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Bases de la psychologie du

développement et différentielle

Raphaële MILJKOVITCH

Françoise MORANGE-MAJOUX

CHAPITRE A : HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

Ce cours a pour objectif de fournir à l’étudiant les concepts de base de la psychologie du


développement. Ainsi, seront successivement abordés l’histoire de la psychologie du
développement (Chap. A), les principales théories et modèles proposés pour expliquer le
développement (Chap. B), ainsi que les principales méthodes utilisées (Chap. C)
TABLE DES MATIERES

CHAPITRE A- HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT .................................................................. 3

A.1. L’ENFANT DANS LA SOCIETE AU COURS DE L’HISTOIRE ................................................................................ 3


A.1.1. L’ENFANT DANS L’ANTIQUITE GRECQUE ET ROMAINE ........................................................................ 4
A. 1.2. L’ENFANT DU MOYEN AGE AUX TEMPS MODERNES .......................................................................... 4
A. 1.3. L’ENFANT AU SIECLE DES LUMIERES (XVIIIE) ....................................................................................... 5
A.1. 4. L’ENFANT AU XIXE ET XXE SIECLE ........................................................................................................ 6
A.2. EMERGENCE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT AU XIXEME SIECLE .............................................. 6
A.2.1. APPARITION DES THEORIES DE L’EVOLUTION DES ETRE VIVANTS (DARWIN 1809-1882) ................... 7
A.2.2. AVENEMENT DE LA PSYCHOLOGIE SCIENTIFIQUE ................................................................................ 8
A.3. CONCEPTS ET DEFINITIONS .......................................................................................................................... 9
A.4. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS THEORIQUES ......................................................................................... 10
A.4.1. ORIENTATION PRE-FORMISTE OU MATURATIONNISTE : GESELL (1880-1961) .................................. 10
A.4.2. ORIENTATION INTERACTIONNISTE OU ASSOCIATIONNISTE ............................................................... 11
A.4.3. ORIENTATION COGNITIVO-CONSTRUCTIVISTE : PIAGET (1896-1980)................................................ 12
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................. 14
CHAPITRE A- HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT

La psychologie du développement constitue un des champs majeur de la psychologie. Elle a


pour objet d’étude l’ontogenèse psychologique, c’est-à-dire l’évolution psychologique
individuelle tout au long de la vie « spanlife »). Son histoire est le fruit à la fois d’acquisitions
de connaissances et de techniques aux cours des siècles et également d’influences sociales
qui ont déterminé l’évolution des recherches en psychologie du développement et construit la
représentation que nous en avons aujourd’hui.

Nous allons, dans un premier temps, retracer les principales étapes qui ont abouti à ce champ
disciplinaire. Nous décrirons ensuite les principales théories qui constituent les fondements de
la psychologie du développement et qui alimentent les réflexions dans cette discipline. Enfin,
une discipline n’existant pas sans méthodes, nous verrons que la psychologie du
développement ne déroge pas à cette règle : l’apparition de nouvelles techniques est
intimement liée aux réflexions investies par la psychologie du développement.

A.1. L’ENFANT DANS LA SOCIETE AU COURS DE L’HISTOIRE

L’objectif de cette partie est de montrer comment les évènements sociaux et scientifiques
d’une époque ont construit la psychologie du développement1. L’objectif est aussi de montrer

1On peut distinguer les différentes disciplines en fonction de leurs méthodes comme la psychologie
expérimentale, développementale, la psychométrie, la psychopathologie, la psychologie cognitive… ou
encore en fonction de leur terrain ou de leur contexte d’intervention : psychologue scolaire, du travail,
du sport… ou en fonction de la finalité de leurs interventions : psychothérapie, éducationnelle…ou bien
en fonction du positionnement théorique : psychanalyse.
comment d’un intérêt purement pratique (préoccupations éducatives), les recherches ont
évolué vers un intérêt plus théorique (préoccupation scientifique psychologique).

A.1.1. L’ENFANT DANS L’ANTIQUITE GRECQUE ET ROMAINE

Dans la Grèce antique, les enfants sont considérés comme des adultes en miniature. Ainsi
existe-t-il une sélection artificielle, les faibles et les mal formés étant
supprimés selon une éthique qui met en avant la force et
l’intégrité du corps au service de la gloire et de la défense de
la cité. Dans l’antiquité romaine, on retrouve la même
désinvolture à l’égard du nouveau-né, et le même souci
d’éducation civique : l’enfant est élevé dans le but de défendre sa
cité. Dans les deux sociétés antiques on retrouve le rôle prédominant du père, qui a droit de
vie ou de mort sur ses enfants. Ce droit qui existe jusqu’en 400 après JC, sera retiré par arrêté
légal, sous l’influence de la diffusion de l’Evangile. Pendant cette
époque prédominent donc les aspects éducatifs : l’essentiel étant de
former l’enfant aux valeurs et aspirations du groupe. Soulignons
toutefois que l’enfant suscite dans l’Antiquité un intérêt tout à fait
nouveau dans le domaine médical, avec le grand Hippocrate (450-
346 av. J.C.) et ses questions de pédiatrie.

A. 1.2. L’ENFANT DU MOYEN AGE AUX TEMPS MODERNES

Pendant la période moyenâgeuse, les enfants sont intégrés à la vie adulte dès le sevrage et il
n’y a pas de réelle distinction d’âges dans l’enfance, juste la dichotomie enfant/adulte. Cette
quasi-disparition de l’enfance (et donc de l’éducation) s’explique par les conditions d’existence
et par la brièveté de la vie. En effet, les enfants assurent précocement les charges et les
devoirs de l’adulte et il y a une grande mortalité infantile. Les enfants qui survivent sont intégrés
très tôt dans la société. L’enfance n’est donc pas étiquetée comme une période mais comme
la miniature de l’âge adulte.
Il faut attendre le XVIe et XVIIe siècle pour que l’enfant trouve enfin sa place en tant que telle
et que l’éducation revient au premier plan des représentations de
l’enfance sous l’influence des philosophes, avec le rétablissement
de la scolarité (les curés, mécènes et couvents contribuent
beaucoup à ces débuts de l’enseignement). Ainsi, l’humaniste
hollandais Erasme (1469-1536) par ses écrits, ses conseils
d’instruction, d’éducation civique et d’hygiène de vie a beaucoup
apporté à l’éducation des enfants. C’est à lui qu’on doit la célèbre
phrase « on ne naît pas homme, on le devient », qui
met l’accent sur le fait que le développement n’est pas le seul fruit de la
maturation physiologique et psychique mais est aussi et surtout le fruit de
la pédagogie. Un peu plus tard, Montaigne (1533-1592) axe son éducation
sur une pédagogie dite libérale qui refuse les châtiments corporels, et
donne toute son importance à l’affection et l’amour portés aux enfants.

http://www.polemia.com/pdf/Montaigne.pdf

Si la scolarité est essentielle, c’est aussi et surtout parce que l’enfance est vu comme le
symbole à la fois de la force du mal et du poids du péché originel (à cette époque la religion
est centrale et guide toutes décisions). Dans ce contexte l’enfance est comparée à un état
animal, et donc considérée comme un état inférieur. C’est l’éducation qui permettra à l’enfant
de dépasser cela et de devenir un homme (De Berulle et Bossuet).

A. 1.3. L’ENFANT AU SIECLE DES LUMIERES (XVIIIE)

Au XVIIIe siècle, un nouveau regard sur l’enfance est posé avec J.J. Rousseau (1712-1778)
et son Emile ou de l’éducation. Les préoccupations
éducatives reposent cette fois-ci sur le souci de
respecter les tendances naturelles de l’enfant
qui sont bonnes et de préserver l’enfant des
influences néfastes de la société adulte.
Ainsi, éduquer ce n’est pas socialiser mais
c’est laisser l’enfant s’exprimer selon sa nature
et dans la nature. « L’homme naît bon, c’est la
société qui le corrompt ».

Une émission passionnante sur l’éducation de Rousseau : http://www.franceinter.fr/emission-


la-marche-de-l-histoire-saison-2011-2012-rousseau-et-l-education
Dans cette perspective, Rousseau réclame des conditions de vie naturelle dès la naissance
(allaitement maternel, vie à la campagne, recours à un précepteur,...) et préconise l’absence
de morale, de devoir écrit, de lecture au profit des expériences, des causeries… Malgré le
caractère utopique de sa conception, son influence marquera de manière décisive la vision de
l’enfance de l’époque. Son concept d’attachement maternel deviendra même rapidement
prédominant surtout dans les familles aisées bien que Rousseau abandonnât successivement
ses 5 enfants à l’Assistance Publique !

La mise en nourrice est également très en vogue à cette époque, et ceci dans toutes les
couches de la société (raisons multiples : refus d’allaiter, travail des femmes,...). Toutefois, les
conditions déplorables de l’hygiène en nourrice entraînant la mort de 25 à 30% des enfants
pousseront Louis XV à créer un bureau général des nourrices, ce qui témoigne de l’attention
institutionnelle portée à la petite enfance.

A.1. 4. L’ENFANT AU XIXE ET XXE SIECLE

Dans la continuité de Rousseau, il devient évident qu’il faut


apprendre à mieux connaitre les enfants pour les laisser
s’exprimer selon leur nature. Ainsi, l’objet de la psychologie
du développement va se distinguer petit à petit de l’objet de
la pédagogie même si les préoccupations éducatives
continueront d’intéresser les psychologues du
développement, comme en atteste les travaux de Binet,
Claparède, Wallon ou Piaget. Les lois Jules Ferry de
1881/1882 qui rendent la scolarité obligatoire de 6 à 13 ans
permet aux enfants d’éviter le travail dès cet âge.

Enfin, le XXe siècle voit émerger la psychologie scientifique : c’est le siècle de l’enfant, avec
en 1959 la Déclaration des Droits de l’Enfant (rédigée par l’ONU).

A.2. EMERGENCE DE LA PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT AU XIXEME SIECLE

L’évolution des sciences médicales, physiologiques, physiques et les avancées


technologiques au cours du XIXe siècle jouent un rôle fondamental (psychophysiologie,
psychophysique, électroencéphalogramme (EEG), électrocardiogramme (ECG), …) dans la
façon dont les chercheurs vont penser l’homme en permettant notamment de mieux
comprendre la nature des changements humains.
Dans ce contexte de profusion scientifique, deux évènements témoignent des réflexions et
avancées des chercheurs et signent le début du développement psychologique comme objet
d’étude scientifique : le premier événement concerne le questionnement sur l’évolution des
êtres vivants avec les travaux de Darwin, le second porte sur l’apparition de la psychologie
scientifique, qui s’affranchit de la philosophie non seulement par son objet, mais aussi par sa
méthode, qui est aussi celle des autres sciences, consistant à mettre à l’épreuve de faits
établis objectivement (démarche scientifique).

A.2.1. APPARITION DES THEORIES DE L’EVOLUTION DES ETRE VIVANTS (DARWIN 1809-1882)

Darwin (1809-1882), jeune naturaliste, est engagé en 1831 à bord d’un


bateau scientifique le Beagle. Passionné par les êtres vivants, il
collecte pendant 5 ans une quantité importante de spécimens
(échantillons) fossiles, plantes et animaux, qu’il utilisera pour étudier
l’histoire des espèces vivantes, leur évolution (phylogenèse) et
formuler sa théorie (1859). http://www.canal-

u.tv/video/universite_de_nice_sophia_antipolis/la_pensee_de_darwin_aujourd_hui_permane
nce_et_metamorphoses_d_un_heritage_jean_claude_ameisen.5839

Il montre que l’homme est lui-même le produit d’une longue évolution collective : celle des
espèces en développement (populations d’individus). Il fait l’hypothèse qu’il y a une souche
commune à toutes les espèces, la diversification ultérieure étant le produit d’une succession
de petites modifications accidentelles
soumises à un mécanisme de sélection
naturelle qui ne retient que les formes les
mieux adaptées. Il met en avant l’instabilité
qui caractérise les relations entre l’individu et
son environnement Ce mécanisme
d’évolution des espèces est défini sous le
vocable « phylogénèse ».

A la même époque, plusieurs chercheurs, dont Haeckel (1866) en tête, s’inspire du concept
de phylogénèse pour proposer la théorie de la récapitulation (« l’ontogenèse récapitule la
phylogénèse ») où l’individu reproduirait en raccourcis temporels la succession des formes
d’évolution des espèces. Ainsi par exemple, le passage du liquide amniotique du fœtus au
monde aérien du nouveau-né serait vu comme le passage des animaux marins (poissons) aux
animaux terrestres (batraciens). Darwin considère au contraire que l’évolution naturelle des
facultés humaines (ontogenèse) est progressive, nécessite des adaptations et oriente in fine
la phylogenèse. Pour justifier sa conception, Darwin analyse lui-même le développement
humain en observant son fils Doddy de sa naissance jusqu’à l’âge de 3 ans (voir
http://www.darwinproject.ac.uk/observations-on-children ). Il porte une conception de
l’enfance dans laquelle l’analyse des processus d’adaptation fonctionnelle sera prédominante,
contrastant avec la vision purement descriptive du développement. Les observations de son
fils marquent le point de départ d’une étude de l’enfant en tant que spécificité du
développement.

Darwin s’oppose à l’hypothèse proposée par Lamarck sur l’hérédité des caractères acquis, qui
postule que l’environnement peut modifier durablement (c’est-à-dire sur plusieurs générations)
un comportement acquis2.

A.2.2. AVENEMENT DE LA PSYCHOLOGIE SCIENTIFIQUE

Jusqu’à la fin du 19ème siècle, la seule méthode utilisée pour étudier le


développement est l’introspection, hautement subjective. A la charnière
des XIXe et XXe siècle, la psychologie se dote de méthodes issues des
sciences exactes et se constitue discipline scientifique en se détachant de
la philosophie. Dans cette perspective, Wundt (1832-1920) fonde en
Allemagne en 1879, l’un des premiers laboratoires de psychologie. Stanley
Hall (USA, 1846-1924 ; 1er étudiant étranger stagiaire en Allemagne au labo
de Wundt) utilise pour la première fois une approche scientifique du développement de l’enfant
en choisissant la méthode du questionnaire pour l’exploration du contenu de l’esprit de l’enfant.
Hall, plus tard, dirigera la thèse de doctorat d’Arnold Gesell (1880-1961).

2 L’exemple du cou de la girafe est un bon exemple pour illustrer les deux théories : partant d’un fait
avéré (les paléontologues ont montré que le cou de la girafe au cours des millénaires avait augmenté
en taille), Lamarck postule que le cou de la girafe s’est « agrandi » sous l’impulsion de l’environnement :
C’est parce que les arbres (acacias) de la savane étaient de plus en plus haut que la girafe a eu
progressivement un cou de plus en plus long à force de tirer. Pour Darwin, les individus d'une espèce
sont tous un peu différents. Les sujets ayant un cou plus long arriveront à manger les feuilles plus hautes
et survivront. C’est le principe de la sélection naturelle qui sélectionne les individus les mieux adaptés.
Pour Lamarck, il y a transmission de caractères acquis, pour Darwin, il y a transmission de caractères
génétiques, sélectionnés naturellement. Si on a longtemps pensé que la proposition de Lamarck n’était
pas la bonne, des données récentes relancent ce débat. A ce titre écoutez ces deux émissions de
France inter passionnantes « sur les épaules de Darwin » : http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-
epaules-de-darwin-une-heredite-des-caracteres-acquis et http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-
epaules-de-darwin-une-heredite-des-caracteres-acquis-2
Gesell, après une thèse en philosophie, des études en médecine,
s’intéresse à la psychologie et fonde à l’Université de Yale une
clinique du développement de l’enfant. Il est le premier à utiliser
l’observation filmée. Gesell va, pendant de longues années, observer
les enfants et construire un inventaire du développement, applicable
aux jeunes enfants de 4 semaines à 5 ans. Dans sa conception, le
développement psychologique est possible grâce au développement biologique : le concept
de développement s’identifie à un concept de maturation.

Exemple du développement de la préhension expliqué par Arnold Gesell:


https://www.youtube.com/watch?v=ByBRqMNTcNQ

Les premières publications apparaissent la dernière décennie du XIXème siècle, et des


sociétés à visée scientifique se constituent, réunissant psychologues, enseignants,
médecins… En 1899, naît en France la société Libre pour l’Etude de la psychologie de l’Enfant
(SLEP).

A.3. CONCEPTS ET DEFINITIONS

Du XIXe siècle et de Darwin, la psychologie du développement hérite d’une dimension


fonctionnelle importante : l’analyse des processus d’adaptation. Tout au long du XXe siècle,
le concept du développement psychologique ne va avoir de cesse de se préciser :

 Rapidement est apparu la nécessité de distinguer différentes dimensions du


développement. Plutôt que d’analyser sur des périodes successives le développement,
les chercheurs se sont attachés à identifier et étudier des domaines relativement
homogènes, comme la motricité, le langage, les émotions, l’attention, …. Si c’est une
conception qui permet de se focaliser sur une ou quelques fonctions particulières et de
mieux comprendre les mécanismes en jeu, il ne faut pas perdre de vue que cette
conception ne permet pas une approche développementale où tous les domaines du
fonctionnement psychologique sont concernés.
 Ensuite, est également vite apparu que le développement ne pouvait se limiter à la
période de l’enfance et de l’adolescence. Si le développement est bien l’étude des
changements alors on doit envisager le développement sur la vie entière, appelé
encore « développement life-span ». La vie de l’homme tout entier étant fléchée, l’étude
du développement ne peut donc s’arrêter à l’enfance ou l’adolescence : le
développement et le fonctionnement sont donc liés et se nourrissent l’un l’autre.
 Les études en psychologie du développement se sont également étendues à d’autres
disciplines de la psychologie, comme la psychopathologie développementale qui porte
sur les trajectoires atypiques développementales (autisme, troubles du comportement
par exemple). C’est pour la pathologie en enrichissement considérable puisqu’il s’agit
de comprendre l’évolution d’une pathologie à la lumière de la dimension
développementale. En d’autres termes, l’évolution pathologique se déroulant dans le
temps, elle doit être comprise dans une perspective temporelle. Le développement
normal peut ainsi servir de référence pour comprendre l’évolution de la pathologie,
voire pour la définir.
 Progressivement l’idée qu’il existe des trajectoires multiples et différenciées selon les
domaines finit par imposer une nouvelle conception du développement, qui consiste à
étudier toutes les formes d’évolution individuelle. Cela revient à étudier les différences
individuelles : c’est l’objet de la psychologie différentielle.

Ainsi, les dictionnaires définissent classiquement la psychologie du développement comme


l’étude de l’ensemble des transformations qui affectent les individus. Cela signifie donc :

1. Etudier l’ensemble des étapes temporellement fléchées qui conduisent un organisme


vivant d’un état 1 à un état plus 2 plus élaboré;
2. Etudier les mécanismes qui assurent le passage d’une étape à une autre.

La psychologie du développement a donc une double mission qualitative et quantitative. Cette


définition pose d’emblée deux questions : la première concerne la continuité du
développement. Le développement est-il discontinu ou continu ? …. La seconde porte sur les
facteurs de développement qui permettent de passer d’une étape à une autre. Nous
donnerons dans ce cours et dans celui de L3 des éléments de réponse à ces deux questions.

A.4. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS THEORIQUES

A.4.1. ORIENTATION PRE-FORMISTE OU MATURATIONNISTE : GESELL (1880-1961)

Ces théories postulent que le développement est prédéterminé. Cette


prédétermination peut être vue comme une programmation de
l’organisme. Dans ce cas, la maturation biologique est responsable du
développement. C’est parce qu’il y a de nouvelles fonctions, qui sont le
produit de transformations préprogrammées, que l’enfant est capable de
nouvelles compétences. Typiquement, c’est parce que la voie pyramidale3

3 La voie pyramidale est la voie nerveuse qui commande l’activité motrice des membres.
se myélinise que l’enfant est capable d’habilités avec ses pieds (taper dans
un ballon). Les principaux chercheurs de ce courant sont Gesell et Wallon.
Ainsi, pour Gesell, le développement psychologique est à l’image du
développement de l’organisme. Tout est programmé dès la conception et le
déroulement suit un ordre immuable. Mais la prédétermination peut aussi
être entendue comme le fait que les connaissances existent avant toute
expérience et toute action et qu’elles guideront les acquisitions futures. Dans cette
perspective, la notion de l’innéité des compétences est au centre de ces théories. Typiquement
c’est parce que le bébé a un attrait naturel et spontané vers les visages humains (ce qui a été
montré) qu’il peut entrer tout de suite en communication. Les principaux chercheurs de ce
courant dit « nativiste » sont Melher, Dupoux, et Chomsky. D’après ces auteurs, les conduites
sont suffisamment précoces pour que l’environnement ne puisse avoir un impact sur le
développement.http://scholar.google.com/citations?view_op=view_citation&hl=fr&user=94c1
abIAAAAJ&citation_for_view=94c1abIAAAAJ:ufrVoPGSRksC

A.4.2. ORIENTATION INTERACTIONNISTE OU ASSOCIATIONNISTE

Quel que soit l’orientation théorique, toutes les grandes théories fondatrices du développement
s’accordent pour dire que le développement humain se fait dans un environnement,
notamment social, qui contribue, facilite ou entrave les activités psychologiques. Pour certains,
le facteur social n’est pas central, tandis que pour les interactionnistes, l’expérience va avoir
un poids déterminant. Pour eux, les connaissances sont issues des informations perçues dans
l’environnement et des liens qui s’établissent entre elles. A la naissance, l’esprit serait comme
une table vierge sur laquelle vient s'‘inscrire les connaissances tirées de l’expérience C’est
typiquement l’image de la tabula rasa développée par Locke).

Actuellement, on trouve différentes théories associationnistes :

 les théories behavioristes (ou comportementalistes) bien sûr qui postulent que le
développement se fait par renforcement de liens entre stimulations et réponses, et ce
renforcement dépend des conséquences bonnes ou mauvaises qui suivent les
réponses.
 Les théories de l’interaction (ou association) comme celle de Vygotsky (1896-1934)
puis plus tard de Bruner. Pour Vygotsky, le développement se fait grâce à des outils
que l’enfant trouve dans son environnement parmi lesquels le
langage. Selon sa vision, le développement ne peut être décrit
en termes de stades fixes et séquentiels, car les influences
sociales et environnementales ont un rôle majeur sur le
développement cognitif et ces influences sont variées selon
les environnements. Vygotsky propose également un
nouveau concept qui est celui de la Zone Proximale de
Développement (ZDP) qui traduit la distance qui existe à tout
moment entre les connaissances effectives de l’enfant, et
celle qu’il peut acquérir sous la supervision d’un adulte ou en
côtoyant d’autres enfants. Ainsi l’enfant chez Vygotsky peut être vu
comme un petit apprenti qui reçoit de ses professeurs l’aide et le soutien nécessaire
dans les situations d’apprentissage et apprend sous cette influence sociale et
environnementale : l’expérience est le moteur du développement. Ces théories sont
plus particulièrement développées dans le cours Interaction, milieu et développement
cognitif (TTC). https://www.youtube.com/watch?v=UEAm4cf_9b8

A.4.3. ORIENTATION COGNITIVO-CONSTRUCTIVISTE : PIAGET (1896-1980).

Le constructivisme constitue la troisième grande orientation qui tente d’expliquer comment se


fait le développement. James Baldwin (1861-1934) est le premier à postuler que l’enfant
construit ses connaissances à la fois en assimilant les informations de l’environnement (qui
active des sortes de patrons d’actions) et en accommodant son comportement aux spécificités
de l’environnement. Pour Piaget (1896-1980), le développement cognitif de l’être humain est
un processus dont la motivation première vient de l’intérieur de
l’individu qui expérimente et explore le monde. Ainsi Piaget
envisage le petit d’homme comme un savant en herbe plutôt
qu’un apprenti où l’influence provient de l’extérieur. Dans sa
conception, le sujet est actif, il se « construit » au cours
d’échanges dialectiques entre lui et le milieu par la perception
qu’il a de son environnement, les actions qu’il peut faire sur lui et
les conséquences de ses actions qu’il perçoit (concept
d’assimilation/accommodation). Sa théorie est constructiviste car toutes
nos connaissances s’élaborent, se construisent activement. Piaget constitue un auteur
fondateur en psychologie du développement et sa théorie a profondément marquée cette
discipline. L’objet de son étude n’a pas été tant l’enfant lui-même mais plutôt l’enfant en tant
que moyen d’accès au fonctionnement mental des adultes. Il était donc centré sur la genèse
des processus mentaux et des connaissances, et les mécanismes d’accroissement de ces
connaissances (épistémologie). Nous développerons sa théorie un peu plus loin dans le
prochain chapitre.

https://www.youtube.com/watch?v=0XwjIruMI94
Lectures conseillées
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PUF.
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