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ROBERT AMBELAIN

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

Eléments d' Astrologie scientifique : Étoiles Fixes, Comètes et Éclipses,


Bectmalc édit.,,Paris, 1936 (épuisé).
Traité d'Astrologie Esotérique, t. J• (Les Cycles), Adyar édit., 1937 (épuisé).
Éléments d'Astrologie scientifique: Lilith, second satellite de la Terre, Niclaus
édit., 1938 (épuisé). LA NOTION GNOSTIQUE
Traité d'Astrologie Ésotérique, t. Il (L'Onomancie), Adyar édit., 1938 (épuisé).
Adam dieu rouge: Lp Gnose des Ophites, Niclaus édit., 1941 (épuisé).
Traité d'Astro/ogie Esotérique, t. Ill (L'Astrologie lunaire), Niclaus édit., 1942
(épuisé).
Au pied des Menhirs: Essai sur le Celtisme, Niclaus édit., 1945 (épuisé). DU
Le Martinisme contemporain et ses Origines, Niclaus édit., 1948 (épuisé).
La Talismanie pratique, Bussière édit.
les Tarots, comment apprendre à les manier, Niclaus édit., 1950 (épuisé).
Les visions et les Rêves, Niclaus édit., 1953 (épuisé). ·
Le Dragon d'Or : Aspects occultes de la recherche des Trésors, Niclaus édit.,
1958 (épuisé). DEMIURGE
La Magie sacrée d' Abrame/in le Mage , d'après le manuscrit de J'Arsenal,
Bussière édit.
l' Alchimie Spirituelle (fechnîque de Ja Voie intérieure), Bussière édit.
Le Cristal Magique ou la Magie de Jehan Trithème, Bussière édit:
L' sa vie, son œuvre, sa doctrine, La Diffusion édit., Jt1,1J lu Ecritures et les Traditions Judéo-Chrétiennes
Sacramentaire du Rose + Croix, Bussière édit.
Cérémonies et Rituels de la Maçonnerie Symbolique, Niclaus édit. , 1957
(épuisé). c Tous tes Patriarches se sout déclarés
Jésus ou le mortel s_ecret des Templiers, Robert édit., 1970. étrangers et voyageurs sur la Terre .•.>
La vie secrète. de saint Pàul, Robert Laffont édit., 1971 (épuisé). (Hébreux : XI, 13).
Les lourds secrets du Golgotha, Robert Laffont édit., 1974.
Le Vampirisme, de la légende au réel, Robert Laffont édit., 1977.
Cérémonies et rituel.t de la Maçonnerie symbolique. Robert Laffont. 1978.
Crimes et secrets d'État: 1783-1830, Robert Laffont édit., 1980.
Drames et secrets de /'Histoire: 1306-1643, Robert Laffont édit., 1981.
Symbolisme et rituel de la Chasse à courre, Robert Laffont édit., 1981.
Les Traditions celtiques, Dangles édit.
la Chapelle des Damnés: 1650-1703, Fouquet le régicide, le complot de•
Protestants, la véritable affaire des poisons, Robert Laffont édit., 1982.
L'Astro/ogie des interrogations. Robert Laffont éd.il., 1984.
la Géomancie arabe, Robert Laffont édit., 1984.
Le Fal-Nameh ou Livre du SOrt, Bussière édit., 1985.
la Franc-Maçonnerie oubliée, Robert Laffont édit., 1985.
Capet, lève-toi ... (Louis XVII), Robert Laffont édit., 1987.
Franc-Maçonnerie d'autrefois. Robert Laffont édit., 1988.
Le Secret de Bonaparte, Robert Laffont édit., 1989.
Les arcanes noirs de l'hitlérisme, Robert Laffont édit, 1990.
la Géomancie chinoise, Robert Laffont éd it., 1991.
Koré, la dixième planète, Bussière édit., 1991.
Retour à Samarkande, Robert Laffont édit., 1992.
Retour à Alexandrie, Roben Laffont édit., 1994.
Le secret d'Israël, Robert Laffonr édit., 1995. 8DITIONS873 BUSSIBRE
fJam· l 'om/Jre des ( .'athédra/,•s, Bussière édit., 2001 . LA [)JFFLJSION SCIENTIFIQUE
34, rue Saint.Jacques, Parts V'
c Nous n'avons pas besoin de considé-
rer la MATU:RE comme une entité
gère, cause de perturbations ·dans te
champ de gravitation. La perturbation,
c'est la 'MATIBRE ! ... >
(Eddington: c Espace, Temps et Gravi-
tation. >

< Seule, la combinaison (ou l'associa-


tion) · de l'Espace, du Temps, et des
Choses, est la RI!:ALITÉ. Mais chacun de
ces termes est, par lui-même, une abstrac-
tion ! ... >
(Moritz Sohlik : c Raum und Zeit in
der gegenwiirtizen Physik >.)

c Newton croyait qu'une main puis-


•1rnte (DIEU), devait intervenir de temps
cm temps pour réparer le Désordre dans
l'UNIVERS••• >
(Arago : c Notices Scientifiques >,
tome Ill, p. 475).
INTRODUCTION

' (

La Gnose est un vaste mouvement chrétien à carac-


tère ésotérique, qui, du II8 au V" siècle, s'opposa au
christianisme exotérique. Comme tel, il prétendait
expliciter le dépôt confié par le Christ aux Apôtres et
aux Disciples, à l'aide des philosophies et des religions
antérieures ou parallèles, à caractère sotériologique.
Comme tel, c'est donc également un mouvement syn-
crétiste.
Cette théorie était celle de saint Paul : < Je dois
beaucoup aux Grecs et aux Barbares... » (Epitre aux
Romains, I, 14), de saint Augustin, lequel vantait l'ex-
cellence de la philosophie platonicienne, de Clément
d'Alexandrie, et de son disciple illustre Origène, lequel
nous parle de son c maître hébreu ».
Les diverses écoles gnostiques prétendaient toutes
posséder des enseignements secrets, venus du Christ,
confiés oralement aux Apôtres, et reprochaient à l'Eglise
officielle de les dissimuler, ou, plus grave encore, de
les violer.
Nous croyons devoir donner, au début de cette étud'e,
la signification de quelques-uns des termes habituelle-
ment utilisés dans toute étude du Gnosticisme tradi-
tionnel.
Apocryphe. - Du grec apocryptos : caché, dissimulé,.
mystérieux. Désigne non pas des textes faux
10 INTRODUCTION INTRODUCTION 11

ou erronés, mais des enseignements qui, pour rieur émane. Ce mot d ·érive du grec aion :
ne pas être conformes à la vérité historique, temps, durée, éternité. En latin : aevum, en
n'en sont pas moins revêtus d'une signification sanscrit : âyus. On peut supposer que l;:.(\.po-
initiatique indiscutable. L'Eglise latine les uti- calypse, attribuée selon les uns ·à l•apôtre
lise volontiers, après les textes canoniques. Les .Jean, selon les autres au gnostique Cérinthe,
« yniagiers » du Moyen-Age les ont souvent met en scène des éons, losqu'elle parle des
exprimés dans le ·symbolisme architectural vingt-quatre « vieillards > chantant les .louan-
ou dans les verrières des cathédrales, . et le ges de !'Agneau (Apocalypse : IV, 4 et 10).
Concile de Trente en place un certain nombre effet, le tétragramme sacré iod-hé-vau-hé
immédiatement après les textes canoniques, (Jeovah), possède vingt-quatre
avec tout le rei;;pect qui leur est dû. littérales.
Démiurge. - Du grec demiourgos : artisan. Nom sous Hylé. - Matière première du Monde inférieur. Désigne
lequel on désigne, dans la philosophie plato- mot. à mot, dans le grec ancien, les bois, tail-
nicienne, l'artisan qui a organisé l'Univers lis, la jungle, non défrichés. Ce terme semble
matériel, selon le plan idéal décidé par le désigner quelque chose qui s'oppose à l'Eden
Dieu Suprême. Il est l'Etre Intermédiaire en- primitif, à moins que cet Eden, (signifiant en
tre la Divinité lncognescible et la Créature. hébreu : Feu, Flammes, Lumière), ne soit que
Les gnostiques lui imputaient un certain dé- la prima materia qu'Adam ait reçu mission
sordre anarchique reproché au Monde d'ici- d'évertuer et d'organiser, et, comme tel, ne
bas, ainsi qu'un .certain amoralisme. soit autre chose que l'Hylé.
Diabolos. - Ou diable. Du grec diabolos : accusateur,
llylogenes. - Esprit de la Matière chez les anciens
calomniateur. C'est l'esprit qui, malignement,
gnostiques.
s'oppose systématiquement à tout ce qui se
fait, que cela vienne de Dieu, du Démiurge, Hylogénie . - Formation de la Matière.
ou de l'Homme. Il est le satan hébraïque, mot
signifiant « en travers >. Hylozoïsme. - Système philosophique qui attribue à la
Matière une vie primitive et inhérente.
Eon . - Terme des diverses écoles gnostiques, nom dési-
gnant les Emanations, ou Intelligences Eter- llylarchique (Esprit). - Esprit Universel, qui régit la
nelles, sorties de !'Essence du Dieu suprême. Matière Première. C'est un des noms du
Les éons sont les substances divines qui, en demiourgos.
Dieu, émanent le plus immédiatement. Ils
sont les uns actifs et les autres passifs, étant Pneuma. - Souffle ou esprit supérieur auquel serait dû
de polarités différentes. Il n'y en a qu'un cer- (selon l'antiquité et certains médecins an-
tain nombre, de qui tout ce q"; leur est infé- ciens), la càuse de la Vie et des maladies, par
l:t INTRODUCTION

ln modification des solides e t des liquides.


Cinquième élément selon les Stoïciens, prin-·
cipe de la Nature Spirituelle.

Pneumatique. - Chez les gnostiques, principe supérieur


animant ceux qui aspirent à réintégrer le
Plérôme, et qui manque chez les créatures qui NOTE DE L'AUTEUR
n'ont uniquement que le Démiurge .pour au-
teur.

Plérôm e. - Unité primordiale reconstitu ée, le Christ c C'est par ces raisons que le Dieu qui
en est l'âme. C'est, en fait, !'EGLISE ETER-· est éternellement, méditant sur le dïeu
NELLE. qui serait un jour ... >
(PLATON : Tim ée.)

L'intérêt assez vif porté depuis quelques années par


le public cultivé pour les aspects, souvent divers et
loujours hétérodoxes, du Christianisme dit ésotérique,
catharisme, gnosticisme, manichéism e, nous a incité à
(,tudier et développer pour ce mêm e public un aspect
mal connu des anciennes « Gnoses aspect concernant
l'existence d'un c Ouvrier du Monde > que l'on suppo-
HtlÎl communément ne relever que des doctrines plato-
niciennes ou stoïciennes.
Sans doute, le canon judeo-chrétien offrait-il cer-
taines échappées, mal précisées, sur le problème du
Mal, mais ces échappées ne faisaient que rendre le pro-
hlème plus obscur encore. En effet, comment attribuer
Il un Dieu parfaitement bon des revendications de cette
Horte :

• Je fais la paix, et je crée le malheur ... > (Isaïe: XLV, 7.)


« Arrive-t-il un malheur dans une ville sans que laweh
on soit !'Auteur? ... > (Amos : Ill, .6.)
« Je suis Elohim, le seul Seigneur, créateur de la Lu-
mière et créateur des Ténèbres ... > (Isaïe : XLV, 6, 7.)
14 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 15

A ces uonlradictions, les anciennes < Gnoses > qui mée jadis dans cette constatation : < Le Monde est mau-
fleurirent dans les premiers siècles de notre ère, libreso vais ... >
rejetons poussés sur le tronc commun du Christianisme Qui ne connaît la fresque terrible de Maxènce Y.an
naissant, ces anciennes doctrines apportaient une expli- der Meersh :
cation avec leur théorie d'un dieu du monde, déjà mis
c La mante religieuse qui dévore son mâle tandis qu'il
en lumière par les écrits de saint Paul.
lu féconde, l'araignée qui capte la mouche, et le pomI_!ile
11ui poignarde l'araignée, le cerceris qui, d'un 'triple•
Un texte, attribué à Clément de Rome, nous rapporte de son aiguillon détruit scientifiquement les trois centres ,
en effet un écho gnostique : nerveux du bupreste et l'emporte pour que, plus tard, sa ,
lurve puisse consommer vivant, tout frais, le malheureux
c Aujourd'hui, Simon (1) est prêt à se présenter devant Insecte paralysé, en choisissant les bouchées, en ménageant,
tous, et ·à démontrer par les Ecritures le. point suivant : le· uvec une science atroce, les centres vitaux, en gardant la
Dieu qui a créé le Ciel et la Terre et tout ce qu'ils con- vie jusqu'à la dernière particule de chair de sa victime ...
tiennent n'est pas le Dieu Suprême. Le Dieu Suprême est un Le Ieucospis, l'anthrax, dont le ver s'applique tout simple-
autre Dieu, inconnu celui-là, et ineffable, qu'on pourrait ment au flanc de la larve du chalicodome, et la suce à tra-
appeler le Dieu des dieux. Ce Dieu Suprême a envoyé deux vers la peau, aspire, pompe cette bouillie vivante qu'est la
dieux, dont l'un a créé le monde, et l'autre a donné la· lurve, et la dessèche savamment, elle aussi, pour la tuer,
Loi ... :. (Les • Homélies Clémentines >, III, 2 .) .mais en la gardant fralche, vivante, jusqu'au bout... Le
philante qui, assassin de l'abeille, même
Et voici que la science moderne ne dit pas non à ftll victime, lui presse le jabot, lui fait dégorger son miel,
une hypothèse aussi surprenante. Eddington (cité par ol suce la langue de la malheureuse agonisante, étalée hors
Matila Ghyka en son c Tour d'Horizon Philosophi- de la bouche ...
que > ), nous dit en effet ceci : c Et tous les germes qui meurent, les milliards de mil-
llurds de grains de pollen, de semence et ne
• L'idée d'un es prit, ou logoï, universel, serait, je crois, naitra pas, l'inimaginable gaspillage de vie, condamnee à
une inférence assez plausible à tirer de l'état actuel des mort avant d'avoir vécu ...
théories physiques ; du moins n'est-elle pas en contradic- c Quel tableau que la Création ! Un massacre général .!
tion avec elles. Les lois les plus féroces, les plus horri-
• Mais s'il en est ainsi, tout ce que notre enquête nous blement inhumaines : lutte pour la Vie, éhminatwn des
permet d'affirmer, à bon droit. c'est un pur panthéisme· faibles, l'être mangeant l'être, et mangé par l'être ...
sans couleur ! c Si Dieu existe, il ne peut être qu'une intelligence sans
« La Science ne peut dire si l' « .Esprit du Monde > est cœur, une machine à calculer, un esprit mathématique,
bon ou méchant, et son argument ·boiteux en faveur de puissant et monstrueux, pour qui la douleur ne compte pas,
l'existence d'un Dieu pourrait aussi bien se transformer en et dont le plan gigantesque et inhumain n'avait pas été fait
argument en faveur de l'existence d'un Démon ... > pour être contemplé et compris par un . être doué d'une
aensibilité ... > (Maxence Van der Meersh : c Corps et
Cette opinion, qui choquera peut-être les optimistes Ames >, t. II, pp. 40-41.)
qui ne veulent pas voir la vie en face, était déjà expri-
Comme on se prend à songer à cette parole désabu-
(1) li s'agit de Simon de Samarie. •ée de l'Ecriture :
16 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 17

• Alors, le Règne des Enfers n'était pas encore sur la I/• ont Dieu pour auteur, et ont été livrés cO'mme teb à
Terre ... > (La Sagesse : J, 13-14.) l'IC11t1u ..• •
« Comme ils sont l'œuv.re de /'Esprit-Saint, les · mo.t s/ y
Et comme ils nous paraissent d'une implacable 1111ehent nombre de vérités qui surpassent de beaucoup la
logique, ces Albigeois hérétiques qui, illuminés par la /or<'" cl la pénétration de lat raison humaine, à savoir les
sagesse des c Purs>, n'hésitaient pas à s'infliger l'endura 1>"1111.• Mystères, et quantité d'aut.res réalités qui s'y ratta-
pour fuir ce monde de !'Horrible... f'l1M1I. /,e sens est. parfois plus é.t endu et plus voilé que ne
/Hlmtlruient l'indiquer e'( la lettre et les règles de l'henné-
Et comme on se prend à faire aisément sienne leur n,utlque. En outre, le sens littéral diss<mule
11'1111tres sens qui servent soit à éclairer les dogmes, soit à
conclusion : 1tm111er du directives pour la vie ... •
Si le Monde d'ici-bas est mauvais, c'est qu'il n'a pas
pour auteur le Dieu bon ... > Ainsi, on ne saurait nous reprocher d'élargir la signi-
llcntion de certains mots ou de certains versets vetero
A cette constatation désabusée de la Science mo- m1 neo-testamentaires, en vue de notre argumentation.
derne, la Gnose antique prétendait par avance fournir C10,tle méthode fut celle d'Origène, de qui cette même
une réponse. Faisant nôtre l'état d'âme de ses docteurs, lt.ncyclique peut dire, avec juste raison :
reprenant leurs méthodes, nous avons tenté d'atteindre,
c Parmi ceux (les Pères de l'Eglise) d'Orient, la première
au sein des Ecritures, la notion d'un Démiurge tel qu'ils
pluce revient à Origène, homme admirable par la vivacité
le concevaient eux-mêmes. tir. .•on esprit et par sa persévérance au travail. C'est dans
Sans doute avons-nous fait appel parfois à des textes *'N 11dmbreux ouvrages et en ses immenses Hexaplu
hétérodoxes, mais ce n'est jamais qu'à titre complémen- tfll'ont puisé presque tous ses successeurs ... •
taire, et pour expliciter tout au plus les livres canoni-
ques. Car c'est d'abord à ceux-ci que nous avons voulu Et Origène était fort près, comme on le verra, d'iden-
demander réponse. tifier le Démiurge des gnostiques avec le Prince de ce
Monde des épîtres pauliniennes, tous deux constituant
Nous situant dans un domaine particulier, celui des
cet Esprit Universel qu'Eddington nous présente comme
diverses mystiques chrétiennes, de leur vénération pro-
nne c pensée vivante, baignant et pénétrant tous les
fonde pour un corpus considéré par elles comme sacré,
r.onstituants de runivers matériel >.
nous ne pouvions prendre d'autres chemins qu'elles-
mêmes.
Or, dans son Encyclique c Providenti'ssimus >, du
18 novembre 1893, Léon XIII, Pape, nous dit nota!Jl-
meiit :
« Celte révélation surnaturelle, selon la foi de rEglise
universelle, est renfermée tant dans les traditions non-
écrites que dans les livres qu'on appelle sainfs et cano-
niques, parce qu'écrits sous l'inspiration de l'Esprit-Saint,
LE DEMIURGE

< L'Univers tout entier est sous rem-


pire du Mauvais Esprit. >
(Jean, t •.. Epître, V, 19.)
< C'est Moi qui ai créé !'Ouvrier qui
souffle les charbons de Feu pour former
les Instruments dont il a besoin pour
son Ouvrage ... C'est moi qui ai créé le
Meurtrier qui ne S10nge qu'à tout per-
dre ... > (Isaïe, LIV. 16.)
< Les disciples de Marcus disent en-
encore que le Démiurge voulut imiter la
Nature Infinie, Eternelle, étrangère à
floute limite et à tout temps ... Mais il ne
put reproduire sa stabilité et sa perpé-
tuité, parce qu.'il était lui-même le fruit
I d'une imperfection. Aussi, pour se raJ>-
procher de l'éternité, de l'Ogdoade, créa-
i-il des temps, d-es moments, d'innom-
brables séries d'années, s'imaginant imi-
ter, ainsi, l'infinité de cette Nature Eter-
nelle.
< Alors, disent les disciples de Marcus,
la Vérité l'abandonna et le Mensonge
devint son compagnon. C'est pourquoi,
lorsque les Temps seront accomplis, son
Œuvre· prendra fin. >
(Hippolyte de Rome : Philosophumena,
lib. VI, 55.)

Les rares textes incomplets qui nous sont parvenus,


no nous permettent plus guère d'étudier, au gré des
1p•culations des nombreuses écoles gnostiques, le prin-
20 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 21

cipe du Démiourgos, ou c Ouvrier du Monde >, que même Basilide nous donne son propre témoignage en
toutes ont mis en avant de leur système particulier. Car, faveur de !'Ecriture canonique : <Tout se passa comme
s'il est incontestable · que les docteurs de la Gnose, les le., évangiles le rapportent ... > ·
Simon, Valentin, Secundus, Epiphane, Ptolémée, Mar- Nous allons donc tenter de retrouver dans !'Ecriture
cus, Basilide, Satornil, Marcion, Carpocrate, Cerinthe, Suinte elle-même des traces d'un c Ouvrier du' Mlmde >,
Cerdon, Apelle, etc ... ont copieusement divergé quant Korte de <maître-Jacques de Dieu >.
la doctrine générale, ils sont du moins d'accord sur
l'existence de ce Démiurge.
Or, s'ils furent toujours considérés comme des héré- •
••
tiques par les Chrétiens constituant la grande Eglise
primitive, il est néanmoins incontestable qu'ils se pro-
clamaient eux-mêmes chrétiens, en tant que disciples du On lit, dans l'Evangile 's elon saint Matthieu, la scène
Christ, du moins en accordant au Sauveur la pleine éco- "uivante :
nomie du salut (1) . Dès lors, comment a pu naître en c Cependant, Judas, qui avait livré Jésus, voyant qu'il
eux, au sein de leur cogitations métaphysiqu es, cette no- •li.tit condamné, fut touché de repentir et reporta aux
tion d'un « dieu ·• secondaire, daïmon ouvrier du Mond·e , 11rinces des prêtres et aux sénateurs, les trente pièces d'ar-
artisan de la Matière, parfois même créateur de l'Hom- gon!, disant : c J'ai péché en livrant le sang innocent. >
Muis ils lui répondirent : c Que nous importe ? C'est votre
me charnel'! 111Tnire... >
En effet, il est certain que tels d'entre eux furent • Alors Judas ayant jeté cet argent dans le Temple, se
en r elation, au départ, avec certains docteurs chrétiens rotlra, et en s'en allant, se pendit. Mais les princes des
.e t non des moindres. Les historiographes de la Gnose (2) prMres, ayant pris l'argent, dirent : < Il n'est pas permis
ont cru pouvoir conclure que Valentin avait reçu la da le mettre dans le trésor ·parce que c'est le prix du sang.
succession apostolique, et en tout cas, qu'il avait reçu
m, ayant délibéré, ils en a.c hetèrent le champ d'un potier,
11our la sépulture des étrangers... • (Mathieu : Evangile,
l'enseignement traditionnel de Théodas, disciple de XXVII, 3-7.)
saint Paul, et des immédiats disciples de l'apôtre Marc,
qui fondèrent la célèbre catéchèse d'Alexandrie. Et Et l'Evangile de noter que cette scène avait été
Clément d' Alexandrie nous rapporte, en son septième nnnoncée par le prophète Jérémie, el de citer le texte,
livre des. célèbres • Stroma/es >, que le gnostique Basi- muis de façon un peu inexacte. Reportons-nous donc aux
lide avait eu pour maître Glaucia, disciple et interprète Actes des Apôtres, qui nous donnent d'autres détails :
de l'apôtre Pierre... Or, il n'est pas possible que Glaucia • Mes frères, il faut que ce que le Saint-Esprit a prédit
et Basilide aient méconnu .la pensée de Pierre sur des tlnns !'Ecriture, par la bouche de David, touchant Judas,
données essentielles. N'oublions pas, en effet, que ce IJUI a été le conducteur de ceux qui ont pris Jésus, soit
111.:t•ompli. Il nous était associé, et il avait été appelé aux
(1) Sauf Simon de Samarie, toutefois.
fonctions du même ministère. Mais il a acquis un champ
(2) De Faye, notamment, dans < Gno•liqtzn et Gnoaticinne
clu prix de son péché. Et, s'étant pendu, il a crevé par le
(Paris, 1925. Paul Geuthner, édit,}. mllleu du ventre, et toutes ses entrailles se sont répandues.
22 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

Ce qui a été tellement connu de tous les habitants de le Nouveau Testament, n'est pas sans avoir remarqué
Jérusalem, que ce champ a été nommé en leur langage :
Haceldama, c'est-à-dire le « champ du sang > ••• > (Actes une chose, c'est le rôle de l'argile ,et du potier dans l' An-
des Apôtres : I. 16-19.) cien Testament.
Le palier est toujours l'image retenue poux;
Or, dans Jérémie, nous trouvons celte phrase éton-
nllégoriquement, le Dieu créateur matériel des êtres, et
nante, que nous tenterons ensuite d'éclairer avec le texte
l'argile est, non seulement la matière première utilisée
des Actes et celui de l'évangile selon saint Matthieu :
par lui, mais encore le symbole de la misère propre au
c Et je leur dis : Si vous jugez qu'il soit juste de me Monde Inférieur. En outre, le vase, réalisé Pl\r le potier,
payer, rendez-moi la r écompense qui m'est due ! Sinon, ne l'Bt à son tour le symbole des Etres créés. Nous l'allons
le faites pas ... Ils pesèrent alors trente pièces d'argent, qu'ils voir par les citations ci-après. De nombreuses fresques
me donnèrent pour ma récompense.
égyptiennes nous montrent d'ailleurs le dieu Phtah mo-
« Et le Seigneur me dit : Allez jeter à l'Ouvrier-en-
delant l'Œuf du Monde, assis à un tour de potier. ·
Argile cet argent, cette belle somme qu'ils ont cru que je
valais lorsqu'ils m'ont mis à prix ! ...
c Et j'allai en la maison du Seigneur, les porter à
/'Ouvrier-en-Argile ... > (Zacharie : XI, 12, 13.) (Trad. •
Lemais.tre de Sacy.) ••
Ainsi donc, lorsque Judas (car c'.e st lui que le pro-
phète Zacharie préfigure en cette vision), lorsque Judas Le Potier dans /'Ecriture, image du Démiurge
va jeter ses trente deniers d'argent dans le Temple, il c La fournaise éprouve les Vases du Potier, comme ·
les porte à « l'Ouvrier-en-Argile » ... l'épreuve de l'affliction les hommes justes ... > (Ecclésias:t e,
C'est donc que cet Ouvrier-en-Argile est symbolisé XXVII, 6.)
c Vous les gouvernerez avec une verge de fer, et vous
dans le Sanctuaire, qu'il y est présent, invi'siblement
le8 briserez comme le Vase du Potier ... > (David, Psaumes :
peut-être, mais néanmoins, c'est à lui que Judas vd re- Il, Il.)
porter le prix de sa trahison.
Sans doute, dira-t-on que, jetant la somme dans le Allusion à Jérémie, XVIII, 4, 6, que nous verrons plus
Temple, Judas, inconsciemment, la remet d'avance au loin.
propriétaire de ce champ dans lequel il se pendra quel-
c Il les gouvernera avec un sceptre de fer, et elles (les
ques moments plus tard. Et les princes des prêtres régle- nutions) seront brisées comme des vases d'argile ... > (Apo-
ront pour lui l'achat de ce champ à son légitime pro- calypse : II, 27.)
priétaire, qui, justement, est un humble potier, c'est-à- c Le Seigneur me dit un jour : Allez recevoir de la
dire un « ouvrier en argile » ... muin des Ancieµs d'entre le peuple, et des plus anciens
d'entre les prêtres·, un Vase de terre fait par un Potier ...
Seulement, le familier de !'Ecriture, suffisamment
c Et allez à la vallée du Fils d'Ennom, la Géhenne En-
rompu aux subtilités de son ésotérisme, suffisamment nom, (en hébreu : la c Vallée-du-sommeil >, l'avant-der-
familier des nombreux livres qui composent l'Ancien et nl6re station avant la mort éternelle, selon la Kabale), qui
24 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

est devant la Porte de l' Argile, et vous leur annoncere.: les


paroles que je vous dirai. .. > (Jérémie, XIX, 1, 2.)
< Comment les enfants de Sion, qui étaient éclatants,
couverts de l'or le plus pur, ont ils été traités comme des
vases de terre, comme l'ouvrage des mains du Potier L. >
(Jérémie : Lamentations, IV, 2.)
Les enfants de Sion sont assurément les Ames Pré-
existantes, car il ne saurait s'agir là des habitants char-
nels de la Jérusalem terrestre, qui n'étaient nullement
éclatants, ni recouverts de l'or le plus pur ! Et ceci est
un argument de plus en faveur de cette thèse origé-
nienne.
Nous pouvons d'ailleurs déjà noter ce qui suit, sur
ce mystérieux Démiurge, et que nous relevons dans
l'œuvre d'Origène :
Un des disciples les plus illustres de Valentin, Héra-
cléon, nous dit ceci en son c Commentaire sur saint
J ean> .
Après l'épisode de la Samaritaine, vient celui de la
seconde venue. du Christ à Capharnaüm :
< Or, il y avait un fonctionnaire royal (en grec : basi-
licos) dont le fils était malade. >
Héracléon voit dans ce fonctionnaire le Démiurge,
qui a un pouvoir incomplet sur ses sujets.
< Quant au fait que son règne est petit et temporaire,
il est nommé basilicos, comme une sorte de petit roi sous
le grand roi, établi pour un petit royaume. Quant à son
fils. qui est malade dans la ville de Capharnaüm, il faut
tv voir celui qui est dans le < Lieu inférieur >, le < Ueu l. 1• dieu Phfah façonnal1t l'œuf du mond e (p e in t l' ll j;n11H;) s ui· un
intermédiaire >, près de la mer, c'est-à-dire attenant à la lnur li poti e r, don t il met la rou e e n mo\lvemenl. ..c\V ("C les pieds. Bri -
Matière, dont elle est le symbole ... > (Héracléon, cité par lhh Cf. E. :\. 'V. Budge. Tht! uf E'gypfiom:, 2 in-4 ",
l .1111dn.·s, t. r, p. 500.
Origène, in Commentaires sur Jean, XIII, 60.)
Or, nous lisons dans Origène :
c Il faut considérer si le basilicos n'est pas ligure
d'une Puissance parmi celles qui gouvernent ce siècle, (ou
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 25

ce cycle, ou cet éon). Si son fils n'est pas l'image de ceux


qui sont sous sa puissance. Si la maladie n'est pas la dis-
position mauvaise, contraire à la volonté de I' Archonte. et
Capharnaüm l'image du lieu où demeurent ceux qui lui
sont soumis ... > (Origène, Commentaires sur Jean 1 X,111, 59.)

E.n outre, on est porté à retrouver là la justification


de cette différence (que les Cathaores maintiendront en-
core au xi• siècle et au XII• siècle) entre Lucifer, Je Basi-
lico11, et Satan, son fils, le premier pouvant 'r etrouver
dans le < Père du Mensonge > évoqué par le mystérieux
passage de saint Jean : '
c Si Dieu était votre père, vous m'aimeriez ... Mais, vous
Mes les enfants du Diable. Lorsqu'il profère des menson-
ges, il dit ce qu'il trouve en lui-même, car il est menteur et
11on père (l'est) aussi... > (Jean, Evangile, VIII, 44.)

c1ue souligne encore mieux ce passage d·e la Sagesse


c Par un vain travail, il forme de la mtme boue un dieu,
lui qui a été formé de la même terre peu auparavant ... >
(Sagesse : XV, 8.)

Et ce dédoublement de l'Ange Tombé peut se justi-


fier ainsi, quant à la minime compréhension humaine.
Satan a pris de Lucifer tout ce que celui-ci, dans la
moindre mauvaise fraction de lui-même, rejetait de son
conscient dans son inconscient. Tous les désirs les plus
lue.voués, les perversions les plus criminelles, Satan,
clmanation de Lucifer, les a hypostasiés en lui, et les a
ansuite manifestés dans le concret.
Il est possible que Lucifer ait émané S-atau par une
aorte d'orgueilleuse imitation du Père émanant le Fils,
un peu comme le Docteur Jeckyll extériorisait le mau-
vais dissimulé en lui-même dans la personne nouvelle
de! M. Hyde. Mais, on ne saurait en tout cas, considérer
oula comme une création réelle, consciente, d'un être
26 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE nu DEMIURGE 27

absolument distinct. Lucifer, extériorisant Satan, ne fait Les trois autres nous parlent de c ceux
qu'objectiver le Mal qu'il porte en lui. En réalité, nous qui Y vendaient des colombes >, aucun ne parle des céra-
nous trouvons devant un cas de dédoublement de la mistes ou des potiers ...
personnalité de l' Archonte, et non d evant une création Ainsi donc, ce potier auquel fait allusion Jérémie,
au sens absolu du mot. La théorie taoïste des deux âmes en sa vision relatée plus haut, n'est pas de ce Monde,
humaines, la bonne et la mauvaise, compénétrées d·urant lui non plus ...
la vie, séparées lors de la mort, en donne une idée.
Quant au c véhicule > psychique qui a hypostasié la
fraction la plus ténébreuse du Démiurge, la logique

••
gnostique nous dira que c'est sans doute !'Ange ontholo-
giquement le plus inférieur (par sa Hiérarchie) el mora-
lement le plus enténébré, qui, de tous ceux qui partici- Le «Vase> dans l'Ecriture, image des créés
pèrent à la Révolte initiale, le devint inévitablem ent. L'enveloppe charnelle ou psychique est souvent com-
Ainsi, face à !'Unité divine, le R ebelle initial ne peut parée à un vase, réceptacle de l'esprit, dans !'Ecriture
que se constituer en Dualité. ::iainte.
Le Potier mystérieux a ainsi un rôle particulier dans Qu'on se souvienne des c vases d'iniquité >, qu'on
la symbolique velero-testamentaire. Mais, dira-t-on, il relise Jérémie (XXVII, 20, 22), le IV• Livre des Rois,
y avait des commerçants dans le Temple, ceux-là même (XXV, 13, 17) ou Daniel (V, 2), et on verra que ces vases
contre lesquels J ésus s'élèvera, et qu'il fouaillera d'im- rl'présentent en r éalité des Créatures spirituelles, dont
portance, un jour (Matthieu : XXI, 12 - Marc : Xl, 15 - 118 ne sont que la < forme >, le c véhicule apparent >,
Luc : XIX. 45 - Jean : Il, 14). Pourquoi n'y aurait-il pas le « corps psychique >. Car, si l'Eglise d éfinit les Anges
eu un potier ? Mais parce qu'un potier n'aurait rien eu comme des esprits purs, cette doctrine n'est pas article
à faire dans le Sanctuaire, pa·rce que les marchands qui de foi . Origène, Justin, Athénagore, Irénée, Tertullien,
y tenai ent boutique, un p eu comme les ve_n d·eurs de mé- Clément d'Alexandrie, Cyprien, Lactance, en une longue
dailles, images pieuses, so.u venirs, qui hantent les por- liste qui s'étend jusqu'à saint Jean Damascène, sans
ches de nos églises modernes ou leurs voisinages, omettre Grégoire le _G rand, donnent aux Anges une
avaient, malgré tout, un rapport avec Je culte. Et nous c forme >, ou plutôt une essence psychique, alliée à
en connaissons les spécialités : l'esprit pur. Cette c enveloppe > est alors comparée à
un « vase >, tantôt de dilection (Anges) tantôt de répro-
c Et la Pâque des Juifs étant proche, Jésus se rendit hntion (Démons).
à Jérusalem. El il trouva dans le Temple des gens qui y
vendaient des bœufs, des moutons, et des colombes (1) et
aussi des changeurs qui y étaient assis ... > (Jean : Evan- Qu'on en juge :
gile, II, 13-14.)
c Le Seigneur dit à Jérémie : c Allez et descendez dan 6
':' .demeure <!'un Po!ier,. et lti, vous comprendrez ce que
(1) Destinés aux sacrifices propitiatoires de 1' Ancienne Loi. Jar à vous dire ... > J allai alors dans la maison d'un potier
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 29
28 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

.d emeures de boue, et qui n'ont qu'un fondement de terre,


et je le trouvai travaillant sur sa roue. En même temps, le ..eront-ils consumés comme une chose rongée par les
vase qu'il faisait de terre d'argile avec ses m:llns, se rompit, vers ? ... > (Job, IV, 19.)
et aussitôt, il fit un autre vase de la manière qui lui plut. c Parce qu'ils (les mauvais Anges) ont séduit. Mon
• Le Seigneur me dit ensuite : • Maison d'Israël, ne· Peuple ... et que, lorsque Mon Peuple bâtissait une muraille,
pourrais-je donc faire de vous ce que le potier fait de son llR l'ont enduite avec de la boue sans y mêler de la pail)e .. , >
argile ?... Car, comme l'argile est en la main du potier, füéchiel, XIII, 1 O.)
ainsi vous êtes en Ma Main, ô Maison d'Israël ... > (Jérémie,
XVIII, 4, 6.) Si nous nous reportons à Matthieu , II, 12, nous voyons
que la paille peut être assimilée au corps psychique, le
Passage qui tend à dire que Dieu a plus de difficul-
rroment à l'esprit, et la boue reste d'onc comme symbole
tés à manier !'.âme humaine que le Démiurge n'en a à
du corps charnel.
manier les instincts corporels inférieurs.
• Le potier n'a-t-il pas la liberté de faire de la même D'ailleurs :
masse d'argile un '"ase destiné à des usages honorables et c Le Seigneur Dieu forma l'Homme du limon de la
un autre destiné à des usages vils et honteux ?... > (Paul : lt'l're, Il répandit sur son visage un souffle de vie et l'Homme
Epître aux Romains, IX, 21.) •lcvint vivant et animé ... > (Genèse : Il, 7 .)
c Souvenez-vous, je Vous prie, que Vous m'avez fait
. Ainsi, il semblerait que ce fut à la discrétion du comme un vase d'argile, et que Vous me réduirez en pous-
Démiurge que l'Humanité soit redevable des inégalités ... > (Job : X, 9.)
parfois choquantes qui séparent charnellement et phy- • Dieu est mon Créateur aussi bien que le vôtre, et nous
siquement les hommes dès leur na1ssance. Forme parti- uvons été formés de la même boue ... > (Jüb : XXXIII, 6.)
culière d'une prédestination purement matérielle, dans c Cependant, Seigneur, vous êtes notre Père, et nous ne
laquelle il serait vain de rechercher la Justice pure. Nommes que de l'argile. C'est Vous qui nous avez formés,
ut nous sommes tous les ouvrages de vos mains ... > (Isaïe :
l.IV, 8.)
D'où la réponse de Jésus :
• Lorsque Jésus passait, il vit un homme qui était né Ces deux versets sont importants, car ils tendent à
aveugle. Et ses disciples lui firent cette question : • Maître, clt\montrer que la création de l'homme charnel est bien
est-ce le péché de cet homme ou celui de son père ou de sa Intégrée dans l'ordre des choses du Plan Providentiel,
mère, qui est cause qu'il est né aveugle ? > Et Jésus répon-
dit : • Ni lui, ni ses parents n'ont péché, mais ceci a été (contrairement à la doctrine de la plupart des Gnos-
afin que les amures de Dieu soient manifestées en lui... > 1iques hétérodoxes, qui soutiennent que c'est !'Archonte
(Jean, Eoongile : IX, 1.) d'En-Bas, qui en est, seul, responsable).
Autrement, il faudrait admettre, avec les extrémistes
D;autres versets scripturaires comparent encore le rlc la Gnose, que la plupart des prophètes de l'Ancien
corps psychique ou hylique à un vase d'argile : Testament, ne furent pas inspirés par le Dien Suprême,
c Voici que ceux qui servent Dieu dans le Ciel ne peuvent m11is bien par le Démiurge. D'où l'incomplétude de leur
se maintenir en Sa Présence, et Il trouve des taches jusqµe message.
dans Ses Anges ... Combien plus ceux qui habitent en des
30 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 31

En faveur de cette thèse, DOS Gnostiques citent, évi- le rivage avec une .écume sale et bourbeuse ... > (Isaïe :
demment, la célèbre phrase de l'Evangile : LVII, 20.)
c En vérité, en vérité, je vous le dis : Je suis la Porte Selon ce dernier verset, la matière absolue serait
des Brebis. Tous ceux qui vinrent avant moi furent voleurs donc le résidu de la < mer astrale >, elle-même· image
et brigands, mais les Brebis ne les ont point écoutés... >
(Jean, Evangile : X. 7, 8.) d'un milieu dans lequel les Ames sont ballotées et en
danger de perdition. D'où le symbolisme du filet du
Pêcheur, que les Papes portent encore de nos jours gravé

•• sur leur anneau, et qui est l'image de la Grâce Divine
retirant l'homme (petit ichtus, en grec po1'ssqn et ana-
gramme des noms du Christ < Jésus Sauveur des Hom-
L'Argile dans ['Ecriture, image de la Misère
mes >) de la < mer ténébreuse > et diabolique, dont parle
et de (Esclavage de ce Monde.
l'apocryphe < Histoire de Joseph le Charpentier >.
Cette m ême argile, mélange de terre et d'eau , c'est-à- L'ésotérisme lamaïque connaît lui aussi !'Hameçon de
dire des deux < éléments > les plus inférieurs (opposés à miséricorde et le Lasso de Compassion.
l'air et au feu, symbole du psychisme et de l'esprit), est Il est d'ailleurs évident que cette même argile est
inévitablement .considérée comme l'image de la dé- dans !'Ecriture l'image de la prima materia inférieure.
chéance des Ames tombées ici-bas :
c Votre mémoire sera comme de la cendre, et vos têtes ..•
superbes seront comme de la boue ... > (Job : XIII, 12.)
< Je les écraserai et je les réduirai en poussière, comme
il en est de la boue des rues ... > (JI' Livre des Rois, XXII, De l'argile symbolique, matière première
43.) du Monde d'En-Bas
• Il a exaucé mes prières, et il m'a tiré de l'abime de
misère, de la boue profonde où j'étais ... > (David, Psaumes, Lorsque les hommes révoltés contre Dieu projettent
XXXIX, 2.) de créer la Tour de Babel, il semble bien qu'ils aient en
• Ils prirent donc Jérémie ... El l'ayant attaché avec des vue de modifier le Cosmos, contrairement à l'ordre pré-
cordes, ils le firent descendre en cette basse-fosse, où il n'y établi.
a point d'eau, mais seulement de la boue ... > (Jérémie : • Ils s'entredirent encore : Venez, faisons-nous une Ville
XXXVIII, 6 .) et une Tour qui soient élevées dans le Ciel, et rendons notre
• Vous avez ouvert le chemin à vos chevaux à travers nom célèbre avant que nous nous dispersions sur toute la
la mer, à travers la boue des grandes eaux ... > (Habireuc : 'ferre ...
III, 15.) • Et ils se dirent l'un à l'autre : Allons, faisons des
• Et comme vous avez ·pu voir en ce songe que les pieds briques et cuisons-les au feu. Ils se servirent donc de bri-
de la statue étaient en partie d'argile et en partie de fer, ques comme rle pierres, et de bitume comme de ciment... > ·
ainsi le royaume sera divisé ... > (Daniel : II, 41.) (Gemlse : XI, 4, 3.)
• Les méchants sont comme une mer, toujours agitée, • Toute ma force s'en est allée, desséchée comme la
qui ne se peut calmer, et dont les ilots vont se briser sur Terre cuite au feu ... > (David, Psaumes, XXI, 16.)
32 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 33

Cette tour de Babel, c'est la contre-Eglise, c'est l'or- • Et par un vain travail, il forme de la même boue un
ganisation des Lieux-Bas par les Anges réprouvés, puis- c dieu >, lui qui a été formé de la même terre un peu
auparavant, et qui, peu après, y retourner, lorsqu'on
que l'Eglise pré-existante est, elle-même, symbolisée par lui redemandera l'IÎme qu'il avait reçue en dépôt ... > (1)
une tour dans la vision d'Hermas, évêque de Cumes, un (Sages&e : XV, 8.)
des quatre pères apostoliques : c Comme l'argile est dans la main du potier,• qui la
« Et la tour, dis-je, que représente-t-elle ? Cette tour, manie et la forme à son gré, et comme il l'emploie à tous
me répondit Je Pasteur, c'est l'EGLISE ... Elle a été créée la les usages qu'il lui plaît, ainsi l'Homme est dans la ipain
première, avant toute chose ... C'est pour elle que Je Monde de celui qui l'a créé ... > (Ecclésiastique · : XXXIII, 13.)
fut créé ... > (Hermas : le Pasteur: XIII, 2, et Ill' Vision.) « Ainsi le pQtier s'assied près de son argile,)l tourne la
roue avec ses pieds, et il ne fait rien qu'avec arf et mesure,
Tombées ici-bas, les Ames humaines deviennent les en un soin continuel pour son ouvrage. Son bras donne la
forme qu'il veut à la dite argile, son cœur s'appliquant à
esclaves du Prince de ce Monde qui, par la défaillance
donner la perfection dernière à son ouvrage ... • (Ecclésias -
d'Adam « Gardien d'e s Limites », s'est emparé du ·Cos- tique : XXXVIII, 33.)
mos avec ses cohortes d émoniaques. D'où : « Cette pensée est folle et impie ! Comme si l'argile
• Les Egyptiens baissaient les enfants d'Israël et ils les s'élevait contre le potier, comme si le vase disait à celui qui
affligeaient en les insultant. Et ils leur rendaient la vie l'a formé : Ce n'est point vous qui m'avez créé ... Et comme
impossible en les employant à des travaux pénibles de si l'ouvrage disait à l'ouvrier : Vous êtes un ignorant... >
mortier et de briques, et à toutes sortes d'ouvrages de (Isaïe : XXIX, 16.)
terre, dont ils étaient accablés ... > (Exode : 1, 14.) ' « J e J'ai appelé du septentrion, et il viendra de l'Orient.
• Et comme le roi d'Egypte les traitait avec dureté et Il reconnaîtra la grandeur de MON NOM, il traitera les
les accablait de travail à réaliser des ouvrages de terre et grands de ce Monde comme de la boue, et il les foulera aux
de briques, qu'il les obligeait à faire pour bâtir des villes, pieds comme le potier foule sous ses pieds l'argile... >
ils crièrent vers Dieu, qui frappa de différentes plaies toute (Isaïe : XLI, 25.)
la terre d'Egypte ... > (Judith : V, 10.) c Malheur à l'Homme qui dispute contre celui qui l'a
• Puisez de l'eau pour vous préparer au siège. rétablissez créé, lui qui n'est qu'un peu d'argile et qu'un vase de
vos remparts, entrez dans l'argile, foulez-la aux pieds, et terre ! L'argile dit-elle au potier : Qu'avez-vous fait ? Votre
me ttez-la en œuvre pour en faire des briques ... > ( Nahum : ouvrage n'a rien d 'une main savante... • (Isaïe : XLV, 9.)
Ill , 14.)
« Est-ce vous, qui saisissant l.es extrémités de la Terre,
l'avez secouée et en avez précipité les impies ? Elle repren- .•.
dra une face nouvelle, comme une molle argile, et elle
demeurera ferme comme son vêtement ... • (Job : XXXVIII, On le voit, par tous ces versets des Ecritures, le Potier,
14.)
/'Argile, et le Vase qu'il modèle, sont des symboles parti-
« Un Potier q.u i manie l'argile molle comme il lui plait
en fait, par son travail, tous les vases dont nous nous culièremenf réservés il la matière du monde, à son mo-
vons. II les forme de la même boue, et pour des usages
(1) Ce venet de la c SageB'se >1 a été repris comme épitaphe par
honnêtes et pour d'autres qui ne Je sont pas. Et le seul juge Nfoolas Flamel. Et ceci prouve que tJe grand alchimiste (que d'aucuns
de l'emploi qu'il doit faire de ces vases, c'est le Potier ... > vouluren'.t simplement être un profiteur du bannissem·e nt des Juifs)
(Sagesse : XV, 7 .) connal1111alt parfaitement les Ecritures ·e t leur élotiri1me •cret :
34 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 35

deleur, et aux êtres qu'il en tire. Dans la Bible, pour • Mais pour vous, allez, et conduisez ce peuple au lieu
ces mêmes désignations, les scribes sacrés successifs ont
•111n je vous ai dit. Mon Ange marchera devant, vous ... · >
(1Cz111le : XXXIV, 34.)
utilisé les mêmes mots. Il y a donc là l'indication, par
• Alors !'Ange de Dieu qui marchait devant le camp des
la pérennité de cet usage même, d'une clé du vocabu- lnu1\lites alla derrière eux et, en temps, la Colonne de
laire sacré. Et, il faut bien le reconnaître, ce triple sym- Nufo quittant la tête du peuple se mit aussi derrière. entre
bole est en accord avec la règle ésotérique tradition- Cump des Egyptiens et le Camp d'Israël. Et la nuée était
nelle : lh111/>reuse d'une part, et de l'autre éclairait la nuit, .en, sorte
'I"" les deux armées ne purent s'approcher durant tout le
Potier Esprit . . . . Pneuma Spirituel lomps de la nuit ... > (Exode : XIV, 20.)
Vase ..... . Ame . . . . . Psychée Psychique
Argile Corps .... Sôma Matériel li est donc difficile de soutenir, avec le Rituel Latin
''" la < Bénédiction du Cierge Pascal », que, lorsque le
Dès lors, et en présence de cette certitude issue de Dlncre entonne l'Exullet :
cette clé, nous allons pouvoir rechercher dans la tradi- c Il chante cette nuit bienheureuse qui fut témoin de
tion judéo-chrétienne des p11Ssages scripturaires mettant 111 •ortie des Hébreux de la terre d'Egypte, sous la conduite
en évidence de façon absolue l'existence de ce Démiurge, lie la Nuée qui les illuminait de la splendeur dll Christ ... >
ou ouvrier divin.
Car cette Nuée n'est pas là l'image du Sauveur, mais
"lmplement celle de !'Ange qui, au sommet du Sinaï,

** 1lictera la Loi.
Cet Ange, à demi-ténèbres et à demi-lumière, est bien
Dans le traité talmudique Yebamoth (16 b) on cite le symbole du Démiurge imparfait. Il dut être entouré
un Prince du Monde >. Et, nous dit A. Cohen en son d'une vénération particulière durant unè assez longue
ouvrage Le Talmud >, les écrivains tardifs du ju- période, puisqu'il fallut préciser qu'on ne devait point
daïsme l'ont identifié à !'Ange Metatrôn. Ce nom est lui adresser <Jes prières :
probablement venu du latin m etafor : précurseur. On
voyait en effet jadis en lui l' Ange qui précéda les Israé- • Un sadducéen déclara au rabin ldith
lites dans le désert. Il est écrit : Il dit à Moise : Monte auprès de l'Eter-
nel (Exode, XXIV, 1). Cela devait être : Monte auprès de
• Et j'enverrai un Ange, poùr qu'il vous serve de pré- Moi ! Mais le rabin ldith répondit : Non. Car ee n'est pas
curseur, afin que je chasse les Chanaéens, les Amorhéens, l'Eternel lui-même qui parlait, mais simplement Metatrôn ...
les Héthéens, les Phérézéens, et les Jabuséens ... > (Exode : Son Nom est en effet le même que celui du MAITRE, car il
XXXIII, 2.) est écrit dans !'Exode (XXIII, 20, 21) : «Mon ange marchera
devant vous. Respectez-le, car il porte Mon Grand Nom ...
< .De terre suis venu et en terre retourne,
« Mon Ame rend à IEWEH qui les péchés pardonne ... > - En ce cas, reprit le sadducéen, nous devrions donc
Il figure sur la pierre: tomba'le du grari.d hermétiste vivante de- le prier?
vise de c.e qui devrait toujours être la règle de vie des vérita- - Non, répondit le rabin, car il est écrit : c Il ne vous
bles ou simples postulants...
LA NOTION GNOSTIQUE D U DEMIURGE 37
36 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

c Ne savez-vous pas ce. que cela signifie, me dit-il ? Je


pardonnera pas, lui, quand vous pécherez ! (sous-entendu
c JI n'y a que Moi qui puisse le faire>). > (Talmud : Sanhé- lui répondis : Non, mon Seigneur... .
drin, 38 b.) c Alors, il me dit : Ces deux Oliviers sont les deux Omis
ile !'Huile Sacrée, qui se tiennent devant le Dommateur de
toute la Terre ... > (Zacharie : IV, 11, 14.) ,
Qu'il soit, de plus, comme Yama dans le panthéon
indien, le Seigneur et le Juge des Morts non libérés, nous Un autre grand prophète évoque lui auss,i la pré-
n'en voulons pour preuves que le passage suivant : 8ence d'un c roi > terrestre. Ezéchiel, décrivant le Tetra-
« Trace deux chemins pour servir de passage à l'épée morphe divin et les quatre grands animaux symboli"l'ues
du Roi de Babylone... Car le Roi de Babylone se tient au qui le constituent, (l' Ange, l' Aigle, le Lion ·e t le Tau-
Carrefour, à l'entrée des deux Chemins ... > (Ezéchièl, XXI, reau), ajoute en effet :
26.)
c Leurs faces et leurs ailes s'étendaient en haut ; ils se
tenaient l'un l'autre par deux de leurs ailes, _Bs couvraie.nt
Ainsi, il semble bien. que le Démiurge soit, dans la leur corps avec les deux autres. Et ces arumaux parrus-
sphère psychique, le Maître des Réiributions posthumes saient, à les voir, comme des charbons brftlants et comme
à caractère expiatoire. Souvenons-nous du symbolisme des lampes ardentes ...
de l'Ypsilonn, (la lettre Y de l'alphabet hellénique), et c Lorsque je regardai ces Animaux, je vis paraltr_e prè.s
de ce qu'il désignait chez les Pythagoriciens. d'eux comme une Roue qui était sur la T erre et qui afJQ1.t
quatre Faces ... > (Ezéchiel : I, 11, 13, 15.)
Pourtant, néanmoins, le rôle de Metatrôn serait
privilégié par rapport aux autres êtres célestes. Selon Ainsi donc, dans le Monde matériel, sur la Terre, il
la vision d'Elisée ben Abouya, un des quatre extatiques "st une Entité qui reflète le Tétramorphe du Monde
qui réussirent l'ascension de la Mercabah et qui fut des divin. C'est le < Prince du Monde > du Talmud.
trois qui en r ecueillirent la perdition, Metatrôn est le Et Mctatrôn est parfois nommé Kohen ha Gadol, le
seul Ange qui lui apparut assis, en sa vision de l' Assem- 1:rand-Prêtre, ou Maleak ha Elokime : l'Ange dans le-
blée céleste. Symbolisme qui doit s'interpréter comme quel est Dieu. Or, un des noms de Samaël, l' Ange de
l'expression ésotérique d'une puissance très proche de Higueur, est Sâr ha Gadol : le Grand Prince...
celle de Dieu.
Or, nous savons, d'après la Kabale, que les c Roues >
Selon la tradition, on lui adjoint un autre Ange du désignent les Ophanims, devenus, dans la tradition ordi-
nom de Sandalphôn, terme issu d'un mot grec naire, les Chérubins. Ainsi, le < Prince du Monde > est
fiant c associé à son frère ». Son rôle symbolique est un ophanim, c'est-à-dire un chérubin.
d'unir et de fusionner les prières avant qu'elles parvien- Nous auron_s l'occasion de revenir sur ce détail.
nent à l'Eternel. (Talmud : Khagiga, 13 b.)

Ceci semble confirmé pour certains par ce passage •


••
c Alors, je dis à mon Seigneur : Que marquent ces deux
Oliviers, dont l'un est à la droite du Chandelier et l'autre G. G. Scholem, en son bel ouvrage «Les Grands cou-
à la gauche 1
38 LA .NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 39

ranis de la Mystique Juive >, nous dit à son tour ceci rM111le, or (3) furent employées pour relever votre beauté,
au sujet de Metatrôn : '' les imtruments les plus parfaits (3} ont été préparés
11011rle jour où vous fûtes créé. Vous étiez un chérubin qui
cLa mystique de Metatrôn gravite autour de la per- •tond ses ailes et qui protège, je vous avais établi sur l'a
sonne d'Enoch. Celui-ci, après une vie de piété, fut enlevé et Hlnle montagne de Dieu, vous marchiez au milieu des
mis, selon la légende, au rang de premier des Anges et de t•lnrr"" étincelantes 1 {4) >
c Prince de la Face > ou de la < Présence Divine >, d'où Je
terme complémentaire adjoint au nom de Métatrôn : Sar- Notons encore ce passage d'Ezéchiel, qui, par son
>
hlc•nliflcation de Lucifer à un arbre, rend un curieux son
1111h111istique, si l'on se souvient que les arbres du Jardin
Il a d'ailleurs de nombreux noms, dont le nombre
tl'IMen désignent des connaissan'Ces des
répond à des considérations mystiques numérales, dans
11111111\res transcendants :
la Kabale. Le c Répertoire de l'Angélologie Juive > de
Moïse Schwab, nous en donne un certain nombre : Mi- • Fils de l'Homme, dis à Pharaon, roi d'Egypte et à sa
dras, Miboun, etc ... 111111Utude (5) : A qui ressembles-tu dans ta grandeur ?
Vol<'I, l'Assyrie était un cèdre du Liban, ses branches
Les Kabalistes le nomment aussi !'Adolescent, d'où -laient belles, son feuiUage était touffu, sa tige élevée, et
ce passage de !'Ecriture : IR t'lme s'élançait au milieu d'épais rameaux. Les eaux
rtmfllr.nt fait croitre, l'abtme l'avait fai.t pousser en hauteur,
« J'ai vu tous les hommes vivants qui marchent sous ,,,. fleuves coulaient autour du lieu où il étai.t. planté, et
le soleil, avec le second jeune Homme, qui doit se lever en 11nvuynient leurs canaux à tous les arbres des champs. Ses
la place de l' Autre ... > (Ecclésiastique : IV, 16, 15.) hrun;·.hes avaient multiplié, ses rameaux s'étendaient, par
l'Nboudonce des eaux qui l'avaient fait pousser. Tous lea
Ainsi, Enoch aurait pris la place d'un « Ange de la 11l1r1111x du Ciel nichaient en ses branches ... Et tous les
Présence > ou « de la Face >, primitif. Pourquoi cette d'Eden, dans le jardin de Dieu, lui portaient. envie ... >
substitution ? Peut-être parce que le pt1emier aurait (flr1'drie1 : XXXI, 1-9.)
perdu ce rang primordial... Ecoutons donc encore l'Ec:ti-
tu:te : On s11it qu'en hébreu le mot « oiseau> se traduit par-
fol• pur reseph, signifiant également « étincelle, fils de
c Le Seigneur m'adressa encore Sa Parole et me dit : /11 1"/amme >, ou par kenaph, signifiant « les Ailés >
Fils de l'Homme, donnez le signal du deuil sur le Roi de (1,. Anges), ou par Bal Kenaph les « MaNres Ailés >,
Tyr (1). Et vous lui direz : Voici ce que dit Je Seigneur .
Dieu : c Vous étiez le Sceau de la Ressemblance (2), vous 111Nl·n-dire les dieux du ciel, les bâalim.
étiez plein de sagesse, parfait en beauté .. Vous avez été dans On connait également le symbolisme de l' Arbre, dans
les délices du Paradis de Dieu. Votrè vilement était enrichi 11 K1tbale, symbole de toute création. Et le dernier ver-
de toutes sortes de pierres précieuses ; sardoine, topaze,
jaspe. chrysolithe, onyx, béryl, saphir, escarboucle, éme- Hl compare notre Pharaon-Lucifer à propre-

(8) . (4) Il s'agit là de di.r pierres, images des dix sephiroths, ou


(1) Tyr est aussi le nom de la planète Vénus, encore nomm& ,,...,., d(l la Kabale, nous allons Jes rencontrer plus loin.
Lucifer. (6) On 11att que selon l'exéjpèse ésotérique, le Pharaon est le Dé-
(2) Ceci peut correspondre au terme « de fü Face >. .• llllur••• et l'Egypte le monde d'lcl-b••·
40 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

ment dit. Ainsi donc, lorsque la Genèse nous dit


qu'Adam devait garder et travailler le Jardin d'Eden,
elle nous ramène à la théorie de Martinez de Pascally,
qui, dans son c Traité de la Réintégration des Etres >,
nous révèle que ce travail consista it à travailler à la
réillumination de Lucifer.
METATRON

c Vous étiez parfait en vos voies au jour de votre créa-


lhm. jusqu'à ce que l'iniquité ait été trouvée en vous. Dans
l'lllandue de votre action , vos entrailles ont été emplies
d'iniquité, vous êtes tombé dans le péché et je vous ai chas-
' ' da la montagne de Dieu, je vous ai exterminé, 6 chérubin
qui protégiez les autres, du milieu des pierres étincelantes ...
Vou1 avez perdu la sagesse en votre beauté, votre cœur s'est
"•v6 en son éclat, et je vous ai précipité à terre ... > (Ezé-
Ohll/ : XXVIII, 11 à 17 .)

Ainsi, le prophète nous prec1se que !'Ange tombé


11) un chérubin et qu'il a été précipité sur terre, et, on
1'1 vu ci-dessus, Enoch, un des prototypes du Christ, en
prit la place dan8 les Hauteurs, comme le Christ lui-
lin•pie, c nouveau Lucifer > ainsi que le nomme la litur-
fici latine, a pris la place du premier.
D'où ces paroles prêtées à Enoch :
' c Dieu m'a pris du milieu du cours du Fleuve - la
•I• terreatre - et m'a transporté sur les ailes mouvantes
dt la Shékina vers le Ciel le plus élevé, et Il m'a introduit
•u• lem grands palais, sur les hauteurs du septième ciel,
IOlllmé l' Araboth, où se trouvent le trône de la Shékina et
•• 11 Merkaba, les légions de colère et des armées de cour-
19111, let Shinanim de feu, les Chérubins aux torches arden-
.... 111 Ophanim, ou charbons enflammés, les Gardiens des
Plammea, e,t les Seraphins de Lumière. Et Il m'a placé là
â1qu1 Jour, pour servir le trône de Sa Gloire ... >
(Hekhaloth Rabbati).
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
43
42 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

pnr )es gnostiques juifs c le >,_et, au ,second


Cet Enoch, dont la chair fut transformée en flammes
Miècle de notre ère, ce nom avait deJà pris de 1 impor-
veines en feu, les cils en rayons de lumière, les
tance dans la littérature gnostique non juive : ;·
pilles en torches enflammées, et que Dieu a placé sur
un trône proche du trône de la Gloire, a donc reçu après c Yahoël est appelé ainsi car il fut le maitre de .?-otre
cette transfiguration céleste, le nom de Metatrôn c'est- uncêtre Abraham. et il lui transmit la Tora ..;. est
.à-dire c précurseur > ou < précédent >. En les I' Ange qui appela notre maître Moise pour qu 11 s eleva au
Ciel (dans la montée au Sinaï - n. d. l. a.) . En e!fet, le
grands voyants d'Israël ont vu là le Christ futur. qui t mité talmudique Sanhédrin, il est écrit : • Il dit à Moise :.
est en effet celui que l'homme doit d'abord rejoindre, Monte vers Dieu (EL YHWH). Il aurait dft dire c 1:'fonte,
rencontrer, avant la Divinité elle-même, puisqu'il est vers MOI >.Or, il a simplement dit : « Monte vers 1 Ange
le médiateur par excellence, la < porte >, ainsi que le ilont le nom est celui de son Maître ... • Or, hébreu, EL
disent les évangiles ... IH\VH est justement l'anagramme de Yahoel. .. > (Mst. du
Urilish Museum : Margolioth, n. 752.)
Mais on peut songer encore au Buisson Ardent de
Moïse, à cet Ange de la Face, qui lui affirme : c Dfeu est
un Feu qui brûle ... >
Ce serait après le début du xI• siècle de notre ère, *
**
probablement pas avant, nous dit encore G.G. Scholem,
que le patriarche Enoch a été identifié selon ses méta-
à l'ange Yahoël ou Yohël, qui occupait une Le Talmud de Babylone ne contient, lui, que trois
position importante et quelquefois très élevée, dans les
mentions de Metatrôn. et le plus important de ces pas-
documents les plus anciens de la· mystique du Trône
Knges n' .i, paraît-il. pas de sens, si on le lui
et da.n s les diverses c apocalypses >.
Ainsi, cette notion est particulière à la gemara palesti-
Le premi er qui semble avoir soupçonné l'identité
de Metatrôn et de Yahoël est Box, en son c Introduc- nienne.
Cependant, nous savons que la notion démiurge
tion à l'Apocalypse d'Abraham >. Les caractères lés
"
ordres de Iaweh était familière à certames
plus remarquables de cet Ange sont alors à cette époque 011
juives de la période de Saadia, sectes dont les doctrmes
transférés à Metatrôn. Nous trouvons ainsi Yahoël
dcmeurè.rent pendant fort longtemps à la limite
comme premier nom dans les diverses listes des fameux
i•xlrêrn" du judaïsme rabinique orthodoxe, et ce sont
< Soixante-dix noms de Metatrôn >, établies pendant la
i•llcs qui, certainement, inspirèrent les docteurs gnos-
période gaonique, (vn• au XI' siècle de notre ère).
tiques non-juifs .
L'Apocalypse d'Abraham > nous dit d'ailleurs ceci : En ces sectes, il ètait enseigné que Dieu n'avait pas
• Je suis nommé Yahoët; une Puissance, une Vertu, du créé le Monde directement, mais bien par l'intermé-
NOM Ineffable de Dieu, qui demeure en moi ... > diaire d'un Ange, soit que cet Ange ait été émané de
Diliu lui-même (principe de la théologie chrétienne ; le
. ?n sait que Yaho est un des termes du Tetragramme
Christ, en tant que Logos, est le saint Démiurge dont
d1vm, 10, IA, IAO, IEOAH. Le même Yaoël fut nommé
46 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 47

cornes et sept têtes, sur ses cornes dix diadèmes. et sur ses
initiatiques rapportées sept têtes des Noms de Blasphèmes ... > (1) (Apocalypse
Scribe Universel, 1 emon apparaît c;:>mme le Grand XIII, 1.)
rait l . . , e grand agent cosmique qui cliche-
es l'Akasha de l'ésotérisme hindou Certains Kabalistes chrétiens ont vu dans le Démon
l\« .astrale " des Occultistes occidentaux... Ceci ln première des Sephiroths. Celles-ci sont des organes
es . s1gm cati.f. Et les penseurs libres ou libres penseurs de l'activité de Dien, dans le système kaba1istique.
qm, sous pretexte de · · . ' Sans être en dehors de la Divinité - en Soi làtente
,
fi rment resolument « sp1r1tuahsme rationnel > s'af-
th .. cl non-manifestée - , elles ne sont pas de Sa Substance .
. pan e1stes devraient bien réfléchir
a ce1a.
même, et elles se trouvent à Sa disposition comme des·
Lorsque Staline en son « M t . . 1. c énergies >, à la fois suscitées et immanentes, comme
et Mat eriaz· .'
• · zsme Hzstoriq a cria isme Dialectique des modes de manifestations. (Noter l'analogie avec la
unitaire de l'U · ue >, met en relief le caractère doctrine des énergies divines, que la théologie ortho-
. . mvers, sous-entendant l'existence d'un
prrnc1pe centralisateur, en nous disant doxe à reprise à saint Grégoire Palamas).
Or, selon la Kabale, Kether Elyon, "« Couronne Su-
« Contrairement à la ét h .
garde la Nature non c . m ap ys1que, la dialectique re- prème de Dieu >, l' Ange de la Présence par excellence
d'objets, de accidentelle et le Metatrôn du Talmud, est la première de ces Puis-
et indépendants les uns de e act es es des autres, isolés sances qui se trouvent « auprès de Dieu > et qui opèrent
et cohérent, où les ob. ets s au mais comme un tout uni en Son Unité :
ment liés entre eux Jdép phefomènes, sont organique-
conditionnent >es uns des autres et se « Les Anges reçoivent les commandements divins en-
deçà du Voile, et lui seul, Metatrôn, les reçoit au-delà ... >
il ne que découvrir ce que les anciens hilo- (Talmud : Gemara Khagiga, 15a et 16a ; Yebamoth, 16b ;
Tosephts, 60a.)
;ph;s pa1ens . désignaient par l'expression « A!:e du
on e >, ce dieu de ténèbre, coinme le qualifiait Mani. C'est pourquoi, observe Frank-Duquesne :
c On comprend à la fois la grandeur et l'envie de Kether,
menacée de découronnement par la Vision anticipée (bien
que sans révélation de l'union hypostatique future pour-
••• tant ... ) de la Gloire Suprême promise à l'image de l'H0<m-
me ... >

La Kabale qualifi e encore Metatron


• de « petit d · On sait que cette théorie est partie intégrante de la
c pourvu de sept Noms > • ieu >, théologie islamique sur les motifs de la chute de Luci-
C'est . .d . , nous dit Frank-Duquesne fer. La traélition chrétienne en possède des fragments :
ev1 emment cuneux ·
à Sept Têtes t · D' C 'car on songe alors à la Bête
e a zx ornes dont parle l'Apocalypse -01) Ce passage justifie curieusement les cornes de la statue de la
Liberté (de Barto-ldi), quj veille à l'entrée du port de New-York, car
• Puis je vis monter de la Mer une Bête qui avait dix Je matérialisme des U.S.A. n'est pas chose niable. en un Etat où l'hom-
me ne vaut que ce que vaut son salaire ou son revenu ...
48 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 49

• Je ces choses dans le cours d'une vision Ce rôle d'ordonnateur de ce qui n'est encore que dé-
no-;turne, et. Je vis le de l'Homme, qui venait, avec des sordre, chaos, est confirmé par la théologie catholique,
nu:es, du Ciel, et qm s avança jusqu'à l'Ancien-des-Jours·
Et IlsOes le présentèrent devant Lui. Et 11 lui qui veut qu'ils apportent la Grâce, permettent de sortir
la Pmssance, 1 Honneur et le Royaume, et tous les eu les de la voie du Péché, et de cheminer en celle de la p'e r-
et toutes les langues le serviront. Sa Puissance est mie reclion chrétienne, ainsi qu'en fait foi le texte qu'elle
sance lui sera point ôtée, et son Roytume 11ltribue,- dans la récitation de la « couronne angélique >,
ne sera Jamais detrmt ... > (Daniel : VII, 13, 14.) 11u second Chœur des Anges (1).
C'est pourquoi : Maïs quant à celui des Chérubins qui est évoqué par
• La Mort est entrée dans le Monde par l'envie du la mystérieuse . parole de Zacharie : « Et j'allai en la ·
Diable ... > (Sagesse, II, 24 .) maison du Seigneur, les Mrter (les trente deniers) à'
Car l'Ouvrier-en-Argile ... > (ZACHARIE, XI, 12, 13) parole que
nous citions au début de cette étude, il est encore une
•. Dieu n'a pas créé la Mort. Il a tout créé afin que tous coïncidence étrange à son sujet, coïncidence qu'on ne
s?bsistent. Toutes les créatures étaient saines à leur ori-
*ne, Et le règne des Enfers n'était point encore sur la peut passer sous silence.
erre ... > (Sagesse : I, 13, 14.) C'est que le « champ du sang >, ou Haceldama, que
« Parmi ces Puissances angéliques, le Prince de l'Ordre les prêtres achetèrent avec l'argent que !'Iscariote alla
Terrestre, celui à qui Dieu a confié le soin de la Terre était jeter, désespéré, dans le Sanctuaire, ce champ se trouve
nature non mauvais, mais bon. Il avait été créé le
ien, n'ayant reçu du Créateur aucune trace de Mal M . exactem'ent dans cette vallée maudite où l'on faisait
ne pas l'I_llumination et la Dignité qui lui autrefois offrande des premiers-nés à Moloch par le
oclroyees par Dieu, il déchut (par un acte libre de sa truchement du brasier rituel, vallée qu'on nommait et
vo onté), de ce qui est conforme à la nature en ce qui est qu'on nomme ·encore de nos jours du terr1'ble nom de
nature-, _11 se révolta donc librement contre Dieu son GEHENNE ...
Createur, el s etant le premier détourné de Dieu il tomba
dans le Mal ... > (St-Jean Damascène : De fide En son remarquable ouvrage sur c Le Dualisme chez
' Platon, les Gnostiques et les Manich éens >, Simone Pe-
trement souligne le fait que la plupart des idées qui
, Que ce rôle démiurgique ait été dévolu, par l'effet constituent le dualisme gnosliquè se trouvent en quel-
d un plus grands et des plus mystérieux desseins de que mesure dans les Epîtres de saint Paul, l'Evangile de
la ProVJdence, à un Chérubin, ainsi que nous l'avons
Jean et, en général, dans tous les écrits néo-testamen-
c_onstaté avant, semble bien confirmé par la tradi-
taires, à l'exception, bien entendu, des évangiles synop-
tion. elle-même, qui veut que les Ophanim
tiques, bien que malgré tout, dans celui de saint Luc,
ou Cherubms « ordonnent et dégagent le Chaos primor-
on en pourrait trouver quelques traces:
dial, .l'Hylée. Ils donnent à l'Homme ·la lumière de la
la force de la sagesse, les très hautes idées et les (1) c Par l'intercession de saint Michel et du ehœur céleste des
images par lesquelles nous pouvons concevoir ici-bas Chérubins, que le Seign,eur nous lasse la grAae d'abandonner la Voie
les choses divines >. du péché el de courir dan9 celle de la perfection chrétienne. > (Cha-
pelet de Saint-Michel : imprimatur : Coutance8' 20-1-1951).
50
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 51
En complément des· recherches précédentes
en quelques-uns. , citons- c Mon Royaume n'est point de ce Monde... > (Jean,
lît111ngile. XVIII, 36.)
Il est d'abord évident que . .
fondeur l'oppo . 1. pour qui sait lire en pro- c N'aimez pas le Monde, ni les choses qui sont dans' le
' s1 ion gnostiq Monde. Si quelqu'un aime le Monde, l'Amour du Père n'est
Dieu et le Monde matéri 1 tue entre le Royaume de
pus en lui. Car, tout ce qui est dans le Monde. le d ésir de
fois . Nous sommes très de 111 chair, le désir des yeux, et l'orgueil de la Vie, tout cela
conduit et administré par 1 :: .cree, orgamsé, n'est point du Père, mais est du Monde ... > (Jean, 1". E.pl-
autre chose, un autre erso e ogos. Divin seul. Il Y a lrl', JI, 15, 16.)
participe encore et f qm Y a participé ou y
mauvais que bon' Qu'o J a1. qu e cet Univers est plus Que d'autres dieux se soient manifestés avant Lui, ·
· n en Juge: qu'ils aient tenté de détourner à leur profit le culte des
' Nous savons que nous somm d . hommes, qu'ils leur aient dissimulé l'existe nce d'un Dieu
1 Umvers est sous l'empire d M es .e Dieu, et que tout Suprême, supérieur à eux-mêmes, ou bien que par le
1" Epttre, v, 19.) u auva1s Esprit ... > (Jean,
fuit de leur spiritualité restreinte, de leur imperfection,
« Vo.us êtes d'En-Bas, ·e suis ' - tls aient ignoré ce Dieu, c'est là une thèse gnostique
Monde, Je ne suis pas du k_d d En _Haut, vous êtes du
23). on e ... • (Jean, Evangile, VIII, bi en connue. Elle est la base de toute doctrine sur le
Démiurge. Et le Christ la confirme d e façoii formelle :
« Si le Monde vous hait, sachez ,. '
vous ... Vous n'êtes pas du M d qu il ma haï avant
Monde vous hait ... > (Je Eon e •. et pour cette raison, le « Tous ceux qui vinrent avant Moi furent des voleurs
an, vanglle, XV, 18, 19 ) ot des brigands, et les brebis ne les ont point écoutés. Moi
« lis ne sont pas du Monde c . Heu!, je suis la Porte, si quelqu'un entre par Moi, il sera
Monde ... > (Jean, Evangile XV '17omme Je ne suis pas du H•rnvé ... > (Jean, Evangile, X. 8, 9.)
• • • 14.)
« Je ne prie pas pour le M d .
m'as donné ... > (Jean _oln Xe, mais pour ceux que Tu Que dire en effet de cette prise de position formelle,
' e, VII, 9.)
« Afin que nous ne soyons . où le Christ se présente en contradicteur absolu de la
Monde... > (Paul t" Epttr Cpou:it condamnés avec le Loi :
' e aux orinlhlens XI 32 )
. c N.ous n'avons pas reçu l'E . ' . • :
prit qui vient de Dieu (P sf!1 t du Monde, mais l'Es- « Vous avez appris qu'il a encore été dit aux Anciens
II, 12.) ··· • au 1' Epttre aux Corinthiens, c Vous ne vous parjurerez point, mais vous vous acquitte-
rez envers le Seigneur des serments que vous aurez faits.
La thèse des docte urs de la G • Et Moi, Je vous dis de ne point jurer du tout f Ni par
jusqu'à la venue du Sauveu 1 nose, affirmant que le Ciel, parce que c'est le Trône de Dieu, ni par la Tene,
le Dieu d'En-Haut le .r.tesblhommes avaient ignoré parce qu'elle est l'escabeau de Ses Pieds, ni par Jérusalem,
' ver1 a e Cr . t d parce que c'est la Ville rlu Grand Roi...
choses, a sa confirmai· d ea eur e . toutes
tiques eux-mêmes . wn ans les Evangiles synop- « Vous ne jurerez pas non plus par votre tête, parce que
. . vous ne pouvez en rendre un seul cheveu blanc ou noir !
« Père Juste Je Monde Mais que votre parole soit : Oui, oui, ou bien : Non, non.
2
Evangile, XVII, 5.) ne .t 'a point connu ... > (Jean, « Car tout ce qui se dit de plus went du Démon ... >
(Mathieu, Evangile, V, 33-37.) ·
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
53
52 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

• Afin que les Dominations et les Puissances qui s_ont


Cc Monde que le Nouveau Testament met a'insi au dans les Cieux connussent par l'Eglise la Sagesse de. Dieu,
pilori devant les âmes prédestinées, ce Monde est en si dans les ordres différents de sa conduite.;'· >
effet ·tout peuplé d'Anges, de Puissances, d'Archontes, (Paul, Epitre aux Ephésiens, III, 10.)
d'Autorités plus ou moin·s légitimes et plus ou moins
désintéressées : Ainsi donc, l' Apôtre lui-même nous révèle que . ces
Puissances du Cosmos, réparties dans les sphe:_es
« Et nous montâmes ; lui (!'Ange) et moi dans le Fir- (cieux), jusqu'à la constitution de l'Eglise _par le C?r1st, .
mament, et là, je vis Samaël et ses Puissances, et il y et à la révélation de Sa doctrine, ces lgno-
avait un grand combat sur le Firmament. Les Anges de
raient la Sagesse de Dieu, c'est-à-dire aussi bien 1 ordre
Satan se portaient violemment envie l'un à l'autre. Et de
même qu'en haut en ce Firmament, il en est ainsi sur la moral que l'ordre physique, le secret de l'action en vue
Terre, car l'image de ce qui est dans le Firmament est ici du Mieux, du Bien, du Bon (1).
sur la Terre ... Ainsi en est-il depuis que le Monde existe,
et cette lutte persistera jusqu'à ce que vienne Celui qui Que ces Puissances cosmiques soient mauvaises, nous
détruira le Monde ... > (Ascension d'lsaïe : VII. 10-12.)
n'en doutons pas en lisant ceci :
« Ensuite, sera la Fin ; lorsqu'il remettra la Royauté à
Celui qui est Dieu et Père, lorsqu'il détruira toute Domi- • Car nous n'avons pas à lutter contre des hommes de
nation, toute Autorité, toute Puissance. Car, il faut qu'il h . t d sang mais contre les Principautés, contre les
règne jusqu'à ce qu'Jl aif mis tous ses Ennemis sous ses dee ce c'est-à-dire de ce Siècle_de Ténèbre,
pieds ... > (Paul, 1" Epitre aux Corinthiens, XV, 24, 25.) contre les Esprits du Mal répandus dans les airs ... > (Paul,
• Il a effacé !'Acte qui nous condamnait, !'Acte dont les Epître aux Ephésiens. VI, 12.)
décrets nous étaient contraires, et Il l'a détruit en le
clouant à la Croix. Il a ainsi dépouillé les Dominations et Le texte grec exigerait que l'on traduise : •
les Puissances, et Il les a offertes en spectacle en triom- dans les lieux célestes ». Car' en effet, ces Puissances
phant d'elles par la Croix ... > (Paul, Epitre aux Colossiens, sont aussi celles des Eléments constitutifs du Cosmos :
Il, 14, 15.)
« Au-dessus de toutes les Principautés et de toutes les • Autrefois lorsque nous étions tels des enfants. nous
Puissances, de toutes les Vertus (du latin virtus : force) et étions asservis' aux Eléments du Monde ... > (Paul, Epitre
de toutes les Dominations, et de tous les litres qui peuvent aux Galates, IV, 3.) .
être, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans c Alors, ne connaissant pas Dieu, vous des
celui qui est à venir ... > (Paul, Epître aux Ephésiens, l, 21.) qui ne sont pas dieux de par leur nature. Mais à present,
comment pouvez-vous retourner à ces faibles et pauvres
On sait que dans la terminologie paulinienne, le mot Eléments, auxquels vous voulez, de nouveau, vous asser-
siècle ne signifie pàs cent années, mais bien un cycle, ce vir ?... > (Paul, Epitre aux Galates, IV, 8, 9.)
que parfois !'Apôtre nomme un eon, c'est-à-dire une Nous précisons, devant les traductions variables _de
période de la Création, peut-être analogue à l'un des
ces deux passages, que nous utilisons là celle de samt
sept « jours >, ou im nouvel « Univers > après celui-ci.
• Selon le siècle de ce Monde, selon !'Archonte de la t EGLISE les théologiens reconnaissent qu'il s'agit
Puissance de !'Air, !'Esprit qui agit maintenant dans les du Commu'oton des Saints, et non de telle ou telle
Fils de la Rebellion. > (Paul, Epitre aux Epheaiena, II, 2.) 6gllae 1erro1lr1 portlcull6ro.
54
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 55
Jérôme qui d ·1 •
.' . o1 ' a notre avis, présenter
Pl us seneux que les autres. un caractère non pas un Esprit qui sortirait accidentellement de l'Enfer
mur jouer sur terre quelque mauvais tour aux humains.
c Prenez garde que person !:•ost un diable qui est, avant tout, le Prince d u Monde. n
philosophie et des ne '.'ous surprenne par une nal le symbole, l'action, I.a loi, de l'Univers. C'est, si .J'()n
les traditions des hommes, selonsi et. trompeurs, selon vtml, le Dieu du Monde ... > (Simone Petrement : Le Dua-
du Cosmos, et non selon le Ch prmc1pes des Eléments /lwme chez Platon, VI, 1.)
Colossiens, II, 8.) · ris ··· > (Paul, Epitre aux
D'où l'apostrophe de l'Apôtre
Car:
c Nous prêchons la sagesse parmi les parfaits. la sagesse,
Mo •d : .. vous êtes morts avec le Christ non de ce Siècle, ni des Archontes de ce Siècle, qui vont
n e... > (Paul, Epttre aux Co/oss1·ens aux Eléments du
Il, 20.) "lre anéantis, mais nous prêchons la Sagesse de Dieu dans
Io Mystère, la Sagesse Cachée, que Dieu a destinée avant
Que ces Puissances Cosmiques n . le• Siècles, pour notre gloire, et que n'a connue aucun des
ment des forces naturelles d . e pas s eule- Archontes de ce Siècle. Car, s'ils l'avaient connue, il n'.a u-
mais encore qu'elles soieni' does _ cosmiques, ruient pa" crucifié le Seigneur de la Gloire ... > (Paul, I'"
gence, qu'en un mot . uees e raison, d'intelli- Epitre aux Corinthiens, Il, 6-8.)
' ce soient des Etr
Paul nous le précise en soul" , es p ensants, saint < Et le Prince de ce Monde étendra sa main sur le Fils
1
sacrilègement une pl . gna?t '!u e!les se sont arrogé ile Dieu et le suspendra au bois, et il le tuera, ne sachant
ace r eservee a Dieu seul : pas qui Il est... > (Ascension d'Isaie, IX, 15.)
• . Car s'il Y a des êtres qui . c Et Ahhadon, qui est l.a Mort, se leva . Il ne trouva pas
les cieux, soit sur la terre sont dieux, soit dans ln momie de Jésus, avec laquelle il parlait dans le Tom-
sieurs dieux et plusie '. il existe réelle<ment plu- beau ! II dit à sa Puissance, l'Amenti : c Descends vite
·1 ' urs seigneurs néan .
1 n y a qu'un seul D" dans l' Amenti, fortifie ta main, ferme les Portes de l' Amenti,
h ieu, l e Père L .
' de moms,
c oses, qui nous a fait qui· viennent
· pourt nous
outes' Jusqu'à ce que je voie qui est celui-là qui m'a trompé de
seul Seigneur : (;1• comme il n 'est qu'un cette manière sans que je le connaisse. Nous avons parlé
thiens, VIII, 5,6.) ··· > au/, /" Epitre aux Corin- uvec lui, il s'est caché à nous, et nous ignorons où il va.
,. • Pour les infidèles, d ont le D · . Peut-itre est-ce le Fils ·d e Dieu ? > (Ev.angile de Barthé-
1 mtelligence, afin qu'ils n . ieu de. ce Siècle a aveuglé lémy, Il, 3.)
lumière de l'Evangile (P e point éclairés par la
IV, . ··· • a u · l Epitre aux Corinthiens, Que ce Monde soit, selon les docteurs de la Gnose,
soumis à des Anges, nous le verrons par la suite en étu-
Ici, nous citerons Simone P etr . diant l eurs traités à cet égard. Mais, déj à pour Paul, c'est
tivement, relève l'a qm, fort intui- un fait avéré :
1
ture des Evangiles shpecl superficiel que revêt la Iee-
e ez a plupart des chrétiens : c Car, ce n'est pas à des Anges. que Dieu a soumis le
c Quand nous trouvons ch S . Monde à venir.,.. > (Paul, Epitre aux Hébreux, II, 6.)
c Prince du Monde > o 1 ez amt Jean l'expression *Mais nous voyons que J ésus, qui avait été rendu, pour
Monde >, nous c Archonte du un peu de inférieur aux Anges ... > (Paul, Epttre aux
tude. ·nous cache la ay,it du D!able, et l'habi- Hébreuz, II, 9.)
le Diable, en effet, mais non e expresswn I C'est bien
pas tel que nous le concevons, Pour les Gnoatiques, le Dieu promulgateur de la Loi
56
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 57
du Sinaï, n'était qu'un Archonte un A
Dieu Suprême. ' nge, et non pas le c Or, si le Ministère de la Mort, gravé avec des lettres
sur des pierres, a été glorieux au point que les fils d'Israël
Or_ ceci est souligné par les Ecr1"tures ne pouvaient fixer les regards sur le visage de · Moïse, à
L e D1eu S uprêm .e s'est servi d'un elles-mêmes. cause de la • gloire • de son visage, et bien que. eette
. . . •
diaire imparf ï e pmssance mterme- c gloire > fut passagère, combien le Ministère de /'Esprit
se m • r e, _?arce que créature elle-même, pour ne sera-t-il pas plus glorieux ? Si le Ministère de la Condam-
am ester a Moise, au sommet du Sinaï : nation a été glorieux, le Ministère de la Justice lui est de
beaucoup supérieur en gloire. Et sous ce rapport, ce .qui
ve7ir à vous dans une a été glorieux, ne l'a point été (en fait), à cause de cette
lorsque je vous pa1·lerai 't '"!que e peuple m'entende gloire qui lui était supérieure . En effet, si ce qui était pas- _
(Exode : XIX, 9.) ' e qu I vous croit désormais ... > sager a été glorieux, ce qui est permanent est bien plus,
glorieux ... > (Paul : II' Epitre aux Corinthiens, III, 7-11.)
Pourquoi le Seig , .
une Nuée claire et pas manifesté par Par conséquent, au Sinaï, lors de la remise des tables
sauce intermédiaire véhicule d que puis- d e pierre portant gravé la Loi, c'était simplement le
d . . . ' u ivm, en raison mêm Ministre de la Mort, c'est-à-dire le Démiurge, souverain
e son elevahon ontologique n'eut pas 't. e
les hommes •t . .' e e perçue par passager et transitoire, qui était intervenu.
. '. e res imparfaits. Au contraire, à Moïse
0
•eu se mamfeste au sein d'une masse de lumièr ' • Lorsque nous étions encore des enfants, nous étions
flamme, le Buisson Ardent d'Horeb. . e et de assujettis aux premières et plus élémentaires instructions
que Dieu ail données au Monde. Mais, lursque les temps
A Moïse, qui dema d • L ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, formé d'une
n e a e voir, Dieu répond : femme et assujetti à la Loi, pour racheter ceux qui étaient
• Vous ne pourriez voir m v· sous cette Loi, et pour nous rendre enfants adoptifs. •
Lorsque Ma Gloire . on isage sans mourir ...
(Paul, Epitre aux Galates, IV, 3-5.)
de )a pierre, et je :;iettrai dans J'OUVert ure
que je sois passé ... J'ôterai e Ma M_ain jusqu'à ce c La Loi a été promulguée par des Anges, au moyen d'un
verrez par derrière m . . nsuite.. Ma Main, e't vous me .Médiateur. • (Paul, Epttre aux Galates, III, 19.)
sage ... > (Exode, pourrez voir Mon Vi- . • Car, si la parole annoncée par des Anges, a eu son
effet, et si toute transgression et toute désobéissance a reçu
une juste rétribution, comment pourrions-nous éviter (la
, Ainsi donc, au Sinaï, M - • mêm e) si nous négligeons l'Evangile, annoncé par le Sei-
l envers de Dieu. ozse n a pu apercevoir que
gneur lui-même? ... • (Paul, Epitre aux Hébreux. II, 2, 3.) .
Ce Médiateur imparfait, cette Loi qu'il • Vous qui avez reçu la Loi par rintermédiaire d'Anges,
nous révèle; et qui pourtant ne l'avez point gardée ... >
tout_ ceci est loin de rivaliser avec la
manifestation du (Actes des Apôtres, VII, 53.)
Chnst et Sa Révélation nouvelle.
c Qµe p<irsonne ne vous condamne donc pour le manger
. assertion choque certains esprits par tro ou pour le boire ; ou bien sur le sujet des jours de fêtes,
ce pa:. des nouvelles lunes et des jours de sabbat. Car toutes ces
. gl . poire, qui ne s embarrasse point de subtilités choses n'ont été que l'dmbre de celles qui devaient
d •a echques : arriv.er... >
• Que nul ne vous ravisse le prix de votre course, en
58 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 59
de paraître humble par un culte superstitieux des 11ulu non est veritas in so : cum loquitm· mondacium, ex
g ... > (Paul, Epitre aux Co/lossiens, II, 16-18.) propriis. loquitur : quia mandax est, et pater eius. >
. Ainsi. donc', la Loi n'est autre chose, en son observa- On peut donc supposer que le Diable est une créa-
tion docile; ?u un .culte erroné, rendu à des Anges usur- lure psychique, qui a pour auteur le Démiurge, mais
D ou ce role de gardien, juge, rétributeur agent 1111core plus imparfaite que ce dernier, la perfection
es rigueurs divines, du Dieu de la Loi : ' diminuant au fur et à mesure que l'on s'éloigne davan-
• Avant que la Foi de Jésus Ch · lnge de Dieu. Cette hypothèse a sa valeur ; si l'on consi·
étions sous la garde de la Loi rist fut _venue, nous dère le Dieu du Sinaï comme le Démiurge, on verra
:uJonous disposer à cette Foi' que dans l'Ancien Testament, Satan est bien l'agent de.· ' ·
ur... > (Paul, Epître aux Galates, III, 23.) lu rigueur du second : Nombres, XXII, 22, II, Samuel,
XIX, 22 - I Roi's, XI, 25 - Psaumes CIX, 6 - 1 Chroniques,
. Ici, se un des plus mystérieux versets de l'Evan-
gi1eselon samt J ean : XXI, etc ...
L'empire des Cosmocrateurs, des Dominations et des
, Et Jésus leur dit donc : Si Dieu éta'
m aimeriez sans doute Vou •t 1 it votre Père, vous Puissances sur le Monde matériel, s'est symboliquement
et vous ne désirez ac ... . s e es es enfants du Diable, c\croulé lorsque tomba Jérusalem, l'an 70 de notre ère,
Il a été homicide dè co{'1phr que les désirs de votre père !
d . s e commencement, et il n'e t . t rtux mains des légions de Titus. Mais depuis près de qua-
e.meuré dans la Vérité parce que la V. 'té ' s . pom rante ans, ce qui nous ramène aux environs de la mort
... Lorsqu'il dit des mensonges 1·1 1 n pomt en
lm-mêIIie car il t ' ce qu Il trouve en tlu Christ, au Calvaire, d'innombrables prodiges avaient
« aussi •) > es.. menteur, et son père ... (sous-entendu nnnoncé la ruine du Temple et de la Ville Sainte.
(Jean, Evangile, VIII, 44.)
1 Dans la préface de son livre sur « Les Guerres de
. On traduit volontiers par " car il est menteur et le Judée > l'historien juif Flavius Josèphe, nous dit :
pere du mens<>nge. >
« Je n'oublierai pas de raconter comment le Temple fut
. Ce sens peut se défendre. Mais à la lecture l hrt'llé et la Ville entièrement détruite, ni surtout de men-
nnère v · , a pre-
apparaît comme la plus naturelle e:t auS11i tionner les intersignes et les prodiges qui précédèrent la
l a plus ancienne. ' catastrophe ... >
_D'ailleurs, le Rituel de l'Exlrême-Onction de l'Egl" Nous trouvons effectivement, dans le cinquième cha-
Jatme, nous dit ceci : ise
pitre de son sixième Livre, le récit détaillé de,,sept pro-
« Que 1.'Ennemi ne puisse plus rien contr 1 . diges distincts, qu'il décrit comme ayant été t erribles.
Et le F"/ d'I · · e u1,
- . is mqurté ne puisse lui nuire ... > Il parle tout d'abord d'une étrange lumière, à mi-
(Rituel des Desclée de Brower édit., nuit :
imprimatur Bruges 1938.)
c C'est ainsi qu'avant la révolte des juifs, alors que
Saint Jérôme, en sa version, nous dit en effet ceci : le peuple était assemblé en grande foule pour la fête des
peins sans levain, au huitième jour du mois xanthicus
c Ille homicide erat ab initio, et in usritate non stetit,
(nl111n) et à le neuvième heure de la nuit, une si grande
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
61
60 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
. . onta sur la Mer, aux dires
lll rusc clameur, qm un iour, m · d Pan est
lumière resplendit autour de l'autel et du saint édifice, · Pan 1e gran ···
qu'on se fut cru en plein jour pendant une demi-heure. > d•• nautonniers latins : « ··· ,
mort. .. > · acle entendu
De plus, la porte orientale de la cour intérieure du. )fait qui est à rapprocher du derm::; : r llon l' Ange
Temple, qui était en airain, très lourde, à peine capable 41 Dt•.lphes. Dans cet ultime message '
d'être fermée par une vingtaine d'hommes, et qui était tombé conserve encore t ou t e sa grandeur .
maintenue par de très solides verrous, s'ouvrit tout à . t Je orné est en ruines, .
coup, d'elle-même, vers la sixième heure de la nuit. Ce. • Dites au roi : beau mantique est mort, la .
ne fut qu'avec beaucoup de peine que le capitaine du l'holbos n'a plus de gite, par Spiros Alibertis, dans .
tnurce jasante s'est tue .. ., , '
Temple et ses ho·m mes, parvinrent à la refermer. • Bizance et Thessalonmque >) ·
Josephe ajoute que le peuple, nàïvement optimiste, in-
terpréta cet événement en disant que Dieu ouvrirait la Le Démiurge cédait la place au Christ, le « potier •
voie de la délivrance, tandis que les saints docteurs,
41 uiltait le Sanctuaire ...
au contraire, en conclurent que c'en était fait de la
sécurité du saint Temple, puisque la porte s'en ouvrai1
*
**
toute seule, mystérieusement, devant leurs ennemis.
Flavius Josèphe nous parle encore d'étranges visions
Est-il possible de concilier à la fois les
de chariots de guerre et d'armées, dans le ciel : D . · rge et la Doctrme c re-
liques sur le Monde, le emm ' . n'est que de consi-
« Quelques jours après la Fêle, le 21 du mois arte-· llenne classique? Nous le croyons, l 1 .
misius, il se produisît un phénomène incroyable et prodî-· ·1 la .
pensee de ·
sam t p a ul sur ces questions.
gieux. Avant le coucher du soleil, la foule put contempler 1
4 crer ul a-
des chariots, des troupes de soldats armés, soudain apparus On l'a vu 1' Apôtre accorde aux Anges la prom }
dans les airs. • . Loi remise à Israël, sous-entend que l 1m-
l de celle-ci découle de l'imperfection
Il nous dit encore qu'une voix étrange fut entendue p · s d'entre eux qm s
I' et évoque le cas d e cert am .. . t ,
dans le Temple : indûment le droit à un culte, reserve pourtan a
• De plus, à cette fête que nous appelons Pentecôte, Dieu seul.
comme les prêtres allaient de nuit dans la cour ·intérieure Or dans la plupart des cosmogonies gn?stiques,
du Temple, selon leur coutume, pour remplir les fonctions ' An es ont eu connaissance d une
saintes, ils ressentirent un tremblement violent et enten- upprenons que les g • arf · cité apparte-
dirent un grand tumulte, qui fut bientôt suivi des voix chose mystérieuse, parfois etre, p ms d'ailleurs
l
d'une grande multitude disant : c Parlons d'ici, partons , « lan > différent du leur, auque
nant a un p , rtu de leur nature inférieure,
d'ici. .. > 1 ' t pas acces en ve .
i s nu:ncette connaissance accidentelle les a
Les dieux étaient chassés du Monde, le règne de son Ils ont alors désiré reproduire eux-memes
Prince prenait fin ... Ces faits, attestés d'autre part par pour leur ·p ropre usage, et dans l'Univers qm es
Tacite, l'historien romain, sont à rapprocher de ·la fa-
62
LA NOTlON GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 63
le leur. Mais leur imperfection et le caractère limité de
leurs moyens. ont fait que leur œuvre est très loin d'être c ue les premiers... Et ams1 . . d e suite • de .chœurs en
identique au Modèle Eternel un instant perçu. L'Hom- c'.hœun;, de plans en plans, de sphères en . .
me, créature destinée à couronner cette reproduction, A f r et à mesure de sa d escen t e, la Pensee . ,.Dunne
n'est alors resté qu'une créature psychique dénuée de p rendu deu plus en plus corps, . (express10 · n qu 1 parle. mer-
spiritualité, un robot destiné à les servir. II serait cu- moms en
vdlleusement...) mais · 1es Ouvriers t d étant
moinsde en moins
rieux d'imaginer les répercussions, dans l'humanité fu- moins parfaits, la comprennen ed 1 derniers ,
ture, d'une révolte ou d'un dérèglement des robots t EII n'est plus alors, ans es
llXactemen • e é J' t'on qu'une
cybernétiques que la science actuelle envisage de mul- degrés de sa et de. sa a isa i la•
tiplier...
'f t lion imparfalle, amomdrie, de
mam
, ..es a les derniers Etres c h arges · d'y œuvrer
On connaît par ailleurs la banale expérience qui con- [ rem1ere, car . . de réactions natu- ,
siste, dans les Observaloires astronomiques, à transfor- y mêleront inconsciemment, par voie E t leur
mer les radiations Jumineuses venues des astres en i leur sont propres. • n ou re,
relles, des concepts qu • écessairement certaines
radiations sono,res. Et actuellement, à Nançay, près de imperfection morale y me1era n . avail-
Vierzon, le laboratoire de radioastronomie enregistre notes d'égoïsme. Ils tendront, en ne
directement des rayonnements sidéraux d'ondes di- Ier davantage pour eux que pou . . . t ue
verses, on peut dire que l'on écoute chanter les étoiles... t d'ailleurs ne recevant mtmhvemen q
Mais qu·e l savant aura faudace de construire un robot plans proches (1!'. .
cybernétique muni des possibilités humaines classi- C'est là l'histoire connue de te II e con signe . milliaire
. d
ques : déplacement, mouvement, rroanipulation, etp .. , . . t ansmise de bouche a oreille, e
qm, transmise et re r ldats des der-
et de le soumettre uniquement (comme agent moteur)
grades à grades, finit en exprimée
aux seules radiations sidérales ? Quel comportement
niers rangs, non 'ba tn:iais tnême à ne plus
aurait ce robot ? Et en cas de succès, quel triomphe dans le langage châtie du e u ' . . .
pour l'Astrologie ... signifier tout à fait la même consigne pr1m1hve.
Cette thèse, qui est celle de la plupart des grands
(1) Si, comme
. Pères de l'Eglise el comme l?s
oumis le Monde au Chérubin
docteurs d.e la Gnose, nous en verrons tout à l'heure un
EV1angiles le font Dieu a s ro re prison, en le
aspect plus précis avec les citations de ces derniers. rebelle, lui donnant 5a
iÎ npest pas. dès lors, illogique
Mais, sans aller aussi loin dans ce domaine de la ministre de 18.rtisan de. certaines
de
purement qu
soutenirmatériel.
ales,.
pu niI. utqu 'il en ait fait son porte-parole, en
recherche hypothétique que nos Gnostiques hétéro-
doxes, nous pouvons admettre, à la lumière de la pensée taines circonstances,. '. . histoire que nous rapporte J. H.
Que l'on se repor_te l et rangea vie d'Antoine Gay, c _I.e posséd..é
paulinienne, que Dieu fait connaître Sa Pensée Créa- Gnmiger en son petit hvre sur l omment l'entité qu1 se man!-
trice à des Créatures Privilégiées, les plus proches de qui glorifia l'Jm·m qculée >. On manifestations, tantot
testa de 1837 à 1871 ia.u cours nn e n'auraient pas désiavoué.
Lui par leurs perfections naturelles. Ces Créatures ma- se répandant ·en blaaph«!imes, en au contraire,. tout
11
nifestent cette Pensée Divine, à leur tour, à d'autres un atanbiant doubl' par puissa'!ee •up:-
en clamant bien haut qu Y ait de chantel'I la gloire de a
Etres spirituels, d'une essence cependant moins élevée rieuu la aienn•, l• d•mon entrepren é.ritable docteur de l'Eglise,
Mère
IH de Dieu,
preuvH de ••dtùUH&Dlt
Coao1pt OD m compoSllDt même des prières
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
65
64 LA NOTION GNOSTiQUE DU DEMIURGE

Ce qui teud à souligner le fait que ce Monde-ci leur


On peut également comprendre le ·mécanisme de
cette perception ?e plus en plus confuse en appréciant 1•Rt soumis.
combien les « clichés > véridiques se trouvent mêlés Mais, de quels Anges s'agit-il ? Des Anges,
la plupart des grands voyants, à des images très certainement...
hies, sans rapport avec le sujet, el parfois m ême trom-
peuses. Et, effectivem ent, saint Augustin l e confirme :

D'où celle plainte lamentable d e la liturgie man- < L a partie inférieure du Monde, celle que nous habi·
déenne tons a été soumise aux .1\ nges prévaricateurs par la J,oi de',.
la Divine Providence, à laquelle est dii l'ordre magnifique
• Je _suis une étincelle de la Grande VIE. cles choses... >
« Qm donc m'a jetée dans la misère des Anges ? ... > (Saint Augustin : De Doclrina Christiana, II, 25.)
(Ginzâ : CDLXIII, 27, 28.)
Il semble bien d'ailleurs que cette Loi, dictée par d es
••• Anges §Oumis à un Médiateur, comme l e souligne à plu-
sieurs reprises saint Paul, soit parfois mêlée d'énigma·
tiques objurgations. T el ce verset : -
Dans le • Dictionnaire de Théologie Catholique >,
(tome l"', colonne 'lfJ7, Paris 1928), nous lisons ceci : • Maudit soit celui qui es t pendu au bois. Tu ne laisse-
ras point son corps accroché au gibet passé le coucher. so-
• ne p_rend-on pas d'ordinaire, assez garde à laire, afin de ne pas souiller la terre que Je te donnerai en
cette antithèse paulinienne où I.a Loi domaine des Anges héritage ... > : X.XI, 23.)
s'oppose à l'Evangile, œuvre du Christ'...• '

. Car il est bien évident que si l'on se reporte à cer- Il faut bien reconnaître que ce passage rend un son
du grand Apôtre, on ne peut é trange. En quoi la terre sera-t-elle ·plus souillée ·par
manquer d en llrer certames conclusions : cett e exposition d'un cadavre après le coucher du soleil
qu'avant ? Car il est à noter que l e p endu auquel fait
• Ce n'est pas à des Anges qu'il (Dieu) a remis le gou- allusion ce verset est celui qui, condamné à la lapida-
vernement de ce Monde à venir dont nous parlons ... > tion ou à la strangulation pour blasphème, sorcelleri-e,
(Paul, Epitre aux Hébreux, Il, 5.)
ou idolâtrie, était ensuite pendu par les mains à un
poteau, (la crucifixion est un supplice romain, non un
que _Pas r eniées un saint Bernard t Un jour, après avoir rempli mode d'exécution judaïque). Or, ce sont l à les crimes
ro.ie <h.1cn m111lgr.é lui, affirmait- il), le démon redevenu gouailleur
s excbama1t : _c Ils iront dans l es maisons de santé chercher des fous reprochés plus tard au Christ p a r le Sanhédrin, et le
capa les de dicter une pareille prière d'un trait. >
Christ sera lui aussi pendu par les mains, et soigneuse-
Notons .que le récit de cette étrange histoire est Capable par les
qm Y sont apportées. de Caire ré fléchir bien des rationalistes ment descendu du gibet avant la nuit.
n des métapsychiques... (Cf. J. H. Gruniger
-:: Le qui gfon'fia l'immaculée >. Faut-il voir ln, d e. la part du mystérieux et ambigu
" • 1 ions et rnpr1meries du Sud-Est.
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 67
66 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

avec tous les poissons qui s'y trouvent, .et '.lui encore
« Médiateur :> du Sinaï, une sorte de r évolte intuitive attachés à tes écailles ... > (1) (Ezechiel, XXIX, 3"4.)
contre Celui qui, bien des siècles plus tard, le dépouille-
ra peu à peu d e son empire terrestre ? Il ne s'agit pas là du pharaon humain,
Car enfin, il y a quelque chose de choquant en cette n'avait pas plusieurs fleuves en son royaume, mais u°;
phrase qui est presque sacrilège, à l'égard d'une Image, seul : le Nil. Nous savons d'ailleurs que l'Egypte symbo-
inconftestablement préi,existante, de l'instrument de lise dans !'Ecriture le Monde d'Ici-bas, la p.ris_D? des.
Salut par excellence : la CROIX ... hommes la Mer Rouge l'au-delà, la Terre Promise la
N'oublions pas en effet que la Croix sera, sous le Cité Et le Pharaon de verset n'est autr;
nom de Sioros (le Pieu), le nom d'un des Eons de la le Démiurge qui s'imagine av01r créé, al?1:8 qu il ne
gnose traditionnelle, notamment dans le système de fait qu'administrer sa propre prison. D ailleurs, en
Valentin. Egypte, le crocodile était alors l'image de Typhon-Set,
dieu du Mal.
Une prophétie messianique annonce son rôle parti- • C'est au Diable, qui était. à l'origine le premier des
culier en tant que symbole antidémoniaque : Anges, que Dieu confia le gouvernement. de Terre ... >
(Grégoire de Nysse : Discours catechetzques, VI, 5.)
< En ce temps-là, le rejeton de David sera exposé comme • Béhémoth est appelé principe des Voies, de Dieu, par-
un étendard devant tous les Peuples, les Nations viendront ce que c'est par lui que Dieu commença 1 œuvre de Sa
lui offrir leurs prières, et son sépulcre sera glorieux ... > Création, et qu'Il le plaça au-dessus des autres Anges ... •
(Isaïe : XI, 10.) (Saint Grégoire, pape, Morales, XXXII, 47.)
• Pour vous, je nomme cette Croix de Lumière tantôt le
Verbe, tantôt !'Intelligence, tantôt le Christ, tantôt la Porte, La nation juive a connu cette notion du Démiurge.
tantôt la Voie, tantôt le Pain, tantôt la· Semence, tantôt la Dieu, s'adressant à Satan, lui dit :
Résurrection, tantôt Jésus, tantôt le père, tantôt !'Esprit,
tantôt la Vie, tantôt la Vérité, tantôt la Foi, et tantôt 1a « Quoique Je t'ai accrédité comme gouverneu_r du
Grâce ... > '(A ctes de Jean, apocryphe .) de exerçant Je pouvoir sur tout le genre humam, tu n as
p;s à t'occuper de ce peuple-ci (Israël), car ce sont Mes
propres enfants ... > (Talmud : Lévitikon, R, 18, 3.)
La théorie gnostique qui veut que le Démiurge se
• Ne doutons pas que les Anges Rebelles ont été préci-
soit, en son orgueil, imaginé qu'il était l'auteur du do- pités dans le cachot de notre atmosphère ténébreuse ... >
maine matériel est d'ailleurs plus ancienne que les doc- (Saint Augustin : La Genèse interprétée, II, 33.)
teurs qui la diffusèrent :
• Ainsi, la cause de la Création n'a P'.'S été de faire de
• Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel : • Voici que je bonnes choses, mais d'en éviter de mauvaises ... >
(Origène : Contre Celse.)
viens à toi, Pharaon, roi d'Egypte, grand crocodile couché
au milieu de tes fleuves, et qui dis : Mon fleuve est à moi,
c'est moi qui l'ai créé ... Et voici que je mettrai une boucle (1) Souvenons-nous d'ailleurs que =tes poissons sont l'image. des
à tes mâchoires, que j'attacherai à ton écaille les poissons hommes danst l'Écriture, aln1i d'ailleurs que dans l'ancknne Science
de tes fleuves, et que je te tirerai du milieu de te1 fleuves, d .. Song.,.
68
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQU E DU D1'MIURGE 69
et quant à la Lpi, il faut observe
caractere imparfait en est souligné m êm • • r que le banal, public, et d e ergon : ouvrage . Or, !'Ecriture nous
cultuel, par le Christ : ' e en son aspect dit que le Temple de J érusalem était l'imag,e du Monde,
« L'h . comme Isr aël l'était d e l'Humanité tout e nti èr e, ,d'où la
c Il M eure vi endra oû vous n'a dore,.ez le Père, ni sur dédicace propitiatoire de Salomon :
e e onlagne, ni à Jérusalem.. . .
« J'ai bâti une maison qui sera Ta Dem eure, un lieu oil
(Jean, Evangile, IV, 21.)
Tu résideras éternellem ent ... » (/. R ois , VIII, 13.)
D'où ce commentaire d 'H · 1·
lentin : er ac eo n, disciple d e Va- Il est bien évident que Salomon n 'envisage p as que
le bâtime nt matériel puisse durer dans !'Eternité ! <:;'est,
. • La montagne signifie le Diable ou son C , ce qu'il entend lui fair e préfigur er qui durer a é tern elle-
Diable constitue un e partie de la Mat "è . t ?smos, car le
c'est, tout entière, la Mont ' re egrale,, et m ent, c'est-à-dire, un Univers purifié, où Dieu r ègnera
la repaire des b -te. agne d lmqu1 te. C est seul.
Voici ce des hommes.
0
Loi , el les païens ... > ' es omrnes d avant la Et le texte sacré nous dit aussi qu e Salomon préfi-
(Héracléon , Commentaires sur Jean , frag . 20.) gurait le Christ en cette fonction de la d édicace :
« Voici que lu deviendras enceinte, et que tu enfanteras
Si cet d 'H ér acléon n 'était pas suffisam- un fils . Tu lui donneras le nom de J és us, il sera grand, il
convarnca nt quant au symbolisme de la montagne, sera appelé le Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui
1m age du Diable, nous n'aurions a lors à citer que le donnera le trône de David son Père ... •
P saume : (Luc, Eoangile : I, 31, 32.)
• Et voici qu'ici il y a plus que Salomon ... »
« Et vous mont · 1
. • . agnes a p usieurs sommets, pourquoi (Matthieu , Evangile, XII, 42.)
Ja 1ous ez-vous l<t samte Montagne de Dieu ?.. •
(Psaumes, LXVIII, 16.) Or, S alomon, reflet du Chdst pour la r éalisation du
Temple, lui-m êm e r .e flet du Mond e, s'adresse à Hiram,
roi de Tyr, lequel lui envoie son serviteur et homon ym e,

** Hiram, architecte et fond eur, c'est-à-dire un « ouvrier
qui souffle les charbons d e f e u pour form er les instru-
On lit dans Isaïe un étra nge verset que nou m ents dont il a besoin pour son ouvrage »...
d ... · ' s avons
eia m 1s en évidence comme épigraphe : « Hiram , roi de Tyr, envoya ses serviteurs vers Salon1on,
l . • hC'e;t MOI (Dieu) qui ai créé l'Ouvrier qui souffle sur car il apprit qu 'on l'avait oint pour roi à la place de son
c ?r ans de Peu pour former 'les In struments dont il père, et il avait toujours aim é David .
t . esou1: pour son Ouvrage ... C'est MOI qui ai créé Je Meur • Salomon fit dire à Hiram ... > (l, Rois , V, 1-3.)
n er qm ne songe qu'à tout perdre ... > (Isaïe, LIV, 16.) - • Hiram, roi de Tyr, r épondit dans une lettre qu'il en-
voya à Salomon ... Je t 'envoie donc un homme habile et
. On sait d'autre part qu e le mot démiurge tire ses intelligent, Hiram-Ahi, habile pour les ouvrages en or, en
origrnes du grec demiourgos, issu d e demios argent. en airain, en fer, en pierre et en boi s, etc ... •
: commun, (1, Chrr.>niques, 1, 13, 14.)
70 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 71
Mais, du sens historique et matériel de ce Nous reviendrons par la suite sur ce dédoublement.
passage, est un, autre, plus mystérieux, au second Continuons, pour le moment, à étudier les éléments
aspect •exegetique. C est celui donné a' Lu Cl"fer, en tant
de !'èrreur du Démforge. Nous lisons dap.s la Cène
?ue rcn de. Tyr, qui était en Orient un des noms donnés Secrète, apocryphe joannite rendu célèbre par l'usage
·1plancle Mercure, et que nous donne également qu'en firent les Cathares, le récit symbolique de celle-ci :
ure :
c Demandes de Jean, apôtre et évangéliste, dans la Cène
• Fils de l'Homme, prononce une complainte l . Secrète du Royaume des Cieux. sur l'organisation de ce
de Ty_r. Tu lui diras : Ainsi parle le Seigneur l'Etur Tro1 t Monde-ci, sur son Prince, et sur Adam.
mettais le sceau à la Perf t' . . ' erne . u
parfait en beauté, tu étais sagesse, c · J. - Moi, Jean, votre frère, qui participe à la tribu-
vert de toutes espèces de pierres r, . . cou- lation pour participer également au Royaume de Dieu; '
tecteur aux ailes déployées je t'f Cherub1':' pro- l.orsque, pendant la Cène, je me trouvais penché sur la poi-
la Sainte Montagne de Die;, etc ... > is p ac et tu étais sur trine de Notre Seigneur Jésus-Christ, j'ai demandé : Sei- ,
gneur, qui donc te trahit ? Et le Seigneur me répondit :
(Ezéchiel : XXVIII, 12-rn.) Celui qui vient de mettre la main au plat en même temps
que Moi. Alors Satan est entré en lui, et il a décidé de me
t l Nou_s davons déjà donné ce passage. Il est fort clair trahir.
e e e Tyr en question est le Ch érubin déchu el
le petit souverain humain de la ville de ce nom. ' c JI. - J'ai alors demandé : Seigneur, avant que Satan
ne tomba des Cieux, en quelle gloire se trouvait-il auprès du
Ainsi, nous retrouvons là deux entités : Père ? Et Jésus me répondit : c Il était dans une gloire telle
que, du trône de Mon Père invisible, il gouvernait les Vertus
a) Hiram, roi de Tyr, qui personnifie Lucifer des Cieux. Moi, alors, j'étais encore assis auprès de Mon
b) H' ' Père. Mais lui-même gouvernait tous ceux qui imitaient le
iram, son serviteur, métallurge et fond'eur, qui
probablement, personnifie Satan (1). , ./ Père. Il descendait du Ciel jusque dans les Enfers. et il
montait des Enfers jusqu'au trône du Père Invisible. Il
. Par !'Ecriture, nous avons rejoint la th' . veillait sur la gloire qui était dans tous les Cieux. Et c'est
alors qu'il conçut le dessein de situer son trône au-dessus
et du Deml'ourgos des Cieux eux-mêmes, et qu'il voulut, ainsi, être semblable
. Et la v1e11Ie tradition populaire qui fait h 1 au Très-Haut.
pdeuplels anciens ou primitifs, des forgerons et'
eurs es de Sat 't d « Il descendit alors vers les Anges de l' Air et de !'Eau,
r . . . an, mai re es richesses souter- et il leur dit : • Toutes ces choses sont à moi ; si vous
est mtu1tivement proche d'une vérit. ét
physique ! e m a- m' écoutez, je poserai mon trône au-dessus des nuées et je
serai ainsi semblable au Très-Haut, et je règnerai avec vous
rie Arabes appellent d'ailleurs r enfer « la fonde- dans les cycles des cycles. Et, en disant cela aux Anges. il
monta vers d'autres cieux, jusqu'au cinquième, corrom-
pant les Anges du Père Invisible, et disant à chacun d'eux
séparément : Combien dois-tu à ton Maître ? Le premier
(1) 11 y aurait donc gnosti u. répondit : Cent jarres d'huile. Il lui dit : Prends ton billet,
fioalion cérémonielle la peJ beaucoup à dire sur l'identi-
chitecte... onne U' maître-maçon et d'Hiram, ar- une plume et de l'encre, et écris : Cinquante ! Il dit à un
autre : Et toi, combien dois-tu à ton Maitre ? Celui-ci répon-
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
73
72 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

C'est que le Prince de ce Monde soutient et protège


dit : Cent jarres de froment Il 1 . d' .
et écris : Quatre-vingt 11 · t Ul : Prends ton billet les siens, et qu'il a horreur des autres ! D'où la triple
il parla ainsi jusqu'au.. a a'.issi tous les cieux, tradition chré tienne d es vœux de pauvreté, chasteté,
du Père Invis ible • (Cè q e ciel, sedu1sant les Anges
· ne secrète : I, 1-3, apocryphe.) obéissance. N'étant pas du Monde du Démiurge, l e' gnos-
tique chrétien ne saurait contracter ces d ettes que sont
C'est sans doute de là · les joies trompeuses dispensées par !'Esprit d e la T erre.
entre le Monde matérie\q:te lsee la nette
semble malh oyaume d En-Haut. Il Ces deux passages t endent à démontrer que, réelle-
eureusement que non8 . .
arrivés à ce point de la t 'd' ne pas, ment, le Monde matériel lui a été abandonné en m ême
. . rage 1e cosmique t · temps qu'il devenait sa propre prison. Il y est, en
c 1es. Divers textes le 1 . ' cer ames
Ecritures canoniques tant dans les que sorte, exilé, tout en demeurant le souverain de cette
ainsi que dans la m ' C'ans es Apocryphes. C'est terre d'exil.
eme ene secréte r
curieux passage : • nous 1sons ce Cette sorte de souverain eté réelle, le récit des trois
tentations du désert, subies par Je Christ, tend encore à
« Et Salan répondit au Père Invisible . p . asseoir l'hypothèse du Prince d e ce Monde souverain·
Un peu de temps encore , et 1·e t e res 1·1 . rends patience ...
L uerm tout ... >
législateur de celui-ci. Jésus lui-mêm e , du fait de sa
• Alors le Diabl 1 (Cène secrète : 1.) descente dans l'enveloppe charnelle, s'y soumet partiel-
montagne (1) d'o' el .e transpo.rta (Jésus) sur une haute lement en quelque sorte, puisqu'il accepte l'épreuve de
• u, m ayant fait voir
1es royaumes du Monde ·1 1 . d ' en un moment tous
cette puissance. et. la it : Je vous donnerai toute la tentation.
Et les rapports entre le Sauveur et le Diable ne se
m 'on t été donnés en e cles royaumes, car ils
plaît. .. > ' e 3e es donne à qui me borneront pas à cette seule rencontre, dans les terribles
(Luc, Evangile, IV, 5, 6 .)
solitudes des montagnes de Juda. Il semble que, par la ·
Qui ne comprendrait alors la révolte de Job :
suite, Satan se présentera de nouveau à diverses reprises
c Maintenant encore ma 1 . t . devant Jésus :
souffrance étouffe mes P. am e est une revolte mais la < Le Seigneur dit ensuite : « Simon. Simon... Satan
vivent-ils ? Pour . 1 Pourquoi les méchants m'a demandé à vous cribler tous, comme on cdble le fro-
force ? vieillir. et accroitre leur ment ... Mais j'ai prié pour vous en particulier, afin que votre
sence, leurs rejetons ro mit avec eux et en leur pré- foi ne défaille point ... • (Luc, Evangile : XXII, 31, 32.)
demeures règne la paÎx spèrent .:ous leurs yeux, en leurs
de Dieu ne vient as j m e ange de crainte, la verge Passage à rapprocher de celui où l'on voit Satan dis-
Dieu : • Retire-totd es rapper ... Ils disent pourtant à cuter avec Dieu :
mamelle, on prend dee:ous ... > On arrache l'orphelin à la • Or, les Fils de Dieu (les Anges), vinrent un jour se
prend pas garde à ce . sur le pauvre ... Et Dieu ne présenter devant l'Eternel, el Satan vint aussi, au milieu
sin amies ... ,.
(Job : XXIII, 1-2 ; XXI, 7-9, 14 ; XXIV, 9, 12.) d'eux. Et l'Eternel dil à Satan : < D'oii viens-tu 'I • Et
Satan répondit à l'Eternel : • De parcourir la Terre, et de
montag
m'y promener ... > (Job : l, 6-7) et (Job : II. 1-2)
l'influende
(1) Cettede Satanneayant
peul être s y m bol'ique. En ce cas, il s'agirait là de
ner Jésus, fait puissance d'illusion- Cet empire sur les hommes est absolu en son prin-
Psaume LXVIII cité 68 mlqn agnle, eu égard au 16• verset du
. , a ors ce le de l'orptll ...
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 75
74. LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

variation. Et la tradition chrétienne et juive lui


cipe, seul, le Christ n'y aura pas été soumis. Et ce prin-
a toujours donné, entre autres, le
cipe, c'est le péché lui-même :
Inaltérable, Existant en Soi et par Soi, Ce_lm qm
• Il n'y a pas, sur terre, un seul juste qui fasse le Bien EST.
et qui ne pèche pas ... > (Ecclésiastiqu e : VII, 20.)
2. Ainsi donc, devant Dieu, Perfection Absolue •. a
D'ailleurs, en donnant à Satan le titre de « Prince de toujours existé et de toute éternité .• . c:,ea- .
ce Monde >, les textes parlent clairement. Prince dérive tian », composée de créatures, ce qm implique
du latin principem, signifiant (de primus) le premier, et une imperfection graduée, nuancée, pour ces ,
·du même latin capere : prendre, nous dit le DicUonnaire ni ères.
de Littré. Et le mot Principe vient de la même source : Car, par leur état même de créatures, celles-ci ·
du latin principium, qui a même radical que princeps... 3.
sont nécessairement et même en leurs aspects le
Satan est donc le Principe du Monde, non pas qu'il plus élevé, plus ou moins imparfaites.
l'ait créé, mais parce que, en fait, c'est pour lui que le
Monde a été créé, en tant que prison, et que c'est lui qui 4. _ On ne saurait pourtant parler de dualisme ;
en est l'Ame, !'Animateur, le Régent, !'Organisateur. puisque cette création n'est
Il nous faut maintenant étudier le principe même
n'existe pas « en soi et par soi >, de
de la Matière. Dieu seul. Mais elle existe tou tefms en
directe de l' Acf.e Créateur de Dieu, Acte qui, lm,
est permanent. Elle est
*** voulue par Dieu, IL en est donc a la fois l Au-
teur, le Continuateur, le Conservateur.
Une question primordiale est celle-ci : La Matière qu'impermanente nécessairement, elle est scm-
est-elle éternelle ? Nous répondrons évidemment que dée, rompue, par des périodes d'être et de ?on-
non. Mais nous pourrons toutefois soutenir qu'elle est être, de c genèse > et de • >. qm, en
permanente, si nous accordons le nom de Matière, pas se succédant soulignent son impermanence vou-
seulement à son aspect le plus inférieur (le Monde). lue et assurent son renouvellement.
mais encore à celui de Substa11JCe, de Création, même L' Acte créateur de Dieu est donc éternel en
spirituelles. son principe, il ne l'est pas en ses modalités ..
1. - Affirmer que Dieu est « tout-puissant ), c'est Sur ces créations successives, sur les « Umvers
impliquer que cette toute-puissance s'est, néces- antérieurs >, nous avons déjà donné en un. autre
sairement, toujours exercée sur quelque chose, chapitre, les références scripturaires qm per-
de toute éternité, et ce quelque chose, ce sont des mettent d'en souligner la réalité (1).
créatures. Dieu ne saurait en effet avoir été
d'abord < non-créateur » puis < créateur >, ce
qui impliquerait en Lui, une succea1ion donc une
76 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 77
5. Dieu est le « Tout > par excellence, la Création· Dieu laisse se manifester les potentialités la-
(en ses « aspects » successifs) est donc totalement tentes destinées à constituer les créatures, poten-
et absolument « en Dico ». Mais il serait erroné tialités auxquelles il reconnaît et accorde le droit
d'affirmer que Dieu soit totalement en elle. On de l'être. C'est l'Aïn Soph des cabalistes. L'Aïn
ne saurait donc, en soute nant cette thèse, abo utir en est l'opposé.
au panthéisme. Toutefois, on ne saurait non plus,
affirmer que Dieu est totalement absent de cette :8. - Pour conduire, organiser, cette œ uvre créatrice
Création et de ses « univers » successifs, puisque permanente., Die u a Son Logos. Celui-ci à son
!'Ecriture nous dit que c'est son Esprit-Saint qui tour, a un «Maître-Jacques>, le Démiurge. C'est• .
en est le conservateur, et que rien ne saurait on l'a vu, !'Ange tombé.
subsister sans Lui. D 'où ces curieux logia agra-
Créature malgré tout privilégi ée, en vertu du
pha que nous r évèlent les papyri découverts à la
rôle important qui lui est assigné, il a néces-
fin du siècle dernier à Oxyrhynque, en Egypte, sairement des responsabilités supérieures qui ont
et où nous trouvons celle stupéfiante parole du justifié cette grande par1 d e lfüerté, cet important
Christ :
libre-arbitre, qui lui sont laissés dans le Monde.
« Soulève la pierre, tu m'y trouveras ... Fends le II a donc tendance, plus que les autres créatures,
bois ... j'y suis. • (Cité par Daniel-Rops :
à s'égarer.
Jésus en son T emps, p. 20.)
Notons, à ce sujet, que la thèse de Lactance,
6. La Création consfüue donc en Dieu (le « Tout » ) que nous avons rapportée dans l e chapitre con-
une «région» que la Divinité compénètre incom- sacré au « Problèm e du Mal » , n'a jamais été
plè tement. Dieu la suscite (selon l'excelle nte condamnée par les Pères et les Conciles (1).
image des cabalistes pa1estiniens d'avant notre
è re) en retirant une par1ie de Ses Infinies Perfec- ·9. Ainsi donc, la Création est et sera toujours plus
tions, d'une partie de Son Infini lui-même. Ipso ou mo ins imparfaite. Faire dispa raître cette im-
facto, apparaît alors !'Imperfection ! p erfection, équivaudrait alors à détruire l a dite
Les « univers » sont donc nécessairement et Création eo son principe, qui est justement sa
toujours imparfaHs. .différence d'avec Dieu.
C'est cette fraction de !'Essence divine, dépouil- Une création parfaite ne saurait coexister avec
lée par Dieu lui-même d'une partie d e Ses pré- un Créateur parfait car la perfection est une ;
rogatives, qui constitue la 'm ateria prima d e dPUX choses ou deux êtres ne peuvent coexister
toutes ces Créations. de façon absolue sans qu'il manque à l'un ce que
possède l'autre.
7. - Elle est certainement liée à un mystère que l'on Le Monde, ou plutôt la suite des Créations, ne
nomme l'aspect f émz'nin de Dieu, savoir la T énè-
bre Divine. Nous y reviendrons. C'est en 1•1lc que
(1 ) Voir Io rovuo l'INITIATION, n• 2, année 1954.
LA NOTION GNOSTIQU E DU DEMIURGE
79
78 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

feste de multiples façons, revêt deux aspects


sont que des miroitements accidentels dans ce
contraires, souvent même absolument opposés.
gigantesque kaléidoscope qu'est la Pensée Divine.
C'est dire que Dieu et le Monde sont bien dis- L'un d'eux semble à tendances
tincts, et si Dieu constitue en partie l'essence du constructrices, harmonisantes,
Monde, l'inverse n'est pas vrai. . d"ici-
C'est l a vie . bas , l'attraction ' la production,
Or, Dieu est éternel, parfait, infini, parce que l'affirmation.
situé en dehors du Temps et de !'Espace. Le L'autre paraît être à tendances chaotiques, des-
Monde, lui, n'est ni éternel, ni illimité, ni parfait tructrices, involutrices, inh armomqu · es · C'est
. la
puisque soumis au Temps et à !'Espace. mort d'ici-bas, la répulsion, la destruction, .
Nous pouvons donc alors conclure avec certi- négation. le
tude que Dieu et le Monde sont distinds. Concluons donc que le Démiurge n'est pas
seul animateur du Monde, mais qu'il en
10. - Mais si Dieu et le Monde sont distincts, ce dernier · · même de l'action ic1-
est cependant soumis à une volonté qui se mani- la possession et le prmcipe .
bas avec un autre « prince >, qui est le Diable ou
feste en lui et par lui. Cette volonté mystérieuse
fait preuve d'intelligence, et tend manifestement Daïmon du Monde.
vers la réalisation d'une intention. Toutefois, il C'est la présence de ces deux antithé-
semble que cette « âme du Monde > soit amorale tiques qui semble faire croire au dualisme.
sinon immorale. Le plan qu'elle peut avoir sur
le Monde n'est pas suivi de façon absolument 12 Le Démiurge et le Daïmon sont deux forces corn-
rationnelle. Des espèces apparaissent, pour dis- . plémentaires, parfois opposées. Le
paraître ensuite. Des catastrophes viennent pé- ou défait ce que le premier tente ou reahse.
riodiquement annihiler le déroulement de ce Le Démiurge constitue donc en sa volonté pro-
plan que l'on soupçonne. Bref, l'équilibre que pre le Destin (n'oublions pas qu'il est la
cette volonté tend à faire régner dans le. Monde prévisible parce que relativement harmomse,
de façon absolument mécanique est très différent évalué codifié par des éléments durables.
de la justice divine, et très éloigné de toute mar-
que de miséricorde et d'amour. Cette volonté Le . est la fatalité, sous sa. définition
imparfaite comme le Monde qu'elle anime et populaire, c'est-à-dire mattendue,
conduit n'est donc pas celle de Dieu mais celle perturbatrice, toujours ,.
du Démiurge. Le Démiurge est !'Ordre, parfois basé sur_ lm-
justice mais l'Ordre tout de même. Le Dam:1on
11. - Le Monde que nous venons d'examiner d'une vue est ... C'est pourquoi le
d'ensemble est vivant, à des degrés divers en ses une impression de puissance, d une
éléments constitutifs. Mais il est également évi- équité relative à l'égard de qui suit docilement
dent que cette volonté qui l'anime et a'y mani-
80 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 81

morale « relative >. D'où l'aveu du Démiurge est le prince du plan hylique, le Démiurge est l e
a Sa1omon quant à David, son père : prince du plan psychique, et l e Soter, ou Sauveur,
« Hiram, de T!/r, envoya ses vers l'ést du p lan pneumatique, seul dom,aine perma-
Salomon, car 11 apprit qu'on l'avait oint roi à la n ent, éternel, durable.
place de son père, el il avait toujours aimé David... >
On r etrouve là l'image bien connue d'Empé-
(J, Rois, V. 1.)
docle d' Agrigente, qui considérait le Monde com-
le légendaire judéo-arabe, l es serviteurs me un char attelé et conduit. Le cocher du char ·
d H'.ra.m sont en réalité les Génies que Salomon était le symbole du pneuma, le cheval l'était de
a son Ce qui renforce l'hypothèse la psychée, le char de l'hylée.
qu Hiram est l 1mage du Démiurge.
15. - C'est moins pour imiter Dieu que parce que les
13.
- L.e. D estin, s'il est codifié, soumis à des lois, pré- choses inférieures tendent à reproduire les
enchaînem ent des causes et des effets, ses supérieures, que le D émiurge s'est, à son tour,
d éfendable, équitable, eu égard à rétracté d'une fraction de son essence pour, lui
l mtenhon generale du Démiurge et par rapport aussi, se dédoubler et avoir ainsi un auxiliaire.
au pla n qu'il a conçu sur Je Monde.
Mais cette rétraction d'une Créature impar-
La n'est qne la r éaction et le fait d'un faite a encore aggravé l'imperfection primitive
logique, elle n'est que la r éaction dans la fraction ainsi « émanée > et abandonnée
mstrnc1.1ve, systématiquement contraire à tout, à elle-même. D'où la nocivité absolue du second.
du ou Diabolos. Ce dernier est donc
Cette fraction ainsi dédoublée par le Démiurge,
et ce a priori, à toute volonté étrangère / livrée à elle-même, a constitué alors le Daïmon.
a la que cela soit celle de Di eu ou celle
du Demmrge. .
Deux versets de !'Ecriture peuvent souligner
. .C'est dire que le Daïmon tend à détruire les cette imperfection de l'œuvre du Démiurge :
Joies qu.e le Démiurge dispense à la créature,
comme ailleurs à apaiser les peines c Comme Jésus entrait dans Capernaüm (ce mot
que le dll Dem1urge lui réserve, en châtiment signifie « champ de pénitence >, c'est donc bien le
Monde d'ici-bas ... ), un centenier l'aborda, le priant
à sa propre Loi. On peut
et disant : Seigneur, mon serviteur est couché à la
de ceci que certaines joies terrestres maison. atteint de paralysie et souffrant beau-
appartiennent en propre au Diabolos, certaines coup ... > (Mathieu, Evangile : VIII, 5.)
aJU.tres au Démiurge. Egalement que certaines
épreuves relèvent de l'un, certaines autres du Pour Héracléon, disciple de Valentin, (cité par
second.
Origène comme un argument en faveur de l'Apo-
catastase) l'épisode du centenier et de son servi-
14. - Du P<;>int de vue gnostique général, le Daïmon teur malade s'applique au Démiurge et à son
82 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 83
émanation, le Diabolos. La < maladie > c'est le
péché pur. c Car voici ce que dit le Seigneur des Armées, le Dieu
d'Israël : Ne vous laissez point séduire par vos prophètes,
qui sont au milieu de vous, ni par vos devins, et n'ayez
Le second verset, nous l'avons déjà analysé : point égard aux songes que vous avez soitgés. Parce' qu'ils
• Vo.u s avez pour père le Diable, et vous voulez prophétisent faussement en Mon Nom, ce n'est point Moi
accomplir les désirs de votre père ... Il est menteur qui les ai envoyés ... > (Jérémie : XXIX. 8, 9.)
et son père l'est ... • (Jean, Evangile : VIII, 44.) •
Dans ses c Philosophumena >, Hippolyte de Rome
nous rapporte cet enseignement du Gnosticisme tradi-
..• tionnel : ·
c Les disciples de Marcus disent encore que le Démiurge
voulut imiter la Nature Infinie, Eternelle, étrangère à toute
ra On vu, la Loi donnée au Sinaî est imparfaite par limite et à tout temps. Mais il ne put reproduire sa stabi-
a celle que n ous apportera plus tard le Ch . t lité et sa perpétuité parce qu'il était lui-même le fruit d'une
C'est dire que Moïs J · ns · imperfection. Aussi, pour se rapprocher de l'éternité de
. e, osue, etc... ne r eçurent jamais un
e nseignem ent pai;ait, mais seulement une adaptation, l'Ogdoade, créa-t-il des temps, des moments, d'innombra-
une ombre•. la .pr efigure, un à-peu-près. D'où l'apostro- bles séries d'années, s'imaginant imiter ainsi l'infinité de
cette Nature Eternelle.
du Christ a ceux qui vinrent avant lui, et qu'il qua-
c Alors, disent les disciples de Marcus. la Vérité l'aban-
lifie de voleurs et d e brigands (Jean, Evangile X 8-9)
donna et le Mensonge devint son compagnon. C'est pour-
Ce .n'est point Moïse et ses successeurs qu'il traite 'ai .. quoi, lorsque les Temps seront accomplis, son Œuvre pren-
mais ceux qui se manifest èrent à eux bien avant dra fin ... •
comme. étant de soi-disant dieux, et que Paul signale (Hippolyte de Rome : Philosophumena, lib. VI, 55.)
son f!P1tre 1'• aux Corinthiens (VIII, 5-6), c'est-à-dire le
et son fils le Diable. C'est pourquoi, les Pro- Ces Cycles, et les Régents ou Archontes animateurs
•qui .se manifestèrent a u cours de la longue his- de ceux-ci, r essemblent. curieusement aux innombrables
d Israe l, ne furent pas tous ni toujours inspirés par logos, manous, conducteurs, etc ... des systèmes stellaires
ieu et Son Esprit de Vérité. Qu'on en juge : et planétaires que H. P . Blavatsky nous décrit, en sa
théosophie d e la c Doctrine Secrete >, comme cons-
J ' .« dit : Ecoute donc la Parole de l'Eternel
c·a1 :u terne! assis sur son Trône. et toute !'Armée tituant la Création.
auprès Lui, à Sa Droite et à Sa Gauche. li est bien évident que celui que la tradition appelle
t :";{ 1t : • Qm donc séduira Achab pour qu'il fort justement le < plus vieil Esprit d'e l'Univers >, l'au-
mon .e . amoth en Galaad, et qu'il y périsse ? > Et un
."mt se présenter devant l'Eternel et dit : • M i . teur de la révolte initiale, s'obscurcit spirituellement un
le .. > L'Eternel dit alors : c Comment ? o'r peu P.l us à chaque < création > nouvelle, du fait de ses
répondit-il, et je serai un Esprit de ;an! innombrables crimes antérieurs et de ceux qui furent
.a T tous ses Prophëtes ... > L'Eternel dit alors . commis à son instigation. A chaque fois, il oublie un
. e s u1ras et t'.1 en viendras à bout. Sors donc et peu plus ses origines, et la Source Première de TOUT.
amsz ... • (I, Rozs : XXII, 19-23, ou Ill Roi•, Idem.)
C'est ce que le dialogue entre Moïse et le Pharaon
85
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
84 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
. 1 · qu'aux seules filles.
d'Egypte reflète en mode mineur dans l'histoire maté- mâles, et en ne la1s.santd a v1Meonde > vise à l'extinc-
\' l < Prmce e ce . •
rielle d'Israël, histoire qui, comme nous l'avons dit, n'est Pharaon, a ias e désirant conserver en
d prits des hommes, ne · d
que la préfigure, le « reflet >, de celle de l'Humanité tion es es h, (fill s) pour la bonne tenue u
• que la seule psyc ee l e ' .
tout entière. Il est traditionnel de soutenir que Moîse eux . . . bas . son seul service...
est un des « types » préfigurant Je Christ, comme Pha- rôle u'il leur reserve ici- . . .
q . ' . . e divine, personmfie par _les
raon est en réalité le symbole du « Prince de ce Monde >, Cet ? le Démiurge n'en a nul besoin,
et l'Egypte le Monde Matériel où les Ames humaines enfants d suffit d'avoir le support psy-
sont prisonnières : au contraire. Car il l ·1 ' mprime alors sa
. (l'âme) _ auque i l ;
« Moïse et Aaron se rendirent ensuite auprès de Pha- c h ique ' l 'h1'cule de cette âme, le corps
vol onte a· · loisir - et .. e ve. d l'Hylée. Pour remp a- \
raon et lui dirent : Ainsi parle l'Eternel, le Dieu d'Israël : . h · · ple mabere issue e . .
Laisse aller Mon Peuple pour qu'il célèbre au Désert une de c air, s1m , les « principes > n01rs,
fêle en Mon honneur. Et Pharaon répondit : Qui donc est cer l'esprit, il lui suffit, sa prescience et sa
l'Eternel, pour que j'obéisse à sa voix en laissant aller que Dien, de toute eterm e'. P
Israël ? .Te ne connais point l'Eternel... Et pour cela, je ne sage.sse, rejette au Non-Etre . é et il
laisserai pas aller Israël... • (Exode : V, 1-3.) ' vaqua pour les cr er,
< Et le Roi des Ténèb res. e .' . è à J'infmi, des
't des myriades d esp ces.
les propagea .e. • ibles Créatures sans nombre ...
Doutons-nous qu'il s'agisse là d'un passage qu'il milliers et des t alors se développèrent ces
s'agit de traduire en mode supérieur et non pas en s'en Et les ténèbres s agran iren e
tenant à la signification littérale des mots ? Reportons- Démons... • . d'Adam • msst mandéen.)
(< f,e Livre des Tresors '
nous un peu en avant, et nous saurons que la besogne à
laquelle Pharaon tient essentiellement est la procréa- . . récède, Je Pharaon d'Egypte,
tion des corps et l'entretien de l'Univers matériel, son On Je voit par ce qm P '/ t en paille, est bien
préoccupé d'ouvrages en argi e e
domaine, puisque nous retrouvons, là encore, le sym-
bolisme de l'argile et de la paille, analysé au début de l'image du Potier... ·
cette étude :

••
• Alors les Egyptiens réduisirent les enfants d'Israël à
une dure servitude. Ils leur rendirent la L>ie amère par de
rudes travaux en argile et en briques, et par tous les ou- Quelle peut être la part prise par le e:
vrages des champs, et c'était avec cruauté qu'ils leur im-
posaient toutes ces charges ... • (Exode : I, 14.)
dans la création de l'Homme arne '
s:
• Et ce jour même Pharaon donna cet ordre aux inspec- y en a-t-il une ? Par la nous savo:: àC:
teurs du Peuple el aux commissaires : Vous ne donnerez certaines créatures de forme humame ne sont p ssé-
plus .d e paille au peuple pour faire qes briques, qu'ils ail- hommes, qu'elles ne de:
lent eux-mêmes ramasser cette paille... >
(Exode : V, 6, 7.) dant que la simple >y Et l'Evangile
même parfois la s1mp e < Y ee · '
nous le confirme :
D'ailleurs, en décrétant la d estruction des enfants
86 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION . GNOSTIQUE DU DEMIURGE 87
« II (Jésus) leur ·propo 1
dit . I R . _sa a ors une autre parabole el il « Au sujet de cette parole, que tu nous as dite autrefois,
a se"-mée à un qui lorsqu'on t'apporta ce denier, tu vis qu'il était d'argent et
d'airain ... Et lorsque tu vis que la pièce ét,a it mélangée
son ennemi d'argent et d'airain, tu dis : c Rendez au Roi ce qui appar-
a a ...
« Celui qui sème 1 ho tient au Roi, et à Jahveh ce qui est à Iahveh... >
l'Homme Le ch nne semence, c'est le Fils de
. amp, c est le Monde L b
ce sont les Fils du R , . . . a <mne se'mence, Autrement dit, à la mort Oe denier, comme l'obole,
1
Malin, l'ennemi qui '.vrwe, ce. sont les Fils du était déposé sous la langue au moment de l'inhumation), ·
c'est la Fin du Mond e, c le Diable, la moisson, restituez au Roi (Dieu) l'argent (symbole de la Lune, de
An es . e, les moissonneurs, ce sont les
g ··· > . : Evangile : XIII, 24, 25 et 37_40.) l'Eglise) et au Démiurge l'airain, symbole des combats.
• Ils lm dirent · No . et du désordre (l'airain des glaives et des boucliers),·
illégitimes, nous u us pom.t des enfants
Si Dieu était votre Père n seu · 1'. :e · Dieu. Jesus leur dit : c'est-à-dire, respectivement, l'âme et la chair à
que je suis sorti et • ".ous. m aimer1ez, car c'est de Dieu auteurs.
moi-me·me M . ' que 1e viens. Je ne suis pas venu de
· ais c est Lui q · • C'est pourquoi Origène pouvait conclure :
comprenez-vous pas mon envoyé. Pourquoi ne
vez comprendr · arce que vous ne pou- « Et Israël certes, et aussi Juda, sont ensemencés d'une
el c e ma paro1e ... Vous avez pour père le Diable
pèr: vous voulez, c'est accomplir les volontés de semence, non sèulement d'Hommes, mais aussi
··· (Jean, Evangile : VIII, 41-44.) maux... >
(Origène, Commentaires sui' l'Evangile de Jean, l, 29.)
sait combien le Christ a parlé en paraboles
celles-ci sont profondes el à doubl - ' Et, dès lors, certains par l'enseignement même des
a1Ils1 qu'il l'a précisé : e sens, car, Ecritures que l'Arkonte d'ici-bas a pu participer, soit
malgré lui, par ord·r e d'En-Haut, ou par pure malice ou
« Les perles ne doivent pas ê par simple orgueil, à l'élaboration de formes matériel-
ceaux. > tre données aux pour-
(Mathieu. VII, a.) leir, nous devons suivre le développement de cette vérité,
en toutes ses conséquences.
Reprenons donc la parabole du denier de César :
Mais Jésus connaissant leur duplicité leur dit . p Au sujet des Arnes qui appartiennent, les unes au
qu.01 me tentez-vous ? Apportez-moi un denier . .our- Christ, les autres à l'Adversaire, nous lisons ceci dans
vo1e. Ils lui en apportèrent un Et 1·1 1 d , que Je le l' « Evangile des Douze Apôtres >, un apocryphe copte,
qui est tt · · s eur emanda · De
c· . e image. et ce!te inscription? Ils lui dirent ; De qu'Origène n'hésitait pas à considérer comme antérieur
. sus le".r repond1t : Rendez donc à César ce qui est à celui de saint Luc, avec l' c Evangile des Egyptiens > :
a sar, et à Dieu ce qui est à Dieu ... >
(Marc, EU1'1ngile : XII, 13-17.) « Et le Seigneur Jésus descendit de la montagne avec
ses Disciples. Or, voici que Satan se présenta à eux sous
Or'. cette parabole est rapportée de façon bien plus la forme d'un pécheur. De nombreux démons le suivaient,
complete dans un texte du milieu du n• iiecle la Pi r portant une multitude de tilets, de pièges, d'hameçons, et
Sophia, de Valentin : • s 111- de crochets, jetant les uns et les autres sur la montagne.
« Lorsque •esAp6trea 1111 virent jeter leurs filets et leurs
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 119
88 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

hameçons ainsi, ils s'étonnèrent beaucoup, disant : c Sei- médiateur ... ), ou celle complète du Christ, vise à libérer
gneur, quel est l'homme de cette sorte, qui fait de telles l'Homme de certains instincts et de dangereuses pas-
choses dans un désert ?.. . > sions, il apparaît nettement que son corps
c Et Jésus leur dit : • Pierre, celui-là est celui dont je bien au contraire, à les susciter et à les entretetur, pms-
t'ai dit : • Voici que Satan vous demande, pour vous cri- qu'il est organisé et constitué pour cela.
bler comme on crible le froment (1). Moi, j'ai prié pour toi,
afin que ta foi ne défaille pas. > Si donc on admet que ce corps est, entièrement
• Et Jean lui dit : c Que trouvent-ils en un tel dé- . totalement, réalisé conformément aux normes et aux .
sert? ... > Et Jësus répondit : c Mon bien-aimé Jean, celui intentions divines, il apparaît une contradiction fort
après lequel il cherche, voici qu'il l'a pris. C'est le Pécheur nette entre les dits instincts issus du corps et j'a :1 l1>i
qui prend tous les poissons mauvais ... C'est le Chasseur qui morale imposée à l'esprit.
capture toutes les bêtes souillées, et quiconque est mau-
vais ... > Car l'on oublie par trop facilement que les prétendus
• Philippe lui dit : c Qui donc, Seigneur, a été saisi par organes de reproduction ne sont peut-être pas
l'hameçon ou dans le filet de celui-ci ? > Et Jésus lui dit : fait destinés à la perpétuation de l'espèce ! Ils se d1v1-
• Il y a une multitude qui est prise par l'hameçon ou le sent, ne l'oublions pas, en deux catégories. Il y a les
filet de celui-ci... > organes du plaisir sexuel, et les organes de la re!'r.o-
• Et André dit au Seigneur : Seigneur, quel est donc le duction proprement dite. En effet, une femme exc1see,
bénéfice de celui-ci à faire transgresser les hommes ? ... > c'est-à-dire à qui on a retiré le clitoris, les petites lèvres
• Et Jésus répondit : c Est-ce que je ne suis pas v.enu (ainsi que cela se pratique fréquemment en Afrique
pour prendre en Mon Royaume ceux qui sont à Moi? ...
Celui-ci cherche aussi ceux qui sont à lui pour son tozu,. Noire), si elle est ainsi rendue à peu près de-
m ent . Car j'ai supporté cette grande humiliation : Je suis meure féconde, et une femme à qui on a retiré les
descendu dans le Monde, afin d'arracher Mes brebis à la ovaires,. voire l'utérus, demeur.e soumi.s e au désir sexuel
Mort, qui est celui-ci... > tout en étant stérile.
(Evangile des Douze Ap6tres, JV• Fragm'.)
Les organes du plaisir sont donc en m ême temps
ceux du désir. Qui donc alors est leur Auteur ?
.•. Que l'on ne vienne pojnt nous dire que Dieu tente
ainsi lui-même l'Homme, par certains détails de l'en-
Nous observerons tout d'abord que, précipité par veloppe qu'il lui a donnée, pour lui permettre de triom-
Dieu hors de cette c lumière > spirituelle que la tradi- pher èiu .d e succomber. Car ce rôle d e tentateur est
tion nomme Eden, en punition d'un péché primitif, réservé à Satan :
l'Homme-Esprit a été soumis à un .G eôlier qui est le
< Alors Satan se leva contre Israël, et il incita David
Prince de c·e monde. à en faire le dénombrement... > (II" Livre des Rois, XXIV. 1.
Or, alors que ·t out l'enseignement de la Révélation, ou Chr<miques l, XXXI, 1.)
que ce soit celle du Sinaï (imparfaite étant donné son
Mais si, bien au contraire, nous admettons que le
(1) Voir Luc, XXII, 31-82.
LA NOTION GNOSTIOUE DU DEMIURGE 91
90 LA NOTION GNOSTIOUE DU DEMIURGE

Cette division, établie par les Gnostiques, permet à


soin de réaliser ce corps charnel, voulu par Dieu comme
de Faye de conclure ainsi :
devant être la prison de l'âme humaine, au même titre
que l'Univers devenait celle des ·Anges déchus et de la < En dehors de Dieu Lui-même, il y a, si l'on .peut
Collectivité Humaine corrompue, si cette tâche a été rimer ainsi, trois Puissances ou Chefs : le Chns: le De-,
confiée au Geôlier que l'Homme s'était imprudemment le Diable. A. ces trois. correspondent
donné pour Maître, un peu comme à un exécuteur des trois domaines et trms catégories d êtres.
< En haut, est Je domaine spirituel, qui en
hautes-œuvres (et c'est aussi un des rôles du Démiurge),
ro re au Christ. Vient ensuite le domaine
alors nous pouvons admettre que le corps et ses instincts Je Démiurge a été le monarque et le dieu
ont été réalisés en contradiction avec la règle morale l'avènement du Christ. Tout en bas, se trouve Je domame
perçue et admise par l'esprit... matériel, sans un rayon de J'espriL c:est proif:
au Diable. > (De Faye : Gnostiques et na_s icisme, '
En ce cas, on comprend alors des expressions comme < Les disciples de Valentm > .)
< la chaîne des passfons >, c l'aiguillon de la chair >,
< la servifode des instinct! >.
D'où la conclusion des Evangiles :
Ceci semble confirmé par l'influence certaine des
• On ne met pas une pièce neuve sur de la vieille étoffe,
Astres (véhicules, corps physiques, ou simplemént cen-
ni du vin nouveau dans de vieilles outres ... > •
tres de propagation de l'influence occulte des Arkontes) (Luc, Evangile : V, 36.)
sur le corps matériel de l'Homme, el encore mieux par • Un bon arbre ne saurait donner de mauvais fruits,
des « correspondances analogiques > certaines entre le pas plus qu'un mauvais arbre n'en donnera. de bons ... >
Cosmos et l'Homme charnel (Luc, Evangile : VI, 43.)
Et il est non moins certain que ces influences cos-
miques ne déclancheront pas des réactions semblables Ce qui signifie que les êtres de la d'ernière
dans les trois catégories d'hommes. Celles-ci sont, en ne sauraient jamais devenir d'eux-mêmes des
effet, semblables à trois calégories de vas·es. La première ou pneumatiques, et que pour les êtres de la
a les siens garnis de terre féconde et de bonne graines mëdiane (psychiques), ce n'est pas ...
qui lèveront un jour. La seconde a les siens également li ne leur reste qu'une chance : l'interventwn divzne.
garnis de terre, mais d'e s graines y seront-elles jamais Mais sur cette chance, nos Gnostiques nous
semées ? Et dans l'affirmalive, lèveront-elles ? La der- une tradition qui veut que le c Dieu inconnu > smt mter-
nière n'est composée que de vases vides, d'où, par con- veuu en ce sens...
séquent, rien ne saurait sortir, m ême si des graines · D'où cet émouvant appel que les
venaient à y être jetées. C'est ainsi que sont les hommes. d'Hippolyte de Rome nous rapportent, issu des rituehes
Les uns ont l'esprit, l'âme, la chair. Les autres l'âme naasséniennes :
et la chair. D'autres, la chair seulement. Cette triple • Réveille-toi, toi qui sommeille, léve-toi, el le CHRIST
constitution de l'homme est d'ailleurs attestée par saint luira à tea yeux ... >
Paul. (Hippolyte de Rome : Philosophumena, V.)
92 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 93

posé en lui une semence de .la Substance d'En-haut, et


••• _parlait, avec cette hardiesse, en lui.. .
c C'est ainsi que, parmi les hommes éphémères, leurs
.ouvrages sont un objet d'effroi pour ceux qui les ori.t faits,
En ce même ouvrage, nous trouvons ceci : telles des statues, des images, bref tout ce que font leurs
• En même. temps que Basilide, florissait à Antioche de· mains, pour représenter la Divinité.
Syri e un certam Satornil, qui enseignait les mêmes doc- c Car Adam ayant été formé au nom de l'Hamm.e , ins-
trines que Ménandre. pirait la crainte de l'Homme Préexistant, lequel étaif en
. • D'a.f'.rès lui, il existe un Père Unique, inconnu de tous, lui. Alors les Anges furent stupéfaits, et inquiets, ils a{tlf-
qm a cree des Anges, des Vertus, des Archanges, des Puis- .rèrent leur ouvrage. • '-'
sances. Et ce sont des Anges, au n ombre de sept, qui ont (Valentin, Epitres, cité par Clément d 'Alexandrie,
créé le Monde et tout ce qu'il renferme. in Stromates, VIII, 36.) ·
• L'.Homme, lui aussi. a été fait par des Anges. Une
1
Image eclalanle, venant d'en-haut, de la Puissance Suprê- Dans la pensée du grand docteur, les Anges devinent
me, apparut tout à coup. Les Anges ne purent la retenir intuitivement que l'être nouveau qu'ils viennent d e gé-
raconte Satornil, parce qu'elle remonta aussitôt au Ciei'
Alors, ils s'exhortèrent mutuellement par ces paroles • .nérer ici-bas, sera la souche d'une humanité qui, un
sons l'Homme, à l'image et à la Ressemblance ... • jour, Bn donnant naissance au Rédempteur, sera cause
(Hippolyte de Rome : Phi/osophum ena, VII, 23.) ùe la ruine de leur empire.
Lorsque les êtres, issus de ce prototype initial qu'ils
Cette « Image >, Valentin en parle : viennent de créer, se seront débarrassés d e leur autorité,
. · • Autant l'image est inférieure à la vivante physiono- ]orsqu'ils ne jouiront plus, (à travers eux, qu'ils compé-
/
mie, autant l'Univers matériel est au-dessous de l':l':on Vi- nètrent à loisir) de la vie charnelle parce que leur
vant, ou Monde Suprasensible... De même. le Démiurge est -expulsion aura enfin été réalisée, ils ne seront plus alors,
le reflet du Père, qu'on ne peut nommer ... • ces Anges, que des Entités errantes et sans puissance.
(Valentin : Péri Phil6n.)
Cette « possession > utilitaire et égoïste, Valentin
Ce qui veut dire qu'il existe un « Plan > permanent
nous la décrit :
où les Idées sont les Modèles et les Moules éternels d:
tout ce qui est susceptible d'être. C'est en ce Monde « Un seul est bon. dont la présence se manifeste par le
Idéal, que les Anges a'Vaient détecté le Modèle de l'Hom- ·F ils. C'est par lui seul que le cœur peut devenir pur, tout
me et c'est selon lui qu'ils le constituèrent, en évertuant Esprit mauvais étant alors expulsé du cœur. Car une mul-
.tilude d'Esprits demeurant en lui l'empêchent d'être pur,
la vie au s ein de la Matière (qui était leur domaine), en
-et chacun de ces Esprits produit les effets qui lui sont
vue de sa réalisation matérielle. propres .
. c Mais une sorte survint aux Anges, en « Ils· maltraitent l' Ame diversement par de mauvais
pres:nce de cet Etre qu tls venaient de former, lorsqu'il désirs. Et il me semble qu'il arrive à l' Ame, un peu ce qui
profera. des hors de proportion avec ses origines. arrive à une hôtellerie lorsque des gens grossiers y séjour-
Cela lm -..·ena1t de Celui qui, sans se laisser voir, avait dé- nent. Ils percent le1 murs, y creusent des trous, souvent
94 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 95
ils les d'ordure. Ils n'ont aucun souci du lieu, concours de Mgr Lagier, Directeur de l'Œuvre d'Orient,
sous pretexte qu'il appartient à autrui.
Dom O. Rousseau, O.S.B. nous dit ceci : ,
• Il en est de même de l'Ame, tant qu'on la néglige
Elle souillée. Elle est l'asile d'une foule de c On connaît le double récit de la création de l'Homme,
mon•, mais le Père qui seul est Bon a égard à elle, aux premiers chapitres de la Genèse, récit qui deviendrait,
elle est sanctifiée, et elle resplendit de lumière. C'est chez les Alexandrins, la c double création >. Philon l'avait
: bienheureux qui a le cœur pur, parce qu'il verra déjà expliqué dans un sens tout platonicien, à propos de
Dieu ... > (Va lentin : Epîtres.) Genèse, JI, 7, en son Commentaire allégorique des saintes
Lois :
En cela, le grand docteur est en accord avec !'Ecri- c Il y a deux genres d'hommes : l'homme terrestre.
ture : l'homme céleste. L'homme céleste, en tant que né à l'image '
de Dieu, n'a pas de part à une substance corruptible et en
•.Lorsque l'esprit impur sort de l'hamme (par l'effet du général terrestre. L'homme terrestre est issu d'nne matière
ri erre dans les lieux déserts, cherchant le repos, éparse, qn'il a appelée une motte. Aussi, dit-il que l'homme
et li ne le trouve pas. Alors, il dit : Je retournerai dans la céleste a élé non pas façonné, mais formé à l'Image de Dieu,
d'où j'ai été chassé, et si, en arrivant, il la trouve et que l'homme terrestre est un homme façonné, et n on
vide et ornée, il s'en va chercher et ramène sept esprits pas engendré par l'Artiste. Mais il faut réfléchir que l'hom-
plus méchants que lui, et entrant dans la maison, il y fait me de la terre, c'est l'intelligence au moment où elle s'in-
de nouvea11; sa demeure. Et le dernier état de cet homme troduit dans le corps. c C'est celle qui est née de la terre
est a lors pire que le premier ... > et amie du corps, et que Dieu a jugée digne d'un souffle
(Mathieu, Evangile : XII, 43-45.) divin >, et non pas c "!'Intelligence née à Sa Ressemblance
et à son Image. >
Car, nous dit Origène : Chez Philon, l'homme céleste dépendant de la première
création est un être immatériel et transcendant, correspon-
. • Chacun de nous à un adversaire, qui fait corps avec dant à l'idée platonicienne de l'homme. Origène interprè·
lm, et dont est de nous conduire a son Prince... , tera !'Ecriture dans. un sens très différent et plus direct. II
(Origène, Homélie sur l'Evangile de Luc. XXXV.) intériorise les deux hommes, et explique la double création
par les données pauliniennes.
Cette incorporation du Démon en nous, vient de Il dit, en son prologue au c Grand Commentaire du Can-
corps charnel, dont la matière est empruntée a tique des Contiques : c Au Commencement même des dis-
l orzgme, au domaine purement démiurgjque. E t nous cours de Moïse, là où il est question des origines du Monde,
abordons ici le domaine le plus délicat, le plus difficile, nous voyons qu'il est parlé de deux hommes. le premier
du problème posé par l'existence du Démiurge. c qui a été fait à l'image et à la ressemblance de Dieu >,
le second c tiré du limon de la terre > .
C'est instruit et éclairé en cette connaissance que l'apô-
tre Paul a écrit qu'il y a deux hommes en chacun de nous,
••• car il est écrit : c Lors même que notre homme extérieur
se détruit. notre homme intérieur se renouvelle de jour en
jour . > (Il, Corinthiens, IV, 16), et de même : c Je prei:ids
. Dans son c Introduction > à I' c Homélie mr le Can-
plaisir à la loi de Dieu, selon l'homme intérieur. > (Romams,
tique des Cantiques > d'Origène, ouvrage publié avec Je VII, 22), et d'autret choies semblables.
96 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 97
D'où je pense qu'il n'y d d
Moïse ait écrit de la ;e pour personne que
Genèse, puisque l'apôtre qu· ho'."mes dans la
=
ce que Moïse a écrit, parle de mieux que. nous ...•
en son « Entretien avec Hérac/ide > - (Origène, ·'
vert nous déclare . « L'Ecr·t
1
d. cemment décou- Dans un manuscrit dont les bibliothèques de Carcas-
hammes. >) · ure it que l'homme est deux
sonne et de Vienne possèdent chacune un exemplaire, ·
plus connu sous le nom de « Cène Secrè'te • et dont nous .
deu; sur cette idée. Sur ces
vies l'une h• a :ra comme deux structures. deux avons déjà parlé, mais que les Albigeois et les Cathares
ces ': puké ect 1 autre spirituelle, deux attribuaient à l'apôtre Jean comme un fragment, déta-
0 Ro s, . eux amours : et agapé. > (Dom ché volontairement, de l'Evangile joannite traditionné1;•
. usseau : « Origène . Hom T l C
Cantiques, Introduction, pp.· 18 à sur e ,antique des nous trouvons ce curieux passage :
• Satan conçut le dessein de faire un homme qui fut li
D'ailleurs saint Paul nous déclare formellement que : son service. Il apporta donc du limon, et fit un homme à
/'Image de /'Homme Prrmit.if, et aussi à la sienne à lui. En-
• ··· S'il Y a un corps ani 1 ·1 suite, il ordonna à un Ange du Second Ciel d'entrer en cette
rituel. C'est pourquoi il est aussi ?n corps spi- forme de boue. Il en prit une partie et en fit un second ré-
devenu une âm . . • e prermer Adam est ceptacle, en forme de femme. Et il ordonna à un Ange du
esprit vivifiant e _le dernier Adom est devenu un Premier Ciel d'entrer en ce nouveau réceptacle. Et les deux
terrestre, le h premier homm_e, tiré de la terre, est Anges pleurèrent en voyant sur eux des formes mortelles
tr t 1 . omme est du ciel. Et tel est le terres-
et dissemblables. Et Satan leur ordonna de consommer
:errestres. Et tel est le r.éleste, tels l'œuvre de chair en ces formes de boue ... >
(Paul : l" Epitre aux Corinthiens, XV, 44-48.)
No.us constaterons d'abord que la présentation du
Nous _ne savons dans quel livre, probablement dis- récit est faite un peu comme quelque chose de bien
paru, samt Paul a lu qu'il était é "l L . connu, de traditionnel dans l'occulte judaïque, Satan
Adam ... le dernier Ad . en « e premier utilise le procédé des kaba"listes d'Europe centrale, au
. . am ... Bien des ouvrages formant
le fond scnptura1re d'Israël ont été perdus au cour d Moyen Age, pour l'élaboratjon de leurs golem. Et ce
sa longue hi t · . . s e procédé (qu'on pourrait d'ailleurs rattacher au récit de
. s mre, a commencer par ce « Livre des
du Seigneur > que cite le «Livre des Nombres> la Genèse tout aussi logiquement...) est également celui
om res, XXI, 15) et que nous ignoro.ns. Disciple du de la coulée des teraphim, petits « simulacres > divins :
sa:ant Gamaliel, il est possible qu'il ait eu con- • Il y avait un homme de la montagne d'Ephraim nom-
.d ouvrages réservés, lorsqu'il n'était encore mé Mica. Il dit à sa mère : Les mille et cent sicles d'argent
que 1 étudiant Sa"ül de Tarse. qu'on t'a pris et pour lesquels tu as fait des imprécations
même à mes oreilles, voici. Cet argent est entre mes mains,
Quoi qu'il en soit, la Genese nous parle d d c'est moi qui l'avais pris. Et sa mère dit : Béni soit mon fils
hommes . e ces eux par l'Eternel .! II rendit à sa mère les mille et cent sicles
' en ses premier et second chapitre. Et c'est ce
que nous allons maintenant aborder. d'argent, et mère dit alors : Je consacre de ma main cet
argent à l'Eternel, afin d'en faire pour mo.n fils une image
taillée et une Image fon'due, et c'est ainsi que je Te le ren-
LA .NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 99
98 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

drai. Il restitua donc cet argent à sa mère. Sa mère prit deux chapitres traitant de la Cabale des Hébreux, nous dit
cents sicles d' argent. Et elle donna l'argent au fondeur, qui ceci touchant les «Trente-Deux Voies de la Sage.s se .> :
en fit une image taUlée et une image en fonte. On les plaça < Les Trente-Deux Voies de la Sagesse sont les
dans la demeure de Mica. Ce Mica avait une maison de lumineux par lesquels les saints hommes de Dieu
Dieu. Il fit alors un éphod et des teraphim, el il consm;ra par un long usage, une longue expérience des .choses d1vmes,.
l'un de ses fils, qui lui serv.i.t de prêtre. > (1) et une longue méditation sur elles, parvemr aux Centres
(Livre dés Juges : XVII, 1-5.) Cachés ... > •
(Kircher, Œdipus IEgyptiacus, Cabala Hebracorum §· 11.)
Nous avons vu que pour certains docteurs de la
Gnose, (sinon tous) tels que Valentin, Satornil, Ménan- Ces trente-deux voies mystérieuses ne sont autres'
dre, des Anges appartenant au Cosmos matériel ont que les trente-deux premiers de l_a
créé une forme humaine, l'ont dotée ainsi et d'une chair· lesquels on rencontre le nom d1vm Elohim. c
et d'une psychée. Puis, par suite d'un insondable décret Dieu en français, et, plus précis encore en hebreu :
d'un Dieu qu'ils ne connaissent pas, ou qu'ils ne con- « Dieu, renfermant toutes les forces, tous les attributs,
naissent plus, la Grâce d'En-Haut a insufflé invisible- dieux, juges, anges, avec le sens de divin, e_xcellent :> (Cf.
ment un Esprit à cette créature encore presqu'aniinale. « Dictionnaire Rabinique hébreu-françazs », de N.-P.
On peut d'ailleurs, avec quelque logique, y voir ce que Sander - Paris, 1859, Archives Israélites).
les hommes de science moderne nomment le « déclic », Cette précision nous permet donc d e délimite'. d_e
encore mal défini, et qui est à la source de l'évolution façon très exacte le texte s'y rapportant, et de fa1_t, il
de tels grands anthropoïdes disparus vers le futur règne part du verset 1 du premier chapitre _pour se termmer
hominal. Evolution qui fut soudaine, inattendue, selon avec le verset 3 inclus du second chapitre ...
Jeurs conclusions. Car immédiatement avec le verset 4 du même second
Or, si nous nous reportons aux deux premiers cha- chapit;e, nous voyons apparaître un mode d'ex-
pitres d'e la Genèse, nous ferons certaines conclusions pression pour définir Dieu : Yaveh Elohim.
curieuses. Ainsi nous pouvons nous étonner que d'après un
En son « Œdipus .!Egyptiacus », le R. P. Athanase texte primitif exclusivemeot manuscrit, copié sur des
Kircher, S. J. (Rome, 1652-1654, 4 volumes in-folio) aux peaux cousues bout à bout, montées
de cèdre, ne comportant ni ponctuatzon, ru (a
(1) Ephraïm, en hébreu, signifie mu'ltiplication. Mica signifie sem-
l'origine et pendant fort longtemps) aucun de ces pomts
blable à ... Ce verset rend un soo particuliérement ésotérique.
Il est évident que l'image taillée est le prototype, le modèle, qui c iroir d'encre >. Les bhalistes connaissent la cérémon}e du
permettra de réaliser un moule dans lequel sera coulée la sec.onde !:m:Z:t du c NOM > dans laquelle l'initié endosse une de hn
image. Cet épisode nous un aspect de la magie divinatoire des blanc image du c corps spirituel > qui va peu à peo se pour
anciens Hébreux. L'éphod est un corselet de toile de linJ destiné à lui Par la pratique de la vertu et de l'Hude, tunique ans a
revêtir la statue du dieu. Soit en le revêtant à son tour, soit en re- de 'laquelle on· a composé, au cours d? tissage, le N0 M > bl:
vêtant un semblable, préalab'lement consacré au dieu et pour cet usage, Dieu; le Tétragramme. Mais que dire de ce Mica .« 1em a
le desservant de ce culte s'imprègne de Ja pensée du dieu, il entre à ) our qui le Fondeur fait nne Image taillée et une image. fondue,
en rapport médiumnique avec lui. D'ota l'utilité d'un enfant vierge Xeux almulaore1, ml!• et femelle ? N'est-ce pas le ?.-
dans ce rite. Aujourd'hui encore en Orient, cet usage est observé :pour
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
101
100 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

sur la Terre, et d'homme i\ n'y avait point pour cultiver la


massorétiques permettant de reconnaître les voyelles (-Genèse, 11, 1-5.)
T erre ... :i>
des consonnes, on ait pu rompre l'enchaînement des
verse ts au 31• verset du chapitre I, et faire alors débu- Et nous nous trouvons devant une contradiction
ter un second chapitre, alors que la tradition des « Tren- gulière. Car en ce 5• verset du Chapitre Il, on n?us dit
te-D eux Voies de la Sagesse > permettait, au contraire qu'il n'y avait pas encore d'homme pour cultiver la.
de rompre le texte trois versets plus loin ... Terre; Mais on oublie que, déjà, au 26• verset du
A moins que cela ne soit voulu, et qu'il s'agisse là pitre l, l'homme était eréé : . ;
d'une occultation du texte, à l'intention du vulgaire ... < Elohim dit : Faisons l'hefmme à image, à notte
Quoi qu'il en soit, et à partir de la trente-deuxième ressemblance et qu!il domine sur les poissons de la
répétition du nom Elohim, son emploi cesse, et nous sur les du ciel, sur le bétail, enfin sur toute la terre
voyons aussitôt apparaître une dénomination nouvelle : et sur tous les êtres qui s'y meuvent.
« Elohim créa donc l'homme à son image, à _l'image
Yaueh Elohim. Cette dernière sera employée exacte-
d'Elohim il créa mâle et femme furent créés à la f01s. >
ment vingt fois, jusqu'à la fin du troisième chapitre. ' ' (Genèse, 1, 26-27 .)
Revenons donc à la fin du premier chapitre. Le
second commence ainsi, dans les traductions de langue Mais pour le second Chapitre de la Genèse, c'est
française, qu'il s'agisse d'une Bible catholique, protes- bien après que l'homme est créé :
tante ou juive : < Yaveh Elohim façonna l'homme, pous.sière détachée
du sol Yaveh Elohim fit pénétrer en nannes un sonf(le
de vi;, et l'homme devint un être. vivant, Yaveh ,Elohim
« Chapitre Il. planta un jardin en Eden, vers l'orient, et y plaça 1 homme
qu'il avait façonné. > (Genèse : 11, 7-8.)
c 1 - Ainsi furent terminés les Cieux et la Terre . avec
tout ce qu'ils renferment. Mais cette apparente contradiction s'explique fort
• 2 - Elohim mï.t fin, le sepUème jour, à l'Œuvre faite simplement si, compte tenu de ce que les
par Lui ; et. Il se reposa le septième jour, de toute l'Œuure c Trente-Deux Voies de la Sagesse », nous termmons
qu'il avait faite. le Chapitre I de la Genèse après le 3• verset du II·.
c 3 - Elohim bénrt. le septième jour, et le proclama pitre, et si le dit second Chapitre commence en realite
saint, parèe qu!en ce jour; Il se reposa de l'Œuvre entière avec Je début du troisième verset ...
qu'll auaU produite et organisée. Et dès lors, nous nous trouvons en présence de deux
c 4 - Telles sont les origines du ·Ciel et de la Terre, textes, ou plutôt de deux Liures bien différents.
lorsqu'ils furent créés, à l'époque où Yaveh-Elohim fit une Le premier chapitre nous donne cl.ef de la Créa-
Terre et un Ciel. > tion Totale par le Dieu Suprême Lui-meme.
c 5 - Or, aucun produit des champs n'apparaissait en- C'est un tout. Il constitue un Liure, au sens exégé-
core sur la Terre et aucune herbe des champs ne poussait tique du mot, au même titre que les Nombres, le Deuté-
encore, car Yaveh Elohim n'avait pas encore fait pleuvoir
102 LA NOTION GNOS'r!QUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 103

ronome, etc... On pourrait le nommer l·a G d Sans doute, il est impossible de supposer que Je
Genèse >. < ran e
Démiurge n'a pas, en suivant cette implusion qui l'inci-
Et le débute en réalité au quatrième tait à créer la forme charnelle de suivi irtcons-
verset, soit aznsz : demment des Ordres Supérieurs, émanant du Père Su-
• Voici les origines du Ciel et d 1 T ,. prême, ordres qu'il ne comprenait pas toujours, ni n'en •
créés, à où Yaveh Elo;;.,,,3 voyait distinctement l'aboutissement.
ion e ce terme) fit une ferre et un çie/. > (Genèse Il, 4). Soutenir le contraire serait prétend'r e que l'incarna-
tion du Christ fut une conséquence d'un essai, d'qne
. Cette phrase, que l'on constitue ainsi la « conclu- expérience, d'une ambition du Diémurge, alors qu;eil
> du déroulement antécédent des • Trente-Deux réalité, elle était inscrite de toute éternité dans la· Pen-
Voies >. en l'ouverture, la • présentation' >, sée Divine
de ce quz va suwre, savoir :
Mais il n'en est pas moins à peu près certain, si l'on
la création d'une te<re et d'un ciel par un tr accorde au texte sacré quelque autorité, que l'homme
de la Divinité ; i.. Démiu.rge... au e « aspect » charnel a pour auteur le Démiurge, inconscient artisan
C'_est à cet instant que se situe la remarque des de la· future Incarnation, alors que l'homme spirituel a
« phzlosophumena >, citant les disciples de Marcus (et pour auteur le Dieu Suprême.
tous les gnostiques d'ailleurs) : Cette théorie était peut-être, plus qu'on ne le croie
communément, volontiers soutenue par le grand
c .. .le Dém_iurge voulut i'miter la Nature Infini Et -
étrangère à toute limite et à tout temps A _e, ?' Origène :
t-11 des te d · uss1... crea-
. mps, es moments, d'innombrables séries d'an- c Nous aussi, si nous avons eu le Pharaon pour
nees. etc... > (Hippolyte de Rome : Philosophumena, VI, 55.)
c Telles sont les origines du Ciel et de la Terre, lorsqu'ils furent
C'est à cet instant que se place la création de l'homme créés, à l'époque où l'Eternel Dieu (I;aweh Elohim), fit une ter.re et
un ciel ... > ·
cha;nel, forme issue d e l'argile des origines, limon mo- Ver.sion Lemestre d-e. Sacg :
d'es Anges (Elohim, on l'a vu, est une plura- Telle a été l'orig5ne du ciel et de li.a Terre, el c'est ainsi qu'ils·
bte ?1vme, signifiant dieux, anges, etc... ) en vue de leur furent créés, au jour que le Seigneur Dieu (laweh Elohim), fit l'un et
l'autre ...
_1>0ur l'organisation (culture) du Monde ma- Version Louis Segond :
ter1el, demrnrge secondaire. D'où la phrase célèbre : c Voici les. origines des Cieux e l de la Terre lorsqu'ils furent créés.
Lorsque l'Eternel Dieu (laweb Elohim) fit une terre et d es cieux,
c Voici que l'homme est devenu comme l'un de nous auOOn arbuste des champs, etc... >
en la connaissance du Bien et du Mal. .. > (Genèse, Ill, 22.) Version d'Ostervald :
« Telles sont leS origines des cieux et de la terre quand ils furent
Ce. second. Chapitre lui, est donc en quelque sorte la oréés, lorsque l'Eternel Djeu (laweh Elohim), fit la terre et Jes
< Petzle Genese > (1). cieux... >
Ver&ion de l'Ecole dd léru:Ji;l.lem :
c Au tempe où Iahvé Dieu fit la terre et le cielt il n'y avait enoore
(1) les diverses traductions de ce verset enenlieJ aucun arbuste des champi aur la tei:re... >
A) Vera.on du Rdbina-t : Et dan1 le venet, priddont, eat rattaché la pbTase : c Telle fut la
gen611 du ciel et da la terre quand Ils furent créés. >
104 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 105
père, même si le Prince de ce M nd
les amvres du Mal o e nous a engendrés dans tait pas des échanges d'idées ni des remises d'enseigne-
la Loi Divine aux Eaux. recueillons ments secrets en cette matière.
... ng ne : omé/ie sur /'Exode, II, 4.) .
Ainsi, les découvertes qui pouvaient être réalisées
Toutefois, redisons-le encore le Dé . . sur ce sujet étaient-elles toujours personnelles et in-
rien fair t h ' mmrge ne peut
régit la re c ose que d'œuvrer dans la Matière il transmissibles.
. rur et non !'Esprit, il crée l'Homme d'Arg,ile Pourtant, ce que nous disent Arthur Drews dans
mais pas l'Ame Vivante :
< Die Christusmythe > et B. Smith dans c Der vor
• Jérémie l'a prédit . V · · christli'Che Jesus >, avec raison, à côté du judaïsme 'or-
cri, elle a amassé ce que. la Perdrix a lancé son thodoxe, il existait en Israël, ou sur ses confins, de5
constitué des richessesqinjust na JX>_Lnl engendré, elle s'est
ront au milieu d J es, mais celles-ci l'abandonne- tes qui, par leur gnosticisme, s'apparentaient déjà
Insensé ... > la sa vie sera celle d'un par avance, au futur Christianisme. Dans son < Proble-
lie sur l'Exode, I, 5 .) · I, ll, cite par Origène, in Homé- me de Jésus C. Guignebert nous dit que « ... dans les
plus avancés en hérésie, on peut soupçonner le culte du
• Le Diable comprend , t . .
la Perdrix, amassant ce c es 1Ill qui est figuré par dieu de la Vérité Suprême, opposé au dieu organisateur
que ceux "I . . . a pas engendré. II comprend de la matière, ou Démiurge, assimilé à Yaveh > (Cf. Ch.
teront au IDJustement autour de lui, le quit- Guignebert, Le Prôblème de Jésus, pp. 95 et suiv.).
Seigneur et suivre Jés?s-Christ, leur
• • Ill, es a engendres... • Là, il est un point important qu'il importe d"e ne ja-
(Origène, op. cit. I, 5.) mais oublier, à peine de tomber dans l'erreur marcio-
nite. C'est que Iaveh Elohim est bien un des < Noms
La Perdrix était en effet, dans l'antique Orient 1 Divins > de !'Absolu, du Dieu Suprême, du « Père de
symbole des voleurs d'enfants (Cf Ch · b ' e I
L · · ar anneau-Las- toutes les Paternités >, comme le nommaient les Gnos-
say : « e Bestiaire du Christ ,. LXX IV . La p d .
antithèse de la Caille.) ' ' · er nx, tiques. Mais que le Démiurge est aussi, z'ci-bas, l'Ange
qui porte le dit Nom :
. Peut-être est-ce pour éviter de tomber dans • Voici que j'envoie un Ange devant toi, pour te proté-
tam extrêmis . un cer- ger en chemin et pour te faire arriver au lieu que je t'ai
. , me gnostique que les docteurs d'lsra --1
scmderent le texte sacré de la Genèse d tt f e préparé. Tiens-loi sur tes gardes en sa présence, et écoute
Rétablir la r · t't' . . e ce e açon. sa voix. Ne lui résiste point, parce qu'il ne pardonnera pas
epar 1 ion ventable des versets c'éta't . . vos péchés, car Mon Nom est en lui... Mon Ange marchera
demment mett 1 .. • 1 eVI-
re en um1ere ce qui constituait c rt . devant toi et te conduira chez les Amoréens, les Hétiens, les
nement un de 1 d e ai-
.. s p us gran s ·a rcanes de cette tradition Phéréziens, les Cananéens, les Héviens, et les .Tébusiens,
orale que Moise et les soixante-douze Anciens du p 1 Je les exterminerai. .. > (Exode ·: XXIII, 20-23.)
reçurent au Sinaï. eup e
L'Ange qui porte le dit Nom est donc un Ange de
. de prononcer les véritables noms di- Rigueur, c'est le Démiurge, qui sanctionne et récom-
vms et surtout celui de Iaveh Elohim, le fait pense, sans y mêler la moindre indulgence ou miséri-
de lm substituer celui d'Adonaï (Seigne· ur)
, ne permet- corde, c'e1t le promulgateur du talion, il est double f
106
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 107
S\ encore, il nous suffirait de relire c Le Royaume des Cieux est comparé à un Roi qui vou-
ce qu ecr1vrut le prophète Habacuc : lut faire rendre des comptes à ses serviteurs. Et ayant
commencé à le faire, on lui en présenta un 'qui lui devait
ta :e du côté du Midi, et le Saint de la mon- dix mille talents. Mais, comme il n'avait pas le moyen de
parailra(Hdevant Sa Face, et le les lui rendre, son maitre commanda qu'on le vendit, lui,
··· • abacuc : III, 3, 5.) sa femme et ses enfants, et tout ce qu'il avait, pour
faire à celte dette.
les Ange s du Shemam horash c Ce serviteur, se jetant à ses pieds le conjurait, en lui
(qm n en constituent en réalité qu'un seul) b ' p ' disant : Seigneur, ayez un peu de patience, et je vous ren-
des Cab l ' 1 • Ien connus
. a is es, sont-ils doublés de soixante-douze mau- drai tout. Alors le Maître, louché de compassion le l,a issa
Anges, dont les prérogatives sont exactement con- aller et lui remit sa dette.
raires. Or, les données cabalistiques traditionnelles qui c Mais ce serviteur étant sorti, trouva un de ses compa-
Je Shemamphorash, ou « Grand NOM de gnons qui lui devait cent deniers. li le prit à la gorge et
t 2 Lettres ». contiennent, voilées, les indications per-
l'étouffait, en lui disant : Rends-moi ce que tu me dois.
de decouvrir les noms des Soixante-d c Son compagnon, se jetant à ses pieds, le conjurait en
vais Anges (1). . onze mau- lui disant : Ayez un peu de patience et je vous rendrai tout.
• Mais l'autre ne le voulut point et il s'en alla. le fit
fi Pa;exem!'le, Barie/, quarante-sixième Ange, signi- mettre en prison, jusqu'à ce qu'il eut payé tout ce qu'il lui
l e «. ournaise de Dieu • ou « Lion de Dieu > C'est devait.
e nom de des holocaustes dans Ezéchiel, XLIII
c Les autres serviteurs, ses compagnons, voyant cela,
nous dit qu'il donne les plus en furent extrêmement affligés et vinrent instruire leur
:elations, fait connaître les secrets de la Nature fait maître de tout ce qui s'était passé.
en songe les choses désirées. Or, les données c Alors, son maître l'ayant fait venir lui dit : Mauvais
hstiques qui l'accompagnent révèlent le nom de serviteur, je vous avais remis tout c_e que vous me deviez
opposé : Etoalbaal, lequel cause l es tribulations d'esprit parce que vous m'en aviez prié. Ne fallait-il pas que vous
porte à commettre les plus grandes eussiez également pitié de votre compagnon, comme j'avais
quences, envoute les esprits faibles et dont le nom . . eu pitié de vous ? ·
fie : « Fournaise de Baal » ... ' sigm- • Et ce maitre, toute en colère, le livra entre les mains
des bourreaux jusqu'à ce qu'il eut lui-même payé tout ce
qu'il devait.
.•. • C'est ainsi que vous traitera Mon Père qui est dans le
Ciel si chacun de vous ne pardonne à son frère .du fond
du cœur... (Matthieu : Evungile, XVIII, 23-25.)
Le Démiurge est un intendant infidèle mais .
tendant malgré tout, c'est aussi à lui que 's'appli::e Cette parabole a , outre son aspect moral, une signi-
parabole du créancier débiteur : a fic.ation supérieure. Le Maître, c'est Dieu, le Mauvais
Serviteur, c'eet le Démiurge implacable, qui promulgue
(1) Lenain : • La Science •· (Amlen1 1828.) une Loi aant charité, le talion, et détourne à son profit
108 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTJON GNOSTIQUE DU DEMIURGE 109
un culte dû à Dieu seul. Et le
l'Homme. second Serviteur, c'est la foudre .. . Le Seigneur des Armées les protégera, ils dévo-
reront leurs ennemis, i/s boironI teur sang, ils en seront
• enivrés comme du vin, ils en seront remplis. comme les
•• coupes du sacrifice, enduits comme les cornes de l'autel... >
Si l'on· se souvient du passage d e saint p l . (Zacharie, IX, 14-15.)
celu· · · · 1 au ou
i-c1 a nalure du Prince de ce Monde en tant
que « Pmssance de l'Air » ; Non, !'Elohim de /'Orage, le Héraut du Sinaï, est un
personnage un peu différent du Père Suprême, c'est bien
• Vous étiez morts par vos offenses et par vos échés !'Ange de Rigueur, mais pas le Dieu de Miséricorde que
dans lesquels vous. marchiez autrefois, selon la lot de
prêchera Jésus. Il faut le prendre tel qu'il est, avec
selo1! le Pnnce de la Puissance de l' Air, de l'Es rit
qm agit maintenant dans les incrédules et les • défauts et avec ses grandeurs, se souvenir simplement
(S. Paul : Epftre aux Ephésiens, II, 2). qu'il est lui aussi une Créature ; et que si DIEU l'a uti- .
lisé, s'il lui a donné un rôle, c'est que la Sagesse mvine,
certains versets de l'Ancien Testament
e trangement... Qu'on en juge : qui voit au-delà, avait ses raisons.
Sans doute, le Christ a-t-il affirmé que jusqu'à la
« Il
a ch?isi sa retraite dans les Ténèbres. li a sa tente Fin des Temps, la Loi demeurerait :
de lui, et cette ten.te, c'est l'eau .ténébreuse des nuéès
: Les sont fendues par l'éclat de sa présence, • Ne pensez pas que je sois venu pour détruire la loi
e i en a fait sorbr de la grêle et des charbons de feu ... > ou les Prophètes. Je ne suis pas venu détruire mais
(Psaumes : XVII, 13-15.) accomplir . Car je vous le dis en vérité, le Ciel et la Terre
ne passeront point que tout ce qui est dans la Loi ne soit
Souvenons-nous de cet étrange « ouvrier qui souffle parfaitement accompli, jusqu'à un seul iota et un seul
pojnt ... • (Matthieu; Evangile, V, 17, 18.)
sur les charbons de feu dont il a besoin pour son ou-
vrage >, souvenons-nous du « meurtrier qm· Mais d'autres passages des Epîtres de Paul ou d'e
" t . . ne songe
a .. out perdre >, cite par Isaïe (LIV, 16), et le dieu du Pierre, et des Actes des Apôtres, mettent la chose au
Sma1 va paraître bien près de ces « autres dieux et point et précisent ce qu'il faut entendre par là. En outre,
s.e1gneurs » dont parle saint Paul (/" Epitre aux il est parmi les Logia Agrapha des premiers temps du
Cortnth1ens, VIII, 5, 6). Christianisme, un aphorisme curieux. Le protestant
Il rien de commun avec le Père auquel le Christ Théodore de Bèze l'ayant découvert dans un vieux ma-
fera .s1 souvent, par la suite, une allusion fort claire. Car nuscrit du couvent Saint-Irénée, à Lyon, l'envoya aus-
le dieu du Sinaï est un peu différent du Dieu ensei- sitôt à l'Université de Cambridge, avec cette note pru-
gnant aux Hommes l'Amour et le Pardon : dente du docile c jéoviste • qu'il était : « A dissimuler
plutôt qu'à publier. >
• !-e est un dieu vengeur et un dieu jal<Jux
Le Seigneur fait éclater sa v.engeance et il le f "t F • Cette curieuse parole du Christ est rapportée par
rèur Oui le Se" · ' ai avec 1 u- Daniel-Rops, page 428 de son ouvrage « Jésus en son
. igneur se venge de ses ennemis ... >
(Nahum : 1. 2.) temps >.
« Le Seigneur des Armées ... lancera ses dards comme Dans le Coede:r. Bezae que possède maintenant l'Uni-
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 111
110 LA NOTION GNOSTIQUE DU .DEMIURGE

planté par le Démiurge. Alors que la seconde consiste


versité de Cambridge, il existe une version de l'Evan-
gile selon saint Luc où, au VI• Chapitre, 4• verset, s'in- dans la Charité (Mathieu : V, 44 - VII, 12, 22, 36 -
Jean : XIII, 34 - Romains : XIII, 10 - Galates. : V, 14,
tercale un étrange passage :
VI, 2 - 1" Timothée : I, 5).
• En ce jour-là, voyant quelqu'un travailler pendant
sabbat, Jésus lui dit.: H_omm e, si tu sais ce que tu fais, En effet, la Loi du Talion ne faisait que déplacer le •
bienheureux es-tu ! Mais s• lu ne le sais pas, tu es maudit, Mal en un déséquilibre perpétuel. La Loi du Pardon
transgresseur de la LOI ... > anéantit le Mal en l'assimilant.
Enfin, la Loi juive, pour imparfaite qu'elle soit,
En effet, dans le premier cas, l'homme se libère d'une présentait et représente encore, malgré tout, quelque
contrainte, inutile, eu égard à l'utilité du but poursuivi. chose d'infiniment supérieur aux cultes idolâtriques des
Dans le second cas, il viole une défense légale, sans peuples voisins d'Israël. Il est donc normal qu'elle dè-
raison que l'intérêt m atériel. Dans Je premier cas, meure, jusqu'à la Fin des Temps, l'héritage d'un peuple
il est un libéré, dans le second cas, un simple désobéis- choisi qui, s'il n'est pas encore acquis au Christ, doit s'y
sant.
rallier vers l'approche du Grand Sabbat.
Cette observalion de la Loi par Jésus ne saurait
d'ailleurs, en aucun cas, être obligatoirement considérée ..
comme une approbation de tout ce qu'elle a impliqué de ·*.
meurtres et de violences pendant l'histoire d'Israël.
Ici, le . Christ entend simplement dire que la Loi est Sur le Démiurge, les docteurs de la Gnose se sont
nécessaire pour l'annonce et la justification de Sa pro- volontiers étendus. Citons quelques extraits de la c Pis-
pre Mission. C'est là en effet l'utilité première de l'An- tis Sophia>, attribuée à Valentin, extraits qui, si imagés
cien T estament qui, par les Récits et p ar les Visions des qu'ils soient, ne sont pas pour cela dépourvus de toute
Prophètes, nous révèle la Chute, son r emède, la venue profondeur :
d'un Sauveur, les moyens de le reconna.îtœ et de
• Et selon le Commandement de Mon Père, le Premier
tifier. Mystère, Je (Jésus), descendis dans le Chaos, la
En outre, et c'est là l'aspect plus particulièrement Puissance à Face de Lion, qili était la plus grande « lum1ère
gnostique du problè me, cette conservation de la Loi, de ce lieu. Je lui enlevai sa clarté el je frappai tous les
pourtant dépass ée, permet à travers les siècles, aux rejetons du Triple Pouvoir. Alors, t?us sans
puissance, dans le Chaos ... > (Valentm : Pzstrs Sophia.)
générations successives, de constater les différences fon-
damentales entre la Loi de Rigueur de l'Ancien Testa-
On sait que le Lion est, dans le Tétramorphe d'Ezé-
ment et la Loi d' Amour du Nouveau, cette Loi qui, selon
chiel, le symbole de la Justice absolue (d'où la Loi du
saint Paul, ne nous donnait que la connaissance du Pé-
Talion), et, en son mauvais aspect, des épreuves de la
ché (Romains : III, 20, VII, 1, 7) - (Gala/es : III, 19) et
Vie. D'où la parole de !'Ecclésiastique appliquée à
ne produisait que la Colère (Galates : IV, 15) sans doute
fruits de !'Arbre de la Connaîssance du Bien et du Mal David :
112 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 113

en sa jeunesse, avec les lions, comme avec des Le Dragon en question est donc bien le Prince de ce
· (Ecclésiastique : XLVII, a.)
Monde, et comme le dit l'apôtre J ean en sa première
Mais c'est encor.e une image de )'Esprit dU Mal . . Epître, « L'Univers tout entier est sous son empire > (V,
qu'en témo· l' · . , ams1
igne ep1sode du « Livre des Rois > d 19).
lequel on voit David (dont l e nom signifi ' ans
hébreu) lutter contre un lion : e amour en
C'est également le Révolté initial
• Lorsque votre serviteur m .t . « Et le Grand Orgueilleux, qui est la troisième des Tri-
son père, il est venu parfois paitre les troupeaux de ples Puissances. et qui réside dans la troisième Région des
portait un bélier du trou ea un wu . ou un ?urs, qui em- Eons, CP.lui qui fut indocile en ne produisant pas toute la
je les attaquais ... je leur après eux ... pureté de la force qui est en lui el en ne montrant pas la
. p101e ... >
(Livre des Rois, livre, XVII, 34.) Pure Lumière au temps où les Eons donnaient leur pureté,
celui-là voulut être le souverain de la troisième Région et
Démon est représenté par saint Pierre comme un celui de ceux qui sont en-dessous ... >
(Pistis Sophia, op. cit.)

• Soyez sobres et veillez 1 D. Ce passage semble montrer que, pour les Gnostiques,
tourne autour de vous tel e votre Ennemi,
ion rugissant. > Lucifer aurait dissimulé l'existence du Dieu qui lui
(Pierre, ] " Epitre, V, 8.) était supérieur aux Hiérarchies qui lui étaïent soumises.
D'où la prière d e la liturgie latine :
A rapprocher de la théorie d e Denys l'Aréopagite sur
l'illumination progressive des Chœurs angéliques, illu-
« Libérez-les Seigneur de 1 . mination descendant de haut e n bas. Enfin, que les Eons
(les Ames) ne soient pas' engl a tueu 1e du lzon, et qu'elles
nal... > (Bréviaire romain : Lit ou le Ta:tarc infer- et l es Anges seraient identiques.
toire de la Messe .) urgie es Funérailles, Offer-
Et ici, on nous révè le le nom du Démiurge :
Revenons à la « Pistis Sophia » ; • Ils la jetè.rent (I'Ame) dans le Chaos dont la moitié est
de flammes et l'autre moitié de ténèbres, là où se trouve
• Marie, continuant de parler, dit à Jé . . l' Arkonle a face de lion dont je v.ous ai parlé bien des fois.
quelle est la form e des ténèbre té . sus · Seigneur, Et celui-ci est laldabaoth ... > (Pisfü Sophia, op. cit.)
renferment-elles de lieux de t s ex rieures ? Et combien
ourments ?
• Et Jésus répondit · Les T é èb . .
Grand Dragon dont la e t n res Exleneures sont un Plus loin, I.e r écit nous dit comment J ésus a pu libé-
est en dehors du Monde de sa gueule. Il rer les Arkontes d e ce d ésir d e puissance et de cet or-
tier ... II enserre un grand n 'be ' entoure le Monde en- gueil qui les égaraient, en leur faisant oublier le motif
qui comprennent douze lieuxhde de ceux<i. Ainsi, la miséricorde implique ici, en m ême
est un Arkonte... > ·• en c acune d elles,
. temps, une déchéance spirituelle, donc un châtiment non
( « Pistis Sophia > traduc de G S h . douloureux. Les Arkontes n'en ont pas conscience, mais
Di r · ' · · c wartz m
c 10nna1re des Apocryphes, do Migne'.) il demeure éducatif pour les autres Etres :
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 115
114 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

• Avant què je ne divulgasse Ma Mission à tous les Ar- Voici quelques extraits du c Li11re. d'Enoch >
kontes des Cycles et à tous les Arkontes de l'Heimarmène c Le Seigneur a décidé en Sa J que .t ous les habi-
et des Sphères, ils étaient tous Ués· à leurs chaînes, à leurs tants de la terre périraient, parce qu Ils tous l_es
Sphères. à leurs Sceaux, selon la manière que IAO, Gardien ·secrets des Anges, qu'ils ont maintenant en la pms-
de la Lumière, les lia dès le commencement. sance des Démons Ennemis, celle de la Magie, et celle de
• Et lorsque fut venu le Temps du Nombre de Melkis- la coulée des Idoles ... Ils savent comment l'argent se tire
sedec, le Grand Héritier de la Lumière, il vint au milieu de la poussière de la terre, comment il existe dans
des Sphères et il ôta la Pure Lumière à tous les Arkontes, trailles du sol des lames métalliques, car le plom):> et \ étam
tant des Cycles, des Sphères que de l'Heimarmène, leur reti- ne sont pas des fruits de la terre ! li faut !es chercher
rant ce qui les avait h'oub/és... (Pistis Sophia, op. cil.) jusque dans ses entrailles ... Et l'Ange qut était pr,éf>sé à
leur garde s'est laissé corrompre ... > · •
(Le c Livre d'Enoch » LXl\T, s,-s. m
• • Dictionnaire des Apocryphes > de Migne.)
••
• Alors Dieu dit à Noé dans un songe : Quant aux Anges
qui ont commis l'iniquité, ils seront jetés en cet.te ':allée
Que le Démiurge ait eu son culte partiel au sein du
Ardente que ton aïeul Enoch t'a montrée vers 1 occident,
T emple de Jérusalem, c'est ce que nous avons tenté de et où il y a des montagnes d'or, d'argent, de fer, de métal
démontrer au début de cette étude, e t l'épisode du Po- liquide, (le mercure) et d'étain ... > .
tie)\ de l'Ouvrler-en-Arglle cité par Jérémie commt (Le • Livre d'Enoch » op. c1t. LXVI, 4.)
celui à qui doivent revenir finalement les trente denien
On conçoit, à la lueur de ces traditions, comment les
de la trahison de Judas, nous semble le prouver surabon-
damment. peuples primitifs ont pu, toujours, considérer les clans
de fondeurs, métallurges, comme en relalion plus ou
Tout le reste de ce travail a pu, espérons-le. asseoir moins licite avec le monde d'En-Bas, et les tinrent tou-
cette hypothèse. Mais, s'il demeure quelque doute jours à l'écart de la société ordinaire. Egalement, pour-
l'esprit du lecteur, nous avons gardé pour la fin cettt quoi les peuples anciens eurent très longtemps l'horreur
argumentation complémentaire.
du fer.
On sait que, dans l'Evangile, le Prince de ce MondE Or, dans le monde moderne, ce sont les
est présenté comme le dispensateur des biens matériels métallurgiques, les ouvriers travaillant ou mampulant
comme des gloires d'ici-bas, toutes ces choses lui ayant le fer, l'acier, qui constituent les masses révolutionnai-
été « données en partage res et anti-religieuses les plus actives. Et ce sont les
Et dans le légendaire universel, le Diable est,· en grands trusts sidérurgiques et métallurgiques qui, par
outre, le gardien des trésors enfouis, pas seulement de leur égoïsme ou leur matérialisme, les excès qui en dé-
ceux enfouis par les hommes, mais encore des richesses coulent alimentent ce courant révolutionnaire. Nous
métalliques, des gemmes, qu'il fait générer lentement avons :onnu jadis également la « fièvre de l'or >. qui a
au long des siècles, par la Nature en travail. D'où la considérablement aidé à la désagrégation des sociétés.
légende du Dragon (le Diable). veillant sur ces richesses Actuellement, le pétrole, l'or noir (quel symbole par-
encore inconnues. lant. .. ). prépare let conflagrations de la fin des temps ...
116 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 117
En hébreu, vallée se traduit par géh enne.
Dans les quatre évangiles canoniques, nous lisons
A. ' d
. ms1, e ce qui précède, on peut conclure que les ceci au sujet du reniement de Pierre :
richesses de la terre sont sous la garde du Mauvais
Ange! • Cependant, Pierre était assis dehors, dans la cour. Une
servante s'approcha de lui et dit : c Toi aussi, tu étais avec
d ?r, on l'a vu, Zacharie, nous parle d 'aller jeter les trente Jésus le Galiléen. > Mais il le nia devant tous, disant<: • Je
A • dans la Maison du Seigneur, à l'Ouvrier-en- ne sais ce que tu veux dire ... > Comme il se dirigeait vers la
rgi e... > (Zacharie, XI, 12, 13.) porte, une autre servante le vit, et dit à ceux qui sè trou-
vaient là : • Celui-ci était aussi avec Jésus de Nazareth ... >
Mai,s .da?s certaines recensions de cette prophétie Il le nia de nouveau, et avec serment : < Je ne CQnnais pas
extraordma1re, le mot iosed, signifiant en hébreu cet homme ... > Peu après, ceux qui étaient là, s'étant 'appro-
chés, dirent à Pierre : « Certainement tu es aussi de ces
un potier, se trouve r emplacé par le mot os:: gens-là, car ton langage te fait reconnaître ... > Aloi;s il se
s1gmfianl TRÉSORIER ••• (1) mit à faire des imprécations et à jurer : < Je ne connais
pas cet homme !. .. > Et aussitôt le coq chanta. Et Pierre se
Et si n?us nous souvenons que Judas était le trésorier souvint de la parole que J ésus avait dite : • Avant que le
d e la .pehte communauté apostolique que Jésus avait coq ne chante, tu Me renieras trois fois ... • Et étant sorti,
autour de lui, on comprend alors comment il il pleura amèrement... >
put. f acllem.ent devenir le véhicule, le suppôt, du « Tré- (Matthieu, Evangile : XXVI, 69-75.)
> dans l e plus secret du Temple, y dissimu-
lait sa ventable personnalité occulte ... Le fait est également rapporté par Marc (XIV), Luc
(XXII), et J ean (XVIII).
Or, longtemps après la destruction d e Jérusalem, la
.. ruine du Temple et la dispersion de la nalion juive,
•• au cours de l'un des premiers siècles d e l'Eglise, il s'éle-
va une controverse des plus étranges entre des juifs de
bien d'ailleurs, que le corps sacerdo- Rome et quelques chrétiens zélés qui s'efforçaient d e les
d _du moms à ses origines, non seulement ait convertir. Et ce qui suit est attesté par une tradition
ignore certam aspect du dieu du Temple ou du m 01. latine, provenant de documents monastiques retrouvés
d'un « d'1eu » qm· etmt '
· · figure. d e dans, concuremmentns
par Villiers de l'Isle-Adam, et rapportée par lui en ses
avec l e VRAI ? Nous ne le pensons pas, et voici < Nouveaux Contes cruels et propos de r > :
pourquoJ.
c Un coq chanta ? dites-vous ... s'écrièrent les juifs, avec
des sourires ; - ils ignoraient donc notre Loi, ceux qui ont
(1 ) Dictionnaire · écrit cela ! Et vous-mêmes, la connaissez-vous pour répéter
et la tr.aduction de tous le ançars, contenant : 10 la nomenclature
dans Ja Bible et dans le et contenus une telle chose? ... Sachez donc que l'on n'eut pas trouvé
üon suivant les commentaires les ri JOurnah.ères ; 2 0 l'a pplica- un coq vivant dans tout Jérusalem ! Celui qui eut introduit,
bihliques présentant quelque difficulté petc d;s passages dans la Cité de Sion, l'un, vivant, de ces animaux, - surtout
M. I. Trene), directeur d; la veille de ce jour de la Pâque, où l'on immolait, sur les
parvis du Temple, des milliers d'holocaustes, - ' eut encou-
118 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 119

ru, comme sacri/ege, la lapidation . Car la Loi motivait sa Son cri matinal, mêlé au grondant fracas des portes de
rigueur sur ceci, que le coq, prenant sa vie sur les fumiers l'édifice, rouvertes à chaque aurore, retentissait jusqu.e
qu'il pique et fouille de son bec, en fait sortir mille sur la route de Jéricho !. .. Plus sonore 'qUe les sabliers, il
pures bestioles, que le vent des hauteurs dissémine, et qui annonç11it les heures du soir avec la ponctualité des étoiles !
peuvent,. en se répandant, - et pullulant - par les airs, Et la fonction de cet oiseau, crieur exact des mstants du
aller alterer les viandes consacrées à Dieu. Or, comme de ciel, était d'avertir le Préfet du Temple et les lévites ai-més,
mérrioire d'israélite, aucune mouche même ne vola jamais (dont appels dissipèrent souvent
autour de la chair des victimes expiatoires (1), comment quadruple moment des rondes de nmt. C eta1t 1 Avertis-
croire un récit, dicté selon vous par !'Esprit-Saint, et où seur... >
nous relevons cependant une aussi grossière impossibilité
historique ? > Cette tradition n'est pas sans rapport avec des
oies romaines chargées de la garde du Capitole.. Mais
Cette objection, très inattendue, ayant laissé.les chré- pourquoi avoir songé à un coq, oiseau au symbolisme
tiens quelque peu interdÜs, et ces derniers réaffirmant, impur pour Israël, sinon parce qu'il signifiait aussi autre
pour toute réponse, l'infaillible véracité des saints livres,
chose I
on fit venir, pour les confondre définitivement. en ce
En effet, comme le Démon est aussi !'Ange Accusa-
point mystérieux et important, un rabbin très âgé, de-
teur, qui met en évidence, à l'instant du jugement, ce
puis longtemps dans la captivité à Rome, et dont tous
qui peul être reproché à l'âme du défunt, toutes ses
vénéraient et la science profonde et l'intégrité.
sanies inorales, de même Je Coq fouille la pourriture du
. - « Ah ! r épondit tristement le vieil exilé, depuis la fumier et met en évidence les vers qui sont nés de ce
rume de la demeure de nos pères, les enfants d'Israël ont-ils fumier même.
donc oublié les rites de la Maison du Seigneur ? .•. Quoi !
l'ont ·n 'eut pas trouvé, dites vous, de coq vivant dans Jéru- Comme le Démiurge mesure ce Temps et cet Espace
salem ?... Vous vous trompez ! Il y en avait un / Et c'est dont il est l'auteur en tant que seigneur de la Matière,
bien de celui-là que ce Jésus de Nazareth doit avoir voulu de même Je Coq rythme el mesure par son cri la roue
parl er, puisque le texte que l'on vous oppose dit « avant perpétuelle des jours de la Vie, l'enchaînement des
que LE COQ ne chante ... > et non pas • avant qu'un coq
ne chante ... > heures. Et comme l'Ange Rebelle, il est un annonciateur
de la lumière, luci-fere, sans être la lumière elle-même.
0':1bliez-vous donc le. grand Coq solitaire du Temple,
veilleur sacré, nourn des grains que lui jetaient les Dans le Talmud, le Coq est désigné en effet comme
vierges (2), et dont le cri s'étendait au delà du Jourdain ?•..
de leurs c sœu.ni > opposées, les kédeschtMh, ou prostituées sacrées,
vouées à Aschéna l' Astarté palestinienne, lorsque le peup1e élu abap-
(1 ) La mouche est e n effet l'animal de Bed:rebul, c dieu-des-
mouel1es > en hébreu. donne sa ftdé'lité laweh et verse dans l'idolAtrie : 111 Rois (XIV, 24 -
à
XV, 12 - XXII• 47). IV Rois (XXIII, 7), Ezkhi<I (XVI, 16, 24, 25, 31,
(2). La i;>résenoe: de dans le. Temple n•est pas un fait ignoré 39). Ces vierges, on à Jeur place les kMeach6th1 leurs
des historiens. Le c Protoevangile de Jacques > en nous décrivant réparties en trois autour de l'enceinte du Saint et
l'enfance de la Vierge Marie se déroulant dans le' sanctuaire de Jéru- de !'Oracle (IJl .Bois, VI, 5). Les unes comme les autres, bien que pour
salem, Je confirme (VU, 1). Il nous parle des vierges du des divinit41s dUTérentes et opposées, filaient ·l e lin et la laine et tis-
Temple en général, et nous les montre venant proeessionnellement aalent les vollfll et 111 'toffee· liturgiques, destinées à la confection
chercher Marie enfant. La présence de oes vierges est attestée par det ..-atementa aaoerdotaua. Le Christ y songeait peut-être avec· la
saint Epiphane. D'aiJleurs, !J.'Ecriture souligne le fait par la parabole det c vltrlH 111•• • el dn c vlerge1 folles >.
120 LA NOTION GNOSTIQUE D U DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 121
le compagnon d e Samaël, l'Ange du Mal et de la Mort Le lamaïsme tibétain donne au Coq le symbolisme
(c Satan, le jetzer hara (1) et l'Ange de la Mort ne font de la luxure, et l'iconographie chrétienne également.
qu'un... > - Talmud : B. b., 16a). Et selon Je légendaire Elle y ajoute en plus celui du péché'd'orgueil.
et l'iconographie démoniaque, les Esprits du Mal ont Le Coq annonce par son cri le retour prochain. du
fréquemment des pieds de coq dans leurs apparitions. Soleil, m ais comme la venue de l'Antéchrist annbnéera
En Kabale, Astaroth, le « dieu » de la troisième c quli- celui du Christ Glorieux. C'est le Coq qui est le
phah •, Abron, a une crête de coq. C'est pourquoi la des sabbats de sorcellerie, prévenant les officiants des
croyance chrétienne superstitieuse prête au Diable en
rites noirs, de la venue de cette lumière physique qui
général une crête de coq, nous dit Charbonneau-Lassay dissoudrait par ses rayons l'essence psychique·ef ·occulte
en s.on « Bestiaire du Chn'st ,, .
des sortilèges (1).
Chez les Romains, le coq étaît mis en relation avec Et dans l'épisode du reniement de Pierre, il est bien
le Monde Infernal, (Cf. Ciceron : Contre Pison, 27, fin : là l'int:arnation de l' Accusateur par excellence, ce Coq
« Ubi galli cantum audiv:it avum suum rev:ixisse putat solitaire qui, du sein du Temple, mystérieusement, fait
m ensam tolli jubet... > paragr. 10, 24, et c Petrone > éclater son cri vainqueur dès que Pierre, pour la troi-
74).
sième fois, a renié son Maître...
Agrippa, en sa fameuse « Philoso- Et c'est pourquoi tout le m ystèr e demeure, et du
Occulte >, livre IV, à la c Table des Signes et choix de cet oiseau, si chargé de symbolisme maléfique
Figures des Mauvais Génies >, nous dit que la crête de pour l:Israël ancien, et d·e sa présence dans le Temple
Coq, est significatrice du duché (latin dux : conducteur). du Seigneur, à Jérusalem. A moins qu'on ne l'associe
soit les fonctions de chef de cohorte ou de légion parmi - aussi à celui du c potier >, de cet Ouvder-en-Argile que
les démons : nous avons tenté en ces pages, de mettre en évidence,
et qui avait logiquement sa place dans un sanctuaire·
• Nous pourrions connaitre les dignités des Mauvais conçu pour être l'image ésotérique de l'Univers ...
Esprits l?ar ces mêmes Tables des Caractè1·es et Images. Car
un Esprit quelconque, à qui est attribué quelque emblème
ou mstrument, possède par lui-même quelque dignité. Si
c'est la couronne, ceci indique la dignité royale, si c'est la : '
crête, le duché, etc ... • (2) ..
(1) En hébreu : l'impulsion Mauoaise. On ne saurait exciper rien de sérieux· de la présence
(2) Certains membres de fraternités initiatiques, ayant . mis en du Coq en haut des clochers de nos églises d'Europe
1e f ame ux. rituel de la Bibliothèque de l'Arseual connu sous Je
nom ?c la c Magie d' Abram.elin l e Mage ont- eu la sul"prise
de vou· se dessiner sur le sable c témoin >, indiqué par le rituel, et (].) On sait que, selon les occultistes, une lumière trop violente.
f?rt peu temp! après divers glyphes, certains tradi- et principalement la lumière solaire, détruit tout rassemblement de
tionnels, d autres inconnus. Parmi eux, notamment, figurait la c crête ce qu'ils nomment la c lumière astrale >. Exposer certaines catégl)-
de coq > 1 plus étonnant est que celà se produisit la même nuit ries de talismans. paot&Cles, amulettes, charmes, sortilèges, etc ....
heure, en trois oocultum différents de la m ême ville équivaut à dâtruire la c ebarg'e > psychique qu'ils ·à
l'origine.
122 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

occidentale. Ceci n'est pas antérieur à l'architecture


c'est-à-dire au Moyen Age. Les églises byzan-
•. pms qui sont les plus anciennes églises
chrehennes, n en eurent jamais. Or, les « bâtisseurs >
médiévaux de nos cathédrales, comme nous l'avons
jadis démontré dans un de nos ouvrages (1), avaient
conservé certains rites athropoïques de fondations LES SURVIVANCES POSSIBLES
C'est ainsi qu'ils avaient coutume, au d ébut des fouilles: D'UN CULTE DEMIURGIQUE
de sacrifier de nuit un coq au centre d e celles-ci. Et le
sacrifice d'un coq, généralement noir, d'ailleurs (en
Grèce, les victimes sacrifiées à Hadès, étaient noires),
figure dans les grimoires de la sorcellerie des cam- On errerait grandement en supposant que la théorie
pagnes, comme un hommage aux puissances souter- de l'existence d'un Esprit du Monde, d'un Médiateur im-
raines. C'est d'ailleurs pourquoi, et sans doute par pru- parfait, détournant à son profit le culte du Dieu su-
dence, l'Eglise catholique impose que le Coq d'un clo- prême, ait disparu avec les écoles gnostiques qui la sou-
cher soit béni et contienne toujours des reliques. tenait.
Les anciens Gnostiques, eux, ne s'y étaient pas trom- Inconsciemment, dans leur très orthodoxe concep-
qui représentaient le Démiurge, qu'ils nommaient tion du Prince de ce Monde, les exégètes du christia-
1 Abraxas (en grec, ce mot a pour valeur numérale 360, nisme officiel, suivirent parfois les hétérodoxes.
nombre des < cieux > créés par le Démiurge) sous la C'est ainsi que l'on fut amené à considérer que le
forme d'un Serpent à tête de Coq.
Judaïsme, en se refusant à reconnaitre le Messie promis,
et en le mettant à mort, s'était tourné sans le savoir vers
le Diable, et que, depuis la mort du Christ, c'était effec-
tivement lui le c dieu de la Synagogue >. Et ceci dès le
début du Christianisme :
c .•. de la part des Juifs, qui ont tué même le Seigneur
Jésus, et ses prophètes, qui nous ont persécutés, qui ne
plaisent plus à Dieu, qui sont ennemis de tous les hommes,
puisqu'ils nous empêchent d'annoncer aux Gentils la Parole
qui les doit sauver, pour combler ainsi el toujours la me-
sure de leurs péchés. Car la colère de Dieu est tombée sur
eux, et elle y demeurera jusqu'à la Fin... >
(Paul : l" Epitre aux Thessaloniciens, Il, la, 16.)
t (l) Dans /'Ombre cka Cathédrales. Etude sur le symbolisme archi c ...et on ne doit point s'en étonner, puisque Satan se
de N?tre-Dame de Pa,ris. dans ses rapports avec le s mbo:
les Doctrines secrètes, !'Astrologie_ Ja Malie et transforme en Ange de lumière... >
c mie. (Pans 1939. Adyar éditeur.) ' (Paul : 2' Epitre au:r Corinthiens, XI, 14.)
124 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DE MIURGE 125
• Ecrivez aussi à !'Ange de l'Eglise de Smyrne : Voici qu'à ce que je discerne qui est celui-là qui m'a ainsi trompé,
ce que dit Celui qui est le premier et le dernier, qui a été sans que je le connaisse ... >
mort et qui est vivant. Je sais quelle est votre affliction et (Evangile de Barthélemy : II, 4.)
quelle est votre pauvreté. Mais vous êtes riche, et vous êtes • Alors, moi Jésus, je regardai dans la direction du
noirci par les calomnies de ceux qui se disent Juifs, ne le Midi, el j'aperçus la Mort. Elle entra dans la demeure, sui-
sont pas en fait, mais qui sont de la Synagogue de Satan ... > vie de l'Amenti, qui est son Instrument, et avec le ' Di'able;
(Jean : .4pocalypse, II, 8, 9.) suivi lui-même d'une foule de Satellites revêtus de feu. Et
• Je vous amènerai bientôt quelques-uns de ceux qui je vis, au gémissement de mon père Joseph, qu'. il avait dis-
sont de la Synagogue de Satan, qui se disent Juifs mais ne cerné ces Puissances. encore jamais vues, et qu'il percevait
le sont point, mais qui sont des menteurs ... • ces Formes étranges, et qu'il est terrible de contempler... >
(Jean, Apocalypse, III, 9.) (Histoire de Joseph le Charpentier, XX.I,)
• Ce n'est pas Dieu qui a c1°éé la Mort... >
Aussi, dès le Moyen Age, époque où la Symbolique (La Sagesse : t, 16.)
atteint incontestablement son apogée, voyons-nous l'éso-
térisme chrétien attribuer à Israël, comme « gouver- D'ailleurs, l'animal lui-même est l'emblème du Mal
neur » astrologique, le signe zodiacal du Scorpion. dans la symbolique chrétienne traditionnelle.
Or, ce signe est la huitième maison solaire, liée à la • Sur certains monuments égyptiens, Horus, symbole du
mort, aux deuils, d'a ns la tradition astrologique univer- Bon Principe, nous dit L . Charbonneau-Lassay (1), luttant
selle. A ce titre, c'est donc le signe du Diable, lié lui- contre le principe destructeur et mauvais, foule aux pieds
le scorpion en même temps que le crocodile et le serpent.
même à la Mort, qu'il a en quelque sorte hypostasiée lors Le scorpion est donc bien là un des idéogrammes du Mal. .. >
de sa révolte initiale :

« ... afin de détruire par Son trépas celni qui est le Prince Or, les textes canoniques nous disent la même chose :
de la Mort, c'est-à-dire le Diable ... • « Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux
((Paul, Epitre aux Hébreux : II, 14.) pieds 1,es Serpents et les Scorpions, et toute la puissance de
« Et Il précipitera la Mort dans l'Abîme à jamais ... > l'Ennemi... • (Luc : Evangile, X, 19.)
(Isaïe, XXV, 8.)
« Israël a péché jusqu'à adorer Baal. Il s'est donné à Tertulien, au 11• siècle, assimile J'animai à l'hérésie
la Mort ! Mais un jour je te délivrerai de la puissance de elle-même (Œuvres, le Scorpiaque, 1). Et Je Blason lui-
la Mort. Et ce jour-là, ô Mort, je serai ta mort ... Ce jour-là, même l'adoptera comme image : < des imposteurs, mé-
ô Schéol, je serai ta ruine. > (Osée : XIII, 1, 14.} disants, traîtres, ayant des langues pleines de venin,
«Et tandis que la Mort discutait avec Jésus, dans le plus dangereuses que la morsure d'u Scorpion... > nous
affranchissait la Race Humaine, prison- dit V. de la Colombière, en sa «Science Héroïque >.
mère aux Lieux-Bas .. . > (Evangile de Barthélemy : II, 1.)
Il n'est pas jusqu'au symbolique déroulement de la
• Alors, Abbadon, qui est la Mort, se leva. II ne trouva vie du Christ, qui ne tende a accorder au Diable des
plus le corps de Jésus, avec lequel il discutait dans le tom-
beau . Il dit alors à sa Puissance, le Fléau : Descends vite
(1) L. Charbonneau-Lanay : De Bestiaire ·du Christ, p. toO et suiv.
dans 1'Amenli, et fortifie ta main en fermant les Portes, jus- (De..,Jée 46 Brower, 4dlt, Brugea 1940.) ·
126 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 127

droits sur le Temple de Jérusalem. En effet, dans la bas, qui, pour mieux le maintenir en esclavage, avait
triple scène de la Tentation, c'est d'abord dans le désert l'aiguillon du désir, la chaine des passions, la ronde des
aride, puis sur une haute montagne, puis au pinacle du vies successives :
Temple, que Satan transporte Jésus pour le mieux ten- c Ensuite, ils (les Arkontes) la conduiront ei:i Enfer,
ter, et pour étaler à ses yeux les signes de sa toute-puis- vers Ariel, afin de la tourmenter (!'Arne) ... Et Jahuîam, ser-
sance temporelle et terrestre ... viteur d' Adamas Sabaoth, venant ' 'ers elle, lui apportera
le calice de !'Eau d'Oubli, afin qu'en buvant elle perde le
II n'est pas non plus jusqu'à l'odieuse mesure de la
souvenir de toutes les formes qu'elle a déjà revêtues. Et ils
« rouelle >,petite roue jaune à huit rayons, que les Juifs la jetteront de nouveau vers un corps de chair ... · •',. ,
devaient porter visiblement sur eux, dans l'Europe mé- (Valentin : Pistis Sophia.)
diévale, qui ne parle clairement, elle aussi. c En vérité, je vous le dis, vous ne sortirez pas !l'ici que
En effet, dans toutes les religions d'Extrême-Orient, vous n'ayez payé jusqu'à la dernière obole ... >
mais plus particulièrement dans le Bouddhisme, la roue (Matthieu : Evangile, V, 26.)
à huit rayons est l'image des vies successives par les-
quelles l'homme épuise son karma, c'est-à-dire les consé- Dès lors ne peut-on voir en cette roue jaune à huit
quences de ses actions, bonnes ou mauvaises. D'où l'ex- rayons, imposée aux Juifs du Moyen Age, l'emblème de
pression, pour désigner l'intérêt des pratiques ascéti- ceux que certains initiés chrétiens de la haute Eglise
ques : c faire tourner la roue ... >, accélérer considéraient comme encore soumis à la < Roue du
la destruction de ce karma. Monde >, par leur fatal obscurcissement spirituel?
Sans doute la rouelle désigne-t-elle l'errance du Peut-être ...
peuple juif, voué à la dispersion par son anathème
célèbre:
« Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ... >
.•.
(Matthieu : Evangile, XXVII, .25.)
A notre époque, il existe une entente tacite entre les
Et il est de fait qu'Israël, depuis la mort du Christ, diverses confessions religieuses. Toute violence, toute
roulera ici et là, balloté par le malheur et les plus sau- polémique déplacée, doivent être bannies des ouvrages
vages persécutions. d'apologétique ou d'exégèse. Et c'est fort bien ainsi.
Mais ne faut-il pas voir également à cette roue un II est en effet incontestable que les prières du Juif
sens plus secret encore ? ou du Musulman, comme celle du Chrétien, sont dites
à l'intention du Dieu Suprême. II n'est que de lire les
Pour les Gnostiques chrétiens, le Baptême libérait
recueils des prières journalières du judaïsme, ou telles
de l'esclavage du Prince de ce Monde. L'homme ne
oraisons musulmanes, pour en saisir la profonde beau-
devait plus alors de comptes qu'à Dieu. Encore fallait-il
que cette libération par le dit Baptême eut lieu. Sinon, té, la foi immense, l'élan vers le Divin.
il demeurait indéfiniment l'esclave de l'Arkonte d'ici· Mais un Origène ou un Clément d'Alexandrie seraient
128 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 129

toutefois d'accord avec un Valentin ou un Basilide pour Or, MAOMETll:, ainsi que le note dans une lettre de
noter que néanmoins ces oraisons, pour belles et sin- 1786 le chanoine Remusat, équivaut à 666 .
cères qu'elles soient, expriment davantage la crainte M.... . .... . .. .. .... 40
devant un Dieu redoutable, que la confiance en un Dieu
A.... . .. . . . . . . ... . . 1
miséricordieux ... Et les derniers n'omettraient point de
0 . ..... . ...... . .... 70
souligner que ceci vient du fait que, entre le Dieu Su-
prême et l'Orant, se situe ce Médiateur, intransigeant et
M... . . ... . . ........ 40
tyrannique, qui a encore des droits sur lui et entend s'en E...... . ...... . .... 5.
prévaloir jusqu'au bout. . T . . . . ... . . .. ... . .. . 300
l. . ....... . . . . ...... 10
Actuellement, l'Islam religieux et l'Eglise catholique
I., . , . . . ........ . , . 200
semblent faire assez bon ménage. Il n'en fut pas toujours
ainsi. Pendant des siècles et des siècles, les théologiens
chrétiens considérèrent avec amertume que l'Islam avait Total . . . . . . 666
arraché au Christianisme l'ensemble du Moyen-Orient
chrétien. Avec la chevauchée des successeurs de Maho- Il n'était jusqu'à la symbolique musulmane, que le
met, c'était l'.apostasie religieuse qui s'était rapidement Moyen Age chrétien, si épris de Symbolisme et d'Esotéc
répandue. risme, ne considérait comme totalement luciférienne.
En effet, que demeure-t-il actuellement des impor- En effet, Mahomet avait proscrit l'emploi de l'or au pro-
tantes églises chrétiennes établies dans les premiers fit de l'argent pour les bijoux. Or l'or est le symbole du
siècles en Syrie, au Liban, en Arabie, en Tunisie ? Pas Christ, qui s'est lui-même comparé au Soleil de Justice,
grand-chose évidemment, tout au plus quelques vestiges (et l'or est le métal solaire). Conséquemment, l'argent
épars et dispersés, minoritaires en tout cas et qui furent était le métal de son adversaire ...
soumis des siècles au tribut, pour éviter le sabre... (1) L'Islam avait adopté toute la symbolique vénusia-
que : le vert comme couleur emblématique, le vendredi
Et on ne manquait pas au Moyen Age de souligner
comme jour de prière (et en place du dimanche, jour
que le nom même de Mahomet, en grec (langue de !'Apo-
du Seigneur) ; le cuivre, pour quantité d'objets domes-
calypse), d'o nnait 666, le nombre de la Bête, c'est-à-dire tiques (alors que les Eglises chrétiennes refusaient en
de l'Antéchrist : premier ce métal pour les vases sacrés de leur liturgie) ;
c C'est ici la sagesse. Que celui qui a l'intelligence com- le benjoin (ou Djaoui, ou encens de Java), comme par-
prenne et compte le nombre de la Bête, c.ar ce nombre est fum aussi bien liturgique que domestique ; l'étoile à
celui d'un homme, et ce nombre est six cent soixante-six ... > cinq branches, dite pentagramme, en place de la croix,
(Jean : Apocalypse, XIII, 18.) le bois de santal, la turquoise, pour les chapelets, etc...
Or, tous ces symboles, encore une fois, sont liés par
et sa mère Sainte Monique aont en effet des des règles . ana1oaiques Impérieuses, depuis la plus
130 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE ·ou DEMIURGE 131
haute antiquité, à la planète Vénus, dont un des noms, choses, comme l'appelaient les anciens philosophes, mais
lorsqu'elle se lève avant Je Soleil, èst Lucifer ... un grand < architecte > de l'Univers. D'après la conception
Aussi, pour l'Occident chrétien, et ceci jusqu'à ces maçonnique, c'est lui qui est le tout-puissant constructeur
cinquante dernières années; Mahomet et la religion fon- de ce globe terrestre et des innombrables mondes qui l'en-
tourent.
dée par lui, étaient-ils une des m anifestations de
< Il n'est pas J'ens entium (!'Etre des êtres), des
l' Adversaire.
titres dont l'a gratifié la spéculation ancienne et ,moderne
Il n'était pas jusqu'au fait que le Prophète se disait ne lui convient. Il est, simplement, l'architecte, au sens où
descendant d'Ismaël qui n'accentuât cette fâcheuse im- les Grecs ent.endaient leur arkitekton, c'es.t-à-dire un con-
pression. Ismaël, fils d'Abraham et d'Agar, était le frère tremaitre, sous les ordres duquel nous devon.s .
comme des ouvriers ... Notre travail constitue donc notre
aîné et le rival d'Isaac, préfigure du Christ, comme Esaü culte ... >
l'avait été de Jacob, et Caïn d'Abel.
Ainsi, pour le Dr Mackey, le dieu de la Franc-Ma-
C'est pourquoi, pour bien des mystiques chrétiens, le
çonnerie n'est pas !'Etre des êtres, mais simplement son
Prince de ce Monde, chassé par le Christ, avait néan-
contremaître. II est difficile d'être plus démiurgiste, ni
moins réussi à se r econstituer un culte et à reprendre en·
de mieux devancer les conclusions d'Eddington !
partie sa place, dans un judaïsme abandonné par Dieu,
et dans un Islam qui était son œuvre. Un autre maçon américain, le continuateur du
Dr Mackey, en son < The Symbolism of Freemasonry >,
nous · avons nommé McClenachan, traitant du symbo-
...
. lisme de la lettre G figurant dans !'Etoile à cinq bran-
ches des Loges maçonniques des trois premiers degrés,
Pour être complet, nous ajouterons qu'au dix-hui- nous dit tout d'abord qu'elle signifient le mot anglais
tième siècle, dès l'apparition de la Franc-Maçonnerie, GOD, désignant Dieu.
l'Eglise latine prendra position contre la définition mê-
me de Dieu par celle-ci, et que de nombreux polémistes Il faut alors épeler ce mot phonétiquement : G, 0, D,
chrétiens n'hésiteront pas à identifier le Grand Archi- initiales d e trois mots hébreux : Gomer, Oz, Dabar.
tecte de l'Univers avec le Prince de ce Monde . • C'es t la une singulière coïncidence, nous dit-il, qui
Et il faut bien l'avouer, nombre d'écrivains maçon- mérite de retenir notre attention. Car les lettres qui com-
niques, apportl!ront maladroitement de l'eau à tleur posent le mot anglais de la Divinité se trouvent être les ini-
moulin 1 .,. tiales des mots hébreux : Sagesse, Force, Beauté, les trois
grandes colonnes ou supports métaphoriques de la Franc-
En son c Encyclopaedia of >, le Maçonneri.e. Elles présentent la raison presque unique qu.i
Dr Mackey nous dit en effet ceci, que n'auraient pas ait pu faire accepter aux Maçons l'emploi de la lettre G
désavoué un Marcus ou un Marcion : suspendue ostensiblement à l'orient, dans la Loge, au lien
du Delta. Et la coïncidence semble i.t.re plus qu'un acci'dent
< La Maçonnerie voit dans le Dieu suprême qu'elle adore, fortuit ... >
non pas un numen divinum, une puissance divine, non pas
un moderator rerum omnium, un modérateur de toutes C'est en effet curieux. D'autant que si nous noua
132 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 133

c Ses disciples lui dirent : Si telle est la condition de


reportons au fameux passage d'Ezéchiel relatif au c roi
l'homme à l'égard de la femme, il n'est pas avantageux de
de Tyr >, nous retrouvons ces trois qualités : se marier. Il leur répondit : Tous ne comprennent pas cette
c Fils de l'Homme, donnez le signal du deuil sur le roi
parole, mais seulement ceux à qui cela est donné. Car ·il y a
des eunuques qui le sont dès Je ventre de leur mère, il y en
de Tyr. Vous lui direz : Voici ce que dit le Seigneur Dieu :
a qui le sont devenus par les hommes, et il y en a qiii s'e sont
Vous. étiez le sommet de la Perfection, plein de Sagesse,
parfait en Beauté, etc ... Chérubin protecteur, aux ailes dé-
rendus tels eux-mêmes, en v.ue du Royaume de Dieu ... >
ployées ... > (Ezéchiel, XXVIII, 12 et suiv.) (Matthieu : Evangïte, XIX, io-12.)
c Si quelqu'un vient à moi, et s'il ne hait son "'ère,
Or le sommet de la perfection divine, c'est la toute- sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses'-sœurs, et
puissance. même sa propre vie, il ne peut être mon disciple ... >
(Luc : Evangile, XIY, 26.)
Nous retrouvons là les trois qualités du dieu maçon-
nique : puissance, sagesse, beauté. • Le Seigneur m'a révélé ce que !'Ame doit dire quand
elle monte au Ciel et comment ell.e doit répondre à cha-
Le dieu maçonnique est en outre un dieu essentielle- cune des Puissances Supérieures : • Je me suis connue
ment créateur et générateur au sens matériel et sexuel moi-même, déclare-t-elle, et je me suis recueillie en tous
du mot. Qu'on en juge : sens. Je n'ai point, engendré de fils à I' Archonte, mais j'ai
extirpé ses raeines, j'ai réuni les membres dispersés, et je
c Le monolithe, ou colonne ronde qui se dresse seule, sais qui tu es : une des Vertus Supérieures !. .. •
était pour les anciens une représentation ·du phallus, sym- (Evangile de Philippe, apocryphe.)
bole de la force créatrice et génératrice, et c'est en ce pilier
phallique qu'il nous faudra retrouver la véritable origine
du culte des colonnes. qui n'était qu'une des formes du culte A rapprocher de la phrase célèbre de l'Evangile des
phallique, le principal des cultes auxquels se livraient les Egyptiens, citée par Clément de Rome en sa seconde
peuples païens. • Epitre à fEglise de Corinthe. et par Clément d'Alexan-
(Dr Mackey : Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie drie en ses Stromates :
et des Sciences qui s'y raUachent, p. 957 .)
• Et Marie-Salomée demanda a u Seigneur : Maître,
Or, le gnosticisme extrémiste reprochait justement quand finira le règne de la Mort ? Et Jésus répondit : Lors-
que vous autres femmes ne ferez plus d'enfants ... Lorsque
aux Juifs et aux Chrétiens ordinaires de suivre à la vous aurez déposé le vêtement de honte et d'ignominie,
lettre l'axiome du dieu de la Genèse : c Croissez et mul- lorsque les deux deviendront un, que le mâle. et la femelle
tipliez ..: > (Genèse : 1,28.) seront unis, qu'il n'y aura plus ni homme ni femme, alors
finira le règne de la Mort.. . >
A ce ·passage, ils opposaient les nombreux versets
du Nouveau Testament où l'on voit Je Christ faire l'éloge Il est d'ailleurs à noter que la propagande en faveur
de la continence et de la chasteté : de la procréation à outrance, soutenue aussi bien par
• Vous êtes dans l'erreur ... Car à la Résurrection les les catholiques, les protestants, que par les marxistes,
hommes ne prendront point de femmes ni les fen{mes politique suivie instinctivem{!nf par les masses incultes
d'ép_oux, màis ils seront comme les Anges de Dieu, dans tant musulmanes que brahmanistes, mène peu à peu le
le Ciel ... > (Matthieu : Evangile XXII, 30.)
134 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 135
LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

rienne ... Les sectes lucifériennes actuelles sont loin de la


monde moderne à des famines sans précédents pour la
vérité. Elles aussi ont perdu la Parole ... > (in Revue c Con-
fin du siècle. solation >, n • du 28-11-1935, p. 545_.), on peut donc ad-
Ces famines seront à la source des ruées et des chocs m ettre que pour cet auteur, comme autrefois pour les
apocalyptiques dans lesquels se ruineront l'Orient et Gnostiques, le Démiurge et l'Ange r ebelle ne font qu'un.
l'Occident, dans lesquels disparaîtront les civilisations Ses efforts. pour constituer un groupement à caractère
actuelles, et qui seront peut-êtr e cause d e la fin de notre magique, dans lequel la consécration des membrés au
monde... Démiurge, ouvertement annoncée, était assurément le
fait le plus inattendu pour notre époque, que
Dans la Maçonnerie fra nçaise, nous nous bornerons là encore, et cette fois ouvertement, le fait démiurgique
à citer un des meilleurs ouvrages m odernes (sinon le revêtait une actualité encore incontestable...
m eilleur), consacré à c La Symbolique Maçonnique >,
.celui de Jules Boucher. Ce dernier nous dit ceci au sujet Avec René Guénon, nous passons ù une autre défini-
du Grand Architecte de l'Univers : tion du Grand Architecte de l'Univers.
• La notion du Grand Architecte de l'Univers est, en • Le Grand Architecte de l'Univers trace le plan idéal
Maçonnerie, à la fois plus ample et plus restreinte que celle qui est réalisé en acte, c'est-à-dire manifesté dans son dé-
du Dieu des diverses religions. Le Grand Architecte de veloppement indéfini (mais non pas infini), par les êtres
l'Univers peut, dans une certain e mesure, être assimilé au individuels qui sont contenus en son Etre Universel. Et
Dé!l'iurge platonicien, dont l'intelligence nous échappe c'est la collectivité de ces êtres individuels, envisagée dans
déjà.> (J. Boucher : La Symbolique Maçonnique, pp. 199 son ensemble, qui constitue le Démiurge, artisan ou ouvrier
et 200.) de l'Univers.
• Cette conception du Démiurge correspond, dans la
Ce m ême auteur nous a d'ailleurs précisé sa pensée Qabbalah, à l'Adam protoplaste (premier formateur), tandis
dans un autre ouvrage : que le Grand Architecte de l'Univers est identique à l'Adam
• Le magiste doit savoir que la Cause est inac- Kadmon, (l'Homme Univ,ersel). Ceci suffit à marquer la
cessible. JI serait vain de s'adresser à elle. Au contraire, le profonde différence qui existe entre le Grand Architecte de
Démiurge, !'Architecte divin, touche plus directement notre la Maçonnerie et les dieux des diverses religions qui ne sont
monde ... > (J. Boucher : Manuel de Magie Pratique, p. 224.) tous que des aspects du Démiurge. >
(René Guénon (sous le pseudonyme de Palingénius),
Peu après, le même auteur nous donne une formule in revue c La Gnose ., 1'911 .)
di; conséc1,ai.ion du magicien au dit Démiurge ; et il
prend soin de nous préciser que cette corisécration est
faite c ia œlernum >, pour !'E ternité !
.....
Comme précédemment il avait écrit les lignes sui-
vantes :· Louis Lachat, en 80n livre c La Franc-Maçonnerie
Opé.Joative >, commet une erreur lorsqu'il nous montre
• Nous le répétons, nous ne sommes pas luciférien la cathédrale de Cologne consacrée au Grand Archi-
c'est-li-dire que nous n'appartenons a aucune secte lu.cifé:
136 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE 137

tecte de l'Univers. En réalité, il cite un écrivain franc- Mais il est absolument certain que jamais un évêque
maçon qui se laissa emporter par son zèle ... ne se permettrait pareille substitution, théologiquement
impensable !
c On répandit des cendres sur le pavé de l'église. et pour
marquer que c'était une maison consacrée à cette doctrine
dont Jésus-Christ est le commencement et la fin, l'alpha et •
••
l'oméga, l'archevêque, avec l'extrémité de sa crosse, traça
sur la cendre répandue toutes les lettres de l'alphabet,
depuis la première jusqu'à la dernière. De l'angle sud-est à Nous en avons ici terminé avec l'énumération des
l'angle nord-ouest, il. écrivit l'alphabet grec, et de l'angle survivances possibles d'un culte rendu au J;>émiurge.
nord-est à l'angle sud-ouest, l'alphabet latin, de sorte que les dans les aspects les plus communs et les plus familiers .
caractères formèrent une croix dont les lignes se coupaient
diagonalement. Ensuite, on aspergea l'autel, puis on invoqua Il reste à envisager comment le fait peut sè produire,
le . Créateur tout-puissant, le Grand Architecte de l'Univers,, dans un monde moderne, pétri de cartésianisme.
on le supplia d'accorder de la durée et de la solidité à cette Nous pensons que l'explication la plus simple est
maison, d'en éloigner les mauvais génies et d'y faire des-
cendre les anges de la paix ... > celle donnée par la Métapsychie.
(Sulpice Boisserée : Description de la Cathédrale L'Homme-Individu est lié psychiquement à une
de Cologne, Paris 1823 .) Ame-Collective. Comme Je dit si bien Carel d·ans
c l'Homme, cet Inconnu », il semble que les limites de
l'homme réel se trouvent au delà de sa surface cutanée,
Il suffit d e prendre en mains le « Rituel de Consécra- que la netteté des contours anatomiques soit en partie
tion des Eglises » de la liturgie latine pour voir que, si une pure illusion, que chacun de nous soit beaucoup
notre auteur suit dans les grandes lignes Je déroule- plus vaste et aussi plus diffus que son corps. L'esprit
ment d'une consécration de ce genre, il prend des liber- n'est pas entièrement et uniquement circonscrit dans
tés avec la terminologie 1 les trois dimensions du continuum physique. Il se trouve
C'est ainsi que là où la liturgie parle des Esprits du donc à la fois dans l'Univers matériel, et « ailleurs· > ...
Mal, il emploie l'expression < mauvais génies >. Nous Il s'insère dans la Matière par l'intermédiaire de son
avons parcouru différentes éditions du Pontifical Ro- cerveau et de ses perceptions purement sensorielles, et
main au chapitre des « Prières et Cérémonies de la Con- il se prolonge d'autre part, hors de /'Espace et du Temps,
s écration ou Dédicace d'une Eglise », éditions portant comme une algue se fixe à un rocher, tout en laissant
sur des périodes éloignées, nous n'avons jamais vu appa- flotter sa chevelure dans !'Océan. Et c'est ainsi que, par
raître l'expression c Grand Architect.e de l'Univers >, cette Ame-Collective qu'est en fait l'Humanité-Totale,
mais bien celle, classique, de c Père, Fils, et Esprit- ou par une perception individuelle et particulière, cha-
Saint >. Sans doute Sulpice Boisserée, en son enthou- cun de nous entre plus ou moins effectivement en rela-
siasme maçonnique, bien dans la note du dix-neuvième tion avec cette Pensée Vivante, baignant et pénétrant
siècle, a-t-il cru préférable d'utiliser un vocàble qui lui tout l'Univers, que nous évoquions au · début de notre
était familier. étude, et que la Science moderne, nous dit Eddington.
138 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEMIURGE

si elle la perçoit incontestablement à l'œuvre dans le


Cosmos et son hylée, ne peut toutefois encore classer
parmi les Démons ou les Dieux ...

Et en conclusion, nous ne pouvons mieux faire que


citer le grand Plutarque, au suj et des r eligions et des NOTES SUR PHTAH, LE DEMIURGE EGYPTIEN (1)
croyances simplement axées sur la notion du Démiurge :
c Quant à ceux pour qui Apollon et le Soleil ne font
qu'un, ils méritent à coup sftr nos égards et notre affection, De nombreuses fresques égyptiennes montrent
à cause même de leur noblesse d'esprit. Pourtant, éveillons-
/es, comme des gens qui viennent de rêver de DIEU dans le Phtah, le dieu créateur du Monde matériel, .assis à un
plus beau des Songes ... Et exerçons-les à monter plus haut, tour de potier. En d'autres effigies, il est représenté sous
pour avoir de la DIVINITÉ PURE une vision réelle, et con- la forme d'un homme enveloppé dans un linceul. Comme
templer, enfin, Son Essence ... • tel, il est alors curieusement identique à Azraël, l' Ange
(Plutarque : c De l'E de Delphes >.) de la Mort chez les Arabes, toujours revêtu d'un suaire
noir, et inspirateur des géomanciens, en tant que sei-
Car, ainsi que le prévoit !'Ecriture : gneur de la Terre et Ange Sombre.
• Tout ce qui est corruptible sera finalement détruit, et. Dans la tradition égyptienne. Phtah est le Maître des
l'Ouvrier s'en ira avec son ouvrage ... • artisans. Il est dit « très-grand >, et comme tel, il est
(Ecclésiastique : XIV, 20) (1) aussi le Trismégiste des Grecs d'Egypte. Dans l'histoire
religieuse égyptienne, il prit la place d'Atoum, l'Adam
égyptien, si longtemps occupée par ce dernier à Mem-
phis et cela vers le début de l'Ancien Empire.
Phtah est avant tout le dieu créateur. d'où son auto-
rité sur les artisans et les ouvriers manuels. Il avait huit
hypostases, dont une dite de Phtah Taténen, dans le rôle
du Serpent créateur de la Terre ... Phlah était à l'origine
des dieux, du monde, et des hommes. Son sanctuaire de
Memphis était le plus important d'Egypte, avec ceux
de Thèbes et d'Héliopolis.
Phtah fut le seul dieu que la suite de l'évolution reli-
gieuse égyptienne n'ait pas finalement solarisé, c'est-à-
(1) Il ne faut pas cotlfondre· rEcclésiastique de Jésus ftls de Siracb,
(un des 'livres sa.pientiaux), avec l'Eoclésiaste, de Salomon. Il figure dire identifié à Osiris, le Soleil, dans une nette intention
dàns la Bible des églis.es catholiques, orthodoxe, orientales. etc... mais promonothéiste. Il fallait donc que son mythe soit spéci-
pas dans celle des églises protestantes, qui ne possèdent pas non plus
Je « Liure de Tobie >,Judith, le livl"e du prophète Baruch, ni ceux d.es (1) Voir la ligure hors-texte. page 24.
Machabée•.
140 LA NOTION GNOSTIQUE DU DEKIURGE

fiquement inassimilable par .la typologie os1r1enne,


c'est-à-dire son contraire. C'est pourquoi il fut identi-
fié à Héphaïstos, dieu du Feu souterrain et des Métaux,
à l'époque gréco-romaine d·es Ptolémées.
On le représentait aussi parfois sous la forme d'un
pygmée, d'un gnome, et il était alors nommé Phtah Pa-
tèque. Cela, parce que les entités souterraines l'avaient TABLE DES MATIÈRES
pour seigneur, et ceci donnerait alors à la légende des
gnomes, ouvriers souterrains, générateurs des métaux et
des gemmes, démiurges du Feu, une antiquité considé-
INTRODUCTION ....•• . . . . . . . . . . .. . ••. . .. . . . . . • •. 9
rable.
Enfin, Plztah était le dieu à la rigueur inexorable, le Note de l' Auteur . .. ....... . ..... . . ....... ... . . 13
rétributeur inflexible, le juge impitoyable et sans fai-
Le Démiurge . . .. . ... . . .. . ..... . . .. .......... . 19
blesse. Comme tel, il rappelle curieusement Je passage
de !'Exode déjà cité : Metatrôn ... .... ... . .... . . ......... ... . ...... . 41
c Mon Ange ira devant vous, ne lui résrstez pas. parce Les survivances possibles d'un culte démiurgique. 123
qu.' il ne vous pardonnera point vos péchés ... >
Notes sur Phtah, Je démiurge égyptien . ..... . . 139
(Exode, XXIU.)
Le dieu Phtah, hors-texte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Phtah étai t le père du Taureau Apis, prototype évi-
dent du Veau d'Or, car le veau n'est en fait qu'un tau-
reau vierge. Or, dans les alphabets phéniciens antiques,
la lettre aleph était figurée par une tête de taureau . Et
c'est justement cette première lettre qui, seule dans la
tradition juive ésotérique connue sous le nom de Ka-
bale, signifie . symboliquement l'aïn, c'est-à-dire le
Néant (1) . On ne saurait mieux montrer le caractère
atropoïque de Phtah, père du Veau d'Or emblème de
toutes les fornications, spirituelles et matérielles !

(1) Aïn Soph Au r est, en Kah.ale, la « Lumi ère Vide et sans Bor-
nes >. Vient eosuite Aïn Soph : c Vides et sans B&roes >.
Vient ensuite Ain : c Rien >. Ces irois plans succèdent aux dix sephi-
roth ou sphères créatorieIJes, exprimant l'Universalité de tout ce qui
est créé> (Voir notre ouvrage : 'c La. Kabale Pra.tique >),

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