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« Dès lors, j’entends par éducation l’éclosion initiale de la vertu chez l’enfant. Si le plaisir, l’affection,
la douleur et la haine apparaissent donc comme il faut dans l’âme, avant qu’elle puisse en saisir la
raison, et si, lorsque l’âme en a saisi la raison, ils s’accordent avec la raison pour reconnaître qu’elle a
pris de bonnes habitudes, c’est cet accord qui constitue l’excellence dans sa totalité. Mais la partie de
cette vertu qui concerne la formation au bon usage des plaisirs et des douleurs et qui fait que, du
début à la fin, on prend en haine [653c] ce qu’il faut prendre en haine et qu’on chérit ce qu’il faut
chérir, cette partie, si, après l’avoir isolée par la raison tu l’appelais « éducation », tu aurais raison, à
mon avis, de l’appeler ainsi. p.653b-654a LIVREII

-Dans les lois selon l’étranger, le début de l’éducation des enfants dépend des Muses et
d’Apollon.
L’éducation, faut-il donc dire, consiste à orienter les enfants selon la méthode que la loi dit être
bonne et dont, forts de leur expérience, les gens les plus convenables et les plus âgés s’accordent
pour proclamer qu’elle est réellement la meilleure. Ainsi donc, éviter que l’âme de l’enfant ne
s’habitue à éprouver des joies et des 469 douleurs qui sont contraires à celles que recommande la
loi, c’est-à-dire à celles dont la loi persuade qu’il faut les éprouver, et faire plutôt qu’elle suive les
recommandations de la loi en éprouvant les mêmes plaisirs et les mêmes douleurs qu’éprouve le
vieillard, c’est dans ce but qu’existent aujourd’hui, élaborés avec sérieux, ce que nous avons appelé
des « chants » et qui sont en réalité des « incantations » pour les âmes, destinées à réaliser l’accord
dont nous venons de parler. [659e] Mais, comme les âmes des jeunes gens ne sont pas capables de
supporter ce qui est sérieux, il faut parler de « chants » et de « jeux » et les pratiquer comme tels.
C’est ainsi qu’il en va chez les gens qui sont malades et qui sont de constitution faible : ceux qui sont
chargés de les nourrir tentent de leur servir ce qui est bon pour eux sous forme de mets et de
boissons agréables [660a], tandis que ce qui leur est nuisible, ils le présentent sous forme de mets et
de boissons qui rebutent, pour qu’ils aiment les uns et qu’ils prennent la bonne habitude de détester
les autres. De même aussi le bon législateur usera de formules belles et élogieuses pour persuader
les poètes dans leur ensemble – et s’il n’arrive pas à les persuader il les y forcera –, s’ils veulent
composer comme il faut, de mettre dans les rythmes et dans les harmonies les attitudes et les
mélodies d’hommes réfléchis, courageux et pourvus de toutes les qualités morales. P.659c-660b

¨¨ Nous avons dit, si je ne me trompe, que les chanteurs sexagénaires qui forment le chœur de
Dionysos devaient avoir acquis un goût d’une exceptionnelle sûreté [812c] eu égard aux rythmes tout
autant qu’à la composition des harmonies, afin d’être en mesure de distinguer la bonne et la
mauvaise imitation dans les imitations que mettent en œuvre les mélodies et qui suscitent des
émotions dans l’âme, de faire un choix entre les productions de la bonne imitation et celles de la
mauvaise, de rejeter les secondes et de retenir les premières, afin, en produisant les premières en
public, d’en faire des hymnes et de s’en servir pour enchanter les âmes des jeunes gens, exhortant
chacun d’eux à suivre en leur compagnie le chemin qui mène, par ces imitations mêmes, à
l’acquisition de la vertu. P 546

-LES MUSES : Au début de cette discussion, nous avons, vous en souvient-il, dit la chose
suivante : parce que tous les êtres jeunes sont par nature ardents, incapables de tenir leur
corps et leur voix en repos, ils ne cessent d’émettre des sons et de faire des bonds
désordonnés ; mais, alors que le sens de l’ordre en ces deux domaines échappe
complètement aux autres vivants, seule la nature humaine peut l’acquérir. Or, l’ordre dans le
mouvement [665a] a reçu le nom de « rythme » ; par ailleurs, l’ordre dans le domaine de la
voix, quand le grave et l’aigu se mêlent et se combinent s’appelle « harmonie » ; enfin,
l’association de ces deux éléments est appelée « art choral ». Les dieux, disions-nous, qui
nous ont pris en pitié, nous ont donné, pour nous accompagner dans les chœurs et pour les
mener, Apollon, les Muses, et tout naturellement en troisième lieu, vous en souvient-il,
Dionysos ? 472

Eh bien, ne renonçons pas à indiquer les difficultés particulières qui sont relatives au
domaine des Muses. En effet, comme on chante les louanges des images produites en ce
domaine plus que celles de toutes les images d’une autre espèce, ce sont de toutes les
images celles qui exigent le plus de circonspection. En effet, celui qui sur ce point se
tromperait subirait le plus grand des dommages, parce qu’il ferait un accueil complaisant à
de mauvaises dispositions morales, et ce serait un dommage très difficile [669c] à percevoir,
pour cette raison que nos poètes sont loin de valoir ces poètes que sont les Muses elles-
mêmes. Ce ne sont certainement pas les Muses qui commettraient jamais des fautes aussi
graves que celles-là : après avoir inventé des paroles d’hommes, leur donner un style et une
mélodie qui conviennent à des paroles de femmes et, pour les mettre en accord, mêler à une
mélodie et à des jeux de scène qui conviennent à des hommes libres des rythmes d’esclaves
et de gens qui ne sont pas des hommes libres. Et encore, après avoir pris comme sujet des
rythmes et un jeu de scène d’homme libre, leur faire correspondre une mélodie ou des
paroles qui entrent en conflit avec ces rythmes. Elles n’iraient pas non plus jusqu’à mêler
dans la même œuvre des cris de bêtes [669d], des voix d’êtres humains, des sons produits
par des instruments et toutes sortes de bruits, pour représenter une seule et même chose.
Les poètes humains, en revanche, avec la façon qu’ils ont d’entrelacer étroitement et de
fondre inconsidérément les éléments de ce genre, exciteraient le rire de tous ceux des
hommes dont Orphée dit que « le délicieux plaisir est en son printemps23 ». Ceux-ci en effet
voient cette confusion généralisée, et les poètes vont jusqu’à séparer de la mélodie le
rythme et les attitudes, en mettant en vers des paroles sans accompagnement musical puis
inversement en composant une mélodie et un rythme [669e] dépourvus de paroles et où
n’intervient que la cithare ou la flûte, composition où il est fort difficile de discerner ce que
cherchent à exprimer un rythme et une harmonie où la parole n’a pas de place et qui ils
souhaitent représenter parmi les personnes dignes d’être imitées. Mais il faut convenir que
ce genre de pratique en particulier est tout plein de rusticité, dans la mesure où il est
fortement épris de vitesse, de virtuosité et de cris animaux, au point de recourir à l’aulós et à
la cithare [670a] sans qu’interviennent la danse et le chant, alors que l’usage exclusif de l’un
et l’autre de ces instruments dénote tout à la fois un manque de culture totale et une
virtuosité étonnante. Voilà ce qui se dit à ce propos. Mais certes, il ne s’agit pas pour nous
d’examiner ce que dans le domaine des Muses doivent éviter ceux qui ont plus de trente ans
et ceux qui ont dépassé la cinquantaine, mais ce qu’ils doivent cultiver. Or, de tout ce qui
vient d’être dit, il semble que nous puissions désormais tirer cette conclusion : les
quinquagénaires à qui il revient de chanter doivent être formés mieux que personne pour
tout ce qui concerne les chœurs dans le domaine des Muses. [670b] Car pour ce qui regarde
les rythmes et les harmonies, ils doivent à la fois bien les sentir et les connaître. Sinon,
comment reconnaîtront-ils la rectitude dans les mélodies, comment sauront-ils auxquelles
convenaient ou ne convenaient pas le mode dorien et les rythmes que le compositeur leur a
appliqués, et s’il l’a fait ou non correctement ? 476
C’est donc dans ce but que le maître de cithare et son élève doivent user en outre des notes
de l’instrument en tirant profit de la netteté des sons que produisent les cordes pour mettre
en accord les sons des cordes avec les sons de la voix. Mais qu’il s’agisse de produire sur la
lyre un son différent et varié, l’air joué sur ses cordes étant dans un ton alors que la mélodie
composée par le poète est dans un autre, qu’il s’agisse pour celui qui joue de l’instrument,
comme cela est bien naturel, de faire se répondre ce qui est resserré et ce qui s’espace, ce
dont le mouvement est rapide et ce qui a de la lenteur, les sonorités aiguës et les sons qui
ont de la gravité, en employant [812e] pareillement les accents de la lyre à produire une
multitude de rythmes, toutes les recherches de ce genre doivent être bannies pour ceux qui,
dans les trois ans consacrés à l’étude de la lyre, doivent rapidement recueillir le bénéfice de
l’enseignement relatif aux Muses. Car ces éléments qui s’opposent et se troublent l’un l’autre
rend l’apprentissage difficile, alors qu’il faut que les jeunes gens apprennent autant que faire
se peut sans difficulté. Les connaissances qu’ils doivent acquérir ne sont en effet ni peu
étendues ni peu nombreuses, nous le verrons à mesure que, avec le temps, notre entretien
avancera. Voilà comment le responsable de l’éducation devra régler les questions de
l’enseignement relatif au domaine des Muses. Pour ce qui est des airs eux-mêmes et des
paroles, quels sont ceux que doivent enseigner les maîtres de chœur et de quelle sorte ils
doivent être, [813a] nous en avons aussi amplement traité dans ce qui précède, en déclarant
qu’il fallait les consacrer, en les adaptant chacun à sa propre fête, pour qu’ils servent au bien
des cités en leur procurant un plaisir fortuné. P547

-CHANT : Mais alors, comment les encouragerons-nous à montrer de l’ardeur pour le chant
? La première loi que nous allons édicter n’est-elle pas la suivante ? Interdiction absolue est
faite aux jeunes gens de moins de dix-huit ans de goûter au vin, pour qu’ils apprennent qu’il
ne faut pas faire couler du feu sur du feu22 et qu’il ne faut pas, après l’avoir amené par des
canaux, faire pénétrer ce feu dans le corps aussi bien que dans l’âme, avant qu’ils aient été
confrontés aux difficultés de la vie, de façon à se tenir en garde contre les tendances
fougueuses de la jeunesse. Passé cet âge, dirons-nous, on goûtera au vin avec modération
jusqu’à l’âge de trente ans [666b], mais en s’abstenant absolument de l’ivresse et de l’excès
de vin. Et lorsque, allant sur la quarantaine, on se régalera dans les repas en commun,
on appellera les dieux et en particulier on invitera Dionysos à ce qui constitue pour les
hommes âgés une initiation en même temps qu’un divertissement, dont ce dieu a fait
don aux hommes comme d’un médicament destiné à prévenir le dessèchement de la
vieillesse, pour faire que nous rajeunissions et que, par l’oubli de ce qui lui enlève son
ardeur, l’âme retrouve une humeur moins rigide et plus souple, [666c] devenant
pareille au fer mis au feu, et qu’elle soit ainsi plus facile à façonner. Une fois, tout
d’abord, que chacun aura été ainsi disposé, ne consentira-t-il pas avec plus
d’empressement et moins de gêne, non pas devant un grand nombre de gens mais
devant un petit cercle, non pas devant des étrangers mais devant des gens qu’il
connaît, à chanter et à faire les incantations dont nous avons souvent parlé ? 473

 
C’est-à-dire en donnant tous les soins qui conviennent à une éducation qui
peut faire de lui non seulement un bon soldat, mais aussi un homme capable d’administrer
une cité et une ville, [667a] cet homme dont nous avons dit tout au début qu’il se comportait
mieux au combat que les guerriers de Tyrtée, parce qu’il estimait toujours et partout le
courage non comme le premier, mais comme le quatrième élément de la vertu, pour les
particuliers comme pour la cité. 474

Ainsi, semble-t-il, une fois de plus nous découvrons maintenant ce fait : il est nécessaire que
nos chanteurs, ceux que nous ne nous contentons pas d’encourager mais que [670d] d’une
certaine manière nous contraignons à chanter de bon gré, aient reçu une éducation poussée
jusqu’à ce point où chacun devient capable de suivre les unités de base des rythmes et les
notes des mélodies, de façon à avoir une vue claire des mélodies et des rythmes et d’être
ainsi en mesure de choisir ce qu’il convient à des hommes de leur âge et de leur condition de
chanter, et pour que, les chantant, ils se donnent à eux-mêmes sur le champ des plaisirs
inoffensifs, et qu’ils soient pour les plus jeunes à l’origine [670e] d’un attachement empressé
pour les bonnes mœurs. Arrivés à ce niveau de formation, ils se seraient rendus maîtres
d’une culture plus raffinée que celle de la foule et des poètes eux-mêmes.477
L’ÉTRANGER D’ATHÈNES :L’art choral dans son ensemble équivalait pour nous, je crois, à
l’éducation dans son ensemble. Par ailleurs, dans le cadre de l’art choral, ce sont d’un côté
les rythmes et les harmonies qui relèvent du domaine de la voix. […] Oui, et d’un autre côté,
le mouvement du corps avait en commun avec celui de la voix le rythme, mais il avait en
propre l’attitude. Par ailleurs, le mouvement propre de la voix, [673a] c’est la mélodie.
L’ÉTRANGER D’ATHÈNES : En ce qui concerne la voix, nous avons donné à l’éducation à la
vertu, dans la limite de ce qui touche à l’âme, le nom de « domaine des Muses ».
CLINIAS :Oui, à bon droit.
L’ÉTRANGER D’ATHÈNES :Quant aux mouvements du corps, ceux que nous avons appelés «
danse sportive25 », il faut, à condition que ce genre de mouvements se limite à procurer au
corps l’excellence, appeler « gymnastique » cette façon technique de conduire le corps à un
pareil résultat.478
L’EDUCATION DES JEUNES FILLES ET Garçons revient à l’état
.  « Mais nous n’accepterons pas que celui-là fréquente l’école parce que son père le
souhaite et que celui-ci la néglige parce que son père ne souhaite pas qu’il s’instruise. Non,
c’est comme on dit « tout homme et tout garçon » que, dans la mesure du possible, parce
qu’ils appartiennent à la cité plus qu’à leurs parents, nous contraindrons à se faire instruire.
LIVRE VII p.543
- « Laissez-moi insister en outre sur le fait que la loi qui est la mienne en dira pour les filles
tout autant que pour les garçons, à savoir que les filles doivent [804e] s’entraîner d’égale
façon. Et je le dirai sans me laisser effrayer le moins du monde par l’objection suivante :
ni l’équitation ni la gymnastique, qui conviennent aux hommes, ne siéraient aux femmes.
Le fait est certain, j’en suis non seulement persuadé par les mythes anciens que
j’entends raconter, mais je sais encore pertinemment que, à l’heure actuelle, il y a pour
ainsi dire des milliers et des milliers de femmes autour du Pont, celles du peuple que l’on
appelle « Sauromates89 », pour qui non seulement le fait de monter à cheval, mais
également celui de manier [805a] l’arc et les autres armes est une obligation comme elle
l’est pour les hommes, et fait l’objet d’un pareil exercice ibid. p.543
-, je déclare que rien n’est plus déraisonnable que la situation qui règne actuellement dans
nos contrées, où les hommes et les femmes ne pratiquent pas tous ensemble de toutes leurs
forces et d’un même cœur les mêmes exercices. Toutes les cités en effet, ou peu s’en faut, se
contentent de n’être qu’une moitié de cité au lieu
de valoir le double [805b] grâce aux mêmes dépenses et aux mêmes efforts. Et certes il serait
étonnant de voir un législateur commettre cette faute.
Pour l’éducation comme pour le reste, la femme [805d] partage les activités de l’homme. Et
en conséquence, voici de quelle manière il faut envisager la question
Dès que revient l’aube, [808d] il faut conduire les enfants vers les maîtres qui les instruisent.
Ni moutons ni autres bêtes de pâturage ne sauraient vivre sans pasteur, pas davantage les
enfants sans pédagogues ou les esclaves sans maîtres. Or, de toutes les bêtes sauvages, c’est
l’enfant qui est la bête la plus difficile à manier. Parce que la source de la réflexion n’est pas
encore disciplinée en lui, il est une bête rusée, astucieuse, la plus insolente de toutes. Aussi
a-t-on besoin de la brider [808e] avec, pour ainsi dire, de multiples freins : d’abord, dès qu’il
cesse d’être sous la garde des nourrices 544 et des mères, en lui donnant des pédagogues,
parce que ce n’est qu’un petit enfant, un nourrisson, et encore des maîtres qui l’instruisent
en toute sorte de sujets et de disciplines, à condition que cela convienne à un homme libre.
Mais dans la mesure où c’est plutôt à un esclave que convient cette instruction, le premier
homme libre venu devra châtier l’enfant lui-même, son pédagogue et son maître, chaque fois
que l’un d’eux se sera rendu coupable d’une faute. Mais si, au contraire, quand on a eu cette
occasion, on n’inflige pas le châtiment attendu, on devra d’abord encourir soi-même le plus
grave déshonneur, et le gardien des lois qui aura été choisi pour être le directeur des enfants
[809a] devra soumettre à une enquête celui qui, rencontrant le groupe de ceux dont nous
parlons, ne leur inflige pas de châtiment alors qu’il devait le faire, ou ne leur inflige pas la
sorte de châtiment qui convient. Et cet homme choisi par nous devra avoir un œil perçant et
exercer une surveillance exceptionnelle sur l’éducation de nos enfants, pour redresser leur
naturel en les tournant toujours vers le bien que prescrivent les lois. P 545
L’EDUCATION DES MATIERES
Mais sur en premier lieu la lecture et l’écriture, en second lieu la pratique de la lyre et
l’apprentissage du calcul, dont, nous l’avons dit, chacun d’eux devra apprendre ce qui est
utile pour la guerre et pour l’administration de sa maison et de la cité, et sur tout ce qui peut
en outre servir aux mêmes fins dans la connaissance des révolutions des êtres divins, je veux
dire du cours des astres et plus spécialement du soleil et de la lune, et enfin sur ce qui
concerne [809d] toutes les dispositions que toute cité doit nécessairement prendre à ce
propos – qu’allons-nous bien dire ? L’arrangement des jours dans la période dont se
compose le mois, l’arrangement des mois dans celle que constitue l’année, de façon que
saisons, sacrifices et fêtes célébrées chacune comme il faut du fait qu’elles seront réglées sur
les indications de la nature elle-même, gardent la cité vivante c’est-à-dire éveillée, rendent
aux dieux les honneurs auxquels ils ont droit et donnent de tout cela aux hommes une
connaissance plus claire – sur tous ces sujets, mon cher, le législateur [809e] ne t’a pas
encore parlé en détail d’une manière suffisante.
Prête donc ton attention aux propos qui vont suivre.
À l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, l’enfant de dix ans consacrera environ trois
années. Quand il aura treize ans, [810a] ce sera le bon moment pour aborder la pratique de
la lyre, étude à laquelle il consacrera les trois années suivantes, ni plus ni moins. Et la loi
interdit au père tout comme à l’enfant, que ces études lui plaisent ou qu’il les déteste, d’en
augmenter ou d’en diminuer la durée ; s’il désobéit, il perdra tout droit aux honneurs
propres aux enfants qui seront évoqués plus loin91. Que doivent dans cette période de
temps apprendre les jeunes gens et que doivent enseigner les maîtres ? Cela, tu dois d’abord
l’apprendre toi-même. Pour ce qui est de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture [810b],
il faut peiner juste assez pour savoir écrire et lire ; rechercher la perfection dans la vitesse et
dans l’élégance avec des enfants dont la nature n’est pas toujours précoce, c’est un souci
auquel il faut dire au revoir. En ce qui concerne l’étude des poètes, étude où n’intervient pas
la lyre et qui porte seulement sur des textes écrits dont les uns sont métriques et les autres
sans coupes rythmiques, ces derniers étant des ouvrages qui se bornent en fait à reproduire
le langage de tous les jours et que n’accompagnent ni le rythme ni l’harmonie, il faut dire que
certains des nombreux auteurs dont nous venons de parler nous ont laissé [810c] des œuvres
dangereuses. De quelle façon, vous qui êtes les meilleurs des gardiens des lois, allez-vous les
traiter ? Ou mieux, pour qu’elle soit judicieuse, quelle devrait être pour le législateur la façon
de les traiter ? Il sera lui-même, je pense, grandement embarrassé. P 545
Aussi ne lâcherai-je point. Je soutiens qu’il est sûr qu’on trouve chez nous, en très grand
nombre, des poètes qui fabriquent des hexamètres, des trimètres et toutes les sortes de
mètres que l’on peut distinguer, visant les uns au sérieux les autres au comique, et dont,
reprennent en chœur des milliers de voix, on doit, si on veut les élever comme il faut, nourrir
et gaver jusqu’à satiété les jeunes, en les leur faisant entendre maintes fois par la lecture et
[811a] apprendre à fond, de façon qu’ils sachent par cœur des poètes en entier. D’autres
choisissent dans tous les poètes les passages marquants, rassemblent ces passages dans un
même recueil, et nous enjoignent de les faire apprendre par cœur et fixer en leur mémoire
par ceux de nos jeunes gens que nous voudrons rendre bons et sages à force d’expérience et
d’érudition. C’est donc à ces gens-là que tu me recommandes maintenant de dévoiler, en
utilisant ma liberté de parole, aussi bien ce qu’il y a de bon dans ce qu’ils disent que ce qu’il y
a de mauvais.

À celui qui est à la fois gardien des lois et éducateur, je ne pourrais, j’imagine, proposer
de meilleur modèle que celui-là : il ne peut que recommander aux maîtres d’enseigner ces
discours et d’autres qui tiennent de ceux-là et qui leur ressemblent ; [811e] et si, en
parcourant les compositions des poètes ou des écrits en prose, ou même en entendant des
propos qui ont été tenus sans avoir été rédigés par écrit, il tombe sur des discours qui sont
en quelque sorte les frères des nôtres, qu’il ne les néglige en aucune façon, mais qu’il les
fasse mettre par écrit. Et tout d’abord qu’il contraigne les maîtres eux-mêmes à les
apprendre et à en faire l’éloge. Ceux des maîtres à qui ces discours ne plairont pas, qu’il ne
s’en serve pas comme collaborateurs, mais ceux qui s’accordent avec lui pour les louer, voilà
ceux qu’il doit prendre et donner comme enseignants et comme éducateurs aux jeunes gens.
[812a] Que prenne ici fin et de cette manière ce que j’avais à raconter sur ceux qui
enseignent à lire et à écrire et sur les œuvres écrites. P.546

. Les garçons aussi bien que les filles doivent apprendre à pratiquer la
danse et la gymnastique, n’est-ce pas ?
. Comme exercices physiques, nous instituons en effet tous ceux qui préparent à la guerre :
tir à l’arc, tout ce qui est lancement et maniement des armes légères, [813e] toutes les
formes de l’escrime en arme, manœuvres tactiques, toute marche militaire et tout
campement, enfin l’étude de toutes les connaissances qui ont trait à l’équitation. Pour tout
cela il faut en effet qu’il y ait un enseignement public et que les maîtres reçoivent un salaire
de la cité. Ces derniers auront pour élèves les jeunes gens et les hommes de la cité, les
jeunes filles et les femmes qui sont instruites en toutes ces techniques. Celles-ci, tant qu’elles
sont encore adolescentes, seront entraînées à toutes les formes de danses en armes et de
combats, et une fois devenues épouses, elles auront participé aux manœuvres, aux ordres de
bataille, apprenant à déposer les armes [814a] et à les reprendre, ne fût-ce, si une levée en
masse s’imposait pour faire campagne au dehors, que pour qu’il y ait au moins une garde
suffisante pour les enfants et pour le reste de la cité. Si, au contraire, rien ne devant être juré
impossible, des ennemis venant du dehors, Barbares ou Grecs, faisaient irruption en grande
force et avec violence et rendaient nécessaire le combat pour la cité même, ce serait, je
suppose, une grande misère pour [814b] la constitution politique que les femmes aient été si
honteusement mal élevées que, incapables d’imiter les oiseaux qui défendent leurs petits
contre n’importe laquelle des bêtes les plus redoutables et qui consentent à mourir et à
prendre tous les risques, elles se précipitaient au contraire vers les lieux sacrés, se portaient
en masse vers tout ce qu’il y a d’autels et de sanctuaires, et jetaient ainsi sur l’espèce
humaine la réputation d’être, par nature, ce qu’il y a de plus lâche parmi toutes les bêtes
p547
Ne faut-il donc pas que nous instituions comme loi que les femmes aient des obligations
militaires allant jusqu’à ce point et que tous, citoyens et citoyennes, doivent s’y intéresser ?
ibid.
Eh bien, pour les hommes libres, il reste encore trois objets d’étude : les calculs et l’étude
des nombres en sont un ; les techniques permettant de mesurer les longueurs, les surfaces et
les solides en forment ensemble un second ; quant au troisième, il s’agit de l’étude du cours
des astres et de leurs relations mutuelles dans leur révolution.

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