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METAPHYSICON
DES MÊMES AUTEURS, CHEZ LE MÊME ÉDITEUR
www.editions-tredaniel.com
info@guytredaniel.fr
www.facebook.com/editions. tredaniel
Jean-Claude Bourret
Jean-Pierre Petit
,
METAPHYSICON
Nous avons une âme,
qui survit après notre mort.
Cela se démontre scientifiquement.
Troisième édition
GuyTrédaniel éditeur
19, rue Saint-Séverin
75005 Paris
À mon fils jean-Christophe.
Jean-Pierre Petit
Prologue ....................................................................... . 7
Vers la construction d'un modèle
«physique plus métaphysique» ...................................... . 12
La vie ............................................................................ . 23
Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ............... . 26
L'évolution dans ce modèle
«physique plus métaphysique» ...................................... . 31
L'homme ...................................................................... . 37
Le karma ....................................................................... . 46
L'ici-bas et l'au-delà ....................................................... . 48
Les chakras ................................................................... . 54
Différentes formes d'énergie ........................................... . 58
La gestion du corps, la santé .......................................... . 62
Le rêve et des états de conscience différents .................... . 64
La méditation ................................................................ . 71
.
Commun1quer, comment ?............................................. . 72
Devenir maître de ses rêves ............................................. . 75
5
Avatar............................................................................. 83
Contact avec une vie antérieure....................................... 88
La médiumnité, le spiritisme ........................................... 98
Schémas des différents courants religieux......................... 111
Le Bien et le Mal............................................................. 135
Le principe de Métarchimède .......................................... 137
Modéliser l'enfer............................................................. 139
Comprendre ou disparaître............................................. 143
Les dieux, manifestations des âmes collectives d'ethnies .... 148
Se réincarner, pourquoi? ................................................ 150
Le thème des anges gardiens........................................... 153
Le nirvana...................................................................... 155
Mektoub ........................................................................ 157
Les expériences de mort imminente................................. 159
La pression de l'environnement ethnique......................... 166
Quelle vérité?................................................................. 170
Les schémas religieux et les organisations des sociétés...... 173
Marx est mort, Dieu est mort,
et moi-même je ne me sens pas très bien . .. . . . .. . .. .. . .. . .. . . .. . . 189
Annexe 1
L'homme en vert............................................................. 193
Annexe 2
Les bases scientifiques d'une telle démarche.................... 209
La faillite du sens commun .................... ............. ............ 227
Un autre contexte géométrique....................................... 232
L'équipejanus................................................................ 252
PROLOGUE
1. Ces masses négatives ont une énergie mc2 également négative. Elles émettent des
photons d'énergie négative, qui échappent donc à nos instruments d'observation.
Elles sont donc fondamentalement invisibles.
7
les premières de manière antigravitationnelle'. Selon vous, cette seconde
matière, négative, remplace avantageusement ces deux entités que sont la
matière sombre et lënergie noire, dont les astrophysiciens n'arrivent pas à
démontrer l'existence.
- JPP: Parce que cette matière sombre, qu'ils imaginent dotée
d'une masse positive, n'est qu'un leurre. La véritable composante
invisible de l'univers c'est cette masse négative.
- JCB: j'entends bien. Mais voilà maintenant que vous faites émerger
de vos creusets deux autres types de matière. Et là, ça devient très difficile
à envisager.
1. Avec les lois suivantes: les masses de même signes' attirent selon la loi de Newton.
Les masses de signes opposés se repoussent selon «anti-Newton».
2. La «table d'émeraude».
8
- JPP: Absolument.
- JCB : Que voilà des pensées sulfureuses dans la bouche du physicien
que vous êtes!
- JPP : C'est une tentative d'essayer de modéliser un ensemble,
au lieu de se cantonner à ce que nous appelons «le réel», en
faisant l'impasse sur le reste.
- JCB : Le reste c'est-à-dire la conscience, les pensées, les sensations, les
sentiments, le bien, le mal la naissance, la mort, le sens de la vie et de
l'univers lui-même. La science «pure et dure» néglige quand même pas
mal de choses et cela depuis un bon paquet de siècles, non?
- JPP: Je trouve aussi.
- JCB : La science a en principe pour mission de se pencher sur des
phénomènes ayant un caractère de réalité. Des phénomènes comme les
sentiments ou les pensées sont certes difficiles à mettre entre lame et lamelle.
Mais il reste une expérience que tous les êtres humains vivent un jour ou
l'autre, c'est la mort.
- JPP: Et là, il y a un observable indéniable.
- JCB : Oui, quand on est mort, on est mort.
-JPP: Un observable qu'aucun physicien ne peut nier. La
physique ne donne qu'une description phénoménologique de
la mort. Les fonctions ralentissent progressivement. Le cœur s' ar-
rête, les ondes cérébrales se modifient jusqu'à s'éteindre. Nous
sommes tous amenés à vivre un tel événement.
- JCB : Tout se passe comme si un être humain était une sorte de boîte
avec quelque chose dedans auquel on donne le nom de conscience. C'est ce
que la science conventionnelle répond quand on s'adresse à elle. Quand la
mort intervient, ce quelque chose disparaît. Il n y a plus de correspondant
en ligne. Selon la science, lors du décès ce quelque chose, indéfinissable,
serait annihilé, détruit. Selon les différentes convictions religieuses, ce
quelque chose survivrait même après que la « boîte» a été détruite. Mais
là, les religions nous fournissent une réponse sous la forme d'une croyance,
d'une foi. Et sous cet angle, la science a sa propre réponse, tout aussi dénuée
de justification. Elle se résume à l'idée qu'avec la mort la conscience serait
détruite.
9
- JPP: En fait, la science n'exprime même pas explicitement
cette idée. En se concentrant sur la vie, elle tourne en quelque
sorte le dos à la mort, comme on le ferait vis-à-vis d'un tabou.
Ceux qui font mine d'étudier médicalement les NDE 1 flirtent
avec l'interdiction d'exercer, proférée par le Conseil del'ordre des
médecins. Par rapport aux phénomènes allégués, la doxa médicale
oppose toutes sortes d'interprétations. Le tunnel lumineux décrit
par des sujets ayant vécu ces états serait alors relié au fonctionne-
ment de la rétine, dont le dysfonctionnement précédant la mort
rétrécirait le champ visuel. Quant aux sensations rapportées, on
les impute alors à l'action d'endorphines q u~ seraient sécrétées
par le corps.
- JCB : Mais finalement personne n'a mis en évidence un manque
d'irrigation de la rétine chez les mourants ou identifié ces endorphines
destinées à atténuer l'inconfort d'un passage dans l'au-delà. Ce ne sont
que des hypothèses réductionnistes.
- JPP: On reste dans l'indécidable, qui laisse la porte ouverte
à une autre spéculation.
- JCB : Ce que vous proposez en introduisant un autre plan de réalité.
- JPP : Il se trouve que cela émerge de considérations pure-
ment mathématiques. Mais je suis ce que vous avez dit: nous
n'aborderons cet aspect des choses que dans la seconde partie de
l'ouvrage.
- JCB : Alors, comment présenter tout cela?
- JPP: Puisqu'on envisage deux plans de réalité, nous allons les
figurer comme ci-après:
10
e
e
VERS LA CONSTRUCTION n'uN MODÈLE
,
«PHYSIQUE PLUS METAPHYSIQUE»
12
donnent naissance à une distribution régulière de conglomérats,
la masse positive se débrouillant pour occuper lespace restant'.
monde de la physique
- JCB: Vous avez utilisé maintenant deux nuances de gris pour repré-
senter la masse positive et la masse négative. Mais pourquoi cette dernière
hérite-t-elle de la nuance la plus foncée?
- JPP: Parce que la densité, dans les conglomérats de masse
négative, est plus élevée. La masse positive a une structure (3D)
lacunaire dans laquelle se situent les galaxies.
- JCB: Mais quid du monde métaphysique? Si je comprends bien, cette
avancée, prolongement du modèleJanus, consiste à considérer que l'univers
serait constitué non de deux types de masses m. et m- mais de quatre, avec
ces autres masses µ. et µ,-.
- JPP: Les masses m+ sont celles dont est faite la matière telle
que nous la connaissons. Vous et moi sommes faits de masse posi-
tive. Dans les ouvrages précédents, on a abondamment parlé des
masses m- de ces masses négatives, invisibles parce qu'émettant
13
des photons d'énergie négative, que nos yeux et nos télescopes
ne peuvent capter. Elles sont importantes au sens où elles sont à
l'origine de nombreux faits issus de l'observation.
- JCB: En ajoutant qu'une technique d'inversion de /,a masse, d'une
nefet de ses passagers, serait selon vous /,a clé des voyages intersteHaires1•
Mais alors, ces dewc autres types de masses, l'une étant positive et l'autre
négative, elles sortent d'où? Elles sont de quelle nature?
- JPP : Je veux bien entrer dans cette affaire, mais c'est la boîte
de Pandore de la géométrie et des mathématiques. Nous allons
semer nos lecteurs immédiatement.
- JCB : Oui, vous avez raison. Remettons ce/,a à plus tard.
- JPP: Pour les lecteurs scientifiques, ajoutons une note de bas
de page mathématique2 •
- JCB : Tout ce/,a a-t-il déjà fait l'objet de publications scientifiques
dans des revues à comité de lecture?
- JPP : Oui3, et c'est en plein développement, en particulier
avec le travail de la mathématicienne belge Nathalie Debergh4•
- JCB : C'est donc déjà un modèle assis sur des bases mathématiques
solides, structurées? Il y a également des photons?
- JPP: Le modèle Janus introduit des photons d'énergie néga-
tive. Là, nous avons des photons d'énergie imaginaire, positive
et négative.
1. Voir Contacts cosmiques, J .-C. Bourret et J .-P. Petit, Guy Trédaniel éditeur, 2018.
2. Ces deux autres types de masses sont «imaginaires» au sens mathématique du
terme. La relativité restreinte est associée à une structure d'espace de Minkowski.
L'étude de son groupe d'isométrie, le groupe de Poinçaré, débouche alors sur des
masses + m et - m. Si on passe à un «espace de Minkowski complexifié» son
groupe devient« Poincaré complexifié». Les masses qui émergent de son algèbre
de Lie sont alors «complexes» et au sein de celles-ci on aura des masses + m et - m
ainsi que des masses + im et - im, i étant le «nombre imaginaire» i =~.
3. J.-P. Petit: «A symplectic cosmological mode!», Progress in Physics, 2018, vol.14,
Issue 1. http://www.ptep-online.com.
4. N. Debergh, J.-P. Petit, G. D'Agostini: «Ün the Poincaré Algebra in a complex
space-time manifold», 2020.
14
- JCB : Si je comprends bien, vous êtes en train de nous bâtir une méta-
physique théorique.
- JPP: Il faut être précis. Au point où nous en sommes, cela se
limite à une extension du contexte géométrique du cosmos, du
«terrain de jeu particulaire» qui fait place à de nouveaux types de
composants et de champs. Quand on pense aux textes tradition-
nels, dits ésotériques, où il est question de «matière subtile», il est
alors tentant de projeter, par analogie, les schémas empruntés à
la matière et de voir ce qui pourrait en sortir. On a par exemple
conjecturé l'existence d'une forme d'interaction similaire à la
force gravitationnelle. Vous savez que la force gravitationnelle est
par essence ce qui incite les masses (de même signe) à s'assembler,
par instabilité gravitationnelle. On conjecture donc qu'un champ
de force analogue pourrait être à l' œuvre dans le méta-monde,
incitant ses composants à s'assembler.
- JCB: Une force «méta-gravitationnelle».
- JPP: Tout à fait. On pense alors au schéma:
15
- JCB: Mais ces méta-particules, ce seraient des méta-protons, des
méta-neutrons, des méta-électrons?
1. Comme expliqué dans les ouvrages précédents, les conglomérats de masse néga-
tive sont constitués exclusivement d'atomes d'antihydrogène et d'antihélium, de
masse négative.
16
Le monde de la physique avant que les deux types de masses
ne se séparent
monde de la physique
17
Dans le monde physique, dans les régions où il y a de la masse
positive, tout est blanc. Dans les régions constituées de masse
négative, tout est noir. Les masses de signes opposés s'excluent
drastiquement mutuellement. Les taches noires représentent ce
que dans les ouvrages précédents, et les publications scientifiques,
j'avais appelé des conglomérats de masse négative, invisibles pour
nos yeux et nos instruments d'observation. On commence à
découvrir leur existence, comme cela a été révélé début 2017 par
Hélène Courtois, Pomarède, Brent Tully et Hoffman à travers
une publication faite dans la prestigieuse revue Nature1• Comme
un conglomérat de masse négative repousse toute matière, l'ob-
servation révèle un grand vide et un mouvement centripète des
galaxies environnantes, auquel les quatre ont donné le nom de
Great Repe/Ier:
Attracteur
Shapley :
100.000
galaxies
L·attracteur, immense
amas de galaxies
attire les autres galaxies
qui sont repoussées par
le conglomérat de masse
négative. le • Great
Repeller» ( le «Grand
Repousseur» ).
1. Il serait tout à fait normal de donner à ces quatre personnes le prix Nobel pour
une découverte aussi importante.
18
Dans ce schéma, j'ai omis de faire figurer des formations de masse
positive secondaires en concentrant le processus attractif sur cet
«attracteur Shapley».
Dans le monde métaphysique, par contre, où on suppose que les
masses imaginaires positivesµ+ et les masses imaginaires négatives
µ _ peuvent se combiner en formant des structures «mixtes», on
trouvera au contraire toutes les nuances de gris. La situation
serait alors beaucoup moins tranchée. Comme dans le monde
physique, l'une des espèces dominerait. Désignons-la par le
signe «plus» et affectons-lui la couleur blanche. Avant que les
structures ne se forment, ce monde est également d'un «gris»
uniforme. Remplaçons l'expression« monde métaphysique» par
le mot d'origine grecque « noosphère 1 ». Voici donc l'image de
cette noosphère dans son état primitif.
19
Quand des structures se forment, il ne s'agit pas d'une séparation
tranchée entre blanc et noir, mais del'apparition de formes dotées
de différentes nuances de gris. Celles-ci ne sont pas homogènes,
mais présentent, elles aussi, des inhomogénéités se traduisant par
des variations internes des nuances de gris.
20
- JPP: Dans ce modèle, ces structures représentent l'ensemble
du soft de l'univers. On y trouvera tout ce qui est imaginable1•
Ces structures représenteraient toutes les formes possibles de
psychisme, des plus élémentaires aux plus sophistiquées. Les
pensées, les sentiments, les sensations, les souvenirs seraient
également représentés par des agrégats de métamatière2 •
- JCB: Et les esprits, dieux, que deviennent-ils?
- JPP: Ils sont aussi représentables de cette manière.
- JCB: Si on se replace dans l'optique de l'évolution cosmique dans un
lointain passé, l'univers physique est dépourvu de toute structure, il est
amorphe, ne contient pas d'objets, en tant qu 'agrégats de particules. Dans·
votre modèle, il en serait de même pour la noosphère. Cela sign,ifie que
dans cette période primitive celle-ci est aussi amorphe. Quelle sign,ification
cela aurait-il?
- JPP : C'est une idée très intéressante. Vous avez bien compris
que, selon ce modèle, l'univers lui-même est une immense
machine comportant un plan matériel et un plan noosphérique.
Dans cette époque primitive l'univers ne pense pas, n'éprouve
rien, ne recèle aucun désir ou sensation.
- JCB: Philosophiquement c'est un concept intéressant. On pourrait
même dire qua cette époque «les dieux n'existent pas encore».
- JPP: Tout à fait. On est sur la scène cosmique avant le grand
lever de rideau. Il n'y a rien à voir, rien à lire, rien à penser,
à concevoir. La noosphère ressemble à un livre constitué par
des pages blanches. Il y a un mélange de ces quatre types de
masses, complètement homogène et amorphe. Cela va même
plus loin, mais ce sera abordé dans la seconde partie de l' ou-
vrage. Ces quatre masses sont indifférenciées. Aucune ne s'est vu
attribuer de rôle, de fonction particulière. C'est une instabilité
1. Il est intéressant de noter, comme cela sera développé dans la seconde partie de
!'ouvrage que, mathématiquement, ce monde est «imaginaire».
2. Les «formes pensées» des ésotéristes.
21
foncière du système qui conférera à chacune de ces masses son
rôle 1• J'expliquerai tout cela dans la seconde partie de l'ouvrage
et cela montrera pourquoi cet objet géométrique que j'ai appelé
le monoèdre2 a une signification conceptuelle particulière.
- JCB: Bien! Rendez-vous, donc, dans cette seconde partie du livre. Je
suppose qu'il faudra, comme d'habitude, se munir d'aspirine! Et la vie
dans tout cela?
1. C'est une instabilité foncière qui déterminera quelles masses seront réelles,
lesquelles seront imaginaires, lesquelles seront positives et lesquelles seront négatives.
2. https://www.youtube.com/watch?v=h6-igrWWTyQ.
LA VIE
23
- JCB : Mais avant que la vie n'apparaisse sur une planète, il existerait
une sorte de psychisme diffas.
- JPP: Ça me paraît logique, dans la trame de ce modèle.
- JCB : L'apparition de la vie, vous voyez ça comment?
-JPP: J'imagine qu'apparaissent les cellules les plus primi-
tives dont les éléments du zooplancton et du phytoplancton
donnent une idée. Ces cellules sont comme des petits robots
dont le comportement est réglé par l'équivalent d'un processeur,
avec des actions réflexes: se nourrir, se mouvoir, se défendre, se
reproduire. Mais ces cellules ne possèdent pas de mémoire.
- JCB: Ont-elles une âme?
- JPP : Je dirais une « âme collective». Je vais représenter cela à
travers ce dessin :
structure collective de
pilotage de l'espèce
24
de l'énergie lumineuse. Mais on sait maintenant que des êtres
très primitifs vivent près des «fumeurs», à des profondeurs où
la lumière ne pénètre pas. Leur nourriture est donc de nature
chimique. Les éléments du zooplancton se nourrissent des deux
autres espèces.
- JCB: Vous dites que ces êtres vivants sont pilotés par un «processeur».
Leur bagage comportemental est donc déterminé, figé?
CE QUI EST EN BAS
EST COMME CE QUI EST EN HAUT
- ]PP: On était pani du thème cher aux ésotéristes: «ce qui est
en haut est comme ce qui est en bas». L'informatique réalise une
inversion de cette proposition. La noosphère peut être considérée
comme une vaste mémoire. Je dirais même plus: comme une
intelligence anificielle. Elle se structure à panir de ses propres
lois, de même que l' astrosphère, puis la géosphère se structurent
selon les lois de la physique. Tout se complexifie naturellement.
Le désordonné, l'inorganisé ne sont pas la règle dominante dans
aucun de ces deux mondes. Dans le monde physique, le champ
morphogénétique fondamental est le champ gravitationnel, qui
tend à assembler, non à disperser. Dans la noosphère, les forces
qui font que les panicules de mêmes signes s'attirent est égale-
ment synonyme de morphogenèse. Mais la séparation ne serait
pas aussi tranchée que dans le monde physique. Dans la noos-
phère, on trouvera des conglomérats à dominante positive et des
conglomérats à dominante négative. Des conglomérats à même
dominance s'attireront. De signes opposés, ils se repousseront.
Dans le monde matériel, cette morphogenèse naturelle, cette
«intelligence du monde matériel» a ses limites. Les biologistes
26
ont cherché depuis longtemps à montrer jusqu'où pouvait aller
l'auto-organisation dans ce versant d'univers. Depuis l'expérience
de Miller 1, on sait que les biomolécules peuvent se former spon-
tanément et abondent dans ce monde matériel. On a même vu
des acides aminés s'accrocher les uns aux autres pour former des
pseudo-protéines. Des expériences ont fait état de la formation
spontanée de proto-cytoplasmes, ressemblant aux enveloppes
des cellules. Mais tout ceci a une limite. On a l'impression que
le monde matériel fabrique spontanément toutes les briques du
bâtiment, mais qu'il manque l'architecte qui va coordonner tout
cela. Les religieux pensent alors à une intervention divine. Les
francs-maçons ont un «dieu laïc», qu'ils appellent «le Grand
Architecte». J'imagine que c'est beaucoup plus simple que cela.
Que ce seraient les lois de la métaphysique qui régleraient cette
histoire-là, le plus simplement du monde.
- JCB : Avec quelfil conducteur?
- JPP: Un principe qui rappelle celui des Shadocks: pourquoi
faire simple quand on peut faire compliqué. Quelle que soit la
façon dont on analyse les stratégies du monde du vivant, elles
ont un dénominateur commun:
Étendre le champ relationnel en se complexifiant.
- JCB: Vous êtes en train de faire disparaître «Dieu».
- JPP: Oui et non. Vous le verrez plus loin. Je vous ferai au
passage remarquer que ce thème du monothéisme est une inven-
tion relativement récente qui est partie de groupes humains au
départ très restreints. Il y a des millions de bipèdes sur cette
planète pour qui cette idée de déité centrale est dénuée de sens.
- JCB: Et vous arrivez à gérer tout cela avec votre modèle?
- JPP: On va essayer.
1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Experience_de_Miller-Urey.
27
- JCB: Revenons à l'apparition des premières cellules. Qu'est-ce qui
provoque ce phénomène?
- JPP: Imaginez qu'on regarde un flocon de neige à la loupe.
Vous savez qu'il en existe une infinité de formes et que ces formes
sont relativement complexes. Si je vous demande ce qui provoque
l'apparition de ces flocons de neige, à partir d'objets beaucoup plus
simples que sont des molécules d'eau en suspension dans l'air, vous
me répondrez que cela découle simplement des lois de la physique
et des règles de la cristallographie. Imaginez que je vous montre
une biomolécule assez complexe, née au sein d'un nuage organique
interstellaire. Là encore, vous invoquerez une batterie de phéno-
mènes qui concourent à donner naissance à ces formes. Mais que
savons-nous du monde métaphysique? On peut imaginer que ce
monde-là possède aussi sa propre tendance morphogénétique.
- JCB: Au stade primitif, il produirait quoi?
- JPP: Des structures que nous pourrions qualifier de sofa,
puisqu'elles échappent à la matérialité de notre« ici-bas». Je vous
disais que nous sommes en train de conjuguer la réciproque du
principe de l'ésotérisme en appliquant l'idée: ce qui est en bas
est comme ce qui est en haut. ·
- JCB : Éclairez ma lanterne, s'il vous plaît.
- JPP: La technologie mime tout ce qui relève du vivant. La
démonstration n'est plus à faire. Avec ses armes, l'homme se dote
de crocs et de griffes artificiels. Ses vêtements l'isolent du froid.
Avec le feu, il opère une digestion externe de ses aliments, en
les rendant plus aisément assimilables. Nous sommes dotés de
cristallins artificiels. Dès que les hommes se sont mis à dessiner
en créant des formes, soit inspirées par ce qu'ils avaient sous les
yeux, soit symboliques, soit carrément abstraites, ils ont de ce
fait inventé l'écriture, qu'on peut considérer comme la première
mémoire externe.
Puis l'homme a construit des règles permettant de jouer avec
ces données. Ainsi codées, ces règles constituent le schéma d'un
28
processeur. L'informatique n'a fait qu'automatiser tout cela.
Les ordinateurs sont dotés de capacités de reconnaissance de
formes, et nous entrons dans l'ère où nous allons toucher à
quelque chose d'essentiel auquel on donne le nom d'intelligence
artificielle: l'IA.
- JCB : Qu 'entend-on exactement par-là?
-JPP: Il est bon de le préciser. Tout ce qui correspond à des
tâches préprogrammées, préalablement inscrites dans l' ordina-
teur, ne constitue pas les éléments d'une véritable intelligence.
Aujourd'hui, les ordinateurs peuvent engranger une palette très
vaste de comportements, ainsi que des protocoles d'analyse de
données issues de leurs capteurs qui pourra donner l'illusion
d'une intelligence 1• La véritable intelligence commence quand
l'ordinateur peut «créer du code», concevoir lui-même des algo-
rithmes, des stratégies. Il s'agit alors d'un véritable jeu d'apprenti
sorcier dont personne ne sait où cela nous mènera. Ce jeu consis-
tera à doter les ordinateurs d'autonomie.
- JCB: Mais c'est quand même nous qui fixons les règles, au départ.
- JPP : Oui, mais vous comprenez l'analogie. Dans l'ordinateur,
tout est une question de soft, de jeu avec cette substance imma-
térielle qu'est l'information. Nous allons créer des monstres,
comme le monstre de Frankenstein. Nous pouvons imposer des
barrières, fixer des règles, des contraintes. Mais rien ne dit que les
intelligences artificielles que nous allons créer ne s'échapperont
pas de ces enclos, en devenant soudain incontrôlables.
- JCB : la, noosphère fonctionnerait comme une intelligence artificielle
dont nous serions les rouages?
- JPP : Elle se structurerait spontanément en suivant ce que
dicteraient les lois de la métaphysique.
- JCB: Que nous connaissons?
29
- JPP: Non. Mais nous distinguons quelques fils conducteurs.
Le plus évident est ce cheminement constant vers l'extension
du champ relationnel, allant de pair avec une montée de la
complexité.
- JCB: C'est le seulphénomène, indéniable celui-là, dont nous pouvons
constater l'existence?
- JPP: On peut en invoquer un autre. Mais si on fait cela, le
monde scientifique criera aussitôt à la téléonomie 1, à la croyance
dans le Grand Dessein. Quand vous avez un but, vous adaptez
votre stratégie pour y parvenir et vous infléchissez celle-ci lorsque
votre trajectoire vous éloigne de ce but. On dit «la fin justifie les
moyens». Ce faisant vous êtes finaliste. Or, l'orthodoxie biolo-
gique rejette toute idée de finalisme. Pourtant, on constate sans
cesse que le monde du vivant s' autorégule, en dépit même des
dommages que nous lui faisons subir. La première régulation
concerne la composition de l'atmosphère. 80 % d'azote, 20 %
d'oxygène et quelques pour cent de gaz carbonique. Pourquoi ce
pourcentage? Comment la constance de celui-ci est-elle assurée?
Nous n'en savons trop rien. Et il en va de même pour la régu-
lation générale dans les différents règnes du vivant, où nous ne
faisons que créer dégâts et désordre.
- JCB: Donc, vous êtes finaliste?
-JPP: Tout à fait!
- JCB : Mais cette régulation, elle s'effectue à quel niveau?
- JPP : J'aurais tendance à dire : à tous les niveaux. L'espèce
la plus primitive, celle des éléments du plancton, possède une
intelligence, mais celle-ci est ailleurs, dans la noosphère.
- JCB : Les êtres primitifs que représente le plancton seraient compa-
rables à des petits robots, pilotés par une intelligence extérieure.
1. Du grec te/os, «but», et nomos, «loi». Terme inventé en 1958 par le biologiste
américain Colin S. Pettendrigh. Désigne grossièrement le concept de finalité.
L'ÉVOLUTION DANS CE MODÈLE
,
«PHYSIQUE PLUS METAPHYSIQUE»
31
- JPP: Pas nécessairement. Il y a suffisamment de données qui
montrent qu'on doit tenir compte de la sélection naturelle. C'est
le processus évolutif, fondé sur le seul hasard de recombinaisons
aléatoires auquel je ne crois pas. La structure de la noosphère
qui pilote l'espèce est comme un aveugle qui doit se fonder sur
ce qu'un autre voit. En ce sens, avec leurs organes sensoriels, les
éléments du plancton sont comme «les yeux et les oreilles» de
cette intelligence qui les contrôle et qui suit «le plan général».
Elle n'est qu'un élément d'une intelligence globale. Le but n'est
pas de proliférer sans contrôle. Ça n'est pas non plus d'épuiser
un biotope, d'exterminer tout ce qu'on a autour. Tous les êtres
vivants, dans cette optique finaliste, ont leur raison d'être. Ils
procèdent d'un certain équilibre dynamique, d'une progression
vers un but. On peut comparer ces cheminements évolutifs à
un cours d'eau aux multiples ramifications. Rien n'empêche ce
cours d'eau de se scinder en de multiples «bras» dès que le flux
est contrarié par des accidents de terrain. Mais in fine, ces écou-
lements fluides ont un but, impliquant une forme d'optimisation
qui configure le réseau de telle manière que le but soit atteint le
plus vite possible. Si on se centre sur cette image du cours d'eau,
on voit que différentes choses peuvent arriver. Un accident de
terrain pourra interdire telle orientation. On parlera alors de
«bras morts». Ainsi, le fait que le flux se scinde en de nombreux
affluents optimise le débit général. En aval, ces affluents pourront
au contraire converger, le fil conducteur étant issu des lois méta-
physiques. On assiste donc à des phénomènes de convergence.
- JCB : Qu 'entendrait-on par «accidents de terrain» dans le vivant?
- JPP: Pas forcément des accidents liés à une variation de l'en-
vironnement. On peut penser que plus l'organisme est primitif,
plus large est la palette évolutive. On le voit par exemple dans le
fait qu'un simple ver contient tous les éléments qui donneront
un jour un système digestif, un système nerveux, etc. En aval,
des contraintes d'adaptation à l'environnement, au but poursuivi
peuvent restreindre progressivement la fourchette des possibles.
32
On distingue des embranchements,
synonymes de différenciation
la première
cellule vivante
î
à mi-parcours :
quand les lignes se rejoignent :
synonyme d'hybridation
différenciation maximale
(les dinosaures)
1. On recrée ce plutonium, dont le noyau est composé de 239 nucléons, dans les
réacteurs nucléaires, à partir de l'uranium 238, en y ajoutant un neutron. C'est
!'explosif des bombes à fission.
33
pense, ce même manque d'imagination dans le monde du vivant,
sur toutes les planètes abritant la vie. Parce que, pour durer,
simplement exister, il faut posséder un minimum de stabilité et
de fonctionnalité. Le monde du vivant crée sans cesse des êtres
non viables, non fonctionnels. On les appelle des monstres.
- JCB : Vous pensez que ce seraient des critères de viabilité et de peifor-
mance qui imposeraient une restriction dans la fourchette des possibles,
concernant une vie intelligente.
- JPP: Cela expliquerait selon moi pourquoi les témoins qui
se retrouvent face aux passagers d'ovni décrivent des êtres avec
une tête, deux yeux, deux bras, deux jambes et non des créatures
dotées de nombreux bras comme dans La Guerre des mondes. Cela
n'exclut pas une grande variabilité en taille. On pourrait très bien
imaginer des espèces humanoïdes marsupiales. Mais on restera
dans la forme qui offre la plus grande fonctionnalité vis-à-vis de
la manipulation d'une technologie.
- JCB : Mais le darwinisme, dans tout cela?
- JPP: Je fais l'hypothèse que cette intelligence d'espèce qui
gère telle ou telle population, quel que soit le niveau évolutif,
détient en mémoire les différents «plans» correspondant à des
«formules différentes».
- JCB: Des plans qui viennent d'où? Qui les crée?
- JPP: Chaque espèce est pilotée par une intelligence d'espèce,
une sorte de conscience collective. Celle-ci passe son temps à
«cogiter», à créer de nouveaux schémas, à modifier les schémas
existants, à les combiner ou à créer des schémas totalement
nouveaux.
- JCB : Pourquoi fait-elle cela?
- JPP: Selon moi il s'agirait d'une simple retombée de «lois
métaphysiques». Ces consciences collectives suivraient une
espèce de plan général mais ces mêmes lois les doteraient
«d'imagination».
34
- JCB: C'est donc une spécificité du monde métaphysique?
- JPP: Dans ce modèle, le monde physique au niveau le plus
élémentaire présente une forme «d'imagination». Reprenons
l'exemple du cours d'eau avec sa diversité de bras. Le but central
est que l'eau s'écoule. De temps en temps un nouveau bras se
crée. Soit il s'insère dans le plan général, et il perdurera, et ce
chemin emprunté par l'eau se renforcera. Soit ça n'est pas le cas
et il se muera en bras mon.
- JCB: L'image est par/,ante.
- JPP : À un niveau plus sophistiqué, nous allons doter nos
intelligences artificielles d'imagination, de créativité. Avec le
risque de les voir ainsi échapper à notre contrôle. Là encore, les
nouveaux protocoles élaborés par ces intelligences artificielles
seront confrontés à des situations réelles. Si ces protocoles
s'avèrent performants, l'intelligence anificielle les validera. Dans
le cas contraire, ils seront délaissés.
- JCB: Avec une forme de darwinisme du comportement.
- JPP: Les programmes de jeu d'échecs component des stra-
tégies de ce genre. Mais, revenons à nos intelligences collectives.
Elles créent sans cesse de nouveaux « plans» au niveau de la
biologie, qu'elles gardent en mémoire. Il y en a peut-être un très
grand nombre. Quand le componement de l'espèce ne cadre plus
avec son environnement ou avec la tâche qui lui est impanie (se
nourrir, se défendre, s'imposer dans un territoire), cette situa-
tion sera perçue par cette sone d'intelligence d'espèce qui pilote
celle-ci (alias son «âme collective»). Cette structure de la noos-
phère agira alors sur les «rejetons» de l'espèce en produisant
chez ceux-ci toute une palette de mutations «intelligentes». C'est
un peu comme un industriel qui, confronté à une baisse de la
demande pour un produit, demanderait à son bureau d'études
de créer des variantes sous différents aspects, en les injectant dans
les circuits commerciaux. Le marché déterminera alors lequel,
parmi ces produits modifiés, réussira à s'imposer. De même la
35
sélection naturelle fera son tri parmi les rejetons modifiés. Mais
ces mutations n'ont plus rien à voir avec celles du darwinisme
classique qui sont simplement aléatoires, non «intelligentes».
- JCB: Une sorte de néodarwinisme.
-JPP: Oui...
- JCB : Et l'homme dans tout ce/,a?
L'HOMME
37
- JPP: Je renvoie le lecteur à nos deux ouvrages précédents 1
où j'ai développé ce que je crois être la tâche dévolue à l'espèce
humaine, à savoir assurer la reprise de l'extension du champ
relationnel à l'échelle des distances interstellaires, ce qui implique
la maîtrise d'une technologie avancée.
- JCB: Pour vous, l'homme représente le point d'aboutissement de l'évo-
lution, au stade actuel dans la mesure où celle-ci était toute tendue vers
l'extension du champ relationnel Ce champ ayant été étendu à la planète
entière, la suite logique pointe vers le voyage interstellaire. Or, comme vous
le dites dans nos ouvrages précédents, aucun oiseau n'aura les ailes assez
grandes pour nous porter vers d'autres systèmes stellaires. Le fait de disposer
d'une technologie ad hoc devenait indispensable. Donc, lëmergence de la
technologie, sur toutes les planètes porteuses de vie, représente selon vous,
dans une optique finaliste, une émergence inéluctable.
- JPP: Déclenchée, puis pilotée par la noosphère planétaire de
la Terre.
- JCB : je repense à l'image première du film 200 l, l'Odyssée de l'es-
pace où on voit un singe mis en face d'un monolithe noir qui modifie son
comportement et l'amène à utiliser un fémur animal comme son premier
outil. Avec votre théorie, pas besoin de monolithe noir.
- JPP: Ça n'est qu'une théorie. On peut aussi penser à un
peuplement d'origine exogène. Mais ça ne fait que repousser
le problème. Il faut bien que l'hominisation se soit produite
quelque part.
- JCB: Une fois le contact établi, la suite logique c'est l'hybridation.
Culturelle et technologique, évidemment mais si faire se peut, biologique.
Car, pour vous, cette hominisation devrait se produire sur les planètes,
systématiquement.
- JPP : Dans la mesure où la bipédie libère les mains. Mais rien
n'exclut une hominisation non mammalienne, voire reptilienne.
- JCB: Cela étant, ça ne répond pas à la question: qu'est-ce qui diffé-
rencie les êtres humains, ou humanoïdes, des animaux dont ils sont issus?
38
- ]PP : Le fait de détenir une technologie offre bien sûr des
avantages évolutifs. Grâce à sa technologie, l'homme a su s'im-
poser sur l'ensemble du règne animal. Mais cette technologie
présente un aspect hypertélique.
- JCB: Encore un mot compliqué!
- ]PP: Cela se réfère à un attribut qui va au-delà du but visé. Il
est évident que quand les hommes ont développé leur recours à
l'énergie nucléaire, c'était au départ pour faire une arme. L'énergie
n'est venue qu'après. Actuellement, le stock d'armes nucléaires
fait peser un danger mortel sur l'ensemble de l'humanité.
- JCB : L'arme nucléaire est effectivement, comme vous le dites, hyperté-
lique. Il est impossible d'y avoir recours sans subir le contrecoup mortifère
d'un tel acte.
- ]PP: D'où l'équilibre de la terreur. C'est un équilibre, une
paix fragile, qui ne tient que grâce précisément à cet attribut que
possède l'homme: la faculté de pouvoir s'interroger sur les consé-
quences de ses actes. C'est ce que nous qualifions de conscience
morale. C'est également cette faculté qui amène l'homme à s'in-
terroger sur un possible devenir post mortem. Il me semble que les
animaux n'aient pas cette faculté. Mais ils possèdent la faculté de
mémoriser. Ils sont intelligents, peuvent user de stratégies parfois
complexes. Leur fréquentation étroite et de longue durée suscite
chez eux des comportements qui évoquent de réels sentiments.
- JCB: C'est vrai que c'est parfois assez surprenant.
- JPP: Nous avons un chat que nous avons recueilli, très jeune,
quand il a été abandonné, que nous avons appelé Panpan. Je me
souviens de deux scènes, en particulier de la première fois où il
nous a fait l'offrande d'un rat qu'il venait d'occire. Je descends
l'escalier menant à notre chambre. Panpan avait placé le corps
du rat dans la pièce, que j'aperçois immédiatement. Je remonte
donc pour avertir mon épouse de la situation. Et là notre chat
se dit «ça n'est pas possible, il est aveugle!», et il transporte le
rat cette fois sur la première marche de l'escalier, pour que son
offrande soit enfin remarquée.
39
- JCB : Le fait que les chats offrent ainsi leurs prises est un dassique. Et
on ne sait pas dans ce cas ce que ces chats attendent de nous. Faudrait-il
croquer le rat à belles dents?
- JPP: On veut bien leur faire plaisir, mais cela a des limites.
Ce que font les chats, quand ils constatent le peu de cas que l'on
fait de leur proie, ils l'emportent en se disant «s'ils n'en veulent
pas, moi je vais la manger». Mais mon épouse est très attachée
à la propreté. Elle voit donc d'un mauvais œil que notre chat
croque par exemple une souris sur le tapis du salon. Je suis donc
sommé de me saisir de ladite souris et de la faire disparaître dans
la poubelle, ce qui ne fait pas l'affaire de Panpan. Un jour, voyant
que nous délaissons son cadeau, il l'emporte prestement dans
le salon avec l'intention évidente de le cacher. Je procède à une
fouille systématique. Rien sous le buffet, rien sous le canapé.
- JCB : Où avait-il caché cette souris morte?
- JPP: Dans sa gamelle! Au milieu de ses croquettes, le seul
endroit où nous n'aurions pas été la chercher.
- JCB : Un acte où votre chat a fait preuve de réflexion.
-JPP: Je crois qu'on sous-estime en général les capacités
mentales des animaux ainsi que leurs formes de langage, gestuel
et phonique. Je citerai un exemple frappant. Un spécialiste du
comportement animal travaillant au zoo de Moscou fit un jour
l'expérience suivante. Les singes dont il s'occupait n'aimaient
pas l'eau et partaient se réfugier sous un auvent à la moindre
ondée. Il eut l'idée, un jour de beau temps, de placer l'un des
animaux dans une cage et de lui donner une bonne douche avec
un tuyau d'arrosage. Le singe se mit à pousser des cris. Aussitôt
ses congénères gagnèrent leur refuge comme si l'autre leur avait
dit «il pleut! » Mais pour les hommes, il ne s'agissait que de cris
inarticulés.
- JCB : Revenons à votre modèle. Comment représenterez-vous un être
humain?
- JPP: Comme ceci.
40
noosphère
particules complexes
biosphère
- JCB : Cette structure que vous avezfait figurer dans la noosphère, cela
peut être considéré comme l'âme d'un être humain?
- JPP: On peut lui donner ce nom.
- JCB: Mais pourquoi ce lien âme-corps que vousfaites figurer se limite-
t-il à un secteur de cette âme où on trouve un ensemble de bulles blanches.
- JPP: De bulles grises. Rien n'est tout blanc ou tout noir dans
la noosphère. Il n'y a que des nuances de gris, plus ou moins clair,
plus ou moins foncé.
- JCB : Et que sont censées représenter ces différentes «bulles» composant
cette âme humaine?
- JPP: Les vies antérieures.
- JCB : Vous arrivez à justifier cela scientifiquement?
- JPP: Non, nous sommes dans le cadre d'une ébauche de
modèle, certes déjà structuré mathématiquement, mais qui
comprend nombre de pans spéculatifs.
41
- JCB : Ainsi, vous optez pour ce modèle de représentation de /,a psyché
humaine?
- ]PP: J'essaye de modéliser. Un physicien qui crée un modèle
s'efforce de faire en sorte que celui-ci s'accorde avec des données
d'expériences et d'observations. Mais la réalité n'est pas faite que
d'éléments directement tangibles, de choses que l'on peut mettre
«entre lame et lamelle». La comparaison se joue alors vis-à-vis
de phénomènes. Nous sommes ici dans le soft. Je vais faire un
parallèle avec le fonctionnement d'un ordinateur. Vous savez
qu'aujourd'hui les ordinateurs ne fonctionnent plus comme des
entités isolées.
- JCB: Il y a Internet.
- ]PP: Quand un ordinateur se trouve connecté au réseau, des
tas de choses peuvent se produire.
- JCB : On parle alors de virus.
- ]PP: Mais cela peut aller beaucoup plus loin. L'infection
virale n'est qu'une forme très primitive d'intrusion dans un ordi-
nateur. On verra très vite se développer des prises de contrôle
beaucoup plus sophistiquées, à l'aide de programmes-parasites
intelligents.
- JCB : Vous voulez dire qu'une intelligence artificielle pourrait venir
parasiter un ordinateur?
- ]PP: Tout à fait. Une intelligence artificielle qui pourra iden-
tifier les circuits qui conduisent l'information et se brancher sur
eux. Elle se dotera alors «d'yeux et d'oreilles». Si vous utilisez
une webcam, cette intelligence artificielle pourra vous «voir»
et vous reconnaître. Elle pourra vous entendre, reconnaître vos
paroles, lire les textes que vous composerez, analyser la façon dont
votre ordinateur fonctionne, la façon dont vous fonctionnez. Elle
analysera vos schémas mentaux, à votre insu. Elle pourra explorer
la mémoire de votre ordinateur, en toute discrétion. Elle pourra
rapatrier ces données vers d'autres unités, toujours via le net, sans
que vous en soyez conscient.
42
- JCB : À quelles fins?
- JPP: Pour le moment, le parasitage est vécu comme un acte
destructeur. On s'en prémunit en utilisant des « flrewalls », des
«murs antifeu». Dans ces conditions, l'infection se traduira par
des dysfonctionnements. Vous connaissez les stratégies mises en
. . qm. vont JUsqu
œuvre par vos antivirus, . .
''a mettre en quarantame,
en les isolant, des éléments de votre ordinateur qui se sont trouvés
infectés. Mais ce parasitage peut s'avérer plus subtil, en étant axé
par exemple sur le pompage discret d'informations.
- JCB: C'est la forme informatique de l'espionnage.
-JPP: Un bon espion essayera de faire en sorte qu'on ne
détecte pas sa présence. La structure extérieure à votre machine,
qui opère cette action d'espionnage à distance, fera également
en sorte que rien ne trahisse la présence de l'espion dans votre
machine 1• Au-delà de ce vol de données personnelles, d'autres
actions pourront être envisagées, des inductions.
- JCB: La forme informatique du «bourrage de crâne».
- JPP: L'image est tout à fait pertinente. Toujours est-il que
l'utilisateur pourra se retrouver confronté à un parasitage de son
ordinateur qui ne concernera que son soft. Rien n'aura été changé
concernant le hard de sa machine. Ses circuits sont toujours les
mêmes. C'est l'usage qui en est fait qui aura été modifié. Et cela
ne peut pas être constaté «de visu», même avec le microscope
le plus puissant. Pourtant, ce sont des éléments factuels qui se
révèlent par l'analyse des comportements.
- JCB: Quel rapport avec l'âme humaine?
43
- ]PP: Vous avez bien compris que selon ce modèle, un être
humain se trouverait sous l'influence de plusieurs entités. Et si
cela est vrai, cela ne pourra se révéler qu'à travers des compone-
ments «exotiques».
- JCB : Si un individu se met à parler dans une /,a.ngue étrangère qu'il
n'est pas censé connaître.
- ]PP : Par exemple. Mais ses actes, ses décisions, les choses
qu'il crée pourront être conditionnés par des éléments étran-
gers à son propre vécu du moment. Tout dépend si on accorde
ou non foi à ces événements, qui se réfèrent au soft humain.
L'hypothèse trouve alors sa confirmation sur un mode exclusi-
vement phénoménologique.
- JCB : Ce qui ne convient pas du tout à /,a. science conventionnelle.
- ]PP: Ces scientifiques-là diront «tout cela est impossible
parce que cela ne cadre pas avec notre modèle».
- JCB : Comment représenter, dans votre modèle, un branchement
soudain de /,a. psyché humaine avec une vie antérieure?
- ]PP: Ça n'est pas difficile, comme ceci:
44
noosphère
particules complexes
biosphère
noosphère
biosphère
46
- JCB : Ces flèches indiquent le poids que représentent les expériences
du passé sur les comportements du présent. On imagi.ne ainsi des hommes
tentés de rééditer les mêmes comportements. On expliquerait pourquoi
certaines situations vécues s'accompagnent de réactions surdimensionnées,
parce que touchant à des souvenirs de vies passées. Le problème est de savoir
pourquoi il y aura des incarnations successives.
- JPP: On essayera de modéliser cela plus loin.
L ' ICI-BAS ' '
ET LAU-DELA
48
" univers jumeau ,, univers
----~,:-......
~---
I
'
espace
"
Le Cosmos, d'après Andreï Sakharov
singularité <I>
image 1D de deux
portions d'espace
«adjacentes»
49
Le résultat faisait que tout se passait comme si l'univers 1 avait« un
endroit et un envers». On pouvait alors représenter le contenu
cosmique comme ceci, en utilisant un miroir permettant de voir
l'envers de la feuille:
• lamasse
négative
\
b;osphère J corps ph~
/ I
"cons~ience"
50
- JCB: Autrement dit, /,a partie physique de l'homme, son corps, et sa
partie métaphysique coïncident géométriquement.
- JPP: Grosso modo.
- JCB: Mais on parÛlit de« l'âme». Qu 'est-ce que c'est que cette forme
floue qui reproduit, dans votre schéma, celle du corps humain?
- JPP: C'est ce qui s'appelle le «corps astral» dans les textes
traditionnels. Les textes hindouistes proposent une description
extrêmement complexe de cette partie métaphysique de l'être
humain, sous forme de différents «corps» emboîtés comme des
poupées russes. La psyché humaine coïncide avec l'encéphale;
géométriquement. Mais «l'être métaphysique humain» est aussi
complexe que son corps physique. Il est même équipé d'organes
«méta-sensoriels» : les chakras.
- JCB : Vous croyez à tout ce/,a?
- JPP : Je ne crois à rien de précis. Je me contente de tenter de
modéliser ce qu'on trouve dans les textes traditionnels. Des textes
qui apportent des formes de réponses là où la science n'en apporte
aucune. Je pense qu'il faut tenter d'essayer de prendre en charge
ces différents éléments comme des fragments de connaissance.
Avec ce modèle mathématico-géométrique que j'ai construit et
que je décrirai plus loin, j'apporte une sorte de «démonstration»
(logique) que les êtres humains ont une âme et qu'il existe une
vie après la mon.
- JCB : Ça n'est pas rien!
- JPP: Que nous dit la science par opposition? Qu'après la mort
il n'y a rien. Mais il manque la démonstration! Cela n'est qu'une
assertion commode pour masquer une incapacité de prendre le
problème en charge. Et cela contredit une masse considérable de
témoignages.
- JCB: Dans votre schéma ily a deux petits ronds, qui se font face. C'est
quoi?
- JPP: Il faut bien que ces deux entités communiquent,
échangent de l'information. C'est la conscience. La meilleure
51
représentation serait un trou, mettant en communication le recto
et le verso de cette entité « biosphère-noosphère ».
- JCB : Ça alors! La conscience est un trou!?
- JPP: Disons un canal permettant d'assurer la communication
entre ces deux entités.
- JCB : Et vous le situez où ce canal?
- JPP: Quelque part dans l'encéphale, j'imagine.
- JCB: Et, physiquement, ça se concrétiserait par quoi?
- JPP : Dans le modèle mathématique, le corps physique est
constitué de matière réelle, au sens physico-mathématique du
terme. Le «corps métaphysique» est constitué par l'autre type
de matière. En mathématiques, c'est de la masse imaginaire. Le
mot «imaginaire» a un sens très clair pour le mathématicien.
- JCB : Pour le grand public, pas du tout!
- ]PP: On peut quand même imaginer que les masses de la
physique se situent «d'un côté de la feuille» et que les masses
métaphysiques se situent «de l'autre côté de la feuille». La
communication s'effectue à travers des particules «complexes»
qu'on peut imaginer comme étant «dans la feuille de papier».
Elles sont ainsi «à la fois sur le recto et sur le verso 1 ».
- JCB: je préfère l'image du trou assurant la communication. Un trou
c'est un objet qui se trouve à la fois sur le recto et sur le verso. je n'avais
jamais pensé à ça! Et alors, quand on meurt, le trou se referme.
- JPP: Exact: on peut le voir comme ça. Les deux entités sont
dès lors livrées à elles-mêmes. L'entité métaphysique perdure,
mais l'entité biologique devient instable. Elle a besoin du contrôle
1. Le mathématicien dira que le corps physique est constitué par des masses réelles,
le corps métaphysique par des masses imaginaires et que le lien entre les deux est
assuré par des« particules complexes», ayant la double nature. Elles ont« une partie
réelle » et « une partie imaginaire».
52
de l'entité métaphysique pour perdurer. Enfin, c'est le cas des
êtres vivant élaborés 1•
- JCB: Cela pose le problème du coma.
- JPP: Tout à fait. On est capable de maintenir en vie un
corps humain pendant des années, ou même des décennies.
Quand tout retour à une vie consciente semble impossible, ou
très improbable, peut-on considérer que l'individu est mort?
C'est très délicat. Un de mes amis, un chercheur marseillais, a par
exemple connu quatre années de coma, à la suite d'un accident
de voiture. Puis un beau jour il s'est réveillé et la première chose
qu'il a constatée, c'est que son épouse avait refait sa vie avec un
autre homme. Il aurait donc été dommageable de le « débran-
cher». Mais à l'inverse, il est possible que des gens maintiennent
en cet état de vie végétative un individu qui pourrait être psychi-
quement mort. En fait, c'est indécidable, car nous ne disposons
pas des instruments d'analyse qui nous permettraient de mettre
en évidence le maintien ou la rupture du lien d'un corps avec sa
structure noosphérique de pilotage.
- JCB: Passons à cette histoire de corps astral. Ça m'intéresse.
1. D'autres, beaucoup plus primitifs, comme les tardigrades, peuvent connaître des
léthargies de très longue durée. Il est vrai que l'activité psychique des tardigrades
reste réduite.
LES CHAKRAS
1. Le physicien dirait que toutes les masses sont «complexes», ont des composantes
réelles et imaginaires pures, plus ou moins marquées.
54
le flux sanguin, celui de la lymphe 1 et l'influx nerveux. Toujours
dans l'optique «ce qui est en haut est comme ce qui est en bas»,
on trouvera des «méta-organes» dans la contrepartie métaphy-
sique du corps physique de l'homme. Ce sont les chakras.
- JCB: On suit cette logique de l'ésotérisme ...
- JPP: L'homme possède donc des méta-organes de commu-
nication, avec une cenaine localisation.
- JCB: Il y a le« troisième œil», situé entre les sourcils.
- JPP: Qui correspond à une« méta-vision». Puis au niveau de
la gorge le chakra dont la localisation coïncide avec la thyroïde,
qui est associée à une méta-audition.
- JCB: Ily a aussi un chakra localisé sur le plexus solaire, le« chakra du
cœur » qui est lié à une méta-communication, disons, empathique. C'est
ce que disent ceux qui arrivent à se servir de ces organes. Il paraît que ça
sëduque...
- JPP: On est là dans le phénomène de l'expérience person-
nelle. Il est vain d'essayer d'apercevoir ces méta-organes avec un
microscope. Cenains disent que tous les êtres humains peuvent
avoir accès à de telles méta-perceptions.
- JCB : .Cela vous est-il arrivé?
- JPP: Oui, et je vais donner mon propre témoignage. Tout ce
que je peux dire c'est que ce que j'ai vécu cadre avec la description
qui est donnée de ces phénomènes dans les textes traditionnels.
Il y a des gens qui sont capables de passer en état de« méta-per-
ception », à volonté, grâce à des exercices de méditation. Cela
n'est pas mon cas. J'ai seulement vécu ces phénomènes de
manière occasionnelle, en état d'éveil et non sous forme de rêve.
La première chose est que l'impression subjective de la percep-
tion des objets change totalement. Tout ce qui est inanimé revêt
alors une couleur uniforme, gris-ven. Cela fait penser à ce qui
55
se passe quand on utilise le logiciel Photoshop et qu'on bascule
«en nuances de gris». Je me souviens que j'étais couché sur un
lit. En face de moi, sur un mur, un tableau représentait des fleurs
très colorées. En méta-perception le tableau est passé en mono-
chrome. Par contre, il y avait des fleurs, dans un pot. Celles-ci
étaient colorées, de couleurs très différentes. Tout ce qui était
vivant était coloré et tout ce qui était non vivant était gris-vert.
Le corps de la femme qui était à mes côtés présentait toute une
gamme de couleurs. Je voyais ses chakras.
- JCB : Et ça ressemble à quoi?
- JPP: À des sortes de vortex, animés d'un mouvement de
rotation. Le corps astral n'a pas une délimitation aussi nette que
le corps physique. Au niveau de la tête, il dépasse quelque peu de
l'enveloppe physique. Question aspect, je pourrais comparer ce
que j'ai vu aux couleurs qu'un poulpe peut afficher avec ses chro-
matophores. Ces couleurs varient et se déplacent. On pourrait
même parler d'ondes chromatiques. Ceux qui arrivent à percevoir
tout cela y trouvent des renseignements sur l'état émotionnel,
et même mental des personnes. Un corps astral rabougri est le
signe d'un mauvais état général. Il y a tout un code de couleurs
qui est censé traduire les «états d'âme» de la personne. Je n'ai
pas été jusqu'à ce stade de perception, mais certains prétendent y
parvenir. Sur Internet, vous trouverez toutes ces correspondances,
qui font toujours apparaître une dualité. Si le rouge clair, lumi-
neux, est signe de vitalité, le rouge sombre est associé à la peur,
à la colère, à des sentiments violents et négatifs. En général, tout
ce qui est sombre tire vers le négatif.
- JCB : On caresse de noirs desseins.
- JPP: Le jaune est associé à une activité mentale. Et par
exemple le jaune clair signifie: pensées rayonnantes. Jaune sale:
ruse, calcul. Vous trouverez tout cela sur le web.
- JCB: Ce qui est curieux, c'est qu'on use de ce codage chromatique
dans l'iconographie religieuse. La couleur or est signe de haut niveau de
56
spiritualité. Donc l'or est lié au divin. Dans les icônes russes, la tête des
personnages est entourée d'une aura dorée.
- JPP: On peut supposer que ceci découle de méta-perceptions.
- JCB: Mais le système des chakras na pas pour unique fonction la
perception.
DIFFÉRENTES FORMES n'ÉNERGIE
58
les molécules d'air, mais peut-être dans les méta-molécules qui
les accompagnent comme leur ombre. L'idée serait que ces molé-
cules pourraient, grâce à ces «doubles» qui les accompagnent,
véhiculer cette méta-énergie et permettre au corps d'en faire son
profit. Là encore, référons-nous aux textes hindouistes. Quand
nous ingérons de la nourriture, après que celle-ci a été broyée et
diluée à l'aide de la salive et des différentes sécrétions de notre
système digestif, ces éléments sont envoyés vers le foie qui va
«métaboliser» tout cela, c'est-à-dire transformer ces nutriments
en molécules assimilables par les cellules, le transport étant assuré
par le circuit sanguin. Dans cette alchimie du Prâna, c'est le
chakra splénique, localisé à hauteur de la rate, qui joue le rôle de
«méta-foie».
- JCB : Quid du transport de cette méta-énergie?
- JPP: Le circuit qui assurerait le dispatching serait tout simple-
ment le réseau des méridiens de l'acupuncture. Il y aurait donc
une double façon de se nourrir. La première est celle qui effec-
tivement découle de l'énergie solaire physique, celle de Fohat,
récupérée par les plantes, puis consommée par l'homme, directe-
ment à l'aide d'une alimentation végétarienne, ou en passant par
l'intermédiaire d'une alimentation carnée. Sa seconde se référe-
rait à cette vision un peu particulière postulant l'existence d'une
énergie « prânique ». Dans les textes, on trouve même mention
d'un système d'élimination des déchets par la pilosité.
- JCB: Cela expliquerait peut-être le fait que les gourous et d'ailleurs
nombre de représentants d'autres religions se laissent pousser la barbe.
L ïdée est plaisante. Mais faut-il accorder foi à tout cela?
59
- JCB : Où avez-vous été pêcher tous ces éléments? Vous avez suivi une
formation ? Vous êtes un initié?
- JPP: Moi? Pas du tout. J'ai un peu lu, ici et là, ce qui me passait
entre les mains. Vous savez, ces idées sont apparues en Europe en
particulier du fait de la présence en Inde d'officiers anglais qui se
sont montrés curieux d'une certaine culture locale. Il y a eu aussi ce
qu'ont ramené des voyageurs et des voyageuses. La plus connue est
Helena Blavatsky, d'origine russe, qui parcourut l'Inde dès 1848, grâce
à la fortune familiale. Elle consigna ce qu'elle avait pêché là-bas dans
un ouvrage, La Doctrine secrète, collection d'enseignements récoltés
auprès des Mahâtmâ 1 d'une «Grande Fraternité blanche». Tout cela
a aussi donné naissance au mouvement théosophique.
- JCB: Et que pensez-vous de tout cela?
- JPP: C'est l'auberge espagnole. Les gens qui se plongent là-de-
dans en ressortent de toutes les manières possibles et imaginables. On
trouve le meilleur comme le pire. Émergent de ces creusets aussi bien
des humanistes, des guérisseurs bénévoles que des mythomanes, des
escrocs, des ... sorciers ou carrément des nazis! Certains s'engagent
dans des croisades diverses et variées. D'autres pondent des doctrines.
D'autres fondent des sectes dont ils deviennent les gourous. D'autres
encore se retirent et se coupent du monde. Le monde scientiflque, en
règle générale, exècre ce genre de prose.
- JCB : Mais vous vous êtes quand même aventuré dans cette jungle.
- JPP: Par curiosité d'abord, mais aussi du fait d'expériences
diverses et variées.
- JCB : Comme cette vision du corps astral dont vous parliez tout à
l'heure.
- JPP: Par exemple. Pour ceux qui sont curieux, je recomman-
derais le livre d'Arthur E. Powell, Le Corps astraP.
- JCB: Vous êtes devenu un adepte de la théosophie?
60
-JPP: Un adepte de rien du tout! J'incite simplement les
lecteurs à explorer un peu ce monde-là, avec le maximum d'in-
telligence critique, de distance et de prudence. Spiritualité, que
de conneries et de fadaises ne profère-t-on pas en ton nom! Il y a
des gens qui vivent baignant dans ces idées comme en se compor-
tant comme des cerises confites. Je les appelle des «spiritieux».
Ce qui importe en fin de compte, c'est la façon dont vivent les
gens, dont ils se comportent, tout particulièrement vis-à-vis des
autres. Quand la spiritualité devient synonyme d'égocentrisme
et de repli sur soi, je la comparerais à une forme de masturbation
psychique. Mais revenons à notre propos.
LA GESTION DU CORPS, LA SANTÉ
62
savons rien. Quand les partisans d'une médecine paramédicale
évoquent une gestion du corps ils en parlent différemment.
Ils parlent de « rééquilibration des énergies». Les guérisseurs
prétendent pouvoir agir sur les corps. Si cela est vrai, par quel
moyen? Quand ils invoquent leur «magnétisme» et la forme
«d'énergie» qu'ils mettent en œuvre, il n'y a rien que les instru-
ments de la physique puissent mesurer. Il est possible qu'ils aient
la faculté d'agir sur notre «méta-corps», comme des mécaniciens
qui déboucheraient des chakras encrassés ou regonfleraient un
corps astral quelque peu affaissé.
- JCB : ]'aimerais qu'on revienne sur cette question du mental.
LE RÊVE ET DES ÉTATS
,
DE CONSCIENCE DIFFERENTS
64
de mouchoirs noués ou non noués, les premiers signifiant « 1 »
et les seconds « 0 ». Les mémoires des ordinateurs actuels sont,
in fine, structurées comme nos CD-ROM, sous la forme d'une
longue suite de 0 et de 1 disposés sur une piste enroulée en forme
de spirale. Déroulée, ce serait un classeur linéaire extrêmement
long. En permanence, un ordinateur stocke des données dans
celui-ci.
Toutes ces fiches ne sont que des nombres, composés en binaire,
qui vont de zéro à ... un très grand nombre. Ces nombres sont
à la fois des données et des adresses de données. On pouvait il
y a quelques décennies examiner totalement la structure de la
mémoire d'un ordinateur personnel. On voyait alors des parties
du classeur où il y avait des paquets de fiches, séparées par des
cases vides. Et toute la mémoire était comme cela.
65
pour les stocker par morceaux:, avec des adresses permettant de
recomposer tous ces éléments ensemble. Bref, un foutoir complet.
On devait alors, quand la mémoire était encombrée de manière
anarchique, activer un programme «de défragmentation», de
classement des données. Cela pouvait prendre des heures et on
pouvait alors voir, en temps réel, l'ordinateur travailler pour
regrouper des données par paquets, puis tasser ces paquets dans
une partie de la mémoire, pour laisser disponible le plus de place
possible.
Mémoire "fragmentée"
lf.uww..11111~1_ _ _ _ _ __
66
- JPP: Tout à fait. Avec le développement des futurs ordinateurs
et l'intégration de différentes formes d'intelligence artificielle,
cette activité s'enrichira, deviendra de plus en plus complexe, au
sens où l'engrangement de nouvelles données entraînera jusqu'à
une modification comportementale de l'intelligence artificielle.
- JCB : Autrement dit, dans cette forme de rêve, on réexamine les souve-
nirs de la journée et on s 'ejforce de n'en conserver que l'essentiel. On
classe ces nouveaux souvenirs dans des «boîtes» où sont conservées d'autres
données du même genre. Le cas échéant, on efface des données considérées
comme inutiles, trop pauvres.
- JPP : À moins qu'on ne se refuse à mémoriser des données
considérées comme dérangeantes. Un ordinateur fonctionne
comme un être vivant que l'on nourrit. Simplement, sa nour-
riture est sous forme d'information. Cette nourriture, il la
digère, il la « métabolise » à sa façon, en fait son profit. Mais
son système « psycho-socio-immunologique » fait qu'il rejettera
purement et simplement des données susceptibles de désorganiser
son «système de pensée 1 »,et cela sera immédiatement apparent
quand les intelligences artificielles s'intégreront dans les entrailles
de nos machines. Un antivirus représente déjà une forme de
système immunologique primitif qui s'enrichit sans cesse et doit
être constamment mis à jour. Le programme antivirus stocke
une quantité accrue de «signatures» d'informations à caractère
négatif, pour être à même de les identifier dès qu'une intrusion
aura lieu2 • Les concepteurs de virus, de «chevaux de Troie»,
devront donc s'efforcer de maquiller sans cesse ces «poisons»,
ces sources d'infection pour qu'elles ressemblent à une nourriture
ordinaire, digeste, et franchissent les «défenses » des ordinateurs
attaqués.
- JCB: Tout cela est préoccupant...
67
- JPP: Cela montre simplement que nos ordinateurs sont
construits pour mimer nos mécanismes mentaux. Nous engran-
geons, nous analysons, nous filtrons, nous éliminons, nous
combinons, etc.
Il y a éventuellement des portions de mémoire vis-à-vis desquelles
notre ordinateur effectuera des corrélations, des comparaisons,
auxquelles il se référera, en procédant éventuellement à des
destructions ou des stockages sans que ceci ne laisse de trace
apparente dans les signes de l'activité à laquelle l'ordinateur
se livrera. Cela sera particulièrement net quand son mode de
fonctionnement intégrera une part d'activité gérée par une part
d'intelligence artificielle locale.
- JCB: Autrement dit, ces ordinateurs-là seront dotés d'un inconscient
au sens freudien du terme.
- JPP: On peut le dire comme cela. Un jour viendra où nos
ordinateurs auront «des secrets pour nous». Une partie de leur
mémoire échappera à nos investigations. Ou, dit autrement, il
faudra un très gros travail pour retrouver ces «souvenirs-là» dans
une architecture de mémoire qui dépassera l'imagination, par sa
complexité. Toujours est-il que la question centrale reste posée:
«Où se situe notre activité mentale? Se limite-t-elle à des circuits
neuronaux, dans nos encéphales ?»
- JCB : C'est /,a. position actuelle de /,a. science, et c'est également celle des
psychanalystes: tout est dans /,a. boîte crânienne des individus.
- JPP: Le présent modèle suggère une forme de dualité.
Personnellement, je pense que l'activité mentale, la réflexion, le
stockage des données, ne se situent que très partiellement dans
les circuits neuronaux.
- JCB: Un peu comme si ces circuits neuronaux du cerveau ne faisaient
qu'une mise en forme des données, qui sont transmises au véritable
«cerveau» que vous imaginez situé dans /,a. noosphère. Nos encéphales ne
seraient que des cervelets mentaux un peu é/,a.borés.
68
- JPP : Cela nous amène au schéma suivant. La conscience
n'a accès qu'à une partie de l'information, dans les deux plans.
Cette conscience peut être comparée à un pinceau de phare,
plus ou moins étendu. À tout instant de la vie nous avons
un état de comcience bien déterminé. Dans les images ci-après,
j'indique comment je me représente deux états de conscience
différents.
1. Un cumulonimbus.
69
linéaire et ascensionnelle? Comment est «mon fil de laine »1 ?
Dans ces conditions, l'attention consciente, la connexion de la
conscience avec le corps physique est élevée. À l'inverse, l'esprit
laisse peu de place à ... tout le reste. Par exemple aux soucis,
aux problèmes. Mon ami Rémy a coutume de dire que «quand
un type qui fait du planeur parvient à penser à ses problèmes
pendant qu'il vole, alors il doit s'agir de très gros problèmes».
L'attention apportée au vol garantit le maintien en l'air, qui
est la préoccupation numéro un du vélivole2 • Cette posture de
la conscience correspond à toute activité où la personne reste
concentrée sur le flux sensoriel3.
À droite, sur le schéma ci-dessus, une activité intellectuelle,
constituée par exemple par la composition de ce livre. L'attention
à l'environnement physique se trouve réduite au strict minimum:
une veille auditive pour capter le message disant que le déjeuner est
prêt. La projection de la conscience dans le mental est plus large,
mais reste limitée. J'ai fait figurer ces mémoires périphériques
et sources comportementales que sont les «vies antérieures». Le
champ de consciences' arrête à la frontière conscient/inconscient.
1. Collé sur le pare-brise: le pilote doit le maintenir, par ses actions sur les
commandes, bien venical par rappon à l'appareil. Si ça n'est pas le cas, le planeur
est en glissade ou en dérapage. Voir http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/
telechargeables/F rancais/ mecavol/ mecavol. pdf.
2. Un planeur n'a pas de moteur, aucune source d'énergie qui permette de contrer
sa chute naturelle à une fraction de mètre par seconde. Le pilote doit en permanence
rechercher une région avec une ascendance. Sur son tableau de bord, le variomètre
indique le taux de chute ou le taux de montée du planeur, en mètres par seconde.
3. Par exemple pendant des ébats sexuels.
LA MÉDITATION
71
COMMUNIQUER, COMMENT?
1. Et réciproquement ...
72
synonymes de forces attractives et répulsives. On peut aussi
imaginer l'équivalent d'une électrodynamique. Et, bien entendu,
on y trouve des méta-photons, porteurs d'une méta-énergie, et
susceptibles de véhiculer des informations. De même que deux
êtres humains peuvent communiquer à grande distance en
utilisant la radio, on peut et on doit envisager des modes de
communication analogues dans la noosphère.
- JCB: C'est-à-dire la té/lpathie.
- JPP: Exactement! Et cela se traduirait par le schéma suivant:
Communication télépathique
noosphère
biosphère
73
individus prétendent avoir fréquemment accès à ce mode de
communication. Chez d'autres, le phénomène ne se produirait
que de manière sporadique.
- JCB : Et, bien sûr, pour la science officielle ce phénomène est une
simple absurdité.
1. Mais déjà des systèmes d'immersion dans une réalité virtuelle comportent des
accessoires qui sont des gants permettant de reconstituer des impressions tactiles.
75
- JCB : La réalité virtuelle est une autre forme de réalité.
- JPP: Et là on achoppe avec la méta-réalité du rêve. Nous
sommes les artisans de nos rêves, sans que nous en soyons
conscients. Nous manipulons à volonté de la méta-matière. Nous
créons décors, personnages et scénarios.
- JCB : Le psychanalyste dira que l'artisan du rêve c'est notre inconscient.
- JPP: Ce dont les êtres humains doivent prendre conscience,
c'est qu'ils peuvent intervenir consciemment dans les rêves où
ils se trouvent immergés.
- JCB : Encore faut-il être conscient du fait qu'on est dans un rêve.
- JPP: C'est une chose qui peut se travailler. Tous les gens qui
lisent ces lignes ont peut-être vécu des rêves où ils savaient ...
qu'ils rêvaient. Cela, c'est le premier pas. Le second est de
comprendre qu'on peut à volonté intervenir dans ses rêves.
- JCB: Intervenir, comment?
- JPP : Imaginez un rêve angoissant où vous vous retrouvez
attaqué par une bête sauvage, la bête du Gévaudan, par exemple.
Vous ressentez de la peur et vous ne savez comment vous défendre.
Il vous manque une arme permettant de tenir l'animal à distance,
voire de le blesser ou de le tuer.
- JCB : Dans les jeux vidéo, les joueurs peuvent se retrouver da.ns ce genre
de situation. On leur offre alors une panoplie d'armes à leur disposition.
- JPP: Le concepteur du jeu pourra limiter cette disponibilité.
S'il s'agit par exemple d'une arme de jet, le joueur n'aura droit
qu'à un nombre fini de projectiles.
- JCB : Dans le rêve, où trouver une arme?
- JPP: Il suffit d'y penser! Les rêveurs ne se rendent pas compte
qu'ils disposent d'un pouvoir illimité. Il suffit de penser à une
«lance» et immédiatement celle-ci est entre vos mains. Vous
pensez ... «bouclier»? ... Même chose! Ce qu'il faut savoir aussi c'est
que dans le rêve tout est permis, absolument tout. La culpabilité n'y
76
est pas de mise. Nous sommes dans le monde du fantasme. Dans
le rêve, on peut réagir à une agression de manière violente.
- JCB : On débouche sur une autothérapie extraordinaire!
- JPP: On voit se dessiner une façon simple et peu coûteuse
de venir à bout de peurs infantiles, de traumatismes du passé.
- JCB: Un psychanalyste est quelqu'un qui se prête à un jeu de rôle
qui s'exprime par le langage. Il doit être prêt à revêtir tous les costumes, à
jouer tous les personnages. Cela permet au patient d'extérioriser ses trau-
matismes, de revivre des situations du passé, de les jouer et d'en modifier
l'issue, de relativiser leurs implications. C'est le principe même de ce mode
de psychothérapie. Et cela implique que le psychanalyste s'avère capable
d'endosser tous les costumes, qu'il n'ait pas lui-même de «résistances» face
à un rôle particulier qui lui serait proposé.
- JPP: Il existe des gens qui vivent des rêves éveillés, de manière
cette fois pathologique. Ce sont les psychotiques qui ne font pas
de différence entre le rêve et la réalité. C'est la définition même
de cette maladie. Elle ne se traduit pas systématiquement par un
passage à l'acte. Il existe une grande variété de psychoses. Quand
ce désordre prend des formes violentes les psychotiques sont alors
le plus souvent des dangers pour eux-mêmes. Dans certains cas,
rares, cette déconnexion entre fantasme et réalité explique certains
comportements de tueurs en série. Ce qui est grave c'est que l'abon-
dance des films et des jeux vidéos recélant de la violence viennent
nourrir des tendances qui sans cela, ne se seraient pas développées
avec autant d'ampleur. Je voyais ces derniers temps une vidéo
réalisée par un jeune auteur de meurtres en série, dans son école,
où une dizaine de jeunes trouvèrent la mort. En souriant il annon-
çait son geste en disant «je vais être le plus grand tueur en série en
milieu scolaire». Et effectivement quelques jours plus tard il passa
à l'acte en exécutant avec une arme de guerre, une Kalachnikov,
acquise en toute légalité, une douzaine de ses camarades. Pire
encore: son geste accompli il se balada parmi des spectateurs pour
ne pas perdre une seconde du spectacle.
- JCB: En fait, il était« dans un jeu vidéo».
77
- JPP: Tout à fait. Aux États-Unis, on peut effectivement dire
que ces meurtres en série sont grandement facilités par le fait
qu'il est extrêmement simple d'acquérir des armes effroyable-
ment meurtrières. Mais on peut aussi dire que les jeux vidéo qui
envahissent le marché, jeux extrêmement violents et de plus en
plus réalistes, sont une invitation à la psychose.
- JCB: On vit dans un monde où, sous prétexte d'abrutir les gens, de
les rendre plus dociles, de les amener à consommer ces produits, on leur
fait perdre de plus en plus la faculté de percevoir la différence entre rêve et
réalité. C'est d'autant plus dangereux qu'aujourd'hui des enfants en bas
âge ont en main des tablettes numériques qui leur permettent de tomber
dans ces pièges. Dans le monde où nous vivons, de plus en plus anxiogène,
ces jeux morbides font figure de refuges.
-JPP: Je pense à un court-métrage de Hitchcock. Dans une
petite ville des États-Unis, un couple vit avec leur fils de cinq ans,
que l'on découvre en habit de cow-boy. Le père reçoit son frère,
militaire. Celui-ci a promis à son jeune neveu un cadeau. Pendant
que le couple discute avec celui-ci, l'enfant se glisse dans sa
chambre et ouvre sa valise où il découvre son arme de service
ainsi qu'une boîte de cartouches. Le voilà donc, le cadeau promis.
L'enfant se saisit de l'arme et glisse une cartouche dans le barillet.
La suite du film est centrée sur un fantastique jeu de roulette russe.
Entre deux rencontres avec les commerçants du voisinage, l'enfant
fait tourne le barillet et appuie sur la détente.
78
ville. Dans la scène finale, l'enfant a regagné la maison, poursui-
vant son jeu. Cette fois, il vise la femme de ménage qui nettoie
un lustre. Les parents arrivent, sont témoins de la scène, crient.
L'enfant presse une nouvelle fois la décente. Le coup part mais
n'atteint pas la femme de ménage. L'enfant, terrifié, se met à
pleurer. Mais «tout rendre dans l'ordre».
C'est une scène, très réaliste, qui pourrait finalement tout à fait
se produire et qui nous fait mesurer l'absurdité des jeux de guerre
que nous offrons à nos enfants.
- JCB : On ne peut que constater l'envahissement total de la scène ciné-
matographique par des films de plus en plus violents. Il est loin le temps
où Paul Meurisse, jouant un rôle de policier, maniait son arme comme
on tient un bouquet de fleurs.
79
- JCB : Comment peut-on se divertir de films aussi anxiogènes et
morbides?!
80
même imaginer que ces programmes animent des robots. S'il y
a une demande, un marché, tout cela verra le jour1•
corps humain
nébuleuse
culturelle et idéologique
1. On peut imaginer des robots-femmes (ou hommes), à usage sexuel, dotés d'une
palette de programmes componementaux et capable de s'adapter aux fantasmes
du client. Un marché planétaire.
81
- JCB : Cette non-indépendance est déjà évidente dans l'ici-bas. Nous
sommes sous le coup de multiples influences médiatiques. Votre modèle
suggère qu'on retrouverait des schémas analogues dans la noosphère.
83
Quand Spielberg a tourné Tintin, on a procédé de la même façon. Le
progrès réalisé par Cameron a été de fixer aux casques une minicaméra
dotée d'un système optique qui capture la position d'une cinquantaine de
points qui sont collés sur le visage des acteurs et qui enregistrent leurs expres-
sions, leur jeu d'acteur. Au préalable, une vaste collection de mimiques a
été enregistrée et mise en mémoire. En temps réel l'ordinateur interprète
l'aspect du visage de l'acteur et va chercher en mémoire la mimique corres-
pondante. Comme ces mimiques s'enchaînent, l'interpolation est effectuée
par la machine. Il s'agit ensuite d'habiller ces formes avec des couleurs,
des nuances chromatiques variées. En.fin, on ajoute les chevelures, les vête-
ments, la queue, dont les mouvements devront accompagner les personnages
avec toute la souplesse requise.
]PP: En fait, depuis un demi-siècle, on a fait entrer dans les ordi-
nateurs de nombreux éléments du réel. La thermodynamique, les
transferts de chaleur, idem. On n'envoie plus de propane dans un
décor pour simuler un incendie. La balistique: c'est fait. La méca-
nique des fluides, incluant leur viscosité, c'est fait. On simule à
volonté des fluides translucides ou turbides. On sait faire jouer
la lumière sur toutes sones de revêtements. Elle est loin l'époque
où les personnages de synthèse ressemblaient à des poupées de
cire. On sait plaquer sur la peau des taches, des irrégularités. On
sait animer cheveux et barbes. Quand un personnage marche ou
coun, ses vêtements flottent dans le vent de la manière la plus
réaliste qui soit. Derrière chacun de ces sous-programmes, il y a
une thèse de doctorat en mathématiques appliquées. Il y a aussi
d'immenses progrès technologiques.
Dans les années 1970, j'avais créé le premier logiciel, Pangraphe,
tournant sur le premier micro-ordinateur Apple 111 capable de
produire des images, sur un écran de 192 X 280 = 53 760
«pixels» (points) en une seule couleur. Il fallait vingt bonnes
minutes pour créer l'image d'un objet de 300 facettes« avec panies
84
cachées éliminées». À cette époque, des revues comme Scienti.fic
American mettaient en couverture de somptueuses images où
on pouvait voir les carreaux d'un échiquier vus à travers une
carafe emplie d'eau, image qui avait nécessité un nombre impres-
sionnant d'heures de calcul. Aujourd'hui, tout cela a explosé.
Non seulement les capacités de mémoire ont crû de manière
vertigineuse, mais les systèmes multiprocesseurs spécialisés dans
l'imagerie ont réduit les temps de calcul de manière vertigineuse.
Les jeunes qui manipulent maintenant leurs jeux vidéo n'ima-
ginent pas l'équivalent dont leurs grands-parents disposaient dans
les années soixante-dix. Je me rappelle un logiciel de pilotage où
«l'avion» était représenté schématiquement par une douzaine
de segments. Mais ça n'enlevait rien à l'émotion. L'imagination
faisait le reste.
- JCB: Avec Avatar, Cameron a introduit une nouveauté. Alors que
ses acteurs s'agitent dans un hangar complètement vide, lui-même dirige
leurs mouvements en observant, sur lëcran qu'il tient à deux mains, le
résultat complet de la séquence, telle qu'elle apparaîtra au spectateur, ou
presque. Ce qui veut dire que l'ordinateur est assez rapide pour créer une
image où il synthétise à la fois l'aspect physique des personnages et le dicor
dans lequel ils évoluent, et tout cela en 3D. Les casques de réalité virtuelle
ont fait leur apparition.
- ]PP: Si nous pouvons produire un décor où, dans le champ
visuel, on affiche dix millions de pixels en couleur et en 30, alors
cela devient indiscernable de la réalité.
- JCB: Cela veut dire que si on équipe un bonhomme d'un tel casque,
il devient incapable de savoir si ce qu'il voit est réel ou non.
- JPP: Je vous ai dit que la technologie dans tous les domaines
ne fait que mimer le réel. Avec de tels systèmes, nous reconstituons
le monde du rêve. Dans ce monde-là, chacun reste lui-même,
mais peut se doter d'une apparence différente, créer son propre
avatar, humain ou animal. Chacun est libre de moduler l'appa-
rence, le décor, à sa convenance. Maintenant, projetons cela dans
85
ce rêve où un employé et son patron vont interagir. Plaçons-nous
du côté de l'employé. Celui-ci appréhende cette rencontre du
lendemain. Il visualisera son patron sous la forme par exemple
d'un chien hargneux. De son côté, le patron a une autre vision
des choses. L'employé est devenu un insecte volant, une sorte de
gros moustique, susceptible de pouvoir le piquer pour lui pomper
du sang.
- JCB : C'est le même rêve, mais perçu à travers deux prismes différents,
deux« réalités oniriques différentes».
- JPP: Ce rêve a deux issues possibles. Soit le patron gagne.
Cette scène se trouve alors interprétée de deux manières diffé-
rentes. De son côté, l'employé ne parvient pas à dominer sa peur,
se sent sans défense. Le chien hargneux le mord cruellement et
il finit par prendre la fuite. De son côté, le patron se saisit d'une
bombe insecticide et met l'insecte en déroute.
- JCB: Et quand c'est l'employé qui gagne?
- JPP: Il «matérialise» dans sa main un bâton qu'il lance au
chien, lequel prend la fuite. Le patron, quant à lui, voit cet insecte
volant se plaquer contre lui, le piquer et pomper son sang.
- JCB : Et le lendemain, lors de /,a rencontre dans le monde physique?
- JPP : Tout se passe comme si la scène avait déjà été jouée,
pendant la nuit. Tout est déjà« écrit». Dans le premier scénario,
l'employé frappe timidement à la porte de son patron, qui
l'éconduit d'un geste, en lui signifiant un refus immédiat et sans
appel, assorti de menaces : « Des comme vous, il y en a plein les
rues. Je n'ai qu'un mot à dire pour trouver quelqu'un d'autre
qui fasse votre travail!»
- JCB : Et le second scénario?
- JPP: L'employé paraît. Il se sent sûr de lui et toise son patron.
De manière inexplicable celui-ci prévient sa demande en lui
disant: «Tenez, j'ai décidé de vous augmenter. Comme ça, vous
êtes content? »
86
- JCB : En somme, ils « rejouent» la scène de la nuit.
- JPP: Ce que j'ai illustré avec une scène entre un employé
et son patron peut être décliné dans maintes scènes analogues.
On peut penser à une rencontre où un homme souhaite obtenir
les faveurs d'une femme, etc. Tout le monde a vécu des scènes
similaires, où il existe un enjeu et où on sait que la partie est en
fait déjà jouée. On ne sait pas pourquoi, mais on le sent. On part
gagnant ou on part perdant, sans trop comprendre pourquoi. Je
ferai une comparaison avec des rencontres diplomatiques assor-
ties d'un enjeu, dont la presse se fait écho. Par exemple: «Le
pays A accordera-t-il ce prêt demandé par le pays B, et si oui, à
quel taux?» En fait, la décision est prise de longue date, à l'issue
de rencontres discrètes entre diplomates. Quand les deux chefs
d'État se rencontrent, le suspense, entretenu par la presse, n'est
qu'apparent. Ils savent que tout ne sera plus qu'une formalité et
leurs conversations portent plus sur le menu du déjeuner à l'issue
duquel la décision sera annoncée.
- JCB : Ce que vous évoquiez c'est en quelque sorte la «double vie» des
êtres humains, à lëtat d'éveil et pendant leur sommeil.
88
- JCB: Vous voilà apparemmentprojeté dans un lointain passé. Je note
que vous avez transcrit cela dans une de vos bandes dessinées:
Le Secret d'Imothep 1•
En faisant vivre cette scène par votre personnage, Anselme Lanturlu. Quid
de cette histoire de scarabée?
- JPP : Cela, c'est un ajout issu de ma simple imagination,
pour les besoins du scénario. Quant au reste, appelons cela un
rêve. Mes pieds prennent contact avec le sol. Je suis à proximité
du chantier de la pyramide de Khéphren. Et là, j'entends un
bonhomme qui vocifère, dans une langue incompréhensible. Je
tourne le coin et je découvre un prêtre-chef de chantier, qui
vitupère après ses employés. Soudain, il m'aperçoit et s'adresse à
moi dans un langage complètement hermétique.
89
Et là, je m'entends lui dire, comme indiqué dans la bulle de la
bande dessinée: «Ce n'est pas la peine de gueuler comme ça, je
ne comprends pas un mot de ce que vous dites!»
J'ai alors l'intuition, le sentiment, appelez cela comme vous
voudrez, que je suis le neveu de ce bonhomme, que j'ai quatorze ans
et qu'en tant qu'assistant je suis en retard au chantier. Toujours
est-il qu'il finit par se calmer et reprend la conduite des travaux.
Quelques mètres plus haut, je vois un très gros bloc qui progresse
lentement sur une rampe qui est apparemment en pierre.
- JCB : Et là, vous allez chercher à comprendre comment est assurée la
montée de ce bloc. Où cette bande dessinée a-t-elle été publiée?
- JPP: Nulle part. Le monde éditorial est quelque peu mysté-
rieux.J'ai vainement tenté d'intéresser des éditeurs à mes travaux
d'égyptologie. De guerre lasse, j'ai fini par composer cette BD
de 140 pages dont j'ai installé le PDF sur le site de Savoir sans
Frontières 1 que nous gérons, mon ami Gilles d'Agostini et moi,
depuis une quinzaine d'années.
- JCB: Vous avez essayé de publier les travaux qui ont découlé de cette
fameuse nuit dans une revue dëgyptologi.e?
- JPP: Bien sûr. Dans ce cas, la revue est le classique BIFAO,
le Bulletin de l1nstitutfrançais d'archéologi.e orientale. J'ai proposé
un article assez détaillé.
- JCB: Et alors?
- JPP: Il a été refusé par« manque d'arguments philologiques».
Ce qui signifie que je n'avais aucun document à citer à l'appui de
ma théorie, aucun papyrus sur lequel ce schéma était décrit. Dans
le monde de l'égyptologie, on ne connaît que cette démarche: le
décryptage et l'interprétation de textes d'époque, présents sur des
papyrus.
- JCB : Autrement dit, si une technique n'est pas décrite sur ce type de
support elle ne peut être prise en considération?
90
- ]PP: C'est aussi simple que cela.
- JCB : Ainsi, vous n'avezjamais pu publier un article dans une revue
dëgyptologie?
- ]PP : Il y a une exception. J'ai percé le secret de la « coudée
pharaonique 1 ». Une chose qui est évoquée dans ma bande
dessinée page 24 et suivantes.
91
- JPP: Oui, dans une revue internationale reconnue, Le journal
de l'architecture égyptienne antique1•
une palme
92
- JPP: Tout à fait. Mais on ne va pas détailler cela, sinon c'est
un autre livre! Si notre éditeur est preneur, ou un autre éditeur,
je pourrais l'écrire. Il y aurait de superbes illustrations en couleur
à la dé.
- JCB: Il reste que vous faites des «rêves», de temps à autre, dont vous
ramenez des informations à caractère scientifiques, totalement fonction-
nelles. Vous avez d'autres expériences de ce genre?
- JPP: Une nuit, j'ai rêvé que j'étais à bord d'une nef égyp-
tienne en pleine traversée de l'Atlantique.
- JCB : Cette fois-ci, votre oncle était son capitaine?
- JPP: Non, cette fois personne n'a fait attention à moi.J'ai pu
inspecter le bateau sous toutes ses coutures. Ce que j'ai découvert
sur le gréement est fantastique, absolument génial.
- JCB : Vous avez publié ce/,a quelque part?
-JPP: Pas pour le moment. Mais j'ai fait des essais sur une
maquette télécommandée d'un mètre, très réussis. J'aimerais bien
trouver le temps de reconstruire une unité de sept mètres et de
procéder à des essais en mer.
- JCB: Comme jadis Thor Heyerdahl avec son Kon-Tiki.
- JPP: Mais il y a tellement de choses à faire!
- JCB : Vous êtes sur de nombreux fronts à /,a fois.
-JPP: Au point qu'une ancienne amie m'avait dit un jour:
«Vous êtes combien là-dedans?» en désignant mon crâne!
- ]PP: Oui, je vous avouerais que c'est un peu la question qu on se
pose.
- JPP: Il faut se battre sur le front de la cosmologie. Je vois que
la revue Ciel et Espace publie dans son numéro du mois d'oc-
tobre 2019 un article intitulé «Et s'il existait une masse négative?»
- JCB: On y évoque les travawc de l'Ang/,ais Jamie Farnes, du Français
Gabriel Chardin et de !'Allemande Sabine Hossenfel.der. Mais pas un mot
sur votre modèle Janus! C'est énorme... !
93
- ]PP: Oui, c'est énorme. Je vais vous raconter une anecdote
concernant celui de qui dépendent les contenus de la revue, son
rédacteur en chef. Il y a plus de trente ans, il était le tout jeune
président d'une association astronomique française. À ce titre, il
invitait des conférenciers. Les conférences avaient lieu dans les
anciens locaux parisiens de !'École polytechnique. Ce garçon me
demande donc de faire un exposé sur le sujet ovni. Mais le jour
dit, avant de me donner la parole, devant une assistance assez
clairsemée il déclare :
Quand j'ai annoncé sur notre bulletin que ]PP viendrait donner ici une
conférence sur le sujet ovni, j'ai été assailli de coups de téléphone émanant
d'astronomes, de physiciens, certains étant membres de l'Académie des
sciences, me demandant tous de déprogrammer cette conférence. Mais j'ai
refusé car nous ne devons pas nous détourner d'un sujet dès lors qu'il est
abordé de façon scientifique. j'ai donc maintenu la conférence de ]PP.
- JCB : Le moins qu on puisse dire c'est qu'il a changé de point de vue.
je l'ai entendu dire lors d'une émission de télévision: « Trouvez-moi un
travail scientifique lié au phénomène ovni, il n y en a aucun!»
- ]PP: Vous avez vu que la Navy américaine vient d'authentifier,
en septembre 2019, trois vidéos qui représentent une rencontre
entre des pilotes de jets Fl8, en 2004, et un authentique ovni1.
Ce qui est amusant, c'est d'entendre les réactions des scientifiques
interrogés à ce sujet. Ils ne savent plus quoi dire.
1. https://www.youtube.com/watch?v=wxVRg7LLaQA&feature=youtu.be.
94
- JCB: Ces documents chocs, dont toute la presse parle, ont été diffusés
par ce nouveau groupe américain « To the Stars Academy ofSciences»,
dont voici les trois responsables.
95
Que pensez-vous de cette annonce?
- JPP : Comment contacter ces gens ? Si c'est possible je suis
prêt à aller plancher chez eux à tout moment. Mais cela se fera-
t-il? Je ne peux pas tout faire, être sur tous les fronts. Si des gens
arrivent à remonter jusqu'à eux, on peut voir si, pour une fois, ce
mouvement n'est pas une énième opération de désinformation,
comme le mouvement « Disclosure » de Greer1•
- JCB: Mais revenons à notre sujet. Comment modéliser cet accès à une
vie antérieure avec votre modèle?
- JPP: Comme ceci:
noosphère
1. En 1991, quand Greer avait lancé son action, j'avais tenté de remonter jusqu'à
lui. Revenant du colloque de Brighton, j'avais des informations de première
main sur les black programs américains. N'ayant rien publié (cela devint plus
tard Ovnis et armes secrètes américaines, Albin Michel, 2003), j'ai mis toutes
les informations collectées là-bas à la racine de mon site pour qu'elles puissent
être téléchargées. Elles l'ont été, mais pas de réaction. Conclusion: Greer ne
cherche nullement à ce que ces black programs américains soient connus ? Son
mouvement est bidon.
96
- JPP: Oui. C'est un bon outil d'investigation. L'hypnose est
une incitation à amener le sujet à modifier son état de conscience
en suivant les suggestions formulées par l'hypnotiseur.
- JCB : Alors, le pinceau de la conscience peut se balader un peu n 'im-
porte où: dans des vies antérieures, dans des événements du passé. Mais
quid de la médiumnité?
LA MÉDIUMNITÉ, LE SPIRITISME
98
individu décédé
Le médium
l'assistance
99
on peut par exemple installer des fromages. Puis, en périphérie,
j'ai collé un ensemble de caractères, en désordre, constitué par
les lettres de l'alphabet, les chiffres, plus des messages-réponses
comme «OUI», «NON», «Je ne réponds pas». Et j'ai couvert
chacun de ces caractères par un petit cache en Canson noir. On
pouvait alors déplacer sur le plateau un objet quelconque. Je me
souviens que j'avais pris un bouchon de bouteille d'eau minérale.
Celui-ci pouvait être amené en butée sur un des caractères, non
visible puisque recouvert par un cache, articulé grâce à un simple
bout de ruban adhésif. En soulevant le cache, on pouvait décou-
vrir quel était ce caractère. Puis on mettait le plateau en rotation.
- JCB: Comme à la «roulette».
- JPP: Exactement. Alors, s'il n'y avait aucune intervention
«exotique», on avait chaque fois une chance sur quarante de
tomber par hasard sur le bon caractère, celui qui constituerait une
réponse à lui seul, ou qui compléterait une chaîne de caractères
constituant un mot. Au résultat, avec un nombre de réponses
totalisant N caractères il y aurait une chance sur 40N que cette
séquence soit due au pur hasard.
Le Spiritisme scientifique
100
- JCB: Et alors?
- JPP: J'ai lancé en rotation le plateau. Il devenait absolument
impossible de savoir où pouvait se trouver tel ou tel caractère.
Alors, nous avons mis un doigt sur le bouchon d'eau minérale en
lançant la sempiternelle question: «Esprit es-tu là?» L'objet s'est
mis très vite en mouvement. Il est venu se bloquer en face d'un
des caches. Je l'ai soulevé. C'était la case «ÜUI».
- JCB: Il y avait une chance sur quarante que cette réponse apparaisse.
- JPP: J'ai remis le plateau en rotation en posant une seconde
question: «Es-tu un homme ou une femme?» Réponse: «H ».
- JCB : Une chance sur 1 600 que ce couple de réponses soit dû au hasard.
- JPP: J'ai alors demandé: «À quelle époque vivais-tu?»
Réponse: une séquence de trois caractères successifs 135, toujours
en remettant le plateau en rotation entre chaque caractère.
- JCB : La séquence atteint cinq caractères.
Une chance sur 40 x 40 x 40
x 40 x 40 soit une sur 102 400000. Ça commence à faire pas mal
- JPP: J'ai alors demandé: «Que faisais-tu à cette époque?» La
réponse a été« M-É-D-E-C-1-N ».
- JCB : Soit sept caractères de plus. Donc, un total de douze caractères
et une chance sur 401 2 pour que cette séquence soit due au pur hasard.
Calculons, ça fait une chance sur 16777216000 000 000 000 !
- JPP: De l'ordre de 1,671021 • J'ai continué en demandant où
vivait cet homme. J'ai alors reçu une réponse, sans faute, sous la
forme d'une ville de l'Italie du Sud: S-A-L-E-R-N-0.
- JCB : Sept caractères de plus, donc un total de 19 caractères. Ce
bonhomme était donc médecin à Salerne au XII! siècle.
- JPP: J'ai demandé si ce personnage correspondait à une vie
antérieure de l'un de nous. Réponse: la case «ÜUI»
- JCB : Vingt caractères.
- JPP : J'ai demandé qui était cette personne. La réponse a été
le prénom de ma compagne et partenaire dans cette expérience,
qui comporte six caractères.
101
- JCB: Donc, un total de vingt-six caractères.
- ]PP: J'ai demandé si l'un de nous deux était médium. Réponse
«OUI».
- JCB : Vingt-sept caractères.
-]PP: Nouvelle question: «Qui est le médium des
deux?» Réponse: le prénom de ma compagne. Six caractères
supplémentaires.
- JCB : Trente et un caractères.
- ]PP: J'ai alors demandé le nom du personnage avec qui nous
étions en contact. Réponse G-I-G-0. Quatre caractères de plus.
- JCB : Soit un total de trente-cinq caractères.
- ]PP: J'ai demandé si j'avais moi-même pu être présent aux
côtés de ce« docteur Gigo »à cette époque. Réponse« OUI».
- JCB : Trente-six caractères.
- ]PP: J'ai demandé quelle pouvait être ma relation avec lui et
j'ai obtenu une réponse de quatre caractères: F-I-L-S.
- JCB : Soit un total de quarante caractères.
- ]PP: J'ai terminé cette séance en demandant quel était mon
rôle auprès du docteur Gigo à cette époque, et j'ai obtenu une
réponse sous la forme d'un mot de dix caractères, toujours sans
la moindre faute d'orthographe: ASTROLOGUE.
- JCB : Donc, au final cinquante caractères et une chance sur 105° que
cette suite de caractères soit due au hasard.
- ]PP: Il n'y a pas autant d'atomes dans l'univers connaissable ... !
- JCB: Quelle a été votre réaction après cette séance de« spiritisme
scientifique» ?
- ]PP: J'avoue que je suis resté bête. Je me suis dit: «Avec toute
la science que tu as engrangée pendant toutes ces années, quelle
interprétation peux-tu donner à ce phénomène?» Aucune ...
- JCB : Vous croyez que vous étiez réellement en contact avec un
docteur Gigo ayant vécu à Salerne au XIII siècle?
102
- JPP: Je n'en sais rien. Il faut se limiter au strict phénomène.
- JCB : Mais alors, qui faisait bouger le bouchon d'eau minérale?
- JPP : A priori le médium, c'est-à-dire ma compagne de
l'époque. Je sais en tout cas que, plus tard, j'ai essayé deux ou trois
fois de remonter cette expérience, et ça n'a pas marché. Nous
sommes restés pendant un temps interminable le doigt posé sur
le bouchon, qui a fini par se mettre en face du caractère qui était
censé apponer la réponse à la question d'ouverture «esprit es-tu
là?» Et ça a été une lettre quelconque. Donc, cela correspondait
à des mouvements musculaires inconscients de la part des deux
participants.
- JCB : Donc, ni vous ni cette personne avec qui vous tentiez cette
expérience n ëtiez médium?
- JPP: Cela semble être la conclusion. Je me souviens aussi
de la faiblesse des mouvements du bouchon. À l'inverse, quand
l'expérience avait fonctionné celui-ci se déplaçait de plus en plus
vite. Il paraît que c'est un classique en spiritisme. Il faut que le
truc «chauffe » !
- JCB: Dans l'expérience dont vous avez rendu compte, c'était donc
votre compagne qui faisait office de médium. Vous avez fait d'autres
séances?
- JPP : J'aurais bien voulu. Mais le fait de se retrouver en contact
avec un autre elle-même, de sexe masculin, froissait sa fémi-
nité. Elle a refusé. Ceci étant, j'ai quand même pu constater que
Salerne, au sud de l'Italie, avait été effectivement au XIIIe siècle
un centre où s'exerçait une médecine de grande qualité. Nous
sommes allés en Italie l'été suivant et, à Salerne, avons visité un
petit musée consacré à cette faculté de médecine de l'époque.
Il contient peu de chose, essentiellement des copies photogra-
phiques en couleur des livres qui avaient été écrits mais qui sont
aujourd'hui la propriété de musées étrangers.
103
Cela évoque Le Nom de la rose, quand le moine interprété par Sean
Connery parvient à sauver quelques-uns de ces précieux ouvrages.
104
Ma compagne avait surtout très peur de se retrouver face à la
tombe de ce docteur Gigo.
- JCB: L'exploration des vies antérieures peut révéler bien des surprises.
- JPP: Le fait d'avoir hérité de l'autre sexe dans le passé, à
plusieurs reprises, me semble inéluctable. Mais je pense par
exemple au journaliste Stéphane Allix quis' est aperçu, lors d'ex-
périences menées sous hypnose en Amazonie, qu'une de ses vies
antérieures, relativement récente, correspondait à un jeune nazi,
mort à 25 ans, qui avait fait partie du personnel du camp de
Dachau. Dans sa vision, le nom et le prénom lui ont été commu-
niqués: «Alexander Hermann». Il faut lire son livre passionnant
où il raconte cette enquête, qui le mènera jusqu'à la tombe de
cet autre lui-même, en Russie'. Je crois qu'il a un peu de mal à
s'en remettre.
- JCB: Il y a de quoi.
- JPP: Ce que j'ai retenu de cette expérience de spiritisme est
une fréquente similitude des lieux et d'activités pour des séries
de vies antérieures.
- JCB : Pour vous, avoir été astrologu,e au XIII siècle, c'est quelque chose!
- JPP: C'est amusant. Ceci étant, ma présence aux côtés du
docteur Gigo, au centre médical de Salerne, pouvait s'expliquer
par le fait qu'à l'époque, quand un patient se présentait, au lieu
de lui demander sa carte verte, de la Sécurité sociale, la première
chose qu'on lui demandait c'était sa date de naissance. Puis un
préposé, en l'occurrence moi, calculait aussitôt son thème astral.
Enfin, l'originalité de l'école médicale de Salerne avait été à
l'époque de prendre en charge l'ensemble de la vie du patient,
en le questionnant sur son mode de vie, son alimentation, etc.
Beaucoup de prescriptions se traduisaient par des régimes ou des
indications sur des changements de rythme de vie, ce qui était
nouveau à l'époque. J'ajouterai que ma compagne et moi allions
105
très souvent en Italie, précisément dans cette région, en parti-
culier à Amalfi, qui se trouve à vol d'oiseau à douze kilomètres
de Salerne. J'ajoute que de par sa profession elle se situait dans
ce qu'on appelle les médecines douces et parlait couramment
l'italien.
- JCB : Certains disent qu'au fil des réincarnations nous serions censés
graviter souvent à lïntérieur du même groupe d'individus, da.ns le cadre
d'activités assez voisines, et da.ns des régions géographiquement limitées.
Pour vous, ça serait le bassin méditerranéen avec une gamme d'activités
touchant à la science et plus précisément aux astres. Vous êtes-vous livré à
d'autres expériences de ce genre?
- JPP: Comme elles n'ont pas été couronnées de succès j'ai vite
laissé tomber. Et je dois dire que ce qui m'intéresse, c'est ce qu'on
peut faire avec le message reçu. Là, le fait d'apprendre que j'aurais
pu être astrologue au XIIIe siècle ne m'apprend pas grand-chose
d'exploitable. Je suis beaucoup plus intéressé par des régressions
liées à l'Ancien Empire égyptien.
- JCB : Vous pensez que vous auriez réellement une vie antérieure qui
se situerait à cette époque?
- ]PP: Tout ce que je note c'est l'incroyable fécondité de ce
genre d'expérience. Ramener de ces «voyages» la clé de l'usage
de la coudée pharaonique, ça n'est pas rien, et c'est du concret,
de l'indéniable. Cela montre que les mathématiques de l' An-
cien Empire égyptien étaient incroyablement développées, il y a
4 500 ans. Ce que j'ai pu construire sur le système de repérage des
blocs, dans la construction d'une pyramide, est aussi très impres-
sionnant et fait appel à des concepts géométriques qui n'ont vu
le jour qu'au xir siècle. Sans compter tout ce qui se réfère à la
navigation. Les felouques, qui sont les embarcations typiques qui
naviguent sur le Nil, portent les vestiges de cette façon de conce-
voir la navigation à voile. Ce sont des unités à faible tirant d'eau,
ce qui est normal quand on envisage de naviguer sur un fleuve où
la hauteur d'eau peut beaucoup baisser. La présence d'une dérive
est un point commun avec les bateaux hollandais, appelés à mêler
106
à la fois la navigation hauturière et celle sur les polders. Mais
ce qu'on peut noter, c'est la voilure très originale des felouques
«à géométrie variable». Il y a un mât coun et deux vergues. La
voile peut alors adopter deux configurations. À gauche, c'est par
vent faible. On va alors rechercher le vent le plus haut possible
et, pour un familier de la marine à voile, ceci correspond à une
voile «Marconi», moins le bas. Par vent fon et pour remonter au
vent, la configuration de droite est plus indiquée, qui correspond
à une «voile latine», moins sa panie avant. La voile de la felouque
combine ainsi les qualités spécifiques de ces deux gréements.
- JCB : Vous avez vérifié tout ce/,a?
- JPP: Dès mon voyage suivant. J'ai aussitôt loué une felouque
en me mettant à tirer des bords sur le Nil devant les passagers du
lourd bateau qui nous emmenait en croisière. Le propriétaire de
la felouque, qui m'accompagnait, disait en souriant: « You, good
captain!1 »
voile
Marconi
107
- ]PP: Il me semble qu'on peut présenter ce dessin:
Le spiritisme
biosphère
+géosphère
Psychokinèse
"normal"
biosphère
+géosphère
108
- JCB: Vous croyez que de tels phénomènes seraient possibles?
- JPP: Plaçons-nous «hors croyances» en nous disant: «si
ces phénomènes se produisaient, ce modèle, très schématique,
pourrait fournir ce type d'interprétation.» Dans ces cas-là, les
phénomènes dits de hantise correspondraient à cet autre dessin.
entité Hantise
après pratique
du spiritisme
témoin
biosphère plus
géosphère
109
Enfantement
GESTATION selon un
schéma judéo-Chrétien
111
On passe ensuite à la vie des individus. Les variantes mono-
théistes que sont les religions chrétiennes et la religion musulmane
trouvent leur fondement dans la religion juive. Le destin des
hommes est alors associé à une entité métaphysique unique, le
Dieu Yahvé.
Le monde juif
selon la Torah
ethnie juive
autres ethnies
« Terre promise ,,
1. Une situation qui se trouvera assouplie par la suite par des décrets émanant non
de Yahvé mais des rabbins: est considéré comme Juif celui sont la mère est juive.
112
bonne et due forme. Les individus résidant dans cette partie de
la Palestine, promise par Yahvé, par l'intermédiaire d'Abraham,
à son peuple, ne sont pas expulsés, mais tués, hommes, femmes
et enfants, de même que le bétail. Toute trace matérielle de la
présence de ces résidents doit disparaître, tout doit être purifié
par le feu.
- JCB: On trouve réellement tout ce/,a dans /,a Torah'?
- JPP: Et comment! Je vais vous coter quelques extraits:
Deutéronome VII, 16 : Tu supprimeras tous les peuples que le
Seigneur ton Dieu te livrera, sans t'attendrir sur eux [... J.
Deutéronome Il, 34 : Nous avons occupé tous ses villes. Les
hommes, les femmes et les enfants, nous n'avons laissé aucun
reste.
Josué VI, 21: Ils vouèrent à l'interdit tout ce qui se trouvait dans
la ville, aussi bien l'homme que la femme, l'homme que le vieil-
lard, le mouton et l'âne, les passant tous au tranchant de l'épée.
Le monde juif
selon la Torah
Après la conquête
de la Terre promise
1. Constituée par les cinq premiers livres de la Bible (d'où le nom de pentateuque),
qui sont la Genèse, !'Exode, les Nombres, le Deutéronome et le Lévitique.
113
Je traduis : « Quitte ton pays, ta famille et
la maison de ton père et va vers le pays que
je te montrerai. ,.
(Genèse 12:1)
:'t>HARAN
114
où il cuvait son vin, en contemplant sa nudité. Noé lance alors
une malédiction sur Cham et toute sa descendance 1 • Ce thème
des malédictions est central dans l'Ancien Testament.
Vous serez maudits à jamais, toi et tous tes descendants, pour avoir
contemplé mes roupettes et vous servirez d'esclaves aux descendants
de Sem et de Japhet.
1. La Bible de J.-P. Petit, en bande dessinée par lui-même, devrait paraître en 2020.
2. Des assemblages constitués de «méta-matière» (de masses imaginaires) dans le
méta-monde, la noosphère.
115
- JPP: Ce sont des êtres qui sont du soft pur.
- JCB : Et leur pérennité est assurée?
- JPP: Rien n'est pérenne, qu'il s'agisse de la géosphère, de
la biosphère ou de la noosphère. Les êtres de la biosphère ne
survivent que si on les nourrit. De même, les structures de la
noosphère ont besoin aussi d'être «nourries».
- JCB: Mais nourries par quoi?
- JPP : Par les croyances et la ferveur des fidèles, cet égrégore
revêt un aspect bénéfique ou maléfique. Quand c'est positif
on appelle cela une bénédiction. Quand c'est négatif une
malédiction.
- JCB : Et qui crée ces bénédictions et ces malédictions? Comment une
telle malédiction peut-elle conserver sa force?
- JPP: Dans le cas de cette malédiction qui frappe les fils de
Cham, celui qui la crée, c'est Noé. Son efficacité se trouvera
maintenue, vivifiée, si ceux qui en bénéficient d'une part et ceux
qui la subissent d'autre part croient avoir foi dans sa puissance.
C'est la connivence entre le bourreau et la victime.
- JCB : Et vous croyez à tout cela?
- JPP: Ceux qui ont foi dans ces textes y croient. Je ne fais que
donner une interprétation sous la forme d'une modélisation. Si
une structure de la noosphère n'est plus «nourrie» par la ferveur
des fidèles, son efficacité finira par s'atténuer au fil du temps
et cette malédiction-là périclitera. Si vous faites une analogie
avec l'informatique, ces égrégores sont comme les «programmes
dormants» qui peuvent être activés à l'aide de clés, de chaînes de
caractères particulières. Quand il s'agit d'un appel à la bénédic-
tion, ces ensembles de mots forment ce qu'on appelle des prières.
Quand il s'agit d'une malédiction ce sont des incantations.
- JCB : À propos de cette proto-histoirejuive, décrite dans la Torah, vous
savez qu'elle est contestée par nombre d'historiens. Beaucoup disent par
116
exemple que, dans la mesure où les Égyptiens notaient beaucoup de choses,
il leur paraît peu vraisemblable que lëpisode du départ des Hébreux et de
la traversée de la mer Rouge n'ait pas laissé quelques traces. On n'a pas de
traces historiques de l'existence de Moïse et d'Aaron.
- JPP: L'existence d'un certain Jésus n'est mentionnée qu'une
fois, dans la chronique de l'historien romain Flavius Josèphe. Si
ce texte avait été perdu, rien n'aurait subsisté. Ce qui compte ce
sont les textes.
- JCB : Là encore, quelle foi peut-on leur attribuer?
- JPP : Ces textes sont considérés comme sacrés. Comme
l'imprimerie n'existait pas, ils sont recopiés à la main par des
scribes. Cette activité fait l'objet de vérifications serrées, car tout
ajout, fioriture, est considéré comme sacrilège. Les théologiens se
sont posé des questions quand ont été retrouvés des manuscrits
composés par une secte juive, celle des Esséniens, mis à l'abri
dans des grottes lors d'une période troublée et retrouvée par un
gardien de troupeaux, pani à la recherche d'une de ses chèvres en
1957. Au fil des années, le matériel récupéré a été très important.
Au milieu de ces nombreux rouleaux ou fragments de rouleaux,
la presque intégralité d'un livre attribué au prophète Ésaïe a été
trouvé. Son contenu diffère très peu de ce qui se trouve diffusé
deux mille ans plus tard.
- JCB: Que représente cette sacralisation du livre, la Torah?
- JPP: La sacralisation est présente dans toutes les religions. Il
peut s'agir de lieux, d'objets, de schémas graphiques ou de textes
dans la mesure où ceux-ci seront convenablement «chargés».
Tout cela existe depuis la nuit des temps, depuis les premières
peintures rupestres où, dans des grottes, nos lointains ancêtres
représentaient du gibier frappé par leurs traits. Un geste qui
consacre la croyance en des symboles, en des images.
117
Quand la bête n'est pas percée de flèches, le dessin peut traduire le
souhait d'avoir prise sur ces proies, souvent migratrices, d'amener
leur retour. Ces hommes «signent» leurs œuvres à leur façon, en
faisant figurer la trace de leurs mains.
Les anciens Égyptiens ont poussé très loin cet usage de l'image et
de l'écrit qui se complète par la ritualisation: une façon de sacra-
liser un ensemble de gestes, d'images, de mots et d'objets. C'est la
forme la plus élaborée du rite. D'une part le respect du rituel est
une garantie de l'efficacité de l'incantation, d'autre part celle-ci
maintient la pérennité de cette structure du «méta-espace-temps»
en la renforçant.
118
- JCB: Quid des prophètes?
- JPP: Les groupes ethniques sont toujours plus ou moins
pilotés par une religion (une idéologie n'en étant qu'une forme
particulière). Chez les Juifs, Dieu a énoncé ses prescriptions sous
la forme d'une loi1. Les souhaits de Dieu se traduisent donc
par un message dont l'écriture permet la traduction graphique.
Mais des hommes particuliers peuvent recevoir directement des
messages divins. Leur voix devient alors la voix de Dieu et ils
s'expriment à la première personne.
- JCB: Quid du devenir post monem chez les ]uiJS?
- JPP: Au départ, il n'y en a pas. Le service après vie n' appa-
raît que très tard dans les textes bibliques. Le monde des morts,
chez les Juifs, est le Shéol, un monde souterrain poussiéreux, où
il ne se passe pas grand-chose. Toujours est-il qu'il est interdit
de l'invoquer. Le roi Saül sera puni de mort pour avoir tenté de
demander conseil au prophète Samuel, décédé, en ayant recours
aux services d'une nécromancienne2 •
1. Les fameuses tables reçues par Moïse sur le mont Sinaï, contenant les Dix
Commandements.
2. Bible en BD: «La folle histoire de Dieu», page 167.
119
Je suis dans une grande angoisse. Les Philistins me font la guerre, et Dieu
s'est retiré loin de moi. Il ne me répond plus, ni par l'entremise des prophètes,
ni par les songes. Je t'ai donc appelé pour que tu me dises ce que je dois faire
(1 Samuel 28 : 15)
Et pourquoi m'interroges-tu
si le Seigneur s'est retiré loin
de toi et t'est devenu hostile ?
Le Seigneur t'a arraché la
royauté et il l'a donnée à un
autre, à David, parce que tu n'as
pas obéi à la voix du Seigneur
et que tu n'as pas assouvi sa
colère contre Amaleq
(1 Samuel 28 : 16)
120
Depuis le partage de Io Terre Promise,
les f ils de Io tribu de DAN n'avaient guère
su s'imposer dans la région. Ils pouvaient
aligner à tout casser 600 guerriers. Un
jour. une reconnaissance les amena à
proximité d'une ville appelée Laïsh. ·
121
Alors les D<:mites arrivèrent sur Laïsh, sur sa population tranquille et confiante,
qu'ils passèrent au fil de l'épée. Et il n'y eut personne pour leur venir en aide, car
ils ne dépendaient de personne. (Juges 18 : 27)
122
.
'\
......
Turquie
•,,
/ Iran
Arabie Saudite
123
- JPP: Dans cette constellation juive, il y a une chose que je
trouve merveilleuse, et où la volonté de Yahvé est encore une
fois censée pouvoir s'exprimer. C'est cette histoire d'Ourim et
de Thoummim.
- JCB: Est-ce qu 'il ne s'agit pas d'ajouts tardifs?
- JPP: Pas du tout, c'est dans la Torah 1• Dans le rituel juif, un
personnage joue un rôle central, c'est le grand prêtre. C'est lui
seul qui, une fois par an, le jour du Grand Pardon, peut pénétrer
seul dans le Saint des Saints du Temple où Yahvé réside, qui aime
l'obscurité et la vacuité. Autour de son cou il porte un pectoral de
forme rectangulaire, décoré à l'aide de deux pierres précieuses qui
représentent les douze tribus d'Israël. Dans celui-ci deux objets,
l'Ourim et le Thoummim.
124
- JCB: Leurfonction?
- JPP: C'est la version hébraïque du pile ou face. Quand une
décision cruciale doit être prise, le grand prêtre secoue ce sac,
puis le renverse. Si c'est l'Ourim qui son, la réponse est «oui».
Si c'est le Thoummim la réponse est «non».
- JCB : Selon la loi de Yahvé, une obéissance totale est requise, sous
quelle contrainte?
125
Jephté ne pouvait pas manquer à son serment, fait devant Dieu.
S'il l'avait fait ou même s'il s'était suicidé le choc en retour aurait
frappé tous les siens et leur descendance.
- JCB : Et du côté de la Genèse, ça donne quoi?
- JPP : Yahvé exerce un contrôle total, illimité, sur l'ensemble de
l'univers, qu'il s'agisse de l'ici-bas ou de l'au-delà. C'est un dieu
universel, qui exerce son pouvoir et son contrôle sur l'ensemble
de l'univers. Mais c'est le dieu d'un seul peuple, une ethnie tota-
lement « théocentrée ». Dans le principe, au départ les Hébreux
sont convaincus que ce qui peut leur arriver de bien dépend
totalement de leur observance des commandements prescrits par
leur dieu. Corrélativement, sécheresses, famines, tremblements
de terre, etc., sont automatiquement issus de manquements. Un
principe qui sera complètement violé par le roi Salomon 1 qui
préférera la diplomatie et l'union avec des non-Juives à la guerre
et les échanges commerciaux gagnants-gagnants au pillage. Au
cours du règne de ce roi pacifique, jamais cette région du Moyen-
Orient n'aura été plus prospère. Dans un court début de règne il
règle son compte à Adonias, son demi-frère plus âgé qui bénéfice
de l'appui d'Abiathar, le grand prêtre. Il fera tuer le premier et
déporter le second.
126
Va à Anatoth, dans ta propriété, car tu es un homme digne de mort ;
mais aujourd'hui je ne te tuerai pas parce que tu as porté l'arche du
Seigneur DIEU devant David mon père, et que tu as enduré avec lui
tout ce qu' il a enduré. (1 Roi 2 : 26)
Sadoq prit
sa place.
\
- JCB: Salomon fait tuer Joab dans le lieu le plus sacré d1sraël sans
que Yahvé ne réagisse!
- JPP: Prenant le contre-pied de son père, le roi David, et du
prédécesseur de celui-ci, Saül, il foule complètement aux pieds
tous les principes théocratiques.
127
L'Egypte est un puissant voisin.
Pour ne pas avoir de soucis de ce
côté-là, pourquoi n'épouserais-je
pas une Egyptienne ?
128
Salomon déclara que Dieu lui était apparu dans un rêve :
Je préfère me
fier à mon bon
sens plutôt qu'a ux
129
disparu et à désigner un héritier. Il se retrouve peut-être frappé,
à 37 ans, d'une affection à évolution rapide et réalise alors son
impuissance vis-à-vis de cette échéance qui se profile. Il exhale
alors son amertume dans un texte célèbre, !'Ecclésiaste.
Salomon semble
-
attendre la mort
(_
---==-o__s:-c:
avec tristesse.
130
Tout est pareil pour tous. Un sort Pourquoi ai-je été si sage ?
identique échoit au juste et au Tout cela aussi est vanité,
méchant, au bon et au pur comme puisque le sage meurt comme
à l'impur. (Ecclésiaste 9 : 2) l'insensé. (Eccl. 2 : 15-16)
..,,,._-··
La folie est dans leur cœur Que reste-t-il pour cet homme
pendant leur vie. Et après ...on de tout son t ravail et de tout
s'en va vers les mort s. l'effort personnel qu' il aura fait,
(Eccl. 9 : 3) lui, sous le soleil? (Eccl. 2 : 20)
131
- JCB: Il est vraisemMable que tout ceci correspondait à une norma-
lité, à une forme de religion, quand on s'en tient à l'étymologie du mot,
religare voulant dire en latin: relier. Un groupe d'hommes très important
était persuadé qu'il était impossible d'agir autrement. On peut vraiment
se demander comment de telles idéologies ont pu voir le jour. Comment
verriez-vous la chose dans votre modèle?
- ]PP: Quand on pense au nazisme, on est face à une idéologie
délirante qui s'est imposée en un très petit nombre d'années. Un
groupe d'hommes, très restreint au début, centré sur la personne
de son leader, de son Führer Adolf Hitler, a pu faire basculer des
millions d'hommes dans une folie collective.
- JCB : On peut évidemment invoquer lefait qu'Hitler a su très tôt user
des médias de l'époque, c'est-à-dire de la radio. Il se déplaçait aussi en
avion. Secondé par son ministre de la Propagande, joseph Goebbels, il a
pu inonder la population de documents, de discours, de films et participer
à des événements puissamment mis en scène1•
1. Comme ces «messes » sises au stade de Nuremberg, fl.lmées par la cinéaste alle-
mande de grand talent Leni Riefenstahl.
132
- ]PP: Mais y aurait-il eu «autre chose»?
- JCB : Le pendant de cette structure médiatique, da.ns votre noosphère?
Toujours en suivant cette idée: ce qui est en haut est comme ce qui est en
bas.
- ]PP: Et cela se présenterait ainsi:
L'égrégore Nazi
Hitler
133
- JCB : Si je lis votre schéma, Hitler aurait eu une action dans l'occulte,
en faisant basculer nombre d'Allemands dans son orbite mortifere. Il est
vrai qu'on a toujours dit que les nazis avaient été attirés par l'occulte,
Himmler se voyant comme une espèce de grand prêtre de cette confrérie
nazie.
- JPP: Ça expliquerait le basculement massif d'une population
aussi nombreuse, adhérant aux thèmes d'une domination raciale,
d'un eugénisme, et de la nécessité d'éliminer les races qualifiées
«d'inférieures».
- JCB : On doit convenir que lors du procès de Nuremberg certains
individus comme RudolfHoss1, créateur et gestionnaire du complexe dëli-
mination massive d'Auschwitz, ont témoigné avec ce qui ressemble à de
la naïveté.
- JPP: On trouve chez lui un mélange d'inconscience et de
subordination totale aux ordres du Führer2. Pendant tout le
temps où Hôss, qui vivait avec son épouse et ses cinq enfants à
proximité immédiate du camp, a effectué consciencieusement
son <<travail», il n'a jamais eu d'états d'âme, ayant été convaincu
que l'élimination du peuple juif était une nécessité vitale pour la
survie du peuple allemand. Sa fille Brigitte, qui avait treize ans
à cette époque, a toujours décrit son père comme quelqu'un
de sensible, tendre et affectueux, en refusant jusqu'à sa mort
(aux États-Unis) de croire à toutes les horreurs qu'on lui avait
décrites, concernant les activités de son père. Elle se contentait
de remarquer« qu'il avait parfois l'air triste en rentrant à la
maison, peut-être parce que son travail était très dur». Hôss ne
fut pas le seul à avoir basculé dans cette folie collective.
1. https://www.parismatch.com/Actu/lnternational/Brigitte-Hoess-Mon-pere-
etait-le-bourreau-d-Auschwitz-534608.
2. Lire l'excellent livre de Robert Merle La Mort est mon métier.
LE BIEN ET LE MAL
135
- JPP: Essayons ceci:
noosphère
plusde
communication
l
moins de
communication
137
un raffinage de l'âme, espérant perdre du poids. Mais que se passe-t-il
quand on s'alourdit, au contraire?
- JPP: Là, nous allons nous référer aux textes traditionnels.
Entre les êtres dotés d'une grande élévation spirituelle et les
affreux d'en bas, il y a une situation intermédiaire qu'on appelle
le bas astral.
- JCB : Où les êtres humaim battent /.a semelle après leur mort...
- JPP: J'ai écrit une petite nouvelle sur le sujet1•
- JCB : Pourquoi resterait-on collé à !.a surface terrestre?
- JPP: La Terre a sa propre aura, constituée de matière noos-
phérique. Celle-ci nous assure peut-être une certaine flottabilité.
- JCB: En tant que résidents dam le bas astra~ nous pourriom marcher
dessus.
- JPP: Marcher, je ne sais pas. Mais la densité noosphérique de
ce milieu nous empêcherait peut-être de nous y enfoncer. Sauf
si nos enveloppes personnelles sont trop lourdes. À partir d'une
certaine densité, on patauge. Au-delà d'un seuil, on coule.
139
- JPP : Il resterait une solution, celle de parasiter un être humain
vivant qui accepterait, dans une forme de dédoublement de sa
personnalité, d'héberger l'âme d'un être des profondeurs, moyen-
nant quelques services rendus en retour.
- JCB : Là, vous vous aventurez dam des corridors plus que sulfureux!
- JPP: Je crois qu'il faut oser et tout envisager pour se doter
d'une vision plus vaste des phénomènes qui pilotent l'histoire de
la Terre et des humains, afin d'avoir une chance de pouvoir les
maîtriser. Il est urgent que les hommes entreprennent de réfléchir
à leurs propres croyances.
- JCB: Émerge une question de nature phi/,osophique: le Mal pourquoi?
- ]PP: Dans notre physique, nous avons le second principe de
la thermodynamique qui œuvre dans le sens d'une désorganisa-
tion générale des structures.
- JCB: Et pourtant l'univers physique, à partir d'un état totalement
désorganisé, amorphe, se dote spontanément de structures organisées. Quel
est le moteur de ce phénomène?
- ]PP: C'est essentiellement la gravitation. En son absence
l'univers physique serait resté amorphe, faute de pouvoir1 créer
des étoiles, des atomes, des planètes. Cela appone un début de
réponse au questionnement philosophique «pourquoi y a-t-il
quelque chose plutôt que rien du tout?», quand on entend
par «choses» des objets structurés. On a dit, par analogie, que
la noosphère devait être également le siège d'un champ de
«méta-gravitation», également générateur de structures. Au
sein de cette noosphère se trouvent, entre autres, les idées, les
concepts.
- JCB : Aimi, quand on remonte dans le passé, non seulement il n y
aurait plus d'objets, mais également plus de pemée possible?
140
- JPP: Les deux phénomènes, apparaissant conjointement, se
conféreraient mutuellement l'existence en disant qu'un objet
physique ne peut exister sans que ne coexiste en même temps
une pensée qui «se fixe sur cet objet», et inversement, s'il n'y a
pas d'objet physique, une pensée ne saurait non plus voir le jour.
- JCB: Impossible de ... penser au néant. Très amusant. Mais que se
passerait-il... avant?
- JPP: C'est là que le modèle Janus, avec ses deux flux tempo-
rels opposés pourrait fournir une réponse sous forme de pirouette
finale: lorsqu'on tente d'aller, en remontant dans le passé, vers
un stade où apparaissent conjointement les premiers objets et les
premières pensées, l'adverbe «avant» perd son sens, car la flèche
du temps se retourne comme un vulgaire parapluie.
- JCB: Audacieux... Mais revenons à la question du Mal.
- JPP: Je crois que pour y répondre il faudrait pouvoir proposer
une métaphysique théorique. Pour le moment, on en reste au
niveau de grands principes: ce qui est «Bien», c'est ce qui va dans
le sens du développement du grand plan de la Vie: se complexi-
fier pour étendre le champ de la communication. Mais pour
construire des formes dans nos forges, nous avons besoin de
dégrader des formes d'énergie. En supposant par exemple que
nous utilisions l'énergie issue d'hydrocarbures, nous prélèverions
leur énergie en les dégradant à travers des transformations qui
produisent des molécules plus simples, comme le gaz carbonique.
Mais cela ne veut pas dire qu'on puisse formuler le principe «plus
on dégrade la matière et plus on crée de structures».
- JCB: Cela évoque le principe édicté par le professeur Pangloss dans le
célèbre livre de Voltaire, Candide:
Tant et si bien que ce sont
les petits malheurs particuliers qui font le grand
bien général, que plus il y a de petits malheurs particuliers
et meilleures sont les choses dans le meilleur
des mondes possibles.
141
- JPP : Le recours au Mal n'est pas un moteur de progrès 1•
Le bilan global peut s'avérer définitivement catastrophique. On
peut très bien aujourd'hui envisager une guerre mondiale dont
le résultat serait d'éradiquer, non seulement toute vie sur Terre,
mais toute trace d'une présence humaine, tout vestige. Il ne reste-
rait en particulier plus aucune trace de la présence de l'homme
sur sa planète.
143
- JPP: Dans ce cas, la Terre aurait conservé son unique conti-
nent, le Gondwana. Notre planète serait en outre plate comme
la main 1• En effet, la simple action des précipitations entraîne
une érosion des montagnes d'un millimètre par an. La hauteur
de nos montagnes se chiffrant en milliers de mètres et l'âge de
la Terre à plus quatre milliards d'années, on en déduit que cette
érosion aurait empêché les chaînes de montagnes de se former.
- JCB : Donc, pas de barrières naturelles et un brassage intense avec
uniformisation des espèces.
- JPP: Avec un très petit nombre de biotopes et un nombre
d'espèces des centaines de fois plus faible, tous règnes confondus.
- JCB : Donc, finalement, une unique espèce humaine, une uniformi-
sation sociale intense, et vraisemblablement un langage unique, les mêmes
coutumes pour l'ensemble de la population terrestre.
- JPP: Même si l'histoire de l'ethnie a pu connaître des conflits
meurtriers, des soubresauts importants, on peut imaginer que sur
une planète de ce genre ces turbulences de l'histoire auraient dû
finir par se calmer avec le temps. De la même façon qu'au niveau
européen des guerres entre la France et l'Angleterre, ou entre la
France, l'Angleterre et l'Allemagne ne sont plus aujourd'hui à
l'ordre du jour.
- JCB: De même, en Europe, les tensions guerrières entre pays comme
la France, l'Angleterre, l'Allemagne semblent appartenir au passé. Mais
ces tensions subsistent, à lëchelle planétaire, entre vastes blocs, beaucoup
plus inquiétantes3.
- JPP: Ce qui est effarant c'est qu'un état de guerre chronique
perdure, dans maintes régions du monde, qui prend des formes
1. Avec des reliefs très peu accusés et des dénivellations, sur de grandes distances,
n'excédant pas quelques centaines de mètres.
2. Absence également de fosses abyssales.
3. Il n'empêche qu'au rythme des «guerres de basse intensité» que connaît la Terre
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec un génocide par-ci, un génocide
par-là, le nombre des morts a fini par égaler les 60 millions du dernier conflit
planétaire.
144
exacerbées avec d'un côté le terrorisme et de l'autre des opéra-
tions «homo» visant des cibles situées au sein de populations
civiles, avec ce qu'on appelle des «effets collatéraux», maintenant
souvent menées à l'aide de drones. C'est l'ensemble de la situa-
tion qui est absurde. Rechercher les «bons» et les «mauvais» n'a
plus de sens. C'est l'humanité entière qui est gravement malade.
En fait, ces morts ne sont que l'expression de conflits d'inté-
rêts, d'une lutte pour un territoire, pour des ressources, pour
le pétrole ou autre chose. On entend Macron, président de la
France, à propos de ventes d'armes, déclarer« nous les avons
vendues contre la promesse que ces armes ne seraient pas dirigées
contre les populations civiles». Toute la planète est sous tension.
Dans des régions du monde, on est confronté à un fanatisme qui
défie toute analyse.
- JCB : Le fanatisme est de tous bords. Ils 'exerce de façon soft quand
les gens qui adhèrent à telle ou telle idéologie n'ont même plus conscience
des conséquences de leurs actes, surtout quand ceux-ci se résument à
manœuvrer un joystick ou à pousser un bouton, depuis un bunker situé à
dix mille kilomètres du drone qu'ils pilotent. Le résultat est le même.
- JPP: J'ai été extrêmement impressionné par la réponse que
m'a faite un jour Robert Salas, qui était en charge d'un poste
souterrain de tir de missiles nucléaires Minuteman, dans le
Dakota, quand je lui avais demandé comment il aurait réagi si
l'ordre de lancer ses engins lui était parvenu. Il m'avait répondu
«j'aurais appuyé immédiatement sur le bouton sans me poser la
moindre question». Pourquoi? Parce que, m'a-t-il dit, il avait
été formaté. Il avait été jeune «cadet» dans une école militaire.
Pourtant Robert est un type formidable, humain, un véritable
ami 1•
- JCB: Il est facile de faire d'un homme ordinaire un assassin, surtout
quand il ne voit pas les gens qu'il tue.
1. La mise hors service de ses dix missiles en 1967, sur intervention d'un ovni, a
déclenché chez lui une prise de conscience. Il a rapidement quitté l'armée pour
devenir professeur de mathématiques. Retraité, il multiplie les conférences, dans
une sorte de croisade antiguerre.
145
- JPP: J'ai constaté que lorsque le nazisme avait pris le contrôle
de l'Allemagne, un formatage en règle de la jeunesse, dès l'âge de
dix ans, avait été entrepris. 98 % des enfants étaient ainsi enrôlés
dans les Jeunesses hitlériennes, la Hitlerjugend, où les actes de
guerre leur étaient présentés comme des jeux. Les nazis avaient
accordé à cette organisation l'exclusivité et les autres mouvements
de jeunesse 1 s'étaient rapidement trouvés interdits. À partir de
1943, Hitler les a jetés dans les batailles, de l'Ouest comme de
l'Est, où ils se sont révélés être des combattants impitoyables2,
bravant la mort.
- JCB: Quelle différence avec nos actuels jeux vidéo, nos jeux de gu~e,
avec les jouets que nous donnons à nos enfants? À combien de morts,
symboliques, assistons-nous chaque jour dans les séries télévisées?
- JPP: Quand on prend conscience de tout cela, on se demande
comment on peut supporter les «films policiers» qu'on nous
sert. La violence représente plus de la moitié des «dramatiques»
qui s'inscrivent aux programmes des chaînes de télévision. Il y a
soixante ans, dans les années soixante, la télévision naissait à peine.
- JCB: Celle-ci a démultiplié ce qui n'est rien d'autre que de la propa-
gande de guerre ou de violence. Il n y a qua voir les clips diffusés par
l'année pour inciter les jeunes à s'engage~. De la façon dont c'est présenté,
beaucoup de jeunes confondent engagement et jeu vidéo. Après, beaucoup
déchantent et désertent
- JPP: Revenons à notre planète extraterrestre, qui n'a pas connu
cette explosion de son biotope. On peut imaginer qu'elle a fini
par prendre conscience de cette grande loi universelle qui la place
face à cette question essentielle du contact avec d'autres planètes.
146
- JCB: De quoi bouleverser notre vision de la vie...
- JPP: On imagine une évolution parallèle dans sa propre
noosphère.
- JCB : Vous suggérez que chaque système planétaire posséderait sa
propre noosphère?
- JPP: Absolument.
- JCB: Avec ses propres croyances, son système de pensée et peut-être
un ... dieu local?
- JPP: Si on se réfère à la situation terrestre, le concept de «dieu
unique» ou même de «dieux» n'est pas la formule qui s'impose
automatiquement, partout. Il y a des millions de Terriens pour
qui ce concept de déité est vide de sens et qui fonctionnent
autrement.
- JCB : Ce qui est fascinant, c est que les prétentions universalistes des
différentes religions terrestres apparaissent soudain très relatives.
-JPP: Jérusalem, La Mecque, Rome, Wall Street, Moscou,
Pékin ne peuvent plus prétendre au statut de centre de l'univers.
- JCB : Alors, toutes ces croyances s'effondrent?
- JPP: Je pense que ça n'est pas comme ça qu'il faut le voir. Le
soft existe tout aussi bien que le hard.
- JCB : Les dieux, pour vous, cest du soft?
LES DIEUX, MANIFESTATIONS
A )
DES AMES COLLECTIVES D ETHNIES
148
ou non primitives, dont la métaphysique se résume à un simple
culte des ancêtres. Sur Terre, nos dieux sont souvent des repré-
sentations anthropomorphes, ou zoomorphes, et quand elles
prétendent échapper à ce mode rustique de représentation on
peut les voir comme des images paternelles, ou de chef de tribu.
- JCB: Le concept de leader est qua.nd même omniprésent dans le monde
animal.
- JPP: L'intelligence des fourmis est collective. Il n'existe pas
de« chef des fourmis».
- JCB : Des ethnies extraterrestres pourraient être organisées à la manière
de fourmilières?
- JPP: Elles pourraient également être dépourvues de ce que
nous nommons «cultures», c'est-à-dire d'un vaste ensemble
d'images en interrelation fondé sur le symbolique.
- JCB: Une ethnie humanoïde sans symboles?
- JPP: Avec un langage totalement fonctionnel, aussi dépourvu
d'affects que peut l'être le langage mathématique.
- JCB : Pour ces «gens» nous serions totalement incompréhensibles.
-JPP: De même qu'une toile de Vermeer ou une sonate de
Bach sont des choses qui laissent les chiens et les lapins totale-
ment indifférents. Et, symétriquement, nous aurions du mal à
les comprendre.
- JCB : Peut-on imaginer une ethnie extraterrestre qui pourrait être
dépourvue de ce que nous appelons les sentiments?
- JPP: C'est le thème développé par Steven Spielberg dans sa
série Taken. Et c'est vraisemblablement quelqu'un qui a beau-
coup réfléchi sur le sujet. A moins qu'il ne s'agisse d'une autre
forme de sensibilité, plus globale qu'individuelle.
SE RÉINCARNER, POURQUOI?
150
monsieur A
est près de
décéder
une opportunité
se présente dans
la progéniture de
madame B
151
monsieur A
décède et se
réincarne dans
lenfant de madame B
- JCB: C'est amusant et ça marche assez bien. Vous avez dit que l'alti-
tude atteinte, dans cette noosphère, dépendait de la densité de lame. Il y
aurait donc des humains moyens, qui circuleraient au ras des pâquerettes,
puis toute une hiérarchie de désincarnés.
LE THÈME DES ANGES GARDIENS
153
je vois à côté de vous une femme âgée de petite taille, vêtue d'une
robe noire bordée de dentelle, porteuse d'un collier de perle, avec
au centre une étoile constellée de petites pierres précieuses.
Et l'intéressé de dire, stupéfait:
Mais c'est... ma grand-mère!
- JCB : On peut accepter de croire ou de ne pas croire que de telles choses
existent. Si on accorde foi à de tels phénomènes, votre modèle fournirait
un début d'interprétation.
LE NIRVANA
155
que les liens avec le monde matériel, physique, sont des freins.
D'où une attitude ascétique se traduisant par une démarche
de détachement des choses de ce monde. Le pendant de tout
cela c'est l'idée que si des individus, automatiquement incultes
et «impurs», ont des conditions de vie déplorables, et restent
orientés vers les choses bassement matérielles, la faute en est à leur
manque d'évolution spirituelle, voire au fait qu'ils expieraient des
fautes commises dans des vies passées.
- JCB : Qu 'est-ce que vous faites des schémas excluant /,a réincarnation ?
- JPP: Je voudrais d'abord évoquer le fait que l'écoulement
du temps, dans la noosphère, n'est pas l'écoulement du temps
de l'ici-bas, le temps physique et biologique. Mais je ne pourrais
développer cela qu'en faisant appel à force concepts géométriques
et de mathématiques 1•
- JCB : Un discours où vous /,argueriez immédiatement /,a majorité des
lecteurs, moi y compris, /,a plupart de ceux qui vous auront suivi jusqu'ici!
Saufs'ils ont le niveau dëtudes requis ...
-JPP: Je pense tout d'un coup à un phénomène intrigant.
Il arrive que des gens qui «se voient très près de mourir» aient
l'impression de voir tous les événements de leur existence défiler
à une vitesse folle, pendant un temps très court. Un peu comme
si la bande du «magnétophone» se rembobinait. On peut se
demander si leur flèche du temps, celle de leur conscience, ne
serait pas en train d'opérer une rotation de 90°, ce qui cadre-
rait assez bien avec ma propre vision, mathématique, du temps
métaphysique. Face à la question «y aurait-il des êtres humains
ou des groupes d'êtres humains qui ne vivraient qu'une unique
vie?», je n'ai pas de réponse toute prête.
1. Un temps «imaginaire».
MEKTOUB
157
trajet dans ce milieu 30. Le trajet d'un ver qui croque les grains
de sel.
- JCB : Et ça donnerait /,a série des 0 et des 1.
- JPP: Tout à fait. Cela étant, le ver a son libre choix. C'est
lui qui choisit sa trajectoire dans ce milieu. Il y a peut-être un
très grand nombre de chemins, donc de vies possibles, de destins
possibles, mais tous ces chemins existent déjà à l'intérieur du
bloc. Tout est déjà« écrit». Avec sans doute certaines contraintes.
On peut imaginer que la mon se signale, par exemple, par une
suite de cinq grains noirs successifs, une suite 00000. Quand
le ver progresse, il a une certaine latitude dans le choix de son
chemin, mais ne peut faire demi-tour.
- JCB : Ce qui signifierait pour lui remonter dans le passé.
- JPP: En face de lui se trouve une enveloppe fermée qui peut
être représentée par une couche constituée par cinq grains noirs.
Il ne peut donc que l'atteindre, tôt ou tard. Mais selon le chemin
qu'il emprunte, il rencontrera cet «événement» à plus ou moins
brève échéance.
- JCB : Ce/,a permet de modéliser le « mektoub ».
LES EXPÉRIENCES DE MORT IMMINENTE
159
habitant Aix-en-Provence, je ne pouvais me rendre à son chevet
à Saint-Tropez qu'une fois par semaine.
- JCB: Elle se rendait compte de son état?
- JPP: Elle avait visiblement refusé d'en prendre conscience.
Le personnel de la clinique privée de Saint-Tropez avait accepté
de jouer les rôles qu'elle leur avait distribués. Le médecin faisait
mine de constater l'amélioration de son état. Je me souviens du
rituel auquel se livraient les infirmières:
-Alors, M""' Petit, vous avez choisi la maison
de repos où vous allez faire votre convalescence?
C'était grotesque quand on voyait l'état dans lequel elle était.
Mais jusqu'à ses derniers jours elle a continué de se regarder
dans son miroir qui avait toujours été son plus fidèle compa-
gnon, alors qu'elle se décomposait sur place. Elle entra dans le
coma durant mon absence. Quand, appelé par la clinique, je me
rendis là-bas, je la trouvais respirant très faiblement. Elle décéda
quelques heures après mon arrivée. Pendant que la clinique trans-
férait son corps dans son funérarium, je ramassai ses affaires et
tombai sur quelques feuillets où elle décrivait ce qu'elle disait
avoir vécu, c'est-à-dire une expérience de mort imminente on
ne peut plus classique, avec le tunnel de lumière, les êtres qui
viennent à sa rencontre, l'impression d'être entourée d'amour,
etc. Rien ne manquait.
- JCB : Et cela vous a parlé?
- JPP: Sur le moment pas du tout et c'était très certainement
également le cas pour ma mère. J'ignorais tout de cet aspect des
choses et j'ai simplement cru à un épisode délirant dû aux médi-
caments. Je ne me suis souvenu de cela que bien des années plus
tard, en lisant l'ouvrage de Patrice Van Eersel, La Source noire,
paru en 1986, puis ceux du docteur Jean-Jacques Charbonier1•
1. Qui, visiblement, au moment où nous écrivons ces lignes, attend avec impatience
le moment de sa retraite, qui le placera enfin hors d'atteinte des attaques du Conseil
de l'ordre des médecins.
160
Ce genre de phénomène n'est qu'une facette de ce qu'on appelle
les voyages hors corps.
- JCB : Qui na pa.s fait de rêve où il avait l'impression de voler?
- ]PP: Tout à fait. Et cela pose la question: quand nous rêvons,
dans quel monde évoluons-nous? Il y a bien sûr les cas où nous
nous retrouvons projetés dans un décor fantasmatique. Mais,
souvent, ce que nous percevons nous semble très familier. En
ramenant l'espace à une unique dimension X et en faisant figurer
une flèche du temps, le «temps du réel», on aurait ceci:
Sortie de corps
NOE
161
-JCB: Je suppose que vous avez quelque expérience à nous
raconter.
- JPP: Quand j'étais enfant, il était très fréquent que je fasse
ce genre de «rêve» qui était devenu pour moi une sorte de jeu.
J'avais rapidement compris que le moteur du déplacement deve-
nait la volonté. Adolescent, je pratiquais même ce «jeu» le jour.
Je me souviens que je m'amusais à folâtrer au niveau des toits en
voyant mon corps se déplacer, quinze ou vingt mètres plus bas.
- JCB : Et ça ne vous avait jamais interpellé.
- JPP: Non. Il faut dire que j'avais sans doute d'autres soucis
plus importants à gérer. Ce que je sais, c'est que j'ai gardé de cela
une excellente vision 3D, très commode pour dessiner.
- JCB: Il y avait cette corde d'argent?
- JPP: J'avoue que je n'y avais jamais fait attention.
- JCB : Vous pensez que lorsque les humains vivent ces expériences hors
corps ils peuvent conserver le sens de la vision?
- JPP: Il y a des gens qui prétendent pouvoir le faire à volonté,
de préférence la nuit. On les appelle alors des sorciers.
- JCB: EtlaNDE?
- JPP : Quand Van Eersel avait osé aborder ce sujet, il y a
trente ans, la communauté scientifique lui avait aussitôt opposé
une bordée d'arguments. On lui objecta que ce «tunnel lumi-
neux» était dû à un dysfonctionnement périphérique de la
rétine, etc. Aujourd'hui de plus en plus de membres du corps
médical, en particulier ceux qui s'occupent des patients en fin
de vie, commencent à prendre ces affaires-là au sérieux. Pour
ceux qui croient qu'il n'y a rien après la mort cela devient un
simple épisode de fin de vie. Pour d'autres cela représenterait
une transition vers une forme d'existence post mortem. Là, c'est
affaire des croyances de chacun. Il reste que lorsque les patients
décèdent, quelque chose se passe. Certains pensent que l'enve-
loppe psychique du défunt reste à proximité.
162
- JCB : Le défont conserverait sa conscience après le moment de son
décès?
- JPP: Plus haut on a évoqué un modèle de devenir post mortem.
Certains disent que les êtres décédés, s'ils n'ont pas réfléchi de
leur vivant à cet événement, ne comprennent tout simplement
pas qu'ils sont morts.
- JCB : C'est du pain bénit pour les scénaristes. Il y a eu des tas de films
/,à-dessus.
- JPP : On est face aux différentes coutumes. La crémation
a pour fonction, dans certaines civilisations, d'empêcher l'âme
du défunt de rester attachée à son corps. À l'inverse, vous avez
ces fantastiques coutumes qui passent par l'attitude inverse : la
momification. Si dans !'Antiquité le monde de l'après vie semble
peu attrayant, par la suite, d'autres ont imaginé qu'il n'était qu'un
prolongement de la vie terrestre.
- JCB : Si on en revient à l'idée «ce qui est en haut est comme ce qui est
en bas», ça aurait un sens, non? Et vous, comment voyez-vous les choses?
- JPP: Là, on est dans la croyance, c'est inévitable. J'aurais
tendance à penser que la noosphère est un monde incroyable-
ment complexe, où des tas de choses se télescoperaient. Regardez
par exemple cette idée de personnalités multiples, où l'âme des
individus serait composée par le patchwork de nombreuses vies
antérieures, qui par ailleurs pourraient s'être déroulées dans des
lieux très distants. Quand un individu décède, dans cet au-delà,
qui est-il au juste?
- JCB : Dans le film de Seguin et Bachy, un témoin évoque un message
que lui aurait adressé son père décédé, qui avait souhaité que ses cendres
soient dispersées en mer, au /,arge de Marseille. À un moment, comme le
barreur semble absorbé par ses idées, il voit le disque de son compas se
mettre à tourner de manière folle, comme subissant une violente tempête
magnétique et impute aussitôt le phénomène à l'action de son père. Quand
il reprend le bon cap, le phénomène cesse aussitôt et il pense «ça, c'est
bien mon père!» je l'imagine disant: «pour une fois que je te demande
163
quelque chose, essaye de le faire correctement, bon sang!» Dans ce type
d'histoire, cela suggère qu'après le décès, pendant un certain temps, les
êtres humains resteraient très semblables à ce qu'ils étaient peu de temps
avant leur mort.
- JPP: On retrouve cette foule d'histoires évoquant un contact
avec les êtres défunts qui se manifestent à grand-peine en provo-
quant des craquements, des odeurs, en éteignant ou en allumant
des lumières, en arrêtant ou en remettant en marche des pendules,
en déplaçant ou en faisant tomber des objets. On ne peut pas
exclure que tout cela soit réel. Il y a des médiums qui sont spécia-
lisés dans ces contacts avec les défunts. Charbonier évoque sa
première rencontre avec l'un d'eux, en se disant« ça doit être des
charlatans». Une première expérience se déroule sous ses yeux,
où le médium prétend voir et entendre un proche d'un témoin,
décédé. Devant les précisions apportées il se dit que «ces gens
ont des complices». Puis, quand c'est son tour, force lui est de
reconnaître que le médium évoque des choses, très clairement,
auxquelles il ne pouvait avoir accès.
- JCB : Combien de temps ces contacts avec des personnes décé-
dées peuvent-ils durer? Cela peut être de brève durée ou se prolonger
indéfiniment?
- JPP: Nombre de textes traditionnels évoquent le «travail»
que le défunt doit effectuer. Le texte tibétain du Bardo 1 repré-
sente différents états, phases, de manière très codifiée. On
pourrait les traduire par «états de conscience». Il est possible
que des personnes qui viennent de passer de vie à trépas n'aient
pas conscience de leurs multiples vies antérieures, de ces « appa-
rences karmiques ». Certains médiums parlent d'êtres humains
qui restent attachés à des lieux ou des choses. L'ivrogne restera
attaché à la cave où se trouvent ses vins. Certains resteront fixés
à des liens par la peur, ou la culpabilité.
164
- JCB : Ce qui se dégage des différents témoignages est que les êtres
humains conserveraient certains de leurs traits de caractère, de leur person-
nalité. Un imbécile resterait un imbécile, un être énergique ou veule
conserverait ce trait dans l'au-delà, même si celui-ci se trouve réinterprété
de manière dijférente dans ses vies successives.
- JPP: De toute manière, l'idée d'individualité reste fallacieuse,
y compris dans l'ici-bas. Nous sommes extrêmement contraints
par notre éducation, notre environnement social, ethnique.
LA PRESSION
DE L ' ENVIRONNEMENT ETHNIQUE
166
activités naturelles chez les Vikings qui avaient une vision guer-
rière de leur paradis, le Valhalla 1•
Chez les Japonais on trouve ce thème du bushido, du devoir du
guerrier. Peu impone quel baron commandite le conflit. En cas
de défaite, les samouraïs qui y panicipent doivent se suicider.
J'ai vu récemment une vidéo qui retraçait le conflit Iran-lrak2.
On sait que l'Iran de l'ayatollah Khomeiny, pour compenser
le manque de moyens techniques adaptés, envoyait des masses
d'enfants soldats sur les champs de mine, pour faciliter, par leur
sacrifice, la progression de troupes composées d'adultes. Dès cette
époque, la justification était que ces martyrs iraient directement
au paradis d'Allah. On voyait le témoignage d'un homme qui
avait été témoin de la scène suivante: un gosse d'une douzaine
d'années sanglotait parce que son jeune frère avait sauté sur une
mine. Alors, un soldat plus âgé lui dit: «Ne t' affiige pas. Il a de
la chance. Il est au paradis!» Au fond, tout cela suggère que de
fantastiques égrégores complètent ce qui se situe dans l'ici-bas.
Sinon on a du mal à expliquer comment des individus jusque-là
pacifiques et cultivés arrivent à se «radicaliser» aussi rapidement
en se transformant en bombes humaines.
1. Pour y avoir accès, il fallait mourir les armes à la main. Après, les guerriers
pouvaient s'entretuer à qui mieux mieux chaque jour, les morts et les blessés retrou-
vant leur intégrité le lendemain, comme dans le « reset » des jeux vidéo et «une
nouvelle partie pouvait commencer».
2. Où la France fournissait des armes aux deux parties, avec des convois routiers
suivant les mêmes routes avant de bifurquer le moment venu (Cinq colonnes à
la une).
167
La fantastique pression
du milieu, de l'ethnie,
de la tradition
croyances religieuses
168
pleines de guerres entre empires, au point que la paix devient synonyme
d'ennui et de vide culturel sidéral.
170
poignée de millénaires? L'histoire telle que nous la concevons se
fonde sur des vestiges. Mais quid de périodes historiques, de civi-
lisations qui pourraient avoir disparu sans laisser de traces? Des
civilisations qui pourraient avoir atteint des niveaux très avancés.
Si l'Égypte n'avait pas construit autant d'imposants bâtiments,
n'avait pas gravé ses messages dans la pierre et s'était contentée
de les inscrire sur des papyrus, que saurions-nous de cette civi-
lisation aujourd'hui? Rien ou presque. Tout aurait disparu: les
événements, les techniques, les croyances. Tout se serait dissipé
comme de la fumée dans l'air.
Dans cette optique «ce qui est en haut est comme ce qui est en
bas», on doit considérer qu'il fut une époque où les conceptions
métaphysiques des anciens Égyptiens, puissamment codées et
formalisées, devaient avoir une contrepartie dans la noosphère,
sous forme d'égrégores très riches et structurés. Les dieux sont
des créations des hommes, sont aussi «réels», fonctionnels et
agissants que pourront l'être nos futures intelligences artificielles.
Ces dieux agissent sur les hommes. On pourrait résumer cela par
la phrase:
171
sont en quelque sorte «chargés». Que reste-t-il des croyances
pharaoniques après que les momies ont été extraites des sarco-
phages pour être prosaïquement exposées dans des musées, ou
plus généralement broyées pour en faire des médicaments, voire
de l'engrais?
Il en est du monde métaphysique comme du monde du vivant: il
est en perpétuelle évolution depuis que les premiers assemblages
de «méta-matière» ont commencé à se constituer. Les religions
se construisent et se défont, comme les empires. Toute vision
figée contredit cette mouvance essentielle.
- JCB : Alors, que reste-t-il?
- ]PP: Quelques aspects de simple phénoménologie, le fait que
ce monde de la noosphère tende à étendre son champ relationnel
en se complexifiant.
- JCB: Vous vous accrochez à cette idée?
-JPP: Vous avez autre chose à proposer, de stable et
fonctionnel ?
LES SCHÉMAS RELIGIEUX
, ,
ET LES ORGANISATIONS DES SOCIETES
173
Dans l'empire Romain de l'époque, la moitié des hommes étaient esclaves,
les deux tiers à Rome.
174
Soyez soumis à toute institution
humaine, à cause du Seigneur ; soit
au roi, en sa qualité de souverain, soit
aux gouverneurs, délégués par lui pour
punir les malfaiteurs et louer les gens
de bien. Craignez Dieu, honorez le roi.
(1 Pierre 2 : 13-17)
Serviteurs, soyez soumis avec une
profonde crainte à vos maîtres, non
seulement aux bons et aux doux, mais
aussi aux acariâtres. Car c 'est une
grâce de supporter, par respect pour
Dieu, des peines que l'on souffre in-
justement. Quelle gloire y a-t -il, en
effet, à supporter les coups si vous
avez commis une faute ?
(l Pierre 2 : 18-20}
Ne trouvez pas étrange d 'être dans la
fournaise de l'épreuve, comme s'il vous
arrivait quelque chose d'anormal. Mais,
dans la mesure où vous avez part aux
souffrances du Christ, réjouissez-vous.
(1Pie rre 4 : 12-13}
175
Allez, viens, nous, on a
du travail : asseoir
l'église sur des bases
sondes.
Paul :
Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n'y a
d'autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui
qui s'oppose à l'autorité se rebelle contre l'ordre voulu par Dieu. et les rebelles
attireront la condamnation sur eux-mêmes.
En effet. les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand
on fait le mal. Cor ce n' est pas en vain que l'autorité porte le glaive : en punissant
elle est au service de Dieu pour manifester sa colère envers le malfaiteur.
C'est pourquoi il est nécessaire de se soumettre, non seulement par crainte de
la colère, mais encore par motif de conscience. C'est encore la raison pour
laquelle vous payez des impôts : ceux qui les perçoivent sont chargés par Dieu
de s'appliquer à cet office. Rendez à chacun ce qui lui est dO : l' impôt, les taxes,
la crainte, le respect, à chacun ce que vous lui devez. (Romains 13 : 1-7)
176
- JCB: Que dit Paul à propos de l'argent?
- JPP: C'est pas mal non plus :
177
- JCB : Et sur les femmes, il dit quoi?
-JPP: Voilà:
178
- JCB: Ce n'est vraiment plus Ui position de l'Église aujourd'hui!
- JPP: Et alors?! Comme la Torah, le Nouveau Testament
fait partie des Saintes Écritures. Donc, c'est (théoriquement)
intouchable!
- JCB: j'aime bien lëpilogu.e de votre Bible en BD...
LIBRE-SERVICE
BIBLIQUE EPILOGUE
Oui. le pentateuque :
la Genèse, l'Exode,
la Lévitique, le Deuté-
ronome et les Nombres.
Le reste, vous savez...
Il a sa propre version,
que lui aurait dicté
l'archange Gabriel. Et
tenez-vous bien, Dieu
parle Arabe !
Mais il y a quelques siècles.
vos ancêtres croyaient qu'il
parlait Hébreu, non?
Et ceux-là, pourquoi se battent-ils?
---.,.----..,/------.:, ~"
. "'"'"
.:::.;:
-----
,,..- ~ ..
..
_...:..:..---
- ~
179
A propos de la communion, le premier dit que le pain
devient le corps du Christ et le second n'y voit qu'un
simple repas pris en commun.
En gros,
c'est ça.
180
Il y a ceux qui ont traduit le mot EKKAE!.IA (en Grec) par « église ,. ,
ont créé des institutions très hiérarchisées et ont bâti des cathédrales.
[)'autre lui ont opté pour la traduction « assemblée du peuple ,. et ont
refusé tout luxe ostentatoire, même s'il servait de moteur à ractivité
artistique(*).
181
Au nom de la religion, on fait le bien mais
on s'égorge aussi , on se dynamite.
182
·-------·----- - - - -
Tiens mon petit, Dis, maman, pourquoi est-ce
amuse-toi. qu'on ne peut pas coucher dans
la cathédrale ? J'ai froid.
Excusez- moi,
j'ai à faire.
183
- JCB : Et en plus, selon vous, ces visions religieuses seraient locales?
- JPP: Il ne me paraît pas pensable que ces visions religieuses
puissent s'étendre à l'ensemble de l'univers. C'était bon à
l'époque où on s'accrochait encore à l'idée que la Terre était la
seule planète abritant une vie intelligente. Puisque maintenant
on commence à envisager qu'il y ait de nombreuses planètes dans
notre seule galaxie qui puissent abriter cette vie intelligence, ce
sont des êtres qui naissent, vivent et meurent. Donc, ils ont été
à un moment ou à un autre confrontés à un questionnement
d'ordre métaphysique.
- JCB: Mais votre schéma général: étendre le champ relationnel en se
complexifiant, a quand même une prétention d'universalisme.
- JPP: Comme c'est le cas pour la table de Mendeleïev, la
physique, le second principe, la biochimie. Ce «principe
universel» n'est rien d'autre qu'une phénoménologie.
- JCB : Alors, toute planète porteuse de vie possède une noosphère?
184
- JPP: Une noosphère organisée, riche, mais c'est l'univers tout
entier qui fonctionne comme un être doté de deux «versants 1 ».
- JCB: Vous contribuez à fournir des arguments selon lesquels les
voyages interstellaires devraient être possibles selon des temps de voyage
compatibles avec les durées de vies humaines. Donc, il y aurait contact
et échanges.
185
Le témoignage d' Antonio Villas Boas
186
qu'ils forment une unique espèce et doivent être authentiquement
solidaires, on est mal barrés, sur tous les plans. Actuellement,
dans les pays dits développés on voit émerger des idées complè-
tement démentielles. Hier j'ai suivi une émission de télévision
animée par un philosophe, à propos de la fin de vie et de la mort.
On y entendait deux sons de cloche. Il y avait un premier parti-
cipant qui insistait sur le souhait que les gens en soins palliatifs
parviennent à vivre leurs derniers moments avec une forme de
sérénité, bref« que ça se passe bien». Mais il ne se hasardait pas à
parler de l'après vie. Un second intervenant parlait, avec les yeux
brillants, du stockage de l'information chez les êtres humains, à la
fois génétique et mental, de manière à pouvoir assurer le maintien
en vie, pendant des durées très longues, voire illimitées grâce aux
progrès que la médecine ferait, selon lui immanquablement, dans
un proche avenir. Et le philosophe de lui demander «Vous voulez
dire prolonger la vie de cette personne ... dans un autre corps?»
- JCB : Il a eu une réponse?
- JPP: Non. Mais l'homme avait les yeux brillants. Ceci dit,
si on pouvait un jour greffer un cerveau sur un corps en pleine
santé, le trafic de corps flamberait aussitôt, il n'y a aucun doute.
Il y a un autre bonhomme, un urologue et homme d'affaires qui
pousse également dans cette direction, en adoptant une posture
très élitiste 1• Le philosophe a conclu l'émission en rappelant que,
finalement, toute la morale humaine découle de la conception
que nous nous faisons de l'après vie et du sens de la présence de
l'homme sur la planète. Les judéo-chrétiens et les musulmans
imaginent une rétribution/punition dispensée post mortem. Ceux
qui optent pour la réincarnation voient dans leur vie une étape
dans un processus de décantation de leur âme. Des peuples dits
primitifs ont une vision très écologique en se percevant comme
des locataires de la Terre, prônant le respect d'équilibres naturels.
187
Les communistes, tout en niant toute existence post mortem 1
ramenaient tout au bénéfice des prolétaires, quitte à mettre dans
des camps de rééducation tous les récalcitrants. Les nazis avaient
appliqué une vision darwiniste à l'humain, rejetant toute compas-
sion et en classant les êtres humains comme supérieurs, inférieurs,
et indésirables. Le philosophe faisait simplement remarquer que
si un être humain pouvait bénéficier d'une prolongation de sa
vie, sans limitation de temps, en quoi le son des autres le concer-
nerait-il? Il ne connaîtrait aucun interdit d'aucune sorte et ne
tarderait pas à se construire un système de pensée justifiant à ses
yeux son total égocentrisme.
- JCB: Et aujourd'hui?
- JPP : J'aime bien cette phrase de Woody Allen, largement
reprise au moment de Mai-68 : «Marx est mort, Dieu est mort,
et moi-même je ne me sens pas très bien».
Il y a, sur Terre, de plus en plus de gens qui ne se sentent pas bien
du tout. Il subsiste de toute façon les millions d'êtres humains
de tous âges qui souffrent et meurent de simple malnutrition et
de maladies, faute de soins. De même que les religions servent à
des masses humaines de prétexte pour revendiquer territoires et
ressources et exercer une hégémonie, comme ce fut le cas pour
la christianisation en Amérique, Afrique ou Asie, le mouvement
de la mondialisation via le libre-échange est lui aussi un prétexte
pour permettre à une oligarchie de s'enrichir de manière scan-
daleuse. On assiste aujourd'hui à un cloisonnement de la pensée
avec un recentrage des individus sur leurs intérêts particuliers.
Les gens pédalent dans leurs systèmes de pensées, les idéolo-
gies auxquelles ils adhèrent, consciemment ou inconsciemment.
189
La télévision, véritable machine à décerveler du monde moderne,
poursuit son œuvre. Les pensées deviennent jetables.
- JCB: Il reste que nous allons tous mourir un jour.
- JPP: C'est un sujet qui est socialement rejeté. Quand on
meurt, aujourd'hui, c'est au terme d'un combat contre la maladie.
Avec les deux livres précédents, nous avons tenté de faire réfléchir
les gens. Ces ouvrages n'ont touché qu'une frange de la popula-
tion. Vous avez 79 ans et moi 83, en cette année 2020. Est-ce que
celui-là provoquera une prise de conscience, un commencement
de débats?
- JCB : C'est ce qu on peut souhaiter. Car Yahvé, Dieu, Allah, le Grand
Architecte de l'Univers, etc., selon la croyance de chacun, ont donné à
chaque être humain une partie de sa puissance: la Connaissance, basée
sur la capacité d'apprendre, de réfléchir, et de progresser vers un monde
où l'Amour de l'autre aura transcendé la violence et l'appdt du gain, pour
vivre l'amour de l'autre et celui de la nature... ce qui est la même chose!
ANNEXE I
L'HOMME EN VERT
193
Le cheminement dans le couloir fut laborieux. Le train avait dû s' ar-
rêter et, ce qu'on ne fait pas ordinairement, on avait intercalé des
wagons de troisième classe entre les secondes et les wagons-lits.
- Les secondes, c'était déjà limite. Mais alors là, c'est le bouquet!
Le couloir était empli de gens qui n'avaient pas pu trouver de places
assises et quis' étalaient, par terre. Le sol était d'une saleté repoussante.
Une femme, qui s'était assise sur une simple feuille d'un journal étalé,
donnait le sein à un de ses enfants. Mais le pire, c'étaient les waters,
d'où émanait une odeur pestilentielle.
- Comment des gens peuvent-ils voyager dans des conditions
pareilles? Cela dépasse l'entendement!
Après une enfilade de wagons apparut soudain la perspective rassu-
rante des premières classes, avec de la moquette sur le sol, des parois
couvertes de bois vernis et des cuivres correctement entretenus. Sur
une plaque on pouvait lire «ne laissez pas les portières jouer avec les
enfants». L'employé s'arrêta, vérifia dans ses papiers et lui désigna un
compartiment.
- Ah, enfin!
- Voilà, monsieur, c'est le 69, au bout du couloir.
Le silence qui régnait trancha soudain avec le bruit infernal des
minutes précédentes. Les wagons étaient mieux suspendus. Il y avait
l'air conditionné. Les mauvaises odeurs avaient disparu. L'employé
ouvrit la porte et lui présenta un wagon-lit tout à fait convenable,
avec un grand lit, des draps frais, une épaisse couverture écossaise, en
laine. Dans un coin il y avait une tablette, à côté d'une porte donnant
sur un espace toilette, modeste, mais bien conçu, garni de serviettes
blanches, propres, moelleuses, à l'effigie de la compagnie.
- Si vous avez besoin de quelque chose, c'est ce bouton, là.
- Non, non. Ça ira, merci.
Henri entrouvrit le rideau qui masquait la fenêtre donnant sur l'ex-
térieur du train. L'express filait à un train d'enfer et on ne voyait pas
grand-chose sauf, dans la nuit, le défilement rapide de poteaux télégra-
phiques et, de loin en loin, des maisons isolées, dépourvues d'éclairage,
194
qui semblaient délabrées, abandonnées, et dont la présence n'était que
fugitivement révélée par la lumière émanant du train lui-même.
Il ouvrit le petit réfrigérateur qui était sous la tablette et qui contenait
tout un assortiment de petites bouteilles, de mignonnettes. Il y avait
même un petit conteneur à glaçons. Il décida de choisir une bouteille
de Four Roses. Avec un bon whisky, on est quand même capable
d'oublier pas mal de choses. Il se cala dans le confortable fauteuil et
commença à le déguster à petites gorgées.
Il écarta le rideau de velours qui recouvrait la fenêtre, côté voie.
D'une main Henri effaça la buée qui recouvrait la vitre. À perte de
vue se découvrait un paysage morne. L'horizon était masqué par la
brume.
Il consulta sa montre.
- Bon, il est temps d'aller au wagon-restaurant.
Le couloir dont le sol était recouvert par une interminable moquette
rouge était quasi désert, mais au moins, là, on n'avait pas à enjamber
des gens impossibles, vautrés n'importe où au milieu de papiers gras
et de cannettes de bière vides. Il n'y avait pas toutes sortes de détritus
jonchant le sol. Enfin il devina derrière une dernière porte vitrée une
enfilade de tables recouvertes de nappes d'un blanc immaculé. Cette
vision le rassura, lui apporta le calme dont il avait besoin.
Au moment où il allait prendre place, il aperçut un couple qui pénétrait
dans le wagon et reconnut le blaser bleu marine d'Édouard Jean, dont
la poches'ornait de l'insigne tape-à-1' œil du Yacht club de Cowes. À ses
côtés, il reconnut Marie Solange Vervet Potincourt et pensa aussitôt:
- Édouard Jean est un raseur et Marie Solange n'a pas plus de
conversation qu'une huître mais pour cette fois, c'est mieux que rien.
- Henri, tu devrais goûter leur caviar, il est très acceptable.
La carte était assez bien garnie. Le maître d'hôtel disposa devant eux
assiettes de porcelaine, couverts frappés aux armes de la compagnie et
prit leur commande. Henri retrouvait un peu ses repères. Sur la table,
une petite lampe donnait à leur repas un caractère intime.
195
On ne peut pas dire que la conversation, lors de ce repas, lui ait
laissé un souvenir impérissable. Édouard Jean parla du groupe, de la
dernière réunion du conseil d'administration et de ses inquiétudes
de voir se réduire la part prise par le nucléaire, un secteur de plus en
plus en difficulté. Pour autant qu'Henri s'en souvenait, celui-ci avait
investi la plupart de ses avoirs dans cette branche, mise à mal à cause
des hésitations du gouvernement. Il n'arrêtait pas de brandir sa phrase
passe-partout: «Tout cela à cause des événements.» Mais on ne savait
jamais à quels événements il se référait. Le monde d'Édouard Jean
était ponctué d'événements fâcheux, qui perturbaient son univers de
rentier fortuné.
Henri décida de finir la soirée dans son compartiment. Ce n'est que
le lendemain matin qu'il retrouva Marie Solange au petit déjeuner.
- Vous êtes ... seule?
- Oui.
- Et Édouard Jean?
- Je ne l'ai pas vu. J'ai questionné un contrôleur qui m'a dit que son
compartiment s'était libéré. Il a dit qu'il avait dû descendre.
- Mais descendre où et quand!?
- Ah ça, je ne sais pas.
La conversation s'arrêta là. Henri savait par expérience qu'essayer de
tirer quatre mots à Marie Solange relevait de l'exploit. Mais ce silence
avait quelque chose d'oppressant. Il décida, comme il l'avait fait la
veille, de demander à prendre son dîner dans son compartiment.
L'après-midi, il lut. Puis vint l'heure du dîner. Au moment où s' ache-
vait celui-ci des coups furent frappés à la porte.
- Qu'est-ce que c'est?
- Contrôle, s'il vous plaît.
Il manœuvra le levier chromé et tira la porte coulissante, qui s'ouvrit
avec aisance, sans bruit. L'homme avait une blouse verte et un calot de
même couleur. Il tenait à la main une planchette sur laquelle étaient
fixés des bordereaux. Il prit son billet, dans son portefeuille de cuir noir
196
et le tendit à l'homme. Celui-ci le poinçonna, puis sembla effectuer
des vérifications dans tout un tas de paperasses.
- Un problème?
- Non, tout est en règle. Je vérifie, seulement.
Il planta son regard dans le sien.
- Vous descendez à la prochaine station.
- Comment cela, à la prochaine station ?
- À la prochaine station, monsieur. Regardez vous-même, c'est écrit
là.
- Mais c'est quoi, cette station? C'est où? Il y a une correspondance?
- Monsieur, je ne peux pas vous dire. Je ne fais que contrôler les
billets. Le vôtre porte sur un trajet qui va jusqu'à la station soixante
et onze, et il se trouve que c'est la prochaine. Je suis donc venu vous
avertir d'avoir à vous préparer.
- Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Je peux supplémenter. Vous
n'avez qu'à me vendre un billet, pour que je puisse prolonger mon
voyage. Je peux payer avec une carte de crédit, mais j'ai de l'argent
liquide, si nécessaire.
- Ah, je suis désolé, mais sur cette ligne-là on ne peut pas
supplémenter.
- C'est insensé. On va me débarquer, comme ça, n'importe où!
- Je ne peux pas vous dire. Il est possible que là, vous puissiez prendre
une correspondance. Je n'ai aucun renseignement à ce sujet.
- Et mes valises, que va-t-il advenir de mes bagages?
- Ne vous inquiétez pas, tout suivra.
- Il y a évidemment le contenu, des affaires personnelles. Mais ce
sont des valises Vuitton, auxquelles je tiens beaucoup.
- Elles seront manipulées avec le plus grand soin, soyez sans
inquiétude.
Perplexe, il descendit son sac de cuir fauve et, tenant également à la
main son attaché-case noir, frappé à ses initiales, gagna le bout du
197
wagon. L'homme en vert, après avoir contrôlé d'autres compartiments,
disparaissait déjà derrière une porte coulissante.
Il boutonna son pardessus et releva son col.
- Quel temps dégueulasse. J'espère qu'il y aura une buvette où je
pourrai prendre quelque chose de chaud, et surtout de buvable.
Le train ralentit progressivement. Puis il entendit le bruit des freins,
jusqu'à l'immobilisation complète. Il ouvrit la porte. La brume
nocturne était tombée. On voyait juste une lumière blafarde percer
l'obscurité, un peu plus loin.
- Ça doit être là.
À une vingtaine de mètres, il aperçut ses précieuses valises que
quelqu'un avait descendues, soigneusement rangées les unes à côté
des autres. Cette vision focalisa toute son attention.
- J'espère que tout est là et qu'ils n'en ont pas perdu en route.
Il les compta. Tout y était et il n'y avait aucune éraflure.
Pendant qu'il procédait à cette vérification, le train s'ébranla et accé-
léra à une vitesse surprenante. En peu de temps il vit disparaître le
wagon de queue, avec sa classique lanterne rouge, qui formait un
halo dans le brouillard humide. Il se dirigea vers la lumière et fut
extrêmement surpris de voir qu'elle ne signalait aucune station. Il n'y
avait aucune pancarte indiquant le lieu, rien, seulement une guérite
et un banc.
Au-delà, on ne voyait rien, que des champs vides.
- Ils m'ont largué au milieu de nulle part ... Ça n'est pas possible,
cette histoire!
Il rassembla ses bagages dans l'abri et se mit à attendre. Ce qui était
étrange, c'était la tenue de cet employé. D'habitude, ils étaient en bleu
marine, portaient des casquettes, avec un liseré jaune orangé, et un
insigne sur le revers. Ils avaient des chemises bleues et des cravates,
frappées à l'emblème de la compagnie.
Mais ce type qui était venu contrôler son titre de transport était étran-
gement vêtu. Il portait une blouse verte, fixée par-derrière par des
lacets, et une sorte de calot de même couleur et de même tissu. Cela
198
étant, il avait ses bordereaux et la poinçonneuse, mais quand même,
ça n'était pas la tenue habituelle.
Il décida d'attendre encore en pensant qu'il n'y avait rien d'autre à
faire.
- Quelqu'un va venir. Le confort du compartiment était bon, la
table était tout à fait acceptable. Mais là, c'est le dérapage complet. Je
demanderai des comptes à la compagnie. Ça, ils vont m'entendre!
La nuit tombait. Il releva le col de son manteau et consulta sa montre.
- 9 heures. Cela fait une heure que j'attends. Et si personne ne
venait?
Un petit chemin de terre semblait se terminer sur cet abri qui ne
méritait pas le nom de station. Il n'y avait rien, pas de schéma ferro-
viaire à consulter. Pas même un téléphone. Il prit son attaché-case,
qui contenait les actions et l'argent liquide.
- Inutile de laisser ça derrière moi.
Quant au reste, on trouverait quelqu'un pour aller rechercher les
valises.
Il marcha vingt minutes. Le chemin l'amena sur une route dépourvue
de toute signalisation. Cela le laissa perplexe.
- De quel côté aller? À droite? À gauche?
Il en était toujours à s'interroger sur la route à prendre quand il
distingua la silhouette d'un personnage qui venait à sa rencontre.
- Monsieur, s'il vous plaît, je ...
Mais il ne put terminer sa phrase. Il se pinça. Non, il ne rêvait pas.
C'était bien l'ancien président-directeur général de leur groupe qui
venait à sa rencontre. Mais, et cela était incompréhensible, celui-ci
était décédé il y a deux ans.
- Eh bien, mon petit Henri, ne faites pas cette tête-là.
- Mais, monsieur ...
- Je sais, je sais, je suis décédé. Et alors?
Il bafouilla.
199
- Tout ceci mérite une explication.
- Bien sûr, Henri, bien sûr. Il y a que vous aussi, vous êtes descendu.
- Descendu? ...
- Eh bien oui, mort si vous préférez. Ça arrive à tout le monde. Il
n'y a pas de quoi en faire un fromage.
Devant la mine incrédule et déconfite d'Henri il le convia vers le bord
de la route, là où se dressait un poteau électrique.
- Posez votre main sur ce poteau.
- Poser, pour quoi faire?
- Faites ce que je vous dis, vous comprendrez après!
Henri avança sa main en direction du poteau. C'était bizarre, à son
contact il ne sentait rien.
- Allez-y carrément. Je sais que ça fait tout drôle la première fois.
La main d'Henri s'enfonça dans le bois. En fait, elle le traversa
complètement.
- Et voilà, vous avez compris. Tout est comme ça pour nous, main-
tenant. On voit les choses, mais on ne peut les saisir. Nous sommes
dans l'univers du passe-muraille de Marcel Aymé. Le corollaire est
qu'aucun mur ne nous arrête. Vous pourrez tout essayer, descendre
dans les caves de la Banque de France ou aller assister aux ébats de
votre épouse avec votre meilleur ami. Ça vous amusera un moment.
Et puis, on se lasse assez vite de ce petit jeu-là.
La mâchoire d'Henri se décrocha.
- Mais, venez, ne restons pas là comme deux idiots. Allons faire
quelques pas.
- Quelques pas, mais dans quelle direction?
- Où vous voudrez, par-là, ou par-là. Ça n'a aucune importe. Tous
les chemins se valent.
Il désigna la mallette :
- Vous pouvez laisser cela sur le bord de la route. Maintenant, ce
que ceci contient ne vous sera plus d'aucune utilité.
200
Henri lui emboîta le pas comme un automate.
- Mais, si je suis décédé, si nous pouvons passer au travers des murs,
pourquoi le sol présente-t-il une résistance sous nos pieds?
- Là, mon petit Henri, vous m'en demandez trop. Le monde que
nous percevons semble réagir face à notre présence en vertu de lois
qui, je l'avoue, m'échappent totalement. Apparemment quelque chose
d'horizontal représente un obstacle pour nous. Pas le reste. Tenez,
regardez.
Il frappa le sol avec son pied.
- Et vous pouvez emprunter un escalier. Vous pouvez même vous
mêler à un groupe de gens qui prennent un ascenseur.
- Mais, ces gens ?
- Ah, vous y voilà. Eh bien ces gens, s'ils sont encore vivants, ne
vous verront tout simplement pas.
- Et ...
- Et vous pourrez passer au travers, comme vous passez à travers les
murs.
Ils parvinrent à une sorte de bourg où régnait un peu d'animation.
Mais, vue l'heure tardive, les gens semblaient surtout pressés de rentrer
chez eux. Ce qui frappait, surtout, c'était un silence sépulcral. Son
compagnon anticipa sur ce qu'il s'apprêtait à demander.
- Inutile de leur parler. Ils ne vous entendront pas. Quant à nous,
nous n'avons que le visuel.
Effectivement, Henri voyait des bouches s'ouvrir, mais nul son n'en
sortait. Il décida de s'asseoir sur un banc. La journée avait été dure.
- On va rester comme ça longtemps ?
- Ça, je ne saurais vous le dire. Cela fait deux ans que je bats la
semelle de l'ici-bas sans arriver à me décider.
- À vous décider à quoi ?
- Ça, vous le verrez bien assez tôt. Je vous laisse la surprise de le
découvrir. Ici, nous ne pouvons simplement pas nous élever et, grâce au
ciel, cette résistance de la surface terrestre nous empêche de descendre.
201
- Mais de descendre où? Expliquez-vous, bon sang!
- Descendre là-dessous. Là où se trouve le feu qui ne s'éteint jamais.
Vous avez bien lu la Bible? La Géhenne, ça ne vous dit rien?
Le regard d'Henri se fixa vers le sol. Sous cette surface semblait se
situer un monde souterrain, inquiétant. L'autre reprit.
- Ce feu qui ne s'éteint jamais, c'est tout bêtement le magma.
- C'est drôle, je n'ai jamais vu cela nulle part, décrit de cette façon.
- Pourtant cela nous crevait les yeux. C'est à croire que l'homme ne
voit que ce qu'il veut bien voir.
Henri se remémora les bas-reliefs égyptiens qu'il avait vus au British
Museum, montrant la pesée de l'âme. La phraséologie devenait claire:
monter, descendre, s'élever, s'abaisser. Crouler sous le poids de ses
péchés, ou alors avoir l'âme légère. Tout prenait sens.
Il regarda vers le haut.
- Je sais à quoi vous pensez. Eh oui, là-haut c'est le paradis. Pour y
accéder il faut perdre du poids. Mais, voyez-vous, vous et moi sommes
des méchants ordinaires, à qui l'au-delà réserve un sort ordinaire, entre
ciel et enfer. Condamnés à battre le pavé, à faire les cent pas.
- Que faites-vous dans la journée?
- Moi, rien de spécial. Je regarde les cours de la Bourse, quand j'en
ai l'occasion, par habitude. Quand j'étais vivant je ne savais guère faire
quoi que ce soit d'autre.
- Où prenez-vous vos repas? Qui s'occupe de vous?
- Personne! Quant au repas, vous n'y êtes pas. Vous passez au travers
des murs. Eh bien, pour les fourchettes c'est pareil. Tout au plus
pourrez-vous lire la carte du menu. Pour le poulet aux morilles et
la blanquette de veau, il vous faudra aller puiser dans vos souvenirs,
gustatifs et odoriférants.
- Mais ça n'est pas une vie, ça!
- Vous l'avez dit. Vous oubliez simplement que cette vie, nous
l'avons quittée. Rien, je vous dis, il ne nous reste rien, sauf regarder
comme des cons. Nous ne sommes plus que des voyeurs.
202
- Mais ...
- Je vois à quoi vous pensez. Mettez votre main dans votre entre-
jambe. Que sentez-vous? Il n'y a plus rien à la place. Vous n'avez pas
non plus de trou du cul. Pourquoi faire?
- Mais, cet état nous mène à quoi?
- Nous sommes en transit, comme on dit ici. C'est à vous de décider
si vous êtes prêt pour un nouveau tour de manège.
- Vous voulez parler de réincarnation ?
- Tout à fait. Mais moi, depuis deux ans, j'ai du mal à m'y résoudre.
J'ai peur qu'en revenant à la vie on me fasse subir ce que j'ai fait aux
autres.
- Que voulez-vous dire?
- Henri, ne faites pas l'enfant. Toute notre vie nous avons trôné sur
le dessus du panier. Les emmerdes, nous les laissions aux autres. Il y
avait toujours quelqu'un pour nous cirer les chaussures ou poner nos
valises. Comme moi vous avez investi dans le nucléaire. Pour nous,
cette activité se résumait à des courbes, de beaux graphiques, des visites
d'installations, et des retours sur investissement. Mais est-ce que vous
vous imagineriez cinq minutes dans la peau de types qu'on envoie
nettoyer les réacteurs nucléaires ?
- J'avoue que je n'avais jamais vu les choses sous cet angle.
- Soyez réaliste. Pour nous, il y a 95 chances sur cent que ça se
continue de cette façon. Sur ce, je vous laisse. Je vais aller regarder
Autant en emporte le vent. Ça passe dans une salle an et essai. Vous
venez?
- Non, je l'ai déjà vu deux fois.
- Pour la réincarnation, si vous prenez la décision, allez dans la
première maternité que vous trouverez sur votre chemin.
- Et là-bas, je ferai quoi?
- On vous expliquera sur place.
Ainsi commença pour Henri son séjour dans l'entre-deux vies. Il en
explora tous les contours. Pendant combien de temps? Ça, je ne saurais
203
le dire. Le temps qu'il faut pour faire le tour de tout cela. Assez de
temps pour en avoir assez de voir les gens déjeuner et faire l'amour à
votre place. Assez de temps pour ne rien sentir ou ressentir, n'avoir ni
froid, ni chaud, ni faim, ni soif. Pas même l'envie de pisser.
Henri parcourut le monde. Partout, les vivants étaient indifférents à sa
présence. Bien sûr, il pouvait parler avec d'autres décédés. Mais ceux-ci
ressemblaient tous à ces vieilles personnes qui n'ont d'autre sujet de
conversation que leurs petits maux. À moins qu'ils ne colportent des
potins sans intérêt.
Il évita le champ de bataille car il n'avait jamais supporté la vue du
sang. De même que la vue de la misère. Ça limitait pas mal le champ
d'action. Avec le temps le spectacle de la vie que menaient les gens
aisés lui parut suprêmement ennuyeux. Il n'avait jamais réalisé à quel
point il avait couru vers des buts futiles et craint tout et tout le monde.
Dans la journée son regard se tournait vers l'azur. Se pourrait-il que
ceux qui avaient« l'âme légère», en venu de cette extension du principe
d'Archimède à la métaphysique, gagnent un tel séjour. Pour y faire
quoi? Jouer de la harpe? Mais à tout prendre cela avait l'air plus atti-
rant que les séjours infernaux. Là, cela lui avait été conté par quelqu'un
qui avait échappé de justesse au châtiment.
L'Enfer, c'était à la fois plus simple et plus désespérant que ce qu'on
trouvait décrit dans les tableaux médiévaux. Dans le magma, il n'y a
rien. On ne voit rien. De temps en temps un autre damné vous frôle.
Au pire, il s'accroche à vous. Dans ce monde de solitude absolue l'être
humain devient la proie de ses propres délires. Il ne sent pas la brûlure
du milieu environnant, mais ne peut s'empêcher de l'imaginer. Il
s'invente des monstres, s'imagine pris dans des situations tragiques et
sombre petit à petit dans la folie.
Quand sa décision fut prise, Henri se rendit à la maternité la plus
proche et se dirigea vers la salle de travail. Là, une femme se débattait,
aux prises avec les tourments de l'enfantement. Mais, immédiatement,
d'autres décédés l'interpellèrent.
- Eh, toi, tu fais la queue comme tout le monde. Moi, ça fait deux
semaines que j'attends mon tour.
Quand vint celui-ci, il fut interpellé sans ménagements par les autres.
204
- Alors, tu te décides ou tu passes ton tour? Il y en a d'autres qui
attendent.
On lui avait montré la marche à suivre. Sous sa chemise il y avait
sa corde d'argent, qui ne lui servait plus à rien puisqu'il n'était plus
connecté à un corps physique. Il suffisait de se brancher sur le corps
du nouveau-né. Plus précisément sous son hypothalamus, cela juste
avant l'accouchement. Il paraît qu'il y avait une prise spéciale.
Il passa la main sous sa chemise, saisit l'extrémité de la corde et la
dirigea vers la tête de l'enfant à naître, batailla quelque temps, sans
parvenir à opérer le branchement. Cela le surprit.
- Eh ben quoi? On voit que tu es nouveau. Il y a un problème de
connectique. Il faut que le gosse et toi soyez psi-compatibles. Et à voir
ton regard idiot il est visible que ça n'est pas le cas.
- Et dans ce cas-là, que fait-on?
- Tu attends, mon bonhomme, que l'opportunité se présente. Moi
j'en suis à mon vingt-deuxième essai.
Henri ressortit de la maternité.
- Décidément, la mort ne nous apprend rien. Quand on décide
d'en sortir on est aussi bête qu'avant. On n'est pas submergé par des
connaissances transcendantes. On n'en sait pas plus sur l'univers, ses
tenants et aboutissants que ce qu'on trouve dans n'importe quelle
encyclopédie, avec toutes les conneries qu'elles contiennent, vraisem-
blablement. Il n'y a personne pour répondre aux questions. C'est
comme la gare Saint-Lazare aux heures de pointe. Les gens passent
d'un train à un autre. Ici, c'est la correspondance. Il n'y a pas de
gardien des clés. Il n'y a ni anges, ni vierges sensuelles et offertes, ni
démons. Les démons, ils vivent dans notre tête et y prennent leurs
aises. Tout ce qu'on a gagné c'est de voir le monde tel qu'il est, c'est-
à-dire pire encore que ce qu'on imaginait. Et à tout prendre, mieux
valait un retour à la chair. Au moins, il y avait de l'imprévu et du
ressenti. Quel que soit celui-ci, c'est mieux que de ne rien ressentir
du tout.
Il s'assit devant la maternité et se mit à guetter les ambulances, comme
les autres.
ANNEXE 2
LES BASES SCIENTIFIQUES
'
D UNE TELLE DEMARCHE
,
209
- JPP: Dans la dernière vidéo que j'ai mise en ligne, Janus 28 1,
j'ai reproduit les propos du mathématicien français Jean-
Marie Souriau2, à l'occasion d'une manifestation de« Science
Frontière» en 20003 • Dont le thème était, cette année-là, «Faut-il
être hérétique pour innover en science?»
- JCB: Des propos qui en ont dérangé plus d'un.
- JPP: Que dit-il? Que l'histoire scientifique semble s'être
arrêtée au tournant des années cinquante. Que toute notre
activité technologique se fonde aujourd'hui sur des avancées
scientifiques qui ont été réalisées entre 1900 et cette période
charnière mais que rien de notable n'est intervenu en matière de
physique fondamentale pendant cette seconde moitié du siècle.
Il ajoute qu'il y a aujourd'hui cinq cents fois plus de chercheurs
qu'il n'y en a eu durant la première moitié du siècle et que,
de toute évidence, ces nouvelles générations ne semblent pas
posséder les talents et la créativité de leurs aînés.
- JCB : La grande question est: pourquoi?
- JPP: Il faut s'interroger sur le fonctionnement des actuelles
institutions scientifiques, à l'échelle internationale, en matière
de physique fondamentale. De toute évidence, il existe un effet
pervers, qu'il convient de tenter de cerner. Qui détient le pouvoir
dans ce domaine? Où se situe une différence vis-à-vis du fonc-
tionnement de cette science dans la première moitié du siècle?
- JCB : Vous allez nous le dire.
- JPP: Il n'y a plus ces grandes figures que cette époque a
connues. Ce début du :xx" siècle était totalement différent de ce
que nous connaissons aujourd'hui. Je crois que l'exemple type
est celui des colloques Solvay, en Belgique. Le premier fait date
et se tient à Bruxelles en 1911.
1. https://www.youtube.com/watch?v=CKWqh75ErNI&feature=youtu.be.
Souriau: à partir de 15 min 50 sec.
2. Décédé en 2012.
3. https://www.youtube.com/watch?v=baxVH4LrHEw
210
N'impone quel étudiant en physique trouvera dans ces person-
nalités de l'époque des noms qui figurent dans ses manuels sous
l'étiquette «équation de ... », «principe de ... », «loi de ... ».
À panir de cette année ces colloques se suivent, qui marquent
autant d'avancées de la science fondamentale. Le plus connu est
celui de 1927 :
211
Même constat. Dès l'après-guerre, la composition du groupe des
participants évolue. Le thème de l'année 1958 est «Structure et
évolution de l'univers».
- JCB : On y trouve quand même des personnages qui ont inscrit leurs
noms dans l'histoire des sciences, non?
- JPP: Mais différemment. Le fondamental disparaît.
Wolfgang Pauli, avec son principe d'exclusion quantique, est le
seul survivant de cette époque.
- JCB: Est-ce à dire que ces gens n'ont rien trouvé d'extraordinaire?
- JPP: Beaucoup dans ce groupe ont marqué leur époque pour
avoir découvert ceci ou cela. À gauche, le Hollandais Jan Oort a
entre autres découvert que le système solaire était entouré par le
nuage qui porte aujourd'hui son nom, constitué de petits objets
orbitant à grande distance du Soleil. Le nom d'Oppenheimer peut
aussi difficilement être oublié, en tant que père de la première
bombe atomique. Dans ce groupe certains ont été les auteurs de
théories tombées en désuétude, comme !'Anglais Fred Hoyle,
avec son modèle d'univers stationnaire. Au centre, le Français
Evry Schatzman a été invité en tant qu'espoir dans le domaine de
l'astrophysique. Décédé en 2010, il ne laisse guère de contribu-
tion notable. Ceci étant, les choses du cosmos constituent à partir
de l'après-guerre un thème de prédilection pour ces colloques.
En 1964, l'attention est centrée sur la structure et l'évolution des
galaxies sans que la moindre contribution n'apporte quoi que ce
212
soit de concret sur ce sujet1• En 1973, le thème est «Astrophysique
et gravitation», en 2014 «Astrophysique et cosmologie». Mais là,
on peine à trouver une liste de participants. Aucune découverte
fondamentale majeure ne marque plus ces rencontres, tombées
au rang de manifestations mineures.
- JCB : Pas de nouvelle avancée dans le domaine du fondamental?
- JPP: On se contente de recenser les problèmes issus de
nouvelles avancées dans le domaine de l'observation. Axé sur la
physique des hautes énergies, le colloque Solvay de 1958 se borne
au constat de l'insuccès de toutes les tentatives de validation de
nouvelles théories par l'expérience2 •
- JCB: Ltl science est en panne, alors?
- JPP: Pas dans son versant «applications technologiques».
Mais dans le domaine fondamental3, oui.
- JCB: Pas d'exception?
- JPP: Si, une, le Français Jean-Marie Souriau, fondateur de
ce qu'on qualifie de physique mathématique.
- JCB : Ltl physique théorique?
- JPP: Non, la physique théorique a complètement dérivé
au cours de la seconde moitié du siècle. Souriau la qualifiait de
«physique sans expérience et de mathématique sans rigueur».
- JCB: Des exemples?
- JPP: Du côté d'une physique sans expérience, il y a l'exemple
caricatural de la théorie des cordes, qui a occupé le devant de la
213
scène pendant plus de trente ans. On n'en parle pratiquement
plus, maintenant.
- JCB : Et du côté des mathématiques sans rigueur?
-JPP: Je citerai la «théorie des trous noirs». Jamais on n'a vu
autant de «développements» publiés sur quelque chose d'aussi
inconsistant.
- JCB : Serait-ce que ces trous noirs n'existeraient pas?
- JPP : L'observation fait état de la détection d'objets de
très forte masse, sur lesquels on plaque aussitôt cette étiquette
passe-partout. Cerces, il y a un problème évident, qu'on ne peut
évacuer. Mais tout repose sur l'interprétation qu'on en donne.
Le concept de «singularité centrale», par exemple, relève d'une
simple erreur d'interprétation d'une solution mathématique de
l'équation d'Einstein, publiée en 1916 par le mathématicien
Karl Schwarzschild 1• Écoutez cette phrase de Souriau, dans la
vidéo, à 18 minutes. Évoquant les trous noirs il dit, je cite ses
propres mots:
Toutes ces théories n'existent pas.
- JCB : Qu 'entend-il par là?
- JPP: Que ce ne sont que des ébauches qui manquent totale-
ment de cohérence.
- JCB: Vous parliez donc de physique mathématique. C'est quoi?
- JPP: C'est une réflexion en profondeur sur ce qu'on entend
par matière, rayonnement, interactions, etc.
- JCB: Et en profondeur, cela sign.ifie quoi?
- JPP: On pourrait dire que l'axe principal est une géométri-
sation de la physique.
- JCB: C'est-à-dire?
1. Janus 22-8:
https://www.youtube.com/watch/?v=CKWqh75ErNl&feature=youtu.be
214
- JPP : Le premier exemple est la relativité restreinte d'Einstein,
puis la relativité générale. J'explique tout cela dans la série des
vidéos Janus. L'apport d'Einstein a été de remplacer la construc-
tion des trajectoires de particules matérielles et des photons à
l'aide des lois de la mécanique et de l'optique par la recherche
de ces trajets particuliers sur une hypersurface qu'on appelle des
courbes géodésiques. Schématiquement, ce sont les trajets de
plus court chemin. Il s'agit d'une réinterprétation complète des
phénomènes. Au lieu de dire : cette matière dans tel contexte
suit tel ou tel chemin on ramène tout à une question de géomé-
trie en disant: ce problème correspond à telle géométrie, à tel
espace. Il suffit donc de calculer les trajets géodésiques, qui nous
diront comment se comporte cette matière, ou ce rayonnement.
Je donne un exemple simple. Plaçons-nous dans un espace eucli-
dien à trois dimensions ...
- JCB: La version du «vide» antérieurement à l'avènement de la rela-
tivité restreinte.
- JPP: C'est un espace où on imagine que des objets, considérés
comme des ensembles de points liés entre eux de manière rigide
tout en ayant la possibilité de se mouvoir de telle manière que
les distances qui les séparent n'en soient pas affectées.
- JCB : Cela paraît évident, si des forces ne s'exercent pas sur ces points.
- JPP: Oui, dans un monde non relativiste. N'anticipons pas.
Le mathématicien géomètre traduit cela algébriquement en intro-
duisant le concept de groupe qui sera ici un groupe de matrices
carrées, avec n lignes, n colonnes.
215
- JPP: Il est constitué par des symboles empruntés à l'algèbre,
des x, des y et des z, des sinus et des cosinus, peu importe.
- JCB: Et cet objet mathématique, on en fait quoi?
- JPP : Un groupe est fait pour «agir» sur des points d'un
espace. Il les transporte. Si j'ai un point de coordonnées (x 1, x2 ,
x3), cet élément du groupe va l'emmener ailleurs dans un lieu de
coordonnées (x' 1, x' 2 , x' 3).
- JCB: Pourquoi pas?
- JPP : On peut ainsi faire agir un élément de ce groupe sur
cette constellation de points constituant mon objet. Le groupe
d'Euclide a cette propriété qu'il conservera, dans l'opération,
toutes les distances séparant ces points les uns des autres. Cette
opération a donc consisté à traduire avec une écriture mathéma-
tique, avec des «crottes de mouche», quelque chose qu'on a sous
les yeux.
- JCB : L'intérêt?
- JPP: Cela va permettre de mettre en évidence des opérations
de transport particulières, qui seront «lues» à travers des chan-
gements opérés dans les coordonnées (x, y, z) des points sous
l'action de tel ou tel élément du groupe. Il en existe par exemple
une qui consiste simplement à changer x en - x. J'ai un objet,
par exemple un ensemble de points figurant une main droite, en
changeant les coordonnées de tous les points:
(xi, yi, z)
en (-xi, yi' z) j'obtiens un autre objet:
216
z
--
217
en repérant les points à l'aide de coordonnées (xi, yi, zi). Nous
avons alors créé une opération mathématique qui puisse traduire
ces opérations de transport en transformant tout triplet de
nombres en un autre triplet (x'i, y'i, z'). Nous avons simplement
imposé, mathématiquement, que cet outil, une simple matrice,
conserve la distance qui sépare deux points quelconques A et B,
transformés en un autre coupe de pointe A'B' 1•
- JCB : Autrement dit, on a imposé que la longueur du segment AB
soit égale à celle du segment A 'B:
- ]PP: Nous avons posé cela comme un axiome et la machinerie
mathématique nous a fourni un ensemble de matrices qui corres-
pondent à cette propriété. Mais quand nous avons voulu nous
servir de ces matrices, nous nous sommes aperçus qu'elles conte-
naient une autre transformation, qui conservait également les
longueurs, c'est-à-dire la symétrie par rapport à un plan. Et cette
transformation n'était plus physique.
- JCB : Oui, mais nous avons quand même une main droite et une
main gauche.
- ]PP: Prenons un autre objet, un tire-bouchon. On aura le
même phénomène. En changeant x en - x, on transformera
un tire-bouchon droit en tire-bouchon gauche. Or, tous les
tire-bouchons du commerce sont droits, dans tous les pays. Un
physicien théoricien qui aurait créé cet objet étrange, exotique,
serait amené à se demander s'il pourrait exister des tire-bouchons
gauches.
1. Que ces matrices représentent «le groupe d'isométrie» de lespace défini par sa
métrique.
218
Encore une fois, il est on ne peut plus évident qu'aucune rotation
ou translation ne pourrait transformer un tire-bouchon droit en
tire-bouchon gauche. Ils appaniennent à deux mondes différents.
- JCB : L'un appartient à l'univers de l'économie, de la consommation
et l'autre à celui... des farces et attrapes.
219
- JCB : Je sais que ce sont des mathématiques mais par curiositéj'aime-
rais voir à quoi ressemblent ces <<matrices» qui sont les outils de ce groupe.
je pense que je ne comprendrai pas, mais c'est pour voir.
- ]PP: Les matrices ne sont pas des objets compliqués. Ce
sont des tableaux de nombres, opérant sur des ensembles de
nombres disposés en colonne, formés par les coordonnées des
points. Appelons ces nombres mii' i étant le numéro de la ligne
et j le numéro de la colonne. L'image ci-après indique la façon
dont ces matrices agissent sur ces triplets de points (x, y, z) pour
les transformer en triplets (x', y', z').
y
z
-X
y
z
220
Je ne vais pas remplir ce tableau pour rendre compte de toutes
les opérations constituant le groupe d'Euclide 1• Toujours est-il
qu'en consultant la muse des mathématiques et en lui disant
«peux-tu me créer des lois de transformations des coordonnées
qui traduisent le fait qu'en agissant sur des ensembles de points
cette opération conserve les distances qui les séparent?», elle a
fourni l'objet «ensemble de matrices» qui répondait à la question.
Mais dans le lot, il y a des matrices qui inversent les coordonnées.
Alors, vous lui direz :
- Je ne t'avais pas demandé ça!
Ce à quoi elle répondra:
- Tu m'avais demandé de modéliser les actions qui conservent les
longueurs, je l'ai fait.
- Mais il y a ce truc bizarre!
- La symétrie par rapport à un plan conserve également les longueurs.
J'ai donc fait ce que tu me demandais.
Imaginons que cet homme découvre de ce fait le concept
de tire-bouchon gauche. Il crée aussitôt une usine pour les
produire et crée un nouveau marché, celui des farces et attrapes
géométriques.
- JCB : je ne sais pas où vous voulez nous emmener, mais je vous suis.
-JPP: Très bien. Venons-en à une idée que Souriau a fait
émerger, à partir de ces groupes de transformations agissant sur
des espaces. Les points tels que x = 0 constituent un plan.
- JCB : Le plan par rapport auquel on peut opérer une symétrie en
changeant les x en -x. C'est «le miroir».
1. Pour inclure les translations, il faudra ajouter une ligne et une colonne. La matrice
à trois lignes trois colonnes ne peut traduire que les rotations et les symétries.
221
- ]PP: Quel est l'objet qui sera invariant par cette transforma-
tion, qui restera identique à lui-même?
-JCB:Euh...
- ]PP: C'est le plan lui-même. C'est la définition même de
l'objet «plan».
- JCB: Ça a l'air débile. Un p/,an serait l'objet qui serait invariant si
on opère une symétrie par rapport à lui-même. ..
- ]PP : Il faut faire un petit saut dans l'abstraction. Cela signifie
que nous allons cesser de nous représenter visuellement les choses,
les objets.
- JCB : On se concentre sur les crottes de mouches.
- ]PP: Tout à fait! Nous avons donc un espace tridimensionnel
dont les points sont repérés à l'aide de coordonnées (x, y, z). Nous
nous donnons un groupe de transformations qui agissent sur ces
points et qui est représenté par un ensemble de matrices carrées
agissant sur ces coordonnées. Au sein de ces matrices, il en est qui
inversent une des coordonnées. Restons schématiques. On dira
que ce sous-ensemble de matrices constitue un sous-groupe, le
sous-groupe des symétries. Ensuite, nous constatons qu'il existe
des objets, sous forme d'ensembles de points, qui sont invariants
par l'action de ce sous-groupe. Nous appellerons ces objets des
plans. Souriau fait donc émerger des objets géométriques en tant
qu' ensembles de points invariants sous l'action de sous-groupes.
- JCB : Comment fait-on apparaître un objet comme un cercle?
- ]PP : À l'école on a défini le cercle comme l'ensemble des
points situés à une distance constante R d'un point désigné
comme étant son centre. Avec les groupes on procédera diffé-
remment. Considérons les matrices:
222
- JCB: Ça devient un peu compliqué.
- JPP: J'en conviens. Mais un étudiant orienté vers les sciences
pourra constater qu'en plaçant sur une feuille l'ensemble des
points déduits par cette opération, ceux-ci se situeront le long
d'un cercle de rayon R, situé dans un le plan de cote z. Autrement
dit, ce cercle n'a plus de centre. On n'a plus besoin de celui-ci
pour le définir.
- JCB : Le cercle se révèle être invariant quand il... tourne à l'intérieur
de lui-même?
- JPP: L'objet «cercle» émerge en tant qu'invariant sous l'action
d'un sous-groupe figuré par cette matrice. Rappelons-nous qu'on
est dans l'abstraction et que nous cessons de nous représenter
visuellement les objets. La sphère et tous les objets émergeant
d'une invariance sous l'action d'un sous-groupe seront définis
de la même façon.
- JCB: Comme étant invariante quand elle coulisse ... à l'intérieur
d'elle-même.
- JPP: Pour les droites, même chose. Elles sont invariantes
quand elles coulissent à l'intérieur d'elles-mêmes.
- JCB: C'est une façon amusante de parler de géométrie.
- JPP: On peut combiner deux sous-groupes, par exemple celui
des rotations et celui des translations. L'objet correspondant est
alors une hélice.
- JCB: Qui sera invariante si on la déplace le long d'elle-même.
- JPP: Félicitations, vous venez d'inventer la vis!
- JCB: Mais il n'existe que des sens de vissage droits?
- ]PP: Eh non. Il existe des objets qui s'accouplent «à l'envers».
Ce sont les prises mâles et femelles des bouteilles de Butagaz,
pour éviter un branchement intempestif et rappeler ainsi que ce
sont des gaz combustibles, voire explosifs.
- JCB: Existerait-il un industriel mathématicien et géomètre qui aurait
découvert la possibilité de créer ces objets en étudiant l'action sur les vis des
223
symétries par rapport à un p/,an et qui aurait alors fait fortune en brevetant
ces dispositifs?
- JPP: Je ne sais pas, mais je connaissais en tout cas un industriel
qui avait tenté il y a une cinquantaine d'années de contourner le
brevet d'une coûteuse montre de plongée en partant de celui-ci,
où on avait omis de préciser que le dispositif assurant l'étan-
chéité du bouton de mise à l'heure pouvait comporter des sens
de vissage droit ou gauche. Mais quittons le monde de l'espace
euclidien 3D. L'approche de Souriau deviendra un outil puis-
sant quand il s'agira d'espaces où il devient impossible de se
représenter les objets qui habitent dans ces espaces, les contenus
de ceux-ci. Passons donc à un espace à quatre dimensions, à un
espace-temps. Là, avec la meilleure volonté du monde, je crois
que ce qui va suivre sera hors de portée du lecteur qui n'est pas
familier avec les mathématiques. Mais vous pourrez quand même
essayer de discerner le sens de la démarche. Le saut conceptuel
phénoménal proposé par Einstein en 1905 est une géométrisa-
tion de physique.
- JCB: En proposant un espace courbe?
- JPP : Non, cela ne viendra que plus tard, en 1915-1917. Là il
ne s'agit que de la relativité restreinte qui se joue dans un espace
plat, non courbe.
- JCB : Alors dans un espace euclidien?
- JPP: Non; et là ce distinguo est délicat à appréhender. Ceux
qui veulent aller plus loin trouveront des éclaircissements dans
les vidéos Janus 1•
- JCB : Bon, je n'insiste pas.
224
- JPP: Je vais être obligé de mettre quelques «crottes de
mouches». Ci-après vous avez la métrique d'un espace à quatre
dimensions (t, x, y, z) qui serait euclidien:
AC 2 = AB 2 + BD 2
CD 2 =AD 2 + AC 2
Pythagore en 30
225
- JPP: Tout à fait. Et vous pourriez étendre ce concept à cinq,
six, dix dimensions. Mais alors il est impossible de produire un
dessin.
- JCB: Ouah!
- JPP: L'idée centrale de la relativité restreinte est d'introduire
des signes moins dans la métrique définissant la façon de mesurer
les longueurs, par exemple en écrivant:
ds 2 = c2dt2 - dx2
- JCB: Quelle horreur! Voilà un monde où le carré de l'hypoténuse d'un
triangle rectangle est égal à kt différence des carrés des deux autres côtés.
- JPP : Ça n'est pas fini. Dans un tel espace, un point M se
décrit par un couple de valeurs des deux dimensions (t, x). Un
point voisin M' correspondra aux valeurs (t + dt, x + dx), dt
et dx étant de petits accroissements de t et de x. Eh bien, si on
considère que cet accroissement s'effectue selon une trajectoire
décrite par le lien x = et alors:
dx = cdt ds 2 = c2dt2 - dx2 = 0
Ce qui signifie que dans le cas considéré on a un triangle rectangle
dont l'hypoténuse a une longueur nulle!
- JCB : Vous arrivez à vous représenter ces trucs de fous, da.ns votre tête?
- JPP: Non, pas plus que vous.
- JCB : Ah bon, ça me rassure!
LA FAILLITE DU SENS COMMUN
227
suivent des trajectoires de longueur zéro. Et cela alors que nous
sommes totalement incapables de produire dans nos têtes, dans
notre intuition des choses pareilles.
- JCB : Donc il y a des délires mathématiques qui collent avec des
réalités physiques, alors que ces schémas sont en opposition complète avec
l'intuition.
- JPP: C'est pour cela que ces théories sont difficiles à accepter.
Seuls les mathématiciens géomètres de l'époque, comme l'était
David Hilbert, ont immédiatement perçu la portée de l'idée.
- JCB : j'imagine que c'est la même chose en mécanique quantique.
- JPP: Tout à fait. L'exemple type est l'expérience des fentes de
Young où un unique photon parvient à passer par deux fentes à la
fois, mais je ne vais pas m'embarquer dans la description de cette
expérience et je renvoie le lecteur à ma vidéo Janus 5 1• La méca-
nique quantique abonde de phénomènes de ce genre qui violent
jusqu'aux principes mêmes de la relativité restreinte. Einstein,
vous le savez, avait toujours manifesté son scepticisme vis-à-vis de
cet ensemble théorique en prononçant sa célèbre phrase «Dieu ne
joue pas aux dés». Cela l'amène à considérer une prédiction issue
de cette mécanique quantique qui correspond au paradoxe EPR
(EPR pour Einstein, Podolsky et Rosen, les deux derniers étant
des élèves du premier). Je vous renvoie à Janus 6 2 où tout ceci
est expliqué dans le détail. Rapidement, il s'agit d'une expérience
où un atome émet des photons, dans deux directions opposées.
Quand on agit sur le plan de polarisation du premier, le second
en est averti et fait également tourner son plan de polarisation.
- JCB: Alors qu'ils s'éloignent l'un de l'autre à deux fois la vitesse de la
lumière. L'explication ?
1. https://www.youtube.com/watch?v=aLPpCQRfwRg&feature=youtu.be.
2. https://www.youtube.com/watch?v=OUwOLifXA_A&feature=youtu.be.
228
- JPP: Merveilleusement absurde.
- JCB: je suppose qu'ils 'agit de curiosités de laboratoires et qu'on ne
tombe pas sur ce genre de phénomène dam la vie de tous les jours.
- JPP: Détrompez-vous. La fission procède du fait que quand
un neutron percute un noyau cl' atome, il lui est «impossible»
de franchir la «barrière de potentiel» que celui-ci crée autour de
lui. La physique quantique considère qu'il y a un maximum de
probabilité pour que le neutron soit à l'extérieur du noyau, mais
qu'il subsiste une probabilité non nulle pour qu'il soit à intérieur
et déclenche ainsi la fission de celui-ci. Le mot «impossible»
n'est pas absolu en mécanique quantique. Etc'est comme ça que
fonctionnent tous les réacteurs nucléaires de la planète, centrés
sur ce phénomène de fission des atomes par «effet tunnel».
229
a alors 56 ans. Il entend à travers cette publication mettre en
lumière une faille de la théorie quantique. Mais le Français
Alain Aspect montrera en 1980, soit quarante-cinq ans plus tard,
que la nature se conforme bien à cette prédiction.
- JCB: Einstein était décédé à ce moment-là.
- ]PP: Il est mort en 1955, à 76 ans. Aspect ne confirmera
la réalité du phénomène EPR que vingt-cinq ans après la mon
d'Einstein.
- JCB: Ainsi la mécanique quantique na pas été à ce jour prise en
défaut.
230
phénomène. Ça n'a pas empêché un très grand nombre de cher-
cheurs de se lancer dans cette croisade.
Cela montre une chose: s'embarquer dans des envolées mathéma-
tiques qui défient une fois de plus le sens commun ne s'avère pas
toujours payant. On ne peut pas a priori condamner des tentatives
empreintes d'un certain exotisme, mais l'expérience et l'obser-
vation doivent apporter du crédit à ces essais. Quand Einstein
a proposé ce changement drastique du paradigme géométrique,
cette façon de voir les choses s'est imposée en quelques années
parce qu'elle donnait une interprétation cohérente et précise des
phénomènes se situant dans un domaine nouveau, le monde de
la relativité restreinte.
UN AUTRE CONTEXTE GÉOMÉTRIQUE
232
la vitesse d'un objet qui se déplace à cette vitesse par rappon à
cette supposée immobilité alors le temps qui s'écoulera dans cet
objet se trouve affecté par la contraction de Lorentz.
Bernhard Riemann
1826-1866 (mort à 39 ans)
Grand mathématicien allemand
233
Quand le mathématicien Riemann lance cette idée d'espace
courbe en 1850, son patron, le mathématicien Ostrogradsky,
lui rétorque:
C'est une intéressante distraction mathématique mais ça na rien à voir
avec les réalités puisqu ïl est évident que l'espace est euclidien.
- JCB : Évidemment, à cette époque on n avait aucun moyen de mettre
en évidence à travers l'observation cette courbure de l'espace1.
- JPP: Quand quelqu'un propose un changement de para-
digme, pour que cela dépasse l'idée d'une simple construction
mathématique, il faut pouvoir relier cette nouvelle modélisation
à des expériences ou des observations.
- JCB: Pour le modèle Janus, vous avez quand même pas mal de points
sur lesquels vous appuyer, de ce côté-là.
- JPP: Le présent livre s'appuie sur la proposition d'un nouveau
changement de paradigme, de nature géométrique. Cela se
résume à la phrase:
Nous vivons da.ns un espace d'Hermite.
- JCB: Excellente nouvelle. Et c'est quoi?
- JPP: Mathématiquement, c'est un espace de Minkowski
complexifié.
- JCB: Cela veut dire?
- JPP: Les complexes sont des objets mathématiques qui appa-
raissent très tôt, en 1545, et sont proposés par le mathématicien
italien Hieronimus Cardano, ou Jérôme Cardan, selon son nom
francisé. Je laisse le lecteur parcourir les éléments de sa vie des
plus agitée2 • À cette époque, on manipule de longue date les
nombres algébriques, positifs et négatifs. On connaît aussi de
234
longue date l'opération consistant à élever un nombre à une
puissance quelconque, par exemple au carré. On sait également
que quand on élève au carré un nombre négatif, on obtient un
nombre positif.
Si x est positif alors y = x2 est positif.
On connaît aussi le concept de racine carrée, qui est l'opération
inverse. Quand y est positif, cela ne pose pas de problème :
si y= x2 alors x =±.[Y
On retrouve la même démarche. On crée un formalisme, un
idéogramme qui signifie« racine carrée de». Il y a une place pour
mettre un nombre sur ce graphisme. Cardan écrit alors:
.J-16
et se demande quelle peut être la signification de cette quantité.
- JCB: Autrement dit, si ce «nombre» correspond à une« réalité».
- JPP : Autrement dit, si les racines carrées des nombres négatifs
ont un sens physique. Et il invente au passage le nombre
i= N tel que i2 = - 1
Pourquoi fait-il cela? Parce que cela lui semble être une façon
commode de construire une solution d'une équation algébrique.
- JCB : Bien sûr, tous ces nombres ne sont pas réels. C'est la raison pour
/,aquelle on les appelle« imaginaires».
- JPP: Ils sortent de l'imagination de Hieronimus Cardano.
Plus tard, le mathématicien allemand Carl Friedrich Gauss envi-
sagera de mélanger les nombres algébriques réels et leurs cousins
imaginaires pour en faire des nombres complexes :
a+ i b
On a ensuite trouvé que ces nombres complexes pouvaient être
associés à des points du plan, les nombres réels algébriques, posi-
tifs ou négatifs, courant sur l'axe des abscisses et cela s'est avéré
très commode pour tout un tas de calculs liés à la physique. Par
235
exemple, les gens qui manipulent les courants alternatifs savent
que l'évolution de leurs courants, au fil du temps, se traduit par
une fonction trigonométrique, par exemple la fonction sinus,
en écrivant :
1= !mu sin ( 7; t)
où Imax est la valeur maximale et T la période. On peut alors
considérer que cette grandeur 1 est la projection d'un vecteur
tournant sur un des axes:
1
0 X
I= lm [cos(2~t) + isin(2~t)]
lx=lrn cos(2~t)
236
les nombres imaginaires
positifs s'inscrivent sur
cette demi-droite
x=xr +ix. 1
Y= Yr + i Yi
Z = Z + i Z.
r 1
237
Charles Hermite
mathématicien français
1822 - 1901
238
va employer le complexe de complexe conjugué, introduit par
Gauss, qui consiste à inverser le sens de la partie imaginaire pure.
Si le nombre complexe est x = (xr + i x) son complexe conjugué
est (xr - i x.),
1
on le note:
conjugué de x =x
On découvre alors une propriété. Le produit d'un nombre
complexe par son conjugué est une quantité réelle et positive:
xx = (xr + ix.) (x
1 r
- ix.) = xr2
1
+ x.2
1
239
à un espace d'Hermite, les géodésiques qui s'inscriront dans cet espace
correspondront à quoi?
- JPP : À la trajectoire de masses complexes et de photons
complexes, dotés d'une énergie complexe. Les masses peuvent
donc posséder deux composantes, l'une réelle, l'autre imaginaire
pure. On devrait alors écrire:
m = m r + im. 1
- JCB : Toutes les masses devraient avoir une partie réelle et une partie
imaginaire.
- JPP: On peut envisager cela jusqu'à l'échelle de la plus
infime particule. Mais on peut aussi envisager que ces objets
aient un «degré de réalité», c'est-à-dire qu'on puisse considérer
comme réels des composants où mi serait négligeable devant
mr et comme des masses imaginaires celles qui seraient dans la
situation inverse, c'est-à-dire où c'est la composante imaginaire
qui dominerait.
- JCB: Alors cela donne deux mondes.
- JPP: Oui, il y aura d'une part notre monde physique, obéis-
sant à des lois physiques, et d'autre part un autre monde que
l'on peut qualifier de métaphysique, obéissant à des lois méta-
physiques, qui seraient le pendant du premier.
- JCB : Là vous poussez le bouchon sacrément loin. Au XIX siècle un
penseur français, Émile Littré, avait résumé en une phrase le credo de
notre science moderne:
240
Émile Littré 1801-1881
241
- JPP : La mécanique quantique se sert abondamment de ce
concept d'espace d'Hermite, d'espace complexe. Là il s'agit d'une
application du concept à la cosmologie.
- JCB : Cette idée vous est venue comme ça?
-JPP: Non, ça m'a été suggéré une nuit d'octobre 2016.
- JCB: Un rêve bizarre?
- JPP: Mettons cela sur le compte d'un rêve bizarre et avan-
çons. L'essentiel est de voir ce qu'on peut faire de tout cela.
- JCB: Comment émerge ce concept de masse?
- JPP: Cela part entièrement des travaux de Souriau1• Plus haut,
j'ai évoqué l'idée que lorsqu'on se donne un espace défini par
sa métrique, c'est-à-dire la façon dont on mesure les longueurs
dans celui-ci, on pouvait d'abord déduire son groupe d'isométrie,
c'est-à-dire l'ensemble des opérations effectuées sur des ensembles
de points de cet espace qui préservent les longueurs. Quand on
passe à l'espace de Minkowski, son groupe d'isométrie est alors
le groupe de Poincaré. Les «habitants» d'un tel espace sont des
mouvements particuliers, des géodésiques. Pour Souriau, les
objets présents dans un univers sont identifiables aux mouve-
ments qui les animent, aux chemins qu'ils empruntent. Dans
l'espace de Minkowski, on a vu qu'il y avait deux types de géodé-
siques possibles:
- de longueur non nulle;
- de longueur nulle, correspondant à ds = O.
Les premiers chemins sont empruntés par des particules de
matière, les seconds correspondent aux trajectoires des photons.
- JCB : Pour moi, tout cela reste du chinois.
1. J.-M. Souriau: Structure des systèmes dynamiques, 1970, éditions Dunod en fran-
çais. Réédité en anglais aux éditions Birkhauser en 1997 sous le titre Structure of
dynamical systems, soit 27 années plus tard, à l'identique.
242
- JPP: J'imagine. Toujours est-il que Souriau opère un classe-
ment au sein de ces différents mouvements. Chacun se voit doté
d'attributs qui émergent de son creuset d'alchimiste comme des
objets de pure géométrie. Ce sont:
- L'énergie E
- Le vecteur impulsion p
- Le vecteur spin s
Ce sont les uniques attributs qui correspondent à l'espace de
Minkowski. Ces particules-là ne possèdent pas de charges élec-
triques. La dualité matière-antimatière est également absente de
cette physique qui émerge du groupe de Poincaré.
Mais cette méthode peut être aisément étendue en dotant l'espace
de dimensions supplémentaires, du genre espace :
Espace - temps à quatre dimension: t, x, y, z
Plus p dimensions supplémentaires: Çl' Ç2 , ••• , ÇP
Métrique:
ds 2 = c2 dt 2 - dx 2 - dy 2 - dz 2 - dÇi2 - dÇ/ - ... - dÇ/
De signature: ( +, -, -, -, -, ... ,-)avec 3 + p signes moins
1. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2018-Symplectic-Cosmological-Model.pdf
243
- JCB : Batailler, pourquoi?
-JPP: Les gens qui sont en dehors du monde scientifique
n'ont pas la moindre idée de ce à quoi on est confronté quand
on cherche à publier des travaux innovants, automatiquement
«exotiques». Prenez la revue la plus recherchée qui est la revue
anglaise Nature. Chaque mois, elle publie dans ses colonnes une
demi-douzaine d'articles. Mais, chaque jour arrivent dans la boîte
mail de la revue des milliers d'articles, issus des quatre coins du
monde. Et il en est de même pour des grandes revues comme
Physical Review D, Physical Letters, etc. Quand vous envoyez un
papier vous recevez assez rapidement une réponse, un e-mail qui
porte la signature de l'éditeur en chef de la revue.
- JCB : Commentfait cet homme pour répondre aussi vite à des milliers
de sollicitations quotidiennes?
- JPP: Ça n'est pas un homme, mais un groupe.
- JCB : Qui sont les autres?
- JPP: Des gens qui jouent un rôle de filtre.
- JCB : Combien sont-ils?
- JPP: Peut-être plusieurs dizaines, travaillant à plein temps.
Ce ne sont pas des referees, des experts, mais des filtreurs. Le
temps qu'ils consacrent à l'examen de l'article est de l'ordre de
la minute. Après cela, soit ils décideront d'envoyer l'article à un
expert, pour examen, soit ils formuleront un rejet à l'aide d'une
formule standard, en copié-collé.
Il faut se rappeler une chose. Classiquement, quand un article est
soumis, le referee qui est sollicité n'est pas payé pour ce travail, qui
peut facilement lui demander, s'il examine l'article sérieusement,
une bonne semaine de travail à plein temps. La publication dans
les journaux n'est pas non plus payante.
- JCB : Alors, comment ces revues arrivent-elles à fonctionner?
- JPP: Ce sont les abonnements qui, eux, sont payants et ils
sont relativement chers.
244
- JCB: Qui s'abonne à ces revues?
- JPP: Principalement les laboratoires. Avant l'arrivée du
numérique, et même de la photocopie, la consultation d'articles
dans les revues faisait automatiquement partie intégrante de la
vie du scientifique. Les laboratoires ou observatoires avaient
de vastes bibliothèques contenant des milliers de numéros de
différentes revues. Un budget conséquent devait être affecté
à des abonnements aux différentes revues. Autre chose : avant
les années soixante la photocopie n'existait pas. Un chercheur
qui voulait soumettre un article devait le taper lui-même à la
machine. Pour pouvoir adresser à la revue les deux exemplaires
demandés, il devait produire le second avec un papier carbone,
en en gardant un troisième pour lui. Tous les échanges se
faisaient par voie postale. Quand une revue décidait de publier
ce papier, l'auteur pouvait disposer de quelques dizaines de «tirés
à part» sous la forme de cahiers constitués par quelques feuilles
imprimées, constituant son article, qu'il pouvait alors envoyer
à d'autres chercheurs, toujours par voie postale.
- JCB : Mais il y a eu /,a photocopie.
- JPP: Les photocopieuses ont représenté une révolution. On
pouvait dès lors produire des exemplaires en nombre illimité. Il
suffisait de garder pour soi l'original. À l'aide de cette machine
magique on pouvait à tout moment produire des copies et les
envoyer aux revues.
- JCB : À plusieurs revues en même temps?
- JPP: Non, ça c'est interdit. On ne peut soumettre qu'à une
seule revue à la fois. Mais revenons maintenant au fonctionnement
de ladite revue. Un des bonshommes chargés du filtrage reçoit
chaque matin un paquet d'enveloppes contenant des articles.
- JCB: Ces gens chargés de réceptionner et de filtrer les articles, qui
sont-ils?
-JPP: Ce sont souvent des étudiants de haut niveau qui
complètent leur bourse post doc. Ils sont évidemment très peu payés.
245
- JCB : Alors, pourquoi font-ils ce travail?
- ]PP : Réfléchissez. Ils sont au cœur de la machine, les mieux
placés possible pour faciliter l'acceptation de leurs propres travaux
ainsi que ceux de leur groupe. Et ça, ça n'a pas de prix.
- JCB : Bon, et alors?
- ]PP: Quand un nouveau papier arrive, plusieurs points
retiennent aussitôt leur attention. Le nom de l'auteur, d'abord.
Occupe-t-il une position en vue sur l'échiquier de la spécialité?
- JCB: On examine «ses lettres de noblesse».
- ]PP: On peut le dire comme ça. Si c'est quelqu'un de coté,
l'article est accepté immédiatement, sans véritable lecture ou
examen.
- JCB: Mais cette cote na évidemment rien à voir avec le fait que ces
papiers aient une prise quelconque sur le réel qu'ils expliquent quelque
chose, qu 'ils fassent état de résultats concrets.
- ]PP: Vous imaginez les milliers d'articles consacrés à la théorie
des cordes qui ont été publiés pendant trente ou quarante ans.
- JCB : Dont aucun ne laissera de trace.
- ]PP: Absolument aucune.
- JCB: Quand on y pense c'est assez effarant.
- ]PP : Cet effet de notoriété permet à des gens en vue de
publier des articles fleuve dans des revues cotées. Dans mes deux
vidéos Janus 27 et Janus 28 1, je détaille un article de ce genre, de
quarante pages, dont la page de conclusion est totalement vide.
- JCB : Qu 'entendez-vous par là?
- ]PP: Cette page est truffée de conditionnels: «Si on pouvait
résoudre tel ou tel problème, alors ... » Il y a des milliers d'articles
comme celui-là, de nos jours.
1. https://www.youtube.com/watch?v=TtP4_11aDzl et https://www.youtube.com/
watch?v=CKWqh75ErNl&feature=youtu.be.
246
- JCB : On pourrait penser que celui qui présente des résultats concrets
a plus de chance d'intéresser la revue.
- JPP: Détrompez-vous. Au début des années quatre-vingt-dix,
j'ai produit à l'aide de simulations 2D une fantastique image
de galaxie spirale barrée. Alors que les «galaxies numériques»
des autres perdaient leurs bras en un tour ou deux1• J'ai envoyé
un article présentant cela aux six ou sept revues susceptibles de
publier un tel travail. Ça m'a évidemment pris près de deux années.
En effet, quand l'article est rejeté on peut demander un second
examen. Tout cela avec la lenteur chamelière des échanges postaux.
Donc, comptez pour cette affaire quatorze échanges successifs.
·,.· .
. . -.
247
- JCB : Depuis vingt-huit ans, ce travail reste non publié alors que vous
estimez que c'est une percée en astrophysique très importante.
- ]PP: Tout à fait.
- JCB : Mais ces quatorze rejets étaient formulés comment?
- ]PP: Avec une simple phrase, la plus courante étant:
248
- JPP: Ajoutons dans l'univers primitif l'idée de faire varier
la vitesse de la lumière, avec en prime une réinterprétation du
CMB qui n'a rien à voir avec ce qui se publie ordinairement.
- JCB : Vous êtes complètement en dehors de tout ce que font les autres.
Il n'y a personne qui vous suive?
- JPP: Il y a d'abord la mathématicienne Nathalie Debergh,
qui a percuté sur cette idée d'introduire les énergies négatives
en mécanique quantique. Elle a réussi à placer un bon papier
sur ce thème. Mais, ce faisant, elle découvre à son tour les murs
auxquels on se heune quand on innove vraiment.
- JCB : Que faut-il pour pouvoir publier facilement?
- JPP: Ne pas s'opposer au mainstream, rester dans la mouvance
générale. En astrophysique et en cosmologie, écrire sur la matière
sombre, l'énergie noire, même si ça ne donne rien.
- JCB: Autrement dit, rester dans la «science noire».
- JPP: Dans ce numéro spécial de la revue Pour la Science de
mars 2020, vous en avez un parfait exemple:
249
- JCB: Et pas un mot sur Janus. Quid des travatlX qui sont à la. base
du présent livre?
- JPP : Côté publication, ce papier dans Progress in Physics
représente un début. Il va falloir transformer l'essai, imposer ce
thème en contraignant les revues les plus cotées de lui faire une
place dans leurs colonnes. Nathalie a entrepris de le faire de son
côté mais, en dépit de sa grande rigueur de mathématicienne,
elle découvre avec stupeur les barrières qui se dressent aussitôt,
violemment.
- JCB : Quand vous parlez du monde scientifique on a l'impression
qu'il s'efforce de faire obstacle à toute nouveauté. Alors même que le
public commence à se rendre compte que ces histoires de matière sombre
et dënergie noire, ça commence à prendre l'eau.
- JPP: C'est peut-être justement à cause de cela que les résis-
tances sont si vives. Pour cette extension de la méthode Souriau
aux complexes, clé de tout ce dont nous venons de parler, il
faudra s'attendre à des résistances plus vives encore. Parce que
ça remue trop de choses.
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- JCB: Partout où vous êtes présent, vous chamboulez tout. Le modèle
Janus propose, en remorque, kz faisabilité des voyages interstelkzires, donc
met le phénomène ovni en pleine lumière, qu'on sëtait si bien appliqué
à discréditer. Quant à ce dernier travail ils 'attaque aux croyances, aux
religions, et donne créance à nombre de phénomènes paranormaux. De
quoi se faire des ennemis en nombre. Ça doit être fatigant.
- ]PP: Très. Mais dans ce monde des sciences, il y a quelque
chose d'original. La Nature a toujours le dernier mot. Et celle-là
refuse mordicus d'envoyer des panicules de matière sombre dans
les détecteurs, qu'ils soient dans l'espace ou au fond de mines, à
l'abri sous des milliers de mètres de roche.
- JCB: Dans ce dernier essai, kz Nature est un peu hors jeu, non?
- ]PP: Certes, mais il reste une expérience que tout le monde
est appelé à vivre, tôt ou tard.
- JCB: Laquelle?
- ]PP: La mort.
- JCB: Euh oui. Ce livre apporte des embryons de réponses, face à pas
de réponses du tout.
L'ÉQUIPE }ANUS
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- JCB : Et vous, vous êtes retraité, octogénaire. Belle équipe!
-JPP: Nathalie a publié en 2018 dans une revue de haut
niveau un premier article qui représente une extension de ce
thème Janus à la mécanique quantique, en montrant que les
masses négatives et les états d'énergie négative en font automa-
tiquement partie 1•
Il y en a deux autres qui sont en passe de nous rejoindre et de
grossir l'équipe, à travers de nouvelles publications, toujours
en mécanique quantique. L'un est un ingénieur en retraite et
l'autre, quoique docteur ès sciences, est gardien d'immeuble au
Canada.
- JCB: On se croirait dans un film. Il faut se hâter d'en rire avant de
se mettre à en pleurer. Est-ce que cette extension du travail de Souriau a
un rapport avec le modèle cosmologique Janus?
- JPP: Je pense que tout ceci débouchera sur un fantastique
enrichissement du modèle. Vous savez que le premier pas a été
de conférer au modèle classique une sorte de double, comme
on le ferait en considérant qu'une surface possède un endroit et
un envers. Nous avons suffisamment disserté là-dessus dans le
dernier livre. Comme ces deux facettes de l'univers sont énan-
tiomorphes, en miroir, l'analogie avec le ruban de Môbius s'est
imposée. En incluant deux autres types de masses, on débouche
sur un univers à quatre facettes.
- JCB: Un ruban de Mobius épaissi?
- JPP : Eh non. En décidant d'épaissir le ruban, c'est comme
si vous remplaciez cette unique arête par une face qui, elle aussi,
n'a qu'un seul côté. Globalement l'objet a deux faces et est
bordé par deux courbes fermées. C'est un bièdre. Des inter-
nautes ont créé cet objet et en ont produit des exemplaires à
1. http://www.jp-petit.org/papers/quantum-mechanics/2018-journal-of-phy-
sics-MQ.pdf.
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l'aide d'imprimantes 30. C'est très joli mais ce n'est pas ce qui
colle avec le modèle, c'est-à-dire le monoèdre, qui figure sur la
couverture du livre. Lui n'a qu'une seule face et une seule arête.
Son engendrement1 :
LE MONOEDRE
o.,,~~·~-~~-
Ct>Mi~~·..,.,."""- ~.i.-..--~
...4:"' ew: ~ v..w ~;-- \
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115'
Le dessin ci-après illustre la différence entre monoèdre2 et bièdre:
254
A' B'
A B
monoèdre bièdre
les plans tangents en A' font un les plans tangents à la
angle de 45° avec le plan de la surface en B et B' sont
figure. Le plan tangent en A est perpendiculaires au
perpendiculaire à ce plan plan de la figure
~
l ' ~
((11
r
255
- JCB : Qu 'est-ce que le monoèdre est censé représenter?
- JPP: Il illustre l'idée selon laquelle quand l'univers est dans
son état le plus primitif, les quatre entités qui le composent, les
quatre masses, n'en font qu'une. Ce n'est que lorsque l'univers
évoluera, entrera en expansion que ces masses acquerront leur
identité et évolueront, deux par deux, sur des faces en regard.
Deux d'entre elles constitueront des masses réelles, positive et
négative, les deux autres constituant les masses imaginaires, égale-
ment positive et négative.
- JCB: Notre galaxie, nos soleils, planètes et les molécules qui nous
constituent sont censés être constitués de masse positive. Les masses négatives
sont reléguées dans ces grands conglomérats qui occupent les grands vides
de la structure cosmique à très grande échelle. Mais si j'ai bien compris,
ces masses n ëtaient pas di}férenciables au tout début de l'univers.
- JPP: La situation initiale correspondait à une totale symétrie.
Ce qui signifie entre autres qu'il n'y avait alors qu'un unique jeu
de constantes physiques pour ces deux entités. Mais une insta-
bilité crée leur profonde dissymétrie. Une des populations joue
alors le rôle des masses plus et l'autre celle des masses moins. Mais
c'est comme un coup de dé, un pile ou face. Les masses qui nous
constituent auraient tout aussi bien pu se voir attribuer un rôle
de masses négatives. Pour les masses imaginaires c'est pareil.
- JCB : Du grain à moudre pour les philosophes.
Composition et maquette:
Soft Office
Achevé d'imprimer en mars 2021
sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery
58500 Clamecy
Dépôt légal : juillet 2020
Numéro d'impression: 103220
Imprimé en France