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Tiré de « 

La musique, j’y crois. »

Je suis très frappé que l’expérience de l’orchestre évoque différentes dimensions de la personne humaine. On
classe les instruments de musique en trois catégories (les cordes, les vents et les percussions) qui justement
permettent de souligner cette symbolique. La bible ne manque pas de l’utiliser.

Percussions
La première et la plus immédiate des manifestations sonores est celle de la percussion. Frapper sur
n’importe quel objet produit un son de plus ou moins bonne qualité, mais toujours susceptible de
revêtir une signification. Cela va de la crécelle aux cloches en passant par les différents types de
tambour.
Qui ne s’est pas laissé fasciner par le jeu de la frappe d’un bâtonnet sur une petite clochette ou de la
main sur une peau de tambourin ?
Je me souviens d’un ami missionnaire au Congo-Kinshasa qui me racontait son expérience du
langage des tambours. C’était un musicologue, spécialiste du chant copte, le P. René Mainard. Son
séjour en Afrique l’avait entraîné à s’intéresser également aux cultures qu’il y croisait. Concernant
le tambour, il avait fini par identifier la logique de son utilisation en diverses circonstances. Il
m’avouait avoir souvent été saisi par la puissance évocatrice de l’échange des messages par ce
simple moyen entre deux villages de brousse.
Tous ces instruments percutés représentent un peu notre propre corps. Ils sont comme une caisse
qui sert de résonateur. Et de cette manière, c’est comme s’ils nous servaient de réveil ou de balise,
marquant notre espace et notre temps.

En frappant sur un objet, c’est comme si mon corps émettait un son qui lui permettait de ne plus
être perdu dans l’espace. C’est pour l’homme une première manifestation de langage pour habiter le
monde créé.

Mais, en frappant sur un objet, j’habite aussi le temps d’une manière ponctué. Par définition, le
temps est indéfini, je ne sais où il commence et où il s’arrête. Je ne l’appréhende que comme
s’écoulant dans un présent aussitôt passé et constamment orienté vers un avenir. La percussion
donne à appréhender le temps en cellules rythmiques à taille humaine. La musique est vraiment l’art
du temps avant même d’être l’art des sons.

Cordes
Il est un autre phénomène de percussion plus subtil, c’est celui des cordes. On dit qu’elles peuvent
frappées comme c’est le cas pour le piano, frottées comme pour les instruments à archet ou grattées
comme pour la guitare. La différence avec la première catégorie réside dans le fait que l’on peut
attribuer un son déterminé au son que l’on émet.
Les cordes peuvent être végétales pour des instruments très anciens ou animales comme c’était le
cas pour les cordes de violon en boyaux et maintenant synthétique. Il y a là l’évocation du monde
intérieur de la personne humaine dans son élément viscéral. Ces cordes frottées par le crin de
l’archet son comme la résonnance de l’âme. D’ailleurs, il existe même à l’intérieur à l’intérieur du
corps de ces instruments, une petite pièce de bois que l’on appelle justement l’âme. Celle-ci joue un
très grand rôle dans le rendu sonore. Un mystère profond émane de lui. Je me souviens avoir eu
l’occasion de jouer le concerto pour hautbois et violon en ré mineur de Jean-Sébastien Bach et
d’avoir ressenti la puissance de cette évocation dans le jeu de mon partenaire à tel point que le
langage ainsi partagé est resté fortement présent en moi jusqu’à ce jour. Ce sont là des expériences
fondatrices.
Souffle
Il y a enfin des instruments qui sont particulièrement liés au souffle produit par l’homme. Le souffle
est un synonyme de l’esprit : telle en est la signification tant en hébreu qu’en grec ou en latin.
Cet appui sur le souffle humain pour produire des sons donne aux « vents » un rapport particulier à
la personne humaine dont le souffle investit le corps et l’âme. La subtilité de ce souffle se décline
différemment selon les instruments. J’ai eu l’occasion de faire partie de plusieurs orchestres
d’harmonie (où il n’y a que des instruments à vent ainsi que des percussions) et j’ai pu expérimenter
à quel point les couleurs sont variées de ces instruments souffleurs : clarinettes, trompettes ou tubas,
autant d’expériences différentes. Et dans l’orchestre symphonique, quelle force des cuivres, quelle
tendresse des bois : un souffle qui transmet et sa puissance de vie et sa douceur d’amour.

Bien sûr, ce ne sont là que des accents car les percussions doivent aussi jouer leur partition avec
âme et esprit, les cordes ont un corps et les vents ont une âme, on peut l’espérer, sinon ils
n’intéressent plus personne. Cependant avec ces accents symbolique évoquant plus particulièrement
le corps, l’âme et l’esprit, l’orchestre peut devenir le symbole de l’unité retrouvé comme un
accomplissement.

Et comme il est heureux que le psautier se termine par l’évocation de tous ces instruments auxquels
se rajoutent la voix et le souffle de toute l’humanité.

Alléluia !
Louez Dieu dans son temple saint,
louez-le au ciel de sa puissance ;
louez-le pour ses actions éclatantes,
louez-le selon sa grandeur !
 
Louez-le en sonnant du cor,
louez-le sur la harpe et la cithare ;
louez-le par les cordes et les flûtes,
louez-le par la danse et le tambour !

Louez-le par les cymbales sonores,


louez-le par les cymbales triomphantes !
Et que tout être vivant
chante louange au Seigneur !
 Alléluia !

Je me souviens avoir chanté ce psaume au sommet d’un col au lever du soleil lors d’une traversée
des montagnes de Corse. Nous étions quelques amis, c’était le temps de mes dernières vacances
avant l’entrée au monastère. Levés avant la fin de la nuit, nous montâmes au sommet du mont,
sortîmes nos instruments. Lorsque le soleil donna ces premières lueurs nous nous mîmes à chanter
et à jouer cette grande action de grâce symphonique en l’honneur de la création de Dieu. Quel
moment de profonde cohérence !

En conclusion de ces quelques propos sur la place des instruments de musique dans la vie des
hommes et des croyants, on peut dire que la musique est là, au service de l’expression de l’homme
et donc aussi, pour les croyants, dans son rapport à la foi. La louange y est vraiment symphonique,
elle y réunit tout ce qui vit et respire pour jouer de corps, d’âme et d’esprit le grand opus divin.

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