 69-??. -
8. ANGUCANJSME. - l-lenri v,11 a toujours Inaintenu L.-?II.-J. Delilissé, A la r1:chcrcl1-e des origines de foffice du
le dogme aucharistiquo. Sous '.Édouard VI (1547-1558) Corpus Christi da11s les di<111uscrits liturgiques, ibidem, t. 4,
l'anglicanis1ne subit des ln _flltrations luthé1·iennes 1 \150, p. 220-239. - P. Rai, La P'~te-Diei, chez lcb melchites,
)?olletino di Orottafcrrata, t. 6, 1952, p. 82-89. - A. Korn,
et calvinistes, mais la croyance à la présence réelle Adn.ns us a.lten H andsèhriftcn. lJie rtrsprlinglichl! Fassung des Fron-
fut générale. Les Articles d 'Ëlisabeth (1563) nient la , leiclinams Offezirum vom, hl. 'l'honias in der U11i9ersitlitabiblio-
transsubstantiation et la messe en tant que sâcrifice, tlwk Graz gcfr111<lcn, Oratz, 1952; D'M Offeziu111 De Corporc
mais non la présence réelle. Depuis lors et s1u•tout Christi in Ocstcrtèiahischen: Dibliothèkèn, d11,11s RevlU/ bénédic•
depuis le « Mouve1nent d'Oxford », l'Église anglicane tinc, t. 64, 1954, p. 1,.6-6?. - Jean Gaillard, art. F~u-Dicu,
tend à revenir aux croyances eucharistiques tradition- dn.ns C<itllt)licisme, t. 4, 1956, col. 1215-12'19. - C. Lambot,
nelles, Les anglo-catholiques en particulier lui rond ont J.'1,f!lzio del SS.nio Sacran1e11to, dans E11caristia, p. 827-835.
un culte extérieur d'adoration et l'exposent à la véné- - IB. Calh1èy,Origi11·c C$c>iltt/lJIO della festa rlcl • CorpusDon1ini •,
ration des fidélcs dans des saluts et autre~ cérémonies. ihide111, p. !107-933.
Doeurnonls eoclésiastiquas prirnitifs. - l'. Browo, Textus
Une ligue oucharistiqne a ?itô fondée. Dès 1927; antiqui de fcsto Corporis Christi, coll. Opuscula et te~tu~,
huit cents églises avaient la réserve per1nanente et plus si,ries lilurgica 4, Jl,tunstor, 1934. - L11. tradueUon des pr1nc1-
d'un·e admettait l'adoration publique (O. Constant, paux textes est donttéo dans P. lla.ix et C. Lun1bot, cités
La doctririe anglicane sur l'eucharistie, dans Eucharisti:a, ci-dessus. - Li! confrontation des doc:111nonts est !aite par
p. 220-230). Il y eut mê1ne à Londres en juillet 1927 un û. Shnenon, cit.é ci-dessus.
congrès e11charistiquo anglo-catholique (Sydney Dark, 3. Réao ..vo eucharietlquo. - lll, Dun1outet, Le culte de la
Le congrès eucharistique de · l'anglo-catholici.srne., dans Sttilitc Réserve et son dét1cloppe11w11t, dans La ,1ie eucharistique
lré1fikon, t. 8, 1927, p. 268-267). r1,, l' é1;Use, coll. signalée, p. 86-102. - L. J{oster, Dë c1uitodic1
1. Travaux d ' en11etnbl e. - 1o Bibliocraphies et 011v1•acss col- sa11r.tissi111ae Euchciristiae. Disquisitio historico-ji,ridica, Rome,
lect,:fs. - L'lmn1onso IHtéraluro sur le sujol el nota1n1nenl sur la 111,0; irn))ortante bibliographie. - É. Dunlo~tot, Co:fl!lS
Fête-Dieu a été rasseinbléc par F. Bl\lx ot C. Lambot, La dévo- llonlini, d6Jô. signalé. - S. Muttei, La custod1a c11caristta,
tion à l'cacharistÎè èt le vu• ccntcT1aire ,le let Fête-Dieu., Oe1n- dans Eucaristia, p. 897-906.
bloux-Numur, 191,6, p.151-160,,et pur R.-M. o ·u11et dans Stu<li<I 4. Inl!ltlt11tione et œuvl'o& ouoherietiquoa. - L. Fanfani.
~1,charistica., cité infra, p. 415-450. Dfl r.011frator11i1atib11s aliisque assoeiatio,1i[)1,s ordinis fr/ùrrun:
Maurico Brillanl, Eiu;hari.itia, enr.yclo[l'é<lie populairP., ptaedicatoru,n; Rome, 19911. ...:.. O. Barbiero, Le co11fr~wr-
Paris, 19,3',. - Stitdia eitcharistica, à l'occasion du ?• cento- 11i1e del SS.,no Sacra111ento prima del 1669, Vadclago (Trévise),
nalrc de la fêto du ·corps du Christ, 1246-191,6, Anvers, 10',6. 1 'l',4; L'origine delle co11fratorr1itc <lel SS.,no S?cr~mcnto, dans
- Antonio Piolanti, E,~aristia. Il niistero dell'alta.re nel pen- Strtdia euchciristica, p. 187-215. ~ G. Domcn1ouh, Co111;reg11-
sicro c nclla vità della Chics<i, Ro1no, 1 \!57. Cos ouvrages sont zioni rcligi(J$c IJ leghe e1tcaris1ico-saoerdotali, dans Euoaristia,
cité.s pur leurs premiers mots. - Los congrès oucharlstigucs p. 975-982. . .
comportent des journées <l'éludes; pal'1nl los non1breux rap- L'œuvrc de l'expositio11 et adoration 11oct1tl'nc du '.1.'rès-Saint-
ports régulièrement publiés, beaucou1> intéressent l'histoire .Sacrcn1c,tt en France et à l'<ilra111;sr, 2 vol., Paris, 1877°1898. -.
et les pratiques de la dévotion eucharistique. Fr. Veuillot, Les œuc•res eucharistiques, dans · E 11ch.aristia,
p. 361-878. - L. Cattuneu, L'culoruzione euc~ristica, dans
2° Oitvragcs et articles 1;é11,!raux. - Jule1.1 Corhlet, Hîst()ir~ JJ'n<:aristia, p. 948,956. . .
du sacrement de l'ertcharistie, 2 vol., Pnris, 1885-1886. - A. Pr{lnz, .1. Vt\\1tlon dernier direcleur spirituel d'];). Tan1isler, L'œuvre
I>ic Messe im dc<ttschen Mittelalter, Friliourg-en-Brîsgau, 1902. d,:s oon1;rès e1~cl1aris1iq11es. Ses origi11~8, Paris, 1910 . .....: Ant~in_c
- Ch. Cordonnier, Le c1tlte d1t Saint-Sa.crenient. Et11de histori- Lestra, Retour;,.cr le inonde. Les orig111es des congrès euchar1st1•
que, Paris, 1924. - R. Bériuger, Le T rès-Sai11t-Sacre1ncnt, gues, Lyon-Puris, 1059'.
2• p. Le c11lle eucharistique, Pal'is, 1927, p. 268•41'-t.
:mdoµnrtl D11111011t1il, Le d,/sir de voir l'hostie et les origines 5. Litt6l'ature euchai-istiq1111. - Voir les ouvrages do
de la dévotion aii Saint-Sacren1c11t, Paris, 1926; Aux origi11cs ries V. Leroquuis cités au cours de l'article. - Maria Meertens,
sali,ts drt Saint-Sacrement, dans flem.111 a1iolog~tique, t. 1,2, De Go(l.~c•ru.cht i,1 de Ncderla11den naàr Handflt.hriftcn va,1 Gebe-
1981, p. 409-481, 529-5'12; Le Christ selo11 la cliair et la c•ie litu.r- <l1•11/Jocf(en der x v• 1Jè.1t"', t. 6, ?ilnlines, 193'1, - Jeun Sonot,
gique au· moyen âge, Paris, 1932; Corp1ts Do111ini. Aux sources R,lpertoire d'incipit de J>rières en a11ci.c11 français, Genève, 1956.
de la pi<!té eucharistique mêdiévale, Paris, 1.042. - P. Oppe!1• A, Wlbnart, [,a tradition littéraire et textuelle de l' Adoro Tc

"
36 1637 (:ULTE DE l,A PRÉSENCE RÉELLE ET MAGISTf::RE 1638
1ur
.ns d,wote, dana Auteu.rs spirituels et. tcxt6s daPots du 111oye11 dge Les con$équences de ces principes sont, en co qui
latin, Pâris, 1982, p. 361-414. cnncerne le sacrement, le devoir général de l'adoration,
O. Bardy, F. Vernot, .1. Morienval, La littérature ettcharistique, abstraction faite de la forn1e qu'elle peut r evêtir
dans E11c/1aristia, p. 757-828. - .lott<irigc de l'hostie. Anthologie
de poèmes niodarncs tin l'honneur du Très•Sai1it•Sacrc1nem, (1\iediator Doi, p. 569), et, en ce qui concerne lo sacri 0

!"$.ris, 1929. fi,:.e, le devoir d'intensifier l'union des âroe$ au divin


R~dempte11r (p. 562). Cos points, l'É,glise les a tonus
6. Quelques "speot11 historiques. - Gh. Tlleo., La dt,,otio11
t11cliàristiquc selon S . Jea11 OhriJSOStQrric, dans St11dii teolor;ice, dùs ses origines, et ils ne sont sujets à ·aucun changeu1eut
t. 9, 1957, p. 631-6'18; en ro11m11.in, <lù t1ux circonstances de te1nps, de personnes ou de
'l'h. Concannon, The blessed J.!.'ua/11~rist in irù;h history, choses.
, Dublin, 1932. - F. O'Dl'iain, 'l'ha blessed .llu.charist in irish <)1·, ces conséquences, relevant plus précisément de la
liturgy and histoHJ, dan8 Stu.dia ou.charistica, p. 216·245. v ertu de rolîgion, 1·elient, pour ainsi dire, aux principes
André DuvR.l, Le C!lncilc de Trente et le cu/18 eucharistique, dog1natiques du sacrement et du sacl'ifice, leà formes
dans Stiulia eucharù1tica, p. 879-41'1. - R. Heurttivent, Le d(J pi6tô, sujettos aux chaoge,nents et susceptibles
rayonncnient ettcharù11iq,ue di, l'Ermitc1.gc de Caen (.1 ean de dn p el'fectionnement au cours des temps et <l'adapta,
Bernières), rapport au Congrès euch(lristlque national de
Lisieux (1937), t. 1, Lisieux, 1938, p. 35-39. tiun aux diverses coutumes. C'est donc ce principe de
Sur la· d6vQtton euoharistiquo dans les pays de missions, l'obligation d'adorer la salo te eucharistie et de partici-
voir, par exemple, C. Bayle, El c11lto del Sa11t!simo ,n1 J111li<1s, per activement au sacrifice qui sert de fonde1nent à
S.
li.
Madrid, 1961; ,:r DS, t. 4,· col. 119~. t<.1utes les formes nouvelles de piété eucharistique que
t, fl,ni!e BERTAUD . l'fJgliso décide d'i.nsUtuer ou d'approuver. Ces formes
Il constituent l'élément variable àu culte eucharistique,
B, CULTE DE Lo\ PRÉSENCE RtBLLB ET MAGISTÈRE el de fait, au cours des siècles, elles ont subi de multiples
li, modi flca tions.
Quand on parle du culte de la présence 1•éelle, un Ainsi, écrit Plo x11, • la conRP.rvtüion des saintes Espèces
'. entend géné,·alernent le culte d'adoration qui s'adres$e pour les malades et pour ceux qui se tr911vaient on danger do
au Christ, Dieu et I-lo1nu1e, présent en chaque hostie 1nort a a,nenti IR. louable coutume d'edorer le pain du ciel
• consacrée et conseJ'vée en dehors do la 1nesse; c'est le coosorvé dans les églises ... Au cours des tomJ>s, l'Eglise a intro•

culte de la sainte réserve. Sous cet aspect, il se distingue dui t diverses torrrrns de ce culte, chaque jour assurément plus
de celui qui es't rendu à Dieu ou au Christ du,·ant la b1!llei, et plus salutairos, corume pl)r exemple ... les àdorations

sainte messe et à la communion. publiqnes du Saint,Sacron1ont • (Me.diator DBi, p. 569-570;
trud. Domu,w,itation c.atholiq11e (= Dt.) , t.. 45, 19',8, col.
L'Église a toujours cru à la présence réelle du Clu•.u;t 2ll'l -232).
dans son !jac1•iflce eucharistique, dans la com1nunion
et dans ia stùnte r éserve. Elle a toujours manifosté ~. Origines ou causes de ce développement. -
cette foi de quelqu e façon, soit au cours do la messe, suit Pic x11 souligne que les changon1ents dans les formes
avant la co1n1nunion. Toutefois, au couts <le l'histoire dn la piété r elèvent de causes doctrinales et disciplinaires
de l'Église et plus particulièrement aux environs d u 011 pratiques. Strr le plan théologique, le pape rnentionne
1ll8 siècle, sous la poussée d'un développement doctrinal la convenance de· faire participer les fidèles au sain L
et, d'une évolution de la piété, le culte de la présence sacrifice, même en dehors de la célébration de la messe.
réelle s'est étendu gl'aduelle1nent au delà de la rnesse En oitet, pendant qu'ils prolongent leur action de
et do la co1n1nuniun, pour adopter des Cormes variées, grâces, les lldèles étroitement unis au Christ, doivent
tant publiques quo l)rivém,, et s'orienter vor·s un statut prendre part aux ac-Les par lesquels lui-rnême adore
propr e, qui a reçu l'encouragomen L et l'approbation l'auguste Trinité dans un hommage qui lui est agréable
officielle de l'Iî:gliso. et réalise los autres fios <lu sacriflce (Mediator Dei,
1, Raisons des /01:lluts ,,ariables du culte e1icharistique. p . 567-568; cf art. CoMMIJN ION, DS, t. 2, col. 1227·
- 2. Origine ou cau.w:s de ce développern11nt. - 3. Pratique 1~:37 : action do grâces). D'après ce toxte, il apparaît
de l'Église. - <.. J)rincipcs de l'évolution. - 5. Effets clairement. que, 1nême en dehors <le la messe, il faut
du c1tlt11 de la présence réelk. - 6. Enseic11c1tie11t du magis- v(:nérer la présence réelle selon les quatre Ons du
tère. · sacrifice. Dans Ja mesu1·e n1ê1ne oil notre ho111mage
s'adresse directement à l'hoi;tie <lu sacrifice, il nous faut
1. Raisons deer formes variables du culte eu- p1·01nouvoir et encourager l'union au Christ dans
charietique.-L'Iî:gliseno p eu tchanger d'aucune façon l'offrande do ces hosties spirituelles que sont nos
ce. que le Christ a fixé pou!' toujours, c'est-à-dire, tout ho1nmages et nos adorations. Ce 1nêrne principe vaut
ce qui concor•ne directement et immédiaternent l'essence éghlement. pour appuyer la convenance de l'adoration
du sacre,nent et du sacrifice : l'essence du sacremenL eucharistique devant le Saint-Sacrement exposé, selon
envisagé dans tous ses élémeh ts, en tant qu'il inclut, lu méthode dos quatre fins du sacri llC'e, qui est la
par la <, fol'ce des paroles", la J>résence réelle de son corps n1 t': thode du bienheureux Pierre-Julien Eymard, (voir
et de son sang ( re.~ et·sacrarncntu,n), et, pal' « conco,ni- ar l.. ADORATION, 1)$,,t.1, col. 210· 222).
tancc "• son âme et sa divinité (Pie x11, Mcdiator Dei, (Jn autre principe doctrinal, qui pettt être expliqué
AAS, t. 39, ·l 9ti 7, p. 568-569; Concile do 'fl'en te, session à hl lu1nière du précédant, c'est que l'eucharistie est un
18, can. 1, Venz.inger, n. 883); l'essence du sacrifice, sacrifice p orn1anent, qui, (1 non seulement engendre
on t an·t qu'il compor'te non seulement l'ofîr•ande du la ~râce, 1nais con,t ient encore d'une manière pArn1a-
Christ à la · m cssQ, selon les quatre fins d'adoration, nente !'Auteur môrne de la grâce " (Mediator Dei,
d'action do gr•âces, de réparation et d'impétration p. 569; DC, col. 281). Si donc on accepte de conserver
(1'ronte, ses:;. 22, ch. 2 eL can. 8, Denzinger, n. 940, ce pain céleste pour la co1n1nunion en dAhorir de la
950; Medialcr Dei, p. 548•550), m ais aussi la partici- 1nesse, le devoir de l'adoration s'impose. Que cette
pation actuelle et personnelle des fidèles, suivant ces pratique s'établisse ne dépend pas tant de l'explici:i-
m&me fins (Trente, sess. 22, ch. 6, Denzinger, n. 944; tion du dogme que des exigences variables dè 'la disci•
Mediator D6i, p. ·551-552). · pline eccléslasUque.

1639 CULTE DE LA PRÉSENCE RÉELLE ET MAGJST~RE 1640


Pie x11 indique encore d'autres causes qui sont de siècle, appul'ait, dans les 1nonastères bénédictins du
.,• nature à promouvoir différentes forn1es de piété litur• Bec et do Cluny, la coutume de faire la génuflex.ion
gique ou eucha1•istlque, comme « le progrès de la dis- devant le Saint-Sacrement ot de l'encenser. Puis, vers
cipline ecclésiastique dans l'administration des sacre- la tln du 12° siècle et le début du 13°, nous trouvons
ment!; », << les initiatives de piété et les œuvres qui ne des tén1oignages plus clairs de piété eucharistique, de
sont point en liaison intime avec la liturgie sacrée » prière devant le Saint-Sacrom1;1nt conservé en dehors
(Mediator Dei, p. 542-5{1.3; DG, col. 211). De fait, c'est do la messe (P. Browe, Die Verehrung .. , p. 17-1 8).
en derneurant dans l'o1•d1•e disciplinaire que le concile Jusque-là, i.l n'est pas encoro question de l'exposi•
do Nicée statuait de conserver les saintes espèces pour tion du Saint-Sacre1nent et du culte qu'on lui aurait
ceu:x qui seraient en danger de mo1-t (can. 13, Deniin- l'Olldu devant l'autel do l'exposition; il faut attendre
ger, n. 57; Mediator Dfli, p. 569), et que le concile de l'extension de la Fête-Dieu à l'Église universelle par
Trente décidait la distribution de la sain te communion Urbain 1v en 1264, pour que se répande progressive-
sous une seule espèce dans l'Église latine (sess. 13, ch. 3, nient cette tnanifesta.Uon do la piété eucharistique.
Denzinger, n. 876; 111.ediator Dei, p. 542). Au 15n siècle, on inaugura l'exposition durant la réci-
C'est surtout dans le do1naine des actes extra-litur- t.a Lion dos heures canoniales, et rnême en dehol's, dans
giques que s'accomplit cette évolution historique certains 1nonastères, i;urtout pendant l'octave de la
tributaire d'innombrables circonstances. Pie x11 la Fôte-Dieu. En rnême temps, on favorisait les pratiques
synthétise lorsqu'il énumère les formes de piété, qui extra-iltu1•giques de la piété eucharistique, la coutume,
sont apparues graduellement et ont été l'aboutissen1ent par exe1nple, de couronner les c6l'è1nonies et les fêtes
de cotte évolution : « les visites quotidiennes de dévotion !iOlennelles par la bénédiction du Saint-Sacre1nent.
au Saint-Sacre1nont, la bénédiction du Saint-Sacrement., (P. Browe, loco cit., p. ,154-161), ou celle; à la fin du
le$ processions solennelles dans les villes et les villages, siècle, des adorations prolongées en 1némolre des q11a-
spéciale,nent durant les congrès eucharistiques, et los ra.nte heures que le Christ passa au tombeau. Faites
adorations publiques du Saint-Sacrement ", qui « par- d'abord devant le tabernacle, on se mit, à Milan, au
fois ... se prolongent jusque du1•ant <1ua1•ante heures " ,!ébut du f6o siècle, à faire ces « qt1arante heures »
ou « continuent toute l'année, dans diverses églises ,à devant le Saint-Sacrement. exposé 11ubliqµement. Grâce
tour de rôle; ou bien 1nême... sont assurées jour et nuit au zèle eucharistique de saint Antoine-Marie Zaccaria
par des congrégations religieuses » (Mediator Dei, t 1589 (DS, t. 1, col. 720-728), la coutume se répandit
p. , 569-570; DC, col. 231-232). Cette énumération, de à Rome, avec les encouragements dos papes; Clé-
toute évidence, ne fait qu'indiquer la mo.rche progres- ment v111 en fixe les normes stables, toujours en vigueur
sive de la piété eucharistique à travers les siècles . (bulle Grac,cs ot diuturnae, 1S92; infra, col. 16!t5).
Il importe d'analyser los <;irconstances qui ont servi L'adoration perpétuelle se trouvait désormais établie
de point de départ ou de ronùeroent à cotte évolution dans los églises romaines, chacune à soo .tout· ai;sura1\I.
suscitée dans l'Église par !'Esprit de Dieu. • quarante heures. Enfin, l'instruction clémentine fut
étendue à l'Église univeraelle par Clément x1, en 1705
3. Pratique del 'Église. - Dès le zc siècle, la sainte (P. Tacchi Venturi, La c,ita religiosa in Italia durante
eucharisUe élait portée aux fidèles qui n'avaient pu la prima ctà della Co,npagnia di Geu1i, 2° nd., Rome,
assister à la céJébration liturgique ou qui se trou- 1930; A. Chïappini, art. Quarantore, dans Enci:clopedia
vaient en danger do mort. Il est possible que cet usage Cattolica, t. 10, 1953, p. 376-378). ·
du sacrement en cas de nécessité comportât la conser· L'activité des confréries du Salnt-Sac1•e1nont avait
va.tion dos saintes espèces dans la maison des lldèles beaucoup contribué au développement de cês manifes-
çux-rr1êrnes ou des prêtl'es. Le concile de Nicée (825) tations et1charistiques (supra, col. 1632).
affirme que, conformé1nent à une loi ancienne, les prêtres Cependant le concile de Trente s'employait non seule-
doivent apporter ce sacrement aux rnourants (L. I{oes- ment à défendre lo$ dogmes de la présence réelle et du
ter, De custodia sa11cti8sirnae Eucharistiac, 1:iome, sacrifice de la 1nesse, niais aussi à imprimer un nouvel
19',.0, p. 8·19; voir supra, col. 1622). élan aux manifestations <le la piété eucharistique (voir
Au 4.0 siècle, on trouve chez le pape Sirice (881,-398) par exemple sess. 13, can. 6 et ch. 8, Denzinger, n. 888
le premier té1noignage de la conservation des saintes et 882). Et durant les i 7° et 18°. siècles, · les papes
• espèces dans los églises durant toute la setn~ine (ibide.ni, s'efTorcoront d'intensifier cette piété .
p. 28); 1nais il est difficile de prouver qu'alors la sainte
réserve ait été objet de culte, car il semble que jusqu'au Rappelons notamment : S. Congrégation des Rites, décrets
des 18 décembre 1589, 26 octobre 1591,, 7 soptombro 15!18,
1oe 11iècle on conservait l'eucharistie hors de l'autel, 4 mars 1603; S. Congrégation du Concih,, décret du 12 février
dans une armoire spéciale ou dans une sorte de chapelle 1679; Benoit x1v, Àtl mili1a11tis Ecclesiae, § 6, 30 mars i 742;
' 1 annexe (p. 32). En conséquence, durant ces prerniéril CcrliQre.~ e(le~ti, § 2-'1, 18 novèmbro 1742i Acccpim11$ i,i ci1>ita1e,
siècles, on ne peut p î1rler de culte rendu à la sainte 16 avril 17'16; Qua,nPis jua:to, § 2·~, 30 avril 1749; Cru11 ut rectt
e\1charistie en dehors de la messe. Si on vi$itait les nosti, 27 juillot 1765; Clé1nont x111, In~r multiplices, if dlteem•
églises, c'était pour prier Dieu ou y vénérer les rr1artyrs. bro 1758.
La coutume de visiter les différents autels de ·l'église,
en usage dès lo 60 siècle, dans les monastères surtout, Rappelons en fin que les papes approuvèrent en ûûS
ne semble pas ilnpllquer la vénération d'un autel coin• deux siècles plusieurs congl'égo.tions religieuses adora•
portant la sainte réserve (P. Drowe, Dio Verehrung tricos (supra, col. 1632). Si bien qu'au 190 siècle, sur-
der Euchari$tia irn M ittelalter, Munich, 1933, p. 11-1 G); tout en France, do nombreuses congrégations et asso-
la " visite au Saint-Sacre1nen t », telle que nous la pra• ciations religieuses se proposèrent comme fin spéciale
tiquons aujourd'hui, n'est signalée qu'à partir du 130 l'adoration perpétuelle du Saint~Sacrement exposé
siècle, là encore dana le6 1nonastères d'abord(:~. Dumou- publiquement (Fr. Veuillot, Les œu"rcs e1tchari.stiques,
tet, Corpus Do,ni11i, Paris, 1942, p. 93-100). dans Eucharistia, Paris, 1934, p. 361-378, et bibliogra•
Pendant la lutte contre Bérenger, au rnilieu du 11 e phie, supra, col. 1636); P ie x11 sernble la considérer
'

1641 CULTE DE LA PRÉSENCE RJ~ELLE ET MAGIST~RE 1642


40 I
comn1e la plus parfaite manifestation extra-liturgique Qu 'il suffise de rappeler que le Christ glorieux était
du ~e la piét6 eucharistique , (Mediaior Dei, p. 569-570). considéré con1me commensal du banquet eucharistique,
ion et qu'à ce titre on lui rendait ho1nrnago. C'était une
ers '•· P.rinoipes de l'évolution. - Pour approfondir ra~\on concrète de reconnaître la divinité du Christ dans
>llll davantage l'esprit qui anime la pi6té eucharistique, Il l'hostie. En elTet, la résurrection glorieuse est regardée,
de importe de rechercher Jes principes doctrinaux qui lui soit dans le 11ouveau Testament, soit dans los écrits
<>rs ont servi de fondement, et de découvrir comment los de:; Pères apostoliques, corn1ne une preuve de la divinité
8). principaux développements du dogrne ont été expritnés dn Notre-Seigneur (J. :Betz, op. cit., p. 70-74). On trouve
,si- de façon expressive dans les formes de la piété. u11e expression encore plus forte et plus précieuse
ait Le premier fondement de l'adoration eucharistique dn cette vérité dans lo fait qu'on reconnaissait, dans la
l,re est la présence réelle : l'c11C:horistie con Lient cc véritable- céltJbration eucharistique, la présence de Jésus, en tant
,ar ment, réellement et substantiellement, le co1·ps, le sang, que distributeur do cette nourriture spirituelle ou, en
re- l'âme et la divinité de Notre-Seigneur J ésulJ.-Christ 1>, d'autres termes, en tant que cause présente et agissante
Cette formule dogrnatique, pacifique1nent tenue par dans le sacrement même (ibideni, p. 74.-87). D'autre

Cl• l'Église au temps du concile de Trente, n'avait été éla- part, nou·s savons que le Christ, en tant qu'I-lomme, est
1ns borée, ,~u 138 siècle, qu'après de longues controverses cnuso instrumentale du sacrement et que la causalité
la théologiques. On voit par là que le progrès dans les principale nç peut lui être attribuée. qu'on tant qu'il est
1es formes de la dévotion eucharistique est en étroite Dieu. Que les p1•omiers chrétiens aient, au moins impli-
10, dépendance do )Q. formulation du dogn1e. cit.omont, reconnu cette vérité, nous en ,avons la prouve
~es A lui seul, ce principe fournit à la piété un double dans les 'textes qui nous font voir le Christ vénéré simul-
nt tondemen t. Il s'agit, en effet, de la présence réelle tanément et con1me distributeur du pain eucharistique
~\l intégrale1nent considérée, c'est-à-dire, selon qu'elle et comme siégeant à la droite du Père.
,a- comporte des élémen ls strict.ornent sacramentels et Les Pères latins nous la proposent plutôt dans des
ies d'auti·es qui s'y trouvent en vertu do la loi de conco- e:,hol'tations occosiounelles; ,nention explicite en ost
1/.U mitance. Les élé1nen ts strictement sacran1en tel$, qui faite surtout dans les écrits des Pères de l'école d'Antio-
sont le co1·ps et le sang du Christ, fondent le culte d'ado- che et dans les liturgies qui on dérivent. Ici, nous est
.ce ration, en tan L qu'il est une participation à l'olT1•ande tra11smise, à maintes reprises, l'expression directe de
'Îà de la messe et qu'il s'exerce selon los quatre fins du sacri- ln foi et de l'ho1nn1ago à la divinité et à la royauté du
lit fice. Parmi les éléments qui s'y trouvent par conco- Christ en l'eucharistie (J. Quaston, Mysterium tre-
lé- mitance, la divinité du Christ•sert de fondement à ce nwnd1an, cité i,ifra, p. 66-78).
ur nième culte d'adoration, en tant qu'il s'adresse à sa Cette vérité, nous la rencontrons enfin, subtilement
".
lie
11t
propre personne.
Il est évident que, dès les len1ps apostoliques, les
élérneuts strictement sacramentels ont davantage
él,~borée, dans les formulations scolastiques du 128 11iè-
clo. La controverse relative à Bérenger, qui provoqua
tant d'e minutieuses analyses, donna aux théologiens
11 l inspiré la piété; àussi les plus anciens témoignages de la l'occasion d'approfondir la doctrine des Pères. Alnsi,
05 tradition se rapportent à ce pre1nier aspect de l'adora- la tradition ininterl'ompue jusqu1au concile de Trente
itt! tion eucho.ristique (voir les textes cités au ch. 1, ,;upra, relie les initiatives- récentes de la piété eucharistique à
:e, col. 1.565) . Co fut même le thème principal de la célé- ln liturgie primitive.

ia bration eucharistiqu,e, tel.Je que nous l'a transmise la
Did1J,Chè : « Grâces et louanges soient rendues à Dieu 5. Effets du culte de la présence réelle. - Il
,it par ces dons divins qui reposent sui· l'autel» (9, 1 à 10, ne suffit pas do reconnaître les fondements du culte
s- 6). Certes. dans ces documents primitifs, la personne clo la présence réelle eLses développemenLs authentiques,
de celui qui offre n'est pas 1nise en évidence comme elle il en raut encore mesurer l'utilité. Nous la trouvons
e• l'est de nos jours (conclle de 'l'rente, sess. 22, can. 1-2, affirmée en plus d'un passage de l'encyclique Mediator
lu Donzinger, n. 938-94.0; Mediator Dei, p. 54. 7-54.8), rnais Dei, et nous pouvons ,•amasser en deux points, indiqués
el il reste que la doctrine du Christ-Prêtre est ancienne, par Pie x11, les eftets du culte de la présence réelle :
ir puisque les Pères, en particulier ceux de l'J;)glise d 'An tio- il contribue « d'une manière étonnante à. la foi et à la
18 che, comme saint Jean Chrysostome, se sont plu à vie surnaturelle de l'Église militante » et aussi « sans
9S appliquer au sacrifice euchàrisUcrue ·1•ensoignoment aucun doute d'une manière très Importante à vivre la
de l'épître aux Hébreux (J. Betz, Die Eucharistie in der vie liturgique » (Mediator Dei, p. 570; DC, col. 232).
Zeit der grieeltische,~ Vater, t. 1, vol. 1, Fribourg-en- 1° Présence réelle ee vie liturgique. - Par rapport à la
Brisgau, 1.955). v.io liturgique, le culte de la présence réelle aide à appro-
De l'autre aspect du culte d'adoration, qui s'adresse fondir les dispositions fondamentales de Coi et de reli-
à la ,divinité, on trouve des expressions concrètes chez gion, caractéristiques essentielles do la vie liturgique.
les Père~ (S. A1nbroise, I)e Spiritu Sancto 11_1, 11, PL 16, L'adoration eucharistique so réalise d'abord au cœur
794-795; $. Augustin, E11arrationcs in ps. 98, 9, l'L S7, 1nême cie la liturgie sacrificielle; tous les autres actes
1264.-1265). rnais il ne semble pas que la fo1•mulation d'adoration eucharistique dérivent de ce pre1nier acte
abstraite en ait été faite avant le 12Q siècle (J .-R. Gei- du prêtre et des fidèles qui, dans les rites latins, suit
selmann, Die A beridrna!tlslehre an der Wende der chrisl• immédiatement la transsubstantiation. Elle présente
lichen Splitantike zunI Frt'llunittelalter, Munich, 1933, tilnsuite co1nme un prolongement et une amplification
p. 78-85). Il s'est rencontré des théologiens pour ei;ti- de )!adoration rendue à .Jésus durant le saint sacrifice.
1ner qu'on devait revenir à la piété eucharistique de L'adoration eucharistique est, de notre pa1·t, un exer•
l'âge des Pères. Cet archéologisme im1nodéré a été r.ice pratique do la spiritualité que développe le sacri-
réprouvé par Pie x11 (Mediator Dei, p. 54.5); d'ailleurs, fice eucharistique : elle noul! oriente vers le Christ, elle
en plus des documents patristiques que nous avons nous unit à lui, présent dans l'hostie, où Il conserve
cités, il en existe de très anciens, qui décrivent, au 1noins son caractère de victime et où il est « toujours vivant
implicitement, cot aspect d'une piété authentique. pour intercéder en notre faveur" (Hébr. 7, 25). Comme
1643 CU:J.,TE. DE LA PRÉSENCE R~ELLE ET MAGISTtnE 1644
è1est la rnesse qui nous donne l'hostie de notre adora- l'oucha1•lstie1 puisqu'elle est la synthèse de tous los
tion, 'c'est elle encore qui no\tS inspire l'esprit des rnystères du Christ et contient la personne même .du
quatre Ons du Sàcriflcc, selon lesquelles nous continuons Christ. Il n'est donc pus surp1•enant dès lors de trouver
l'o!Trande de notre ho,nmagc spirituel (cl Mediator sous la plu,ne des mystiques, du bienheureux Pierre-
Dei, p. 568), Julien Eymard t 1868 pur oxo1nple1 des textes comrne
Enfln, l'adoration eucharistique prépare au sacrifice celui-ci :
de -la rnesse en nous faisant mio11x sentir la nécessité
Le fruit de la cont01i1pla.tion, c'est d'abord de flxer, de !'ecueil-
et apprécie1· la v.1leur do l'adoration infinie que Jésus• lir l'âme en Jé~us-Christ en lui découvrant sa perfection, la
Christ offre en son sacl'ifice. gra11de11r de son an1our pour l'ho.mme et l'oxcellence du don
' Nous tous 6troitement unis ou Chriijt, efTorçons-nous donc inefTable de !'Eucharistie. Cotte vue réfléchie sur Jêsus-Chrlsl
de nous plonger on quelque so1•tc dans son très saint a1nour prépru·ant, instituant la sainte Ell1charistie dans un excès
et attachons-nous à lui afln de prendre part aux actes par d'an1our, produit d'abord l'ad1nlration, puis la louange, puis
lesquola lui-mê1nc adora l'auguste Trinité dans un hom1nag0 l'expansion de l'amour (P. -J. Elyniard, MOÏ$ de Notre-Dar11t du
qui lui est extrôn1oroent agréable; par lesquols il rend au 'I'r1!s•Se1in.t-Sacrenie11t, 22• jour).
Père éternel de& uctions do grâces et des louangeR. souvo- Cotte perfection do l'oraison eucharistique vient
raines .. ; par lesque1$ enfin, unis ensemble, nous implo1·ons
Dieu au inoniont le plus opportun qui soit donné pour cnco1•e et surtout do ce que Jésus sacra1ne11tel est
de1nander et obtenir chi l'aide ou 110111 du Chl'ist, et par le~quels cause et instrument de la griicc, moyen et fin de toute
surlout nou& nous offrons et imnlolons én hostie, en disant : la vie $pil·iLuelle. C'est pourquoi les âmes d 'oraison et
• Fa.iles q11e nous dcvonions pour Vous un don éternel• (Mcdia- 1nt}rne certains ordres coùtempla tifs reconnaissent
tor Dei, p. 568; DC, col. 230-231 ), la présence ouchal'istique comme une exigence naturelle
pour l'oraison.
A.-M. Rognet relie ainsi l'office divin et le sacrifice
dàns la vie eucharistique du prêtre : • C'est varit11.blement en prôsonce de l'Euchnrislîo que l'âme
de Jeun dîl la Croix se nourrissait de la contemplation oh11C11re
~ U sera tout indiqué de venir réciter l'office divin devant de la divinité • (Gabriel de Sainte-Marie-Madeleine, L'u11io11~
l'oucharistic.. ; il est souhuitable que nous allions à l'église ... r.or1 Dio seconda S. Giovar111i clclla Croce, 2• éd., Ro1no, 1956,
au u1oins pour diro les grandes heures... ot plus partlcullèrém4;1nt p. 191).
les laudes, office essentiellement cosrnique, missionnairi,, • Co n'est donc pas un effet du hMard silo culte du sacrement
conquér(lnt, qui se torrnine par Je Bcnedictua .. , rappel do notro de l'autel a été propagé par les mystiques : tout à leur désir
mi.'!Slon apostolique... Nous nimcrons surtout à venir devant de contemplation do Diou, ils goOtaient une joie ,spéciale à
le Saint-Sacrement réciter les v6prei,, sacrlfico du soir, rappel contompfor le Seigneur dansJ'.Hoatie • (A. Stôlz, 1'heologic de
de l'heuro où fut instituée l'eucharîst.ie, offico dans lequel se le1 mystigue, Chevetogne, 1947, 1>. 5~).
totro11vent plusieurs des psnun1cs du Ha!Jel que Jésus ch!lnta Ce sujet a ôté particulièrement Ulis on hunière au chap~Lro 11:
avec ses apôtres llll sorta.nt du cénacle et qui se termine par la Atystiquc eucharistique.
grande ·àcfion de grâces d11 Af(l.gn,ifica.t. ·E n récitant les psau111es
près dê l'hostie, il nous ser11 plus facile de relier l'office à la 6. Enseignement du magistère. - Il serait de
messe, do faire des psaun1cs la voix de l'Église qui a'udressc au grande importance de ·pouvoir suivre et confronter les
Christ, ol la voix du Ch1·ist qui s'adresse à son Père • (L'<•dôra• documents én1anés des pâpes, des cong1•égations romai-
tio11 eucharistique dans let. pùite sacerdotale, VS, t. 91, 1954, nes et des évêques depuis les premiers développements
p. 11-12). 1nédiévaux du culte eucharistique. Cette conf1•on'tation,
L'Église a tenu à enri.cliir d'indulgences la t'écilation privée qui n'est point faite, mettrait en ·1umière comment
de l'ofllce divin devant le Suint-Sacrè111ent (décrets de la S. Péni-
tencerie, AAS, l. 22, 1930, p. 4\/a; t. 21,, 1932, p. 411; t. 26, l'Rgllse a favorisé et orienté la dévotion eucharistique,
1933, p. 322), 1~0 précisant de plus en plus nettement. son 9bjet, ses
intentions, ses pratiques.
Dans l'allocution à l'archiconfrérie de l'adoration 1° Nous nous permettons, à titre de préambule, de
nocturne (81 mai 1953), Pie x11 ·affirmait à tous les rappeler quelques-uns de ces principaux documents.
fid'èles : Déjà les prerniers textos concernant la Fête-Dieu
L'âme qui !I compris l'a1nour de son divin lvlollto,.. à ont été présentés (supra, col. 1625) : mandement de
besoin de demeurer longuemonL devant l'hostie consucréc et l'évêque de Liège en 1.246, décret du l6gat d'Allemagne
de prendre à la vue de l'humilité do Dieu une attitude de plus on 1252, bulle •d'Urbain 1v en 1264. Cette bulle 1'ran$i-
l1u1i1ble et de plus prof11nd respect... t11,rus, qui est en quelque -sorte un hymne à la présence
Quiconque den1eurc souvent et longuenlent dovanl 'l'Ho1,tie corporelle du Christ en l'hostie et à l'a1nour infini du
comprend la leçon du pain eucharistique et éprouve le besoin H,6dempteur se faisant notre nourriture, institue la
impériou:x: de la mettre en pratique, de s'oublier complùtoment !:iOlennitê : 1) dans un but de réparâtion, ,c ad confunden-
soi-même, de se donner uu:x: autres san$ limite... La sainte
Euchnristio est .pour ses adora tours une source inépuisable de dum specialiter hereticorum perfidiam et insaniani »,
lumière et de force (AAS, t. 45, 195a, p. 41.?; trad. dans Docu- i) de louange, « ut tune cleri et populi paritor congau-
1nents pontificaux de S. S. 1'ic XII, Sainl-Maurice, Suisse, 1953, dentes in cantica laudis surgant », S) de service, • ad
p. 25?-258). Christi servitutem », 4) d'adoration et de contemplat.ion,
,1 0 excellentissimum s11.cramentun) 1 adorand\111), vene-
12° Présence réelle et ,Pie spirituelle. - L'adoration randum, colendum, glorificandum, amandu1n et amplec-
eucharistique ne peut m9.nquer de développer une 1.ond\.un >•, 5) prémices de la béatitude, ·cc post hujusmodJ
conscience plus vive de la pl'ésence trinitaire en l'An1e. vitae decursum eis se in praemiurn largiatur »:(P. Browe,
A n1esure que celle-cl avance dans la connaissance de 'l'cxtu.s an.tiq11,i d6 festo Corporis Christi, coll. Opuscula et
Jésus-Christ, ,elle ·saisit mieux les rapports du Fils avec l.cxtus, series liturgica 4, Munich, 1934, p. 27 ~88).
le Père et !'Esprit Saint. De JJlus, en s'unissant à lui Par la suite, les ·documents ·les plus importants in té-
'- dans )!eucharistie, elle participe davantage ,à la ·grâce ressent : l'approbation des confréries d11 Sain't;Sacre•
sanctifiante qui intensifie la ,présence 1nysfliquo des rnent, en particulier la bulle Dominu.s 11oster Je.vus
trois ·personnes divines. Christus (80 novembre 1589) de Paul u, qui érige l'archî•
1L'oraison et la méditation trouvent le11r objet dans
confrérie du Saint-Sacrement, don't les membres se
644 1645 CULTE DE LA PRÉSENCE RÉELLE ET MAGIS'rtRE 1646
préoccupent spéciale1nent de la décence du êulte devant les divins tabernacles.. ; il nous faut en outre ontroprcn•
les ùra tout ce qu'el\ cette matière peuvent nous suggérer la pr11-
.ciu et ·des honneurs à rendre à l'eucharistie (J:luUarium dc11co et ln piété (trad. citée, p. 317-319). ·
,v er romarium, t. 6, Augsbourg, 1860, p. 275-280); - les
rre- pratiques eucharistiques des paroisses, ainsi que l'exten- 2) Saint Pie x, 11Je pape de l'eucharistie »,. apporte
1me sion des quarante heures t ransforrnées en adoration le poids de son autorité en faveur de la 1< piété eucharis-
incessante dans une ville ou un diocèse; c'est ce que tique 1i . Citons la lettre aposto.liquc .au légat du congrès
10U-
fait Clément vr 11 pour Rome par sa bulle Grac,es et e11chatistlq11e de ·1,fadr-id (5 juin 1911) :
diuturnae du 25 novembre 1592, y précisant d'ailleurs L'objet de vof.rej.lligence et de votre piété sera de propager
' 1$
~on les intentions <le prières : l'Êglise, les pécheurs, les lnrgc1nent toutes les rouvres qui ont 6té snl11tidrement instituées
rlst chefs d'État, la France, le pape (t. 9, 1865, p. 644-646); pour entretenir le culte de Lotis envers !'Eucharistie. Nous
:cès - les congrégatious adoratrices en fin . Les bulles qui appro11vons g1·nndement la coutume qui s'est êtablie dans
IUÏS approuvent ces congrégations seraient à étudier avec b,n1ucoup d'ondroits dé no laisser pRssor aucun dirr1anèhe
du soin. La bulle d'approbation des bénédictines du ni jour de r~tc sans donner, dans to11tes les églises et les chapol-
Saint-Sacrement (10 décembre 1676) est sans doute fos p11bliques de l'11n et l'autr·e clergé, la bônédict.ion du Saint•
l'une des plus intèressuntes, car, vraisemblable1nent Sacro,nent. .. Vous nous rerei a11ssi un très grand plaisir si vous
int vous souciez de pro1nouvoir ùo toutes vos forces les visites
est pour la première Coir;, Innocent x1 approuvait u n institut lruquentes, les adorations perpétuelle~ et los supplications
1te religieux dont le but propl'e était l'adoration perpétuelle, solennelles au Dieu caché (Actes, t. 7, Paris, Bonne Présse,
et- à @O.i les rnoniales, << en viclin1os d'expiation )), s'obli- }), 90).
nt geaient par un quatrièn10 vœu (t. '19, 1870, p. 29-33). l1\lnoit xv insiste dans lo même a11ru1 do.n.~ deux lettros (21t sep•
Ile Ces document$ se 1nultipliont désormais, par.liculiè- tmnbre 1911t et 5 septembre 1lli6) données à l'occasion des
rament au 19° siècle : congrégaUons, confré1·ies et archi- co11gros eucharistiques de L,011rdes ot de Montréal (Actès, t. 1,
confréries, associations diverses. Voir le détail des Paris, Bonne J?rosso, p. 18-20 et 91t-95). · •
ne
1]'8 innombrables indulgences acco1•décs, dans F . Beringer,
Die A blasse; t~ad. P. Mozoyer, Les indulgences, t,o éd., a) J\.vec Pie x,, les documents augmentent en i1npor-
, 1.e
t. 1, P al'ir;, 1 925, p. 1 û7-169 et passùn; t. 2, p. 87-'109. t-111ce. Contentons-nous d'indiquer le principal passage
►6,
L'enscignernent du magistère, sur quoi se fondent bien connu de l'encyclique sur la Royauté du Christ
nt (()uas prirna.9, 11 décemhro 1925, AAS, t. 17, ·1 925,
tous ces docu1ncnts, a éLé 1nagnifique1nent explicité par
lir le concile de Tren te : p. 593 svv) :
à Los congrès eucho.ristiques,.. ont servi 111è1°veilleusement la
t.k_ Il n'y n pas lieu de douter que tous les fidèles ùu Cb.ri,~t,
selon l'usage toujou1·s reçu dans l'Eglise ootholiquo, doivent cause de ln proclamation solennelle du pouvoir roy11l qui
vénérer le Trùs•Saint-Sacrernent en lui rend11nt le cult,e do 9.l)})nrtient àu Chrif!t.,sur la socl6té lnnnalne; r6unis dans le •but
1:
latrie qui ost dt nu vrai Di11u. Cc n'est pRs patco que ce sncro- d'oftrir 'à la vénération et aux: hommages des ,populations...
)f! Christ-noi se cachant so11s ·los voiles eucharistiques, ces
ment à 6t6 institué par le Christ Notre-Seigneur pour être
le reçu en co1nn1union q11'il la !9.ut moins adorer. Co.r nous croyons c.ongrès célèbrent le Christ cQ1nmo le Ro: que les bo1nmes ont
que là' se trouve présent lo même Diou que le Père éternel roçu do ,Dieu, par des expositions publiqués ot dos adorations
• é. introduit dans lo inonde en disant : • que tous les anges en commun du S11int•SncremBnt, par des processions gro.ndioses.
l•
l'adorent », celui que les nu1ges prosternés adorèrent, et que Co J6sus que los Impies ont refusé de rocevoir quand Il vint
:s les apôtres enfin aùorôrcnt en Ouliléo, selon le témoignage de eu son royau,n:c .. , le peuple chrétien, 1n1l par une inspiration
1,
)'Écri ture .(session, 1a, ch. 5; Denzinger, n. 878 ). divine, v 11 Harraoher n11 silonce·et, pour ainsi dire, à 'l'obscurité
t d<ls temples, pour le co11duire, tel un triomphateur, par les
Et le canon correspondant. à ce cl1apitrc précise, 1·ucs des grandes villP,S et le rét,,blir en tous les droits de la
à Ï'adrosso des protestants : roya11té (texte et trad. dan~ Actes, t. 8, Paris, Donne Presije,
Si quelqu'un dit que Notre-Seigneur Jéaus-Christ, Fils p . 86-87). ~

e unique de Oieu, no doit pni, être adoré ·du cullo oxtéPieur de


latrie dans le s11cron1ont de l'eucharistie, •et, par conséquent, 4) L'enseignement eucharistique de l 'ie x11 est une
que ce a11cremonL ne doit pus ôLro honoré par une solennité véritable som1ne (voir D. Ilertetto, Il m·agistcro euca-
l particulière, qu'on ne doit pas le porter solcnnelleu1ent un
a tiRtico di Pio xn, Turin, 1957), qui constitue un témoi•
procession, selon le rite et·ln coutume louable et univér.selle gnage important de l'enseignement ordinaire de l'Église.
B do la.sainte Église, ou qu'on ne doit pas l'exposer publlquement ll faut mettre en l'elief pâl"ticulicr deux textes majeurs.
- à l'adoration du peuple et que ses adorateurs &ont dcs·idolâtres,
Dans l'encyclique Jl1cdiator Dei, le pape èonsacre
~ qu'il soit·annthè1no l (canon 6, Denzlnger, n. 888).
1. u n chapitre spécial à l'adoration de l'eucharistie. Il en
2° L'insistance sur la piété eucharistique est commune rappelle d'abord les Iondeu1ents scripturaires, tràdi-
l
aux derniers pupes, notamment depuis Léon x.111. iionnols et théologiques. li affir1ne ensuite la ,légitimité
1) A côté de plusieurs docu ments donnés à l'occasion d'un dévelo,ppement nor1nal du culte .eucharistique
des premiers congtès eucharistiques ou concernant des en ses diverses manifestations. ,P uis il ajoute : <c C'est
œuvres en l'honneur du Saint-Sacrement, Léon xn1 pourquoi non se\tlement l'Église a approuvé ces exer-
a principalement pl'omulgué l'encyclique M irae caritatis eices de piété propagés par to,1te la terre dans le ·cours
du 28 mai 1902 (ASS, t. 84, 1901-·t 902, p. 641 -65'-i; des siècles, maïs elle les a fait ·siens 1en quel!Jue sorte et
trad. dans L(lttrcs, t. 6, P aris, Bonne Pl'esse, p. 29'•-319). lns a conflrrnés de son autorité >> (AAS, t. 89., 19~7,
Après avoir mont.ré couHnent l'eucharistie, sous tous p. 570; DC, col. 232).
' '
ses aspects, occupe vraiment le 11 centre » du culte Dans son discours aux participants du congrès inter-
catholique (doctrine rept•iso plus tard par Pie x11 dans national do paatoralc liturgique d'Assise (22 septernbre
Mcdiator Dei), le pape ajoute : 1956; AAS, t, 48, 1956, p. 711-725), Pie x11 insiste sur
Il faut perfectionner avec une nrtleur do jour en jow• pllll! le fait de la présence réelle du Christ dans la sainte
vlgo.ureu.,e les œuvros ontroprlses, taire revivre, là où elle~ ,0(1cliaristie. Répétt1nt les textes ,les plus clairs et les
auraient disparu, les anciennes in&litutlons, entre autre11 les plus forts du concile de Trente, ,iJ réfute et condamne
confréries eucharistiques, les supplicàtions au $11inl-Sacreme11L les explications qui s'élolgnont ·de lâ doctrine .classique
exposé aux ad0ratlons des fidèles, les processions solennelles de l'Église: la vérité tout co1nmc la réalité de la présence
,et 'trio1nphalos raites en son honneur, les piouses génuflexions
I

1647 PRÉSEijCE R~ELLE ET MAGISTÈRE - CŒUR EUCI-IARISTIQUE 1648 1

vivante de cette cc infinita et divioo. 1nujestas Cht'isti » papes. A partir des paroles du Seigneur, en pa.ssaot
sont vigoureusement affir1nées. par les commentaires des Pères et des docteurs, sans
l;'Jus Importante que ln conscience de cette diversité (entre négliger les intuitions des saints, par delà le signe, on
l'auto! ot le tuhernncle) est celle dû l'unit(! : c'est un soul 1il t.l'ouve le signifié, la présence d'une Personne, la majesté
même Soigneur, qui est irnmol6 à l'auto! et honoré nu tabor- du Verbe incarné. c< Cecl e.s t mon Corps... Ceci est mon
nacle et qui do là rtlpand ses bénédictions. Si on eu était bien
convaincu, on éviterait 1naintes difficultés, on se gardel'ait Sang», répète lo p1·être, après le Seigneur. P1•osternons-
d'exagérer ln slgnification da l'un au clétrhnant de l'autre et oous et chantons avec l'Église : Adoro Tc, latcn11 Deitas.
de s'opposer aux décisions du Saint-Siège (p. 721 ). A la bibliogi:aphie précôdénte, col. 1635-1.637, ajouter :
Citant ensuite les déflnit;ions du côncile de 1'rente Pltl x11, Encyclique Me.diator Dei, 20 novembre 194?; AAS, t. 39,
sur l'adoration du Saint-Sacrement, puis les prescrip• p. 621-595; trad, dans JJoc14m.entatio11 catholique, t. 45, 191,8,
tions du Codo de Droit canonique sur le tabernacle et col. 195-25·1, "" citô De et il1cdiator Dei. - D. Ilertetto, Il
rnagi.stero 1J11.caristico di Pio xn, Turin, 195?. - I·I. Leclercq,
la garde de la sainte eucluu•istie, normalon1ent à l'autel art. Réserve eucharistique, DACL, t. 1'1, 1948, col. 2385-2389.
majeur, Pie xu explique : - 1\iaurièe de la Tnlllo; La présence réelle et so11 rôle sa.cra111~111el,
Il ne s'agit pas tant <le la présence matériollo du tabernacle dans Es({uisse du mystère de la foi ; Paris, 1924, p. 258-278. -
sur l'autel, quo d'une tendance sur hiquelle Nous voulona attirer J. Qua.~ten , Jt,t1✓.iteri1un tre1ne11du111. Euclraristisohc Fromrnir;-
votra attention, celle cl'uno 1noi11<lrH esti1ne pour ln présen<\e keit.sau{Ja.ssungen des 11icrù:n Jahrhu11dcrts, dans Vo111 christli-
et l'aclion <lu Christ au tnbernaclo. On se con tonte du sacrifice cht11t 111ystcri1un (flommoge à O. Cusel), Dusseldorf, 1951,
de.l'autel, ot l'on ùin1inue l'importance de Celui qui l'acco1nplit. p. 6G-7$. - J. Botz, Dfo Eu.cliaristie in der Zcit der r;ricchischcri
Or, la Personne du Seigneur doit occuper lo centre du culte, Vfitcr, t. r, vol. 1 Dia Aktu11lpriiscnz der PP-r$()fl unà des Heils,
car c'est elle qui unifie lès relntionfi de l'auto! ot <lu tahe.rnacle 11•crkcs Jes1, iin A.bcn.dniahl 11/lClt clcr Porephcsiriischen • ,:riechi•
ot leur donne leur sens. .<dw11 Patristilr, l<'ribourg-èn-Bri~gnu, 1955.
C'elll d'abord pa1• le sacrifice de l'autel que lô Seigoe11r se Giuseppe VAssAr.1, Eugenio G. Nuf;1,z 1 f{obert FonrrN.
rend présent clans l'Euchnristie el li n'est au tabernacle que
commo • memoria sacrificii et pas~ionis suao •. Séparer le
tabor11acle ,de l'autel, c'est sûparer deux cnoses, qui doivent EUCHARISTIQUE (Cœur). -1. Nczt!J,rc de la
rester utiles pa.r leur origine et lour nature... L'essentiel est dévotion. - 2. If istoirc.
d'avoir compris què c'eat. le même Soigneur, qui est préso1~t 1. Nature de la dévotion. - La Congrégation
sur l'autel et au tabern11çle. des Rites, le 9 novembre 19.21, approuvait une messo et
On pourrait aussi soulignor l'attitude do l'Église à l'égard de un office propres du Cœur eucharistique de Jésus, fixés
certaines pratiques de piôLé : las visites au Saint-Sacrement,
qu'elle recommande vivement, la prière des qu;u•anto heures au jeudi après l'octave do la fête du Saint-Sacrement
du• adoration perpétuelle•, l'heure sninte, le transport solonnol (ASS, t. 13, 1921, p. 545). Le sens do ln dévotion est
de ln com.munion a11x malades, les pl'ocossions du Saint•Sacre- donné dans l'orai$On de la messe ·e t dans le déèret
ment. Le lilurglsto le plus entnousinsto et lo plus convaincu d'ap probation.
doit pouvoir co1nprendro ot deviner cc que représente le Nous lisons dans l'oraison : « Seigneur Jésus-Christ, qui, en
Seigneur au tabernaclo pour les flclèles profo11<lé11rnnt pieux, épancnant los richesses do votre amour onvers les hom1nos,
que ce Roit des gens slrnplés ou instruits. Il est lour conseiller,
leur consoluteur, leur force, leur racour!!, leur espôranco d:\ns
la vie c111nme dans la n1ort. Non content de laisser venir lei,
avez établi l'ouéharistie, : faites, nous vous en prions, que nous
puisaions ain1cr votr1;1 Cœur tr6s airnant et user toujours digno- ..
111ént d'un si grand sacrement •·
fidèles vara le Seigneur au tabernacle, le 1nouve1nonL llturgique La décret d'approbation expllquè : • Cette nouvelle (éte...
s'ofiorcera de laR y attirer toujours davant~ge (p. 722-72$), a pour hut de co1runémoror tout spécialement l'u1no1ir que
5) Joan xx111 repre11d à son tour les enseignements nous témoigne Notre-Seigneur Jésus-Chriijt clans lè 1nystère
do ses prédécesseurs sur un n10<1e surtout pastoral. de la sainte eucharistie... Un autre but... eijt d:anhner les
Le 5 juillet ·l 959, dans son radio-message au congrès Jlclèlos à s'approcher nvoc una confiance toujours plus grande
de la solnto 0111:haristie et d'e1nbraser leurs·â1nos du divin a1nour
eucharistique national de Lyon, il rappelle l'oxe1nple dont Notre-Seigneur Jésus-Christ a la source dana son Cœur
du Curé d'Ars : hrùlnnt d'uno charité inltnie, qui institua la sainte eucharistie,
Qu'il 11ufflse do penser uux longues houros que saint Jonn- qui aimtl ses disciples et les•gardo dans son Cœur sacré, puisqu'il
Milrie Vianney passait, au début de sa vie pastorale, seul dans vit 0t demeure en oux, comme eux do1neurent en lui, lui qui,
son 6glisa, devnnt lo Saint-Sacro111ent; aux épaneho1nonts do pa1• l'llucharistié, s'ofiro ét ae donne à chacun. de nous en
fol ot d'iunour de cette grando IÎ1ne 11ux pièds do son MattrA; qualité do victime, do co1npngnon d'exil, <le nourriture, de
aux 1nervoille11x fruits de saintotu qui découlèrent, pour lui et viatique, eunn de gage du ciel • (AAS, t. 18, 1921, p. 5~6).
pour tant d'autres, de cos ardentes prières eucharisti11uos. Il
n'e$t pas doutoux qu'un ltQt do grâces descendrait sur vos La dévotion au $aint-Sacre111ent a pour objet l'ado-
familles et sur votre puys, si ... des t,mos toujours plus notn• 1'ation de ,Jésus-Christ actuelloment présent et le culte
breuses se mettaient sur ce point à !'écolo du saint Curé d'Ars. à lui rondre dans sa vie saèr;imentello. Lu dévotion
C'eat dans l'adoration du S1lint•Sacremont Cjne s'enltamruont au Sacré-Cœ111· honore le Cœur du Soigneur, qui u
et se no\1rri11sent les élans du zèle (AAS, t, 51, 1959, p. 537-588), inspiré toutes les muvres du Rédempteur, de son incar-
Quolquea jours plus tard, dans l'encyclique Sacerdotii nostri nation à su passion et à sa rcsurrectiof!. La dévotion
prinwrdia (81 juillei 1959) à l'occasion du centenail·o du suint au Cœur eucharistique no considère que l?œuvre d'amour
Curé (AAS, t. 51, 1950, p. 545 svv; DC, t, 56, 1959, col. 1025- par excellence du Christ, qu'est l'eucllaristîo, son
10~5)', le Saint-Père insistera avec force sur la pl'ièr0 ot le
· culte euoharisliquos. inunolution sacrificielle, sa donation ineffable an la
com1nunion, sa .présence réelle et permanente en tout
·A partir des vérités dogn1aliques ré1 1Hées, ainsi que Laho1•nacle. L'invitatoire des matinos de l'offico nous
Je démontre !'Écriture, la tradition et la théologie fait répéter : c< Venez, adorons le Cœur dé Jésus nous
traditionnelle, un développement normal du culte donnant la très sainte eucharistie». C'est ce que Albert
envers la présence réelle est né et s'est Intensifié : Lepldi, maître du Sacré Palais, a fort bien mi& en
au 1noyen âge, surtout avec l'institution eccl6siale el lumière :
liturgi.q ue de la fête du Corps du Christ, puis, en nos La dévotion au Sacré-Coour do Jésus, en adorant le Cœur,
ten1ps, avec l'enseigne1nent doctrinal et prat.iquc des honore d'uno m1111ière générale l'111nour de JéllUS•Christ donnant
\
l8 ' 1649 CŒUR EUCHAilISTIQUE 1650
~t à l'homme tous les bienfaits du sàlut. La dévotion au Coour Il est diffiCilè de voir la puissance 'de l'amour dont.le Christ
ilS euobo.ristique de Jésus honore dans lo Cœur euoharistlquo, u fnit p1·Buve 011 se donnant à nous en ·aliment spirituel, sans
in d'une manière spéciale et bien détcr1nlnéo, 1'111nour do Jésus• avoir u11 culto parUculi8r pour le Cœur eucharistique de Jésus
té Christ désirant instituer l'euchnristie, pour roslor avoo nous, qui, doit. 1•appcler, pour e1nployêr les parples... de Léon x111,
,n nous donnêr son corps 011 nourriture et son sang en breuvage, • l'acte de suprême amour par loquol notre 1Rêdempteur,
$- s'immoler sur l'autel d'uno manière non sanglante et, fonder d~veraant toutes les richesses de son Coour, à institu6 l'adornblo
s. ainsi l'unité do l'Église. Enfin, la dévotion à l'eucho.ristie siu:rement de l'eucharistie afin de demeurer avec nous jui!,_qu'il
• 11:1 fin des sièdos , (A.AS, l, 48, 1956, p. 851; trad. dans Docu-
i1onore dans l'cuchatlstio l'i:unour dê J ésus-Chrîst se donnant
à l'homme dans la réalité do son corps et de sou snng (l>d 11w111atio11 catholiqu;, t, 53, 1956, col, 738).
Q, , cultu C()rtlis J cs u. c1u:h11ristici, Ro1no, 1905, p. 10; 2• ûd.,
8, Pws, 1026, _p. 3,, ), 2. Histoire de la dévotion. - li n'est nulle-
ll ' ' ment question de rochorcher ici tout ce qui pourrait
l, Ltl dévotion au Cœu,, eucharistique n'a pas d'auL,·e êl.r·e considéré conune des pierres d'attente de la dévo-
~-
l,
base que i•a1nour du Sauveur se concrétisant dans ti1>n au Cœur oucharlstique; ce serai l, nous l'avons
l'institution de l'eucharistie; elle est donc essentielle- inr;inué déjà, pal'courir à nouveau l'histoire de la dévo-
lllêot fondée sur l ' Écrit,11. re; los Pères de l'Église comn1e ti,>11 au Sacré-Cœur, aux plaies de Jésus et à la plaie de
les théologiens et les auteurs spirituels en parlaient son côté notamnuint, et l'histoire de la dévotion au
sans la désigner explicitement, lorsqu'il$ L1•altaient de Sain t-Sacre1nent.
l'eucharistie. Los textes seraient innombrables; nous 1 ° Sans doute ne serait-il pas malaisé de signaler
,. ne pouvons songer à les citer, d'autant que les articles quelquos jalons avant que la dévotion n'apparaisse
• consacrés à la dévotion au Cfn11r do Jésus eL à l'eucha- au grand jour à partir de la deuxième moitié du 190 siècle.
ristie y ont déjà insisté. Il importe cependant d'apporter Il conviendrait, p~r exemple, d'étudier l'iconographie
un témoignage susceptible de dirimor une controverse môdiévale du Cœur do Jésus, comme l'a tenté sur un
qui é1nut naguère les chréUens auxquels la dévotion point ou l'autro Louis Oougaud (voir bibliographiè), ou
au Cœur de Jésus était particulièrement chôro. ,Jean enco1•e de rechercher les sourues de l'ouvrage d'Antoine
Croiset, l'un de ceux ti qui sainte Mal'guerite-Ivfarie Giothe,·. C'est, semble•t•il pour la pro1nière fois, chez
l avait confié la 11'\ÎSSion de l'exposer, montre fort bien, celui-ci, quo nous constatons l'e1nploi de Cor Jesu
t en elTet, q.ue la dévotion au Cœur de Jésus est essen- c1u:haristici et de Cor euclutristicurn. Dans sol) Speculun1
~ tiellement eucharistique, rnê',ne si elle déborde cot a1noris et doloris irt sacratissinio a.c àirJinisBitno Corde
t unique aspect. Son ouvrage sur Lu déc,otio,~ ati, Sa.cré- Jcs1.1, ù1carnati, f/Uoharistici et cruci'{ixi orbi ch1·Î.stiario
~ Cœti,r de Notre-Seigneur Jéstts-Christ (Lyon, 1691) pl'npositurn (Augsbourg, 1 ?06; 4r. éd. , 1743), Antoine
t commence alosi : ,1 L'objet p.irticulier de cette dévotion Ginther (1655-vers 17'•0), zélé et saint curé de la paroisse
est l'amour immense du Fils de Dieu qui l'a porto à se ·do Sainte-Croix à Bibel'l>ach, expose" l'amour du Cœur
livror pour nouB à la rnort et à sil donner tout à nous de Jésus dans l'eucharistie >> (considération 23), que
dans Je très saint Sacromont dé l'au lei ,,. Et à maintes n'arrêtont ni les indignités ni les sacrilèges des hommes
.reprises l'autour rep1·end et développe cette d6flnition (2(i et 27), et qui e_s t le gage de tous les biens (29). Au
• lirninairo f~ndan1entale. môme moment, un ma\triste français, Jean-Paul du
Déja, en plusieurs occasions, des docurnents émanés Soult. (1650-1724), insérait une « élévation au divin
du Saint-Siège avaient précisé l'objet de cette dévoLion. C(eur de ,Jésus dans le 'l'rès-Saint-Saci'ement de J/autel »
Une note 9u recueil des indulgences de 1898 (Raecolt1i; dans ses Entretiens a11eo Jésus-Clirist'dans le 'l'rès•StJ,int•
traduction française en 1901), rédigée par le cardinal S(J.cre1ncnt de l'autel (5 vol., 'foulouse, 170t-1703),
Ootti et apposée à une prière au Cœur eucharistique, ruais sans employer l'expression de Cœur eucharistique
, d'ailleurs enrichie ensuite d'indulgences par Léon xn, (cr DS, l. 3, col. 1842). A quelque temps de là, saint
le 17 juin 1902 (cf Analecta ccclesîastica, t. 10, 1902, Jean Eudes 1' 1680 alTir1nalt déjà que cc le divin Cœur de
p. 321-322), affirmait quo « le culte envers le Cœur ,fésus ost une fournaise d'amour au regard de nous dans
eucharistique de .résus... prend comme objet sp6cial le très-saint Sacrement " (Le Cœur admirabùi d6 la lrès•
de vénération, d'a1nour, de ,·econnaissance et de réci- safrée Mère de Dieu, Caon, 1681, Jiv, 12, ch. 9, titre,
procité .. , l'acte de suprômc dilection par lequel le p. 708).
Cœur très aimant de Jésus institua... l'eucharistie et Quoi qu'il en soit de la vulgarisation de ces beaux
demeure avec nous jusqu'à la fin des temps >> (Raccolta textes, la dévotion au Cœur eucharistique ne commence
di orazioni e pie opere per le quali 1Jono statc eonccsse dai vr;iirnent, sous son nom, qu'à partir de la deux,lème
Som1ni Po11te/lci le sanie indu.lgertzc, n. 121, note, ,noitié du dernier sièclo.
• p. 191•; cf aussi Beringer-Steinen, Le1J indulgences, trad .
I,c 22 janvier 1854, Mndemoiselle Sophie Prouvier, origi-
Ph, M4zoyor, ~11 6d. française, t. 1, Paris, 1925, n, 372, naire du dlocèso d8 Snint-Cltu1de, en adoration devant lo
p. 180, et note). Snint•Sacromenl exposé à l'hôpital Saint-Jacques de Besançon,
Les statuts de l'archiconfr·él'ie du Cœur eucharistique • 11ntend en son sons inthno, mais sans bruit de paroles, ce
de Jésus érigée par Léon x111 par un brof du 16 février seul mot : Cœur eucharistique do Jésus •. Ses notes spirituelles
1903 déclaren Là leur tour : « Cette archiconfrérie porto r0latent ensuite le développement do cotl0.lntuition révélatrice,
ce ·no,n parce qu'il désigne le double objet de la dévotion, qui ubout.it à la fondation définitive de l'Institut des vierges de
h1 cause et l'efTet, c'est-à-dire le Cœt11• ahuant de Notre- Jésus et de Marie, religieuses vivant dans lo mondo. La prière
S~igneur Jésus-Christ, et la sain te eucharistie, qui en au Coour ouchàrislîque q11e çompose S. Prouvle,r pour synth6-
tisnr sa pensée esl indulgenciéê le 7 septembre 185q par Mgr Ma-
est l'œuvre par excellence >> (ASS, t, 85, 1902-1908, hilii, évêque de Saint-Claudo., oL le texto se dittuse rapidement,
p. 582}.
Pie XII, enfin, dans l'oncyclique Hau.1·ietis aquas in t~ue ces r·évélations privées en aiont été ou non l'occa-
gaudr:o, du 15 mal 1956, consacrée à la dévotion au sion, la dévotion au Cœur eucharistique est désormais
C~ur du Christ, rendait témoignage au culte du Cœur connuo : un. article lui est.consacré dans Las annalés du
eucharistique, en reprenant et an;iplifiant les paroles de Saint-Sacrement (Lyon) en 1860, tandis que, la même
Léon xr11 : •. -~ .année, à 'l'ours, Pie1•re-Julien Eymard prononçait
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1651 CCEUR EUCl·IARIST.IQUE . 1652
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sans doute .Je premier ·sermon sur cette dévotion. J'en- Le 15 juillet llllivant, pour dissiper tout malentendu la
dant que le jésu,ite François Blot prépare et publie ses Congrégation confirme son décret précédent. Elle ajouiê :
(leux volumes sur Le Cœur eucharÏ$tiqu(l ou l(l Cq!ur 1) le titre de Cœur eucharistique de Jésus -ne peut être permis
qua <lans los contrérios approuvées sous ce vocablè' pourvu
de Jésus dans le Stlint-Sacrcment (Paris, 1872), les mani- qu'il signifie le Cœur de Jésus tel qu'il ei,t dans l'eu~lu1rlsLie;
fest,ations en faveur du Cœur eucharistique ne cesr;ent 2) ce Litre n'est ni canonique ni liturgique .ot se présent-0
plus : Pie 1x en 1868 indulgencie une invocation au blon plutôt avec le caractère de ln nouveauté; aussi il no peut
Cœur eucharistique, une chapelle, puis des églises i;ont être reconnu dans la li turgie; 3) les conCrérios qui le portent
bénites sous ce vocable, des confréries sans nonibre ne peuvoat célébrer d'autre fête qui Jour soit propre que celle
sont instituées (une à Paris en 1879 à laquelle Léon x111 du Sacré-Cœur ou celle d11 Sai11t-Sacren1ent (AAS, t. 6, 1911,),
acco1•do aussitôt des indulgences, une à Rome en 1888, p. 382-888).
e~c)_, ,des ra~ports l'e~posent dans les congrès eucha- Ce décret semblait contredire le texte de la Raccolta
r1st1ques nationaux et 1nternatlonaux (à Lille, en 1881). et le bref de Léon x111 du 16 février 1903, 1•appelé plus
Enfin, la ·dévotion rencontre d'illustres défenseurs qui haut. En fait, ces d~ux décisions chorohaient à pré.ciser
la propagent et au besoin la soutiennent avec intrépi- dans quolle mesure 011 en quel sens Je titre de Cœur
'd ité : le carme Hern1ann Cohen t 1871, le bienheureux eucharistique .pouvait être donné, porté, représenté
Pierre-Julien Eymard t 1868, « le saint ho1n1no de par. la statuaire·, reconnu et. employé par la liturgie
Tours», Léon Dupont t 1876 (1)$, t . 8, col. 1831-'1833), (voir L'Ami du clergé et Periodica, cités infra.). Néun-
Mgr Gaston de Ségur t 1881, Henri-Toussaint Jr.ard 1noh1s, le cardinal Arnette, archevêque de Paris, daman•
/ 1~93, supérieur général de Saint-Sulpice, Albert dait des éclaircissement.<;. Le 3 avril 1915, le Saint-Office
fesn1ère "t 1909, de la congrégation du 'l'rès-Saint-Sacre- l'épondait on substance : le titre de Cœur eucharistique
1nent, et, plus qu'eux tous encore, Thérèse Durnerin de Jésus garde le sens qu'il a dans la Raccolta de 1898
(1848-1\105; voir DS, t. 3, col. 18Li0-1842). En 1908, et le bref du 16 février 1903. La dévotion doit' être
par•aît à Ftome la Revue de l' archiconfré,·i(l du ()mur tenue pour approuvée par le Saint-Siège, dans le sons
eucharÏ$tique et en 1014, à Paris, .Le prêtre du C:œur de la Jlacaolt.a. Màis il fant maintenir et ne pas changer
cucharistiquç de Jésus. Depuis lors, des congrégations les décrets sur los emblèmes et la liturgie do la dévotion,
r~ligieuses se sont particulièrement vouées au déve- pour éviter que, cc à la suite de déviations toujours pos-
loppement de la dévotion, par exemple la congrégation sibles de la dévotion en un sens erroné ou peu opportun,
de Jésus-Marie, sous l'impulsion des écrits de 1ni'lre en certaii1es €unes simples éprises de nouveauté, une
Marie Sainte-Cécile de Rome t 1929 (Léonce Cre11ier chose aussi sainte soit exposée aux sarcasmes de ceux
Une vie dans ~ Christ, Québec, 1984, avec ·}' Auu,bio: q\li y trouveraient à redire 1, (AAS, t. 7, 1915, p. 205-206).
graphie de la religieuse). · · Le titre de Cœ\11' eucharistique fai~ait craindre, en
2° La dévotion au Cœur eucharistique a cependant effet, certaines déviations.
re~contré des oppositions et plusieurs fois le Sàint-Siège '

prit à son égard des mesures restr•ictives, - dont toutes, • Voulait-on peut-être désigner ... le n1ode eucharistique dont
la Sacrô-Cœu1• est présent sous lelj espècos sacran1cntelles?
sauf une, $Ont aujourd'hui pérhnées. Co mode n'a rien de spécial, et il n'y pas de raison de l'honorijr
, l,e 27 rnai 1891, le S!'.l!nt-Office publie un décret à ln ~uite dans le Cœur plutôt que dans toute autro partie de l'humanité
sainte .du Christ; compriae dans ce sens, !!'.l nouvelle dévotion
de l'irnpressio11 <l'iro!'.lgos dites du Cœur eucharistique. J?une
reprétienlait aµ niilicu d'une ho11tie un cœur surmonté de H1\n1- pouvait être l'occasion d'erreurs doctrlnllies • (L. J<erkhofs,
Théologie et Sacrd-Cœur, dans Revi,e eccMsiastiguc de Liège,
r11es, l'autre des hosties ton1bant du Cœur de Jé~ua s11r une
patène (cf Ami clu èlcrgc!, t. 96, 191(,, p. 675-676). Le Saint- t. 12, 1920-1921, p. 801; cf Fr. Jansen, Lé Cœur cuoharistiqrre,
Nl:t'l', t. 51,, 1927, p. 113-115). ):.,es imagea du Cœur eucharlsti•
Offico d6clare ne pouvoir approuver ces nouveaux omblèmcs que réprouvées on 1891 par le Saint-Olllce risquaient peut-être
du • Cœur de Jésus do.na l'èucharistie •· On doit s0 contenter
des imngea habit11elles et approuvées du S!'.lcré-Cœur. • Le de taire to1nbor dans ces erreurs, du moins celles qui repl'ésen-
Laic1it lo Cœlll' au milieu d'une hostie. Rion ne permet de
culte du. Sacré-C111ur· <lans l'eucharistie n'est pas plus par(nit
que celw envers l'eucharistie ni différent de celui envers le .penser que le Saint-Siège nit changu d'attitude sur ce point,
on peut donc estimer quo ces cmblèn1el! restent réprouvés.
Saoré-Cœur •· L,e Saint•Ollloe rappelnit son décret clu 18 janvier
1875 prohibant la propagande écrite on laveur de nouvoaux La dévotion au Cœur eucharistique esL conforme aux
titres de culte (S juin 1891, ASS, t. .24, p. 573-57 4).
Pour yépon~re à dès quostions posées, Léon x111 1lt envoyer meilleures t1·aditions de la piété catholique. Elle exprime
au c1.1rd1n1.1l Richard, archevêque de Paris, par le comnJif-l!aire un des aspects essentiels de la dévotion au Sacré-Cœur
général du Saint-Office, une note (Sl!rnaine religiei,se de l'aria, et porte les •1fidèles à so nourrir de l'eucharistie et à
SO décombro 1898), déclarant que restaient • approuvés •la l'adorer.
dc'.lvoLlon ot le culte nu Snerô-Cœur eucharistique do .r ûsus
d!'.lns les termes indiqués dans la lettre (lu 31 rnai 1891 ». 1. Exposés et contro~crscs. - L. fl.oelandts, Le cuUc du
Cœur eucharistique de Jésu.s, NR'r, t. 85, 1903, p. 269-280. -
~ · Lopidl, De cult1t Cordis Jcsu eucharistici explicatio dl>Sma-
Alors que non1bre d'évêques, depuis 1908, no cessaient tica, Rome, 1905, avec traduction ; Expliccr.tion do11111atique
d'envoyer au pupe des suppliques en faveur d'une n1esse sur, le (,ultc du Cœur eucharistÜJue de Jdsus; rééd: avec; un histo•
et d'u~ office propres du Çœur eucharistique, et alors rique de la dévotion par E. 1-Iugon, Paris, 1926. - P.-M.
qv.e Pie x, :en 1911., s'inscrivait à l'associ.ation des Prê- Onrénau1C, La dé~otion ait Cœur cucharittiquc de Jésus, Roine,
tres du C.œ ur _eucharistique qu'il approuvait, la Congré- 1907; s• éd., Paris, 1927. - L'A1ni du cler11é, l. 86, 1914,
gation des Rites, le 28 mars 1914, ,décidait qu'on ne p. 678-670, 875-877. - r. Lejeune, La dé~otion au Cœ11r
pouvait dë~ier une église au Cœur eucharistique ni a1tcharistiquc, Paris 1919. - F. Bouchage, Rayons du Cœur
placer ·sur le maître-autel son image ou sa st:1 tue. cuchàristiquc, Saint-J<5tienne, 1922. - F. J ansen, Le Cœ1tr
eucharistique, NR'l', t. 51,, 1927, p. 112-122. - D. Castolain,
L'ordinaire du ~ieu doit, dans l'un et l'autre cas, substi- J)e cultu eucharistici Cordis Jesu. Historia, do<ilrina, docu.1no11t(1,
tuer au titre Cœur eucharistique un autre titre liturgique Paria, -1 928. - R. Garrigou-Lagrange, /,e Cœur eucharistiq~
approuvé., par exe1nple celui de Saint-RédempLeUI', et ùi don parfait de l1ti•111êmc, VS, t. 29, 1931, p, 225-2S?,:
Sacré-Cœur de Jésus, Très Saint Corps du Christ, ~te l'autour avait publié précédemment dans Per/ectwn chrétitnfle
(AAS, t. 6, 1914, p. 1',.6). et contempla.lion, t. 2, Bo.int-MaxiJr1i11, 1928, des Élévalions
62 1663 CŒUR EUCI-IARISTlQUE - S. EUCI-IER 1654
la ~nonyn1cs sur le Cœur euohariçtiquc <k Jésu$, co1n1nentant le clergé et le peuple de Lyon le demandent comme évê-
~ : 8 invocations de la Prière, p. 658·661. - A. Tl'lponez, Le Oœur que, à la mort de saint Senator, vers 485. Nous savons
DÎ$ eU9haristique de Jés11$, Ce qu'il est, Paris, 1959, com1nantair1;J
'VU dos invocations de la Prlù1·0 au Cœur m1charistique. ]>eu de choses do l'épiscopat 1d'Eucher; il participa au
1é; premier concile d'Orange (441) avec l'Iilaire d'Arles et
2. Rap port,9 a ver. les dd,,otions au Cœur de J ~$Il.$ et c,u Saini• son fils Salonius, déjà évêque de Genève. Sa mort se
!te Sacrcm.ant. - J.-V. l;lainvei, La dévotion au Sa()r,!-Cœur de
,ut place, selon Gennade, :vers 449 ou 4:iO. .Au ·jugement de
,nt Jésus. Doctrine, histoire, 6° é<J,, Paris, 1 \.121, - Louis Gougauct,
Avant le Cœur eucl1aristiqu<,. La plaie d1t caté et l'e,icharisiic, le Nain de 'fillen1ont, « l'~glise de .Lyon .n 'a point eu,
ille daos L<t vie et les arts lit1.;rgiqucs, t. 10, 192~, p . 160-169. - depuis saint Irooée, d't\vêque plus célèbre en science
4), (•L en piété » (Ménioires .. , t, 15, p. 120).
M.-L. Charbonnoau-Lassuy,, Les ilnag<•s clu Cœur eucharistique
en Angleterre <ut J/iO et art llJ• si~eles, <iana Rcgncibit, 1925. -
lta L. Gorriguet, Eiwhc"istia at S acré-Cœur. Éti"lc co,nparative 2. Œu~es- - Le pre1nier ouvrage d'Eucl\el' fut
do théologie et d'liisioirc sur lés deux d4,,otio11s, Paris, 1925; le De lau.de .ere,ni (PL 50, 701-7.1 2; CSEL 31 , p.177-194),
,US
hcs deu.x gra,ide.s (](!1,otions de l'heure pré!Jct1tc, Dévotion à sorte de lettre à saint l"lilaire d'Arles, à l'occasion du
1er l"'tucharistie et dévotion <iU Sacré•Cœrtr, Paris, 1926. - A, Vcr-
,ur rotour de celui-ci dans la solitude ; on peut la dater
meerach, Pra"tÙjue et dôctri11c tlc la d..ivotion au Saard-Cu.,ur, des alentours de 427. Le second ouvrage a aussi la
lté' 7• éd., t. 2, Tournai-Purin, 1980, p. 136•140; voir 1\1.ISSÎ le
µe forme d'une lettre : De conlemptu mundi et saeôularis
conHnent.nire de l'auteur sur le rescrit du 28 1nars 191'1, duos
1n• Poriodica, t. 8, 1919, p, 14-16. - Aug11Rte Hamon, llistoirs de z,hilosophiae (711-726); écrite en 482, elle est ad1•essée
la dévotion au Sacrt},Cœur, surtout t. 5, Paris, 19!..0, p. 247-254;par l'auteur à son cousin Valerîanus. Il ne nous reste
1n-
cf art. Cœun SAcnP., DB, t. 2, col. 1028-101,6 . ...:.. J<'. Baix etcl '.Eucher que deux ho.mt\lies, l'une sur saint~ Blandine,
1ce
l'autre sur les saints Alexandre et Êpipodt;i (PL 50,
C. L ambot, La déi,otion .d l'eucharistie et le vn• ce.11tcrl(ûrc ,l~
ue la ,F~t~·Dicu, ,G ornbloux-Numur, 1946, p, 116-119. - L. Penzo, 859-865). Il parle de ·cea martyrs en ter,n"es qui in1pli-
98 Culto d«l "C1wrc s11caristieo di G<•Sù, dans Bncidopedia cattolioa,
l quenL clairement qu'il est leur cornpatriote.
,re· t. ,, Rome, 1950, col. ,1063-1064. - É, Bertaud, 11r't. liuonA• Eucher est J'auteur d'une Passio Agaunensiuni mar-
ns ftlilTIE. Dé1111li1111, DS, t. '•• col. 1621-1637,
tyrum (PL 50, 827-882; CSEL 81, p. 165-173). Tillen1ont
•er André };tAYEZ et Alfred de BoNHOME.
' esLilne que c'est (< l'oUvl'age le mieux écrit quo nous
1p, , ayons do saint Eucher" (loco cit., p. 181). Ces quelques
)8•
1n, EUCHER (saint), évêque de Lyon, t 1,1,.9· ou 450, pages, con1posées expressé1nent pour souat,·aire à l'oubli
- '1, Tlù,. - 2. Œuvres. - a. Spiritualité. l•~S rnartyrs de la légion « thébaine )) 1 saint Maurice et
ne ses soldats, sont la source principale qui nous rapporte
llX 1. Vie. - Eucher naquît autour de l'an 380, p1•0- cc massacre or·clonné par Maxi1nlen à la fin du 3e siècle.
6). bablement à Lyon. Il appal'tenait à une famiUe riche f,:crivant vers 450, Eucher cite la filière par laquelle
en et illustre. Priscus Valeria.nus, qui fut préfet du prétoire l:.t connaissance des faits est venue jusqu'à lui (voir
<les Gaules et cousin de l'empe1·eur •A vitus, était son D. van Berchern, Le rnartyrc de l<.Z, légion thébaine, Bâle,
1nt parent. Dans st\ 'Vic d~ s<,Lint Ilonora.t d'Arles, t 429 /'130 1fl56).
is? (PL 50, 1261), saint Hilaire d'Arles t 449 dira de lui : Eucher rédigea encore deux commentaires d'Écriture
rer « pulcherrinle splendidus mundo, splendidior Christo ». suinte, les Formulae spiritualis intelligentiae (PL 50,
itê 1 Son style dénote une éducation soignée. Il était du 727-772; CSEL 81, p. 8-62) et /nstructionu,n libri 2
on petit nombre des gaulois qui, à cette date, étaient (PL 5o, 778-822; CSEL 81, p. 65-161). Lo premier
ir~.
go, capables de lire le grec et de discuter du sens précis donne dos règles d'interprétation du vocabulaire bibli-
~e, d'un mot grec. Nous ignorons comment il est venu au que usuel; le second explique d'une manière rapide.,
rtl• èhristîanîsme. Il épousa ' Galla, dont nous savons c,>nCise et claire, un certain nombre de passages difficiles
lte seulement
, qu'elle l'imite1·a dans su résolution de renon- des deux Testaments, ·L'exégèse d'Eucher est rarement
cemen.t total et s'adonnera, comme lui, à la vie contem- originale; il suit Ambroise et Augustin. 'L'influence "et
plative dans la solitude. lis eurent deux enfants, la diffusion de ces deux ouvrages furent grandes au
Saloniua et Veranus, qui devinrent évêques, le premier Dlûyen âge; Ils servirent longtemps de manuels dans les
de Genève, le second de Vence. C'est à eux qu'Eucher ntonastères. Le grand nombre de .copies qui en restent
~X dédia deux ouvragea sur les saintes Écritures. les montrent .întel'polés, 1nodiflés, complétés selon la
tie Eucher et sa femme, attirés par la renommée de saint S<~ience biblique des siècles qui suivirent. K. Wotke a
ur l\Ionorat, .fondateur de J.,érins, résolurent de se consa- éLabJi le texte authentique (CSEL 81, 1894).
à crer au Christ. Ils confièr'ent leurs'fils, dont l'aîné n'avait Le style d'Eucher, tlUquel 'font allusion Gennade
pas dix ans, aux moinmi de Lérins. Eucher se retira (J}1: i;i:riptoribus ecclesiasticis 68, PL 58, 1096-1097)
dans l'île de Léro (actuellement Sainte-Marguerite), eL Isidore de Séville (De r,,iri!! illustribus 28, PL 88,
du non loin du monastère de saint Ilonorat. C'est dans 1098), a été fot't loué par Érasme : « Si quîd moo .suf-
cette retraite qu)il composa l' Éloge <k la .solitude et t1·agio tl"ibuis, nihil video profectum a nostrae reli- ·
l(I•
,ue Du n1épris du rnonde. On y trouve de nomb1·eux traits gionis hominihus, qui èloquentiae quoque ,gloria flo-
lO• autobiographiques et les éléments de sa spiritualit6. ruorint, quod cum J1ujus phrasi sit conforendum... »
M. En contact étroit avec le milieu de Lérins, Euche!' (lettre de 1517 à Alard d'Amsterdam lrqprimée comme
te, connut Honorat et I-Iilaire, successivement évêques prëface au De conteniptu niu.ndi sous le titre De philo-
14, <l'Arl~s, .mais aussi Jean Ca.ssîon, t vers 485. Celui-ci sopliia chriBtiana; cr Allen, t. 8, Oxford, 1913, :P· 98-100).
IW" dédia à lllucher, conjointement à saint Honorat, le E11cl1er semble bien représenter le type de la culture
1ur second -recueil de ses Conférences (11-17). Nous gardons chrétienne au 511 siècle.
1ur
1,1ne ·Jettre de saint Paulin de Nole adrossée à Eucher
ln,
la,
et à sa femme (PL 61, 417-'•1. 8), alors qu'ils avaient a. Spiritualité. - Eucher ·n'a :pas 'écrit de traité
'ue déjà gagné Léro. Claudien Marnert t 4 73 / 4'7'•• qui le systématique de spiritualité, mais, en lisant aes prin•
1?; connut personnellement, en parle "avec adrrliration cipaux ouvrages, il est aisé de !se ,falre une idée de sa
• (De •statu animae 11, 9, 8, PL 53, 752c,753a). vin intérieure .et de ses conceptions spirituelles. Cette
La reno)nrnée d'Eucher était assez grande pour que spiritualité est étroiterr1ent apparentée à celle des
1655 S. EUC1'1ER 1656
Pères du désert, telle que Jean Ca.5sien venait de la Dieu (1; PL 50, 701d; CSEL 31, p. 177-178), car le
condenser dans ses Conférences. d,\sert est le vestibule du ciel; Diou y demeure habituel•
'l'rois idées principales là résument: 1) fuite du monde le1nent, non qu'il soit davantage au désert qu'ailleurs,
et renoncement au n1onde, c'est-à-dire lutte contre les rnais il s'y montre plus st\rement à ceux qui le cher•
'
vices et acquisition des ve,·tlIS ou vie ascétiqµo; - 2) cJ11Jnt et ceux-ci y ont plus do facilité ù vivre en sa pré-
contemplation ininterrornpue de Dieu au désert; sence. « J 'appellerais volonUers le désert Io temple
- 8) méditation const~ntc des Écritures, interpl'étées sans limite de notI'e Dieu, car celui que nous savons
surtout selon le sens spirituel, qui se découvre dans la avec certitude habiter dans le silence, nous devons
prière, le jeûne, l'oraison continuelle, beaucoup plus ·croire qu'il se réjouit dans la solitude. C'est là qu'il s'est
que par l'étude savante. 1Y1ontré le plus souvent à. ses saints et, le lieu s'y prêtant,
1° La fuite du monde. - l~ncher en avait donné il n'a pas dédaigné d'y rencontrer l'hornme ,, (3; 702d-
l'exemple, en se sépat'ant de sa re,n,ne et en se retirant 703a; CSEL, p. 178; trad., p. 69).
dans la solitude. Il en expO$a les raisons. Eucher prend Eucher montre ensuite, à partir de l'ancien Testa,
la suite de Paulin de Nole t 4.81 (qui s'était aussi sôparé rnent, le rôle prédestirié du désert. Il a été créé par la
de sa femrr1e Thérasia), de J érôu1e et de ses plus illus- prescience divine pour accueillir les saints après la
tres dirigées, Paule, E ustochium, Mélanie. Le thènie du chuto d' Ada,n. 1\ioîse y rencontrera le Seigneur; l'ordre
1népris du monde était courant. Honorat, Hilaire d'Ar- divin de quitter ses chaussures signifie qu'il faut se
les et bien d'auh•os avaient renoncé aux arnbitions ter• dépouiller de toute attache pour approcher le Seigneur;
alors, comn1e avec Moïse, Dieu convel'se familière,nent
1'estres pour se donne1• tout à Dieu. Los " Pères du
désert » avaient Iarge1nent ouvert la voie. avec le solitaire (6-7; 708cd; CSEL, p. 179-180). Les
Les a!'gu1nents d'Eucher, dans son De conternptu faveurs accordéos au peuple do Dieu dans le désert
mundi et saecularis philo.9e>phiae, n'ont point pour base (8-14; 704a•705b; p. 180-182) ne sont pas seulement
ordina.h•e1nent les calarnités politiques consécutives l'i1nage de celles de la vie ru ture, mais aussi la. figure
aux invasions barbares (PL 50, 722), mais bien plutôt do ce que trouvent ceux· qui aujourd'hui recherchent
le caractère général et permanent de la. vie présente, J)ieu dans la solitude (15-16 ; 705c; p. 183). David y
le naufrage inéluctable de toµtes choses, en un mot , chercha la séêurité et l'assouvissement de sa soif de
leur caducité et leur " finitude ,> (7'1 Sd-717) . Le clH'ét,ien Ilieu; Élie et 1JJ1iséo y reçurent les faveurs divines.
n'a pas besoin d'éprouver revers, rnisè1'e ou malheurs Jean-Baptiste surtout y annonça pour la première fois
pour- embrasser une vie sainte et mépr-L,;er la fragilité lo royaume des cieux et il lui lut donné d'y toucher
humaine; il suffit qu'il aspire à la gloire et aux honneurs le Christ, d'y voir la théophanie de la Trinité (17-21;
du oie!, sa vraie fin. Il faut alors délaisser la sagesse 705d-706b ; p. 183-184). Le Christ enfin nous entrat'no
du monde pour suivre la sagesse cachée de Dieu (711- pa1• son exemple : c'est dans la solituda qu'il triomphe
712) . L'idée d'éternité domine tout le tr,dté. du démon vainqueur du pre1nier Adam, qu'il prie son
l'ère à l'écart, qu'il multip.lie les pains, qu'il est trans-
Assurément, c'eat l'aLtaehon1ent à la vie qui nous a enchnlnés liguré (22-26; 706c-707b; p. 18~·186) . Euchèr invite
par la dé!ectf\tion do la réalité prés13nte. Eh bien I ces a.mn.n ls ceux qui sont brtilés du feu de Diou à tout laisser pour
do la vie, nous lès oxhortonii à la vie l La vraie 1nanière de per- gagner le désert; ils y trouveront la vraie « philosophia )•,
suader, c'est bi0n de demander qua vou:i on1bras~iez prétisé•
ment ce que vous désire1. 1 Or, c'ei;t pour la vie que voui; ahnez la « sapientia », la " libertas » et la « continentia quae
que• nous /aisoiis fonction de 11égociate1trs a11.pr_t/R de vo1141 • (2 Cor. velut alia quaedam est cordis eremus 1,; le désert est le
5, 20, et Bpli. 6, 20), et cotie vie que vous airnez exiguë, nous lieu privilégié de la contemplation (cf DS, t. 2, col. 1980);
vous suggérons de l'ahner éternelle l Car je ne sais ce que c'eNt l:'est là qu'ils donneront le 1neilleur exernple, car-la gloire
qu'aimer si nous ne d6sirons pas que cette vie que nous aiinons (Pune vie cachée no peut pas ne pas rosplendir (29-36;
soit aussi belle quo possible I C'est pourquoi, cela qui no\1s plii.tt, 707d-709c; p. 187-190). Eucher en vient aux joies
mGme lirnité 6trôllen1ent, qu'il plaiso davantage 11'il peut Ot1·0 i;pirituelles : •
perpûtuol, et que ce q1,11 11 du prix pour noul!, avoc une fln,
soit pour nous "p lus précieux encore, s'il peut ôLro sans ftn f.• 11 0 combien douces, pour ceux: qui ont soif de Dieu, 1:es soli-
est absurde, an ollol, ot contradictoiré quo l'amour de la vio tudes éca.rtéesl Qu'elles sont 11gréables à ceux qui r,herthent le
porte donirnago à ·1a vie. Ainsi, soit que vous méprisiez cotlo Christ, cos vastes étendues où loul se tait I Alors l'â.1110 joyeuse
vie, soit que vous l'emhrnssiez, dans les deltx cas, nui. cause ost oxcitéo par les stim11h111ts du silence à rnontor vers Dieu,

est gagnée san:i peine (PL 50, 715bo; trad. L. Crlstlani, Du alors elle se nourrit d'inefrablos extases. Nul bruit n'interv\ent,
m4pris d" 1no11du, p. 37-BB). nulle voix ne se fait entendre, si ce n'eBt telle qui parle avec son
Dieu I lllt lori;quo lo son exquis de cette voix brise le silence do
Partant de là, f~\1cher dénonce la vanit,, des richesses la solitude ot to111bc sur cette âma, un frémissement plus doux
et des honneurs en face <le la mort (715d-718a); a.près q11e la repos n1ôme et le saint tun1ullo de la plus dl\licate oonver•
avoir donné en exemple Clément de Rome, les deux sation vient ro1npre cet état do quiétude paisible! Alors les
chruurs fervents vont frappér' . de leurs hy111nes suaves
le ciel
G1•égoire, P aulin de Nole, Hilaire d'Arles, etc (718b·
cl l'on parvient jusqu'aux cieux· à la fois pilr les voix et pnr les
719b), Eucher monli'e comment, si nous nous efYor• 1)rièresl (37; 709d; p. 190; trad., p. ar.).
· çons de redresser nos alTecUons vers Dieu, celui-ci
comble tous nos appétits de bonheur (720h•721c). Il l i ne semble pas douLoux qu e ces lignes fassent allu·
faut donc délaisser la sa.gesso païenne pour S'attacher sion aux charismes de la vie contemplative. La manière
à la vérité du Christ par la 1né<lit.ation constante des dont Eucher' parle de ces« extases 1, (cxcessus) souligne
1JJcritures (72'••726). bien la sortie de soi et l'inelTabili Lé de ce qui a été
2° La contemplation i,1inwrrompue do Dieu dan.s la ressenti, même quand lo contemplatif est revenu à
solitude est développée dans le De laudè eremi (ll'ad, lui. A rapprocher de la Conlatin 19 de Cassien, ch. 5
L. Cristiani, loco cit., p. 67-89). Cel éloge do la solitude (1-'L 49, 1132).
est un app(ll à la vie contemplative, co,nme le précédent L'ouvrage s'achève par une interprétation allégo-
était une exhortation il entrer dans la vie ascétique. rique de la. parabole du se,neur .(Mt. 18), appliquée à
On ne recherche la solitude du désert que pour ain1er la solitude, et par le témoignage d'Elucher sur les soli•
,6 1657 S. ElJCfIER 1658
le
~-s, taires de Lérins et leur manière de vivre (39-43; 71 Ob·
712a; p. 191-1.9!,.). ·
1>, 898-002; cr CC 104, p, 944-949. Enfin, deux r,omment.aires
~cripturairos sur la Genèse (col. 893·10',8) et les Roiij
3° La source, la règle et l'aliment de la vie conle1n- (col. 10-,7•1208) appartiennent à Claude do Turin, .t vors 827;
r- cf P. Bellot, Claudio de Turbl, aut11r de los comcritarios " 111 -
é• plative du solitaire sont les ~critures. 1... es deux ouvrages OM1csi1n et Rcg1im • clcl Pseudo-Eu,qu11rio, dans Est11<lios btblicos,
le èonsacrés par Eucher à la Dible visent à assurer une t 9, 1950, p. 209,223.
19 interprétation spirituelle et traditionnelle. bans la
• préface de ses }/ormulae spirita.lis intelligentia.e, il Ces oouvros ont été p1.1bliées ayeo les grandes 6ditionG. des
~s Opera d'Euchor depuis r.elle cle Bâle de 11ia1.
st rappolle a van(, lou l le principe posé pur suint Paul : « La
lettre tue et l'esprit vivifie" (2 Cor. a, 6). Puis il dén1ontre Eucher a blon co1nposé un ubrégé des Jnstittdions de Cassien
,t, (r.f Oennade, De viris illu.stl'ibus 63, PL 58, 1.097a), ,nais qui
il- que l'on ne doit pas s'en tenir au sens li lléral et 110 nouR est p1.1,~ parvenu. L'Epito,ne operuni Cassia11i de ~ L 50
qu'il faut rechercher et, utiliser le sens spirituel, sous o8t Ullè retr1.1duction moderne d'un texto du pseudo-Ath anm,e,
a- ses diverses rorn'ies. D'après Eucher, d'accord avec PG 28, 8'19-906. Snr la tradition manuscrllo, los éditions et les
la Cassien sur ce point, il faut distinguer dans l'Éüriture, u~tributions de èes deux textes latin et grec, voir F. Dlekan1p,
la le corps, l'O.me et l'esprit. Sc11tcti E1tchcrii Lugdttnensis 11piaaopi Epi11>1ne Opèrum Cassiarii,
""!C 1nodcrnc Titclfiilschung, dans /llhnische Quartaled1rift, t. 14,
re Donc, le corps de l'Incriture sàinte, t.el q,1•i) s'offre à nous, 1900, p. 841-355; et cf DB, t, 2, col. 218, avec lés c()rrijctions
;e c'est lo sens litt,iral, et l'(llilo Sê trouve dans le sens rr;or<il qu' on nocossaires.
r·, appelle trl)]Jologiqu.c. Quant à l'esprit, Il rliside dana un ijens IL Wotke a édité, Vienne, 189?, un Cc:11uisk<1nu11.cntar d'après
lt encore plus profond, qui se no1nn1e c1nagogiq1u,, Co triple sens le 1ns Augiensis 191. - Sur les ps0udo-Euc.h er scripturaires,
dos "0crituras répond admirablement à la proclrunallon de consulter H. Morétus, Les btl11;iclictions d./!s pat.riarc/les (la11s 1!1
es la Trlnlt6 (PL 60, 728a; C:SEL, p, 4; t,rno., p. 96).
rt littérature du I• a,,i 8• $Ïèclc, dans B1tlletin de littllrature ecclilsias-
~t rique, 1910, p. 83-100; M. L. W, Laistnc1•, Somc early n1edie11al
Aux trois disciplines de la pliilosophia hujus mundi
re com111e11tal'ies "'' the old 1'cstarnerll, dans The Harvard theolocical
correspondent les trois sens de la coelestis ,Scripturaruni .lleview, t. '1G, 1053, p. 27-46, surf.out p. 45•46.
~t philosophia (727b). 'i'ropologîe hun1aine el tropologie
y sacrée $Ont d'ailleurs ici rnêlées, comme le montre 2. Éditions. -1 ° Éditions plus con1plàtos oit plus Îlnportantes.
le - Euçlierii... lucubratior1es a.!iqriot .. , éd, J. A. Bl'a.'lsiciu1us,
hien I-I. de Lubac (.E:vfgèse 1nédiévale, coll. 1'héologie ?11,. Dâlo, 1531; Rorno, 1564; - V. Burrali, C/r.ro11ologicisanc1or1tm
s. t, 1, Paris, 1959, p. 198-198). et aliorr,m viroru"i illustriuni ac abbatu111 qaqrae il1$ula11 Lcri•
,)•_$
Ceux qui ont approfondi la d octrinè céleste des Écritui·cs ncnsis, t. 2, Lyon, 1613, p. 1-79;-A. Sehott, dansla.Bibliothec,,
er (r.oele.stcm Scripllircirum philosophiani) cslin10nt qu'il y fout rttagnct P<ltrum, t.1, Cologne, 1618; .!lfarguarin do la Bigne, dans
l; distinguer l'histoire, la tropologic et l'ariagogù.,. L'hisloiro nous la Ma.,;ùna bi/iliotl1cca vr.tcrum Pci1ru11i, t. 6, Lyon, 1677, p. 822-
te rapporte la réalité des !nits et en fournit .les preuves. La tro- 101',; - PL 60; - C. \Votke, CSJ>JL 31, 1,894, - Voir E. Dek•
te pologle orlon Le les sens r'nystiques vors la correction morale 1-urs, Clavis l'alrran latiiroriun, Stel)nbrugge, 1951, n, 488·
1n de la vie, Enfin, l'anagogie conduit aux n1yst./!rei; les plus ,,98.
socréi; des figures célestes... Pour que cela se trouve 1nie11x 2• Principales éditions du De laude erenii et du JJe co11te1nptu
S· 111.11111li ensen1blc, - H. Rosweydo, Anvo1·s, 1621, aussi en 6d.
;e
ôclairci par d1J!i exemples appropriés, je dirai : le ciel, .au sens
historique, é'est êe que nos ye\1x voient; au Bens t.ropologique, séparées; rééd. à Gênes, 1641,, sans les notes; - A, do Sailly,
c'est la vie c6lcstc; de 1nfüt10, les e1111x, au sens anagogique, S. Do1·othaei abbatis opera 0111,iia et E1tc/t11rii ciscctica, Lyon,
ce sont los anges (Ps, 1',8, '•) ... Toute IR rliacipline de notre 1627, 16', 0 ; - J.-B. M11lou, Louvain, 181,6.
religion .découle do cette double source rle ~cience : celle qu'on 3° De co111e11iptu 111u11di soul. - Epistola ad Valeria11u1n ·de
a non1mée pratiqu.c (practicen ""' 1rpex><T1><·h) ët colle qui est pliilosophia christiana, s d, édition incunable, cr 1-Iain, 6692;
appelée tlttoriquc (thcoriccn - O,<,>Pl)-r1,.-h), c'est-à-dire l'actù,e •- éd, mên1e Litre e t scholies d'Érasnui, avec les Disticha ,noralia ,
et la conten1platic,e; l'une qui f/\it conRister la vie activo dans de Denys Caton, Louvain, 1518; Venise, 1522; Paris, 1538;
la correction 1norale, h1 seconde qni est toute C'onsacrée à la :ivec les 01,usccûa qu..aeda,r,i moralia d'l]rasn1e, Bâle, 1520;
conten1plation dos choses culostes et Il la méditation des avec d'autres œuvrea d'Eucher, .l:ll\le, 1530, 1531; Utrecht,
_ Écritures (PL 50, 728bc; CSEL, p. 5; trad., p. 1)6-97) . 15',0; Ep, ad Valerianu,n de conteniptu 1nundi, Lyon, 151,1; -
Paris, chez J ossc .Dadc, 1525; - Alexandre Fichet, dans son
'
li- On rêtrouverait ces idées dans ,Jean Cassien, lequel Favc,.s Pc~trum, Lyon, 1617; - dans les Opera Eucherii, où
le faisait remonter à Origène la distinr.tion entre vie aclive l'epistQ/a ad J'al~ria11u111 e~t donntie avec les notes d'Érasme,
se et vie contemplative et JH'élendai t qu.e cet fie distinc• clulz C. Chevàllon, $ d, à Periil;- BruxollOl!, 1671; - R. Arnauld
u, d'Andllly, Paris, 16?2, avoc la traduction:
tlon avait été surtout propagée par Évagre Je pontique'.
1t, A signa.Ier des éditions à l'usage des él~ves des collèges :
Il y a une parenté très· étroite entre la spi ri Lualilé J\°pistolar111n ad christiai1os adolescentes trias aurea e:1;. SS.
>n d'Eueher et r.ell~~ de Lérins, niais aussi avec celle des
io l'atrrt11i Eucherii .. , Paris, 164?; cr art. ~-rn~NNES, D$, t. 4,
IX
Pères du désert exposée par Jean Cassien : Eucher col. 1538.
1r• n'est peut-être pas très p1•ofond, mais il eat personnel. 40 De laude eremi seul. - G. Génébrard, Paris, 1578; -
es Sa spiritualité est il la fois fort simple et très une; P.-F, Chlffiot, dans son Ma,utalc solitarior1un, Dijon, 1657
'8 5 fortement ascétique, clic se nourrit par p1•édilection (,~, DS, t. 2, col. 843).
es du sens spirituel. !i• l'assio Agau11e11.~iu1n 111art,11r11.1n. - PL 50, 827-832;
L'influence bibliq\le el spirituelle de saint Eucher CSEL 31, p. 165-1 ?3; B. Krusch, .11:IGII Scriptores rer1un 1nero-
11ir1i;icartun, t. 3, 1896, p. 32-41; cr D. van Berchen1, Le martyre
fut très grande à travers Je moyen :1ge et à l'époque de la Mcion thébaine. Essai sttr la for1natio11 d'11n.c légende,
Il· moderne; le grand nombre d'éditions et de traductions
re c.oll. Schwcizcriscl10 Beitrnge iur Altertu1nswissensoha(t 8,
de ses œuvres en témoigne. Bdle, 1956; voir compte rendu de ,8. de G1\iffier, dans Ar1alect,1
10
1. Peeudo-Eucher. - Parmi les œovres longtemps attribuuos b1,lla11diana, t. 7'1, 1956, p. 260-268, qui osthno trop radiêales
té à Euchor : los dix hornélies à d_es moines (PL 50, 833•859) sont lus positions de D. van Berchem. Sur l'abondante littérature
à à restltuor à• Eusèbe Io gaulois •; voir• E:u'liln1.1 LI:: GAu i.o,s •, do colto Passio, consulter Bibliotl,cca hagiôgrapliîca latina , •
5 DS, t. 4, col. 1696. L' Exhortatio ad nionacho8 (PL 50, col. 865- t. 2, Bruxelles, 1901, n. 5737-5740. L'étude d1J Mariui. Besson,
868), l'Epito"1e opcr1,1n Cassiani, le DB oclo 111alitiac coi;itatio- La question du martyre ile S. Maurice et de ees co111pai;11ons
o- nibus (col. 867-894), le Santcritia ad moriachos (col. 1207-1210), ( l.égio11 thébaine), parue oans l'éphânière Jleurw Clulrle111ai;11e,
a' sont Inauthentiques. L'Adm.o.nitio ad Pirgincs (col. 1209-1212) t , 2, Paris, 1912, p. 129-189, est sorèlao, docun1entéê et r8Ste
li- est à rond.ra à saint Césaire d'Arles; = sermon 237, éd. O. Morin, à connaitre (reproduit l'édition Krusch), C. Curt!, La Passio
S. Cacsarii Arolatensis opera 01r111ia, t. 1, 2, Muredsous, 1937, A ~11u11e11si1tm rnartyrurn di ErtcMrio di Lio,111, dans Conv,:-
1659 $. EU(~l-IER - EUr>ÉMONISME 1660
1Jiu1n don1inicurr1, Catane, 1959, p. 297-827 (avec éd. l(rusch surtout p. 140-160. - É:"Grilte, I,a Gault! chrétienne d l'époq14,e
et traduction italienne), rejoint los conclusions de )VI. Besson, ro111aille, t. 2, Paris, 1957, p , 228-280. - M. Olplle-Oalliarcl,
niais Ignore le travail do D. van Berchem. art. CAss11tr;, DS, t. 2, col, 21/,-276.
3. T1·aductions. - 1°De co111c1npt1t 1nu11di et Da laudc eren1i Léon C1usT1AN1.
ensemble. - Joan Canaye s j, (!ans llecueil de lettres des pltts
sai11ts et 111oillc11rs esprits de l'a11tiq1tité toueha11t la '1a11il.J du
,no11de, Pâris, 1628, p. 257.351, ot 359.1,2a; Rouen, 1658. - EUCHITES. Voir l\,fEssALIANISMi;;.
()11illau1ne le Roy, dans La aolitudc chréticnn,:, t,, 1, Paris, 1û68,
1659, 1662; 1699, p. 125.302. - J.-F. Grégoire et F.-~. Col101n-
bet, dans (EuPres de sa,int Vinccn.t <le U.rin.~ et de saint Eitchcr EUDEMARE (FnANÇOls l.>') , t 1635. - François
de Lif()11, Lyon-Paris, 1834. - L. Cristianl, Saint Euclle.r de d'Eudernare, Cutur chanoine de la caLhédrale d e Rouen,
Lyo11 . .Du ,népris ilu mo11de, P~ris, 1950, avec trad. de l'&·toge uaquit dans cette ville, dans la seconde 'tnoitié du
dô l<J. .~Qtitude et de l'introduction à l' I rlicrvrétatio11 spirituelle 16û siècle. Nous ne savons rien de bien précis sur lui,
de.< lJ:critures, ::;inon la date de sa 1nort., le 2 juillet 1685.
20 De conte.mptu 11u1ndi soul. - 'l'rad. en vers do Bal'théleJny
Anoau, E:r.Twrtation raûonalc d'R1u1hi,1r à Valérian lo rctira11t Il a 1)Ubli6 une petite apologie de P·Église:, Le Panthéo11
dé la mor11lanité et de la philosophie profane ci Dieu et à t'e.,titde spirituel, Traicté méditatif à la louange de ce tc1nple
des sai>1ctes lettr<,~, Lyon, 1562. - Léger Bontornps o s b, a.ntique (Paris, 1609),, des Tapisseries sacrées à l'lionneur
L'adresse des vertus en laq11ellc sot&t l,t>ntc11us plusieitrs bcciu,;c de l' Égli~I! ,it: Dieu sur chacu11 jour des principales
eœhortemens à bien et vcrtu.011scmc11t c,icire et conts,nner les 1•anilé$ /estes de Nostre $Rigneur, de la Tres-saincte Vierge et
du monda, traduit dit lati1l de S. Euchairo; Lyon, 1'558. - (l,tJ.stres sai11cts ... (Pal'is, 1617), Le Promenoir sacerdotal
R. Arn:aulcJ· d':A.udllly, Du 11ulpris dit monde, Paria; 1672; dans sur les commence,nents et origine.~ de la gloire et accroi.,-
ses œu,,rss divsrsos, t'. 1, Paris, 1675 ; 11 ° éd., 1687 ; raprise par
Dinouart, dans J 01,r11al ecclésiastique, Supplt!1rie.11t, t. 9, Pal'iS,
sc11icnt du règne u,nù1fJtstJl de l'Église de Dû:u (Rouen,
jllin 17!Vi, p. 99-182. - P. de Maro\lil s j ajoute à sa traduction 1618), une Histoire des nopce.9 sacrées de saint Joseph
des Obstacles à le, pé11ite11cc do Robert PArsons la traduction de I a (tPCC la gloriuuse et lrès heureuse Vierge Marie {Rouen,
lettre d'Eucher, Paris, 1736, p. 268-323. - O'Mahony, dan a 162fi) et L'Évangile en son trosne : sern1on11 sur la
los Op14c1'1es dss Pères, Paris, 1823, p. 392•459. - M.-N. Parol« de Dieu co11tre le cal'1ini.:1nu:,. suivi d'un opuscule
Guillon, dana sa Biblioeli4qite choisie clos,Pères de,l' Église, t. all., sur la prièru du canon de la Messe co11tre P. du Moulin,
Paris, 1829, p. 48•80. cal1,iniste (Rouen, 1 G31.).
8P Parmi les traductions espagnoles, signalons colle que Ces ouvrages ressortissent su rto1.1t à l'apologétiquo
Louis. do Grenade adjoignit à sa Guta d,e pecadorcs ; due au
dominicain ,Tuan dé là Cru1,, t vers 1560, qui l'avait publiée à anticalviniste; i.ls utilisent pêle-1nêle les leçons de la
Salamanque· on 1555; on la ti-ouvo par exemple dans l'édilion rnyt.hologie, de l'histoire sacrée et profane, dans le
de1;1 Obras de Louis de Grenado, t. 2, Madrid, 1781, p. 387-42a, style Ol'atoiro du ten1ps. Eude1narA semble bie11 connaî-
et dans 1'6d. de la Bi.blioteoa de autores espaiiolos, t. 6; des tre les Père!l de l'Église, si on en juge par les citations
traducteurs ont maintenu la lettre dans les œuvros do Louis de qu'il en fait. Ses thèrnes les plus fréquents sont l'eucha-
G~onado, par exernplo, Simon Ml\rtin, Paris, 1650, et Baroille, ristie et la rnesse, -le culte de la Vierge et des· saints, la
t. 10, Paris, 1862, p. 567-596. défense de la tradition catholique.
Deux trl\duclions angJ3ises pa1•uron t coup sur coup : 'Henry
Va\lghan t 1695, publia '.Phe world co1ula11111ed dans sas F'lores Outra uno histoire de (h1illa111ne le Conquérant (Rouen,
solitµdi11is, Londres, 16l'Vi, d'après l'édition latine de Il. Ros- 1626 iit 1629), Eudemare laisso encore deux trad\lçtions de
weydo; ru6d. par L. C. llllârlin, The w<irks of H s11ry Vaitghan, l.extes patrlsliques: J..cs É'pistres de S. lgr1aci:, 6,1,:squ.a d'Antio •
t .. 1, Oxford, 19:1.1,, p. 311-836. - Robert Rondo ajouta ù sa ,1he et contemportii11 des Apostrcs (Rouen, 161 (i; il s'agit de ln
traduction anglaise du Co,nbat spirituel do Laurent Scupoli, version longue co1nprenanl douze lettres) et la Tradition d~
Paris, 1656, hl Letter of S. fi ucheri11s to his cousù1 Valcria11 la di!>ine li11,rgie, fr11g1nent du pseudo-Proclus do Const.1nti- '
sxl1orting hi111 10 ths contcrr,pt of tha worlcl. nople (PO 65, 8',9-852), publiée à la suite de l' É1>(1.ngile en
La tr.aducti<in italienne faito par le barnabite Carlo Giacinto so1i trosne.
Oariboldi, Milan, 1?15, Dsl disprcz;(J del 11Hn1do, n'ost PM Des Obsarvatio11s 1I-a1•idiqttes et d./iclc1.ra1.io11s sur la Périté
oubliée. des Psau.mcs sont restées 1nanuseritos (Bibl. Nat. do Pl\l'ÎS,
,nss 470:t,?'.l).
4. Culte au moyon Age. - V. Leroquals, Les S1ié!r/J111é11taires Il n'existe aueune étude sur l'œ\lvro d'Eudo1nare. - Ajo11tar
et le.s 111is,qels 111anuscrits da11s les bibliotl1c'q11es publiques de ù la bibliographie donnée p.11' le Dictionnaire des l.,~ur~s fran-
Fra11ae, index, t. a, Paria, 192fa, p. 362; Lc's brr.,,iaires 111anus" çaise.~, X VII• siècle (Pariij, 195'•• p. 406), Th. Lehreton, Bio•
cri(!l .. , Index, L. 5, Paris, 1938, p. 101-102; Les Pontifica11,-v r;ra1>hie 11orma1ulc, t, 2, .Rouen, 1858, p. 21-22.
111a1111-Scrits.. , index, t. !l, Paris, 103?, p. 71; Los Psautiers1nan11-S•
cries latins .. , lnd.e:x:, t. 2, Paris, 191,0-191,1, p. 898. André DERVILLE.

5. ll:tudes g6p.ér!l]oa.-L.-S. Lo Nain de '!'illernon t, llfé1noircs


poitr servir à l'histoire ecclésia.stiquc des si:1; 1>re11iiers siècles, EUDÉMONISME. - 1. Ilù1toirc du rnot et dtt
t. 15, Paris, 1711, p. 120-136. - Saint .E'11cher, dans Ilistoire concept. - 2. Apport de l'eudé,nonisme. rationriel à la·
littéraire de la France, t. 2, Paris, (1735) 1865, p, ·215 -:.?94. - théologie de la baa.tilude.
I,. Alliez, llistoirc du 1n.onastèrs de··Lèri,,s, 2 vol., Paris, 1862.
__: A. Mollier, De vita et script.is S. Eucl1crii, Lyon, 18?8. - 1. HISTOmE DU MOT ET DU CONCEPT
A. Gouilloud, Saint .1_,;uaher, Lérins et l'église de Ly()n au ô• si~cle,
Lyon, 1881.·- O. da MonLauian, Sc,i,11. ./Jucher, ,!vêque de l.AJon L'hisl:oire du mot et du concept d'eudéroonisme est
et l'école de Lérins, dans BuJlctin ltist()rique du diocèse de Lyon, i1 faire; on en trouvera la preuve dans les erreurs sur-
Lyon, 1923, p. 81·96. - O. Hardy, La littérat11rc patristique des prenantes· que com1uottent les aute111•s les plus récen ts,
« Quaestioncs et respon.~ionea • sur l' Écriture stlintc, dans Rem,e l.el par exemple S. Pignagnoli, qui attribue à ,James Seth
bibliql.lB, t. 42, 1933, p. 11,.20. - P. Courcelle, Le.~ lt1tlres grec- l'honne\1r d'avoir introduit pour la première fois le
ql.l6s on Occide111., Paris, 1948, p. 216-218. - L. Crisliuni, mot d'eudé1nonismo dans la terminologie philosophi-
Lérins.et aes fondateurs, Saint-Wandrille, 191,6. - F. Steg1niillcr, que (Enciclopedia filo&ofi,ca, t. 1, Venise-Rome, 1 ~57,
Rcpertoriiun biblicum. med,:i acvi, t. 2, :t.ladrid, 1950, p. 808-305.
- Bénédictins de Paris, Vies des saints et des bicr1hcurcu.:i·, col. 20'•)'. Nous ne 1,61nmes pas en 1nesur!l d'écrirê
t. 11 (nov"Ombre), PariR, 1954, p. 506-511. - N. 1(. Chadwick, cette histoire eL nous devons nous contenter d'en poser
Poetry and lctt.crs in early christian Gatti, Londres, 1955, passi1n, ici queiques jalons.
0 EUDÉMONISME 1662
,Ill 1° Eudaim.onismos. ··- '
Lo mot d'eudémonisme scn1ble-'L-il, qu'une telle philosophie apparlit eo1nme un
cl, n'est que la transcription d'un niot grec qu'on trouve type particulier de philosophie et que le besoin se fit
déjà cliez Aristote : c660(t(J,Ovtaµ.6~. Mais il ne faut signaler aeotir de la nommer pat opposition à une autre philo-
ce fait q11e pou1· s'empresser d'ajouter que, quoi qu'en sophie qui, elle, se ref·usait à fonder la morale sur, le
a.It pensé par exemple un J. F. 1-lerbart (Siin1tlîche pi•irrclpe du bonheur. Cos conditions ne semblent pas
Werke, éd. J{. Kehrbach, t'. 10, Langensalza, 1902, avoir été réalisées àvant l'apparition de la philosophie
p. 289), le sens du mot eudain1onis1nos chez A1•istote d' Ern1nanuel Kant; de (ait, il semble q-ue .ce soit à l'épo-
n'a rien de commun avec le sens qu'a r~vêtu le mot que de I{ant qu-e le mot d'eudén1onisrne ai.t tait son
'
1B d'eudémonisme dans nos langues modernes. Co 1not entrée dan$ la terminologie philosophique et l'on peub
1, n'appartient pas en effet, chai Aristote, à la langue de se de1Y1ander si Kant ne l'a pas lui-rnême créé. Il est
u l'étlüque, mais bion à celle de la rhétorique : il désigne 1'erna1·quahle en effet que, dans les œuvres maîtresses
i, la forme la plus haute de la louange. J,,alouange comporte oü il défhüt, pal' opposition à la philo$oplile du bonheu1•,
trois degrés : l'éloge, qlli s'adresse à l'état l1abituel sa propre philosophie morale, K.ant n'emploie jan1ais
n qu'est la vertu, le panégyl'iq-ue, qui s'adresse aux actes le 1not d'eudérnonisme : on le cherchera en vain au:x:
de vertu, et enfin l'eudaimoni.~mo.,, qui s'adresse à la fln endroits où l'on serait en droit de l'attendre, tant dans
:r de la vertu eL à la somme des actes de vertu, c'o$t-à-dil'e les Ji'o11denients de la métaphysiqu.e des .n1œ1,rs, pa1•ua
8 au bonheur, eud(iimonia, eL peut donc se traduil•e par on 1785 (K<lnt's gesa,nnuiltc Schriften, éd. de l'Acadé-
:t «félicitation 11 (Rhétorique 1, 9, 1°367h 26-36; cr Éthique à mie do Be1•lin, t. 4), que dans là Critique de la raison
rl Eudème JJ, 1, 1219b 14-16; Éthique à Nicomaq,.w 1, pratique,, parue en 1788 (t. 5), Kant, n'emploie encore,
12, 1101b 10 à 1102a 1; iv, 18, 1127b 18}. C'est ce sens pour désigner la philosophie qu'il coin.bat, que le terme
de« félicitation" que le mot d'eudairrwnismos, d'ailleurs allemand de Glackseliglceit;;lehre (par exemple, t. 5,
rare, conservera toujours en grec (cf Plutarque, Pélo- p. 1,t, 92). Ce n'est qu'en 1797, dans les Premier.s prin-
,, pidas 24, 4; /;ylla 6, 5; l,ucien, De domo 5). cipes de la doctrùie de la i,ertu. (t. 6), qu'appal'aît sous
~
Mais, à défaut d'eudaitnoni.snios, les grecs n'ont-ils la plume de Kant, pour désigner le pal'l.isa.n dè la doc-
(J pas employé, pour d6signer ce que nous appelons tri na du bonheur, le terme d'Eudallzonist; I(ant s'étonne
, aujourd'hui l'oudêmonis1ne, la p6riphrase de philo- qu 'après los explications de ses grandes œuvrea il y ait
sophie eudémonique, euflaimonildi, et pour désigner ses encore des gens qui s'ob$tlnent à fonder la rnorale sur
partisans, celle de philosophes eudémoniques, eudai- la doctrine du bonheur; cela vient sans doute de ce
moniko,:? Les moilleurs de nos dictionnaires modernes que la vertu apporte avec olle la paix de la conscience,
affirment, on elTet, qu'il s'agh•ait là de la philosophie qu'on peut à bon droit appele1• un plaisir et un bonheur :
et dos philosophes qui font consiste1· le squverain bien « Là-dessus, l'eudénloniste déclare que ce plaisir, qua
dans le bonheur (cf A. 1Jailly, Dictionnaire greo-fran• ce bonheur est précisérnent le mol)ile qui le pousse à
çais, et Liddell-Scott, A Greck-English Lexicon). Il la vertu » (p. 377); mais, ajoute· I(ant, faire de l'eudé-
l
est exact qu'il se trouve, pour appuyer ce sens, un monie le fondement de la, vertu, c'est l'euthanasie de la
texte : au ch. 4 de son JI i.qtoire philosophiqr.u;, Je pseudo- m<u•ale (p. 878}. Le même mot d'Eudam.onist se·rotrouve
·oalien assure que la ' philosophie eudé1nonique tire en ·17.98 dans un texte significatiC de l'Anthropologie.
son nom de la fin qu'elle propose à ses adoptes, le ( t. 7).
bonheur (Diels•J(ran1,, Die Frag,nente der Vorsokra-
tikcr, 6'1 éd., t. 2, Berlin, 1956, p. 289, 9·11). Mais ce Kant' distingue là trois sort.es rl'égoYsles, l'~goYste logique,
l l'égoîsto llSthétiq11e et l'égoïste moro.l : • L'égoYste moral est
n'est là que le contresens d'un compilateur tardif (sans cAlui qui riunèno à soi toutes les fins, qt1i ne voit d'utilité qu'en
1
• doute écrivait-il vers 500 après J. C.; cf fI. Diels,Doxo- ce qui lui est utilo lt lui, qui, en cudâ111oni1,te qu'il,ost, place
graphi graeci, 2° éd,, Berlin, 1929, p. 258) : le sens originel le vrincipe supl'ên10 de rlêterminatiou d9 sa volonté dans sa
de la tradition. dont il est l'nn des derniers té1noius soulu utili té et son soul bonheur indivlduol, et non pas dans la
était tout autre. , · représentation du devoir. En ellet, autres les hommes et autl•os
·' · Diogèn0 Laërce (1, 1 ?) nous altesto que les philosophes• oudé- les id6es qu'il8 se font do 00 qu'ils tionnont pôur bonheur;
moniques • luront 1;1inRi nppel6s à cause de leur tempéra1nonL; ce sora donc l'essence même do l'égoYsme que d'aboutir à.n'avoir
ên fait, l'éplthùto • e11dé1noniquo • sotnble bien avoir été a.ucnne plort·o de touche do l'authontîqua-·notlon du devoir,
l'apanage d'un soul philosophe·, Anaxarquo, ot le même Dio• danH la n1esuro où justement collo•ci doit être un principe
gène Laël'Ce (1x,. 60) nous déclare qu'il n16rila co surnom par d'une valeur absolurnent universollo, Tous les eudémonlstes
son itnpilssihilité et son aisancfl à prendre la vie pàr la b1.1n côté soul. donc dell égoîstos pratiques» (t. 7, p. 180).
(Diols.Kranz, loco cit., t. 2, p. 235, 26). J,es fondalours de cette
tradi Uon biogr:1phique, l'élùve d' AriRt.ote Cléarquo do Soles ,J._e mot d!Eudiirnonis,nus f~ra enfin son apparition
(4••3• siècle ovant. J, C.) et l'historien Sat.yros (8• siùclo avant dans la dernière de ses œuvrcs que Ka.nt ait publiée
J. C.), justifient la surnom d'A1ù1xarq11A par des anecdote~ · lui-1nê1ne, en 1798, Le conflt'.t des facultés (t. 7), encore
piquantes qui ne laissent: aucun douLo sur son sens : Anaxar• une surprise nous est-elle réservée : le mot ne désigne
que l'eudémoniquo, le cynique devenu lo tlatlour cl' Alexandro, pas pour I{ant la rnor~ùe dù bonheur .qu'il avait coq1-
ne fut rien de plus qu•Anaxarque , le béat •, sinon Anaxa,·q uo battuo sous le 1101n d0 Glückseligkcitslehre, mais le
• le bon vivant • (ibiàeni, p. 288, 1.9-25; p. 237, 6-9; cf p. 238, millénarisme (Chiliasniu.s), pour qui l'humanité est
15-18; p. 289, 21.), L o surnom porte, parce quo les philosophes
grecs ile furent pas tous dos« béats• (qu'on se rappolla Héraclite « oil constante progression vers le rnieux par rapport
le pleur'1 url), tandis qu'il aul'llit été sans f)ortêo si, co1n,ne le crut à sa destination morale, 118 (p. 81-82; trad. J. Gibelin,
le pseudo-Galien, il avait signifié qn' Ana11:arquo plaçait le Le r.on-fl,;t des faculté!/ .. , 2 éd., Paris, 1955, p. 95-97);
souverain bien dans 111 bonheur : à peu prÀs f.ous les philo- aprô~ l'eudémonisme individuel, c'est l'eudémo.nisme
sophes ·grecs en ll1·ont autant. social quo l(ant rejette ainsi. .
f{appelons les traits ca1•acLérilltiques qt1i, aux yeux
2~ La condanmation 4e l'eudémonisme chez de l(ant, font de la Glückseligkeitslehre la première
Ka.nt, Hegel et Schopenhauer. - Pour que le mot el'reur à élhninel' pour fonder la moralité (t. 4, p. ltl12;
d'eudénlot1i.s1ne en vint à désigner une . phil()$0phie t. 5, p. 92): cet c, eudémoni~me » veut fonder la moralité
qui plaçât le souverain bien dans le bonheu1', il fallait, sui• le principe du bonheur indii,ùf..uel (t. 5, 22); or, la
EUDÉM()NISME 1664
1663
notion de bonheur individuel, de soi indêter1ninée, de la subjectivité, at notannnent Kant, se sont, au
ne peut êti•e déterminée que d'une façon ernpiri11u1 plan de l'intention consciente, dian:iétrale1nent oppo,
(t. lt, p. ~18; t. 5, p. 25, 92), elle ne peut donc fonde!' sés à l'eudémonisme, rr1ais en fait Jls n'ont pas su s'en
aucune loi linivel'Sellc, co1nme doit l'être la loi morale, dégager (p. 286, 288) : ils sont restés dans la sphèl'e
mais seule,nent un égoi11me (t. 5, p. 22, 73), La conda1n• do l'empil'ique (p. 289) et donc dans la sphère de l'eudé-
nation de l'eudémonis1ne par l{ant n'est donc, suivant 1nonisme vulgaire. Le seul 1noyen d'échapper à l'empi•
la juste formule de V. Delbos (La philosophie pratique risme et à l'eudétnonisme volgairc, c'est en effet 1,a
de Kant, Pal'is, 1905, p. 881), q1.1e « la conséquence ou philosoplüe a.uthentique, dans laquelle la raison absor•
l'expression directe de son rationalisme propre >>. Si bant la foi reV'endique la connaissance de !'Absolu 9t
l{ant se refuse il faire du bonheur Jo principe do la conçoit le bonheur comme idée; alors devient possible
moralité, c'est parce que d'une part il conçoit.la mol'ale l'eudé1nonism0 pur,
co1nme une « 1nétaphyslque », c'est-à-dire com1ne une « c11r, si le bonheur est conçu co1n1ne id~e. il cosse d'ôl~
science rationnelle à priori, et d'autre part parce qu'il quelq11e chose d'empirique et de co11Lingent 1.1.1.1s.~i bien que do
aensiblo. Au plus haut degré do l',cxi~tence, l'activité raison•
conçoit le bonheur co1nme nécessairement empirique : nablo ot la jouisso.nce s11prêrno ne font qu'un ot, si la béatitude
il ne saurait être en elTet pour lui qu'un ét.at du senti- suprême est l'idée auprêrno, il est tout à fait indifférent de
ment et tout sentiment est sensible (t. 5, p. 22-23, 75). vouloir considérer l'existence suprême soit au point do vue ~u
C'est donc à priol'i et sans aucun égard à notre appétit son idée.lité, qui prisé à port ne peut s'appeler qu'aetion rai-
de bonheur que la raison édictera la loi morale, et ce sonnable, soit au point de y1_1e dë sa 1•60.lité, qui prise à part
1 no pout s'(lppeler que jo11issancc et sontitnont; car acUon
n'est qu'après coup que sera rétabli le lien, affirmé
par J.è sens commun et n1aintenu par Kant, entre vertu raisonnable et suprême jouissance, (n1 idéalité et réalit.ô, y
et bonheur : si le bonheur n'est en aucune façon le sont toutes deux identicjuos et de la nl<i1nc mani/lro. Toute
philosophie n'expose rien, si elle ne construit con11110 Idée la
principe de la vertu, il est bien, en un sens, sa conséquence suprôme béatitude, lorsque la suprê1na jouissance est roconnue
et s'unit à elle pour former le souverain bien; mais lo p ar la raison, la poi;sîbilité de dîstingU<ll' les deux dlspara1l
souverain bien n'est pas de cette torre, sa réalisation lmmédi11tè1ncnt ... Les attaques contro Je bonheur peuvent
postule l'imrnottalité de l'âme et l'existence de Dieu s'nppelor un bavardage vide, si on reconnatL co bonheur
qui réco1npensera la vertu par le bonheur (cf E. Neuen- com1ne la bienhe1.1rousc jouissnnce de l'intuition étcrnello •
dorff, Das Verhiiltnis der kantischen Ethik zum Eudii.- (p. 28~·-285).
tnonisnius, thèse do Greifs,vald, Berlin, 1897; St. zu
Dohna, Ka,nts Verhiiltt1is zum Eudiimonismus, thèse, .A rthur Schopenhauer, comme on pouvait l'attendte
de son pessimisn1e, est absolu dans sa condamnatioJI
B erlin, 1902). ·
•.\lors qu'en 1?97-1798 il n'appa1•aît encol'e que timi- de l'eudén1onisu1e, mais par ailleurs son usage du mot
dement chez l{ant., le 1not d'eudéu1onisn1e est en 1802 rappelle par plus d'un trait l'usage de son rival détesté,
on des 1nots-clés do l'étude de Hegel, Foi et savoir Hegel. La morale des an.ciens était dans son ensetnblo
(G. W. Fr. 1-Iegel, Stüntlichc Werke, Jubilâu1nsausgabe, eudé1noniste ( Uebcr die Gru11dlagc der Moral, ùans
éd. I·I. Olockner, t. 1, Stuttgart, 192?, p. 2811-293, cf Siiffttliche Werke, éd. A. 1-Iübscher, t. 4, I,,eip~ig, 1938,
p. 888, 9·19; traù. 1'1. Méry, G. W. F. Hegel, Preniières p. 1.1 ?), qu'il s'agisse de la 1norale dos péripatéticiens,
publications .. , Paris, 1952); il ne conservera pas dans la des épicuriens ou des stoïciens (Die W elt al-8 W iUc u11d
langue do 1-legel cette place centrale, ,nais il n'en dis- Vorstellttng, Kritik der kantischc1i Philosophie, t. 2,
paraîtra jarnais tout à fait. Par lui-n1ê1ne, le mot est p. 621); Schopenhauer s'applique nota1n1nent à montrer
équivoque ; il désigne une morale qui pose comme fin que la ,norale stoïcienne, malgré les "apparences, n'est
le contentemel\t ou le bonheur, sans préciser où placer qu'une variété de l'eudémonisme (.Die Welt ais Wille
ce bonheur; il peut donc y avoir un eudémonisrne tout und Vo,:stcllung, liv.1, § 16, avec le supplément, ch.16,
à fait grossier et un e1.1démonisrne plus raffiné (Philo- t. 2, p. 108, et t. 3, p. 174). Cependant, dès l'antiquité,
sophische Propéi.deutik, t. 3, p. 77-78), En rait, ce que les h:ndous, Platon et le christianisme ont échappé 4
l{ant a appelé « eudémo11is1ne » entend par bonheur .l'eudémonisme (t. 2, p. 103, 109 et 621). mais c'est
un bonheur empirique, une jouissance du sentinient. à l{ant que revient le grand 1nérite d'en avoir entièro-
(t. 1, p. 285), on un n1ot quelque chose de sensible (p. 1nent purifié la 1norale (t. '*• p. '11?; t. 2, p. 620-621).
284.), q_11i exclut donc tout.e stabillté et ouvre toutes Pourtant, à y regarder de plus près, l{ant lui-n1ême
grandes les portei; à l'arbitraire et au caprice (En01J- s 'est contenté de faire sen1blant de bannir l'eudétno•
cl-0piidie der phüosophischcn lVissenschaften im Gruncl- nisme de l'éthique plutôt qu'il ne l'a réellement banni:
risse, 1 c p., § 51,, add., t. 8, p. 154). C'est sui• un tel il l'a fait sortir par la grande porte et l'a fait, rentrer
eudémonisme que, à l'exception de la morale hindoue, par la petite (t. 4, p. 118 et 12'•), il o. refusé de raire du
a été bâtie avant Kant toute la 1norale (Vorlei;ungeti bonheur Je salaire de la vertu, mais il le lui a accordé
über die Geschichte der Philosophie, t. 1.?, p. 201-202), co,nme pourboire (t. 2, p. G21 ). Qu'est-ce donc que Scho•
en particulier la morale de la<( philosophie des lumières » penhauor reproche en définitive à l'eudémonisme?
du 18° siècle (t. 1, p. 28lt-286; cf Encyclopadi(I, t. 8, C'est de no pas avoir de tendance métaphy$ique, do
p. 153). C'est que « reniant la poésie de la douleur qui fin transcendante, mais seulement une fiQ entièrement
dédaigne toute réconciliation avec l'existence empiri- immanente et qu'on peut atteindre en cette vie (t. 81
que » (t. 1, p. 286), cette philosophie a prétendu récon- p. 17~). alors que le principe de la morale doit être
cilier Je sujet e1npirique avec l'objet empirique, l'ho1nme absolument indépcndo.n t de l'expérience, c'est-à-diré
avec la nature : (< Cotte récon ciliation devant la cons- transcendental ou métaphysique (t. ,,, p. 118); c'est
ciençe se fit grâce t\ une doctrine du bonheur, do sorti:, surtout, · en donnant à chacun comme fin son bonheur
que le point fixe de départ, c'est-à-dire le sujet empiri- individuel, d'exalter l'égoïsme, au lieu de le supprimer,
que et ce avec quoi le sujet se réconcilie, c'est précisl:- en basant la morale sur la pitié du malheur d'autrui,
ment la réalitâ vulgaire ». D'où « la profonde grossiè- pitié qol elle-mên1e .se fonde métaphysiquement sur
reté et la parfaite vulgarité qui fondent intérieure1nent l'identité des individus (t. ~. p. 205-212).
cette doctrine du bonheur » (p. 28~). Les philosophes L'influence do Kant, de 1-legel et do Schopenhauer
'
64 1665 HlS1'0IRE DU MOT ET DU CONCEPT 1666
'
au explique Ja fréquence du teJ'llHl d'eudémonisrne dans tarisrnus), dans Zeitschrift für ll hilosopltic und philo-
IÔ• la langue philosophique allemande du 1 go siècle et la sophische Kritik, t. 116, 1900, p. 24-56, avec la critique
en sens qu'il y revêt. Comme Hegel et Schopenhaue1\ de/\.. Messer;Zur Bcurteitung des Euda1nonis11u"8, ibidcnt,
il'e Jean-Frédéric Herbart fait gloire à Kant d'en avoir t. 119, 1902, p. 59-76 et 140-149).
lé· fini avec l'eudé1noni1:1q1e dont il se fait lui-même l'adver-
!)ans son Ei11lei'.tu11g i11 die Philost>phic (1• éd., 1895),
!!aire r6solu (cf W. Regier, Herbarts Stelhulg .zum h'udi:i-
Oswald I{ülpc tente de distinguer l'eudémonisme de l'hédo-
monis1nus, thèse, Leipzig, 1900). Louis Feuerbach, nis,ne 1.1ulrll1ncnt que ne le suggérait Pauliien : pour lui, l'hédo-
dans un fragment éc1•it ent1•e 1867 et 1869, publié pour nisme prend pou1• jln le plaisir sensible, l'eudémonisn10 lo
la pl'emière fois en 187q et intitulé Der Eudiirnoni.ym1i.~ c9nf.ent.ement intellectuol (6• éd., Leipzig, 1913, p. 834);
par ses derniers éditeurs (L. Fe,~erbachs Siiln1ntliclte ,1. M. .Baldwin, A Dictionary of Philosoph11 a11d Ps11oholottJ (t. 1,
Werke, éd. \V. Bolin et F. Jodl, L. 10, Stuttgart, 1911, Now-York, 1\)01; nouv. éd., 1911, E1,daen1onis1n), déclare
p. 230-293; cr p. v1), raille cette prétention , les alle- coue diatinction sans ronden1ont; Max Seholor, dans son livre
la'o, Der Forn1alis111.us in d~r /Jthik 1i111l ,lie 111a1erialo Wartethilc
do mands se vantent d'avoir rendu un én1inent servlè~
à la n1oralo en la p\u•gean t tte tout eudé.monisme : ils (1• éd., 1916), n'affirme pas moinR nettement que tout oudé-
~n- rnonismc pratique aboutit nécessairement o. l'hédonis1ne (2•
1de n'ont fait que la vider de tout contenu (p. 25?). Ah, éd., lfnlle, 1921, p. 858), el Nicolnî l-l11rlm11nn, dons son Ee/,ik
de si le Bon Dieu avait créé l'homme sans son instinct de (1• éù., 1925), s'en tient encore à oc point do vue 12• éd,,J3erlin
dc,i bonheur! Aloi'!; oui, la vie n'existe1·ait pas, mais bien et Leipzig, 1985, p. 78-88).
•ai- la pu're morale, nette de toute souillure d'eudémoni$nle
art (p. 237-238). En fait, le fondement de la morale est Jtevenons en arrit~1•e pour dire un mot de Frédéric
ion l'instinct de bonheur, non pas l'instinct de bonheur
, y Niotzsche : un moment influencé par l'eudé1nonism e,
11te d'un individu isolé, 1nais l'instinct de bonheur plural nota1nrnent dans llurnain, trop humain (1878), il se
111 .d'un Je et d'un Tu : l'instinct de bonheur du Je fonde révèle dans sa dernière période, à partir de 1883, un
11.lf;l son droit, l'instinct de bonheur du Tu son devoir; la ad vor'sai.r e de l'eudémonisme social d'un Feuerbach :
·ail morale est l'harrnonie des égoïsmes ( Ucbcr Spiritualismus on n'agit jamais pour le bonheur, - ce n'est là qu'une
ént u11d M aierialisrrutS, 3·'••p. 1.06-120). l..,e ,nouvernent illusion du sujet agissaot - , mais pour l'action 1nême,
our socialiste développera cet audémoni$1ne social et maté- pour Ja puissance; toutefois l 'eudémonisine soc:lal a son
Il • rialiste (critiqué, d'un poinL de vue kantien, par(¼. Burl,, utilité : il forme les esclaves de l'avenir (Cf H. Schar•
Social-EudèirMnisrnus und sittlichq Verpfl.ich.tung, thèse, renhroîeh, 1Vietzsc/tqs SteUu.ng .zu.1n Eudümoni.~rn1.1.H 1
Ire . 'Lungensalza, 1 90',). · nonn, 1913).
io_n .ltdouard von Hart1nunn tente une classification des
.Au terme de l'extension qu'il a pris peu à peu, il
iot diverses formes de l'eudéinonisme; dans sa Phéno1né•
n'est guère de types de morale que le 1not d'eudén10-
té, 11ologic de la consr,Ü!ncq nioralq (1879), Il rejette un triple nis1no, objectif ou Slihjectif, individuel ou social, te1n-
ole. eudénioni.srne posiLir, correspondant au triple stade
porel ou transcendant, positif oµ négatit, ne J)Uisse
de l'illusion du bonheur qu'il avait dénoncée dans sa
lllS désigner : on en trouvera la preuve dans le Wl>rterb,uch
38, Philosophu! de l',;nconscù;nt (1869) : l'eudérnonisme indi- der philo.Yophil!c}.ien Begri'tfe de R. Eisler, pour qui sont
ns, viduel te1n1>orel, ûorrespondant au premier sta'de do
eudém.o nistes Aristote· comme ~picure, Desqartes,
1nd l'illusion qui croit quo le bonheur peut être atteint par·
SpiH'oza, Leibniz et Wolff, comn1e Locke, Helvétius,
2, l'individu sur celte terre; · l'eudérnonisrne individuel
8haftesb111•y, Denthani, Stuart Mill et Auguste Comte
transüendant, correspondant au deuxièn10 stade de
rer (~c éd., t. 1, Berlin, 1927, p. 416-417) i ·
est l'illusion qui croit que le bonheur peut êtt'e atteint par
il/<J l'individu dans un autre inonde; enfin l'eudémonisme :l 0 L'oudémonisine rationnel. - Les p11rtisans
L6; social, correspondant au troisiè1;ne stade de l'illusion de l'ettdén1011isn1e ont généralement adopté en Alle,nagne
it (l, qui croit que le bonheur peut être atteint par• l'hu1na- lu position du problèr.ne qu'avaiL définie Kant : l'cudé-
nit6 au torine rlu progl'èS; l'eudé,nonisme individuel 1n11nisn1e qu'i ls ont défendu contre lui était l'eudémo-
~ 4
est sous ses deux forn1es n'est qu'une pseudo-morale, car nbrne qu'il condamnait, l'eud61nonii,rne eroJJirique. Il
il est essentiellement égoi'ste; l'\ludémonismo socia.l ne sen1ble pas qu'il faille faire exception pour
:1 ). n'est pas égoi'sto, 1nais il n'est qn'uno étape vers Je seul ~d n1ond Plleideror et ·son eudémonis1ne évoluti9nniste,
me eudémonisme légiHrne, . l'eudémonisrne négatif, car la aspil'ation à la restauration du bien, désintéressée parce
flO• fin de l'humanité est le retour à l'inconscient del' Absolu. que fondée sur Ja recherche d\1 bonheu r d'autrui (Zu.r
rii : Guillaume Wundt, dans sc)n Ethilc (1 ° éd., 1886) 1 iden• Ehrcnrcttung de.~ Eudanzoni..q1n1"8, en appendice à Ein•
.rer tille l'eudémonisn)e individt1el à l'égoïsn1e pt1r et sin1ple lad 11ng iur Ak. Feier <les Geburtsfestes d. K. Karl von
du ou à l'immoralisme, tandis qu'il estime pouvoir appe- Württenberg am 6. Miirz 1879, 'fubingue, 1879; Euda-
rdé ler eudémonisme social les r~1orales utilitaristes (cf n1.onis111us und Egoismt"8. Eine Ehrenrcttung des Wohl-
~ô- O. Conrad,Die Ethik J,Vilhelln fVundts in ihrcrn V crhiiltni,q pri:n.zips, dans J ahrbuch fûr protcstantil!chq Theolog,:e,
10? ,:uni Eudiimônisrnu,9, thèse, Ha.Ile, 1906). F1•édé1•ic Patl.l- t. 6, 1880). l">lus 01•iginale est la position du problè.me
dè ·sen, dans son Syste,n der Bthik (1° éd., 1889), défend, chnz ~ aines ,'ieth, dont l'apologie de l'eudémonis1no,
ant par opposition au forn1àlisrne kantien et à l'hédonis1ne, A Stu.dy of Ethioal Pl'inct'.plcs (1 (, 6d., 189'-),· a connu
' 8, finalisme subjectiviste q\1i. prend pour fin le sent.i1:neot en Angleterre une grande vogue. Ce ·n'est pas qu'avant
itre de plaisir, un finalisrne objectiviste qui prend pour fin Seth l'eudé,nonisme n'ait déjà trouvé dans les pays de
lit'e l'activité ( e11ergcia) pàr où l'hom1ne s'accomplit; mais langue anglaise des champions : dans le n. de décernbre
1
est il appelle son système Encrgismus plutôt qu'Eudiimo- 18\l'l de l'.11ndo(Jer lîe"i.è111 (p. 583-591), W. F. Cooley
eur nismu,9 (cf C. Stange, Die christliche .ITthilc in ihreni avait dit un mot on faveur de l'eudémonisme, A· Word
1er, Verhaltnis zur rnodernen Ethik : Paulse.n, Wundt, Hart• in Behalf of Eudae,nonisni. Mais dans le n. de mars
~ul, rna11n, thèse, Goettingue, 1892). Son disciple l'!:rîc Adickes 18\)2, B. Brewster, Eudacnionistic Ethics. A Reply
sur n'aura pas ce scrupule et St~ fera le défenseur d'un eudé- (p. 293-297), disait sa stupéfaction : cet auteur hion
monisme fondé sur le déterrninisme psychologique informé n'avait ja1nais vu distinguer l'oµdémonisn1e
uer (Ethische Prir1.zipi.èn/ragc1i, 11. Eudiimoni.,mus ( Utili- de l'hédonisme!
n1cT10NN A111 F. DE 81'l lllTl!-ALIT1\. - T. IV. 53
'
1667 ElJDÉMONISME 1668
J nmes Seth n'a pas cru pouvoh• se dispenser de donner <1uel- vaît de prendre conscience d'elle-1n6me une docttine
ques explicationR ij\Jr son tlllll.gO du mot d'eudémonisme : • J'ai cohérente capable de surmonter victorieusem~~t la
distingi1é, écrit:il, • Eudomonisn1e ~ et • Hédonisme •• 0,1. j'tli critique kantienne (cf Ed. Janssens, La morale 1e l impé•
adopté le pr0rt1ior tor,no pour· désigner ma propre pos,Uon. ratif catégorique et la morale du bonheur, Louvain, 1921).
Bien quo les doux tc1•mes .soient souvent identifiés, quolqucs '
a1,1têurs ont p1·is soin do les diatînguqr; il 1no so1nblo très i,npor- z. APPORT DE L'EUDD10NISME RATIONNEL
tanl, pour les raisons qu'on verra, de bien souligner la cli~t!nc- A LA ~LOGIE DE LA BtATfJ'UDE
tion ol d'o1nployer • El\1démonisn1e • dans son sens of1g111al
ou aristotélicien• (2° éd·., Edimbourg et Londres, 1895, p. v111). Si sché1natique et insuUlsanto qu'elle soit, notre
Seth voit en effot d11111; l'luidonisn10 et dans le rigorismn kan- histoirè du mot et du concept d'eudémonisme a pu
, tien d.es morales, partiollos, l'une morale de la senl!ibilité al paraître longue. Elle était pourtant ~écessaire your
l'autre moralil dé la -raison, tandis que seul l'oudé1nonis1no comprendre la manière dont se pose a la conscience
est une ,noralo lolalc, aboutissnnt au développo,nent plénier chrétienne moderne le problème de l'e1~démonisme. li Y
de ln porsonnallto hu1naine. a en effet deux manières de poser ce problème et la
La. tondanco éclectique qui se 1nanifesto choz Seth manière dont on le pose commande la solution qu'on
avait déjà inspil•é en France Paul Janet. Dans son livre lui donne. SI on le fait dans les termes consacrés par la
La n1orale (Paris, 187'1), Janet entend en effet déOnir tradition issue de Ka.nt, on condamnera l'eudémoni!Jme.
un eudémonisme qui réconcilie la morale de 1{,tnt et C'est ·co quo font nombre de théologiens oatholiquél!, par
la morale d'Aristote et il crée, pour désigner cet nudé- exen1pl0 A. Lohmen, ùhr/>uch der Moralphilost>phitt, 4• éd,,
nioniame, l'expl'easlon d'11 eudémonisme ratioJ)11el » revuo pa.r V. Cathrein, hnmonsoo (Suisse), 1930, p. 32-85;
(p. xu-x1u et 110). Expression évidemment contradic- J . Mausbaoh, Kat11111i~olle Mora!thcologic, 8• éd., Munster-en•
toire, aux yeux de I{ant et de tout le courant issu de lui, Westphalie, 1951,, p. 91-92 (1• éd., 1914); Jacques Leclercq,
pour qui c'est la définition même do l'eudémonisn,e que . Les grandes lignes d~ la philosophie n1orale, Louvain, 194?,
d'être un empirisme. Mais l'originalité de la position p. 90, et La philo~ophitt morale de sair1t Tlwm08 d1want la penu,
de Janet consiste prêcisément à refuser cette P<>sition contemporaine, Louvain,. t955, p. 222-226; J. Stelzenberger,
Lchrbuch der il:loraltluiologic, Paderborn, 195a, p. 6~ et 67,
kantienne du problème et à admettre que le bonheu,·
peut être reconnu par là raison, et même ne peut être La plupart des adversaires de l'eudémoni_sme ont
reconnu que pa1· elle. La faiblesse de la pdsitiùn de englobé le christianisme dans leur condamnation de la
Janet, c'est de se présenter com1:ne un éclectisn1e : il morale du bonheur : la morale de l')nva.ngile et des Pèrœ
a l'air do juxtaposer artificiellement la morale du de l'Église est à lçurs yeux, eudérooni!!te. La tâche
bonheur et la. 1norale du devoir, comrne si la n1orale du théologien ciu1, avec eux, condamne l'eudémonisme
du devoir, définie par Kant, avait été étrangèrn à la sera donc de montrer que, même si quelques-uns do ses
morale du bonheur, définie par Aristote, et devait représentants, entra,tnés par l'inll~ence du pa~anlsme
venll' la compléter du dehors. C'est encore le d()fnut de grec, ont succo1nbé à la tentation eudémonIBte, la
là thèse de Léon Ollé-I~apruno, De aristoteleae ethiçe,Y morale chrétienne, ramenée à sa pureté origlneHe, n'est
fur1darr1cnto sii!e de eudae1no11is1110 ari.~totelco (Paris, pas un eudén1011ismo. .
1880), et de son livre Essai sur la moraw d'Aristote Cette rnanière de posor le problème et la solution
(Pâris, 1881). 0111;-Laprune emprunte à Paul JaneL, pour qu'elle appelle ne sont évlde1nment pas com1nand6es
d6signer la morale d'Aristote, l'expression d'cudé1no• par l'Évangile et la. tradition chrétienne, qui ignore~t
nisme rationnel (Essai, p. xv) et il s'efforce de 1nontrer le mot d'eudémonisme, mais bien par Kant et la tra,di,
quo l'eudémonisme aristotélicien bien co111pris ne tion kantienne. Rien n'empêche donc de les refuser
contredit pas les exigenèes fondamentales de la rnorale et de poser le problème en d'autres termes, empruntés
du devoir telle que l'a développée I{ant; rnais sa tenta- à P. Janet et à ses émules. On adrnettra alors que la
tive ne peut que paraître arbitrail'e, puisqu'il a com1nencé seule 1norale légitime est l'eudémonisme rationnel et on
par affirmer que l'idée de devoir est étrangère à la n1orale appellera de ce nom les grandes morales grecques, celle
d'Aristote. Y. Bl'oehard a très bien saisi le point faible de d'Aristote, ceJle des stoïciens. Le problè1ne do l'eudé,
l'eudé1nonis1ne l'at.ionnel ainsi présenté; dans ses a1·Licles 1nonisme se ramènera alors au type classique du pro•
La mur.ale ancienne et la ,rwrale moderne (dans Revue philo- blême théologique : l'eudémonisme rationnel, vrai aux
6ophique, t. 26, 1901, p. 1-12,) et La morale écl1:ctiquc yeux de la ralson 1 est-il en outre apte à nous rendre
(t. 27, 1902, p.113-1'•1), il reproche à Janet sa thnidité: intelligible une donnée révélée?
~ II. faudrait aller plus loin et dire sans ambages quo JI y a. toujours dans l'énoncé d'un problème quelque
l'eudémonis1ne est soul rationnel » (p. 121), eL seul chose <l'arbitrairé. Pourtant, ce second énoncé J>9Nilt
rationnel parce que, loin de l'appeler Comme éort1plé- plus proche de la réalité historique : les Pères de l'l!lglise
mont, il exclut la morale du devoir, qui, elle, n'est pus ont cru quo l'eudémonisme rationnel était vrai et lis
rationnelle, mais t.héologique. ont vu ~n lui l'instrument 'providentiellement préP,aré
L'eudémonisme rationnel devait, pour se maintenir, pour nous rendre intelligible dans toute sa port6e la
s'approfondir et dépasser l'éclectisme : co fut la tâche révélation du bonheur éternel.
de A.-D. Sertillanges, dans ses remarquables a.rtlcles
Les bases de la morale et llu, récentes di.scussio,1:1 (dans 10 L'eudémonisme biblique, - La notion de
Revu11 de philosophie, t. 8, 1908, p. 1·23, 138•171 · et bonheur occupe dans la Bible une place de c.hojx _:
805-833), et celle de }11. Gillet, dans sa thèse D,i fondt:- les 1nots qui l'expriment reviennent près de cent Cols
mer1t i11te.llcctuel de la niorale d'après Aristote (Frihourg- dans l'ancien Testament et plus de cinquante fois da~s
en-Suisse, 1905), de montrer que l'eudémonisme ration• Je nouveau. Il est vrai quo la Septante a évité, pour
nel d'Aristote. et de la grande tradition philosophiquo traduire los mots de la famille d11har qui la rendent en
n'a, besoin d'aucun éclectisme pour s'àdjoind,•e une hébreu, les termes grecs de la famille d'tudaùnonù;
morale du devoir : cette morale, il l'inclut et c'est du appare.m ment parce que, dérivés de dair'!"n, ils devaie~t
principe . même de- l'eudémonisme rationnel qu'elle avoir à son gré quelque relent d'idolâtrie. Elle emploi~
découle comme sa conséquence nécessaire. Ainsi ache- exclusivement maharios et les n1ots de la môme famille
l668 1669 .,\PPOR1' A LA THÉOT... O(~lE DE LA BÊA1'ITUDE 1670
lrine et a été suivie dnns cette -voie par tous les auteurs premier à exploiter l'eudémonisme stoïcien pour cons-
t la bibliques et nombre d'auteurs chrétiens. Mais Aristote truire un exposé systématique de la morale chrétienne.
npé• déclare expressément quo malcarÎ8mos ,et eudaimonis• Dans son ])e otficiis ministrorum, il reconnaît express6·
121 ). mos sont identiques (R.héto,:ique 1, 9, 1867b 88-84) et ,nen'L que c'est aux philosophes qu'il emprunte, pour
de fait, quoi qu'on en ait dit, il emploie toujours indilTé- désigner ce que l'Jlleriture appelle la vie éternelle,
, remment l'un pour l'autre malcarios et euàaimdn (cr l'expression de vie heure11ae, « vita beata » (u, 1, 1 et 8,
R.-A. Gauthier et J .-Y. J olif, Aristote. L' Ethique à PL, 16, 103a et c). Sans doute s'empresse-t-il d'ajou-
otte N icomaque, t. 2 Conuncniairc, Louvain, 1959, p. 88 ter q ue les pro;ihètos, avant Jes philosophes, ont parlé
pu et 87). Il est donc tout à fai~ légitiine d'appeler eudé- do bonheur (11, 2, 6, 105ab), màis il est clair qu'il
)'OUr monisme la révélation biblique du bonl1cur, d'autant n'aurait pas songé à mettre au principe de sa morale
,nce plus que cette révélation présente d'incontestables les rrntcarîsmes des JJsaume8 s'il n'y avait été invit.é
Il y points communs avec la doctrine grecque du bonheur, par la doctrine stoïcienne de la vie heurouse et qu'il
t la qu'on s'accorde, depuis Kant, pour désigne.r de ce ne se serait pas émerveillé de voir Jésus et David
1'on nom. cornmencer leur enseign01nent par le 1nêmc mot :
li' la Dans son livre Les sr,ribes inspirés (t. 2, Paris, 1989, « I-leu,r eux » (In Ps. 1, PL 14, 927ab; cf De Jacob èt
,m e. p. 3-51), H. Duosberg a dressé un saisissant parallèle boata 11ita 11, 1, 2, PL 14, 6150), si cc mot n'avait pas été
par des deux doctrines du bonheur, colle de l'ancien Testa- rendu lourd de sens par la doctrine stoïcienne du bon-
éd., ment et celle de la sagesse grecque. Il serait facile de heur, bien suprême et fin ulthne à laquelle sont ordon-
:--35; souligner que m~me les insuffisances de l'eudémonisme nés tous les préceptes (De Jacob et beata vita 11, 1, 1,
•-on- grec, ot notamment l'étroitesse de ses perspectives sou- PL 14,. 615a; les praccopta 11irtut1Lm sont les offecii
1rcq, vont exclusiverr1ent terrestres, se retrouver1t dans les praecepta des stoîcions, cf Cicéron, De ofllciis 1, 2, 5 et 6,
947, livres les plus anciens de la Bible : taudra-t-il s'étonner etc; ,J. von Arnim, Stoicoru1n 11ctcrum /ragmenta, t. 3,
n,da
de voir saint Albert le Grand et saint Thomas d'Aquin L,eipiig, 1905, n. 519-523). Saint Ambroise dépasse
,ger,
faire preuve envers Aristote d'une indulgence qu'îl cependant l'eudémonisrne stoïcien lorsque, à la suite

leur fâllàit bion avoir pour le Salomon do l'Ecclésia8t(l? de saint :Uasile (In Ps. 1, PG 29, 216) et de saint Gré-
ont Le progrès est une loi de l'esprit humain, la philoso- goire de Nysse (De beatitudinibus, PG '•4., 1196-1197),
~ la phie. la subit et la révélation la respecte. Jésus, qul il montre que la fin bienheureuse (to mak(frion téloR,
lrès lui aussi, ~ so prôsente comrne un maître de bonheur » PO 29, 216a) que noua poursuivons ainsi est Dieu nlême,
che (A.-M. Dubarle, Les sages d'Israël, Paris, 19'16, p. 241), car il est la Béatitude en soi dont notre béatitude à
;me comble ces insuffisances et donne à la révélation du nous n'est qu'une participation (ln Ps. 1, PL 11,, 927b).
888 bonheur sa forme achevée. Le- pre1nier mot de son ensei- Comme saint Ambroise, saint Augustin a expressé-
1me gnement, dans le Sermon sur la nwntagnc, c'est : <, l-Ieu- 1nent reconnu ce, que sa doctrine de la béatitude doit
la reux ... ~ (Mt. 5, 3; Luc 6, 20). Mais il faut bien avouer à l'eudémonisme stoîcien. C'est de lui, notamment par
'est- que « la doctrine eudén1onlste de l'l!lvangile • (A. Oar- l'interméâiaire de !'Hortensius de Cicéron, que saint
' deil, art. Béatit(.l,de, DTC, t. 2·, 1905, col. 508) ne revêt Aug11stin avoue tenir l'affirmation de l'appétit do
,l•Oil pas une for1ne systématique; bien plutôt s'exprime-t-· bonheur inscrit au cœur de to\ls les hommes (.Ve Tri-
lêes elle sous des images et des sy1nboles, ceux du banquet, aitate x111, 4, 7, Pl, 42, 1019; comparer a usai le début
ent du royau me, et il eut été sans doute possible à des de ce chapitre, 1018, avec le début du De 11ita beata
1di- esprits non préparés de ne pas dégager du message de Sénèque) et le princi})e raUonnel qui lui servira à
1s er évangôliql1e, dans toute sa pureté et dans toute sa critiquer la notion populaire du bonheur : obtenir,
rtés force de p1•incipe directeur de la vie, la notion de béa- non pas tout ce qu'on veut, mais tout ce qu'on a le
1 la titude qu'il contient : n'a-t-on pas vu des exégètes, devoir de vouloir (lettr1J 130, 5, 10, PL 88, 497-4.98).
on anciens ot modernes, écrire de longs commentaires C'est de lui encore, par l'intermédiaire du De philo-
~Ile dos béatitudes évangéliques dans lesquels un 1not, un :;ophîa de Varron, écho lui-même de l'enseignement
âê- seul, est négligé, celui m,~me de Beati? Ce lut le rôle d'Antioohus d'Ascalon (plus stoïcien quo platonicien
ro- historique de l'eudémonisme rationnel de préparer les un morale), que s;iint Augustin déclare tenir les concepts
lU:X: cl1rétiens à donner à ce mot tout son sens. do lln At de bien suprême (finis boni, l-/,ltiniur11, surnrnum.
cire l>onurn), avec les définitions techniques qu'il on donne
2° L'eudéxuoniame stoïcien, instnunent de (De ci11itatc Dei VIII, 8; x1x, 1; cf M. Pohlenz, Die
[Uè la théologie de la béatitude chez les Pères. - Stoa, t. 1, Goettingue, 1948, p. 453-,.54; t. 2, p. 222).
·att Plus d'un demi-siècle déjà a passé depuis que A. Oar- C'est de lui enfin qu'il tient les concepts d'usage et de
lise deil expri1naît le vœu de voir écrira des monographies jouissnnce (uti-/rui) avec l'affirmation qu'il n'y a de
ils sur l'eudémonisme des Pél'es (DTC, t. 2, col. 504). Ce vœu jouissance que d u bien suprême : forgée par lllpicure,
1r(I est resté vain; la thèse de C. Clcmen, Die religions- q ui l'appliquait au plai$ir, l'expression -.oü µey!<J"'!'ou
la phÜ<Jsophisclie BcMutung des stoil1ch-cliristlichen Euda- .iyo:0oü cbt6>.Œuaii; avait été reprise, mais ar,pliquée
n1onismus i,1 Justina Apologi1J (Leipzig, 1890), rosto ;\ Dieu, par Antiochus d'Ascalon (cf Cicéron, De "{lnibus
seule on son genre; encore ses conclusions dépassent, 11, 27, 88; Tusculanc11 ur, 1.8, 40), qui couronnait ainsi
de elles trop les données des textes pour qu'on puisse !'antique division des biens en biens utiles et biens
C : faire à Justin une place à part dans l'histoire de l'cudé- fins (cf Recherches de théôlogi.e ancienn6 et 111édié11alo,
ois monisma. A. Uleyn, dans son article La doctrintJ n1orale 1.. 21, 1954, p. 98-95; J. Hausaleiter, Zur Herkunft der
IP,S de saînt Jean C111'1}sostorne daM le Commentaire sur Fruitio Dei, dans Zeitschrift far K irchengeschichte,
,ur saint Matthieu et ses affenitlu1 a11cc la diatribe (dans Rc11ue L. 70, 1959, p. 292). Sans l'armat ure conceptuelle ainsi
en tk l'llni11crsit/J à'Ot1a,-11a, t. 27, 1957, p. 119*-120*), ne 1.!rllpl'untée à l'eudémonismo stoîcien, saint Augustin

ta. craint pas « de parler d'eudémonismo chez Chrysos- aurait-il réussi à traduire aussi fortement son expé-
1n,t tome •, ,mais les indications qu'il donne restent som• rience spirituelle de la recherche do Dieu, qui s'élève
)ié maires. , d'un seul mouvement de l'aspiration profonde mais
1lle Jl n'est pas impossible quo saint Ambroise ait été Je indéterminée du cœ ur humain jusqu'à cette vision « en
• '
1671 EUDÉMONISME 1672
Il
1
qui seule est la béatitude süre et éternelle» (De sern1onc effacée au profit de l'idée de loi qui fournissait notam•
Domini in ,nonte 11, 12, (,3, pl, 84, 1288)? ment aux 1nattres franciscains le principe organisateur •
Du bénéfice que pouvait tirer la spiritualité chrétienn1.1 de leur morale. L'entrée en scène de la traduction de •
de son contact avec l'eudén1oni.srne stoïclen, Jean Cas- I' Éthique à Nicomaque par Robert Grosseteste (1246•
sien offre lui aussi un saisissant exemple. « Eudémo- 124?) et Pintervontion de saint Albert et de saint Tho•
nis1ne ot désintéressement, cet.to antinomie que pl'é- mas ont bouleversé dos positions devenues classiques,
sente la doctrine évangélique, Cassien la résout dès sa en restaurant la morale chrétienne sur la base d'un
Conférence 11 en distinguant 1• la fin dernière du moine, nouvel eucUnnonisme : l'eudémoni.srne rationnel d'Aris-
qui est le royaume des cieux, et son but immédiat, tote. •
qui est la pureté du cœur (M. Olphe-Galliard, art. Car, - et ici nous sommes heureux do dire notre
CASSIEN, DS, t. 2, col. 225-226). Or, c'est au stoïcien accord de fond avec lo beau livre de R. Guindon -,
Antipater do 'I'arse (2e rnoitié du 2° siècle avant J. C.) c'est bien d'une restauration de la morale chrétienne
que Çassien est en définitive redevable de cette pièce qu'il s'agit. l"arler d'influence païenne n'explique rien :
centrale de sa spiritualité. C'est on effet Antipate1• do si les rnorales chrétiennes du bonheur n'ont pu se cons-
Tarse qui porfoctionnà la distinction de la fin (télos) truire qu'en utilisant pour systématiser le donné
et du but (scopo.1), à plline ébauchée che1. Chrysippc biblique l'eudémonisrne stoicien ou aristotélicien, il
(cf M. Pohlenz, Die Stoa, t. 1, p. 188-189; t. 2, p. 6', n'en va. pas autrement des morales chrétiennes <le la
et 96). Pour reprendre un e.xen1ple cher à la fois :', loi, qui elles aussi n'ont pu !iO construire qu'en utili-
Antipater (cf J. •von Arnim, f.()co cir.., t. 3, n. 18-19) et sant les notions stoYciennes de loi éternelle, de loi natu•
à Cassien (Conla.tio ,, 5, PL 49, 486), soit un archer qui relle et de préceptes du devoir, la part du chrîstia•
til'e une flèche : il a une cible ou un but (scopos) qu''il .nisme et la pa,;t du c< paganisme », disons de la raison,
vise, et une fin (téws) à .laquelle il aspil'e ; bion viser, ici et là est la même. Ce qui, dans la première moitié
l,,a distinction permet au sto'lcion Antipater de sauver du 1a 0 siècle, a assuré le triornphe momentané des
l'indépendance du bonheur : le sage vise à atteindre le!; mol'alos de la loi, ce n'est donc ni l'influence de la Bible
objets de ses tendancos naturelles, c'est son but; les ni la crainte do l'oudémonis1ne païen (cr Tl.. Guindon,
circonstances peuvent le faire échouer dans la pou!'suite loco cit., p. 97), c'est une irnpuissance métaphysique :
de ce but comme une cause fortuite peut détotlrner l'impuissance à re1nonte1· jusqu'à la cause vrahnent
de la cible la llèche de l'archer; mais rien ne peut empê- pre1nièl'e, le boriheur, fonde1nent de la loi elle-même.
cher quo le sage n'ait tait tout ce qu'il (allait pour C'est cette lmpulssanoo qui a abouti à r,,.actionncl'
atteindre son but comme rien ne peut faire que le bon l'eudémonisn1e stoïcien et augustinien pour eo isoler
archer n'ait bien visé la cible; rien ne peut donc l'empê- la mo1•ale de la loi qu'il intégrait. C'est leur espril
cher d'atteindl'e sa fin, et c'est cette fin qui est le métaphysique qui a permis à saint Albert et à saint
bonheur (cf J. von Al'nhn, loco cit., t. 81 n. S). Et la 'thomas de restaurer, sous le signe de l'eudémoniamo
même distinction permet à l'abbé I\:loïse de rectifier arisLotélicion, l'unité de la 1no1•ale chrétienne en liant
l'intention du moine : le but que visent ses jeûnes, ses à nouveau la loi do grâce au principe auquel elle est
lectures, toutes ses bonnes œuv1•es, c'est la pureté du ordonnée et qui l'ex:pliquo, la vision béatifique.
cœur, et c'est en visant à cette pureté du cœur qu'il On o. souvent rnéconno la qualité de l'instrurnent que
atteind1•a sa f111 1 la vie éternelle; dans le royaun1e des fut, au service do la théologie de la béatitude, l'eudémo•
cieux l'action de viser au but disparaitra, mais la récon1- nis1ne aristotélicien, parco que l'exégèse du 19° si(iolc
penso qu'on aura méritée en visant bien demeurera avait grave1nent altéré la nature do cet eudémonis1ne;
à 'jamais (('onla.tio 11 5 et 8-10, J)L 49, 486-487 et <,90- c'est ainsi que los remarques de A. Mansion, L'eudérrw-
496). nismc aristotélioie11 et la lltoralc tlwrniste (dans Xonià
Nous pouvons nrrôter ces quelques rènlar-ques sur th.ornù,tica, t. 1, Roule, 1925, p. 429-4119), trop dépen-
l'utilisation dans la théologie do la béatitude de l'eud(:- dantes de cette exégèse, sont aujourd'hui dépassées
monisme ,sto'lcien : c'est désorn1ais pal' l'intor1nédiaire (cf Rc'1ue 11éo-scola.stiqu.e , t. 29, 1927, p. 2117; M. Witt-
de saint Augustin qu'il continuera à exercer son inann, Die Ethik des hl. Thoma11 von Aquin, Munich,
Influence. Le cas le plus typique de cette influence 1933, p. 56, n. 188),. Au reste, E;aint Albert et saint
indirecte est le Dialogue entre un• philosophe, un jui:f 1
rhomas ne recevaient pas l'eudé1nonisme a1•istotélici~n
et un chrétù1n (P L 1?8, 161·1 ·1684), que Pierre Abélard à l'état brut, mais eorobé dans la tradition exégéUquç
écrivit à la fin de sa vie en 1142 : s'il est résolu,nent antique, qui en avait éclairé les lncel'titudes et cornplété
eudé1noniste et si son eudén1onis1ne est tout stoïc.ie11, les lacunes.
c'est dans le De èi'1itate Dei de saint Augustin qu'il a Aristote, avant l{ant, a vu que ia tendance empirique
puisé lo plus clail' de son information (cf Ph. Delhayn, au bonheul' est trop indéterrninée pour fonder la morale;
Uri cas de transrni.$sion indirecte d'u.n thème philosoplû- d'elle, il n'accepte qu'une chose, et qui ne l'engage à rien,
que grec, dans Scholastica ratione historico-critic(Z ins- le nom qu'elle donne au bien suprême : il veut bien
tauranda, Rorne, 1951, p. 148-167). avec elle l'appeler euda.i,nonia, bonheur. (J::thiqiu à
Nicomaque 11 2, 1095a 16-28, et 5, 1097a 16-21; sur
ao L'eudémonisme aristotélicien, instru- l'origine et l'histoire du 1not d'eudaimonia, qui apparait
ment de la théologie de la béatitude chez au 78 siècle avant .J. C. chez Sapho, cf M. Heinze, Der
saint Thomas. - La conclusion la plus . nette qui E udürno11isrn.us in der gricchischen Phiks<Jphie, coll.
se dégage de l'enquête historique <le R. Guindort Abhandlungen d. k. Sachs. Gesellschaft der Wissen-
(Béatitude et théologie niorale citez saint Thornas d'Aquin, scharten, philol.-hist. Klasse, 18.83, p. 643-758; la pre-
1 1 Ottawa, 1956, p. 17-1115) est celle-là même qu'il mière partie, qui s'arrête à Socrate, est seule parue).
aurait voulu éviter : quoi qu'il eu dise, l'eudémonisme Ce n'est donc pas aur cette aspiration qu'Aristote fonde
sto'lcion, même relayé par saint Augustin, avait sa n,orale, n1ais bien sur la raison. C'est la raison en
au 12c siècle et dans la première moitié du ,1 a0 effet qui, sans aucun recours à l'aspiration empirique
perdu -tout mordant, l'idée de béatitude s'était o.u bonheur, détermine l'essence du bien suprë,ne, l'acti•

'
2 1673 APPORT A LA THÉOLOGIE DE LA BÉATITUDE 1674
1- vité vertueuse de la contemplation de Dieu (Éthique <i prend tout son relief; la primauté de la vision béatifique,
,r Nico,naque 1, 6); l'aspiration au bonheur n'intervient ,,n morale thomiste, est absolue et se subordonne la
e qu'après coup, pour justifier le nom de bonheur qu'on primauté m ôme de la charité, qui ne peut être que
,.' a donné au bien suprê1ne : l'activité ve1·tueuse réunit relative (cf Th. Deman, Sudémt;1n.isme et charité en
en elle tout ce que nous attendons du bonheur (1, 8-9). théologie ,norale, dans Ephemerides aicologicae lovani4n1ut8,
1, C'est la raison qui nous commande de poursuivre ce t. 29, 1953, p. (t1 -5?). Vision, c'est-à-dire acte de l'intel-
(l bonheur-là et nous fait un devoir d'être heureux de cet.te ligence, la béati tude doit l'être pour être pleinement
manière-là : la loi n1orale, l'obligation et le devoir sont humaine : au désir augustinien de bonheur, saint Tho-
ainsi insé parables d u bonheur et suspendus à lui com1ne n1as substit110 lê désir aristotélicien de savoir,, la recher-
e au premier principe de tout l'ordre rnoral; ce qui rnan- ühe de Dieu n'est plus tant chez lui inquiétude du cœur
que, c'est seulement le 1•attachement de la conscience que soif de l'intelligence et dans cette soif de rintolli-
individuelle à la loi na turelle et à la .loi éternelle, mais gence il découvre la puissance obédientielle qui permet
.• la tradition sto~cienne et augustinienne venait ici pour ù l'hornrne d'entendre l'appel au surnaturel (cf R.-A.
• saint Thomas con1pléter Aristote. H,ationnelle, la dêter- Gauthier, S. Tho,nas d'r1quin, Contra gentile8, t. :t,
1nination du bien suprêrne est du mê1ne coup chez Paris, 1960, intr., p. 103-1 t 7). Vision, c'est-à-dire
Aristote objective et universelle : l'activité vertueuse acte de l'intelligence, la béatitude doit l'être surtout
do la conte1nplation de Oieu est lo bien purement et pour ôtre pleinement divine : ce n'est que par l'intelli-
' gence que Dieu peut nous être rendu présent (1a 2ao
• simplernent et elle l'est pour tout homtne; ce n'est que
• parce que le vertueux s'élève au plan de l'object.tr et q. 3 a. '1) .
do l'univorsol qu'il y a chez lui coïncidence du bien lvlais cette présence de Dieu à l'âme, ce n'est pas
))ureroent et siJnpleniont. et de son bien à lui: lo bien est ici-bas quo l'intelligence peut nous l'assurer : ici-bas,
pour lui utile et plaisant (111 1 6; vrn, 2, 1155b 21-27; 4, toute connaissance, et même la connai$sance de foi,
1156b 12-17; 7, 1157h 26-27) : on voitcommontla recher- suppose l'information de l'intelligence par une shnllitude
che du bonheu,', c'e$t-à-di1•e du bien, en moi, de l'hotnme, de la chose qui est l'idée et aucune idée créée ne peut
est ainsi vidée de tout égoïsrr1e et de tout hédonisme, nous donner Dieu tel qu'il est, elle le réduit nécessaire-
'•. encore qu'elle inclue utilité et jouissance, n1cnt aux proportions de l'intelligence oit elle est reçue.
Aristote, il est vrai, se cont,ente en g6n6ral, pour Au contraire, nous pouvons dès ici-bas aimer Dieu tel
exclure l'hédonisrne, d'avoir ainsi montré que le plaisir qu'il est, cru• c'est le propre de l'amour de se porter
vraiment humain est le plaisir de faire son métier vers la chose elle-mêrr1e, fût-elle absente; de là vient
• d'homme, c'est-à-dire de contempler Dieu, et il ne qu'ici-bas la •primauté appartient à la charité (1a· q. 82
• • répugne pas à taire de ce plaisir-là le bién suprême. Mais, a, 3; 1 a 2ao q. 22 a. 2; q. 27 a. 2 ad 2; q. 28 a. 1 ad 2;
si l'on veut des précisions, il en a posé le principe en q. 66 a. 6,; 20, 20.0 q. 23 a, G; q. 27 a. ~)- Au ciel, l'intelli-
montrant dans le plaisir une fin de surcrolt (x, (t, 117(tb gence retrouve sa supériorité naturelle : une seule
at-33) e t ni saint Albe1't ni ,saint 'l'homas n'ont eu à chose ici-bas rend, lorsqu'il s'agit de Dieu, la connais-
développer ce germe : la tradition des commentateurs sance inférieure à l'arnOlU' : l'idée (c'est co quo Th.
l'avait fait bien avant eux e t déjà Sénèque avait Domàn, loco ait., p. 55, n'a pas vu, et qui lui a fait
l donné la formule technique quo n'aura qu'à répéter rejeter, à tort, l'in terprétation classique de saint Thomas);
saint Thornas : les plaisirs sont des effets qui découlent or, au ciel, il n'y aura pas, dans notre connaissance de
du souverain bien, non des fins qui l'achèvent, « conse- Dieu, d'idée : c'est l'essence divine qui par elle-même
,ju1Jnt,:a su,nnirun bonurn, non oonsu,m,nantia »·(DG 11ita informera l'intelligence (1" q. 12 a. 2); Dieu nous ·sera
beata 15, 2; cr R.-A, Ctauthier et J ,-Y, Jolif, loco cit., pr6sent, parce que <1 Nous le verrons t.ol qu' il est n
p. 780 ot 843). Il ne restait donc guère, dans l'eudémo- (1 J ean 3, 2) et notre vision sera la norme de notre amour.
nisme aristotélicien tel qu'il se présentait à saint Albert Grâce à Aristote, la vision de Diou ost ainsi devenue
et à safnt Thorr1as, qu'un point critique : le bonheur nhoz saint Thomas ce qu'elle n'avait jamais été avant
qu'il prônait était un honheut' do cotte terre. L'eudé- lui, le premier principe de tout l'ordre moral. L'eudémo-
monisme augustinien a dl\ venir ici co1•rigel' l'eudémo- nisme rationnel et l'eudémonisme chrétien s'achèvent
nlsrne aristotélicien. Ei1core raut-il rêüOnnaître que on afllrmation de la primauté de Dieu.
l'eudémonisme aristotélicien, en plaçnnt le bonheur
dans la contemplotion do Diou sur terro (cf R.-A. Gau- La bibliographio a ét6 donnéo au cours de l'exposé. On
pourr11 ajouter : F. Dltles, Ucbcr sùtlichc Freiheit mit bes,
thier et J.-Y.. Jolif, loco cit., p. 851-860), se prêtait à /Jerllchsichtigung d, Systcmc von Spi11t>~a, L~ilJ11itt, Kant. N.
être couronné par un eudérr1onisme qui plaçait lt\ béa- eine AbliandJ11ng aber d. Eudarr1011is111us, 1860; W. Schuppo,
titude dans la vision do Dieu au ciel : on pouvait éviter Zu,n E11diimonism1/.8, a d (j e n'ai pu att~indrè ées dèuic: ouvra•
de contredire Aristote et se donner l'air de sirnplement gos). - G. de Broglie, Jl'lalir.e intrin.•èque du pdclu!. Eeq1ûssc
le prolonger (cf R. -A, Gauthier, Trois co,nmentaires d'11nc théorie des ,,afo1.tr.~ 111oral,1s, d11ns Recherches de science
« aperroistes » sur l' Éthique ci Niconiaque, dans ArchiPc/J rcligic11sc, t. 26, 1936, p. (16-?9 et 297-333 : l'autour d6fond un
d'hi8toire doctrinale et litr.éraire du moyen dge, t, 16, 19g,7- « oudémoniarna aymbolique •,'dans lequel lo bonheur personnel
19(t8, p. 280-269), n'est viijé q\1'à titre de « symbolo • du bonheur d<' Dieu;
,J. 'l'onnenu, cornpto rondu du précédent, dans Bulleti,~ •ho-
Mieux encore quo no l'avait fait, grâco à l'oud61no- 11ds1e, t. 6, 1937-1939, p, 603-611 : - tt. Borne, Du bon/Mur dl•
nisme stoïcien, un saint Augustin, saint Thon1as, grâce de la bdatit11clc, dans Revue de philosophi~, t. 6 (42), 1986, [),
à l'eudémonisme aristotélicien, a rendu intelligible et 436-450 (à propos de la crit.ique de l'eudé1no11i1nne par N. Bor-
mis à la place qui est la sienne, la première, le Beati du diaoll), - Le problèmti du désintéressoment, qui n'est pas pro•
Sermon sur la l'l'tontagric. C'est en effet à Aristote que p.re à l'eudémonisma, mals se poso à p1•opos d'autres point.~
saint Thomas doit le sens original que revêt chet. lui da J'enseigne111ent ohr6U011, a 6t6 6tudi6 à part, DS, t. 3, col.
l'affirrnation du prirnat de la béatitude : elle est affirma- 550-591.
tion du primat do l'intelligence et par là même ello René-Antoine GAUTHJEn.

'
1675 EUDES DE CHA'fEAUROUX 1676
(
1 . EUDES DE CHATEAUROUX (Ovo DE CAS• Repcrtoriurn Commentariorum in Sentcntias Petri Ll)m-
1
rno RADULFI), cardinal, t 1273. - 1. Vie. - 2. Œuvrel!. bardi, t. 1, Wurtzbourg, 194?, p. 290-291.
- 3. L'homme et la doctrine. 4° QU(Ulstio1111s theologicae et mor(J.le.,. Elles sont iné-
1. Vie. - Originaire de Châteauroux, au diocèse de <liLes et contenues dans le n1s Douai 434, t. 1 et 2.
Bourges, étudiant à Paris vers 1210, où il connut f-tobcrt 5° Hauréau donne la liste d'un certain nombre d'écrits
de Sorbon, Eudes devint mattro et professeur de théo- officiels d'Eudes de Châteauroux relatifs .aux altaires
logie vors 1220, puis chanoine. De 1238 à 1244, il fut particulières dont le cardinal avait été chargé : ré!or1ne
chancelier de l'université. Il participa étroitement aux de divers chapttres à Paris et à Sens, la croisade,
conflits et aux crises qui d6terminè1•ent l'évolution, la conda,nnation de Jean de llrescain :
l'organisation et. le J)rotond renouvellement intellectuel
de l'université à partir de 1229. En 1246, Innocent ,v Mandaturn Odonis ... de erroribus Joannis' de Dre.,ca.i n et
le nomma cardinal, le faisant e'n même temps évêque de ,nagistri Rcm.rtndi, du 21 décembre 1247, édité dans Ch. Duplos•
'l'usoulum (Frascati), successeur sur ce siège de Jacques sis d'Argentré, Collcctio juclicîorttm .. , t. 1, Paris, 1724, p. 158,
et, dans l)enifle•Chatelaîo, · Chartul<tritun u11i~trsitatü pari•
de Vitry. Légat du pape, il fut à partir de juillet 12'•6
!iit?n8is, t. 1, Pariij, 1889, p. 206-207, n, 176; Liuerae Od<>nîs
le prédicateur officiel do la croisade. T,e 21 décembre ad lnnoce11tittn1 papani IV srtper cond1111inatione111 Talmud,
1247, il condamna Jean de Brescain et ses théories sur postérieures au 12 aol1t 1247 (Collcctio.. , p. 153; Cliartularium .. ,
la lumière. Le 25 avril 1248, il est encore à Paris, pro- p. 202-205, n. 173); Scntcntia Odonis ... co11si/iQ cpiscopî pari•
' céda.nt à la consécration de la Sainte-Chapelle avec l'ien.~is, magistroruni thèol<>gia1: et rlecrétorum et o.liorum ·lata
Pierre· Berruyer, archev6que de Bourges. En aoilt 1248, super 1'al111ud, du 15 mni (CoUectio .. , p. 155; Chartula~iu111 .. ,
il s'embarqua avec saint Louis pour la 'l'el're sainte, p. 209-211, Il 178),
où il devait séjourner jusqu'en 1254. A son retour, en Enfin, on pout lul attribuer la Confu.tatio taltnudicaa 61
juillet 1255, il dirigea la commission nomrnée à Anagni jrtdaicae perfidiac, · contenue dans le 1ns Carpontra.s Bibl.
pour examiner l' J ntroduction à l' 11vangile éternel de 111un. 15a (1'• 0 siècle).
Joacl1im de Flore. A partir de cette époque, il résida 6° Les serinons d'Eudes de Châteauroux constituent
principalen1ent en Italie. Entre 1257 et 1260, il assista uno collection d'environ 600 textes, parmi !osque!& 240
à l'érection de la nouvelle église de Sainte-Claire à,
furent prononcés à Paris de 1220 à 1248 et de 12511 à
Assise (c( M. Bihl, Doeumenta inedita arcllivi protom.o- 1261, et environ 860 en Itâlie, Orvieto, Pérouse, Viterbe,
nasterii S. Clarae Assisii, dans Arclâvurn franscisca- llome sans doute aussi, de 1261 à 1278. Les sermons se
num lli-storioum, t. 5, 1912, p. 669). trouvent dans les mss : Paris, Bibl. nat. lat. 12~28,
D0 1261 à 1268, il fit partie de l'entourage ln1n1édiat ·dos 15651, 15948, 15951, 15955, 15959, 16507, nouv.
doux papas françoia qui se sont succédé à celte époque sur acq. lat. 338; Paris, Bibl. Mazarine 1010 (856). Une
le trône do saint Pierre. De 1262 à 1264, il so trouve à Orvieto (:ollection qui se trouve sans doute être la meilleure
auprès d'Urbain 1v. Entre 12r,r, ()t 1267, il réside à Pérouse ot est contenue dans les rnss Roine, Arclûves générales des
à Viterbe auprès do Clénic11t 1v, ancien joriRte et conseiller dominicains, x1v, 81-85. Elle a été constituée, semble-
lnYc de saint Louis, En 12G7, troisièrno année du pontificat
dé Clé,nent ,v, il est encore à Viterbe, occupé durant ses loi-
f.-il, à l'aide de deux oxemplairei;, un exemplaire parisien
sirs à mettre nu point ln rédaction définitive de ses sormons. et un exernplaire en quatre parties composé, 1·édigé
Après l'élection de Grégoire x, il se retire à Orvieto près du ()t, mis au point par Eudes lui-même dans les diverses
couvent des frères prêcheura, au:itquels il avait offert, entre ,·ésidences papales auxquelles il fut astreint. Le ms x1v,
autres dons, un calice et une croix d'or, un ornement litur- 34 contient une note, préface ou conclusion, dans laquelle
gique et une relique do la couronne d'épines, qu'il avait lui- gudes décrit et date ce grand travail de rédaction,
même reçue de saint Louis. Il 1nourut à Orvieto lo 26 j11nvior Hin.si que les particularit6s de l'édition en quatre
12?8 et fut enseveli dans l'église do ce couvent.
parties. L'achèvement de cet ouvrage est daté de 1267
2. Écrits. - La confusion que l'on a faite parfois l1t il s'estime ( ad) c,cspcra»i sc11cctutis, scd dcsidcrans
entre Eudes do Châteauroux et Eudes de Soissons, offerre Deo sacrificium vespertinum, quod d,~ agnQ pin-
<:omme lui cardinal et évêque de Tusculun1, t 11 72, s'est gu.iori fic bat.
aussi quelque peu étendue à leurs travaux respectifs. Des extraits de cos ser·n1ons ont été édités par J,•D, Pitra,
dans Analcctà novi.ssima spicil.egii solcsmè11sis, t. 2, Frascati·
1° Eudes de Châteauroux est probablement l'auteur Paris, 1888, p. 1.89-343; cf B. Hauréau, dans Journal des
du Conunentarius in S. Pau.li epÎIJtulas, attribué à un SUVàTll$1 1888, p. 466-477.
certain Odo Gallus par Quétif-Échard, t. 1, 1719, p. 474, Les ser111()11$ u11iversîtaires d'Eudes ont olé étudiés et édi-
et contenu dans les mss Paris, Bibl. nat. lat. 15605, té(! p11r M.-M. Davy, Les serr11or1s universitaires parisiens de
15603 (f. 170-188, in Ronianos), 15948 (accessu.s sive 1230-1231, Pi1ris, 1~a1, ot A. Callobaut, Le sor111.0n historique
tl' Eudes de Chdtoauroux à Paris le 18 n1ars 1229, Autour de
iritroitus) et Toulouse 23•24; cf P. Glorieux, Odo Gallus, l'origine de la grève 1t11iversitairc et de l'enseignement des nicn•
dans llccherchas de théologie ancienne et 1nédùi11ale, t. 6, diants, dans Archivttni franciscan,tm historic11m, t . 28, 1985,
193'•· p. 423-4211. 11, 81•114, qui replace dans son ambiance hî!ltorique ce ser-
2° Distinetiories super psalteriurn. Elles sont inédites 111on que Pitra datait. à tqrt entre 1238 et 12,, ,.. .
et contenues dans les mss : Arras, B ibl. mun. 32 1,, Pour les sern1011s francisco.ins, voir F'. Gratien, $er111011s
frflnciscains du cardi11at Eudes de Châteauroux (t 1273), 9ans
73'•• 762; Aux.erre, Bibl. 1nun. 4; Pal'is, Bibl. nat. lat. J~iudes franciscaines, l. 29, 1913, p. 171-195, 647-655; t. ao,
548, 8715, 12'117 (l. 83), 1t,,,t,25, 15568, 15569; Paris, 11. 291.a17, 415-4a7.
Bibl. Sainte-Geneviève 1195, 1199; Oxford, Balliol Les six sernions concernant saint Don1inique ont étê édi-
College 87; 'l'royes, Bibl. mun. 1089, 1869. tés par A. M. Walr., OdQ11is de Castn1 Radulplli S. JJ. Ir. car-
di11alis èpÎ.tcopi Tuscrilani ser11io11es sex de sancto Don1inico,
3° Quaeli/tiones de fide, spe et caritate. Ptincipaux mss ; cl:1ns Analecta sacri ordinis fratrurn pra11dicatoru1n, t. aa, 1925,
P adoue, Unjv. 1171; Salzbourg, Abbaye B. X. 19; p. 30-79 (174-239).
Pavie, Univ. 416; cf V. Doucet, dans Archi11um fraricis- Lê s0t111on de Christo Regc a été édité pru•liellement pnr
canu,n hi8toricu1n, t. 26, 193?, p. 2'13, et F. Stegmüller, J. Lcclcrcq, Le sermon sur la royittllé dtt Christ au moyen as,,

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•) i677 EUDES DE CHATEAUROUX - EUDES DE SULLY 1678
daqs, Archivo, d'histoire doctrinale et littéraire dii moy~n d&e, 1l prêche la pénitence, la patience, la prudence, la
t. ~i, 19iS-191,fi, p. 160-161. mesure en toutes choses, mais on peut dire que l'élément
à. L'homme et la doctrine. - Les serrnons d'Eu- central de sa doctrine, c'est ce qu'il appelle l'amor
des de Châteauroux contiennent des détails historiques caritatis, qui se traduit tout d'abord sur le plan social
précieux pour l'histoire doctrinale du 120 siècle. Il r,ai· la concorde. Il évoque la mésentente des templiers
1 oite volontiers les vieux maîtres et leurs opinions. et des liospitaliers, qui eut, en Terre saint~ des consé-
j Formé ·a ux procédés théologiques du 120 siècle, Eudes quences si fâcheuses pour le progrès de I' .Jj)glise.
semble avoir été conquis pàr la n1éthode et la pensée J: amor caritatis est la condition préliminaire de toute
' dl) saint ,Thomas d'Aquin, qu'il a connu à Paris, puis prûdication (vg x1v, 82, n. 111,). C'est aussi l'amor i;ari-
' à Orvieto ot à Viterbe, où ils 1•ésid6ront ensemble de tatis qui.. viendl'a tempérer la pénitence afin de mieux
1261 ·à 1268 environ, et bien que Thomas d'Aquin ait accueillir le prochain : « Solvitur jejunium ex amore
eu quelque trente ans de moins que lui, Eudes s'est caritatis, sicut in receptione hospitum » (x1v, 32, n. 8).
fait l'écho fidèle de son enaelgnoment, par exemple li r.xhorte à l'hu,nilité qui invite à fah•e plus de ~as de
dans aoo exposé sur la doctrine de la justification du l'opinion des autres que do la sienne propre, et à la
pécheur. patience, nous dirions aujourd'hui la confianC',e en Dieu :
Pour autant qu'on pe\1t en juger pur la lecture de ses « Uebemus enim sustinere et expectare quid velit
œuvres, il semble qu'Eudes de Châteauroux ait été un far.ore Dominus de nobis, maxime si sumus in gravi
hoirinie à l'esprit et au cœur extrtî1ne,nen,t ouverts. statu .. , tam cito enim potest Domin\18 an1overo adver-
Son attitude lors de la rameuse grève universitaire de sitatem ». Il faut souligner sa doctrine de l'Église, fondée
1229-1281 et lr..s paroles qu'il prononça à cette époque SU)' l'eucharistie, qu'il expose dans un sermon pour le
sont sans équivoquo. JI sait s'adapter à des auditoires jeudi saint :
très divers, parce qu'il a un sens et un respect profonds Rt licot Donlinuij Ecelesiam incepit raplantare praedicando,
de la vocation personnelle et providentielle de chacun, vocando, baptizando. Iiodie tamen facta est Ecclesia catholica,
et du devoir de chacun de tendre à la perfection là id est communîs, eo quod sacramenturn eucho.ristine insLitu•
précisément où il se trouve : le n1oinc, dans la fidélité sibi tu1n est hodie. Hoc est enirn sacra1110ntum com1n\1nioni.s qua
ad invica,n lllombra Eccleijiae copulantur. Hoc est bitun1en
à la vie commune sous tous ses aspect..c;, que ce soit au , quo archll linlta fluctibus diluvii in cursu ventoruru, lapidum
réfectoire ou au chœur, l'invitant à être comme saint allisione dissolvl non potuit. Pot hoc enim sacrao1ontum llr-
Benoît " scienter inscius et sapienter indoctus, ut theo- miter t;tal Ecclosla (x1v, 32, n. 156),
doctus esset et de numero illorum do quibus dicit11r :
Erunt orones docibiles Dei» (Scr,no 77); l'étudiant, dans 8'il fallait reconnaîtro chez Eudes de Châteauroux
sa responsabilité intellectuelle devant la société; une orientation spirituelle, ce serait sans doute celle
et il ne craint pas de dire que la création des ordres de l'ordre de saint Dominique qui lui .conviendrait.
n1endiantil était nécessaire pour rernettre de l'ordre dans L'exemple de saint Dominique, qu'il nomine son père, la
le monde chrétien, te... beatus Dominicus ruina,n Eccle- pensée théologique de saint 'l'homas d'Aquin et les
siao reparavit » (Sermo 113). frèrns prêcheurs dans leur ensemble furent l'objet de
Au début du 1.3" siècle, le trésor de la théologie spiri- sa prédilection;
tuelle était considé1·able : le grand essor 1nonastique .A la l>ibllographie déjà indiquée, on peut ajouter : :13. Hau-
et érémitique du 128 siècle avait multiplié les expérien- rér,.u, JVotices et extraits des 111an1wcrits de la bi6liothèqw, nationale,
ces et les éc1•its spirituels, puisant de nouveau largement t. !\1,, vol. 2, Paris, 18?6, p. 204-285. - H. DenUlo, Protocoll der
aux sources scripturaires et patristiques et préparant Contmission z1, Anag11i, dans Arcliiv fur Literatur· und Kir-
clwrtgeschichtc des A-ti1telalters, t. 1, Bérlin, 1885, p. 102-142
ainsi los voies aux grands saints 1•éformateurs : saint (réK11111é des err~1.1rs de Joachi1n du Flore)'. - A.. Lecoy de la
Françol.s, saint Dominique, suint Antoine, sainte Claire, M:ircho, L(i cl1aire fra.nç1ûsc au ,noyen 1igc, Paru;, 1886. -
saint Pierre martyr, qui furent tous canonisés entre P. Gu6rin, Notice bibliographique sur E rufos tle Chdtcauroux,
1280 et 1255, après avoir été à peu de chose près les dans Rcvr,c ,tr, Berry et du Centre, 1923, p. 4-12. - El. Aolann,
contemporains d'.Eudcs de Châteauroux, lequel, de art. Oclon de Chcitca11-to1.tx, DTC, t. 11, 19!10, col. 935-936. -
plus, vécut dans l'intimité et l'amitié de saint Louis P. O!Qrieux, Rr.pcrtoire dos 1n11ttrr.s en thAo/.ogic de Paris au
et de saint Thornas. l Jn tel climat ne marque-t-11 pas J.1• .~iècle, t. 1, Pt1.ris, 1988, p. 304·311, n. 187.
un homme? . Marie-Madelçine LE:ORE'1'0N.
Eudes no parle pas en pasteur d'àtnes; il semble
qu'il n'ait jarnais eu de pa1•t ou de responsabl lité d!Jns 2. EUDES DE CLUNY ($aint), bénédictin, t 942,
l'organ-isatlon ou la conduite du diocèse de Paris : la comrnunément appelé Odon. Voir OnoN DE CLUNY.
collection x1v, 3'1-35, par exemple, ne contient aucun
sermon in 11ynodo. Il ne parle pas non plus en supérieur
d'une {orme de vio religieuse déterminée, puisqu'il est 3. EUDES DE SULLY, évêque de Paris, t 1208. -
séculier. Il est avant tout un maître, sa fonction dans Fils d'Archân1baud, seigneur do Sully-sur-Loire, et
l'Église, c'est l'enseigne,nent. Il 1•appelle inlassablement frùre d' Henri, archevêque de Bourges, Eudes, ancien•
à ses auditeurs los principes de la vie évangélique, de nernont souvent appelé Odon, était apparenté à la
la vie consacrée à Dieu, p\1isqu'il s'agit presque exclu- haute noblesse, voire .aux ramilles royal~s de Franc!) et
sivement do clercs, et les devoirs particuliers de chacun d'Angleterre. Il naquit au plus tard vers 1160, étudia à
selon la règle religieuse à laquelle il est soumis. Paris, reçut diverses fonctions eccléaia.stiques, dont
S'il rappelle aux moines de saint Benoit que celui-ci celle d'(ll'chidiacre de Sologne. Au décès de Maurice
leur 11. préparé une croix faite de ·quatre bois ai;sernhlés : dt: Sully (11 septe,nbre 1196), qui n'était po.s son parent,
service divin, correction des rnœurs et discipline, nou1•ri- et après le refus de Pierre le chantre, Eudes fut élu
ture et vêten1ent, il fait souvenir aux fùs de saint Dorni- êvêque de Paris, et sacré en juin 1197.
nique que celui-ci les a liés avec la pauvreté, l'humilité Pasteul' zélé et organisateur, il poursuivit la cons•
et surtout la charité, et il les supplie do garder inviola- trr,ction de la cathédrale de' Notre-Dame, établit de$
blement le testament de leur père. paroisses, mit au point des institutions, contribua à la
,

l679 EUDES DE SULL'\'' - EUGÈNE III 1680


'

rédaction de la règle des tl•initaires, s'intéressa aux col. 1526; dans PL 215, 4!JO-'i91 une lettre d'innocent 111 à.
monastères, fondu les abbayes férninines do Saint- l•:udes,
Antoine et de Port-Uoyal, qu'il rattacha à 'Citeaux, 'l'rac,111t:C, - Gallia christia11a, L 7, Paris, 174ft, col. 78-86,
supprima la fête des fous, réglementa celle de la circon - reproduit dans PL 212, 1, 7•58. - Rec1uiil das hi$tOrÎCII./J des Ga"•
cision, r ehaussa celle de saint JÎltienne, établit celle de les et de la France, t. 17, Paris, 1878, ot tomes suivants,
saint.Bernard. - · Ilistoire littéraire de la ltra11cq, t. 1.6, Paris, 1892, r,.571,.
Ses statuts diocésains, q ui rencon trèrent un réel 588. - lncolo nationalo dos chartes, Positions des thèse.q,
succès, ne consl.ituèrent pas seule1nent un événement '1910, p. 1GS-167, précisions chronologiques appotlôes par lu
canonique, ils tra!f uisaien t une spiritualité pastorale thèso de M. Ro11l!aet'....:.. É . Dun1ou tet, Le <uisir da 11oir l'host.ie
pl'ofonde, organisée et adaptée. lis font d n prêtre ~t l,;s origines da la rM,,otion a11, S aint-Sacr11111ent, Paris, 1~26 1
p. 37-53, 100. - Art. Odon da Sult11, l)'J'C, t. 11, 1931,
l 'éducateu1•,de la foi, et surtout du sens religieux, spé- col. 942; Pdnitence, DTG, t. 12, 1933, col. 925-930. -:--
cîaleiuent du sens sacrarnentel des fidèles. Ils lui enjoi- V. L. Kennedy, The nui111e11t of consecration and the ele,,atio11
gnent d'expliquer le syrnbole, d'avertir fréquernrnen t of tht Host, dans Mediae,,al Sluclies, t. 6, 19~'•• p. 121,-1.50 ;
les fidèles d'avoir à se confesser, à procurer la confirn1a- 'J'he date of parisian decr11,1 011 the clo11atio1l of the Ifo.~t, t. 8,
tion aux enfants, à recevoir l'extrême-on ction, si besoin 1\ViG, p. A7-96. - L , Guizard, L<,s statut// sy11odau;i; d'Eiuics
est; d'exiger le forme propos· et la restitution éventuelle, de S 11.tly et lr.ur pl"cc da.11,9 l'histoire ,li, droit canon, co1nn1u•
pour accorder l'absolution, écartant ainsi une religiosité nicaLion liux journées d'Histoire du droi t, P atis, 1953,
sans n101•ale; d'inciter celui que l'on n'absout pas, à la réSUtllÔa dam; R<"''«' historiqu,i du droit /r<1nçais et étranger,
·t 955, p. oa2; Rccl1crchcs sttr le IQ:rte des statu.es syrwdari.x
pratique du bion, u,t Deus cor illi1ts illustret ad pocni-
d'Eu<lcs da Sult11, li.ans Du.lletin d'infor111atio11 de l'i11stit1d
tentiarn (v1, 8); de prescrire l'observai.ion des jeClnes; ,li, recherche et d'histoire des tc.1:/cs 5, 1!J66, p. 53-59 (s'nttaohe ,\
d'engager sans Cesse les gens à la récitation du Pater, uxp liquor la g'UllùSu du texte et donne la pr6férenca à l'édition
rlu CredQ, et de la salut.a Lion angélique (cf DS, t. 1, col. Har!Ry). - 1\ . Guny, art. Bttdcs de S11U11, dans Catholicisme,
1163) ; d'écartel' les prédicateurs rlou toux. L. "· 1956, col. 665-66G.
Ils visent à obtenir une l'écep tion des sacrements, Paul V1A no.
valide, 1nais aussi f1•uctueuse, pieuse, voire a ttirante.
Ceci ressort do J)l'ohibitions, d'expressions telles que 4. EUDES (saint ,JEAN) eL EUDISTES. Voir
virtus sa.cranienti, salzts puerorum (111, 1), de ce qui J r;.AN EuoEs (saint).
concerne la dignité rle comportement des prêtres,
l'honneur (lionor niaxirnus, v, 1) dft aux sacre,nents, 1. EUGÈNE III (bienheureux) t
11 53. -
surtout .à celui de Pautel (ad re11eren tia n1 et praesentiarn .Bernard P agaoelli était vidame d e l'l!}g!ise de Pise
Sal'1atoris nostri et totius cu,riae coclestis, v, 2), la pro- qnand saiot Bernard, au cours de son second voyage
preté des linges ot des vases sacrés. L e décret qui flxe un Italie, l' cntratna à sa suite (11 88). Devenu moi.ne de
l'élévation de la sainte hostie après la consécration Clairvaux, il ne reçut la formation du sain t que peu
(tune ,~le111Jnt ea,n, ut possit ab 011inibu.s videri, P raec. do temps, car d ès l'auto1nne 1139, sernble•t -il, liernard
com. 28), n'a pas créé ce rite, rnais en a déterminé le l'envoya fonder en Italie, à la tôte d'un groupe de
rnon1ent, de façon à éviter une adoration prén1aLurée, rnoines, sur la demande do l'abbé bénédictin, Aténulphe
tout en permettant a ux fidèlos de bénéficier de gr âces •lu Farfa. D'abord fixée près do cette abbaye, au
précieuses par la con temp la lion de l'hostie, com1ne ,nonastère de Saint-Sauveur, la nouvelle conununauté
l'enseignait Onillauo1e d'Auxerro t 1231. 1Jccupa, sui• l'ordre d ' Innocent 11, le monastè1•0 des Saints-
D'autres articles encore organisent ou suscitent la V incent-et-Anastase, aux portos de l'tome (25 octobre
dévotion, s'efforçant d'Qbl.enir des fidèles un pèlerinage l 1.40). Ces débuts furent faits de contradictions et
annuel à l'église card inale, pr escrivant la prière ))OUI' d'épreuves, d oub.lenlent douloureuses au nouvel abbé,
le roi, déterminan t celle pour les prêtres défunts, hanté p at· le aouvenir de Clairvaux (Ep. 344 et 843,
po1,t.ant des mesuros on faveur des confrères de la bien- ,:itées parrni les lcttros de saint Bernard, PL 182,
heu reuse Viergo J\o1a1•ie. Eudes autorisa en outre « le Gt, 7-549).
ehant des organa à Notre-Dame pendant, l' offi ce». Cinq an$ phis tard, à la 111ort de Lucius 11, les cardi-
Cc soni; de l'organisation, ce souci pastoral allaient de naux ro1nains élisaient à l'unanin1ité l'abbé de Saint•
11air avec de belles ve1•tus (ae,nula.tor virtutis) , que célé- 1\nastase, qui prît lo no m d ' Eugène u, ('15 février 1145).
braient les con Len)porains, en particuJ'ior la for co de ;-;n.i nt De1•narcl liv1·e aux cardinaux ses appréhension8
caractèro, l'intégrité dans la collation des bénéfices , ,levant ce choix (Ep. 237, PL 182, (t26 ); il craignait le
la charité active, qui 10 fit pat"LiClper à la réorganisation 1nanqu c d'oxporience de son fils, ce " faible enfant »..
d e léproseries: Le pape Innocent 111 l'honora de sa Le card inal Boson, 'I' vers 1178, nous rapporte que les
confiance (A. P otthast, Regesta Ponti,firn.un Ro1nanorun1, ûl(lcteurs partageaient oes Cl'aintes, niais " le Seigneur
t. 1, Berlin, 1874, n. 1'1 à 3358 pa.ssini). daigna lui accorder sur le cha1np de telles grf1ces ...
Eudes mouruL à Paris le 18 juillet 1208 et fut inhurné qu'il l'emporta sur nombre de ses prédécesseurs en
à Notre-Daine. ~rand es actions et en réputation » ( Vita, dans 1.-M.
Œiu,rcs. - Synodicae co,1stitutio11cs, PL 212, 57-68; Sta11ua \Vatterich, J;•ontifl,cu11i rornanoru,n 11itae., L. 2, Leipzig,
et dtJ11ationcs piae, 60-92. l,e texte des Sy1101licae reproduit ·! 862, p. 282).
ceh1i de Mansl , t. 22, col. 675-685, qui dépend lui-1nôme des Le nouveau pontificat fut troublé 'par des difficultés
coller,tîQna conciliaires dê Labbe et de Hardo11in, et de l'édition politiques chroniques avec le st~nat de Ro,ne, qu'agitait
dos Sututa .. , Cait-0 par J\,[arguHrin de la Bigne, .ParÎR, 1578, , \1•naud de Brescia; ces difficultés obligèrent le papo à
tandis que le t.exte du Synod,:con do Fr. do Harlay comporte r1ji;ider le plus souven t hors de Ron1c. Inquiet de la
des. dHTôrêùééH, P;1ri!!, 1674 et 1777; une trad. françaiso dans s ituation des IJioux sain ts, il suscita la deuxiè,ne croisade
Actes da l' .igli.'lc de Paris, Paris, 185'•· - On li•ouv!l dans
.PL 20?, 875-880 ot 1, 55-456, des lettres de Pierre de Blois adres- ut chargea aaint Ber nard de la prêcher (11 1,6). Il
, sées à Eudes ou lu concer11RJ1t; dans PJ, 211, ~92.1,93 et 600- entreprit à travers la Franco un voyage (1'147-1148)
608 des lettres d'ÉU01111a d e 'l' ournai à rnudes, cr éd. J. Desilve, que 1narquè1•ent les conciles de Paris, Trèves et Reims,
Valonoicnncs-Pat•is, 18'.J8, p. 807-308, 31, 9.350, et DS, t. 4, t•t qui lui per,nit de revoir le saint, Clairvaux et Cîteaux.
[680 1681 EUG11:NE III - EUGJ~NE D~ PO'fRIÈS 1682
IU à :Eugène 111 mot1ru t le 8 ,juillet 1153· à Tivoli ; la g-neur avec Ma,·le et qui se voient ramenés à nourrir
t)iété populail·e le po1•La sur les autels et son cul.te tut los foules et à servir avec Marthe » (Ep. (.12, PL 180,
8-86, ratifié par Pie 1x, en 1872 pour l'ordre do Cîteaux; on ·I 'l39; J ofîé, n. 9501).
Gau• 1873 pour lQ diocèse de Jton1e (fête le 8 juillet au Marty-
ants. rologe romain) . Les prlncip(lles sources narratives sont r6unies par I.-M. Wat-
574- torich, Po,uifie1111i 1·Qm(l111>runi Pitae, t. 2, Lcipilg, 1662, p. 281·
~888, · Eugène 111 n'n laiss6 q 110 des lcttros; trois d'entre elles, !12'1. Ln Viea par le cardinal Boson y figure, ainsi que dans
ll' 111 antérieures à son élection; sont insérées 'parrni celles do Silin t L. Duchesne, Liber pô11t.i/lcalis, t. 2, f'ari&, 1892, 1>. 386·887,
011tie Bornnrd à qui 1illei, 1lont adrossées (Ep . 844, !lt,3, 478, PL 182, - Jean de Salisbury, Historia po11ti/lcalis, dans , ~:IGH Scrip•
926, 5~7-51,9, 686). Les antres sont reti11nsées par P. Jat'fé-0. Watton- t,)r,1s, t. 20, 1868, p. 517-545 ; éd. M. Chibnal, Londres, 1956.
931., bach (Rcgcste1 pontif/01,trn ron1anoru111, 2° éd., t. 2, Leipzig, U. Chavalier, Rapertoire des sources hist()riqucs du moyen dge.
1888, p. 20-89) et (Jllhliées pour la plupart dans PL 180, J1r:o•biblior;raphic, t. 1, Paris, 1905, col. 1808-1309. ·
1tiori 1018-1642. E. ViLcandard, Vic de saint JJ~rnard, 2, éd., t. 2, Paris, 1897,
150; On trouvera les plus intéressantes dati lettres adressées à ch. 26-~8 ot S2. - C.-J, f,Iefele·H. Loclercq, Histoire des
t. 8, l~ugèno 111, soit à la suito de·ses proprOB lettres (PL 180), soit conoi/c$, L. 5, 1, Pnris, 1912, p. 79!'i-847. - Il !leato Eug~ilio 111 1
udes l)armi celles de .'l(ll! ))l'incipuux correspondants: saint Dcl'rlltl'd Pise, 195~.
lllU· (PL 182), Pierre le vt\nérablo (Pl. 189), Suger (PL 166), W!bald Voir lel! notices d'Eugène n1 dans : Vie des se1i11ts et des
~s.a, de Stl!velot (PL 189), etc, bicnh,111re1u, par les bonôdictins de Paris, t. 7 (j uillet), Pal'iS,
ger, 1 VltV, p. 190-192. - DTC, t. 5, 1912, col. 1490-1492. - Bnciclo.
1
attœ Eugène 111 appartient à l'histoire de la spiritualité, J>t!tlùî cau.olica, t. 5, 1950, col. 801. - Cc1-1Jwlicis11w, t , 4, 1956,
'it1,t d'abord parce quo saint Bernard éc1•ivlt pour lui (1 •11, 9. çol, 675•677, - L'l' K, t, 3, 105!l, èôl. 1172.
\6 à 1152) le De conside.ratione (PI_J 182, 727-808; cr DS, Bernard de VnEGILLll.
tion t.1, col. 1'466·146?), mais ce traité, qui trace les devoirs
1n1c, du pontife, no nous révèle pas directement la physio- 2. EUGÈNE D'OISY, capucin, 1856-1927.
. nomie spirituelle de son destinataire. C'e1.1t à travot'S Nu en 1856 à Oisy-le-verger, Eugène Quix entra chez les
les lett.1•es d'Eugène 111 que nous reconnaissons en capucins en 1875. Il fondu la l'evue les 1!.'tude!J fran cis-
lui le type, si fr·équent au n1oyfJü âge, du contern- c1i.ines en 1899, lança la. collection Nou,,elle bibliotl!ùque
platif jeté on pleirte action pastorale et Lt'Oll vaot dans fra nciscaine et fut longtemps directeur des A nnales
ce sacritlce, toujours senti, le stimula11t n1ê1ne de son f ra.nciscaines; il 1nourut le 29 déce1nbre 1927. Eugène
zèle. A ce titre, il est, à sa mesure, de la lignée d'un d '(Hsy s'occupit surtou 1.: du tiers-ordre de Saint-Fran-
Grégoire le (lraud et d'un Grégoire vu. Lui-1nème çois. De ses œuvres retenons :
'ise savait, d' ailleurs, imposer à d'autres le rnêtne sacriflcA
lg'tl (lettre à Godescàlc, abbé prémonb•t\ de Saint-Mat•tin- Cat.échis111d ou petit manuel d l' «sage des novice.a tertiaires
du di: Sar:nt•Fra11çoi11, Couvin, 1012; Caté1:hisn1s spirituel du
du-~Iont, qu'il no1n1nait évôque d'Arras, Ep. 412, Ti~rs•Ordre de Sai11t-Ji'ra11çois, Paris, 1903; Directoire spirituel
reu PL 180, 1 ',38-1439; J afl'6, n. 9501) , d,:s tertiaires de Sai11t-J!'rançois, Couvin, i904; Manuel du
1rd' 1'iers-Ordre de Saint-Ji'ranç()ÎS, <l'après le directoire spirituel ,
de Bugène 111 somble avoir toujours gardé l 'austérité
n,onacale et une grande ht11nilité de cœ,11•; A1·uaud do Paris, 1911, et, Jn 1nûme a nnée, il lança la Rci•u.c sacerdotale ,
he, <lu Tiers-Ordre. Ces ouvrages eurent de nombreuses éditions
au Bonneval (DS, t. i, col. 888-890) on té1noig11e, quand il
el. fur•ont tra.duits en plusieurs h1ngues; il faudrait leur ajouter
1té raconte le séjour que fit le pape à Clairvaux (2(•-26 avril dl!S brochures de propagande (vg L'a1111dè sainte des troi-s ordres
~-
1re
1148; dans ,vatterich, t. 2, p. 804); E ugène 111 garda
d'ailleurs de très in tintes relations avec les cisterciens
11<, Sc1ùu-Françoi11, Couvin, 1904). Nous avons encore une
R~traitc. De l'ùnitatio11 de Jésus-Christ t1ar. l'iniitalion 4c
et (vg Ep. 4·15, PL 180, 11,1.11), annexée à l'Bp. 278 de Sai11t-Fre1nçois, Couvin, 1904, et un Mois s,Jraphiq11e ds saint
1é, saint Bernard, PL ·182, 478-480). Jean de Salisbury J,1.~11ph, Couvin, 1907, De ses non1bro11x articles, signalons
,8, t 1180, qui vécut aux côtés du pape, déclare quo c'était spucinle1nent : De l'esprit fra11r.isce1in, sa nature, ses so1'rees,
un saint, une ârne pleine de délicatesse 8(, d'autorité, dans lJ:tudeq frcu1ci:iea,ines (t. 28, 1.909, CL L 24, 1910); Saint
,2 , Fri1nço{s et la Bible (t, 89, 1927, t. 40, 1928).
de grandeur et d'hun1ilité (l)olycrati~us v, 15, PL 199,
li- 577c). Son flistoria po,1tific(J.ti,s nous en donne des Belon Eugène d'Oisy, l'esprit c'est l'onseutble des
.t- exe1nples pittol'esques et grandioses (vg ch. 29 et 41) . idô•ls et des volontés qui dirigent une vie. Cet esprit,
i). Les lettres à Suger, abbé de Saint-Denis, qu'il connut di/Térent selon les aptitudes et les goûts, se retrouve
lS lors de son séjou·,, à Paris on 11.48, nous révèlent u n dans If~ vie spirituelle, ot îl y a autant d'e$pl'll:8 que de
le homme sensible et l)on qui sait con1path• aux peines fa nülles religieuses. l!esprit franciscain est constitué,
de son a.1ni (vg Ep. $56 et 418, PL 180, 1395c et 144.2; non par une vel't,u spéciale qui servirait de clé de vot'ite
JalTé, n. 931,6 et 9436) . à une spiritualité, mais pat' une pratique plus intense
Ir Signalons enfin qu'Eugène u1 eut à juger des visions do l'Évangile ramené par saint François à sa pureté
.. do s~in te Hildegarde t 117.9 , lors de son séjour à 'l'rovos; primitive. Ainsi sommes-nous amenés à l'i,nltation
saint Bernard qui l'accompagnait lui den1a.nda de i1e do Jésus-Christ par l'imitation de la vie de François :
pas souffrir que" pareille hunpe fu t yoiJ6e sous le silence" silHnce, pauvreté, bu.milité, pénitonne, travail, obéis-
et Hildegarde reçut lièe1ice de pnrlor et d'écrire (Gode- sance, pureté, charité (lnvers Dieu, charité envers le
froy et 'l'hie1•1·y, Vita ,S. li ildegardi.s r, 1, 5, PL 197, p1·ochain, zèle, prière, imitation de la passion.
1$ 94-95) . ''oir la lot.tl'e d'Eugène à Tiildegartle (annexée Jacques do Blois, Noocs d'or d11 F. Eugcnc d'Oisy ( 1875-192/J),
t à l'Ep. 1 d' liildegarde, I>L 197, 145; J affé, n. 9188) Blois, 1926. - Le T. 11. P. E11gtine d'Oisy, dans Etudes fra11-
a et la réponse do la sainte (Ep. 1, i bûlern, 1f,5-'.l50) ; ci"nai11es, t. 40, 1928, p. G-1 3. - A. R. P. Eugcnius ab Oisy-
'8-Verger, dans Analecta ordi11is fra,tr111n 1ninorun1 capuceino-
a nous savons quo nAtLe rér,onse et les pl'enlier::i livres du r11m,, ~- i4, 1928, p. 55-56,
e Scù1ias (PL 197, 383 svv) firon tune profonde imprer;sion
J uLrEN•EYMAI\D D'ANGERS.
l sur lo pape (Jean de Salisbury, E'p, 199, ôcl'ite en 1167,
) PL 199, 220c).
3. EUGÈNE DE POTRIÈS, capucin ei;pa.gnol,
' Cistercien de cr.eur, Eugène 111 comme saint Bernard, 17!)1-1.866. -Antonio Aznar y Escrida naquit à Potriès,
• fut de ceux « qui désirent rester assis aux pieds du Sei- province de Valence, en 1791. Il suivit les cours de l'uni-
1683" EUG:ÈNE DE PO'I'RI~S - ÈUGIPPIUS 1684
'

versité de Valence ot entra au noviciat des capucins ment à la spiritualité, surtout à partir de sa nomina-
de la ville, où il fit profession le 30 décembre 1808. Pour tion comme pl'ofesseur de théologie mystique, au sémi-
des raisons de santé et du fait de l'invasion napoléo- naire diocésain d'Oviedo (1925-1926), puis au collè'ge
nienne, il quitta l'Espagne pour. la France et l'Italie. international de son ordre à Rome.
Sa vie désormais sera très agitée, ma.i s une biographie, En 1918 déjà, il avait dédié au cardinal Giustini,
qui serait fort pittorei;que, nous 1nanque. Il contribuera protecteur de son ordre, six Dissertation.es pro doctol'atu
pour une. grande part à la testauration des capucins en S. Joannis a Cruce (dans Analecta, dut. 1, 1927-1928,
France; il ouvre le premier noviciat près de Marseille au t. (,, 1929..1930). Il donna la première édition, précé-
en 1824. De graves 1nalentendus surgh•ent, qui provo- dée d'une solide introduction, du De eontemplatio11e
quèrent une désapprobation de la part des supérieurs acquisita de 'l'homas de Jésus (Milan, 1922) .'
,,
majeurs et de la cour ro1naine. Par ailleur.s , il aida it Ses écrits les plus importants sur la spiritualité carméli-
l'organisation des Pauvres Frères de Saint-François t aine, encore que peu connus, ont paru dans El Mo11te Carn1elo
d'Assise, dont Marie-Joseph Chiron était le principal Br1wes conicnlaric>s al Castillo i11terior dc Santa Teresa, onztl
fondateur. Eugène de Potriès 1nourra à Rome, au cou- articlos publiés entre 1'.!22, t. 26, et 1925, t. 29, ot surtout sa
vent de Saint-Bonaventure, où il rut relégué de 1855 1,rilogio d'études srutjuanistes : La conte"1placion de fc, segi,n
la Subida del Monte Car,nelo, quinto articles publiés en 1928,
à 1866. L. 32, et 1920, t. aa; La Subida del Mo11te Carmc/.o. Es1udios
l)es Œiivrcs co111pMtes, parues à Nantes on 1849 en 4 volunics, saniuâ11i$latt, dix-sept articlos publiés de 1929, t. 33, à 1934.,
cornpronnent, entré àutrcs : Événe,nents instrtJ.ctifs et obscr• t. 38; et El Cântieo Espiritual. Edici611 novLsima r,or Doni Che•
pations cat!loliques srtr les [>rOtestants et lei/ franes•maço11s, ,,allier os b. Estudio y erttica, t. 35, 1931, p. 301-809, 353-361,
Desançon, 1838; Le n1.oribo11d et la mort, Dijon, 181,1; Morts 387-412, où n réfute les arguments do Ph. Chevallier contre
rcssuscit<ls, Dijon, 1s1,2; Assoniptio11 de Marie au ciel, Dijon, l'authenticité de la seconde rédaction du Cantique Spirituel.
18'•3; Jlfarie Mère dit /n,t a,noiir, Dijon, 18113; Marie au pied de
lu croix, Dijon, 1848; R:~ercics de trois ;our,q en l'ho1111cur de la Revenu en Espagne en 1931, il joignit à ses études
tr~s aaints Vierge, Dijon, 1844; Dc'1oirs dtt roi et ai, peuple. spirltuollos le ministère sacerdotal et l'apostolat socia.l
l'ensées salutaires, Dijon, 1844; Le tihréticn clans le purgatoire,
:Bordeaux, 1848; Pensées salutaires du moribond, et di-(Jérenccs dans sa pl'ovince des Ast\lries. En octohro i 93~, il tomba
entre la mort de l'impie et celle du jiu,te, Nantes, 1849; Libtll'té, entre les mains des mineurs en révôlte; il a décrit com-
t!gal~t4, fraternité selon lti volontA de Dieu, Nantes, 1849•; Évé11e- ment il se libéra miraculeusement (Los Ço.rmelitas de
mcim instructifs et obscr'1ations à M. l'ab/16 L,a111ennais, 4° éd., Oviedo y la revol1tciôn extremista, dans Ecos del Carmelo y
Nantes, 1849. - En 1850, parurent à Perpignan des É"é11e11umts Praga, B urgoB, novembre i 984; édité plus ta1·d en
illBtruotifs et (lisÎtc au '.l'rès•Saint-Sacrenwnt, oto. fascicule séparé). En juillet -1936, après un ministère
Les plus considérables de ces opuscules n'ont qu'une à Gijon et Castropol (Asturies), il fut arrêté par les
centaine de pages; ils constituent souvent une sorte d'au- communistes et fusillé en raison de sa condition de
tobiographie. A retenir, en dépit d'une terminologie prêtre et de religieux.
pseudo-révolutionnaire, une dévotion mal'iale caracté- Notice nécrologique dans A11alecta orcli11is carmclitarurn
risée à la Diviue-Dergêre, propre à l'Espagne, et une discalceatorurn, t. 11, 1936, p. 171-172. - Orégoiro de Santa
insistance ascétique très nette. 'l'eres!La, Otro ,11artir carrnclita : el R. P. Euge11io de S. )ost.
Personalidad- cientl.fica del R. P. Eugenio <k San Josd, dans
De restitutions orclin.u fratru111 1ninoru111 capuceinorrim in El Monte Car1rielo, t. 40, 1986, p. 31,0-848. - Alrred-M. de
Gallia, dans Analecta ordi11i1t fratrtim miriorum capuccinorum, Jésus-Crucifié,,NUBstra odisea en 011icdo y la niuerlc <kl P. Eu•
t. 18, 1902, p. 146-156, 213-223, à27•382; t. 19, 1903, p. 180· ,;onio ile Sa,1 )osé, t. 41, 1987, p. â-12, 79·8'•· -Cyl'ille de Sa.lot,.
183. - Z. Gaudon, Un bienfaitctJ.r des alit!luls : le R. P. Jl,larie- Joseph (pseudonyme de Olilio de l'li1nfanL-Jésua), R. P.
Joseph Chiron, 1>r~tr11, 1797-18/i'J, Avignon, 1930, notam1nenl Eugenio de San José, t. 48, 1989, p. 181-184. - Silverio de
p. 849-362. Santa Teresa, Historùi <let Carnien Dcscabo en Espcuia, Portugal
Apollinaire de Valence, Bibliotlleca frarrum minorwn capuc• y América, t. 15, Burgos, 1952, p. 611-620.
cinorUITi pro1Jir1ciaru1n vccita11iae et aquitc.tr1ia~, Romo-Nlmlls,
1894, p. 61-6'1, 168. -. Art. l'otriès, DTC, t. 12, 1'.l:la, col. 2663- S1M86N DE LA SAOllADA FAMJl,lA.
2664. - Juan B. de Ardàlos, La Di(li11a l'astora, t. 1, Béville,
194'.l, p. ?0~ !IVV. - Melchior de Pobladura, Historia generalis
ordinis frarru111 minorum capuccinorum., 3° partie, Ronie, 5. EUGÈNE DE TOLÈDE (saint), archevêque,
1951, p. 210, 482, 674. " t 657. Voir art. EsPAGNE, DS, t. ~. col. 1107.
JULIEN•EYMARD n'ANGERS,

EUGENIKOS (JEAN), t 1'158. Voir MAnc n'É.P11tsx;


4-. EUGÈNE . DE SAINT-JOSEPH, carn1e
déchaussé espagnol, 1891-1986. - Sallino Fernandez . '
Velasco, né à Mieres (Asturies) le 17 juin 1891, entendil. EUGIPPIUS (Baint), moine latin du 5o.5e siè•
tôt l'appel de la vocation religieuse. Le 1 cr aoüt 1906, cle. - Né vors 460 /4 70 et mort après 583, Euglppius
il prend l'habit des carmes déchaux au noviciat de est peut-être originaire de la région cl' Aquilée. li
Larrea (Biscaye) et fait sa pre1nière profession le 8 octo- s'attacha à la personne de saint Séverin t 4~2, apôtre
bre 1907. Après ses études philosophiques à Burgos, du Norique, dont il se Ht le biographe en 509; il garda
il est envoyé en 1910 au couvent internaUonal du Mon!. une impression profonde des vertus éhrétiennes et de
Carmel (Palestine) et y fait profession solennelle en l'attitude courageuse de son ttlaître à l'égard des bar-
1912. Envoyé à Santiago du Chili pour sa théologie, bares Ruges, Hérules et. Alémans, perturbateurs do.~
il est ordonné prêtre {2ft décemllre 1916). régions du Tyl'ol. Il se replia en Campanie, à Castellum
A part quelques échappées dans les domaines littéraire Lucullanum (Pizzofalcone, près de Naples), où ses
et historiq\le (Çcrvantes 11 la E8p(Lfia de su é.poca, San - confrères avaient ra1nené la dépouille de leur fondateur
tiago du Chili, 1916; Dissertatio historica de sacro sca- (1188). Prêtre, « scripturarum divinarum lectione ple-
pulari carmclitico, ùans An,Llecta ordinu, carmclitarun,. niashnus ~ (Cassiodore, De in.s tituti.orte divùiarum litte•
discalceatorum, t. 4, 1929-1930, p. 169-191, plus ta,rd rc1runi 23, PL 70, 1187b), il succéda à Lucillus et Jv.[ar•
publiée en •un volume séparé), il se consacra spéciale- cianus con11ne abbé de la communauté de J.,ucullanum
14 1685 EUGIPPIUS - EUSÈBE D'ALEXANDRIE 1686
Contemporain de saint Césaire d'Arles et de Boèce, mais Cordoue, 1895, et Doctorado de. Santa Ttre.,a y de San
sans avoir été en relation avec eux, Eugippius est un .lu,1n de la Cruz, Cordoue, 1896. Il meurt à Cadix le
lfmoin de la renaissance quîse manifesta sous le règne 23 juin 1928.
de 'Théodoric. Son recueil d'Excerpu1, do saint Augustin,
dédié à la vierge f>roba, nièce do Cassiodore, est une Voir Il Cannelo e k $t~ missioni all'estero, t, 22, 1923, p, 25G.
- Cr•is6gono de Jeaill! Sacramoutado, La esc1i~la 1nl.s1ic11 carnie-
compilation poursuivie i:t travers l'œuvre cornplète du litt1f/.11, Avila-Madrid, 1980, p. 253. - Darnaso de la Prcsonta-
saint, comportant 3fi8 ext1·aita, fort bien choisis et très ci6n, Cc1tâlogo biblwgraflco de autorss carmeliicu descalzos
~ppréciés, de caractère théologique, exégéLique ou e.~p,a1olcs (1943, inédit), p. 7?.
ascétique. Par ses lettres, Eugippius semble avoir été
surtout on relation avec les représentants du clergé ADOLFO DE LA MADnE DE Dxos.
li- africain exilé pa1' les vandales, Maxence, F errand,
lo Fulgence de Ruspe, et d'accord avec eux dans leurs 1. EUSÈBE D'ALEXANDRIE (Psr.uno-), 5e.
,~é ~yrnpathies probyzaotines. Eugip1)ius mérite aussi d'être 6i• siècle. - Les écrits transmis sous le nom d'Eusèbe
sa mentionné dans l'histoire de la spiritualité pour avoir d'Alexandrie rclèven.t d'un genre littéraire bien connu,
!Ln laissé ·à ses compagnons une règle ,nonastique (Isidoro les Erltretieris ou les Q1testio11s-réponse8 , Sans doute
t8, de Séville, De viris 26, PL 88, 1097a), qui doit avoir ont-ils été co1nposés par le signa taire de l'introduction
ios
l4, été de t1•ès peu antérieure à celles de saint Benoît et de (cf PG 86, 809c), un certain Jean, qui se dit le 1101arius
,e-
' saint Ferréol t 581, et que nous ne possédons plus, - d'Eusèbe, At il est vraisemblable que l'ensemble ait
;1, à moins que ce ne soit la fameuse Regula, 111agi11tril constitué prilnitivement, au 5°-6° siècle, une biographie
~e Eugippius vi.vai.t encore en 538. flet.ive, prétexte à onseigne,nents spirituels. Dans son
el: ŒuPres. - La Vita S<u1cti Sc11erù1i est une aorte de canevas état actuel, cette collection apparait co1n1ne une compi-
envoyé au diacre romain Pa,~chaso pour que celui-ci le réemploio, lation, où il est difficile d'isoler la part de Joan des sour-
es d'où Jo Ulre de Con1n1.cmor111<,riun1. Édition$: PL 62, 1167-1200; ces qu'il a utilisées. La tradition manuscrite, fort
ial P. Knoell, CSEL 9, 2, 1881}; H. Sauppo, MGH Auttorcs anti• confuse d'ailleurs, reste à étudier, et permettrait à
ba grti.ssimi, t. 1, 2• J)., Berlin, 1877 ; Th. Mon1111sen, Scriptorcs l'occasion de rendre certaines pièces à des hoxnonymes
n- rerwn gcrrna.11frar11111 in 11111,11n 1;c/l(Jlc1run1, 9, Dcrll11, -1898; le ,d'Eusèbo, ou du rnoins de préciser la da.te où s'est
de savant prooemiun1 do l'aulour ét.1,1.hlit la '{alcur de l'édition
Sauppe, déjà démontrée dans ses /tugil)]liana, dans Ilernies, torrné le corpus et le milieu géogr_aphique (peut-être
1y syro-palestinion) qui l'a vu nattro.
t, 82, 1897, p. 454-468, et t. aa, 1898, p. 160-167; l'édition do
en Mommson a été rééditée par W. Bulst, Heidelberg, 1948. Lo contenu de ces entretù111s, quel que soit leur c11,rac-
1rq Suivent l'édition Mommsen : P. Docker, Munster, 1935; tère artificiel, n'est pas sans intérêt. A côté de <lévelop-
18$ R. Noll, éd. et trad. al101n11nd11, l, îni, 1947; M. Schuster, Vienne, pe1nents classiques sur le jetine, la charité, l'aumône,
de 1948. - cr DS, t. 1, col. 1628. la soulît•ance, relevons quelques vues suggestives sur
'
Thesaurus ou Exccrpta ex Auqu~ti11i Qpcrib1ts, PL 62, 659· les devoirs du prôtre (sern1011 5), un C\U'ieux dialogue
i,n 1088; CSEL 9, 1, 1885; 1• éd. par Hérold d'Htichst11dt, Bâle, sur la descente du Christ aux enfers (sermon 15), dont
tta 1542; E. K . l'land, The earliest Book of Toitrs, Cambridge, les l.hè1nef5 sont assez proches de l'É11angile de NicfJdème,
sé. Massachusetts, 1934, avec étudo dea rnanusorits, - Lettres : et le texte sur le repos dominical (sern1on 16), qui
IDS d'Eugippiua à Pasch3,~e, r L62, 1167-1170; de Poschaso à Eugip- existe en plusieurs versions anciennes. L es traits de
de pius, PL,'62, 89-40; de S. Fulgence à Eugippius, PL 65, 844- polémique anti-juive ne manquent pas, ni les allusions
'u
' - 848; do Ferrand, etc.
aux superstitions païennes encore vivaces chez certains
1'r1waua;, - M. Düdlngor, JJ:u,qipiit..~, cinc Vntersuchu11g, ch1•.-:tiens de l'époque (astrologie, ornithomancie).
dans Sitzung8bt1richtc clcr Akade111ie der W i,,scn.schafean, Vienne,
t. 91, 1878, p. ?93·814, - André B1n1drillnrt, Saint Séveri11, Poul' 1. Textes. - PG 86, col. 297-309 Vita; lliS-461 Scrm,oncs.
àpdtrs du NQrÎq<tc (4/JJ. 1,82), ooll. Les saints, 26 éd., Paris, les ditlûronlus éditions, consulter F. H11lkîn, Bibliotlu:ca
1908. - A, Jüliche1·, dans Pauly-Wisaow11., Rcalcncycklopddie, luigi(>graphica graeca, S• éd., t. 1, Bruxelles, 1957, n. 685•635z. (
- K, Holl, Fragnwnt.a vor11folinisd1cr KirchanPliter aus den
t, 6, 1909, col. 988-990. - O. D9.rdonhewer, Geschichlo der ale-
ki~clùichcn Literatur, t. 5, Fribourg-en-Brisgau, 1.982, p. 220- Sacra l'nralfoh1, •ru 20, 2, Lêipzig, 1899, p, 21(t-232.
2. Versio1111 anllien11cs. - E. K . Rand, Sermo de con/1tsions
224 ..- J. de Ghellinck, Patr'isr.iq1tc et moyen tige, t. 2, Bruxelles-
diaboli, do.ns Modern Philology, t, 2, 1904, p. 261-.278. - O. Mo-
Paris, 1947, p. 280; L. S, 19'•8, p. 281. - \V, Bufot, Ertgippiu., rin, So·rrrw de dominieae obseri,atione. Uns ancienne adaptation
u11d die Lcgcrnlc des hl. Sel'<?ri11s. Hagiographie und l{istorie,
lfltin" <f1in scrrnon att.ributl à .8usèbc d'Alexandrie, dans Repuo
dâns Di~ Wcù <ils Gcschiclue, t. 10, 1950, p, 18-27. - R, Noll,
Neuere Litcratt,r zrtr Vita Severitii, dans Miueilungen d,:$ bé11é,lict.ir1c, t. 24 1907, p. 530-584, - F. Nâu, Sur diverse8
1
ho1111!lie11 pseu,dépigra,phiques, s11r les œuvres attrib1ules d Eus~be
Instituts fur liSterrcicliùiche Gesehichtsfor1,ch1u1g, t. 59, 1951, d'Alflxa11dr1:e, et $11,r 1t11 11ou11e111t 111a11uscrit de lei eh11t11e Contra
p. 440-446. - .M. Pellegrino, Il Co111n1t11n.oratorÎlwl vitae sa11cti Ssvei•ianos, dana Re11uc de l'Orient chrétien, t. 18, 1908, p. 406·
iè- SePerini, dans Revista di storia della Cliicsc1 in Italia., t. 12,
1958, p. 1-2G. 435. - .1. Muyldermans, Répertoire de pièces paeristigru,.,
ius d'après le caealo«ue arménien <k Venise, da11S Le M11$éon, t. 47,
n Georges de P1,1 NV AL . 193~, p. 276. - ~.-M. lluytaert, L'héritage UtMraire (],'Eusèbe I

tre d'Érnhw, Louvai11, 1949, p. 129-182, 163*'.169*. - S. Der


da 1. EULOGE DE CORDOUE (saint), t 859. NflffiOS8Îan, An Arn1.cnian Version of the H omilies on the Ilarrnw-
ina of Hell, dans D1tmbarto11 Oaks Papcrs, t. 8, 1.964, p: 201-
de Voir art. EsPAGNP., DS, t. 4, col. 1111.
224. - M. 'l'archni8vill, Geschichre der kirchliclien georgischen
ar- Litera,tur, coll. Studi e 1'estl 185, Cité du Vatican, 1955, p. 21,7,
les 2, EULOGE DE SAINT-JOSEPH, carme a. E11tdes. - 'l'h. Zahn, Eine aJtkirchlichs Rcdc über die
1m déchaussé, 1859-1923. - Eulogio Aguirre Arana So111,t"gsruhc nebst U11tersuchungc11 über ihren Yerfasser, <;!ans
es , naquit à Dt1raogo (Biscaye) le 21 janvier 1859. Entré au Zeit,.~ltrift far kirchliche Wisse11schaft 11.ncl kirchliches Lsben,
ur cal'rnel de Larrea on 1878, il y fit profession le 2 juin t. 5, 1881,, p. 5'16-584. - G. La Piana, Le rapprese11tazio11i
le- 1879. Directeur de la revue ,San J1ta11 de la Cruz, il y sacr,:, ,1 la poesia rir.rnica dra.111a.eica 11ella lcttcral1tra bizantina
!te- publie divers articles sur la doctrine 1nystique du ré!or• dalle origini al sec. ,x, dans Ronia e l'Orient11, t. 3, 1911-1912,
lr• p. 3(;•'•'•• 105-118, 892-398, - F. Nf:u, Eusèbe d.'A.lcxa11drie,
mateur du Cal'mel. Il écrivit encore \lne Vùla cornpen- DTC, t. 5, 1912; col. 1526-1.527. - O. BOJ'denhewe.r , Geschiehw
m diada del 'Ve11erable I'adrs Fr. AgustLn de los Re.yes, der cdtkirchlichen Literatur, t. 4, Frlbourg-011-Brisgl\11, 1924,


1687 EUSÈBE D'ALEXANDRIE - EUSÈBE DE C~SARÉE i688


p. 86-91. - J. A. MacCulloch , TIUJ Jfarrowir1g of Hel/,, Éidinl- Emendaûons of certai11 pllllsages of F,usebii Ec/.ogac prophe-
bourg, i9SO, p. 1.74-191. - Ch. ll'1urUn, Un discours prdtend11,- ticae, dans Jourr1al of philology, t. '•• 1872, p. 2?5-280. Cl
1Mllt i)1Adit d11 S. Cyrille d'Ale:1.,a11drie sur !'Ascension, RHE, aussi O. ?ilercuti, La &rands lacu11a <ieUs Eclog/u: profetiche di
t. S2, 103G, p. 31A5-350. .- H.-G. Beck, Kirohe und theologisdw E1'5cbio di Cesarea, dans Mér;1orial Louis Petit , 13uèarcst 1
Literatur im by;,a11ti11ischen Reich, .litunich, 1959, p. 400-4111 , 1948, p. 1-S.
Jean DAnnouzt~. 2° La Préparation évangéliqtuJ (PG 21, 21•1408;
éd. I{. l\1ras, GCS 8, vol. 1 et 2, Berlin, 1954 et 1956)
2. EUSÈBE DE CÉSARÉE·, évêque, vers 21;3. et surt.oyt l'inuo1nplèto Dé111011stration uvangéluiue
vers 340. - 1. Vie. - 2. Œuvres. (PG 22, 18-79',; éd. I. A. H'.cikel, GC:S 6, Leipz/g,
1918) cherchent à situer le christianisme par t'apport
1. Vie. - Ce a père de l'hist.oriographie chrét.ionnc n
échappe lui-rruirne à u ne chro.nologie précise. Originairo
au . paganisme polythéiste et au judaYsme légaliste,
en n1onlrant quo la foi n'est ni un abandon d1~s valeurs
de Pftlestine, ve1•s 268, et prob,\blement de Césarée, de l'esprit, ni un asservissement à un ritu.1\isrne pédmô.
Eusèbe devient très tôt, avant d'en être le disc.iplo et
le collaborateur, l'en1ploy(: de saint Pamphile à la Celle intention apologétique amène en fait Eusèbo
à développe,· les grandes ligner; d'une vision chrétienne
bibliothèque fondée par 01•ig(ine ù Cè:;arùo, et il portor::\
de l'histoire. .t\.LLentil' aux conditions providenUellqs
le no,n de son maître par reconnaissance (li!ôaéôioç
acc:ornpagnant la venue du royaume, sensible à l'uni-
't'OÜ Ilœp.q>lÀou). Avec Pan1phile, il compose une A pologi:e
versalis,ne de l'l!lvangile, Lén1oin privilégié de la
d'Origè11e et, dès cotte époq11c, ma11Heste ses goüts pou1'
vitalité de l'ÉgliHe, Eusèbe joir1l, à sa conviction do
l'érudition historique, la criLiquc biblique 13l l'apolog'é•
l'irréducUble originalité du fai t chrétien, l'optirnis1ne
tique: il commence à I'éunir les 111aL15riaux d'une histoire
des n1artyrs anciens, réfute 1-Iiéroèlès ot I>orphyro, du croyant pour qui le présent ëclaire tou l lo passé
humain, A là continuité ch'ronologiquç des deux 'l'es•
rédige ses Canons chronologiques et son Eisagogè, dont il ta,nenls, il pr6fère l'unité 1nystérieuse des promesses
ne subsiste qu'une section, les Eclogae propheticae, el
divines s'ex:pritnant déjà dans la bénédiction du
jette les bases de son Histoire 6cclésiastique. « chrétien n Abraharn, avant de s'épanouir dans les
La violence des persécutions palestiniennes, oû
,/ Pan1phile me,1rt martyr en 3'.I o, oblige Eu$èbe à s~exilel', béatitudes.
d'abord à Tyr en Ph6nicie, puis on 'fhébaïde d'F.!gypte, Sur l'opposition juifs•héhre11x (Prdpar<itiM1 évangélique ?, 6,
où il est Unalement découvert et incarcéré. L'édit de PO 21, 516; GCS a, 1, p. 3GS-3G\l), voir les exc1illontes pages
tolérance de 811 lui permet, peu après, de rentrer en de JI,[. Shnon, Verus Israel, Paris, 1.948, p. 8?-12~.
Sur l'intorprélat.ion do !'Exode, voir i,1fra, cul. 197 9.
Palestine et il reprend la dh·ection de la bihllothèt1ue
de Césarée. Prêtre sans doute depuis 800, il est ôlu 3° L'H istoire eccléi;iastique nous remet en contact
évêque de Césarée entre 315 et 320. C'est la période avec le passé chrétien, ressuscite nornbre de tlgures de
où il écrit ses deux grandes apologies du christianis111e, l'f:glise prinlitive et en conserve les lettres de noblesse,
la Préparation évangélique et la Dénion.stration é~•ani:é• telle la célèbre lettre des 1nartyrs de Lyon ot de Vienne
ligue. Ses sympathies à l'égard d'Arius le font cond.:11n- (v, 1, 1-2, 8, éd. hl. Sclnvart1., ()CS 2, 1, p, 402-432)
ner au synode d'Antioche, en 325, ce qui ne l'empêche ou le rêcit des n1a1•tyrs de Palestine, on appendice à.
pas d'assister, la n1ê1ne année, au concile de Nicée dont l'Hisioire ecclésiastt'.que (GCS 2, 2, p. \107-950) . Le niâr·
il signe à contl'e-cœu1· les conclusions. S'il interviunt tyre constitue d'ailleurs un des th1)nles principaux de
ensuite à plusieurs reprises dans la controverse arienne, son Histoù·e {cf l'Inde~: reriirn du t. 73, coll. Sources
en particulier contre Eustathe d'Ant.ioche et Sf.lint chrétiennes, p. 252-254) et Eusèbe y voit une anticipa•
Athanase d'Alexandrie, il ne sacrifie riel\ de ses travaux Lion do la victoire constantinienne, la preuve surnatu-
d'érudition et, durant les quinze dernières années de relle de l'invincibilité de l'Église.
sa vie, il compose ur1 Conunnntctire sur l saïe, des Ques- 11° Le Cornnienutire sur Isaïe date sans doute des
tions et solution8 sur l' E,'c,angi/,e, un Ono,nasticon, une années qui suivent lo concile de Nicée. Saint J érôme,
Théophanie évangéliqr.te, un Con1n1entairc Sttl' les psaurnes qui l'a lu et utilisé, tout en lui reprochant un allégOl'ismo
et deux ouvrages de polénlique contre Marr,el d'Ancyre. excessif (ln. .Tsaittm 5, prolog110, PL 24, 17\lh), no per,nët
Eusèbe meurt veJ.'$ 340, peu après l'ernpereur Constantin guère par ses indications discordantes d'en évalue!'
qu'il avait tant admiré- l'irnportance (cf De viris inlustribu,s 81, PL 28, 689!1,
2. Œuvres. - La prodocl.ion d'Eusèho, clo1ni11ée 6d. E. C. Richardson, 'l'U 14, 1, Leipzig, 1896, p. 43;
par les préoccupations apologél.iques et la recherche I,i Jsaiarn, prologue, P l., 24, 21a). Le texte grec éditli
érudite, )l'intéresse souvent qu'illdirectement la sr1iri- par MonLfaucon ot repris par Migne (PG 2'1, 89•526)
tualité. Plusieurs ouvrages s'irnposont cependant_ , ne représente en fait qu'une collection d'extraits tirés
do chaînes exégétiques sur· lspïo, où se ,nélen t des élé·
1° Les b'xtraits prophétiques (PG 22, 1021·12fi2), 1nents non-eusébiens; nous n'avoo_s donc là qu'un
qui formaient les livres G à 9 de l'E,:sagogè perdue, ,1 co1n1nen taire » tronqué et d'au then tici té fort suspecte.
réunissent ce qo 'ffiusèbe a butin,~ « dans les prairies R, Devr~esse en a rendu l'utilisation plus sûre (Rccnie
spirituelles de Dieu 1i (·1024b) touchant la 1nessianité
bibliqu6, t. '12, 1983, p. 5't0-555), rnuis il faut attendre
ot la divinité du Christ . L'ouvrage se défend de tout l'édition du texte, presque complot, que uontient le
développement personnel, mais son orientation apo-
L a11.rentianus gr. Plut. x,, 4.
logétiquo souligne clairement l'importance du sens
spirituel de !'Ecriture pour l'intelligence des JH'O· 5° Le Co1nnutntairc sur le.~ psau1nes couvrait l'inté-
-phéties et, à ce titre, il constitu!l l'indispensable con1plé- gralité du psautle1• (cf S. Jérôme, Ep. 112, 20 ad
ment des corr11nentaires exégétiques. Augu11tin1an, PL 22, 929, éd. I. llilberg, CSEL 55,
1, 1912, p. 3\lO). Il fut traduit par Eusèbe de Verceil,
Migne a l'epris le texte édité par Th. Gaisford (Oxford, 18',2). t vers 871 (cf A. Vaccari, Fortuna e sfortuna ài 11n
Quelques a111élloruti(lns ônt lité proposées par H. Nolte, Zii
dan Eclogis propheticis des Eusebius l'on Ciisarca, dans 'l'h.colo• rUJo stilistico di S. Girola1no, dans Scritti di crudizione
sische Quartalschrift, t. 43, 1861, p. 95·109, et par W. Solwyn, e di filologia, t. 2, Rorne, 1958, p. 171-192), qui l'expur•
'.688 EUSÈBE DE C~SA'.RÉE - EUS:ÈBE D'ÉMÈSE 1690
>phe· gea des passages qu'il estimait hétérodoxes (S. Jérôme,
,. ar 2) Les psaumes J,-Xc v "· 3 (PO 23, 441c-1221c) :
Ep. 61, 2, PL 22, 603, CSEL 54, 1910, p. 5??) ; cette leu,· authenticité est certaine.
fui di
il'est, version latino est perdue. Le texte grec est représenté 8) Les psaumes xcv "· 8-cL. ,T.)enchevêtre1nAn t
par dos tranches d'inégale valeur. de l'au then tiquo et de .l'inauthentique et l'état lacu-
r.QS; La scclion sur les psa\lme!J 1,-xcv v. a, publilill par :8. Mont• niüre du texte rendent impossible l'utilisation de ces
faucon d'après lo Ooisli,i 4.4 (PG 23, 1, 41c-1 221c), otTre la psaumos. Le seul texte hnprimé valable sur cette
956)
tradition directe du Connnc11tairc d'Eusôbc, ot [)éut donc être Ll'a11clle de psautier est la présentation d'ensemble
'i qua
,z,r, 11tiliséc avec sécurité. Pour lea psaun1es J•L (PG 23, 729•'•41r,)
et. xcv v. 3•ëxv111 (PG 23, 1221c-1396a), le savant bénédictin
des psau1nes des tiegrôs qu'Eusèbc a placée en tête
de i;t1n co1nn\entaire du psaurne 119; il a été édité
p.ort a pui~e dans dos chaines éxégétiq nes souvent n1auva.isos, <le
i.ste, mê11:ie que A. M.ai pou1• los pi!àunies cx1x-c1, (PO 24, \!•76). pal' G. Mercati, <Jans Opcrc rn1:nori, cité infra.
eurs Do son Côtii, J .-B. Pitra a publié <los fr11gments eusébiens sur 1. Bibliogrr,,phic gé11érale. - ,T. B. Lightfoot., E11.sebius of
imé, les psnumus 1-oxvt11 (linalccta sacra, L 3, Venise, 1888, p. 865- Cacsarea., dn.ns Smit11-Waco, A Diètio11,ary of Christian Biblio-
lèb~ 520), mais s11na con trôlcr la q uûlitô des oh11tnea utilisées, graph11, t. 2, Londres, 1880, p. 308-~48. - E. Schwartz,
1nne L'érudition 111oderne, gr:\ce surtout à G. Morcali, R. l)llvreesse EUi!i,bios von CU.sarea, dans Pàuly-Wisso,va, Realenayclopiidie
et M. Richard, a rnontré qu'il était possiblo à la fois d'a1ncl- der h·lassischcn Altertu1n$wissenschaft, t. 6, 1, Stu ttgart, 1907,
elles liorer et d'a1tgmen1er lo toxte du Cüm,nwntairc, en rtlcourant col. 11\70-1489. - A. P. Prutai et A. Penna, Eusebio di Cesarea,
uni- Il le, ch11tn.e dite palcstinie1111e, compilo.tion datant probablo- dan~ lJ 11r.iclt>pc1lia catt-0liea, t. !;, Cité du Vlltican, 1951, col. 8'11-
0

la menl <ln 6• siècle, et dont on possède d'excellents témoins 85~. - J. Quaston, Patrolor;y, t. 3, Utl'ocht, 1960, p. 309-3',5.
1 de manuscri t.a po1.1r les psaumes 1-L dàns les chaines du type v1
2. Travaux. - J. Stevenson, S1udics in Euse.bius, Cambridge,
SPl0 (suivant la claasification de Karo-Lietzmann, Catcnaruni 192i). - !•'. J, Foakes-Jackson, Eu.scbius Pa,nphili, Bishop of
assé graccari,m catalogua, (½oet.tingue, 1902) et pour lus psnumes
Caasarea in .Palcstina and first Christi:an IIistorian. A Study
res- LXXVlll•OL dans celles du type x1. Une paraphrase de la
of th~ Man a11d 1/is Writi11gs, Cambridge, 1933. - D. S. Wal-
sses ëhalne palestinionno, dont le type 111 trai1su1et lo meilleur lnco-Hàdrill, .E11-S1,bius·of Caesarea, Londres, 1960. - O. Bardy,
tlt(lt, permet, par cornpnr11iaon, d'en vérifier los lo,n,nes. Une
du .édition aolide, sinon hi tè~rale, du Commentaire ous6bion est
E1uébc de Césaréé. Histoire ecel.ésiMtiqu.c, t. 4, coll. Sources
le$ donc une tâche réalisablo. chrétiennes 73, Parig, 1960, p. 9-185 (introduction générale).
M . Weis, Die Stell1111s des Eusebius vôn C,1csarca i,n aria11i•
•En l'ahsaflcl;) d'un texte critiquo, los indic<1tions suivantes
faciliteront l'utilisut.ion des textos i111prirnéa. ar.he>• Strcù, Trovès, 1920. - O. Bardy, Lo. littérature patristique
des • Quacstiones et rt?Rpon.9ioncs • sur l' Écriture sainie, dR.ns
1) Les psau.r,ze.9 1-1•• - a) Dans JJG 23, 72d-44lc. RevuH bibliq11.c, t. 41, 19$2, p. 228-236; La théolosic d'E1u11Jbe de
Césari'e d'après l'llistoire ecc/.dsiMtique, RlIE, t. 50, 1955,
l))n contrôlant Je texte de Montfau<'lon s11r la chaîne p, 5 -:.!0. - H .. (}, Opitz, Euseb 11,;>11 C(lcs<1rea als Thcnlogc,
du type v1, on constate que les scories étrangères duns Zcit..,chrift filr dfr 11c1ttes1amentliche W isscnscha/t, t. 34 ,
tact do quelque importance se localisent presque toutes
1 de 1935, p. 1·19. - H. :Serkho!, Die 'l'heologic dc:r Eusebius von
aux psaumes 1-xv et x1v111 v. 2-L. La partie inter• Cae,911rca, A1nstcrdz:11n,, 1989. - D, Arnand, l<'atalis,nc et liberté
1sse, riJêdiah'e (160b-429c) est authen'l.jqueroen t eusébienne, dans l'fa1tiq1ûlé grecque, Louvain-Parls, 19'1!5, p. 842-381. -
nnc1 ·s9ust1·action fai te des textes suivants : - W. Vôlker, Von wclchen Te11dcn1~cn lices sich Eusebiiui bei
U32) Fl'àgments inauthentique;; ou douteux, nlls sous Ab/assunc seincr • Kirchen,:esohichtc • li;it111t?, dans Vigiliae
:e à, cl1ris1.ia11ae, t. ,,, 1 950, p. 157-180.
d'autres lemmes dans la chaine du type v1 : PG 23,
llQl'·
165h10-cl1 (Théodoret); t 93d8 -196b 4 (Didyme); 204b10- G. t.fercati, L' 1dti111a. parte perdu.ta. del eo,nnientario d' Eusebio
: de d11 (Théodoret); 20(td6 - 12 (d'après Eusèbe); 209a8-c11 ai Sa l,ni, dans Rcndiconti del Rclll I stituto lon1bardo di scicnze
rces (d'après l!Jusèbe); 2'1 ?d8 - 10 (Origène); 220a 4- 11 (Eusilbe- et laU,!re, séir. 2, t. 01 ; MJIQn, 1898, p. 1086-1045 ; Opere rn.inori,
1'h6odoret) ; 221 cl.d 8 (coniposite); 264c 11-265a 2 (Didy- t. 2, coll. Stu<li e Testi 77, Cité du Vatican, 1937, p. 58-66 ;
Not,c ,li letteratura bi/Jlic<1, dans Vivre et penser, t. 1, 191,1,
me); 268a11-b1 ' (Didyrne-Eusèhe) ; 268b 1'-c8 (Théo- p. 5•·15; Osser~a:io11i a procn1i del Salterio <li Origene, Ippolito,
dorot); 276a'- 13 (ThôodoreL-EU$èbe); 281 c9-d10 (Basile); Huscl,io, Cirillo Ale.~$alldrino c a.ltri, con fra11rn1c,1ti ined1:1i,
des 28t,a1-b2 (d'après Eusèbe); 800c1~-301h 8 (Oidyrr1e); coll. S!.udl c Tosti 11,2, Cité du Vatican, 1948. - .R. Devrccsse,
,me, 3it1d~-844a11 (Cyrille); 393h9-c10 (.Didyrne-Cyrillo- Chat111,11 e,'tégétiq11cs ,:recq11eR, DBS, t. 1, 1!128, col. 1122-
smc Eusèbe); (i05b 0-408h 16 ('l'héodoret). 1121,; L'1!diti()11 ,li, eo,nmentaire d' Itusi!/Jc rJ.c Ccsarée sur .fS(tle.
met Fragments qui sont une version paraph1•asée de lntcrpolatio1rn et orn.ission.s, dans Revu~ bil,liq1,c, t. 42, 1933,
luer l'lilusèbe de la chaîne v1 et représentent de !'Eusèbe p. 5411-555. - A. Miihle, Der JcsC1 ias-ko111nrnntar flc~ Eusebio.~
0011 l(,iis<1reia fa.st ~ollst,ïrutis wiedcr gcfunden, dans Zcitschrift
B9~. (l(l sensum, non ad liucrant: '.l 68c1-(Jl; 'l 96d 4 - 14 ; 19?c70 lO;
far dfr 11cu1csta111.cntliche I.YiRRcnsch1lft, t. 83, 1!J34, p. 6?-89. -
43 ,· 2·ssc4-257a 8, I-1. I!). W. Turne!", A Psalln PrologtJ.c contailiad in A1q. Bodl.
dité Baro,·t.ianr,s 16, dans The Journal of tl1eol1Jgfrct.l studies, t. ~1,
b) Daria les .4 11alcc,t<1 sacra, t. 3, p. ,1'/t.Jfi, , Co,nrno Pitr1,1
126), a recouru, entre autres, à la cl1Rlnfl p(1le~tiniennc grûco 1111 1940, p. 280-287. - 1,1. Richur<l, Lefl premières chatnes 811.r le
:h1és futican ,:reo 1?89 (qu'il désigne BO\IS le notn de Vat. 13), on psautier, dan~ Bitllctin d'infor111ati-On de l'l11s1itu1 d.fl recherche
élé- peut lui lâire confiance poul' l'authont ioit.é, sinon pour l'oxàc- et cl'/,i,<toirc, des l(e:ttcs, 11. 5, 1956 (pur11 en ·l 95?), p. 87-98.
1'un titude de son édition , chaque !ois qu'il citfl un texte cusébk,n Jl,,farie-Josèphê RoNDE AU et ,Jean l{1ncH'MRYt:r1.
cte. d'après ce manmmrit. Quelque8 passages cependant ne sont
pas d'~\lijèl)e ; p. 377 lignos 9•1.9; 427-',29, v. 20-21; 400-',31
(ps. !12); '•32-438 (ps. 35); t. 3?, v. 4; 460, v. 5; ,,61 ligne 36 3. EUSÈBE D'ÉMÈSE, évêque, t vers 360. -
à 1,02 ligne 3. ,·
c.) Lo psau,ne 37 nous ost parvenu en tradi tion directe,
Nous connai5sons l'activité d'Eusèbc, évôque .d'Émèse,
mais égaré parrni les J1on161lcs de suint l'lasile (PO 30, 81-10~). prinei1)alement par la notice que J11i a consacrée•saint.
11té- A la suite du 111auriste Garnier , M. Richa rd en II récenunent Jérô,oe dans son De ~•iri1J, eL les chapitres des historiens
ad rappelé l'indiscu t11ble paternité cusêblonnè. La compiiraison Socrate et Sozo,nène qui résument, chacun pour leur
55, de ce texte et des lragrnents de la chaine du type v, aur le pa1•t, l'éloge co·mposô par Georges de Laodicée. - 1.
}0il, mémo psaume per1nct d'éprouver, dans un cas précis, l11 fldé· Vie. - 2. Œuvrf!. - .Doctrine.
lité do là chaine pnlcstlniûnna.
1tn
d) Le texte du p,,111111~ 49, d'llprès IA n11!me chaîne, a été 1. Vie. - Eusèbo, évêque cl'É1nèse, nltquit à ~ desse
/on~ publié par n. Devreesse, dans Revue _bibliqu<\ t. 33, 1\124, en 1l[ôsopot(ln1ie 1 probablement dans los de1'nièl'e~
)Uf· p. 78-81 , an né,·$ du 3° siècle, Issu d'une famille no table et certai-

\

1691 EUSÈBJ:<.: D'ÉM:tSE 1692


nement chrétienne, Eusèbe reçttt une éducatiui1 pie; Épiphane (Panarion, haer. 66, 21; PG 42, 65b et
conforme à son rang. Il fut instruit dans. l.es diverses GCS 3, 48-',9) rappelle son action contre Je manichéisme;
disciplines profanes et, dès son_adolescence, initié -a,11x Théodoret (Hauretiéarum fabularum compendium ,,
sciences sacrées. Il étudia ensuite l'exégèse de l'flcritu1·e 25-26, PO- 88, 376-377, 88'1) le considéro con1me un
auprès de Patrophilo, évêque cle Scythopolis et d'Eusèbe, écrivain fécond et élégant, tout en le suspectant d'héré-
évêque de Césarée. sie.
Il vint à Antioche, au moment de la dépo$ition de D'après leur té,noignage, Eusèbe aurait composé
l'évêque Eustathe vers aao et vécut dans l'entotu•f1go d'innomb,ables écl'its, dont un traité contre les juifs,
d'Euphroolos. Redoutant l'honneur <hl sacerdoce que les pàiens et les nova tiens; un cornmentairo sur i'épltre
colui-ci voulait lui conférer, il se rendit à Alexandrie où aux Galates; des homélies sur les Évangiles; des ques•
il fréquenta les « philosophes >•. De 1·etour à AntiocJ1e, tions sur l'.incien Testament; <les écrits contre Je 1nani-
il vécut dans l'intimité de Flakittos, successeur d'Eu- chéisme et le marcionis,ne. Que reste-t-il de cet ensem-
phronios. Lors des événements qui aboutirent :~•J ble? Si l'on s'en tient à la tradition directe : quelquos
vestiges phis ou rnoins authentiques collationnés dans ,
concile des Encaenies, au printerups 31,1, Eusèbe fltt
pressenti po\U' occuper le siège d'Alexandrie, à la les chaînes exégt'ltiques, deux fragments assez impor-
place d'Athanase déposé. Il déclina cet honneur, tants rapportés ~ar 'l'héodoret dans son Éranist~s
arguant de l'affection du peuple d'Alexandrie pour son (PG 83, 812-317; E.-M. Buytaert, L'héritaga .. , 11 •-15•),
évêque. Il (ut alors nomrné évêque d'l!linèsH, petite et pout-ôtro un discours sur la pénitence (ibidem,
ville de Pl16nicie seconde. p. 16•·29*). A cela, il faudrait ajouter un certain nombre 1
de fragrnents syriaques et arméniens, rassemblés par
'l'racnssé dès son installation pru.• ses fidèles qui lui repro• Buytael't on appendice de son ouvrage, qui témoignent
chaient de pratiquer • l'aslrologie •, il se réfugia auprès de
Georges, évêque de Laodicée, avec lequel il était lié d'amit.ié, du rono1n d'Eusèbe dans cos milieux. Toutefois, cet
(lt de là so retira à Antiochè. Ra1nené à l!lmèsc par les soins de ensemble relativement volutuineux, mais assez hétéro-
Flakittes et de Narcisse, évôque de Néronias, il fut cette fois clite, est insufllsaut ~our cerner avec précision la
accusé do • sabellianiSlllO •· Il semble qu'il ait alors quitté ~on pensée de l'évêque d'Ernèse. · .
évêché, sans que l'on puisse parler dé démission ou de péposi• Par un hasard singulier, une partie appréciable de
tion; mais le caa n'est pas rare à cotte époque de ces ôvêques son œuvre a survécu dans la. tradition occidentale, sous
d'Asie et de Syrie qui séjournaient habituelle,nenl dans la une Corme assez curieuse. En eITet, une importante col,
métropole ou dans l'ento\lrage do la _cour. E\lsèbo accompagna
ainsi l'e,nporour Con~ta.nce dans l'une de ses expéditions lection d'homélies Iut véhiculée sous son nom au cours
contre les perses, probablo1nent entre s1,2 ot 850, si l'on se réfère d\l moyen âge; il s'agit en fait d'une collection d'homé·
à la Chronique de Jérô1ne; il aurait été à cotte occasion autuur lies composées en haute Provence (cf art. EusÈ».J! LE
de faits miraculeux. C.AuL01s) et dont la paternité lui fut indûment attribuée,
A partir de es ntoment, on perd définitiven1ent sà tra,~e. Il raut ég,\lernent écarter les attributions erronée.,
Q11ond mourut-il? Sous Constance, amrrne J érô111e, qui prér.ise d'éditeurs postérieurs, dont É.-M. Buytaert a fait
qu'il r11t ensevoll à Antioche. En tout cas, avant aoo, car Oeor- justice (L'Mritagc.. , p. 97-09) .
ges dé Laodicée, cornposa sur son ami un panégyrique, qui ust Par contre, deux recueils d'homélies, dont cer~ines
la source directe deR notices de Socrl\te et de SozomènH, et un
ccrto.in Paul a sign6 la fôr1nulaire de Basile d' Ancyre 011 concile sont probablement authentiques, ont survécu dans la
de Séleucie, en tant qu'évôque d1 t111èso (~plpl1one, Pa11arion tradition occidentale, colportées sous des 001ns divers,
73, 26; PO '•2, 4r,r,a; GCS 3, p. 900). habituellement celui du grand Eu1Jèbe, évôque de Césa-
rée. Mis sur la voie par J. C. 'l'hilo, A. W!lmart travailla
Au derneurant, mis à part les incertitudes de chrono- à restituer à Eusèbe d''.Émèse les écrits qui lui appartc•
logie habituelles choz les historiens de cette époque, naiont. La mort no lui permit pas da mener à bien cette
Socrate et Sozomèr1e ont transmis un portrait l1>rt tâche; la travail fut heureuse,nent repris par É.-M'.. Buy-
attacha.nt de cet évêque cultivé et honnête, dont la taert qui accomplit avec sagacité le difficile travail de
vie, rnalgré ses avatars, fut sans incidence notable :,;ur critique textuelle et publia l'onse1nble des textes que
le déroulement de l'histoire ecclésiastique, et qui ser,üt l'on peut raisonnablement attribuer à l'évêque d'f:mèse.
sans doute de1neul'6, cornrne beaucoup· de ses collègues, Il se1nble q11e l'on puisse faire confiance à l'éditeur et
\ln inconnu sans le panégyrique de son ami, Oeol'gos admettre l'authenticité de cos textes, moyennant le~
de Laodicée. réserves avancées par le critique avec une grande probité
pour l'une ou l'autre de ces piêces. Cet ensernble corn•
2. Œuvre. - Si la carrière ecclt'lsiastique d'Eusi:be
fut assez quelconque, son souvenir s'est cependant pl'end : 16 opuscules de la collection de Troyes (le 178 , -
perpétué, à cause de sa répu'tation d'éloquence. Souve• De Moyse étant attribué à Eusèbo sous réserve);
nir d'ailleurs, plus que survivance, car son œuvre 111.t{:- 12 op\u;cules de la coHection Sirmond; une cinquantaine
raire elle-rr1ê1ne fut sujette à bien des vici$situ<l es. de fragments syriaques conservés par Philoxèno de
Cet évôque tîrnoré, qui redoutait les difficultés et Mabboug; quelques fragments ar1nénions et quelques
évitait le combat, fut, aux dires de ses contemporains lemmes exégétiques grecs; lo tout rassemblê par
un in tell cc tu el dL<;ert, au com,nerco agréable et certai- É.-M. Boytaert.
nement enrichissant. Sozom1~no (//istoireecclésiastique 11r; ,
14; PO- 67, 1081c; éd. R. Hussey, t. 2, Oxford, 1860,
3. Doctrine, - Ces textes n'ayant pas encore
p. 281) le range parmi les écrivains célèbres de sa gént'l• fait l'objet d'une étude doctrinale approfondie, on ne
ration, en compagnie de Titus de Bostra, do Sérapion peut actuellement élaborer une synthèse de la pensée
d'Eusèbe, mais seulement dégager des lmpres;iio1,f{ ot
de 'l'hmuis, de Ba.slled'Ancyre, d'Eudoxe de Germanicie,
d' Acace do Césarée et de Cyrille <le Jt'lrusalom. J é1•ôme souligner quelques centres d'intérêt.
{De "iris 119 et 129, PL 23, 709 ot 713; éd. O. Herding, Telle qu'elle so présente à nos yeul!'., cetlo rouvre esl au pre-
Leipzig, 1924, p. 62 et 64) situe Jean Chrysostome et tnler abord décevante. La cause pourrait en ôtre l'état du texte,
Diodore dans son sillage, sans que l'on puisse affirrnor car la traduction latine, si lldèle et si llttêrale qu'elle puii;se
pour autant avec certitude que ce dernier fut son disci- ôtre, n'fln a pas moins déllor6 l'origlr111l. Or, nolro auteur se
1692 1693 EUSÈBE D'ÉMÈSE 1694
ib et sltuo pracis(unent Al'époque et dans le nlillou où los discusi;ionR JJ- 134). A ce sujet, Eusèbe avouait plus modcl!tement :
.s me; lrlnltalros s'expri1n11ient avec un ro.ffinemont da subtilité (( Non sum contentiosus, sed et abstineo me a conten-
ln I, dans los tor1nulos ot un vo'c11,hulaire dont les nuances sont
estompées par la traducLion. li s'ensuit une déception pour tione » (Opuscule 1, De arbitrio' 31, éd. Buytacrt, t. 1,
e un le lecteur, qui craint à chaque inst11nt une erreur d'interpréta- p. 34). Peut-on vraiment en vouloir à cet ovêque qui
béré- tion. Cependant, cotte déception proviênt peut-être moins de reconnaît ainsi à chaque instant Ja nat11re pacifique
l'état de la traduction quo do l'auteur lul-mê,ne dont la pensée dn son tempérament?
1posé tout l.!n nuance refuse de se laisser onCor1nor dans un système On ne sora donc 1>as étonné de le voir adopter en
juif11; théologique précis. cxôgêse uoe position identique : t( Non omnem crgo
pitre La locturo do ces discours est aisée. Le stylo on est agraahla, allegoriam cicimus noque 01nnem suscipimus, sed
rues- slmplo ot concis. La pensée ei;t généralement claire, tacilen1ent e;11n de qua dicta testantur ,,, écrit-il joliment (opuscule
ian1-• nccossiblo. Lo prédlcâleur, soucieux de Re Caire con1prendrc,
n'hésite pas à se répéter, à ilppuyer sa pensée d'exen1plos t 1, De arbore flci 5, p. 258). Peut-on en ce cas parler
sem- de doctrine? Ni littérale, ni allégorique, son exégèse
.quei;; concrets. L'ensemble roflùto un bon sons alerte qui entrntno
la sympathie. Malheureuse1norit cotte pensée, si bien présentée, dorneure proche do la lettre et s'efforce de l'explique!'
dans est terne. Elle est l'eJCpression d'un évêque honntita, austèrl.! dans a veè bon sons et simplic! té.
1por- sa vie, un 'tantinet ascète, attentir à remplir son devoir avec On ne peut davantage cerner sa doct1·ine spldtuelle,
ii,stès urbanité, mals dépourvu de génie et de pa68ion apostolique. foodé.e sur un bon sens p.1•agmatiqu~ et l'ilnitation do
l5"'), Sos discours possùdont au n111xÎinum les qualités et le.s déCnuts Jésus. Sans doute, Eusèbe manifeste uno attitude
'dem, d'un équilibre voisin de la 1nodiocritu. rigol'lste, légèrement encratite, dit Emmanuel Arnaud,
~re dans ses homélies sur la virginité (opuscules 6 et 7).
par L'auteul' se refuse f\u co1nbat et évite les positions
doctrinales tranchées. Ainsi, sa p(lnsée trinltairê, Là encore, il faut nuancer son jugernent à l'égard de cet
nent auteur si pondéré. Les charges contre le mariage qui
, cet qon!ormç, dans ses grandes lignes, à celle qui sera
se trouvent dans ces homélies appartiennent au fond
téro- définie au concile des Encaenios, se réfugie dans la cita-
conunun de la littérature de cotte époque; on ne peut
l la delle scripturairo. Les qualiflcatiCs du Fils, iinage, figure,
en déduire un 1néprîs de la chair, inconcevable chez un
soleil de Justice, monogène, lu1nière, vie, sont oxtraits de
!'Écriture. Il demeure dans une position médiane entre adversaire notoil·e des 111anichéens. Plus ex.a ctement,
e de on retrouve dans ces hom6lies, un reflet du climat
sous l'lwmoowiîos qu'il évite d'employer et les négations
violentes d'Arius. Comrne le remarque A. Wihnart, d' Antiocho à ce moment : exaltation de la virgiI\ité,
col- lut.te contre la cohabitation des vierges, mise en valeur
11 il àppartenait à cc gro11pe do théologiens conserva-
ours de l'ascèse, et la conclusion s'impose : « Eusèbe est un
>mé- tours·qui mirent un quart de siècle à trouver le chemin
de la vérité» (Un discours d'Eusèbc d'Émèse : le FiÙJ bon spécimen du chrétien 1noyen de l'époque »
g LE
• (E~. Amand de Mendieta, loco 1:it. infra, p. 779).
1uée. ùnagc du Père, loco cit. infra', p. 73). En rait, Eusèbe
nées est ,noins le porte-parole des adeptes du « tiers pal'ti » Il serait urgent d'entreprendre une étude approfon-
fai,t que le représentant de ces évôquos moyens qui tenaient die et exhaustivo de la pensée d'Eusèbe; elle pern1ettra
par-dessus tout à de1neu r·er ~n dehors du conflit doc- do mieux connaître les éléments qui, par delà les que-
1ines trinal. Oo co1npre11d, à la lecture Je ses opusèules, l'elles doctrinales, maintenaient vivace la foi des chré-
1s la qu'l!Jpiphanc, qui s'y connaissait, n'ait pas cru devoir tinns. On pourra ainsi mesurer la valeur de l'influence
,ers, le ranger par1ni les chefs de la faction « semi-arienne >> 1 tnodératrice de cet honnête évêque qui mérita l'estime
iésa- 11 lutte contre les adversaires traditionnels de la com- de tous, no rut jamais un cher de file, exerça une
l!illa munauté chréUenne : païeos, 1nanichéens, juifs et 1nar- in!luence pacificatrice et laissa un profond souvenir
1rte- cionites, 111ais il demeure sur uno réserve prudente, dans son entourage, sans que personne lui ait jarnnis
:ett0 lorsqu'il aborde les sujets controversés. Corn me il le reconnu l'él.olîe de la sainteté.
3uy- dit lui-même, à de no1nbreuses reprisas, il s'ofTorce 1. Sottrcôs biographiques. - Ajouter à colles déjà citées :
!l dé d'exposer son opinion sur l'Unigonitus (t sine conten- 801.omène, li istoire ecclésiastique 3, G, PG 67, 101,6·101, 7, -
que tione ,, (OpuSC\118 2, De Filio 1'1, éd. Buytaert, t. 1, Sor.rate, Histoire cccUsiastique 2, 9, PG G7, 197-200; éd. R. Mus-
1èse. p. 52), à quoi !ait écho la conclusion du sermon De sey, t. 2, O)(ford, 1860, p. 191-193. - Saint Jérômo, Ds 11ir1'.s
1r et i,nagine : « Hl\eC enim scimus, ot lis nulla est » (Opus- inlustl'ibus 91, PL 23, 696. - Autre~ renseignements ot 6tude
i le~ cule 5, p. 150). Ainsi, sa doctrine trinitaire, édulcorée bloi;:rapliique dans l!l.-1\f. Buytaert, L'lldritage liUdraire .. , p. 48-
et tant soit peu ilnprécise, reflète l'attitude d'un évêque 95.
,bité
:om- qui veut $0 tenir on ma1·ge des débats, et dont la 2. Écrits. - JJ6dit,ion de Migne (PO 24, 1041•1208; PG 86,
179 , signature ne figut·e au bas d'aucun forrnulaire, si 509-562) est trop in11x1loto, incomplète et comporte dos textos
ve); anodin fût-il. apocryphes. - A . Wilrni1rt a édité dt111:x; diacours, De "'artyribus
aine Sa doctrine chi•istologique est encote plus incertaine et Da /111agine ( Le souven1'.r d' Eusèbe d' 1:n14se). ·Un discour.9 en
, de que son enseignernent trinitaire; elle se situe égal<1menL l'h"nrwur dss saintes d'Antiocl4!, Bernice, Prosdoce tt Domnint,
dans la ligne tracoo par Eusèbe de Césarée, mais Je souci dans Ana/acta bollanàiana, t. 88, 1920, p. 268-284•; Un dûco11r,
1ues thc!ofogiqrtc d'EU$~bc d' Émèse : la Fils, Image du Pm, dans
par d'éviter t.out conllit Je conduit à adopter une position Re,•ue de l'Oriénl chréticrt, t. 22, 1920-1921, p. 12•'94.
1nédiane qui peut s'apparenter aussi bien aux concep- l~dition critique par '.Ê.-M. Buytaert, Eu.sèbc d' Émèse.
tions d'Athanase qu'à celles de son illustre i:uni. Comme Discours conser~és e11 latin. Te:i;tes en partie Îrtddit8, t, 1, La
oore Je souligl_le H. Grillrneier, Eusèbe rejette la doctrine colloction de Troyes (discours 1 à 17), t. 2, La collection de
1,ne d'Arius, tou.t en s'inscrivant en gros dans le schéma Sir,nond (discours 18 à 29), Louvain, 1958 et 1967. - Complé-
llS~e Logos-Sarx; toutefois, « la dyna1nis divine se porte à une ments dans É.-M. Buytaert, L'Mritagc littérairi! d'Eusèbe
set distanc~ inaccessible à toute passion. C'est un rappro- d' fi:,n~se, coll. Bibl. du Muséon 24, Louvain, 1949 : Ft'agmcnt
chement justifié ot notable qu'Eusèbe partage avec exl.r1.1it del' Éranist4s de Théodoret (p. 6-15); sermon De pocni•
tentia (p. 16-29); fragments de sermons en syriaque et en armé-
saint Athanase. Mais l'évêque d'É1nèse va plus loin nien, texte et trad. latina (p. 81-92); frngments exégétiques
que l'alexandrin. Son imago du Christ ost plus lâche oxt.ralts dos chaines (p, 95-122 sur la Genèse, 123-1 SS sur I'E~od~,
et annonce déjà la direction typique1nent antiochienne ,, 184-185 sur le Lévitique, 136-189 sur les No111bre,, tt,0-1(.2 aur la
(Das Konzil von Challcedori, t. 1, Wurtzbourg, 1951, Dc111éronome, 143 sur Josué et Juges, 144•162 sur Roma.ina et

·1695 EUSÈBE D'ÉMÈS1'~ - EUSÈBE LE GAULOIS 1696


. '
Galates); citatione diverses cL fragments douteux (p. 153' 1ti9): un inanui,crit d'Anvers, aujourd'hui à Bruxelles (bibl.
deux textes apocryphes (p. 161-171). t•oyale 1651-1652, 98 siècle) , donnait à Joan Lievens
Tenir con1pte dos corrections proposéùs par R. Devr<•11ssa 18 autres homé lies. Seule une 75° re-stait illisible. C'ost
et de sa nouvello édition des fragri1Cnls d'Eusèbe, Le$ an<:.:mis cet ensemble qu'André Schot.t édita à Cologne, en 16-18,
conI1nentateurs grecs dt l'Octateuque et des Rois ( Ji;rasments et. qui figure au tome 6 de la Maxirna bibliothec:a Patrum
tîrés tks chaines), coll. Sludi c '!'csti 201, Cil,é du Vaticlln,
sous le no,n d'Eusèhc le Gaulois. En réalité, la col~
1959, p. 55-103.
était à l 'origine plus vaste . (Cosa.ire d'Arles
s. E11ules. - L'étude principale est c~lle de Buytncrt, lect.ion t 548 ql:ll l'utilise, attestant ainsi son ancienneté, en
L'heritagc lùtéraire d'Eusèbe ... - 1'1. E. Eaposil,o, Notes on lat.in
learning and li1erat1trs in mc,li<ie<1al Jr,1land, dans· l{or111atltcna témoigne), et il faut 1·éparer quelques inversions, inter,
(Dublin), t. 22, 1932 1 p. 253•1.?2, qui veut atlrlbuor à Eusèbe le polations ot omissions que l'édition de Lyon a h6ritéos
Dé tribus tabernaculis (PL 1,0, 991-'J'JS); opinion réfutée pnr du manuscl'it de Paris (ce qui rétablit le nombre de
W. Delins, Dis VcrjCU1scr~chafl der Schri/tDc tribu.s 111bcn1<11:rtli8, 76 ho mélies , et non 75, donné par la table, du moins
dans Theo/.ogischc Studic11 und l{ritihcn, t. 108, 1987, p. 2fl-fl9. pour les Litres, car il faut constater avec Élie Orifte
- A. Grllhneior, J)ie theologische 1,nd sprachli<'.hd f/Qr/>ereitttng que la 7e ne consiste plus qu'en ,ncmbrtt disjccta). Le
der chriewlogi8t-he11 Fornrel von Cha.lkcdo11, dans Das Kontil. vo11 Lt·avail a été fait par Gern1ain Morin et reprîs par
Çhalhcclo11, t. 1, Wurlzbou1·g, 1'951, p. 130-185. - m.-M. lJuy•
taert, 011 1/te ,lrinita.rian Doctrî11c Qf E,,sebius of Enresa, tians Jean L 01•oy, auteur d'une importante thèse inédite
Fra.11,Jiscan Str,dies, t. 14, 1 9r,1,, p. 3'1-48. - El. Aman1I de dont cette notice a pu bénéficier.
î}iendieta, La virginité chez Eusèbe d' E111èse et l'ascétisme fruni- l.'nLtribution à Eusèbe d'Érnèse 11 ':\vait donc pu êtro
lial dans la prernière 111oitié du quatricmc siècle, RHE, t.. 50, maintenue. Ba1•onius, jugeant avec raison que ces homé•
1055, ·µ. 777-820. - O. Pel'lër, Psc1,do-Jgnatiu.., 11.11,J Eusi:bius .lies avaient été corn posées $.\1 5° siècle, exprin1a à
Î,on Em.csa, dans J{istorischcs Jahrl>uch der G,~rresgesells,:ha/1, André Schott l'opinion qu'une partie des dites ho1né·
t. 77, .i.958, p. 73-82. lies étaient dues à un Eusèbe, gaulois ignoré de nous. ,
Étudès sur les textes arméniens : V. Hovhannosslan, The Le co1npilateur de la collection aurait conservé ce non1
Co1111nsntary of Ensebius of Enwsa, dans Bazmavcp (Venise), pour intituler son Lra.v(til, nom plus tard explicité
t . oa, 1\J35, p. $1a(i-S52. - Akinlan Ncrses, Die Rc,len des llis- par un copiste en Eusèbe d'É1nèse.
chofs Eusebius von Er11esa, dans Ht,ndcs An,sorya 1Vienne), Deux tendance$, depuis lors, ont part:1ié les esprits. '
t. 70, 1956, p. 28'J-aOO , 385-416; t. 71, 1957, p. 97:180, 257-366; Coux qui sont sensibles aux traces do compilation et dé
t. 72, 1958, p. 1-22, 161•182, !.49-1174. - J . Muylderml'lns, Les rernaniements que présente le r ecueil 1naintiennent. la
ho1116lies d'Eusèbc d' Érnèse CIi C1ersion arnu!nïenns, dans Le
Muséon, t. 71, 1.958, p. 51-56. pluralité d'auteors, laissant en particulier certaines
pièces à Eucher de I,yon et à llllairo d'Arles, ainsi
J eao-1\,Ial'ie Lf:11oux,
Robert Bellarmin, le bollundiste Jean SUlting, les
n1aurisLes, Otto Bardcnhewer et Gustave Bardy. Ceux
4. EUSÈBE DE L'ENFANT-JÉSUS, carme qni ont reconnu l 'u11ité de fond eL de forn10 de cos homé•
déchitussé, 1888-1936. - Ovidio Fernand oz Arer1 illas lies jugent qn'cllcs reviennent toutes à FiJ,uste de Riez
naquit à Caatilfalé (Léon), le 21 février 1888, et en lra (5" siècle), auteur• certain do l'ho1nélie 34, soit qu'il ait
a1.1 carme! de Ségovie en 1 'J03. Plusicu1•s fois supérir.ur, co1nposé · lui-même tous les serinons (c'est l'opinion,
c'esLdans cette charge qu'il meurt, assassiné dura11 l la extrême d.e Cf).siinir Oudin et d'Auguste. Engelbrecht,
guerre civile, à Tolède, en 1 'J36. On lui doit : J;a 1l11Ldr1J l'opriso par .Jean Leroy), soit plutôt qu'un de ses dis-
de Jes(J.s i.nmltcu.l'ada o no? Respuesta a un Sr. proie.s- ciples ait a1•rangé l'onsen1blc avec des matériaux héri-
tante, l,a J·Javano, 1922. - Cornpcndio biogrâ/lco del tés de lui (certains comportant peu t-êtro l'attribution
P. Valencia, religioso fra11cisca.no, La 1-Javane, ·1026. à quoique Eusèbe oriental utilisé par Fauste), opini<>n
- li û;tori(J, del Nino J esu.s de Praga en Ca,nar;üay, défendue pal' VVilhohn Borgn1ann el par Gerrnain Morin,
Madrid, 1925. - Santa Tere.~-a de J esûs y el espiritis,no, et qui paraît s'imposer. ·
t. 1 . .Atleditunnidad teresiana, Durgos, 1929; t. 2. Pnn.to.~
cardinales del espiritisrno, 1{adrid, 193p. .2. Contenu spirituel. - Si cette collection réuniL,
• Voir D(unnso do la Prijsontaèi6n, Catâlogo bibliograffoo clc parfois maladr0itement, dans le cadre factice d 'un
,:iutores cannelitas dcscalzos c.vpa,iolcs (1911::J, inédit), p. 7!1, - homilh.üre pour toutes les fêtes et circonst ance$ de
I Silveriô dtl Santa Teresa, fJ istoria 'del Ca,rnicn dcscalzo, l. 15, l'année, des sermons très divers (prononcés tan tôt par
Burgos, '1952, p. 245, l'abbé pour ses · 1noines, - homélies ad ,no,1ac/ios
ADOLFO DE LA :tv[ADRE DE D1os. 85-44 ~ , tantôt pur le pasteur pour ses fidèles, - homt\-
lles 9-10 et, en suivant la numérotation continue de
(}ermain Morin, ho,nélie G2 - , on composés do frag-
5. EUSÈBE LE , GAULOIS. - Leperson 11age, rnents adressés à des 1;1.u ditoires différents, - hornélie 7),
ou plutôt le nom, imaginé jadis par le cardinal Haro-
elle reflète toutefois fidèlen1ent la prôdicat.ion dlun
nius pour expliquer l'âttribu tion de serrnons g-:1ulois
1noino et abbé de Lérins devenu évôque rla11a une bour•
à 1111 Eusèbe inconnu, sert aujourd'hui à désigner, non
gnde gaul oise. G'est là son intérêt.
p11s un au Le\ll', mais la colleclion homilétique qiii les
Le schéma en est toujours sin1ple. J} ol',lteur port du
renferme. - 1. Problèrne critique. - 2. Contenu spiritiu:l. n1ystère à célébrer, du sa.i nt à honorer, du fait ou -du
1. Problème critique. - Le manuscrit de Paris texte à commenter, pour insti•uire, plus encoro pour
(bibl. nat. lat. 2169, 12e siècle) contient, incomplète << édifier " spirituellement ses auditeurs. Parfois le seul
et désorganisée, une série de sermons, précédés d'une exposé dos données de la foi (2, 12) , des citations scrip•
table qui donne le con tenu du 1·ecueU en son eu tier, turaires denses et bien choisies, lln rega,•d contemplatif
attribué ici à Eusèbe d'tlmèse t 359. }4oins n111tîlé port,i sur le Christ (1), sont chargés de signification
alors, cc manuscrit put fo\lJ'nir à Jean de OaigHy le spirituelle sans que l'application à l a vie de chacun soit
texte des 56 r,reroièrefl hornélies de la collection qu.'il faite expliciten1ent. Et ce ne sont pas les honiélies les
a éditées à Paris en 15~7 . Les 10 « homélies aux moines >1 rnoiris riches ni les moins belles. Parfois aussi le texte
étaient de fait déjà connues (Cologne, 1531). Par ailleurs, biblique est commenté allégoriquement. ('•• 5). Lo plu$
:96 1697 EUSÈBE LE GAULOIS - ElJSTACHE D'ARRAS 1698
'

1b l. souvent cependtuit le prédicateur analyse les réalités prolilèmes qui a'y rattac~isnt, d ans Zsitschrift. far die nculcst.a•
ins spirituellos'que lui évoque,son ;;u jet et exhorte les siens 111e1ulicl111 PVi8sensehaft, t. à4, 1985, p. 92•115. La oolleotion
à progresser dans leur possession (10, 58). manque d ans PL, 1nals 25 hon1élies y figurent sous diveri,
est noms, voir E. Dckkors, Clavis Patr1i111 latinorunh Steenbrugge,
18, La doctrine d' « Eusèbe ,, est alors toute lérinienrle et z,, éd., 1961, n. 966; les homiliaé ad monachos, par exen1plo, y
:tm ràppelle de Lrès près celle <le son 1naît1,e Cassien (OS, so11t a ttribuées il Eucher de Lyon, P L 50, 833-850; PL Suppl.
ol- t,.2, col. 225-266). Ce qui caractérise ces exposés, c'esL a con1blol'n cette lacune . L'édition préparôo . par J. Lot·oy,
les un constant olîol't po1.11· ~- vulgari'sor », pour·mottre à la L 'œ,~Prc or«.toirc l).c S. Faµste de liiez. La collection gallicane
en p9rtée de tous les tl'ésors dll cénobitisrne. SoiL qu'il dite 1l'Eusèbc d' Étn~se,.t. 1 élude, t. 2 t!lxto critique, thèse daot.,
ell• les rappelle -à des moines, soit qu'il les adapte pour des Strasbourg, 1954, doit figurer après l·évision dans le Corpus
~os làïéS, il sirnplifie, il tronque aussi, dans la 1nP.suro du Christia1toru111, l. 100-102. .
A. gngelbrech t , Stttdicn aber clic Sd1ri/1e11 ile.s Bù1ohofs von
de moins où l'ôn peut juger U[ I au teur SUI' quelques sermons,
lleii l•'aust11s, Vienne, 1889. - W. Bergmann, Studien zu einer.
'll)S et il semble bien qu'il 'a accon tt.1é l'oudé1nonisme et le kriti flchen Sichtung lier siiJ.gallisch1,11 Predigtliteratur d,is
;fTe volontarisrne du rnâître. JI est bien question de voir funft dn 11nd scclislen Jahrhu.nilcrt.~, t.. 1, Leipzig, 1898, p. 169. -
Le Dieu (20), ot dès ici-bas (3, 8, 84), de chercher Dieu A . ~outei', Obscrl't1tio11s on the l'seudo•Eusebian collection of
>ar d'unë soif qui g1•andi t avec la possession de son objet gallic<•n sermons, dRna T he J our11al of 1/u1ological sttulics, t . '•1,
lte (61 84, ,87, 57, 69), de parvenir à la dignité des f\ngos 194.0, p. 47-5?. - l!:.-M. Buytaort, L 'héritage liuérairc ,;l,'Susèbe
(·18, 85); mais il est plus souvent question d'atteindre à 1l'Ém~sc. f.:tude critique et hi.stori:que, Louvain, 1949, p. 29-30,
tre, une récompense éternelle (',, 20, 3'1, 39, 51• ), et môme 159· 1ô1. - B. Loc1nlng, The Falsc Dccrcl<il$, Faustus of lliez and
actuelle (86, 89, 56, 61), d'échapper au jngern ent the f1Seudo-Ettscbitis, dans St1.u#a f)atristica, 1'U t,6~, 1957,
lé• p. 122-125, - É. OrifJe, Les serrnons do Fauste de Rie7. L<i
·à (99, 47, 63) et au châtiment llnal (8, 35) qui est évoqué « Cotlectio gallicaiia • dv. ps111.t/Ü)•I!usllbe, dans Bulletin de
lé· aveu lyris1no (6, 38). « Eusè.be ,, parlti bien de la grâce, littd1·ature cccl<!siastiquc, t, 61, 1960, p. 27-88. ·
llS. , mais non sans souligner presque toujours la nécessaire
coopération de l'hom,ne (8, 22, 30), Le Christ nous a :ri,Jarie LOlliSO ÙU ILI.AUMIN .
nn
ité ~achetés (5, 22, 23), l'f:glise nous fait bénéficie!' de cette 6 . EUSÈBE DE VER CEIL (saint), évêque,
'rédemption par 1\1 baptêino (57), œuvre de )'Esprit t 370. Voh· DS, t.1, col.1 1,69; ·t. 2, col. 463,971, 1158;
ts. , Saint (33), rnais une fois posé ce fonde1nent , cette
!'trt, fTAJ,l F..
de •racine» (47), le rôle du Christ tout au long de la vie
la du chrétien esL moins bien souligné. Le Christ e;;t surtout 1 . EUSTACHE D'ARRAS, évêque franciscain,
let! pour nous un exernple (1, 1"-, 28, 54), Le chrétien qui i' t2 9l. - Théologien et prédicateur de l'ordre des frères
~l!l
• l'n111•a hnité généreusement parviendra jusqu'à hti n1in curs, né vers 1225, probablement à Arras, Eustache
les (1, 8), mais on ne voit guèro·en quoi cola aussi estl'œuvre est disciple de saint Bonaventure et de Guibert de Tour-
ux dû Christ, sinon dans les ho1néJies plus bibliques ou plus nai, uuq~1el il succède vers 1263-1266 co1nme rôgent
1ê- liturgiques (4, 5, 8, 'l'•l d'inspiration moins personnelle. de ln c6lèbre· école franciscaine de Paris. Le 27 octobre
iez La vie du chl'éLien est avan t tout un combat contre le '1266, il signe un accord passè entre les franciscains et l'e
llÎt péché (7, 88, {17), une pénitence (89, 52), un travail cha1iitre de CarobraL Au c;ours des années 126.9-12?3
on d'agriculteur (4 2, '17, 55), un concours (48, 68), un il p,·êche à Paris, notamment en présence du roi et de
~t,
• 1
effort surtout négatif (1., 2, 29) pour ar1·acher tes vices l'université. En mai 12?0, saint Lot1is l'envoie auprès
1~~ (22, 28), dont lès fréquentes descriptions s'accompa- des cardinaux réunis en conclave à Viterbe, afin de
• ~nent· de notaUons paychologiques intéressantes :
r1- traiter du conllit éclaté entre :ri,1ichel Paléologue et
on l'oxamon de conscience (4, 14, 89, 43), le relâche1nent l'f~g-lise romaine. Consacré évêque de Coutances Je
on (37), le pécl1é qui obscurcit le jugement (87, 42, 48, 4 novembre 1282, il meurt le 7 ao nt 1291. L'œuvre
'
1n, 47), l'utilité des défuuts pour pl'Ogresse1· (10, 26, 27, théologique d'Eus t.ac he (fragments du Con1m11ntair<J
47, ô3), J'emp1•ise de l'âme sur le corps (26, 27). Le des Se11te11ces, a quodlibeta et, près de 80 questions dis·
n1oteur de cette lutLe est l'espérance (10, 20, 2a, 27), putûes) est restée inédite, à l'exception d'un quodlibet
it, car la " vertu » occupera nécessairernen t la place irinsi et do quelques questions. L'œuvre oratoire q,11 intéresse
11n laissée vide (i, 6, 8, 29). Bel éloge de la charité (3) , de phis pa.rticulièrernent la spiritualité n':i fait l'obje~
do l'humilité (4, 5~), de l'obéissance (37). Le moino n'est d 'a11cune étude; elle co111porte plus de 40 se_rmons;
,Ar qu'un chrétien plus parfait, plus hi.n nble (84, 72), Je:, ,nan11scrits en sont conservés à Paris (bibl. nationale,
iOS 1narqué par une~ exigente vocation (7, 31•, 38, '•8), et qui lat. 14952 et 15956, et 5 1nélanges, n. 14923 , 1503~,
lé- ~oit renoncer au 111onùe, extérieuremen t (G, 11,, 31, , 1648·1·16482, 1 (if,99), à J:louen (bibl. municipale A. 560),
de 52, 55) et pins encore intérieurement (7, ·14, 84, 37, à (,harteville (bibl. municipale 92), à Sélestat (bibl.
ig- 8_8, 43·, 50, Ga) , L'au Leur inslsLe sur la dignité de l'homme 1nu11icipale 1162), à Milari (Amhro$ienne A. 11) et
7), (9, 10, 13, 22, 23, 88, 47, 61), sa liberté (?, 81, 51) , à (½1·;=1t1, (Université 15?8). .
~n et la valeur de son effort (7, 13, 22, 26, 37, 61 ). L . Wadding, Annales Minorun1, t '•• Quaracolu, 1031, p. 338·
1r- On conçoit aisément que ces textes, surtout le groupe 3/i:I. - Acta Sanctoriim, aofit, t. 5, Anvers, 1741, p. 507. -
des -hoinélies ad nio111,u:hos qui ont do bonne heure cir• A. Callebaut, LG/.trcs franciacaincs cor1ccrna11t la Bflgique et la.
i ,\1 cùlé à pnrt, aient intéressé les chrétiens de tous les France dans Arcll'i,,um, franciseanuni liistoricu,n (= AFI-1),
au tomps. Df) fait, ils ont étè tràs copi6s (les n1anuscrits, t . 7, 19'11,, p. 251•25~- - 11lditions de question,6 disputées da~s
A. Landgraf, Das Wesen der liisslichcn S~1111e i11 der Scho_lasttk,
ur d'ailleurs toujours incon1plets, son t très non1breux) ot
1\1}
Ban,b0rg, 1928, p. 207-34.8; danl'I coll. B1bholheca !1•anc1scana
ont fait l'objet de plusieurs éditions partielles, d'impoi•- scholas tica, t. 8, Quaracchi, 1934, p. 805-827, et dnns.JJc hu,no•
,p• tantcs études ot m~me d'une insertion tardive d..,ns na.c 1:<>(tnilionis rationc (UICr.dôta qua,id<un .. , ,S, Bona11enturae,
t.if l'homilia.Jre de .P aul T) ia.cre. Qua1·acchi, 1888, p. 183-195. - Dans l'étude de base, P . Glo-
on L'édition des llo1niliac Euscbii Gallicani ))nr André Schot t rieux, M attres fra,1 ciscains de Paris, Fr, E_u!ftach~, dans Fr~-nce
>it dans Ma.gna bibliothcca l'atru,n, t. 5, Cologne, 1618, est·reprô· fra111:i~cai11e, t. 10, :1930, p. 125-171, pubhe 11uss1 un qu~dl,bct.,
iea dui te dnris llfa;;;i111a hibliotheca ,Patrun1, t.. 6, t,yon, 1677, p. 618· cf Sdiolastik, t. 6, 1931 , 1), 4.51-452, et Oollectansa francisca r!<'·•
:te 686. Utiliser l'édit.ion de Lyon 11vec l'aide ut les <\orrections do t . 1, 11!31, p. 79·80. - Do P, Olorieux. voir oncorc le R1pcrto,rc
'
\1$ O. Morin, La collection gallicans dite d' E usèbe d' Éinèsc et lcs des 111ait1·cs 1,11 théologie de Pa.ris 1111 x111• siècle, t. 2, Paria, 1933,
DICTJON NAIRF. DE Sl'IRlTUAl,ITF. , - T. IV,
51,
r
1699 EUSTACHE DE LA CONf:EPTION - EUSTACHE DE LENS 1700,
p. 77-82 (supplén1onl 1 ,\FH, t. 27; 1984, p. 51,7), et La lillératurc prêtres qui célèbrent la mosso par tout le 1nondo, pour l'augmen•
quocllibt!tiquc, t. 21 coll. Bibliothèque thQl}liste 21, Pariij, j 935, tation de l'Église ron1aine ... Il faut se pr6paror pour co1nmunler
p, ?·il-81.. - F. Stegmüllor, Repertorium Oo1111r1entarioru111 in toutes les fêles et dimanches et après la comn1union se tenir
Sentsntia~ P , Lombardi, t. 1, Wur.tzbourg, 19~7, p. 95-96 d11ns Je recueillement,, con.~ldérnnt le Dieu qu'on n receu
(supplément, AFH, t. 47, 195~, p. 11-~). (p. 436-1,86).
Clément ScnMITT. En janvier 1699 l'auteur avait publié à Paris des lld'fle~i.o,r,
sur les évangiles dss dimanches et /estes principales de l'annh,
sur les jours clr, caresmc et des q11.at.re-te11ips, sur les qruare fi,r,
2. EUSTACHE DE LA CON·C EPTION, de l'liomTil,c, eto, 428 p., suivlos d'instructions en 'foli1118 ,d4
carrne déchaux de la province d'Avignon, 170 siècle. - catéchisrne sur tous les m.ystèrcs de la, religion chréticn11a, pqr
La vio d'Eustache de la Conception es•t mal connue. de111a11tks et réponBes, 120 p., publiables séparément. A la fin
Nous savons seulement qu'il enseignait la théologie des lléflexions, de genre mQralisant, J<J\1stache a ajouté Bi~
aux religieux 6tudian ls de sa province à la fm du '17e • Méditations ét réflexions sur toutes les fêtes de 'N'o.tre•Dnljle ,,
uuo sur saint Josoph ot uno aotre sur suint Louis.
siècle. Les livres qu'il a laissés témoignent de la solidité
<le son enseignen1en t. Eustache de la Conception a également 6crit des
En dehors d'un gros ouvrage qui traite d'apologétique, P11rfectissùna1J notitiae purgatorii, curn meditationibus
de morale et de droit canon, Jus prinii principii thf1olo- Apocalypsis, cuni se11s1t , ,norali et rnystico psalrnorum
giac positù1ae, canonica(l, RCcle8i:asti:cae et 1n.oralis 1 in qnod curn conrtea:ione naturali omnium 11er9uun1, Brescia (2°
quidqu.i:d praecipuum et difficile in his scientiis occur,wre éd., 1704, 4.05 p.). Le liv1·e compJ'eud trois par.ties. Le
potest, f<icili ac claro ordiric et n1ethodo e:i::plîcat1~r .. , traité sur le purgatoire en constitue la première (p. 1~
~vig.non, 16!>7, 859 p., on doit à Eustache des Médi• 126). J..,'auteur co1nnlence po.r exposer la théologie
tations sur toutes les festes des sai,ils et sainte.1 <k l'ordre traditionnelle du purgatoixe contre les erreurs de Calvin.
de Notrc-Danie dit Mont-Carrnel aPec une Retraite de <li:i: Les fils, los héritiers, ceux qui furent complices des
jours, 'pour les personnes religicuS(!i! et ,9éculière,9, qui péchés des défunts, les â1nes pieuses, tous les fidèles,
11eule11i s'cntretènir dans la pratiq1te des vertus chréticn.11cs, ont le devoir do délivrer les âmes en instance d'ontr.er
Paris, 1699, 464 P.• Comme l'époque et le genre l'y auto- au ciel. Énunléro.nt les nloyens que l'Église 1net ,à
rlsaient, l'auteur tire des leçons spirituelles de la vie notre disposition, il pa1·le successivement du sacrilléé
des saints sans se préoccuper de l'aspect historiqu,J de de la messe, do la prière, des indulgences, do l'aumône,
ses biographies. du jeflne, de la pé,ütenée, de l'eau bénite, des obsèques.
Il ne s'adresse pratiquement qu'aux personnes engagées dans Suivent quelqùes Meditationcs supra animas purgatorii
l'état religieux et leur rappelle la doctrlno de La Montée du ad e:i;:c.itanduni a(Jectu,n !lt comp(),81JÙJT1Rm erga illas el
Mont Car,nel avec une insistance parrois trop n111rquée sui· utilitatem 1neditantiuni. La deuxièn1e partie, Explicatio
• la nuit activé du seni; •; ainsi, à propos de .saint Sin1on Stock; apocalypsis S. Jo(J,nrtis cva,igclistaè litteralis, moralis
• Abbatons (sic) notre corps par les pénitences, soumettons et myfJtica (p. 127 à 196), reprend l'un après l'autre les
notre chair à l'esprit, no donnons aucunes antiafaclions /J nos chapitres de !'Apocalypse. L'auteur donne, après le
sens, fuyons la mollesso, puisquo par là nous obtiendrons le texte du chapitre, une explication littérale etun commen•
martyre qui sera suivi de l'abondance des biens du ciel• (p. '1'11). taire moral et. spirituel. Avec quelques varian Les, l'argU-
La lletraita qui fait suite aux Jl/léditations (p. 355.,. 6~) ment est celui-ci: il faut craindra le jugement de Dieu;
est divisée en trois périodes au profit des con11nenç.a n Ls, le choix: nous est déjà offert, ou le ,ciel en suivan.t ·le
des progressant.~ et des parfaits. Les trois derniers Chr.ist dans sa passion, ou l'enfer en suivant Satan. Lé
jours devaien t être desti11és à la vie unitive; l'au tour livre se termine par un commentaire des psaume,s
s'avoue dépassé et il invite ses retraitants à« conLi11uer (p. 197-t,05). Pour cho.que psaume l'auteur indique
les exercices de la vie illunlinative et à rnéditer attcnti- l'id6e générale au sens littéral et au sens plenior, puis
vernent sur la passion du Fils de Diou ». Une a11 tre le texte selon la Vulgate, en Intercalant, çà et là en
raison l'incite à maintenir les « âmes exercitantes " italiques, quelques mots appelés a souligner le sens
dans les voles les plus sûres : le danger de quiétisme qu'il évangélique précédemment indiqué.
a déjà dénoncé dans les Méditations ,à. l'occasion des Cosme de Villiers, t. 1, col. 453. - Barthélemy de Saint-An~
fêtes de sainte 'l'hèrèso et du << bienheureux Père 11 et Henri-Marie du S1.1inl-Sacr1urt8nl, Collectio scriptorum or.dinia
Jean de la Croix. llarnielitaru1n excalceatorurti, Savone, 1884, p. 194.
Je •ne seray jan1ais de cet avis qu'une âme qui ost imjel.Lo 1). Louis-MARIE nu Cnn1s·r. ·
ses p1tssiona, sujette ·à mille mauvaises habitudes, qui lui font
faire toua Jeij jours une infinité de péchez véniels, puisso ovoir le 3. EUSTACHE DE LENS (ou de V1co1GN1!),
1notif de l'amour de Dieu en tout ce qu'elle fait i je fais pHsser
cola pour un grand 11.bua et une erreu1· grossière du côlô du prémontré, t après 1226. - N6 à Lons, on sait pou d~
père spirituel, qui cause 1111 préjudice notable aux âmes qu'il éhoses de la vie d'Eustache. II' se fit prémontré à
conduit par co clw111in. Je ,no mocqua de tels conducteul'I\ qui l'abbaye de Vicoigne, près de Valenciennes. D'après
ne connaissent pas co qui est clair co1n111e le jour; il/! 8nseignent la Gallia christù.tna, il aurait été docteu1• 011 t.b6ologio
l'amour de Dieu sans enseigner la mortification des passionH, la de Paris et proresseu,·. Vers 12'14., il devint abbé de Val-
pratique des vertus, le dénuement des créatures, oL uno infi- sery puis de Valchréticn, au dioc~se de Soissons. A la
nité d'autres exer1:ices par lesquels il faut taire passer les ,îrnas Jln de sa vie, il se démit de so. charge et se. retira à
avant que da lei; 111ettre dans la voye de l'amour (p. 37\J-:JBO). Vicoigne.
L'ouvrage sc termine par un choix. de rnéditations Aubert le Mire affirme avoir consulté à l'abbaye de
Jlo.u r chacun des di.-, jours, qui ne suit que de loin le Vicoigne les œuvres manusc1•ites suivanLes d'Eustacbe,
,
sché1na proposé. A J1oter qu'.Eustache engage les âroes mais aujourd'hui, semble•t•il, perdues : Libri trœ tu
qui iveulont progresser à communie!' : cosrnographia moSt.tica, Stminariuni ,,erbi Dei (sorte de
Il faut entendre tous les jours la Messe et s'appliquer nux lexique biblique}, ln reg1ûa1n sa11cti A1+gusti11i, adressé
mystè~es qu'elle i·enferme... Il faut co1nn1unlar tous lei! jo\1n,, .à Gervais, abbé prémon.t ré, J ri hyntnos ab ôrd,ine priu•
du moins spirttuelle1nent; il raut offrir le sacrillco do Lç>trn lèS 111QTUJtraten11i receptQIJ, D6 niy11teriù1 11ancta1J ScripturaQ,
'
1
1701 EUSTACHE DE LENS - ElfS'l'A!CHE DE S.-PAUL l702
1700
/)B 1causis, De 8igriiflcaiione noniinu,n. et quarititaie rerurn. entendre la messe, il faut so pénétrer de son in1porlanco, puis
flllen• • d1·eeser J!intention •• c'ost,,/>.-dire se remémorér Ja passion ot
IUDier ;W!la sancturn. .Gregoriurn, De canone missae, Epistolae
la mort de Jésus, • so r'alllor et reünir a,\U)C Diou•, au moins pnr
tenir et:,un De Trinit,ite inachevé. la com,nunion spirituelle (p. 58), Suit lo d6tail des ,a ttitudes
receu A. le Mire (Mfraous), Ordinis pra,n11onstrat11nsis cllro11icon, inlérieures ot extérieures à prendre (p. 67-99), :Pour la conuuu-
• Cologne, 1613, p. 170. - Oallia cliristia.na, t. 8, 1'aris, 1 ?2!i, niuu sacran1ontelle, EU/lt!lèhe recom mande d'user souvent de
,a,wrn, cello • dlulne viande qui don,1e la ·vie éternelle à û0ux qui la
1nnt!e,
col. 468; t. 9, 1751, col. '•87 et 500. - A. Duval, rinns 1/istoirc
lill~raire de -la Fr<u1ce, t. 18, Paris, 1835, p, 4•6. - Les blogro.• n1angent •· Les personnes du monde comm11nièront tous
'Il fin, pbes se,r~pt'ltent: E.-ll.-J. Reuaens, dans Bi<>grapllie nationale, léi; huit Jours, celle,; qui seraient trop ooc\lpées au moins chaque
,is de t. ,6, 1898, col. 788-739; L. Ooova.ûrts, Étriv(lit1s ... de l'ordre moi8, Pou1• bien com1uunier s on t requises la purot6 do conscience
,, par (obtenue par la,contesslon lo. veille ou l'avanl-'Vollle}, 1'int11n1iion
de Erémon1r6, t. 1., Bruxelles, 1899, p, 501, 0 505; oto.
la fin Nicolas dlJ Montigny, O/ironico11 abbatiae (mollMt~rii) d!'oit,e et 1'actuallo dûvoUon. Le Méniori'a'l de Louis de·Grenado
:é six et. l'Jmitation sont vivement reco1nmandés pour se pr,paror à
Viconic,isis, éd. dans Martèno ot Durand, JIeterum scr.iptQru,n•.,
1me •, lo confession. "
amplis~ima collectio, t. 6, Paris, 1729, col. 801; C. :H 11go, dans
Sacrac a,11iquitatis mo111,inenta lii.storica, dogniatica, dipl-0n1atica, Sans l'oraison, les chrétiens • portent des amell ·tnortcs dan!!
t,.2,lSaint-Dié, 1781, p. 212i J. Haller, MGli Scriptores, t. 21;, dui; corps vifs •; pour l'oraison ,ordinaire, • •On no peut bonne-
des
18~9, p. 307, - L.-H. Cottineau, ilépertoitc topo-bibliogr.aplii• munt proscrire aucunè certaine méthode• ('P, ·226'), La•meilleuNl
iil>us 1nêt.hode poor l'oraison ordinairo est cello qu'inspire Oieu ot
f~ des ·abbayes 11t prie1trés, t. 2, Màco.n , .i.987, col. .8255 Val-
>rum. qui prollte davantage à l'âme en l'a1nour de Dieu ot en por•
(28 Chrotlen, 3292 Valsc1•y 1 3361-3362 Vicoigne.
1 fcclionnemant. L'oralson est uno hu1nble élévation ou rocueil-
:. Le Jean-Baptiste VALVEK}JNS, le1nent de l'A,no en Dieu ou vors les choses de E>iou et de son
i>• 4.- salut, l'lêlon les fo.cultês et puissances intelloctive et affectiv~.
logie 4 . .EUSTACHE DE .SAINT- PAUL ASSE- L'untondement doit méditer (plus actif) ot contempler (plus
lv:in. LINE, feui:Hant, 1573-1640. -1. Vcie. - 2. Œuvres. passif) i la volonté produit les désirs, ,p6titiona, affeetions,
des acLions de grâces, colloques, etc. Les sujets, surtout la passion
- 3. ln'fluence. · de Notre-Seigneur, pouvent appart0nir Il lo. voie purgative,
èles, illu minativo ou uniLive. Apl·ès la préparation du .sujet, • suiuoz
1. Vie. - Né à Pari$ en 1573, E ustache Asselînc
1trer l't,xcellente nuHhodc de ce grand Eucsque et maiiltro de la
devint docteur de Sorbonne en 1604.. Entré aux fèuil-
~t . à lru1ts de P aris en 1605,. il ne tarda pas à re1oplil• .d'jmpor- vio deuote au son admirable Introd uction • (ch. 7).
ifice tan'tes charges : maître des novices et sous-prieur à A. la deuxième ·édition do l'A,l<lrcsse, Eustache ajouta un
One, JJriflf traitU! des pu.isqances et f<wultez de nostre amc, en cinq
Paris; en 1611, supérieur de la nouvelle maison de
il:I
' es. Ce1les en :Berry; prieur de Paris en 161/i, de Saint-Ber-
chapitres lr.ès Sllhé111i:itiquos (59 p11ges). Cette • o.nato1ni0 ,
torii du l'îuno se tl'o11vniL déjà. exposée dans lo. troisième parliè .de ,
nard aux''l'hermes à Rorne en 1617; visiteur de la congré- ln Su,nnià philosophica.
16 éi
gation en 1620; en 1625, con!esscur des !euillantines de
iatio 4) E:teroice/J spirituels oont<1n(lnt plusieurs méditations
Paris. Envoyé en 1628 à SoissOI'\$ pour une nouvelle
'ali,q très efficaces pour ret'irer les ar;1.es du peché et les a11,ar1cer
fondation, il rut rappelé en 1629, co1nmo pl'cmier assis-
iles • tant; il ajoutera à cetto cht,r ge celle de supé1•iour du au,œ vertus chrestiennes et réligieuses et a ·la parfait6
1 le' union d'arn.our auec Dieu (Paris 1680, 598 p:). C'ost un
petit monastère des Saints-Anges gardiens, au faubourg
1en- recueil de méditations divisé en trois parties : e~ci-
Saint-Michel, où s'établit -le noviciat. JI présida lé
rgu- chapitre général à Celles .on 16811 .et 1687, et mourut à t ~ttivc et purgative (20 méditations, p. 1J263), illumi-
1eu;
'
Paris Je 26 décemJ>re 1640.
native et opérative (9 sur l'liumilité, la patience, :ia
t le snulTrance, les vœux de religion, l'oraison, la ·charité;
,.L e 2. ·Œuvres. - 1) Sunun.a philosophica quadripartita, p. 2.65-417), unitive et pe1·tectivo (11 sur l'amour de
mes Par~s, 1609. On en conn aît u ne trentaine d'éditions. Pieu, du Christ dans ses mystères, e.t de l 'Esprit Saint).
,q ue Cet ouvrage, ainsi que le suivant, est le fruit de l'ensei- L'ensornble constitue une l'etraite de d-ix. jours, à tairè
' gnement en Sorbonne.
DlllS
• sous la, conduite d'un dîrecteur, .et comporte inéditatîons,
en 2) Su,nma theologiaè tripartita, t. 1, Paris, 1•613; considérations, exan1ens. Les recon1mandatîons pour la
1ens ,t . 2, 1616; la 30 partie, qui devait traiter de la grâce, retraite sont consignées dans un directoire ,placé en tête
ù~s vortus, des dons, des sacre1nents et d'e s fins der- des Exercices : on ,'Y tl'ouve l'influ ence ignatienne. Dans
,nge nières, e t qui aurait, oté sans doute la pl\ls intéressant e If, Brief et tres utile aduerassernent a l'ame religieuse
!ini, au point de vue spirituel , se1nble n'avoir jamais paru. (p. 713-732), qui sara ajouté en 1640 à la deuxième édi-
Eustache distingue la théologie soolr,zs-tigue on ,ai:gu• 1.ion, •on pre$sent davantage l'influence salésienne. Cette
mcntati1Ve, qni disserte sur Dieu et les choses divines nouvelle édition comporte six méditations supplémen-
à .partir des principes de la foi, la théologie ihétique ou t aires.
positive, qui interprète les Écritures, et la théologie
LE), 5) Antoine do Sain t-Pie1·1·e fait suivre la biograpl1io
,ny8tique on allective, qui co1\te1nple ·et savoure Jes d'un Rec1i<1il de quelgues opuscules, qu'Eustacho comp•
de
mystères divins par r egard simple de l'esprit (t. 1, p. 2). tait sans doute reprendra : Disco1~r1; sommaire de la
~ à
,rès L'auteur prend saint Thomas pour ~uide, avec liberté c,ic intérieure ci sp.iritucllc (p. 385-400), Estronne (p. 401-
,gie toutefois, et ·dans J'intention de ,traiter la scolastique (106) ou olTrande d'actes de vertus à pratiquer, spécia-
rai- non adeo scolastice. le1nent le premier )our de. l'an, Vingt méditatio118 sur
, la 8) Addre.~se spirituelle contenant 1u1e /acile pratiq·ue li:s principaùx points de la vie d1i nostre bien-heureux
1 à dtJ,q moyens d,e se perfectionner en la poye d6 salut (Paris, Pere S. Bc11oitJt (p. 407-9.56), dont le ·thème est en,prunté
1624 ou 1625, (t11 p.; 20 éd., 168~ ou 1635, ·citée ici). aux Dialogues de saint Grégoire le Grand.
de Asseline y traite su1·tout de l'oraison, où l' "âme s'eleuc f,) La Vie donne enfin 3{ lcttres d'IiJustache et deux
lle, et se cojoinct a Dieu », et des sacrements, par lesquels
11êponses du chancelier de Marillac (p. (Q7-551). Presque
de « Dieu s'infond et s'establit en l'ame " (p. 10). toutes ces lettre$ sont adressées à des religieuses; le
de . L'auteur distingue (ch. 3) d11ns la mossè la prépâralion,
cont enu on est principalement spirituel. Eustache s'y
ssé jusqu'à la collecte, puis ti•ois parties principales : catcchjs• n1ontre doctrinal, co1npréhensif et ferme. Ses directives
4C· tique (de l'6pltre à lâ fin du Crodo), mystique et cons6crato1ro pour une retraite de dix jours par eXaemplo .sont nettes
'Q(J
1
(de l'o!Tortoire à la co1nmunion), et eucharistique. Pour bien
1703 EUSTACHE DE $.-PAUL
1 (23) ; ou·celle-ci : « Mortifloz votre esprit beaucou1) plus Asseline aida beaucoup Ma1·gue1•ite d'Arbouze dans
que votre corp$ ,, {29). Il signale à Marillac les vertus la réforme do l'abbaye bénédictine du Val-de•Grâco
qu'il a appréciées en Marie de l'Incarnation, qui vient (A. Dosfo1•ges, A rbouze (lvlarguerite), dans Dictionnaire
de mourir au carmel de Pontoise, surtout son adtnitable de biographie française, t . 8, 1939, col. 297-801; B. Heur-
discernement spirituel (1). Lebize, Arbouze (Marguerite), DS, t. 1, 1987, col. 887-
Il reste à mentionner u110 liasse de 12 lettres autogr11pheR, 839). Il lui écrivait de Rome, et devin t visiteur de la
dont 7 sont adressées à Angélique Arnauld., 4 à sa sœur Agnèa et corn1nunauté à la mort de dom Benard (1622) . Dîroc•
une à son a11tre sœur n1adnrno Arnauld-Lemrustrc. Elustaühe tour spirituel de l'abbesse, il lui conseilla la lecture des
, était • fils d'un des grands an1is dé feu mon grand-pôre, écrit Pèl'es et l'as~ta dans la rédaction de nouvelles Co~1s-
Ja n1ôro A11gélique, connu et rum6 dé 1110n père et de ma 1nôro •
(Rclcttion écrite sur Port-Roye1l, éd. L. Cognet, Paris, 1949, tituiions (1628; voir• aa lettre à Angélique Arna\lld,
p. 5!1). Ces lettres s'échelonnent de 1612 à 1628 ; elles 1;onC<lrnent ms. fr. 17808, f. 42). Eustache roçut la démission de
des d6tailB de la vio (jusqu'à l'envoi do livrés : snint. BllSile, Marguerite, qu'il continuera à aider dans la' réforme·
le paeudo-Denys), donnont des conseils spirituels ot dea consi- (lettl'e 8).
dérations occnsionnellos sur la vie religieuse : acceptation
do postulantes (f. 30), vocation (!. S8-S9), croix, obsorvancei; t.iarlc Guy art, vers 1627-1628, consulta Eustache. Le feuil-
(r. aa-a4). Inn t la rassura : • J'ai vu les grâces et les lun1lères quo vous
cornmunique votre céleste ~poux, ot je las approuve autnnt quo
a. Contacts et influence. ~ r~tant encore en jtl puis • (Relation de 1()88, dans ?.farie de l'Incarnation, Écrits
spirituels ot historÎ([uèS, éd. A. Jamot, l. 1, Paria, 1929, p. 235
Sorbonne, E\lsta.che fit partie do ce groupe singulière-
et 252). Décidée Il se faire feuillanLine (son directe11r était
ment actif de l'hôtel Acarie dont il fut ,c une lumière » alors Rayn1ond de Saint-Hernnrd, feuillant), clic avai t rt1ç11
(J-1. Bremond, t. 1, p. Il? ); et l'on peu t ad1nettre que sou l'ossentin1ent du supériàur génér11.l et d'Eustacho. S011 attrnil
action fut\lre trouva là son point de départ. Il conn\lt tombn loMqu'ollc entendit parler dea -ursulines (t. 1, p. 27-28,
et apprécia Iort la bienheureuse Mario de l'lncarnatiou; 2!19-265, 281; t. 2, 1930, p. 269; t. $, 19$5, p. 21).
il déposa d'ailleurs aux procès inforrnatif et apostolique E11stache rut consulté sur un projet d'union de Ja'congrégatloo
de 1629-1642 (Vie de dQni Eustache .. , p . 351-355). do Saint-Vanne avec celle dà Sàint-Maur l)n 1621 (réponse
Il rencontra François de Sales à Pat•is en 1602. Peu d'Eustache, Bibl. nat. Pru·is, 1ns Ir. 1.7669, f. r.?6-1, 81; E. J\>Jar - ·
de chose nous reste de leur cornmerce épistol\l,V'O tèno, 1/istoire d~ ta ao,1arége1tiu11 clc Scûnt•Maur, éd. G. Charvin,
t. 1, Llgugé-P11.ris, 1928, p. 101). Le cardinal do la Rochefou-
(Œuvres de S. Françoi.s <le Sales, t. 20, Annecy, 1918, cauld fit appel à Eustache dnns les 1·é!orn1es qu'il entreprenait,
p. 279;· t. 2:1., 1923, p. 218 et 812)1 Dans sa lettre du et o.n trouve la signature du feuillant dans plusieurs docu1nents:
15 noven1bre 1611 (t. 15, 1908, p. 116), l'évôque de en 1623 (P. D~,nls, Le cardi11al de Richelièu et la réforme· Iles
Genève donne à Eustache des con$eil$ S\lr son projet n1onas1"rcs bénédictins, Paris, 1913, p. 16.-15, 401 -405; E. Mar•
de Sornmc théologique, afin do rendre cette théologie Lèné, histoire .. , t. 1, p. 1 46-1.47; t. 2, '1929, p. 46), en 1628,
« pl\ls friande et plus aggreable ». Eustache déposera. au en 1Gà3 (ibid~111, t. 1, p. 252; t. 2, p. 46).
procès de canonisation de Paris (t. 21, p. 3'12; Vie de Lorsque le livre do Joan-Pierl'o Can1us, évêque de Bolley,
dom Eustaçhe .. , p. 346-350) . sur la De opcrc mo,1c,cl!orun1 do saint Augustin eut excité les
Il retrouvait dnns lo cercle Acn1•io son jùuiuJ cornp11gnon dil passions, Richelieu, qui avnit retlr6 lo livre de la vent(), conaulta
Sorbonne, Pierre do Dorullo. Celui-ci semble avoir voulu ,nain- trois docteurs, dont Eustache êle Saint-Paul, ot lèur demanda
tenir Eust,nche en dchorS da l'a.ll'aire du vœu do servi tudo 011 leur Allia doctri11al (18 avril 1682; Bibl. Mazarine, tns 21,r.s;
1617 (Corre6pQ1Ul1incc, éd. J. Dagens, t . 1, Pal'ls-Louvuin, Bibl. nat., lmprin1éa Ld 11 'IS). En termos modérés mois formllli,
1987, p. 311-812 et 324); lo Couil11111t se i;erait vraisemblable- Eustaoho oxpriuio ses regrets au sujet du volu1nc; il signe une
ment rangé à l'avis de son ami Andr6 Duval (cf lettre à Marillac). ndresse do romol'ciornoot, le 26 avril, au cardinal qui venall
Lea relations restèrent bonnes néan1nolns : Eustache appuiera d'11.rrêter déflnitlvo1nent lo livre (Ld 11 10). Cf C. Chesneau,
lès démarches dos oratoriens pour obtonir Saint-Louis des Le Père Y11cs de Péiris et son len1ps (1590-1678), t. 1, :Paris,
Frànçais à Roine (Correspo11da11ce, t. 2, p. 29, 92, 96, 10?, 11.9), 191,6, p. 16, 75, 77, 186, 165.
et il àpprouvera les Grandeurs de Jé~us le 1 6 1nai 1622 (ibide,n, Eustache fut ég;i.lement consulté dans l'rtlTnire dea illuminés
.t. 2, p. 359; çt J. Dugons, Bérulle et les origines de la rest.aura- do Picardie; voir Optat de Veghel, Benoit de Canfi.eld (1~62-
lion catholique, Paris, 1952, p. 35-86); l'approbation se trouve llJJO), Ro1no, 1949, p. 4?5; A. l>odin, Sain, Vincent de Paul
dans la 2, odltion de$ Grcv1dc1trs, 1623, et reproduite dans les et lès illurninds, RAM, l. 25, 1049, p. t,/, 5-456.
éditions postérlcuros.
Eustache, dont la formation scolastique en Sorbonne
Un homme do la valeur d'Eustacho <lovait être conduit se fait toujours sentir, cite abonda1nment !'Écriture.
à prêter son concours à la 1•éfo1•1ne d'autres ordres. $on Il se réfère aux auteurs modernes : l'imitation, sainte
biographe cite : bénéd.ictlns, cisterciens, 01•n1ites de Thérèse, Louis de Grenade, saint F1•ançois de Sa.les.
Saint-Augustin, célestins, mathurîns, cordeliers, billettes, Il cite peu les Pères, et pas davantage les auteurs
carmes, les religieul)es de l~ontevrault, de Cholles, de monastiques, sauf saint Benoît et saint Bernard. Il
·M(llnouë, du Val-de·Grdco, les \lrsulines, les rnères prône l'oraison méthodique; mystique hti-1nêu1e, il n'a
do !'Assomption, de Ma\lbuisson, de la Saulsaye (Vie •. , pas l'enthousiasme n1ystique. Il n'a rien non plus d\1
p. 291-308). Notons quelques interventions. l,a prernière charme d!l l'évêque de Genève : il a toujours donné cc de
est cello de Port-Royal. Introduit par Archange de la solide nourriture spirituelle, plutôt que des gentil-
P e1nbroke peu après la cc jou!'liée du guichet >) (25 sep- lesses et des fleurs d'éloquence; car son style ne tut
tembre 1609), en 1nê1ne temps que Gallot, Eustàche y ja1nais peigné ni paré à la 1node pour agrée!'; sou
fut surtout directeur spirituel et confesseur , insistan t. esprit était trop sérieux, et son tune trop généreuse
probablement sur la pauvreté et l'austérité connne sur POUi' s'an1user à cet îljustement et agencement. de ter1nes
lé sérieux de 1.a vie spirituelle. l i fut de ce~x qui approu- et de périodes carrées " (l'ie.. , préface). Le jugernent
vèrent lfl « vocation visitandine » de la mère Angélique d'Angéliq\lo Arnauld peint assez bien cet homme
' (L, Cognet, La mère Angélique et saint François de savant et dévoué, directeur rechorcho et. réfor1nat.ew·
Sa/ès .. , p. 1119-157), n1ais il ne f~t pour rien dans l'évo• avisé : « Il était très bon 1·eligieux eL... avait plus de
lution janséniste do la 1naison (L. Cognet, La direotwn h1n1ière qoe pas Ull 11 (Relation .. , p. 54) . A son rang;
de conscience à .Port-Royal, VSS, n. 8ft, 1955, p. 289-805). et volontairernent discret, Euslacho fut parmi los

,'
04 1-705, EUSTACHE DE $.-PAUL S. EUSTATHE' D'ANTIOCHE 1706
promoteurs du renouveau spirituel français de la pre- d,\roulement des ·procès de canonisation. Le p1·emie1·
mière moitié du 17° sièclo. voh,1mo était prêt pour l'impression en 173(1; or, cette
.
1re même année, Prosper Lambertini commençait la publi-
t. Renseigne1nents biographiques et /1iblioi;raphiques, -
ir- Antolno do $0.int-Piorre L ejeune, La vie du R. P. Do11i Euetaclw cation, à Bol6gne, de son De servorum Dei beatifi,oatione.
lJJ- de Saint•P(iul Assclinc, Paris, 16f,6; l'auteur (DS, t. 1, col 718· Eustache arrôta l'impr~ssion dê son ouvrage, qui ne
la ?19, art. par J .-r.1. Cl\nivez) èst un a1\clon novice d'Eus- parut ja1nals (quoiqu'en disent tous les dictionnaires,
IC• tnche; le ton lounngaur de 1:ette Via n'1.1utorlso pas à on suspecter y compris la Collcctio scriptorurn carrnclitarum cxcal-
les les renseignements. - C. de Visch, Bibliothcca scriptoruni sacri cea.toru,n de Ma1•tial de Saint-Jean-Baptiste, Bordeaux,
18• ordi11is aisùraie11sis, 2• éd., Cologne, 1656, p. 106. - C. Morozzo, 1?30, p. 156). C'èst sans doute la pre,nière partie de ce
Id, Cistercii reflorescen!is ... historia, Turin, 1690, p, 76-77, 267-270. ll'flVail théologique ot. riche d'expérience qui est,
' - P. Forot, La facuhé do théologie de l'aris. Époque 1notÙ!rne,
de t. 5, Pal'IS, 1907, p. 289-291.. - A. de Meyer, art. Asseline, conservée dans le ms 367 des archives générales des
rie DHG-E, t. 4, i980, col. 105. - É. Bourgeois ot L. Andrô, cnl'mes déchaussés do Rome; elle traite de questions
Les sourècs de l'histoire de Fra11ce. xv11• sisclo, t. H Biographies, préalables aux causes de béatification, insistant spécia-
.il- Pari,, 1928, p. 106-107. - P. Pourrat, art. Eustache de Saint• le1nent sur les concepts de perfection, de sainteté et
\lS Paul, do.na Oatfwlicis111e, t. ,,, 1956, ool. 713-714. d'héroïciLé des vertus. Eustache mourut au couvent
uo 2. J11ddi1e. - Les ,nonus écrits signalés dans la Vie sont du San la Marill della Scala le 17 mars 175'•·
it8 vraisomblabhunont pordus. Los lettres nux·Arnaul<:I sont conser- L'activité d'Eustache et l'autorité qu'il avait acquise
35 véos (autographes) à Paris, Bibl. nnt., ms fr. 1 ?808; cellès à 1 1',1ngagèrent dans l'hagiographie. Le Nécrolog6 cité,
lit la mèro Agnès ont été éditées par J. Froncken, Agnès ArnauJd, 1 qui est l'œuvre d'un de ses amis, assure qu'E,ustache
~ll Nimègue-Utrecht, 1932, p. 195-197; les autres rostent Inédites. , composa do nombreuses vies de saints, éditées sous des
lÎt L. Cognet les a, toutes, admîr11ble111011t utlllsôes ; La réforme clc p~;eudonyn1es.
8• Port-Royal. 1691-1618, Pa.ris, 11)60; La m~rc Angcliquc et
$aint Fràr1çois de Sa/,?s. 1618-1626, Paris, 1951. On peut lui attribuer avec certitude : Brieve ragguaglio
>n ddlci vita, virtr, e doni del P. Giovan11i della Croce (Rome, 1716,
se 8. TraPaux. - .H. J3remond, passini; .c onsulter la table. - 1 ?:l6, 1727), qui conrronte de m11nière rema.rquable la doctrine
r- · J, Ruijben, Aux sources de la spiritualité
1 •
française, VSS, t. 25, d11 saint avec sa vie; llrie11e notizia della vita del "en. fratellQ
D, 1930, p. 1.1a-1s9; t. 26, 1.<Jat, p. 17•41.i, 75,111; t. 21, 1991, F,a,ice.~co del Ba1nbi1io Gesù, car111clitano seal.zo (Ronlo, 1717,
~·t, l>• 20-', 2, 91,.122. - J, Ot•cibnl, Jcuri DuPergier de Hauranne,
abbd tÙ! Sai11t-Cyran et sor1 temps (JqBJ-1688), Louvain-Paris,
1 ?1 RJ; .Ristretto IÙ!lla "ita... di Su.or Anna M. Teresa di Gesù,
cannelita11a di Orvieto (Romo, 1718) i lstoria clclla vila ... dal ven.
,• .• 1947, p. 1-87. - L. Cognet, Les orir;ines de la spiritualité Gir,seppe di S. Maria de Saba.stiani, c11,rm,cli1a.no scal.io, vascovo
frança.ise eut xv11• sùiclc, dans • Culture • aath.oliqrw, 191,9, di Citta di Castello (Rome, 1719) ; Vita, virtu c do11i dcll(t
p. !1-105. - On trouvera une synopse rapido et oonunodo de c1c11. An11àcli S. JJc,rtol<>m!io ((lnonyme; Rome, 1743). ù n lui doit
l'histoire politique, religiouso e t littéraire dans A. Dodin, (l\lSRi ln Slt/ria della vita, "irttt, doni o i;razie del Pen ... Pietro
'S. Vince11t de Parti at la charité, Pru·is, 1 \160, p. 152-175. di S, GiUlleppe Béthencourt t 1667, tondatour dos bothloomitos
. J\,1aur S't'ANDAEI\T. (Roma, 1739), 111iso au co1nplc do Giuseppe della :tifadre dl Dio;
deux a.utres biographies Curent encore composées par Eustache,
ccllos de Marle-Anno do Jésus Pnrédès et d'Antoine de Saint•
5. EUSTACHE DE SAINTE-MARIE, car1ne Pierre, 1neroédnlre déchausaé, mais elles semblent introuvables.
ra Ces biographies, encore qu'elles se ressentent du to111ps où
1,• déchaussé, 1681-175(1, Charles Sébastian! est
né à Roine le 2 janvier 1681. Déjà avocat de la curie elles furent écrites, sont historiquen1ent tort iinportantes, car
!, cllos répondent aux normes des causes, ,
:e romaine, il entra le 25 1nars 1703, chez les carmes
déchaussés de Santa Maria della Scala; il reçut le 001n Liber alt~r eloi;ioru1n fratruni dof1u1ctorun1. S. Mariaa de
lt
Si:ula, n. 305; 111s aux archives gonôrales des cnr1nes déchaussés
de Charles-Joseph de Sainte-Cécile, qui fut changé à lto1ué. - Marcellin de Sainte-Thérèse, Séries professionr,m ...
en colui d'Eustache de Saiote-Mtu·ie à sa profession, pro1•inciae roma.nac 0 , C, D. , Jib. 1v, n. 101,, f. 302-311, égale-
le 25 ,nars t 701,. 'l'héologien ot insigne cunoniste,' il 111011 l anx 1u•clüves de Rome; c'est ln vie-la plus complète, faite
fut élu définiteur de la province ro,na.ine en 'l ?21, ot. on d';\J>rès les origin(IUX, - .8arthélemy dé Saint-Ange, CoUectio
1721, prieur de Santa !\>!aria della Scala. C'est à celle scriptoru.m ordit1i$ aar1nelita.ru11i exca!ceatorum , t. 1, Snvono,
époque qu'il fut non:imé qualiilcateur de la congréga• . 1$811, p. 1Ola-105.
tion de l'inquisition, consulteur de la congrégation dos VALENTINO l>î SANTA MAillA.
Rlles et censAur de l'académie théologique de ln
'• Sapience. 1. EUSTATHE D'ANTIOCHE (saint),
Do profonde vie intérieure et strict observateur de 1· vers 337. - Etu;tatho dit d'Antioche est né à Side
la l'êgle, il avait la réputation d'un sage directeur spi- en Pamphylie. Il rut successivement évêque de Bérée
s rituel. Conseiller dès cardinaux. Sébastien 'l'ana.ra t 1 ?2'1 e,~ Syrie et d'Antioche. Il occupait le siège métropoli-
1 et Thomas ltufTo t 1758; théologien du cardinal tain en 325. Il est vraisemblable qu'à ce titre il présida
l Alexandre Falconieri t 173'•• il refusa avec insistance le eoncile de Nicée,• En tout cas, la première généra~
1 l'évôché do Comacchio, auquel il avait été no1n1né. tion arienne le considérait comme son enpemi principal;
l Benoît x1v, lorsqu'il n'ôtait encore que promoteur de dù:; la fin du concile, elle l'accusa sur le plan du dogme et
• ln foi, le tenait en très haute esLhne ot l'employait à ch, la 1norale et le fit con.damner à l'exil, sans doute en
recueillir des documents canoniques pour ses propres 8H1, selon certains en 326-327. Dès l01•s, Eustalhe dls-
écrits, surtout pour son De synodo dioeccsana. Le Nécro• pt1raît complèloment de la scène. Il mourut, probable-
l wgs do la maison, composé du vivant de Denott, x1v, mont avant 387, aux confins de la 'l'hrace -ot de la
en fait foi. Macédoiùe, à 'l'rajanopolis, dit saint J érôme, à Philippes
Eustache travailla spécialement. à la congrégation selon d'autres documents. Son corps fut ramené solen•
des Rites, non seulement comme théologien consulteu1•, nollcment à Antioche sous Zénon, à la fin du 5° siècle.
mais aussi con101e postula tour et avocat. Aussi composa- Eustathe est l'auteur d'une vingtaine d'œuvres
t-il un Scrutiniunz sanctitatis (in examine heroicitatis diver$es. Une seule a survécu : un opuscule Sur la.
virtutum.; ... donor1im; ... in. .exa.,nine gratiarurn), en pythoniss11 d'Endor, dirigé contre l'exégèse d'Origène. Du
trois volun1es, pour servir de guido dans l'étude et le reste il nous est parvenu environ 90 fragments.

\
1707 S. EUS,fA'FlilE Ii),'ANTIOCHE - EUSTA'FHE DE S~BASTE 1708
I
Pour son œuyre. co1n1110 pour son action, Eustalho a été Klostern1ann (Opusc. , avec indication de la pago et de la ligne); E
unaniine1nen t respecté dans l'Église. Il apparatt dans les les /ra.gnu:nts sont cités d'npros l'éd. Spauneut (numéros). l
martyrologes à dos dates variées : lo 16 juillet (J ,•B. Sollier, Dans les deux cas, la référence ost doublée du renvoi à la
AS, juillet,.t. '•• Anvers, 1?25, p. 130-144 ; cr P. van den Boscbe, colonne de PO 1'8'.
Tractalus: .. de patriarchis an1iochenis, ibit!e,r1, p . 84-38), le 2. Œuvres inautlicntiqttts. - 1° L'Ho,r1élie in L1iz<irrim, éditée
21 février (Synaxo.ire de Conatnnt.inople), le 5 juin, le 23 acn'lt. pru' F. Cavallera, S. Eustatllii episcopi A111iochc11i lri L(.u arum,
l E nfin la 'Hi/lliotheca hagiQgraphica graeca·de Fr. Halkin (8• éd., ,l:fariam et Mcirtllarn l10111ilia chrietologica, Paris, 1905, p. 2s·.51.
t. 1,, Bru)Ccelles, 1957, n. 1;,,r,, Gr.r.b, Gt,t,e) ~ignale pô11r la fl3te Cf L. Saltet, U11c prt!tc~1due ho11ullie d'Ea.st<lthc, dnn11 Rulli:ti11
d'Eustnthe, célébrée le 21-22 février 011 lê 6 juin, outre lo <Ü: litù!ratatc ecclésiastique, 1906, p. 212•220. - 2° l~e Co111men-
pa11ôgyriq110 très vague qu'en fit J unn Chrysostome (PO 50 , tai~c i,1 Hexae,neron, PO 18, 709-794; voïr F. ZoepO, Der
597-GOû), une Vila inodito du coil. At/ion. Philoth. Il (11 • siècle), !( 01n111e11tar dea Paeudo-Eutathius zu111 H ea:ae,neron,. Munst.-Or,
loi. 46-47v, et une autre du cod. Mosqu. 316 Vlad. publiée par 1 !l27.
B. Latysov {Mcnologii anonymi byzanti11i saccitli X q"ac si,pi:r•
s,uit, t. 1, Saint•Pétorsbour.g, 1911, p. 120·123). 8. lttudc$,, - L'essentiel do la bibliog1·apbie jusq\1'en 1948
est fourni par L'ouvvagu· do M. Spanneut, p. ?•1.0. - Retenorui-
L' ~uvre d'Eustathe présente quelques notes r cmar• en : U'. Cavallara,. Le schism.e d'ArltÎQclie, Paria, 1905. -
F. Zoepfl, Die trinitarischcn u11cl christ(>logisc}u1n Anscha1u,ngc11
quables pour la spiritualité. lie dénonciateur de l'aria-
des Biechofs E1wt.c1thius 1•011 A111iocllien, dans Thcologiiichc
nisme détend vigoureusen1ent ce qu'il appelle sept fois Qua.rtalschrift, t. 10,, 1929, p. 170-201. - R,• V. S'ellers,
« l'homme du Christ ,,; l'existence de l'âme on parti- Eustathius of Antiocfi a11d Ids place in thé c11.rly histohJ of cliris-
culier (n. 15 et 689h). I l décrit concrêternen t cette tiaTI doctrintt, Can1brigo, 1. 928, et Tw(} ancie11t t/leologi~s.
humanité : " des membres accordês à tous les autres et A study ÎII the cllristological thou:gl1t of the sohools of'Alexandria
une nature sembla ble à chacun » (n. 21 et 677d; n. 22 and A,uiach i11 the earlcy history of' chri8tia11 doctrine, Lond~es,
et 680a), une c< îl111e hornogêne à l'âme hu1naine » 19r.O.
(n. 17 et 689d-692a; Opusc. 18, p. 45, 17 et 652b). Après 191,8, on peut signaler : H. Chadwick, The Fall of
Eustathius of Antioch, dans Tite Journal of theologiciil studits,
JI insiste sur la réalité de sa croissance, liée au temps t. t,9, 1948, p. 2?•35;·0ssius of CQrdova a,ul the prcsidcnetJ of·the
(n. ·10 et 688bc; n. 11 ot 688cd), sur la rbalité de sa Cou,icil of' Al'lti,och, 826,, ibide1n, nouv. série, t. 9,. 1958, p. 292·
vie (n. 1'8 et 677a) et de sa sou1T1•ance réd emptrice 304. - A. Orillmeier, Das Jlonzit von Challccdo11 1 t. 1, Wurlz-
(n. 10 et 688bc; n. 13 et 688d-689a; surtout 11. 41 et bourg, 1951, p; 124- 130. - F. Bchoidweiler, t :.i,1 Glaubcns•
693-694). En m ême t emps, il professe pour « l'hon1mo bcken:ntnis, d6B' E~taihiua- von An1iochic11, dans Zeitschrift. far
du Christ » une profonde vénération. Le « tabernacle die ne~sta1t18ntliche W iesonschaft, t. t,r,, 1952-1953, p. 231·
du Verbe » est. un « temple par excellence pur et sans 21,9. - M. Bpannout, Hippolyte ou Eustathc? Autour de la
tache » (n. 19 et 67?b), « un tample d'une baautê parti- chatne de Nicétas stu- l'ÉP-angild sek>n saint Luc, dans Mâla11i;es
de science religieuse, t. 9,. 1952, p. 215•220; La posilio,i thJolo•
culière))' (n. lt8 et 695-696; Opusc. 17, p. 45, 4 et 652a). giqt~ tJ.'Eustathe d'.Antioche, dans The Jo1ir11al of theoÜ>{lical
« Homme pur, sans tache, . sans souillure.. , temple stl4clics, nou:v. série, t. 5, 195!., p. 220·224. - F. Scheidwciler,
de toute beauté, consacré, inviolable» (Opu.~c. 1.0, p. 3t, Zu ,Ier Schrift des Eustathit'8 lion Antionllien aber dit! Hc;,;c
18-15 et 638b). EustatI1e port:.ige le respect de Marie- llOII Endor, dans Rhèinischcs Museum, t. 96, 195â, p. 819·
Mad.e leine pour les • saints membres ~ do Jésus (n. 24 329; Dis Fragmente' tks EualatllioR 11011 An1iochèia 1 d:ins
et 680c); H « contemple à visage découvert la tJ!è.~.sainte JJy:antinischc Zcitscliri/t, t. 48, 1955, p. ?3-115. - W. Schnee-
chair du. Seigneur» (n. 74, douteux; manque dans PG). molchor, Zur ChrQ11Ql<l8Î< des arianischen Strcitcs, dans Theolo•
,;ische Litcra1ur.;citu11s, t. 79, 1954, col. 393-400. - R.
Ce respect religieux: s'adresse en partlcuHer à « la
Devreesse, Les anr.ienR· co,nmeniauurs grcc11 de l'Octattl!U/Ut
sainte âme du Christ, qui séjourne avec le Dieu•Ve1·be 1 et des Rois, coll. Studi o Tosti 201, Cité du Vatican, 1,959,
fait le t.our de toutes choses en bloc, est montée jus- p. 55. - A,. van Roey, Eustathio8 11011 Antiocliiia, L'r K, l. a,
qu'au plus haut des cieux » (Opusc. 18, p. 45, 28-30 1959, col. 1202, 1203.
et 652b ;· cr n. 17 et 689c-692a). . Michel SPANNEUT.
A cette âmo Eustathe tait d'ailleurs Jouer un rôle
directe1nent rédempteur. A la 1nort du Christ,. « elle
rachète les âmes homogènes, descendant aux parties 2. EUSTATHE DE SÉBASTE, t après 877.
sou terrain es du chaos" (Opu:;c. 18, p. ~5. 16-18 et 652ah; - 1. Vic. - 2. Ascétisnie eustathien.
et Opu..qc, 20, p. 47, 26-aO et 653d). « Elle ouvrit la 1. Vie, - Né vers l'an 800, évêque de Sébas.t e en
porte de là-bas en un clin d'œil et relâcha les âmes enfer- A1•monie romaine dès avan t 856, mort après 877, Eus-
1nées en ce lieu » (Opu11c. 17, p. 1,5, 7-9 et 652a; cf n. 17 tathe joua un rôle important dans les milieux semi-
et.689d·692à). C'est la théorie de la descente aux enfers. ariens « homéousiens ,. Propagateur de l'ascétisme dans
En somme,. l'Amo de Jésus est au centre des déve- le Pont ot l'Arménie, il intéresse l'histoire de la spiri-
lop.peœents ch.ristologiques et sotériologiqµes d'Eus- tualité. D'après S01.omèno. (Histoire ecclésitutique 111,
tathe. d'Antioche. C'est un fait unique en cette première 1(1., 311, PO 67, 1080b), certaios lui at.t ribuèrent la pater-
période de la querelle arienne. De plus, l'évêque voue nité de l'Ascéticon basilien,. ce qui ne peut s'entendre
un culte fervent à cette âme et à toute l'humanité du que d'une, influence: éloignée .(cf J. Grihomont, Histou-e
Saigneur. dw texte des Ascétiques de S. JJa.qil(J, .Louvain, 1958,
Sur la pythonitine d' Ei1dor, l'<.l 18, 619-676, -
· 1. Êditi<>na. - p. 263).
Texto critique : A. J àhn, D ea h. Euatathius F:~zlriscliafs von l)isciple d'Arius à Alexandrie vers 820 (Basile,
Antiochien Bcrirtheilung des Origenes bstrefjend die. Aufjassung Ep. 263, 3, PO 82, 977b), Eustathe apu connaître quelque
<kr Wahrsagerin, I. Kô11. ( Sam.) 28 .. , TU 21 rase. ~. Leipzig, chose du 1nonachlsme égyptien. Vers 357, il fit un autre
1886; E. Kloijtermann, Origcnt:1;, Eustathias lion A.ntiochic,, voyage on Syrie, Égypte et Mésopotamie, pour se tenir
und Gregor "011 Nysqa aber die He:r.e von Enàor, coll. Kleine au courant de l'évolution du monachisme. A cette
Texte',89, Bonn,. 1912.
époque, par réaction contre certains accommodements
Fràgnwnts divors : PO 18, 676-697; M. Spanneut, Reclierclles
sur les dcrits d' Euslâthe d' Antioche a11e,: une dditwn nouuelle de l'Eglise, se manifestait en diverses régions de l'Orient
des fragments dogmatiqr,es et exégétiques, Lille, 1948, p. liS-1.81. une aspiration à un christianisme· austère; l'accord avoo
L'Opuscalc 11,r la pythonisse d' Endor eat cité d'après l'éd. la hiérarchie n'était, pas toujours facile, car ce mouve-
1709 EUSTATHE DE SltBASTE 1710
08
11\ent enthousiaste n'avait pas encore fait ses preuves d'autres aperçus, ainsi les l_c ttres 169-171, .. o(I, malgré
e}.; et. la situation était partjculièrement trouble en Asie les l'tl[)résentations de Grégoire de Nazianze, Basile
18)-.
Mineure. couvre de son indulgence la fugue d'un pieux diacr•e,
la Glyol':rios· (les éditions Imprimées attribuent ces lettres
.Elil!tathe, devenu prêtre, fut bientôt so111nis à la pénitence
publique pnr aon propro pè1•e, l'évêque EulaHus (de Césarée, à Basile qui se plaindrait de la protection accordée aux
~ée d'aprè.1 Soç.rllte èL. Sozo1nène, mais il no soroble pM y avoir ascètes rebelles en la ville de Nazianze;· Jes meilleurs
m, eu ~•évêque Elulallus à Cés(l)'ée; d'Antioche, d'après 'f'illèlllOnl; 1na1111scrits inversent la relation; cf A. Cavallin, Studu:1i
ii . de Sébaste, d'après Loots et la plupart des modernes; vers :.u d,,,i Briefen des hl. /Jusilius, Lund, 19(14, p. 81-Y2).
tin SSO?), pour• avoh• porté un habit qui no convenait pm; au sacer- Ba.~ile, sa smur Macrine, S-On frore G·régoire de Nysse
1/'I· doce •· Il s0 heutta ensuite à l'évêque Elnstat he d'Antioche,
>er ont subi en qt1elqi'.i0 mesure l'influence d'Eustathe;
puis à divers synodes, à Néocésarée (039 7), Gangres (à40 ?), sur Lou t au début de leur évolution, et l'étude. de leur
8r, Antioche (341 ?). J<~lu évêque malgré tout, il fut bientôt l'objet
d'une:.sentence inetflcaco do déposition (synode de Conatan- œuvre permet de mieux comprendre les canons de
tlnoplé, 860, et sans doute déjà i;ynode de A>lulltène vers 358; Gnngres. H. Dorries a montré en particulier que les
cr F. Cnvallera, Ln schis,nc d'Antioche, PElris, 1905, p. 94-(15). chapiLres 10 à 27 du De Spiritu Sancto de Basile cons-
L.'autQrité ,noralo de ces aynodes a1·lens,' groupés 11utou1· tituent un compte rendu fort fidèle du colloque de
·t1n d'Euij/lbe dé Nlco1nédio ou d' A(:nce de Césarée, n'était pas Séba$1.e de juin 372, de sorte que les objections et la
'M I\SSGZ grande pour disçréditer le 1nouvement asrnHique. rnart:he de la discussion permettent de retrouver
rs, quelque chose de la pensée d'Eustathe sur l'action
is- L.a !arnille de saint Basile tenait Eustathe en véné- sa.nct.i flcatricc du Saint-Esprit.
~B. ration et, dos 352, sa mère, sa smur M;:icrine, son frère La mise en œuvre de toutes ces données représente
NaucraUos se retirèrent do,ns une maison de campagne, un 1.,,a.vail délicat, d'autant plus intéressant qµe Je
au bord de l'Iris, poull vivre selon son idéal (B·asile, synode de Oangres est une des sources les plus anciennes
Ep. 2'•"• 1 et 228, 5, PG 32, 912h et 828d; cr Grégoire de sur le développement du monac•:iisme, et que les idées
Nysse, Vita S. Macrinae, éd. V. W. Callahan, dans d'EustaLhe ont germé en te1·1·ain {écond.
W. J aeger, Opera, L. 8, Leyde, 1952, p. 377-380).
J a pensé avoir montJ·é (dans une co1nn1unict1tion sµr Le
~acrlne chanta si bien les louanges de la « philosophie» //l{)ll ü<JIIÎ.81116 a.u. 1v• $. èll Asie il1incu.re) que le l)'ly~ticiSnlè lllOS•
d'Eustathe que vers 35? Basile à son Lou,• quitta Athènes snlion, qui se manif~ste vers la fin du siècle dans l'Ascéticoii
et décida d'embrasser près des siens la vie évangélique grec du pseudo-Macaire et le Liber gradt"tn1 syriaque, se raf,c
(Basile, Ep. 1 et 228, 2-3, PG 32, 220-221 et 82ft-825). tache assez étroite,nont à EJustathe. J'espère él9..l:ilir, contro
n n'ignorait pas les méfiances que soulevait la façon W. Jacger (Two Rediscovered Works of Ancient Christian. Lile-
d'e vivre d'Eustathe, mals le voyant rivaliser avec les rat11rc : Ore[Jory of Nyssa and Macarius, Leyde, 1951,), que
liscètes des autros pays d'Orient, édifié par son aust,érité, Grégoire de Nysse s'inspire étroite,nent de la Grande lettre
son vêtement grossier, ses sandales de cuir brut, il de '.Macaire et s'attache, à la façon de Basile, à présenter d'une
pensa trouver près de lui du secours pour son prop1•0 façon plus satisfaisante et plus littéraÏl'e la riche expérience
'• i;pirituelle des disciples ~•ijustathe.
B salut (Ep. 223, 3; c( D. A1naod, I.'ascèsc monastique
de s4int Basile, 1'v1aredsous, 1948, p. 56). Dans les Ce qui ressort d~ conllit de Gangrqs, c'est que l'ascé-
j
année$ 370-3?2, après l'élévation de Basile au siège de tismo eustathien se présentait con1me une réfôr1ne do
Cosarée, deux disciples d'Eustàthe-, llasile et Sophrone, l'l!:glise. Sans construire en théorie une doctrine enera-
ruren t prêtés . à ·Basile << comme garde sainte de son tit.e, il tendait, dans le ·feu de la prédication, à présenter
Ame • (Ep. 119, P(:l- 82, 536b) et co1nme secours fra- le c<'.,libat et la pauvreté totale cornme les conditions
ternel et signe de co1n1nunîon dans la charité, sans doute id6ales de ln vio chrétienne au point d'entratner sans
po1,1r l'o1·ga.nisation de l'hospice qu'il fonda.l't. sur le pré<.:aution les gens matiés, les débit.ours, les esclave$,
modèle de celui de Sébaste (Ep. 223, 3, PO 82, 825b). à s'échapper du cadre social qui pesait sur AUX, Une
Pour rompre ces liens, il fallut l'âpreté de la controverse fois tombées les premières il:lusions, cel'tt1ines de çcs
sur le culte du Saint-Esprit. En juin 8?2, à la. suite recrues échouaient sans doute dans des désordres scan-
d'un colloque de deux jours à Sébaste, Basile crut encore daleux. De to,1te façon, on reproche aux ascètes- de
réussir à soustraire son vieux maître à l'in·!luenco des s'isoler des assemblées liturgiques, en méprisa nt le
pneumato,naques; à partir de 375, la polémique éclata clergé marié; de ne pas se soumettre aux lois 'du jeûne
avec une telle violence que toute relation devint ecclésiastique,. q\littè à jeliner arbitrairernent le diman-
irnpossiblo. che; de réclarner à leur profit les dl.mes. Les excentri-
2. Ascét_isme eustathien. - Eustathe n'a rien cités d'Aè1·e confirrnent l'exactitude de ce diagnostic;
écrit, mais les échos · dA sa prédication ont survécu. il t,·aitait de rite judaïque l'observation de Pâq\lO&-, et
Une lettre du· synode de Gangres, mettant en garde ne pouvait supporter qu'Eustathe prenne quelque
les évêques d' Armén•ie, est accompagnée de vingt aot.orité en tant qu'évêque. Un antinomisme· analogue
canons qui stigmatisent les excès des ascètes. Ce témoi- continuera à se 1nanifestcr en certains milieux ,nessn-
gnage est malveillant. et il décrit peut-être le comporte- Jiens. Eustathe a certainement réagi contre ces ten-
ment exceptionnel de qticlqucs têtes chaudes. Nous da.uces sectaires, sans quoi on ne s'expliquerait pas,
savons en, efTet que certains disciples se laissaient entraî- après tant de conda,nnations à Oangres·et ailleurs, <'-~m-
ner plus-loin qu'Eustathe; cc fut le cas·d'Aère, préposé 1ne1i t il a accédé à l'épiscopat, ni comment il .a gagné
(vers 356) à l'hospice 1nonastique de Sébaste, qui se l'adhésion de Basile. Quant à Basile, il insiste pour
brouilla avec son maître jugé trop modéré. D'autres disr,ipliner· le go\ît des austé1•ités et il réussit à consti-
disciples nous pern1ettent de v-0ir· appl1qués d'une tuel' dos cornmunautés monl\.8tiques distinttes dans le
ra·çon· plus prudente les principes signalés à Oangres, ce sein de l'f~glise, tout en faisant pénétr0r des élérnents
sont ceux que fréquente et réfor,ne Basile; , certains réformistes dans le clergé et l'épiscopat.
textes, en particulier les· questions posées par les fi•ères J ,e concile de Gang~es C~it al.J.uslon à un certain n16pris
dans l'Ascéticon b11silîen 1 reflètent leur vocabulaire et de l'euchol'istio. C'.e st sans doute une premi$re maoires-
leurs aspirations. La correspondance de Basile ouvre talion d'une indilTérence à la pratique des sacrements
1711 EUSTATI-IE DE SÉBASTE - EUS'tATHE DE THESSALONIQUE 1712
dont l'efficacité ne:so fait pas hnmédiaten1ont sensible; évangélique : dans lo Christ, il n'y n plus ni ho1nmc ni foQnnè,
les mossalions prêteront le flanc à ce reproche, dans Joui• ni esclave ni mnltre; pour les fils de Di1;1u, il n'y a plus do lai.
insistance sur le feu et la l\nnière du Sain·t-Espri t,
A travers l'hosUlil:é des canons de Gangres, il est
expérimentés dans la p1·ière. La façon dont le De Spiritu
difficile de dégager les mobiles positifs de l'enthou•
S<lncto de Basile appuie la divinité du Saint-Esp1·it
sia..sme tl'Eustathe, l'attrait 1•eligieux qui boulovcl'S9:IL
sur la sanctification baptismale, et dont l'Asct!ticun les· l!lglises et conquit la grande générat,ion des cappa•
enrac:ine lo renoncement .monastique dans le renon cn- dociens. Les meilleurs disciples de l'ascète ont trop 111is
rnent du catéchumène. à Satan, permet de croire dli leur pour (f\1'on puisse aisément définir ce qu'ils
qu'Eustathc no péchait pas gravement en surestimant doivent à Jeur rnaître. Ils ont sans doute purifié son
l'0:x.pé1·ienee religieuse aux dépens de l'objectivité d•is
sacre1nents. . idéal de ses attaches a11x ai.pects trop voyants du ronQn-
coment ot de l'union à Dieu. Au d épart d'un rnou\'e•
Le rojet dos richesses 'pouvait êti•e excessif : ainsi
1nen t qui a tant a,pporl:o à l'Églli.e, et chez celui qui ru.t
che11 Aère qui refuse do rester à la tête d'un hospicL', · le premie1•, parmi les fondateurs du monachis1n0, à en·
pour no pas adn1inistl'e1· de biens, et laisser tout sou,·.i orienter les forces vers les pauvres et les rnalheuroux,
de propriété terrestre et de travail pour Je Jencle,noin.
il faut pourtant q\1 'il y ait eu une expérience spirituelle
Des phénomènes analoguos apparaissent chez d'autr•·~ forte ot authentique.
disciples d'Eustathe. Basile rencontre \!ne forte oppo-
sit.ion lorsqu'il insiste sur l'obligation d'un travt1il Lea sourcos dont nous disposons sont hostiles à Eluslàlhe
consciencieux et sur le respect nécessaire des outils et contiennent dos inform11,tions contradictoires, difficiles
de la co1n1nunau té; Je 111essalianisn1e, caractérisé a11 ù critiquer. Une r6habilltation, intelligente, à utiliser avec
précaution, a été tentée 1>ar F. Loofs, Eustathiu.~ c•on Sebastc
premier cher par l'importance exclusive donnée à la und die Chro,wl"SiC clcr Basilir#!•Briofo, H11l10, 1898. J.,es notices
prière aux dépens du labeur quotidien, n1ontre bien do Socrate et de Soion1ène y sont habllo,nent cliS(int6cs, et
que de telles résistances reposaient sur des principt'~ la ch,·onologia bien établie. Lools s'intéresse à la politique
J
erronés plus q1.1e sui· une négligence paresseuse. ecclésiastique, sans s'attacher à la doctrine asculique de son
personnage.
L'histoire do Nu11cratios, racontée pat Grégoire de Nyss" J'ai étudié 111 pl11,ce d'l~ustnthe dans les origines de la spiri-
dans la Vita, S. Macri11ae (éd. citée, p. 378-880), donne un exon1- t\lalité tnonas tic1uo : Le mo11achi11n1e au 1v• siècle c11 Asie
ple dos occupations des disc!plea d'Eustatho, vers ssi C,., Mineure : de Ga11gres au messalianisme, dans Stu.diéi Pat-ristica,
fr.ère cadet clc Basilo vivait retiré au bord do l'Iris, loin clH t. 2, 'l'U, 64, Berlin, 1957, p. '100-'11S; voir iu1ssi E11.stalhc le
tumulte des villes et du tracas des tribunaux, dans la propriéti'• philosophe et les ç,oya,ges du jeune Basil.f! de Césarée, RHE,
familiale et avec un fldèlo serviteur qui partageait son ascèse ; . l. 511, 1959, p. 115•124. C'est Jo. qu'on lrouvora 111 j11stiflcntio,n
il avait, pour accomplir le eo,111nandement de la ch11rit.é, do certaines positions affirmées rapidement ici.
· rccuoilli deux vieillard1:1, et il venait on aide à sa mère et à sa L'intcrprétnlion traditionnelle est représentée par les 1irli•
sœur, qui m0naie11t non lojn. de là une via analoglle. Ses occu- cles E,ut.atlu: do Sébaste et JJ,'u1ttatllic11s de S. Salavillc, DTC,
pations, Grégoire no los aurait sans doute pas racontées, car t. 5, 1918, col. 15G5-157'•·
elles nt1 rontront pas sou vont dans le genl'o hagiographique, ni Sur la situat1011 conto111poraine 011 Asie M.ineure, voir l'excel-
dans la description do la • philosophie • i n1ais l'accident oi1 lont art.iclo de A. Lan1bcrt, Apot-actites et Apotaxan1è11e$, DACL,
1nour11t 'Naucrntios nous vaut da savoir qu'il vivait do chussi• l. 1, 1907, col. 260~·2626, çt plus récouunont G. Blond, L', hdrt!•
al de pê(:ho. Vio hurnble, ·charilahlil, llustère, et beaucoup sis • e11cra1ite vers l1r fin clu qitalriè= siècle, dans Sci~nc-e. rcli•
rnoins consa.c;rée au11; choses do Diou ot à l'lliglise quo celle gieuso. 'J'rai1a1.t.r; et. rcclwrthc.s ("" Recherches de science relit:Ü!u,ie,
qu'organisera l:!a.sile. t. a2), PnriA, 19t,4, p. 157•210; cl D~, l. 4, col. 6111, èt t. 1,
col. 796-797. - 'I'exte et comn1entaire des canons de Gangroi;
Le trait le plus visible et Je plus Càractéristîquo du dans C. I·Iefâlê !lt H. LAclercq, His1oiri, iles conciles, t. 1, 2' p.,
renoncomont des eustathiens était leur habi t rnisé Pal'is, 1907, p. 102\l-10fo5. - Sur Aère, voir saint Épiphane,
rable. .Pa11arion 75, PG '•2, 50'••508; éd. K. Holl, (lCS 8, 198!1, p. !133·
Le premier (iOnflit. d'Eustatho avec son père i;urgit à ce pro- 31,0.
pos; Dasile 11vo11era s'en être laissé imposor par cotte austél'ité Sur les rap))orts du 'l'rait,J du Saint-Esprit da Bnsile nvoc le
exté1•iouro. Los Pèros de Oangres y voient aussi 111alière à grief , colloque de Sébaste, voir H. Di:lrrlos, Da Spiritu Sancto. Dtr
llhabit servait do sy,nbole à tout un stylo do vlo, tl l des écer- Beitra1, des Ba$ilius Zlllft A.bsallluss des tr1'.11ita.riscluin Dogmas,
velés devaient lui attacher une in1port11.nce abusive. Une de Goollingue, 1956, p. 81-90.
ses premières conséquences élalt de cri\er un esprit de cor1,s, Jeali Gn1BOMONT.
qui pouvait cl.evenir menaçant pour les étrangers.
Lès Pères de (iii,ngres reprochent surtout 1\ cet habit, cl.'étro
conunun aux deux sexes. l,es documents postérieurs éclairent 3 . EUSTATHE DE THESSALONIQUE, rné-
ce reproche. Le diucre Olycérios, suspect depuis longtern ps tropolite, t 11\!11, - C'est à Constantinople, dont il
pour son succès auprès de 11.1 jeunesse !é1ninino, profite rle était sans doute originaire, qu'Eustathe reçut sa pre-
l'excitation d'un jour de fête religieuse pour iniprovisor 11110 n1ière éducaUon. Son surnon1 6 ,.o{l v.o:..à. q,Àwpov indique,
danse sacrée avec une troupe de vierges, puis prendre la carn-
pa.gne en leur compagnie et los eng11ger à la vocation asèuUque.
rait selon certains, son appartenance au couvent de
' 1nais il signifie qu'il était le neve~1 d'un c~rta1n
l•'loros, '
Aère entraine ses disciples, hon11nas et femmes, dans les bols
ot les can1p11gnes; on reprochera aussi à certains messaliens Kataphloron. Ordonné dit\cre par Je patriarche N1c:olas
leur hnprudence dans la ra.çon de traiter à égalité les fem mes lVIouzalon (-1'14?-1151), il. devint $OU$ Luc Ch1'ysobergès,
com1ne los hornnrns. J.111,sile lui-n1ôn10 1 qui prolog011it Olyc;érios, en 1t 56, n1aît1•e des rhéteurs; ses Corrunentaires d'Homèra
organisa dos • 111011astèrea doubles •, avoo .des précautions sans sont Je fruit de son enseignon1ent. En 117 1•, il tu t
doute, n1ais sans .s'inq uiotor des scrupules de certains (Petite nommé évêque de Myre, rnala il n'y siégea pas, car il
règle 15'1, PO 31, 118'•a). Sous des n1odalit6s divorsos cl plus fut élevé dès l'année suivante au siège de Thessalonique.
ou moins sages, il y a là un phéno1nène qu'on ret.rouvera sou•
vont dnns l'hi11toire lié à l'cnthousiasn)O ilSCâLiquo, une libéra• L'intellectuel et l'humaniste qu'il etait so févéla un
tlon do la femme, npp11yoe aur l'ospoh· d'uno cortaine perfection roformateur· cotn'ageux, ce qui lui valut de solides iui•
splrlluollo qui ,natta a11,dessua ' de la chair. Aux be11ux jours initiés dans son diocèse, surtout de la part du clergé
de l'id6al cio virginité, cette libilrté, co1nn10 l'antino1nisme local : en 1·19·1, il dut quitter 'rhessalonlque. Rappe16
1
dont nous parlions, ponvuit 111nnifoster ln bonne Nouvallil cependant, il y mourut en 1194.
1712 1713 EUSTATl-lE DE THESSALC>NIQUE - EUSTQCI-IIE 1714
1mme,
dè loi. Les co,n te1nporains ont Joué sa science profonde, Ào•,h<l)ç Eô<1t0<8!ou 'l'!l ).o,oyp,xq,ll<ii, t. 1, Atltènos, 1950 ; 'préface
sa(,vaste culture, et la noblesse de son caractère, 1nalgré ut biographie. :- S. S11laville, /Juswu,, métropolite de 1'J-.es-
Il est un penchant à l'emportemer;it, Comme écrivain, il a xaw11ique, do.ns Catholicisn1.B, t. 4, 1956, col. 718. - G. Mo-
~hou- auivi les habitudes du 1temps et sacrifié un peu trop à ravcsik, Byia11ti11oturcica, t. 1, 2• éd., ~orlin, 1958, p. ~62·
1rsait la rhétorique et au panégyrique. 264 (biblil>gra,phie). -;- H. Cl. _Back, Kirche u11d tllcolog,~che
lppa• f,itoratur ini by;a11ti1nschcr1 Reich, Mulllch, 1959, p. 68~·686.
Laissons de côté les Côtnrr,entair~s, les Lettres, les -·~ F, Halkin, JJibliotheca h<1giograpliica i;raeca, 8° éd,,
> mis œuvros de l'hétorique (certaines encore inédites dans Je .Bruxelles, 1957, n. 63, t,88, 589, 1585, - P. Wirth, Di-e Flucl!t
ru'ils Sçoria.lensis gr. Y Il 10), pour nous a,1•rête1· aux opuscules ,h,s Erzl>ischofs Eustathios aue Tllcssalonikc, dans By:anti-
1 EJon touchant la spiritualit6 et où dorninent d'ailleurs les nischc Zcit$chrift, 1.. 53, 1960, p, 88-85.
,non. préoccupations pastorales. Ainsi, les quati·e d\scours
u:ve- Jean DARROUZÈS.
pour le d6but du carêrne recom1nandent la pr1ore et
i lut l'oubli des injures, la charité, et l'accord des œuvres
à en et de la foi. Dans le discours sui• l'obéissance, Eustatho 1. EUSTOCHIE (EusTOQUIE), C8.l'tnélite, 1714-
eux, montre les bienfaits do la lt\glslaUon naturelle, mosaïque •J 794. - Philippe-ltlisabeth de Bürstel, née à Ve1•sailles
~.e)le et évangélique, pOUI' l'ho1n111e déchu de 1,0I\ innocence Je 15 octobre 1714 d'une tarnille originaire d'Alle1nagrte,
prernière. Vn autre discours su1' l'oubli des injures fln tre en 1740 au ~armel do la rue de Grenelle à Paris,
où elle rejoint sa tante, Charlo tte-É,nilie de Jésus t 1765.
athe rappelle une vei•tu que l'évêque eut à pratîque1• dans i,a
carrière de réformateur. Ce sont surtout les œuvres l::ustochio est pl'ieul'e de 1775 à 1781; a})rès la disper-
,cilea
9,vec destinées aux moines ou dont les tnoines sont l'occasion , $ion de JI) communauté en sopte1nbre 1792, elle.dcmeu1·0
10-Bte qui révolen t le ntieux les vues d'Eu$ta,the sur la vie i1 Paris, où elle meurt le j 8 janvier 1794. llllle composa
Uce,s spirituelle et l'étal: de perfection. Com1ne il eut à lutter les Principes et métlwde dlf chrétien, qui rend ses act.ioris,
,, et nuhne les plus cornmuncs, <lignes d'une éternelle rdco1n-
ique contre lo relâchement et les a.bus èl.e l'époque, les c:rlti-
q:qes prenne11t souvent le pas sur les a.ppels à. la perfec- pense, publiés sous l'anonymat (Paris, 1761). ~•est un
son petit traité de vie ohr6tienne, destiné aussi bien aux
tion. Un discours à un stylite, après de longs dévelop-
' ' pements philologiqi,1es et allégoriques sur le terme de h1ïcs qu'aux religieuses (ch. 10); il rappelle les vérités
lll'J.
1siq « colonne ,, (stylos), reproche à l'ascète de ne pas s'êt1·0 essentielles du salut (rédemption, grâce·, sacrements)
ica, assez détaché du mond•➔ et d'avoir oublié l'exemple el. la n1anière de se conduire selon l'Évangilo : combat
~ le vivant qu'il avait à donner. Le 11etit tra.ité sur l'hypo- spirituel droitul'e d'intention, sanctifloa.tion des actions
IEJ, crisie mot en cause un au t.re stylite et stigmatise les co1nrnun'es et du devoir d'état. Le dernier chapitre
fÎ Oll
airs do vel'tu qu'aucune conviction intérieure ne soutient. précise·« les r6gles ou pratiques pour accomplir pa.rfuite-
Plus irnportant est le traité De emendanda vita moria- n1cnt toutes ses àctions » chaque jour. - Archives du
rti- c,u•mel de, Créteil (Seine) .
re, chica : Eustathe s'attache surtout à montrer cornbien
la vie des ,noincs de son te,nps s'éloign e de l'idéal de
lêl• perfection; il souligne, en terrnes cinglants parfois,
Jt, les défauts les plus apparents, l'ignorance, l't1preté
:,é- au gain de ces grands propriétairos ter1'ie11s, les abus do 2. EUSTOCHIE CALAFATO(bienheureuse),
1li- confiance à l'égard dos sit'npJes, les sorties trop f1·é- clarisse, 1484-1/i.86. - S1nei:alda Calafato Colonna, née
sç, quentos, les querellos, les libertés de langage, le désir dos à Messine le 25 mars 1484, attb·ée très tôt par la. vie
~' ""il::,,,,-
dignités; co n'est plus Je rhéteur qui pa.rle 1nais Je franciscaine, entra en dépit .des résistances de sa Iamille
pasteur, soucieux do réfortner ses ouailles, chez les clsl'li,ses de S. Maria de Dasieô et prit le nom
fiumaniste et styliste distingué et remarqu6, Eus- d'Gui;tochia. Ses goûts d'austérité ne s'accon1modérent
tathe n'a cependant pas ox:ercé une influence spirituéllo pas du régiJne relative,nent confol'table de la com-
profonde et durable, à en juger pat• la. tradition manus- munauté. Elle obtint de Calixte 111 l'autorisation de
crite de ses œuvres religieuses. Son style, déjà, Je met- fonder un monast.èt•e où l'on pratiquât da.ns toute su
tait trop au-dessus de ses lecteurs: S'il n'a pas été rigueur )a première règle de sainte Claire ou. Pri"ile-
beaucoup écout6 de son vivant, il a été peu lu Après gù,ni pa1,part<ttis (20 octob1•e 1(t57 et 15 avril 1 1~58;
sa rnort. Son œuvre a cependant, pour nous, le mérite Bullari1trn /ranoiscan1,ni, t. 2, Quaracchi, 1939, n. 388
d'être un document irremplaçablo sur le niveau spiri- et '•39). Établie ù'abord avec quelques con1pagnes dans
tuol d'une époque. l'ancien hôpital $ . .!\•[ aria Accomandata (1460), l'état
dlis locaux l'obligea en 1468 à transférer sa commu-
·-
•,
1'extcs, - PO 135 (d'après l'édition de L.-F. 'l'afel, Franc•
tort, 1832), col. !120-540 J,i psabnum 48; 540-560 Oratio
nauto définitivernent à S. Ma.ria di Montevergine.
anno auspicancw habita; 561-728 ln .~a.11ol(Jm quadrage~/ntarn; .Abbesse à plusieurs reprises, Eustochie s'i~posa à la
?29-909 De c11uinda111l(J 1•ùc1 11ioiiaal11oa; 909-\125 D111logue vùnération de ses moniales et de tout Mess111e par sa
Thsophilu-s et llieracles; 925-1032, Suppliques à Martuel Com- piùté, sa charité, son hu,nilité et son esprit de péni-
nôno et éloge tunùbre; 1032-1060 Ep. ad Tllcssal-Onicenses; tence. Elle n1ourut à Montevergine, Je 20 janvier 1486,
- PG 1!!6, col. 9-140 D11 Thessalonica urbq a l<itinis capta ; Ln procès de . béatiflca,tion entrepris en 16'•0 aboutit
141-161 Laudatio S. Phifothei; 161·216 I1wocationc$ et La.rtda-
tiQ 's, Den1etrii; 217-26 1, Ad stylit(trn qruimda,n; 264-301 Pané-
u1',Approbf\tion de son culte par Pie v,, en ~ 782. Sa f_ête
se r.élèhre dô.ns l'ordre franciscain le 27 ou le 28 février.
gyriques do rn11rt.yrs; 301-!1!17 De obcdicntia 1nai;istra1ui cliris- Des œuvrcs de la hienheureu:;e il ne reste que des
tia110 dcbita; !173-408 De si1nulatio11c; 408-500 Co11tra i11jurict•
ru.ni 1n<1moria11i; 504-?53 In hy1nnrtr11 pcntescostalen, Da,r1(1.~ • prières et des fl'agments de discours· épars dans la
ècni; 12/oS-1834 Epistolac. Lc:ganda rédigée par ses cornpagnes, entre 1487 e~ 1~90;

l Ét1ules. - L. Cohn, Eil.$tathio,s, Er:.bi.tnlu,f l•ori Thessato- lei; mêmes biographes signalent encore un p11t1t hvre
• nîkc, d an$ Pauly-Wlsso\va, t. 6, 1909, col. 1452-11,89. - (l,:brcito) .dans lequel Eustochie avait noté les grii,cos
t J, Kayser, Th11ophrCl8t 1t11d lf,ista1hi11s fhpl ùnoxpla,w;, daru; obl:enues, et surtout un écrit sur la Passion (u.nv li:bro
Philologus, l. 69, 1910, p. 327:358. - L. Oecononios, La 1•ie de la Passione), La dév,otion au Christ sou!Trant, thème
religieuse dans l'e,npirc byzantin au ·temps dos Co11111è111: et des prùféré de ses méditations et des exhortations adres-
Angee, Paris, 1918, p. 153-165. - Ph. I. Couconl/Js, 81000<• Sél:S aux monialos à l'occasion des chapitres explique

1715 EUSTOCiiIE - EUSTOCI·IIUivl 1716


le cul!te de la bienheur,euse pour saint François, saint veau 'l'estament sortir de son cœur brtllant. Les jetlnes sont
Paul, saint Jérô1ne, de 1nême qt.1·e la ferveur et l'assiduité un i;port pour Glle at l'or(lison lait ses dolieos... Elle appren(.!
avec lesquelles elle récitait la pl'ière de saint André au Oh<nur des vierges à psahnodlor pour lo Christ, elle leur
enseigne à toucher la lyre pour le Sauveur... Elles attendent
(Sali•e crux prctiosa) ou chantait les strophes de Jaco• l'arrivée de l'Époux •· L'Ep. 66, Z (639c et p. 648) montro
pone de Todi: J\u non1bre des sourcos spirituelles F.ustochiun1 cueillant les neurs de la virginité et, au n. 13
tlgure encore un Monte de la .orazio11e do11 t uûe version (t.1,6d-647a et p. 661,), dépeint l?'aula et Eustochiurn, qui,
sicilienn0 est consorvc~e à Palerme, sous le titre Lu libru • supérieures en force d'âme, ne veulent p11s se laisser battre
di lu Munti di la sanctissitna oracioni (bilbiothèque con1- par d'autres au labeur physique •· ·
munale, cod . 2 Qq. E. 1 {1) •• Sp. 10?, 13 (87?-b et CSEL 55, p. 30'•). Dans l'éloge funèbre
<111 sainte P11lda, Eustochlum est naturollemènt à l'honneur :
G. Macrl, La lcggc11da ddl!, bc<lt(L E,,..~tr>d1ia da 111.~1:~ina, J:"p. 108, n. 2, '•• 6, 15, 26, 27, 29-38 (878-900 et p. 306-851).
Messine, 1903; M. Cat.alano, La foggt111da della Beata BuM1Jclda 1:p. 1il',, 2 (1162a et CSEL 56, p. 262); Ep. 187 (1164a et
da. Messina, teste, c•lllgare del se~. xv resti1uito all'orii;inaria p. 2(ll,); Ep. 1'•2 (1180c et p. 291). Voici enfin sa 1nort; Ep.143,
lczwne, Mellf.!ine-Jo'lorence, t950, édition critiqué. - [L. Ben- 2 (1ts1e et p. 293), et 151, 2 (p. 866) : • La mort soudaine
saja], Vita Beatae Eust.och.ii abbatissaa cenobii Montis Vir• do la sainte et vénérable viergo du Christ Eustochia m'a
ginu»1, auct<>re abbate Francisco ilfau.rolico ('t 1577), l'i1e68ine, r.xtrêrnernent. peiné et II presque bouleversé ma vie , (cf 15!1,
1986, nouvelle édition de l'œuvro de l'hunH1niste, rédigée en 2, p. 866); 151,, 2 (p. 867•) : • Elle a rendu llâ1110 dans dea senti-
1543. 111nnls de Coi intense. Elle préféra abandonner sos biens, sa
L. Wadding, AnnQk.8 Minllrtun ad nnnnm 11,\lt, n. 10-41, uu!ison, supportor un pesant exil que d.e se souiller par la
t. 14, Quaracchi, 1933, p. 577-589. - Arch.iPu»t franci.s- con11nunion avec les hôrétiqulls •··
cànuni llist<>ricum., t. 19, 1926, p. 350-361, 370. - Divers EusLochiu1n et sa n1ète ont eu l'ho1rneur de se voir
travaux dont le plus !'écent : O. Intcrsin\ono, La bacua Eu.s• dédier plusieurs travaux importants de saint Jérôn1e,
tc,cllia Calafa.10,. clarissa n,ossir1csc, Roine, i.956. on tl'e autres la t1•àduction des Rois, « son M.alachim ».
Clément ScnMITT. 1\ Eustochium encore les 18 prologues des 18 livres sur
J:;aïe, les 1 11 avant-propos des 14 livres sur Ézéchiel!
La 1< vierge du Christ » est la confidente et l'ani111atrice
EUSTOCHI'UM (19ainte), t vers /119. - 1. Vie. du grand travailleur (dans ses préfaces, il J'appelle
- 2. La lettre 22 de sai11t Jérd1ne. - 3. Apocryphes, r,irgo Christi, filia). Jérô1ne ain1ait en sa disciple Je
de Jdrdnw à Euat(}chiu.m. zèle pour la. lectio di.vina.
1. Vie. - Eustochium, fille de sainte Paula, était Eust.ochium 1nouru t ve11s 419, J él'ôme }leu a.près. Il
par sa ·mère, dit sairit J érôme (Ep. 108, 1; PL 22, .fut enseveli dans une grotte proche de ceJle de la Nati•
878c, et CSEL 55, p. 806), issue des Gracques et des vité, face à la tombe d'Eustochium et de 1~aula (cr
Scipions, héritière de P1n1I-É1nile. Son père Toxotius, 1,.-lJ. Vincent, dans J. Labourt, .Lettres de S. Jérôme,
un paï,en qui rnournt vers 880, était du sang d'Énée L. 1, Paris, 1949, p. xx, n. 1). L'}Î)glise appelle sainte
et des J ulii (Ep. 108, 4; ll80h et p. 309) et valut à Eus- l'{ilève com1ne elle appelle saint son 1naître (Martyro•
tochium le norn de Julia. Paula avait eu cinq enfants : loge ro1nai11, 28 et 30 sepLeml>re) .
Blésilla, mariée, bi~ntôt veuve et bientôt décédée (Ep. 39,
en 384; ~.66-4 73, et CS.EL 5'•• p. 293-308); Paulina, 2. La lettre 22 de saint Jérôme. - L'Ep. 22
qui laissa. veuf Parn1nachius (Ep. 66, en 398; 639-Gtt 7, (394-425, et CSEL 54, p . 143-211) est la plus longue
et p. 6(,•7·-665); Eustochium; ftuflna, mariée, ot n1orte leLLre de dil'ection, ou de spiritualité, quo nous ayons
prérnaturén1eo.t; Toxotlus, qui devait épouser• LaeLa de J érôrne. Il se montre averti,. ilnpérieux, avec des
et serait pèr.e de Paula, future moniale de Jérôme. 1'.onfldcnces pour guider les âmes et des éclairs de ten·
L'o1\cle et la tante d'Eustochium essayèrènt do la dresse (26; 411d et p. 181; cf 2, 395c et p . 145). Qualités
mondaniser par les voies insidieuses de la toilette el. et défauts de Jérôn1e éclatent dans cette vaste in1provi-
de la coilTure ('Ep. 107, 5; 878a et CSEL 55, p. 296). sat\on aux éf6mont.s longi1omont run1inés : zèle pour
Jérôme, qui séjourna à Rome de l'automne 382 à aoOt. Dieu et Eustochium, lyrisrne biblique, satil'a mordante
385, donna chez la noble Marcella sur l'AvenUn des contre les chrétiens faux ou tièdes, défiance du n1ariage,
« conférences " bibliques, fréquentées par Paula et ses qui tient peut-être à un« certain soctour de l'alYectivité
filles (cf DS, t. 2, col. 1393). Eustochium, « élevée dans de111euré in!anUle » (Ch.-1-I. NodeL, Positio11 de s~int
la chambre de Marcella~ (Ep. 127, 5; 1090b et CSEL 56, .fértJnie en face cles problèrnes sexuels, dans Mystique
. p. 1.ft9), aimait la science scripturaire et l'ascèse. En et conti11e11ce, coll. Études cai•tnélitaines, 1952, p. 856),
384, le mafti•e la jugea digne d'u1\e longue lettre, Po"r r.rudité d'expression (Rufin, Apologia. 2, 5, PL· 21,
gar,dèr la virginité (Ep. , 22). Le 29· juin 384, Jérôme 587b), et un certain anticléricil.lismo (2, 12, 595c, = 2, 15,
adressait à sa fille spirituelle un· billet (Ep. 31; '•45-4li6, dans CC 20, Opera Rufini, p. 94; et 2, 5, 587ad).
et CSEL 54, p. 249-251) pour la. rernercier de rnenus Jé1·ô111e expliquait plus ta11d (E·p. 130, 19, écrite en
caâoaux. 4:L4;.1123a et CSEL 56, p. 20-0) qu'il avait vottlll << d6voi-
Notons q11olquos apparitions du 110111 d'Eustochiunl dans los lor los pièges du diable•· Au delà d'Eustoc.hium, il visait
lettres suivantes: 82, 1 (41,Gc et p. 252), 89, 6 (',71d ot p. 305), le grand public in têressé par l'ascèse (cf Ep. 79, 7'; 729a
45, 7 (48'ia et p. a2s; quand J6rô1110 quitte l'Italie pour la et CSEL 55, p. 95; ou 128, 3; 1097c et CSEll, 56, p. 159).
Palestine, en as5) : « Saluo Paula et Eustochlum : qoe le n1ondo Pour ceux que choquerait sa liberté de langage, il
le veuille ou non, elles sont nliennes dans le Christi • Elles écrivait à la jeune veuve Furia: 1< Je préfère à tes ye.ux,
suivirent l'ascète il Bethléem. La lettre 46 se. pl'ë$ente comn1e 1na tllle, compromettre un peu la pudeur plutôt que la
de Paula et d'l<1111;tochiu1n à Marcelin pour \'inviter à lea c;t~use défendue » (Ep . 54, 1O; 555c et CSEL 54, p·. 477).
rejoindre (ur:l supplô111ent ancien 111.1De viris i11tustribus attri·buè cr P. de Lnbriolle, De la lilJerté du langage dans l68, écrits
cette letlrè à Jérôn1e; cf F. Cavallera, loco cit. infra, t. 2,.p. 1ao; ~hré.tiens primitifs, dans Bullcti,1 d'a11cie11ne littérat1Lrc
Érasme, Opus epistotarun1, l. 1, DAlo, 1587, p. 128).
De l'Ep. 54 rctonons lo n. 13 (557ab et (). 480-481), qui <Jt d'a,rché.ologie chrétieflne, t. '•• 1914, p. 109-116;
présente vraisemblablement Eustochlu1u : • Oh I si tu voyais 'vV. Wendt, Ciceros . Brie/ an Paetus, 1x, 22, Giessen,
ta sœur.., tu entendrais tous les trésors du vieux et. du nou- 1929;
6 1717 EUSTOCliIUM EUSTRATE DE CONSTANTIN,OPLE 1718

1.t U semble que le titre d'un opuscule de saint Jean rUttt, PL 80, 805-806. - ~) Rcgula rnonacharu11i, PL 80, 39:1-426
d Chœysostome publié V81'$ 882-383, Comrnent: il faut qui ::1urait ét6.adr~'llsée à''.Eustochium.
il'
t Càl'dtr la vù·ginitd, ait suggéré à J'érôme le titre de sa
lehtre. Celle-ci se présente un peu·. conime un « corrigé » j. Éditio11s des ~tires. - On signale des éditions ind6pon-
e dnn t,es do l'E p. 22, vg celle d'Érasn10, Bli.le, 1522; celle de
s (cf P. Antin; EsS<Li sur saint- Jérôrne, p. 118) de Jean, l'in1prioJ1JUJ' Paul ll!anuce, Rome, 1562. - Nous renvoyons à
porsonn!,¼ge que Jél'ôme n'aimait pas (cf Jean Chryso_s- l'é<litiori des Episwlae de-saint Jérôme, PL 22, et de I. Hilherg,
tome, Les ·eo}wbitfllio111J ,ç1,1,.çpectes. Comtnent observer CSl~L 51,-56, 191ô, 1\112, 1!l18.
la virgiriitd, éd. ·et L1·ad. J. Durnorticr, coll. Budé, Par•is, 2. Trcidiwtiuns. ~ De non1breusos traductions en diverses
0 i 955).
•• lanf)ues eJC:i1>tent, Retenons celle en vel's français- fait-e au
1.
L'Ep. 22 se défond d'être un éloge dithyrambique 13• siècle, éd. Tauno Nurrneh,, coll. Annales aoademiae scien-
,t doJa virginité, à la suite de Tertullien, Cyprien, Damase tiaru1n Fennit:ne, B 60, 2, Helsinki, 1947; F. Lagraµgo ,
1, eL Arnbroise (22; 409b ot p. 175), ou de la vie angélique Lauras choisies dé saint JérôniB, Paris, 1870; 6• éd., 1921,
e (2, 20, ,,o; 3!l5d, 407b, 424c ; p. 146, 171, 206). C'êst p. 57-101; larges e:xtraits dans D. Gorce, Lettres spirituelles
li une invitation au dépaysement pour• ~e jeter dans les de sa.int Jtfrô11ie, t . 1, Po.ris, 1932, p. 20-68; trad. do J, La.bourt,
I·, coll. Bud6, t. 1, Puris, 1949, p. 110-160.
bras de )'Époux (1; 395b et p. 145). Il faut craindre, car
le diable guet.te l'é.lite (3-4), veiller à la virginité spiri- :J. Vies a~ tra1>au:,:. -AS, 28 sople1nbre, t. 7, Anvers,. 176°0 ,
'li." p. üll0-645. - 1Jibliotl1-e1ia lu~giugr<iphica Latina,. t. 1, Bru:x.0llee,
tuelle (5). Mieux vaut se marier que d'avoir une âme
Il
de courtisane (6). Bl'iser la tentation naissante (7) 18\1$, n. 2775 bis. - D. Gorce, La Lcctio divina. Saint Jérôme.. ,
Pa1•i1J, 1925. - F. Çavallera, Sain~ Jérô,ne, t. 2, Louvain,
r et avoir l·a sc>bt•iété des prophètes (8-!l), la faim ramène 1922, p. 155•158, 10a, 165-, 212. - A. Penna, San Ger.olamo,
au paradis (10). La puissance du diable est dans la Turin, 1949, p. 443. - P. Antin, F.9iai siir sairn Jérô11M, P.o.ris,
luxure, (11-13). Se souvenir du cas des agapètes (1'•; 195-1, ,P· ,260; I.;e ml)r1achis11ui selon sai11t J!rômc, dans,M:élaJLBOS
r cf DACL, t. 10, 1932, col. "1881-1888; Dictio11naire de bé11Jdicti11s, Sa1nt-Wandrlll0, 19',7, p. 71.-118. - Vias dss;sai1118,
' par les bénédictin~ de Pa1•ls, t. !l, Paris, 1950, p. 671-(>:l&,
1 droit canoniq, uc, t.1, 1!)85, col. 811-315). 11 Sainte fierté»
des vierges (15-16). Contre la libidinu.m ponipa, s'ar,ner 6àO-<i40. - J. $teinmann, Saint Jér6111e, Paris, 1958, p. 18~-
a 14:1., 37!t,
a du bouclier de la foi et d1~ l'ascèse; lire, aimer l'.l'i:cri-
F.X. Mui·phy, A Mo11un1-e11t to Saint Jero111e, New-York,
e ture,. pleurer, veiller, psalmodier (17-18). « Ton pays, • 1!Hi 2, p. 292. - D. Durnm, St Jcro,na and the thtology of
c'est Je pak'adis ,1 (19). Le n1ariage est bon, car il produit virt{inity, dans The 1Je11edictin~ rcvicw, Alchison (Kansas),
l des vierges (20), L'ancien Testament ne connaissait t . 'l , 1954, p. 28-35. - Pie x11, enc. Sacra 1>irginitlls, AAS,

que la famille, cependant il eut des prophètes vierges l. 1,G, 1954, p. 161-191, cite Ep 22, 18, p. 189. - DACL, t. 3,
t (21). Gardel' son corps comme \li\ temple saint, une archo t91a, col. 8:11, fig. 2640.
sainte (22-24), et l'intitnité pour Dieu seul (25-26), l>aul ANTIN .
Juste mesure et huinilité; ne pas s'exposer, 1nême pour
s'éclairer sur l'Écriture {27-29). Rejeter les livres pro-
fanes, - pour éviter les chî1timents subis pa1•·Jérù1ne-, EUSTRATE lJE CONSTANTINOPLE,
et l'argent (30-33). Exemple des moines d'Égypte et des prï:tre, 68 siècle. - Peut-être originaire de Mélltène,
grartds anachorètes (3't-3fi). La récitation des heures, Eu8trate a été prêtre de Sainte-Sophie e-~ disciple du
le signe de croix ot la charité (8?). ,, 'l'\I peux toi aussi patriarche de Constantinople Eutychius t 582, don.t il
être mère du Seigneur • et vîerge dans et par l'Église nous a laissé uno biographie intéressante dans son
(38). L'humble incarnation du Christ est nott·e rnodèle éloge funèbre (cf BHG, n. 657). On a également de
(39-40); perspective de l'entrée ,nt ciel (41). lui une Vie de sainte Golindouch (BHG, n. 700'-702b),
La lettre 22 est vite devenue un classique de la litté- i,irnple remaniement de la Passion de la ma1·tyre perse
rature ascético-1nonastique. éc1·ite par Jttienne de I-Iiérapoli$ (Mabboug), Son œuvre
• principale est une Iléfutation. visant « ceux qui refusent
Quelques sond11gos 11tte1!tent sa r•apide utilisntion : S. Césalr0 aux. lunes toute activité après la mort et nient l'utilité
d'Arles t 543, Opera, éd. 0, Morin, t. 2, Maredsous, 1942, p.182, des prières et dos olTrandes faites à Dieu ponr elles "·
3-4; 186, 20 (cr 106, 21) ot 1sr., 1, se référant à Ep. 22, 8, 11, Photius on a résurné le contenu da.ns sa BibliothèqrüJ
'
1 27, 38. - Règle de S. Benoit (t vers 54?), éd. C. Butler, S• éd., (171. PG 103, 5001 : Eustrate établit d'abord que les
t Fribourg-en-Brisgau, 1935, J). 189. - S. Ii;idore do Séville âmes, séparées des corps, possèdent \!ne activité pro-
! t 686, De eccle,iastici$ <>ffeciis 11, 16, 9, PL 83, ?99b = Ep. 22, pre, quels que soient leur condition ou leur degré de
84. - S. Braulio de Saragosse t 651, cf ,J. Mndoz, dans Gre-
gorianum, t. 20, 1939, p. t,t9. - Règl.e de 'l'arnat, postérieure salriLeté (cr Allatius, n. 1-23); puis, que les l1•équents
' à S. Isidore, ch. 8 cl 17, PL 66, 981n et 984b, utilise Ep. 46, phénomènes d'apparitions constituent des maniCes-
• 12, de • Paula et Eustochium •• et Ep. 22, 27. - Defensor,
fin du ?• siècle, Liber scintillarurri, 88, 25, ol 7, 19, éd.
tat.ions personnelles de ces â1nes, et non !?effet d'une
ve1·tu divine empruntant leur forme- (Allatius, n, 24-27);
H. Rochais, CC 117, p. 114 et ~O. - Scntentiae ds opusmdis on fin, que les sacrifices· offerts par Je prêtre en laveur
S. Ilieronil11i ad n11>1uwhos, 1ns de Fleury, 9• slèolo, PL 30, de:, morts, ou les otTrandes, les prières et. los au môn es
818c = Ep. 22, 3, 4 et 6. - Ouillaurne de Snint•Thierry t 111,s,
E;,. ad fratrcs tût Jlfonte. Dei 51, éd. M.-M, Davy, Paris, 19',0,
des fidèles, obtiennent la délivrance des âmes et la
cf· Ep. 22, fi- et 84. - Vita du Bx DahnaCè Moner par Nico- 1•é1nission de leurs faut.es (Allatius, n. 28) . Cette der-
las Ey~eric, vers_ 1350; cl Vies des saint.,, p11r les bénédictins nière partie reste inachevée dans les trois témoins
de P1.1r1S, t. 9, Pnr1s, 1950, p. !\42, 544. - Jean G(irt:Jon t 1429, 1nanuscrits que nous connaissons, le Vatic. . sr. 511
.Montagne de la C<111tcmplation, 23 et 87, cf Ep. 22, 7 et t,1. - (10°-it·e. siècles) utilisé par Allntius, le Vatia. gr. 675
l lmi1a1io~ 111, r.G, 5, cr Ep. 22, 13, 3. , et le Paris. gr. 1059.
3, Apocryphes de J6r4mo à Eu11t.oo~wn. -1) De assiurlp· .L 'importance de l'ouvrage tient non seulement aux
tione Bcat<ic .Mariae Virt;i11is, de Paschase RRclhert, PL ao, 122- qu1.,stions théologiques qui y sont abordées (l'état des
•• Ames séparées, les apparitions, les suffrages pour les
142; cf C. Lambot, Revue bt!11édictine, t. r.6, 1!!3•1, p. 265•282 .
- 2) De vi11culis beati. Petri, Pl, 80, 226-232; cf J. 1-J. Bnxtcr, morts), mais aussi à l'abondance et à la précision des
dans TIUJ Jt,ut11al of theological 8tullics, t. 23, 1022, p. 287-290 cihltiOus patristiques; Photius avait déjà souligné
(d'apràs Arnobe le jeune, t après 450). - 8) De virtut~ psal,no• cet usago de la preuve de tradition, Parmi> les auteurs

•'
1719 EUSTRATE DE CONSTANTINOPLE - EUTHYME 1720
men t19nnés, flguren L)i:phre1n le syrien (version grecque ei11 A11ecdoton zur O~schichte uo's déR Wtt$CII (886-912), Ber•
de son 1'tstame11t), Basile, les deux Grégoire, Méthoda, lin, 1888 ; urte nouvelle édition a été donnée par P. Ki,i.rlin•
Hippolyte, Jean Chrysosto1ne et lo psoudo-Donys, qui H:aytcr, avoc traduction anglaise, d~ns Byzantion, t. 25,2?,
1955-1957, p. 8-152, 7',7-778. - Epitapltios Eull1y1t1ii pnr
étaient déjà les écl'ivalns préférés de son 1naiLre Euty- Aréthas de Césarée; éd. A. Papadopoulos-Kora1nous, Jlfonr1•
chius (cf J>G 86, 2874d). · mctilét gracca et lütinét ad historiam Photii pairiarchae parti•
Eustrate fait en outre allusion à une œuvre qu'il avait 11c11tià, rru;c. 1, Saint-Pétersbourg, 1.899, p. 26-85; éd. M. Juglc,
composée sur l'ârne et·les s,ünts aligès (Allatius, n. 7, citée infra, p. 't89-498, et la version latine de L. Lippomano,
p. 367) ot à un écrit d'Eutychius sur la relation des l'G 106, 797-806.
natures spirituelles avec le lieu (Alll:ltius, n. 14, p. 1,a:.1); Ho111élies, éd. l'rl. .Jugie, PO, t. 16, 1922, p. 499-514; t. t9,
ces doux ouvrages n'ont pas été retrou:vés. 1926, p. t,41-',55.
Etudes. - M. Jugie, La Pie et les œuPres d'B'uthyn1~, patrit2r·
· Vie d'Eutychius, PO 86, 2278-2390; voir art. Ér1scorAT' che de Constantinople (t 917), dans Éclios d'Orienl, t. 16,
DS, t. ~. col. 893. - Passion <le sai111e Goli11do1,ch, éd. A. P1.1ra- 1918, p. 885,395, 481-492 (roprls dans PO, l. 16, p. 463-',86);
dopoulos-K11r1.1.meus, 'AvaÀcK'I'(>'. lJpQnoÀuµ,-rtx;jç QT(r,XUOÀoyfo:ç, Dcmt 11ouvcllcs lwnu!lies n1.arialcs indditcs de saint E1tthym11,
€. ,,, Snint-Pétorabourg, 1897, p. 1',11-17',, 35'1-356; t. 5, p. 3')2- patriarche dé Constartti11oplc, dans Échos d'Orient, t, 23, 192'11
896 et 408. - Réfutation, éd, L. All11lius, De utriusqus Eccte.i:ao p. 286-288 (repri!J dnns PO, t. 19, p. 439-451); La mori et
occidcnta/.is atquc oricnta/.is pcrpctua in dog,nate de purgatori:o l'asson1ption de la sainte Vierge, r,oll. Studi e 'l'esti 114, Cité
conscnsionc, Rome, 1655, p. 886-580, texte grec et traduction du Vàtiêan, 191,t,, p. 695 -696, 705-707; J:tuth1pne 1, l'alrir,roht
latine. - J.•P. Migne, coll. 'l'heologiae cut'llus completus, t. ·tS, de Constarninoplo (saint), dans Cath-0licisrne, l. 1,, 1954, col, 728·
Pli.ris, 181,1, p.46!\-t\1t,, trad. l::i.tine d' Allatius Jleulement. 729. - V. Grumol, Les Rcgestss .des Actes dit patriarcat d~
Étu.clcs. - Fnhricius,Harlcs, Bibliot.hcca gracca, t. '10, Co11stantinoplc, rase. 2, Paris, 1982, p. 11,6-11t9; La révolte
Hambourg, 181.8, p. 725·?27. - S. VaiJhé, Chrysippc, prètri: ,le 1l'An.1lronic Dow:,; soi~~ Léon VI, da11~ Échos d'Orient, l. 3G,
Jérusale11h dans llepue de l'Orient. chrétien, t. 10, 1905, p. 96-9\). 1937, p. 202-207. - F. Dvornik, Le schisme de Photius, Paris,
- P. Peetera, Sainte Golindouch, 111artyre per8e, dans Ana.le,:ta 1950, pas$irn. - tt. Orégoire, L<1 /<1w;sc chronologie dit bü,,
bollandia11a, t. 62, 19'•'•• p. 71,.12r;. - O. Oaritte, La PMs,:<111 graphe d' Euthym.c, dans A11n.a11irc de l'Institut de philologie et
géorgienne de sainte Colindouch, dàns Analecta bp/la11diallt1., d'histllire orie.11tafos et slaves, t. 12 = -Mélanges H. Grégoire,
t. 71,, 1966, p. 406-440. - G. Graf, Ceschiclite der christlichen t. 4, Bruxellea, 1952 (publié en 1953), p. 642-643. - H. O. peck,
ar11bû,clwn Litcratur, coll. Studi e Tost! 118, Cllô du Vatica n; .Kirche und theologische Literatur ùn byzantînisolu!II lleich,
1949, p. 869. - H. O. Beclt, l(irchc und thcologische •Lite.l'a- Munich, 1959, p. 549-550 et 563.
tur im by.a11ti11isclicn Rciclt, Munich, 1959, p. 410•411. - Art. BllG = F. Hàlkiu, llibliotheca hagiographica graeca, 3• éd.,
~TIBNNP. nR H1l'IRAro1.1s, DS, t. 4, col. 1493. Bruxelles, 1957, •
Bl'-IG = Fr. llalkin, Bibliotlwcà liagiograp!iica graeca, 3• èd.,
Bruxelles, 1957. Jean DAllROUZÈS.
Jean' D1t.Rnouzils.
2. EUTHYME LE GRAND (saint), 377·'•73,
- Né en 877 à Mélitène en Arrnénie, Euthyme gagna la
1. EUTHYME I DE CONSTANTINOPLE 1~alostino on 405 pou1· so consacrer à la vio religieuse
(saint), pati'larche, t 9'17. ~ Né vers 834 à Solouc:io <lans la laure dl.l Phara1\, fondée par saint Charitori,
d'Isaurie, Euthymo entra, joune, dans la vie ,nonas- Il se lia d'amitié avoc 'l'héoctiste et s'initia avec lui à
Liqua qu'il mena eo divers couvents de Bithynie. L1~on la vie soliLaiNl. Vers 4'11, ils se retirèrent dans le désert,
le sogc le choisit pour confesseur et, devenu e,n pereur entre Jérusalen1 et Jéricho; d'autres moines ne tardè•
(886), continua, sinon à suivre, du moi11s à écouter ses ren L pas à les rejoindre, n1ah;, Lan dis que 'l'héoctiste
conseils. Euthy111e fut rnêlé contre son gré aux av1·n- prenait la tête d'un groupement cénobitique, Euthyme
tures matrimoniales de son impérial an1i et sut en toute préféra sauvegarder t,;Q solitude, 1nalgré l'alllux crois-
circonstance sau vegar<ler sa dignité et les exigences 1oant de nouveaux adeptes vers la laure qui portera
de son état, ne sortant quo contraint. du couvent de bien tôt son nom. L'inlluonco bienfaisante des deux
Psamathia, que I.,1\o·n v• 8Vl:lit fait construire pour lui. sainL~ s'éLendit rl'ailleur·$ 9,ux populations bédouine,5
Son intransigeancu l'écarta pour un temps du 1:i•One avoisir\antes, et Euthy111e prit une part Îlnportante à
patriarcal au profit de Nicolas Mystique, bèl:lucoup leur évangélisation et à 1'6tablissoment do l'évêohé
plus diplomate ot intrigant; 1nais, lorsque celui-ci fut de JYarenibolai (Castra Saracenoru,n), aLtosté dès 425.
exilé, en 907, Euthyrne dut céder aux instanca!:l ,le Pourtant, toujours en quête de solitude, Euthy1ne
l'en1pereur et devint patriarcho. li s'y distingua par· sa po,1ssa encore plus au sud; sa présence à Mardes, nuis
charité et la for1not.é de ses vues. Léon v1 mort (912), à Aristoboulias, est à l'origine de deux. nouveaux
Nicolas fut rappelé et soumit son innocent rival il la groupes monastiques qui se formèrent sponta·nément'
honte et aux sévices d'une dégradation. Exilé au cou- a.utoul' de lui, Dans la suite, il revint il sa promiôr8
vent d'Agathos, Euthyrne reprit la vie ascétique; i,a laure, voisine du cou vont de 'l'héoctiste, et désormui.'!,
vertu en imposa tant, que Nicolas h.li-1nê111c vint lui son1ble-t-il, se consacra plus exclusive1nont à la direc-
demander pardon a van Lsa n1ort, survenue le 5 aoOt 01 7. tion des rnoines. Il n'es·t toutefois pas resté étranger
Cotl:o r6conciliaLion 1)'e1npêcha d'ailleurs pas son 110111 aux luttes doctrinales do son temps, 1narquées pur les
de ne reparaître aux diptyques que sous le patriarche conciles d'Éphèse (431) et de Chülcédoine (451) : sans
Polyeucte, en f/56. Sa fêta se célèbre le 5 aoüt.. quitter le désert, il défendit Vorthodoxie aussi bien
Do son activité de prédicateur, il no nous reste aujour• dans les 1nllleux monast.iques que dans les classes diri-
d'hui que quelques homélies : !:rois sur sainte Anno gea,vles, et c'est lui qui soutint la roi de l'in1pératrico
(BHG, ri. 184a-1 S411), une sur la ceinture de la Viel'ge Eudocie. li n1ourut le 20 janvier 473; son corps fut
(Bli:G, n. 1188), peut-être une sur l'a Présentation inhu1né solennelle,nont le 8 n1ai suivant, dans la grotte
(BHG, n. 1112q) et uno $Ur saint Thomas (lll·l<}, où il avait vécu. Sa fête se célèbre le 20 janvier.
n. 1844a). ces doux dei'nières inédites. Comrne beaucoup de moines palestiniens, Euthyme
î' ita Ji:uthyrn.ii (BHG, n. 651 ),
Sources biographi:qucs. - n'a rien éc1•it. Sa culture, nssez rudimentaire, se limi-
, anonyme; éd. classique par C. dé Boor, Vil<l Euthymii, tait à la 1nétlitation de !'Écriture. JI a subi l'influence

720 1721 EUTHYME 1722


3er- d\1 monachis1ne égyptien et il·vouait \1n cul Le particulier t . 2, Anvers, 1648, p. 298-328, donnent une version latine
·lin- à saint Arsène. L'impo1•tance du rôle qu'il a joué so du texte de Cyrille.
•27,
par mosuro surtout à la flol'aison de monastères fondés par J?tudcs. - Lonnin de 'l'illomont, lvlérnoirss pour scri1ir :t
'h!l• ses disciples irnmédiats, Rlie ot Martyrios, devenus l' hi~toirc ecclésiastique .. , l. 16, Paris, t 712, p. 76-96. - V. Delau,
,ni• P.atriarches de . •l érusale1n, Gé1•ai;hne 1 l'vlarin, Luc, et )l,fo11a11tères palestiniens du ci11quidme siècle, dans Bu.Uetin d,i
gie, su~tout saint Sabas. Le typicon de Saint-Sabas, si l'on littérature ea~lr.siastiq11c, t. 1, 1899, p. 238-240, 269-281. -
S. Vàilhé, Sait1t Ettthym./1 le grand, 1noi11e de Palestine, dans
,n o, en igrlôre la teneur primitive, codifie des usages monas- Rc.-itc de l'Orient chréticr1, t. 12-14, 1907-1909. - R. Génicr,
tiques qui doivent certainement beaucoup à ,E u thyme Vi'.c ile saint E1i.th1111u, le Gr11111l, Paris, 1009. - H. Charles, Le ,
19, par l'intermédiaire de son disciple Sabas. Cette Règle christi11nisma des arabes tur lé lini.es, Po.ris, 1986, p. ·40-116. -
;
1ar•
e's t li l'origine do l'usage liturgique de toute l''.Égliso .1. <lill, The Lifc of Sisphe11 the J'<111.,1gcr by Stephen the Deacon.
16, ·
byzantine : H cornpf)rte essentiellement les rubric1ues Debt.~ a11cl louns, OCP 6, 1940, p. 11t.-1 39. - E. Ilonignu.1nn,
,6): des offices de la semaine, avec la distribut ion des prières J 1u•e11at nf J crusafom, dans Du11ibarto,1 OC1lcs Papars, t. 5,
suivant les heures de la nuit et du jour, et l'ordo des 1950, p. 209-279. ~ LTK , t. 8, 1959, col. 1209 (V. L aurent).
'1181
2~, rit.es des deux cycles, temporal et sanctoral. $11r le$ restes arch6ologiques des Condallons d'Euthyrno,
i et Le style de vie mon(l$1.ique pt·atiqué par Mu thyme réfèr1!nCe$ utiles dans LTK, t. 3, 1981, col. 870 (A. E. Macler)
:i té ot 11.0. 1:!eck, Kirchc 11nd th.eologische Literatur irn byzantini-
est intor1n_6diaire entl'e la vie anachorétique pu1•0 et le sch,•n Reich, '.Munich, 1959, p. 20a.
cénob1Lisn1e; il n'est pas· étranger à .la vogue que prirent Jean DAllROUZÈS .
28· les laures de son temps. Le co,nmençant s'initîe dans un
de
,/te çocnobîuni; après u ne solide formation, il afîronte la a. EUTHY,ME L'HAGIORITE (saint), tra-
36, solitude ; dès lors, ayant atteinL un certain degré de du<'lllHl'géo1·gien, 9155-1 028. - Né on 955, Ehithyrneappar-
' s,
:1 perfection, le m<;1ine peut jouir d'une quasi indépendance Lenait à une noble fnmille géorgienne. Son père, Jean, se
io- dans son kelti:on. Le solitaire palestin ien n\,st pourtant fil rnoi ne q11elques années après la naissance de ce dernier
, çt pas un simple anachorète : le plus sou".e~t, il ~it e,n
re, Ols, d'alJord à Tao-I{lardzet'i, puis àu Mont-Oly1npo en
dépendance d'une laure et dans son vo1s1nage 1rn1ne- Bithynie. C'ost là qu'il apprit le départ d'Eutilyrne
;k, dlat, à proximité d'un contre dont l'âme est un person•
:h, pour Byzance au 1nilieu d'un contingent d'otages. Il
nage éminent par ses vertus et ses dons sph•ituels. •1•éu!;sit à obtenir sa libération et le ràrnena au Mont-
Sabas expriinait fort bien .la diJTérence d'org1:ulisation Olympo, où il se cluu·gea de sa formation intellectuelle
entre laures et monastères cèno}Jitiques, en déclarant et sph•i tu elle. Vers 97 51 le pè1•e et le fils se fixaient
à 'l'héodosa le cénobiarque: ,<Seigneur al>bé, tu es hlgou- au Mont-Athos; La vocation d'Euthyrnc s'y précisa.
1nène d'enfants, tandis qun je $lliS higoumène d'higou- Devant la pénurie d'ouvrages religieux on lanfrue géor-
1nènes, car chacun dr. mas sujels, étan t rnaitre de lui- gionne, Jean engagea son ,111s à traduire systématiquo-
8. mGme, est higou rnène de son propre kollion ». Le jume- 1ne11l la patristique grecque. Ce fut la tâche de sa vie,
la lage de fait entre lo n1onastére de Théoctiste et la laure à püine ralentie par les quinze années (1002-1016) où
sé d'Euthyme, du vivant des deux saints, reflète bien cet il eu t à assurer la direction du couvent d'lviron. li
n,. état de choses. li semblé, toutefois, qu'Euthyrne ait 1nouru t le 18 mai 1028, et llà fête se célèb1•e ce jour-là.
à reconnu, sur le tard, la nécessité d'un lien plus ctroit I1:nt hyme est essentiellement un traducteur; mais
't, entre lr.s lielliotes et la laure, ne serait -ce qt1'en raison le 111ot ue doit pas faire illusion. En dehors dll domaine
é- des incursions des no1nades; en 484, sa laure fut trans- scripturaire, où le littéralisme est do règle, les traduc;-
formée en monast.èl'e. tions d'tùors sont souvent des adaptations, voire des
te
18
La solitude, si chère Il Ent.hyrno, n'était absolue refontes complètes : on paraphrase, on développe, on
que du lundi au vendredi, Je sarnedi et le dimanche abr1'.ige, on reste infiniment lib1•e à l'égard du texte
étant consac,·és à la vie con1mune et à la liturgie. à i11terpréter; le but de ces traductions n'est donc
Chaque aunée, pondant le carême, les moines (et pas critique, mals praUque. Telle a été la méthode
Euthyme le p1•en1ie1•) se re tiraient en ploin désert d'Euthyrne.
à
jusqo'it P ilques, retraite qui entrera égalerr1en t dans Le catalogue des rouvres traduites par Euthyme
té les traditions monastiques de Mésopotamie (cI Dadiso figure dans la Vita Johannis et Euthyrnii (trad. P. Pee-
Qatraya, La solitude des sept seniaines, éd. A. Mingana, Lers, n. 25). La plupart des secteurs de l'nncier1ne litté-
coll. Woodbrooke Studios, t. 7, Cambridge, 1984, rat11re chrétienne s'y trou·vent représentés :
' p. 76-143, 201-2't8).
1) <les toxtos scripturaires, dont l'Apocalypsc (pro,nièro vor-
L'ascèse voulue par Euthyn1c suppo$e auta11t de sion g6orgiennc); 2) dés écrits apocryphes, comn10 uno Vie da
santé physique q110 de vertu : l'abstinence, Je joône, Jlfaric et les Actes de Joan, de Pierre, d'André; 3) des rouvres
le silence en sont les pratit1ues essentielles. Cette s,lin- patl'istiques : Dasllo (Ilon1dlios sur les .Psau.111cs et lvforalici),
teté austère est devenue 1•ayonnante, et les succès apos- Grégoire de Nazianze, G1·égoira da Nysse ( )/ie rie ,lfoi.sc, Vic <le
toliques d'Euthyme auprès J es nomacles arabes ou Mai·rine, Co,nmcntc,irc s1tr le P a.ter), Juan Chrysostome (Homé•
dans le rna.intien de l'orthodoxie (Jn Palestine en sont le lie.~ Rllr S. Jean, sr,r S. Mc1tthicu) , l\!a.·dme le confesseur,
,r Andrê de Crète (Oonuncntaire s1,r l',Apoccùypss), Je1.1n Pt1mnij•
meilleur témoignage.
cèn!l; 4) des autPurs spirit.\u~la, comme Macaire, Isaïe de G111.l1,
Sourc~s. - La anurce ).lrincipnlc est la Vita S. Ei.,thy,rûi Joau Cassion, l\fare l'ormite, Dorothée, _Grégoire le Grand,
(F. Halkln, Bibliotheca hagiographica grctccc1-, a.• éd., Bruxelles, Climaquo, Isaac ùc Ninive; 5) un grand nombre do Pass1:ons
1957, n. 647-650d) ecrite par Cyrille do ScyU1opolis; aur et de Vies clc saints ; 6) des Lextus liturgiques et canoniques.
e et
l'1111teùr la récente édiUon publiée par .I~. Schwartz, TU 49, l,:1n1thne T7 ita Johanni,s et E1tthy1nîi afllrme explici-
t 2, 1999, p. 8-85, voir I. Haushurr, urt. Cv1111,1.r. or. 8cy•r1101>0-
Le1neut qu'Euthyme traduisit aussi, mais d.u géorgien
a us, DS, t. 2, col. 2687-2690, et E. Stoif1, Cyrillo de Scyth1>po•
lis, à propos de la nt>u,,cll<e cfcliiion de ses œu1>res, dl'!nR A11akcu1 en grec, le célèbre Ba1·laa1n e.t Joasaph (trad. P. Pee-
bollandiana, t. 62, 191,lo, p. 169. - S. J?oldhohn, Bliihc,ulc te1:s, n. 4); cette traduction est-elle en rapport avec
JVU8tc. Aus deni Le/Mn prtlliJltinc11sischcr und ag11pti.flclU1_r la rédaction grecque que nous. connai$SO~s?. La ques-

• Mlinche des 5. und IJ. Jahrhunderts, Dus.~eldorf, 1957, p. !1!1-102 tion n'a pa$ encore reçn de réponse satisfaisante, et
(trad. tùlemando pllrLiollu). - Les Acta sarictorum, 20 jl\1iviar, c'est outrepàsser les prérnisses que d'attribuer la pater•
1723 EUTHYME 172~
nité du ,roman, « ohne Zweifel 11, à saint ,Jean Damas- . plus anciens docun1ents touchant les origines monas-
cène, comme le fait H. G. Beck (Kirche und theologi,9che tiques de I' Athos.
Literatur im byzantini.~chcn llcich, Munich, 1959, p. 482) . 1'cxtc. - J,, Petit, Via et officie de saint Euthy1ne fo 'je14ne par
Cet.te activité de traduction, si intense, si pe1·son- son disciple l3asi10, dans Rcvu.c de l'Orient chrt!tfon, t. 8, 1903,
p. 155-205 : texte groc de la Vie; p. 503•586 : 'loxto groo de
nelle dans ses méthodos, si réaliste dans ses choix, si
l'Offla6; ropl'odults dans la collection do L. Clugnot, Biblio•
variée dans son objet, fait d'Eulhyme un écrivain t.flc(J!Je hagiographiq1,c orie11tale, t. 5, Paris, 1904, p. 14-51. -
qui a ma,l'q116 incontestablement aussi bien l'histoire ~•. llalkin, Bib!iollwca hagiographica graeca, t. 1, Bruxelles,
monastique de l'Athos, que la littérat.ure et la t héolo- 1957, n. 655. ,
gie de l'Eglise géorgienne. Études. - A. Kirsopp La~e., The liarl11 Days of Mona.sticism
011 Mount Athos, Oxford, 1909, p, 40-52, - B. Menthon,
SouN:ea. - Voir surtout la 'Vic de S . Jca,1 et S. Eathyn1e
L'Oly,npe de Bitliy11ie, Pnris, 1935, p. 168•1 ?O. ~ Vies d~~
écrite en géorgien par Goo1•gos l'hagiorite 't 1065, édition
sai11ta et d.as bictilieureu:r., t. 10 (octobre), Paris, 1952, p. t,6~-
critique ot11bliu par I. Dtavachrnvlli et publiée par A. ~anidze, 466. - R. Janin, Eu1hyn1e (Saint) le jeu.ne , dlln!I Catholicisme,
'l'iilis, 19~6 (cf Le 111uséon, t. 72, 1'959, p. 41,5.1,50). Une tr1,1duc-
tlon latine a été donnée pnr P. Peetera, Ri.su,ires n1onastii11ws
t. 4, 1954, col. ?29-730.
géorgier1ncs, dans Analecta bollanàiana, t. 36-37, 1917-1919, Jean DA11nou:1.ils.
p. 13-68; adaptation française de êétto traduclion latine,
dans lrt!11ikon, t. 6, 1929, p. 767-7811, et t. 7, 1930, p. 50-67,
181-196, ',48-(&60; - <1uelquos extraits traduit3 en angl(lis par 5. EUTHYME DE S ARDES (saint), métro•
D. M. Lang, dans Lives aricl lcgc,1d;, of the ge.orgian saints, polito, ?54-8.81 . - Euthyme est né en 751t dans lo
Londres cl New-York, 1956, p. 155-165. - F'. Halkin, JJiblio- dl.strict <l'Ouzara, pr ès de la l,ycaonie. Il devint métro-
theca hagiogr<1phica graeca, S• 6d., .Hruxollos, 1957, n. 653 cl polite de Sardes peu avant le second concilo de Nicée de
2148. 787; il se signala par son activité contre l'icoooclasme,
Étu.dcs. - P, reeters,, La pre,nière traduction latine de puis par plusieurs missions que lui confia. le gou verne-
• Barlaa"i et J Oll$(1.plt • et .,on orii;i11aL grec, dans Analecta bol• ment irnpérial. Pour a;voir soustrait u ne jeune fille
la11dia11a, t. 1,9, 1931, p. 276-312. - N. Adontz, Tor11ik le aux visées matrimoniales de l'empereur Nicéphol'tl,
1noi11e, d11ns By::antion, l. 13, 1988, p. 148-16lt. - F. Dtllger,
il connut un brof exil dans l'ile de Pantellaria. Rentré
Der sriecl1ische Barlaa,n-Ronian, ,cin Wcrk des hl. Johannes 1'1111
Da111askos, Ettal, 1953; cl les recensions de F'. Halkin, da.ns à Constantinople vers 805, il fut éloigné à nouveau
Analecta bollafldiana, t. 71, 1958, p. 475•'•80, el V. Orurnel, dans par Léon l'al'ménion, cette Cois à 'l'hasos; c'est là qu'il
Re11uedcs études by1ianti11cs, t.16, 1958, p. 256-259. -M. Tarcll- reçut des lettres de Théodore Studîte. Son !'etour sous
nl§vill, Diq A.n/ii11ge der schriftstellerischen Tlitigkcit tles Michel le bègue lui apporta quelques années de répit.
hl. Euthy111ius und der Au/stand von Bardas Sklcros, dan:, A peine sur le trône, l'en1pereur Théophile se débar-
Oriens chris1ian1ts, t. ,➔8, 1954, p. 118-124; Geschicltte der rassa d'Euthy1ne en l'envoyant dans l'île Saint-André,
kirchlichen ~eorsischen Litcratur, coll. Studi e 'l'esti 185, près du cap Akritas; torturé, il périt victime de l'ico•
Cité au Vatican, 1955, p. 126-154, 1?0-172, 894-895; Les d.!11tr.
recsneions dii • Darlc1am • géorgien, dao6 L8 Musdon, t. 71, 11llî8, noclas1ne, le 26 décembre 881; sa fête se célèbre le
p. 65-86. - D . M. Lllng, St E111hy1ni11s ths Georgian and the 11 1nal's en Occident et le 26 décembre en Orient.
Barla<1n1 aricl Joasapf, ·Ro111ance, dans Bulletin of the School of Sources. - 'AxoÀouO(Qc ... F,ûOuµCou lrw,x6nou I:ocpB•<»v ~oo
Oriental a,1tl A/ric(ttl Studie1;, t. 17, 1055, p. ao6-325; The Li/c •OµoÀO'Y'lltoG, 2• 6d., Athène.\l, 1852, p. 19-32; cf L. Petit,
of the Blcssctl Ioàasaph, ibide111, L. 20, 1957, p. 889-1107; The Bibliographie des acolouthfos grecques, Bruxelles, 1926, p. 82-83,
Wisdon, of Balahvar. A Ch,.istian legend of the Bu1ldfta, - U11 Éloge d'Euthyme, pnr le znoino Métrophana, est inédit
Londres, 1957. - P. Devos, Les origines di•• Barluam ct Joa- (cf .F. Halkin, Bi/Jliotl1eoa hagiographica graeca, 3° éd., t, 1,
BQ,[>f1 • grec, dans Analecta bollandi<i11a, i; 75, 1957, p . 83-104. .Bruxelles, 1957, o. 214.6 ; = BliG). - La source la plus Impor-
- O. Garitlo, Le té111oignagc de Georges l'Hagiorile sur l'origine tante, inédite elle aussi, est Ill 'Vic (l'Euthy111e, écrite par le
du• )Jarlaam • grec, dl.lns Le M11.séon, t, ?1, 1958, p. 67-63. t
patriarche Méthode de Constantinople sr.7 (cf Bl·IG, n. 21~5).
K. Kokolidzo, Dc11:,; E1t1lty,ne t1a11s l'ancienne liu.irature - 'J'héodoro Studito, Lettres a, 1, 1, r.s et 28ft, dans Mai-Cozza
géorgicn,ic, dans Eti<idel,,i jc•eli k'art'u!i literaturis i.storiidan, Luzi, Nova bibliothcca Patrum, l. 8, Ro1no, 1871, p. S, 38, 86
t. 4, Tiflis, 1957, p . 90-101, (en géorgion). et 234.
Jean l{•RCH11tlitY~:1t. Éiu.dr.s. - J. PaTgoire, Saint Eutltyme et .lean de Sardct,
dans Échos d'Orient, L. 5, 1901•1902, p. 157-161 .. - J. GouiJ.
lard, Une œu11re inédite dit patriarche Méthode : la Vie
EUTHYME LE JEUNE (saint), n1oine,
<i,, ,l'Ruthy1ne de Sardes, dans By::an1ù1i.sche Zsitschrift, t. 53,
824-898. - Euthyme a eu Ja chance d'avoir un bio- 1960, p. 36-', G.
graphe forl p1•écls et objectif en la personne de son J ean DAnnouzi;;s.
disciple Basile. Nicétas est né à Opso en Galatie, en
828-824; marit~ on 840, il quitte sa feuune dès l'année
suivante, à la naissance do sa fille, et se rend au Mont- 6. EUTHYME DE TIRNOVO, patriarc)lo (vers
Olympe, où il prit le nom d'Euthymo. Do 842 à 8?0, 1825-vers 1400). - Né à Til'novo en tre 1825 et 1330,
son existence s'écoule en Bithynie, puis à 1'Athos, dans Euthy1ne se consacl'e à Dieu à l(elifal'evo, vers 1350,
les exercices de l'ascèse : vie solitaire, vie de stylite, sous la direction de Th(Jodoso, un disciple de l'initiateur
vie commune. Il est ordonné p1•être en 867 par l'arche- de l'hésychas1ne, (lrégoire le Sinaïte, Après quelques
vêque de Thessalonique, entreprend la fondation d'un a nnéos de préparation, il voyage, passe en 1863 à
, monastère Sair\t-André à Péristéra, non loin de Thes• Constantinople, où son rnaître 'l'héodose rneurt; il, so
salonique et, lorsque son petit-fils vient prendre sa rend à l'Athos et revient en 1871 à 'l'irnovo, au monas•
succession en 888, renoue avec la vie soli Laire à l'At.hos, tèro de la Trinité. En 18?5, il est élevé à la dignité
puis dans l'île Hiéra. 11 y meurt le 15 octobre 898. de patriarche et on occupe le siège jusqu'à la prise de
Sa f6te se célèbre le 14 octobre. Tirnovo par les turcs (1398). Il meurt, exil6 au mooas-
Toute la vie d'Euthyme est n1arquée par la recherch e tère de .Backovo, au début du 15° siècle. .
du renonce1nent et de la solîtudo, unie au dévoue1nent La période où a vécu Euthym~ marque le déclin du
inlassable du fondateur. Elle constitue aussi un dos socond empire bulga1•e; dont la puissance, li6o à l'essor
1725 EU'l'HYME - EUTRAPÉLIE 1726
nas- de la·Serbie sous. Étienne Douchan, s'ell'rlte peu à peu ~i/elJ et Bogomiles, dfl.11.1) $chos d'Orient, t. 12, 1909, p. 257-
à la mo1•t du potentat serbe (1355) et surtout après 262; Eutl1ymius ZigabdM, D'I'C, t. 5, 1912, col. 1577-1,582 ; La
, par celle du tsar Jean Alexandre (1871); dans ces conditions, vie et les œuvrcs d'Euthynui Zigabtl11e, dans Échos d'Orient•,
!908, l'elTort d'Euthyme pour n1aintenir les lettres chrétiennes t. 15, 1912, p. 215-225; E.uthynl6 Zi1abè11e, dans Catholiciam.e,
l ' de en Bulgarie n'est que plus méritoire. Il a composé des t. 4, 1956, col. 730-731. -:- J. Wlckort, Di<i .1'1111oplia dogmàtica
:bliP• tfe., E1tthy1nios Zigabe11os, dans Ori.ens chri.~t1'.a11us, t. 8,
vios de saints, dos ouvrages liturgiques, des lettres.
1. - Les Vies de saints relèvent davantage du pan6gyri.que
·1911, p. 278•à88. - .J. Reuss, Mauhau11-, Marku.s- und
,1.es, Johr11111es•Katcnen, Munster, 19~1. p. 288-243. - A. Solovjev,
que de la biographie; com111e ses conten1poraius, les l'llou11,lagiagitcs, ;,atérins et k,ouMugo~cs d'après les sources
patriarches grecs Philothée et CaUlste, Euthyme vise l>yza.ntines, (en russe, résu1né !ran◊ais), datlll Sbornik vit:anto-
cilm surtout à enseigner et à 6rliliel'; sa Vie de JeQn de Rila, /01,hlri 111st. SAN l, Belgrade, 1952, p. 121·1~7. - I-1. O.
hon,
. tki, par exe1nple, lui fournit !'.occasion ,de décrire le parfait f.leck, Kirclui u11d theologischc Literat11.r i,n by:a11ti11i$cJ1c11
,.o,.. rnodèle de l'hésychaste. Do fol'me 1noins convention- Reich, Munich, 1959, p. 61~·616,
1

B1'118, nolle, lés Lettres sont des écrits de circonstances, où .Joan DARR'lUZès.
le ~atriarche répond à des questions de liturgie, de
s. di:01t. (socooùes noces), de dog111e; la plus riche de
contenu spirituel est la lettre adressée à !'higoumène EUTRAPÉLIE. - La notion, le nom et l'histoire
roumain Nicodè111e de Tismana, qui s'intéressait à la de la vo1•tu que, depuis Aristote, on appelle eutrapélie
tro- nature des anges, au rôle d'intercession dos saints, à la (eô-rp°'mt.!.«) -0ffrent un exemple-type de l'influence de
s le nature du n1al, à l'état de l'â1ne après la 1nort; la quos- .l'éthique péripatéticienne sur la ,morale chrétienne, et do
tro- fion· souvent débattue do l'âge requis pour entrer en la transformation que celle-ci lui -imp08(>,, Ce qui oons-
e de religion y est aussi exarninée. tit.uait chez Aristote une notion centl'ale, serà redé•
:m è, 0
·L'œuvre d Euthyme se recon,n1ande moins par sa ,; ouvert . par saint 'l'ho1nas d'Aquin, mais 'la théologie
rne- v9leur intrinsèque que pur son influence sur la littérature 1norale postérieure la réduira à l'état de notion margi-
fille rt>ligieuso slave et roumaine. · 11<1le fort éphémère et n'on traitera habituellement qu'en
ore, relation avec la v01·tu cardinale de tempérance. Pout'
~tré E. Kah1zniacki, Worlœ di!.~ l',11riarchcn Pon lJ11l6ariP.11 E llthy•
m.ius (1376-1393), Vienne, 1901, cxxv111•450 p. • saisir avec plus de profondeur la nature do l'eutrapé-
·eau . E. Turde!lnu, Lr, litù!rature bulgare di, x1v• siêcle et sa diffu- Jie et en dégager sa signification, exposons l'histoire de la
tti'il s1or1 dans les pays roumains, coll. Travaux publiés par l'Institut notion grecque et de son introduction dans la morale
IOUS d'~tudes Slaves 22, Paria, 194'7, p. 67-130: étude cnpit!llc avec l.ho1ulste. - 1. Doctrine grecque dt .l'eutrapélie. - 2.
,p it. bibliographie complète. - l\f. 1)1. ICujcw, Kons1a11ty11 À:ostc• L>oclrùie chrétw11r1e.
)8.'1'· nccki w literaturzc bulgarskiei i 8erbakicj, Cracovie, 1950. -
:Iré, LTI~, t. a,, 1959, col. 1210-1211: 1. Doctrine ~eoque de l' eutrapélie.
• 1. 0 L'histoire de l'eutrapélie considérée comme une
l<,0· ,Jean DARROUZÈS.
l le vertu commence avec Aristote. Le stagirlte se demande,
dans I' ÊthiqueàNicomo,que (1v, 14,1128a), si l'homme cul-
'\"OG
7. EUTHYME ZIGADÈNE théo-
(ZIGADÈNE), tivé et appartenant à une civilisation raffinée peut cher-
~tlt, logien byzantin, début ·1.28 • siècle. - La seule donnée cher son délassement même dans le plaisant badinage et
:-.88. bibliographique actuellement sûre concernant lo per- lo jeu. Il répond par l'afnr~atlve: on: ne doit cependant
édit sonnage d'Euthyme nous vient do l'Ale~iade d'Anne pas abandonner le juste milieu ni commettre dè faute par
;. 1, Comnt'lne (ll.v, 9, 20-80, PO 131, 1176): Euthyme a été défaut ou par cxcés. « Puisqu'il doit y avoir dans la vie
?Or· chargé par l'empereur 1\.lexis 1 Cornnènc {1·081-1118) l'!llSSi du déh1.ssen1ent et dans ce délassement aussi une
.r le de composer une Panoplie dog,no.tique. Théologien tonversation liée ù la plaisanterie gaie.. , l'homme doit
f,5). y trouver le milieu entre Io trop et le trop peu ». Mais
>zza
apprécié de son tomps et sans dou te.rnoine, il a été plus
, 86 tard confondu avec plusieurs homonymes (Euthyn1e r:o juste milieu, seul J'(iv~p eô-rp«nc).oc; le trouve, sans
moine de la Péribleptos, l!Juthyme I de Constantinople, devenir, pour autant, (3ooµot.6)(_oc; (pitre, bouffon, far-
·tk,, et Euthyme Malakès do Néo-Patras) ou a patronné ceur) ou ~ypotx6c; (rustaud, balourd) . L'outrapélie
1uil- des œuvres plus tardives, ainsi ]es quatre opuscules est dono la vertu qui se situe à égale distance entre la
J'ie théologiques édités sous son nom (PO 131, 9-58). bouffonnerie et la balourdise dans l'usage du jeu, du
53, Euthyrne est 11. n compilateur de pr,ofession. Dans sa badinàge et de lâ conversation gaie; çlle évite aussi
Panoplie, seuls les titres 28-28, touchant les er1·ours des hion la licence des faiseurs de calembours et la moro-
1
'. arméniens, des pauliciens, des 1nes11aliens·1 des bogomiles sité des rustl'es. Et en voici la définition : « Ceux qui
et des sarrasins, présentent un réel intérêt par leur savent plaisanter avec mesure (~µµe:Àwc; rcO((~ov-rec;)
nouveauté et l'originalit:é d'exposition des erreurs de sont appelés iû-rp«net.ot ».
rers son époque. Comme exégète, Euthyme a écrit des com- .Al'islolê explique co mot par cU'l'.pono.1, qul oa.racté11ls0 les
i30, menta.ires Sur les psaun1es et les Cantique11, Sur les ho111mes qui savent • blon so tourner •• ibion se comportor. La
150, Évangiles, Sur les q,~atorze épttres de saint J)aul; il se traduction latine que Thomas d'Aquin avait sous les yeux,
eur distingue pa1• la recherche du sens littél'aJ, le dosage et porte : • moderate.o:utem ludentes eutrnpeli nppellnntur. putn,
ues l'utilisation intelligente ties comnîentateurs antérieurs, bene vertentes •, et la paraphrase : • qui concinne et lepide
là surtout de .)ean Chrysostome. jocis utuntur, eutrapeloi, id est taceti et urbani nominantur :
• se qunai eutropoi, id eijt llexîbili aç versatili ingenio praediti •
1a,lj- Texte.'!. - PO 128-1ao. - N. Kalogéras, Rù8uµ!ou 'l'oO (.ln Ubros e1hicoru111 ad Niconiachuni IV, 16). Voir do 11uîn10
lité 'l'e«; JI!,'
Z1rt,'3'1)'JOÜ !pµ11veta dç 4reL"1'~Àdc~ KG<l etc 't<i~ Z' lt'180Àll<~, l :thique à Nicon1aque 11, 7, 1108a.
Athènes, 1887, 2 vol.
de Par là., Al'Îstoto attribue une place importante à
a.s~ Etudes. - N. Kalogora.s, •A>-é!!10~
Z1yoc6'1)vl>ç i<al ol alpl'l'IXOl Boyoµ,1~01,
A' b KôµV'flvoç, JCùOuµ,oç
dans 'AO'l)\llltov, t. 9, l'eutrapélie dans son ,système des vertus de l'honnête
1880, p. 255-281,. - 0: Ficller, Die Phundagiagiten, Loipzig, homme cultivé. C'est daus ce climat d'eutrapélie que
du S/3 forme le haut idéal grec de l'&v~p anou8.oyéÀoLoç,
1908, p. 177-191 (sur la personnalité d'Euthyme Pérlblcplonos,
1sor antérieur de doux sioclos à Ziga.dène). - M. Jugie, Phundagia• gai et sérieux tout à la foi.s (cf Xénophon, ,$yrnposion

'
EU'fRAPÉLIE 172$.
1727
t, ·I; Platon, Lois ,, (V17d; Aristote, 8thique à Nicon1.a- posent la rnê1ne pl'ise de position à l'égard de l'cutro•
que x, 6, 11. 76b). L'euttapélic·permet à l'hom1ne de plai- pélie ((( eutrapélie,, marque d'un· homme dissolu », PO
santer, afin d'être plus apte au sérieux de la vie, et de 48, 1055b). Elt ce n'était point là pOUl'tant pcssimis1nel
ne pas oubHer, 1nêroe dans les lourdes charges du tra- 2° C'est à saint Thomas d'Aquin que l'on est rode·•
vail, le <lélasscn1ent nécessaire. Elle est surtout impor- vable d'une redécouve1'te de l'eut1•apélic au sens clas-
t3-nte pour la jeunesse, et indispensable à une attitude sique d'Aristote.
fi~re et généreuse; elle est une nerco:18e:uv,tv't) <l6pu; ·Dans son Conun.entaire à l' Ét.hiqu.e. à Nico,naque (expùsitio 1v.,
(Rhétoriqite n, 12, 1389b), elle règle aussi les rapports lectio 10, à'!. R. M. Spiazii, Turin-Ro1no, 1949, p. 285 svv},
d'amitié (c{ le Commentaire M l' Éthique à Nicomu.q1ui, Il l'Cprend la dotlnition du atagirite : « Illi, qui 1nodcrat1i se
en gl'ec, par Aspasios, Berlin, 1889, p. 165). babont in ludis, voeantur eutrapcll, quasi belle ve1•tentes,
quia scilivet 011 quao dicuntur ac ftunt converliénter in risum
2° L'histoire de la vert.u d'eutrapélie est influert<:ée convert111,1t •· Lo Comme111aire des Se11te11ces (11 Sent. d. 4'i
par l'évolu Lion si'ln1antique. q. 2 a. 1 ftd a) onvi~age l'8utrapélie dnns.les pet'Speétives arls<
• E11trapélio • est affentë d'un sens négatir, 11uqual Al'lstote totéliciènnos, comme l u vertu du juslo rnlllcu : « qune rnodlum
lui-mllrnà (1v, 14., i 1.2811) fuit allusion, qu;ind il dit q u'u n bouffon Sérvat ln dclectntionibus ludorltm •· Dilns la So,nme th,lowgigU11,
est volontiers appelé hablluelle1nent 11utrupclos. Chez Platon saint ·'J'homRS présent{! nne doctrine de l'enlrupolio désormnia
(République v111, 5681l.); l'cutrapélie désigné encore un « trait pleinement intégrée à l'ét,hiquo chrétienne : 1• 2• 0 q. 60 11. 5e;
d'esp1•lt •; chez Plutàl'quo (Moralia 27'1d), l'eutrapeloa est d1,ué 2• 2.. q. 72 a, 2 difl. 1 : • eutrapelia 11d qua1n pertinel bono
40 souplesse sportive; pour A.elien (Variae historiae v, 13), los convici11ri •; 2• 2•1! q. 160 a. 2c.
athéniens sont eutrapeloi en politique, Mais déjà chez Arlslo•
phane ( Gu.ilpes 1159), l'eutrupolos est un homrné .à la parole P artiuulièrement hnpol'tant uppal'att. le passage
rusée, 1iaptieuso; chez Plutarque (Moro.lia,1.0G2d), cutl'apelon de ln 211 2e.o q. 168 a, 2, oü saint Tho1nas se dernande
caractérise un hav(l.l'dage èxti·avagant et ni11is. Les ronnlins s'il existe une vertu chrétienne du jeu et de la plaisan•
utilisent, comme un ernprunt étranger, le mot eutrap,;lie teric délassante. Et il conclut : « L'attitude vertueuse
pour désigner l'élégance du style grec (Cicéron, Epistitlac ad
que l'on nomrne eutrapélie récla1ne jeux et plaisanteries,
farni!iares VII, 02, 1). Chez ~1artîal (Epigra11111iat" v11, s:1),
eutrapolus qualille, par un piquant contraste, un barbier néuessaires, de temps à autre, pour le repos de l'esprit».
balourd, , En opposition avoc l'attitude de nombre de Pères do
On le voit1 le mot, noble chez Aristote, a reçu désor- l'Église, notamment chez les grecs, saint Thomas décrit
mais une accepUon péjorative. · l'attitude cl1rôtienne d'e.u trapélie, à la suite de Cicé•
2, Doctrine chrétienne de l'eutrapélie . - 1•on et d'Augustin (De musica n, 14., 26, PL 32, '1116n),
comme un noble enjouernent (jucunditas) et une heu-
1 ° Cette évolution sé1nantique permet de con1prendre
que l'eutrapélie ne co1nporte qu'une signification reuse souplesse au service du délassement et du jeu;
négative dans la morale du nouvenu •rcstament et des il la définit : « Dicitur aliquis eutrapelns a bona convor-
sione, quia suilicet bene convertit aliqua dic ta vel racla
Pères de l'l!:glise, Sàint Paul la mentionne dans Éph.
5, 4., par1ni les vices dont le chrétien doit se garder : in solatium "· Dans l'article a de la mêrne question, il
µwpoÀoylot fi C\lTflOC7teÀlo:; la Vetus l(ltinà et lu. VulgH te se demande s'il peut y avoir un excès, même dans lo
, lu. traduisent pu.r scurrilitas, et lui donnent ainsi la
jeu, - souvenons-nous de la bonwloohio, d'Aristote et
de la scurrilitas dei; Pères. Il répond avec une étonnante
même valeur qu'à stultiloquiu,n. Pans le monde cultu1·cl
largeur d'esprit, et il prend à cette occasion la défenso
latin le scurra éqlilvnut au bon1.oloohos. C'est pourquoi
du métier de cornédion (à l'encontre de l'ascèse patristi-
Clérr1ent d'Alexandrie (Pédagôgue 11, 7, 53, l?G 8,
456c; éd. O. $ t ll.hlin, GCS 1, 1905, p. 189) intel'dit au que), cornme le fera plus tard saint François de Sales
chl'étien, au cours des repas, les plaisanteries grivoisùs
(Introduction à la (Jie dé11ote, 1 e p., ch. 23) : <1 Et idco
( eutrapela) , Et che1, Sidoine Apollinaire (Èp. 5, PL etiàn) olTicium histl'ionum, quod ordinatul' ad solatium
58, 455a), la scurrilita.s est le vice des acteurs dé théâl.1•c. hominibus e:xhibendurn, non est secundum se illici•
Saint Jérôme explique à propos d'Éph. 5, 4 : •< Scur1•i- tum » (ad 8), Tho1nas d'Aquin se souvient ici de la char-
litas appctit quaedam vcl urbana verba vol rustica vel mante légende qtti révèle à Paphnuêe la béatitude
turpia vel facetn, quam nos jocularitatem alio ve1·bo céleste d'un bouffon et co médien pécheur ( Vitae Patrun1
possurnus appellare, ut 1•isum rnoveat audien Ub\1s ,, vnr, 63, PL 73, 1170). Saint 'l'homas va plus loin encore;
dans l'article 4 il s'interroge : un chrétien peut-il pécher
(PL 26, 520a).
La litté1•ature. orientnle et. byzantine, surtout monas- par rusticité, et il répond par l'afnrmative, - co que
tique, conda1nno à peu J)I'èS unanimement les éclats l'ascèse actuelle a presque complèternent oublié I Trop
de rire, les boufTonnerios, les passe-te1nps et souvent de sérieux peut être fautif également. P èchent ceux qui
(< in ludo deOciunt nec ipsi dicunt a.liquod ridiculum,
jusqu'au sourire,
L'énumération des tel'tea serait fort longue, d{lp11is Orig,'i uo et dicentibus 1nolesti sunt, quia scillcet moderatos
(Cor,unentariorttm scrits in Ma1tha11uni 20, PO 18, 162Gè; Judos non recipiunt, Et ideo tales vitiosi sunt et
éd, E. Klostorn1ann, OCS 11., 1938, p, 36), Éphrem (cf W. 1-Icffo• dicuntur dtu·i et agrestes ».
ning, Die. gricchi.~llhe Ephrao1n-Pnrac11csis ge1:1en das Laeken .., Par cet enseignement saint Thomaii transrnet à
L,eipzig, 1927), le psoudo-Clll'ysoston1e (Hon1. Asceta,n /<1celiis l'ascèse chrétienne l'idéal de l'humanis n)e grec, de
vti non d<ibcrc, PG 48, 1055-1060), les Constitutions monastig1t(,$ l' ocv~p anouSoyéÀoto,;, que seul le chrétien est à même
attribuées à imint Dasilo (PG 81, 137611b), jusqu'à Jean Cli- de sab,ir et de réaliser parfaitement, parce que seul Il
111uque (Éçhelle dit p1ir<uli:; 11, PO 88, 852), Elie l' Ecdicos a la conscience exacte de sa situation entre le ciol

("E-r,p01 xe,p&Àornx 83, PO 90, 11,.2oa; cf DS, t. 4, col. 577),
et la. terre, entre le Christ et le inonde, entre l'esprit et
Antioch us de Saint-S11b11s (llont, 95, IT.,pl oroù µ;,\ ytÀii.V, PG U\I,
1721-1. 725) et, plus procho de nous, Nicodènui l'haglori le la chair, entre l 'espoir et lo désespoir. Seul le chrétien
(Xp71c,,ro'hOe1« -ra.v XPIO'-t10<vwv, 1808; 4° éd., Volo, 1957, p, ·I 26 est un ho,no lttdens : fondé sur Oieu, il peut être eutra-
svv : à la note de la p, 185, Ni codème opposé o:xprcssémcnt. l a pelo.9. Aussi saint Thomas peut-il à juste titre conclure
doctrine des Pères de l'Église à celle d'Aristote), l'article 2 de la q. '168 avec ce mot de Cicéron qui nous
La sévérité de l'Orient il l'égard do tout ce qui res- livre le 1neilleur de la doctrine antique sur l'eutrap6•
sérnble au rire et le culte de la vertu du penthos sup- l'io : « Ludo et joco uti quidern licet, sed sicut som,09
17-29 EUTRAPÉLIE -EUTROPE 1730
8
et quietibus ceteris, tum cum gravibus serilsque rebus par erreur à Pacien de Barcelone, dans Études, textes,
•- satisfecerimus " (ad 3). découvertes, t. 1, 1918, Maredsoua, p. 107-150, et dans
l 8° La mol'ale des derniers siècles a presque oublié PI, Sr.tppl. 1, 529-556. José Mo.doz et Pierre Courcelle
il cet enseignement de l'Aquinate. L'eutrapélle, la plu- ont établi quo tous ces textes, écrits entre 305 et ti,15,
1- ont été dédiés à une sèule pel'sonno, Cérasia, moniale
1-
part du temps, ne subsiste plus qu'à l'état de sèche
définition da ns les ouvrages de théologie morale d' origine espagnole, encore vivante à f'époq11e de
(ainsi en est-il chez les Sahnanticenses, Cursu8 theologiae l'invasion wisigothique ou vandale. ·
,, nwralis, t. 3, Lyon, 1679, p. 785 svv). Génicot-Salmans 1\dmirateur de saint Arnbroise et familier de saint
1, (J11stit1ttiones theologi(U! rnoralis, t. 1, 17° éd., Louvain- Poulin de Nole, Eutrope est un écriv.ain e1nphatique,
,a mais un chrétien d'une piété profonde et muni d'une
Bruxellos, 1951 , p. 2ô1) ail;uA l'outrapélie à égale dis•
,,• tance entre la petulantia et la ru.91.icitas, et la définit solide information biblique. Il s'est fait dans ses écrits
kl l'i11 Le1•prète d'une ,norale ascétique sévère et d 'une théo-
~
comme la vertu « quae ludis et jocis rationis 1nodum
iinponit », et B.-1-1. 111erkelbach (,~'umm.a theologiac logie axée principalerneot sur la considération du mys-
I'
n rrwralis ad rnenteni D. 'l'horr1ae, t. 2, Paris, 1938, p. 980) : tér•e de l'incarnation.
,, « Virtus n1oderans ho1ninem in usu ludorunl et joco• Dans le De vera circu1ncisio11e, composé peut-être
s rum ... ne rocedat a rnedio raUonis per excessu1n vel sous l'lnnuonce des tioctrines austères de Pélage,
,,• , 1
defecturn ». C'est bien au,jourd'hui pourtant qu'il fau- Eutrope prône ,, la circoo cision spirituell~ » (PL 80,
e drait repenser la naf.lll'C chrétienne de l'eutrapélie. 1 ()'J b), c'est-à-dire le renoncement total aux richesses,
Elle contient eri effet des 6léments fondainentaux aux a.lTections familiales et à tous les attachemenLs
d'ascèse poul' les problèmes de l'ao1énagement des loi- sensibles. P1•enant ses exemples dans l'ancien '!'esta.ment,
.sirs, pour l'appréciation chrétienne du plaisir et du il évoque surtout le désintéressement d'Abraham, de
spol't. Cette notion irnpot'tante de l'humanisme grec, Job et do J ean-Baptiste; dans le nouveau 'festament,
christianisée pal' saint Thomas, offre un point de départ la générosité des apôtres et, par-dessus tout, l'humilité
po\1r une ascèse du laïcat.. exemplaire du Christ. Eutrope ne dissimule pas la dureté
des renoncements exigés, 1nais il fait valoir qu'ils seront
' Cependant, les pel'spectives dilTéten l.es des Pères de
co1npensés pa1• la grandeur des récompenses célestes,
l'l!lglise, nota1n1nent des orientaux, rappellent. opportu-
n·é ment qu'il convient au chrét.ion de dépassel' l'idéal clic,ina in,,it.atri.'C rnuni(tccn.tia (210b). Cette pensée doit
de l' « honnête l1omme 1, et de l'eutrapelos. L'idéal su ll'ire à inspil'er le cou1•a.ge des plus grands sacrifices.
d'Antoine et de ses dir;ciples était • la sérénité des 'Dans le De perfecto hom.ine (ilnp1•oprement Ad a1nic1t1n
' traits et la pureté de l'âme>>. :8tre en Dieu, c'éta it vivro ae.r,rotum) , Eutrope décrit les sentiments qui doivent.
. dt1ns la paix et la joie. La présence de Dieu transfigu- anirner le véritable chré Lien : renoncer à. la science et
' rait âme et corps :• « Jan1ais il ne se troublait .. , jamais à la philosophie « du inondEl 1>, sap ientia mundialis
il ne devenait maussade >> (Vita Antonii 67, PG 26, (7\lb); songer à la p\Îissance ad1nil'able de Dieu, auteur
l
940ab; cf I. Haur;herr, J>enthos, p. 190). L'a,patheia, do l'univers et créateur du corps humain, au miracle
l dn l'incarnation du Sauveul' et de sa résurrection, qui
à la fois condition et fruit dEl la paix de Dieu, ne sel'ait-
elle pas la 1neillcure eutrapélie? e1; t. la garantie de la !'ésurrection des 1norts et de la vie
éternelle. lncidemrnent, Eutrope souligne la persis-
Consullc:r le curieux ouvrage <le Picr1•e de Fon1perosa s j, ta nce et la gravité du péché originel (4-6), l'inco1npa.ti-
Lq Eutra.pelia.. Mcdio, quo d,ib,1n tencr los jucgos, dilierti,nientos
bilité de la richesse eL d'e la vie chrétienne (10) et s'irrite
y co11wdias, para IJ!tt! 110 (lya en ella.s pcc<ula, y puedan e:rcrcitarsc
licita y horicstam.crll,!. Segrîn la doctr,:n<l 1/c el A1>011tol San. Pablo, contre ceux qui contestenL le caractère divin des mira-
Santo TlwmaR y San Fra1icis1,o <le Sal;:s, Valonce, 1683. - chis accomplis par l'intercession de!i martyrs (les reli-
J. Huir.ingn, H 01no lrulcnJ, Ley<Je, 1938; lrad. française sous ques des saints Gervais et Protais à Milan; 11-17).
le même tilr8, Pru•is, 1951. - }. H11111;hcr1•, Pcnthos. La doctl'ine Le De siniilitudine carnis peccciti est un long traité
de la cornponct,ion dans l'Oric11t 11/lri!ti,111, OCA 132, Roine, 1 '.1~ 11, conaac:ré à l'exégèse de Ro,nains 8, 8, et par extension
surloul p. 107•120. - H. Hnhner, Der spiclcr11l1: Mensch, 2• éd., à. la condition physique-de l'homnie, soit en un individ u
]iJinslcdcln, 1952; l!.'ulrapelie, einc vcrgcssentt 'l'itgerul, danR q11elconque, soit plutôt chez Adam et surtout en .Jésus-
Gl:ist u1ul Leben, t, 27 1 1\151,, p. 3',6•3!18. '
Ci\rist. L'expression paulirüenne in sirnilitudine carriis
llugo RAHNF.n. pecca.ti a été 11181 interprétée par les 1nanichéens, qui
pl'élendent que la chail' du Seigneur n 'aurait ét6 qu'un
1 . EUTROPE, prêtre, fin 4•~•tlébut 5°. siècle. - si1nulacre, ùnago car11is (éd. Morin, p. 114; PL Suppl.
On ignore la. patrie · d'Eutrope : J~spagne, Aquitaine 5aa). En réalité, le C!IS de l'incar nation du Sauveur est
ou Italie du nord. J.,a personnalité du Pl'être Eutrope, unique; il est le seul êtr'e à avoir reçu une cl1air marquée
,oenUonnée dans une brève notir.e de Geona<le (Da do l'o1npreinle du péché (similitullinc,n peccati velttt
l'iris illustribus 1,9, PL 58, 1087), n'a ét.6 replacée à son insculpta.m, p . 116, et col. 58ft) sans éprouver la dispo-
rang dans l'histoire littéraire qu'à une date récente, si l.ion morale du péché (afje(:tu,m). Cette chair du Sei•
grâce surtout aux travaux de José Madot.. Son œuvre, gnetn' est en effet la chair d'Adam transmise de généra-
dispersée sous des attributions dive1•sea (cf E. DekkBI'S, tion e1\ généréltion (per lrttduces, p. 11. 0, et col. 536)
Clavi-Q, n. 565-567), coniprend : 1 ° une lettl•e aux filles j\rsqu' à celle du Christ : non pas la chail' privilégiée
de Gé1•ontius, ]Je co,tternncnda hereditatc, publiée par1ni d '1\da.1n au paradis, 1nais le chah' douloureuse, faillible
les œ uvres d li pseudo-.1 él'ôme, Bp. 2, PL 30, col. 4.5-50 et mortelle d'Adarn apr ès la faute; car, s i le Christ
('•7-52); 2° urle longue ex)iortation aseétlquo, JJe vera avait reçu la nature hu1naine dans sa condition d'inno•
circu1nci.si11ru:, ibidc,n, Ep. 19, P L 80, •188·210 (1 ~1',-217); cnnce, il n'aurait pu, en tant que ·R'édcmpteur, sancti-
3° une leLtl'O, Df: 11iro pcrfccto ou 1nieuxJJe pcrfccto hon1.inq, fier la nature pécheresse; c'est pourquoi, il u dO. l'assu-
anciennement attribuée à saint l\,iaxiine do Tu rin, n·acr dans sa déchéance el son humilité. L'auteur décrit
ibidem, Ep. 6, l'L 80, 75-104, (77-107), et PL 57, 938- alors l'obscurité des origines fa1niliales du Chl'ist,
958; ti, 0 un trait.é $Ur l'incarnal.ion : Liber de si1nilit1.1,- la modestie de sa naissance dans la crèche, l'humilia•
dirie cafriis peccati, publié par G. Morin, el. attribué t.ion de aa cirr.oncision et des formalités purificatrices
DlC'l'IONNAIRll DF. S PJRITU ALJ'l't . - T, I V,
55
1731 ElJTROPE - l!:VAGRE LE PONTIQUE 1732
auxquelles il s'est soumis, comme s'il eùt été lul-n1i)rne Césarée, il s'attachà, après 1a mort de ce de11nior (379),
pécheur. Abordant enfin les grandes heures de la pas- à ·sain't Grégoire de 'Nazianze, qui lui conféra le diaconat,
sion, il ex.pose à quel point Je Seigneur a partagé les et qu'ii considéra toujours comme son maître (« le
affiictA.0ns humaines, jusqu'à l'angoisse et jUo(fu'à juste ,G1•égoire qui m'a planté ~, dit-il dans .Je Pr1Utico,,
l'expérience de l'abandon de :Diou. ]i)evenu à ce point PO -<&O, 1252c); Sozomène rapporte, en .effet, que c'.o,st
extrême un ho1nme co1nn10 nous, horno ,noster .(p. ·11,0, le nazianzène qui instr•nisit Ev:agre dans la philosophie
et col. 554), le Christ a pour ainsi dire otTacé au nlaxi- et les sciences ·sacrées (P,G 6? ,,1 88'~c). Évagre est à Cons-
mum l'i,nage divine qui était en lui. tantinople quand, on 381, saint Grégoire do Nazianze
Lo tl'aiLé d'Eutrope contient donc toute une théolo- quitte le-siège patrla,·cal; il reste alors aupl'ès de-Nec•
gie de l'incarnation.. Bien avant le concile d'Éphèse taire, lo successetlr de Grégoire, et il se fait ren1arquer
(481), av.ant Nestorius et Eutychès, à une ·époque où par son habileté dialectiq\1e dans la discussion -aveo lei
les •grandes définitions dogmatiques du se siècle ne hél'étiques. Ici survient dans la vie d'Ëvagre un épi,
sont encore ni débattues ni formulées, on est frappé sode ro1nanesque qui v.a hrusque1nent en changer
do l'énergie et du réalis1ne avec lesquels Eutrope in$iSl,e le CO\ll'S et sur lequel h~ texte de P allade n'est pas
sur l'intégrité .·de la nature humaine en la personne très clair. S'étant épris d'une te1n,ne, épouse d'un ,haut
du ·Christ, et cela dès le premier instant de son incarna- fonctionnaire, il résolut, à la suite d'un songe, do quit•
tion, nec adoptio a natura 11qju.n.güur, sed natur,L <!/Lni ter Constantinople, pour . échapper .aux dangers ·de
adoption.e co11ju11gitur (p. 122, et col. 5fl8). toute espèce auxquels l'ex.posait cette .passion. Ce départ
.Adversaire véhén1ent de l'arianisme et du mnni- fut pour Êvagre la p1•eniière pl1àse d'une conversion
c]iéîsme, Eutrope 6labo1'0 une christologie essentielle- à lu vie .ascétique : ,rupture avec le n1onde et l'Ononce-
ment fondée déjà sur la distir1ction et l'union pourtant 1nont à la bl'illante .carrière à. la.quelle paraissait promis
inséparable des doux natures. Influencé peut-être par la ce clerc remarquahle1nent doué.
morale rigo\lreuse de Pé.lage, il s'écarte tout ,à fait d1! ce .Ëvagre •gagne alors Jérusalem, où il est accueilli
dernier •par la notion très précise qu'il garde de l'effica- pal' sainte :tl1élanie l'ancienne et par Rufln. Colle-ci
cité malfaisante ,et do la transmission héréditaire du l'engage à o.mb1•aaaer la vie monastique et. à se rendre,
p6ché 01•iginel. pour cette fin, en Égypte. Vors 383, É:vagre se fixe,
·1. L ettr<JS. - 1° Analyse dea doux premières Jottres' : O. do pour toujours, dans la pat1•ie du 1nonachisme. D'apres.
Pllnval, llechero)1es sur l'œu9re littéraire. ile Pélage, dans Jf,,,,1,1c Pallade, il vécut ,d'abord deux ans au désert de Nltl'ie,
de phildlot;Û!, t. 60, 11984, ,p. 93-94 , - 2° J)e pcrfccto h.omi,1,; : puis quatorze ans au désert des Cellules; il fut en rappor!
J. :Madoz, VBStigios da r/'artulliano :1111 la doctrinn .dc la "irginùlad avec les deux célèbres Macai1'e : l'alexand,r in, qui était
dt Maria, c11 .lâ car.u1..Ad c,micun1 acgrotu111 de "iro pcr/ccto, daJlS prêtre des Cellules, et l'égyp.tien, qui habitait le désort
E'st1uiios eclesicwticos, t, '18, 191.4, ,p. iil7•200. - F. Cavallcra, de Scété, où É vagre allait par.fois lo visiter (et Prac-
L'Jpftre ps,:11,llt>•ltiéronyn1iennc De 1•iro pcr/ccto, RAlVI, t. 25
(= Mélanges A<l. Viller), t9t,9, p. 158·16?. - P. Courc1ille, tico.q, PG 40, 1249c). Au désert, si l',on en croit soh bio-
U n nouveau lraité d'Euirops, prl!tre aquitai,1 ,,ers l'an 1.00, graphe, il se livra à l'ascétisme le plus rigoureux, domp-
dans Rc1•1ro d./Js étttdes anciennes, t. 56, 195ft, p. 377-390. tant sa chair par le jeOne et de rudes mortifications,
2. De similit11,dir1e ,cc1rt1is pcccali. - Orthûdoxie et analyse exorçanl,, pour gagner le peu de pain et d'huile dont il
dans E. A1nann, art. S. Pacfon, D'rC, t. 11, '1982, col. 1 ?20-172'1. se nourrissait, le métier de copis Le. Les Apophthcgrn.ata
- L. '!'ria, Dé sin1ili.tudil1c carr1is pcccati. Il s1w aul(,rc c lu sua Patru,n ont conservé le souvenir d'J;Jvagre a\1 désert.
t.eolor;ia, Rome, :1936. On y voit que, parmi ces moines rlont la plupart étaient
fi. Généralités. - Histoire lit16rairc tic la France, 1.. 2, Pnris, des paysans égyptiens illettrés, il faisait figure d'intel•
1865, p. t,.73•'176 : S. Eutropo, évllqne d'Orange. - J. Mailoz, lecluel; volontiers on le rappelle à la n1od0stie (É11agre 7,
Hcrcncia literaria del presbLter<> Eutropio, dans Es111dio.9 cclesùî.s- l'G 65, 176a), ou on l'amène à reconnaître que toute
tico1, t. 16, '1942, p. 27-5',.; Segundo deceilio de cs111dios sohrc sa philosophie et la sagesse qu'il a trouvée dans les
patr./stùia cspar1olu ( 1941-1950), iloll. .E~tudios Onion~<,s, livres ne sont rien auprès des vertus que les égyptienij,
Madrid, 1951, p. Ba-86. - ·F . Cuvullera, L'lt<!rituge littJraire
et spirit,~<,! du pl'l1trc Eutrope, RA}II, l. 2t., 1948, p. 60-71. - dans leur rusticité, ont acquises par l'ascèse (A·rsène 5,
E , 'De.kkers, Clac•is Pair11.11, latinor111n, Sle11nbrugge, 191i1. - PG 65, 88d-89a, et Eu,prépios 7, 172d, textes qui sont
A. Mlchol, La. cttlture ,1>1 Aq1ûtainc a.u 56 siècle, danR Anna.lei: rlu en réalité deux: apopliteg,nes d'Jl:v.1gre, co1nmo le
Midi, t. 71, 1969, p. 115-121,. - DS, l. a, col. 1068-101\9, montrent les versions),
direction spiriluollo; L r., col. 1098-1099. Ces réserves s'expliquent; pa1' le fait qu'Évagre
appartenait à un groupe de rnoines dont les Apophthog-
Georgo.s de Pl,l NVAL.
nu;ta .Patru,n parlent peu, mais qui sont bien connus
2. EUTROPE DE VALENCE, t vers 600. V<!ir par l'Hi.storia monachorurn et pat• l'ouvrage de Pallade:
a.rt.. Esl•AéNE, DS, t. li, col. 1100. lo petit groupe des moines origénistes. C'est à A1nLl)Ollios,
l'un des cc Longs Frères "• que s'attacha Évagro après
ÊVAGRB LE PONTIQUE, vers 8'•5-3f/9. - son arrivée au désert (cf l{i-stoire latt.sia.que 1-1, éd. C.
1. Vie. - 2. Œu11,.es. - 3. Doctrine. - '•· Influence . Butler, p. 31,). 1< !.}entourage d'Arr1n1onios et d'.Évagre »
(cf 24, p. 77-78) formait un grou1)e de n1oines bien
1. Vie. - Sur la vie d'Évugt·e notre prînci})ale sourue distinct, qui est pa1,fois appelé sltnple1nent par Pallade
de ronseigne1nent.s est le chapitre (38) qu'Cl consacré la i< co1npagnie » (au1108(«) ou la u confrérie » {é-r«tpe!«)
.à celui-ci son disciple l'allado dans !'Histoire lausiaque, d'Évagre (35, p. 102), expression qui 1nonLre que
.co1nposée vers 420 (C. BuUer, The Lau.siac Ifi11tol'!J of bientôt ce de1,nier y prit une place én1inente. A1nmonios,
Ralladius, .t . 2, coll. Texts and Studios, Cambridge, comn1e Mélanie l)lle-mê,ne, était un grand lectcu1•
190~, p. 116-123). Il Iaut y joind1•0 Socrate (l{istoire d'Origène ('11., p. 34) ; ses frères et lui étaient, d'après
•/Joclésiastique 1v, 23, l'G 67, 51 Oa-521b) et Sozon1ùne Sourate (Histoire ecclésiastique vr, 7, PG 07, 684d)
(Histoire ecclésiastique v1, 30, PG 67, :t384b-'1388a). et Sozon1èno (lfistoire ccolésiastigue vru, 12, 1545b),
JI était du PonL, de la ville d'Ibol'a., où il naquit aux les plus distingt1és et les plus érudits des moines de
alentours de 345. Ordonné lecteur par saint Basile de Nitrie. Ils jouirent longtemps de l'amitié el, de l'estime

1732
1733 ÉVAGR·E LE PONTlQUE 1734
~79)~
>nat, dù patriarche 1'héophile, qui nt l'un d'eux, Dioscore, indépendàmmont l'une de l'autre (cf I. Hausher1•,
(« le 6vlique d'I-ler1nopolis. Nous savons par Socrate ·(1v, ·23, les versions syriaque et arnié,iïenne d'i:1Jagre.. , Rome,

:iaos,, 521à) que Th'é ophile voulut conférer l'épiscopat à ·t98t, p. 100-1'06). Ce livre contient une liérie de conseils
~•est evagre et que celui-ci se déroba (d'après u ne recension adressés au « gnostique », lui disant la manière ·dont il
plïie longue 'du chaP.itre de Pallade, l'intention de Théophile doit se compo1•ter dans son enseignement, les précau-
'
1ons- êtait ,/le faire îllvagre évêque de 'l'hmuis). Les rapports tions qu'il doit prendre, les dé'fauts dont il doit avant
etnze , entre Théophile et les Longs: Frères se gCttèrent quand, tout se garder.
Nec- pour ·des raisons peu claires, ·en 39'9, ·le patriarche se 3) Les K eph~laia gnostica so~t Je grand ouvrage
[JJUer mit actîvAmont au service de la cause antiorlgéniste doctrinal d'flvagro. C'est Je livre ~p.pelé par Socrate
, les plaidée par '.Épipliane de Salamine. Au mo1nent de 'E~ax6ata 11:poyv(A)O'T~><« 11:po6À-l)µoc-;ix. Il 110 subsiste
é,pi- l'expédition de Théophile contre les moines origénistes dn tex.te grec que des fragments qui représentent envi-
1ger do Ni trie, .au printemps de 1,00, il n'est pas qu·e stion ron le septièmo do l'ouvrage. On connaît celui-ci dans
pas d'Î!lvagre. Celui-ci était mort quelques 1nois aupaTavant. s a totalité et sous le titre de<( Chapitres do connaissance»
1a:ut PUllade, avant de quitter l']JJgypte, assista aux derniers <)Il « gnostiques » par deux versions syl'iaques, dont
uit- moments do son maître qui 1nourut, dit-il, « après l'une (éditée, ·avec le ·commentaire du nestorien Babai,
·de avoir communié pour !'Épiphanie, à l'église ·i, (éd. par W. Frankenbe1-g, op. -ait., p. 48-422) est l'œuvl'e
,art C. Butler, p. 122). La 1nort d'JÎlvagre survint donc pou <l'un traducteur qui a fortement corrigé, pour en atté-
iton après l'f:piphanie 399. On n trace, dans la tradition nuer l'origénisme, le 't~t:e original ter A. et C. Guil-
~ce- arménienne, d'une cornmémoraison d'Évagre le 11 laumont, Le texte ·véritable des « ·a11ostica » d' .ivagre le
mis février (cf Bibliotheca ha-giograp'hica orienta'lis, Bruxelles, Pont,que, dans Revue tlc l'histoire dès ·religions, t. 142,
19f0, p. 65). Au diro do Pallade (éd. ·C. ·B utler, p. 11:6), ·I 952, p. 156-205; édition tle ila nouvelle version syriaque
eilli il avait à sa mort 54 ans. avec réédition critique de la version antérieurement
e-Cl• connue, par A. Guillaumont, Lei/ si:r. ce11iuries des
ire, 2. Œuvres . ~ Sul' l'activité littéraire d'Êvagro,
" Kephalaia gnostica ii d'Évagre le Pontique, Paris,
lxe, P.allado s'mit exprimé on une .ph1•ase don t lo texte est
·t 958); il en existe a ussi une version arménienne (édi-
,rès incertain et .Je sens .peu :clair (éd. C. Butler, p. 121).,
tée par tl. Sarghissian, op. cit., p. 1 1,3-207) Calte sur
rie, Plus importants sont les t én1oignages de Socrate (B i9-
la version syr·iaque commune ou expurgée. Cet ouvrage
or,t UJire cççlésia,stique 1v, 23, l?G 67, 51-6ab) et de J'histoi;ien
forme avec les deux précédents une sorte de trilogie,
:aire Oennade (,De virw inlustribu.s 11, PL 58, 1066ab-1067ab).
com.1ne Évag1•e lui-môn1e l'indique, en les J)l'ésenlant
e-rt '1° Tous les livres mentionnés par ces deux auteurs groupés enselnble dans sa leLtre 'à Anatole (PG 40,
ac- nous sont parvenus et constituent un premier groupe, 1221 c); mais, par son a1npleur 111ên1e, c'est de beaucoup
,io- lo plus important, dans · l'héritage littéraire d'Evagre. Je plus important des trois. Il est formé de six centuries
\p- Ces livres sont les suivants : dont chacune n'a en fait que 90 sentences, soit en ·tout
ns, 1) Le Practicos, formé d'une centurie, c'est-à-dire St;O sentences. On possède en syriaque et en àrm'é nien
t il d'une série -de cAnt petits chapitres (cf art. CriNT\11.\lRS, un groupe de 60 sentences qui est parfois présenté
rzta DS, t. 2, col. '116-4.18). Le Lexte s'en trouve dans PG 40, comme un «supplément» aux six centuries (syriaque :
rt. 1221d-1252c, tel qu'il fut édité par .J.-B. Cotclier VV. Frankenberg, op. cit., p .- 422-470, avec 'le commen-
1nt ('Ecclesiae graecae 1nonumenta, t. 3, Paris, 11386), 1nais taire de Babai; arménien : H. $arghissian, op. oit.,
el- sous une for1ne telle que le livre est totale1nent défiguré, p. ·207.216); ces sentences appartiennent en réalité
7, comme permet de s'en rendre compte l'examen de li. un traité séparé qui apparaît sous ,des formes .assez
1te la tradition manuscrite et des versions (cf J. Muyl- variées et, en syriaque, sous le titve aussi ,de ~ Chapi-
les . der1nans, La teneur du (< Practicus i, d'Evagrius le Pon- tres de connaissance » (cf J. Jvluylderrnaos, É11agre le
IS, tique, dans Le Muséon, t. 42, 1929, p. 74.-89). Il faut en ,Pontique : les ,t {:apita cognoscitiva >> dans les versions
5, retirer les chaJ)itres 63-71 (1236c-12'•'•b) qui font. par- syria.que et arrn.ériiennc, dans Le Muséon, .t. 4 7, 1934,
nt tie d'un atit1•e livre et, en revanche, y insér•e1• le texte p. 73-106). Ces .sentences, par leur contenu ~urLouL
le édité,plus loin, 1272a-'1276b, sous le -titre Ilipl -r&v ôit,~) 1,hilosophique et t.liéologique, sont du .1r1ê1ne genre que
).oytaµ.ii>v : ce ,texte n'est pas un truité séparé, mais celles qui forment les six centuries.; de .nombreu;x.fra,g-
re for1ne les ch.apitl'es 6-14. du !Practicos. Ce livre ,est ·celtii rnents grecs en ont été 1•ctrouvés (voir surtout J. Muyl-
g- où 's'exprime de la façon lu plus complète la ,doctrine clermans, Evagria.na, Pal'is, 1931).
1S ascétique d'flvagre. Les di;x: derniers chapitres ont un 4) 1/Antirrlulticos, signalé à la ·fois par Pallade,
l : caractère un peu dilTéiient et prennent :Ja fornie Socrate-et Gennade, n'existe plus en grec. Il est.conservé
,s, d'apophtegrnes. da.ns une version syriaque (W. Frankenberg, op. cit.,
~s 2) Le Gnosticos, forrné se ule111ent de cinquante p. li.72-544) et dans une version ar111énienne .(H. Sar-
C. ghissian, op. cit., p. 21 ?-823)., faites toutes-deux,aomble-
1 ))
chapitres, soit une demi-centurie, fait suite au lJrac-
ticos, comme ·' flvagre l'a indiqué dans sa lettre d'envoi 1.-il, sur le grec, indépendamment l'une de l'autre. Ce
Ill
à Anatole (PO t10, 1221c). Eu greu, il n'a sub(:!isté que Jiv1·e, comme ,le remarquait déjà Socrate (PG 67, 5116b),
le « est d ivisé en huit parties, d' après ,le nombre dos nuit
:) des fragments, au total assez nombroux; sept chapitres
16 on sont cités par Socrate (llistoil'e ecclésiastique 111, ,i.
pensées A propos de chacune de ces huit (( ;pensées »,
7, PO 67, 3961>; 1v, 23, 520a), dont l'un est reproduit . ou tentations, sont cités les textes scripturaires qui
s, peuvent permettre de lu chasser. C'est un véritable
Il'
dalll! P-G 4.0, 1285b. L'ouvrage complet n'est conservé
que dans une version syriaque (éditée ·par W. J.i'ran- arsenal d'ar1nes pour la lutte contre les démons; ces
ls <:i Lat.ions sont présentées selon rordre des livl'es .bibli-
1-) kenberg, Euagrius Pontù;us, Berlin, 1912, p. 546-553,
avec rétroversion grecque) et dans une version armé- ques, depuis la Genèse jusqu'à ·l'ApoèaJypse (en tout
)' nienne (éditée par I-J. B. V. Sarghisslan, Vie et œuvres 1,87).
.0
du saint Père É11agre .. , Venise, 1907, p. 12-22), qui 5) ,Sentences ,nétriqueB ; « A u:i; nioines "iv.a1it e1i
e paraissent avoir été faites toutes deux sur le ·grec, conununaul,é >> et 1( Exhortation à une c•ier.ge ,i. Contrai-
1735 ÊVAGRE LE PONTIQUE 1736
rement aux livres précédents qui s'adressaient princi- de << Suidas » (Lexico,~, éd. A. Adler, t. 2, Leipzig,
palement aux anachorètes, ces deux recueils sont des- Teubnor, 1931, p. '•40} pour lo commentaire sur lés
tinés à des cénobites. Le texte grec en a été conservé Proverbes de Salo,11011, la grande fréquence du nom
et a- été édité par J-1. Oressmann (Nonnenspiegel und d'Évagre dans les chaînes exégétiques et surtout
MoncJisspiegel .. , TU 39, '~, p. 1 ',3-1 65), qui leur a donné l'oxistonce de certains .de cos comn1entaires parvenus
le nom de 1< l'vfiroirs ,, par .lequel ils sont fl'équemmont jusqu'à nous. Au Co,nmentairtJ des Pror,erbes appar-
désignés, 1nais qui Il 'est pas tradi tionnel. Ce sont, d'une tiennent sans doute les séries de sentences exégétiques
pa~t, 13? versets ( Aux moines) et, d'autre part., 56 ver- où sont ex}l.liqués certains termes du ch. 30 do ce
sets (.4 u11e.11ierge), généralement en forme de distiques, livre (PO 40, 1265d-1268, n. 17-88) ou du ch. 7 (en
dans le.squels B'exprhnent au tant de conseils à l'adresse syriaque, dans J. l'vfuyldormans, E11agriana syriaca,
des débutants dans la vie n1onas\lque. La forme rappelle Louvain, 1952, p. 133-134 e t. 168-161,). Le Commèntaire
beaucoup colle des Proc•erbcs bibliques, qui sont par des Psau,nes semble intégralement conservé dans les
endroits paraphrasés. chaînes, le texte s'en trouve dispersé parmi los Selceta
6} A ce premier groupe li convient d'ajouter les i,~ psaln1os édités sous le nom d'Origène (PO 12, 1058·
Lettres, non mentionnées par Pallade, Socrate et Gen- 1685; J.-B. Pitra, Analecta sacra, t. 2, Frascati,
nade, mais dont l'uno au moins était connue de saint 1884, p. 444-488, et t. a, p. 1-864; cf H. Urs von Bal-
Jérôrne qui, à prOpùS d'Évagre écrit dans sa lettre à thasat', op. cit. , p. 90-106 et 181-189, et '.J.\,1.-J. Itondoau,
Ctésiphon(= ~p. 188, 8; PL 22, 1151a, et éd. I. llil- citée infra). Cet ouvrage est pa1'ticulière1nent riche au
berg, CSI:i:J,, 56, Vienne, 1918, p. 246) : « soribit ad point de vue doctrinal. On connaît égaleuient par les
eam cujus ûorne11 nlgredinis tesLatur perfidiae tene- chaines exégétiques d'autres con1n1entaires de livres
bras )), la personne ainsi désignée Ii'étant aut1•e que M6la- bibliques, notarnment de Job. Ces commentaires ont
nie. On a conse1•vé en syriaque (W. Frankenberg, op. avant tout pour but d'expliquer le sens 1:1pirituel de
cit., p. 564-684) et partiellement en arménien (~!. Sar- certains Ler,nes, en particulier do ceux qui peuvent faire
ghissian, op. cil., p. 884-876} un recueil de 64 lettres difficulté pour la lecture spirituelle du nioine; ces terrnes
d'Évagre, pal'rni lesquelles se trouve précisément une sont parfois groupés systématiquement : ainsi dans la
longue lettre à Mélanie. Celle-ci est la plus importante, série de sentences publiées dans PG ~O, 126',d-1268b,
par son contenu, car lJlvagre y présente une véritable où est expliqué le sens allégoriqµe des mots de l'Écrit~re
synthèse de sa doctrine. Une seule de cos lettres a été (surtout du Lé11itique) désignant des maladies; suit
conservée dans son texte grec, pour êtro passée dans le l'explication allégorique des nom d'animaux de Pro-
corpus des lettres de saint Basile (lettre 8; cf R.. Mel- 11erbes 80. :Peuvent ôtre rattachés au genre exégétiqlle
< cher, Der 8. Brie/ des hl. Basilius.. , Munster, 1923; les deux textes Sur les séraphin11 (cf Isaïe 6, 2-8) et
téxte dans Lettres de sai11t Basile, 6d. Y. Courtonne, t. 1, Sitr les chérubins (cf Ézéchiel 1, 18, et 10, 12), conserv6s
Paris, 1957, p. 22-87). En syriaque, elle porte le titre en. syriaque et, le premier seulement, en ar1nénie11
do « 1.,ottro sut• la foi » : c'est un texte de gr.ind intérêt (cf J. Muyldermans, dans Le Muséon, t. 59, 19',6, p. 867·
pour la théologie d'Évagre. On peut joindre aux lettres 879), ainsi que le commentaire sur le Pater conservé
deux courts traités d'exhortation, en forrne de lettres, dans les chaînes exégétiques coptes (cf P. de Lagarde,
qui sont conser•vés en syriaque (W. Frankenberg, op. Catenae in Evangelia aegyptiacae .. , p. 13).
cit., p. 554-562). S) Recueil8 de 8entence8. La tradition manuscrite
2° Par ailleurs la tradition manuscrite nous a con- a transmis sous le nom d'Évagre, en certains cas sous
servé sous le nom d'Évagre certaines œuvres dont il les no1ns de Nil ou d':flvagre, des collections de senten-
n'est pas fait. mention dans les notices citées des auteui'S ces anal.ogues à celles que connaît la tradition philo-
anciens. Ces œuvres forment un second grottpe qu'il sophique et gnomique grecque. Une série alphabétlq\10
convient d'examiner nuüntenant. se tl'ouve dans PG 40, 1268c-1269b, suivie d'une autl'e
1} Los bases de la c,ic 1nonastique. Le texte de ce tl'aité série (1269bcd); trois autres collections sont publiées
parmi les rouvres de Nil,. dans PO 79, 1236a-1264a.
so trouve dans PO 40, 1258b-1260c, sous le titre T<7>v
xcr.Tœ 1J.011cr.x6°)11 '!îP((Yl~IXTc:.>v -rix 01'.Î-rux, en latin Reru,n 8° Traités disputés entre 1Vil et É11agre. ~ Comme
,n.onachaliu,n rationes. Les manuscrits le donnent c'est le cas, on vient de le voir, pour quelq\1es séries
fréquemmont sous le titre de " Hypotypose >> ('TnoT\i- de sentences, il ost un groupe important de t1·aités qui •
n-c~"~,;;) qui lui convient hion. Le contenu en est assez se trouvent transmis, dans la t.radilion manuscrite
banal, l'auteur y exposant les conditions requisos pour grec.quo ou orientale, tantôt sous le no1n d'Évagre,
être moine: ne pas se marier, se retirer du n1onde, res ter tantôt sous le nom de Nil. Démêler cet écheveau est
pauvre, etc; il n'a rien de spécifiquement évagrien, et une tâche ardue, et rnalgré les travaux de F. Degen-
l'on n'aurait pas de raison particulière d'att1•ibuer cot J1art (Der hl. 11' ilus Sinaita, ~lunster, 1915; Neuc
écrit à l!Jvagre, si la tradition 1nanuscrite, tant grecque Bcitriige zu.r Nilus-Forschung, M:unster, 1918) et de
quo sy1·iaque (il en Hxiste trois versions syriaques, iné- J{. Heussi ( Untersuchungen zu Nilus d,e1n Askcten, 'J'U
dites), ne paraissait très fer,ne sui• cotte al.tribulion. t,2, 2, I~eipzig, 1917; Das Nilusproble,n, Lt}ipzig, 1.921),
Un pa.ssago cependant s'en retrouve parnti les éc1•i1.s le problème Évagre-Nil est loin d'être élucidé. Voici
d'Alnrnonas (cf PO 11, 4, p. {,86-'187 = PO 40, 1261abc). ceux qui, parmi ces traités, ont Je plus de chance de
2) Co,n,neniaires de l' Écrit.ure. Il est bien établi revenir à 11:vagre.
qu'Ii:vagre a con1posé des commentaires de certains 1) Traité au- ,noine Eulogc, dont Je texte est dans
livres bibliques (cf 1-l. Urs von Balthasar, Die /iiera PG 79, 109:ld-11l10a; cet écrit est généralement 1nls
des Evagrius, dans Zeitschrift. für lcatholische 1'/teolo- sous le nom de Nil en grec, saur dans ce1'Lains n1anuscrits
gie, t . 68, 1939, p. 86-106 et 181 -206). Le té1noignage qui l'insèrent entre le Practicos et les sentences métl'i-
de Pallade sur cc point (le 1not !Ep!Î, éd. C. Butler, qoes ,;lux moines; 1nais if est 1nis sous le nom d'Évagre
p. 121, 1-2), invoqué pa1· IL llr•s von r-1atthasar, reste en syriaque (inédit) et en ar1né11ien (1-1. Sarghissian,
douteux, mais il y a en faveur de la thèse le térnoignago op. cit., p. 63-1 j 3).

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1737 ÉVAGRE LE J>ONTIQUE 1738
36
2) Tra.ité des dil1erse,9 1na11,(JaÎse11 pen11ées (lIE@l 81«- de sentences, de « chapitres » (Ke:<pœÀ«ux) parfois assoi
tg, q,Ôp!JlV itOv'l)pwv ).oy1aµ&11, PG 79, 1.200d-1238a) : impor- longs et qui n'ont souvent entre eux qu'un lien assez
les tant écrjt dont il existe en grec deux recensions dill'é- 1/lcho. Chaque sentence est faite pour être méditée pour
1m rentes; il est n1is soüs le nom d'lllvagre dans une grande t•lle-xnême. Volontiers ollé prendra un tour énigmatique,
Ut partie de lu tradition grecque et dans la tradition pour mieux athnuler la mtiditation, et aussi pour ne pas
us syriaq ue. On le trouve aussi sous le norn d'Évagre nxposer trop brutalement une vérité devant des esprits
ir- dans la PhilocalZ:e de Nicodème l'hagioritc (réédition, qui ne peuvent oncore la comprendre; d'ou une volonté
es ·t. 1, Athènes, 1957, p. 44-57) . trés nette d'ésotérisme, du moins en ce qui concerne
ce l os vérités les plus hautes : « Nous avons dissimulé
en S) Traité des h11,it 1Jsprit8 de nia.lice (lIEpl Twv ox'tw nertaines choses, en avons obscurci d'autres pour ne pas
•a, nveuµœT!Jl\l -rijc; ltOll'l)p!«,;, PO 79, 11',5a-116fld) : ce donner aux chiens ce qui est saint ni jeter les perles
r(J traité est générale.ment attribué à Nil en grec (sauf ;1ux. pourceaux; mais ce se1·a clair pour ceux qui auront
es dans certains manuscri l;.<J où il est mis sous le norn suivi le xnême chemin », dit-il dans sa lettre d'envoi à
U1. d'l1lvagro), .mais il ..est connu sous le nom d'lJ.Jvagro 1\natole (PG 40,. 1221c). Et, la vertu de justice cher. le
a- dans les traditions syriaque et arabe (inédites) et en gnostique, c'est-à-dire Je 1nattre, consiste à donner
ti, éthiopie11 (é(\. O. Spies, dans ôriens chri.çtianus, t. 29, l'enseignement selon la mesure de chacun, " formulant
il- 1932, p. 203-228). Ce livre est à distinguer du Traité dès h1tit certaines choses obscurément, on exprimant d'autres
u, pensées de malice (llepl -iwv OKT@ -riji; xcxx(«,; Àoy101~wv) par énigmes et en révélant d'autres pour le salut des
Ill publié dans PG 79, 1lt36-1/172, compilation où il entre sirnples » (G11osticos 1lt6, PG 40, 1285b). Cette règle de
es do l'lÎlvagre, mais qui n'est probablement ni do Nil ni prudence, qu'Évagre a parfaitement appliquée, rend
es d'Évagre. ' toute une partie de son œuvre assez hermétique.
lt 4) Traité de la prière : le plus iinportant de tous au
le point do vue doctrinal, spéciale1i1ent pour la doctrine 2° Ascétique et myl/tique. - La matière doctrinale
re mystique d'Évagre. Il est formé de 158 chapitres ou se dist1•ibuc on deux grandes parties : « Nous avons
as sentences (ce qui est, com,ne le signale le prologue, distingué, d'une part, l'enseigr\ernent pratique (Tot
la le nombre dos poissons de la pêche miraculense racont6e itpocxTtK«) ... et, d'autre part, l'enseignexnent gnostique
b, en Jea.n 21, 11). En grec, ce livre parait être toujouri. (Tot yvc.,)CJTtK&.) >• (Lettr11 à ilnàtole, PG 40, 1221c).
re sous lo nom de Nil, et c'est pa,•mi les œuvres de ce Aussi bien, la vie spirituelle se di vl.se-t-olle en deux
it dernier qu'il a été publié (PG 79, 1165a-1.200o); les phases, correspondant à cos doux degrés d'enaeigne1nont:
~- Apophtliegrnata Patrum en donnent des extraits éga- la 7tflOCK'l'tK~, ou vie « pratique », et la yv!Jla't'tK~, ou vie
18 lement sous le norn de Nil (PO 65, 305abc) et c'est «gnostique». La 7tpocKTLX1) se définit com,ne « la méthode
it encore sous ce nom qu'il figure dans la Philacalie (t. 1, spirituelle qui a poµr but de purifier la partie passionnée
)s p. 176-189) , Mais c'est sous le nom d'lÎlvugre qu'il a élé ile l'âme» (Practicos, PO r.o, 1288ab). C'est donc avant
,n transmis en syriaque (incomplet) et en a1•abe (cf I. Huus• tout la lutto contre les passions, le but à atteindre
7- herr, Le « De Oratione » d'19vagre le Po11tique en syriaque étant l'&.r.&.0e!.O(, l'impassibilité, condition do la vraie
té ét en arabe, OOP 5, 1939, p. 7:71 ). En plus du témoi- :;cience. lllvagre !ait preuve d'une très granda finesse·
e, gnage de la tradition syro-arabe, I. 1-Iausherr a fait dans l'analyse des passions e·t de leur mécanis,ne.
valoir en raveur de l1authenticité évagrienne des argu- Celles-ci sont liées à notre corps et l'impa.3sibilité
i8 ments de critique interne qui paraissent décisifs (Le consiste moins à les supprirner qu'à faire qu'elles ne
18 traité de l'OraÎ8on d'ÉPagrc le Pontique (Pse11.do-Nil), soient plus mises en branle. Ox·, ce sont 10's démons qui
l• traduction fra.n.çaise et coninientairc d'après les autr6.~ los « 1neuvent » en nous; aussi l'ascèse est-elle principa-
)• écrils d'Êvagrc, RAM, t. 15, 193(, ; l'ééd., t. 85, 1959, lement une lutte contre les démons '(cr art. DÉMON,
18 et t. 8G, 1. 960; tirage à part, Paris, 1960). DS, t 3, spécialement col. 196-205). Pour parvenir à
·e lours fins, ceux-ci se sor'vont soit des objets eux-mêmes; ·
iS · S. Doctrine. - 1 o Dans une large xnesure, Évagre los 'lt@«yµ.«'t'o:, qµand ils luttent contre les séculie1-s ou
est un témoin de la spirit11.alilé du désert. Il s'est fait, les cénobites, soit des pensées, les Àoytaµol, leur arroo
dans son œuvre, l'écho de l'eL\Seignement que se trans- habituelle contre les anachorètes. Comme Évagre
,e
1nettaien t, de ,naître à disciple, les solitaires égyptiens bcrit spécialement pour cos derniers, c'est le mécanisme
:s des« pensées " ot leurs distincLions qu'il analyse surtout.
li et qui. nous est connu surtout p;ir les Apoplithegmata
Patrum. Lui-mô1ne se réfère plusieurs fois aux paroles f:vagre a joué un rôle décisi[ dans la n1ise au point de

dès Pères ou à l'enseignement de tel ou tel d'entre eux, la théorie dever\ue classique dos« huit pensées» (réduites
comme Antoine, 1\1acait•e, Jean de Lycopolis. Sa doc- ensuite à' sept, d'où les sept péchés capitaux). Ces
trine de la !;EVtTE!« et de l'-l}aux!«, - de la fuite loin huit pensées « génériques » sont, dans l'ordre ou il les
du monde et de la vie dans la solitude - , telle qu'elle présente toujoµrs (cf Practicos, Antirrliétique) : la
ést exposée surtout dans les Bases de la vie monastique, gourmandise (ycx!l"t'ptµocpylo:), la fornication (itopvclet. ),
n'est aulre que celle du milieu monastique où il a vécu. l'avarice (q>1À«pyuplcx), la tristesse (ÀOit'IJ), la colère
Dans sa démonologie aussi, il y a une grande part à (6py1J), le déoouragernent ou acédie (œx'l)8(cx), la vaine
faire à l'expérience· et ù l'enseigne1nent pràtique des gloire (x,11080!;(,x), 1'orgueil (ÙTl'Cp'l)<pcxv(oc). Aux pensées
moines du dései·t. Mais .11:vagre a incorporé les éléments suggérées p,lr chacun de ces vices convlennon,t. des
e remèdes appropriés, qu'Évagre a analysés de façon
de cette doctrine tout en1pirique dans un ensemble
de spéculations empruntées à la tradition philosophique détaillée. Il a analysé de n1ême les signes par lesquels
s et théologique et tout à fait étrangères Il- l'esprit des se manüeste l'approche de l'impassiblli'té, Cello-ci ne
8 COI\Siste pas seulement à n'êtro pas ému par les« objets»
solitaires égyptiens, constituant ainsi un système vigou-
~ reuseJnont personnel. eux-mêmes, roais surtout à ne pas êtl•e troublé par leur
La pensée d'Évagro est fortement synthétique, mais souvenir; aussi les rêves on sont-ils un exceller). t diagnos-
e il a volontairement donné à cette pensée une expression tic. Au terme de la 1tpcxKTtK~ s'épanouit la charité,
analytique. Son genre de prédilection est la collection l'&.y&.7t'I), fille de l'impassibilité.
1739. ÉVAGRE fuE J?ONTIQlTE 1740
Alot'S COOlrnenée la vie « gnostique )) 1 qui vu se•déve- l'i11tellect qui, par négligence, est. tombé de !'Unité' ,,) . li
lopper :selon, deux dogr6s :. Ja cpuoiK-1), ou contemplation Cependant les intellects ne sont pas abandonnés, à ]'
naturelle, otJn. 6eoï.oyiwf)l ou science do Dieu. La contem- c11x--mêmes, dans leur déchéance, car !'Unité est. un t
plation naturelle elle-mêmo so divi.se en deux, lu contem- Dieu n1isé11icordieu-x et provident. Un moyen qµi leur e
plation naturelle seconde, celle qui a pour objeL les permettr.a de regagner peu à peu la science essentielle I,
natlll'es secondes, c'est-à.édire les corps, et la contempla- leur est donné par la création des corps e L. des mondes; a
tion natu1·elle preutièro dont l'objet est les natu11es Ct!Lte seconde oréat,ion, d istincte de celle des Àoytxol,
spirituelles. La con te1nplation naturelle seconde est a pour efîêL de dori1ier à chaque intolloct ,!échu un- corps
déjà une science spirituelle, car, dépassant lu simple eLde l'établir dans un n1onde qui soient en. rapport avec Il
vue sensible dos corps, c'esL leurs ,, raisons ,,. (ï.6yo1) sou degré do chu te. A insi sont créés los co1•ps des ]
qu'elle se propose de. conntlttre, découvranL ainsi la anges, ceux; des ho1nmes et ceux dos dé.m ons, ror.ntés (
« sa9esso, pleine de variété » que le Créateur a mise en des m.1~mes élé1nents matériels et différenciés seulement J
eux: Mais elle sen1hle se situer encore au niveau de la p11t les proportions variables de ces éléments. Cotre (
rcp~Ktix-1), car « l'acco1nplissement d,~s commandements un îon des intellects déchus à un corps matériel, si elle (
no sulllt pas• à assainir parfait.en1enL. les puissances do est. c.o nsécutive à un. jugement, qui' a fixé à chacun 1
Hâ1ne. si les,éonten1plations correspondantes ne a'e1npa- celui qui lui.convonnit, n'es·t pas l'effet d'un châtiment: 1
rent. pas à leur tour de l'intellect ,, (JJr1.1,ctiooB, PO 40, le corps et le moode \.lUi lui correspond doivcn t être. pour l
1283b). La ')",)<,>c::rt"1x~ paraît com1nence1· véritablement l'intellect déchu un instrument de saluL. Déchus, les i
avec la. conte1nplation naturelle première, qlli est une ï.oyixol n'ont plus part à la science essentielle,. mais il ◄
participation à la coonai.s11ance angélique. Elle s'achève leur est donn6 une science, - lllvagre préfère drrè une l
dans la vi$ion de l'intellect lHlr lui-1nên1e, qui relève contempla.lion - , qui est approp1•h~e à leur état et à l
déjà de. ce qu'Évagrc appelle la 0Eoï.oy1x~. l!:vagre, en leu!' degré de chute : la conte1nplation sensible; pour
effet, ne semble pas adrnettre comme possible une vision laquelle le co1•ps est un instrument indispensable.
directe de Dieu par l'intellect ici-has; ce que l'intellect Selon le degré des êtres et la natur.e des corps, s'éche-
peut voir, c'est le" lieu de Dieu >,, c'est-à-dire la« .lumière lonnent les différent.s types· de contemplation : la
sans. forme ».qui se lève en· lui à l'heure de la: prière co ntemplation épaisse, qui es t celle des• déinons et des.
(cf « Supplé1nent » aux six centuries, 21, 25 et 26, ho,n1nes impies, la conte1n1>lation naturelle seconde
W. Frankenborg, op. oit. , p. 440, '*'•8 et. '~50). Cette lu- qui est proprement celle des l1ommes, la contemplation
mière, l1lvagre la nomme tantôt' « lurnière de l'intellect\ » nal.urello p1•emière qui correspond à l'état angélique
(ou encore-«:éta.t » de l'intellec·t purifié), tantôt« lu111ière ot au-dessus de laquelle. se trouv:e la science de 11Unité
de· la sainte 'llrinité . »· (iibidèni) : JI. raconte lui-nième ou :;cie11ce essentielle réservée aux intellects complète-
(Antirrhâtiqw, 6, W. Frankenborg, op. cit., p. 524) 1nent purifiés: L'intellect passe par paliers des-unes au:x
qu'il demanda un. jour à J.ean• de Lycopolis si· c'est la au tres !lt ainsi se fait progressivement le salut : par
nature de l'intellect lui-nuîme qui ost lumineuse ou si passage d'une contemplation à une contemplation
la lumière qui paraît émaner de lui provient de quelque a
plus haute. Achaquo passage un autre type de contem-
chose, d'extérieur à lui : Jean répondit qu'il était impos- plation correspond le passage à une autre catégorie
sible à Phomme de le savoir. Pour un exposé plus de 11orps·. et de mondes, ceux•ci étant de plus on plus
détaillé de la conten1plation choz '.mvagre, voir DS, art. spirituels.
CôNTE1'1Pt;ATroN, t. 2, col. 1775-1785. Quelle est la· place du Chris.t dans cette rédemption?,
Le Cltl'Jst est lui-môme un intellect, pareil à tous ceu-x.
3°· MétaphysiqUB /lt tliéologie.. - Cotte· doctrine ascé- qui forrnaient l'hénade primitivei J.\ilais soul de tous les
tique et mystique s'insère dans un système métaphy- êtros raisonnables, ilest.resté•uni à,la s.ciençe-essentielle :
sique et tlléologiquc ass!lz particulier qu''.Ëvagre a il 11st celui qui seul a- p1•ésenternent en lui le Verbe,
exposé dans sa grande Lettre·à Mélanie et stu•tout dans éh111t toujours rest.é uni à !'Unité et c'est en tant qu'uni
son principal ouvrage, les .Mephalaia gnostica. On ne inaltér.ablemellt au Verbe qulil est Dieu. Ce privilège
peu.1J.présenter ici que les.grandes,lignes de ce systè1ne, lui (l()nfère un r.ôle· impor.tant dans le salut' dos ï.oy1xo(.
en se fondant. sur. celJe des deux versions syriaques C't!!:lt par lui qu'a été raite la seconde création, cellè
où. l'.origénisme· du texte original a été intégralement des corps ot des inondes, en lesquClls il a mis sa « sagesse
respecté (éditée sous le sigle S 1 dans PO 28, 1). ,Au.prin- pleine de variété »; c'ost Jul. qui a présidé au premier
cipe e:x:istait une hénade torrnée par· l'ensernble des jugernent et qui préside à tous les jugements à venir,
êtres I!àisonnables (ï.oy.1)(0() ou intellects (v6r:1,) purs, donnant à chacun, et à chaque nouveau changement,
créés égau:JG entre eux pour·connattre Dieu, l'intelligible le inonde et le corps· qui lui conviennent, c'est' lui aussi
par ·ex.cellenc.e, c~est,à-dillO créés pour la science essen- qui a v:olontairem.en,li pris un corps semblable à celui
tielle O\L V.e11bo. et pour être unis à Dieu qui est essen- dos :>..oy~xo( déchus, de manière à les aider pour leur
tiellement Unité· ou· Monade. Par suite d'une négligence sah,t en leur révéla.nt la science, essentielle: Il y a. aussi
des intellects qui se sont relAcliés dan$ leur contempla- dans trouv:re du1salut une aido mutuelle des );oy,xo!,
tion de la science essentielle, il s'est produit une I'Up- les inoins, déchus, c'est-à-dire les anges, aidaf!t oeux, qui
tur.e. de l'hénade primitive : c'est le a mouvement- » le• sont d avantage.
(xlv·l)oiç) qui. a eu pour effet, non seulement de faire I.Jeschatologie est conçue selon la perspective de
cesser i!union,de l'intellect. avec !'Unité· et par là de lui n1ondes 1nultiples et divers, au cours-. desquels tous les
faire perdre la, science essentielle, mais aussi de briser ).;oytxol·, y compris los dé1nons, s'élèveront peu à peu
l'union des intellects entr!:l eux et d'introduire parmi à l'état angélique, caractérisé par le corps spirituel :
eu:x la diffénenciation . .L es intellects, en effet, ont connu c'est là un premier· temps, le « septième jour » au cours
un sort dif'ré1•en t selon, le deg,ié de leur décliéance·, duquel le règne du Christ s'étend sur· tous los, ï.oy.\Xo(·;
degr4 cor~spondant à- une plus ou moins grande au « huH,ièmo,jour »·ce·règne doit prendre ftn•: ,, héritiers

ignorance, vis-à-vis d.e Dieu. Ces in tellects, déchus por- du Christ ", les ,-oy1X9( deviendront ses « cohéritiers. ~,
tent le nom d'âtnes (cf Centurie 111, 28 : « L'âme est c'oi;t-à-d ire qu'ils retrouveront l'égalité avec· lui dans
iQ 174-1· ÉVAGRE LE PClNTIQUE t742
) ) . la participation à la science essen Uelle; ce sera alors ouvrage doctrinal, les Kephalaia gnostica, a .disparu tr.ès
'à l'abolition cornplète des corps· et de la matière, avec tôt. de la tradition .grecque (on n '·e n trouve plus trace
ID touL'ce que celle-ci implique, multiplicité, nombre, modes après le 78 siècleY, réserve faite d'un certain nombre de
Ir et non1.S, la réintégration dA tous dans le Christ, l'intel- fragments, asse2, anodins, q ui ont été recueillis dans des
le Iect demeuré unl à !' Unité, et l'\.1nion de tous, à ég11lité fl o,:ilèges. Mais·son œuvre ascétique a toujours été.beau-
,; avec lui, à la science essentiell_!! et à l'lJni1:ô. c.:01,p lue, conservée soit sous son nom (tel. le Practicos,
!, dont les manuscrits sor1t; nombreux), soit, comme on l'~
15 4. .. Influence. - Il est aisé de reconnaître dans r,e vu, SOU$ le no,n de Nil. :flvagre figure en bo.nne place
C sysbème les grandes thèses origénistes ti•aditionnelles. pal'lni les « Pères neptiques » dont les œuvres sont
1$ De fait, FJvagre fut conda-mné, conjointernent avec recueillies dans l'a fameuse Pllilocalie de Macaire. de
s Origène et Didy1ne, par les Pères du 5e concile œcumé- Corinthe e.t de Nir.odè1no l'hagiorite. Mais l'influence
t niq.ue 1•éuni. à Constantinople- on 553. 1.,'origénisme d'ITivagre sur la t11adilion n.'icétique et mystique grer.quo
i) dénoncé pa~ les quinze anathén10.tismes, antiorigénistes a ôté infiniment plus grande que ne le donneraient à
a qu'il faut. rattacher aux actes de ce, concile (Mansi, pen:;er les menLions relativement peu nombreuses de
\ t. 9, col. ll96~~00) répond point par point à celui d'Éva- son nom. Il est peu d'auteurs spitituels byzanUns cboz

• gre, notam1ncnt la christologie qui en !orrne le noyau qui son influence ne se trahisse, d'une façon plus ou
r (c! A. Guillaumont, ÉPa,gre et les ana,thérnatisrne.~ a,1tiori- 1nuinr; sensible. Elle a. été bion mise en évidence· pour
saint Maxime le confesseur, qui pourtant ne lo nomme
'
1
génistes de 553,. Corrununication à la 'l'hird ln te1•naUonal
Con:ferenc_e on Patristic 8t.udies, Ox.f.ord, 1959). L'origé- guôre, par l'Yl. V:iller (Aux sources de la spiritualit6 de.
' nismc d'Evagre eL la condarnnation dont celui-ci fut sain.1, Maximll : ùi.,. mu.,,r:es d' ÉPagrc le Pontique, RAM,
l'objet onL pesé lourden1ent sur l'inauonco que soo t. t 1, 1980, p-. 156-184, 239-268, 331 -336). Elle est non
œuyre à exercée, Cependant ceLte influence a été consi- 1noins évidente chez saint Jean Clirnaque, qui pourtant
dérable. On peuL dire qu'elle a été décisive sui· la fot- ne eite qu'une fois son nom, avec une opithète injurieuse
1natiorn de la doct1·ine ascétique r.hré.tienne, tant en et pour le critiquer (PO 88, 865ab ).
0ccident qu'en Orient. Cot:te influence d'flvagrc est particulièrernént sensible,
11011 seulement dans la formo, 1nais dans le contenu
' · 1° Chez les latins. - flvagrc a été l'objet d'une
mô1ne des « Centuries ,, ascétiques, si nombreuses,
viole.n te, hostilité do la part de saint Jé1·ôn1e, qui lui
qui furent un genre de prédiloction dans la littérature
a reproché sut·tout sa doctrine da l'impassibilité (cf E'p.
1.33, loco cit., Dialogus corttra J>elagianos, prol., Pl., 23, spirituelle byzantine à toute époque : depuis les Centu-
lt96a; ln Jercmiani ,v, 1, Pl, 2'i, 791,.d, et éd. S. Reiter, rie.~ sur la charité de saint Maxi1ne, qui en bien dos
CSEL 59; 1913, p. 221) . Néan,noins l'influence d'flvagre enrh•oits ne sont qu'une simple paraphrase d'Évagre
a été. grande daos le monde latin. Par J ean Cassien (voir trad. J . P egon, coll. Sources chrétiennes 9, Pa.ris,
19115; tex te dans PO 90, 960-1080), jusqu'aux Chapitres
d'abord qui, bien q1t'il 110 notnine jamais Évagre, lui
a l;l~aucoup emprunté pour l'~laboralion de sa. doctrine tlu:ologiques, gnostiq1.u1s et pratiques de Syméon le
nollveau Théologien (éd. et tr.ad. J.' Darrouzès, ooll.
ascétique : symbolisme du vêtement 1nonastique, théo1•i0
des huit. vices, théorie de la pt•ièt•e (cr S. Marsili, Gio- Sources. chrétiennes 51, Paris, t957), en pas$an t par les
vanni Càssiano ed T:,'11a1gr.io Pontico, coll. Studia ansel- Centuries da 'l'halassius. ('PO 91, 1'128-1469)1 et celles
m!ana 5·, Rome, 1986; et DS, art. DÉ MON, col. 208-209). d' I·lésychius de Batos (•PO 93, 1~80d-1544). A une ·
Grâ'ce> aussi aux traductions qui furent faites de ses époque indéterminée, entre le 8° et le 10°- sfècle,. un
œuvres, d'abo1·d par Rufin, puis par Gennade · de ineo11nu a mis an cü•culat.ion, sous le nom de Théodore
Ma1·seillè qui affirme avoir traduit en latin l'Antirrhé- d'l~desse, une centurie qui n'est qo.'un ·con-ton des
œu vres d')!]vagrc (cf ,J. GouiUard, Sttpercheries et mépris
tique, le, drwstiços, les sen tances rr.iétriques et avoi•r fait
une nouvelle traduction du Practicos. Ces traductions ses litté11aires. L'œuç,rc de saint T}iéodore d' Édesse,
dans Reilue des études by::coitines, t. 5, 19'•7, p. 137-15'7).
ne sont malheureusement pas t.oute1, conservées. Ce sont
les Scnten:ces qui paraissen L a voir· connu le plus de.faveur J,'inOu,ince.d'lÏlvagre est encore ren'larquée au, 12°.siècle
(J. Gouilla.rd, Un auteur spirituel byzantin du 128 siècle.
dans les 1nilieux latins. C>n a conservé deux versions
latines anciennes des sentences m6t.rtques Au.-v nwùies Pù,rre Darnascène, dans Echos d'Orient, t. 38, 1-989,
et A ttnti Vierge (Ad 1Jirgine.1t; lo. tradition latine, ne p. 257-278).
connait que le plur.iel),; l'une d'elleii se lit dans PL 20,
118th•1•t88d ou dans PG 40, 1277-1286; pour l'aub·e,
,l° Chez le.9 syrien.9. - En milieu syrien, l'influence
d'l~vagre s'est exercée diroctoment sur la mystique
voir A. Wilnlart, .le8 Persio,ts latines des· ,Sentences hé t.érodoxe d'llltienne bar Soudaïlî, qui, sur les points
d'Évagre pour les Pierges, dans Revue· bénédictine, t. 28, essentiels, a poussé l'origônisme d'Évagre jusqu'à ses,
1911, p. 1:48-153', à con1pléter et à corriger par J. Le- dernières conséquences· (voir art. ÉTil!NNE DAn Sou•
cler.cq, d'ans Soriptorilun, t. 5, 1951 , p.195-218. En.o\1tro, nAn.,, 0 $, t. ,., col. 1'481). Mais c'est surtout à travers-
on •retrouve de nombreuses sentcncP-s d'JJ1vagi-e dans les des traducUon.s que los syl'ions ont connu l'œu,v re
floril'~ges ascétiques latins (notam1ne11t dans le Liber d']~vagre. Ces derniers, contraire1nent aux grecs,
scintillaruni de Defensor). Le monde latin semble donc qui ont fait un choix, ont co11.Servé toute l'œu:vre
avoir connu surtou.t le mat'trc do l'ascèse ,nonastique, dl, Pontique (certains livres ont même été traduits
plutôt. que le spéculatif au dacieux, Cerv.ent adepte, de denx et trois fois), mais les traductions syriaques,
l'origénistne.
. - du moins celles qui ont été vulgarisées .:_, ont
2° Chez les grecs. - · Bien que $011 ir1nuenc0 sa fit op(lré à la roanière d'un filtre d'où l'œuvre d'Évagro
sentir r.apidement (cf R. Draguet, /,'Histoire lausiaqu,e. est sortie parti~llemeo t épurée• do son origénis1ne. 'J.1el
Une. œuvre écrite dans l'esprit. d' E1Jagre, lll-lE, t. 41, es1. particulièrement le cas de la version syriaque
191,,6, p. 321-364, et t. 42, 191, 7, p. 5-1,,9), la conda1nna- co1nrnune des Kephalaia gno11tica, Ce travail d'épuration
tion d'li:vagro en 553 a beat1coup nui à la transmission et d'interprétation dans le sens de l'orthodoxie a, été
de son ·œuvre dans la langue originale. Son grand po111•suivi J)ar · les commentateurs de cet ouvrage;


1743 ÉVAGRE LE P<)NTIQUE 1744 1
deux corrtmen taires nous sont1parvenus : celui du nestô- p. 203-2 28. - 1. Hausherr, Le « De oratione • d' Evagre le Pon-
rien Babai le Grand (6<,.7e siècles), édité par W. Fran- tiq tM en .oyriaque et en arabe, OCP, t. 5, 1939, p. 7-71; Nou1Jcawr; d
kenberg, op. cit., p. 8-'171, et colui de l'évêque jacobite frag111cnts greCtJ d'lsvagrc le Pontique, ibidcni, p. 229-288.-
L
J. Lcclorcq, L'ancienne version latînc des Se11tc11ccs cl'É1>agre
Denys bar Salibi (12° siècle), toujours lnédi t Aussi pour les moines, dans Sc,riptoriuni , t. 5, 1951., p. 195-213. -
le nom d'l!.lvagrc, loin d'être·' suspect, a-t-il toujours O. flnnson, Dèrlù1cr $Qgtlischc Texte. 11. Bruçh$1/Jcke der sroQ.~en
été en grande v6nération parmi les syriens; le célèbre Sa1111nelha11dschrift O 2, dalla Abhandlungen der Akaâe111ie der 1
philosophe et théologien jacobi to Bal'héb1·aeus (180 siè- l·V im,c11sehafte11 und der Literatttr in Mainz, Wio&bQdon, 1955,
cle), dans sa somme théologique intitulée Le candélabre p. 7-24. - Y. Courtonne, Saint IJasüe, Lettres, t. 1 1 coll. Budé,
du, Sa11ctua.ire, • invoque fr6quen1mont le témoignage PariH, 1957, p. 22-37. - A. Guillaumont, Les six centuries des C
d'Évagre au ,nên1e titre que celui des Pères de l'Église les • )(ephalaia gnostica • d' ÊPagrc le Pont,iqttc, PO, t. 28, Paris, p
plus vénérés, et quand il t raite de 1nystique il s'inspire 19~8, p . 1-261,,
l
largo1nent des œuvres du Pontique. De fait, chez les :J, Tradition manuscrite. - a) Ét11dcs d' ense1nble, - l~<'a6re s
syriens, 11:vagre a surtout été Je grand docteur rnys t.iqU(!; grec, ; J. Muyldermans, E1•agria11a, et A t.ra,,e1·s .. , cf supra, - C
il est considéré comme tel, en particulier par les écri- f:,.,,g,c $yrir1,J.ue. : A. Baumstark, Geschichto dor syrisclisn Lite• E
vains mystiques nestorions, nota1nment le célèbre rat 1tr, Honn, 1922, p. 86-88. - J. Muyldormans, E ragriam1
syi-iaca, Louvain, 1952. - Éuagrc a.r,nê11ic11; H. B. Bnrghisaian,
lsaac de Ninive, dont l' œ uvre contribua à répandre cl s rq,r<,, - I. H ausherr, Les '1crsions 8yriaqu~ et arn1t111ie1111e J
jusque cl1ez les grecs la mystique évagrienn~, Joseph 1l' }~1•ag1·11 le 1:'(llltiquc. Lc1ir 11,:iler~r, le1.tr relation,, leur 11tilis«!io~.,
Hazzuya (8° siècle) qui, à l'instar d'J1:vagre, écrivit des é
l{ome, 193'.I.· - évagra arabe : G. GrQf, Geschichto der chr1-11tl1•
« Chapitres do connaissance ,,, ,Jean Bar l{aldoun ah1:,1 arabischen Li1t1ratur, t. 1, coll. Studl o Test! 118, Cité du
(10 8 siècle), l'auteur de la Vie du moine Ra.bban You1111ef \'aLic&n, 10'1'1, p. 397-399.
B ous11aya (trad. J .-B. Chabot, dans Rer,ue de l'Orù111t L) Êtu.des de détail. - Les 6tudes pnruea j\lij!JU'on 1938 E
chrétien, t. 5, 1900), dont le chapitre 8 est un traité ont 6l6 signal6os dans Villel'•Rahner, cf supra. - I. Hau~herr, r
d'ascétique et de 11iystique fortexnent inspiré d'Évagrr., E uh,gios-Loukios, OCP, t. 6, 19lt0, p. 216-220; / gnoràitce• l
et bien d'autres. infinie 01, science in[i,tic?, OCP, t. 25, 1959, p. 41,-52.- J. Muyl- E
Sur les versions syriaques furent faites, de l'œuvre clcJ'Oll\ns, E1•c1.gria11<•. ,l e Vatin. Barb. graec11B 615, dans Le e
d'Jilvagre, d'autres traductions qui répandirent plus M 11.., AQ11, t. 51, 19!18, p. 191-22G; l•'rag111ent arm:énicn dr, « Ad
Virgi11e8 • d' l1c,agre, t. 5$, 191,0, p. 77-81°; E1•agria1111. clc lri 1
largement encore son influence. Il a été question ci- s
Vatù1a11e, t. li',, 1941, p. 1-15; S. Nil en version ar,né11icn11e,
dessus de la V8l'Sion arménienne éditée par Sarghissian t. :.G, 1\)43, p. 77-113; A propos cl'tt,1 /etûllct de n1a11uscrit 1
et qui a été faite vartie sur le syriaque, partie sur le arméniiin (Brit. ~fus., Cocl. arr,1, 118) , t. 65, 1952, p. 1'1-1(i. -
grec; 11:vagre a joui d'un très grand prestige chez les L.-'i'h. Lefort, A propos d'un ap}MriR1t111 d'l"::vagrius Po1ùicus,
auteurs a-rménions, qui l'ont commenté plus d'une fois dans Pullcti11 tle la co1111nissio11 royale d'histoire, t. 115, Btuxelles,
aux 18!1 et 11,o siècles. Sui· le syriaque ont été faîtes 19/iO, p. 70-79. - 1\1. h1ilh111111L, Zz, der ncrrnn. latcinisthcn l
aussi une version arabe (inédite, saur pour le T ,·a.ité de ffebersetz1i11g des 111tJnchsspicgcls des Ei,agriu.s, dnns Vigiliat
la prière, éd. I. I·Iausherr) et n1ême une version sog- chrisiia.nae, t. 8, 1951,, p. 101·103. - A. Onillaumont, I.-6 t~,:te
dienne (on connatt depuis peu en ce dialecte iranien syriaguc édité clcs Six Centuries d' Éva11re le Pontique, dans
des frag,nents de·l'.1111tirrhétique)qui a porté l'lnnuence Sé1nitica., t. t,, 1951-1952, p. 59-66. - A. et C. Guillaumont,
Le tc:ctc '1érita/;lc ft,;s « 011natica ~ d' .1!:vagre l8 Pontiq11B, dans
d'}!}vagrc jusqu'au cœur de l'Asie. On possède encore Rc.,uc de l'histoir,;, de$ relif!ions, t. 11,2, 1952, p. 156-205. -
certaines
, . parties de l'œu vJ'e d'Évagre en éthiopien et R. Devree~se, J 11trod1,1.r.tion à l'tltudo diis 11tanu.scrits grecs,
on georg1en. Pnris, 1951,, p . 108-111. - G, 'Garit~o, Catalogu.: des manus •
trit.~ génr1i,?1rn litt,/raires du Mont Si;,.ai, CSCO 165, Louvain,
1. Gânâ1•alités. -· O. Zvclùol', E1•agri1,8 Po11tiku.;;. Seine ·J() ~G, p. 09-102. - 'R .. Draguot, Un 111orcc11u grcè i11tidi1 de11
St.cllung in der altch.ristlielw11 L ilcratur• un,l Dog111engcsclU:chtr., Vit:s de J>ach/J111s a.pparitl -à 1,n texte d'Éva!Jr!, cil part~ il1con1111,
Munich, 1893, - H. B. Sarghissinn, Vio et œuvre.o du siii111 tians Le .IIJ11Béon, t. 70, 1957, p, 267 -306. - l-t. Urs von Bal-
l'ère Itvagre le PQtltÎIJIJ.(? (en arménien), Vonisu, 1907 (édi tion thn.snr, Die [fiera des E,•alJrÙ'-$, dans Zcitschrift fur katho-
dè l(l version ar,nénienne r1•mvagra; l'inlroduction, p. 11-182 1 lisr:hc Thcologic, t. 63, 1939, p. 86-106, 181-206. - M.-J. Ron,
é$t un!l _111onograplùo asséz co1nplère sur la vlo cl l'œuvro de dO:lU, Le 1:i'Jr,1111~11ulire 11ur lc8 7l8au1nes d' Evagre ·"1 Pontiquc,
cet auteur). - J. Moygescu, Eù(<yp10~ 1, IloVT1K6~. nto~. I:uy• OCP, t. 26, 1960, p. 807-Hl,8.
ypci14µ,xi-"' . .8,IIQ<m<a:>.l,x, J\t.l1ènes, 1987 (un extrllit de çette
th èBe figure dans JJi,oe,rir.a Ort()do:r.a Ronitna, t. 56, 1938, 1,. Traductions modernes. -0. :!:ocklor, ll~agri1M .Ponûhus,
p. 2~0-27'1). - :r.t Villar et K. Rahner, Aszese und Jtysti/1 Mt1 nich, 1893, p. 1011-125 (deux prenüers livres do l'Antirrhé•
i,1 der Viitorzeit, Fribourg-011-Brisgau, 19:19, 1>. 97-100 (aven tiq,œ, t.rad. Fr. Baethgen). - Y. Courtonne, S. Basile. !,ctlrct ,
bibllog,•aphic). ciLù .iupra; voir ég11lo1nunt los traductions anglalso et nlleino.nrle
de ft. ,J. Do!orrari, 1951, ot A. Stegmann, coll. Dio n ibliothek
2. Édi~tona. - 1,1 ) cl'e11sr.n1ble.. - PO '10, 1219-1286 (sous le dur Klrchcnvt\Lor 46, 1925. - E. I{adloubovsky et 0, E , H.
110m d'JjJvagrê); PO 79, 1093-1'11,0, 111,(1-123'1 (sous le no!n de Paltncr, Early Fathc.rs /rom 1/is Philokali.a, LondrEffl, 1951,; p. 08-.
Nil). - H.-B. Sarghissian, Vie et œuvres, et si,pra. - \V. f.'r1111- 11,:1 (opuscules dlve1•s). - I. Haushorr, Les l<!ç<>11s d'un conl8m-
konberg, ltua.griu,t Pontiou.o, Borlin, 1912. pl(,1i/. Le Traité de l'ora.iso11 d' Ét,,agrè. le Pontique, Paris, 1960.
b) .P«rticll-es. - P. de Lagarde, Catc,,a,: ùt E1>a11gclia acgyp• fi . Doctrine. - W. BQussel, Apoplltheg111a1.a., Tublnguo, 1923,
tia.1Jae quae 111tper11u11t, Goettingue, 1886, p. 1S. - /\. . .l'JHer, p, 281-lll,1 : EuRgrios-stuclian. - K. R nhncr, Die gcistlic}w
G110n,ica, 1 : Se~ti Pytliagorîci, Cli'.tarchi, J?vagrii 1'011tfoi Lehra des E,,aarius Pontihus, ZAM, t. 8, 1933, p. 21-38. -
se11te11tiae, Leipzig, 1892, p. Lll·LIV. - H. Gress1nann, R. ~1oleher, Dar 8. IJrie/ des hl. BasilirUJ, cÎl1 1.Ycrk dei EPa3ri11s ·
No11ni111spiegol u11d M iJnclU1spiogol des Euagrios Pontikos, Por1tihus, Munster, 1923. ..... H. Urs von Balthru,ar, M etaphysik
TU 39, !t, Leipilg, 1913, p. 1'13-165. - J. Muyld ormans, E1•a- 1ui,I llfystih des E1•(1.gri11s Ponticus, ZAJl,l, t . 1 fa, 1939, p. 31-(, 7, -
11riàna, Paris, 1931 ; A tr<u1crs l11 lratlitio11 r,1anuscritc d' Évl11fre O. Chaihvick, J,;J,11 Casslc,n. A Study i11 Pri,nitü,e Monastieism.,
le Pontiqui,, ,L ouvain, 191l2; Sttr les 11t!raphi1111 ,1t sur les 1:ht!rttbi11;; Cutnbridge, 1.950, p. 82-87. - I. Haushorr, op. cit. (traductions).
d' ftpagre le Pon tique dans les peraions syriaque et ar111b1ic1111e, - ,1. Lernnl tre, 11ri. CoN TJtM PLATtôN, DS, t. 2, col. 1775-1785;
cla.ns Le Mustlon, t. 50, 19 1,6 (= Mélanges L.-1'h. Lefort), col. 1801-1872, passini. - A. èt C. Guillaumont, art. OF.MON,
p . 367-379; Evagriana syriaca, Louvain, 1952. - O. Spios, l. :1, col. 19G-205.
Die iithiopitche Uobcrlic/cr11ng clcr Abl111111llung clas Evagri1U1
1npl T&v owrc:i :>.oy,oµtlv , dans Oric11s d1ristia1111s, t. 29, 1932, Antoine eL Claire Gu1LLAUMONT.
EVANGELISTA -~ ÉVANGILE ' . 1746
f745
EVANGELISTA DEL GIOCONDO, carmélite bonne nouvelle do la justice de Yahvé.. , sa fidélité,
de l'ancienne observance, 1_53li-1625. Voir MAn1n-lvlAD E· son salut, son amour, sa vérité ». Le psaume 96 dit :
.- l,JllNE Dll PAZZI (sainte) '.
<< Proclamez jour après jour la bonne nouvelle de son
grs s:ilutl »
ÉVANGÉLISTE DE BOIS-LE-DUC, capucin, Le termo est surtout caractéristique de la deuxième
tan partie d' I saïe. Appliqué directement à l'annonce du
i1Jr 1588·1685. Voir J EAN-ÉVANCK1,1sTE DE Bo1s-LE•Duc.
55,
retour des exilés de Babylone, il désigne la victoil'e
dé, ÉVANGILE, - On s'attachera exclnsivoment dans définitive de Dieu, l'établi.qsement de son règne,
~e9 cet article à la notion de f1onne Nouc,ellè et tt ses premiers l'avènement du salut et des temps nouveaux. En Isaïe
~is. prolongements historiques au début do l'ère chréUanne. ~o, 9, uno messagère de J>onne nouvelle, - qui pe.ut-
Le contenu doctrinal et spil'it\1el de l'Évangile est ou ètre Jérusalem elle-même - , l'eçoit l'ordre do clamer
sera étudié ailleurs, notamment dans les articles ln joyeux 1nessage aux habitants de la ville sainto, aux
consacrés à stlint ,lBAN et a,1x SYNOl''l'JQUES, Voir art. villes do ,Juda, à la terre entière : << Monte sur une haute
~e- )3ÉATITUDRS et ÉCltlTURE SAINTE, n1ontagne, joyeuse messagère pour Sion.· Élève forte-
na n1ont la voix, joyeuse messagère pour Jérusalem . .Élève
lJl, 1. Avant Jésus-Christ. - II. Le nottveau Testa.rncnt. - l;l voix sans crainte I dis aux villes de Juda : Voici vot.re
1/1/J III. Prerniers l'liècles chrt:u:cns, - IV. Spiritualité év<tn• Dieu 1 » Après la longue épreuve de l'exil, Diou revient
)1l 1 gélique. dans Sion, en guerl'iar vainqueur. Lo prophète le voit
:t i-
J. AVANT Jt5US-CHRJ$T q_ venir avec p,Iissànce >>; il célèbre « son bras », « le prix
du
1. Le monde gréco-romain. - Le niot évangile de sa victoire », « ses trophées ». La victoire du Tout-
est là si1nplo transcription du mot gl'ec e:ù0tyytÀ1011. li Puissant est aussi celle du bon Pasteur, qui, comme
88 j:idis J acob ( Gen. 33, 12·20), « fait paître son troupeau,
rr, n'a commencé qu'à partir du 2° siècle à désigner, dans
l'usage chrétien, les écrits apostoliques relatant la vie r1~cueillo dans son bras les agneaux, les met sur sa poi-
tCC·
ri• ot les enseignements de Jésus. Dérivé do l'adjecl.if trine, conduit au repos les brebis mères » (lsafe 40,
~ ,ùtiyy~Àoç, porteur dë bonne nouvelle, il désignait '1 0-11).
Id prhniUvo1nent soit la récon,pense attribuée au 1nessager, En Isaïe 52, 7•9, le tableau s'anime. Le messager
la soit la bonno nouvelle elle-1nên1e. Il servait spéciale-• se hâl,a $Ur les hanteurs. Saisi d'enthousiasme à sa vue,
16,
• 1neot à signifier l'annonce d'une victoire. le prophète s'écrie : c< Qu'ils sont beaux sur la montagne
·it los pieds du porteur de bonnes nouvelles, qui annonce
- De nombreux textes font allusion à l'accueil réservé
.dans la cité antique au porteu~ de l'4van gile. La ville Jf\ paix, qui apporte le bonheur, qui annonce le salut,
qui dit à Siorl : « 'l'on Dieu règne 1 » Plus clairement '
en liesse se livrait à son enthousiasrne et offrait des
sacrifices aux d"ieux sauveurs, car« toute bonne nouvelle que dans le texte précédent, la bonne nouvelle est Je
est un don des dioux ,1 (J. Schniewind, Euangclio11, règne de l)ieu. AU:i aguets sur les murailles de la ville,
op. cit. infra, p. 1G9). D'oil l'expression consaci'ée Jeg guetteurs << voient les yeux dans les yeux Yahvé
tù0tyyéÀLa. Oôc111 : offl'ir des sac1·îflces à. l'occasion revenant à Sion ». C'est une explosion de joie dans ··-
d'une bonne nouvelle. Cela. explique que le n\Ot 6vangile .J érusale1n en ruines, « car Yahvé console, il rachète son
et lo verbe évangéliser aient prhi, dans la monde gréco- peuple ». Cet évangile da la « consolation » d'Israël,
roxnain, une coloration religieuse. On les trouve appli· rlu salut et de la paix, - qui aura un écho direct dans
qués aux oracles rendus au nom de la divinité. le cantique de Siméon (Luc 2, 25, 29-32) - , intéresse
i.011 te la terre, car le Dit½u qui re vient à Sion est lo créa-
A l'époque du Christ, ~~a,ngilc et <lvangéliser t11isalcnt partie teur de l'univers : << Son bras lui soumet tout » (I11aïe
du vocabulairH du cuité ilnpérial. L'ernpersur peMonnifiai~ 1,0, 10). << Toutes les nations do la terre verront le salut
la Fortuna (Tû:('~) et, la. Paix ('E!i:,o/iw1 ), at, par la puissance de notre Dieu " (52, 10). On notera le caractère dyna-
dè sos,ar1J1es, gii.l'ant.issnil la tranquillité publlque. On le saluait
du titre da dieu sanvour. AuRsi tous los livéne1nentij ,narqut\llls 1niqu0 du massage divin. En lui rêside une force
concernant sa personne, sa naiss.anca, sa n1ajoritô, son intro- uréatrice : ce qu() Dieu proclan1e, il l'accomplit; en
nisation, ses édits, sos vi<:toires, 110s visites aux provinces et annonçant son règne, il l'établit. De là aussi le caracière
aux cités étaient annoncés èL célébrûs comn1e 11ulant d'&,,a11cile.•, eschatologique <le cot évangile, tourné non pas, cornme
l{agèS d'une èro nouvellê de 1>aix, do prospé.rité et de bonheur. las fragiles évangiles pa'iens, vers d'éphémères victoires ,
I;'lus d'une inscription en témoigne; celle do Priène (9 avant hu1naines, mais vers le triomphe définitif du Dieu qui
,, J. C.) procla1ne : ~ Lo jour de la naissanco du dieu (Auguste)
a été pour lo mondo le con11110ncement des bonnes nouvell\ls vient.
:o D'lsaie 52, 7, on doit rapprocher Nahurn 2, 1. Cornroe
k (des évangiles) qu'il npportait •· JI n'est pas in1possibl0 que
saint Luc so soit souvenu do ces évangiks de 1'01npereur dieu nllaz Isa'ie, Je tnessager de Dieu " accourt sur les monta,
1. gnes; il annonce la bonne nouvelle du salut ,1. J uda est
I• '
et sauveur dans la rédactio.n de. l't1nnonce faite par les anges
aux borgors de Bothléem : • Jevons anno,nco la bonne nouvelle invité à « célébrer ses fêtes .. , car Bélial désormais na
1, d'une grande joie, qui sora celle de tout le pouple .. : \1n Sauveur passe11a plus chez (lui). <)ui, Yahvé rétablit la vigne de
vous est né, qui est le Christ Seigneur• (Lite 2, 10-11) . Jacob et la vigne d'lsraël ».
2. L'ancien Testamen t. - Comme Je grec, et à Dans la ti•oisième partie d'Isa.'ie, le propJiète lui•inême
• la dilTérenc0 de nos langues, l'hébr0u biblique dispose est le messagei• de la bonne nouvelle. Oint par !'Esprit
d'un verbe pour signiJ1er l'action d'annoncer une bonne pour sa mission, c'est lui qui annonce la victoire et
l'établissement d).l règne de Dieu. Les destinataires de
nouvelle (bissa.r) . Ce ve1•b0 s'applique particulièrement
à l'annonce d'une victoire; le participe (m1Jbasser) est la bonne nouvelle sont « les pa\lvres n : " L'Esprit du
Seigneur est sur moi, car Yal1vé m'â oint. 11 m'a
" presque un terme t0chnique pour désigner le rnessager
envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser
. de victoire. La -substantif bonne nouvelle (besorah)
IP.s · cœurs meurtris, annoncer aux captifs l'amnistie
• est d'un emploi beaucoup plus rare.
Comme le mot grec, le verbe hébraïque a pris une et aux prisonniers la liberté, annoncer une année de
grâce de la part de Yahvé,. (lsaCe 61, 1-2). Le tableau
valeur religieuse, peut-être d'abord cult,1elle. L'auteur
du psaunic ~O << annonce dans la grande asseniblée la vise les juilii de la communauté du retour de l'exil;
1747 l!:VANGILE 1748

le prop'1èto voit en ces « aflligés », de, Sion lo pe.u ple des depuis Isaïe, la notion du règno de Dieu s'es t enricllie
israélites «•• pieux» et il l~ur promet le salut, « Pallianco d.es perspectives de la tradition apocalyptique. Le règne
éternelle »·, ,, la. louange au lieu du désespoir, la.. joio et annoncé par Jésus est le règne céleste et éternel de la
la célébrité par1ni les nations... 'l'ous ceux qui los verront vision de Daniel : « Url empire à jamais qui ne passera
reconnaltl'ont ql.t'ils sont une race bénie de Dieu ,1 (61, 1,oint,, (Dan. 7, 13-14, 27). L~avènement de ce règne est
a, 8-9). Première ébauche de l'év.angile des. pau,vros en iinminent. « Le. temps est accompli ,1 (Marc 1:, 1&). Il
esprit est al'l'ivé à sa plénitude. " Le règne de Diou esL là n
Ainsi, l'annonce de la bonne nouvelle a pris, dans lo (ibidem); il mord sur aujou1•d'hui. Bien plus,.la joyeuse
livre. d'Isaïe, un. sens religieux ot 1nessianique précis : an nonce de sa vtlnue 011 eab la grâce initiale. Elle inau-
Dieu annonce qu'il vient régnot•; son. règne est salut, gure le tournant décisif de l'histoil'e du salut. On entre
délivrance,·consolation, grâce pour son peuple, coupable par elle· dans les derniers temps. Par l'évangile, Dieu
mais pénitent et pardonné, paix et joie, pour le monde. C'urnmence à se rendre n1aitre des cœurs.
Le·personnage du hérattt, mcssaget• de·la bonne nouvelle, Le!J synop~iques ont gardé le souvenir de cette
prend un, grand relief ; sa parole est déjà l'ouverture e rnprise. L'annonce de la bonne Nouvelle rond présent
afllcace. de temps nouveaux. La tradition juive a gardé lu règne de Dieu. Ello on révèle les exigences et on
viivante cette notion. Le n1essagor de bonne nouvelle, cu1n1nunique la grâco. Elle en jette partout la semence
qui vient annoncer à Israël sa réde1nption et proclamer (114aro 4, 3-9 et pa.1•.). E lle en proclarne la ju$tice" plus
l'avènernent du, renouveau, y est soit l!.llie, soit le Messie, i 11 t.érieure et plus abondante « que celle des scribes et
soit un personnage indéterniiné. Les psaumes de Salo. des pharisiens » (Mt. 5, 20); elle en décrit en paraboles
rnon ('1 ~r siècle avant J. C.} en contiennent un tén1oi- · l'actior\ et la croissance•(-Mt. 1.3 et par.); elle on allurne
gnage éloquent : i, Sonnoz dans Sion do !la trompette ln aa1nme (L11,c 12, 49; 111ft. 10,. 16-89 et 1>ar.); elle en
du• signal. des !êtes I Publiez dans J él'usalern la. parole crée l'attente (Luc 12, 35-46 et par.). Les auditeurs
du messager de joie ; que Dieu a eu pitié d'Israël en le p,•1::ssentent, à l'autorité de la parole (Mt. 7, 28-29 et
visitant. Debout, J•érusalem, sur ln hautouul: .. Revêts- p:1r.; Marc 1, 22 et par.), qu'un. monde nouveau s'édille
toi, Jérusalem, des habits de ta gloirol ,, (1'1, 1-2). sous leurs yeux (Mt. ?, 24-27 et par.). Sous la poussée
D. LE NOUVEAU TESTAMENT dn l'évangile, l'ancien. inonde comrnence à se disjoindre,
t. Les évangiles synoptiques, et celui de s.ainL sn1nblable à un vieux n1anteau, sur lequel il est vain do
Jean lui-mê1ne, s'ouvref1t sur un rappel de l'évangile coudre \I ne pièce do drap neuf. Un vin. nouveau est
de la consolation d'Isaïe. Pour eux, Jean-Baptiste est versé, qui requiert des outres neuves (Mt. 9, 16-17 et
l'e précurseur q,u i prépare là. route au porteur de la par:.). Une force divine. est à l'œuv.re, qui t,•availle à,
bonne N'ouvelle : « Voici que j'envoie mon messager l'i nt.ime des â1nes. Aussi voit,on les foules âssaillir·
en avant de toi pour préparer ta route. Une voix crie le messager de.la bonne Nouvelle (Luc 5,. 1; Marc 4, l)
dans le désert : préparez le ch01nin du Seigneur, apla- et ~."efforcer de le retenir. l\1ais il faut que l'6vangile soit
nissez ses sentiers ! 1, (Marc 1, 2-3). Luc volt déjà un annoncé : « Aux autres villes aussi je dois annoncer la
« évangil.e n dans la prôclication du préctn•seur : « Par bonne N@uvelle du règne de Dieu,. car c'est pour cela
(ses) exhortations il annonçait au peuple la bonne que j'ai. été· en,voyé » (,Luc 4, 42'-48; Marc 1, 35-89) ..
Nouvelle~ (L"o 3, 18). Le BaJ)tisLe rnarque le tournant ,1ésus no se contente• pas de proclamer l'évangile;
des temps : « Jusqu'à ,Jean, ce furent la loi et les pro- il en nui:nifeste la vertu par des miracles. Aux. envo,yés
phètes; depuis lors, la bo1u)e Nouvelle du royatime de du Baptiste il réponcL: ,,,Allez rapporter à· Jean ce .que
Oieu est annoncée » (Luc 16, 16) . l ,a théophanie du vous entendez et voyez; les aveugles voient. et les boi-
Jourdain a poul' but de désignet• Jésus con11ne Je Servi- teux marchent, les lépreux sont guétis et les. sourds
teur• oint de l'Esprit Saint ,1 (Actes 10, 38) pour annons entendent., les morts ressusci tent,, (Mt. 11, .8-5 et par.).
cer J)et évangile, le Fils bien-aimé. €c:s 1ninaclcs messianiques sont, eux aussi, évangile;
1° I.l n'est pas douteux. quo Jésus, s'appliquant les ili; sont la bonne NouveJJe ·incarnée. lis annoncent
textes. d'lsale.► se 11oit présenté êommo le meeeas:e; de et préf1gurent le règne de- Dieu qui vient et qui fait
la bonne Nouvelle niosslanique , Le texte fondamental
reculer J'e,npire dü· péché. I~s mon~rent la· nature, mat-
est Sil rériorise aux envoyés de J ean-Daptisto, (Mt. 11, tri!'ic\e, ra maladie, l'infirmit6 et l'a mort vaincues, ils·
2-5; Luc. 7, 18-22). Après avoir énu1néré, d'après ]sais ébauchent l'univers renouvelé, d'où seront cxch1s
35, 5-6, les œuvtes messia niques qu'il est en train lttrme, Gll'i,. peine, n1ort et doule4r,, car « Dieu aura sa
d'accomplir, Jésus conclut. : ,i Les pauvres. re.çoivent do1neure avec les hommes, et Us Seront son peuple.
la bonne. Nouvelle ». Il s'attribuo doue la )nission du et lui, Dieu-avec-eux·,, sera leur Dieu " (Apoc. 21, 8-4).
prophè.te d' Jsai6 6'1, 1 : il annonce. aux pauv.res 1/évan- II faut dire plus· : Dieu inaugure son règne pru· la
gilo du, salut. La. scène de la synagogue de Nazareth, présence, sur la terre·, de Jésus, plus· que messager,, plus
propre à Luc (4, 16-21.),. traduit la mèmo idée. Enfin, quH prêcursour, plus· que· prophète du règne; « plus que•
,
sans que los 1nots d'éPangile ou d!tl11angéliser $Oient Jonas!» (Mt. t2, 41). Les démons reconnaissent en lui
prononcés, le texte d'Isaïe sous-tendait la procl:unation leur adversaire d~flnlUf, le jugo, venu briser l'empire
des. béatitudes. J osus y déclarai 1, bienheureux « los do Satan. 1De là le cri du })OSilédé do Capharnaüm
pâuvr.es; les aflligés »; à e\IX le royaume cles, cieux, la (,'\tlarc '1, 2 •) ou celui du possédé gadarénien (Mt. 8,
« consolation ». promise. Jésus s'alll1·mait, ici encore,,
29 et pa1•.). J..,a présence de J és.us.fait tre1nbler les ennen'lis
dans Je rôlei du messager de la bonne Nouvelle d'Isaïe. du règoe de· Oieu. Il est le " plu& fort » annoncé po.r le
pr<'u}u:t·seur : « Si j'expulse, les démons par ]'Esprit de
20 Comme choz Isaïe, le contenu ee•ontiel de la bonne Dieu, c'est qu'alors le régne, de Dieu tlSL arrivé pour
Nouyoll-.est l'a11onenient du règne de Dwu : << Les ten1ps vous •1 (•JIIIt. '12, 28 at par.). Sa p1•ésence, 1c terrible
sont! accomplis. Le règne de Dieu est tout proche » aux dé111ons "• co.1nble au. eontrail·& les eœurs purs. Les
(Marc,1, 15; Mt. li, 1.7;. 9, 35). J)ieu va révéler sa puis- ao1~e11 annoncen t sa naissance aux ber-gers comme
sance en• opéré(nt le salut de son peuple; par delà tous « la bonne Nouvelle d'une grande joie• n (Luc 2,
les obstaeles; il fera trio1npher son dessein. 'Fouterois, 10). L'heure des noces est venue, Il est « l'Époux »

1749 LA BONNE NOUVELLE DANS l,E NOUVEAU 'fESTAMENT 17511.


(Ut. 9, 1..5 et Jiar.). La bonne Nou;velle, c'est qu'il. est 3) P armi les clients de l'éy,angile, il faut compter
'
1
là. Jésus sait, il est ·vr.ai, que son œuvre temporelle aussi les païens, tels lo centurion de <l:apharnaüm :
et ter.ros tre n 'est qu'une phase préliminaire. Son évan- « Chez personne en. Iscaël n, J ésus· n'a trotLvé pareille
gile vise en fin de comp te le règne céleste du Fils de foi (Mt. 8, 10·18). Telle est encore la eananéenne (15,
l'Homme venant sur les nuées du ciel, dans la gloire, 21-28 et par.). L'évangile s'adresse à toute « créature »
chercher« les bénis de (son) Pè1•e »• (Mt. 25, 8',; Dan.?, <le l!oll1\e volonté.
18-14, 27). Mais les biens du règne à venir, la paix, '1" Ln :ropon10 l\tteudue de l 'homme est la pénitence
la joie, l~ justice, !' Esprit Saint, sont déjà mis à la e t la foi. ,Jésus a, 'dès l'origi'ne, lié la pénitence à
portée des hommes en J ésua. J:/horn1ne peu L acqué1•ir ean11once du r•ègne -de Dieu (Mt. '•· 17). Cétte pénitence,
le,t.résor caché, la perle d'un gr and prix (Mt. 13, 44-46). si souvent prêchée par les prophètes, est conversion radi-
En suivant J ésus dans la pauvreté, il a dès aujourd'hui cale, retournement de tout l'être vers Dieu, retour
un trésor dans le ciel (Marr.10, 21 ). S'il quitte tout poiir sincùl'e à lui. La prédication de ,J eau-Baptiste en dessi-
l!évangile, il reçoit, « · dès maintenant le centuple en nait déjà fermement les ti•aits : il faut se 1·econnatti•e
maisons; frères, sœurs, mères, enfants et champs .. , et pécheur (8, 6 et par.), renoncer à toute illusoire sécu-
danstlo temps.à venir la vie ét ernelJe ,, (10, 80). rit6 ln11naino, rot-elle fondée sur l'appartenance à la
Pour la diffusion de cette bonne Nouvelle (L uc 9, 6), race élue (8, 9· et par.), Gt « produire de· vrais fruits de
Jésus s'agrège des con1pagnons, apôtres et disciples. Il repentir >• (Luc il, 8 et pal'.). Ainsi se disposera-t-ori,
les envoie, inunis de pouvoil'S et d'instructions. P auvres dani; la· crainte, au jugem ent q ui, au seuil du roy1rume,
et désintéressés, !\éS « é vangéli$te:i » doivent, eux ausai, sépa rera la bale du bon grain . 'I'outefois, avec J ésus, un·
proclamer que « le règne des cieux est procl1e ,1 et en accunt nouveau est mis sur l'annonce du salut et du,
manifèster l'avènernent par des gu6risons, d es résur- règ110 déjà présent, qui rappelle· celui de · l'évangile
rectio'ns de morts, des purificaUons de lépre\1X, des d' lr;aîe : u Consolez, consolez mon peuple... P àrl~z au·
oxorcismes (Mt. 1'0, 7-8 et par.). Ils seront partout des cœur de J érusalem et criez-lui que son· service est fini,
messagers de paix (Luc 10, 5-6 et par.). que son péché est expié, qu'elle a: reçu d e· la main de,
Yahvé double punition pour tous ses crimes )) (lsafe
ao Jêsus révèle loe deetinatnil'GB do l'ovangilo. - 1) Il 40, 1-2). Une grâce de pardon était accordée aux exilés.
cite aux en voyés de Jean-Baptiste le. tex.te d'Isaîe : Les chants du. Scrv:iteur, a:lter11ant a vec l'annonce de
,1 Les•pa1u11•cs r eçoivent la bonne Nouvelle n (Mt. 11,. 5
cet tf11a11gile, pl'écisaient les traits de cette résurrection
et par.), L'é vangile Ieul' est destiné. Qui sont ces morale et spirituelle : le Se1•viteur. établirait • le droit
~pauvres»? Isaîe (61, 1· 9) pensa it aux conditions pré• s ur la terre » ( 42, 1'•4); « par· ses soulirances il justHlerait
caires du rétablissernent des exilés ù J érusalenl. Néan- des ,1111lti tudcs • (58; 1·1)'. Or, cette grâce de pardon· et:
moins,, la pauvreté rep1•ésentait déjà pour lui plus de renouveau est offerte aux hommes en J'êsus avec·
qu'une condition matérielle déficiente; elle impliquait une plënitude insoupçonnée : « Le Fils d·o l'J'lomme a
une.attitude sp îrituelle : la tldélité à Dieu dans la peti- te po\1voir sur lu terre de remettre les péchés ,, ('Mt. 9,,.
tesso,, l'indi gence, la (aiblesso. ÙQ même en va-t-il des 6 e t par.). La religion intérieure et pure est proclamée.
«pauvres» auxquels Jésus annonce. la bonne Nouvelle Le a Serviteur choisi ... annonce la vraio foi: aux nations••
du règne de Dieu. Ce sont les petites gens, la foule des (12, 18-21 ). Après Pàpr.e prédication• du Baptiste, c'est.
hu1nbles, le « peu ple de la tet1•re », qui ne connaît pas la (< l'en tréetbouleversante•d'une•valeur n 11uvo rn · (J;. Baruzi11
loi et que méprisent scribes et pharisiens (Jean ? , 49). Probl1ln1e,9 d'histoire des religions•, Pa'l'Îil, 1935,; p, 100) ..
Si l'éva ngile 10111• est 1>roclamé, s'ils en sont les desU- La p6nltenco devient non seulem ent' aveu du péché
natalres a ttit1·és, c'est ti.ue la pauvreté les préserv.e nor• et redressement do la c.onduito, mais reconnaissance
malement de. la suffisance; elle les p1•édispaso mieux de l' initiative due à la l>iénveillance divine, ouver-
quo, los richesses· à. en tendre la b onne Nouvelle et à t.ure d e l'ihnc au don de Dieu , recher che ardente de la
discerner Ja coo1passion divine dont elle procède (Mt. 9, ,justice du 1·ègne qui v iont. Elle s'identifie à la foi :
- 86; 11, 28; 14, 14 et par.). De fait, cos " pauvres », " F uites. pénitence eL croyez· à la, bonne Nouvelle 1 1)
avides du pain de la parole (Marc G, 31-3 11; LU,C 6, (•Marc 1, 15)·. <,.Proclamez la bonne- Nouvelle. à toute la
i 7-18),. se serrent n.nprès .du bon Pasteur, « conHne. des créal.ion1 Qui c11oiPa et sera b aptisé, sera sauvé » (16:,.
brebis. qui n'ont ôas. de bei•ger ~ (Mt. 9, 86; Marc 6, f5-1G).
84). « Toute cett e foule, écriL Luc, cherchait à le L es évangélistes d isent de mille f11~ons ce qu'est
toucher, par.ce quo de lui sor.tait une force qul les gué- cottr, foi. Elle n'éclôt pas dans les cœurs satisfaits ou
çissait t ous» (,l;,uc 6, 19; cf Marc 5, ao et par.). l\{algr é enco,nbrés do préjugés, d'ambitions, de ptétentions·
ses. illusions, sa légèreté·, ses inildéli tés, son inconstance et d'iinpatiences hu1naines. Dans de. tels cœul'6, l'évan-
(Mt. 13, 13-15, 18-22 et par.) , cette foule demeure le gile fait a scandale »•(iMt. 11 ,, 6,et.par.); il ne.suscite que
vrai terrain de la bonne N ouvelle messianique et le discussions ot critiques (Mt. 11 0 16.-1:9}, exigences.indu es,_
royaume y tr-ouvera,. selon l'expression de J,,. Cerfaux, déception, colère (L uc 4, 23-30). La foi à Ia-.bonne · Nou-
«, ses sujels, nés » (La Poix ,,ivante de l'év.angile, op. cit. vellc ne s'épanouit que dans les cœurs des, «· P.etits· »
infra, J) , iG). (Mt. 11, 25), des <• enfants )► (Marc 10, 15 et par:)\ Elle
2'). Avec les « pauvres » il faut ranger les pêcheurs. est fai te de sim plicitê, de pureté de·cœur; d'espri't fl1U1l.
Jésus ne craint pas de leu,• fni,•e entendre l'évangile, Elle suppose la clut:é d,1 l!ega11d· (M,t. 6, 221; 1'6, 1-(i
dé recruter parmi eux des disciples, de se mettre à table et par.; Luc 11, 84-86), la droiture d'âme (Mt, 8, 10
ave~ eux : « Ce ne sont pas les gens·}Jien portants qui et p ar.; Marc 12, 84), l'abandon à Dieu (Mt, 6, 88;
ont besoin -du 1l'lédecin, m.iis les malades. Je ne suis 10, 28-31 e t pal'.; 13, 22 et par.; 19, 23-26 et pa1•.;
pas venu appeler les justes, 1nais les pécheur$,, (Marc 2, Luc 12, 38; etc), Elle est disposition à. tous les sacri-
14-17 et par:). L 'évangile trouvera parfois plus d'écho fices (Mtt 8, 18· 22 et par,, t9, 1,6-22 et. par...; Luc 9,
chez eu:x: que chez les « sagc·s n : " En vérité, je vous le 61-62), sens do l'absolu, div.in et de son. exigence totale
dis, les publicains el les prost.itué'os arrivent avant vous (Mt'. 18, 8-10 et par.; L uc 6, 27,-8:6 et par.). Jésus patte
au royaume de Dieu " (Mt. 21, 31; cf ,C,u.c 7, 110-50). m ôme de violence : «.L e r ilgne de Dieu souffre violence.
\

1751 ~VANGILE 1762


et les violents le prennent de for·ce » (il'/t, 11, 12 et par.). cours de Césarée par la citation d'lsaïc 52, ?, et peut-
'J'outefois, cette violence derneure sans raideur co1nn1E! être 57, 19 (Actes 10 1 36). A Antioche de Pisidio, Paul
sans orgueil. Elle n'est autre quo l'â1ne humaine retour .. rattache son éllangile à toute l'histoire d'Israël et
née en ses profondeurs par la ,nagnanilnité divino et an nonce <( la bonne Nouvelle de la Pro1nesse faîte à nos
se livrant sans réserve tt l'ernprise de la bonne Nou velll~- pères, acco1nplie par Dieu en notre raveur, à nous, leurs
enfants» (Actes 13, 32).
2. Les Actes des Apôtres. - La proclamation ,Jésus, nous l'avons vu, s'attribuait une place centrale
de la bonne Nouvelle au monde est une notion chère dans l'éconoinia du règne de Dieu, dont il proclamait
à saint Lur.. Bile se rattache à sa théologie de la béni• la venue. A~rès la pentecôte, la prédication de l'Église
gnité divine, initiatrice et ouv,•ière dtl sa1t1t universel. lui reconnatt cette rnême place. Los apôtres aux juifs
Aussi trouve-t-on nutint.es fois dans les Act.es le verbe da Jérusahnn (5, 42), Philippe à l'éthiopien (8, 85),
é1,an géliser. P aul aux grecs d'Athènes (1?, 18) an11oncent lac< bonne
, 1° Le livre des Act.es décrit la course victo11iouae de la Nouvelle de Jésus >,, ou« la bonne Nouvelle du Nom de
bonne Nou1reue à travers le inonde. Le point de départ. Jésus-Christ,, (8, 12). Cette dernière formule se réfère
en est rordre donné par Jésus aux apôtres, à la veille /t la dignité du H,essuscité. Par la résurrection, Jêsus
de l'ascension : (< Vous se1•ez mes témoins ... jusqu'aux est entré dans la jouissance plénière de ses d1•olts ot
confins de la terre » (Actf!s 1, 8). L'accomplissement de privilèges messianiques, divins. Le << Serviteur » a
la mission corrunence dès le joui> de la pentecôte. En été<< glorifié" (8, 13). te Dieu l'a fait Seigneur et Christ•
dépit des interdictions et des outrages, les apôtres, dès (2, 3G). Il hli a conféré le Nom au-dessus de tout nom
lors, <( ne cessaient d'enseigner et d'annoncer la bonne (Phil. 2, 9·11). De la sorte,·~son nom de<( Jésus» devient
Nouvelle du Clu·ist J ésus, chaque jour, au tc,nple et lui-même un nou1 divin ... Ce qu'on disait du non1 sacré
dans les maisons » (5, 42). de (< Yahvé " se dit à présent du nom de « Jésus ,
J,a persécution suscitée par la prôdicalion d'Jl:Uonno chasse (J . Dupont, Les Actes des _apôtres, La Bible de Jéru-
les chrétiens hellénistes hors de Jérus11lc111. Co n'est pour los salem, 2° éd., P aris, 1958, p. 7·1, note d); la bonne
• • dispersés • qu' unà occasion do • s'en aller de lieu en lieu eo Nouvolle du règne de Dieu s'identifle à celle du • Nom
annonçant la parole clo 1'6vangilo. Ainsi Philippe,· descendu de Jésus-Christ » (Actes 8, 12) ou dll << $elgnour
dans une ville de Samarie, y proclamait le Christ • (8, t.-5). Jésus ,, (11, 20), à qui, selon le •< psaurne premier "•
Pierre et Jean, venus contrôler cette évangélisation irlsd1ità,
• retourneRt à Jérusalem en év11ngélis11nt de nomb'reux villagos Dieu a dit ces paroles, au matin de Pâques : « Tu es
samaritains • (8, 26). Inspiré par l'Esprlt, PJ1!llppo annonce 10011 fila, moi-même aujourd'hui je t'ai engendré »
à un eunuque éthiopien« la bonne Nouvelle de Jésus• (8, 35), ('l.3, 33).
puis, d'Azot à C6so.r6o, • dans toutes.los villes qu'il traverse• Cette bonne Nouvollo est synonyme de salut. Le
(8, 40). A Antioche, quelques cypriotes et cyrénéens •dispersés• nom de «Jésus,,,dont l'éva11gilede Luca révélél'origine
commencent Il ll'adresser aussi aux • grecs • ot • leur annoncen L divine (Luc 1-, 31; 2, 21), signifie : << Yahvé sauve ».
la ,bonne Nouvsllo du Soigneur J6sus • (11, 20). Cependant, Éclairés par le fait de Pâques, les apôtres procla,nont
Pierre, à Cusarée, a 1•oçu l'ordl'o d'entrer dans une maison qu' « il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux
pa'ionno et d'annoncer« la })onne Nouvelle de la. paix p11r Jésus-
Christ : c'est lui le Seigneur do tous " (10, 36); Piorro dira au hommes, par lequel il nous faille êLre $auvés » (Actes 4,
concile de Jérusa.!Am : • Frères, vous le savez, Diou ,n'a choisi 12). Cet évangile est aussi, par réfél'ence explicite à
parmî vous pour que las i>aïe11s en tondent do ma bouche 1a lsufe, synony,ne de paix : « (Dieu) a envoyé sa parole
parole dl;l la bonne Nouvollo ot 01nbras.sent la foi • (1.5, 7). aux enfants d'Israël, leur annonçant la bonne Nou-
t.1ais dojà, la charge do porter la bonne No\1velle nux nation$ velle de la paix par Jésus-Christ » (10, 36). Dieu
lolnlalnos repose sur Paul (26, 16-18). 8f:lS expéditions l'antrni- accorde la plénit\lde des biens messianiques, il 1net fin
nent par étapes de plus f;ln plus loin : Antioche do Pisidio (1a, aux divisions religieuses. En Jésus-Christ, glorifié
32), « les villea de 111 Lycaonio, Lyslros, Dcrb6 et leurs environs,
où Paul et Barnabé se 1nlrcnt à annoncer la bonne Nouvelle • par la résurrection et faiL (< Seigneur de tous», les hommes
(14, 6 svv, 16, 21). Puis, à l'appel du macédonien entondu /l sont rnaintenant réconciliés {10, 86).
Ttoas, • nous chorohâ1ne.s, écrit Luc, à partir pour la Ma.cédûine,
persuadés que Dieu noua appelait à y porter la bonne Non voilé• 30 Cet éllangilc est p11oolam6 pnr l'Église prhnttive avoc
(16, 10). S'ur l'agora <l'Athilnijs, Paul • annonce la bonne Nou• une assurance souveraine (2, 29 j (t, 1 S, 31; 28, 3t) :
velte ùe .Jésus et 111 résurrocUon • (17 , 18). Enfin, la captivité ic ferme assurance da,1s la parole et dans les actes, fondée
entrain!) lé héraut de l'évangllo jusc1u'à Rome. Paul y demeure sur l'action historique de Dieu qui sauve les peuples
deux ans, « proclatnant le royaume de Diou i>t enReignnnt c:a eLsur l'action spirituelle du Dieu qui relève ot affermit
qui concerne lù Scigneul' Jésus-Chri&t • (28, S0·31).
Pousijé par une force irrésistible, l'évangiJo a atteint cos les âmes i, (I·I. Jaeger, ITa.ppl)ala. et (/,tlucia., dans Studia
• confins de la terre •, assignés par Jésus. Do la eapllalo do putristica, TU 63, t. 1, Berlin, 1957, p. 227). Cette assu-
l'e1npire, l'évangile rayonnera infallllblon1ent sur l'univeJ's. rance est confirmée et soutenue par les << signes " que
Les étapes de cette ùif!u$ion décrlvonl la prise de conscience Jésus avait liés à l'annonce de l'évangile (Mt. 10, 8
pr<>gN!ssive des exi~enccs uni verselles de l'évangile, en dépit et par.; 11, 5 et par.; Marc 16, 17-20; Luc 4, 18). Ces
des projug6s, des préventions et des rêaiRtanceR, au sain mémo « signes " manifestent la seigneurie de J ésus ressuscité,
de l'Église. l'inauguration des temps messianiques, la venue du
2° L'essentiel de l'évangile est to\ljours l'avènement règne de Dieu. Forl.s de la promesse de Jésus, les apô-
du rigne de Dieu, objet des entretiens de Jésus ressuscité tres ne craignent pas de les faite et de les solliciter
avec ses apôtres (1, 3). C'est« la bonne Nouvelle du règne (A.c/<1a '•• 30). On voit se renouveler les scènes de Ja vie
de Dieu » que Philippe annonce à la Samarie (8, 12), de Jésus. A J érusale1n, «parles mains des apôtres, il se ,
Paul et Barnabé aux villes d'Asie Mino1.1re (14, 21), faisait de no1nbreux signes et prodiges parmi le peuple »
Paul à ~phèse (19, 8; 20, 25) et à Roine (28, 23). Plu- (5, 12-16; cf 8, 6-8). Il en va de 1nê1ne de Paul (j9, 1.1·
sieurs textes soulignent le rapport de cette prédication 12). Sur tout cela plane une note de gratuité dont
avec l'évangile d'Isaîe. Philippe part du texte d'lsaEc l'origine rernonte aussi à Jésus : 11 Vous avez reçu gl'a-
58, 7, pour annoncer à l'eunuque éthiopien « la bonne tuitèment, donnez gratuitenlent! » (Mt. 10, 8 et par.),
Nouvelle de Jésus » (8, 35). P ierre introduit son dis- Los apôtres ne disposent d'aucun argent (Act{1$ 20,
\

752 LA BONNE NOUVELLB DANS S. PAUL 1754


1753
eut•
>auJ 33). L'évangile se p1•opage dans une atmosphère de 8; Phil. 1, 21-28; 2, 17). Se dérober à cette tâche serait
l et pau'i'reté, de, détache1nent, de ft'anchise et de charité renie!' Dieu et se perdre : « Prôcher l'évangile, en effet,
nos ·çoliimunauta.ire, qui re1nplit les cœurs de joie spiri- n'est pas pour n1oi un titre de gloir.e, c'est une néces-
aura tuelle (2, (.6; 5, !11-',2; 8 1 8 et 89; ·1 3, 48 et 52; 15, 3; silo qui m'incombe. Oui, malheur à moi, si je no prê-
ûhais pas l'évangile!» (1 Cor. 9, 16).
16, 84, etc).
raie A cette annonce de l'évangile, les ho1n1nes sont invi- () est « devenu le miriistre do l'évangile >> (Col. 1,
11ait tes à répondre par la converoion et la foi. Comme la pré- 23; Éph. 3, 7). lJien plus, il est « prêtre' de l'évangile
/lise dication de .J eau-Baptiste et colle de Jésus, celle de de Dieu, afin que les païens deviennent \!ne offrande
uifs l'Ëglise prhniUve compo1•tc ce do\lble appel à. se repe11- agréable, sanctillée dans l'Espl'it Saint» (Rom. 15, 16).
95), tir. et à l'eccvoir la grâce de pardon octroyée aux hommes Paul a conscience de rendre à Dieu <c \Ill culte spiJ•ituel,
nne au seuil du royau1ne (2, 37•4,1 ; 3, 19 et 26; 5, 3'1; , 0, ft3 ; en annonçant !'.évangile de son Fils» {Ro,n.1., 9). Et c'est
t de 18, 21t et 38-39; 17, 30-31; 19, l.j; 20, 21; 2G, 20). L'appel là, pour lui, non seulement un devoir, mais une grâce. JI
fère requiert dos â1nes en attitude d'accueil et de parfaite a cc Peçu grâce et apostolat pour pl'ôchor... l'obéissance
iaus droiture. Le livre des Actes contient toute une galerie ch: la·foi parmi les pa'lons ,, (RQ1n. 1, 1, 5; 15, 15). « De cet
1 et de ces âmes d'avance accordées à l'évangile. Il en surgit évangile, je suis devenu le rninistro par le don de la grâce
• a dans tous les milieux, dans le paganisn1e con1me dans que Dieu m'a confiée en y déployant s.:i. puissance; à moi,
,t il le judaïs1ne. le 1noindre de tous les saints, a été confiée cette grâce-làn
,om Pierra découv1·0 avec étonnan1ent que• Diêu ne fait pali ilCccp- (l~ph. 3, 7-8). Cet.te grâce est pure 1niséricorde. « Je
ent Uon des personnes, 1nais qu'en toute nat,ion celui qui hi craint el ne mérite pas le nom d'upôtte, parce que j'ai P,ersécuté
LOré pro.Uq uo la justice lui est agroo.ble • (·1 o, 34). 'l'ois son LCorneilla, l' l~glise de ])ieu. C'est par lu grâce de Dieu que je suis
18 » • le« con turion de la cohorlc italique, pieux et craignant Dieu.. , ce tfUe je suis» (1 Cor. 15, 9-10). Cette 1niséricorde rnême
,r u- grand distrihulou1• d'n,uniOnes au peuple j\1ir at priant Dieu fnit la force de Paul (2 Cor. 4, 1) et sa fierté (Ro,n. 1,
·sans cosse• (10, 1·2), Lydie, la• négociante iln pourpre, do la i(i). A la pensée de ceLte mission, il se sent saisi de l'en-
11ne ville de 'l'hyll.llre »,al.qui• adorait Dieu• (16, tt,), le• proconsul
om th(>ll$iasme cl'IsaYe pour les messagel's du règne de Dieu
Sergius Pàulus, horn1no avis(, .. , désireux d'entendre la parole (ltoni. 10, 15; 18a.'ie 52, 7). Et dans cet.te :BpUre aux
eur de Oiau • (18, 7-12), le geOlior de la prison de Phllippe8,
r ~. avide de savoir• co qu'il tuuL !aire pour être sauvé • (16, 29·S~). 1-foma.ins, ol) il se n1ont,1•c si soucie11x d'enlever à l'homme
, es et nombre d'au tres. 'l'o11s ont ce tr11it co1nmun d'« 6cout;er • to11te jactance, Paul ne craint pas d'écrire : « J e puis
3 )) (2, 22 et 07 ; a, 22-28; 28, 2?·28, et pa.ssini), • d'o.ccuoillir • doue n1e glorifier dans le Cli'rist ,Jésus en ce qui concerne
(8, 1ft; 11, 1; 17, 11), d' 11 obéir• (G, 7), l'œuvre de Dieu» (Roni. 15, 17), tant il a conscience que,
Le Chez tous, la l'épouse à la grâce de l'évangile ost dans sa vocation de 1ninistre de l'évangile, tout est grâce,

1ne elle-même \!no grâce, ou plutôt elle n'est q\lo la face lus progrès, comme « les chaînes de l'évangile » (J>hilé-
1 )), int6rieure et snbjecti vo de cette ·gi•âco : dans la grâce 1non 13).
ent de l'évangile ils répondent à « l'évangile de la grâce • 20 Dans la langoe de Paul, l 'évangile désigne ln bonne
LUX (20, 2~). Do tous il faut dire co quo Luc écrit de Lydie : :Nouvolle révélée au :monde par la prédication aposto-
, 4, « Lo Soigne\ll' lui ouv1•i(; le cœur, do telle sorte qu'elle liq oe. Parfois l'accent .po1•to sur l'activité apostolique
-à s'attacha aux paroles de Pa\11 ,, (16, 1ft). La sufnsance, conune telle. L'évangile équivaut alors à l'œuvro
oie à\l contrail•e, qu'elle soit de nature religieuse ou philo- d'(,vangélisation : ainsi quand Paul parle de ~ viv1'8
)U· soplüque et culturelle, engendre rnépris, dédain, inat• de l'évangile» (1 Cor. 9, 1 t,), du « droit que (lui) confère
leu tention, en fin de con1pte refus de la bonne Nouvelle. l'évangile » (1 Co,·. 9, 18; cf 2 Cor. 8, 18; 10, 14), de
fin Là est le drarne de l'incrédulité des juifs « conte1np- 1< l'évangile des cil·concis 11 ( Gal. 2, 7) qui lui a été confié,
,fié teu1•s » (13, (.1) et« ja)O\IX • (18, 4.5·'•6) ou celui des athé· <le la i< lutte commune pour l'évangile » (Phil. ft, 8), du
leS niens fats et légers (17, 32). << début de l'évangile n chez. les philippiens (Phil. 4,
8. Saint Paul. - l,a notion d'évangile esL l'une des ·15; cf 2 C(lr. 2, 12). Cc mêrne sens se trouve en Ro,n. 1,
1, à propos de la vocation tle Paul, 11 rnis à part pour
notions centrales do la pensée paulinienne. La fréquence l'évangile de Dieu ». To11tefois, évangile désigne ici, non
780
du n1ot l'indique : on le trouve soixant.e fois dans les
) : ~,eolen1ont la p1•édication, n1ais encore le message dont
épîtres, et vingt et une fois le verbe évangéliRer.
lée l'apôtre est porleul' (Roni. 1, 3-9, 16). Cel aspoctessentiol
1 ° Paul so déflnlt lui-m6me par l'~vangilo. - cc Paul, d o l'évangile com1ne message apparaît en toute clarté
les
~it serviteu1• du Christ Jésus, apôtre par vocation, mis à pa1•t eu 1 Cor. 15, 1-2. Paul rappelle aux corinthiens l'évun-
Ua poUI' l'évangih~ do Dieu » (Rom. 1, 1 ). Si Dieu, au jour f,'île qu'il leur a annoncé et <c pur lequel vous serez
IU• de sa conversion, l'a ru•raché, conl1ne cc l'avorton " :,auvés, leur dit-il, si vous le gardez tel que je vous l'ai
ue (1 Cor. 15, 8), au cc judaîsrne », c'est poul' le consacrer ,u1noncé ». Et l'apôtre de le réciter à la lettre; dans les
8 à l'évangile. La convel'sion et l'appel à la vie apos- Lormes où le réûilait la co1n1nunuuté apostolique. Le
:es tolique ont coïncidé : Ilieu a << daigné », sur le che1nin ,oê1no sens s'impose dans des textes co1nroe Roni. 2,
de Da1nas, lui•< révéler" son Fils pour qu'il<< l'unnonr.e 1.6; 16, 25; 2 Cor. 11, 4; Gal. 1, 6·7; Éph. 1, 18; 6, 15;
té,
.tu (littérule1nen t. : l'évangolise) parmi les païens >) ( Gal. 1, C:ol. t, 5, 23; 1 'l.'ùn. 1, 11; 2 'l'ùn. 2, 8,
I()• 15-16; 2, 7). Dieu lui ac< confié l'évangile>> (1 'l'hass,
' 2, 4). Dès lors, l'évangile es:L sa. raison d'être (dans lo
Il impo1•te Lou tofois de ro1narquer que, le plus sou-
:er vnnt, comn1e le. note ,1. Huby à propos de llom. 1, 16,
• christianis1ne), sa tâche prirnordiale : c< Le Christ ne
'1 8
,n'a pas envoyé baptiser, mais annoncer l'évangile » n'es~ l'évangile est 11 pria dans son sens lo plus étendu. Ce
se pus tul J)\ll' message ne s'adressant qu'à l'esprit;
)» (1 Cor. 1, 17). La vie cle Paul s'est identifiée à cette
rrlission. Il le <Lit aux anciens d'lJ)phèse dans son dis- il co,nprend tous les rnoyens efficaces qui nous ont
~-ot cours d'adieu : u La vie, à mes ye\lx, ne vaut pas la peine été donnés par Dieu pour n9tre salut. Ainsi considéré,
a- qu'on en parle, pourvu que j'achève ma course et que l'Évangile est identique au christianisrne » (Épttre
c), j'acco,nplisse la 1nission que j'ai reçue du Seigneur au,x Roma.ins, rééd. S. Lyonnet, coll. Verh111n Salutis,
0, Jésus, de rendre tén1oig11age à l'évangile de la g1•1}.cc Pal'is, 1957, p. 58). C'est pour·quoi l'évangile apparaît
<le Dieu>> (,Actas 20, 21.; cf 15, 26; 21, 13; 1 'l'hcss. 2, chez Paul cornme une 1•éalité autonome et vivante.

1755 tVA'NGILE 1'i


1756
Il .est Ja nouvelle économie, J'économie chrétienne, Ps.19, 5). La promesse faite à.Abraham (Gen. 12, 8).est

en tant qu'elle se propage et se ,développe par :l a .pré- pour iPaul un ~ ,pré-évangile .», qui se réalise dans .la
Il
dication apostolique et la force divine qui lui .est inté- conversion dos païens à« l'évangile» (Gal. 3, 8; .cr·-1,
pE
rle.ure. ,u .Il est une force de Diou pour le salut de tout 11>
15-1 6). « Pa1' Je moyen de l'évangile, los païens .sont
croyant,, (Roni . 1, 16). "Par l'évangile ,i, Paul.a« engen- (Ji
alirnis au 1nême h61'iLage, membr•os du nième .corps,
dré » ,les corinthiens ,, dans le Christ J ésus » (·1 Cor. 4, b(1néflciaires do la 1nême promesse dans lo Christ
1~) et sa prédication a été chez eux « une dé,nonstra• J ùstts-» (Êph. 3, 6). (2
tion d'.Esprit et de .puissance » (1 Cor. 2, 4). Une flo- l'i
raison merveilleuse d'églises, une surabondance de 3° On comprend que cet évangile, Paul l'appcllo dl
dons .cha,rismal.iques, un 1•enouveau spirituel sans « )'évangile dO 'D iou 1> (Rorn, 1, 1 ; '15, f 6 ; 2 (;or. :11, ?;
précédent dans l'histoire du inonde, t-out cela, joint 1 Thess, 2, 2 et 8-9). Il le fait en ce doublo sens que oi
il. !'.intrépidité surnaturelle de l'apôtre, témoigne de l'évangile a Dieu et pour au leur ét pour objet, C!
cette puissance de l'évangile qui est en train de conqué- Il l'a pour objet, car il inclut ln révélation du Dieu pl
rir l'univet'S (Gal. 3, 5; (i, 26-27; 2 Cor. 2, 12; 8, '•). vivant, D616gué auprès dos païens, Paul leur « annonce tE
la bonne Nouvélle d'avoir à abandonner toutes ces C<
Paul 10 .rilppelle aux thessll.loniciens : • Notre évangile... vaines Idoles, pour se tourner vers le Dieu· vivant qui
11/aceomp~nait d'œuvres de pulssancf), de l'acLioo de l'Esprlt s~
Sâint et d'une assurance absolue• .(1 'l'heçs. 1, 5). S'il a'en prend a fait ]e ciel et la terre, la me.r et tout ce qui S'y J)I
aux _g11hites, c'est qu'ils méconnrussont ,:et.te puissance aalvi• trouve » (Actes 14, 15). A.u x athéniens, il rév.èle « le ip:
flque ùé l'évnngilo, dont ilH sont pourtant bénéflcirurcs (Gat . 1, Di Au inconnu .. , qu'ils adorent sans le connâttre » JJ
6-7). S'll ronù grâces,pou1• lès eolo.\lsiens, c'est parce quo l'év1.111- (Actes 17, 28). Aux t hessaloniciens, il écrit : « 'On
gile -y ·porto·tous ses fruit.~,• do nuin1e que dans là monde entiur, 'lil
raconte ... co1n1nent vous v.ous êtes convertis à Dieu, p
il fructifie et se développe• (Col. 1,.5-6). Si·Paul travaille de sos aha.ndonnant ]es idoles pour servir Je Dieu vivant et
mains et •• ·su1>porte tout ••, c'est • pour ne cruor nul obstacle Ill
véritable., dans l'attente de son Fils qui viend1·a des (1
à l'é:vangile du Christ • (1 Cor, 9, 12), c'est-à-dira pour ne po.s cieux, qu'.il:a ressuscité,des.morts, Jésus, qui nous délivPe
faire écran à sa Jumiiira conquérante, ni entraver son 1progrès. el
S'.ll a porté le 1nossage chrétien • depuis Jér.usalo1n, on nay.on• de ln colère,quivient ·» (1 Tliess.1, 5-10). Cetu évangile
nant Jusqu'à l'U!yrie •, c'est• pour procurer taccomplisso1nont de Dieu » est rJa·révélation aux hommes de Dieu, •« notl'e
'
de l'évangilo • (Rorn. 15, 19), .pour« faire on sorte que l'lnvangilo, Pore,, .{1 ·Thess, '1 , 3·;·2 Thess. 1, 1; 1torn. 1, 7; etc),
tôr.ce salviflquo àe Diou, produise tous ses fruits • (S. Lyonnct, ,, l'i.Che en rriisërîco1·de 1, (Eph, 2, '4), qui nous app·cll(l
dans J. ·Huby, .ipttre au;i, Romains, op. cii.,·p, 635). 1, lt son royaume et à sa gloit•e » (1 Thess. 2, 12). C'est
~réf, <l':ivangilo•n'est pas 'Un co1•ps inerte de ·doctrines, ·mais l'évangile do l'amour de Dieu : " Nous le savons, frères
cette .réalité v.ivante .. ,-qui agit en ceu!t·qui l'entendcnt·con1me ai11H\S ·de Dieu, vous êtes de ses élus » (1 Thess, 1, 4).
un ferment .de vie... •C'est cotto .puissance .de vie nouvelle qui, s:
conçue et voulue par Dieu, s'ost lout d'aboJ'd ilffirrnée dans lo Dans et par l'évangile, Dieu révèle aux hommos n
Christ, puis a translormé les apôlre11 en hérauts du Christ el, l'élection de grâce dont ils sont l'objet et leur ad1·esse i'
noàleml!nt, transmise par eu1t au 1nllieu des prodiges uccon1- l'appel qui doit tourner leurs cœurs vors lui : « Dieu Ir
plls po.r l'Esprit (Ron,, 15, 13 et 19),, apporta à toutes las li.mes vous a choisis dès le con1mencement .p our être sauvés
de boono volonté et réo.lise 'en elles, par étapes, Je Sillut • par l'Esprit qui sanctifie ot la foi à la vérité; c'est à C
'(A. Yiard, :f!:ptirc aa,c Ro1nains, Bible do Pirot-<.:lan101•, t. 11, quoi il vous a appelés par notre ·évangile » {2 Thess. 2,
2• p., Paris, 19~8, p. 30). 13-16). En cc sens, l'évangile a Dieu non seulement Il
pour objet rnais pour autour. « En lui, se manifeste l:
Saint Paul appelle cet évangile, le plu.s souvenl:, l'
« l'évangile », sans plus. En effet, il n'y en a pas d'autre la justice de Dieu do la foi à la foi,, (Rom. 1, '16-17),
1,a j ustice dont il s'agit ici n'est ,, pas la jusLiëe distri- -t
et si quelqu'un, J>aul ·Jui-u1êrne ou un ange, annonçait .)]
un .évangile différent, il mériterait l'anathèine ( Gal. 1, butive qui réco1npense les œuvres, mais la justice salvi-
8-9), parce que l'évangile est la révélation du salut flq110 de Dieu (cf ls<.iïe 5G, 1) qui accomplit ses pro- e
i:nesses de salut par grâce " (S., Lyon net, Les Êpitres €
opërë par Dieu dans le Christ à« la plénitude du temps,, c
{Gal. r., 4) et comn111niqué maintonant aux hommes dans a.u;c Galates, aux R onu,ins, Bible de J érusalom, 2° éd.,
(
1''.Église. L'univers doit entendre cette unique bonne l'al'is, 1959, p. 7/i, note a). Elle « se manifeste », non
-a
Nouvelle : ,, qu.iconquc invoquera le nom du Seigneur pa,· une rév:élation ,pu1•ernent intelloct.uelle et notion•
(1
sera sauvé» (Ro,n, 10, 12-15), nelle, mais dans une t1ction divine éclatante, dans
l'évangile, qui propage à. travel's le 111onde l'intervention ,t
Pou1•tant, dans sa nouveaulé ~l'ailscendante, cet E
unique évangilo n'est pas sans préparation. Pat1l tient salvifique de Dieu dans Je Christ et y fait participer
les hommes par la foi. Devenu i, le prêtre » de cet l
à souligner sa continuité avec 1'ancien Testament.
1
« Dieu l'avait promis d'avance par ses prophètes dans évangile, Paul en transmet les richesses aux pa'lons,
les saintes Écritures » (Rorn. 1, 2). Il est « la révélation los transforrnant pa1• cet évangile en une « olTl'ande l
d' un mystère enveloppé de silence aux siècles éternels_, agréable, sancti fiée dans l'Esprit Saint» (Rorn, ·15, 16). 1
(
rnais aujourd'hui manifesté, et par des Écritures qui Du Dieu qui se révèle et agit en cet«évangile du salut »,
'le prédisent selon l'ordre du Dieu éternèl, porté à la do tl<:J « Père de la gloire », Paul souhaite que les chré-
1
connaissanco de toutes les nations » (Ro,n, 1 6, 25-26). tiens, grâco -à un cc •esprit de sagesse et de révélation,
acquièron t une connaissance vraie. Puisse-t-il illu1ninor J
·Chaque fait du credo évaogéliquo est arrivé " selon les l
:flcritures » (1 Cor. 15, 8•4). Lo Christ réalise la pro• les yeux de voti·e cœur, pour vous fa.ire voii• quelle
phéUe du mossagel' d'Isaïe: « Dans le Christ J ésus, vous espérance vous ouvre son appel.., et ,quelle extraor•
,qui jadis -étiez loin, vous ôtes devenus p1'oches.. , car c'est; dinairc g1'andeur sa puissance revêt pour nous, los
•lui qui es.t notre paix.. . Il est venu proclamer la bonne croyants, selon la viguour de sa force» (JJ:ph. 1, 17-19).
Nouvelle de la paix» (Éph. 2, 13-17; l saCe 52, 7; 57, 1-9). ~° Cet,, évangile de Dieu » est identiquement " l'évan-
Les apôtres, les prédicateurs de ·l'évangile oontinuont gile, do aonFils11 (Rorn. 1, 9) ou "conce1•nant son Fils .. ,
et ,dévoloppent cette ,Jni°ssion (Rani. 10, 15 ; Isaïe 52, Jésns°Chri.st Notre-Seigneur, par qui (Paul) a reçu
7). « Leur voix a retenti par toute ·l a terre et leurs grâce et apostolat pour prêcher à l'honnour -de son nom
•l)aroles jùsqu'aux extrémités du monde» (Rorn. 10, 18; l'obéissance de la toi parmi tous los paîens » (iRo,n . 1,
1757 LA BONNE NOUVEJ.,J ,E DANS S. PAlJL 1758
756
3-5). Le Père l'a confié à Paul, au jour do sa conversion. 16). Sui· elle rayonne en puissance de ,vie .la glohic du
est Il lui a « révélé son Fils, pour qu'·(il) annonce parmi les nouvel Adam : u Et .nous tous qui, le visage découvert,
1 la paTens la bonne Nouvelle ,, ( Gal. 1, 15-16). Paul dès l·éfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur,
r 1, lors répand dans l'univers « l'évangile du Christ ~ nous som1nes transformés en cette n1ême image, tou-
ont (Rorn. 15, 19-20; 2 Cor. 2, 12; 9, 13; 1.0 , 1'1; Gal. 1, 7; jours plus glorieuse, ,comme •il convient à J'e:ction du
'PS, Phit. ~, 27), « l'évangile de Notre-Seigneur Jésus » Hoigneur qui est Esprit» (2 Cor. 3, 18). Cette humanité,
~st {2 fI'Mss. 1, 8), ,« l'évangil!3 de la gloire du Christ qui est dans le Christ r.essuscité, ,triomphe des principes de
l'image de Dieu 11 (2 Cor._'4., 4), « l'évangile de l'inson- désagrégation qui ,la travaillaient .depuis ,le poché ,du
ille dable richesse du Christ)> (Ép'h. 3, 8). 11remier Adam. ·
'., i 1·) Ce Christ -est avant tout le Christ mort et rcssuR· Pour tous coux lJni ont revêtu Jo Christ, 'les divisions se
1ue ~ité. « J e n'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus- trouvent sur111ontées : • Il n'y a plus ni juif, ni grec, ·ni esclave,
Christ et Jésus-Christ crucifié » (1 Cor. 2, 2). « Nous ni ho1nmo libre, il n'y n plus honune et :remme,·car ·vous 'ri'èteH
i~ U prêchons le Christ Jésus Seigneur )l (2 Cor. 11, 5). « Si tous qu'un dans Je Christ Jésus • (Gal. 8, 28). LBB paie11S so
lCe trouvent Intégrés sur pied d'égalité avec les juifs Ù9.llll l' unité
tes 1èvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton du peuple de J)ieu : ·• Void qu'à prôsont, dans lo Christ Jésus,
~es cœur croit que Dieu l'a ressuscitli des morts, .tu seras vous qui jadis étiez -Join, vous êtes devenus proches, grâce au
JUÏ sauvé )>. Telle ,est en· efiet cc la .pa1•ole de la foi que nous sang du Christ. Car c'est lui qui est notre Paix, lui qui dos deux
,'y p rôohons ~ (Roni. 10, 8-9; cf 1 Cor, 15, 1-11). Ce n'eat n'a !aH qu'un pouple, détruisant la barrière qui les séparait..,
le rpas que •P aul ignore J'incarnation ot la vie terrestre de pour créer en sa personne les deux en un seul Homme·Nouvoe.u »
Ji,sus, ,Son évangile concerne le Fils de Diou« issu de la (8ph. 2, 13-15).
,n •lignée de ·David selon la chair ,, (Rom. 1, 3), « envoyé Cette .puissance de résurrection doit s'.éteodro ,jus -
iu, -par Diou à la plénitude du temps, né d'une femme, né c,1 u'à nos corps : cc Pour nous, not re ci.té est dans les
et sujet de la loi, afin de raclleter les sujets de la loi » cieux, d'où nous attendons ardemment comme sauveur
les '( Gal. 4., '••5), " anéanti pre11ant condition d'esclave lo Seigneur ,Jésus-Christ, qui transr.orme notre cor,p s
:'118 èt devenant se1nblable a.ux hommes .. , obéissant jus- cle misère pour le conformer à son· corps de gloire, av:ec
ile qu'à la rnort,, (Phil. 2, 7-8), « capable de con1patir à nos cette force qu'il a de pouvoir se soumettre même tout
re .faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout -d'un e manière, l'univers• (Phil, ·8, 20-21). Pour le moment, « nous pos-
C')' semblable, à l'exception du péché » (Hébr. 4, 15; 5, :;édons Ios prémices de l ' EspriL, et nous ,gémissons
Ile ,1-8.). 'Mais le rnystère sauveur se consomme dans la intérieure1nent dans l'attente de la résurrection de
1st mort, la résurrection et l'io tronisation do ,c Jésus notre corps >, (Ro,n. 8, 23; 2 Cor. 5, 2). Cette rédemption
es Christ Notre-Seigneur, établi Fils de Dieu avec puis- nst décrite en une Cresque gigantesque : « -D e même
~). sance selon !'Esprit de sainteté par sa résurrection des q\1e nous avons revêtu l'in1age du terrestre, il nous faut

es mor-ts >, (Ro,n. 1, l1). C'est là , pour Paul, le cœur de revêtir aussi l'image du céleste.. , il faut que cet être
se l'évangile : ,, Même si nous avoni; connu le Christ selon corruptible revête l'incorruptibilité... Alors s'accom•
~u la chair., nous ne le connaissons plus ainsi à pl'ésen t » plira la parole de l'Écriture : la mort a ôté el\gloutic
és (2 Cor. 5, 16). clans la victoire... Grâces soient à Dleu qui nous donne
à la victoire pa1• Notre-Seigneur Jésus-Christ 1 » (1 Cor..
2, Pour saisir la portée de cette attitude, il faut se rap-
peler le sens attribué pal' saint Pal.Il à l'événement d e 'l5, l.t9, 58, 57). .
1't
la résur1•ection. Uri raccourci d'une extrême vigueur L'offot de la résurrection du Christ ,doit so faire
te- i;entir dans Je cosmos tout entier.
') . l'explique : ,c Le Dieu qui 11 dit : " Que du sein des
ténèbres brille la lu1niè1·e l )) est cnlui qui a brillé dans « La créll.tion en nltente ai;piro à le. r6v6la:tlon des fils de ,
nos cœurs, pour faire resplendir la connaissance de la Dieu; si elle fut assuj ottie à la vanlt6 .. , c'est avec l'Cl!pérance
gloire de Dieu q\1i est sur la face dü ChrL~L » (2 Cor. '*• d'être, elle aussi, libérée de la servitude de la corruption, po11r
6). Paul voit tians l'œuvt•e acco1nplie par Dieu, au joui• ,1ntrer dans la liberté de 19. gloire des cnfo.nts de Dieu • (R,nn,
de Pâques, une réplique de la cr6a.tion. Lo Christ sort R, 19-21 ).
.., Lo Christ doit établir flnnlement son règne sur ioules les
du tombeau revêtu de la gloire du nouvel Adam,
pulsso.noes du cosmo~. • Puis ee sorll. Ill. fin, quo.nd il ren1ettra
« ·pré1nices » d'une humanité nouvelle (1 Cor. 15, 20), le royaume à Diou lo Pùro, après ·avoir détruit toute Princi-
<< aîné d'une xnulUlude de frères prédestinée par Dieu pauté, Domination et Puissance, Car i1 faut qu'il règne, jus-
à r eproduire l'image de son F,ils i, (Ro,n. 8, 29). Bri- q u'à oe qu'il e.lt ple.cé tous ses en nemi$ ,sous sos pi0ds ... Et
sant la puissan ce du péché et de xnorL i ntroduite dans quand toutes choses lui auront été sou,nlsos, ,alors ·lo Fils lui-
le inonde par le p1•enlie1· homme, il devient pour l'llun1a- 111ô1nc so sou1nettra à Celui qui lui a tout soumis, e.fin que Dieu
nit6 source abondante de grâce et de sainteté : « Si ,;oit tout en touij • (1 Cor. 15, 2ft-28).
par la faute d'un soul, la rnultit utle esL rnorte, co1nbion Dans la perspecLive de la r ésurrection et de la glori-
plus la grâce de Dieu et le don conféré par la .grâce fication du Christ, l'évangile de Paul de1neure cc qu'était
d'un soul ,homrr1e, Jésus-Chris t, se sont-ils répandus essentiellement l'évangile dès ses origines : l'annonce
!,
I•
~ profusion sur la multitude 1,, (Rom. 5, 15). Une hu1na- du règne ,de D-i(iu par sa victoire totale et définitive
nité nouvelle SUl'git di) to1nbeau du Christ, revêtue de ij\lr tous ses ennemis en .faveur de ,son peuple. Seule-
1'
la dignité des fils. Finii:l la condition d'esclave I Saint ment, au cœur <le cet évangile, c, resplendit» 1naintenant
r
Paul le crie aux Galutes; c'est lti. l'évangile q u'il leur « la gloire du Clu•ist imago de Dieu ~ (2 Cor. t1, 4.).
e

a annoncé (Ga.l. 2, 2 et 5-7). « Vous êtes Lous des l.lls De cet« évangile du Christ », il faut dire ce que nous
de Dieu par la roi dans le Christ Jésus ... Et la preuve tlisions de cc l'évangile de Dieu i,, l I est t el parce qu'il a
s
.quo vous êtes des fi1',, c'est que Dieu a -envoyé dans v:os le Chris-t non seule1nent pour objet, rnals -pour origine
cœurs !'Esprit de son Fils qui Cl'ie : « Abba I Père 1 r.t auteur. Paul ne l'a pas« r eçu ou ·appris d'un homme,
- Ainsi tu n'es plus 0$Clavo, mais fùs et .donc héri tie1' u1ais par une révélation de Jésus-Chrif;t » (Cal. 1, 11-12).
do par Dieu • ( Gal. 3, 26; 4, 7). li en a été constitué l'apôtre <c par Jésus-Christ ot Dieu
'
1 lo Père qui l'a ressuscité des morts» ( Gal. ·1 , 1). C'est
L'Esprit Sain L, hlsprit du Christ, habite cet Le huma-
l
nité nouvelle, coxnme son principe vital (Rorn. 8, 14- de cc Jésus-Christ Notre-Seigneur qu'(il) o. reçu grâce
'
'

1759 ÉVANGILE 1760


et apostolat pour prêcher à l'honneur d e son norn <1 force de Dieu pour le salut » (Ro,n. 1, 16) que par la
l'obéissance de la foi parmi tous les pa'iens » (Rom. 1, présence et l'act ion du Christ, révélant aux hommQs Je
5). « Celui qui avait agi en Pierre pour {aire de lui \1 11 1nystère sauveur de sa mort et de sa résurrection et les
apôtre d es circoncis avait pareillement agi en moi en y associant par la foi. '

faveur des pa'ions • ( Gal. 2, 7-8). Paul se considère Paul emploie plulii<lurs lois l'cxpl'cssion • 1non évaùgllé •
« com1ne en a,n hassade pour le ChrL'>L : c'est comn1e (Ro,11. 2, 16; 16 1 25 ; 2 Tin1. 2, 8) ou une expression équivalente
si Dieu exh ortait par nous ,, (2 0 (1r. 5, 20; cf 1 Thess . .2, (t 0(/r. 15, 1; 2 Gor. 4, 8; Gal. 1, 11; 2, 2; 1 7'/ies8, 1, 5; 2 Th4ss.
18). bans l'évangile annoncé par Paul, c'est le Christ 2, 14). Les ox6gètcs di,scutent Rur la nu1:1.nce précise à donner
à cotto exp1·ossio¼l. lt. Col'nely, F. Pn1t, J. Bonsirvcn, par exem•
qui appelle et qui agi t dans los cœurs. P aul est, « d ans pic, y voient affirmée" la note p11rtimtlière • ajoutée par l'npOtre
l'évangile » (Ro,n. 1, 9; 1 Cor. 9, 18; 2 Cor. 8, 18;, des gentils à l'évangile cornrnun (J. Donsirvcn, L'Êvansilo ds
10, 14; Phil. ,~, 3; Col. 1, 5), Je « serviteur du Chl'ist. .Pe1ul, p. ?). • Paul entoud sans doute par son éi,anqile, i\erit
J ésus » (.Rani. 1, 1; etc). « Je puis do11c n1e glorifier F . Prat, la forrno spéciale que prenait le message du salut on
dans le Christ J ésus on ce qui concerne l'œuvre de p as~:\n t du jutlâis,no à la gentilité, le tour qui 1:11ractôrlso sa
Dieu. Car je n'oserais parler de ce que le Christ n'aura,t prédication dans les 1nllieux païens• ( La th,lolo&ie de saint PQ1(1,
pas fait par moi pour obtenir l'o))éÏ$$9.nce des païens 1.. 1, 18$ 6d., Pnrig, 1930, p. 36).
en parole et on œuvre » (Rom. 15, 17-18). Dans l'évan- Selon Lagrange, nu contraire, • rnon évangile • ne peut avoir
giJe, se tévèle et se 1nanifesto la puissance salvifiquo, le sen.s d'un évani;:ile propro à Paul; c' est l'évangihi qu'il a
prêché • (M'..-J. Lagrange, Épitre amr. R o1r1(tins, coll. Etudes
sanctifiante et vivifian te du Ressuscité (2 Cor. 4 , 4). hihliques, Paris, 1916, p. 871). Pour Huby, l'ovangilo de Paul
ust • l'évangile qu'il proclame, évangil<i qui ost la prédication
2) Plus encore, le Christ prolong11 d<Ln$ (! l'tlCJangile » tlo J ésus-Chri.st, o'est-à,difA l'R.nnonce d o son avènoment·et d~
le niystère de sa crôù1,; rtlde,nptrice. C'esL en oil'et dans sa n1ission réde1nptrîce • (J. H uby, op . cit., p. 5:10 ; cf, dans lo
la « faiblesse » et dans la (< folie ., qu'il y déploie sa 1nêm.e sen$, E . Molland, G. Friedrich, R. Asting, etc). li n'y a
force salutaire. Paul eut à lu t ter à Corinthe pour pour Poul cJo'un ovangilo ( Gal. 1, 6-9). • De CAt évangile (il
main tenh• cett e vérité essentielle. P ar leurs engoue- est) dAvenu le 1nh1istre par le don de ln grâce que Diou (lui)
ments et Jeurs coteties, los corinthiens faussaient la a confiée 011 y déployant sa puissance • (ltpit. !!, 7). S'il parle de
nature même de l'évangile. La révélation chrétienne son évangile, c'est seulen1ent dans la conscienco aiguë de cette
• grâce que Dieu (lui) 11 dispensée êt confiée pour (les paîens) •
devenait pour e1lx (( sagesse de langage ,, (1 Cor. 1, 17'}, (Éph. 3, 2: Rom. 1, ()). De la • vérité • do cet unique évaùgile,
syst è1ne de spéculation humaine, thème à débattre, il se fa it le défcu1seur intransigeant ( G<1l. 2, 5, 14 ; cf Col, 1, 6).
analogue à ceux qu'on p1•oposait chez les maîtres en
philosophie ; la prédication se ramenait à un exposé Jj]n rés u1né, l'évangile est une parole di vine adressée
d'idéea et lei; apôtres à d és ch efs d'écoles. Paul r éagit. aux hommes. Dieu leur y révèle l'initiat iv e de sa gràco,
avec vlgue'ur. li rappelle ce qu'est l'évangile. D e par sa l'œuvr e de sa jusUce salvlfique, l'ouverture des ten;ips
nat ure, il n'est pas objet de recherche, de démonstration nouveaux, l'avène1nent d u salut en son Fils Jésus•
et de discussion; il est « révélation d' un 1nystère .. , Chris t, l'accoinplissoment du « dessein b ienveillant qu'il
porté à la connaissance d e toutes les nations pour les avait for1né en lui par avance pour le réaliser quand
amener ù l'obéissance de la foi,, (Rorri. 16, 25-26). Son les temps seraient accomplis » (Êph. 1, 9). Cette révé-
contenu est le contrepied de la (< sagesse· <lu monde»; lation contient un appel : « Frères airnés du Seigneur.. ,
il en est mên1e la condamnation : n1essage de la croix, Dieu vous a choi!!is dès le commencen1ent pou1· être
il est • scandale pou1· les juifs et. folie pour les païens », sauvés par !'Esprit qui sanctifie et la foi en la vérité ;
car (< c'est par la folie du rnessage qu'il a plu à Dieu c'est à quoi il vous a appelés par n otre évangile »
de sauver les croyants » (1 Cor. 1, 20-25). En ses (2 'T hesi;. 2, 13·1'•). D ieu (< vous a appelés par la grâco
disciples et dans l'apôtre m ême, l'évangile est aussi tlu Christ » ( Gal. 1, •6); <• Dieu vous appelle à son
faiblesse et folio. Dieu a « choisi ,,, appelé et 1·assemblé royaume et à sa gloire,, (1 Thess. 2, 12; etc). L'appel
" ce qu'il y a de fou .. , de faible, dans le n1onde, ce que ost u niversel. Il s'adresse • aux grecs comme aux
l'on méprise.. , ce qui n'est pa.\l ,. (1, 26-80). Et, Paul, barbares, o.u:x savants comme aux ignorants » (Rom. 1,
de son côté, n'es t pas venu c< annoncer l'évangile ,, (1, 'Lli -1 5). Sans préjudice du privilège d'Israël (Rom. 10,
l 7), « avec Je prestige de la pa1·ule 0\1 de la sagesse. J e 21; I saEe 65, 2), le rnystèr•e de l'évangile est <c port.é
me suis présenté à vous,. écrit-il, früble, craintif et tout à la connaissance de toutes les naLions » (Roni. ,1~,
trernblant, et 1na parole, n1on message n'avaient r ien 26) : cc J'appellel'ai ,non peu ple celui qui n'était pas
des discours persuasi.fs de la sagesse » (2, 1-', ). Dans 1110n peuple et bien-aimée celle qui n 'était pas ma
cette faiblesse et cette folie se révèle a vec éclat <c le bien-aimée " (Rom. 9, 25; Osée 2, 25).
Christ, puissance de l)ieu et sagesse do Dieu " (1, 24). 5° l'i:tant un appel et tlne grâce, l'llvanirilo roquiort (le
Dans ce défi à la .sagesse et ~ la fol'Ce, l'évangile se l'homme une réponse et contient la grftce de cette
fait u d é1nonstration d'Esprit et de puissance, a fin que réponse. C'est dire que l'év angile est pour l'homme
votre loi repose non point sur lu sagesse des homrnes, occasion et lieu d'une option. Pour les uns, il est ccscan-
1nuis sur la puissance de Dieu » (2, '•-5). Paul r eviend!'a dale ,,, ,c pierre d'achoppe,nen t » (Ro1n. 9, 82-SS; 1 Cor.
sur ce paradoxe, insisttlnt s ur la faiblesse de l'apôtre, 1 1 28 ; cf Gal. 5, 11), folie ,i (1 Cor. 1, 18, 21, 28); il
c(

corr1n1e sur' la fécondité spirituelle de son <( ministèr e c< de1neu1•e voilé ,,; « le dieu de ce monde a aveuglé leur
évangélique ,, (Col. 1, 23-2', ). c( <Jl'âces soient à Diou, pensée afin qu'ils ne vo'ient pas resplendir l'évangile
q\1i, dans Je Christ, nous en1mè,ne dans son tl'ion1phe de la gloire du Christ ,, (2 Cor. '•, t,) . « Incrédules »
et, par nous, répand en tous lieux le parfu111 de sa ( ibitlcrn), « rebelles et indociles à la vérité » (Ro,n. 2·,
connaissance 1 » (2 Cor. 2, 1{i). " Ce trésor ,,, qui 8; et 10, 21; 11 , 80-82; 15, 31), « résistant à Dieu •
est « l'évangile de la gloire du Christ, image de Dieu, (Êph. 5, 6; cf 2, 2; Col. a, 6), s ans oreilles ponr entendre
nous le portons en des v ases d'argile, pour qu'on voie l'évangile du salut (Roni. 11, 7-10), ils sont sur le chemin
bien que cette extraordinaire puissance appartient à do la pordition (1 Cor. 1, 18; 2 Cor. lt , 3). « Car nous
Dieu et ne vient pas de nous ,,' (2 < Jor. ,,, ? ). Ainsi, de so1n1nes, pour Dieu, la bonne odeur du Ch1•îst parmi
quelque point de vue qu'on l'envisage, l'évangile n'est ceux qui se sauvent et parmi coux qui se perdent: pour
760 1761 LA BONNE NOUVELLE DANS S. JEAN 1762
\
l' la les uns, une odeur qui de la mort conduit à la mort; (8, 12), le pasteuf « venu pour que les brebis aient la vie
s le pour les autres, une odeur qui de la vie conduit à la vie » et. l'aient en abondan()e » (10, 10) , « la résurrection •
les (2 Cor. 2, 15-16). L'évangfle n'exerce sa vertu salva- (11, 25), « le Chemin, la Vérité et la Vie• '(14, 6). Si
trice et viviflan,te quo si i'hornme y répond par la foi. ,, la grâce et la vérité » (1, 14) do Pincal'nat.ion apparais-
lê • • Il ést force do Diou pour le S(llut de tout c.r/1y~nt ... Car sen.t chez Jean l'objet d'une expérience déjà longue
,nte en lui ~a Justice de Dieu so révèle de la foi à la foi, èo1nme il et approfondie, et si Jean préfère s'en présenter comn1e
lflBB.
est écrit: Le ju~t& 1>rzr la foi ,ii,,ra • (Ro111. 1, 16•17; Gal. 8, 11). lo " témoin » (19, 35; cr 15, 27; .2'1, 24) plutôt que
1ner li n'est • puissanc(i de Dieu pour coux qui se sauvonL • que
em• conune le c( 1nessager 11 0,1 le « héraut )) 1 expétiênce
par la foi (1 Cor. 1, 18, 20). • Cal' la loi du muur obtient la Jus- et témoignage n'efîacent pourtant pas de son rouvre
)tre tlCé, ot la confession des lèvres le salut. L')!Jcriture ne dit-elle
' d11 pas : Quiconque croit on lui no i;ora pns confondu • (llon1. fO, l'aspect de bonne Nouvelle annoncée au monde et pro-
:Or.it 10•11). posé•e à sa foi : ces signes ont été relatés ,, pour quo
: on vous croyiez que .r ésus esl. le Christ, le Fils de Dieu, et
osa Saint Paul avait connu clans le judaîs1ne l'obéissance que croyant vou1:1 ayez la vie en son nom n (20, 81).
ciul, à ~a loi; et « pour la justice que peut donner la loi n, il Tout r)roche de la notion d'évangile est lo prologue
s'était mon h•é << un homn10 ir1•épl'Ochable ,, (Phil. a. 6), do la première épître johanniquo. Lo té,noignnge s'y
voir
il a
• surpassant bien do (ses) corr1palriotcs de (son) âge » fond avec la joyeu$e annonce du saint : « Ce qui était
ides (Gal. 1, 14). L'évangile lui a révélé et la profondeur du dôs le con11nencement, ce que nous avons entendu, ce
'aul péché de l'hom,ne et la plénitude du pardon et du salut q11~, nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons
~i.on gratuits en Jésus-Christ : << Car Dieu a enfermé tous con ternplé, ce que nos mains ont touché du Vel'be de vie,
( de les hornrnes dans la dé:iobéissance pour faire à tous - • car la Vic s'est manifestée, nous l'avons vue, nous en
,s le miséricorde,, (Roni. 11, 82). « Dieu qui est riche en misé- l'Ondons t001oignage et nous vous annonçons cette vie
·y a riaorde, à cause du grand a,nour i:loot il nous a aimés, éLC.Jrnelle, qui était auprès du Père et qui nous est
l (il alors que nous ét.ions niorts à cause de nos fautes, nous apparue - , ce quo nous avons vu et enLendu, nous
~ul) a, lait· revivre avec le Christ, - par grâce vous êtos
l de
l'anno\1çons, afin que vous 8.t1ssi soyez en communion
lt-te sauvéi,! » (Éph. 2, 4-5). C'est à ce sàlut, qui « ne vient avec nous. Tout cela, nous vous l'écrivons pour que
111) )1 PllB dè (nous) "• q1.1i «·e st un. don de Dieu», qui « ne vient noli·e joie soit complète » ('1 Jean 1, 1-4).
rîle, pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier ,, 2° L'Apooalyp11e est le seul écrit johannique où l'on
' ij ). 2, 8-9), que l'homme s'ouv1·e pru· l'obéissance de la foi. trouve le verbe éc,angéliscr (10, 7; 14, 6) ot lo substan-
sée L'homme confesso, dans la lumière même de la rédenip• tif é,ningilc (14, 6). En 10, ?, le grand ange prononce:
loe, lion, son péché (Rom. 3, 19), sa désobéissance (·11, 32) « Aux jours où l'on entendr·a la volx. du sepUètne ange,
et son impuissance à se sauvor pa1· ses propres œuvres q1uu1<l il sonnera de la trompette, alors sera consommé
O.J?S
(8 1 20 et 28), et il s'ouvl'o, dar1s une humilité l'adicale, le 1nystère de Dieu, selon l'annonce qu'il en a laite à
.US•
u'il
à cotte justice qui d'en haut se propose à lui : c< non plus ses s~rviteurs les prophètes,,. l,e mystère de Dieu désigne
ma Justice à 1noi, celle qui vient de la loi, uui.is la jus- le plan de Dieu sur le inonde; il se consommera dans
Lnd tice par la toi au Christ, celle qui vient de Dieu et,
'1é- l'c'~t::i.blissernent définitif de son règne. Jean, corrurle
s'appuie sur· là foi 11 (,Phil. 3, 9), « justice de Dieu par la fJ:1ul, voit dans co mystère un évangile que Diou a révélé
foi en Jésus-Christ ,, (Rom. a, 22), llhom,ne adhère à 111)$ prophètes de l'ancien et du nouveau Testament,
de tout son être à cette écono1nie de grâce révélée et et. par eux au monde (Ro,n. 1, 2; 16, 25-26; cf Éph.
r6alisée dans le Christ, et qui vient à lui par l'évangile, a, 2•5). Plus loin, .Jean a la vision d'un autl•~ a~ge,
«force de Diou pour le salut de tout croyant» (Ro1n. 1, a)·ant un« évangile ot.ernAI • à annoncer à toute nation,
âce 16).
ion à tonte race, langue et peuple. Il criait : << Craignet,
L'attitude requisA par l'évangile pauliniAn oo'incide Ilieu et glorifiez-le, car voici l'heure de son jugernent;
pe,) avec celle que nous avons trouvée chez Isaïe, chez
lUX adol'oz donc celui qui a fait le ciol ot la terre et la mer
. 1,
llésus, dans les Actes. La bonne Nouvelle est pour les et los sources 1,, (Apoc. 1 "-, 6-7). CHt é,1a.ngile éttJr111!l est
pauvres, pour les hom1ne$ exempts de toute suffisance, l',u1nonce de l'avèneruent <léfinitit du règne de Dieu. Le
10,
,r té consclen t,s de leur faiblesse et de leur fondamentale jugement doit précéder le règne. 'fous les habitants de
indigence, « afin qu'aucune chair n'ai.Ile se glol'ifier la terre sont invités à so tournoi' ve1•s.Dieu, à le craindre,
i f!, devant Dieu » (1 Cor. 'l, 29; cf Ro,n. 3, 27). « (Tout
pas à lui 1;endr•e gloire, à adorer le ctéateur de l'unive1•s,
vient) .de la foi, afin que (ce soit) par grâce » (Jlor,i, t,, qui vient juger et régner. On reconnaît là, en substanc~,
ma 16). l'l,vangilo chrétien primitif, celui do Jésus, et là préd1-
~- Les écrits johanniquos. - Ni le quatriè111e <)/l l.ion n18n1e de Jean-Baptiste : << Faites pénitonce 1
,clo
évangile, ni Jes épîtres de saint Jean ne contiennent lo Lo Règne de Dieu est proche 1 ,, (Mt. 8, 2). Bonne Nou-
1tte
me mot é1>a11gile. La notion de témoignage en a pris la vello pour ceux qui, de tout leur être, attondont lo règne
l\n- place, de môme que la notion de vie a pris celle d(:.Dien at se disposent à sa venue.
',or. de royaumo de Dieu. Il serait néan,noins eJ'i•oné d'éta• Ill. AUX PREMIERS SltCLES
; il blir do ce point de vue une sépnl'ation trop tranchée l.tJtJ pren1iers auteurs chrétien/J non-canoniqr.ws emploient
aur entre les écrits johanniques d'une part et d'auti•e pa,•L encore le mot éc,angila au sens de la bonne Nou-
~~le Jes synoptiques, les Actes et los épîtres de saint Paul. velle du salut en .lé$Us-Christ, p,opagée par la prê-
s )) 1° Par son ()a(),•e et son intention, l'évangile do Jot\n dicat:lou apostolique. La Lettre de Clément de Ronw
2, participe i, l'annonce du salut donné aux hommes en (t vers 101) écrit : << Les apôtres nous ont été dépêchés
u )>
Jésus-Christ. Il proclame que << Dieu a tant ahné le comme messagers de la bonne nouvelle par le Seigneur
cire monde qu'il a donné son Fils unique, pour que tout J(:sus-Christ. Jésus-Christ a été envoy6 par Diou. Le
nin homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie Christ vient donc de ·Dieu et les apôtres viennent du
ous éternelle » (Jean a, 16), que Jéi;us « est vrain1ent lo Cl1rist... Munis des instructions de Notre-Seigneur
:m1• sauveul' du monde " ('l, li.2), que« sa chair » est<< pour J bs11s-Christ et ploinement convaincus par sa résur-
~ur la vie du mondo 1, (6, 51), qu'il est« la lumière du monde>> re<::tion, les apôtres, alîer1nis par la parole de Dieu, allè•
DICTIONNAIRE DB SPIIIITUALITÊ. - T. IV, r, f,
,

17,64
·1763 ÉVANGILE
Pour l'auteur de la lettre de Barnabé, la notion d'évan•
rent, avec l'assurance du Saint-Esprit/annonce,· la bonne gile derneure aussi.la bonne Nouvelle du salut (1t., 9),
Nouvelle, le royau rne do Dieu à venir » {42, 1-3). On annoncée d'aboJ'd par l e Christ aux pauvres, conformé•
remarquera ici l e rôle respectif du Père, Dieu, dont la ment /J. Isaïe 61, 1, puis prêchée au monde par les a1>ôtres ·
parole affermit les porteurs de l'évangile, du Christ sur l'ordre O\l Christ. Le Christ, en elTet, « tandis qu'il
qui ·les envoie, de l'J~sprit Saint qui leur donne l'assu- instruisait Israi:ll et accomplissait des miracles et des
rance. ·Un peu plus loin, Clément utilise le mot éc,angila
signes si pt•odigieux, prêcha et lui témoigna un amour
au sens d'évangélisntion, que nous avons tl'ouvé che1. sans 1nesure,; puis il choisit pour ses apôtres, pour les
saint Paul : << Repreue1., dit-il aux corinthiens, l'épttro futurs prédicateurs de son évangile, des hommes· coupa•
du bienheureu x apôtre Paul. Que vous a-t-H écrit tout hies des pires péchés, alln de montrer qu'il n'est pas
d'abord dans les conunencements do l'évangile? » ven\t appeler les justes, mais les pécheurs..: • (5, 8-9).
(47, 1-2, trad. 1-1. lie,nmer, coll. 'l'extes et docu rnents,
L'évangile est la bonne Nouvelle do la miséricorde
P aris, 1926, p. 87, 99). L'expression rappelle Phil. 4, 15, et d ivine, remise entre les mains d'ho1nmes pécheurs.
désigne vraisomblablernent les débuts de la prédication ]}auteur applique aux apô tres , grâce à une exégè11,e '
chrétienne à\CorinLhe. « Avec une nuance d'idéalisation allégorique, le texte de Nonil,res 19 : ~ Les jeunes gons
il fa ut traduire : " Aux débuts solennels de l'évang1~li- qui aspergent (le peuple.du sang de la victi,ne) sont les
sation, lol'Sque la vio nouvelle cornmençait » (L. San- héràuW de la l>onne Nouvelle, qui nous ont annoncé
ders, L' hellé.ni.~me de Raint Clénu;rit de Rome et li! pau- la rémission des péchés et la purification du cœur. A eux
linisme., dans Stu.dia. heUenistica, t. 2,' Louvain, 19fs2, fut confiée la pleine autorité de l'ôvangile en vue -0.0 la
p. 157-158). prédication; et ils sont douie en souvenir des douze
Pour saint Ignace d'Antioche (t vers 110), l'é-vangile tribus d' Israël » (8., 3; trad. A. Lau1·ent, coll. Tex tes ot
est enco1'e, avant. tout, la bonne Nouvelle d u salut d ocur)lent, Paris, 1907, p. 1,7 et 59). ·L'évangile est
en Jésus-Christ. Le mot désigne n1êrne toute « l'éco• J'annonce du pardon. Il ne peut être prêché que par
nomie concernant l'ho,nmo nouveau J ésus-Christ >>, et délégation d'autol'ité di vine. li a puissance pour
qui u consiste dans la foi en lui et dans l':unou r _pour lui, purifier los cœurs et cette puissance, il la tire du sacri-
dans sa soulTrance et sa résurrection » (Aux Ephésiens
20, 1; trad. P.-'l'h. Camelot, 2e éd., coll. Sources cllré- fice de J ésus.
C'est chai. saint Justin (t vers 165-166) que le rnot 6van-
Uennes, Paris , 1951., p. 91, cf p. 1{1/•, n. 1). A. oe titl'e, gile apparaît pour la pre,nière fois comme désignant
l'évangile est comme un milieu vital, où Ignace, en se incontestablement un écrit. Dans Je Dialogue avec
faisant chrétien, a trouvé refuge et espoir : « roe réfu- TnJplwn, le mot est e1nployé au singulier : « Je sais...
giant, dit-il, dans l'évangile co1nme dans la chair de que vous avez, dans ce qu'on appelle l'Évangile, des
Jésus-Ch1•ist » (Aux Philadelphien8 5, 1). L'évangiJr, p réceptes si grands e t si admirables que je soupçonne
est Jésus, révélé, prôohé ot co1n1nuniqué d ans sa bion que personne ne peut les suivre; car j'a i pris .soin
« cl1air ", c'est-à-dire, dans sa véi'ité historique. Celle-ci
de les lire » (1 O, 2; trad. O. Archambault, coll. 'l'extes
se résume, pour lgnace comn1e pour saint Paul, en ses ot documents, t. 1, Paris, 1909, p. 4.9). u Dans l'Évan-
1noments essentieLq : " la venue du Sauveur Notre- gile, lit-on encore, il est écrit... » (ibideni, 100, 1;
Seigneur J ésus-Christ, sa passion et sa résurrection », trad. citée, t. 2, p. 119). l)ans la pPcmière Apologie, le
tels que les « bion-aiinés prophètes l'a vaient annoncé " mot est au pluriel : « Les apôtres, dans Jeurs
(ibidcni, 9, 2). Dans l'évangile, 1, la passion nous esl. MérnQires, qu'on appelle l!:c,angiles, nous rapportent
,nontréc et la résurl'ection acco1nplie » (Aux Smyrniote,: que J ésus fit ces recomn1andations... " (66, 3; trad.
7, 2). Ignace ne veut pas uvoll' d'autres 1t archives 11 L. Pautigny, coll. T exLes et docurnent.s, Pat•is, 1901, ,
que celles-là : u Pour 1noi, mes archives, c'est J ésus- p. 14.1). Suit le !'écit de l'institution do l'eucharis-
Christ; mes archives inviolables, c'est sa cr·oix et s,1
mort,, et sa résurrection, et la foi qui vien t d e lui " tie.
La Didachè , qui est peut-êtl'e du début d11 second
(Aux Philadelphiens 8, 2). Ignace y trouve l'expression siècle, parle quat1•e fois de l'évangile (8, 2; 11, B; 15,
de la rnlséricorde divine, le fonde1nent de J'ospérancû 3-4.). Dans les trois dernie1'S texLes, le 1not désigne, sans
stn•naturelle, la sou1·ce du salut (ibide1n, 5, 1-2). « L'évao- doute possible, uo écrit où se trouvent co11aignés,
gile est la consonunation de l'immortalité » (ibide,n, pour le moins, les préceptes (e;ù~yyé>...iov) de J ésus !
9, 2). Cortains textes pourraient faire penser que, it Au sujet des apôtres el des prophètes, suivez la règle
pour I gnace, le mot évangile désigne parfois un livl'e. de l'é vangile. Ainsi, que tout a pôtre qui se présente
Ainsi quand il parlt.! d o "ceux que n'ont réussi à persua- à vous soit Peçu co1nme le Seigneur » (11 , 3). Et,
der ni les prophètes, ni la loi de MOYse, ni 1nôme jusqu'à plus loin : ,1 Rep1•enez-vous les u ns les autres, non avoc
présent l'évangile ... >> (Aux s,nyrniotes 5, 2). La chosn colèl'e, mais dans la paix, co,nmo vo us l 'avez dans
n'est pourtant pas évidente. Sans doute, Ignace sa réfèro l'évangilo... Pour vos prières, vos aumônes et toutes
au téci t des évt\nements de la v ie de Jésus, tel que la voi. actions, fait.es comme vous l'avei dans l'évangile
tradition chrétienne le t ransinctta.it. S'il le nom me évan- de notre Seigneur " (15, 3-4) . I, e sens est u n peu plus
gile, c'est q uo par lui il rejoint Jésus, toujours présent étend,1 on 8, 2 : « Ne priez pas... com1ne font les hypo-
et agissant en sa ,i chair».•Jésus continue sa passion da11~ crites, 1n;i.is co1nme le Seigneur l'a demandé dans son
la chair de ses disciples, dans" les souffrances de chacu n évangile; priez ainsi: Notre Père ... » ].,'auteur, s'il a en
de nous » (ibidem, 5, 2). vue u n écrit, pe11so à la volonté du Seigneur dont
La lettl'O de P olycarpe ne con tient qu'une n1ention l'évangile est l'expression (trad. J .-P. Aude t, LaDidachè,
de l'évangile. Elle est confor,ne à la signitlcation tradi- coll. Etudes bibliques, Pa1•is, 1958 ; cf p. 112, 114.,
t ionnelle et s'accompagne, comme chez Paul et Ig nace ,
d o l'évocation des prophètes, précurseurs de l'évangilt1. 120, 176).
L'auteu1' cle la seconde épître de Clément, vraisen1bla-
Polycar pe y rappelle « les apôtres qui nous ont prêchô blen1ent du 1nilieu du second sièc.Jo, se réfère maniîes-
l'évangile et los prophètes qui nous ont annoncé la Lement 'à l'évangile comme à un écrit, dans ce texte :
venue du Seigneur » (6, 3; trad. P.-Th. Camelot, op. ti Le Seigneur dit dans l'ltvaugile : si vous n'avei pas
cit., p. 213) ,


764 1765 SPIRITUALITÉ ÉVANGÉl,JQUE 1766
,an- gardé ce qui est modique, qui vous donnera ce qui est sera donné par su1:croît (.il'lt. G, 33-34).. L'homme coupera,
,m•
gl· grand? » (8, 5; trad. 1:-Iemmer, loco cit., p. 149) .
La 'lettre de l'Église de Sm11rne présente la mort
:;'il le faut, sa main ou son pied, il arrachera son œil,
car « rnieux vaut entrer borgne dans Je royaume cle
tres récente de saint Polycarpe (t vers 155-156) co1n1n0 üicu que d'être jeté avec ses deux yeux dans la géhenne»
ru'll c un martyre conforme à l'évangile» (1, 1), « à l'évaogile (Marc 9, ~7). Telle une épée, l'évangile tranche les
des du Christ>• (19, 1 ). f•ar Jâ, les smyrniotes veulent(< souli- rnille liens qui attachent le cœur de l'ho1n1ne à la terre
our gner les rossonlblances de la passion de Polycarpe avec H~ le lil>è1•e poli!' \ln meilleur amour.
les la passion du Seigneur, jusque dans les n1oindres détalla» L'hom1ne qu~ touche la grâce de l'évangile ne s'évade
1pa- (P.-Th. Camelot, op. cit., p. 281 ). Le tnoL évangile sup• po1u•tant pas de co monde. 11 s'y sait au contraire
pas pose ici, un récit, oral ou écrit. <(envoyé» (Jean 17, 18). « Rupture et présence», on a
1-9). fort heureusement défini par ces deux rno ts le, paradoxe
1rde Mê1ne quand le mot évangile out commencé à désigner
un ou des récits éc1•its, la signification primitive ne do l'évangile (M.-D. Chenu, SaiTlt 1'hn,nas d'Aquin et la
Urs,
rè!le · s'effaça point. lrênée t 202, par exemple, connaît; et théologie, coll. Maîtres spirituels, Paris, 1959, p. 17).
expritno parfaiternent le rapport dos évangiles écrits à Bien Join en olîet de nier le monde, l'évangile en annonce
~ns lu transfiguration. Dans Je Christ qui le proclame, toutes
les la. bonne Nouvelle annoncée au monde par les apôtres :
les valeurs humaines apparaissent purifiées, décantées,
,noé • En effet, le Malt.re do toutes choses 1\ donné à ses apôtres l.otale1nent rapportées à Diou, ordonnées à son . régne,
eux lo pouvoir de prfü.:her l'Évangile... Cot Iîlvangile, ils l'ont
d'abord prôchô. Puis, par la volonté de Diuu, ils nous l'ont transparentes à la lurnière de sa grâce. En l'humanité
~ la
transmis dans dos Iîlcritures, pour ciu'il doviennc la baso oLla de ,Jésus, irradiée do la gloire du Fils de Dieu, le monde
uz.e :;o retrouve régénéré, « sanctifié », c'est-à-dire consacré
1 et colonne de notre toi. .. • Et cet Évangile, Irénée l'appollo :
• l'Iîlvangile de Dieu •· • nevùLus do la vertu d'en haut par la (Jean 17, 19). Et de quiconque est i( dans Je Christ »,
est vonuo soudaine de !'Esprit Saint.. , ro1nplis de toua les dons .. , saint Paul écrit : << C'est une créature nouvelJe; l'être
!)QII ils s'on allèrent jusqu'aux cxtrén1ités de ht terre, proclamant ancien a disparu, un être nouveau est là 1» (2 Cor. 5, 17).
~ur la bonne Nouvollo des biens que Dieu nous envoie et annoo, L'attitude ovangéliquo comporte donc, dans la ropture
}ri• çant aux ho1n1nes la JII\ÎX du ciel, eux qui possédaient, to11s
également et chacun on )Jarticulier, l'Evangile do Diou • el. Je délache1nen t 1nême, une affirmation de Coi en
(AdPerSÎ.1$ hacrcscs 111, 1, 1; trad. F. $(1gnard, coll. Source!!' l'avenir du monde, fondée sur l'incarnation et la résur-
an- 1•ection du Ch1•ist ot sur la fidélité do Dieu.
ant chrétiennes, Paris, 1. 952, p. \J5-'.l7).
. Fort de cette foi, l'homme évangélique se prôsonte
1vec
' Dans la diversité même des quatre évangiles écrits, comme un ôtro tout ensemble simplo et ft•aternel, à
lS ...
des Irénée ne veut encore voir qu'un unique « Evangile ,, : l'aise dans la création. Cette 11ùnplicita11, où l'on peut
• l'Évangile sous quatre formes, Évangile que maintient voir (< la qualité évangélique elle-mêrne », <( ]'esprit dans
\ll8
cependant un seul Esprit » (111, 11, 8). De là des for- lequel toutes los vo1•t11s chr6tionnes doivent être prises»,
Oin
mules comme celles-ci : « Les apôtros qui ont rédigé d la base d.es béatitudes» (V. Fontoynont, teoctes manus-
:te1;1
l'liJvangile » (111, 5, 1), • 1'11lvangile dé1nontre » (111, 10, crits), n'est ni indigence ni ingénuité, mais plénitude et
an• 2) et aussi l'expression : <( l'Évan8'ile selon Matthieu .. , sages$e consomrnée. « Candeur tl'ansparente », « ouver-
1 j
, le I~uc.. , Marc.. , ,Jean ... » (111, 11, 8). « Les évangiles » ture totale de l'ârne à Dieu 11, volonté de se donner sans
urs (ibidem) sont los quatre livres de 1'\1nique Évangile, partage, loyauté absolue, on l'a dénommée « l'esprit
ent source et no rrne de toute spir•itualité. princier» (ibùleni). En tot(t être, elle remonte jusqu'à la
pensée créatrice, ollo révore l'imago divine, elle adore
ad. Ill présence et la pl'ovid.ence du Père qi.li est dans los
.oi:t, IV. SPIRITUAL rrt itVANGl1IJQU.E

ris- cieux : ,< Voyez les oiseaux du ciel. .. Observez los lis des
t. La notion d'évangile, telle qu'elle apparait chan1ps ... ,, (Mt. 6, 26-29). Rien ne lui est plus étranger
dans l'Écri turo et chez les premiers Lérnoins de la traçli, que le mépris, le dédain, l'ironie. L'hornmo de l'évangile
1nd Lion, fonde' une attitude spirituelle caractt~1•is-
15, üst de ceux dont Jésus dit : « Bienheureux les cœurs
tique et originale. J.,a sviritualité évangélique eat faite purs, car ils verront. Dletl » (Mt. 5, 8). Son œil «·est sain",
:tns essentieliomont de foi et d'humilité. La procla- tout son être est<< dans la lu1nière" (Mt. 6, 22) et do lui
1és,
mation de la bonne Nouvelle d\1 royaume place les rayonne la Jun1iôre. En lui l'homme so révèle sans hain'e,
:S :
,g"le hommes devant une option radicale. Dieu notifie la l'1iconcilié, en paix avec Dieu, avec lui-mêxne, avec ses
venue do son l'ègne. Il veut s'attacher sa cr·éature par frères, avec la nature même; tel ,Jésus, au désert, (<avec
nlie un lien filial et l'associer à sa JJl'Opre vie; il vient, en so11
Et, les bêtes sauvages» et<( servi par los anges» (Marc 1, 18).
Fils, rassemblol' les l\on1111es en uno com1nunauté sainte, l\fê1ne lu souffrance s'illumine et devient messagère
vec dans un univers purifié et anin1é pax· son Esprit. Choz celui
ins d'évangile. JiJlle n'est pas pure négation, mais enfan te-
tes que touche la grâce évangélique cette annonce retentit nient à la vie et à la gloire : Cohéritiers du Christ.. ,
<(

comme \Ill l'éveil, un appel qui ne sottfTre pas discussion. nous soufrrons'avcc lui i)our ôtre aussi glorifiés avec lui >>
rlle C'est uu absolu qui transcer,de tout. L'homme y recoll •
lus (Ro,n.. 8, 17-18). A. l'honnne qui a trouvé ce (< trésor
po• • naît la réponse à l'attente secrète cle son cœur. L'évan- <'aché » de l'évangile (lift. 13, 44}, il est impossible de
;on gile peut l'atteiudre dans sa vie quotidienne, dans lo garder pour lui' seul. La spiritualité évangélique est
en son travail, aux charnps, au lancer d\l filet, au bureau (< miséricorde » (Mt. 5, 7), « tendresse » (Mt. 12, 7).
,nt des douanes ou i;ur le sycomore, avec Zachée (J_uc 1~. Comme la flamme, elle veut tout embraser (Luç :1.2,
,ltè, 1-10); J)lJU importe! LA voilà prêt à retourner sa vie, t,9). Pour qui porto on son cœur l'évangile, tout hon1me
1 (t, voire à tout quitter, sans délai, sans rega1·d en arrière, l'(lncon'Lré sur la route est un fl'ère qui a droit à la joie
sans rogret. Du ruit de la joyeuse 1.uirtônce, tout est du royaume et à tout l'amour dont il est tissé (Lu,r, 10,
1la- changé rnaintenant pour lui. Tout so trouve pris sous 29-87). De cette charité évangélique, saint Paul, à la
'es- une lumière nouvelle. <( 'fous JAS royaumes du monda sitite du Christ, a donné la charte : (( Si ton ennemi a
;e ; avec leur gloire » (Mt. 4, 8) sont i1npuissants déso1·1nais faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à boire...
à l'éblouir. L'évangile lui en a rév(1lé la p1•écarité. Seuls Nl~ te laisse pas vaincre pax· le 1nal. Sois vainqueur du
~as comptent <( Je royaume do Dieu et s11 justice 1,; le reste 111al pur le bien ,> (llorn. ·12, 20-21). Cotte charité est
ï .

1767 ÉVANGibE 1768


franchise absolue, qui mord et b1•0le quand la Vél'ité du royaume. Le n1ondo, qu'il a « quitté ., (Testament,
et le Bien des )1,ommes, des« petits», sont en j eu. n. a), lui devient fraternel : « Loué soyez-vous, mon
Cette assurance pou,,tant est !;ans orgueil, car elle ne Seigneur, avec toutes vos créatures et singùliè1·ement
prend pas sa source en l'ho1nn1e, mais on l'inépuisable pour notre frère 1nessire le soleil qui nous donne le jour
bonté du Père, qui« fait lever son soleil sur·les 1néchonts et la lumière ... Loué soit n1on Seigneur pour notre mère
et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur la terre, qui nous soutient, nous nourrit et prQduit
les injustes>> (iltlt. 5, '•5). L'homrne que la grâce de l'évan- toutes sortes de fruits, tes fleurs diaprées et l'herbe »
, gile a retournè est hun1 ble. li se sait un pécheur par- (Ca11tiq.ue du s_,olcil, n. 8 et 9). A ceux qu'il croise sur sa
donné 0\1 préservé, en tout cas ailné et sauvé gratuite• route, François se donne po\lr « le héraut du Grand Roi~
ment (Éph. 2, 8). Il. se sait et s'accepte « pauvre >> (1 Celano, pars 1, c. 7, n. 16). Sans dire un mot, il
(Mt. 5, 3), et« petit enfant» (Mt. 18, '•), sans autre droit « prêche ». 'l'o,1t son ôtre proclarne l'évangile. Sa mer-
à faire valoir' que l'insondable • amour de Dieu répandu veilleuse aisance annonce la liberté du royaume; la
dans nos cœurs par le Saint-Esprit. qui nous fut donné>> <( très ha,1to pauvreté », sa « daine », sa (< maîtresse ~,

(Roni. 5, 5). J?our lui, tou t est grâce et« à la louange de sa « reine », en prophétise la richesse cachée. A la même
la gloire de la grâce, dont (le Pè1·e) nous .a gratifiés dans époque, saint Dorninique t 1221 se voit dénommé par son
le Bien-Aimé » (Éph.. 1, 6); tout, 1n~me la réponse à successeur et biographe vir evangelicus (M.·D. Chenu,
l'évangile, et la joie et la liberté et l'an1ou1• qu'elle suscite op. ait., p. 15).
dans son cœur. Ce qui est vrai <le François et de Dominique l'est du
1nystiquo ,Joan de la Croix t 1591. A travers tous los
2. Réveils de l'esprit évangélique. - Cette spi· renoncements eL tou Les les purifications, ~ l'appel de
ritualité évangéliq\1e vit au sein de l'Eglise depuis les l'évangile » l'entraine à ce « rien », dans lequel il gagne
premiers jours. Elle inspire tout le comportement de cc tout». Par l't~vangilo, tout lui est pris et tout lui est
la con1munau té p1•imitive. Celle•ci vient au devant du rendu, transfiguré; dès lors il peut chanter : « A moi
monde sans les prestiges chl monde. Elle n'a d'autre sont les cieux et à moi est la terre, et à moi sont les
arn1e que l'évangile mêrne (Éph. G, 1'1·1 ?) et sa foi peuples; les justes sont à moi et à moi les pêcheurs; les
dans le royaume ina\lguré par la résurrection de J ésus, anges sont à moi et la Mère de Dieu est à moi et toutes
déjà à l\lluvre en elle. Cette Église conquiert les cœttrs les choses sont à 1noi, et Dieu même est à rnoi et pour
par son détachement, par la pureté de son culte, par n1oî, parce qua le Christ est à mol et tout entier pour
sa charité (Actes 2, '•7; '•• 32; 5, 18). La grâce évangé- moi. .. » (prière de l'Ame enamourée, Obras, éd. Silverio,
lique rayonne en elle. Elle est l'évangile incarné, t. r., Burgos, 1931, p. 235; APisos y se,~tèncias, trad.
vivant. et contagieux. Lucien-Marie de Saint-Joseph, J.,es œuvres .. , t. 2,
Telle rut l'Église à ses origines, telle elle de1ne\O'e Paris, 1947, p. ·1801). L'évangile révèlera da tnême à
en son essence, en dépit des défauts et des péchés sain te Thérèse <le !'En.tant-Jésus t 1897, sa fille spiri,
mêmes de ses 1nombres. Grâce à ]'Esprit qui vit en ello, tuelle, dans la petitesse de l'enfant la. voie d'accès,
l'évangile ne cesse de l'anin1or ot de la modeler. Il est "l'asc1~nseu1' » com1ne elle dît, qui introduit au royau.me
son Ame; sinon elle ne serait pas l'Église du Christ. de Dieu : « J'ai l'echel'cllé dans les livres saints l'indica-
En vain oppose-t-on 1'6vangile à l'institution ecclésias- tion de l'ascenseur, objet de rnon désir et j'a:i lu ces
••
tiq\10, celle-ci n'a d'autre sens et d'autre but que d'an• rno Ls sortis de la bouche de la Sagesse éternelle : Si
noncer aux: ho1nmes le royaume de Dieu, de leur en quelqu'un est tout petit, qu'il vienne à rnoil >1 (l\fanu.~-
cominuniquer déjà, par ses sacrements et sa discipline, 1,i•its a1'tqbiographiques, Lisie\lX, 1957, p. 2!15). Secret dé
la réalité substantielle et de les en faire vivre. Los st1•uc- gri\ce, que Thérèse rattache explicitement au plus
tures temporelles risquent toujours, il est vrai, du faiL authentique évangile paulinien :
de l'accoutumance et de la routine hn maines, de rnas- Av11nt do prendre 111 plurno.. , ouv1·ant Je saint évangile,
quer la nouveauté de l'évéue1nent salutlllre qu'olles ,nes yeux: sont tonibés sur ces ,nots : Jésus étant 1nontô sur une
expriment et (!\l'en toute vérité et en toute efficacité rnontngnc, il nppoln à lui ceux: qu'il lui plut et ils vinrunl à lui.
elles actuent, De là, au sein do l'tglise, sous l'action Voi là bien le mystère de ma vocation, de nia vie tout entière et
de !'.Esprit et sous les for1ne):I les pins diverses, do s11rtout le mystère des J)rivilègos do Jésus sur ,non rune. JI
périodiqnes réveils do l'esprit évangélique vécu dans n'uppollu pM coux qui on sont dignes, 1nais ceux qu'il lui plat1
son intransigeante pureté. Ces l'ùveils ne font que mani- ou co1n1no le dit sain t Paul : Diou a pitié de qui il ven~ et il fait
fester la puissance créatrice de la grâce évangélique, n1iso\1•icordo à qui il veut faire miséricorde. Ce n'ost donc pas
dont l'Êglise est porteuse, et ne valent que par la l'ouvrage do celui qui veut ni de colui cpri court, ,nais de Dieu
qui rait n1iséricorde • (p. 8·5) .
.fidélité à cette grâce. Ils procèdent de l'Eglise ot y
ramènent con11ne à leur source. Toute autre voie trahi· L'ovangile a fo1•gé do 1nên10 1'â1ne d 'un Ignace de
• rait l'évangile lui-uiême. Loyola t 1556 et de ses prarniers con1pagnon$. La retraite
De ces réveils, tous les siècles chrétiens ont donné qui les p1•épa1•e à leur première messe les rnet en pleine
d'étonnants e:sen1plos. Entre tous apparaît celui qui vie évangélique. On a parlé à ce sujet d'une « expérience
s'attache au nom <lu pauvre·d'Assise t 1226 : Thomas merveilleuse " aux origines . de l'hii,toire
'
de l'ordre
de Celano appelle François noc•us cvangclista (1 Celano, (I·I. Rahner, / gnatiu,s """ Loyola tind das gcschichtliche
pars 2, c. 1, n. 89). François lui-mêmo dit dans son W crdcn seiner Ji'rürnniigkeit, Grat?,, t \)f, 7; trad. Saint ·
1'cstarncnt : " Le Très•Httut... rüe révél11. que je devais l gnace de Loyola et la g1Jr1èse des E:tereices, Toulouse,
vivre selon la for1ne du saint évangile » (Tcsta.rnent, 1948, p. 50), <l'une idylle do pauvreté et de foi. Ignace
n. 14, trad, Willibrord, Lf! n?essage ,Ypirituel dé saint écrit alors à un ami : « Nous éprouvons tous les jours
Jt'rançois d'A ssise, Blois, 1960). Sa règle est l'évangile davantage la vérité de ces n1ots : n'ayant r·ien, nous
à l'état pur. ; « l,,a règle ot la vie dos Frères rnineurs possétlo116 tou t >> (,Mon1~1nent1L Jgnatiana, Epistulae et
esb celle-ci, à savoir: observer le sai,, t évangile de 'Notre- irlstractio,;es, t. 1, Madrid, 1903, p. 12',.; .Lettret! de
Seignour Jés.11s•Christ • (2•1 Règle, 1, 1). L'existenca <le saint Ignace, tracl. G. Dumeige, coll. Christus, Paris,
FrA.nçols attelnt, de ce fait, à la transparente pureté 1959, p. 63).
'

1769 SPIRl1'UALITÉ ÉVANGÉLIQUE 1770


C'est i'évangilo encore qui a' été l'âme d'un Charles do on distinguait entro le kérygrne ou procla1nation de
Foucauld t 1916, l'âme do sa vie spirituelle comme de l'évangilo et la didacli~ ou explication de la doctrine
son action apostolique. révé.lée (Actes 2, 42), 'l'outefois, l'enseigne1nent, dnns
« Les moyens clont (,Jtis\18) s'est servi à la crèche, à Nazareth le christianisn1e, n'est jamais puro spéculation. li
cl sur h1 croix, sont: pauvraté, abjection, hunlili!ltion, délaisse- n'est jamais séparé entièrement du fait évangélique,
ment, persécut.ion, soufTtllllCe, croix. Voilà nos e.rrnes ... Nous c'est-à-dire de la bonne Nouvelle d:u royaume, qui lui
ne trouverons pU,~ mieux quo lui, et il n'est pas vieilli... Suivons a donné naissance et qui éontinue de.le soutenir et de
ce • modôlo uniq\le • et nous s0111111os sors de !aire Lààucoup le vivifier. Et c'est en le ramenant toujours à sa source
de bien, car dès lors ce n'est plus nous qui vivons, ,nais lui que le Saint-Esprit renouvelle sans cesse dans l'Ëgliso la
qui vit en nous, nos ant.ei; ne l!OO t plus 110s ac;tes à nous, hu1nains prédication. c< 11 nous faut retrouver la force ot la dignité,
ot misérables, 1nais les siens clivinerncnt efficaces • (lettro à
Mgr Cha.ries Guérin, 15 jilnvier :l.908, clléo pur ,Jean-Fran- cin partie perdues, de ce mot de ~ prédication » dans le
çois Six, ltin.!rairc spirituel cl,i Charles clc Fouca.rdtl, Paris, 1958, langage traditionnel. Il no désigne pas seulernen t quelque
p. 333). ,c genre oratoire "• ou quelque sorte d'(( anselgnen1ent
rnoral "· Lo <c VOl'bu1n praedicationis », c'est· Je cheval
« Revenons à l'évangile lire et relire sans cesse
», « blanc de )'Apocalypse. Ceux qui, à la suite des I)ouze,
le saint évangile », tel est « le re,nède » csscntiol, que ont reçu de Dieu la « grâce de la prédication », ne sont
l'ermite du Sahara 1•épéLaH à satiété à tous ses corres- pas seulement des hornmes qui s'appliquent à citer la
pondants et qii'il s'appliquait tout le premier (cf lett1•e Uihle dans leurs discours a fin de leur donner « force et
du 11, août 1901, L attros à Henri de Ca.~tries, Paris, officacité », ou qui p\1isen t dans les sa.intes Lettres des
1938, p. 99; lettre à Joseph Hours, 3 tnai 1912, dans " réflexions pieuses >l, des • leçons » et des « exemples »
Cahiers Charles de F'ot,ücittld 1/i, '19t,9, p. 9), propres à « illustrer la vérité divine ,,. Ils sont ]es
« prédicateurs de la Vérité "· Ils peuvent dire. avec
a. Témoignages évangéliques. - On pourrait
:;ain t Paul: c< Verbum fld ei, quod p1·aedicàmus » (Roni. 10,
multiplier les exernples de ces vies jouées et fondées
8). Ils font lever le« ter,nen t de la foi ». Ils répandent le
sur l'évangile. Depuis Antoine, le père des moine$,
quittant tous ses hions sur une pa1•ole entendue à .Fou divin. Ils prolongent dans lo temps et dans l'espace
In mt!me ,c sonus apostolicae praedicationis ,, : « omnis
l'église:« Vends Lout ce que tu as et suis-n1oil "• jusqu'au,
plus moderne fondateur, c'est le rôle do l'institution praedicatoru1n ordo in apostolorum colllgHur unione "
(Paschase Radbert, J,t M!ltthae,,m 11, PL 120, 803-801i).
1nonastique et de la vie religieuse dans l'Église, que do
111:1 proclament pa1•l:out le Nom de . •Jésus-Christ. Ils
térnoigner à la face du monde de sa puissance intacte
annoncent <c les 1nystères de Dieu "· L'Ecriture leur a été
ot de son éternelle nouveauté. La vie religieuse pl'ocltune
de façon permanente et institutionnelle. la bonne Nou- livrée. Par eux elle pénètre en tout lieu; par eux l'Église
1.!11ge11dre incessamment le Christ. Chargée d'inviter
velle du règne tle Dieu, la cà.ducité de ce monde, dont
l'humanité aux Noces de l'Agneélu, de« lier les membres
« la figure passe" (1 Cor. 7, 81}, l'excellence du royau me
:\ la Tête", ils communiquent« la plénitude de l'évangile»
qui vient. · Un ferment do fo.i évangélique intense et
pure se trouve ins6r6 pai' ~lie de façon cons tan te dans
(FI. de Lubac, Exégèse m6diéc,àle. /,es quatre sens de
, l' ltcriture, 1re partie, t. 2, Paris, 1959, p. 669-670).
le peuple chr6tion et y exerce son action : « L'l!.lglise no li faudrait suivre, au cours des siècles ch1•étiena, l'his-
peut pas annoncer le l'oyaume de Dieu, sans Je témoi•
1.oi!'e des renouveaux évangéliques de là prédication.
gnage communa\1 taire de la pauvreté, de la virginité
et do l'obéissanue, du Christ. Et ceux quo lo Seigneur La direction spi1•ituelle des âmes porte, elle aussi,
appelle il. ce témoignage répondront dans la reconnais- llans l'Église, le sceau do l'évangile. EUe en part ot
i!lle y mène, ne se pi•oposant d'autre but que d'aider les
sance et dans la joie » (I-1. Mogenet, La vocation reli-
gieuse da11s l'Église, Paris, 1952, p. 22), f1n1es à s'ouvl'ir à la grâce de l'évangile et à s'y épanouir
(•.ornme en leur v6ritable patrie. Et pour ce faire, elle
Ce témoignage évangéliquo, 1'11:glise le rei1d aussi par
ne s'appuie pas sur autre chose qlie sur 18 parole de
son culte et ses sacrement.q. Saint Paul expliquant
l'euchariatie aux co1•in thiens leur 6crivai t : « Chaque l'évangile, « vivante.. , efficace et plus incisive qu'aucun
fois que vous 1nangez ce pain et qne vous buvez cotte glaive à deux tranchants, pénétrant jusqu'au point de
division de l'âme et de l'esprit, des articulations et des
coupe, vous annoncez ln n1ort du Seigneur, jusqu'à ce
r11<Jë!les, juge dos sontimen ts et des pensées du cœur ,
qu'il vienne » (1 Cor. 11, 26). So,1s les espèces de la
(llébr. 4, 12).
cé~éhration eucharistique, l'Église« annonce» le mystère
r•édempteur et vit à sa source son espérance du rôyaumo. Un oxample typique en ~erait, entro aulros, la direction
Portée par la gJ'âce évangélique que !'Esprit lui cornmu- spirituollo d'Antoine Chevrier t 1879. Il mot lait les âmes à
nique, elle dit à son Seigneur, présent et enco,•e avenir : 1'6colo dirocto de l'évangile : • Lisez souvent le saint évangile,
• Viens 1 " (Apoc. 22, 17; ·1 Çor. 1 G, 22). Eucharistie et c'est Je livra qui a forma les saints• (Lettres, Lyon-Paris, 1927,
évangile sont étroitement associés, On ofTr,üt, dans les p. 188), « D01111ez-rnoi une âme q\li aime le saint évangile,
religions pa'ionnes, dei; sacrifices di Ls c< évangiles ». jn réponds do cotte 1Îu1e • (Esprit <!l vctti,s du P . Chevrier,
l,yon-Paris, 1926, p, 72).
Ce n'étaient jarnais quo des sacl'ifices à l'occasion d'une li trouvni.t dans 1'6vangllo le 1nodèl8 qui transforme et on
bonne Nouvelle. Dans l'eucharistie chrétienne, au p:1rt,iculier le manuel id6al pour la !orrnation du prêtre, comme
contraire, Je sacrifice est la bonne Nouvelle môme dans l'indique le titre de son ouvrage p1•incipal, • la prêtre selon
sa réalité présente ot agissrui Le. De là, l'importance et l'c'.: v1=u1gil0 ou le véritable disciple de Notro-Soignour ,Tésua-
la solennité de la p1·ocliut1ation de l'évangile au cours C:hrlst •· Chàvrier tient les yeux flxés sur la pédagogie do
de l'avant-messe. Le texte évangélique crée le clhnat Jésus ù l'égard do ses apôtres : • !lln même temps qu'll leur
dans lequel les âmes communieront avec f1•uit à la donnait les grands principes do la vio évangélique et parfaite,
célébration du mystère. il la leur faisait pratiquer... Il ne leur donne pas d'autre
La prédication de l'évangile est, avec la cél6bration rilglement que celui:ci : Suis-moi, je s~is. ton règlE;tmen_t, ta
vie, lo !orme e:,ctér1euro que lu dols 1n11lor • (Le vér,tabk
eucharistique, la tâche prin\ordiale de l'Église. J./ensei- di,ir.iple, r.• éd., J,yon-Paris, 1925, p. 187-188).
gnen1ent de l'Église ne s'y réduit pas. Dèfl les origines, D1111s l'évangile, Chevrier entenclnit retentir la lionne
1771
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ÉVANGILE - 'È VE 1772
Nouvelle, qui nient vors ln snin1.eté, co1nn1e cc fut le cas pour Car111el 1 Tn1•nscon, '1957, p. 4-15. - El, Thurneysen (non
1 lui-même, en cette nuit de Noël '1850, où il se sentit tout à 1:al.holique), D1>clri11e d,i la cure d'âme, Neuchâtol-Paris, 1.\158. -
1 coup fasciné par • ln beauté et la grandeur de J ~sus-Christ • Z. Alszeghy et f.L Fllck, Il problcma IC()logitto tlelta predica-
et mis à jamais sur ln route dé la pauvreté évang6lique. zionc, dnna Gregorianttm, t, 40, 1959, p. 671-?1,4. - D. Grasso,
Bien plus, Il découvrait dt1ns l'évangile la soule grâce capa- Il kcri{lrtla e la prctlica:iwnc, ibide,11, t , 41, 1'J60, p. 424•450.
ble de porter et. do aontonlr le faible et le pauvre que nous Donatien Mol.l,A't.
so1n1ncs : • Avec lo sflin t évangile, il se1nblc que je suis plus
fort, c'est Jésus-Christ qui parle et, avec lui on ne Be tro1npe
pas • (Lettres, p. 208). Cf Route des pauvres, dans Jle1111e du È VE . - L~s q1!estions touchant l'existence histor.ique
Prado, Janvier '1 OGO; :1\18' A. Ance!, La pau,•rclé du pr~tra, des prenüers parents, le genre Littéraire dos récits de la
Lyon-Paris, i91a6, p. 283-314 l~aquisso do ln pé(lagogic évnn• Gnnèse et leur interpl'6tation ayant été traités à l'article
gélique, et DS, t. le, col. 83!i-837.
A11A~1, les lignes qui suivent sont exclusive1nent
La direction, en effet, n'a pas d'autre but. que consacrées à la figure syrnbolique d'l~ve. La mère des
d'amener l'tune ù ,< uno soumission personnelle à celui vivants a été co1nprisc très tôt dans la tl'adition catho•
qui nou$ meut, pa..ce qu'il nous appelle vers lui par lique corn1ne un type à significations multiples. Tanlôt
un attrait qui nous donna en môme tenlps le n1oyon elle récapitule la participation féminine à la déchéance
do lui être fidèle ,1 (M. Giuliaoi, S<i décider sous l<.t originelle, symbolisant tout ce qui séduit l'homme au
motion divine, dans ChristttS 1(1, 11:157, p. 185). Pour d1:ho1•s de lui-mêrne (1) ou au-dedans (2); tantôt olle
utiliser tou tos les ressour<~es de la psychologie luunaine préfigure les fonctions 1nédiatrices que re1nplit dans
et de la « nature », la direction spirituelle de l'Église notre rédè1nptîon la féminité personnollo de Marie (if)'
n'en est pas n1oi11s Odèlo à l'évangile. Lo nier, c'est Oll la féminité collective de l'Église (4).
oublier quo l'évangile s'adresse à la nature entière, que 'l. Èv e tentatrice. - Le typo d'Ève a été naturel-
Dieu n'a créée que pour la « plier aux fins do sa grâce». len1ent appliqué à toutes les fèmmes qui ont joué
Tout, dans la vie chrétiaona, es Ldonc porté p,u· l'évan- auprès de l'homn1e le rôle de tentatrices. La femme '4c
gile et tout s'éclaire à sa lumière. li constitue une .lob est le principiù objet de cc parallèle, car elle est
dimension essentiella de la spiritualité chrétienne non seule1nent femme mais épouse. Ainsi chez les Pêres
sous tous ses aspects, con1me il définit la tâche première g1·1ics : Didyrne (PO 89, 1129c), le pseudo-Origène
de l'Église et son rnessnge au monde. Comme saint (PC¼ 17, 487a), le pseudo-Chrysostome (PG 56, 565-569),
Paul, l'Eglise ne peut que se radire sans cesse:« Mtùhe\11' Olympiodore (PO 98, 44a); chez los latins : A1nbroiso
à moi, si je ne prêchais pas l'évangila l » (1 Cor. 9, 16). De (PL 15, 1624c), Grégoire le Grand (PL 75, 606b).
cet évangile, toute tune chrétienne a été ma1•q1100 et Saint Augustin est inlassable sur ce sujet, 11 insiste sur
se doit de rendre témoignage. la ruse de Satan qui laisse à Job la dangereuse coinpagnie
1. Si,r la • bonne Nuu/Jcllc •· - ,1. Schnlcwind, Euanë;f[-Oii, de sa fernme après l'àvoi1• p1•ivé do tout le reste : « Mise-
Ursprung und crstc Gcst(I.// de,q Beg1·it}s Ej,a,ngclium, Outersloh, t·i<'. ordcm putatis diabolum qui ei reliquit uxorem? Nôvè-
1927 1981 (incon1plet). - t.:. 1.!olland, D11s ptluliliische Enan- rill per quam deceperat, Adam ,, (Enarratio in ps. 55, 20,
gclion, Diis Wori 1'11il tlio Sa~he, Oslo, 1931,. - G. Frièdrich, P L 86, 660c ; cf P L 87, 1150d, 1732à, 1881c). Avant le
art. Eôe<eyy<Àiov, etc, dans Klttol, t . 2, 1935, p. 705-?85. 1- Ch1'i$t, J ob est lui-1nôme un nouvel Adam, mieux avL~é
R. A&t.ing, J);e Verkandi,:nng des ~VorleR i1n (Jrchristcnt1un,
Stuttgnrt, 1939, p. 300-467 D01• Begrill 1<:vRni;oliuin, - P. J.,eR·
qua le premier : <c Viclt et ipse Adam, et in Job ipse;
tringant (non c11tholiquc), Es$(t.i sur l'units de la réc>él,,tion qnia de gene1·e ipsius Job. Ergo Adain victus in paradlso
biblique. Le problème de l'unité tlé l' f:;!1an,:ilc et clc l' É,1riture vi11it in stercore 1> (I" epist, Joanni8 1v, 2, 8, PL 35,
auœ de= pro,niors siècles, Pnria, 191a2. - L. Cerfaux, La voix 20079.; cf PL 86, 220c et 827d). Sa fem1ne prend par le
vivante de t' n'vangila au débtJ.t del' f..'glis c, Tournai-Paris, 1 'J116, fait même le type d'Ève : « Eva nova, sed ille non vetus
- •J, Donsirven, L' ÉP<lltgile de Paul, coll. 'l'h6ologio 12, Adam» (Ser,no de urbis excidio 3, P L (10, 719c; et Pl, 87,
, Paris, 194.8. - J , Huby, L' .i:va.ngilc cl les Éc,angilas, éd, 1 'l55c et 1882d, suri.out PL 46, 918c). Il est bon de
X. Léon-Dufour, coll. Verbun, salu\.i$ 11, Paris, 1\154.. - noter à ce propos que l'expression « nouvelle l!Jve »
L . Vngnnay, art.. Éc,angilc, dans C<1tholic1'.e11ie, t, 4, 1956, est prohablement absente des écrits pa-trisLiques (sauf
col. ?67-769. - II. Schller, Wort GotteR, Wurtzbou1·g, 1958;
Die Stiftuns des ~Vortes ·Cottes, danR O. ,vohner et M. l"rickel, choz Fulgence de ftuspe, PL 65, 899d) et rnédlévaux
Theologic u.11d l'redir;t, \.Vurtr,bourg, 11!58. - J. Crehan, (jusqu'au 12e siècle) a,1 sens où nous l'entendons aujour-
The Foùrfolfl Cltaracter of the Gospel, dans Stuclia ,wangelica, d'hui, c'est-à-dire d'Ève restaurée dans l'Église ou èn
TU 73, ];lerlin, 1059, p. 8-13. - H. CunHIIc•Jones, 'l'he Four- J\,larie. Le texte d'Augustin cité plus haut ne fait pas
foùt Gospel as a Thcological a1ul Pa.,toral Pr~l.llen1 for t.oday, ex/\eption. Il signifie une réitération de l'Ève ancienne
ibide1n, p. 11a-24'. - J, W. Bow1na,n1 The 1<,r,11 « Gospel• arul et non sa restauration; c'est pourquoi .Job est quallflé
ils aognates in the Palcstînian S yriac, dans New Tcstanicril de « non vetus Adam ». Au rebours de son épouse, il
B~~a11s, Studics in ,ric11iOHJ of Th. W. iVa11$011, 1,lanchcster, e~t. vraiment un Adam tout autre, une récapitulation :
'1959, p. 54-67., - J, S<;hruid, E1•angdiun1, LTK, t. 8, 1959; « Et ille jam cognôscens· Evan1, redire volons unde lapsus
col. 1255-1259. est, fixo col'do in Deo tanquam luminaro in flrmamento,
2. A prop/).~ de la spiritttalit.é del' É11angile. - Eugène d'Oi.ily,
Sair1I Ji'rançois d' Assise, la Bible et le saint É 11a11gile, dans habitans corde in libro Dei : « Lôcuta es, inquit... »
Études fran cù1cai11es, t , 39, 192?, p. 498-529; t, 40, '1928, (Enarratio in ps. 93, 19, PL 87, 1207c).
p. 69-80. - J . Vllnot, n,:vte et 111ystiquc èlw• saint Jean de Le pnrallèle l'.l:ve-femme de Job devient un lieu comnllln 11,u
la Croix, coll. :8tudcs cnrrnélitaines, Pal'ts, 191,9. - C. H. Dodd, 111oyen âge, 1nais snns retrouver la vigueur des développements
Gospel and Law. The relation of Faith and l!.'thics in carly cl' Augustin (cf pseudo-Augustin, PL 85, 2362c; Odon de Cluny,
Chri.stianity, Cn1:nbridge, 1051; trad. Morala <le l' Éva11gile, l'L 183, 129·130; Rupert de Deutz, PL 168, 973d; Plorre de
ParL,, 1:958. - P.-A: Liégé, n1·t. Éva11gélisatio11, d(lnR Catlw• Hlols, PL 207, 81!Jad).
licisme, t. t,, 1956, ûOI. 755•76~. - Y. Congar, nrt. É'van,:11·
lis,ne, ibidem, col. 761a-76 5. ~ K. Schliér, Die Zcil <ler J{irchc, La 8flrPa.nte qui te1ttci PicrriJ durant la passion est
Fribo11rg-en-Britigau, · 1956, ch. 17 Die VerkOndigung irn
Oottesdlonst der Kircho, p. 21,1,.201., - ,Mir G. G!U'rone, ügalement assimilée à Ève chei de nombreux auteurs :
Sai111e 'l'hllrèsc clc l'Enfant-Jt!s11s et l' Éi:rilure sainte, dana .A1nbroise (PL 15, 1822c), Maxilne de 'l'urin (PL 57,
t773 1774
2 1 •

850a), Paschase Radbert · (PL 120, 927b), Smaragde e,:t donc con1mo Adam, la sensibilité conune Ève (Do Paradiso
n 2, 11., PL 1.~, Z79b; voir aussi 15, 7a, 811d),
(PL102, 184d), flaymon d'Auxerre(PL118, 870d),Raba.n
s,. Maur (PL 107, 1123a), Rupert (PL 169, 772b), etc. Plus Am broiso use ·de la même allégorie dans le De A bra-
>, rl).rement, on rencontre la typologie d'Ève appliquée lHun pour montrer qu'en obéissant à Dieu le père des
),

à la mère des fils de Zébédée, à la fille d'Hérodiade, croyants a rep1'is en sens inverse l'itinéraire intérieur
voire à la feo,me de Pilate (Pierre de Blois, PL 207, snivi par Adam lors du premier péché (11, 1, 1, PL 14,
819ab). 455b).
Selon un réquisitoire de Tertullien, dont les excès 20 :t1nbol'o.tion augustiutonua, - Chez ,Augustin, l'allé-
e né sotlt pas ·exempts de misogynie, toute ff1mn-ie demeure gorie un peu superficielle de Philon prend de vastes
a une J;Jve tentatrice : cc Ignores-tu que tu 8$ Ève, toi pr·oport,ions. Ello s'insère dans une conception q.'en.sem-
0 aussi? La sentence de Dieu subsiste aujourd'hui encore ble où l'ho1nn1e ost considéré co,n1ne un ôtre intrinsèque-
1t sui• ton sexo, il faut donc bien que son péché subsiste
s
nient « conjugal )>, I,es relations qui \lnissent la chair ù
aussi. Tu es la pol'lo du diable, tu ar, consenti à son arbre,
,. tu as la première abandonné la loi divine ... n (De cultu
l'esp1•it sont valables, en toute occasion, pour faire le
,t bien co1n01e pou1· pécher. Elles prennent dans l'un ou
foeminarurn 1, 1, PL 1, 1 iJ05a). Ql1ant aux obsessions des l',1utre cas des significations opposées, entente féconde
e Pères du désert, elles s'expliquent peut-être moins on fornication sLérile; de toute manière, ellos expriment
Il par le souvenir de la première Ève que par les croyances u,1 équilibre permanent, constitutif de l'bofnme. L'acte
e populaires en une secrète accointance du démon et de d1.1 connaît1•e r6vèle spéciale1nent la structu1·e conjugale
9 la temme dont il a fait son instrument d'élection de l'âme. En le comparant à la naissance d'Ève du côté
,) (cr art. DtMoN, DS, t. a, col. '189-192). « Toutefois, d'.Adam, AugusUn retrouve, sans y penser peut-ôtre,. la
com'n1e dit gtavoment saint Augustin, on raconte vieille s61nantique hébl'aïquo oli connaît1·e et ôpo\lser
aussi tant de èhoses sur certains démons qui en veulent s'exprimaient par un seul verbe : Adam connut sn
l- a\lX fom1nes qu'il n'est pa.~ facile d'exprimer un senti-
é fc1nme. Le p1•emier homme, dans son son11neil mystique,
ment sur ce sujot » (ln Haplateuchurn, PL 34., 519c). esL le symbole de l'esprit extasié dans les vérités' éter-
IJ
Plus prolondéniiint, tollt•~ hostilité déclarée it l'égard de neller,; Eve représente les appétits de l'âme par lesquels
t la femme en chair et en os tend à valoriser celle dont
a nous gouvernons le corps :
l'ho1nro.e porte en lui · l'imag.e : lol'sque l'anachorète
e t:'est l'acte do connaitre qui nous rait comprendre l}ll'en
veut ro111p1·e LolaJeinont aveo la femme et s'acco1nplir nous autre ost la raison qui domino, autre ce qui lui obéit.
sans. elle, il retrouve en lui cetto présence qu'il avait Col. ucto do connaitre resae,nblo il. la rorm.af.ion de la tomme
refusée : les vraies difficulté:; spirituelles de1neurent. a partit• de la côte de l'ho,nmo, dont le b11t est da signifier une
Ceci nous invite à considérer un nouvel aspec t de la union. Que chacun gouverne ens\1îte droitement cette partie
l' qui lui eat i;ou,niso et devienne pour oins! dire conjugal au-
figure d'Ève.
6 dodans dè lui-,nême, que la chnir no convoi te rien contre.l'esprit,
2. L'Ève intérieure. - Le lhèn1e d'Ève co1nme mais lui soil sou1nise .. , telle est l'œuvre de .la sagesse parfaite
- image de la Cenune i nté r' iem•e à l'homme, mtùgré son (l ia Genesi contra niq11ichaeos 11, 12, 16, PL 84, 206b).
inté1•êt actuel, n'a guère été éLudié dans la tradition : La dilTérenciation des sexes a pour fin spirituelle de
on le considère souvent.comm~ une allégol'ie « niorale », manifester objectivement à l'hon1n1e, on deux êtres
sarui intérêt pour la théologie. On ne saurait le passer distincts, une harmonie qu'il doit' réaliser au-dedans

t sous silence en spiritualité, car c'est une importante du lui-même :
D composante de l'anthropologie. augustinienne et médi6- • ,\d hujus rei exernplum femina facta est, quam rerum
', vale. o rclo subjugat viro; ut quod ln duoh\lS hon1inibus evidentius
e apparet, îd eat in n1asculo et feminu, etinm in uno homine
s 1o Orie;iuo du thàme. - li semble que Philon ait le
premier esquissé, dans son Lif!re su,· la créatiQn du rnondc, consîdersrî possit • (11, 15, 204d).
Ceci n'e,npcîcho évidemment pas Augustin d'affirmor, dans
une explication allégol'ique de la faute origin.elle :· Adan, l'inlerprôtnt1on littérale de la GerrdsB, que la fin derni/Jro du
et Ève personnillent l'esprit et la sensibilité dont la 1i1uriagc est la procréation : • Jo ne vois p.111 pour quelle autre
coopération se retrouve en tout péché actuel. n,1 la femn1e a été do11n60 comme aide à l'homme si ce n'e11t,
Dans les Ho11wlies sur la Gcnè$<', Origèn!l développe des idées pour loi donner des enfants, et j'îgnoro pourquoi on 1n1pprime-
assez voisines : • Notre homme intérieur est constitu6 d'un r;,i t, c<llte fin• (DG C:cncsi. ad litMra11i lx, 5, 9, PL St,, 8960),
esprit ot d'une âme. On dit q11e l'esprit est 1nâlo, ot l'â1no peul Cette anthropologie esL 1noins asservie qu'il ne semble
ôtro appeiée femelle. S'ils ,;'entendent tous doux ot s'accordent aux principes platoniciens de Philon. Elle cherche à se
entre eux, ils croîasent, se 1nultipliont pll.r cette union et engen-
drent des tlls : bons r11ouvon1cnts, idées et pensées pro'1tnbles justifier par des rondoments scripLUl'()Îl'es :
par lesquels ils ru1111)1issont la tcl're • (1, 15, PO 12, 158r,; « L'Apôlre nous Ruggôro qu'il existe trois 11ortos do mai-iagœ,
cf coll. Sources· chrélionnos 7, Paris, 191,3). le Cl1risl et l'Église, le ,narl ot la ren1me, l'esprit et ln ohru.r...
•• En elJet, il n'a pas tieulo,nont dit : Maris, aiu1oi vos !emmeij
s Malgr6 l'intluence d'Origène, CèS vues ne se sont pas con1n1e le Christ a ain1ô l'Église (l'exomplo vient d'en ,ha\1t);
développées en Orient jusqu'à s'élaborer en conception mais aussi : Los mnris doivent ahuer lelll' femme com,ne leur
religieuse de 1'1hne, ~artis du môme point, l~s latins p1•opro corps (l'exemple vient d'on ba.<1), car, aupérieuros ou lnfé•
vont ·beaucoup plus ~oin. C'est en effet à Phtlo~ que rluures, toutes choses sont bonnes• (De conti11e11tia 9, 23, PL r.o,
se réfè1·e Ambroise lorsqu'il introduit en Occident l'all6- a,;1,bc). ·
l Sollicité par la 111ên1c pl'éocr,upo.tion, A1nbroise disait déjà :
s gorie UlOl'ale de la faute originelle : « tJue nul no juge déplacé de consid61·or Adao1 et Ève llornmo 1

Un autre avant uous a rappelé que l'homnie commît le pre· fi1sures do l'âme et du corps, alors qu'ils sont considûrés comme
,nier péché par sa volonté et sa sensibilité. Il int!lrprét11it fii:urant le Christ et l'Jllgllso... Si donc il pout y ~voir là la
l'hnagc du serpent co1n1ne symbole <ln 111 dtllectn.tion, l'itnagu do niyatère de Dieu souverain, à pluH forte rnison celui de notre
ln fo1nmo conune constituant la sensibilité anÎluàle et ràtion- l\111a • (ln Lucain 1,, 66, PL 1.5, 1.6S2bc). ·
t nelle que les grecs appellent a.toOl')01c. El con!ormén1ont au
récit, il nfllrmaît qua l'esf)ril, appelé voOç par les grecs, est S'il est vrai que la len11n0 a pour rôle de tn!lnifester
devenu prévaricotaur à cnuso de la sensibilité égarée... L'esprit dans la nalure hu1naine les .fünctions propres à la chair
t
1775 ÈVE 1776
et à l'â,ne vivante, elle possède pat· aiUeu1'S une indivi- Au livre 1. 2 du De Trinitalc (PL '12, 1005-1009),
dua lité; elle est un t'eprésen-tant co1nplet de la race Augustin substitue au couple esprit-chair ou esprit-
humaine. De ce dernier point de vue, celui do la réalité, concupiscence un nouveau couple intérieur à la raisoo
elle est image de Dieu, donc olle est aussi Adam. Du elle-môme : Adam fjgure la raison contemplative ou
point de vue du syJnbolis,ne, elle n'est pas Adarn, mais supérieu1'e, attachée ù la contemplation des vérites
È}ve; elle ne signifie pas l'in1age divine déposée dans étei·nelles, È ve est la raison exécu Live ou in{ériouro,
· J'ho1n1ne, 111ais la chair vivante : t< Unde non ambigitul' chargée des œuvrcs te1upol'elle8. Mais l'ensemble de
sic appcllatam fuisso f,~minam Evam proprio no,nine, l'interpr6tation spiï·iLuelle reste la 1nthne, et ce tex.te
ut ta1nen Adam, quod interpretatur horoo, nomen esset donne une î!,ynthèse de la doctrine augustinienne do
amborum » (De civilate Dei xv, 17, I-'L 41, 460c) . Lcs l'Ève intérieure. Augustin justifie ainsi la transposition
textes pauliniens sur la sounlission de la fem1ne sonL qu'il a opérée :
donc à interprnter du poin L fi e vue sy,nholiq ue : ils ·Si l'on admet cette distinction qui nssimile l'eRpl'it à l'hommo
n'insinuent pas qu'Ève soit en dignité inférieure ô. et le sens corporel à la fcnunc, tout semble s'expliquer parrai,
Adam, ,nuis plutôt, dirions-nous, les valeurs dont elle tonient bien.., à cotte réserve ))l'èS qu<l, purrni toutes les bêtes
est le sy1nbole doivent do1ne111•01• subordonnées à celltis et lous lus oiseaux, il ne s'est pa,~ trouv6 d'alda sarnblable à
dont est port:eu1' son ,na1•i. J ls sont égat1x, car dans l'l101n1nc, et c'est po\1rq11oi la femn1e a été Ur6o do sa c~le.
cette parLle de .lui-1nême où l'être hun1ain est image du Sur ce, je n'ai pas eru devoir 11ssbniler à la fem1ne lo sens cor•
Créateur, il n'y a pas de sexe et tous sont un dans le porel qui, nous le savons, nous ûi;t co1nrnun avec les bêles;
Christ (cf P L 40, 579d, et PL 1,2, 1005b). Ils ont néan- j'iLi donc voulu voir en elle Je sy1nbolo ù'11n privilège quo les
bêtes ne posRèdent. pa,~ (x11, 18, 20, 1008d-1009p).
moil).s à s'acco1npli1• l'un pa,• l'autre com1ne l'esprit
doit s'accomplir aus:;i pa1· les œuvres du corps : 3'1 Les développement• médiévaux. - lses dernie,•s
Pères latins ont générale1nont suivi Augustin.
Q\1'est-ce il. dir~? Les femmes n'ont•elles po.s celte réno-
va.tian do l'Hsprit 01) sn trouve l'irnnge de Dieu? Q.ui oscra!L Par,ui las textes dont l'innuence a. 6l6 pr6pondéra1ite, il'laut
dire cela 1 111uii; elles ne i;igoillont pas cette image pnr le sexe citer un passa.ge d'.lsidore de Sëville't 636 qui sora fréquemment
do lûu1· èOr{l$ : c'èst pourquoi elles ont ordre de se voiler. Par rccopl6 au 1noy011 âge, l\malgan1e du De Gcn.osi cont.ra 111a11i-
Je fait môme qu'elles sont foulltlés, elleM Higniflent cette pnrt èh<l,ios (PL a,,, 207) ot du 1Je Trî11i1ate (PL 1,.2, 1007) : « Scd quid
que l'on pourrnit appeler concuplsconUollo, sur laqu(;llle doit (lSt quod ipso por nluliorc111 decopit et 11011 per virum? Quia
· dominer l'esprit, soumis à son tour à Dieu lorsqu'on vit dans 1ion potest ratio nostra seduci ad pocc1111du1n ... • (Quaéstioncs
l'honneur et la justice. Ce qui existe donc en un ho1n1ne uniquo, in Ge11e.•itn ~. 3, Pl, 83, 218·219; repris p1,1r deux p8eudo•
esprit·et concupiscence (l'un gouverne et comma.ode, l'a.utro B!\do : PL 91,! 214-215, et PL 9il, 2aOb), Wicbôù (PL 96,
est gouvernlla èt co1n1nandéo), cela est figuré en deux êtres 1159, identique !il. Pis 93, 278), Clo.udc do 'l'urin (PL 50,
huma.ins, l'homme et la tomme, sillon lè sexè de le\1r corps 911d) et Rabc1n•Milur (PL 107, 489d).
(De op~re monacllorum. 82, PL t,O, 580b). Un passage de la R 111,ula pa.storalis de saint Grégoire
le Grand t 6011 fourniJ'a lui aussi longue carrière : ~ Unde
Do rnême que la. fin normale du mariag(;) est la pro-
et ille serpens prava suggessit, Eva autan, quasi caro
or6ation, l'harmonie conj ugale de !'.esprit et des puis•
sances charnelles se tradtùt par la Cécondité clos bonnes se delectationi subdidit, Adam vero veluL spiritus sug•
gestione ac dclecta lione superatus assensit » (8, 29,
œuvres. Augustin rejoint ici la perspective d'OrigènEi.
Pour achever le parallèle, il compare le salut de la PL 77, 109b; cf Mora.lia in Job, PL 76, 29:,Jc). Ce t exto
chair par ses couvres à celui de la fe,nme par sa 1nater• esL 1•epris nota1nment par Raban Maur (PL 107, 491ab),
Allgelôme de Luxeuil (PL 115, fl10d-1 41a), Pierre
nité :
Lombard et Denys le chartreux, cités ci-dessous.
Ello joue le rôlo de la chair opéraJrice cette femme dont parlo Du 9° au 12" .sièclo, les élé1ne11ts de l'allégorie '
l'apôtre Patù en ces tor,nos : Co n'ost pas Ad1u11, 1n11.is la femrno
qui a été séduite... Que dit encoro l' Apôtre? Elllo sera sa.\\véo augustinionno sur le premier péché sont fréquem-
par sa maternité ... IJU femme, qui représente lei le type ùe la ment. utilisés, sans donner matière, la plupart du
chair, sera donc sauvée par su maternité, o'ost-à-diro si ollo temps, l\ des développements originaux. J.,a division
accomplit do bonnes œuvres (Enarratio i11 ps. 83, ?, PL 87, Ève ,,,. chair, Adam = esp1'it, plus paulinienne, est
1060d•1061t\; texte souvent repris, vg Ilugues ùe Saint-Vie- habituollo1nent p1·éfél'ée il celle du De ·!l'rinitatè, plus
t.or, PL 175, !59$u; Piert·e Lomtnirci, PL 192, 3t,2bc), philosophique. c;r Je pseudo-R emi d'Auxerre (PL 131,
Dans un tel c·ontexte, l'allégorie philonienne du prc- 66d), uo anonyme du 11 °siècle (PL 'l 53, 1. 82bc), Guibert
de Nogent (PL 156, 72bc), saint Bernard (PL 183,
1nier péché ne fait pas figure de bloc erratique ou d'inl:01·-
prétation fantaisiste. S'il y a en tout homme, en elîet, t1.59b) ot un pseudo-Bernard (PL '182, 11'.t8b), Hervé
de Bourg-Dieu (PL 181, 1420a), Garnier de H.ochefol't (?)
des élémen,ts por1nanr.nt.<; qui synibolL'lent avec c]1acun (PL 112, 1080c). .
des prot agonistes de la Genèse, il est nor1nal do Gonsi-
dérer le péché originel comme l'archétype que reproduit Certt\ins autours y 11joutè1lt 11111;1 allégorie de surcroit tou•
tout péché actuel : « Aujoul'd'hui même clans chacun cht\nt le fruit dûfondu: • Solou Je sens spirituel, Ève ollre tous
<le nous, lorsque nous ton1bons dans le péché, il ne. se le1J jourl! le fruit au pron1ior pù1·0, car la chair suggère à l'espri~
les 1)f'fectiomj du vouloir. Lo rruit osL co1nparablo à la volupt/4
passe rien d'autre que ce qui eut lieu ontl'e ces t1·oir; charn<llle. Tl y a troi6 choses en ellet dans un fruit : odour,
personnages : Je serpent, la f1Hnme et l'hon1111e » (De couleur et saveur. li y en a trois aussi dans la volupté ; la
Genesi contra nicznù:haeos 11 , 111, 21, P L 84, 207h). Dans flattc1•le, l'honneur et l'arnour... Par la suggestion, lo diable
cet ensen1ble, l'irnage d'Ève occupe une place capilale, montre à Ève la coulour ùu fruit, Ève le respire par la délec-
car sans sa rnédiation la sugg1>-stion introduite par le tation et Adan1 y oonsont ·par a,nour clo 111 délectation : cela
démon-serpe.nt no saurait atteindre la raison symbolisée ae passe en noull tous les jours• (Hugues do Fouilloy, ln libr11111
par Adam : « Ceci nlanifeste elaire,nent que nous no Co11oseos 1, 7-8, PL 176, 't2'l'1cd; cl Richo.rd de Saint-Victor,
pouvons pas être tentés pa.r le diable, sinon à tl'ave1•s PL 175, 6a9cd, repris p1lr S. Martin do J.,éon, PL 208, 592bc),
cette partie psychique qui révèle dans un hon1me unique Dans les . Mi.1cellanea, le J)$êudo-Hugues <le Sair1t•
eomme une image ou un exen1plaire de la femme " Victor applique l'allégorie aux tentations de la vie monas-
(11, 18, 28, 210c; voh' aussi .PL 36, 548bc), tique et y introduit la malédiction contre la terre :
'76 1777 :ÈVE INTÉRIEURE 1778
c9 ), ehacun porlll dllllij un paradi6 auprès do lu! el en lui-111érne Gorhoh d~ Reichersberg où l'esprit reproche à l'âme son
it- le serponl, Èvo, Ad1101, lu lor~o. le paradis de Dieu ~t lo rosto. épouse, toujours séduite par les apparences charnelles,
100 N'importe quelle co1nn1una11 to est un pnrndis, I.e serpent csl de le détourner de la contemplai.ion mystique (Co,nnwn•
le aiable, lo. voix d'Ève est là jouissanc;o do la chair, .Adan1 est
ou 1'6/iprit. Lli t,orre est la chair 1n'1ine. A l'ii1stigation du serpent, tari:um in pl!, ~1, 6, PL 193, 1505-1 506).
Lés Adn,n obéit à la voix de sa remn10, quand sous l'intluenca d11 (}odefroy d' Adrnont voit dans l!}ve, os et chair d'Adam,
re, diable l'esprit consent à la jouissance do sa p1•op1•0 chair; C'est le 1niroir où l'homme paradiF;iaque put conte1npler
de alors qu'est nu1uclito 111 terre de notre chair, qu'elle cosse de prophétiquement sa force actuelle et sa faiblesse future :
,te produiI·e los fruits de 111 vio éte.rnello, les fruits de la glolte Quid in corpore hu111ano ossê robustlus, quid carne est fra-
de sans fin, pour porlct• lu$ épincis dn pl\ché ot les chardons des gili118? Considcravit,. ut credimus, in hoc spoculo, in aspectu
on peines... Redoutons donc, Illès frères, qull le serpent qui rôde vidolicet mulieria, flrmitatem et in1mortalitatem quam ante
à travol'll nof.ro con)munauté, cherchant tp1i dévorer, ne séduise lo.psu1n habuit; provi<lebRt forsan_ spiritu prophetico frnglli-
si blon notre Ève qu'Adam obéisse à In voix do s11 ton11ne, c'0st- tn(.orn et 1nlsorian1, quao posl culpa1n in<)bmlienl,iaa tarn ipsi
me à•dlrc quo notril esprit consente à ln jouissanco do notre cha.ir, qun111 mulieri ventura Cuit (llo1niliae do1ninicales 65, PL 17(,,
ai• faisant cas dos d(,sirs chnrnllls. Tous les jou1·s1 on olTot, l!:ve 860d-361a; cf 475c et 989cd).
~/;
crle·en nous vers Adarn (1v, 1, l'i, 177, 700cd,70'1n, sans doute
1 .à inspi.ré d'Ambroise, ln Lucain,,, 65, f>L 15, 1632a). ftichard de Saint-Vict.01', dans les Ad11ota.tic11es 1nys-
te. ticlw in psalmo.~. Lranspose sur toutes sortes de registres
>r• L'œuvre de Pierre Lombard marque une éLape hnpor- l'all{1gorie d'Adam et Ève : intelligence et affectivité,
,s; tante. On y retrouve tan tôt 111. pre,oière interprétation esprit et âme, connaissance et amour, conte,nplation
le11 d'Augustin (,, Molier typus est carnis, Adam rationis » et action de grâces. Toute une . psychologie spirituelle
lr1 cpùit; 1 ad Tim.othe1un 2, PL 192, 842b, et PJ., 19\, ' s'en dégage, marquant la nécessité d'unir dans l'homme
467a, repl'is des Enarrlttiü,ies in 'pH. '•8, i, G, PL 36, in ll11'ieur les attitudes masculine et féminine. On doit
51l8C), tantôt celle du ne Trinitate (<c Inter hune virurn aussi aboutir ù l'état de créature spirituolle où se trouve
ut et banc n1ulioreln est velut quoddam spirituale conju- abolie l'opposition des sexes (in ps.121, PL 196, 363-365),
nt gium naluralisque contractus quo superlol' raLionls ôta i. d'équilibre transcendant dont Arnaud de Bonneval

ri• portio, quasi vir, debct praesse et donlirHu·i; inferior
,id
p.i'<'pose une excellente formule : • S0cundu1n intensio-
vero, quasi mulier, debet suhesse et obedire ,1, Scntcntiac, re1n plenitudinem spiritus, vir; secundu1n rernissiore1n
ia lib. 2, dist. 21,, PL 192, 7030). A partir du Lombard,
1!$ contemplationis appetitu1n, fe1nioa: secundun1 consum-
ll·
l'allégorie spirituelle sur la faute originelle deviênl , 11111 Lionem, neque vir, neque femina, sed in novitate
16, le schéma général dos exposés scolastiques sur le péché vitae creatura integra et perfr,cta 11 (llexaflnz(Jron, PL 189,
:o, actuel. ·15:l4b).
Pseudo-Bo,111ventur0, Oon1pc11diu1n thcologi,ca.e veriuuis , (}odefroy de Salnt-VioLor dérnonlre longuement que
li9. 2, (), 66 (Opera oninia, éd. A.-~. Pallier, t. 8, Paris, 1866, J'hornme a Je devoir d'aimer sa propre chair. La noblesse
~e p. 122) : • Ordo t.entationls qui fuit in primis p::irentibus
le otla1n in nobis completur •· - Denys lo chartroux, l!narra- et les obligations de-cet amour se déflnis::iont par co1npa-
ro tiones in G1111oai1n, Hrl. 23 (Opera omnia, t. t, Montr0uil, 1896, raii;on uvoc l'union conjugale (Microcos1nu...q 1 c. 157 et
g- p. 92b) : « Ex 1nodo ot ordino illius primao tentationis cognos, 'l 60, éd. Ph. Delhaye, Lille-Ge1nbloux, 1951, p. 1711-'l 76,
9, citur modun1 atquo progressum invisibilis nostrae tentationis »; 17ll-180). La rivalité 'q ui oppose la chair à l'esprit tond
be ou De ren1crliis tc11t<1tio11um ; « Conshnills h1oho11tio, progressus il disparaître dans l'homme parfait, de même que colle
), et ordo tenta.tionun1 in nobis ost quns ox diaboli ii11pugn1ltion0 des sexes dans la nouvelle c1•éature; les d~ux. ne sont
·e incidhnus, h1üho11tioui, progressiôni ac 01•dinl tonlatlonis pri- plus qu'un : <c quasi uxor viro maritetur et euro illo
morum )>ll.l'enturn • (t. faO, 'J'ournni, 1911, p. 125b). - Voir onus spiritus et caro efficiatur, unus spiritus idem cum
aussi la plupart des co1n1nont.:1irai; sur les S1?11tcnccs. eo plene volendo, una caro idem cun1 eo delectabiliter
ie op<irando • (c. 170, p. 190).
L'allégorie tend ù perdre toutefois sa va.leu,· syrnbo-
u llquê, elle S!l réduit progressi veinent à un cadre d'exposé ,. 0 Porspectlvee modernes: - T.'allégorie de l'Ève
scolaire. A la liolite, toutes les images sont élin1inées. intl'1rieure tend à dispa.1·aître avec la Renaissance et le
0
1t On abouUt à l'ada.ge scolastique salon lequel Satan ne retour à une exégèse plus littérale. On note aujourd'hui
18
peut séduire les facultés s11po1'ieuros d'Êl l'hqrnrne qu'en un intérêt renouvelé pour ce tht'nne, soit on raison de
l,
agissant sur ses puissances s~nsiblês : le principe abstrait l'in1portance accordée à l'archétype de la fe1nme pa1· la
demeure, mais lt3$ sy1nholes ont disparu. psy,~hologii'l des p1•ofondeurs (cf L. Beirnaert, art. cité
·t
t, Les auteurs m1\diévaux ne traHent pas seulement de infra.), soit plus fréquemrnent à l'occasion de dévelop•
é l'Ève intérieure pécheresse, ils envisagent a1L~si son pe1nonts spirituels ou théologiques sur la signification
') rôlo dans l'harrnonie de l'à1ne et dans l'ascèse. Du 9° au religieuse do la féminité.
1'1 ° siècle la plupart so contentent de ciLe1• les textes J:a pinpart des auteurs critiquent la condition d'inCé-
d'Augustin, le .De Trinita.te en particulier : Ruban ~laur riorité faite àla fernme au 1noyen âge, celle-ci constituant,

t;
(PL f1.2, 100 et 308), Haymon d'Auxerre (PL 117,568), au point de vue religieux, le S6XQ fort : l'expéri,ence
lt Atton de Verceil (PL 134, 523cd) . Lo 12° siècle muni- monl.re qu'elle n'a eu aucune diffi()ulté ù entraîner
6 Ceste plus d'indépendance par rapport à ses sources Aùarn au péché. Elle symbolise dans le couple humain
,,• (bien que les longs développements de Pierre Lombard l'attitude quo doit prendre la créature pe1~sonnelle
a sur l'Adam et l'Ève spirituels dan$ les Collectanea in faco à l)ieu, elle est par suite, comme Marie, le sy1nbole
e Ep. lad Corir1thios, PL 191, 1629-·lGSti, no soient qu'une de l'Église n1ê1ne. Si le démon la tenta la première,
mosaïque de textes paraphrasés : Glossa, au lieu paral- co n'est pas qu'elle fut le point yulnérable du couple
lèle; Augustin, De Genesi lUl littera,n 8, 22, PL :;v,, prinlitif, n1ais pa1•ce que sa vocation au don total l'ex.po-

293-294, et De Trinitate x11, 18, 21, PL 1,2, 1009. Mên)e sai 1. à la pire trahison. En revanche, son intervention
• re,narque pour Hervé do Bou1'g-Dieu, PL 181, 924-925 fal,ùo dans la faute originelle a rendu sa médiation néces-
1,
et 928). Les développe111ents originaux se rencontrent saire au salut : l'unité de l'hornme ne se brise ni ne se
dans les ceuvres spirituelles plus que dans los traités répare sans la fe1n1ne. Et cette double intervêntion
• scicnt.ifiquos . hi.~torique de l'Ève ancienne, puis de la nouvelle, ne vaut
()n notera en particulie1• un dialogue lyrique de pas seulement sur le plan de la nature humaine collec-
,

1779 ÈVE 1780


tivo, divisée en deux sexes égaux (vir et 1nulier) , n1:1is Christ un rôle dans la rédemption du monde (Advert"'
aussi o.u niveau do la nature individuelle (homo) : « J~ve haereses 111 1 22, 4, PO 7, 958b-960a, et v, 19, 1, 1175b•
est tirée d'Ada1n. Ce qui veut dire qu'initialement 1176a; cr F. Sagnard, app. 2 à l'éd. et trad. 4u livre 8
l'être humain présente un tout spil'ituel : hom1ne• Contre les hérésies, coll. Sources chrétiennes, Paris,
femme, et cotte essence précède leur existence dilY6- 1952, p. 424•428). Irénée ne précise pas ce rôle.. Elll
renciée » (P. Evdokhnov, op. cit. infra, p. 20). dépendance peut•être des deux précédents, Tertullien
développe un parallèle semblable dans le De carM
C'est un fait génér~ que la double polarité Ève- Christi 17 (PL 2, 782).
Ada1n est réinl,l'oduite aujourd'hui à l'intérjeur de La pei:.spcctivo d'Origène (}/omélie 8 sur S. Luc) et
l'essence Ho1n1ne. On sur1nonte ainsi la difficnlt1\ qui d'Arr1brolile (ln LUéam 2, 28·29, PL 15, t 562be) est
' empêchait saint Augustin de voir une iinage de Dieu assez différente : Marie no sauve pas le genre humain
dans le couple hun1ain et l'on ne réduit plus ct•tte 11.u titre unique de 1\1:ère du Sauveur, unie au nouvel
image à la seule structure de l'intellect. JI faut en ofîct Adam, 1nala dans un sens plus géné1·al, corn me rcp~ésen•
poser on principo que la première Ève a été tirée du (\ôté tante du sexe féminin. Elle ne remplit donc pas un rOio
d'Ada1n et que la fécondité do la race humaine découle privilégié par rapport aux saintes femmes. Ambroiae1
de leur unité prhnordiale indéllnhnent réintégrée. qui a beaucoup médité sur la virginité, aime opposer le
" C'est dans la dualité et l'unité de l'homme et dn la Chl'ist né de la Vierge aux autres hommes qui naissent
fe1n.me que l'être l1umain est, d'après la Bible, Je rell1)t de la femme : « Per mulierem cura successi't, por virgi•
exact du Dieu vivant qui répand la vie dans l'éternel nen1 salus evenit » (Ep. 'A2, 3, P L 16, 1124c).
échange de sa Tl'inité : car, en Dieu, le Père engendre Augustin applique le plus souvent la typologie d'Ève
le Fils.et tous deux, dans le baiser de leur éternel a1111.1nr, à l'~glise, parfois aussi à Mal'ie qui est l'image de
souillent le Saint-Esprit. Los deux premiers êtres hu- l'Église et le plus important de ses me,nbres. La Vierge
mains, dit Malll'a Hockeler, sont une sainte icone de a relevé la dignité de la. rem me déchuo on nous restituant
Dieu >> (F.-X. Arnold, op. cit. infra, p. 22) . L. Bouyer, la vie que la première Ève a.vai t laissé perdre : « Quia
rapproehant Gen. 1., 26, et 2, r,, 1•etnarquo do son côté : por soxum !emineum cecidit homo, per sexu,n femineum
11 L'idée de l'unité divine, chez. les auteurs in,spirés, est
repal'a tus est homo, quia Vil'go Christum peperera't,
bien éloignée de la solitude stérile, au mo111ent rnêm(: où femino. ,•esurroxisse nuntiabat : per fe1ninam mors,
ils pensent à l'image de l)ieu imposée à l'homme. Que per feminam vita » (Sermo 282, 2, PL 88, 1108; la formule
la dualité une d'Ada1n et d'Ève soit donc \lne part de est très proche de celle de Jérôme : c1 Mors per Eva1n,
cetto image, o'est au moins vraiseinblable » (op. r.it. vita per Mariam », Ep. 22, 21 , PL 22, 408c). Marie ne
infra, p. 20-21), remplit toutefois qu'une partie du rôle 'd'l!:ve; elle est
Allguslo Nicolas, La · Vierge M(1ric et le plcui divin, 8• éd., bien la mère des vivants, mais elle n'est pas l'épou~e
Paris, 1882, liv. 8, ch. ?, p. t,04•416. - Gertrvde von Lê Fort, du nouvol Ada1n, titre qui ne revient de droit qu'à
Die cwigc Frau, Munich, 1984; trad. La fe1111ne llterneUe, Pnris, l'Église : et ... sanclae filius Mariae, sanctae spôD.iluS
1946. - B. Lav11.ud, La f e11111ui et le plan divi11, clans La fc1nm.c Ecclesiae, qua1n suae genitrici simile1n reddidit :
et 8a 111issio11, coll. Ptésonces, Paris, 1941, p. 165-238. - F.-X, nam et nobis ea,n ma ti·em feoit et virginern sibi custo•
Arnold, Die Frcu, in der Kirchc, Nuremberg, 1948 ; tr:.1d. dit » (Sermo 195, 2, PL, 38, 1018c).
La fc111mc daris l'Église, Pari5, 1955. - L. Beirnaart, La dùnen-
sion 111ythigi,c da11$ lQ sacra111e11talis111e chrétien, dii.ns Eranos Pierre Chrysologue oppose à la malédiction d'Ève
JahrlJuch, t. 17, 19',9, p. 255-286. - ~dilh Slcin, F1·a11en• dans les douleurs de sa maternité la bénédiction du '
bildung und Ji'ra1.1-1n1beruf11, Munich, t949; trad. La femme ('t s,i sein de Marie (Ser,no 5, PL 52, 676b). Il poursuit son
destinéo, Paris, 195ô. - L. Bouyer, /,tJ trôrlc rie la Sf.'gm1.Ye, parallèle plus loin qu'Augustin, j usqu'à nommer Marie
Paris, 1957. - P. Evdokimov, La femine et le salut du 1no11tûl, é1)ouse du Christ (Sermo 146, 591-5g4), mais ses dévc•
Paris, 1958. - DS, art. l •'RMfttll, loppe1nenl:s sur ce thème trouvent peu d'écho dans la
3, :Marie, nouvelle Ève. - Toute fernme qui tradition. J.,e titre de ,, sponsa » exprin1e })Our Pierre
contribue au sa.lut du peuple saint est susceptible, Chrysologue l'union physique de Marie et de son Fils
généralen1ent pal'lant, d'êtl'e interprétée con11ne un type dans l'incarnatioÎ1, il n'est pas lié à une fonction média-
de la nouvelle È".e, Telles sont : J udith (Godefroy de trice. C'est là un sens profondément différent de celui
SaiJ1t-Victor, Microcos,nus, c .. 187, éd. citée, p. 150), Sara des n1odernes.
(Arnbroise, .De i11stit11,tione virgir~is 5, PL 16, 813ab), Hormis le texte d'Origène cité plus haut, on ne ren-
Elisabeth (Otigène, llomélie 8 sur S. L uc, éd. M. l{a11~œ, contre pas d'usage du thème lllve-Marie chez les théo-
GCS 9, 1930, p. 54-55), et surtout les saintes feuunes logiens d'Alexandrie. Les carrpadociens n'y recourent
(Augustin, PL as, 1108c; Pierre Chrysologue, PL 52, guère davantage. On cite cepèndant un passa.go de
S80bc, 409b, 41 Sb; cf la longue liste drei;sée par 1-1. Barré, Grégoire de Nazianze (PŒ 35, 488h) et quelques t_exte&
dans La nouvelle È11e, loco cit. infra, fasc. 3, p. 3, note ~O). de Grégoire de Nysse relatifs à la c1 récapitulation •
Mals la nouvelle Ève est entre toutes celle qui nous a (PO 4'•• 1058b). I, es développements les plus 1•ichcs sont
donné lit perfection du salut, c'est la Vierge ?vfa.rie. ceux d'f;piphane de Chypre. On lit dans le Panarion
1° Èvo-Marie chez los Pore• cie 1'1:gliae. - Les )>Ill$ (PG 42, 78, 18-19) que Marie est la véritable Mère de&'
anciens pa1•allèles entre Ève et Marie remontent sans vivants, car Êvo n'avait reçu qu'en figure ce titre
doute au second siècle. Dans le Dialogue àFec 7'ryphon peu compatible avec son péché. Marie a tissé la chair
(100, PO 6, 709cd), Justin affirn1e que la voie dti la dont s'est revêtu le Fils de Dieu, alors qu'Ève a dti
restauration et ccllo du péché ont chacune leur origine tisser un vête1nent pour Adam dont elle avait découverb
dans une viel'ge. En opposition avec l!:ve qui avait la nudité. Ève a introduit la 1nort et le p6ché par su
enfanté désobéissance et mort, lWarle a enfanté ftdt:lité désohéissanèe, Marie a restitué la vie et la grâce par son
et joie. Saint Irénée, dont ln pensée s'appa1·ente à CHllo obéissance.
do ,lustin, ajoute que Marie a été l'apocate d'Ève (J,.'pi· Jean Chrysostome dit en passant : 1c Une vierge nous
deia:is 33, 11'ad. dans 1/cchcrclws de 11cùJr1c,i religieuse, a chassés du paradis, c'est par une Viel'ge que nous
t. 6, 1 g16, p. 391 ) et qu'eJle a joué conjointement au avons trouvé la vie éLol'nolle » (Expos. in ps. '•'•• ?,
1781 .l\iiARIE NOUVEL J,I~ ÈVE 1782
PG 55, 193c; cf PG 52, 7G8a), Chez, les Pè1•es grecs du 58 l'hu1nilité de Marie une victoil'e sur la double concupis-
ib• au 8 8 siècle, le parallélisme Ève-Marie se répète Cré- cence de la chair et de l'esprit. Par elle a'acco1nplit
18 quemment; c'est plus un procédé oratoire qu'un argu- l'oranle fatal au serpent : « At si interrogetur in quo
is, ment t])éologique et l'on ne re1narque guère d'apports serpeutis caput vel ipsa cont1•iverit%. Nimirum in eo
lln nouveaux : « Tout tient en quelques n1ots : la scène quod virginitatem sirnul et hu1nilitatem D eo sacrifi•
en de l'annonciation est la reprise et l'antithèse de la cavi 1.... Sicquo .pr.incipali suggestione diaboli v ic ta,
'M scène du jardin; Tv.larie est vierge comme l'était l!Jve, viLio~tun caput virtutis pede contrivit »(Sernio 4, PL 141,
l'obéisaance de Marie restau,•e ce qu'avait détruit la 820d). Autrement dit, Marle a cont1•ibué, non seulement
et désobéissance d'Ève; l\1arie est la vél'itable « xnère des par l'enfantement des on Fils, mais par sa vertu person-
ISt vivants»; et la joie de la maternité virginale met fin aux nelle, à la victoire sur Satan.
lin ~ou lTrances de Ja ,naterniLé qui étaient le châtiment Chez saint Thomaa d'Aquin, on n'observe paiJ de
rel d'Ève >> (P.-Th. Carnelot, Nlarie, la. nourelle È,,e, daTls progrès dans l'idée de coréde1nption et la typologie
'1- la patristiqu,e grecque, dans La no1u1elle P:ve, rase. 1, d'l~vo est rare. M.-,J. Nicolas attribue ce tait à ce que la
1Je 195~, p. t66-1G7). La t raine fondamentale reste partout théologie du docLeur angéliquo n'est pas centrée Sttr le
1e, celle de la« récapitulation)); il s'y joint une série d'allé- Christ nouv:el Adan1 el que la personne d'Ève n'a qu'un
le gories où l'ange Gabriel est opposé au se1•pent, la c1•oix rôle ofTacé dans sa doctrine du péché originel. La théo-
nt à l'a1•bre de Vie, etc. L'essen tiel avait été dit par Jus Un logie latine postérieure abandonne le parallélisme Ève-
ri· et Jrénée. l.VlarilJ au profit do concepts plus d étermin~s, eL l' on ne
En conclusion, durant la période patristique, Marie ti·ouvc l!;ve dans la spiritualiLé qu'à titt·c d'antithèse
ve est essentiellement assimilée à Ève en ce que par elle de l'i 1nmac11lé0 Conception.
de nous est a1•rivé le salut, selon un mode qui récapiLule En ce qui concerne la tradition byzantine, A. W enger
~e la raule originelle. Mais l'idée, suggérée par Irénée, concl ut ainsi son enquête :
nt
. d'une participation de Murie à la réde1nption, de1nouro
1a Si nous on venons aux textes, on a d'abord l'impression de
absente. Il n'y a trace ni do corédemption ni de 1nédia- ti·ouver la nouvelle Ève p11rtout. Mais si l'on y regarde de prèa,
m lion, Le rôle de la Vierge ne se réduit pas cependant à dans la plupart des passages, la nouvelle l/Jve n'apparaît
1t, une pure coopération physiq ue : au don d'une chair fait que comrne 11110 figure, parmi be,tucoup d'uulros, de la Vierge
'S, au Christ, elle joint dos dispositions 1norales d'accepta- Mariu; la J)t(Hllièrc, ce!'tes, de toutea los figures 1nariales, et
le· tion libre dans la rnaterniLé et d'obéissance dans la J)àrliculière1ncnt l'iclle en terrnes do comparaison. 1,ea byzan-
n, foi. Cette perspective augustinien11e du « prius mente tins 1;'ing6nient à découvrir dans l'ancien •rcstament los irnagos
18 quam ventre eon cepit » ne cessera d'aliec Ler désormais de lo Vierge, à p!lu J>rtls co,umc les Pères des prernicrs siècles
st le parallélis1ne Ève-Ma!'Îe.
y ont, ,:herché los figures du Christ (La 11ou,,elle Eve datis la
~e' théofogie byia11ti1ic 1 dans La 11oupelle Eve, faso. 2, 1955, p. !59).
20 D6veloppements m.éd16vaux. - V ers la fin du 7 e siè-
'à 30 Êvo ot ln miu-tologte moderno, - La plupa1•t dos
cle, l'interprétation 1nariale du 1nystère d'~ve se diver-
sifie et prend une telle extension qu'elle fioit par p1•édo- tl'ailés contemporains accordent uno place notable au
••
miner sur l'interpréLaLion ecclosialo. Le '/1,<tt de Marie est type de la nouvello l!.lve. Deux grands auteurs sont spé•
o- conçu d'une manière de plu$ en plus large : il est pro• cialc1nent à l'origine de cotte orientation : Ne\vman et
noncé au nom de toute l'humauiLé (« Pia virgo hoc su1•tout Scheeben.
re M .•J . ScheebHTI a tenté de fonder une mariologie sys-
lu ' loco persona,n gel'iL Ecclesiae », dit Ambroille Aulpert,
/11 Apocalypsiln 5, éd. l.VI. de la Digne, Ma11:i1na biblio- téinatique sur une hase unique et radicalement nouvelle
,n (hiell que l'auteur s'efforce de la retrouver dans la tl'a-
ie
thec<..L Patn~rn, t. 18, Lyon, 16?7, p. 53011), à l'inverse
d'Ève qui avait désobéi aux dépens de tous ses fils, dilion) : la « .m aternité spousale >> de la Vierge. Il essaie
a- La typologie m!ll'ittle s'enrichit progressivement d e de r (:soudre dès le départ l'opposition des deux principes
la la notion de maternité spirituelle, jusqu'alors réservée classiques : Mère de Dieu et nouvelle Ève, en rarnenant
10 finalement le premier ttu second. 11:ve était pour Adan1
à l'!~glise. l·Ierinann do 'l'ournai, considéra.nt que Ma1•io
1s engendre au Christ des fils, la juge digne du titre d'adju- un 11.dju.lCriurn sùnil<1 sibi. Mal'ie rut c1•éée de mêrne à
l• l'inur.ge dt! sori Fils, dans la mesure où la plénitude de
li
torium si,nile sibi donné par Dieu à Ève au paI'adis :
~ De hac 1•overa a Domino dictum con venionter potest grâC1;1 accordée à sa 1naternité compose, avec sa nature
int1illigi : Facia111u1J ei adju1-0riu1n sitnile sibi ... Quod de humaine, un analogue de l' union hypostatique. Elle
Eva quiderr1 ad litteranl 1i1;1illO (1 li bi tf).t dictum, de sponsa esL a nimée par le Saint-Esprit, non par nature con1me
vero simul et matre Dei sancta Maria, et per eam de le Vutbe incarné, 1nais par grâce, Le titre de nouvelle
sancta Ec/\lesia non minus praedictum, convenienter l:!lve exprime donc pour Scheeben d'abord la constitution
potest in telligi » (De incarnatione Çliristi 1 '1 , PL 180, ontologique do Mario et, par voie de conséquence,· sa
86b). On notera que le titre d'épouse et d'aide déter- rnission. La Vierge a contribué à notre salut réellement
mine la relation de lvlii.1•ie à Diou et non a u Christ et non nécessai1•on1ent, tout co1nmo JJJve a vraiment
incarné, comrne tenLenL patfois de l'établir les rrîOdernes. pal'ticîpé à notre déchéance, bien que la faute du seul
Nul n'ose au moyen llge paI'ler d'épousailles entre le Adaru e'Ot étê suffisante pour nous perdl'e. Cette colla-
iS boration à :1a fois réelle et d6pendante s'exprime au
nouvel Achun et la nouvelle È ve. L'adjutQriitni de
'8 n1ie11x par l'union sponsale du 11édompteur et de sa
Ma rie est envisagé de Lrois 1.nanièros : soit aide du Pére
l'I' Mère (M.-,J. Scheeben, Die braatlich!J Gottesmutter,
dans la génération du Christ, soit aide de Uieu dans la
~ Fribourg-en-Brisgau, 1936; trad. La Mère virginale
génération des fils adoptifs, soit enfin aide des chrétiens.
t du S<uu,eur, D1•11ges-Paris 1 1 \153). ~
La coopération de lvla1•ie par les douleurs de la compas-
a sion viendra plus tard s'intégrer à ce thème (cr pseudo- t,'inlluence de Schoeben a été profonde, bien que le
n titre cl'6pouse du Fils ait souvent suscité des réserves :
' Albert le G1•and, Jl,Jarialc, lf, (12, 5; 1,3, 2; 150).
C'est a\l débnf. du 11 c siècle que Gen. 3, 15 (Jpsa on cstin1e d'ordinaire que lo double vocable de Mat.cr
S. et sQ1:ia. suffiL à rendre compte du dogme : « Ève es t la
s conteret ca.put tuurn) comnience à être interprété dans
un sens strictement rnadal. · Fulbert. de Chartl'es, soci(I. d'Adam par son lion conjugal, dit M.-J. Nicolas,
ot 111~1rie celle du Christ par son -lien maternel. Mais
' suivi par nombre d'auteurs, voit daniJ la virginité et
1783 ÈVE
il s'agît d'une mate1·nité plus unissante encore que la Y.-M.,J . Congar, Marie et l'tglise da1u1 la f/CrlSéc palri8tiqut,
sponsaj.ité, parce que le plus pur reflet créé qui soit dé la dans R e,,ut des sciencè,q pllilosoplûqu.es et /héolo{!iqriss, t. 3B,
paternité divine " (Le thènw d1J Marie nouc,ellc È"a 195'1, p. 3-38. - On Lrouvera. la recension dmi principaux toxlœ
dans la synthè.~/1 marr:ale, dans La t1ouc,11lle È',,e, rase. patristiques latins sur lo thèrne Ève-Maria dans li. Co.atha•
4, 1957, p. 117). lem, Le paralltJlismc c11tro la sai11to Vierge et l' .«glise, Rom~,
A la diJTérenoe de Scheeben, ,1. Ii. Ne.,{1nua1 n'a 1954., p. 28-29. - G. J ouassard, L~ p11rallclc Jtpo-Maric ~u:
origines de la patri.~tiquc, dan.~ Bible et r>Îo chrétienne 7, 19_54,
cherché ni à construire une 1nariologie systématique, p. 19-31. - !L'Anneai.t rl'.Or 57, 1!J6t,, D'i?vc rl Marie. -Bulle•
ni à réduire à un seul le:; principe~ de la th6ologie tin do la Soc. Fr. d'lllttldes Marlalos , La No1t1•clle ÈPc, ~ ff!SC.1
mariale. :ses recherches sur le donné traclitîonnel, 1951,.1.95-7; or II. Bnrril, répertoire ·u~ texte~, rase. 2, p. 85-97
l'en1a1•quables pour l'époque, sont aujourd'hui dépassées, (dut,.• 1111 8• $ièclo), fas1). 3, p. 21 ·26 (9@ au 12° siècle).
rnnis les conclusions son 1. ex:aote:; :
(t . La nouvelle Ève, l'Église. - 1 o Les origj.(Îe~
• Si Ève fut désobuiss11,1Lo et incré<lule, Marie rut ob6is,;unLe
et croyante; si Èvo fu t une cuuso de ruina pour tous, Mario !uL du thomo Ève-t!gli11e. - Le plus ancien parallèle entl'lJ
po1.1r to111J une cause de salut; si Èvo prâpnra la ç huto d'Atla1n, :Ü:vo et l'Église se trouve chez saint Paul; non p·as,
Mario prépara la réhabilitation op6ruo par No tre-Seig11eur; hnplicitement on Éph. 5, 81 -32, mais explicitement,
et ainsi, con1,no lo Iibro don était beaucoup plus gr11n1I que quoique d'une .1nanière res treinte, en 2 Cor. 11, 2·3,
l'offense, H s'ensuit quo si lilve II contribué i>. produire un gran<l Pour n1ettre en garde les co1•inlhiens oontre do f(lux
rnfll, tt1ario a contribué à produirâ un bien heaucoup plus grand " ap,~tres, dont la foul'horio est symbolisée par le serpent
(tflttre d P1tSC!J, § 3, clans Ccrta.in difflculties ... in catlwlù, t.cCI,• de la Genèsc, Paul con1pare l'Église do Co,•inlhe, fiancée
chinr:, 2° éd., t . 2, Londres, 1910, p. ao; Lrud. 1)11. c,ût<, rl<, la
sair,tc Vicr;;e dans l'Église catholiqll~, 2• éd., Paris, 1908, p. 55). au Christ et n1enacée de le trahir, avec Ève qui se laissa
De co pal'allulisruu, Now,nnn croyait pouvoh• déduiro une s6duire en écoutant le serpent.. On sait que la typologie
preuve directe do l'I1n1naculoo Co ncept.ion : • Si Ève po,;8édu du Christ nouvel .Adan) est par aillo\ll'S familière à
ce don intérieur surnaturel <lôs lo prernier moment de .son o:xis• Pitul.
• tenr.a personnelle, peut-on nior qua Marie n'ait. pas ou parcillo- li reste que les anciens Pères ne renvoient pas à ce
1n0nt c0 don dès le pre1nier 1no1nont do son oxistenco peJ·sooneHe? texte lorsqu'ils ct,;veloppent Io pa1•allèle Ève-lilglise,
Jo no voii; pus cornment éviter cette conclusion • (p. t,6 et Sans doute parce qu'il of1'1•e une base de réflexion
p. 69). Pour quo l'urgu,nent dépasse la shnplo convennnce, théologique un peu étroite, surtout parce qu'il souligne
l il suffirait d'approfondir c,i (Jue aigniOe la récaf)JLuh Lio,1
d'l"llve par Jl,larie, c'cst-à-dll'o y introrluire la notion do n1ator- une antithèse entre È ve et l'Église, alo1'S q\l'on 1•echerQhe
nilé divine. des sitnilit\ldes. Le texte paulinien de départ est g~né•
l'ale1nent .iph. 5, 81-32 : « ... les <leu~1; ne seront qtt'unt
Dans l'exégè$8 d'Apoc. 12, No\VJuan identifie la seule chair. C'est là un grand mystère ; j e l'entends dl!
femme au,c douze étoiles avec Marie, $on! argurnentation Christ ot de l'Églh;e >>. C'est do là que s'inspîre probable-
consiste ù mettre en parallèle le dragon, l'enfant ment le plus ancien oxo1npl0 patristique actuellement
mâle et la fomnH1 apocalypLique ttvec lo sorpo,,t, l~ve connu, la s'>cound/,1.· Clementis (s'il est vrai qu'elle date
et sa post6rité, c'est-à-dire le groupe de Genèse 8, 1G. de 150) : « L'Éoriture dit : Dieu fit l'ho111111e m~le tt
Ninvman en conclut quo la !fom,ue vêtue de soleil ost. fc,nelle; Je mtUe c'est lo Christ, la fe1nelle c'est l'lilgliee,
la nouvelle Ève. Ce parallélisrne qni nous semble auj ou1•- (14, 2, éd. et trarl. l·l. lle1n111er, Paris, 1926, p. 158-159),
d'huî s'imposer s'avè1•e en rait assez rare so\1s nl;)Lte Les vel'sots d 'Éph. 5 sont régulièron1ont. mis en parallèle
forme dans la ttadition (cf L. Corfaux, [,a 11 is1:011 <le la avec Gen. 2, 22-24, entendu d'Adarn ot Ève. Lo rappro-
fen11nit et d1i drago,l de l' A pocalypse e11 r1iliitio,i cz.()1.•c /R. chement de oes citations est explicite cl1ez Hila.Irè
Protévangilc, dans E'phen1.erides thcologÎl'ae loc,anienses , (PJ. 9, 834a), Ambroise (I>L 14, 10û1c), Augustin (PL.
t. 31, ·1 955, p. 21-33). 84, 215b; 85, 1468bc; '•2, 258, et 44, 434-485). Parlanl
Choz les tJ1éologie11s conten1porains, le thérne de la du récit do la Genèse, Augustin ne craint pas d'affirmer:
nouvelle Ève sert ·généralement d'élé1ner1t directif et « Tout ce qui se lit en cet endroit dans un détail si clair
de principe d'approfondisse,uent, surtout pour él;ihlit· et minutieux nous parle d'avance clu Christ et do
les dootrines do l'Inunaoulée Conception, de la coré- l'}!}gliso,, (Contra Faust1un 12, 8, PL 42, 258a). La mulU-
dcmption ot de la ,nédiation universelle; fait assez rernar- plicité dAs té1noignages et leur J>osscnnhlance, chei 11)8
qnahlc, !li l'on considère qu'histo1•ique1ne11t le parallé- latins et chez; les grecs, montre que ce parallèle a dl1
Usme Ève-1\'Iarie a beaucoup moins servi à faire pro- se développer et se répandre très tôt dans l'l:!lgliso.
gresser lo dogn1c qu'à en exprimer1
lo oontenu déjà
découvert. l .'inno111brable lit tératuro actuelle conlirme 20 La doctrine patrir,tiqu.o. - Les caractéristiques lo,s
ceJ)ondant que la typologie reste délicate à mani,:r et plus con11n1.1nes sont les suivantes :
que tous les autours ne sont pas d'accord pou!' d(· finir 1) Une allégorie issue d'un rapprochement entre
les dissimilitudes et les resson1bJanoes qui règnent G11ri . 2, 21,, el Phil. 2, 6 :
entre les deux Èvos. • Qui no l'Cco111111tl: que le Ch1·i$t a quitté son Pèl'o, lul qul,
Bossuet, Sor111on pour l'A.11110,icia.ti'.on, éd . .J. Lebarq, l. 2, ayant la condition <lo Dieu, ne se prévalut ))Oint d'être l'c~al
Paris, 18\l'l, p. 1-15 ; pour la Visit,itic,n, p, 195-208. - P. Sau• de Dieu... Il a aussi quitté sa 111ère, ll'I. Rynagogue des juifs,
i;era t, Ji'ig11rcs bibliques de Marie, Paria, 18116 : l!lve, p. 248- qui derneurait attachée d'une nHuîièro charnelle à l'ancienll.e
257. - H. Pradié, J.11 Vicrcc Marie, t. 2, •roul's, 1899, p. 12-25. allii111ce, et il s'e8t uni à son 6pouso la sainte 8glise pour (lue
- Z.-C. .lourda.in, Sonun.c des crandeurs de Mt1ric, t. 1. I'uris, deux dans une seule chair, dans la paix do la nouvolle Rllian~,
1900, p. 1,21.1,26; 1,.11, 1.903, table analytique:• Ève•• p. 420. (AugusLin, Con1ra Fau.~tulli 12, 8, PL 42, 258b; cr Jdrôme>
- J.•B, Ter,·ion, La 111ère d,is homnics, t. 1, P aris, '1901. - PL 26, 535d). Co théine est sitoa doute inspiré de la tracUtion
B.-H. Merkelbach, .Nlariologia, Paris, 193(1, en parLiculier grecque : Origène (PG 13, 123211), :t.1éthode d'()lympe (PO 1-8,
p. 71,.92. - A.-M. Henry, Êvc, l'Eglise et ./l'laric, clan,; Lti 7311).
snintc Vicrga, figure de, l' Jtglist, Cahiers de Ill Vie Spirituelle,
194.6, p. 96•1âO. - E. Brémond, Êvc et llfari11, Paris, 'I 950 2) De n1ê1n 0 qu'Ève a été tirée du côté d'Adam pen•
(protestant), - R. Laurontin, Court traùtJ de thtlologifl 111,1rit1/c, dant son somn1eil, l'Église est née du côté du Christ
1'>aris, 1953, p. 27•33. - Dullet:in de la Soclét6 Fr11nçaiae déjà 1nort sur la croix (Origène (?), PG 17, 25~a;
d'Elu<los 'Mariales, Jl.faric et l'Eglise,:~ f,1so., 1951•195a. Tertullien, PL 2, 7231); Arnbroise, P L 14, 98Gb, 10610,
1784 1785 L'ÉGLISE NOUVELLE tVE 1786 ,

ttiguir, et 15, 1484d; .lérô1ne, PL 2a, S72c, et 26, 535ad; Cyrille en 1·icn celle d'Adam. On peut la rapprocher plus juste-
t. 88, d'Alexandrie, PG 69, 29d). La :plupal't des auteurs pré-
textes mont de la régénération décrite ~ans la vision d'Ézéchiel
cisent que l'Église a été for1née par l'eau et le sang (37, 4-41), où les ossements se 1·ecouvrent de chair puis
,atha•
tomo, Jaillis du côté ouv~rt, syn1boles de la purification et du reçoivent l'Esp1•it pou1· former des hommes rénovés.
1 liUill saqrifice, ou du baptêrne et de l'auchal'istie. C'est da la rnêrne manière que Dieu réfol'm,;i. nott•e corps
1'.9~4', Athanase(?), ro 28, 228d-229n. - Zénon do Vêrono, PL 11, d'h111nililé: << Ainsi donc après le sommeil de la passion,
3ulle• 852h. .- Épiphane, PO 1,2, 729ù-732a. - J ean Chry6oaf,01ne, l'Ada1n céleste, au réveil de sa 1·ésurrection, reèonna.tt
twio., PG 61, 229hc. -! Sévérfon da Oahnla, T'G 56, 1,82-1,83. - dan1; l'Église son o~, sa chair, no11 plus créée du limon
85-97 Cyrille d'Alexandr ie, PO 75, 'l4 G81\. - 'rhéodorè l, P O 82, et prenant vie sous le souille, mais croissant sur l'os
5~~c. - J oan Dnmnscène, PO <J5, 11,38d. - Celle n1édiution
. sacramcntolle est de règle chc,z saint Augustin : • For11111la
et, de corps faite r.orps, al,teignant sa perfection sous
tûlea ~t ergo ei conjux Ecclesin de latere ojus, id est de fide passio• le vol de !'Esprit» (i'.bide1n, p, Bti-85) .
intre ni~ et baptis1nl • (De c~,w.i i c(lntra' 1na1iichaeoR 11, 2~. 87, PL Dl'\ns le Syniposion (J'G 18, 73), Méthode donne à sa
pas, a~, 216a; cf PL 85, 1',Gilhd, 1513bc, 1\J5abc; PL 3?, 1881cd, typologie le point de départ classique depuis Origène : lo
~ent, 1672c, 1684cd, etc), · F'ils de Dieu a qui Lté son Père pour s'unir à l'Église,
2-3. 8) Le rôle typique d'Ève nous laisse à pcnse1• (f\lO le son bpouse. Le développement prend ensuite une allt11·e
faux plus personnelle. En consommant dans aa mort son •
Litre d.e Mère des vi()ant,ç n'a pu lui être donné que pro-
pent phétiquement, car, à vrai dire, elle no nous a engendrés union avec l'épouse, Je Christ l'a fécondée et rendue
1ncée que pour la nlort. La seule v1•aie 1\iière des vivants est capable d'accomplir l'ordre divin : << Croi$sez Rt niulti-
1;1issa plie?.-11orw 1>. Elle grandit« grâce à l'union et aux relations
l'Église qui nous engendre pour la vie, dans les douleurs
logie <lè l'enfantement : intiJnes avec lo Verbe, qui aujourd'hui encore descend
re à vers nous et se trouve dans l'extase quand nous faisons
• ln genütu parlurieH. P nrit cnln1 Ecdesia fUios conjux l'aniunnêse de sa passion ». L'extase fait allusion
à ce Christi; et si pal'lt, purlurit. ln cujus figura etian1 Eva 1nat.cr au sornmeil extatique d'Adatn durant la création
vivorum appellala ost • (A11gusti n, Enarratic in ps. 126, 8, d'13:ve. Le 1not &vi:ip.'l'f)c:n1; désigne chez Paul (1 èor. 1.1,
rlise. PL 37, iG?Sh; cf PL 86, ~G-tb, et 38, f5l1bc; A111broise, PL 15,
xion 1585a). 'l'ortullien est sans doute l'initiateur du ce thème : 21, et, 25) et chez Luc (22, 19) la consécration eucharis-
!lgl).e , ... Ut de injuria per\nde lat.el'is ojus vo1·n 1nator vivent.lum tique par laquelle nous procla1nons la mort du Seigneur.
robe Ogur(IJ'etur Ecclèsla • (De a11i:n1a 4a, PL 2, ?23b). te sens de cc n1ot dans un contexte liturgique semble
'éllér .,· av oil' été détel'miné très tôt. Chez J ustîn, l'expression
.'une Il convien L de traiter à part HilaiI·e do Poitiers et << ana,nnèse de la passion " est technique poul' désigner

;idu ~féthode d'Olympe dont les paralléJi$mes Ève-Jilglisc l'eul',hâristîe et ne s'applique jamais au baptême (Dia-
1ble- sonL à la fois les plus approfondis ot les JJlus originaux. logue a(leC 1'ryphon 41 et 117, PG 6, 564b, 745c; cf
(l8nt Du Traité de,q niystèrcs d' J·lilaire, on ne connaît qu'un 70, (i41a, ot /.lpologie 1, 66, 429a). [On trouve, il est vrai,
date manuscrit du 11 ~ siècle, unique et incomplet, édité pour l'ox:p,•ession << ana1n11èse de la passion» dans un conlexte
lè et la prernière fois en 1887. Le texto qui nous intéresse bapl.isrnal chez Méthodo (Synipo,qion 8, G, PG 18,
'
ise » a été pour ~ette 1·aison peu étudié. On y retrouve les 148c); elle ne renvoie pas alors aux souffrances du
59). traits cornmuns de la typologie avec uno justification Christ, 1nais à celles de l'Église qui enfante les néo-
Hèle aUentive du sens littéral dé la Genêl$e. L'auteur note phyl.os]. La condition de la croissance de l'Église selon
pro. que la première Ève était bien l'os d'Ada1n, mais non li·l~thode est donc uno réactuation rituelle de la mort du
rair e sa chair. La prophétie « chair de 1na chair • visait Christ et prohablemenL celle qui s'opère dans l'eucha-
(PL donc plus spéciale1nent la seconde l!lye. ristio (ce qui expliquerait l'interprétation d'I·lilalre :
lant L'orâcle s'est réalisé, r;clon Hiluil'e, de la la~:on suivante : «· Fi lius per sacramentum 1nanet in nobis )) 1 p. 80).
1er·: , Pulsquo le Verhe en elTcl s 'osL fHit cl1afr et qua l'l~gliije est Ainsi le Christ renouvelle chaque jour l'acte sponsal
ilair membre du Christ, (llle qui, du nar1c: de celui,ci, a ét6 ongendréc du 1,alvaire, il s'unit dans la mort à son f: 1îso pour
de par l'eau et vlvlfioa par le sang, puisque p ar· aîllcu rs la chnir qu'elle p~isso recueillir de i;un côté ouvert I8eau bap-
llti- dans l,a quclle es t 116 le Verhe subsistan t avunt tous les siècles, I tismale, sans laquelle elle ne saurait engendrer ses fils :
on tant q11e Fils de Diou, suhijiaf.e J)armi 11011s sacran1cnlol_lc-
les mcnL (per sacro1n<mtun1. 111a11eat), il nous a onsélgné clairement Car l'Église, continue saint M6thodo, ne pourrait. pa8 autre-
dü q11'Adnn1 cl Elvo étaient le type do sa p<wsonne et do son Église, 1no11L co1u;evoir les croyants et les enfanter à 11ouven\1 par
cu.r il nous tait co11natt1.·e par la co1n rnunio!l de sa chair q1.1e cette la • haln de la régénération • (Tùe 8, 5), si, }>Our eux a11ssi,
l~glise u été sanctifiée après le son11nêil de sa mort • (éd. et le CJ,risl ne s'anéantissait a.III\ d'être rejoint dans la récapi-
les tulalion do la passion, con1me je l'ai dit, et de nouveau 110
trac!. J.-P, Brisson, coll. Sourc<>s cl1rûtiennr.s 19, Paris, 19,.7,
p. 78-81 ). mou1•aif,, descendant dos cieux, et, s'·unisaant à l'Église son
épouse, ne lui donnait do Uror de son cl)té la pouvoir de faire
Aut1·e1nent dit, l':fJglise est chair du Christ non 1,eule- croitre tous ceux qui sont 6diflus sur lui, qui ijont néi; du bain
ment parce qu'ollo est née du sang de son époux., niais hapt.iRrnnl et qui ont reç.u do sos os et de sa chair, c'est·à•dire
q1,1i, de sa sainteté et de sa sagesse (o, 8, PG 18, 78b).
~gal parée qu'elle possède sa chair d'une façon per1nanento
Llits, dans l'eucharistie; cc sacrernent lui per1net en effet E1\fln, ce qtJe le Chdst accomplit dans )?Église pou,·
,nne do perpétuèr le son1n1eil du Christ, et cette naissance lui J>1·ocurer la puissance des sacrements, il l'accotnplit
être perpétuelle a latere Christi prouve à tout n101nent que aussi en chaque lldàle. Mourant en lui pour lui livrer
108 • le Christ, un jour, est v1·ai1nent morL pour établir l'Esprit, il le 1•er;s11scite selon le n1ode de la création
rn e• et consoo1rner avec son Église une union sanctifiante et
tion d'Ève. Si hien que tout fidèle est pour le Christ une
sacrée. « co111pagne >1 au môme titre que l'Eglise. « l\ilals il est
18,
Semblable perspectivA eucharistiqne no se retrouve impossible qu'un bornme pa1·Licipe à l'Esprit Saint et
que chez Méthode, dont Hilaire peut avoir connu les dovicinne 1ne1nbre du Christ, si auparavant lo Ve1•be
en- écrits lors do son exil en 1-\sie Mineure; il semble s'en ne d~i1;cend en lui et ne dort du som1neil de l'extase,
rist inspirer ici. Autre trait remai·quable, l-!Haire voit, dans afin que cet honHne, s'étant levé du sornrneil en même
ia; la création d'Ève, un type de la résur1•ection de la chair. tc1nps que celui qui a dorrni pour lui, puisse aussi roco-
,10, L'ol'lgine de la fen1me, sans lin1on ni terro, ne rappelle voll' le renouvellement et le rajeunissement, une fois
,

1787 ÈVE ~ ÉVODE ~788
l'Ompli de l'Espl'it ,, (7llc). Cetle mott et. cette l'ésurrec:- ecclésiologie puisse dilllcilement nourrir la spiritua.•
tion du fidèle so1nblent désigner plus que le seul bap- lité si elle substitue, d'une {açon dé finitive, dos concepts
tême, déjà mentionné com,ne hain de régénératio11. abstraits à certains symboles aussi profondément bibli-
Sans compter que 1-léthode ne dit jaînala qu'au baptê1nn ques et tradiUonnols q1~0 ceux d'Adam, de son son\meil,
le Clu·is L rneurt à nouveau (cf 8, 6, 148) . Il s'agit plutôL de la création d'Ève et de sa vocation de mère · des
du complexe baptêrne-eucharisLie qui constituait l'essen- vivants.
tiel do l'initiation des catéuhun1ènes. Justin nous a H . Dieck1,u1nn, Do Ecclcsi<,, Fribourg-en-Brisgau, 1925.
décrit (PG 6, 425d-t,28a) une do ces initiations où une - S. 'l'ron1e, De nativitatc Ecclcsiac (?:i: Çordfl .Je11u in cruce,
ana1nnèse s'enchaîne directenlen t sur. lo 'Lh1~mo haptis- <lans Crsgorian1im, t. 13, 1982, p. 4119-527; Ecc!Bsia, Sponsa,'
1nal. V irgo, Mater, t. 18, 193?, p. S-29 ; Corpu.s Christi quocl est
La ty1>ologio d'Adam et d'Ève n'exprirne donc pa:; Ecclcsia.. /111roductio ee11eralis, 2• éd., Ro1110, 1946. - a. de
pour l'vléthode un pur fal t hiato,•ique : la naissance d e Broglie, J.,' Église, nou,,elle E,,e, née dit Sacr~•Cœur, NR'f, t. 68,
19(,6, p. S-25. - A. LoCùvro, La blessure dti côté, dnns Le Cœur,
l'Égliae-épouso du côté du Christ; 1nais enco1•e le mys- coll. :i;Jtu<les carrn611talnos, Bruges, 1950, p. 109.122: -
tère permanen t do la vie sacramentelle, centrée d'un1.1 A. !vitillcr, Ecclesic,-llfc,ria. Die Einlu:it lf1ariens 11.nd der
manière très réaliste sur la 1•écapitulation do la passion. /{irchs, coll. Pnradosis 5, 1''ribourg-on-Suisse, 1951, 1955
On 1•emarquera en . conclusion, avec I·L Coalhalen1 (table, E"a• Kircllc). - L'A,i,i.eau d'Or 57-58, Paris, 1954,
(op. -c1:t., p. 21 ), qu'à l'ère patristique le parallèle Èvc:- /,' Églisci. La fen1111e c/11•étie1111e, p. 286-346.
Église ne ~e développe pas dans la même ligne que ·hi On trouvera la liste des taxi.es paLrii;Uquos latins ot grecs
parallèle Eve,Marie. Le preroier désigne des fonctions relatifs au parallèle l)Jve-~gliso dans S. Tro1np. éd. de l'ency·
pern1.anentes : être éeouse, être n1ère. Le second oppofin clique Myqtici Corporis Christ.i, a• éd., Rome, 1958, p. 82-8!).
surtout les a.cLes d'l~v:c à ceux de Marie : d'une part. Pour les têxlès nl6diévaux, cr H. Barrô, La 11ou,,etli! P:ve, rase. a,
l'att ention au serpent, la désobé issancQ, l'enfantement p. 'lll-21.
pour la mort, d'autre parti l'audilion de l'ange, le fiat Michel Pr, ANQ UE.
et l'enfante1nent <ht salut. Le seul point commun entr11
Ève et Marie au 111.01nen t c1•ucial de leur vocation est É V1:QUE. Voir a1·t. ÉPISCOPAT, t. 4, coJ. 879-907.
la virginité.
s0 ~ve et1'eool6stoloa-te. - A mesure que la •piét.ù É V ODE, évôquo d'Uzal, t vers 426. - Originaire de
médiévale s'attarde à contempler la Vierge debout
'i'hagaste et d'abord fonctionna ire de l'administration
auprès de la croix, elle découvre le mystère de la mate!'•
impériale, l!lvode s'était converti avant saint Augustin
nité spirituelle et de la coopération permanente do
et rejoign it colui-ci, lorsque, d érnissionnairo de sa ch11iro
Marie à la rédemption universelle. La théologie devient
de rhétorique à Milan , il se fut do npuveau instullé à
ainsi progressiven1ont capable ,d'appliquer· tt Ma1•if,
Roine. li assista à la rnort de sainte l\'Ionique (Augustin,
tous los aspects de la typologie d'Eve, même ceux qu'on
Confessio,is ,x , 12, 31) : Espr•it très vif ,nais peul-être
réservait autrefois à l'Égl.ise (hormis la naissance
a latere Chri.~ti). I.,o parallèle Ève-Égliae a tendance i1 trop impulsif, Évode, attiré surtout par los problèmes
touchan t la spiritualité de l'âme, rut pour Augustin un
so raréfier, d'au tan t qu'il est possible d'expliq uer Je
interlocuteur précieux : le Do qu1J,ntitate a,iitni et le large
1nystère spons<1l de l'Église en se référant à saint Paul
et au 1nal'iage chrétien, sans ren1on ter jusqu'à la G11ni?s1,. traité 1nétaphysique Da libero arbitrio ont gardô l'6cho
Le!il grandes perspectives ouvertes par Méthode 1,L de ses curiosi Lé$.
RAvcnu en Afrique, pron1u vers 396/397 évêque
I·Iilaire ne sont pas reprises ; on se contente souvent
d'Uial en P1·oconsulaire, il reçut du concile de CarLhago
de rnultiplior les allégories morales a.u lieu d'appro•
rondir le donné fondamental. Cha.ir de ,na cha.ir et 08 de on 404 la charge de présenter a\1x autorités ron1ailies les
nui8 os signifient par exomplo que le Christ tt donn1;
tevendi.cations de l'épiscopat catholique, qui venait de
à l'Église la force de sa nat.u,•e divino ot qu'en échange constater l'échec do la 1•éconcîliatîon avec les donatistes
l'J;]glise lui a cédé la faiblesse de sa. chair. Pour Her1nann et demandait contre eux des mosur os de protection
de Tout·nai, l'os désigne les ân1es fortes qui cornposen t (Mansi, t. 8, col. ?911). Au cours de cette mission, il
)''.Église et la chah• les Ames débiles (PL 180, 33c). rendit visite à saint Paulin de Nole (Augustin, Ep. 80, 1).
Rupert de Deutz note que l0 Christ a été couronné Pour des .raisons inexpliquées, son nom ne figure pàs
d'épinea par sa n1ère, la synagogue, lo jour do ses épou- dans les Ac tes du conci!e de 411 auqttel :;e11 amis Augus-
sailles avec l 'Église (PL 169, ?97::t, et PL 1 ?0, 163a). tin, Alypius et Possidius, pril•en tune part considérable.
Il semble enfin qua le parallèle Ève-~glise a it ét.ù En (t1G, il s'associe à l'action d'A\lt'élius, do Possidius,
peu à peu supplanté par un auti•e, tout aussi tradition - d'Au1:,rustin et aux évêq1_1os de la Proconsulaire pour
n~l ,et susceJ)ti~lle do plus .riches dével~ppe1nents : obtanh• du pape Innocent la condamnation formelle
1"Iar10 et l'Eglise. Pourquoi s'attarder a cornparcr de Pélage et d e Célestius (Augustin, Ep. 1?7) et la
l'ÉgliSfl à l'ancienne Ève, lorsque cotte dernière est répression de la propagande pélagienne.
parfaitement récapitulée en Marie? Marie est non se11- Enti·e 395.1,00 1)robablen1ent, flvode a.va.il: composô
lement, corome J°l:ve, lo typ.e de l'Église, niais de plus un intéressant traité d'apo logétique contre les mani-
l'initiatrice de toutes ses activités. Le seul point sur chéens ; De fid,1 oo,itra rnanichaeos. Exhortation per-
lequel continue à se 1nainlenir le parallèle ecclésial suasive et docu1nentée, s'appuyant sur le texte même
1 1 est la naissance du côté du Ch.rist : on arriva par là des éc1•its manichéens (le Trésor, le fi'or1de,nent, les
à fonder en ecclésiologie la dévotion au Sacré-Cœnr. Actes de Leucu.~), lo traité d'l!}vode rait ressortir avec
1 1 force l'infériorité 1nétaphysiquo et morale des Uog1nos
Cependant, ce pa rallèle n'est étudié bien souvent <!lu>,
par la théologie positive. Deaucoup de traités Da Ecclt~- des n1anich6ens (en particulier sur la nature de Dieu,
sia ne comportent pas de chapitt•o consacr6 à :Ève sou mis d<1ns une certaine mesure à la discrétion des
et présentent la fonction sponsale de l'Église s11ns fi'.'{ puisfla ncr.s des ténèbres, sur la cc rédemption " probléma-
référer. Sâns vouloir poser 111 problème de l'utilisation tique de:; élén1ent.s lumineux et divins) e t leur concop•
des type.9 en théologie apéculat.ive, il semble qu'une tion t.out à fait erronée de la nature du Christ. ·
1788 1789 ÉVODE - EXAMEN I>E CONSCIENCE 1790
~itua- Il existe dans la correspondance de saint Augustin un , I. DANS L'ANTIQUITÉ
1oepts oorpu6 de lettres échangées entre Évode et l'évêque .
ET LES ,RELIGIONS NON .CHRÉTIENNES
bibli- d'Hippone vers 414-415.
1meil, t.'exa1nen do la conscience n'est pas propre au chris-
~mu par des phénomènes étranges dont il a été témoin tia11is1ne. L'introspection, Je rernords consécutif à la
e des (apparitions ile défunts, prérnoni tions ·ot rnGësugllS posthunios), faute, J'att!)ntion à la vie intérieure, le recueillement
~vodo sa de,nando si l'ûrno, en d6plt do sa spiritualité, no en portent le ge1•n1e. ûne rapide enquête dans les
1925. possède pas un prlnclpo physique qui s'idenllflcrait avec la
cruce, càlor du corps vivant (Augustin, Ep. 158) ot qui expliquerait pins importantes manifestations de l'ârne religieuse hors
ponaa, la réapparition visible des trépMsés. Il pose à Augustin de du chl'isUanisme· nous n1ontrera pal'lout la p1•ésence
oil est subtiles questions de métaphysique (la raison a-t-elle priorité d'ùhauches plus ou moins élaborées et plus ou n1oins
a. ~e &\Ir Dillu?), de théologie (sur la aituatîon dus gentils dans les au Lhen tiq11es de l'examen do consciencQ. - 1. C:ô11fucius
t. 68, limbllS) ot, d 111utre part, clwrcho à àttonuor i'écart existant et le taoïsrnc. - 2. In.de. - 3. Ég11pte. - 4. Monde
Oœur, entre los 1nlri1Clos (co11ceptlon vlrgl111l.le du Christ) et les lois gr1!co-rorr1ain. - 5. Rabbinisme. - 6. Jslarn.
2. - de la naturo (Ep. 160-161, 168).Augustin répond assoz con,plai-
d der sammont, mais en priant Évode de ne pas insister aur des quoi!• 1. Confucius et le taoïsme. - Les Analectes
1955 tlons de pure curiosité (Ep. 162, 169). de Confucius parlent à deux reprises do l'oxan1cn de

1954, conscience :
En 426-427, lors de la polérnique soulevée au monas- ,, J e rn'e,camine chaq11e jour sur trois chosos. Si, traitan t
gnecs tère d'lladrumète par un toxto do la lettre d'Augustin unA affaire pour un autre, je ne l'ai pas tra1t6o avec moins de
'ency- à saint Sixte (Ep. 194) affirmant Je caractère disc1·étion- soin que si êlle oût l:ll: ,na propre alTai.re; si, dans les relations
82-85. naire de la gràce et la suprématie irrécusable de la pré• avm: ,uos a,nis, je n'ai pas manqué de sincérité; si je n'ai pas
lSC. 8 1 destination, Évodo s'ofTorça de calmer les esprits nciglig6 de n1ettre en pl'atique les le9ona que j'ai reçues •
surexcités. Sa lettre, tout en restant d'inspiration augus- (1, ft; trad. dans S. Couvreur, Les quatre livres de la sar;ess6
chinoise, Paris, 1956, p. 91,J. -: Qunnd vous voyoz un hon1mo sago,
tinienne, reconunande essen tielle1non t l'humilité, la pensez à l'égaler en vertu; qut1nd vous voyez un ho1nn1c
soumission, le i:enonce1nent à nos théories personnelles : dépourvu de vertu, exa1nir1ez•vous vous-,nômc • (1v, 11; p. 114).
1-907. « Il tant lire avec piété ot sans esprit do contradiction
tout ce qui a été écrit par nos 1nailres, les docteurs de Ce conseil trouve tout naturelleruent place dans la
t•f~gliso » (Iottre à Valentin). ,norale de Confucius qui exige du sage la pleine maitrise
:re de Professant un culte fèl'ven t pour les reliques de saint d(! soi. Mais il ressort de 1'ense1nble de la doctrine une
ation :li:tienne, flvode se fit le propagateur ardent des rniracles conception de l'examen de conscience qui n'a pas le
ustin obtenus pa1· !'in tercossion do ce .saint. (cf Augustin, caractère d'un véritable exel'cice sph•ituel; la !lagcsse
hatl'e Scrmo 323, PL 88, 1446) et invita l'un de ses clel'es con rucéenne se développe dans une at1nosphè1·e plus
ùlé à
1stin,
a en écrire le récit très circonstancié (De rriiraculis hun1aniste qu'authentiquement religieuse.
S. Stephani, PL 4.1, 833-854.). La doctrine du tao'isrne a un caractère religieux plus
:-être '
Intelligence souple, 1nais peu kêtre ins\lffi$an,men t. marqué, grâce pe\r L-/ltre au bouddhisrne, qui a insinué
èmes critique et trop superficielle, non sans quelque incli- dans l'ân1e chinoise la tenllance vers Ja vision intérieure
ln un nfl.tion vers le merveilleux, théologien soucieux de la (l-J. Maspero, Le 1'aoïsrne, Paris, 1950, p. 37 svv).
large tradition et gardien atlentir de l'orthodoxie, Évode Cotte vision intérieure et l'union avec le Tao, principe
'éc)10 est un bol exen1plaire de la valeur spirituelle et rnorale u11 ique de la réalité, se produisent au cours d·' un état.
de l'épiscopat d'Afrique au co,nmencement du 5° siècle. de concentration de l'esprit ou au paroxysme d'une
êque Si par surcroît, selon une opinion récente, flvode se inean Lation. Mais si l'esprit se recueille, c'est en cher-
,h age révélait être l'a\11:eur des (:onsullatiôncs Zr1cchttci et chant le vide d\l cœur; l'éveil de la conscience n'est
~s les Apollon1'.i, cette l1ypothèse n'en •t1é1nontrerait que xnieux p~s recherché poux· lui-mô1no; il faut au contl'aire
ît de )'importance de son act.ivité t.héologiquo. perdl'e conscience pour entrer en présence du 'l'ao;
iia"tes l'état d'union étant exclusivement pa.ssH. D'autre pa1•t,
~t:îon Œu,11res. - De f/.rl11 c.ontra 111a11icha.eos, PL '12, 1139-115'•; .le~ tll':1narchcs ascétiques vers le vide du cœur qui per-
,n, il od. J. Zycha, CSEL, 25, 1892, p. 9'19-975. - Laures ù S. Augus•
tin, 158, 160, 161, 163, avec les réponses du saint, 159, 1ncltra cette \1nion restent dorninées par les conceptions
o, 1). t62, 16~, 169, dana les œuvres de S. Augustin, Pl, $!1, 698- môtaphysiques et n1êloes do techniques physiologiques.
, pa,.s 718, 742-748, et éd. A. Ooldhncher, CSIDL 1,1,, 190'i, p. 1,88- C'ûst en effet dans un ensernble religieux ot métaphysi-
1gns- ~41, 6t1-622; lef.t.ro Il Va.Ion tin., éd. (¾. l\forin, dans Revue que pénétré de in agie que s'insère l'exa111en de conscience
ahle. bé11ddicti11e, t. ·1 8, 1901, p. 251,-256, ot cf G. Morin, Lettre iné• ~aüïste. Aux malades qui venaient los trouver, les maî-
dius, dite de l'éveque Évodius a.u.x ,noincs d'Adrrunètc sur la qu.cstior1 tro:; ou docteurs faisaient confesser leurs fautes; ceux
pour de la grâce, ibùlcn1, t. 13, 1896, p. t,81-486. qui se repentaient 1•epa1•Laîen t guéris; ainsi Chang-Ling
nelle Tl'a11aux. - Paul ~(unceaux, Flistoire lit.téra1'.re de l'Afrique au pl'exnior siècle après ,J .-C., et Chang- l(io au second. A
lt la chrJtion11e, l. 7, Puris, 1023, p. 1,2-',5. - P. Courccllo, Date,
source et ge11isc cles • Consultationcs Za.cch(1ci et Apollonii », la suite de Chang-Kio, ce genre d'exarnen de conscience,
dans Revue Ile l'histoire Iles religions, t. 146, 195fi, p. 191-192; pr,ilode à la guérison corpol'elle, fut minutieusernent

1an1-
.
..p osé or DS, t. 2, col. 1641-1643. urv.aniaé par Chang-Sin (3° siècle) : ceux q\1i cherchaient
la guérison devaient séjourner dans des cellules de
(;eorges de PttNv AL.
per- purificnUon, le temps de mettre par écrit tous les péchés
1ême cornmis depuis leur naissance.
, les EXAGOREUSIS . Voir art. Dt1tllCT10N s1•11u- Il convient. de voir là ui\ effort intéressé de ùélivl'ance
avec TUELLE, t. 3, col. 1036-1039, 105'1•1056. physique et 1no1•ale plutôt que l'indice d'un examen
:mes de conscience orienté d'abord vers le perfecLionne1nent
)ieu, EXAMEN DE CONSCI;ENCE. - 1. Dansl'anti• 1no1·al et religieux. Il reste que cette apparition de
des quité et les r eligion& non chrétit111nt:s. - 1l. D,ins la l'examen, au xnilieu du système magique et do l'ascèse
lma- Bible. - III. Chez les P ères. de l'Église. - IV. Da11s pliilosophiq\le que constitue le taoïsme, correspondait
,cep· ·la tradition chrétienne jusqu'aux tenips rnodernes. - aux aspirations de ceux qui, 1t plus enclins à la religion
V. Synthèse spiritu.elle. pe,·sonnello, s'intéressaient moins au problè1ne do
.
'

1791 EXAMEN DE CONSCIENCE 1792


.,,
l'homrne dans la société eL dans l'univers » eL « se r1~fu- actes, ,nais aussi à éclairer et fortifier leur volon~
saient à admettre que tout ce qui était supérieur à par la découverte des racines d\t 1nal au fond du cœur.
l'honune flit impet·sonnel et inconscienL >) (Il. t,,1asporo, Plus tard, vers 600, Çân tideva oll're une doctr.ine
Les religions chinoises, Paris, 1950, p. {t9). rnorale qui fait, en quoique sorte, appel à l'examen de
conscience et à la confession, co1.nn1e à la contrHi911
2. Lea religions de l 'Inde . - On saiL que dans et àu ferrne propos. La 5 8 partie de BoclhicaryciPata,,a
l'hindouisrne le disciple doit ouvrir sa conscience il son (La niarchc à la lu,nière, trad. l,. Pinol;, Pal'is, 1920)
directeur d'âme pour lui pel'tnetLr·e de mieux Je g11ider est en n,articulier consacrée à 1a garde du cœur. d Celui
(cf DS, t. a, col. 12'10-1214). La vieille tradition b1·al1rna- qui veut garder la règle doit ·garder soigneusement son
nique présen Le aussi quclques traces de la pr•at,iq\'lo de esprit ,i (v, 1) ; t< II fatl t. que inon esprit soit bien surveillé,
l'examen de conscience, rnai:; elie n'en ofîre pas une bien gardé : hormis l'exercice de la garde de l'esprit,
doctrine 6laboréc; on lit par exemple dans la 'Hhaga.,,ad- que va.lent tous les autres? ,1 (v, 1()).
Gita : « Il n'y a pas de tranquillité pour celui q11i ne Ces quelques exernples par1ni beaucoup d'autres
persévère pas dans la poursuite de la connaissance tén1oignont d'une prati~ue de l'examen de conscicnco
de soi ,i (u, 70). La sér6nit.6 de l'ân1e et la dorninnl.ion au sein du bouddhisme; il faut, surf.out souligner que
de soi résultenL d'une ascèse intérieure doniinée pal' cette pratique s'oriente Lrès tôt vers la recherche de là
l'abandon à, Dieu. On trouve ces élén1ents dans lo perfection morale individuelle, en dépit de la déporson•
courant spit•ituel .Bhakl.i, so1nn1ot religieux de Ja LrHdi- nallsation qui er;t conçue hahi tuelle1nen L conune la fin
tion brahrnanique. suprême de la méditation bouddhique. L'approfondis•
Avant. l'apparition du houddhisn10 dans l' Indo, le somAnt du sens moral que l'on constate dans le boud-
rnonachi1:1n1è jaïniste a connu un système dé taillé de dhis1ne est le fruit de l'examen et de l'éveil de la respon-
pénitence oli l'examen de conscience était exigé. sabilité personnelle; bien que les spéculations méta•
L'Uttardjjhd~d (Récitation en 1·é.po1113e), c1ui r·é~ume physiques rassent coïncider connaissance et illusion, la
les devoirs quotidiens des n1oines, mentionne deux gratuité et la nobless.e _de la rnora,le bouddhique Ont
exa,nens de conscience, à la. lln du jour et de la n1.1it. : probablement tro\tvé dans l'examen de conscience leur
c, (Le moine) doit réfléchir r,oig.oeusetnent sur toutes les meilleur pédagol{tte.
transg1•essions q11'il a commises pendant le jour'ou :;ujot
de la connaissal'\ce, de la croyance et de la co,,duite. 8. L 'Égypte . - On t1·ouve des ébauches d'exa1ne~
Ayant terrniné.. , il doit confesser point par point les de consoiAnco dans les courants religieux de l 'an~ionnc
fautes qu'il a commises au cours de la jonrnt'le " ( c:aina Égypte. La confession négative, qui relève de la religlo11
Sfl.tra._q, n Uttarâjjhdhd 2fi, dans Sacred Books fl/ thR
funéraire, atteste un idéal rnorrù se référa.nt à un dieu
East, t. 45, Oxford, 1895, p. 145 svv). A la dilTéren<;e du justicier et implique un sens profond du péché (cf P. du
bouddhisme, l'ascétisme plus r11de du jaYnisme ne Bourguet, art. ÉGYPTt: ph.araonigue, DS, t. t,,, col. 52~-
considère que l'acte rnatérlel inte,.dit, rnettant SHI' Je 522) . L'auteur de la S(tgessc d'Am.énétnopé exl1ortc non
intime plan le péché consenti et le rnanquement invo- set1le1nent à la modesUe intérieure, à l'hnmllito, mai~
lontaire. Lo honddhisrno a dépassé r.otto concept.ion; aussi au contrôle de soi et à la lucidité (cf J. 1-I. Broasted,
sa pratique de l'exa1nen 1nanifeste un approfo11clisse- The dctu,•n of t:onscience, No,v- 'York et Londres, t 985,
lnont de la consc_ioncc rolîgieuse ot morale. p. 326 svv). Les prernières ébauches du genre littérali'a
Il semble (fue ce pl'ogrès dans le sens de la respon- de l'au tobiographie jettent aussi un jour nouveau sur
sabilité soit lié surtout à la lecture du Pâtirnokklui l'histoire de l'examen de conscience; dans le retour sur
(Délivra,,11:e), non1 donné à. la liste des péch6s, in fidt':li tés soi de !'Ame égyptienne, s'exprilnent des aspirations
et 1nanquernents, et à celle d'autres recueils postérieurs 8.lllhentiquernE1nt religieuses (cf<.¾. Misch, Gcschiclttt der
se1nblables. l1omontant au 5(' siècle avant Jésus-Christ, Autobiographie, t. 1, vol. 2, Leipzig-Berlin, 1981 ,
le Pdtiinokkha éto,it pratiqué tous les quin:r.e ,iour·s p. 11-38). Jt Drioton a montré que les tournures mêt.:-
par les moines de stricte observance. Les men1 bros phol'iquell qui ont setvi à l'a1.1 teur de la SrLgesse d'Amti-
de la communauté s'exa1ninaiont ensen1blo sur lr.urs 11é,nopé pour expr·imer Je retour sur soi sen,blent
fauLes pour n1&int.enlr en eu:x la fidélité à la ri'i1tle, d'origine hébrai'quo; parmi les exemples allégués,
fondement et cohésion de la communauté. Cet exercice, l'expression c, les chambres du ventre », signifiant le
qui $'est conservé à. tl'a,vers l'évohl tion du bouddhis1ne, plus profond du cœur, trouve le n1êrne ernploi 1nétaphO•
confère au Pdtirn.okkha une place de choix dans l'histoire rique que clans les ,ProP(Jrbes (20, 2?). L'Égypte est ici
religicuse du monde. 'routcfois, le lamaYsme met l'accent très proche de la sagesse israélite (É. Drloton, Sur la
· sur l'exa1nen privé et sur la confessl.on individuelle Sage8se d'Am.énéniopé, dans Mélcingcs bibliques Andrd
plus quo sur les réunions r,ommunautaires hi-mensuelles. Robci't, Paris, 1957, p. 254-280).
Ces codes moraux, d'abord uniq\1e1nent de!ltinéi:; f-lUX r... Le monde gréco-rom ain. - 1° L'exan1en de
rnoines, se répandirent chez les laïcs. On dressa des conscience tel qu'il a ét~ pratiqué par les pythagoriciens
li1,tes de cinq, huit, dix péchés principaux, puis on inflista, a toujours été présenté par la traditioo conune l'exemple
en modifiant les listes p1•irnitives, sur les dix p<·ch6s Je plus parfait oltert par l'antiquité·. Le flieros Logos
cardinaux opposés aux dix vertus cardinales. Le rôle (ao siècle avant J.-C.) erî est la pre1niète atl,esLa.Uon;
éd\lcatif de ces cat.aloguos est i1nportnnt; comme ln dit on le retrouve dans les Vies de Pythagore de Diogène
P. Oltrarnare (.L'histoire des idées lluiosophiques rlanH Laërce, de Porphyre, de Jan1bliq11A; le Carmen aurc11;11
l'lrule. La tlu!osophic bout.ùlhique, Paris, 1923, p. 126- d'fliéroclès, p.i.ïen convaincu du 6° siècle, reprend
:127), ,, pour le bouddhis1ne.., on n'est. capable de vertu l'ancienne tradition du flicros Logos (P. C. van der
que si l'on a la connaissance. D'un homrne qui sait 1'.Corst, Les pers d'or pythagor,:ci(Jn.11, Leyde, '1932).
ce qu'il faît , mtl'me s'il faît mal, il n'y a pas lieu de No por,ncts pas que le doux sommeil so glii;sa sous h!s yeux,
désespérer tout à fait ... Pout' se guérir, il faut. se snvoir avant d'avoir ext1miné ch;,i,cune des actions do La joUJ'n/ie,
mtùade ». Moines et laïcs étaient ainsi amerîés, non En quoi t1i-je fauté? Qu'ai-je fait? Qu'ai-je 01nis de co qu'il
seulernent à se connaître et à juger la valeur do leurs fnllnit. ft1ire? Cc)rnrnenCê par la pro1niè1·0 Il. toutes los parcourir,
'92 1993 DANS LE MONDE GllÉCO-ROMAIN 1794
oté Jilt onsuite, sî tu trouves que tu as con,mîs dos taules, gour- !l'Jélà,nges Gilsorh 'roronto-Paris, 1959, p. 889·'•02).
ur. mande-toi; mais si lu as bien agi, réjouis-toi (tl'ad. M. Meunier, Sous sa fQrme largement divulguée, l'examen socratique
ine Pytlu,gote. Les ~ers d'or, HiérocMs, co1111ne11t:aire sttr les ,,ers d'or se ramène à la connaissance de soi.
de des J1y1llacoricic1ui, Paris, 1925,. p. 218). L'introspection, dont parlent tant de philosophes
' ip·cr.s peut cependant cond.uire au seuil du domaine
ion Ces vers (40-44), •souvent cités par les anciens, ne
z,•a religieux. Ainsi Platon a parlé de cette vocation que
sont pas aussi proches de l'examen de conscience chré- l'hon1me pourrait redécouvrir en lui s'il était en attente
20)
,lui tien qu'ils peuvent le paraî.tre. Il ost possible qu'ils d'une révélution divine (Apolcgie de Socrate 28; Phédon
ex.priment une thé1•apeüt.ique psychologique; Jamblique 86<l). D'autre part, la pensée grecque présentait à la 1
19n
lié, (Vie de Pythagore 25 1 11{,) recommandait de calmer son conscieflce n1orale les lignes directrices de son éthique.
rit, âme avant Je somn1eil en jouant de la lyre. L'examen De plus, l'appel à la connaissance de soi n'est pas
selon l'ancien pythagorisme semble répondre à <le l'apanage des penseurs; les 01•ateurs a\1ssi sc:rutent
tes telles préocctipations qui ne 1•elèvent guère de la cons- pnrfois profondément la nature de la faute et la respon•
cience morale. D'autre part, l'ancienne 1n6decine grecque sabilité n1orale (vg Antiphon, Discour1J, Deuxièrne
IC8
cornportait toujou1'S des aspects moraux et po1.11' ainsi tétralogie, (,. 10; éd. L. Gornet, coll. Budé, P aris, 1923,
['18
Ja dire sotérlologiques; Galien, par exemple, rationalist.o p. 8ii; Isocrate, DiscourB, Aréopaglte vn, 39-t.1, éd.
,n- sceptique, fait alh1sion à l'examen de conscience pytha-
goricien ('.l'raité d-es pa..q8ion.~ ds l'dnie et de ses erreurs v1,
G. Mathieu, coll. Budé, t. 8, Paris, 194.2, p. ?8).
Apportant une contribution capitale à l'histoire
fln
28, tra<l. R. van der Elst, Paris, 191'•• p. 46 svv). de la rcspônaabilité, le génie grec r essent rarement
td- Cependant, si cet examen est dans une certaine mesure les exigences de l'examen personnel de la conscience
>n-
une pratique de recueillement destinée à délivl'er de morale et 1•eligieuse : la confession personnelle, l'aveu
la- J'angoisse, s'il cède ainsi à là néfaste tentation de se rnnnife$tant l'intime de l'âme n'apparaissant guère
la libérer du moi, il ne se rarnène pas exclusivement à une dans la littérature grecque (cf G. Misch, Geschiehte der
,nt sorte de yoga. Très répandue dans l'antiquité, sa prti- A,aobiographie, op. cit., pa.ssim). L'esprit s'en tient à
tique a dO être souvent marquée par la prépondérance formuler des principes généraux (E. O. Wilkins, Kn.o~v
1ur
de l'intention morale et religieuse S\11' les aspects psycho• tliyself in Greelc and Latin Literat1,1,re, Chicago, 1917),
physiques. Dans ces questions, il est difficile do doser C'est là la grandeur de la philosophie morale dans
en les élé1nents en présence. l'antiquité classique ; avoir fourni une éthique objective
ne qui servira pour fonder la prali.quc de l'exl¼men de
on 2° En dehors du pythagorisme et avant notre ère,
la pratique de l'cxameo. de conscience semble avoir ét,é conscience. Cette base e1npêche, dès le départ, une
e'\l conception subjectiviste de la conscience, d'une cons•
plus courante qu'on ne le dit habitu.ellement. A. E. Wil·
·~~.-
d.u
'
On
hehn-liooijbergh (Pecçatu,m. Sin. and Guilt in arlcient
Rol'f/,C, Leyde, 1954:) donne nombre d'exemples où le
sens du péché parait assez . élaboré pour nous laisser
cionce au t.onome, sans référence à une norme qui la
dùpasso.
li y a chez ?,fénandre et dans la liltérillure latine depuis
~i$
supposer, déjà dans l'ancienne l'tome, des pratiques P la11to ot Térence nombre d'attestations sur la conscîonco du
1<l, semblables à ce quo nous appelons l'examen, sµns qu'il pùd1é l'ndividuel, sur la notion religieuse do la culpa in pcctor~.
15, Ainsi Je Dyscolos, J)eraonnage principal do la pièce téoomment
ire soit nécessaire pour l'expliquer de recourir à l'influence
grecque ou à des doctrines plùlosophiques. clé:couvcrte i,ur un papyrus de ln collection Bodlller (lexte ot
ur trad. pur V. Marlin, Genève, 1958; cf Claire Préaux, Réf/el1lions
On ne peut pas dire que la doctrine stoïcienne ait sur la tniRanthropic au thèât.rc. A propos du l)yscolos de Jl,Jénan•
\Il'
favorisé spécialement J'appl'ofondissement rnoral de d,rc, dans Cl1roni9ue d'Egypt<?, t. 34, 1959, p. 327-841, sp6cia•
os cotte pratique a$Cétique; au conti·ail'e, le dogme stoïcien
le;• lc,inont p. 336), fait longuement son exa,nèn de conscience a.u
sur la nature de la faute, (( omnia peccata paria,,, rond nHJmenl crucial do ln pièce. Il sen1ble quo Jl,[énnndre affectionne
11,
iR •
inutile le désir do scruter la val.e\lr de ses actions. cns ,niscs au point dans lâ lucidité : on les retrouve da~11 la
Cependant, beaucoup d'auteurs stoïciens recommandent Perikcirt11mb1tl et dans les Epitrcpo11tss. De même dans miunles
té• pièces de Plaute (Epidicus 384; .S-tichu.s 1.22-126) et_ de 'f'érènce.
nt l'examen de conscience, co1nmc Sextius, Épictète,
Marc Aurèle. none son TJ,ycstes (398·~04), Sénèque affirme le b1enfàit de ln
'~s, connaissance de sol : • Ln ,nort ne a'appcsnntît lou1·dement
le Ainsi S6nèqu8 : • Est-il rien de.plui; beau quo cotte cou turne quo sui• celui qui, lrop connu de to\1R ,ncurt ignoré de Jui-mên1c
1

o- do scruter touto une journée. Qt18l sorn1ne!l suit cet examen (iguotus moritur sibi) • (Tragédies, t, 2, t,racl. L. Herremann,
rci cle s<>i-1nô1ne, qu'il est t.ranquillo, J)rotond et libre, quand coll. Budé, Pa1•!s 1 1926, p. 104).
la l'esprit a été lou6 011 ilverli, quand il 6'el:lt fnit l'espion, le ' -
'fonte·s ces attestations resteflt éparses et assez
ire conscur secret dn sus propres mœura I J'use de celte tacullé
ot chaque jo11r je plaide 111a enuse clavant moi. Qunnd on n indéterminées; elles ne sont pas toujours mises en
enlevé le flarnbeau et que 1nn fer:nn10, déjà habituée à mn rapport explicite avec les principes établis par les philo-
ie n1nnière d'agir, s'est tue, j'examine toulo ,ua journée et je snphes. La continuité n'apparait que lorsque la respon•
rz.s • n1es11re ,nos !ails et dits; je ne rne cache rien, je no me posae s;ü1Hité personnelle se trouve exigée, par exemple, dans
,Je rien , (De irci ru, 86, 2-3; trad. A, Bourgery, coll. Budé, Paris, la Bible, où l'histoire individuelle fait corps avec
1922, p. 108). l'histoire universelle du salut. Cf · infra, § 11 Examen
os.
i; l,e griûthi seautor1 socratique expriuie l'hu,nil'itê de <1 ans la Bible.
\8 l'homrne en face des dieux, la reconnaissance des 5. Le rabbinisme, - Le te1•me ,]Je§bon ( compte,
tn. limites ,de son êtro, plutôt que l'approfondissement de somrne, responsabilité et récompense) se rencontre troi:;
1d la conscience 111otale (W. Jaeger, Pai<leia, 28 éd., t 1, fois dans la Bible, 1.oujou1·s dans l'Ecclésiaste (7, 25
er Oxford, 19ii6, p. 1G7, 28~). D'aut1•0 part, pour Socrate, eL 27; 9, 10). A partir du 128 siècle, avec la traduction
l'examen de conscience ne peut être sépal'é de la direc· hébraïque çle l'introduction aux devoirs de8 cœurs de
tion spirituelle (DS, art. D1nEcT10N sPrn1TUELLll, Jlahya Ibn PaqOda (cf infra), il deviendra l'expression
x, technique qui dér,igne l'examen' do conscience au sein
:e. t. 8, col. 1002-1004) et il n'apparaît pns comme un
'il exercice qu'on doit. pratiquer pour son propre co1npte <lu judâisme. Auparavant los écrit.s rabbiniquea ne
.r. ' (J . Maritain, Socrate fit la philosophie ntorttle, dans l'emploient pas dans ce sens précis.
J)ICTIONNAll\E DE srTR(TUALITP.. - T. IV.
57
1795 EXAMEN DE CONSCIENCE; 1700
1 °, Gliez leii oonune11tateur.s de l' Écriture. - Ou trouve à la ptu•ification, et. à la con version, intérieure, il faut
pourtant le mot dans un passage du traité Baba Batra. aussi, se souvenir que llenselgnernent' rabbinique intê,
(ch. 78) qui exalte. la· pénitence intellectuelle, la plu~ riorise• au· maximum les cultes expiatoires d'Israêl :
haute des 1•epentances. Cette pénitence intellectuelle aboutissement d'une évolution qui remonte aux temps
naît de la reconnaissance lucide de ses péchés. C'est. des prophétei, (voir H. Wenscltkewitz, Di.6 Spiriiuali•
ainsi que. le.B aba Batra· comn1ente allégoriquement u11 sicrung der Kultusbegriffe, dans .,<Jngelos, t·. 4, Leipzig,
passage des lvo1nbres (21·, 25) 01'.1 il s'agit de la capitale 1932, surtout .les p. 88-109).
moabite : «·Allez à I:Iesbon,.signille : Venez, considérons Les anci~ns rabbins ont souligné avec insistance la
les con1ptes· du, monde·, la•pel'te entrainée par l'acco,n • nécessité de la contrition sincèie, de la repentance ioté•
plissement d'un précepte en regard' de la récomponso rieure; la confession du jour d'expiation n'est. pas un
assurée par son obse1·vance ». Le 1nême sens allégoriquci rite qui consisterait en récitation de formules impor•
ost:. repris à propos du verset 28. L.e Q comp le » de la sonnelles et for1naliates ; clic est au contraire pénétrée
conscience fait nai Lre la• pénitence et l'accompagne · d'un grand sens de la responsahilit6 personnelle. On
dans ses pre,nières phases (cf A. I. Ha-l(ohen l(uk, trouvo dans la littérature rabbinique des énumé1•ations
Orotli lfatesubah (= La lwnùlre de la pénite,ice], J éru- détaillées do péchés; elles aidaieot l'israélite à .. r~asser
salen1, 1945). L.a même idée se retrouve sous l'image dt.? et1 revue la IL<.1te do ses manquements commis d'epuis
la pesée dans la Sanliddt-in : la dernière célébra tion d'expiation. Rabbi Aklbn
" Il dev!'a réOô<ihir (r11emclÀ111ef) à la perte qu'il subira pnr 1,:, · donnait trois normes pou1' jugeJ.1 sa conduite à l'égo.i:d
filit du pé'ohé ·ot 'la· posor d::1ns .ln b::1lance avec ln récom1>onso , de Dieu, do ses semblables et de sa propre conscience :
due au respect du })1'6capte... • (171) ). · col\li dont la prière est. fréquem1nent sur les lévr.es,.
Lo 1not « mnsme§ • •(cxarniln des notes à vonir)·ot son corréln- qµe cela lui serve de bon signe. Celui qµi donne satis-
tir •· paspei. • (examen des. actas pnasés) sont lus 0xpre35ions fact.îon aux hommes, celui-là donne satisfaction à D.ieu
rabbiniques les. plus précisas pour parler cle l'cxan1in1 de cons-
ciewe. . aussi. Celui qui est satisfait de ce qui lui agpartient,
Ainsi dans 10 tl'llilé llrubiil ('13b): • Pendant deux ans ot den1i cela est pour lui un bon sig,1e (cf w: Hacher, Die Aggpd(I,
la 111aison de Sarnai et la n1niaon de Hlllol ont discuté... Enfiu der Ta11naucn, t. 1, Von Hillel bw A.kiba,, 2" éd., Stras,
<in 1nit la chose·aux voix et il tut décidé qu'il ébtit mieux polll· bourg, 1903, p: 275 svv) .
l'hom1ne de n'avoir po.s étô crllé que d'avoir él~ créé; mais ét11ni Rabbi Meir, le grand disciple d'Akiba, donne à la.
do nné• 1naintiln11nt· qu'il est• créé, il doit s'examiner aui, se1: purification all jour d'expiation la valeur d'une véritable
11.otîons, passées (pns peli) .. , s'ln tcrroger sur ses,ac ~lons fu t,~reo éducation qui s'achève dllns la présence de Dieu :
(mq,ar~i), •·
. ,,. Décidez-vous de- tout èœur et avec toute votre âme
Ce.passage pessi1niste donne à l'exa1nen de conscionc" à connaîtrf;l mes voies·et à veiller aux portes de ma Torah;.
une place ilnportante dans la spiritualité rabbinique : gardez la Torah dans votre cœur et ayez ma crainte
Dieu donne le remède d u repentir ot celui de l'avortis- devant vos yeux ; sauvegardez votre bouche· de tout
se1nent qui frelner·a le péché à l'a venir (cf A. Büchler, péché, purifiez-vous ot sanctifiez-vous... et j'e serai
Studie.~ iri Sin and .llton(lment in the Rabbinio L itoratur1: avec vous partout! » (Berakoth· 1 ?a).
of ehe '{/,rst ce,ttury, Londres, 1928, ,]). 210). · La To'r ah à l'intérieur de l'âme assure au juif fidèle
Le· juste visilé par l'afJJiction doit aussitôt exruniner cotte capacité de s'éduquer dans le domaihe religieux
sa conscience, chercher mi11utiouse1nent ce qu'il a et 111oral; cette auto-éducation est uli trait caraclérls-
laissé passer inaperçu et on detnander pardon; souf. tiquo. du judaïsme, et l'exan1en de la conscience y Joue
frances et épreuves incitent à un examèn toujours plus \l Il rôle essentiel. 11 convient do noter que dans la liturgie
a1>profondi afin d'arriver à la pureté de l'intime de l'âme. synagogale du jour d'expiation l'examen de ta conscience
Plus la souffrance est humainement inexplicable, personnelle et la confession des péchés laissent la
plua le jµste doit r.echercher ses 1noindres Cau tes ; la premièro place à la prière co1nmunautaire d'inspiration
lucidité croissante conduit à la pureté. Ainsi, à Éliézer biblique (voir I{. l':lruby, Quelques notes sur le TalJanun
ben lilyrkanos, ~ffligé •d?une gr·ave maladie on dépit de e.t la place dB la prière indù,iduellll dans la l'iturgie syna-
sa pleine fidélité à .Ja'. 1'01·ah, R abbi Akiba fit comprend re gogale, dans Ménwrial Renée Bloch, Cahier.~ sio11ie118,
1 \ que•justement lt1i, le juste, est affligé pour reconnaître t. l1.• 19,60 [1961], p. 265-285). La responsabilité que (
ses· ra,,es péchés et en faire pénitence afin d'acqµérir nous appello1•ions communautaire apparaît aussi, dans
l'héritage (cf/\. OOchler, op. t•it., p. 186-187) . La Bible tobliga.Uon de se réconcilier avec son prochain; cette
et la docb'ine rabbinique fo1•m enL suv ce point un tout, réconcilia,t ion est regardée comme une condition préa-
celle-ci épanouissan t. les données contenues en gorn1e J;1blc à la réconciliation avec Dieu au jour d'expiation
dans lu première (,voir par exen1 ple Je Midrash 1'a111Juma (cf A. BüchJcr, op. cit., p. 351).
expliquant Isaïe 26, 20 et P.rov. 20, 27). 2° Btihya Ibn Paq,îda. - ,Jl1ge dans une cour rabbi-
Pourtant, cet exa1nen rigou1'eux auquel Sil (,1•ouve nique de l'Espagno mu'Suhnane, à Saragosse ou à Cor•
an1ené le juste souffrant est 1•equis de tous les fidèles doue, uu 1 f " siècle, Paqüda écrivit en arabe son Al
juifs, 1-Iidttya '' ila. fard'i<l al qula.b (Introduction aux de11oirs·•
Au jour de l'expü1 tion, la. pureté la plus hat1 te est de,<J cœurs, trad. A. Chouraqui, Paris, t 952). L'examen
e:x;igéo de tous. Nombre de textes rabbiniquoo attestent de conscience (1nu]Jdsaba ) y tient une place importante:
cette exigence, st1rtout à partir du conunentait•e du c'est le huitième « portiq\le » par lequel l'âme doit passe!l
Cantique des cantiques :« Jc·suis noil'e, niais belle » (t, 5). dans sa marche vers Dieu. Paqüda le résume dans, ce
Au centre de la liturgie synagogale du jour d'e:icpiation distique :
se· trouvait la confession obligatoire des péchés, dont la
J)ra·tique, fondée sur plusieu1•s passages bibliques, • Exa,nine avec 8agesso la voio du Seigneur, la nor1ne exacte
remonte probablement à l'époque postexilienne (cf et dl'olLil en t a pensée secroto • (trad., p. 622).
Et ailleurs : • L'oxamen de consclcnco consillte pour l'hommo
A. Descamp, al't. Justice, DBS, t. 't·, 1949, col. 11.i.51- à f(l.ire avec sa 1•aison un compte exact dos intérêts de sa reli-
11.i.52). Si ce jour d'expiation étuit sp écialement consacré gion ot de sa vie di111s le siècle, ann de conna1ll'O ce qui, de ses
'96 t'Z97, DANS LR/; R!ABBINISME & L!ISLAM 1798
1u t actes, est, P,Our lui ou contre lui... Nous devons,nous souvenir: servir av.eo: lour. cœur et leul'll memqrea·. ◊ 'mes frères, creusez
bé• de. nos fails.,et· do nos ge.~tes passés. Pareils à Eli hou, ,nrenons jusqu'au plus profond de vous-mên1é8, et, jllilqu'au socrot do
l : nos r4isons dans l'éternité (Job 3G, a)• (trad., p. '•58). vos t)Oitl'ines, et1pur~fiez•l!!S de toute malico, .de touto haine, et.
do t.oute tendance à · so réjouir· des malheurs des- autre,,. (cf
1p s ~1. Smith, An sarly MyJ1tic .. 1 p. 111),
Selon Paqnda, cet exercice s'impose à tous avec la
rli- Los autrés ·traités de Mul;ià.,ibî' reviennent fréque11i1nont sur
même rigueur·; cependànt, en psychologue spirituel
avisé, il recommande la prud_encc pour éviter tout l'exnrcico do l'cxamcn·(vg ibidètn-, p. ti'O et 52).
'

la scr,upulè. L'examen est d'abord une mise au point de 2° Ga.zdli (105.8,J .111). est un héritier de Mul}âsibi•.
ié-
ses droits et' de ses devoirs. Mais ce n'est pas tout : Pou1· lui, l'examen de• conscience est une des pièces•
llll
dans les trente points successifs qu'il propose à l'exa- 1naîlressos, de la lutte contr.e· l'âme (=- contt;e soi)., Le,
~r• men du fidèle, Paq))da expose tout un itinéraire spirituel liv1•è 38!! du .l/Jya' 'llla,n al-di,i (Revi11iscerice·des,scienccs
ée
1 qui culmine dans l'octroi de la· science intuitive et.dans de lu religio,1). expose, toute unec doetrine dÙ contrôle:
)n l'ùnion d'amour de la volonté humaine à la volonté SJJit•iluel. (,murdqaba). el de Hexamen de· conscience
ns divine {O. Vajpa, L''arnour de Dieu dans la théologù1 · (.niitf)dsaba).
:er ii.tive dit ,noyen dge, coll. ~tu des de philosophie médiévale
A la suite do l\1ul,1.âsibï, pour qui·lo contrOlo (muraqdba) do
lis !t6, Paris, 1957, p. \!8).
L'enseignement de Paqûda sur · l'examen est à la gno\u' l'ii.1ilu • est la connaissance du, cœul' par la proximit'6 du Sei•
~a •,·Oazâli explique que co:oontrôle est • Jlobserv~tion de
fois complet, nuancé et spirituel. Il insiste sur la pureté l'int.ime· du.cœur ,, conslsl!Ult.dans «•urri r.egard sul'·Celui qui.
rd
de l'in.tention dans les pri~il•es comme dans les œuvrcs . conlr1}le, une convors1on vers lui ,,,,Ce.regard est.l'essence.do.la ,
'1s,: (trad., p. 473·-1~79); il reconunande de ne pas abandonner n1urllqaba. On, entend par là, continue Gazâll, • un éJ;at. du
lg. l'exa!Ilon, • lorsque ' le cœur s'agite, loraq,ue le monde cuiu1·, fi·ult d'une eap,èce de connaissance, cl cet état p,rod,uit
lU
alisorbe toutes ses forces, toute sa volont~· » (p. 488). dès actes dans les organes et dans lo cœu1·. L'état est une garde
1t, li renvoie sans cesse le ftdole à l'~criture et aux écrits du coour pour Celui qui conlrOlo, une ap,pUcation du cœur à
ta des.docteurs, car l'âme.et le sens spirituel des Jllcrltures ' qui liui, se tournant. vers·Lul.. , tendant·vers Lui: La. connnissenco
n p4;1\1r fruit cot 6Lat· consiste à savoir q,.10 Diou voit los
s, so compénètrent intimement. Reçue de Dieu, trans1nise pen~êes cachaoe, connait les ,conacJences, contrôle les actions de
par Ja. tr.a dition biblique, acquise personnellement à ~ses) sorvitours, .surveille pour chaque ii.mo ce. qu'elle gagne.. ;,
la l'intime de l'âme, la sag!')sse est riche de consolation et l'inliu\o du cœur est de droit ducouvort pour Lui• (op. ~it., t. ,.,
I.e de miséricorde, parce cru'élle rayonne . de la lumière Le Co.ire, 1861, p. t,t::l-~1G).
• et' de l'amour do Dieu .
• Dans son exposé, Oa1,âli maintient la forrne du dia-
te 6. L'lslaDl•. - Les auteurs. ascétiques 1n,isulmans logue entre l'intelligence et l'âme; la langue ara.be ne
1l• accorden t•une place importante à l'examen de conscience. disposant pas d\l pronom de nos verbes pronomina,1x
le Si le terme consacré par eux pour·l'exprimer, mu/Jdsaba, ni de l'expression •· soi-même », c'est toujours l'intelli-
1t ne se trouve pas dans le Coran, le verbe correspondant, gonce qui, demande des con1ptes à l'iàne. Avant tout,

!U /Jâiiaba, 'y figure; il signifie demander des comptes, l'in t.elligence se•propose la purification de l'àrne el parle
raira rendre compte, et il a toujpurs Dieu pour sujet : à ctille-ci comme un•commerçant à son associé, posant•les-
te « Que de cités ayant été indociles à l'ordre de leul' Sei- conclitions de leur action commune en vue du bénéfice·
,.
X gneur et de ses apôtres, auxquelles nous avons fait à réaliser. Par les dernandes de comptes, les reproches,
rondre, con1p te d'une rnan.ière terrible 1 )> (Lxv, 8, trad. punitions, exhortations, l'intelligence pousse l'â1ne dans
re R. Blachêre, Paris, 1957, p. 602). « Ceux-là auront leur les voies du salut (p. 41'2).
le r,étribution auprès du Sijigoeul'•.Allah est prornpt à faire L'examen de conscience (rnul)dsaba) se place à la fin
:e rendre compte » {n1, 199, ibidern, p. 108). lvlais il n'est de la journée et porte su 1, tous les mouve1nenta de l'âme,
a pas question d'exan1en do conscience do.na lo Coran. jusqu'au silence, au so11uneil. Il fa,1t que l'âme soit
n · L'introduction de l'exa,nen de conscience , dans la exa1ninée jour par jour, heure par heure, da,ns tous ses
Il tradition musuhna.ne est cependant précoce (L. Massi- organes extérieurs et intérieurs (cf p. 112.4 ). Cet examen,
!• gnon, Esaa,i. sur les origines du lexique technique de la appelle des sanctions : compensation du mal com,nis·,
,, 1nys1ique 1nuBul11iane, Paris, 1922; p. 169 svv). priùre, jeûne, aumône, . pénitence;. pa1•fois le reproche:
e
s to Muh,dsibl· {781-857). - 1\bu 'Abdallah };larith ben sufli t,, oui même ·l'exhortation. Cotte vigjlance et l'exa-
Asad Al-'Anizi a été surno1nm6 Mul~âaibi (= celui qui men de conscienr.e font par,tie Intégrante de 111 lutte·
e

pratiq:ue l'exa,nen de conscience); il so distingue pa1• con l.1'e soi.
u la techorchc implacable d'une purification morale Cet enseignement de Gazâli, comme sa doctrine de la
croissante. Dans sa Jli'aya, il jette los fonde,nents de pllriflcation de l'âme, est fort riche. Mlgnel .A:sin Pala-
cette « 1néthode )) d'int1•ospection ... Il montre qu'une cios y retrouve une transposition de l'ascèse et de la
• corrélation est t•6a1isable en'Lre·deux séries d'événements mystique chtétionne (.la espiritualidad de Algazel y su
humains, les actes-externes des 1nen1b1•es et,les intentions sentido cristiano, t. 3, Madrid, 1984, p. 80-11'1). Sur lb
l des cœurs » (L. Massignon; a,rt. Mul].tlsibl dans E11cyelo- poi11t pl'écis de l'exa,nen de conscience; il parle d'une
r pédie de l'lsla,n, t. 8, 1936, col. 74 7). Lo texte essentiel Olh1tion chrétienne pure et sin1ple (La. mysliq.ue d'Al"
l sur Uexamen se trouve d.ans lo.chapitr.e 5° de son grand Ga~zdlî, dans Mélange8 de la. faculté orie11tale, t1 7,,
ouvrage K itdb, Al,Ri'dya... (= , L'observance due a1.1,x Beyrouth, 1914-i 921-, p. 67-10'1,; surtout p. 90-91) ,
droits de Diêâ i éd. M. Smith dans E •.J. W. Gibb's L. iVCassignott refuse cettn filiation (Essai sur ù1s ""igincs:.,
Mernorial Series, nouv. série 15, Londres, 191,0; extraits p. [i3, note 2). L'exa,neo de conscience au,sens islan1iquo
dans An early Jlf.ystic of Bagdad, Londres, 1-935) : se distingue· foncière111ent de l'examen chrétien par la
rnanièro d'envisage1• la nature de lil faute; on Islam,
l • Le rondon1ent de l'obéissance est.1'1.1hRtenlion de ·ce qui est pul'eté légale et pureté de cœur apparaissent sur le
illicite, ot le fonde111ont· de cette 11bstantlon est l'examen de même plan; faute morale et faute juridique ne se dis•
conscience (rnu(1dsaba) , lui-mllme•fondé sur la crainte et l'esp6-
• ranco; et ce qui amène à l'ax1unon do con.,cience; c'est la tinguent pas suffisa1nment. (G.-H. Bousquet,.La mor(Ûè.
connaiBsance qui rend les créatures de Dieu, capablés de· le de l'lsla,n et son t!thique sexuelle, coll. Bibliothèque. de
'
1

1799 1
EXAMEN DE CONSCIENCE 1800
Ja faculté de droit d'Alger, Paris, 1958, pa118ùn). L'exa-
1nen de conscience reste un exe1·cice spirituel extérieur
signification est déjà spirituelle. Du même geJ1re le Ps. ,
(

26, le Lavabo de la messe : « Je lave mes mains en l'inno- il


à l'ascèse islamique; il serait plutôt un hél'itage de la cence et tourne autour de ton autel » (v. 6), qui corn• [
tradition israélite· (J. Goldziher, Die Zurechtwcisung tler mence par un examen de conscience : « Je n'ai pas ôté
Seele, dans Studios in lewù1h Literature, Mélanges l
1n'asseoir avec le fourbe .. , j'ai détesté le parti des. (
Kaufmann Kohler, Berlin, 1913, . p. 183). méchants ... » (v. 4-5). Il n'y a pas à se scandaliaer de ces
7. Conclusion, - La pratique de l'examen de cons• protestations d'innocence; elles sont faites au contraire l
cience s'est ébauchée ()ta pris forme au sein des milieux pour que le fidèle, à qui l'on fait prononcer ces paroles 1
spirituels qui accordaient une attention prépondérante au moment où il s'approche de l'auto!, prenne conscien~ .
J
à la vie i.ntérieure et à l'introspection. Toutefois, Je de leur sérieux et de la responsabilité qu'il encourt si
simple recueillement cultivé dans ces manifestations elles contredisent sa conduite. Du mê1ne genre encore les
anciennes de !'Ame religieuse n'est J)as encore l'examen avertissements d'}!}zéchiel proclamant la responsabilite
de conscience; l'âme se replie seulen1ent sur elle-même. de chacun devant Dieu : ~ Un homme qui est juste, qui
Plus ta.rd, l'examen s'oriente vers un idéal moral et pratique le droit et la justice.. , observe mes lois dans
ses traits spécifiques sont toujours Je fruit d'une maturité la loyauté, cet homme est vraiment juste, il vivra,
de la responsabilité personnelle. oracle de Yahvé » (Éz. 18, ;i•9).
L'ex.amen ne se sépare pas du sentin1ent de pesanteur En tous ces cas, l'examen de conscie[lce, moyen d'accès
éprouvé par une âme qui ressent son passé comme une à Dieu, se fait sous le regard do Dieu ; « Scrute-moi,
réalité dont elle est alourdie. Mais ce sentilnent mê1ne Yahvé, éprouve-moi, passe au feu mes reins et mon
nait du recueillemont habituel : cette interférence entre cœur >> (Ps. 26, 2); « Avec quoi me présenterai-je devant
l'examen et lo recueillen1ent ren<l difficile la dissociaUon Yahvé? » (Michée 6, 6). Il arrive que, si l'examen
des deux processus. Cet enracinement de l'exâmen de préalable n'a pas été s6rieux, Dieu intervienne et l'emeUe
conscience dans l'introspection perrnet de découvrir le récitant blasé en face de sa conscience : « Que viens-tu
sans surprise sa pratique, plus ou 1noins pure et élaborée, réciter mes co1n1nandemonts, qu'as-tu mon alliance à la
au sein des vieilles cultures orientales et dans los cou- bouèhe? .. Si tu vois un voleur tu fraternises, tu es chez
rants spirituels de l'Égypte et de la Grèce. Mais c'est toi parmi les adultères » (Ps. 50, 16-18; Isa'ie 58).
surtout grâce à la révélation de l'ancien Testament, Plus d'une fois, en regard des fautes accumulées, Dieu
et à l'acquisition du sens de la responsubilité pllrson, dresse le tableau de ses rniséricordes : « Tu rte t'es guère
nello qui en est le fruit, que l'âme juive connait et prati- fatigué pour 1noi.. , rnais tu m'as fatigué J)ar tes méfaits...
que l'examen do conscience le plus partait que nous Souviens-toi, afin quo nous en jugions ensemble» (Js. 49,
connaissions en clehors du christianisme. 22-28). C'est le thème du procès de Dien avec son peuple
. Cet article résume une étude plus développée parue (Is. 8, 18-15; 5, 8-4; lér. 2, 9; Osée 4, 1-5 ; Mi.chée 6,
dans lvunien, 1:. 6, 1959, p. 175-233: L'exame71 d(I cons- 1-5), le thèrne dos imp1·opères.
eiilnc(I dans les rcliginnii non-chrétienne8 et ava,1t le 2° Parce quo l'ho1nme ne prend pas au sérieux la
chrÜltianisrne. - Voir aussi art. EXAMINATIO, DS, t. '• • sainteté de Dieu, parce qu'Israël n'écoute pas les pro-
col. 1849-1866. phètes qui l'avertissent (« prépare-toi à rencontrer ton
l·Iasso JAEcEn. Diou », Amos 4, 12), la venue de Dieu, qui devrait être
le salut, est d'abord la ruine de son peuple. Néanmoins,.
II. DANS LA BIBLE la leçon des p,•ophètes, négligée avant la catastrophe,
L'examen de conscience tienL une place ilnportante porte son fruit quand est venue la ruine. Le temps de
dans la Bible. A peine Adarn a-t-il péché que Dieu, pour l'exil et celui qui le suit sont ceux des grandes confessions
lui expliquer la peur qui le saisit à l'approche divine, du pe"'ple pénitent (Esd. 9, 6-15; Néh. 9; Dan. 3, 26-45;
lui fait interroger sa conscience : <( Et qui t'a appris que !I, 4·19), bâties selon un schéma typique : proclamation,
tu étais nu? 'l'u as donc mangé... » (Ge,1. 8, 11). Saint ùe la grandeur de Dieu, revue parallèle des gestes d'Is-
Paul commence l'Évangile qu'il est chargé d'annoncer raël et des gestes do Diou, pruisage du passé à l'avenir
par un ex.arnen impitoyable de la conscience des païens $OUS la forme à la fois d'une résolution et d'une prière
et de celle des juifs afin« que toute bouche soit fermée et (cf les <( et maintenant» d' E1Jd. 9, 12; Néh. 9, 82; Dan.
le monde entier reconnu coupable devant Dieu » 3, 41 i 9, 15, 17).
(Rom. 3, 19). 3° Toutefois, l'exa111en de conscience ne per.i,t suffire
1. Dans l'ancien Testai:nent, l'examen de cons- it mener l'homme jusqu'au centre de son péché et à le
cience a sa place à deux. mornents essentiels, quand il rendre capable de se présenter devant le Dio\1 saint.
s'agit d'accéder au culte et quand le malheur vient de C'est l'une des leçons ùe Job. Job, épl'ouvé par le mal-
signifier la colère divine. heur, a sincèrement scruté sa conscience et n'y a pa$
trouvé de Cau tes; son examen a été assez loyal pour lui
1° L'<tecès au culte, c'est-à-dire à la rencontre avec donner la force de tenir tête à ses amis qui refusent de
Dieu, présuppose un exan1en de conscience. Plusieurs r.roiro à soo innocence. Elle est réelle en effet, et Job
psaumes, plusieurs · textes prophétiques fourni~sent des n'a point de reproches à se faire; mals li doit découvrir
modèles où l'on voit le désir d'approcher de Dieu et de que Dieu est au delà do toute créature et que son mys-
trouver sa présence posai• d'abord la question de la tère dépasse tout regard humain. Ce Dieu bouscule
pureté préalable : « Qui montera à la rnontagne de dans l'homme le témoignage de la conscience : « Suis-je
Yahvé? Qui se tiendra en son lieu saint? - Celui coupable, malheur à moi I Suis-je innocent, je n'ose
dol}t les 01ains sont innocentes et le cœur J)Ur, qui ne leve1· la tête • (.lob 10, 15), mais c'est pour lui fairè
,, porte pas,son âme à la vanité et ne jure pas pour trom- reconnaître sa limite fondamon tale : (< J'étais celui qui
J)er » (Ps. 2'•• 3,4; cf Ps. 15, 1-5; Isaïe 88, 14-16; Michée brouiUe tes conseils par des prOJ)Os dénués do sens •
6, 6-8). Il est probable qu'au point de départ de cette (t,2, 8), pour lui permettre de découvrh• que « toute
exigence il faut placer les ablutions rituelles, mais leur notre Justice est comme du linge sale » (ls. 64, 5) et


i801 DANS LA BI BLE 1802
.800 .
d1étro ainsi rendu capable 'd'apercevoir un nouveau d'un examen comparable à ce quo nous appolons
•-Ps. visage de Dieu, une forme nouvelle et plus proche de l'oxumen de conscience. Nous ne reviendrons pas sur
nno- sa présence : • Je ne te connaissais quo par ou'i-dire, l'ex:,men chez les stoïciens, ni non plus sur l'appel à
:om,. mals µ-ialntenant mes yeux t;ont vu » (Job 42, 5). Pour l'exarnen de conscience en face de Dieu et du salut, tel
1 été parvenir à. cette expérience, l'examen de conscience quo la prédication des Pèreo l'expose habituellement.
de$ ordinaire, · celui qui ne peut précisément atteindre Délibérément, nous n'envisagerons ici que l'exercice
• ces O.tl delà de ce dont nous avons conscience, ne suffit'plus : do l'examen de conscience, laissant de côté la question
~aire Dieu lui-même vient purifier la conscience de son servi- de (\et état permanent de vigilanc1:1 dQns lequel doit
•oies te'Ur. ~preuve redoutable, qui semble conduire l'homme vivro le chrétien, 'llt que l'examen périodique de la
!ilce jµsqu'au bord même de la damnation, épreuve qui conlicienee a pour but de favoriser.
~ si ~t uro puriflcation do la conscience, dont le point do 1. La première littérature chrétienne. - 2. Aprè& la
~ le;s départ est un exan1e11 de conscience du type ordinaire pai:i: co11,stantini11nn11. - 3. Conclusion.
Ulté (Job 81) et le point d'arrivée un nouvel oxamon do
qui 1. La première littérature chrétienne. - Tout
con$cience : « J'ai parlé santi intelligence>> (Job 42, 3; cf ce que les Pèrei, des trois premiers siècles doivent au
lans Ps. 7$, 22, « stupide, je ne comprenais pas»).
vra, stoîci.c:mc nouveau, spécialement dans le domaine de ln
2. Dans le :nouveau Testament, l'examen de philosophie morale, commence à ~tre désormais mieux
conscience demeure la condition préalable pour avoir connu (cr M. Spanneut, Le stoicisn1e des Pères, de CléT1UJrit
CC~$
noi, acèàs à Diou. jean-Baptiste annonce à la fois l'immi- de Rome à Clément d'Alexandrie, Paris, 1957; J. Stelzen-
non nence du royau,ne et la nécessité de se remettre race ber~~er, Die TJeziehungen der friihchrisùic}w Sittenlchre zur
·ant -à sa conscience (Luc 3, 1-1/i). ,Jôsus proclame les béati- Ethik der Stoa. Eine Moralge&chichtliohe Studîe; Munich,
nen tudes comme la voie d'accès au royaume et•invite ainsi 103'1). Or il est assez remarquable que, durant cette
)tte à l'examen de conscience. Tout le Sermon sur la mon• période de l'influence sto'icienne, l'examen de conscience
l•tU
tllgne est un appel à examiner sa conscience et une ne i;oit pratiquement jamais mentionné au nombre des
~·la lumière infaillible pour en discerner les orientations pratiques p1•opos6es aux chrétiens pour entretenir la
h.ez profondes. Lo lavement des pieds enseigne que, pour ferveur de leur foi. Deux ou trois exemples suffiront à le
iS). « avoir part » au Seigneur et à sa table, il faut d'abord Jnontror.
ieu accepter la loi évangélique et être capable do « se laver On s8.it comment H. Lietimnnn, interprétant DidanM 10,
ère les pieds les uns au x autres» (Jean 13, 8, 14). Saint Paul 6 (•t 1'1.Ç <lyt6ç t<TTIV, tp)(ta&w, .r ort<; Oil)( iaTW 1-1•1'>XVO&h.,),
ater.tit les corinthiens d'avoir « à. s'éprouver chacun y voyait non seule.ment l'invitation à la conununlon, 1nals
soi-même•, ailn de n'avoir pas à« répondre du corps et aussi à l'exanien de consclonco. Mais récemment, J,•P, Audet
~3. a ,110 11tr6 co1n1nont • ce sens donné à llywç en fonction d'un
ple du sang du Soigne\lr ,, (1 Cor. 1.1, 27-32; cf 10, 21 ).
L'ex:unen de conscience chrétien se Cait devant le oxa111en do conscience. individuel • est • ici complètement
6, ' anachronique » (La Didacliè. l11s1ruc1ion des Ap.Strss, coll.
Soigneur, ot plus précisé1nont devant sa croix. ll a Études liibliques, Paris, 1968, p. 1,18).
commencé à l'insLant de la mort de Jésus, quand les Clé1nent d'Alexandrie (DS, t. 2, col. 960-961) connait cor-
Il\ foules, • venues pour assister à Cjl spectacle, s'en retour- taine,nént très bien les moralistes stoïciens. Il utilise même et
'O• nent en se frappant la poitrine» (Luc 23, 48). La prédi- co1n1nonto à plusieurs reprises le yv~81 accxu~ov (vg l'ddagog1te
)ll cation de l'Êglise naissante, telle que la décrivent les 111, ·1, 1; Stromaws, 1, 17(1, 2; 111, 41,, S: 1v, 27, S). Cette sent~nèe
re discours de saint Pierre au livre des Acte&, est un appel est t>ourtant toujoura interprétée da.na le Séns d'un 4/al perma-
s, à l'examen de conscience, construit selon le schème pro- nent d'attention à soi-mêrne et de vigilanco intérieure, ja1nais
e, phétique mottant on parallèle les manifestations do la dans celui d'11n acui p6riodiqus do retour sur sol. • Clémont
le ne semblé pas connaltl'O encore l'exnmeq quotidien de soi-
générosité do Dieu dans la vie de J ésus, et l'acharne- n1Aino, la q,114«><·h 'l'oO voO • (W. Volker, Der waltrc G11ostiker
:s ment des horr1mes à. le rnettre à mort (cf Actes 2, 22-23 : nach Clomc111 Alcx<in<lrù,us, TU 57, 1952, p. 178).
'•
1
« cot homme que Diou avait accrédité... vous l'avez
n' tait mourir»; Actes 10, 38-39 : <c ... lui qui a passé en llc mêrne, Origène souligne à plusieurs reprises la
faisant le bien .. , ils sont allés jusqu'à le faire mourir»). nécùssité do la connaissance de soi, de ses progrès et des
r Prédication qui « transporco los cœurs >, et dôtermino lo étapes q,Ii marquent le chemin vers Dieu :
e repentir sauveur : <c Que devons-nous fail'e? >> (2, 37; « Vides quibus maosionibua, immo quibus profectibus iter
• cf 22, 10). L'examen do conscience du païen et du juif anhoao pru·ntur ad coelum? Quae si diligenter inspir;ias, ipse
que saint Paul poul'suit i1npitoyable1nent s'achève apuc:I temetipsum cotidianos prorectUJl tuos dlscullons, qulbus
devant le Christ rédempteur « exposé, i11stru111ent de in locis sis et quanl proxhnus a regno coelorum habearis,
l propitiation ~ (Jlom. 3, 25). J.,a croix met à nu le péché advertéll , (In N,uneros homilia XII, PO 12, 6680; éd. W. A.
de l'hom1ne et 1nontre que le pardon de Dieu est toujours B11ehrons, OCS 7, 1921, p.103; voir In Canticum ca11t. 11, PO 13,
lo plus fort. 124b-125b; OCS, 8, 1925, p. 1(18-14(1; et Co1nn1entaria in l's.
4, 5, PG 12, 11440),
Jacques GutLLET.
2. La littérature postérieure à la paùc oo:ns-
m. CHE.t; LES PÈRES DE L'i:GLISE tantinienne. - Progressivernent, la situation de
l'Él{liSè dans l'en1pire évolue : lo nombre des chrétiens
La prédication dos Pères est par plus d'un aspect augmente dans des proportions considérables, les J)el'Sé-
un appel à l'examen de conscience en face de Dieu et culions cossent (314, conversion de Constantin); le
de son salut; par le seul fait qu'elle expose la r~vélation, christianisrne devient, iious Théodose, la religion de
elle provoq\le l'auditeur à se situer directement sur le l'État. Ce statut politique nouveau marquera la vie
plan religieux de ses relations avec Dieu. En ce sens religie\lse des chrétiens : plus libre de s'épanouir, elle
largo, mais fondamental, de l'examen de conscience, devra désormais se tenir en g11rde contre la tentation
les Pères sont en pleine continuité avec la Bible. Nous de la facilité.
avons vu, d'autre part (supra, col. 1793), que le stoï- Quoi q,1'U .en soit de cette explication, l'examen do
cisme connaissait la pratique assez nettement délimitée conscience fait alors son app/;\ritlon progressive dans

/
1803
1
EXAMEN DE CO·NSOIENCE 1804
la littéro,ture chrétienne, com,ne un moyen privilégié Saint Grégotre le .Grand reco1nmande aussi l'examen 'J
de. surmonter oette tentation nouvelle. Recommandé quotidien :
d'abord, dans la littérature pastorale, .aux chrétiens 1
.v,ivant dans le monde, ce ,noyen d'entretenir et do 'Omriis Justus, q\ii vitam suam s611lcllus llilpicit et diligenter J
consider11t, q11antu1n ·quotidie in 'bonis croscat, aut 'lort8.1Jse
dé'lelopper l(l ferveur deviendra bientôt uxre des pièces quantum a bonis,tlecro.scat, ii;te, quia,se ante so ponit,coram
mattr.esses.de l'ascèse rnonasUque, à .mesure que llinsti• se ambul11t... Nec .sibin1ctlpisi ,praeaena est .qui semotipsu1n
tution monastique aura·, elle aussi, ,à lutter contre quotidle 'exguirere aul ,cognoscero sollicitus non est (In ,E u•
rusure du temps. 1llticlcm1, 4, 8, EU, 76, 819b; cf Moralia in Job 1'XV,.?, 1~, P.L ,7.Ç,
326a; etc). •
1o La littérature pastorale. - 1) Le.9 'Pères latins. -
La connaissance de,sol-1nëme (yvt.i6i ae:otUT611) et l'atten- ::M:ai$ il mettra principalement 'l'accent sur l'examen
tion à soJ ou vigilance (np6ocxe: ,ae:«u-r<j>, atte11de tibi) de conscience ··conçu comme l'exercice de la présence
qu'elle exige, constituent un thème f1·équent do l'homi- continuelle à Dieu et à soi-mênie. ·
lé,tlque l~tine. Déjà saint Amb1•olse commentait ainsi Comme Io noto Robert Gillet : • .Il préconise l'ex'amen ae
le psaume:11a, 59 (cogita11i 1>ias incas et a11erti pedes meos conscience qui, plus qu'en·un exeréicc découpé dans le 'temps,
i,, testùno11ia tua) : consiste pour lui•cn uné circonspection de tous los Instants, en la
Cogitandu111 e~t. jgitul' quid ,geran1usi ubi ,eniin praeccdH surveillance de chncuno do nos actions. Mais il reconnatt,9uc
cogitatio, rnaturitas opcrationh, adhibeatur. Itnquc pes istc , les prières donnent mieux le.sons de ln vertu que les examens
fidei vestigiu1n est quem, medilalione perpensa, a corporalibus de consclcnco.. , que l'oraison nous lo fait découvrir avec plus
molibua ad testln1011ia divina deOoxit (PL 15, .tâOse; cf corn• d'exactitude quo la recherche »,(Moralia 1, 4 7 bis, PL 75, !i~8c). •
montaire i;emblablo du ,nàme psau1no par S. Hilaire, PL o, La connni1JSnnco do Diéu nous aide à nous connaitre 1101111-
556ab). . nl'<lmos. 0 n juge d'aulant 1nieux de11 ténèbres que 1J!on cal plus
éclai.ré do lailumière. Plus.on est lllun1iné de la grâce, plus on so
Saint Augustin reprcnâ oe thème, dans ses sermons, saisit coupable ,et misérablo • (introdu,:t,ion aux Moralca sur
cn,présenti;tl\t le rotou1· .de la conscience à soi-môme sous Job, eoll. Sourcés chrétiennos,82, Paris, '1952, p.,65).
la forme 'd'un jugement (vg; « ascendat.itaque homo Sur le sujet qui nous occupe, ,saint Isidore de ·Sé:ville
adversum se tribunal mentis suac », Sorrno 3S.1, 7, 1' 686 n'est qu'un térnoin sans originalité (vg.,Syno,1yn1a,r,
PIJ 89, :t5t12; cf Sermo 13, 6, PL 88,110). Ce jugetnent, 34, et u, ,5, PL 83,, 885, 846).
où l'âµie .est à.l~ fois l'a<:cusé.eL l'aecusateu.r, i1 .est bon •
2) Les Pères grecs, - L'l!Jgllse grecque des 4~ et
qu'il se r.er,ro.duise (lUOtidiennemen~, .en sorte que soit
exclu ,tout danger de tiédeur,ou d'illusion.sur soi-même: 58 siècles accorde à l'exa1nen de conscience \lll.8 impor•
tance plus grande encore peut.être que l'f::glise 'latine.
:Neeesae •est ut per 11ingulos dias vita1n nostram ad judioium Lo Père qui s'est le plus ·souvent expliqué à·ce sujet 'CSt
i,ocemm, ,ot·quid egimus por noctem et dlom exe.triinemus; et
q11anto ·ad ·bona 'facienda sollto alacriores... Quiaquis •sélllcet saint \Jean Chrysosto1ne. Nous nous limiterons à quel-
cor s11um in hujusmoâi studio oxer<Jet, audiat quid quidam ques-uns de ses écrits.
sapiens dixit : scito ti1 ipsum (De ,apiritll et a.nin1a ~1, J:>l, 40, Dans les Catéch:èse.~ baptis,nales récemment. étlitées,
81.'Jb). l'examen quotidien de la consèience constitue l'une des
plus importante~ recommandations que l'évêque aâresse
C'est e.x.aêternent la pratique do l'exanten do ,cons·
cienoe, telle.qu'elle deviendra désorrnais classique dans aux nouveaux chrétiens. Il iloit leur permettre de
conserver sans tache leur ,, vêtement de lumière »,
llJ;lglise latine. Les successeurs ·d',Augustin •se •con'tonte-
ront de développer, o.u gré 'des circonstances, cette rie ne -pas se laisse1• peu à peu entraîner par ,< les 'fastes
recommandation de l'oxamen•jugement quotidien de diaboliques et toutes les autres ruses du 'Màlin ~ (1v., 32,
b•ad. A. Wengcr, coll. Sources •chrétiennes 50, 'Paris,
sa conscience. Quelques exernples su'ffiro·n t 'à lo montrer.
1957, p. 198-199). « Tels des soldats selon l'esprit,
A chacun de scruter sa conacienco, prêche saint L<ion, et v,iillants et vigilan'ts, 'fourbissei chaque jour vos armes
dé se présenter soi•mêrnc d sPant Roi pour u11 jugen1e11t personnel
tt rigo.urc,u:. Qu'il voie !Ji, dans.la secret·de s011 cœur, il trouve J:1 pirituel1es, Jl0\11' que !'adversaire, voyant 'l'éclat de
ceua,poix, que donne lé Christ, silo désir spÏl'ituol n~ost combattu votre ar1nure, s'écarte au loin et rt'lmagine· même pas
en lui p11r aucune convoitise charncllo, s'il ne .1népriso pas ce do vous approcher • (V, 27, p. 218). « Vous surtout,
qui est hu,nbla... Si, pout•Olre, il ne lrouve en lui aucun do chaque jour voiliez à l'éclat de votre vêtement, de manière
ces ,mouvemont.s déréglés, qu'il rechercho soigneusemonl, qu'il ne subisse ja111ais ternissure ou tache... » (vin, 25,
dans un ·sincèro ox111nen, do ,quélle natur<e sont sea pensées p, 260) .
babituallea (8• scrm.on sur k card,ne 1, J:>L 5~, 272o-2?0d; Plutôt que de développer 'l'image augustinienne du
t-rad..R, Dolic, coll. Sou-rces chrétionnos r.9, Paris, 1967, p. 40; juge1nent, ;Jearl'Chrysostome pré'fère comparer l'examen
voirrau.ssi, J •r sermon 5, ol Zl• sermon'•• PL 54, 266b et 80',a).
'
de conscience à la gestion de·ses•biens que fait'le finan-
Un .s.ermon de .la collection dite d'Eluaèbe le Gaulois, cier·conscienèieux. ,1 A l'exemple des hommes d'affaires,
qui est constituêe au 6& siècle (DS, t . 4, col. 1697), exarrtinons notre conscience, et faisons nos comptes
détaille assez lar•geruent ce qu'est l'examen de cons- pour savoir quel profit fut réalisé cette semaine, et quel
cience : la se111aine passée, et quel profit supplémentaire réaliser
~ Inspiciamus nos in quantum possumus oculis cordls, unu.s- la semaine pr.ochaine •• (In Gcnesini 11, 2, PG 53, 93;
qlii6que consciontias nostrns ante conspectun1 interioris homlnis cr 4, 6-7, et 28, 6, PO 53, 1,5 et 206).
Cônatituamus; ipsi nosmotipsos quotidle ·castigemus, lpsl Sur la doter1nination de l'heure et. du lieu les plus
. nobiscum rationcm de quotidiann conversatlone laciamus; propices à cet examen, et's\1r la méthode à suivre pour J
.alloqualur sa ,in secrolls cordi6... cl diclit : videa1nus 'Si hanc le bien réaliser, ,Jean Chrysostome, ,sans . pourtant s'y
diem sine pcccatô... transcgi •. Après avoir énuméré uno dou•
• zaine de rautes.à titre d'exen1plo, l'11t1teur inclto a11 repentir du référer ox.plicitement, retrouve ,les e~pressio11s ,de Sértè·
· bien qu'on n'a pas f11il, du mal qu'on a accepté, et à la fermo que (De ira rn, 36, 1-2). Expliquant 'le psaume 4, 5
résolution de mieux agir (Sr.rmo 1 de E'piJihariia, 'clans Maaoim,<i (quae diciti,$ in cordibus vestris, ,in cubilibus 11estris
bibliolheca vetr.rum Patrtun, t. 6, Lyon, 167?, p. 623èd; saint <:umpungimini), notre auteur le ·commente ainsi :
,Céaaire d'Arles t 543 reproduit à peu près textuellement ce Après ' lo sou pet", ou moment ·<i.•aner dor,nir, i!lors que 'l'on
·p8SS1.1ge•: Scrmo 58, S,éd. G. ~forin, CC 108, p. 256), va se·metlro au lit,' il n'y a plus personne ot lo calmo est·perfait;
1804 CJIEZ LES .,PÈRES l}E L'J;:GLISE -1806

llDlen di1ns Je monachisme basilîen (voir De renutttiatione


plus pel'1!onoe ne troublo la lranquillité; éveille 1dor11,Je tribunal .
,de .ta .conscience., •. do1nando-lui des cornpteil, •ét loul co que, saeculi 10, PO 31, 64:Sb; De asccti.ca discipli11a, 6fi9a;
pendant lo ,jour, ollo a rait de mal .. , rappoloz-on le ,souvenir S1:rnio asceticus 1, 5, -88·1a). Encore la pointe de ces
renter pendant ·10 Lc,nps du repos... et rt\chuno justice à ta conscience textes de saint Jlasile (DS, it . .1,.col. 1273-1283) est-elle
l'tuse do loutcs ses mauvaiRes pansées... Cet examen, il fiiut qu'il plu tôt le souvenir des péchés •que llacte -mên1e de l'exa-
iol'am dovlonne quotidien : na t'endors jamais sttns avoir réc:aplLul6
lp1um rn t1n de conscience (thème -Go1n1nun avec Évagre le
,(.tvcO.oyl<J11) les fautés do la journée. Ce que tu fais avec ta.fortune,
1 BM• ne.laissant j1unais.p11sso1•doux jours sana faire tes co,nptcs avec Pontique : Practicos 22, ;p(;1 40, 1228; De oratwntJ 14ft,
lL IJ,6, ton intendant pour 6viter la confu,sion quo _provoque l'oubli, P(J 79, 119.?b i Jlerutn 111011aohdlium rationes 9, PG 40,
lais-le aussi avec tes actioos de chuqu.e jour; le soi.r, exige dei. 1.261, que l'on retrouve dans les Apophthegmnta Patruni,
comptes do ton dmo, cond1nnne touLo ponsée coupable (In ps. P<, 65, 178bc). Voir i11fra, col. 181•1.
lmen t,, s, PO 55, col. 51-52; n1ihno développement dans No,i esso
1en:ce ad gtatia,n concionanditm 4, 5, PO ·50, '659-660, ot dfü\S In 2) L.a littérature rnonastique pos~rieure. - En Orient,
Af11uhaé1.11n,ft2 (43), 4, PG 57,455). 'Voir infra, •col. 18'11. c'est principalement dans les contres n1onastiques syro-
in de palestinicns que la technique de l'ex:amen do conscience
Ce thème se développel'à .dorénavant et deviendra se,nble êtl'e arrivée progressivement à sa porfection.
imps,
onla comme un Jiou commuJ1 de la littérature pastorale Pour Barsanuplie (DS, t. 1, col. 1255-1262), l'ensoi-
t1•g11e grecque. A la fin de l'âge patristique, il apparaît organisé gut11nent traditionnel est qu'.il y a doux mon1ents dans
mens en ,dossiors d'auctoritates réunissant sous un titre co1n- la journée, et deux, seulernent, où il convient de
:.,pJua 1mun citations scripturaires, extraits des Pères et des l'nvenir en soi pour exa1niner sa conscience : le matin,
iiBc). philosophes anciens (cf Maxime le confesseur, Ca.pita. pour .examiner les pensées de la nuit, et avant de s'en-
~ous- theologica 56, PG 91, 968-972; Jean do Damas, Sacra dormir (Lettre 288, éd. Nicod.ème l'.H agiorite, V~nise,
, plus parallela, c. r, tit. 2, PG 95, 1297-1305). 18'16, p. 155). L'auteur qtil donno, .sur ce sujet, l'ensei-
on1 se
, 8111' 20 La littérature 1no11astiaue. - C'est évidernrn.e nt à la gnement le plus explicite est sans doute Dorothée de
.littérature monastique qu'il.faut s'adresser pour .trouver Gaza (DS, t. 3, col. 1651-1661•) •
iville .les prescriptions les plus minutieuses concernant
" Les pères onl dit, écrit•il, do quollo 1nan!ère se purifier
tia l, :J'examen do la conscience. On est pourtant surpris de progressivo1nont : il faut so de,nandor chaque soir çommenl
,constater qu'il faille attendre ·le 5° ·siècle pour que ta. s'usLpassée la journée et à nouveau le matin com1ncnt s'est
nécessi:té de cet exercice ascétique soit universelle1nen t passée ln nuit; et ensuite dclll\9.lldor pardon à Dien dèS fautes
a ·et eo,nmiscs... ·Mais nous, on raison de nos non1breusés !autos et
reconnue.
por•
1) Le 48 sièclR. - Los J/ies de Pacôn1e, les Règles qu'il d•l l'oubli dans lequel nous vivons, nous avons besoin de nous
(ih.e. n1i!11111 toutes les si.-c htur~s conuncnt nous nou11 son1-
édicta, si elles renrer1ne1) L assez son vont des avertisse- dAm!\nder n1es eo1npo1•tés, et en quoi nous avons péché • •(Didascalia ,?tl,
1-est
rnents concernant la vigilance intérieure et la garde du 6, PG 88, 1740b.; cf ,v, 5, .1GG4d; x, 7, t ?83bc; x:v1, 1, .1793d).
iuel• cœur (vg Vita prùna, c. 9, 18, etc), ne parlent jarnais de Voir l'abbé lsaCa t ·488, Oratio11cs 1?, 8 at 25, 14, PG 40,
l'examen de conscience. Une ·catéchôse copte réoemmet1t 11'i7d et 118Sb.; De religiosa curci1atio11e et guiets 16, PO 40,
:ées,
éditée tI,.-Th. I~ofort, CSCO ·t 6Q, Louvain, 1956, ·p. 28) 1i12a; Hésychlus, De tc1npcra11tia et 11irt11te 1, 65, et u, 22,
de$ est l'un des rares textes pacû1nions qüi y fasse àllusion : !'0 ':)3, 1501c et 1517d; Jean Climaguo, L' Échelle dr, paradis,
esse
t1·Installo-toi seul, comme uo général-pruden t ; discrimine r, et 2G, PG 88, 7.24d et t029a). Voir tnfra, col. 1842.
ae
tes idées, soit que tu v·ivos à p11rt, soit que tu vives en En Oêcident, la pratique de Pexamon de conscience
e
"'
stes société. Bref, juge-toi chaque jour». Encore est-co plutôt évoluera plus lente1nent. Cassien (DS, t, 2, col. 214-2?6),
sur le discerne1nent des osprits que l'accent -est u1is dans dont les réflexions sur le discorn'oment des esprits
82,

ll'Il!,
cette catéchèse que sur l'exa1nen au sens strict. (vg Conlatlo 1, 20; vn, 4) et sur la rnanifoatation des
L'Histoire laus i<ique et l'Historia 1nonachoru1n, qui pensées (lttstitrttiones 1v, 9, 37; ·Conlatio n, 10) sont si
1rlt,
contiennent, elles aussi, d'abondants développen1ents <léveloppées, ne $1nnble pas prêter gl'ando cousidéràUon
mes
i;ur la vigilanco et le discernement potu· ne pas se 'faire u cet. exercice purtiêullor du 'repentir dans. la connais•
d.e
duper p;xr 'les Àoytc(J.ol, semblent complètement ignol'er sance de soi, bien qu'il porte grande attenti01\ à la lutte
J)aS
>U't,
la pratique de l'exarnen de consclencA. contre les vices (cf art. ExAMEN l'AJtTICULIEn, DS, t ~.
l$re la
On peu t toutefois pénser que 1nanifestation do ces . cc)). 18',1). Saint Benoît (OS, t. 1, col. 13?1-1888) ne
25, logismoi au pèro spirituel dans l'exagoreusls supposait. i;onnaît pas cc terme; aussi ·raut-il sans doute plutôt
l'équivalent d'un e:,çurnen de conscience on vue du in terpréter dans Je sons •de la vigilance continuelle
du discerne1nont avant que le n1oine n'abordât son direc- les quelques expressions voisine~ que ~•on roncon'tre
~·en teur (cf art. Do1BC1'TON Sl•InrTUELLE en Orient, DS, t. 3, dans la Règle : ch. 4, ?, 19 (les 1no1nes doivent a chaque
an- col. 1032-10ll8, 1086-1039). jour faire à Dieu l'humble aveu de leurs fautes passées,
res, La Vüa A.nthnii (l)S, t. 1., col. 702•708) écr•ite par avec des larmes et. des gémissements »). C'est pourtant
,tes saint Athanase, 111ais certaine1nent pas à .l'intention dans le sens de notre examen de conscience que la
uel des souls 1noinos, est seule à faire la recommandation plupart des commentateurs médiévaux cornP,rendront
1ser expl'esse de l'exainon dans un texte qui, par sa précision, ca')s chapitr·es. Saint Grégoire, dans ses Dialogr,es, ne
93· est plus proche de la littérature d\l 6° siècle q11A de celle dit-Il pas de saint Benoît : (c Ante oculos conditoris se
' du 4.e, Prenant appui sur 2 Cor. 18, 5, saint Athanase i;cmper adspiciens, se semper examinans, extra se 1nentis
lus (OS, t. 1, col. 10'17-1052) pl'êto CA$ paroles à Antoine : :;uae oculum r1on divulgavit •?
>Ur i Que chncun tienne guoticlianne,rra11t rcgilitrc de ce qu'il .fait
s'y do jour ol do nuit... Telle est l'observance qui garantirà de ne 8. Conclusion. - Comparé à celui que connaissait
~è- plus p6ehcr: que chacun ttc,trJ_par écrit les àclious ot les 111ouvc• le sto'icisme nouveau, l'examen de conscience pratiqué
1nents de •son âme, conune s'il ·dovnit les faire connaitre aux par l'Église à 111 fin de la période patristique ~pparait
5 autres;·et ainsi, que la lettra écrite joue le 1•ôlc des yeux de noa ;\ la fois très voisin, et pourtant radicalement différent.
'tris oomp11gnonA (55, PO 26, \J24ab).
,
Pour l'antiquité pré-chrétienne, 'l'èxamen do cons-
'on Un tel enseignement est très rare dans la littérature ciAnce constitue essentiellement une méthode de réno-
1111; monastique du 4. 8 siècle. •Il ,ne tro,1vo guère d'écho que vation 111()r11le. Le stoïcistno lArépand parce qli'il appa-

' •
1807 ·-. EXAMEN PE (:ONSCIENCE 1808
rait comme une réaction contre la dégénérescence 1. Le haut ,rwyo11 âge. - 2. Au l26 siècle. - a. Aux au
ambiante. !,ÎI
l 36 et 111° 11 iècles. - (.. Généralisation et systéma,tisatio11 ·:
Oil
Faut-il chercher à expliquer Jo silence des trois z,50 et 168 siècles. - 5. Du milieu du IG0 à nos ;ours. çll
premiers siècles chrétiens sui• l'exa,nen de conscience?
- Q,G
Si l'examen, con1111e e.1:orcice spirituel, n'appa1•att dans t. LE HAUT MOYEN ACE
l'ltglise que vers le ft 0 siècle, serait-ce peut-être parce 1° On vient do dire (supra, col. 1805) dans quell.o cc
que, la fe1•veur des chrétiens s'attiédissant, le besoin n1esu1•0 l'examen de conscience, pra,tiqué par les sage.il le
s'en soit alors fait sentir, ou serait-ce peut-être parce païens et conseillé par des Pères de l'Église, ,était en
quo l'Église a tardivernent christianisé la pratique V•
usage dans ces foyers de perfection chrétienne qu~ vou- d
stoïcienne? l ç1ien t être les monastères. A lire les plus anciennes Il
Ainsi, sans doute, se eon111rendrait l'absence quasi: l'ègles, en Orient comu1e on Occident, oo co11state que lE
totale de térooignages durant ces premiers siècles et la plUJ)art d'entre elles ne mentionnent rien de lei : p
aussi le lait que, durant le 1. 0. sièüle et le début du fic, :;i plusieurs voient, avec saint Benoît, dans le fréquent f
l'examen de conscience soit davantage recommandl> i;ouvonir dos péchés passés l'un des moyens du progrès 1
· aux laïcs vivtu1t dans le monde qu'aux moines, à qui i;pirituel, la tradition a le plus souvent entendu qu'il C
sont prescrites principalement l'e~agoreusis et la direc- d
1;'agissait du repentir pour Ios fautes com1nises dans la ~
tion spirituelle. Celles-ci devaient soutenir la vigilance vie passée, a vant la profession n1onastique, et non d'un ij
continuelle, l'attention à soi-mllmo et le souvenir 1·ntou1· rég1JJier sur le laps do tomps le plus récent l
illcessant de Dieu. Attiédissement de la vie n1onastiquo (cf E. 11{artène, C~mnientariu,n. in regula,n. sa11cti 1
ou progrès dans ta sLI'ucturation de la vie spil'ituelle, Jlcnedicti, Paris, 1690, p. 14G; PL 66, 881b).
toujours est-il qu'aux moines qui devaient vivre dans
un état perma11c11t d'examen de conscience, on recom- r,e n1ome11t qui suit les con1plills était-il destiné à repasser
1...s actions de la jeurn6o pour les juger et les regretter't Plusieurs
mandera l'acte périodique de l'examen comme une des r,1gles qui insistent sur ce te1nps do silonco proposent seulement
Corines essentielles de l'ascèse monastique et on le codi- uri effort pour élever vers Dieu les pensées at rechercher le
fiera comme il ne l'avait jamais été auparavant. sorrunoil : ainsi lu Rcgul<1 M<1gistri, anlérleuro à l'an 600
Pourtant, rnême si la technique psycJ10Iogique est la (di. 30; 6d. L. Holateniua, Oodc:,; rcg11lururn, t.. 1, Augsbourg,
môme, l'examen chrétien de la conscience diffère radica- • 1759, p. 259; éd. Vanderhoven-Maaai-Corbett, Bruxelles, 1953,
toment dans son esprit de l'examen stoYci_en. Pour le p. 280); de mô1no collo d'lsidoro do Sôville, résum.ant au début
stoïcien, le but do ce retour en soi est. de s'assurer qu 'iJ d II ï• siècle les toxlos patristlquos relatifa aux monastères
(,,h. 1t.; éd. l'lolstenius, t. 1, p. 194).
vit bien confor1nément à la nature et à la rai_son,
c'est-à.-dire en définitive conformément à soi-même. Or, les rnêmes règles accordent. une gl'ande in1portance ,
C'est ùn 1nonologu11 qui n1et le sage en présence exclusi- à la « discrétion ,, pour juger des actions et des pensées,
vomen t do )ui-mê1ne. L'exarnen chrétien de la conscience, elles prônent une continuelle surveillanco ou garde du
au Côlltraire, est cssontiollemont un dialogue dans lequel cœur, elles font au moins le devoir-d'ouvrir sa conscience
le fidèle éprouve sa conror1nité, non à lu raison naturelle à. son père spirituel et d'avouer à la communaut6 los
dont il découvre en lui la loi, mais à une Ipi divine, la iufractiOrls faites à la règle (cf art. ÙlllllCTlON SPIIII·
loi d-e charité révélée par Dieu lui-1nê1ne en ,Té$US 0
T UELI,E, DS, t. 3, col. 1032-1084, et 1072•1076; et
Christ dont il fait son rnodele. CHAPITRlt DES COULPES, t. 2, col. 483-1,85) : toutes
Jean-Claude Guv. c,1nsignes qui supposent chez le teligieux un _strict
l)o ntrûle de soi. Sans parler d'examen de consc1onco,
s:lir\t Colomban 1' 615 donne un pénitentiel tarifé, en
IV. lV.tOYEN AGE ET TEMPS lV.tOI>EBNES
• vue de la confession quotidienne des rnôindres fautes ;
La pratique de la confession sacra.-nen telle a toujours !,::; usagers pouvaient-ils ne pas revoir mentalement leurs
requis, c'est évident, un exa1nen de la conscience : a,; tes e t leurs omissions (Regula cœnobialis, ch. 8 et 10;
retour spontané du pénitent sur son passé, ou interro- éd . 1-Iolstenius, t. 1, p. 172-J 79)?
gation détaillée par le confesseur, ou encore utilisation C)n n'oubliera pas le caractère propre des règle$
d'un catalogue de péchés per1nettant de déterminer les n1onastiques : elles ne visent pas t.an t à d~flnir u~e
points sur lesquel~ il a rnanqué à son devoir. Les .forrnu • rnéthode d e sainteté personnelle, qu'à orgorHser la vu)
laires de confession, d'abord destinés à aider les prêtres cn1nmune d'ho1nmes vivant selon les conseils évangéli-
dans l'adminisLration de la pénitence (livrets dits ques. D'où la place que tiennent dtins ces textes les
Pénitentiels, cf DTC, t. 12, 1933, col. 1160-1179), ont attl'ibuUons l'espectives de chaque m·embr1> de la com-
ensuite été rédigés, surtout après le 12° siècle, à l'inlen- rnunauté ou la composition de l'office choral, alors que
·tion de ceux qui faisaient uno confession générale à. lEis moyens individuels de perfection, méd\tation, vie
l'occasion d'une conversion ou en . préparation à la sacramentaire, sont pl\ls 1•a1•emen·t envisagés. Les
mort, Même dans les teu1ps modernes, où lis ont été conseils que les Pères avaient donnés, saint Basile,
particulièreùlent abondants et ont visé à la confession saint Jet1n Chrysostome, saint Grégoire le Grand,
fré'q uente (n1issols, catéchis1ne:,, rnanuels de, piété), ils pouvaient trouver un ôcho dans la vie des moines,
présentent plus d'intérêt pour le mol'aliste que pour n1ihne sans figurer expressément dans les règles monas-
l'historien du sentimonl. 1•eligieux. 11iais l'examen d e tiques.
conscience est égaJe,nent devenu un exercice 1•égulie1· de Cependant, plusieurs règles mentionnent un examen
la vie spirituelle, sans lien nécessaire avec la confession : err vue de la confession ou de la direction spirituelle.
c'est de ce point de vue (Jlte nous en retraçons l'histoire, Ainsi l'ordo n1onas1ic1,,t de Culrosa, en Écosse (au plus tnrd,
n'évoquant l'examen ad confession1:in que dans la rnesure 7• siècle), provoit chaque 11em1.1ine une heure • ad scrutanda
in l.ima cordis socrola n avant la visite du moin8 à Bon père
où Il a influé sur l'examen-exercice, ou quand la méthode sp irituel (éd. Holstenius, l. 2, p. 65). Vors 660, los 1noniales de
qu'il adopte relève plus de la spiritualité que de lit théo- Bosançon doivent contrôler • tous les jours, à toute heuro ol à
logie morale. tout instant .. , les pensées comme le:i paroles lnulllcs, les actions
1809 DANS LE HAUT MOYEN AGE 1810
L808
11ussl bien que les mouve.monts de l'esprit • pour on faire conr~s- du haut moyen Age, on ne voit pas de pasteurs ou de
• sion à la s11périeuro avant le repa.s, ou avant le coucher, ou docteurs reprendre cet enseignement avant le renou-
ion : encore à quelque moment propice (Règle de stllnt Donat, v:cau du 1.28 siècle.
r. ch. 28; éd. Holstonius, t. 1, p. 383. Voir aussi la Règl!) anonymfj
iltl Pirgines, ch. 6; ibidc1n, p. 397), 2. AU 12' sttCLE ,
Là où les consciences sont encore trop peu affinées, la
communauté, ou l'abbé (l'abbesse) 011 lù père spirituel assurent Un mouvement se dessine alors en faveur d'une plus
uelle
1ages lésoutien nécessairo. grande intériorité de la vie chrétienne. Le De çoriside-
Les instructions d'un 'l'héodoro Slttdite t 826 à ses frères ratione de stûnt Bernard est un témoin parmi bien
t en vont dans lo rnGn10 sens : sans doute ne pratiquo-t-on pnR d'autres, il n'est· pas l'œuvro novatrice qu'on dit par-
VOU• d'exo.n1on quotidien dans le Stoudion de Constantin9ple, fois. C'est l'époque où les traités psychologiques et
nnes m(l.is lé maitre 'qui réuriit les n1oines plusieurs rois par semtlino n1oraux De conscien.tia, so mtùtlplient, où Pierre Ab,é-
que lèur propose, en tait, dos examens sur les tentations ou les
J)~Chés propl'llR à leur état (ainsi Grande catéchèse 52, rlans A. Mai, lard t 11't2 va remettre en honneur, en théologie morale,
tel :
'No~a Patru11i bibliothccil, t. 9, pars 2 1 Rome, 181\8, p. 148-146; le primat de l'intention. Les auteurs spirituels, parallè•
11ent
,grès Petite catichèso 183, ibilfo111, t. 9, pars 1, p. 816). Et l'esprit lcrnent, Insistent sui· l'aspeüt personnel de la vie chré-
compte autant que los aèllls : • Que <:ha.cun do nous consi- tienne co,nme de l'engagement monastique, et purlent
:pl 'il dère coinment il m11rcho et dnns quollo direction, et si c'est
1s la
fi'équemment de l'examen de conscience.
salon mes pauvres directives, &i c'Asl solon lo. règle èônobilique,
i'un si c'est. ovec abnégation de sa. volonté propre • (Grande c(Ltc!· 1" Déjà saint Ansel111e de Cantorbéry t 1109 dit
!lent c1W$C 18, p. 52). la nécessité de se connaître, n)ême si l'exa,nen que l'on
incti \
fait de soi-même (« si me inspiclo... ,,) révèle une
Le progrès est sensiblo avec 11alnt Benoit d'Aniane effrayante laideur d'âme (Orationes 63 et 71 """ 8 et 14
Wèr t 821, dont on sait l'lofiuence sur le monachisme occi- dei l'éd. F. S . . Schmitt, S. Anselmi opera omnia, t. 8,
.ours dental : il reprend, dans son Liber ex reguli.s dù,ersorttni f:dimhourg, 1946, p. 26·29 et 55-61). Dans ses 1nédita-
oonb patrum collectu.~, l'avert.issement de saint Basile à son tions <• Pour exciter la crainte ,, ou pleurer « sur la perte
ir le dirigé : « Chaque jour, scrute soigneusement tes actions, de la virginité n, il prp,sse de« penser à ce que l'on a fait,
600 et si tu te sens chargé de péchés, va vite les avouer; à co que l'on doit en rlicevoir » (Meditationcs 1 et 2,
w-g, ne traine pas ton péché de jour en jour». Une telle vigi- ihuicni, p. 76-79 et 80-83) : nul doute qu'il ne vise là un
953, lance est présentée 1Jo1nme le moyen d'une montée pécheur, pour l'amener à la confession ou tout au moins
ibut racilo vers la perfection (Ad,nonitio ad '{i,lium 1,piri•
ères ln renouveler dans la componction. Mais quand il
tualem, c h. 12; éd. Holstenius, t. 1, p. '161 ). Son Ordo s'adresse a des moines déjà tendus vers la vie parfaite,
monasticus jndiquo qu'après complies le grand silen1Je il propose plutôt un examen quotidien des progrès :
nce doit com,nencer par « les prières socrètes, le souvenir
~,s. des péchés avec gémissements et larrnes »; il ne s'agit
plus des seules fautes d'un lointain passé, mais bien
Je t'àn avertis, jB t'on supplie, selon le-111ot de l'lncriture
( l'rov. 4, 28), • gnrdo ton cœ11r d'uno garde universelle •, qu'il
du n'y ail rien qui détourne ton ll.1110 de la gl)rde de soi-même.
nce do celles du jo,1r, comme l'exprime la for1nule d'action Qu'elle analyse soigneusement ce qu'elle acquiert cho.que jour
les de grâces qui suit (Holstenius, t. 2, p. 69). e11 ses progrès, do peur q110, - à'Dieu ne plaise! - , elle ne !!oit
IRI• Une règle anonyme des chanoines réguliers donne dans lés perdante par ses manquements... On a plus de peine à recouvrer
et mêmes ter,nes le même rOlo o.u temps de siloncc qui précède lo ce qu'on a perdu pl\l' négligence, qu'à obtenir ce qu'on sait
n'avoir jamais eu (Ep. 2, éd. Schmitt, t. 3, p. 99-1_0 0; lo même
rtes sommeil (ch.,23; il>ide,n, p. 112); on saisit là l'infiuenca que los texte dans la lettre 51, p. 165),
~ict nsagos moon~tiques et ,nô,nc los textos do Benoit. d'Aniane
lCe, ont exercée sur les chapitres canoniaux, car ni la règle de Les disciples de saint Anseln1e ont retenu et appro-
en saint Chrodegt1ng t 766 (ibideni, p. 96•97; cr PS, t. 2, col. 866), fondi cet en$eignernent; on des textes qui ont, le phis
ni les canons d'Aix•la-Chapello en 816 (PL 105, 819-822) ne
es; parlaient d'un tel retour sur la journée. Plus tard, ln règle do souvent, passé pour anselmiens, ils redisent l'impor-
11rs Piarre do Honestis donnée on 111.5 aux cht1noincs réguliers do t,\tlCe pour l'ârne de la connaissance de son pèché :
lO; Porto attribue aux co,npllcs le but do • purifier par le service ·Alexandre de Cantorbéry, vers 1115, voit là 1~ pre1nie1•
do la lou.inge divine toutes les fllutos que la fragilité hu1no.ine degré de l'humilité (De similitudinibus 101.-102, PL 159,
les a fait co,nrncLLro pendant la jour• (liv. 8, ch. 7; od. Holst.enius, 665-666). Elmer de Cantorbéry t 1187, qui )nsiste sur
1ne t. 2, p. 16'1), l'hun1ilité, la· pureté de cœur et l'ouverture de cons-
vie 2° T1·ouvo-t-on quelque chose d'équivalent à l'usagtJ f:ionce (lettres 12, a; 4., 4.-5; 5, 11, éd. J. Leclercq, Ana-
,u. des fràèles? Lenl' formation morale était sans doute
lticta monastica 2, coll. Stuclia anselmiana 31, Rome,
les :1958; cf DS, t. ft, col. 602~608), a des mots énergiques
bien sommaire, fo1·tement légaliste, si l'on en juge par
m- les pénitentiels. Les laïcs venaient au prêtl'e pour accu- pour une chasse quotidienne à toute trace de péché :
ue
' ser les manquements réputés graves; étaient-ils accou- Ltitte avec toi-n1êmo et t9n esprit, pour no point donnl:!r,
~ie tun)és, les plus fervents du moins, à scruter régullè- ne fût-co qu'un rno1ncnt, asaantimeot à quelque vanité, de
,es rrment leur conscience à la recherche des défaillances <:cnur, do bouche ou, - suprê1no di~grâce - , d'action. Qu'il
le, plus légères? Un texte do Jonas d'Orléans t 843 permot y 11iL chaque jour, mieux : à chaque instant, conlbat en ton ilmo
1d, une répon$c positive : il prend à son compte les conseils pour écarter tout pacta avec les vicos. Illxo.mine-toi toi-môme
(e.~a111i11a) s6vèremant, analyse (disc1ttc) ce qui est secret;
!S, de saint Jean Chrysosto,ne pour un examen personnel t.out ce que tu t.rouvos on toi do mauvais a.loi, tu dols le frapper
IS· et quotidien avant le somn1eil, puis, reconnaissant sans pitlô, le jeter bas, l'écraser, l'arracher, le chasser, l'ané(lntir.
qu'en dehors des monastères il n'y a presque pas ,de ' Pus d'indulgence, po.s d'illusion (Mcditatio 1 , 7, sous le non1 do
en chrétiens qui pratiquent l'aveu mutuel des fautes légèrês saint Ansehno, PL 158, 715).
~.
le.

da
do chaque jour, il recommande « la confession faite à
Dieu» aussi bien lo,•s d'une visite à l'église que n'importe D'Anseln1e de Bury Saint Edmunds, on a un som•
où; c'est selon lui un élément de la. prière quotidienne hlable appel : l'âme pécheresse doit recueillir intérieure-
1re (De înstitutione laicali 1, 1't·16, PL 106, 149-15',). Quel 111ent tous les sens du corps et regarder attentivement
de fut le rayonnement d.e semblables directives? Encore la gravité de ses blessures (Meditatio 'i, P L 158, 729;'

ns qu'on connaisse bien 1n8l la vio spirituelle des laïcs 6, 786). Sans doute n'a-t-on pas là un « exercice spiri-
1811 EX.A!MrEN D:E CONSCIENCE 1812
tuol » ,à 1.pr.oprement parler; mais le regard intérieur on 8° •Citeau1i; avait-il, .A l'origine, ·un exercice 'llettement
,quoi consiste l'.exan1en rde la conscience est nettement défini? Saint •Berna.rd explique ·plutôt 'à chacun l'atten- .,
défini par les termes désormtlis classiques (,interiora tion qu'il doit porter .à ses actions et à ses pensées. Un
inspic~re, col. 780b; cf 865, oraûo 3; 890, oratio 15, de ses sermons (In Ca.11tica 58, .1.2; P-L 183, 1061,,d;
etc; ad peccata re8picere, Muditatio ,6, 786). 11,(ais on peut éd. J. Leclercq, t. 2, Rome, 1958, p. 135) plaide poui j
,parler d'exercice régulior à propos de l'examen demandé un .examen sans ·cesse ropllis .: 11 · Examinons nos :\".Oies
au prêtre qui va cé.lébl'er la messe (oratio 27-28, sans (Lanicnt. 3, 40) et nos attachements; que chacun
doute du même Anselmo, PL 158, 917a). croie qu'il progresse, non ,quand •il rre 'trouve en soi
2° Avec les victorins et les cisterciens, au 12° siècle, rien à se reprocher, mais "lorsqu'i~ se reproche ·ce qu'il
J'cxa1neo de ·la conacience apparalt comme une .pr6oc- y trouve. Ton examen n'est pas inutile, s'il t'appron4
cupation habituelle do ceux qui tendent à ,la perfec- que tu as · ·besoin cle t'exa1nlner à nouveau; et .ton
tion.
en~uête n'est ja,nais décevante,.si cllaque fois .tu penses
Hugttc8 de Saint-Victor t 1'141 indique ,comme.moyen devoir la recommencer. Mais si .tu la fai$ .aussi souvent
· d'acquérir la science d'une vie sainte la ,1< raison, Ja que i.u en .aa besoin, tu .la feras -toujours •· Ailleurs,
théologie, les oxemples ,reçus, la méditaUon des Jtcri- saint Bernard loue •• J lopportunc importunité ·», si lfati-
tures et une inspection 1·égtùièrc dAs actions .e t de la gante pour lui, ,de •ces moines préoccupés de perfeétion
conduite» (De institu.tione no/Jitiorun1- 1, PL 176, 927a). qui « ne souffrent ·pas la moindre pierre d'achoppement
1
Du seul point dA vue de la 1•aison, il propose tout un dans leur propre conscience », dëpensent de si longs
ensemble de ·questions, véi•itable examen sur les vertus instunts à l'extirpAr; la direction qu'ils viennent cher•
naturelles ·(ch. 2, ibidem); puis il d.écrit « l'analyse quo- cher auprès de l'abbé suppose une attention habituelle
tidienne des pensées, paroles et actions ,, (ch. ·9, 93'1- " à leurs pensées comme à leurs actions • (Sern10 ~
985), •comme moyen d'un incessant p1'ogrès. div.ersi.fJ 93, 2, PL 183, 716). Retnarque qui vaut sùns
L'expûriènce instruit, • 1'ho1nme devjent d'autant plus doute pour les .no1nb11eux textes pseudo,bernard.ins
habile qu'il observe plus exactement sa•façon de faire, er;sayant 1>Ur la garde du cœur, ·la purification .de la oonacienee
do dépasser oht1que jour ses propres progrès, regardant ntten, · ou, co1n1ne .disuit ,déjà.le clunisien ,Jean de F1ruttuar\a
tlvement ce qu'il fait, ce qu'il doit faire, ol s'il fait son devoir; '
a'il en tait r.tutant qu'll,e. à faire. :. ,Chnque Jour., il cite .en juge• t j,050, 11 .la :v\gilance sur Phou1me intérieur ,, ('l'racta-
,ment.ga1propre vie :,lo.1natin .nu mo,nent de se.lover,,il considè~ tU8 .de ordi111J /JÜae et rnor1un ùistitutùJne 4, 13, PL 1st
ce qu'il .a filit .pendant la nuit; te soir, quand il va se couchér, 569).
iJ .conaidèro-ce qu'il a falt,deJour: n-l-11 eu plus dle1npre11Sen1ent Du vivant •mê,ne de saint Bernard, son ami Guit-
au'liien que les autresjours? davantage do constance à combat• lau,ne de.Saint-Tlâerry_t 1148 présente un enseignement
tre le rnal'? • très ferme sur l'exan1en de conscience : -sa Letttte aux
.N.011,~ av.ons•Jo. la description précise·d'un • exorcice•• (• Quis-
/rèr.e8 .du Mont-Die1t vers 1144 donne une importance
•quis cor-suu1n in ejusmodi-sti,dio exoroat... "• 9âôa), qu'J-luguos prhnordiale à cet exe1'cice, qui permettra au -religieux
.présente comme « peut-être encore plus nécessaÎl'o ·• que touL
•autr11 ,moyen do.!or.mation. de 11 gouverner et .tenir en ordre sa conscience».
mtait-ce une p1'atique dos chanoines de Saint-Vic- Cuire, C'est uno des occupalions ·de la Journée du novice ; • Que
demandes-tu, à quoi .,n'occuper? D'abord, ~ans parler
tor? C'est vraisernblablo, sans qu'on en ait de ,preuve du tomps rés<irV'6 au aacrillco quotidien do la prière ou à l'exer•
àbs.oluc; il sen1ble que D. Lasiê va trop loin dans son cice de la lecture, il ne faut pas réfuser à l'exa,nen, à l'a1ne11de,
interprétation des textes (liugonis diJ S . Vù:tore ,tlwo- 1nont., à'la mise on ordre de la conscience, la part du jour qui lua
logia pcrfcctiva, coll. Studia ant.onianu 7, flotne, 1956, rovioll t • (PL 18~, (122; trad. .T .-it Déchanct, Guillaume dt
p. 59; ,et aussi' p. 188-191); fiugues, nomrncntont le Saint-.1'hi~rry, Lettre d'or, 1956, p. 6~).
dernier chapitre de la règle de saint Augustin, 'la ·pré- Car c'llst précisé1ncnl l'un des.rôles d\!·la conscience,• celhilc
sente comn1e •un •miroir où l'on ·pou t -voir ce ·que l'on est, intérieure • où s'exerce le comn1andem.ent cl le jug.emonL
régulier ou non, en progrès ou en recul; c'est comme sur soi-1nême : • Apprends-y à régner sur toi, à organiser'ta
vie, à régler les habitudes, salon les lois de t.on .instilut..Fais-toi
l'!!Jcriture, à quoi ,les saints chaque jour ne cessent do juge de .tes lièteij; cite-loi à ton tribunal; souvent .R.1158Ï
conf11onte1• leur propre vie (E:cpositw in regu.lan1. 1;ond1unno-toi, ne te renvoie pas impuni. Que la justico siège
S. Augu.~tini 12, PL 176, 924) : l'examen, ici, est plutôt co1n1ne juge en por1n11nence; que la conscionce compara!Jisu
un .:;,roloogemont de la lectio di/Jina, et se fait par rap- en pr6venua et s'accusa alle-mê1nc. Përsonne no l'uirne plus quo
port à la régie et à la Bible. t.oi, ,porsonna ne le jugara nvec aut11nt d'équité • (PL 184,
Chez Richard de Saint-Victor t 1173, les allusions ~26; t1•ad. Déchanot, p. 78-79).
à l'exalnen de conscience s'inscrivent tians lo contexte Le rega1•d de la conscience se porte sur l'action ·déjà
de l'appel à l'intériorité, préparation à la contempla- posée et sur les notes à accomplir; l'exa,nen ne·sera pitS
tion (JJenjamin ntinor 8·9 et 70, PL 196, 6-7 et 50, 51) : soulement rétrospectif, mais aussi, comme on dira
c'est « fréquemment " qu'il fuut f.aire le ,poin.t des pro- plus tard, <1 de prévoyance ,,. Et ,Quillau1ne de. Saint-
grès quotidiens ou ·des manque,nents, des pensées et Thierry précise Jes deux moments où se place de ·préfé-
·des ·atlections do1ninantos; counattre Je,rdéfauts et les r·unce cet exercice ,et son,contenu : « Le ,nati:n, demande
grâces, 1'hom1ne extériotn• ·comme l'•hornme in t:érieur. <:,ompte de la nuit pa.~sée, et pour le jour qui s'annonce
La clJanolne rôgulier Hugues de Fouilloy t 1·172 transpbs(J trace une 'ligne de conduite. Le soir, exige le bilan du
sur ·le plan Intérieur la pr11tique extérieure do la coulpe : • de jour écoulé, et, pour la •nuit qui descend, prends les
niê1ne que les frêrea, à heure fixe, so rassemblent en cbapilro
pour se corrigor, 11insi la raison convoque de le1nps à autro rncsures qui s'imposent. Ainsi lié, tu n'auras jamais
1

au plus secret du cwur les diverses pensuès ~; réunion animée, le loisir de ·folâtrer ·ù <ta guise » ( i'.'bidem).
~vec la .consciencc ,con1mo accusatrice, la 111êchancoto comme Cet exercice, proposé aux commençants, est tout aussi
défenseur, ot l'humililé, et l'orgueil, etc, jusqu'aux vorlua qui 11éoessoire aû progressant; mais il est alimenté chez l\li,
s'accusent 'l'une l'aulro (De clauslro anim.ae 111, 6, PL 176, " ho1ntne rationnel », par,« les études saintes, les exer-
1'098). Cette allégorie du chapitre sera souvent reprise par la r.ices apostoliques », qui •(< fournissent à l'âme seu1e en
suite, -tant le rile comm unnutaire du ,natin aidait à expliquer J'ace de Dieu l'occasion de s'examiner, de se connaître,
Hexorclce personnel du soir.
do s'amender, se purifiant de toute souillure de la chair

\
AU XIIe SIÎ!'!CLE 1814
.812 18'1.3
,Jit de Hesprit, poursuivant son travail de sanctific!lltion 1' ar.ia 'et brev.ia ,dooumatita •pie seu réligio'Se ,vi~endi
ient ,(PL ,18ft, .1'17'•); avant le coucher, on ,examine les ,pen-
ten- ,dans Ja,crainte de l)ieu • (PL 184, 842; ,trad. Ji>_échanet, '
p. 126-127). 'Btant don11é l!iinportance de l'intention i;ées ot ,les paroles, ion passe •en rre:vue !l'emploi ,de .Ja
Un journée; on se .remet ·en ,mémoire l'enfer et ' le paradis
ltd; 1qui .préside aux pensées èt aux actes, q,ue les plus 1par- ,
d'ai.L~, •les " spirituels », ne •'Cl'Oient pas ·supor.flu de se 1 comme deux cités dont la .seconde •seule ,peut àbtirer.
lOUr ,( )n aura remarqué la plaee ides rpensées, ,qui ,sont .exà•
·oies ,contrôler eux aussi ussidOment : « Il est indifJponsable :
-à J lhomme gui veut uimer Dieu, ou déjà possède .son 1ninées ,en ,premier lieu· : ,'Cet ·otdrG''s'explique .bien ·dans
.cun Jo cas de ,religieux dont ,Jes ·.actes, presque méeessaire-

801 ,amour, do toujours ,consulter .son âme, d1interroger .sa
,conscience .au1• l'objet de •son ,v ouloir foncier et ,sur -les , rnen t .contrôlés .:par• la communauté, sont assez •el!Cac-
[U'il tomont ,déterminés .par ·les •règles ,et coutumes, mais
end .raisons qu'il a d'accueillir d'autres volitions, - celles
ide l'ésp,•it - , ou d'.écarter ,les convoitises opposées de clont los pensées sont évidemn1ont ·Juissées :à 'la respon-
.t on sabilité personnelle .(cf For,nula 'honcstae vitae ·t, P L
1888 ,}a,chair-. (PL 184,347; trad. Déchanet, p. ,141).
•On sa'.it.l'étonnanto difîuslon de cette Lettre, pourtant 184, 1167, •OU .De conscientiiz 5-6, P,L •t8r., 558).
·ent Cet enseignement est syntllétisé dâns ·.une compila-
lll'S, :d~tinée à dos chartreux. 0n l'a.Ltribuait -à .saint Ber•
,nard : pour toutes les écoles qui -allaient s1en inspirer tion de textes.cisterciens, surtout du 12c,siècle.
afli-
:ion (llf •M.-M. Davy, Un traité de la vie solitaire, Lettre ,aux Solon le :rracta11,s de intcriori do,no, •la connaissance de soi
ifrères du Mont-Die1L, Paris, 1.9(,,0, p. ,t10-5(,,), l'exan1en est nécessaire pour accéder·à.la connaia111;1nco do Dieu, mt1is on
en't no trouvera·pas on soi l'imago.du.Dieu invisible s!,l'.on ne l!'appli-
n~ 1jouirâit de cc haut patronage. Doit-on dire que Guil-
•1ue à • nettoyer le miroir, à purifier l'ésprlt ... l;e !miroir, le
1er- laume -de SainL-'l'hierrv ,, ait innové en cette matière?
vrai pénit.ont no,cessa de lo regurder chaq.uc 1jour,.de,le nettoyer,
elle 11 est certain qu'il a rapidernent fait·écdle: le progranHne da le tenir [c~rnement, de lc,gnrder..R(\gnrder.si.l'onJ1'.Y.trouve
de de vie .,nonastique, Octo, puncta perfectionis .assaqucrtdae riou qui dép1nise à Dieu; .nottqyor non seulemêof les actes
o\DS .(PL ,18~, 1,181-1186), reprend les termes rnêrnes de puccarrllneux, mais aussiles,penaéos, pourqu'il n'y reste rien qui
",m11 Guillaume ,sui· -l'ex.amen ,du rnatin .et du sol.r. Mais n'y puisse '!aire obstacle à Die\1 ». ·Que regarder eo soi? ·Jes 'taut\YI,
• ,avait-il.ptis un usage cistercien assez général, faisant de 1oais aWll!i tout sol-même, sa condition, an façon •de 'Vivre, les
llCe
,l'examen un exercice quotidien? Car un autre côntempo- penchants les plus spontanés, les goftts, les progrès, l'idéal (6,
,llia PL ·1s1,, ·518). Voir DS, t . ·a, col. 1ti1,8-1661.
rtq- ràln et ,ami de saint Bernard, Aelrcd de Rievaùlx t 1166,
qui ·ne semble pas dépendre de Guillaurne, donnanl '
8~, On aura noté dans ce der1ùer texto la râisôn -p rofonde
à sa sœur la Rcgula inclusarum pour drosser le plan des de l'examen : le but n'est pas telletnent d'extirper les
til- <c exercices de .Ja vie religieuse » des recluse~. p.révoiL défauts ôu de ~Jevonir peu à peu confor1ne à un iaéal
in,t en détail l'exan1en de conscience du soir : tracé d'avance, il est de parvenir, à travers.la con_nais-
• Une !ois couchée, roco1nmnncle à Diou ta pureté, ot ainsi sance de so\, à la connaissance de celui don't l'ârne est.
lce o.r,née du signe de la croix repnsso on ton esprit ta !açon de l'hnago. Cette mo.tivatior\, qui n'est exprimée ni éhez
:U X vivre: as-tu en paroles, en actfon et on désir, peiné tou Scigneur't l-Iugues de Saint-Victor,, ni chez G\iillaurµe de Sâint-
as-tu été légère, pûl'OSseuse, négligontc devnnt ton devoir? 1'hiorry, bien qu'elle soit conforme à ·.leur théologie,
ns-lu ·pour la nourriture Qt1 la boisson dépass6 les limites avait l'a:valitage d'intégrer un exercice de stricte ru,cèse
jue n:éocssaires't Si tu constnt11s qu'il l'a échuppé quelqu'un de cos
•Ier manquements, soupire et,.frappo-toi ln poitrine; ainsi roconciliéc dans une ample tl1éologio mystique ,(sur le thème de'Ja
er• par ce sucrifico du soîr, ,re1néls"toi à ton ~poux ,» (2t,, '.PL 82, connaissance de ·so\, cf DS, t. 2, col. 1519-1520). La
ile• ili59.; éd. Holstenius, t. 1, p. ~27), n1ême doctrine, .inspirant les mêmes ,ilirectives, se
lui ,Aelred est lui-même l'auteur d'une sorto d'examen do con.~• rotrouve dans les Meditationcs de, cognition.c humanae
àe cience sur sa charge pastorale, sous la ,!orme de la hello Oraûo conditiorii.s 5 (PL 184, 494-495), malheureusement no.Il
pastora.lis (éditéA par .A. Wilmurt, Aut11t"s ~piritudls et tcxt.cs identifiées.
~le dé~ots du nioye.n· tige 'latin, .Pnril!, 1932, p. 294-296).
!nt '
Par ,contr.c, elle eRt .absente des ecrits do Pierre de Blois
,tl\ Il n'y a pas non plus dA dépendance verb.ale à l'égard t 1200 où prédomine le souci ascétiquil: l'exnn1en.de conscience
toi de Guillaume de Saint-Thierry dans le Specl)lutn 1nona- 11'in1poso avo.nt ln confession .et .doil !ouiller les ,recoins, l,e.s
gai chnrum d' Arnôuld de Bohéries, autre cistercien, que choses v6niellea, les pensée:;,.. ,(De confos.~ione sacranicritali,
,ge PL 207, 106'111). L'cxan1en quotidien permettra par exemple à
188
:l'on situe à la fin du 12" siècle (l)S, t. 1, col. 894); un évêque do • rendre ·coinple à su conscionce de ses t1ctlons '
ue son bref programn1e de la porfection monastique fai1; journalières : quelque péché le jour? la•nùit'l trop peu dé lecture
14, .une large place à l'oxamen : ou de prière? trop parlô? trop mangé? ·trop de repos?·porto de
• Après complies, chaque jour, que lo n1oino t.ienne chapitre temps? attachement à l'urgent, etc• '(Da·i,ulit111ione episcopi,
,pour sol-même; qu'il rassemble ses 1,ousées et fasse sùigncuse- PL 207, 1106-110?).
ià 1nont le cQmpto des fautes <:o,nrnises, publiquenuinl ou secrè·
as toment, ce jour-là, par pensée, par parole ou action; • lavant Dans une por~pecUve plus spirituelle., Adan1 .le char-
ra chaque nuit sa couche •• <:'est-à-dire se purifiant do ses péchés treux, qui écl'it avant 1201 son De quadripertito exer-
t- par 11es la,n\es cl son repcintir, qu'il tienne là compte exact citio cellan, situe l'exa1nen dans .la préparation à l'.orai-
é- de ·çhaquo chose; ce qui est public, il s'en accusera publique- son : le tribunal de la raison, qui doit sans cesse siéger
le ment le lenden1ain (au chapitre des coulpes); cc qui est fiAcrèt, il au cœur du religieux, est plus spécialement nécessaire
~e s'an confessera privênicnt • (PL 184, 1'17Gb). Cet examen quoti• et rigoureux quand, franchlssant les étapes de la lecture
lu dlon lui perrr1et ùo faire le point: • Il faut comparer la journée d'flcriture et de la méditation, on se dispose âux forines
écoulée Il lu journée •précédente : leur 001uparaison fera saisir supérieures de la prière (88,.PL 158, 869-871).
lS
si.l'on ,est én prog1·ession ou oo régression » (1 i 7.7b).
18 C'est dooo com1ne chez Hugues de J?Q11illoy l'Idée du • cha- 3. AUX t3• ET 14• SŒCLES
pitre • du soh·. Mnis ce quo A. le Bnil interprétait con1me 111\0
si tro& réaliste et funèbre composit.ion do liou en vue de l'exan1cn Aux 11.1° et 14,i siècles, les .attest1,1Lions sont eneo1·0
i, do conscience (Les exercices spirituels dans l'orilre de Cftea.u~, plus norubreuses, .. sl!-ns ·qu'il y ait. beaucoup de -modifi-
r- R ·k M, t. 25, 191,9, p. 26?) est sans rapport avec cet oxorcice. cations profondes ôU d'innovations.
n 1 ° La traditiott cistcrcien11c •est représentée par
On possède un autre schéma d!exa.men, également
l,
du 12e siècle et n1is sur le .co1npte de saint :nernard : Étienne de Sallay t 1252 qui •offre cette particularité
'
1r

'
1815 EXAMEN DE •C<.>NSCIENCE 1816
de prescrire- l 'examen comme préambule de l'oraison, remettra devant ses yeux tout ce qu'il y a on lui de
aussi bien dans son Trr,plex exercitiurn (éd. A. Wihnart, défectueux (analyse clairvoyante, dans le De septem
è
RAM, t·. ,11, '1 930, p. 863-864) que dans le Speculum p,·ocessibus rcligiosi, loco cit.., p. 299). l:
novitii (éd. E. Mikkers, dan$ Collectanea ordùtis cù,ter- D'autres franciscains reprennent l'idée de l'examen
ciensium r11for1natorum, 1.• 8, 1946, p. 88-45). Le premier du soiI•, avec la composition rnentale du« chapitre qu'on
l
de ces textes laisserait quelque hésitation sur l'objet tiHnt avec soi-même, sous la présidence de la juste s
(
de cet exercice ; souvenir des péchés passés, mais qui raison, la conscience droite occupant la place d'accu- )
donne lieu à une «.confession quotidienne faite à Dieu satrice»; ainsi Jean de Galles, t vers 1800 (Ordinarium
de tous les péchés, au rnoins dans leu,• enseinble, et les ,11:tae religio.Yae 86U alpJiabcturn 20, éd. F. Haroldus,
4

pl us graves avec 1nention spéciale >>. Le second, par 1


Ivfayenco, 1673); do même Bernard de Besse, fin 13° siè•
contre, ·e n son chapitre De confessione quotiàia11a 1 en clo, qui joint à l'examen une prière assez large de
p récise parfaitement le contenu; le jeune religieux louange, d'action de grâces et de demande (Spcculum
parcourt tous les rnanquements coutu,niers; « il m'arrive tlt'.sciplinae '1., 12, dans les Opera de saint Bona-
de murmurer.. , de tirer intérieurement vanité de 1ntt Vcinture, t. 8, p. 593b). Le Livre de l'expérwnce des Praia
prestance, de m_a voix, de rna science, de ma naissance», fid.éles d'Angèle de Foligno t 1809 indique, conune moyen
etc, liste très révélatrice des elTorts faits chaque jour de mieux réaliser la consécration du corps et de l'l\lno
sur des détails très concrets, pour assure,• la liberté et jadis pécheurs, « do passer la vie do chaque jour. au
l'lu~mllité de l'âme entrant en oraison. Cf DS, t. 4, col. c1·ible de l'examen, en se recueillant à cet elJet au
1521-1524. rr1oins une fois par jour » (E ntretien sur l'humilité,
Chez les cisterciennos allen1andes, on retrouve des trad. l\{..J. Ferré, Paris, 1927, p. 485).
présentations classiques de l'exan.on : c'est le chapitre
On trouverait d'autres tên1oina parmi les pseudo-bonaventu-
qu'o!l tient avec soi-même (Meèhtilde de Magdebourg ricns du tr,• aièole. Rodolphe de Bîberach 1- 1370 indiquo coliHne
t 1280, La lumière de [{L dil'inité, liv. 7, ch. 6, trad. des • 1>rontler signe d'une chai·ité déjà forte et en progros un fr~-
bénédictins do Solesmes, Paris, 18?8, p. 814); c'est quont ot loyal exan1en de conscienoe • (De scptcm itineribus
,l'inspection que l'on fait de son château intérieur, por- acicrnitatis, itin. 4, dist. 4, flrt. 2, dans .S. Bonaventure, 6d.
tant successivement los regards sur les quatre murs A. •C. Poltlor, t . 8, Po.ris, 1866, p. 11'12). Matthieu de Cracovie
(envers Dieu; envers Marie et los saints; vertus pe)'.Son- t 11110 recomma11de l'examen quotidion co1nn1e facilitant
nelles; _devoirs envers l'~glise et le prochain) ; ainsi bmu1coup la oonfossion: De n101lo confitcndi, ch. 1G; cet opuaçule
â . <lû ell:ércèr une cortninè influence, sous le double patrOnAge
po1,1r Mechtllde d'Hackehorn t 1298 (Le livr11 <Je la grdce
de saint 'l'homas (éd. Vivès, t. 28, Paria, 1.875, p. 426-44',.) et
11péciale, ~iv. 1, ch. 19, 33; trad., Paris, 1878, 1,. 75). de Sfllnt Bonaventure (éd. Pèltier, t. 7, 1866, p. 559-582).
C'est èncoré, pour la 1llên1e, le miroir dans lequel l'âmo Voir DS, L. 1, col. 1858.
se regarde; mais' cette imago déjà ancienne prend un
sens nouveau dans la spiritualité de Mochtilde, si atta- Ou l'ranciscâin _,\lvaro Pelayo (t vers 1858), on à pu
chéé à l'humanité de Jésus : "On doit, avant la confes- dire qu'il présentait, dans le De atattt et planctu Ecclesiae,
sion, contempler la face de son il:1ne dans le mit•oît• des une série d'exan1e11s de conscience adaptés à toutes les
vertus du Christ; dans l1~1niroir de son humilité, que classes sociales (N. Jung, U11 franciscain théolor;i~n
l'homme co11sidèro avec soin sa propre humilité, s'il dtt. pouvoir pontifical au z4e siècle, I>aris, 1931., p. 53-54).
n'a pas taché sa face par la superbe ou la fierté », et La descr•iption détaiHée qu'il fait des fautes, abus et
ainsi de suite (Hv. 8, ch. 51, p . 801 ). L'exercice tradition- p (!ehés de chaque profession, depuis le pape jusqu'aux
nel ·est parfaitement intégré à une spiritualit6 très notaires, mal'chands et agricultours, sans oublier les
personnelle. l'oinmes airnabJement soupçonnées de quelque cent deux
vi,;es, est un app el à la réforrne de tous les membres
2° L'école fra11ciscai11e présente plusieurs usages. de l'Bglise plutôt qu'un schéma d'examens répétés.
Pour les novices, l'Axamen est en relation avec la confes- Pelayo, cependant, connait l'exa,nen quotidien, il
sion très fréquente qu'on leu1• hnpo.se; la Regula no1Ji- y voit la source do la paix de l'âme, et aussi la sécu-
tior1un do saint Bonaventure, ch. 4, prévoit la confes- rité do ce jus te. 1nilieu où doit ao t enir la conscience
sion chaque jour, ou au 1ninimurr1 t.ous les trois jours, pour éviter le relâchement comme le scrupule ; « les
précédée de l'exa1nen en quatre points : « corde, ore, justes sont ceux qui seco\1ent leur vie par un examen
opere et omittendo hona » (Opera on1nia, t. 8, Quaracchi, quotidien >> (De siatu .. , lib. 2, art. 69, Lyon, 1517,
1898, p. 479; cf Ph. l3oehner, Exa.rnùta.tion of conscience l'o.l. 225).
accordi11g to St. Bonac>enture, Ne\v-York, 1959, 2° éd.). '.1° La tradition do111inicai11c est moins nette; on ne
C'est un rythme semblable que propose David d' Augs· trouve l'ien dans les écrits des pren1iers maîtres géné-
bourg t 127.2 en sà For,nula noCJitiorurn, ch. 11 (De cxta- raux dos prôcheurs; rien non plus chez saint 'l'homas
rioris et intariorù1 ho,ninis conipositionn, Quaracchî, 1899, d',\quin, 1nalgré tout ce qu'expose 1'h. de Vallgornera,
p. 15-16) : il est spécifié que l'accusation « au ,noins 1lf.ystica iJieologit,1, <livi Thoinae (q. 2, disp. 8, Barcelone,
trois fois par semaine » est brève, mais qu'il y a place 1662; ré6dité à Turin, en 1891, t. 2, p. 418-ft81); Vall-
pour une revue générale ,1 confessée à Dieu chaque jour go1·nera base d'ailleurs son commentaire sur le De n1odo
dans la prière ». Les religieux plus avancés, tenus à la co11fite11di de Matthieu de Cracovie. l'vlais on retrouve
même pureté de conscience (Bonaventure, Ser,no in pou1• les nov ices parisiens l'examen on quatre points
sexage.~ilna, ibidcrn, t. 9, 1901, p. 1. 99a), l'assurent-ils su,· les . 1, peccata quotidiana ~ en vue de la confession
par les mêmes moyens? Ici, c'est un<< examen quotidien», 11 tous les trois jou1'S ou plus souvent » (Tractatu.s de
mals pratiqué « sept fois le jour, c'est-à-dire avant et institutio11c novitiorum, ch. 8, publié avec les Opera de 1
après chaque heure canoniale, pour voir co,nment l'itn rcgulari d'llumbert de Ron1ans, t. 2, l'l.ome, 1889,
d'heure en heure on a ,, rnarché devant Dieu dans lo sen- p. 528-529); et Guillaume PeyrauL (t vers 1271) , dans
tier de la justice» (Ep. de xxv n1e1norialib11a 21,, ibidem, sou De crt.tditione religiosoru.rn, t r ès souvent copié au
t. 8, p. 496b-(t97a). David d'Augsbourg ne précise pas 1 '•" siècle et répandu sous le nom d'Humberl de Ro,nans
les moments où lo religieux, pour s'hurnilier « toujours», (Ingolstadt, 1591, lib. 2, pars 2, c. 8, p. 59-60) , reprend
16 1817 AUX XIII 0 ET XIVe .SIÈCLES 1818
de à Guillaume de Saint-'1'hier1•y l'examen matinal, sur · Après diras complies, et puis tendras (= tiendrns) ttinsy
,m la nuit et celui du soir sur la journée. cu111mc chappitre 11t appelleras tes sons l'un après l'1.1utré st !ays
quo chacun te rende con1pto de son office et com1nent il aura
Lo bienheureux Venturin de B,ergame t 1846 lie U$0 sa Journée. Se bien ont !aft comme Dieu de qui tous biens
l'exa1nen à la direction spirituelle : la religieuse, pour viennent; se mal ont fait de toutes les deflaultos accuse toy
s'exa1niner chaque soir, doit « se figurer être aux pieds humblement devant Dieu et t'en conf0sse au: plus tôt que tu
de quelque homrne spirituel qui aurait soin de son llme; pourras. Et co,nmcnt qu'il aoit ne laisse point que une fois lo
hd dire tout le bien ou le mal accompli, ou prononcé jour à tout le 1noins tu ne penses à ta conscience. :Et ije ilinsy
ou même pensé dans lo jour qui finit; se représenter ln filis lu auras notre Seigneur y Christ avec toi et seras garnie
1s, ses admonestations, lui· promettre de s'amender ,,; do toutes bonnes vertus (Paris, Bibl. nat., m$ français 19287,
ê- ainsi prépa1•ées par l'exercice quotidien, la confession eL fol. 81r).
le l'ouverture d'âme seront grandement fi\cilitées (Direc-
m Mè1ne les auteurs mystiques du 14e siècle, s'ils ne
toire spirituel, P aris, 1926, p. 98-94). De maitre Eckhart
il• décrivent pas minuticuse1nent l'examen, le reco1n1nan-
is
t 1327 on signale une alhision à un examen de cons- d1>.nt assez, tel flenri Suso t 1866 ( Grand livre des fot•
,n cience co,nme préparation à la célébration de l'eucha-
tl'e.s, lettres 2 et 19; trad. B. Lavaud, Paris, 1946, p. 28
ristie, dans un serrnon inédit (abbaye bénédictine de
l8 et 98). Jean Ruysb roeck t 1381 l'intègre aisé1nent à
,U
lCrems1nünster, 1\.utriohe, ms 83, cité par Th. Kaeppeli, son système et lui donne une dimension bien capable
PrMdicator monoc1tlU$. Scrnwns parisiens de la '{/,11 dit
<le décourager tout rnoralismc : son De septem custodiis
~.
lJ 13° siècle, dans Archùnun fratr1un pra-edicatorum, t. 2?,
Rome, 1957, p. 162) . C'est aussi et unique,n~nt en vue
libellu.s , petit code de sall'lteté pour une religieuse cla-
risse, place au terme de la journée l'exercice « des trois
de la co1nmunion que Rainier de Pise t 13'*8 envisage J>etits' livres à lire le soir », où l'examen n'ei;t qu'unè
!· l'examen ,néthodique de conscience; toutes les questions
,8 étape vers la plus haute élévation spirituelle,
posées en deux septénaires ont trait aux dispositions
1-
envers l'eucharistie (Panthcologia, au mot 11 Exami- On parcourt àn pron1lcr lieu • le vieux livre, dilJorme, souillé,
8
nttre », dans les éd. anciennes; les éditions d\1 17 8 siècle ér..rit à l'encre noire : il représente notre vie d'autrefoîlj », mals
1. l'examen qu'on en fait porte sur tous les nlanquements, qu'ils
e ont profondément ,nodifié l'article).
soiont du passé lointain ou du Jour qui finit.. Le repentir s'ei<:-
t
e L'auteur qui ver11 1310 111ettnit sous .le nonl de Vincont do' prhno on pdores et attitudes déterminées, At dinposo à recevoir
~ Beauvais un Speculu11i ,noralc ne prés(lnt.e pas d'exorcicc ile la 111lséricorde de Dieu • paix et joie par!nites •· Le second
t déterminé, car il donne un traité de théologie 111orale, non un livre, qu'on peut alors aborder, est celui de 19. vie do Jêsus-
guîdë ascêtlquo; Il prône une continuelle surveillance de soi- Christ: • V(l11s dovcz graver da.na le cœur l'amour et )(1 passion
1nô1no, • con11ue en ces 1nonnstères où l'abbé et le prieur sa de votre cher Soigneur •· Enfin, dobout, on contemple le trol•
promènent tout le jour, regardant et visitant tous les rer.oins •; i;ièmo livro • de co'uleur bleue et verte et do.nt los lettres sont
, si l'on s'examinait soigncusc1ncnt, sans rien dissimuler, si l'on !l'or fin•, entendez·«•la vio céleste de l'éternité dont la triple
visitait attentivernont toutes los cachetteij et tous les sens d11rl6, même si elle dépasse l'intélligence, conduit l'âme dans
intérieurs ot ext6rlcurs de l'ânle, on ne pécherait jo.mais • le repos parroit • (Œrtvrcs, trad. des bénédictins, t. 1, 8-• éd.,
(liv. 3, ch. 1, dlsl. 1) : sans doute a'1.1giL-il plus de vigilance que Bruxelles-ParÎB, 1921, p. 193-203).
de regard rétrospectif.
L ~ISATION ET SYSTCIATlSATION
· 4°· Les ermitos usent des mêmes méthodes, leur don-
(158 l.:T j 68 SIÈCLES)
nant môme une allure plus systématique. En Angleterre, Le 158 siècle connaît une pratique·plùs méthodique,
R ichard l'.tolle t 1849 ,net « la connaissance de soi et <Hl 1nême temps qu'une plus grande diffusion de l'exa-
l'investigation de la conscience ~ au nombre des axer- 1nen, qui semble jusque-là attesté surtout chez les clercs
, cices spirituels dont la pratique est nécessaire pendant nt les moniales. Mais la continuité est parfaile, et la
de longues années avant d'accéder à des états supérieurs plupart des traits qu'on va relever étaient ébauchés
(I11ce11d'iu1n a111oris, éd. M. Deancsly, Manchester, 1915, ü l'époq1.1e précédente.
p. 286). Une cornpilation qu'on lui attribue, Our daily
worlc, pl'opose au laïc un e:xercice détaillé qui prend 10 L'examen vaut aussi pour les la~cs. - Le
place après vêpres, comporte des questions précises contraire n'a certes jamais été dit à l'époque antérieure;
ot est suivi de prières et <l'atLitudcs déterminées : on n'a guère pourtant de directoire spirituel pou1· •los
on se f1•appe la poitrine, on récite .Pater et Ave, on reste laïcs, qui permette de se rendre compte ?e ce qui leu!'
à gerioux, etc (éd. C. Horstman, Yorkshire Writers : ùtait proposé sur ce point; sans doute une l'eoherche
Richard Rolle of Hampol,e, t. 1, Londres, 1895, p. 151- dans les sermonnaires livrerait-elle l'éq;uivalent de cc
152). Des « reclus « sont sans doute aS!Jei établis dans qui se tl'ouve fréquè1nment à partir du 1.50 siècle,
la vertu pour n'avoir pl\lS à s'interroger sur les rnanque- On renconl:re deux façons de présenter l'examen aux
ments habituels aux autres hom,nes : chaq1,1e soil•, leur ehrét.iens non clercs, à partir de l'exan1en de conversion
,, reddition de compte " porte seule1nent sur la façon ou à partil' dos exernices monastiques. Le pécheur,
dont ils ont rernpli le triple but de leur condition : pour se convertir et se confesser, a bosoin d'une J'ecl1er-
office divin, dévotes rnéditations, lecture de l'~criture nhe détaillée de ses faut.es; beaucoup de livrets sont rédi.-
et des auteurs spiriti1els. L'exarnen de fin de journée i.l'és, soit pour aider le prêtre à mener l'interrogatoire,
est chez eux une sorte d'examen particulier (Spcculiun LAI le célèbre Confessionalc de saint Antonin de Florence
inclu.<;orum, d'un anony1ne anglais du 1 ~ o siècle, éd. 1' 1~59, soit pour faniliter au pénitent l'exploration de
L. Ollger, Ron1e, 1988, coll. Lateranu1n, t. 4, n.1, p. 108- sa propre vie (par exemple, Bibl. nat., ,Paris, 1ns fran-
·12'1). ç:ais 19287, fol. 4-1-(,8; et lé << petit liVl'O nomrné: L'exa-
Les pl'ogra.mmes de vie religieuse rédigés pour les 1ne11 de conscience du ,nal et du bien de l,'d111e », imprirné
moniales ou pour les jeunes filles se retirant 1< de l'état il Rouen vers 1500, Bibl. nat., vélin 1767). Les prédi-
du monde • co1nporlent généralement l'équ'!valent de <':ateurs invitenL énergiquement à un tel examen et
ce que prescrit le bienheureux Pierre de Luxemboul'g suggèrent de le faire fréquem ment (c'est un thème de
t 1887 à sa sœ\lr J eanne: saint Bernard\n do Sienne t t<,,<,,(1, sermon 27, Opera,
1819 EXAMEN ll>E G:f)NSCIENCE 1820 18
t. 41 Qµaracchi, 1956, p. 23-84·; cf t. 1, 19.50, p. 168-170; l'•JXS.men apparaisse comme un moyen nécessaire poun Po
de saint 'Illtomas do· v:n1oneuve· t 1•555, sermon. pour une vie de dévotion et d'inté11iorité. SW
• pli
le' 311, dimanche de l'avent, Œuc,rcs, trad. V. Ferrier, • Il y a deux· choses quï !ont grand tort aux religieux èt
1 t. f, 1'86'6, p. 187 ;. etc). Une fois la co.n version obtenue, SéJ
expliquent qu'ils soient si peu éclairés : c'est qu'ils sont trop
la persé:v:êra.nce dans .là. pureté de l'dme sera assurée répandus dans los activités visibles et ne·considèrent PM à'quoi lie
P,ar un examen. aualogue : le chartreux J ean· de Dieu tout est ordonné;. ot on second li011. qu'ils n'examinent pas F.1
t 1483,.au,ch. 22 du Libellu,s in,praeparatio11e infir1noru1n soigneusement leur inlérleur, les 1nouva1nonts qui les portent d~
(Venise;, i·l180),. fait. prolonger l'effet de la confession aux vertus ou aux vices, ot la.dlslance qui les sépare de.l'union tit
par, une « t bsolution quotidienne » des.fautes· vénielles, avm: Dieu • ('l'homà.~ a Kempis, Epistola . dsvota ad qus111da111 éc
re,:ularcni, éd. ~t.-J. Pohl, t. 2, Fribourg-en-Brisgau, 1ll01, , TU
qui s'obtient par l'usage des sucran1entaux et par un p. 828).
examen prescrit« une ou deux foi$ par jour» ; il l'encadre et
Déjà l'Epistola· de vita et passione D. l'l.J.C. et ciliis dcvoti.s ·'1 ~
d'bn petit cérémonial (se· signer avec· de l'eau bénite, 11~:(,rcitiis, dlflus6o pa1· Jean V05 1de fleusdèn t 1424, exposait•
Patèr .. , s'imposer une pénitence); il précise que le bien ce rôle de l~examon·: • Plus.tu.avanceras dnns:la connaissance
portent a·, comme le malade, intérêt à don11er pareille de tes roanquen1ents, plus tu p~ogresileras d3nR la C()nnais• Ul
suite•à l'examen pratiqué lors de la conversion. su,11:e de Dieu .. C'est on so connaissanl qua l'homme devient< bi
Le plus souvent l'exan1en de· conscience est proposé' ,nécontant de soi,. et. dans oetto mè1ne 1nosure il plaît à.Diou. le
aux !ales à l'irnitation des usages conventuels. Tù1l êXpérienca t'en. apprendra beaucoup plus quo lous los te
livres n'au1•alont'pu t'ilpporter; et la connaissance de toi-même, ,r.
Ainsi Pierné d'Ailly, vefS 11'10, en son Libcl/U$ co,1.scicntia-0 q11e t'aura donnéo l'èxa1non, te féra profiter des text.es spirituels d
dont. on analysera ci-dessous la rnéthode; Jean. Gerson, vers conune Ri tu en étais l'autou1• ou l'unique bê11éflci11ire • (;Jean ri
11,oo~ dana son so1•n1on '.l'it discipulus ,1j11.s sis (éd. Elliea du Busuh, Chro11ic11n wi,idéshcmcnse, éd. I{. Grubë, 1-lll.llè, 1'886,
Pin, t. 3, Anvers, 1706, col. 1098), reprond lès expériences du p. 2'•1·24'2). fi
moyen âge monastique; Denys le clliirlréux t 1 t, 71, qui parla à
très souvent de. l'exercice.du soir oboz los moillês (De 111edi1a- Ce ,noyen néoessail·o· pout n1êlne devenir moyen e
tion11, ilrt. 9, t. ld1.1'ournai, 1912, p. 84), lo proscril au.prélal,,.au p!'incipaJ! d' une réforme spirituelle. J·ean Trithème d
prince cl. à tout chrétien (t. 85,, P• 130, 404; t. 37, ll• 1â3, t 151 G ex.plique ainsi le renouveau.de l'abbaye et l'esso1• t
1611, 385; t. a9; p. 1',8,,233, 1,20,. etc).; il n'y a pas de progrœ de la congrégation bénédictine de Dursfeld : consta- Il
SRîrituel sans colle. P.urification, quotidienne (t. 89, p. 184).
Voir infra, col. 1s,a. tant la· chute de Javie r.éguliëre et/ Jlattribuant' à llaban-
1
Les lî\'i'CS d'heures contle1u1ënt souvent, à la, fin.du 1.5• siècle; . d<tn des e~ercices· spirituels, los réformateurs du milieu il
los :l.t'Oia p'iètes,. attribuées à Joan. Gerson,. qu'il convîont du 1:'Sll sié'cle ont' établi corn1ne moyen de rappeler d
do. r,6citor après complies; la, première suppose une lns~ection l'esprit des nroihes. « fi la ferveur de leur saint' propos » s•
r.apide.dc,lil J,ournée,: • Sire,.j'ni péché ainsi et ainsi contre votre C
l'accusation des négligences du jour 11 au moins par un
bonté et com1nando111anta ... • (BibL nat.,.Pnris, ms lat. 1a1a,. E
1no1nent de. recueillement, le soir aprèa.con1plies » (De
fol: 127; . ms 10561, tol. 108; ms 1182, fol. 1.21). Le.~ Heures tripliai regione claustraliu111, préface, dans Opera pia et 1
d'Anne de Rohan, au début du 16• siècle,, font un devoir~ilè t
confesser à Diou los péch6s do la journée (Bibl. nat., Paris, spiritualia, Mayence, 1605, p. 51\/,). 'l'1•itllè1ne reprendi
lilS lat. 1391, fol. 9). . souvent à son compte cette·pratique, joignant toujours
à l'examen quoLldlen la réitération du propos initial et- 1
20 La place de l'examen est mieux définie. le renouvellement de la feJ'veur (Opera .. , p. 295, 471,
- Exercice patn1i d'autres, l'exarnen n'a jamais 53ô, 617\ etc). ll n'est pas sans intérêt do relever que
été p1•ésenté conirne une activité hidépendante de la réforrne de Bursfeld était, vers 1'450, directement
l'ensemble de la vie spirituelle; le lien entre ce moyen influencéo par ,fean Busch, formé à Wîndesheîm.
et sa fln avait souvent été marqué, l'examen prolon-
geant les bienfaits de la conversion (ainsi Jean de Dieu a0 Les méthodes de l'examen de conscience.
le éhàrtroiu:) ou facilitan t au religieux le contrôle de - C'est le trait le8 plus net dans l'histoire de l'exan1e11
sa 1na1•che vers la vie parfaite (la plupâ1•t des au teuts depuis la fin du 1.4 siècle : les auteurs ne se contentent
du moyen âge). A 1nosu1'0 que le!:1 exercices spirituels phis d'en indiquer sornmairement le contenu, il:; propo-
sont détlnis de manière plus précise, les autours dis- sent des n1éthodes soigneusemenL pl'écisées. Nous n'évo-
cernent mieux; le rôle respectif, de chacun d'eux; querons que los plus caractéristiques ou les plus répan-
l'exarnen est situé dans une pers.y,entive d'ensemble, duos. La longue expérience de l'école de la Dévotion
que celle-ci soit d'ascèse o.u de vie mystique. li, prend rn1.1derne aboutit à l'élaboration d'une technique dont
aussi plus de consistance du fait de son organisation. ,T ean ?vlombaer se.ra le 1neilleur représentant, et qui
rei:1➔v1•a de saint Ignace uno formulation nouvelle,
Denys le chartreux définit l'examen quotidien cornme l'un apJ)elée à une extraordinai1•e d.ifîuslon.
des moyens du progrès spirituP.l, la gari\ntîe co11tre le péché
véniel et contro la ·nugligan<la clans les petitcR choses (Summa '! ) A JVindasheùn, le fondateul', Florent Radow.ijns
de vitiis et virtutib1'8, llv. 11, art. 1a, t. (19, p. 184D), pe11dant t :1t,OO, JH'ésonte déjà la JJratique d'u~ triple examen.
qu'Honri de Herp t 1(t:J7 l'oxpliqull, 11u troisième deR neur. Parce que l'essentiel do l'etlo1•t ascétique doit consister,
dcg,rés de l'amour divin, co1nn10 lo gago d'un0 purifical.ion selon. lui, 11 dans la correcUon de nos vices. et convoi-
do touto affllction déaofdonnée, l'ouventuro à une largo effusion tisns et l'acquisition des vertus i,,. il propose : a),« apl'èS·
de !'Esprit et lo pr1unîer aig11e del'• amour infatigable • (Theo- co1u1,lies ou le soir ", 11 l'exainen des manque1nents
l1>gia n1.ystica., liv. 111, p111'll !'i, ch. SS, tr(ld. J .-B. do Mo.chault,
Po.ris, 1617, p. 807). quotidiens et l'inspection de la conscience » sur le recueil•
len-1ont dans les niornents de prîèl'e, l'e1nploi du temp:,,
Les présentations systématiques de .la vie spirituelle, les occupations dive1-sos de la journée, l'intention de
tout en donnanL une place iülportaute à l'examen, le tout rapporte1• à Dieu; b) « deux ou trois fois par jour»,
situent toujours dans un ensemble : exel'cices quotidiens, un 1•etour de l'esprit vers les « dél'aut.s contre lesquels
tels.ceux pratiqués par. l'école de la Dévotion mode1·no; on s'est proposé de co1nbattre » et vers les remèdos
exercices de retraite, tels que les proposent Cisneros, qu1i l'on doit y opposer; c) chaque se1naine, au momenL
saint Ignace·Qu N,icola.s Eschius (c( l)S, t. (t, col. 1.060- réglé d'avance, un examen sur· les << exercices, fonctions
1066). Rien d'étonnant, dans ces conditions, que et dovoil'S » p1•oprea aux xnenilJres de la congrégation.

1
1821 DANS LA D,FlVOTIO MQD,ERINA 1822
Pour en parler avec un directeur spil•ituel, on insc11ira , à par,:ourir· avant do oél6bror la· messe : contrition, générale,
sur un. billet.ou un tableau le con1pte des manquements exam,)n détaillé, ferme r.ésolutlon do se corrlger,,enfin offrande
plus fréqµemment constatés, sur lesquels portera préci,, ' de soi, Voir infra, col. 181414.
sémentlepetitexamenpar-ticuliermentlonné' ensecond , 4) Jean Mombaer t 1501, dans son Roseturn exer•
lieu (Tractatulus de spiritualibus excrcitiis, éd. H.,-Nolte,, citior1tm spiritualium (tit. 13, alphab. 36, CDE).,. place
F~ibourg~on-Btisgau, 1862, p, 18-19) .. Aussi v.oit-on les l'exa1nen d'ans un large exercice d'u soit· lî cinq termes,
disciples de. Florent pratiquer ce 1·etour fréquent (,nul- exprimé•s dans l'hexamètre « Discute, sis gratus, pete,
tit()tie11s), sur les péchés .quotidiens, et môme tonir par mens1n•ans, renovando ». On a donc successivement lî

écrit .la comptabil.té spiritueJle de la jou1•née (Dialogi exarr,iner sa conscience, it rendre grâces pour lès blan-
no11icioru111;, liv.. 4 De•discipulis domini Jt'lorentii 1 oh. 6 fait's reçus, à domandor la protection divine pour la
et 18,, dans Thomas a l{empis, Opera, éd. Pohl,. t. ?,, nui,t qui vient, à faire le point du progrès spirituel, enfin
1922, P., 267, et 31,2). à renouveler ses résolutions.
Gérard Zerbolt de Zutpl1e11 t 1398, connaît de môme Mo1nbner donne un petit plaidoi)'er des avantagos de: cot
une hiérarchie d'examens (De. .~piritualibus ascensionic exercice, rosu1nés en vers n1né1uotèchniq11os (Rosetum, Milan,
bus; Deventer, 1<..86, ch. 6,, 7,. 8 et 53), dont il précise 100a, ,>. aâ6) ;
le rôle.dans l'effort .de connaissance de soi qui comrnande Glorillcnns, placat, purgans, humilis, sciuR, ardens,
toute réforme spirituolle (D1: reformatiorie 11irium ani- consorvans, pungit, renovans, ditat, beat, aufert.
mae,.Bâle,.1492, ch. 6). Pou,• lui, l'hou1me.doit faire deux '. Puis il otTre un choix très étendh de p,rocédéil d'in:vestigatlon :
découvertes.initiales : un premier examen d'. ordr.e géné- on peut conduirQ l'èxamen en suivant les catégories do p6ohés,
~al lui fait décou;vrir ses péchés graves,; un second lui selon les moments et' les lieux o.ü s'èst dûrouli\o le. jo.w•née,
fait éprouveri Caliail>lisse1nent de ses puissances, Décidé selon leS façons d'o péclior., ou oncoro sur les sept'. p-éobés caP,i•
ase réformo11, et pour cela à se connaître, ile va ensuite . taux 0 11 los facuH6s do l'â'mo. Pouc no rien laisser dans l'ombre,
et plus brièveinent porter chaque jour sur lui un regard, li y i, un jou savant. d'accolados, dont nous ne reP,roduisons
de, contrôle qui guérira l'iu1pureté de' son oœur : la, quo l'un dos termes (cogitatlonc) : '
triple chute app.elle une triple « ascension », dont le RocolaL quanta :
moyen est ce triple examen. . Deuo1
• carltauvas proxlmum,
Comme « on ne sa\1rait h1tter sur tous les points à li:\ fois •• cogttattone (si bonas
il faut, à partir de ·cette connaissance de sQÎ, détel'JJliner hl hallult 0081•· humlles ad selpaum,
tatlones) carne111ot. •
d6faut principal qu'uno vigilanco ot w1c prièro constantes co111mlslt puras
soumottront progressivo1nont à l'emplro. do la, raison. Lo 1not nia la Sonslbus .. . muntlum
d!exrunen particulier n'est pas prononcé, mais Je « devotum Locutlono .. .
exercitium • (ch. 53) qui affaiblit peu à peu ce défaut ne semble Opéra.. .
, Con versatlone, ..
pflB pouvoir âtra.liornpris ditTérèm111ent. Voir DS, àrt. Df.:FAUTS, omislL
t.3, èOI. 82-85 ; ElXAMEN PARTICULIER, t. 4, èOJ.18~1. bu1la
.
2) Pierre d'Ailly t 1420 (DS, t. 1, col. 256-260) Sur oo point! comn10 sur beaucoup d'autres, Mombaer est
témoigne do l'infi\1ence dos pratiques et des principes plus compilateur que créateur; il réunit de nombreux elém!lnts
de Windèshèim. disparates, dont l'origine n'est pas toujours. facile à d6color.
Du n·1oins, son schéma d'examen so retrouve-t,il, à guolqµos
i1nporta11ce de la co1111aissa11co de soi, etTort n1éthQdique mot.s près, dans un texte d'exerçices du 15• siècle, qui relève
pour y parvollir, oncadro,uent de l'oxa1uon quotidien dans un de la l)êvotion modernê, et qui sullsiste dans une copie do
ensemble qu'il caractérise on cinq points : a) oxcrclco do rocuoil- l'anni:a 1500 an provonanco do la chartrouso de Buxheim :
tement; b) revue des actes de la journée, tant intérieurs q,u'oxté- Formrûa spirituali11ni cxercitiorum scu mcditationum pro no11iciis
rieurs, avec action de grâces et humble demande de pardon in reli'.gione inslrr,,andis, 1ns 818 de la bibl. des jésuites, Chan•
selon les cas; c) regard sur les bienfaits de Dieu,.d'ordre général Lilly (cf H. Watrigo.nt, De examine co11scit:r1ti<te, wco o#., p. 1,2
ou personnel,• pour s'exciter il l'arnour et il Ja,rooonnaiasance •; note).
d) dt;!mande de la grâce de progrès d(clnS les vertus,.ce q\1i donn(I
occasion d'• oxa1uînor si l'on avance ou non on charité; on Aini;i détaillé, l'examen pourrait paraître une recher-
chacune des vertus ca1·dinales, en humilité, en douceur, otc • che si raffinée des péchés que le pécheur évite difilcile-
(Libcllus conscicntiae, éd. E. Vansteenberghe, dans Bcitriigc 1nent une complaisance en soi : l'attention à, soi ne
zitr Gcschichtc der Philr>sophic 1u1d T.litol()gic des Miuclallcrs,
suppl., t. 3, 2° pnrtio, 1935, p. 1288-1246). devlunt-eUe pas envahissante? Mais, d'une part, Mo1n,
L'examen !!St général, mais Pierre d' Ailly conseille aussi <le baer et l'école qu'il représente sont assez loin de penser
se fixer qualqJill t01nps sur l'sxtirpation d'u11 défllut ou l'açq11i- qu'uno telle attention puisse jamais être excessive, puis-
sitiun d'uno vortu (p. 121,1), s11ns préciser los ,nodalités de ce que la connaissance de sol est condition de. lu connais-
contrôlé P,arliculiot·. sanct1 de Diou (ain.si Pierre d'Ailly, Libellu.s.. , p. 1236);
et d';>lutJ'e part l'examen n'est qu'un moment de l'exer-
3) Tho,nas a. I(e1l'ipis t 11, 7•1 raît maintes allusions à cice du soir, lequel donne place à l'action. de grâces et
l'examen de conBcience qui prend place r,ar,ni « les s'achôve on offrande. Mombaer est constant sur cette
oxorcices du bon religieux » (l111itation, liv. 1, ch. 19, insetLion de l'exarnen dans un ensomble, que ce soit
n. ft, citant in1plicit.ement Guillaun1e de Saint-'l'hierry). dans le schén1a en cinq points évoqué ci-dessus ou dans
On a de lui plusieurs modèles d'examen : dans lo Libellu,8 J'exe1'cice à neuf termes qu'il présente ainsi : souvenir
spiritualis curcitii, ch. 9, un bref schéma qui parcow't les des fautes; considéra tions su1• 10,11· amertume ; volonté
divere rnoments de la journéè; Il.li ùl1. 10, un exarnen beaucoup de conversion; (( mensuration ,; du progrès ou, du recul
plus détaillé, qui inspocto los principaux devoirs du religieux, !'éaJis6; reprise dos résolutions; plain te sur la faiblesse
et fail autant do place au bien 0011s qu'au 1nal conuuis (Opera propre; prière pour obwnir, avec le pardon, la grâce
01nnia, l,d. Pohl, t. 2, p. 81t7•35:l); dans l'Alphabet1un rnonachi,
los maxhncs réparties au hasard de l'ordre alphabétique sont de se co1111iger et la protection pour la nuit; action de
faites pour ôtre. apprises par cœur et servir ensuito d'aide- g1•âcos aux multiples motifs; enfin, tant pour recevoir.
mémoire pour l'examen quotidien (t. 3, p. 317,322); ~dans le pal'don que pour remercier, otrl'ande à Dieu, non seule-
l'I,nitatio,i, liv. '•• ch, 7, c'est hi longue énumération-des défauts ment. de soi-même, mais " du Verbe incarné et de tout

1823 EXAMEN DE CONSCIENCE 1824 181

le C<'rps mystique ,,. Le lien de l'examen avec l'ensemble il ne se tient pas quitte, jl va 1nême bien au delà de èe des
c,nn
du mystère chrétien, et singulière1nent avec la vie eucha- qui est proposé à l'exercitant : il a << l'habitude d'oxami- n •. g
ristique, est impliclte1nent affirmé ·chez l'auteur qui a 11er sa conscience à chaque heure », recherchant les N.
poussé les méthodes à leur point extrê1ne. rnoindres traces d'imperfection dans une conduite qui exo
<l$t pourtant soigneusement soumise aux lumières de lu Par
5) Garcia de Cisneros t 15'10, disciple de la Dévotion Act
moderne (cf D_S, t. 2, col. 911-912), propose aussi au réflexion et de l'oraison. C'est qu'il est désireux de ne Cor,
religieux une méthode d'.e:x:a1ner1 quotidien après com- rien soustraire à l'action de la grâce, de coopérer au

'1'70
plies (E;i:ercitatorio, ch. 21) : priè1•e pour demander rnaxilnu,n à 1'Q3uvre sanctificatrice quo le Soigneur d''i
l'aide diyi,n e; puis l'examen proprement dit, qui porte veut accomplir en lui; aussi convient-il d'employer pot
succoosivement sur les péchés par négligence (neur cr toutes les lumières humaines », vigilance, inspection, j9•
points) , par désir déréglé (trois points, eux-mê1nes subdi- r·Htour sur soi, pour seconder l'action divine. Et çomme
visés), et par désordre (colère, envie, paresse, elles- la gràce travaille inceasamment, l'examen (bien simplifié
sans cloute en un rapid'e regard) peut rejoindre à toute l
mêmes diverse1nent xnanifestées); actes de douleur et
t•ésolution de se confesser. heure « la présence activé de Dieu » (cf F. Marty, et
)/examen, prière de l'apôtre, dans ChristlL8 .20, t. 5, 1958, qu:
Lell moine6 espagnols étuieo t suns douto 1noius forrnés que p. 491,.511; J . de Guiberh, La spiritualité de la Cornpa• de
les chanoin.es réguliers de Winde.~hchn à co genro rninntieux gnie de Jésus, Rorne, 1953, p. 22-28 et 50-54).
1:!\11
d'oxercices; aussi est-il prévu, surtout pour ceux qui sont dili- Cet aspect de coopération à la grâce au moyen de
gonts à pratiquer la garde do soi-1nêrr1c, quo l'exnmen du soir l'exa.n1en se laisse percevoir plus nettement chez de
peut se taire plus shnplamont; la forrnule longue sert plutôt da
comme préparation à Ill. confession, destination eeconaaire de saint Ignace que chez ses prédécesseurs; il ressort du (l{i
l'examen, qui u pour but quotidien d'introduire a11x « exercices èadre de prière qui O$t donné à cet exercice (E:i.:ercices sa1
( de la voie illuminative •, o'est-à-dlro ù la considération des 1,piritul}ls, n. 43). Il explique que l'exarnen constitue 1, 6
hil)ntaits de Dieu et à l'action de grdccs (ch. 21 à 23); tous exer- uue prière, aux yeux d'Ignace, au point que la première Be
cicos 41111 rnênie le conterop.lutif n'nbandonnoraH pas hnp11n6- et plus élémentaire des « trois manièl'es de prier » q1,1,
1nont (ch. 68). (n. 238-248) consiste simplernent à parcourir les com- tr.
6) Le frère mineur François d'Osrtna t 1540 osl pins proche , 1nonde1nents ou les péchés capitaux, à penser aux facul-
do la trad.ition médiévo.le quand il cite chaque soir devant le tés de l'âme ou aux cinq sens, en s'accusant des fautes le
tl'lbunal do 11;1 raison les cinq sens, les facultés do l'dtne ët les co1nmises sur ces points, en demandant grâce et secours,
pru!8ions du cœur (Deuœièn1e abAcédaire, lettre Z, oh. 1) ; 1nais eL en terminant par un colloque. L'examen fournit. de
il-dépend sans doute de Tho,nas a Kèir1pis quand il tait uppron- donc, même aux plus aimples, la possibilité de converser de
dre par cœur les vingt-trois points de son pëtit Alphabet n',
PO\ll' vérifier quotidiennement si l'on y a été fidèlo (F. de Ros, avec J)ieu; chez l'exercitant, le jeune religieux, ou le Ce
Un n1attre de sat11te 'l'h~rèse. Le Père François d'Osuna, Paris, spirituel plus avancé, il n'est jamais moné on dehors do d'
1937, p. 63 ot 468·'•69). cette conversation (n. 21,.25; n. 43; Constitutiones Socie- ne,,
tatù, Je11u, p, lV, C. 4, ll. 3), Cf infra, Col. 1881-1838. 1<
?) Saint l g11ace de Loyola t 1556 a établi, dès 1522,
année qui suit sa conversion, << un recueil qui co1nprend ... 5. DU MIIJEU DU 16• SltCLE A NOS JOURS
des avis pour la 1néditaLion, l'exa1nen général et par'Li- '
culier, la confession... » (P. D11don, Saint 1 gnace de Ainsi ntls au point par diverses 1n6thodes, l'examen
Loyola, 1984, p. 278); il l'enrichit et le retouche, en de conscience est universellement pratiqué, surtout
pr
tirant parti de façon très personnelle dos méthodes selon la méthode ignatienne. Les critiques élevées ici re
ascétiques de la Dévotion moderne et do ses expériences ou là suscitent des efforts de rénovation de l'exercice, d(
propres. Entière1nent rédigés en 1540, ses Exerci.ce8 plus qu'elles n'en restreignent l'usage. q1
11pirituels contiennent, en tête de la premio1·e semaine, °
1 Pratique ~iverselle. - 1) .Dans le catholicis,ne. IH
mais évidemment pour une pratiq\1e plus étendue, - Se présentant sous tant d'autorités antérieures, d<
les exercices du contrôle de soi ; un examen particulier l'exaxnen est, depuis Je 1 se siècle, attesté dans l'immense 8(
hi-quotidien (n. 24-31), un « examen général de cons- rnajorité des écrits ascétiques. On notera les tendances d'
Ql
cience pour se purifier et se mieux confesser » (n. 82-43) . los plus marquantes. 01
Les cinq points de l'examen ne son 1. pas exactement ceux Saint Charles Borro1née t 15$4 le prescrit aussi bien n1
de Mombaer, ni de Pierre d'Ailly, bien que les tendances corn.me exeroico des communautés ou des confréries que h
soient les 1nêmes : dilater l'àme dans l'action de grâces dans la prière d\1 soit• des familles; ses séminat•Jstes
et la renouveler dans l'amour, autant que lui faire cü1n1ne les clercs de son évêché y consacrent un quart
prendre conscience de 1:1es rnanquements. Chez saint d'heure quotidien (Acta Ecclesiae 1ncdiolanensis, Lyon,
Ignace, on a l'ordre suivant : a) remercier Dieu pour 1688,. table). Les chal'tl'eux sont les apôtres convain-
les bienfaits reçus; b) deinander la grâce de connaître cui; de la ,nême pratique: Florent de l-Iarlem t 15118,
et chasser ses péchés; c) s'examiner•< en revoyant heure J uste Lansperge t 1589 à Cologne avec son disciple
par heure ou intervalle par intervalle le temps qui s'est Nicola.s Eschius t 1578, l ,aurent Surit1s t 1578 et
écoulé depuis le lover ,i, et en regardant successivement Antoine J\'.lolina t 1612, pour ne relever que quelques
« les pensé.es, les paroles et les actions »; d) demander nolll$; la doctrine est constante, même si l'exercice
pardon à Dieu; e) • prendre la résolution de se corriger pr·ond des rorn1es quelque peu variées et une fréquence
avec sa grâce. P at.er noster ». différente (« Si tu ne peux à chaque heure, cinq fois
Placé ainsi en tête des Exercices, l'examen serait-il ou au minimum trois fois par jour "• dit Lansperge,
réservé aux débutants? Ignace ne le pense pas : il est E,iclti,·idion müitiae christia11ae, ch. 27, Opera omnia,
trop persuadé que l'acquisition des vertus solides est t. 4, Montreuil-sur-mer, 1890, p. 545).
une œuvre cle longue haleine, que la lutte contre soi Com1no los dh•cctives do Charles Borro111ûe el l'lnstru.ction des
pour parvenir ù la perfection de l'amou1• est à poursuivre pr~ircs de Molina 6talcnt adoptées po.r los réformo.tours du
sans arrêt. Et personnellement., même avec les grâces chirgé nu t 7• siècle, l'exo.rnon out sa place dans les règletnonts
d'oraison reçues, avec les succès apostoliques obtenus, d11 séminaires, Je.a directoires de vie sacerdotnle et les usages
1825 PRA1'IQUE UNIV]~RSELLE 1826

➔ ce des congrégations de clercs: ainsi dar1s les Rt!IJles ou constitiuions cles à la contemplation, de Dieu, il rend à l'esprit sa
com,niuw,'I de la co11grégaûon de la Mission, Paria, 1,658, ch. 10, beauté et son aptitude à concevoir des pensées célestes 11
n: 9, p. 73·74. cr infr,1, . col. 19a5 svv.
les ~fême présonco da11s les constitutions dos roligieuses, par (G'o1npcndiun-t <Jitat JJ. virginio Tercsiae a, Jesu, lib. 1,
gui CX811\ple pour les visitandines, Cou.tunU:cr et dirsctoirs, art. 16, e. a, dans Opera, t. 8, Cologne, 1621, p. 128); cher. les
~ là Paris, 16!1?, p. 73; pour di'fllrses congrégations ursulines, la'ics, l'exarnen quotidien s'accompagne du choix volon-
ne Acta Eccle,'liae m.ediul,uicnsis (t. 2, Lyon, 1683, p. 830), ou taire d'une pénitence proportionnée aux J'autes, sans
au Constitutions de.'I religieuses d·c sainte (JrRul~, 18 (par ex. Blois, attendl'e la pénitence sacra1nenteJle (Arot bene ,nvriendi,
eur •1705); pour las ijœurs grises. do lo. hienl1eureuse Marguorilo pars 1, c. 15, dans ()pnra, t. 3, p. 275) . Le capucin Lau-
yer d'Youville, Ildgles et CQIIStitittions, ch. 15 (Montréal, 1851); et rent de Paris t 1631 diJTérencie l'examen selon les
,on, pour de nombreuses c<1ngrégaf.ions localos, tant du 1 ?0 que du étapes de la vie spirituelle : les com1nença.nts, ,, une ou
19• siècle. On voit uuîmo l'exnmen flgui·cr J)arrni leR F,t,;e.rciccs
me spiri11«1is de la Règla drt JJ . .P.S. Benoît (ch. 1G, PRris, 1661,
deux. fois le jour », suivront le schéma traditionnel qui
iflé p. 36). rait l'echetcher les fautes envers Dieu, soi-intime et
ute Je prochain, commises par pensées, paroles et actions;.
,ty, Le plus souvent, l'exanien du soir, chei les religieux les " profitants » s'exa:111inent " sur l'exercice du pur
58, et religieuses, n'est qu'un exercice dans une journéo a1n1>111• divin » : que fut cotto journée « touchant la
qui compte déjà un examen pal'ticulier ou un oxamen prése1\ce de Dieu >1 1 et sa volonté, et sa gloire? Cette
pa-
de pe1•fection à la fin de la n1alinée portant, par exemple, triple recherche longuement détaillée permet d'éliminer
de
sur la résolution de l'o.raison matinale, et un examen "ju:iqu'aux plus petites impertinences et 16gel's mouve-
de prévoyance placé dans la priè1·e du matin; ainsi 1nenls de corps et de cœu1• », et entretient la pureté de
18Z
dans La règle, le. c6rétnonial et le directoire deo Sœurs l'an1our (L e paltiis de l'amour dif,in, Paris, 1614, p. 391-
<lu du Tiers-Ordre de Notre-Darne du Morit-Carrnel et de
·ces 394 ot 1231-1237; les éditions antérieures n'ont pas ces
;üe sainte Thérèse (Bruxelles, 1733, 3° partie, ch. 1, p. 162- e:xel'eices).
t65); dans le rnôme sens, l'opuscule do saint l<'tançois de
~re 2) Dans le protestanti!Jnie et l'angÜc(J.nism.e. - Dnns
• 1)
~orgia t 1572, I1idustriac et spiritualia ar,na ad con!ie-
quendas virtiaes, dans Opera, Bruxelles, 1675, llv. 9, Je décret sur l'integra confesBio, lé concile de Trente
m- tr. 6, ch. 16, p. 468). soulignait la nécessité d'examiner les sinttS omne,q et
ul- latf1h;11,s, pour justifier la pratiquo de l'examen de cons-
(e,s
Les innombrables 111anuels de piété parus depuis
le 'i 6CJ siècle, eucologes, pI'if~tes chrétiennes à l'usage clenee vis-à-vis des luthériens et dé$ calvinistes (Deri•
i's, zingcr, n. 900). Luther el Calvin avaient rejeté l'exan1on
dos .Jaîcs, etc, placent un exarnen rapide au cours
11it con)1ne accu,aatio su,i el déclaraient quo, par la rechEwche
1er de la prière du soir; le plus souvent aucune méthode
n'est indiquée : les fidèles sont ai;sez au courant de et J'exa11\!=)n de ses fautes et péchés, 01, 1ninimisait,
le voil'e on perdait de vuo la culpabilité fondamentale de
cette pi·alique, et leur vie spirituelle peut se contenter
de l'hornme déchu. La doctrine luthérienne de la réden1p-

r.e, d'un re tour sin1pLHlé sur la journée. Le caractère ordi-
naire de cet ex.ercice et son insertion naturelle dans l.ion, qui ne l'econna1t comme voie de salut qut, la ,foi
l'activité des chrétiens sont rnis en lumière en plusieurs flduciale, rendait superflue toute idée d'un examen de
«livres de raison» du 18 8 siècle, où prières quotidiennes conr;cienèe.fait à la lumière de la grâce.
e.t examen de conscience voh,inent avec les cornptes Par contre, l'anglicanisme et aussi bien !e· purj-
an ou le l'écit d'évênen1en ts ra,niliaux. tanisrne firent, en pratique, une place à l'exan1en de ,
ut Les fo1•n1ulah·cs sur11l1ondnnt et se spécialisent; ils visent à conscioncci. On 1•etrouve ùhez eux d'os indices d'une
ici préparer à la conCûssi<?n pnr une rcvuo entière de11 devoirs conl inui1.é consciente de la tradition catholique. C'est •
rcligioux et des obligatious professionnelles; 1>arlois ils on trent ainsi qu'au 17e siècle, l'anglican Daniel Dyke t 16111,
dilnS lo cridra d'une retraito; 11lOin11 i;ouvent, ils proposent leur
1
assidu à " tenir chaque joui' un catalogue et journal de
questionnair<l détaillé pou1• l'o:xerdce quotidien. Déjà prospère tou l.ns les fau [.es cornrnises » et à en faiI•e la 1•ovne
Ici'• AU 1?• siècle, ce genre donna na.issnn(:e nu 19•,à une 1nuHltude chaq ue sen1aine et chaque mois, écrit tout un lrai lé su.1·
1s, de pla9uettcs, à l'intention des ontunls, des jeunes gens, dos l'exarnen , seul capable de débusquer ,c la tron1perie de
se êcclésiastiqucs, ou pour t.el ou tel éLàL do vie. l:3anR beaucollp nos <~œurs » (7'he 1ny11te.ry of self•decci<Jing, Londres,
es d'originnlitê, et sans échnpper parfois à un corL11in morali~rne,
au moins ds1_ns leur taço,1 de présenter les devoirs su,· lesquels 161f-;, so,1vent réédité et traduit; en français par
on s'exa1nine, elles expi•itnout ln çonviction quo l'exa,uen est J. ·ve!'Ilueil, Genève, '1684).
lD
nécessairo dans toutes les conditions et à toutes les ,Htl.}'.H,s de Un nutre anglicnn, Lhcologien Cort érudit et de gr1;1nde déli•
lé la vie spiriLuulle. catm:s,, rie sBnt.irnent, pro!ondén1enL enraciné dHlls le rnilie\l
es univrirsitairil d'Oxfor(l ·et de Cambridge, Joron1y Taylor
Le lien entre la purification de l'ârne par l'examen
rt
et l'accession à la vie <l'oraison est nettement 1narqué. t 11l'i7, ,n6rite ûgale,nent att.ention. Son The rulc and e..r:arcices
11, of }wly dyi11t: (Oxford, 1651) donn~ l'équivalent de directives
11• Sain te ThérP.se d'Avila, qui sait rappeler l'irn portance pour une rotraHo spirituelle, 111nis aussi détaille l'examen do
3, de l'exal)'len de chaque soit· (,<lpis, dans ŒuvreB coni• consdcnco : la torn1e, le èontenu comme la méthode ont une
le plùtes, trad. des ca1•mélites, t. a, Parié, 1924, p. 828), nllurn traditionnel)c (vg eh. 2, sect. 2 Of daily e.tar11i1111tion
~t place une révision de la conscience con11ne introduction of 0111· actions i,1 the 1V/iolc coiu·sc of ottr hcalth preparatory 10 O!lr
à toute oraison (C,'}wrnin de la pel'fection, ch. 26, ibideni, deatli.-bed, et The be11cfits Qf 1(1,is c,t,cr1,icc).
lS
p. 162). Ce devait être une pratiqua assei répandue, car En n1otivunl. cas exercices spirituels, et surtout l'e:xanrnn,
)0
on la trouve déjà en 1559 dans l'Ejercicio espiritu(J.l par la nucossilé de prôp11rer-l)ne sninle mort, Taylor se rattache
~e au courant IILtürah-e ' rnédiéval de l'Ars r11oric1uli (cf
ls para, ql proprio conociniiento de saint François de Borgia ?,f. C. O'Connor, The A rt of dying well. The ·dec,elop1nent of tlw
a, '(Opera, Bruxelles, , 675, lih. 8, tract. 5, n. 102, p.386); Ars ,norie11di, Ne,v-Yorlc, 1942, p. 208),
i, l'examen y pl'écède le Pater et Je V.eni Sancte Spiritu.~, LDuis-L. h-1artz (The p(Jctr11 of 1ncdi1<1tion, New :Haven,
par quoi on se dispose à faire oraison. S'appuyant sur 195', 1 a r6co111rnent. mont.ré à quel point les auteurs spirituels
l'exe1nple do sain le Thérèse, J ean de Jésus-Mario le anglai.~ du 17• siôclo, nuimo des puritains comme Richard
calaguritain t 1615 énonce ainsi le rôle de l'exa1nen Baxim: 1' 1691, 6Laicnt fa1r1ili11risés 11ve(: les Eitercice.s de saint
chez les contemplatifs : pratiqué deux fois par jour fgno cc.
et com·rne exercice de corn1nunauté, " il écarte les obsta- ;.\u 1 se siècle, les auteurs spiri.tuels anglicans s'il}spi-
JJ 1cT10NNA1nll Dll SP11111'UALITR . - 'I'. IV. ' 58
1827 EXAMEN ·DE <~ONSClENCJ.~ 18
re11-t toujoUl'S du même espl'it. Philippo Doddrige t 1751, (Paris, s d; Caen, 1?86, p. 16-16), héritiel' des Dé'1!Jtts oocupa• mt1
par exemple, dans son 'l'he rise a11d progres8 <Jf religion tio,is , Lyon, 1648. Pour les reilgicusos, le livret so11vant r~~dlH en
in the soul (Lond1·es, 1745, ch. 13 on particulier, 8° éd., Paris, ~pr~s 1670, l'kxercices religieux miles et profitables (7• éd,, me
1 ?09, p. 275-285, 830,348); la méthode rosto assez re1
1761, p. 118-125; cf DS, t. 3, col. 1512). Davantage souplo pour proposer aux • âmes plus parfaltos qui aspirent à
'\ encore le célèbre pasteur arnéricain Jonathan Ed,vurds l'union divine , .un examen spécial, qui s0 fait « plus par senti• «0:
t 1758. Dans ses serinons, il s'appuyait sui• la Bible pour 1nents du cœur que pal' p11roles • (p. à48), l'e:
exhorter- les lldèlcs à exauüner soigneusemerit leu!' cons- du
cience (ser1non 31 (;r1:at c<tre necessary, l11st we li"e in Cot examen est, plus qu'auparavant, expliqué el
1
somc way of sin, dans The ,vorlcs of Preside11t Ed,vards, co,nlnenLé pal' les auteurs qui t1·ailent do la vie spiri•
Worceslel', Mass·., 1808; t. 4, New-York et Londi•es, tuelle. Plusieurs jésuites illustrent l'enseignement de
1844, p. 502-528). Voir J. T. Jvic.NeUI, ;,1 history of the saint Ignace et composent des théories de l'examen,
cure of souls, Londres, 1952 , p. 276. tant général que particulier : après Vincent Bruno qui
...,
8:lt!
au
qu
Dans ta pratique de la vie spirituelle, des luLhis.1•iens rosto assez succinct (Brepis tractatus de sacram'ento t.
et des calvinistes font êgale,neo t place à l'exarnen de poeniwntiae, Cologne, 1599; Lyon, 1607, p. 45•5~), Ht
• ils donnent à leur exposé une ampleur que seul celui do
conscience. un
de Jean Mornbae1· avait atteinte avanL eux : ainsi
Lo ministre Je1u1 Claude t '168? cornpose L'cxam.c,1 rlc tJOi- Jacques Alvarez de Paz, De e:,;terrninati.ône mali (Lyon, VI"
milrnc p()ur bien se préparer -à la con11nuni.on (Charenton, 1682);
le pasteur A. Gonthlc1' est dans la 1nOmo tradition avec ses 1 613; éd. Vivès, t. 3, Paris, 1875, p. 775-820, et t. 4,
Ea:crcir.e.ç d8 piélll pour let cor;11nu11io11 (Toulouse, 1896). J. DM• 1875, p. 75-94); Alphonse Rodriguez, Ejercicio de por/ac- m,
nage t 1725 Il co1nposé un abondant Truité de la. con;icicncc cidn y ,,irtuàcs cristia11as (Séville, 1609, pars 1, tract. 7); d',
(Arni;t11rd111n, 169?) qui plaida fréquemment pour l'examen, Ph. Debius t 1687, Thronus justitiae (Cologne, 1624), oh
le veut sévè1•e et humiliant, mals attend da lui • la paix de etc. Los meilleurs co1nmentateurs de l'examen ignafien ,n
'
ù ieu • (t. à, p. 425-t,t,O). se1nblent être Louis la Palma et J .-E. Nicrenlberg. Le Oil
Plus pros do nous, le pasteur \'Vilfred fvlonod propose à SP.H Caniino espiritual du premier (Alcala, 1626; éd. latino1 l'e
cal.échu1nènes un • exercice n1éthodique • du n1atin (recueille• Via 11piritualis.. , t. 2, Barcelone, 1887, p. 295-/i77)
rnent ot prévoy11.nca) et pour Je soir un axa,nen qui provoquu ce
. à l'action de grtlcos connne a11 repentir (Vers Dieu, ou l'ascen• est un traité complot qui définit, non seulement les buts d'
sion de l'hoinme, Paris, 1928, p. xxv-xxvn). Des groupes àni• de l'examen ou ses 1néthodos, mais aussi ses lions avec d'
més par lui ~e sont fixé la règle d'un • culte peri,onnel • quoti• l'ensemble des autres exercices (ch. 19, p. 437 svv) dt
dien, avec l'èxamcn du soir sur dos textes scripturaires ou des et avec la direction spirituelle (ch. 20, p. 445 svv). pt
formulaires variés (Veillez. .Bu.Uctin 1rî111estriet d1L Tiers-Ordre Niel•emberg, dans ses Doctrinae asceticae (Lyon, 1648, 8l
protestant ·• Les Veillettrs •, 1924-1 930, passim; cf DS, t. 2, doct. 2), marque l'universeUe portée de l'examen qui se
col. 46, 48·50). embrasse, au delà dos péchés à accuser en confession, à
L'oxernple ùo Dcnjnmin 1-'renklin t 1790 eRI, plus connu, 1nai$ les retards et négligences à profiter des vel'tus do l'état
il se situe dans une peri;pecLivo plus mor!lle quo rèllgieuse : , l'i
un 'tableau des vert.us pHrnict d'inscrire nhaque soir les n1Qnqlm• religieux et. dos moyens de progrès propres à la vie régu- C'
1nonts ot d'être chnque sen1aine spécialiunant attentif à l'une lière; il conseille d'individualiser l'examen " pro rationé tu
d'elles (The Attlobio,;raphy, dans 'J'/lo Writi11gs of B ..Franltlin, conditionis suae » et suggère une revue des devoirs pl
éd. A. H. Smyth, L. 1, New-York, 1905, p. 326-339). d'apostolat (ch. 18-14). q,
2° Large audience de la méthode ignatienne. La continuité dans la tradition ignationne n'exclut d1
- La rapide extension de la compagnie de Jés,1s et pas certaines variutiona. p,
son rôlo dans l'anhnation spirituelle de la contre- l?l11sieurs autours présentent des procédés mnéJRotechnlques, à
Réforme expliquent que la n1éthode ignatienne ait été ratLachent pnr exemple les cinq point.~ de l'examon aux oinq et
le plus f1·éque1nmeni proposée pour l'examen de cons• doigts do la main : de nornbrouscs édttions des Exercice$ de
cience. Les collèges tenus par les jésuit.es, les congréga- saint Ignace (Rome, iGGa; Anvers, 1673 et 1689; Prague, 1735, di
1 etc) 1·cnouvollent par uno gravure le • Chiro-psnlterion • de
tions n1ariales qu'ils dirigent, los manuels de piété qu'ils Mon1baer, qni procédait lui-même de Thierry de Herxen (OS, 01

éditent, répandent l'exanleil en cinq poinls avec son t. 3, col. 781). Un autre moyen 1nné1notecnnique llvoquo à 81
C(
cadre do prière et sa préoccu1>ation d'atteindre jus- chaque point l'une des cinq plaies du Christ; lo lien entre
qu'aux racines du péché. La producLion littéraire est l'exan1en et les plaies du Sauveur était déjà signalé par Cht1.rlet1
immense el les éditions inno1nhrahles : par exemplo, Borro,néc (Act.a Ecclesi-a.e 1ncdiolane111Jis, l. 2, Lyon, 1688, B
le Libellus sodalit(ltis, hoe est chri,~tianaru,n institutio- p. 880); il est utilisé pour provoquer, parfois d'une maoi~ro s'
rl1',m de François Cosle1•, à partir de 1576 (DS, t. 2,
nrtillcielle, à ta contrition. Parmi d'autres, à signnler A. Natale, F
1 caclcstl oonvereat,ione (Paler1110, 1703; Angers, 1861, p. 93·
col. 2417); le Jvlartuale sodalitatis B. Mariae Virginis De 1.08); Fr. Knppenstoin, A1111us san.ct1'8 11e11erabilis ThomM a e1
de François Veron (Liège, 1599), aux multiples éditions Xcr;1pc11 (Cologno, 1 ?30, p. ~25-430); l'Oflir.iwn r11.koc.iar1um, la
et traductions; G. Nakatenus, (Jaelcstc palmetum, diffuse sic•e. oaria pietatia cxcri;itia (Vienne, 1 ?63, p. !l56-858). pl
depuis 1660, à Cologne, en de nombreuses langues, et C'est encore un procédé aide-mémoire que recherche J. l)jr- CA
encore réédité à Malines en 1922, etc. ckinck en unissant l'oxamon à ln dévotion envers la saintè Tri- ai
Beaucoup d'auteurs étrangers à la cot)lpagnie de nlt6 (Horol()giurn aacerclotalc, Cologne, 1691). On toucho Ici au d,
Jésus adoptent le schéma ignatien. genre des« industries pieuses • dans lequel excelle G. Druzbioki p·
(Tribrtnal c1J11scù1ntiae, Cracovié, 1672, dans Opera om.r1ia atct-
Saint Charles Borromée lo propose aux laïcii (Acta EcclGBiac tica, t. 1, Ingolstadt, 1732, p. 617-644), pour qui l'examen peut le
mediolanensis, t. 2, Lyon, 1683, p. 909-910); des bénêdict.ins, prendra vingt for1nes divorscs, n)ai.~ avec une très grande sou• 16
cistercions, séculiers, le répandent : D. O. Corner os b, Pro11lp- plasse t.l'nppliontion aulon la conditio11 do chacun, les lumières
tttari11m calholir.ae de'1otionis, Ingolstadt, 1614, p. 66-68; lo du Saint-Esprit et les conseils du directeur (cf DS, t. a, col.
génovélain A.-F. Chartonnet, Mdthode et pratiq11e des princ1'.- 111
.pau:i; c:ccrcice$ de piété, Paris, 171 O, p. 101-119 ; J. Cl11venau o s b,
1732) . cl
Asccsis posth11.ma, t ..1, Salzbourg, 1720, p. 225-238; la cistercien vi
3° Objections et parades. - Comme les autres p:
anonymo qui propose un ex11n1en très concret aux jeunes gens exercices spirituels, et peut-être plus qu'eux, l'examen
d11ns Panis cacli dcpro,npttts ex <•atiis pior1t1n libclli$, Sale111, a ôté l'objet de vives critiques; certaines ont porté sur 8l
1 ??r.., p. 5?-63. l'our l'éducation des filles, citons le Formulaire Il
de 'prières 4 l'uaags des p11ilsionnairsa dl!s rcligie11ses ursulines ses formes méthodiques, d'autres ont attaqué le principe p

1
,,

!828 1829 EXAMEN DE CONSCIENCE BÉRULLIEN, f830


'CUpa• mêmo de sa px-a.tique. Des auteurs soucieux do mettre rendre !l'r1îc0 et deml)nder la lumière, et d'un regard furtif sur
iédité en valeur l' unité de la vin. spirituelle ont redouté un cc <1ui aurait été péché dan/! sa jo\1rnée (Ca~lcstc pcilni.ctitm.,
1 êd.,
Iliorcellemont don1magoable-; d'auLres ont jugé iiévè- Cologne, 1691, p. 1,00). Léonce de Grn.ndmaison 't 1927 inv.ite
assez • non à ru1nincr indéflnlinent sur nos 1nii;ôros, rnais à voir,
ent à romont la « notation mathé1natique » des fautes et
«craint qu'à force de scruter le détail on en vînt à oublier vite ut bi1in, si nous sommes fidèles a_u ,service do Dieu• (Ecrits
1enti- spirü1UJ/s, t. 2, Pari~, 1931,, p. 258-261),
l'ènseu1ble ~ (Fr. Vincent, Saint l~rançois de Sa.les
directeur d,'d,nei,, Paris, 1928, p. 870). 2) .T.,'c:ta.rnen sa garde du naturalisme et du m-oralismc. -
é et
l,e.~ autorités allégu6cs ne' sont pw; des arlverRoires de tout Il rnst.e eni:adré d~ prière, et dans l'exercice du soir
1piri- il ei-L aeco1npagné d'un acte des vertus ·théologale$. 11
t de oxomen : ce que redoute saint François du Salea dans sa lflttrf;l
du 16 janvier 16()3 à l.a soour do Soulrour, c'est l'oxarnon • fait ne se contente pas de juger l'âme par 1'apport à un cata-
nen, avec anxiété 0t purplexil.é • et quand il porte sur la vainc logue d'obligations ou de verLus, il tente de ,faire péné-
1 qui question do savoir si l'on est• en h,1perfection ou non• (ŒuPrss, trer la lurnière de l'Évangile dans las recoins les plus
iento t, 12, Annecy, 190:l, (). 167-168); ds 1n<lme les mots de l'abbé cachés.
-5?}, fluvelin, • l'exan1en onibrouillo au lieu de débro1.1iller, il e11t
~elui doulourousarnent inutile •• s'adressent à uno Aine éprouvée par D'où l'importune~ donnée aux intentions, aux aveuglements,
1insi uno • vraio nuit• (.f.:critR spiritllcls et pc•rolcs, éd, M.-Th. Lolob- aux prélilxtea : ainsi Lr,.~ ph,hés r.r,ché;; clc chaque chrétic" c1t
yon, Vl'.°• Paris, i'.159, p. 11,7). Voir infra, col. 18l18. l'cxc,rcicc de sa. profession, Paris, 168(); L.-J. Lebret et 'l'h. Suu-
vet., Rajeunir l'cxa,nsn de conscience, Paris, 1952. L'h11bitud&
t. 4, Plusiel)rs on L ei;tin1é que l'ârne trop attentive à ollo- de 1néditer le lexte évangélique per1nel d'y confronter le
~tee- mên1e pouvait rnanqucr à l'esprit filial, à l'abandon comporleinent. quoUdien; cr F. Marduel, Examen de conscience
. ?) ; d'enfant qui devrait êl,1•e une attitude foncière du selon l' l1i,angile, Le Puy, 1960.
124)\ chrétien, ainsi Ch. Péguy 't 1914 (Le mystère des saints
tien 3) L'exa1nen se fait par rapport ù Jésus-Christ. - •
i11noce11ts, Paris, 1929, p. 26-33). Plus p1•0Iondément,
. Le Sans doute est-ce là le pJ'incipal apport que lû pratique
on a reproché à l'exa1nen de faire trop grande la part do
,ine, l'ofT01-t hu1nain, au détriment de l'action de la g1•1l.ce : de l'ex:amen ait reçu depuis quatre siècles : l'école bérul-
•77) lienue, en toutes choses attentive à l'action de Jésus•
cette ascèse, mêmo ment'le devant Dieu , rii:iquaiL Christ, explicite <:e lien nécessaire au Christ, car~ toute
)UtS d'être uno tentative natul'aliste, trop e1npreinte encore
1vec .vie doit adorer et se référer à la vie suprôme eL aux vies
d'un volontarisrne à la Sénèque, trop peu marquée principales émanantes de i:ette vie•suprême >1 (Bérulle,
l'VVi) du caractère spécifiquement chrétien. L'examen ne
vv). Œ'u1,re.~ de piété, Paris, 1644, n. 176, p. 1064; éd. Migne,
participo-t-il pas de l'in)puissnnce radicale de tout
i48, Pa1'is, -1856, col. 1280); aussi l'examen, ,, à l'issue de
exercice, incapable d'opérer la purification quo Dieu sexte », doit-il « rcnouvelol' enve1•s Jésus-Christ et sa
qui seul peut réaliser? Plus oncoro, ne fait-il pas obstacle
ion, très suinte Mère la ve1•tu que nous devons acquérir
11 cotte puritlcation, puisqu'il oùcupe stérile,nent
,tat pendant la semaine, par ho,nmage do quelque verLu
l'ân1e, l'encombre et la soustrait il l'action divine'?
gus sernblable qui est en oux 11, et celui du soir se fait dans
·C'est la position de Michel Molinos (Man,,ductio spiri- le n1ôme esp1•it (Règlements donnés par... le cardinal tù,
one tttalis, liv. 1, ch. ?-8, !{orne, 1687, p. 75-82); elle a
oirs B(,rnlle pour l'institution de l'Oratoire, dans Actes de la
pénétré chez des n1odernes, bien éloignés du quiétisme,
seco,ulc asse,nblée génértile (Paris, 1634 ?), p. 93; éd.
qui condarnnent dans cot exe1•cice unt~secrète recherche Mign,,,, col. 1680).
:lut do soi : ainsi Ubald d'Alençon (L'dnw fra11ciscai11c,
.Mê1ne attitude chez les disciples de Bérulle.
Pa1•is, 1926, p. 105-106). Sur les divel'$eS oppositions
11,os, à l'ascétisme, voil• art. As1:i'.:$F. 1 OS, t. 1, col. 981-988 P. Méto1.0i111 t 1631, "RprP-R nvoir vaqué à la priè1•0 cl oraison•
1inq et 999-1001. cl c,.1 11sldé:rô sa journuil, va " se m1;1ttre tout honteux derrière
de I~a tradition spirituelle n'a coss6 d'apporter, en fait, Jésu~-Chrisl • et rocom,nande • d'unir 11ut11nt que nous pour-
186, des réponses pertinentes à ces objections; quelques traits rons notre douleur à ses douleurs ot noll'o fuible contrition
de à l'cixcès, grapdeur et véhémence do son 11111ère pal!ljion •
DS,
ont t'lté rlavanlf\ge rnis en lurnière, et la législation ecclé- (L'e;i·ercice intéri.e ur de t' /i()n1tt1e dirélicn, Paris, 1627, p. 58'1-588).
1 à siastique s'est prononcée on faveur de l'examen de D. A1ne1oio a r0lr11cé la façon dont Charles c:lc Condren t 1641
1t're conscience.
. Voir Conclu.sion, infra, col. 1831-1838. s'ex1omlnait chaque soir • scion les s0ntirr1ilnt11 do ,lésus-Christ
rlea 1) J,'e.xam.e11 peut prendre des form.es simples. cf, non pas selon les siens • (La 11ie di, P. Ch. de Co11drcn, 1•
i88j partin, ch. 25, Paris, 1643, p. 180-186). Ce 1némo principe anime
Beaucoup d'écrits ascétiques ou de règles religieuses les directiveH données a,ux orntoriens pour los trois exercices
.èro
~le, $'abst.iennent d'indiquer une n1éthode; :)près saint <1uot.i<li0ns (Leures du l'. de (;011dre11, éd. P. Auvray et A. Jouf-
93. François de Sales, saint Alphonse <ln Liguori vent un froy, Pnl'is, 19'1~, lottro 1GG, p. 601-li07; co texte a fourni les
examen particulier très court, « simple coup d'œil sur p1•inei1)aux éléments do cc qul a été publié 11ous le nom de
la conscience », et un exa,nen général qui, pour être Bérulle, dans Œ1M1rcs, éd. :Migne, col. 1643-16',5).
plus.long, n'en reste pas moins exempL de t.out.e con1pli-
llt- cation ( Vera 11po8a di Gesi'i. Chri.sto, ch. 24, dans Opcre Cl1oz J .•J. Olier i" 1657, l'oxamen se fait aussi cc en
'rl- ascetiche, t. 15, Rôn1e, 1935, p. 408-410). A toute époque, uni(,n intérieure à Jésus-Christ» (La journée ch.réticrt1tc,
au des auteurs jésuites, et des plus soucieux d'assurer la Paris, '1655; éd. F. Amiot, Paris, 1954, p. 175) ·et a l'exel'-
cki cice plus court" consiste à« nous exposer à Jésus-Christ
·ce• pureté du cœur, ont rappelé que l'essentiel n'était pas
le cadre donné à l'examen, mais la eo1•1•espondf\nce à. couverts de honte >1 pour tel mauvais usage de· nos facul-
rut
)Ue lo grâce qu'on obtenait par lui. tés, et à le supplier« d'appliquer sur nous l'usage qu'il
res. a fuit do ses sons •> pondant sa vie terrestre (ibidern,
ol. Louis Lallernanl t 1635 soulignait le rapport de l'examen p. 2·17-218). lJne letLre à la princesse de Condé, en 1647,
avec le don de crainte, ol disait co11natlro <les spirituels • rnar- n.xe les trois points sur lesquels elle s'interrogera : si on
ohant toujours à la lurnière du Saint-Esprit •, • tellernont u passé lu journée « en la vue de Dieu et pour Dieu », si
·eii vigilants à la gtlrde du cœur • qu'ils font «pour ainsi dire examen
particulier do t.011!. • et n'ont plu& guère besoin de le faire on un on a vécu« pour Dieu en J ésus-Chrlst », si l'on a été mort
0n à soi-mêrne. Et la contrition qui naît do cotte inspec-
exercice déterntiné ( Vie et doctrine apirituelle, prinoipe t,, ch. (,,
ur art 7i 6d. Fr. Courel, Paris, 1959, p. 227-229). O. NakQtfln tion pousse à« adhérer à son saint esprit à tout jamais»,
pe pensait qu'un hon11no trùs occuptl a assez " d'un soupir • pour à c< ,;'abandonner à Dieu en Jésus-Christ, l'unique péni~
,
.,
1831 EXAMEN DE (:ONSCIENCE 1832 1~

tent de l''.Ég)ise » (Lettre.~, éd. E. Levesque, t. '1 , Paris, fautes et d'établir sa responsabilité, de se disposer par
q1
Ol
'1,985, p. 310-317), Mê rne ·attitude chez saint J ean Eudes une sincère contrit ion au pnrdon de Dieu, d'organiser
t 1680, dans le Mcl1norial de la vie ecclésiastique, Lisieux, en r etour sa. vie avec prudence en vue d'un progrès
d1
rnoral et spirituel. L 'idée de base de saint Ignace est re
1681, et le M anu11l co11tè11ant pltœi(Jurs exercices de piété,
80
Caen, 1668 (Œuvres coniplète11, t. 3, Paris, 1906, p. 112, pins large. Il parle de ,t toute manière d'exa1niner »,
f(I
et 8'12·814) : après avoir adoré Dieu le Père et Jésus- ce qui dolt rend1•e attentif à la diversité des objets de
Cllrist comme juge, on examine la journée, puis on so l 'examen, de ses formes pratiques et de sa fin prochaine. m
donne au Fils de Dieu te pour en trer avec lui dans l'humi- 11 .l e situe par mi les activités spirituelles qui, étant
0(
liation, contriti()n et pénitence qu'il a portées d e nos prière et coopéi·aLion libre à l'œuvro divine on l'homme
p,
péchés » (p. 313). Il semble quo ce soit ,Jean Eudes et dans le monde, portent à. vivre en pleine confor1nlté
qui introduise, en préan1bule à l'exam en particulier, la de la volonté avec celle de Dieu, ce qui est ici-bas ' d'
service• et amour. Acte d'ascèse personnelle, il tend à d'
contempla t ion de te!Je vertu en J ésus -Christ, vertu
s ur laquelle on va ptécisétnent s'examiner, ot le mouve- dégager l'il.me du péché et à purifier le cœur et l'esprit, SC
fi
ment de • se donner>> ensuite à Jésus-Christ et de le prier ,nais il est en son fond acte de vie en Dieu. I l n'est •
« de nous rondre pa1•ticipant " de la perfection qui est là véritable exercice spil•ituel que lorsque, par lui et en lui, Jl
sienne (ibidem, p. 286-297); le schéma des examens « le Créateur et Seigneur se co1n 1nuoique lui-même
q
particuliers de Louis Tronson a sa source dans cettè à l'âme fidèle , l'embrassant dans son amour et sa louange p
et la disposant à la voie où elle pourra mieux le servir p
méthode d'adhérence {cf art. EXAMEN PARTICULIER,
DS, t. 4, col.. 1848). ensu ite» (n. 15). 'Il fait approche,· de Dieu et l'a tteind1·0, n
U ne heureuse synthèse de ce courant bérullien et de disposant l'homme <( à recevoir grâces et dons de la n
la méthode ignatienno est réalisée d éjà pal' le jésuite divine et souveraine Bonté 11 (n. 20b). li engage dans g
A . Civoré (Les secrets de la soicnr.11 d111J .w1,int11, Lille,' 1651; la voie de l'hurnilité, et peut aussi Introduire dans une l'
cf DS, t. 2, col. 921); son « 1nodèle de l'exarnen de a uthentique conte1nplation, celle que, dans la foi vive,
Dieu accorde ù celui qu i le cherch e en toutes choses ot C
conscience par voii3 d'affection •> garde lei'! cinq points
et le mouvement génér al de l'examen ignaUeµ, mais, considllre toute chose en lui. d
critiquant la manière,, conunune, avec de froides recher- Prendre tel quel cc que propose saint Ignace sur à
ches dé ses fautes)), il rapporte explicitement le troisièmè " l'examen d e conscience général en vue rlo la purifica- 11
point à (1 Jésus-Christ, 1niroir de toute perfection : tion de l'âm o et p our mieux se confesser » (n. 32-43) b
pourquoi suis-je si dissemblable à v ous?» Chaque inter- et sur « l'exa,nen particulier quotidien " (n. 2~·81), ne q
rogation de l'â me se fait par rapport au modèle vivant de pas le replacer dans le cadre O\l il s'insère, conduit 1:
toute sainteté (p. 169-17 1t). à une conception étroite. Ces normes s'adressent certes é
à celui qui veut, non seulement se convertir, rnais pro• j1
La voinn de l'école bérullienne se relrouve chez des autcu1·s -a
plus ré1;ents : H. Chau,nont, Leurss spirituelles, t. 1, Poris, gresser dans la vie spiri tuelle. Cependant l'examen,
(
1900, p. 15'• (cf OS, l. 2, col. 813· 818); V.•1'1. Breton or m, dans la lumière des Exercices spirif.11,els faits en leur
entier, apparatt 1•iche <le virtualités plus amples et C
P ropos sitr l'c:l:arncn. de conscience , P ari~, 191,? : • L,t majeure
partie du temps em ployé à. ce t exercice sera accordé : 1) 1t la ap pelé à une effi caci té plus profonde. Il fallait au f
contemplation de JésuR, 2) aux antes d'hu,nililé, de bon d ép,1rt reh1se1• les limites entre lesquelles on enferme C
propos, de dom1.1ncle et d'ollrande de soi • (p. 20). souvent l'examen et lui donner ses vraies dimensions. a

(i) Doc1~ments disciplinaires et enscig11etn.c,1t.v pontifi- 1. L'exainen dans la vie morale et dans la '
I
caux. ,- Voir infra l'a1·ticle l~Xf?liClCF. $ SPII\ITIJ EL S, vie chrétienne. - Dans sa réalisation plénière, G'
§ 1v, col. 1988. Notons sculcn1ent ici quo le motu proprio l'exarnen est une actlvi té spirituelle naturelle et surna• C

de Jean XXIII, llubricarum inRtructum (25 juillet 1960), t.urelle. Il se présente pourtant déjà co1n1ne une inani- J
nouveàu code des r ubriqu es, recoinmande de <( raire restation spécifique d e l'esprit humain, car il est une é
l'examen de conscience, prolongé pendant un terhps
convenable >1 au début de la récitation des complies
des formes de plein exercice de la conscience mQralo.
Il n'ost pas pure présence à sol-1n1lnle ou simple rocueil- '
s
(n. ·1 47). L'exercice tradiUonnelle1nent lié aux prit\1•es leolen t,, attention plus ou moins pénétrante aux actes ç•
de la fin du jour prend a insi place dans la prière o(Ticielle extérieurs ou aux 1nouve1nents de l'esprit et du cœur, (
de l'Église, après avoir été prescrit aux clercs par le nll'ort d'introspection ou étude intelligente de la vie s.
Code de Droit canonique (e. 125, 2°). intérieure. n n'est pas la seule con naissânce de soi qui J
permet de se gouverner, ni la recherche d'un idéal de E
Irénée NovE.
vie qui se dévoilerait au sage scrutant l'inti1ne de soni (

V. CiON(iLUSION SPIRITUELLE êtr e. Il irnplîque bien un retour sui• soi, une évocation C
du passé, une atten tion à la réalité intérieurement 1
Saint Ignace de Loyola cite pa1•mi les oxo1·cices spiri- vécue, voulue ou su bie, u n e réflexion sur soi, un regard s
sur l'a venir, 1nais il suppose un éveil et une mi-se en ~
uels, a u mêrne titre que .la priète vocale et mentale ,
« toute manière d'exarniner sa conscience ». Or, les a'<tivité de la · co nscience morale. I/exam en hnpliq\10
eonnalssance co ncrète de ce qui, en nous et par n ous, (
exe rcices spirituels sont, dit-il : « toute n1anière de
(
préparer et de disposer l'âme, pour écarter de soi tous les a ét é, est et peut êtr•e considération d'attribution
attachements désordonnés, puis, quand on les â écartés, peNJonnelle et de la responsabilité, juge1nent de valeur C

co erchel' et trouver la volon té divine dans la disposition it la lum ière des normes do la vie morale et donc d'appro- l
de sa vie pour le bien de son Aine >> (Exercic1;18 ,çpiritu,el.,, bation ou de condamnation, r ech erche d'urio décision l
n. 1, trad. F. Courel, Paris, 1960, p . 18) . :\ prendre et disposition de la volonté à agir. Éclairée et C

Lorsqu' on veut marquer ce qui est propre à l'examen, bien formée, la conscience, par des examens fréquents, e
on le dé.crit souvent co1n1ne étant une pl'atlque d'ascèse rait adhérer intérieure1nent aux lois 1norales e t assumer 1
(
individuelle, méthodique et contrôlée, permettant à a ussi librement que possible les obligations de la vie.
l'homme de se connaître, ·de prendre conscience de ses Cette pratique régulière, intelligente et prudente, p arce ''
832

1833 CONCLUSION 1834
'
par qu'elle l'end l'ho1nrne à la fois plus intérieur et plus rend attentif à Dieu présent. Il ne fait pas tout d'abord
1iser ouvert, contribue à la connaissance et à la maîtrise plonger le regard sur soi-même pour le porter ensuite
g'l'ès de soi, donne le sens des authentiques valeurs et de la vers Dieu, mais contempler le Seigneur et écouter sa
est rèsponsabili té personnelle, lib~re de certaines passions parole. Dans cette lumière, l'ho1nme peut se voil• tel
,r », sociales ou, intimes, équilibre les forces do l'âme et qu'il est et se fait. Dans la vérité, U naît à l'hutnlllté
1 de
(àvorise la décision libl'e. -Elle conduit ·r1101n1ne à sa de la créature et du pécheur, gofite le repentir intérieur
ine. maturité spirituelle. et B'ouvl'e a11 pardon. Par l'examen, l'homme l'épond
.ant Des philosophes anciens et modornos ont évidem1nent à l'appel prernier dé Dieu qui veut qu'on le regarde
1me conseillé la pratique de l'e:xa,nen de conscience. Il ne et que l'on se regarde en lui, que l'on s'avoue pécheur
~\té peut en eftot suffire d'acquérir le sens des vraies valeurs, et que, espérant lou L de lui, on demeure en lui..
bas d'affirm er le primat do l'esprit, do faire sentir Je besoin
1 '
1
2. Doctrine spirituelle. - Saiilt Ignace de
d à d'un progrès moral, l'homrne doit se connaître, rougir Loyola étant un sftr t.é1noin do la tradition ancienne et ·
,r it, souvent de sa 1nisèro, n1ais aussi vouloir bien viv1·e. Tl
un n1aître rnoderne dontla doctrine a fortementinOuencé
'est reste qu'on doit garder une certaine réserve dans les les derniers siècles, nous sommes en droit de lui deman•
lui, jugements sur la nature et la portéo de l'examen toi der quelques conclusions sur ce qu'est l'examen, son
ime qu'il était pl'éconisé par les philosophes pythagoriciens, objet et sa fin, son efficacité et sa nécessité. Nous suppo•
oge par Socrate mê1ne et ses disciples. Lâ doctrine stoïcienne son:, la définition quo nous avons donnée au début,

'Vll' par contro, faisant aspirer l'homme à uno forte vio car elle nous fait refuser les liinites étroites dans lesquel-
ll'e, ' ,norale, lui de1nanda,,l de co11fvr1ner sa volonté à la les on veut parfois enfermer cet exercice. Notons que
la nature ou à la raison, montrant une faute dans les trans- saint Ignace n'a pas exposé longuement uno théorie.
fins gressions de la loi morale, 1'invite à une pratique de
Il fuit faire l'examen au coul's des Exerciçes spirituels.
ine l'ascèse et lui apprend notarrunent à s'examiner. C'ei;t dans l'expérience vécue ensuite au long des années
ve, La morale chrétienne va-t-elle, sans plus, hériter de
par une â1ne qui che1·che, trouve par l'élection,, même
et cette sagesse antique? Qu'il y ait eu une influence quof.idienno, la volonté concrète de Dieu et y adhère
d'ensemble do ce progrès humain, c'est certain, mais par a,nour, llll'il situe ta pratique de l'examen. li donne
sur au plan des de)cli•ine$ il reste délioat de porter des juge- nuelques normes et conseils auxquels il se,·a nécessail'e
ca- tnènts objective1nent fondés. Il lrnporte d'ailleurs que tous reviennent, mais il suppose que chacun sous
!.3) beaucoup plu$ do souligne1• un autre aspect de nol,re
la grâce de Dieu, aidé par un directeur prudent, ttouve1•a
ne question. Un élé1nent essen Uel in tel'vi.en t en effet dans
les ,nodalités
, de forme et cherchera les fruits qui lui
uit la conception et la pratique de l'examen chrétien,
conviennent Je rnieux.
tes élément qui découle directement de la révélation tou-
ro- jours plus pleine el lransforrnan Le de Dieu par Dieu 1° Ascèse et prière. - 'l'oule vie spirituelle dépend
0n, :\UX hommes, avant le Christ au peuple juif et par le forct'imont dos grâces reçues et des aptitudes du sujet.
lUl' Christ. Dans et par l'exarnen le philosophe païen se A l'occasion d'une retraite selon les Exercices spirituels,
et connatt, mais lui seul, 1nême. si, disciple de Plotin, il sain 1: Ignace rappelle : « A celui qui veut faire e1To1·t
au prétend s'assimiler progressivement à la divinité; le poul' s'instruire el: pour satisfaire son âme jusqu'à un
ne chrétien par grâce découvre un aull'e lui-même, celui certain degré, on peut proposer l'examen partlculie1•,
llS. qui est « intimior intimo meo ,, et il prie le Père !( qui puis l'examen géné1•al » (n. 18). Il déèrit ailleurs briève-
voit dans Je secl'et » (Mt. 6, G). l,e philosophe se remé- ment ,, l'examen particulier quotidien comprenant trois
la more ses actes, pénètre le inonde de ses intentions et temps et doux examens,, (n. 24-81), fait quelques remar-
t•e, désirs, examine le fond de son âme, réfléchit, pose un que:-; sur les péchés (n, 82-42) et présente sa méthode
ta- certain juge,nent de valeur, n1ais se constitue son propre on cinq points de l'exa,nen général de conscience
11i- juge on fonction de son idéal moral humain; le chrétien, " pour se purifler et pour mieux se confesser » ·(n. 43).
ne éclairé et formé par la révélation ancienne et nouvelle, Type classique d'ex.amen, qui est prière et plein
le. voit en lui le péché, sent sa faiblesse et mesure sa respon- exe1·cice de la conscience morale et spirituelle. Il est
1il• sabilité, connatt la crainte de la sanction divine à raison faiL on vue d'une confession générale ou ordinaire, plus
:es des oltonsos qui atteignent Diou lui-même, mais dans encore il est exercice d'ascèse régulier, normalement
1r, ce 1nouvement mê1ne qui le rend proche de celui qui qool:idien. Il mot en œuvre toutes nos puissances natu-
• sonde les reins et les cœurs, dans la lumiè1•e do la foi, rellus, et il est prière en tous ses moments, car il est
rie
ui U entend la parole du pa't'don que Dieu veut lui accorder demande de grâces de lu1nière, de contrition et de force,
de et, contrit et pénitent, il espère tout de l'arnour de celui l'eL01.11• attentif à Dieu dans la foi et par amour, humble
>ni qui est juste et bon. Le c'hrétien face à Dieu prend accueil des dons et notam1nent du pardon divin, adhé-
1n conscience du péché et de ses péchés et, hunlilié et non sion obéissante à la volonté de Dieu. Il ne se lhnite
nt brisé, il peut, humblement et généreusement, reprendl'e pas ~t la connaissance de soi. li n'est pas repliement sur
rd sa 1narche en avant, en quête toujours du progrès soi : il est recueillement, car l'â1ne dans le respect se
voulu par Dieu. situo !!Otis Je regard de Dieu. Il n'est pas une ininutieuse
Faisant allusion aux écr,its des épicuriens, des stoïciens, enquête qui va se concluant par le douloureux constat
-des manichéei,s, des platoniciens, saint Augustin de fautes ou qui provoque un énergique sursaut de la
constate : " Mêrne dans ceux de ces écrits où se trouvent volonté : il fait voir et vouloir en Dieu. Au delà des
d'ailleurs d'excollonts préceptes de morale et de vie rêves qui illusionnent et des sentiments qtli se jouent
régulière, on ne trouve pas l'enseignement de l'humilité. en nous, il introduit dans la vérité et l'hurnilité. Il est
La voie de l'humilité part d'un autre point : elle vient voulu, non pas seulement en vue .d'une connaissance
du Christ .. , de celui qui, étant le 'l'rès-IIaut, a voulu de soi loyale, mais pour que les sens, l'esprit et le
se !aire humble ... C'est donc par l'hu1nilité qu'on s'ap- cœur soient purifiés par la grâce. Il porte sur les obs-
proche de Dieu, parce que Dieu est proche de ceux qui tacles, externes ou intimes, on premier lieu sur le péché,
e. ont le cœur contrit >1 (Enrirrationes in ps. 31, 18, PL 36, eL conduit à l'aveu sincèl'e. Il fait plonger le regllrd
le 270). C'est dans cette voie que l'examen engage. Il jusqu'à la misère de fond, car il fait mesurer la respon-
1835 EXAMEN DE CONSCIENCE 1836 183'

sabilité de nos ,actes, il doit pénétrer jusqu'à ces moLi- formes et se rencontre comme un exercice nécessaire qQe
valions êomplexes et 1nasquées, ces intenlions ou d'une retraite annuelle, pa1· exe1nple. La diversité do der
attaches déSOl'données, ces passions profondes qu'impli- l'objet s'allie à la souplesse des formes. L'erreur serait par
q1,1ent plus ou 1noins nos fautes. La vraie pureté d'esprit d~, s'arrêter à une méthode minutîousen1ent définie -et Die1
~t de cœur est à co prix. L'exarnen atteint donc la vie :;uivie. Il rau t certes « s'a.ide1· >> dans la. prière et accepter L'e:
profonde, pou1• y discerller la réalité de notre comporto- les lois de l'activité b u111aine, car c'est un ho1n1oe qui et E

ment hrunain en nous, dans le inonde, au 1nilieu des prie. Il faut aider l'esprit dans son effort d'attention et Il r ,
hom1nes. Il fait voir l'hoo1,ne que l'on veut être, accepter soutenir la volooté dans sa fidélité et sa techel'che de qu1•
celui que l'on est a.vecses J'aiblessos, sa. misèro, ,nais aussi sincérité. Des nor111es pratiquos sont donc bonnes et plil'
ses qualités, sa valeur personnelle. Plus encore, c'est nécessaires, des schèmes ou formulaires utiles. La loi ,tln:
en Dieu qu'il ,net, s.ous sa h11niére et dans sa grâce. ici est que l'examen doit être adapté aux capacités de cati
C'est ' la i oi qui éveille et soutient l'attention, c'est 1~hacun et répondre à• ses besoins et, si Dieu fait connaî• jus•
l'espérance et l'amour qui l'ont t1lors naît1·e le repentir Lre la ,naniêre <lont il veut nous voir venir à lui, on , viv.
"(
et la volo11to de 1•éparer. doit répondre i.l cet appel. L'examen peut aussi prendre
L'examen donne ainsi le sens authentique du péché une fol'me personnelle, sa valeur d'exercice spirituel se nüs
ot fait répondre à l'incessant appel à la péniLenctl, de,'
,r)esurant toujours dans la réalité à la fldélité humble
pénitence qui, pa1• la conversion de notre être vers Dieu, ùt patiente de l'houune à lo. volonté divine. et i
détruit en nous le péché et nous fait adh6r0r a1.1 Christ. Selon los otapes d'une vie intérieuro en progrès, est
11 fai L à chaêun porter la croix de ses péchés, entre1· l'exarnen est appelé à prendre des caractères qui répon- s'in
dans le mystère do 1nol'L du Seigneur pour ressusciter dont et à l'appel de Dieu et aux besoins ·de l'â1ne. 11 · qui•
avec lui, par•tit)i per doue à la croix de .Jésus. De là sa 1·tiste un exorcico, 1•equiort lo recueillement de l'espi;:it et att
relation prochaine ou virtuelle avec le sacre1nenL de la garde du cœur, dégage du péché et rend plus libre afti
pénitence, non s,iuleroen t parce qu'il prépare un aveu gl'âco à uno purification profonde, mais il tend à devenir jou
n1• ,
intègre, 1nais varce qu'il unit à l'a1nou1· du PèJ'e qui en toujours plus l'expression d'une vie de foi attentive ot
son Fils aime ot pardonne. Dans la vie, il développe le vigilante. L'ho1n1ne, se tenant par grâce e11 la. présence prc
sens de la responsabilité personnelle et travaille à du Dieu vivant, peut devenir un témoin lucide de lori
rendre vraiment libre. Dans l'action, il éclaire et 1nontl\~ l'action divine en llli et dans le n1onde, découvrir au delà se~
les conditions d'une efflc{l.cité véritable, développe la du discontinu relatif des actes la continuité de la vie ma
ma.ttrise de soi en rnettant dans la v6rit6 et on engageant ol, gagner en simplicité et unité intérieure. Grâce à la· pa,
à la faire. Il serait facile de doveloppe,• ces quelques pureté de son cœur et à l'obéissance q\l'engend)'e en lui et
indications. Il importe cependa.n L de sou ligner co1nbien l'a1nour divin, il peut s'avancer dans la vie do foi et dé:
l'examen fait accéder l'ho1nrne à une solide maturité vouloir toujours plus, dans son o.ction co1nme dans sa les
$pirl tueUe. vie d'oraison, la confol'n1ité entière de sa voJont6 à celle im
COI
En effet, l'oxa,nen bien co1np1·is conduit I'ho1n1ne ù ùe Dieu. L'hu1nilité de hase s'accomplit dans un
l'âge adul te en développant norrnalernent son affectivité amour r6el et vivant, actif et total. Or, l'examen qui po
et en le dégageant en particulier do tout co1nploxo do ne sera pas le seul acte d'un moment du jour, mais l'b
culpabilité. Il l'ail., dépasser les attitudes infar1tiles ùe s'actualisera avec souplesse au long des heu1•es , du s'a
crainte ou de révolte, ùissipe peu à peu le sentiment de joul', pont de soi répondre aux exigences d'une vie 101
souillure ou les 1nanifestal:ions plus ou 1noins ag1•essives ainsi en progrès. L ':
et douloureuses d'un orgueil qui refuse de se reconnaître Louis Lalle1nant, dans sa Doctrine spirituelle (pr. 5,
pécheu,•. Il réduit le sentiment d'incapacité à accepter 1~h.1, art. ·l, n. 8-4, éd. F. Courel, Paris, 1.959, p. 247-2(19), 'l'a
le réel et fait 6viter la pola1•isal.ion de l'attention 1JUr déclare : Di
notre seul inonde intérieur. L'honune dans sa foi se L'essonce do la vie spirituelle ot intérieure consiste en deux
voiL pécheur, pécheur devant Lliou, devant celui qu'il chosés : d'un cùlé, dans los opérations de Dieu dans l'âme, Di
dans les lumières qui éclairent l'entendem.ent, d.nns les inspira- YO
offense, mais qui est, qui aime et qui pardonne. Il n'a
pas à se perdr'o dans lu jeu épuL~a.nt lies excuses sub- lions qui touch.ent ln volonté; et de l'autre, en ln coopération vc.
tiles ou des justifications, mo.is à recevoir la grilce et rie l'âme anx lumières èl aux ,nouve1nonts do la grâco. Si bien ne
de l'humilité et du pardon. L'exa1nen, on ta,nt que pr6- que f:lOur traiter avec Diou, cL pour sc disposer à recevoir de ne
lui de plus ro1·los et do plus fréquentes con)n1unications, il faut pr
paration d'une 1•écepLion du i:;acremen't de pénitence avoir une grande pureté c:le cœur, \1ne gr11nde force d'esprit,
eL surtout en tant qu'exercice spirituel journalier, est et
une constante et inviolable fidélit.é à coopérer avec Dieu cl à Yi
ainsi un instrun1ent do p1•ogros fort et harmonieux. suivre lo mouvorn11nt de son ospril, quoique part qu'il nous
)10\ISSA.
D
2° Coopération à l'œuore de Dieu. - Le péché et Unè des occupa lions de la vie intérieure est d'examiner et ef
ses causes ne sont d'ailleurs pas le seul objet de l'exan1en, do roèonnallre p!ll'ticulièro1nont trois choses dans notre ioté- or
la purification son seul buL. JI doit ôtro aussi un instru- rlcur, Pl'on1ièren1ent ce qui vient c:le notre fonds, nos péchés... UI
inent de libre coopération ù l'œu v1·e que Dieu poursuit Scconden1ent, ce qui vient dn diunon: .. 'l'roisiè1nernent, eo 1)l
qlii vient, de Die1J, sus lurnièrllS, sos inspirations, los ,nouvoments et
en nous et par nous, Pour beaucoup il conduira à l'oxa• do an gr1lcè, ses desseins à notre égard, et les voies pur où il
n1en pal'ticulier. Pour Lous. iJ doit aidel' à 1nett1•e en Pl
veut nous co.1dul1·0. En loul cela il faut voir de quelle manière p:
valeur les forces naturelles et les dons divins. Il l\pprend nous nous co1nportons et régler. notre conduite sur l'esprit, de
à prévoir, à décider avoc prudence, à vouloir avec Dieu... Il faut ... employer une partie (de notre temps) à exa- ti
patience eL géné1'osi Lé. JI pol'te,•a donc aussi sur la n1iner la disposition de notre cœur, à recouua1trù co qui s'y \ CE
pratique des vertus considérées tant llana leur dévelof>· passe, et à discerner ce qui est do Diou, co qui est de ln natllre l'
pement intime que dans les actes extéri~urs, vertus ni, co qui est du dé1non; à nous conror1ner à lu cond11it.e d11 n:
t,héologales aussi bien que n)ot•al1;1s, sur le devoh• d'état Saint-Esprit, et à nous aller1nir dons lu détermination de tout ft
faire ot de tollt soullrir pour Dieu. l'i
ou sur tel acte irnportant. Son charnr> d'application
Celui qui vit des Ex(:rcices spirituels reconnaîtra le SI
s'ouvre aux dimonsions d'une vie humaine et ch1•étienne.
Il est habituellen1ent quotidien, ,nais il a d'autres caractère igno.tien de cette doct1·ine, l~lle n'appelle ici V
1836 EXAMEN DE CONSCIENCE - :,.:xAMEN PAR'l'ICULIER 1838
!&88~ que quelques 1·emarques. L'homme intérieur veut possé- ll° Ce qui précède nous autorise à être bref sur la
ité de der Dieu et pour cela doit être toujours plus possédé
Sèrait quostion des méthodes d'ex.amen. Elles sont dive1•ses et
par Dieu. Il est pécheur et accepte la purification que
rûe et ,Dieu veut. Il est vivant de Dieu et veut vivre pour Dieu. répondent à des niveaux différents de vie. Les exigences
:iepter
et conditions de notre activité humaine, la fidélité
L'è:xan;ien va le situer ,p ar grâce dans la présence vivante
lè qui à l'action do la grâce les 11endent nécessaires, à condition
et agissante de Dieu autant qu'il est possible ici-bas.
ion et qu'il y ait souplesse et adaptation. Les · maitres spiri-
Il restera un exercice, une activité personnelle JJriante,
he de tuels sont d'ailleurs ordinairement discrets sur ce point.
qui remet 1'hornme en'Lre les n1alns ùe Dieu pour acco1n- Saint Ignace proposait cinq points, et avec quelle
1es et plir l'œuvre de Dieu. L'cxa1nen va ainsi répondre à sa coouision I On poutl·a les réduire à trois points. Certains
,a loi .un la plus p1•ofonde : il l'ait vouloir ot accueillir la pu1•ifl-
aimo,•ont associer l'examen à la pratique d'une dévotion,
és de cation j11squ'au plus 'intime de l'espi•it et du cœur,
nnat- aux Cinq Plaies de ,Jés us, pal' exernplo. D'autres
jusqu'à la porte de soi èt fait, par la docilité à la grâce, suggè1•ont des prières, tirées des psaumes, etc. U n
'i, on vivre et agi!• en Dieu.
1ndre certain nombre de spirituels s'a1 1'êteront à l'exposé
1

Un tel examen suppose une attitude constante de d'u.,, questionnaire pol'tant sui• les fautes possibles ou
1el se m~e en disponibilité totale et une pl'ise de conscience
mhle sur les ve1·tus à pratiquer et le devoir d'état; prati(f\1e
de ce que nous sommes et de co que nous avons à viv1•e qu'il ne faut pas critiquer par principe, car toute
et à faire. 11 s'amol'ce dans l'actioi1 do g1•âces, ca1• 'tout
gréé, e,st don et co que nous disons heureux ou malheureux méthode peut être suivie avec intelligence et p rudence.
pon- s'inscrit dans le dessein de Dieu. Il rend p1•ésen t à celui 4° Nécessité de l'e:.va,nen. - (( On ne doit jamais négli-
e. JJ . qui est vivant et agis1,ant en nous cou1me dans le monde, ger h1 connaissance de soi-1nême, dit sainte Thérèse de
it et attentif à tout aigrie, extérieur ou inU1ne, de sa volonté, Jésus, et il n'est pas d'A1ue, fut-elle un géant do la vie
libre afin de les discerner et d'accomplir la tâche réelle du spirituelle, qui n'ait souvent besoin do re tourner à
'8Dil' jour, non 1.n1s celle d'hier pour la regretter vaine1n ent, l'enfance et à la 1namelle » (Vie par qÎ,fu-111'1,ne, ch. 13,
'e et ni celle de den1ain pou1· la 1·êver. .Il libère cal.te volonté trad. des Ca1·rr1élitos, t.1, Paris, 1907, p.178). Que dire
~nce profonde qu'animA et élève l'a1nour divin et qui dès de l'exa1nen s'il se développe dans le sons p roposé par
de lors peut vouloir servir et obéir toujours plus à Dieu Louis Lallemant? Il est inipliq ué nécessairen1ent dans
~elà seiil. Il n'entend pas noyer l'ho mme dans Je détail, une telle vie d'union à Dieu. Il 1·este que l'examen est
vie 1nais réaliser ce qui est vie réelJe et concr•ète. Il ne fait contl'e-indiqué aux scrupuleux, aux âme$ inquiètes eL
!t. la pas échapper sans plus aux obstacles du 1nal en nous anxieuses, à ces déprimés qui n'arrivent jan1ais au bout
lui et dans le n1onde : il donne au péché son sens plein de d e Jour culpabilité, à ceux qui, préoccupés i;ans cei;sc
1 et désordre ou de rnort, d'oubli de l'aniour. li fait avouer de ct1 qu'ils font ou ressentent, s'examinont minutieuse-
1 sa les faiblesses et les lâchetés cachées, reconnath•e les rnenl. et se disent sans fin. Perte do temps, rechA1•ches
elle imperfections et sentir la n1isère. C'est en Dieu que la dang,1reusos pour l'équilibre humain, examens ruineux,
un conscience s'avive et s'exprime, pèse le poids ùe sa 1•es- car ils Iont oublier l'essentiel et détruisent sans cons-
qui ponsabilité personnelle. Confus ùevanL Dieu offensé, truir·o. Ici tout est à remettre au conseil d'un direc teur
1ai13 l'hom1ne racheté, pénjtenL et lnunhle, pauvre de cœur, fidèle à l'Esprit et attontif it l'uut1•0, s age et exp6rimenté,
du s'acêepte pécheur, notam,nent parce qu'il se sait enve- prudent et patient. Nous croyons surtout q ue toule
vie lopp6 de la 111is61•icordieuso llonté .,du Père en son Fils. conti·e-indication ne peut être, sans plus, affirmée d 'une
L'a1uour révèle ses exigences de sainteté et de pureté, rnanière absolue. TouL l'art du directeur qui veut aider•
5, .mals aussi sa gratuité et fait sentir au fond de l'â1ue vrain1ent est de mesurer ce que peu{. J'aire le fidèle
9), l'appel à chercher, trouvo1• et faire la seule volonté de ot <'1 €! hien connaître cc qu'il peut p1·oposer. Telle· for1ne
Dieu. rigide d'examen doiL être écal'tée dans un cas, rnais
ux L'examen conduit ainsi t\ l'union à DiQu, en laquelle telle autre forn1ule, sin1pl0 e t souple, prudemn1ont
~e, Dieu esL J)remior, et que l'honnne doit personn0llen1ent déte,.rninéo on fonction du hut recl10rché, no pe1•n1ettra-
ia- vouloir. Voie où la réponse libre au dessein divin pro- t-elle pas au contN1ire une évolution vers un équilibre, ,
on voque toutes nos énergies pour Ju Lter contre l e rnal et un progrès vers le don de soi? N'attendons pas de rniracle
on nous renon cer. \ ' oie où la HdéliLé à l'instant quo l)ieu po111• que soit, fait ce que nous devons faire ; Dieu est
do
ut nous donne à vivre, on se fondant i;ur l'espé1·a nce, p1·enlier à agir lorsque nous faisons selon sa volonté
ît, prépare la ll<lélité do de1nain. Voie où tout se siinplifle tout ce qui nous est possible. L'ex.amen est précisément
à et s'unifie dans la l'oi, où l'hoiume se rend a'ttontif et l'exercice spil'iLuel qui nous dispose efficacement il
118 vigilant, parce qu'il se tien{. en la présence de son l'action d e Dieu et à l'union avec lui.
Dieu et entend, fondé sur l'arnour, servir hun1blernent et
et e1Iectivo1nent Dieu et son f~glise. L'Axan)en apparaît Antoine DHLc11Ann.
é• en tant qu'exercice con11ne un dîaloguo avec Dieu,
.. une prière qui rend p1•oche do Dieu. Il a ·ses tenips fo1•ts, EXAMEN PARTICULIER. - 1. Notions et
:e màis de soi il veut devenir une attention continuelle
ts pra.tiq,.u,. - 2. }J ùJtoire.
il et diffuse à Dieu. Il cmpo1·Le toutos les attitudes de la '
·e priète, d'autant mieux qu'il nous fait sentir not1•e 1. Notions et pratique. - - <)n entend habituelle-
e pauvl'eté et goflter la vraiA ri chesse on Dieu. Jl affec- rnent a ujourd'hui par examen particulier un exercice
tionne à l'œuvre de Diou tlL pour Dieu et en ce sens il spiriti,el qui concentre le co1nbat ascétique sur un point
y est une p1•ii'lre pratique. Il fait agir, ruais il n'est pas déter1niné. Cc1t exc1•cice est méthodiq ue; il s'appuie
0 l'action. li fera vouloh· à beaucoup la pratique de l'e:xa- essentiollen1ent sui• des exan10ns quotidiens et vise à
l
1nen particulier, sincèrement rnais avec souplesse. II rne tLr(i l'ârne en état de vigilance latente et per1nanento
t
faut et il suffit qu'il reste un exo11cice spirituel personnel vers le but cl1oisi.
répondant à ce que Dieu veut de nous, à ses grâces et
ses dons, et qu 'il nous livre, purifié et libl'e, à sa 1 ° .1 1 faut dès l'abord souligne1· qu'il s'agit d'un
volonté. exorcin~~_spirjtuel qui doit donc se réaliser pratiquomen t
tout e n Lier, Jusque dans ses apparences les })ltis volon-
18:39 EXAMEN PAf{TlCULIER 18i0
tair-es, dans un climat $pirituel. L'exaroen particulier la résolution con$tan-te. L'expression « examen partiCu•
tloit être fait dans \li\ climat de prière, en pr6sence de lier • doit donc être bien comprise; de soi, elle laisse
Dieu, avec le souci de se confor n1er à la volonté de Dieu entendra un exercice nettement limité dan$ Je temps,
e t d'être docile Ùu Saint-E$prit. Co n'est pas le lieu de ùo1n1ne l'est l'examen général; mais réduire l'examen
justifier la placo de l'effort h u111ain dans le p1•og1•ès particulier à ces temps forts, c'e$t laisser échapper cc
vers la pel'fection, rli de décrire com1nen L l'aniLne la qui fait son originalité.
grâce divine. Il suffit de noter que le but choisi et la
méthodo pol)l' y atteindre doivent être mis en dépen- 5° Pratique. - I,'examen particulier n'est qu'un
dance stricte d e 1~ fin spirituollo à laquelle ils tendent, n1oyon on vue d u progrès spirituel. Il doit donc êtro
Dieu; il en est de 1nême pour la réalisation pratiquA. u Lilisé dans la 'lnes1n•e où Il Sert cette fin . Sa 1néthode,
Fau te do quoi, J'exarnen particulier se dégrade en techni• en raison même de sa précision, voit'e de sa rninutie, est
q ue puretnent natu relle de con t.rôle de i;oi. ofllcace, mais elle suppose la persévérance de l'effort.
! .'expérience montre que l'examen particulier est
2" Le point déter,niné s ur lequel po1•te l'exa,nen l'exercice spirituel q u'on est le plus tent.é d'abandonner,
particulier peut ôtro une faute à éviter, une vertu à pl!Obable111e11t parce qu'il est exigeant. Il est plus apte
pratiquer, le retou1• fl'équ en t à la présence d e f)ieu, i1 « combattre >> les 1nanifestations ex l.éi'ieures des
voire une $im11le habitude, en soi moralement neutre, défauts, los pensées et imaginations n1auvaiaes, qu'à
tnais qui gêne ou . favoriso lo p1•og1•ès spirituel, la vie cc ahat,tre... l'appét it sensuel »; à c, l'affaiblir, mais non
sociale, la mait1•ise ·de soi, etù. pai; anéantir» (S. F'rançoi$ de Sales, T raité del' aniour de
Convient-il de s'attaquer dès l'abord aux n1anifes- J>ùn,., h'. 9, ch. 7). C'est d'ailleurs poul'quoi il ne doit pus
tat.ions extérieures du défaut do1ninant ou à ses causes ôtre abandonné.
profondes? Vaut-il mioux Lend1•e à la pratique de la Si, an règle générale , l'oxamen particulier s'imposa
vertu opposée? Peut-on se contenter do lutter sur u n it tous ceu x qui veulent progresser, l'application trop
point secondaire? La tradition des spirituels varie sur le rigide da la méthode, quolle qu'elle soit, peut devenir
choix du point d'application, q ui est d'ailleurs fonction une gêne, su1•tout pour ceux qui sont d6jà avancés
dos circonstances et des cas personnels. J\ilais elle est dans la via spirituelle; utilisé san$ discrétion, cet
unanin1e à souligne1• combien la concentration do oxan1en risque d'être un obstacle à la perception dos
l'effqrt favorise le combat ascétique ; il es t îllusoirG, sollicitations de la grâce : il y a une manière do s'attacher
surtout dans le cas des commençants, de vouloir être à l'object if choisi qui est désordonnée et qui obscurcit
victorieux partout à la fois, tandis que l'homme géné- 1'action du Saint-Esprit dans l'âme. Par contre, les
reux, môme enfoncé dans ses habitudes màuvaises et com1nençants sont plus exposés au dépit devant leurs
d6nué de vertu solide, peut, appuyé sur Dieu, progresser échecs, ou à. la gloriole .en cM de succès tangibles.
sur un point particulier; les autours sph•ituels a ffirment llexa,nen particulier doit aussi être adapttl au tcmpé•
souve nt que, co faisan L, on p1•ogresse aussi dans tous les rament, à la psychologie, a ux conditions de vie de
autres, parce qlle l'â1ne se fortifie dans la _lutte. r.oh.1i qui le p ratique; cette adaptai.ion porte it la fois
3° La générositô ains i tendue dans un offort, précis sur la 1nanière do le pratiquer ~t s ur l'objectif à choisir.
s'appuie sur• une niéthode consistant essonti111len1ent et Sans pnrler du sur rnenage, de l'épuisement ou même des
l.raditionnellernent dans dos exa.rnens quotidiens qui psychopathies a uxquels un effort tl'op tendu, t rop
jouent le rôle de te1nps forts ; devant Diou, on r•epasse prolonge et inadapté, peut conduire, l'examen par t.icu-
en rnémoire le ternps écoulé, s'accusant des faiblesses lier court le l'isque de ton1ber dans la rou Line et l'auto-
et renierciant dos progros réalisés; on prévoit los houros tnatisrne auxquels l'expose sa 1•épétition quotidienne. Cos
à venir, les occasions probables, et on reno1.1velle sa déviations et ces dangers sont redressés ou 6vités par
résolution; on rnoclifie a u besoin le point d'ap plicatio n l'allègement de la méthode, pnr la variation du point
'
choisi. Psychologiquen1An t i 1IlJHH·tan ts, ces exan1ens d'application, ou même par la suppression, pour un
sont indispensables au point de vue spil•itnol ; l'ell'ort tomps, de cet exa1nen, co1n1ne le faisait P iarre de Clo1•i-
doit s'y enraciner dans la prière et se sil,uer clairement v ière (cf DS, t. 2, col. 1380-133·1). Dans ce do,naiue,
par rapport à l'exigence du progr·ès vers la sainteté. il n'y a pas de règles géné1•ales; la souplesse d'a daptation
t,<> C11s te rnps forts que son t les examens proprement
a le pas sur la rigidité de la rnéthode.
di ts tendent à n-iettre l'ârne en é.tat de vigilan,N: sur le Il faut enfin veiller à co que l'examen pal'ticulier,
point choisi pendant le reste du temps. ()fi n'atteint comrne nous l'avons souligné, garde son caractère
copondant à cette vigilance, à cot te tension intérieure d'0.xorcice sp'i ritual, c'est-à-dire qu'il dispose l'âme à
que progressivement; on apprendra d'aboI'd à rer.o n- Dieu. 'fout ce qu'il comporte de technique et de psy-
nattre cllacun de ses 1nanque1nents, il y réagir irnn1é- chologique doit ôt1•0 baigné dans la prière, et, quel que
dia tement, puis à percevoir l'approche des tentations, ,;oil; le point d'application choisi, celui-ci doit ôtre mis
le processus dos chutes et des victoires. L u connaissance 0 11 relation, claire1n ont et souvent,, avec la volonlé de

que l'on prend ainsi de soi dans l'agit fait inieux saisir [lieu et le pt'ogrès spirituel.
l'étendue de sa faiblesse ot les rac'ines d u 1nal; 1nais elle L'usage peraévérant, les ad~ptations fréquentes et
doit surtout ôtro utilisée pour appliquer plus judicieu- la sauvegarde du caractèr·o spirituel de l'exao,en
semon·t son effort êt faciliter le combat ascétique. particulier rendent presque indispensables les conseils
L'exa1nen particulior est u n exercice spirituel propre d'un dh'ecLeur spirituel ou d'un confossour stable.
à ceux qui veulent ptogresser. Il n'est pas tellernent 2. Histoire. - No us faisons remont:01' habi L1.1elle-
ordonné à la con naissance de soi devant Dieu, que, 111ent cette concep t ion d'un e:x:ao1en polarisant le
sui·tout, au combat spirituel. Il n'est qlle l'organisation c.otnhat ascétique sur u n point particulier e t appuyé
méthodique et la réalisation journalière de la résolu tion ~'-lt' une rnéthode à saint Ignace do Loyola t 1556.
p ratique qui polatise ce con1bat spirituel. Pli;s encore que C'est lui, en effet, q ui a in trodul t l'exao1en particulier
dans les teuips consacrés à l'examen, il consiste dans parn1) les 'exercices spirituels de la vie cl1rétienne,
la lutte elle-même, grâce à la vigilance latente qui l'end el c'est après lui quo l'on vei•ra apparaîtra d'autres
.,

1841 HIS'fOII-tE DE L'EXAMEN PARTICULIER 1842


fypes d'exa1nen particulier. 11 resl:e qu'avant le 16° siècle que nos forceR humaines, si elles no s'appu)'aient pas sur hi
Ithistoire de la spiritualité présente à peu près tous les secours quo Dieu eeul peut donner, ne sauraient surtnonter do
éléments de ce quo nous appelons désormais l'examen si puissants onn111nis', et que c'est à hü que nous devons rappor-
p,artlculier·. ter chaqu" jour l'honneur de noij victoires• (Co11/ércr1cc v, 14,
15; t1•ad. T~. Piohcry, coll, Sour'ces chrétiennes 42, Po.ris, 1.955,
1° Aos rAT1usr1ou E. - L'ascèse chrétienne a très p. 204·20{;), Sur l'influence do Cassion, voir DS, t. 2, co1. 257:
tôt' conseillé la lutta contre le défaut do1ninant et .le 274.
·contrôle de cette lutte dans l'exa,nen de conscience ;
elle retrouvait ainsi les enseignements des n1oralistes On peut rapprocher de Cassien, pour son enseigne•
non chrétiens (et' stLpra, col. 1,793), de Sénèquo pat' mont co1n1ne poul' son iafiuence, saint Dorothée t 535
èxe1nple (,De ira lil , 36). Les écrits patristiqnes parlent (DS, t. :1, col. 1651-1664). Il demande à son disciple
très fréque111meut du corr1b4t contre les défauts, mais de s'exan1inor et de co1npare1• les elîo1·ts et les progrès :
sans proposer une rnéthodo proprement dite; ils présen- Nous no devons pas seulement nous examiner (di8cutere)
tent plutôt des analyses détaillées des dilîérents vices chaquè jour, rnaîs en temps 11tile, chaque n1ois, chaquo sanlaîne,
ou vertus, de leurs degrés, des remèdes à appliquer. On et nous di1·0 : 111 prernîère semaînA, j'(li été aux prises avec talle
noto dans maints passages, surtout dans la litl,étature pMsion; maintenant, conunent vais-je't ne même, l'année
monastique, tels consei.ls, tels ·exeo,ples vécus, qui pr·écédentn, j'ai été vaincu par cotto pussion; et n,aintenant,
oil 011 suÎH•je'? JiJt ainsi, il faut s'exanliner chaque jour avec soin
doivent faciliter là lutte et peuvent s'appliquer d'une pour recounuttra si nous faisons quelque progriis, ou si nous
manière générale. Ainsi saint l\.n toi ne t 356 (DS, t. 1, !'estons sLE1tion1111iro, ou si nous régressons (Doctrine x, 7, PG 88,
col. 702-708) : « Pour {1vil:e1• lei, péchéi,, on obs1:Jrvera 17ââb) ,
ceci : que chacun de nous note par écrit, cornme s'il
devait les déclarer aux autres, ses actes et les mouve- Saint ,1 ean Climaque t 649 continue la n1ôme tradi-
ments de.son â1ne ,, (S. Athanase, Vita sancti i1ntonii 55, tion; il insiste sur la nécessité d'applique1• ses efforts
PG 2G, 924b). Saint Basile t 879 (DS, t. 1, col. 1273- au vice dominant, faute de quoi les victoires sur les
1283) conseille de faire porter son effort su,• un seul atttres ft•onis sont sans profit : « Si quoiqu'un se voit
d6faut à la fois (Epistola '•2, 2, PG 32, 350d-351a) et patticulièrernent dorniné par quelque vice il doit
do con1parer les résultats d' un jour à ceux de l'autre s ' urrner eontro cet onne1n1. seul et le cornbattre
' avant
(Serrno do renuntiatione sa1uadi 10, P(l 31, 6fo8c). tous los antres ... Car si nous ne surn1ontons pas cehri-là,
Saint Sean Cl11•ysoston1e 't 407 reprend les rnêrnes nous ne tirerons aucun fruit do la vic:~Oil'e que nous
conseils (l-lornilia a.cl populurn a.,itioch.cnurn 3, 7; 4, 6; t\u~ons ren1portée sui• les autre:; » (Scala paradisi '15,
PG 49, col. 59a et 68; H o,nilia in (Je,11;,qi,n 'l 1, 2, PG 53, PU 88, 887d; trad. Arnauld d'Andilly, Paris, 1658
col. 98, etc): que l'on s'attaque d'abo1·d à une 1nauvaise p. 22 1,-225). Il raconte avoir vu les 1noines po1·Ler u~
habiti~de extérieure ou à un pécl1é facile à vaincre (ln carnet dans lequel ils annotaient les fautes et les pensées
Gene.sun 24, 8, PG 53, 217; In 111atthaeu.ni 1 ·1, 8, PG 57, de chaq~n jour: •< Quod et ab aliis quani plul'Îmis fiel'i
201); qu'on prenne une résolnl.ion pour f)tl\l de te,nps, conspex1, E:lL hoc, ut accepi, ex impe1•io coenoblarchiae >,
riuitte à la l'enouveler, et que surtout on ne se décourage (ibide,n, (i,, PG 88, 702d).
pas : << Quand donc tu auras commencé a corrigei• ce On peut encore rapJ)rocher de l'examen particulîer
défaut, même si tu tomhos une fois ou deux, 1nême si la . m.anifestation des pensées au directeur spirituel,
tu . tombes tr~is fois, vingt fois, ne désespère pas; qui tient un rôle de premier plan dans la formation du
mais relève-toi, reprend ta tâche et h1 l'emporLetas moine orionLal. Cette exagorcusis, au moins quotidienne
complètement» (ln M11.tt/t(].eurn ·11, 1, PG 57, 264). et parfois beaucoup plus fréquénte, devait assez vite
C'est surtout Jean Cassien (t vers 435) qui répand en se concenl:ret' sur le point le plus rnenacé. " Il en va de
Occident l'expérience et les pratiques ascétiques clu l'ouvertu,·e d'fune connue de l'exan1en narticulier. l,es
1nonachisn1e oriental; son influence est capitale. ,, Tout anciens ne l'ignorent piu;, ,nais ils n'en parlent pas
ce que la tradition ultfrieure enseignera de l'examen beaucoup, parce que l'exarnen général fidèlemenl, prati-
particulier se trouve en substance chez Cassien: objectif qué deviendra de lui-même un examen particulier,
p1•écis et linlité, persévérant et concentré, varié cepen- tant que la personne ne change pas do tempérament
dant selon les progrès ou. la connaissance plus profonde ni do milieu ,, (art. D1n.BC'f10N sP1n1TUELLE fi" Orient
qu'on p1•end de soi,, (IV[. Cllphe-Galliard, art. CAss1F.N, DS, t. 3, uol. '1 037). '
DS, t. 2, col. 249 svv). Ces données emplisser'lt son <euvre Aux te1nps patristiques, St1rtou t dans le n1onuchisme
entière, La cinquiè1ne conférence (n, 13, 14, 27; PL 49, tous les ,': léments de ce que nous appelons l'exame~
629-631, 6 1,2) t,r•ai te cependant d'une manièt•e plus théo- parUculie1· étaient connus et in tégr•és dans 11:J combat
rique de la lutte contre les huit vices principaux que les ascétique, ,nais ils ne ae1nblent pas t\voir été organisés
huit derniers livres des J nstüutions étudient en parti- en une 1nûlhode cohérente, pl'écise et générale· du 1noins
culier. Cassien e1nploie d'ailleurs les 1nê1nes méthodes .
ne 1a connaissons-nous paa. '
pour l'acquisition des vertus. 11 no le que déraciner
complètement un vice, parvenir lt la perfection d'une 2° lvloYllN AGt. -Ce que nous venons de dire s'appli-
ve1·tu, c'est aussi alTaiblir nos autres défauts, pl'og1•esse1· que aussi llU 111oyen âgo, on ce sens qu'il hétite de ln
dans les autres vertus; il s'agit donc de faire porter tradi lion monastique des premiers siècles; de nombPeux
son effort sur le point c,•uüial dtl notre vie spirituelle tt•aités re1,rennent les conseils ascétiques du monachis1ne
et d'y reche1•nher la perfection (Conférllnc11 v, 11,; x1v, prinütif. J,oin d'y trouvei· une méthode générale d'exa•
5-6; PL 1.\9, 959-960). men particulier susceptible d'être appliquée au eo1nbal;
Ce t r11v1-1il ascétique doit ôtro accù111pli dans la prière et la spil'Ïtuel, co,n,ne Cassien l'avait esquissée ces écrits
pénitence, et técon_dé par la grûco de Diou : « Il est i1npossible analysent jusqu'au d6tail les degl'és et les' différentes
dë Nlir1porter le t1•101111>he sur une passion quolconquo, 11vant parties d,'.s vert\1$ et des défauts. On pourrait Pl'Oba-
d'avoi~ ùOrnpris que notre industrie et notl'o labeur porsonnols blen1ent en tirer ln preuve que le moyen âge menait la
ne pouvont nous gagner la victoire ... L'expéri.encc et les t61noi- lut te ascétique selon des achè,nea et des étapes déter-
gnagcs lnnornbrables de l'~criture nous persuadent à l'envi n1inées, q Ll 'il mettait en pratique des n1éthodes, ne
1843 EXAMEN PARTlCULIER ·
serait-ce que la progres!lion de degré en degré vers la pas u11 exercice spirituel spécial qu'on pourrait appoler
perfection d'une vertu. Mais nous n'en trouvons pas examen particulier; la 1natière est là, mais elle n'est pas
la ,théorie exposée pour elle-m ême. organisée; Denys ne semble pas avoir abstrait de ses
Au détour d'u r\ exposé ânalytique, o.n trouve cepen- analyses de la lutte contre les défauts et pour les vertus
dant l'un ou l'autre principe général afférant à l'exarncn un cadre général qui régisse le combat spirituel. C'est
particulier tel que nous le connaissons. Ainsi Richard a,n sein de la Devotio 1noderna (DS, t. 8, col. 727-747)
de Saint-Victor 1' 1173 : << Nombreux ceux qui fréquem- que nous trouvons, d'abord esquissée chez Florent
ment se proposent bien des chof;es et qui pourtant font Radewijns et 'l'homas a l{crnpis, puis plus neLtenient
très peu; car, ce qu'ils ont si facilement décidé, ils le exposée chez "1érard Zerbolt de Zutphon, la conception
rejettent aussi facilcrnent. C'est pourquoi nous devons d'une rnéthode générale du co1nbat spirituel qu'on
faire en soi·Le, d'abord de ne décider que des choses appelle1•a plus tard l'examen particulier.
utiles,.ensuite de tenir fer1nemenL ce qui aura été décidé » Florent Rade,vijns t 1/,.00 recommande de choisir
(D6 eruditionfJ homi,ii,i; intrJrioris 2, 5, PL 196, 1304a). sur quels défauts il est nécessaire de luttel'; de renouveler
Un Tractai.us de ordine vitae et niorurn institutione, dès le n1atin sa volonté expresse; de revenir deux Oil
attribué à Jean l'Ho1nrne de Dieu, abbé de Fruttuaria Lr·ois fois dans la journée su1' le but que l'on se propose
(t 1050), conseille de concentrer la lutte sur le défaut et de prendre les 1noyens adapl.és; le soir, d'examiner les
dorninant pour arriver à Ja p111·oté du cmur et à la résultats ('.l'ractatulus de spiritualibus exercitiiiJ, Fri-
i perfection : « Chacun de nous doit engager la lutte bourg-en-Brisgau, 1862, p. 19). Ailleurs, dans son Epis-
selon le genre d'attaque dont il es'. surtout pressé.. ; Iola a<l que11da1n regulareni in J!Vinclesheini, il revient sur
selon le vice qui nous dù1nine, il l'aut organiser Je co1nbat. les mômes conseils en insistant sur· la ptévoyanco dos
Et il faut attaquer ce viue unique, sans pourtant négliger occasions (« mane ot post prandiurn, statue ante oculos
ceux qui nous pl'esscnt moins ... De cette manière, avec tuos 1nalas consuetudines.. , et sic intra recenter bellum
l'aide du Christ, nous po\trrons atteindre à la pureté cum h ostibus tuis »), et la comparaison des résultat.5
du cœur et à la plénitude dos vertus » (11, 31., PL 184, d'un jour à l'autre (dans Thomas a l{ompis, Opera 0111nia,
580d-581a). éd. M.-J. Pohl, L. 7, Fribourg:en-Drisgau, 1922, p. 196·
Guillaume de Saint•1'hierry t 11(l8 conseille aux :UJ7).
jeunes religieux de faire porter leur cxarnen sur la Gérard Ze1•bolt de Zutphcn -t 1398 propo~e une 1nétllode
garde de la cellule intérieure et extérieure: « Apprends-y de lutte uon tre les défauts dans ses d eux petits t1·aités
à régner sur toi, à organiser ta vie, à règler tes habitudes, D11 ref ormatione interiori seu viriu,n aniniae (ch. 1,1) et •
selon les loi.a de ton institut.'.. Le ,natin, demande compte De spiritualibu.~ ascensiilnibus (ch. 58). Sa « manière de
de la nuit passée et, pour le jour qui s'annonce, trace co1nbattre les vices ,, conscillo fi. ceux qui veulent << les
une règle de conduite. l,e soir, exige le bilan... Ainsi lié, supprirner » de ne pas engage,· une lutte confuse contre
tu n'auras jamais le loisir de folt1trer à ta guise n (Lettre tous los défauts, ni de cornbattre cc aujourd'hui celui-ci,
d'or a1,x frères du Mont-Dieit, 107-1.08, trad..J .-M. Dé- de1nain un autte », mais au contraire" d'arracher celui-
chanet, Paris, '1956, p. 78-79; Pt, 18~, 325d-326a). Au ui, puis de poursuivre celui-là jusqu'à ce qu'il défaille ».
« spirit uel », il conseille de se concentrer tout entier sur Le point d'application doit être normale.1nent 1• une
son « vouloir fon cier » : « Il est donc indispensable inclination vicieuse particulière, d'où les autres vices,
à l'ho~me qui v eut airner Dieu ... de toujours uousulter les autres excès, ou du 1noins la plupart, prennent leur
son ân1e, d'interroger sa conscience sur l'objet de son sou1•ce >> (De re/ortnationrJ 41). Cette lutte doit ,nobiliser
vouloir foncier ... L'âme doit d'abord examiner quel en [1 son profit « 01nne1n intentione1n mentis ot conatu1n,
est l'objet, dans quelle rnesure et de quelle 1nanière elle quoties rosilis iterutt1 incipere »; la prière et de l'réquon-
ve\1t ainsi ce qu'elle veut» (ibide,n, 254-256, p.141-142; 1.es aspirations vers Dieu doivent la soutenir, et l'examen
PL 184, 8(l7d-848a). Voir a11asi, 1Jupra, col. 1812. la diriger : « teipsu1n diligenter discul,ions secundum
Lo moine Arnould de Bohéries (fin 12e siècle) veut forrnam examinandi ,,. On parvient ainsi,« J)ar une lutte
qu'on soutienne son ofl'ort et son attention on comparant virile », à alTaibli1• l'inclination mauvaise au point que,
les résultats d'un jour à ceux d'un aut.ro : ,, Co1nparanda "si parfois elle se redressait, aussitôt la raison la 1•eprcnnc
est dies instans diei praeteritae, ut ex eorurn colla.tione on 1nain sans combat " (De spiritualibus asce11sionib1111
s11111n doprohendore possit rnonachus vel p rofectum, 5a).
vel defectum » (Specuiurn mona.chcrurri, PL 184, 1177b; Cotte forme de corubat spirituel ne doit jamais ôtre
cf DS, t. 1 , col. 894). Voir aussi, supra, col. 1818. abandonnée, car le mal reparaît plus vigoureuse1nenl.
$elon Denys le chartreux ·~ 1471 (DS, t. 3, col. 430- dès qu'on ne le co,nbat plus, li faut noter que Zutphen
449), celui qui veut progresse1• doit combattre son prin- ne prescl'it pas un examen spécial centré sur cette
cipal défaut naturel ,c specialius, fortius, ardentiusque ,, lutte; il ne mentionne pas davantage le secours qu'on
(De la.udabili 11it.a 1>iduaruni 10, Opera ornnù.1,, t. 38, peut trouver dans des gestüs extérieurs de 1•epentit• qui
Tournai, 1909, p. 184; etc), car son el1'ort sera l>eauco\1p soulignent nos chutes, ou dans la comparaison jow·na-
plus efficace, s'il ost concentré (De vita inclusaru,n. 4, lière des résultats. Il reste que la p laoe qu'il donne à la
ibiden1,, p. 890). On voit souvent apparaître dans ces lutte contl•e le défaut principal est assez comparable
divers traités le conseil de s'examiner su,· telle vertu à celle que Liendl'a l'exan1en particulier dans la spiri-
ou tel défaut, par exemple sur l'ambition (Contra tualité ignatienne.
anibitione.ni 19, t. 39, 1~10, p. 855b), ou des séries do 'l'homas a l{e1npis t 1471 est beaucoup rnoins exJ)li·
n1oyens à prendre (Speou,lu.m sive Dia.Logus de conpe.1·• cite; l'Jrnita.tion ile Jâsu..ç-Christ présente les mêrnes
swnc peccatorum 6, t. ll9, p. 409), co,nrne les fr~entes conseils que Rade,vijns, rnais à l'état dmpersé : les vicQs
aspirations vers Dieu ou l'exercice de la pi;ôsenêê do sont liés en t,1•e eux; extirper l'un, c'est ébranler tous les
Dieu, le souvenir de la passion du Christ, etc (De laûàe autres (1 1 11, n. 15); il faut raire porte1' son effort sur
et comrmindationc vitae solitariae ·15, t. 88, p. 846). le vice principal et renouveler cet elîort chaque jour :
Denys conseille aussi parl'ois de souligner le J'epentit· de ,c Sempel' a.liquid certi proponondum est, et contra illa
nos chutes par un geste extérieur. l\{ais il ne propôse praecipue quae a1nplius nos hnpediunt » (r, 19, n. 18 et
1845 AU MOYEN AGE ET c:HEZ s; IGNACE 1846
1ler
~as 3). Thomas a I{ompis no parle pas d'un exarnen portant corriger (n. 2'•)· li ne Pl'écise pas, comme tant d'autre$
ses précisément ;,ur la lutte entreprise, mais ce qu'il dit de a vant lui, c1u'll faille choisir le défaut principal. Pendant
~us l'ex.amen de conscience qui termine la journée 1netsurtout le temps de retraite, il prescrit de faire « l'examen pur-
est l'accent sur la nécessité du co1nbat ascétique (Libellus tir.ulier pour supprimer défauts et négligences dans
,7) spirit1,1,alis exercùii 9·1 O, éd. Pohl, t. 2, 190'i , p. 3i 7-352). le,i exercices et les additions » (n. 90; cf n. 160, 20?,
int 3° SAINT IGNACE n E Lovo LA t 1556. - L'impor- etc), donc pour assuror, autant qu'il est on nous, la
,nt tance de l'apport ignaLien vient de ce qu'il organise fidélité aux conseils donnés par le directeur sur ln
.o n méthodiquement aut,o ur d'un exei•cice spirituel précis manière de l'ail'8" la retraite. Il est certain .que saint
on les éléments épars que nous avo1)s rencontrés dans la Ignace assigne co,nme objet à l'exainen particulier
• tradition . tout ce qui, péché ou·rnauvaîsc l1abitude, actes, paroles,
$Ir pensées 01.1 imaginations, est obstacle au progrès spiri-
Ier 1) illétli.orle. - Dès le débu t de la pron1ièro se1naine
t11,c1!. On ,nesure l'irnportan,ce qu'il donne it cette
ou des Exercices spirituals, 15aint Ignace explique conunent
môthode quand il roconunande au dil'octeu1• de l'ensei-
IS8 faire l'« examen particulier qu.::;tidien » (n. 24-81 ). CeL
exercice comporte trois,, ten1ps » principaux. Le prenüer gnor, avec l'oxa1nen génél'al et la n1éditation, à ceux
les q11i ne peuvent faire les Exercices en leur entier, ni 1nêrne
t.e1nps : « le nia.tin dès _le lever, on dolt se proposer de
• se garder avoc soin de Lei péché ou de tel défaut pa1'1.i- pendant huit jours (n. 18). Lo bienhouroux Pierre Favre
iS- y attache la même ·Importance, co,nme en témoign.e
ur culier dont on veut se corriger et $'amender » (n. 24;
u11 texte récemment découvert et qu'on peut dater
es trad. F. Courel, Paris, 1960); Il s'agit de commencer
do 154', (:tlL de Certeau, [l n textq inédit de Piqrre F a(Jre,
os la journée par un rappel de l'attention sur le but pour-
11AM, 't. 3G, 1960, p. 343-849, surtout p. 847). Plus tard,
m suivi, 1;1aos attendre l'occasion do la chute pour s'orien•
ter et réagir; on prend les devants en vue du con1bat A. Gagliardi t 1607, qui est un bon témoin de la spiri-
,t s t\111.Uté igoatienne, écrira : <( lTnde fit, in Societate
:a, SPÜ'Ï Luet. .
acquam, in1 mo majorom cura1n haberi duorum exami-
6- Les deuxième ot troisièrne ten1ps (n. 25-26) sont som-
blables : vers le 1oilieu du jour et le soir, s'exa1niner n.11m, qua in n1atu Linae · 1neditaUonis, cun1 in hac dis-
lH•nsatio ad1nittitur, non in illis ~ (De plena cognitione
ie ,< en de1nandant compte à son â1n e du point particulier J;,,;tituti, n, 1, 3, § ,,, n. 6, BJ>uges, 1882, p. 97); il
és qu'on s'était fixé et dont on veut se corriger 11 . Cet exa-
men co1nn1ence par une prière : ,, Demander... la grâce .i t11;tifie cette position par le pl'ünat qu'il faut <lonne1·
et à la « purgutio •·
ie de se rappeler combien de fois on est tornbé .. , et do
L'examen pal'ticulier n'est qu'un moyen, mais on
es s'amonde1• à l'avenit• »; Ol\ procède ensuite à l'exa1nen

prop1•ement dit, tlO passant en revue chacunt~des heures voil, co1n1nent il s'ordonne au but général des Exer-
re cic:i::s : (< Se vaincre soi-même et ordonner sa vie ... >1
• ou des occupations, et l'on note les résultats succincte-
:1, (titl'e, 21) .

l• ment ; enfin on renouvelle su résolution. Sain t Ignace
".18 prend soin de fractionner la dilllr.ult,é au n1axi111um : 110 L'EXAMEN PARTICULIER API\ÈS SAINT I GNACE . -
l'objectif doit êtl'e ,, parti<',ulier », la résolution de se cor- L'examen particuliet• tel quo l'a constitué saint Ignace
s, riger est répétée trois fois pàr jour au n1oins et rebondit va large1nont se répandre. A l'intérlour de la compagnie
1r d'un examon à l'a1Jt:1:e; l'exa1nen proprement dit ne du J ésus et en dehors d'elle, on adopte la méthode,
lll pol'te que sur quelques heures. on l'enrichit, on la modifie, on l'adapte à. l'esprit
l, Saint Ignace donne ensuite quatre ,< a'Vis » (n. 27-31 ), pllrticulîer de telle ou telle école de spiritualité; pour
1· qui reniotcenl: l'oflicacité de la 111éthode. Los trois detniers l'c:ssontiel, cos cxa1nons pa1•ticuliers adaptés dérivent
n visent à soutenir l'effort dans le t emps, « d'un jour à d(: la conception ignatienne, 1nê1ne ,;'ils n'en gardent
n l'autre 11, « d'une se1naine il l'autre 11, en compat•ant le pas les détails.
.e nombre <les chules nolé da.us les deux examens journu• 1) Lo.~ <J.1tlB1u-s jé.~uitR11 ont abondam1nent écrit. sur
l, liers; on obtient ainsi une so1•te de graphique qui rend l'ex.amen pa1·Liculier : t ous les coininentaires des E xer-
.e visibles los progrès et les rechutes, et doit aider )a cit:es et nombre de spirituels de la c,ompagnie en traiter1t .
'S volonté à persévérer. Le preniier avis est plus irnpOI'• Il ne peut être question d'analysel' ce quo chacun
tant : « Chaque fois que l'on tombe dans ttll péché ou apporte en propre. Notons Stluleo1ent que leurs adapta-
e tel dôfaut pa,•ticu lior, porler la rnain à la poiti•h,e, en tions principales sont : la prévision dos occasions dans
t, regrettant d'être to1nbé ». Cette phrase livl'o peut-être le8quelles on va se trouver, - ce qui est un développe-
Il le tond de la pensée do l'auteu1• : plus que l'irn portanco ment du premier « temps 11 ignat ien - ; l'application
e. psychologique du geste extérieur qui souligne la chute, <le la 1néthodo à l'acquisition des vertus; les oraisons
ou celle, spirituelle, d'un repentir Îlnn1édiat, elle niontre janulatoires; enfin tout ce qui concerne la rnatière et le
1• que la m6thode })l'O})Osée ne consiste pas seulement r.l1nix de la n1atière de l'examen·. Nous signalons ci-des-
dans ses trois temps forts, 1nais tend à instaurer un état sous les principaux de ces 3uteurs.
de vigilunco. On compl'ond que certains disciples du
saint aien t adapté l'exan)en particulier à la gal'do du .1\.. Güf?lilil'di t 1607, Co1nn1s11tarii sett sxplanationBs irl
cœur ou il la présence de I>iou. E:rcrcitia spiritu.a lia, Proou1niun1 et Do ox1.11nlno, Bruges,
1882, p. 5 ot 86-37, - A. Rodrigucz t 1616, Ejcrcicio de pcrfcc·
Tpllo qu'olle se pt•ésente dans les Exercicas spirit uels, ciôn y virttulcs cri$tiariC1$, tr, 7, Séville, 1609; nombreuse~
• la méthode est entièrernent fonction du but ascétique t1·niluctions. - J. Alvnrez de Pnz t 1620 (DS, t. 1, col. 1,07-
visé, la correction d'un défaut pa1•ti011lier. E lle veut 40fi), De extern1i11atione 111ali !?t pr/ln101i/lll./l lu>11i, liv. 111, pars 3,
concentrer ve1·s cette Jln tout ce qui peut y aider; c. :i-'18, dans O,pera, t . 2, Lyon, 1613, col. 776-824. - A. le
les examens hi-quotidiens sont rnoins ordonnés au Ûtludior t 1622, Da nal1ira ctstatibus pcrfcctionis, p9.rS v, sect. 5,
repentir qu'au rcnouvellomont de la résolution de Paris, 164il; trad. Bizcul, De la perfection tlo lei vie spirituelle,
combattre et dt3 se col'riget. , t. 1, Bruxelles, 1.908, p. ?19-732. - C, Mnyer t 1634, fi11clii-
ridio,1 in.<l11..~triarun1, 1• partie, ch, 25, et 2° p., ch. 7, Cologne,
1 2) Objet de l'exa,nen particulier. - Saint Ignace 16:11,, p. 423-'135 et 545-569. - ,J. Strntius (Str11 t) t 163',,
1
' ne donne aucun conseil théorique ou pratique sur le Praa,is ema,ninis particularis .. , Anvers, 1629. - Ph. Boblus
choix du péché ou défaut particulier dont on vout se t 1687, T hronus justitiae, tr, 8, Cologne, 1624 (6dité aussi sous
'1847 EXAMEN PARTICULIER
lo norn de Jean de Jésus-Mario lo calagu,•itain o c d dans ses ulençants, mais îl y insiste peu (La vera sposa di. Gu4
Opera on1nia, t. 2, -Florence, 1772, p, 68\1-6\11). - L. (le la Palma Cristo 2~., 7, dans Opere ascetiche, t. 15, Rome, 19,361
t 1641, Tractatus de exarninc co11scic11tiac particu.lari, Anvers, p. 409). - E. d'Alzon t 1.880 (DS, t. 1, col. 411-421)
1 iOt1; trad. françalso, 1'raits de l'exam.c11 pt1.rtic1tlicr .. , Paris,
1893. - N. Lancicius t 1653, De 1nedii11 ad ciir1u1es it1itio 1•itC1a avait le projet de constituer un examen particulior;
spirituali.~ atlqu.isitt,~ .. , c. 4, dans Opttsc!lla spirit,u,lia, t. 1, le.s conseils qu'on trouve dans ses écrits (lettres qes
Anvers, 1Gfl0 , p. 31, 1-353. - J.-B. SaJnL-Jure t 1G!I?, De la 24 janvier et 1 or février 1870, dans Écrits spirituels,
èonnC1i.ssance et de l'a,no!lr du Fils ile Die" N. S . .!. C., liv. 111, hors comrnerce, Rorne, 1956, p. 1077-1080) ont ~W
ch. 16, secl, 4, L. 2, P11rii;, 1637. - J , E . Niero1nb1Jrg t 1658, rétuiiS en un exercice spirit.ne! précis à l'usage des augllS•
Docirin.,, ,w(,ctica., lili. 11, c. 1?-·19, Lyon, 1643, - O. Druiblcki tins do l' Asso1npLlon (F.-J. Thonnard, 'l'raité dà yiA
t 1662 (OS, t. 3, col. 1732), Tribunal co11sllfo11ti(,e.. , <!ans Opera. 11p1:ritucllt~ à l'école de saint A r.1,g1"8tin, Pal'is, 1959,
o,nnia, t.. i, lngcilstadt, 173!l, p. 61~ -621. - F. Guilloré t 1684,
il-laxùnes 11pirituelles, livre 2, maximes a.,,, L. 2, Paris, 1671. - p. 486-'t87). -1,. Beaudenon1 t 1916 (DS, t.1, êol.1315•
J.•B, Sca1·a1nèlli t 17!12, Dircttorio ,iscctico, lr. 1, arL 9, <;. t, -5, 1319), dont l'influence spirituelle l'ut grande, a écrit
n. 377•88\l, Naples; ·1752. une Pratique de l' cxarnen pa.rticulie.r (Paris, 1898), sou,
vent rééditée.
A la suite de Louis Lalle1nanL, donL la doctrine spi•
1·ituelle est cen.trée sui• la pureté de cœur et la docilité Voir aussi V, Eisvogl o s li (DS, t. 1,, col. 552), Mane nobÎI•
au Saint-Esprit, liombre de jésuito$, surtou I, fl'ançais cu11i, ch. 8 De discussiono parliculari, Vienna, 1?2~. - B. Mez-
se,nble-t-il, conseillont aux prog,·essants d'utiliser lor, pr01nont,ré, Mo.11uilllc:tio ad pcrfcctione11i, ch. 5 Dé utillt.at~...
l'examen pal'ticuliet• en vue de la garde du c1-cur >l :
<(
oxaminis particularis, Vienne, 1706. - M,-J. lbarguongoHla,
lltlétoilo para facilitar ta ad1p.dr.isicS11 ile lus virtudcs por m,edio ile!
l ,. l.,a!lomant t 1G:l5, La vit? flt l,1 (lOèl,rin.c l~p1:rit1œllc .. , e:1:,xmc,1 part.icular, flfoxlco, 1855. - Frère Philipp\l, at1pé~leut
4• principe, ch. 1,, nrl. 7, Paris, 169 1,. - ,J. Rigoleuc t U358, tr. 3, général, Sujets cl'cxc11ncns particuliers à l'usag,i des Fr~res dea
Le pur amo1,r ou les moyens d'y arri"er clt ses efjet.~, ch. 1, dans Ecoles cltrélie.11.,1es, Tours, 1.85\1, 1>lusiours fois réôdilô. -
La vie du l' . .f• .Rigolc1w a."cc ses t.raités, pllr P. Cl111111pion (DS, A.-J. Ci1uvin, Une a.nnéc d'cxaniens partic!lliers. Sujets d4pe-
t. 2, col. ~61-',62)., Pari~, 1686; Œii1•rcs spiri'.tttell<!s, Paris, lopplia chaque jour d(: l'a,tn.c!c .. , Paris, 1933. - Examens parti•
1931. - C. J uddo t 178(;, .Retraite pottr rcligieU$CS, 3• jour, culiers pour le11 pretres vi<,a111 (!/l. com.mttn(tttté, Plll'iS, i99t
Consiclération sui· los oxa1nons de conscience, dnn$ Œuvrcs
spirituelles, t. 3, Paris, 1781. - N. Grou t 1803, '1vla:i:i,nts spiri• Saint F'1•ançois de Sales t 1622 mérite une place do
1.11-elles a~eo des c:cplicntions, fôg niax., Paris, 1789. l,Jtc.
choix dans l'histoire de l'examen particulier pour la
La doctrine et la pratique do l'oxanion' do conscience selon souplosse et la psychologie qu'il apporte dans son usag~.
saint Ignaco ont été aussi répandues par de nombreux opuscules !.,'ayant ptatiqué, semble-t-il, dès sa jounosse (.Qooù.-
et livrets, parfois tirés d'ouvruges plus importants, par exe1nple
la JVoticia prcfoticci de los dos exa,nenes de concicncùl, f.1e~ico, 1ne11ts, dans Œuvrcs, t. 22, Annecy, 1925, p. 22-88),
1777, so uvent réédi tée, qui osl extraite de la l'ractica d,1los E~,;r- il Ill p1•oac1•it dans la DirtJctoirtJ spirituel de la Visitation
cicios ospiritua/l?s .. , Ron1e, 1665, de S. I iquierdo t 1 (i81. P11r1n1 (t. 25, 1981, p . 142-14'1). Dans l'Introdr.~i;tion à la vïs
ces pèLils Lraités, signalona I' E~clu>rtaoiûi1 y prdctica para liazer dévote, il en pal'lo d'une 1naniète un peu large, insistan~
c11ila dict cl cxa1non r;eneral y particu.lar, nnonymè, Madrid, tantôt sur la prévoyance (2e partie, ch. 1.0, t. 3, 1898,
1678, et. F . X . Hornandoi t 1777, El alma ,,foturiusii de le, p. 88-89), tantôt sur la résolution conc••êLe (ch. 6, p. 8.1);
pa,9Ù!n do111i11antc por rncdio del exanien pa.rtir.ular.. , Valence, le (< Bouquet spil'i.Luel » '(DS, t. 1, col. 1898-1901) est
17$8·.
Voir S01nn1ervogol, t. 10, tables, Paris, 1\lO\l, cul. t,7 9-1,80, un examen particulier portant sui• la résolution P,l'is8
et CatC1loguc de la 1Jibliothèquc des Bxcn,iccs, Enghkn, p. 120- dans la méditation (2° partie, ch. 7-8, p. 82•84).
123. 5° AvT11ES ~lÉTHODES. - La n1éthodo sulpiciennQ,
2} En dehors dtJ la conipagnie de Jé.~us, la pratique inspirée par le cardinal de Bérulle (DS, t. 1, col. 1589,
de l'exa,neu particuliel' so ropandit très lnrgernent; 1581}, Charles de Condren (DS, t. 2, éol. 1878-1888)
les adaptations de la méthode ou l'orientation spiri- et J ean-Jacques Olie1•, est élaboi•Ae et divulguée J)'ar
tuelle particulière qui lui sont données an1i·nent des Louis 'fronson. Plus encore que l'exatnen de prévoyance
divergençes notables par rapport; il l'archétype igna- sin• .lequel insiste le Règle1ne11t de l<t congrégation de l'ora,
tien. toire de Jésus (dans Bérulle, azu,,rqs çorripl/J11!8, éd1
Parmi les spil'iL.~els qui demeurent proclitl$ de la Migne, Paris, 1856, col. 16'•3-1644), c'est l'esprit
conception ignatienne, nous pollvons citer saint Vin• même de la spiritualité d'adhérence au Verbe incarllé
.c ent de Paul t 1660, qui la recornma'nde fréquemmtlnt qtü spécifie et différencie l'examen bérullien ot, aprës
aux (llles de la Charité (Entretic,i 105, danfl Corres- lui, l'examen sulpicien. Les Exame11s partiou/iers
pondance, entrctie,is, doc1.uruJnts, éd. P. Coste, t. 10, sur divers s11,j1Jts propres aux ecclésiastiques et .à toutés
Paris, 1923, p. 605-607; cr t. 9, p. 6, 48 et t. 12, p. 467, les perso1111es qui veulent s' aPar1cer qans la. pcrfcet ion
472, 475). - Dans la deuxiè1ne édition, postlu1u1e, de la (Paris, 1690) de Louis 'l'ronsor1 t 1700 ont ccrnnu
Mystica tlu:ologia (Ba1•celone, 1665) de Thornas de Vall- llne fortune extraord inaire; soixante éditions en
go1•ne1•a op t 1665, on a introduit à la .fin d e la quaesUo 2 deux siècles. T,·onson propose quelque 250 examens
un « De conscientia animilo ,,, co1nmentaire de l'opus- particuliers sur des sujets différents, gardant toujoul'S
cule 64 (5?) fausse1nent aLLtibué à saint Tho1nas et a le même schéma :' t) adoration et admiration de Jésus,
saint Bonaventure, et qui appartionL à lvlatthi,,o de Cra- Chl'ist sous l'aspect précis dont on fait l'exam~n,
covie t 141 O. L'article '• parle asse1, vaguen1en 1. de l'exa- 2) examen proprement dit, 3) ptière pour demander
men pa1•ticulie1•; l'a,·ticJo 5, qui traite de l'examen au Christ d'!mpriiner dans l'â1ne la vertu ou la disposî•
génétal, lui assigne quatre points (propositu1n, cura, dis- tioo voulue. Voir supra, col. 1830.
cussio, collatio), assez proches de la méthode cl'exarnen lvf algr6 los différences dues à sa spiri Luall'té p1•opre;
particulier ignatien. - Le cistercien J. Bona t 1671, l'examen parLicqlier de saint Jean Eudes t 1680 est,
(DS, t. 1, col. 1762-1766) suit do très Pl'êS sainL Ignace quaot à l'esprit, fort proche du précédent; il s'applique
dans son Horologiurn a,1c;eticuni 4, 2, Paris, '1676. - sul'tout aux vertus et aux états du Christ (Manuèl
Saint Alphonse de Liguori t 1787 (DS, t. ·1, col. 357- con.tenant plusieurs exercices de piété, , , a, Œupr,u
389) recommande l'examen particuliel' surtout aux. corll- co1npl,ltC11, t. 3, Paris, 1906, p. 272, 286-287; Directoire
148 ·1849 EXAMEN PARTICULIEll - EXAMINAT!() 1850
esù des choses spirituelles 1pour les s:,•urs de N.-D. de Charité, au su1•naturel s'avère une exigence spontanée qui so
85, 5, ib°;,dem, L. 10, Paris, 1909, p. 197-1 99). manifeste tout au long de l'histoire do la spiritualité.
i1) li. Chaumont t 1896 (DS, t. 2, col. 813-818) intègre Nous en donnons qu\1lques traits saillants, tels qu'ils
er; l'examQn pa1•t.iculier dans ce qu'il appelle les ,, proba- s'ofTJ'ent dans la Bible, dans la !lpiritualité rabbinique,
les tions ,, destinées aux n1ombres des sociétés religieuses patristique et médiévale, en commençant pa1•.Ies antécé-
,ls, qu'il n fo'ndées; pendant un mois entier, tous les exer- de11ts dans la pensée et l'ascèse de l'antiquité païenne.
~té cices spil'ih1els sont orientés vers une vertu pa1•ticu- Le vocabulaire, fo1•t varié et riche, restera à l'arrière plan
~s- lière; à la fin du mois on fait avec le directeur spirituel (pl'obatio, e,1;ploratio, rccognoscere, inspitere, q,'l!quirere,
Pie
• une revue des résultats. Quat1•0 probations annuelles scrutari, dispu.!lgcre: expungere, etc, on latin; ÔO><tµoC<rlcx,
>9, pendant la formation, trois seulement ensuite, font ll;éT«cn,:, ~&acxvoç, etc, et les ve1•bes correspondants
,5- pp.rcourir le cycle des neuf vertus principales en grec).
rit (Ï1 . Debout, Le chanoine Ilenri l":haunwnt et la. sancti-
fication dit prêtrr, Paris, 1930, p. 11, 5 svv). ·I. L'antiquité païenne. - C'ost tout <l'abord
IU-
Le cha.rtl'eux Frt~nçois do Sales Pollieu t 1936 conçoit dans le domaine de l'a,nitié, donc là où la culture
l'e.xamer1 particulie1• co1nme le rnoyen d'assu1·er l'unité aOinée de l'âme païenne dans Je n1onde gréco-ro1nain
,s-

des exercfcos spid tuel.s (La i•ic i11t1irieure sitnplifiue et s'épanouit avec une délicatesse attentive aux rapports
ent.,•e les êtres humains, qu'apparaît sortout ce désil'
,...
lZ• rllnUJnée à son fo11den1cnt, publiée par Joseph Tissot,
Paris, '1894). Pour .l utter contre la dispersion, pour pr11fon<l d'une mise à l'épreuve des,qualités intérieul'es
'
11:1., de l'autre. Déjà l'Odyssée! décèle avec une admirable
let éviter les dangers de la comptabilité, il consoillo de
combattre surtout la mi:tuvaise disposition foncière, llnosse la 1nise· à l'éprouve réciproque dans la rencontre
ur d' l llysse avec spn père et son épouse. Par cette vérifi-
!as moins par des actes que par un retour fréquent et rapide
- à l'attitude profonde vers laquelle on aspire. Ce « coup
d'œil 1, do l'â1ne contrite et résolue ,c constitue le centre
cation 1nutuelle du fond du cœu1•, l'arnou1• est éprouvé
à la luinière de la vérité et s'approfondit. Cela n'est pas
de tout exa1nen >) (3" pa1•t.io, livre 2, ch. 6·1 O). re5 lé chose lyl'ique. Vérifier les ve1·tua de celui q\1 'on
choisit pot11· anü est une véritable tâcho do J1ho1n,ne
Aux 18• at 19•· Ril!clea, ont paru do Lrès nombreux traités polil.ique.
le -co toutes langues, souvent anonyn1es ot sans 11pporl, original,
qui répandent la praLic1ue de l'Axri,,nen parUculièr. On en t.rou• Isocrate le soulighe : " Ne fais de personne l:on ami avQnl
la v~r(I une Jiijte, très inco,nplèto, dnni, le C(1talog1t-e de 1a. Biblio- d'nvoir exlln1iné (-r:plv l.lv !~<«ion,) con1n1enL il $e comporte
e. thèque des Ett:erciccs, collection de ln Bibliot.hèque des Exercicea, /1 l'6~ard de$ 11mii,... Juge tes a,nis sur les malheurs qui t'ai.toi•
n. 92-99, E11ghien, 1925-1926, p. 120-12B. gncn Let sur votre intimité dans los hcn1res de péril; nous éprou-
Études récentes, - Voir ,J.-F. Oiln1onL ot P. Daman, Riblio• vons (130«1cxvt!;oµ,v) l'or dans le reu, nous discernQns nos a1nis
graphie ign<llicnne ( 1894-1957), coll. M11seu1n lcssi1~n 111n, sec- d11ns l'adversité • (A De111tl11i<:os 24-25, dans Discours, trad.
tion hiiv.orique 17, Paris, 1958, n.1722-171,? , - En parLiculiar: G. Mathieu, t. 1 1 coll. Budé, Paris, 1928, p. 128).
P. Zahnen, Ocda.11kcn z11111 Pa.rtic1tla.re:1:a1nc11, dnns Zeit.schrift
fllr Aszese und My,ttik, t. 5, 1980, p. 55-Gll. ~ M. Espinosa, Ce sont surtou I, les , philosophes qtli insfr,tent sui•
Exr,m.cn particular, danR M(ulrcsa, t. 17, 19'15, p. ·116-124, et l'i,nportance d e cette vérification intérieure. " Po_ur
t. 18, 1946, p. 269-282. choisit et gagner des amis, il faut les mettre à l'éprellve
' On y ajoutera : G. Lelourneau, Noui,eatt 1na11uol du. sé1ni110,- (i>oKiµ.cx~eiv) », dit $9crate (Xénophon, Mé,norables 11,
:e riste, P 11ris, 1908, p. 26'• svv. - r. Ho1T1nann, Praktit;r.hc
Üb11nr: des Partikul<1rc:,;a1ncn.s, Rhoinlnnd, 1920. - L. Se,npé 6, ·i ). Cru· c'est la philosophie qui crée la vraie amitié
et G. Foch, L'exa111e11 prirlic11licr, Toulouse, 1923. - A. LcgrQnd, (Platon, Lettre 7, 333e). •route la maYout,ique est là :
i, De cxa,nina co11scie11tiae pfJ.rûcul11ri, et De 111ateria r..r.a,ninis (t lJ ne vie i::ans examen (àvc~é-rcxo-ro,; 6!oi;) ne mé1•ite

1- p(lrticularis, dans Collalio1u,., l>rug1Jt1.scs, t. 22, "1922, p. 219-226, pas rl'êtl'e vécue )) (.Apologie de Socrate asa, trad.
1) 3"18-32~. - A. Pottier, Le P . Louis Lallc1nar1t et les gra11ds lvl. Croiset, coll. Budé, L. 1, Paris, 1925, p. •f G7; cf Lettre \
r spirituel$ de so11 tc111,ps, L'oxan1tln de conscience chez lo P. Lalle- 7, '.JI.Oc). L'exan1en soctatiquc va jusqu'à la vérifica-
e n1anL et chez saint l•'rançois do Salos, t. 2, Pnris , 1928, p. 335- tion de la substance sinon religieuse, du n1oins morale,
349. - F. Gibert, L'r.:i:arr,.c,1 pcirtfru./ie.r, dans B1"1lctin clcs
et 011ale1nerit sph•it.uelle de l'â1ne (vg Gorgias 457c•
retraites fcr,n<Jcs, t. a, Enghien, 1932, p , 27•29, 87-43, liG-!17 , ot
..
1
L. '1, ·1983,' p. 10, 1:), 2<1•24, 34-$8. - N. Pickery, L'exa,nen d~
45llb).
t èonscience, dnns Re1•1tc des con1.1nnna.1t1é.~ religieuses, t. 5, 1929, Le~ regard spirituel de Pla ton fixé sur la réalité de la
~ p. 23-aO. - P. Oouke, Der ftszct.isc'hc Wcrtcles Partipalarc:~<imcn.s, vertu essenticllo,. la justice, ne craint pas de s'arrê.ter

s Olç,gau, 19as, - M. Ledrus, .l..'cs,unc p<1rticolare, dnns Rii•isui sur une conséquence tragique des jugenlents rendus
s di ascetic" c mistica, L. '•, 1959, p. 435-1157, d'aprèi, .les apparences. Le,, jui,te e1npalé·" du deuxièine
g Voir les articles du DS : Ascès~:, t. 1, surtout col. 090- livre de la llèp11,blique tnontre le génie de l'examen socra-
l
1001; COMBAT SPIRITUEL, L. 2, col. 1185-1142; Co~!MllNÇAN'fS, tiquo : le vrai ,iuste dénué p<1r sa }usLice 1nê1ne de tout
col. 11'18-1149; CoMPTA01t1·rii SP111tTt1E1,,.F., col. '1326-1333;
1
D ÉFAUTS, L. a, col. 68-88; EFFOll'l', L. 4, cul. 83·1-339; EXAMEN
avantage, persécu t~ et châtié, enfin empalé, l'eprésen te
l Il& CON SCIENCt, col. 1789-1838.
un aspect de 19. recherche philosophique à laquelle
• I se livre Platon sur la nature de la justice ·( République 11,
'
1
,\ntanas L1utMA et A1\dré DEnvttLE.
360e•362a). On pourrait parler ici du thème du << juste
• son11rant » comme de l'aboutissement <l'une réflexion
EXAMINATIO (1!.!PI\P.llvF. 1) 1, 1,A Foi). - L'e..xa.- qui ne craint pas do conliidérer la v~rité dans toute
'' mir1atio exprin1e un aspect _p articulier de l'épreuve sa cruauté. Pourtant le climat du dialogue est trop
religieuse (cf art. ÉrnEUVES sP1n1-ruE1.r,Es, DS, t. r,, sornin pour que fasse scandale le spect9.cle du juste
col. 9:1.1-925). Cette 6preuve, co1n1ne la tentation, est. sou IT1•ant, thèrne si répa.ndn dans l'ancien Orien,t. Les
un Oloyen, sou vont présenté ·co1nnle un axarcitùtni ou un discours du " juste soulTrant 1) de la littérature égyp-
e.vpcrùnentum, par lequel l'esprit, de foi est révél6 tienne et assyro-babylonienno no présentent aucune
dans son fond et mis en pleine lumière. L'cxa,n.inatio issue, ne fournissent aucune réponse à Jeurs lamenta-
en précise la qualité et vérifie ce qu'ést l'homme spi• tions monotones. Aucune solution n'est proposée à ce
rituel. C'est à la fois manifester la sainteté et la conso- p1•oblème religieux et spirituel. ltappelons, comme
lider•. Vérifier les liens profonds qui rattachent les âmell exe1nple, le texto égyptien du Di'.awgue de l'honlme
I
1851 L'EXAMINATIO 1852
fatigué de la vie a11eo sa propre âtnc (cf DS, t. 4, col. chez les cyniques et . les stoïciens. l,'elTort soutenu
52'-l-525) ou encore Le juste souffr{J.nt que nous a fait (ponos eL askRsiH) pour acquérir la vertu n'est pas seule-
connaitre É. l)horme dans son Choix de textes religieu.x rnent un exercice, ,nais .il atteste le triomphe do l'dme
,;isByro-babylo11ie11s (coll. Études bibliques, Paris, 1907, sur les vices, la victoire du bien sur le mal. L'asc~.so
p. 372-379). Néann1oins, 0 11 peut dh•e que f'laton donne s'inscrit ici dans l'enseignement classique des philo-
une réponse .qlli pou\'rait, d'une certaine manièl'e, satis- sophes : le n1al, dépo\lrvu de subsistance ontologique;
faire l'intelligence : le jusle soulfrant est l'ilnage du u'est qu'une privation du bien . C'est à la vertu de le
vrai juste. 'Mais quel abîrne entre le juste souffrant do vaincre. A la llunière de cette vérité capitale, Sénèque
Platon ot celui que déCl'it le livr!l inspiré de Job ; Job a été capable d'anticiper, d'une ce1'taine manière, sur
1 renonce. progrossiven1ent à sa jus Lice au cours de l'exa- l'adage de saint Augustin : ,, exercitiis volvi1nur ».
1nen auquel Dieu le soumet, le juste soulîl'ant de Platon Sénèq11e ,lit dilns lo De providcn.tia. 2, 7 : • 'l'u t'étonnP.8 qu~
n'est quo le sy,nbole d'une ét<\po dans la recl1erche de .la ce Dieu qui a pour los ho1nn1es de bien tant d'an1011r, qui les
justice. L'examen auquel Job est soumis fait apparaî- veut 1111ssi bons et aussi parfaits que possible, lell contraigne
tre son entière humilité : Job finaletnent abandonnA à a{Trontor la fortune (c,:ccrceant1;r) 't Moi, ju no 1o'étoono prui
toute revendication au sujet de la justice qui, lnnnai- qu'll llit quelquefois envie de voir un ho1n1ne do cœur on lutte
nement, lui serait due; chez Plat.on, au contraire, le avec quelque calamité •· Et oncoro '•• 2-~ : « Tu es homme de
cœur? Mais comment la saurais-Je, si la rortune ne t'oflro
juste soulTrant ne marque qu' un. progrès dans la saisie aucune occasion do 111anifcstcr la. vcrtit ... Pour :,e connaitre, il
métapliysique de la vraie justice. C'est la I'éflexion r:u1t s'être éprouv6 ( sxpcri111c11111 ) : on n'appr!md qu'en taisinlt
philosophiquo qui fonde Je vrai désintéresse,nent, dont l'ess11i (tentando) de quelles forces on disposa. Aussi voil,011
la vie de Socrate a rondu té1noigoage ; subir l'injus• certains ho1n1ncs se jete1• au-dev1111t du 1nalhour trop lent et
tice est rr1ieux que commottre l'injustice ( Gorgias procurer ainsi à leur vertu, que l'obscurll6 guoUalt, l'occasion
469bc, 473a). Aristote, dans l' Éthiqite à N ieo,naque, do rosplondlr, 11cc<i.sio11r.111 pcr qua1n snitesceret (~irt1is) • (trad.
n'a pas hésité à hausser l'a.ulitié par·fal le jusq11'1;1u n. Walti, coll, Budé, Dial<>tflie.•, t. ~, Paris, 1927, p. 13 et 19·
désintéressement, lequel pl'ouve que nous uirnons l'autre 2Ô).
Et surtout dans Quaestiones ,ia.tur/1.lcs 111, prér. 10-1 2: ,,... qua
po1~r lui-mi?~ (v111, 5, 1157 b31; 1x, 8, 1169 aaa; cf major nulla. victoria èst, villa dotnuisse, .. Posse laeto animo
A. Voelke, Le problème d'autrui dans la pensée ari.9tq- ;1dverRa t.cilerare, quidquld accidcrit, sio re,·re, quasi tihi voluo-
téUaienne, dans Revue de théologie et tle philosophie, t. 41 ris ac1;idere 1,. cr oncorc Ep. 52, 8, etc.
'1 954, p. 271).
(
A ces sp6oulations, h, nouvelle co1nédio attique, puis Plaute, Au 5° siècle, Boèce notait à propos de cette vérification
Ennius et d'autres, font souvent écho. 1,a véritable fidélit6 de la vertu :
est présentée co,n,nc éprouvée par des crises dran1atiques au « A d'a11tres ln Providooco assigne un certllin m(llange de
cours desquelles los amis acceptant de prendre sur eux l'appa• bonheur et de 1n11lhour propo1•Uonné à la qualité de léur unie;
renco rl!l l'injustice, s'e,cpos1.1nt uux censures les plus dure:,, elle mord les uns afin qu'une prospérité prolongû0 no les a111ol, 1
renonçallt il cu,c-1no1nos pour t6n1oignc1• do leur amitié (voir li!llje pas, elle per,nct que d'autres soient t11ur111onlés durc1nc11t
F. Zuckcr, Frc1t11ilsoha.ftsbewilhr1ing iii der 11c«cre.11 at1.iscl1e11 afin que les vert1u, ,le lcrtr a11w s'atfern1Î$Rent par l'hàbit11.dc des
1'ragiidic, dans B erichte llbcr die Vcrh(l1ulltit1{Jt!lt tl.er s/lc}uli.schen Jp1·er.tv11s et l'cntrai,,cm.c1tt .,. La Provlùtl1lêO les am.ène par ces
Akadcmic d~r Wissen11ch11/tcn z1t lAdp~ig, Pliil.-Jlist. Kl11ssc, éprouves à se connaitre eux-1ntl1nus (1tt virt,uos ctnùrii patic11tiae
t. 98, 1, 1:lorlin, 1950, p. 3,38). De n,ême les poètes: Il suffit 1ts1t at.q11c cxcrcitcztio1!<! confirment) • (La co11solation de lll phi-
do rappeler Enniu~ (« amicus cert11s in ra incerta cernilur •• losophie 1v, 6, 39-ftt, trad. A, Bocognano, Paris, Garnier, 1937,
Sc<tc1tica 210), ou Ovide (• Scili1;et, ut, fulvunl spcctatur in p. '199).
ignibus auru1n, /tc1npore sin duro est inspiclcnda fi.des ,,, cr ,v, ? , 22, p. 208 : « C'csl de vous en effet que ùépond
Tristes 1, 5, 25,26). l'aspect que vous voulez donner à votre forturui; car toute
fortune qui paraît tilauvaise entraîne 011 corrigo ou bien punit
A une époque plus l.ardivo, la signification teligieuae (autexercetaut corrigit, pu11it) •· Bt 1v, 7, 18-19, p. 208: • Pour
de la soufTrance du juste s'approrondit. On so sont ,nan.- chacun on olTot la difficulté même est une occasion, pour l'un
date par Dieu pour l'accorr1plissement d'une mission do portor au loin sa gloire, pour l'autre 1t'aUcr111ir l!a sagesse
personnelle : n1ettre en lumière la vertu au ,nilieu des (confor,11(l11ilae sapientiae). C'ost 1nô1nc là l'origine du n1ot vertu,
contrai•iétés. Le sag-e qui soull'1•e rend témoignage à car, en s'nppuyi1nt sur sos prop1•es force~. elle n'est PM domi•
Dieu par son endurance; il devient le témoin du Seigneur née par l'adversité (suis viribus nitet1s non superetur advcrsis);
qui l'appelle à suivre eette vocation (x>-ijotç) à laquelle vous en ellet qui êtes occupés à dé,•cl<>pper voire vertu ... •·
il ne doit pas se dérober. Épictète nous le dît : C'ost encore dans ltJ mêmo ordre d'idées quo la. pens6o
Com1ne un témoin cit{i par Dieu : « Viens, t.oi, et tô1noigno hellénistique, telle qu'elle se 1nanil'oste dans la Réréla-
pour moi, car tu es digne d'ôtrc produit par moi comma ttl1noln... ti'.011 d'I-Ier111ès Trisrnégiste, évoque une sorte do novi•
Quel témoign11g0 rends-tu à Dieu'l • - • Je suis danil dll grtlvcs üiat de l'dme, un ex.amen portant sur la compétence
difficulté.~. Seigneur, ol malheureux; pel'llonne ne s'occupe do religieuse, la dignité et la capaciLé à 1'6gard du progrès
moi, peraonnil ne me donne rien, t,out lo 11\onde 1110 blâtne,
parle mal do moi •· - • Sera-ce là ton té,noignago? Et vas,t.u 1noral et spirituel (voir début du 13 8 traité Corpu$
ainBi dôshonorer l'appel (ff1v x>,~a.v) qu'll l'a lait l'honneur de hernietic1tm, coll. Budé, t. 2, Paris, 19~5, J). 200; cf
t'adresser, te jugeant digno d'êtro convoqué pour un si grand A.-J. Festu_gièro, Le~ ~évélation 1'He:1t11s
Tris111égiste,
' ta,nolgnage (,l,; µ.otp,op!otv)? • (En.trct.ic,~ ,, 29, (.7.1,9, tr11d. t:. 8, coll. Etudes b1bhquos, Paris, 1953, p. 81, 1,10).
J. Souilhé, coll. Bud6, t. 11 Paris, 191t8, p. 110-111). Envisagée dans l'ensernble de co qu'on vient de lire,
Il faut rappeler ici quo l'idée du ,nal (soUITJ'ances, tri- cette capacité apparaît com1nè la fleur de la délicatesse
buJQtions, etc), conçu con1me uno occasion de l'épreuve, d'ârne cultivée pat' uno longue tradition. C'est l'an1our
était depuis longtemps profondément en1·acinée dans la de la vérité épanoui dans les rapports personnels, soit
pensée grecque. On ne la retrouve pas seulement dans le entre les hommes, soit enl,·e eux et Dieu, qui est la
mythe d'Héraclès et dans les tragédies (cf Sophocle, source de ce goClt pour la mise à l'épreuve des valeurs
Philoc~ts 1418 svv; Euripide, l/éraklès 1227 svv), mais in tilnemon t religieuses.
surtout dans l'ancienne tradition ascétique q\li, remon- 2. Dans ! 'Écriture •ainte et le rabbini.sme. -
tant à-Hésiode et aux présocratiques, so prolonge encore 'lo ANCIEN TeSTAMF.NT. - Dans la Bible, à li\ lumière
,

152 1853 EXAMINAl'IO DANS L'ÉCRITURE 1854


,nu de la révélation, l'épreu·vo da l'ho1u,ne intérieùr a pour pnrole de Dieu ; par expérience, elle la saisit comme
ile• but la mise en évidence de sa foi. Dieu vérifie la fidé.li l:é l'essence pure. d'un p1'écieux métal tel que l'argent ou
me de son peuple tout au long de l 1histoi1•e sainte (Exode l'or. C'est le métal , employé pour la fabrication des
~e 151 25; 20, 20; Deut. 8, 2-6; 13, 1-G; 29, 2-12; Juges 2, tniroirs et qui, g1•âca à sa pureté, reçoit la vie en réflé-
lo- 20:.22; Judi.th 8, 25; Sag. 1'1, 9-11; 18, 20-25; etc). Il le chissant la luinière qui tombe sur lui. La référence à
Lle, soumet à l'épreuve par de véritables tests pour « voir la parole de Dieu fait percevoir au cœur de l'homme
lé s'il marcherait dans sa loi » ( Exode 16, 4), pour " connaî- pi,iux une pure'tô, une luminosité, une tl'ansparence
·ue tre les senU1nents de sol\ cœur )1 (Dcut. 8, 2) et << savoü· sur>rêmes. Celui q.ui est illuminé par la p9tole de Dieu
IUI:' s'ils airnent Yahvé ,, (1.3, 1,). Co1n1ne l'enseigne Isaïe 1•éllf1chi t sans l'altérer l'un! té de la lumière divine
li, (28; 16), l' apparLenance à la con10,t1nauté est fond éo (.Ps. 26). La parole de Dieu expérimentée lui_apparait
rue
sur la foi en Yahvé; cette foi en est la pierre angulaire co,nme une 1•ayonna11te unité (Ps. 1.2, 7) et il la saisît
les en même temps que la pior1'0 de touche, qui pern1et de aui;si co1nu1e }'.objet de son a.tnour : « Ta promesse est
,1\11 vérifier la quali Lé d'âme de· chaque 1ne1rlbre de la com- it toute épreuve, el; ton serviteur la chérit 11 (Ps. 11 9,
188 munauté : « Voici que je rnets comme fondan1enL en 140). Bn connexion avec cotte expél'ience de Dieu
bte Sion une pierre, une pierre de Lounh e, angulaire, pré- eo,n ,ne pureté et sécurité sup1•ê1nes, le psalmisto pal'le
do cieuse, placée en fondation. Celui qui croit ne chancel- de Dieu comme d'un bouclier protégeant to,1s ceux
rre lora pas ». (Su1· la << pierre de touche ) 11 'ebcn bo/Jan, voit• qui se confiant en lui et comme d'une forteresse (Ps. 1.8,
,H F. Dreyfus, La doctrine du reste d'lsr<iël chez le prophète
,n t 81.; 66, 10-12). La. comparai$On avec la sécurité rejoint
on lsafc, dans Rc!,Jtic dei; sciencos phi:losophiques et théolo- l'absolue pureté exprimée par le psalmiste; car celle-ci
et giques, t. 80, 1055, p. 374-376; bo]J.an provient de la ne se réfère pas seulement, ni même d'abo1'd, à l'idée
on racine blJn qui s ignifie essayer, éprouve1', en référence d'un pouvoir le protégeant de l'hostilité du 'monda,
1d. avec le procédé par lequel on éprouve l'or). C'est la 1n1üs avant tout à la conviction, ressentie par lui co1nrne
.9- prorondeul' de la foi que Dieu se propose principalement uno évidence, de la puissance de la parole pure do Dieu •
dé vérifier. Le deuxième livre des Chroniques (32, 24•26) La pureté est ce qui dépasse touL. L'éclat de cette parole
s'exprime ainsi à propos du manque de foi d'}!]zéchias : xnanifesto une sorte d'unité propre qui ne peut être
« C'est po\11' l'éprouver q\te Dieu l'abandonna et pour • ro1np\le et qui garantit par conséquent la. sécurité du
connaître le fond de son cœur » (32, 31 ). croyant. Ainsi les vrais anlis de Dieu, dont l'.imour
Lc11 auteul'$ des Jivres inspirés soulignent surtout la rendu ardent par la foi est éprouvé dans la fournaise,
mise au grand jour de la se,inteté. Aussi est-ce spéciale- selnn l'image préférée des livres sapientiaux, se trou-
1nent .le juste, le représentant du peuple de Dieu, l 1a1ni vent en stlreté " dans la main de Dieu » (Sag. 3, 1·10);
ie vrai de Dieu qui est examiné. Sa foi est éprouvée dans doue protégés au plus inti1ne de leur être au n1ilieu rnê1ne
e; l'adversité et la soulft'ance; le juste acqu iert aloPs une de l'épt•euve imposée à une foi vraiment vécue. 'l'out
,1. 1 fermeté, une stabilité spirituelles plus grandes. Les cela est plongé dans une a.t,nosphère d'amour et de
~t livres de Job, de Tobie ot 1a lit térature sapientielle en lunlière. Voir l-1. J. Franken, 'l'he niystical co1n1nunio11
8/f offrent des oxe1nples éclatants. ipith J HW H in the Book of P11al111.$, Leyde, 1954, p. 46--6-8.
os ttre examiné signifie dans le contexte biblique être
ia
Jv{ais pourquoi sonder le cœur, sinon pour déceler
appelé, ·par l'amour divin tout gratuit, à se rapprocher sa capacité à recevoir cette parole irif1•angible? Ce 1notif
de Dieu, à prog1•esser dans la voie de la perfection jus- déjlt sous-jacent aux textes de l'ancien Testament va.
qu'à l'union à Dieu, à « mùrir " on sa pl'ésence. Cette s'expliciter dans la tradition rabbinique.
,d rnaturation élèvs l'homme à un état que ne peut faire '

te t\Ltsindre la purillca.tion active, quelle qu'elle soit. Dans 2° LE nAnn1NrsME. -: Les rabbins reconnaissent
it les psau1nes s'épanouit un sens profond de la maturité non se1i}e1nenL que la souffrance ost purifiante et expia•
Ir spirituelle et par là même de Ill vérification de l'intime toire, ,nais aussi qu'elle peut ét1·e une épreuve au sens
n de l'âme. d'un véritable exa1nen de .la solidité religieuse.
le l,a so11lf1•1u1ce purificatrice est, pour le juste, une
1, Le verbe Siirrif (épurer, purifier, éprouver) l'exprime rnéta•
phoriq11e1nent. C'eat un terme technique ornployé pour l'épu- AXJJiation, dès ici-bas, do ses fan tes e L de ses habituelles
i-
• ration des niéta11x, s'appliquant soit à la fusion qui éli,ninorn défaillances (cf A . Médebielle, art. Expiation, DDS,
' les irnpurolés, soit au passag11 de l'état d'alliage à celui de t. !l, 1938, col. 105-108 La soul}-rance d<ins la théologie
métal pur. Ainsi, scion los prophètes, la colère divine 1>uriller11 j11,ù •e au co,n,ncncenu:nt de l'ère chrétien11e; A. Büchler,
è le peuple d'Israël (Isaïe 1, 25; Dan. 11, 35; Zaclt. 13, 9), à 1nolns Stu.dies in /,in and Atonc,ncnt, Londres-Oxford, 1928,
que Dieu n'nit déjà accompli col lo purif\cat.ion dans la vie p. '1·19-211).
collent.ive ou individuelle (Ps. 17, il ; 66, 10; 105, 19 avv; Isaïe
,- L'épreuve est a.ussi desUoée à jauger la fidélité il, tra-
'•8, 10).
e vAr:~ une sorte de test de résistance ( Belastungsprobe).
s En conséquence, l'honHne pieux peut demander à Elhi est réservée au juste, l'aimé de Dieu; olle a .pour
8 Dieu la vérification do la pureté de son cu:iur, ainsi que but de mettra en évidence la qualité de sa foi, la vigueur
f le fit l'orant du Ps. 26, 2. Le verset emploie cette 1néta- de sa confiance en Dieu et SA$ pos$ibilités de résistance
11
phore métallurgique pour exprimer la n1ise à l'épreuve, spirituelle. Le Midrash indique à plusieul'S reprises la
• qui fera. trouver le pur métaJ de l'intégrité du cœut'. rai$on (le cet exclusivisrne.
1 Le Ps. 12, 7 réunit les deux éléments dé la métaphore C'oijt ainsi quo rabbi Jonathan ben Jllleo.sar dit : « Le potier
pour signifier que les paroles do Dieu sont pures, puri• n'épro\1ve po.s les poteries détectua11ses, il n'a même pllS besoin
r fiées « sept fois » (cette expression ne s'applique pas à de parc11ter du doigt leur paroi pour prendre, au son qu'elles
t un aéte sept fois répété, mais rend la perfection de rondont, Il\ niesure de leur impcrfeellon, 1'naia il décide !lllljljitOt
l l'acte; cf P.v. 7, 1). Le processus de purification est ici do le~ briser. Au contraire, il éprouve collos q11i sont sana faute
dépassé, co1n1ne dans le Ps. 18, 31 : « Dieu, sa voie est. et qu'aucune fêlure n'abln1e 1 mGmc quand, à diverses repri$es,
il le$ heurte d'une main ferme. C'est ainsi quo Diou n'éprouve
sans reproche ot la parole de Yahvé sans alliage. Il pas los pécheurs, 1nais les justes • ( Gcr1c8i.s Rabbah LV, 585-586;
• ost, lui, le bouclier de quiconque s'abrite en lui ». loi xxx11, 290-291, otc; voir R. Mach, Der Zaddik in Talm.ud 11nd
s'exprime l'intuition juive de la valeur absolue de la M idr11slt, Leyde, 1957, p. 97-98).
1855 EXJ\.MINATIO 1856
Cotte mise à l'êpl'e\lYe n'implique pus nécessai.re1nont insisté sur le faiL quo Job fut rnis à l'épreuve pour
la soufT1•ance. Elle consiste parfois à placer le juste dé,non t1·er lu fidélité de son service désintéressé; ce1u1:c1
dans une situation telle qu'il doit alors prouver, pur n'étant motivé qnA par l'amour de Dieu (vg Sotah 5,
toute son attitude, sa capacité d'une plus haute p,n·- 5, rabbi Joshua pan Hyrkanos). C'était l'enseignement
fectioo. n ·est appelé à se dépasser. Toutefois, la douleur courant à l'époque de rabbi Yol1anan, deuxième moitié
déchirante, exf)él'Εnent6e par Abraha,n, reste un test du prernier siècle do notre ère (ci A. llüchler, op. cit,,
exemplaire (cf S. Sandrnel, Pliilo's Pla.ce in .Tudci~:,n. p. 122-130).
A Stu.dy of Conceptioris of ,-1braham in Jewish Lite- 3° No1,1v1,Au 'l' ESTA~tr.NT. - L'épreuve supl'ên1e au
rature, Cincinntlti, 195G, p. 87) . La mise à l'épre11 ve Christ apporte une exigence toutA nouvelle polir véri-
de la vie lnté1•icu1·e est un thème pa1•ticulièromont cher fier le fond spirîtuel d'une foi chrétienne authentique;
à Philon d'Alexandrie. la c1•oîx en constitue le test : " Pouvez-vous boire la
coupe que je vais boire» (Mt. 20, 22) ? La faiblesse dllS
Il pl!rle <l'uûê" adn1ir•able épreuve (dolti111asia) digne d',\tre
nominée ~ninLe • (De /uga. cl. it1ve,11io,1e 15 1,-15G, 27), de vérilicn- apôtres devan t cette exigence est relevée par le Maître
tion dos v_ortus aolîdes (De Abraha1110 104). Cf De stzr.rificii.q dans la prédiction du reniement de Pierre (26, 30-35).
Abclis rt Cliini 24, 80, 81 (salnL Ambroise a tron111>1tsé ce pas- Plus ta.rd, l'Église naissante insistera sur les hautes
sage de Philon dans son Do Cain et Abe.l 11, 6, 20, PL 11,, 850d· exigences de la foi : dans la catéchèse baptismale t'e
85:ld); Dt! l!irtutibu.s 60 i De $pccialibi,s legibus 1,. !l, 5!l (ll«oo,,soç, lesL de la l'oi jouera un rôle capital (Rom. 5, 3; Jac.1, 2;
série11x ex11111en de l'esprit de foi}, etc. 1 Pierre 1, 6).
• Dieu n'6lèvc pel't!onno o. une <lig111L6 souvc1•aine <IP/llt/. de. et spécialement Ph. Carrington, 1'he. prilnitivc Chri,1ia»
l'avoir épro11vé •• dit. le M idrash Tanc/uuna lJ, bo•llao.lolcc/,a 1:J. Catcchism, C11111bridgo, 1940, p. 22, 21,, 27. - E. G. Selwyn,
Abraham fut épronvÎl par <llx tentations et ce n'est qu·on- '/'lu: FirRt llpistlc of St, Peter, Londros, 1!l52, sur les elCpressiQô8
suite qu'il (ut héni par Dieu. Isaac, lui aussi ... De marne .T acoh, c11rac;téristiques • dohi"1a::win ►, • dolti,nion • - test, p. 129·
Joseph... C'est i111rlouL dans la profei,.~ion de p11.st0ur que Dieu 130; p. 1,51 : ôo1<11M~!;«v, !!;c,a~civ, G°'a°'v(!;~w, dans 111 Sap-
éprouve lei, j1isles... David, avait l'habitude de séparer, dans t.en lu, quelquefois équiv11l1111t à bafJan el sarà./, sont_des Lormes
un troupeau, lèi! jeunes animaux des vieux ot de les conduire (:Our11nts dans l'ascèse à l'ilpoquo patristique.
au pâturage, afin que les jeunei, puissent n111nger la po rtle
hauLe des herbes (J\IÎ est la phrn tendré. EûsuiLc, li amepait s111· Duns l'Égli!le co1nme dans l'ânui, - et c'est ce qui
les Houx des bêtes. plus âgées qui 1ne.ngoaionl los parties moyen- irnporte du point de vue spil'ituel - , la mise 11l'ép1'euve
.nêS des plantes. Et on fin venait le tour dos anin1aux plein()monl de la foi n'est pl\1$ seulcrnent l'occasion do faire trionl•
développés qui devaient 1n11ngor les parties passe11 et les plus ph~r les vertus sur les vices et de mûrir spiri Luellomenb
dures de l'herbe. Quand Dieu vit cela, il dit : • Celui qui con1- pa1· l'ascèse, elle est aussi J'assu1•ancc d'une confoi·milé
prend qu'il faut now·rir ch1.1111)e 11ni1nal salon sa eapac:ll.é, plus grande avec le Christ glorieux. Lu rédernption
celui-là doit paitre 111011 peuple•. Et lorSquc Moise e(lt rappnt·t.é
sur sos épaul.es, jusqu'au troupuau, un agneau égaré et faf,il:(IHi, acquise par le ChJ'ist à la nroix fait telléO'lent prévalo_ir
Dieu lui dit:• 'l'u as en niis6ricordo pour un troupeau qui !lppnr- le bien sur le mal que les épreuves peuvent être con.sidé-
Ucnt aux ho rnnuis. C'csl pourquoi je te donnera.i missioi1 <lo rées c1 co1ntuo les sacrements de la survictoirA» du Christi
pattre mon trouponu, le peuple d'Israël • (ibitüm1). (C. Spicq, Aga.pè, coll. Étudos bibliques, t. ·1, Paris,
1958, p. 255). L'idée ancienne, que la soufTrance est un
Ce qui est rc1narquable dans cet eo:,eignen1ent c·o~t étroit défilé ·où. il faut passer pour se rapprocher d~
le sons profond da la loi de proportion dans l'évolu !.ion Dieu, prend toute sa valeur dans la pleine lumière do
religieuse dos âmes. Pour ai(ner vill'itablement, il faut la rédérnption : ,c Ne te laisse pas vaincre par le rnlll,
une capacité p,,oportionnée, ...:.. les esprits les plus pors- sois vainqueur du 1nal pa1• le bien » (Ro,n. 1.2, 21 ), La
picacos de l'alll,iqtrité en étaient convaincus, nous iniso au j'our de la sainteté éprouvée devient source de
l'avons vn. 111ais ici, il s'agit de la saisie d'uno loi indis- joie : cc Vous en tressaillez de joie, bien qu'il vous faille
pensable -da11s toute YiAspil•ituelle : s'il· y a des (H'Opo1•- oncore quelque temps être affiigés par diverses épreuves,
tions à respecter dans les rapport.$ entre les ho1nn1es, afin que la valeur de votl'O foi (-ro Soxlµtov ôp.G>v Tij~
il y en A. à plus forte raison dans les rapport.~ de l'f1n1e 1-la-rtev,;), plus précieuse que l'or pln•issable que l'on
avec Dieu. C'ei,t ce sen$ des proportions qui esL sournis vérifie 1>ar le feu (StclG m,poç Soxtµ«~oµévou), dcvieru\é
par Dieu à un examen, et la mise à l'épreuve doit abou- un sujet de louange, do gloh•e et d'lio11neur, lors de la
tir à \1ne manifestation de la plus haute délicate;;se. 1·évé.lation de Jésus-Christ>> (1 Pierre 1, 6-7).
Par là peut êt.re discernée la capacité des àn,es p1•01'c)t1- Dans le passage de l'épître au~ 1-labroux (11, ·l), 0(1
dément hurnbles. Elle atteste la tendresse la plus tou- saint Thornas voyait une description de la foi comme
chante de l'amour miséricordieux; co1n1ne disent les vertu théologale (cc describit fldetn », C. Spicq, .l,' Épitr'I
anciens rabbins, Diou n'éprouve pas les justes au delà <iux Hébreux, coll. Ëtud'es bibliques, t. 2, Paris, 19031
de lelll'S forces; lorsqu'il les fai 1. passe1• par le crcut;ct, p. 336), l'idée de vérillcaLion apparaît co1n1ne une l'éalité
il calcule le te1nps i;elon lu capacité de chacun (Pesiklah spirituelle.
ralibah xr,111 1 18-ta; Midr<ish Sant. 1v,?; voir R. l\1nch, Dans cette per5p<:lct,ive, il 1\'ost pas sans întérât do noter
op. oit., p. 9/i., note 4.). 1,'ex6gèse rabbinique se trouve <1uc le n1ot u,,yxo,, traduit par <irgci"icrHu.,n dans la Vulgate,
ici profondén1ent enracinée dans la sagesse biblique. a été rendu de façon plus expressive p11r exa,nina.iri:i: dans ltt
La Sagesse, elle, .Pt6sence a,r,Live de Dieu dans le rno11de, Petits lt/.lla (C. H. Turne!\ Ecclcsi/.le oceider11alis mo1tume1tta
a ,c tout réglé avec nornbre, poids et 1nesu1:o » (Sag. 11, juris a11tiquissima, t. 1, p. 1, fa.se. 2, Oxford, 1918, p. $611/;
20) dans son amour pour les honunes (Sag. 1, 6; JJrov. psen<lo-Jérôme, Ep. 1?, 3, p. 1800),
8, 81), L'enseignen1ent de l'lllcriture sur cette acl.ion Cf aussi J, Coste, Notion grecque cl. nlltit)n bibli911a de la ,
divine qui vérifie, mesul'e, exa,1nine le fond de l'ùrrle • sortO rr,.nce ,!dueairice • ( A propos d' H t!brect.x 5, 8), d(IJlij
11.cclwrohes d11 science rcligic11-S«, t.. 1,3, 1955, p. 1,80-523. -
est résumé dans les paroles de l'ange Rapha~l à 'l'ohio : L. Cerf1111x, P'ructifior Cfl Sllf)fJQrl<tflt (l'épre111,e) , ri propns d.e
"J'ai été envoyé pour éprouver ta foi, et Dieu rn'envoie I.nr., v111, 15, dans Rctiue biblique, L. 1;,,, 1957, p. 481-1,91 . ....:
an rri&µie ternps pour te guérir » ('l'obie 12, 13-llt), K .-G. lCuhn, Pcirasmos, ha,nartia, sarx im. J\'c11e11 Testament
L'amour de Dieu est à la fois le ,notif et le but du test und dia 'd"n1it ;11.sa111111c11hllngend.en J~orstcll1111ge11, dans Zail•
auquel l'arni est soumis. Aussi les rabbins ont-ils parfois schi/t /Ur 'fhe.ologie und l{irehe, t. 49, 1952, p. 200-222,
1857 EXAMINATIO & IvlARTYRE 1858
.
r 3. L'&xaminatio chez les Pères. - La mise à sen~ plénier d~ns la ~oncept,i~n plus vaste e"t plus p~o-
• ' .
:) l!i_preuve de la foi, telle qu'elle nous est apparue dans 1 fonde de l'Église, famille de D1eu. Comme dans l'ancien
l'Ecrîture, rend manifeste la conformité au Christ. Dans Testament, }~épreuve des élus, des préférés de Dieu,
leur enseignement, les Pères approfondissent et explî- rasse1nblés dans l'Église, est soumise à l'épreuve des
citQnt cette doctrine. L'épreuve î·évèlo le chrétien dans persécutions : « D~minus probari familia1n suam
, le fond do son être. C'est le m~1nent où le chrétien voluit... ut hoc 01n~e quod gestum est . ex,ploratio
d.onne toute sa 1nosure corrime membre authentique du potiu~ quam persecutio videretur •> (De lapsis 5, C$EL,
1 corps mystique du Christ. Le chréUen n'est vrain1en t p. 21,0).
chrétle11 quo g1•âce à l'épreove. Nous étudierons successi- Los hérésies elle~-n1ômes servent de test à. l'Église;
• vement l'enseignement des Pères sur l'ex{uninatio dans ellet; 1nanifostent la fer1neté de la foi des chrétiens :
'l le martyre, dana la vie spirituelle du laîc et dans la « Fieri haec Dominus per,nittit.., ut durr1 corda et 1nentes
apiri tuali té monastique. nosl.ras veritatis discrimen examinat, probatorun1 fldes
1
integra manifesta luce clarcscat (1 Cor. 11, 19) ... Sic
10 L'EXAMINATIO l.JANS T,E MARTY Ill,)._:_ L'examinatio
prohantur fidolos, sic I)°erfidi dotoguntur >> (1)e. catholicae
•joue un rôle dA tout premie1• plan dans le martyre. E1:cli:siae unitate 10, CSEL, p. 218).
• Je ve\lx, rnoi, quo cc que vous co1n1nandez a\1x a\ltres par J~a discipline pénitentielle elle-1nème, exa1nina11t les
vos leçons garde sa force. Ne de1,111ndez pour 1noi qua la forco dispositions intérieures .des fidèles, tend à faire l'essortir
int.ériouro et oxtérieure, pour quo ... non seul61nenl on ,no dise leur capacité de « m1irir >> : est-ce que, la pénitence aidant,
çhrâtien, ,nais que je Je sois trouvé (rlA fRit) », dit saint i.ls Jiourront retrouver la force de résister? Cette éoncep-
IE,'ll9.CO d'Antioche (Lettra aux Ronu,irM 111 1, 2, 6d, et trarl.
1

P.-Th. Camelot, coll. Sources chrétiennes 10, 2• éd., J'oris, tion de ln valeur sanctifiante des persécutions suppor-
1us·1 , p. 129). tées pour l'amour du Ch1·ist condùit saint Cyprien à
Le martyr, dans uno oxc-lumation oélùbte, qu'a reprise la englober dans la notion salvatrice d'ép1•euve tout'e souf-
liturgie le 1•• février, au chant de connnunion, expri1no da france qui s'unit au sacrifice suprên1e du Christ. Cyprien
façon très c,laire lo sc11s spirituel do ln vérification d\l la foi : est, en effet, l'un des tout premie1'S Pères qui aient pro-
• Je suis lo fro,nonl de Dieu et je suis n1ouh1 p& les dents des posô d'assimiler au mau~yre les diverses épreuves per•
bêtei.;, pour ôlre trouvé (•i>ptOw) un pain pur du Christ • (1v, mises pal' Dieu pour la sanctification de son Église.
2, p. 131). '.il a contribué, comme les alexandrins, à élaborel' la
De cette 1nisc à l'épreo ve 1•ésultc, au plus in tin10 do con1.,eption du marl;y1·e spirituel. La dinu1nsion ccclési'.ale
l'âme, une pa1•ticipution à l'amo111· ihcorruptible. de L'épreu11e l'y entraînait. L'épreuve est sanctifiante.
Parlant du fro1neot qui va être rnoult1 par les bête1:1, l~n rappelant .le passage du Jiv1•0 de la Sagesse 8, 1,-8,
saint Ignace dit : « C'est le pain de Dieu quo je veux, sain L Cyprien insiste sur l'idée que les mt\rtyrs sont
qui est la chair de Jésus-Christ, do la race <le D(!.vid, et consucrés en raison de leurs tortures, « de torrncntis
pour boisson je veux son sang, qui est l'an1our incorrup- qt.uu:. niartyr1Js JJei co,isecrant "• et c',est en raison des
Uble » (vu, à, p. 137). l.,a perspective sacl'an1e11tclle, soulîrances de l'épreuve qu'ils sont sanctifiés : « et ipsa
présente dans la vérification do la foi au n1ornent dt1 passionis probatione sanctificant )), « tourments qui
martyre, est ici ex1)licito. consacrent les martyrs de Diou et les sanctifient par
Saint Cyprien, l'évêque-marliyr, insistera sui· la dimen- .l'ép,·euvo rr1ême de leurs soulîrancos » (Ep. v1, 2, 1,
sion ecclésiale de la mise en lumière de la sàinteLê par p. 15).
la vérification de la foi. L'JJ;glise entière doit passer au C'est précisé1ncnt dans l'efflorescence de cette doc-
crible pour être affermie dans la fidélité et la vraie confor- trino sur Je martyre spirituel que l'e.taminatio prend
mité au Christ. une importance particulière. Les épreuves du martyre
Cette persécution n'ost qu'un moyen de sond01• notre cœ\lr
spil·ituel rèsl,ent cachées, celles du rnartyre sanglant
(persccidio ista exanânati() ai.que c~:ploratio pectori:s nostri) . éclut.ent au grand jour (vg Origène, Exlwrtatio ad
Dieu o. vo11hJ. què nous fussionii Recoués ol uprouvés, con11n~ il a 1na.rtyrù1,rn 21, éd. P. l(ootschau, GCS j , 1899, p. '19,
de to\lt t1.ur1ps éprouvé ceux qui lui appu1•tiennent, sans quê 9-1.0; ln N11,11ieros ho,n. x, 2, éd. W. A. Baehrens, GCS 7,
j111nais, au cours de ces éprouvos, le secours ait manqué à•coux 1.92·1, p. 72, 1.9-27). Le martyl'o spirituel par excellence,
qui croient en hti (Ep. x1, 5, a, éd. et tri,d. P. Bayard, coll. la virginité, esL r.aractérisé par des épreuves cachées.
Budé, t. 1, Pnris, 1925, J>. a1). L'équivalence des deux formes <le ,nartyl'e ne faisait plus
I~'épreuve de l'hon1n)e intti1•ieur correspond à une de dnute au t,o siècle (cf M. Viller, Le martyre et l'ascèse,
véritable<< extorsion » des vertus qui doivent triompher RAM, t. 6, 1925, p. 115-142; E. 1~. \\1alono, The 111/onlc
The A-fonk as the Succe.~sor' of the
des faiblesses et dtI péché dans le temps dos affiictions 11,nd the Martyr. • •

les plus dures, conune lors do lu peste qui ravagea Jvla,·tyr, Washington, 1 \J50, p. ,4-148). Pourtant, c'est
1
l'e.,:t(t1nir1atio qui féconde l'épreuve cachée, et la véri-
Carthage en 250/252 :
ncation rest,e indispensable, comme le dit saint Augus-
" Qu11111 nucossariun1' quod pastis ista... explorai. justitia,n
1

sinsuloruin et 11i.c11tcs hutnani generis ca,aniiruu... b.'a:ercitia tin: /


sunt nobis isu,, rio,1 fii11,1ra : <lant aniluo fo1•titudinis glorhun, • Quant à lu co\1ronnc du martyre, - du martyre de dél!ir,
conton1ptu u1ortiR prttoparant ad corona1n • (De ,nortalita.tc sans l'oprcuve de la Lentution, ou du ,nartyre de fnit par la
16, éd. a. Hnrtel, CSElL 3, 1, 1868, p. 807). soulîrance éprouvée - , quelle que soit celle des troî$ formes
Au milieu des épreuves, les vrais me1J1b1·<1s du corps mystique de la cha.~teté 11· laquelle ~lie s'ajoute, gurdon11-11011s do ponser
se distinguent do. coux qui n'en ont que l'apparonce : • Il y a que ce soit sans en a(:croîtro le fruit (tP.ntationis exani.e,1, in
encore quelquos ohl'étiens à met.tro à l'ôprouvo... Qu'ils i;a1:hent ips<,. passionis cxpP.rie11tia) • (De sancia ~irginitatc 45, PL, 1,0,
dorio quo nous sommes rn is à l'éprouve par notre 1'lattre ilt que 1,2S1t; trad. J . do Saint.:M.ru:Un, L'1iscétù11nc Clfrt!tie11, coll.
Ill foi <tui les !ait croiJ•o el\ lui no détaille pm, dans lo choc do lu Bibliothèque augustinienno, Paris, 1989, p. 2118).
tribulation présente• (Ep. 11, 6, 1 ot 7, 1, trad. Bayard, p. 82). Saint AugusUn insiste : ,, Soit que le cent pour un repl'éscnte
la ,·irginito vouée à Olen, soit qu'il faille co1nprendre ce degré
Si saint Cyprien évoqoe le thème biblique du juste de l't\cqndité de quelquo autre f.açon .. , personne cependant,
soulîranL lorsqu'il situe l'épreuve dtI ma1•tyrc dans l'liis• 11utant que jo le ponso, n'oserait préléro1• lu virginité 1n1 ml'lr•
toiro du salut, c'est pour donner à cetLe épreuve son tyr(J ot personne no doute que co dornicr ne soît un don aecr0t
l>IOTIONNAII\F.: DE SP l fll 'l'UALIT~. - T. IV. 59
1859 EXAM1'NATIO 1860
..to.nt quo l'êpreuve ne l'a pas révélé, si ,exarninatrix desit ten- militia est... Deus... in adversis unumquemque explorat
tatio • (46, 421a, e-t p. 295).
ei exa,n·inat » (<)ctavius 86, 8-9, PL 3, 351b-8"52a; CSEL,
La vérification des valeurs spirituelles s'imposn p. 51-52).
avec une telle ro,·ce à J'esp1·it dos Pères, qu'une enq\lête, Dana la même ligne, les Pères évoquent, oon1me une
m~me brève, sur sa raison profonde semb'le ici tout il préfiguration, des exe111ples de probatio {tdei chei les
l'ait jusUfiée. C'est sur 'ln foi au Verbe int:,\rnt~ quu justes de l'ancien Testament. Noé par exo1nple, « qui
,('exa,ninatio portait en profonde\11·. Il semble rnê,nc et in p.ericulis fuera<t adpJ1obatus et exa1ninatus in pas-
qu'une réflexion d'otdl'e sotériologîque ait d'aboi'!! sionibus et repertus quod in confusionibus non fuerat
attiré l'attention sur cette expérience vivante faite par obnoxius cohfusioni ».(S. Anlbroise, De Noe 2<,_, .86, PL 14,
les spirituels. 402n; éd. C. Schonk1, CSEL 82., 1, 1897, p. 475)., -0u
EJn ollol, If\ conception du ,uarlyre était l'un doR points essen-
cc Job .examinatus » (S. .Cyprien, De bono patiuntiae 18,
tiels du désaccor<i qui oppos11il la Hotériologio chré tienne à cellu PL 4, 633c; éd. c;. Ha.rtel, CSEL 3, 1, 1868, p. 410).
des gnostiques. Pour ceux-cl, lo s11lut résultait d'unè çn1cîilxio11 ÛJ•igène, dans sa 81J Ifonielie s1tr la (leniNJe, présente, avec
célaRtti et insonsilile du • Cht'L~t su1,érie11r ,. Selon Jours conr.ep• une grando finesse d'analyso, l'ép1·euve des sontiments
Uons, la rédemption no pouvai t nvoir lieu ·dan~ ce monde déchu, pl\ternels d'Abraham,,, maître de l'épreuve». Il pénëtre
et la crucifixion do l'Ilon1mA-.Oieu à Jérusalem -dans do~ jusqu' au plus intin10 de l'âme du pat:l'iarche, là où
souarancos physiques ctait irnpens(lble. Lo chriiltianis1ne é tait. s'affrontent dans 1a plus frémissante sens1bilité "l'affec-
ainsi transCorrné en une roligiou de l'eSJ>l'lt, ot le marty1•1, tion paternelle et la foi, !'-amour de la chail•, l'attrait
sanglnnt n'avait plus cfe sens; los gnostiques le traru;posaient en
un innrtyre cnohû el 11uotidien qu'ils i;e figuraient situé uu dnli1
des biens •()l'ésents et l'attente des biens futur,s » ,lPG 12,
du sensible, sans rapport avec le n1arlyre journalier dos fidtiloi; 205b; trad. L. Doutreleau. coll. Sources :Chrétiennes 7,
tel qué le deflnissaicnl his Pères (c! A. Orbe, l,0s prinwro8 Paris, 1943, p. 165). En 6voquan t l'exemple de .Job,
hcrc(l!S ante la pcrscc1œiôn. lt~11.1.tlio;; Valontinianos, coll. Ana- ,qui, lui. aussi, 11 daru, toutes ses sQuffi•ances fit preuve
lecta grogoriana '83, Ito1no, 1'956, p. 269•'271). d'une grande ·âme» (10, 210a, et p. 173), Origène expose,
L.es violant.es répliques do 'J'ert:ulfien, Tcrvunt ,défenseur d<• à propos ·d'Abraham, une f01'rne suprême de la vérlfi•
l'Jncarnatlon daru, !Ion De car,ie Christi, 1J'.opposent vigoureuse, cation de la foi, ccylle qui s,accomplit selon les exigences
rnent à cette solériol<->gio gnostique. La vvaie foi et lo vrai les plus hautes d·es conseils ëvangëliques (8, .207d, et
1na~ty,rs·s'éprouv0nt juijque dans notre .sensibilité; c'est pour-
p. 170). 11 Toul en aimant $On tlls Isaac, Abraham préféra
quoi .los tonncnta sont l!:ra111i11atoria ; • U.ra.10 l!icut a11run1 • ol.
pnobabo îllos sicuti probatur 11.rgentum '(Za.ch. 13, 9). Utique ... l'amoui' de Dieu à l'amour de la chair; r,a n'est pas dans
pc-,. rnartyria fide'i c:~ctminatoria • (Scorpiacc 7, PL 2, 136a; les entrailles do la chair qu'il aima, 1nais dans les entrail-
éll. Rei1Iersol1eid-Wisso,v.1, C:SlllL 20, ·11)90, p. 15ù i cr 'De fcica 1, les du Cln•ist, c'est•à-dir.o dans les entrailles du Val'be de
8, ·ot 2, 1-9; PL 2, '103lic;, 104-106; od. ·V. 13ulhart, CSEJL 76, Dieu, de la Vérité et de.la sagesse» (7, 207c et p. ·169).
1957, •p. 18-21.; .De idololatria 26, PL 1, 696; C$1)](, 20, p. 57-58). Dans la mesure mômA oii Je 1nartyre quotidien,
surtout celui de la virginité et do la vie monastique,
Si 'I'el'tUUien insiste da vanlage sur l'ai,j)ecl _physique
se substîtua-î t pl'ogressivement au rnartyre sanglant,
des tortures, IAs auteurs patristiques, dans leur ense1n- qui se faisait 1noins fréquent, la vérification de Ja vie
b.le, _présentent lui éventail beaucoup plus .large <l'ouèa• spil•ituelle du chrétien devenait d'autan t pl\ls indispen-
sions o(I s'authentifle notre adhcision a.u Christ qui a sable.
souffert pour nous dans le môn1e inonde que nous. El
ce ·q ui distingue Je rna1•tyl'è de tous les jours , pris dans 2° DANS LA VIE SPIRITUELLE DES LA Jt:$, - Comme
son -sen11 vrairnent r,i\rétien, de celui des gnostiques, le dit Clé1nen t d' Alexandrîe, chaque chrétien devait
rationnel et f1•oid, c'est qu'il s'acoo1nplit à l'intérieur ètro un cc juste souffrant », dont l'a,nour pour Dieu se
de la vulnétabilité hurpaine. La vraie mise à l'épreuve vérifie dans los épreuves, sans oxclu1'e le 1nartyro,
porte en efiet sui• l'adhésion concrote à J'I-lo111me"Die11 , 1;ar l'an1our de Dieu 11 suppor•te t9ut » (1 Cor.. 13, 7;
à un Hommfl-Dietr qui a souffer t dans ses sens et jus- S'trQflZIJ.les IV, ,7, ,52.; PG .s, 126(tc; éd. o. Sttihli1,, GCS 2,
qu'au plus profond de sa sensibilité hu1naine. Elle ne 1906, p . 272).. Clément n'hésite pas à •exJger cette ,dispo-
vise donc pus à uno <ié,nonstraLion spectaculaire de sition d'âme do l'J1on11t1e •spirituel, de « l'ho1n1ne gnosti-
notl'e foi, niais à une union to11jour11 plus étroi to au que ». Le vrai 11 gnostique » doi L rnême -demander à
Cbrust qui ·a .soufîerl pour nous. Dans la miso à l'épreuve, Uieu d'êLre éprouvo : 11 0 Seigneur, 1ne-ttez-1noi à
le Christ et. l'Égliso s,3 trouvent réunis : cc Vox Christi l'épreuve » (1v, 7, 55, i ; .1268a, et p. 273). Aussi, et à
in passione, et vox Ecclesiao in tribtùatione >1, dit saint plusieurs 1•epl'ises (11, 20, 103, i; PG 8, 1048c, et GCS 2,
J érô1ne. " P1'obasti cor meum, Deus. Vox Ch1·isti ad p. 170; vu, 12, 80, 5-6; .PG 9, 5t2b, et <)CS 3, p. 57),
Patrom. P-r obasti Chl'ist.t11n in passione et Ecclesiam in Clé,nent lo cornpare au " noblo ,Job » (11, 20, 108, 4,
tribulalione » (llr(!viariiun in ps. 1û, PL 26, 850a. et e). looi.v cù.).
E t Cassiodotc} : " ~rribula Lionibus ignitis exan1inatus est Par ailloul'S, co,nrne nous l'avons vu chez Cyprîen,
Dominus Christus, sed non est in illo inventa iniquitns cette mise à l'épreuve comJlOrte une dimension eccJé-
qua,1n adustio ulla decoquerot » (Expositio in ps. '1 li, sinle : toute l'Église p1•onta de cette vérification de la
4, cc 97, p. 144) . foi, car en 1nottan t au jour la fer1noté de la foi dans
L'idée de la ni,ilitia. Christi s'inscti.l Jans une 1n~1ne l'l!Jgliso, elle s'y affernlit .(rv, 12, 85, 1; PG.8, 12.93b, ·eL
per.spectivo. JJ;Ue correspond, rnalgré los apparences, GCS 2, p. 285; e!ç So)((1,uov, ŒV, 16, 104, 1 ; 1309c,
à une expérience spirituelle très réelle. L'admirable et p. 2.94; :vu, 12, 11~, 3-4; PG 9, 501c, e (; GCS 3, p. 53').
,c0nstatation do Minucius F6lix, 11 Christianus 1niser l\1ème dan$ la vle conjugale, l'·occasion se présente,
videri putost, non potest inveniri »-(Clctaviu..~ 37, 3, PL 8, pou1• l'ho-.n1ne spirituel, d'éprouver sa vertu (vn, 11.,
358a; éd . C. I1ulm, CS lï;.L 2, 1867, p. '52,), exprime co 64.; PG 9, 488c-489a, et GCS 3, p. 46). L'épreuve de
sen$ profond des épreuves quo l'homu1e de foi doit sul)ir la sainteté joue un tel rôle dans le pel'fectionnement
<ilans lu soulÏranee et la douleur pour que ll'io1nphe en i;ph•it,uel du gnostique, quo Clément ne so refuse pas
pleine l\1mière son adhésion au Christ : cc Quod corporîs ù voir rétrospectivement -en Job l'image du vrai
hum-ana vî:tia senbimus et pat.imur, n0n e~rt poena, gnostique (v11, 12, 80, 7; 512b, et p. 57). Dans le rnème
L860 EXAlvlINATIO & SPIRITUALIT~ MONASTIQUE 1862
186!1.
(lontexte, Clément remarque, en un passage capital, souvent -dans les commentaires des psaumes pour
que l'homme spirituel, tout ,en vivant dans ce monde, cal'actériser indistinctement la purificaUon de l'ârne et
p1éin d'égards vis-à-vis d\1 prochain, no devrait PM Je stylo même dela vie monasUquo (vg S. Basile, PG 81,
une aooep'ter de ·concessions à l 'esprit du xr1onde 1 parce ·q ue 9,.5a, et ~G 82, 940a; .S. Gr~oire de ,Nysse, PG "•6,
, l~s son véritable é'tat intérieur, son attachement au Christ ~09bc; ,l1ésy:chius. PO 9.3, 4 225d:; ·Théocloret, .PO 80,
qui pot.tant sa croix, .ne doit pas rester c1\ose cachée. 1,368c; PrDoope :de Gaza, iP.G 8?, 1898ab~.
r;,as- Les Pél'es n'hésitent .pas à afflrm9r, - et ili; revien- Le11 écrîls mo1Hwtiques parlent beaucoup de cette vérifl•
~rat nent ,fréque1n,1nent sur oo point - , que Dieu éprouve c:1lion en pro!onde.ur, oxacte et pén!Î.Lrnnto, de la vie,r.eligioUJ:Je:
114, ,nécessairement Je chrétien pour qu'il at.teigne la matu- ;v~ psoudo•Macuiro, Jlo,nélit 10, 5, PG ,:)t,, .5/a/ac; llOIJlélic 38,
-OU rité •spirituelle, ·le j,\u,1m p0ur qu ',il obtienne plus •de jus- 757d-761b; De pationtia c,t discrelionc? el 27, 869cd ~t 887cd;-
1-8, S, Nil, /Jp. 158, PO 19, t,53d-~56b; - surtûuL S. Basile: ..!,'11rmo
tlce encore. w,cclîcu:; 8, PG 8'1, 873d : lv 8o>«µaatci 61ou; Regylae fusius
10).
Ainsi, Lactancu: • Sed el justos cum judlcaverit Deus, eticun tr«ctatae 2G, \l85d, etc.
vec igni aos c~:a11iinabit. 'l't11n quorum pecê(lta vol pondoro vel
,n·ts 11umero praovuluerint, pcrstringm1tu1• atq\le 1unburentur, Ce qui distingllc la ,nise tl l'épreuve des moines de
ître quos autorn plenn justHia ot n1at1'ri'.tas virti,tis incoxcrit, igneru
celle des laïcs, c'est quo la vérifica lion de l'.hom1ne inté•
où ilh.u n non sentienL : hc1be1u eni111 aliq1tid in se Dei, q11od vhn l'iour devient dans l e n1onachisme une ionc.tion.
reo. l!ll.111mao repellal ne re~p11at • .(Divi11,1e instit1i1ïc:mes vu, 21 ,;
! ,\{prouve si enrichissante de la vie spirituelle s'institu-
·ait PL 6, 802a; ail , S. Brap<ll, CSEL 19, 1890, p. 6ti~).
tionalise, et le noviciat proprement dit ;(do'kirnasia)
12, Pour saint Augustin, le chrétien q\li n'a pa.s été mis appal'aît (sur los ,détails voir Pl. ·de Meester, De mona•
J/' à f'éJ)1·euve ,, n'a pas co,nmencé d'être chrétien »; aussi chico 1Jta:tu juxta 'discipti11am byzantin.a,nz statuta, selec-
oh, les épreuves ja1onnent-olles la vie du -chrétien et le tis fonu:[n"8 et cum comtnentariis instr1icta, coll. Sacro.
IV8
,nonde est-il un immense l'eu qui éprouve la qualil.é 11 cvngrcgazione per la Chiesa Orientale, Fo11ti, sé1·ie 2,
98, intérieure ·du fidèle (vg E'na,•ratio in ps. 21, 5, PL 86, 11 t, '10, Cité du Vatican, 1942, p. 31a9-366). La dok-irnasia
ifl• 173). « Si putas te non habere tribula:tiones, nondum 1' -vô1•ifle ce« que nous sommes au poi nt do vue religieux»;
)OJl
coepisti esse christianus (1}f 2 Tim.. a, :12). Si ergo non Théodore, disciple de .saint Pacôn1e 1 l'explique, dans
1
e:t pacteris ullam pro Christo persecutionem, :vide ne , une de ses catêcl1èses.
,rà nondurn ,coeperis in Christo pie Vtivore. Cu1n autem
ns En eJTet, • c'est '\1118 dokùnasia '(allusiûn à Didacllè 16; 5 :
coeperis in °Ch1•isto pie vi:vero, ingres1;;us es torcular; • alors toute crénture hu,naine .en1,rera dans le feu •<l'éprouve ;
il- praepara rte ad p1•es1;uras 1 ·sed noli esse a.ridus, ne de l>et\uc-011p succon1horû1\L et périront, mais -eaux qui auront
de prtJssu11a nihil cxoctt .» (Er1arr. in ps. 55, ·4, 64.9d). Chaque ' persévoro ·dans leur foi seront sauvés dll ,tq1nbonu mên1e •)
j).
chrétien, et ,le corps tout entier du C..:hrist, donc l'Église qtt'on institue n1aintc11a111 panni nou.s pour qt1e nous moritr.ions
n, elle-1nême, doit passer sous le pressoir; c'est la coxidition e,J que no,,s so11u11es. Q110 personne ne disc .: • Moi, je lui ai
.e, môme de la fécondité spirituelle. « 'l'enetur in toroula11i exJ)llqué \1110 ou deux fois co qu'il doit lûire, sans être écouté,
,t , corpus ejus, id est Ecclesia cjus. Quicl est in torculat•i? voilà po\lrquol je 1ne tairai •·
ie I.n pressuris, Sed in torculari fructuosa 1>ressura est. Sachons ceci : quand le ,Soigne\lr nous a mis à l'épreuve
Il•
Uva in vil;e pressuram non senUt, integra. videtu1', sed lors du libre choix (q\fe nous nvons tait) de la q1111.Hté de 11111,
nihil unde 1nanat; niittitur in to·rcular, calcatur, premi- nous ne nous sommes pas relll.chés dans le soin do ce q\li lo
18
tur; inj:uria videtur fteri uvae, sed ista inju1lia sterilis i;oncorno; de rnH, nous son1mea dos fils. No 1nurn1urons pas
it non est; im1no si nulla injuria aceederet, sterilis rema• r,on plus lnlùrie11rement en ohéissi.\nl, après quo celui q\li nous
18
nerel ,> (8, 64.Sd). Épreuve i ndispensable, assure Augus- ,::01n11111n<lo aura ·récusé nos raisons; nous, ne n1urmurons pas,
no soyons pas llésobéissants, n'ayons pa11 de ressentiinonts,
l
tin, car 1k r:hréticn doit savoir où il an est ·dans sa vie de 111r1is si nous so nrmcs mntmenus dans 'l'exéculion •des travaux,
1• ' foi, et sa capacit6 religieuse ne se révèle qu'au milieu lo Seigneur •nous donnera plalno tranq11illil6 1 il no11s préparera
''
I des épreuves : :-;ucrôtomcnt, l'héritage en tûnt que fils, il forcera celui qui nous
'1
,_ • ()1nnis onirn tanti.\Lio probatio osl, et omnia probationis c:on1mande à nous r11nd1•0 la tranquillité. S'il a -fiiit q\le la
eff\l<ttus hnbet ·fructum s1n11n. Quia homo pleru1nque oti11n1 llnmme ({)an. 3, t,0-60· : ·épreuve des trois ·onfants clans '19.
'El aibl ,!psi ignotus est, q\lid ferat, quidve ,non forat ignor.11t; et fQurn11iso) et les eaux donnèronL la tranquilli'té à ce\lX qui ln
.i.\liquando prnesurnit se fe1•rc quod non potest, et 1:1liqunndo 111ùrilnlent, \lh 'bien, ne fera-t-il pai, que l'homme la donne 'à son
'~
despe~at lie posse ferro quod potest : aecc<lit te111atio qu1i$i prochain? » (<lûllS Œ11,1ros de S, PaatJme et de ses disciples, éd. et
'.l. i11torroga1io et invenilur horno a aeipso" (li, 64.?c). Lrad. L.•'i'h. Lefort, CSCO 159-1'60, Louvain, 1956 1 p. -~6).
La liturgie anciennH garde de cette idéa des échos n1ulliples. Il l'este à signaler un dernier aspect de 'la spirituaiité
1 Citons co1nn10 exo111plo : « Ve.re dignu111 cujus nobis 0Lla1n ipsa
madetur a\lsteritas, dum peccun<li coo1•cet a!Tec:tu1n, dum a<l patristique, qui joue un rôle •important dans l 'éprellve
' i,11pplicnnd\lm tihi ,ncns hurnnna fil promptior, dum gral.io1· au sein du, ,nonacllisme : la saisie du sens spirituel des
redll post. Hdvorsa tranquillitas, cl inter huoc probr,.ta fitles l•Jcritures. tl. de Lubac l'a mis en lurnlèro dans l'œuvre
ôruditu.r 11d praenliun1 • (Sacranierilciir~ Monien 18, S, PL 65, d'Origène. Pour percevoir le sens spirituel do la Bible,
6611). l'à1ne doit être .pl'épa.rée, et,• dans cette longue prépara•
3o DAN S r.A SPII\IT llALITÉ MONA5'J'IQ IJ E. - 1/éJ)l'OU:Ve i.ion, l'épreuv.e doit tenu· sa place ,> (Ji istoire et 06,prit,
prend un relief plus accusé encol'e dans la vie mona1:1- uoll. 'rhéologie 16, Pal'.is, !1950, p. 819). ,Cet enseigne-
tique. Le 1noine est l'homule éprouvé par excellence 1nent d'Origène parvietidra, à tra:ve.rs la tradition pat11is-
(doki1nos monachos, disent les îlpophtegnies ; cf C.-G. Guy, Lique, jusqu'aux grands $pirituels médiévaux (cf pa1•
RtJ11tarqu.es sur le texte des Apophthccniaui Patru,n, dans exeinple S. Grégoire ·10 Grand : « Eloqulum Donüni :
Reclwrches de soùu11:e religieuse, t. 4.3, 1955, p. 254.; argentnm îgne exarnioalum dicitur, quia se1•mo Dei,
Histoire lausiaquc, ch. 18 : Pa.cô1ne, &v8pcx 8oxtfJ.©T<x.-rov, l:\Î in corde flgitu1•, tribtùaUonibus probatur >, (Moralïa
éd. ·c. Butler, Ca1nbridge, 190''•• p. 52; de 1nôme ch. 30 : ,'.n Job 1v, 31, 61, PL 75, 670cd). î 'our se nourrir spiri-
Doroth6e, p. 8G). La vie monastique est une vie 11 exacte» Luellement des Écritures, pour y entendre la parole
(&.xp(6t\cx) et • de bon aloi » (&.id68'r)Àov), deux !tuages de Dieu, le moil,e doit satisfaire à Cel'taines exigences :
om,p runtées à ,l'épuration des métaux: et q ui reviennent </ est à la lumière des dons du Saint-Esprit et dans une


1863 EXAMINA1'10 1864
totale virginité qu'il pourra jouir de la splendeur de la duire son amour, iinitor sa sin1pliclte, non seulo111011t il êçhappe
parole di vine : inden111e aux filets dos tentations, 1nals ilncore il fait dos progrès
Eloquia Domini.., eloquia cnsta.. , vidolicet virginali inle- merveilleux. <lr:1ns l'inlclligençe de la foi. · C'est d'ailleurs une
gritale puriR-,hna, quue nullu1n r11endaciu1n corrumpat, nulla autre grt,co, A11tre chose est, en effet, da posséder slmplo-
11111cu~a falsitatis inllcint. .. Et ut quarn pluriu1n distaret agnos- 1n0nt la foi, de percevoir en son cœu1· la suavit6 de ses fruits;
ceres, addldit, purgatu,n i;eptuplu111. Q\1i numorua Rd septi• autre chose est do con1prendro co qu'on croit, d'âtre prêt à
formenl Spiritum vidctur posse rcsplcero, id est, tî,norem Dei, rendre cornpte de sa foi. La foi shnple goùte, 1nals n'éclaire
pietatem, sciontiam, fortitudînen1 , consilium, intelligentian1, pas; elle est simple1nont Il l'ab1•i des tentations (non lucet, tt
sapientian1; per quao ·vorbum dîvinun1 tanquanl in succensis e.~t a. tenip1atio11ibus rc11iotior). La foi qui cherche a quelque
for,1111:ibus n1an0ns, veritatis rutila coruacatione rosplendet peine à savourer, mais elle éclaire, elle est aifern,ie contre le~
(Cassiodore, Expos. in ps. 11, 7 (8), PL 70, 99ab, et CC 97, tentations (J/ M.ô clutcm et,ii no11nu1nquan1 cu111 l«borc sapit,
p. 120). luaet i,1rr1cn, et est c1111tra te111ptatiQllcS l,1ttior) (PL 180, 379bc,
trud. J)échancL, p. 107),
Ainsi la parole divine pure oL « éprouvée » peut-elle Revenons à la fol qui r;hercbe. Il faut donc l'alimenter
ôtl•e vécue pa1• celui qui a été lui-1uêmc purifié dans le feu (11utricnda err;o ,,st s1tis alùnentis ficlcs, spirit11ali, lirûc c,i:amina-
de !'Esprit ot de l'Amour : « }'la,r1m.a fidei, l.e:1,: superna tori); avanL tout, l' • affecter • à Oieu, pal' 1'88pril, d'humililé,
discutilur, quando scœ11di desidcrio divina 6loguia per- jusqu'à ce quo la substance des réiùités qu'on espère c:ommencc
quiruritur i> (ln ps. 17, 81 (82}, 132c et p. 162). à poirirlre aux yeux de la tendre dévotion; Jusqu'à ce que le
besoin naturel de 1·alsonner se tl'ansforrne, con1n1e on l'a dit,
4. Guillaume de Saint-Thierry. - Un traité spi- par l'opuration de la grâca, en transport d'amour; quo l'impor-
rituel du 12(' siècle, le D1J contcrnplatione, qui est t.une l'nllonalité devienne auioureuse conloulplation; l'arL do
pl'obablemcn t de Hugues de Saint-Victor, pa1•att résumer nhercher, joio de jouir, Entr!lte,nps, la nature s'exercej elle
quelques aspects de col: enseigne1nent classique, biblique apprend , elle se rèn<l <;omptc dC' cê q\r'elle peut sans la grdcc
et patr•iatique sut l'exarninatio : (880cd, trad. Déchanet, p. 111).
Scrutini11m 1uo1•u111 habct tres spccios, r:ognitione,11 sui, Dqux traits essentiels se dégagent de cette docti·ine:
cognitionern proxhnl, cognitioncn1 Dei, Tres iilta~ cogniliones tout cl'abord un appel à l'homme spirituel (1 Cor. 2,
tres pariunt veritatcs; tres veritales tres faciunt i;tatul! diffe- 15), qui, illu1nlné par rEspl'iL de Dieu, peut scruter
rontes ... Ex prirna [cognitione) nascitur humilltas, de secunda
carit.as, de Lortia telicitas. Scrutiniu1n e;x: ralione oritur : cr jusqu'aux profondeu1's de Dieu >1 (2, 10). C'est l'oraison
ratio vero quaorit, sciontl1t invenit, cognitio a1nplectitu1•, guidée par }'Esprit, nourrie d'une réflexion théologique,
vol,unta.s diligit, uiemoria consèrvat, moditntio pingit, act.io aêcompagnée d'un approfondissement d'ordre entière-
induit, contemplaUo ornat, fclicitas re1nunerat • (Hugues de ment spirituel. ·L'intelJigence de la foi est le but que se
Saint-Victor, De iionteniplationc et ejus tpccieb11,s, éd. et trad. Pl'Opose l'cxan-iinator spiritua.li11, qui arrive à me~urer
ft. B111on, coll. Monun1onLu christ.i nna select.a 2, Poris-'l'ournai, spirituellomen t les réalités intérieures. Nous sornmos
sd (1958?), p. 71). en pleine 1,i:e tlwologale, objet p1•incipal de la vie monas-
Cependant, au lieu de reprendr·e et do développe,• l;ique. Elle exige que l'on prenne, de la peine pour la
'tel quoi cet enscigne1nent patrir;tique sur lu vé1•iflca- recherchol'. L'entrée dans le sens spirituel de l'Ecrit.ure
tion de la foi, GullJaumo de Saint-Thierry a enrichi la comporte des épreuves, Origéno l'avait déjà noté. Sur
t,1,adition d'un autre type de mise à l'o1)reuve; elle ce point, la doctrine de Guillaume de Saint-Thierry se
apparait à propoa de la conception, tr1\s subtile à pre• rattache 9.\JX expériences alexandrines.
mièl'e vue, do l'e.i:a1ninator spiritualis. Second trait : tout en baignant dans l'atmosphère
Com,ne le dit J .-l'rf. Déchanot; l'e.:,:r,minator spirit11ali11, c'ost de la vie spil'ituelle telle qu'elle découla des vertus
, le croyant qui cherche b. con1prendre • et qui • sait su pré- théologales, le Speculum fidei insiste sur le perfectionne-
rnunil' conti::e le ièle indiscret de sa r1ttionalit6. Il cherche [)arce ment de ·la vic théologale, qui fut placé si haut et que
qu'il ruine ot pour ailncr davantago, non pour satia(nirc jo ne l 'on tend à atteindre dans les cadres protégés de la vie
sà.is quelle hnportuno curiosité. Il 01nbra$RO d'un ferme baiser monastique. Cette p1•ot.ectio11 rend surprenante l'insis-
la foi que lui révèlent la choir et. le snng, - en d'autres terrnes tance avec laquelle l'cxarninator spiritualis cherche à
tout co qu'il apprend de la bouche de l'autorité, touL l'enseigne• vérifier la sincérité et la consistance de cotte vie d'orai-
menl oral -, 1n1is il so11pire après CAiie quo révèle le Père des son dans l'arnour théologal selon la vortu de foi. Cette
cieux, Catte illun1inalion d'en haut... !,fais le co,nment, le pour-
quoi do trop de choses lui éc.happont, dans le donné rovelt). vie Lhéologl.\le peut être vraie, mais elle n'est pas dé1non-
11 s'ét.onno, il ne nie pas. li interrogo nvec l'riarie : " Con11ne11t trée, tant. qu'elle n'est pas éprouvée par la tentation :
cela se fera-t-il? •; il se do1n11nde con11110 Nicodèrno: "Co1n1nent « Ne,1 t(lnto.tur, quia nec spiritualitcr exatninatur ». Elle
cola peut-il Sè fairA? • Sa question e.~L ulle priè1'e, un désir dicté reste jusque-là la foi des « si111ples d'esprits ,, : " 'fiède:;
par l'i1mour, non par ln curiosité. R1u•o1ne11t., il se voit co,nblé. et rustres se contentent de la foi que révèlent. la chair
Plus so\1vent Il oat b. la peine et. récolte d1111s la souffrance los et le sang. L a tentatiofl 11e les ef!T.cure point, car ils no
fruits de son humble enquête. Jan,als pourtanL son lnhcur prennent pas la peine d'approfondir leur croyance.
n'est v11in, pour infn1ctueux qu'il paraisse. 'J'ôt ou t,11.J'd, sa Il leur sulllL de croire par habitude ou de confe1.1ser leur
persévér11nce, son zèle Ardent lui rnôritent la lnrnièro d'en haut, foi par routine,, (878h, trad. Déchanet, p. 101).
l'întervèntion de l'Espril.; et la grâce illu1nin1u1te le t1·ansporte
au dernior degré de la connaissance de foi, tout proche de la La recherche a$Sidue de l'intelligence de la foi, si pure
VÎijÎOn de gloire • (Ortillaum.r. de Sa.int.-Thierry. Le. 111.froir d11 /a et si d1\sintéressée qu'olle soit, n'est pas exeinpte de
foi, Bruges, i946, p. a1-32). !.roubles soit extérieurs 1.1oit intérieu1•s, - et c'est préci-
sément dans ce passage au crible que Guillaume de
L'expression e.:i;a1ninator spiritiui.lis paraît être un Saint-'l'hierry voit se révéler le signe d'une véritable
hapa.v dans l'·histoiro littéraire de la spiritualité; Guil- vio dH foi :
laume de Saint-'l'hierry l'an, ploie d(HI:X: fois dans le
Speculurn fidei. " Pareil Lrouble, ren1arquons-le, avec ses 01•ainLHs et ses
soufJranccs, est le 11ig11c indrtbitable d'une 11érit1tùlc foi. Nul ne
Si nouR exaltons ici l'J1on1n1e il ln roJ simple et s11ns heurt, l'éprouve quo cului qui lutte; crui chérit déjà ce qu'il croit Al,
ce n'efl point pour diar;réditer le croyant qui cherche (lt qui craint, de perdro ce q11'il tient déjà; qui apprécie tes choses
peine (quasi a(l dcpressioncm spirit,,alis e:i:a111ir1aioris). lJui :.}Jiril.uellen1ent (spiritualiter e.xa.mi11atur); à qui ne suffit p8!l
aul;lsi, s'il no prêtend pa·s scruter lu rnajesté divine, n1ais rllpr'o- la ma11ière vulgaire d'odhéror nux vérités eL do professer sa foi,
.864 1865 EXAMINATIO - EXCOMM'.UNICA1'101N 1866
appe de celui enfin qui u déjà oxpérirnonté quoique choso ot, par là n<1lle, ,ieutre, arbitraire mê1ne. Et, du coup, son sens
,grès 111ê111e, commence à savoir ca qui lui 1nnnquo. Qui peul orain• théologique et spirituel s'évanouit. C'est ce que nous
une ~re, comme nous l'avons dit, connaitre l'angoisse et la douleur, trouvons dans la pensée existentialiste par exemple, où
lple• dl c;ll n'est h1 foi? • (a75a,. trad. D6chanet, p. 8?).
irlts
'
ét à
· . ltappelons ici le tex.lu <lu la vorsion !tala pour Hébr. 1i, 1 :
« Or l11 foi ,,st la garanlip dos biens que l'on espère, la preuve
la mise à l'épreuve joue un ,rôle fort important, mais
p·111•en1 ent fonctionnel. Pour Kierkegaard, l'épreuve ,
cornme la souffrance, est l'expression de « 11otre pathos
laire des réalités qu'o1i no volt pas, ost au,icm filles spcrandar14,n
tl, fil substantia reru,n invisibiliuni cxamit1a1ri;ç •• version qui at.tei;t.e
11a:istentiel ", une dimension normale de toute vie spiri-
lque u11J oxpérionco spirituelle extr/Jrn(lmAnt riche à l'époque tuelle, presque entièrement' caractérisée par des caté-
, les patristique. gories négatives découlant d'un éPangile des soufJrances
ipiJ, qui se suffit à h1i-1nême et sans issut~ vers la béatitude;
9lic, Ensuite, l'homme de Dieu· s'interroge dans un,,exa- c,u· la vie chrétienne d'a1)rès l(ierkegaard se définit
1nen de conscience qui porte sui• la vérité de sa foi : p a r lo seul tourment religieux; la crise dramatique
1ter « ae,netipsu,n spiritualiter exarninans ,, (375b). Ainsi a :;a On en elle-1n8me. Dans l' A nticlimac11-s, Kierkegaard
ina- intél'iorist'l, l'aspect v61'itable dos tentations et de la .vie s'c~t coupé de cette hunière grecque et biblique, qui
lité,
inèé de foi apparaît. GuiJJau1ne de Saint-Thierry arrive à pônètre l'enseignement chrétien, s ur le vrai sons de
B lo
taire la jonction entre, d'une part, l'épreuve de la rechAr- tc.,ute rnise à l'épreuve avec sa prédotninance victorieuse
dit, che du sens spirituel do la Bible dont a parlé Origène, et, du bien sur le mal, le ,nalzun c,ùicere in bono (Roni. 12,
101'• d'autre pa1·t, ce que nous venons d'exposer sur lu véri• 2 1).
de tlcàtion de hl foi dans l' Église p rinliti ve. Et Guillaume D'un poin t de vue philosophique et 'théologique, seule
8lh1 n'hésiLe pas, en parian~ de la vérification de la vie de foi, l'ussimilation d'une pensée qui ne considère pas le 1nal
Ace à évoquer l'e:1:a1ni11atio rnartyrii (372ab, 375b, 381b). cnn1n10 substant.iol ou nécessaire pouvait exprimer la
La vie •m onu~tique met ainsi bien en relief les riches- doctrine chrétienne de la probatio fuiei. La gnose était
e: ses de l'exaniinaiio de la foi, telle que nous l'avons ainsi combattue, comme le jansénisme. Ce serait u ne
1
2, exposée d'après la Bible et les Pères de l Église. grave méprise que d e r6intorprét.er les soù1•ces chré-
ter 5. Quelques déformations modernes et tiennes en fonction d'une pensée qui ne vitalise les don-
on conclusion. - A l'époque moderne, l'interprétation nées spirituelles que par des principes aussi particuliers
1e, ancienne de l'ép1•euve ,·este sous-jacente aux doctrines qu a ceux de l{ierkegaard ot do ses 6pigonos. Cette étude
re- des grands spirituels catholiques, ,nais elle n'allleure sur l'ex<tniinatio dé,nontre que les données spirituelles
se que rarement. Ainsi, Jean-Joseph Surin t 1.665 évoque n o tolèrent pas d'être synthétisées avec n'importe
'0)' l'examinatio quand il fait allusion àux épreuves de q,Hil systt\me philosophique. Au contraire, dans la
e.s la foi : « Les ltnp1•essions du 1nal réit61•6os d'une rude spiritualité tradiLionnelle, l'exarnina.tio apparait en
18• croix à l'ûrne et lui faisant rendre preuPe de Ba fidélité pleine valeur. Son rôle est de révéler l'hornme tel qu ' il
la la font enCln t1•iomphante" (Ctitécltisrne spirituel, 2e p., est en (ace de Dieu. Elle marque le moment où l' homme
re ch,. 6, t. 1, Paris, 1693, p. 196-197). donne toute sa mesure.
LII' C'est au sein du protestantisroe que s'opèl'e une Iiasso JAE GER,
se radicale transformation. La perspective ancien ne
disparait. L'~preuve se l'éduit à une cxp6rienco pure-
mont psychologique, par suite de la fusion de la notion EXCESSUS MENTIS. Voir EXTASE : B. Mys-
re
de loi avec celle de soutlrance. Croire ,que le monde est t.ique chrétienne.
IS
3· vicié fondan1enta le1nent et irré m,i di ablem en t pa1• le
le péché originel entraîne il croire que la souffrance en EXCOMMUNICATION. - La tradition catl1oli-
le est la cons~1quence n1~cessaire et n'intervient qu'à ce que a tou,i ou rs l'econn\J à l'excommunication une fonc•
l- titre (cf H. Strohl, La substa.nce de l' Él'a.11gile d'après tion propre dans la vie religieuse et spirituelle de celui
à .l,uthcr, I'aris, 19!l4). Enfermée dans une foi toute q Lli en est frappé; on n'a jan1ais abandonné l'idée,
subjectiviste, l'ép1•e11ve perd la dilnonsîon ecclésiale en particuli.or, que l'excommunication était une peine
8 qui l'a caractérisée dans l'e.nseigneinent traditionnel. rr16dicinale, infligée avec l'int.ont.ion explicite d'ame-
I· Aprés avoir vu les sens véritables donnés à l'e:lia1ni- nn,• à la conversion et à l'amendern ent du délinquant.
•• 11atio (probatio '{/,dei), il faut donc attirer l'attention ~fais· on constate pourtant, dans cette mê1ne tradition,
8 aussi sur deux déformations modernes, se développant un notable déplace1nen t de perspective dans la façon
$ l'une chez les jansénistes et l'autre chez l{ierk'e gaard, <l'onvisager cette (onctioli 1nédlcinale.
r l'initialeur de l'exlstentialismo. · 1. Doctrine ar.tu.ellc. - 2. PerspectiCJes anciennes. -
e • Ljis jansénistes, en raison de leul' insistance sur le 3. Sens spirituel de l'e,'l:con1ni1,nication.
'• schème malheur-châtiment, ont nécessairement vidé
r tout enseignement sur la probatiu fùJei de son fonde- t. Doctrine actuelle. - Rernontant en grande
ment théologique et de son rôle spirituel. Leur point partie aux analyses de François Suarez t 1617, )a doc-
·de vue fut condamné par Clément x1 dans la bulle trine actuelle réduit la ve,;Lu corrective de l'excommuni-
l Unigenitus (pl'oposition 98 de (~uosnol; Denzinger, ('/l.Uon à la coercition externe exercée sur .le délinquant
n. 1lt48) : « Status persecutionis et poeoaru1n quas quis par la société ecclésiastiquo, le privant de ses droits
tolerat tanqunm haereticus, flagitiosus et irnpius, ultima li la communion des fidèles. On entend par" communion
probatio est et maxim•a me1•itoria, utpote quae i'acit cles fidèles >•, outre les relations sociales et civiles exis-
homine1n 111agis conforrnem Jesu Christo 1>. Cf O. Fou" tant entre les chrétiens et pouvant être ordonnées à
rure, Les chdti,ncnts diPins. Étude historique et doctri- clcs fins spirituelles, la communion sacrée, dans la
• 11ale, Tournai-Paris, 1959. 111esu1·e où clic dépend de la volonté de l'Église, c'est-
Déjà neutralisée par les jansénistes, la mise ù l'épreuve i,-dire la comniunion e:,;t~rne aux choses sacrées, comme
V\l se trouve1•, plus récemment, soustraite davantage est l'usage des sacrenleots et du sacrifice, et la co1nmu-
encore à sa finalité essentiellement positive et pour 1iion mi-xte, fondée sur la communion externe, comme
' ainsi dire absolue. Sa s ignification apparaitra fonction- par exemple l'application des suffrages co1nmuns qui
1867 EX(:OMMU'NICATION f868
dépendent, do JI Église. Puisque la communion purement , parfaitement dépendante de la réconciliation; si•, la
inte.nne entre lëa- fidèles dans la g11âoo, la charité, la foi, , 1 pénitence, la réconciliation ecclésiastique, le pard~n
ne dépend pas1do la volonté de li Église-, }'8'J(ïcomrnunr, de Dieu sont joints d'ans !''unique processus organique
• cation ne peut ja1nais s'étendre, de. par· son efficacité de la justification, - lo péché, l'excommunication
p11opre e·t sa vüleur, à. la privation et à PempêchenH11rt ecclésiastique, l'éloignement du royaume de Dieu sont
de eette cammunion interne. Les biens spirituels dont 1/és, at1alogiquement, dans la sujétion o.u pouvoir du
l.'exco1n1nunication constibue une pmvatio.n 110 sont pas mal.. l,e jugelnent ecclésiastique, anticipation du juge•
les biens surnaturels puromArut.in'ternes, cornme. la girâce• nient der.nier, et l'a condition " canonfque >> de l'excom•.
sanctill1U1te, la foj•, l'espérance; lai charité, car cos dons munié, qui en est. l,a conséquence , manifestent. et en
et ces vertus infuses; ne. to.tnben t pas, sous la juridicl ion 1nêrne te1nps prod uisent sa condition religieuse et spi•
ecclésiastique;. la privation dont il s'agit ici se réfèlle rituelle, Ainsi s'explique comment les rn.ê,nes efféls
seulementi· aux biens mixtes, c'est-à-dire aux actes l~1: sont attribués indill'éremmont, tantôt au péché, tantôt
aux céré-Jllllnies exl,ernes. dont l'utilisatiG,n produit à l'e?lC01nmunication (et K. Rahner, La doctrin6 d'&/ii-
un rruit interne et spirituel, tels les sacre1nents, le· gènc sur la pénitence). Pour l'homme baptisé, la situa.
sacrifice, les olllces liturgiques, les sufTlfages de l'Égli1:1e. tion d'excommunié est une situation· de violen0e et de
Partant,. l'exconununication. est. sim,plement privative conllit non purement social, mais personnel et interne
et ne ~eut en aucune manière consisttr à infliger quoi- à la foi's, et cette situation est, de soi, châtiment et
que chose dA positif ayant le caractère d'une peine peine, mais elle tend toutefois naturellement à se chan•
(,cf F ..-X. Wernz, Jus decretalium, t. 6, Prato, 19·13, ger 011 pénîtenr;e et remède. Selon la D'idascalia apos•
n, 145 et 180). tolor,un, l'excomrnunié est lié dan& son co11ps e~-dans
son âme, extérieurement et intérieurement, aussi bien
2. Perspectives aneiennes. - Fort différe11l:e par ses propres péchés que par la sentenco. ecclésias,
semble avoir été la pel'speclive de• la discipline et de la tique prononcée au nom de Dieu (11, 3~, 4, éd. F.-.X!,
dor;trine anciennes, fondées sur· la condamnation sol11n- Funck, t. 1, Paderborn; 1905, p. 118-1 t 9). DanS'•ces· ·
nelle infligée à l'incestueux par la communauté de perspectives, on comprend }<'.embarras de l'auteur IOl!S·
Corinthe·et par·saint Paul (1 Cor. 5, 4-5), Ici la· sootence qu'il s'agit d'une, excommunication injuste ; tantôt
est.prononcée au•non1 du Seigneur et avec sa puissance. il soutient l'invalidité, tantôt il alflrme qu'une condam.
Elle exclut le coupable de la communauté chrétienne, nation de ce genre conduit à l'enfer (11, 21, 7-8, p. 78-St;
ce qui itnplique. qu'il es.t .abandonné•désormais aux châ- 42, 5-6, p. 1.84-185; 56, 2, p. 156-157),
timents de Satan. C'est précisément cette· peine de la Les collectiorrs canoniques du haut. moyen âge, c.elle
chair o.u d.e.1'homme charnel qui devra, le conduire· au de Reginon de Prü,m t 915, de Bu.r chard de Worm$ t 1. 025-,
repentir' et à la conversion spirituelle. l) ne condamna- d'Yves de Chartres t 111 6, abondent en for1nules solen,
tion· al1atogue (1 Tiln. 5, 20) a pour but d'apprendre à nelJes d'excornmunication sous la forme la plus sëvère:
certains apostats à ne plus blasphémer. L'effet de l'anathè1ne. L'évêque, en vertu de son pouvoir conféré,
l'excommunicrution atteint alors j usqu'à la vie intei'oe par Dieu de lier et de délier au ciel et sur la terre, pro,
elle-mênie; ce n'est pas seulement la séparation d'avec nonce la sentence au nom de la sainte •rrînité, de l'apô-
la communauté, comme la privation des droits cl1r6tiens, tre Pierre et de tous les saints, Cette sentence exclut
qui comporte une vertu médicinale, c'est bien plutôt le coupable de l'eucharistie, de la société des fidèles,
l'aspect positif de livraison à l'ennemi de la nature du seuil de la sainte Mèl'e l'Église dans le ciel et sur la
humaine qui fera expérimenter au condamné co1nbi1:u\ terre; elle le voue à la même d'amnation que Je diable
' sa. situation es.t insupportable. Il semble sans, conteste et ses anges, s'it ne se repent pas et.ne donne pas satis•
que l'Apôtre envisage cette livraison à Satan comine faction à l'Église (cf les formules diverses dans Réginon,
l'effet do la sentence, et. qu'elle n'est pas si1nple décla- De llr.r.l1u1ia11ti<:Î,9 disciplinis 11, 409, 411, 412, PL 182,
ration d'un effet pi·oduit par Je sl;)ul péché. 360-362). Le Decrctum Gratiani conserve encore des·
La théologie anuienne n'a pas-vu dans une excommu- traces de la conception ancienoe :· pour qui les portes
nication de ce genro un privilége réservé aux apôtre1, : do l'église sont ·fermées, la porte du ciel l'est aussi ;
les 6vê.ques exercent Je 1nê1ne pouvoir. On peut légi- celui qui est. exco1nmunié par l'flglise est livré à Satan,
tin1eme11t supposer que dans le Pasteur d'Hermas, - est déchiré,cc par la bouche des dé1nons" (causa 11, q. a,
bien. que ce ne soit, pas. dît explicitement - , le pouvoir can. 14 et 82, PL 187, 845a et 853a:b),.
d'6Joii:çner de la toul" <1u'est l'Égllfle et d'y réadmettre Cependant, les scolastiques mettent déjà davant.age.
incornbe aux chefs de la co1n1nunauté. De toute façon l'accent sur l'aspect juridique et social de· l'excommu-
cet éloignement, avec ses divers degi•és de sévé1•if.é, nication, Saint Thomas ex.plique (Jn 1v Sont.., d. 18,
n'est pas une siulple contrainte extérieure : il place q. 2) que l'oxcom1nunîcation, comme privation de la..
au contraire le, délinquant dans une situation qui, do conununion des fidèles, povte sur les rapports avec les;
sdi, devrait l'ohligor à en so1•th•. En elîet, la pleine exp4- fidèles, c'est-à-dire av:ec les homrnes. Distinguaru
rience intérieure et spirituelle du mal, du nornbre ensuite· nettement. le for dn la conscience, où la. cause
grandissant de ses fautes ou de la sujétion qu'oxePcent se tratte entre l'ho1nrne et Dieu, du for du juge1nent
les pouvoirs 1na11vais don1inant le monde en d'ehors extérieur, dont relèvent les causes entre hommes, il ratta-
de l'Église de Dieu, doit lui faire · désirer- sa libêratinn che l'excommunication au for externe (a. 1, ad 1 ·quaes~.;
(vg Sùni'.lituâe v1, 8, 4; 1x; Jlision n1, 7). Pleinement a. 2, ad 1 quaest.}. La distinction n'est cepeµdant pas
développée, la 1n1\n1e concept.ion se trouve chez Oi·i- aussi nette qu'elle le paraît.; dans la !onction médicinale
gène. Ceux qui président à l'Église, s'ils ont le pouvoir de l'excon1municat.ion prévalent toujours les ellel:S'
de·délierdes liens du péché, ont aussi celui de lier, c'est-n- relatifs à la vie religieuse de l'excommunié : dans la
dîre• de séparer le pécheur du corps du Cht•ist. ef; de le mesure où les suffrages de l':Église servent à 1néritor
livrer au ·prince des tétiêbres, à la perditiôn de la chair ou à augrnenter la grâce, à conserver les vertus et à. les
(ln libros Judi/Jtttn 2, 5; PG 12, 961a; éd. W. A. Baoh- protéger, à se défendre contre la haine du dé1non, l'excom-
rens, OCS 71, 1921, p. 478). L'excommunication e:,t munication est soustllaction de· cette grâce, privation
68 1:8691 EXCOMMUNICATION - E:XEMPLARJSME 18.70

1111 de,eette protection; l'excommunié n'est certes pas tota- dc/.lc onigilii oristiane, dans, Apotlinaris, t. 32, 1955, p. 2?3,
aoii, - Chacunil de.c.es étudei,.do.n no uno bibliogr..iphie.d6laillée..
on lement exclu de la providence dtvln.e, mais il ne jouit
Voi1, a11i;si DS1 art. Pi!tNJ,T&NGE,
µe plus de,la providence spéciale dont jouissent les fils de
on 1'Jl:glîse1; }?excommunication est alilandon à Satan dans Pie1·11e ilu1z1NG.
nt la mesure ,où celui-ci acquiert un pouvoir· plus grand de
iu se déchaîner contre eux, « saevicndi in ipsos », spirituel- EXEMPLARISME. - 1 ,Sources de l'i.déc dlcxem-
,·e- lement et corporellement. 1,a fonction médicinale plnrisrnc .. - 2. J tLBtif,,catiori. - 3, Excmplà11isrne. t,,t res-
n- réside davantage, dans· l'effet sp,irit11el de l'excommun.i- sernblan<:e a"cc Dieut. - lt. Cor111aissance de Dieu et ,dit
,n catl.on que dans son effe,I, social : en sépavant les délin- ,irôtJ. - 5. Systèrnes cxernplaristcs. - 6. Th4tllôgi~ de.
li- quants de la co1n1nunion des fidèles pour qu'ils s'humi- l'irnagc.
ts lient, l'Église imite le jugement divin qui punit et châ- 1. Sources· de l'idée d'exemplarisme. -
~ tieren-les 11rivant der,sutîrages ot des autres biens spiri-
.
't· tuels, elle imite encore le jugernent div.in qui, abandonne
L'exe~plarisme se ronde sur une expél'ience très sirn'ple·
et. uruverselle : la producti.on d'un ol>jèt c1•·après un
le pécheur à lui-mên1e pour que la connaissance expéri- modèle qu'on a sous les yeux ou dont 1in s'est fait inté-
le n1entale de sa misère le fasse retourner vers Dieu rieurement une idée. Le modèfe r;ert d'exernpla.ire
18 (ai. 1, ad 2 qua.est. in corp. eL a<l 3). Aussi, quoique la ( Vorbild) et l'objet produi't en est l'intage ( Nachbild).
it sentence d'excom1nunication soit prononcée au for L'homme se !'end compte spontanément qu'il existe
externe en vertu de la juridiction ecclésiastique,
,.
l•
elle appartient aussi en un certain sens au pouvoil' dos
entre l'image et ~on exernplaire. un rapport de dépen-
dance. Tout aussi spontanéinent, il transfère ce rapport
s clés•qui ouv-rent et ferment l'entrée du royaume de.Dïeu, du monde matériel' en d'autres dornaines où il se réalise
Il' dan& la mesure où l'Église 1nilitante condui Lvers·l'l!.lglise analogiquernent. Lo père voit dans son fils son image
triomphante (art. 2, ad 1 quaest., ad 1 ). vivante, etc.
8. Sens spirituel de l'excommunication. - La mêm.e conception spontan6e se présente à l'homm·e,
s • Ce-tte façon de poser le problème se retrouve à peu près· lorsque, voul'ant pénétrer le mystère de l'être en lui-
dans tous les co1nmen tairer, scolastiques des Sentenc:es n1ême et autour d'è hri, il y aperçoit Je renct d'un être
de Pierre J.,ornbal'd', tels ceux de saint Bonaventure, supérieur. C'est sous des traits 0n1pruntés au monde
d'·Alexandro de Ha.lès, de· saint Albert le Grand, de vh;ible, mais trans·llg1.1rés, qu'il se représente le visage
• Duns Scot, etc·, nt elle semble gard0r sa V'aleu1·, 1nê1ne si
' de Dieu. Ainsi la loi qtti lui fait découvrir partout un
l'on veut rendre à l·a doctrine rnoderne d'e l'exconunu- rr1pport d'exemplaire à imuge, de type à antltype, se
nica·tion sa signification sph•ituell'e. Dans ses divers trouve transposée à \1n registre supérieur et devient
degrés de sévérité, l'excommunication est toujours, sous un principe d'explication, spontanée puis réfléchie
son aspect plus formol et immédiat, une privation ou philosophique ou theologique, de la structure de l'uni~
un~ S'Uspensio~ de droi l,<; dans la société ecclésiastique; vers. L'esprit voit le monde ot se voit lul-m~me comme
1, mais ceci revient à ad1nettre une réduction de condi- pl'oduit par Dieu d'après un 1nod.èle, un exemplaïre,
tion dans ceLte ·société qui est en tout premier lieu dont il fait resplendh• quelque ressemblance dans sori
com1nunion cultuelle et sn(wamentelle eL oü foi• interne <Xiuvre. L'univers, et t"ut ce qui le con1pose, est conçu
et for externe so compénètren t. L'exclusion légitime co1nme une irnage, dont l'cxem.plair" se trouve au delà
(et mt'!me, jusqu'à un certain· point, illégit.ime) do la du sensible. .Ainsi l'exen1pl'arisme prétend expliquer
P_énftence cc~lésiastique, de l'eucharl'Btie, de ra participa• la réalité tertestre comme l'expression, le r·eflet d'une
t1on ~u sacr1fice, no peut pas ne pas· avoir de répe11cus- r\\alité transcendante. lnverse111ent, l'hom1ne qui
slons profondeS' sur la vie religieuse personnelle de l'ex- conternple le inonde dans cette perspective y découvl'e
com1n·uni6 : on vertu du ca1•actère baptl'Bmal, cett.o vie les traits du n1odèl'e transcendant; et si ce 1nodèle est
exige spontanément de se développer et. <t'être nourrie le Créateur lui-même, ·qui dans sa créai.ion se conternple,
?ans le· culte sacramentel de l'flglise. Pense!' que le (ln peut dire que l'homme discerne à travers la crêaturt!
Juge1nent de l']!}gliso ne pet1t q1.r'nntériner ou déclar<-11• li} visage de Dieu. En ce sens, on a pu définir J'e:xe1npla•
l'existence d'une $ituntion créée déjà pat' le pêché ou r isme en général ca,ronle <1 la doctrine dos relations
le délit lui-1n!ime, noua paraît sous-estirner la force <l'1)xprossion qui existent entre Dieu et la créature »
réelle de l'ordre juridique en général, et de l'ordre (,J.-:tvl. DiS$en, L'exem,plarismr:: di"iri selon saint Do.na•
e,cclési!st.iq~o en particulier. fJo ce point de vue, on voriture, Pat·js, 1929, p. 4).
pourrait ut1l'omcnt comparer J'e:xcommunication aux l,a recherche de cet e:re,nplairiJ supra-sensible esL
peines du droit civll, notamment à la peine do l'exil, in fininl en t v,ariée et constitue comme la tran1e de la
dans la 1nesure 011 celui-ci influe non seulemèJd sui· la pensée hurnaine : an la trcYuve sous-jacente à toute
situati'on juridique extorne du conda1nné, 1nais ·aussi l'histoire de la philosophio et de la théologie. Cette
sur ~on ·attitude_ personnelle _e t int6rioure à l'égard de la t l'anspositlon au plan philosophique et tl1éologique
patrie. A un n1voau_ supérieur de gravité, le conflit du rapport exe1nplaire.-image est de soi légithne; elle
avec l'Êglise qu'est l'e:xco1nmunic,tti'ôo a un rôle propre rst 1nê1ne nécessaire:, puisqu'elle repose en dernière
à jouer dans le conflit avec Dieu qu'est Je péché. · analyse sur le dynamisme propre de l'esprit. Mais ce.tte
Sut• les sources de la question- traitée ic:i, voir l'excollcnt application ,1 transcendante » de l'exempliltité vulgaire
travail (le François Russo, Pc!,iitcnoc el e:i:com.nuu1icatio,1.. doit être purifiée de tout anthropomorphisme et s'elîec•
Étude historiqtte su.r les rapp(Jr/$ entre la llu!ologic et. le clroit tuor selon les. règles de l'analogie. De plus, il ne faut
01111011 dans la ®!IHÛIIC pé11itentiet du 1.xe a1i x111• sÙ;èlc, ilRnS pl:iS l'oul>liel', la ·notion d'exemplarisme n'embrasse pas
Recherches cls scicrtec religieuse, t. 83, 19li.6, p. 257·2?0, ,,31- to ute la complexité du réel. Elle n'est qu'un élément
'16-L - K. Rnhoer, La doctrine d'Origène Sttr la pénitence, parmi d'autres dans l'élaboration d'une explication
dans Rcchcrch(,s li,1 science rsligfrusc, t. 3?, 1950, p. 11 7.97 philosophique et théologique du monde, Dès lors, la
252•Z86, fi22-1,5ll. - J. f.11•ot1., TJir. Jt11twicl<'lu11-g clos Du,;.sst,,.'.
fiJ11wl!sen,'l in der 11ornièàcnis1:he11 Kirche, Fribourg-en•Brlsg1111 valeur d'une explication excmplariste dépendra de la
f9!i5·. - G. d'Elrcole, .Foro inlerno e fo,,o esterno riclla pér1 ite1i=~ i;ynthèse spéculative fmétaphysique, épistémologique),
,

1871 ... EXEMPLARISME 1872


où elle s'insère. L'exernplarisme est n10.ins une théorio ticlpalion limitée mais réelle à l'essence divine, qui,
qu'une manièl'e de penser, 11n principe formel, qui trouv•i elle, est absolue et tr·anscendante.
son application dans tous les dornaincs de l'être. Mais Cette participation peut être envisagée de deux
cette application n'est fl'uCtueuso et éclairante qu'à la 1nanières, - comme il y a deux rnanières de concevoir
condition de l'aspecter les lois propl'es à chaque domaine l'exemplarisn1e -, qu'on pourrait appeler statique et
particulier. dynamique.
2. Justification théorique del 'exemplarisme. Le rapport exomplariste est envisagé dans une pe~s-
- L'esprit, qui cherche la traco de Dieu dans le monde, pective statit11,e, si l'on considère l'être flni dans sa
tend par un dynanüsme immanent à saisir l'ôtre da.ns dépendance avec Dieu à un mo1nent qnelconque de
sa l'el_a tion avec l'fJ]tre transcendant. ~o •~ouve1nenl I son existence. Il présent.a tel degré de ressemblance
nahu·el le porte vers toute valeur qui ln1 apparait avec Dieu dans l'o1•dre de l'être, il a donc tel10 valeur
comme une pe1•fection, un appo1>t positif, un épanouis 1 déter,ninée, qu'il tient de sa cause transcendante. Dieu
so1:nent de son existence. C'ei;t par un 'sons Inné que s'e:x:pritne en cette image ctéée d'uoe rnanière particu-
l'honune reconnaît la l'éalité comn1e va.leur de perfec• lière, et l'image nous porte à reconnaître en Dieu les
tion et do vérité, bl'ef comme son bien. La spontanéit,~ perfections a1rx:quelles elle participe. La créatu1•e peut
vitale lui fait saisir imrnédiate1nent le sens, le bonheur ainsi fournir' l'occasion d'une ascension spil'ituelle, d'un
d'êt1:e et de vivre qn'il découvre en lui-1nôme et dans itinerariu,n 1nentis in De1'm, ou nous suggérer des sym•
ce qui l'entoure. Si l'hornrne est capable d'appréhendor boles aptes à faire pressentir l'infinité de Die11.
les valeurs, s'il est porté à le faire par un besoin inné, Cotte similitude, jusqu'ici envisagée de n1anière
c'est qu'il ne peut so réaliser lui-même qu'en les inté- statique, suscite dans l'être qui la porte une tension
grant à son existence de mttnière vécue ou consciente. dyna,nique. Car l'h11age ne dépend pa.s seulement de
La pos1Jes1;ion de l'être, de la Vt1rité, du bien, lui proctu•e l'exe1nplaire dans son origine, 1nais auss'i dans la finalité
une joie qui est sa béatitude et l'épanouissernent de Qtti oriente sa destinée. L'exe1nplaire divin reste toujours
son être mên1e. 1,a personne spirituelle peut donc se la valeur transcendante, inaccessible, dont on ne s'a1>:
définir coirune ouverture •à l'être, dynamisme tendu proche que par une assimilation ptogressive. Airisi
vers une saisie toujours plus béatifiante :et plus uni• l'el(~ffiplarité se prolonge dans la finalité. L'esprit,
verselle des valeurs d'être. Mais la réalité finie n'a pas irnage de Dieu, cherche à s'unir à son exemplaire divin
en elle-mê1ne son principe d'intelligibilité : l'esprit com1ne à sa fin dernière et transcendante. Cette fin
ne la cornprend qu'en la situant, de manière toujours l'al.til'e et le polarise dans la pouri;uite de sa perfection
plus contrôléo Qt plus affinée, par rappol't aux autres propre, lui faisant à la rois réaliser la béatitude oît il
degrés d'être, de vérité ou de bien, et, finalement, en la tend et manifester la splendeur infinie de Dieu. Le degré
référant à une valeur suprême et transcendante, rnesure de resse1nblance. acquise fonda ainsi notl'e union avec
de toute valeur. Ainsi 1.'êtr·e f!ni nous jeLte à la recherche Dieu, niais suscite du roên1e coup le désir d'une assimi-
.d'une réalit6 \lltérieure, dont il nous perrnet d'entrevoir lation toujours plus grande : entrevoyant toute la riche1,se
l'existence et les perfections. L'esprit, faculté d'être ai de de l'lttt'e divin qui aspire à se com1nuniquer davan-
valorisation, saisit chaque réalité terrestre co1nrne üne tage, l'homme aperçoit l'abln1e inftanchissable qui l'en
participation à la valeur transcendante qu'est l'Btre sépare et se t1•ouve inlassablement relancé à la conquête
inflni. Il ne reconnaît n1ên1e les choses com,ne valeurs d'une union plus étroite. De cette tension dynamique
que dans la mesure exacte où elles laissent transparaître vers l'union divine, la ressernblance même est lo prin-
lu réalité divine. L'homme recherche donc nécessaire- cipe, puisque la fin transcendante s'unit à l'esprit eu
ment dans la cr6ature la ressemblance de celle-ci avec devenant sa « fol'lne assimilatrice intentionnelle ».
Dieu : telle est la justification théorique de l'exe,npla- Eu d'autres termes, Dieu co111n1unique à l'esprit sa
ri,;1ne. vérité, sa bonté, so.n être même, et devient ainsi uo
avec lui : cette union le n1anifestant plus parfaite111ent
S. Exemplarisme et ressemblance avec Dieu. co,nme Dieu consti l.ue une révélation toujours plus
~ L'idée oxempla,•isle établit donc un rapport. de r(!s• claire de sa transcendance.
scmblanca' entre Dieu. et le crtiii. I\{ais la limite 1nê1ne du C'est pour•quoi, de même que f,)ieu communique à tout
cette ressemblance implique une dissirniliLude. Ici appa- être une participation déter1nfnée à ses perfections,
raît la lia.ison étroite du sy$tè,ne exemplariste avec de même il le pous:ie à déployer toutes ses virtualités
la théo1•ie de la connait,sance pa.r analogie : tous deux dans Ja réalisation de ~a fin. Dieu est cau11e principale
sont basés sur l'idéll de participation ontologique. de tout agir : sa 1notion pénètre au cœur de toute
I Aucune connaissance, en efîot, n'est absolument fondéo activité créée et lui infuse sa lumière et sa force. Dieu
que si elle considoro, du 1noins implici1,ement, Dieu 1 est aussi la destination transcendante : il élève le monde
et la créature dans leur rapport mutuel. De soi, Dieu au-dessus de lui-même en se donnant à lui pour fin,
est premier en tout ordre : il est, donc pour nous prin- Diol! est encore la n1osure et la loi suprêrne de toute
cipe d'intelligibilité du réel. Ainsi la connaissance de action : regttla agendi. Ces perspectives, on le voit, peu-
Dieu nous permet d0 connaître réelle in en 1: les choses. vent influencer profondément la vie spirituelle.
Mais en mên1e t,emps, ce qui garantit notre connais-
~arfce de Dieu, c'est que nous ne saisissons l'être créé li. Connaissance exemplariste de Dieu et
que dans sa relation avec Dieu, condition ultime de son oréé. - Notre esprit, faculté do valorisation, scruta
du
existence. Se1,1-le, dès lot'S, la saisie simultanée, au moins l'image qu'est l'ôtre fini pour y. découvrir un reOet de
Implicite, de Dieu et de la créature nous assure du bie•l· Dieu. Démarche légltlrr1e, pourvu qu'elle con.çolve
fondé de chaque affirmation. le rapport de Dieu à son image de manière à écarter
Le degré de ressemblance d'un être avec Dieu, base tout anthropomorphisme, mais démarche toujours
positive du principe d'analogie, est ce qui définit son rnenacée par un double risque. L'esprit peut d'une part
essence mllme et mesure sa réalité, sa vérité, sa bonté. défor1ner le visage de Dieu en comprenant rnal le signe,
En d'auttes termes, l'être fini est circonscrit par sa par- et d'auti·e part dénl}.turer la réalité du créé en appré-
'

l872 1873 EXEMPLARISME 1874


'
qui, ciant faussen1ent sa valeur de sy1n bole. Les deux ris· ou même problé1natiquo, mais comme dynamisn1e, et
ques sont d'ailleurs corrélatifs : toute erreur sur Dieu qui hnpose la tâche exaltQnte d'une recherche touj'ours
leux porto atteinte à la consistance du créé. reprise. C'est ce que NicôlEIS de Cues appelait Deu,n
voir 10 Tout d'abord, la visée exemplariste expose à mal incomprche11sibilit11r cognoscere, , paradoxe qu'on pour-
e et comprendre la transC.endanco de Dieu. Et ici l'érreur J';'li t transposer en symbolicl) i,,~vestigare Deum : on
peut provenil' d'un excès ou d'un défaut. Ou bien, n'approche Dieu qu'à travers un dynamisme porté
,ers. l'hom1ne exaltera à ce point la transcendance qu'elle 1,ar des symboles, préservant nos concepts de toute
1 sa en deviendra inabordable et inconnaissable : Pieu, à pétriflcation, et. excitant notre activité à s'avancer
de, supposer qu'on affir1ne encore son existence, n'est plus sans cesr,e dans la perspective infinie de Dieu. cr M. de
.nce qu'un grand X, imposant par sa majesté, mais sans t \andillac, art. Dor:TE IGNonANct , DS, t. 3, col. 1(t97-
!our , ràpport avec la vie concrète. li est le 6eàç cx.yvo>O't'6<;, le 150'l,
ijeu dièù inconnu on un sens n6gatif, tel qu'une Tlwologie Le Dieu transcendant est donc connaissable, puisqu'il
.eu~ dér E ntfernung voudrait nous le présenter : objet do se fait deviner dans -les créatures qui le << signifient ,,.
les respect mais non d'1.unour, séparé de nous par un abhne ]'lus encore, Dieu s'est fait connaitre dans !.'histoire
8\1~ toi qu'il exclut toute relation v6ritable. La supériorité humt\ine pa1• uno révélation p1•ogressivo aboutissant à
'un de Dieu intel'dit toute approche vers lui; l'esp1·it, conllné l'humanité du Chris t, Image vivante et toute proche
·m• dans le monde, ue t1•ouvo pas J'éellement dans la créa.- d tt Père << qui est daos les cieux ,,.
turc un 1noyen de connaître Dieu : l'ien ne lui parle En lui, l'inaccessible descend à notre niveau sans se
~l'e vraiment de Dieu . et Dieu ne lui parle pas non plus dégrader : son a1nour unit sununa imi11 en respectant
.o n par la créature. l'intégrité des deux natul'es. Cotte rencontre de la divi-
de L'autre erreur consiste à dépouiller Dieu de sa majesté nité et de l'humanité dans l'unité hypostatique du Christ
lté pour lo rapprocher de notre petitesse. Elle échoue à roprésente le point suprême où se rejoignent Io. trans.
1rs sauvegarder sa transcendance, elle défor1no son visage cendance divine et la condescendance à notre peti-
,p- par des anthropomorplüsmes. Ainsi une Theologie del' tesse. Nous approchons Dieu pa1• un amour qui pe\1t
• !<Il faire intin1e et familier, fa,niliaritas atupcnda ni,nis,
l~l Begegnur1g, cornp1•onant mal la rencontre de Dieu et
it, de l'homme, ôte tt Dieu sa 1najesté divine sous pré'Lexte, t!t, cependant l'adoraLion nous prosterne devant la·
'l• q quo Dieu s'adapte à noLre faiblesse. Hlttjesté inconr:ovable du Deu.~ 1zb.~co,1ditw;. L'a1nour de
ln Eln fait, c'est com,ne transcendant qtuJ Dieu se m11rii- !Heu s'approche de nous sans rien perdre de sa trans-
),Il /este par sa créo.tw·e. So connaissant lui-mêrne comme r:endance : en réponse, notre amour peut s'approcher
il valeur suprême d'être, de vérité et de bien, Dieu voiL de Dieu et, sans oublier notre néant, magnifier au
r(l dans sa propre essence les participations possibles contraire la générosité condescendante qui le suscite.
~c d'autres êtres à. sa perfection. Dans l'acte 1oystérioux ll.approchement qui n'est donc point relation d'égal
• [1 égal ni confusion des essences, mais communication
lr do la création, il.agit d'après cette « vé1·it6 immanente»,
18 en confor1ni'té parfaite avec son êti·e propre, et produit « in't entionnelle " de personnes par la connaissance ot
I· ainsi un reflet de lui-rr1ên1e. Sans changer en 1•ien, il l'an1our. En cônlemplant son prototype absolu réalisé
n. comn1uniquo • en dehors ,, de luï des ·participations clans l'union hypostatique do l'Hom1ne-Dieu, la per•
0 à son être. •route l'activité créatrice nous apparaît sonne spirituelle se découvte créée par Dieu pour être
e ainsi comme visant à réaliser au cours des siècles cette .l'objet d'une com1nunication divine toujours plus per-
• vérité divine participée dans l'être, l'action et l'épanouL~- ,,onnelle. Par la Ioi Dieu se révèle, Dieu nous fait péné-
l se1nont du créé. Celui-ci n'est. évidemment q\1'un reflet t rer dans le mystère de son Atr6 souverainement un et
• déficient do la perfection divine, ,nais ses lilnites aussi l.rinc, et do.ns son actic,ité souverainemont libre de misé-
l. bien que sa valeur positive font apparaitre l'exacte l'icordo et de salut.
l relation qui l'unit. à son Créateur, et du 1nêmo coup 2° A côté du danger qui rnenace la transcendance
nous font connlltti'è celui-ci. Ainsi Je créé est le signe, do Oieu-exernplaire, un autre danger menace la réalité
' approprié à notre faiblesse, d'un Dieu qui se rait con- ,tu. créé. L'affirmai.ion du primat de l'exe1n_plaire sur
naître dans sa transcendance et soo inaccessibilité l'irnage peut nous amener à magnifier celui-là au détri-
1nême. 'J'out dans les choses porto la marque d'un Dieu 1nent de celle-ci. Dans l'évaluation des réalités terres-
condescendant à la faiblesse de nos yeux hu1nains; 1.res, on risque d'insi$ter tellernent sur lo\1r fonction
mais une att.itude religieuso authentique doit sauve- do rellet de Dieu qu'on finit par n'y plus voir qu'un
garder sa transcendance en écartant tout anthropo- ' reflet d'elles-mômes : conception « symboliste », qui
rnorphis1no dans l'interprétation des signes qu'il nous vida los choses de leur substance concrète et les réduit
donne. Pour y réussit·, il suffit d'allleurs d'obéir au ü de purs fantômes sans consistance pt opre, aboutis-
dynan1isme naturel de l'esprit : tout en alllrmant la sant à une sorte de docétisnle universel.
valeur de ses concepts, l'esprit se refuse à les figer en Sans doute, le créé n'a-t-il pas une valeur en soi,
représentations statiques, pré~endu1nent cha·rgées da indépendamment de sa référence à la valeur absolue
t.oute la richesse de Dieu. Il y voit plutôt des symboles, qu'est Dieu, mais cette référence môme, bien loin de
des dil'ections de pensée, indiquant la voie à une recher- l'annihiler et de le vider de son êt1•e concret, le fait
che toujours en· éveil et ne cossant jamais do nous rel.an- oxister oomme réalité distincte et imprescriptible.
cer vers un but quo nous n'atteindrons jamais pleine- La lumière t;ransoendante, bien loin de nous éblouir
lorsque nous regardons le créé, doit nous faire saisil•
1nent.
,L'exernplarisme bien conçu ouvre donc largement exaot01nent sa valeur relative et discerner toujou1·s
l'accès à une investigation respectueuse du 111ystère davantage et ce qui rappproche de Dieu la créature
divin, puisqu'il affirme la possibilité d'une connais- ot cc qui l'en distingue. Un « sy1nbolisme ~ outrancier
sance authentique de Dieu en même temps qu'il nous peut bien fflire voir dans les créatures des signes qui
pré1nunit contre les déformations illégiUmes. Il recon- transportent l'esprit en Dieu, mais il risque de souligner
naît la valeur d'une <c théologie de l'inconnaissance », la vanité du monde au point de vouer l'hon1me au pes-
entendue non point comme pure négation, agnostique shnisme, à l'inertie, au quiétisme, et de lui faire négli-

1
1875 EXEMPLA.RISME 1876
ger sa tâche terrestre. Assuré1nent, l'affirmation de l a il crée le monde, participation à la splendeur et à la
caducité, le, sens: de la relativité des choses. proviennent vél'it é de cette Irnage éternelle. ·Ainsi: la créature est
· d'une évaluation co1·recte du réel. L~esprit qui éprouve rnise en relation a•v ec le Verbe, seconde Personne de la
son éloignen1ént radical de Ia transcendance divine Trinité (vue théologique et trinitaire), ou simplement
ne., peut. exprhner son expérience que par des anti thèses, sagesse et in·t elligence de Dieu (vue philosophique).
ombre et lumière, tout et rien, être et néant, etc.. Mais. L'exemplarisme s'insère dans une conception triru-
s'il << réifie » ces estin1ations vécues, s'il le$. isole de la taire du monde, et le rapport d'exemplaire à image.
perspective dynarnique vers le transcendant où elles ~art à préciser. non plus seulement le rôle du Verbe ,
ont leur vrai sens, il aboutit à peu près fatale.m ent à dans la création, mais les relations de l'homme avec la
vider l'univers créé de ce qui fait sa valeur intrinsèque, Personne du Père et du Saint-Esprit..
le réduisant à n'être qu'une pure 01nb1•e et on pur néant. Ce n'est pas seulement la Trinité, c'est encore Je
C'est là, semble-t-il, la tentation à laquelle ont plus dog1ne de l'incarnat.ion qui vient fournir un thème- à
ou n1oins succombé. le platonisme (86~0:), l'htndou.isnle l'exen1plaris1ne. Le Verbe, exemplaire du monde et de
(màyA) et plusiet11·1:1 philosophios 1nédiévalei; à tendo.nce l' homme en particulier, s'est fait horoiné. I l a créé ~ cet
platonicienne (doctrines d'illu rnination, symbolisme h1)m1ne » à son image, ,nirabilius refor,naati; il en a
out1•é),. Cependant,. poli!!' interpréter sans injustice cer- l'flit :;on expression, parfaite, la réalisation suprê1ne de
t aines afiîr1natlons fondamentales de ces systèmes, il l'idée de l'ho1nme tel que Dieu le voit. En J,ésus-Christ,
faut remonter à leur intuitù1n prendère, e.t voir si au le Verbe est !'Imago consubstantielle du Père, l' I:lomme
point de· départ l'uffermation dé la valeur symbolisante est sa concrétisation plénière dans « l'image· humaine »,:
du créé s'acco1npague nécessai1:e1nent d'une ,iéga.tio.n Ecce Hon1.o. L'union hypostatiq\1e en tre le Verbe· et
de sa réalité cen crète. Ainsi, lorsque le J!lOète mystique " cet. ho1nme » représente la plus sublime participation
Ange Silesius t 167,7 nous donne cette exquise défini- :\ l'être divin,. le fruit parfait de so'n éternelle pat e,•nité.
tion du monde, ,nundus pulcherriniurn nihil', il ne faut Désormais, la perfection de l'hom.me consistera dans la
point nous hâter do l'accuse1· de pessimisme, alors pal'ticipati:on à cette union hypostatique, l'lîlglise coni;-
qu'il nous invite à saish· Dieu vitalement et pour ainsi ~ituant le corps mystique du Christ ot. cllaque hon11ne
dire mystique1nent à travers le « néant ,, qu'est lit vivant de sa plénitude par la do11 de son Esprit.
monde. l}hom n1e réo.Iise sa perfection en iinitant Dieu, dont
5, Les systèmes exemplaristes se diversifient l'image lui apparait, dans l' Homme-Dieu. Vivant du
d'après leur champ d'application et la manière dont ils Christ tout entier, il ·peut ascenderQ pcr Christu,n homi·
définissent le rappo~t exemplaire-image. Ainsi, le prin- nc,n ad Christum lJcum, selon la formule ,de suint
cipe d'exemplarité peut s'appliquer soit dans l'ordre Augustin (bien souvent i:ept•ise et diversement inter-
ontologigue (d'une manière plutôt statique, comme n ons prétée). Uni Q\l Chl'ist, il doit reproduire égalemenL
l'avons .vu), soit dans l'ordre de l'acti1,ité intellectuelle it sa manière les relations do l'Uomn1e-Dieu avec son
ou n1orale (ratio intelligcndi, regula agendi), soit dans Père et !'Esprit Saint. 'l'el est le terme ultime de. notre
l'ordre spirituel, où l'aspect religieux est évidemment vocation d 'hommes, for1nés et reformés à l'iinage· dti
Dieu.
fondamental Par ail.Jeurs, la nature exacte du ••apport
d'e:x.en1plarité se trouvo sp6cifiée par les diverses Cette synthèse grandiose, on le con1prend, n'est
synthèses spéculatives 0{1 il s'insère. entrevue dans sa totalité que po.r de, grands spécula-
tifs, et vécue que po.r de grandes ânles, • sous l'hnpul-
1° Dans la réflexion (< platonicienne », - origine r; ion de la grâce. Des spirit:uali Lés 111oins fortement
commune .des systèmes e:icem-pla.l'istes en Occident - , 1:harpentées ï'nsistont plutôt sur tel ou tel de ses aspects,
l'exemplah•e, appel1i idée, est une réalité sup.r a-te1•restre, influencées qu 'elles sont parfois par dos considérations
subsistant en dehors de Dieu, dans· un << rnonde des philoso1>hiques : ainsi les bases « psychologiques » de
idées », d'où émanent les choses. Seules ces idées sont hl tl1éol0gie trinitaire chez saint Augustin (cf C. BoyeD,
v1•aiment réelles, et les objets de notre expérience n'en art. S. Auous1•1Ni, DS, t. 1, col. 11'1't-11.22), la théorie
sont qu'une 01nbre•,. un reflet. La pensée platonicienne de l'ilL\l'minatlon chez saint Bonavont,ure (cf É. l,ongpré,
fl'a pa~ réussi à intégrer pleinement la causalité exem- 11rt. S. BONAVENTURE, DS, t . 1, col. 1815-18'~3). Ailleurs,
plaire dans, son systèrne : elle aboutit à diviser l'acUon ce sont des mot.if$ religieux et pratiques qui ont tracé
créatrice·de Dieu en, une causalité elllciente (le- démiurge) la voie. Une mys tique de la transcondanee poussait à
et une caus:ùité exemplaire fie inonde des idées), tandis conten1pler la divinité du ChJ'ÎS~, Image, Verbe ou
que Dieu lui-mê1ne (l' U,i, -ro. ~) se trouve relégué Ragesse du Père. llne mystique de. l'humanité du
au rang d'abstro.ction sublime; sans rappol't réel avec Christ noncluisait à. l' imitation de ,Jésus, soit en ses
1 le monde. , roir H.. Arnou, ar t. CONTEMPLATION chez << ,; ta~s » intêvieurs, soit en ses actes ou ses vertus. Le
1 les, anciens, DS, t. 2,. col. 1727-1781. Christ est notre lnoclèle : c'est pour que nous y confor•
1' Tout, I'efî1>rt de la p.e nsée c.hrétienne consisteru à n1ion..i; nos actes, nos attitudes, notre être le plus intitne.
réunir les difîérentos causali tés divines en un seul :6:trQ 'i'l)ute notre vie spirituelle devient participation à la
vrailuent transcendant, quoique présent au monde s ienne, qui ost plénitude de grâce. Le 1not de saint Paul,
1 par. son, action créatrice et salviOque. Aussi les philo- )foc enim sentit,: in IJO/Jmquodet in Christo Jesu (Phil. 2,
·l sophes chrétiens r éduiront-lis la schision entre Dieu et G), devient un Pl'Og1·anl.1ne de vie : c'est le tout du Christ
1
1
le monde des idées, e,1 identifiant celui-ci avec le voült qu'il faut s'assimiler. Certains choish•ont un << é ta.t. »
divin : Dieu, qui est à la fois l' Un transcendant et le cléLerruiné du Christ., insistant, pa1· exemple, sur son
Créateur de l'univers, produit les nhoses d'après l'image apostolat, son sacerdoce, son adoration; d'autres
qu'il pollte en lui. iiniteront de préférence telle ou telle de sos vertus :
· La spéculation trù1ita.ire reprend à son cornpte cette la pauvreté, la solitude, la. charité; d'o.ut1•ea encore
manière de voir ·: le Logos n'es(. autre que Jo Nove; s' atto.cheroni à un des actes ou des mo1nenls de .son
du l'èr8', en qui subsistent les idées. Dieu engondre son exi$tence : l'enfance, la passion, etc. Ainsi l'on voit se
Fils, le Logos, qui est son Image consubstantielle, puis d<issiner auto.nt de types de spiritualités chrétiennes,
1877 J<~XEMPLARlSME - l~XEMPLE 1878

collectives ou individuelles (cf Lucien-Marie,. art. Le Lhùmo général, da l'exomplarisme· a éUs, directement ou
Écol,l!· D,B SPIRITUALITÉ., DS, t. ,,, col. 116·128,). C~est non, trop souvent exposé· par les grands philosophes 0l los
grandi; théologiens,. pour qu'on puisso songer à on donner la
ég.alemen~ l'origine de bien des « dévotions ,, (cf art. bibliographie. On peut, do.os le c11dro des préoccupations du
DÉvo.r ioNs, DS, L. 3, col. ?47•758),. Dictionnnire, so reporter aur ouvrages et articles- suivants :
2°· L'·exemplarisme fournit aussi la base· d'une cer• Th. de Fl.égnon, Métaphysique deli caUfiss d'après-saint 'Thonias
taine thtlol·ogie de l'histoire. Les événen1ents historiques et Albi,rt le. (;rand, Paris, 1886". - Ernest Dubois; E''exe,nplaris,ne
divin, NR'I'; t. 28-, 1'896, p. 229-24-1, 31,,1-353, ,.58•473i Dé
sont l'expression d·'une volonté divine qui gouverne cxcrnplaris1110 divino, 4 vol., Roine, 18.99 i ef sa notice, DS,
le _mon~e : D!eu mène l'histoire vers une nn suprême t. S, col. 1737,. - J.-l.t. Bissou, L'c,.:ernpla~isnie divin tel1111
qui ost a la fois· le sal~t des hommes et la InaniCestation saint Bona.venture-, P1;1ris 1 1929. .- M.-Ch. Perret, La ,notio11
de sa p1·opre gloire. Dès loJ'S, 111s faits du passé préfi• d'c:tcll'-{Jl(J.rittl, dans Rc1•ri.c tlwrr1isto, L. '•1, 193ti, p. ,.,.6-lt69.
gu~ent l'avenir, nar ils portent la ,narque d'un plan - J .-13. Porion, Intl'oduction à ~on Ilaclcwiich d'A,wers,, Paris,
unique de salut dont ils sont une pre1nïè1·e réalisation, 1951,. - Julion-Elymard d'AngerS, L'c:ccn1plaris111s bériillicn :
La puissance et l'amour divins, qui nous ont donné lc11 ra1,1>orts du na.turcl et. dzi surnatr,rcl dans l'muvre d'u ca.r1Unal
dans l'e passé des signes de leu,· action dans l'histoire, P. de Bt!rrûlc, d•ana Revue des sciences reli-gieuses, t, 31, 1957,
p. 1:.!'.!•1:89 1• - P. Pourrat, art. Méditation• clcs ATT111nu.t s
ne peuvent se conf.redire dans l'avenir. Voir ,J, Danié•
DIVIN ~, 1)$, t. 1, col. 1078-1098.
Jou, Essai sur le my11tiJre de l'histoire, Paris, 1953; Albert AMrE.
H. de Lubac, Exégèse n1.édié11ale, 1 n: partie, 2 vol., coll.
Théologie 4.1, Pal'is, 1959.
3_0 Enfin, le symbolisn1e, pt•incipe général d'interp1•é• ' EXEMPLE. - La notion d'exemple se ,définit
tat1on du monde sensible, trouve dans Je sacra,nenta- ·. gén(walement par celle de modèle. Un modèle est un
lismc c_ltrétien une application suprême. Dans les sacre- ' objet des1.iné il être repl'oduit •par imitati'on, ou encore
rnent.'l, la matière devient signe de la grâce qui nous fait ce qui est bon à être imité, ce que l'on imite à càuse de
participer à la vie divine. Au delà de son symbolisme son e x:eellence; s'il s'agit d'une personne, c'est quelqu'un
naturel, elle acquiert par J'inlerventiun du Christ une dont la èonduite, }{ls actions ou les qualités sont p1•opres
signi'1cation surnaturelle, en môme temps qu'elle se à êt,rr. imitées, quelqu'un dont on imite les a('.tiona ou
trouve chargée d'une efficacité salvifiquo: le geste sacra· la cor\ cl\ti·Le. On appellera donc exe,nple ce qui peut ser•
mente! prolonge dans l'Église l'œuvre de Dieu dans le vir ou sert effectivement do rnodèle, ce qui po,1t être
Chr~st Jésus. Pour parler en termes exemplaristes, le i t'nit,{: ou ~1st imité. Donner l'exernple, ce sera faire une
Christ, r,agesse et Parole du Père, concentre en lui action, des actions qui puissent être proposées con1n1e
toute la signification du monde et l'imprim~ dans les rnodc':le, cc sera montrer aux autres, par sa conduite,
choses et les événeLnenls. Par l'institution cles sacre• conllnf;lnt ils doivent agir. Suivre l'exemple ou les
1nents, il surélève le sens de la ,natière pour lui rait·o oxemples de quoiqu'un ~igoifiera corrélativement imiter
signifier, en Ja réalisant, sa volonté déiHnatrico. ses a 11lions ou sa conduito.
1. Importance théologique de l'exernple. - 2. Obli•
6. Théologie de l'image. - Nous n'avons pas à , gation nioralê de donner l'axcrnple. - 3. Raison psycho·
entrepl'endrc l'histoire de l'excmplarisme. En tol're logi:qr.uJ de l'influence de l'exemple.
chrétienne, ('.eLte histoire coïncide avec cello de. la théo- 1, Importance théologique de· l'exemple. -
logie do l'image, eL ce n'est pas là sirnple question de L'in!;t.inct d'imitation est înné (',hez l'être l1un1ain et
fait. En elTct, bien que les explications exe1nplaristes particnlièroment vivace chez les enfants. Aussi
des théologiens chrétiens aient été inOuencées ou rnêntê l'influence de l'exemple, bon ou mauvais (cal" la notion
com1nandées par la théol'i.e platonicienne. des idées, c'est d'exemple est ambiguë, l'exemple pouvant s'exercer
néann1oins dans ·l a réalité chrétienne de la révélation soit potu• le bien, soit pour le mal), ne 8a\n•ait ôtre sures-
et de l'incarnation qu'elles puisent tout leur sens. Déjà timée dans le domaine de l'éducation et de la pratique
les premières pages de la Bible fourlliijsen t au chrétien de la vie 111orale et spirituelle en général. On aurait
la lumiè1•e qui éclaire sa vision du monde eL de l'ho1nme. to,-t nepondant de ne voir là qu'un aspeet assez banal1
Jt' aciamus ho1nincm at.l ùnagineni et sànilitudi11en1 nos- ot so111me toute encore infé)'ieur do l'activité psyeholo•
tram ( Gen. 1, 26·27) : cette affir1naUon est sans doute giqun et éthi(1ue de l'individu, comme si finalement
bien dilllcile à interpl'él.01• aux yeux de l'ex6gotc qui l'idéal était pour l'ho1nme do parvenir à un ét!lt, de
y discerne les schèmes de penst'le sémitique; 1nais allo maturité inté1•ioure où il ne se conduirait plus que parla
a servi d'axio1ne à toutf) une ligne de réOexion religieuse clairn saisie des norines abstraites que lui dicterait sa
et théologique. Prernièro pierre de l'e:x:en1plarisme conscience morale et religieuse. En réalité, comme on
chrétien, elle nous fait voir le monde, et l'horn,ne en va le voir, le thème de l'exemple est au nœur Inême do
particulier, n1odelé par la sagesse et l'an1our divins, nous hl thùologie chrétienne. · ·
perrnettant aussi de connaître Dieu daos le miroir des
créatures . 1° l)iou, en tant que Créateur, n'est pas seulem~nL
L'autre fondement de l'exernplaris1ne chrétien est la cnuse elllciente et finale de toutes choses, il en est
l'incarn(.ltion : le Verbe 11'11st faz'.t chair (Jet.in '1 , 1~), aussi la cause exe1nplait•o; autre1nent dit, il est le Inodt'lle
le Christ est l'irnage du Dieu invisibta (Col. 1, 15; cf tran:;eendant auquel chaque ~tre doit, selon son essence,
8,. 10; 2 Cor. 4., 1,; fléb.1, 3;. etc). Cette incarnation a se co11fot,ne1• et s'assitniler. La raison, en effet, qu'as•
pour but de nous n.ssiiniler au Chtist (Rorn. 8, 29) : signn la théologie il la création est la volonté qu'a le
aux oreilles de tout cb1'él,ien retentit le sequ1irc me Bie;,n souverain de se con1n1uniquer, de falr•e.que d'autres
de l'Évangile, suivre le Christ, imiter le Christ. Auss\ le aient en eux quoique parlicipat.ion et resse1nblancc à
concept plutôt philosophique d'exe1nplarisme se trouve- sa hnnté, à sa petfection. Du fait rnême, la f111 de la
t-il ainsi dépassé par la théologie de l'irnage qui l'assume: créature, ce à quoi elle est intrinsèquen1ent 01•donnée,
c'est pourqu.oi il nous reste à renvoyer le lecteur à cet c'est cette 1nêrno bonté, cette mên1e perfection divine,
au.t1•e sujet (art. J MA.OE). OH\ is à recevoir et à participer, dans les limites bien
1879 EXEMPJ,E 1880 18
entendu de sa nàturè propre. Et ainsi elle s'assùnile à saint Pierre,« un modèle afin que vous suiviez ses t1•aces » Dt
Di.eu. << Propter hoc omnia facta sunt, ut divinae ('1 l'ierrc 2, 21). Si b.ien que· saint Paul résumera tous \ ch
bonftàti aesiinllentur 1,, dit saint ThoJTias (Com.pen- les devoirs chrétiens en celui d'imiter le Christ : • l\fon- de
diurn theologiae, 101). << Ad hùc unaquaeque res tendit, ~1'1 ?i -vous mes imitateurs, oom1ne je le suis moi-roênie re.
ut participet (Deu1n) et assimilotur ei in quantun1 du Christ>> (1 Cor. 11, 1). Jésus lui-1nême n'avait-il pas te,
potest •1 (Somn1.e tliéologiqttc, 1 11 q. 44 a. 4). S'asshnilant dil,: << Je vous ai donné l'exemple>> (Jean 18, 15)? gr
à ~ieu, elle procure du rnê,ne coup la gloire de Dieu, On notera d'ailleuts que la pure imitahon volontaire i,n
l'annonce (cf Ps. 19, 1-3), puisque par sa médiation re:;- du Chl'ist n'est cei:tainomont pas dans l'esprit de 1'11:cl'i- D
plendit. à l'extérieur la pe1•fection divine, dont elle lure, de saint Paul en pa.l'Uc.ulier. L'imitation morale, 0)
est une iinitàtion finie et particularisée. 11ais, tandis extriru;/Jque ne peut être que participation intrinsèque, se
que les êtros privés de lumièl'e intellectuelle ne sont my,c;tique ... Par Ja contolnplation nous devons chercher c,
que des silnilitudes impar(ai tes, des vestiges ou des it participer au Christ. Cette participation -i ntrinsèque (1
1
reflets du Créateur, les êtres rationnels en sùnt vraiment nous permettra do réaliser l'ilnitatlon extrinsèque. ii
des répliques vivantes, ~quoiq ne atténuées. C'est ee Nvl.re vie spirituelle est avant .tout une reproduc- s
qu'enseigne équivalom,nen L !'Écriture, riuand elle tion des mystè1•es du Christ sous l'action do sa grâce
montre Dieu disant : « Paisons l'homme à notre imago, (cf' C. Marn1ion, Le Christ c,ie de l'd111e, 8° éd., ~
comme à notre resse1nbJanco ,, (Gan. 1, 26). L'hom1ne l\{n,·udsous, 1919, p. 95-96). V
est, on effet, clans l'ordre naturel, un être doué, comrne t
Dieu, d'intelligonco et çle volonté libro, autren1ent dit, :111 De mê1nA que le Christ est l'image pal'faite du Père,
le r1}splendisson1ent de sa gloire et l'elllgie de sa subs. g
une personne; à quoi vient s'ajouter, dans l'or(h•e q
surnatui•el, Ja mystérieuse participation à la nature tance (Hébr. 1, 2), les saints qui vivent de la grâce que
Je Chl'ist leur conunLtnique en tant que Cher du corps li
divine qu'est le don de Ja grâce habituelle (2 Pierre 1, t,), F
qui fait de lui un fils adoptif de Dieu (1 Jean 3, 'l). n1 yi:;Lique, sont à leur tou•'. pou1• OùUS des 1nodèles qui
reflètent quoique chose ùe la perfection do 1'0xe1nJ)laire r
Cette ressernblance ontologique tondan1entale, il doit la t
parfaire au niveau de !'~git· par l'hnitation concertée des hu,nano-clivin auquel ils essaient de confor1ner leur vie.
l
attributs mora,ux do Dieu et la conformité vertueuse de On <3St étonné de l'insistance de Sil.in t Paul à exhorter ses ]
sa conduite à ce qu'il sait des <1 mœurs divines )>, dans •correspondants à l'imiter, à suivre ses exemples. « Je
vous on conjure donc, montrez-vou$ mes imitateUI'S » (1 J
la proportion évidemment du possible (voir le beau 1
traité De dir,inis 1norib,;.s, attribué à saint Thomas, Cor. 4, 16). « Devenez à l'envi mes irnitateurs, frères, ot (
traduit par. A. Le1nonnyer sous le titre : .A l'exernp'te fixtiz vos regards sui' ceux qui se conduisent co1nme
E
de notre Pi:re, Paris, 1926). Aus$i voit-on saint Paul vous en avez en nous un exemple » (l>hil. 3, 17). Ce
écrire aux Éphésiens : ,, Cherchei il iinitcr Dieu, corntne rai~ant, ce n'est d'ailleurs pas !'Apôtre lu.i-,nême qu'ils
des enfants bion-ainlés 1> (5, 1), et Jo Ch,•ist Iul-rnême hni teront, mais Celui dont il est l'imitateur fidèle
déclarer, apl'ùs avoir donné en exe,nple à 1:1es auditeurs (1 ( Jor, 1.1, -1) .<i'Et vous, vous vous ôtes mis à nous ilniter,
la •bonté de Dieu qui répand égalernent ses bienfait~ nous et le Seigneur» (1 1'/iess.1, 6). Pal' là, ils deviennent
sui' tous les horr1mes, bons et rnéchants : 11 Soyez à l<.lur tùul' un << ,nodèle » pour les autres croyants
donc parfait$ comine votre . Père célesl.e e:; L parfait » (1,7).
(Mt. 5, 48). Que Dieu soit l'exe111plaire proposé à Cot exomple des saints, et plus spécialement des
l'iJnitation de l'homme est du reste un thème qui ma,·ty1•s, est la plus efficàce des prédications; elle
appartient d~jà à la tradition d' lst·aël : << Soyez sain l.s, su:;,:i te dar~s l'Église do nouveaux fruit.~ de sait1tété
car moi, Yahvé votre Di(l\1, je 1:1uis saint " (Lli11. 19, pur sa force do contagion et, de persuasion. 1, Serrno q11.i-
2; c( 1.1, 4A; 17, 1; 21, 8, etc; 1 J>ierre 1, 16. Voir de,r1. pi111,l,8 et efficax, exe,nplu.rn operi.9 e.~t, pl1.1,riniu111
ExEMPI,ARISMt. facùins suadibile q1tod dir.it1.1,r, d1u11 111onstrat f actibile
2° Dans l'économie p!'ésente voulue par Dieu, c'est Je quo1l suadetttr Jl, dit saint Uernard (De S . Benedicto scrrr10
Christ qui esl. Je Olédiateur unique enl.re Je Père et Ios 7, PL 1.83, 879).
homme$ (1 1'ùn. 2, 5) . De notl•e vie spirituelle il est à la C'est une des raisons qui explique le cul Le des saints
fois la cause rnéritoire pa1• son i11car.11ation réde1npLrice, dont l'année lit111•giq11e déploie la procession autour do
la cause dispensatrice par son hunlanité, instrument la T>Hrsonne exernpJaire du Christ. Le thÀnle de l'l.'lxern-
conjoint de la divinité, et la C/11)$0 e:xe1r1plaire pat' sa ple revient fréquemment dans les oraisons du missel
pol'sonne clivino-humaine, par ses gestes rapportés dans romain aux offices du sanctoral. Voir les ir1dices do
l les Évangiles. G'esL lui qui est par excellence cc l'ilnage P. Jlruylants, Les oraisons du rnissel rornain, Louvain, •
de Diou » (2 Cor. 4, 4). La gloil'e de Dieu est sur sa face 195'! , au mot exe,nplum. << Concede, quaesum,us, 01n11ipo- \
(<'.t, 6). En lui le bieu invisible devient visible (1 Tùn. ten,ç Deus : ut ad rneliorcrn r,itarn sanclor1an tuorum
6, 16; Col. 1., 15). Qui le voit, voit le Père (Jean 11,, e:i:e111.pla nos pror,ocent; quatetiw; quor1un solemnia a.gi-
9; 12, 45). Fils do Dieu eL Ols de l'hornme, il a voeu une mus, cticun actu i,nite,nur >> (14 janvier, S. Félix). Charité,
vie vraiinent doiforme. Il est dès lors lo modèle pa,·fait de foi, lldélité, humilité, innocence, obéissance, tollos
notre resse1n'blance naturelle et surnaturelle avec Dieu. sont, d'après oes oraisons, les principales vertus dont les
Tel est donc le dessein établi par Dieu de ton I.e éte:r- sainl.s nous donnent l'exernple (exc,nplu,n, caritatis,
niLé : << Coux que d'avance il a discernl~S, il les a aussi fi.de,:, fidclitatis, hu1nilitatis, innocentiae, obocdicr1tiae).
prédestinés à reproduire l'hnage de son Fils " (Rorn. 8, Les sàints viennent à noll·e secO\lr'S, non seuletnent
29), Cette assimilation se fait d'abord par la contempla- par leur in te1•ce$sion, leurs prières, leurs rnérites, leur
tion, grâce' à laquelle, t·éfléchissant « oomn1e on un miroir docl,rine, mais aussi par leur exemple (exemplo et
la gloire du Seigneur, nous son1mes transformés en intercessione, exeniplo et precibu,ç, exe.mplo et nieritis,
cette mêm•e imago ,, (2 C,'or. 3, 18), rnais également par e:r,ernplis et m.onitis). Par leur ex:e,nple, nous somrnes
l'action : si tout chrétietr est un disciple du Christ, tout aidé;;, instruits, purifiés, fortifiés, nous pi•ogresson~,
chrétien est appelé à « suivro 1, le Christ dans la voie que nous nous élevons jusq\1'à Dieu (e:i:eniplo adjur,ari,
lui-même a tracée (Luc 9, 23). 11 vous a laissé, ôcr·H instr,.û , 1n1~11da.ri, roborari, proficere, per exernpla ad


1881 EXEMPLE 1882
,l)eum gradianiur), nous apprenons à n1épriser les conununauté chrétienne ou bien y tiennent par insti•
1èhpses terrestres, c~duques, à avancer dans la science t,ution un rang à part. C'est ce q1le saint Paul rappelle
de sainteté, it racheter le te,nps perdu ( cxe,nplo ter- à ses de\lX disciples préférés, Timo~hêe et ,'l'ite : 1, Mon-
r611a, caduca despicere, in scie11ti<i sanctorum proficere, tre-toi un rr1odèle pour les croyants, par la parole, la
tempus redirnere). Aussi demandons-nous à Dieu la cc)nduil.o, la charité, la foi, la put•eté » (1 Tirn. 4, 1 2).
grâce d'in1iter, de suivre leur exemple ( cxen1,pluni « Exho1•te également les jeunes gens a garder en tout
imitari, scctari, c:teniplo sequi). Et c'est pourquoi encore la pondération, ollrant en ta personne un exen1ple de
Dieu ne cesse d'instaùrer dans son 'ltgliso de nouveaux bonne eond11it.e 1, (Tit~ 2, ?). Le thème se retrouve chez
9xomples de vertus (Deu,s qui in Eccl<Jsia tua no"a les Pères. I l y a dans l'Église, dit saint Aug11sl1in, une
semp1J1' instauras c.1:e1npla "irt,~tuni, 4 février, S . André hiérarchie de l'exe1nple :
Corslni) pour facililel' à notre faiblesse la voie du salut, Tel est l'ordre établi (!ans l'li!gliso : les uns précèdent ot les
(Deu.9 qui in'{irniitati no.,true ad terend<irn salutis ,,ùun aulros i;uivent; et ceux qui procèdent donnent l'exemple li
in sanctis tuis exernpl1un et praesùiitun colloca$ti, 25 juin, ceux CJlli suivent, et ceux-ci hnilent les premiers. l'vlaig ceux
S. Guillaume). (fui se donnent en exe111ple à ceux qui viennent après no sui• •
Rien do surprenanL dès lors si la tradition chrëtienne vent-ils persOnüo? S'ils ne suivent p<iraonne, ils s'égareront.
Ils suivonl donc eux aussi quelqu' un, el c'est le Christ lui-
a toujours considéré la 1n êditation ou la lecture de la rnômo (Enarr<Uio in )>S. 39, G, PL 36, 4â6; CC 38, p. t~28).
vie des saints co1nme un stiroulant de ' la vie spiri-
tuelle, un réconfol't, un encouragernen t. Les té111oi- Saint Grégoire le Grand fait, lui aussi, de l'exemple
gnages seraient nornbreux; qu'il suffise d'en citer à dor111er un des devoirs principaux du pasteur :
quelques-uns : saint Grégoire le G1•and (voir l'ln<le:J.: in Quo lo paslclll' soit ren1i,.rquahle dans sa conduite, a!ln d'être
libros M oraliu,n et Iloniili<ts S. Gregorii au 1not exempla, pour sun peuple l'indicateur vivanl du chen1in de la vie; et
PL 76, 1396); lo pseudo•Bernard, 'l'hornas de Fl'oid- que le troupeau, qu i suil sa voie et copie ses rnœurs , progressé
mont, De ,nodo bene vivendi, c. 1 6 De exerriplis sanc- /J. son cxc1nple bien rni0ux qu'à ses discours. Celui-là éll ollot
tor1u1i, PL 184, 1226•1:t28; 'J'ho1nas a Ke1npis, Irni• qui est 1•ig1111reusé11'l<lilt Lenu en raison de sa churgo d'annon•
cer les plus huutes védLés., se trouve pl11c:;é dans une obligation
tc1tio Ch.1·ù1ti 1, 18 l>c a;te1nplis .winctoru1n Patru.,n. aussi sl,ric,Lo de !ournir le8 plus hauts cl:Xè1nples. 01·, la parole
Déjà l'auteur de l'J!.lpîlrc aux llébreux proposait qui' a p,,ur reco111rnanclation la <:011duiLe du prédicateur pénètre
longuement à des chrétiens persécutés, pour les sou• plus fadlem ent rlanii le 1:mur des audlleurs; ce que ta bouché
tenir dans )(:lur ép1•cuve, la foi exe1nplaire des saints prcscril., l'exempln aiùci ù le faire (Rcgu.la p<i.storalïR 2, 3, PL 77,
de l'ancien Testament (11, 1 -32). Cln sait corrunent 28b; cl' ·1, 1, 1GEI),
saint lgnace de Loyola 1·éce1111nent converti 1:1'enlla1n-
Pour saint 'l'ho1nas d' Aquin, l'exe1nple est une des
1naiL à la lecture du Flos sanctor1un de Jacques lle Vol'a-
trois e;hoses que le prélat ou le supérieur doit à sa com-
gine. " Et si je faisais ce que fit saint François, et ce
111una1ttê ; ,, Quilibet praelatus debet tria subsidia :
que lit saint Dorrtinique? » se disait-il (Récit du pèlerin,
scilicet doctrinam, exe1npla et subsidia tempo,•alia ,1
trad. A. 1'hii·y, coll. ·Museu111 lessianurn, Louvain, 1956,
p. 49; voir P. Dudon, Saint Jgnace de Loyola, Paris,
(.ln J1d11tth.aeu1n .24, in finem; ln 21'•n ad Corinthios 12,
'1931,, p. 56-66). Quant à Alphonse f todriguez, il a géné- lect. f,, ln 1nedio). " Praelatus co1npal'a'tu1• militi prop•
raJernent soin, dans son célèbre ouvrage de La pratique t.er subsidiurn, agricolae propter verbum, pastori
do la perfection chrétienne, de << conflrn1er la doctl'ine propter· exempl1Jm \1 (In 10.m ad Corinthi<>!J 9, leot. 1,
précédente pal' l'autorité de quelq1Jes exornples », in rnedio). , '
Selon saint Bonaventure, une vie exemplaire, qui
c'ost-à-dire .par des t1·ait1:1 édifiants tirés de la_ vie de
suit pour ses sujets une norfl\e, est une des obligations
saints personnages; mais nous touchons H\ il on genre
J'ontla,nentales du prélat : 11 Ipse narnque debet caetoris
littéraire particulier, I'(!:r.eniptu,n; voir a rti cle suivant.
e:;se norma vivendi, eL quae docot. verbis, ostendat
2. Obligation morale de donner l'exemple. - actio.oum llguris, sicut qui geo1netria1n docet, pingit
Donner le bon exe1:nple est une obligaUon 1norale qui in sabulo figurarum demonstrationes, ut quod dicit,
s'impose à tout chrétien. C'e::;t. on ce sens que p euvent ,nelinH capiatur " (De t1ex alis Saraplti;n, c. 6 Quarta
se corn prendre los paroles de Jésus : r< Vous êtes la praelaturuin ala est guod sit exemple.ris in vita; éd.
lumière du monde. Une ville ne peut se cacher, qui est Vivès, t. 12, Pa,·is, 1868, p. 144-146).
si.se au sommet d'un n1o nt. Et l'on n'allume pas une Les clercs en génél'al ont l'obligation spéciÇlle de
lafn pe pour la n1 0t.tro sous le boisseau, mais bien sur le donnt-r l'e:xe,nple aux laïcs. " Clerici debent. sanctiorom
lampadaire, où elle .bl'ille pour tous ceux qui sont dans prao laicis vitam ln teriorem et exteriorem ducero
la maison. Ainsi votre lt1miére doit-elle briller aux yeux eisqu<i VÎ1'1.ute et recte factis in exemplum excellere ,,,
des honunes poul' quo, voyant vos bonnes œuvres, ils affir111e le Code de l) roit. canonique (can. 121,.).
on rendent gloire à votre Père qui ei;t da,ns les cieux » J.,a 1nôn1e obligation r;péciale touche les rellgieu:x.
(Mt, 5, 11.t-16). Corrunentant ce v erset de l'Î~vangile: Suint P/'ançois de Sales le rappelle à des religieuses
« Et que vos lampes soient aUuméos en vos rnains )) (Serrnon de PAtu.rf: pour le luncli de la dix-nl!1t11ième sernaine
(Lue 12, 85) , Grêgoh·e le Grand déclare:« Nous portons aprèr1 lit Pentec&te., I,. 9, Annecy, 1897, p. 216). Car si
en nos n1ains des la111pes allumées lorsque, par nos tous dans 1•]"_.;gJise ne so,1t pas « commis po ur' prescher
bonnes aûtions, nous donnons au prochain de lurnineux l'flvangile con11no saint Pierre et les au trer; apostres ",
exemples ,, (Horn. 1.3, 1, PL 76, 1123d). Par contre, dit. le 1nême saint, cependant" il faut que noos sçachions
saint Paul écrit aux Romains : 1< 11 ne J'aut rien mettre qu'i l y a un parler qoi se fait sans dire rno-t : c'est le hon
devant voL1•e frèi'0 qui le fasse ln1ler ou tornber » ('.t r.., exe,nph~"i "le bon exen1pla est une prédication 1nuette >t,
18), c'est-à-dire il faut savoir on)ettre ce qui en soi /\ la portée 01ên10 des femmes (Sermon po1t1· la fête de la
J)O\II'l'ait parattro bon, mais pourrait être 11110 cause Pentenôte, ibideni, p. 822-823).
de scandale ou seulement d'étonnement fâcheux. On ne s'Atonnera pas d'au&o part de voir Bossuet
Le devoir de donner Je bon exe1nple concerne parti- l'aire <lu bon exemple à donner un des devoirs des "puis-
culièrement ceux qui exercent une t harge dans la san t..s t> (Ccirtl,ne des carrn6lites, 4e dirnanclw, Sur l'anibi-
1883 EXEMPLE 1884
·tiQn, dans Œuvres oratoires, éd. jJ. Lebarq, t. 3, Paris, réalisations possibles ·dé l'idéal dans la divel'Sité concrète
1891, p. 688') et ides rois ·(Cari?nie du Louvre, J)imanche, des situations. Les inventions n1ultiples de la charité,
des Rameaux, Sur les de11oirs ,des ,rois, loco oit., t. 4, 1892, du courage, de l'huinilité, etc, to,1chent et émeuvent
p. 272). les personnalités rnoins douées, moins inventives,
Pour
, les .auteurs anciens enfin, une des raisons de la. 1•éveillent. en elles lln1r ,1noi le meilleur que le durcisse.
vie·cénobitique ou on communauté est •le gl'and avantage ment extérieur de l'habitude, le ·n1ilieu souven·t ·contrairc,
qui résulte de l'ex:enrple mutuel et de 'l'érnulation spiri- l'i nertie inhérente à la nature, le manque d'imagi-
t uelle que ,ce genre de vie ,perrnet : ainsi saint J érô1n11, nation em11êchaient d'émerger. C'est en fait générale•
:Ep. 125, 1-5, PL 22, 1080; 'l'héodoret, Religiosa historici n1ent pat' l'action entraînante de p·ersonnalités supé-
5, PG 82, 1353a. Alphonse Rodriguez •ré$ume bien la. rieu res que l'humanité progresse spirituelleinent,
doctrine traditionnelle snr ce point dans La pratique que se forment de nouveaux courants de spiritualité,
da ,la perfection chrètien,ne, 1 o partie, traité 1, ch. f 8. que s'ent,r•etiennent ces voies ,nouvelles une fois décou-
\Les moralistes considèr•ent gén-él'alement l'ob:ligation vertes, qu'elles s'approfondissent. Té1noin l'histoire ·des
de ·donner le bon ex·e1nple comn1e un des devoirs de ordres religieux.
Ja charité envers le prochain, qui va de pair avec la Car c'est moins telle ou telle conduite particulièro
correction f1•aternelle. Voh• F. Tillrnann, Die lcatholùl(:/1.1: qu'on imite, qu'ltne personne jugée exe1llfJlaire, .et qui
Sitte,1lehre., t. 4, vol. 2, Dusseldorf, 1936, p. 266-272 a su gagner, avec l'admira Lion, la ·confiance et l'amour.
Die PIUcht dos .gu Len Beispiels und der Zurecht\'1eisung; 11 s'agit, sinon exacternent de s'égaler au 1nodèle, au
B. Haring, La loi du Christ, t. 3, Tournai, 1959, p. 110 - « type » reconnu con1me tel, en tout cas de reproduire,
·1,1. 7 Les l'equêtos positives de la -chat•iLé Ir aternelle : con1pte t en u des diff61•ences •de situation ou de condi-
l'apostolat de l'exernple ; p. 117-123 La correction fra - tion, son expérience intérieure, ses manières d'agir, son
,ternelle; DS, .art. ConnRcTroN v,nA-rERNEr,1.11. con1portement. Ceci nous situe au niveau d'une éthique
Sur le précepte du bon exemple, voir L' A ,ni 1111. qu'on pourrait appeler ,c typologique», et dont 'les fonde-
cle~gé, t. 11, 1889, p. 139-140; t. 12, 1896, p. 78-8?, monts script·uraires seraient faciles à assigner. Pour
.Jl !l'a ltt bien -reconnaître néanmoins ,que les expressions tous ceux qui ass111nent la responsabilité d'éduquer ou
donner l'exemple, le bo11 exemple, risquent de manquèr do de diriger les autres, il y a là un puissant motH de
séduction aux ·oreilles de nos contemporains, surtout l'ormation personnelle. En elYet, ce n'est pas tellernent
adtlltes. Le siècle àernier semble l eur avoir préfér6 : ce qu'on dit, qui compte, que ce qu'on est et ce qu'on
édifier, édi'(lcatio,, (cf Mgr Charles Gay, De la vie et de8 fait. Il Jaut éviter pourtant toute pr•éoccu·paUon
vertus chrétiennes, t. 2, Paris, 1888, ,p. 488-492; Instruc- exagérée, surtout chagrin0, de donner Je bon exemple
tions pQur •les pcr,qonnes du inonde., t. 1, ,Paris, 1892, à tout prix. Sans tomber nécessairement dans le
p. 331 -834). Mais cela sonne-t-il beaucoup mieu;, pharisaïsme, celte attitude risquerait do ma nquer
aujourd'hui? Certains dil'Ont donc : témoigner, té1noi d'autllenticité. Or, soule la vérité touche vrai-
gnage ,(èf Y. de Mon tcheuil, PrQblèn1es de vie spiri- n1ent.
tuelle, ch. 1 Pour un apostolat spirituel, 5° éd., Paris, N 'impo!'te quels exemples ne font d'ailleurs pas
'1 957, p. 31-54), ou encore on parlera de l'apostola.t de sur tous la môme impression, de 1nême que tous ne sont
l'oxen1ple (cf B . .1-Hit•iug, loco i:it.). Édi fication, témO'i- pas attirés par les n1êrnes formes do vie. Cela mont re
gnage, apo$l;olat de l'exo1nple, hon exemple sont sans que, pour être ploinornent efneace, l'exe,nple d oit
douf.e des n1ots qui désignent d es concepts quelque: rencontrer u ne prédisposition intérieure, des t ondanees
peu différents, mali; qui se recoupent largement, laLentes qui ne demandent qu'à s'actuer, el: qui sooL
comme le montre la lecture des au teurs cités. diverses scion l'originalité de chacun. C'est comme
11pontanén1enL qu'on se trouve un modèle, se laisse
8. Raison psychologique de l'influence de entraîner par l'appel d e telle figure religieuse, qu'on
l'exemple. - Si l'économie d u salut, si la 1nortùe et la éprouve l'envie de se conformer à telle attitude ou tel
spiritualité chrétiennes font une place in1por.tant.o au mystèl'e du Christ. {Jn modèle ne so choisit pas à coup
principe d'exomp'lal'ité, à l'idée de modèle, à celle de volonté; il aurait peu d'action. Mais encore faut-il
d'irnitation (en droit au moins, sinon pouL-êLre toujours que parmi ces t endances profondes nous ne donnions
en faU.), c'est que l'e:x,e1nple a une l'or,ne d'i nfluence droit qu'aux 1neilleures, sans pour cela méçonnat1,r0
particulièrement adaptée à la psychologie de l'ho rnrne. l'existence des autres. Co qui requiert une rectitude
La loi, IA co1nn1anden1cnt, le conseil évangélique lui- lucide de l'intention.
même s'adressent sans doute à la volonté, n1ais pal' l\1ais s i l'exernple suscite l'amour du bien qu'il dévoile
l'interrnédiair·o de la ,r aison; 1nên1e illuminée par la foi, dans son caractore désirable d e valeur, l'a111011r pour
la raison est d'un autre ordre que la volonté; le passage les personnes incline naturellement. de son côté à
do l'un à l'autre ne se fait pas de plain-pied : du il l'imitai.ion. On s'identifie à ceux qu'on ain1e, on prend
faut faire itu je 1,eit..l! fa.ire et f crai, il y a un l1iatus, qui par os1nose leurs rnanières d 'agi r. D'oli l'influenco,
reste souvent pendant. L 'e:x.e,nple, lui, parle spéciale- même silencieuse, pour le meilleur comn1e pour le pire,
n1ent au « cœur », aux puissances de l'afl'ecLivité ot des époux l'un sui' l'autre, des parents sur les enfants,
du sentiment spirituels. Il jette un pont entre la r aison de l'anü sur l'ami. D'où l'utilité pour ceux qui éduquent,
pratique e L la volont6. 11 ,non tre l e bie!l n1oral réalisé, qui dir'igent, de savoir so faire ain10r. D'où aussi la
concrétisé dans dos atti tudes, des conduites, incarné nécessité de bien élil'a ses a1nQ urs, de ne s'abandonner
dans une personne. Ce n'est .plus simplo1nent un impé- qu'aux plus reco1n1nandables.
ratir auquel on doit se sournettre, mais uue « valeur » Les bons exemples clonn6s sont enfin une d e ces
qui provoque l'a<hniration, le désir, l'a1nour; par là, grâces « extérieul'es » dont parle ht théologie, qui ~e
il s'insinue de lui-1nême clan:; la volonLé, la s6duit et suJllsont pas sans doute par elles-mômes à convertir
l'enttaine. et à faii•e progresser s ans l'action d'une grâce c< inté-
,Contrairen1ent à la norme abstraite qui est forcément rieure ,, correspondante, niais dont on ne peut trop
universelle, l'exemple r6vèle de plus la variété infinie des cependant Astin1er en soi le prix.
1885 EXEl'vlPLE - EXEMPLUM 1886
884
Note. - L'exe111pl~ dans la mc,ualiltl pl1iloaophi!Jua. - ou religieux, sqn emploi est p·ourtan-t bien antérieur à u
rète J11oques ~ivière, écrit dans ses car nets recueillia sous le 'titre : chdstianisme. Sous des formes divei,ses (.parabole,
tité, A la trace de Diett (Paris, "1.925) : conte, Jégende, fable, etc), il était en faveur chez les
•ent , Ce qui lait une 1nentalit6 rellgieuse, ce qui la do1nino·cl lui anciens peuples ,orientaux ,(Li:vre de Sindba:d, Calila et
ves, donne sa forme, ,c'est l'idée do personne, c'os't la connaissance, Di rnna, P.antschant antra, ro1nan de BarJaam et J oa~
9Se• 111. :considération, ,Ja vision peJ·pétuellè d'un ûlre v!vant et per-
saph). Il y était p r.ésen-té comme un précédent, un modèle
jre, sonnol, do Diou. Au contraire, (:e qui ·fai t une mentnlité philo-
ou une illustration; il ne comportait pas nécessairement
lgη sophique, c'est l'idéJl d'universallLê, .la notion de q,11elq110
chose de commun, de pareil, do lir6 à n. exemplaires (K·nnl). de qualification juridique ou morale, aiors que les
lle- >.insi la co nduite d'un êlro i•oligieux, même ,lorsqu'ells lul .res- auteurs chrétiens retnploieront à peu près toujoun; dans
pë- semble p11r les ·111itos, dlllère dans sa .r acine de 'Celui qui no l'es t cet.te intention. Les grecs l'utilisent (les fables d'.Ésope,
,n t, pas. Il lîdl tout pn1• im itation, par désir do 1·osson1blel' à quel- la fab le du loup .e t du chien racoo (ée pA.r Démas thène).
rté, qu'un q u'il nitne, de ln·mêmo f1.1çon que nous copions instinc- Aristote Je -r at tache à l'induction et il lui fait, dans
)U• Uvement •ceux qui ont fait de t'i,nprsssion sttr ,wrts • (p. 220; sa Rh/:t()rique (1, 2, 1356b : 1t~p&8siyµoc !nt:ly<i>~v
:les or p. ,,,, '86,). p'l)'ropt)(.·1)11), une place im_portante, q u'il gardera chez les
u .serait pou rtan t o.xagôr6 do penser-que la philosophie anti•
que ait ignoré l'idéo d'iiuitation comme principo do vie mornlo rhéteurs J)OStérieurs, principalement sous la forme de
~re l'exemple histodque ou cc politique ,1 (« histoil'e destinée
'oL spitiluollo. Plnton assigne déjà à l'ho1nme le devoir <fe se
[UÎÏ à ~ervh· de pièce justificaLiYe )) 1 explique Ernst Robert
rendre so1nblnble ô. DiAU (Th<lètète 176ai République v1, !IOObï
lr. x, •61-80.1), de prendre rang par1ni ceux qui suivent l)i'eu '(Lois 1v1 Cvrtius, dans La littérature européenne et le nioye1i dge
au 716b; 1'.i-tntle 1, 7c). Lli 111ên10 règle, • suivre l)ieu •, irn itor Dieu, litt.in, trad. de l'alle1nand par Jean Bréjoux., Pa1•is, 1956,
~e, ost prônéo par los sloïcions : Sénèque (De 11ita beata 15 i A d Lrici· p. 73-75). C'est pr.incipale1nent par la littératu1•e latine
u. li11m 1 E'.p, 95,, 4.7.) ; Marc-A\1rèlé (Go,n,nentarii VII, :)1); J<1pic• que la tradition de l'exernplum s 'est implantée et déve-
}TI lète (Disscrlatiunes 1, 20). Pour Arlsloto, c'es t en dôfinitivo
l.' homme vertueux qui est ln l'èglo vivante et la 1nesure du lo1)pée chez les auteurs chrétiens, aussi nous borneroos-
llé nc,us, pour en montrer l'ori,gine, à l'étudier chez quelques
e- bien '(tll1iquc ,l Nïaon1aque 111, 6, 1113a 32), Do Sénèque ost
la maxime souvent èiléê : " Longuni iter est per pra.ecepta, brc1•c P ôres latins, tout d'abord chez Tertullien, où ,nous
~r et epicax per exenipla. • (Ep. 4, 6). Qunnt à Mnrc•Aurèle, il pouvons saisir le passage de l'exe1nplu1n profane à
•u .dresso solgnousen1en t le c11talog11e des o:xoni ples ou d es leçons l'e.1:c1nplurn chrétien.
l'e do vertu do ses parent.a, aIT1is a t ,1naîlros, pour en inspirer et I. Époque patristique. - II.111oye-n dge. - III. Époque
l't y con'tormer sa conduit\! (Pensdes 1, 1·16). nzodèr;1e.
,n Jl)an8 la philosophie 111odorno., deu:,c penReurs unt pal'liCU·
n lièr01nen t hisistB sut les notions d'exen1ple ut d'hnilation. C'est 1. IÛ'OQUE PATRISTIQUE
!e d'abord Henri Bergson, nvec son appel du héros e t d u aaint;
on sait comn1ent il rliijl.ingne deu.x sortes de morale, la 1norulo 1. Te;rtullien. - T ertullien continue et adapte
,e à des J)esoins nouveaux l'usage profane de l'exe1np_
l um.
,r close et 'fa morale ouverte :
• 'l'andis q1111la pr01oièrc ·csl d'autant pl\ls pure et plus par- Chez lui se constituent les divers types d'exemplum
-
' faite qu'elle Sll rurnèno n1ieux à de~ ,formules hnporsonnelles, q11i .s e retrouveront chez ses successeurs.
la seconda, pour être pleinen1en t elle-nuimo, doit s'incarner
s dans une personnali té privilégiée qui d ovJont un exem ple. La °
:1 Usav;• protme. - L'11xe1nplum a ,une grande impor•
t généralit6 do l'une tien t à l'universollo acceptation d'une lui, tance dans la littérature latine profane; son usage ,est
l celle de l'autre à la çonuiruno lrnil.alion d',un ITtodèle • (Les de~ ensoigné dans les écolos et les rnanueLs de rhétorique
1 $UUrccs de la rriorale et de la religion, 4° éd.; Pari8, 19$2, p. 29). oi• li figure au nombre des prouves (probatione/J arti'{l-
Le $eco nd Hst M1rx Scheler; il a fait d11 prinèipé d'oxcmpln•
rilé, du 1nodèlo ot do la conformi té-a1.1-111udèlCJ, une pièce mnl· eia.les), à côté des signa et des arg11,menla : l'exemple
Lresso de son éthique des valeurs. Voir Le forrnc1.li,;11u: ~,1 éthique ost, pour rhéteurs et juristes, un « précéd ent "· Son tôle
n'ost pas moins considérable dans la littél'aturo mora-
et l'éthi.quc mat-éri<i:lc des ,,ale.urs. Essai 1101,vcau pour fo11(1.er un
pcrsonnalisnic éthi(/llC, tra.d. M. de Gandillnc, P11ris 1 1956, lisante, en particulier dans celle qui procède de la dia-
p . .571•594, et, d n même auteur ; Le s(<Ùtl, l11 g41iie, le haros, tribe cynico-stoïcienne, étudiée pa r A. Oltramare. li
trad. l:J. J.1n111ny, Fribourg, Suisse, 1944. su fl\t de rappeler le ,mot célèbre de Sénèque, d'origine
d ia tribique, et SOUVl~nl; repris par les prédica~eurs
Bibliographie. - On se rcpo1•tera s pécialement aux ouvrages
çités de Haring, Tillmann, Scheler. Voir ég11le1nont J. ·de Gui•
ch rétiens : longiun ùer per praec,1pta, ·bre"e et effieax per
bert, Leçons de tlu!ologù: spirituelle, '1'011l011H8 1 1 ~t,6 1 p. 188,198 CJïNnpla (JJ:p. 6, 5), et l'abondante moisson d'exempl<L
{perfection ot inlilo.tion de Die\1, du ChrlS L·), p. â28 -329 ,(imi• q u f.: l'on rencon t1•e dans ses œuvres. La principale, mais
tation d e lo. Vierge, des st1ints); 1'hoologia spirit<ialis Q$CCtiaa non la seule source des ex;emples ost ,l 'histoire. On sait
1

et m.ystic(, 1 3• éd., Ron1e, '19',6, p. 90 svv, par l'ouvrage ,de ·valère Maxhne ce quo pouvaien t êtro
Articles du DS: Jvl. Neppe.r, CORRIICTIÔN FRA'('llRNEl,l,Jl , t,. 2, le~ recueils · d'exe,npla en usage dans les écoles. Il en
col. 24.04-2',1.4; ,\. 'l'hibnut, 8n1 r:1cA·1·10 N dans la Bible et ln exista beaucoup -d'autres, aujourd'h ui perdus (Cornélius
liLl6rnlu1•0 palrislique, t. 4, cul. 279-293; A. Ampe, Ex11~1- ~ opos, Pomponius, H ygin, Fronton, etc). Lu classifl-
l•LARIS M!l, col. 1!170-1878; li. P élré, R. Cnn tel et R . Ricnrd, cuUon do Valère Maxitne en eœempla domesticrL -ou
ExRlli~1,UM, col. 1885-1!102. Il sera nusiji parlé de l'o.xon1ple ·
ù,terna. et e:r:emplct externa sera transposée en termes
dans his art. 1MtTA1'ION DU C111usT, SAIN T S (culte <les).
c hrétiens.
Piel'ro An N ès.
Sur l'c:.c1117)/t.t1n dans la littérnture latine profane, on t rou-
vera l'essentiel ·dans ; li:. Alewell, (Jeber das rhctori.1ahe napii•
EXEMPLUM. - Il ne se1•a pas quflstion ici de la /!«y1ux. Theoris, BcispieL,arn,nltin·gen, Ver"'cnd.ung in 1lcr
r,,,niaclwn Literat~r der l{aiscr::scit, Kiel-Barlin, 1913. -
notion générale d'exemple, déjà abordée en ,d 'autres H. l{oi•nhardt, Exempl1un. Ei11e Beqeutungsgcscliicl1tlich.e
articles (BtoGI\A·l''II' R$ SPIR•I TUELL E S, Éo i '!l )CA'l'( tl N . St1ulic, Ooetlingu.e, 1986. - L,'l;unploi do l'cxcmpluni dans la
ExEMl•l,:P.')' 011 qui le sera ai:Jleurs ( 1MITATION' SAINTS, liUé1·nture diatriblquo es t ,étudié dnns A, Oltramare, Origines
etc), a1aü; du procédé littéraire de l' exempturn, qui d(, la diatribe romciÎllé, Lausanne, 1926.
connut u ne t rès grande vogue dans la prédication et la
littérature spirituelle du ul oyen âge. Dovonu alors un 2° Qhes Tertullien. - Co1nmont Tertullien a-t-il
instrument pédagogique, destiné à l'eoselgne1nent moral ' ad ap té au christianisme l'usage de l'exe1nplu1n? Nous
1887 EXEMP.LUM 1888
laissons de côté l'aspect polémique de son œuvre : le11 n inlvitcs, Iîlzêchias, Nabuchodonosor, JonathaR, Oavid
l'exemple sert là de précédent; l'accumulation des Achab; ou dos châtiments sévères infligés par Dieu pour cer-
CJ/Jttlra exempla témoigne d'une ao11suetudo, autrement l!liites tau tes: le pharaon et di von, épisodes de l'histoiro d'Israël.
dit d'ur\e tradition, et porn1et de réfuter le grief de I!:xemples relatifs au jc1)ne (De jeju11io) qui attiro los tavours
« nouveauté " qu'on oppose aux exigences montanistes. de Diou : Moise, Élie; détourno los dangel'3 : Samuel, Ézéchias;
Bien que la polémique aoi't difficilement séparable chez lui oJlaco los péchés : Ninive, Achab; obtient des mi1•L1clcs : Anno;
d(,couvro les choses cachées : Danial. Exemples concernllnt
del'exhoJ'tation rnoràle et religieuse, c'est ce dernier aspect la pa1•u1·0 des . femmes (.De c11lt1, fe1ni11arum, J)c virginibu.s
seulernent que nous retenons. Dans un passagi:, célèbre v1,/C1.rulis) : Ève, .Rebecca, Suzllnno; et la monogamie (De
de son Apologétique (50, 14•15; PL 1, 535-536, et éd. ,rt1>r1ogamici) : Joseph, Moise, A,ll'on, Isaac (sur ce point,
JI. I-Ioppe, CSEL 69, 1989, p. 'l 2·1), il a exprimé forte- 'l'ertullien n plus d'oxoniples il réfuter qu'à proposer).
ment l'efficacité de l'e:x:e1nple vivant. 'l'oute propor-
tion gardée, il attribue aux exetn.pla écrits Ulle valeur En face dos héros de la littérature profane, se consti-
analogue. tue ainsi un trésor d'oxetnples qui deviendront. vite
f.raditioonels, etla foi d'Abraham, lap6nitence de David,
1.) Exemples 11n1.pl'untés à l'histoire profane. - Dans la patience de ,Job seront à la litt6rature chrétienne ce
quelle .mesul'è un chrétien peut-il en faire usage? La qu'étaient pour les romains la fer,neté de Caton, la
question est aiguë pour un intransigeant comn1e 'l'ertul- pauvreté de Fabricius ou la bonne foi de l=t6gulus.
lien et se rattache au problème des rapports entre cui-
t.uro antique et christianisme. Au fond, l'exe1nple pro• b) NouCJeau '1'011ta.1ne11t. ~ Après los vetera exenipla,
viennent les no11a dacunwnta, C8\IX de (( notre loi "•
fane n'est pour lui qu'une form e de l'exernple (<étranger"·
Traité avec un certain ,népris, il a pourtant sa valetir ,le l'Bvangi.le : au seuil d'abo1'd, et appartenant à la
quand il s'agit d'exhorter : c'est l'cxe.niplu,n ex ,nino- fois aux deux Testaments, Zacharie et . son fils. Jean-
:naplisle, Siméon et la prophétosse Anne, rnodèles de
ribus ad rnajora. Il ost dès 01ainlllnant une pro,1ocatio;
~;ainteté, do 1nonogamie, de continence (De 1w,1og,i-
il sera un jour un testùnoniuni qui nous couvrira de
1ni11, 8; Pl, 2, 989ab, et. CSEL 76, p. 58). Les grands
honte, s i nous n'avons pas été capables de faire pour 111odêles sont avant tout les apôtres : ils ont tout quitté
Dieu ce que font les païens pour plaire au diable.
pour suivre lo Christ (De idolola.tria 12; PL 1, 678b,
Païens et paîennes se1'ont un jour nos juges (Ad mar-,
et éd. G. Wissowa, CSlilJJ 20, 1890, p. 48); leurs fautes
tyras 5; PL 1, G26, et éd. V. Bulhart, CSEL 76, 1957, p. 7;
u1ilmes nous instruisent (De oratiâne 8; PL 1, 1164, et
De exhortatione castitatis 18; PL 2, 928-980, et éd.
CSEL 20, p. 186); ils n_'ont pas foi devant la persécu-
E. l{roymann, CSEL 70, .19.!,.2, p. 150-152).
tion (De f uga 6, 9, 12; PL 2,109, 111-112, 116, etCSEL 76,
Parmi ces exe,nplcs figurent principalement : n) les exe1n• p. 27, 82, 39). <( L'histoire des apôtres est écrite aven
pics destinés Il rappeler' aux !en1n1cs Jour dovoir de se voiler
ln tête, de t'CSLor chastes, <le ne contracter qu'un soul rnariage Jour sang... Toutes les fois que je lis ces récit.c;, j'apprends
(Ad rixorc,ri, De e:tl1ortation,i castiln.tis, De monoganiia). A <iêtta ü souffrir)> (S,:orpiace 15 ot 5; PL, 2, 151b, 181 -188, et
ca_tégorie a.ppm·tiennont, entra 1111tres, l'hi6toirc de Didon, avec CSEL 20, p. 178, 158-155). Entre tous, le 1nodèle par
Je jou do rnoti; que recueillcrl\ saint ,Jérllmn : rn<iltût c coritrC1rio nxcellence, c'est Paul accueillant avec une ferrneté

(Plll' réfôi•onco i1 1 C(Jr. 'J, 9) uri quani nubere (De exho1·tr1.tù111c paisible là prophétie d'Agabus (De fuga 6 et 12; Scor-
ca.stitatis, loco cii.), l'histoire de là .f enunc d'Ilasdrubt1l, celle pù1cc 1.5),.·exhortant a\1ssi ses fidèles à suivro son exem-
rie Lucrèce, pla en s'abstenant du 111àriage (.Ad uxore,n 1, 8, et 2,
b) Les cxcniplCI co11,9ta11tiae qui figurent dans l'Ad 111artyras 2; PL 1., 1219b, 1291 b, et CSEL 70, p. 101, 1·13; D e
ot Sônt repris dans l'Atl nationes ot l'Apologcticuni. Des p!liens
ont subi, recherché mômo les souffrances et ln n101·t; des e:tlwrtal.ione ca.stitatis li, 8; PL 2, 919-920, 924, et
hommes et aussi des femmes : Lucrêce, Didon, comn1e Mucius CSEL 70, p. 133-134, 141).
Scnevoln, I·Ior11clilll, J<Jmpédoclc, Pérégrhlus. 'l'ertullien croit 3) Paraboles. - On peut considérer comme une
parfois ces vertus des p11Yens inspirées par lo déroon; plus S<1J•te d'exe,nplurn la parabole évangélique. Pour Ari.q.
souvent il y voit la recherche d'une gloire hu,nlline qu'il l.ute, In rrocpoc6oÀ~ est une fo1•1ne du rro:p&Se:tyµoc, voisine
-oppose à la gloire du ciel pro,nise 1n1x chrétiens (Apologétique du À.6yoç (Rhétoriqu(:! Il, 20, 1898a). Mais la 1t°'p°'60)..1)
50, 4; PL 1, 5!12, et. CSEL, p. 118; Ail ,nartyr,is 4; PL 1, 624-
626, et CSEL, p. 5-7). évangé lique, elle, procède du rnashal sémitique, type
clH l'enseignernent moral et religieux chez les peuples
2) Exe,nples bi'.bliqacs. - a) ,4 ncicn 'l'estarnent. - 01•ientaux. Tertullien y trouve, en rnême temps que des
Si l'exemple profane esL un exemple « étrange1• », il faut ~,rguments en favetn• d'une thèse, des exemples à irni,
lui joindre l'exen1.plurn dornesticuni ou in.tern1un. Roine toi. Les paraboles de la brebis perdue et du fils prodigue
a son JJ'M$6 glorieux, le christianis1ne a le sien dont les ùlTr•ent des 111odèles de patience (De patientia 12, PL 1,
lJ;cl'iLures conservent l'hisLoil'e. Tout en nous Jiroitant 1268). Dieu nous donnera le pain quotidien, comrne
aux lutins, nous ne pouvons passor sous silence un des lü père à son enl'ant, l'ami à son an1i i1nporLun (De ora•
plus anéiens écrits de la li tté1•ature chrétienne, l' Épitre ûnne 6; PL 1, 1160-1161, et CSEL 20, p. 184-185). Si
aux Corinthiens do CUnnent de Rome, véritable recueil uous voulons être pardonnés, n'imitons pas le méchan~
d'cxernpla où to\la les grands no,ns do l'ancien Testament st1rvitct11' qoi poursuit son débiteur {ibidem). Le publi-
illustront. une esquisse do l'idéal de la vie chrétienne. cain nous apprend l'hun1ilité dans la prière (De ora-
Aux yeux de Tertullien, ces exemples ont pour eux ûo11e 17; PL 1, ·t ·I ?5, et CSEL 20, p. 190).
le prestige de l'an l.iquité ( CJet,rr(t crcèmpla) et il en fait
dans l'exhortaUon rnorule un usage extrê1nen1ent abon- 1.,es autres p11rabol0s évangéliques citées par ·T ertullien, et,
ellfls sont nombrouscs, le sont surtout à titre d'argu111011t contre
dant. lt•M hérétiques. Notons toulefoîa, dans la discussion relative
Exo,nples de patience (De patie11iif~) : Abrah1un, Nabu - à Ili pénitence, les trois parflbolos de ,niséricorde : d1'nchmo
chodonosor, surLout Job (en taco <le l'impat.ience d'Ada111 et porduo, brebis égarée, fils prodigua, preuves de ln clémence
d'Ève, do Caïn, du peuple d'Isrllël). Exe1nples de justes per- divine, oncouragornent au pécheur dont la pér1itence réjouit
sécutés (De f1,ga in persecutionc, Scorpiac11) : J ob oncoril, lu ciel (De pae11ite11tia 8; PL 1, 1242•12(.3, et ôd. P. Borleffs,
Jona.s, les prophètes, Daniel et les trois jeunes gens. Exen1plos (;t{IUI, 76, p. 161-162). L'interprét;i.tion de cos paraboles est
relatifs à la pénitence (De paenilèt1tù1; De pudicitia), qu'il di~cu lile dnns Je De pudicitia, à la h1mière de principes éta-
s'agisso de la miséricorde divine parctonnnnL au repenth• : blissant la valeur des exa,npla que sont les po.r.:tbolcs (De
1889 L'EXEMPLUrvl A l/ÉPOQIJE PATRISTIQUE 1890
188
pudio'îtïa 7-9; PL 2, 9,91-999, et CSEL 20, p. 280-288), Tortulllon 91, PL 16, 171a), Encore ajoute-t-il aussitôt: redcamus
vld a vu quollo riche sour1Je d'exernples pouvait être cet enseigne-
081'-
ad nostru,n Moysan. Avec celui de Moïse, les exemples
mont si concret de J ésùs. les plus souvent cltés sont ceux des patriarches •:
al!J. Sur la question de la parabole évangélique et de aon r11pport
u
, rs ave_ç le T<crp(JÔJl'YI.I«, ou l'cxe1nplu.11t classique, on p!;lut consulter Abl'aham, Isaac, Jacob, Joseph; puis David, Salomon,
1e..s: M, ftermaniuk, La parabole d~angéli91w. En'l.ulte exét;étigue ~lisée, ,Job surtout : <1 le héros du, traité De.s devoirs »
a_e; et,çritig11e, .Paris-Louvain, 1947, en particulier p. 251-259. (R. Tharnin, looo cit. infra, p. 249). Chacune des quatre
lnt vertus fondamentales, d'ailleurs transformées par Io
•us
De
4) Exe,nples e1nprur1tés à la nature. - Ils procèdent, christianisme, a ses répondants dans l'histoire chré-
chez 'I'ortullien, d'une double tradition : la tradition tie1111e, conune elle- en avait chez les paîens; elles sont
~t, diatl•ibique, qui prend volontiers les êtres privés de rai- toutes réunies chez Abraham, chez ,Tacob (,, 25, 116-121,
son comme point de con1paraison, et la tr.adiLion évan- PL ·t 6, 57-59).
gélique dans laquelle la prédication ra1nilière de Jésus
avait Introduit ce 1noyen d'exhortation. Il o'osl pas surprenant qu'on lrouvG, dans la De offeoii$,
ccU1J abondanco d'exo1nplos <Orn(>runl6s à l'ancisn 'l'est1.1111'8nt,
Beaucoup de ces oxen1plcs nianitcs tent chez 'I'ertullia11 le si l'on songe aux travaux d'cx6gèso d'Arnùroiso où se tait
gol}t des 1nira/>ilia si répandu o. son é1>oquo et sa rechorcho senli.r, onlre autres, l'influence de Philon. • C'est Philon, dit
do..Ia yirtuosité. Un certain nombre viennent enrichir un ensei-· R. 'l'ha1nln1 qui n flx6 dans sa pensée 'les Lro.i ts épiques do ces
gnemont dogrnntique et rnoral, tels les exemples en fave1u• grandes figures • (p. 2118). Toutefois, il ne raut pas oublier que
de la 1·ôsurroclion de la chair (De carnis rcsurrcctioric 12-13, cett!! 11tilisation des figures hiblîqueij ren1onte aux origines du
PL 1, 810-811). Lo renouvellement perpétuel de la nature chrii;tianisrn<! (cf Ep. a11.<1: Hébreux).
(succession du jour et de là nuit, déroulerner1t des mois U II oxornpla, celui do Laurent et Xyste, comparés à Oreste
et des saisons, 1·cproduction annuelle des plantes) térnoi- ot Pylade (,, '11, 20~·206, PL 16, 8'1•85), rait apparaitre
• ~ne que l'homn1e aussi ressuscitera. ?.1ieux oncoro, un anirnal une nouvello catôgorie d'exempla, les cxo1nplès hagiographiques
renait de ses cendres, c'est lo ph6nix : cil dernier 111ythe, bieù Urés des Actes ot Passions dos murtyrs.
connu d1! ln littérature protane, tora tortuno choz les chrlilièrls.
Le cert et l'hirondelle, qui snvont trouver les rernèdes propres 2) Dans les écrits d'An1broise sul' la virginité et .le
~ leurs maux, apprennent au pécheur à recourir' à la pénilonce peu11age, il n'y a plus, comine cliez Tertullien, d'exemples
,, (De pae11i1e11tia j2, 6; PL 1, 12'15a, ot CSEL 7G, p. 168). paîens, mais des exemples bibliques et surtout chrétiens, •
s J:-'lél,ecca. et llachel peuvent donner aux vierges l'exe1n-
A côté (le ces exemples, souvenirs de quoique t.rait.é
t ple de_ la pudor (De virginibus 111, 8, 10, PL 16, 222),
d'histoire naturelle, sans doute celui de Plîne l'ancien,
l'cxo,nplo de Rahab ot do .Judith inspira sa conduite
d'autres viennent de !'Écriture. La soumission des
créatures à l'hônime (cf Isaïe :1, 3) exhort e à se sou-
à une vierge d'Antioche condamnée à être déshonorée
(u, tl , 24, 213c). Les veuves ont, pour les instruire, les
mettre à Dieu (De patier1tia 4, PL 1, 1255b). Lis des
exe1nples de Noémi, Judith, Debora (De cdduis 6, SS;
champs, oiseaux du ciel attendent tôut de la Provi,
? , 3'J; 8, t,t,; PL 16, 2'•5a, 246a, 2'18b), d'Anne la prophé-
dence (Act uxorern 1, 4; PL 1, 1281b, et CSEL 70, p. 102;
• tesse, de la veuve de la parabole, de la belle-mère de
De idololat.ria 12, cité supra ; De m.onoga.mia 1 G; PL 2,
Pierre (4, 21; 5, 27; 9, 53; 241b, 2,.oa, 250c). C'est sur.
951c, et CSEL 76, p. 75), L 1exen1ple le plus int éressant
toul, l'histoire cbrétiel)ne récente qui pouvait fournir des
est celui de la eolou1be, Il présenté le curieux 1nélange
exe1nples illustres de virginité, cette vertu que tant
d'érudition profane et de souvenil'a biblique.a bien carac-
de jeunes filles et de femmes avaient payée de leur sang.
téristiquo de l'auteur et de ce genre littéraire. Notons
que l'interprétation du syn1holisme de la colornbe est Ainsi Agnès dont 1'6logo, prononc6 à l'occasion do son ncualis,
chez Tertullien riette.m en t 1noralisante (ce qui se retrou- ouvre le De Pirgùiibu.s (1 1 2, 5-9, PL 16, 189-19°1;crDcofllciis1,
1,1, ~03, PL 16, 84b); Thècle, dont le culte, attesté p11r les
vera chez Cyprien, Gl'égoire le Grand, Bède) : la colombe Aotc:: ,le l'nul, fu t i;i tôt répandu (De ,,irgi11if,us 11 1 3, 19-21, 211-
enseigne aux hommes l'innocence, la simplicité, la 212); une vierge a.nonym e d'Antioche (recens e~Je,npluni) <lorlL
chasteté, elle aime la lumièi•e et est 1nessagère de pa_ix (De l'hi~ toire est contée longuèmont (11, '•• 22-33, 212-216); Pélagie
baptisrno 8; PL 1, 1.209, et. CSEL 20, p. 20?; De 1nono• qui, avoc sa 1nèro et sos sœurs, 1>rété1•a une niort volontait•o à la
gamia 8; Pl, 2, 940b, et CSEL 76, p. 60; Adver/JIJ.11 Valen- portç do sa vertu (n1 1 7, 82·86, 229-231): Soth.ère enfin, la tante
tinianos 2-8, PL 2, 544-545). Nous touchons ici au syil1- de l'évêque de Milan et de sa sœur Marcelline (111, 7, 37-88,
bolisme des animau:x dans la littérature et l'art, immense 231•:!:32),
domaine sur leqt1el débouche cette forme de l'ex11n1,pl1un, Il faut nol:el' l'i1nportance prise, d ès cotte époque,
d6jà bien représentée chez Tertullien, en attendant que par les exen1ples ernpruntés à la littéral.ure hagiogra-
le Physiologus contribue l~ l'extraordinaire développe- phique, ot en tout premier lieu à celle des martyrs.
, ment qu'il prendra au moyen llge. Au ;:ie siècle, Léon le Grand les r ecommandera de préfé-
l,es exe,npla de 'l'ertullien ont fait l'objet d'une étude rence à tout autre:« ad erudiendu1n Del poputum, nuHo-
d'ensemble : Il. Pétré, L'exeniplttrn citez Tertullien, run1 est utilior forma quam n1artyrum. Sit eloquentiu
Paris, 19tl0. facilis ad exhortandum,'sit ratio e.lncax ad suadendum,
.
2. Après Tortullien. - Nous ne ferons que quel- vali<liora tamen sunt exe1npla qua,n verba » (Scrmo 85,
ques sondages pour montrer le développemt'lnt de 1, PL 51,, t,35b). Quand, au type du martyr, aura succédé
l'exempl1un, de Tertullien au moyen âge, celui de l'ascète, d'innombrables anecdotes de la litté-
1° Sntnt Ambroise. - Deux catégories d'11:r.empla. rat.ur•e monastique deviendront des exetnpla.
permettent de caractériser la position d'Arnb1•oise : L11 principale étude sur la morale d'Ambroise est l'ouvrage,
1) Dans le Dc·otficiis ministroru,n, << 1uorale eu action un }\CU vieilU, de R. 'l'hamin, Saint Anibroi.~e et la 111orafo
Llr~e de l'histoire sainte», dont on sait les rapports avec dirét.ic1111c au rv• si~cle, Paris, 1895. Lès axernples du De offeciis
le De offeciis de Cicéron,« livre d'or de la vertu païenne», sont. ot.11di6s p. 2'1!,-21,9; ceux dos traités sur la virg)niLé, p, 850-
l'auteur a pris nettemen t poslt.ion : il a délibéré1nent 352.
négligé les exemples roxnains et profanes, saur pour les 2° Saint Jérôme. - J érô1ne r•este fidèle à la traditi<,>n
rabaisser au profit des exemples bibliques ou chrétiens. de 1'1:3:emplumsous sa double forme profane et biblique.
Soul peut-être Fabricius trouve grâce à ses yeux (u,, 15, On peut le constater dans l' Adc,ersttS J'oc,inianurn et
l>ICTIONNAIRB DE SPIIITTIJAl,IT P., - T, IV, 60
1891 EX·EMPLOM 1892
dans les lettres ressortissant au genre litt.é1'aire de la 3° BAfnt AuguaUn. - · Do saint Augustin, ll01l$ .no
« consolation ». incntionnerons que deux fai,ts : 1~ le jugernent qu'il
1) Jérôme s'autorise de la pratique de son adversaire a porté sur los exe,npla des anciens ~•omains, qti'-il ,cifie
Jovcïnien, ~ui faisait un usage abondant de l'eaJempluni, et commente abondamment dans les premiers livres tle
pour se lrvrer à une véritable débauche d'exemples la Oit~ de D~eu. Les chréti.ens sont invités 'à les regarde_r, pé
empruntés à la Jitt.ôratnre profane. pour titl'e stimulés par la honte ou préservés de l'orgueil : all
" N~bi~ proposita necessariae cornmonitionis oxfimpla, de
• Quoninm intAllexi in corrunonlarHs advors9.l'il provoo&i ut, s1 v1rtutes quarum istae utcumque sunt similes quas
no~ ad niundi snpient,inrn .. , parc11rr11m brovHor graecas et ne
latin~~ bll!'ba_r~s~t1e hi,storiQS et doci::bo vlrglnllate1n semper i~Li pl'o civitatis terrenao gloria tenuerunt, pr~ Dei tiE
tenu1sse pt1d1c1t1aé pr1nclpalum • (Advcrsus Jovini.a11un1 1 gloriosissima civitate non ,tenuerimus, pudore .punga• de
4_1., PL 23, 270ali). ~uivont de 1nultiplea ex:emples 11hu11: 1nur; si -tenuerimus, superbia non extollamur ~ (v, 18, et
t11,sant à coUo conclus1on par laquelle il juatiOe leur nôrnbrë :.i, PL /11, 165a; cf V, 1·6, 160d). ,à
11xcessif : • UL quae clu•istianae pudicitiae daspiciunt fidorn
discar1t ~rùtcm ab ethnicis ?natitntern , ((,7, 276h). Tandis qu~ 2) Le rôle joué dans sa propre convel'sion ·par ce t
los exemples paren/! font surta aux exernples bibliques et chré• f(UO P. de Labriolle n appelé la « contagion de l'exemple>•. (F
tiens, dans le 6econd livré, à propos du Jonno, ils se présentent J ,e récit des Confessions (vru, 1-7) témoigne de l'influenèe dE
dans l'ordre invorso (2, 15, 805c), consi~lérable exercée par le caractère exemplaire des {1
Jirem1ères biographies chrétiennes, en ,partîctilicr à
2) Plusieurs lettres de J é1•ô1ne {Ep. 2a, 39, 60, 66, ]:\ Vie de srLirtt Antoine par saint Athanase., très tôt
?5, 77, 79, 108, 118, 127) sont de véritables « consola- traduite en latin et largon1ent diffusée. di
tions » et ont été étudiées à ce titre par Ch. Favez (en A partir de cette êpt>que, le développement du -g8'llra sa
même ten~ps que d'autres spécimens du même genre biographique fournira une source abondante d'exemples d'
chez ~YP:1en, Ambroise, Paulin de Nole). L'exemplurn rinx écrivains et prédicateurs chrétien·s. Ce sont de til
constituait un dos éléments essentiels de ce genre HLLé- véritables recueils d'exc,npla que des monographies t.
raire, cornnte on peut le voir dans lr,s Consolations telles que les Vies de Paul de 1'71èbes, <k Malèhus, d1
de Sônèque. Ch. Favez a noté le peu d'importance <l'.llilarion, par saint Jérôn:ie, .la Vié de sailit .Martin d't
• d?nné_ par les oon·s olateurs latins chrétiens aux·exemples (cornplétée par les Dialogues) de Sulpice-Sévère; ou ·-L
h~tonques profa~es : seul Jérôme y recourt, 'encore• rnieux encore les -séries de documents biographiques ta
_es·t-oo presque u111quernent dans l'Ep. 60 où il s'inspire :;ur les Pères du désert et les 1noines que sont (pour ,ne di
p~obablemon.t de la Co,isoùttio aujourd'hui perdue de parler que des latins) los Vitae Patrum, les lnstitu.iions 0:(
Cicéron. P-our Jérôme, comme pour Tel'tullien, ·ce sont nt les ,Conférences de Cassien, l'œuvre l1aglographique ti
dès ,exernples étrangers (aliena), ·q u'il oppose aux exem- de Grégoire de 'f.ours. Ains.l se trouve ·constitué Je riche dl
ples chrétiens ( nostra). \réso1· o~, v iendra puisel' -inlassablement le moyen cl'
. Il ne.ci~e la ~lu part d'énlro oux quo par prété1·ition : « ne la
fige.
v,den; po_ta~•s ah?na qua1n nostra quacsisse •· Ils ont po11r elle!, l·Iélèno PÉTnÈ. 81
al! atrgnratiser ! ln~uf!1sanc~ de notre foi : • si non praestat JC
fldea quod oxh1bu1t 1nllclchtas • (60, 5, PL 22, 592d-598a). o. AU MOYEN AGE m
D11ns uno lottre ultérieure (Ep. 70), J0rôrne devra toutofols
1. Les types d''exemplum. - Nous n'é-tudierons
a
~8 justifier auprès de l'orateur ~lngn11a <1'11voir cité cos exo111ples:
' • Quaorls... cur... candor.em ecclesiae ethni<Jorurn sordibus ir,i que l'usage de l'exemplum dans la littérature chré-
t
'le
polluarous " (?O, 2, 665n). li hi Jern. on 1ôgi(irunnt l'utilisation tienne d'Oc,cident. J.-Th. Welter en distingue ,douze 8!
d? 1~ culture profnne en i;onéral, en s'appuyant sui• los éc1•ivains types au moyen âge : cxc1nplu.1n biblique, pieux, hagio-
b1b.hq11e~ (Moiaâ, les prophôlês, Paul), sui• les écrivains clu·étiens graphique, prosopopée, profane, Jlisto1•iquo; légendaire, é<
'Cl
antérieurs, et sur Deut. 21, 10-1il, si souvent utilisé à cette fin nooLe, fable, moralité, prodige (1nirabile) et personnel.
po.r le,~ autours chrolicns. le
l,es plus hnportants sont l'exemplutn biblique, l'exem. d
Les exernples bibliques tiennent, dans la consolation plum profane, le récit dévot et l'exemplum moralité. C4
hiéronymienne, ·une place beaucoup plus considérable. L'excmplurn biblique et I'cxe1nplurn profane viennent V
Selon la remarque de Ch. Favei ils interviennent à d'ütre présentés. .Les Vi'tae J>a1ru1n, les Çollationes l',
. '
tl !v~rses ll~s. : cxc!11ples à ne pas suivre, personnages d•
l'atrum et les Acta sanctoru,n surtout ont donné .nais•
b1bh~ues 01Les à L1L1•e de con1pal'aison dans l'éloge des f.anco au type d'11xempl1an le plus 1'6pandu dans la Il
qualités du mort, exe,nples servant à justifier une idée litlératur•e religieuse du 1noyen ,âge, I'exernplum dévot. 11!
à faire ressortir une vérité théologique, exemples qul A ces sources il convient d'ajouter les miracles de Notre-
sont pour nous un l'eproclie ou une exhortation. Ainsi J)amo et les miracles eucharistiqu~s.
sont présenté.es la patience de Job, de Tobie, des Les ,r,ources préférées de 'l'exernpluni rnoralit6 sont les
apôtres; la foi et la piété d'l\.'braham; la bonté et la traités d'histoi,·e naturelle et de géographie, rnais a.iles
chasteté _(t'lsaa~; la chastet'é de Juditll, d'Anne; l'obéis- 11,euvent litre tout autres : tradition populaire, expé·
sanco dos patriarches et de Paul i1 la volonté dlvln!il. r,ence personnelle, etc. li est. surtout exploité à partir
Nous restons dans la ligne tracée par Tertullien et ctu 14.e siècle, dans les recueils, en vue d'un enselgno-
Arnbroise. · 1nen t allégorique. Il est. souvent de caractère .merveil-
SurJ'.usnge de l'e:ccn1p/14111 chez .,lérl)rne, on •peut consult.ur leux ou rnirar-uleux, et il est alors particullèrenlont en
Ch. Favez, La :,1>n&~lati1>n lat.ine chrétienne, Paris, 1937, p. 60· raveur chez les prédicateurs populaires.
62 (exe~1ples lusl_or1ques), p. 101-105 (oxo1nples bibliques), - Quel que soit le Lype, considéré, l'exemplum se pré-
F. Cavâllera, Saint Jérdnic, L. 1, Louvain, 1922, p. 153-163 sente au moyen âge sous la forme d'un récit autonome,, d
(Advers1ts Jovini{lntun) _et p. 180•188 (éloges runèbrei,J. - p
lor-alisé ou non dans le temps et l'espace, dont la longueur t,
Ilarald _Hage_ndahl, T,<,ttfl F11thcrs ra,,1 the. <?la.~sia.s. A study peut varier de trols à quarante lignes, mais se place
on the apolog1sts, Jerr>1ne and other chri.stian writers Gololiorg b
1958, en particulier p. 202-209 et 30~·828. - M. 'v111or, art: nn général et)tro dix et vingt. Aisément con1pris et
n~Lenu, agréable à entendre, il a pour but d'élucider,
E
C0Nso1.AT10N c1111tTIENNE, DS, t. 2, col. 1611-1613. ,o,
,
f893 L'EXEMPLUM AU MOYEN AGE 1894
.ne
u'il d'expliquer ou de compléter on l'illustrant un enseigne- coinprendre a,ux diverses classes, et patticulièrernent
iite men:t chrétien. aux esprits simples, les grandes vérités de la religion
de . chrétienne. Selon Humbert de Romans, les exompla
lei', 2. DéveloppeIDent. - L'oxo1nplu1n, hérit-é de la doivent t\tro appropriés au · degr6 d'instruction des
1il ; pérJode patristique, continue, en effet, de se développer auctitell.l's. Le pré.dicateur .doit pr.oéédeJ1,avec modération
ri a, au moyen âge. Dans la prédication, Grégoire le Grand -e t utiliser un ou deux c:vempla au plus par sermon, en
las donne à l'exe,nplum hagiographique une iinportance manière ,de C\On flrmation. Il doit écarter tout récit
~ei nouvelle dans ses homélies-et ses Dialogues. Il se 1nain- dénué de véracité. et ne faire usage que de ·c eux qui
ra• ticnt dans l'œuvre l1ouülétique d'Odon de Cluny t 942, s'appuieRt sur une autol'ité co1npétente : maîtres en
lS, de .Rathier. de Vérone t 974, d'Aelfr•ic (t vers 1020) thi:ologle, ëvêques, Pères du désert, saint:$, .docteurs
et de saint Wulfstan t 1095. Alot·s que le sermon tend de l 'Églisa, Bible, grands philosophes e·t nàturalis tes.
à recevoir une for1ne organique, Guibert de Nogent Les théoriciens franciscains font ressortir l'utilité de
ce t 't'12',, dans son Liber qu.ô ordin~ 1.1ermo fieri debet l'e.1:1unplum ,co1nn1e la ,seule forme d'enscigna1nent q\1i
. (PL 156, 21-82), recommande semblablement l'emploi cou vienne ù l'intelligence du peuple.
roe de1'excmplu1n. Déjà Abélard t 1142 et Honorius d':Autun Les prédicateu11s des orch•es mendiants assurent au
les (12e siècle) émaillent leurs œuvres de récit,<; qui tendent pt•oc6d$ une dilTusion ilnrnensa. Il tient aussi .une place
1er à faire partie intégrante du sermon. de choix: chez la plupart dei; prédicateurs cisterciens,
;àt Parallèlement, l'excmpluni a sa !)lace dans les traités en particulier choz J-Iélinand de F-1·oidmont (1170-1220)
des écrivains ecclésiastiques . médiév.aux important.<J, et Césaire de l lelsterbach (1180?-1240), dont le Dialogu,i
,re sans parJer de la C'o,isolatwn de Boèco et des Étymologies n1ii·aculoru1n et les homélies, bou1•rés .d'exen1pla (cf DS,
tes d; lsldor'8 de Séville. Odon de• Cluny, dans ·ses Colla-
1
t. :.!, col. {.8-0-482)., sont devenus la source favorite de
de tio11es •(PL 138; cf Vies des saints et de.9 bienheureux, no1nbreux ptédicateurs, moralistes ou compilateurs.
os t. 11, novembre, Paris, 195ft, p. 625-628), élargit son Lei; exe,npla abondent -égaleÇlent chez le chanoine
is, do,naina en ajoutant aux i;ou1•ces anci~nnes dos visions régulier de Sain~-Augustin Jacques de Vitry, .chez le
. de son temps et des réciLs tirés de sa propre expérience.
in célùbre prétlicateur populaire Nicolas de Dyard t 1250,
)U :Les opuscules de Pierre Damien t 1072 attestent la ,e L, en Angleterre, chez Eudes de Cheriton i" 1247., le
es -laveur de l'exemplurr1 au 11 o siècle. Mais au 12 1\ la place bénédictin 1'homas Drin ton -i- 1889, évêque de Rochester,
Ile de· celui-ci dans la production didactique augmente et ,Joan Mirk (fin 146 sièr-le). En Allemagne, le fait le '
ri,.; considérable1nent. Les maîtres do Ja spititualité bénédic- plu:; no.tuble est de voil' Jes grands mystiques du 14° siè•
16 tine et cistercienne, Pierre le vénérahle t 1156, l-lerba1·L cle (Eckhart, Tauler, Suso~ entraîner les pr.édicateurs
1e de Torrès t 1179, Conrad d'Eberhach (début du 13° siè- à suivro Je-courant du moment.
~n cle), en font la base de leurs traités destinés à ali1nènter L'Rxemp·lurn se retrouve pareille,nent chez 'les chroni-
la piété des religieux. Les chroniqueurs l'afTectionnent queurs, les mystiques, les professeurs et les m.oralistes.
spécialement. Dans le domaine de l'enseignement, il Il apparaît dan~ la chronique universelle d'Hélinand,
Joue un rôle inconnu jusqu'alors. -Il agrémente le Liber dan!; le Speculurn histor.iale de Vincent de Beauvais
moraliu1ri dogmatis philosophoruni de Guillaume de t 126<., dans les chroniq11es anglaises, allomandea et
18
Conches t 1153, le Polycratious de ,Jean de Salisbury italiennes. li se i•épand dans-les traités .d e dé:vo.tion.
a- t 1'180, le 'Jlcrbum abbre"iaturn et. le De sacramentis Les légendiers multiplient de mêrne les cxcmpla, en
lcga:libus de Pierre le chantre t 1197. La prédication parlicu1ier• la Lég,;:ndo dorée de .Jacques ·de 'Voragine
est, à cette époque, on 1>leine renaissance. Mais les textes, t 1298, dqnL nul n'ignore le prodigieux succès. Parmi
édités et plus encol'e inédits, qui ont été 'Conservés, los pro'ductions de la th6o'logie dogînatlque qui font une
contiennent peu d'e:i:empla. En efîet, il s'agit principa- g!'aru.le place à I'c:ceniplum, il faut signaler le 11onum. uni-
lement de textes résumés, abrégés et de se1'1nons syno• "ers<1le d11 (Lpib«s de Thomas de Cantiinpré (t avant.
claux ou adressés à des clercs. A titre d'exception 1280; :t O ,éd. vers 1478), lo Tractatus de oculô moral,:
cepend!111t, on peut citer les sei:nions de Julien de <le P ierre de Limoges t 130(A et la Suni,na de exo,nplis
lt Vézelay, transcrits de façon assez <létailléo, ceux de contra cuniosos de -S ervasanctus (14c ·siècle).
l'évêque de Paris Mau~ice de Sully t 1196, d'Étienne Les formes et les types sont encore plus ·variés ot les
de- Tournai t ' 1208, qui utilisent les C:1Jempla incidemment. sources se sont multipliées, en pru-ticulier avec la connais-
a Il es't fort probable que les sot•rnons a.d popul,.1,m, q'lli sance des littératul'es otientâles sous l'influence des
t. no nous sont pas parvenus, en faisaient un grand usage, croisades. l,'élé1nent profane ost devenu presquc aussi
car .les no1nbreux recueils du 18" .siècle supposent une ünportant que l'élément religieux et il .arr-ive quo l'exe1n-
tradition orale solidement établie. Les chapiteaux his- .pl1urt prenne la fo,•me d'un -conte plus fait pour ,divcr,til'
1$ 'toriés du lJ.28 siècle ot ies peintures ·des màhuscrits do que p:0111• Jnstruire.
s ,Ja1nême époque en sont une preuve certaine.
,. Avec les ·siècles, le domai-ne de l'etce,npluni s'est élargi r.. Les recueils d'exempla. - Dans la second&
r et trQn voit se développel' le go1lt pour •l 'anecdote dans 1noi t.ié du 13 8 siècle apparaissent les pr.emiers recueils.
'• -l'expost'l de la doctr•ine et do .Ja moi•ale chrétiennes. Las qui consacrent Je plein épanouissement de l'exe1nplu1n.
'[• types définitifs sont constitués et une immense 1natière Les p1'édica1.eurs ont bientôt ces manuels entre~es mains
Il anecdotique se tl'ouve rassemblée. •en 111ême -temps que les recueils de ·sermons et les réper-.
toircs de distinctions. Ils se répandent avec ·Je temps.
• 3. Épanouissement. - Les nouveaux .théoriciens dans tout l'Occident chrétien. On distingue :
de l'éloquence, Alain de Lille t ·1202 /3 ( fiurnma de arte 1" Les recueils à ordre logique, dans lesquels un
pr.aeœicataria), Jacques de Vitl'y t 1'240, saint Bonaven• exposé dogmatique sert.de cadve aux différents exompla.
turo t 127ft, Humhel't ·de Romans t 1277, précisent Je Ce sont les plus non1breux. Le pranlier en date, en
bu.t et l'emploi de I'exe1nplum. Il apparaît à .Illtienne de mônui te1nps t'JUe le plus important, est le "l'ractatus de
Bourbon t 1261 (Tracta/us de dùJersis materii.s .praedi- di11ersis ,naeeriis praèd~cabilibus d'Étienno de Bourbon,
•' 1cabilibus) comme un n1oyen d'élection pour faire qui réunit près de 3 000 exempta.
1895 EXEMPl,UM 1896 18!
• 2° Les recueils à ordre alphablltique, dans lesquels plus en plus son originalité. Alors que les deux silioles tar
los ea:empla sont classés sous l'initiale des différentes p1•6céderits · avaient vu l'éclosion de nombreux recueils 01(1
obligations religieuses 1;1t morales du chrétien. On en (l'exenipla originaux, les recueils compilés au 15e siècle pre
connaît huit, dont les plus lrnportants sont l'Alphabetum ne sont et1 grande partie que la reproduction des recueils ene
narraiionu,n d'Arnold de Liège (11,0 siècle), qui groupe nntérieurs. Faute d'aliments, le genre se perpétue sans au
plus do 800 exenipla et fut traduit au siècle suivant eu Sl:l renouveler. D'autre part, l'e:.r;emplum tend parfois iatl
anglais, en castillan et en français, la Scala celi de ü se dépouiller de son caractère religieux et moral au '
'1di
Joan Gobi le jeune (t après 1850), et la Su1tuna praedi- pt•ollt d'une application séculière. . 151
cantiuni de J ean Bl'o1nyard (fin 14 8 siècle), qui connu• l?ourtant; on remarque l'absence de tout récit tiré de l'nnti- gr.G
rent également un succèi; J)l'Olongé. On peut citer aussi 1ptité proCano dans le Speculurn exemplorum, vaste compilation et
la 'l'abula exeniplorum secunduni ordine1ti alphabeti, tlo 1 2a6 oxcrnpla, 17'
recueil d'excmpla cornpilé on France vers 1277 et dont Co Spcc1d1un (ou Mag11un1 specttli,m., etc), anony,ne, Dovcn• rai
on sait maintenant qu'il s'agit l/J, d'un texte abrégé du 101·, 1481, repris et publl6 par Jean Major s j, Douai, 1608, do
<:L par son confrère Joan Davroult, a fait l'objet d'une très
Liber de sùnilitudinibus et excmpli8. vo
intéreasilnte étude do Bonaventure Krultwiigon, franciscain, Jé
8° Les recueils d'e:.cempla moralisés. On no les voit /,,; Speculun1 exe1nplor1i1n entre les 1nai11s de SaPonarole q Brescia
pas apparaître avant le 1 t,Q siècle. Ils peuvent être à (dilns los Misccllclnca Giovanni Merca.ti, t. '•• coll. St1.1di e 'fesll pa
ordre logique ou alphabéUque, et leur principale 121,, Cité du Vatican, 19116, p. 20\l•2it~), qui déborde largo1nont tri
caractéristique est qu'ils font suiv1·e chaque e:.cempluni sun tit1·e. dé
d'une interprétation all6gorique ou symbolique, appli- Le l'ecueil espagnol El Libro 1k los E11:1:e1nplos, co1npil6 au pr
quée de pr6férence à l'e:reniplum moralité et à l'exem• début du 15• aièc:le par Cle1nente Sanehez Vercia! (éd. dans 1~ en
coll. Biblioteca do autores espanolos, t. 51, p. 443•5~2) et dont tu
plum profane. Ce typo se constitue lentement et n'arrive los sources sont extrêmement variées; l'Oprésente bien la pro•
à son stado final que dans la Gesta Roman.orum, compi• tri
,luction du siècle avec son absence d'o1•iginalité. dû
lation d'origine anglaise dont le succès ne fut dépassé
par aucune production du moyen âge, exception faite Dans la chaire, saint Vincent Ferrier t 1419 délaisse se:
'
Sl!
de la Légende dorée. presque complètement J'e:vemplu1n profane. En l'evanchc,
VO
A; Lecoy de la Marche reproduit, pour l'es.~entiel, le Trac1at1i,s, son contemporain Jean Gerson t 11,29, sans abandonner,
)C)in de là, les récits pieux, utilise plus encore le$ exempla au
de di11er8Î8 praedic11bili//11s... secundum stpttrn dona Spirit11$
,Sancli d'Jîltionno de Bourboµ op sous le titre d'Anecdotlls histQ• tirés de la mythologie et de l'histoire grecque et romaine -pr
riques, légendes cl apologues tirés dti reoueii inédit d' Élicnrie <k (cf L. Mourio, J ean Gerson prédicateur, français, in
,Bourbon, Paris, 1.877, - J,•D, Pitra a. don,l6 sous le titre de Jlrugcs, 1952, p. 888-894). Dans les Sermonos domi11i•
Spcctilum creniplorum des extraits des Scrn1ones uulgarcs cales d'Olivier Maillard t 1502, les exempla occupent
do Jacques de Vitry, dans Analecta 110Pissirna spieilsgii soles• et
m.tJnsis, t, 2, Frascuti, 1.888, p. 448•(•89. - G. Frenken, Die une place égale aux argun1ents d'autorité et de raison.
1.'excmplurn envahit, le Çurdiale (Quatuor no'1issi,na
gr
E;,;cmpla des JacQb von .Vitry, Ein Bèitrar; :ur Geschichtc dèr q1
Erziihlungslitcrantr des lffittcl1iltcrs, coll. Qucllen und Untar- cu rn ,nriltis excrnplis pulch1Jrrimis), petit traité de dévo-
1{
suchungen zur l11tolnisohen Philologie des l\iittelalters, lîon de Géra1•d do Vliederhoven (t 15~ siècle), au point b(
Munich, 191.t,. - Paul Meyer et L. S1nith, Lès cc>ntlls n,oralisés qu'il est Iréque1n1nent utilisé comme r6pertoire de
de Nic1>ld Bo%on, Pari,~, 1889. - Liber cx~111plorun1 ad t1stini 1(
textes et d'exempla. Le typo dévot l'emporte dans les
praadic1111tiu1n, éd. A. O. Litllo, Aberdeen, 1908. - J.-Th, e~
traités d'édification et le type profane domine dans les
Welte.r, Un rccu.cil (l'exernpla d1, x 111• si4c/<1, dans .Studcs traités didactiques.
SE
franciscaines, t. 30, 1913, p. 646•665; t. 81, 1914, p. 1 9'••213, (]
.S-l-2-320. - J.,c Speculun1 lci.icorurn, éd. J, •Th. Welter, Paris, Il convient de signaler spécînle,nent, en 1•aison dl:l son -- Cl
1914. - Liber e:r.ernploru.ni jr().tru,n ,ninoru,,/ sacculi x1u, éd. influence, le De exemplis et doc1111tentis authcntici.s de Denys le v,
L. Ollger, dans Antonianun1, 1,. 2, 1927, p. 213-276. -$. L. Forte, ehortreux t 11,71 (Cologne, 1532; Opera., t. 39, '1'011rnai, 1!.110,
p. 573-621). En 68 .1rticles, Donys rapporta dos excn1pla l'E
A Cambridge .Do,ninican r,,>llector of Exc111pla in the thirteenth q·
Caniury, dans Archic•urn fratruni praedir.atortun, t. 28, 1958, 6di flants tirés des œ1.1vres de Jean Cassien 1Jt de .Jean Climaque,
p. 115-1',8, - Ang1;1lo Monteverdi o. analyso los Escmpi du qui ne so trouvent pas, précise-t-il d11ns le prooenu:um, dnna le,q le
Sper.chio di Pcra pe11ite11.za de Jacopo Passavanti o p, 14• sièclo, I' ùac Patru,n. li lès récrit en style plus 1noderne et ternline 1:
da11s ses S11uli e saggi s1dla letteratura italia11a tlei primi secoli, ordinairement chacun d'eux pur une leçon de saveur scrlptu• V
Milan-Naples, 1054, étude déjà parue en 191ll-1914, - On ne 1·aire. Les quatre derniera constituent une aorte de chaine de g
peut oJDettro de rappeler les pages de I.,éopold Delisle sur les ,lôcu111enta, de proverbe~ ou de Cêrltons spirituels, extraits de la tt
Autetir.~ anonym,cs de recueils d'excmple.i art 14• sièck:, dans I' His• Scala Parculisi. p
toir~ tiuérairo ile la France, t. a1, Pnris, 189a, p. 47-65. â
L'exsmplu.m biblique a été particulièrement florissant au Dl. L'EXEMPI.UM 'A L'e.POQUE MODERNE
13• ot au 14• siècle. Voir, par exe,nplc, les Virtutum vitio• J .-Th. Welter constate ce qu'il appelle le « déclin
run1gue exct1i})la ex sacri.s Litteris (Tubingue, 1588, elc) du p
irrémédiable » de l'e~ernplurn au 15° siècle dans la chaire p
do1ninicain Nicolâs de H::inllpOs t 1291, et le Spccu/u.m
morale totius sacrac S1:ripturae du cardinul Crànêiscaln Vitul du c;hrétienne. La constatation est exacte si l'on envisage s
Four t 1327. Cf art. 8xooll, DB, t. li, col. 1989. surtout, com1ne il le fait, l'originalité du genre. Mais le F
Sur l'ulil}satlon de l'exc1npl1tn1, par los n1orulistes, on pourra, procédé conserve une vitalité extrême. Welter lui-même 11
entrtl autres, consuHor E. J. Ar11ould, Le Mct.nuel des péché$, rappelle quo Michel Menot t 1518 e1nploie largement I:
JJ:tude de littt!rature rcligi~µ.se anglo-normande (x111• siècle), i'c:.ccniplu,n 1noralité et l' exeniplum personnel pour (
Paris, t9t,Q, ch. 8 Les t,:cJnipla du Ma,,iiel, p. 107-184; ch. t, ruhniner contre les vices de son ten1ps. Et, pour expli· Q
Les so,,rces des cxcrn.pla, p. 185-1 92. quer le << déclin ., du geill'e, il n'invoque pas seu'lement 1
5. Déclin de l 'origin alité de l'exemplwn. - l'opposition de grands écrivains comme Danl:(i ou C
L'exemplum reste en honneur au 150 siècle et il continue ltrasme, sévères à l'égard de ces historiettes contraires C
à remplir le même rôle que par le passé dans les sermons à la vraie piété, il invoque aussi l'action des conciles) C
et dans les manuels d'. instruction religieuse et morale. nt il se réfère au cinquième concilo de Latran (15t 6), E
Il profite mênte de l'essor que pt-~nd alors la prédication :.tu concile de Sens de 1529, au concile do Milan de 1565 (

dans presque tout l'Occldoilt chrétien, mais il perd de et au concile de Bordeaux de 1624. Une réaction aussi (

1897 ' L'EXEMPI~UM A L'ÉPOQUE MODERNE 1898


tardive et aussi prolongée n'atteste-t-elle pas à sa Bornarùoa est d'une crédulité extraordinaire qui pourrait
maJ1ièro la survivance de l'exomplum jusque dans le surprondro chez un théologien de la p6rioùo post-lridonllntI.
premier quart du 17 8 siècle? Bien plus, il énumère Mals J, de Guibert (La .spiritualité de la Compagnie de Jésus,
elll!uite plusieurs compilations d'exempla imprimées p. 317) a rappelé quo lo go1ll des histoires morveUlouses était
général à r..ette époque, - au moins, pourrait-on sans doute
,au 150 et au 170 siècles (c'est ai nsi que la grande coinpi- prêciser, dnns les puys peu touchés par le pl'Qtestantisme, le
latlon de Jean 1-lerolt t 1468, Exempla virtutu,n et ja.neénisn111 et le cartés.ianisme à tendances · rationalistes. Ce
vitiorum, éditée avant. 1500, est réimprin1ée à Bâle on goOt semble en effet avoir été aussi répandu en Italie qu'en
1555; voir d'autres cas tardifs dans Jean Dagens, Biblio- Elspagno ut au Portugal. /· do ()uil)ort apporte sur co point
grapltic cltronologique de la littt!raturc de spiritualité plusieurs lrall.s signlflcall!s. Eln 1fi95, lorsque le jôsullo A. Ga·
tt do ses sources (1601-1610), Par·is, 1952, p. 169 at glinrdi t ·1607 soumet à son sup61•lour g6néral Claude Aquaviva
179), avec un prolongement affaibli au t8° siècle, et Il son truitt\ l)c àoctrina i11wriori, celui•ci lui demande d'ajouter
_rappelle l'emploi de l'cxc,nplum par saint François des citations des Pères et des er,;e111pla (p. 21,7 et 249), Cette
requête Ha trouve exaucée dans le De disciplina christia-11ae
de Sales et par Alphonse Itodrlguaz (sur ce dernier perfeotionis de Bernurdino Rossignoli t 1613 paru en 1600
voir J. de Guibert, La 1Jpiritualité de la Co,npa.gnie de (p. 249), ,nais en Italie l'apogée socnble atteint _par les
Jésus, Roine, 1 953, p. 250 et 252; l'Ejcrcicio de perfeccio,1 très nom brouses publications de Cl\l'lo Gregorio Ros.,ignoli
parait à Séville en 1609). Il ne semble donc pas que le t 1727, lesquelles s'échelonnent de i670 à 1707 (p. 317),
triomphe do la RenQissance et de l'humanisme ait tué et sont par conséq11ent exactement contemporaines de Ber-
définitivement le vieux procédé des moralistes et des nard()S 1111 Portugal.
prédicateurs médiévaux. A défaut d'une impossible 2. En France au 160 et au 170 eièoles. - Dans
enquête oxhaustivo, qulllques sondages dans la littéi•a- la littét;.~Lure françalae, on se trouve d'abord devant
tura religieu$e des principaux pays catlloJiques dé,non- saint François de Sales t 1622, et l'on constate que, si
treront que l'cxe1nplu1n, même sous ses formes les plus l'évêque de Genève raconte volontiers des épisodes de
discutables, demeure indéracinable ot résiste victorieu- la vie des saints, il ne recourt à l'exemplu,n qu'avec
sement aux elTorts des conciles et des autorités ecclé- une discrétion extrême. II s'en servait au catéchisme
siastiques comme aux courants d'idées les plus défa- (et Paul Broutln, La réfor1ne pastorale en France a,.i .1
vorables. Notons qu'il ne faut pas s'adresser uniquement 17° siècle, t. 1, P aris, 1956, p. 80), 1nais le procédé
a11x sermonnaires. En effet, l'exeniplum est surtout un n'apparaît à peu près pas dans l'lntroduction a la vie
procédé de p1•édicatlon qui a été très norrnalement a,vote, e t l'on relève seulement quatre exempla, rela-
int~odult dans d'autres genres religieux. tivernenL étendus il est vrai, dans le Trait·é de l'a,nour
de Dieu. (1616) (liv. 7, oh. 12 ('deux); liv. 10, ch. 8;
1. Eu Espagne, au Portugal et on Italie au 160
liv. 12, ch. 5). Dans la grande prédication classique du
. et au 17~ eièoles. - Dans la littérature espa-
17° siècl~), - chez Bossuet, Bourdaloue, Massillon, etc
gnole, on s'attachera à trois cas regardés comme typi- -, l'exen1plu1n a complètement disparu. Il est en effet
quea : !'augustin du ?vfexique Diego Ba..<Jalenque (157?- surtout un procédé do prédication populaire, et cette
1651 ; cf DS, t. 1, col. 12?3), le j ésuite Eusebio Nierem-
prédication classique n'est aucunement une prédication
berg (1595-1658) et le séculier Crist6bal Lozano (1609- populaire. Elle s'adresse à une élite qui, sous l'influence
1667). Le p1•ernier, dans son ouvrage' ascétique MuertR convergente du protestantisme, du cartésianisme et du
en vida y vida, en rnuerte (1 ° éd., El Escorial, 1933), le jansénisine, accepte malaisément le caractère familier ou
ijecond, dans, sa Diferencia. entre lo temporal y etcrno
merveilleux des exernpla médiévaux. Disposition intellec-
(Madr•id, 161,0), accumulent les cxcmpla dQ toutes les tuelle qui n'a pu qu'être renforcée par la critique, parfai-
catégories, parfois très prodigieux (rnirabilia.) et sou- tement i;aino, d'un JQan Mabillon, et d'autres, moins
vent invraisemblables. Quant à Loza.no, ses ouvrages illustres et parfois 1noins sû1·s, co1n1ne J .-B. Thiers. qui
religieux contiennElnt une si forte proportion d'c:xempkz, s'inspiraient du même esprit (cf Paul Hotter, La dévotion à
qu'on a pu en constituer deux volumes entiers, sous Marie au. déclin du 17° siècle, I'aris, 1988, p. 88•47).
le titre de H-istorias y lcyet1das (coll. CUt$icos castellanos
1.20-121, Madrid, 191,8). Ces exenipla sont d'une extrême Au surplus, les homn1es qui ont réformé ou restauré
variété. Beaucoup sont enipruntés à l'histoire do l'Espa- le catholicisme français entre 1600 et 1660 no devaient
gne. Mais on t1·ouve aussi l'exe,nplum gréco-latin comrne guère apprécier l'exem.pl1.im, en particulier l'exemplum
toute une série d'anecdotes édifiantes ou rnerveilleuses gréco-lat.in et le 1nira.bile. Le cardinal de Bérulle t 1629
prises à la Léga11de dorée et aux autres recueils du moyen est un esprit trop abstrait et trop const'a mment sublime
âge. 1
po\1r attacher une valeur aux historl.ettes prodigieuses
Dans les littératures hispaniques, l'apogée de l'cxern• du moye11 Age, trop constamment grave pour les racon-
plum sous toutes ses formes est sans doute atteint ter en souriant, trop systématiquement religieux pour
pendant la seconde moitié du 17c siècle avec le traité de se plaire à évoquer les fab1es de la mythologie. Adrien
spiritualité intitulé Luze calor (Lisbonne, 11626; 2 vol., Bourdoise t 1665 et J ean-Jacques Olier t 1657 ne sorit
Porto, 1953; voir RAfvl, t. 35, 1 ~159, p. 43-59) et surtout ni des attardés ni des antiquaires, 11aînt Vincent de
la Nor,,a floresta du grand prosateur portugais Manuel Paul t 1660 non plus. Nous connaissons les sentiments
Bernardes, prêtre de l 'Oratoire de saint Philippe Néri de celui-r,i sur les exempla. 11 veut bien les admettre,
(5 vol., Lisbonne, 1706-1728; Porto, 1949; sur l'auteur, niais à trois conditions : qu'ils soient, dit-il,« 1° beaux;
qui vécut de l6't4 à 1710, cf DS, t. 1, col. 151~). La 2e authentiques et tirés, s'il se peut, de lasain:te ~crituro
JVoPa floresta n'est pas autre chose qu'une .i nternünable ou des saints P6res, ou de l'histoire ecclésiastique, ou
collection d'exernpla groupés sous différents chefs et de quelques grands auteurs; 8° bien choisis, et propres
commentés parfois copieusernent. Le C!lS de cet écrivain à ceux à qui l 'on parle 1• (Abrégé de la méth(Jde,de pr4cher,
confirme la survivance de l'cxemplurn tout au long des dans J. <:alvet, Saint Vincent ck Paul, coll. Dibliotllèque
années qui précèdent son activité, car il va souvent française, Paris, 1918, p. 289). On voit que les conditions
chercher ses historiettes chez d'{l.utres auteurs religieux posées par saint Vincent de Paul excluent ipso facto
du 16c et 17e siècle. l'exemplum sous ses fo1·me$ principales.
1899' EXEMPLUM 1900
Pour retrouver l'e:r.emplum en France an 17° siècle, de Grenade {1505-1588) ne lait à l'exe,nplum q.u'une
il faut aller le cheJ!cher chez d'autres pl'édicateul's place extrêmement limitée. Encore s'agitcil plutôt de
populaires. L'enquête est difficile parce que, le plus sou- l'évocation,. parfois très brève, d'un souvenir bibliqµe
vent, la prédication populaire ne laisse pas de traces ou historique; 1'auteur la distin~ue. i, peine· de la « simi,
écrites. L'éloquence d'un serrnonnaire aussi important litude » 011 « complll!aison. • (voir liv. 5,. ch.. 14), Son
que s'aint François Régis (1597-1640) noua est à peu près conte1nporain, le franciscain Diego de Estella (152,-
inconnue, et l'on. peut raire la rnême constatation à 1578), dans son Modus coticionantli (Salamanque, 157-6),
propos de. beaucoup d'autres. En revanche, nous avons réprouve t1•è_s vivement le rappel des prodiges saos
la chance do savoir que saint Jean Eudes (1601-1680), authenticité, « qui choquent beaucoup »; il n'accepte
a employé l'e:i:em.pliun, et sous son aspect le plus contes- guiJre que les l!Xèmpla tir6s dol' f.lcrituro. Lui non plus ne
table : il parsemait ses sermons de récits merveilleux distingue paa toujours les exemples et les comparaisons.
et, bien q,u'il fît un elîorL pour éviter toute crédulité La doctrine de l'Instrucci<Jn de pretlicadores (Grenade,
excessive, on a pu e:,timer que ses anecdotes mirac1.1leuses 1617) de Fl'ancisco Terrones del Cai\o (1551-1613)
comprouiettaient parfois la solidité de son argumenta- n'est pas très différente. Il donne de beaucoup la préfé-
tion (cf André Pioger, Un orateur de l' École française : 1•ence è !'Écriture et aux autours sacrés sur les auteurs
saint Jean ,Flude11, Paris, 1940, p. 67-76). p1·oranes, il l'ecommande la plus grande discrétion
J\,(icliel le Noblotz (1577-1652) usait pareîlle111ent de déclar1i- dans l'emploi des fictions et des fabulcu;, et il condamne
tio11s qui n'étaient autro choso q1n1 des e3:e111pla (cf Fe1·dinand formellement le recours à une f,J,bula dans l'exo1d'o
Renâud, Michel le Noblctz et las 11u'$sio11s bretonnes, Paris, 1.955, d'un sermon. D'aptès les recherches de F. O. Olmedo
p. 284-2:16), et l'on a reproché au l,lonheureux Julien .Mo.unoir (voir bibliographie), seuls deux théoriciens espagnols se
(1606-1688) un go(lt excessil pour les histoires ,nerveilleuses rnontrent franche1nent favorables à l'e~emplum : le
(ibideni, p. 10-11, 1?6, 258,335,888 et 345). On a relevé d'1u1tre franciscain Diego Valades (Rhet<>rica. cliristia.na, Pérouse',
part un passage de t.larie de l'Incarnation (Guyart) qui 11tLeslu 1579) et le jésuite Juan Bonifacio (1586-1606; Desapie,110
la survivance de l't1:r:H1npl.i,m en France dans la prédicatîon
courante au début du 17• siècle (Œ1,vrcs, préc6dées d'une fructU()SO, Burgos, 1589).
étude par Paul Renaud.in, coll. Mattres de la spirltuallt6 chré- 5. Décadence et survivance de l 'exemplum.
liènne, Paris, 1942., p. 55-56). , - Au 17° siècl8, les prédicateurs espagnols et portugais
a. Absence de l'exempluxn dans la grande banniront pI'esque complèterneot l'e:i:e,nplum de la
littérature mystique. - Si l'exemplum se maintient prédication savante, où ils le remplaceront, couune
' en Espagne chez les auteurs de second ordre cités plus procédé d'exposition et de démonstration, par le ,, con,
haut, il es1, co1nplètement absent dos grandes œuvres cepto predicable ». Au 18~ siècle, la décadence de
religieuses du 16e siècle, celles· d8 saint Ignace de L.oyola, l'exe,npliun sera encore précipitée,, au rnoin1:1· dans la pré-
Jean d'Avila, Louis de Gtenade, sainte Thérèse, saint dication d'apparat, par l'influence française : à la cour
Jiean de la Croix, Louis de Léon, etc. Pour saint Ignace de Philippe v, c'êst Bourdaloue qui est proposé en
et les trois derniers, cet.te situation ne doit pas étonner. modèle. Elle sera également pr~cipitée par l'action du
Normalement, l'exemplu,n n'avait, pa.s sa place dan$ \ln bénédictin Feijoo (1676-1764), ennemi acharné des
ouvrag1e Lrès schématique comme les Exercice.s spirituels, superstitions ·et des faux miracles (cf G. n·elpy, Feijoo
ni dans les tra'ités rnystiques de sainte 'rhé1·èse et de et l'esprit européen, Paris, 1936, p. 49-59 et 353). On
saint ,Jean de la Croix, ni dans les spéculations théologi- note toutefois qu'en ï 776 l'évôque portugais Manuel
ques et scrip,t uraires de Louis de Léon. D'autre part, do Cenaculo Vilaa Boas (1724-181~), dans ses Mem<JriM
suint Ignace et les réformateurs du Carmel n'avaient histôrica.s do ,ninistério do pûlpito, publiées à Lisbonne,
pas .assez sub~ la séduction de l'antiquité pour faire une adopte une position passabJe1nent écle~tique. Il rappelle
plaeti à l'cxc1nplum gréco-latin. Cette séduction ne s'es.t quo, lei, /âbttlas profanes (ou païennes) sont condamnées
exercée que sur Louis de Léon. JI/fais ceh1i-ci,, plus qu'un par saint Chtu•les Borron1ée; ,nais ü a.d,net les anecdotes
hu,uaniste, demeure un théologien et un exégète, dont édifiantes, à la condition qu'on évite les faluidadcs
l'œuvre est dominée par la .Bible plus encore que par los piados1J.S qui entr~tiennent la crédulité et provoquent
grands poètes gree,~ ou latins. Le cas de ,Joan d'Avila et les railleries des protestant.s et des incrédules (p. 299-
de son disciple Louis de Grenade, prédicateurs et, 302).
su!·tout le premier, prédicateur1;1 populaires, est lié à la De toute 1nanière, l'c:rcrnplutn ne sera jamais chassé
réfornre de la ptéclication qui semble avo.i r eu pou!' que de la littérature ascétique et, de la prédication
initiateu1· !'augustin 'Dionisio Vazquez (11A79-1539) savante. Eu Espagne et au P ortug,ù corn1ne en Fraùce
et dont Jean d'Avila appa1•aît conune le principal arti- et en Italie, la prédication populaire reste fidèle à un
san. Un des traits es:sentiels de cette réforme, outre procédé aussi Ltaditionnel et aussi éprouvé. E.lle se
la purification intérieure qu 'eJle exige de l'orateur sacré, complaît en particulier dans l'emploi de l'historiette
c'est son caractère scripturaire, plus spécialcmenL évan- ter1'ifiante destinée à insph•er aux masses la peur de
gélique et paulinien : il faut avant tout prêcher« Jésus l'enfer..
crucifié 1,, en s'inspirant très particulièrement de saint
Isa f:lrànd prédicatm1r populaire du Port.ugal au 17• siècle, l'e
Jean et de saint Paul. Pareille conception .de la chai l'e fra11aciHc1li11 Ant6nio dali Chagas: (16!.11-1682) , e,nploie résolu-
nhrétieliue exclut d'elle-mll1nn toutes les formes de 111ent l'exe,npltun et il on1prun~o Sils anocdotcs au jésuite cspa,
l'e.xe,npturn.
, gnol Alonso de Andrade ·t 1672 (Cam.ino de la vida y r/!${:Uardo 11&
~. L 'e:xexnpJ.uxn et les théoriciens de la prédi- lei mur:rtc, Madrid, 1661), dont les exen1ples, dit-il, sont • des
catiOD. - Cotte enquête som1nail'e laisserait de côté ~perons pour l'esprit • (cf ~- de L. l3elchior Pontes, Frei
Antônio das Cllacas, Lisbonne, 1!158, p. 2?6, 804 et 478).
un. as.pect ilnportant de l'histoire de l'cxempll'ni si nous Un siècle après lui, en Espagne, un autre grand prédicatilur
olllèttions. d'interroger . quelques-uns des théoriciens populaire, le blénhoureux Diego do Cadix (114a.1so1), capucin;
de la prédication. D!une façon générale, la lecture de 1•ecovra en 1782 une nliso on garde do l'archevôquo de Tolède,
leurs traités confirm.e ce qui a été dit J)I'écédetnrnent. qui lui demande de ne pas relater des exemples terrifiants ou
Dans sa Rheturwa e1:çlesia.stica (Lisbonne, 1576), Louis des laits étranges (cf DS, t. 8, col. 876-877). On peut do11c en
00, 1901 EXEMPLUM - EXERCICES SPIRITUELS 1902
,ne conc\ure sans imprudence quo l'exe,npli,m appartenait à l'arse- 11186, p. ·209-211, 260•270 et. t,02-408. - Alexandre Haggerty \

de nal: de ce célèbre prédicateur. Krap!)e, Les soitrccs du • .Libri,) de Exontplos •, dans Bullcti11
[\18 D'ailleurs, on vqi-t puraîlro, dos recueils d'e3:enipla on ploin hispanique, t. 89,, 19.37,, p. 5-5'• (hnportante bibliographie très
ni- 1,8• ijiècle espagnol (vg Juan Lo.guoa, Cfl.$()$ raros de 1Jicios y ut!Jo pour l'histoire ' de l'exeniplum au 1noyen âge). - F6lix
lqn vfrtudea para escarinicnto de pccailore8 y ejeniplo da virtttosos, Lecoy, ficcherche8 sur le Libro de Bucn am.Qr de Jua11 Rttiz,
i1urcio, 1?63), S. Fernôndez de l'iloratlrt (1760-1828) se moque ari!li.iprétre de [lita, Paris, 1988, p . 1-5'0-157. - John Esten
2.4- Kallor, il1.otif-I'ndox of Mc1liac~al Spaniah Exempla, l{noxville,
oncoro du genre (cr coll. Bibliotecll do auLorcs cspo.1,oles, t. 2,
&}. p: !.08, n. 5) et· J. Balmes (1810-18',8) prondra position contre 'l'a11r1essee, U.S.A., 1949. - Lynn Thorndlko, Libor de simili•
lDS tomploi dans les sermons de l'eœmnplttni qui frê_te à ridicul~ : tudi'.nibits et'oxcmplisfMs Herne 293. f. Jr-15v), d'ans SpeculUTll,
>te 1I recommandera surtout les 01nprunt.s à l'Eorat,ure (Ignacio . t. ai, 1957, p. 780-791. - .José Antonio Marav.o.:ll, La cstimaoi6n
ne Casanovas, Bal1ne11, t .. 2, Bll!'celono, 1942, p. 50). clc Socratcs y del saber dasico en la ada1l 1nc1lia e1111aliola, dans
ŒS. Ret•,: sa de archü•os, biblic>1cc,c1.s y ,nuseos, t. G3, 1!l57, p. 5•1l8. -
le, 6. Con~lusions. - En effet, l'e~:cmplum ne peut $. Uatl.aglia, L'escmpio 111c1lie1•afo, d1111s Ji'ilologia romiinz/1.,
18) être complètement écarté que de la ptéctic!ltion savante. Palc. t. 6, 195\1, t). (.5•82, extrait, d'ùn Saqr;io s1ûla. narrcttù•a nic<lic-
L'e.1c1ripio, à parnllrll. - L. Buisson, l)11:cr11plum. und
fé- L'historiette, l'anecdote à la fois édifiante et a1nusanLe Oc~d1ichtc i,n Miuelaller, co,nmunication à la session d'11ut.01n110
rrs ou émouvante; suivant le cas, que ln J)rédicateur ou le 1960 du l(onstanzèr Arboitskreis HiJ' mil.t0l11lterlicho Go-
on cat~chiste raconte pour retenir ou reJ)OSer l'attention scihichte, Roichonau (cr RHE, t. 55, 1960, p. 1057).
ne, constituent un procédé pédagogique trop naturel et Punr la dlllusion des thèmes, én particuller dos thèmes orien-
rfe t!iop efficace pour qu'on puisse le voir jamais dispa• taux, on pourra consulter : Pedro Alfonso, Disciplir1a claricalî.$,
ilo rattre de la prédication populair~ ou même do la prédi- ud ..ûl trad. du texte lat,iri par Angel Gonzâle~ Palencia, Madl!id-
se cation ho1nilélique qui so. place à nli-chemln entre Gre.nade, 19118. - Waller Pabst, Rovcllc11tllc.orie u,id NoPelùin-
le l,a prédication populaire et la . prédication d'apparat. dic/,.t,,rig, Ha,nbourg, 196a. - Enrico Cerulli, Il Patranu,alo cli
J iu11t 'fùnoneda c l'elcmcnto aràbo 11ella 110,,ella italiana e
18, L'eœemplum conserve doDl\ sa place et son utilité. Le Rpa~nola del Rin0$cimc11to, 1, dans Atti della Accadeniia Na.zio•
1te mot.lui-rnême n'a pas ontièremont disparu. Les novices · nal,i doï Lïncei. M'emorie, Claal!A di s •eienzo 1norali, série 8,
jésuites étaient naguère encore exercés à composer et vol. 7, fuse. 3, 1955, p. 81-1.81:.
à débiter un cxeniplum ,narianu,n. En JJ]spagne et en
l.
Amérique espagnole, on publie toujours cl.es recuoiJs 2. Pour l'exornplum à l'époque moderne, on vè1·ra surtout
iis d'eje,nplos (voir bibliographifl), et le mot y désigne, , littciraturc Rohc1·L Ricard, Put,r V.li(? histoire de l'n cxc11ipl1un • ila11s la
la rcligi<•IJ.se nwderne, dans Les Let.ires romane$, t. 8,
par exemple au Me:idque, des chansons populaires de 1951,, p. 199.223 (mittê étude contient un certain nol'nbrH de.
l8 caractère moralisateur (cf Vicente T. Mendoza, El réfiirencea qui n'ont pu trouver place do.ns l'nrticle ci-dessus),
o- corrido mexicano. Antologia, i\1e:,dco, 1954, p. 1x-x1, FJn outrll : Félix G. Olmedo, IntrCJdll<)tion à Dionisio Vazquez,
ie 887-402, et Glosas· y dé<:inia.~ de Mc!;cico, Mexico, 1957, So~nwnes, 1Iadrid, t9'•3, coll. Clâsicos· .cl\Stcllanos 123; Diego
~-1r p. 28-24 et 124 svv). Mais le p1•oc6dé semble de nouveau do Es.tella, 11'lcJclo de predicar 11 Mocl11s cQt1cwnc11uli, éd. l>lu
réservé à la prédic(ltion et à l'ènseigne1nont du caté- Sagllés A1,cona, 2 vol., Madrid, 1951; FN1ncisco 'l'erron.es dol
,n chisme. Gallo, Jnstru.coi.6n de p.redicadorcs, éd. F, O. Olmedq, M11dr.id,
.u Si l'on veut dégager so,nmairemcnt la courbe histo- 191, Il, coll. Clasieos castellanos 126. - José Antonio Jl,laravall,
1$ La 7,hiloso.phi.e politique espagnole au xv11• siècle, trad. Cazes
rique de l'exc,npl1tni à l'époque moderne, on peut dire oL l'llosnard, Paris, 1955, p. !llf-57 : exemples et c1nblèmes. -
tO
que celui-ci, propre à la prédication poplllaire, s'en Pedro de Leturia, Estt1dios icnacia.nos, t. 2, Rome, 195?,
n est évadé polir envahir en outre, du 16e au 1se siècle, p. auo-307. - Francisco .Javier Alegre, llistoria de la Provin'cia
il . une grande partie de la littétatua'e o.scétique. Mais il <lc,l,, Cum.paflta de Jesiis de Nu.eva Espalla, éd. Burrus et Zuhi~
!$ restera toujours absent de la littérature proprement llagn, t.. 2, Rome, 1958, p. 46.
), 1nystique, où i.l n'a aucune raison d'être. Combattu pa1• Lo 111é1noire inédit de Michel l)uhuis pour le diplô1n0 d'études
e les conciles et par la Cl'itique sous ses forn1es supetsLi- supitrie111·es (Faculto dei, ),et.t,res da Paris, 1057) sur Les Jésuit.es
s tie.uses, c;léfavorisé par le courant général des idées, en ré/or111ateurs éclC1irés cri Oatalor;11e ait JSe sulcle appo1•te des infor-
$ particulier par l'influence du jansénisme et par les pro- u1al.ions à la rois sur ln. réaction contre l'excmplam et sur sa
9 grès du rationalisme, victirne de l'épura.Lion de la J?iété su1•vivance.
~ au 17c et au 18" siècle, surtout en . France, détrôné S. C:0111,nerecuoihr oontemporaine d'exemplanousavons pu
- enfin par d'autres procédés, il a été peu à peu exp\1ls6 relever: N. Yapuguny, Ser11101ies y eu,nplos en lcng1t(l. gw.ira11l,
de la littérature religieuse eL, s'il montre encore une Con clirccti611 (Hic) de un reliqJoso clc la Conip<111ia de Jc:,:us (sic;),
grando·vitalité, cotte survivance 88 borne à la prédica- : Bll•Jnos Aires, 1958 (nous reproduisons le titre tel qu'il' est
tion et à l'enseigno1nent catéchistiques, où il trouvait doon dans la Bibliographie américaniste du Journal de la
Sot:ù!M des A11iériéanistcs de P<~ris, nouv. séria, t. (.5,. 1956,
son orig~ne et oit son emploi demeure indiqué, Ét1•01Le- p. ;\58) ; St6phane Berghofl, Recueil d'exen,;ples poitr •scrn11111s
ment liée à celle de la piété,. l'histoire do l'c.xc,npluni et conférences, Mulhouse, 1958; et surtout le livre de Saturnino
l'est encore davantage aux différentes for,nes d'enseigne- .J u11quera s j, Esqu.crnas y eje111plos, t. 1 Mlslones y Ejercicios :
1nent religieux qui consLituent une clos n1issions essen- Vcnladcs eternas, ffiditorial • Sal Tor:rac », Santander, dont
tielles et permanentes de l'Église. 11011s croyons intéressf!.f1t do reproduire le prospectus:« Cont.ianè
Nous ne reprendrons pas fe3 références données dans le èstH tomo, 40 esquon,as de sero1ooes y t,OO ejemplos, sin. conta:r
corps de l'article. los ,nuchos insertados en 1.os esquemaa y el Cateclsmo, para.
expouar a nlti.os y adultoll laH grllndGs vordades que suelen
1. Pour l'exemplwn au moyen lige, lo ll•avail fondamental trul,arso en Misiones, J1ljerci1;ios, Cuarosmas y Retiros. Se anade
reste la thèse da ,1.-Th. Wollor, L'cxcnipluni da11s la littérature· un apéndice catequético, an quo los ojemplos se ordena~ y
retiqi.euse. ft . didactique au moycr1 dgc, Paris-'l'ouluuse, 1927; con,pletan 8egûn laH ilisLlnta.~ partes del Catecismo ,.
'
1 voir. aussi son éd. Le, Tèibula c:;;etnpl<lru1n sectt11du1n ordù1e171- 0

' alph<ibc1.i ;.)kou~it. d'ca:en1pla eo111pilé en Fra.nec à la /ln du


x.111••siècle, Pllris-'l'uulousa, 1!l26. - On y ajoutera: A. Lecey
de la Marche, La chaire française ait m-0ycn âge, 2° éd., ?11ris,
n.aymond CAN.T EL et Robe1't li1.cA RD.

EXERCICES SPIRITUELS. -, Les termes e:,;1:1r.-


188G', p. 63-69 ot 298-305. - Alexandre Masseron, Le.,• eœe,n-
pws , d'itn erniite sicnnois, Paris, 192'• ( Fra Filippo Agazzari, c.iti11,m• et cxcrcitia, et même e:,;ercitatio, pour désigner
1'389?•1422). - Th,•M. Charlnnd, Arles praedicandi. Contri• les J.ll'al:iques de ltt vie spirituelle, appartiennent au
bution à l'histoire ile la rl~t(lrÙJllC au 111oyen c'l[Je, Parls-OUa\va, langage chrétien depuis les prenliars siècles. Leur
1903 EXERCICES ,SPIRI'I'UELS 1904
histoire e$t très homogène. Au moyen âge, les tern1es est, pie ta.~ autem ad 01nnia utilis est n. Ce texte fut, pour
exerci1i1tm spirituale, excrcitia spiritualia seront peu à une part, à l'origine d'une distinction, qui sera souvent
peu utilisés · pour désigner des « exercices de piété "· émise plus tard, entre les 11 exercices col'porels », c'est-à.
Le développement de ces exp1•essions sera étudié 1) anx dire surtout les pratiques de mortification, et les « exer:
périodes les plus anciennes, celle de la formation de la cices spirituels ", c'est-à-dire les activités de prière.,
terminologie de l'li.lglise à l'époque des Pères et dans le autrement dit les ,t exerci'ces de piété ». Ainsi I' Ambro-
haut moyen âge; 2) aux 138 -158 siècles; 3) dans la siaster marque la dilTérence entre l'exeroitiuni corpo'rak
DeriotiiJ rnoderna jusqu'à saint Ignace do Loyola; et la pietl!_s, et il définit le premier : u Corporis autem
'•) un chapitre spécial p1•ésente1·a la doctrine dù magis- exercitium nihil aliud quam carnis frena sunt » (ln Ep.
tère sur les exercices de piété. lad Tim.. ,,, PL 17, '•73d-47qb). Le mot« exercices•
fait fortune dans le vocabulair·e rnonastique : dans la
I. ANTIQUin ET HAUT MOYEN AGE traduction de l'Historia monachorum (laquelle devait
avoir tant d'influence par l'intel'médiaire des recueils
1. L'ANT1Qu1rt. - 111 Sens profanes. -A la diffé- de Vita1J Patrum), on parle des monaohor,un exercitia
rence de ce qui est généro.lement le Càs, le mot exerci- (29, PL 21, 455ê)·, des « exercices spirituels » (cxcroitia
tiu,n ne s'est pas imposé dans l'~glise grâce à la Bible, où spiritualia, 7, 41 Od), des 1< exercices de vie spirituelle •
il ne se trouve qu'une fois (2 Mac. 1, 1 '•l• JI est issu de tn (spiritalÎ,s vit.ac cxercitia, 29, '•53d), des u exercices de
langue r,1·orane, où il était employé <lès l'époque classi- 1>iété » (pietatù.1 exercitia, pro1., 387 et 390); Cassleo
que. Il venait de exerceo, dérivé de ex et de la racine qui parle des cxcrcitia virtutrun (Conlatio xx1, 15, 1, éd.
a donné arx, arca, t;trceo, n1ots qui évoquent l'idée d1=1 M. Petschenig, CSEL 18, 1886, p. 590; PL 49, 1190d
contenir, enfermer, protéger; exercere, c'est d'abord = gcsta '1irtutum). Studium, servant à trad\lire <iO'Kl)CJ~,
faire sottir, poursuivre, ne pas laisser en repos, et, co,n,ne exeroitatio, est l'équivalent de ce dernier mot :
par suite, ,, travailler •1 la terre, par exemple; par on parle de spiritualia studia, virtutum studia, salu-1
conséquent <1 pratiquer » (un art), l'« exercer», et,, s'ext!l'- taria stu.dia, studium contincntiae, etc (des textes sont
cer ». De exerceo est né exercitus, qui signifio pre,nièro- cités dans L. Th. A. Lorié, Spiritual Terminology , i11
ment «exercice», et fut bientôt réset•vé à l'exercice 1nili- the Latin Translations of the Vita Antonii, Nimègue,
taire; le sens le plus général d'exercice pMSa alors à 1955, p. 70-71 et 98-99). Quant a11 mot cxcrcitium,.iJ ,
exorcitiu1n, exercitio, e:rcrcitatio (et A. :Ernou t et A. Meil• est sut'tout associé à ce qui est pa1·ticuliêrement difficile.
let, Dictionnaire étymologiqu1;1 d6 la langue latine, et pénible : les jeO.nes, les veilles, les durao crucis e:cer•
P;iris, 1932, p. 6',). ci~ia, comme dira saint Césaire d'Arles• (Sermo 197,
Dans le latin ptorane, ea.:ercitiu,n désigne · donc une 1, éd,(). Morin, t. 1 , Maredsous, 1937, p. 753).
acti.on qui exige effort, en deux domainos principaux : Plus encore qu'à propos d'un effort d'ascèse corporallo,
celui de l'œuvre à fairo, - et. il tl'aduit alors les ternH)S on l'emploie pour désigner l'application de l'esprit,
grecs rufl-V0'.0!Q'. et <l!ox"l)cri,; - , et celui de la réflexion : il et spécialemont cet effort de r6pétition, do m6moiro
éq\livaut surtout à à60Àt<7XlQ'.. Dans lo premi!)r sens, et de l'éflexion qu'est la meditatio (sur le sens de ce mot,
on J'applique aux athlètes, aux acteurs, aux danseui·s, c ( J. Leclerêq, L'a.,nour des lettres et le désir de Dieu,
aux soldats surtout. Très tôL, le 1not revêt une nuance Paris, 1. 957, p. 19-23 et 72-73) . Co sens n'était p~$

militaire : il sert à désigner la mo.rche, l'équitation, inconnu des gra,n,nairiens anciens; 1< exercitium es~
l'exercice en campagne (cxercitiuni campe1Jtrl!l), le po,•t meditatio 1•, avait écrit Servius (ln Jrergilii Ac,ieidos lib.
d'armes ( armatura), prof toute for1ne du ,nilita,.e ,v comnientarii, vers 171, éd. G·. 'l'hilo, Leipzig, 1881,
éxercitium. Dans le second sens, il sert à désigner les p. 494, 5), et saint Isidore, à son tour, f<1r1nulera la même
arts, - rnédecine, musique, poésie, éloquence - , équivalence : ~ exercitium dicitur, hoc est meditatio •
puis l'habileté qu'on y acquiert, l'effort poul' s'y entrai- (Or,:gines stni Etymologiae xv, 2, 30, P L 82, 539a).
ner,. c'est-à-dire l'él.ude, et rnême l'école. En ses deux En raveur du succès de ce mot, avec cette acception,
sens, le mot donne naissance à des dérivés comme cxcr• joua, dans les rnilieux chrétiens, l'influence <les anciennes.
citor, exercitator (rnattre, entraineur), cxercitatorius versions bibliques latines. Exerccrc, cxercitare et excr-
(ce qui sert à l'entraînement). oitatio y t1•aduisaient, surtout dans les psautiors, à8Q•
Sur cos 1nots et leurs aens dans la lr,tinité ancienne, dos t61noi• Àe:crxe:rv, qui est un hébraïs,ne correspondant à su/J, plus
gnages sont cités et dassés dana le Thesaurus lingu<lC 1,iti,1,,e, souvent à sil].. Saint Augustin disait d'à6oÀ&CJX&îv :
t. 5, 2, la.se. 9, Leipzig, 1030, col. 1367-1400; pour c~crciti,un ,1 ad animi exel'citationetn pertinet... Vidotur mihi
en particulier, col. 138~-1887; pour la làtinité chrétienne 1;111- signlflcare animi a(fecturn studiosisshne aliquld cogi-
cienne, quelques t6n1oignagos dans A. Blaise, Dictio11naire tantis cum delectatione cogitationis " (Qu.acstioncs i11
'latin-français des (1ulcurs chrétiens, Strasbourg, 195'•• p. 327- Ileptateuohum.1, 69, PL 31,, 565<1, et éd. J. Zycha, CSEL
828. 28, 2, 1895, p. 85-36; dans le même sens, In ps. 118,
2° Sen s ch rétiens . - Dès Je 38 siècle, saint Cypl"ien, 6, 4, CC 40, p. 1.681), ot ailleurs : ~ Exercetur quippe
parlant du Christ qui s'est plié aux épreuves de la vir, in justificaUonibus Dei laetus, et quodam modo garru•
humaine, écl'it : 1< Christi adventu, qui exercitio ni. lus, qui mandata ejus quae diligit, ,it cogitandi et ope-
exemplo hominis funge1•etur >• (Quod idola dii non 111:nt 12, randi delectatione custodit » (1 n ps. 118, '14, 4, p.1710).
PL 4, 579, et éd. G. Ilartel, CSEL 3, 1, 1868, p. 2!>). C'est en ce sens que ·exercere était appliqué, dans los
. D'autres auteurs ûhrétiens utilisent exerciti1un en son anciennes versions latines du psautier, aux mystères
sens général. ?vlaia le mot garde souvent sa résonance de Dieu, à sa loi : il équivalait à ,, pell!3er, proclamer,
f
militaire, spécialement lorsqu'il ost appliqué au nH1r- répéter pour s'en pénétrer ~, c'est-à-dire à mcditari
tyre, à toute forme de lutte contre l'oisiveté et tous les et à loqui, la mé1norisation impliquant un effort réitéré
vices; il devient alors synonyme d'asêèse. Le texte latin des lèvres, qui redisent et 1< rnâchonnent » le texte sacr~.
de 1 Tirn. 4, 7-8, dut avoir, sur ce point, de l'influence. Ceci se vérifie, on particulier, dans le psautier romain
Saint Paul avait écrit : « Exerce aute1n teipsurn ad pie- et dans le gallican, qui est de saint Jérôm~. 'l'outefoi$,
tatem. Nam corporalis exe,•cHatio a<l rnodiêum utilis quand Jérôme établit, plus tard, sa traducUon du psau-
1()4 1905 AU XII 0 SI ÈCLE 1.906
,ur Uer Juxta Hebraeos, li élimîna cette signification et le Bernard emploie ailleurs, au singulier, spirituale
1nt m1>t 11œercere lui-même, pour lui substituer meditari èxllrcitiuni pour désigner l'ense,nble des épreuves do la
·à· ou loqui.
vie spirituelle, dans laquelle « tentations et tribulaUona
91'• nous exercent» (Ser,nones super Cantica 21, 10, PL 188,
Des témoignages peuvent être trouvés dans lo Lext.,e et
re, l'apparat critique des psaumes 5t,, 8; 68, 13; 76, 4, 7 et 13; 118, 87?ab, et t. 1, p. 1.28, 5-12; cf DtJ dic,ersis, 16, 6, PL 188, \
15, 23, 27, t,8, 78, diins les édlUona de R. \.Vober, Le Psautier 582a; ln '1igilia 1.Yatic,itaJ.is 8, 6, PL 183, 97cd, etc).
~~ romain et les . (llUrcs anci~ns psautier11 l1lti11s, Rome, '1953, et On trouve aussi des expressions com,me salutaria exer•
,m H: do Sainte-Marie, Sancti Hicrony11ii Psaltoriu,n ia,vta He - èÎIÎa (Aelred de Jlievaulx, De il1stitutis inolusaru"1 21,
•,p. braeos, Ronio, 1954, coll. Collectanoa biblica latl11a 10 et 11 .
1 » Bien qu'il no fût pas dans Ill Bible aveo cette signification, éd. C.-H. 'l'albot, dans Analecta sacri ordi11is ciswr-
eurciliuni la rev~tait à la tavour de formes verbales appru·ontées. cùinsis, t. 7, 1951, p. 193, 16), regularia exercitia (S. Ber-
la
Lit Pour con11nento1• lo 1not rn.cditabitur du ps. 1, 2, l' An1brosiasf.er nard, Sermones super Ca11tica 83, 10, PL 188, 956b, et
écrira ; • In Doi logo oxercitiuni lacit • (Q1iaestio11es Vctcris et t. 1., p. 240, 20) pour désigner l'ensemble des pratiques
lis NM•i Tcst-a11ie111i 110, 9, Pl, 35, 2831c, etéd. A. Souler, CSEL 50 1 de la vîo spirituelle ou des observances monastiques.

ta 1908, p. 275.) D'après Aelred encore, des '1Îrtutun1. studia ap,:rita•.
ta lia que exercitia naissent les verae i,irtutes (De J es r;, puero 2,
Dès les premiers siècles, le mot cxercitiu,n avait 12 et 3, 20, PL 184, 857b, 861d, et éd. A. Hoste, coll.
le acquis droit de cité dans le langage des chrétiens })()Ur Sources chrétiennes 60, Paris, 1958, .p. 74, 27-32; et
1n désigner l'effort qu'exige la vie spirituelle dans les deux p. 9t, , 9-10; cf p. 95, note 1).
~-
Id
domaines de l'action (au sens ancien du terme : la pra- Néanmoins, de plus en plus, et spécialement au cours
tique des vertus) et de la contemplation, autrement dit : du 12e siècle, le mot exercitia, surtout lorsqu'il est
i;, de l'ascèse et de la mystique.
• ac1~ompagné de l'épithète spiritualia, est employé de

2. DANS LE HAUT- MOYEN AGE , sans être l'un des plus prèf6rence pour désigner les activité.s de prièr~. Ains~,
fréquents du vocabulaire de la spiritualité, le mot exerei- déf; le 1 oc siècle, dans la Regu.larr.s concordia, est-il
tium roste traditionnel. On le trouve à toutes los épo- parlé d' « exercice spirituel » à propos des oraisons pri-
ques, employé pour désigner soit l'ensemble des prati- vées auxquelles les moines peuvent se livrer après
ques entre lesquelles doit être pai•tagée la journée : dans . l'oJllce de nuit (éd. 1.'. Symons, Londres, 1958, p. 87).
sa Regula Co,nplutensi._q, saint Fi·uctueux de Braga t 651 Plus turd encore, Pîerro de I-Ionestis asshnilera les
parle des excrcitia spiritualia (1, Pl'-, 87, 1099), - « exercices » aux autres pratiques de prière : " lcctioni-
1, soit la pratique d'une vert.u particulière : saint Colom- bu~. paalmis, hymnis, canticis et ci,terorum bonoru1n
han i· 615 parle des hurnilitatis perae exercitia (Ep. 2, op1?rum exercitiis vigilanter insistant n (Rugula cleri-
5, éd. G. S. M. Walker, Sa,icti Colu,nban.i opera, Dublin, cor1an 1, 1, P I.J 168, 708c). En ce sens, les « exercicAs
1957, p. 16, 2). La lettre, par laquelle Louis le pieux spirituels » se distingucn t du travail des mains : Guigues
e notifiait à l'iu•chi,vêquo l\f.agnus de Sens los décrets l'ancien le dit lorsqu'il prescrit au chartreux de passer
,, portés par le concile d'Aix de 816 au sujet des chanoine.s de l'une à l'autre de, ces occupations (Consu(!tudince
, et des moniales, 1nentionne les 11piritalia axarcitia Cartu!Jiae 29, PL 158, 699-700). Pierre le vénérable
s (MGl-1 Concilia atJPi karolini, t. 1, 1906, p. ~61-462). l'ex plique plus clairement encore lorsqu'il justifie
t Dans les Constitutio11s promulguées pour l'ermitage de l'observance clunisienne, où l'on fait beaucoup plus de
• Camaldoli entre 1080 et 1085, le bienheureux Rodolphe part à la prière qu'au tl'avail manuel : les « exercices
, appelle manualia eœoroitia les travaux quo l'on fait spirituels », qui consistent« à prier, lire, psalmodier ,,,
aux champs ou, en· tout cas, « hors des cellules», et qui y sont considérés comme de plus de valeur que les
• pourraient nuire à la,, tranquillité érémitique » (ch. 83, corporalia opera, consistant surtout dans l'opus 1nan1.1,um
éd. Mittarelli-Costadoni, Annales canialdule11se11, t. 3, (.Ep. 1, 28, PL 189, 128c-129c). Ce dernier n'est d'ail-
Vi,niso, 1758, p. 527). L'auteur anony1ne des Octo pu11ctci leu,·s qu'une lor1ne de cette corporalis cx1;1rcitatio dont
' pcrfectionü; assequendae fait de la pureté du cœur Je plus saint J>11ul (1 Ti,n. 4, 8) avait écrit « qu'elle est utile
important des " exercices spirituels ,, (Pl, 184, 1181d- à pou de chose, tandis que la piété l'est à beaucoup )>
1182c). A la fin du 111' siècle, Hariulf de Suint-Riquier (151 ab; dans le même sens, Raoul de Cluny, Vita Petri
distingue de l'errnitage, ,1 où l'athlète couragoux se livre 11111111rabilis 2, PL 189, 19ab).
au combat singulie,• ,,, le monastère, où l'ensemble des On retro\1vera uno distinction sc1nbll1hle au livre 2 du De
moines, comme dans un ca,np retranché (castra caeles- claustra a11im1,t (14, PL 176, 1062d) ; • Labor interioris (horni;
tis e.xércitii), se livrent aux dic,ina exercitia ( Vita Madel- nis), labor scinntiae; labor éxterioris, cxorcilium operationls.
gisili, n. 5 et 7, éd. J. Mabillon, Acta 11anctoru1n ordinis Scienliae labor in tria dividltur, id est in labora,n disoipHnac,
Bénedicti, t. 6, Venise, 1738, p. 550-551). Ici, le mot exercitii et doêlrinae. ln puerltia labo.r dt,ciplinae, in juveotuto
exercilii, in sonio doctrinae, uL qui ne1Joit, in puoritio. discaJ;
gardait quelque chose de sa signification militaire quae did.icit, ln juvantut.e nd usu1n ducat; quod ad usum
prilnitive; c'est aussi le cas Ail d'autres textes, par exem- ducit, in i,enio docoat •.
ple dans le prernier des Ser,nones sMper Cantica de
saint Bernard : Au cours du ,12" siècle, et spécialomen~ dans la seconde
1noiLié, s'élaborent les linéaments de ce qui deviendra
« 8ed et in quotidlanis oxorcitiis cL bellis, qnae null11 horn plus tard l'ol'aison méthodique. Mais cos données, dans
pio in Christo vivontlbus desu11t a c&no, a 1nnndo, a diabolo, la n1estu·e, même restreinte, où elles sont déjà uno
sicut ,nilitiam esse v1t111n hon\lnis i,uper lorrarn inoessnnt0r <( 1n6thode ,,, ne sont guère présentées sous le nom
experlmini 'in vobismotipsis, quotidiana necesso est can tion
, p.ro MSccutia viotorlls innovari • (Super Ca11tita 1, 9, PL 183, d' c< exercice$ " 11vec une insistance qui suffise à imposer
788d; éd. J. Leclercq, C.-1-I. 'l'albot, I-1.-M. Rochais, Sa11cti ce n1ot. A. le Bail, dans une étude intitulée Les exer-
JJernar(li opera, t. 1, Ronio, 1957, p, 7, 5-8; sur la lldolité cice.~ spirituels dans l'Ordre de Citeaux (RAM, t. 25,
du vocabulnire dé ce passage, ol d'autres sc1nblubles, au voca- 19'1.9, = Mélàngos M. Viller, p. 260-269), n'a. pu citer,
bulaire monasliquo ancien, cr Ch. Mohrmann, Obser~ati(>ns siir dans la tradition cistercienne 1nédiévale, que. Guil-
la langue et /t: style de saint Bcr11ard, danlJ S. Darnardi Qpcra, luun10 de Saint-Thierry pour justifier co titre. Pierre de
t. 2, 19581 p. XXVlll•XX1x). CellE'l t 1188 écrit un traité sur la mortification et la
1907 EXERCICES SPIRITUELS 1908

lecture, de affl,ictione et lectione, publié sous le titre la tradition monastique, avec les Exorcitia do sainte
De triplici e:i:eroitio cellae; mai5 ce titi•e ne se justifie Gertrude, ce mot soit, appliqué à des séries d'invoe,aUons
ni du point de vue des manuscrits, ni du point de vue inspirées de la liturgie et quelque peu organisées, ne
du texte, où il est seule1nent parlé, d'une manière géné- serait-ce que par le thème commun que suggère le titre
rale, ~ de secundo exercitio icl est de lectione in cella » de chacun de ces sept ensembles. (éd. S. Gertrudis
(éd. J. Leclercq, La spiritualité de Pierre de Cell(}, Paris, Exe,·citia :;piritualia septem, dans Revelationcs GertrU•
1946, p. 233, 19; cf p. 41, note 1; cr DS, t. 2, col. 191,5). dianae ac Mechtildianae, t . f, Poitiers-Pal'is, 1875,
Adam Scot, pré,nontré devenu chartreux, écrira, vers p. 617-720). •
le début du 13e siècle, un long traité édité sous le titre En somme, dans le haut moyen âge, le ,not «exercice•
J)è quadripertito cxerci,tio cellae : lui-mê.rne l'avait intitulé a été conservé dans le vocabulaire do la spiritualité,
De quadripertiw ofllcio cellae (prologue, PL 158, 802a); souvent avec les nuances qu'il tenait de ses origines
il est vrai qu'il avait commenté ce titre co,nxne il suit : profanes et. patristiques. Mais il n'a jamais revêtu une
11 irnportance égale à celle de termes issus de Pf:criture
cc maxime · quae illa sint s anctue religionis exercltia...
conat.us sum pro posse de,nonstrure. Sun t autem quatuor sainte et, en particulier, de ,neditatio.
exercltia illa studiu1n sacrae lectionis, maturitas defe- J ean LECLERCQ.
1 catae ,neditationis, dovotio purae orationis, strenuitas U. AU MOYEN ACE
( EN DEIIORS 1)11 LA DEVO'l'IO MOD t RNA)
utilis actionis » (ibidem). Au début du 188 siècle, le
L'emploi et le sens de l'expression e:tcrcitia spirit1ialia I
cistercien Étienne de Sallai compose' un bref traité
De ,nodo ôrationis et mcditationis; c'est À. Wilmarl de,neurent au 1noyon âge ceux déêrits dans la période
qui lui a imposé le titra sous lequol il l'a publié : Le précédente. L'évolution de sens ne se manifeste, en
triple exercice d' .lJ,'ticnne de Sallai (RAM, t . 11, 1930, eiîet, que lente1ncnt, surtout à partir du 15° siècle.
p. 355-374; of p. 357; voir sa notice, DS, t. t,r, col. 1521). 1° Sens les plus ordinaires. - J usque-là, les. usages
L'auteur qui a le plus parlé d'cc exercices spirituels n, du nlôl sont relativ.emcnt restreints. On l'appelle volon•
Guîllaume de Saînt-Thierry t 1148, n'a guère pJtoposé tiers le te.x;Le de saint Pau\•qui semble opposer la corpo-
de méthode d'oraison. Il garde au n1ot 1c exercices » ralù1 exercitatio à .la pietas, l~quelle a la promesse de la
la signiUcntion qu'il avait reçue des mols grecs don\. il vie pi'ésente et future (1 Tim. t1, 8). On n'oublie pas
était l'équivalent dans l'antiquité. ])ans l' Epi8tola atl l'expression cicéronienne, plus générale encore, sur l'uti•
J.ilratres de Monte Dei, il emploie cxero~tium dans tous les lité de s'exercer, en quelque art que ce soit : « Si deesl
sens q-ue la. tradit\on avait donnés à ce mot, quitte ex:ercitatio, modlcum vel nihil ars proficit 1•. Le chrétien
à en. piréciser, chaque fois, la signîflcalion par le doit nécessairement cc exercer les œuvros de 1niséri-
contexte ou par un qualificatif. On trouve plusieurs corde » (e:œreitat.io opcru,n nii&ericordiae), ce qui
fois la distinction entre les cxercitia corporalia et los elnbrasse toutes les activités charitables. D'autres
spiritu1i.lîa, entre lesquels doit se répartir la journée du for,nules deviennent vite stéréotypées: la vie chrétienne
solitaire, les pre1niers devant toujours être subordonnés est tout entière un exercice qui nous entraîne vers la
aux secoods, orientés vers,eux (r, 22, PL 18!1, 322b; perfection de la charité. Cet exercice so concrétise en
29, 326a; 32, 328bd, avec citation do 1. Tim. 4, 8). exercices cor porels et spirituels, et chaque auteur, depuis
L'exercitiu1n est, dans un dolnaine quelconque, - l'heureuse formule de Guillau1ne de Saint-Thierry, ne
celui du tl'avail, de l'ascèse, de la prière - , toute manque pas de redire la nécessui~e s ubordination des
pratique dont le résultat 8$t de garder aux facultés uns oux autres. Enfin, la vie du moine se 1•a1nène t_OJlc
leur vigueur, et de l'accroîtl'e encore : c< Rusticus duros jolll'S a.u quadruple exercice exposé dans la Scala claU4-
habe.t nervos, fortes lacertos : exercitatio hoc fncit. .. traliuni do Guigues II le chartr.eux : la leètio, la rnedi•
Voluntas facit, usum, usus exercitium, exercitiu1n vires l<Ltio, l'oratio et la conte1nplatio (PL 184, 475-f,84).
in omni labol'e subministl'at » (28, 323a). Ainsi le En plus de ce c1uadruple exorcice, l'expression rccolt•
conunençant, anilnalis incipiens et Christi tirunculus, vre toute attitude intérieure et extérieu,•e que le chré-
a besoin·, pour être exercé à la vie intérieure, ad cxcr- tien peut p1•endre devant Dieu, encore que fré4ue1ni:nont
citanda ejus interiora., de réfléclùr, à l'aide de ses sens, on réserve l'appellation d'excrcitia corporalia aux pra-
sur les exemples que le Seigneur a donnés par ses tiques . et observances religieuses. corporelles ou e~té-
actes extérieurs (4.2, 335bc). Le progressant, fatuutalis, rioures, comme le jeûne, la veille, le travail manuel,
doit accorclor plus de part aux facultés spirituelles, etc. Cc sens large donné aux exeroitia, spiritualia ou
l'lntelligence et la mé,noire : « fortioribus oxercitiOl'UJn corporalia, est constant jusqu'au 16° siècle inclusi-
studiis exercendus est 11 tu, 5, 342b). Toutes ces pra- vement.
tiques, celles de la ,n ortification et celles de la contem- Nêann1oins, très .tôt, on applir11,1era les ,nots exerci-
plation, parce qu'elles ont été recom,nandées par saint tiuni, exerèitia, à des formules ou à un onsemblè de
Paul (2 Cor. 6, {,,-10, et 11, 27), sont autant d'cxercitia prières centrées sur un thème dévotionnel, adres,sé au
apostolica : cette expression inclut, et le contexte Seigneur, à la Vierge, à un saint. C'est déjà le sens des
le confirme, toute la vie spirituelle, toute l'ascèse et Exercitia spiritualia de sainte Gertrude; cer~ins
toute la ,nystique (11 1 6, 31,,2od). Ja,nais les mots<( exer- livrets de dévotion au moyen âge ne sont: que des
cices » ou « exercices spirituels >> ne désignent une forme exercices de ce genre.
quelconque d'oraison 1néthodique. 2° .<c Jl,lanières de proccder ». - Les. au.tours ont abon•
Au 130 sîécle, le bénédictin Guillau1ne de Saint-Martin da1nment parlé de maints exercitia spiritualia :. la médi-
de Tournai, dans ses Flore11 S. Bernardi. (c. 82), rassem- tation et l'orail;on, l'examen de conscience, la confes-
blera, sous le titre De cxercitio, des textes de saint Ber- sion, la lecture spirituelle, la visite aux autels et à la
nard et ·de Guillaume de Saint-Thierry où se trouve réserve eucharistique, et, plus tard, le rosajre. Plusieurs
l'expression 1< exercices spirituels . » (éd. S. Berna.rrli ont composé dos livres de mé~itations, oil leur âme
Qpcra, Aruvers, 1616, col. 2146) : elle n'y a que la signi-
fication très générale marquée. ci-dessus. Il faudra s'exprime libre,n~nt en élans de foi et d'amour.
attendre la seconde moitié du 18° siècle pour que, dans Beaucoup d'au.tours observent que l'Esprit Saint
1909 \ AU XIII 8 SIÈCLE 1910
:é meut l'âme et qu'il la veut docile, passive. Beaucoup 1 ° Le chartreux Hugues de Bal,na, qui éc1•it dans la
18 aussi n'hésitent pas à dire qu'il convient d'adopter seconde n1oitié du siècle, emploie volontiers, dans sa
1e un certain ordre dans les lectures, les m édi·t ations, les ,~lystica thcologia, l'expression exercitium spiritr,,,ale et
•e oraisons, les examens de conscience et en particulier e:i:e.rcitia 8piritualia. ,1 Par oraisons secrètes et aultres
dans les examens de confession. c, In meditntionibus exercit,aclons espit•ituelles » (d'après une traduction
ordo servanclus est », conclut Denys le chartteux, résu- r..ançaise du 15° siècle, qui •force un peu le sens, « tam
,,

mant. Ja -tradition médiévale (lJc meditationa, art. 4, <>rationi interiori quam etiarn spirituali quodam exer-
Opera, t. '~1, Tournai, 1912, p. 75-77). Cet ordo signi- citio ,,), « celui qui ailne fidèlement doit aider les autres
» fie qu'un sujet de médil.ation doit êt1•0 choisi au prén- à parvenir à la connaissance de la vérité» (ch. 2, part. 2,
i, 1ab.le· et qu'on ne peut procéder à l'aventure dans Ja (Jpcr<t ,S'. ,llonaverituras, t. 8, Paris, Vïvès, 1866, p . 18).
18 manière de s'acquitter de cat exercice; les auteurs sug- L'cttercitium. se confond avec l'élan de l'â1ne, avec
.e gèrent avis et rccomn1andations, mettent en garde l'activité de la vie spirituelle, en laquelle chaque faculté
·e contre les déviations, les illusions, les dangors, dans le est tendue vers Dieu, avec la contemplation (« 1nens per·
seul hut d'ailJeurs de mieux disposer l'i'lme à la conduite ardontius exercitiu1n ad superna extenditur », ch. a,
de l'Esprit Ces « maniàJ'es de procéder » se feront plus pa,·L. 1, p. 22b; « diuturno aspii·aUonum ardonth11n
ou moins précises, elles seront plus ou moins variées exercitio (mens) elevata », 22b; « se exercere in osculo
selon la dive!'sité tnême dos auteurs ot la catégorie de pedis et. manus·, ad osculu1n oris », 21b, 22b, 2·7b, etc).
a leurs lecteurs. Aussi bien, pouvons-nous parler d ' <( orai- S'il se1nble que ces anwris exercitia soient réservés à la
.8 son sans n1éthodè » che1. un Paul Giustiniani, mais tout voie unitive, Hugues recom1na nde aux « simples ,, et
n de n1ême décrire sa « méthode qui ne connatt pas do aux la,ïcs des indu~triae, qui sont des modes de prier,
,. méthode 1> (cf J. Loolei•cq, La. vù: éréniitiqua cl'(tprès dos pratiques, des « 1néthodcs » d'oraison allective et
s la doctrine du bœnheureu:1; J>ciul (Jiustiniani, l'nl'is, 1955, a:,pirative (27b). Ces indu.~triae, fort com1nunes chez
,. p. 105 svv). les auteurs spirituels médiévaux, concernent l'attitude
On a décrit déjà les « n1éthodes » de l'cxArclce de du corps, le lieu et le moment rlea e.-eeraitia .,piritualiOJ
a l'examen de conscience au 12° siècle (art. EXAMEN DE (ch. 3, part. 3). Il convient, de fixer un mon1ent pour
CONSCIENCE, col. 1809-18t4). . 1'c,1•aisoo, hora debita et te,npore congr11,o, de préférence
s

Sans avoir la prêtent.ion d'épuisol' le sujet, donnons la nuit, et de re1nplir exactement ce temps préV1.1, dont
quelques précisions recueillies dans les ouvrages plus on no s'e--xcusera pas aisé1nent. Il n'y a qu'un pas pour
Îlnportants ou plus connus do la période qui nous occupe. transfor,ner oe spirituale exaraitiurn en « l'heure d'orai-
- Nous laisserons de côté les Vitae hagiograJ>hiques, car son ». La septièrne et dernière industrie se p1•éoccupe
'•
il
' la recherche fructueuse faite jusqu'au 128 siècle par d'un « ordre sLable » dans la vie spirituelle : régler le
$
L. JTertling (.voil' infra, bibliogtaphie) n'a pas encore no1nbre des prières; des psaumes, des hy1nnes à réciter,
e été poursuivie. Pour les auteurs qui relèvent du en prévoir la succession, à moi1\s que la charité ou
l
courant de la Dcvotio moderna nous renvoyons au l'uhéissance n'y contre:viennent. Cet ordonnancement
l chapitre qui leur est consacré (infra, col. t923-1933). (/1Jl1~ exeraitium) en facilitera l'habitude et l'aptittide
s (h,zbilitatio; con8uetu1n eœarcitium; ch. 3, part. · 3,
1. Au 1 3° siècle. - Il semble nécessaire de rap- p. 39a).
~
s peler dès l'abord. trois auteurs qui, s'ils n'e1nploient 2° Chez Davi.d d'Augsbourc 1· 1272 nous trouvons les
à peu près jarnais l 1exp1•0ssion que nous recherchons, fOl'rnules « bonaru,n actionum hurnilis exercitatio »
n'en ont pas moins exercé une influence considérable (Dl, exteriori,s et intcrioriu ho,ninis co,npàsitwne, Qua-
sur l'ensemble des traités médiévaux qui ont parlé d es racchi, 1899, p. 't1.), « corporalis oxerciLatlo n (p. 65,
exercices spirituels : saint Edmond de Cantorbé1•y, 80, 87, 162, 1G3), « subli1nia virtutum exorciiia n
Guillaume d'Auvergne et Guillaume Peyraut. - (p. 881 ). Cet exercice s'entend de la pratique des vertus,
Edmond <l'Abingdon t 1240, dans ilOn Specuturn Eccle- dc!i obse,·vances,oxl.6rieures ou des exercice~ corporels.
t i1i().e, expose irois modes de contemplation et plus L'expression exercùia spiritualia a, par contre, un sens
particulièrement ,c materiam et modu1n cogitandi de très largo : « quae vol obe(lien tia j usserit, val cari-tas
Deo in sua humanitate » (ch. 27, éd. 1l1agna biblio- fratorna requirit, val devotionis studio apta siut, vel
, theca Patrurn, t. 5, Paris, 165'", col. 785c). Pour plus cujuslibet alt.el'ÎUS virtutis » (liv. 3, ch. 20, p. 205).
L
de détails voir DS, t. (,, col. 298-295. - La Rhetorica Et parmi les « sept exercices utiles au progrès spirituel»
(livin(). (Opera, Venise, 1591, p. 322-388.) do Guillaurnc David énumère toutes sortes d'attitudes intérieures dont
d'Auvergne t 1249, évêque de Paris, est un ttaité de la setlie la dernière inclut les exercices monastiques ordi-

prière, qui offre de 1nult iples prescriptions pratiques. et naires, n16ditation, lecture, attention aux bîens spiri-
l de nombreuses et très belles fo1•1nules de prière. Gerson tu(:1$, contemplation (ch. 26, p. 218). Quoi· qu'il en soit,
1
le conseillait. et l'utilisait beaucoup. Voü· J . Lingen- l'au teur décrit les exercices de la vie religieuse du novice,
• heiu1, L'art de prier. Essai sur la Rhétorique divine de conl'ossion, rnesse, lecture, etc; il indique la manière
'

(Juillaume <l' Auverg11e, Lyon, 1934. - Le Speculu,n de s 'en acquitter {disciplù1a}, ot il recommande au
1
religiosorurn du do,ninicain Guillaurnc Peyraut (1' vers novice qui ost sur les chemins ou se dévoue à l'hôpital
1270) a longte,nps été connu sous le nonl de 1-Iumbort de de se tlxer des rnoments pour prier et 1néditer (liv. 1,
Romans (M<utinu~ bibliotlîeca Patru,n, t. 25, Lyon, ch. 23, p. 31). David expose longuement « Lrois modes
1'6771. Le 6° livre (p. 732-753) concerne la vie contem- de prier », ce qui suppQse que chacun prévoit des temps
p lative et les inoyens qui y disposent : oratio, lcctio, de prière et une· rnanière de prier (Iiv. 8, c~. 53-59,

nwditatio, contcnipla,tio; la doscl'iption s'appuie sur p. 296-333); il parla enfin de « prières spéciales 11 ou
l'autorité de saint Augustin, de saint Bernard, de de 1lévotion, que certains récitent << à jours ou heu1•es
Guillaume do Saint-'l' hierry, de R,ichard de Saint-Vic- déterminés,,, - il ne fa\1t d'ailleurs pas on abuser (ch.
tor.' Les conseils et les méthodes (lu Specut1un ont été 62, p. 337-338). Voir DS, t. 3, col. 42-44.
mis à profit aussi bien par les moines que pat' les auteurs 3° Saint Bonaventure t 1274 n'emploie guère l"expres-
spirituels postérieurs. sio11 cœarcitiu1n spiritualc ou exercitia spiritualia, 1nais

EXERCICES SPIH.ITUELS 1912


1911
franciscain Jean de Ca.uli (Caulibus), Meditationes vitae •
il exp)jque longuement l'ut ilisation des exercices spiri-
t.uels et en donne des méthodes'. Rappelons tout d'abord Christi. Composées à la lln du 138 siècle ou au début
un sens $pécial d'exercitium.Il est nécessaire, répète-=-t-il, du 14c, elles reflètent l'espl'it hono.venturion, et plus
de « s'exercer 1> pour passer do la science à la sagesse; encore peut-être la pensée de saint Bernard. J~e préaril•
ce passage se fait p::u- la 11 sainteté ,,:« transitus autem hule, les chapitres 45 à 51, et la conclusion donnent
est exercitium »; ce passage du studium scientiae au la <:lé et l'intention de l'auteur : la vie du Christ sera
studi1un sapientiae par le studiuni sanctitatis est une le thème central et pré!éré. inter npiritualis e:i;crcitii
e,7;ercitatw, qui s'appuie sur le tlon de piété (In Iiexal.i- 1Jt1ulia (Ope,·a S. Bprtavcntura.11, t. 12, Paris, 1868, prooo-
1neron, Opera, t. 5, Quaro.cchi, 1891, p. lt20-', 21 ). miurn, p . 510a); ces sujets de méditation et de consi-
Le Soliloq1ûu1n d11 quatuor 1ru1ntalib1ts e:i:eroitii,ç, des- dération « doivent être uniquement notre occupa-
tiné aux cornmençants, - il ernprunte beaucoup tion, notre repos, notre nou1•riture, notre étude» (ch. 99,
au De arrha animae de l·luguos de Saint-Victor et il p. G28b); répartissez ce$ sujets pour chaque jour de la
au1•a grande influence, llar exeritple sur Pierre d'Ailly - , se111aine et <( choisissez unè heure tranquille pour
ex.pose en quatre chapitres dialogués entre ho,no el. 1ncditer » (ch. 100, p. 629a); vous repasserez en vot1•0
a11in1a. les quatro sortes d'exercitatio n1entalis ou de esprit les scènes méditées, de préférence la nuit, corn,ne
Tiié11ta.le exercitium. Cet « exercice mental >> consiste le suggè1•e saint Bernard (ch. 36, p. 556-557; cf Cantica
en des considératio11s ou 1n6ditations : sur soi ( ad int.e- 86, PL 183, 1196b). En fait, Jean de ca,1li, à la suite des
riora. sua), sur la vanité du monde ( ad etcterior(t}, sur les auteurs qu'il pille, entend par excrcitia les exercices
f\ns dernières ( ad in/eriora) et la béatitude ( ad supe• d e la vie active et ceux de la vie contemplative (ch. 45,
riora). Il s'agit d'appliquer .sur tous ces points le radim, p. 5668, 570h, 580b, etc), y compris l'examen de cons-
conternplaticni..~, autrement d it, de les considérer à la ci1:nco, la nlédi'taLion et la contemplation, ou les di vef-
lurnièro de Dieu (t. 8, 1898, p. 28-67). ses observances religieuses. On sait l'influence que les
Eo plus de traités et directoires spirituels à l'inten- Jtlcditationes pseudo-bonaventuriennes exe1·ceront pen-
tion des personnes plus avancées, tels le Lignum (1/.ta.e dHnt Je moyen âge ét au delà; elles contribueront,
(t. 8, p. 68-86) et la Vitis m.ystic1,1, (p. 159-189) qui pC>ur une pal't sans doute importante, à familiariser les
présentent la considération de la passion du Chl'ist, cl11•{,t.iens à la considération régulière et « méthodique >>
Bonaveotu1•e a composé deux ouvrages qui nous des scènes de la vie du Christ. Voir trad. P. Bayart,
oftrent des« exel'cices n spirituels m éthodiques : l'Itine- M /Jditations sttr la (lie du Christ, Paris, 1958; DS, t. 1,
ro.rium mentis in Deum (t. 5, p. 295-813) expose los col. 18ft8•1853.
moyens do monter jusqu'à Dieu par la apaculatio de C'est à la fin du 13e siècle que le bienheureux Ray-
Dieu dans ses in,ages et en lui-mê1ne; le De triplici via mo,ul Lull(j t 1315 compose ,son Art de conte1nplation
(t. 8, p. 3-18) enseigne comrnent s'exercer tl la rrwdi- et le Livre de l'a.mi et de l'aiintl, qui font suite à son
tatio, à l'oratio et à la cont.emplatio. On sait que Flo1•ent ro111an Blanquer11a. Cet Art veut être une méthode de
Racte,vijns, dans son Tractatulus de spiritualibus contornplation : ,1 Co1nrne l'art et la n1anière (,nan.era)
exercitiis, a suivi souvent ad litt,1ra.1n le De. triplici (lia. aident. en ces 1naLières (pour élever l'ânle à contempler:
Dans les Me,norabilia ge11er<1lia, d'inspil'ation hona- Dieu) .. , J31anquerna fit un livre sur la contemplation
ventnrienne, la garde du cceur est l'appelée; le cœu1•., par' art et le divisa en do\lze parties... 1> (prologue).
en effet, doit être voué « aux seuls exercicei; spirituels ,i Il développe les dispositions extérieures et intérieures
(Opera, t. 12, Paris, 1868, p. 206), c'est-à-dire aux seulos pùur contempler. Sa (< manière " est fondée sur l'acti-
choses d'en haut. Ces Me111crabilia disent aussi comment vité des puissances de l'ârne, au point que J. de Guibert
s'acquitter de l'exa1nen, de l'oraison, du cornbat spiri- n' i\ pas h ésité à y retrouver une des so1,1rces des méthodoo
tuel, etc. Des sentences de Bonaventure ont été extraites ignatiennes (voir bibliograph!o). On n'y rencontre pas
de ses œuvres (Exercitia quaedarn spiritualia, ibidc,n, l'expression exercices spirituels.
p. 169-170) « pour occuper l'espri L ». Nous y lisons : Raoul de Bibcrach t 1360, autre franciscain, en chacun
c< D'abord tu t'exerceras dans la prière avt1c ferveur de do ses itinéraires vers l'éternité propose, pour entrer
telle manière ot en certains ten1ps >,. Ces exercices sug- plus avant dans le <( roanoir " éternel (maneriurn)
gèrent l'oJTrande dos actions, des élévations ou oraisons de Jésus : l'exercice do l'imitation de Dieu (De septem
jaculatoiros, des attitudes intérieur·es d'humilité, de itineribus aeterniuttis, Opera S. Bona11entarae, t. 8, Paris,
charité, la garde des sens, etc. 1866, p. 402b), l'exercice dé l'action extérieure (p. '~08b),
A l'article S. DONAVENTunB, l!J. Longpré a longoernent l'eXérclce assidu de la méditation nocturne (~ n1edita-
étudié les exercices spirituels que présente le saint doc- tionis sedula exercitatlo 11, /i18b), l'application des sens
teur pour chacunCl des trois voies : examen de cons- spil'ituels (" ex:ercitatio sensuu1n spiritualium », 443a).
cience, contrition, con Cession fréquente, réforme de vie, L'expression e:ccrcitia spirit1talia ne semble pas avoir
fuite ,du péché, fréquentation des horomes i;pirituels, él.t'i )'etenue.
souvenir habituel de lu passion du Christ, rnéditation, Nous ne la rencontrons pas davantage dans Je Spec1iluni
prière et conte1nplalion, etc; nou a y renvoyons, t. 1, virgin.11m., anony111e do périQde lndllterminée (ôd. l\J. Bernards,
col. 1792-1815. Cologne, 1955), 1nais se11len1ont la description chiaslque dea
• spiritualis disciplinac i11str1tmc1ua que sont les joûnes, les
Le disciple et comp(lgnon do salnt Bonaventure, Berri<trll Ile veilles, l'abstinence et toulo autre choso somblablo • (p. 1S4)i
Besse (DS, t. 1., col. 1504-1505), ne s'attacho guère à l'expres-
ni ùans lo Spcc11lum incl1,sor111n, d'un anonyme, anglais du
sion cxcrcitiunt ou exercilù, dam; son Spoculuni disaiptinae ad 11, • siècle, qui sil borno,à rappeler• l'exercice de la vie contom·
noYitios, sinon pour parler à la 1nanlèl'e de Hugues do Saint·
plativo, qui consiste s11rtQ11 t 8n ces trois choses, l'oraison .fer•
Vi.ctor et do David d'Augsbourg d'c:certiliu,n diacipli11ae vente, la 1n6ditati.on dévote et la lecture qui édifie • (éù.
(Opera S . 1Jona11c11turae, t. 12, Paris, 1868, p. 1,r.,,), d'cxcrcitiu,n
l>onorum opcrum, divîni officii, op,,ri..~ 1nanualia ou enfin d'e~er- J,. Oliger, Rome, 1.938, p. tl5).
aitia 11irt11tum (p. t,55, ',59b, 472b, fa89a). 20 Richard Rolle de f lampole t 1349 se1nble à peu
2. Au 14° siècle, - 1° Sans doute l'ouvrage qui J>rès aussi laconique. On relève tout au plus quelques
nous intéresse davantage a\l 11,o siècle est celui du nllusioùs à l'exercice de la prière et de l'oraiilon à tra-
' .

1913 AU XIVe SIÈCLE 1914


vers son Incendirun anwrÛJ (éd. M. Deanesly, Manches- Ces nombreuses pratiques que Suso recommande
ter, 1915) : Dieu, après la tempête, donne la (( sérénité (:!.aient !ort en honneur chez les dorninicaines, comme
des saints désirs » pour s'exercer virilement dans le$ en fait foi la Chronique de 'l'oss : ,,e,tiqe, exercices et pra-
larmes, la méditation et l'oraison (ch. 114, p. 188; cr tiques de dévotion, récitation et répétition multipliée
ch. 81, p. 285); méditation et oraison sont comptées au di~ prières -vocales, méditation quotidienne de la passion,
nombre des exercices de la vie solitaire (ch. 20, p. 203- salutations empressées à la sainte Face, etc. C'est bien
204); « après les gérnissernen ts amers et après les oxe1·- i<:i le climat des Meditationes vitae Christi de Jean Cauli
cices des œuvres spirituelles, l'â1no est appelée à. sentir eL des exercices .dévotionnels de sainte Gertrude. Voir
la douceur de 11.1 contemplation » (s pirit1talir,un operu,n art. '.ÉLlSABETH STAGEL, DS, t. 4, col. 588-589, et la
exercitia, ch. 22, p. 208); les spiritualia charismata bibliographie, notamment J. Ancelet-Hustache, La, vie
guident l'ân1e dans ces e:x.ercices (ch. 26, p. 219), qui n1,ystique d'u1t rnonastèrc de d-01ninicai11es au moyen
doivent se poursuivre pendant de longues années si dga, Paris, 1928, p. 44-45, 54, 185, etc.
l'on veut parvenir au divin atnour. On 1·etrot,ve l'emploi Les mises en garde de J ean 'l'aulcr t 1361 à p1•opos
des m,;mes expressions dans lo De e,ne,ulatione vitae
des exercices et des pratiques de d6votion, adressées
de ltichard (Paris, 1510). Pour• parvenir à la conternpla- é~alernent à des religieuses dominicaines, n'ont certes
tion, il faut s'exercer progressive~ent sur différents pas diminué ces pratiques; sans doute ont-elles aidé
thèmes; autitnt d'états spirituels, autant d'exercices à los in térioriso1• davantage.
différent.a et de sujets difîérents (oh. 8 De meditaUone).
La pureté de cœur (ch. 10) s'obtient par l'exercice de Le oélèbro prédicateur s'en prend on ré!llitë à ceux ot à celles
la lcctio, de l' ora,tio et de la nu:ditatio. C'est par une qui ne soupçonnent pas qu'il leur faut dépasser • lé travail
longue excrcitatio 11piritualiu,rn operu,n qu'on parvient e).:.l6rleur, les pratiques scnslblea •, ou à coux qui né le veulent
à ln contemplation. 0 nobilis et rnira e:i:ercitatio ! (ch. pus, purce qu'ils y cherchent contenton)ent, jouissance et
12 De conternplatione Dei). rept)S, E n la présence e)(péritnont.ale du Sclgne11r, dan~ l'union
efîecUve nveo lui, • tombent prières, représentations des saints,
L'auteur anonyme du Cloud of un.knou,ing ernploîo prntiqucs de dévotion, exercices • (Sermon pour la sept.uagé-
err passant l'expression (( exercices spirituels"; il signale shna, trad. Hug1Jeny-Théry-Corin, Ser111-011s, t. 1, Paris, 'l927,
les trois exercices principaux, lecture, méditation, p. 21('i-221t ; cf Sermon pour 111 veille des r111noaux, p. 2!l2 svv,
oraison (ch. 35). L'épttra de la direction intùne, égale- où 'l'auler s'insurg11 contre los pratiques purement extêrioureR;
ment anonyme, n'est guère plus précise, bien qu'elle pour lo 13° dirnanche après 111 Trinité, t. 2, p, St,1·342; pour
parle (( d'exercices quotidiens » (trad. 11{. Noetinger, l'n!lsornption, p. a71; sur S. Matthieu, t. 3, p. !J!J-tOO; pour la
'l'ours, 192G, p. 386, 898, 403). Walter Ifilton t 1895 fête d'un confesseur; p. 241, etc).
traite longue1nent des exercices do la méditation et de 'I'auler se rnoque de (( ceux qui font leurs exercices
la contemplation dans The scczle of pcrfcction (éd. d'une maniè1•e grossière ot aveugle : ils vont se coucher
G. Sit\vell, Londres, 1958), à l'intention des recluses. et s'endorrnent; au 1natin, ils recomn1encont »1 Aux
Il emploie volontiers l'ex.pression exterior and interù>r autres il conseille: c< Lorsque tu auras' trouvé une forme
exercices et spiritua.l exercices; certes, ces exercices ne de prière, qui, plus que toute autre, te plaise et excite
sont ,que des moyens (conoenie,it ,ncans, livre 2, ch. 19), Ln dévotion, !lit-ce même la considération de tes péchés
, auxquels il ne faut pas s'attacher pour eux-mê1nes et et do tes défauts, ou quoi quo ce soit, garde cette manière
qu'il faut savoil' dépasser (livre 2, ch. 19 et 21); ils n'en de prier et donne-lui tes préférences » (Sermon du lundi
restent pa.s moins nécessrtires, s'ils sont utilisés avec avunt l'ascension, t. 1, p. 816-317). Tauler insiste beau-
discrétion et sagesse, dans la docilité au Saint-Esprit. coup sur la distinction entre u prière intérieure » et
8° li est in1po1•tan t de faire une place à par·t au bien• <( prière oxtéf'l.eure "; il semble bien ne vouloir déconseJl.
heureux Henri Suso t 1366 et aux dominicaines des Ier ou 1nêrne pl'OScrire cotte dernière que lorsqu'elle
couvents rhénans. Le .lù>rct de l'éternelle sà{{1;111se (1328) est devenue pure1nent machinale et (f empêcl1e lo cœur
et l'florologium sapie11tiac (133t1) pl'ésentent des sujets de prier » (Sermon du 5° din1anche après la Trinité,
de rtiéditations sur l~ passion, qui sont de véritable!l t. 2, p. t 99-202),
exercices méthodiques : veniae, n1éditations sur un 'l'auler, comrne Suso, par•lera de (t l'oxel'cice de la
thème proposo, l)rières vocales et Ol'aisons jacula- sainte passion » (Se1•mon du 13c, dimanche après la
toires, etc. <( l,a méditation de t oute la passion s\1ivan t Trinité, t. 2, p. 336); il loue égalernent ~ l'aimable
cette méthode, écrit B . Lav1u1d, est un des 1neilleurs ex1ircice do piété » envers le Saint-Sac1•ement, habituel
exe1°ûiCes spil'il.nels qui $(! puissent concevoir » (intro- dans les monastères rhénans (Sermon pour l'exaltation
duction à la traduction de l'Œuvre ,nystique de do la. croix, t. 3, p. 88, 40). L'exercice de la méditation
He11ri Suso, t. 1, Paris, 19t.ô, p. 21); ollo sei·a en effet faite apr•ès matines, la nuit, doit porter sur la vie de
de plus en plus commune. C'est dans l'Horologium que Notre-Seigneur, c< point par point », sur la passion
nous retrouvons ln vieille expression du prologue du Slll'tout, jusqu'à ce que l'on ait acquis, en écartant toute
traducteur latin de l'}Iistoria nion.achoru,n, que le n1ultiplicité, l'habitude de l'exercice du recueillement
moyen âge sernblait avoir oubliée : e:r.Rrcitiurn pietati.<1, sans irnage, dans Je fond de l'â1ne (Sermon du 17"
e:r:ercitia piRtatis (éd. Deniflo•l'tichstiltter, 'l'urin, 1929, din1ancho après la Trinité, t. 3, p. 123-125). Tauler
p. 48, 267, 268). Voir supra, col. 1904. explique, (( pour lê bon emploi do la journée», quels exer-
Suso déplore l'abandon dos 0xeroices splrituol6 des anciens cicHs faire ot dans quel esprit : c1 Les pratiques consis•
(p. 48) ot insii;te pour qu'ils soient repriR : « Frappe deux fois ten t, en jelines, veilles et. silence »; « après matines,
la pierre (No111bres 20, 11), c'est•à•dlro par le souvenir intérieur
(Sùso vient do parler de la ,neml)ria passio11ù1) et par l'activité dernou1.•ei dans le chœur environ le ternps d'une messe
corporelle : exerce-toi à la pial.é (cf 1 Tùn. ,,, 8) en étendant leR chùntée »; suit la manièt•e d'employer ce te1nps en
n1ains, en levant les yeux vers le crucifix, en te frappant la rnéditation et la l'eoommandation do « l'exercice des
poitrlno 011 en faisant de dévoteR génufloxions ou d'autres sain t.es et adorables plaies », qu'il faut faire (f avec
semblables pr.1tiquos de piét6 (piet,it.is officia), jusqu'à ce application intérieure» (t. 3, p. 2lt9-256).
que viennent d'abondantlls lar1ncs... • (1• partie, ch, 1A, p. 147- l tapp1•ochons des serrnons do TaulE!r les lnstit11--
11,8).
tioncs, qui sont dans l'esprit d1.1 maitre. Les exercices
EXERCICES SPIRITUELS 1916
1915
ne sont qu'un support vers l'union. « Tou$ les autres ii leur place respective dans la vie du clu•étien, rnais le
exercices, com111e la conternplation., la méditation, ,not 1nên10 fait défau~.
l'oraison, les inclinations, les jeô.nes, les veilles doivent 2° Dans l'œuvre de Jean Gerson. t 1429, on pourrait
être rapportés à cette 11n qu'est l'union amoureuse utilement dist in.g.uer les écrits lathls, ,spéculatifs •OU
avec Die1,1 » (ch. 25). C'est J)Ql' l'exercitium a,rnoris, destinés ,aux doctes, et les écri-ts français destinés aux
c'est-à -dire pa1' " la considôration de la majesté divine (< simples ,g ens ». Les tex.tes .originaux français ua sont
et de sa fidélité, de notre petitesse et de notre infidélité», pus tous publiés ou restent asaez difficiles d'accès. A leur
que nous no1,1s y préparons, surtout si cet exercitiiun cl{:faut, force est .b ien de recourir à l'édition d'Ellies

est fait dans la seule vue « de l'honneur de Dieu ,, (lu Pin, rieu ,noins que sûte (t. a., Anver•s, 1706). C'ost
(ch. 9). flélasl que de chrétiens se bornent à. un accorn• dans las écrits latins q1,10 nous ltouvons souvent l'expres-
plissernent machinal de pratiques et no " se préoccu- sion, eœerciti1L spirituali.<L accompagnée d'un essai de
pent pas plus d'union il Dieu que du sultan d'Egypte » systématisation, et d'abondants exemples ou thèmes
{ch. 28) 1 l!:nt1n, si les çontinua pietatis exercitia disposent d'exerc.ices.
à la contemplation (ch. 16) et s 'il est bon d'avoir des Comule ses devanciers, - et Gerson s'appuie volon•
tègles ;pratiques quotidiennes, demeure la liberté de tiers sur saint Bernard, les victorins, Ouilla urne <l'Auver-
l'.Es1rtit : 11 Deurn ah$que certo modo sequi oportel ,, gne, s9int Boo9venture et les pseudo-Bonaventure,
llcn1•i Suso et bien d'autres, en même te,nps que sur
(ch. 33).
40 La VitaJesu Christi do .Ludolphelechartreuxt '1370 l'expérience - , le cha11celier de Pal'is entend vo.lon•
évoque les Meditationes vitae Christi de J ean Cau1i. ·Ces tiers par « exercices spirituels >> et « exercices corporels
deux œuv1'0$ exercèrent une inlluenr.e primordiale sur 1,endant à la SJJiriLuali•té » les veilles, les Jarn1es, les
la vio chrétienne. L11dolphe, dans sa préface, ,nontre jeûnes, les disr.iplines, les prières d6votiol)nelles, la
co1nn1ent il raut chaquo jour lir•e et méditer la vie du 1nédilation, etc ('l'riwtatus pro dec,otis lli1nplic1:bu1J
Christ. La rnét:hode proposôa est celle que tous les qualiter se in sttis exercitiis ... deber,t, t: 3, col. 606a;
auteurs préconise.nt au rnoyen âge : • ,se rendre présent cf L a montaignt1 de .conte,nplacion, ch. 17, éd. P. Pascal,
aux scènes évangéliques ij pour ,nieux se confor1ner au Paris, 1943, p. 61). « S'adonner aux exercices spirituels>>
tlemande <( q u'on sache l'Êcriture, qu'oo ait un bon
Christ. • direc te111•, un consoiller fidèle, expert, dévot et discret,
Le chartreux Henri Er;er de :Kalkar t 1(<08 présente doux c1•aignant Dieu ,, {col. 616a); · ces (< exercices des
thèmes da 1nédito.tiona 111cthodiq1iea, !'.un .sur Jea péchés per• personnes dévotes ,1 doivent se Iai1•e de préférence en
i,onnels. (De via pur;ativa, éd. dar1H Opera de Denys lo ch!lr-
troux, t. 42, 'l'ournai, 1913, G25-6à2), l'autre sur la passio1\
privé (col. 698cd). ,U ne peraonne occupée à des fonctions
do Notre-Seigneur (111/onnatio mc1litatio11is, éd. H. t~indèman, extérieures ne J)Ou1•ra pas toujours vaquer aux exercices
dans OGID, C 7, 1953, p. 71-88), aQns quo l'cxprca.5iou • exer- ~pirituels; il lui suffit d'offrir ses travaux pour elle et
cices spirituels • y figuro. Après co1nplics, il est reco1nn1and é pour l es autres, et de pi'évoir « le recours à Dieu •
de taire l'exnm~n da cons1Jient.:e suivant ln métlu'>Ùè indiquEio « on des mornents qui lui seront plus favorables •
(ibideni, p. 72). LI,) De 11it1 pur{lativa est connu, édiL6, traduit, {col. 607a).
sous des titres fott divers : Sea/ci spiritualis cxcrcitii, Excita• Gerson parle longuement de l'exercice de la n1édi-
torÙtlll, Exsrcit-atori,un ad monad11J.~, Mo11ach11lc , C11rt11siensc; talion e t do l'oraison (exercitatio rneclitantis, De sinipli-
lnci.pit: Y.ol.ens p11rgari. ficatione cordi-8, t. 8, col. t,66a). Il montre combien il
,3, Au 150 siècle. - 1.0 On a vu déjà ce que est nécessaire de passer de la lectio (« lectio, vel collo-
Pierre d'Ailly t 11.20 entendait par exercices spirituels quium aut aliquod hujusnrodi exercitiun1 ~) à l'oraison
1, ' (•D S, L. :1, col. 259•260). Son Epitorru; quadruplici.v cxer• du cceu1·; il en expose la méthode et ajoute des thèilleij
citii spirituali.v (Opuscllla spiritualia, Douai, 163'-• d'oraison (De 111,ystica theologia practica, t. 3, col. 417-
i'• 1.ll8·160) expliq11e, en suivant pas à pas le Soliloque 420), ou n1éditations « sub typo r.olurnl)ae », en prenant
de saint Benuventure, cc que signille l'excrcitatio ou soin d e souligner « quot capita ... tot rnedilationes n;
l'exercitatio rnantalis, expressions qui reviennent cons• il se reflH;era toujours à irnposor un (< modus rneditandi ,,
tamment : l'exercice rnental est une rnéthode ordorulée (De nicditatione, consid. 6, t. 3, col. 451a).
à la béatitude, à la divine conten1plation. Cette n16thode C'e$t. ordinairernen t à ses sœurs que Gerson atlresse
est simple : invocation de la 'l'rinité, attention au sujet des « rêglernents spirituels P, tou t on songeant aux
jusqu'à la « refectio rnentis ,,, terrne de l'exercice. chrétiens ot aux •ch1•étie11nes vivant dan$ le inonde.
L'autèur présente les quatre sortes d'exercitia bonavon- Il l'èglc les exercices de piété de la journée ot de la
turiens : circa intcriora, circa c:tteriora, circa injcriora, se1naine dans Je Traité sur l'excellence de la i<>llrnée
circa su,pèriora; chacun d'eux comporte trois points (éd. E. Vansteenbel'ghe, dans llevue de1;1 sciences reli-
ou considé1·ations. En rep1•enant la divisio n classique gieuses, t. 14, j 934, 1). 209), l'examen de consciet1ce
dans sen De quatuor gradibus 11calae spiritualis (ibidem, •)t les prlères de dévotion dans les Ne1,1,/ cô11sidérations
p. 1110·1 t,8), .P ierre d'Ailly précisait que la lectio 'l'ele- (ibide,n, p. 212-2'14), la .confession, la lecture spirituelle,
vait de I'exercitiurn exterius et la nieditatio de l'interior les prières communes et privées, les heures, dans les
-intelleetus (1). 1'15). I l détaille enr.ore no1nb1·e de moyens ()rdonnances 011 ,1 Aviseo1ens • (i bidllrn, p. 216-218).
0

et de pratiques spiriLuols pour arl'iver à l'Ai1né, dans I l insiste S\11' la médi,t.ation, propose des soptaines de
IJe ;ardi,~ amoureua: de l'd"ie déCJote (édité par L. Sale1n- rnédit,ations (Lettre sur lr.i n~édi:ta.tion et les dévotions
bler, dans Re1111e de Lille, t. 25, p. 11 5-11ll). E. Van• quotidiennes, ti tre de l'édi teur, ibidern; p. 882-386),
steenberghe, en 8Ltl'ihuant en toute vraise1nhlance à l'exorcice do « procession ~ on d9 Pèlerinage spirituel,
Pierre d'Ailly un De exercitio proficientitan (dans B ei- à l'occasion du jubilé d e 1400 (50 jours d'exei•cices pour
trage zur c;c~chù;hte der Philosophie 1uul Theologie des les personnes qui ne pell vent se rend1•0 à Rome, ibidem.,
Mittela.lters, Suppl., t. 3, Munstel', 1935, p. 1238-12',6), p. 389-391). Nous trouvons souvent dans les écrits
n 'h6sitait pas à l'intituler• On " progranun1• dô CJie » spiri Luels de fJcrsôn d es " modes do 1nédHer >> ou dos
de la fln du 1noyen dg1, (p. 1231-1237); nous y ret,•ouvor\s t.hèrnes d'oraison {vg Là montaigr1e de contemplacion,
les exercices $pirituels, l'exarnen, la méditation, e tc, ùh. 87-41, éd. citée, p. 92·'101; la 2è partie de La. "'en•
6 1917 AU XV0 Sl.ÈCI.,E 1918
le dù;ité spirituelle est faito d' « oraisons » et de « médi• prenne garde .aux sarcasmes diaboliques contre ces
tations », ibide,n, p . 151-221) ; son mode préfé1•é de prier « exercices de novices » (p,. 96). •Ces exercices no condui-
lt et do se tenir devant Dieu est celui du 1nendiant (La sont-ils pas .à la contemplation? Le chapitre 18 dit
11 mendicilé spir,ituelle). Dans le règlement de vie composé comment << monter à Dieu par l'exercice d,e l'oraison »
lC pour Charles vu, un certain nombre d'ir1dustriae ou (D,, ascensu in Deum per orationis e:urcitiu,n, titre,
,t de prati-ques sont recomniandéos : lectu1•e spirituelle à p. 116; cf Lignum vitae, c. 3, p. 72a). Saint Laurent
1' d,(fJéren,t es heures de la jou1·née (un choix do livres
propose une méthode d'oraison; cependant, ,conseille-t-il,
s est donn6, qui cornport.e des livres de méclita-tions), que chacun rtrouvo << son modus orandi ,>, " sa· forma
t examen de conscience, rnéditation (théines proposés orandi ». Il énûmère quelques-uns des chen1it1s qui
$Ur les œuvres de 1niséricorde sph•ituelle et co1•porelle,
aident .l'â1ne à trouve1• Dieu, « ut proficiat, creséat, unla-
8 etc; Tractatus de considerationibus quas debet luibere
princeps, t, 8, col 231-231,), tur, liquescat ,1 (p. t'l8e) : l'exercice de la présence de
B Dieu, acte prélin1inaire et esiientiel, l'éloigne1nent des
Lés « exo1·cices spirituels », on le voit, sont entrés c1·tiatures, le choix du lexnps ot du lieu, la recherche
dans la vie 1nême du chrétien. Tous los règlements do d<J « ce qui nourrit et enflamme • (p. '.l 18e), la docilité
-
,'
vie, toutes los « journées cl1rétiennes » comportent aux motions et aux lumières divines jusqu'à 11 l'arrivée
désor1nais des pratiques de ce genre.
de !'Époux » (p. 120d). Laurent Justinien insiste sur
r ' Que Louis Barbo 'I' 1'1'18, réfor1nalour de ln congrégation l'ordonnance des exercices spirituels, nota1nment sur
do Sainte-J11slin0, 11it eu ou non une influence sui• la <:ongré" l'oraison : s'en tenir ,coftte que coüto à l'heure prévue,
~ galion hénédictlna de Valladolid et. qu'il ait h1i-même 6té dis• il y va du « f.ruit de l'oraison • (p. 121). Na pas oublier,
~ ciple do la Dévotion rnoderne, hnportent pou ièi. Son Modus ap1•ès l'oraison, de« t'endre grâces des g1•âces .obtenues •
l . mtditandi et ora11di est offurt. sous tortue de sepl6naire, •• 01nnl-
bus pie in Jesu 11more oxer,:entibus • (titre de la 1• édition,
(p. 121c). Les occupations extérieures d11 ,rnoino doivent
t ôti•o entremêlées d' « e:8:ercioes spirituels de dévotion »;
• Vènise, 1523). Aux moinlls, « un ton1ps détertnlné ei,t fixu
' pour vaquer onso,uble à l'oraison menlulo dans l'église • (n1s, ils renouy,ellent l'esprit (ch. 21, p. 126!). ,I l no convlent
p. 11,a, ligne 9). Cornme ctwlains estimonl cet. « exercfoe » d'ailleurs pa.s de blâmer les, uns, ou de .les J11épriser, au
•' inusité duns l'ordre, Barbo 001npose son Modu..~ pour légiti- p1·ufit des autres (p. 126d).
1 ' mer cot • ora:ndi exerclliu1n • (ibideni, ligne 12); il proposa 4° On peut, à bon droit, rapprochet' des règlements
trois •• manières • ou méthodei, de s'en acquitter. Cf DS, t. 1, dr<1ssés pour les laïcs pat Pierre d'Ailly et J oan Gerson
'1 col. -1245, 1426-11,27, et I. Tassi, L ,~dovico Barbo (1381-1448), l'<Jpcra a ben i,.i11ere que saint Antonin de Florence
'
l Romo, 1952, p. 1',3-152 : édilion critique du Modu.s. Il est à 't 1459 co,n:posa pour sa dirigée, Ll!crèce To1inabuoni,
1 noter quo les C(nlstitution~s de Sainte-Justine ont tout 1\ fnit
1
entériné l'usage et l'obligation d'oxurdcm1 spiriluels (of P. Sal- 1nù1•e de Laurent Médicis le magnifique et grand-
mon, A.~cèsc.. , p. 11-?•119; voir bibliographie). 1nc'i re de Léon x. A juste titre, la traductrice française
l '
Une règle de 11itJ au 15° siècle (Paris, 1921).
• ~° C'est surtout dans son De disciplina et perfectione l'intitule
mQnasticac coni,ersationiEJ (()pera, l,yon, 1628) quo saint Cette règle onsorre, en efîet, la journée dans un étroit
Laurent J u1;1tinicn t 1455, archevêquo do Venise et réfor- 1•éi;eau d'exercices,de piété et ressemble fort .aux manuels.
1na teur des chanoines réguliers de Saint-Georges, 1nediévau:x co,m posés pour les chrétiens d.e toute profes-
sion. L' lntrodr"ction à la i,ie dée>Otfl de saint François de
patio abonda1n1neilt des ,c exercices spirituels ·,,. Ailleurs,
Sales s'avèrera plus souple et moins 'minutieuse, mais
en particuLier dans le De c4sto connubio Verbi et an-i,nae
(p. 200-2,08), il insiste vo.loutiers sur·l'exercitatio inter,:or, toutes.ces •« jou1•nées du chrétien» s'ingénieron.t à accom-
les cxcrcitia intcrioris lwminii;, l'e:tercitatio interiori.9 pag-ner pas à. pas lo fidèle du lever au coucher : prières
orationis, l'exercice de la prière continuelle ( oratioriis vocales, gestes religieux, lecLures et conversations spiri-
tunlles, oraisons jaculatoires et examens de conscience,
infatigabile exercitium), << l'exercice et le profit de l'otai-
son mentale ,, (titre du chapitre 22), sur la vie spiri- ,néditation, vigilance aux devoi.rs domestiques, garde
tuelle considérée Co1nm1~ une etcercitatio spiritu(tlùi où des sons, etc. Voir bibliographie, DS, L. 1, col. 726. Le
le studium orationis donne et protège le désir de la mol'aliste qu'est saint Antonin n'oinettra pas de rap•
perfection. Il emploie aussi l'expression intcriora e;tcr• peler l'obligation des « opera spirituulia » le dimanche :
cit,ia (De pcrfectioni8 gradibus, c. 13, t>, 725c), ou rap- (< prière, 1nédita'lion, audition des choses divines, lec-
pelle le texte dH 1 Timothée. 4, 8. tu,·ti, aumône, etc » (Summa sacrae theologiae, 28 partie,
Ut. 9, ch. 7, Venise, 1582, fol. 311r).
Le ·réforma tour so\11ignc, dans le De disciplina, la
nécessité du combat pour ,1 tre apte aux « exercices spi- S° C'est sans doute chez les chartreux du 159 siècle
rituell> », synony,nes ici des ncgotia spirituqlia ou n1ême que nous rencontrons l'évolution la plus nette sur le
des spirit11,alia Domini praelia, propres aux commen- Lhè,ne dos " exercices spirituels ». Certes, Henri de
çants (c. 6, p. 89; cf c. 10, p. 990; Liber de obedi.:t1t1tia, Ba,lneà (vers 1430) dans son Spcéulum spiritualiu,n
c. 16, p. 68t,; J,ignu,n l'itae, c. 7, p. 75rl). Le De per/ec- (Pal'is, 1510) ne nous redit guère o.utre .chose que
Guigues, Suso et Gérard Zerbolt, auxquels il emprunte
tio1lis gradibu.s insiste de son côté sur les cxèrr.itia sanr.ta
virti,tum du nii:les Cliri.~ti (p. 71.5a, 724f, 725e; cf .De sa .,f.~te d'exercices spirituels (5 partie, ch. 7, 1. 112b)
8

ltumilitatc, p. 073d; De disciplina, p. 117!, 118a). et son insistance sur la passion du Christ '(i1 propose
un septénaire, ch. 21, f. 126h-131b). Et il faut en di:re à
Le chapitre 8 du De diHoiptin,i expose au novico ce
qu'est l'extircitatio spiritus (p. 931'), les cxercüationes des peu pt'ès autanL de Vincent d'Aggspaoh ;j- 14·64 qui
spirituels (p. 95b; cf L1:gnum 1,üae, c. 8, p. 7Sri) et plus rep"end le vocabulaire et la doctrine de Guillaume de
S(tint-'l'hierry dans son Dialogu.9 de Ùrl.9titutione cl
particulièrement l'exercitium orationis ou la rnentalis
exercitatio (p. 120b). Il lui faut s'exercer pl'incipulement exel'titii11 cellac; at,ssi, la distinction on tre exercitia
corporalia et e:z;ercitia spirit11.alia y est-elle cons tan te.
dans la ,nêditation do la vie et de la passion du Christ Voir l'analyse donnée, DS, t. 3, col. 851.
(per diutina.,n exercitationern, p. 93f), Longuerncnt,
Par contre, il vau t la peine d'ouvrir le De perfectioric
saint Laurent explique l'attitude de l'âme rnéditant et a:1:(!rcitiis s,u:ri ca,tusicnsi.~ .ordinis (Cologne, 1609) de
avec ferveur les << gestes » du Sauveur (p. 93-96; cf
.lea,n Hagen de lndagine t 1475. Dès los J)rémières pages,
Ser1no in. /esto Nativitati.s Dnmini, p. 395b) , sans qu'elle
l'én1inent chartreu>. , affirme, ce qu'il s'attachera ,à
'

EXERCICES SPIRITUELS 1920


1919
. la./n S. Francisai, art. 41, ibîde,n, p. 50:2C'; cf De laude, urt. 9,
dé1no11t1·e1· : tous « les exercices corporels et spiritu els de
1>, 887B'C'); 2) les exerci~s corporels, co1nmo dormir, so vôtir,
, la chartreuse tendent à la fin de l'ordre, qui est la i:e nourrir, ou les jel'\11es, los veilles, les abstinences, les disci-
.perfection de la c,harité >) (ch. 1, p. 12-18) et« la contem· plines et tous trava-ux üHl.nuels (De la1«lo et Enarratio, ibiclem);
plation dans l'union à Dieu » (ch. 2, p. 17; cf ch. :19, :l) enfin, des exercices mixl.es, qui, s'ils <Jomportont une act.i-
p. 106). L 'état re'ligieut peu t d'ailleurs être considéré en viL6 extérieure, concernent néanmoins ln réforn,e intérieure
son ense1nble co1nn1e « un exercice par lequel on s'exerce (èilice, discipline, je(\ne, abstinence, couchot• sur la dure et
à cette perfection de la charité» et les vœux de religion toute act.ivilé qui a pour but de sonmllttrc ou de régler les
(p. 17 et 2-1) sont comme,., trois e:xe1·cices ou instrument,,., sens ot la partie sensitive (ibicle111). L!t distinction est Join
d'être rigoureuse: on le voit, nusiji no so1•a-t-elle pas retenue.
à quoi se ra1nène concrèten1ent la vie l'eligieuse » (ch, 5,

' p. 82) . M:a is le moine en sa cellule a« des tenips fixés pour Denys ajoute que. certains exercices, corpo1•els et
ses exercices spirituels » : après vêpres et matines, il spirituels, sont comn1uns à tous, d'autres sont librell
médite et conte1nple en savourant les psaumes (ch·. 18, et surérogatoires (De vita, lib. 1; art. 21, 1>. 286A; De
p. 10'•). Les statuts de l'ordre prévoient la 1nanière de tau.de, art. 22, p. 856D).,De toute manière, ces« 111oyens ,1
s'acquitter de la contemplation, de la componction, de (11iedia, De laude, art. 10, p. 339) sont « ordonnés » à
la prière et des autres exercices spirituels aux temps « la garde du cœur » (De laudo, art. 16, p. 3',8B), • ad
marqués. pictatis · profectu111 », « ad virtute1n » (De vita, lib. 1,
La seconde pat•tie (De 11onnullis spiritcuilibus car-
ll.l't. 11, p. 276C et ,\.'), à la purifical.ion des facultés
tusia11orurn e:tercitiûi) précise quelques-uns de ces (De fonte lucis ac sernitis vitae, art, 22, t. '~t, 1912,
exercices : la pénitence ou confession générale qui se p. 126), en définitive à la conte1ûplation (De vita, lib. 2,
fait à l'ontrée à la Chartreuse et toute confession (ch. 1-8,
pl'ooemium, t. 38, p. 301D) et « à l'acco,nplisserûent du
p. 143-156), la correction fraternelle (ch. 4, p. -L56-164),
précepte de l' a111our de Dieu,, (De lauda, art. 85, p. 87?A;
la lecture de l'r,lcl'iture et dos auteurs spirituels (cl1. 5,
cf De vita ini;lW1arum, art. t,, ,t. 38, p. 390A'; De pcr•
p. 164-169), la 1néditation, pour laquelle on utilise
/ectione caritatis, a1·t. 3, t. 41, p. 352A).
avec prollt les livres sur la passion, - c'est « un des
exercices spiri tuais que les chartreux doivent faire ti•ès Les n.utros rouvres spirituelles de Denys ne sont pas négli-
dévotement en cellule a.près vêpres et pondant les gei;1blés. Il parle hnbituellement, au sens gânéral du terme, dè
veilles de 11uit aux te1npg marqués» (ch. 6, p. 169-174) -!, l'exercice ou del! exetclc-0s de la voie purgative (• Via purgativ!l
l'oraison et la contemplation à laquelle disposent les e.t cxercitium et conatus sou occupatio •, De /01111:, 11rl. a,
t. 41, p. 98C'; c!De con1cmJ>lationc, Ub. -t, art. 21, t, 4t, p. 157B';
~xercices corpo1•els et spirituels (ch. 8-9, p. 17'>· Exhorta1.ôrîu1111101•icioru111, 9.l't. 2, t. 38, p. 529C', etc), de l'exer·
182). J.,e r eligieux examinera avec soin s'il profite de cice el dos exercices de ln voio illunilnative (De fonic, o.rt. 9,
tous ces exercices : progrès spirituel, progrès dans la p. 106A', et, ?nglqbnnt les trois voies, art. 20, p. 123B'; cf
réalisation des consei~s évangéliques, respec t des temps De conlcrr1plat1011e, Ii.b. -t, (lrt. 21, p. 150A', etc; studia spiri•
fixés, pu1•eté d 'intention (ch. 1O, p. 189-190); c'est ce ttialia est s(>uvènl alors e1nployé comrne synonyme) ou même
que Jean llagon appelle encore l'exercititun proflciendi du rnyslicae thcologiclè exercitiurri super11a.1.1"cilc (De contcmp1<,-
(p. 187). Les ,naîtras des novices formeront attentive- 1.io11e, lib. a, art. 11, p. 267A').
Denys insiste il maintes reprises sut• l'ordre à g!lrdcr dans los
ment leurs sujets, car ces exel'cices corporels et spiri-
P, xerciccs et, notarn1ncnt dans la médit11tion (De ,n.c<lÎtation,i,
tuels sont Jet; i11stru.n1ents de la ()lll"eté de cœur, de la art. '•, L. 41, p. 7'•; • succesi,ive ac ordinttto •, dit•il delJ exercices
cont_e1nplation et, en définitive, do la charité (p. 191). do vertu.~. équivalant ici !lux e:xercicès spiritueli,, l/.l't. 7,
Le De perf<Ji;tione est sans doute un des tout premiers I), StB'). 11 propose des thèmes da 1ni:ditations f.De 1necli1<1•
ouvrages qui parlent tout au long d' « exercices spiri- 1.io11c, a.r l. '•• 8, 10-12, p. 75-7?, 81-88; De vita inclusar11m-,
tuels», autrernent dit d ' exercicefl de piété qui conduisen L art,. 16, p. 1102-408, ètc), une journée-type de rêêluse "(De toita
à Dieu et conçus com1ne des telJlps fixes de prière i11alusarr1-11i, art. 10, p. 8\!6•897), do l'examen du m1ttin à çcilui
« méthodique 1>. Ces exercices, " insérés. profondément. du soir, etc,
dans la vie cartusiennc, font d'une certaine manière Denys uUlise fréquenunent, et c'est sana doute
partie de l'essence de la Chartreuse; sans eux, le nom l'un des premiers auteurs à le fail•e, l'expression « exer-
• de chartreux est un vain mot» (ch. 17, p. 285) . cices de dévotion » ou « exercices dévotionnels "· Dans
Qui s'étonnerait de r elrouver la doctrine de le De conte1nplatione, le dè/Jatio11al,e viac purgativae
Jean 1-lagen dans les lraités que son confrère Deny11 lé exercitiurn englol>e l'onsen1ble des prières, examens,
chcirtreux t 1(17'.I cons(~Cre à la vie érémitique (De vÎUL méditat ions et autres ex ercices de la voie purgative.
et fine solltarii, .De laude et cornnwndation6 vitae soli- Sui• le che1nin do la contemplation une des ,, industries »
tariae, elc)? Mê1ne distinction des <Jxereitia corporalia recommandées esL de ne rien changer aux « exercices
(pal'Jois corporales t!xercitationes) et des exereitia spiri- dévotionnels habituels », qu'on éprouvo ou non de la
• tualia, én,1mératioo équivalentê des uns et des autres, consolation (De fonte, art. 25, p. 1ll1C'). La question
n1êmo but aussi, 1nê1ne recommandation de respect.or est précisée dans le De conte111plationc (lib. 1, a1·t. 21,,
les Lemps n1arqués, n1ême éloge dos « saints exercices p. 162·163) : les exercices habituels de dévotion dispo-
de la cellule ,, (De laudu, art. 22 titre, Opera omnia, sent à la co ntemplation; quelle doit y êtJ•o l'attitude
t. 88, Tournai, '1909, p. 356) et de l'c:-i:ercitium par excel- du corps, où les faire, et, s'il y a lassitude (« in uno ali-
lence qu'est la vie solitaire (<< 0 cella, spiritualis exer- quo devotionis seu conte1nplationis exe1•citio »), peut-on
citii 1nitabilis officina », art. 82, p. 3?1 C'; « e.x.ercitjun1 s'employer à un autre •< exercice dévotionnel »? Quels
cellae coelique... iden\ est », ne vita, lib. 1, art. 26, sont en définitive ces « exorcîces extérieurs et intérieurs
ibidem, p. 29ZU). A peine relevons-nous quelques dis- de dévotion ))'l tout simplement les exercices spirituels
tinctions ot précisions. déjà signalés.
Denys dlstlng,1e en elrct ; t) les exercices 11piritu0ls prop1·e- G0 Henri l-larphius (Herp) t 14?7 ne rent1•e guère dans
ment dits (célébration, récitation do l'offic\l, etc, De laudfl, ce courant des exercitia spiritualia, l'expression est
art. 22, p. 856C) ot ceux qu' il 11.ppclle • exercices Intérieurs et fort rare dans sa Theologia 1nystioa (Rôme, 1586). Il
intoll~ctuels • _(1néditatiQn, conlen1pli:ttion, louange de Dieu,
exercice des vertus théologalos, etc, Enarratio in 1eNia11i regit• lui ar1•ivo, e1) passant, de reprendre la distinction de
20 1921 AU XV6 SJÈCLE 1.922
9, Guillaun1e de SainL-Thlerry comrnentant 1 Tim. 4, 8, atl sacraiissilna 11ul11cra, p. G'1-ï0, a111e co111111u11io1ie111 seu
Jr, et d'énumér.er les e:tcrcitia corporalia et les spiritu,di<1 nU:sscie èclcbrationern, p. 99-119, ou encore des prières ecco1Il•

01- p:.1gnées de gestes oxtérîeurs, cxcrcitium q,û11quagi11ta ve11iar1un
(lib, 3, pars 1, , ch. 26, p. ?74-775).
1,) j se" a//Qratio11un1 ad Salpatareni, p. 83-8?, etc. Plu6ieurs o.ull'OS
Mais si l'e1nploi do 11a;11rcitir1-111, excrcitia, ci,crcitatio , c:r.crcere, ouvrligès do L anspérge rupondont à u mê,ne but, notamment
tl• se e:zercere, est on no peut plus fréquent; c'est ordinniren1ent
1re ses Cent1u11- et quinguagin{a. theoriae, son Epitcnie exercitiorr.1111 ...
dans un sens général : exercice de ln vie active ou conternpla- vit<1.c Chri,ti cjusquc M14tri$, ses Mcditc1tionos soit alpha.betuni ...
et tive; il sert sul'tout à désigner los différents degrés d o l'orai-
1()11 (td JcsuiT, Christum spo11su1n paticntèm, etc.
1in son, de la vie conten1plative et d13 l'amour unitif. Chacun dos
18.
degrés d'amour décrits par Hogues de Saint-Victor ot repris Il serait tou L aussi aisé de relever chez le bénédictin
pnr Harphius est 1111 oxorcico. L' • oxorcico d'aspll'ation ou Louis de Blois t 1566 un certain nombre de (< pieu:x
~•amour unitif •, ou I'• oxorcieo d'atnour •, est ainsi longuement
et exposé en sas élérncn ls, lesquels constituent ou:x-mêmes quotre e:xo1•cir.os » : oxol'cico ,, pour se 1noLLre en l)résence de
8$ 11utres exercices (lib. 2, pars 3, ch. 46, p. 547-552 ; cf lih. 8, Dieu » (.l,' institution spirituelle, ch. 1 O et 11, trad. de
::>e pars 8, ch. 17, p . 720•726). • Le6 pratiques dea exercices spiri- Wisques, coll. Pax, t. 1, Paris-Maredsous, p. 14 9-157)
! li t'uels • d e la voie purgative (lih. 2, pars 2, titre du ch. 17, for•lnules d'aspiraLiona (ch. 1,, p. 101.-10', ) etc. l .'abbé d~
à p. 491,-1, 96; cf ch. 1 la , p. 1, 91, ot pArs 4, ch. 62, p. 693-594) sont Liessies distingue cornniuné,nent les 'exercices reli-
Ld ollos aussi des prALiquos io loriouros : la convcrsio ad Dcurri, la gieux extérieurs et les exercices spirituels propreinen t
1, purification des allcctions aux fau tes vénielles, • les exercices dit.$ (ch. 5, p. 106°10?); il expose la « variété des exer-
és con tinuels e l les désirs aspiratifs •· Notons encore l'exercitiu111
atttrnat 11iuu1, qui est la m(ulit.nt,ion ùes fi1111 dernièr.Eis, è l los cices » spiriLuels ou de piété et des « pratiques de dévo-
2, erercitia passioni.1 do111i11ica8, qui sont la conl0111plal1011 dû la tii)n • dans L e rniroir de l'c1nu: (t. 2, ch. 10, § 6, p. 86-
2, passion telle que la Jlrésen Lo sain t Dcrnnrd (ibidem, ch. 16, 87), lol'squ'il 4écrit l'exerçic1.1 do rccl.Ulille111ent (p. 76-92).
lq p. 4~8-494). L'ox11rcitiu11i picuùis n'est 1>as autre ch ose quo cr DS, t. 1, col. 1. 730-1738.
l; l'cxcrclco du don d o piété (lib. 2, pars 8, ch. 38, p. 531). . Los Exercitia tlwologiae 1nystieae scu excrcilia quaeda,n
r- 4. Conclusion. - Il no semble pas indispensable p111.... (Cologne, 151,8) de Nicolas E8ohiu,8 t 1578 s'ap-
do prolongl, r cet Le enqnôt.o. Avec l'apport massif des parentent à la Dévotion moderne et à l::i spiritualité
ouvrages de la Dévotion ,noderne, que .concréLise en ignatienne; ils ont ôté longuement décrits (OS, t. ~.
1!,94 la publication du Rosettun e:t:ercitior1un spiri- col. 1060-10G6).
truili r,m de Jean ~tombaer et celle do l'Excraitatorio Le livret de saint J gnace de .Loyola, Exercitia spiri•
de Garcia de Cisneros en 1500, les livres et les méthodes tualia, qui paraît à Rome la n1tlme année, muni d'une
sur les exercices spirituels se multiplient. huile d'approbation de J?aul 111, rait enL1•e:r défl nitlve-
9,·
°
1 En voici quelques exc,nplcs pour le 16<1 s wcle. 1nent dans la tradition de l'Église eL dans la vie chré•
Liünne la dénomination de plus en plus courante d'excr-
cf
Pour t•éédifler l'aedificir1,ni spirit.u,ilis c:ccrcitationis
(ho1nélie 19, Opera pia et spiriti~alia, .l\1ayence., 160',, cines spirituels, appliqués à tous les cxercic<:)s q,,i nous
18 p. 497b), Jean 'l'rithème t '1516 suggère de revenir conduisent à Dieu. L'acéeption LradiUonnelle des quatre
a- aux << quaLre inslruinents des exer•cices spirituels do la e:x1)rcice$ monastiques, la distinction des exercices cor•
cellule » : lire, écrire ou copier des textes, pr·ier et médi- porels d'avec les spirituels, l'ol'donnancemont de ces
ter; il y en a bien un cinquième, ajoute l'abbé de ex,~rcices dans la. journée des moines et des fidèles, la
Spanheim, rnais il n'est guère accordé qu'à ceux dont <( Hiéthodisation 11 de ces exercices (méditation, examen,

le cœur est purifié, « être élevé à la ,nontagne de la et,~) proposés aux comn1ençantr; et. è la foule des chré-
contemplation d\1 S<}ignetn' » (hon1élio 6, p. 1,aaa et b). thins, tout cela y est repris et schématisé. Voir ilifra,
En vérité, " c'est la négligence des exe1•cices spirituels col. 1931-1933.
qui a causé la ruine de l'institution régulière n, affirrne le 2° De notre enquête à travers le n1oyon âge se dégage,
Ds triplici rsgione çl,u1,straliu1n et spirit1ta.li cxercitio sernble-t-il, une double conclusion.
n1onachoriun (préface, p. 564). Pour Tl'ithèrne, chacune 1) Tout d'abord, et. le plus ordinairotnent, l'oxpres•
do ces • régions » est un exercice, à l'intérieur duquel sion " exercices spirituels » revêt: une aigni fication
:e il en précise d'aut1•es; par exemple, do la triple crainte rnulUplo. Le cas le plus typique en est précisément le
r• vocabulai1•0 de saint Ignace de Loyola, qui reflète bien,
naissent lroJs.sorles d'eXel'cicer;, l'exercice de la crainte •
IS sur ce poin L, la tr•adiUon médiévale. Dans ses Excrcititt
[8
servile, de la crainte filiale et de la crainte chaste
(2c région, art. 5, p. 59',). Enfin, son Modus et for,na spiritttalia, l'expression est, en ofret, utilisée en des
3 acceptions diverses méditation, considèrations '
' quot~dia.ni e:tercitii n1ona.choru1n forn1\1le les pl'iôres, .
exphque les gestes extérieu rs et les attitudes in lérieures oraison, application des sens, exan1en, élection ou
du moine, depuis la rccollcctio du matin jusqu'à celle ·r•él'o rme de vie, pénitence extérieure et intérieul'e, discer-
du soir. Chaque dérnarche est prévue. La 1, conclusion n{•n1ont dos esprits, docilité au directeu1! spirituel,
. gé_néralo de tous ces oxerciccs spirituels 1, de111fu1de qu'ils docilité tl l'Espl'it Saint, purification des puissances,
so1en t vécus dans « la liberté et la joie <le l'Esp1•it » )ll'iér~es vocales, « exercices >> pour s'atlectionner au
(p. 655). Un Co1npc11di1un spirituali.s e.1:ercitii (p. 656- Christ, à l'humilité, etc.
660) suit le Jlf.odus (627-C.55), à l'intention de ceux qui l'arallèlemenL à cal.te signification multiple, l'appel•
!'estimeraient inadapté à leur cas. Jal.ion d'exorcices spirituels, d'exercices de piété ou do
Le chartreux J.ean-Juste Lansperge t 1539 enLend dlivotion, restera appliquée à quantité d'exercices donL
par exercir.e u n ense1nble de prières liturgiques et esl. tiss6e la vie chrétienne. Qu'il s'agisse, par exemple,
d'aspirations ou d'elTusions du cœur centré autour·d'un d'exercice du chemin de la croix O\J d'exercices d'llne
thè1ne, tel que l'expiation des péchés, l'action de grâces, neuvaine, du mois do Marie ou du rosaire, lesquel1:1
la lutte contre les suggestion$ dérnoniaqucs, la demande sont composés d'un ce1•tain nombre d' " actes >>, de
des ver Lus infuses, la purification, la conl'orn1ité, etc. forrnules de prière vocale ou do gestes, olTorts à dos
Tel est le contenu do son « carquois " (Pharetra diPini inl.ontions précises et que soutient la loi vivo; ou
amoris, Ope.ra on1.nia, t. 5, Montl'euil, 1890). qu'il s'agisse de la réception des sacrements (pré-
On y trouve encore des exercir.es de dévotiôll, cornnie ceux• pt1ratlon à la confession, è la communion, action de
ci ; Ex.ercitiu111 ad pii'.ssinuun et fidelissÎlnr1.1n Cor Jesri, 1>, 62-61,, gl'âr.es, etc) ou d'exercices de prière personnelle (orai-
J)J CTIONNA1R'E DB S ~IRJTUAI-JTR, - T, IV, 6i
1

1923 EXERCICES SPIRITUELS 1924


sons jaculatoires, m éditation, .oraison, conte1nplation, plus signincatîJs, ot dans certains des 1nattres étrange1-s vir
examen, visite au Sain t-Sacrement, otc). à cette école n1ais d ont elle a subi l!influence.

-
()0(
2) En mêrno temps ot pou à pou, on l'o. vu, l'expres- 1. Jean Ruysbroeck t 188j n'appartient pas ~ la
s\on « exercices spil'ituels » était appliquée, sinon Dévotion moderne, on le vénère ,.n ais on n o lo suit t1l1
restreinte, à quelques exercices do piété : oxarnen da fic
conscience, rnéd itation, confession de dévotion, action
gut':ro. . . .
Il e1nploie quelquefois le mot exçrc1ce ( ocfenu1ghe, 001
de grâces après la con1munion, récitation du rosaire, 11/e11ir1ghe) tour à tour dans le do1naine ascétiquo o_t pa
visite au Saint-Sacrern cnt, etc. Dos rnéthodes J)Oul' dans Je do1naine mystique. Da11$ Van v11 trappen, 11
bien s'on acquit,tiw Curent précisées. I l est arrivé, parle de(< la substance divine» qui est au-dessus do tout
-- co1nma il arrivera toujours - , que ces méthodes se , Vi,
eJ:crcice do v ertu (boven alle 11fe11inghe van doegden), mG
dégradent en "pratiques • 1 C'est pourquoi, ajoute-t-il, « nous devons a imer à regar-
Nous ne pouvons négliger de rappeler la liberté avec tul
der Dieu en nous exerçant dans les b11ages, les formes .ce!
laquelle l' ensernble des auteurs parlent d es e~orcicos el las ressornblancos divines ... L'Esprit de Dieu nous
spirituels et des m éthodes qu'ils suggèrent. L'auteur de él o
enseigne t,•ois n1odes d'exercices (u, wisen van ufe11i11- COi
l' E'pîtrc de la direction· intinie le dit avec hurnour : ghen) ». Il s'àgit d'exercices progressifs de prière et de
« Lo,•sque to con11nencera':l ta prière, ne to mets pas pé
tnéditation que l' auteur décrit en détail (Ruusbroec,Wer- rie
en peine de sa durée, no t'ocr.upo pas do ce qu 'elle /c,?n, éd. l~u\lsbroec-Geoootschap, Malines-Amsterdau1,
sera ni du nom quo tu lui donn el'IIS : oraison, ps11ume, cel
t. 3, 1982, p. 239 svv; tr ad. des bénédictins, t. 1, 3° éd., ID'
h ymne, anLienne ou toute autre prière, prioro générale Bruxelles, 1937, p. 250-251 ). Mais dans I'Or11cm11nt <ka •
ou particulière, prière m entale ou prière vocale » (trad. toi
noces s pirituelles , vers la tin du livre 2, quand l'âme a co:
M. Noe tingo1', 'l'our$, j 925, p. 382). Saint Ignace red i- t raversé les purifications passives et qu'elle est engagée
. . sait au fond Ja rnê1ne chose sous une forme p lus n1ys- pa
d::i.ns les voies myst.iquns, il O$ t encore question d'exer- se
tique : · « Sinat Creatore,n cu m creatura et creaturarn c,ccs :
r.n,n s uo Creatore ac Domino immediate operar•i » ' oie
(Excrcitia, n.. 1 5). • Ln vie 111 plus in tiino ost exercée solon trois n1odcs (Die di1
inniclrnte Juvon wôrdL beufent in (drlen) ruanieren) ... Le premier •
Les conciles provinciaux e t les docurnents pontifi• l'i(
11,ôdc est tout d 'oisiveté, car il rend l'homme oisif viH-à-vis cit
r.aux ont on Lériné ce vocabulaire et soùligno l' utilité de
d<.l toute chose et 1'6lève au-dessus des œilvres et au-déssus
ces exercices, cornrne le montre le chapitre 1v. Et le de toute vertu. Il l'unit à Diell et donne !I\IX exercices les plus
51
17 8 siècle offrira à tous une flora ison copieuse d'ouvrages intin1e~ qu'on puisse pratiquer fermeté et stabilit6 (oono vaste
ex
d'exercices spiritu els et de « j ourn ée chrétienne », dont gh<,lstndic:lieit der innischstor oefonint;hon) • (t, 1, p. 223-224:
l'lntroduction à. la vie dé!'otc (1608) demeur~ le type voir aussi p. 220 ot 227; trad. t. â, 2• éd., 1928, livre 2, ch . 71, $P
accompli, ·en centrant tous ces exercices autour de 7'1., 73, p. 190 svv). de
l'eucharistie : << Le soleil des e:icercices spirituels est or,
Je, tl'ès saint, sacré et très souv or•ain sacrifice et sacre- On voit qu'ici le ter,ne no désigne plus une activité tu,
d e rnédita.tion 1nais des phénomènes propren1ont de
ment de la messe" (2<: paJ'l.ie, ch. 14). 1nystiques. pe
H. Watrigant , Q1ielqu~s pron1otcurs do la 1néditatùn1 métho- 2. Origine et premiers développements de pli
dique a1i 15• siècle, coll. Bibliothèque des Exorélces 59, Enghien l a Dévotion moq.erne. - :1° Gérard Groote (1840- l'a
(Bolgiquo), 191!l. - ,J. do Guibert, L<, • méthod.o des troü puis- fir
1 :t84) est le « père de la D évotion 1noderne ~- lJ a laissé
sances • et l'Art de conte111platit>n de R<1-yn1ornl Lull, RAM, t, G, 11,_l)
1925, p. 367-378, - L. vôn Herlling, De u.s11 nominis exereitio- pc,u d'écrits spirit1lols, des traductions d e Ruysbroeck
ru,n $J>Îritua/iurn a11tc ,S, P. I ,:natiuni, dnns Archi,,um histori- el, d'au tres, des lettres (éd. \V. Mnlder, Cerardi rna grii la
eum Soeietatü Jcsu , t. 2, 1933, p. 316-318. - ,J,•l•'. Bonnefoy, epistolae, .A,nvors, 1983) e t un Tractatus de quattuor gcrie- dt
.
U na so1n111e bo11ave11t11ricn,1e de théologie niystique : le >( De tri• rib11s m,Jditutionuni sic,e curite-,nplationum (éd. A. 1-lyma, JO
plici ,,ia •, Paris, 1031,, p. 21-42 Les exercices spirituelR; p. 119- dans Archie/ voor de geschiedenis 1Ja.n het aartsbisdom ré
150 L'inlluencc, la nulditntion méthodique. - Op tat do Utrecht, t. 69, 1924, p. 296-826). On ne découvre le çu
Voghel, De oc/cning van het inwendig (Jcbcd in de Mi,1der- n1ot exercices que dans sa lettre, on thiois, à une recluse, ra
broeder,çordt1 r;t1d11rc•r1dc de 1/J• en 16• eeuw, OOE, t. 21, 1947, Il
p. 113-160. - P. $11lmon, l .'a,;cèsc 11r.<>nastiq1ui et la Rpirilr,alitci, oil il parle de ses exercices qni consistent à prier, jeftnor
VSS, n. 29, niai 1951, , p. 195-240 : l'auteur parle des exercices et autres bonnes œuvres, <( oefeninghe va n lezen vasLen et
11pirituels en étudiant • la s6pnrat.ion ent1•e vio p!\rfuite et vie en and ere goede ,vorken » (lettre 68, p . 266), et à un ti(
religieuse » au moyen âgo ; Aux origi11cs de let con grégatio11 de chartreux : << 0 01110 e.vercitium legendo e t vigilando dB
Saint-Maur. Ascèse n1.onasti q11e et exe1'1)ù:es spirituels da.na les et orando » (lettre 70, p. 287). Quand il tt'aite de la
Constit11tio1111 de 1646, dans Revue d'histoire rle l'Église de nll~dita Uon el de ses n1éthodos, il n'use pas du mot FI
France, t. ~3, 19()7, p.101-123. e:~ercitiu1n, pas davantage dans ses Conotu111:z. et propo- tu
Voir les artiolos Ascils.:, Co NTF.M1>1,ATroN, EXAM EN ui; coNs- sita non vota (dans rrho1nas a l(ompis, Opera, éd.
c1ENi:B, M:éo tTATION, Rrl'rll AITE SPIRIT l,JF:l,J,ll , etc. lêi
1\IL J. Pohl, t . 7, Fribourg-eo-Dl'isgau, 1922, p. 87-109). tr,
Andr6 11.A VEZ. li en sera tout autre,nent parmi ses disciples. (e
20 F lorent ,nadcu,ijr1s (vers 1850-1400), exécu teur et
ID. DE JEAN Rt/YSBROECK A SAINT IGNACE des projets de Gérard Groote, devient te v rai maître pc
d,; la Dévotion m oderne. Sous sa plurne ou sur ses VE
Dans les milieux de la Dévotion moder-ne et en lù v rea revient quelquefois la 1nen tion d 'e:iercices; il Sf
relat ion avec elle, au cours de la pé1•iode qui va de R uys- les veut quotidiens et n1ême déter1ninés d'heure en (W
b r oock t 1381 aux débuts du t6e siècle, l'expression heure. << Singulis h oris describe tua singula exercüia ,,, te
« exercices spirituels ,, connatti·a une fortune Cl'ois~o.nte d it-il en s'inspî1•ant de la<< Lettre d'Or » d e Guillâumo do Tl
et prendra un sens plus précis, sans évin<Jer pour au tant Saint-Thierry (dans Tho,nas a l(empis, ibidllrn, p . 197). de
les te1•mes de ,neditatin et de conternplatio. li ne s 'agit (Ju'on les ch oisisse selon ' les avis d'un sage co1lseiller di
pas d'une évolu tion rectiligne, comme on pourra s'en (" De discussione exercitioru,n cum aliquo experto », et
convaincre en relevant co terrne dans les écrivains les daus De e:r:tirpatione Pitioru1n et acquiBùione 11eraru.m à
1925 DANS LA DEVOTIO 1\-fODERNA 1926
virtutum, inc. Multum valet; éd. J .-F. Vregt, dans .;lrchief rente:; heures de la jotn·n<!le. GerJac Peters t 1411, vrai
VO()r tù.,. Utrecht, t. ·10, 1.882, p. 420). S'il emploie le mot mystique dans le siUago do Ruysb1•oeck, a1/ait r6rligé
c:urcice11 au sens d'application des facultés intellec- pour lui-n1ê1ne un llreviloquiuni pro danda oocasione
tuelles à un thén1e donné, il lui accole tarernen t le qu ali- spiritualis exercieii, qui est lui aussi· un livret .de réso-
ficatif spirituels. Sos m6thodes, ses conseils, ses 1uodostos lutions ascétiques. On constate donc que le n1ot conti-
qcrits onL été développés et systématique1nent organisés nue de s'e1nployor en des sens généraux.
par son disciple et collaboraLèur, Gérard Zerbolt.
5° Jean vos d11 /{p,usden t 1424, J>i·emier prieur sup6-
. ao Gérard Zerbolt de Z11.tphe.1i i' 1898, fl'ère do la rieur <l.u chapitre dct Windeshehn, a publi6 une Epis-
Vie commune, a lais:;é deux traités spirituels, De re/or- 1.ol(L d11 ,,ita et pa.ssion1: dornini 11ostri Jesu Christi et alii,s
rnationc virium anùna.e (flonio q1,1,ida,n) ot De spiri- devoti,< excrcitiis soi:undu,n qitae f ratr8f! et laici in W i11-
tualibU$ a.vcensionibus ( Be(1tu.~ vù'), présentations suc- <lesen1 se soient e:i:erccrc. Il n'en est pas l'auteur, l'original
ceasives du môme •Système spirituel; le second, mieux est t.hiois, il l'a L1·aduit ou fait traduire en latin,
élaboré, nous sulfu·u. C'est un exposé méthodique et l'appuyant de son autorité. L'ol'iginal a été édit6 }) EU'
complet du progrès spiriLuel de l'ân1e, depuis l'état de C. C. de Bruin (dans Nederlandsch archie/ voor Ki!rkge•
péché jusqu'au retour à l'innocqnce originelle anté- 111:hied,1,iis, nouv. série, t. 34, 1943, p.1 -23) ~t Jeal). Busch
rieure au péché eL jusqu'au som met de l'oraison, l'a _inséré dans son Chroriicon W indeshernense (éd.
celui-ci étant décrit non d'après Ruysb1·oeck et sa I{. Gl'ube, .E-Ialle, 1886, p. 226-244). Il blâme d'abord
mystique trinitaire, mais d'après saint Augustin cité ce qu'il appelle l' ,c inexercitatio » dos religieux « qui ad
tout au long dans un passage des Confessions. A ceLLe 01n11ia exercitia aLtediari incipiunt » (p. 227). Nous trou-
conten1plation « per spoculun1 in aenigrnate » on arrive vons lo tel'me sous différenles for,nes : « ubi Deus non
par l'humanité du Christ (c. 45). Le progl'ès de l'âme exerci:tur )) ; « vitam Domini nostri ,Tesu Christi... excr-
se fait en trois asc~nslons successives au 1noyen d'exel'· cere » (p. 228). Il fournit « aliqnarn... regulam bonorum
' cices sava1n1nent gradués. << Asconsiones in corde debes e:ccrcitiol'1t1n... quae sancti viri et hominos bene exercitttti
disponere : modum eL exe.rcitia. quibus te vis in ant.o- mihi · reliquerunt >> (p. 229) . ·cotte règle ou méthode
rlora extendere 11 (c. 1). Il faut con1biner « opera et exer- consiste principalerueut il. disl:1•ibuer de jour on jour
citia • suivant les avis d'un guide expérilnenLé (c. 9 et do la i;f.nnaioe des points déLer,ninés, trois pou!' chaque
51). Gérard fournit le plan, lo mode et la rnatière des jour, 111atin, après-ru idi et soir. Et pour finir il renvoie
exel'cices. Place est faite aux « e3;ercieali'.011cs corporales », au B i:citur Pir de Gérard Zerbolt; c< juxta hune n,odurn
mais secondaire et subordonnée. Quant aux exercices fratrei; devotarum congl'egationurn se solent exercero "
spirituels, à défaut d'une définition pr•éclse, voici une (il s'agit des frères de la Vie con1mune). Il n'y a pas
description : « Sunt autem tria ista : lectio, meditatio, chez lui d'or<1onnance1nont pl'ogt'essif, il souhaite que
oratio. His tribus innititur et perficitur omne 11piri- cetto pratique des septénaires prépare à la communion
tuale excrcitilun » (c. 43). Il y faut inclure l'examen hebdornadail'e.
de conscience, dont la rnéthode est décrite on trois
degrés, le dernier étant à peu J)l'ès cc qu'on appellera 6° .!11an de Sclwonhovcn t 1482, sous-ptieur do Groe-
plus tard l'exan1en particulier. Pour tous ces exercices, nendatJ.1, autre figure de premier plan dans le chapitre
l'auteur fournit des Lhèmes gradués et détaillés : péché, do Winde$heim, écrivain abondant sinon original, a sa
fins dornièl'es, bienfaits de l)ieu, vertus et vices, plus place dans l'histoire des exercice$. Il nous intéresse
abondamrnent sur la vie et la passion du Christ. Notons surtout par son Epistola contra errores c1tjut1dani prioris,
la distribution septénaire dos « particules » de la passion rostéo inédiLe (Bruxelles, bibliothèque royule, ms
du Christ, adaptée par tloreot Rad(nvijns aux sept 15120, f. 160v-162v). Parmi los el'reurs qu'il relève,
jours de la sernaine. JI attire l'attenLion, éveille la la seconde ost ainsi formulée : « Quod suhdi Los tuos
r6flexion, provoque les affections, ponctuant se:; aper- non J> Ot'llli Ltis devotioni vel spi'.rituali exercitio au t
çus ramassés de cogita.. , auende .. , ,nirare.. , et autres conteinplationi vacare; sed ab huju.s,nodi excrcitiÏ/1 eos
rtlppels du inênle genre répétés presque à .chaque ligne. ,•etrah is : et eos corporalihtu; e.1:ercitationibu11 solum
Il s'agit donc bien d'une rnéthode d'oraison attenLive intendore co1n pellis ». Ce qui nous vaudl'a des préci-
et appliquée. Par les précisions, l'ampleur, la grada- sions •.! t des arguments éclairants. Il lui oppose le texto
tion qu'il apporte, Gorard Zerbolt marque une étape de 1 Tùn. 4, 7 et 8 : ,1 Exerce te ad pietatem .. , narn
dans l'évolution du Lerrn e. corpor11lis 1Jxe.rcitatio ad modicurn utilis est; quia,
sic11L dit\it ibidem A1nhrosius (c;a Anibroslaster, PL 1.7,
4° .l,es Frères de li.i vie corn1n.1uui, f<H·n,és par maître '• 74a), jejunare, vigilare, labo ral'e non prodest, nisi
Florent, s'adonnent avec zèle aux c< exercices P. Les sta- addat11l' pietàs ». Il roconnatt que les « dornestici Dei »
tuts de la maison do Zwolle rangent SO\lll ce terme tous cloiven t être co1nme ceux de la fem,no forte, « vestiti
les 1noyens do perfection : prié1•e, méditation, lecture, duplicibu$ ll, mais il faut préférer l'exercice spirituel.
tràvail des mains, veilles et jennes, les " cxercitatio11cs » « Qui:; enirn ncsciat e.1;ercitia spiritualia praovalere
(on tendons rnortillcat,ions et hurnilia f.ions imposées) e.1;ercüationibus cc,1•pôrolibus; sicu t praevalot spiritus
et, reprenant la forinule de David ll'Augsbourg, <• corn- corpori t1t lex spiritualis legi carnali ,,. Joan de Schoonho-
position de l'honune extérieur et intériou1' ))• pour arri- ven ci Le à l'appui les règles do saint Augustin et de
ver« dlrecta via ad caritatem Dol, ad gustum actornae saï.nt François, la c1 Lettre <l'Or P et un sermon de saint
Sapien tiae " (Jacobus Traiecti, N arra.tio de inchoatione Bernard S\ll' l'assomption : « Non sola invenio tur in
do,nus clc:rù:ori'ni i11 Zwolli.9, éd. 1\1. Schoengen, Ams• nobis 11:1.:ercitatio corpo1·alis ad moclicun1 valons : sed
torda1n, 1908, p. 241). Dans ses Dialüg11.es des novices, inverliatur ut.ilis ad ornnia piof:as et e.'l:ercitiu.rn. 8pir1:-
'l'ho1nas a I{empis a reproduit des extraits dos E'xerr.ices tuale " (Pl, 183, t.l20b) . .
de Luhbertus Berneri, et de Jean l{ossel, le cuisiQier, On 1·e1narqucra la tendance à désigner du te1•n1e
d6cédés l'un et l'autre en 1898 (<)pera, t. 7, p. 260·267 e:i:ercilùun de ptéférence les exercices directe1nent
et 308). Nous t.rouvons des consignes qu'ils se donnent spiritunls; parlant d'exercice corporal on dira plutôt.,
à eux-môrnea et des dévots exercices assignés -aux diffé- comml• saint Bernard dans le texte allégué, éœercitatio.
1927 EXERCICES SfllRITUELS 1928
Deux méthodes anonymes s;inspirent, sinon de l'Epis- grès spirituel ot à l'amour cle ln vertu • (ch. 1, 2). '!'elle ést la 'fln Gr<
tola de Vos de Het1sden, du moins des mêmes principes. dos oxorclces. Thomas ne diating1111 plus Ici, co1nn1ê falsalont Sea
Clérard Zerbolt et d'11utres en s'inspirant do la • Lcurc d'Or• rat
7° La Formula spiritualium e:z;ercitiorum scu 1neàita- et des Pères, le scopos et la fin, la pureté du cœur ot la charité; gUt
tion1im pro novieiis ù1 religione instruenàis (ms 15<1 siècle, lui-même le fora plus loin.
91 folios, Chantilly, bibl. des jésuites) tient à la fois, En quo! consistent ces èa:crciccs, le chapitre t le décrit rapi- de
dans son dessein général, de l'Epi..~tola et du Beatus cl 01non t : veiller sur ses poni;éeà et ses mouvomon ts ln térlolll'II, Tri
lutter contre l.a dissipation du cœur par la priàrè, la lcctllN), titL
11 ir de Gérard Zerbolt. Dans le cadre de la , journéc
ln méditation (v. 5J, noter progrès ou reculs dans un• libellus, tat1
régulière, elle range, en trois parties, un ensexnhle
coordonné d'exercices spirituels, méditations, examens (v. 1~). Relevons encore co éonsoil : • Chaque jour, lnsèNI (p.
dnna tes exercices un article sur ln pnssion du Christ • (ch. ~. de
détaillés, recommandations ascétiques (celles-ci dans v. 54).
la dernière partie), mais t.out est présenté en forme to\
de Lhèmes à méditer. Chose· re1na1•qua_ble, la Forniula mé
L'opus 18 et dernier de l'autographe, Bre11is ad11io- Val
n'accorde presque pas de place à l'exercita.tio corporalis. nitio spiritua.lis excrcitii (éd. Dolaissé, p. 589-548; éd. ter
De la Form,ula un polit ouvrage se rapproche, intltu16 l 'ohl, t. 2, p. 421-482), marque l'importance que 'l'homas, au
Generalis n1od1,s forrnar1cli meditatÎ()/1;.s de regno coclorun1 cul d'accord avec son milieu, reconnaissait aux e$erçic~.
habendan, co111p1u1ctio11"n et desideriu111 ad ipsu.m obtine11dutt1
ne
Il s'expriine ici d'une façon plus brèvo, comme l'annonce l'ar
(6d. V. Becker dans De KatholiBh, nouv. série, t. 19, t88f,,
p. 40-47 et 101-ttG), r6digé au 15• siècle dans l'esprit do ln titre. a L'hom1ne progresse peu à peu, et cola par loe ex,
Windeshein,. Il donne plus qu'il ne promet, fournissant des exercice., q\lotidiens P (v. 2). Il ajoute aussitôt, indiquant SCG
thèmes à méditer chaque jour de la aen1aine, sans omettre, en quoi ils consistent : « 'frois choses sont nécessairœ C
lo vendredi, des• particules , sur les épisodes do la pns~ion. Il ne au religieux.. : la prière, la lecture et le travail. C'est COI
s'agit que de méditations, ile réfle:x:ion11 dltigées : • cogito... , en cela qu'il doit s'exercer chaque jour ». Le travail éol
vcttc oculum.,, nota ... Debes tenoro hune modum et talern prend place parmi les exercices spirituels dans la concep- toi
affccturn tormare •· li conseillo encore : • Oportet longo tom• t.ion do 'l'homas a Kempis, parce qu'il est bon au corp3 Eli
por.e in his exorclliis irn1norari •· Voici le mot entendu ici uni-· et utile à l'esprit, qu'il doit être pénétré de prière et 601
quement d'acUyHés SJ)il'ltuelles. à •
d'oraison. Aussi bien, a-t-il sa place dans l'office du
go1
8. De Thomas a Kempis à Jean Mombaer. - • chœu1•, dans les attitudes, les gestes et le chant (De rai
- 1° Tho,nas a Kentpis t 1471, fidèle disciple, lui aussi, c,peratione; D11 choro). Après de brèves et irnpérleoo011 · cil
de Florent Rad·ewijns, mais combien supérieur à son recommandations sur chacun de cos exercices, if en vient dQ
rnattre bien-aimé, n'a pas manqué de parler d'exercices t\ la tin qu'il faut poursuivre : « Ad quid omnia txcr• pil
spirituels. Bornons-nous aux œ uvres qu'il a rassem- r.üia ». Relevons sa réponse : tous doivent tondre à (cl
blées dans son ,nanuscrit autographe (éd. L.-M.- vaincre les passions, à mortifier la volonté propre, au 22
J. Delaissé, 13ruxellos, 1956, ou éd. M.J. Pohl, t. 2, 1n6pris du monde et à l'a1nour de Dieu, à rabattre la
1904), trois exposés concenti•iques qui se co1nplêtent chair et éleve1• l'âme ; qu'enfin par l'apaise1nent des pi
les \JUS los autres. Au Hvre 1 de l'imitation (composé convoitises on arrive à posséder la pureté du cœur et ré
de, 1(120à11,2,,J le ch. 19, « De exercitiis boni religiosi ~. la tranquillité de l'esprit. L'an1our de Dieu est curieu- ré
apporte l'écho des enseignements de Florent Rade- sernent placé avant la pureté du cœur, contrairement VI
wijns, de Gérard Zerbolt et de Jean de Schoonhovon. ;\ l'ordre générale1nent adopté. On voit quo Thomas er
I.l s'agit de la résolution à renouveler chaque jour ; n'a pas grand souci des distinctions tranchées. 'l'oute et
• Omni dio renova-re debemus propositum nostrum » la vie religieuse dans ses activités diverses est une par p(
(v. 8), consigne puisée duns une exl1ortation de F'loront principo intérieur. m
qu'il recopiera dans la Vita du mêrr1e (éd. Pohl, t. 7, 2° Jean Busch, t après 1.',79 (cf DS, t. 1, col. 1983- Ill
p. 173). Il recommande la fidélité aux exl!rciccs : une 198(!) , ami porsonnel de Thornas a Ke1npis, mérite une 11
légère omi$sion ne va pa_s sans dommage (v, 7). Oeux 1nen tion. Grand réforma tour de rnonastères, il a répandu 1/(
exercices sont parliculiê1•ement nécessaires : renouveler 1:11 différentes régions de Ger1nanie les principes et les d,
le matin ses résolutions et le soir examiner sa conduite pratiques de Windesheitn. Quelques-unes de ses lettres (1
(v. 15-16). Los exercices ordinaires sont : lire, écrirê, ont élé éditées où il propose des méthodes et des exHr• c,
prier, méditer, travailler pour la communauté (v. 18). (:ices, telle son Epistola aà pri<Jrsm augustine11tiun1 tr
Quels exercices préférer? les spirituels, et d'abord ceux Magdeburg de di1Jersis exercitiis (éd. D. J. M. Wüs-
de com1nunauté. Quant aux e:tercices, qne chacun tenholT, De kleinere geschri/ten van Joha11n1J1J Busch, Li
assume à part soi tt ses 1noments libres, grànde liberté (Ja.nd-La I·Iaye, 18\JO, p. 77-80) sui• los cc exercitia intel- 1
est laissée selon l'utilité <le chacun, selon le cours des leelu1n e t afTectum fratrum juniorum ad cognitionem C
fêtos ou les variations de la vie intérieure (v. 20-!l9; nl a1norem Dei incitantia », e t celle qu'il adresse à un C
cr aussi livre 1, ch. 20, 28). Au chapitre s uivant, l'exer- c.:hanoine de Windesheim, Guillaume (p. 73-77). Dans r
cice sur la vie et la passion du Seigneur est mis au p1•0- l'une et l'autre OO!JS trouvons des t11èrnes gradués p
mier plan. 011 y trouve en abondance tout l'utile et le do . méditation; il reco1nmande spécialement « certa C
nécessaire, point n'est besoin de che1•cher mieux (ch. 20, exercitia » sur la vie et los mystères du Christ. De lui- I
27-28). D'autre part, les formes exercitatio, exeroitari rnêmo il raconte qu'il avaiL chaque jour des e.terai<:os è
s'entendent des épreuves, contradictions, humilia- spéciaux, doux ou trois <( fercula »; si l'un ne lui plai- r
tions et pêincs qu'il faut supporter dans le progrès si\it pas, il pouvait on prendre un autre (De refor,na- C
spirituel(livre2, ch. 9, 80; ch.12, 19; livre 8, ch. 12, t,; tionc 1no11asterioru1n, Jib. 1, c. 2, éd. K. Grube, p. 397).
ch. 19, 4 i ch. 80, 35; ch. 1,9, 14). e
30 Wcssel Gansfort t 1489, théologien aventureux, (
Ce HonHn!liro est détaillé par ThQmas II Kompis dans les fréquenta le monastère d'Agnietenberg on deux pério-
douze chapitres du Li/,ellrts spirituali~ exercitii (avant 141i1; C
éd. Dolaissé, p. ~65-488; éd. Pohl, t. 2, p. 829-355). Au début, des de sa vie; dans son adolescence il connut 1'homas à (

cette déclaration : • C'eat la coutu1no chez les bons religieux l<.empis, dans sa vieilles~e Jean Mombaor, dont il loua 1
d'avoir de11 e~ercices dévo ts pour s'exciter chnque jour nu pro· les œuvres, spécialement le Cltirop11alt<1riu,n (Opera, 1
1929 DANS LA DEVOTIO MODERNA 1930
1fln droningue, 1614, p. 328); Mombaer lui emprunta sa tum et uHlrnum locum:tenot _sibi oxorcitium operis 1nechanlcl
ient Scala meditationis. A ces titres, Wossel Gansfort se et nianualls • (llOrrel, 4, Milan, 1603, p. t,).
)r * r/lttache quelque peu à la D6vot.ion 1noderne. Il a lon-
l&é;
guement traité des sujets chers aux contemplatifs - Parn1i les « exercitatione1J » de la vie religieuse, la n,eil-
1pi- de Windeshehn : De oratione, en onze Jivl'es (p. 1·185), leure est celle qui est plus enracinée dans la charité
lll'II, Tractatus de cohibcndis cogitatio11ibus et de modo cons• et qui enflam1ne davantage le cœur (afj'ectus), mais elle
•re, titue,idarum ni11ditatio11un1, intitulé aussi Scala medi- le i;era duns la mosure mê1ne où elle s'e ronde sur des
IS-, ttuionis, en quatre livres que suivent trois exernplcs ,1 vivis conceptibuy intellectualibus » (corl'el. 5 et 6,
:è re (p. 198-408); il ajouta d'a'l1t1·es traités sur les causes p. !i-7). C'est à quoi est destiné tout le gros ouvrage
'i, de Fincarnation, de la passion et de l'eucharistie. Sur tt pro ad1ninistranda ma te ria et excrcitationÏ-'1 occaslone •
tous ces thê1nes il fournit des con$idérations et des (tit. 39 (88) : Phy[Qcaumariurn, prologue, p. 724).
1néthodes, des points et des échelles, brof des exercices I.,' Eruditoritun eœcrcitinrum (Lit 2 (1) de l'éd. prin-
variés et progressifs, sans q1.1e lui-même erllploie ce cepi;) s'ouvre par cette profession de foi : Je 1nanque
terme, sinon une fois, quoiqo 'Il l'ait entendu souvent dl~ l.oute t< exercitatio • et la d6r.adence de la religion
au Mont-Sainte-Agnès et ailleurs. Il enseigne que 1•ien proviennent du manque de for,nation pronüère, c'est-
no fixe l'esprit et 11'en1pêche ses divagal,ions co1nrne à-d.ire quo les je\1nes 1·ellgieux ne sont pas formés t,ux
100 l'amour ou, à son dofaut, l'einploi d'une échelle des exe1·cices intérieurs, à la prière mentale et à la dévotion.
les exercices, par quoi on peu t accéder à l'amour « per lis ;ie contentent des observances extérieures. Co n'est.
,n t scalant e:i;erci1ioru1n » (Scalct, lib. 1, 'C, 11,, p. 213). pas en cela que consiste le règne do Dieu ni la perfec-
~
Cotto échelle n'eijt PM une " scaln roal!s • où l'ordra des tion, c'est dans les c:rercices' intérieurs qu'elle réside
~t concepts suit l'ordre réel deij choses (lib. 8, c. 9, p. 280). • Mon (J\filan, 1603, p. 29-80). La célébration de l'office divin
aU éohelfo rallonnollo (s<:ala 1iutem rntionalis men) J'emporte sur no :,uffi t. pas à elle-1nême, il y faut joindre l'exercice
IP · tous les nutros instru,nents, p11isqu'elle les comprend tous. in tél'ieur; c'est pourquoi Jean Mombaer a composé
p8 Ji1Uo est dite 1•11tlonnello ou intérieure parce que tous ses degrés l' ,t cxcrcuii modus, cui nomen est chyropsalteriun1 »
,et $Ont en nous • (lib. 4, c. 1, p. 281), è'est-à-dire qu'elle invit.e (Lit. 5 (',), p. 163). Pour la communion auB,SJ il est expé-
!lu

:ee
li uno succession <l'act.e.s des trois tucullôs, ni61noiro, intelli-
goncc ot volontt\, en q11inie degrés, non compris los uctos prépa-
ratoires ot do con<liusion. • A <JUi s'exerce à cette échcllo (sxsr-
. .
dieHt . d'avoir un ,, manuale quoddan1 exercitiurn )); et
'

voH:t un cxercice en forn1e d'échelles, « scalare quoddam


ci1a11ti se in sc,\la), Diou donnera do 11avourer combien il est exerciiiuni », où l'on pourra faire un choix et s'exercer
nt (tit. 6 (5), p. 199).
dou11; • (c. 3, p. 282). Cotte échello aura des partisan6 chaleureux
rr• parmi les derniers rcpréscntant.s do )Q Dôvùtion moderne (juî se décide ù lutter sérieusemont contre ses vices
à (cr P. Debùngnie, J ean MQ1nbacr, Louvain, 1928, ch. 10, p. 206- s'y exercera assidCunent au moyen des septaioes, « jugi-
lU 226). ter i!:terce11durn soptenas • (Ut. 18 (17) : De11tructoriu1n.
la t,o Jean Mombaer (Maubu rnus) t 1501, do Bruxelles, ciitiorum, c. ~. p. 385), en s'appliquant méthodiquement
ell
profès d'Agnietenberg, fut envoyé en France pour de joui· en jour de la semaine et d'heure en heure de
ot réformer dos monaslê1•es de chanoines réguliers. Sa l'office, par l'exercice de la mémoire, de la méditation
U•
réforme ne consistait pas seule1nent à rétablir la pau- et de la prière, contre les sept péchés capitaux.
~t
vreté et la régulàrité rnais bien davantage ù introduire, Quant à la 1néditation, pour qu'elle soit salutaire,
lS
en dos milieux qui pratiquement les ignoraient, l'cstirne il y faut fixer son esprit à des « points déterminés ».
te
ot l'usage des exercices spirituels. Il en avait amassé <t o~ punctis detern1inatis necessariis meditanti » (tit. 20
lr
pour son usage personnel, pl'enant de toute xnain; il les (19) : Meditatoriurn, c. '•• § 2, p. 416). Le Rosetuni les
mottait on for.me rigoui•euse et les étayait de vers présente sous deux for1nes, les rosaires et l' l!:clwlle de
n1né1nouiques. Une édition particllo on fut faite dès ,néditation empruntéo telle quelle à Wessel Gans(ort.
1491, sous le titre : Exerc,:tia utilissùna pro /ioris sol• Il s'on explique.
,,11ndis ét sacra com,nunione cu,n considerationibtts variis Po11rq\1()i des rosaires, c'est-à-dire dos points disposés on
do vita et passione dornini et sacrarncnt(I eucharistie cÎl)CJ dizains? Pour qu'on p1dsae s'y exercer de façon plus w,si-
(Zwolle, P. de Os). Dr.s 1494 l'ouvrage parut à peu près duo, • crobrius in liis oxercitare11111r » (ibidem); ai on répugne
complot sous le titre imagé Rosetuni exercitiorurn spiri- à m6diter ces points, que du n1oins on los récite en 111anièrè
tualitun et sacra.rurn nwduationurn (ibidem). de 1·osaire avec des A1>e cl quo pQr co moyon on se dispose à
Arrivé en France, l'auteu1• prépara une nouvelle édi- la n1é<litation. • 0 heureuse prntiquc, 0 sxsrcitation sacr6cl •
tion pou1· laque)le il rédigea une introduction générale, (ibitle.1n, p. t,17). « Ah, rendons hommage à Mario au moyen do
J11vitatoriurn ad exercitia pietatis (tit. 1, Paris, 1510). cè p,1tit exercice,'.hoc exerciliolo • (tit, 24. : De Virgi11elMatre,. c. 8,
p. 651). L' Echelle de m.édi.1a.tio11 • ae recommande principale-
C'est une dis!lertation fortement charpentée en quinze inen~ par ceci qu'e'llo comprend et réunit presque toua les
corollaires suivis d'une série d'objections avec leurs exercices dos saints répQndus dans l'~criture,.; qui s'applique
réfutations. Il s'agit de démontrer l'excellence et le à cc seul exercice rnsse1nble tous los gonrèS d'exercices • (tit. 20
primat des exercices spirituels sur tous les uutres exer• (19) : SèrÛ (i mc<litaloria, o. 1, p. 419),
oitia ou e:i;ercitationes. Les deux n1ots s.ont pris à. peu
près indifféremment. La pièce centrale est e1npruntée l'ar ces textes cueillis çà et là et 1>a1' tout l'ensemble
8 à saint Bonaventure qui distingue quatre « rcligioso- du Ro1Jetun1., dernie1' ouvrage important qu'ait produit
I• rum exerciUa » et les range dans l'ordre do valeur la I>évotion modorne, il apparaît bien que par l'estime
:- décroissante : croi~:;ante et dominante des exercices de-la vie intérieure
qui anilnent toute la journée, toute la semaine, toute
, Primum ot praecipuum est studium hn1n9.lorl9.lls orationis l'année du moine, on en vient à resserrer à peu près
., oxercitiurnquo interna<! ot apiritunlis oontcroplationis.. ; socun- con1plètement le mot exercice, n1ême sans qualificatif,
• dum loèu1n... exércitià corporis, quae tamen connectunlur oxcr-
cltlo 1nentls •, commo lochant de l'office f.lt les prières vocales, au sens d'exercice 1Jpirituel, de prière réglée, de médita-
on notant c1ue co qut est proscrit l'o1nporte toujours, par le tait tion méthodique sur des thèmes ou « points )1 déter- I
même, sur tout Je reste; • tertlu1n grndum... exerc:itia studii mi11és d'avance. Notons cependant que le Rosctum
sanctarum scripturarum, lcctio libroru1n deyoloru1n .. ; qusr- n1ain tient la liberté pour l'ân1e intérieure de s'affranchir
1931 EXERCICES SPIRITUELS 1932 19:
de la .,néthode quand le souffle d e !'Esprit l'attire en de contempler, d e prier oralement ou mentalement ot de
d'autres directions (.c. 8, p. 428•429). Cf P. Debongnie, autres activités spirituelles ». Ils sont auBsitôt co1nparés qu
Jea,n Mombiier, ciLé plus haut. aux « exercicol:I corporels, comrne marcher et courir » d'i
(cf les Directoria, cités infra). La 4° annotation montre
4. Garcia Jiménoz do Cisnuros t 1510, abbé qu'Ignace connaît le système des septaines ou semaines de
do Montserrat, est un propagateur des exerêiCes seloil d'exercices; il admet le mot, mais brise le cadre, qu'on 'l'e
la méthode du .Ro11etu;rn. A l'usag~ de ses moines il ndaptel'a aux capacités inégales des oxercitants. le
publia on 1500 sur les presses de son 1no11astère, en A côté de l~exan1en général, Ignace propose une ml
édition espagnole et latine, doux opuscules qu'il voulut 1n6thode d'e~amon particulier quotidien (1 ° aemaine) da
anonytnea, Exerr.italorio de la 11ida cspiritual, E:JJcrci• i1 faire en trois ternps sur un point déterminé; celle Lf
t<ttoriian Pitae spiritualis, et Je Direotorio de la11 horas 1néthode suit, somblo-t-il (cf Exercitia spiritualia, coll. nu•
canonicas, Directoriurn lwrarurn ca.nonicarum., maintes J\'lonu1nenta historica SocieLatis .J esu, Madrid, 1919, at
fois réédiliés. L'auteur ne sé piquait pas d'o1•iginalité p. 258, n. ·1, et p. 438, n. 1), l'ordre des vices capitaux et la
ot se bornait à reproduire des sections choisies du dos jours do la semaine. On retrouve ici Je système d',
Rosctu,n en y insérant des extraits d'autres œuvrcs ou des A8cen.1Jio,111 8pirituelle11 de Gél•a1•d Zerbolt (ch. 8). fic
des priè1·es de son cru. L'un et l'autre ouvrage fournis- La 1néthode d'oraison proposée dès la première to
s1nt des exercices spirituels pour la 1néditalion à ses somaino n'est pas sans resson1blanco avec celle que la gr
différents degrés ot pour la récitation de l'office du .llo1Jetu1n en1prunte à la Sr:ala meditationi.9 de Wossel p~
chœur. « Dans ce Jivro, lit-on au prologue, nous traite- c}ansfort : de part et d'autre, on 1net en action successi- ét
rons de la rnanière que I' «e:xercita.dor »et l'hon1111e dévot vement la mérnoiro, l'intelligence ot la volonté; les Al
omploioront pour s'exercer, << exe.rcitar », selon les trois " préa1nbules ,, rappellent les « degrés préparatoires » si1
voies qu~on appelle purgative, îlJuminative .et uni~ive, de la Scala. Le « lo que quiero » ignatien est ù rappro- al
et comment, par des exerci<:,es nette,nent déter1n1oés, cher de I' « olectio magis cogitandorum » du même
<< ciertos y determinados », dans l'ordre des jours do la
ouvrage. S'il y a dépendance, elle ne se fait pas par
semaine, en lnéditan t, priant oL en conte1nplan L il l'intermédiaire do Cisneros, qui n'a pas repris de façon di
pourra monter de façon 1néthodique et atteindre la nxplicite ce schéma. Mais les « colloques ~ d'Ignace (E
Tt
lln qu'il désil'e, qui est d'unir son lime à Dieu ». La• répondent exacte1nent aux prières affectives que Cis• g,
fin absolue est l'amour sana mesure de Dieu et la pureté noros met on conclusion habituelle de ses considéra- J.
du cœur, les oxorcices on sont les moyens, à employer i.ions. La prière « ELerno Seilor » (98} qui conclut, la $(
avec discrétion (ch. 4). contenlplation du « Règne » applique au dessein parti- tr
Les ch. 2 à 9, résumant l'ln.11itatoriiun ad oxer- culier d'Ignace la « pormissio », dernier des degrés de
citia pictatis (tit. 1) du Rosetu,n, enseignent la néces- 1:onclusion dans la Scala meditatoria du Rosetum ( titrA 20 1l
sité des exercices spirituels et leur fécondité, à condi• (19), éd. Milan, 1608, p. 427). De part et d'autte, J,
el
tion qu'ils soient précis et cléter1ni11és, réguliers e t per- i;Qtto oblation est présentée comme un sommet.
li
sévérants. Au ch. 21, qui introduit de la voie purgative Les coosidér&Uons sur les mystères du Christ, r an- s(
à la voie illun1inativo, l'auteur donne une méthode J.{ées dans l'ordre de l'histoire évangélique et distri- 0
détaillée d'exa1neu de conscience, qui prend J)lace buées par semaines, lo maintien même de ce terme qui I.
ainsi parmi los exercices, à côté de la n1éditation, de la correspond 1nal au cadre adopté, ·trahissent une dépen- N
p1·ière et : de la contemplation. Négligeant la lecture, dance générale par rapport au septénah·e hebdomadaire )Il

il ajoute à la « partie unitive » une « pal'tie contempla- que l'Exercitatorio de Cisneros empruntait à Mombaor,
tive », où il traite avec insistance des excellences des lui-même écho fidèle d'une tradition bien établie daas
divers modes de conte1nplation jusqu'aux degrés infus son mîliou et parmi les maîtres spirituels. Ignace a .pu
et de l'a,nour divin. En conclusion de nornbreux lire le pr·en1ie1·, Jean Chanones connaissait les œ1,1vros
" points », Cisneros s'épanche on prières affectives qui de Mo,nbuer et de Gérard Zerbolt; on peut peosel' qu'il
présagent les « colloques •,, de saint Ignace. Co,nmo forma son pénitent aux méthodes en honneur à Mont•
Gérard Zerbolt, il prévoit et conseille cette forme do sar1·at. Pa1· ce canal, la tradition des oxeroicos spirituels é
" 4escento », qui est le travail manuel (ch. 28). <:01n1n e les p ratiquait la Devotio moderna at.t.eignait 2
Le Dir(!ct.orio eni;oigno conunonL so proparor avanl los heures Ill retraitant do Manrèse. t
de l'ofllco choral con1mcnt tcnil' son esprit attentif pendant Pa1•mi les exercices spirituels proposés p.a r saint d
'
leur c616btallon, on l'attachant à des my11tères délerm1nés . JJ.{nace, il faut encore sign&ler les « applications des C
de jour en jour et d'heure en heure i;elon une adnp ta1.ion très sons ,, (cf DS, t. 1, col. 810-811, 822-826) et les 2 8 et C
libre des principes du chiroJ>Ralteriuni de Mo,nhaar, et termine
en rournis.~a.nt des thèmes de contèmplation ptlndant le ()hanL 3e « 1uanières de prier » (n. 2,9-260). Dès la 2u ànnota•
lj

du Gloria Patri. tion, Ignace m et l'exorcitant, pour la 1narche générale e


et particulière des .Exercices, sous la direction immé- C
Par son E1tercitatoriu,n, Cisneros fait la transition diate, continue et discrète du directeu1>. Avec Flo- a
(
entre l.a Dévotion n1odorno des Pays-Bas et le rénova- rent I-tade,vijns et ses disciples, les exercices spirituels
teur des exercices, Ignace de Loyola. pr évus, expliqués et co1nmentés, restaient de~ c:rercices l
que chacun utilisait ù son gré. Aussi n'é tait-li guère E
5. ·saint Ignace de Loyola t 1556 hérite de la question quo de conseil à prendre, de plan général r
tradition esqujssée ci-dessus; il lu définit exactement d'exercices à soumettre au jugem ent ot à la décision r
tout en l'jntég1'1.111 t dana le cadre à la fois r estreint et tl'un guide spirituel. Saint Ignace inaugure c~ qll'on (

décisif de ses Exercices spirituels (voir art. IoriAce I>F. appellera désormais la « retràite », s.o it une période de
LovoLA). Nous soulignerons surtout los points de tc n1ps déter.miné, pondant laquelle, dans le cadre (

contact entre saint Ignace et ses prédécesseurs. d'oxe11cices spéciaux, « la cré~ture se1·a seule avec son l
La définition de l'expression exercices spirituels est CréaLeul' ». Aussi, pour atteindre ce but, le choix, la (

donnée dans l' annotatiorL 1 : « P ar ce tormo, on entend progression, en bref l'adaptation do ces exercices ~ar (

toute rnanière d'exaroiner sa conscience, de méditer, ., r.elui qui les donne ))' doit se régler sllr la capacité (
932 i933 EXERCICES DE Pt:ÉTÉ & MAGISTÈRE 1934
t e't de chacun et l'appel de la grâce. Il est demandé à t< celui enti·e la vie ascétique et la piété liturgique•· Sans do\1te,
tirés qui les reçoit » une docilité totale (1 1° annQtatio11,), << la prière liturgique, du fait qu'elle est la ptière publi-
•ir » d'ailleurs active et généreuse (5 8 an.nQtation). que de l'f:pouse de ,Jésus-Christ, a une dignité supé-
!ltre De tout ce 1naLétiau qui lui provenait en bonne partie rieure à celle ()es p1•iè1•es privées; mais cette supériorité
Ines de la tradition, Ignace a fait une synthèse nouvelle. ne veut nullement dire qu'il y ait, entre ces deux sortes
1'on Tout y est commandé par le but pl'écis qu'il ptopose dès de prière, contradiction ou opposition. Inspirées par
le titre général : << A1rtener l'homme à se vaincre h1i- \ln ~eul et 1liê1ne Esprit, elles tendent ensemble et
une mên1e de façon qu'il puisse faire choix d'un état de vie, d'abord au même :ttut, jusqu'à ce que le Christ soit formé
:n e) dans une volonté dégagée de toute inclination déréglée». en nous et devienne tout e1\ tous» (p. 587 et col. 207).
itte Les Ascensions spiri'.tucllcs do Gérard Zerbolt orga- Pie xu f>vait souligné un peu plus haut la nécessité
:oll. nisaient déjà l'onsemblo deH exercices en vue d'un bu Là des exercices de piété pour contrôler, soutenir et vivi-
I'.( 9, atteindre, mais ce but était celui de toute vie intérieure, Jler la vie spiri Luelle. Relisons ce texto, parallèle à
, et la pureté de cœur ot. l'amour de Diou, et c'était l'œuvre ceux qui furent déjà cités à 1'11.rl.icle l)tvo·1·10NS (DS,
,me d'une vio fervente. Ignace veuL entra1ner à cette puri- t. 8, col. 751-758).
fication et à cet arnour, en vue d'un choix décisif où Si la piété pl'lvéo et intérieure d es individ\1s néglige(lit le
ère toute vie prendra sa direction et son élan pour la plus aaint sacriflco d.e la messe et les saerc1nênts et se sQualrt1yait à
1le grande gloire de Diou. Insl:rumenL d'une efficacité sans l'inllux sulvifique qui émnno du Chef dans los 1no1nbres, ce
1sel pareille, les Ejerc1:cios espirituales de sâint Ignace ont scrniL évideJnwent chose blâmable et stérile. llfais lorSquo
!$Î- été recueillis par sa postérité et adoptés par l'f:gli.se. tou,; les oxorclêes de piété non strîcteme.n t )itul'giques ne visent
les Après lui, le terme « exercices apiritnels i> 1•eçoit une l'activit6 humaine que pour la diriger vers le Père des cieux,
s » signification .nou voile qui éclipse les autres sans les po\lr exciter efficacement los honunos à la. péuilonce ot ,i 111
ro- abolir. cruinte de Dieu, pour les ar1'achc1• à l'alttalt du monda et des
plaixirs, et réussir à les conduire par un dur ch<lmin au sommet
rne de hl &11inteté, alors ils ne méritent po.s sculornonl nos plus
u~r H. Wa'lrigant, Quçlque.~ promoteur$ de la rttédil(ltion rnéth()-
diq11c a" 16• siècle, coll. Bibliôthèqne des l~xerciceR fi9, f.!nghien gta11ds éloges, u1àis ils s'impoRent par \tne absolue nécessité,
on (Belgique), 1919. - P . Dcbongnio, Jean Mo111baer, Louvain- car ils dé1nasquont les écueils de l11 vie apirituelle, ilt, nous
1oe Toulôuae, 1928, - H. Rahuer, Ignatiu.s von Loyola 1111d das ptJussent à l'acquisition des vertus ot ils augrnontent J•1~rdour
is- Q1U1chichtlichc Werde,1 scincr F'riim.migkcit, Gratz, 19t,?. - ' :;1ve!\ laquelle nous devons nous eonsacror enLièrarnent au aer-
·a- J, Lowls, Le rllle d<! l't!le.ctio11 ;la11s lès E:,,ercfocs spiritu.cls ile vh:o de .Téaus-Christ... La piété authentique... a bcsohl de la
Ja sai1111gnace, dans Sciences eccMsiastiques, t. 2, 191,9, p. 109-128, 111ôt1ilaLio11 des réalitéR surnaturelles ot des pratiques do piété
traite in obliquo du sens du n1ot • éxèrcicea spirituels • après pour s'alin1cnler, s'ènfla1n111er, a'épanouir et nous pousser
ti- à )(1 pcrf()ction (p. 5a4-5a5 ot col. 206).
de saint Igno.ce. - Dircctoric, Excrcit.ioritm spiritriali111n (1610-
20 1599), éd. 1. lpllrr~guîrre, coll. li1onumenta historica Societatis
Jcsu, Ro1no, 1955: êvolntion du mot a\1 tempa de saint Ignace Après avoir 1•a.ppelé ces vérités essentielles et après
et chc:1. sos pranliers co1n1nentateum. - O. ltf. Colom bo.s, avoir situé dans l'ensemble de la vio chrétienne l'ascèse
Un rc/ormàdor benedictino, Oarcia Jimll11ez de Cisneros, Mont- et la prière personnelle, Pie xu insistait sur le devoir,
n- serrat, 1955, ch, ?, p, 229-288. - tL Sn1lts van Waesbergho, qui incombe aux prêtres comme aux laïcs, de susciter
~i- Origine et d~vel()ppèm.crit des Exercices :;pirit,wls avant saint et de développer une vie de prié1•0 porsonnelle, solide
Lli lçnace, RAM, t. 38, 195?, p. 264.·2?2. - M. Alan10, art. C1s• at profonde. L'Église n'a d'ailleurs jamais ce~é de
Il• NEl\os, DS, t. 2, col. 910-921. - P. Debongnie, art, DÉVOTION raprJeler aux clercs et aux fidèles les exigences pratiques
~e MODllllNII, D$, t. 3, col. ?27-?l,?.
de cette vie. Nous nous conte11terons de relever quel-
r, Pierre DEBONGNIE, ([ uci;-uos des très 1101nbreux documents du n1agistère,
lS parcni les plus récents ot los phis signilleatifs, concer-
,u nant l'ora.ison, l'exa,nen de conscience, la confession,
IV. LES EXERCICES DE PltTÉ
)$ la Iocture spirituelle, etc. Les documents qui regardent
il D'APRtS LES pocUMENTS RtCENTS OU MAGISTtRE les exercices spirituels de retraite seront étudiés à
(- << L'ensemble du culte que l'Église rend à l)ieu, l'arl.icle RETRA lTRS Sl'1111Tu ELLES. La législation des
ls écrivait }>ie x11, dans l'encycliqu(') M11diator Dei du exe,·cices de piété des .moines et des religieux a été
it 20 ,nove1nbre 19tl7 (AAS, t. 39, 1947, p. 5110; traduc- établie pour chaque ordro ou congrégation dans les
tion dans la Docurncntation ca.tholique, t. 45, col. 202), règles, constitutions, coutumiers et directoires propres
.t doit êtro à la fois intérieur et e:x.térieur ». Exté!'ieur, à chacun d'eux:. Cette législation fait l'objet d'appro-
s car il é1nane d'une Égli1:1e visible, il est fait pour une bations particulières de la part du Saint-Siège; aussi.
t collectivité dont les· membres ne peuvent co1nn1uni- est-nlle traitée dans les articles co11sactés ù. ces ordres
quor quo })QI' des signes visibles. l\'.Jais son << élé111ent et <:-ongrégations comn1e aussi aux articles CouTUMIEns,
a essentiel » est intérieur, car l'âme du culte et son but, D111ECTOIIlES, MONACa l SME, etc. Nous envisageons ici
• c'est l'union au Christ. « Sans quoi, la religion devienL les exercices de piété 1. des clercs, et 2. des laïcs.
• assurérnent un foru1alis1ne inconsisLant et vide ~
(p, 5111 et col. 203). Ce1·tes, << c'est de la vertu divine et 1. CLERCS
non de la nôtre que (los actes sacramentels eL litur-
giques) tii'eot leu1' efficacité », néaornoins, <c l'œuvre I ,e Code de Droit canonique, dans la partie qui traite
l réderr1p tri ce, indépendante en soi de notre vol on té, des droits et des devoirs des clercs (lib. 11, pars 1, c. 108-
l roquiert notro e!Yort intérieur, po\1r pouvôir rîous t,86), leur enjoint, comme première obligation, de
cond.uire au salut él,e1·nel » (p. 533-534 et col. 204-205).
,-
l
Aussi ne peut-il y avoir, dans la vie spirituelle du
<< mener une vie intérieure et extérieure plus sainte que
celle des laïcs et de servir à ceux-ci d'exemple (cxccUere
chrétien, aucune oppo~ition ou contradiction <c entre in cxcmpluni) pal' Jour vertu et la 1•ectitude de leurs
l'action divine... et l'active coopération de l'homrne.. ; actions n (c. 12{,.). Les ter1nes cle ce canon rappellent
entre l'efficacité du rite extérieur des sacrements... l'e:xhortation quo le concile de Trente adressait à tous
et le mérite de colui qui les administre ou les reçoit.. ; les clercs (session 22, De refQrrriatione, c. 1) : •< T;tien
entre les prières privées et les pl'iètes publiques.. ; n'irislt•uit davantage et ne pOl'te plus conLinuelle111ent
1935 EXERCIC~S DE PIÉ'fÉ 1936
les hommes à la piété et au culte de Dieu que la vie tions » dans les Actes du t1(' concile provincial, en 1576;
et l'exemple de ceux qui sont consacrés au saint ,nini::;- celle de Milan, 1890, t. 1, col. 912, au 4~ synode diocé-
tère » (Mansi, t. 33, col. 133}. Cette exhortation géu,'! - sain de 157ft),
ralc sora fréque1nrrtent reprise, soit par les papes dans Pour les sé1ninaristos, les règles sont encore plus
leurs consti tu !.ions ou Jours encycliques (le cardi nn 1 nettes (Institutiones a.a 1.ini1n:rsu1n se1nù1arii regitnen
Pierre Gasparri, dans le,; Fontes du Code, n'en 'cite pas pertine11te1.1, ibidem, t. 2, p. 859-878). Le règlement du.
moins do 27, depuis Sixte v en 1586 jusqu'à Benoit xv), séminaire devait comporter, tous les rnatins, uno demi•
1:1oit par de nomb.reux conciles particuliers, provinciaux. heu1·e d'or{.lison, puis 1natines ot prime de l'otilce de
ou diocésains. la Vierge et, la messe; au cours de la journée, les autres
Dans la plupart do ces documents, papes et concil,·s ,, petités heures », le rosaire ou le chapelet, suivant
no se COJ\tentent pa$ de rappole1•, à la suite du concile l'avis du confesseur, une récollection de l'orai$Oll dans
de Trente, les obligations général,ia et les exigences clû l'après-1nidi, et un quart d'heure d'examen do cons-
saintot6 inhôrcntos à toute vocation sacerdotale : ils cience dans la soirée. Les clercs ayal\ t l'eçu les ordres
p1•écisent ces de voirs et en indiquent los conditions, ils devaient se confesser· tous les huit jours; les autres, los
s1>écifient en quoi uonsis te la vie de prièl'e du prôtro, ù prernier•s et Lroisiè1nos dinu1nches du mt1is et les jours
quelles sources puiser pour renouveler sa vie intérieur,·, de fête (pal's 3, c. 2, p. 875).
développet• l'union à Diou et; le zo.ln des âmes. <;es décisions eurent un retentisse1nen L consiclôrablc;
Le concile n'avcüt détaillé aucune prescription, llxi.\ non seule1nent elles contri.buèrent pour une grande
aucune norme universelle. Simplement, dans les déctel.:; part à la 1•éformo du clergé dans !'archidiocèse de
relatifs à la forn1.1tion des clercs, iJ avait rappelé Je iv1ilan, mais leur lnlluence s'exer~:a it travers l'Italie
devoir de l'ru;sistauce qtiolidienne à Ja n1esso et de la et 1'1!1ul'ope.
uonfession au n1oins mensuelle; pour la réuepUon de la « E n 15GG, Plo v avait ijongé à tcnil· un concile national do
co1n1nunion, il s'en re,nettait au jugement dos conl'ri,- 1:ous les évtlqucs d'Italie. Quand Il cul connai.<Jaance des Actes
:,eurs (sess. 23, De refor,natl'.one, c. 18; Mansi, l. 33, col. du prë1nic1• concile do l\1ilan (15 65), i) jugea son projet inu,
147). En rovancho, nous trouvons dans les conciles Lilo, La confirmation dos ·décret.'! vaudra, une approbation d.e
provinciaux ou synodes diocésains, qui se sont tenus la curie. Ainsi, selon le mot de 1. Pogiani, la réforme romail/e
entre la clôture du concile de Trente (1563) et l'ouver·- devenait fillil do la milanaise • (P. Brou tin, Les dcwr; grand#
,!c1êque11 de la ré/ornic catholigue, NR'l', L. 75, 1953, p. 201),
turo du premier concile du Vatican (1869), ,naintr.s Dès la première édition dos Act<1 Ecclesiae mediola,icnsi:i
prescl'i p tions posi ti.ves. en 1582, cent exe11111I11ircs Curent expédiés à Lyon cl dix à
1
'folède. De nornbrouses o.ssemblêes synodales adoptèreni
1 ° Les conciles de Milan au texnps de saint textuelle1nont ses décrets (vg Aix on 1585, Toulo11se en 1590,
Charles Borromée. - En ce qui concerne la rérormo Avigoon on 159~ ; los st.11tuls do Saint-Malo, en 161'<, avouent
du clorg6, saint CharlH.~ JJorro,née, archevêque do uno dépendance explicite, eLc).
Milan (15611-1.5811), non seulement donna l'exemplo L'influence des déorots do ?,Iilan no s'exerça pas seulement
d'une incomparable piété et d'une inlassable charitô, sur do nombreusos assen1blées conciliaires de ln fin du 16• siê-
mais fut un organisateur do premier ordre. Voil' DS, t. 2, cle et. da toul lo 17° : des traités dé formation sncerdolalo
y puisèrenl, tels les A.,,1,ertin1011ti par l'ttffi..ii<> del• rettore curato
col. 692-700. Chaque mois, ses soixante« vicaires forains >> ('1606) do Joan-Baptiste Cosl11n:1.o, archevêque de Cosenza, que
devaient présider des ré\1nions ecc16sîastiques, on l~d1110 Cloysoault traduisit sous lo titre Le Pa.•toral do s~i11t
« congrégations diocésaines», interroger prêtres et clercs Charles (Lyon, 1.697), le florilège do Louis Abelly t 1691, ou
sur la fréquentation des sacrements, sur l'exercice dl:l Episcopalii, .•0Uicitu.di11is cr1c/1iridio11, Paris, 1668, etc (cl
leurs fonctions saèrées, su.r leurs progrès dans les études, r. Broutin, La réforrnc pastorale ~n 11'rancs, t. 2, p. 332, 348).
leurs lectures, sur leurs autres exercices et activités
(cf 1 nstructiones congregattonuni dioecesanar,un, dâ(lii 20 Conciles des 160 et 170 siècles. - Pour ce
Acta Ecclesiae ,nediolanensis, t. 1, Lyon, 1688, p. 541; qui est des concîles provinciaux et diocésains, dès 1579,
cr aussi Actes du 4° concile provincial, 30 partie, ibide,n, ù ~Iolun, l'archevêqpo d'Aix, Alexandre Canigiani, fit
p. 140). connaître la législation bor1•on1éenne. Dans ce concile,
De façon plus p1·écise encore, dans ses inst!'uctions il est de1nandé èxpliciteo1ent a\1x prètres • de ne jamais
aux visiteurs diocésains, saint Cha1•les recommande nélébrer le saint sacrifice sans Uri examen de nonsciencé
la diffusion do la n16thode de l'exa1nen particulier selon 1n•éalable, des priè,•es et dos méditations » (cf L. <)dcs-
saint Ignace et la Pratica dell'ora.zione ,nentale de pung de la Mcschinière, Conçilia no1Jissi111a Galliae,
Mathias Bellintani, capucin (ibidem, t. 1, p. 558; Paris, 16116, p. !)li), Tout un ensen1blo do règles pour les
èf DS, t. 1, col. 1356}. Héo1inalres ( Leges coUegii, serr1i11arii) y fu1•en t également
Synodes diocésains et conciles provinciaux se succe• adoptées; le nhapitre 2 de ces Leg11s traite 11 de iis quae
dent à une cadence régulière, selon la décision du ad pietatern spectant » et prévoit pou1• les sômînaristes
concile de T1·en te. Dès le premier concile provincial, la confessio n 111ensuelle, un quart d'heure d'exa1nen
en 1.565, l'archevêque insiste sur l'oraison comn10 de conscience chaque soir, après los litanies récitées
prér1aration à la messe (t. 1, p. 10). Au cours du qu;1- en commun, une lecture spidluello quotidiennp et une
trième synode diocésain, on 1574, les ,, monitions au forma ti()n à l'oraison et il la méditation ((( genus orandi
clergé » préciseront los exigences de la vie de prière• : et 1neditandi ))' p. 102).
chaque jour •'oraison rnentale, l'examen de con:;- De scrnblahles prescriptions sont flxéAs par les conciles
cienco .et la lecu1n1 spirituelle, ot la confession hebdo- de l~ouen, en '1581 (ibide,n, p. 21'1), et de Bordeaux,
madaire obligatoil'e. Pour la lécture spj1•i tuello, il sera en 1583, lequel ilnpose une demi-heure de 1uéditation
vive111ent conseillé de s'en tenir à la Bible, aux écril.s le mqtin, et la récitation de l'office de la Vierge, en plus
des Pères (surtout de saint Cyprien, saint Arr1broisD, des exel'cices de piété prévus à l\'lelun (De institutior,e
e? particulier son J)e sacerdotali dignitate, saint Augui;- et legibus seminarioru,n, § 5 De piet(ite, ibide,n, p. 323).
tul et saint G1·égoire le Grand), aux œuvres de sain L Si la réglen1en ta tion de la vie de prière est, dès cette
Bernard (p. 149; l'édition de Lyon place ces <( moni- époque, assez nette, en de no1nbreux diocèses, pour los
1937 EXERCICES DE Plt1't DES CLERCS 1938
séminaristes, elle l'est beaucoup 1noins pou1· les prêtres. l'Église ou tel auteur spirituel : saint Jérô1no (Ep. ad llclio•
Souvent les conciles se contentent de généralités sut· lloru,n, t. 8, col. 877; Ep. ad Nepotian11ni, t. 5, col. 900),
11ai11t Pierre Chrysologue (Scrmo 26, do fideli dispensatore, t. 5,
l'oraison (vg concile de Desan~.on, en 1571, dans Concilia col. 89~). Goraon (Tractatidus consolawrius <le med/1atio11e 7,
Ger,naniae, t. 8, p. 73~77), ou plus shnplenlent ils repro- L. 5, cul. /o28), le pseudo-Bonaventure ou Gilbert de 1'ournai
duisent les considérations du concile de Trente (vg (Phar111ra 1v, 26; il>iae111), snint Laurent J1,1stinien (Da c<1sw
Malines, 1570, tit. 14, dans Concilia ,ru:chli,1ensia, conniibio 22; De oratt'one 10; ibide111).
t. 1, p. 117). L'e:i:amen de co11$cicncc est n1oins i,ouvent impo1,é, que l'orai-
Tou lofois, le concilo d'Ypres, en 1 G29, dernanùe à tous les son, niais de nombreux conciles le prescrivent (cf t. S, col. 6501
pr6tros do consacrer ch!lq ne jour • un Cèrliiln Leinps • à l'orai- 10/o5; L. '•, col. 1.28; t. 5, col. 671,, 900;·L. 6, col. 624, otc).
son (Concilia Genna,iiae, L. 9, f1. 1t9'3). Lo concile de M(ilines En revanche, presque tous lus ducrcls insistent sur l'obli-
de 1652 est. plus )ir6cis : • Los prôt.res feront chaque jour au gation de ln l~r.ture spirituelle quotidienne (c! t . 3, col. 127, 650,
moins une derni-heuro de lecture de la sain te :Écriture ou do ?12, ?!i·t, 786, 877; t. 4, col. 128 1 1067; t. 5, col. 56, 67lt; t. 6,
quelq11e ouvràgè pieux (o.licujus Hbelli pii) et une 11.utr11 do1ni- col. 1!J9, 62'•, 659, etc), faite de préférence dRnS l'Bcriturc
he1,1ra de 1nôdil,\Lion sui· les divins n1y~t.llrea, Ht Lrès parti- (vg L. a, col. 127-128; t. 5, col. 56 ; t. fi, col. 621, oL 659), Pal'fols,
eulioron1onL sui· la passion du Chri~t • (Concilia 1n11chlincnsù1, d'aulru:; autours spirit.uels sont <)Ol\selllés (t. 5, col. 56; t. 6,
1. 2, p. 300). col. 62 ', ot 659).
Plus détnill(i auco,·11, J,c Puslôral dtt diocèse <le. Li11wges, La r,,l)itation ùu rosaire ou du chapelet se trouve montionnoo
édité en 1680 sur l'ordre do l'évtîquc Louis d'lfrfé, donne un six foiH d1111s los décrets rapportés par 111 Cotlectio laccnsis
, emploi du ton1ps-type •· (t. 3, col. 128, 72.0, 786, 9~1; t. 5, ·col. 67ft; L..6, col. 544). Ei
Trois-quarts d'heure ou uno d01ni•houre d'oraison n1entnle : les n1ôrncs canons insist.ent souvent sur la ~i$ilC quotitlùn1ne
• c'est par ce moyen quo l'on remplit ce quo le Saint-Esprit ai, .Saint•Sacrcrnc11t (t. S, col. 128, ?86, 941; t. ti, col. 56; t. 6,
dit du jusLe, qu'il r.1 ura soin de donner son coour à Dieu dès lo col. 51,1, ).
rnatln, pour panser au Seigneur qui l'o. créé, et qu'il ferà sa
prl~ro on ln présence du 'l'rèR-IIauL (cr Eccli. 39, 6) •· E nsuite, Sil{nalons enfin pluaieurs exhortations pressantes s11r la
J>rlmo ot liorco avant la rnesse, « qui doit être prêcédrie ù'un bon prapàr111ion à l(i 11WSS<t ot ~\tr l'action de griicc$ (t. 3, r.ol. 31
quart d'heure de prépRraLlon et suivie nu rnoins d'un autre et 781 ).
quo.rt d'heure d'actions do grâces ». la'Rprùs-111ldi, une demi- 4° La confession. - Le concile de Trente in1posait
houro do lecture spirituelle. Apri\s ln prlèrè du soir, • on lira la •confession n1ensuelle aux somînaristes (ainsi qu'aux:
1111 aujet de rnûdiLàLlon pour le jour suivant• et l'on 8fl coucehra
, dana quoique bonne penséo, après avoil• offert à Diou son 1nonialcs); il ne précisait rien pOUI' les prêtres. Les conci•
sommoil • (t. 1, Lilnogos, 1830, p. 2.1,3-245). les do Milan, présidés par saint Charles Bo.l'romée, pres-
criv lron t à tous les prêtres du diocèse la confession heb-
30 Aux 18° et 190 siècles. - Dans los conciles don1adall'e, alors que l'archerêque demandait aux sémi-
du 18° siècle, copendant, les pl'escriptions concernant naristes de se confesser deux fois par mois et aux jours
los exercices de piété des prêt1•es l'estoront habituelle- do fêl.i) (cr sapra, col. 1936). Dans la plupart des autres
ment assez vagues : on l'ecommandera vivement de diocèses, on s'en tint, pour les séminaristes, aux pl'es-
conaacre1· « un certain tcn1ps » chaque jour à l'oraison criptions de Trente (vg Melun, 1579; l=touen, 1581;
mentale et d'exarnlner sa conscience, sans plus de préci- Bol'dt?,\UX, 11'88; Concilia nopissirna Ga.lliae, p. 102,
sions. Quelques conciles néanmoins ,·epl'endront les 211, 328). Quant aux prêtres, l'influence des Actes
décret.,; de Milan ou ce11x do :ti-Ialines (1652). de Milan et l'exe1nple donné par les ordres et les congré•
Par exemple, lH concilo de Trl)ves, en 1720, :suggère gatio11s religieuses a1nenè1:ent à prescrire la confession
i!lslamment une lecture sph•ltuell11 quotidienne et une dcml- hehdon1adaire.
he11ra au 111oins d!l 1néditation • sur la fln de l'hornrite, la voca- En o[Tot, la pl\lpart des constitutions religieuses approuvées
tion, lu dignité do 1'6tat sacerdotal, les charges pasto1•l\los, les a11x 1fi• oL t 7• siècles itnposo.icnt la confossion hebdomadaire.
vôrités étornolles • (Co11ailia Gennaniac, t. 10, p. a\18). CertRlt1cs demand aient 1nô1ne dnvantage a11x prêtres : deux
Lo 3 février 1 ?68, l'évêque d'Ypres, Fulix de V\l'avrRrls, fois par s01naine ou plus souvent, dans los constitutions des
adresse à son clergé uno Jottl·o pastorala dans laquelle il roco1n• èlorcs réguliers dos ~coles fies, dos camaldules, de11 jésuites
mande • l1exorcico do l'oraison n1entl.Ùo quolidienne • : • Qu'ils des lnz:iriates, otc. Les constitutions des• Pii operaril •, approu•
s'y exercent sagement et rnéLhodiquement, pour pouvoir vées en 1012., prévoyaient « que lei; prêtres, s'ils ne se confes-
oxltor tor et entraîner ensuito Jours fidèles dans cotle voiH "· sent J>IIS tons les jours, lo !nssen t au rnoins plusleurs fois par
C'osL la 1ncilleure prépRràtlon à ln célébr11Uon du saint Hflerl• sem11.i11e •· l\iêmo preBcrlpLion dans les constitutions des théa-
fico (ibidem, t. 10; p. 601 ot 633). tins, cL pour los 111arnbres de l'Oratoire de saint Pllilippo Néri.
CC P. Henr(lrd, La co11fcssio11 frégiwntc, dans Revue des co,ri-
Au 19e siècle, I& plupa1•t des conciles provinciaux 1n1111<Ut.lés relici1111scs, t. 5, 1929, p. 15ll-15G.
ou synodes diocésains iinposent au clergé certains exer-
cices quotidiens. l.'ohligation de !'()raison mentale est Bon nornbre de conciles provinciaux ou <le synodes
quasi-générale. diocésains des 16° et 1 ? 0 siècles dernandent aux prêtr·es
ÇoJ~ctio lacansis, t. 3, col. 91 (Ballh11ore, 182.9), 127 (Orligon,
de $0 confesser ch~que semaine.
18',8), 650 (Québec, 185/o), 711-712 (Québoc, 1868), 751 ( • ora• Le i:oncilo de Onnd de 1571 souhaite, • dàns tout.e la mesure
tio montalia, aine quu vix possunt salvari •; H'.alifax, 1S5? ), du posnible, la confession hobdomadai,ro, ou tout au moins
786 (Suisse, 1850), 877 (Tuam, Irlande, 1858), 941 (West- chaqutt quinzaine• (Concilia Gcr111a11iae, t. 7, p. 679). La môme
minster, 1.852), 101,5 (Australie, 1 B/olo), 1210 (Cincinnati, 1858); année, celui de Bois-le-Duo est 1;1ncoro plus slrict : « saopius.. ,
~ t. 4 1 col. 128 (Reims, 181,0), 762 (Bordeaux, 1859), <JOa ner: u11quan1 rarius quam sernel in hebdomadn • (ibidcni, p.
(Sens, 1860), 989, ( Aix, 1850), 1.067 ('l'o1tlousc, 1850); - L. 5, ?11,). De mêmo, Ypres en 1577 : « ad 1nlnus semol in
col. 66 (Oran, Hongrie, 1858), 194 (Vianne, 1858), i!78 (Colo- hobdomada n; Chelmno (Culma), 1583 : • semel salte1n ln
gno, 1860), 422 (Pràguc, 1860), 67/o (Kalocza, Hot1gric, 1863), hcbdoinada •; cr aµssi Ratisbonne, 1.588; 'l'ournai, 1.589 ;
899 (Utrecht, 1866); - t. 6, col. '18 ol 52 (Urbino, 1859), 199 Verd11n, 1598; 'l'ournai, 1600; Cambrai, 160(•; ibidem, t. ?,
(Ravenne, 1856), 5'14 et 5'•6 (Bogota, 1868), 624 (Sou-'l'chéou, p. 81.f>, '379, 1059 el 1045; t. 8, p. 469, 483 et 695; de n1ême
1803), 659 (Pondichéry, 1841,), 755 (On)brie, 18'•9), etc. encore, Bourges, 1581,, dans Oo11cilia 11ovissi11~a Gallicic, p. t,17.
Certains conciles dem!lndont une deJ11i-houre (vg t. 8, col. Au synode diocésain de Milan en 1.578, saint Cha1•Jos
10/o5); d'autJ•os mên1e uno heure (t. 6, col. 544). four ron!orcer
Jours proscriptions, les léglslo.tcurs citent parfou, toi Père da demandnit à ses prêtres d'avoir un confesseur habituel,


1939 EXERCICES J)E PIÉTÉ ET MAGISTÈRE 1940 19
« cel!tUnl àè firmum con:Cessarium ,, (Act.a Eccle11ù11J Nous y trouvons la liste co1nplète de tous los oxercices ex
,netliolanensis, t. 1, p. 388); et dans l'instruction qu'il dont parlera le Code (une demi-heure ou tout au rnoins J.
adressait aux vicaires forains, il les exl1ortait à veil- un quart d'heure de méditation quotidienne; la confcs- p.
ler à ce que tous les p1·êtres de1nandent chaque tri- r;ioo « singulis septimanis aut saltem quindenis »). ur
mestre à Jour confesseur habituel un << témoignage » En 1899, le concile plénier d'Amérique latine, célébré pt
signé, attestant que, pendant le t1•i1nestre écoulé, ils t, llo1ne, pron1ulguait à son tour un ense1nble de décret$ te
se sont bien confessés « au moins chaque semaine » « de vita et honesta le clericorum n (tit. 8, n. 631-672); ÛJ
(p. 689}. Enfin, l'archevêque exigeait de tous les prêtres au chapi tI'e 6, il. demandait, avec la de111i-heuro d'orai• le.
participant au synode une confession le dimanche S<JO quotidionno, de fréquentes visites au S.iint-Sac~e- sé
qui en précédait l'ouverture et une autre le premier rncnt, une grande dévotion au 8acré-Cœur et à la sainte J)l
jour du synode. Vierge, la réception fréquente (crebro) du sacrement ((

La 1·igueur des règles milanaises n'était pas univer- de pénitence pou1• tous les prêtres (Acta et decreta ra
selle, il s'en fallait de beaucoup. cur1cilii plcnarii Americae latinao, Roine, 1900). te
Ainsi, en 1609, Je concile do Constance dernande aux prêtres l '<
50 Saint Pia X . - Duns l'oxhorlation Haere11t a1
de se confesser au moins chaquo quinzaine et aux clercs mineurs an.inul que Pie x adl'essait, lo '• aoûl, 1908, au clergé
tous les 1nois : • contravenîentes g1•avisslmo puniem\16 • (Con• 81
cilia Gcrmaniae, t. 8, p. 863). Le11 conciles d'Ohnutz (Autriche) du 1uonde entier, il établissait un lien 6troit ontro
an 1(191, de Brixcn en 1603, ut de Coire en 1605, se contontent l'examen do conscience quotidien et le sacrement de ol
d'exiger la confession 1ncnsucll0 (ibidnn, p. 387, 552, 636). pénitence. Après avoir rappelé le conseil de saint - q
En 1592, le concile de Breslau, en raison probablement de la Joan Chrysostome (Ea;po11. in ps. 4, 8; cf DS, ,qupra, p
silualion Jocelè, fixait cornme n1inilnun1 à tous les prêtres col. 1808) ot la règle du pseudo-Berna1•d (Meditationes
• quatre confessions par un • et, reprenant uno prescription du pit'.ssùnae 5; ùf DS, supra, col. 1814), le papo ajoute :
concile de Salibourg de 1569 (t. ?, p. 849), adoptée par saint « 11 est d'expérience que celui qui se livre fréquemment e
Charles Borro1né0, oxigeuit on • billet de confossion •• ét{lbli à un sévère e:x.a1nen de sos pensées, de ses parolr.s; de p
par le confesseur cl dcva11t être présenté au visiteur ou à l'ôvê- 8,
$OS actions, a plus de force pour détester et fuir Je mal
que (t. 8, p. 897). t
Il dut y avoir d'aa11ez nombreuses nêgligonces, non seulement e11 même temps que plus de zèle et d'ardeur pour le
en Silésio, mais 1nêrne en Belgique, pulsquo nous voyons l'arche• bien ». d
vêque do Mal!nos, dans une réunion de ses doyfi!ns en 1618, A l'opposé, l'incurie et l'abandon de soi-même • on arrlvcnl d
déplorer la réception• rare• du sacrement de pénllonce et exhor- parfois au point de faire mêmo négliger le sacrement de péni• 1
ter les prêtres à se confesser• plus fréquemment • : • Quo l'archi- tcmce... Il n'osl pas rare de trouver un pr!itre qui presse los l
prôtro s'eu informe à l'occasion do sa visite • (Con.ci/ici 1!•echli- autres do laver sans retard par le rilo sacramentel lés t
nen11ia, t:2, p. 277). Le même souhait est for,nulé p11r Benoit x1v suuilh,rros de leur âme, cl qui s'en acquitto lui-mêrne avec 1
dans son encycllquo Etsi pa,çt<>ralis du 26 niai 17'12. t111c toile indolence qu'il attend dos 1noia entiers pour lo faire • 1
(ASS, l. 1,1, 1908, p. 572; ti•ad. dans Mgr Pierre Veuillot, Notre E
Il se1nble que,cette relative divergence so soit mainte- sw;erdoèc, t.1, Paris, 195~, p, 121-122).
nue au cours des. 18 8 et 19~ siècles.
Alors que la rn11jorité des décrets conclliairea particuliers Ces considérations étaient précédées par une invita•
d'Italie demandont aux prêtres la confession hebdomndnire tion pressante « à réserver chaque jour un temps déter-
à un confesseur J1abituol ét aux séminaristes la confe1.1-~ion niillé à la méditation des vé1·ités éternelles. Aucun prêtre
,hi-mensuelle (vg Urbino, 1859; Ravenne, 1855; conférence de11 ne peut s'en dispenser sans encourir un grave reproche
l:vêquea de Sicile, 1850; dans Collectio lar.e11sis, t. 6, col. 62, 199, dn négligence et un dommage pour son âme. Saint Ber-
81-5), la plupart dea conciles non ltaliellll ne précisent pas la nard, écrivant à Eugène 111 .. , l'avertissait franchon1ent
fréquence cl 01nploient do préférence les termes : frcqucntcr, et instan1n\ent de · ne jamais omettre la méditation
Bedulo, diligenter, crebrill,//, etc (cf t, 8, col. 650, 1210; t.. 4, col. qnotidienne des choses divines, de ne jamais prendre
985 et 989; t. 5, col. 61 et 56, 3?7, 67'•• 1111 [Wurtzbourg, excuse des occupations multiples et très graves que
1848], etc). Les conciles do Vienne (1858), Pl'ague (1860),
l{alocza (1863) fiicent con1n10 n1ini11u1111 111 confession mensuelle compol'l:e l'apostolat suprême (cf De consideratione ,, 7) ~-
(t. 5, col. 170, 1,21, 653). Ce.lui d'Ulr~chl (1865) den1ande Et Pie x développait tous les avantages qui rendent
• 111, confession hobdon1ad11ire ou tout au moins deux fois par cette pratique «. salutaire et 1nêmo absolument néces-
1nois • (t. 5, col. 898) ; do J'nêulli le concile de Toulouse de 1850, saire>> (AS$, p. 565-566; trad. Veuillot, p.113).
(t. ,4, col. 1067). « Il importe beaucoup que le prêtre joigne à la 111édi-
Cependant, en 1869 encore, le 2• concile de Qullo (lilquateu1•) taLion quotidienne des choses divines la lecture de
dom1111dt1it aux évêques dé la province de prescrira au moi_ns livres de piété, de ceux surtout qui ont été divinernent
quatre confessions par an, aux quatre-temp11 : pour s'assurer inspirés ))' suivant le conseil de saint J>au.1 et des I>ères
do ce ininirnum, ila pourront exiger un , billet de confession •
(t, 6, col. ~t,2). (.ASS, p. 569-570; trad. Veuillot, p. 118).
t;o Le Code de Droit canonique. - Depuis 190'i
Aussi ne devons-nous pas ôtro étonnés de voir l'évêque (encyclique Arduu,n sane mr.i,nu{l, 19 mars), une corn•
d'Ermeland, Philippe l{ron1entz, déposer en 18?0 un mission avait été instituée pour préparer la composi-
postulatur.ri au concile du Vatican pour obliger los Lion du nouveau Code. En cette matiè1·e de la vie spiri-
prêtres à se confesser plus souvent : cette loi défendra tuelle du clergé, on peut dire que tous les ,ê léments
sévèrement de différer la co.nfession au delà de deux e>.i$taient; il suffisait de les reprendre, de les groupor, de
mois (cf C. Martin, O,nnium concilii ilaticani ... docu- le!; codifier. Voir É. Jombart, art. CODE, DS, t. 2, col.
mentorum collectio, 28 éd., Paderborn, 1873, p. 196- 1012-1022,
199). Le concile, interrompu pa,• la guerre, n'a porté Le Code ne prescrivit pas directement la méditation,
aucun décret en cette matière. l'exan1en, lo cl1apelet, la confession J1ebdomadaire, etc.
En 1872, le concile de Malines, présidé par le futur " Los Ordinail'es doivent veUler » (Cure,1t Ordinarii, c.
cardinal Victor Dochamps, comportait un chapitre 125), faire en sorte que les clercs, s;.n1r empêchement lêgi-
de ses Statuta sur « les n1oyens propres à acquérir la tilue, remplissent ces devoirs de piété, reçoivent avec
perfection sace1·dotale » (ch. 2, Malines, 1872, p. 4-8). cette J'l'équence le sacrement de pénitence. Ces mots
1940 1941 EXERCICES DE Plf:TÉ DES CLERCS 1942
oiees exprirnllnt-ils u,n ordre ou un silnple conseil? Selon pureté de conscience; il affirme que la première de toutes
1oins J, Creusen (Le Code et lc11 pratiques de déPotio11, loc() cit., les vertus sacerdotales, est une piété solide, ferme, st1re :
nfes- p. St,), Us expriment un ordre : (< La comparaison avec ~ sans elle, les autres dons con1ptont peu; avec elle,
1. un grand nomb1•e d'autres articles <lu Code suffit à le môme si ces dons ne sont pas exceptionnels, on peut
ébré
1
prouver. Quand il veut si1nploment conseiller ou exbor• acoo1nplir des merveilles ». Mais Pie x1 ne fixe aucune
~ret;S ter, le Saint-Siège se sert d'autl'es expressions ». Les règle, s'en tenant à celles du Code.
i?2); Ordinait·es doiven L, avec sollicitude, faire en sorte que Pour retrouver des prescriptions nettes, il faudl'a
>rai- les clercs de leur diocèse (sans distinction de degrés, attendl'e .Pi« x 11. Sans don te, en 1948 déjà, dans l'exhor-
10).'e• sé1ninaristes, prêtres, cl11.u1oi11es, etc) observent les tation qu'il adl'essait au clergé indigène (28 juin, AAS,
1inte pratiques de piété 6nu1nôrées dans le cano n, savoir : t. 40, 191, 8, p. 874), U avait dit: « Ménagez-vous chaque
1ent « la ~onfession fréquer1te », c'est-à-dire, de l'avis géné- jour uu ten1ps pour la rnédi la Lion dos vérités éternelles
ireta ral des co1nn1entatcurs, tous les huit jours ou au moins el. la prière, vous attachant à une lecture régulière de
tous les quinze jours; ,1 la pratique quotidienne de l'JI~,; riture sainte et des auteurs spirituels; le soir.. ,
l'oraison mentale pendant un certain temps, de la visite exarninez soigneusement votre vie » (trad. Veuillot,
rent au Saint-Sa<1remAnt, de la récitation du rosaire et t. 2, p. 141-1112). Mais c'ost dans son exhortation J.lfeni,;
:rgé enfin de l'examen do conscience ». J\'nstra.11, au clergé du monde entier, le 23 sopternbre
'ltre Aucune précision, aucune clirectiv·c concernan L le 1 \150, sur la sainteté de la vie sacerdotale, qti'il devait
\ de choix des 1noyens no sont données. A.ux évêques de voil' prêcîser l'ilnportance de la fidélité quotidienne aux
ûn·t quelles 1ncsures pal'aissent,lcs plus opportunes. L'cxem• o>,ercices de piété fixés par le Code. " Pour nous incite1•
~ra, pie, les exhortations, les reco1nmandations, les encou- chaque jour avec plus d'ardeur à atteindre la sainteté,
,nes ragementti sont habituelle1nent les 1noyens les plus l'J<.lglise nous recommande avec instance, outre la célé-
te : efficaces. Pa1·fois, il faudl'a reprendre, rappelel' à l'o1•dre, bJ'9 tion de la 1nesse et la récitation de l'office divin,
ent punir peut-être. Les doctunents pontificaux récen ls cl':tutres exercices de piété » (AAS, t . 42, 1950, p. 671;
de apportent aux. uns et aux autres p récicions et dires• Li·ad. \ 7euillot, t. 2, p. 1. 90) :
nlù tivcs.
, le 1) M~ditation q11otirlic11rw. - « Celle 1néditation des èhoses
On s'est dernflndé si l'évêque • pourrait délermine1• pnr voie 3ointes nous prépa!'e do la n1oillou!'o façon o. célébrer le sacri-
de précepte la fréquence dea exercices ou les autl·os modalités flco eucharistique cf, à fairo nolre action de grâces après la
ent d'exéeulion »? F. Claeys-Bouu1u1rt (dans R. Naz, Traité de rrwsso; en outre, <:1llè nous dispose à comprondrc et à goflter
lnl- Droit cane>niquc, t. 1, Paris, 11)118 1 p. 285) répond ; • Nous Jo,; beautés de la liturglo. La méditRtion nous t>orte à conténl•
les n'oserions le nier d'unil rno.nière absoluo. Mais, pour se dépar- plcr lei, véril.oi; élornolles, ainsi que les adn1irnbles exornplcs
les tir, en une uiaUèro si délicate, de la suge réSOl'VO consacrée pnr 01. préceptes do l'Év(lngila... Ainsi le prêtre no peut-il acquérir
rec la tradition ecclésiastique et 1.1.doptéo par lo Code, il ruudrait la 111atl.rlso de soj et de sCla sons, purifle1· son âm<l, londl'e, co1nmo
'O , pouvoir Invoquer des cir<.:onst1.1nces toutes partic11lières, pnr il le tant, à la vertu, re1npllr fidèlement, activement et av8c
•tre oxomplo la vie comn1une déjà 6tablie •· fruil, les devoirs du rnlnislère sacré, s'il no inédite les mystères
et ne participe à la vie du divin Rédo1npteur,.. C'est pour
Co qui importe <lavanLage, scmble-t-il, c'esL'cte veiller Nous une grave obligation de vous exhorter d'uno façon
à ce que les obligations apostoliques des prêtres leur particulière à la pr1.1tiqué de la méditation quotidienne...
ir- perrnettent d'assu1•er fidèlement ces exigences de prière, Aucun aütre moyen do sanctification ne possède l'efficacité
re indispensables au 1nainlien et au développement de pitrLiculière de Ill 1néditation et sa pratique quotidienne est
tio leur vie su1•naCurelle : c'est poul' eux un droit strict alisolun1ent irre1nplaçablo • (AAS, p. 072; trad. Veuillot,
et un besoin essentiel; s'ils 6taient, de façon ha.bîtuèllo, p. 190·191 ).
IJ'·
lt telle1nent surchargés qu'il leur füt impossible d'assu- :.!) Prières ,,qca/.es; rosaire. - • Qu'on no sépai:e paa de li1
,n rer ces exercices quotidiens, l'évêque, que l'on suppose n16dilation et de l'oraison les prièr<is vocales; que l'on n'inL01•-
re mis au courant, devrait prendre los décisions nécessaires di$e paR. des prières privées qui, s0lon la conclilion particulière
<1,i ch;1cu11, alderont elflcace1nonl. à réaliser l'union d0 l'â1ne
10 pour y re1nédier (cf J. Creusen, loco cit.). 1)voc Dieu• (AAS, p. 673; trad. Veuillot, p. 191). Le 1·osaire,
70 Documents pontificaux récents. - Benoit x v, dont l'~glise recommand0 lo. récitation quotidionne, est l'une
dans son encyclique JJ ur,tani ge11eris sur la prédication cle ces prières vocales les plus profitablos.
de la parole do Dieu (1.5 j uin 1917, AA.'3, t. 9, 1917, 3) Visite ari Saint-S<1crc11ic11t, - ~ Lo prôlre se rendra au
. p. 805-317), insistait sur la nécessité de l'esprit d'orai- p5od du tabérnacle, ot il demeurera là au 1noins pendant quel-

son pour une prédication efficace : que temps pour adorer Jésus dans lo sacrement de son amour,
.e pour râparor l'ingratitude do tant d'hommes envérs co sacre,
.t , Lo. grâce do Diou ne s'obtient point po.r l'art et lo ~èle, munl, pour s'enfla,nrn<lr chaque jour davantage d'amour
mais par, la prlùl'O. Celui donc qui s'adonne peu ou point iJ, ouvors Dieu• (AAS, p. 673; trad. VeuiJlot, p. 192).
6
l'oraison dépense en vain et. ~on truvaU et sa peine, p\1isqua èela
ne lui proflto en rien, ni pour l11i-111ômo ni pour ao11 a.uditèurS • li.) Exa,ne.n de conscicr1cc, confe6sio11, direction spiritrtel/.e. -
(p. 3111; trad. Veuillot; t . 1, p. 174), Benoit xv roviondra 11•6· • Q1.1e 10 p,ràlre n'omette pal! da fuiro chaque jour aon examen
quemn1ent s\1r çe thènle, en particulier dans ses dll!érentes do consciènco.. , pour écarter los obstacles qui ernpêcbenl
al.locutions 11ux prédicateurs de C(lrême (cf AAS, L 10, 1918, p. ou r<ltll.rdent les progrès dans la vertu, pour poursuivre avec
92-97; t.t1,1919, p, 111·118; t.12,1920, p. 61; t . 13, 1921, p]us d'ardeur tôut co qui favorise lei; travaux du n1inistèra

p. 98), a1nsl que dans sa lettre aposloliquo M11xi111u11i illud du sacerdotal et, pour hnplorer du Père céleste la miséricordo
ao novontbro 1919, sur 111 propagnUon de t:;1 foi (t. 11, p,,ur tant d'actes acco1nplis d'une façon répréhensible • (AAS,
l p. 440•455). p. G?S-6711; lrad. Veuillot, p. 193).
1
' Do tous les enseigne1nents do Pie x1, le plus important Pie XII l'C))!'end ulors co qu'il avait déjà dit dans l'oncy•
cliquo Mystici Gorporis (AAS, t. 35, 1943, p. 285): • La cQ11/cs-
devait être, scion sa propre attesta t.ion (cf lettre apos- sù•n fréque11te 11ug1nenlc la vraie connflissance de soi, favo-
tolique du 18 janvier 1939, AAS, 't. 3(1, 19.rt2 , p. 252- rfoc l'hu1nilit6 chrélienne, tend à déraciner les mauvaises
264), l'encyclique Ad catholici saccrdotii fa.9iigi1un, du habitudes, co1nbat la négligenco spirituelle et l1i ti6doul',
20 décembre 1985, sur la dignité du sacerdoce (t. 28, purifie la conscience, fortifie la volonté, se prête à 111 direollon
• spirituollc et, par l'eftat propre du sacren1ent, augmonle· la
1936, p. 5-58). Le pape y insiste sul' la nécessité pour les
prêtres d'une intense vie de prière et d'une délicate grâce• (AAS, p. 674; trad. Veu.illot, p. 193-194).
1943 EXERCICES DE PIÉTÉ ET MAGISTÈRE 1944 1'
• Jiln entrant dans ln vio splriluolle et en y progressant, Tout en stin1ulant la véritable piété, ces différentes
11'aysz paa une trop grande conftanco en vous-même, mais, pratiques <t disposent à participer aux fonctions sacl'ées
avec hu1nillté at sirnplicit,é, rcccl'cz le conseil et demll.ndez
l'àide do coux qui, 11v(lu une snge ctiscrélion, péuvilnt... voua avec un plus grand fruit ot éca1-tent le danger que les
diriger vers une perfection chaque jour plus ncco1npllc... Sans prières liturgique$ ne se 1•éduisent à un vain forma- s,
cas prudents directeu,•s de conscicnco, il est très difficile do lisme "· Aussi le pape demande-t-il aux évêques do à
répondre cornrno on le doit aux ilnpulsions de l'J~sprit Suint « recom,nander et encourager ces exe1•cices de piélé, r
et de la gri\çe divine• (AAS, p. 674 ; trad. Veuillot, p. 194). desquels, sans nul doute, ne pourront manquer do déri• d
,
vor, pou,, le pe11ple qui leur ost conflé, des rruils salu- · d
Cette exhorlation pal'aît être, parmi tous les documents
l.(ti res >•.
pontificaux des siècles derniers, lo plus précii; et le plus r
l'ondé en rnotivations spirituelles profondes. « Ne permettez pas .. , ajouto-t-il, que 1'11dorntion de l
A plusieurs reprises, S. S. Jean x:r.111 est revenu sur l'uuguste Sacrernont et les pieuses visltus aux tabernàcles
ces prescripUona de la vie de prière du cle1•gé. A 1'00ca- eucharistiques soient négligées, quo soit dùconsoill6o lu confos-
sion des fautés, faite d11-ns l<è! seul but de lu dévotion, quo lo
sion du centenaire de la mol'L de saint Jean-Marie Vian- ,~ulte de ln Vierge i1ôro da Dieu ... soit ·sous-esthné, spéciale•
ney, le pape adre$Sail au clergé du mon do entier .son ment chez les jeunes, au poinl do s'éleindre ot, da s'alanguir
ep.cyclique So.cordotii 11ostri pri,nordùi (·, nr ,a.oO.t 195~; puu /.i peu. Ceij façons d'ugit· sont dos fruits 8111poisonnés..,
AAS, t. 51, 1 959, p. 545-579), dans laq uelle il proposait qui croissent sur Jeij branches pourries d'un arbr~ sain • (J\AS,
le curé d'Ars comme modèle des vertus' sacordot.ales t.. 39, 1947, p. 583-585; trad. dans J),>c1u11-arll<lt10n cathol1q1w,
et insist.ait parLieulièl'ernent sur la nécessiLé d'une vie t.. 1,5, 1948, col. 243).
int61•ieUJ'e persouuelle profonde, hase indispensable de
Ce l'appel de la nécessité des exei·cices de piété esl
toute action apostolique. La JeeLure de la Biblê est relativement fréquent dans les docuxn~nts du magis•
proposée aux p1·êtres co111rne ,t nourriture quotidienne ». l.è1•e; n1ais c'est la première fois, semble-t-il, que nous
Dans le 1nê1ne sens, Je discours aux au,nôniers <l'Action trouvons une énumération aussi c(nnplète se rappor- .
catholique italionne, ltt 7 juillet 1959 (1Joaun1entation tant aux lal'.cs.
catholiq1.u1, t. 5G, '195~J, ûol. 1Olt9-1052); la lettl'e de la
Nous no dirons rien ici dos retraites spil'iLuellei; pour
Congrégation des Séminaires oL TJnivel'sités, du 5 juin l~s laïès, renvoyant à l'article qui leur sera consacre.
1959, aux évêques, sur la for,nation des clercs (ibideni:
Nous soulignons cependant, en passant, l'importance
col. 1051-1060) : la for1nation et los vortus intérieures tles docu1nents du magistèro sur ce point. Si le bref
sont °les « sources éternellês d'où l'apostolat tire toute Ro,nanus Ponti/ex de Paul v (23 mai 1606), accordant '
sa noblesse et sa féconclité su1·naturelles » (col. 1058) . une indulgAnce plénière aux religieux qui feraient uno
A l'occasion du synode rornuin (24•81 janvier 1960), l'etraite annuelle de dix jours, peut avoir aidé l'inserlion
le pape adressa trois allocutions aux prêtres et une do cet exerci0e dans les consLituti.ons religieuses (Bul-
aux séminarîstos (AAS, t. 52, 1960, p. 201 svv). Il y /,a.riu,n ro;naritun, t. 11, Tu1•ln, 1867, p. 815-818), d'autres
rappelait que la pl'ière devait êti•o pour eux q une nou1•- <'locu1nonl.':l concernant les laïcs furont to1.1t. aussi déLer-
riture délicieuse, savoureuse et su bsLantielle de l'esprit, roinants. Citons, par exe1nple, l 'iodulgence plénière
en même temps qu'une source perpétuelle do courage, accordée aux laïc.i, faisant une retraite de huit jours
de réconfol't au rnilieu des dililcultés et pal'fois des (Aloxand1•e vu, 12 octobre 1657 et 11 juin 1659, ibidtJrn,
amertu111ès de la vie et du minisLère sacerdotal et pas- p. 802 et 1172), et surtout l'encyclique Queniadrnodun1
toral » (AAS, p. 23,',_; Dociunentation catholiqu11, t. 57,
nihil do J:!enott x1v (16 décembre 1746) sur l'o1•aison
1960, col. 268).
,nenLale faite au cours des missions paroissiales (Bene.•
• Que votre prlilre, dit le pape aux séminaristes, soit conti- dù:ti x1v ... bullariu1n, t.. 2, PraLo, 1846, p. 150-151).
nuelle, recuoillio et profonde. Qu'elle Roit votre alhnont... Le Après avoir 1nentionné les principaux docnn1on t.5
ps8.ntier eRt une source très pr6cieusw de prière. Il devra un pùnUllcaux ou conciliaires qui traitenL de façon gêné•
Jour vous être familier et devenir la 1>onsoo de vos pensées, ln raie de la vie do priôre des fidèles, nous signalerons los
&ubstanco viva.ntG do votre vie consuc1·60 ... Méditez chaque
psaume pour en dôcouvl'Îr les beuutés cachées et acquérir Loxtes particullei's relatifs à tel ou tel oxercioo.
,, ainsi un sanas de Dieu et de l'~glise sûr; repoRer.-vous dans cotLo 1° Généralités. - 1) Néce$8Ïté. - Dans son allo-
1néditation; élavoi-vous dos psau,ncs jusqu'à la conten1pln• 1:u tion du 13 ,nars 19~8 aux prédica tours de carê1ne
tion dos choses célestes, et, par eux, sachez llf,précier avec (AAS, t. 85, 1943, p. '109-112), Pie x11 leur demandait
mesure ot cxaoUtude les choses de lu terre, do la culluru et <IA
l'hii,toiro, ainsi quo los ôvénernants quotidiens... C'est mainte- de <t faire pénétrer dans l'esprit et la conscience des
lllint que vo11a devez devenir dos hornrnes de prière • (AAS, chrétiens la nécessité absolue do la prière ... Personnti
p. 275-276; Doo,~;nc11tation .. , col. 286). ne peut sans la. prièro observer pendant longten1ps la
loi divine=et éviter une faute grave ».
2, LAlèS Ce rappel 110 rctrouvo frôqu01111nent dnns les documents
Dans l'encyclique 1Wediato1· Dei, Pic x11, après avoir otJdési11-stiq11e1, : conciles provinciaux ou Rynodea diocésains
rappelé qua t< l'Eglise reco1nrnande très vive1nent au (vg concile de Besançon de 1'571, Concilia Genna11iae, t. 8,
p, 73; concile de Tours do 1583_, Concilia noPissi?na Oalliae;
clergé et aux religieux un certain nornbre de pieu.x. p, 361; concile d'lJrhino de 1859, Collcctio lacans111, L. 6, col.
exercices », a.joutait : t< 'Nous voulons, à pr6$ent, que :35, etc). Pic x, y révient Ro11vent (allocution du '• novon1bro
mlhne le peuple chrétien ne soit pas exclu de ces derniers. 1927 uux: jeunesses calholiqués it11liennes, Docu.mcntcuion
Ce sont pour ne parler quo des l)rineipaux: la méditation ,:atholique, t. 23, 1930, col. 357, otc). C'ost Pio xu qui y insis•
des choses spirituolles, l'examen de conscience attentif l,èra lo plus : il en fait pur exemple lo sujot de son àllocution
permettant de .se mieux connaître, les retraites fer- aux j ounos 6poux, le 2 juillet :1.941 (duns Allocutions d11 S. S.
mées instituées pour réfléchir plus ))rofondément au1• .l'i:e x11 aux nouPcaux époux, t. 2, Pnris, 195-t, p. 11,.19); dons
les vérités éternelles, les fe1•ven tes visites au Saint• ~<1R discours à des groupes d' Action catholique (par cxo111plo,
Sacrement. et ces spéciales prières de supplication en lo 21, avril 1943), à l'Union dëi! lignes féminines catholiques
(11 Sèptembre 19'•'• Documentation .., t. r.r., 194?, col. 1450•
l'honneur de la bienheureuse Vie1•ge Marie, entre les- '1 460), à Il\ Fédér11tion mondiale des jounos ftlle11 catholiques
quelles excelle,. comme chacun sait, le rosaire "· ("18 avril 1062, ibilten~, t. 49, 1952, col. 59G), onx lilnfants
,44 1945 EXERCICES DE PIÉ'l'É DES LAICS 1946
·de Marie et aux congl'ég(ltiOnR de ln sll.lnle Vierge, aux mem- 19~8, il y revient dans son allocution aux prôdlcaleurs de
tes bres et 11.ux directeurs de 1'.Apoi,tol9.t de 1(1 Prière (1;t infra), otc. cai·füno (AAS, t. 85, p. 105-116), et le 16 aoflt 1950, dans sa
ées letl.ro au congrès deR catholiqulls allou\ands de PMsau (1hr
les 2) Fréquence. - << La coutume chrétienne a Cl'éô une flntlr.t èUCh), il écrit:' • Nous disons aux tan1illes d,e la ville et de
'la- série d'habitudes de prières, par exemple la prière la can1p11gne : Resloz fidèles à la traditiQn de la prière ll.u foyor
de du matin et du sojr et la prière pour les repas. Ces priè- do111astiquo. Bénie de Dieu, cette prière fortifie la loi, aug,ncnto
té,• res... correspondent si bien à la conception chrétienne 19. cralnto do Dieu ot la confiance en la Providonco, elle accrott
11'1• Jo respect 1nutuel et l'amour, et remplit J!A1110 de courage au
do la vie et à l'attitude de l'enfant do Dieu vis-à-vis ternps de l'épreuve~ (AAS, t . 52, 1 u5o, p. 783).
lu- de son Père du ciel, qu'elles vont particulière1nent de soi •
pour les chrétiens » (F. Tilhnann, H a1.idbuch der katho• ~o Racommandations particulières. - Nous
çle lischcn Sittenlehre, t. 4, vol. 1, Dusseldorf., 1985, p. noui; en tiendl'ons à colles qui regardent l'offrande de
les 215). La Didctchè déjà denlandait aux fidèles de prier la journée, le chapelet ou le rosaire, la confession fré-
8$· àu moins trois fois par jour (ch. 8, éd. et trad. 1-J. 1-Iem- quente et les visites au Saint-Saèrement.
lo
le• mer, 2° éd., Paris, 1926, p. 16-17). ·I) O{Jrande de la journée. - C'est surtout dans les I

~ir Le quatrièn1e concile de ?vlilan (1 576) rappelait cette doc;urnent.s pont.illcaux relatifs à l'Apostolat do la
consigne (en citant le 4 8 concile d'Orléans) et enjoignait Prière, que nous trouvons louée et instainment
aux curés d'organiser matin et soir des prières en co,n- <;011$eillée la pratique de l'o!Tra.nde.
mun pour leurs 1laroissiens, soit à l'église, soit en famille,
Plo x, dans sa lott.re Multa quideni du 9 avril 1911, au direc-
_ soit au travail, dans le$ ateliers ou o.ux ûhamps (cf teur• général del' Apostolat do la Prière, la reoomm(lndait vive-
Acta Eccle11iae mediolanensis, t. 1, J). 105; trois ans plus n1C,nt. (AAS, t. 3, 1 \!11, p. ai.si; de même Pie x1, dan.6 la lottro
at tard, le 5e coùclle de Milan insistait sur ltl$ prières avant
S•
du cardi1111l Pacolli du 6 aoOt 1982 (DoouJ11e11tatio11 catholiq11.e,
le travail, avant et après les repas, p. 175). t. 28, 1982, col. 787 -788) et l'nlloeutîon du 23 septombro 198tl
Ces recom n1anda.tion!(:'seron l reprises par d'autres (Os.~,irvatore ro111ano du 24); Pie xn dans ses messages ou allo-
l'• enlions dos 27 septembre t9fi6 (AAS, t. '18, 1956, p. 674-617)
conciles particuliers, rattachées parfois à l'obligation
de l'Angelus et aux sonnel'ies de cloches, trois fois le ot 19 anal 1957; dans ce dernier radlo-1ncssago adressé (Ill
jour (vg au concile de f>rague de 1605, Conci:lia Gcr111a- congrès de I' Apo~tolnt de 19. Prière do Braga, le pape quolillttif,
l'olT.rande de • pratique 616,ncntaire et simple.. , qlli e&t déjà,
niae, t. 8, p. 741), et souvent renouvelées pa1' les papes. ))(Il' elle-mê1ne, un culte rendu au Seigneur; c'eRt uno prière,
Pie x11 y est revenu fré4uem1nent et aveè insistance. la rneilleurà, qui, en olJrant les prén1icea du jour, la sanctifie •
Aux paroii;.~îens de Sainl-Snbn.,, à Rome, le 1'1 janvier 1958, (AAS, t. 49, 1957, p. 1,15; Dom1me11tatio11 cath.oliqtui, t. 5t,, 1957,
Il dis9.H : « (:onunencoz pa1• fair1(en i;orte quo respirent de nou- col. 720),
veau lea Anlos frappées d'a!!phyxie, parce qu'elles ne priont 2) Chapelet e.t rosaire. - Lo premier document pon-
jamais et en aucune manil!re. Faites que de to\ls les cœurs
mont9 9.UX lèvres, et des lèvros au çiel, une invocation1nômo Ll Hcal qui accorde ·des indulgences è une confrérie
S
' brève, ,nais répétée totil! les jOuJ'S... Une poroisse dans laquelle du rosaire est la bulle de Sixte IV, du 80 1nai 1 '•78. A
,_ la lîn du 168 siècle, plusieurs conciles particuliers, tel
tous pensent chaque jour à invoquer Je Seigneur no tardera pas
e à constater que la vio se 1·6veille en elle • (R. ICothen, Doctt• celui de Besançon, en 1571 (Concili(l, German.iae, t. 8,
s TMnts pontifr.caux d.c Pic x11, Saint-Maurice, i 953, p. 36). p. 78), demandent aux curés de l'enseigner à !ours
Troîi; rnois plus tard, le 9 o.vril, le papo disait at1Jt ét11dianls llcJèlos et de veUlet• à QO qu'il soit récité fréquernment;
• de la Sorbonne : • Rester. des ho1nnlos de prière, d'1111é prlùrc
i Six.le v en approuve le « pieux usage ». En 1605, le
quotidienno, personnelle et !ervontc • (AAS, t. 1,5, 1953, p. 276; concile de Prague insiste auprès des pères de famille
l
Doau,nentation catliQLique, t. 50, col. 5.22). Cit,ons encore l'allo-
• cution à la fédération 1nondialo des jeunaQses té1nlnlncs (3' avril p(inr sa récitation quotidienne (ibidem, p. 742). ·
• 1956) : , l,a priôr!l q uotldienne et. prolo11g6c, seule voio qui Léon XIII, de 1.883 à 1901, n'éc1•ivit pas moins de
conduise en présence de Dieu... N'espérez pas exercer d'11pos- quatorze encycliq1u~s ou lettres apostoliques sur le
• tolat digne de ce 1101n, si vous n'::icc,iptez d'abo1·d çette exig011Cé $1.Jjet (extraits groupés dans Notre-Darne, coll. Les ensei-
élêmenlairo cl dont la trl)dilion cl1rùtionne n'n cessé do souli• gnernents pontificaux, Paris-Tournai, 1957, p. ?7•1',9).
gner i'importance • (AAS, t. ~8, 1956, p. 271,; Dociuncnuuion .. , Uonoît x. v, à son tour, atür,nait quo • eet exercice était
t. 5a, coL 5f9). nwrvelllousement propre à nourrir la piété et à excif.er les
3) .Prière en faniille. - Nous avons noté plus haut li111cs b. ltt prati<Jllll des vertus , (one. F(luqto appetente di-e,
:19 juin 1921, AAS, t. 13, 1921, p. 834; Nôtre-iJame, p. 187).
l'exhort.a tidn <lu concile de Milan (i576) à ce s1Jjet. l ,e 6 mars t!l8 11, Pic XI (dttns ln: lettr11 J11clyta11i ac purillus•
Elle fut reprise par plusieurs tlutres synodes. Soulignons, tron, à l'o<:casion du septièn1e centenaire de Ill. canonisation de
par' exemple, les èonsignos données soit par le concile anint Do,nlnique) sot1haitait • arùem,nonl que soit conservée
de Ptague de 1605 (Concilia Germaniae, t. 8, p. 7q2), r(lligieuse1nent ou rétablie l'habitudo en honneur chez nos pères,
soit par les Règlem1:nts synodaux de la Rochelle en chez qui c'était chose sacrée pour los ramille,~ chrétiennes, de
1710, demandant aux parents " d'être bien exacts à la rédl.cr dans une louange alLcrnéo chaque jour le rosa,ire •
prière du Inatin et du soir, q\ti se fera on cornmun pa1• (AAS, t. 26, 1984, p. 231; Notre-Dame, p. 220).
Pie x 11 est revenu plusieurs fois sur l'excellence do ccUe
toute la farnille assenlblée » (Ordonnances et règlc,nen.ts pr:it.iquo (à do jeunes époux, 16 octobre 1940, AlloccdiQns .. ,
synodaux.. , Paris, 1780, p. 1 ?'~), soit enfin r,a1' le concile t. 1, p. 177-183; et dnns sa lettre du 31 juillet 1946 à l'arche-
de l{alocza (1-Jongric) de 1868, qui rappelle aux fidèles vêque dé Manille, AAS, t. 88, 10'16, p. 418•419; Notre-JJame,
leur dovoir de prie•· matin et soir, avant et après les p. 268). Lo 15 septembre 1951, l'oneycllque Jngru.enti1.f11i 111alo-
repas, en famille, et de s'adonner à des lect\Jl'es pieuses, r11111 présent:.tit le rosaire conuno la plus belle prière, la plus
ainsi qu'à des pratiques de dévotion à l'égard de la nctr1ptée, la plWl fructueuse ; et le pape den1anda.iL aux évèquea
Vierge et des sain l$ patrons (Collectio laccnsÎ.$, t. 5, de voilier à co quo sa récitation soit • de pl,us en plus estin1ée
et r6r,ll.nduo •• avant t.011t • au sein des familles • (AAS, t. 1,a,
col. 696). 1951, p. 579•580; Notre-Dame, p. 327-833).
Dans les a1locutions de Pie xn nous relevons plu!oieurs
conseils identiques. Semblable désir devait être exprimé pur Jean xxnI,
l)éjl!. ()Tl 19'10 (le 10•avril), s'adrcssnnl au)( jounos époux, le dnrr$ sa lettre du 28 septeinbre 1. 960 au cnrdinal-vièaire
pape dévoloppc ce thilrne (Allocut.io,1$ .. , t. 1, p. 82-83). En de Ftoine, souhaitant qlle les fidèles sachent faire de cette

>
191,7· EXERCICES DE PIÉTÉ ET MAGISTll.:RE 1948
prière, « la plus simple el la plus accessible ,,, « une école pour motiver la confession fréquente des lldèles !
de vraie pel'fectlon, en contèmplant dans un recueiHe- elle purifie l'âme, elle favorise ln renouvellement fré•
1nent h1time les onsoignen1ents qui irradient de la vie quent d'un véritable ferme propos, elle accroît l'hor-
du Christ et de Marie,, (Osservatore ro,nano, 30 septembre i reur du péché, elle rend le cœur plus prompt aux motions
Doou,nentation catholique, t. 57, 1960, col. 1219-1252}. de la grf1ce, elle pe1•1net de mieux connaître les passion$
3) (Jonfession frêquente. ~ Pie x11, nous l'avons dop!.inan tes et les affections dé1•églées, elle provoque
noté, cite, parmi les pratiques de d6votïon privée et les une plus gronde fidélité au devoir d'état, elle rend l'ârnc
exercices de piété dei; fidèles cu,nme du clergé, la pra- plus forte contre ses ennernis, elle afîertnit la volonté et
tique de la confession fréquente. Dans l'encyclique augmente la ·grâce de la persévérance. Aussi le. clergé
.ll'lystici corporis (29 juin 1943), il 1·eco1n1naode forteulent est-il exhorté à instruire les fidèles, à les inciter à la
<t cc pieux usage inltoduil par l'Église sous l'iinpulsion confession fréquente et à leur en faciliter la pratique
du Saint-Esprit ,, (Ai\S, t. 35, 1913, p. 235}. Daos (Collectio lacensis, t. 5, col. 706-707) . Il faudra alLendr·e
Mediato.,. Dei, le 20 novembre 1~147, il blânle les opinions l'encycliqu13 111ystici Corporis de Pie x11 pour retrouver
erronées et(< fune:,tes ù la vie spirituelle", selon lesquelles dans un docuinent du magistère semblablo motivation
•< il ne faut pas faire tant de cas do la confession: fréquente (11f AAS, t. 35, 1943, p. 235; cr supra, col. 1.942.
des fautes vénielles"· « Nous insistOn$ de nouveau pour t,) Visites att Sa.int-Sacre,nent. - Le canon 1278
que vous rappoliez à la sérieuse n1édilation et à la docile
du Codo de Droit canonique rappelle à <1 ceux qui sont
observaLl.on ùe vus fidèl{ls ... les très graves paroles dont charg6s de l'instl'uction religieuse des fidèles », qu'i)J;
Nous Nous sommes servi~ (AAS, t. 39, 19(t7, p. 585; c ne doivent rien 01nettre pour exciter dans leur âmo
Docu1ttè1ttation catholique, t. 45, 1948, cul. 244).
la piété envers la très sainte e1111haristie, et les oxhorler
Du concile de Trente à nos jours, les décrets syno-
surtout à assister au sac1•ifice de la messe eL à visiter
daux relatifs à la confession ftéq uenle ùes fidèles sont
le Três-Saint-$acre1nent, non seulement les dimanches
extrô1ne1nent no1nbreux. S'il a · fallu attendre Pie )(
et les jours de fête de p1•écepte, n1ais souvenl encore les
et le décret du 20 décembre 1905 (ASS, t. 38, 1905- jours de sen1aine, autant qu'il est possible».
1906, p. 'iO~} pour 1·élablir l'usage de la communion
Depuis la 11aru tion du Code, à maintes reprises, lof;
fréquente, par contre la confession fréquente n'a co11s<i papes oot rappelé les bienfaits et les exigences de la
d'être recommandée.
dévotion eucharistique (cf DS, t. 4, col. t 637}. Le 3 juin
Sans dôute, aux 166 ot 17• slêeles, bien dea concilea la conseil- 1932, Pie x1 acco.rdait dix ans d'indulgence pour chaque
lent surtout aux g1•andcs !ôtes. Tols Constanco en 1609, visite, à charge de prier aux intentions du pape, et una
Dois-le-Duc en 1612, Sion en 1626 (Concilia Gcr111a.niac, t. 8, indulgence plénière une fois par semaine à ceux qui
p. 86a, et t. 9, p. 210 et 883), Narbonne en 1609 (Concilie,
novissùna Galliae, (l. 587) ou Cologne en 1662 (Co11cilii1 G1,r• auront fait cette visite chaque jour, se seront confessés
· ma11,'.ac, t. 9, p. 976) pruclsent q11atre ou cinq toiR par an et, et auron t communié au moins une ·fois (AAS, t. 21,,
en plus, deux lois pendn11L le ca.rè,ne (cf aussi Brixen, 1 G08, et 1932, p. 231-232). Pie xu recommanda vlve,nent cetlc
.1
Constance, 1609, ibiclcm, t.. 8, p. 5t, 5 oL 861!). Osnabruck, 1f,28, pr1.1tique, en particulier dans l'encycliquè Mediator
cl Paderborn, 1686 (t. 9, p. t,53, et t. 10, p. 157), la consoillont Dei. Dans son discours du 22 septe111bre 19::i6, au congrès
nux lôlos du Christ et de la Vierge et pendant le cnrê1ne. Cologne i.nlernational de pastoral!l liturgique à Assise (AAS,
en 1662 (t. 9, p. 076) fuit une dîllérence entre les enfants qni t. 48, 1956, p. 722•728; Docun1.1J11tation catholique,
doivent se confesser pins i;ouvent, et les adultes. Le concile
de Rcln1s, en 1583, dit freqttenter (Co11cilù1 llll!IÎ.~.9ÙII(, Oalliac,
t. 53, l 956, col. 1296-1.297), il attirait l'attention sur la
p. 232). « tendance ... d'une 1noindrc esti1ne pour la présence
. et l'action du Christ au tabe1•nacle >> :
JtJn faiL les conciles de cette époque ont tendant:<! On se contento du sacrifice de l'autel, et l'on di11tin11e
à favoriser la confession l'réquon te; ctilui de Co os tance, l'in1pol'tance de Celui qui l'11c<:01nplit. Or, la personne du Christ
en 1609, par exemple, do1nande aux curés de reco,n- doit occuper IP. con trc du culte, c11r c'e1;1t, elle qui unifie les rala-
mander la freque11te.n1 cxoniologesin et d'ê tre prêts à Hons do l'au tel et. du tnbornaclo et le1;r donne leur sens... Lo
recevoir les confessions • en tout temps " (L. 8, p. 8(l3). liturgiste le pluH enthousiaste et Je plus convaincu doit pou-
Pour lo concile dA Metz en 16',0, il faut recourir« qa.cpi.s- voir con,prondre et deviner ce quo représente Jo Seigneur au
si,,w, très souvent ù l'ancre du salut » (t. 8, p. 957 ; tabornaclo pour los fidèles profondément pieux, quo co soient
repris nu concile do 1699, t. 1.0, p. 237). des gens simples ou instruits. li eat leu1· conseiller, Jour conso-
lateur, leur force, Jour recourH, leur espérance dans la vio
· Aux 18• ot 19• siè<;les, r.'ast. le mot frctp,crHcr que l'on ren• r.11n1mo dans l11 mort. Non content de l11i6!ler vonir les fldèlcs
contre Jo plus l1abituall1nnent : par exemple, Avignon, 1.?25 vers le Soigneur au lnbernncla, lo 1r1ouvement liturgique
(l\Iansi, t. 87, col. 323), Utrooht 11, 1763 (l\1ansi, t. $8, col. ?29), s'ei'forcera doric de les y nttlror touj ours dav1111tor;e.
Bourges, 1850(Co!lectiolacensis, t. r., col. 1116), West,ninster,
1852 (s<u:pc, t. 8, col. 9a4), Ruvonnc, 1855 (t. G, col. 158), Toute piété véritable doit être à la fois personnelle
Venise, 1859 (t. 6, col. 838), Pl'nguo, 1B68 (l. 5, col. 511), etc. et communautaire. Sans doute, on peut prier isolé-
Eln 1850, la Rynode plénier d'Irlande clirn • le plus so uvent rnent ou en groupe, niais ces deux. for,nes de prière
possible• (t. 3, col. 782). doiyent se compl6ter l'une l'autre. Publique ou privée,
Le 9 déce1nbre ·1 7Gll, Clérnent x111 « accorda à tous les toute prière chrétienne est essentiellement catholique.
chrétiens soucieux do purifier leur ân1e par· uo fréquent << Un oh1•étien n'est chrélion et n'agit en chrétien quo

aveu <lA leurs rautes.. , au ,noins une fois la semaine, à par le lien qui le ,·attache à tous ses frères, en le ratta-
moins d'en1pilchernent légitime .. , .de pouvoir gagner (:hant au Christ... Ce qui suscite sa prière el qui la fait
toutes los indulgences quelles qu'elles soient » (Decreta prière ch1•étienne est a1)ssi, pa1· conséquent, ce qui
authentièa S. C. lndulge11tùs, t. 1, Ratisbonne, 1883, la fait nniverselle, catholique, publique, unie à toutes
p. 207). l fne telle pratique existait donc à l'époque les prières chrétiennes » ('.IJ), l'l!(ersoh, Morale et Corps
et l'Illglise la favorisait. n1ystique, 3e éd., t. 1, J3l'll:Xelles-Poris, 1949, p. 131 -182),
· Un siècle plus tlll'd, le concile de Kalocza de 1868 1. Ouvrage• g6n6l'aux, en dehor11 del! grandes collections
co1nporte, dans ses décrets, un chapitre (tit. 6, ch. 9} conciliaires classiques, Mansi, etc. - A cta ll't.clesir.,c mtdio•
8 1949 EXERCICES DE PIÉT~ - EXIMENIS 1950

•• la11e11Sis,Milnn, 1582; dernière édition pnr Achille Rntti EXHORTATIONS SPIRITUELLES. Voir
1-
(Pie x1), i890; nous utiliso.ns l'édition de Lyon, ,1683, 2 vol. - CONFÉRENCES SPIRITUELLES, t. 2, col. 1889-1405.
L. O<lespung de la Meschinièro, Co11cilia novia8ima Galliae,
Paris, 164.6. - Concilia Ger111aniae, Colognè, ·1759-1790, 1'1 vol.
s avoo index. - No11a et absolr,ia collectio synodoruni ... E X IMENIS (EIXIMENIS, XIMÉNEZ; FRANÇOIS) ,
s archicpiscopatus machlirn:nsis, Malines, 1828-18~9, 2 v:ol., cilé franci$Cain catalan, vers 13<.0-1 '•09. - 1. Vic. - 2.
Oo11cilia nicchlincnsia. - Act<i et dccrcta sacrorum co11cilio- ŒttCJrl!s. - 3. Doctrine spirituelle.
rum rcccntiorum, Fribourg-en-Brisgau, 1870-1890, 7 vol., cité 1. . Vie. - F1,ançois Eximenis naquît à Oérono vel's
Oolkctio lace11sis. - Cardinnl Pierre 0Mpnrri, Co1licis juriB 1840. II entra jeune .cllei les franci.syains de cette ville.
canonici fonte,, Rome, 1928-1939, ·9-vol. avec index.
Après ses études de philosophie èt de théologie à
· 2. Vie 11pl.rltueUo detJ olero11. - 1° Textes du n1agis- Valcnco, il gagna Ios universités de Cologne, Paris et
tèro rnsseroblés dans E11cf1iridio11 cforù:,>tun,, Cité du Vat.ic11n, Oxford, pttis Roine et le 1nont Alverne. En 1865, à
1938. - Dos traductions parues en dive.raes langues, nous rel.A-
nons ici : R. Kothen, Docu.11ie11ta po11tificaux de Pi~ x11, Paris- Avignon, il est té1noin de la rexnise à Url)ain v des
Louv!}.În, 1948-191'i8, 11 vol. - ~[gr Plorro Véuillût, Notre Rèvel11tiû1ies de l'infant Pedro d'Aragon, devenu fran-
sacer<ÙJce. Docume11ta pontificaux de Pic X ci nos jours, Paris, ciscain; c'est co fray Pedro qu'Exîmcnis attaq1111ra
195~, 2 vol. plus tard co1nme visJonnalre. A son retour en Cat.alogne
2° .Stmlcs. - J.-C. Antonelli, De jurilius et 01111ribus r.leri- {1871), son provincial refuse sa no1nination à la chaire
corum, Ron1e, 1699. - Pl. Boeckhn, D11 ole.ro, aeu. ol>licatio11i- de théologie de Lérida, sans doute parce qu'il n'était
bU1 et offec.iiR, bc11eflciis et juribtts utriu8que cleri, $11lzbourg, pas l!ncore ·mattro en théologie, titre qu'il obtint à
1728-1731. - M. Vorhuevon, De regulariu11i et saeculariuni clc• Toulouse en 137'• , sur une recommandation de Pedro 111.
ricorunl juribus et officiis, Louvain, 18'16. - N. Nilles, De vita Il passe ensuite quelques années à Ba1·celone, où il
et hoMStaie clericor1in1, Innsbruck, 189ô. - E. Méric, Le cforgc/ enseigne philosoplùe et théologie; c'est là qu'il compose
sous l'ancien rdgùnc, Paris, 189ô. - J. Crcuscn, Le Code et .tes ses p)·emiers ouvrages. .
pratiques de ildvotion, dans Rci•ric des con1rrua1autés religieuses,
t. 4, 1928, p. 83-89; P. Henrard, La co11/cssio11 /réq,,e,ue, ibi- En 1883, il s'établit à Valence; il y résidera jus-
dem, t. 5, 1929, p. 122-129, 153-158. - f', Clf)eys-Bouu11art, qu'en 1.408; c'est sa grande période d'acUvité littéraire.
art. Clero, d{lns Dictio1111aire de Droit canonique, l . 3, 1939, Don ,Juan, avant do monter sur le trône, confie à
col. 827-872. - G. Soranzo, Sa11 Carlo I/.:,rro111co, Milan, 1944, Etciinenis et à deux autres f1•anciscains l'examen des
2 yol. - G. LauHiltro, Notre sa.cerdoce, Parls, 1 \J(,.5. - R. Gar- livres hébreux de la synagogue de Valence. Exi1nenis
rlgou-Lagrango, Da sanctificatio110 sacarclo!!t.111 sccur11l1un ,i.ostri apparait désormais con1me le conseiller de cette cité
tcmporis axigcn.t.ias, Turin, 1946. - Ch. Grimaud, L111 ic ,9piri-
1
Lut'holento, quasi 1norisque, et chrétienne de fraîche
lùcllc di, pr~trc sécrûièr, Paris, 1946. - H.-M. Vicaire, Le cterc,J date ; il crùma les séditions de 1891, harangua le peuple
catllo/ique di, 16• au 19• ai,!r.le, dans l'r,ltres d'hier et d'atijour-
d'hui, coll. Una,n Sanctan\ 28, Paris, 1 ()54, p. 188-214. - aux fêtes qui marquèrent la fin de la campagne dè
P. Droutln, La réfor111e pastorale en Pra.nce au l'i• sicclc, Sicile (1392) et sera commissaire apostolique lors de
Paris-Tournai, 1 \!56, 2 vol. l'expédition contre les barbaresques (1897-1399).
3. Vie sptrltuolle du laïc. - Au niveau où nous nous Durant Je schisme d'Occident, E:ximenls so montre
ll0mn1as placés 11 y aur ait 11iolns à cllorchor dës tra.H6s sur les fidèle à Bcnott x111, dont il reçoit charges et honneurs.
divers oxorcicos do piété, qu'à utiliser d'une part des biogra• On doit considérer comme apocryphe le De triplici
(Jhies de ohrétien's ot do.chrétionncs .exemplaires dans leur vie statu rnundi qui lui attribue une autre att~tude. Mandé
spirituello, fan1ilialc,, sociale et professionnelle, et d'autre par Pierre do Luna, il prend part au concile .de Perpi-
part des revues de (ormation spirituelle pour des laYcs engagéi; gnan (novetnhre 1g08), où il signe los actos comme
dans l'action cal:h9liquo. Des congrès et des sel!.5ÎOns de' to\1te patrif\rche de Jérusalem, titre qui lui avait été conféré
sorte ont égale1t1ant abordé la que$tion. le 13 novembre. Lo 19 déce1nbre, il dèvenait adnii-
1° Documents. - La collection• Enseignen1ents pontificaux• ni.<;traleur perpétuel du diocèse d'Elne. Il mourut à
a publié : Le laic(lt, Paris, 1957, et Co11sig11,:s au.t 1r1ilit(l11ts, Perpignan au printemps de 1409.
Pari.,, 191'iR, qui' donnenI la liste et la traduction des textes
e.~Hontiels. - En non1bro do pays, dos rovuos ont co,isnc:ra ùos 2 . Œuvres. - Exirneuis est, après Raymond Lulle,
arUclos ou des nu,néros onticrs au thcime do la sancllllcalion l'autenr catalan médiéval qui a le plus écrit en 1natière
du 19.Icat; vg Sitppl~mcnt de la Vic spirituelle (Pnris), •les numé- 1·01igiouse. Nous ne possédons pas toutes ses œuvres,
ros de novembre 1950 et de fév1·ier 1952; Christus (Paris), les et il n'a pas achevé toutes celles dont il parle; d'autres
numéros 13, 20, 29, i,ur l'A.vostt,/<,t d" chrétien, J.'hon11ne en sont inauthentiques ou d'authenticité douteuse (Doctrina
J>rière, L(l d.evoir d'état; voir auRai Geist 1,u1tl Lebe11 en 191, 7; conip1.·n.diosa de vi"rc justa1ne11t, Barcelone, 1509; Trac-
7'ijdschri/t voor geeatelij k le,,en, n. 5 do J 91, 9; e I.e. tai de. la concepcid dl/ la Verge, ms). De ses œuvres
2° ÉtudeJJ. - On. trouvera una biblîographie importante, en écrites en catalan ou en latin nous retiendrons les Sl.Ji•
diverses langueH, ùans L'apoalotato dei laici. Bibliografia a1e- vantes.
tematica, l\1ilan, 1957.
On pourrait retonir : F. Charrnot, La doct.rino spirituoUe dos
1° El Crestia. - l)'aprés lo prologue, l'ouvrage doit
ho111nuis d'actio11, Paris, 1938, - Y. do l\[onlchoull, Problè111cs contenir en abrégé tout le fon.de1nent du christianisme.
de viè spirituelle, Pru•is, 1948. - C. Feckes, Die Lchrc ,,om christ• L'intention première d'Eximènis est cc d'éclairel', dirige!',
liclw,1 Vollko,,uncn.hcitsstrèbcn. , Fribourg-on•Bl'isgau, 19~9. réveiller, enseigner et exhorter tout fidèle chrétien,
- L.-J. Lebret et 'l'. Suavet, Rujcu1ûr l'cJ:111111111 il<J co11scic11ce, pour qu'il se soucie de son âme et des chemins de Dieu,
Parîs, 1952. - J). ùohen, La sainteté des laies, Paria, 1958. et ainsi s'éloigne ... des périls de cette vie ». JI s'adresse
- F'. l-10r111ans, La Pie spirituelle d,1s latc,î, Pi1ris, 1951, . - su1•to11t cc aux laïcs et aux gens silnples »; il voudrait
R. Spinzzi, I 11alori spirituali 11ella Pila del laico, Broscia, plaire nussi aux savants et aux lettrés. Il écrit à la
1956. - J. M. Heroandcz de Garnica, Pcr/ccciôn y laicatlo, dernande de Pellro 111, des jul'ats do Barcelone ot d'hono•
Madrid , 1956.
rablcs citoyens qui désiraient connaitre « le chemin du
Charles Sc11MnRDBR. pa1•ad is ». Eximenis projetait un ouvrage en treizè
livres " en l'honneu1' de Jésus-Christ, 'l'ête du christia-
E XERCICES SPIRIT UELS dè saint Ignace de nisme, et des plus grands C!ll'éUens, les apôtres )>. Il
Loyola. Voir I GNACE ,DE LovoLA. sen,blù n'en' avoir composé que quatre.
'
1951 EXIMENIS
1) Prin1cr del Crestid. - Ce prernier ,livre en 88'1 '
a fait consldé1·e1• Exirnenis connne un grap.d promoteur
chapitres, écrit entre 1878 et 1881 (édité à Valonco (:n cle la dévotion aux anges. Il fut écrit à Valence en
1488), expose l'origine; la nal,ùre et la dignité de la reli- 1392; il en reste de nombreux manuscrits en catall\ll,
gion chrétienne. Dieu nous a engendrés cornme ses en espagnol, en français, en latin, etc. Pre,nière édition
fils très aîn1és et nous a incorporés à lui par amour, catalane à Barcelone, on 149',; castillane, à ijurgQ~,
comme deux arnants s'unissent par la force de l'amou1•. en 1(.90; française, « Le li!'re des a1lges rait et compilé
Le texte de 1 Pierre 2, 9, sur le sacordo,ce royal a part.i- sur le livre de saint Denis, De tripli.ci gerarchia, et sur
culièremont retenu l'attention d'Exiinenis : joints aux les ditz de plusieurs docteul's devotz et contempla,
pl'êtres, avec lesquels ils forment un corps spiritui:1, tifi, par frt!re François Do.chhnenis » (Ximénès], Genève,
les fidèles offrent chaque jour le sacrifice qu'est Jésus- ·1 4?8; Ijyon, 1't8G; Paris, 1505 et 1518; en flamand,
Christ. Le Christ nous a raits rois ot prêtres; nous ne Il. Brux:eilea, en 1518.
devons pas oublier que le sacerdoce signifie d'abord
~ la vertu de charité dans le cœur ,, et quo tout doitse
8° Libre de les dones. - Lo livre fut composé on
1nesurer par celle-ci. 1396 et dédié à la comtesse de Prades ; il traite de la
re,nui.e en cinq conditions ; entant, jeune flllo, épouse,
2) Segon del Crestid. - En 289 chapitres, Eximenis veuve, et religieuse. Exîmenis explique que« le Seigneu~
traite dos divel'8es ,;ortes de tentatioo:; auxquelles le a voulu exalter la te1n1ne à tel l)Oint que tout le mondo
chrétien est exposé. Co livre abonde en traits de fin e doit craindre de parler d'elle ». JI ne critique pas i;ys-
psychologie. ]Îlcrit probablernent en 1882-1388, deux Lé,natiquernent, - c'était le prurit littéraire du Lerl)ps
manuscrits en existent encore. - , n~ ne se fait non plus l'apologiste de la re,n,ne, même
3) Regin1cnt de la cosa publica. - Exirnenis composa s'il déclare qu'elle est naturellement pieuse, retenue,
ce traité (prernière édition rarissin1e, Valence, 11,99; aimante et gracieuse. Les manuscrits comme les édi,
rééd. par Daniel de Molins, Barcelone, 1927) à Valence tions sont nci1nb1•eux ; la première édition catalane
en 1383 à la deinande des jurats; il l'inclut plus tard comporte 896 chapitres, 'l'arragone, 1485(?); ampliOée
dans ·soi::i Dotzén (ch. 857-895). Le baptême nous a dans la première édition castillane, Valladolid, 1542.
placés dans l'unité d'un seul corps; nous sommes li(!:; Cf extraits dans Bibliothèque de l'école des oharus,
par une seule et même foi et par la mê,ne espérance; t. 46, 1885, p.130-187.
aussi devons-nous être tous un dans la recherche d 11 4° Vida de Jesucrist. - L'intention d'Eximenis e~t
véritable christianisme. A cett.e fin, il est essentioJ· d'écrire « la vie sacrée de notre Tête, Jésus-Christ,
d'aimer la communauté et la cité terrestl'e, dont les ce qu'en ont com1nenté les docteurs, ce q u'en ont
fondements sont la concorde, l'observance des lois, expérimenté Jes n1ystiques et les Aines dévotes ». li
la justice, la fidélité, la prudence dans les assemblées. utilisQ aussi bien les apocryphes que sainte Angèle do
Alors la cité fie maintiendra solide et stable, car cllo Foligno; ce qui lui importe, c'est d' « enfla1nmer les
est figure de lu cité sainte du paradis. fidèles chrétiens à la dévotion envers le Seigneur ,.
4) 1'erç del Cre.stid. - Exi,nenis parle des péchés Ceci explique le ton vibrant de l'ouvrage, qui _se mue
du chrétien et des épreuves de la vie. Cos épreuves sou vent en prière. Il s'étend sur la prédestination, dans
avivent en l'homme le désir du paradis. Ce livre de le dessein de sauvegarder et le bon plaisir divin et 1~
1060. chapitres fut écrit en 1888, à Valence. Boauc.o up bonnos œuvres. Par ailleurs, Exirnenis exalte la mater-
de manuscrits en existent; des extraits en ont été publiés. nité de la Vierge, « le plus grand titro d'honneur quî
l./éd1tion complète a été cornmencée à Barcelone en puisse êtro donné à une femme »•. Le Magnificat lui
1929; 852 chapitres ont vu le jour. inspire un beau développement dans lequel la Vio~o
con temple tout ce qui existe au ciel, sur la terJ•e et dans
5) Dotzén del Cr1Jsûd, - Eximonls expose commcn t les enfers. La Vida de Jesucri.st fut probablement écrite
Dieu attire l'ho,nme par le 1noyen de la vie soc!ahi, en 189? /1898, à la demande de Pierre de Artès, b6né-
La sagesse et le pouvoir de Dieu se n1anifestent dans les llcie1• du roi Martin. Exi)neni.s destine ses 691 chapitres
merveilles de la création, qui appa1•a1t comme une belle aux luïcs, en général fo,·t ignorants, mais clerc.~ et let-
cité, dont Dieu est le Seigneur et Père. Le Créateur a trés pourront aussi y apprendre beaucoup. Il semble.
déposé au fond du cœur do l'ho1n1ne l'image de la cil.(: que ce soit la première fois qu'un livre en langue romane
divine. L'hou1me est lui-mê1ne une ci té bien ordonnée, ail fJOrté le titre de Vie de Jésu.s-Chri.vt; elle s'inspire
qui l'eflète la glcil'e du ciel; mais le pre1nier péché h1i sans doute do celle de Ludolphe le cha1>treux. Il en reste
oppose \1no autre cité, cr.iminelle et diabolique, con:,- bcaucot1p de 1nanuscrits catalans, deux en françai,s
tituée par le corps des r1~prouvés. Comme Dieu a donnô (Maiarine, ms 927, et à la bibl. nat.) et trois en castillan.
à l 'ho1n1ne l'inclination naturelle de la vie en société, la l!Jdition partiolle en castillan, Grenade, 1t196.
cité matérielle, lorsqu'elle est bien réglée, doit le
conduil'e à la connai$Sance de la cité spirituelle, la lui 5° Scala Dei o traotat de conterrtplaciô. - Ce petit
faire désirer et mériter. Le lJotzén, en 907 chapitres, a livre, dodi.é à la reine Marie et de$tillé à tout chrétien,
été édité à Valence en 1484; édition partielle à Darc~!- paraît avoiI· été · corn posé au début du 15" siècle. Peu
lone, on 1 90'1. de critiques s'y son l intéressés. La première partie
est un recueil de prières avec l'ex.posé des commande-
2° Libre del dngtils. - Eximeni:; s'inspire ici d'u11 1nen ts et des péchés capitaux; la seconde est un traité
grànd nombre d'autorités, surtout du pseudo-Denyf., de la contemplation. La Scala Dei est le liv1•e de piété
. Les cinq pa1-ties de l'ouvrage concernent 1·espective- catalan le plus coo1plet de son temps; son eoseign<:ment
ment la grandeur, la nature, los ordres, les services, les est com,nun; il utilise beaucoup d'auteurs, y compris
victoires des anges, et enfin saint Michel. Dans la qua- des païens rnoralistes. La part donnée Il. la prière est
trième partie, Eximenis pa1•le nussi du démon. La gran- large, la confession, la pénitence ot le recueillement,
deur et la dignité dos anges excèdent la raison humaine. l'aumôno et la pitié envers les pauvres, l'humilité onvors
Dans nos besoins et misères, ils ont été donnés pour pro- Diet1 et la patience du cœur y ont aussi leur place.
téger les rois., l es cités et chaque chrétien. Cet ouvrage Eximenis insiste sur la préparation Il. la mort; il combat
'
1953 EXIMENfS
}52 :1.954
eur la vie facile et invite aux renoncements volontaires; il traités d'Eximenis; les titres dilTètent avec les incipit
en exhorta à la componction. Au nombre dos prières figu- et les explicit ou les ajoutes postérieures. G. Fontana
an, rent des litanies à Jésus eL à Marie (d'après les événe- les traduisit en catalan, en 1416, mals dans un ordre
ion ments de leur vie) et des psaumes pour les différentes inexplicable (édité à Gérone en 1ll95); il donne des titres
:os, situations de l'ârne. La deuxième partie trail:e de la de psaume à chaque chapitre, d!où le nom de Saùiri
11lé contemplation, terme aux acceptions diverses. Eximenis ou Psalteri1un (psautier), qui engendi•e la confusion.
sur commence pur expliquer les trois voies de perfection. La traduction, pas toujours exacte, est pleine d'amplifl-
,Ja- Dan$ la troisième, il parle de l'alienatio nwntis ou ·t1•ans- cu !.ions. En rérùité, il s'agit de quatre traités distincts :
ve, port des puissances : l'âme perçoit dos choses qui dépas- 1) De laude CreaToris, r. 1r-51r; le dernier folio porte
id, ·Sétit l'entendement; elle est hors d'elle-même et de son ce titre qui oxplique le contenu : Explicit tractatus de
jugement hablLuel, au point qu'elle ignore oli elle se cssc11tialib1,1s in <lic,in.is, sui• les attributs de Dieu et ses
trouYe, ce qui lui arrive, si elle demeure en son corps bir,nfaits. 2) J>salmi pocnitcniiales sunt isti.. , f.51r-54v;
en ou hors de lui. Cette alie11atio mcritis nous vient soit on .Y traite non des psttumes da la pénitence, mais d'elîu-
la par dévotion, désir et amo,11• fervent de Dieu, soit sions spirituelles de repentir et de louange. 8) Sequitur
se, ]Jar ad1niraLion ilnrnense, soit par jouissanco excessive S6·c1.1,n.dus t1'a.ctatus qui est de Pita et e:c;çellentia Redern.p•
,ur de la réalité présente au fond de l'ârne. L'â.1ne est élovée tol'I:.~, ubi 'flt rrietnoria de ejus J\1atrà sa11ctissirna et df:
ide en Dieu par un vif ot a1·dent àmour, sans aucune autro anteli,s et de quibusda,n oi quoquoniodo annexis, f. 55••-79.
rs• connaissance et sans que l'entonde1nent y ait part. 4) 1 ncipit tertius tracta.tus : de Pita ltoniinis viatoris,
1ps Ainsi touchée par la sagesse divine, l'âme rejette toute f. 7!)-87.
ne autre jouissance et se tient joyeuse dans les l1auteurs Ces traités o!Tl'ent, en de courts chapitres, une gerbe
161 où ellè repose, sans pouvoir expliquer ce qu'elle expé- d'oraisons jaculatoires et des élévations alîectives à la
ai- rimente. Parmi. les moyens qui favorisent la contempla- n1ar\ière de tant d'auteurs médiévaux. Eximenis utilise
ne tion, Exin1enis signale la solitude, la récitation des beaucoup les psaurnes et le nouveau Testament; et
:ée psaumes et des paroles inspirées, la louange do Dieu
12. avec un accent personnel. Ces traités sont nour1·is cle
et. l'a.doration de sa Majesté, la considération des bienfaits piél.é envers le Christ (on peut mettre en ,•elief les chapi-
,s, divJns. Exirnenis se plaît il souligner la diITér·ence entre 1.l·ei; sur le non1 de Jésus dans le troisièrne opuscule),
vie active et vio contemplative. Colle-ci s'aJJplique aux -et 1nanifesl.ent bien l'obsession d'amour du Chl'isl qui
et mystères et aux réalités divines. Une telle vio doit ôLre fai(. ocrh·e ù Exhnonis ; finis noster et t1Jrn1inus nostrae
1t, pure, comme Dieu l'est lui-n1ô1ne. Les vrais cootempla- Pit<t(! et un1-ni11,ni labo1'um rru:r<:es copiosissirna est. Durni-
nt tifs sont les plus grands des hommes. Quanti Exin1onis nus Jesus Christus.
Il parle ainsi, ses paroles ont un certain accent d'expérienr,e
ae personnelle; mais l'exposé do sa doctrine de la conterr1- ·10° Œuvres qui sen1blen t perdues : h'1cposicio d8 la
es plation s'inspire directement du Ben.jarn.in ,n.ajor de R11gla. dels Frares Me11ors, De rcligi<J, I.ibl'e de les c,ir•
Richard de Saint-Victor, de la Mystica theologia de tuts, De pon1.o, Co,npandium anùn.ae, Ser,no,uirir;,
Hugues de Dal1na et du Da triplici via de saint Bona- .5'1a11ma philosophica.
venture. La première êditi(ln de l'ouv1·age d'Exirnenis 3. Doctrine spirituelle. - Une syntl1èse de la doc-
fut faite à· Barcelone en 1ft94, et rééditée en 1501 et trinr. d'E:xi1nenis serait. prématurée; il faut travailler
r- 1528. sur des manuscrits et des éditions rares; le point de vue
(li On a attribué ù Exhnenis ttn Confessioriale (Valence, spirituel en son œuvre a été trop peu étudié jusqu'ici
~j 1497, 1502, 1507, 1906), qui est un i•ecueiJ d'extraits, et sa vie rnême ne nolis est pas suffisamment connue.
re notam1nent <le ln Scala Dei, du Libre de les dones. Si, ,lu concile de Pel'pignan, il a 1n6rité d'êtl'e appelé
IS un homme de grande sainteté, à la doctl'ine étenduo et
6° Le Cercapou est une sol'te de catéchisme expliqué, profonde, célèbre par ses copieux écrits, il reste que ses
~
~-
11$
qui sert de base à un exan1en de conscience. Ce n'est sy111pathies pour J oacl1irn de Flore et 'l lber•Lin de Casale,
cependant pas un sin1ple examen. Exilneuis y manifeste qu'il cito souvent, nous inquiètent, cornrne beaucoup
une grande ferveur. Cet ouvrage, dont on ignore la de sûs cita.Lions mystérieuses, son goftt pour l'astrQlo-
~
le date de composition, s'inspire de Ludolphe Je chartreux; gie •J t les prophéties, ses attaques contro les ecclésias•
16
il est destiné aux clercs, l'êligieux et laïcs. Édition en Liquus en gênéral eL contre les paysans. Eximenis ·nou~
1957-1958, à J3arcelone.
'8 attiro cependant quand il s'lnunilie, - parfois avec
e 7° L'Ars prae<lica11di populo co1n1nente, à l'inten- dos 1ixpl'essions ou1.r6es, quand il exprime son adhésion
!s tion des frèl'es 1nineurs, le char,itre 9 do la Règle de au1oureuso à l''.Égllae roinaine. Il conçoit l'Église et la
1. saint Fl'ançois d'Assise. Ce cornmcntaire était autre- socic':té hu1naine comme un unique corps chrétien;
fois suivi d'une série de sermons qui ont disparu. sui· t:t~ point Exin1enis n'est pas le seul à son époque.
t L'unique n1anuscrit connu est il Cracovie, bibl. Univer- Il utilise abondarnment les sources chrétiennes de •
sité, ms 471. tout temps et de toute provenance, et aussi bien des
8° Pastcrak. - Cette œuvrc latine, écrite, en 167 a1.1teurs paîens, dans une optique morale; il s'en serL
chai1iLres, à la dernûnde de Michel de :tvliracle, curé de plus qu'il no lo dit.
Penuguila, et de 1-Iuguos de Llupiâ Bages t 1427, évêque Sl's œuvres ont été écrites à la demande de person-
de, Valence, traite en quatre parties de J'étut clériéal, nngi,~ de la cour ou de dignitaires ecclésiastiques. On
de la dignité épiscopale, des devoil's du pasteur, de sa s'étonne que lcis gens si1l'lples aient pu goftter ces pages
« récon\pehse surnaturelle ot de la gloire qui lui est. divh:éos ot subdivisées, parsemées de termes scolastiques
préparée • 1 Longtemps, fol·t prisé, l'ouvrage ga1•de sa et d'innornbrables citations latines. Sans] doute, faits
valeur. Beaucoup de 1nanuscrits en sont conservés; historiques, uncctodes, fables, comparaisons ot souvenirs
unique édition à Barcelone, en '1'195. personnels les ont-elles rendues plui;; abordables. Lès
'
1
~
0
fldèh1s des 14c et 15" siècles s'y coinplaisaient. De nos
:Le mantiscrit (..64 de la bibliothèque do Cata- jouri;, elles éveillent un renouveau d'intérêt. C. Baraut
-
• logne à Barcelone (15e siècle) contient quaL1 e petits a réco1nment 1nontré que Fr. Eximenis occupe ,, une
1

l)JCTIOll!NAlllll Dl! SPllll'fUALIT~. - 'l'. IV. 62


I EXIMEN IS - EXIMENO 1956
1955,
place de choix parmi les auteurs qui ont le plus inllué Marti écl'it avec raison : « Ainsi finit. la vie malheureuse
sur la composi.tion de l' Exercitatorw de Cisneros » du docte et vertueux prélat majorquin qui, au milieu
(cité 'infra, p. 26ft) . de tempêtes violentes, sut conserver l'éga.Ut6 de son
S'il expose dogn1e et rno,•alo pour dissiper l'ignorance, caractère et sa J,onté paternelle; il laisse dans l'histoire
consolider lu foi 011 corr1baltre les ennernis de l'Êl\'lise, une trace moins profonde que ne le mériteraient ses
Exitnenis ne laisse ja1nais d'inviter à la piété nn vers qualités; il ewt juste de le so\11igner aujourd'hui que
Dieu, le Chri8l et l'Êglise. Pour lui, le nom de ch1'ôl,ien nous possédons de nouveaux documonts" (Visionarios .• ,
et la vie chrétienne étaient tout, et les contomplatifB p. 442) .
les meilletu'S rr.présenta111.$ de l'idéal chrétien. Selon· Ansehne 'l'urmeda, et le témoignage do sés
correspondants, Exi111ono àurait beaucoup éêrit, lettres,
J. .l.\[assô 'l'orront.s, Les obl'es de Fra. Francoscli Ei:ci11,.,111is, mémoires, discours en faveur du co1nte d'Urgel.
Ess(tig il'1u1a bibliogra/la, ÙQnS 1inuari do l'In~titut d' E~tudis Sa Quarentiin<L de conttnnpla<)ÙJ fait d'Jllximcno un
C<1U1la1rn , t. 3, Darcelone, 1\109-1910, p. 588-692. - A. lvnrs, écrivain spirituel; ce livre fut écrit en catalan en 1i06
EÎ cscritor Fr. Frc11winco ExiniénC! 8n fi alciléÏ(l, dans Archi1 1

il la deroande du roi i11artin, esprit Inquiet qui aimait


(,

i/Jero a,neric(IIW, t, 1 1,, 1920, p. 76-10',; t, 15, 1921, p. 2St, •331;


1.. 1\1, 1923, p. 35 1) -3\18; t, 20, 1\12~, p. 210-248; t, 24, 1925, à vivre au milieu des religieux. Le roi voulut d'abord
p. a25-382; t. 25, 1926, p. 5-',8, 281,-333; Dos crcu(tde.~ l'a/en• one traduction catalane de l'Arbor vitae cruciflxa,
ci<1r1o•rn,1llorqui11-11s 11 les cQsles de Bcrbcria ( 1397-1,199), Valence, d'Ubertin de Casa.le; ce travail exécuté en partio ne
1921. - P. Dohigns, l'rediccion$ i profecies Cil les obres dtJ Fni nous est pas parvenu, Eximeno l'abandonna bientôt
Francesc Ei.tùn("1,:,q, dans ft'ranciscalia, Bari;olono, ·t 929, pou1• faire œuvre porsonllelle. Il explique ainsi l'osprit 8\ -
p. 2:-1-38. - P. l\'(11rLI clo Barcelon8, Fr(i ,fi'ra11c11sc Eixitn1111is, la roéthode de sa Q1~arer1tcna (prologue) :
..Bnrcolone, 1 !)29; paru d'oborù dans Entudis frcu1c!i,,,:a11s, • De la partie du verger qui regarde hl. pénitence, je vous al
t. ltO, 1928, p. t,37-500, 11!, t.. 3G, 1925, p. ,,,, 9.1,511. - José !~fllJ'iU fait quarante rameaux ou bouquets quo vous tiendrai sol'l'és
Pou y Mnrt.l, Visiona.rios, beguinos u fraticolos c(l/.(llanes (siglos sur votre poitrine pour la conton1plation, et six guirlandes ou
x111-xv) , Vich, 1930, p. 397•(..1!l. - J. H. Probst, Die (:Ouronnes pour las din1nncheR, qui vous per1nettront do p~
cthi,çchen ttnd sozirtl11n ldcor1 d1,.s l<atalanisch~,i fra11zislH111crs
liiximenis, dans l·Vi,q,çenscll<1/t und Weishcit, t. 5, 1938, p. 78-
avec mérito ln saint carême; oL je les ai 11rrang6s en grande
(lt,, - T. et, ,J. Carreras Arlau, f/i.storù1 ,:,le ta filosofÎ(! cs111.,iiola,
partie à la ,nanière du frère Ubertin do Casale, en ijUivanl,
t. 2, Ma.dr.id, 1\14.3, p. ,,77.,,so. ~ o.-lt Sa11s011e, v,i 11uovo aul.ttnt que j'ai pu, lu des.sin d6 son vcrgeri mnis j'ai changé
11uuioscritto di F r(1n,:11sc Eixùncnis ,1 la q11-11stionc del • C:cri,ct•
en quelques endroits la couleur dé la soie avec laquallo li attache
,,or,•, dans Ji'ilolQgia r01nai.za, t. 3, 1956, p. 11 ·29. - L. An1or6s, les dits ramea.1.1x, pour qu'elle convienne mieux au présent
El probla,n(, de la Summa tlicoloaica del nicwstro Ji'ranciscv R:ni-
ouvl'age, et j'ai ajouté pnrrois llOUl'S et aulorîttls du 01éme genre
1nc1,is, O. F. M., dans A1•çhi,,r11n /ra11aiscanu11i hÏi!t1>ricu1n,
pour otTrir plus d'odeur el de parfum à l'espl'it du dévot cQntétn•
t.. 52, 195!), p. 173-203. - C. Dru•aut, L' Exarcit.a/orio de lfi "ùla platif •·
~pirituat de C:arCÎ.<l d(? Cisneros et le Tl'actat de co11te1nplaci6 clc
Lo Loxto suivanL nous indique sa manière : • Le saint tompa
Frru1cesc Ei.,r,irrwnis, ù11ns Stu,lia n1onastic11, t , 2, 1!lGO, Jvlont-
do cal'ême doit être un t~mps SQnctillé par le jot1no et la grande
abstinence... Il faut alors so s6pnrer de sils occupations ten1po•
sorrot, p. 233-265. relies pour s'adonner à l'oraison, à la lecture ot à la contempla•
tion. Avr1nt lo diner, on clira Vêpres, on t6moignage du don que
NOLAS QUE D'l!L MoLAn, nous faisons à Dieu do la majeure partie du jour. Nous devons
alors porter une couronne d'épines qui nous navro lo oœur; ei
EXIMENO (E1xDtt::NO; JEAN), franciscain eata- que l'on cont.ernplo les sacrées pla.ies de Jésus-Chriat, ~lol'!I
fufront les bêtes f6roces que sont les péchés el los lautœ 4\ll
lan et évôque, ve1'S 1360-vers 1420. - Jean l.!Jximeno conduisent. à la mort •·
naquit à Majorque vers 1360 et entra daüa l'ordre
franciscaiü. En 1391, il est envoyé à l'univerBit.é de Le sabbat est changé par lo << bien-aimé Jésus » en
Toulouse où, pa1· ordre de Clémont vn, il explique les cc sa1nodi de pénitence >1; il consiste à se détourner de
liv1·es clos Sentences, enseignement. qu'il avait déjà touL ce qui lui déplatt. Th·er un anunal du péril ou
donné à Gé.rone, Barcelone et ailleui•s. En 13!11\, il l'abreuvel' ost bien, mais le Seigneur exige plus encore
prononce à Majorque l'oraison funèbre de J ean 1 qne ~ tu tè sauves par la confession; que tu sauves ton
d'Aragon, et il reçoit en 1897 le 1.itre de 1naître en théo- pa·ochain tornbé dans le péché par un bon conseil; ei,
logie. Nous retrouvons l.!lximerlo prêchant en 1fl98 à s'il est, dans la misèi•e, que tu le soulages de ton aumône
l\fajorque, en 1399 pour la croisade contre les barba- et de ton aide.. , et tu le conduiras à l'eau de la consol11•
resques, en 1409 à Barcelone et en 14·18 ù la cathôdrale tlon pour qu'il vive de la grâce que tu lui auras laite».
de Lérida. Le chet11in du samedi sera de « suivre ton bien-aimé
A la 1nort de lVIartin r, en ,it,'10, Eximeno intPrvint Jésus au dosert et de conternpler sa sainte personne
au parle1nent de Barcelone et, après le Co1npronlis de Innocente, ailnable, comn)ent il est le Seigneur qul te
Casp, il défendit; sans succès, la cause de Jacques pardonne )). ,T ésus dans son carême et ses tentations, -
d'Urgel dont il [ut lo conseiller et le confesseur; rr1tüs ses le dérnon le t;onta toute sa vie - , nous pousse à afTron•
quallt6s 1norales et intellectuelles rondirent sa prèscnce lei' avoc courage les batailles, les labeurs et les ttibula•
nécessaire à la nouvelle cour. Il fut le co1ifesse,rr de tions. Autant de tribulations et de tentalions, dit Exi-
l\otarie de Luna, première femme de Martin 1, et de la meno, auLant d'ouvriel'S qui façonnent ton dladèino.
seconde, Margue1'ite de Prades, et do Martin Je jeune, roi Dans ces pages, le no1n de Jé:.ul:! apparait souvent,
de Sicile. Il · intervint dans les alTaircs de la fan1ille et aussi celui de la Vierge. Ma1•ie est la conseillère dei!
royale, comme dans lu diplomatie et la guerre. l.'anti• apôtres; << toute la foi de la sainte Mère Église on ce
pape Benoît x1 11 (lettre du 3 janvier 1',,1'•) fit irlstruire samedi, - veille de la Résurrection - , est r8.Sîi80)~M9
un ·procès contre Eximeno et d'autres partisans du dans la seule Vierge lvlarie, et c'est la raison pour
co,nte d'llrgel; nous en ignorons le résultat; Beno'lt x1u lttquelle le samedi est voué à sa louange et à sa gloire•·
l
retira à E xilneno le titre d'évêq\1e de Maltequ'il lui avait Elle est 111ère do miséricorde et noh•o avocate.
octroyé quatre ans auparavant à des fins politiques. Exln,eno insiste sur la (:Onfession. li Sij plaint des murmures
il·lartin v, en 1418, le réhabilite et lui rend son siège. au sujet de• prêtres d6vots, roligieux et hiles qui, chaquo jour,
Son successeur est no1n1né en aot\t 11, 20. J.-ll'L :Pou y chaque semaine ou chaque n1ois, ~e confessent, exttrninant leur
'

EXIMENO - EXODE "


1958
aoDBcience, pardonnant, priant ou satisfàlsant autant qu'ils
le pouvont, et qui, chaque jour, veulent tairo parf.ie do la cour ancienne (1( . GalliJ1g, Die Erwèihlungstraditio,uin Isracls,
dt Hsus-Chrillt, chaque jour revôtont l'habit do noces, et dont Gies;;on, 1927, p. 56); plus tard vinrent s'y adjoindre
lonl~s les œuvreij sont prises en co1npte pou1• gagner la gloire les traditions patriarcales; puis les souvenirs des-origines,
du paradis •· · de aorte ,quo, dans l'état actu81 du texte, la création et
surtout le cycle d'Abraham semblent destinés à prépa-
, Gontemplor » signifie pour lui considérer et; faire rer provident.ioJiernent ln naissance du peuple saint,
oraison. Ainsi invite-t-il à tenir cornpte des deux ailes I' fi:xode const.ituant le thè1ne central du Pentateuque
aee qui élèvent l'ânle et. Ja font soupirer avec le 1< bien- (cf c:en. 15, 18-t7; 42, 7). ·
àlmé Jésus ,1 ; la science ou connaissance, et la. pensée
•• continuelle de son' origine, de ses cruintos, de ce qui
a 6~ promis, de ce qu'elle espère. l'aJ' ces che1nin$,
1. GRANDES LIGNES D'UNE SPIRlTUALITt DE I.'EXODE. -
un la dé:votion nleut le coHll' aux larmes, à l'oraison, à la
Parn1i les multiples U1è1nes ;cte spiritualité qu'on
i06 pourrait rat.tacher à l'Exodc et. qu'on ne saurait tous
ait louilnge du Créatou1· et it la supplication pour nos considé1•e1•, on distinguera ceux qui suivent : 1° )'Exode
bo,solns et ceux de notre prochain. Enfin, Eximeno Iondotnent do la foi : révélation de Dieu et de ce qu'il est
►rd exl1orte son lact.eur : " Vois Ja bont6 et. la libéralité de
lat1 pour son peuple ; 2° fondement de l'espérance; 3° la vie
ne ton Créatou1•... : le Ciel et. la terro avec ses splendeurs, au désert, image idéale des relations de Dieu avec son
tôt ton corps et ton âtne d'une 1netveilleuse beauté, et peuple, idéal à retrôuver consta,nment par la conversion;
et enfin lui-mêmo jusque sur l'arbre do la vraie croix.; 40 découverte de la con1munauté et découverte du
et Il t'a pron1is cette infinie douceur de la cité du paradis». P!'OChain.
i al
Eximono voulait 6c1•Jre pour les quarante jours du
carême; l'uniquo manuscrit o:xistant no co,nporte que 1° L'Exode fondement de la foi. - La foi
l'é8
ou ~uatre jours. Il se réfère d'abord à la station lit\lrgique, d'Isruël est une loi historique, une foi en celui cc qui a
aer puis procède à une aniple explication doctrinale accom- fuit /-H)l'tir son peuple d';Égypte » (no111breux textes à
ide pagnée de textes liturgiques en latin. Chaque joui·, toutes les 61>oques, de1,ttis Josué 24 et Deut. 26, 8,
nt, on doit faire « conten1plation de la passion do Jésus• jusqu'à Dan. 9, 15); en dépit dos développements
1g6 Christ », contemplat.ion répartie selon les heures cano- théologiques ultérieurs, le fait historique ne sera jamais
:he niques et acco1npagnée d'un l,exte en catalan, de prières ,, 'Spiritualisé " (G. von J~ad, Theologie des Alten 'l'esta-
1nt n1.e11ts, t. 1, ?viunich, 1957, p. 127-128). Le Décalogue
1re et de nombreux passages d'Écriture. Les textos bibli-
in- ques et liturgiques sonL rnoins traduits qu'interprétés lui-m<':rna s'ouv1·e par la for·mule qu'on s'a.ccorùe à
et orientés vc1-s une application conc1•èLe. L'auteur recoo rtaître très ancienne : (c C'est moi, Yahvé, ton Dieu,
ps recourt aussi à saint Grégoire le Grand, à saint Anselme, qui t'ai fait soi·tir du pays d'lilgypLe ,, (Ex. 20, 2; Deut.
de à saint Be1•nard èt à 1-I\lgues do Saint-Victor. Notons 5, 6).
10• qno la cheval.erie.lui fournit symboles et comparaisons. Dieu se t'évélant dans l'histoire et par l'histoire, c'est
la- Achevée, cet.te œuvre littéraire, qui se ressent de la donc SUl'tout vers !'Exode qu'on se toui'nera pour COrl·
ue hâte do sa composition, aurait été sans doute l'une des naître sa nature et ses attributs (A. Gelin, Les idées
ns
et premières en langue 1'01nane à unir une doctrine spiri- mattresscs de l'ancien Tes1a,ncnt, coll., Lectio divina 2,
l'IJ tuelle saine et pratique à une piété pénétrante. Le 1ns 240 2e éd., Paris, 1952, p. 12); la religion juive, 11 religion
ui de la bibliothèquo de Catalogne à 13arcelone a été édité du V1Jrbe plutôt. que du nom 1i (E. 'vV. Heaton, The Old,
pour la première _fois par Sa.1nuel d'Algaida, dans Testarrl.ètit
1
Prophcts, Londres, 1958, p. 100; cr E. Jacob,
1
Estudis franciBcans, t. 44, 1932, p. 847-388. '1 héologie de l'ancien Testament, Neuchâtel-Paris, 1955,
in
Samuel d'Algaida, Fra Joan Excn,cno franciRc(l de Mallorca, p. 1(,')-163), insète les vérités essentielles (existence
le de Dieu, élection et alliance) dans une traine historique,
dQlll! Esluclis franci,~r:a,is, t. 32, 1924, p. 280-289, 362·374,
!53•464; F'ni Joan E:r.e,nè'M i la sucr.essirJ a la corona tl'Arago, plutôt. qu'.elle ne les exprime dans des forrnules absLrai-
t. 87, Hl 26, p. 265 svv, 852-367; l. 38, 1926, p. 39-54; Dor.u,,wn• tos. Si d'autres 1.hêines ont joué un rôle ilnporlant dans
tacio /ranciQcana, t. 38, p. 286-293. - J .-M. Pou y Marti, la piété d'Israël, il sernble qu'aucun n'égale celui du
Vi#onn.rios, besui11(}s y fratir.t!lc>s ccitcùanes (Riglos XIII· Xv), Dieu ,\'au11eur (Deut. 26, G-8), et ce n'est que plus tard
Vich, 1930, p. 416-'145. - J, Rubi6, .l,it.cratctra. ca1al(u1a, dons
quo s'y adjoindra, souvent mis en parallèle avec le
Literaturas hispanicas, t. 3, Barcelone, 1933, p. 766-769,
LTK, t. 3, 1950, col. 1300·1301. })l'e1nier (/s. 51, 9-10, etc), celui de Dieu Cr6ateur; la
création ello-,nême n'apparaît, se.lôn la remarque de
N OLASQUE D'IH, -MoLAR.
I{.liarth (cité par E. Jacob, p.110), que conune 1, l'ache-
1nine111ent vers l'allit'lnce »; Israël est. un peuple de
EXODE. - 1 . .1!n1:ien Testament. - 2. Judaïsme rachetés, le Lype n1ôme de l'huinanité rachetée. Le
- ancû,n. - 3. Nou11eau Testament. - 4. Tradition chré- yahvis1ne est né de cette expérie11cc de Dieu, dans un
tienne. - 5. Liturgie. - 6. <:011clusion : spiritualité de clirnat de 1•11pture, d'élan spirituel au contact. d'un
1-
l'Exodc. Dieu qui intervient et qui sauve : • Loin de nous
1.
de délaisser Yallv6 pour servil• d'autres dieux.! Yahvé
,.• 1. ANCIEN TBS'tAMElNT notre Dieu n'est-il pas celui qui noul'! a !aH sortir, nôus et
,,' Étymologlque,nent, le mot Exode désigne la (( sortîo » nos pèros, de la terre d'Egypte... et qui devant nos yeux
s d'igypte; ln Bible (Jér. 7, 22-33; Ps. 105) lui donne un a opér•é ces ·grandes merveilles » (Josué 24, 16-17;
e cf Ex. 14, 1::l-1'• et 81; et G. Quoll, Ata0~>eY), dans
sens plus largo qui englobe tous tes événements depuis
e la première nui't pascale jusqu'à l'entrée dans la terre I(it. tel, t. 2, p, 122). Soulignons quelques points plus
r l)roiniso, pratiquement toute l'histoire récapitulée précis de cette spiritualité.
au chapitre 24 de Josué; c'est le sens que nous lui 1) Jlévélation d'un Dieu personnel intervenant dans
donnerons. La. rédaction même du Pentateuque atteste l'histoire : il livre son noni, c'est-à-dil'e, dans la menta-
8
la place centrale de l'Exode ainsi comprise dans la
', lité sémitique, son être 1nê1ne (Ex. 3, 14-15). ·Le fidèle
r pensée religieuse d'Is1·aill : la tradition qui rattache doit proclamer le nonl (Ps. 22, 23; cI Is. 52, 6; Jér. 16,
à !'Exode l'élection du peuple de Dieu semble la plus 21); livrer son nom, c'est on quelque sorte donner prise
EX<>DE 1960
1959
sur soi (cf C.-en. 82, 25-81 : l'a.dversai.l'e mystérieux de ' Apoc. 2·1, 8). Cette présence de Dieu est active: Il guide
,_ son peuple sous le symbole• de ,la nuée (Ex. 18, 21-22;
Jacob refuse de donner son nom) et donner droit à être
·- entondu (Ps. 91, 1t.-15); la connaissance du nom permet
40, 84-38; 9, 17-23) et le protège (1(!, 19-20); sous le
syn1bole de l'arche, il assure lu vicLoil'e (Ex. 15, 22;
, l'invocation, qui fera partie du genre littéraire du psaun1e
de supplication (cf Ps. 8, 5, 6, 7, etc, et Fhi.vius Josèphe, Nonib. 14, 39.r,5), permet le passage du Jourdain
Antiquitates judaicae 11,275, éd. S. A. Naber, t. 1, Leip- (Josu-6 8), fait tomber les murailles de Jéricho. Cette
zig, 'l'eubner, 1888, p. 128), et rend possible des relations présence do Yahvé dans l'a•·cho est cause de la ferveur
et de la joie .des âmes pieuses (1 Sain. 3; 2 Sam. 6;
personnelles avec ce Dieu vivant qui s'est révélé com1ne
le Dieu d'lsruël, son protecteur et son Sauveur. Ps. 132). La h1tto victorieuse de Yahvé contre les
ennen1is do son peuple fel'a cornprendre sa victoire
2) C'est dans ces perspectives qu'il faut cotnprendre contre toutes les puissances 1nauvaises pour le bénéfice
le don de la lei, qui est pour Israël ntoins un fardeau de ceux qu'il aime (cf Ex. 15, 8-6; Jitges 5, ,. ; 2 Cliron.
pesant que le don lo plus précieux de Yahvé, don qui 20, 15; P1.1. 18, 30; 61., r,; 71, 8, etc). Cf E. Beaucamp,
prolonge l'action de J)icu sauvant son peuple (O. von Le dynam.ismc vital d'un peuple que Dieu appello, VS,
Rad, Thcologie des .lllten Testa.ments, t. 1, p. 195) : t. 99, 1958, p. 471.
la loi est la vie du peuple saint, une marque de prédi-
lection <livine (Deut. '•, 6-9) et les &mes pieuses y trou- 6) L'Ex ode a révélé Yahvônonseulemontco1noiepèrè,
veront un sujet inépuisable do n1éditation savoureuse n1ais corn me pasteur d' [sraël (Osée 11, 1-4, etc) et cornmo

(Ps. 1, 119, etc); les excès mêrr\èS du culte de la lettre son roi (Ex.15, 18;Deut. 33, 5; Nornl,. 28, 21). CC M.Bu•
1nanifesLent corr1bien on y voyait un élé1nent central ber, Moïse, tracl. A. l(ohn, Paris, 1957, p. 91-92, 129-
de la religion (J. Bonsirven, Le judaïsme palestinien au 1 sa; J. Bonsirven, J,e règno de Die1i suivant l'ancien
te1nps de .Tésus-Çhrist, L. 1, Paris, 1985, p. 2116°803). Testall1e11t, dans Mélan{Jl!S A. Robert, Paris, 1956, p. 29li·
ao2; J . Bright, 'J'he J(ingdo,n of Cod, New-York, 1953.
3) Pur la loi on ent,re dans l'allianc(l, autre concept
fondamental insépurul>lemont lié à la geste do l'Exode : 2° L'Exode fondement de l'espérance. -
obéir à la loi c'esL écouter la voix de Dieu qui s'est faiL ~•est au plus profond de la tl'ibulation que Dieu ~t
entendre sur le Sinaï (.E'x, 20, 1; 84, 27-28), c'est marcher' intervenu pour sauver son peuplo de l'Egypte, qu'il
avec Dieu dans l'alliance (W. Eichrodt, 'l'heolcgio ?les a • prêté l'oreille à lour gé1nissement » (Ex. 2, 23-25). De
Altcn Testaments, t. 1, Leipzig, 1933, p . 28-211) : celle-ci cette intervention naîtra un sentinlent de confiance
est une disposition gratuite de Dieu (P. van Imschoot, ('e,nunah) clans la fidélité ('e,net) de Dieu qui est tou-
Théolôgie de l'ancien Testam,en.t, t.1, Paris; 1954, p. 254), jours prôt à guérir son peuple, ,nalgré ses in !\délités,
qui achève l'élection d'Israël en Abraham et manifeste pourvu qu'on se retourne vers lui; ce rappel du passé
la primauté 'de J'a1nour divin se choisissant un peuple; glorieux est fréquent dans les supplications collectives
être israélite, c'est avant tout avoir été choisi par Dieu : (Deut. 32; Néh. 9; Js. 63,' 8-15, etc) : Dieu, gui ne change
on no l'est pas conune, par nature, on est égyptien ou pas, est toujou1•s capable do réité1·er IO"s merveilles du
grec, cc êtro israélite n'est pas héréditaire » (C. 'l'res1non- salut; dans les co,nbats fu\,\1rs, on rappellera qùe
tant, Essai sur la pensée hébraïque, coll. Lectio di vina 12, "· Yahvé ton Dieu est avec toi, lui qui t'a fait monter
Paris, 1958, p. 71). fl1ais à ce cl\oix divin correspond un du pays d'Êgypte " (Dcut. 20, 1; cf 1 Macc. 4, \!). La
choix de l'hom1ne, une réponse· à la proposition divine, première délivrance est devenue le type do toutes les
une acceptation de la loi et de l'uniour do Dieu révélé inte1•ventions salutaires de Yahvé.
dans l'alliance et l'élecLion : le peuple de Dieu se définit Or, cette espérance ne s'arrôte pas aux frontières du
pur sa fidélité (Deut. 20, 18). peuple élu; solon le deutéro-Isaîo, les nations elles-mêmes
4) Pal' !'Exode, Dieu se crée un peuple, adopte vont bénéficier du nouvel Exode où se inanifestera
Israël cornme son fils premier-ni (Ex. 4, 22) : le cantique encor·e Je« bras de Yahvé» (Js. 51, 5), lu gloil'e du Sinaï
de MoYse désigne cet acte divin par le verbe qa11ah (',O, 5) et la loi, lumière de tous les peuples (41, li),
(acquéril', posséder, créer, et, sans doute, engendrer : Pe cette réflexion sur !'Exode naîtra le concept do
(';en. 4, 1); Isaïe e1nploiera le verbe spéci flque des actions rédemption et celui de salut; ces concepts se spiritual!•
divines : bara! (Js. li 3, 1 et 15, etc); IsraBl devient le seront pour aboutir à .l'espérance on une libérutioll
peuple de Yahvé, son pe,1ple saint, son bien particnliar dn péché (cf Ps. 130, 8; Jér. 3, 21-23; 24, 7; 82, 37-40;
1 • (segullah), son héritage (na/Jalah) ; il devient pour É:.. 17 et 20). A travers les « rédemptions » successives,
Dieu ce que son fils premier-né est po,1r le pharaon parfois suivies de lendemains décevants, se forgea
(Ex. (t, 22-23; cf Sag. 19, 8), avec les caractéristiqu,3s l'e.spoir d'un salut définitif (Js. 48, 17; cf le Targu,n
de jalousie et d'exclusivité qui marquent un tel amour palestinie,1 sur Gen. ~9, 18, et S. Lyonnet:, De 11otÙJ1!6
(cf Ex. 20, 5, et Dcut. r,, 24; Ex. 19, 4-5, et Jér. 2, 8). salutis in ncvo Te.~tanianto, dans Verbutn Do1nini, t. S&,
L'Exode est la naissance miraculeuse du peuple de Dieo, ·1 958, p. 3-15, avec bibliographie). Ainsi la 1narche
$igne de la prédilection divine (Arnos, 3, 2; Oiuie 11, d'Israill vers la terre promise apparaîtra comme un
1 et 4, etc; et surtout Éz.16, t.-6; cf R. Bloch, Ézéchiel retour, par delà le péché, au paradis des origines : dans
xv1 : eu,nple parfait dtt procédé midrashique danR l saYe et aussi chei le rédacteur sacel'dot.al de la Genèse,
la Bible, dans Cahù:r.~ sioniens, t. 9, 1955, p. 193-223; l'Éden et la terre promise sont décrits avec les n1êmes
voil' aussi W . Eichrodt, op. cit., p. 27; J . Stein1nann, expressions caractéristiques; la pérégrination du peuple
L' Exode dans l'ancien Testament, VS, t. 84, 1·951, p. 231•). à travers le désert. est « une quête du paradis perdu »
(L. Bouyer, La Bible et l'Évangile, coll. Lcctio divlna 8,
5) Dans !'Exode, Dieu se révèle comme proche de son
2° éd., Paris, 1958, p. 155). L'expression des « voies de
peuple (Deut. ~. 7; 12, 5; 1 Rois 8, 10-29); il habite au
Diou ))' avant de désigner la loi di vine à suivre (E:i:. 18,
milieu de son peuple (No,nb. 35, 84; 1 Rois 6, 13;
20), évoque l'itiné1•aire concret où Dieu a voulu f~re
Zach. 2, 14-16, etc); le substantif dérivé du verbe indi-
marcher son peuple (cf Ps. 81, 1.1-14, et ,T. Guillet,
quant l'habitation de Dieu sous la t ente, Shekinah,
'l'hè11U!s bibliqueB, coll. Théologie 'l 8, Paris, 1951 1 p. 18-
deviendra m ême un substitut du nom divin, et l'image
sera reprise par le nouveau Testament (Jean 1, 14, e t 19), pour le rameJ?-er à lui.
\

1
0 f961 ANCI EN 'l'ESTA MENT :1.962
8 Dans cette pérégrination, l'israélite a pris conscience entreront dans la terre promise (Nomb. 11,, 22-23;
• 'de )'instabilité et de la précarité de la vie humaine q u'il cf L. Bouyer, La Bible et l' Évan!jile, op. cit., p. 47),
e' doit traverser en voyageur, en étranger et en pèlerin et il en sera toujours ainsi au cours de l'histoire du peuple,
• (of l{. ~- ot M. A. Schmidt, et R. Meyer, t!ixpoixoc;, où seul un petit« reste» demeurera fidèle (cf n. Pautrel,
'
Il tlans K1tt0l, t. 5, p. 844-852; voir Gen. 23, 4; 47, 9; art. ./ iigenient dans l'ancien Testament, DBS, t. 4, 19<!9,
e Ex. 2, 22; 6, 4; Lév. 25, 23), avar1t d'arriver au ,, repos 11 col. 1328-1329); le don gratuit de Dieu exige l'aècepta-
r (Ex. 88, 1/i; cf Ps. 95, 11); le psalmiste so sent oncora tion libre de l'homme et sa fidélité (cf E:t:. 19, 5-8; De1,t.
•s• un étranger, un passant, ainsi qua tous ses pères (Ps. 39,
19; 119, 19; cI Jér. 85, 7; 1 Chron. 29, 15); on sait l'écho
12, 9; 1 .nois 18-19l- Au désert se rattache ainsi une
spiritualité de l'échec apparent, mais aussi un enseigne-
9 que oet enseignement aura dans le nouveau Testa1nent 1nent très important sur le sens de la tentation (E:i;. 15,·
e (2 Cor. 5, 6; Phil. 3, 20; l{tib. 11, Q-10; 1Pierr62, 11 ; etc). 25; 16, 1,; 20, 20; Deut. 8, 16; 13, (,,): Dieu COl'l'ige son
.. 8° La vie au désert, image idéale des relations peuple co1n1ne un père corrige son enfant (Deut . 8,
, de Dieu aveo son peuple. - Pendant uno èro privi- 1-6, ·J '!•16) , éduque sa foi et le purifie (cf S. Lyonnot,
, légiée de quaranl:e ans, ~ l)iou a suspendu on faveul' de Le s,,n.9 de 1teip&,ei11 en Sap. 2, 2d, 6t Z.a d.octrinfJ du
son peuple les conditions nor1nales de ln. vie» (J. Guillet, plmhé originel, dans Biblica, t. 39, 1958, p. 29; 1:-I. Seeae-
Tliènies bibliques, p. 9); 011 en gardera ttri souvenir 1nao11, Ilcîpix, dans l(ittel, t. 6, p. 23-37). Si,< la tentation
émerveillé (cf o.~éc 11, 4; Ps. 88, 18-19; Deut. 29, 4-5; est un privilège du peuple élu >> ( ,T. Guillot, 1'hèrnès
• 32, 10, et le Targ1t11~ pale1Jtinien, dans ?vl. Black, An bibliqruis, p. 17, note 1, 5) , si Dieu par là veut lui appren-
araniaic approaeh to the c:ospels and Acts, 2 8 éd., Oxford, dre q,ie ,1 l'homrne ne vit pas seulen1ent de pai.n.; mais...
1954, p. 248). C'est dans le désert que Yahvé a trouvé de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé 1, (De1tt. 8, 8),
• Israël (Osée 9, 10; J ér. 31, 2-3; cf (t von Rad, Theologie il fa11 t fairo à 'Diou, quoi qu'il arrive, une entière
des Alten Testa,nents, t. 1, p. 179, note 3) et que celui-ci conf\nnce, et ne pas vouloit· le tenter, pour sonder en
a connu l'intimité de Diou; aussi la période du désert quelque sorte sa puissance et sa fidélité, · comme le fit
apparaît-elle co1n1ne un t.enlps idéal, surtout chez les il plusieurs r eprises le peuple de l'Exodo (Ex. 16, 27;
t prophètes. Ceux-ci y voient le ten,ps où Israël a reçu Nomb. 14, 22; Deut. 6, 16; Ps. 78, 18 ; 8-9; Hébr. 3, 13).
1 l'alliance et y ét<\it fidèle; s'il faut retourner au désert,
l ce n'est pas p'our suivre l'exemple des rékabites (Jér. 85), ·4° Découverte de la communauté et décou-
l verte du prochain . - La découverte de Dieu taito
mais pou1' reve,,ii• au Dieu de l'alliance et à sa loi (cr
• à l'l~:xode s'.est acco1npag11ée d'une prise de conscience
E. W. Heaton, The Old Testa1ne11t Prophets, p. 107);
comu,unautaire et de la découverte du prochain.
il s'agit plus de la qualité morale d'une vie que do sa
L'alliance était engagée entre Yahvé et le peuple comme
forme ext;érieure : ,1 Le désert n'est donc pas un lieu
tel; c'nst tout Isra~l qui s'ongago dans l'alliance et qui
mais un état; il consiste en la privation de tous les
est l'interlocuteur de Dieu, da mtitne que c'es t, tout le
biens qui ont fait prévariquer Israël et il prépare sa
peuplr~ qui sera récompensé par le don d'une patrie.
conversion » (E. <Jsty, Arnos-Osée, Bible de Jérusalem,
Il est nor1nal quo la piété de. l'ancien Testament, du
Paris, 1952, p. 70; cf W. Rudolph, Jereniia, Tubingue,
fait do l'alliance, ait un ca1'actèl'e très communautaire,
1958, p. 207-210).
ce qui n'exclut pas la part de la personne individuelle
L'importance do cotte période vient aussi de ce que
(E. Jacob, 1'hé<>lo(JÎè de l'ancien Testanient, op. cit.,
toute la législation cultuelle, en dehors d'élément.s
)). 12~i). On aura donc conscience de la so1ldarité de
sOromont archaïques comme l'arcl1e, a été rattachée
tous dans le péché de chacun, surtout s'il s'agit d'un
au Sina'i (cf Deuuirononze et. code sacerdotal); appelé
chef (cf la solidarité en Adam, et les épisodes de Josué
au désel't pO\ll' tendre un C\llte à Yahvé (Ex. 18, 12),
Isralll y est devenu u un royaume de prêtres et une ?, 2, ol: 1 San1,. 21, 1-10) : le groupe souffre comme un
tout, ce qui correspond aux conditions n161nes de la
nat.ion consacrée >1 (19, 6). De co fait, la tradition deuté-
vie au désert (A. Lefèvre, Péché et pénitence dans la
rono1nique et sacerdotale fait découler l'exigence rlo
sainteté (Lév. 11, 45; 19; Deut. ?, li; 111., 2; 26, 19; .llible, dans La Mail'lon-Dieu 55, 1958, p. 7-22; E. W.
I-Jeat.011, The Old Te.stameni Prophuts, op. cit., p. 98).
Ex. 19, 6; Nomb. 23, 9). Saint, c'e.sL-à-rli1•e séparé (.7:é1,.
De même, la rétribution sera collective et consistera
20, 21,), le peuple de Dieu doit donc vivre autren1ent
surtout dans des bénédictions temporelles (E;t. 20,
que tous les peuples (18, 3; 20, 23-26); exigence de
22-23, etc), ce qui amènera la. théologie populaire à voir
rupture qui découle de son intiroité avec Dieu (Ex. 19,
un lien èntre le 1nalheur et le péché (cf les Psaum1Js).
'i), lequel a établi Israël son sanctuaire vivant (Ps. 111,,
L'E~odo est aussi découverte du prochain; le pré-
2; cl E. J. Kissn.ne, 'l'h.e Boolr ôf Psal,ns, t. 2, Dublin,
cepte : ,, Tu ai1neras ton J)rochain comme toi•mômc' »
1.954, p. 205) . Contre la tentation de redevenir 1, comme
(Lé". '19, 18) est souvent 1notivé par des souvenlt•s de
· les nations, comme les tribus de pays étrangers>> (Éz. 20,
l'histoire d e l'Exode : « Aimez l'étranger, car, au pays
3,2 ; tentation déjà pl'ésente dans l!.'x. 16, 2-8; 17, 8;
d'Égypte, vous fûtes des étl'angers >> (Deut. 10, 19; 21,,
Nômb. 14, 1-8, etc), les prophètes rappelleront l'exigence
17-22; E:t. 22, 20-26; 23, 9; Lév. 19, 84); de mê1ne pour
du dttpart, de l'arrachement, de la séparation (Jér. 50,
l'esclavo (Deut. 15, 12-15), que l'on devra, s'il est israé-
8; 51, 6 et li5); l'Égypte est ainsi le symbole du péché,
lite, libérer périodiquement, parce quo " ce sont m es
servitude spirituelle dont il raut constamment se libéror
servit(,urs que j'ai fait rnontel' du pa.ys d'-É gypte »
(Éz. 16, 26; 20, 8; 84-36) et de l'idolâtrie (Jos. 2(o, 11,;
Éz. 20, 7-8; 23, 8J; construire le veau d'or, c'est retour-
(Lé,,. 25, 55) .
' ner de cœu1· en Jt:gypte (Actes 7, 89).
On voit ainsi apparaître l'ex.igence d'une conversion 2. L'EXODE E1' LE CULTE- - Lês rapports enti•e
continuelle qui prolonge la libération de J'Égypt.e; les )'Exode et le culte d'lst'a!H apparaissent si étroits qu'on
infidélités du peuple pondant la marche au désel't peut penser à une influence du Clllte sui• la formation des
(Dcut. 82, 5' et 20; Is. 6, 5; Jér. 8, 21; 15, 18) ne sont livres histol'iquos concernant cette période (E. Jacob,
que le prélude d'une longue suite d'inlidélités ot de op. cit., p. 149); le Deutéronome, en particulier, si
ravages opél'éS piu• le péché : seuls quelques privilégiés riche en réflexion spirituelle Slll' l'expérience do !'Exode,

1963 EXODE 1964
porte de no1nbreuses traces d'un contexte liturgi- 1Jioniena, t. 8, Paris, 1954 , p. 47.1,.8). Pour Amos, la
que (O. von Rad, Thcologic des Alten Testanients, conversion d'lsral\l sera un nouvel Exode (5, 25; 9,
op. eit., p. 218-230). D'autre part, l'observance cultuelle 15); de même Osée rappelle le temps du désert pour
est rattachée au souvenir de la période du désert (lJcut. promettre le renouvellement da l'intitnité morveîlleusé
12, 1.5; 16, 12), et la proscription des images reçoit avec Dieu. pat• la pénitence, intimité qui est décrite
l'explication suivante: « 'P11îsque vous n ' avez vu aucune cornme celle des fiançailles et des épousailles entre
for,no, le jour où Yahvé vous a parlé du milieu du feu " Yahvé et son peuple (2, 16-25; 1t, 2-3; 12, 10; 18, 4).
(4, 15). La pre1nière partie du livre d'Isaïe contient de nom•
Cette histoire 1ne1•veille\lse de la délivr.:tnce, Israël broux rappels de !'Exode dans un contexte messianique
l'incorpore dans sa prière, ainsi qu'en témoigne le psau- (Js. 1,, 5-6; 10, 26; 1.1, 11-16; et ll. Gress1nann, Der
Ller ( li . Gunkol, Eirileitung ùi die Psal,nen, GœtLingu e, 111.essias, Gœ tt.inguo, 1929, p. 188-184). C'es t. su1•tout la
1933, p. 823); en 1·evivant son passé, Israël renouvelait seconde partie d'Isa'ie qui an1, :ince la délivrance ruturo
l'esprit de l'alliance, - peut-être même en unn fête sur le modèle de la libération d'Égypte: fin de la servi-
annu.e lle hypothétique, mais p robable (A. WeisEi1•, Die tude (40, 2), pPodigcs encore plus merveilleux (1,1, 17-20.;
Psalnie11 , 2 vol., Gœttinguc, 1950). Des psàurnes entiers (t8, 1.8-21, etc), fui~e loin du pays maudit (52, 11-12)
sont consacrés à l'Exode (14 n'y font qu'une allusion); sous la conduite de Yahvé (1,0, 3; 52, 12), marche Lriom-
ce sont les psaumes 77, 78, 81 , 95, 105, 106, 111 , 11 3, phale vers Sion (85, etc). Le rnê,ne sché1na de libération
136. li. Sahlin (Zur Typologie des Johannesevangf.lium.q, se retrouve chez Ézéchiel (cf 1-1. Sahlin, Zur Typologû
Uppsala, 1.950, p. l,2-la3) a cru reconnaître, dans la des Jc>ltannesevangeliu1ns, op. ,:it., p. 711-78; A. G. 1-leberl,
série m ême des psaun1es du lJallel (113-118), un paral- Th11 Authority of the Old Testa1nent, Londres, 1947,
lélis1no étl'oit avec les événements de l' Exode. J~n fait, p. 146; J . Daniélou, Sacra,nentuni futuri, Pa1•is, 1950,
beaucoup d'autres psaun,es contiennent des rappels p. 1 32-183).
implicites : rappels des merveilles et des hauts faits La supériorité de l'économie nouvelle sur l'ancienne
de Dieu; do Yahvé Sauveur d'Israël, de l'alliance ot apparaît surtout dans l'annonce do l'alliance nouvelle :
de l'élection, des voles de Dieu, de la tente de Yahvé, il s'agira d'une alliance éternelle (Js. 51,, 9-10), où les
do son rôle de berger, etc. On pout so l'Oporter à l'excel- péchés seront remis et où la loi sera inscrite non plus
len te table de thèmes du Psautier de la B i bfe <b: .!érii- sur des tàbles de pierre, mais sur les cœura (Jér. 31,
sale,n, Paris,· 1955. 83-8'•; Éz. 36, 26•27). On remarquera on fin l'annonce
De même les fêles périodiques, qui primitivement du « Serviteur de Yahvé » par Isaie : les poèmos du Ser•
étaient des fêtes agraires, tendent è. devenir des anni- viteur le présentent comme un nouveau Moïse, prophèfu
versaires d'événements de l'Exode (I-J. Cazelles, Étudas et doué de !'Esprit de Yahvé, intercesseur par excellence,
sur le Code d~ l'A.lliance, I-'aris, 1946, p . 97•102); pour le ,nédiateur de l'alliance et docteur de son peuple (cf Is.
Lévitique (23, 43), la fête des tabernacles comn1émore 42, 1; 50, 4-9; 53, 11-12; R. Bloch, Moïse dans la tradi•
les huttes de branchages où l'on v ivait après la sortie tior~ rabbinique, dans Moïse, l'hotnrne <le l'alliance,
d'Égypte; la fête prendra, après l'exil, un ca1•actê1•0 p. 153-156).
eschatologique e t messianique (Zuch. 14, 16), qui com-
porte encore l'attente d'un nouvel Exode (J . Daniélou, '- LE MIDRASH DE LA SAGESSE- - La réflexion
Le sy1nbolisn1.e ei;chatologiquc de la f~te des taber11acle1J, spirituelle sur !'Exode a amené à des approfondisse•
dans lrénikon, t. 31, 1,958, p . t 9.1.0 ; I-1. Riescn(eld, rnents continus, témoin le livre de la Sagesse. La
Jésus tram(lguré, Copenhague, 191,.7, p. 189 et 195). seconde partie (10-19) célèbre la sagesse de Dieu à
La Pâque sera, dès une date très ancienne, la fêtn de la l'muvre dans l'histoire du peuple saint, el spécialement
délivrance (E:i:. 23, 15; Deu,t. 1.6, 1-9). Le judaïsn1e posté- dans la libération d'Égypte; pour soutenir la fidlllilé
rieur fera de mên1e de la pentecôte une fête du don de la de ses compatriotes juifs, l'auteur se sert du récit
loi. La tête des Purim, dont l'institut ion est com,némorée biblique mais avec la inét.hode de l'exégèse rnidrashlque
pàr le livre d'11:sther, e$t. aussi en relation avec la Pâque des rabbins : il comble les vides par des traits invenléa
(J. van Goudoever, /Jibiical Calcndars, Leyde, 1959, (17, 15), r approche des épisodes séparés scion les besoins
p. 92-95). Le sabbat lui-111ê1ne, que le codo sacerdotal du pal•allèle qu'il établit entre hébreux et égyptiens
1net en relation avec !'rouvre de la création (E~:. fl1, 17), (16-19), grossît les faits (11, 18-20; 12, 5, etc) pour
est considél'é ailleurs clans sa relation avec !'Exode donner, à travers les péripéties de l'Exode, une idée dOli
• (E:,;. 16, 16-30; 28, 12; 34, 21; Lé11, 23, 32; 25, 2; Deut. événements futtll'S (cf G. l{uhn, Beitriige zur Erkllirung
5, 15). li:nfin, les sacrifices quotidiens du temple, cr entre des Buches der Weisheit, dana Zcitsehrift f iir die neutcsta,
les deux soirs » co1n1n e pour la P6.que, devaien L au1;si mentliche WitJ8erutChaft = ZNTW, t.' 28, 1929, p. 338;
rappeler le Dieu de !'Exode et ses exigences (l~:t. 29, I{. Kohler; art. WilJdom of Salomon, dans The Jewi8h
39 et t,2-46), ainsi que la présence perpétuellA dos encyclopedia, t. 12, 1906, p. 539•540).
pains de proposition en face de Yahvé, signe de la durée On notera les développements orîginaux sur la mod~•
de l'alliànce (Lév. 24, 7-8) . ration de Yahvé dans le châtimen t de l'Égypte, si
3. L'EXODE ET LES PROPIŒTES, - 1.,8 r a11pnl de riches d'enseignements i•eligicu:x: : sens éducatif dès
!'Exode dans lo culte aurait pu se limiter à u nç 1nédi- châtin1ents (Sag. 11, 16; 12, 1-2, tO, 19), petitesse de
tation sur un passé glo1•ieux si la prédication prophé- l'univers devant la puissance de Dieu (11, 21-22); ce
tique, tendue vers l'avenir, n'avait constarnment dernier, q\tl a créé l'homme par amour, !\li pardonne
rappelé que ce passé était le gage d'interventions divines volontiers e n lui laissant le temps du repentir, attitude
encore pl us glorieuses. que les hommes doivent irniter envers le prochain (12,
Déjà ]jJ}ie, luttant contre l'invasion de l'idolâtrie, 19-22); Oîeu n'est pas seulement Sauveur d'Israël,
retourne à la montagne de l'alliance (1 Rois 19), refait mais le Sauve\lr universel, et le serpent d'airain n'était
pour sa part !'Exode et retrouve la force de luttnr pour qu'un signe du salut accordé à tous coux qui S!:J tournent
la pureté du yahvismo (cf A. Gelin, MoCse dans l'a:ncù1n vers lui (16, 6-7). De to\ls ces chapitl'es ressort avac
Testament, dans Moïse, l'liom.me de l'allia.nec, Cahier/J éclat la domination totale de Dieu su,· l'univers et sa
:4, 1965 .JtJDAISME ANCIEN 1966
.a maitrise absolue des éléments, qui se plienl; au service perd LI par le péché peut cltro retrouvé par la fidulHe (-13, 8-9),
➔, de ceux qu'il aime (16, 2'1-26; 19, 6). ot l'allianoo a pour but de restaurer la félicité dèS origines
1r (16, !i). La fldêlité du peuple doi t répondre à celle de Yahvé qui ....

:e JI, JUDAISME ANCIEN a filj~ tant de mira,cle1;1 pour ~on pe1,1ple (i5, 5-6; 1,9, 5). lies
8 On so bornera aux tex-Les contemporains de l'ère pêches réduisent à néant la. loi de Dieu (19, 7); ils ,nettent en
8 chrétienne et aux sources juives les plus anciennes. relief la corruption do l'hon1mo et l'lnfinlo n1isuricordo do
Yahvé (19, 8-9).
1. 1. Le judaïsme hellénistique. - Le propos apolo-
L- gétique des écrivains juifs de langue grecque los conduit, <i: 0 Qunirân , - L'attento 1nossianique liée aux so11ve-
8 pour ne pas choquer Jeurs lecteuri;, à rationaliset· quelque ni1•s do !'Ex.ode (vie'll.u désert, alliance, fidélité à Yahvé)
. peu les miracles do !'Exode; Lei esL le cas d'Artapan et se concrétise de façon étonnante dans le 1nouvement
Il de J osèphe. Cependant, la grande place que tiennent qumrùnien : le texte d'Isa'le ('10, 8) annonçant Io nouvel
e dans leurs écrits les récits de l'époque rnosaïque 1nontre Exode~, qui sera r0p1•is pa1• les évangélistes (Marc 1, 3,
l'importance qu'ils acco1•denl: à cette période de la fonda- etc), est appliqué à la comn1unauté (1 QS, v111, 13-1<i:),
organisée en fonction de l'attente d'un nouvel Exode
•)• tion d'Israël, glotieuse pour le peuple juif et n1ôn10 pour
l'humanité. (IL \V. Ftink, Thfi Wild(!rne.~11, dans Jor.i.rnat of biblical
Ainsi c.h ez Al'ta1>an, che2: l!lztlchiel le tragique (lrag1nents .literature, t. 78, '.l 959, p. 205-21 la) : vie en ca1np co1I'11ne
dans Clémont d'Alcxandrio et Eusèbe de Céijarée), Eupolè1ne, au désert, recensements et répartitions comme dans '
pour qui MoVae est un bienfaiteur de l'hu1n11niLti (1:t .r. Jere1nias, !'Exode, entré0 dans une nouvollo alliance. Le fondateur
,, Hoouollç, dans Kilt.el, t. 4, p. 854-856). La pluparL, néunrnoinR• <lu 1!'1ouvement est co1nparé à Moïse (cf J. Je1·e111ias,
a~ cantonnent <l1111H1n1 dcnnaine rlus apologétique quo Sf)il'iLual. dan~ l{ittel, t. <i:, p. 865-866 : A. Dupont-Sommer,
' Cf O. Vermès, La figu.re de 11:i,Hstt au lô11.n1,u1t des deux Test.a • Le Li'.r,rc des /fyrnnes .. , dans s·c,nitica, t. 7, 1957, p . 16).
' ments, dans Moise, l'hll111.n1e do l'alliance, p. 64·7la.; P. Dalbert,
Su,· l'eschatologie et le messianisme, of M. Delcor, L'cschi.•
Die 'l'lux,lé>glc clcr hellcnistisch-jadischen Mi.~sio11s-Litcra1<1.r
tologù, ,tes <locurncnts 1/c Khirbc,t Qumrû11, dans Rc11w: i!,<,s scicriccs
v unter Ausschluss von Philo und Joseph us, I-llunbourg, '.195(,,
p. 26-65. religi,,i,se8, t. 26 , 19ti2, p. 3?2~385 ; J. a. Croat.to, De 1110$Sit,-
nismr, quniranico, da.na J/erbu1n Do,nini, t. 85, 1957, p. 27!J-
'II faut n1cttro à.part Philon, qui cherche au contraire ~86, :1'14-360.
dans !'Exode une nourriture et une doctrino spirituelles, • On attend pour 1.1n proche avenir, avant l'étabfissenient défi•
mais souvent élaborées on <lohors <lu sens Iitléral el ne nit.if <11.1 royoun1e, des combats sembla.hies il ceu.x. qu'Israël
conn11t, avant d'entrer dans lo. tl!rre pro,nise (cf Ill llègle de la,
• s'y rattachant que pa1• le lien assez lâche de l'allégorie. guerr", 1 Qt.i), et l'or1;ranis11tion 1nilHaira s'inspire du livro dos
1 :'· Dan\élou'. Sucramcnt1u1t -fu.turi, Paris, 1950, p. 177-190; l\'0111/Jrcs (1 Ql'II, 111•1 v) .
.B,bùi et l1111rgie, coll. l,ex orancli 111 Paris, 1\151, p . 431-432,
497,440, 450-1,52. - C. Spicq, L' J.fpîtrc 1uur. Hébreux, coll. 5° Le Targu.rn palestinien a conservé beaucoup de
ttndes bibliques, t. 1, Paris, 1952, p. 62, 66-69, 72-76, 82-83. - développements sur !'Exode qui proviennent en grande
H. de Lubac, Exégèse ,nédié~ale, coll. Théolo1;rie r.1, t. 1, Paris, parti<J des commentaires liturgiques des synagogues.
1959, p. 204-206, 376-877. - R. Dovroosso, Les a11cie11.1
co111111e11tateurs grecs ac l'O<,tuicuquc et cles Rois, coll, SLu<li e I. 1-:lbogen, Der jtUli$,:/lc Gottcsdie11st in sei11er geschichttiche11
Test! 201, Cité <lu V11tica.n, 1959, p. '.1·21. JJ:111wir.klung, 2• éd., Frilncfort, 1!J2'1, p. 186-198. - A. Dioz
l'IIaehu, dans Sefarad, t. 17, 1957, p. 118-122. - P. I{aWo,
2. Le judaïsme palestinien. - Beaucoup plus Das paliistinische Penlateuchtargum,.. , ZN'l'W, t. 49, 1958,
ilnp~rtante pour connaître le vrai visage de la religion )), 100.116.
d'Israël uu temps ol) nait le christianisme est l'étude du
judaïsme palestinien, spéciali:imeut pour ce qui concerne Un texte important (Tg. E;i:. 12, 42) place la libéra-
la sortie d'Égypte et l'Exodé. On se bornera à quelques tion 1111~$Sia.nique ru ture durant la nuit pascale (cf Jér. 38,
indications. 8, SrJptaute), devenue co1nn1e la nuit centrale <le
l'histoire du monde (trad. R. Bloch, dans lv.loïse,
1° Le Lic1re des jubilés (lln du 20 siècle av. J. C.)
l'hQ1111ne de l'alliance, p. 159-160), associée à la nuit
n'aborde l' Exode quo dans la dernière parue de l'ouvrage de la création et à celle du sacrilico d'Abraham.
et s'arrête a.u don de la. loi. On remarquera la description
de la prospérité du peuple en .l!:gypte, l'union ot l'en- On a pnr aillent'!! de ,1ou1llroux tén1o!gnages de cette attente
traide entre tous ses 1no1nhros (fo6, 1), et sa fidélité au <lu Mnssio pendant la nuit pascale. Cf A. St.robe!, J)ie ".PMl!fl-
Erwart.ttng ais urchristliches Problern in Le 17, 20/, ZNTW,
souvenit• de la L81'1'é pro1uiae aux patriarcl1es (<i:6, 18) . t. 4\1, 1 \158, p, 157•196; l'assa-Sumbolil,· u11d Passa-W1u1dar in
On soulignera aussi le rôle de l'ange Masté1na (Sa.tan) Act. 12, -~U, dans New 7'r.stame11t Studios, L. 4, 1958, p. 210-215;
contre Israël (48-49). Lo butin que Jos héhreux ernpor- Zun1 V,:rl!tlln<lnis YQn Jl,Jt 25, 1-lS, dnns Nov1in1. 1'cstam.crlt1t111,,
tcnt est j1Jste co1npensation de Jeurs labeu1·s pendant la t. 2, 1()r.8, p. 1!l9·227.
servitude (48, 18). Le Livre insiste sur l'observation On soulignera encore les pointa suivnnls : hnportanco de la
de la Pâque et afllr1no qu'aucun 1nalheur ne frappera péniti,nce <:Jes hébreux pour obtenir l'intervention de Yahvé
jamais Israël pendant cette période de fête (49, 15). ('l'g. /.Î:1;. 2, 17-25); ,;'est le sang ,nl:lang6, do la pâque et de la
2° Josèphe est un précieux témoin de la catéchèse drcond.sion, sur Je linteau des portes qui rréserve de l'ange de
liturgique juive au 1 cr siècle après J . C. ()n l•·ouvera la mort (Tg, Ex. 12, 18; Tg. É:;. 16, 6); avant d'im,noler l'agneau
pascal. il faut se convertir des idoles ('rg. Ex. 12, 21); lo Tg.
l'essentiel conce1•nant l'~xode dans S. Rappaport, Agada Ex. 15, ~, contient un beau cléveloppement sur los soins pater•
und Ea:egese bei Flavius Josephus, Francfort, 1980. nefs dn Dieu pour les enfantH d'Israël conda1nnés à 1nort par
3° ~ pseudo•Pldldn (fin du 1er siècle do nob•o· ère) P hara.on.
contient des traditions anciennes (ù. Kisch, .Pseudo- Un Ll'ès ancien texto du Tg. Ex. 20 montre les eonsôquoncos
Philo's Liber antiqu,itatl.fnl biblicarun1, Notl'ê Danie, du p6<;h6, source de to11s les maux. On peut rèùH1rqucr l'insis•
Indiana, 1949). Des indications sur l'enfance de :tifo'lso tance f;u1• les dispositions intérieures (riinsi, à propos de la prière
de :r.Ioïso ou d e l'union des 1:œurs qui n\gnalt au Sinar, Tg.
et !'Exode ont été données dans G. Vormés, La figure R:r.. 'l9, 2 ; 1 ?, 8). LR gloire da Yahvé ne so n1nnifeste qu'à ceux
de Môïst! .. , p. 88-!>0. qui ont Oté <le leur cœur la oonoupiscenœ mauvaise ('rg. Lëv.
Ajoutons quelques point.,. La loi est la lu1nière do l'hu,nanit:ô 9, 7). L'officaciLé des sacrifices est due surtout aux dispositions
et 111 gloire d'l!Jraël, maïa elle le juge aussi ('11, 1·2), Le paradis intérieu1·es qu'ils traduisent et aux œuwas qui les authontiflcnt
1967 EXODE 1968
(Tg. Nomb. 81, 50). La péché n'é.Llolnl pas Yàhvé, 1nals blesse toi-Paris, 1946, p. 9-·J 9; ,T. J. von Alhnen, Voc"bula'Ù'e
l'hon1n1e qui le counnet (Tg. Derd, â2, 5), - Lo Targrim oxpli• bihliqu!l, Neuchâtel-Paris, 1954, p. 204-205).
cite principalomont lo sens de !'Exode co1nn1e gage des libé· Le parallélisme avec Moïse se poursuit chez Matthieu,
rations futures (Tg. Lév. 22, 33). dans le discours sur la montagne, où ,Jésus apparaît
Cf L. de Gin1.berg, The leg,111ds of the Jews, 7 vol., Philé.d8l-
phle, 1009-1938, surtout t. 2-a; R. Dloch, dans Moise, l'honimc comme un nouveau Moïse (Mt, 5, 17, 2t, 27, etc; cr
de l'(tllir111ce, p. 15G-161. J. J eremias, dans I{ittel, t. 4, p. 875; P . Dabeck,
« Siehe, es erschientJn Moses und Elia,q )) ( Mt. 17, 3),
m. NOUVEAU TESTAMENT dans Biblica. t. 23, 194.2, )). 176).
Il suffirait de constater les nombrousos citations do La scène de la trâi1sfiguration, rapportée par los
l'E:vodll, dos Nornbl'es, ou des aut1·es livres qui se r6fè- synoptiques (Mt. 17, 1-8 et par,), suggère par plusieu1•s
rent aux mê1nos événements, pour se rendre cornple détâils des épisodes du premier Exode : la montagne,
do l'iinportance que le nouveau 'l'ostamcnt accorde la présence do Moïse, la nuée, los tentes qui rappellent
à. la spiritualité de l'Exode; les autout•s ont conscience le séjour au désert, la voix divine qui se fait entendre;
de vivre la réalisation de tout ce qui était prédit et ot l'arrière-plan de la ftito des tabe1•nacles oriente veri,
préparé dans l'ancion. 11 faut remarquer aussi que le nn sens csèhatologique ex:prhné sous des itnagcs de
milieu de justes qui r1~çut ln Sauveur participl'l à l'attente l'Ulxode ( l·I. .Riesenîeld, Jésus tr,uis figuré, Copenhague,
com1nuno do leur tenips; aini,i le Benedictus est tou 1: 1947; J. Daniélou, Bible et liturgie, op. cit,, p. 459).
entier imprégné de souve~irs mosaïques; de nombreuses D'autres rapproche1nents ont été signalés (J . .Jerenlias,
expressions y sont e1np1•unté()S aux ps. 1.05 et 106 consa- dans l(itt.ol, t. 4, p. 873, note 228; A.-l'.11. Denis, La trans•
crés Il !'Exode, aux Le,,tes d'lsaïe conce,•nant le no\1vol figuration chez ,w1,int Marc, VS t. 101, 1959, p . 138;
Exode (ls. 9, 1; 40, 3). De n1êrne, lé Magnificat, dont P. Dabeck, art. , cité, p. 175-189). C'est surtout un détail
la source .pour1•ait l)ien êtrr, un chant dl') libération mes- do Luc 9, 31 qui mérite attention : « Ils pal'laient de son
sianique, s'inspirant (par delà 1 Sarn. 2, 1-10) de thorn es déparL (littér. : do son E:tode) qu'il allait acco1npli1• à.
de !'Exode (cf P. Benoît, L 'enfance de Jean-Bapti'.s/e Jérusalem )), Il semble que l'ernploi du mot Exode
selon Luc 1, dans Nerv 1'e,çt<,urzcnt Studi11.9, t.. 3, 1956• soit intentionnel et désigne ici la résurrection du Christ,
1957, p. 169-194). sa SQt'tie du royaurne de la 1nort : les qual'ante jours.
'
Cette mômo attente ttpparait dans les récits ·qui entre la résur,•ection et l'itscension correspondraient
an1orcent la catéchèse apostolique (Marc 1, 15; etc) et ainsi au séjoul' clans te dosort. (40 ans), et l'a$cension
l'apparition de Jean-Baptiste {cf G. l{ittel, "Ep-riµoç, i,erait l'entrée dàns la vraie terro promise (cf J. Manek,
dans Kittel, t. 2, p. 656). The N eH' .ff:1;od1,1.,; in the Bool,s of Luke, dans No11um
1.. Les synoptiques. - Les récita de l'enfance Tcsta,nentum., t. 2, 1957, p. 8-23). Les paroles du Père
ofîrent des concordances frappantes avec l'histoire à la transfiguration désignent .Tésus co1nme le nouveau
do Moïse rappor Lée par la tradition juive (cf ri. liloch, fH'Ophète, le nouveau Moïse (cf ])eut. 18, 15; F. Oils,
dans Moise, l'hom,ne de l'alliance, p. t64-t66; J, Jert~- Jésus prophète d'rLprès les É 11a11g,;le.s synoptiques, Lou-
rnias, dans Kittel, t . 4, p . 874-87G), L'étoile des mages vain, 19G7 , p. 77-78).
réalise No111bre.s 2,',,, 'l 7. Le séjour on :ÉgyptA accotnplit L'ôpisodo des disciples d'Einmaüs (Luc 2~, 18-35)
ï dans le Messie l'itinéraire d'lsl'aill enrant (cr F. Dreyh1s, est lui aussi en relation avec l'Exodc; en efîet, toute
Saint Matthùu,1, {)t l'ancien Teslarnen.t, VS, t. 101, 1959, l'argumentation de Jésus pour réconforter les disciplès
p. 180); Jésus ass\1me le 1•ùle du peuple, mais il 8$t-aussi dt~ç(iuragés consiste à 1nontrer quo ce qui s'est passé
l'artisan du nouvel Exode (cf J. Guillet, L'Exod1J du lors de la passion ne fait que l'éalisor los prophéties
C'hrù1t, VS, t. 84, 1951, p, 241·249), établiss(tnt la et que le Christ s'y est manifesté comme un nouveau
nouvelle alliance ol. la Pâque éternelle (Mt. 26, 28) : l\1oîsc (cf J. Dupont, Les pèù:ri,is d'E1nn1.aüs, dans Mis-
le ridP.au déchiré du temple syo1bolisera l'accès do sanc- cellanea biblié<J. B. Ubach, Montserrat, 1953, p. 356-357).
tuail'e messianique désor1nais ouvert à tous (cf A. Pel - Enfin, nous no ferons que mentionner les récits de la
letier, .La tro.dition synoptique du ~ c,oile déchira ", dans dernière cène dont lo 1•apport avec l'Jilxodo est si évl-
Rcclwrches de scÎl/llCIJ religit:11.9C, t. 4f,, ·1 958, p. 161 -180) . dont : cadre du rituel juif pascal avec l'orientation
,, J.,o baptême tlaos le Jourda.in, avec la descente dn eschatologique traditionnelle (r.f J. Jere1nlas, 'l'hc
l'Esprit sous la forme d'une colombe, doit être une réfé- cuchctrisûc 1vords of .lcsus, Oxford, 1955, trad. de la
rence FHI passage de la mer 'r ouge, a.vec un rappel de 2" éd. de Die Abend1nahls111orle Jesu, C¼œtLingue, 1949), ·
DtHtt. 32, 11 (l'oiseau planant sur ses petits) eL d'ls. 63, nouvnlle alliance dans le sang du Christ,
'lil-14 (Esprit de Dieu desc,~ndant sur Israël au rno1nenl
du passage de la 1nor rouge); cf A. Feuillr.t, Le ,9yrribo• 2. Les Actes des A pôtres. - On romarql1era
lisrn.e de la. colo,nbe dans les rlu:its éc,angéliques du bap- surtout le grand discou1•s d'Êl;ionnc (7, 17-52) : s'inspirant
tê1nc, dans Recherches de science. religieuse, t. 46, 1958, de la Bible, 1nais aussi de no1nbl'euses traditions popu-
p. 528-582. Le récit de la tentation rappelle los quarante laires, Étienne cherche à montrer dans l'h)stoire de
a,1s dans le dé$ert eL les Lent.ations du pettpJ~ (ef J. Guil- i\'foïse une préfiguration dr, la vie du Christ. l,a 1nontion
let, Thè,nes bibliques, p. 23 ; i-\. Fouillet, Lti réc1'.t luca- de l'a~.w:rnbléa ("-"' l'Ecclcsia) du désert (7, 38; cf Deut.
rtien de la tc,1uttio,1, dans Biblica., t. t,O, 1959, p. 613·· 4, 10, etc) suggère que le nouveau peuple groupé autour
631; J. Dupont, I~'a,rrière-/onll biblique du, r1fr:i:t de,, do .T ésus est héri lier de cette première Eglise, et qu'il
tentati-01111 de J é.,qu~, dans Ne111 'l'es/arnent StudiRs, r,,u$sit cc que !'Israël du dosnrt n'avait pas 1•éussi,
t. 3, 1956-1957, JJ. 287-304; C. Charlier, les tentatio,i,: spécialement la mise en co1111nun des biens (cf D<Jut.
da .lt:sus au désel't, dans Bible. e.t ,,il/ chrétienne 5, 1954, 15, 4, et Josué 7, ·19-26 rapproché d'Act.es 5, 1-1·!).
}). 85-92). Lo désort apparatt ainsi conune li/ sy1nholn Voir J. Daniélou, Sacranientttm futuri , op. c.it., p. 1:.19•
de l'épreuve, de la t.entation, ,nais aussi comrne l'iinage 140; art. ÉaL1sE, DS, t, 4, col. 370-884.
du temps de l'f:glise (cr G. I<.itteI, tians J{ittol, t. 2, On {Jeu~ aussi re1narquer, avec P. Démann (Moïs~
p. 655-656; l'. Bonnard, La signification du, désert selon et la loi dans la pe11sée. dll SrLint Paul, dans Moï.wJ, l'honune
le nou11eau TestanH!n/, dans Reciwil. .. K. Bal'lh, Neucllâ- d<1 l'alliance, p. 191, note 4), q\te Paul est parîois présenté

I
1969 NOUVEAU TESTA?vIENT 1970
dans les Actes avoc dos traits e.1 npruntés au personnage 25), dont il se sait le ministre (2 Cor. 3, 6-7), alliance pré-
de l'iloYse. dite par Jérémie, « non de la lettre, mais de l'Esprit.. ,
8. Saint Paul. - Paul résumera l'essontiol de la gravée non sur des tables_de pierre, 1nais sur des tables
vie chrétienne en la décrivant comn1e un J!lxode; de chair ». Il oppose le ministère de Moîse et celui des
pour cela il utilisera non seule,nent les textes inspirés apôtres de la nouvelle loi : sans déprécier l'ancienne
mais aussi les traditions midrashiqulls qui prolongeaient éconouiie qui reste une grâce de Dieu, il montre la supé-
!'Écriture dans la piété Juive : présence des anges au 1•io1•it6 de la nouvelle (et P. Démann, Moise ct la loi .. ,
Sina'i ( Gal, 3, 19), rocher qui suivait les hébreux (1 Cor. art. citê., p. 19',-195, et J92, note 8) : si Moïse se couvrait
10, 4), etc (et Il. J. Schoops, Paulus, 'l' ubingue, 1959, le visage (El:. 34, 29-35), c'était pOUI' cacher la dispa-
p. 29); il semble bien qu'il l:\it connu aussi les ù•aditions rition sur ses traits du tayonncmcnt de la gloil'e divine,
anciennes du Targum palestinien : ainsi Roni. 10, 6-8 irnage <lu caractère passage!' de l'ancienne économie.
. est illustré pa1' 'l'g. D 1Jut, 80, 12-13 (cf S. Lyonnet, Le Christ a enlevé le voile, a révélé ce caractère transi-
Saint Paul et l'e~:égèse jui1Je de son te,nps, dans Mlilanges toire, nn accomplissant les l!Jcritures; 1nais les juifs
A. Robert, op. cit., p. 4g4.SOG). li 1~st impossible de n1on- qui no veulent pas se convel'tir à lui gardent ce voile
tionner toutes les références tl l'Exode qui se trouvent sur leu t· cœur e t restent dans l'illusion; au contraire
dans son œuvre : 1-1. Sahlin en a dé1101nb r'é une quaran- ceux qui se convel'tissent au Christ reflètent à leur tour
taine ('l'he 11cw Exodus of sa.li,atiori aecording to St. Paiû, la gloirn de ce dernier qui les transforme et les tend sem•
dans A. J?rid richsen, etc, The root. of tha 1dnc. Essa.ys in. blables à Dieu (cf P. Détnann, loco oit., p. 200-208 ;
biblical TheologY,, l,ondres, 19G8, p. 83); on ne verra donc A. Oepko, KixÀu1J.µo:, dans I{.ittel, t. 8, p. 561-562;
quo les principales, en tnottant à part l' Épître au<t S. Schulz, Die Deck6 des Moses, dans Zeitsohrift für di4
Ifébreu:i.:. neutes'tarrtGntliche Wissenschaft, t. 49, 1958, p. 1-30).
On remarquera enfin comment, au lieu d'insister
l Cor. 10, 1-11. Cc texte donne le sens spirituel des h
sur \1nc typologie ?vloïse-J ésus, Paul, en raison de son +

principaux faits de J'rex.ode : la nuée et le passage de la


universalifjtne, insiste sut l'analogie entre Israël et
,ner, la n1anne et l'eau du rocher, le serpent d'airain :
l'huma11ité : le titre de premier-né qu'Israël reçut à
tout cela préfigurait les réalités spirituelles do l'ère 1nes- l'E~ode est donné à J ésus au bénéfice de tous (Col. 1,
sianique; on a ainsi 1111 aperçu de théologie sacramen-
15 (it 1 li; Rom. 8, 29). La loi esL mf:me décrite co1n1ne un
tolle et un petit traité de la tontation (cf P. Lundberg,
asservi.-;:,e,nent, un esclavage donL le Christ nous délivre
La typologie baptismale dans l'a.11cio1111e Église, Uppsala,
( Gal. 4, lt-5; Ro,n. 8, 14-15), mais l'hél'i tago qui nous
1942, p. 135-1',.5; J. J)aniélou, Bible. et litr.irgie, op. cit.,
al.tend n'est pas la terl'e plantureuse que désirait Is raël,:
p. 119-185 ; 1-I. J. Schoeps, 1-'<uillJs, p. 2 1,2-2',8). La c'est l'héritage mê111e de Dieu et de son Fils (Roni. 8,
nuée et la traversée de la ,ner sont des types du bapLêine;
1 7 ; Col. 1, 12-1 1,).
la 1nanne et l'oau miraculeuse ftguraiont l'eucharistie
ot la présence du Clu•ist au milieu de son Église : co fut 4. L'épitre aux Hébreux. - A ses destinataires,
1
lui d éjà qu'avaient tenté les révoltés qui périrent de qui scn1blent être des exilés contraints ·de quitte,• J éru- 1 1
la morsure des serpents. Ainsi en décrivant sous ces sale1n, l'auteur remet devant les yeux l'image du peuple 1 '
1

traits de · l'Exode les rites principaux de l'initiation de l'Exode, type do l'humanité en mal'che vers le vrai
chrétienne, Paul décl'iL la vie de l'Église comme h1 repos ('t, 1-9); la vie chrétienne est un Exode, avec
marche d'un peuple que Dieu ror1no, pro.tège, purifie, sos éprouves nécessaires, sous la conduite du Christ,
conduit et nou1•.i'it d'un viatique nliraculeux (cf ,J. Bon• chef et guide S\tpérit~11r à Moïse et à Josué ('1, 8). Il faut
· • dnelle, Les trois tenips de n.otre Exode, VS, L. 8'•• 1951, accepter cette condîUon d'exilés et imiter là foi dos
p. 27~-301); mais les récits bibliques contiennent par là gtands ancôtrcs (Schmidt-Meyer, l1<ipoLxoç, dans I(lt-
n1ême un enseigneinent n1oral pour les chr6tiens : « Cela tel, t. r, , p. 81,9-850). l\1ais le chrétien ne fait pas route
leur arrivait pour leur sel'vir d'exemple el a été écrit seul, il fait partie d'une communauté itinérante : il
pour notro instruction à IlOll.S qui touchoru; à la fin faut donc se sou,netlre en évitant les rébellions dont
des te1nps )> : baptisés, non plus en Moïse, mais dans le les julrs furent coupables, s'encourager mutuelle-
Christ, les chrétiens doivent suivre docil<nnont leur chef n1ent, s'enLl'aidor (1 O, 25-Slt). l.'épre\1ve fait partie ' 1
et leur libérateur; nourris d'un même ali1nent; et d'un du plan divin, elle est le signe que Dieu nfUS traite en
111ê1ne bre1.rvag0 (v. 3-4), qui sont le corps et le sang du fils (12, ?). Le terme de la route est le sanctuaire de
Christ (v. 16-17), ils ne forment ensornblo qu'un corps Dieu; ,nais alors qu'autrefois il était interdit 1uu peuple
qu'il ne faut pas affaiblir J)ar les divisions : ailleurs Paul do s'approcher de la montagne sainte, la nouvelle
(ait allusion à la révolte de Coré, pour affirmer que le alliance: permet l'accès à Diou à la suite du Christ (12,
Seigneur« connaît les siens n (2 Tùn. 2, 1. 9) ot que, n1algré 18-19), car le sang de l'alliance nouvelle purifie par-
la rnéchanceté hurn o.ine, il réalisera son plan de salut, faitem ent des péchés (9, 18-28); cf C. Spicq, .L' Êpltre
selon 1a•p1'omcsso de l'Exode (cf 2 Cor. 6, 16), au-1: IJl:breu,tv, op, cit., t. 1, p. 269-287, et son introduc-
1 Cor. IJ, 6-13. Dans la mêrne épîLl'e, P a ul énonce les tion à I' ITpître aux Hébreux, Bible de ,Jérusalem, Paris,
exigences profondes <le la vie chrétienne, dans une paré• 1950.
nèse r;ur la P~que où se trouvent encore unis le cc type>> 5. L'Évangile et les a\ltres écrits de saint
et la leço11 moralo. A propos du i;candalc de l'inces- Jean. - Le quat1'ièn1e évangile est celui qui a le plus
tueux de Corinthe, il oxigo qu'on se purifie du 1Jieu.t utilisé les enseignements do l'Exode, et il le fait d'uno
l61Jain, comme les hébreu.X: à l'occasion de la fôte 1naniè1•0 très particuliè!'e. L'Exodo sert d'arrière-plan
devaient faire dispar,\itre t.ouL lèvnin de leur 1naison pour ra.::on Let• les faits de la vie de Jésus qui en sont
et ne rnanger quo dos pains 11011 fer1ne ntôs. Pour mat1ger r.omn1c l'acco1nplîssement, et en rnême ton1ps pour
le nouvol agneau pascal qui est le Christ, la coinmunauté décrii•e la vie sacramentelle qui prolonge dans l'Église
chrétienne doit so purifier de tout germe de corl'uption. l'actio11 du Christ (,f. Daniélou, Sacramanttan futuri,
· 2 Cor. 3, 6-1 ,9. L'eucharistie, pO\ll' Paul, comme pou,• p. 189) . Les auteurs diffèrent lorsqu'il s 'agit de d6ter-
les synoptiques, scelle la nouvelle alliance ('L Cor. 11, 1ni ne1• j1Jsqu'où le parallélisn10 entre l'Exode et la vie do
1971 l~XODE 1972
.
,Jésus a été-pou,ssé; voici les prinüipales corrospondanc:e:; L'Apocalyps11 abonde en réminiscences de !'Exode;
signalées par H. Sahlin (Zur Typologie des Joha.,t• on se limitel'a ici aux principales.
neaeCJangeliµm.s, op. oit.) ; mü·acle de Cana et chang1}- Le personnage contrai du livre est le Christ, sous
mcnt des eaux du Nil; entretien avec Nicodé1ne eL l' image de Pagneau pascal égorgé; los élus sont marqués
passage de la rner 1·ouge; épisode du puils de Jacob au front de son nom (?, 8; 14, 1); grâce à ce signe, ils
et étape de l'oasis d'Blim; guérison de l'infirme do la sont sauvés de la main de l'extel'mioateur (9, (.). L'inter-
piscine de DézaLha et Ex, 15, 26; multiplication d es vention du Christ à la fin des t on1ps pour anéantir
pains et rnanne; opposition •à Jésus au ohap. 7 et les nation~ païennes est décrite avec les termes dont se
rébellion d'Ex. 17, l'eau jaillie du rooher (Jean 7, 37-Rll, servait le livre d e la .Sagesse pour décrire la Parole de
« Si (Jl.telq\1't1n a soif... »; cf M.-E. Boisn)a1•d, «De son Dieu qui ext.er1ninait les premiers-nés des égyptiens,
ventre couleront des fleuCJes d'eau))' dans Revue biblique, la nuit de la Pâque (.S'ag. 18, 1'o-1 6; Apoc. 19, 11·12;
t. 65, 1958, p. 528-546; P. Grelot, t. 66, 1959, p. 370); cr G. I(uhn, art. r.itéi, p. 336). Le récit des fléaux qui
femo)e adultère - idolâtrie et veau d'or; bon Pastet11· vont frappe.r les irnpies s'inspire aussi des plaies
et Nomb. 27, 16-17 (Josué pasteur d u peuple); passng-e d'~gypte. Le ohap. 12 d6crit la vie de l'1Jlglise ici-ba!i
du Jourdain et 1•ésurrecLioo de Lazare. Sur cos corr,i:=.- cor1ln1e une vie au désert, sé1,arée du inonde du péché,
pondances, voir aussi J. J, Flnz, 1'he Book of E:vod1111 poursuivant lu 1narche vers la terre promise, mais jouis-
· ai, a literar11 type for the Gospel u/ John, dans Journal of sant déjà d'une sorte de sécurité dans la foi et lu pos-
biblical Literatttre, t. 76, 1957, p. 208-215; O. A. Pipnr, session autiüipée de hions célestes (cf L. Ccrfaux, Le
Unchanging Pronii.~es : Exodus in lite Ne111 Testa.1ne11t, Roya1ane de Dieu-, VS, t. 75, 1946, p. 61,9-650 ; F.-11.
dans lnterpretation, t. 11, 1957, p. 3-22. Braun, La Mere des fulèles, l-'aris-'l'ournai, 1953, p.
Cependant, plutôt quo de chel'cher une dépendan ce 133-1 7G). Les fidèles qui ont Ll'iorn plié de la hôte, au
littéraire trop sl,ricte avec les livres du })ontateuque, il bord d ' une mer de cristal mêlée de fou, chantent le
semble que Jean ait pensé !'Exode davantage à travel's cantique de Moïse et le cantique de )'Agn eau, ce qui ost
la tradition vivante de son te1n ps, ainsi que l'avait !nit un rappel manifeste do la traversée de la n1or rouge
avant lui le li vre de la Sagesse; il ost significatif que (Apoc. 15, 3-4; cf P. Lu ndberg, La typologie baptis111.ale
les miracles choisis corresponden t à ceux retenus p. ar
l'auteur de la Sagesse, et dans le même ordre; cf los
. dan1;1 l'ancienne Église, op. ait., p. 1'~3-1"5); la victoire
de Yahvé sur la 111cr, symbole dei; puissances 1nauvaises,
études de G. Ziener, Weislieitsbuch und Johanneseflan- sera définitive ; il n'y aura plus de 1no1• (A poc. 21, 1;
gelium, dans Biblica, t. 88, 1957, p. 396-418; t. 39, cf Js. t,2, 15; 51, 9-10; .S'ag. 19, 7). l ,es phénomène~
1958, p. 87-60. On a d 'ailleurs noté que l'Apocalyps1J, qu i acco1npagnèrent la tl1éophaoie du Sinaï apparais-
dtuls sa description du juge1nent final du mondn, sent à plusieurs reprises lor1:1 des différentes viaions
suit aussi de près Je r écit fait par la Sa,g,is!le des di.x: (Apoc. 4, 5; 8, 5; 9, 2; 11, 19); cotte fois la révélation a
Plaies d'Égypte (cf G. J(uhn, lleitriige zur Erkliirung poul\ objet u n livre dont soul l'agneau a pouvoir de
des Buc/tes der 14'cisheit, ZNT\V, t. 28, 1929, p. 83't- JJriser les sceaux, lui qul, par son sang, a fondé le Vl'ài
841). royau,ne sacerdotal que p réfigurait l'Bglise d u désert
D'autres tllé1ne1:1 de !'Exode spirituel peuvent êtl'e (Ex. 19, 6; Apoc. 5, 10). A celui qui de1neurera fidèle, il
décelés. Le thèrne général de l'évangile de J ean, qui est prornis de la 1nanne cachée (Apoc. 2, 17); et la vie
présente le salut co1nme une libération de la servit.ut.le définitive avec Dieu est décrite avoc des Ll'aits r appe-
du p éché, transp ose le fait do la libération d'l1lgypte lant la vie sous la tente au désert (21, 3).
(cf M.-E. Boismard, L11 Die1,1, dei, Exo<las, dans L1unièr11 Bref, 1'.1ipocalyp.~11, déc1·lvant la fin de l'histoire,
et CJic 4, 1952, p. 107-128). Le prologue mont.re ql1e If;) projette dans l'avenir les anciens trai ts s igni ficatifs
Verbe r!;lroplace la Torah, que l'alliance nouvelle da11s de l'Exode; toute l'histoire h111uaîne apparait ainsi
la grâce et la vérité 11st scellùe en J ésus-Chr ist : cc que Corrune une libération, un l'etour vers la vraie Lerre
les rabbins disaient. de ta Torah est appliqué par Jean 11 11 promise, et les noces de l'Agneau (21, 2) y réaliseront
Vcrbo inca1•né (cf F .-M. Braun, L'arrière-fond du qua.- l'idéal prophétique de !'Exode (Osée 2, 16).
triènie é11a11gile, ùans L' 1:!Jangile de J ean, Bruges,
1958, p. 189_; G. ICiltcl, Aé.y,,:;, dans I{ittel, t. 4 , p. 188- 6. La première épit1·0 do saint Pierre. - La
139). Jésus se con)pare à la colonne lumineuso qui gui- lettre est, sans doute, une catéch èse baptis1nale ou,
da,it Israël (Jea,1 8, 12), n1ais il est aussi le chernin on tout cas, con.serve des éléments d 'une catéchèse
e Lle terrne ('14, 6). On a signalé de nombreux rappro chn- pl'ilnitive (cf 1-f.-E. Boismard, [l11e Uturgia baptis-
ments entre la passion selon saint J ean et le rite (l(;) la 1nale dans la JJri,rui Petri, dans ReCJua biblique, t. 63,
Pâque juive (cf J. Renùel 1-Iarris, The carly chri.stian 1956, p . 182-208; t. 64, 1957, p. 161-183 ; La typologie
interpretatio11 of t.fw Passover, dans The E œpo.~iiory baptis,nale dans la prernièr1J épltre de Pierre, VS,
S((.Ùlt
Tirncs, t. 88, 1\l2G, J). 90; H. Preiskor, 'Ey~.;;, da11~ '
t. 94, 1956, p. 339-352; F.L. Cross, 1. J>eter_ A Paschal
l(ittel, t. 2, p. 831; M.-E. Boisma1•d, JJu ba.pt~rnc cl Liturgy, J~ondres, 1954), On a ainsi un exe rnple d'uti-
Cana, coll. Lectio di vina 18, Pa1•is, 1956, p. 43-60; 1. de lisation parénétique et liturgiqu o de l'Exode, qui con-
la Potterie, dans Bibhia e Oriente, t. 1, 1959, p . 161.-170; na1tra un ample dévcloppe1nent dans la littérature
J . Jeremias, The eucha.l'istic words of J esus, op. cit., chrétien no.
p. 56, etc). L'épisode du serpent d'airain est utilir;ô J.,.e d ébut présente l'Exodo COll)fl)0 Lype du baptême
pour exprimer la glorification du Christ en O\'Oi.x . (1, 18, à 2, 10); exode pascal, le baptême introduit non
' dans une terre promise matérielle, mais da ns 11 un lléri-
A. Vergote, L'1;xalt.atio11 dit Christ en ·croix adin, le qua,riè11u1 t.ago exempt de corruption •, après des épreu ves véri-
é11a11gile, dans E phcrnc,rùlcs theolor;icae loc•a11ie11scs, t. 28, 1\15 2,
p. 5•13. - .r. Dupont, Essa~ sur la chri.,tolor;ie Ile sai11l Jc.iin, fiant la valeur de la foi (1, '•·?). Passage des ténèbres
Bruges, 1951, p. 260. - J.-P. Chnl'lier, La 11otio1t dfl sig111, da1,.s à l'admirable lumièl'e de Dieu, le baptême réalise le
le 1v• é1•angile, dans Rfl1>ue des s<:ic,tccs philosophiques et thd"· véritabl e peuple de Dieu, ràcc 6lue, $aCel'doce royal,
logiques, t , 43, 195\J, p. ~~G. - M.-E. Boismard, dans Re1,1,e natioci sainte, peuple acquis (2, 9; cr Ex. 19, 5-6, etc),
biblique, t. 66, 1959, J). 878. rassemblant toutes les b rebis aous la houlette du vrai
fi 1

1973 T.RADITION PRIMil'IVE 1974


Pasteur (2, 25). Rachetés par le sang de !'Agneau sans ces quarante ans prophétisait la venue du Christ et
défaut (1, 19; cf.Ex. 12, 5), l'attitude des chrétiens doit d'un nouveau peuple saint (1 19, 3-4; 752bc, et p. 211-
spirituellement reproduil'e l'attitude dos hébl'eux au 218); Jes merveilles accomplies par Moïse étaient des
cours du repas pa<ical : les reins ceints, vigilants (1, 1 a); signes permettant de reconnaître Je Christ à venir (98, 5;
sur torre ils sont toujours des étrangers (1 , t; 2, 11.), 700a, el. p. 99; 131, 8-6; 780o-78tc, et p. 269-278); ainsi
des exilés (1, t 7); mais, aspergés par le sang du Christ le sang de l'agneau pascal (111, 3; 782c, et p. 171),
(1, 2), ils constituent le peuple de la nouvelle alliance le bâtou de Moïse et le bois de Mara (86, 1 : bois de la
(cf E:r;. 2li,, 8) et la maison ile Ilien (1 Pierre 4, 17). croix, 680bc, et p. 68),.la prière de Moïse les bras éten-
dus (90, 4-fi; 692ah, et p. 85; 91, 8; 695a, et p. 89; 97,
IV.-TRAJJlTlON CHRÉTIENNE
1; 704c, ot p. 109; 111, 1 ·2; 732ac, et p. 171-172; 1 '12,2;
j. La littérature des deux premiers siècles 738b, el. p. 175), le serpent d'ait'ain (à rapproc)ler de
fait dès les débuts une très largo place à l'Exode, à l'image précédente : 91, 4; 94, 1 et 5; 112, 1-2), le
'Ja suite des indications du no11veau Testament. C'est bâton d'Aaron qui annonce le sacerdoce du Christ
ainsi que la lettre de Clém6nt d6 Ro,ne aux CorinthÎe11s (86, ~; li81b, et p. 65), le cordon d'écadate de flahab ,,
1
(éd. F. X. Funk, Patres a.postolici, t. 1, 'l'nbingue, 1901) (111, ~) et surtout ,Josué qui porte le no In du Sa1.1veur
applique aux chrétiens les expressions caractéristiques (75, 2; 89, 1; 90, 5; 91, 3; 106, 3; 11·1, 2; 118, 1 et 8-(,)
q1.li énonçaient les privilèges du peuple d'Israël : et qui <:i;t victorieux d'Amalec, symbole des ennemis
u Dieu nous a choisis pour lui être un peuple qui lui du peuple .de Dieu (49, 8; 111, 1; 112, 2; cf J. Daniolou,
appartienne en ))l'Opre » (64, p. 182; cf E:v. 19, 4; Dcut. Sa.ora.,n<nitum fttturi, p. 206-211). L'Exode préfigUl'ait
11, , 2); le chap. 29 (p. 136) aRsomhle un·e série de textes donc la tna.rche du vrai peuple de Diou vers la vraie
dans le rnême sens. L'auteur 1:1'appuie sur cette inter- terre pr-01nise du ciel (118, 4; 119, 5), dans la nouvelle
prétation spirituelle pour son exhortaUon morale : alliance (11 ; 24, 1; 6?, 9-10) et sous une nouvelle Joi
peuple de Dieu, les chrétiens doivent se comporter qui se r,,sunlent dans le Christ (11, 2; 122, 4-6); c'est
selon les exigences de cette vocation et non regin1her à co peuple que conviennent les promesses d'Ex. 19,
comme le firent les hébreux au cours d e !'Exode (3, 1, 6, car il est " la véritable race archiprêtresse de Dieu »
p. 102); spécialeinent s'imposn l'obéissance aux chefs ('116,, 3; 745a, ot p. 199). Noter aussi le curieux rappro-
établis par les apôtres comrne jadis on <levait obéir chemen 1. entre l'oasis d'°Éli1n et le baptême (86, 5-6; ,
à Moîso et à la hiérarchie sacerdotale établie par lui 681bC, et p. 65-67).
(48-(,,,, p. 152-156); sinon Dio\1 chAtieJ'a !$On peuple, Selon saint Irénée, la typclogie de l'Exode appliquée
cornrne il le fit jadis('•• 10-12, p. 104; 51, 3-5, p. 16',-1 G6). au Ch1•ist et à l'Église est uno tradition reçue des pres-
Parrni les exe1nples ù irniler, il faut retenir ·Moïse (17, hytres nt qu'on n'a pas le droit de négl)ger (Adversus
5-6, p. 122; 53, 2 - 11 1 p. 166), 1nais aussi la prostituée haercses IV, 30, 1, et. 81, 1, PG 7, 1064c-1065b et 1068-
Rahab, figure des homn1es sauvés par le sang du Christ, 1069)_ Les hébreux libérés de l'l5gypte représentent les
ce sang que représentait le cordon d'écarlate suspendu chrôtieru; délivrés du paganis1ne (1v, 10, 1; 28, 8; 80;
à la fenêtre de la courtisane (12, p . 114). PG 7, 1000, 1062, 10611-1068; Dé11wnstration de lei
I,'ëp!tre de Ba.rnltbt': (éd. F. X.• Funk, ibidem) insiste prédieatù)n apostolique 46, trad. L.-M. Froidevaux, coll.
Inoins sur' la continlii té avec l'ancien 'l'estam.ent et Sou!'ces chrétiennes 62, Paris, 1959, p. 105-106); comme
so\1ligne a\1 contraire la rupture opél'ée par le chris- ceux-lù avaient enlevé leurs -b iens aux égyptiens, los
Lianisrne : l'interprétation .l ittérale de l'Exode telle chrétioni, font désôrinais bon usage de l'argent d'ini-
que la pratiquent les juirs n'est pas valable; pour le quité el. des autres biens du monde (Adversu,11 hacrescs
nouveau peuple de Dieu (8, 6, p. 4'1 ), ce qui irnporte 1v, 30, 1 <J, PG 7, 1061,-10G7). Sauvés par le sang du véri-
c'est le sens spirituel qui allégorise l'histoire; si cette table agneau pasûal (Démonstration 25, p. 70-73), ils
gnose conduit -parfois l'auteur ù des spéculations assei marchei1 t désormais vo1·s la tel're pl'o1nise du ciel
fantaisistes (7, 8 et 10), certaines de ces intel'prétations (26, p. 73-75), sous Ja r..onduite du Christ descendu pour
deviendront traditionnelles : la terre proinise ol':I cou- les délivrer (Ad11ersus haercses III, 6, 2; PO 7, 861b ; éd.
lent le lait et le miel est lo corps du Seigneur (6, 8-~, et trad. 1•'. Sagnard, coll. Sources chrétiennes 84, Paris,
p. 54); si Moïse a b1•i.$é .lés tables de pierre, c'est parce que 1952, p. 132-133). La baguette de Moîse changée en
l'ancienne loi était Inâl comprise pal' les juirs et pour que serpent signifiait l'incarnation du Fils de Dieu (tn,
la nouvelle soit grùvée sur les ûœurs des chrétiens (4, 21, 8; 9!i8c, et p. 866-367); les douze tribus et les douze
6-8, p. 46; cr 2, 6, p. ~2, et 14, p. 80-82) ; le serpent sources d'Éli1n annonçaient les apôtres (1v, 21, 8, 1045b;
d'airain, suivant saint J ean, est le typ11 de la croix du et Dérn{lnstration t,6, p. 105-106); la Inanne pl'éflgure
Christ (12, 5-7, p. 76); l'auteur y ajl)ute l'image de Mo'iso l'eucharistie (fra.g1nent 19, P(} 7, 1240c-1241a), et la .
priant S\Jr la 1nontagne les brus en croix (12, 2-11, p. 74- prière de Moïse les bras en croix est un signe de la pas-
76), rapprochement qui i;ernhle ren1onter jusqu'à lu sion (l>émori.~tration 46). L a. loi nouvelle remplace
catéchèse chrétienne prin1iUve et à <les traditions juives l'ancienne (Adversus hacrcscs 1v, 4, 1; 33, 14; 84; PG
palestiniennes (cf Mish.nall, Rosh Ha•Shanah 8, 8, 7, 981, 1.082, 1088-1086) et le cat'actère provisoire de
trad. H. Danby, Oxford, 1938, p. 192), et qui deviendra celle-ci est déjà indiqué par le fait que J osué (qui porte
classique (cr T. W. Manson, The argu,nent jrô1n pro- le nom dA Jésus : Dé11wnstratio,i 27 et 46, p. 76 et 106;
phecy, dans 1'/u: Journal of theological Studies, t. t,6, Adl'ersus ha.erescs 1v, 30, li, PG 7, 1067c; fragment 19,
1945, p. 185-136; J. Daniélou, Sacrarr111nt1,un fut.uri, 1241a) a succédé à Moîse pour faire entrer dans la terre
op. cit., p. 1~5-146). Josué est lui aussi une irnage pro• promise (Dé,nonstration 40, p . 9~-95; fr<tg1ne11t 19).
phéUque du Christ à cause de son Ooin (12, 8, p. 76). Dosor1nnis seront sauvés ceux qui ont foi dans la puis-
Le Dialogue a11eo Tryphon (PG 6; éd. et t.rad. sance du sang du Christ, comme Rahab sau V'ée par le
G. Archambault, coll. Hom1ner-Lejay, 2 vol., Paris, ruban éc:arlate (rv, 20, 12, PG 7, 1043ab), et l' histoire
1.909) de saint Justin contient un très grand nombro de l'Égli!ie reproduira les signes de l'Exode, selon l'affir-
d'interprétations typologiques des faits de l' .l<.1xode; mation de l'Apocalypsr, qui p1•édit !)OUI' les nations la
d'une maniè1•e générale, ce qui s'est passé au cours de reproduction des plaies d'Égypte (1v, 30, 4).
1
1 1975 EXODE 1976 1

Le thème de l'Exode apparaît au premi01• plan dans veau peuple de Dieu (1 1 '1 9; 688b, et p. 51-52), libéré \
l'lwrnélie 8ur la Pâque de Méliton. de S ardes (fin 28 siècle): du diab le et do ses servitudes (De e:r:hortationé martyrii 7; (

la délivrance d' l1Jgypto est l'image de la libération du 660-661, et p. 828); marqués au front du signe du sang, (

péch é et l'agneau pascal annonce la passion rédemptrice, comme les hébreux (Testimon.ia u, 22; 716, et p. 90), J
comme la p1•on1ièr e pâque ébauchait la pâque chrétienne ils doivent, en mangeant la vraie Pâque, se comporter l
(éd. Campbell Donner, The Homily on the Passion, coll. non11ne des voyageurs en route pour une autre patrie
StucUes and Docurnents 12, Londres, 1940; éd. :S. Lohse, (111, 1.1; 788b,. et p. 122). Ils ont une eau coulant du
coll. Textus n1inores 24, L eyde, 1958}. 1•ocl1er qui est Io Christ, et le b aptê1ne (.Ep. 68, 8; 879,
380, et CSEL 3~ 2, p. ?06-707); ils ol'l:t une pâque, insti•
2. Le '3e siècle en Occident. - L'œuvre de Tertul- tuée à la cène, qui fête la résurrection du Seigneur
lien est parsen1é0 de références à !'Exode surtout dans (Ep. 63, 1 6 ; 887a, et p. 714), et q ui no peut se manger
lés livres 2-4 de l'Adversu.s .i11arcion.c1n. P1•incipaux hors de l'unique ,naison de Dieu qui es t l'Église (Ep. 69,
thèrnès : l'agneau pascal et la Pâque du Christ (TV, 4; PL 8, 11410., et p. 752; cf Ex. 12, 46), Qu'ils ne regar•
40, et v, 10, Pl, 2, 1,60-461, t.19!1-497); le serpent d'ail'ain dent pas en arrière comrne le peuple du désert (De e:i:hor-
(u, 22, et 111, 18, 7, 810bcet 847ab ) ; la1,1•ièr0 do Moïse atio11e niartyrii 7) : le diable est vaincu par J ésus,
bl'as en cr oix (ur, 6; cf JI, 26, 4; 328ù et 816ab) ; les connne ja dis An1a loc par J osu é, tandis que Moïse,
douze sources d' Élim et les a pôtres (rv, 13, 4 , 887b); pour prier, s'appuie Slll' la p ierre qui représentait la
los 70 palmier$ et les 70 disciples (1 v, 21,, 1-2, 418c); Je force du Christ (Tcstùnonia 11, 21; PL lt, 711c, et CSEL
rocher qui désaltère (1v, 35, 15, 4470); la théophanie ::i, 1, p. 83) el, étend los bras pour signifier la puissance
du Sinaï et la transfigurat ion (1v, 22, 7-8, 414-1,15). de la croix (u, 2-1 ; 715, et p. 89; De cxhortatione mar•
L es six premiol'S chapitres de I';.ld11ar.~11s Judacos oppo- tyrii 8, 662b, et p. 880); ce double trait doit encourager
sent la loi mosaïq ue à la loi de charité (PL 2, 597-609). les chrétiens, fondés sur le Christ et n1unis de sa· croix,
Mais c'est surtout le Traité du b,1,pti!1nc qui rnérito une à persévérer· jusqu'à la victoire (De cxhortatione martyrii
mention spéciale, à cause de son irnportance dani; la. 8). Voir encore Rahab, figure de J'[!}glise (De catholicae
spiritualité du ba.ptê,no et de l'initiation chrétienne en Ecclesiae unitate 8; 506a, et p. 217; Ep, 69, 4) .
général; les mystères de !'Exode n e correspondent p as Parnli lei, œuvres lâussên1cnt attribuées à Cyt>rlcn, on relien•
seulement aux 1nystèrcs de la vie du Christ, mais encore dra surtout lé De 111ontibw1 Sina et Sion (antérieur à 240),
qui compnro la 1nonlagne du Sinaï à l'Eglise, dans la ligne do
à ceux que tous les chrétiens reçoivent (cf 7, PL 1, Cal, 1,, 25-26, et de Ht!(,. 12, 18-I !l, ot le De P(J.$cha co1nputus
1206-1207, les onctions ;iostbaptisrnales et l'onction (248), oil la Pdquo chrétionno est rapp1·ochée di;, celle d'Egypte
d'Aaron par Moïse; 9, 1209-1210, la traversée de la mer (·t·2, 943a).
r ouge, la libération du péclié, l'eau de 1\-far a, l'ea,1 d\l
rocher). Poul' les détails, voir R.-F. Refoulé, introduc- 3. Le 3° siècle en Orient : 01-igène. - Avec
tion à l'éd. du Traité du. baptêrnc, coll. Sources ch rétiennes l'école d' AltJ..<.andl'ie la spiritualité de l'Exodo va faire
35, Paris, 1. 952, p. 25-28. \111 prodigieux pas en avant. On ne s'arrêtel'a guérc
H ippolyte d11 .n,in·1c, dans so n Conirnentaire sttr les ici à Cléinent d'Alexandrie : ce n'es t pas qu'il ne s'inté-
bénédictions de 1'11oi,'111, recourt s ouvent à l'l:!Jxode; à r esse pas à !'Exode, ot surtout ii. la figure de Moïse
. côt~ de non1br euses · ex.r,lications assez fantaüiistes, on (Stro,natcs r, 23-24, PL 8, 8~6-905, et fréquemment ail•
y retrouve les grands t h èn1es trad\ tio nnels : le p aral- Ieul'i;); son enseignement, souvent dépendant des tradi-
lèle entre :tvloïse et le Christ (PO 27, fa.se. 1-2, p . 118) , tions juives alexandr ines et notanunent de Philon, est
ent1•e Israël et les chrétiens (p. 124•125); typologie do rl épa.ssé par celu i d'Origène, qui, d'ailleurs, en r eprend
l'agneau pascal (p. 19'1; cf Tradition apostolique, trad. l1~s p1•incipaux éléments. Sut Clément, voir J . Daniélou,
, B. ]:lotte, coll. Sources chrétiennes, 'Paris, 1946, n . 36, S acra,nentum futMri, op. cit., p. 191-193; C. MondéSel't,
p. 7',.), du sacerdoce lévitiquo par rappot·t à celui de Cllirncnt d'Alexandrie, coll. 'l'h éologie 4, Paris , 1944,
J ésus (p. 14',-145). Dans les autres ouvrage,s d'I lip- p. 172-182 (description du tabernacle dans Stroma,tes v,
polyte, à côté d'exemples de typologiA (le tab ernacle 6); introduction à l'éd. d es St rom.ates r, coll. Sou1•ces
contenant l'arche d'alliance signifie l'incarnation, chré tiennes 80, Paris, 1951, p . 36-37.
dans le <J,nnrnentaire su.r Daniel rv, 24, éd. et trad. C)n trouvera l'enseignement d'Origène riurlou t dans ses
M. Lefèvre, coll. Sources chr•étiannes 14, Paris, 1947, Ifornélies 1n,r l'E::code , les No,nbre,9, lo Lévitique et Josué,
p. 808; les 7ô anciens éhoisis par Moïse préfigurent les e t aussi dans les Scolies sur ces mê,nes livres qui nous

' presby tres, dans la Tradition apostolique 8, p . 38), on sont parvenues dans les chaînes exégétiques grecques
trouve surtout des interprét.ations tropologiques : la (R. Devroosse, Les ancie11s conirncnta.teu1·s grecs de
prière de Moïse et la victoire su,• A1nalec signifient l'Octateuque et d,e,9 R ois. Frag1nents tirés des chaines,
l'elllcacité de lu prière pour vaincre le d.én1on (Coni. sttr Goll. Studi e Testi 201 , Cité du Vatican, 1 ~59, p. 26-52).
Daniel 11i, 21,, p. 246) ; la roi de Ilahab est u n gage de laCe qui frappe d'abord c'est le parti pris d'Origène
puissance de la foi pour le sa.lut (11, 19, p. 154); la d'expliquer tous les événernenLs de !'Exode, et non
\ 1,1•averséc de la rner rouge et du Jourdain es t u n gage seulement ceux qt1e nous avons déjà r oncontrés dans
de la fo1'co de Dieu qu i ne cesse d'agir en noLl'e faveur la tradition, on un sens qui dépasse les simples données
' ( ibidern). de l'his toil'e. Sans entrer dans )es discussions sur la
Chez saint Cyprù;n t 258, on liendl'a l}Olnpte surtout · ,nôthode exégéLique do l'auteur, on se ralliera pour
d os Tcstirruinia acl Quirin.11.m et de la Letire (I, Jt'ortu- l'essentiel aux conclusions do l-1 . de l,uhac (introd.
11at1is : De exhorlalione 1nurtyrii. On souligner'a d 'abOJ'd aux Ifon1élie,g 11ur l'Exode, coll. Sources chl'étionnes 16,
le principe d'interprétation posé par Cyprien : l'ancien l'aris, 1947, p. 9-17; Histoire et Esprit. L'ù1telligé11cc
'l'estan1ent ne peut se comprendre qu'à la lumière du de l' Écriture d'après Origè11a coll. Théologie 16, P a.l'i$,
Christ (1'estimonia 1, (,-5, PL'•• 682-688; é<l. G. l[artol, 1. 950; Exégèse 1nédi.évale, coll. 'l'héologie 41, t . 'l,
CSEL 3, , , 1868, p. 42-44), qui ost Io n ouveau Moïse l'aris, 1959, p. 'l 98-207, etc) , Ol'igèno voit dans l' fJcri•
(r, 18 ; 688ab, et 1). 51) et le nouveau législaleuî' (1, (.ure, outre le sens h istoriqu e, trois sens possibles :
9-11; 684-685, et p. (16-(17). Les chrétiens so nt le nou- un sens allégorique (application au Chl'ist et à l' J;.:gJise),
1977 CI-IEZ ORIG:ÈNE 1978
un sens mo1·al ou tropologique (application à chaque th/J alexandrian thaology, Oslo, 1988, p. ~20). L'ordre
chrétien de ce qui a été conternplé dans l'allégorie), qui règne dans le campement du désert est le signe de
enfin un sens anagogique ou eschatologique (réservé l'ordrr: dans la hiérarchie del'l!Jgli$e (ln Numeros 2, 1-2;
pou1• la consom,nation des si6cles). En fait, au moins 590-5\)3, et p. 8-18); l'évêque, chef du peuple comro,e
pour' ce qui concel'ne l'Exode, ces d'ilîé1•ents sens peuvent Moïse, doit imltel' l'humilité et le désintéresse1nent do
se subdiviser, et l'on obtient plusieurs sché1nas de ce dernier (22, 4.; 744-745, et p. 208-210); l'imposition
voyag!3s O\l exodes spirituels dont on peut essayer de des mains s\1r Josué est une image de la consécration
trace!' tapide1nent les itinétaites. épiscopale (ibidem). Los prescriptions du LéPitiqua
j) A.11ant l'inçarnation. - L'histoil•o do l' Exodo est concernant le sacerdoce rappollont aux prêtres leUl'S
déjà celle du Verbe d.e Diell qui est présent partout et devoir:,; (In. l,epiticarn 6, 6; li78·"75, et GCS 6, p. 867·
qui prépare l'incarnation : les 42 stations du désert 870; cr G. Bal'dy, .La thiologic d<J l'Église de ,u~int Irénée
correspondent a\tX 42 g6nérat.ions 6num6récs par saint a.11, <JllfllJile de Nicée, coll. TJnan1Sanctan114., Paris, f 947,
Matthieu (ln Numeros 27, 3; PC¼ 12, 783c, et éd. p, 13~ svv). Dans l'ensernble, on a. cependant l'hnpres•
W. A. Baehrens, GCS 7, 1921, p. 259); pendRnt cette sion que cette t.ypologie ecclésiale traditionnelle n'est
histoire, Moîso, c'est-à-dire la loi, guide le peuple pas au premier plan de Ja pensée d'Origène (voir S. Bet-
(ln Exo,tum 2, t,, et passim,; PG 12, 309a, ot GCS 6, tencourt., Doctrina a.sce.tica, Origenis, coll. Studia ansel•
1920, p. 160); n1ilis il dispa1•attra poux· laisser sa place rniana 1.6, Roine, 194.5, p. 74-76, contre 1-1. Rahner,
à J6sus (= ,Josué; ln Nunicros 1, 8, et 21, 1; PG 12, Taufc urul geisthchefJ Le ben bci Origenes, ZA'M, t. 'J; 1932,
.589c, 737b, et GCS 7, p. 8 et 199; In J osue 1, 7; PG p. 205-228, et A. Lieske, Die l'hcologie der Logosmystik
12, 8a2a, et GCS 7, p. 294.). Tant que le Christ n'était bei Origene8, l'vlunster, 1938, p, 41 n. 10); il ~•intéresse
pas apparu dans lu chair, les Écritures demeuraient beaucoup plus, semble-t-il, à l'action invisible du Logos
lncompl'éhensibles, n'est pourquoi MoYso avait lA visage qui ilhnnine et nourrit les Ames.
voilé (Irl Exodurn 12, ·1 ; 882b, et GCS 6, p. 262). La 4) l>c la con"erRion au bapterne. - Si l'on considère
dernière station est celle où le Christ nait du sein de la l'Jlhc.odo comme figu1•e du voyage spirituel de chaque
Vierge (In Nu,neros 27, t,; 785c, eL GCS 7, p. 262'). chrétion, on se trouve à nouveau devant plusieurs
2) La pic terrestre clc Jésus est un Exode. - Incarné in1ierprétations qui s'enchevêtrent, et dont A. MéJ1at
dans ce monde dont l'Égypte est le syrnbole (ln 1Vu,ne- a esquissé les lignes pl'incipules (in Lr. aux Ilornl:lies sur
ros 17 , 5, et 27, 4.; PG 12, 710ac, 785, et OCS 7, p. 162 eL les No,nbres, coll. Sou1·ces chrétiennes 29, Paris, 1951,
262 ; Selecta, in Nurncros, 681d), il est le véritable Moïse p. 48-f.,\I). On peut d'abord comparer les grandes étapes
(cf 1\L J,J a1•I, Origène ot l1.1, fonct.ion ri!11élatricc du Verbe depuis lu conversion jusqu'au baptême et à l'entl'ée
incarr1é, Paris, 1958, p. 346, not.e 35), qui lutte contre da..ns l' filglise, à celles du peuple juif jusqu'au ,Jourdain
le démon que représente le pharaon (ln E:codurn 1, 5, et et à l'entr6o dans la terre promise (111 Nuniero11 26,
2, 1·2•; 801,b et 806ad; GCS 6, p. 154-·157); pondantson 4); on remarquera en partiC\11ier une belle page sur
enfance, qui correspond aux tl'ente années de séjour de la renonciation à Satan; Je fidèle a promis à ce moment,
Joseph en Égypte, il accurnule, comme ce dernier, les com,nn Israël en Nomb. 21, 22, de suivre la " voie
11
richesses qu'il distribuera à son peuple (ln Lucam 28; royale », la voie droite qui est le Christ, et de ne plus
1
PG 18, 1878d, et éd. M. Rauer, GCS 9, 1980, p . 176); s'arrêter à toutes les rouvres ou pensées du diable
l'agneau pascal Je préfigure (In Nurneros 11, 1; PG 12, (ln Nruneros 12, 4.; PG 1,2, 664.-666, et GCS 7, p. 108· .1

642b, et OC$ 7, p. 76), le bllton de Moïse annonce la 107). Sul' ce thème de la voie royale, qui deviendra
croix. (In E:i.:odu;n t,., 6, et 6, 8; 321be et 837a; GCS 6, classique, voir J. Leclcrcq, La Poie royaJc, VSS, 15 nove1n•
p. 17? et 199); la rnort des prerniers-nés indique r;a bt•e 'I !)t,8, p. 838-852; et dans L'aniou,r des lettres et le
victoire sur les démons et les idoles (4., 7·8; 323b et désir de Die11,, Paris, 1957, p. 102-104; C. Spicq, L'Epi•
321,bc; p. 179-1.81); la croilC adoucit la loi, comme lo tre cuuc Hébreu:.i.:, 1,. 1, op. cit., p. 82-88.
bQis les eaux de Mara (7, 1·2; 34.1a-343b, et p. 204.-207);
Jésus choisit douze apôtres et soixante-dix disciples, ce 5) }.i,,1, baptcrnc à la 1nort. - Le chrétien est on marche
qui correspond à l'oasis d 'l!Jlim (7, 8; at18c, et p. 208); rriis vers l)ieu, cette n1arche est longuement décrite dans
en croix et frappé, il est le rocher dont jaillit l'eau (11, 2; la 27'' hornélie sur les No,nbres (cf W. Volker, Das
875d-376a, et p. 254); et, conune Moïse, il prie les brai; Volll(o1nmcnheitsideal des Origenel!, •rubingue, 1981,
étendus (11, 4; 378a, et p. 256), tandis qu'il t1·iomphe p. 62·? 5 ;. J . Daniélotl, .les sources bibliqw;s de la rnys,
d'Amalec (In Josué 1, 3; 828a, ot GCS 6, p. 290), etc. tique d'Origène, Il.1\M, t. 23, 1. 94 'J, p. 131-187; Origène,
Paris, 1. 948, p. 291-297). Beaucoup d'autres textes
3) La vie terrestre de JésWJ se contin1te dans celle de pourraient y être ajo\1tés, dont A. Môhat a réuni les
l'Église, et c'est e11corc un E:todc. - Sortie de l'Égypte, principaux dans son introduction aux H oniéli.es sur 1
c'est-à-dire <h1 SAin des nation$ paYonncs et de l'escla- les No,nbrcs (p. 50 svv); on verl'a aussi S. Bettencourt, 1
vage du dérnon (/n Exodurn 1, 5, et 2, 1, 301 be, et 505d ;
p. 154 et 156), l'l!lglise participe aux mystères de la
Doctrina a,9cetica Origeni,1, op. cit., ch. 1,, p. 47-61 (Jéri•
cho, sy1nbole, de ce rnonde, citadelle de Satan); ch. 5,
;l'
mer rouge, de la nuée ot do lu tnanne, c'est-à-dire du p. 62-88 (la lutte spirituelle, les étapes dans le désert).
baptême, du clon de !'Esprit et de l'euchal'istio (5, 1;
S26ac, et p. 184); les écrits des deux Testarnenls, comme 6) A la ,nort comrnence pour chacun un dernier Exode,
les sages-femmes do jadis, soignent les âmes qui naissent (( quand l'âme quitte l'Égypte de cette terre pour attein•
en elle (2, 2; 306bc, et p. 156); mais l'ancienne loi a besoin, d1·e la terre promise» (In N1,n1eros 27, t1; 78~h, et GCS 7,
co1n1ne les eaux de Ma1•a, d'être adoucie par le mystère p. 260); il y aura encore des stations et des épreuve$
de la croix, et le peuple de Dieu peut alors accédêr à correspondant à celles du peuple juif dans le désert
l'oasis d'Élin, où coulent les douze sc,urcos apostoliques (26, t1; 27, 1l.5; 28, 2; 15, 3); les Ames continuent à lutter
(111 Exodurn 7, 1•2; 84.1-34.8, et p. 201,-207 ; ln JerC• et à ngir sur ce inonde (cf E. l3ettoncourt, op. cit.,
rniarn 10, 2; PO 13,860, et éd. E. l{Joster1nann, GCS 3, p. s2.:.1ti); il faudra vaincre les esprits mauvais qui,
1901, p. 72; cf hl. :Molland, 1'he conceptio,1 of the Gospel in selon r;aint Paul, errent dans les régions célestes (ln
1979 EXODE 1980
Nunieros 7, 5; 618bc, et p. 46), et vaincre enfin la sages de saint Basile t 879 sur la typologie tradition-
mort elle-même, c'est-à-dire le diable (28, 4; 804d, nelle du baptême (.Ve Spiritu Sancto 14, PO 32, 121-128;
et p. 285); alors, quand le no111bre des élus sera accompli, flo1n, 13 8Ur le baptérne 2, PO 81, 428), et quelques consi-
aura lieu, correspondant au dénombrement des 1,1'ib11$ dérations de saint Grt!goire de N1tzianza, t vers 890,
d'Israël, le déno1nbrement du jugement dernie1• (1, 2, sur la Pâque (Oratio 1, 8; 115, 10 et 15-20; PG 35, 397a;
et 21, 2; 587b eL 738-7::19; p. 5 et 200-202); et Jésus, PG 86, 636 et 641,-652). C'est surtout saint Grégoire de
préfiguré par Josué, introduira dans le repos déllnitir Nysse t 39tl qui s'est intéressé à l'Exodo dans sa Vic de '
(ln Josue 1, 7; 833a, et p. 296), partagera l'héritage Moïse, qui avait d'ailleurs été précédée de plusieurs
(ln Numeros 1, 3, et 21, 1; 583cd et 787cd; p. 8 f:t esquisses d'ans ses œuvres antérieures : cf J. Daniélou,
190-200); cf A. 111éhat, op. cit., p. 49-50. Moise exernple et figure chez Grégoire de Ny11s11, dans
Pour la spiritualité de !'Exode, CtHn1ne en ta11 t Moise l'llonune de l'alliance, P-1 269-272. Lo trait6
d'autros do1naines, l'influence d'Origène sera profonde se compose de deux parties : l'une lùstorique, rnais
et dul'able. On peut penser, avec H. J:lorno1nann (1 n fondée aussi sur des tradilions extra-hiblîquos et conte•
invesligarula rnon(ichatu,s origine quae ratio habenda nant déjù no1nbro d'enseigneinonts moraux dans l'esprit
sit Origenis, Gœl;Lingue, 18851, que le 111ouve1nent rnona~- de l'agadda juive tJ'adltionnelle; l'auLre est une exégèse
tiquo du siècle suivant dépend en grande partie d'Ori- allégorique qui s'apparente aux Questior1s sur l'E:t~de
gène et de ses admirables pages sur lo désert. On s'expli- de Philon et aux Ilomélics d'Origène. En fait, on pout
querait dès lors quo cos n1oines aleo L été les plus arden ~s distinguer trois interprétations de l'E.x:ode : 1) une
défenseurs de l'origénisme. parénèso 1no1•ale, J)l'Oposant les exernples édifiants
de !'Exode (les principaux traits en sont rassemblés
t.. Les écrivains de langue grecque à parti1' pal' J. Daniélou, ibideni, p. 278-276, et dans son intro-
du 4° siècle. - D'h'1tsèbe de Césarée t 339, il fa111: duction à la Vie do Moïse, p. 10-15); 2) une exégèse typo-
citer d'abord l'écrit SUI' la fête de Pâque dont il rest.e logique ttaditionnelle (J. Daniélou, p. xv1-xv11 et
un impo1-tant fragment (PO 24, 693-?06); l'ouchari:~- 276-282); 3) une description de la vie parfaite à travel'S le
tie y est décrite com1ne notre agneau pascal, que nous schéma do l'Exode; pour le cl11'étien, la perfection n'est
rnangeons avec des aiyn1es (c'est-à-dil'e sans le ferment pas, com1ne le pensaient les grecs, un état d'achèvement,
du l)OChé), les reins ceints par la chasteté, prê~ au ,nais, ici-bas, un progrès continuel, \tne marche en
voyage, appuyés sut• le bâton du Chl'i.st, fuyant tou- avant, à travers des dépouillements successifs qui
jours l'l!Jgy])te du péché, recherchant la solitude, tou- ouvrent l'âme à des grâces toujours nouvelles.
jours on quête de Dieu et de la vie immortelle. C'est
chaque jour que le chrétien célèbre la Pâque, mais J. Daniél<>n, 1.'latonism.c et théologie ,nyst.iqu.a, 2(• 6d., Paris,
1.954; lnLrod. il la Vie de Mfl1St, coll, Sources chrétienneg 1 l)îs,
surtout le dimanche; chaque année une fête spéciale Pat•ls, 1955, p. xv111-x1x. - VV. Jneger, T;,,u rcdisco,•créil works
la commémoro, au jour anniversaire <le la cène. La <>/ an.cicnt christia1t literature, Leyde, 1954, p. 138-142. -
pentecôte, c'est-à-dire le temps pascal tout cnt.îc1·, ·w. Vllll<CI', Die Mystik Grogors 110n N11ssa in ihren IJ8Bcliichtli•
apparaît cornme l'image du ciel; le dernier jour, .lo chen 21u1a1n111e11fla11ge11, dans 'l'hcologische Zeitchrift, t. \l, 1958,
quarantième, ost la fête de l'asce11sion (/•, 697c-700a); p. 338·354; GrelJor von Nys$a ais lll11stikcr, Wiosbaden, 1955.
les 40 jours du carême sont de Inanière spéciale l'image
Dans los Catéchèses de saint Cyrille de Jérusale1n
de !'Exode et de la marche vers le ciel.
On con1plèterl\ ce~ indications par les autres rouvres d'Eusùb,:;
t 386 on trouvera quelques indications : tri, 5, PO 33,
433ab (mer rouge et baptê1ne; Égypte et péché);
en particulier: antithèse fréquente entre la loi du Sinaï et celle
du Chl'ist pro1nulguée A Jérusalo1n (Dén1011slrtdiot1 évarigéliquu 1, xn, 28, ?65-706 (uüracles de Moïse : preuves en faveur
',66; 11, 8, 30; 111, 2, PO 22, col. 1,1.1,2, 116c, 169h, etc); pnr11l- de la conception virginale); xnr, 20-21, 797-800 (paral-
lèle entre Moïse et le Christ (11, 2, 105b-112b), ontra Josué el lèle J ésus-Jvloîsc; serpent d'airain, Iner rouge, Mara);
Jésus (1v, 17, 3250,8880; llisioire ecclésiastique 1, 3, PO 20, xvr, 25, 953 (l'imposition des mains sur les 70 anciens
68b-7Gb); application n1orale des onseignonicnts do l'Exodo corrospond à la pentecôte et à l'imposition <les mains
dans lés co1n1nent1üreij aux psa11n1e5 761 77, 80 (sur oe.~ con1n1en- de Actes 8, 17); xix, 2-8, 1068 (parallèle Moïse-Jésus,
tnires, et. f-t. Devreasse, art. Chaines e:r.égdf.iqucs, DJ38, t. ·1, sortie d'figypte, agnea,I pascal).
1928, col. 1128), Voir DS, t. 4, col. 1687-1190.
Une ·courte page do Dicl111no d'Aloxanclrie rés111110 les princi- Quelques-uns des !ragnionls d'Apflllinairc dé L,ioilicéc, ·~ vers
paux traits traditionnels de la typologlo dè l'Exod8; on rè111ar- 300, signalés par R. Dovroessa (Les a11cie11s comn1c11t<lléurs
qu0ra en particulier, que l'Msoinissement des eaux de !l{ora c,; t grecs de;t'Octat,n,qu.c et iles Rois,\clté su.pra) intéressent l'J~xode:
co,nparé à h1 bénécliction liturgique des eaux du baptû1no In N11n1eroq xr, 6 (manne, euchat'L~Uo, don do !'Esprit, p. 180);
(De 'l'rinitate 11, 11,, .f>O 39, 696-697), x,, 25 (lntronfaation des 70 anciens : don de 1'1JJSpl'H, p. 139);
XXI, 1 (co1nbals spirituels, p. 1f,2); xxvr, 2 (recenscmcnL do
On pou1·rait glane,· abonda,n,nent chez saint Cyrille l'Église,)), 146); xxvn, 12--t:I (entrée de ln terre promise réser•
d'Alexandrie 1' '.144, notamment dans le De adorutionc vée àlalol, p.147); xxvu, f8-19 (Moïse et Josué, les deuxdoiis
de )'Esprit aux apôtres, p. 14 7).
iri spiritu êl veritate, et les Glaphyra in Exodu,n, Nunieros,
Deuteronornium, auxquels Oil peut ajonter un br~ir Dans l'œuvro de saint Jean Chrysostorne ·r 407, on
r6sun1é dans l'Jn Joannern (111, 6, PG 73, 501d-505a). verra los parallèles J osué-Jéaus et Rahab-~glîse dans
L'interprétation est dans la ligne do celle d'01•igèno, l'hornélùi 8 de paenitentia (5, PG !19, 330-331); la typo-
plus scripturaire que sacrainentalre : les détails du logie sacrarnentairç dans l'homélie sur 1 Cor. 10, 1
départ de l'Égypte sont interprétés de ln vie chrétienne (PG 5'1, 241-252) et dans l'homélie 23 sur 1 Cor. 9
(.Oe adoratione 1, PG 68, 188 svv), avec ses épreuves (PG 61, 190-193); un certain norr1bre de traits do !'Exode
(5, 880-381), ses tentations (ln E:r;qdu,n 2, PG 6!1, comine thè111es d'exhortations morales dans l'Exp.
464), mais aus.si avec la présence secourable de Dieu in ps. 135 (PG 55, 399), dans les hornélies 16 et 17 sur
que préfiguraient les miracles de !'Exode. Voir encore les Acte11 (PG 60, 127-1'l2); un parallèle entre la loi
l'homélie 60 sur saint Luc (trad. latine R.-l\-I. 'fonnea11, du Sinaï et la loi chrétienne dans l'homélie 1 sur• Mat-
CSCO 140, 1953, p. 155-15G). thieu (f'.G 57, col. 18-15) et l'homélie 32 sur l'épitre
Chei les cappadociens, il faut signaler quelques pas- aux 1-lébroux (PG 63, 219-224), enfin une comparai•
0 1981 CHEZ LES P'.ÈRES GRECS 1982
son entre la Pâque et !'Exode d'une part, l'eucharistie lumit':ro d' Éph. 6, 14-17, et de Jean 19, 86; Je passago
et la m.a.rche vers le ciel d'autre. part, dans l'homélie de la rn.er rouge corl'OSpond au baptême. Dans la Dém. 1.z,
82 sur Matthieu (t1, PG 57, 742-748). ce dernier sacrement est syinbolisé par le passage du
De Sévérien dtJ Gabala, t v ors 1,08, on verra surtout Jourdain (501 -502); cf E. J. Duncan, .Baptis,n ir1 the
• l'homélie sur le serpent d'airain (PG 56, '•99-516) . Demonstrations of A phraates the per1Jian. sage, Was}1ing-
'1
ie Uno scolie d'HûsychirJ.Q de Jérusalem, t vers 540, sur ton, 19~5, p . 50-62; I. Hausherr, art. S. APHHAATE,
'e ' Ex. 8, 8 (publiôe par R. Devreosse, Les a11ciens co,nmen- DS, 1:. 1, col. 746-752.
tateurs .., p. 181) indique clairement son principe d'inter- De :;aint F:phreni t 878 on a un cornmentaire sru·
protation : l'interven tion de Dieu pou1• sauver Israël l'Exodo, jusqu'tt 82; 26 (éd. ot tr. R.-M. Tonneau,
's signifie son Intervention pour sauver tous les hommes CSC(> l52 et ·158, ·195~). L'interprétation y est surtout
~ par l'incarnation;· c'est surLout sou long com1nontah·e christologique et ecct(,si.ale : le repas pa.-3cal correspond
s sur le Lévitique qu'il faut parcourir : on y trouver:i de à la passion et à l'eucharistie (sect. 12, 8, p. 121); les
• nombreuses applications spirituelles des faits do eaux de Mal'a sont les nations païennes délivrées do
)'Exode et de la législation ,nosaïque au sacerdoce des l'arne,·tlune de la loi par la croix ('16, 1 , ,,. 125); Moïse
chrétiens et au culte nouveau (en particulier v,, 23, le:; bras en croix représente lo Christ (17, 2, p. '127).
•, PG 98, 1082-1000).
t Une homélie pseudo-chrysoston1ienne, qui doit ôti•e On liêndra con1pte aussi du C()/h.m.cntairs cl'l!iphren1 sur
l restituée à Basile de Séle,1,çie, t vei's 468, contient un les épitres de saint ,Paul conservo en ;irméniou (Venise, 1838 ;
beau parallèle entre la thé ophttnic du Sînaî et la pente- trad., '1898); voir en particulier les passages suivanls : 1 C()r.
1 10, 1 (la plorro est le Christ; la n1or rouge, le haptên10; la n11lie,
côte (4, PG 6t,, 1,20-421).
la main du prêtre; la rnanne et l'eau du i·oeher sont l'ouehQris-
Tlléodoret do Cyr, t vers 466, dans ses Questions .~ur Lio); 1/dbr. 2, 11, ol a, 1-2 (parallèle Moïso-Jtlsus); 4, 1·2 (te1'ro
l'Exode voit une figure du Christ dans Moîse (4-5, 27, pronilso et ciel); 12, 18-19 (SinaV et ciel).
3~, PO 80, 228, 257, 261) et dans l'agneau pascal (24, Los lly11111i, de ficlc, 9, 11, volent dnna le serpent d'airain une
252-258); Ier; prescriptions concernant le repas pascal flguro du Christ (éd. E. Beck, CSCO 154-155, 1956, p. 31'32),
s'appliqtteùt à la vie dos chrétiens qui sont des voyageui's et art. S. É~llllP.M, DS, t . (., col. 790.
on 1narche vers le ciel (24); les eaux do à'Iara signifient Jacqw:.~ de Saroug t 52·1, dans son Hornélie sur le
· les païens convel'tis par la croix (26, 256d). La question
f>Ôile rie Jl!Iofsc (trad. (). Rousseau, VS, t. 91, 1951,,
27 (257ab) reprend les th~unes de 1 Cor. 10, 2-'1, et Ios p. 1'18·156), expose la plupart de$ inte1°p!'étations typo-
parallèles : pharaon-le diable, les égyptiens-les dérnons,
logiques trad itionnelles de l'IBxode. Un passage de
la 1nanne-l'euchal'istie, l'eau du roch er-le sang du Christ
l'Ho111ldi1J sur le jeane et sur la tentation d14 Christ rap-
(voir aussi lnterprctatio in 1 Cor. 10, PG 82, 301bc).
pPocho le séjour du Christ au désert de plusieurs épi-
L'imposition des mains sur Josué signifie à la fois la
sodes de !'Exode (tr. allem. do P. Zingerle, Seclu,
descente de l'Esprit sur le Christ pendant que Jean-
Homitù:n des !il. Jacob '10n Sarug, Bonn, 1867, p. 81·
Baptiste lui imposait •les mains, la des<:ente de l'Esprît 32; cf p. 89).
do la pentecôte et la grâce conférée par l'ordination
(In Nu,neros 47, P(¼ 80, 397). PJU:loxè,ie de Mabboug ·1· 523 utili.s e systématique-
ment !'Exode pour décrire l'itiné1•aire spirituel de
Le pseudo-Denys ( fin 5e siècle) voit en Moïse le modèle
l'âme : l'ho,nélie 9 (trad. Iil. Lemoine, coll. Sources
de ceux qui, par leur douceur, 1néritent de voir Dieu
cl1rétiennes ~'•• Paris, 1956, p. 268-266) applique aux
(Lettre 8, 1, PG 3, 1. 08(r.b); conune chez Grégoire de Nysse, chrétions les faits de la sortie d'Égypte, la .traversée
la montée au Sinaï devient le 1nodèle de l'ascension
de la ,ner· (épreuves à subir), la poursuite des ennemis
spirituelle (Théologie mystiqr.ui 1, 997ab).
(dén1u11s), là conduite de Moïse (le Christ), l'entrée dans
On relèvc1•alL boaucl)Up do traits dans l'œuvra encl)re diffi• le désürt (lir.u des biens célestes), la matche vers le Sinaï,
ciloment nbord.:1blo cle Séoqrc ,t' A ntiocha t 5:18 : on tiend.r a la ma,ine spirituelle et l'onu de la vie, l'appel du Dieu
co111pto des indications données par R. Dovl'oosso (op. cit., caché, tandis quo, confor1nément aux indications de
p. 187-20·t , spéciale1nont les citut,ions .2, 5, 8, 10, 12, 14, 16,
20, 2a, 21, 40, ,,2, '•6, 48, 51, 57, G3, 67, 77). l/hon16lio 67
Deut, 8, 4, grandissent leur vêtemont qui est le Chri$t
(PO 8, p. 849-367) interpl'ète le SinnY ot le tahernl!cle de la et leur chaussure qui est la préparation de l'lJlvangile
Vierge et du Christ. do Ia11alx (et Gal. 8, 27; E'ph. 6, 15). Contre la goul'man-
Signalons encol'<i quelques pa,~s;iges dans l'œuvro do s11int dise on rappelle E'x. 16, 8; Nomb. 11, 18 et 23; Dew.
DorotMe, u11 6• sièclo (Doctrina x1n, 8-9, et xx111, 2, PG 88, 81, 'l:l-'15; Ps. 106, 14 (Ho-,n. 10 et 11; p. 859-360,
1769-1772 et 1882). 895-8!10, 402). Contre la fo1•nication, Ex. 20, 17, et
Nomb. 25, 1-2 (Ho,n. t8, p. 520-521). :Pour exciter là
Avec l'Échcllo du paradi:; do Jean Clùna.que t 649, crainte de Diou, on rappelle les châtiments infligés
apparaît une évolution dans l'interprétation spirituelle aux h1~breux (l/o-,n. 7, p. 1.93-194), etc.
de l'Exodo : ce n'est plus la vie chrétienne co,nmune Une Poési.e sur la perfection -,,ionastique qui a été
que l'on voit décrite dans la libération de l'Égypte et parfois attribuée à Isaac d'Antioche s'appuie sur les
la marche au désert, mais la vie 1no11astique (voit• sur- êXompltlS de !'Exode pour engager à fuir lo monde :
tout les Degrés r et u, PG 88, 632-641,, 661,-672; le chez les hébreux au dése1•t, vêtements et cl1aussures
Degré XIV sur la gourmandîso, 869; de même dans le grandiront avec leul' possesseur sans s'user; toute la
'Liber ad pMtore,n 15, 1201-1208). On verra plus loin nat\1rn $8 mit en mouvement pour les nourrir, los désal-
une transposition similaire en Occident. térer. Ainsi le n1oine n'a rien à craindre : Dieu sera sa
protection et ne le laissera manquer de rien (trad.
5. Lei, écrivains d e l angue syriaqu e . - S. Landorsdorfer, Ausgewiihlte Schriften der Syrisvhen
Dans la littérature syriaque concernant l'Exodo, il Dichter, coll. Bibliothek dei• Kirchenvater, Munich,
faut d'abord considérer saint Apltraate (1, 0 siècle), sur- 1912, p. 97).
tout sa Dérno11stration 12 sur la Pâque (Patrologie syria-
que, t. 1, Paris, 189(r., col. 505 svv); les prescriptions 6. L es Pères latins à partir du 4° siècle. -
concernant la Pâque sont appliquées aux chrétiens à la Saint Hilaire t 867 est uu auteur très import:int pour
1983 EXODE 1984
notre sujet : il faut surtout voir son Traité des ,nystàres cf J. É. Niederln1ber, Die Esèhatologie des hl. ArnbroSÎU$,
qui interprète systématiquement les faits de l'E:xodo Pàderborn, 1907, p. 28-~2; CL Morlno, Il ritorno al
d'abord en fonction du Christ et de l'Égliso, puis do la paradiso di Adamo in S. Anilirogio, Cité du VatiC!!l,
condition du chrétien; cf l'introduction de l'éd. - trad. 1.952, p. 42-47).
de J .-P. Brisson, coll. Soutces chrétiennes 19, Paris, Gaudencc de Brescia, t après 1106, a laissé plusiours
19'•7. En plus du 'l'raité des 1n11stiJre8, voir les Troù61! traités qui intéressent l'Exode. L e pl'emier inter-
sur les p8. 184, 18-19, et 135, 14-·L5 (PL 9, 761 et. 775-776; prète la sortie d'f:gypte à la lumière de 1 Cor. 10, 1-2 :
éd. A. Zingerle, CSI~L 22, 189'1, p. 705-706 et 721-7:!3), le ba.ptô1ne est un Exode, tnai.s aussi tout r etour à Dieu
et Je Conznian.taire sur sai11t M<ltthicu III, 1 (PL 9, 928b). après le •péch6, et enfin la libération définitive de la
Pour Zé11on de Véro11e t 871 /872, l'Exode est 11110 parousie (PJ., 20, 848-852; écl. A. Olueck, CSEL 68,
réalité qui s'itnposo à chaque instant ttu chrét.ion 1936, p. 20-28). Le 2° explique !'Exode de l'i~itiatio.n
(Tractat1t,~ n , 6H, PL 11,509); il applique donc à lu vie chrétienne (858-861, et p, 24•82), le t, 0 la. passion et
chrétienne les principaux événen1ents (1, 13, 8, 85·1; la n a issance hi$torique de l'Église (867-871, et p. s9-
,
n, 88 et 54, 48/i et 509-510); on l'etnarquera quo lfl 43); le 51, et le 7° appliquent aux chrétiens les prescrip•
colonne qui p1·écède Je peuple, sous sa double formt! de tions concernant la. P âque, à la lumière d' É'ph.- 6, 16
nuée on de feu, signifie tin double juge1nen t : celui de (871-877, 881-886, et p. 'i.8-48, 54-60); le 60 revient sur
l'eàu du baptême et celui du feu eschatologique (IT, 54, Je sang de l'agnoau, signe du s!lng du Christ (877-881,
56, 58, 509b, 512a, 518b). e t p. t,8-58).
Les 'l'raiti:s.sur les li1,,·es del' Écriture, pa1•fois attril.,uéa Chez l'Ambrosiaster, on verra. dans les Quaestiones
à Origène et qui sont probable1ncnt do Gl'é.goire d'.ll't1.•ire, C!eteri et no1,i 1'e:1ta1nanti les questions 8 et 111, 7 (voile
t vers 392, a llégorisent tous les détails de J'Jt~xnde sur la face de Moîse; PL 36, 2222 et 2388, et éd. A, $ou-
jus qu'à la lhnite du p.ossiblc : voir surLout. les traitùs 7 ter, CSEL 50, 1908, p. 92 et 280), 20 et 95, 8 (rnaone ot
(soî•tie d'Égypte : sortie du péché), 8 (le vrai sabbat : eucharistie; 2228 et 2289, et p. r.6-4. 7, 1G8; cf Conunen-
cesstttion du péché ici-bas et ropos eschatologiquo), taire sur 1 Cor.10, 3-4, P L 17, 23'i), 95 et 112, 1 (l>onte-
0 (agneau pascal ab 011ibu,9 et haedis : lo Christ nù de côte eL loi nouvelle, année jubilaire; 2289-2290 et
justes et. do pécheurs), 12 (.fosué et J ésus; l'lahal., et 2385, et p. 167-170, 286-287).
l'Église). Éd. Batiffol-vVilmart, l'eproduite dans PL
Dans l'œuvre dl~ saint .Térô,ne t 1,19/1,20, plusieurs
Suppl. 1., p. !105, 1l1 O, 411, 428-42.9.
On pourra lire ûne belle page de Pélage sur la sc,rlie interprétaUons se superposent, en dépendance très
d'ÉgypLe appliquée aux chrétiens, dans le Coninzentliire étroite d'Origène : les 42 étapes du désert signifient les
sur l Cor. 10, 1-2 (PL Suppl. 1, 1210-1211). 42 générations du Christ (Ep. 78, 2 ot 48; PL 22; ?00 et
722-723; 6d. I. J:lilberg, CSEL 55, p. 52 et S!t.-85).
Saint 1.tmbroise t 897 est l'une des sources les plus Plusieurs épisodes se l'apportent à la vie du Christ
in1porto.ntes do la spirit,1alilé de ]'Exode en Occident. (Ep. 78, 18; 706d, et p. 6'1 : prière de Moïse et victoire
Pour les interprétations sacrarnen Laires on verra suri.out sur An1alcc; - 78, 15; 708-709, et p. 64-65 : tentation
le De sacramentis et le De rn.ysteriis (voir l'introducl.ioo dos cailles et tentation du Christ; - 78, 87; 718d, eb
de B. Dotto dans son édition-traduction, coll. Sources p. 79: serpent;d'airain). D'au t1•es se rapportent à. l'Église:
chrétiennes 25, Paris, 1950, p. 3'i.-37). Ambroise 1111 se le taber nacle signifie lo inonde (cf Ji. de Lubac, Exé·
limite pas à une typologie sacran1entaire; toute la vie gèsc niédiévale, op. cit., t. 1, p. 20 8), niais aussi l' l!.:glise
des clll'étiens est un Exode, un itinéraire spirituel dont (Ep. 6t,, 18 ou 19; 617-619, et CSEL 54, p. 605-609);
les statioos du désert étaient J'itnago; sur ce point. où l'eau de Ivfara est la lettre qui hie, tandis que l'oasis
l'influence d'Origène est manifes te, voir surtou L : d'llllim signifie la hiéta1·chie de l'Église (Ep. ?8, 8; 703,
Expositio iri ps. cxv111, 5, 8-'•i 12, 85; 13, 6; 16, 22 et el p. 57); le Sina'i correspond à la pentecôte (Ep. 78, 14;
29 (PL 15, 1251.1252, 1 878, 1381-1882, 11,s2 et 11,a,,; 707, et p. 63); les J1)ur1nures conll'e Moïse sont lès pet•sé-
éd. M. Petschen ig, CSEL 62, 1913, p. 88-85, 271-~72, cutions des juifs cont1•e l'°f:glise (Ep. 78, 16; 709, e~
285, 864, 867). Les exe n1plos des hébl'eux au déiiert p. 65); l'entrée dans la terre pron1ise, avec Je passage du
servent à inculquer la Le1n pét'Bnco (De H el,:a et j,:j ,aâo J oul'dain, la ch•concision et la cessation de la manne,
6, 16; 12,. /t1; 18, 68; PL 14, 703, 711, 721; éd. C. syn1bolise l'entrée dans l'Église (Ep. 78, 48; 722-723,
Schenkl, CSEL 82, 1,897, p. 420-421, ',36, t151), l'ôl!éis- et p. 84-86); cette dernière est figurée encore par Il/,
sance aux pasteurs (Ep. 63, 47-59, PL 16, 120·l-1204). rnaison de Rahab (Ep. 22, 38; 52, 3; PL 22, 422d et
A côté el au (lelà de cet Exode spil'ituel qui vaut pour 580b; Tractcitus i1i ps. 86, éd. (¼. Morin, dans Anecdota
Lous, Ambroisç conseillo fréquerrunent un autre Exode, niarcdsol<uia, t. 8, 2, Maredsous, 1897, p. 100-101).
la vie retirée du monde (Ep. 27, 1-8; 28, 1 et 8, PL 16, C'est surtout à la vie spirituelle d e chaque chrétien
104 7, 1051 et 1053); c'est surtout lo De fuga sac,:1,li que Jérôme applique les leçons de !'Exode : la célèbl'e
qui prêche l'idéal d'une vie monastique dont lui-1nô1ne lettre à Fabiola décrit les ét.apes dn chrétien dans le
avait donné l'exe mple à l\-!ilan (cf A. Robetti, S. A,nbro- désel't do ce monde en s'inspirant de l'ho1nél1e 27 d'Ori•
gio e il Mo11<lch.is1no, dans La Sc iiola cattolica, t. 68, gène sur les Non1bres (cf A. Méhat, introd. aux lioniélic$
1940, p. 140-1. 59), ot. il s'appuie pour cela. sur l'instilo Lion sur les Nombres, coll. Sources chrétiennes 29, Paris,
des cités de refuge (J.Vornb. fl5, 1-1). On peuL enfin décele1• 1951, p. 13-16 et t,8-64; H. de Lubac, Exégèse médii:(Jale,
chez A,nbroise con1me chez Origène le schén1a d'un t. 1, p. 234); ·dans le mt:ine sens, voir encore· Ep. 681
exode pou1•, Jes â1nos après la mo1'L : tous passent Pill' le t, et 1u (PL 22, 70·1 et 708;' éd. CSEL 55, p. 5~ et &!t.-65;
feu, com111e par la 11101' rouge sont passés los hébretlx. et les azymes, la gourmandise). Enfin, beaucoup plus
les égyptiens; niais les uns y p érissent, les autres avec claire1nent que saint Ambroise, ,J érôn1e voit dans !'Exode
Moise, ne font q u'y passe!', suivant. la colonne de feu le symbole do la vie parfaite de ceux qui se con.~acî•ent
qui les conduit au ciel (ln ps. 86, 213, p)., 14, 980·'.l81; à. Dieu on quittant ra,nille, amis, sltuation (Ep. 22, :.!11,
cf ln ps. cxv111, 20, 12, PJ., 15, 1487; Apologi<, prophetae et 64, ,, ; P L 22, 'i10 et 610-611.; cf H. de Lubac, op. cit.,
David 6, 2r,, PL 11,, 861; Ep. 2, :n, tt, et 16, PL 1.6, HB8; t. 1, p. 571-572) .


1985 CHEZ LES P'.ËllES LATINS ·1986
Chez le poèlo Prudence, t ap1•ôs '105, on lira surlout dans le 8, 10; 11, G, 9; 7, 10; 111, '18, 21,, etc; PL 43, 115, 181, i.82, 151,
C(!tliemcrinon l'hy1nne 5, v. 37•112, et l'hymne? (PL 59, 8.21• eto; Contra lill-eras Petiliani ,, 13, 1~ et 111, 89, 45; P r, 48, 252
826, 841-856; éd. J. J3ergmann, CSl~L 61, 1926, p . 26-29 (lt et 871 ). Sur Josué figure du C_hrlst, cf Contra Jt'a1Mtuni xvr,
88-~7); dans l'Apotheosis, les vers 321-360 (PL 59, 950-952, 19, PL t,2, 327-328; Quacstioncs in IJeptaUJ1u:h1un li, 91, eL
et CSEL 61, p. 94-96). Voir a ussi Di1u,chaeon 14-16 (éd. M. Lava- 1v, 53 (P.J. sr., 630 et ?43). Sur R_ahab, figure dos chrétiens, cf
ronno, Pritdoncc, coll. Budé, t. 4, Paris, 1951, p. 207-208). Contra. .Fa.11stu1n xu, 31, Pl,, t,2, 271; Scrm.o ·352, 4. Sur les
De saint P(tu.lin. ,k Nole t 431, voir en particulier le poème théophanies à Moise, cf ,T. Lebreton, Sai11t Augusti11 théologien
26 (PL 61, 636•64.8; éd. G, de Hartel, C:SE I~ 30, 189(,, p. 21,6- clc la T rinité. Son ext!gèse des théophanies, dans Mi$cclla11e.a
261). Ajouter: /Jp. 5, 18; 11, 10-13; 15, 1,; 26, 2-3 ; 28, 2; a2, (tgostinicina, t. 2, Romo, . 19111, p. 821-836; C. Boyer, ar t.
28; 41,, ?; PL 61, 176a, 19G-199, 227ab, 305, 309-310, 341-342, S, Au <: Uf.:'l'IN , DS, t. 1, col. 1'120.
391; CSEL 29, 1894, p. 37, G!l -72, 113-111,, 2a5-2à6, 248-244,
297-298, 878. L'écr.i t De proniissionibu.s el pra.edictionibus Dei, qui
, Le Poèlltc sur l'Hc.ta.tr.uqu.c du prêt.re Cypric11. de Go.11.fo, 5° est probablement de saint Quodvultd,iu..~ t t,53, ,évêque
siècle, n'est qu'un résumé puremenl; historique (éd. H.. f>oiper, do Carthage, cont.iont. un conHnentall'e typologique eL
CSEl, 2!!, 189,t ). Do mêrne , le l'oè,na su.r la .l'dque de Sé,tulius, atlégorique d1)S faits de l'Exode, qui est en dépendance
58 sièéle, $QuJ une allusion au bapLc'.,n1e (éd. J. Huon1er, CSEL ,nanifeste d'Origène (PL 51, 733-854).
10 , 1885, p. 26, vers 142); l'ouvr11gc, an prose du n1ô1nc auteu1• Avec Jean Càssicn t 480/485, l'Exodo devient déci-
rait une brève allusion i.l la typologie de la mer ·rottgP., de la dément l'image de la vie monastique; ce thème, déjà.
manne e t du rocher (Pasâ,r,fo <>pu,s 1; 11, p. 184), tandis que
l'hymne 1, vers 25-52 (p. 157-158), expose d ans 1111 0 perspeu- i'ndiqué pnr A1nb1•olse et J érôme, est ici exploité jusque
tive 1noralisante quelques-uns des épisu<les de l'Exo<le. dans les détails. La vie monastique est la "oie royaw
(cf Nomû. 20, 17) qui conduit à Dieu, la voie directe et
L'œuvre de $aint. A ugu11tin t1, 30 e81. l.roo 1•iche en süre, qui évite los détours et. los retards inutiles (Conla-
références ou allusions à l'Exode. tio xx1 v, 2(1-25; PL 49, 1317-1320, et éd. M. Petsclre-
Les principaux thèmes traditionnels sont groupés nig-, CSE1L 13, 1886, p. 700-70'1; cf J. Leclercq, La voie
dans les. passages suivant.s : Contra Fa1.a1tuni x11, 29· royale, \ 188 7, 1.948, p. 31,7-348). L'appel que Dieu fait
30, PL (.2, 269-270; De catechizandis rudib us 20, Pl , 1,0, ent.endro à Israël par Moïse de quitter l'Égypte corres-
885-886; Ser,nones 352, 4-6, et 363, PL 89, 1558-1556, pond à l'une des forrnes de la vocation à la vie monasti-
163ft-1688. En ces passages, comn1e aussi en ln Joltanni.s que,, où l'appel de Dieu se fait entendre p ar l'intermé-
evan.gelium 26, 12, eL 28, 9 (l'L 35, 1612, 1626-1627), diaire d'un hom1ne (111, 3.1,; PL 49, 560-563, et CSEL t3,
l'Exode est interprété en fonctior\ de la vie des cl1rétiens, p. (;9-71); cr M. Olphe-Galliard, art CASSIEN, DS, t. 2,
délivrés de l'lilgypte du péché et pèlerins sur la terre. col. 235) . Le moine qui a quitté le rnonde doit se garder
En revanche,•les Qusstions s1ir l'/lexateuque se limitent en d'y revenir de cœur, comme le fit le peuple regrettant
général au sens litté.ral historique. 'Nombreux textes los ali1nnnts d'll:gypt.e (r11, 7, 5-7; 568b-569a, et p. 76·
sur l'agneau pascal et la Pâque (principales références 77). Les con1bats d'Israël 1·eprésenLent les combats que
dans M. Pontet, L'exégèse de S. Augustin prédicateur, l'on doit mener dans la vie monastique èontre les vices
coll. Théologie 7, Paris, 19'•5, p. 360-361; ajouter Ep. 55, et los démons (v, , 14-16; 629c-635a, et p. 187-143),
o. 2, 3, 9, 17, 30, PL 33, 205-206, 208-209, 212, 2t 9). de ,nêr))Cl que les tentatione du désert sont un symbole
Sur les trésors des égyptiens ernportés par les hébl'eux des éprtiuves de la vie spil'ituelle (v1, 11, 1; 660b, et
, diverses explications sont proposées : a) droit souverain p. 167). Les chefs établis par Moïse pour gouverner le
de Dieu (Contra Fa.u.stuni xxu , 71 eL 91, Pl, ~2, fo"5 et peuple 1·1)présentent non seulement les vertus qui per-
461-462; Confessioncs v11, 9, 15', PL 82, 741; Ser,no, mettent au rooine de gouvel'ner son Aine (vu, 5, 2-3;
coll. Frangipane, 1, 14, PL 46, 954, et éd. G. Morin, 678c-67',a, et p . 185), mais aussi les religieux plus expé-
, Mi..qcellan~<J, agostiniana, t. 1, 1:torne, 1930, p. 180-181); l'ilnentés auxquels l'abbé confie la direction des jeunes
b) rétribution pour leur travail (De di,,ersis quaestioni- nloine:; (De coenobiorum in11titutii; 1v, 7, PL 49, 160;
bu,s 83, 58, PL 40, col. 86-39) ; c) les chrétiens fon t servir CSEL 17, 1888, p. 52). Quant aux (l0 jours de jeftne
au royaume de Dieu tous les biens de la terre (Contra do :f.{oîso et aux 40 ans de séjour au désert, il faut y
Faust uni x x-11, 91; .De doctri11a christiana. 2, '10, PL ll't, voir l'in,ago des 40 ,jours du carême (Conlalio xx1,
63). 28, 1-2; 1204a, et CSl.!:L 13, p. 603).
Quelques textes èoncernent le passage de la 1ner C'est dans la ligne de Cassien qu'Euoher (t 449/450),
rouge (Scr1no, coll. \>Viln1art, 5, 2, éd. G·. Morin, loco rnoine do Lérins, puis évêque de Lyon, con1posa son DiJ
çit., p. 687), Ma1•a (Quaeqtion.11s in fleptateuch,.im n, l<tude er1:1ni : la place de !'Exode es! importante dans
, 57, PL 34, 615-616), l'eau du roèher (Co11tra' Fau8t1.Ln1 ce traité de spiritualité du désert : le désort est le lieu où
xv1, 15 et 17, PL 42, 324-826 ; De ci"itate Dei x111, 2'1, l'on rencontre Dieu, con1u1e Moïse, comme le peuple
PL 41, 394), le serpent d'airain (S'ernu> 6, 7, PL 38, col. libéré cl'(~gypt.e; et les miracles qui accompagnent
61-62), le jeftne de Moïse (qui l'eprésente soit le carê1ne, l'Exode sont une preuve de cette présence privilégiée
Ep. 55, 28, PL 83, 211-218, soit la vie terrestre tout de Dieu au désert. L'Exode est aussi une image de la
entière, Serm<,ncs 205, 1 ; 210, 8; 252, 10; PL 38, 1089, vie fuluro, car, pondant cette période, les vêternenls ne
1051, it77; cf ?IL Pontet, loco cit., p. 302) . Après cette s'usèreo L pas, les corps na changèrent pus de stature,
vie ter!'estre (40 jours) vient la récornpense, le denier, etc (éd. C. Wotke, CSEL 31, 1894). 'Voir art. Euc11En.
, denarius, que signifient les dix jours entre l'ascension
et la pentecôte (Sernio 270, 6, PL 38, 1.2118; ln Johannis Plus importante encore que l'influence de Cassien
ê11(lng11liq1n t 7, 4, PL 85, 1529); sur cette dernière seta celln do saint Grégoire le Grand t 604 sur la C\lltlll'(-)
fête, Voir Quaestiones in Hepta.teuchu1n 11, 55, 70, 7(,., spiriLuello du 1noyen âge (cf J . Leclercq, L'a,nour dtu;
PL 34,615,620,628; Sermo 8, 18-1~, PL 88, col. 73-74; lettres et le désir de Dieu,, J:">aris, 1957, p. 30-89); les réfé-
Sermo, coll. :Mai, 158, 3-'•·, éd. O. l\1orin, loco éÎt., p. 882- l'ences il l'Exode sont no1nbreuses chez lui : quitter
383; Ep. 55, 29-30, PL 33, 218-219; De spiritu et li,ttera l'Égyptû, c'est se convertir à la vie spirituelle, prendre
15-16, PL 4~, 217-218. la voie de la vraie liberté (Moralia xxv1, 13, 20-21,
Aux donatistes, A1,1gustin rappelle les clultirnonts qui !tap- P L 76, 359-360); pour cela il faut marquer son âme
pèrent ceux qui so rllbèllâl811t contre Moise (De baptismo , , et son corps du sang du véritable Agneau pascal,
DICTIO!iNAIRE DE srJRITU~l.)TF.. - T. IV. 68


1987 EXODE 1988
manger cet Agneau avec Jes azyrnes de1;, bonnes œ uvres, (PL 104, 615-620). Il faut signaler l'ou~rage de Smaragde,
les laitues am ères de la pénitence, les r eins ceints par la Viu, regia, qui appliqu e à la fonction royale les détails
continence, les sandales aux J)ieds, et en nous le désir de Nomb. 21, 21. (PL 102, 983-984). Raban Maitr t 856
de la patrie céleste (]-l'orn. 2 in E11a11gelia 7-9, 1.1. 77-1181). a commenté tous les livres historiques intéressant
Dieu conduit alors an désel't du silence intérieu1\ qui est )'Exode (PL 108) : ce long co1nn1en laire s'inspire
le seul endroit où, comrne lvloYse, on entend la voix d 11 beaucoup d'Origène, probablemen t à ti·avers Isidoro
Dieu (Mora.lia xx111, 20, 87,278); au jiébut de la conver- (cf J. Chatillon, loco oit., p. 5tt5; O. I,ousseau, Les
sion, COùlrne il fit jadis pour les h ébreux, Dieu épargne niy:,tiJr1J11 de {'EJ.:ode <l'après lc.9 l>ères, dans Bible et vie •
les combats trop dur'S et donne la ~t'âce de la paix chrétienne 9, 1955, p. 81.-1.2). On n'y trouvera guère
(xx1v, 11, 29, 802-303); sur tou te la route, il prodigue d'interprétations originales, mais plutôt, ainsi q11e le
d'ailleurs la manne dos consolations célestes (xx. v 11 , déclare l'auteur dans sa préface (col. 9-10), u.n assen1-
22, 42, 428), pou1•vu qu'on ne se laisse pas tenter par blage d<~ textes et de sentences des Pères.
Je regret des nourritures do l'.É gypte (xx, 15, 39-1,0, Au 1oe siècle, los écrits d'Aelfric le gra,nrnairien liUI'
159-161 ). l,es amants des cho/les terrestres ne peu velit l'Heptatouque e t let; récits de l'ancien et du nouveau
monter au Sinaï et y conLe1npler Dieu (v, 8G, 66, PL 75, 'l'esta1nent ne sont qu'un résumé do l'histoire biblique
715-7'16), mais dAm e\ll'ent dans la plaine loin de la (voir F. Stegn1üller, Repcrtorium biblicuni n1edii aevi,
,nontagne où Dieu se révèle (1, 2, 2; v1, 37, 58-59; P l, 7(i, t. 2, Madrid, 1950, n. ~39.9,,0, p. 26; OS, t. 4, col. 559-
555 et 762-763; In E'zechi.eln,n 9, 22, 1057); lo voile sur 564). Au 11 c siècle, il faut surtout lire Pierre Damien
le visage de lvfoîso e:xprirne l'incapacité des juifs à t 1072. Son opuscule De quadragcsima et quadra.ginta
comp1·endre spirit.uelle,nent l'l!.lcriture (Moralia xx, duabus hebraeorurn rnànsù,nibU$ (PL '145, 545-560)
15, 39-40, 159-161). s'inspire de la traduction latine d'Origène, parfoi3
Une importante sériA de se1·1nons de sain~ Césaire scion la letLre 1nê111e de l'homélie 27 sui• les Nombres :
d'Arles t 542 conc(wne l'Exode; ce sont les serrnons lei; 42 étapes correspondent aux 42 générations du
95-116 de l'édition de O. Morin (CC 103, 1, p. 889-486); Christ (1 et 3, 545d et 547ab), ruais aussi aux étap()!l du
l'auteur dépend surtout <l'()1·igène., mais aussi d'Augus- prog1•ès spil'iLuel de chacun. Un disciple de Pierre
tin et de Grégoire d'Elvire, et applique .à Ja vie quoti- Da1nien a pu, peu après 1072, composer un co1nmentaire
dienne des chrétiens les principaux enseignements• de des principaux épisodes de l'Exode, du Lévitique, dos
l'Exode. Nombres et du Deutéronome, avec des extraits des
Dans l'Expositio psaln1orutr1 de Cassiodore t 570 on verl'a le ttres, aermons et opuscules de son 1naîtl'e; ici encore
surtout ,les commenta!ros s1.1r les ps. 77 ot !l~ (murmures et l'influence d'Origène est prédo1ninante, en particulier
obst!nallon perverse des hôb1·oux malgré les bienra!Ls do Oie.u), de son commentaire sur l'épisode de la voie royale
104 (merveilles <le ùiet1 pour son pouple), 105 et 113 (applica- (Nonib. 21, 21-22) : Collactanea in libr1J,m Numeri (11,
t,ion de l'Exodo à la vie chrétienno), 13/a et. 135 (application
à la vie spirituollo); PL 70 et CC 97-98. PL 145, 1040-1041 ).
L1·évllqua Vcr<,curulus do .r unca t .552 a conunenté le cantiquo Au 12" siècle, il faut encore 1nentionner la Glo9sa
du cllap. 15 de l'E;i;oclc et celui d11 chap. 81! du D11ut. dans son ordinaria qui dut prendre sa forme définitive vers le
Comnwntaire .~ur les 0<1r1tiqt1es de l'Église (éd. J.-P. Pit.ra , 1nilieu du siècle; dans les brèves explications de la
Spiçilccit1ni solesn1Mi..~e. t. '•• Paris, 1858, p. t-40); c'est une Glossa interlineari.v, co,nine d'ailleurs dans les textes
interpr6tation toute spirituelle où les faits de J'Exod0 sont. de la Glossa marginalis, on retrouve on fait les prin-
appliqués soit au Christ, soit à l'~gllso, soit à chaque chrôlion. cipales explications de la tradition patrisLique : la place
d'Origène y est très hnportante, soit directement, soit à
Les Question,q sur l'ancien Testament d'lsidorfl de travers Isidore et Raban Maur. Dès les débuts du siècle,
SéPilln t 686 (PL 88, 287-822) contiennent une riche saint Bru,10 de Segni (ou d'Asti) t 1128 commente t ous
explication spirituellA de !'Exode où l'inOuence d'Ori-
les livres historiques intéressant l'Exode (PL 164, 283-
gène est importante, ainsi que l'a 1nontré J . Chatillon 550) : c'est une explication assez littérale,. qui se
(Isidore et Origène. Recherches sur les sources et l'influence contente habituellement de recourir aux inte,'prétations
des Qu.aestidnes in 'Vctus Testa,ne11tu1n d'Isidore de t.ypologiques du nouveau 'l'estament; cependan L, comme
Sé11ille, dans Jvlt:langos hibliques A. Robert, Paris, '1956, le fait remarquer J. Chatillon (loco cil., p. 544, note 3),
p. 537-547), mais aussi, surtout dans l'explication d es
l'influence d'Isido1•e e t d'Origène y est reconnais-
haltes du désert, l'influence de la lettre de J érôrne ii sable, spécialenlent pour l'interprétation des étapes dans
Fabiola.
le désert; cf OS, t. 1, col. 1960.
L'influence des écrits d'Isidore et indirectement
Les commentaires de Jlupert de Deutz t 1129 sont de
d'Origène se fera sentir dans los commentaires attribl1és tout point ad1nirables (De Trinitale et oparibus ejus,
à Bade le vénérable -t 785 (J. Chatillon, ibidem, p. 542• PL 167, 565-1024) : sens litté1•al, typologie traditionnelle,
54.4). L'In Pentateuch"n1 hnprimé dans Pl, 91, 189-394,
interprétation allégorique et spirituelle, applications
est probablo1nent Inauthentique; un autre commentaire liturgiques, science théologique, tout concourt à faire
inédit (bibl. nat. Paris, lat. 231~2, f. 2v-28v) a plus de
de ces co1111nentaires un authentique chef-d'œuvre. -
chances d'être authontiq11e : tous deux dépendent
Il n'y a rien d'intéressant pour oous dans les Scholia de
clairement d'Origène. Voir aussi la lettre 14,Dc 1nansioni- Pierre Diacre, t après 1140 (éd. dans Florilegiu,n Casi-
b11.s flliorum .lsrael (PL 9ft, 699-702), et le De tabernaculo nen8e, t 5, 1 8 p., 175-191). - Les Adnotationeq eluci-
et 11Mi11 ejus ac Pcstibus sacerdoturn (PL 91, 393-498).
datoriae in Pentmeuchon de 1-Iugues de Saint-Victor
?. Commentateurs latins du ac au 15 8 siècle. t 1141 ne sont habitucllernont qu1un co1nmentaire
- A partjr du 80 s.iècle, l'abondance des matière,~ con- littéral de certains passages (sur l'Exode, PL 175, col.
traint à né citer que très hrîèvernent les auteurs qui ont 61·7/i). - Gerhoh de Reichersberg t 1169 a laif,sé un
com,nenté les Livres saints intéressant !'Exode. co1nmentaire sur les deux cantiqu es de Moïse (PL 191,
Au 90! siècle, les con1men taires de Claude de Turin 1017-1028 et 1045-1066), où les faits de l'Exode sont
sont perdus ou inédits; souls le début et la fin du Com- appliqués à la vie chrétienne. - Pour les Allegoriae in
mentaire sur le Léf.litique ont été publiés par Mabillon Vetus Testamentu,n de R ichard da Saint-Vict<Jr t 1178,
1989 EXODE & · LITURGIE 1990
voir J. Chat!Uon, Le contenu, l'authenticité et la date du le nouveau Testa1nent et les Pères; ces Add1'.tiones de
Liber Excerpll'.onu.,n et des Scr,noncs centiun de l~ichard Paul de Burgos sont très souvent 6dît6os (l,yon, 1't90)
•) de Saint• 1(ictor, dans .R11c,u,1J rl1.1, ,noyen âge latin, t. t,, à la suite de l\13uv1·e de Nicolas de Lyl'e, Fréque1n1nent
t 1948, p. 28-51; la partie qui nous concerne (PL 175, elles i;ûnt elles-xnêmes suivies d'ur1e Replica (1 481)
l 65S--670) esL une e.Jq>lication allégorique où l'influence du Ir,,nciscain Matthias Docring t 1469 qui d6fond Nico•
l d'Origène et d' Isidore est manifeste. Il faut attribuer las et s'arrôte surtout aux questions de sens littéral et
r sans doute au môme a11teur Je De x1.11 mansionibus lli$Lol'ique. Doering sera à son tour pris à partie par
t ~liorum Israel, publié en appendice aux œuvres de saint Diego l>cza o p t 1528, qui défend1'a Paul de Bu\•gos
:Alllbl'oise (PL 17, col. 9·40) et qui est dans la ligne d'Ori- (De/1!r1soriuni, SAville, 1li91.). Au 15° siècle, il faut encol'e
gène, de Jérôme et d'Isidore. ci Ler Ios œuvtes d'Alphonse Tost<it de Madrigak (t 1455;
Les Quacstioncs cl'Oclori cl'Ourscarnp (1" 1171-1179; od .•J.-D. cf F, Stegmüller, op, cit., t. 2, n. 1185-1186, P.· 80-81);
;Pîtra, Analer.ta 1lô<'issirr1(, spicilcgii solcsnicnsis, L 2, Fras- celles d'Antoine de Ran11>igollis esa (t apiêa 14'15;
cati, 1888, p. 1-18?) contiennent quelques explications s ur ibiden1., n. 1418-1420, p. 125-126), dont l'Aurc1un reper•
l'Elxodo, 1nais ne sont habitnallament que des citations litté• toriu,n (Ulm, 1475) est un répertoire alphabétique
raies des Pères. - Los co1111nerrtaires de Pierre le tnangeur, d'oxernplos bibliques. l,es se~1nons de Savona1•ole t 1(,98
t vers 11 90, ae limitent à un essai d'lnLorprétnLion historique sur l' l•\xocle ne dépai~sent pas le chap. 6.
(PL i98, fif,1-·1272). - Il n'y a rien non plus qui nous inté- Il f:1ut enfin rnentionner les commentaires abon•
resse dans la l'antheon de GehUroi de Viterbe (1" vers 1191;
éd'. G. Wait1., MGfl Scriptorea, 1:. 22, 1872, p. 107-307), ni dans dants de Denys le c:h,;,,rtreu,1; t 1t.?1; il donne d'abord une
l'Opt4$cultttri in Pcntcucuchtttn d'llu1:uea de llih1>1no,11 (t f161,; inter.prétation littérale qui se base su,· les indications
éd. J. Huemer, Vienne, 1880). <le Nicola!l de Lyre et de Paul de Burgos, puis une inter•
prétution spil'ituelle et n1ystiquo dont la Glossa margi• .
En dehOl's des commentateurs proprement dits, on 11ali.s t'r~t. la source priJlCipale; cf DS, t. S, col. 432.
trouvera beaucoup d'interprétations spitituelles de
!'Exode dans les autetlrs 1nonastiques, su1·tout chez saint V. L'EXODE DANS LA LlTUROIE
Bernard. I.}inlluonce de la geste de l'Exode sur la liturgie
Au 13° sièc;le, il faut citer avant tout flu,gues de chféLi1,1nne a été prédorninante : aucun thème de l'ancien
Saint-Cher t 1268 : ponr la solu tion des difficultés du 'l'estarnent ne revient aussi constamn1on t dans la prié1•e
sens historique, il dl~pend beaucoup . d'Hugues de et les rites de l'~glise, eL l'on ne saurait s'en étonner
Saint-Victor, ruais ses Postillac (Venise, ft,87), en prin- si l'on songe ù la place que ces réc;its avaient dans le
cipe du moins, expliquent toute la Bible selon les quatre nouve:111 Testament. On se contentera d'indiquer quel•
sens devenus traditionnels, comme l'indiq11e le titre ques références bibliographiques essentielles, d'abord
(E. Mangenot, n·rc, 1;. 7, 1921, col 236). En tait, au sur le!i sacre1nents, puis 'sur les tenlps liturgiques.
moins pour !'Exode, plusieurs de ces sens manquent
souvent. - Les Gloss<ie divi,torttrli librorum de Robert 1. L'Exode et lessacrements. -Cesont d'abord
d.e Sorbon t 1274 (éd. à la fin de 1'6dit,.ion des conunen• les sacremontl; de l'initiation chrétienne qui dojvent
taires de ,J..f: . .l\16nochius par R. de Tou1·ne1nine, t. 2, ôtro considérés dans leur relation avec la typologie
Paris, 1719; p. t,_99-512) n'ont pas d'intér~t pour la spi- de l'Exode. Pour le baptême il faut mentionner surtout
ritualité de l'Exode. les épisodes suivants : traversée de la 1ner rouge,
Verll ln fin du siècle apJ)aratL un gonra liLt{irairo qui aura Mara, eau du rocher, traversée d.u Jourdain.
1m certain succèa, et dont la nature osL asset. bion indiquôe
P. ,J. Doelger, Der Durchzug durch das Rote Meer als Sinn-
par 111 titré d(l 1'011vraga de Nicoli,s de Hanapes o p 1" 1~91 : bilcl der chriiltUcJu111 Tau/ti, dans ll11tikc 1,nd Christsntuni, t 2,
Exenipla biblica in n1ateri11R ,n,Jralés distribu.ta, ou Biblicci Munster, 1930, p. Gll-G!l. - H. Scheidt, Die T<Jufwasscr•
paupsr1,n1; il s'agit d'une col!Action d'exemples édillantl! wcihcgl'i•ste itn Sinne ver1:leiclie11der Liturgie/Qrsch1H1g u1ucr•
empruntés à l'histoil'o blbliqua et répartis par ordre' alphabô- Stwht , ·M unster, 1935, - P. Lundilerg, La typologie baptisini:,le
tiq\l.e; beaticoup de ces exo1nplos sont on1pruntos à l'E.x.ode flans l'"11r.fo1111e égli$c , Uppsala, 191,2, p, 116-166. - J. Danié•
(Vènisa, 1'177). C'est d11ns un esprit semblable quo Pierre Der•
auirs osb t 1362 (lJerchorius) cornpose son Rcpt1rtoriun1 morale .
lou, Sr1crw11entuni futuri, Paris, 1950, p, 1'52-176, 233-245;
Bible et. liturgie, coll. L ex orandi 11, Paris, 1951, p. 119-144,
(Cologne, 1477), et de mûmo llindo de Sienne ofrn t 1890 ses
Distinctioncs (Memmingcn, 1',85), On tora do mê,ne dés résu- - J. Lcn1arié, La n1anifestati1>n du Seig11e1Jr, coll. Lex orandi
mé$ 1.~lphabétiques des ouvrages de Jacques de Laiisanne o p 23, Pal'iS, 1957, p. 812-320. - J. Lécuyer, La 1>rière consécra•
toirc d«.< catix, dans La Maison-Di,n, 4!1, 1957, p. 87-89. -
t 1322 sur l'Ecritur1;1. Dans toutes ces rouvres, l'Exodc est Art. BA 11, 1)$, t. t,, col. 21-25.
uno mine d'exemples 111oraux utiles pour le~ prédicateurs,
Au cou1•s de ce siècle il faut surtout citer les commen- Pou,· la confirmation, on se rappellera que ce sacre-
taires de Nicolas de Lyre o f m t 1.319; ses Postillae rnent doit être mis en relation avec la. descente du Saint-
curent de trè$ no·mbreuaes éditions (Rome, 1471) et Esprit sur le Christ après son baptême et sur les apôtres
11ccompagnent souvent l'édition de la Glos.va ordi- à la pi:ntecôte; or, c;es mystères ne peuvent se compren-
naria; elles se limitent ordinairement au sens histo- dre qu'en relation avec la traversée dt1 Jourdain par
rique. L'·a uteur ajouta par la. suite une brève expli• ,Josué et avec lo don de la loi au Sinaï; de plus, la prière
cation spirituelle de certains passages : ces lvloralitates consécl'atoire du chrê1ne Je jeudi saint établit une rela-
sont habituellement in1primées à la suito do la Pastilla. tion e11 t.re l'onction de la confirmation et celle d'Aaron,
Nicolas de Lyre avait subi l'influence du com,nenta- rapprochement qui so trouve aussi chei les Pères.
teur juif Salomon bon Isaac Raschi. t 1105 (cr F. Steg- A.-0. ~fartirnort, Lei co11flrillidion, dans Con1niunion solen-
müllcr, op. cit., t. t; , 1951, n. 5826, p. 52; n. 7587-7588, nelle et profe,9sion de foi, coll. Lex orandi _ 14, Pnrls, 1952, p.
p. 196-198); un autre juif, Salomon ben Levi, baptisé 164-178. - L, S, 'fhornton, Conflrn1atio11. lts place in 1h11 bap•
tismal r,1ystery, Wcst1ulnsL.or, 195'1, p. 27-51, - l'.-Th. Can1elot,
en 1390 sous le nom de Paul, devenu évêque de Bnrgos Sur l<•· thdologic clé la confirma.tion, dans Re~ue deR RCÎences plli•
en 1415 et mort en 1li35, ajoutera à ses Postillae un l c>sopltù1ucs et tliéQfogiqu.cs, t. 38, 195'•• p, 637-657.-J. Rogues,
certain nombre de re1narques et de critiques, en insis- La préface consécratoirc du chr~m.c, dans La Maison-Dieu 49,
1
tant plus que Nicolas sur le sens spirituel indiqué par 1057, p. 1,0.1,2. - J. Lécuyer, l.c saccrd-0cc dans le mystèré du

,
1991 EXODE 1992
Christ, coll. Lex orandl 24, Pa.ris, 1957, p. 280-24.9; La c1Jnfir• Himmclfahrt 1,rnl P/in{Jsten, dans'JZcitschri/1 far Kirchence•
111atior1 ch.c;s les Pères, dans La Maison-Diett 54, 1958, p . 50-!ii, sclliclùc, t. 76, 1954•1 955, p. 209-258. - J . Mnnck, The New
811:()fla!! ir1 the Books of Lllks, dans No,,urn Testamcntum, t. 2,
L es épisodes de l'J~xode qui concernent l'euchari,;tie 1057, p. 8-23. - S. Lyonnet, Saint l'au! et l'ext!g~se juive ck
sont bien connus ; repas pascal, manne, eau du roch,ir, so,i tmnps, dans ,l!élangès A. Robert, Paris, 1966, p. 503-605,
sacrifice <l'alliance au Sinaî. On trouve1•a la bibliog,·a- - J, Lécuyer, Le sacel'doce da11s le 1nystèrc <lu Christ, p. 63-56.
phie essentielle dans J. Daniélou, Bible et liturgie., p. 201 • - J, van Goudoovor, loco cit., p. 195-205.
289, et art. EUC:HAIIIS'l'IE, DS, t. '1, col. 1561. 4) La pcntcc~tc, - J, Dà11iélou, loco cit., p. ll29•448. - E. Fli•
J_.e sacrernent de pénitence ne se co1nprend bien que coteaux:, .&c riiyonrio1ne1tt d.s la Pe11tec,itc, coll. L'esprit litur,
replacé dans l'etlort p6nitentiel' de l'année liturgique gique 7, P11ria, t 95ft, - A. Rose, Aspects de la Pe.ruccô~?, dans
et spéciale1nent du cal'ê1ne dont il sera parlé plus loin. Questio11s litUl'(JÎfjtteS cl parc,issialcs, t. 39, 1968, p. 101-111,. -
On pe uL distinguer de multiples rapports entre le J, Lécuyor, Pentec,ite et loi, nou,,ellc, VS, t. 88, 195a, p. 471-1,90;
Pcntecdta et épiscopat, i. 86, 1952, p. 451.•466. - J . van Gou-
sacrement de l'ordre ot !'Exode, spéciale1nent les épi- doever, loco cit., p. 182-19',.
sodes suivants : l'onction et l'investiture d'Aaron,
5) Carérrtc. - J. Daniélou, Essai sur le llltJ,i/f.rc de l'histoir,,
l'institution des lévites, l'imposition des n1ains i;nr Paris, 1958, p. _2.48·259. - O. Rousseau, Le cardrne d'aprù.
J osué, le rôle de h-Ioïse chef d u peuple, l'instiLution des la litztrgis, dans Pt!nite11cc et Pé11iic11ccs, coll. Cahiors de la
70 anciens, l'oasis d'li.:lim avec ses 12 so urces et ses ItoscNl.iO 2, Druxëlles-Bruge~, 1953, p. 1, 7•77; Péché et péni-
70 palmiers. wncc cl<tt111 l'arin4e litttrgiqtts, dans La .J1,(aison-Dic1, 55, 1958,
D. Dot lo, L'ordre él'aprè11 les prièrél! 1l'ordinc1tior1, dnns Eteules p. 62-77. - H. SchUr,nann, Oster/eier und Busssakram.cnt, dans
sur le sacre1nc11t d.s l'ordre, coll. Lex ornndi 22, Paris, 1957, Litttrgisr.lies J ahrbuch, t. 8, 1958, p. 11-18.
p. 15·18 et 31 j Caractère col/.égial dtt pre,'lb!ttdrat et de l'c!pi.$• G) Cycle de Noi!l (Avent,, Épiphnnie), en l'Olntion avec lo rnys•
copat, p . 99•100. - J, Lécuycr, Le sa.cerdoce da11,'1 le 1nys11lni tèrc pnscal ot avac: !'Exode. - L. Bouycr, La vi.c <le la liturgie,
dtt Chri.1/t, p. 34.7-349; L<1 grâce de la c0Mécra.tio11 ëpi.'lcopal~, p. 21;9•266. - J. Gaillard, Nor.l, /~te de la Réd.sniption, dans
dans llevuc des sci.<,,lccs philosophiques et tlulologiques, l. :-Hi, Notes clc pastorale liturgique 20, 1958, p. 7•13. - J, Lôcuyer,
1952, p. 389-1,17; 11rt. ÛI ACONA't , DS , t. a, col. 813; art EPI H· La /êtc rl1, bapt~111,s dtt Christ, VS, t. 94, 1956, p. 111 -~lt, -
COVA'r, t. 4, col. 880 svv. J. Lemarié, La manifestation dtt Sei1;11e11r, lor.n cit,, spéciale,
1na,1t p. 1s1-190, 20s, 269·271, aoo-aoa, a1s.320, 327-359;
On a vu dans la partie biblique de cet article corn- Le baptA111-B dtt Seigneur do.ns le Jollr<lain, dans La Mailon•
1nent l'in1age des épousailles entre Dieu et son peuple Dici, 59, 1959, p. 85-102.
avait ses r acines profondes dans le souvenir de !'Exode; 7) Le dinupiche. - J. Daniélou, Bible ol litctrt;ie, p. 30~-
c'est dans le prolonge1nent. de cet enseignement que 88 7. - F,•J, Doelger, 1Jie S_11mbolik d~r ~cllt;a.hl in clcr son,rj;.
saint Paul, dans le chap. 5 de l'épitre aux Éphésiens, ge11 .l,itcr(ttlir des christ.lich.s11 Altertu1118, dans Antikc 1t11d
parlera du rna,·ia.ge. comme sacrem ent de l'union d'amour Cllri.~ie111u1n , t. 4, 3, Munster, 193r.., p. 1G5-182. - J,, Leloir,
entre le Christ ot l'fJglise, !.hème si hnportant pour la Le sabbat judalquc, préfigur<ition du <li11ianchs, dans La Mai.son
sph•itualil,é de ce sacrernent. Cf I-I. Jenny, Le ,naria.go Diott 9, 10'17, JI. 38-51. - J, van Ooudoovcr, loco cit., p. 164"·
1 75. - Spociule1nent J. Onillard, art. DIMAl'.CuE, DS, t. 8,
dans la Biblt1, dans La Maison-Dieu, 50, 1957, p. 1 '1-16; col. 948-982.
A. Raes, Le rnariage. l~a célébration et, sa spiritua./i.t.rJ
dans le.'I Église.'I d'Orient, Chevetogne, 1958 (no1nbrcu x: Ce qu'il impo1•te de souligner, c'est qu e la liturgie
textes). ne prêsonte pas les so uvenirs de l'Exodfl co1nme un sim-
ple rappel d'une date împo1•tan te, ni 111ême comn1e
2. L'Exode et les temps litu1·giques. - ()n a une simple préfiguration des nl.ystères du Christ, mais
dit plus haut que les fêtes périodiques juives étaient coin 1ne des ,nysl,ères qui doivent encore être vécus per-
devenu es des anniversaires d'événernents de !'Exode; sonneHernent par chaque chrétien, et que l' Église revit
la liturgie chrétienne, à son tour , enseignera quo les dans ses r ites. li en était ainsi che:.1 les juifs : lors do la
fêtes et cérémonies juives sont accomplies par la pe1•, fôte de Pâque, la libération d'J;]gypto 6tai.t revécue
sonne et l'œuvro de Jési1s, et ses grandes fêtes co nsor• pe1·sonnellement par l'israélit o, mirnée, pourrait-on
voront par conséquent le rappel des événements de dire (agneau pascaJ, herbes an1è1·es, azy1nes, les reins
l'Exode pour co,nprendre le mystère q ui s'est ar,com pli ceints, sanda!As aux pieds et bâton à la main, sans
da11s le Christ. On n'entrera pas dans les détails, el on r;>ublicr le commentaire explicatif' obligatoire). Célé•
se limitera à uno bibliographie récente. b1•er la P âque c'était Axpé1•imente1· pour son propre
1) Problèni-e d'e1111mnblfl. - .T. Daniélou, Bible et litur11ie cornpte la sortie d'Bgypte. Le rituel juif actuel, dont
p. 803,469. - L. Douyor, La PÙ1 de la liturgie, coll. Lex ONlhdi cert aines parties sont t r·ès anciennes, précise que « chQ•
20, Pari~, 1.956, p. 231-247. - J. J. von Allmen, art. Fêtes, que bo1n1ne, en tout temps, est tenu de se considérer
dans Vocabulaire biblique, Nouchâtal-P aris, 1951,, p. 104•10t3. cornme si, lui aussi, était sorti d 'Égypte, ainsi qu'il est
- J. van Ooudoever, Biblical Ca.l~ndars, Leyde, 19f,9, p. 1li1 -
215. - On trouvera au6fli beaucoup d'indications dana La écrit (on insistant sur la promière personne) : C'est
Maison-Dieit 30, 1952 : L'dC()>wmic dit salut et lo cycle litttt'· à cause de ce q ue Yahvé a fait pou1· ,,noi, lors de ,na
{/ÙJllC, sortie d'Égypte ~ (Ex. 13, 8; cf JIagadah sliel Pessaah,
2) l'<îq,u:s et le n1.ystèro pascal. - ,1. D11niélou, lcco cù., éd. O. Lehmann, 1926, p. 124). Voir aussi À11W11 3, 2 ;
p. 388-408. - l.,. Bouyer, Le 111.yatère pascal, coll. Lex; orandi 4, Jo11ué ,,, 23, et le mélange si curieux des nous et des
6• éd., Paria, 1 9117. - E. Flicotcaux, Le trio11ip(1e de l',1q1.w:;, vous dans le récit. L'actualité des thèmes de l'Exode
La cinguanu1.i11e pt1.~cale, coll. L'cSJ>rit liturgique G, J>nris, dans les célébr ations juives de la Pâque est bien illus- ,
1958. - Ch. Dcckor, Wahrliaft 8Cligc Nacllt, trnd. La nuit tréo par A. Neher, M oise et la 1,ocatiQn. juive, coll,
pMcolé1 Bruges-Paris, 1954. - E . if11lrinta, .rasqua. giuilàica Maî tres spiiiluels 8, Paris, 1956, p. 126-138. L'alliance
e Pasqua cristi<uia, dnns Rù•ista di ascetica e niistîca, t. 1, 1956,
se conclut toujours aujourd'hui (cf Deut. 5, 8; 29, 9,
p. 147-158. - H. Jenny, Le m.ystèro pascal da11., l'ann.,!c (!/,r6-
·l t,1 2).
tiennB, 4• éd., Paria, 1958. - La Maison-Di.oz, 81, 1052 : l,i
carèmc, préparation d la 111;it pasct,lc; 41, 1955: La nuit pasc(llo. Cet aujourd'hui de la liturgie, affirmé par le ps. 9/t,
8) ,l,'<1sccnsion, 011 r olatlon avec lo. montée de ]lfoïsc sur lo 7•8 que l'épître aux H ébreux applique à la situation
Sin111 et o.vec l'entrée dans la lôrre pronrise, - <l, l{rotschn1ar, du chrétien (c11. 8 et '•), vaut aussi pout· la liturgie

• '

1993 SPIRITUALITÉ DE L'EXODE 1.994


'
ohi:étienne L'Exode spirituellement se continuo jus- rité inscrit directeroent dans les cœurs. Cependant,
qu'à l'entrée définitive dans la vraie terre promise : durant la marche ici-bas, le Christ, nouveau Moïse,
« Aujourd'hui... Oui, c'est aujourd'hui que le salut et médiat eur d'une alliance n°'uvelle » (Hébr. 12, 2t,) ,
est proche, et que nous n'avons pas à le vivre seule- est représenté par des chefs visibles « qui ont fait
ment dans l'espérance mais dans la foi, parce que c'e$t entendre la parole de Dieu » (13, ?.), et auxquels il
aujou1•d'hui une fois encore que le Christ livre son corps faut obéir et être dociles (18, 17), sous peine de tomber
ot son sang et nous y tait cornmunier. C'est aujourd'hui sous les condarnnations qui frappèrent• les ;i.dversaires
li- que la Parole est donnée et la réponse de1nandée. de Moïse.
r- •
1s
L'alliaoce, c'est aujourd'hui " (P.-A . Lesort, L 'allia11ce 4. J,n cornbat spirituel. - La délivrance des ennemis
c'~st aujourd'hui, dans Parole de Dieu et liturgie, coll. n'est pas encore définitive; la lutte s'impose constam•
I,.~x orandi 25, Paris, 1958, p. 361). niont ;n1 peuplo en marche, et tout d'abord la lutte
contre la tentation toujours renaissante de revenir
1VJ. CONCLUSION. SPIRITUALITÉ DB L'BXODil « aux r,onvoitises de jadis » (1 Pierre 1, 1t.). L'Apoca-
lypse 1lécrit ces luttes contre toutes les forces du ma.l,
Essayons de résume!' en quelques traits princi paux sous la conduite victor'ieuse du Christ (A poc. 12, 18-17,
los grandes lignes de la splritlu:1lit6 t1·aditionnelle de etc), (lt lo ten1ps liturgique du carême nous y invite
i- l'Exode.
1, à nouveau chaque ann6e.
19 1. Délivrance, .~alu,t. - L'Exode upparutt d'abord 5. l>ieu nourrit sori peuplé. - Au cours de cette
comme la révélation, dans un fait historique privilégié, 1narche et de cos combats, Dieu continue à protéger
I• du mode d'agir habituel de Dieu envers chaque homn10 et à nourrir son peuple d'un « pain venu du ciel ", le
11 et envers son peuple : il est celui qui délivre, qui sauve, pain (:uchuristique (Jean 6), n1ais aussi le pain de la
s « d'une n1uin forte et d'un bras étendu » (Deut. 5, 15) , P al'ole de Dieu (Deut. s, 3 ; Mt. 4, 4 et par.). A cette sol-
'1 ~e toutes les servitudes du n1onde pécheur. Au baptême licitude de Dieu doit donc répondre la confiance totale :
s 1accon1plit spit·ituelle1nent la sortie d'lÎJgypte, la tra- il ne faut pas tpnter Dieu (Mt. 4, 7), comme le fit si


versée du Jourdain, lu naissance du peuple de Dieu; souveri t le peuple de !'Exode (Hébr. 3, 18) •
• ce qui se fait au baptên1e doit se renouveler constam-

ment par une con version con tinuello : « Affranchis ... 6. J1 era la terre promise. - Cependant la vraie patrie
pa1· un sang précieux comme d'un agneau sans rep1•oche n'est pus ici-bas, et !'Exode ost par définition une
et sans tache, le Christ," (11-'itrre 1, 18-19), les chrétiens périodn transitoire, la pél'iode du temps de l'~glise;

doivent demeurer dans l'at1.it1)de prescrite pour la les chl'ùtiens demeurent des cc étrangers et des ,voyageurs »
Pâque, ,1 debout, avec lu vérité pour ceintul'e, l.i jus- (1 Pierre 2, 11), tant qu'ils ne sont pas en possession
tice pour cui1'Q.~se et pour chaussures le zèle à propa- de la l.orre promise. Cette tension vers l'oschotologie
ger l'i vangile de la paix.. , (ayanL) toujours en main le est esi;entielle à la spiritualité de l'Exode et à toute
bouclier de la foi 11 (Eph. 6, 14; cf 1 Pierre 1, 13). vio chrétienne authentique ; le temps liturgique de
l'avent le rappelle avec insistance. Josué n'a pas
2. L'intimité avec Dieu. - L'Exod.e comporte donc introduit les israélites dans le vrai repos, Qlti est 1c réservé
une rupture d'avec le n1onde pécheur, niais c'est pour au peuplo de Dieu » (/{ébr. 4., 8-9); c'est J ésus qui réa-
vivre dans une inthnité nouvelle avec Dieu. L'image lisera cette attente en nous faisaot entrer avec lui
du désert expl'ime à la fois cette rupture et cette inU1nit;é. d1.1ns cet « au delà du voile ~ où déjà nous avons pénétr6
On a vu que les prophètes ont évoqué cette période pri- par l'nspérance et où lui-même est « entré pour nous
vilégiée avec une certaine no:;talgie. Lei; chrétiens sépa• en pl'éûurseu r " (6, 1 9-20) . '
rés du péeh6 ont fait alliance avec Dieu, ils sont devenus
u une race élue, un sacel'doce royal, une nation sainte,
Bibliographie gétlét(lfo. - 1. Co1nm11ntaircs de l'mxodè,
spécialu1ucnt : A. H. Mc Neile, Londres, 1908; A. Clan\er,
un .peuple acquis, pour annoncer les louanges do celui Paris, ·t 956.
qui (les) a appelés des ténèbres à son adruirable lutnière ,,
2. 'J'lufologies bibliquu : A. Dillmann (1895), A. B. Davidson
(1 Pierre 2, 9). Dieu marche au milieu de son peuple, (1901, ), 8. Ka.utzsch (1911) contiennent, ma.lgr6 lour ancienneté,
et, pur l'incarnation, il a plan t6 sa' tento parmi nous d'excallentos remarques; - V{. Eichrodt (1933 ; 1•· pwtle
(Jean 1, 14). De là découle une e:xigeoce de sainteté, rééditée en 1957), O. Procksch (1950), P. van Imschoot (1954.• \
d'ol)éissance à celui qui s'ost fait le chef de son peuple, 1956), E. Jacob (1955), G. von Rad (t. 1, 1958, et t. 2, 1960).
, lo pasteur et le gardien de (leurs) âtnes » (1 Pierre 2, 3. Dictio11nairea biblil(1«1s. - Kittel, art . .é.t(l.ff-1)101 , "Emnu,~.
25) : 1c De même que celui qui vous a appelés est saint, Mcounii~, II&v'C'l)><•cn-11, n,,ouoc, etc. - J. J. von Allmen, Voca-
devenez saints vous aussi, dans toute votre conduite, bulaire biblique, Nouchâtél•Paria, 195'1, art. Alliance, Bapt4,nJJ,
selon qu'il est écrit : Voua serai saints, parce que u1oi Eau, Église, F8tes, Marcher, No111s propres (Molse), .Noms
. je suis saint » (i Pierre 1, 15-16). A cet aspect commun géographiqiuis (désert, Jourdain), Nonibres (40, 70), Peupls,
à toute vie chrétienne se rattache toute la spiritualité llepos, Ilcste, etc.
Dictionnaire de apiritualité: J. Gaillo.rd, art. D1111ANOIIE, t. 3,
du désert dans son application particulière à la vie monas• col. 948-982; JllAu, t, 4., col. 8-29; Éa1,1sE, t, 4, col. 88~·401 :
tique et religieuse. R. Brunet, Figitres clc l'Église ; ,J. Len1arlé, ÉPIPHANIE, t. 4.,
a. L' l1glise, 'peuple de Dieu. - Dans une spil'itualité col. 8ti:l-870; A. Hamman, lllu,cHARIS'ttl!, t. ·4., col. 1553-1580,
d'Exode, on ne peut jam;iis se considérer con1me seul 4. Sur la spiritualité de l'Ea:odc, - Pdquea, exod-e des cliré•
devant Dieu; c'est dans l'Église qu'on a été appelé tieM, VS, mura 1951, t. 84 : J. Stein,nann, L'Exodc dans
et qu'on marche, ensernble, vers la terre promise; c'est l'auèic,1 1'esta111ent, p. 229-240; J. Guillot, L' Exotlc d!l- Christ,
p. 21,1.21,9; J. Hild, L' Exode dans la ilpiritualit4 chrétienne,
avec l'Église que l'alliance nouvelle est conclue dans le p. 250-273; J. Bonduelle, Les trois temps <k 11otre E'xode, p. 274-
sang du Christ, et l'eucharii;tie resserre chaque jour 801. - J. Guillet, Thè111-es bibliques, coll. 'l'héologie 18, Po.ris,
les liens entre les membres de l'Église, corps du Christ. 1'J61, 1;urtout p. 9-25. - M.-E. Boi3mard, L 'Evangile d quatre
La loi nouvelle selon laquelle est conclue cette alliance diman~ÎQ118, dans Lrunière et ,,ic S, 1061, p. 91,.118. - A. Feuillet,
est, en effet , uvant tout, la grâce même de !'Esprit de Le Cautique des cantiques, CQII. Loctlo di vina 1.0, Paris, 1063. -
Dieu, qui s'expl'ime d;ins lo double précepte de la cha- Mol-'IQ, l'ho,nmc clc l'aJ/ica1ce, dans Cahiers sio11ie11s, t. 8, n. 2•4,

1
1995 EXODE - E XOflC1ISME 1996
' 1

1954; Lir11ge à part, Tournai-Paris, 1955; &urtout G, Vcrultis, ,. Si vou1; adjurei (tl;op><l~me) les démons au nom de
La figure de Morse au Lor,rnant des deux 1'esta1r1ents, p. 63·92, oL n'importe lcquél dés roi(!, des justes, dos. prophètes ut des
R. Bloch, Quelgues aspecls de l(t figure de J.1olse da11s la tradition Pillriarches qui furent pi1.r111i vous, ils ne se soumettent pas.
rabbir1iquc, p. 9ll -170: - J. Steinmann, S. Jean-Baptiste ëi."'Ti,, Si au contraire l'un do vous l'adjure au nom du Diou d' Abrà•
spiritualité dit clésert, Paris, 1955. - O. Rousseau, Les 111ys1-èrcs hn1n, du Dieu d'Isaac et du Diou do Jacob, il se soumettra
de l'IJ.~ode ,l'a.près les Pères, dans Bible et vie ehrét.;enne 9, peut-êtro. Au r!Jslo, vos exorcistes (trroe>><La-rat) usent, commé les
1955, p. 31-'i2. - B.•J\.I. Ahorn, The E:.r>dus, thcn and 110w. Tlu: po.Yens, de 1noyens techniques (-.4xvn) en exorcisant et se
, Bridge, L. 1, 195?, p. 58-75. - S. de Dietrich, le dessein de Dieu, aorvent de part u,ns at de ligatures (>«<-r!X3401,1.01~) • (Diawsue
Neuchî1tol-P11ris, 1957, p. 41,-65. - F. Boura~sa, 'J'hènwN avec Tryplw" 85, a, PO G, G76d-67?a) ,
bibliq1rns du bap1h11c, dnus Scic11cos e,JcMsia,stiq1ws, t. 10, 1958, •
p. 398-1150. - J\.l,-W. Bois1nard, Exode', 111arche vers Di'.eri, Ce texto appelle deu:x. 1·e1nurques. D'une pai•t, ,le
dans Grands thè1nes l1ibliq1u,s, Paris, 1958, p. 159-165. - rnisonne rnent de J ustîn tend à 1nontl'er que, si c'est
Divo B<ll'l!Otti, Spiritualit,J de l'Exode, tr11d\1it de l'itnlien, seule1nelit le nom de Yahvé qui est efficace, et non celui
coll. Cahiers de !il Piorro-qui-vire 13, Bruges-Paria, 1959. - des prophètes, ceci prouve que Jésu$, dont il vient de
H.. -'J'. Al}GCl'SOn, The role of the dcscrt Ùl lsraelite Tlioucht. dire que le nom chasse les dé1nons, est au niveau de
dans 1'/li! Journal of Bible and Religion, t, 27, 1959, p. 1,1-r.1,. - Yahvé et non des prophètes. L'autre point est la pré-
O. Au zou, De la $Crl•itudc eut ,qert>fo,1. 1J:1uclc du lii•rs de t' Exodt?,
Prots, 1961. sence d e pratiques 1nagilJUes chez les exorcistes juifs.
Itoge1• LE DtAuT et Joseph LÉcuvEn. Ce l'ait é tait déjà attesté par Josèphe (De bello judaico
v11, 6, 8).
Il resl:o une deuxiê,ne rernarque. Origène déclare
' E XORCISME. - 'l. Judais,ne - 2. Nou,,eau Tes- que la forn1ule ,, le Dieu d ' Abraharn, Je l)ieu d'Isaac
tanient. - 3. Chri:stianismc ancù1n. - 4. Rites baptis- et le Dieu de .Jacob est utilisée ·n on seulement par les
trta11~:.
membres de la nation juive, quand ils exorcisent les
1. J udaïsm e . - Le pouvoir de chasser les démons dé1nons, ni.,is aussi par presque tous ceux. qui se 1nêlent
par un rite d'imposition des mains accompagné de d'incantations (~rcw8cd) et de n1agie. En etfet, dans les
l'invocation du norn de Yahvé ost attesté par le judaïsme traités de magie on trouve souvent Dieu invoqué sous
contompo1•ain des origines chrétiennes et 1•ooonnu cette forrnule " (Contra Cclsuni 1v, 38; éd. P. Koets•
com1ne authentique pal' la 'tradition. Plusieurs teites chau, GCS 1, 1899, p. 303; PG 11, 1080n). Cooi atteste
du nouveau 'festa1nent entrent ici en ligne de compte. la c1·oyance que ce qui fait l'efficacité de l'exo1•clsme,
Et d'abol'd l~ parole du Ch1•ist aux pharisiens : << Si c'est la puissance chi nom invoqué, et c'est ce qui expli•
c'est au nom de Beelzébub que je chasse les dé1nons, que que les païens aient pu invoquer le nom du Dieu
pa1· qui vos fils les chassent-ils )) (Mt. 12, 27)? D'autl'e des juifs. Aussi, comrne le note Origène, remarquons-
part, il est question dans Acte.Y 19, 13-14, ,, d'exorcistell nous la fréquence de oot exorcisme, sous des formes
(è~opxiaTid) juifs ambul.a nts ))' qui étaient « les fils d'un diverses (ibidetn, v, ~5; GCS 2, p. 48-50; PG 11, 1252-
certain Scéva, grand prêtre juif >). Ces données néotes- 1,251,), dans les fo rmules païennes. Cette fréquence
1 tamen Laires sont conllrmées par les té1noignages juifs. atteste la rcconnaissancA, par les paîens eux-mêmes,
Flavius Josèphe 1•aLLache le pouvoir d'exorcisu1e à des de l'efficacité des exorcistea juifs et de l'invocation du
formules d'adjurations co1nposées par Salomon (Anti- no1n de Yahvé. On rencontre: une affirmation analogue
quüates judaieae v111, 2, 5; De bello judaico Vil, 6, 8). dans la 9 8 llom.élic eléttuintine (9, 22, PG 2, 257) . Voir
Un des 1nanuscrits do Qumrân, !'Apocryphe de l(l sur cet ensemble W. Heit1nüller, J,n Namen Jesu,
Geni111e, montre Abraham guél'i:,sant le pharaon et chas- Goettingue, 1908, p. 182-185.
1
sant de lui l'ei;prit ,nauvais par l'-imposition des rnuins 2. Nouveau T estament. - l.'ÉvangHe donne
accompagnée de l'invocation de .Dieu (C'ol. 20, 29). une pli:ice très hnpo1•tante aux guérisons opérées pnr
André Dupont-Sommer rappelle que salon Josèphe Jésus en relation avec l'expulsion d es dt'.nnons. Qu'il
les esséniens é taient particulière1nent vetsés dans l'art suffise de rappeler les guérisons du démoniaque de
de guél'Îl' les r!laludies (De hello judaico n, 8, 6; Les Ca,pharnaiim (J,ur: t,, 81-87), du possédé avouglo et
écrit1;1 esscl11iens découvert.v pri;s de l<t Mar 111.orte, Pat'L,;, muet (Mt. 12, 22-28), des dérnoniaques de Oérasa
1959, p. 301). (Mt. 8, 28-34), du possédé muet (Mt. 9, 82-8t,), du fils
Le Lé1noign.~ge des. Pères de l'Église confll'mo la per- de la chananéenne (Mt. j 5, 21-28), du jeune lunatique
sistance do co po1rvoil' chez les j uifs. Saint Irénée (Mt. 17, 14-20), de la fe1nme courbée (Luc 18, 10-17).
écrit .: « Par l'invocation du Diou toul;-puissant, 1nêmo Ces guérisons portent parfois sur de no.m breux
avant la venue do Notre-Seigneur, les hommes .é taient malades (Mt. 4, 28-2', )· Aussi bien, J ésus voit-il dans
délivrés des esprit,,s mauvais et de tous Jes dé,nons ... cette action sur les dérr1ons un des signes do sn mission
Et encore n1aintenunt les juHs chassent les démons (Mt. 12, 28). Et ceci est repl'is dans Actes 10, 38 : « li
par l'invocation de Notre-Seigneur » (Advcrsus haereses a passé en faisan t le bien e t en guél'issant ceux qui
II, 4, 6; éd. W. Ii a1·vey, t. 1, Cambridge, 1857, p. 264; étaient sous l'empira du diable "· On observera par ail-
PO . 7, 724d-725a). Et saint ALhana.se : « J'ai appris, leurs que le Christ use du rite de l'imposition des mains
disait un vieillard, par la bouche d'hommes instruits (Marc 5, 28; 6, 5 ; 7, 32; 8, 23 ; Luc t1, 40; 13, 13). Voir
que jadis chez; les israélitos, par la seule lectu1·e de l'flcri- sur ce point J . Coppens, L'imposition des rruiins et les
ture, on mettait les démons en déroute ,, (Epi.~t. ad rites connsa;es rlans le nouveau Testament et dans l'l!:glise
Marcellinum 38, PG 27, t14). Ces textes fournissent déjà ancienne, Pa1•is, 1925, p. 28-Sll:.
des indicat'ions précieuses, Les exorcisrnes ont pour Jusq u'ici cette action do Jésus sur les dé1nons ne
objet essentiel la guérison des rnalades considérés co,n1ne serait pas difl'érente de celle des exo1•cistes juifs. Mais
' étant sous la puissance d'un mauvais dé1non. Le rite le J)oin t ca1•actétistique est que ceux-ci chassent les
est une irnposition dos mains , acco,npagnéo do l'invo- dé1nons au nom de Yahvé. C'est la puissance de Yahvé
càt.i on de Yahvé ou d'un texto scripturaire. à qui les démons obéissent. Or, Jésus chasse les démons
'Un texte de saint J ustin contient des remarques plus de sa propre autorité. C'est donc de sa part revendi-
curieuses. Il écrit, en s'adressant à des juifs : quer une ~iutorité égale à celle de 'Yahvé, Dans ilfarc 1,
6 1997 EXORCISME 1998
.e 27, , l'autorité (è~<lw(œ) avec laquelle ,) ésus enseigne la l'éf(1t'ence aux paroles de l'exorcisme. Il est ren1ar-
8 et celle uveo laquelle il chasse les dénions fon t l'objet quable que la formule se retrouve chez Irénée : " Par·
1, d'une même stupeur (0cx1.1.60,) et sont opposées à la façon l'invocation du nom de Jésus-Christ, qui a ét6 crucifié
d'agir des scribes. Le passage parallèle de Luc parle sous Ponce-Pilate, Satan ost écarté des honîmes »
Il d'autorité (i~ouc1(œ) et de puissance (8ô11œ1.1.u;;) da.ns (Dérnonstration de la prédicatù,n àp(Jstoliq~ 9? ; PO 12,
s l'expulsion dos démons (4, 36). Jiln outre, dans les ÂCÙ/8 5, p. ?28; trad. L.-M. Froideva-ux, coll. Sources chré-
~
des Apdtres (16, ·.l8), c'est au nom de J ésus que les tiennes 62, P al'is, 1959, p. 165).
' apôtres chassent les dérnons. Aussi bien, Jésus avait-il
dit de ses di~èiples : « En n1on norn ils chasscron t les
Cotte formule est plus développée da.ns un autre
passage de ,Justin : " Tout démon, adjuré (êl;.opx(~<ll,1.211<lç)
1 démons » (Marc 16, 1?). Ceci nous est attesté égale1nent au norn de ce F'ils de Diou, premier-né de toute
par l'histoire des fils de Scova, qui, bien que juifs, créature, né d'une Vierge, devenu homrne passible,
veulent user du nom de J ésus et téruoignent ainsi de c1·ucilîé sous Ponce-Pilate pur vot1·e peuple, mort,
son efficacité (Actes 19, ·1 8). ressuscité des roo1-ts, monté au ciel, est vaincu et so
3, Christianisme ancien. - L'expulsion des sou1nnt » (Dialogue a11ec TriJphon 85, 2, PG 6, 676c). Il
démons est considérée par les éc1•ivains chrétiens du appar:,1!L ainsi que l'exorcisrne est un des lieux· des pre-
second et du troisième siècles comn1e une des manifes- mières forrn\iles de foi. Ce point a été relévé par
tations do la nature divi ne du christiunisn1e. Deux Oscar Cullmann (Les premières confessions de foi chrli-
traits nouveaux sont à relever. D'une part, cette puis- tie1111es , Paris, 1948, p. 1 ?-1!:I). 11 observe que cette
sance est rattachée co1nme il su source à la victoire récita Lion du symbole lors d'un exorcisme paraît remon-
re1nportéo pur le Christ sur le démon dans sa passion. ter anx temps apostoliques. Dans Actes 8, 6, Pierre
L'expulsion des démons est l'une des conséquences dit au paralytique : «Au norn de Jé'sus-Christ le Nuza•
de cette victoire. Par ailleurs, les chrétiens en n1ilieu réen, lève-toi et marche », et, dans le discours qui suit,
païen sont confrontés au problème des thaumaturges le 1nü·acle est attribué " au nom 1, de celui qui a été
païens. Ils en donnent des interprétations cliverses. La " reniù sous Ponce-Pilato, mis à rnort et ressuscité par
prcn1ier auteur irnpo1'tant ici est saint Justin. Les deux le ,Dieu des n1orts » (3, 13-1,6).
traits que nous indiquions sont apparonts dans la Au cl<\but du 8" siècle, Tertullien eonfi r1n0 ce que nous
,
deuxième A pologi:e : trouvr)nS chei J ustin. Dans l'Apologeticum, il témoigne
d'abord du pouvoir général chez les chrétiens de chas-
Lo Christ est né par la volont.é du Po1•0 pour le salllt des
croyants et la ruin11 ries <lérnons. Vous pouvez vous en convain- ser lei; (lé1nons ; " Qu'on produise à l'instant ici, <lovant
cre p:ir ce q\re vous voy1,z sous vos yeux, Il y a d ans l'univers votre tribunal, un homme qui soit reconnu pour ôtre
et dans votro vill0 (Rome) nombre de de rnoniaquos (8«11Aovt6· possédé du dérnon, si un chrétien quelconque ordonne
Â'rlrtToL) quo tous les autrei1 exorcil!tes (t1topxLo-t«t), encl1an- à ceL eapl'it de parler, celui-ci conllrn1era qu'il est un
tours (lnQto"rot) et magiciens (q;cxpµ«xtotcxt), n'ont pu guérir démon » (23, ,,.; CC 1, p. 131; PL 1, <J.13a). 'l'ertullien
et que nombre d'entre nous, <JhréLlons, en les adjurant (t1top- souligne que les chrétiens chassent les dén1ons aussi
xt~ovr•~l nu nom da J ésus-Chl'lst, crucifié sous P once-Pilato, bien des paYens que des chrétiens ; il s'agit donc tou-
ont g11éris et guérissent encore maintenant, réduisant à jours lû de guérisons do possédés (31, 9; CC, p. 149;
l'impuissance et expulsant leR dt\1nona qui possodont les
ho1nmes (v1, 5-6, PO 6, 458c-t,55a). Pt, 1, 1, 68b). Par ailleul's, il présente des traits nouveaux
quant aux rites d'exorcismes : « Au seul contact de nos
Ce texte est précieux à bien des égards. Il atteste mains, au moindre souflle do notre bouche .. , ils sor-
l'impo1·tance qu'avait encore à Rome, au n1ilieu du tent du corps des hornmes » (28, 16; CC, p. 133; PL 1,
second siècle, l'expulsion des démons dans l'activité 415). Nous avons la première attestation, à côté du
de la communauté chrétienne. 11 nO\lS donne la formule rite de l'irrîposit'ion des mains, de celui de l'exsuffiation
1nêrne de l'exorcisme : " Au nom de Jésus-Christ Cl'll- dans l'exorcisme.
cillé sous Ponce-Pilate ». Il Lt'.nnoigne da l'existence à Et Tertullien nous renseigne sur la rormule ufricaine
Rome de m1.1gicions, d'enchantetu's et d'exorcistes, qui de cet exorcisnle : ,, '!'out l'empire et le pouvoir quo
peuvent être des juifs, mais aussi des païens. Et. il nous :\Vons sur les dérnons tirent leur force de ce quo
constate leur irnptdsi;ance. Enfin, .nous voyons que nous pron1Jnçons le norn du Christ et do ce que nous
1naladie et possession restent étroitement associées. énumt': rons tous les châtiments qui les menacent » (28,
Les exorcistes son L essentiellement des guél'isseu1's. 15; CC, p. 132-133; PL 1, 61.5). Nous retrouvons l'invo-
Voir H. Wey, Die Funlctioru;n der bosen Geister bei cation du nom du Christ comn1e clonnéo constitutive.
den grÎ,echischen Apologeten des ZH1eiten J<),hrhu,ulcrts 'l'e1•tullien fait ensuite allusion à la 1nenace des châti-
nach Chrû;tus, vVinLe~thur, 1957, p. 166-168. rnenL•; i~Lernels, Si l'on rapproche cc trait de celui de
Les mêmes thèmes apparaissent dans le Dialogue l'oxsuffiution, on voit que nous avons déjà les éléments
a11ec Tryph.on :- du rite encore en usage dans les exorcismes baptis-
• Nous tippèlons le Clu•ist aiclc et libérat,eur, lui dont la 1>uis- 1naux de l'Église rorriaine : e:xsufflution, imposition des
aanco (taxuc) du non1 fait tren1 bler- les ùérnons. Aujourd'hui 1nains, invocation du nom du Christ, menace des cl1âti-
oncoro, adjurés (~QPKL~6µ<vo,) au norn ùo Jésus-Christ, crucifié 1nent:;. 'l'ertullien s'élève par ailleurs contre les préten- 11
sous Ponce-Pilate, qui fut procurateur en Judée, ils RO tions des fe1nmes à exorciser et à promettre des guéri- 1
soumettent si bien qu'il apparaît à tous que son Père lui a.
donné une puissance telle que les dén1ona sont. Rournis à son sons (De praescripti(jne hacreticoru.,n 41, 5; CC 1, p. 221;
noru et à l'économie de sa passion • (30, 8, P(¼ 6, rV,Ob). PL 2, 56c). On trouvera une liste des autres allusions
Justin parle de ce pouvoir c111nn10 l'ayant lui-111ô1ne détenu : de Tertullien aux exorcisrnes dans le co111mentaire
• Pour nQ\I~, maintena,nt, nous croyor\s au C!'uciflé sous Ponce- de ;r. - f·[. Was1.,ink, 'l'srtulli.à11us. De animà, Amstel'danl,
Pilate, Jéaus, N otro-Selgneul', nous exorcisons (t!;op1<ti;ovrtç) 194?, p. 5?9-580. Voi1• aussi F.-J. Dôlger, Te1tfe/$ Gross-
tous les dérnons ol espl'ils 1nauvais et ils no11s sont so\1rrüs • muttcr, dans A11tike un.d Chri.9teTlturn, t. 3, Munster,
(76, 6, PG 6, 658c). 1932, p. 16((-166.
· Nous remarquerons dans tous ces passages Je retour Le témoignage d'Origène montre une conception
de la form\lle « crucill6 sous Ponce-Pilate », qui atteste analogue de l'exorcisme, en milieu alexandrin. Celse
,

1999 EXORCISME 2000


accuse los chl'étiuns de puiser« la force qu'ils paraissent born, 1905, p. 106). On trouve dès forrnules analogues
avoir dans les noms et les incantations {)(IXTOGXl)À~!îetç) dans les aut1·es documents. Le Règlement apostolique.
de certains démons ». Origène estitne qu'il fait a!lui;ion désigoè ces gué1•isseurs du nom d'exorcistes (!nop><t<l"n)~,
(< à ceux qui prononcent des incantations ()(1X-r&1t<fSEiv)
26; ibûleni, p. 83). Ce qui est caractéristique, c'est qu'il
contre les dé1nons et les chassent ,1 (Contra Celsu,,n. 1, no s'agit jarnais d'un ordre conféré, mais sin1ple1nent
6; OCS 1, p. 59 ; PG 11, 665d). C'est là, do la part. de d'uo don reconnu. J .-M. Hanssens peut parler en co sen$
Celse, uno totale 1néconnaissance de l'Évangile. fün de « la profession de guérisseurs >) (La' liturgie d'flip-
effet, ce n'est pas « par des incantations qu'ils opèl'ent polyte, OCA 155; l~ome, 1959, p. 872). )
,cela, ,nais par le no,n do Jésus accompagné de la rùci- Dans 1'Église ron1aine, l'évolution sera différente,
tatiou do récits (tcnopiwv) le concernant ». E t < ce 1
l'exorciste sera intégré dans les ordres mineurs, co1n1né
nom est ai puissant contre les démons qu'il est parl'ois c'.eat encore lo cas. Nous en avons une pl'emière attes•
olTicace, 1nème dans la bouche d'hommes indignPs )1 tation au milieu du <'.t 0 siècle dans la lettre du J)ape
(yoir aussi 11, <'.t9). Le trait Je plus inté1•01,sant est clllui Corneille, conservée par lï:usèbe (Histoire ecclésiastique
des t=op{,xi, qui acconlpl=lgnent l'invoct1tion du ,oom vr, 4a; éd. 'f. Mo1nmsen, OCS 2, 1908, p. 619; PO 20,
do ,.1ésus. Ce peu i êtl'e une rnanière de désigner le syn1- 621a), qui mentionne les oxor•cistes, après los acolytes,
bole de foi. U est plus vraise,oblahle qu'il s'agisse de avant les lecteurs et les po1>tieri;. Ceci modifie profondé-
la lecture d'un passage de l'l1lvungile. Ceci s'inspit•e"ait meot la conception al\Cienne. Le don de guérison rele,
do l'usage juif menUonné par saint Athanase et •1ue vait purement du domaine charis1natique. Il paraît avoir
nous avons cité. Origcne 1.ui-1nêmo pai·le ailleurs de été très largement répandu aux origines. Puis il s'est
l'efficacité (8uv,xµtc;) quo les textos de l'l1Jcrituro p1>:;- fait plus rare. L'Église orientale se contentait de le
sède11t et qu'il compa1·e ù la puissance des incantations constater et de l'autoriser. Au contraire, dans l'Eglise
païennes sur les démons (/!0111.élie sitr Jo!fué 20, 1; ,1cL de Roine l'exorcisme devient une foncUon conférée
W.-A. Baehrens, OCS 7, 1921, p. <'.t16-41 7; PG· 'l2 , par ordination. On peut se réf61•e1' sur èe point à A. Pio-
921d-9~2a). lanti, a1·t. Esore1'.sta, dan:; Enciclopcdia cattolir.,i, t. 5,
Dans le Contra Celsum, 01•igène revient sur ce point : 1950, col. 597-598. Ceci est sans doute en relation avoc
« Nous so1n~1es si loin de servir les dé,nons quo, par des l'~volution de la conception niêroe de l'exorcisme :
prières et par des forntules (µoc6~µ,x-roc) tirées des sain tes aux origines, il est essentiellen1ent le don de guél'i•
Êcrituros, nous les chassons des âmes humaines, dos son ; il de:vient plus tard principale1nent une fonction
lieux où ils o~t établi Jour siège, quelquefois même des cutuolle.
animaux: souvent en effet les démons opèrent certaines
cho~es pour nuire à ceux-ci » (vu, 67; GCS 2, p. 2·16; 4. L 'exorcisme dans les rites baptismaux.
PO 1'1, 1515b). Les derniel's détails sont précieux. Ili; - Nous avons vu jusqu'ici que l'oxorci$me apparais-
indiquent que les oxo1•ci.s1nes no po1•tent pas seuleint!llt sait lié, dans 'le judaïs1ne d'abord, dans le christianisme
sur les personnes, ll)ais sur IAs choses. Il peut y avoir dos ancien ensuite, au rapport établi entre la maladie et
lieux hantés par les démons. Il peut y avoil· des anin1011x l'inlluenco dos démons. Nous rencontrons 8U$SÎ une autro
dans leSliuels leur influence malfaisante s'exerce. ligne, d'une égale antiquité, qui rattache non plus les
On peut mentionner un dernier texte du Cot1tra maladies du corps, n1ais les vices de l'âme, à des démons.
Celsuni où Origène oppose les exorcismes chrétiens anx Nous avons étudié dans l'article D°éMON (DS, t. 3,
incantations païennes:« L'esprit (qui possède la Pythie) col. 168-17<'.t ) la conception des détnons des vices. Elle
est-il d'une autre espèce que ces démons que la plup:u't paraît sous-jacente à l'épisode du Chr•ist chassant sept
des chrétiens expulsent dés possédés, sans le secours démons do la pécheresse do l\fagdala (Luc 8, 2). Nous
d'aucune pratique do magie ou de so1·cellorie, rnais par la trouvons dans les, 'l'estaments des douze patrù;rr.lUJs,
·ta seule prière et par de sin1ples adjurations (6pxdiaeL,;), dans le Paste1ir d'lle1•1nas, dans l'œuvre d'Origène;
dont l'hou1me Je plus ordinaire ost capable. Do fait ce Cette doctrine paraît se rattacher à la conception juive
sont souvent dos honunes du comn,un (L8Li:lTor:L) qui du Y('?er ha-ra, de la tendance mauvaise dans le cœur
font cela• (vu,'•; GCS 2, p. 156; PO 11, 1/i25c). Origlln1~ de l'hornnie identifiée à uo rnauvais esprit.
souligne que l'exorcisme est une exp1'essio11 de la l'vi Les travaux récents sur· certains courants hété1•odoxes
chréUonne la plus or•dinaire, qu'il n'a donc rien de du judéo-christianisme sembl.e nt attester un usage
l'éi;otérismo des pratiques n1agiques, fondées sur la de rites baptismaux considérés essontiellement co,0111e
connaissance de forn1ules secrètes, douées d'efllcaci Lé. des exorcismes destinés à chasser les démons des vices
Il confi1•n1e, en plein troisième siècle, que ce pouvoir qui habitent l'âule. Ceci paraît le cas des ébionites,
de chasser los dérnons et de guérir los maladies est un d'après les analyses de G. Strecker (Das .Judenchrist-
pouvoir assez. fréquent. Il paraît toutefois indiquer entu,n in den Pt;eudo•Klenwntinen, TU 70, Berlin, 1958,
qu'll est réservé à ce!'tains. p. 196-209). Par ailleurs, à propos d'un autre groupe,
Ceci nous cot1duit à une de1·nière considération. A celui des elchasaït,es, Érik Peterson a montré qu'un pas-
partir de la première n1oitié du troisiè111e siècle, la sage où il est question d'un baptôme donné pour guérir
pratique de l'exol'ciame comn1ence à être réglomentûe. la rage vise en réalité la con1~upiscence, le yo~or ha-ra.
Nous trouvons l'écho de ce fait dans los divers doc-11- Le bain ici est un rite juif d'exorcisme, à qui on atti·ibue
Jnents issus de la 'l'ru.diti9n apostolique d'Hippolyte le pouvoir de guérir la COI\CUpiscence (Frühkirclw,
ot dont la convergence sur cc point garantit qu'il s'(tgit Jutlcnturn und Gnosis, F1'lboutg-en-Brisgau, t '.)59,
d'un t rait archaïque. L'Orilonnance ecclésiastiqu.e, uprôs p. 227-228).
avoir énumé1'é tous les 01•dres sacrés, ajoute un p,11·11.- Dans l'flglise, le haptên10 ne se réduit pas à un
grapho 11 Sur les dons de guérison "· Il est ainsi conç11 : exorcisme. Mais il semble bien, com1ne l'a remarqué .
« Si quelqu'un dit, J'ai reçu 1A don de guérison pa1· révé- André Benoît (Le baptên1.e chrétien a1t second 111:ècle,
lation, qu'on ne lui impose pas los mains, car la sui Le Paris, 1953, p. 39), quo, dans le cllristi9nis1ne ancien,
elle-même rnontrora s'il dit vrai» (39; éd. F.-X. Funk, l'exorciso1e parait faire partie intégrante do l'acte bap-
Didascalia et Constitutionos apostoloru.1n, L. 2, Pader- tis1nal. Cc n'est que plus tard qu'il se séparera du bap-


..
.
.

2001 EXORCISME 2002


tême pou,· devenir un acte particulieJ' de l'initiation La 1'radltion apostolique, coll. Sources chréUonnos 11, Po.ris,
èhrétionne. André Benoît cite en ce sens l' Épltre de 1946, p. '•8-49),
Qàrna.bé XVI, 8: « Avant que nous eussions foi en Dieu
l'intérieur de nos âines était. .. une demeure de dérnons .. '. On voit d'après ce tex.te que l'exorcismo est constitué
C'est on recevant la 1•é1nission des péchés... que nous pal' l'io1posiLion des rnains accompagnée d'une adju-
devenons des hommes nouveaux "· Ainsi, écrit ration. Ceci a été bièn établi par F.-J. Dolger (Der
.A. Benoît, « le baptê1ne a potll' elîet de chasser les Exorzisnui,s im a.ltchristlichen Taufritual, coll. Studion
démons qui font leur domeuro dans le cœur de l'homine >) zut Gei;chichLe und I{ultur des Altertums 3, Pader-
(loco cit., p. 88). Tout.efois, Je 1nénle auteur note en born, 1909, p. 77 -8'•) . •Ce rite est accompli d!abol'd à
conclusion de SOll étude : c< Il sernble qu'on ait attribué chaque rc~union des candidats au baptême, durant le
au baptême un pQuvoir d'exorcisme. Aucun des Pères 1 carêrne, par des exorcistes, comme l'attesté saint
li est vrai, no le dit expressément, mais leu1• théologi~ Cyprien (lettre 69, 15; éd. G. HarLel, CSEL 3, 2, 1871,
1ier1net da Je supposer avec certitude>) (p. 226). p. 76t,; l?L 3, 1150-1151), puis par l'évêque sur cha.que
, Çe qui par contre apparait cart.ain, c'est que Je bap- cândidat_individuollemont à la lln de la période rJrépa-
tém~ a été très tôt précôdé de dtes ù 'exorci:nne prépa• ratoire. Enfin le sainodi saint, l'évêque fait un dernier
r!}toiros, destinés à écartet· les démons de l'âme. On eL solennel exo1'ch:1n1e sur les candidats rasssomhlos. A
remarquera d'abord que, dès les plus anciens texte~ l'hnposition des rnains, soulignons-Je, sont associés
le baptê1ne est précédé par des jeOnea. Ainsi dans l; d'autres rites. Nous avons déjà rencontré celui de
Didachè : " o.rdonoe au candidat au baptê1ne qu'il jeûne l'?xstill11~Uon . Nous_voyo.ns apparaître celui de la sphra-
un ou deux Jours avant lo haptllme » (vn, t,c). De mê1ne g1.s, du signe de croix tracé sur le !rQnt, les oreilles et .le
chez Justin (1~ Apologiè r.xr, 2, PG 6, 420c), et dans un nez. .Co1n111e. l'a remarq1ié J. Coppens' ce rite a eu lui
t~xte des R aoonnai,ssances Clé,nentines, qui fait pai•tie aussi u11e signification d'exorcisme (L'irnposition des
de Jo couc~e la plus ancienne (nr, 67, PG 1, 1311d). 1nai11s.. , p. 63-54).
Or, André Benoît ren1arque à propos du premier de ces li faul; également 1nentlonner l'onction d'huile pré-
textes : « Le judaïsrno attribuait au jeûne le pouvoil• de baptisn1ale. Cette onction est réservée à la préparation
chasser les déruons. Nous serions ici aux origines de l'exor- immédiate du baptôine, da.ns la vigile pascale. Elle est
cism~ ba~t~n1al postét•ieur » (op. cit., ·p. 11) . L'Évangîle prés~n t<:o dans la Traditior1 apostolique cornrno un exor•
associe d ailleurs jeûne et exorcisme : ,c Co démon ne se cisn1e. cc L'huile de l'exorcisme u est d'abord consacrée
cha.~se que pàr la prière et Je jeflne" (Mt. 1?, 2'1). par l'év,:que, en 1nô1ne LenlJ)S que (< l'huile d'action de
Nous avons de ceci une coufir1nation explicito dans grâces "· L'onction est faite après la renonciation à
un texte gnostique, où F . Sagnli.rd (Clément d'Aloxan- Satan et avant le baptême : u Après la renonciation,
drio_, Ea:tra.its de TJiéodote, coli. Sources chrétiennes 23, qu'on signe (le candidat) de l'huile de l'exorcis1ne en
Paris, 1948, p. 28 1t) volt à juste titre l'écho de la pratique disant : Que tout esp1•it inauvais s'éloigne de toi »
de la Grande Église : « C'est pour cette raison ( = écar- (!16, 9-11; éd. Funk, t. 2, p. 109 ; trad. Botte, p.lt9-50).
tor les dé1nons) qu'il y a (avant le baptême) des jeOnes Cetto onctiQn préhnptismale avec son caractère d'exor-
des SUpJ?Iications, des prières, des impositions de ,nains: cisme p11r$iStera dans la tradition ultérieure en Orient
des génuflexions » (Eœcerpta e:t Theodoto 84; PG \J, el en Oecident. Elle est mentionnée par saint Cyrille
697a; éd. F. Sagnard, p. 209). Le jeOne est assirr1ilé do Jérusalem :
à l'imposition des mains conHne rite d'exorcisma. La Ainsi dépouillés, vous nvez été oints do l'builo oxorciséi:1
rnêrne assinlilation se trouve dans la 3e iloniélù; cz,,- dnp1.1is le ~ommet rie la tête jusqu'à la plante des pieds: .. De
.'nentine (111, 73, I'G 2, 158), qui représente une liturgie ,uôriie quo le souffle des saints et l'invocation du nom de Dieu
du début du 3" siècle (Cf. Strecker, op. cù., p. 111). On b1·ûlclnt le:; du1110,1s C011l111e le farait une il111nn10 très ~rdente
et les n1c, L on fuito, !linsi cotte huile cxorcisuo acquiert, par
peut dès lors penser quo le jei'lne a le m~n1e sens, quand l'invocatinn de Diou et par la prière, uno lollo toron que non
Tertullien écrit que « ceux qui vont se prépare!' au bap- seu lement: elle purifie en les ))r(\lnn t les trac1Js des péchés,
têm~ doiven t. invoquer Dieu par des prières l'erventes, n1nh; qu'elln rnot 011 dérout.e les puissances nuisibles du n1nl
d.es Jei'lnos, des agenouillements ot des voilles ,, (De bap- (Catéchèse 20, 3, PG 33, 1070-1080).
tismo 20, 1, P_L 1, '1222c). l-lerbert Musu1•illo a rnontré
la ~ersistanco dans le 1nonachisme de la conception De pl111;, dès le lllilieu du 3° siècle, avec Cyprien, nous
du Jeûne comme exorcisme ('l'he Prôbkrn 'of Ascetù:al sommes en prései1ce d'une réflexion sur le symbolîsmo
}'asting in the Greek l•atri.stic f'Vriter8, dans Traditio, des exorcismes prébaptismaux. :
t. 12, 1956, p. 19-23). La 1nôcho.ncoté obstinée du diabla peut quelque chose
Par ailleurs, dès le second siècle, le texte de Théodote jusqu'à l'uau so.lutairo, mals ollo pord dan8 ce baptê,no to·utè
atteste, eu dehors du jeOne, des rites d'exorcis1ne donnés la nocivllo do son poison. C'est ce quo nous voyons dans la
par_ l'imposition des rnains. La 'l'radition aposwlique figure do pharaon qu1, longten1ps 1•cpoussll, inals obsUn6 dans
d'Hippolyte nous met. au début du 3° siècle en présence B!Ipertldi,1, a pu l'emporter jusqu'à ln vonuo aux enux, nlais,
d'u1~e ~réparation au JJaptêrne déjà très organiséo, où q\land il y parvint, il fut vaincu et anéanti... Cela a lieu encore
aujourd'hui, qu&nd, par les exorcisteij, le démon est ·frappé et
ce rite Joue un grand rôle : brûlé au 111oy0n d'uno voix hu1nain0 ot d'une p1,1issauc0 divine,
1nais, bien qu'il affirrno qu'il va s'on aller, il n'en tait rien. Mais
A partir du jour où ils ont été choisis, qt1'on impose chaque
jour los rnain.a (aux clccti) on los exorc:is1.1nt. A l'approche du
quand on en vient à l'eau salutaire, nous avons confiance que
le diable ûst anénnli (lettre 69, 15; écl. O. Ho.rtel, CSEL 8,
l
.Jour où ils Sàront baptisé$, quo 1'6vêquo oxorciso chacun d'eux 2, p. 764; Pl..,, 3, 1'150-1151 ).
pour. _6prouvor s'ils sont purs ... Le samedi, quo l'ôvôquo le;
réunœse tous en un 111fün0 lien ... J<Jn leur imposant les mnins
qu'il conjure tout espril étranger de s'éloigner d'eux et de n~
Ici, nc,us voyons affirn1é cla,iremont l'exorcismo dans
pl'!8 !1
rovenir clésormo.i~ chez eux. Quand a _terminé l'exoiy,isroe, sa distin1:Lion d'avec le baptême. Nous y voyons aussi
!I
qu souffla 1>11r Jour VIS!lgo ot après avoir signé le\lr front, lellrs apparaitre l'ordre des exorcistes dans sa fonction cul-
ON:1lles et leur nez, qu'il les fa.sso sc rolevor (Ràglen11111t apos - tuelle.
tol1guc 45; ùd. Funk, op. cit., t. 2, p. 108-109; lrad. B. Botte, Ce teJc te est important pour situer l'exorcisn,e par·
2003 EXORCISME - EXPÉRIENCE SPIRITUELLE 2004
rapport au baptême. D'uile part, il souligne la différence cornu18 hôte le Roi célC;!ste, après notre sermon, ceux qui ont
profonde qu'il y a entre eux. Les exorcismes sont des 6tô désignés pour l'office dont il s'agit vous l'eçoivent et, tels
rites p1•éparatoires. Ils sont du même Ol'dre que les des gens qui donnent bon air à une n1aison où le Roi dQit deij·
exorcismes faits sur les malades et les posséd6s. Ils ccndt•e, ils purifient entièrement votre esprit par ces redouta•
hies pnroles qui en expulsent tous les apprêts du Malin... Car
ont pour objet de combattre les influences des esprits il est împo6!1ible que le démQn, si féroce et si redoutable qu'il
mauv&is, cau:ies des passions coupables. Ils l!orres• soit, ne doive, 11près l\ia paroles redoutablos ot l'invocation du
pondent à la conversion que constitue le catéchu1nénat. Maître connnun de toua lei; Gtres, vous quitte1· on toute hâte•
Ils ne libèrent pas encore de l'emprise radicale que le (Catéclulses baptis1na!es 11 1 12; éd. ot traduction, retouchée,
démon exerçait sur l'hornmo du fait du péché originel. A. Wenger,. coll. Sources ch.r6tlonnes 50, Paris, 1957, p. t:19·
Seul le baptôme opère cette délivrance. Et saint Cyprien 140). Bien que le rite do l'cxsuffiation ne soit pa., montiQnnô,
montre 'bien la continuité entre les deux aspects. L'ini- l'image del'• a61•alion • le laisse supposer.
tiation chrétienne tout entière est conçue en fonction De cette enquête sur le christianisrne ancien, nous
de la lutte contre le démon. Cette lutte s'exprilne dès pouvons tirer une conclusion sur la nature do l'exor·
la cé1•é1nonie qui inaugure le catéchtunénat tivec la cisrne. Celui-ci est essentielletnent l'act.e par lequol
J)re1nière renonciation à Satan. Elle se poursuit dans los l'invocation du nom do Diou et de celui du Chriat pos-
exorcismes. Elle s'achève par lo baptême mê1nn (voir sède une elllcacito pour -0hasser les démons. Cet exor•
,J. Daniélou, Bible f:t liturgù1, coll. Lex orandl 11, 2° éd., cisrne a deux applications r,rincipales : la guérison de-S
Paris, 1951, p. 29-4'.1). , maladies du corps, considérées comme liées à une
Lo fte sièclo nous met on présence d'une préparation possession démoniaque; la g11érison des maladies de
au baptôme qui prolonge ce que nous présen l.ai t le l'ârne, considérées com,ne liées aux démons des vices.
3° et où les exorcisrnes tiennent une g1•ande place. Il y a L'invocation do la parole de Dieu est liée à un rite qui
d'une part les exorcismes individuels qui accompagnent est primitive1nent l'imposiUon des mains, mais qui peut
les réunions quotidiennes des candidats. Citons 1Jeule- aussi par la suite être l'exsufilution, la sighation. avec
rnent entre beaucoup d'autres le témoignage d'Ji:thério: le signe de la c••oix , l'onction d'huile. li persistera dans
c< L'habitude est ici que ceux qui doivent être baptisés l'Église sous deux formes différentes : celle des exor•
viennent tous les jours pendant le r.arê,ne et d'al>ord cismes pratiqués sur des 1nalades considérés comme
ils sont exorcisés par les clercs» (Journal 46, éd\ P. Geyer, possédés, celle des exorcismes i~tégrés dans la liturgie
CBEL 89, 1898, p. 97). Il y a les exorcismes plus solen- préparatoire au baptême.
nels qui accompagnen·t les principales étapes de la 1irépa- Jean .OA'NtÉLou.
ration; nous so1nmes en particulier en présence, dans la
liturgie romaine, de la question de la discipline des scru•
tins. Il y a oniln l'exorcisme qui accompagne dans Ja EXPÉRIENCE SPIRITUELLE. - Le ter1né
nuit pascale la préparation immédiate au haplên1e. d'expérience eat u n des maîtres-mots de la pensée du
20 8 siècle. Aussi, avant de l'utiliser en vie ch1•étienne,
A. Dondeyne, La clisciplirLC des scru.tins clans l'Église latine il convient d'on préciser le sons. - 1. Sens du ter111e
1uia111 Charlcmag1LC, Il.BE, t. 28, 1932, p. 5•83, 751-787. - « e:vpérience ». - 2. .Expéri:ence religi,euse, spirituelle,
A. Chavasae, Ll carAt11e ro111ain el les scrutins prt!b(J.pû~ma.cL.'C
a~ant le 9• siècle,' dana Reclierclies de science religie!J.,ç!,, t.. 3/i,
,nystique. - 3. E:epéri'.ence spi'.rituelle dans la Bible. -
1948, p. 325-381. - A. Stonzel, Die 1'aufe. Ei11e gen,iti$che '•· Usage de l'expérience dans la vie spirituelle.
Erl<liirung der 'l'aufliturgie, Innsbruck, 1958. - ,J.-M. J1ana- 1. Sens du terme « expérience ». - De
scns, Scrutins et Sacran1entaires, dans Grei;orian1u11, t. ~1, nombreux philosophes ont exalté l'ex.1)érionce on oppo•
1960, p. 692•700. sition à la connaissance abstraite. Cette prise de posi•
Sur le plan des rites, le ,le siècle et les siècles SHivants tion « est animée par un sentiment de 1iléflance radi-
n'apportent pas d'élé111ents ilouveaux, ils présoutent cal à l'égard de J'inteUigence dont le gosto ultime
seulement des 1nodes d'aménagements 1nultiplt1s sur doit être Je renoucement,ou, plus exacten1ent, l'eltace-
lesquels nous lle pouvons nous étendl'e. Ce qui nous ment devant une expérience authentique. La connais-
intéresse c'est l'interpl'étation donnée aux exorcis,nes. sance est dite en marge de l'Axistence » (fld. :tliorot-Sil',
Nous rencontrons un texte remarquable do Cyrille de ]11troduction critigue à une philosophie dé l'1Jsprit, dans
Jérllsalom : En,cyclopé<lie française, t. 19, Philosophie-Religion,
Paris, 1957, p. 19.08.-1). L'expérience est ainsi fré•
Recevez les exQrcisn1es (trcnp,uoµol) avec dévQtion. Qu'on que111ment définie com1ne un éta t humain plus nuancé,
vous exorcise ou qu'on souille sur vous, c'est pour votre bien.
Imaginez do l'or souillé, gâté, 1nêlli d'éléments divers... l:ians le plus riche, plus con1plet, d'appréhension d'une réalité
fou, impossible de le dégager des n1atièràll étrangères. Do même, qui se donne comme présente et qui est saisie avant
sans les exorelsmes qui sont divins, Urés dël! saintes lllcritures, l'intervention des idées absttaites. Franz Grégoire
il est impossible do purifier l'iimo... Co1n1no los rondeurs d'or, s'est efforcé do précisol' les diverses acceptions du ,not
en soulJlant (rcv~01,1,«) sur le feu, lont gonOor l'or cach6 dans sa e:x:pél'ience. L'expérience peut être pris1:1 au sons géné-
gangue, ainsi les exorcistes, chassant )o. crainte pnr l'Esprlt ral de constatation, c'est une saisie im,nédiate d'llno
(ml&01,1,0t) de Dieu et taisant bouillonner l'âme dans lo corps ch.ose individuelle,. L'expérience peut encore désigoer
commo dans une gangue, chassent le d6nlon en111J11ti (l'roca- la · connaissance vécue (Erlebnis) d'une situation ou
tcchesis 9, PG aa, il48a-349a).
d'une idée. « C'est la réaction prlinitive, a!Tective,
L'in.t érêt de ce pasi,age ei,t le symbolisme qu'il donne active et viven1ent consciente en ha.rn1onie aveè cette
dll rite de l'exsufilation, comme communication de idée ». Dans son sens plein, il s'agit ici, non d'urie
!'Esprit Saint qui chasse les esprits mauvais. Saint « connaissance ~ccompagnée de vie (sentiment, vo\iloir,
,Joan Chrysostome <le son côté se préoccupe de dégager action), mais connaissance par l'intermédiaire de la vie
le sens des exorcisrnes : (co1nme 111edium quo) ». En ce sens, l'expérience reli-
• Il laut qué vous sachiez pourquoi, après (;(li.te instruction gieuse se traduira donc par une connaissance vécue
quotidienne, nous vous livrons aux paroles des exorcistos. Ce des réalités religieuses. Cependant, la notion « d'une
rite n'est pas sans portéo ni raison. Puisque vous allez 1·ucevoir connaissance vécue de l'a'bsolu personnel est bien dis-


2005 NA'fURE DE L'EXPÉRIENC'.E SPIRI'fUELLE 2006
t tincte do colle d'une constatation spirituelle d o cet que dans une ouvertu1•e au 01onde, aux autres et à Dieu.
s

-0bjet ». Si nous co1np1'enons bien, cela signifie qu'une C'est en ce sens que Gabriel Marcel parlera d'une~ expé•
• certaine expérience de Dieu n'est pas nécessairement rience de la transcendance » qui n'a rien de commun
~ équivalente à une intuition intellectuelle ou à une vision avec le sens religieux ilnmanentlste et S\lbjectiviste du
1 de Dieu. L'expérience peut encore être prise au sens 1nodornisn1e. Nous sommos, ici, au delà de l'empirique
1 d'essai ou d'expérimentation, ou onco1·e au sens de et de l'expérimental, dans ce que l 'on appelle pa1•fois
connaissance habituelle. !.,'élément commun à. cos qua- « l'e:t:périe11tiel, c'est-à-dire une expérience prise en sa
tre sens du rnot expérience seraiL une « connaissance t.o tali l:6 personnelle avec tous ses éléments structuraux
immédiate do choses concrètes pur opposition à uno et tous ses Pl'incipes de mouvement; une expér·ience
science absL1'aite eL discul'sive ,, (F. (lrégoire, L',:ntu1:- bâtie ,~t saisie dans la lucidité d'une ,censcience qui se
tio1i selo11 Bergson. Étude critique, Lou vain, 194 7, p. 122· possède et dans la générosité d'un ainour qui se donne;
·t 25). bref, une expérience pleine1nent personnelle au sens
Dans la philosophie du 20" sièclo, lo t,ern10 d'expé- strict du mot. En ce sens.. , toute expérience spirituelle
rience a pris encore des ûonnolations plus vastQs, autht,nUque est de type expérientiel » (,Jean .l\ilouroux,
L'expérience no s'opnoso plus à la connaissance ou à L'expârience chrét1:e,u,e, coll. 'l'héologie 26, Pal'ls, 1952,
la réflexion, - sinon à unA connaissance desséchée, p. 24).
abstraite, purenV:Jnt concepLuelJe eL « rep1•éseota-
2. Expérience religieuse , spirituelle, mysti-
tioniste " ou ,, spectaculaire •>, détachée du sujet - ,
mais au con Lraire, elle l'enveloppe. Ainsi le meilleur que. -- Cotte nouvelle façon de concevoir l'expé-
interprète de Gabriel l\'Iurcel éurit : « Plus nous saisissons 1•ienc,: n'a pu manquer d'exercer une influence sur la
l'expérience dans sa co1nplexité, dans ce qu'elle a d'actif notion de l'expérience religieuse, de l'expél'ience spiri-
ot de dialectique, plos nollS comprenons comment elle tuelle ou de l'expérience mystique. Notons d'abord quo
se mue en réflexion; nous serons même eu droit de dire ces trois formes d'expérience ~e sont· pas équivalentes.
qu'elle est d'autant plus expérience qu'elle est plus plei- Qu'est.-ce que l'expérience religieuse? Dans la plu-
nement 1•éfle:x.ion » (R. Troisfontaines, /Je l'existence de part ries travaux contemporains, l'expérience religieuse
l'être. La philosop.hie de Gabriel Jli/.arcel, t. 1, Louvain- ne peut plus s'entendre comme ,, un terme vague dont
Paris, f953, p. 20'(). L'oxpériAnce ne désigne pas non plus ort se s1~rt pour décrire l'élémen L sentimental de l'expé-
un empirisme phéno1nénal, aussi (Jabriel Ma1·cel désigne- rienct, 1•eligie1.1se P (R. H. Thouless, J11troduction to the
t-il sa pensée coi;nme u n « e1npiris1ne supérieur ». En ce Paychology of Religion, 2c éd., Cambridge, 1928, p. 5).
sens également, on désignera parfois la connaissanoo La n,)tion d'expérience teligieuse qui se dégage des
métaphysique comme une expérience (E,tpéricncc, dans 6tucle:, les plus récentes, uelle de Ftudolf Otto, de
A. J.,alande, Voca.bula.ire technique et critiqr.1,ll de la phi• Max Scheler, de l{arl Girgonsohu, de G. van der Leeuw,
loaophie, 78 éd., Paris, 1956, p. 822}. d o Mircéa Eliade, est beaucoup plus réaliste et inté·
De même au 20c siècle, l'expérience ne dé1dgne plus gra le que celle do Fr. Sclùeie1•1nacher et. du courant
seule1nent la conscience psychologique des état-s internes subjectiviste is.c;u de lui. L'expél'ience religieuse n'est
d'un sujet, surtout. dans leur aspect atrcctif ou é1notion- pas une émotion vague sans objet précis, ni la conclusion
nel, une introspection qui de1neure au niveau psycho- sentin1entale d'un systè,ne philosophique étriqué,
logique. Ce sens très courant au 1 ge siècle, et qui expli- cornrne la cc religion naturelle» du déisme du 18° siècle.
que pour une bonne part la méfiance de la théologie Elle -us!; l'expérience fondainentale et ultime, à la fois
objective, est rnaintenant supplanté. De même ql1e personnelle et communautaire, doctrinale et cultuelle,
l'opposition entre ilnmanencc et transcendance. « La que l 'on retrouve, et là uniquerncnt, dans Loutes les
transcendance n'est nullomen t une direction suivant religions positives avec des nuances particulières.
laquelle on s 'éloigne de l'expétience : elle est, au Dierl que certains auteurs (Otto, Girgensohn, Scheler)
contraire, une aspiration vors un n1ode d'expérience de accon tuent l'intuitionnisine de l'expérience religieuse aux
plus en plus pur en 1nên1e ·Leinps quo de plus on plus dép,~n.s do la connaissance théorique ou spéculative, ils
riche " (R. Troisfontaines, <HtP, cùti, p. 252). Dans son soulignent cependant la spécificité de la $phère religieuse
acception actuelle « l'expérience est la présence irnrné- et de la catégorie du sacré. En outre, Max Scheler
diato et directe de ce qui se montre à nous )1 (l\1ax Müller, soulîgno non. seulement la spécificité, màis aussi l'objec-
Expérienc(! et histoire, Paris-Louvain, 1.959, p. 1.3). Llvité de l'acte religieux. Il n'y a de besoin religieux que
L'expérience s'oppose ainsi au mode de conoaissance lorsqu'il y a besoin de l'objet de l'acte religieux (Vom
où la réalité visée n'est pas immédiatement présente Ewig1.,11 im Menschen, Leipzig, 1921, p. 525, n. 1).
à la conscience, mais 11e se rend présente que d'une Cet objet n'est pas seulement Je divin ou Je sacré indé-
rnaniére indirecte et 1nédiate. L'oxpé1·ioncc désignera terminé, 1.nais, pour Scheler, une personne divine
donc soi.t la situation globale, à la fois vécue et réfléchie, absolue et. parfaite avec qui l'être humain peut entre-
d'un être humain immergé dans le ternps ou l'histoire, tenir les relations personnelles de la p1•ière et de l'urnou,•. 1
mais aussi ouve rt $Ur l'éternité; soit une des modalités L'erreur des systèmes intuitionnistes est de décrire
déterminées et spécifiées de cette -expérience globale. l'expérience religieuse co1nme une expérience immédiate
Mais dùns ce cas, la conscience sans laquelle il n'y a du divin; or la dHl'érence entre l'expérience religieuse
pas d'expérience humaine, ôtant toujours consciente et l'expérience rnystique consiste dans le fait que l'une
de quelque 1chose, chaque ,nodalité de l'expérience est n11:diate, tandis que l'aut,·e est in1médiate, du 1noins
globale est la visée d'un objet spécifique. Il y aura par rar,pol't à la conscience que le sujet peut saisir de
ainsi expérience esthétique, morale ou religieuse. ses expériences. Jean Mouroux insiste, à juste Litre, sur
L'expérience n'est donc pas si1nple1nent affective la présence à la conscience de ces médiations. La reli-
(excluant la connaissance) ou purement subjective ou gion, écrit-il, est « la relation à l'être sacré comme tel »,
immanente (excluant l'objectivité et la t.ransccndance); et c'esl. la. conscience de cette relation en tous ses aspects
elle est à Ja fois vécue et téflécllie et ne se constitue qui constitue l'expérience religieuse. Cette expérience
comme une structure de la conscience pel'Sonnelle intégrale, et ceci est très important, -est toujours la
1
2007 EXPf:RIENCE· SPIRI'fUELLE 2008
perception « dl une présence à tra vel's des sigt\l:!S », C~tte expérience ne désigne pas seulen1ent los mouve•
le signe principal étant l'acte religieux lui-rnême. « C'est monts de la sensibilité soulevée par des émotions reli-
cet àcte, avec toutes ses co1nposantes, qui est le 1nôdia- gieuses, un sentir, des cqnsolations sensibles; elle ne
teur de la présence; et l'expérience religieuse est exac- désigne pas non plus uniquoment l'intériorité de l'âme
• tement la con1mience de l(J, mt!diatio,i quo réalise l'acte, contemplative, favorisée de grâces d'oraison, et qui
la conscience de la relation qu'il noue entre l'homn1e et cherche dans le silence, le ri;lcueillement et la solitude,
Diou, par suite la co11scit,1ce de Die1i co1n1ne ter111e posé., à retrouver çt à expérhnentel' la présence de la Sainto
8t posant, d8 la relation. Pensées, attitudes spirît1)ollos, Trinité. CeL aspect reste toujours essentiel, peut -être
sentiments, actions religieuses, c'est à traver,'j Lou L cela même prépondérant, mais non pas exclusif. L'oxpé•
qu'on saisit Diou et. que se réalise l'expérience religieuse,, rience chr6tienne globule transcende la distinction
(J. Mouroux, ou11. cité, p. 31-32). entre spiritualité objective et spiritualité subjective,
Que peut-on entendre pur expérience spirù111?lle? entre la conternplation et l'action, entre l'oraison et
Ce vocabulaire est ambîgu, car ces termes sont l'réq11cm- l'apostolat, crue les écolos diverses accentueroiit davan-
n1ent einployés aujourd'hui en philosophie pour dési- tage. Ceux qui opposer•aien t à la prière et à l'oraison
gner une expérience purement philosophique : << la contemplative, à la vie intérieure et à la vie spiri tuelle,
conversion on intériorité réflexive 1, , Cette convcl'sion teJJes que da n$ le pas$é elles étaient parfois proposées
qui consiste à pl'éfér•er les idée$ aux sen..c;ations n'est trop unilatérale1neot, « un contact tout objectif avec
aucunement une conversion religieuse, niais le dôpas- la parole do Dieu présentée dans son contexte litur-
sement d'une appréhensir,n purement e1npirique do la gique », briseraient l'unité do l'expérience chrétienne
réalité ou d'une téOexiou su,· la vie psychologiqu1i pour dans la diversité des vocations, des missions et des cha•
accéder à une saisie do la réalité de l'esprit (G. Bastide, rismes. De soi, l'exp/irienco chrétienne, dans sa roulti-
.l,a conversion spiritu(Jlle, Par•is, 19~6, p. 43, ?'•). L'expé• plicité et son unité, transcende Ja distinction entre
rie nce spirituelle désigne ainsi une méthode réflexive l'intériorité et l'extériorité, entre la conten1plation et
de philos·opher q\li peut se déployer dans un contexte l'action, et elle ne s'exprime pas unique,nent dan.~
idéaliste ou dans un contexte réaliste. L'expéril1nce l'un ou l'autre aspect.
spirituelle en ce. sens est toute expérience où la réalité • Com1nent pourrait-on raruser le privilège do l'objectivité
proprement spirituelle de l'être humain, s'affirm<1 et à qui s'efface toute une vie devant l'objet do son amour,
s'enrichit. Elle peut désigner des expériences très diffé- nJors que tnnt d'aut.res se récherehont 6perd'On1ent dans des
rentes : métaphysique, esthétique, morale et religieuse be5ognes plus réalistes et 1nôme plus altruistes?.. Pourquoi
(G. Madinier, Con.science et sig11if,,catio11, Paris, 1958, instituèr ur\é eornparalson dé!avo1·nble entre cett1l présonco
ch. 5 Le,9 caractère11 de l'expéri8ncti ., pi:ri,tuellc, p. 92-·I 'I. 4; transsubjcctivo du Christ dana l'â1110 du 1nysliquo, les paroles
A. Forest, La 11ocat.ion de l'esp,·it, Paî'ls, 1988). L'arobi- du 1nême Seigneur, tAlles que l'~crllure nous les rapporte,
guïté dont souiTrent los t ermes d'expérience spirituelle ou ses geste,.~ sanct.ifl1111têurs 1.1Ccon1plis nu sein de l'Église en
climat liturgique, puisquo tout cola est un? • (l~ranço~ da
se reLtouve égftlernent lo1's(1u'on les uLilise dans les Sainte-Marie, Liniinaire dans I-Ians Ura vQn l3althasar, Eli-
études religieuses. Ainsi dans la nouvelle Encyclopédie sabeth de la 1'rinité et sa mission spirituelle., Paris, 1060, p, 11,·
f ra11çaise, vie mystique est synonyme d'expérience s1liri- f5).
tuelle. Le spirituel est celui dont « la prière alo1•s r\'est • Plus une personne est attirée vèrR Dieu, plus clic doit ensuite
plus dans sa vie; c'est sa vie qui est, si l'on peut dire, sortir d'e.llo-même pour aller vera lii inonde, afin d'y porter
dans sa p1•ière ». Une phénoinénologie .de l'exp6ricncc l'an1our divin », écrivait ~dith Stein (Edith Stein, par urie
spil'ituelle découvrira les caractères suivants. Cette moninlo française (elisabelh do Miribel), Paris, 19!.it,, p. 66).
expérience est ineffable, elle nous élève au-dessu,; du Ilien n'est plus traditionnel que la présence au cœur
temps, elle nous détache du moi, elle atteint Dieu dans de la contemplation la plus haute d'un désir aposto-
l'âme, elle conduit à l'arnour des hornmes, elle est criti- lique. « La conte,nplaUon qui fait participer à l'inten-
qua et non point. naïve, c'est-à.-diré qu'elle connaît tion divine et puiser ses sources dans la grdce, n'est•
les éc\lells qui la menacent, les fais! fication.s auxqnolles elle pas, dans sa propre ligne, un apostolat? » (J. Mq,ré-
elle est exposée, les corrupLions qui la guettent ((la$- chal, Étude sµ r la psychologie des ,nystiques, t. 2,.
ton Berger, La vie spirituelle, dans l'En q1clopi:die Bruxolles-Pttris, 1937, p. 25t,, n. 2). Emmanuel :tvlou-
française, t. 19, p. 19. 36-10). nier a bien exprin1é ce caractère intégral de l'expérience
Ce n'est point tout à, fait ainsi que nous pouvons chrétienne :
entendre ici l'expérience spirituelle, mais au sens d'u ne
Le devoir d'inçarnatloa nous oblige dans chaque n1on1ont
expétience chr6Lienne., intégrale et consciente, inté• du temps à tenir 011s0n1blo les conditions les plus contradi1!toires
riorisée et vécue; c'est l'appropriation personnelle, :,ans pour le bon sens, à mourir au monde en même te,nps qu'à nous
cesse reprise et approfondie, des mystères de la foi y engager, Il i1iér le quotidien et à le sauver, à nous affiigor dans
et des grâces sacrarnentelles. On peut écrire en ce S1:ins : le péché et à nous réjouir dans l'honnne nouvoau, à ne comp•
ter de valeur qu'à l'intériorilé, mais à nous ropandro dans la
Tout l'enseignement, toute la pointe de l'exhortation tou- nature pour conquérir la vie univ0rsollo à l'intériorité, à nous
jours renouvelée des spirituols et dos saints ost là : nous 1·11r,or- connaitre la dépendance d'un néant ot la liberté d'un roi, p11r•
suador sans cosse de ·nouveau que ni l'adhésion à la roi de .dessus tout à ne jamais tonir aucune de ces situations partagées
l'lngllso, ni lâ pratique de ses rites et de ses saere1nents ne nous pour substantiellen1ent contradictoi res, ni pour dêfinitivoment
vaudra rien sans un effort que nul autre que nous ne peut. raire résolubles dans une expérience de l'honnne (dans Fran•
ppur nous et'qui est l'eftort de mettre sa foi dans sa vio, de çow do Sainte.Marie, ouv, cit4, p. 18).
féconder Ra vie pnr la grâce aacrarnentelle. San~ cette rsponso
'
intérieure, sans son authonticit6 stricto1nont porsonnullu, tou te Il convient cependant d'essayer de préciser davur.-
la tradition cathollquo est là pour nous dire qu'efTecUvc,rnont tage le sens que peut prendre l'expérience chrétienne
la pratique la plus scrupuleuse do la religion extérieure et la en fonction d'une difficulté qui lui est inhérente.
profession la plus exacte dans ses termes de ln foi de l'Église,
non seulement ne nouij serviraient de rien, mais seraient notre L'objet de cette expérîence, ce sont les mystères de la
propre cond11mn!ltion (L. Bouyer, Du pro1esta11li1n11e à l',l::glise, foi, la Sainte Trinité, Je Christ, la grâce; or, ces réalités
coll. Unan1 Sanctam 27, Paris, 1954, p. 120). divines, rnême dans leur aspect anthropologique : la
2009 NATURE DE L'EXJ'.>f:JtIENC.E SPIRITUELLE 2010
conscience justifiée par la grâce et la chal'ité, ne sont à la foi. Tout d'abord, l'obscurité qui lui ei;t essentielle,
ac'cossiblos qu'à la foi, uno foi qui s'oppose à la vision,· l'absen c1➔ d'évidence intellectuelle qui appelle l'inter-
, /J. l'intuition, au savo\r. eL à l'expérience (S. Thoma.<J, venlio11 de la volonté. Deuxièmement, le n1orcellement
So,n,ne théologique, 2 8 2ae q, 1 a. 4-5). La foi porte par et la ,nultiplicité d'idées et de · propositions dans les-
déllnition sur clos mystères qui restent cachés, qui ne quelles l'adhésion de foi doit nécessairement s'exprimer.
sont pas apparents à nos facultés humaines <l'appréhen- Cependant, dès sa première démarche, la foi est déjà
sion quelles qu'elles soient. Si les mystères sont impé• visée et attointe de la réalité divüi.e elle-mên1e à travers
néLl'ables à la raison, ils le sont tout autant à toute les expressions indisp.l,lnsahles du langage (S. Thomas,
forme d'lr1trospection psychologique ou 1nê1né haute- So,n,nt, théologique, 21l 2111• q. 1 a. 2 ad 2). Mais cette
mont réflexive. Donc, d'une part, lorsqu'on parle ,1 irn1né!diatel.é i, de la roi dans son fonderne nt propre-
d'expél'ience, on fait appel à la saisie expérhnentale et 1nen t i;urnaturel, son caractère infus ne se dévoilent, ,j
. vécue d'une réalité p1·ésente; d'autre part, lu vie dans s'ils se dévoilent jamais, que dans l'expé1•ience mystique .
la foi, la vie spirituelle dans la conscience du croyant, Celte expél'ience, sous l'influence des dons d'intelli-
dans son être et ses di1nensions propre,nen t surna tu relies, gence et de sagesse, conduit la foi au delà du morcolle-
ne sont accessibles à une snisie réflex.ive que par le 1nont nôcessaire de ses p1•oposltions et de $8$ ar·Licles,
détour de la foi. Sans doute les Personnes divines et et de la 1nultiplicité de ses actes, vers une connaissance
les effets qu'ell1~s infusent dans l'âme lui sont immédia- confuse et indistincte, qui est une connaissance néga-
tement présents dans l'ordre ontologique, ;nais non tive, nnn seuJement t,béorique comrne en théologie, niais
dans l'ordre épistémologique. vécue. Tous les 111ystiques font allusion à cette appréhen-
Une tradition quasi unanhne a reconnu l'exjstence sion obscure et indistincte de la réalité même de l'objet
d'une expérience spirituelle, au sens fort du mot, de la roi, c'est-à-dire du inystère divin, L'âme entre
dans l'expérillnce my&tique, jusque dans les premiet'S alors dans la c1 nuéo ,,, dans la <( ténèbrc ", cotte <( ténè~
degrés de la contemplation ou. ce que Léonce de Grand- hre » clH l'ignorance... dans laqüelle nous nous unissons
maison appelait los « oxorcices mystiques"· Là, il s'agit le 1nieux à Dieu, comme le dit Denys, et qui est une
vrai1nent d'une expérience oo 11 l'homme a le sentirntint nuée dans laquelle Dieu est dit habiter " (1 Sent. dist.
d'entrer, non par un effort, 1nais par un appel, en contact 8 q, 1. a. 1. ad li). 1, Nous connaissons Dieu par ignorance,
immédiat, sans imago, sans discours, mais non sans écrit encore saint Thomas, scion une certaine union aux
lumière, avec une bon lé innnie ,,. Là, no\u; a vons vr'ai- réalit6i; divines qui est au-dessus de la nature et de
nient une « perception quasi éxpérirnenta.Je de Dieu, l'esprit. ,, (Jn libr1an De divinis no,ninibus, c. 7, lect ~;
d'une intensité et d'une clarté très variables » (La rcli• voir aussi c. 1, !oct. 3).
gion personnelle, P9-ris, 1930, p. :1.5\l). JI est triiditionnel 1'0111.erois cette connaissance mystique ne se produit
et légiU1ne d'user des rr1ots 1, expérience »et« expérinicn- pas daus la ligne de la conte,nplalion ou de J'in l.uit.ion
tal », ou .1Pôme de parler de connaissance « immédiate ", intellcc.tuello, comme lA jugement de sagesse propre à la
ot plus certainement encore d'expérience alîecLive théolol{ie, rnais dans la ligne d'une sagesse mystique,
irn,nédiate. Une expérience affective, par définition, affective, vécue et expérimentale (So,n,ne théol<>gique,
désigne ·1a perception directe d'une réalité présente, 2c. 21\0 q. 1,5 a.2; a.a ad 1; q. 97 a.2 ad 2; 1 ~ q.1 a.6 ad 3).
par opposition it une connaissance qui procède de La lu11iière surnaturelle propre à la contemplation
façon discursive d'un terme à un autre. Il n'y a pas mystiqno ,1 fait abstration de l'évidence ou de l'inévi•
d'expérience sans une certaine itnmédiateté qui pour- dence ", parce qu'elle est essentiellement une union
rait être d'ailleurs une irnpression psychologique sans d'amour dans une expérience de présence vécue
être nécessùirernent une réalité épistémologiq1ie. Les (,J. M. ltan1frez, De hominis beatitudi11e, t. 1, Madrid,
théologiens sont divisés sur la p1•ésonco ou l'absence 1 ~l!t2, p. 74).
<l'un inter,nédiaire noétique dans la plus haute connais- Solon ln co,nparaison de sainte Thérèse cl' Avil~, dea per-
sance mystique et sur son espèce. sonnes qui s'ahncnt peuvent être prt\ijentes l'unè à l'àutre
Soin,t 'l'homas, pour désigner après le pseudo-Denys dans l'obscurité., Je vous dirai qu'il en est d'ello (l'limo) co1nme
1 le ,1 pati dù,in(l, ,,, $0 sert de:; 1nots ,1 ex.pél'ieoce i, ou d'une poraonne qui, étant en co1npngnlo do plusieurs autre.~
« quasi-expérience » avec une certaine liberté (Som,ne dans u11 app11rt01nont très éclairé, cesse de les voir parce que
lhéôlogique, 21> 211<: q. 1,5 a. 2; 1'-' q. tia a. 5 ad 2; 111 21lC l'on a !cr,né lès fe1H\lrès et que l'on se trouve dans l'ohsc11rité.
TanL quë la l111nièro ne revient pag, elle ne ce6se point cependant
q.112 a. 5; 1 Sent. dist. 14 q. 2 a. 2 ad 3).
d'ôLre u,;sur6o do !OUI' présence• (Ch<2t~au de t'd111e, 7• demètlre,
Jacques Mari Lain écril à co pi•opos, ot à bon d1·oil: • Co qu.a.si ch. 1, Lrad. Grégoire de Salnt-Jo~liph, Paris, 191,9, p. 10â1).
esl là pour• n1ainlonir los privilèges de la lransccndanco divine;
il ne diminue on rien ce qu'a pour nous de pt•opromont expé1•i• Il fauL 1•ernru·quer que cotte expérience reste toujours
1nental la contemplation intuso • (Les degrés du sa.voi11, 4° éd.,
Paria, 1982, p. 489, n. 1). An1broise Oru-deil (Ex<1h1c11 <lé cons- dans la sphère de la foi (~.-M. Labourdctte, La foi
cie11ce, dans Rec>ue tho111îste, t. 81,, 1929, p. 272 et n. r.) estime théologol11 et la con,1aissance m.y1.1tique d'après S<,iirlt
quo lo torn10 • oxpérionca • est., choz saint '1'110,nus, plus fré- Jean d11 la. Croix, dans Revue thorniste, t. 41, 1936,
quent, Lill-mê,no parle do la ré1disation et do l'achùve1nenL p. 593-629; t, 42, 1937, p. 16-57, 191-229). La foi, en
de l'expérience mystique con11ne d'uno • percepllon hnmédiate quelqu1~ sorte, découvre ot désigne l'objet de l'amo\1r,
et expérin1entnle du Dieu substant.lcllen1cnt présent en l'dn1e auquel est spécialenlent rattaché le don de sagesse. Le
j1.1ste, c11mn1e objet t:le sa connaissance et de son amour • don d'intelligence purifie la foi , mais sans lui enlever
(La structure de l'd1n~ et l'e:1:périencr. 111.ystÎt)llC, t. 2, f>ariR, 1927, l'obscu,•ilé qui lui est essentielle, puisqu'elle la dirige
p. 23t).
dans le sens d'une appréhension négative eL indistincte.
Sans doute, cette expérience restc-t-ellc aussi toujours Sur cel.to réalité divine qui l'este toujours voilée en
qépendante de la foi, et, par conséquent, on serait tenté dehors de la vision bienheureuse, la sagesse porte · un
de soulever la nHîine difficulté que pour l'expérience jugomont, non en vertu ()'une intuition inleUectu~lle,
chrétienne commune. Mais l'axpérience mystique tend qui rendrait l'objet divin intellectuellement évident,
précisément à surmonter la double déficience inhérente mais en fonction d'une interpénéLrat,ion afl'octive qui
2011 EXPÉRIENCE SPIRITUELLE 2012
dépasse le n1ode conceptuel et intentionnel de la foi. je donne mon assentiment il tous les a1•Ucles de foi rue
C'est ainl!i que l'on peut concevoir dans l'expérience fait saisir que j'ai la foi. « Celui qui a la foi, écrit saint
mystique une vél'itable expérience des 1•éalités divines 'l'homas, sait qu'il l'a ». C)u encore : ,, Bien que la loi
qui domoure cependant dans la sphère de la foi. Mals ne soit pas connue pat• les 1nouvements extérieurs du
ces traits qui sont propres ù l'expérience mystique ne corps, elle est cependant perçue par celui dans lequel
valent pas pour l'expérience spililuelle habit,lH:lle. .Où elle est, par l'acte intérieur du cœur. Nul ne sait, on
t1•ou verons-nous donc les principes qui inspi r·ent eL effet, qu'il a la foi sinon pùrce qu'il se p~rçoit en acte
légiti111eot la possibilité de cette dernière expérience? de croire » (So,nmc théologique, 1 B q. 87 a. 2 ad 1 ),
Il s'agit ic.i d'une expérience où la foi g-arde sorr carac- ,1 Ain.si, coo1n1en le Jean Mouroux:, je perçois directe-
tère intentionnel ou conceptuel; par conséquent, celle rnent mon acte de croil·e, mon acte spirituel, et par
expérience n'est pas une expérience itnmédiate des cette perception je sais que j'ai la l'oi )> (ouvr. cité, p. 6?).
réalités divines, 1nai!, des signes que laisse dans l'âme Nous avons donc une perception rle notre foi, parce q1.10
el la vie du croyant la présence de Diou. ,, Qui di l inten- l'acte de foi porte sur tu\ objet ou des objets sur lesquels
tionnel, écrit, A. û·ardcil, dH l'O.ppo1•L à une rôalité par no porte aucun autre acte naturel ou surnaturel; et par
le moyen d'idées, donc exclut le contact io1rr1(:diat e t conséquent, par l'intormécliairo do cat ou de ces ohjots ,
suppo$e la réalité visée à distance. Cette cli6t:1nce r1e (leli articles de foi présentés par l'Égli,se), nous pouvons
s'oppose pas, d'ailleurs, lorsque la 1·éalité est c11rtaine- percevoir cet acte dans sa spécificité.
ment .présente, con11ne Diou et Notre-Selgoet11' li~ sont Cela ne signifie nullement quo nous pouvons percevoir
à la foi, se donnant à nous comn1e un ami se donue à son expérhnentale1ne11L la foi dans ses !ondernenls et sa
ami, à ce qu'il y ait une expérience et une (ruition impar- qualité proprem ent surnaturels. En d'autres terrnes, en
faites dans la conten1plation >> (ouvr. cité, t. 2, p. 1.83). ne m'nppuyant uniquo1n0nt quo sur mon expérîence,
J.,'expérionco qui est visée ici est une expérience ntédiate, sur l'introspeclioo réflexive, je ne puis savoir avec une
à travers des ·signes, et qui procure au croyant une certitude absolue si ma foi est un e croyance naturelle,
connaissance conjeclu1•ale de son état de grâco el de une foi inforn10 da.-~s un e âmo on état de péché ou une
son esprit de charité. Connaissance conjecturale qui foi for,née dans une ân1e habitée par• la g1•âce eL la cha-
s'oppose, d'u11e part, à une cel'LiLude absolue.et, d'autre rit6. Par ailleurs, le cas de la foi, assentirnent intellec:
part, à la certitude de la foi. tuel, est différent. de celui de la charité et do la gr:lco.
En effet, la tradition a posé le problème de la possi- La grâce et la charité sont encore beaucoup rnoins per-
bilité d'une expérience chrétienne dans lo caclro res - ceptibles expérimentalement que la J'oi. La grâce, parce
treint de la connaissance absolue que le jusf:e Jlouvait qu'elle est dans !.'essence de l'âme, la charité, parce
avoir de la rérnJssion de ses péchés, de so11 état de grâce qu'elle est la saisie rnêrne de l'acte de dilection qui porto
et de son appartenance au nombre des prédestinés. sur la bonté infinie de Dieu, ne nous dévoilent pas claire-
La question posée ainsi appelle la réponse nùgativo rnent que Dieu est bien Lei (De 1,1erit.qte, q. '10, a. 10).
du concile de Trente. Personne ne peut savoir avec Si la J'oi est plus clairernent perçue (non dans son as1>ect
c,:wtilude s'il a obtenu la grâce de Dieu, pas plus que le p1•opre1nent su1•nat11rel), c'est à travers les rnédiations
croyant ne peut savoir sans l'évélation sp6ciale qu'il humaines objectives qu'elle em1.11·unte nécessairement:
aura le don de persévérance et qu'il est au 11on1bre Il n'y a donc pas do perception expérimenttùe certaine,
des prédestinés (Denzinger, n. 802, 805, 825, 826). d'expérience propl'ement dite (hors le cas mystique)
Le mêrne refus est opposé à la certitnde de la. h.nnière de la vie surnaturelle.
intérieure telle qu'on la trouve choz- Michel de ~1olinos Tou Lefois, la voiB V4.'lrs une expérience de la vie
et dans le quiétisme (Denzinger, n. 1278). De même chrétiellne n'est pas co1nplèten1ent barrée parce que la
le schérna pro-synodal du concile du Vatican déclare vie surnaturelle se manifeste en des signes qni donnent
que le sens religieux invoqué par les protestants libé- de cette vie une connaissance conjecturale, une esti-
raux et le ,1 modernisme » an1biant n'est pas objet rnation probable, une expérience conci•ète, une certitude
d'expérience, on tant que formellement su1•natur1:I, selon 1n~rale, .m ais qui ne relèvent pas de la certitude de
l'ordre de lu providence ordinaire (Acta et decr(!ta r.oncilii la foi.
V atica,â, daus Collectio lacertcis, t. 7, Fribourg-en- • Do colle façon, écrit. saint Thomas, quelqu'un pilnt connal•
Brisgau, 1890, col. 529; cf Denzingor, n. 2081). Cet trll' qu'il a la g1•âce; en tant qu'il perçoit qu'il se réjouiL 011 Dieu
avertissement vise surtout le sens religieux du ,, 1noder- cl n1épriso les choses mond!lines, et en tant que l'hon1me n'est
nis1ne » et du protestantisme libéral, mais il s'applique pas conscient de q\1elque péché 111ortel. C'ëst ainsi quo l'on
aussi à toute expérience des réalités surnaturelles. peut comprendre ce que dit l'Apocalypsa : • A celui qui vaincr11,
Édouard Hugon écrivait ,à propos des conversions : je donnora.i de la 1nanno ,c achéo .. , que personne ne connatl,
si ce n'est ceh1i. qui la roçoit • (2, 17), parce que celui qui reçoit
•< La surnaturalité des conversions échappe à notre
(la grâce) la sait pat une certaine expérience de do\lcour quo
expérience et à notre expérimentation, et ne saurait n'expérlniênte pas celui qui no la reçoit pas • (So,nme théolo•
être démontrée Oll constatée avec une certitude ahsolue" giqiui; 1• 2•• q. 112 n. 5).
(Noiiorl théologique d11 la« ps11chologie de la conversion",
dans Re11ue thom.iste, t. 21,, 1919, p. 240). Cet aspect p1·opren1ent expérimental a été peu déve-
Mais, d'autre part, la tradition maintenait ouverte loppé par la théologie traditionnelle, à çause des excès
la possibilité d'une véritable expérience dan:-; cette auxquels il a souvent donné lieu dans le protestanti11me,
appréhension coojecturale des signes de la présence dans le inoder'niame, dans la$ sectes illuministes passées
de la grâce dans le croyant. Encore faut-il distinguer ot présentas. En s'appuyant toutefois sur cette théorie
la perception expérimentale de la foi, de cellr: de la classique des signes de la gl'âce, certains théologiens
grâco et de la chal'ité. La foi, étant un sentt:nenl intel- tentent d 'élaboreJ' une théologie plus corn piète de l'ex pé-
lectuel, est connue réflexivement par l'intermédiaire rience chrétienne. Aiusl Jean Mol1roux ne pose plus le
de l'objet spécifique vers lequel elle tend. Je s:-i.is que pro.blême de la certitude' de l'état de grâce ou do la
j'ai la foi (informe ou rorn1ée), parco quo je crois tout prédestination, ce serait s'engager dans « la ligne d'un
ce que croit et enseigne l'Jj)glise catholique. Le rait que empirisnie spiritu.el ou d'un intuitionnisnu: de8 chose8
1
2013 DANS LA BlBLE 2014
dlJ la grâce que rejette p1•écisément la tradition catholi- 1 <> Los grands thèmes de l' a11cien 'l'astq,ment : la
que ». Mais il pose « le problème 'total de l'expérience parole révélatrice do Dieu, Ios théophanies divines,
chrétienne » et, dès lors, ,, parce qu'il est intégrant, le l'alliance qui consacre la fidélité de Dieu à son peuple,
p~oblèmo de l'expérience èhrétienne met en question, la foi qui adhère au:x: inconcevables promesses; l'amour
non pas simplement ni d'abord rles pliéno,nèn118 psycho- mi!Jéricor'<,lieux de Dieu auquel répondent. tour à tour
logiques, mais d'abord et avant tout l'ensc,nble des l'oubli ot l'amour de l'hom1ne, l'action purificatrice
données de la foi qui définissent et réalisent la vie chré- incessant,) et la proximité do la présence de Dieu, tous
tienne» (ouv. cité, p. 50-51). Il faut noter pourtant qu'il ces thè111cs fournisson t les, types, les rnodèles et les fonde-
subsiste ici une ambiguïté, car alo.rs, que la théorie ments d{i); 1•appo1'is entr•e les croyants et leur Dieu.
classique parle d'une connaissance conjcctu.ralc des U n'est pas étonnant do voir saint ,Jean de la Cl'oix \
signes de la grâce dans le croyant qui est distincte de la s'appuyer principalcmenl; sur les divines Écritures pour
c~rUtude de foi, la nouvelle théol'ie substitue à cotte expliciter et enseigner son expérience spirituelle per-
connaissance conjecturale une connaissance globale sonnelle. La valeur spirituelle de l'ancien Testa,nent
de foi qui est en même temps crue, vécue eL expérirnen- a déjà étô décrite ailleurs (voit• article CoNTEMPLAT!ON,
tée. Et l'on pourrait reposer la question : dans quelle DS, t. 2, col. 1645-1673). Nous ne faisons ici quo rele-
mosure, en dehors de l'expél'ience mystiquA, la lumière ver presque au hasard certains traits.
de la foi peut-elle en même t.01nps êLre crue et expéri- La foi d'Abraham, père des croyants, reste le ,nodèle
1nentée? Toutefois la théologie a ouvel't uno voie nou- parfait d1!. la foi à travers toute l'histoire de la révéla•
velle qui s'appuie d'aille\1rs, nous le verrons, sur des l.ion divin,~, Abraharn qui" partit sans savoir où il allait»
principes très traditionnels on concevant d'une n1anière (Hébr. 11, 8-10), qui espéra« contre l'espérance même»,
plus intégrale et plus conc1'ète l'expérience chrétienne. qui ne torgivel'sa pas dans l'incl'édulité, mais « s'afTer-
8. L'expérience spirituelle dans la Bible. n1it au contraire dans la foi, rendant gloire à Dieu et
- L'Écriture sainte est iJ. la fois la source première, pleinement assuré que, ce qu'il a promis, il a le pouvoir
l'exemple original et la norme de l'exp(wience spirituelle de l'acco111plir >> (Roni. 4, 16-22). Do même, l'.l!,'pttre
judéo-chrétienne. C'est on elle que l'on trouve ~ la d.u.x Hébreu.'t (11-12) rappelle l'épopée do la « nuée de
vérité chrétienne exprirnée... en fonction du rappo1·L témoins • qui d'une maniè1•e concrète ont vécu et souf-
vital, des relations personnelles que ,Dieu veut c1·éer fert dans la foi, allu que les derniers croyants ne se
entre l'homme et lui-m,, me » (Louis Bouyor, La Bible laissent pas abattre par le découragement, qu'ils se
et l'Évangile, coll. Lectio divinu, Paris, 1951, p. 12). rendent co1npte qil'ils n'ont pas encore résisté jusqu'au
Si l'on parle d'expérience biblique, il faut touLefoii; sang dans lenr co1nbat contre le péché; qu'ils redressent
,n:.\iotonir les oxig~nces du sens liLtéral et se garder de donc Ieu1·.s bras qui tombent et leurs genoux: qui flé-
projeter dans la Bible les sens spirituels ou même simple- chissent. Les prophètes continuent et p\11•ifl.ent les
n1ent acco,nruodatices quo nombre de spirituels chl'é- grandes al,Litudes des patrial'ches.
tions ont élaborés on accord avec leur expérience per- Arnos insistera sur l'exigence de justice qui est au
sonnelle. Dans le pire dea cas, on risquerait ainsi do cœur d'uno religion authentique, tandis que le prophète
r~streindre à l'e:xpérienco limitée ot relative d'un Indi- Osée, à travers J'expé1'ience d'un amour 1nalheureux,
vidu la plénitude de la dimension ontologique et objec- découvrira l'amour miséricordieux do Dieu. Dans
tive de l'expérience chrétienne. l\1ais qui dit existence l'image <llls noces, l'amour infini de l'amant divin pou1·
suppose égalo1nent quo le 1nystère chréUen soit vécu son peuple infidèle va pénétrer pour toujours dans la
et approprié par un sujet. JI faudra donc toujotu'S dis- conscience des hommes (Osée 2, 19·20) :
tinguer le moment où un saint rejoint le sens plénier ,Jli te ll11ncArai à n10i poul' toujours;
de l'Écl'iture du 1noment où il donne à une pal'ole Ju tll liancerai à 11101 dans la justlco ot le j11go1nent,
Duns lu grûce ot la tondrosse;
biblique un sens puro1nent subjectif (voir sur ce pro- Jo te llt1nccrai à 1noi dans la fidélité
blème: Jean Vilnet, ,lJible et 1nystique chez saint Jean de Et Lu connaitras Yahvé.
, la Croix, coll. Études carmélitaines, Paris, J 91,,9).
~nsi l'herméneutique mystique d'un Clément d'Alexan- /saï6 (6t, 18) e:xprirne l'expérience de la sainteté
drie ou d'un Origène qui procède par allégorie, ot moins immense, rnystériouse ot terrifiante du Dieu des armées
encore nornbre d'écrivains spirituels modernes, ne nous et de la pt11·ification que Diou doiL opérer lui-même dans
,permèttent pas de rejoindre l'expérience biblique dans l'homme:
sa littéralité. C'est d'ailleurs l'universalité et l'objecti- $1 vos péchés sont cofil1no l'l:earlatc,
vité de la parole divine qui permeL au:x innombrables Ils deviondront blancs co1nme ln neige;
nuances des expériences personnelles de s'y inclure. S'ils sont rouges eo1nmo ln pourpre,
C'est pourquoi également les grands spiriLuels éprou- Ils dcvlondront comma de la laine.
vent toujours le besoin, par delà les ,nattros hu,nains, L'hoouue <1 aux lèvres soulllées >> doit espérer de
do remonter s'abreuver aux i,ources ollos-mêmos. Dieu que son iniquité lui sera enlevée et son péché ~xpié
llltienne Gilson l'a fort bien noté pour saint Bernard : (6, 5-7). }_,'expérience du péché est, elle aussi, entrée
Tout so passo, on oflot, cornme ai st1int Bernnrd s'était posé indélébile1nent dans la triste expérience et la mémoire
un problèlJle personnel, tnais aussi con1me 6'il avait fait la dos hommes. Le péché ne peut être aboli qu'au 1noyen
g11gaure de résoudre ce p1•oblè1nil à l'aide de donnée11 dont d'une intt':riorisaUon et d'une recréation du cœur de
aucune ile fflt étrangère à la tradition scrlplurairo et patrillti- l'hornme dont Dieu 1nême esL le principal acteur, ainsi
quo, Ajoutons qu'il l'a tenue et qu'il a gagné la pru-tic. Peut-ôtro que lo soulignQ Jérémie : " Je leur donnel'ai un cœur
cst•oo là l'un des secrets du r11jeunissement indéfini do la
pensée ohrétienno ot do son iiiépuisable vitalité. Chaque fois qui me connaisse et qui sache quo je suis Yahvé : ils
qu'un saint lui pose uno quosLion nouvelle, la tradition ohré• seront mon peuple et je serai leur Dieu, car ils revien-
tienne fournit. les éléments do la. rl:ponse; mais il l1;1ut que le dronL à 1noi de tout leur cœur » (Jér. 24, 7; voir
saint soi.t là pour la poser (La 1héolo8Ï8 mystiqiui de saint Ber- L. Bouyer, ouv. cité, ch. t, Le Dieu do sainteté et la reli-
nard, Paris, 1934, p. 35 J gion du cc.cur).
2015 EXPÉRIENCE SPIRI1'UELLE 2016
L'e.x,périence spirituollo de l'ancien 'l'estament est une une intensité diiîél'ente depuis la plus élémentaire
oxpérienoe du sacré tout à fait spécifique, une expéritlnce jusqu'à la plus mystique.
de_loi dans laquollo le croyant entouré d'une nué•~ de Chez saint Paul lui-mll n1e, cette expérience prend
témoins exr>él'imento sans cesse l'interpellation de la un 1•elief ex,ceptionnel. <( Ce n'est plus moi qui vis, c'est
parole créatrice et salvatrice de Dieu. L'évolution vers le Christ qui vit en rnoi » ( Gal. 2, 20). Il ne s'agit pas
une religion do plus en plus intériorisée va débouehel' seulement de l'imitation extérieure d'un modèle, bien
sur la vie nouvelle, jaillie du Christ, dans les membres que cet aspect ne soit pas négligé par saint Paul (1 Cor.
du " corps du Christ)), 11, 1); mais d'une relation interpersonnelle beaucoup
20 Chez l'apâtre Paul,, cc n e sont pas les visions el les plus profonde. Le chrétien participe au mystère du
extases qui nous 1'e tiendront. Les expériences extraor• Christ par une identification de vie. Au cen tre de cette
<linaires ot miraculeuses n'entrent pas dans notre pers- assirnilation vitale se trouve la pa1·ticipatjon au 111ys-
pective. Non plus que l'oxpériehce mystique pror,re- tt~r0 de la n1ort et de la résurrection du Sauveur donnée
ment dite. Ce n'est pa.~ elle d'ailleurs qui est. le plus par la foi et le baptêtne. (< 1\lol'S que nous é Lions morts du
fréque\nment Oil même souvent visée pal' le OOUVE!a\l fait do nos fautes, Dieu nous a fait reviv1·e avec
Testament, mais une expérience chrétienne si intense le Chri$t... Il nous a ressuscités avec lui et nous a fait
et si profonde qu'elle reste la norrne de toute expérinnco, asseoir dans les cieux avec Je Chl'ist ,1 ésus et en lui »
même la plus élcvêe, des âges ultérieurs. Joseph Iluby (Éph. 2, 5-6).
écrit à propos <le saint Paul et de saint Jean : 'l'oute la via chrétienne devient ainsi une confol'-
rnaLion au Christ. Toute la vie de l'homme nouveau,
• LOUI' attention étl.lit tournée V(lra ce qui était l'esscn,~
.c de ,, c&chée en Dieu avec le Christ» (Col. 3, 3), est assu1néo
la vie chré tienne, aa. réalitt\ 011tologique, les conditions do sn " dans le Chris t ,Jésus », selon la célèbre for,nule pauli-
naissance et de son dévaloppo1nenL. Ils ne so sont pas Jll'uposé nienne. Pour développer tou Les les conséquences de cc
de décrira des i1tnl.s privilégiés ni d'on construire une t.l1(iorle. 1nystère, saint Paul forge les termes qui e,x_priroent la
Cependant cette Viè dans Je Christ qu'ils nous taisaient. CJonnat-
tre dàns sos Lralls essentiels, se rellétnit, s'engogoait dons des vie du chrétien soulYrant avec le Christ, crucifié avec
expérionccs pllL~ ou n1oins ha11tei,. On trouvera donc chez eux, lui, mourant avec lui, enseveli avec lui, ressuscité avec
outre les enseignements fondarnentâux sur la cond!Uon clU'é• lui, vivant avec lui pour ôtro à son tour glorifié avec lui.
tienne, des indicutions aur son co té cxpôl'imontal qui ouvriront Cette incorporation au Clp•ist glorieux n'_e st jamais
ln voie à l'élaboration do la théologio mystique • (Mystiques achevée, elle" n'est pas quelque chose de statique, ,nais
pauli11ie11ns et joha11niq1tc, Bruges-Paris, 1946, p. 8,9). une identification dynan1ique, et constamn1ent agis•
Da son côté, Lucien Cerfnux écrit : • Ln vie dans )(l Christ sante. Saint Paul montre bien qu'il la conçoit ainsi
s'engage dnns des expériences « mystiques •, ot cela do diverses
quand il invite los baptisés à un progrès incessant,
'
façons• (,Da théologie del' Êglise suivant saint Pa.ul, coll. llnnm
Sanctam 10, P11ris, 1942, p. 177). quand il con vie les lldèles à tcndré vers (( la pleine
connaissance du Fils de Dieu et l'état d'homme par•
Au centre de la vie chrétienne selon saint Paul se fait)> (Êph. 4, 18), et à grandir de toute manière par
Lrôuve l'union au Christ. Expétience centrale que l'on la pratl.que de la charit(a en Celui qui est la Tête, le
retrouve chet1 tous les spirituels chrétiens : « Que je lui Christ (Eph. 4, 15) >, (Fr. A1niot, Les idées 1naitresses de
sois en quelque soi·te une hurnanlté de surcroît, ôr.ri- saint Paul, coll. Lectio divina 24, Paris, 1959, p. 129).
vait sœt1r :€1isaheth de la Trinité, en laquelle il puisse L'union à Dieu, l'un ion au Christ et au prochain se
renouveler touL son 1nystère » (Écrits spirituels, éd. réalisent dans l'agapè, l'amour descendant de Dieu;· or,
M.-M. Philipon, coll. La Vigne du Carniel, Paris, :191,9, c'est précisément dans l'expérience de cet amour que se
p. 107). Édith Stein, à son tour : « Ce ne son:t pa,; les réalise l'expérience chrétienne. L'agapè par ailleurs
achèvernents humains qui nous viendront en aide, n1ais ne supprime pas la " gnose », la connaissance. La gnosis
la passion du 'Christ; ,non désir est d'y prendre p111•t; ». paulinienne s'engage en diverses expériences : uno înten•
Cette assimilation au Christ possèdera des aspec~s et sité de connaissance religieuse dans la fol et la charité
des nuance.s n1ultiplos, dos degrés infinis, sans aller et les charismes do sagesse et de révélation concédos
toutefois jusqu'à une identification panthéiste, inais aux " pneumatiqoes )) (1 Cor. 2, 14-15). Si, selon Jac-
sans être r estreinte au fait que le Christ ne serait qu'une ques Dupont, certain.a text-es (Phil. 1, 9; Col. '1, 9)
sorte de niilieu spatial où nous serions situés. Si mèrne, n'hnpliquent nullon1ent une conce.p tion rnystique de la
con1mo lo prétend Albert Schweitzer, le fait d'être-dans- connaissance, mais simplement un (< progrès 1nol'o.l )),
le-Christ ne désigne pas d'abord une expéri:ence indi- - co qui nous para1t d'ailleurs un sens a1noindri - ,
viduelle et subjective, 1nais un. événement colloètif et d'autres textes sur l'illumination du cœur (2 (!01·. 1,,
objectif (Die Mystik des Aposiels Paulus, 'ft1bingue, 6; Éph. 1, 17-18) supposent, 1nême d'~près cet exégète,
1980, p. 123), il n'empêche que la r elation personnelle un couronnement de la connaissance ·religieuse ( Gnosis.
du baptisé au Cluir;t demeu!'e d'une intensité ot. d'un La oonnaissan1:e religùiust;: dans les épitres de saint
r éalisme proprement mystiques. L'idée d'être-dans- J>aul, Louvain-Paria, 1949).
le-Christ « dér.rit toute l'oxpêricnce, sentiment, pt\nsée t Jne des formes do l'expérience chl·étienne est aussi
et volonté du l)aptisé comme pl'enant place dans le la sagesse des<• pnel1matiques )) (1 Cor. 2 et 8). La sagesse'
Christ ,, (p. 125). (( Le fait q ue l'être entier du croyant, est un don divin qui achève surnaturellement les intel·
jusqu'à ses pensées et ses actions quotidiennes les plus - ligences. Elle est une con1munication de « la sagesse
ordinairès, est a insi introduit dans la sphère de l'expé- de Dieu dans Je mystère » (2, 7) et des profondeurs de
rience mystique, a pour eJiet de donner à cette 1nysl.iquo Dieu. Cette comrnunication nous est donnée par l'Esprit
une largeur, uno permanence, un caractère pratique qui scrute les profondeurs de Dièu, et c'est dans cet
et une force qui sont presqt1e sans exemple ailleurs dans Esprit que nous connaissons les dons do Dieu. « Nul
la mystique » (p. 126). - Si le terme mystique revient ne connaît los choses de Dieu si ce n'est l'Esprit de
si facilement pour désigner cette expérience, c'est Dieu. Or nous, ce n'est point l'esprit du 1no1Hle que nous
qu'il est bien difficile de lui assigner un niveau précis; avons roçu, rnais l'esprit qui vient de Diou pour connai-
elle est vécue d'après son exe1nplaire typique avec tre ce dont nous avons été gratifiés pa1· Dieu" (:2, ·1 l •12).


2017 DANS LA BIBLE 2018
Cètte sagesse est le fait du spirituel qui se distingue absolum<:1nt- la fausse liberté morale des pseudo-mys-
des petits enfants dans Je Christ et dos charnels (3, tiques, on ne peut pas ne pas en retl'ouver chez saint
'1·2). Co'mmè l'écrit A. Lemon·nyer : « Ces ter1nes dési- Joan, sinon l'expression la plus directe, en tout cas les
gnent non pas des catégories officielles de chrétiens , orientations foncières, permânente.s et indispensables.
rnais des degrés divers d'avancement où ils so trouvaient Aussi M.-Émile Bolsmard montre-t-il que dans la
on fait relative1nent à J'intolJigence et à la pratique connaissance do Dieu que nous propose la 1re lspttre.,
de la vie spirituelle ,, (Saint Paul tra<luit et annoté, Mar- J ean reprend et prolonge le thème biblique de la connais-
seille, 1921, p. 53, 11. 1 ). Le parfait et le vrai spii•ituel, ce sance de Dieu, entendue dans un sens sémitique plus
n•~st ni Je chrétien commençant, ni le mystique qui riche qn'une simplo co"nnaissance intellectuelle. li y a
reçoit une expérience directe de la présence do Diou, ni dans cette connaissance une présence de Dieu e·t une
lo charismatique éclairé par un don exceptionnel, prise de conscience de cette prét1eoce, si bien que cette
« c'est le chrétien forvont, m1'1ri dans l'effort et lu fidé- connais:;anca trouve son origine dans « uno véritable
'lité, docile à' l'action de l'Esprit, purifié, détaché et expérienûe myatique » (L a connai.w;1a1u;p, de ,Dieu dan8
générei,rx » (Jean Jl,louroux, ou/Ir. cité, ch. 5. 1/oxpérlence l' <illianl'e nou/lelle d'<tprès la pre1nière lettre de saint J can,
de l'Esprit chez saint P1lul, p.131). dans Rc,,1,1,11 biblique, t. 55, 1949, p. 865-391, surtout,
'
Alors que lo psychique, l'ho1n1ne sans esprit (l Cor. p. 390). Si Jean Mouroux n'admet pas ql1e cette connais-
2, 14), ne comprend pas les chosos do Dieu et, sous sance soit n1ystique, elle SUJJpose cependant une vive
l'etnprlse des puissances charnelles, tend à devenir conscien çe do la présence do Dieu (ou/Ir. cité, p , 170, n. 2,
lui-rnême charnel, le spirituel ou le pa rfait juge droite- et le ch. 6 L'expérience chrétienne dans la 1 ~ Épître
ment des choses de Dieu selon l'cxpérionce qu'il en a. de sain 1. Jean). C. l{. B'ar1·ett ne peut pas ne pas retrou,
Ces pa1·Iaits ne sont d'ailleurs pas des gnosUques qui ver dun:i les thèmes johanniques, notamment dans celui
seraient voués à une connais:lance ésotériquo. Il n 'y de l'union du Pê1•e, du Fils et du croyant, et de leur
a el\tre Ja connaissance des parfaits et des impa1•fai ts immanonce réciproque, des, ,c élérnents 1nystiques »,
qu'une différence de degrés. 'fo\1s les chrétiens sont appe- 1nalgré toutes les objections, que nous avons exposées,
lés. à la sagesse et tous la possèdent en gormo, initiale- qu'il fait à la mystique (The Go11pel accorcling to St.
ment, car eJle est liée lt la foi et à hl charité. 'rand is que John, Londres, 1956, p. 71-74).
le charisrne de sagosso, qui est dis Unet du don de sagesse, c: I·l. Dode!, le grand exégète anglican (1'hc Inter•
suit la loi de tou1, les chal'isn1es et, comme eux, est pretation of the Ji'ourth Gospel, Cambridge, 1955),
t1•ansitoire et in1parfait (1 Cor. 13, 8-1.2). L'enseigne- souligne que l'union à Dieu telle qu'elle est décl'ite
ment de saint Paul sur les cha1·is1nes ('l Cor. 12-14), par saint ,Joan utilise les expressions les plus fortes.
expériences exceptionnelles, a ceci de précieux qu'il La conn~issa nco do Dieu et l'inhahitation réciproque
nous livre une ,c critique de l'inspiration » et certains de Dîeu dans l'llon11ne e.t cle l'ho1nme en Dieu sont

critères do l'expérience chrétienne : couronnées par une union personnelle dans l'agapè,
• l'rimauté des (v-0rtus) th6ologa.los, et avant toti t de la pa1• uno con1munauté porsonnollo de vie avoc le Dieu
charité, sur les autres charismes; prhnaulô des cho.ris1nès de éternel, enracinée dans la foi au ChrisL et dans la cru-
service sur les ehariamos eictraordinalres; prhnaulo du juge- cifixion hist()rique. Est-ce que cette union èst mystique,
ment splriluol sur lo aontir et le pâtir. L'inspirb n'est un vrai Dodd nvoue ne pouvoir répondre à cette question :
splriluol, - ot ·son oxpllrience n'est .authentique - , que par ,c J,Vlwtit.er this s'houJd be called « mystici8m, » I do not
son insertion dans la vie tott1le de l'Église, son engagement /c110,v » (p. 200). Nous ne faisons pas u ne enquête sur
au servi.ce de la charité, êl cëtts pureté de l'esprit qui eijt un
ho1nmoge à Dieu • (Jean t.1ouroux, ottvr. cité, p. 1~3; voir l'expét•ience 1nystique, mais la diIB'1ult6 de préciser
aussi L. CerfalllC, .L' Êgli~c clcs Corinthic11s, coll. To1noins do Je niveau de cette expérience montre que, mystiques O\I
Diou 7, Paris, 1946). non, il c:st bien certain que les thèmes johanniquès de
la co1n111un'ication actuelle do la vie éternelle, do la
11 y aurait bien .d'autres t15pects de l'cxpérionco chré- connaisHance de Dieu, de l'union avec Dieu dans lo
tienne à relever chez saint r•aul; ceux que nous avon$ Christ i,npliquent au rnoins u ne vive conscience de ln
notés ne le sont qu'à titro d'exernpler;. vie, de la hunière et do l'omour infusés au croyant. La
8° Les textes de sa,int Jean sont eux aussi rnarqués connaissance de Dieu q\li dépend du fait que Diou
du caractère « expérientiel » de la vie chrétionno, ot ~onnalt l'hornrne et qui dépend aussi de la connais-
cela si fortement quo les m eilleu1•s exégèLes s'avouent sance e:xhaust,ive et mutuelle du Père et du Fils est aussi
incapables de. décidel' si nous y retrouvons les traits de la conscience d'une habitat,ion mutuelle de Dieu dans
l'expérience chrétienne ou ceux do l'expérionco 1nysti- l'hommn et de l'liomrne en Dieu. Pour les prophètes,
que. Si certains exégètes, surtout non-catholiques, selon C, I-I. Dodd, le sommot de la connaissanco reli-
sont pou enclins à lire dans ces textes une expérience gieuso tst; d'appréhender dans l'expérience la majesté
mystique, c'est parce qu'ils la considèrent avec les unique cle Dieu comme Seigneur.
déformations que hü ont données Fr. Schleiel'rttacher et Pour ,Jean, cette expérianêà osL t·cnduo possiblo à travers la
l'id6alis1ne a)leinand. Si la 1nystique est une évasion reconnnissunco du Christ co1nmo révélation de Dieu, du Christ
intenlporelle hors de lu 111édiation du Christ incai•né, comme inséparàblon1ont un avec Dieu; et elle t.rouvo son achè-
un irrationalisme, u-n oubli des exigences éthiques de là vement da 11s une oxpérience de notre propre unité avec le Christ
vie chrétienne, une r•eclrerehe égoïste do l'oxtai.o ou uno on Diéu. A co point, noua sommes forcés de reconnaitre que la
absorption impersonnolle et panthéistique dans le disUncllun entre être dans le Christ et savoir que nous sommos
clans le Ch1•ist. est à peine plus que for1nclle, quo la connaissance
divin, elle no peut évideminent pas être attribuée à
est en fai t p1,aséa dans l'union (ouvr, cité, p. 169).
saint ,Jean. C'est bien pourquoi dans la 1nosure où elle
se r11tta~1e historiquen1ent au nouveau Tes tarnenl, L'unilé du P ère et du Fils suscite l'unité du Christ
la mystique chl'étienne ne pe\lt être telle. Si, au contraire, et de ses disciples et entraine uno intin10 communauté
elJe prét~nd précisément ne pas dépasser le Christ de vie; communauté exprilnée, par exemple, dans le
incarné, si eJlo est une expérience contr•ôlée par la foi , symbole de la vigne (.Tcan 15, 1-12) et qui se fonde et
et une authentique connaissance de Dieu, si elle r ejette se manil'oste dans l'a1nour. Aussi, la prière du ,Christ
1 i
DICTIONNAJRF. OF. RPIIHTUAl,ITÉ , - T, IV. 64
)
2019 EXPÉRIENCE SPIRITUELLE 2020
pour l'unité (17, 20-28) exprimc-t -elle (< l'union la plus le jour du jugement, parce que nous sommes, tels-en ce
intilne co_l'\cevable entre Dieu et les homn1es » (C. li. monde que Dieu est l ui-rnê1ne » ((t, 17-18,}.
Dodd, ibide,n). Co qui est symptomatique de cette expérience, ce
Il reste pourtant. dilllcilo do qualifier cxactcn1ent. le n.'ei;t pas seule,nent sa sublimité et son Intensité, mais
retentissetnent de cette union sur Je plan de l'expél'ienee. aussi le fait que, pour juger de son authenticité, elle est
Quel est lo lien entre l'affectivité psychique, la dialec- toujours ramenée à des i;ignes, à des critères indubi-
tique hu,na.iue de l'éros, et l'agapè qui descend d e tables, moins élusifs que les rnouvernents de l'expérience
!'Esprit Saint (Victor Warnach, Agape. Die Liebe als elle-même do l'amour. Cos signes, co sont l 'obéissance
Grund,notiv der neute11tamcntlich1Jri Theologic, Dus,;el- aux conimandemeols, le service du prochain. C'est
dorf, 1951, p. 456-472)? Il est certain qu' une opposi• aux œuvres de l'amour que l'on juge de l'authenticité
tion irréductible entre les différentes formes de l'amour cfe son expérience.
co,nme on la t1'ouve chez le théologien p,•otestal\L
A. Nygren est « un produit de laboratoire "• comme on li.. Usage de l'expérience dans l a vie spi.r1-
l'a dit juslen1en t.. M.ais, par ailit~u,·s, l'expériencc de tuelie. - Si- l' on accorde qu'une certaine expérience
l'agape ne peut toucher l'ho,nir1e qu'e11 tant q\l'il 1JS1, acco1npagno normalement une vie• spirituell'e intense,
un être spirituel et susceptible d'éprouver une e.x pu- il hnporte au plus haut point de bien qunliller l'expé-
rience « spirituelle » dans le sens le plus fort du Ler111c.; rience dont il eijt question. Il s'agit toujours d'une
ce n 'est donc pas une expérience qui ébranle iuunédiHte- expérience dans la foi. Comme la foi elle-même est une
rn,~n t l'afîocti.vitô, la. sentimentalité ou la passion connaissance divine et surnaturelle, infusée dans l'âme
hu,naine d'ailne,·. Bien qu'à parUr du cent1•e de l'esprit par Dieu et qui est, de ce fait, ir.r éductible à toule autre
qui vit l'union personnelle avec Dieu dans l'ainoor, !or1ne de connaissnnce humaine, si bien que la croyance
médiatisée par le Christ, l'tinité de la personnalit6 tende naturelle ne présente qu'une ressemblance très analo-
à, so recréer au niveau le plus élevé. gique avec la foi divine; de ,nême l'expérience chré·
La ·l O JJ:pître de ,9aint Jean. (4) contient une sorte de tienne ou spirituelle, dans la mesure où olle porto sur
résumé de l'expérience chrétienne. Aussi n'est-il pas ct·es 1nyst~res divins et sur la participa tion de l'homme
surprenant qu'elle ait fourni à saint Bernard\ e.oLre à ces 1nystères, ne réalise que très analogiquerrient la
autres, la pierre angulaire de sa propre expérience et de notion · et la form·e d'expérience· humaine a
laquelle
Bà doctrine. Nous ne pouvons rr1ieux faire que suivre do nous s0mmes habitués en d'autres dotnaines. Le signe
très près l'exposé qu'on donne 11ltienne Gilson (01,ll,r. de ceci est la difllcul té, pour ne pas dire l'impossibilité,
cité, p. 36-38). qu'éprouve la psychologie religieuse à appliquer les lois
Diett est a,nou1• (4,, 9), c'est la no tion de Dieu fon- de la psychologie à l'organlsioe surnaturel de la vie
damentale pour qui le considère comme la fin et. le chrétienne. S'il faut déj à distinguer entre le champ des
1noyen de la vie spirituelle. Si Dieu est charité, la pos• rorces psychiques réductibles aux déterminismes et le
1:1eSlJion de là charité est la condition nécessaire d'une clian1p des forces morales soutenues par la liberté et
connaissance do Diou toi qu'il est. Si Dieu est charit<\ et qui sont irréductibles aux déterminismes, à fortiori
si nous devons la posséder pou1· le connaître, il faut rau t-il souligner l'irréductib llité d es qualités propre-
qu'elle nous soit donnée par Dieu (4 , 7). Le don dn la ment surnaturelles de l'âme humaine (A. Godin, Reli-
charité s'identille au don de l'Ji:spril Saint. Ainsi l'expé• gion et santé morale, dans Bulletin dfJ l'a11sociatio11 cat!lo-
tience de la charité est-elle une expérience dans 1'1:!lspdt. lique à'hygièni: mental<:, Bruxelles, 1959, p. 3-6; A. L6o-
« Ce qui nous· fait connaître quo nous demeurons en lui, nard, Maturité psychique et vie spirituelle, dans Prése11ces,
et hli en nous, est qu'il nous a r endus participants de t. 9, Champ1•osay, 1955, n . 51, p. sa-38; Psychillmc et
BOll, Esprit» (4, 13); sainteté, t. 12, 1958, n. 62, p. 55-61) .
Faisons un pas de plus; cettfl présence en no11s de la cluiriLu, A propos de l:.\ connaissance de foi où inter viennent
qui est un don du Saînt-ERprit, et qni nous per1not seule, do le don de lu mière infus par Dieu et les propositions
connuttre Diou, est aussi pour nous Io substitut de lu vue, <le extérieures dans lesquelles ce don s'exprime et s'éclaire,
Diou qui nous n1anque. Personne n'a jn1nais vu Dieu, 1naiH si un excellent théologien décrit bien le caractère indirect •
la charité est en nous, puisqu'elle est le don do Dieu, Diou de la perception expérimentale que l'on peut on avoir:
demeure en nous et notre an1our pour lui est alors parfait. Il
y a donc, à défaut d'\me vi6ion d-e Dieu qui 1ie nous osL pa.~ • Catte connaissance... ne sê fo11ne ni sur le pla n ernpirique;
accordée, une prése11çe· d0 Diou dans 1'111110 qui ,1narque le point qui ~sl celui des idées cl11ir0s ol distinctes, .ni sur Je plan nal_u-
do porrection do la charilo· on nous : • Diou, personne ne l'a rol; celui qui l'.\ possùd~, 1nême avec ce co111plé1nonL osse~t10I
jamais vu. SI nous nous ahnons les uns les autres, Diou de1no11r0 qu'c.'ll la doçtrine çhrél!cnne.. , ne ~•en rend compta que cl tur.e
en nous et sa chlll'ité est pnrtaite en nous • (1,, 2). « Et nous, façon. confiise pour autant que, v1vanl slncoromont sa toi,
nous connaissons et nous croyons à l'amour que Dieu a pour il prend libre1n0nt da11s sa conscience et sa volonlé explicite~
nous. Oieu est amour, et celui qui demeure dans l'amour une ntti t.ude surnnlurolle et chrétierute; et même alors il ne la
demeure en l)ieu et Dieu den1eure en lui (4, 16) • (!oco 1:ù., perçoit qu'indirectomc11t, dans la ter1noté ol la paix qu'ell~ donne
p. 37). à son â1no et non dans un enso1nble de concepts abstl'9.lts bien
neLs. C'esl l'esprit. de foi, dira-t-on , ou les donll du Saint-Esprit
Si nous devons aimer DiP.u, c'est parce qu'il nous a ou lo scri.s11$ ChrÎilti, oi1 la vraie mentalité d es fldùles •·
aimés le pre1niel' : « Ahnons donc Diou, puisque c 'est C'est pourquoi cotlo élévation diviné de la connaissance
lui qui nous a ni,nés le prernier » (4, 19). qui no peut par ello-1nême se rendre transparente à l'introspec-
Les signes de la présence do la charité en nous sont: tion r61lexivo, s'accomp,1gne d'un onscignoment en paroles :
1 • Cellès"êi sont le corps, l'éclaiJ•on1out intellectuel 0st l'âme,
1 a1nou1· chi prochain : « Si quelqu'un dit, j'ain1e Dieu, les deux no font qu'un soul don : Il faut lel:l parolos pour appren-
et ne laisse pas de haïr son frère, c'est un monteur, dro nu fidèle et ce qu'est la lumière qu'il roçoil ot dont il n~
car, comment celui qui n'aime pas son frère qu'il voiL, par11enait /!~ à Re rendre \compte, e~ ce qu'esl la v~e éternene
peu t-il airr1er Dieu qu'il ne volt pas» (l,, 20), ot le bannis- qui lui est don néo; il los faut a1Jss1 pour communiquer ceUe
sement do la crainte : (( la perfection de notl'e an1nur lumière et permettre à la volonté de donner nu me~age divi.n
en vers Dieu consiste à nous remplir do confiance poul' une adhésion libre et absoh1(1 et do coopérer à l'c.nuvr0 qui fait
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2021 DANS J..,A VIE' SPIRITUELLE 2022
entrer en elle, la êllll'té divine • (É. Mersoh,. Mor.ale· et corps de la gr(,ce est mesurée par les· sentiments intérieurs
myttiquc·. 3 9 6d., t. 2,.Bnuxelles,f>aria, 1949, p. 52-53.). et les consolations sensibles; los réa<lités objectives du
Il y aura donc une expérience globale de la vie mystère <hl Christ, de la eominunauté eeel'ésîale et de
ohrotionne dans laquelle Je sujet perçoit qu'il veut pen• l'écono1nl1:1 sac11amentaire tende-nt. à, s'est@roper devant
ser ef agir de plus on !)lus dans l'a ligne des rétùités l'invasion de la « lumière intérieure ».
di;vinos. qu'il saisit par la foi. Il exp6rfmente que sa L'.histoire ne peut.quo raviver·les craintes, de la théo-
compréhension du mystère du salut se fait plus pure, logie. Depuis les corinLhiens aŒamés de•charismes s111ie 0

plus lumineuse, plus dégagée des opinions humaine:s ; taculaires, les montanistes, les. d·0natistes·, en passant
il' accepte 4'e plus en plus· g6néreusement les invitations par les.frùres du libre Esp1•it, les jansénistes et les quié-
ailencieuses quo 14) Saint-Esprit lui souille dans le crour; tistes, jusqu'aux anabaptistes et au'X'. évangélistes, il
mai.~ il n'empêche que la réalité et l'a preifand·e ur de n'est rien des erreurs les plus subtiles· do la vie spiri•
son être surnaturel tuf demeurent voilées·. Il n'expéri- ~uelle, Jusqu:'aiux fantaisies les plus abs,1rdes et les plus
mente pas. la r•éalité de son être de gril.ce, de son adop- immorales, que. l'appel à l?oxpérience n'ait tenté Ela
tion dl'vine, da la. connexion entre son. amour el l'arnour justifier. :::ii nous Pevcnons du temps passé au tetnps
vivant au sein de la sainte. Tl'inJté. Il ne peut que croire prés~nt, la mêmo inquiét.ud-e ~·emeuro. Les sectes sont
à la dhnension propr-ement divinisée. do, sen âtre. C'est ~uss1. nombJJeuse~ et aussi floMssantes qu'elles· le f.urent
pourquoi:, com~e l'a· toujouus soutenu toiite la tr.adition,. · i Jamais,, ~l, co,nhien ~•entre _elles v~uent une confiance
l'expérience spirituelle ne peut être· que médiate {oHe ne Ii aveugle ~ « un oxpor1_1nentahsme dea~streux », Combien
stsaisit que dttns' d'es signes ambigus) indirecte c0niec- de C!tréttcns sont attirés par les man1fes.tations les plus _
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turale. L"expérience en elle-mêine de pro-cur~ ni une · sensibles et les plus spectaculai,ves de la, religiosité,
certitude absolue et définitive sur le plan humain, ni p~r un! ~orte de « v~vivalismo » psyc~ique, ~ux dépens
une, certitude do. foi. D'où « l'obscurité essentielle de · d. une foi pui•e et forte (Les ré/lélatione privées, VSS,
l'e;x:p6rience chrétienne, oü la coïncidonco du mystère n. 25, 195a) .." l\f:iis cette·. inlassll!ble. résurgenc_e d'~.ne
8,t de l'expérience est de droit, et n'est jan)ais évacuée,, même revcnd1cat1on té,~olgne assez de la, 11éahté d, un
(.~. Mouroux:, ou,,r. cité, p. 846). problème Hans-cesse ~ona1ssant et. chaque fois massac11é »
De ces principes va découler l'usage que J'esp1•it (J · Mouroux, ou./lr. ctté, p. 5). ,
chrétien fera. de l'expérience. Deux excès seront à évi- 2° Le socond excès consiste à re/user toute e;rpé-
ten. L?appel Ullique et exclusif à l'expérience, comme à rictice de la vù1 de grd-ce et aboutii·ait à transformer
l.a norme définitive du comporte1nent spirituel intérieur c~lle·C~ en uno .conviction pure1nent théorique, qui
ou e.xté,·ieur; le rejet sans nuance de tout. l'aspect n auraLt aucune 1niluence sur les différentes structures
expérimental de la vie de g1'.âoe. Le premier écueil du psychil;1ne hUnlain. Or, la. vie. chrétienne n'est évi-
séduit le faux · 1nystique, le second attire le clll'étien denunent pas un enseignement théorique ou une sltnple
rationalisa~t. Enfin les diverses écoles de spiritualité conviction intellectuelle; elle est, comn1e Je dit admî,ra-
auront.recours à l'expérience selon une mesure v:ariable, bloment i,aint. Thomas à propos de la justification,
les unes de type plus subjectif prêtant une attention « une transmutation de l'ân1e humaine ,i. En c.onsé-
plus grande au chotninen1ent concret de la grâco et à ses quence, la vie spirituelle consiste à unifier, à. harmoni-
retentissements p,sychologiqu~s; les autres de type ser, en les rectifiant, toutes les tendances et toutés les
plus objectif so tournant davantage vers les mystèl'es structures de Ja personnalité autour d'un nouveau
divins considérés en eux-mêmes·. C'est ainsi, par exem- centre d'unité qui est l'être de grâce, dont la natune
ple, que Cutl1bert Butler a pu distingue1: la mystique p.r:opremen t divine demeure toujours voilée à. l'intros-
occidentale, simple, pt•atique, objectiv:e d'Augustin, pection réflexive, ruais dont les oll'ets, les impulsions
de Grégoire. et de Bernard, de la mystique dionysienne et les signes ne peuvent pas ne pas être expérimentés.
des siècles ultérieu1-s (J,V11stern A1.ystici.~m, t !)2/l; Londres, Aussi,. en un sens, le progt•ès de la vie spirituelle est-il
1951, p. 128-182). un ache1nine1nenit, mê1ne en dehors des. phéno.mènes
1° Quelles quo soient les accentuations diverses, le extl'aordinuires q,uo nous n'envisageons pas, v:ers une
recours à l'exp6rùmce conune au critère unique et décisif ' expérience do plus en plus intense du mi)'stère de, Dieu
de la vie spirituelle n'a jamais 6t6 le lait que des hété- qui cuhnine dans une expérience mystique, qui est elle-
rodoxes. Ronald A., l{nox, qui a retracé leur histoire, utênie eschatologiquement orientée vel's la vision de,
distingue (< l'enthousiaste. » évangélique et « l'enthou- Dieu. « Nous no voyons 1naintenant que comme en un,
siaste » mystique. Le premier néglige bouLes les n1édia., miroir, et en des énig1nes; 1nais alors nous vercons.
tions hist0riqt1es et ecclésiales pour· ne donner sa Dieu face à l'ace » (1 Cor. 13, 12). Cette expérience
confiance qu'au Dieu int6rieur. C'lls1. l'ho,nnie du senU- , ; prend1•a do 1nultiples fo1•1nes, depuis les, plus hu1nbles
1nent, d'e l'illumination intérieure qui confond ses pul• jusqu'aux plus élevées, depuis la foi vive jusqu'à l'appli-
sions psychlques avec los inspirations non cont.rôl6es cation des sens spirituels (M. ()lphe-Oalliard, Les ,,Gns
de la grâce. Lo second prétend dépasser les réflexions spirit1iel1J d,o.,ns l'histoire d11 la spiritualité,, dans Nos
de la prud·ence et de la théologie, et s'affranchit de touto sens et Dieii, coll. li:tudes carmolitaines, Paris,, 1954,
responsabilité morale pour donner à son être spirituel, p, 1 ?,9-193) ot la.saisie de la pr.ésence da Dieu. SI la roi
séparé de son- être, infé1•ieur, la liberté totale de trouver et la charit1; sont 01·ientées r,ar les·dons du Saint-Esprit
Dieu, en· dehoJtS des lois habituelles do la foi et de la vers une appréhension de vlus en plus « expérin1entée. ,,
prudence surnaturelle (E'tithusio.sm. A Cha,pt<u•· in the. des mystères divins, il est normal de triouver dans ces
flwtoryrof Rrligion, Oxfol'd, 1950, p. 581). Si l'expérience vertus une mysticité initiale. Lo simple état de gràco,
a touJou1•s été un peu suspecte on théologie·, c!est parce en effet, suint à réaliser la présence de. la Sain.te Trinité
que tous les illuminés finissent toujoui,s pal' éciger la dans l'âme.
leur en critère SIIJiH>ême, non seulement de leur vie, mais 1• Mais les divines Personnes nous sont envoyées et nous
dl.J' christianisme tout entier. La religion de la foi se. iI sont donnée1:1 non pas comrne un objet inerte est déposé
dégrade ainsi en rèligion de l'expérience, l'en1pnise . dans un lieu, mais comme une personne se. n1anif.este
2023 EXPÉRIEN<~E SJ>IRITUELLE 2024
par sa vie à uuè autre personne qui cherche à la corn• médiaire de l'objet » (Notre vie divine, Juvisy, 1986,
prendre et à l'aimer. Aussi les vertus théologales lnl'u- p. 298). C'est-à-dire que la foi se porte vers Dieu, non
sées en nous sont douées d'un dynamisme interne qui plus comme vers le g1·and Absent, mais comme celui
attire le cl1rétien dans une oxpérience de plus en plus qui est présent, uni, connaturalisé à l':lme, et expéri•
intense de vio, de lu1nière et d'amour. Les progrès on monté par elle. Tel est le sens de la célèbre formule
grâce et en vertu correspondent à de nouvelles 111is- de J ean de Saint-Thomas : ~ affoctio transit in condi-
sions i!}visibles du Verbe e t de l'Esprit qui entraînr:nt tionem objecti" (Cursus theologicus 1• 2•e q, 70 disp. 18
une intensification graduelle de Ja possession et de la a. 4. n. 1 i-). Ce que l'on pourrait sans douto traduire
jouissance des divines Perso11nes (S. Thomas, Sorn,ne ainsi : <c L'amour se métamorphose on valeur d'intelli•
théologique, 1 A q. 43 a. 6c e t ad 2; 1 Sent. d. 1 (l q. 2 a. 2 gibili té ».
ad 8). La présence habituelle des Personnes diviues • Nous aurions donc une sorte de transformation de la sa!•
dans l'âme tend donc, de soi, à s 'actualiser toujour•s sie et expérience affectives de l'objet par la charité, non pas'
davantage dans les facultés spirituelles, dans les acl.ùs en connaissancè, co qui èst impoi;sible, mais en modalité de
de co11ru'.l.i$SQnce et d'ariloui·. La foi , fondement <le l'objet, ét donc en vuleur d'intelllgibilité. La chririLô, cette fois,
toute notre vie spirituelle (De veritate q. 14 a. 2 ad 1), quoiquo par l'lntermêdiaire do modiflcat,ions dans l'objet
contemplé, pénétrerait on quelq,1e manière, pour l'enrichir
atteint non seule1nent la proposition extétieure d\l syrn- intelleotuellement, dans la conten1plation mêroe. Prenons
bole, mais la réalité rnê1ne du 1nystère divin. Néan1noins, garde que c'eat de cette expérience et saisie affectives quo saint
la foi par elle-1nên\e, en raison de son Ob$C\lri té et de ses Thoma.a entend la • passio dif1inorrtm • de Denys. Il écrit :
expressions morcelées, ne supprime pas la distance • passio di.Pinortun i/,,i dicitur afjectio ad divina et conjunctfo
entre Dieu et lo croyant, « -{ides de abse,uibus est, non ad ipsa pcr am.Qrcni • (So1nn1e théologi']UC 1• 2•t q. 22 o.. S ad 1;
de praesentibus » (Contra gentiles 111, c. 40); c'est la A. Lc1nonnyer, 01;~r. cité, p. 300).
charité qui abolit la distance en établissant une conna-
turalité, une con1munion entre l'âme et Dieu. Là roi Dans la ligne de cette mysticité ini tiale do la foi et de
animée, vivifiée, « formée » par la charité, qui incline la clu1ri té, qui ost une 1•éelle expérience de Dieu au
l'intelligence à adhérer au contenu du rnys tè1•e de niveau de la vie chrétienne fervente, il est aisé de
Dieu, possède en elle une lunlil:Jre, la lumière •de foi comprendre que l'expérience proprement 1nystique
(In librum Boctii de 1'rinitate lect. 1 q. 1 a. 1 ad 4). va venir s'inscrire com1ne son couronnement. Nous
Cette lurnièro de foi est douée ,d'une force de pénétra- avons exposé plus haut ce progrès et ce passage.
tion et de compréhension, d'un pouvoir d'expansi vn, JI faut remarquer que l'on 1•ejoint ainsi le centre
d'une faculté de discernement. C'est le « sens de la nuîrne du mystère chrétien tel qu'il est énoncé do façon
foi• quo l'on tl'ouve chez les vrais fidèlès, même dépour- définitive par saint Jeun : ,c Celui qui n'aime point,
\'.US de cuit.uro théologique et qui leur permet de recon- ne connaît point Dieu, car Dieu est amour ... Et nous,
naître, de discerner, do juger ce qui appartient à la nous avons connu l'o.rnour que Dieu a pour .nous, et
vérité divine, non en ronctio n de cla1'Lés !ntellectucllos, nous y a vons cru. Dieu est an1our; et celui qui demeure
rnais en fonction d'une a$similation vitale et expé• dans l'amour, derneure en Dieu et P iou den1eure on
rimcntale du té1noignage de l'Esprit Saint, de c< l'illu- lui n {1 J ean li, 8 et 16).
mination de l'Évangile de la gloire du Christ » (2 '<.:or. Nous rejoignons égalome11t cette ·aspiration à uno
4, 4) dans l'esprit humain. Ce aens chrétien des croyants, « expérience de transce11dance 11 authentique qui tra•
cette chrù1tù111i populi '{ides, sui• . laquelle s'appuyait vaille tant de nos conte,nporains. Il se peut que ce
la bulle Munificentissilnus (AAS, t. 42, 1 950, p. 7 53-771 ), désir, pour autanL qu'il érnerge en philosophie, soit
en proclamant le dogme de l'Assonlption, joue un grand dérivé de sources religieuses. Mais c'est une raison de
rôle dans la vie de l'Église: C'est ce sens chrétien des ·plus pour l'â1ne religieuse de s'ouvrir à cette ,c expé-
croyants, jailli do la vie même de la foi en eux, q\li Jour rience spirituelle ,, dont les philosophes ont compris
procure non se11l()1ncnt un assenthnent notionnel, niais la nécessité Q\I niveau métaphysique. Ainsi s'est élaborée,
une compréhansi.on réelle des e:icigences de la vie chré- nous l'a vons vu, une notion de l'expérience qui n'est
tienne. C'est lui qui tepousse los erreurs, qui lance de pas seulement sensible ou énlotionnelle, ,nais réflexive,
nouveaux ruouvements spirituels et cherche toujours qui ne s'enferme pas dans l'irnnianencc, mais s'ouvre
à. entrer plus profondément dans le mystère du salut à la transcendance.
en Jésus-Christ (A. Léonard, La foi pri11cipe fonda- « C'est dans une hnnièrc intérieure, donnée dans notre cxpé•
1nental du dé11eloppcment du dognre, dans R evue des riènce elle-même·, quo nous saislrons la signification de l'eids-
sciences philosophiques etthl:owgiqucs, t. 42, 1958, p. 276" toncc • (A. Forest, Co11scntcn1ent et créa.1io11, Paris, 194.8, p. 17:L).
286). . Très sympto1nat!que à cot égard, m!llgré ses imprécisi~ns
th6ologlqt1es, est l'essai de Shnon Franck, Dieu est avec rnius,
La charité, non seulomont rend la foi vivante, n,als Pnris, 1955, dont le point c0ntrnl est, l'expérlonce de la porccp•
elle prend possession de Die\1 à sa manière à elle par 11ne tion .des profondeurs spirituelles, dans lesquelles !lhonnno entre
« saisie alTective ,,. Dans la connaissance, il fau t toujours réellèmont on conte.et, en communion avec Dieu •·
que l'objet à connaître s'adapte au sujet; n1ais l'amo1u•
se porte dirocto1nent sur la réalité elle-même telle qu'elle Pour fa,ire droit à cette exigence, il ne faut poa se
est en elle-rnêrne (8. Thomas, So1nnie théologique 2a 2Gc laisser acculer, corrune le faisait tl'èS justement 1·emar•
q. 27 a. 4). C'est dans la ligne de cette cc saisie affective 1>, q uer Yves de Ivlontcheuil, « à la disjonction ou expé-
qu'inaugure la charité, que l'on tl'ouvera, do 1,Jus rience sensible ou connaissance abstraile n (Mau-
en plus approfondie, l'expérience de la présence des rice Bloncfel. Pages religieuses, Paris, 1942, introduction,
• Personnes divines dans l'âme. Cette union do cl1al'ité p. ,,,9). Il y a un moyen terme entre l'expérience sensible
ajoute quelque chose à la foi dans la ligne de la connais- et la connaissance abs traite et q ui est précisén1ent
sance. « J ean de $aint-'rhon1as, co1nn1·e l'écrit fort hien l'expérience spirituelle. On l'appellera avec Newman,
Antoine Lernonnyer, envisage une sorte do transfor- assentiment réel, avec Blondel, connaissance concrète,
mation do cette saisie afi'ectivo on vtùeu1• d'intelligi- ~vec ·L e Senne, expérience de la valeur. « C'est à cette
bilité, transformation non pas directe, mais par l'in t.èr- connaissance concrète qu'il faut 1•apporter tout ce qui

2025 EXP~RIENCE· SPIRITUELLE - EXPIATION 2026
est discerne-ment concret des valeurs. L'homme géné- 8. Quelquètl exemples. - J. Daniélou, M11s1iq1ui de · la
reu~, celui qui, comme le dit M. Blondel, a pratiqué 1énèbre cmz Grésoire rie .Nysse, DS, t. 2, col. 1872-1885. -
cotte exp6rience wétaphysique qu'est le sacrifice, sait René Roquui;, Cont<1niplatio11, extase cl ldndbrc chez le psc1tdo-
que la chal'ité èst supiirieure à l'égoïsme et cela sans Denys, DS, t. 2, cpl. 1885-1011. - M. Olphe,Oalliard, L'expé·
rience rnystù11w chez saint A11gustin, DS, t: 2, col. 1916-1921.
avoir besoin do raisonnement. Il faut mêmo dire quo si Cla.ude llndnrd, La Bible, expression d'11ne expérienc~ reli-
quoiqu'un n'ava'it pas co1nmenc6 à le savoir de cette giettsB chez ,9ai11t Ber11ard, dans Analecta sacri ordini.s cister-
manière-là, ja1nais on ne serait arrivé à le savoir par cionsis, t. 'l Saint Ber11ar<l tlu!ologien, 1953, p. 24•45. -
voie abstraite » (ibiden·i, p. 49-50). C'est la connais- Jenn Mourùux, Sur les critères de i'~l}1J)érience spirilùcllc d'après
sance que. les anciens appelaient << pa1' connaturalité >> les sermons sur lo Cantique des ca11tique,9, ibidem, p . 253-267.
et qui fait qut;, l'homme chaste jugo en cette matière, ~ A. HQ.llcr, L'c:i:périoncc spirit1telle selon Aelred de llievaufa;,
non on fonction de principes abstraits, mais on fonc- d1,1n1:1 Collei.:l(~nca orclinis cistarciensii1111 re/orn1atoru111, t. 20,
1958, p. 117-·I 13. - Paul Philippe, Sainl Tliomas d'Aquin, DS,
tîon de l'e:x:péfience vécue qu'il a de la chastèté. Telle
est· bien le .genre d'expérience on laquelle s'épanouit t. 2, col. 1\l81,-1988. - l!lphrem Longpré, Sai11t Bon<1Pcnturc,
D8, t. 1, col. 1B1!l-18t,2. - Louis OechsHn, L'i11ttûtio11 mystique
la vie de la foi et de Ja charité. « La fidélilé aux appels cle sainic Thérèse, Paris, 1!l1,6, 2• parlia: l'expérience mystique,
divins nous remplit progressivement d'être. La lumière p. 129,289. -- Jean Ba.ruzl, Saint Joa11 de la Croix ·et k problème
nous pénètre doucement. Cette connaissance n'est de l'expéri<11W<? 1nysllqut , Paris, 1921,; voir l'étude d' A. Léonard,
pas connaissance conceptuelle... J~lle ne sera pas pour clLôo ci-dessus, p. 443-(,f,7 et passirr1. - Pierre Blanchard,
autant senUn1ent aveugle. Il y a une autre lunlière Expérience trinitaire et Pision béatift!Jue d'après 8aint Jca11 de
que celle de la raison puro. La possession chez un être la Croi:r-, dnns L'Année théologique, t. 9, 1048, p. 298·310. -
spirituel ne va jamais sans clarté : ce n'est pas un trésol' J. Vilnet. .l,'ÉcntTUnE ot los n1ysUqucs, DS, t. 4, col. 21,7.
260,
enfoui dont la présence ne se devine pas. Cette forn1e
do connaissance so traduit dans la vie par de$ manifes- Augustin LÉONARD,

tations propres qui attestent sa réalité et son efficacité »


(ibidem). EXPIATION. -1. Expialion dans l'ancien. 1'1J8ta-
1nent (expiation sacrificielle; expiation extra-sacrifi-
Il ost irnpossiblo de rappeler l<1s innoinbrables études qui
ont 6té consacrées au problènic do l'expérlonco ot do l'expé- cielle; le Se1'viteur de Yahvé). - 2. Da11s la littérature
rien()tl religieuse notamment. En plus des tr•avnux utill.s6s iudaïq'fe, - 8. Dans le nouveau 'l'estamcnt. '
dans les pages qui précèdent, notons les ouvrages et nrticles
stiivantii : l. EXPIATION DANS L'ANÇIEN TF.sTAMENT
1. Sur l'expérionoe, et l'oxpél.'ience reUgieu111e e11 gél,16- 1<l Introduction. - f-16ritier de l'époque des
ral. - Willia1n James, 1'he 'Varieties of religiorts exporience, religions compa1•éeA, le lecteur 1noderne est enclin à
Londres, 1902; trad. F. Abauzit, L'expérience religic1tse, Paris, juger les Httîtudes religieuses et los rites de l'ancien
1906 et 1.908', avec préface d'Émile Boutl'oux; voir A. Léonard, 'festament à l'aune ·· dos·· religio.ns orientales, les
ci-de&sor4$, p. 485-43?. - Henri Pinard, art. E:r-péricncc reli- vidant ain.sl, du moins en partie, do leur contenu
çr',iuso, D'I'C, t. :;, 1912, ç9l. 1786-1868. - l(. Oirgen~ohn (luthé-
rien), La str1u:t1~rn spirituelle de l'expérience r11lisieuse, Quters- propre et en négligeant leur valeur. Il no sel'a donc
loh, 1930; co1npto rendu par Gaston Raboau, La psycholo(lie pas inutile: de rappeler les éléments essentiels de la
fcligie1'sc de Karl Girgensohn, VSS, t. 86, Juillet ot scpte1nbra religion de l'ancien Testa1ne11t : l'élection, l'alliance,
1.933, p. 51-64, 108-125. - René Le Sonne, Obstacle et va.le11.r, la sainteté, le p~ché.
P!ll'is, 1934 : oh. 1 Expérience et philosophie, 1>, 9.55; ch. 2 Toute la pensée des hagiograpl1es de l'ancien Testa-
Expérience dtr •Je, p. 56-116; oh. ? lilxpériençe humaine, ment repose sur l'élection; citons deux textes signifi-
, p. 286-320. - Ropert Lenoble, 1~·ssai sur la notion d'e:r.pt!rfonae, catifs: la vocation d'Abraham (Gen. 12, 1-9) et la p1•ofes-
Paris, 1943. - Franz Grégoire, Notes sur les ternws •intuition• sion de Ioi de l'is.raélite pieux (Deiù. 26, 5-10; cf E tcode
cl • expérience », dans Rcvu,tJ philosophique de Lou11.ain, t. r,,r,,,
3, 7-12; 1 \J, 4-6). L'histoire de l'ancien Israël est jalon-
1.946, p. lt01-415. -:- André Lnlnnde, Vocabulaire techniq1'c et
critique de la J)hil(JSOphic, ? 0 éd., Paris, 1956, p. 321-821t. née de scènE1s d'alliance : alliance avec Abraham (Ge11.
2. Sur l'exp,rto:noe •Pil.'itueUo. -10 ,Joseph Huby, 1l1ysti•
15, 7-21; ùf 17), alliance conclue au Sinaï (Exode 24,
qucs paulinienne et johan,iique, Paris, 191,6, - M.-mu,ilo Bois- 8-8; cf 19), HU pays de Moab avant l'entrée on })alestine
mard, La connaissance de Dieu dans l'alliance norwelle d'après (Deut. 29, 9-14), à. Sichem (Josué 24, 25-27}, ou sous
la prcnûèrc lcÙrp de s<1int Jean, dnn.CJ Rci•u.e biblique, t. 56, 1949, le règne dû ,Josias (2 Roi8 23, 1-3) et sous Esdras (Néh.
p. 365-391. - J. Lebreton, art. CoNTBMPT,ATION dans la 1 O, 29-30). Aussi, on no peut s'étonner de ce que le
Bible, 0$, t. 2, col. 16,._5-1716. concept d'alliance ait profondément influencé la reli-
2°, A. Snuj;lreau, L'ét<1t m;vstiguc, Pnris"Ange1•s, ·1903. - gion et se1; rnar\ifestations. Le Dieu de l'alliance et de
B. Garrigou-Lagrange, Perfcctio,1 chrdtien,1è et contcniplation, l'élection est un Dieu saint : « Je suis Dieu et non pas
2 vol., Saint-Maximin, 1923. - Ambroise Oardeil, La struc- homme, le Saint au milieu de toi » (Osée 11, 9);
ture de l'i1mc ~t 'l'exp4riencc ,1111&tiljttc, t.. 2, Pari11, 192?, p. 192-
274. - Joseph de G11ibert, .études de théolosiB 1nystique, '1'011- sainteté sanctifiante et salvatrice, mais à cause do cela
louso, 1 ~30. - J osoph Maréchal, Et.udes sur la psychologie des terrible : " Qui peut rési!lter devant Yahvé, le Dieu
mystigl#/1, Bruxelles-Paris, t. 1, 1938 (2• éd.), et t. 2, 1987. - saint » ('1 Sani. 6, 20)? Fait significatif, c'est dans la
C. Feckes, Diè l-tllrc vom ehristlichc11 V(Jllkomrr1cnhcitss1rcbcn, période où la religion était dans toute sa splendeur qtle
Frîbourg-en-Brieg_au, 1949, p. 409-453. - Jean M,ouroux, fut codifléfl la loi dite de sainteté (Uv. 17-26), 'à partir de
L'sxp6rie11oe cllr6tie11ne (et spirituelle), coll. Théologie 26, :Pl\ris, deux thùrnes fondamentaux : « Ne vous rendez pas
1952, ch. 4-6. - C. Truhlar, . De experie11tia mystiea, coll. Ana-
~ impurs.. ; soyez saints, parce quo moi, Yahvé votre
leota grcgorlo.na, Roine, 1952. -Augustin Léonal"d, Recherchas Dieu, je suis saint » (Lév. 18, 21,; 19, 2; 20, 26, eLc).
ph4n(J,rn!~ologiqucs <11ito11r cle l'expérience m.ys1iq1w, VSS, n. 23,
novembre 1952, p. 430-'•94. Ce sens de la sainteté de Dieu et de tout ce qui touche
à Dieu (te1nple, autel, arche, etc) a exercé une influence
3° Lo1,1is Oardet, E:i:péric11ccs 111yslÎIJU88 e11 terres 11011,c/lrd- considérable non seulement sur Je culte, mais encore
tiennes, Paris, 1953.
Articles du DS : CON SOLATlON Sl' IIIITU llLLll, CON'J'llM PLATION' sur la vie rr1orale; uni à Dieu par l'élection et par
DtBU (connaissance mystlquo), Do NS DU SAIN'f-ESPIIIT, l'alliunco, lo peuple est la propriété de Dieu (cf Exode
EXTASE, etc. 19, 5-6; Is<.iie 63, 8), l'acquis'itîon du « Saint d'Israël»
,2027 EXP CATION 2028
,(Isaïe 8, .1 2-1q; 10, 17.). D'où, dans tout ·l 'ancien Testa• 1nundam ac ,p uram diisque ,gratam reddere » (G. F.or•
men:t, ce sens aig.u, .extl•aordinaire, du p éché. Quelques èellini, Lexicon t:Qtius liJ,ti,nitatis, rééd., t. 2, P-adoue,
expressiens ,bibliques ·-p ourraient faire croire que le 1980, p. 289); c'est la reprise de 11eJa,tions 1normalcs avec
'J)éehé est 'le partage de l'homme ·on tant ·que créature la div~nité, sans laire pression ·sur elle ni accentuer ,Je
(cf ·Gen. 6, '5; 8, ·21; Jér. 1'6, 12; 1'7, 9.) e:t certains psau- sens de peine, châitimen t, ·colèx,e c6leste, etc : on agit
1nes (7$, .RS; 108, 10; 143, 2), 'à ce tître, implorent le sur ce qui sépare de la divinité. Tel est bien le sens
1

pardon divin; en réalité, l'ancien 'J'estan1ont distingue d'expiare et d'e:i.ipiatio dans la Vulgate latine.
l'homme-créatur.e et sa culpabilité niorale : la g1•andE: Si le verbe hébreu, pl'is au .sens technique du rituel,
1najorité cles .textes qualifient .J'.hommo do pécheur, a i,ubi uoe é-volu lion plus ou moins longue, il est pour•
parce qu'il e:it rebelle à D1eu, n'•a pas ·o béi aullC com- tant indéniable ·qu'il a une parenté d'usage et de ·sens
n1andemonts dé l'alliance ni rempli les ·engagen1en ts avec le verbe accadien lcupparu (verbe technique du
qui -en résultent . La relation entre Dieu et 'l'hornme rituel expiatoire chez les assyro-babyloniens; cf
n'est pàs simplement celle qui existe en't1•e Créateur W . .Schrank, Babylonische Süh.nriten, Leipzig, 1908;
et c1•éatu1•e, mais bien celle de deux pe1·sonnes, Dieu Fr. Thureau-Dangln, Rit-ucls ctccadiens, Pa1·is, 1.921·;
et son .p euple, qui se t.ro\lvent S\lr .un plan absolument L. Moraldi, Espiaz·ione sacrificale, 'R ome, 1956). Ces
particulier; le :péché est le refus de 1·épondre .à Diou, de\tX for-mos ·verbales ont, tr'ès .p1•ohabJemont, -comme
le choix contre Diou, la rupture du 1ien personnel établi sens pre1nier ,celui de polir, nettoyer •en f,r.ottant, frott4r.
par 1'élection et l'alliance; -le pécheur •ost toujours celui Los acceptions que ·ce verbe peut avoir ·e n dehors du
qui manque il ·ses engage1nents. rituel ne per1nettent de :Je traduire ni par apaiser, ni
20 Expiation sacrificielle. - La loi clH l'oxpia:tion par couvrir, ni par donner uno vie (ou un équivalent)
sacrificielle est contenue dans les chapitres r., 5 e t 7 en échange de la sienne (cf L. Moraldi, loco cit., p. 182·
du Léi,itique; elle .fait partio do la « torâh du sacrifice 1, • 221).
(Lév. 1-7); .11ous 1·enverrons aux ·no1nbreux lextes paral- 2) Sa.or,:fice d'expiation et sacri'{i,ce de r6pa.r<Lti.on. -
lèles; l'un dos plus ,importants est le chapitre 16 do L'hébreu l].a,t(d't, ou sacl'illce expiatoire, a, dans to\ls
Lévitique, qui rapporte le rite du grand jour de l'expia• les roxt.es du rituot trois sens prillclpaux et l'on passe
tioo. Il n'est .pas do,uteux que la loi de l'expiation s~cri- sans cesse de l'un à l'autre (dans nos langues on recourt
llcielle telle quo nous la connaissons aujourd'hui est à des périphrases qui négligent ce je ne sais quoi de
tardive, postérieure en grande pa11tie aux textes quo vague et d'imprécis de l'hébreu) : il désigne à la f-ois
nous donnerons pal' la suite; toutefois, ses ,éléments le péché, le sactlfice pour le péché et la victime de ce
sont très anciens ot c'est l'unique codification systéma- sa.crillce. Les textes qui .le concernent ,sont ,ceux de la
tique que nous ayons; elle atteste les idécs -etla pratique consécra,tion de l'autel, du te1nple et d es p rêtres (Exode
offiéielle jusqu'au seuil du nouveau Tesla1neot. 29., 10-14, 36, Lé,,. 8), ,ceux do la pu11ification de ·l'autel
1) Vooabulaire. - J.,a valeur et la signification d<: des holocaustes ·(Éz. 43, 18-26), de la .consécration et ,de
l'expiation sacrificielle se déduisent de quelques termefl la dëdicace du tom pic (E.z. 5, '1'8-'20; E1,1drl)S 6, 19,), de la
techniques du vocabulaire de l'expiation et de certain:; consécration des lévi'tes (No1nb. 8, '5-21). Ce sacrifice
rites pro.pl'es : les le1•1nes kipper, IJ(,l((a't et 'â§âm par es.t nécessaire chaque fois que, ij _par inadv.e rtance »,
exemple, et les rites du sang et de l'imposition ,cle lo un pécl1é est .com1nis par le grand prêtre, 1>ar l'un d0$
,nain sur les victirnes. chefs, par ls1 communauté ou un de se,a membres (Lév.
Le sens du vei,bc kipper a une importance particu- 4.; No,nb. 15., 22-29); il y a sacriilce aussi pour le prêtre
lière, car on le retr.o uve dans .tous les textes qui parlen 1. .souillé a11 contact d'un cada:vre ,(Ê.z. 44, 27)., pour la
de ,I',e~piation; il résume le but ·du rito; il est le ,plui, purification de l'acèouchée •(Uv. 12,), -de celui qui a
' souvent traduit par e.-,;,pier. Dans les texles du rituel souffert 'l'écoule1nen't '(Lëv. '15, 1-12), ·de la femme qui
lévitique ot dans ~zéchîel, ,Je sujet de kipper est tou· a eu des h6rriorragies ·(Lév. '15, 25-30), pour la seconde
,JOUI.'$ le prê'L.1•e (une seule ,exception, plus apparente pul'ification chi lépreux (Lév. 1'4, 10;31), pour le nazi•
,que réelle, dans Lé,,. 17, 11, 01i le sujet est le sang.), rèat (Nom'b. 6, 1-21). Les victimes du sacrifice sont tou•
et le complément ,d'objet direct ou indirect est touj()u1·~ jours celles indiquées dans Lér. '• (unique excep.tion, la
le péché, une personne ou une chose qui ne se trouv:en'L loi en faveu1• du pauvr.c, Lév. 5,, 11.).
•PM dans l'état qui devrait être le leur, c'est-à-.<lire qui 1'ous los textes ,qui décrivent avec quelque détail
' sont ~mpurs (cf Lév. 4, 26/ ot 85; 5, versets 6, 10, 13, le rite de ce sacrifice èoncordent :avec le rituel de Lév.
16, 18; 8, 15 et ,34; 14, 19; 17, 11; 19, 22, etc). Un 4; cc, passage est le seul qui décrive ;{es ,sept ,aspor•
examen :approfondi permet de constater -que dans !t'. sions faites avec le sang de -la victime devant le voile
rituel lévitique et dans Ézéchiel ce verbe a consta,m- du saint des saints et l'onction 'de sang sur les cornes
.ment Je sens d'éli,niner-purifier, sons q,u e confirme de 1'au'tel des parfums '(Uv. 4, 3-21); ,la majeure parfüe
l'utilisation d'autres verbes auxquels il ,est souvent uni. des autres tex.tes y fait simplement allusion. Le motif
Cependant, traduire par puri-fl,er, c'est ne Jaire allusion d e l'offrande do ce sacrifice ,(motif .que contiep t en ~Qi
ni ,au rite, ni à ce qui provoque la purification, ni à le substantif hébreu.) n'est pas toujours explicite.
l'aspect éthico-religieux ·n égatif ou posi L.rf, alo1•s qun C'esit le ;péché, d'après Lév. 4-5 et 16;Nomb. 1:5.; .i:.z. 45,;
toutes ces nuances sont exprimées par kipper, ·employù ailleurs, le motif 1se déduit du contexte : purifier le
,dans un .contexte cultuel. L'idée fondamentale d n temple, 'l'atitel, •le-s pi,êt11es, les ,lévi<te-s, l'aocouch'ée, etc.
l'e:x,pia Uon, telle qu'elle est exp1•irnée pa1• ce ve1·be, L'efTet du sacrifice est toujours exprimé par le verbe
.est •celle d'un rite, - en général celui des sacrificei, lâpper ou qidda!; (sanctifier, consacrer) ou ·{1i({e'
,eicpiatoires - , qui ofTace péchés ·et im.p urctés et réta- (purifier). Tous les textes qui pat•lent do péché en rela-
blit personnes et choses dails eet état, agl'éable à Dieu. tion avec ce sacriftca précisent qu'il ne s'agit que d~
où est 11éuni au divin •ce qui en était -séparé. C'est cc pécllés in11olontaircs, comn1!s par inadvertance, sans
qu'exprime pa1•faiLem.en•t le verbe latin exp:iane : 1( rom .prémédita.t ien (cf liâ.gag•bisgdgdh dans Lé,,. 4, 18; 5,
pollutam scelere aut vitio aliquo purgare, lustrare, 18; cr,,, 2, 22, 27; 5, 15; Nomb. 15, 22, 29). Le rituel,
fi

8 ~029 EXPIA'l'ION 'S ACRIFICIELLE 2030


1
1
·- C01h1ne la Règle de la co1nrnunauté do Qu1nrân, divise Le ,ti.te du S().ng caractévisc lo sa,criOce expia,t oirc;
les péchés e!l deux catégories : les péchés délibérés c'est un rite extraordinaire, 1uuttiforme et solennel.
(b 0jad ·rd,riâhj et les péchés ir1vol0ntaires (bis.gâgdh); .Nous avons vu que, dans le rituel, le verbe ·kipper a le •

pour 1.~ première catégorie, aucun sacrifice n'est vala- sens d'expier, effacer, puritler, acco1upli1• une lustra-
ble (cf aussi ltègle cle la cornmunauté, 1 QS vru, 20 à tion. lJ n certain parallélisme .avec les religions voisines,
1x, 3). Le sacrifice expiatou•e a donc une valeur cathar- un texte explicite du rituel (Lév. 17, 11) ~t la doctrine du
tique, lustrale, .purificatrice, sanctiOcalrice; c'est un Tahn,HI (cf Zebd/Jtrn 6a; J6n1d 5a; Mer1afJot ·98b, cr
, sacrifice qui en.lève tout ce qui sépare le peuple du Dieu lll!br. 11, 22) font du sang l'élément propre de la lustra-
• saint et qui 1•éunit à ce Dieu qui veut un peuple saint; tion ou do l'expiatiortsacrifioielle (tiites les plus exp'li-
't
1
sa valeur est analogiquemcnt identique, qu'il s'agisse cites d;,111s Lév. 4, 8-'2t el. au grand jour de l'expiation,
de purifier le t'e1nple, l'autel ou d'autres ch.oses. Lé,,. 16; les plus ·simples dans Lé,,. 4, 22-26)'. 1
'

Au ter.me hébreu 'â§dm. correr;pond le sa1:rifice de Un 1•apîde examen des religions gt•ecque, hittite,
• · réparation. .(Vulgate : 8acrificiu1n pro delicto ou pro a.~sy1•0-habylonienne, égyptienne, cannnéenne., arabe
'•
1 delieto). Les textes les plus significatifs sont : LtJ11. pl'éislarnique, met en relief quatre aspects fonda•
1 5, 14-26; 6, 10; 7, 1-7; t4, 2-28; 19, 20-22; 1Yon1b. mentaux. du sang: le sang a une pl'opriélé énergétique,
' 6, ·9:12; cf 5, 6-10. Lo1u• interprétation est un peu cathartique et tutélaire, sac,·a,nentelle ou unitive, et il
plus compleX!e que celle des texles sur le sacrifice est nutritif pour les dé1nons. En pratique, il est généra-
expiatoire. ltekativement peu nornhreux, ils révèlent, lp1nent difficile de choisir un de ces aspects à l'exclusion
en effet, une certaine instabilité ou irrégularité dans leur des autres : du n1oins les trois premiers sont-ils le JJlus
formu)a,Uon même; par suite, il règne chez les oommen- souvent associés (cf F. Rüsohe, Blut, Leben und Seele,
tuteura de notables divergences. On ignore, par exeinr.ile, Paderborn, 1980; J. H. VVasiinic_, Blut, dans Realle.xi-
ai les textes moins clairs ou imprécis relèvent de sources !con filr .Antike und Christentu,n, t. 2, 1954, col. 459-
plus anciennes, quand lo sac,•ifice 'd§d1n n'6tai·t pas '•73; l,. Moraldi, loco cit., p. 222,252). Le rite du sang
encore distinct du s;icri fice !Ja((d't, ou de saurces plus dan:; les sacrifices e:i,;piatoires de l'ancieu Testament
récentes; en ce dernier cas, cos textes représen-toraient fait minux comprendre la relation entre le comporte-
une tentativo officielle d'assiroilation des deux sacl'i- ment 1nol'al du peuple et la sainteté du ten1ple, do
flcea. On a un exemple de cette imprécision dans le cas l'au'tel, otc; cette relation est, en elTet, nelte,nent
du lépreux (Lév. 14, 2-28); avec 1 Sani. 6, 3-8, nous énonc6n ou sous-entendue .(cf Nonib. 5, 2-10; Deut.
nous trouvons en face d'un texte très ancien qui révèle 23, 11.15; Lév. t 5, 31 ; 18, 24; 21, 12 , 15, 23) : la sainteté
le Bens de 'dsdrn. Au célèbre texte d'/8aie 58, 10, s111• ou la profanation du te,nple, de l'autel, etc, dépendent
le Serviteur de Yahvé, les commentateurs s'accordent de la vio du peuple et à leur tour elles consLituent la vie
à donner ie sens général d'expiation, de sac1>ifiee expia- ou la ,nort d'Israël; les textes sacerdotaux insisten L
toire. sur cet étroit rapport de « sympathie 11. Dans cette pers-
Le -sacrifice de réparation peut se caractériser de la pective, le texte de L,i,,. 17, 11, <lev.ient clair : « La vie
manière suivante : il tend lui aussi à l'expiation et au de la chair est dans le 11ang, et moi je vous le concède
pardon, .mais la p1•ésence de colui qui offre le sacrifice (je vous le donne) sur l'autel pour expier pour vous;
n'est p_a s requise (cf toutefois 2 Rois 12, :17); le -rite du c'est le sang qui ex1)io par ,l a vie qui est en lui ,1-, Lo
sang est beaucoup plus sirnple et ne se disting-ue en rien pouvoir lustral n'est pas dans ·l 'élément 1natériel du
dumê1ne rit(! dans le sacrifice pacUique et l'holocaus'te. , · sang, m:iia dans l'élémcn~ aéri!or1ne (nefe§ = vie, ilme,
Une caractéri$tiquc essentielle (d'o1'1 lui vient le nom vapeur), dans la vapeur qui ·émane du sang chaud;
de rép,~ ration) ·est la restitution de la chose volée ou cette Vût•tu expiatrice, que reconnaisi;aient toutes les
injustepient détenue, il quoi· s'ajoute l'iademn1té du t•eHgiou:; voisines, Israël la Hait au bon vouloir de Dieu
cinquiè1ne de ln valeur de l'objet (aux: prêtres d'en faire ou aux dispositions divines, excluant de la so1'te tout
l'esti1nation~. Les cornmentat.e111·s ne s'entendent pas concept, 1.nagique ou naturaliste. Dans les sacrifices
sur le motif du sacrifice d e réparation {cf Lé,,. 5, 17•19; expiatoires, le sang devenait le grand « détersif ~ de
14, 1,0 -28; Nomb. 6, 12). Des textes les plus clairs il toute in1puroté, de to\tt péché, de tout cc qui, on s'intor-
ressort que lo sacrifice était néce$Saire toutes les fois posant entre les hommes et Dieu, faisait obstacle à
qu'il y avait eu atteinte au droit de propriété (celui cette parCaite con1nlunion et à cette mutuelle rela-
de .Dieu, des prêtres ou du prochain); la restitution tion avoc Dieu, dont le temple, l'autel et le saint des
et le .réglemon t de l'indemnité devaient précéder le saints 1·epréaentaient le contre sy1nbolique. On corn•
sacrifice, lequel se faisa,i t à Dieu seul, quand Dieu, prend dès lors l'hnportance et le sens des aspersions
c'est-à-ôire le temple, avait été lésé dans ses droits. faites par le g,r·and prêtre su-r le voile, lei,; co1•nei,; ·de
Quand en resli•tuait, on vo,1lai t l'éparer les droit.'! du -te,n- l'autel, le kappriret (propitiatoire) et devant l'arche.
pie et du . prochain. Cette réparation avait une telle N'oublinns pas que le sang n'avait' pas se1llement uno
importance que, bien qu'elle no fit pas partie du sa.cri- valeur cathartique; il élin1inalt le mal, mais Il perrnet-
fice, l'effacement de la rante ou lu rémission du péché tait aussi de remonter à la sotu·ce du bien et de renforcer r.
n'advenait que s'il y avait eu ttu préalable restitution dos liens qui se l'el:lchuierit. Il y a quelque analogie
et paiement du cinquième; autre1nent dit, sans restitu- entre la signification du sang du sacrifice expiatoire et
tien, pas de :pardon divin. Là encore, il n'est question , le sang du sac1•i1Jce de l'alliance, du sacrifice pascal
que de péchés n-0n pt•émédités, involontaires (cf P . ·Say- et de la t:ircoociaion.
1

don, Si1l•oflcring, and Trespass-ofjerùig, dans 'l'/w catholic I Le sang ne peut donc être ici considéré comme une
biblical quarterly, t. 8, 19116, p. 898-398; L. Moraldi, offrande l'aile à Dieu. Dans le rituel com1ne da,ns Éié-
l-Oco cit., p. 159•18:I). Dans le sacri/lco ex:piatolre, l'expia- chie!, le mot sang ne so l'apporte jamais à un verbe qui
tion du péché ,prévaut (c'est-à-dire l'efface-ment de la indiquerait une offrande à la divinité (seule exception
faute), dans le sacrifice de réparation {pro delicto), appa1·enle, Lév. 1; 5, où cependant le verbe qdrab est
d'est la restitution; le pé0hé, dans l'un et J'31u·t re cas, ,· trop général). Ce qui ne signifie ntllletnent que le sacri-
est considéré corn1ne involontaire. flce ne co1nportait aucune offrande : on o'ITrait los
,

' 2031 EXf'IATION 2032
.
graisses, et d'autres mol'ceaux que l'on brillait, et ausr;i culier (confession et semikdh) s'âccomplissait sur un ani•
une tête de son bétail (Lév. 4); sans colnpter que l:t mal que l'on ne tuait pas, qui n'était pos oltert à la
'"
meilleure olT.rantle, d'après le rituel et 11:zéchiel, 6t.O'i t divinîté, mais envoyé au désert, lieu proverbial de
la purification de tout ce qui en1pêchait la communiort rencontre avec les démons. Le bouc émissaire (et non
entre Dieu et le peuple. Ce n'est pas seulement l'efftr- expiatoire comme on dit vulgairement) faisait pa1•tie
sion de sang, don t s'accompagnait tout sacrifice expit1• d'un rite très ancien, commun à presque toutes les"reli-
toil•e qui faisait attribuer une vertu expiatrice au saèri- gions. Dans notre cas, la céré,nonie n'a son pendant
fice sanglant, n1ais c'était probablernent aussi l'idée quo dans aucun autre texte biblique, mais bien dans les
l'on se faisait de la sain tet6 divine et des défaillanc~i~ religions voisines (cf par exenlple L. Moraldi, loco cit.,
continuelles du peuple; c'est ce que l'on peut déduire p. 11 svv). Par ces rites et d'autres sernblables, on ne
de l'e1nploi, fort rare, du verbe kipper pour le sac,'i- recherchait pas ta nt l'identification de l'animal et du
flce pacifique et l'holocauste. pécheur, qu'un contact, a ccon1pagné de confession,
qui devait per1nottro de décharger sur l'a11in1al tou tos
3) lniposition de la ,nain sur la tl/te de.~ 11ictin1e11 01.l les. ln1puretés et tous les péchés : la confession « expri-
semikdh. - C'est un rite de tous les sacl'ifices i;:'ll'I • mait » (faisait sortir) le 111al.
glants. Les ûo111itl81\tat.eu1-s nii sont pas d'accord sur sa , A lire pareil texte, où l'animal est chargé des fautes;
signitlcation. Ce rite est en relation avec.la mh,8 à. n1ol't de:; tJ•ansg1•esr;ions et des péchés du peuple, et les
de la victime; la s,nnikdh on est peut-être tout simpl1:· emporte au désert (Lé1•. 16, 21-22), on pourrait penser
mont le prélude. Quelques auteurs (cf A. ?vlédcbiollu, qu'il s'agit d'un rite essentiel à l'expiation et non d'un
• 11.. Dussaud et d'autres) c1·oient voit• habituelle1nen t rite 1narglnal. De 1nultiples observations infir1ne11t
danii ce 1•i te une union de la victime et de l' ofiran ~ cette conclusion. Le principe essentiel du rituel expia-
qui irait jusqu'ft l'identification, une i;olidarité poussée toire est que 1, sans elTusion de sang il ne peut y avoir
jusqt1'à la substitution; par la se.,nikdh, les péch(:s expialion »; or, le houe n'est pas tué; LéP. 16 affirme à
seraient trans1nis de l'olîrant à la victin1e. Do plus en plusieurs 1•epriscs quo l'expiation n'a lieu que lorsquo
plus on se refuse ù reconnaître dans la se,nikdh un les deux vlcthnes expiatoires !Jont tuées (versets 6, 11,
rite de transmission; on y verrait plutôt un rite de con1- 15, 16-19); imrnédiaten1enL avant d'introduire le rite
1nunion et d'offrande, ou un de ces nombreux ,rittii, du bouc émissaire il est dit : ,1 Une fois achevée l'expia-
dont le sens fort précis aux origines s'est perdu, et qui tion du sanctuail'e, de la tente de réunion et de l'autel,
s'est perpétu6 sans aucun souci d'authentique inlei•· il fera approcher un bouc vivant» (.Lé,,. 16, 20); do plus,
• prétation ·(c'est l'opinion de ,J. I·Ierrmann, J. Pedersen, certaines particularités notées dé,jà et quelque pal'entê
A. Bertholet, A. R . S. I{ennedy, W. R.. Srnith, D. Schott., avec les rites hittites t~t assyro-babylonions (cf les textes
\V. 'Elichrodt, et d'autres). La loi cultuelle d'Éiéchi nl recueillis par L. Moraldi, looo cit., J). 12-46) invitent à
ne fait jamais aUU$ion à la semikdh; à s'en tenir it sa
} réforme, la se,nikdh ne pouvait (ltre faite, puisqtil:l la
une autro conclusion. Du' rite du bouc émissaire, fort
a ncien, on l'a dit, la magie qui le caractérise fut exclue
n1ise à mort de la victime était un privilège réservé aux. en passant dans le culte hébraïque; le scénario !ut pour-
lévites (Éz. l14, 11). tant conservé, mais le rituel sacerdotal l'avait.,vid6 de
4) Le gra,nd jour de l'e:cpiation. - Le plus solenni:I sa signification pre1nière. On esti1nait, selon toute pl'O·
des sac1•illces expiatoires avait lieu le 10 du 1nois de babilit6, que lo pouplo avait besoin de voir exprimer.
tishrl (septen1bre-octobre). Le seul texte qui en dé~alll1J d'une manière sensible la fonction du grand prêtre
le l'ituel est Lév. 16. Laissant do côté les nombreuses dans le temple et le pardon accord.é par la bonté du
questions de Cl'itique te:xtuelle, lirnitons-nou!J à l'esse11- J)ieu de l'alliance. Il s'agit donc bien d'un 1'ite purement
tiol. Le rite du sang était davan tage mis en relier, By1nbolique accompli après l'expiation. Lu prière récitée
plus long aussi que dans le sacrifice expiatoire, mais le sur la tête de l'animal, et que rapporte le •ralmud,

r but était identique; c'est ce qui ressort de l'emploi d1:s


verbes kipper (expier), (ihar (purifier), qidda~ (sancli-
!ier). li en allait do ml\mo dos doux sacrifices expiatoires
(l'un pout· le grand prêtl'e, l'au tro pour le peuple);
confirme cet.te conclusion : c'est Dieu qui pardonne, ·-..
et non l'anilnal chargé des péchés du peuple; les 1nait.res
du 'fulmud no se troublaient d'ailleurs pas si la confes•
sion sur le bouc n'avait pas lieu.
ils concordaient avec ceux <le Lév. 4, 3-21. Il convient de souligner un autre aspect imporLant
Mais il co1npol'tait uno particularité importante : de co grand jour do l'expiation : Il n'y avait aucune
la confessio11 des péchés sur la tête du houe é1nissairo, restriction à la rémission des péchés, cc do tous vos péchés
accompagnée de la scmikâh, faite des deux mains p::tr le vous serez purifiés devant Yahvé » (Lé,,. 16, 30). Aussi,
grand prêtre. La eonfession, en relation avec lo sacri- ce jour-là était-il strictomont sabbatique, jour de péni-
fice, est prescrite, dans deux autres textes : Lév. 5, fJ; teoce et de jertne : 1<Au septième mois, le dixiè1ne jour
Nomb. 5, 7. Le pt'etnier app;irtient à une péricope du mois, vous joflnerez (Vulgate, plus littéraleme11t :
fort discutée du point de vue littéraire; le second affligetis anima,q Pestras) et vous ne ferez aucun Lravail..,
traite du sacrifice 'dsa,n et en,visage le _c as où le Co11· puisque ce jour-là s'accomplit pour vous le rite do
pable n 'au1'ail, en face rle lui ni la personne lésée, parce l'expiation pour vous purifier >> (Lév. 16, 29-30); et
que morte, ni a u1}u11 de ses pl'OChes; puisque la t·osti t,1- plus loin : ,1 Quiconque ne jeûnera pas ce jour-là (Vul-
tion ot l'indemnité revenaient alors aux prêtres (qui, gate : aninia qua.e a.fflict,a non f uerit), sera retr·anché
peut-on le présumer, ign<,i•a iiint l'importance dos don1- du milieu de son peuple " (~3, 29) . Dans un climat si
mages), on con1prend la nécessité de la confessio11. profondément religieux on comprend que l'expiation
Aucun de ces deux passages ne rnen tionne la se,nikdh. soit sans lin1ite et que les texte$ insistent sur le jour
On ne trouve aucun autre texte, dans l'ancien Testa- de l'expiation do tous les péchés (23, 27). ,
ment, qui prescrive la confession, en quelque sacriHco La IégislaLion Iévitiquo marque un progrès notable
que ce soit, bien moins encore on relation avec la sc,n.1:- sur les anciennes religions d'Asie mineure; elle semble
lcdh. Lév. 10;·21, setil, décrit un rite de ce genre ot parle cependant appartonir encore à un 1nilieu culturel où
d'une sc,nikdh faite des deux ,nains. Or, ce 1•ite si parti- la matétialité des actes n'est pas bien distincte de la

2033 EXPIATION EXTRA-SACRIFICIELLE 2034


responsabilité subjecti,;e. Elle n'en a pas moins le 1nérite de ses onne1nis (cf péché ot châtiment, Juges 2, 11-17 ;
d'avoir limité le pouvoir expiatoire des sacrifices et n'a 3, ? ; 4, 1,-2 ; l'epentlr, 2, 18; 3, 9; 4, 3; pardon de Dieu,
cessé do rappeler qu;ils ne valaient que pour les péchés 2, 18; 3, '15; 4, 4). Défaites, infortunes, 111alheurs,
éommis par lnadvertanée et les in1pureLés légales. Le etc, sont autant de châtiments par lesquels Dieu punit.
sacrifice expiatoi,ro est donc un sacrifice lustral. lea infidélitt'1s, les péchés du peuple, et autant de moyens
!i0 Expiation extra-sacrificie:\le. - 1) La prière par lesqueL'.l il fait expier (cf Josué 7, 1-18; 1 Sarn. 4;
esL une des manières d'expier. 'J'out au long de 2 Rois 24, H-20). Il est vrai qu'il ne s'agit jamais d'une
l'histoire d'Israël, Dieu guide son peuple à l'aide de expiation au sens inhutnain et juridique du terrne, mais
[!lédiateurs qui, de par leur vocation, communient àvec d'une v61•it:thle expiation religieuse et morale ·qui te_nd
ln divinité et avec li1 com,nunaul,é : ils s'adressent à au l'etour i1 Dieu et à l'expiation de la peine méritée
Dieu pour obtenir le pardon des péchés du peuple, par le péché,
u1ai~ le pa1·don dépend toujours do Dieu. Ancrés sur 'l'rois textr1s, célèbres à juste litre, 0n fournissént un. 0Xè8l-
Dieu et liés au peuple, ils demandent grflce. Souvent lent oxornph: : LA". 2G; Dsut. 28, ot 29, 15-18; 1 Roi.a 8, 20•51.
Si lo peuplé suil la loi, Il sera corn blé do b6n6dict.lons; s'il se
leurs prièrr.s ne sont pas exaucée::;, ou elles n'obtien- robollo, èo1n111cnccront les oh!l.timcnts que les écrivains sacrés
nent paa tout ce qu'elle$ dt~n1andcnt, présentent Uttéro.il'ement sur un n1ode progressif, on les scan- •

Abrahtuu n'obtient pus le pm•don de Sodome ( Gen. 18); dant de la formula : • si 1nalgré c1;1ci vous ne m'écoutez p!!S.,. n,
Moîae s'entend rtipondro : • J'eflacerai de mon livré calul qui • si vous no vous corrigàz pas... •; dos chAlirnénts dé plus on plus
P.ilêhe èonlre 1noi • (Exode 82, 83); les prièrea d' Arnos on tavour graves s'ensuivcnl, jusqu'à co quo le peuplo confesse ses péchés ;
des p6chés du peuple sont exaucées par deux lois (A,nos 7, alors Diou • so souviendra de l'alliance •· • Quand ila seront
1-6), mais pas do.vo.nto.ge, « désormais je no lui pardonnerai dans le pays de leurs ennemis, je ne les rejetterai pas et je ne
tlu~ • (7, 7-9; 8, 1-8); Il. la prièro do J6r61nic: • Si nos iniquités les prendrai pas en dégoOt au point de les abandonner et de
moignent contre nous, agis, Yahv6, pour l'honneur de ton rompre mon alliance avec eux, car je suia Yahvé leur Dieu •
nom, puisque.•. nous nvons puché contre toi • (.ft!r. 1'1, 7), (Lé;,. 26, ~t,).
Die11 répond de ne plus lnlorcéder; le peuple ne s'est rias En général, le châtin\ent ne suit pas i1nm6dia'ten1ent
r1;1penti et Dlqu entend le puniI• (14, 10-12), il n'écoutoralt le péché; avant d'envoyer ses châtiments, Dieu envoie
·1nôn10 plus l'll)-..!:,Ol'Cession d'UJ!.~lo~se et d'un Sa,nuol (15, 1-2).
sos prophètos et ses avertissements (cf 2 Rois 17, 7-20 ;
D'autrès fois, la prière est exaucée : celle d'Abraham 21, 20-1'5). Les proJ)hèLes rappellent instamment Israël
pour Abiméle.k ( Gen. 20, 17), de lvloïSe pour le pharaon à la, pénitenée, ,'lu repentir (cf Osée 2, 9; 8, 5; 14, 2-3;
(L;xode _9, ?7~3~) ~t pour ~yriam (Noml,. 12, 11-15); Amos 5, 6; I saïe 22, 12-13; 80, 15•16; Jér. 8, 12-22;
Dieu hu•tllett)e 11)v1te les a1n1s de ,Job à dernander pal'don 4, 1, 14; 11,, 19); souvent Us présentent los souffrances
p.ar l'interc~~sion du patient (Job 42, 8-10). C'est qu'il ot les châtirnents envoyés par Dieu co1n1ne t1ne punition,
s 'agit d'une prière, en un certain sens, officielle, faite une expiation dos péchés ot un rappel de l'alliance
par des personnalités à qlli Diou confie une mission (cf Osée 2, 8-9, 13-14; 6, 1-2; A mos 4, 6-1·.1; /H(I.ÏU 1,
auprès du peuple. Cette prit~l'e n'a jamais une valeur 5-6, 21,-25; .1/:r. 2, 19; 5, 3; 6, 9),
n1agique on contraignante, c'est une hu1nble confession 8) Les prophètes ont signalé une autr-e for1ne d'e.x.pia-
faite à Dieu et une de1nande do pardon pour les péchés, Lion, le reper1tir et le rctou.r à Dieu, et ils soulignèrent
La volonté de Yahvé est souveraine, il pardonne à la· confla11(1e exagérée du peuple dans les cérémonies
qui il veut (cf ·1 Sani. 8, 18; 2 Sam. 16, 10;Jér.18, 23; cultuelles. Isaïe s'est exprhné clairement sur ce point :
l's. 86, 15; '103, 8; Jonas 4, 2, etc), S'il accueille les Dleu ne s11pporLe plus ni l es sacrifices, ni los fôtcs, ni les
prières des 'intercesseurs, il lui arl'ive aussi d'accorder holocaustes, ni les assemblées religièuses; Il repousse
son pardon directe1nent (cr Exode 84, 6-9) . .Après tout 1ilêrne les pt'ières; l'unique mode d'expiation qu'il
ce que nous l1vons vu sur l'élection, l'alliance et la reconnaisse est l'acco1nplissement dll hien et l 'éloigne-
sainteté de Dieu, il ost clair qu'à chaque poché, surtout n1ent du 1nal, lo secours appo1-té à l'opprimé, l'aide
collectif, <..orrespond le châtiment divin, c'est-à-dire une offerte à la veuve et à l'orphelin (lsaEe 1, 11·20). Le
expiation de la part du pécheur. péché ~tan!, une révolte contre la volont1~ divine, les
2) Aussi, de tous l es 1notifs de souffrance rencontrés prophètes insistent sur la conversion intérieure , néces-
dans l'ancien Testament, le plus commun est le péché, saire, sur l'aha.ndon do son jugement propre. Pour obte-
La soulTra.Qce est en général le signe d'une mésentente nir le pardon divin, il faut chercher Yahvé, tourner
grave entre Dieu et l'hon1me. Cette constatation pont son cœ11r vors lui (cf 1 Sarn. 7, 8; 2 Sam. 21, 1; Osée 5,
être faite depuis la Genèse (:J, 16-:19) jusqu'aux Mo.cca- 15; Ps, 24, 6; 27, 8), a.n16liorer sa conduite, observer
bées (2 Macc. 7, 18, 32) : le péché attire le châtiment de la loi religieuse et 111orale (Jér. 7, 3; 26, 13; Éz. 18, 27),
Diou JGe11, 6, 6-7; Jér. 7, '19; Osée 12, 15). Parfois, ce laver son r-œur, so purifier intérieure1nent (Jér. 4, 14;
châtilnent correspond à un péché déter,nlné; quand il lsacc 1, ·16; Éz. 6, 9). En un mot, le pécheur doit« retour-
s'abat sur le peuple en tant qu'unité. religieuse et sociale, ner » à celui dont il s'est éloigné; ce retour est toujours
le châLin1ent punit, ordinairement, <c l'idolfltric », l'infi- ooéreux, car• il d emande dos renoncements no1nbreux,
délité à l'alliance (cf Lani, ·1, 14, 20; 2, 17; ~. 13-16; intimes et profonds. Les prophètes, tout on insistant
Ps .. 85, a; 106, 6-411). Sa voix• que soull'rance et péché sui' ce retour religieux et 1noral, en ont étudié les moda-
étaient liés faisait rélléchir, se repentir, so tourner lités (cf en pa1·ticuliar Osée 5, 4 à 6, 8; 7, 10-16). Jéré-
vers Dieu. Nous avons là l'un des principes fondamen- mie, l'un do ceux qui ont le mieux approfondi l'idée de
taux de l'expiation, en son sens religieux le plus pro- péché, exig<1 que le retour à Dieu soit total, que l'éloigno-
fond. Sous l'elTet de la souffrance, le peuplo so tourne inent du 1nal soit sincère (15, 7; 18, 8; 23, 14, 22; 25,
ou du 1ooius devrait se tourner vers Dieu; il corn prend 5; 86, 8, 7, etc) . Comme une telle expiation ne peut être
que la so\lfl'rance vient de Dieu à cause du péché. TJn que personnolle, 10 prophète s'adresse à chacun : ~ Quo
exe1nple classique en est la structu re du liv1·e des ,Jugos: chacun revienne de sa mauvaise voie >i (18, 11; 25,
le peuple pèche, Dieu le punit, sous l'effet du châ:tiroen t 5; 26, a, etc) . Et comme aucune expiation, surtout
le peuple se l'epent et demande pa1'don, Dieu lo libère celle-ci, ne peut se réaliser sans l'o.ide divine, il s'écrie :


2035 EXPIATION 2036
« Fais-moi revenir et je reYiendrai » (Jér, 31, 18; cf se trouve dans les cantiques du Serviteur du Yahvé :
Lam. 5, 2t : « Fais-nous revenir à toi et nous revieo- Isaïe 12, 1-4; 49, 1-6; 50, 4-9; 52, 13 à 53, 12.
dr.ons »). Le rituel lévitique a expurgé Jes usages anciens, il
Il semble que la tradition biblique ait voulu souligner leur a donné de nouvelles dimensions et leur a insuillé
des ·exemples, pO\tr ainsi dire classiques, de péché et la foi au Dieu de la révélation; il a fait dépasser le
d'•e;x.piation, peut-être parce qu'ils ,nanifestent plus net• concept selon loquel l'homme peut expier ses péchés
tement la personnalité du Dieu de l'alliance face a11 et l'ex.piation apaiser la divinité. Les prophètes, peut-
péché, au pardon, i1 la ,peille ex.piat1•ice. être en raison des exagérations populaires sur les sacri-
I
fices, ont .q>profondi les divers aspects de l'expiation
Les qu.ll'ante ana passés au désert sont présentés comme un ,norate, et da11s la seconde partie du livre d'Isaïe lés
châtiment dO a11x péchés : • -Pondant quarante ans vouR pm·- chants du Serviteur do Yahv6 identifient expiation
terez le poids do vos !autos• (c.f E,rode. 82, 88-85; No111b . 1'1,
26-85; Deut. 1, 8'1-36); la mort de Moîse avant son entrée dari~ sacrificielle et expiation morale. Ces chants ont d'abord
là. terre promise -ost la conséquence d'une infidélité ·à Dieu pour point de départ la personne de Moïse, telle qu'elle
(cf No111b. 20, 12; Di:111. 1, 37; 8, 28°27; Ps. 106, 82_-33); l?. so1·t est décrite dans le P on l.ateuque; 1nais il<; la transcendent
tragique de Sa\11 eRt le ch~timant de sos rautcs, bien qu 11 l~-~ on app1•ofondis$ant la personnalité du juste soutTrant
ait tout .de a11ite reconnues ot que le propl1ète· Sam1uil ROJ t. pour le peuple, l'aspect moral et pédagogique de la
aussitôt interv1!1111 011 sn faveur auprèl! de Dieu '(cf 1 Sam. douleur, do la foi et du sacrillce personnel. Le ton
/ 15, ~0-30; 15, 35b à 16, 2); les malhe\lra deR dernièrèa ennéos de g6néral n'est p1us du tout celui du ,1,acrifloe 1évitiquê,
David êt 110s souffrances sont -attribuées à Res péchés : ·après ennore que les p0ints de rencontre ne n1anque11t pas ; .
son adultère, et •bien que le roi s'en f,ût roponli, eût f-ait péni•
tence et obtenu le purclon de Dieu (2 Sani.1'1, 4a5; 1'2, 1•14'}, les le sacrifice, lo sang, l'absence d'un Dieu à apaiser,
épreuves expi11.t.rices 1101,unencont 1(12, 15-19; 15; 1.6, 5-1~, foxpiat.ion. Ce sei·ait une erreur, - elle n'est pas
• etc); Je prophète l'ev11iL prévenu : • Maintenant l'épée ne 8fl toujout'S évitée; des auteurs cornmo Cullu1ann, Zimmerli
détournera plus ja,riais do ta ,nui.son, corn~1e châ_t,im?nt, parco et ,Jeremias l'ont dénoncée encore réce1nment - ., de
que tu m'as outragé • (12, 10). Duns lu vie de David encoru, juger.Je Se1·viteur de Yahvé à :p eu près exclusivement
après lé rec0ns01ncnt, la peste est imputée au pé1:hé du roi sur le chapitre 53. Pour en saisir le sons, il faut étudier
(24, 10-17). . ces chants dans ·let1r con tex.te. La mission du Serviteur
Cependant, alors même qlle l'on doit subir l0 •chô._tupent.,
c il est toujours mieux de tomb0r ,sous la n1ain de Dieu quo
est de ra1nener Israël à Dieu, de faire 1·égner sur terre
sous Ju. main des homn1os, car grande est sa mis~ricorde • la loi religieuse de Dieu.; toute la mission dos prophètes
,(24, 1.4). Le livre dll Jonas est dan~ la mên:ie.ligne :. les péchés et du grand l..,égislateur lui a été confiée. En hü donc
de Nini:vé so11l montés ,jusqu'cD.u .ciel. et Dieu envoie son pro- vit, agit, souffre et espère tout Israël, - et aussi tous
phôte proohcr ln pénitence (Jonas 1, 2; 3, 1-2); les habitant;; les autres peuples. Com1ne la mission de ses prédéces-
font pénitence et se c-0nverfisse11t, Dieu leur pardonne (11, seurs, celle du Serviteur est sous l'égide de la douleur; il
5-tO). est uni à son peuple et aux hotn1nes pa1· une solidarité
profonde, attentif à la voix divine, intrépide jusqu'au
Aven pareille donlrino, il était logique qu'on ne se martyre. JI est non seulement comparé à l'agneau qui va
contentil.t pas de signes exl61•ieu1•s pour détournor l:i êtl'e in1rn.olé en sacrifice, 1nais sa vie 1nê1ne est appelée
colère divine et ses châtirr1e11ts.; la pénitence expiaLrict1 'dJd,n (sacrifice d'expiation, Isaïe 53., 10). Pourtant, ce
devait être un sentilnent intérieur et tén1oigner d'une n'est pas l'élé1nent cultuel qui prédomine, 1nais l'élé-
intime conversion à Dieu (cf Jér. 14, 12; /.vaie 58, 5; rnent moral : l'acceptation intégrale de sa mission et
Zach. ?, 3) : « Revenez à moi de tout votre cœur.. ; l'olTraude de sa vie. Devenu 1nédio.le11r, il sent peser
déchirez votre cœur et non vos vôt.enu1nts » (.fo.iil 2, sui· lui, innocent, les peines et los châ_thnents; sa vie
12-tl.3). Cette forme d'expiation ·non-sacrificielle se dis- n'en a pas moins un sens bien préc.is, voulu par DiQU
socie nettement de la mentalité et do la pratique des et accepté par le Sel'viteu1· : expier les péchés du peuple,
anciennes religions d'Asie mineure. .JI ne faudrait cepen- c'est-à-dire prendre sur soi les ,peines et les châtiments
dant pas croire q11'il on a toujours -été ainsi dans toutei; du peuple pour le ra1nener à Dieu. Ce qui no veut pas
les couches de la population d'Israël. Des idées ·comme dire que le peuple n 'aul'a pas à soulTrir lui aussi. Qui-
-celles exprimées dans 1 Sam. 26, 19 (apaise•· la colèr1=1 conque sera attiré par lui devra faire son expérience de
divine •p ar dos sac11ifioos) .ont dO. avoir une influence la douleur, mener à bien sa conversion; rnàis le soutien
notable sur une pa1-Lie du peuple pour quo los •prophètes et r exemp'le du Serviteur enseignent la. valeur de la
(le -rituel lévitique ,ou code sacerdotal est dans la 1nôme souffrance, tén1otgnent de l'amour de Dieu et attirent
ligne) aient jugé bon d'insister sur l'expiation morale. tous ceux que sa conduite fait réfléchir. Le Serviteur
De plus, fait signiflca,tH, les ln vent.ives célèbres des ,pro- <le Yahvé <lemeure le point de convergence du courant
phètes contre les sacrifices ou le culte ·se trouvent toutes sacerdotal et du courant prophétique à propos de l'expia-
dans un .contexte .qui traite des péchés <lu peuple et où tion et, pourr•ait-on dire, de toute l'histeiro humaine.
appara1:t )'·espoir populaire de satisfail'e la tlivinitô Les derniers travaux sur le Serviteur ont démontré
et d'apaiser sa colère par des sacr,ifloes (A,nos 5, 21- que -l'interprétation christologique des chants appar·-
26; Michée 6, 6-8; Jér. ?, 21-23; Isaïe 1, 11-18; Osée 6, tient aux tout premiers temps de la communauté
6; ,of Ps. 1,0, 7~8; 50, 7-23; 51, 18-19j. chrétienne, qu'elle fait partie intégl'ante du kérygrne
La souffrance et. les châtiments expiatoires ré:vèlont prin1ltif, explique la mort en croix du Christ et que
un sens do Dieu qui s'étend à t.oute l'histoire du peuplo; toute une s1h1ie -de formules christologiques ont subi
rnême sous ies châtiments divins, ·peut-être plus encore l'influence de cette interprétation. Il s'agit, évidem-
.à ces moments-là, Israël demeure plein d'espérance et de ment, · d'une interprétation qui ost apparue après la
toi; sa vie n'est pas dirjgée par le hasard ou le <les tin, utort du Ch~ist, mais lui-môme a guidé et formé sur
nlais par Dieu qui l'a élu et se l'est attaché ·par ce point les apôtres, non seulement par son enseigne-
Palliance. 1nent mais surtout par son e:x;omplo ; il vivait concrète-
40 Le Serviteur de Yahvé. - La synthôse théo- ment sa mission et même la dépassait (et Cullmann,
• logique la plus profonde de la doC';trine de l'expiation .Jeremias, etc).

,1
.2037 DANS LA LITT:Ét\ATUilE JUDAIQUE ·2038
A. F auill.e t, art. Iaaïc, DBS, l. '1, 1!l',9, col. 709·?15. - i (Au gr.and jour da l'e:x:piatio1~), •los ,péchés oon tl'O Dieu sont
R.-J. 'fournay., Les cl1a11ts tlu. Scrvit.cu.r dans .la soco,uk partie ; expiés pru- Je kippur; qu1.1nt à ceux commis envers le pl!OChain,
d'lsale, dans Revue biblique, t. 59, 1952, p. 355-38fa, lt8t•512. · il n'est pour obtenir lo pardon que do satisfaire directement 11
- H. li. Row:ley, 1'h.e .S'erµa11t of the Lord, Londres, 19!)1,, ' son prochain. Heureux Ates-v,ous, 6 1sraélites, s•exclamo 1

•P, 1-88. - ·f f. ·Cazelles, Le11 poèmes Ili, Scr11itc11r. Leur place, !' R . J\kibn, vous ri'nvez de co1npte à rendre qu'à not.re Père
lcu.r str.11.ctura, 11i!r théologie, danij l?eof!erc~e;; ,<le s<:i;11cc rcligi111tsc 1 , qui es t aux ,èléux, celui .qui noua absout .l!elon sa '}>arole :
t.. 411, 1955, p, ..,.55, - A, Penna, lsaia, 'I ur1n, 1908, p. 380 svv. 1
Je r,\pandrai sur VO\U! \1ne eau pure ·et vous serez pl,1l'lfiês
- H, }Iaag, E'bed Jahwch.•Forach11ng 1fJ,IJ.J!J68, dans Bibliscltc , . (Ëz. :16, 25), et encore : Dieu est Je bain Jc'aat-à-dire l'espérance)
Zeiuchri/t, l. 3, 1959, p. 17'•·204. - O. Culhnu.nn, J. J eren1 ias, 1
d'Israiil; con1me le bain légal purifie les pèr1,onnes hnpures,
W. Zimmerli, voir bibliographie. uinsi Diou purifle-L-11 .I.sraël, (J,Jr. 14, 8; of Jt'Jmt1 vur, 9) . .

2. L'EXPIATION DANS LA LlTitRATURE JUDAIQUE 2° Le retour ou la tesubâh. -


La te11ubdh
, était considérée commo une des sept chose$ créées par
. 1° Le culte. - Dans la littérature rabbinique, le J)ie1, avant la création du rnondo. Dieu ne veut pas la
culte est destiné à libérer de tout ce qui entrave la 1nort:, mais la conversion du pécheur (Éz. 33, 11.); il
conununion avec le Dieu de l'alliance. Le culte se d6roule ' n 'atl.end pas qu'il revienne, 1nais il l'invite à revenir
dans le t~mple; or', le templo, qui est purifié par le (J.w;. i:I! 44, 22); c'êllt ainsi qu'est interprétée l'action
sang des-sàcrifices pour obtenir la purification du peuple, divine, et sur les personnes et sur le peuple; cet te inter-
est désigné par la belle expression de Liban, c'est-à-dire prétaLion s'appuie sur quêlques exemples célëbres
blanc, parce qu'il l'end blancs les péchés éca1'lates du ' (co1X1me Mana$sé). Il est bien précisé que n'aurait aucune
peuple (cf Sifre, Deut. 1, 7 et 8, 25). Le devoir du prêtre valenr le retour de qui penserait : « J'ai bien le temps
est de fair:o habiter parrni les hon1n1os la Shektna, qui do revenir! » Pour certains péchés plus graves, il
est la gloire de Dieu. L'idée que le péché. entraine la mort semble n1ême que le « retour » ne ,soit pas suffisant.
avait si bien pénétré les esprits que l'autel dos hoiocaus- E n général, la tradition judaYque magnifie le pauvoir
tes était censé avoir été créé pour prolonger la vie; · de CH retour .à Dieu. Alors même qu'il aurait lieu peu
c'était eu .effet sur lui que les péchés étaient expiés. '. ava11 t la mort, il vaudr:1it et elTacerait les .péchés.;
A qui domande la raison do cette expiation cultuelle, mais il doit toujours être accoulpagné .do !',i ntention
on répond aifnple1nent ,, Diou l'a pe1•01is ». Sur le grand qe nv plus péchor. Tesubdh et bonnos actions sont .des
jour de l'expiation, on trouve quelques discussions ! bouc;liers qui mettent à l'abri des châtirnents divins
intérossantes dans le Talmud, et a\1ssi quelques disposi- (cf ,1/Jôt rv, 11); la tc$ubdh crée un nouvel êt1•e, un
-tions de la Mischna. ' hon1n1e nouveau (Sifre, Deu.t. 81 29). Elle exige que
Le grand ,prêtre, a.pri)s avoir porté l'cncons dn.na le saint des l'on s'éloigne du péché, que 'l'on se repente, que l'on
saint~, récito.lt, avant da sortir, la prière suivante, qui carllc· , se tourne vers Dieu ,et que l',on soit prêt à vivre selon
téris1;1, on un certain sons, lu solennité du mon1ont : • EtAr• la loi. C'est à Dieu qu'il J'aut demander de pareilles
nol, toi qui es notre Dieu et Je Dieu de nos pères, qu'il to plaiso dispositions. Il se rencontre pourtan·t , semble-t-i1,
'1

·de nous épargner ln captivllo e,1 ce jour et en cette unnée; 1nals , quelque -couran:t rabbinique pou1• admettre .que J'!ho1n1ne
si toi osL le sort qne tu nous as résorvc'I, puisijions-nous,du moins f 1
être exilés dans un pays où ta loi est observée. Jilter-nel, puisses• ' puisse _pa1· ses .seules lorces se tourner vers 0jeu ,et êtr,e
tu .décider do nous éviter les privations; mals .si nous devons les maîll·e de la tesubdh {cI E . ~joherg.; voir la bibliogna-
subir, tais en sorte que nous ayo.ns toujours li) dôf!ir ,de fairll Je phio).
bien •; et la prière se pours;ui t pou1• de1na11dcr une année de
prospérité et d'abondiltlée (cf 'f'alm11d, Jôn1CÎ v, :.!), 30 Les soufh•ancès. ou issurim. - La souf-
lranco osl une arn1e; c'.est dans la souffrance qu'on se
Le sang a toujou1·s la rnême vertu cathartique, rnais souvient de Dieu. 1\. quoi servit à Manassé sa connais•
il est offrande (v, 4-7). Le grand prêtre l'écitait pondant sance de la loi? C'est bien plutôt la .souffrance qui lui
la Qemikdh sur le taureau et le bouc du sacrifice expia- tut profitable. Elle a une valeur expiàtrico; sans elle,
toire (los deux victi111es étaient tuées au cours du sacri- pas de ,pardon. C'ost un 1node d'expiation supérieur
llce),, deux prières qui présentent un intérêt particuli8l'. au s.1criflce, r,ar, dans la soufirance, on ne sacrjtlo pas
« O mon Diou, j'ai oornrnis l'iniquité, j'ai transgt•essé son argent, ,nais son corps. La ir.adition judaïque a de
ta loi, j'ai péché devant toi, et avec n1oi toute ,na 1naison, beaux. développements sur la souffrance. La gloire de
les Hia d'Aaron, ton pouple saint. 0 rnon Dieu, pardonne, Dieu repose sui· celui qui souJfre; ses plus grands dons.,
je te prie, les iniquitéi;, les tra,nsgressions, les péchés Dieu les a faits à travers Ja .souffrance : la 'l'orâh, Ja
que j'ai co1n1ni~... » (1v, 2), « ... que ton peuple, la mai- terre, le monde futur (cf Malh. ExQde 20, 23; Sifre, 11
son d ' Israël a con1mis .» (v 1, 2). La confession -Slll' le bouc Deut. 6, 5,), La soufiranco est la voie qui conduit au
émissaire avait si peu d'importance ,que le Talmud ne inonde à venir; celui qui n'a jamais soulTert ne sera
donne aucune indication p1 éci11e sur ce qu'il conv..i.ent pas pardonné. L,a mort est. considérée comme la plus
1

de faire lorsque les deux confessions étaient ornises gr.ande · des souffrances; par suite, ,celui qui l'accepte
(d'après les rabbins, .iJ y avait une confei;sion.sur chaque et se reconnaît pécheur obtienit l'expiation de tous •ses 1;
victirr1e; v1, 2). Le jugement du Talmud à l'égard d e Ja péchô$. Si quelqu'un viont présenter une victime .au
confession personnelle est différent. Le fidèle doit, en ten1_pl_e et s'il rneurt avant qu'elle ne ;soit ,offerte, li est
la faisant, se reconnaître pécheur et -demander pardon inutile de tue1• la victime, selon R. Akiba, puisque
à Dieu. Cette d en1ande doit s'étendre aux pé.c hés dont celui qui offrait le sacrifice est passé à ,travers· l'expia-
il a ·déjà sollieité le purdon dans les granda jours précé- Lion de la mort. En général, on enseigne que l'expi!ltion
dents, car' la réitération suscite notre reconnaissance doit titre acco1nplie en ce ·monde, n1ais beaucoup admot-
envers Dieu qui les a pardonnés (v1u, 9). On insiste t ent la possibilité d'une expiation dans la .géhenne.
également sur la nécessité de demander pardon à ceux Certains aspects du Moïse de la tradition l'abbinique
que -nous avons offensés, Si l'offensé est mort, qu'on montrent b ien cornment, par ses souffrances, sa vie !
i;e .rende sur sa tombe. A cet égard, la finale du Jôrn(l ot sa n101·t, il a expié les péchés d'Israël et les siens pro-
est significative : pres (cf R. 'Bloch, Quelques aspects de la figure de ,ltloise .,
2039 EXPIATION 2040
danlJ la tradition rabbùiiqu~, dans Moise, l'homme tlc tèrion était, en un certain sens, lo Heu où Dieu pardon-
l'alliance, Paris-'l'ournai, 1955, p. 127-188). nait. les péchés du peuple. L'ancien · Testament ne
connaît pas d'autre ilastèrio,i que celui qui est aspergé
·$, L'J;:XPIATJON DANS LE NOUVEAU TESTAMENT du sang des victimes des sacrifices expiatoires, et un
Le nouveau 'l'estament ne cesse de répéter que Jésus- juif comme saint Paul pouvait dilllcilement penser
Christ a libéré le genre humain de la se1•vitude du péché, an pardon divin ~es péchés par le xnoyen d'un sacri-
que cette libération lui fut extrômomont onéreuse, fice ( « par son propre sang ») sans revoir mcntale1nent
qu'elle n'est pas encore complète1nent achevée, mais le rite solennel des cérémonies juives où seul le grand
de'Jleure tou~ours ~n o.~t,e (cf 1 Cor. 15, .24-28), COl' pl'~tre officiait. Sans doute ses lecteurs ne faisaient-ils
chaque cbrél.len doit revivre les 1nystères rcdemptcurs. g11l~re le rapprochement, mais d'autres textes bien plus
La doctrine de l'expiation est désormais Lout entière cornplexes 1nontrent que l'Apôtre suppose chez eux
centrée sur le Christ. D'où l'intérêt primordial de consi- une connaissai1ce profonde de l'ancien Testament
dérer l'expiation du Chrlst. Nous ne no,1s arrêterons (vg Rom. ch. 4, et 9-11).
gùèro aux textes qu i se rapportent plus directenlen t ù la Ro,n. 3, 25 signifie donc: tous ont péché et sont p1·ivés
r~demption, et au lieu d'examiner à part le vocabulail·e dn la gloire de Dieu, niais ceux qiii croient en Jésus-
(voir sur co point les articles de $. Lyonnot, dans Chdst sont justifiés en vel'tu de la rédemption qu'il
Verbuni Donû,ni, les éludes de F. Büchsel el de acco1nplit (&.noÀuTp<i>o-1,;). Dieu l'a destiné à être instru•
O. Procksch, cités dans la bibliographie), nous insiste- ment d'expiation en son propre sang, réalisant ainsi
rons sur l'aspect onéreux de l'expiation . pleinernent en lui ce que l'antique il~stèriori ne pouvait
quo représenter. Du typo (ancien Testan1ent) à l'anti•
1° L'ilastèrion. - C'est, dans le nouveau 'festa- type (nouveau Testament), il y a nuturellernent. une
xnent, le verbe (À&:<:JXoµœt et ses dérivés qui correspondent ditîérence considérable : l'ila.sti!rion était aspergé du
au verbe lcippér (cf L,, l\{oraldi, op. cit., et sa biblio- sang des victimes animales, ,Jésus est couvert de son
graphie; $. Lyonnet, Expiation et intercession .. , p. 885• J)l'Opre sang (noter l'insistance); l'un était le lieu de la
901). Ce verbe ne se rapporte à Jésus que dans un tex te préseqce miséricordieuse d'un Dieu qui parclonne (1 Rois
qui emprunte son inspirai.ion à l'ancien •restament : 8, 12-13 , 2 Roi:t 19, 1.5-1.9), .Jésus en croix réalise cello
Jésus est le grand prêtre qui expie (c!,; TÔ lÀ&:<1Xe:cr8œt) p,•ésence; l'un éta:it caché à l'entr6e du temple, J,ésua
1 les péchés du peuple (fléb. 2, 17; of Luc 18, 13, la pt'ière !'.ut par ·Dieu exposé publiquement devant ic genre
du publicain). · • h111nain (voir aussi une référence probable à la catéchèse
Deux textes johanniques sont plus importants : s_yuoptique à propos d u voile du temple qui se déchiJ'e
Jésus y est appelé lÀœcr1Lô<; 7îe:pl ,;rov «1.uip·n6>11 (1. Jean à la mort de Jésus, Mt. 27, 51,' et pa1•a1Jéles) pour faire
2, 2; et 4, 1 ô). L'apôt1•e insiste sur le fait que l'hurrHutité connaître à tous celui qui vraiment expie le péch6,
est séparée de Diou à cause du péché (1 Jean 1, 8-10). ù la fois victime et grand prêtre. Cette oxpiation n'opère
Cette séparation fait mesurer l'amour du Père et l'obéi.s- on l'horn1ne que s 'il se soumet à elle pa1· la foi et par sa
sance de Jésus qui a réalisé le salut : en détruisant le pal't\cipation au 1nê1ne sacrifice.
péché (œlpéül, a, 5), en renversant le régne de Satan (tvœ Réce1nment, on suggérait· mê1ne (par exemple,
ÀU01J Tot fpyor. Tov ô,or.66).ou, s; 8), en obtenant Je pardon ,1. .Jero.mias) que le terme ilastèrio11 de Ron1. 3, 25, et lo
des péchés et en purifiant les Cl'oyan ts (tvœ &:cpfl ,;ot.ç terxne ilasmo.9 de 1 Jea,i étaie11t deux traductions libres
ixµ«p,;C«,; )(otl )(ot6œp(on 1, .9). L'œuvre du Ch1•ist est d11 terme 'd.~dm de Isa'ia 53, 10.
décrite en ternies de sacrifice : sang (5, 6), purifica-
tion (1, 7b, 9b), pardon (1, 9b), tandis que le termotÀotcrµ6,; 2° La rançon. - Dans deux textes parallèles
souligne l'expiation . .Jésus est colui qui expie ou, mieux (épisode des fils de Zébédée), 011 trouve uno expression
encore, il est le sacrifice expiatoire pour nos péchés. qui fait partie du kérygme apostolique : <1 Le Fils do
On rencontre deux fois le ternie !r.oco'M)ptov (Rom. 8, 25; l'hon1u1e n'est pas venu pour être servi, mais pour servh'
Héb. 9, 5). Dans le texte des Hébreux, ce te.rme se rt1p- cl. donner sa vie en rançon (Àu'tpov) pour une multi-
porte, coxnrne toujou1-a dans l'ancien Tostan1ent, à la tude,, (Marc 10, 45; ikfe. 20, 28). En écho à ce tex te on
plaque d'or posée sur l'arche d'alliance et sur laquelle lit dans11'i,ri. 2, 6 : « J'ésus s'est livré &.vTl>,u,;pov pour
s'appuyaient les chérubins, table qui dans les sacri- tous ». Cette expression, qui, dans la litté1•ature profane,
floes expiatoil'ea les plus solennels était à xnaintes a gén(ira.lement le sens d' « argent donné pour acquitter
repl'ises aspergée du sang des victimes (Exode 25, une dette, prix payé i,, est pti.<;e, dans le nouveau
17-22; 1.év, 16, 2, 12-16, etc). Ce texte ne se rapport.o 'J'estament, comn1e déjà chez Philon, uu sens général do
pas à Jésus. Dans Roni. 3, 25, il est dit que Dieu le Père " 1noyen de libération, ce qui libère et co qui sauve »
a exposé le Christ cornme !r.œ<1tjptov en son propre (1:f S. Lyonnet, J. Jeremias, E. Testa, etc). C'est du
sahg. Que veut dire saint. Paul? Quelques auteu1·s rnoins ce qui ressort d'une lecture des chants du Servi-
(R. Corncly, F. Prat, J\ol.-J. Lagrange, I·I. Liotzmann, t!lnr do Yahvé (spéciale1nont Isaïe 53, 6-1 2) et de textes
etç), après beaucoup d'hésitations, donnent au mot dil'ectemont parallèles ( Gal, 2, 20; l!,'ph. 5, 2, 25; Jea,1
ilàstèrion le sens de ,, propitiatoire » ou ,, ,nonurnent 10, 11, 15, 27; 15, 18; 1 Jean 8, 16). Le sacrifice du Christ
(moyen) de propitiation ))' et ils se réfèrent à quelques ef;t ainsi la rançon pour tous les hoxnmes, et il nous
''
rltl'eS textes de la littorature profane et t)On à l'ancien libère du péché. Les deux terrnes soulignent forten1en t
Testi:unent. Aujourd'hui, prévaut la tendance opposée Ir, caractère onéreux de l'expiation et le fait que l'huma-
(cf L. Moraldi, Se11sus vocis !r.«O''l"')ptov.. , p. 257-276; n i 1,6 rachetée est devenue propriété personnelle du Christ
S. Lyonnet, trad. et notes do l'épître aux I-tomains, dans el du Père. Si l'on niait, en elîet, le sens purernent juri-
la Bible de Jérusale1n, et rééd. du commentail·e de dique et profane de r.u,;pov et de ses dérivés, on serait
J. Huby, Epitre aux Ro,nains, ooll. Verbum salÙtis, par contre ouvertemelit infidèle au contexte : on
Paris, 1957; F. Büchsel, dans Kittel, t. 3, p. 320-32 1,; exclurait la nuance d'acquêt et de rachat onéreux. •rou-
J. Jeremias; voir bibliographie). Il est d'autant plus tofois, il convient de donner ù cette dernière expres-
naturel de faire appel à l'ancien Testa.ment que l' ilas• sion le sens qu'avait dans l'ancien 'l'cstament la libéra-


2041 DANS LE NOUVEAU TESTAMENT 2042


·tion de la servitude de l'Égypte (E:code 19, 4-5; Deut. Mal. 8, 17; 1 J>icrre 2, 9; Tit6 2, 1'~; A poc. 5, 9, où le
7, 6; Tite 2; 14; 1.:ph. 5, 25-27). renvoi ù l'ancien 'fes·tament est expliGite. Le ch1•éUen est
A ln lun1ièr«i de l'11ncion Tosta1nont lisons oncoro doux autres ainsi un c< àfTranchi >> du Christ comme Israël était un
textes. • A 11 ravour de l'an1our du Père pour nous, nous t rou- << atr1·11,nchi • de Yahvé. Nous lisons dans J.,éc,, 25, 55 :
vons dans Je Christ la rédemption (,btoÀU'Tf'">oiç) par son sang, « C'est de mol que les enfants d'Israël sont les sel'vi- '
la l'émis.,ion (1t,peo1,) des péchés 6elon li\ richesse da sa grâce teurs; ce sont mes serviteurs que j'ai fait sortir du
(de la grâce dù P ère)• (Êp/1. 1,?; et Col. 1, 13). pays d'Égypte>> (cf aussi Lév. 25, 38, 42-43), et ailleurs
Saint Pierre repousse l'idée d'un rachnt profane (do ut des) (Exode 12, 42), à pri;,pos de la sortie d'Égypte, la nuit,
et il écrit : « Sachez que ce n•ost par rion do cor,·uptlblo, or ou cc Yahvé a veillé pour lps faire sortir ~. cc c'est pourquoi
urgent,. que vous nvoz 6t6 a ffranchis (lXl>'l'o@0'1)'1'&) .. , mais pur
le sang prucioux ('1'1µ(4> «t1J,«'l'1) .de l'agneau sans reproche et cette 1nê1ne nuit doit t,tre une veille en l'hon,neur de
sans tache, le Christ• (1 Pierre 1, 18; cf Jsaie 52, 2-3). Yahvé pour tous les enfants d'Israël )> (cf lsa;;e 45,
13), Dans le nouveau Testament, le rachat a été accom-
Des textes de l'an Gien Testa1nent qui se réfè1•en t à pli par le sacrifice total du Fils de Dieu, en son sang.
la sortie d'Égypte et des prisons babyloniennes ou,
de façon générale, à Yahvé dofensour ot libérateur 4° Le sacrifice sanglant. - Il n'est donc pas
d'Israël (Deul. 7, 8; 9, 26; 13, 6 ; 15, 15; 21, 8; Osée 7, étonnant que les auteurs du nouveau 'festament aien L
13; 13, 1.fo; I saïe 41, 14 ; 44, 24; 47, 4; 48, 17 ; 49, 7, f,oujours considéré l'expiation du Christ co1nme un sacri-
26, etc) sont dans le nouveau 'J'estamcnt roponsés, fice i:;aoglant : il a e:x;pié avec son sang, et c'est la seule
approfondis et vus Go1n111e réalisés dans le Ch1'ist expiation qui vaille. Les textes qui parlent du 1:1ang
(Luc 1. , 51,, 68; 2, 29-32; 21, .28; .24, 21; Tite .2, 14; du (;hr•ist se divisent en deux catégories : les uns font
Héb. 9, 12, 15). Cet app1•ofondissen1ent et cctl.e réalisa- allusion au sang c1 eucharistique », les autres au sang
Lion surpassent infiniment toute la pl'épa!'ation de répandu sur la croix; tous se réfèrent exclusivement
l'ancien Test.amenL, pa1·ce que, précisément, c'est Diou au ,s:-1criflce expiatoire. Dans l'institution de l'eucha-
le Père qui a donné son prop1·e Fil$ (Je<J.n. 3, 16; Jlorri. 8, ristie, la 1·éférence au sang de l'àlliance est fol'roelle
32) à l'hurnanit1~, et que le Fils, réalisant le vouloil· du (cf Jnarc 14, 23, et parallèles; 1 Cor. 11., 25-27; cf 10,
Pèl'e, a offert lui-même $On sang. C)n no peut imaginer 16); au n11,mo contexte se rattachent Actes 20, 28, et
expiation plus grande et plus totale, 1nais aussi plus Àpoc. 5, 9. L'A.po,;alypse, à deux reprises, met en paral-
onér·euse : mystèl'e d'amour chez le Pè1·e, 1nystère lèle ln sang de l'agneau pascal et celui d\l Christ, nou-
d'obéissanGe Gltez le Fils. vel agneau de la nouvelle pt\que (Apoc. ?, 'l', ; 12, 11).
D'autres textes pl'écisent la valeur du sang du Christ.
3° Le rachat. - Dans sept textes du nouveau Dan:, Héb. 9, 12-14, le sang du Christ est cornparé
Testa1nent, au 1noins, l'expiation accornplie par le Christ à ceJ11i des sacrifices de l'ancien Testament : les sacri-
0st présentée co1nme « un achat >>, fices pu1·ifiaient des impuretés légales, le sang du Christ
• Vous nve:r. olé bel et bien açhetés (·Jiyop,:in0-,,T<); glori llez purili<1 la conscience des œuvres de mort, il purifie
donc Diou dans vol.te corps • (1 C,1,, 6, 20). et st111cUOe le peuple (l{éb. 12, .24; 13, 12). La même
• Celui qui étnit libre, lors rln son appel, est un esclave du épîtl'e désigne le sang du Christ comme la base de
Christ. Vous avez été bol et bien acluilés (·hyoo~o0'1)Ta), Ne l'alliance, de la purification et de la sanctiflcqtion des
vous rendez pas esnl11.vea des hotn111éS • (1 Cor. 7, 23), cl'oy:ints (9, 12-14; 10, 19, 29 ; 12, 24; 13, 12, 20);
• Le Christ nous a racltotés (~'l)y6pixocv) de la malédiction nous l'etrouvons cette idée ailleurs (1 Picl'rc 1, .2, 19;
de la loi, en su taisan t rnalédlction pour nous• ( G<ll. 8, 13).
• Dieu envoya son Fils.. , afin d e racheter (t~11yop«011) les 1 Jean 1, 7; 5, 6; Col. 1, 20; Apoc. 1, 5; 7, 14). Si donc
sujots de la loi, nfln de nous conférer l'adoption filiale • ( Gal. les chrétien$ c< sort.ont. vainqueurs>) de la lutte contre
1,, 5). le mal, c'est grâce au sang dll Christ (Apoc. 12, 11);
• Tu es digne de prendre le livré .. , ëar tu f us égorgé et tu par• lui, ils ont été cc rapprochés » de Dieu (Éph. 2, 13),
rachetas p·o ur Dieu (-/iy6p«o«c), nu prix de ton ao.ng, des ils 011 t été jusLi'llés (Ron-1,. 5, 9), ils ont trouvé la réden1p-
ho1111nes de touto raco .. , ot tu ns fait d'eux, p our notre Pieu, tion (Éph. 1, 7) . Sul' un 1node bea\1coup plus sublime
une royaut6 de prêtres • (A poc. 5, 9), que tout cet apparat d'expiation sacrificielle, 1nais
• ... Ceux qui ont été rnchet,'1a (hyôpcxo1.1Jvo1) à la terre • préflgu1•é par lui, le sang du Christ est le sang do la
(Apoc. '14, 8).
• ...Reniant le Maître qui los 8. rachetés (<lyop&o«v-Tc,) • nouvelle alliance, de la nouvelle pâque, du nouveau
(2 Pi~rre 2, 1 ). sa.cri !Ica expiatoire qui réalise complètement et univer-
selle1oent le 1•eLour de l'hun1anité à Dieu.
La notion d'aGllaL, d'o.cqui$itîon, e1nployée à propos Dans ce contexte général, deux autres expressions
ile l'expiation du Christ, est suscepLible de deux inter- de sr,int Paul prennent tout leur sens : Je Christ nous a
prétations, selon qu'elle correspond à l'institution 1·achetés (t~'l)y6pcxCJev) de la malédiction de la loi, en
juridique de la 1nanu1nission sacrée dos esclaves ou à devenant lui-mê1ne malédiction pour nous ( Gal. 3,
\lne notion parallôlc dans l'i1n,;ien 'l'estarnen t. Dans 13), n'est-à-dire en devenant solidaire de cette malédic-
1 Cor 7, 25, il est bien possible que l' Apôtre faasé allu· tion qui pesait sur to11s ceux qui transgressaient la loi.
sion à la manumission, mais, dans leur ensemble, Cettn manière de parler rappelle certaines for1nules
les t~xtes s'expliquent. mieux si l'on donne à la notion incisives de Moïse; quand il âdjure Dieu : « Efface•moi
d'achat le sens qu'il avait. dans l'ancien Testament du livre... l>, cc '1'ue-n1oi plutôt... ,, (Exod.c 82 , 32; Noni/J,
(cf en particulier S. Lyonnet, F. BOchsel, Daniel de 11, 1 !i; etc). Dans 2 Cor, 5, 21, on lit, à propos de Jésus :
Conches, voir bibliographie). Dana l'anGien 'l'estament, c< C~il.1i qui n'avait pas Gonnu le péché, Dieu l'a fait

en effet, Je coocept cle libération est pratiquement " péché >> f)O\Il' nous, afin qu'en lui nous devenions
synonyme d'achat, d'acquisition. C'est ainsi que jµsticc de Dieu n. On sait les discussions des co111men-
l'ancien Israël est la scgttllâlt dé Yahvé, c'est-à-dire tate11t$ sur cc mot « péché >>. Après nos explications
uno chose très précieuse et sienne à un titre partiGulier, sur l) a((a't dans la législation lêvitique, on ne s'étonnera
puisque rachetée par lui. Voir Exod1J t 9, 5-8; Deut. pas qu'en dépit des difficultés apparentes nous nous
26, 18; l 11afe 43, 2-1; Ps. 74, 2; 78, 54; 135, 4; 1. 39, 13 ; tenil111s a\1 sens de « sacrifice d'expiation, victi1ne expia-


2043 EXPIA'fION 2044
toire ,, (cf L. Sabourin, Note sur 2 Cor. 6, 21 : lo· Chr~"lt qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, rnais pour
fait <c péché l>, dans Sciences ecclésiastiques, t. -it, 1959, celui qui est n1ort et ressuscité pour· oux » (2 Cor, 5,
•p. 419;.424, avec la bibliographie) : le Christ est _présenté '11t-15). Réaliser en soi, avec sa grâce, l'expiation du
ici comme le sacrifice expiatoire ou la victi,me expia,toire Christ, tel est le principal devoir des chrétiens·. Cette
du nou.v eau Testament. En face d'\rne, expression aussi vérit& est expri1née diveri;en1en-t selon les auteurs (cf
forte sur l'expiation d'o uloureuse du Christ, des eemmen- Jnan 3, 30; 12, 25-26; Luc 9, 28; etc). Saint Paul, d'après
tatours protestants, suivis par quelques. ceAholiques, les Actes, la résuine ainsi aux premiers chrétiens : ~ Il
en sont venus à parler d'une n1alédiction du Père. faut passer par.JJien des tribulations pour entrer dans Je
E n réalité, de telles expressions ont été préparées par royaume de Dieu" (14, 22). L'.Apôtre se fora plus pr6cis
taute la doctrine de l'ancion 'l'estament et c'est sous nncore. quand, à la fin de sa vie, au milieu des. souf-
cet angle qu'il faut les considé1·er. Dans le nouveau rrances, il aJilr.rnera qu'il achève, dans sa chair, ce qui
'Fostament, quand on parle, de l'expiation du Christ, 1nanquo aux souffrances du Christ., pour son corps qui
on fait continuellement appe.J, non par; à la rnalédic• est l 'Église (Col. 1, 24), et qu' il peine et lutte avec
tion de Dieu, mais à l'amoui• du Père envers l'humanité, l'énergie m ême du Christ qui agit en lui avec pui11sance
; à son initiative dans la rédemption ot à l'obéissa11ce ({lol. 1, 29). Saint Pierre s'appuie lui aussi sur l'œuvre
du Pils (cf S. Lyonnet, La sotériologie paulinienne, dans <ixpiatrice du Christ pou1• rappelel' a,,x fidèle$ leu!'$
Introduction à la Bible, t. 2, p. 840-858). Cette marque devoirs (1 Pierre 1, 18, à 2, 20); la première partie
oxtraordinah•e d'amour de la part du l'llre .fait alilr- do son épître se termine par le texte célèbre : c, Le Christ
mer à sairrt Jean que Dieu s'est révélé con,rne cc l'Amour)) a soutTerL })OUI' vous, vous laissant un 1nodèle... » (2, 21'-
('1' Jean 4, 8 et 1'6) 1 et en cet arnour saint Paul met toute 25; ef 4, 1-2). Unis au Christ, à son expiation, par· la Ioir
son espé1-ance (Ron1.. 8, 31-39). par les sacrements, spécialement par le baptême et

r
1
. ·5° Morts et ensevelis avec le Christ, - Le qua-
trième évangile souligne avec force, que la vie du Christ
nia été qu'un acte d'obéissance envers Je Père (Jeari 5,
l'eucharistie, le chrétien doit rnourir et ressusciter pour
vivre la nouvelle vie du Christ ressuscité, en attendant
la plénitude de la rédernption qui ne se réalisera qu'a-
près la parousie.
86; 9, '1; 17, 4); la volonté du Père rut sa nourritur~ L.'article REPARATION montrera comment le· chré•
('4-, 84)•. Saint Paul éc1'ira, à son tour, que l'humanité tien achève, lui' aussi, « dans sa chair, ce qui manque à
fut rachetée par l'obéissance du Christ au Père (Rom. ln passion du Christ, pour son corps, qui est l'F.lglise ».
5, 19). A l'apogée de sa vie- publique, Je Ch1•ist annonce
auoc a,pôtres sa pa$sion, et leur explique la nécessité 1. Vocab11lairo. - F. BUchscl, 'Ayop«!;nv, ' IX«m<oµoc1 et
de sa mort (Marc 8, 31-33; 9, 30-32 ; fO, 82-84; et ' l);oco1.1.6ç, Aù,~ et AU't'poOv, etc, dnna Kittel, t. :1, 19119, p. 12:i-
parallèles). Luc, avec la tournure d'esprit qui lui est 128; t. 3, 1950, p. 301-325, nvec J. Herrrnann; t. fa, 101,2,
propre, présente Jésus dan$ ce gr·and voyage vers J éru• p. 829-359, avAc O. Procksch. - W. Zirnn1erli, Ilo:t<: 0,00 1 t. 5,
1!)54, p. 653-713, avec J. Jerernias. - li. Preiskor, IIep1-0uo1oc,
salem, qui n'est pas sans avoir· une profonde résonance
l. G, 1969, p. 67-58.
spirituelle, tout entier orienté vers sa })Q$$ÎOn, sa mort 2. Êtudc11 géniralcs. - J. Rivière, Le dogme de la rédcmptio11.
et sa résurrection (Luc 9, 51, à 19, 28; outre la triple Ét111.W théologique, Pnris, 1914; 3° éd., 1931. - A. l\1édebielle,
annonce co1nmune aux synoptiques, 9, 51; i2, 49-50; nrt. Expildio,1, DBS, t. 3, 1988, col. 1-262.
1-3, 22; 17, 11, 25; etc). L'épitre aux I-lébreux et celle 3. Ar1cicn Tcstamc11t, - W. Eichrodt, Theologic des alte11
aux Philippiens donnent une synthèse· de l'expiation Ti,S/fln1ents, 8 vol., 1,.t;iipzîg, 1933-'I 989. - J. J. $ti1mn1, Erll!sen
du Christ : aux jours de sa vie mortelle, avec de grands 1111d Vergebcn îni Allen 'i'estan1e11t. Ei11e begriffi;eschichtliche

cris et avec des larmes, il a présenté des prières et des /J 11tersuclu1ni;, Borno, 1940; D1lil Leidcn des U 118cihuldigcr1 ir1
supplications à celui qui pouvait le sauver de la, mort /Jabylon urid Israel, Zurich, 1946. - J. Pcderscn, Israel. Its
li/e a11d cult1,rc, 2 vol., Londres-Copenhague, 1.946. - D. Lerch,
et il Iu.t exauêé pour sa piété, mais tout !~ils de Dieu {sa"ks Opfcr1,ng cliristlièh gcdcutct,lTubinguc, 1950. - J. Schar-
qu' il était, il' apprit par ses soulTrances l'obéissance, et, bcrt, Der Scllmer:; ùn-olte11 Te1ta1ne11t, l3onn, 195(:i. - J. A. $an-
rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui rlors, SuOering as dÎ1JÎ11e discipline in the otd· 'l'esta1nent and post- l
obéissent principe de salut éternel (lléb. 5, 7-9). Le F ils biblical J11dai.a111, Now-York, 1955. - L, Moraldl, Espiazior1c
de Dieu s'anéantit hli-mêine, il prend la condition sacrificale e riti eapiatori ncll• 1in1bic11tc biblico c ncll' anticll
d'esclave, en devenan t sen1blable aux hommes; il Testa,niento, coll. Analecta biblica 5, Rome, 1956. - V{, Zhn-
s'abaisse, B"e faisant obéissant jusqu'à la mort et la n,ort fflCrli et J. Jere1nins, Tl,c Scri'11r1t of Gotl, Londres, 1957·, trn1I.
de la croLx; aussi bien l'a-t,-iJ. exalté {,Phil. 2, 6-11). ,!es o.rticles pnrus dans Kittel. - W. l,. Holladay, The root
.<; 0 011 in the old Testament, Leyde, 1958.
Quolle sera donc la responsabilité des chrétiens'? 4. J utla11nne. - E. Sjiiborg, Gott u11d dis Si.!nder im paüis-
Comrnensaux du Christ au " repas » eucharistique, qui 1inisc/u,n Judentu1n nach de112 Zeugnis der Tannaiten und der
fait revivre (a:na1nnèse) le 1nystêre de sll passion et de 1tpokryphri'.sch-pseudt1pii;raphischen Literatur, Stuttgart,19â9 .-
sa mort, les chrétiens doivent continuer les mystères .1. Morgenstern, 'l.'wo prophecios fron1 tlia /ollrù, ccnt1,ry b.
rédempteurs en les réa.lisant ploinemen t en eux-rnêrnes; C. and tlie a1Jolution of Yom Kippur, dans Tlw Iicbrcw Unio,1
Collcgc Annual, t. 2~, 19li2-1953, p. j-74.
ils sont engagés dans le même mystère d'amour et 5. No11Pèau Testarr1~nt. - L. Mornldi, Sens1111 i'ocis 'I>.o:àdi~•o•
d'obéissance au Christ, de mort avec le Christ et, avec ù1 .R à, 26, dans Verburn Domini, t. 26, 1948, p. 257-276. -
lui, pour los autres. ,c Pouve1.-vous boir•e la coupe que Daniel de Conches, .Redemptio acqttisitionis, dans Verbum,
je vais boire 11 (Mt. 20, 22)? C'est une question que le JJ0111ini, t: ao, 1952, p, 14-29, 81-91, 154•169. - Y, Tl>.ylor,
Christ pose tous les jours aux siens. Déjà, Il~ baptê1ne 'l'ha atonement in New Tcs1umc11t tcaehing, Londres, 1950, 1954;
unit le. chrétien au g1'and n1ystè1•e de la croix : on est Forgil•cncss a11d rcco11ciliation, Londres, 1952. - J. Coste,
baptisé dans sa n1ort, enseveli avec lui dans la, mort Nutiôtl grecque èt notion bibliqus de la • souUrance éd11cati1Js •
(à propos d'Ht!/Jreux 5, 8), dans Rechsrchss d8 science rcligiausc,
(Ro,n. 6, 8-4-). Devenir un avec le Christ pa1• une rnort
t. t,3, 1955, p. 481-528. - EL F. SutellJTo ProPidenca and suf•
semblable à la. sienne, t:'est l'unique rnoyen, pour un /11ring in the old and r1aw Tcslamcnlil, ~dimbourg, 1955. -
chrétien, de participer ensuite pleinement à sa. résur- .1. Kre,ncr, Was <1.11- dc11 Lcidcn Chri11ti noch ma11gclt, Bonn,
rection (Rom. 6, 5). « Si un seul est mort pour tous, alors 1956. - E, Tcsto., Gcs1i paciflcatorc u11iv~rsa~, Aesiae, 1.956;
tous sont 1norts. Il est mort pour tous afin quo ceux . .l11 sotcriologia· (li, S. Paolo causa della sua catti1Jitd·, dans
2045 EXPIATION - EXTASE: . 2046
Studii biblici franccscani liber. an11uus, t.. 8, 1957-1958, gu,as, i;,'habiLuent n1al à distiî1guer l'aspect phénoménal
p. 113; 21/,. - O. Cullmann, Christologie du nouveau '.l'sstame11t, 1
et le problème métaphysique. Même si on consent à
Neuchàtol, 1958. - L,. de Loronzi, GtJsù :i.u~PW'"I( (At. r, 36),
, définir l'extase d'abord comme un « phénomène » de
dl\Ds Rii,ista biblica i(aliana, t. 7, 1959, p. 204-821. - St. Lyon-
11et, J)c J)èCcato et reds1nptionc. De riotions pecoati, Rome, 1957; comporterr,ent, dans lequel un individu perd la cons-
La valeur sotériologiqiis de la résurrection du Cliri$t selon saint cience de soi et de, tout& autre réali.té que celle qui.
•Paul., dans Grcgorianttm, t. 39, 1:958, p. 295-318; De nolion4 absorbe ar.tuellement ses puissances d'a,tterution, il
salutis in 110110 Tt1starnento, dan~· Vcrbum. Domini, t. 86, 1958, · reste à pr6ciser comment on se représente la. cause
p. 3-15; De notionc redsniptionis, p. 129-14·6 ; be notioM do cet état. L'usage courai1t demande que l'on réserve
tmptionis seu açq,1,,isitionis, p. 257-269·; De notions szpiatio- le terme « extase » à l'emprise d'un objet qui ne fait
nis, t. il'~, 1959, p. 336-352, ot t. as, 1060, p. 65•75; La sotério- que polariser totalemon t les facultés, et celui de «· posses·-
logic paul.inisnne, dau~ Introduction à la Bible, t. 2, Pa!'is,
1950, p. 840-889; Expia1io11 et i11tcrccssion. : 4 propos d'itne sion » à l'in Lerventioo d'un sujet qui substitue son acti-
traductiort' ,le saint Jsr6111e, dans Biblica l. ~o. J-tome, 1959, vité à celle de l'individu devenu complètement passif.
p. 885-901. . Sur le plan théorique on s'entendrait assez facilement
Louis MonALDI. sur cette distinction, si au centre du débat, en ethno-
graphie, ne se trouvait le << chamanisme », dans lequel
on admet génél'aleinent le caractère extàtiquecomme
- EXTASE. - Cet article doit ~tre mis en liaison essentiel, et qui cependant est considéré par beaucoup
avec les articles CON'l'EMPLATION·, Du:u (connaissance
d•auteurs comme un phénomène de possession.
mystique de Dieu), Es~ENCt (vision de l'essence de 1. Ltt ch/J.ntanisme. - 2·. Le chamanisme sibérie,1. -
Diou), EucuAn1sT1E 1.1 (Expérience 1nysUque), ExEM• 3. Chama11isme universel l
Pl,ARISME, EXPÉIUF.NCE SPIRITUELT.E,
Le plan adopté montrera quels choix ont. été faits. 1. Le chamanisme. - Nous dil•ons plus loin que
L'extase dans le judaYsme et dans los chrétientés non le chamanisrne est tellement complexe qu'il faudrait
unies à l'~glise romaine ne sera pas étudiée ici. sans doute distinguer en lui des moments extatiques
Le monde arnbigu des rnouvements de << spirituels », et des moments de possession, et ainsi circonscrire
que Ronald l(nox. .a exposé naguère (Enthusiasni. .11 plus exactcruent le problème de l'extase. Et. st l'on
chapter in the history of religion ,vith reference to the voulait ·s'en tenir aux moment!i « ex tatiques » et rester
xvn and xv111 centuries, Oxford, 195·1 ; lo mot enthttsias1n sur le plan pure1nent phénoménal, il faudrait encore
11'a d'ailleurs pas de correspondant Ir·ançais adéquat) préciser davantage les notions, non pour définir là.
ne sora pas non plus abordé. On se reportera aux articles nature métaphysique de l'objet de l'extase, qui ne relève
Bfi:GHARos et CATHAnr;s, Fox, FnATICELLE S, FnËni,;s pas d'11ne (i~ude plié1101nénologique, mais pour discer-
l)U l,lliRE ES.P R1T,, elc. ne1· les voies par lesquelles cet objet s'impose à Ja cons-
L'extase dans la tradition chréLienne ne sera esquissée cience du sujeL. Si celui-ci est saisi de l'extérieur,
que daos les périodes où se sont élaborées les concepts comme pa1· l'irruption d'une réalité objective. qui tend
d'extase, chez les Pères et chez les théologiens, ou chez à faire « sortir » l'esprit de son envel'oppe charnelle,
dea spirituels qui ont décrit leurs expériences.. En devenue in~1rte, pour l'unir, voire l'identifier, à cet
raison de . son importance didactique, l'extase dans objet, ou pour le faire circuler, désincarné, au milieu
l'école car.mélitaine a été traitée à part. des réalités contemplées, ce sera une extase « objective»,
De l'extase du chamane à: l'extase de 'l'hét•èse d'Avila, qu'on ne pout confondre avec, la possession. Si l'objet
le clternin paraîtra long à parcourir et bien divers. s'impose de l'intérieur à la conscience, comme une repré
Dégagée de toute technique hurnaine, toute vraie sentation, in1aginaire ou imagée, que s'est faite le sujet,
extase tl'aduit le besoin de, f!oir Diou, de vivre en Dieu, et qui absoi·L,e toute son attention au point de le rendre
d'~tre trans/ornié en Dieu. Ce d6sir est radicalement irréa- absent à t out le reste, et au point d'ent,ratner son
lisable à l'homme.; Dieu en donne les arrhes, avant-• corps à parLieiper tolalen1ent à son activité psychique,
goflt de là ùeata paci:J visio, et du videbimus eum sicuti ce sera une extase « subjective, », que, certains auteurs
eat (1 Jean 8, 2) •. p1·éfèrent appeler· « entase )1, Autrement dit, il ra.ut
déterminer s'il s'agit d'un voyage de l'âme hors de
A. RELIGIONS NôN cunÉTTENl:'lllS. - I. L'extasf! chez
ses propl'es 1·eprésen.tations, dans un ordre de réalités
les. prirnitifs. - II. Dans l'Inde. - III. Dans la Grèce
clatJsùJlte. - IV. Dans l'I sla1n. ·
inaccessible à la condition humaine ordinaire, ou
d'une conc(:ntration coinplète de l'âme dans Je monde
B. MvS'rlQUE CHRÉTTJ?NNB. - I. L'extase dans l'Écri- de ses pl'o1,res représentations. Le chamanisme, ici
ture sainte, - Il. Chez les Pères de l' É glisc. - III. encore, se présente avec tous ces aspects, et Mir-
Citez lt1s 11pirüuels du 12Qsiècle. - IV. Chez les théologiens cea Eliade, qui voit dans la c< technique de l'extnse »
du 138 siècle. - V. Traditio,1 spirituel/~ du 138 au l'essentiel du chamanisme, pense que l'activité carac·
178 siècle• .- VI. École carmélitaine. téristique dn chamane est son voyage céleste (ou infer-
C. PnoBLÈMES DE l'SYCH0Lo a1E. - I. Psychologie nal), un vol de· l'âme à travers des mondes invisibles
et etetase. - Il. Phéno1nèr1e11 occasionnels de l'extase. aux yeux clu corps; et cependant il définit l'état du
D. CoNCl,OSION. chan1ane, à ce moment-là, moins comme une " extase ))
que cornrne une « entaso », concentration des facultés
A. DANS LES RELIGIONS NON CH'RÉTIEN~S psychiques sur une idéologie spécifique, présupposée
à tout vrai chamanis1ne. C'est peut-être en analysa~1t
J. CHEZ LES PRIMITIFS cette apparente contradiction qu'on arriverait à définir
Il est bien difficile encore de se prononcer sur tous le mieux la comp)exilé du chamanisme et à y situer
les phénomènes d'apparence extatique que l'on relève exactement le rôle et le·moment de l'extase.
fréquem1ncnt chez les priînitifs. On se heurte, comme On ne peut qu'esquisser ce projet, car c'est toute
bien souivent.en ces matières, à des questions de défini• l'ethnologie religieuse qu'il faudrait évôquer. On entre•
tion. Définition de l'extase d'abord : certains etl1nolo- voit ulle sorte d'hypothèse de travail dont tous les
EXTASE CHEZ LES PRIMITl'FS 2048
2047
élérnenl.s nol,lS se1ublent être réunis dans l'ouvrage de de possession : mais le chamane n'est pas possédé pal'
M. Êliade (Le cha,nanismc, Paris, 1951), auquel on ses esprits-protecteurs, même s'il mime leur comporte•
pourra confronter les documents , 11ecueillis par ment. Il les enferme dans son tambour, qui est son véhi;
, W. Schmidt (Der Urspr1atg der Gottcsidee, Munster, cule cosnlique; il les chevauche. Il ne tombe pas non
1926-1955, t. 2, 3, 5, 9 à 12). Cos deux auteurs font étal: plus en extase, car tous les témoins sont d'accord
des principales théories et recherches concernant lo pour souligner l'extraordinaire maîtrise et la sûreté de
charnanis1ne, au senf.l strict couune au sons large. 1nouvements qu'il lui faut dé11loyer dans ses évolutions
au rnilieu d'un pul)Jic serré autour de lui, sans parler
2. Le cbarnaDisxne sibérien. - Au sons strict, lo de la lucidité que supposent l'improvlJ.ation ou la réci-
eha1nanisrne est .d 'abord un phénornène sibérien : lu Lation de longs poèmes à la prosodie compliquée. Chez
mot « chamane » est emprunté au tµnguz et a été géné- certains samoyèdes, on interrompt même la cérémonie
ralisé par les auteurs russes. Ou trouvera che1. de Lemps en temps, potll' que le cha1nane ne se fatigue
W. Sch1nidt et M. '.l!lliade l'exposé et la critique des pas et, chez certains eskimo, on 1néprise ceux qui man-
t,héories sui· l'origine pathologique endémique et r;ur quent de cahne et de 1nattrise. Le co1nportement du
l'o1•igine bouddhique, toutes doux insulllsantes. Il fau t chamane est essontielle,nen t une concentration de
probablement admotlre avant tout co1n1ne présup- la pens,~e et de l'imagination sur cette cosmologie
posé et fon<lement certains aspecta caractéristiques des cornpliquée dans laquelle il est censé évoluer.
religions des peuples sibé1•iel)s; et on pourra comprendre Le chamanisme semble hien êtro né de la nécessité
plus facilement ensuite con11nenL ailleurs, s'il y a des de ·trouver des spécioJistes pour les rapports avec un
élémonts religieux se1nblables daos le milieu, quelquo au-delà si co1nplexe. Le chamane est ce spécialiste. Ce
chose de semblablo au cha,nanisme puisse se dévelop- qu'il manifeste extérieurement n'est que la symbolisa-
per. tion, poul' les assistants, do ce qu'il fait en pensée et
Les chamanes sibériens se distinguent des sorciers, l'expression rnimique des fortes impressions que lui
des rnagiciens, des guérisseurs, des prêtres. C'est peut- donne la familiarité active avec l'idéologie du 1niliou.
ètro trop préciser que de dire que ce qui lee; en distinguo C'est alo1'S qu'il convient de parler d'une 11 entase »,
est justornent l'oxtase. Mais l'extase joue dans leo1• ou d'une concentration psyclüq110 sur un donné idéolo-

existence un rôle essentiel. Seulement, cette spécialil.6 gique intensément médité et vécu. « L'extase » se situe
demande à être située exactement dans lo long cycJo ailleurs dans la vie du chamane. Il est vrai qu'en fin de
de préparation et dans les diverses activités des cha- séance, ot comme son point final, lo chan1tu1e se laisse
manes. En fait, l'extase ne semble plus intervenir unn tom6e1• inerte et sirnule ensuite un ,•éveil d'un sommeil
fois que le chamane a obtenu le pouvoir et Je, droit profond. Cela peut faire fonct\on de <1 rite de p11ssage >i,
d'exercer ses fonctions. ,nais il sernble qu'il s'agisse surtout d'une manœuvre
pour impressionner le public.
i., La séa11ce cha,nànique. - Le chamane ~,•a.vaille
comrne devin et conune guél'isseut· selon dos n1éthod1~s 20 L'initia:tion cha1nànique. - Ce qui est infinilnent
qui lui sont propres; quantil;ativernent, c'est là le plus plus irupol'tant pour notre p1•opos, c'est là longue prépa-
hnportant de so.11 activité, mais ce n'est pas ce qui J•ation quo doit-subir le futur cha1nane avant de pouvoir
le distingue. Cela fait partie des sous-produits de sa exercer. Là, l'extase joue un rôle capital. Les auteurs
•fonction; et ces sous-produits, con1me il arrive dans bien ne s'acco1·dent pas $Ur l'essence d1,1 chamanisme : est-ce
d'autres milieux, peuvent prendl'e dans l'estime du ou non l'extase? Le désaccord s'e)(plique : ceux qui
public le J)M sur le reste. Il en est de rnêrne des démons- l'affirn1ent pensent au « devenir chamane ,,, où l'extase
trations spectaculaires de voyance, des transes et autres ei;t décisive; ceux qui le nient pensent surtout aux. séan•
perfol'1nances de ce genre, qui, cornme le rait remarquc:r ces chamaniques, où l'extase n'intervient plus, saur
M, )!}liade, sont plu.~ développées là où le chamanisme est dégénérescence par raisons de propagande.
en cQncurrence avec d'autres religions, telles que l'lslan1. I.,a vocation cha1nanique se manifeste ordinairen1ent
Tout cela sernble bien être surenchère de propagandll. par une crise psychique et névrotique, pas nécessai-
L'œuvre propre du chamane, qui n'est pas aacri fi- rement épileptique. L'individu qui refuse de suivrê
cateur, consiste à accornpagner l'âme du cheval sacrifié cette « vocation i> risque d'y perdre la raison et la vie.
jusqu'au lieu de sa destination céleste (pour les clu,mant'.S Mais tous les charnanes sibériens sont d'accord pour
~ blanc.'i ») ou à aller aux enfers pour en l'amener l'ârne déclarer que l'acceptation et la pratique de la vio de
d'un malade captif des puissances infernales ou pour y ellamane les guérissent, les équilibrent et les fortifient.
accornpagner l'âme d'un défunt (pour les cht~rnful1!S Ceci n'est pas pou significatif pour le psychologue. li
11 noirs»). Beaucoup de chamanes s'attribuent d'aillnu,·s est seulement dilTlcile de saisir la nature de la oriso
.les deux rôles. C'est ici que joue « l'idéologie » chamani- initiale: les chamanes expliquent qu'elle est l'œuvre de
que. Cette idéologie ne leur e!lt pas prop,•e : c'ost celle l'esprit d'un cl1amane défunt, généralement un parent,
du milieu religieux arctique ot sibérien auquol ils ou cl'un esprit de l'uni vera qui désire devenir esprit-
appartiennent. J .-P. 11.oux propose, pour les turco-mon- gardien d'un chamane. Un tel esprit ae manifeste pur
gols, de l'appeler <1 tiingrisine i,, pour bien en souligner J'êves, visions, obsé!lsions, non par possession. Peut-être
l'originalité : religion oul'anienne (tângri = ciel) à pourrait-on voir là l'effet do l'arnbiance d'un milieu
cosmologie très développée, avec a1•bre cosmiq11e qui s'atter,d à ce que le pl1énoméne se prodnise dans
soutien de nombreux ciels (ot enfel'S) étagés sur ses telle famille et le désire intensénlent. Cette attente se
branches (et ses racines); Dieu célosto lointain, no1n- crista.1liserait chez un individu de cette l'amille en un
breux intermédiai,•es cosmiques. Le chamane, engag-6 complexe qui ne peut être guéri quo par l'acceptation.
comme guide à tràvel'S ces n1ondes compliqués, min111 Il ar1•ive aussi que le futur charnane soit simplernent
po\1r le public Je voyage de son esprit. Il se fait aider pnr choisi pal' un ancien ou par le groupe.
des esprits-protect.eurs personnels, qu'il convoque ave1) Une fois consentant, le candidat doit faire un stage
son tambour magiq\1e. A ce propos on parle souve11t de solitude extrêrnernent ascétique, jusqu'au mo1nent
2049 EXTASE CHEZ LES PRIMITIFS 2050
où t( l'extase ~· 1e saisit. Celle-ci peut être con1plétée ou ne sont pas l'essence du cha1nanisme; et, si le ter1ne
non par les · enseignements d'un autre chamane et tend ù se généraliser, c'est précisément parce quo le
elle doit êtr,e sanctionnée par une cé.ré1nonie publique phénon1ène << extase », en tant que forme d'in\t.iation
d'investiture. Mais rien ne peut. dispenser le futur de spécialistes, est très répandu. , C'est une technique
chamane de cette extase, qui le fait chamane. de transfo,·rnation, qui se retrouve presque partout de
L'qbjet de cette << exlaso ,,, pendant laquelle le can- par le monde, dès qu;U s'agit de faire entrer un individu
didat tombe, dit-on, dans un ét.at d'inconscience totale dans une fonction quelconque de . médiation avec le
prolongée pendant plusieurs jours, est préci/;ément la ,c surnaturel », ou simplen1ent de faire p'asser un adoles-
cosmologie du milieu a1·ctique et sibérien. Pendant cent à l'état d'adulte. •
cette catalepsie, son esprit voyage à travers les rnondes, M. Éliade a 1nontré (lYai..~sances mystiques1 Paris,
rènd visite aux grandes entités cosmiques : la grande 1959) quo l'initiation, à peu près chez tous ·les primitifs,
Mère, le grand Forgeron et d'autres Régents du cos1nos. repose sur un rituel de mort et de renaissance. Il est
Surtout, il subit, en cette vision, une ,nort et une intéressan \, de constater que les indiéns d'Amérique
renaissanee spectaculaires : sos os sont décharnés et du nord, cultur-elle1nent et biologique1nent apparentés
reforgés, ses chairs bouillies et recréées; il renait de aux sibéri<ins mais plus 1t prin1itif$ "• tendent à réduire
PArbre cosn1ique sur le sein de la Mère; il coin prend la pratiquernnnt toute initiation d'adolescent à une
langue des oiseaux; il devient un autre être. Car tel ,1 extase >> : solitude ascétique jusqu'à la vision. Chez

est le but do cette c< extase». Dé$01·1nais, il doit pouvoir ces Indiens, dont l'idéologie ressemble à celle des
circule1• à volonté dans ce monde-ci et dans ce inonde-là. sibériens, l'ex ta.se n'est pila !'éServée aux seuls spécia-
Il y acquiert une nouvelle nat\lre, qui le rend capable, liates du n1onde invisible. Ailleurs, c'est par une mise
parce qu'il est mort et né à nouveau, d'entrer à volonté à mort ril.uelle et fnirnée do façon in1pl'essionnante
dana les mondes o'ù les a\ltres humains n'erttrent que quo se fait l'initiation, tandis que la technique spéciale
par la n1ort, et d'en sortir aussi librement. En 1nên1e de l'extase, condition de nouvelle naissance, est )'éserv6e
te1nps, cette transformation l'identifie au cosmos, aux spécialistes du « surnaturel ,1, magiciens, devins,
c;1r connaitr·e c'est êtl'e et c'est aussi pouvoit'. b'où 1nediums 1 guérisseurs.
la con1plication de cette c< extase ,1 : il s'agit bien tl'une Marcelle l:louteil!e,• (Chan1anis1ne et guérison magiq,,ui,
sortie de soi, conçue de la façon la plus 1•adicale (comme Paris, i 950) a montré qu'il 1•este bien dos survivances
il connaît la·charpente du mondo, il contemple son pro- de ce genre dans notre folklore. Dans ce cas, il est diffi-
pre squelette), mais celui qui en revient est un àutre cile de distinguer les si1nples i;y,nbolisations ou sirnula-
hom1ne. .A sa. mort, il ne peut pas reste,• au s6jour des tions, les t1·anses de possession eL les techniques exta-
morts co1n1ne les autres hon1111es; il faudra qu'il vivo tiques. De plus, ces spécialistes, à la dilTé1•ence. des
(!ans le cosmos comme esprit-gardien de chamane ou vrais chanianes, tendent à exagérer les 1nanifestations
régent d'une région du monde. Il est devenu hom,ne spectaculaires pour itnpressio,nner. les clients. La sirnu-
' . lation el, l'excitation collective montreilt, elles aussi,
cosmique. Telle est l'ex tase ·transformante au sens le
plus co1nplet. Son costume étrange exprimera cette l'importanc;e de cette idée fondamentale : pour corrunu-
iden Lité cosmique, niquer aveo l'autl'e ·monde, il fau ·t d'abord subir urre
C'est bien par là que cette c< extase » est essentielle transfor1na1.ion de son être, posséder une nature diffé-
au chaman1e, non pas à son comportement habituel, rente du cornrnun, s'être élevé sur le plan d'existence
mais· à aon être même; et une seule suffit. Une fois cosnlique, soit en pa.<;sant par des épreuves terribles
' devenu chamane, il n'en a plus besoin; il n'a plus besoin sanctionnée,; par l'extase, soit en ,jouissant naturelle-
de so1•Ur d'un monde pour entre/' dans l'autre, il vit ment du don d'extase. Pour agit' sui• les mondes, il
dans les deux, et son comportement dans les séances faut possédAr une double nature qui per1nette d'1~voluer
chamaniquês ne sera plus extase, mais concentration librement dans tous les mondés. Cependant, dans les
de la pensée sur l'état acquis par l'extase, exercice milieux. qui ne possèdent pas une cos1nologie de type
pratique et conscient de l'être et des pouvoÎI'$ (I\l'il a sibérien, 111ais une repJ"ésentation de l'univers où
reçus là. fourmillenL les esprits qui sont des puissances désordon-
nées et rivales et non des Régenta du cosmos, il est
3. Chamanisme universel ? - Les ethnogra• bien difficile de distinguer (< extase » et « possession ».
phes ne réservent pas le norn de chamanisme aux seuls Disons qu'il existe beaucoup de cas qu'on ne peut
phénomènes sibériens, et, dans son enquête, :tvJ. Éliade réduire au type possession. Bien que les deux interpré-
décèle chez-· la plupa1•t des primitifs dos éléments cha- tations se rnêlcnt, - sans toutefois qu'une « t.ranse "
maniques ou extatiques qui font penser aux faits sih6- soit nécess,liren1ent un fait de possession - , il s'agit
rlens. Certains auteurs n'omploient Cil terrne que pour de deux phénol,Ilènes de structure opposée, et il nous
éviter cet1x, ti•op ambigus, de sorr,iers ou de magir,iens; se1nble que M. Éliade a raison de les distinguer (onda-
il est bien vrai qu'on n'a pas le d('oit d'appeler sorciers 1nentale1nent d'après l'idéologie du milieu dont l'indi•
ou 1nagioiens ces individus, qu'on trouve un peu partout, vidu se réclame, '
qui font consister leurs pouvoil'S essentiellement dans Nous 1nanquons certes de documents suffisam1nent
des états psychiques qui rappellent le chu1nanisrne. approfondis pour in terJ)réter exactement chaque cas;
Cependant, l'extension universolle qu'on donne au mais il pan\ît bien légitime d'étendre les résultats de
terrne chathane est certainement abusive en ce sens que, l'enqui!te au delà du monde sibérien à travers l'ensemble
hors de la Sibérie, on n'assi-,te pas à ces séances où le <l'es primitifs. Tout se1nble indiquer que « l'extase >>
personnage voyage en Qsprit à ·travers un cosmos pourrait b'inn être, en tant que tendance ou postulat,
complexe mais ordonné; on ne trouve que des riLes un élément fondamental de la vie religieuse : une quête
épars et partiels, des transes et des exhibitions, qui ne dê médiation entre le monde visible et le monde invisi-
sont pas ·réunis en un système fondé sur une idéologie ble, du n1êrne ordre que la vision et le rêve, mais plus
vrairnent chamanique. radicale et plus totale ; plus qu'une simple technique
Nous avons dit en quel sen.<, ces éléments extérieurs ou un don, une manière d'être définitiv:e fondée sur
OICTJONNAIIII\ l)E SP II\ITUALI TÉ, - T. IV. 65

'
2051 EXTASE~ HlNDOU!E 2052
,
un changement de nature de l'individu. L'ex tas1;1 1958, p. 163). Les auditeurs deviennent rapidement
,, setait la réalisation de ce chQngement et sa sanction acteurs, et non1bre d'entre eux passent du paroxysme
par. l'au-delà. de l'exaltation à !a perte de la sensibilité. ·
On trouvera touto la blbliogrQphio utile dans l'ouvrage do 2° J)'aprês certains hymnes du Ved(i, les effets -du
l\'L Eliade, Le clia111anis11ia, Paris, 1951 ; auquel ·on pourra sonia se font sentir autrement chez les dieux et les
ajoulor los réflexions stimulantes de D. Schrllder, dans Anlhro• horr1mes. Le dieu Indra y trouve la source de l'inspira•
pos, l. 48, 1958, p. 671•678 (compte rendu du livre de lîiliado), tion lyrico-religieuse. 11 Le poète s'est approché de
cl son article, Zur Struktur <les Sclia1na11isn1u8, il>ide1n, t. 50, 1noi, comme la vache de son fils bien-aimé. N'ai-Je
1955, p. s,.s.ss1. pas bu le soma? » (Rig Veda x, 119; trad. L. Renou,
Joseph GOETt. dans lfymnes spéculàtifs du Veda, Paris, 1955, p. 115),
Le buveur se croît alors lo 1nattre du monde, montant
JI, EXTASE HINDOUE jusqu'aux nuées. A son tour le prêtre-poète affirme :
(< Nous avons bu le soma, nous sommes devenus immor-
Les formes si riches de l'expérience 1•eligieuse hin-
doue seraient incon1plètes si elles n'avaient pas éLù tels, nous sommes arrivés à la lumière, nous avons
aux prises avec ce qui ost appelé l'extase. Il seraiL trouvé les dieux ». Quoique non exclue, l'inspiration
prématuré de donner une définition complète de poétique est dépassée. L'hom,ne se sent au delà des fron•
l'cx,taso indienne. Phéno1nénologique1nent, elle se pl'é- Lières do l'humain et croit atteindre le divin (Rig Veda
v111, 48, 3; trad. L. Renou, dans Rymnes et prières du
sente con1 me une expérience psychique inefl:able qui se
ma11ifeste extérieurement par une porte do conscience Veda, Paris, 1938, p. 77).
normale. Les descriptions qui vont suivre pel'mottront a0 Une autre cérén1onie, Ja Dtksa (consécration du
d'en apprécier le contenu et la diversité. Nous ne p1•éten- p1•êtl'e olllciant), nous fait connaître d'une 1nanièro
dons pas donner une énu1nération exhaustive des phéno- plus précise une des 1néthodes magiques employées
1nônes extatiques dans la longue histoire indienne; pour obtenir une sorte d'extase. L'élu reste dans l'obscu-
nous nous efforcerons seulen1ent d'en présenter les rité; les trois derniers doigts de la main fermée (posi-
aspecLs les JJlUs hnportants. On a groupé les diverse:; tion du rœtus). Il jeûne jusqu'à l'ét)uiscmont; il attend
écoles dans un ordre chronologique; deux exceptions que la macération physique fasse rnonLer dans ses 1n0m-
ont été faites : l'oxtaso intellectuelle çankarienne a ét,~ b!'es une chaleur corporelle. Les dieux, dit-on, sont
groupée avec celle des Upanislu~ds dont elle dépend; entrés en lui, Je passé se dévoile à ses regards, il peut
l'extase ramanugienne est xnlae à la suite de la bhakti monter jusqu'au soleil. I-1. Oldenberg et A. B. l{cith
(roligion d'amour de la Bhagavadgltâ). trouvent un équivalent de ce rite dans les pratiques
des pdmitifs ou semi-primitifs qui veulent obtenir
1. La civilisation non-aryenne de l'Indua
un état extatique (lI. Oldenberg, .La religion des· Vedas,
{2800 avant J.-C.). - Il est itnpossiblo do dire à trad. V. Henry, Paris, 1903, p. 242; A.Il. Keith, Th,
quelle époque ont commencé aux Indes les phénomènùs Religion a11<l Phil<1flophy of the 11 eda and Upa11isliads,
extatiques. C'est dans la civilisation de !'Indus qu'il~ 1-IOS, t. 31, 1925, p . 300).
apparaîtraient. John Marshall et Mortin1e1· Wheelcr
croi.e nt discerner, dans une figure gravée SUI' des sceau:x, 4° Enfin, un hy1nno du Rig (x, 186) fournit un docu-
un p1·ototype de Çiva, le dieu de l'ascèse et de l'extase. ment typique sur ce qu'on appelle l'extase védique.
Ils corroborent cette affir1nation par l'interprétation J...'a$ct}te, le chevelu, est dépeint en des terxnes que J~
d'aut1•es documents (Mortimer Wheeler, The l11du,q dévots hindous appliquent encore aujourd'hui à cer-
Civi:ti8atio11, Ca1nbridge, 1953). Leur construction tains yogis. « Le chevelu porte le ciel ot la terre ...
semble bien fragile à J. Fillioiat (dans L. H.enou, etc, Ceinturés .de vent, les ascètes sont vêtus de brunes souil-
J.!lnd~ claqsique, t.1, Paris, 191i7, p.188). Tout au plus, lures, ils suivent la fougue des vents dès que les dieux
devant la divergence des spécialistes, pouvons-nous sont entrés e11 eux ». Le chevelu e$t devenu l'ami des
adrr1ettre la probabilité de l'existence de l'extase en ce:, dieux, son corps seul appat·aît aux morte.ls. li lit les
temps lointains. pensées et boit en compagnie des dieux (Rig Veda X;
136; t,•ad. L. Renon, dans Hymnes spéculatifs dit
2. Extases aryennes rudimentai1·es. - 1,a Veda, p. 131-132). Avec le dieu l'tudra, il absorbo le
culture aryenne, qui, vers le 158 siècle avant ,léslli; 0

}lOÏ$011. A. B. I{eith (Tite Religiori and Philcsophy .. ,


Christ., fait suito à la civilisation de l'Indus, olTre un 1-10S, t. 32, 1925, p. r,02) insi.5te sur le fait que cet ascè~
1 terrain favo1•able à l'enqut\tc. Nombre d'indologuus difl:ère de l'étudiant brahmo 0,1 du prêtre recevant
appellent du 1101n d'extase certains phénomènes ren- la consécration. Son « extase r, n'est nullexnent liée au
contrés dans les Vedas (truités de science supérieure ou de rite de passage, comme pour l'étudiant, ou à l'idée
sagesse). Quatre g1'0\1pes de faits soi:it décrits dans uu de sacrifice, comxne dans le cas du prêtre. Lo poison,
certain nombre de ces hy1nnes : (Rig Veda 1, 165, 1r,; qu'il affirme avoir bu, est sans doute la cause de son
1, :l 77, 5; v1, 28, 5; vn, 36, 1; trad. alle,nande I{.F. Geld- état. Il est à remarquer quo cette sorte d'extase est
ner, dans coll. Jlarvard Oriental Series (= 1-IOS), présentée en relation avec ·n udra, ensuite identifié
Cambridge, Massachusetts, t. 33, p. 2r.o, 256; t. 8'1, à Çiva, le dieu de l'extase. Cherchant à découvrir les
p. 121, 217). origines de ces états, M. Eliade rapprocl1erait l'extase
1° Duns l'ambiance de la p1•éparation do la boisson védique du cha1nanis1ne. C'est possible, à moins que les
divine, le soma, naissait une fo!'ce 1nystérieuse : le doux comporterr1ents ne détiven t d'une source communo
brahman (1not à significations diverses), qui jetait los (l ,e Yog<r,, i,nrnortalité et liberté, Paris, 1954, p. 113).
témoins dans une sorte de fel'veur collective. On peut Quand on considère cos faits décrits par les Vedas
la ra.pprocher de celles que l'on 1•encontre encore aujour- et qui sont qualifiés d'extase, on s'aperçoit qu'ils
d'hui, soit dans certaines cérémonies populaires dt !S ne dépassent pas l'ordre naturel. En etTet, l'e:xta&e
temples, soit dans les séances do chant de certaines collecLive, touchant à l'hystérie, l'intoxication litur-
trihQs, telles les I{anikkar (M. Biardot, L'Inde, Parir;, gique ou l'usage de poison n'ap}lartieqnont pas au
2053 EXTASE HINDOUE 2054
monde surnaturel. Dans l'hindouisme plus récent, 10. l'indéterminé, o'es't l'Absolu, c'est Brahman » (E. I·Iume,
métaphysique des systèmes s'y oppose. Une sorte de Qp. cit., Briha,dardnyaka Up. 11, 3, 6, p. 97). Ou encore,
panthéisme ou de monisme dans les uns, le dualîsrne dans la Sve.tdsvatara Upanishad, la route qtü mène
-
radical esprlt~matlère chei tes · a.utres, excluent toute à !'Absolu est décrite comme l'apparition des for1nes
transcendancè Téelle. Si la nature de l'homme en son lumineuses do plus en plus brillantes ( E . J,J,ume, op.
fond est divine, on comprend le cri d'un Vivekananda, cit., Svetâsvo.tara Up. r, 2, 11, p. 398). Ces visions, ou
ou d'un Tagore : « Le divin est mon droit de naissance ». peut-ètre ces hallucinations, nous mettent, i;uivant
Et ,dans le cas des systèmes dualistes, ce que recherche les [Jpanishads, en possession de !'Absolu.
l'hindou, c'est de retrouver dans sa pureté so'n moi
8° Si nous cherchons d'autres informations _pour pré-
éternel.
Cette dernière 1·ema1•que ne prétend pas trancher la ciser la naturo de cette prise do possession de !'Absolu,
question de . la possibilité d'états ·1nystiques dans le on voit qu'olles tournent toutes autour de ia notion
mondo hindou. 'l'out homme en effet est créature de de non-dualité (Md11dakya Upa,iisha.d et KariJa de
Gaudapada, r, 16; trad, E. Lesimplo, Paris, 194~.
Dieu et il peut à ce titre recevoir des grllc<'-S surnaturelles
nécessaires à son salut. Peut-il, eo correspondant à ces p. 22). On cornpare cette expérience à l'état de so1nnïeil
grâces, être élevé par Dieu jusqu'il la contemplation sans rêve (J~. Hume, op. cit., Cha.,ulogya Up. v1 1 8,
surn0.turelle et à l'~xtasc vraie? Cc ne serait tùora ni la p. 244). Mais on veut exorciser toute dualité et, dans la
métaphysique hindoue ni ·sa mythologie ni ses rîtes Maitry Upanû,hud, on fait appel à un quatrième état,
qui pourraient prétendre être les voies normales ou le au delà du :;omineil sans rêve : le turiyâ, l'état 1nys-
climat habituel de pareilles faveurs. tique (vu, 11; trad. Esnoul, p. 57), On précise même
dans une autre Upanishad, la Mt211dakya, que oat état
3. L'e:ir,tase supra-intellectuelle : Les Upa- nie << toute connaissance intérieure ou connaissance
nishads. · - Le courant de la pensée aryenne extérieure.. , qu'e]Je est invisible, insaisissable, indéfi-
devait assez rapidement quit_ter les formes rituelles nissable, qu'elle n'a pour essence quo l'expérience de
de l'ancier:i védisme et se développer dans une autre son p1~opre soi, annule la diversité, est apaisée, bienveil-
clÎl'ection. ,Les [Tpa11ishads (doctrines secrètes) , dont les lante, sallB <lualilié : c'est le Soi » (Mdndakya Up. 7;
plus àncieJ.lnes dàtent du 7e siècle avant notre ère, trad. Lesimplc, p. 21). D'autres images sont encore
cherchent à conduire l'homme au delà du cycle des présentées, <~elle des rivières se pe1•dant dans la mer.
renaissances. Pour ,1Liles qu'ils soient, les sacrifices << Ces rivière:;, dit la Prasna Upanishad, ne retiennent
et l'ascèse ne donneront pas à l'homtne de briser le plus alors leurs non1s et formes. Ainsi, les noms et
cercle de la métempsycose. Seule une sorte d'intuition formes du sage disparaissent. On dit alors ; c'est
supra-intellectuelle pe1·mettra à l'illuminé de connaître, l'âtman » (v, 5; trad. J. Jlousquet, Paris, 194.8, p. 24).
mieux encore d'e:xpérhnenter, son identité avec
l'Ahsolu : Brahman-At1nan. Cette sorte d'illumination qo Le phu; grand des commentateurs des Upa~ishads,
se situe au delà do la connaissance intellectuelle Ol'di- Çankara (788,,820 ou 850), a suivi la route tracée pàr
naire, « car !'Absolu n'est ni ceci ni cela 1> (E. I-lume, The les anciens sages. Mais plus qu'eux il a parlé de cette
Thirteen Principal Upanishads, 28 éd., Oxfol'd, 1930 : intuition su111•a-intellectuelle qui déchirera le voile de
la Mâya, de l'illusion. S'agit-il d'une extase, d'une.sortie
Brihadarâ11yaka fi pariishad 9-26, p. 125). L'explora-
tion dès textes permet de connatti·e sur ce point, malgré de soi? Il faudrait qu'il y o.t \t un soi personnel, ,distinct
ses méandres, la direction générale de la pen.sée upa- de l'Absolu.:or, notre individualité, du point de vue du
nishadique. Brahma, n'est qu'illusoire, et c'est en rejetant l'igno-
rance qu'on arrive à la connaissance de ce qui est éter-
10 A la base, il y a un appel à une sorte d'hurnîlité : nellement, sans change1nont ni 1nultiplicité : de Brah-
• L'/ltrnan n'est point at teint par l'oxôgéso (des textos 1nan. C'est il.one moins une e:x.Lase qu'une ~ enstase »
sacrés) ni par l'intelligence (conceptuelle) ni par beau- qu'il nous propose, C'est notre nature vraie, au delà
coup d'étude. Celui que l'âtman élit, seul pourra l'attein- des phénomr:nes, quo nous atteignons alors et quo no118
dre » (Katha Upan,i.8ha.d 2, 23; trad. L. Renou, Paris, expôt•ilnontons : le « Tu es cola, tu es Brah1nan » dos
1948, p. 12). Ce texte n'est pas parmi les plus anciens; Upanishàds (The Veddnt.a-Satras, dans coll. Sacred
mais il ·s e présente comme un de ceux ayant marqué Books of the East (= SBE), t. 34, Oxford, 1890 :
la pensée hindoue subséquente, surtout celle présentée 1, 1, 2, p. 1n; 1, 3, 13, p. 1.?1; r, 2, 8, p. 11{.; u, .1, '••
dans les ceuvres des Bhaktas (adeptes do la religion p. 299).
de l'amour). Nous avons suivi ici les textes donnés par les Upa-
2° La sensibilité ou l'imagination sont soumises à ni~had11 ot Çankara. Leurs affirmations d'une expérience
cert,a,ines expériences. Dans la Maitry Upanishad, il est d'un Absolu indifférencié co1nme objet de l'extase !ait
dit : « Quand on se bo\tche les oreilles à l'aide des pouces, naître dans l'esprit d'un lecteur chrétien ;un doute :
on -entend le bruit de l'espace qui est à l'intérieur du Comment peut-on expérimenter oo qui n'est pas? Mais
cœur, et son apparence revêt sept formes; son d'une peut-on rejel.er des téino.i gnages nombreux qui s'éche-
rivière, d'une clochette .. , et après avoir dépassé ce lonnent a u cours des âges? Tous les témoins disent qu'ils
son qui a des caractéristiques distinctes, on va se ont connu con1me un déchirement et qu'ils se sont trou-
perdre dans le Brahman non manifesté dans le son vés ensuite dans un état de paix, d'euphorie auprès
Suprême» (Maitry Upanishad v1, 22; tl'ad. A.-M. Esnoul, duquel les j,>ies ordinaires de la vie ne sont rien. Une
Paris, 1952, p. 38-39). explication seule peut résoudre l'aporie: au delà du 1noi
La vision est, elle aussi, affectée. L'antique Briha- phénoménal, les extatiques ont·atteint, non pas direc-
da,rdnyaka Upanishad nous parle de !'Absolu apparais- tement Dieu dans une vision Intuitive (cela est impo's -
sant << comme une robe de couleur safran, ou de laine sible ici-bas), ni la présence des dons de la grâce divine
blanche, 'ou d'un Insecte rouge, ou de la flamme, ou et la présence obscure de Dieu, comme dans la mys-
de la fleur de lotus; et soudain, comme un éclair appa- tique surnaturelle, mais l'acte existentiel do l'âme.
raît la gloire de celui qui connaît cela. << Cela », c'est La mystique naturelle serait donc celle qui rait appel
2055 EXTASE HINDOUE 2056
aux forces humaines employées d'u'no manière extraor- tuelle des Upanishad.8 ne pouvait être que le privilège
dinaire, au delà de l'activité nor1nale de nos facult6s. d'un petit nombre.
Les. explications subséquentes, en fonction d'une Lhéo- 1° La Bliagavadgttd (le chant du bienheureux Sel,
rie, soit moniste, soit panthéiste, ne sont que des accrois- gnour) de l(rishna, vers le 2° siècle de notre ère, four-
sements systématiques. nit un exe1nple de l'idéal extatique de l'hiodo\l dévot.
Le cadre en est simple : Arjuna, un des guerriers
4. Le bouddhisme. - Vors les temps des Upa- pândavas, venait de recevoir l'enseignement le plus
nishads et du Bouddha, l'Inde a vu pulluler une multi- secret de I(rishna, le dieu caché sous la forme humaine
tude d'ascètes. On les appelle : srâmanas (faiseurs d'un cocher. Cette présentation -dogmatique était trop
d'elîorts), parivrâjakas (gyrovagues), etc. Six grands abstraite sans doute pour satisfaire ses désirs. II convoita
maîtres ont laissé un nom (Sutta-N ipdta 111, 6, dans SBE, quelque cl1ose de plus l1aut et, sans attendre l'appel
t. 10, 1881, p. 86-89). Parmi eux, Alûra Kâlâm.a mérite possible du dieu, il de,nanda, nous dit le poème, la
une mention spéciale. On nous le rnontre absorbé, vision divine. ,, Si tu estimes, ô Maître, que je puisse
quoique éveillé, sans qu'il puisse percevoir le passage te contempler, montre-toi à 1noi co1nme l'i mpéris-
de cinq cents cluu·iots (Mahâ-Parinib1,dna-.'iutta 4, sable » (sous ta propre forme) (La Bhagaradgttd xi,
dans SBE, t. 11, 1881, p. 75). Nous savons par d'autres 4; trad. E. Sénart, Paris, 1944, p. 34). ,
, textes que les ascètes arrivaient à un état où aenaaUon$ I{rlshna acquiesce à la demande, ,nais ajoute ; « Tu ne peuiç
et conscience éLaien t abolies (voir SBE, t. 1 O, p. 135- mo voir avec les yeux de l'hoin,110. Jo te confère ln vue divine;
186 et 206-207). contemple ma puissance souveraine • (XI, 8, p. 31,). Krishna
Avant sa conversion, le Bouddha s'était mis à l'école apparaît dans une sorte de théophanie dans loqutille ArJuna
de ces maîtres en extase. Il se sépara d'eux et chercha voit lu ,nultlLudo des ûtres con1me des aspect~ do la vie divine
par lui-mêrne la délivrance. S'il est impossible de faire de Krishna. Il to1nbc alors en adoration, en oxtMe : • devant
le départ entre ce qui appartient strictement à l'his- ce S}>ectacle ino\11, je frissonne et 1110n esprit est ébranlé p~r
toire de Bouddha et ce qui provient de la légende, les la crainte • (x1, 15•16, p. 85; t,1,-45, p. 39), Lo dieu reprend sa
torn1e humaine et. affir111e : • Elle est bien malaisée à voir,
documents que nous t>ossédons nous fo111•nissont au cette forme q\le tu 11!1 vuo... Ni par les Vedas, ni p11r la pônl-
moins une preuve du mode de penser de la commu- t.ence, ni à torco d'ou1nônes ou de sacrifîçes, on ne l'obtient...
nauté bouddhique. Le Bouddha, nous dit-on, rejeta 'les C'est seulement au prix d'une dévotion sans partage qu'on
Veda.à et donc le sacerdoce brahmanique. Mais il le peut... et qu'on 1ne contemple et. entro on ,noi • (XI, ii2-55,
'' demeura fidèle à la doctrine du karma, r•étribution p. 40).
de l'acte, et du Samsâra, métempsycose. .JI resta 8.US$i, On trouve.ici bien des éléments do l'extase classiq\1e:
pour une grande part, tributaire des méthodes parayo- disproportion de l'ho,nme, secours divin, vision géné-
giques de ses 1naîtres et de ses érn\1les (É. S6nart, rat1•ice d'amour, et d'amour allant jusqu'au paroxisme,
Bouddhistnc et yoga, dans Revue <le l'histoire <les reU- car ce fl'isson, dont parle l'auteur, se situe dans la ligne
gions, t. 1,2, 1900, p. ::145-864). En solitaire, sans aucun de l'extase. ·
secours des dieux, il livr,era l'assaut final et entrera en l,o chapitre sixième de la Bhagaradgitâ nous fait
possession de la vérité salvatrice. un portrait de l'ascète parfait, du yogi : arrêt des sens,
Il s'assit 1.1oua l'arbre puln (ficus relir;iosaJ, résolu à no qujL. du mental, atteignant en son cœur apaisé le bien-être
ter la place que lorsqu'il nurn, p11r lu force de sa volonté, fait suprême. ,r lJn bonl1eur parfait pénètre le yogi qui
violenc.:e au destin. $ur un 1nodè apaisé, li reprend les exercices a l'espl'it paci'1é, qui, la passion caln1ée, sans tache,
qui doivent n18ner à la vacult6 do la conscionco. Dans oott:11 s'identifie au Brahman » (v,, 27, p. 21 ).
solitude surgiront, pour être repoussées, les tentationi, du 2•1 1\u cours des siècles, les Épiques et les PourdnaB
Malin, Mâra. Ap1·ès sa victoire S\lr les te,npêtes intérieures, la (r(icits anciens) habilleront la l)hakti de vêtements
vision du Bouddha, nous dit-on, s'élargit aux ditnonsions cos• poétiques plus somptueux et parfois sensuels. La
miquea. Tout l'espuco, lo passé, Jo présent so r6vélèront. Le
souvenir de ses vies anlorlcures surgll. Il se rendit compto B hagarata Purdna nous dépeindra I{rishna, le divin
alors de ln caducité du inonde et de l'univeraalilé rle la souf- bouvier, dansant avec les « gopis 11, les vachères. Au son
france, et en même tempi, peryut le re,nède qui s'iinposait. de la flOto enchantée, elles cou1·ent à la clairière, pour
JI devint un Bouddha, un éveillé viviu1l. C'est progrcsslve1nont rencontrer le divin amant. Elles oublieront mari,
que le Bouddha arriva à uno réduction do ln sonsibilit6 et nu enfants .. , tout, pour prouver leur amour à I{rishna.
ravissen1ont (cf P. Ollron1oro, L'hiswirc des idée$ 1.héosophi!Jl4<1S Lui multipliera sa présence poul' donner à chacune
dans l'Inde. La théosophie botuldhiqttc, coll. Annales du rnuaée l'illusion d'être l'unique aimée. Dans les embrasse-
Ouimet, t. 31, Paris, 1923, p. 863-3?5). ments de Krishna, elles trouvent le salut. La théo-
'
L'explication de cette extase dllîère de celle rencon- phanie du dieu n'est qu'un moyen pour n1ener les gopis
trée dans les Upartishads, car ce n'est pas l'union, ou à l'e:x:tase de l'amour (Bhdgavata Purdna, livre 10, clt.
la fusion avec Brahman, ou la' révélation de notre 29-83; trad. E. Burnout, t. ,,, Paris, 1884, p. 189-161).
identité avec le Suprê1ne, que perçut le Bouddha, )nais Dana d'autres œuvres comme la G!td Govinda, la
le fait que d'après lui tout est douleur, et que cette palette 6rotiquo.sera encore plus chargée, mais partout
dernière est le Mal par excellence. Désormais, son acti- les irnages sont l'expression de l'union suprême avec
vité se dirigea vers un moralisxne ignoré de l'orth(1- le dieu.
doxie brahmanique. Un dos bhaktas du sud de l'Inde, Mânikka Vâchakar
(900 avant .J.-C.), parle de la grâce (( qui fait fondre son
5. La bhakti (l'an1.our). - La religiosil6 hindoue ne ârr1e et de l'ambroisie au delà des rnots qui a rempli
• tl])uvait pas son co1npte dans l'austère présentation tous ses pores, pendant quo sa poitrine est brisée, ses
' mains se joignent· en adoration et ses yeux versent un
du bouddhisme. Le nirvâna bouddhique ne corres-
ï pondait P!lS au désir de bonheur éternel. Une nouvelle torrent de larmes » (Mystic union, se décade, n. 72;
, forme religieuse, la bllakti, la religion de l'amour d'après la traduction de Pope). Il faudrait citer encore
répondit à ces appels de l'ârne hindoue; voie simple les bhaktas du Maharaahtra, dans l'ouest de l'Inde,
qui s'adresse à tous, alors que l'expérience intellec- Caitanya, à l'est, et nombre d'autres.

,,•
2057 . EXTASE HINDOT.JE 2058
En particulier, Rârnânuja (1017•1137) est un grand tlulo- l'idée d'un Dieu est acceptée, il n'est ni créateur, ni
logien et il pt1,rVint à lntégter la secte dnns le gra,nd courant démiurge organisateur do la matière. L'affirmation
védantin (non dualiste) : Brahman Visnu èst la substanco uni- de son existence est taculta.tivo ot seulement utile
que. Cependant, on elle, les âmes, les person111ls sont à ln fois pour Ctiux parmi les yogis qui sont moins détachés
étornollemçnt nécessaires et distin,:tes. La grt1co, une sorte de des prutiques religieuses. Ils trouveront avant tout
s_ocours, est nécessaire pour détournor l't1n1e du monde et la
diriger vers sa source, vers Diou, lui taisant connaitra sa nature, dans co dieu l'idéal du parfn.it yogi détaché de tout.
et pour l'amener li. trouvor dans l'nmour mutuel avec lu di'vinité Quand on parlera de grâce, elle ne sera-qu'un secours,
la cause d11 son honhe ùr. d'ordre psychologique sans doute, pour donner con-
Au chapitro nouviorno de son commentaire de la Bhcigu• fiance nt nous aider à fftre nous-mêmes.
padgîtti, Rlimânuja décrit l'état extatique dilS dévots de Visnu : Les quatre chapitres des Yogas sutras traitent suc-
« J!lcrasés pnr un amour intonse envers moi, 1nos dévot., décou- cessiveruenL ; 1 ° de la concentration, 2° des moyens
vrent qu'il leur est irnpos11ibl0 d'exlstor pendant le plus petit éloignér, d'y parvenir, 3° des moyens itnrnédiats et de
, ·instant aans être occ11pés à chanter n1cs noms et dans des saints quelqu,,s-uns des fruits extraordinaires qu'on peut
exercices, ou en s'écroulant prosternés à mos pieds.. , ils r6pè• rencontrer, 4° de la fin ulUme, la solitude éternelle.
ten~· mon non1 .. , Jours poils se dres.~ent Il cRuso du bonheur.. ,
loura voix tremblont-... Ils étendent leurs huit 1no1nbres à terre• Lo but du yoga est de détruire lea repl'ésentations
de la rnatiére pensante (1'he Yoga Sutras of Pata11jali
Nombre de passages d'autours bhuktâs peuvent r, 2; tl':td. citée, p. 1). Pour arriver à cc résultat ultime,
s'interpréter d'une manière chrétienne. Lo cœur hindou il faudra d'abord vivre une vie 1noral0 ; dans cette
tend alors vers l)ieu dans l'i.1n1our. Malheureusement, éthique, l'ahimsa, la non-violence physique, occupe
la. méta.physique 1noniste projette des ombres sur ce la prernière place (11, 20-32, p. 58-60; r, nt., p. 26).
tableau. Si l'homme est divin, comment expliquer son Ensuite, afin que le corps soit pour l'as,cète non un
éloigne1neni de Dieu, le besoin d'une grâce unique- ennemi mais un allié, deux n1oyens sont in'diapensables,
ment pour éca1·~er les obstacles sui· le chemin de son les prân âyâma, exercice$ respiratoires, et les âsanM, les
retour à Dieu? La réponse à ces questions n'est pas 84 postures (11, 49, p. 68; u, 46, p. 67). Enfin, nos sens
aisée. mat6ricls toujours tendus vers l'extél'ieur nous eoglu'ant
6. Le yoga. - Pour certains, ce mot signl(le dans la rnat.ièro, il est nécessaire de séparer les seoa de
pouvoirs ,nerveilleux, pour d'autres il évoque l'idée Jeurs objets prop1•es pou1· atteindre la Pratyàhàra, le
de fraude, ou la voie ouverte vers un inonde supérieur. dét.achon1ent (u, 55, p. 72).
D'après son éty,nologie, le yoga est une discipline, Ceci ne constitue que les prenliers pas dans le sys-
un effort, un contrôle, qui pel'mettra d'atteindre la tènie du yoga. .Il faut. pénétrer plus avant, dans le yoga
nature du principe spirituel for,nant notl\1 personnalité. supérieur. 1,e pren1ier stade dans cette voie nouvelle
On l'a décrit com1ne une technique de l'extase, ou plus qu~ tend directement à discipllner le mental, sera la
correctement de l'enstase, par laquelle l'ho1nme par- dhâran;\ qui consiste « à fixer l'esprit sur un objet
viendra, g1•âce à des exercices d'intériorisation de plus particulier » (ur, 1, p. 74). Cotte concentration rudi-
en plus parfaits, jusqu'à rejoindre l'acte existehtiel mentaire se perfectionne en dhyâna (absorption),
de son âme. Pour compr~ndre les étapes de cet effort, <( concentration plus prolongée et plus parfaite que la

il faut se rappeler que le ·yoga a omprunté sa métaphy- premièl'e ». l,à encore, l'acte d'attention et l'objet restent
sique à un autre système, la Samkhya, et qu'il postule distincts (1n,.2, p. 74). ·
un dualisme absolu. D'un côté, la matière, puissance Enflu, dans l'étape ultime, la sainâdhi, to11te dualité
active, cause des élé,nents qui sont à la base du 1nonde; disparait. Une distinction s'impose encore au premier
de l'autre, . les esprits, éternellement inactifs et im.pas- moment : la sa,nll.dlü imparfaite « avec semences ,,,
siblés. , qui pe11vcnt croître dans une existence future, et la
Au sonunet de l'évolution de la prakriU (,natière), samâdhi parfaite « sans semence », qui fait disparaître
se situe l'organe pensant, le rnental, matériel lui aussi. toute dualité. Le yogi atteint là une expérience ineffable
Il !orn1e comme un miroir capable de refléter le spec- du soi, de l'acte pur d'intelligence. C'est l'enstase
tacle toujours changeant du n1onde 1natériel. Pour suprêmo, l'isolement et non l'union avec un dieu ou
qu'un miroil' reproduise réellement les objets, la avec IE! principe des choses (1n, 3, p. , 75 : sam'ê.<lhi,
lumière est nécessaire. Pour quo le mentat, ce ,niroir transe, extase. Avec semences, ,, 46, p. S4; 1, 17, p. 12.
naturel, re1nplisse sa fonction, une lumière doit tomber Sans semen<:e, r, 18, p. 15; r, 51, p. 87. Kaivalya,
sur lui. La source du rayon lu1nineux, c'est l'esprit. isolation, ,n, 56, p. 110. Siddhis, pouvoir:; extraordi-
Mais les esprits, donneurs de lumière, sont aussi contem- naires, 111, 19, p. 87, 1.06, etc).
plateurH, ils voient dans le mental la fantasmagorie li est presque nor111al qu'au cours de cette descente dans les
du monde. Là commence la tragédie. Par suite d'une profondeurs du soi, des phénomènes e.xtraordinaires d'insen,
erreur éternelle le spectateur se croit acteur. Il ne dira sibilité apparaissonl. L'amplitude des pulsations cardiaques
plus « la souffrance apparaît », mais « je souffre ». diminue. Le!! trai~6s do yoga dresse11t aussi la liste dès pou-
·Il prendra donc faussement à son co.-npte les mille voirs • rnagiques • qui ao présentant au cours dos exo.rclcos
incidents du monde. Cette « erreur » causera donc yogiquo:;, toL<l la lecture de la pansée d'autrui. Il peut alors
l'union, mieux l'identification irréelle ontre deux réalités. s'agir du suggestion, ou d'uno scionce conjecturale des motifs
Et tant qu'elle durera, l'esprit connaîtra les affres de la dos autl'OS, fruit. de l'introspection yogique. La s~gell-'!e hin-
souffrance, celle de se croire roulé dans les Oots de la doue demanda 1111 yogi do ne pas rechercher de tels dons, de
ne lea 11céept8r qu'avec circonspection quand lis paraissonL
métempsycose. Il faudra attendre l'heure où, grê.ce exister. Toute 001nplaiaance en eux ost le signe d'une imperfec-
aux recettes offertes par le yoga, le mental purifié tion, ot rnarque un arrât dans la recherche de lo. samddhi
ne reflètera plus les choses d'ici-bas, mais seulement la libératrice.
lumière qui tombe de l'esprit. Alors, le cauchemar sera
terminé à jamais; le Purusha; l'esprit, restera éternel- 7. Ramakrishna Paramahamsa (1836-1886) . -
lement dans l'isolement, l'esseulement. Pour atteindre Aujourd'hui enèore, le yogîsme, allant jusqu'à l'e:xitase,
ce but ' suprême, les forces de l'homme suffisent. Si est une J'éalité vivante au sein de l'hindouis,ne. .Râma-
2059 EX1'ASE DANS LA GRtCE CLASSIQUE 2060
.
krishna, le .. réforxna.teur benga.lais, rut un grand 1. Principe de classement. - C'est un problènle
extatique. Il commença sa carrière dès son jeune âge, de•savoir si les formes d'extases qui se 1nanifestent,dans
si nous .en croyons ses biog1·aphes o(Iiciels. La contem- la Grèce classique relèvent, à quelque titre, de la mysti-
pla.Lion d'un ciel d'orage suffit, à l'âge de sept ans, ponr que proprement dite. Car la mystique-de Socrate, ou
le faire entrer en transe. Il s'appuya sur ses visions peut-être celle de Platon, en tout cas celle de Plotin,
pour prouver sa thèse principale, l'unité de toutes les se présentent comme intellectuelles, alors que l'extase
religions. Les saints hindous ou les dieux, le Bouddha grecque est d'ordinaire irrationnelle (cf en général,
et n1èrne le Christ lui apparurent, dit-on. De plus , on E. R. Dodds, The Greeks and the lrrational); mais l'oppo•
a ro1narqu6 quo dans ses visions; souvent dotnandées sition n'est ~pas irréductible, puisque l'on peut dire de
avec instance, allant une fois au ,noins jusqu'à lfl Socrate à la fois qu'il « avait d·es extases » et qu'il ~ a,
,nenace du suicide, u'était le dieu qui semblait céder fait figure de contemplatif » (A.-J. Festugière, Cont.e1n~
à la volonté de l'hon1mo. La vision se terminait on plation .. , p. 69),
union. Ce n'était pas a.loi'S Râ1nakrisllna qui s'aMociail, Co1n1nent ordonner les phénomènes en cause? Un
au dieu, c'était le dieu qui se fondait en lui en entrant. premier ulassen1en t les répartirait en trois catégories,
dans sa poitrine (Life of Sri Rdm4krishna, llimalayan selon qu'ils concernent le rnouvernent, 1~ regard ~u la
series 4.7, Mayavadi-Almora, 1925, p. 2/i -29). parole. J.,a danse, normalement accompagnée de 1nus1q\1e,
joue un rôle essentiel dans les transports des bacchantes;
J.,es quelques spéci,nens d'extaxes pré~entés : e:x.tasef- lorsque Platon décrit l'éducation « musicale » aux Ii~res
naturelles, inférieures ou pathologiques, extases supra- 11 et vu des Lois, où il reprend et développe les principes
intelleutuelles, extases souvent émotionnelles de la posés au livre 111 de la République, il part du mouve-
bhakti, extases yogiques, ne permettent que df: ment instinctif à l'hornme dés sa premi_èro enfance
soupçonne!' la richesse que l'Inde offre au psychologue (l,oi.9 vu, 789b svv) et met l'influence des Muses en rap-
averti. Cette diversité même conseille la prudence. port avec la frénésie des bacchantes et corybantes
D'abord quand il s'agit de juger de la nature int.l,nc (Lois 11, 654.a; vu, 790de). L'extase par le regard natt
des extases. Il ne (audrait pas, même pour les ;plu:; de la contemplation de l'idole; le mot qui désigne la
hautes, conclure à une identité avec celles, surnaturelles, statue du dieu. ~ya.),.1,1-a:, s'emploie aussi pour les astres,
écloses au sein du christianisme, La similitude. des qui sont « les plus belles hnages de la divinité 11 (Platon,
apparences, et peut-être le chen1inemen t partiel (ou LQÛI xi 9aoo-931a; Epi11.01n.is 984.a); de mê,ne le plu~
même total) par les ,nèmes expériences psychologiques beau t~mple n'est pas l'œuvro des hommes : c'est la
(et physiologiques) des deux groµpes des extatiques vo1ite céleste, et un texte dos LoÎli prépare l'adoration
cachent une différence profonde. L'action de la griico à ciel ouvert du stoïcien Zénon de Citium, qui a pu
divine est présente au commencement, au milieu, à lo s'en inspirer _(xn, 955e; cf J. von Arnim, Stoicoru,m
fin de l'extase surnaturelle, et, s'il y a un vide du créé, veteru,n fragnuinta, t. 1, Leipzig, 1905, n. 264-2G7),
il est rempli par cette action divine. Déjà le Phèdre (246d-2'•7e) plaçait la religion la plus
La place occupée par l'extase dans la plupart des haute dans la contempla.lion du «. ciel •, oopa.v6ç ou
systê1nes hindous di!Tére aussi de celle qu'elle prend )(6a!-'-oç; et le templu,n latin, peut-êLre de 1nê1ne racine
chez les catholiques. Pour ces derniers, l'extase repré- que Je -riµ,voç grec, sera d'abord l'espauc augural,
sente un des degrés de la vie mystique, qui n'est ni le puis l'enceinte réservée au dieu : tout le ciel avec lqs
plus haut, ni absolu1nent nécessaire pour la perfecl.ion. tempû,,. sèrcna de Lucrèce. ::- La parole en fin : la répé-
Pour ·l'hindo\1, elle est plus qu'une condition, elle est tition indéfinie d'une formule, - ce sera dans l'hésy-
le moyen, nécessaire dans tous les grands systèmes, d'at. cha.sme et dans l'orthodoxie co:nte1nporaine la « prière
teindre notre fin suprême. de Jésus » - , peut aboutir à l'exl.aae, bien qu'elle ait
La prudence s'impose onc61•e quant à l'adaptation d'autres effets, oqmme, dans la magie, de contraindre
à la spiritualité chrétienne des chemins tracés par le dieu ou de conjurer un démon,
l'hindouisme. Trop de facteurs psychologiques nous Le Phèdre de Platon fournit une autre division.
échappent, et toute activité spirituelle 'p eut ne pas Au début de lu palinodie où il entl'eprend l'éloge de
convenir égalcn1ont aux divers peuples. Prudence encore l'arnour, Socrate y distingue quatre formes d' « enthou-
dans la pratiq\1e. Un 1naître qualifié est 1'êquls; l'lnd(i . sias1ne », de possession inspirée, de « délire », (JAv[œ : le_
elle-mên1e insiste sur ce point; des dangers guettent philosophe tient ce dernier nom pour honorable,
le néophyte : dangers pour le corps (systèmes norveu:x. « autrement les anciens n'auraient pas, enlaçant ce
011 cardiaque), ou pour l'esprit qui pe\1t sombrer dans noxn-là au plus beau dos arts, à celui qui permet de dis-
la folie. cerner l'avenir, appelé celui-ci 1.1.œvix-/j, l'art délirant.!
Du moins, rnalgré les erreurs, les illusions, les hal- Les modernes, eux, qui n'ont pas le sens du beau, Y
lucinations, les fra11des no,nbreuses, qu'on rencontrt? ont introduit. le t et l'ont appelé µœv-.ix-li, l'art divi-
aux Indes co1nme partout, l'effort religieux hindou, à natoire » (244c). « Pa1•mi nos biens, dit Socrate uri peu
travers les siècles, apporte le témoignage du désir de plus haut, les plus grands nous viennent par l'into11-.
l'homme do rencontrer !'Absolu. 01édiaire d'un délire, dont à coup sûr nous dote un don
Émile GATUIER. divin» (244a f\n). Co sont: l'art du devin, bien supérieur,
à celui de l'augure (24',cd); le délire prophétique, q~i
- , Ill. L'EXTASE DANS LA CRE:CE CLASSIQUE « a permis d'éloigner les 1naladies ou épreuves ances-
tl'ales de certaines familles, en parlant soUB lor,ne
Pe ce chapitre, l'o.l'ticle CoNTRMrJ,ATJON a donné comn1e une d'oracles, à certains de leurs membres, '.et a décou-
anticipation (t. 2, col. 1716-1742, R. Arnou; col, 1864-1865, vert pour elles une · méthode de délivrance, par le
J, Lomattro); li suffirait d'y rènvoyar, n'était l'importanc~
du sujet pour la 1nystique g1•ocquo. Ajoutons la section paral- recours aux prière~ et au service des dieux » (2.44de);
lèle de l'article D1v1NISA'flON (t. 3, col. 1870-1375). celui dont les Muses sont le principe (24.5a), enfin
Lf,18 titres complets des travaux cités se trouvent à la biblio- l'amour, surtout l'amour philosophique, inspiré par
graphie. les dieux, _celui qu'exalt11-lt DioUme (245b, 249d svv) :
2061 EXTASE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE 2062
c'est le' privilège de la Beauté de ravir l'âme à elle- tique » (265h4); ·c'est donc à la fois le délil'e que produi-
même , (250bd). Dans la aeconde partie du dialogue, sent les cérén1onies appelées -re:Àe:'îetl (mot souvent tra-
Socrate résu1ne ces quatre sortes de « délire » : duit par « mystères n) et celui qui se ma~ifestait dans l~s
• Quant aù dl\llro dlvln, nous l'avons divisé en quatre scclions rites de Dionysos. D'après I. M. L1nforth (Tele11t1c
qui relôven't de quat1-e dieux, l'appor•tant à Apollon l'inspira• Madne8s in.l'lato's Phaedrus .. , p. 163), l'origine des rites
tion divinatoire, à Dionysos l'inspiration n1ystique (" télea· auxquels Pl,d.on fait allusion n'est pas forcément légen-
tique ,), aux. t.1uaes l'inspiration poétique, la quatdèrne enlln daire; mais les événe1nents qu'il a en vue restent pour
à Aphrodite et à l' A,nour •• (265h). nous énigmatiques. Dans la 1·ecension de cé travail
L. Robin, dont nous en1pr11nt.ons le plus ao uvai1 l la traduc- (Revue des élv.de8 grccque1J, t. 59-60, 1946~1947, p. 495),
tion com1nenle ainsi lo texte : « Socr11lc a <lll «ln cllol que
J\ .•J. Festu~iè1·e pense aux « cas de tohe dont fu1·enl
1•arn'our est un d61h·c; que le proph6Us1nc c1;t une illumina•
tion exceptlonnelle; que la divination inspirée n'a l'ien de com- allligés certains membres des grandes fanlilles d'autre-
mun avec l'art augural; que l'ouvrie1• en poésie n'est pas un fois à Thèbes ou à Argos ,,. Peut-ôtre l'allusion vise-t-
poète... Cette théologie <lu délire eRt nouvelle• (P lat.on, Œu1,res elle les i( guél'isseurs de races entières >> qui apparurent
co1nplète11, coll. Budé, t. 1,, 3, Paris, 1933, p. ?·J, note 1). sous les t1•ail.s d'un lÎlpiménide (Lois 1, 642de) ou d'un
Pythagore. D'après E. Rohde et F . Pfister, elle portait
Laissant de côté la poésie et l'amour, nous nous sur la guérison des filles du roi de 'l'iryn the, ProHtoa, pa1•
arrôterons à ,l'inspiration divinatoire ou mant.îque le devin Méla1npous, et, à propos de ces crimes antiques
prêtée à Apollon et à l'inspiration télestique attribuée d'i1npiéLé, P . Boyancé écrit : « f>artout la punitiq_n .est
à Dionysos. Rapprochées encore dans le l'}ièdre (248e 1), un délire q11i a'e1npare de thiases, en général fém1n1ns.
mantique et « télostiquc » représentent los deux princi- Et partout l'institution du culte de Dionysos est un
paux aspects de l'ex tase religieuse che1. les grecs; et remède à cc: chiltiment et la conséquence indirecte de
elles ne sont pas inconciliables : malgré l'opposiUon cette faute >> (Le culte des Muses .. , p. 65).
nietzchéenne, Apollon, le dieu de Delphes, a fait de Le délire « télestique >) ne coïncide pas exactemen t,
bonne l1eu1·e dans son sanctuaire une place à son demi- en ex tension, avec les rites de Dionysos. A ceux-ci doi-
frère Dionysos. vent s'appliquer les descriptions que pl~!ie~r~ auteurs,
en particulier Platon et plus encoro E.ur1p1de, nous
2. L'extase religieuse. - 1° La 1nantique. - Si
ont lais~es dos transports des bacchantes; le texte des
l'extase est surtout, co1nrne le voulait E. Rolule (Psyche.
Lois (vu, 700d-791a) pormet d'en rapp rocher les rites
Seclencult und Unsterblichkeitsglaube der Griechcn, corybantiques, qui l\é lébraient p1•imitivoment Rhéa-
'l'uhingue, 1921; trad. A. Reymond, .P1Jyché, Paris, Cybèlo, 1nais s'étendirent plus tard à toute sorte d'étals
i 928, p. 278), la sortie de l'âme hors du corps, elle se
« enthousiastes >1 de possession divine. Un chœur des
produit au cours du procès divinatoire. Sans doute, Bacchantes :Associe de rnême bacchantes et corybantes
le terme de µetv(et, appliqué par Platon au délire pro•
(v. 126 svv); la similitude des 1nanifesta_tions an1èn~ le
phétique, a contribué à la conception traditionnelle de
passage d'l.Jll l'ite à l'autre (cf Festug1ère, recension
l'extase de la ·Pytliie : << La prophétesse de Delphes, les
citée, p. 4\/(t). Toute la pièce d'Euripide illustre
prêtresses de Dodone, c'ost dans leur délire qu'ellos une forme cl'extase bien di.ftérenta, sans doute, de
ont. été pour fa Grèce les ouvrières <le tant de bienfaits, celle des Vl'ais mystiques,__mais certaine1nent fort répan-
alors que, dans leur bon sens, leur action se réduisait
due par1ni les dévots du dieu thraco-phrygien Dionysos.
à peu de chose ou mAme à rien » (Phèdre 2 1l~a9-b3).
Mêmes expressions dans le Banquet de Platon (215ce),
D'après la thèse récente de P. Anlandry, cette concep- à propos des transports coryban'tiques auxquels Alci-
tion proviendrait des Pères de l'Église, accusés d'avoir
biade compare l'état où lo met l'influence de Socrate;
fixé, avec la complicité des philosophes grecs et des
il est saisi comme en une possession (xet-réxeo8ett), son
poètes latins, l'image classique d'\lne sibylle délirante, ClllUr bondit, ses larmes coulent; le -Phèdre parle
comme ailleurs on leur r eproche d'avoir interprété d' (< enthousiasme >> (249d2); l'ion, à propos de l'inspi•
dans un sens obscène les ostensions des 1nyst.éres
ration poétique, des fontaines de lait et do miel _que
d'Éleusis; mais Platon suppose des faits connus de to1ls voient sourdre les bacchantes; à côté du verbe qui désigne
et ne les invente pas pour le besoin d'une cause; non
cette frénésiP- ('3etxxEôe:t'1, 584u3), on y trouve l'adjec-
pa.q seulernent d'ailleurs dans Phèdre : il ne s'exprime tiC lxq,pwv (534b5) et la. locution f!;w etÙ'îOÜ (585c1),
pas autrement dans l' Ion (588e-585o) à propos do l'ins- qui exprimont la sortie cl~ soi-même. Cette elcphrosunè
piration poétique, ou dans le TinzéR (7te-?2b) à propos
est presqun synonyme de l'f>('tti'l)!;tt; _ qui arrac~e
de la divination. En dehors de l' « enthousiasme »,
l'honHne à 801\ 1noi (Phèdr1: 250a7); le Banquet associe
le texte du Ti'nwe fuit du sommeil le temps le plus favo- lixTtÀl]!;tç et possession (215d5-6), tandis que le Phèdre
rable pour la. divination (71e',-5). En e.ftfit, dan$ le som-
réunit t~(o-rrxo6ou et tvflouatœ~e:tv (249c9-d2).
meil, disait déjà un thrène de Pindare (tr. 181, éd. Schroe-
der, ·1 900; thrène 2, dans Isthniiqut:s ~t fragnze'!'ts, coll. s. L'extase chez les philosophes. - Comme
Budé, PariF., 1923, p. :t. 96), l'fune, qui seule vient des pour la priiJre, dont on peut se demander ce qu'en ont
dieux, retrouve sa vraie vie, d'autres la verront s'échap• pensé les philosophes et comment ils l'ont pratiquée
per alors pour s'affranchir du corps, courir çà et là par (il n'existe r,as d'ouvrage d'ensemble sur la prière des
le monde, voir et entendre beaucoup de choses; l'his· philosophes grecs; voir quelques indications dans
toire d'J-Jer•motime, que rapportent de diverses manières Gre-gorianunt, t. 41, 1960, p. 253-272), l'ext~se,_ cl~ez lr,S
Aristote (Protreptique, Eudènw; cl aussi Métaphysique 1, plülosopl1es, prûte à une, double étude, qu, <hsfangue-
8, 984b19), Plutarque (De genio Socratis 22 = 'Moralia rait la théol'ie et la pl'atique. En fait, n ous son1n1es
592cd) et 1'ert.ullien (De ç.ni,n(1, ,,,,,, PL 2, 72{,-725), mieux renseignés sur leurs jugements que sur leurs
est un càa de chamanisme. Nous verrons plus loin expérie1\ces. Analysons, dans l'ordre chronologique,
l'enseignement tout se1nblable d'Héraclite. les princip,ùes données.
20 La« télestique ,,. - Le délire prophétique du Phèdre 1 o Les p,·ésocratiques. - Pour la philosophie anté·
(244d8) était, rattaché à Dionysos comme une cc télos- platonicienne, une étude d'A. Delatte a frayé la voie

1
1
2063 EXTASE DANS LA C.i-RÈCE CLASSIQUE 2064
( Les conceptions de l'enthou.EJiàsrnc 'chez les philosophes fr. 115 et 14.6, Diels-l{ranz.), « E1npédoolo apparait dans
présocratique11). NO'US nous en inspirerons pour 1-léracli te, tous les transporfs de l'exaltation causée par cet état
Empédocle et Dé,nocrite; il faut y ajôuter au moins de conscience n (Delatte, p. 2(,).
Pal'ménide, ne serait-ce q\1e pour la vision qui ouvre, 4) Démocrite. - Contemporain de Socrate plutôt
le poème de I' Éléate. quo << présocratique n, Démocrite annonce Platon par
1) Parrn.é11idc. - Contemporain d'l·léraclite, - ou le lien qu'il établit entre la divin11tion et l'enthou•
• n11}me, comme on tend de plus en plus à l'admettre, siasme poétique (cf Delatte, p. 28). « Tout ce que le
postérieur à co sage (qui, autl'e1nent, n'aurait pas man- poète écrit avec enthottsiasme et souffie sacré ost fort

qué de l'attaquer) -, Parménide garde le aoume éplq\1e; beau >>; ce fr. 18 contient le plus ancien emploi du 1not
con1me Xénophane avant lui, comme Ernpédocle vers ih18ouaL«aµ61,; que Cicéron (De divinatione 1, 88, 80;
Je mên1e tomps, il coule sa pensée dans do larges hexa- cf fr. 17, Diels-l(î'an1.) rend par fiiror; et son !e;p~v
rnètres et, d'en1bléo, prend son vol : cc Les cavales q11i r.veü11.«, souffie sacré, est voisin du µ«vTLxov TtVeüµo:,
m'emportent rne menaient aussi loin que rne poussait soufl1e divinatoire, quo Plutarque, dans le De defectu
l'élan de mon âme, une lois q11e los déesses mes guides oraculoru1n (ch. 39 svv), paraît emprunter à Démo•
in'eutent engagé sur la route ra,neuse qui porte do ville cl'ite (cf Delatte, p. 511-55) . t;n autre texte éclairo
en ville l'iniLié.. . - ftéjouis-toi, lui dit la Vérité, ce la nature do l'extase et le rapproche1nent entre
n'est pas une destinée funeste qui t'a f.üt prendre cette l'~xrcÀ7)~u; que suppose l'txrcÀ-/i't"Tet10<XL du Banquiit
route, inconnue aux pas des ,nol'Lels : c'est la Loi et la (215d5) et ,I'è~lt1-r<Xc0<XL q\l(l saint Luc (2, 4.?-',8) associe
Justice » (Fragmont 1, 26·28; Diels-l(ranz). Expérience à ce dernier verbe; c'est le fr. 82 (Diels-l(rani ) \lui
religieuse authentique, dont Je prototype se trouveJ'ai 1, <lé finit « l'union sexuelle une petite apoplexie; car
ôans- IêsU• mystères et les rites d'initiation, cette vision l'honune s'est élancé de l'hoinn,e ». L'circolîÀ'l)~Lç
sernble, sinon 1'lvoquer l'extase du cllamanisme, du de Démocrite n'est po.s loin do l '~xlîÀ"IJ~Lç, ni son è~éqau•
moins préluder à d'autres descriptions de la montée '\"OGL d'é~(O"'t"<XCff)<XL, . '
de l'ê.1ne. 2° Socrate et Platon. - A propos do l'extase reli,
2) Héraciite. - Sans reprendre ce que nous avons giouso, nous avons vu lo J>Jtèdre distinguer quatre
dit à propos de la divination dans le somn1eil, notonfj, ro1'mes do délire et les Juger non sans ironie 1nals fina-
av:ec A. Delatte (op. cit., p. ?) , qu'l·léraclito reconna tt lement avec une certaine laveur. Un témoignage plus
la valeur de la divination accompagnée de délire et direct sur l'extase est celui du Ba11quet. Quelle que soit
l'attribue à l'inspiration divine. fa_ part d'une expérie1\ce personnelle, soit de Socrate,
C'est le sens du rraguuiut <J2 (Diels• Krani), ainsi tradui t pRr soit de Platon, dans la dernière pa.rtie du discours de
A. J eannièro (La pensée d'Héraclit1; d' éphè.~e, P1;1ris, 195.<J, Diotiine, l'ascension qu'elle décrit s'élève à une conte1n-
p. 111) : • D'une bouche inspirée, la sibylle Cait è11 t<lndr0 dos plation du Beuu ei\t1•evu comme l'InelTable. La connais-
parolos s1o1ns agréntent, sans parure 1ll. sans fard, Il travo1·s des l:lanco religîeuso trouve là une de S8$ expressions les plus
nil!Mnairos, p ar la vertu du diau "· Quant Il l't\ctivito dans Je saisissantes; dans Je détail, des vocable$ comme• éche•
somn1eil, elle ressort du fr. 89 : • Pour ecux qui sont éveillés, il Ions n, b7î«vœ6«cµo( (-6Q:t}!-'-ol) (211CS) feront toi•tunc
n'est qu't1n seul rllonde 00111,n un, chacun de ceux qui s'endor- dans la mystique po.slé1•ieu1•0 (cf A.•J. Festugière,
ment retourna à son inonde propre•• - à rapprocher du fr. 75 : Cont.e1nplation .. , p. 165, note 1); la méthode ost négtitive,
• Lt➔s dor11nn11·s sont al'tisans et collnhor11teurs des événe1nonls
du rnonda • (ibideni, p. 111 et. 109), ainsi conunenlô par At les négations accumulées aboutissent à celle-ci, qui
A. DolaUê ; • Loin d'être pour l'i\nrn un ûtat do léthargie et liJs ré$ume toutes : du Principe absolument premier
d'hnpulssance, le sommeil est 1111 état intérrn6diaire entre la ,, il n'y a pas de définition ni de Sùience » (2!1.1a?-8;
vie et la mort. M11is, pour llériicllto, la vie terre~tro est la rnort cf Festugière, La révélation .. , t. t1, p. 80).
de l'ô.n\e, la rnort est le dtlbul do la vraie vie apirituolle (fr. Plus dialectique, la Rép1,1.bliquc recourt à deux allé-
21 : ·« Mort, c'est ce que nous voyons éveillés; sonlniail, ce !{Ories, .la ligne ot la caverne, pour atteindre au soin- ,
quo nous voyons en dormant •• et 26). Le so1nmoil est donc n1et l' 1c au delà de l'essence », trctxcLvcx 'tijç oùa!a:ç (v1,
bien plus prês de ln véritahle vir:i da l'û,no quo lo sentb.lant de 509b9). Le texte central sur l'intuition de l'Idée appar-
vie quo nous vivons• (<1p. cit., p. 11), tient au même livre (490b) :
'
J,.,e philosopl10 d'flphèse apporte égale1nent son témoi- L'honuno qui aime l'étt1do, qui l'ahno l'éellen1ent.. , ira da
gnage à la télesUquo dionysiaque : le fr. 15 justifie l'Qvant sans que s'émousse son olJort, sans que son nrnour
los cérémonies phalliques d~ ce1•tains mystères par le ait d e cesse, jusqu'au 1110,nont ,où, la nature de ce qu'est on
rappel de leur sons profond : << Si ce n'était pour Dio- olle -mêm.e chaque réalité, il l'aura saisie au moyên d8 cet organe
nysos qu'on fait pl'ocession ot qu'on chante un hyn1ne <le Pêtro auquol il sied de_se .sai~ir d'un sillnblablc objet, et à
<(tli cela siod en raison de sa parunté avec lui; s'étant alors
aux parties honteuses, on aurait fait une chose bien approché do cet objet, s'étant réellomont uni. au réel, ayant
honteuse. C'est pourtant Io même qu'Hadès .et Dionysos, ungondré lntolligence et vérité, alors li connaitra, vivra , se
pour qui on fait le fou et les Lénaï (bacchanales)>> (trad. nollrrlra véritablement, et ainsi cesseront pour lui les doulour~
H. Jeanmaire, Dionysos, p. 495). l/union des contraires de l'enrantement (trad. L. Robin, Paris, Bibliothèque do la
par Ill. vie Al la 1nort, Dionysos et Hadès, s'exprime dans l'léiacle, t. 1, 191,0).
,1a for1nule qui les identifie, doublet du fr. 60: « La roule
vers Jo haut et le bas est une et la rnême >> (trad.A. Jean- Enfin la digression philosophique lie la ? 0 lettre, qui
v~ <le la sensation à la connaissance intuitive et peut-
nlère, p. 1 O?; cf 1\. Delatte, op. cité, p. 20).
i)L!'l:l myst.iquo (842a-S4.4d), pose un problème capital :
8) Empédocle. - cc Le po,)te phîlosophe était un hr cQnnaissance métaphysigue de 34.1c est-elle extatique
illuminé en perpétuelle extase >) (Delatt,e, p. 21 ; cf ou r;Ationnelle ?- .
É. des Places, dans flistoire des religions, t. 3, Paris, Il fnut transcriro cc texte, si bien traduit par P . Mazon (Sttr
·· 1955, p. 192-195). L'enthousiasme tient une grande 11.11c lettre do Plawn, , dans Mélanges de philosophie grccq11e
place dans ses doux poèmes, De la nature et J.,es puri- offerts à Mgr A. Diès, Paris, 1956, p. 169) ; • Il y a pourtant
fications; -<< arrivé au terme do l'expiation et de la puri- urul chose que je pois déclt1rer en ce qui regarde totlll çeux qui
ftcution du génie divin qui est en lui >) (cf surtout les ont écrit ou écriront en prélendantsavoir l'objet do 1no11 elJorl,

,..j
2065 .• EXTASE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE 2066
- qu'ils l'11ient enlendu de moi., ou d'autres, ou trouvé par exprimant trop exclusivement la transcendance du
eux-rnl11110s -;-, c'êst qu'il lour est impossible, à mon humble processus. Si l'on sort d'un soi, c'est pour trouver un
avis, d'y ontcndro rien, Do moi en tout cas il n'y II sur la meillettl' moi. ,Aussi l!l,Ut•il le corriger par le ter,ne qui
matière aucun écrit, et il n'est PM à prév<>ir qu'il y én alt suit, pl~s plotinien :~simplification, &i;Àwat<; (ibide,n) i1
Jatnals. Elle · ne se laisse pas exprimer par des mots con1n1c
d'autres oonnais.~ancea; <l'ost soulonlol\t après un c~mmerce
(L(l puri/leàtion .. , p. 97-98). Voici le texte: 1< La contem•
prolongé voué à l'objél., une v6ritablo vlo commune, quo subi- plalioo (à l'intérieur du sanctuaire) était-elle bien une
f,emant, - comme au jailllsso,ncnt do la flamme une clarté conte111plation? Non, sans doute, mais un ,node de
s'allu1nll -, il appw•att· dans·l'â1no et va désormais s'y nourrir vision l:out ditférent, sortie de soi", simpli'flcation
tout seul • (a1,1b7-d:l) , abando 11 de soi-mê,ne ~,. Cette vision de Dieu sans ima~
Le «. subitement » de 841d1, avec l'itnage de l'6tin- g?s, Plot!n,. au_ térnoignage de son biographe P orphyre,
n en avait JOUI que rarement : durant les cinq ans que
c:elle qui jaillit soudain, rappelle celui de Banquet,
Porphyre passa près de lui (268-268). il avait« vu quatro
, 210e4; l'ui\ et l'autre semblent indiquer un saut du
fois Dieu qui n'a ni forme ni essence et eu la vision du
r?latif à_ l'absolu, qui cotrespood à une expél'iencA inté- but tout proche» ( Vic de l'lotin, 28; cf M. de Gandillac,
r1ouro; 11 reparaît à lu fin de la digression : « Quand
[,a s.<1gr:s,9c de Plotin, ch. 10 : Deux en un, p. 174-198;
on a f1•otté l'un contre l'autre chacun des fâcteurs noms P. Chestov, l)itJcours exaspéré/! (Les e:i;ta.9es de Plotin}
d~finitions, images et sAnsations, quand on les a 'éprou.'
dans lle(Jue philosophiq,u:, t. 140, 1956, p. 178-216)'.
ves dans des discussions bienveillantes sans 1nettro Le sage mourut en disant aux siens : 11 Efforcez-vous de
nulle onvio dans les questions et les réponses il s'est faire rnn1onter 10 l)ieu qui est en vous jusqu'au divin
fait soudain, à grand poino, un trait de lum'.ière, 011
qui est dans l'univers» (Vù1, 2; cf P. l-lenry Là d1Jrnièr1J
conçoit et comprend l'objet étudié, si du moins l'on a parole de Plotin, dans Studi classici e orientali, t. · 2,
tondu ses for ces autant qu'il est possible à l'homme »
(lrad. A.-J . Festugièro, La, ré(Jé/ation .. , t, 4, p. 87-88)', 1953, p. 113·180).
La vision de l'extase s'aocoinplit <( en un instant »·
L'~l;oc(((lv1)i; plato~licien, e,nployé encore dans la Répu• l'èçoclqiv1Jt; platonicien revient plusieurs Cois chez Plotin'
blique po1Jr exprimer Je passage subit des ténèbres à la
en part.iculier dans les deux derniers livres· des Ennéades;
lumière du soleil ou inversomont (vn, 515c7; 516a3, V, 3, 17, 29; V, 5, 7, 35; Vl , 7, 85, 13 ot 86, 18 (citant
e5), se retrouvera chez Philon et Plotin (cf DS, t. 2,
lJa11q1.u:t 2'10e4), « Alors les deux ne ro nL qu'un » (v1 7
col. 1897 et surtout 1828); au 78 siècle de no tre è1·A
311, 13-1 'i). En un ~os rares passages où le sage déc~it'.
safnt Maxime lo confesseur lo reprendra pour ,narque; sous f_o r111e de soliloque, sa propre contemplation, il
la soudainelé rie l'inspiration divine (cf H. Urs von
emploie des terrr1es qui équivalent à è'xaTocaic; : <( Sou-
Balthasar, K~s,ni~che Lfturgie, Fribourg-en-l:!risgau, vent, jû m'éveille à moi-111êrr1e en rn'échappant de ,non
1941; trad. Liturgie cos,nique, coll, Théologie 11, t 9't7,
corps, éi(,1•anger à toute autre chose, dans l'intirr1e de
p. 250; c~tant PG 90, 1089bc). Il y a également quelque moi-mêrne 11 (1v, 8, 1, 1-2). Mais à ceux qui dérivent du
chose d'une i1npt'ession in1n1écliale, soulign•ée par deux vocabulaire de lu connaissance, comme (< vision >> et
aoristes, dans le désir qui, en face de l' Or'dre cosmique <( _conte1nplation », il préfère ceux qui proviennënt. du
saisit l'homme privilégi6, (t désir d'apprendre à fond tout thème de l'unité ou qui indiquent présence et contact.
ce ~~i e~~ accessible à u_ne natu:e mort.élle, dans la pensée Malg~é l'influence d~ cette ter,nlnologie sur la mystique
qu a1ns1 11 mènera la vie la me11Ieu1·e et la plus heureuse chrétienne, deux différences profondes la séparent de
et qu'après sa mort il arrivera 'aux régions destinées à la celle de Plotin : la dqctrlne de la grâce, avec la doctrine
ve1·tu » (98Gc6-d2) . Ces lignes de l'Epino,nis, lo dernier apparentée do la prière, et celle de la 1( ténèbre » 1nystique
écrit de Platon, rejoignent le livre x des Lois au ton si
(cf P. H enry, introduction à St. MacI{ennaetB.S. Page,
religieux, et, au livre vu, le moment patl{étique de The Enneads, Londres, 1956, p. XLIX).
l'entretien où l'athénien qui représonto le philosophe
2) Pnrphyre. - Outre les témoignages de la Vie de
s'e~prin:ie en auditeur (( passif 11 dll dieu en qui il a
(( 1 esprit comme perdu » (804b7-8)', Plotin, il faut menLionner un texte curieux de la lettre
à Ar1eb1;, extrait des Mystères égyptiens de Jamblique
Nous n'.insisterons p::ts i;ur la moyen plntonismo, 011coro 111111 (tif'. 25, ~d. G. Parthey, 1857, p. 160), qui lait de l'alié.-
?onnu. lln têr11oign11ga seul01na11t: l'lsa.1;oge d'Albl11us (ch. 10 ,
ed. l-lêrrnann; cf A.-J, Fcstugiè1•c, Contcrnplation .. , p, 22?, note naUon (ëxaTo.:au;) de l'esprit une des causes de la divi-
8, d'après E. R, Dodds) rapporte à l'enseignen1ent de Diotime et nation.
à 1~ l_umlôre _soud~ine de fa lettre i lu connaissanc(l par l'extase, M1Jis il y 1111rait davantage à prendre dans la lc/tr(I ti Mar-
tro1s•~~e_vo1~ qui complè~e les vo,ies d'analogie et de négation: c~lla, donL l'hnportance pour l'intelligence du paganisme finis-
• ln d1v1n1 té', inconnue ot 1nconn111ss11ble, ne se l11issf1 a1>procltor sant a retenu l'attention d'un historion du chrjstilinis,no,
que '!ans l'union rnystiqu1i, laquelle n'est pas proprement A. 1-larnaolc, et ,de de~11t exp~rts en • piété grecque •, A. Bre-
ç?nna1Ssl.ln~é 011 vartu dê sa ne.Luril supralogiquo • (Fostu• ~ond et. A.·J, l'. estugière, q111 l'ont traduite, le premier en par-
g1ère, op. oit., p. 228). tie, le second 1ntégralement (Cf A. IIarnack, dans Hibbert
Pour Plutarque ot Philon, nous renvoyons· à l'article de Journal, t. 10, 1.911, p. 65-82; A. D1•on1ond dan,, Rcclu:rchcs
J, Lemaitre (DS, t, 2, col. 1864•1865). de s~ien:-1i relig~euse, t. 23, 1_933, p. 18(1-140; 'A,-J, Festugière,
Trois dé,•ots pàr.cns, t, 2, Paris, 1944), Sous la forrne de conseils
3° Les 1,1éoplatonicie.,1s. - 1.) Plotin. - Sur Plotin à la femine qu'il avait, épouRée sur la tard et, peu après, quit-
on se reportera à. l'article CoNTEMPLATION, surtout tée pour un long voyage, Porphyre 0squisse l'idéal 1noral d'une
C?I. 1727-1780,_ ~ù !\. ~rnou a repris sqn ouvrage clas- Ame étroitement 1111ie à la divinité, ·
1:nque _sur Le desir de Dieu da11s la philosophie de Plotin. • Lo dil•in es t prôsont partout et à tous. L'âme lui est consa-
Dep~•~, les thèses de J. T1·ouillard, La purification crt\o con11ne un te1npl~ : le Die~ .n'a pas d'aut~e te1nple • (11).
p_lotinicnn~ et L'-': proces,çio,1 plotinienne (1955), ont pré- •,Il faut <lemande_r à Diou.ce qui est d1gn!l do Dwu. Ne demnndo
cis~ cerlaans po1nts. <( La tradition néoplatonicienne rien avont lo tornps, m1•is seule1110nt quand Diou te 1·évèle la
droite prièro q11i est innéà én toi • (12). « Cc qui est précieux
èés1gne souvent l'état (d'indivision pl'ernière qui engen- dêvant })iou, êli n'est pas la langue du sage, co sont ses rouvres.
ore l'i_nte!Iigiblo ot l'intclligcnoe) par le terme extase, Son sllouco rnô,no honore Diou • (16). • Que le temple de Dieu
ixaT°'a1,;; (vi, 9, 11, 28) ... Chez Plotin (qui l'emploie te soit l'esprit qui .est en toi. Il faut l'orner pour qu'il soit
une seule fois en ce sens), il n'est pas sans équivoque, digne de l'hôte divin • (19).


2067 EXTASE DANS LA MYSl' IQUE MUSUJ..,MANE 2068
Tout ceci décrit une prière habituelle, où l'extase IV. EXTASE EN MYSTIQUE MUSULMANE
n·'intervient·guèl'e, dll moins à l'état « violent ~; Por- 1. Notions. - Les islamisants ont l'habitude dé
phyre ·ne se serait qu'une fois << approché de ce Dieu qui traduire le wajà soufi par « extase ,,. Les notions, en
n'a ni forme ni essence et uni à lui dans sa soixante- fuit, ne se recoupent pas exa.c temènt. Ou plutôt, si
huitièm e année » ( Vic de J>lotin, 28, 180-181}. l'on veut oxprilner en arabe l'(( extase » chrétienne ou
3) ProclWJ. - Le comrnentaire d\l Tin1ée met à la plo1;înienne, il se,nble difficile, en effet, de no pas avoir
prière ces conditions : « la .îerrr1e espérance, l'attente recours à lflajd ,· mais le wajd SO\lfi est Join d'être toujours
de la lumière divine et l'abstraction (!:Ka,;occr,ç) de l'équivalent de l'(( extase » plotinienne ou chrétienne.
tout autre souci, pour êtl'e seul avec Dieu seul » (J n l•:ssayons d'en j,réciser le sens.
Timaeurn, 65d, éd. E. Diehl', t. 1, Leipzig, T eubner, Dans Jeurs analyses des expériences spil'ituelles, les
1908, p. 212, 23-24; cf A. Bremond, Recherches de science soufis distinguent volontiers entre les " demeures 11
religieWJe, t. 19, 1929, p. li54). A. Bl'emond (ibide,n, (r11aqr'iniat), états stables que l'âme acquiert, étapes
p. 461) rapproche les pages 212 svv de ce commentaire i;uccessives où elle s'établit, et les a/Jwal (sg. /Jal}, états
du 'l'iméc d'un passage du Dti ,nystcriis (n, 11; éd. Par- transi.entes qui surgissent, qui peuvent perdurer,
they, p. 96-9.7}, où ,J arnbliquo définit les signes ou 1nar- inais que colore Loujours le sentiment d'une fa.ve\lr
ques, cruv6~1.1.«-r<X, que la gnose l,héurgique reconnait •< r-eçue ». W ajà devient (par exemple dans le J( itiib al-ta-
ou éveille. De même, la prière â pour effet d'« éveiller ' arruf de I{alabàdhï) un<< t erme technique,, (i~tilâ]Ja) qui
los signes, d'amenel' l'âme à prcnd!'e par eux conscience connote un /Jlll,
de son affin ité avec le divin ». On comparera ceLte !.,'idée p1•e1nière exprimée par la racine 111;,1 est (( ren-
analyse avec celle de I-1. I{och (Pseudo-Dwnysius <;ontre i,, ce que l'on ,, trouve ,,. S'en dégagent, selon un
Areopagiia in seinen JJezieJuutgen z1an Neuplaton.ismus jeu fréquent des racines sérnitiques, un sens faible et un
und Mysterien,fiesen, coll. l"orschungen zur christlichen sens fo1•t. Le sens faible se subdivise à son tour et donne :
Literatur- und Dogmengeschichte, t. 1, Mayence, 1900, 1) rencontre, état d'ân1e, sentilnent de tristesse; 2) le
p. 178-187) : les trois degrés de la priêre viennent du fait même d'1~prouver un sentiment, qu'il soit de tris-
De ,nysterii.s (v, 26; éd. Pa1·they, p. 238-240), car sî, tesse ou de joie (notons l'accent pren1ier mis sur << t ris•
chez Proclus, ces deg,·és paraissent être cinq, ils se tesse ,,). En ce sens faible, le 111aid $0\lll pourra se dire
réduisent facilement à trois : yvwcr,;; (et o!Ke!wcriç-' de tout état eJC:périmenté où l'âme se trouve, s'éprouve
cuvot<p-1)), iµrcé'>-<XcH;;, !-,,,(,)ot;;. Dans le contacL (cuvot<p~}, r.01nme visiLée : sentiments et goil.ts spirituels, visions
• l'àme atteint par sa fine pointe l'essence divine et inspirations... (( Nous définirons le wajà, dit l{alabàdhl
s'accorde d'intention avec elle •> (Jrt 1'imaeuni, éd. (loco cit. infra, p. 82) : certains sentiments de crainte
Diohl, t. 1, p. 211, 18-19). ou d'aflliction, ou une vision survenant dans le cœu1·,
fl\1 • la révélatioo d '.un état reliant Die\l à l'ho,nme ».
II. Diois, Die Fragn,ente der Vorsokratilœr, a vol., 8• éd. par Selon Je sens fort do la racit:ie, cette « rencontre »
W . Kranz, Berlin, 1954-1956; = Dicls-Kranz.
deviendra un << choc mental », suggère L. Ma.'iSlgnon
R. Arnou, Le désir de Dir.1' 1la11s le, philosophie clc Plotù1,
:Paris, 1921 (cf J. Souilhé, RAM, t., 3, 1922, p. 179·195), - ( / nterférenoes philosophiques et percéeB niétaphysiques
A. Dell(tte, Le.~ co11r.r.ptio11s IÛI l'e11tho11siasn1e chez les pl1iwso- dans la. niystique IJallligienne, dans Mélanges J. };Jaréchal,
phes présocratiques, dans L'a11tiqttité classique, t. 8, 19(14, p. !1- coll. Museum loosianu,n, série philosophique 32, t. 2;
79; tirage à part, Paris, 1935. - A.-.J. Fèi,tugière, Les 111y.1tère.R Paris, 1950, p. 264), Et cela signifiera, d'un point de vue
CÙI Dionysos, dans Revue biblique, t. 44, 1036, p. 192-211 et afrectil, une emprise totale sur l'âme. Si l'on veut préciser,
366-896; Contcnipla.tion et vie cont1111iplativ11 selon Platon, il faudra traduire par siupor plutôt que par raviasemen t ,
Paris, 1936, - P. Boynncé, Le cu.ltc des 1lfuscs chc:, les philoso- 1111 pou au sens de l'ix.cr-r«crtç dont parient Ctirtains
(JIICS grecs, Paris, 1987. - Fr. Pllster, E'kstc1sis, dans Piscièuli...
l.extes d'Origène (ainsi dans les llomélies sur les No,nb.rcs
fi'r. J. Dlilger, .Munster., 19$9, p. 178-191. - A.-J. Festugière,
L',e11fa11t à'A'grigente, Paria, 194t; 2• éd., 19!'.iO; La S(tÎllleté, 27, et Comnw11tairc sur saint Jean; cf J. Daniélou,
coll. Mythes ot religions 9, Paris, i'J'12; La Grèce. La retigian, ()rigènc, Pal'iS, 19(.8, p . 295 svv). En ce sens fort, les
dans liistoiro g4n4rale des religions, t. 2, Paris, 1944, p. 27-11, 7. 11ot1fls se serviront tantôt de lflaid, tantôt d'un autre
- LM. Llnforth, The Coryba.rttic Rites in Plato ot Tolestic 1101n verbal de la mê1ne racine, ,vujûd. Or, ce dernier
,lfad11ess in Plata'11 l'haedr1M . 221,;ie, lJniversit.y of Cnlitornin 1not peut à son tour 1'8Vêtir une acception différente, et
Publications, Cla.saical Philolof;!/, l. 18, Berkeley, 1946, p. 121· désigner l'acte d'être, l'existentialisa.t.ion de la chose-
162 et 168-172. - A.-J . Fcstugière, Cadre de la 111ystiq1i.e lu:llt!- :-;ubstance : cela aussi bien pour les soufis eux-mêmes
nistiqac, dnns 111élangcs M. Go11u,cl, Ncuchli tcl, 1960, p. ?11-85.
q ue dans le vocabulaire de la « théologie musulmane »
- P. An1andry, L<i mcuitiquc <1.pollinicn11c à Delphes, Paris,
19'!'.iO. - E. R. Dodds, The Grccks a.ncl the I rrational, coll. ( kalâm) O\I des « philosophes hellénisants i> (falii.sifa).
Snther ClaSRicnl Lectures 25, Berkeley et Los Angeles, 1951. - Nous devons donc dire que : r encontrer, éprouver (et
H. Jeun·n111ire, Dionysos. Histoire <lu culte <le BMchu.s, Paris, };'éprouver), être en acte premier d'existence, ces trois
196·1 . - M. de Oandillac, La sagesse. <le l'lotil1, Pari.s, 1952. notions sont éLroitement unies dans lo ,f1ajà aoufi; et Je
- A.-J. Ftslugièra, La rt!<1élatior1 d'Her111èR Tris1négi.stc, coll. cvujüd est, tout à la fois, l'état de l'extatique pris par
Études bibliques, t. 4, Paris, 195'1. - J. LomalLre, Prc!his- Dieu et son existontialisation ,nêrne.
toiro du concept d'cxlc1sc, dans art. CONTBNPLA'l'ION, DS t . 2, 0

Ici, nous devons préciser un p eû. L. Massignon co,n-


col. 186?·186~. - 1<;. des PlaCe.!3, Les religions de la Grèce rnente le (( choc mental ,, du waià comn1e << douleur
a11tique, dans Hi.~u,irc dèR religiu,is, t. 8, Paris, 1955, p. 159-
292, - J. 'frouillard, La purification pl<>ti11ien11c, Paris, 1955, extatique, instant hors du temps » (ibidem). Or, au
- J. Hnussleiter, tirt. Dcu.s internus, TtAC, t. 3, 1957, col. 791,. 1nomcnt où se précisaient les termes techniques du
842. - J>, Honry, Jntroduction à Ploti11us. 7'hc En11eads, trad. so\1 flsme, les élaborations du kalüm ((( tl1éologie »)
anglaise p3r St . MaclCenna, 2° éd. p.1r D. S. Page, Londres, rl~fétaient d'abord aux école$ mu•tazilites, puis à !'écolo
1956. ...,. Fr. PJlster, art. JJl(sta.~ci, RAC, t. 11., 1959, col. 91,4-987. ash'arite qui d evint, pour des siècles, l'onlleigneinent
- Ill. des Phtcés, L'e11111.si 11ella Greci,~ a,11ica, clans La ci1•iùà officiel. Et cet << instant hors du temps » s'y retrouve
catt.olica, 1960, t. 1, p. 603-Gi r. ; La prii!re des pltiloso plies grecs, dans la notion admise de ,11ui1id-èxistentialisation. Pour
dons Grcgorianum, t. 41, 1960, p. 253~272. l'ensemble des ash'arites, en effet, l'exister do la chose;
:Édouard des PLACES. c'est sa créai.ion au · sens strict, instant par instant

(
2069 EXTASE DANS LA MYSTIQUE MUSULMANE 2070
(et non sa conservation dans l'être), série trans-Le1npo- Ou enfi,1 ce bref distique de Shibll (9e-1oe siècle) :
re1Je d'interventions extrinsèqu es et discontinues de « J e r enie mon extase / tant qu'elle n o vient pas de
Dieu. Certes, · en théologie cht étienne aussi, l'exister de mon t émoignage; /t Etle '1'é1noin de la Vérité/ anéantit
la chose est une « position hors de ses eau.ses », et donc, le témoign age de l'extase 1 » ·
en un sens étymelogîque, une ek-stase. Jl,,Iais en théolo- D 'autres citations pourraient suivre. Les touches de
gie ashc arile, il s'agit bien plutôt d'un jeu de ci haute la c, ren con !.l'e,,, rediraient-elles à l'envi, doivent s'efTacer
fréquence », où rien n'existe q ue par une i•eprise inces- poul' ne plus masquer Dieu : et cela aussi bien s'il
sant.a d'ek-stases qui sont l'ac tion crêatrice de Dieu. s '.»,git du « choc mental » entrainant le stupor (temps
E n l'âmè du · n\ysUque visité, les analyses soufies fort) que s'il s'agit des 'sitn ples goO.ts ou sentirnents
entendent dégager une action de ,nême n ature venue de intél'ieurs (ternps faibles). Cette rnéfiance du wajd est
Dieu. Mai!f cette action s'exerçant en l'fune hu,naine la notQ dominante du chapitre de Kalübüdhi qui lui
déclenche une prise de conscience réflexive; tout sen1ble est consacrô. C'est bion autre chose ici que la « faiblesse
se passer cornn1e si devenait présent à la conscience du de l'exla~e ))' dont pade une sainte Hildegarde par
sujet l'influx créateur de la volonté divine sur lui. D'où exen1ple. Le wajd soufi se présente d'abord comme un
la « douleur e.l(taUque » de cet.te âme, portée ainsi avant-courour,, une « bonne no\1velle )) ( ba1Jhara), dit un
brusquement dans le 1nystère (cl'é•~) d 'une i;olitude d'au texte, envoyée pour annoncel' la Présence, mais en
delà des temps, - la solitude de l 'acte d 'e.x:istential i- i;omme d'un aut1•e ordre qu'elle. Et la Présence, quand
sation. Et sera-ce le repli sui· la plénit ude isolante de son elle se 111anüeste, volatilise, anéan tit l'extase.
propre acte d'exister, ou une entrée, voil'e un r apt, Cette analyse d'expérience trouvera sa justification
jusqu'en la suprêine solitude divine? Nous retrou- p lus t.ard, dans l'une des grandes tendances de la mysti-
verions le dilemme souligné par l;ialHlj entre l'esseule- que rnusulrnane : celle de la walJdat al•1Puj1i4 ou« unicité
rnen t .clos du tafrid, l'âme esseulée en elle-même, et de J'f}trc " (monis1ne existentiel), qui deviendra do1ni-
l'csseulem'e nt ouvert de l'infiriùl, qui la porte en la nante à. pattir d'lbn 'Arabi (1 3° siècle) . Théologie ash-
grande solitude ( ifr(i.d} d ivine. 'arite et n1onisme de l'être se r ejoindront en un accord
En définitive, e t compte tenu de la conceptualisation qui n 'est paradoxal qu'en apparence. Dieu, seul Jlltre
occasionaliste q ui la sous-tend, on peut dire que la et i;eul A~ent, disent les ash'arites, qui dénient par là
notion du wa.jd soufl sera susceptible de s'inscrire en tou t e l'éelle densité d'être et d'agir à la cr éature; monde
l'une ou l'autre des deux lignes suivantes : 1) Ou bien créé, rellet nécessairement manifesté du monde incréé,
l'accent portera sur l'introversion sentie, et sur la rélle- dira Ibn • Arabi. Dès lors, so us l'emprise triomphale du
xivité de l'âme qui laisse s'actualiser en elle la « ren- di vin, le ,noi hurnain, qui n e peut être qu'empirique,
contre », le senthnent à la fois joyeux-douloureux dont se volatilise en quelque sorte, et l',( anéantissement d e
elle est visitée. D ès lors, qu'il soit p1•is au sens fort. ou l'extase » est en effet r oquis : la « r encontre » (sens pre-
au sens faible, le wajd accueille un « trouble » (cf tex te nlie1• du H'aid) s'évanouit là où l'un des deux disparaît.
cité infra), et, tace à ce retou.r sur soi, Dieu, annoncé mais 2° Mais voici, un t émoignage fort différent do l:J allaj.
non possédé, reste l'inaccessible. 2) Ou bien l'accent Il r elève de l'autre grande t endance du soufisme, qui
port era sur le « choc mental " (sens .fort) qui tire l'â,ne fut histoi·iquement première, mais cédera le pas au
hors d'eUe-1nên1e, et hors de sa durée psychologique, rnonisme : celle de la waiJdat al-shuh.ad, • unicité du
pour se 1, retrouver » (perdue) en une p1•ésence suprême, Témoignage » (dnns la dualite des natures). S;affirme
qui est pr,é sence d'un Autre. cette fols iule union dans et pat l'amour, et qui n'est plus
On peut prévoir des conco1•dances entl'e cette deuxième « an.éuntisgante ». L es t ex tes l;tallügiens sont nombreu:ic où
aéception du wajd et la notion l,echn'ique d'« extase » l'on perçoit que la« rencontre ~. quand elle va a''appro-
devenue classique en mystique·chrétienne. ?i1ais on peut fondissant., tend à s'épanouir en union totale. Et c'est \
pré-voir aussi que la p1·emière acception ne pourra qu'en bien sur la d euxièrne acception théologico-spirituelle
diverger. de wajd (pris habituellemen t au sens fort), t elle que
.2. Bien des textes soufis illustrer·aient l'une eL nous avons essayé de la définir plus haut, que se trouve
l'autre ligne. Nous en donnerons quelques ex.erllples. mis l'acce nt. Il n'est plus question, comme d ans les
1 o La pre,nière in lorpl'6lal.ion, qui fait du wajd en t extes pré.uédents, d'une impuissance totale du wajd.
son sens faible un simple t< avan t-coureur », mals qui, Le (( choc mental » devient expérience d'µn m ode do
toujours, i;ens fa.iblo ou sens fort, accueille un t< trouble», présence <le Dieu. Et nous avona ce beau poème l)all!l-
est, à vrai dire, la plus fréquente. Ello apparaît claire• gien, qu'il nous semble utile de citer, et dont la préoision
ment dès les premiers siècles de l'hégire. Kalii.bâdhi, d 'analyse n'ôte rien à la v aleur d e témoignage (nous
qui écrivait une cinquantaine d'années ap rès la mo rt de continuons à rendre wa.jd par (< extase ») :
I:;Iallaj (10° siècle), cite cet te forrrntle: << Le wajd est lié à Les états d'ex:tase divine, c'est Dieu qui les provoque tout
ce qui passe; la connaissance sapientiale (nia'rifa), elle, entieN.i / quoique la sagacité des maitres défaille à le
est stable et ne passe pas». Et co ve1'S de Junayd qui fut co,nprondre.
le maître, le shaylch, de I:Iallàj : « L'extase on,plit de joie L'extase. c'est une incitation, puis un ragar.d (de Dieu) /
qui croit et fhunbc dans les consciences.
celui qui ch erch e en elle son repos/ ,nais quand Dieu est Lorsque Dieu vient habiter ainsi, la conscience double
présent disparaît l'exta.se » (nous r endons, tout uniment, d'acuité / et trois phases alors s'offrent 'aux voyants :
wajd par« extase » pour ne pas aloul'dir la traduction; il Celle où ta · conijcience est encore extérieure à l'essence
suffit de se rappeler les sens rnultiples qui sont en fait de l'exl.nsA / r,elle 01'i elle devient specf.!1trice étonnée;
connotés). Colla où la ligature du sommet de la conscience s'opère, -
P lus caractéristiques encore ces deux vers que l(alü• olle so tourno alors / vers une Face dont Je regard la
hiidhï attribue, rnais à tort, à. l,lalll!.j : 11 L'extase ne 1•avit /1 tout autre spectacle (Diwiln il'al-(-1 alllf j , p. 54;
peut at.teind1·c que formes périss,\bles / et s'efface elle- trad., Ra\lf changen1ents de détail au 8° vers, <le L. Mas.~i-
1nên1e à l'instant ol'.l la vision com1nen ce. // Je jouissais gnon, coll, Documents spirituels, Paris, 1955, p. 58-59).
de l'extase, mais dans le trouble / tantôt j'étais comnle 8. 1'rou vons-nous en soufisme une tendance à la
ravi, et tantôt comme présent ,i, << recherche de l'extase 1>? par quelles méthodes ou
2071 EXTASE DANS LA MYS1'IQUE

MUSULMANE · 2072 20
techniques? ÉLant donné les acceptions 1nultiples disons en bref qu'il s'agit à notre sens d'une expérience il
du terme, toute recherche d'union à Dieu rencontrera spirituelle qui est avant tout d'ordi'e naturel quant à son pr
sur sa route le ,vajd. Et la question centrale devient : mode et quant à son terme, qui devrait être mise en
le mystique a -t-11 à sa disposition un moyen efl\cace regard du yoga indien, et qui est essentiellement une
de l'acquérir ou doit-il l'attendte des prévenances
B'
remontée vers l'exister substantiel de l'âme, mais trans-
divines? pûsée en langage -monothéiste.
sr
SE
J:-Iallâj ïnet l'accent sur le don de Dieu. li préconise, (~uand les soufis de l'« unicité du 'fémoignago »
el
pour s'y préparer, des 111éthodes, mais admet con1me parlent du dhikr : ou bien ils en font, com,ne I:Iall!i.j,
di
également légitimes le '{i.kr, ou 11 réflexion » (méditation), \UiO simple métli.ôde (« c'est Toi mon Ravisseur, ce
c;
et Je dhikr, 1< re1né1noration » par l'incessante répétition n'est pas 1110n dhikr qui m'a ravi », disait-il à Dieu), et
d'un Nom divin (ûC <( pl'ière de J ésus >> orientale, japa- cette méthode peut préparQl' au '"ajd, 1nais non l'obtenir
c'
yoga dè l'Inde, nembutsu jupontiis). - Assez vite, cette d'
elHnace1nent; ou bien, et très précisément selon un
deuxième << méthode >•, lo dhilcr, deviendra un <<procédé>• l'(:sumé de Abü I;Iâmid al-Ghazzüli (l'AJgazel du n1oyen
C
teinté de technique. Quand Jes « confréries religieuses » âge lutin), ils se- bornent aux doux. premières étapes '
n
,).1
' . (~arïqllt) se répandirent largen1ent dans le peuple, d11 dhikr de la langue et du dhikr du cœur, ignorent le
à partir des 15c.16••• siècles, les séances collectives de dh.i/rr de l'intilne, et concluent : « Il est au pouvoir du (<
dhikr, et les 11 liturgies» (,.11ird) qui les encadrèrent, pri- soufl de parvenir à cette limite (ohtonue par le dhikr du d
rent une importance de plus en plus gl'ande. Ce fut cfnur), et do faire durer cet état en repoussant les tenta- C
également l'époque de la diffusion des 1n.awlawiyy(t J'l
i.ions; par Côntre, il n'est pa,-3 en son pouvoir d'attirer
(dits « dervinhes tourneurs », - en attendant les <( der- e
à lui la Miséricorde du Dieu Très-Haut • (Jl}yâ' 'ulfim
viches hurleurs »), fondéfl au 13° siècle pa1· le 1nysLique al,ditl, éd. du C!lire, t. 8, 1988 (1852 de l' hégire), p.17). p
et grand poète persan Julâl al-Dïn Rümï; et l'époque 'l'(::Js tenants de l'école shadhilie, Ibn 'Ahbüd de Ronda ê
p
où · des inlluences tur00-n1ongoles, infiltrées depuis le entre autres, sera.ion t plus nets encore.
l'
13 8 siècle également, répandirent dans les confréries Quelle qu'ait été la décadencè pôstérieure des confré•
musulmanes des " poses II et. des procédés respiratoires riris l'eligieuses, et les <r séances collectives » où le dhikr
f.
venus sans doute, directement ou non, du haja-yog<J,. aboutissait à un ,Pajd que l;lallâj eüt rocusé, nous ne
1
Or, Il !ut dit et redit que l'expérience du dhikr, dnvons pas oublier ces- témoignages de quelques-uns
poursuivie assez loin selon des règles éprouvées, abou- I
parmi les plus grands maîtres soufls. L ongten1ps ~
tissait ell\cacoment·au wajd. Certes, le mot peut désigner contrée, voire persécutée par l'Islain olficiol, la myslique J
toute« rencontre», tout sentin,en t ou « goOt » (dhawq) 1nusulmane n'a point de critères établis, encore rnoins ' 1
spirituel. Mais tandis quo l'« unicité de 1'8ti'e » l'ernpor- dt: 1naglstè1•e 1•ecQnnu qui la puissent guider. Nous devons
tait de plus en plus dans la conceptualisation, disparut dire du wajd-extase ce que no1is dirions do tout« état» (

à son tou1· la môfiance des pron,iers soufis à l'6gard d'un (!Jc"ll) par elle analysée ; la !lotion doit en être repensée (

u sentiment de l'encontre » qui n1asqu erait Dieu. Le sclùn le contexte de chaque expérience décrite, et l
11,ajd en son sens faible cornme en son sens fort (selon cun1pte tenu du vocabulaire propre à chaque auteur.
la première ligne d'intcrpr6tation ci-dessus résu1n6e) Si le '"ajd ne reeoupe. ja1nais entièl'e1nent ce que la
fut trop souvent recherché pour lui-n1êroe. Et c'est tradition chrétienne entend par " extase », il n'en
alors que certaines confréries (u sous des influences connote pas moins des sons forts divers : tantôt, le plus
turques ~. disait déjà Avicenne, 1.~hâriU, éd. J?orgol, SC>llvént aaoa dôute, vers ulle expérience du « soi »
Leyde, 1892, p. 217), e!l vinrellt. à accueillir des procédés el de spiritualité naturelle; mais parfois, semble 0 t-il,
quasi-hypnotiques, voire l'usage de stupéfiants et de dro- vors une expérience ouverte à la grâce surnaturelle
gues. Des l}a.9hishiyyi/,n shi'ites (les fameux << assassins » dn Dieu. Si le texle de Hallii.j (cité supra) nous paraît se
du (< Vieux de la Montagne », et leur principe d'obéis- référer à cette deuxièmo acception, les très nombreux
sance aveugle) aux 'isawiy11a maghrébins, bien connues manuels des confi•ériea qui pro,netten t à leurs adeptes
sont les rocl).erches " d'extases » et de <• pouvoirs ». Il 1111 ,vajd assuré seraient, ù quelques exceptions près,
est regrettable quo, dans ses (Jr,tce.~ d'oraison (1 oc éd., autant d'illustrations de la première.
P aris, 1922, p. 629-035), A. Poulain ait vu là l'une
La lista des ouvrages arabea ou pers11ns serait très long\1ê.
des « notes » de,< l'extase» sou fie. Ce n'en est en lait que Nuus nous bor11ons à quelquefi textes ljCCessibles en langues
la caricature; et qui fut en grande Pl\rtie responsable ou ropéonncs.
de la désafiecLion, voire du blâme, où l'Isla1n 01oderne Kalllbltdhi, Kùllb al-ta'arruf, 6d. arabo de A. J, Arbor.ry,
englobe trop souvent et trop vite le soufisme en son Lo Caire, 1984; trad. anglaise, The Doctrine of 11,c Sf1fis, Cam-
ensemble. bri<lge, 1985, ch. 53. - Diivlfn cl'al-f;( allllj, texte arabe publié
Si nous prenons l'ex1)érience du dhikr en ce qu'elle par L. '.M°!llll!ignon, dans Journal asiatique, t. 218, 1981, p.1.-158,
a de caractéristique, nous devons dire qu'e!Je se peut et trad. françaiae, coll. Documents spirituels ·LO, Paris, 1955. -
entendre, elle aussi, selon les dûux tendances de l'« uni- Ghazzüli, J(1yü.' 'uliï111 al-dïn, -tr1;1d. française par L. Gardet,
dans Revue tho111i.ste, t. r,r,, 1938, p. 570-578. - 1'Iujwtrl,
cité de l':ellre » et del'<( unicité du 'l'émoignage ». Dana le K,,sh/ al•Ma(rjClb, trad. anglo.iso du texto persan par R. A. Ni-
premier cas, les auteurs la décrivent selon les trois étapes cholson, dans E. J, W. Gi//b Mcmorial, Leyde-Londres, 1911,
du « dhikr de la langue », du « dhil,r du cmur "• du « dhikr voir Index à tv(tj<l. - Pour le clliikr, son unalyse et ses procédés
de l'inthne (sirr) ». A co troisième stade, elle est le pro- (et, références), voir L. Oardet, La ,n.~ntit>11 du No,n divin dan$
céd~ qui aboutit efficacement à un état terminal dit de la m:i1sti1ue 111uiruJ111a11e, dans Revue tlu1111is111, t 52, 1952, p. 6'12-
fana' (annihilation), et au" fanll.' du fana')> (,, annihilation 679; l. 53, 1\153, p. 197-216.
do l'annihilation•}, dans l'Uniquo. Cc serait. à notre sens Louis GARDET.
une erreur de parler d'« extase ». Cet état terminal B . MYSTIQUE CHRÉTIENNE ,
est a1,1 vrai l'au delà du H'aid dont parlait Jullayd ou
Shibli par exemple, mais conceptualisé comme une iden- J. L'EXTASE DANS LA BIBLE
'tification J< ontologique» 01'1 l'homme devient le divin. - Re1narques préliminaires. - Avant d'étudier lef;
Sans pouvoiI• analyser ici les co1!lposan tes de cet<< état», d<,nnées bibliques qui intéressent le sujet de l'extase

'
2073 EXTASE DANS LA BIBLE 2074

il semble opportun de faire quelques co11sidérations de de l'extase dans la Bible, nous pouvons pratiquement
principes et d6 méthode. négliger l'extase dite naturelle : l'objet, l'affect dont
notre d{:fini1;ion intègre le concept sont spécifiés par les
a) Les expériences extatiques rapportées par la
rapports avec Dieu dans l'extase biblique. Une défini-
Bible ne nous sont pas connues par des « relations
tion de type p!otinien (l'ex tase comme extase noétique,
spirituelles >>, 1nais par des écrits qui, souvent; repré• Il
ou plu t.ôt supra-noétique, unitive), ou d'inspiration '
sentent le dei·nier stade d'une l.radilion littéraire,
thérésicnne (l'extase comme « sixième demeure »), nous
elle-même entremêlée aux fils de la grande tradition
parattrait trop systématique pour déterminer le · cad1•e
do l'histoire du salut et de la tévélation. Déjà, dans le
cas de relo.tions dues à la plume de l'extatique lui-rr1ême,
-
d'une étude biblique sur l'extase. Par là, nous n'enten•
dons pas condarnner toute 'tentative de rapprocher les
c'est à la CJ'itique Jittôrairo et psycho-biog1·aphique
extases bibliques dos extases " 1nys tiques l>,
d'ouvrir la, voie d'accès à l'intellige,ice du té,noignage.
•Cette primauté de la critique littéraire s'impose de Indiquons brièven1ent les donnôes du vocabulaire.
manière plus nette encore lorsqu'on a a!Ta,il•e à un Dans lo. Sopt.ante, le lorrn0 ~x,ocor.,; trllduit, dl! manière plus
auteut• (ou à un rédacteur), - et, à travers l'autetn• ou 111oins h(;lureuse, douze ou trei1.e tl!rll'les hébreux. Il nous
sutllra da noter qu'en aucun dea vingt-huit textes où le terme
(ou le réd.acteur), voyons ton te la tradition dont il 11pparnt1., il ne s'llgit de l'extase propt•einent dit11. La rncirno
dépend-, qui se place surtout à un point de vue heils- ron1arquo vaut pour If;!, verbe Al;10,<ivoc1, qui rend \lno trentaine
ge.schichtli:ch, utilise des schèmes littéraires tout faits, est de vcrbûs hébl'eux. Là vorbo hébreu qui, sous une do ses !ormes
moins ha.bité pat• le souci de décrire des. faits avec usuelles, le hitpaol, signlllo, dans la plupart do ses emplois,
exactitude, que par la volonté d'e:x.prime1• une foi, de le comportement de l'extatique, esl dérivé de nnbhi, que nous
porter un jugement ,, théologiqùe », de stylise!', peut- traduisons colll'amtnent pnr prophèle. C'osl, on grande m(ljorité,
êtro avec beaucoup de libert6, t.ine figure du passé d1111s los toxtcs les plus anciens quo cc sens appa.ratt. Le sens
pour mieux marquer le rôle qu'il lui r econnaît dans 11ulrofoi:. proposé pour la racillâ de nabhi, • parler e11 état de
l'histoire du peuple de Dieu. frénésie •, n'est plua aujourd'hui défendu, ni défondable.
Elu h6brrJ1t, ln ligne sérnuntiquo n'est pas : parll!r dar1s un état
A. Causse, Q11clqites rc1nc1rqrtcs sur lei psychologie <les pro- d'oxt.asc _.,. pl'ophétiser, mais bien : le norn de prophète, nllbhi
phèteç, rlo,ni, Revue ,l'histoire et clr. philo.,op/tir. rdi(Ji6use, t. 2, ➔ le ve.rho dénomirialif, •n«bhll', qui signifie au hitpael : se
1922, p. 8'19, 851. - l, a remarque quel!]. L. Ehrlich fait à pro- con1port.or cornrno url prophète, ce qui, do flllt, po\1r le pro-
pos du rêve dans l'nncien 'l'estan1ent s'appli411B, par unalogic, phéHs111,: prinütif, iln1>lique des phénonièncs extlltiques. Quand
à l'extase : • Dor 'l'raurn in1 AH.en 'foslarnonL isl wonigcr ein à nubhi, 111ol 01nprunté, on peul le rat>tll'Ocher du vorbo ak-
psychologlsches Phl\r1ornen ais vor Etllorn oln LJ'adit.ions- und kadien, 11c1bf1, llppeler, la qucslion restant prn;ée du savoir si .le ' j
religionsgeschiehlliehes • (Der 1'rat/.n1 in, Al!cn Tcstanwnt, 1not a un sens pMsif (I' • appol6 •) ou !lctif (celui qui« appelle•).
supplément de ZA"IV 78, Berlin, 1958, p. v; cf lea observations Dans le nouvea11 •resln1nent, le ter,no Kxç~ixo1ç n'est employé
do W. Jacobi, Dit, Ekstasc ,ter <~lttesta,ncntlic/ien Propheten, que sept, rois : quatre fois .avec lo sons de stupe11r, trois ,fois
coll. Grenzfra.gen des Nerven- und Seelenlebons 108, éd, (danR les Act.os das Apôtres) 11vee le sens d'e:,ctaso propromoqt
L. Loowonfeld, ifunich et Wiesbad1in, 1020, p. 6'J-G2, el de ùit.e. Lo v&rbo connait les sens suivants : ~tre hors do sens,
C. ~~~neldor, Die Erleb11isechtheit der Apokalypso des Joh<inncs, s'é1nervclllor, mais 'pas lo sens philonien : sortir do. soi en étant
Le1pz1g, 19êlO, p. 7-8. - Zeitschrift fllr clic a!t1cstamc11tliche l'nvi au1,rès de Dieu.
( 11cutcsUtmcntliche) W issenscha.ft •" ZA "IV, ZN W, Com1110 il est aisé do s'en rendre cornpte d'après ces simples
indications, à s'en tenir nu vocabulairo, ·on ne ÙÎllpoi,e que d'un
b) C'est un à priori que d'affirmer qu'il nous est aasei mr1igr0 rnatériol pour uno étude biblique sur l'extase.
loisible de saisir, en nous aidant des uonnalsaances et des 'l':.int pour l'il.ncion que po11r lé nouvellu 'J'esta1nent, Il faudra
méthodes de la psychologie moderne, la psychologie que nous nous ctuployions à découvrir par quels 1noyens litté-
·d'un hébreu et d'un juif des te1nps bibliques, et la psy- ràires la « rôalité • de l'exlase est, de tait, sig1ûfiée.
chologie ,d'un extatique. c, It is a mistake to assume 1. A N CIEN TR STAMENT. - En fait d'extase, il ne
a priori that the experienee of the great propltets is s'agit d ans l'ancien TesLan1ont que dê l'extase prophé-
direcUy accessible to modern psychologîcal methods », tique. Avant d'étudier cèlle-ci on elle-1nême, nous nous
affirrne N. W. Porteous (Prophecy, dans Record a.11d demanderons l>rièvemont quelle en est l'origine histo-
Revelation, éd. H. W. f{obinson, Oxford, 1988, p. 227, l'ique, d éter1nination d'origine historique ne voulant pas
cité par- 1:1. li. Ro'\vley, ~I'lw Nature of )>roplwcy in the dire réduction à. un antécédent. Alors que l'historien
Light of !l,ecen.t Study, dans The Ilarvard tlieologic<J,l des religions s'efforce de mettre en évidence des dépen-
review, t. 88, 191,5, p. 6). Ce n'est pas un moindt•e à priori dances, des sin1ilitudes, dei; difiél'ences, l 1exégète croyant
que d'admettre la notion d'une essence do l'extase admet que, dans l'ordre phénoménal mêmo, qui est
telle qu'on pourrait en montrer la réalii;aUon existen- nécessairement d a té et situé, l'action de !'Esprit assume,
tielle 6Ur la foi d'indices spéeillques. Précisément, toute transfor1ne, purifie.
la diffièulté, une difficulté parfois p1•ei;que insurmontable,
est de relever des indices spécifiques en norribl'e sulTl- 1o Aux origines de l'extase . - W. Eichrodt
sanL et d'en distinguer la présence d'avec la donnée rappello que, à propos d'une 1nanifestation primaire
de sirnples apparences ,c n1atérielles >>, de la vie religieuse, Je problè1ne de la signification
Bien des exégètes qualifient d'extatique toute ex.ci- spécifique donnée par l'intégration dans tello religion
tation ou exaltation psychologique accompagnée de passe avant celui de la genèse historique (Theo -
phénomènes pl1ysiologiques anorn1aux. Plus de précision 1.<>gie d,·.• Alten 'l'esta1n.ents, 5e éd., t. 1, Gott und Volk,
es.t pe\1t.~être nécessaire pour éviter les abus de langage. Stuttgart et Goettingue, 195?, p. 207). Co problè1ne,
Nous nous tieodt•ons à la définition suivante : l'extase toutefois, ne doit pas être traité pa1• prétérition :
est un état, dans lequel lu conscience se concentre sur la aolut.iùn qu'on lui donne dépasse souvent lo simple
un objet ou est dominée par un affect, à ce point que niveau de l'interprétation historique. Si l'oil tient aveo
les fonctions de .t'elation subissent une diminution, G. von Rad que les « ex1>ressions >> du yahvisme ônt
pouvant'· allo1• jusqu'à la cessation, de leur activiLé, conten1t Lrès tôt un élé1nent d'« enthousiasme 1>, <Je
et que ' la motricité et la sensorialité sont profondé- v iolence, de terreur sacrée (Theologie des Alten Tèsta•
ment rnodiflées dans leur exetcice norrnal. Traitant ,nents, t. 1, Die 'l'lwol<Jgie der geschichtlichen Ucberlie-
2075 EXTASE DANS LA BIBLE 2076
ferungen Israels, Munich, 1957, p. 101 ), on est an1ent', la position prudente de· H. W. Wolff, pour qui un type
à affirmer que l'extatisme phénicien, connù par les de prophétismo extatique n'est pas attesté, jusqu'à
hébreux lors de l'établissement en terre promise, n'a plus an1ple informé, dans la littérature assy1·0-bahylo•
guère servi quo d'excitant à l'actuation d'une prédis- nienne.
position. O. Eissfeldt affir1ne sans hésiter qu'Israël Abstraction faite da l'un ou l'autre point, J. Lindblom
a connu l'e:xpél'Îence du prophétisme extatique avanl, la aboulit à une posiUon so1nblablo à collo do Wolll, dans une
conquête de Canaan en la personne du voyant (Einlei- (, tudo tr~s blon docu1non téo : Zttr Fragc clcs kanaaniiisclit11
tung in das Alte Testa1nent, 2e éd., 'l'ubingue, 1. 956, Ursprurigs iles altisraelitischen Prophctismrts, dans V<>n Ug(lrÎI
p. 88). G. Fohrer, pour sa part, préfère distinguer entro ,1ath Q1tmrart, Beitr!lge zur a.lUcstamcntlichen und altorien·
la voyance mantique, dont les origines remonteraient tnlischen ForRohung, Supplément de ZA W 77, Berlin, 1958,
p. 89-104.
en Israël aux. temps no111adiques, et la prophétie exta-
tique, qui aurait pénétré en lsraôl à. la faveur du conta('.L 2° L'extase du prophétisme collectif. - On
avec les cultes de la végétation de l'ancien proche Orient s'étonnera pout-êtro de nous voir placer l'apparitio1l
après l'établissement en Canaan (NeU11ra J,iwratu.r certaine de l'extase dans l'histoire d'lsralH à l'aube de
zur alttestàrrientlichen Proph.etie, dans Theologisoh11 la n1onarchie. Les nazirs n'étaient-ils pas, dès les
Rundschau, t. 20, 1952, p. 306) . temps des Juges, au plus t ard, des charisrnatiques de
On sait que O. Holscher, suivi par de nombreux l'en Lhousiasme guerder, d'un en Lhou~iasmo auquel
auteurs, proposait résolument la thèse de l'origioo le charisme donnait la fornie de l'extase? Eichrodt
cananéenne du prophétis1ne israélite (Die Profeten. incline à le penser et invoque, à l'appui de celte opinion,
Untcrsuchungen zur Religionsgasahi.chtè l tiraeh,, Leipzig, le témoignage de l'ethnologie (op. cit., p. 201). Quoi qu'il
19111). en soit de la caractéristique originelle du uazir (ascèse
Au dossier de H/llschor, on peut verser la récit officiol quu religieuse en opposition à la civilisation cananéenne,
Wen Arnon, envoyé par le pharaon vers 1090, fait d'un voyago uu bien consécration à la lutte guerriè1·e contre les
à Byblos (traduction dans Tc:ctbuch z1ir Goschicht-11 Israel,,, enne1nis do Yahvé et do son peuple), les seuls passages
éd. K. Galling, E. Bdel et E. L. Rapp , Tubingue, 1950, p. qu'on puisse citer au sujet de l'extase des nazirs se
8.6•4.8). Alors que le roi de Hyblos persistnit dans son refus d,i trouvent dans le récit des hauts faits de Samson.
recevoir l'envoyé du phRroon, une nuit, le dieu (il est di1llcflo
de préciser do quoi diou il s'agit) fit entl'er en ext11Se 11n ancien li faut solliciter benucoup le verbe ~iiktl) pour lui f11irll signl•
(selon A. Scharff, on pourrait traduire : 11n protre, lJsr Ver- fier en Jrigcs 14, 6, 19 i 15, 14 : provoquer l'extase. Ce vorbo,
ziu:kte in ~r Gcschi<:ht.e des Wonamiin, dans Zeitschrift für avec l'esprit (rüalJ) de Yahvé com,ne sujet, signiflo l'origine
iigyptischs Spraoh~ u11d A.llcrtum.skunclc, t. 74, 1988, p. 147). do la forée irrésistiblo dont Samson est animé contro les ennemi.s
L'extatlquo· proféra un oracle qui avertit le roi de la volonté du peuple d'lsral!l. Certes, !il\lal,l forme cou.pie avec le hitpael de
d\1 dieu : Il fallait rocevoir la voyogour égyptien. H. W. WollT •nïïbha' en 1 ,Samuel 10, 6, 10; 18, 10, mais en ces passages
dit très bien, à noLro avis, q111J • l'extatiqu\l de Byblos jette un seulement. En 1 Samuel 16, 13, il signifie que l'espri t do
pont ent.re, d'une part, )Ili; oxtàseil du culte dionyaiaq11e do Yahvé agit en et par David o. partir du jour do l'onction royalo
l'Asie Mineure et los prôtl'OS oxLaLlquos do Syria, el, d'n11tro do celui-ci; rien 11'indiqu1:1 que cetta action nit été caractérisée
part, las prophêtell clP. Baal de 1 Rois 18, 26 svv oLlos confr(,. par l'oxtasa. En 1 Sa11iuel 11, 6, l'll.ètlôi1 signifiée par ~lilo.l)
ries d'oxtatiq11ea du ten1psde8aUl (1 Sa.m1tel 10, 5 svv) • (Raitpr- n.llu1no la colère. Los autres usages du verbe n'ont rien à voir
pr<Jblcnw alttestamentticlter l'r<>phclic, dans E 1n1ngelische Thso- avec l'oxlaso,
logic, l. 15, 111!1!1, p. ~53). L'Egypte ne rournit pas do p8ral- On peut conjecturer qu'Israël a compté des guerI'iers
lèles à ce prophétis111e \lxto.tiq11e . .
extatiques dans ses 1•angs à l'époque de la conquête
Quant à l'Assyro-Babylonie, on pout faire état d'une de la terre promise; 1nais une telle conjecture intéresse
tablette de Mari déchifT1•ée 1•éce1n111ent (cf A. Lods, peut-être l'histoire des religions, presque certàinernent
Une tàblette inédite de !Vlari, intéressante pour l'histoir,: pas l'exégèse. Élal'gissons ceLte re1narque : dos exta•
ancienne dit prophétis1ne séniitique, dans Stu.dies in t iques, prophètes ou non, oilt pu exister en Israël
, Old Testament Proph6r;y (Mélanges T. H. Robinso,~). avant l'apparition du nabhisn1e collectif, mais, ou bien
éd. I-1. JI. Rowley, Jildimbourg, 1950, p. 1.03-110). leur existence n'est que conjecturée, ou bien, nous aurons
L'oracle qu'elle rapporl.e, adressé au roi Zimri-Lin,, à revenir sur ce point, ils nous sont connus par des textes
contemporain de Ilamn,urabi, ne paraît ptls résulter dans lesquels sources et rédacteurs projettent sur une
de l'interprétation de signes ou de présages, •nais avoi r Ogu1•e du passé les traits d'une figure plus récente, sinon
été co1nme dicté par le dhn1. Peut-on avancer quo contemporaine, colle du prophète extatique vivant en
l'oracle a été reçu en extase? Il ne sernble pas y avoir conl'rério.
de rai.son suffisunte pour faire ce pas. Faisons mention P our tl'aiter du prophétis1ne collectif, il vaut mieux
de la thèse de A. J·laldar (Associations of cult prophcts envisager à part les unes des autres les données de
among the ancient Scrnites, Upsala, 1945). Il raud1•all. 1. Samuel et celles de 1 et 2 RoiB. L;onction do Saül
admettre pour la région sémitique nord-occidentale des com111e roi (1 Sa,nuel 9, 26; 10, 16) est 1narquée par la
temps bibliques l'existence d'un prophétisrne cultunl rencontre do l'olu de Y"ahvé avoc une bande de pro-
de type extatique. A côté du bârû, homologue du voyant phètes extatiques. Le ftls de Qish se joint à ces prophè-
hébreu, lo porsonnel des sanctuaires comprenait lo tes et entre en transe à leur exemple. On peut parler,
mahhù équivalent du nabhi de la Bible. Introduisan l. semblo-t-il, de transe extatique. Grâce à la musique,
la partie de son ouvrage relative aux nabhis, A. Halda.1· grâce aussi, quAAi certainenient, à la danse, - mais
déclare avec assurance : " .J 'en viens maintenant au aucun usage de narcotiques ou de boissons alcoolisées,
nabhi, t erme communérnent rendu par « prophèto " aucune pratique d'incisions rituelles ne sont mention-
et signifiant un fonctionnaire du culte dont la « spé- nés - , les nabhi.s se mettaient dans un état d'exal·
cialité u est l'extase et qui, par là même, est l'équivalent. tation « délirante » en l'honneur de Yahvé. Que le
hébreu du mahhO >> (op. cit., p. 108-109). Nous ne pou- passage précité ait une pointe étiologique (expliquer
vons songer à critiquer ici ce que Je systématis1ne et lo l'origine et le sens du « proverbe » : « Saül est-il aussi
patterni8ni de Haldar ont d'excessif. Nous faisons nôtre parmi les prophètes?~; - môme pointe en 1 Samuel 19,
..
2077 EX'l'ASE DANS L'ANCIEN 'fES1'AMENT 2078
18-24), cela n'en diminué point la valeur. L'intérêt de ces passages, probablement non amosiens, au nabllisme
ce texte, qui fait partie de ,a tradition favorable à l'ii1sti• primitif. Dans d'autres textes, d'Osée ou de J érémie,
tution do la monarchie, réside en ce qu'il nous .révèle par exernple, l 'allusion n'est pas plus probable. Nous
le fait de l'appui prêté par les bandes de nabhis au n'avons pas à nous demander ici -ce que l8$ conf1•01·ies
premier 1nonarque d'Israël, plus encore peut-être en de p rophètes sont devenues après le, règne ,d'Achab,
ce qu'il suppose un jugement de valeur positif sur le ou quelles formes de prophétisme collectif leur ont
nabhisme. Après qu'il aura participé à l'extase collec- succédé dans l'histoire d'Israël. li sutnra de .mentionner
Live, Saül, selon los paroles de Sa1nuel, sera changé en des oraüles comme Michée 3, 5-7, et Zacharie 18, 2·6,
un .autre ho1nme, Dieu sera avec lui. On est ainsi amené où l'on J>eut, sans crainîe do céd'o r à l'esprit de système,
à penser que, vers la lin de la période des Juges, période noter uue pointe de polémique contre un prophétisrne
de la « tentation ,1 cananéenne, les nabhis se sont faits collectif à n1anifesW.tions extatiques (sur Zacharie 13,
les champions du yahvisme et ont vu dans la royau'té 2-6, voir R . Meyer, Ilpoip~'O)ç, dans l{ittel, t. 6, p. 814).
le rnoyen do sauvegarder l'unité du peuple et, par là D'un point de vue tlléologique, retenons surtout la
même, la pureté de la foi. caractéristique qui distingue le prophétisme extatique
l ,a péricope de 1 ,Sa,nuel 19, 18·24, appartient à attesté fH\ 1 Sa,nucl ot l'extatisme de type dionysiaque:
une couche littéraire beaucoup plus 1•écenle que ceUe la transe ex tatique est provoquée par l'irruption de
du pa$Sage qui vient d'être étudié brièvement. Le l'esprit de Y ahvé, non par l'entrée de Yal1vé lui-rnême
prophétisme extatique apparaît ici comme puissance dans son serviteur; l'extatique ne devient pas iv~eo~
protectrice dont bénéficie le futur roi David, poursuivi au sens, 1•appel.é pal' F. Pfister, de : possédé par le dieu,
par Saul. Au rnoment où ils vont s'emparer do Dilvid, habité par le dieu (Ekstaii.s, dans Piscieuli. ;S'tudien
les messagers du roi, le roi lui-même sont saisis par la zur Religion und Kultur des Altertums (Mélanges Fna~
transe extatique dont vibre une cornmunauté de pro• Jo,veph l)olge1·, Munster, 1939, p. 183). La foi yahviste
phètes présidée par Samuel, jamais présenté ailleurs, ne laissait pas de place pour un extiltisme d'identification
notons-li,\ com1ne prophète extatique. ou de fu1;ion mystique.
Nous retrouvons des groupes de prophètes dans les
Sur le nabhis1nc, voir aussi les points de vue et le~ appré•
livres des Rois. L'appellation de flls de prophètes semble ciatiqnij dl) W. F. Albright, Fr<nn Ille Stone Age to Ohristianity.
évoquer une organisation bien en place et, compte tenu Monoll1eisin and tlle Historica,l ('rocess, 2• éd., Bnlt.irnore, 1946,
di.t contexte, relativement ancienne. Mais vouloir p. 228-2Sti. - ',V. Eid1rodL, op. cii. , p. 217-225. -A. Guillaumo,
retracer l'histoire qui relie les bande$ des prophlltes Prophét.ie et diPina1io11 chez les sé11iites, ll'ad. J, Marly, Pal'ls,
extatiques du 11 8 siècle aux confréries de fils de pro- 1950, p. :157, a59. - S. Mowinckel, Ecstatic EzpcricT&èc ancl
phètes du 98 siècle, c'est se livrer à un travail de pure R11tioT1t1l Elaboratio,, it1 Old Tcsta1ne11t l'rophccy, dana Acta
OricntalÎ(), t. 13, 193ti, p. 266,-269. - A. Neher,· L'essence du
Conjecture. Nous avons sitnplenlent à remarquer que le
propMti$1ne, coll. Flphnéthée. Essais philosophiques, Pa.ris,
prophétisme collectif du 98 siècle apparaît beaucoup
1955, p. 202-212. - O. Plüger, Pri,aster und Prophllt, ZAW,
1noins turbulent quo celui du 11 °. Ji n'est plus fait t. 63, 1951, p. 166, 171. - El. Voogolin, Israel and Rcvclation
mention de transes extatiques, silence que semble faire (Ordsr ancl llistory 1), Louisiana State University Press, 1956,
<< parler ,> l'attribut.ion de tellea transes aux prophètes p. 228-282.
de Baal (1 Rois 18, 20-29; en co passage, l'ironie d'Élie '
mé1•ite d'être soulignée) et aux confréries de nabhis ao
L'exta.se dans les livres prophétiques et
gagnés à la dévotion du roi,« politisés» (1 Rois 22, 10-12). dans l'Apocalypse de Daniel . ....:.. On connaît
ll est vrai qu'Élisée, consulté par les rois de Juda, l'affirmation lapidaire de I-I. Gunkel : << L'expérience
d'Israël et d'Edom, demande, avant <le donner réponse, fondamentale de toute prophétie est l'extase " (Die
qu'on lui amène un joueur de harpe, puis, alors que joue Sch,·iften des A lten Te.9tàrruJ11ts in Auswahl. Die grossen
ce musicien; est saisi par la mail1 de Yahvé et prononce Prophcte,1, 2~ partie, t. 2, Goett~ngue, 1923, p. xvur),
un oracle (2 Rois S, 9-20). Des auteurs se contentent Avanl (¼nnkel, l-Iolscher s'était' fait le défenseur de
de ces indications pour affir-m er qu'flliséo se comporta cette thèse (Die Profetan, déjà cité).
en cette occasion co1nme un fils des prophètes habitu6 Aux y(lux de nornbl'e d'exégètes, elle nppnralt toujours iné-
à dernander à la musique l'excitant nécessaire pour branlablê. A. I-lâldar estime que, à po.rt quelques e:xception6 ( 1),
entrer en extase. Notons-le cependant, le joueur de les exôgôlus sont d'accord pour penser que l'extase est Je tr~t
harpe paraît être un musicien. de cour plutôt qu'un fils caractéristlquo de l'oracle prophético-eultuel (op. cit., p. 114).
des prophètes; on ne nous dit pas qu'Élisée se dispose à O. Elss!eldl affirme que la source dernièro dos oracles prophé•
l'extase par la danso; l'expression : « la main de Yal1vé tiques est à cnorcher dans l'élaL d'oxtase (op. cit., p. 88).
rut sur Jui ,,, est empruo tée aux traditions prophétiques, O. PH.Iger rema.rque en passanl quo l'expression, oracle de
Yahvé, doit &on ùriglr10 à l'expérience de l'excitation extatiqu~
où elle n'indique pàs nécessaire,oen t l'extase. Il semble (ùrt. citf., p. 182, 11. 1). Cependant, la position de HlJlscher et
bien quo lo r édacteur (singulier dont le lecteur ne sera de Ounkol est loin d'~tro tenue par la très grande majorité
pas dupe) de.a livres des Rois ait voulu, on faisant men• des exégàlcs, comme on pourrait Je croire d'après l'opinion dé
tion des extases vaines des prophètes de Baal et de }lal(lat cl-dessus rapportée.
celles, mensongères, des prophètes dévoués à. la politique
royale, marquer, par contraste, que les << prophètes de J. Lindblorn a proposé une distinction qui a permis
Yahvé >i -avaient dépassé le stade primitif de l'enthou- ù bien des auteurs do sortir de l'ornière : il faudrait
siasme extatique pour se distingue,· par leur fidélité distingue!' entre l 'extase de fusion , l'unio r,iystica,
zélée, héro\'que même (1 Rois 18, (l, 13; 19, 10, -t~), aux ignorée des prophètes, et l'extase de concentration
ordonnances du Dieu d'lsraijl. (cf Die Rflligiori der Proplwt1:,i und die My11tik, ZAW,
Quelle imago Israël s'est-il fait, dans le cours de son t. 16, 19:19, p. 65-74, et Eini,ge· Grundfragen cler alttesta•
histoire, du pro})héti.sme collectif extatique des temps r,ienllichen W isserischaft, dans Fsstschrift fur A. Bertholtt,
anciens de la roy:auté? Peut-on voir un jugement positif •rubingue, 1950, p. 325-837; sur l'extase, p. 825-827).
sur ce prophétismo dans deux passages d'A,nos (2, 11· Celle-cî so rettcontt'erait chez les prophètes. L oin de les
12; 3, 7)? Rien n'est moins certain que l'allusion, en arl'acher au commun des n1ortels pour les raire se })erdre
.
2079 EX'J:ASE DANS LA BIBLE 2080
dans la Divinité, elle SEniait le fruit de l'intensité avec 11lzéchiel est le prophète d'élection, si l'on peut il'expri-
laquelle ils participent à l'histoire du salut, qui est. 1ner ainsi, des partisans de l'èxtatlsme prophétiqua
l'histoire de leur peuple. Cette extase ne serait, à vrai (par1ni des dizaines d'autours, O. Procksch, Theol<>gi4 Ili
dire, qu'ùn phénornène de surface ou d'accompagne- tles Allen Testaments, Gütersloll, 1950, p. 808; A. F. d
ment, nullement nécessui1'e il l'accomplissement d'une Puukko, Eksto.tische Proplwtcn ,nit beson.cle.rer JJerück• Jl
vocation qui reçoit son âme même de la foi èt de l'obéis- -~ichtigung der finnisch-ugri.schcn .J>a.rallelen, ZA W, l'
sance à Yahvé. Ainsi, J. l,indblom évite la position 1.. 12, 1935, p. 211). à
].
extrême de Seiorstad qui, sous prétèxte <lè souligner le L'extatisme d'Ézéchiel se,nhle 1nti1nc à certains aut,eurs si
caractère religieux et moral de l'expérience et du rnes• rrappant, si caraètéristiquo qu'ils on tiren t argument tians 1â q
sage prophétique, en vient à élin1iner la considération discussion <le problèrnes d'ordre strictement lit.térairê (cf les q
de touLe trace possible d'extase (cf I. P. Seiel'stad, oxemples cités f)8.r O. Elssteldt, The prt;1phetio litera.ui,rc, dans 0
Erle,bnis und Gehor.~a.rn bein-i Prophcten Anws, ZAW, '.l'he Old 'l'estanient and ,,1odcr11 Stu<Jy. A Coneration. of Dis- j1
1:ovory and Rescarcli, éd. H. H. ftowley, Oxford, 1951, p. 111,, Il
t. 11, 1931,, p. 22-41; Die Ofjenbarr.trtgse,rl~bnislle der t f>7). Cependant, il est permis de a'inlorrogor sur la pnrt de ()
Proplieten A ,nos, .Jesaja, und Jcre.rnia., Oslo, 1946). La nction littéraire qui entr1i dans le réci t des expériences d'mzê•
dernière position <le S. Mo·winc;kel est très voisine de rhiol (cf C. Kuhl, Ztun Stand der Jicsckiel-Ji'orschun{I, dnus t
celle de Lindblorn (cf Ecstatic Ej:perience.. , déjil, cité, 'l'heologieche Rundechart, t. 24, 1956·19117, p. 21), à
}
et La. co11na.ù.1sancc ile Dieu chez les prophèt.es de l'A11cie11
Testarnent, dans J?eo,~e d'histo ire et .de philosophie Ge serait encore courir le risque de psychologiser que I
religi.euses, t. 22, 19.4 2, p. 69-105). ,J. Pede1•sen prend une d'attribuer l'i1npo1•tance accordée à l'aspect psyc})olo- l'
position assez représentative d'une opiniun courante, g-ique de l'expérience prophétique au souci de retenil' ~

quand il affirine que, che.z los prophètes << réformateurs », l'attentio1\ d'un,, a.uditcur » (ou d'un« lecteur») difficile, )
si !'.expérience extatique ne disparaît pas, elle pe1•d de hlasé, ou de foi alanguie (0. Grether, op. cit., p. 92). l
son importance. Le prophète ,1 réforrnâteur » s'efiot•ce D'autre part, le partisan de la théorie de l'oxtaso ne se (

. avant tout de pro1nouvoi1• dans hr peuple de Yahvé la hâtera pas trop d'aOlrn1er : la fiction se r.résente de tello
fidélité aux exigences de l'alliance (The rdle played by 1nanière qu'elle suppose chez le rédacteur (ou chez j

inspired persoris a1nong the lsraelites and the Arabs, l'auteur) l'expérience de l'extai;e, au rnoins la connais- l
dans Studics in Old TestamentProphecy, déjà cité,p, 140).' sance d'expériences exLatiques. Car, si l'hagiographe
nn se propose pas de livrer la description forn1elle de 1
A propos de l'ex.taLismo prophétique, il faut mentionner, l'état psychique et spirituel d'extâtiques, le choix de
né ffit-eo. qûo pour 1•éparer l'injuste nlanque d'intérêt dans
loq\lêl elle a été ensevelie, la thèse de A. J. H esèhel : les pro- critères, en soi dililcile, devient impossible, à l'aide
phètes incarnent un type religieux (le typo « sy1npathétlquc •) <l\!squols on pourrait affirmer que tel récit d'exlaso
qui e11t l'opposé du typo dé l'exlaUquo (Die Prophctic, Cra• <.!St en prise directe, ou indirecte, avec le c< vécu ». Nous
covie, 1986 : • Dor Sy1npathotikcr ist cin rcligil:lser 'l'ypus devons nous conLenle1• de critères <• externes» : l'auteur
sui generis und ais Qcgent.y1>u8 der elŒtatischen Oeiste$rich- ust sincère, son témoignage est authentique. Dans le
tung ani.usohen "• p. 168). D'all ure t rop aystérnatique, trop cas d'Ézéchiel, l'application de ces critères est positive . '
philosophique, cette thèse n'a pas produit l'effe t d'11ssainisso- <Jt laisse le champ libre à l'examen des données.
1nent qu'on el)t pu en attendre. !11enLionnons aussi h\ posillon,
proprement exégétique, trop trf.lnchéo à notre avis, ~e O. G1•e• Il nous faut d'abord marquer une réserve. Nous ne
ther : l'e:xpériertcà spéclfiquc1ncnt prophétique est étrangère croyons pâs que l'expression : « la 1nain de Yahvé fut
. à l'extai;e, exchraivo môrne do l'oxtaso; elle réside dans la con1- f;IJI' 1noi ,,, suffise à indiquer l'extase. Relativement
municalion irnn1édiato d u dabhar de Yahvé (Name u11cl Wort .fréquente dans le livre d'Ezéchiel, elle symbolise bien
Cottes im Altcn Tcsta,ncnt, Supplément. de ZAW 61,, Giessen, .l'omprise que l'inspiration exerce sur Io prophète; 1nais
19a~, p. 9a, 96, 1021. el le esL trop générique pour que, sur le seul indice de
'!'out récemment, H. vV. Wolff a invité les exégètes à son en1ploi, on puisse discerner aussitôt l'évocaUon d'uno
ne pas parler d'oxtaso à propos de n'importe quelle ox.tase. Ainsi, en a, 22, après avoir en1ployé l'expression:
exaltation. D'après \oVoHT, la relation au monde exté- ,< la 1nain de Ya.hvô fut sur moi », Ézéchiel nous dit
rieur ne se1nble pas être l'éduile chez le prophète, qu'il reçut l'ordl'e de <• sorLir vers la vallée ». lTne lois
1 •
com1ne elle l'est chez l'extatique. De toute manière, "sorti>>, il eut une vision de la gloire de Yahvé. Ce n'est
on souscrira sans r6sorvo à cette assertion : la forrnation qu'alors qu'il tomba sur la face (8, 28), expression qui,
dos oracles prophétiques demeu.1•e inintelligible, si l'on nous y revenons ci-de6sous, peut signifier, et signifie de
cherche dans l'extase leur principe d'explication (cf art. l'ait ici, un phénomène concomitant de l'exta.se. En
cité, p. '•58-t,56) , et, par ailleurs, on retiendra les l:I, 1., on lit : « la Jnain de Yahvé s'abattit sur moi »;
remarques très nuancées de O. von Rad sur le carac- si la leçon est il retenit• (la version des Septante a si1nple-
tère par trop formel et indétel'miné du concepL d'extase, 1nent ËyÉv&-ro t~'l:µi), l'expression ne signifie pas
alors qu'il s'agit de c;o1nprendre une expérience aussi encore l'extase de n1anière incontestable. Nous formule-
irréductible que la 1•éceptlon do la révélation prophé- rions âu sujet <le l'intervention do !'Esprit de Yahvé
tïque (Theologie des Alten T estaments, t. 2 Die Theologie dans l'inspiration prophétique d'É1.échiel une résel've
der prophetischcn Ueberlieferungen lsraels, Munich, :u1alogue à celle qui est appelée par l'expression ; <( la
1960, p. 71-82). 111ain de Yahvé fut sui• moi ». Les deux passages qui
Nous n'étudierons pas les LexLes prophétiques dans ùvoquon t l'extase avec Je plus de précision sont peut-être
lesquels les auteurs les plus rnodél'és lisent des 1•écits ·1, 28-2, 2 et 8, 22-24. Recevant révélation de la gloi1•e de
d'extases : los passages qui nous ,·apportent les vocations ·Yahvé, Ézéchiel, tombe sur la face; ,nais, apl'ès qu'un
des prophètes. JI va\lt mieux que nous réservions notre esprit l'a fait se tenil' sur ses jambes, jl on tond la parole
attention pour une figure aussi exceptionnelle que <le Yahvé. Le choc provoqué pa1• une vision céleste,
.cclled'l!lzéchiel, dont l'extatis1ne ne saurait êt1·e contesté. la pel'te mo1nentanée de la 1notricité, le' besoin d'une
C.'eslr sans grand profit que nous presserions quelques confo rtation surnaturelle pou1• soutenir l'éclat de la
textes d'A1nos, d'Isaïe, elo, pour en exprimer des vision et pour ontondro la pa1·ole de Yall.vé, tout cela
indices d'extatismc. 1;c.i laisse assez bien sy1nholiser par ce sin1ple mot: l'extase


2081 DANS L'ANCIEN 'I'ES1'AMENT 2082
(voir aussi 48, 8; fi(,, 4). Les périodes de mutisme et renoc des fils d'homme toucha mes làvres; j'<Juvris la boucho,
d'immobilité., - ne disons pas de paralysie - , qui je parlai ci jo dis à celui qui était dcva11t rnoi: mQn seigneur,
marquent le cl1àrisme prophétique d'Ézéchiel au coin · à cnuse de ln vision, des angoisses sont venuos sur n1oi et je n'i\i
de l'insolite, ·fournissent, mais de moins en moins, gardé ::n11:t1ne force. Co1nment le serviteu1· do n1on s1!ignet1r que
matière à des considérations psycho-pathologiques sur jo suis pourruit-il purlo1• à ce seigneur que voilà, alors q11e,
depuls 111aintenl1nt, aucuno force n'exiijte plus en 11101 et q11'il
l'extatis1ne du prophète. De moins en rnoins, et toujours ne reste en nioi auc1)n souffle? L'aJ)parence d'homme nie toucha
à tort, semble-t-il. En effet, ces phénomènes que suscite de nouvc,au et rue fortîOu. Et il me dit : Ne cr::1.ins pa.~, homrne
la parole divine ont une portée symbolique; rien n 'indi- aimé [de Dieu); la p1.1ix soit uvco toi; fortifie-toi, fortifie-toi!
que vraiment qu'ils trouvent leur origine dans un désé- Comme il me parlait, je •rus fortifié et jo dis ... (Daniel 10,
quilibre psychique, ni 1nê1ne qu'il faille y voir le conlre- 7-10, t.rad. f'. Miohaéll, dans La Bible. L 'l/.ncien Teatan1<1nt, t. 2,
coup d·u choc extatique. J?ar ailleurs, il est très peu coll. Bibliothèque de la Pl6iadu 1:19, Paris, 1\159, p. 665-G Gi) .
Judicieux de rapprocher l'extatis,ne d'J!.:z6chiel du
Extasn visionnaire avec puroles, angoi$ses, accable•
ilabhisme pri1niUL Ternlinons co passage sur Ézéchiel
ment jul:lqu'au rnutisme, muHiples confortationa céles-
en donnant d'après G. },'ohrer. quelques 1·éférences aux tes: force de se tenir debout, force de rompre Je mutisme,
textes qui rapportent des extuses « certaines ,, : 1, 1 force d'nntendre la parole divine jusqu'au bout, l'ensem-
à a, 15; 8, 22-2? ; 8, 1 à 9, ·11 ; 3?, 1-14 ; 40, 1 à. ,,2, 20 (Die
ble de nes éléments rious n1ont1•e que la coni;cience
lf1t11,ptproble1ne des Buthts Ezeéhiel, Suppl. de ZAW 72, extatique a rnüri depuis Ézéchiel.
Berlin, 1~52, p, 251, 252). Notons spécialen1ent les '
rapts ou ravissernen ts de 8·11, 40-',2, et remarquo11s Sur lo iinjet des extn,~os clans lè livre de Daniel, voir aussi
au sujet de ceux-ci qu'on ne saurait en déternliner Vv. Boussct, Die Relisfo11 <les Juclcnt11111,9 i,n Rplithellc11istischen
la nature exacte, la description du phénomène laissant Zeitilltcr, 3 8 éd. par H. Gressmunn, coll. Hàndb11ch zum
Nl'luen 'l'csta1nent 21, dirigée par H. Lletzmànn, Tubingue,
lo commentateur· sur sa faim et la part de fiction o'll 1926, p. :·195; R. Meyer, ar~. cité, p. 820. On peut eornparer ::1.vec
de symbolisn1e n'y étant guère facile à préciser. les affirniat.ions de ces auteurs la manière dont li. Gunkel
G. A. Cooke, A critical ana e:vegctic11l coninicntary on the groupe nv1ic compl::1.isancc les élé1ilêrtt!I des exp(wiencos qu'il
Boot, of J:.'zckicl, coll. The International Critical Co1nn1cntal'y, osllmo sou~-jacenteR à la rédaction du 4• livre d'Esdras, dans
Êdhnbourg, 1986. - O. Folu·er, Ezechie,l. i11 it ei11cm. Deitr(ig E. l{nutz$Ch, Die Apokryphc11 1tn1l Pse11clcpicraphe.11 des Altcrl
l'on J{. Galling, <Joli, .Hundbuch iu1n Allun 'l'estornent, cliri- 'J'cs1<tmc11.1s, t. 2, Tubingue, 1900, p. 341.
gée pa1• O. Elissrol<lt, 'l'ubingue, 1!155. ,
A ces toxtes' d'B1,échie.l et de Daniel, on peut joindre ·
Le livre de Daniel contionL ,ies r('.icits d'extases, cc un texto do Job, dans lequel certains auteurs croient
n'est pas contestable. La fiction littéraire, bien Join po\1voi1' lire la description précise et vivante d'une
d'exclure la réalité de l'expéricnco décrite, affirme extase : Job 4, 12-16. D'après G. von Rt!,d, Éliphaz de
J. A, Montgomery, la, trahit, du moins, l'auteur prend 1'émlln al.tribue l'ol'Ïgine 'de son discours de sagesse
teJiement feu au sujet qu'il traite que, de bonne fo i, à une inspiration immédiate qu'il décrit, sous les
il perçoit son exaltation spirituelle comme une vraie espèces lilS . plus parfaites qu'on puisse trouver dans
extase (A critical arul exegetical co1nn1entary on the Book l'ancien Testaroent, comme une expé1•ience de.révélation
of Daniel, coll. The lnteruationtù Critjcal Commentary, prophétique (mais G. von Rad ne parle pas littéralement
fldimbourg, t 92 7, p. 103). Les récits des visions de d'extase). l,a part de fiction littéraire laisserait place pour
Daniel, surtout de celles des ch. 8 et 10, montrenL que une vraie expérience (op. cit., t. 1, p.109). Selon E. L.
leur rédacteUl' a su par expérience ce (J\1'est l'extase, Ehrlich, Job 1,, 12-16, n'a rien à voir avec l'extase vision-
selon A. Bentzen (Da.n,:el, coll. 1-Iandbuch zum Alten naire (op. cit., p. 148).
Testament, 2c é<I., Tubingue, 1952, p. 6-7). En Daniel
10, 1. svv, nous avons, soutient le mê1ne auteur (op. cit., Los onvr11ge11 on ,ll'ticles suivants n'ont pail étê mentionnés
en cours <l'exposé, non en ruison d'un 111oln<lro intérêt, n1ais,
p. 7?), une description détaillée du processus psycho- soit que l'ùcoasion ne s'est pns prl!sentêo d'y renvoyer, soit
logique de l'ex la.se. Du point de vue spécifique de pru•ce qu'il8 envisugont lo point ile vue psychologiquè, sur
son conten~1, ce texte somblo bien êti·e, pour ainsi dire, lequel no,1~ ne voulions pas insister. L.-P. Horst, L'extase chez
sans rival dans l'uncion 'J'esta,nent (puisque nous n'avons les prophhes d' 1srai!l d'après les tràviui.'l! de JI IJlaclier et G1tnkcl,
pas examiné les textes d'Isaïe intéressant le sujet de dons R ePuc d' /ti.stoire et de philosophie religieuses, t. 2, t 922,
l'extase, signalons au moins .lsa.i'n 21, 3-4. Cf B. Duhm, p. 337-:li,8, - E, Jacob, Le prophétis,nc israélite d'après les
Da.9 Butlt Jesaia, coll. llandkonunentar zurh Alten recherches râecritcs, ibide,n, t. 32, l ll52, p. 59•69. -,. W. C. Klein,
Testa1nent, dirigée par W. No,vack, 2c éd., Goettingue, 'flic Psycltologfra.l P(i.ttcrn of Old Tes1a11ie11t Rropliccy, Evans-
~on, 1956 (étude reposunt sur uno baso exégol.ique s11msante
1902, p. 122-123, et F. Giase,bl'echt, Die Berufsbcgabung et rnenée nvm: compétence psychologique). - H'. l(night,
der alttesia,nentlichen Prophete.n, Goettingue, 'l 897, 'the Hebraw Prophclic Oo11sci(>u.sricss, Londrès, 19r.7. -
p. 55-56). H. H. Rowloy, JUtual and the Hcbrcw Prûphets, dans ,Journal
Mol soul, Daniel, je vis la vislo11, et les l11.unn1os qui étalent of SeniititJ St11dies, t. 1, 19l'i6, p. 338-860. - O. Wido11gren,
avec moi no virent point lu v.ision, ,nais une grande crnint.e Litcrary !111d Psyphological Aspects of 1111: Jfcbrcw Prophets,
tornbn sur eux et Ils s'enfuirent pour se cacher. Eli. je restui Up1ml11, 1•J/18.
moi seul et je regal'dal cotte grRride vision. Aucuno force ne 40 Attribution d'expériences extatiques à des
resta en 1noi, mon visugc fut décornposé et je no gardai aucune personnages du passé et au peuple eschato-
vigueur. J'entendis le son do ses paroles, et con1mc j'cnton- logique. - En Nonibres 11, 24-30, selon (). von Rad
dai le son do ses paroles, je toril bai év11noui, la face contre (op. cit., t. 1, p. 289 et t. 2, p, 2il), nous avons nfTaire à
terre. Et voici, une n1uin rno toucha et 1uo fit tre111hler, sur mes
gonoux et .les paurncs de rne& tnuins. Et il mo dit : Daniel, une sorte d'étiologie, on pourrait p1•éciser, de légiti,
hom,no nirné [de Dieu), sols attent.if ::1.\1;11: paroles que jo t'adresse mation d11 la prophétie primitive.
et tiens-toi debout à ta placo, ûur maintenant, je suis envoyé Nous n'avons pas à prendre t,nrti sur ln question dô savoir si
' vers toi. Quand il m'eut dit cctto .pnrolo, je me tins debout en 1Von1bres 11, 2ft-25 (« prophétisn10 • des soixunte-dix anciens
tremblant. Puis il me dit.... Quand il rn'et1t dit ces pnrolcs désignés par Moïse) et No111bres 11, 26-80 (• prophétis,no • des
(versets 12·1~, omis), jl! tournai ,non vlsai.:e vers la terre et, je deux isolf,s non désignés par Moïse) légitirnent respectiven1ent
restai silencieux. Et voici [quelqu'un qui avait <J01nmeJ l'appn• l'instit.ution d'un conseil d',anclens ci le prophiitisme ,ell:ti\tique,
DlCTIONNAIRl:I DR SPIRITU ALITÉ, - 1', IV, 66


2083 EXTASl•~ DANS LA BIBLE 2084


ou plutôt ai lu pointe de No111brss 11, 26-80 ne se1•ait pns d o de jubilation : « Plusieurs auteurs récents nous parlent,
légithner l'existeuca de p1•ophètes • litres » à côté ctu pi·ophé• à propos de la scène de l'Évangile, de l'extase de JéilU$i
tùnntl cultuel (cf O. von Rad, Dio falsche,1 Propheten, '/4AW, nous les suivons sans hésiter» (p. 82). Il n'est pas néoes•
t. 10, 1.9il8, p. '115•116, et J, Lindblo1n, Zur /<'rage de9 l(aria- saire de prolonger l'enquête bibliographique.
aniiischc11 Urspru11g:, .. , ,!éià 11il,!, p. 100-101, n. 311).
Nous ne croyons pas qu'il convienne d'attribuer de&
lletenons simpleu1ont que c'est u11 espl'it participé extases au Christ. Les récits du baptênlê et de la tenta•
de l'esp1·it cornrouniqut~ par Yahvé à Moïse qui est tion n'offrent que de fragiles fondo1nents à cette attri-
à l'origine do l'extase. Celle-ci est justifiée pal' là mê1ne : bution. Pour nous limiter au baptêrr1e : 1•ien ne noUII
dans Je passé, los soixante-dix anciens et deux isolés permet" de pense1' que Jésus ne voit los cieux s'ouvrir
ont ,, prophétisé » :;ous l'action de l'esprit cle lv(oY$r,. qu'apt'ès avoir été ravi en extase, ou que l'expression:
Le verset 29 est particulièrement i11téressant. Il pr'Civient voit• les cieux s'ouvrir, signifie da.Ils le contexte : entrer
probal>lemenL de milieux dans lesquels, sous une in- en extase. N'oublions pa.a que la stylisation littéraire
fluence proph.éti4ue, on se représentait l'état idéal du et th6ologir.o-biblique do ce récit vise moins à décrire
peuple élu sous l'irnage d'une comn1u11auté de prophètes avec exactitude un événement majeur qu'à an évoquer
auilnée pat• la prés,~nce active de !'Esprit de ·y ahvé la portée profonde. Le Chl'ist introduit (ou introduira)
(cf p. Eissfeldt, Eir1leit1.1,ng.. , p. 21,1,; O. Ploger, art. le nouveau p01lplo do Dieu dans le roya11m0 des cieux,
cüé, p. 177-178). Dans un oracle eschatologique, que lui sur qui descend !'Esprit venu des cieux, à qui est
l'on ne peu L s'ompûchor do rapp1•ocl1or do cc verset, adressée une voix venue des cieux, - mais elle est
Joël (3, 1-5) annonce1•a la vo,,ue du jo1u· où to11s les adressée SUl'tout au peuple de Dieu. (Pour esquisser
membres du peuple « prophétiseront », nous pourTion:, ainsi brièvement la signification théologique du bap•
glose!' : transfo1•més ,tout d'abord par l'oxpérionco de tême de ,Jésus, nous nous appuyons surtout sur Luf:,
l'extase, 1:iourront entrer directe,nent 011 rapport avec et l'introduction du 1•éciL du baptême : 'Eyéve-e-o 8è- !v
Yahvé, co1nm0 c'était autrefois le privilège des pro• T<Ï> 6ocrr:-.to&ijvoct &rr:()(Vt'()( -e-ov ÀIXOV )(otL 'l~ooii ~°'rr:-e-toèév-
phètes (sur cet oracle, cf les tr•ès pertinentes rema ,·ques 'l'OÇ, Luo 3, 21). Souvenir des thoopha,nies de
de E. L. Ehrlich, op. cit., p. 142). Ainsi, le souvenir de l'ancien Testarnent, style apocalyptique, · emprunl.'!
l'enthousiasme collnctif dos nahhis priluitifs n pu, aux écrits prophétiques, intention théologique laci•

d'une part, subir un. processus d'idéalisation en 1nilie11 Iernent décelable, il faudrait une petspicacité cxtra-
proph.6tiquo, et, d'autre part, pour l'hagiographe des or<linairo pour décou vl'ir à travors cela les restes
Livres des Rois, finh• pal' ne plus 1·appeler qu'une etape, d'une description d'extase. Quant à la transfiguration,
de signification positive, mais nette1nent dépassée. elle est, sans doute aucun, autre chose qu'\1ne oxtnsé
D'après R. Rendtorff, les deux plus anciens oracles du Christ. Reste l'hymne de jubilation. Sa.înt Luc
de Balaa1n r;onL JVornbrcs 2r., 3-9, 15-19 (Bite(un und nous dit bien q11e Jésus tressaillit de joie,sous ln 111otion
Bilea,nspril.che, dans Die Religion in Geschichtr. und do !'Esprit Saint. Mais est-ce bien là la description
Gcgenwart, 3c éd. , t. 1, 'l'ubingue, 1957, col. 1290,·129'1; sommaire d'une entrée en extase? Si l'on ne veut pas
cf aussi O. Eissfeldt, op. cie., p. 175). 'l'ous doux 1·opl'é- rnajore1• à l'excès l'importance d'une donnée, ni ôter
sontent le voyant 111oabite avec des traits d'e:xtitLique aux mots tout contou1• précis, no vaut-il pas mioux
(versets 3b-(t, 15b-16). (Jn pout penser, avec l'auteur s'abstenir de parler do « l'hymne extat,iquo de Jésus »
précité, que ces deux oracles ont vu le jour sous le (F. Oils, loco cü., p. 78-82)?
l'égne do David (ot non au 12° ou au 13°sièclo, comrne le
veut W. F. Alhright, ni aprtis l'exil, comn1e l'alllrme 2° Paul. Les e~taees des Actes des Apôtres
et de l'Apocalypse . - Saint Paul a certainement
A. von Gall). Dès lors, il n'est pàs étonnant que le voyant
reçu des grâces d'extases. Y fait-il allusion en 2 Cor. 5,
à qui est attribuée une prophétie ex e"e,uu apparaisse
13? F. Pfister interprète comme suit l'expression cttt
dans un scénal"io inspiré du prophétisme contetnJ>Orain
yàp èçéoniµe:v, 0e:lj, : il s'agirait de l'état de celui que
de la « source », le prophétisme collectif et extatique
dont 1 S aniuel a ga1•dé le souvenir. Une fois de plus, !'Esprit remplit, l'état quo Paul désigne par l'expression
i:v XptM<j> et qu'il caractérise com111e une )(octv~ xTLatç.
nous aboutissons il ce qui semble bien former I.e noyau
Ji'. Pll$ler n'hésite pas à citer à l'appui de son inter•
originel du prophétisrne extatique de l'ancien 'l'esta·
prétation les expressions : !x8~JJ.ijo«i è)( -.où oooµ()(TO~ x«l
1nent : le nal>his1ne primitif de l'aube d~ la monarchie. èv871µ7jootL rr:poc; 'TO\I Kvpiov (2 Cor. ri, 8) et rr:epni;oc-e-et\/ 8ta
2. NouvEAu TES1'AME NT. - 1° Jésus. - Le ternps e(8ouc; (5, ?) (op. cit., p. 188). ll. lleitzenstein estln1alt
est houreusement passé où l'exégète. psychologisant qu'entre le verset 9 (... et-e-E év8'1)1.1.oi:ivt'ec;, e(-.e ix8'1)µow•
dévoqait le déséquilil,re d'un Christ pourtant voué au -re,;... ) et le verset 13 joue un parfait parallèle
culte dos plus hautes '{aleurs morales. On faisait alors (Die helleni..~ti.qchen Mysterienreligionen, flè éd., Leipzig•
de l'extase un des indices de ce déséquilibre. A. ÔHpke, Berlin, 192?, p. 372). Mais 1·1. Lietzmann fi.cait à juste
dans un Contexte oü s'exprime, il faut le reconnaître, titre son attention sur l'opposiUon b<<mj11()(1-owcppoveîv
une grande réserve, tient encore à signaler qu'on est et rernnrquait q·u'elle a pu lltro occasionnée par le repro-
plus o.u tnoins fond(i à considérer comn1e extatiques : che rait. à Paul d'être hors de sons (An die Kori11ùwr
le .baptême de Jésus, la tentation, l'hymne de jubilation r. 11, 40 éd. par W. G. Kü1nmel, coll. Handbuch ium
(Matthiei, 11, 25-30; Luc 10, 2t-22), la transflgu1·ation Neuen 1'ostarnent 9, 1'obinguo, 1949, p. 12(,). Kümmel,
(art. "E)(o-e-«ot,;, ' l!l~(i1'")µ1, dans Kittel, t. 2, p. r,_51.J. dans l'appendice 'à cette quatrième édition (p. ·2011) 1
G. Friedrich inclinerait à adrnettre que la tradition a prend position contre A. Oepke (dans J(ittol, t . 2, p. 457)
laiss6 do côté nomh1•e de données relatives aux r,xpé- et. considère corn111e « tout à fait possible que les ad\ror•
riences extatiques de Jésus (G. Friedrich, art. llpocv~"~'• saires de Paul sa faisaient gloire do leurs extases ot
ibide,n, t. 6, p. 845). Dans une étude sur Jésus pr(1pllèic que Paul, au contraire, affirme que, pour son compte,
d'après ks é"angiles synoptiquQs (coll. Orientalia et de telles extases ne concernent que ses rapports avoo
biblica lovaniensia 2, Louvain, 1957), F. Oils donne Dieu ». Dans- une ligne semblable, .J~. Kascmann tient
sans ambages son sentiment sur l'extase do l'hymne que Paul distingue entre l"e domaine privé de la vie
1

;, 2085 DANS LE NOUVEAU TESTAMENT 2086


religieuse, qui culmine dan$ les extf1sea, et le do1naine dont l'écho ne peut résonner• dans les paroles humaines,
'• du ministère apostolique au seI'vice de la communautê, &ppîjTO( iSYJ(.1.0:TO: (v. 4) •
'• ministèl'e qui est décrit comme un arocppoveiv (Die Dans un discours que- Luc lui pl'ête, !'Apôtre fait
Legiti,nitüt des Apo~tels. Eine llr1t1Jrsu.t:hung zu. 11 allusion à une extase 9ui l'a saisi un jour qu'il priait
Korinthcr 10-13, ,i;N\1/, L, 111, 19'12, p. G?). Pour
'
• W. Schmithals égalenlent, 2 Corinthiens, 5, 13 témoigne
au tem J)le (Actes 22, 1 ?) . Selon les Actei,, Pierre a
conten1pJé en extase la vision qui le décida à: ouvrir
• dos oxtases de Paul (cr Die Gr10.Yi8 in J(o,·inth, Eine aux gentils les portes de la communauté messianique
Untersuch:u,ng zu den Korùitherbriefen, coll. Forschun• (10, 10; 11, 5) . Lo dia~e l!.ltienne conten1ple le Fils de
gen i:ur Religion und Litcratur des Aiton und Neuen l'I-Iomn·11J debout à la dr>oite de Dieu dans une extase
Testament$ ~S. OoeLLingue, 1956, p. 153-158). qui le transfigure àux yeux de ses persécuteurs (du point
Si 2 Cor. 5, 13 ue fournit pas une preuve incontos• de vue littéraire, le discour$ de 7, 1-54 semble avoir été
table de l'extatismc paulinien, 2 Cor. 12, 1.1. rapporte in tercalt: entre les deux versets, 6, 15 et 7, 55, qui nous
une e'lCtase sur la réalité de laquelle aucun doute ne peut autorisent à parler de l'extase d'l1ltienne).
ôL1•e élevé (1nêroe si le tercne d'extase n'est pus employé L'auteur de !'Apocalypse était-il un extatique?
dans ce passage, - 1nais notons la vigueur des te1•1nes Solon A. Oepke, I' Apocalypse, décompte fait de la
&p1tocyév-ra; au verset 2 \~t YJp1tocY'I) an Vtil'/Jét '1). Saint schématisation littéraire, suppose d'authentiques expé-
Paul ne se propose pas, sans plus, de verser au dossier riences extatico-visionnaires (art. cité, p. 45G). Il est
de son apologie la " relation " d'une grâce extraordi- certain que des expressions comme ~e:116µ1)11 tv IIvtuµo:Tt
naire. L'hypothèse d'adversairt~s qui attacheraient une (1, 1.0; ,k, 2) et CXlt'YJVEYKév µe ... €V Ilveoµa;TL (17; 3; 21,
cxcossive ilnportance à l't1xtatis1ne pertnet de ju!3tifier 10) sont propres à sign[fie1•, avec une execnplail'e sobt•iété,
cotte volonté de Paul d'en « venir aux visions et révéla- l'expét•h-11tCe extùtique. Il est certain également que
tions du Seigneur P (génitif d'origine, non pas géniti{ l' Apocalypse ne peut être rédulte aux dimensions d'une
objectif; mais génitif d'ol'ig-ine avec une nuance quali- « vue.11, :;avante et ïnspirée tout à la fois, sur le présent
ficàtive, indiquée par le caractère polémique du et l'avenir de la co1n n1unauté chrétienne primitive.
·contexte). Môme dans oe domaine, Paul ne Je c1~dè en Il faut. af11nett1•e que de v1'ùies révélations constituent
rien à ses adve1•saires. Cependant, il ne s'en glorifie la sou1•(:e pl'e111ière du grand récit prophético-apoca-
pas, ne trouvant duns sos visions et révélations rien lyptlquc du nouveau 'l'estainenL, des 1•évélations reçues
qui puisse-•< recomn1ande1· 1, son apostvlat et la puissance en exta8e, Co1n1ne in vitellt à le penser les expressions
salvifique qu·e le Christ y déploie, ni 1nê1ne rien de cha- que nou~ venons de citer. l\{ais il n'est pas exclu, étanl;
ris1natique dont les n1e111bres du corps du Christ puis- donné la nature du genre litté1•ail•e apocalyptique,
sent, pour ainsi dire, tirer bénéfice. Ce n'est pas !'Apôtre que l';;ipùcalypUcien, en parlant de ses extases, ne fasse
comme tel qui a ét,~ 1•avi en extase, ni le 1ne1nbre de je que se recommander aux yeux de ses lecteurs ou que
ne sais quelle classe d'êtres privilégiés, rnais &vOpù)1toç sacrifier à 1_ 1ne tradition littérail'e. L'erreur serait de
~ Xpunij>. Pour cet. homme-là, P.i.ul serait fond6 à se g6néralisor cette rernarque et d'aller jusqu'à affirmer
glorifier, à se glorifier è11 Kup(<:> (2 Cor. 10, 17). Il reste l'inexistence de touto expérience extatique chai l'auteur
que l'extase dont saint Paul fait mention en 2 Cor. 12, de l'.11pocalypso.
1-4 rappelle que l'eschatologie n'est pas encore achevée,
renvoie par 11ianière de <7'1}1J.it!ov à un dévoilenlent futur. 8° L'extase dans les. communautés primi-
'
tives. - Parmi les charismes dont saint Paul traite aux
En ce sens, l'extase dont Paul a été ravorisé est quand
n1t1me une << parole ,, ad1•essée aux n1timb1•es du Christ : chapitres 12··14 de la 1re i'p!tre c,uœ Corinthien11, la
l
depuis l'asce11sio11, l'ho111rrle devenu par le baptên1e une glossolalie tient une place Importante. Nous n'avons
J<,Xtv~ K·dati; ost on marche vers lo royaumo où la gloire pas à esquissel' la théologie de ce charisme. Ce qui nous.
de Dieu sera manifestéê; ex.ceptionnelleolent, il reçoit intéresse ici, c'est qu'il se maniJ'ei;te dans des phéno-
révélation partielle do cette gloire (nous nous inspirons mènes exlatiques. ,, Doublet » chrétien de l'extase
beaucoup do l'article déjà cité de bl. I{1iscmann, p. 1nantique (voir la position par trop« religionniste » do
63-?1). . 1-1. Gunkel, Die Witlcurtgen des hciligen ()cistes nach
Paul ne nou1·1•it aucun intérêt pou1· les questions qui der popultïren A.nschàu11,ng der 11,po.~toli11chen Zeit und
concernent la rnanièrc dont son extase s'est produite. nQ.ch der J.,eh.re des Apostels Paulus, t. 1, Goettingue,
N'en nôgligeons pas pour autant les données du texte 1888, p. 21 )? Jacques Dupont remarq11e avec pertinence:
sur la nature de cette extase. L'Apôtre ne se demande •< Le con l.act ne a'établlt que sur la notion de nous et
pâs, comme on interprète parfois à tort, si son âme sur son e1Tace1nent lors de l'inspiration » ( Gnosis. La
a été arrachée, ou non, au co1•ps, mais s'il a été ravi conrt1iissan<!C rcligie1.i,S1J dans les épîtres de saint Paul,
au troisièrrle çiel avec ou sans son corps, ou plutôt, il Louvain-Paris, 1949, p. 171). Le glossolâle, en effet,
se re(use à se poser la question : oÔK o!8a;, o 0eoç o!8ev. n'est pas prophète (le prophète, tel que saint Paul le
JI n'est pas afl1'. que le troisièn1e ciel i,oit « le plus haut décrit pal'1ni les charismatiques, n'est pas un extatique,
des cieux », ûornpte tenu de la localisation du paradis cf O. Friedrich, art. cité, p. 852), alors que l'inspiré do
en ce ciel, Sain~ Paul, con1n1e le judaïsme de son temps, la mantirp1e est un prophète qui prononce ses oracles
divise sana doute les espaûes célelltes en sept régions. S'.il en extast1 (point de ressemblance : le glossolale et le
en est ainsi, l'extase paulinienne n'a pu consister en prophète 1nantique ont tous deux besoin d'un inter•
la possession, anticipée, passagère, de la plénit.ude des prète). La glossolalie semble avoir consisté en une sort&
biens eschatologiques. Quoi q,u'il en soit, il s'agit d'une d'en Lhousiasme pneu1naUque dans lequel le chrétien
extase sans comrnune mesure avec les transes dos 1•endait gl't1ces à Dieu en langage (1 ùngélique 11 (plutôt.
nabhis de 1, Scimuel. On peut même avancer que qu'en des langues étrangères, ou anciennes et oubliées)
l'exta.~e de P a ul mérite d'être considérée comme une pour Je don, clans le Christ, des biens eschatologiques,
extase du point de v ue strictement noétique : saint Paul suprahun1ains, inefTables (cf J . Behm, rÀ&>ae1a;, l-n:p6-
a été élevé au-dessus des modes connaturels du connaitre yÀwaaoç, dans l{ittel, t.1, p. 7t 9-726; ,J. Dupont, ôp. cit.~
humain, il a entendu des paroles incfTables, des paroles p. 204-212; notations intéres.'lantes passim dans 1-1. Gree-

.1
2087 EX'fASE CI-IEZ LES PÎ5RES DE L'~GLISE 2088 2Ôl
ven, Propheten, LehrtJr, Vorsteher bei Pa,11,lus, ZN\IV, - 4.. Monachisme orwntal. - 5. En Ocoùknt. - 6. po1
t. 44, 1952-1958, p. 1-43). /1ttteurs syriens.
p.
On fora blon de médit\lr la jusle romarquo de G. Sch1•onk : L a préhistoire cht'étienne de l'oxtase, aux deux pro• Th
, Es ist o.ussorordentlich ,vichtig zu boobnchten, da6S Paulus 101
bai seinor ganzen Au$fiihrung g,u· kein Interesse dafür zcigt, 1niers siècles, se confond avec l'histoire de l'expérience
was der Glossolnle P.rlebte, or bcschl\ftigt aich ganz alleln mil der que l'Église prirnltive fait d'elle-même. L'l!lglise est Ly
Frago, was or für die Gemcindo lciste.w. Oie Fragostcllung von uée dans l'efTusion de !'. Esprit (Actes 2) et elle a pleine- 18:
1. Kor. 12·1~ ist durchaus nlcht die der r\lligiiison Psychologie • 1nent conscience de réaliser la prophétie do Joël (2,
(Studien .zu Paulus, coll. Abhandlungen 1.ur Thoologlc des Alten 28). Quelles que soient la forme ot la fréquence del! pel
und Neuen 'l'estan1onts 26, Zurich, 1954, p. 116). charismes qui le rnanifestent (Actes 10, "'••46; 13, 1; d't
La Pentecôte, décrite par les Actes des Apdtres, 15, 32; 19, 6; 21, 9; Apoc. 1, 10; 4, 2; 17, 3; 21, 10; avi
n'est-elle pas, sous, ou malgré, les espèces lucaniennes Clément de ftome, Lettre aux Corinthiens 11, 2, PO 1, 18'
du " rniracle philologique )) (expression de 1-1. J . Holt1.- 209, et éd. F . X. F\lnk, J>atrcs apostolici, t . 1, 'l'ubingue, tl<(

1nann qui a fait (prtune), la prernière manifestation 1901, p. 100-101), elle se sait dépositaire de la toute• 6d
de glossolalie? Ou bien, qneJles données prhnitives puissance de !'Esprit : << Ùbi enim. Ecclesia, ibi et Spiri• du
ont-elles été intel'prétées à la lumière d'expél'iences t.us Dei, et ubi Spirihts Dei, illic et Ecclesia et omnis pa
semblables à ceJles de la co1nn1unauté corinthienne? gratia ))' écrira saint Jrénée do Lyon (Adver//11,s haereses un
Mais n'est-il pas plus exact d'affirmer avec J . Dupont: ,rr, 24, 1, PG 7, 966c). Or, il est remarquable tiue cette . mi
• La prophétie et la glossolalie corinthiennes sont en f!xpérienëo de l'Esprit, vécue d'abord avant de s'expri- (D
cont,inuité avec les phénomènes extatiques qui se sont rner, communautaire avant d'être individuelle, permet l'
produits dans la co1nrnunaut6 primitive » (op. ci'.t., H. l'Église, d ès los origines, de se sit[tcr· lucidement aussi q\l
p. 212)? bien en face du judaïsme orthodoxe ou des sectes judal- les
Notons tout d'al)ord que le niiracle de la xénoglos- t-:antes que du syncrétisrne hellénistique, el d'alllrmor le
sie ne tient aur.une place dans le discours de Pier1:e. Ce Je caractère surnaturel de son pneurnatisme. Saint At
discours interprète, non pas le fait d'un parler en langues Pierre doit déjouer les ambitions de Simon le magé fid
étrangères, mais· celui d'un parler extatique. Ce glis- (Actes 8, 18-2t,) et saint Paul se heurte aux illusions des on
sement dans le récit de la Pentecôte est préparé par le corinthiens (1 Cor. 12, 14). Ce discernement n'êst point lit
verset 18 : «.d'autres, par 111oquerie, disaient: ils sont une mesure de prudence hiérarèhique, tard venue
ivres de vin doux». Com1ne Luc ne semble pas distinguer ol, destinée à endiguer les empiètements de l'élément l'o
nettement, au contralré de ce q11e fait Paul, entre glos- 1;harismatique; il engage d'emblée la substance de de
solalie et prophétie (cf les expressions : parler en langues l'l!lglise (cf G. Friedrich, art. Ilpocp~'t"l)t;, dans Kittel, da
et glorifier Dieu, 10, 46, et, parler en langues et 1.. 6, 1959, p. 1157-858, 862-863), Les dons de l'Ei,prit tO!
prophétiser, 19, 6), .le Lerme .,;pOq>1)'1,:utt11 de la éitation so11t à ses yeux des réalités sans analogues en dehors eC(

de Joël lui pîH'a!f, convenil' à la glossolalie. - Ce ne serait rl'elle (S. Irénée, ,-idversus haercses 111, 24, 1, loco cit.), p.
pas le terme adéq1111t, même si, ce qui resterait à et dont elle a charge de 1naintenir l'authenticité. P<
établir, il signifiait, dàns la, lecture que Luc en fait An Ceci se vérifie po\1r le charismatique par excel• P<
·Joël, le cornporte1ncnt extatique des nabhis. lcnce qu'est lo prophète des cornmunautés chrétiennes pr
Nous nous inspirons du conunentairo de E. Ha0nche11, ,{ncionnes. Son portrait, tel qu'il apparaît che1, saint 1-1
Dis Apostclgcsohicl,.te, coll, Kritisch-èxogctischer Kom111entar Paul, puis dans la Dida1:hè ou le Pa.ste11,r d'Herrnas, ne p.
ü})er dns Neue Testament, 12• éd., Goettingue, 1959. - Voh• dilTère suère de celui qu'en tracera plus tal'd Origène.
au'ssi E. Lohse, Die Bedeu111.ng daa P fingstb<,richtlJR ini Rah1ncrt Ce privilégié de la grâce a surtout une fonction culiuellc : -- ex
(c'
des l,1~/tanischen Gèsclii.c}usir11rkcs, dans Evansslische Thcologic, " parler en esprit » signifie poui: lui p1'oclamer les 1nira- d'.
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bibli,:a congrcss11q i11ternati<>nall., catholici da rc biblica, t. 2, 1nyJ,lère chrétien, édifier l 'Église (voir la confidence l~
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1952, p. 228-231. p. 270-271). La Didachè (xt, 8, éd. Funk, t. 1, p. 28·29) ta1
w,
Quoi qu'il on soit, su11s systén1atiser à outrance, on rappelle qu'un des critères du vrai prophète est de
LE
peut remarquai' que la réalis,ttion eschatologique de cela roproduii•e les " mœurs du Seigneur >) et 1'Iermas affirme
la gratuité d'un charisme dont Dieu est seul maitre sil
même qui formait l'objet du souhait expri1né en No,n- l(
bres 11, 29, après avoi1• été annoncée par Joël ost (Mandatuni x1, 8, éd. Funk, t. 1, p. 506-507; à rappro-
P1
entrée dans les faiLs, suscitée pal' la puissance de l'Espl'it cher de l'è~0tlcpv'l)t; qui caractérise certaines des révéla- a,
du Christ glorieux. L'l•)sprit <\veilla l'enthousiasme tions faites à l-ler111as, vg Sin1.ilitll.do v1, 1, 2, }), 544•

extatique dans là communauté-1nère de Jérusale1n et 545) . On ·chercherait en vain un térnoignage assimilant Ill
., (6;
dans les pronlières communautés chrétiennes, pO\U' le phénomène d e l'inspiration aux expériences extati-
attester qu'il animait de son souille le peuple do Dieu ques ou à l'enthous ias1ne du monde grec. Si les auteurs p.
ec,
parvenu à la pMnitude des te1nps. La « prophétie » chrétiens voient dans le prophète u n ôtro habité
pentecostalo et l'exla$e· des glossolales furent esse.nUel- (x0t-cotxis!v), poussé ou 1110 (xtvtîv, !va:py~îv) par gr
lemont des dons faits à l'Église naissante, co1nme un !'Esprit, si même, malgré Osée 9, 7 (Septante), il$ le (C
G1
signe propoaé à sa foi, que la r ésurrection du Cl)rist désignent souvent conime un misuµ°'-cocp6poç , ils évi-
tent toutefois les termes qui évoquent de trop près la
venait de 1, libérer )) l'~sprit.
Michel de Gosv• r. 11,0t11~ antique. C'est d'ailleurs un trait de i'apologé- pr
• tique du second siècle que d'opposer le prophète au
ac
devin ou au ,nage (cf S. Jus tin, 1 Apologi11 18, 4-6;
ta
D. EXTASE CHEZ LES PmtES DE L'i!GLISE P G û, 356b, et éd. J . C. Otto, t. 1, vol. 1, I éna, 1876,
1. Montani.sme. - 2, École <l'Alexa,tdrie. - 3. p. 58-59; Tatien, Discours aiix grecs 19, PO 6, 829ab,
Tl
Exégètes de l''Bcriture el théoriciens de la vie spirituelle. et éd. Otto, t. 6, 1851, p. 86-87; Athénagore, Suppli'.qtte Ir,
2Ô89 CI-IEZ LES MARTYRS 2090
pour l,es chnJtiens 26, PG 6, 952ab, et éd. Otto, t. 7, t. t , p. 37~, êl t. 2, p. 33~; PO 7, 829b ot 1137), do Torlullien
p. 188-139 : où y«p O,oü )(t\lE;ÎV rnl -rœ TÇ<Xpœ qiuatv; (Ad11crsus Marcionen~ 5, 8, PL 2, 489), do saint Cyprlon (Ep. i6
Théo philo d'Antioche, Ad A,µtolyc1,m n, 8; PG 6, éd. O. Hartol, CSEL 8, 2, 1871, p. 520) ou d'Eusèbo do Césaré~
1061-106~, et éd. Otto, t. 8, 1861, p. 74-77; Irénée de (Hi$1C1irc cccl.!sia.stique v,. ll, 4, éd. E. Schwartz, GCS 2, 1,
Lyon, Frag,nent 28, éd. W. W. H ar vey, t. 2, Cambridge, 1903, p. 432, 17) y tonl explicilêrnent allusion. Miltiade (Eusèbe
1-list. eccl. v, 17, a, GCS 2, 1, p. 470, 20) parlè de «a\t.ècession;
1857, p. 491). prophétique, et un papyrus d'Oxyrhynque pourrait être
Justin e_t Ath~nagore, ~lont tan t de forn1ules rap- lnlêrprété dani; le même sons (et lo toxlo ot sa dieè11s..qion
pellent Philon d Alexandrie, sont les souls à qualifier dans P. do Lu hriolle, La crise morllciniste, Paris 1913 p. 118~
d'extase le phénomène prophétique (cf Justin, Dialogue 120), ' '
a~qc Tr1Jphon 115, 3, PG 6, 741-744, et éd. Otto, t. 2, ~es caricaturés do prophètes q11e nous ont laissées Celse
1871, p. 410-41 8, avec l'opposition èv xœ-raa-r&ae1, èv (Origène, Co11tra Celsum v111, 9, éd. P. ICoetschau, OCS 2,
ixa-r&aet; et Athénagore, Su,pplique 9, P G 6, 908a, et 1899, p. 227•2i~) ot Lucilln do $11111os11.te (De ,nortc Pcrcgri11i
éd, Otto, t. 7, p. 42-48). Eln déduire quo leur conception 11 , éd. C. Jacol)itz, Opora, t. a, Leipzig, 1901,, p. 274), com1nE1
les épisodes navrants racontés par Illppolyto (ln Da11ieù11n
du prophète ost grecque ou prémon tanisto ne semble 111, 18, éd. O. N. Bonwetsch, GCS 1, 1897, p. 230) ol Fir111ili0n
pas légitime. Athénagore, nous l'avons vu, n'a<ln1et pas ~o Césaroo (saint Cyprien, Ep. 75, 10; CSEL 3, 2, p. 817;
une action <Je Dieu s ur l'inspiré qui a'accon1plirait en PL 3! 121~).Jettonl u~ j<n.1r aing\1lier sur le clîmat spirituel de
marge (ou contre) la nature, et le" témoin do la vérité ,, certains m1houx cbr6t1ons, surtout d'Asie rnineure semble-t-il
(fia~gue 7, :PC¼ 6, _492, et, éd. Otlo, t. 2, p. 30-31) , que do,ninai.011t l'attente eschatologique et les e~pérance~
1 « interprète » (Dialogue 68, 633bd, et p. 244-245) 1nill6n11ristes. ·
qu'est le prophète pour Justin ne manifeste nulle part Lo mont.a11isrne, à aes origines, en est un cas typiquo.
les traits d'un possédé, le posséclé étant au contrait·e
le J)seudo-prophète (Dialogue 82, 672a, ot p. 298-299). . P lu~ôt qt!e _ses exigences rigoristes, ce sont les concep-
' Autant qu'on en puîsso juger, les apologètes 1·estent t1ons dlurnnustes du mouvement qui ont heurté la
fidèles aux consignes de saint P aul (1 Cor. 12, 14), qui hiérarchie oriont,ile. Montan (2 8 siècle) croit à u ne riou,
ont été dans l'Église ùncienne à la fois lo reflet d' une réa- velle elTusion de !'Esprit, dont celle do la Pontocôte ne
lité et une normo de vie chrétienne. c?nstitue:,ait que les prétnices, et le charisme prophé·
Du prophète Il faut rapp rocher le ,nartyr, encore que tique y tient une place de choix. Mais que vaut ce pro-
l'on ne puisse assilniler l'un à l'autre. Lou'rs expériences ph6tisn10? Par son contenu et ses conditions psychologi•
de l'esprit révèlent dos traits con11nt1ns, déjà suggél'és ques, on l'a jugé en opposition avec la foi cht•étienne ·
dans l '11.:criture (vg 1 .PierrBr,, 14) et relevés explici- l 'A nonymus cité . par Eusèbe (Hist. eccl. v, 16, 7, GCS'
tement dans la littérature ancienne (vg Eusèbe, Histoire 2, 1, p. 1l'>2, 1.3-15) le souligne, et la description des
ecclésiastique v, 16, 20, éd. E. Schv.•artz. , GCS 2 t 1 , 1003 , extases de Montan et do ses associés (Ilist. eccl. v, 16,
p. 468 ; saint Jean Chrysostome, 111 Jltlatthaeu,n horn. 88, 7-9 ot 1 ~• 2, GCS, p. 4.62-464 et 470), mises à part les
PG 57, 392; André de Césarée, ln Apocalypsin 19, 10, ex agél•at1ons de la polémique, en apportent la conflr•
PG 106, 400b). Le martyre appor te la preuve de la mation. L 'un des rares oracles de Montan qui nous
présence d e Dieu (A Diognète vu, 9, éd. et trad. restent (cf saint Épiphane, Pa11arion 48, 4, 1, éd.
H.-1. Marrou, coll. Sources ch rétiennes 88, Paris, 1951, 1(. 1-Ioll, OC::\ 2, 1922, p. 224-225) compare l'in!Jpira-
p. 70), mais ce témoignage public est d'abord une t ion au plectre faisant v ibrer la lyr•e; l 'hnage est clas-
... expérience vécue : rencontre d ' un Dieu qu i se donne sique, p\1isq\1'elle appa1•aît dans les Odes de Salomon
(c'est Je sens du verbe ènt-ruy-x&veiv chez saint Jgn,ico (v1; trad. J. Labourt et P. Batiffol , Paris, 1911, p. 8),
d'Antioche) , vient habiter le confesseu.r (vg 'l'ertullien le Pédagogue de Clément d'Alexandrie, le De Anu:-
De pl.tdieitia 22, 6, PG 2, 1027c; Co11stitutio,1s aposto: chri,qJo ~'l-lippo.lyte et la Cohortatio tul graccos du pseudo-
liqu1111 v, 1, éd. F.-X. Funk, Paderborn, 1905, p. 237), Justin (8, Th. <.)tto, 8é éd., t. 3, léna, 1879, p. 40), et que
l'a~siste physiquement et spiritu0Hen1on t (vg Eusèbe, los com1nenl.ateurs des Psaunu1s l'utiliseront. Mais le
Hist. ecclés. v, 1, 28, GCS 2, 1, p. fo12; Passio SS. Felici, contexte de l'oracle, chez Montan, mot en vigo\Jroux
tatis et Perpet1,1,ae 15, éd. R. l(nopf et G. Krüger, Ausgc- relief la passivité de l'inspiration {xot!J.&-rat, t~1<1Tœv(l)v)
wiihlw Miirtyrerakte11, 8° éd., Tubinguo, 1929, p. ,.1 ). ot. confère à l'irnage une valeur de définition. Toutefois,
si Montan a expérimenté l'extase, il n'en a point fait
~e~ _visions, les pl1ên'omènes extatiques, parfois l'insen•
s1b1hté aux supplices (Martyriuni Polycarpi 2, éd. la théorie. Le premier auteur à l'avoir tenté est T ertul-
Knopf-Krüger, ibide,n, p. 1-2; Passio SS. FelicitatilJ et lien.
Perpetuae 20, p. '•3; Eusèbe, Ilist. ecclés. v, 1, 56, On sait on effet par saint Jérôme (De pirù1 inlu,-
OCS 2, 1, p. ~2f1) sont l'expression, au niveau de la vie t1:ihus 25, 1,0 eL 53; PL 23, 64.4, 656, 664) que T ert1'1-
inférieure, d'un contact direct avec Dieu, d'un échange lien a co,nposé, on groc vraisomblablomont ot autour
(6µi).!œ; et Passio SS. Felicitatis et Pcrpetucic 4 1 dos années 2·13, un De 1u:1,11a11i en six livres, où il légiti•
p. 87; Martyrium Polycarpi 2, p. 1; Eusèho, lli.st. ' ' n1ait le Hon él.abli par· le rnontanisme entre le charisme
ecclés. v, 1, 51 et 56, OCS 2, 1, p. '•22 et 424), d e la prophétique et l'extase. L'ouvrage est perdu; l'essentiel
gr âce d'accéder plus pleinement aux mystères divins de sa thèse a llleure çà et là dans ses autres écrits, en
(Origène, Ex:hortation au martyre 51, ôd. P. Koetschau, particulier le De ani,na. Qu'entend-il par extase?
GCS 1, 1899, p. 47). Les équivalences latines du mot grec le laissent déjà
entendre : \Jr\i) amentia (Adv1;1r11u,ti Marcioneni ~. 22
1. LE MON'l'AN IS ME, - Si l'importance réelle du et 5, 8, éd. A. K roymann, CSEJL 47, 1906, p. 492-498
prophétisme nous éc~appe, sa survie dans l'~glise et 600; De anùna 21, 2, éd. A. Roiffersoheid et Q. Wis-
ancienne et une certaine permanence de ses 1nanifes- so,va, CSEL 20, 1890, p. 324; Adver11uB Praxean 15,
tations son·t !'.évidence rnême. CSEL 47, p. 255) ou un cxccssus 11w11tis (De anima 45,
Los t6moignagea de saint J usU11 (Dialoi;ue ac,1iç Tryp/,1Jn 82, 8, CSEL 20, p. 87', ). Les développements du cha-
Th. Otto, 8° éd., t, 1, 2, Iéna, 1877, p. 296-298), de saint pitre 1,5 du Di: anima s'appuient sur l'analogie du som-
Irénée (Ad11ersus haereses 11, 32, 4 ot v, 6, 1; od. W. W. Harvey, meil et d u rêve. P endant le sommeil, l'âme conserve une

2091 EXTASE CHEZ LES P~llES DE L'ÉGLISE 2092


activité indépendante du corps et des sens; elle échappe pour dén1ontrer le caractère inconscient et irrationnel
au ,contrôle. de la raison et aux censures du moi. Cette do l'oxtase, est plutôt une preuve, selon Épiphane, que
vitalité profonde, 1;ert ullien l'appelle extase (« hanc l'inactivît6 passagère des puissances infér ieures et cette
vlm ecstasim dicimus ,,). C'est bien une forme d'amentia., sorte d 'anesthésie d'Adam ne compro1oet nullement
puisque respor,sa bililé et liberté n'interviennent plus uno lucidité totale cle l'âme.
et quo tout se passe en marge du jeu norrnal de l'intel- .IJJpiphana e11tond bien défondl'O la n1ême cause que ses
ligence, niais il n'y a pas a.nientia complète, ('.,QI' la devanciers d11 second siècle, 1nnis Il ne tient déjà plus exac·
1némoire subsiste. L'ex!,a,<;e e.st un substitut de l'acti- toment le nl<Îll\O langage qu'eux. Il envisage le prophétisme
vité de la raison, à un niveau dilTérent et sans continuité ccnnrne un lait appartenant au passé chrétien (48, 1, 5-~, OC$
avec elle. Ûl', ce qol est à l'origine du rêve -l'est aussi 2, p. 220•221) et oyant co1·rospondu à des Lcsoins qui ne ijê
de la prophétie : l'extase est " operatrix prophetiae » font plus sent.il' (48, 3, 1, QCS, 2, p. 223). Eln oc sens, les proton•
Lions 1nontanist;ea sont pour lui onachroniques. S'il !Ir.copte le
(De ·anirna f1, (, , CSEL 20, p. 316); Dieu s'en est servi 1not lxo-ro«1tç, et s'il s'intéresse à la réalit6 qu'il recouvre, c'est
durant le sonuneil d'I\.da1n (11, p. 815-816; 21, 2, JJ, en fonction de 1'~criture et BO\IS l'angle étroit de l'inspiration
33i; ~5, p. 874; De jejunio 3, CSEL 20, p. 277); elle scripturaire.
est la condi Lion na tu relie et nécessaire de tou Le révé• II. Wolnel, Dfo fVirkun.gcn des Giiistes und der Gcd.~ter im
lation chal'isrnatique. nacha.postolischen .Zeitalter bis a11,f J renaeus, Fribourg-ijn-BriS•
TcrLullicn s'en explique Il. propos de la transflgurat.ion : gau, 1899. - P. do Lnbriolle, La crise rn.ontaniste, Parla,
• L'ho1nn1e se trouvant sous l'influence de l'Esprit, surtout 1913; Les sources de l'histoire du 111ontanismc, 'l<'rihourg-Paris,
lorsqu'il contempla lil gloire de Dieu 1)l1 que Uien parle pal' 1913. - A. Fagglotto, L'eresia dei Frigi, Rorno, 1923. -
Ron intar111édii1iro, no peut pas ne paR perdre lé sens, la puis• W. $chepelern, Der /l'Jo11lanis111ttS und (lie phrygiacheri Ki,Ue,
sonca divine étendant sui· lui son 11111ùru ... Il est d'ailleurs facile 'l'uùingue, 1929. - A. Ehrhard, Die l(irche der Miirtyrer,
de prouver l'a111ent.ia de Pierre. Corninont o.u1•ait•il rt1connu Afunich, 1932, p. 227-2G7. - J, H. Wasûnk, Tcrtcûli<11111s. De
Moïse eL Élie, puisque l'on n'avait d'oux ni itnages, ni stat.ues, anùna, Amsterda111, 1'.147. - W. KiihncrL, Der cu1ti111ontani-
1 .. ni portraits, la toi le défendant. C'üst clone en espri t qu'il les stischc Aiw11ymus des Etts<,bi1ts, da ns 'l'hcologisclw Zeitschrift,
avait VUI!; parsuit.e, ce qu'il avait dit sous l'inllueoce de l'EspriL, t. 5, 1949, p. ',86-449. - A. Doh1nes, Der pr1e1unatuiche Clmr<ih•
et non en état da rai~on, il ne pouvait le aovoir • (Advcrstu1 r.er tles J(ttltgesangcs nac/1 frilhchristlich e.11 Zettgnissen, · da!Ui
M(ll'CÎOllltllt ~, 22, CSElL 47, p. '• 93; cf Adversus Pra.xcan 15, V01n cliristlichen Mysteriu1n. Gcsan1.mclte Arbeitsn zttm Ged/lcht•
CSEL 1,7, p. 255). 11ia von Odo Cascl, Pusseldorl, 1951, p. 36·63, - H. von C111n-
per\haus~11, K ircll!iches An1t 1u1d geistli.che Voll,nacllt in dt n
Tertullien n'adrnet pas d'exta.se qui soit sui.•éléva- ersten drci Jahrhu11derten, Tubingue, 1'.153. - A. l.{raCL, Dii:
tion des capacités de la ,nens. P our lui, extase et prophé- altkirchliche J'rophetic url(l (li~ E11tstehu.ng iles Jl,J 011.tanismtlS,
tie exigent ·une sortie do soi, la vacance de l'activité dans 1'/ieologisch.c Zcits,,hrift, t. 11, 1955, p. 2~\l-271, -
consciente, l'utilisation d'une zone d'opération de l'ê.rne
l<. Aland, Der .llforHa11is1nus und clic klcinasiatische Thc()lôgit,
danH Zsitschrift far die netttss1<une11tliche Wissen.scha.ft, t. t,6,
en 1na1•ge de la raison. Cela ne signifie pas, notons-le, 1955, t>, 109-116; Be111erk1mgcr~ ;;urn Montan.isni1~s 1111d :ur
que Tertullien ait adopté ou app1•ouvé tes formes frUlich.ris1.liclle11 Jtscliawlogic, dana ses K irchci1gescl1ichtliclw
montanistes de l'extase; rien chez lui no rappelle les Entwilr/c, t. 1, GooLLingue, 1960, p. 106 svv.
transpol'tS dont parle la littél'ature orientale; il semble
au contraire avoir vidé consciornment l'extase de ses 2. L 'Éeor.E n'ALEXAN0111.ii. - ·l° Clément d'Ale-
éléments morbides. Ce ne serait d'ailleurs pas le seu l xandrie. - L\.euv1·edeClément (t ve!'s215) ne présente
exemple de son indépendance vis-à-vis du 1nouve- aucun exposé sur l'extase; le terme 1nê1ne n'y apparaît
1nent phrygien. Un texte du De a,iinui (9, 4, CSEL 20, qu'une fois dans son sens technique, à propos des faux
p. 810-811), racontant los révéla Lions d'une « sœu1· », prophètes (Stro1natc11 1, 17, 85, 3, GCS 2, p. 55), et le
montre bien que cette prophétesse africaine ne joue passage est sans doute une allusion au n1onta.nisme,
pas le rôle liturgique que tenaient les vierges de Montan. rnentionné ailleurs à deux rep1•ises (1v, 18, 93, 1,
Tertullien a assagi l'extase et, malgré des ,• formules p. 289; vu, 17, 108, 1, t. 8, p. 76). Les développements
opposées, on pe,1 t. se demander s'il n'a pas eu rlu annoncés par Clémont (cf P. de Labriolle, La, èri.se
phénomène prophétique une notion assez. voisine de mantani-ste, Pai'is, 1918, p. t,80-481) au sujet du phéno-
celles des Pères du quatl'ièrne siècle. mène p1•ophétique auraient, à cet éga1•d, ét6 fort pré-
La réaction orthodoxe en face du prophétisme 1non- cieux, car Clément a une noLion précise de la nature
taniste transparaît clàil'ement dans 1o titre d'un traité de l'inspiration.
perdu de Mill.ia<le : ,, Qu'un prophète ne doit pas parler On a cherché à suppléer aux silences de Clément,
en exta.'3e », et dans quelques extrait.a polémiq\1es en relevant les indices pouvant téntoigner :que l'auteur
conservés par Eusèbe (Hist.. eccl. v, 16-19, GCS 2, 1, a connu personnellement l'extase; les conclusions sont
p. 458-480). La notine t,8 du Panarion de ·saint Épi- opposées (cf W. Volker, Der wahre G,tostiker, p. (..3-1,8,
phane (flCS 2, p. 220 svv), basée sur d'anciennes sou1•- lt25-'•82, 629-686). En fait, rien ne permet d'affirrner
ces, reflète une position analogue, quoique plus éla- quoi que ce soit à ce sujet. IJ es t plus intéressant de voir
borée. Sa thèse majeure est colle-ci : le pl1énomène si la pensée de Clément hnplique, admet ou exclut
prophé'ti.que n'a jamais irnJ)liqué une porte do conscience l'extase au sens génél'al du mot. La mystique do Clé-
et l'abolition du jeu naturel de l'intelligence; au ment est une mystique de l1,1.,nière (cf l'index drossé
contraire, la santé de l'ârne, la cohérence intérieu re du par O. Stühlin, GCS a, p. 805-807); l'itinéraire spirituel
voyant, sa lucidité que la gràùe de !'Esprit vient ren- est envisagé co111tt1e un pl,lSsage de l'ombre à la lumière,
forcer et surnaLuralisor (t18, 7, 1-2, GCS 2, p. 228) du cpro-rioµôc; initial qu'est le don de la foi à la vision
en ont toujoul'S été les caractéres habituels. S'il est. face à face 0(.1 l'être n'est plus qu'une lumière éo-r6c;
légitime de parler d'extase prophétiq\tA, puisque }'Écri- (Stromatcs vu, 9, 57, 7, OCS 8, p. 42 et le contexte),
ture use de ce vocable, c'est à condition de ne point la Cette iHumination progressive, on relation direc·Le aveo
confondre avec l'oxtase-dérl:lison ou l'extase-stupeur, la purificatîoll de l'âme, ne se111ble pas adn10ttre-d'irrup-
Même le texte do G~nèse 2, 21 sur le som1neil oxtatîque tlons anticipées du ter1ne (voir cependant Eclogae
d'Ada1n, exploité par le montanisme et pat• Tertullien prophetù:ae 85, OCS 3, p. 147, passage chargé de rémi•
·2093 EX1'ASE CHEZ LES ALEXANDRINS 2094
nisoences·profones, ou Stror11ates v, 11, 77, 1-2,. GCS 2, toll. S tudia anselmlana 14, Roine, 1'J~2. - A. l\1ayer, J)as
p. 377, itvec le parallèlè Platon-Sophonie). Si l'extase, .Bild Goltcs irn MértSèhcn naèh Clem,s n.s "ort Alexandrien, coll.
comme expérience fulgurante et ten1poraire, paraît Studia anselmiaon 15, ·Rome, 1942. - P .-Th. Carnolot, li'oi
étrangère aux pe1•spectives de Clément, à plus forte et IJ1I08C, Jniroduction à l'étude de ·la con/laissa.nec 1nyst4l11e che=
Cù!rnent d.' Alexandrie, Paris, 19(.5, - J , Moingt, La gnose de
raison le phénomène de possession qui obnubilerait
CM11111nt d' A foxandrie dans ses rapports avec la foi et la philo-
l'esprit à la façon de la 1nantique païenne ou du pI'o• sophie dans l?echerclws de science religfouse, t. 87, 1950, p. 195-
phétisme lnontaniste. l\1ème l'idée d'uno con1m.unica- 251 a'98 -t,2'1 , 537-56'1; t. 38, 1951, p. 82-118. - W. Vôlker,
tion divine soudaine, dont la richesse aveuglerait plus Dcr'wahre Gnostiker nach Clen1ens Alexand.rinus, TU 57, Berlin-
qu'elle n'éclairerait l'â1ne, eat, croyoIL'>·nous , absente do Leipzig, 1952. ' .
son œuvre. Sans dou te Clémont intègrc-t-il déjà certains 2° Origène. - S'il est déjà rnalaisé de préciser en
tJ•aits de ce qui constituera plus t.a1•d la théologie néga-
quel sens e l. à quel degré l'œuvrc d'Origène (t 253-261.)
tive, et l'on trouve chez lui des traces de la 1nystiquc rait appel tl des expétiences d'ordre proprement my&•
noc tul'ne; rnais le terme de mc.ôi;oç possède à se~ yeux
tique, il est encore plus difficile d'y rencontrer des
une signification péjorative (c'est l'.incréduhté ou
témoignag<~$ explicites concernant l'extase. L'ex cel-
l'ign orance, .Pédagogue 1, 6, 29, 4, GCS 1, p. 107; 11,
lente étude de W. Volkel' (op. cit. infra) a cru les y
8, 80, 1, p. 206; Stromatcs v, 3, 17, 3, OCS 2, p. 887)
découvrir, rnais en sollicitant les textes. En fait, malgré
et :celui de yv6q,oç, la nuée, n'est rnentionné qu'à pro-
pos de MoïSl\ dans le contexte d'Exode 20, 21, et chaque
sa plasticité, la terminologie origénienne s'avère ici
d'u ne su rprenante constance : tous les ernplois du terme
fois sous for1ne d'emprunt. littéraire à Philon, sans .que
~xa,;ocau; nous orientent ailleurs que vers l'extase au
le 1not ait u ne destin6e ultérieure dans l'œuvre,· ou se
sens stl'ict.
présente com1ne une pièce 1naîtresse de sà mystique.
Ceci est l'éviden ce pou1· les passages où le 1not désigne
Mystique de lumière, mais aussi mystique d~ monté~,
un dét;équilibrc physique, psychique ou spi ri tuai;
de dépassement du créé. La gnose est une quete, obh-
Contra Celsum 11 67 (GCS 1, p. 121, 23), lll , 4 (GCS 1,
geant le chrétien à sortir de soi, à se vider (Stro,natcs
p. 220, 81) et v111, 68 (GCS 2, p. 279, 20) y voien t
v1, 16, 150, 'i, GCS 2, p. 509); le baptên1e représente
une fol'me de po8scssion démoniaque~ dans Contra CtJl0
déjà une sortie de .l a nlatière (Eclogae prophcticae 5,
sum 1v , '19 (GCS 1, p. 289, 11), dans l,i Nu.1nero1J ho,n.
2, OCS 3, p. 188), un abandon du péché (flypotypoile$
v111 (GCS 1;, p. 52) et dans In .lere,niuni ho,n. 11, 8 (GC~
1, GCS a; p. 195), une mai•che vers le Seigneul' (Stro,nates
8, p. 297, 1? sv v), il s'agit d'un égaren~ent ll')O~~I, q\11
v 1, 9, 75, 2-3, GCS 2, p . 469), une ascension (1v, 22,
n'est pas s ans rappol't avec la possession ou l .ivresse
136,5,p. 808), unau delà de tout (n, 11, 51, 1-2,~.1 1,0).
(l.hèn1e rep1•is par çertains commcntateu~s d~ l 's. 80,
En ce sens, la 1nystique de Clérnen t est « extatique »,
23, co1n1ne S. Grégoire de Nysse, ln (,antica 111, 1,
comn1e sa gnose est une recherche inccsoonte et sans
éd. H. Langenberg, Berlin, 1960, {)- 181 [ = Pseudo-
repos, dont lo terme ne peut êt1•e que If\ rencontre de Athanase, PG 27, 1848d-1849a] ou 'fhéodoret de Cyr,
celui ·que l'on che1'che, pour s'unil· à lui dans l'amour
ln Ps. 30, 23, PG 80, 1084). La relation entre l'extase
(son ~'1)-re:îv a une saveur johanniq\1A). Mais on a
et l'aliénation mentale est fort bien marquée dans l es
remarqué depuis longte1nps que Clément ne connaît
chapitres du Contra Cclsu.m v11, 3-'t (QCS 2, p. ~54-11>6),
pas les altet'natives de découvertes, le jeu de cache-
où Origène oppose le phénomène prophé~1que du
cache dont parlera <)rigène. l,à encore, il n'y a pas
ju~aîsme è ses analogues païons, Ce _qu'il reproc~e à
communication anticipée, 1nais itinéraire l\SCendant,
la Pythie, ce n'est pas d'être une fau~se e;xtat1qu~,
où l'on n'abrège pas les étapes (môme Dieu, oserait-on
,nais une faussn (S-yjOe:v) prophétesse. S1 la prophétie
dire).
suppose en efTet une ven ue (è1tLlh1µ!œ) de l'Esprit div in,
Bref, ni ce clirnat de lumière, ni ces exigences de et mêrne une sorte de contact (&cp~) avec l'âme, cette
dépassement n e semblent in1pliquor, ni 1nôm? adn~ett~o venue loin cl 'ohnubilor la conscience, l'illumine au
pu rement et simplement l 'extase au sens stl'1ct. L optt-
contr;ire en rendant le vovç plus dioratique, et permet
misme de Clérnent apparaît sirr1plificateur; le progrès
ainsi au su.jet d'être le pren1ier à profiter mor~lemAnt
sy,irituel qu'il décrit est homogène et recti~igne. En du n1essagn qu'il a charge de transn,ettre à d autres.
outre, plusieurs thè1nes Assentiels de la 1nyst1que ulté-
La Pythie ne connaît, en revanche, qu'une 'IIXtMe, un
rieure ne figurent pas chez lui. Ni le somn1e!l comm~ état de transe (1J.OWLX'~ X(l(<r1Xo-rr:x<1tr;), où sombre tou te
quiétude de l'âme, ni la 1tÀ1Jpoqi~p(œ macar1enn~, 111 cohérence intérieure (n«p«xo)..ou6eîv); il n'y a pas
la blessure d'.a1nour (Clé1nent t\8 cite pas le Çantique);
lieu de s'étonner alors qu'elle soit incapable d'accorder
ni la nuée, ni la sobre ivresse, ni l'épectase ·gré~orienne. sa vie avoc ce qu'elle pi'ophétise. Ce reproche d'Origène
Pou r être juste, il fan t dire quo le vocabulaire hellé-
n'est pas neuf' (cf 1\pulé~, 11!/étamorp?os(ls v,n, 27,
nistiq11e de (< l'enthousiasme » n'y paraît pas non plus.
éd. D. S. I{obertson, co.11. Jludé, t. 3, Paris, 1956; J?· 58),
Ces silences s'expliquent sans doute d'abord par le
roais il reprtisente la conceJltion habi~uelle de l'alexan•
caractère partiel de l'o~uvre qui nous r esl.e. Ils se ço1n- drin en 1nalière d'inspiration prophétique. Le prophète
prennent aussi pat· les préoccupations des Stro,nat~s, ne perd pai; sa lucidité (cf ln 1 fld Corinthios 14, 30-31,
qui ne sont ni un journal spirituel, ni un co~m cnta1re texte grec dans 1'h.e Jour,1al . of theolor;ical Stttdics,
de l'.6Jc.-ittir e. Enfin, Clément est un alexanclr1n, et son
t.·10, 1908-L909, p. 40; ln F,zcchwlcm. hom. v1, 1, GCS 8,
atl'itu d·e en face de la mantique païenne, cornrne sa
p. 378). C' ûs t une des caractéristiques de la pers~nna-
coneeption du gnostique ou du spirituci (Stro.~na.tes v1!, lité do pruphôte, co1nme aussi du spiri_tuel (Or1gèpe
11, 68, 5, GCS 3, p. t,9), laissent [)ensnr qu Il conçoit
assimilant l'un à l'autre) quo de se savoir tout entier
les charismes dans la li~ne de ceux l!~s . ptophètes. à Ja disposi t,ion du Seig11eur et de pouvoir le r ec?nna1tr~
Sur ce point, Clément est très proche d Origène.
par connaturalité (cf ln 1 Cor. 14, 37-38, l.Qcv cit., p. 40
Voir indications bibliographiques, DS, t. 2, col. 1768. Retenir At 118),
surto11t : J. Pnscher, Stt«licn zitr ' Gcscliichlc· clcr éigyptisr.lten
Mystik, laac, 2 : Kle1nens i;on Alcxa1ulrw,1, Bnn1be~g'. 1934 .. - SI Caïphe n'est pur; prophùto, c'est_ précisément parcê q~'ll
G. Bék6S; De oontir1ua oratÎ()/lc Clcm.c,1tis Ale:t.and~"H d-0otrtna., n'a pQ,~ oonr.cience de l'être (Conim. in Joha1111em xxv111, 20
-

2095 EX'fASE CHEZ l,ES PÈRES DE L'ÉGLISE 2096 20!


' dt~ la pensée d'Origène, il est aventureux d'y retrouver
OCS 4, p. '•14•415) .. Le cas des apôtres ne dil'lère pas de celui c,lri
des prophètes : Paul, ravi au troisièm.o cie.l, • scit omnia... et l'équivalent grec exact (vg attonita stupet = èxrr>..~-m:• qu
co,nprehendit in spiritu • (/11 J e8n Nave lw1n. xx111, 4, OCS 7, Tat?). Ajoutons que le contex.te rait au moins autant ch:
p, fti•G-41•7). Là scène de la tr11nsllg11ration doit êtl'(l interprétée difllculté que le mot. Origène est coutumier de ces
dans lo 1nô1no sons : lé luit quo Pierre 110 se rand pas co,nplo de
de ce qu'il dit est un signo qu'il ost • on oxtaso • ot llu'un osprit lii;tes éLymologiques (cf R. P. C. Hanson, Intcrpre• qu
mauvais s'est etnparé de lui, l'illusionnant sur la véritable talions of Hebre1.J1 Nanu:.Y in Origori, dans Vigiliaa 1'il
signifloation de l'événe1nent ·auquel il est n1ôlé (Co,nn,. i11 chri,iti.an,u:, t.. 10, ·t 956, p. 108-123) . Quelle portée thé().' ce
f'rfatthaeun1,lloni. x11, 40 et 41, OCS 1.0, p. 157, 18•22 .et 164; 13; rique faut-il acco1•der à ce genre littéraire, que notre àl
cl Contra Celsu111 n, 2, OC8 'l, p. 129, 21-22, où au contraire st':rieux de scho(ars modernes risqua de comprendre (( ~
Plorro comprend). à ,•ebours des intentions de son auteur? D'un procédé Clt
On lo voit, la position d'Ol'lgène est l'inverse de qui relève davantage de la lexicographie que de la du
celle de Tertullien : il n'y a pas de ,, sortie de l'intel- 1nystique, il nous semble arbitraire de t.irer une preuve lei
ligence » qui ne soit diabolîque. que le reste de l'œuvre dément. Aussi tenons-nous la va
Une conL1·e-épreuve peut êtt·e faite, en con1parant traduction de Rufin pou1• l'expression "raisc,nblable le
ee qu'Origène dit,. non plus explicitement de l'extaso, d,1 la pensée de l'alexandrin : l'!><a-rOGO'L<; dont parle cè te1
1oais du discernomont do$ esprit$, dans le De prirH:ipii.9 passage d~1s No,nbres répond à la seconde définition qu
111, 8, ,_ (GCS 5, p. 260-26·1 ); aloi'S que le 1nauvais de l'extase selon Philon et caractérise le saisissètlient ap
esp1•it aliène et déprave la conscience, le bon esprit de l'âme en face de SJ)ectacles g1•andioses ou inattcn•
libère et illumine : dus.
I)eux textes plus sig1üflcatifs méritent de clore cet rél
• Unde ot ex hoc ir1e.1üfosLa discreti01ià dinoscitur, quando inventaire. Lo (rag1nent 55 de l' / n Cor. 1'•• 6 (loco cit.,
anïma melioris spiritus praosontia n1ovoatur, id ost, si nulla., n ge
prorsus c:t: irr1111i11cnti adspir11tionc obtu.rbationeni 110! aliena.tio- p. 36), si l'on en admet l'authenticité, appol'te une préci• m.
ne1n 111e.11tis incurrat, nec pcrdat arbitrii sui Judiciun1 liberu1n, sion intéressante. Distinguant entre prophétie, ons.ei• (],
sicut 0x1implo sunt omnes vel propheto.e vel apol}toli, qui divinis g11e1nent (Sti!OGx_~) et révélation («rro><«Àu!j,ic;), il définit Gi
rcsponsis·sina ulla 1nentis obt,urbal.ione ministrabant, colle-ci de la façon suivan te : « li y a révéltttion, lorsque o,
l'nsprit sort (l!~w ylv'l}-rOGi) des 1•6alités terrestres et d(,
A 'côté de ces données négatives, attestées tout au abandonne («no8ijTOGt) touto activité charnelle par la 1~
long de l'œuvre origénionne, existo-t-il des traces d'une puissance de Dieu ». L'expression, quoique ambiguë, dij
acception favorable de l'extase? son1ble viser autre chose qu'une si1nple grâce d'int6J1io- 58
11\Jiminons d'abord des textes qlli no sont cortalno1nont p.:is 1•i té, cai' on ne voit pas pourquoi elle s'appellerait révé- 111:
d'Orlgèno. W. Vôlker ·(op. cil. ù1fra, p. 11.1, note 3, et p. 1'•2- lation; il y a tout lleu de croire à une forme, non pré- to
148) invoque l'0xégèso du Ps. 11,1, 8 (P012,1668b) et surtout A
du Ps. 126, 2 (PG 12, 1G',4a) c:onuno coru,tit111111t pour sa thèse cisôe d'ailleurs, d'extase au sens forL, c'est-à-dire d'une C,
• ein schlagendcr Bc,vcls ». Ces deux citations sont d'llivagre cnrn1nunication divine s'effectuant en dehôl'S des lois ch
lo pontiquo et ne con1po1·tent d'ailleurs ))as lo tern10 d'llxtasé. naturelles et irnposant à l'êLre une sortie do son milieu L,
Le vo<iabulaire de oertuins pru,suges pqllt donner Jo chilngo; rtc)rmal. Ce lien entre la révélation et l'extase 6voquo bl
!ilnsl Con1ni. i11 Ca11tica 11 (OCS 8, p. 11,0, 9), Comm.. in Johan- tlllll distinction que fera plus tard le pseudo-Macaire. p
ncm XXXII, 27 (OCS '•• p. t,?2-fi73), /11 '('s. 4, 4 (PO 12, 1142c) Quant au passage du Con1m,. in1 Th1:ss. (PO 14, 1ll02b- et
ou De Oratione 0, 2 (OCS 2, p. 318-319); !llais, sans minimiser 1:101,). la traduction do Jérôme n'en rend l'utilisation n,
la portée de ces textes, il est clair qll'ils' viaent une rupture ni facile, ni sùre; t•etenons-on toutefois l'affirmation, d,
d'avec le monde atnblant, 1iécessairè à toute vie de prière. 2:
à propos de l'extase de saint Paul, de la possibilité Cl

Plus inLéressant est le thèn1e, très origénien (of en d o ravissements subits.


pa,•ticulier Co,n,n. in Joha,inern, 1, 30, GCS 4, p. 37, Que conclu1.·e de ce bilan? L'œuvro d'Origène se1nble
18), do l'ivresse extatique que procure le Logos; il rnfléter sa rnéfia11Ce à l'égard d'uo ter1ne qui n'est pas V
importe toutèfois de souligner, à la suite do H. Lowy e11core exorcisé des résonances imp.ures qu'il suggère, q
(Sohria ehrietas, p. 119-'120) et .de H.-Ch. Puech, (art. L'inlluence de Philon, si décisive ailleurs, ·n'a pas joué Il
cité infra, p. 582) quo l'accent est ,nia constam1nent sur ici; on serait presque tenté cle croil'e qu'il s'en sépare -c
la Îoic da l'fune eL qu'il s'agit non d 'une expérience consciemment. En tout c.as, il parle le même langage que 5
L1•ansitoire, 'niais d 'un stado spirituel, et plus générale-- le$ auteurs qui ont combattu le mouvement phrygie11 d
ment d'un climat de gnose. Origène notera ailleurs, (C'f P. de Labdolle, .les 11ourcas dn l'histoiri1 du rno11ta• r
et dans un contexte esch~,tologiquc, quo l'lllcriture 11!'.s,ne, Paris-Fribourg, 1913, p. 52-56). A la polémique u
a coutume d'appoler ivresse l'allégresse de l'esprit n11 l,l-1nontaniste, dont il nous ost difficile aujoul'd'liui )i
(Cf ln l,e(Jiticum hom. VII, 1-2, GCS 6, p. 372-37'•). d'1~valuer l'irnportance dans son œuvre, s'est jointe [
'
S'il est clair que cc thème de l'ivresse est un tltè111e uno réaction de chrétien en face de l'hellénisme païen, C
mystique, rien ne prouve néanrnoins qu'il implique :rnst-ce à dil•e qu'on ne puisse trouver choz lui, à défaut s
une extase réellè. dc la terminologie1 certains éléinen ts de ce qui constituQ J
Rèsterait le célèbre passage de l'In ll7umeros honi. pour nous l'oxtase? Co serait oublier lea lig11es.mattresses
XXVII, 12 (GCS 6, p. 275) : do sa pensée, son insist.anoe sur le mouvement de la (

. Qe Jà on arrive à Tl,a.ra, qui vout dire pour noua: contempla- vie spirituelle conçue co1n1ne une ascension (ou une 1
tion de stupeuyNous ne pouvons on lutin expritner d'un seul rernon tée) de l'âme, sa conviction qu'il n'est point de I
1not cé qu'en grec on appelle c:.ta.se, et qui 88 p~oduit quand salut sans un retour à l'esprit, et donc sans abandon (

l'ân1c ost slupafaite dam; l'udn1iration de quelque grand objot. radical de notre condition actuèllo, enfin sa conception
Cet état, nominé conlarnpla.tion de lltupeur, se p1•oduit donc d 'une union à Dieu par voie d'ilssiniilation prog1•essive,
quand l'intclligcnco est frappée de stupeur par la connuissanco cll1ns un climat de grâce illuminante et transformante.
d'objets grands et ad1nirables /trad. A. Méhat, coll. Sources Si son idéal de la connaissance s,e coule dans les
c!Ïrétiennes 29, Paris, 1951, p. 5t,7).
fo1•mule1.1 du n1oyen platonisme, il on épouse a.usai, mais
Le latin de Rufirl est déjà une int,orprét.atîon et, mê1ne en ehrélien, le climat religieux; il n'est pas do connais-
si l'on tient la dernière phrase pour un calque fidèle sance sans nostalgiè de l'union rnystique, et ici l'a.texan-
"

2097 CflEZ LES EXÉGÈTES 2098


drin se rapproche du sémite. De plus, tout en avouant rien de neuf et s'en tient aux considérations polé,niques
qu'ils étaient rares, Origène a admis l'authenticité des d'Épiphane (voir les textes réunis par P. de Labriollo,
charis1nes et des visions, et plus généralement l'existence Les sources de l'histoire du montanisme, F.rlbout•g-Parls,
de phénomènes intérieurs irl'éductibles à l'expérience 1913, p. 16/i-180). Dûlyme d'Alexandrie n'emploie le
quotidienne; sa doctdne des sens spirituels en fournit 1not d'extase que lorsque l'.li1criture le lui fournit, et il
l'illustration, Il a envisagé l'intolligenco de la Bible, s'attache alors à en préciser le sens, l'entenda11t soit
ce lieu de l'Esprit, comme une patticipation personnelle comme l'expression d'un saisissement profond (111 Ps.
à la motion inspiratrice dont !'Écriture est issue, et le 80, 20-23, PCi 39, 131 ?cd) , mais ne compromettan t pas
« spirituel » d'Origène (qui n'est pas le gnostique do la lucidit6 dn prophète (l,Ï epist. 2 ad Corinthios 5,
Clé1nent) doit beaucoup à l'expérience charisrnatique 12, 1704-1705; In Actu-s A.po.9tolorum 11, 2, 1677ab),
du prophète. Enfin, bien des thèmes de son œuvre appol- soit comme l'illustration du ViPit in me Christus (In
len Ldéjà les descriptions les plus mystiques des âges sui- epi-st. 2 ad Corinthio.~ 5, 1',,-15, 1705ab), soit onfln, à pro•
vants. Mais Origène n'a pas cherché à systématiser pos de l'extaHe de saint Paul, co1nme une révélation sur-
le maté11iel brut dont il était le découvreul'. Et par naturelle d'i-irdre intellectuel (12, 1•5, 1725-1728).
tempérament, il a toujours été plus sensible au définitif Le commentaire. du pseudo-Basile sur Isaïe exclut de
qu'à l'éphérnère, aux grandes lois spirituollos qu'à leur l'extase propl1étique tout aveuglement de l'esprit
application individuelle. (1 rl lsaiarn prooemiurn 5, PG 30, 125bo, et J,i I saia,ni
13, 565-568) et propose d'y voir une illumination ful-
Des indic!)tions sur lo Corp1u1 de Dorlin auquel nous nous gurante, ou la grâce d'un intense recueillement, sous-
réCéron11 Re trouvanL d ans DS, t, 2, col. 1772.
A. Züllig, Die Inspirationsfohrc des Origcne9, coll. Strassbur- 1,rayant l'âmo aux réalités terrestres et dépendant étroi-
gor lhoologischc Studicn, t. 5, Fribourg-en-Brisgau, 1902, - teinent du dogré de puri.ilc-ation intérieure (In lsaia,n 7,
E. Fascher, noo<P'/J'f'tl,, Ein $pra()h- u11d relicionsgeschichtliche 452ab). Pour saint Basile de C'ésarée, l'extase n'évoque,
Untersuch1u1g, Giessen, 1927, - H. Lowy, Sobria ebrielas, se,nble,t-ll, que le dérangement cérébral (De jejunio
Giessen, 1929. - 'vV. Volker, Das Volll101nn1.erl/1.cit.siclc1i.l clcs 10, PG 31, 'l81bc; AdPersus Eurio,nium 11, 16, PG 29,
Origc11cs, Tubingue, 1931. - K. Rahnor, Le débu.t d'u.nc doctrine 60'1b) et s'il parle, à propos de Morse au Sinaï, d'une
d11s cinq sens spirituels chez Origène, flAJl,I, t. 1.3, 1932, p. 11 3- ,,ision ett esprit (-1) êv 1tvevµO(-rt 6ewp(°'), c'ost selon les
11,5. - H.-Ch. Puech, Un lii•re récent s11.r lrt. m.ystiqu.c a'Orig~11,1, mômes perspectives qu'Évagre, dans le ,niroir de l'âme
dans RePue d'histoire et de philosophie rcligic,,.s,,s, 19(13, p. 508-
536, - A, Lleskc, Die Thcologir. der Logos;ny~tik bei Origenes,
(cf De Spirit,., Sanoto 26, 62, P<) 82, 181c-1 8(ta); la
Munster, 1988. - J. Daniélou, Orictltie, Paris, 191,8. - ,T.Lcb1•c• lettre 210 (777b) et su1'tout le .De Spir#u Sanctu 9, 28
ton, La source et le ciir11nttlre de la 1nyi11iq11e d'Origène, dans (109bc) soulignent nettement que cette transparence
Analecta l)olla11dia11a, t. 67, 191,9, p. 55-62. - F , J, DIJ!ger, intérieul'e, fruit de la victoire sur les passions, per1net
Christus a.ls him11ilischer Eros 1,na Scclcr1brautigarn bti Origenes, au charisn\e prophétique de dilîuse,• sa lumière. Cer-
da ns A11til1a und lChristc1111i1n, t , 6, 1950, p. 273-275. - A. Orbe, taines forn1ules de l'austère cappadocien font éclio
La cxcolencia de los profctas, scgûn Ori-gc,ics , dans Estudios toutefois à I' ùltus cordis de saint Augustin; voir en parti-
biblicos, ' t, 14, 1955, p. '191-221. - H. U rs von Bultha.sar, culier les R,.1 gulae fusiuB tràctata/1 2, 1 (PG 31, 90~b-
P«rulc et mystère c/1(11, OrigllnP., .P11ris, 1957. - l\L I-Ia1·I, Origène
et la fo11ctio11 ré.c•élatrine rlu Verbe i11cari11I, coll. Palrlsllca sorbo- 912a) et le D,J '{/,de 1 (',65ab, dans un cont(!xte de saveur
nensîa 2, P11rîs, 19!18. - F. MllrLy, Le disccrnen111nt. des esprits néoplatonicit,une relevé par P. l·Ienry, Les litais du texte
da11s le ('eri Archon d'Oric1hM, RAI\,[, l. 34, 1.958, )), 147-164, de Plotin, Bruxelles-Paris, 1988, p. 175-178) : la contem-
235-274. - H . Crouzol, Origè,,c et lu• co111/.(ÛSs<UICc 111ystiqt,.c •• plation de hi. Beauté divine provoque un ohoc brutal
coll. t,f usou,n Iossiann1n, Bl'uxelles-Paris, ·1961 , dans l'ârne blessée, et l'a1nou1· que Dieu met en elle
' se fait intolt')rahlc.
3. ExêoèTES DE L':f:cnITORE ET THÉO I.\I CI I\N$ 0 11 1,A Chez sain 1. Jean (Jhrysostonie t 407, le thème du
v1.l:l s1•1111T u1,L l,ll. -1 °Exégètes. - Les dèveloppe1nents so1nrneil extatique d'Ada1n, inauguré par 'l'ertullion
que saint Épiphane t 403 consacre à l'extase dans sa et I\:(êthodc de Philippes, revient à plu$ieurs l'eprises.
notice sui• lo 1nontanis1ne constituent en fait un lieu
·commun de l'exégèse et do la prédication aux 48 et Voir Calér.lil'$cs b11ptisn1alcs 3, 18, éd. A.. Wenger; coll. Sources
chrétiennes 50, Paris, t 957, p. 162; 111 Pa. 115, 2, PG 55, 324;
58 siècles. L'attitude des Pèi'es est identique : ils sont J n Gc11esi1n 1!i, 2 et 4,., 5, PG 5lJ, 121-122 e L 412a; Sur le thème,
d'accord.pour rejeter résolument t oute notion de l'inspi- voir J. D1.111iélo11, Sa.cra11iB11t1un fiit11ri, Paris, 1950, p. 37-44,
ration qui, on transformant le prophète en pur instru- qu'il faudrail, eloffèr grO.ce au dossier réuni par S. •rromp,
ment ou ·en jouet de la divinité, anéantirait sa personna- De 11atiPitate 1:'cclesiac ex Corde J csu iri crucc, dans Grcgorian11111,
lité. Cette unanimité s'accompagne toutefois de notto- t. 13, 1932, p. ,,89-527. '
ments dans la terminologie utilisée, par fidélité sans
doute à dos traditions exégétiques divel'gentes ou pat• Ailleurs, l 'oxtaso est prise au sens flgu1•é (In Act.à
souci, souvent maladroit, do respecter la lettre de la Apostoloru,,n 22, PG 60, 172d) et exorcisée do toute
Bible,, résonance païenne (In epiBt. 1 ad Corinthioil 29, 1,
Saint Ambroise t S97 est encore l'auteui· le plus procho PG 61, 2'10-2li2,' et ln Ps. 4.4, 2, PO 55, 188b).
des 9onceptions })hilonionnos de l'extase, et chez lui L'oxposé le plus élaboré sur l'extase prophétîque
l'expérience prophétique conserve quelque chose do reste celui do Tltéo~>re M Mopsueste t 428. Dans son
l'irrcitiortnel qu'elle présente dans l'œuvre de l'alexan- comn1entaire In Nahum 1. (PG 66, 1,01.40,,). il l'admet
drin (c.r De A.broluun rr, 9, 61, éd. C. Schonkl, CSEL 82, explicitement sous la fôrme d'un ravissement qui
·t , 1897, p. 614; I11 Ps. 39, 5, éd. l'vl. Petschenig, CS

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