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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DÉPARTEMENT DE PHILOSOPHIE

Rapport de recherche Master 1

Thème : L’éducation chez Platon.


RACINE SY

Présenté par : Sous la direction de :

Racine Sy Dr Khalia Haydara

ANNÉE UNIVERSITAIRE : 2022-2023


Sommaire

I.PRESENTATION ET JUSTIFICATION DU SUJET

1. Contexte………………………………………………………...1

2. Problématique…………………………………………………10

II. Développement et Argumentation…………………………….12

III. Direction et Plan de projet pour le Master II………………….24

Plan provisoire pour le Master II………………………………….25

Bibliographie Provisoire …………………………………………

INTRODUCTION

I - Contexte et justification
1 - Contexte

Qu’est-ce que l’éducation ? À première vue, cette question semble être facile à répondre.
Mais elle est de nature très complexe. C’est d’ailleurs, sa complexité qui fait qu’elle a
commencé à être examinée depuis l’Antiquité et demeure jusqu’à présent au cœur des
préoccupations scientifiques et philosophiques. Le mot éducation est un terme polysémique. Il
peut signifier : élever, enseigner, former. Ainsi, nous retrouvons l’éducation dans toutes les
communautés humaines. Elle se transmet de génération en génération. Autrement dit,
l’activité éducative est universelle même si elle est pratiquée d’une façon différente d’une
société à une autre. L’éducation est l’ensemble des connaissances transmises d’âge en âge.
C’est ce qui permet à Jean Château de dire que : « En un sens, il n'est pas de société où ne
s'exerce la fonction éducative ; il n'est point de collectivité humaine qui ne transmette aux
générations montantes ses institutions et ses croyances, ses conceptions morales et
religieuses, sons avoir et ses techniques ; mais cette transmission s'effectue, à l'origine, d'une
façon spontanée et inconsciente : elle est l'œuvre de la tradition. » 1

De ce fait, pour mieux prendre en charge notre sujet, nous allons d’abord essayer d’étudier
l’étymologie du mot éducation. Ce terme est dérivé du « verbe, educare, qui signifie élever
des animaux ou des plantes et, par extension, avoir soin des enfants. »2 . Nous comprenons à
travers l’origine du mot, que l’éducation ne vise pas seulement l’amélioration, ou le
changement de l’homme. Mais elle prend en compte les autres êtres vivants. Par ailleurs,
« l’éducation est définie comme le processus de socialisation des membres d’une
communauté donnée, afin de leur permettre d’acquérir les savoirs, savoir-faire et savoir-être
nécessaires à leur vie sociale. »3 En effet, à travers cette définition, le but de l’éducation est
de rendre meilleur les personnes qui vivent ensembles . Elle a pour fonction de former ou de
transformer des membres d’une société. Une formation qui permettra à ces derniers, de
posséder des compétences pratiques utiles dans leur vie sociale. Nous pensons que la chose la
plus importante dans la vie de l’homme est d’avoir une bonne éducation. Car, c’est grâce à
celle-ci qu’il devient ce qu’il est. Si l’homme peut faire des choses que les autres êtres vivants
ne peuvent pas réaliser, c’est parce que qu’il est un être doué de raison. C’est son intelligence
qui lui distingue des animaux et lui permet de se cultiver. Car, tout dans la vie de l’être

1
Château jean, Les Grands Pédagogues, PUF, 1956, p.13
2
Reboul Olivier, La philosophie de l’éducation, Paris, Ed. PUF, « Que sais-je », 9e édition, 1989. p.15.
3
R. B. Abdel, M. L. MOUSSA & R. José, Fondements et philosophie de l’éducation des adultes en Afrique,
Yaoundé, L’Africaine d’édition et de services (AES sa), p.31
humain demande une éducation : sa manière de faire, de manger, de boire, bref sa façon de se
comporter exige une formation. Toutefois, on ne peut comprendre l’homme sans, l’inscrire
dans un cadre général qui est celui de l’espèce. Il n’est pas le seul être qui vit dans l’univers. Il
partage celui-ci avec d’autres êtres. Si nous le considérons comme un être biologique,
l’homme n’est pas différent de l’animal, car ils ont tous les deux les mêmes besoins
biologiques comme : manger, boire, dormir et se reproduire. Mais étant comme l’affirme
Aristote, « un être sociable et politique »4, il doit être instruit, pour qu’il puisse mener une vie
bonne, une vie conforme aux lois et règles sociales. Et si l’être humain est supérieur aux
autres êtres, s’il possède cette prééminence, c’est grâce à une bonne éducation. Et c’est peut-
être dans cette perspective que Erasme affirme :« L’homme ne sait manger, marcher, ni
parler s’il n’est enseigné. Les chevaux naissent chevaux, bien qu’ils soient inutiles. Mais les
hommes […] ne naissent point hommes. » 5 Tout chez l’être humain, demande une éducation,
contrairement à l’animal qui naturellement ne peut être instruit comme on éduque une
personne. Donc, nous pouvons soutenir que seul l’homme est apte à recevoir une éducation.
C’est ce qui fait dire à Emmanuel Kant : « L’homme est la seule créature qui soit susceptible
d’éducation. »6 En effet, nous pouvons soutenir que, c’est grâce à une bonne éducation que
l’homme dépasse l’animal. Dès lors, toute connaissance que l’homme acquière au cours de sa
vie, qu’elle soit pratique ou théorique n’est pas une connaissance innée, mais elle est le fruit
d’une éducation ou de sa culture.

En outre, on ne peut parler de l’éducation chez Platon sans parler de la vie politique et sociale
dans l’Athènes où a évolué la pensée de l’auteur. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, la cité
athénienne connut des troubles politico-sociales : la guerre du Péloponnèse, la période des Trente
Tyrans etc. Pendant ce temps, la cité était dirigée par une élite. Tous les pouvoirs et richesses
étaient sous le contrôle de cette élite. La démocratie athénienne était bafouée. Ainsi, les
perturbations sociales et politiques vont avoir des conséquences dans l’enseignement. En effet, le
système éducatif d’une société, est souvent déterminé par les besoins sociaux. On peut dire que
l’éducation est le reflet de ce que vit un peuple d’une certaine manière. De ce fait, les termes
éducation et société sont inséparables. Car une bonne pédagogie, permet à chaque citoyen de
s’intéresser aux affaires de la cité et d’accompagner le développement de celle-ci sur le plan
économique et politique. C’est ainsi que Guy Avangini déclare : « L’éducation entretient avec la

4
Aristote, Éthique à Nicomaque, Paris, Librairie Générale Française, traduction de J. Barthélémy
Saint-Hilaire, 1992, p.214.
5
Érasme, « De l’éducation des enfants », Paris, Klincksieck, 1990, p. 11
6
Kant Emmanuel, Traité de Pédagogie, trad. Jules Barani, p.3
société un rapport qui n’est point contingent mais intrinsèque et nécessaire »7. Dans la Grèce
Antique, l’éducation était sous la responsabilité des poètes, et des sophistes. C’est à travers des
poèmes, des récits mythiques8 et des fables que les poètes comme Homère et Hésiode
dispensaient leurs enseignements. Ces enseignements étaient destinés aux jeunes de la cité. Dès
lors, le mythe était le moyen essentiel pour instruire la jeunesse athénienne. Cependant, leurs
récits mythiques n’étaient pas authentiques. Ils étaient remplis d’histoires fabuleuses sur les
dieux. Ils donnaient, en effet, une mauvaise représentation des dieux et des héros. Les poètes
comme Homère et Hésiode « ont composé des fables menteuses que l’on a racontées et qu’on
raconte encore aux hommes. »9 En effet, selon l’auteur de La République, les fables peuvent
avoir des conséquences négatives dans l’âme de la personne qui écoute, surtout chez l’enfant. Le
jeune qui écoute les mythes ne retient que ce qu’on lui raconte. Il n’a pas la capacité de savoir
dans ces récits ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. C’est ainsi que Saint- Germain déclara dans
son article que : « Le mythe est le véhicule par excellence de cette éducation, du moins dans son
commencement ; or le jeune gardien « n’est pas en mesure de discerner une intention
allégorique de ce qui n’en possède pas »10. Par conséquent, chaque mythe entendu laisse une
marque dans l’âme de l’enfant. C’est pour cela que dans La République, Socrate soutient que
l’on doit surveiller « les faiseurs de fables »11, mais aussi de faire une sélection des mythes qu’ils
écrivent afin de choisir les bons et de laisser ceux qui sont fallacieux.

D’autre part, dans l’Antiquité grecque, l’éducation des enfants dans les écoles, n’avait pas
pour but l’acquisition de la connaissance. Mais, elle formait les élèves au respect des mœurs,
c’est-à-dire, au bon comportement, à la bonne conduite dans la cité. Autrement dit, elle se
focalisait à la bonne formation du futur citoyen, en obéissant aux lois et règles de la cité. À cette
époque, l’enseignement à la lecture avait pour but de permettre aux élèves de mémoriser les
écrits des poètes comme ceux d’Homère. Ce dernier, faisait partie des écrivains les plus célèbres
de la Grèce antique. Les poèmes et les récits mythiques des poètes étaient instructifs. Cette
pédagogie avait pour but de permettre à l’enfant de s’inspirer des mythes relatés dans les
poèmes, pour avoir du courage, de la grandeur. C’est dans ce sens que Platon déclare : « lorsque
les enfants connaissent l’alphabet et doivent désormais comprendre les écrits, comme
auparavant ce qu’ils entendaient, ils leur donnent à lire, assis sur leurs bancs, les poèmes des
7
Anvagini Guy, Education et Pédagogie à Lyon de l’Antiquité à nos jours, p.376.
8
Les mythes sont des créations purement poétiques qui relèvent de la seule fiction et n’ont rien de commun avec
la vérité. D’après Dantu Gustave, L’éducation d’après Platon, Paris, Felix Alcan,1907, p.144.
9
Platon, La République, trad. Robert Baccou, Paris, Flammarion,1966, p.377b-378b.
10
St-Germain, « Mythe et éducation : Proclus et la critique platonicienne de la poésie ». Laval théologique et
philosophique, 2006, p.301–318.
11
Platon, La République, trad. Robert Baccou Op.cit., p.377b-378b
grands poètes, et les forcent à les apprendre par cœur, car ils sont riches en avertissements,
mais aussi en descriptions, louanges et éloges des héros anciens, afin que l’enfant brûle de les
12
imiter et aspire à devenir comme eux. » Les grands poètes, étaient des sources d’inspiration
pour les jeunes. Comme nous l’avons souligné ci-dessus, les poètes n’écrivaient pas pour divertir
les enfants, mais leurs poèmes avaient pour objectif d’instruire, de former les jeunes à travers les
mythes. C’est ce que nous renseignent les propos suivant : « Homère, surtout, était la Bible où
se nourrissaient les jeunes. Et les Athéniens avaient compris ce que nous avons trop souvent
oublié : que c’est par les textes littéraires que l’on apprend le mieux à vivre dans son siècle » 13

Cependant, même si les poètes ont donné à travers leurs écrits poétiques une éducation aux
enfants athéniens, l’auteur de La République remet en cause ces mythes. Car pour Platon, ce que
les poètes comme Homère et Hésiode racontent dans leurs récits n’est pas rationnel. Ainsi,
Socrate soutient que, ces écrivains ne possédaient pas une connaissance véritable. C’est dans ce
contexte que Platon déclare : « Mais s’il était réellement versé dans la connaissance des choses
qu’il imite, j’imagine qu’il s’appliquerait beaucoup plus à créer qu’à imiter, qu’il tâcherait de
laisser après lui un grand nombre de beaux ouvrages, comme autant de monuments, et qu’il
tiendrait bien plus à être qu’à louer les autres. » 14

Nous pensons que, dans l’Antiquité même si les écrits des poètes ont eu une grande
importance dans la culture ou l’éducation grecque, les poètes n’ont pas pu transformer la
mentalité des personnes. Autrement dit, l’enseignement de ces écrivains n’a pas eu de résultat
positif. C’est dans ce sens que Saint Germain affirme : « Les actions du poète, comme ses écrits,
sont inefficaces : Homère n’a été responsable ni de succès guerriers, ni d’idées ingénieuses dans
les techniques, ni de la diffusion d’un mode de vie particulier ; il n’a pas été en mesure de
rendre les hommes meilleurs, ni de les former. »15

En outre, les poètes n’étaient pas les seuls à se préoccuper de l’éducation des citoyens, plus
particulièrement celle des jeunes. Les sophistes aussi ont joué un rôle très déterminant dans
l’éducation des jeunes à cette époque. Ils ont employé une technique différente de celle des
poètes pour dispenser leur enseignement. En d’autres termes, nous pouvons dire que les

12
Platon, Protagoras, Œuvres complètes, de Platon, sous la direction de Luc Brisson, Paris, Flammarion, p.325e
-326a
13
De Romilly Jacquelin, Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès, trad. L. Bodin, Paris, Editions Fallois,
2004, p.41.
14
Platon, La République, trad. Robert Baccou Op.cit., p.598c-599c
15
St-Germain, P. « Mythe et éducation : Proclus et la critique platonicienne de la poésie. Laval théologique et
philosophique », 2006, p.301–318.
sophistes ont apporté une nouvelle méthode différente de celle employée par les poètes dans
la cité athénienne au Ve siècle.

De ce fait, il serait intéressant avant de parler de la méthode pédagogique des sophistes, de


s’arrêter sur le mot « sophiste ». Ce terme signifie en langue grecque : sage, habile, expert.
Nous pouvons retenir qu’à travers ces synonymes du mot sophiste, les sophistes se prenaient
pour des personnes qui possédaient toutes les connaissances. Les philosophes sont toujours à
la quête de la vérité, de la connaissance ; les sophistes par contre ne cherche pas à savoir il se
considère savant. Ces derniers ont quitté des localités différentes pour venir enseigner à
Athènes. Chacun voulait montrer son talent, son savoir-faire. Parmi ces sophistes, nous
pouvons citer : Protagoras, Gorgias, Hippias. À ce propos, Jacqueline de Romilly affirme :
« Les plus grands furent Protagoras qui venait d’Abdère, dans le Nord, en bordure de la
Thrace, Gorgias qui venait de Sicile, Prodicos, qui venait de la petite île de Céos, Hippias,
qui venait d’Elis, dans le Péloponnèse, Thrasymaque qui venait de Chalcédoine, en Asie
Mineure. »16 De ce fait, les sophistes joueront un rôle très intéressant à Athènes dans la
seconde moitié du Ve siècle avant J.-C sur le plan intellectuel et politique. Si les sophistes
sont tellement connus à Athènes, c’est parce que c’est dans cette ville que la démocratie a
surgi au Ve siècle. À cette époque, la démocratie avait la même définition que celle que nous
connaissons aujourd’hui étant : le pouvoir du peuple par le peuple. La démocratie était
partielle dans la cité athénienne, car elle ne concernait que les citoyens qui sont d’origine
athéniens. Les femmes, les esclaves et les étrangers étaient exclus de cette démocratie, elle
était une démocratie directe. Chacun pouvait prendre la parole, dans les assemblées. De ce
fait, ce qui était important est de savoir parler, de bien s’exprimer dans les grandes auditoires
et assistances. Quant aux citoyens qui ne parlaient dans les assemblées, discutaient et
analysaient les sujets politiques et de tout ce qui concerne la justice. C’est dans ce contexte
que, Jacqueline de Romilly écrit : « Athènes était une démocratie directe : chacun pouvait
espérer, en sachant s’exprimer, s’y faire un nom et y devenir influent. Quiconque avait
chance d’être entendu se devait donc de cultiver à tout prix ses talents : il pourrait de la sorte
intervenir à l’assemblée ou plaider une cause au tribunal. Quant aux autres, ils
s’entraînaient à comprendre, à critiquer, à apprécier : pour finir, en effet, ils auraient à
voter, eux-mêmes, sur les questions de politique ou sur les causes juridiques. Savoir débattre
ou juger était donc essentiel pour le citoyen d’une telle cité. »17 C’est dans ce contexte
politique que les sophistes vont jouer un rôle décisif dans la pédagogie de la cité athénienne.
16
De Romilly Jacqueline, Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès, Op.cit., p.15
17
De Romilly Jacqueline, Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès, Op.cit., p.30.
Le langage devient pour eux un outil de domination et de persuasion. Cet art de persuader est
la rhétorique. Celle- ci sera alors, la nouvelle éducation que les sophistes vont enseigner à
Athènes. Ainsi, chaque citoyen voudra apprendre la rhétorique, pour posséder l’art de la
parole, la technique de bien parler en public. Savoir bien parler, devient alors une obligation,
une nécessité pour les citoyens grecs. Les sophistes deviennent par conséquent les nouveaux
enseignants.

De ce fait, l’art rhétorique, est la première éducation que les sophistes enseignèrent aux
jeunes, pour qu’ils puissent être capables dans n’importe qu’elle situation, de persuader leurs
interlocuteurs. Pour cette raison, les sophistes deviennent célèbres. Ils étaient trop poursuivis
dans la cité athénienne. C’est dans ce sens que Jacqueline de Romilly note :« Rien
d’étonnant, donc, à ce que cet art d’être orateur, cette rhétorique, ait été parmi les premiers
buts revendiqués par l’enseignement des sophistes. Quand, au début du Protagoras de
Platon, le jeune néophyte qui court se confier au maître doit dire ce que celui-ci enseigne, il
ne trouve d’abord d’autre explication que celle-ci : Protagoras « rend habile à parler. »18

L’objectif visé dans l’enseignement de la rhétorique, ce n’est point l’acquisition de la


connaissance. Il est question dans cet art, de savoir parler, de bien argumenter quel que soit le
sujet sur lequel on discute. C’est pour cela que, les sophistes intervenaient dans toute
discussion même s’ils ne maitrisaient point, ce dont il est question. Les sophistes se prenaient
pour des savants. Selon les sophistes, l’homme ne peut rien connaitre, la vérité objective
n’existe pas. La seule chose importante, c’est de convaincre son interlocuteur. D’où leur
théorie du relativisme. En effet, pour eux, tout est relatif : le savoir, la vérité, les valeurs
changent d’une personne à une autre. Autrement dit, pour eux, ce qui peut être considéré
comme une vérité, varie selon les personnes, les périodes et les sociétés. C’est dans cette
perspective que nous pouvons comprendre le sens véritable de sa célèbre formule : « l’homme
est mesure de toutes choses, de celles qui sont, au sens où elles sont, de celles qui ne sont pas,
au sens où elles ne sont pas. »19 Selon le sophiste, la vérité n’est pas absolue ou objective,
elle est subjective. Il serait intéressant de signaler que, l’enseignement que les sophistes
dispensaient aux jeunes, n’était pas gratuit. Avant l’arrivée des sophistes, l’éducation
consistait dans les familles riches de transmettre à l’enfant, les valeurs, les vertus morales.
Cependant, la pédagogie des sophistes est le passage d’une éducation aristocratique fondée
sur l’origine de l’enfant à une éducation payante. Ils faisaient payer leurs disciples, pour qu’ils

18
De Romilly Jacqueline, Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès, op.cit., p.63.
19
Platon, Théétète, Œuvres Complètes de Platon, op.cit., p.152a-152b
puissent se procurer d’une bonne instruction de la rhétorique. C’est ce qui permet d’ailleurs à
Jacqueline de Romilly de dire : « Jusque-là, l’éducation avait été celle d’une cité
aristocratique où les vertus se transmettaient par l’hérédité et par l’exemple : les sophistes
apportaient une éducation intellectuelle, qui devait permettre à chacun, pourvu qu’il pût
payer, de se distinguer dans la cité. »20 De ce fait, l’éducation des sophistes était réservée aux
riches. Les personnes qui étaient pauvres, sont donc exclues de ce système éducatif.

D’après les sophistes, ce qui importe c’est de se soumettre à la volonté du public. La vérité
ne les intéresse pas, tout ce qui intéresse les sophistes, c'est de séduire leurs interlocuteurs par
le discours. Par contre, le philosophe n’est pas intéressé par la foule. La chose qui lui intéresse
le plus est de rendre les personnes vertueuses par sa parole. En effet, selon les sophistes, la
vertu ne peut être enseignée. L’homme ne peut devenir vertueux qu’en fréquentant dès
l’enfance de bonnes personnes. C’est ce qui fait dire à J. Chateau : « La vertu, d 'après eux,
ne s 'enseigne pas : on l 'hérite des générations antérieures, en fréquentant dans sa jeunesse
des gens de bien. »21

De surcroît, la question de l’éducation a toujours été au cœur de la pensée platonicienne.


Le but de la théorie éducative platonicienne, est de rendre l’homme vertueux. En effet,
s’intéresser à ce thème : l’éducation chez Platon, revient à se pencher sur la vie entière d’un
apprenant. Car, dans la pensée du fondateur de l’Académie, l’éducation est un processus qui
débute avant la naissance et se poursuit jusqu’à l’âge de cinquante ans. Dans sa théorie
éducative, Platon emploie deux méthodes pédagogiques :la réminiscence et la maïeutique. La
première stipule l’idée selon laquelle, la vérité se trouve dans l’âme comme un souvenir qui
précède la naissance. Cela dit, selon Platon le rôle d’un enseignant ce n’est pas de transmettre
un savoir à un élève ; mais le rôle véritable d’un enseignant est de permettre à celui-ci de
découvrir la connaissance par lui-même par le questionnement. Nous connaissons toute la
vérité, nous l’avons à l’intérieur de notre âme. De ce fait, c’est à travers le dialogue que
l’homme retrouve son savoir. D’où l’importance de la maïeutique socratique, qui est une
technique pédagogique, qui consiste à faire émerger la connaissance par le questionnement.

En outre, dans la philosophie platonicienne l’éducation est avant tout prénatale 22. Elle est
sous la responsabilité des parents. Dans sa théorie pédagogique, Platon insiste aussi beaucoup
20
De Romilly Jacqueline, Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès, op.cit., p.17.
21
Chateau., J, Les Grands Pédagogues, Paris, PUF, p.19
22
Platon, Les Lois, Œuvres Complètes de Platon, op.cit. p.789e p.792c. Le terme Prénatal(e) est défini dans le
dictionnaire La Rousse ce qui précède la naissance.
sur l’enfance. Celle-ci constitue une étape importante, dans son système éducatif. C’est à cette
période que l’on éduque l’enfant à maîtriser ses désirs et passions. De ce fait, la pédagogie
platonicienne s’applique à tous les enfants garçons et filles. Elle ne s’arrête pas seulement à la
période de la jeunesse, elle continue jusqu’à l’âge adulte. Ce qui fait la particularité de la
conception platonicienne de l’éducation, c’est qu’à chaque période de la vie l’apprenant reçoit
un nouvel enseignement. Ainsi, le principal but de cette éducation est d’éduquer avant tout
l’âme. C’est d’ailleurs toute la portée de cette affirmation de Bernard Charlot selon
laquelle : « La théorie platonicienne de l’éducation n’est pas une théorie de l’enfance, mais
une théorie du devenir de l’âme. La pédagogie de Platon n’est qu’un prolongement de sa
réflexion sur l’itinéraire de l’âme. »23 L’éducation de l’âme se fait également avec celle du
corps.

La formation de l’être humain est une affaire de l’Etat. En d’autres termes, selon le
fondateur de l’Académie, c’est l’Etat qui doit prendre en charge l’éducation de l’enfant. À
partir de l’âge de trois ans, l’éducation ne doit plus être sous la responsabilité des parents. Elle
devient alors une obligation pour les dirigeants d’instruire les jeunes. Cette instruction est
réservée à tous les jeunes garçons et filles. En effet, l’enfant n’est pas seulement le fils ou la
fille de ses parents ; mais il appartient à toute une communauté. C’est pour cela, la formation
du citoyen doit être prise en charge par l’Etat. Selon Platon, l’école doit être une institution
publique. C’est pourquoi l’Étranger d’Athènes souligne dans le livre VII des Lois : « Mais
nous n’accepterons pas que celui-là fréquente l’école parce que son père le souhaite et que
celui-ci la néglige parce que son père ne souhaite pas qu’il s’instruise. Non, c’est comme on
dit « tout homme et tout garçon » que, dans la mesure du possible, parce qu’ils appartiennent
à la cité plus qu’à leurs parents, nous contraindrons à se faire instruire. »24 En effet, cette
formation a pour but principal d’enseigner la vertu et de purifier l’âme des connaissances
sensibles, pour la permettre d’atteindre la science véritable par la dialectique. C’est ainsi que
l’éducation atteint son but à travers l’apprentissage des matières scientifiques. À partir de
l’âge de trente ans, les meilleurs élèves étudieront la dialectique. Cette instruction à la
dialectique, va durer cinq ans. Le but est de permettre à ces élèves d’occuper dans le futur des
fonctions dans la société, de gouverner la société. Létitia Mouze soutient cette idée en disant :
« Les mathématiques (géométrie, arithmétique, harmonie, etc.) habituent en effet l'âme du
futur philosophe-roi à considérer des entités abstraites, et détournent ainsi peu à peu son
23
Charlot Bernard, « L’idée de l’enfance dans la philosophie de Platon », Revue de Métaphysique et de Morale,
PUF, 1977, pp.232-245.
24
Platon, Les Lois, Œuvres Complètes de Platon (sous la direction de Luc Brisson), Paris, Flammarion, p. 804d-
804c
regard du monde sensible pour l'amener à la contemplation des Formes intelligibles, et donc
à la dialectique. »25

De ce fait, nous pensons qu’il serait légitime aujourd’hui de repenser la question de


l’éducation, surtout celle de l’enfant qui constitue l’éducation de base, en s’appuyant sur la
théorie éducative élaborée par Platon. Car, elle est une théorie qui vise avant tout à éduquer
l’âme el le corps. L’enfance constitue la période la plus importante pour éduquer ces deux
entités. En fait, nous essayerons de voir à travers nos recherches comment le fondateur de
l’Académie a pris en charge la question de l’éducation de l’enfant. Eduquer l’enfant revient à
éduquer l’homme. Pour bien éduquer celui-ci, nous devons d’abord éduquer son âme et son
corps. Ainsi, comme le souligne Louis Liard dans son article : « le but d’une bonne
éducation est, comme le dit Platon, « de donner au corps et à l’âme toute la beauté et toute
la perfection », elle ne doit pas attendre que l’enfant ait vu le jour pour s’exercer sur lui. »26
C’est d’ailleurs ce qui explique le choix de notre sujet, dans le but de repenser la conception
platonicienne de l’éducation dans la pédagogie du monde moderne.

2- Problématique
Au cours de notre investigation dont le titre est l’éducation chez Platon, il s’agira
essentiellement de mettre l’accent sur l’éducation de l’enfant. Car, celle-ci est primordiale.
Elle est l’éducation de base. Autrement dit, pour bien éduquer l’homme on doit le faire dès le
bas- âge. De ce fait, nous pensons que l’éducation de l’enfant ne doit pas commencer à
l’école, elle débute d’abord dans la famille. De ce fait, les parents sont les premiers éducateurs
de l’enfant. Cette éducation doit être une bonne éducation, c’est grâce à elle que l’enfant
parviendra à mener une bonne vie, une vie vertueuse dans la société. Le but d’une bonne
éducation, est de permettre à l’homme d’acquérir une sagesse morale. Ainsi, pour que cela
puisse se réaliser l’éducation doit débuter dès la tendre enfance. Elle est une éducation
particulière, car nous pensons que les parents doivent éduquer avant tout l’âme et le corps de
l’enfant. L’éducation de ces deux entités est la plus importante chez l’enfant, elle doit être le
fondement de l’éducation de l’enfant.

Ainsi il serait pertinent pour nous, de s’interroger sur le processus par lequel on éduque
l’enfant dans la théorie éducative platonicienne. Dès lors, pour mieux traiter notre thème, il
serait important de se demander pour quelle raison on doit éduquer l’enfant dès le bas âge ?
On peut aussi se poser la question : comment doit-on éduquer l’enfant dans cette période ?
C’est dans ce contexte, que s’inscrit la pertinence des questions suivantes. À quel moment

25
Mouze Letitia, « Eduquer l’humain en l’homme : l’œuvre esthétique et politique du philosophe » in Lire
Platon (sous la direction de Luc Brisson et Francesco Fronterotta), Paris : PUF, 2006, p.203.
26
Liard, L., « Platon », édition électronique de l’Institut Français de l’Education (IFE), p.3.
débute l’éducation de l’enfant dans le système éducatif de Platon ? Autrement dit, l’éducation
de l’enfant commence-t-elle avant ou après la naissance de celui-ci ? Qu’est-ce que l’on doit
d’abord éduquer chez l’enfant ? Quel est le rôle de la musique et de la gymnastique dans
cette éducation ? Voilà des questions qui méritent d’être éclairées à travers des arguments
tirés des enseignements du fondateur de l’Académie. Cependant, en dernier lieu nous allons
montrer comment certains penseurs comme Aristote et des philosophes du monde moderne
ont élaboré dans leurs ouvrages l’éducation de l’enfant ?

Voici en résumé les différentes questions auxquelles nous allons essayer de répondre avec
des arguments solides tout en apportant des références tirées de notre bibliographie. Ainsi,
pour rendre le travail plus clair nous allons respecter l’ordre des questions, c’est-à-dire en
premier lieu nous essayerons de montrer le début de l’éducation de l’enfant dans la pensée
Platonicienne. Ensuite, en deuxième lieu montrer la façon dont Platon élabore sa théorie
éducative de l’enfant. Nous verrons que l’éducation des affects est le premier point dans cette
théorie. Nous verrons que l’éducation de l’enfant repose essentiellement sur la musique et la
gymnastique. Et enfin nous terminerons par voir la théorie éducative de l’enfant dans la
pensée aristotélicienne, qui est très similaire de celle de son maitre. Puis, nous verrons
certaines conceptions modernes qui portent sur l’éducation de l’enfant.

II - DÉVELOPPEMENT ET ARGUMENTATION

Tout au long de notre développement, nous évoquerons l’éducation de l’enfant. Dans le


système éducatif platonicien, l’éducation de l’enfant commence à partir du moment où la
mère est en état de grossesse. Cela montre l’importance que Platon accorde à l’éducation de
l’enfant dans sa philosophie. Tout au long de notre développement, nous parlerons seulement
de l’éducation que l’enfant reçoit de ses parents et de son environnement social.

En effet, dans la théorie éducative platonicienne l’éducation de l’enfant est d’abord


prénatale. Cette éducation est sous la responsabilité de la mère. Ainsi, c’est par les faits et
gestes que la femme enceinte éduque le fœtus. Dans le livre VII des Lois, l’Etranger
d’Athènes, soutient que l’embryon est sensible à certaines sensations. Celles-ci peuvent
laisser une marque dans l’âme et dans le corps de l’enfant. C’est pour cela, on doit veiller sur
la santé et la stabilité de la femme enceinte, pour qu’elle ne subisse pas beaucoup de
jouissances, de peines et sensations physiques pénibles durant toute la période de la grossesse.
Car, ces dernières peuvent affecter le corps et l’âme de l’enfant. C’est ce qui fait dire à
l’Etranger d’Athènes : « Je dirais encore, si je ne craignais pas d’avoir l’air de plaisanter,
que c’est surtout durant la période où les femmes portent les enfants dans leur ventre qu’on
doit en prendre soin, en veillant à ce que la femme enceinte n’éprouve pas de plaisirs
nombreux et déréglés ni non plus de douleurs, mais passe tout ce temps en conservant une
humeur sereine, facile et douce. »27 De ce fait, l’auteur de La République met en évidence le
rôle important que joue le caractère de la femme enceinte dans l’éducation de l’enfant avant
même, que celui-ci vienne au monde. Cela dit donc, l’éducation ou la formation de l’enfant ne
débute pas à l’âge de six ans ou sept ans comme le prétendent certaines personnes, mais elle
débute bien avant. Dès lors, il serait important que la femme enceinte vive dans un
environnement stable, pour son bien-être mais surtout pour celui de son enfant. C’est ce qui
fait dire à Florence Gherchanoc dans son article : « Transmission maternelle en Grèce
Antique », je cite :« Enceinte, la mère imprimerait sa marque sur le nouveau-né, en premier
lieu, en raison des émotions qui l’agitent, de ses impressions sensorielles et de son
imagination. Celles-ci agiraient pendant la grossesse et pourraient laisser des traces bonnes
ou mauvaises sur le bébé en gestation. »28 En effet, cette thèse de Florence Gherchanoc
soutient, celle de Platon qui avance que, l’éducation de l’enfant commence à partir du
moment où la femme est en état de grossesse. Cette période constitue la première phase de
l’éducation de l’homme. Nous pouvons ainsi soutenir que la mère est la principale éducatrice
de l’enfant, durant cette phase. C’est ce qui permet d’ailleurs à Charles Hummel
d’affirmer dans sa revue : « L’éducation physique commence avant la naissance. Il est
recommandé aux femmes enceintes de se promener et de bouger beaucoup, car "toute
secousse ou mouvement ...[communique] bonne santé, beauté et vigueur" à l’enfant à
naître »29

Ensuite, une fois que l’enfant vient au monde, la chose la plus importante est de l’éduquer.
L’éducation est capitale, elle est essentielle dans cette période. Ainsi, comme le note Platon au
début du livre VII des Lois : « Une fois que les enfants sont nés, que ce soient des garçons ou
des filles, je suppose, de la façon de les élever et de les éduquer qu’il convient avant tout »30
Ainsi, la principale éducation est celle de l’âme et du corps de l’enfant. L’éducation de ces
deux entités sont inséparables. Autrement dit, il n’y a pas d’une part l’éducation de l’âme et

27
Platon, Les Lois, Œuvres Complètes de Platon, Op.cit., p.792c
28
Gherchanoc Florence, « Transmission maternelle en Grèce Antique », p.5
29
Charles Hummel, « Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée », vol. XXIV,
n° 1-2, 1994, p. 339-348.
30
Platon, Les Lois, Œuvres Complètes de Platon, Op.cit., p.788a-788b
d’autre part celle du corps. Toutefois, selon Platon l’éducation de l’âme est plus importante
que celle du corps. C’est pour cela, après l’éducation prénatale, c’est-à-dire l’éducation qui
débute avant la naissance de l’enfant ; l’éducation suivante est l’éducation des affects. C’est
dans la période de l’enfance que cette instruction se matérialise. Car, c’est à partir de cette
période que l’on peut instruire l’enfant à la vertu. Selon le fondateur de l’Académie, le but de
toute éducation est la réalisation de l’excellence. L’enfance n’est qu’une étape dans le
système éducatif de Platon. De ce fait, l’instruction de l’âme et du corps ne peut se passer de
cette période. À cette effet, Socrate affirme dans le livre II de La République : « le
commencement, en toute chose, est ce qu'il y a de plus important, particulièrement pour un
être jeune et tendre […] C’est surtout alors un effet qu'on le façonne et qu'il reçoit
l'empreinte dont on veut le marquer. »31 D’autres références iront dans le même sens pour
prouver que le bas âge est le moment le plus utile, le plus adéquat pour éduquer l’âme et le
corps de l’être humain. C’est ce qui permet d’ailleurs à l’Etranger d’Athènes
d’affirmer : « Pour tout ce qui pousse, en effet, c’est un bon départ de la première pousse qui
peut plus que tout porter sa nature à l’excellence et lui apporter l’achèvement approprié,
qu’il s’agisse de plantes, d’animaux domestiques ou sauvages, ou d’hommes. »32 Le système
éducatif platonicien, est un système qui vise avant tout le devenir de l’âme. L’enfance est une
phase décisive dans cette éducation.

Selon Platon, on apprécie l’homme par la bonté de son âme. De ce fait, si l’être humain
éduque son âme, cette instruction se reflète dans ses comportements. Donc éduquer l’âme de
l’enfant, revient à éduquer le corps de celui-ci. Elle est aussi l’élément qui ressemble aux
dieux. Autrement dit, l’âme est le principe vital qui possède les caractéristiques divines. Nous
pouvons comprendre par-là, l’idée que Platon soutient dans le Phédon l’idée selon laquelle,
l’âme est immortelle, elle est immuable et incorruptible. Ces caractéristiques attribuées à
l’âme, sont spécifiques aux dieux. Contrairement au corps qui change, et qui est périssable.
C’est dans cette perspective que, l’Etranger d’Athènes affirme : « de toutes les choses que
possède un homme, c’est l’âme qu’il y a de plus divin après les dieux. »33 En effet, nous
comprenons, l’importance capitale que Platon donne à l’âme par rapport au corps. C’est pour
cela que, la question de l’âme occupe une place capitale dans sa philosophie ; plus
particulièrement dans sa théorie de l’éducation. Ainsi, c’est par une bonne éducation de l’âme,
que l’homme peut atteindre la vertu, l’excellence.
31
Platon, La République, traduction de Robert Baccou, Op.cit., p.376C
32
Platon, Les Lois, Œuvres Complètes de Platon, Op.cit., 765e
33
ibid. p.726a-727a.
L’éducation qui vient après l’éducation prénatale, est l’éducation des affects. En effet,
l’être humain est un être de sensation et de désir. De ce fait, c’est dans la tendre enfance que
les émotions, les désirs et sensations sont plus fréquents dans la vie de l’être humain. C’est
pour cela, c’est dans cette période que l’on doit éduquer l’âme et le corps de l’enfant à
maitriser les douleurs et plaisirs charnels. Car c’est en maitrisant ses émotions que l’homme
peut accéder à la vertu. Il serait donc important de commencer cette éducation dès le bas âge.
Le principal rôle de l’éducation dans la tendre enfance, est d’aider l’enfant de passer
progressivement du plaisir à la vertu. C’est dans ce sens, que Platon note : « Dès lors,
j’entends par éducation l’éclosion initiale de la vertu chez l’enfant. » 34

En effet, l’enfance est la période la plus importante pour éduquer l’homme. Le but de
l’éducation dès la tendre enfance consiste à permettre à l’enfant d’acquérir la vertu morale.
Elle est la période durant laquelle, l’enfant est dominé par ses sentiments, ses émotions et
désirs. L’enfant est guidé dans cette phase par ses affections. Il n’a pas dans les premières
années de la vie, les capacités mentales de contrôler ses affections. Il ne réfléchit pas comme
l’adulte. Car, c’est à partir de l’âge de sept ans que l’enfant est censé posséder la raison. C’est
pour cela entre dans les premières années, surtout à l’âge d’un jusqu’à deux ans l’enfant ne
peut maitriser, canaliser ses passions. C’est dans ce sens, au livre I des Lois, l’Etranger
compare l’homme ivre à un enfant : « est-ce que boire du vin rend plus intenses les plaisirs et
les douleurs, les ardeurs et les désirs passionnés ? […] Ne revient-il donc pas à l’état dans
lequel se trouvait son âme lorsqu’il était enfant ? »35 En effet, nous savon qu’un homme ivre
est sous l’effet d’une émotion violente. Il ne peut se contrôler. C’est le même comportement
que l’on retrouve dans les premières années de l’enfance. L’enfance est en quelque sorte si
nous pouvons le dire, la période sauvage de l’être humain. Elle est la période durant laquelle
l’homme ne peut maîtriser ses affects. De ce fait, à cause de cela, l’être humain est dominé
par son animalité. D’où l’importance de l’éducation dès le bas-âge, qui consiste à sortir
l’enfant de son animalité. Eduquer un enfant dès la tendre enfance, revient à éduquer
l’homme. Car c’est l’enfant qui deviendra adulte. C’est d’ailleurs toute la portée de cette
affirmation de Létitia Mouze : « Être homme, c'est donc d'abord être animal, et c'est même
essentiellement cela. Il s'agit d'un fait, avec lequel il faut composer. Dans la mesure où
l'éducation est éducation d’« enfants d'hommes », elle s'adresse à un être d'affects, et elle est
éducation des affects. »36 Ainsi, il serait important de savoir, la méthode que l’éducateur doit
employer pour éduquer un enfant dans les premières années de sa vie. L’éducateur est dans
34
Platon., Les Lois, Œuvres Complètes de Platon, Op.cit., p.653b-653c
35
ibid., p.645e
cette phase le père ou la maman. En d’autres termes nous pouvons dire que les premiers
éducateurs sont les parents, la famille.

En plus de cela, l’éducation des émotions doit être en harmonie avec la raison et les règles
sociales. Autrement dit, l’enfant doit être contrôlé, surveillé de tel sorte que ses actions, ses
faits et gestes soient conforment avec la vie morale de la communauté. Cela dit, les plaisirs et
les sentiments doivent être en adéquation avec les valeurs de la société. Ainsi, l’éducation ne
consiste pas ici, à enseigner, à inculquer à l’enfant de la connaissance. Mais elle consiste à
orienter l’enfant vers le bien au sein de la société. L’éducation est donc une éducation morale.
C’est d’ailleurs toute la portée de cette affirmation de Létitia Mouze : « Il s'ensuit
qu'éduquer, ce n'est pas inculquer la raison, ce n'est pas introduire dans l'âme des enfants
une excellence fondée sur un savoir, mais c'est faire en sorte que leurs sentiments et leurs
désirs soient conformes à ce que la raison et la loi exigent : c'est leur faire haïr ce qu'il faut
haïr et aimer ce qu'il faut aimer. La vertu, que l'éducation a pour but d'inculquer, consiste
dans l'accord entre la partie irrationnelle, affective, de l'âme, et la raison. Éduquer, c'est
former cet accord dans l'âme des enfants. »37

En outre, dans La République Socrate soutient que l’Etat doit prendre en charge
l’éducation ou la formation des enfants, c’est-à-dire des futurs gardiens de la cité. En effet, il
dit si l'éducation des enfants est bien organisée, bien préservée de toute dégradation ; elle va
créer dans le futur de bons citoyens. De ce fait, grâce à l'influence d'une bonne éducation les
enfants seront meilleurs que leurs aînés. Ainsi, il serait fondamental que, l'Etat veille sur
l'éducation des enfants. Car, c’est ce qui permettra à ces derniers d’être des hommes
accomplis qui comprendront les principes de l'Etat. Ils seront des citoyens disciplinés, qui se
soumettront aux lois et règles sociales. Par conséquent, ceux qui dirigent la cité doivent
veiller sur la musique et la gymnastique, qui sont les premières disciplines dans l’éducation
des enfants. Aucune modification ne doit être faite dans les règles musicales et gymnastiques
mises en place par l'Etat. En effet, si les règles musicales sont modifiées, cela peut affecter
l’éducation des enfants. Ainsi, lorsqu’ils seront adultes, ils ne respecteront pas les règles et
valeurs sociales. Il est donc important nous dit Socrate dès la tendre enfance d'encadrer et de
veiller sur les jeux des enfants. C’est à travers ceux-ci, que ces derniers seront disciplinés et

36
Mouze Letitia, « Eduquer l’humain en l’homme : l’œuvre esthétique et politique du philosophe » in Lire
Platon (sous la direction de Luc Brisson et Franscesco Fronterotta), Paris : PUF, 2006, p.204.
37
Mouze Letitia, « Eduquer l’humain en l’homme : l’Œuvre esthétique et politique du philosophe » in Lire
Platon, Op.cit., pp.205.
respectueux dans la cité. À cet effet, Socrate considère que : « Ceux qui ordonnent aux jeunes
gens de garder le silence quand il convient en présence des vieillards, de les aider à
s’asseoir, de se lever pour leur faire place, d’entourer ses parents de soins et ceux qui
concernent la coupe des cheveux, les vêtements, les chaussures, la tenue extérieure du corps
et autres choses semblables. » 38

En résumé, nous pouvons retenir jusque-là que, dans la théorie éducative platonicienne en
particulier sur l’éducation de l’enfant, les parents sont les principaux éducateurs, et plus
particulièrement la mère. Nous comprenons donc, pour le fondateur de l’Académie,
l’éducation de l’enfant ne commence pas à l’école comme le croient certaines. Elle ne doit pas
seulement être prise en charge par les parents, l’Etat doit aussi veiller sur la formation des
enfants. De ce fait, l’éducation de l’enfant repose sur deux disciplines : la musique est la
gymnastique.

Selon Platon, l’homme ne peut éduquer son âme sans pour autant éduquer son corps. De ce
fait, l’instruction de ces deux entités se fait simultanément. Dans son œuvre La République,
l’éducation de l’enfant, plus particulièrement des futurs gardiens de la cité repose sur deux
activités : la musique et la gymnastique. Ces derrières sont le fondement de la théorie
platonicienne de l’éducation. De ce fait, dans le projet éducatif de Platon la musique et la
gymnastique sont les premières activités qui permettent à l’enfant dès le bas âge, d’éveiller
ses aptitudes naturelles. Pour ce qui concerne l’éducation de la musique et de la gymnastique,
l’une ne va pas sans l’autre. L’importance de ces deux activités est d’éduquer l’âme et le
corps. Dans l’éducation de la musique et de la gymnastique, la musique vient avant la
gymnastique. Autrement dit, dans le programme éducatif platonicien, la musique constitue la
première activité qui doit être enseignée aux futurs gardiens avant l’éducation de la
gymnastique. C’est ce qui permet d’ailleurs à Socrate d’affirmer : C’est d’ailleurs ce qui
justifie ces propos de Platon au livre III de La République : « l'éducation musicale est
souveraine parce que le rythme et l'harmonie ont au plus haut point le pouvoir de pénétrer
dans l'âme et de la toucher fortement, »39. En effet, le mot musique avait un sens beaucoup
plus large dans la Grèce Antique que celui que nous lui donnons aujourd’hui. La musique
signifiait, les arts des Muses, toutes les activités qui regroupaient le chant, la poésie épique et
lyric, l’histoire, la tragédie, le chant etc. Dans son œuvre La République au livre II,

38
Platon, La République, traduction de Robert Baccou, op.cit., p.424c-425b
39
Platon, La République, traduction de Robert Baccou, Op.cit., p.400e-402a
l’éducation de l’enfant précisément celle des futurs gardiens de la cité se fait à travers les
fables. Cependant, selon Socrate, toutes les fables ne doivent pas être racontées aux enfants. Il
faut exclure celles qui sont plaintives, et conserver seulement celles qui expriment le courage
ou la sagesse. En plus de cela, la nature divine doit être décrite dans les fables avec fidélité.
Autrement dit, les poètes ne doivent pas caricaturer, dire des choses qui ne sont pas
spécifiques aux dieux. Son importance est d’éveiller la sensibilité de l’homme au beau. C’est
40
ce qui fait dire à Socrate : « …la musique doit aboutir à l’amour du beau. » En effet, nous
pouvons affirmer cette idée, en donnant l’exemple des enfants, qui sont dans les écoles
primaires, ou bien dans les petites sections. Nous remarquons le plus souvent que, les enfants
maîtrisent rapidement les leçons ou les cours qui sont enseignées sous forme de chanson.
Dans la théorie éducative de Platon, après la musique c’est à la gymnastique que les enfants
seront formés.

L’éducation de la gymnastique a pour but de soigner le corps, de donner à celui-ci son


équilibre. Elle comprend la lutte et la danse. Elle est un exercice spirituel qui doit orienter
l’homme vers la vertu. Elle permet aussi de développer la volonté et de maitriser les passions.

En plus, ces deux activités développent certaines vertus dans le comportement des
gardiens. La gymnastique développe la rudesse, la musique développe la douceur. Les
gardiens ont besoin de la gymnastique et de la musique pour avoir le courage et la sagesse. Il
serait important de noter aussi, que l’éducation à ces deux disciplines concerne aussi bien, les
garçons et les filles. Dans ce système éducatif, il défend l’idée selon laquelle, les jeunes filles
doivent aussi apprendre les mêmes disciplines que les garçons. Elles doivent surtout être
initiées à la gymnastique et aux autres activités qui s’appliquent aussi à l’art de la guerre.
Ainsi, après leur formation, elles doivent avoir les filles pourront exercer les mêmes services
que les garçons. En effet, l’éducation des filles à la gymnastique, n’était pas acceptée dans la
Grèce Antique. Cependant, selon Platon si les femmes sont obligées dans la société d’exécuter
les mêmes taches que celles des hommes, elles doivent aussi avoir des enseignements
identiques à ceux des hommes. C’est d’ailleurs toute la portée de cette affirmation : « Si donc
nous exigeons des femmes les mêmes services que des hommes nous devons les former aux
mêmes disciplines. »41

Cette thèse de Platon n’était pas soutenue dans la société grecque. Car cela paraissait,
inacceptable de voir, les hommes et les femmes exercer des activités identiques. Autrement
40
Platon, La République, traduction de Robert Baccou, Op.cit., p.4O3a-403e
41
Platon, La République, traduction de Robert Baccou, Op.cit., p. 452 e-452d
dit, il existait des activités qui sont spécifiquement réservées aux hommes et d’autres qui sont
réservées aux femmes. C’est cette conception que Platon veut changer dans la cité. C’est ce
qui fait dire à l’Etranger d’Athènes : « je déclare que rien n’est plus déraisonnable que la
situation qui règne actuellement dans nos contrées, où les hommes et les femmes ne
pratiquent pas tous ensemble de toutes leurs forces et d’un même cœur les mêmes
exercices. »42

Pour justifier sa pensée, l’auteur de La République avance que la différence naturelle entre
l’homme et la femme, ne doit pas être la cause pour laquelle les deux doivent avoir des
fonctions différentes dans la gestion de la cité. La différence naturelle entre la femme et
l’homme, se trouve seulement dans la reproduction. De ce fait, sur le plan intellectuel, il
soutient qu'il n'existe aucune formation pour diriger la cité ou travail qui est spécifique
uniquement à l'homme ou à la femme. Tous les deux peuvent faire les mêmes travaux dans la
cité : « Il n'est aucun emploi concernant l'administration de la cité qui appartient à la femme
en tant que femme, où à l'homme en tant qu’homme. » 43Par conséquent, Platon apporte une
innovation dans le système éducatif de la Grèce Antique, en donnant une éducation similaire
aux filles et aux garçons. Car dans l’Antiquité grecque, seules les filles spartiates pratiquaient
la gymnastique. Selon le fondateur de l’Académie, l’éducation des enfants doit être publique.
Autrement dit, c’est l’Etat qui doit garantir l’éducation ou l’enseignement de tous les enfants
de la cité.

La question de l’éducation ou de la formation de l’enfant, n’était pas seulement prise en


charge par Platon, dans la Grèce Antique. De ce fait, Aristote aussi a élaboré une théorie
éducative qui est similaire à celle de son maître. Car il soutient lui aussi avant tout, l’idée
selon laquelle l’éducation de l’enfant commence avant la naissance de celui-ci. De ce fait, il
défend la thèse selon laquelle, durant toute la grossesse, la femme doit vivre, dans un
environnement stable. Elle doit être protégée et accompagnée pour quelle puisse préserver sa
santé et celle de son enfant. Dans son œuvre La Politique, il soutient l’idée selon laquelle, la
femme enceinte doit s’occuper de son corps et consommer des aliments sains pour son le
bien-être, mais aussi pour celui de l’être qu’elle porte dans son ventre. Car, l’enfant prend le
plus souvent sa personnalité, et le caractère de sa maman. C’est dans ce sens qu’il affirme : «
Il faut aussi que les femmes enceintes prennent soin de leur corps, sans tomber dans ne le

42
Platon, Les Lois, Œuvres Complètes de Platon, Op.cit., p.804e-805b
43
Platon, La République, traduction de Robert Baccou, Op.cit., p.455d-456c
laisser-aller ni recourir à une nourriture trop frugale. […] car les enfants tirent
manifestement leurs caractères de celle qui les porte, comme les plantes de la terre. »44

Dans la théorie éducative aristotélicienne, l’éducation est un processus qui commence dès
le bas âge et se poursuit durant toute la vie. Avant que l’enfant aille à l’école, ce sont les
parents qui doivent l’éduquer. Cette instruction de l’enfant est physique. En effet, avant l’âge
de cinq ; le rôle des parents consiste à accoutumer le corps de l’enfant au froid, Aristote
soutient que, cela est utile pour sa santé c’est aussi un exercice pour préparer l’enfant aux
exercices physiques. Dans le système éducatif aristotélicien, l’éducation du corps précède
celle de la raison. Ainsi, nous distinguons deux types de pédagogie dans la philosophie de
l’éducation d’Aristote : l’éducation par la raison et l’éducation par les habitudes. L’éducation
par les habitudes vient avant l’éducation par la raison. En effet, la première éducation est ce
qu’on appelle aujourd’hui ; la pédagogie active. De ce fait, nous parlons uniquement de
l’éducation par les habitudes. Selon Aristote, celle-ci part du principe selon laquelle : « En
effet, ce qu'on doit apprendre à faire, c'est en le faisant que nous l'apprenons. »45 En effet,
pour l’auteur De l’âme ; c’est l’action qui est importante dans l’éducation de l’enfant dès le
bas âge. En effet, l’éducation est une habituation. Dans les premières années, l’enfant n’a pas
de conscience morale. Il apprend par imitation dans cette période de l’enfance. De ce fait, les
parents sont les principaux éducateurs de l’enfant Car, celui-ci s’accoutume aux paroles et aux
comportements de ses parents.

Dans le livre VIII de son œuvre intitulé La Politique, Aristote évoque de l’éducation à la
gymnastique. Le fondateur du Lycée divise cette éducation en deux phases. Nous avons d’une
part la gymnastique préparatoire, d’autre part la gymnastique supérieure. La première, est
pratiquée avant l’âge de la puberté. Dans cette première étape de l’éducation à la
gymnastique, les exercices sont plus légers, plus souples. La gymnastique est enseignée à
l’enfant par un maître spécialiste, appelé le pédotribe. L’alimentation des enfants est aussi
contrôlée, pour assurer la santé et le bon développement des élèves. C’est dans ce sens, que le
Stagirite affirme : « En effet, jusqu'à la puberté il faut offrir aux enfants des exercices plus
légers en excluant le régime alimentaire forcé et les travaux sous la contrainte, afin qu'il n'y
ait aucun obstacle à leur croissance. »46 Pour Aristote, cette éducation à la gymnastique ne

44
Aristote, La Politique, Œuvres Complètes d’Aristote, sous la direction de Pierre Pellegrin, Paris, Flammarion,
2014, p.1335b-1336a
45
Aristote, Ethique à Nicomaque, Œuvres Complètes, Op.cit., p.1103a-1103b
46
Aristote, La Politique, Œuvres Complètes, Op.cit., p.1338a-1339b
se limite pas seulement à la formation du corps. Elle permet aussi à l’enfant d’acquérir
certaines vertus.

Après l’âge de la puberté, l’éducation de la gymnastique devient plus intense pour les
enfants. Ils seront aussi formés aux travaux difficiles. C’est aussi à cette époque qu’on
enseigne aux enfants certaines disciplines comme : la grammaire, la musique, le dessin, la
mathématique etc. Cet enseignement a pour but de permettre à l’enfant d’élargir ses
connaissances, dans d’autres domaines. Selon Aristote, le principal objectif de l’éducation est
de permettre à l’enfant de trouver un équilibre entre le corps et l’esprit. « Car il ne faut pas
accabler en même temps l'esprit et le corps ; en effet, chacun de ces deux exercices produit
naturellement l'effet contraire dans l'autre domaine : le travail du corps est une entrave pour
le développement de l'esprit, le travail de l'esprit pour le développement du corps. »47

En résumé, nous pouvons retenir que chez Aristote, l’éducation de l’enfant commence
avant la naissance de celui-ci. Ainsi, comme dans la théorie de Platon, nous remarquons
également aussi dans celle d’Aristote les premiers éducateurs de l’enfant sont les parents. La
gymnastique constitue un pilier fondamental dans la formation de l’enfant. La question de
l’éducation n’était pas seulement été prise en compte par Platon et Aristote. Dans le monde
moderne, certains philosophes ont tenté de traiter cette question.

En effet, au XVIIIe siècle appelé le siècle des lumières, des penseurs se sont intéressés à la
question de l’éducation. Dans son ouvrage intitulé Emile ou de l’Education, Rousseau met en
exergue une théorie éducative appelée : l’éducation naturelle négative. L’objectif de l’auteur
dans cette théorie, est de former un homme libre capable de se protéger contre tout mal. Un
homme à part entière. La période de l’enfance est capitale dans la conception éducative
rousseauiste. Cette pédagogie prépare l’enfant au métier d’homme. Rousseau
affirme : « Vivre est le métier que je lui veux apprendre. En sortant de mes mains, il ne sera,
48
j’en conviens, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre ; il sera premièrement homme… » En effet
dans cette conception pédagogique rousseauiste, l’enfant est éduqué par la nature. L’éducation
de ce dernier ne repose plus sur la morale, les opinions, les livres ; l’instruction de l’élève ou
de l’enfant, dérive de l’expérience des choses, des objets, de la nature. Celles-ci poussent
l’enfant à développer ses capacités sensorielles, à éduquer son corps, ses organes de sens. De
ce fait, naturellement l’enfant adoptera des comportements qui le feront tendre vers le

47
Aristote, La Politique, Œuvres Complètes, Op.cit.,p.1339a-1340b
48
Rousseau-Jean-Jaques, Émile où de l’éducation, Paris, Flammarion, p.40
bonheur. Dans cette conception pédagogique de Rousseau, l’enfant est son propre éducateur.
Cela permettra à l’enfant de devenir plus intelligent et libre.

En outre, le rôle du maitre dans cette éducation est d’accompagner l’élève, d’être son guide
dans les expériences, de le protéger et de veiller à sa satisfaction. Le maître ne doit pas
contraindre l’enfant. Ce dernier est maître de lui-même, il doit pouvoir satisfaire ses propres
besoins sans avoir recours à une autre personne. L’enfant apprend directement au contact des
choses et non des livres ou des pensées de l’autre. Pour l’auteur Du contrat social, c’est à
travers ce contact avec la nature que l’enfant pourra développer ses potentialités naturelles.
Rousseau soutient que l’enfant doit apprendre à lire. Il ne récuse pas l’apprentissage de la
lecture, « … il faut qu’il sache lire quand la lecture lui est utile… » ; par contre, il met en
évidence l’idée selon laquelle la lecture des livres n’aide pas l’enfant à penser par lui-même.
En d’autres termes, dans un livre, l’auteur expose sa pensée. De ce fait, quand l’enfant lit les
écrits d’un auteur, il peut croire que ce qu’il est en train de lire est une vérité. Ainsi, il n’essaie
pas d’analyser pour savoir si ce qu’il lut est vrai ou faux. Dès lors, sa pensée n’est plus en
action, elle devient passive. L’enfant ne fournit pas l’effort pour développer ses capacités
intellectuelles. Il s’instruit à travers la pensée de l’auteur. À cet effet, Rousseau considère
que : « Substituer des livres à tout cela, ce n’est pas nous apprendre à raisonner, c’est nous
apprendre à nous servir de la raison d’autrui ; c’est nous apprendre à beaucoup croire, et à
ne jamais rien savoir. »49

Emmanuel Kant va aussi dans le même sens que Rousseau. Dans son ouvrage, Traité de
Pédagogie, il distingue deux phases dans l’éducation : l’éducation a premièrement une
dimension physique, en deuxième lieu elle comprend une dimension pratique. Selon Kant, les
parents doivent d’abord habituer l’enfant dès le bas-âge à la souffrance. En effet, les parents
ne doivent pas accoutumer leurs enfants de vivre dans le bien-être. Les enfants ont droit à la
distraction, mais ils doivent aussi avoir l’habitude de travailler. De ce fait, il serait important
que les parents instruisent les enfants très tôt à avoir l’habitude de faire des activités
physiques. En fait, le fait d’accoutumer dès le bas âge l’enfant à une activité, cela va lui
permettre de combattre la paresse et lui permet aussi de s’épanouir dans l’avenir. Par contre,
si dès la tendre enfance on ne lui inculque pas l’art de travailler ; il rencontrera des difficultés
une fois devenu adulte. Car ’il n’avait pas l’habitude de le faire dès son enfance. De ce fait,
cela signifie selon E. Kant, que l’enfant doit apprendre à souffrir, à pouvoir surmonter des
difficultés tout seul sans l’aide de ses parents ou proches. Par contre, ce dernier doit se sentir à

49
Rousseau-Jean-Jaques, Émile où de l’éducation, Op.cit., p.135
l’aise, il doit être libre. C’est en ce sens que Kant affirme, je cite : « Il faut sans doute qu’il
ait ses moments de récréation, mais il faut aussi qu’il ait ses moments de travail. S’il
n’aperçoit pas d’abord l’utilité de cette contrainte, il la reconnaîtra plus tard. L’éducation
doit être forcée, mais cela ne veut pas dire qu’elle doive traiter les enfants comme des
esclaves. »50

En outre, la deuxième phase du système éducatif de Kant est une éducation pratique. Selon
l’auteur de la Critique de la Raison Pure, dans la période de l’enfance, l’éducation pratique
repose sur la prudence et la moralité. La prudence consiste d’abord à savoir respecter les
normes et conduites sociales, c’est-à-dire de mener une vie conforme aux règles de
bienséance. Puis, il s’agit pour l’enfant de pouvoir maitriser ses affections et désirs. La
moralité, consiste à rendre l’enfant habile, à repousser ses émotions et à l’accoutumer à
pouvoir les maitriser. Pour Kant, le but de la moralité est d’éduquer l’enfant au civisme.
L’enfant n’a pas de conscience morale, il apprend le civisme à travers les actions de ses
parents. Il doit d’abord apprendre à respecter sa propre personne, sa dignité, avant de
respecter l’autre et les lois. On lui apprendre à s’évaluer de manière indépendante et à ne pas
surestimer les biens de la fortune. « On excite l’envie dans un enfant, en l’accoutumant à
s’estimer d’après la valeur des autres. Il doit s’estimer au contraire d’après les idées de sa
raison. Aussi l’humilité n’est-elle proprement autre chose qu’une comparaison de sa valeur
avec la perfection morale. »51

Dans son Traité de Pédagogie, Emmanuel Kant défend l’idée selon laquelle la première
éducation de l’enfant, doit être une éducation purement négative. En effet, pour Kant la mère
ne doit pas satisfaire tous les désirs de l’enfant, elle ne doit pas trop s’occuper de celui-ci. Car
cela peut empêcher à l’enfant de développer ses facultés naturelles. Pour bien former son âme
et son corps, les parents doivent dès les premières années accoutumer l’enfant à la souffrance.
Il dit à ce propos : « Mais par leurs cris ils facilitent le déploiement des parties intérieures et
des canaux de leurs corps. On rend un très mauvais service aux enfants en cherchant à les
apaiser aussitôt qu’ils crient, par exemple en leur chantant quelque chose, comme les
nourrices ont l’habitude de le faire, etc. C’est, là ordinairement la première dépravation de
l’enfant ; car, quand il voit que tout cède à ses cris, il les répète plus souvent. »52

50
Kant Emmanuel, Traité de Pédagogie, trad. Barni, 1803, p.39
51
Kant Emmanuel, Traité de Pédagogie, p.61
52
Ibid., p.25
En définitive, nous pouvons retenir que, le système éducatif platonicien est un système qui
est spécial. Dans le sens où, l’éducation de l’enfant commence avant la naissance de celui-ci.
Son principal objectif est d’éduquer l’âme et le corps, car c’est en éduquant ces deux entités
dès la petite enfance que l’homme pourra atteindre la vertu. Ainsi, cette instruction se repose
sur deux disciplines fondamentales que sont : la musique et la gymnastique. C’est la même
thèse que nous retrouvons chez Aristote. Les parents sont en effet, ceux qui doivent assurer
pleinement l’éducation de l’enfant. Après les parents, c’est à l’Etat de prendre en charge la
formation du jeune. Dans la pensée moderne, au VIIIe siècle, des philosophes comme J.J.
Rousseau et Emmanuel Kant se sont penchés sur le thème de l’éducation, surtout sur celle de
l’enfant. Dans leurs systèmes éducatifs, l’éducation de celui-ci est purement négative.
Autrement dit, c’est l’enfant lui-même qui est son propre éducateur. Il apprend à travers la
nature, l’environnement, les expériences. Il se forme lui-même, les parents sont presque
exclus dans cette éducation. Ainsi, il doit dès le bas apprendre à être endurant.

III-DIRECTIONS DE RECHERCHE ET PLAN DE TRAVAIL POUR LE MASTER


II.

Thème : Education des enfants chez Platon et Aristote

Introduction

Première partie : le fondement de la théorie platonicienne et aristotélicienne de


l’éducation

Premier chapitre : l’éducation de base

1/L’éducation prénatale

2/ L’éducation des affects

Deuxième chapitre : L’importance de la musique et de la gymnastique

1/ La musique

2/ La gymnastique
Deuxième partie : L’éducation proprement dite

Premier chapitre : Education intellectuelle des enfants et le rôle de l’Etat

1/L’éducation des enfants à la lecture et à l’écriture

2/ L’Etat responsable de l’éducation des enfants

Deuxième chapitre : Le dernier enseignement des futurs gardiens de la cité

1/ Les disciplines scientifiques et la musique


2/ La dialectique

Conclusion

BIBLIOGRAPHIE PROVISOIRE :

1_ Œuvres de Platon, édition de référence :

Platon, Gorgias, Œuvres Complètes de Platon, (sous la direction de Luc Brisson), Paris,
Flammarion, 2008.

Platon, La République, traduction de Robert Baccou, Paris, GF Flammarion, 1966, 510p.

Platon, Les Lois, Œuvres Complètes de Platon, (sous la direction de Luc Brisson), Paris,
Flammarion, 2008.

Platon, Phédon, Paris, Flammarion, trad. Monique Dixsaut, 1991, 448p.

Platon, Protagoras, Paris, Garnier-Flammarion, trad. Emile Chambry, 1995.

Platon, Timée, Paris, Gallimard, La Pléiade, trad. L. Robin et M.J. Moreau, 1950.

Platon, Alcibiade, Paris, Garnier-Flammarion, 2000.


Platon, Protagoras, Euthydème, Gorgias, Menexène, Paris, Flammarion, 1967.
Platon, Sophiste, Politique, Philèbe, Pimée, Critias, Paris, Flammarion, 1969.

2_ Les autres ouvrages :

Aristote, La Politique, traduction Jean Tricot, Paris, Ed. GF-Flammarion, 1994.

Arioste, Éthique à nicomaque, Paris, Librairie Générale Française, traduction de J.


Barthélémy Saint-Hilaire, 1992.

Rousseau Jean Jacques, Emile ou de L’éducation, Éditions Flammarion, Paris, 2009.


Laërce Diogène, Vie, Doctrine et Sentences des Philosophes illustres, Paris, Garnier
Flammarion, 1975, 314p.

Dies Auguste, Platon, Paris, Flammarion, 1930.

Marrou Henri- Irénée, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, Edition Seuil, 1981.

Reboul Olivier, La philosophie de l’éducation, Paris, Edition PUF, collection : « Que-sais-


je ? », 2014.

Werner Jaeger, Paidia, Paris, Gallimard,1964.

Hadot Pierre, La philosophie comme manière de vivre, Albin Michel S.A. 2001.

3_ Les articles :

Mouze Letitia, « Eduquer et Politique dans les Lois », in cahiers du Centre Gustave Glotz,
11,2000, pp.57

Mouze Letitia, « Eduquer l’humain en l’homme : l’œuvre esthétique et politique du


philosophe » in Lire Platon (sous la direction de Luc Brisson et Francesco Fronterotta), Paris :
PUF, 2006.

Durand Marc, « la gymnastique dans les Lois de Platon », Revue EPS n°269, janvier 1998

Brisson Luc, « Le continum de la vie chez Platon : des dieux aux Platon » in Lire Platon
(sous la direction de Luc Brisson et Francesco Fronterotta), Paris : PUF, 2006.
Brisson Luc, « La science et les savoirs » in Lire Platon (sous la direction de Luc Brisson
et Francesco Fronterotta), Paris : PUF, 2006.

Charlot Bernard, « L’idée de l’enfance dans la philosophie de Platon », Revue de


Métaphysique et de Morale, 1977.

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