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CORPUS 2

• Document 1 : Francis Wolff, Pourquoi la musique ? 2015.


• Document 2 : Alessandro Baricco, Novecento : Pianiste, 1994.
• Document 3 : Éric-Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart, 2005.
• Document 4 : Renaud Capuçon, Mouvement perpétuel, 2020.

1/ SYNTHESE / 40 points
Vous réaliserez une synthèse objective, concise et ordonnée des documents.

2 / ECRITURE PERSONNELLE / 20 points


Selon vous, pourquoi la musique est-elle essentielle à l’homme ?
Vous répondrez à cette question d'une façon argumentée en vous appuyant sur les
documents du corpus, vos lectures de l'année et vos connaissances personnelles.

DOCUMENT 1 : Francis Wolff, Pourquoi la musique ? (2015)


La musique est l’« art des sons ». C’est l’art qui rend les sons autosuffisants. Mais
cela ne nous dit pas pourquoi elle nous fait danser, chanter, pleurer. Ni pourquoi, partout
où il y a des hommes, il y a de la musique.
Imaginons en effet des créatures d’une autre planète, qui seraient en tout point
comme nous – corps, esprit, langage, société, etc. – à ceci près qu’elles ne connaîtraient
pas de musique. Elles seraient amusiques1 . Imaginons-les venant nous visiter, nous observer
et tenter de comprendre, en anthropologues2 , pourquoi, chez nous les hommes, il y a de la
musique (…)  : à quoi bon tous ces sons étranges qui sortent de vos engins et de vos
gosiers3 ? nous demanderaient-ils. Le langage ou les images ne sont-ils pas des moyens plus
simples et plus directs pour communiquer ou pour représenter  ? Il faudrait alors leur
confesser : « Si, chez nous, il y a de la musique, c’est que ça nous fait quelque chose. »
Perplexité de nos extraterrestres amusiques (…). Alors, à défaut de pouvoir d’emblée leur
expliquer pourquoi ça nous plaît et comment ça nous émeut, nous autres humains, ces sons
mis en cet ordre, nous pourrions commencer tout simplement par leur lister quelques-uns
des plaisirs qu’ils nous donnent. Nous leur tiendrions à peu près ce langage. Le premier et
le grand plaisir de la musique, c’est d’en faire, dirions-nous. Avant d’être un acte
contemplatif, une écoute ou un spectacle, un art chez nous est d’abord un savoir-faire.
Avant le plaisir du concert ou du disque, il y a pour l’enfant le ravissement de produire un

1 Incapables de percevoir ou de donner du sens au rythme, à la mélodie, aux accords de musique.

2Spécialistes de l’anthropologie, science qui étudie l’être humain et les groupes humains, en particulier leurs
modes de vie, leur culture et leur rapport au monde.

3 Gorge.

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rythme avec ses mains et ses pieds. Et le babillage4 est autant la satisfaction de s’essayer
aux sons qu’à initier aux sens. Avant le mp3, avant le disque, avant même le concert, il y
avait la musique de chambre pratiquée entre amis ; encore avant, il y avait le chant et les
danses des jours de fête, la flûte et les tambours à la veillée ou dans les banquets. La
musique existe pour être faite avant d’être faite pour être entendue. On éprouve un plaisir
plus intense à jouer, mal, une fugue de Bach5 au piano qu’à l’entendre bien jouée par les
meilleurs interprètes, ne serait-ce que parce qu’en la jouant soi-même, on la comprend
infiniment mieux, on en perçoit plus distinctement les différentes voix, on entend ce
qu’on n’arrive à rendre que maladroitement, comme un acteur comprend à force de
lectures les mille nuances d’une réplique dont il ne peut traduire qu’une faible partie. (…)
Mais la musique nous plaît souvent à être simplement écoutée. Il faudrait faire la part des
plaisirs extrinsèques6 , ceux dont la musique n’est que la cause occasionnelle. Les émotions
négatives d’abord : la détente qu’elle est chargée d’apporter aux passagers qui s’installent
dans la cabine de l’avion ou l’excitation qu’elle procure, à leur corps défendant, aux
chalands7 des grands magasins pour mieux les disposer à l’achat. Il y a les émotions
positives qui relèvent des sympathies fédératives8  : les vibrations vécues en chœur (les
grands rassemblements des concerts de rock, les défilés de musique électronique), la
reconnaissance empathique9 de sa communauté d’appartenance dans un langage musical
(le rap, les musiques « celtiques », etc.) ou dans certains morceaux (un hymne national ou
international, un chant des partisans, etc.), le sentiment de puissance collective que l’on
éprouve à chanter à tue-tête dans un groupe de rencontre, à prier de conserve à l’office,
ou à marcher du même pas joyeux au-devant de la mort en chantant. La musique
fonctionne alors comme marqueur d’identité ou comme instrument d’identification  :
l’émotion qu’elle suscite se confond avec cette impression dont elle est à la fois l’effet et
la cause : « Cette musique, c’est nous ! » J’existe dans et par ce « nous » dont j’entends
bien dans la musique qu’il est plus fort que « moi ». (…)
On pourrait encore énumérer d’autres émotions dont la musique n’est que la cause
occasionnelle. Cependant, nos visiteurs amusiques auraient tout lieu de demeurer
perplexes. Il faudrait donc arriver à l’essentiel et leur dire finalement ceci. Oui, il y a des
plaisirs propres à la musique, des plaisirs qu’elle seule recèle. Oui, nous éprouvons des

4 Langage rudimentaire, souvent associé aux jeunes enfants.

5 Compositeur et organiste allemand (1685-1750). Peu reconnu de son vivant, il est aujourd’hui devenu une
référence.

6 Extérieurs.

7 Personnes qui achètent des marchandises dans un magasin.

8 Qui rassemblent et favorisent le lien.

9 Qui a la capacité de se mettre à la place des autres, d’éprouver ce qu’ils ressentent.

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émotions musicales. (…) S’il y a de la musique pour nous, êtres humains de cette planète,
c’est d’abord par ce qu’elle nous fait. Elle nous touche. (…) Littéralement, la musique
touche notre corps. Métaphoriquement elle nous émeut, elle touche notre esprit.
DOCUMENT 2 : Alessandro Baricco, Novecento : Pianiste, 1994.
Dans ce roman, Alessandro Baricco imagine un personnage, Novecento, qui est né sur un
paquebot. Élevé à bord, il choisit de ne jamais mettre un pied à terre et de passer sa vie à
composer et à jouer au piano, pour les passagers, une musique mystérieuse qui les transporte et
les berce comme l’océan.

Imagine, maintenant : un piano. Les touches ont un début. Et les touches ont une
fin. Toi, tu sais qu’il y en a quatre-vingt-huit, là-dessus personne peut te rouler. Elles sont
pas infinies, elles. Mais toi, tu es infini, et sur ces touches, la musique que tu peux jouer
elle est infinie. Elles, elles sont quatre-vingt-huit. Toi, tu es l’infini. Voilà ce qui me plaît.
Ça, c’est quelque chose qu’on peut vivre. Mais si je monte sur cette passerelle et que
devant moi se déroule un clavier de millions de touches, des millions, des millions et des
milliards de touches, qui ne finissent jamais, et ce clavier-là, il est infini
Et si ce clavier est infini, alors
Sur ce clavier-là, il n’y a aucune musique que tu puisses jouer. Tu n’es pas assis sur
le bon tabouret : ce piano-là, c’est dieu qui y joue
Nom d’un chien, mais tu les as seulement vues, ces rues ?
Rien qu’en rues, il y en avait des milliers, comment vous faites là-bas pour en
choisir une
Pour choisir une femme
Une maison, une terre qui soit la vôtre, un paysage à regarder, une manière de
mourir
Tout ce monde là
Ce monde collé à toi, et tu ne sais même pas où il finit
Jusqu’où il y en a
Vous n’avez jamais peur, vous, d’exploser, rien que d’y penser, à toute cette
énormité, rien que d’y penser ? D’y vivre…
Moi, j’y suis né, sur ce bateau. Et le monde y passait, mais par deux mille
personnes à la fois. Et des désirs, il y en avait aussi, mais pas plus que ce qui pouvait tenir
entre la proue et la poupe. Tu jouais ton bonheur, sur un clavier qui n’était pas infini.
C’est ça que j’ai appris, moi. La terre, c’est un bateau trop grand pour moi. C’est
un trop long voyage. Une femme trop belle. Un parfum trop fort. Une musique que je ne
sais pas jouer. Pardonnez-moi. Mais je ne descendrai pas.

DOCUMENT 3 : Éric-Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart, 2005.


Dans cet ouvrage, Éric-Emmanuel Schmitt s’adresse à Mozart pour lui exprimer sa gratitude
de l’avoir sorti d’une période très sombre de sa jeunesse par la splendeur de sa musique et de lui
avoir redonné goût à la vie.

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Comprenais-je les paroles ? Elles faisaient allusion au bonheur, bonheur dont j’avais oublié
le secret  ; elles rappelaient un moment de douceur que les amants avaient connu, un
plaisir qui n’était plus. Mais en évoquant un paradis perdu, la chanteuse rendait le paradis
présent.
À travers la musique, nous faisions l’amour.
Ma force renaissait. Et l’émerveillement. Oui, déferlait dans la salle la beauté, toute la
beauté du monde ; elle m’était offerte, là, devant moi.
Lorsque la soprano s’arrêta, il y eut un silence presque aussi émouvant que le chant, un
silence qui, certainement, était encore de Mozart…
De la suite, je ne me souviens pas.
Ce qui me revient, c’est qu’à cet instant je fus guéri.
Adieu, désespoir ! Adieu, dépression ! Je voulais vivre. S’il y avait des choses si précieuses,
si pleines et si intenses dans le monde, l’existence m’attirait.
Comme preuve de ma convalescence, j’éprouvai de l’impatience.
«  Quand pourrai-je réentendre ce morceau  ? Je dois convaincre mes parents de nous
acheter des places. »
Et puis, deuxième signe de santé, une inquiétude me piqua le cœur.
«  Aurai-je le temps de découvrir l’intégralité des merveilles dont la planète regorge  ?
Combien vais-je en rater  ? Pourvu que je reste en bonne santé jusqu’à plus de quatre-
vingt-dix ans, au moins… »
Voilà ce que disait l’adolescent qui, quelques minutes auparavant, voulait s’ouvrir les
veines. Mozart m’avait sauvé  : on ne quitte pas un univers où l’on peut entendre de si
belles choses, on ne se suicide pas sur une terre qui porte ces fruits, et d’autres fruits
semblables.
La guérison par la beauté… Aucun psychologue n’aurait songé sans doute à m’appliquer ce
traitement.
Mozart l’a inventé et me l’a administré. Telle une alouette filant vers le ciel, je sortais des
ténèbres, je gagnais l’azur. Je m’y réfugie souvent.

DOCUMENT 4 : Renaud Capuçon, Mouvement perpétuel, 2020.


Renaud Capuçon est un violoniste français. Dans son ouvrage autobiographique, il
témoigne de son amour pour le violon et de sa vocation musicale, envisagée comme une
voie spirituelle.

J’étais le plus jeune de l’orchestre et j’occupais une place au dernier pupitre des
seconds violons10 . J’allais là-bas avec la soif de découvrir autre chose que les Caprices de

10 Violonistes placés à l’intérieur de la formation dans un orchestre symphonique.

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Paganini11 et des concertos12. Nous avions au programme la neuvième de Beethoven13, le
troisième concerto de Prokofiev14 avec la pianiste Martha Argerich15 et la onzième
symphonie de Chostakovitch16 dirigée par M. Rostropovitch17. Et encore le War Requiem de
Britten18 . Lors d’un concert à Amsterdam, dans la sublime salle de Concertgebouw19, que
je découvrais, j’allais vivre un moment unique. Presque mystique. Nous jouions la
neuvième symphonie de Beethoven quand tout à coup, au milieu du moment lent, j’eus
l’impression de m’élever physiquement  : je volais. Je regardais à cet instant même mon
voisin de pupitre tout en continuant à jouer. C’était un mélange de paix totale, de
sérénité, d’élévation. Un moment de grâce. Nous volions en musique.
Giulini20 a été le magicien de cet instant suspendu entre temps et musique. Il m’a
permis de transcender les notes, pour n’être que dans la musique. En sortant de la scène,
je demandais à mon voisin de pupitre  : «  Quand on s’est regardés, tu as aussi eu
l’impression de décoller ? de t’envoler ? Il me dit avoir ressenti la même chose. Ce jour-là,
à Amsterdam, j’avais vécu grâce à Giulini le premier grand choc musical de ma vie. Celui
qui allait désormais conduire mon existence de musicien de manière radicalement
différente de celle que j’avais pensé mener.
Avant Giulini et Beethoven, je voulais être violoniste. Désormais, je voulais être musicien
avant tout. Et violoniste, bien évidemment. Mais musicien d’abord.

11 Pièces pour violon solo composées entre 1802 et 1817 par le violoniste et compositeur italien Niccolò
Paganini (1782-1840). Ces morceaux exigent une virtuosité d’exécution sans précédent.

12 Pièces de musique composées généralement de trois mouvements, écrites pour mettre en valeur un ou
plusieurs instruments solistes avec accompagnement de l’orchestre.

13 Créée à vienne en 1824, la neuvième symphonie de Ludwig van Beethoven (1770-1827) est considérée
comme l’une des plus grandes œuvres musicales de tous les temps. Une partie de l’Ode à la joie qu’elle
contient est devenue l’hymne de l’Union européenne.

14 Compositeur, pianiste et chef d’orchestre russe (1891-1953), notamment connu pour son conte musical
Pierre et le Loup (1936).

15 Pianiste argentine et suisse née en 1941.

16 Cette œuvre, composée en 1957, est un hommage du compositeur russe (1906-1975) à la révolution russe.

17 Célèbre violoncelliste russe (1927-2007).

18Œuvre créée le 30 mai 1962 par le compositeur anglais (1913-1976) pour la reconstruction de la cathédrale
de Coventry, détruite pendant la Seconde Guerre mondiale par les bombardements allemands.

19 Inaugurée en 1888, c’est une magnifique salle de concert réputée pour son acoustique exceptionnelle.

20 Célèbre chef d’orchestre italien (1914-2005).

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Correction

I. Synthèse

Analyse des documents :

Document 1 :
La musique est l’art des sons. Elle n’est pas le moyen le plus simple ni le plus direct pour
communiquer avec les autres, mais ce qui attire les hommes en elle, c’est l’impact qu’elle
a sur eux.
Liée avant tout au plaisir  (plaisir d’en faire, de l’écouter, de sentir à travers elle son
appartenance à un groupe), elle est source d’émotions.
Faire de la musique, c’est aussi mieux la comprendre. Elle détend l’homme quand c’est
nécessaire, le porte quand il en a besoin. Il y a en fait une musique pour chaque état.
Elle peut même devenir un marqueur identitaire, un instrument d’identification, la
musique et l’individu ne faisant alors plus qu’un.
Si la musique compte, c’est parce qu’elle touche l’homme, aussi bien physiquement
qu’intellectuellement. Comprendre la musique, c’est donc comprendre l’humain et sa
relation au monde.

Document 2 :
Novecento est persuadé qu’avec les quatre-vingt-huit touches de son piano, il peut créer
une infinité de mélodies, des univers même. Il est maître de la musique comme Dieu est
maître du monde dans lequel l’homme évolue.
Bien que son espace soit réduit, ses possibilités au piano lui semblent infinies, plus que s’il
explorait le monde réel. Ce dernier propose en effet un foisonnement (de rues,
d’individus…) qui, aux yeux de Novecento, le rend inaccessible. Pour avancer, l’homme est
obligé de faire des choix et se perd dans cette immensité.
En fait, le monde réel lui fait peur parce qu’il est infini (il n’a pas de début ni de fin) et
qu’il n’en détient pas les codes, alors qu’avec les quatre-vingt-huit touches de son piano,
il a un cadre à respecter mais l’infini à portée de main.

Document 3 :
Alors que le narrateur est désespéré, qu’il est en pleine dépression, la musique entendue
lui offre la beauté du monde, la met à sa portée. Écouter du Mozart lui redonne goût à la
vie, le guérit.
L’impatience le gagne même à l’idée de ne pas pouvoir réécouter ce morceau. Il s’inquiète
également de ne pas pouvoir découvrir l’ensemble de l’œuvre de l’artiste.
La musique a été pour lui salvatrice, plus même qu’aucun traitement n’aurait pu l’être.
Face à la souffrance et à la détresse humaine, elle est devenue une véritable consolation,
l’arrachant aux ténèbres pour lui faire retrouver la lumière.

Document 4 :
Vécue pleinement, la musique procure une forme de grâce, elle est capable d’élever
l’âme. À la manière d’une expérience mystique, elle révèle l’homme à lui-même.
À l’instant où il joue sous la direction de Giulini, le jeune Renaud est en effet envahi par la
musique, jusqu’à devenir la musique même. Il partage d’ailleurs cette expérience
d’élévation avec un autre musicien, ce qui prouve l’universalité du pouvoir de la musique.
Ce moment suspendu marque le début de sa vocation de musicien. Désormais, il ne veut
plus simplement jouer d’un instrument, il veut avant tout jouer de la musique.

Problématique : Que provoque la musique chez l’homme ?


Plan détaillé :

I. En libérant les émotions de l’homme...


1. Que l’individu soit musicien ou non (doc. 1, 2, 3, 4)

!6
2. la musique est avant tout liée au plaisir (doc. 1, 2, 3, 4)
3. et le porte au quotidien (doc. 1, 2, 3, 4)

II. ... elle le révèle à lui-même.


1. En lui offrant l’infini (doc. 1, 2, 3, 4)
2. elle lui fait vivre une expérience mystique (doc. 1, 2, 3, 4)
3. capable d’élever son âme (doc. 1, 2, 3, 4)

Synthèse rédigée

Charles Darwin définissait la musique comme « l’un des dons les plus mystérieux qui
caractérisent l’homme ». Présente dans toutes les civilisations, à toutes les époques, elle
accompagne l’Homme dans son chemin de vie.
Mais que provoque-t-elle exactement chez lui ?
Nous verrons qu’en libérant ses émotions, elle le révèle à lui-même.

Art des sons composée de vibrations, la musique se montre capable de faire vibrer
la corde sensible de l’homme.
En effet, qu’il soit musicien ou non, elle l’accompagne au quotidien. Novecento,
dans le roman d’Alessandro Baricco paru en 1994, Novecento  : Pianiste, a construit son
univers autour des quatre-vingt-huit touches de son piano. C’est aussi le cas du violoniste
Renaud Capuçon qui, dans son autobiographie sortie en 2020, Mouvement Perpétuel,
rappelle qu’il joue du violon depuis l’enfance et qu’il a toujours voulu en faire son métier.
Éric-Emmanuel Schmitt, de son côté, explique en 2005 dans Ma vie avec Mozart, comment
la découverte du virtuose a bouleversé sa vie pour ensuite ne plus jamais le quitter.
Si elle compte autant, c’est car elle apporte du plaisir à l’individu qui entre en
contact avec elle. Francis Wolff, dans son essai de 2015, Pourquoi la musique ?, explique
ainsi que l’homme prend aussi bien du plaisir à en jouer, qu’à l’écouter, qu’à se sentir, à
travers elle, appartenir à un groupe. Pour Éric-Emmanuel Schmitt, elle va même plus loin
encore puisque le plaisir intense qu’il éprouve en découvrant Mozart lui redonne goût à la
vie.
La musique a donc la capacité de porter l’homme, de l’accompagner dans les
émotions qu’il vit, quelles qu’elles soient, et de l’aider à les traverser. Francis Wolff
explique d’ailleurs qu’il existe une musique pour chaque état d’âme. C’est aussi ce que
montre Éric-Emmanuel Schmitt qui, alors qu’il est plongé dans une profonde dépression,
voit dans sa découverte de Mozart un traitement à sa pathologie.

Vectrice d’émotions, elle est donc un soutien pour l’homme. Elle peut même, dans
certaines situations, le révéler à lui-même.
Elle a d’abord la particularité d’offrir l’infini, la beauté du monde, à celui qui la
pratique ou l’écoute. Éric-Emmanuel Schmitt, en entendant la voix de la chanteuse, voit
apparaître le paradis sous ses yeux. Pour lui qui vit en enfer, la musique est la beauté
même. Pour Novecento, elle est la possibilité de créer de nouveaux univers, de se
construire un monde qui corresponde à ce qu’il attend de la vie.
La musique permet également à l’individu de vivre une expérience mystique.
Renaud Capuçon, alors qu’il est encore enfant et qu’il joue dans un orchestre, vit une
expérience unique. Porté par le morceau qu’il joue, il a l’impression de quitter son corps,
de n’être plus que musique. C’est ce que Francis Wolff appelle l’  «  instrument
d’identification », le fait que la musique envahisse l’individu pour ne plus faire qu’un avec
lui, le conduisant au-delà de ce qu’il est.
La musique est en effet capable d’élever l’âme. Renaud Capuçon vit un véritable
moment de grâce, tout comme le jeune garçon qui joue à ses côtés. C’est d’ailleurs à ce
moment-là qu’il prend conscience de sa vocation, celle de devenir musicien. Novecento,
lui, à l’infini à portée de main grâce aux touches de son piano. Tel dieu qui maîtrise le
monde, lui maîtrise la musique, capable de donner vie à des univers entiers. Pour Schmitt
enfin, elle est salvatrice, lumière divine au bout du tunnel de son adolescence.

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La musique a donc le pouvoir de libérer les émotions de l’homme, de le toucher au
plus profond de lui-même pour lui faire découvrir les plaisirs de la vie. Elle lui permet de
se révéler à lui-même et, en lui faisant vivre des expériences uniques, se montre capable
d’élever son âme.

II. Écriture personnelle

Selon vous, pourquoi la musique est-elle essentielle à l’homme ?

Analyse du sujet :
Mots-clés : musique, essentielle, homme.

Reformulation : Pour quelles raisons l’homme a-t-il besoin de la musique ?

Proposition de plan :

Ici, la question, introduite par "Selon-vous" et suivie du mot interrogatif «  pourquoi  »,


suppose que vous listiez les raisons pour lesquelles la musique est indispensable à
l’homme. De la façon dont la question est posée, vous ne pouvez pas remettre en question
cette affirmation, la musique est bel et bien indispensable à l’homme. Vous êtes dans
l’obligation de le confirmer au moyen d’arguments précis et d’exemples spécifiques tirés
du corpus et de vos connaissances personnelles.

Exemple de rédaction :

Gérard de Nerval, dans son poème « Fantaisie » paru en 1831, affirme qu’il est un
air pour qui il donnerait «  Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, un air très vieux
languissant et funèbre, qui pour (lui) seul a des charmes secrets  ». Cet air le propulse
d’ailleurs dans un autre temps, à la rencontre d’une femme imaginaire, montrant
l’importance de la musique pour lui.
Mais pourquoi joue-t-elle un tel rôle dans la vie de l’homme ?
Nous verrons que si elle si importante, c’est avant tout car elle est vectrice de nombreuses
émotions et, qu’en permettant à l’homme de s’exprimer, elle lui apprend à mieux se
connaître.

Si la musique a tellement d’importance pour l’homme, c’est d’abord parce que,


bien qu’elle soit universelle, chacun y trouve son propre sens et en retire des émotions qui
lui sont personnelles. La musique ne porte en effet pas son sens en elle-même mais le
laisse émerger en fonction de qui l’écoute ou qui la joue. C’est ce qui fait dire à Olivier
Bellamy, journaliste et animateur de l’émission « Passion Classique » sur Radio Classique,
qu’elle ne s’énonce pas mais se vit. Elle prend possession de l’individu, s’inscrit en lui pour
faire émerger toutes les émotions qui l’habitent. Ainsi, Éric-Emmanuel Schmitt dans Ma Vie
avec Mozart, paru en 2005, reprend goût à la vie après avoir assisté à une répétition à
l’opéra de Lyon. Alors qu’il était un adolescent désespéré, prêt à se suicider, la musique
entendue a résonné en lui, lui redonnant espoir, changeant sa vie à tout jamais.
Sa capacité à s’adapter à chacun la rend donc propice à exprimer bien plus que les autres
langages. Schopenhauer, dans son essai de 1912, Le Monde comme volonté et comme
représentation, explique d’ailleurs qu’en exprimant la quintessence de la vie, elle donne
du sens à notre existence. C’est exactement ce que vit Javed, le héros du film de Gurinder
Chadha sorti en 2019, Music of my life. Adolescent d’origine pakistanaise ayant grandi à
Luton, petite bourgade d’Angleterre, dans les années 80, il se réfugie dans l’écriture pour
échapper au racisme et à l’avenir que son père, très conservateur, a tracé pour lui. Mais sa
vie va être bouleversée quand l’un de ses amis lui fait découvrir la musique de Bruce
Springsteen, dont les paroles vont résonner en lui comme le reflet de sa propre existence.
Porté par l’univers du Boss, il va alors avoir la force de s’affirmer et d’oser enfin devenir
celui qu’il a envie d’être.

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À travers ce qu’elle exprime, la musique permet alors à l’homme de se révéler à
lui-même. Renaud Capuçon relate dans son autobiographie sortie en 2020, Mouvement
Perpétuel, qu’il n’est encore qu’un enfant lorsqu’il vit une véritable expérience mystique
pendant l’une des répétitions auxquelles il participe. Alors qu’il joue le morceau choisi au
violon, il se sent quitter son corps pour devenir musique. Cette expérience marque le
début de sa vocation de musicien. Le film Bohemian Rhapsody de Brian Singer, sorti en
2018, raconte, lui, comment Freddie Mercury a construit sa légende. Le look qu’il adopte,
le nom du groupe, les choix qu’il fait, tout dans ce film montre à quel point il était habité
par la musique et combien elle a forgé son identité. Il n’hésite d’ailleurs pas à lancer, alors
qu’il construit son personnage, « c’est moi qui décide qui je suis, je décide d’être ce pour
quoi je suis né : un homme de spectacle qui désire toucher les cieux ».

Finalement, la musique est essentielle à l’homme car elle porte en elle le sens de
son existence. À travers les émotions qu’elle lui fait vivre, le cheminement qu’elle lui fait
prendre, elle le révèle en fait à lui-même.

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